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EXTEAITS
DES ARCHIVES
DIS
MMSTÈRES DE L\ MARLN'E ET DE U GUERRE
A PARIS
G A^JS[ ^^ r> A.
1765-1760
.^i'
EXTRAITS
DES ARCHIVES
DES
MIXISTÈRES DE LA MARLXE ET DE LA GUERRE
Publiés sons la direction de l'abbé.H.*R. CASGRAIN
D. ÉS-L.. PROFESSEUR A L'tXIVERSITÉ-LAVAL. ETC.
CORRESPOXDAXCE GÉNÉRALE
MM. DUQUESXE ET A^AUDEEUIL
GOm'ERXEURS-GÉNÉRAUX
1755-1760
QUÉBEC
IMPRIMERIE DE L.-J. DEMERS et FRÈRE
30, Rue de la Fabrique, 30
1890
F
5oCo5
C37
V
\\ SEP 2 0 1965
1008767
L'HONORABLE M. MERCIER
PREMIER MINISTRE
DE LA
PROVINXE DE QUÉBEC
Monsieur le premier Ministre,
Il y a deux ans, la Province de Québec a exprimé,
par un vote unanime de la Chambi'e d^ Assemblée,
(11 juin 1888), ses reniercîments à M. le comte de
Nicolay pour le don magnifique qu'il venait de
faire à cette Province de la copie complète et authen-
tique des manuscrits de son aïeul le maréchal de
Lévis. Par la même résolution, la Chambre s'est
engagée à publier cette collection de manuscrits. Déjà
les deux premiers volumes : Le Jouenal et les
Lettres du Chevalier de Lêvis, ont été publiés,
et l'impression de la suite se continue. Ces manus-
crits d'un prix inestimable 'pour l'histoire du Canada,
embrassent la période la plus intéressante de nos
annales, celle de la guerre de sept ans (1756-1763),
6 DÉDICACE
et répandent un jour tout nouveau sur les hommes
et les choses de ce temps.
Une fois en possession de ce riche trésor, unique en
son genre, il restait à le compléter en obtenant la
copie des manuscrits concernant la même période,
qui se trouvent à Paris aux archives du Ministère de
la Marine et des Colonies, et à celles du Ministère de
la Guerre. La copie de ces derniers documents form^era
douze volumes d'impression. Ce sont ces manuscrits
dont nous comTnençons aujourd'hui la publication.
Quand elle sera terminée, la Province de Québec aura
élevé un monument historique qui n'a pas son pareil
en Amérique.
C'est à vous, Monsieur le prernier Ministre, qu'en
revient l'honneur ; car c'est vous qui avez pris l'ini-
tiative de la publication des Manuscrits du maréchal
de Lévis, dont celle-ci est le complément. En vous
félicitant de la haute protection et de V encouragement
que vous accordez à la science historique dans notre
pays, je vous prie d'agréer,
Monsieur le premier Ministre,
L'expression des sentiments distingués avec lesquels
J'ai l'honneur d'être,
Votre tout dévoué serviteur.
L'abbé H.-R. CA8GRAIN.
Québec, I4 aotît 1890.
LISTE DES MINISTRES D'ÉTAT
IDE iPî^j^nsroE
DURANT LA GUEERE DE SEPT ANS
1755-1763
Ministres de la Justice
APPELÉS AUSSI CHANCELIERS OU GARDES DES SCEAUX.
1755, 9 déc. 1757, 2 fév.. De Machault d'Armonville.
Louis XV lui-même garde des sceaux.
1761, 13oct.. 1762, 15 août B.-rryer.
1762, loct.. 1763, oct. Feydeau de Brou.
1763, .... 1768; .... De Maupeou (Réné-Charles) ; chan-
celier en 1768.
Ministres «les Affaires Etrangères
DE A
1754, 28juil. 1757, De Rouillé, de Jouy,
1757, 25 juin. 1758, De Pierre, Cardinal de Bemis.
rr58, 1 nov. 1761, De Choiseul Stainville.
1761, oct.. 1766, De Choiseul Praslin.
MINISTRES d'État de frange
Ministres de la Narine et des Colonies
1754, 28 juil. 1757, 1 fév. De Machault.
1757, 1 fév.. 1758, 1 juin. Peirenne de Moras.
1758, 1 juin. 1758, 1 nov. De Massiac.
1758, 1 juin. 1758, 1 nov. Lenormand de Mézy, adjoint.
1758, 1 nov. 1761, 13 oct. Berryer,
1761, 13oct.. 1766, 7 avril De Choiseul Stainville.
Ministres de la Guerre
I
1743, 9 janv 1757, 1 fév.. De Voyer D'Argenson.
1757, 1 fév.. 1758, 25 fév.. De Voyer D'Argenson, Antoîne-René,
marquis de Paulmy.
1758, 3 mars 1761, 20 janv. Fouquet De Belle-Isle (Louis-Charles-
Auguste.) *
1758, 9 avril De Crémille, adjoint.
1761, 26 janv. 1770, 24 dêc. De Choiseul Stainville.
Contrôleurs Généraux
1754, 29 juil.. 1756, 25 août. De Séchelles (Jean Moreau).
1756, 25 août. 1757, 1 fév. . Peirenne de Moras (François-Marie).
1757, 25 août. 1759, 4 mars De Bullogne (Jean-Nicolas).
1759, mars 1759, nov. De Silhouette.
1759, nov. 1763, déc . Bertin (Henri-Léonard-Jean-Baptiste).
1763, déc . . 1768, De L'Averdy (Clément-Chs-François) .
• M. de Crémille signait avec lui.
EXTR.^lITS
DES ARCHIA^ES
DC
MIXISTÈRE DE LA MARIXE ET DES COLONIES
A PARIS '
c .A. :n^ .^ D .A.
CORRESPONDANCE GÉNÉRALE
M. LE MARQUIS DUQUESNE, GOUVERNEUR GËNÈRAL
Mcmtréal, le 31 mai 1755.
Monseigneur,
Je reçois dans le moment une dépêche du Sieur de
Contrecœur qui m'apprend que les Chouanons de la
Belle-Ei\àère à qui j'avois fait honte de ce qu'ils souf-
* La copie des manuscrits qui a servi de texte à la présente
publication, a été faite sous ma direction. Chaque pièce a été
coUationnée par un archiviste avec un si>in et une exactitude
qui lui donnent la valeur de l'original. Pour les manuscrits du
Ministère de la Marine et des Colonies, j'ai suivi l'excellent
catalogue dressé par M. Joseph Manuette et publié par le
gouvernement fédéral dans les Rapports sur les Archives du
Canada. Comme il n'en existe pas pour les Archives du Minis-
tère de la Guerre, j'ai dû y suppléer moi-même. Afin de rendre
la publication de ces documents aussi complète et aussi utile que
possible, je n'ai tenu aucun compte des fragments qui en ont
été publiés à diverses époques et qui sont dispersés dans diffé-
rents ouvrages, dont l'accès est plus ou moins difiicile. Le
premier volume de cette publication répond au volume 100 des
Archives de la Marine.
L'abbé H.-R. Casckaix.
10 EXTRAITS DES ARCHIVES
froient impunément que six de leurs frères fussent
détenus depuis deux ans dans les prisons de la Virginie,
ont frappé sur ce gouvernement où ils ont fait dix-sept
chevelures et dix prisonniers qu'ils distribuent à toutes
les nations pour les inviter à se joindre à eux. Cette
invitation ayant été parfaitement bien reçue pourroit
bien déconcerter les projets que les Anglois forment sur
la Belle-Rivière. Je réponds au Sieur de Contrecœur
de suivre de très près ces sauvages afin que les Anglois
ne les séduisent par des présents et par le pardon qu'ils
accordent facilement lorsqu'on les a tués.
J'ai fait publier partout les secours de toute espèce
que le roi envoie dans cette colonie, et j'ose vous
assurer, Monseigneur, que le Canadien a été si pénétré
des marques de bonté de la j art de Sa Majesté que j'en-
visage qu'ils feront des prodiges si M. le marquis de
Vaudreuil les emploie à quelque expédition avec des
troupes françoises. C'est le seul regret que j'aie de
sortir de ce pays où je regarde la guerre presque inévi-
table. Elle m'eût moins inquiété que ma position d'être
sur la défensive vis-à-vis d'une nation qui depuis deux
ans fait des apprêts pour m'attaquer de tous côtés.
Je suis, etc.
DU MNISTÈRE DE LA MARINE 11
M. LE MARQUIS DUQUESNE
Montréal, 12 juin 1755.
Monseigneur,
J'ai reçu les 26 et 29 mai dernier, les lettres que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire par les frégates
du roi, la Diane et la Fidèle, par lesquelles vous voulez
bien m'annoneer les secours de troupes que le roi
envoie dans cette colonie, et j'ai, sur le champ, donné
mes ordres pour envoyer des pilotes et pour la distri-
bution de cette troupe à l'arrivée de l'escadre, ce à quoi
M. Bigot a pourvu au mieux, et j'ai ordonné de plus
que lorsqu'elles seroient reposées quatre jours : on les fit
filer en partie à Montréal, afin de les faire voir aux sau-
vages et d'être à portée de les employer.
Je reste ici jusqu'à ce que je sois informé de l'arrivée
de M. le marquis de Yaudreuil, parce qu'il est trop
important de faire monter des subsistances au fort
Frontenac pour en fournir abondamment non seulement
la Belle-Rivière, mais encore les forts de la Eoute, pour
les mouvements dont cette colonie pomToit bien être
agitée ; les Anglois nous menacent de partout. D'ail-
leurs comme on assemble des troupes à Orange et à
Chouaguen, je veux savoir de quoi il est question pour
diriger mes mouvements si M. le marquis de Vaudi'euil
tardoit à arriver. Je me suis occupé pendant l'hiver à
comloître le local depuis le Sault à la Chaudière jusqu'à
la rivière Xarantchouac, je nai trouvé aucun Canadien
en état de satisfaire ma curiosité, et il m'a fallu avoir
12 EXTRAITS DES ARCHIVES
recours au missionnaire des sauvages de cet endroit
qui y a passé plusieurs jours et qui m'en a tracé un plan
par leciuel j'ai vu l'impossibilité de faire marcher une
troupe aussi considérable qu'il la faudroit pour détruire
les établissements des Anglois qui sont extrêmement for-
tifiés, d'autant qu'on ne peut y porter du canon, à cause
des chemins, rivières et montagnes impraticables, et
qu'on auroit même beaucoup de peine à fournir à leur
subsistance. Je pense qu'une pareille entreprise ne peut
se faire que l'hiver et encore par surprise, j'en conférerai
avec M. le marquis de Vaudreuil.
Je me suis rejeté sur la ressource des Abénakis qui
depuis l'automne dernier frappent de ce côté-là avec
succès et qui ont dit à l'Anglois que tant que ce fort
existeroit, ils exerceroient sur eux toutes les cruautés
imaginables, c'est tout ce que j'ai pu faire de mieux, ne
pouvant percer en force dans un endroit aussi difficile
pour m'emparer d'un fort aussi bien muni d'artillerie.
Je suis, etc.
DU MIXIfcTèRE DE LA MARINE 13
M, LE MARQUIS DUQUESXE
Montréal, le 25 juin 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous envoyer le tableau des mouve-
ments que j'ai fait cette année, par lequel vous verrez
mes précautions pour être à l'abri de sui'prise de la part
de l'Anglois qui, pendant l'hiver, a envoyé des officiers
chez toutes les nations du Sud pour leur faire savoir
qu'ils envahiroient tout le Canada avec les forces de
troupes réglées qu'ils attendoient de la vieille Angle-
terre, et pour les inviter à un conseil solennel, qui doit
se tenir à Orange et à la Virginie, et qui ne peut être à
autre fin que pour les corrompre et tâcher de leur faire
prendre la hache contre nous.
Il m'a paru, Monseigneur, que toutes ces in\-itations
auront sûrement lieu pour les conseils parce qu'ils y
reçoivent des présents immenses. Mais il y a tant à
espérer qu'ils trouveront, comme il y a deux ans, la
hache trop pesante dans la crainte qu'ils n'eussent aft'aire
à tous nos sauvages de nos postes du Xord et du Sud
qui nous sont affidés au point de m'offrir leurs services
et qui sont prêts à marcher dès que je l'ordonnerai. Il
en descendra de toutes les nations à la Belle-Eivière
pour en imposer aux sauvages de cet endroit.
Je suis, etc.
14 EXTRAITS DES ARCHIVES
Joint à la lettre de M. le marquis Duquesno, du 25 juin 1755 :
GARNISON
des forts de la Belle- Rivière et ses dépendances qui
ont Idverné en 1754, savoir:
Officiers. Cadets. Miliciens et Soldats.
Au fort Duquesne 6 .. 15 .. 237
déplus Sauvages domiciliés
Au las de la Rivière .. 100
Au Bœuf 1 15
Au fort de la Rivière . . lOO
Au Bœuf 1 .. 2 .. 85
A la Presqu'île 1 .. 2 .. 100
9 .. 19 .. 437
Ordre au Détroit de fournir milices et sauvages si le
Sieur de Contrecœur le requéroit.
Même ordre aux Miami s, Ouyats et St- Joseph pour
les sauvages seulement.
MOUVEMENTS EN 1755
Ordonne de faire partir de Québec en prime 170
hommes de troupes pour doubler la garnison de Beau-
séjour, six pièces de canon de 18 avec toutes les
munitions de guerre et de bouche nécessaires.
POUR LA BELLE-RIVIÈRE
Le 6 mars — Il est parti sur les glaces un détache-
ment composé de deux officiers, cjuatre cadets, trente
canonniers et quinze soldats, en tout 51 hommes.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 15
Pour se rendre au fort Frontenac, passer sur les
barques et de là à Niagara à l'ouverture de la naviga-
tion, pour conduire au fort Duquesue les six pièces de
canon que j'avois envoyées l'automne.
Le 23 a^^•il — Le Sieur de Beaujeu est parti avec 40
bateaux portant 240 hommes, des vi^Tes pour quatre
mois, et tous les effets et ustensiles pour munii* tous les
postes de leur besoin.
Après ses partages faits, il doit construire un petit
fort de pieux au bas de la Eivière-au-Bœuf pour entou-
rer seulement les magasins qui servent d'entrepôt.
Fait partir en outre vingt-six chevaux pour les por-
tager de Niagara à la Presqu'île.
Le 29 a^Til — La brigade du Sieur de Saint-Martin,
composée de 10 bateaux et 100 hommes, est partie aussi
chargée de vi\Tes.
Le 3 mai — La brigade de Sieur de Carqueville, com-
posée de 10 bateaux et 100 hommes est partie aussi
chargée de vIntcs.
Le 6 mai — La l^rigade du Sieur de Saint-Ours, com-
posée de 10 bateaux et 100 hommes, est partie encore
chargée de vi\Tes.
Nota — Toutes ces brigades ont eu ordre de passer
au fort Frontenac pour alléger leurs bateaux sur les
barques et se mettre en état de traverser le lac Ontario
avec plus de diligence en passant devant Chouaguen
pour se montrer aux Anglois.
Le 12 mai — Les sauvages Hurons, au nombre de 22,
sont partis avec un ofi&cier qui les conduit et 8 Cana-
diens.
16 EXTRAITS DES ARCHIVES
Le dit jour — Les sauvages du Sault, au nombre de
22, sont partis sous la conduite d'un officier et 8 Cana-
diens.
Le 15 mai — Les Iroquois du Lac, au nombre de 18,
sont partis sous la conduite d'un otïicier et huit Cana-
diens et ont pris en passant, six Iroquois de la Présen-
tation et vingt Missisagués à Toronto.
Le 28 mai — Les Népissingues sont partis au nombre
de 12, sous la conduite d'un officier.
Nota — Ordre à tous les officiers conduisant les sau-
vages, de passer par le nord du lac Ontario pour leur
ôter toute envie d'arrêter à Chouaguen.
Le 5 juin — Sur les nouvelles que l'on rassembloit
beaucoup de troupes à Chouaguen, et qu'on y construi-
soit des barques, j'ai fait partir le Sieur de Villiers avec
un détachement de 200 hommes et 70 sauvages Iroquois,
Népissingues et Algonquins du Lac pour aller à Niagara,
y être en observation et empêcher une irruption de la
part des Anglois ou sauvages qui menacent ce poste.
Cet officier a ordre de visiter la baie de Goyogouins qui
est le seul asile des barques angloises dans le lac
Ontario, et s'il trouve dans cet endroit qu'on travaille à
l'établissement qu'on dit s'y faire, il le renversera de
vive force ; mais s'il n'étoit question que de quelques
ouvriers, il détachera seulement ses sauvages pour s'op-
poser aux travaux et brûlera tous les bois.
Le Sieur de Villiers a ordre de laisser au fort Fron-
tenac vingt hommes de son détachement pour mettre
l'artillerie en état de renforcer la garnison en cas d'in-
sulte. Envoie au fort Saint-Frédéric un officier d'artil-
lerie et des canons.
DU iUNISTÈRE DE LA MARINE 17
RÉCAPITULATIOy
Miliciens et Soldats. Saurages.
Garnisons qui ont hivtmé en 1754. . 465 100
Détachement de 1755 817 170
Total 1,282 270
A Montréal, le 25 juin 1755.
DCQUESXS.
M. LE MARQUIS DUQXJESNE
Québec, le 12 juillet 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous envoyer le compte de la recette
et dépense du produit des postes des pays d'en haut,
pour l'année 1754, par lequel vous verrez, Monseigneur,
que le nouvel arrangement que j'ai fait, procure un
excédent de 7,599 liv. que j'ai remis au trésorier, malgré
la somme que j'ai été forcé de donner aux Abénakis
qui s'étoient mutinés au point de ne vouloir pas de mon
festin et de mes présents pour avoir été détachés à la
Belle-Eivière, parce, disoient-ils, qu'ils étoient en bâtisse
et qu'ils avoient besoin de cette somme pour finir leurs
maisons. Cette nation, dans les circonstances présentes,
étant à ménager, j'ai été obligé de condescendre à leurs
volontés, mais j'ai exigé de leur part une promesse que
désormais ils se contenteroient de ce que leur père leur
donneroit.
Vous remarquerez en outre. Monseigneur, que l'espèce
de famine qu'on a essuyée ici pendant deux ans, et les
2
EXTRAITS DES ARCHIVES
incendies de Montréal, m'ont obligé à des générosités de
la part du roi.
Je me suis parfaitement bien trouvé d'avoir gratifié
les femmes des miliciens morts à la Belle-Eivière, ainsi
que les dix-huit habitants qui ont été estropiés dans
l'affaire du Sieur de Villiers, et vous envisagerez aisé-
ment, Monseigneur, que toutes ces récompenses distri-
buées à propos n'ont pas peu contribué à encourager le
Canadien à marcher.
Je suis, etc.
Joint à la lettre de M. le marquis Duquesne, du 12 juillet 1755.
COMPTE
de la recette et dépense des postes des pays d'en haut
que rend M. le marquis Duquesne, savoir :
CHAPITRE DES EECETTES
Reste du compte de l'année dernière.
DÉTROIT.
Treize congés h 500 liv. pièce
MISSITIMAKIKAC.
Dix-huit congés à 600 liv. pièce
SAINT-JOSEPH.
Quatre congés à GOO liv
105 liv.
e,500 «
10,800 "
2,400 "
DU xMINISTERE DE LA MARINE
19
CHAPITRE DES RECETTES— Suite
MIXOIR (sic)
Douze congés à 500 liv
lâ baie
Pour la ferme du poste, échue en juin 1755
MER d'oCEST
Pour la ferme du poste, échue en juin 1755
TÉMISCAMINGCE
Pour la ferme du poste, éc.iue en août 1754
chagSamigon
Pour la ferme du poste, échue en juin 1755
NÉPIGOX ET LAC A LA CARPE
Pour la ferme du poFte, échue en juin 1 754
CAMAXESTIGSiA et MICHlPIC0T0>f
Pour la ferme du poste, échue en juin 1754
MIAMIS
Pour la ferme du poste, échue en juin 1755
SlATAXOXS
Pour la ferme du poste, échue en juin 1755
6,000 liy.
9,000 «
9,000 «
3,500 «
8,100 «
4,000 "
4,000 "
1,200 «
1,200 "
65,805 «
CHAPITRE DES DÉPENSES
détroit
Au Sieur Demuy, commandant, pour sa
gratification dune année, échue en juin
1755
3,000 liv.
20
EXTRAITS DES ARCHIVES
CHAPITRE DES DÉPENSES— Suite
Au Sieur Landrieve, subdélégué, pour deux
années de gratification, échues en juin 1 753
et 1754
Au Père Bonaventure, aumônier, pour sa
gratification, échue en juin 1755
Au Sieur de Léry, second commandant, pour
sa gratification d'une année, échue en juin
1756 ,
Au Sieur de Rigauville, oflBcier détaché au
poste, pour sa gratification d'une année,
échue en juin 1755
450 liv.
A Dehaitre, interprète, pour une année d'ap-
pointements, qu'on a voit oublié de payer,
du mois de juillet 1 752 à 1 753.
Au dit pour un mois qu'il a servi,
ayant été relevé le 1er août
1754
37
487 "
Au nommé Duchéne, interprète, pour onze
mois d'appointements, ayant relevé De-
haitre du 1er août 1754 juî-qu'au 1er juillet
1755.
Au nommé Saint-Martin, interprète huron,
pour ses appointements d'une année, échue
en juin 1755
MISSILIMAKIXAC
Au Sieur Herbin, commandant, pour sa gra-
tification d'une année, échue en juin 1755
Au second commandant, pour sa gratifica-
tion d'une année, échue eu juin 1 755
1,200 liv.
500 '<
500 "
250 "
487 "
363
400
6,700
3,000 liv.
],000 "
6,700 liv.
DU MINISTERE DE LA MARINE
21
CHAPITRE DES DEPENSES— Sditb
A l'interprète qui a servi pendant le temps
que Farti à descendu à Montréal avec les
sauvages
A Farti, interprète, pour ées appointments
d'une année, échue en juin 1755
BELLE-RIVIERE
Au Sieur de Contrecœur, commandant, au
fort Duquesne, pour sa gratification dune
année, échue en juin 1755
Au Sieur de Joncaire, commandant à la Paille
Coupée, pour sa gratification d'une année,
échue en juin 1754
FORT DE LA PRESQU ILE
Au Sieur Douville, commandant, pour sa
gratification, échue en juin 1 755
FORT DE LA RIVIERE-AC-BŒCF
Au Sieur Duverger, co nmandant, pour sa
gratification, échue en juin 1755
MF.R D OUEST
Au Sieur Chevalier de la Corne, comman-
dant, pour sa gratification d'une année,
échue en juin 1 755
Au Sieur Marin, commandant, pour sa gra-
tification dune année, échue en juin 1754
Au Sieur de Villebon, second commandant,
pour sa gratification d'une année, échue en
juin 1754
200 liv.
600
4,800 "
3,000 liv.
3,000 "
3,000 liv.'
2,500 "
4,800 Ut.
6,000 « 6.000 "
1,000 «
1,000 «
3,000 «
5,500 « j 5,500 "
22
EXTRAITS DES ARCHIVES
CHAPITRE DES DÉPENSES— Suite
chagSamigon
Au Sieur de la Vérandrie, commandant,
pour 8a gratification, échue en juin 1755..
A Tremblai, interprète, pour ses
appointements d'une année,
échue en juin 1754
A lui pour les appointements,
échus en juin 1 755
500 liv.
500
NEPIGON
Au Sieur de Saint-Blain, commandant, pour sa gratifica-
tion d'une année, échue eu juin 1 755
camanestigSia et michipicoton.
Au Sieur de Saint- Vincent, commandant, pour sa grati-
fication d'une année, échue en juin 1755
SAINT-JOSEPH
Au Sieur de Saint-Ours, commandant, pour sa gratifica-
tion d'une année, échue en juin 1 755
MONTRÉAL
Au Sieur Frémond, capitaine des postes, pour ses appoin-
tements, échus en octobre 1 754
Aux Abénakis de Saint-François qui ont été à la Belle-
Rivière
Aux Abénakis de Bekancourt qui ont été aussi à la Belle-
Rivière
Dépense secrète pour des espions
Frais que j'ai été obligé de faire pour engager les négo-
ciants d'envoyer des marchandises à la Belle-Rivière..
3,000 liv.
2,000 «
2,000 "
1,800 «
800
3,850
1,400
660
360
43,870
DU MINISÏEUE DE L.V MAKINE
23
DISTRIBUTION DES GRACES DU ROI
A Mme la Vve Levittier
A Mme dy Qiiindre
A Mme La Chauviguerie
A Mme de Beaucouit
A M. de Varenne
A Mlle Linctot
A Mme Diisal'lé
A M me Desjonrdy
A Mlle Moiitigni
A Mme Poitneuf
A la Vve Morisseau .... ;
Aux Dlles Dusablé
A Mme la Vve Joncaire
A Mme Dertiiiy ,...
A Mme Saint-Michel
A Mme la Vve Linctot
A Mme Dubnissou, la jeune
A Mme la Vve Senneville
A Mme la Vve Dul'uisson
A M me Touti
A Mlle Langy
A Mlle Vintenne
A Mlle Vieuxpont
A Mme !a Vve Beautac
A Mme Lespervanc lie
A Mme l 'ortueiif
A Mlle de Lanouë
Aux Dlles Duplessis
A Mme la Vve Heitel
A Mme Herbin
A Mme Dabanac
A Mme la Vve Linctot
A Mlle Moues
A Mlle Saint-Simon, de Québec
A Mlles Clérin
A Mlle Dubuisson
A Mme de Joëlle
A IHôtel-Dieu l
A l'Hôpitai-Général l-de Montréal.
Aux Récoliets J ,
A Mlle Langy
A Mlle Morar
A Mme Uroisille
A Mlle de Norman ville
200 liv
200
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200
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II
24
EXTRAITS DES ARCHIVES
DISTRIBUTION DES GRACES DU ROI— Suite
A Mme Montmidi
A M. Destonchaux ,
A Mme la Vve Taschereau ....
A Mlle Saint-Simon, de Montréal
A Mlle Belugard
A Mlle Baraguet
A Mme Aubert
A Mlle Gaillard
A Mllo Dutineau
Au Sieur Dion
A Mlle Saint-Martin
A Mme la Vve Morville.
A Mlle Bayeul
A Mme de La Ronde
A l'Hôpital-Général de Québec . .
A Mme la Vve Juraonville
Pour les pauvres inci ndiés de Montréal, delà campagne
granges abattues par un ouragan , aumônes aux femmes
et orphelins de miliciens morts à la Belle-Rivière, et
ceux qui ont été estropiés à l'affaire du Sieur de
Villiers
BALANCE
Recettes
-, j En gratifications et autres chai ges.. 43, 8 70 liv
Uépenses -(^ ^^^^ ^^^ grâces du roi .14,336 "
Reste
Fait à Québec, le 12 juillet 1755.
Ddqcesne.
100 liv.
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65,805
liv.
58,206
II
7,599
II
DL' MIX.STEKK DE LA MARIN K
M. LE MARQUIS DUQUESXE
Québec, le 15 juillet 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous informer que M. le marquis
de Yaudreuil est monté à Montréal le 12 du courant
pour accélérer les mouvements qu'il doit faire du côté
de Chouaguen, qui de^'iennent toujours plus pressés
par les forces que les Anglois envoient de ce côté-là et
les barques qu'ils construisent à toute hâte pour croiser
dans le lac Ontario ; je ne mets point en doute que M,
le baron Dieskau qui est chargé de cette opération ne
réussisse.
Personne de la colonie n'ignore que j'ai offert mes
services à M. le marquis de Yaudreuil pour une opéra-
tion aussi importante, et que je ne lui ai fait observer
que tout Canadien qu'il étoit, il n'auroit pas mes mêmes
facilités soit pour rassembler promptement sa milice,
soit encore pour la célérité du départ, je n'ai eu d'autre
réponse de lui, qu'il allait monter à Montréal ; à ce
refus je lui ai communiqué. Monseigneur, la lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire du l*^"" rxtU. Il
m'a encore répondu qu'il monteroit à Montréal.
Je lui ai cependant dressé le projet de cette expédi-
tion en présence de M. le baron Dieskau et l'ai déter-
miné à se servir des Sieurs Saint-Jean et Le Mercier
pour l'arrangement et la prompte exécution de cette
entreprise, ces deux officiers m'ayant donné de fortes
preuves de capacité dans mes mouvements.
28 EXTRAITS DES ARCHIVES
J'ai remis à ce nouveau gouverneur des mémoires
de ce que j'ai fait dans cette colonie et sur tous les
objets les plus intéressants qui exigent beaucoup d'atten-
tion pour entretenir l'ordre, la règle et l'épargne que j'y
ai établis dans tout ce qui a été de mon ressort ; je lui
ai donné de plus un mémoire sur ce que j'aurois fait si
la colonie avoit roulé sur moi dans la circonstance pré-
sente.
Je ne puis m'empêcher, Monseigneur, de vous témoi-
gner ma sensibilité sur ce que vous n'avez pas cru
agi"éable de faii'e rouler sur moi jusques en automne les
opérations du Canada ; je m'attendois cependant à cet
agrément, vu mon travail et les connoissances que j'ai
acquises ; j'en ai été si vivement touché, qu'après avoir
rempli tout ce que je devois à mon successeur et me
voyant inutile, j'ai demandé à M. le comte Dubois de
la Motte la frégate la Diane pour passer à Rochefort où
il me convient d'aller par préférence.
Je suis, etc.
Joint à la lettre de M. le marquis Duquesiie, du 15 juillet 1755.
EÈGLEMENT
pour le commerce du, poste de Missilimahinac du 6
juillet 1755.
Le Mis, etc., etc., etc.
Etant venu à notre connoissance que plusieurs voya-
geurs qui obtiennent des congés multiplient le nombre
DU MINISTÈRE DE LA MAKINE 27
de canots autant qu'il leur convient sans qu'ils aient à
craindre d'être recherchés sur cet abus ainsi que sur
celui de l'eau-de-vie qu'ils portent au delà de la quan-
tité permise, nous avons jugé indispensable de remédier
à tous ces abus qui ont pour base la mauvaise foi et
l'indépendance, par les articles ci-après.
Article l«r
Lorsqu'un canot arrivera à le Sieur
commandant au dit poste se fera présenter notre per-
mission, et il vérifiera avec toute l'attention dont nous
le croyons capable pour l'exécution de nos ordres, si le
nombre des canots n'excède pas celui que nous aurons
permis, et en cas de contravention il arrêtera et confis-
quera toute la cargaison de celui qui aura tombé en
fraude, il la vendi-a et nous en enverra le produit pour
être adjugé aux hôpitaux. Il nous enverra aussi sous
bonne et sauvegarde celui qui étoit chargé de cette
même cargaison.
Article 2
Enjoignons au Sieur de faire des perquisi-
tions aussi exactes pour ce qui concerne la quantité
d'eau-de-vie permise, et lui ordonnons, en cas de con-
travention, d'infliger la même punition pour cet article
que pour celui de la multiplicité des canots.
Article 3
Ayant été de plus informé que nombre des voyageurs
qui montent dans les pays d'en haut y fixent, sans
28 EXTRAITS DES ARCHIVES
notre autorisation, leur demeure, soit pour commercer
furtivement d'un poste à l'autre et soit encore pour
libertinage avec les sauvagesses. Et voulant remédier à
un abus aussi préjudiciable au bien de la colonie à tous
égards; ordonnons au Sieur de nous renvoyer
ceux qui, dans l'étendue de son poste, ne seront pas
reconnus domiciliés à et qui sont réputés cou-
reurs de bois.
Article 4
Nous ordonnons de plus au Sieur de ne point
envoyer commercer dans les postes qui ne sont point
de sa dépendance et d'arrêter ceux qui viendront traiter
furtivement dans le sien, qu'il nous enverra sous bonne
et sauvegarde, en confisquant les effets dont ils seront
chargés au profit des hôpitaux.
Nous ne lui laissons pas ignorer que le présent règle-
ment est circulaire afin de fixer chaque commandant
dans les bornes de l'étendue de son poste pour le com-
merce usité et permis.
Article 4
jyour le Détroit
Ordonnons en outre au Sieur de faire confis-
quer et brûler toutes les marchandises prohibées qu'on
apportera au Détroit, et de nous envoyer sous bonne et
sauvegarde les conducteurs des canots qui auront con-
trevenu aux défenses ci-devant faites, et que nous
renouvelons dans toute leur force et vigueur.
du ministère le la makine 29
Article 5
Ordonnons que notre présent règlement soit lu et
pubKé afin que nul n'en prétende cause d'ignorance.
Fait à Montréal, le 9 mai 1753.
Même règlement pour Saint- Joseph et pour le Détroit,
en y ajoutant le commerce prohibé.
Fait à Québec le 6 juillet 1755.
DUQLTSXE.
Monseigneur,
M. LE MARQUIS DUQUESNE
1755
J'ai l'honneur de vous informer de mon arrivée à
l'Ile d'Aix sur la frégate du roi, la Diane, commandée
par M. de l'Eguille, le 37*^ jour de notre route, dont ce
capitaine vous fait le détail.
Vous verrez, Monseigneur, par ma lettre du 25 juil-
let, les raisons qui m'ont déterminé à partir de Québec
plus tôt qu'il m'a paru que vous l'auriez désiré.
J'ai lieu de présumer que M. le marquis de Yau-
dreuil vous a informé de la situation actuelle du Canada
depuis que je lui ai remis le gouvernement et qu'il est
monté à Montréal, ne m'en ayant pas fait part ; M. le
comte Dubois de la Motte vous informe aussi de ce
qui le compète.
Quoique ma santé ait beaucoup souffert d'une tra-
versée plus fatigante que longue, par l'insomnie dont je
'àO EXTRAITS DES ARCHIVES
suis atteint, je vais faire tous mes efforts pour me
rendre auprès de vous, Monseigneur, et vous faire ma
cour.
Je suis, etc.
(Cette lettre est sans date)
M. LE MxVRQUIS DE VAUDREUIL
A Brest, le 15 avril 1755.
Monseigneur,
Je reçois dans le moment vos dépêches, auxquelles
je réponds aussitôt, l'une du >22 mars et l'autre du pre-
mier avril ; avec mes provisions, ainsi que les ordon-
nances et mémoires du roi, pour servir d'instructions.
Je me conformerai avec zèle en tout ce qui m'est
ordonné, et j'agirai toujours, dans toutes les occasions,
tant générales que particulières, de concert avec M. le
baron de Dieskau, qui commande les troupes, dans tout
ce qui tendra à leur bien et à celui du service de Sa
Majesté, dont je vous rendrai compte exactement.
M. Hocquart m'a remis les douze médailles que vous
m'avez fait l'honneur de m'envoyer.
Je suis, etc.
DU MIXISÏÈKE DE LA MARINE ol
Extrait de l'instruction du Sietir de Vaudreuil de
Cavagnal, gouverneur et lieutenant général de la
Nouvelle-France.
De toutes les parties de radmiiiistration confiée au
Sieur de Yaudreuil, celle qui exige des soins les plus
suivis de sa part c'est le gouvernement des sauvages. Il
est informé que le Canada est habité par des nations
nombreuses, et d'autant plus difficiles à contenir que
leur caractère le* plus ordinaire est la légèreté et l'in-
constance.
L'expérience que le Sieur de Yaudreuil a acquise
sur cette importante partie, et la réputation qu'il a
depuis longtemps chez toutes ces nations, font espérer à
Sa ^lajesté qu'il profitera de ces avantages avec tout le
succès qu'elle peut désirer dans les occasions les plus
intéressantes. Mais quelque confiance qu'elle ait en
lui, elle ne peut se dispenser d'entrer ici dans quelques
explications particulières sur les principes qu'il doit
suivre à cet égard.
Sa Majesté veut qu'il apporte toute l'attention dont
il est capable à éviter, autant qu'il sera possible, les
guerres avec les sauvages. Il y a en Canada des gens
fort opposés à ce prùicipe. ]\Iais il n'en est pas moins
vrai que ces sortes de guerre ne servent le plus souvent
qu'à occasionner beaucoup de dépenses et à troubler la
tranquillité de la colonie sans produire aucun avantage
réel ; et il est également certain, qu'elles n'ont été pour
la plupart causées que par des intérêts particuliers.
Ainsi le Sieur de Yaudreuil ne saurait être trop en
garde contre toutes les insinuations qui pourront lui
être faites sur cette matière.
32 EXTRAITS DES AKGHIVES
Ce n'est pourtant pas qu'il convienne de souffrir de
certaines insultes de la part des sauvages ; et Sa Majesté
en est fort éloignée. Elle entend, au contraire, et il est
effectivement nécessaire qu'on emploie dans certains cas
la fermeté pour les contenir. Le mal est, et Sa Majesté
a eu occasion de s'en apercevoir plus d'une fois, qu'il
est assez commun en Canada, de faire grand bruit et
même de commencer des guerres pour des faits parti-
culiers de commerce peu intéressants pour la nation,
pendant qu'on souffre des insultes qui la font mépriser,
et dont la tolérance attire les plus grands désordres.
Le Sieur de Vaudreuil aura à travailler à un autre
changement dans le système du gouvernement des sau-
vages en Canada. Dans la vue de les occuper et de les
affoiblir on a cru devoir profiter de toutes les occasions
pour fomenter et exciter des guerres contre eux.
Cette politique, qui est fort éloignée des sentiments
de justice et d'humanité qui animent Sa Majesté, pou-
vait être avantageuse et peut-être même nécessaire dans
les commencements de l'étaljlissement de la colonie.
Mais au point oii sont aujourd'hui réduites ces nations,
et dans les dispositions où elles sont en général, il est
plus convenable à tous égards que les François jouent
le rôle de x>i"otecteurs et de pacificateurs entre elles.
Elles en auront plus de considération et d'attachement
pour eux. La colonie en sera plus tranquille, et l'on y
épargnera beaucoup de dépenses à Sa Majesté, sans
compter qu'il périt toujours des François dans ces occa-
sions. Il peut cependant se présenter des cas où il est
à propos d'exciter la guerre contre des nations mal dis-
posées pour les François, et qui pourroient se déclarer
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 33
ouvertement contre eux. Mais dans ces cas-là même, il
y a deux choses à observer. L'une de tenter auparavant
de gagner ces mêmes nations, en les réconciliant avec
celles qui sont fidèles. Et l'autre de s'assurer autant
qu'il sera possible, que celles-ci ne pourront pas trop
souffrir de ces guerres.
Il y a encore un autre principe établi depuis long-
temps en Canada, et que Sa Majesté remarque qu'on
suit dans toutes les occasions. C'est de tirer les nations
sauvages des endroits qu'elles ont choisis pour leurs
retraites et de les approcher des postes françois. L'es-
prit de traite a contribué plus que toute autre chose à
inspirer cette façon de penser et d'agir. C'est en général
fort mal employer l'argent de Sa Majesté, l'autorité ou
le crédit des commandants que de s'en servir pour ces
sortes de transmigrations. Les sauvages alliés doivent
être censés bien partout, pourvu que ce ne soit ni sur
un territoire anglois, ni dans le voisinage de quelque
nation ouvertement ennemie des François. Et sans
trop s'occuper du profit des traiteurs ni des préjugés, où
bien des gens sont à cet égard, le Sieur de Yaudreuil
doit laisser à certaines nations la liberté d'errer et de
vaquer dans les terres de la colonie, pourvu qu'elles n'y
reçoivent pas d'étrangers ; car c'est ce dernier point qui
est le plus essentiel.
Sa Majesté a eu aussi occasion de remarquer dans
les différents comptes qid lui ont été rendus de ce qui
se passe par rapport aux sauvages, que depuis quelques
années ils se font un jeu de recevoir des colliers et
pavillons anglois et ensuite de les porter aux François
pour en recevoir des présents. Tout cela est fort coû-
3
34 EXTEAITS DES ARCHIVES
teux pour Sa Majesté et d'ailleurs indécent. Il ne
convient point d'être la dupe de ces sortes de nianceu-
vres. Le Sieur de Vaudreuil doit les faire cesser ; ce
qui lui sera d'autant moins difficile qu'elles ne sont
que trop souvent favorisées par les François même.
Approuvé.
M, LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Brest, le 15 avril 1755.
Monseigneur,
Je n'ai eu le temps (jue de vous accuser la réception
de vos dépêches par la poste ordinaire, qui partoit
aussitôt. M. Hocciuart, depuis, m'a fait savoir qu'il
envoyoit un courrier : j'en profite avec plaisir, pour
vous assurer de toute l'exactitude que j'apporterai à
remplir avec empressement les ordres de Sa Majesté,
conformément à vos instructions.
Je vous prie d'être persuadé que je ne négligerai
rien pour entretenir une bonne intelligence avec M. le
baron de Dieskau, dans tout ce qui pourra intéresser
le bien du service, et que j'irai au devant de tout ce
qui pourra lui faire plaisir.
J'ai vu avec bien de la satisfaction, Monseigneur, les
instructions que vous m'avez envoyées, surtout ce qui
a rapport aux affaires présentes de l'Acadie. Cette
partie m'étant inconnue. Je vous promets d'agir dans
toutes les occasions avec toute la prudence que vous me
DU MINISTERE DE LA MARINE 35
prescrivez, pour tout ce qui peut regarder ce pays, et
uotamment vis-à-vis les Anglois. Et je remplirai dans
tous les points les ordi-es que vous m'avez donnés à ce
sujet et ceux que vous jugerez devoir me donner.
Lorsque je serai arrivé en Canada, et que j'aurai pris
connoissance de l'état actuel du pays, je répondrai à
tous les articles contenus dans vos dépêches.
J'ai eu l'honneur. Monseigneur, de vous demander
les cartes de l'Acadie, je ne les ai point encore reçues.
Je vous supphe de donner vos ordres, pour qu'elles me
soient envoyées, m'étant absolument nécessaires.
Le dernier bataillon des troupes destinées à être
embarquées, a été mis aujourd'hui à bord. J'ai vu
avec joie les officiers et soldats de ces ti"oupes, s'embar-
quer sans aucune répugnance, et ils m'ont paru contents
et satisfaits.
Toute l'escadre est prête à mettre à la voile. Xous
n'attendons qu'un vent favorable pour partir.
Je suis, etc.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Québec, le 27 jui» 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous informer que je me suis débar-
qué à la prairie le 20 de ce mois, du vaisseau l'Entre-
prenant, qui y est resté, et que je suis arrivé à Québec le
23 ; je me suLs fait recevou* deux jours après. M. le
36 EXTRAITS DES ARCHIVES
marquis Duquesne qui est à Montréal ayant donné
d'avance à M. le chevalier de Longueuil ses ordres à cet
égard.
Notre traversée a été très belle. L'escadre destinée
pour Québec y est aussi arrivée, à l'exception cepen-
dant des vaisseaux l'Alcide et le Lys que nous attendons
tous les jours.
Je ne peux, Monseigneur, vous rendre aucun compte
sur la situation actuelle des affaires de la colonie,
j'attends au premier jour M. le marquis Duquesne,
pour en conférer, et j'aurai l'honneur de vous écrire plus
amplement par un navire qui partira la semaine pro-
chaine.
Je suis, etc.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Québec, le 10 juillet 1755.
Monseigneur,
J'ai eu l'honneur de vous informer par ma lettre du
3 du courant, que les Anglois faisoient filer quantité de
monde du côté de Chouaguen, qu'ils y avoient bâti des
barques portant 10 canons, et deux espèces de petites
galères ; qu'un corps d'armée de 3,000 hommes s'assem-
bloit aussi au fort de la Nécessité, qui est à environ 40
lieues du fort Duquesne, et que son avant-garde, qui
étoit de 700 hommes, y étoit déjà rendue.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 37
Ces nouvelles nous ont été confirmées par des sau-
vages affidés de différents villages, et ils nous en ont
donné des certitudes assez fortes pour n'en point douter.
Ils nous ont même ajouté, comme chose très sûre, qu'il
alloit 4,000 hommes à Chouaguen, que les cinq nations
se tiendroient sur les ailes de cette armée, que les
Anglois vouloient s'emparer de Niagara et du fort Fron-
tenac, et qu'en outre on avoit construit 600 bateaux à
Orange, qu'on y travailloit encore à beaucoup d'autres,
qu'il y avoit aussi 5,000 hommes tentés au dehors
d'Orange... que cette armée devoit marcher contre le
fort Saint-Frédéric, et s'avancer ensuite sur nos habi-
tations de ce continent ; je vais. Monseigneur, envoyer
quelques secours en hommes à ce dernier fort, mais
cette diversion ne me fera rien changer à mon projet
du lac Ontario, dont j'ai eu l'honneur de vous faire
part. La conservation de Niagara est ce qui nous inté-
resse le plus, si nos ennemis en étoieut maîtres, en
conservant Chouaguen, les pays d'en haut seroient
perdus pour nous, et nous n'aurions plus aussi de com-
munications avec la rivière Oyo,
J'avois eu l'honneur de vous marquer que je ferois
rabattre sur Niagara 400 hommes que je prendrois à la
Presqu'île, mais le danger où est le fort Duquesne m'a
fait changer d'avis, et ils se rendront à ce dernier fort.
Je vous avouerai. Monseigneur, queje me trouve très
embarrassé et que je pense que tout autre le seroit fort
à ma place, j'arrive dans un pays où l'on m'assure que
tout est tranquille, je n'y trouve en conséquence aucun
approvisionnement, ni de voitures faites, et il me faut
faire face de tous les côtés aux entreprises des ennemis
38 EXTRAITS DES ARCHIVES
en nioiiisj de 6 semaines. On travaille à force aux pré-
paratifs nécessaires, et malgré l'activité de M. Bigot, je
doute qu'il puisse me mettre en état de remplir entière-
ment mon projet.
Vous saurez, Monseigneur, cet automne, la réussite
des opérations que je projette, et ce ne sera que l'évé-
nement qui pourra me décider sur les demandes que
j'aurai à vous faire.
Je pars demain pour me rendre à Montréal où ma
présence est nécessaire, tant pour le départ des troupes
que pour ordonner les levées de miliciens.
Je suis, etc.
ORDRE GÉNÉRAL POUR LA MARCHE ET L'aTTAQUE
M. de Saint-Pierre, ayant sous ses ordres tous les
sauvages et le corps de M. de Kepentigny, marchera à
la tête de l'armée dans telle disposition qu'il jugera
nécessaire et enverra à la découverte, en avant, sur les
derrières et sur les flancs en tel nombre qu'il voudra.
Quand l'armée marchera sur trois colonnes, on sui-
vra l'ordre de bataille qui a été donné, et on tiendra au
moins cent pas de distance d'une colonne à l'autre, afin
que les bataillons de France ayant du terrain pour se
mettre en bataille, lorsqu'il leur sera ordonné. Quand
l'armée marchera sur deux colonnes, les bataillons de
la Keine et de Languedoc recevront ordre pour savoir
s'ils doivent marcher à la queue de la colonne de la
droite ou de la gauche.
DU -MINÎSTKUE DE L\ MAUINE
Quand l'armée marchera sur une colonne, celle de la
droite, command..^e par M. de Raymond, marchera la
première, la colonne de la gauche, commandée par
]M. de Valsant, suivra celle de la droite, et la colonne
du centre, commandée par M. de Eocquemaure, suivra
cette dernière et sera suivie de la compagnie d'artillerie
qui formem la queue.
Si l'armée marchoit sur trois colonnes et qu'en cette
disposition il fallut combattre l'ennemi dans le bois,
alors M. de Saint-Pierre, avec les sauvages et le corps
de M. de Kspentigny, attaquera avec la dernière vigueur,
le gain de la bataille déi>endra sans doute de cette brusque
attaque ; il sera soutenu par les trois colonnes, celle de
la droite, marchant à la canadienne, dépassera l'ennemi
pour le prendre en flanc.
La colonne de la gauche fera de même de son côté, et
la colonne des bataillons de France marchera droit à
l'ennemi, et attaquera en colonne, à moins qu'il ne soit
ordonné de se mettre en bataille, ce qui ne manquera
pas d'arriver; si le terrain le permet ces bataillons feront
leur attaque comme les troupes réglées doivent la faire
sans se rompre et sans s'éparpiller.
Si l'armée étoit obligée de combattre, marchant sur
deux colonnes, elles feront la même man(eu^Te comme
il est dit ci-dessus, et les bataillons de France marche-
ront droit à l'ennemi pour l'attaquer soit en colonns soit
en Ijataille, selon qu'il leur sera ordonné.
Si l'armje étoit obligée de combattre sur une colonne,
les deux brigades de M. de Raymond feront la même
manœuvre ci -dessus expliquée ; ainsi que les deux
brigades de M. de Vassan^, le<< [uelles se porteront légère-
40 EXTRAITS DES ARCHIVES
ment sur l'aile de l'ennemi, et les bataillons de France
suivis de la compagnie d'artillerie marcheront droit à
l'ennemi pour l'attaquer suivant l'ordre qu'ils recevront.
Dans la marche les colonnes de la droite et de la
gauche marcheront sur 10, 11 ou 12 de front, et on
laissera une petite distance d'une compagnie à l'autre
afin qu'elles ne se mêlent point, à quoi Messieurs les
officiers qui commandent les compagnies doivent avoir
grande attention.
Messieurs les commandants des colonnes de la droite
et de la gauche, auront grande attention que pendant
la marche, leurs colonnes soient toujours en ordre ;
mais dès qu'il sera question d'attaquer l'ennemi on se
portera légèrement et on attaquera à la canadienne.
La colonne des bataillons de France marchera sur
8 pelotons par bataillon, ce qui fera 16 sur toute la
colonne, et à peu près 12 de front par chaque peloton.
Les bataillons resteront toujours en ordre sans jamais
s'éparpiller tant pendant la marche que dans l'attaque,
et si le terrain le permet, ils se mettront en bataille
aussitôt que les Canadiens et les sauvages feront leur
attaque, afin que les attaquants puissent se rallier der-
rière eux au cas qu'ils soient repoussés.
Toutes les troupes en général, tant sauvages qu'au-
tres, sont averties de ne pas s'amuser à piller pendant
le combat, et de suivre l'ennemi le plus loin qu'il sera
possible ; et lorsque la bataille sera entièrement finie
on pillera le camp.
M. de Saint-Pierre aura la bonté de faire entendre
raison là-dessus aux sauvages, surtout de ne pas
s'amuser à enlever des chevelures, que l'ennemi ne
DU MINISTÈRE DE LA »L\RIXE 41
soit entièrement défait, attendu que l'on j^eut tuer 10
hommes pendant qu'on enlève une chevelure.
J'attends cette obéissance de mes enfants.
Au f(.«rt de Frédéric, ce 26 août 1755.
(Signé) Le baron de Dieskau.
(Pour copie)
De Vaudreuil.
NOTES A remettre
à M. l'Intendant pour les ouvrages essentiels et
indispensables à faire faire.
Construire quarante bateaux au petit portage de
Niagara où il faut envoyer des clous, de l'étoupe et du
brai.
La forêt de la Rivière-au-Bceuf ne pouvant plus
fournir des arbres pour faire des pirogues, il faut y
envoyer des charpentiers pour construire 150 bateaux
de planche à l'Angloise fort légère ; il faut encore des
clous, de l'étoupe, brai, et calfats, etc., etc.
Faire construire au fort Frontenac deux barques de
60 à 80 tonneaux à plates varrangues et fortes pour les
échouages, mais on ne peut déterminer cette construc-
tion que suivant le succès de l'expédition projetée. On
peut s'occuper en attendant à la coupe du bois et à
l'avitoitement (sic) de ces barques; cette construction
42 EXTRAITS DES ARCHIVES
a pour objet non seulement le transport des vivres, mais
encore celui de 600 hommes qu'on pourroit aisément
faire passer sur les quatre barques.
Nota — Ces mêmes barques pourroient servir à
détruire celles que les Anglois ont construites à Choua-
guen.
A examiner s'il ne conviendroit pas de construire une
seconde barque à Saint-Jean, (jii il faudrait en outre
construire cinquante bateaux sur le lieu à cause des
difficultés qu'il y a de les y faire parvenir, ce seroit
d'une grande commodité et d'une grande épargne et
l'on pourroit envoyer 800 hommes sur les voitures.
Il faut cent bateaux à Québec, cin(]uante au fort
Saint-Jean et deux cent cinquante à la Chine, et le tout
plus ou moins suivant les circonstances, mais il y a à
observer et même ordonner qu'il faut que tous ceux
qu'on amènera de l'expédition restent à la Chine, parce
qu'on est à portée de s'en servir au besoin, et qu'on
épargne une pistole par bateau pour les y faire rendre
de Montréal, d'ailleurs le terrain de la commune de la
Chine est assez grand et commode pour en contenir plus
de mille.
Je serois d'avis qu'on établit chez Pilet un chantier
de construction qui épargnerait beaucoup au roi, puis-
qu'on tire tous les bois de Chateauguay pour cette même
construction, ce qui constitue beaucoup en frais.
En conséquence je ne laisserai à Montréal que la
quantité de bateaux qu'il faut pour le service de cette
place.
L'établissement d'une boulangerie et d'un blutoir
seroit encore plus important à la Chine, et le roi seroit
DU MINISTERE DE LA MARINE
43
bientôt remboursé des frais de cet établissement par
l'épargne des transports et les déchets qu'ils occasion-
nent.
Quoiqu'on ait transporté beaucoup de vi^Tes pour la
Belle-Eivière, il faut penser sérieusement à en envoyer
le plus que l'on pouiTa à cause de la multitude de sau-
vages à laquelle on ne s'attendoit pas, qui occasionne-
ront une grande consommation.
Envoyer des vi\Tes à la rivière Saint-Jean.
Fait à Québec, ce 6 juillet 1755.
DUQUESNE.
M. LE MARQUIS DE VAUDKEUIL
A Montréal, le 24 juillet 1755.
Monseigneur,
J'ai eu l'honneur de vous rendre compte par mes
lettres des 2 et 10 de ce mois, de la fâcheuse situation
de la colonie, que ma surprise en avoit été si grande,
que je n'aurais eu garde de m'y attendre, fondé sur la
certitude que M. le marquis Duquesne me donnait que
le gouvernement était ti'anquille, qu'il avoit prévu à
tout, et qu'il n'y avoit pas d'apparence qu'on dut
craindre aucun mouvement de la part des Anglois.
Depuis mon arrivée à Montréal, je ne cesse d'ap-
prendre la contirmation des mauvaises nouvelles. Elles
ont même grossi avec tel excès, que je ne puis refuser
à mon devoir, d'avoir l'honneur de vous en instruire.
44 EXTRAITS DES ARCHIVES
Les Anglois se multiplient de jour en jour, et n'hési-
tent pas de dire, surtout aux sauvages, qu'ils enlèveront
le fort Saint-Frédéric, le fort Duquesne, Niagara, le fort
Frontenac et la Présentation. Leurs vues à tous ces
égards ne sont point douteuses suivant les rapports
unanimes qui ont été faits aux commandants de ces
postes par leurs décou\Teurs, et nombre de prisonniers
successivement les uns aux autres. J'ai interrogé tous
ces prisonniers et aucun n'a démenti les avis que j'ai.
Les Anglois paroissent toujours en vouloir au fort
Saint-Frédéric, et s'arranger pour cet effet à Orange.
Leurs mouvements ont même si effrayé les habitants
qui ont leurs terres au-delà du fort qu'ils les ont aban-
données. Le détachement que j'ai fait partir pour y
établir un camp d'observation doit être rendu à sa
destination. J'ai donné ordre au commandant d'envoyer
continuellement des découvreurs et de me faire part
aussitôt de leur rapport.
Le fort Duquesne est réellement menacé. Le 7 de
ce mois les Anglois étoient à 6 ou 8 lieues de ce fort ;
on m'écrit qu'ils sont au nombre de 3,000 avec de
l'artillerie et autres munitions pour faire un siège.
Je ne serois point en peine pour ce fort si l'ofRcier
qui y commande possédoit toutes ces forces. Elles con-
sistent à environ 1,600 hommes tant en troupes milices
que sauvages.
Avec ces forces, ce commandant auroit été en état de
former des partis assez considérables pour inquiéter la
marche des Anglois du premier instant qu'il en a eu
connoissance. Ces partis les auroient harselés, les
DU MINISTÈKE DE LA MARINE 45
auroient sûrement rebutés. Tout nous favorisoit à cet
égard, et nous donnoit un très gi-and avantage.
Mais malheurensement on n'avoit point prévu dès
l'automne à pourvoir ce fort en vivres et munitions de
guerre. En sorte que ce commandant manquant de l'un
et de l'autre, est obligé d'employer la majeure partie de
son monde à faire le va-et-vient pour le transport de
ces vi^Tes et munitions ; elles ne peuvent pas même
lui parvenir abondammant à cause de la lenteur du
portage de la Presqu'île, et le peu d'eau qu'il y a dans
la Ei\'ière-au-Bœuf.
Je dois d'ailleurs observer que le fort Duquesne n'a
jamais été dans sa perfection et est au contraire suscep-
tible de bien des défauts capitaux ; le plan ci-joint le
justifie.
Il est vrai que le commandant, pressé par les officiers
de la garnison qui s'appercevoient de tous ces défauts,
prit sur lui dès le printemps de demander au comman-
dant du Détroit, le Sieur de Léry, sous ingénieur, et que
cet officier a mis le fort dans le meilleur état qu'il a pu,
sans cependant oser entreprendre d'y rien changer.
Je crains, Monseigneur, avec raison, les premières
nouvelles de ce fort, et je seroi agréablement surpris si
l'Anglois a été forcé d'abandonner son entreprise.
A l'égard de Xiagara il est certain qu'il est aux
Anglois s'ils parviennent à l'attaquer.
On me marque que ce fort est si délabré qu'il n'est
pas possible d'y mettre une clle^'ille sans le faire tomber
par morceaux, on est obligé d'y mettre des étançons
pour le soutenir. La garnison est composée de trente
hommes qui n'ont point de fusils. Le Sieur de Villiers
46 EXTRAITS DES ARCHIVES
a été détachi avec environ 200 hommss pour y établir
un camp d'observation.
Voilà, Monseigneur, un abrégé vrai da l'état où M, le
marquis Duquesne m'a remis le gouvernement pour les
parties que je viens de traiter.
Je ne crois pas devoir vous cacher que les préparatifs
des Anglois n'ont pas été ignorés dans la colonie, ils ont
été généralement sus dès l'instant même qu'ils ont pris
naissance ; il auroit été facile dans leurs commence-
ments, de les éteindre sans nous compromettre. J'ajoute
que les deux capitaines anglois qui sont ici en otage
ont eu autant de liberté que s'ils eussent été mandés
j>our connoître parfaitement notre situation. Ils ont
couru les villages de nos sauvages domiciliés et ont
conféré avec eux. Ils ont même instruit leurs gouver-
neurs de nos forces et de nos desseins, je les ai fait
renfermer.
Le mal est fait, il est si visil)le, que je puis dire sans
trop de prévention, qu'il auroit été à souhaiter que
j'eusse été en possession de ce gouvernement il y a trois
ans, la colonie et les finances ne seroient point si exces-
sivement épuisées.
Quelque grand que soit le mal, il faut que j'y remédie,
et pour remplir mes vues et mon zèle à cet égard, je ne
saurois perdre de vue mon projet sur Chouaguen, puis-
que du succès de ce projet dépend la tranquillité de la
colonie.
L'expédition de Chouaguen qui, de tous les temps
auroit été aisée, est malheureusement aujourd'hui bien
épineuse, et cela (je ne puis que le réitérer), parce que
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 47
les Anglois n'ont trouvé aucun obstacle clans leurs tra-
vaux et apprêts.
La sécurité de la colonie les a même rendus si orgueil-
leux, qu'ayant atteint enfin le degré de perfection auquel
ils aspiroient, ils ont hardiment levé le masque, et dès
les premiers jours de juin ils ont été assez osés pour
envoyer trois boulets sur le pavillon du roi, arboré sur
le bateau d'un otficier qui conduisoit un détachement à
la Belle-Rivière.
Ils ont actuellement deux et peut-être trois barques
à fonds plats et à rames armées en guerre, qui croisent
sur le lac Ontario. De jour à l'autre ils doivent mettre
à l'eau d'autres barques pour le même effet.
On m'écrit du 20 de ce mois que ces deux barques
ont été avec plusieurs bateaux jusqu'au-dessus de
Quinte, où les Anglois ont débarqué, et qu'il est certain
qu'ils doivent aller à Niagara.
Chouaguen n'est plus une maison de traite, H est
fortifié en bonne règle, et muni convenablement de
pièces d'artillerie. Il y a un second fort également muni
de pièces d'artillerie. Les bois qui environnoieut Choua-
guen et qui nuisoient à sa défense, n'existent plus, ils
en ont rendu les approches difficiles. Ils y sont nom-
breux et ils le deviennent encore plus de moment en
moment par les troupes qui leur viennent d'Orange.
Cependant, Monseigneur, j'agis avec confiance, et
j'ose me flatter de faire raser Chouaguen.
L'armée sera composée d'environ 4,300 hommes, dont
2,000 hommes de troupes réglées, 1,800 Canadiens et
500 sauvages domiciliés. Je vois avec joie que les uns
48 EXTRAITS DES ARCHIVES
et les autres se portent d'un grand cœur à remplir mes
désirs.
Cette armée sera pourvue de pièces d'artillerie porta-
tives, et généralement des munitions de guerre et usten-
siles nécessaires pour un siège.
Depuis le 12 de ce mois les troupes défilent par bri-
gade pour se rendre au fort Frontenac, J'espère que
le dix du mois prochain, le reste de l'armée sera parti
de Montréal, et qu'à moins de temps contraire, toutes
mes forces seront réunies au fort Frontenac le 25 du
même mois,
J'aurois eu, Monseigneur, une satisfaction extrême à
marcher à la tête de l'armée, persuadé de l'effet que
mon zèle pour le service du roi et pour ma patrie
auroit produit de la part des soldats Canadiens et sur-
tout des sauvages. Mais le fort Saint-Frédéric étant
également menacé, ma présence devient nécessaire à
Montréal,
M. le baron de Diçskau commandera cette armée. Je
confère journellement avec lui, et je vois avec plaisir
qu'il désire ardemment d'accomplir mes vues.
J'ai toujours les intentions du roi présentes, et c'est
en m'y conformant que je m'occupe aussi sérieusement
que je le fais de la destruction de Chouaguen.
Le procédé des Anglois n'est point équivoque pour
user de représailles de la prise de Beauséjour, de la
rivière Saint-Jean ne m'autorise que trop à agir hostile-
ment.
Quant aux Cinq Nations, je ne compte point sur leurs
secours, mais je ne désespère pas qu'ils ne soient
neutres.
DU MINISTERE DE LA iLA.RINE 49
Si je différois rexpédition de Chouaguen et que les
Anglois, après s'être rendus maîtres de Xiagara, forti-
fiassent solidement ce fort, il est sensible qu'ils nous
boucheroient la communication des postes du sud, et
qu'ils se mettroient en état d'envahir tous nos pays
d'en haut.
Chouaguen pris et rasé, tous les progrès que les
Anglois pourroient avoir faits jusqu'alors, tombent.
Quand bien même les Anglois auraient pris Xiagara, je
ne leur donnerai pas le temps de s'y établir, et par la
même expédition je les en délogerai.
Chouaguen est depuis l'instant de son établissement
le rendez- vous des différentes nations sauvages. C'est
de Chouaguen que sortent tous les colliers et les paroles
que les Anglois font répandre chez les nations des pays
d'en haut. Ça toujours été à Chouaguen que les
Anglois ont tenu conseil avec les nations et qu'à force
de présents, principalement eu boissons eni^Tantes, ils
les ont déterminées à assassiner les François.
Enfin, c'est par conséquent Chouaguen qui est la
cause du'ecte de tous les troubles survenus dans la
colonie, et des dépenses infinies qu'ils ont occasionnées
au roi.
De la destruction de Chouaguen il s'en suivra.
D'un côté le parfait attachement de tous les sauvages
du pays d'en haut. De l'autre une diminution considé-
rable des dépenses que le roi fait annuellement pour la
colonie.
Les Cinq Nations eussent-elles pris parti pour les
Anglois, ils l'abandonnent dès l'instant que Chouaguen
ne subsiste plus. Les nations sauvages n'avant plus la
4
50 EXTRAITS DES ARCHIVES
ressource des Anglois pour avoir des boissons enivrantes,
je détruirai insensiblement la traite des eaux-de-vie eu
certains postes qui est pernicieuse au bien du service et
du commerce.
Ces mêmes nations ne reconnaissant et ne pouvant
avoir de liaison (|u'avec le François, dès ce moment la
([uantité prodigieuse de castor et de pelleterie ({ui alloit
aux Anglois rentrera au commerce de France.
Je viens d'apprendre dans le moment que le capitaine
Chabot, parti de la baie des Chaleurs le 7 juillet, arrivé
le 23 à Québec, dit avoir vu deux gi'os vaisseaux et un
plus petit à trois mâts en croisière entre Bonaventure
et Fourion, qui tirèrent le soir deux coups de canon,
(ju'il ne doute nullement que ce ne soit des Anglois.
Suivant le rapport des pêcheurs de Gaspé, ils en ont
compté jusqu'à 47 qui tiennent toute la côte jusqu'à
l'île Saint-Jean.
Soyez persuadé, je vous supplie, Monseigneur, de
mon exactitude à remjJir tout ce qui m'est prescrit par
mes instructions, et que je ferai tout mon possible pour
signaler mon zèle pour le service du roi.
J'ai l'honneur d'être, etc.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 51
Eu marge : Porté au roi le 6 septembre 1755.
A M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
Le 5 septembre 1755.
Depuis votre amvée k Québec, Monsieur, je n'ai reçu
de vous que les deux lettres particulières des 2 et 10
juillet, et celle que vous m'avez écrite en commun avec
M. Duquesne, le 5 du même mois. Mais je présume
qu'il y en avoit d'autres dans les paquets qui avoient
été remis au capitaine du navire, le Pierre-Alex-
andre, arrivé à Bordeaux, lequel a déclaré les avoir
jetés H la mer au nombre de 22, qui étoient renfermés
dans un sac, à la rencontre qu'il a faite d'une frégate
angloise, qui l'a visité le 17 août à la hauteur de l'Isle
Dieu. Et je compte de recevoir d'autres nouvelles par
le retour des vaisseaux de M. Dubois de La Motte, que
j'attends d'un jour à l'autre avec beaucoup d'impatience.
Nous avions déjà appris par les nouvelles de l'An-
gleterre, la prise par les Anglois des postes de Beau-
séjour et de Gaspareaux, et la marche de différents
corps de troupes de cette nation contre le fort de la
rivière Saint-Jean, celui de Saint-Frédéric, celui de
Niagara et celui de la Belle-Ei\ière,
Le roi a approuvé le parti que vous avez pris, sur
l'avis que vous avez eu de toutes ces entreprises, de
faire marcher M. Dieskau pour en empêcher ou réparer
l'exécution suivant le plan d'opérations que vous avez
concerté tant avec cet officier qu'avec M. Duquesne ; et
52 EXTRAITS DES ARCHIVES
VOUS devez bien juger que ce ne sera pas sans impatience
que Sa Majesté'attendra des nouvelles de ces opérations.
Ce n'est pas non plus sans peine que Sa Majesté se
voit forcée par les hostilités des Anglois à prendre des
mesures si opposées à son amour pour la paix et aux
efforts qu'elle a faits pour la maintenir avec cette nation.
Il n'y a pourtant pas encore de déclaration de guerre
de part ni d'autre. Sur la première nouvelle de la
prise des vaisseaux, l'Alcide et le Lys, Sa Majesté a
fait revenir son ambassadeur de Londres, et son ministre
d'Hanovre, sans prendre congé. Les vaisseaux de guerre
anglois visitent tous nos navires marchands qu'ils ren-
contrent, mais nous n'avons pas appris qu'ils en aient
encore retenu aucun. Nous avons cependant lieu de
croire qu'ils ne ménageront pas ceux qu'ils rencontreront
avec des provisions pour le Canada et l'Isle lloyale ; et
ils ne font pas mystère de leurs projets sur cela. Quoi
qu'il en soit, je ne puis, pour le présent, que vous pres-
crire de vous conformer à vos instructions relativement
à la conduite des Anglois. Elle vous donne déjà plus
d'occupation que nous n'avions pensé. Mais Sa Majesté
est persuadée qu'avec les secours que vous avez, vous
parviendrez à faire échouer leurs injustes entreprises et
à soutenir la gloire de ses armes.
Les nouvelles que nous avons reçues d'Angleterre
augmentent la confiance du roi. Elles nous annoncent
d'une manière positive la défait 3 entière du corps de
troupes qui avoit marché de la Virginie contre le fort
de la Belle-Rivière, sous le commandement du général
Braddock, qui y a été tué. Je compte que les premiers
bâtiments qui viendront de Canada, m'en apporteront
DU MINISTÈRE DE LA MARINE " 53
le détail circonstancié, et je vous préviens que le roi
€st déterminé à donner des récompenses marquées à ceux
qui s'y sont distingués.
Je vous confie en même temps que Sa Majesté est
dans des dispositions qui sont bien différentes, et
fondées cependant sur le même principe, à l'égard des
officiers qui étaient aux forts de Beauséjour et de Gas-
pareaux. Suivant des avis particuliers qui sont venus
ici, et selon ce que les Anglois en ont eux-mêmes
publié, ces forts ont été très mal défendus, et celui de
Gaspareaux a été même rendu avant que les Anglois y
fussent arrivés. Le roi veut savoir ce qui s'est passé,
et il est en effet important par toute sorte de raisons
que la conduite de ces officiers soit éclaircie. Sa Majesté
désire que vous me mettiez en état de lui rendre
compte de tout ce que vous aurez pu apprendre ; et je
vous prie d'y satisfaire sans complaisance pour personne.
Porté au roi le 6 septembre 1755.
A MM. LES CHEVALIERS DE DRUCOURT ET PRÉVÔT
A Versailles, le 5 septembre 1755.
Par ma dépêche du 29 juillet dernier, je vous ai,
Messieurs, accusé la réception des lettres que vous
m'avez écrites par la goélette l'Espérance arrivée à
Bayonne, et dont les duplicatas me sont parvenus par
le bateau Le Jason venu à La Rochelle. J'ai reçu
depuis celles dont vous aviez chargé le capitaine du
54 EXTRAITS DES AKCHIVES
bateau TApoUon, et celui du navire l'Estienne-Pierre,
mais celui de la goélette la Geneviève a déclaré, à son
arrivée à Nantes, qu'ayant rencontré le 21 juillet, à 10
lieues à l'Est de Louisbourg, 5 vaisseaux de guerre
anglois, ils ^l'ont visité et décacheté plusieurs lettres,
qu'ils en ont gardé trois, mais ({ue les paquets que
M. Prévôt lui avoit remis ont été jetés à la mer, sui-
vant les ordres qu'il lui en avoit donné.
Quoique je n'aie rien à ajouter à ce que je vous ai
expliqué des intentions du roi sur ce ({ui regarde la
défense de la colonie par ma dépêche du 29 juillet, dont
je joins ici le triplicata, j'ai proposé à Sa Majesté d'en-
voyer à Louisbourg sa frégate La Valeur, commandée par
le Sieur Maccarty, et je compte que cette frégate partira
incessamment de la rade de l'Isle d'Aix.
Deux raisons principales ont déterminé Sa Majesté à
lui donner cette destination.
Premièrement. — Pour vous faire savoir que les
affaires avec l'Angleterre sont encore dans le même état
où elles étoient le 29 juillet. Il n'y a point eu de décla-
ration de guerre de part ni d'autre. Les Anglois n'arrêtent
pas même nos navires marchands, mais ces incertitudes
ne doivent servir qu'à vous rendre chacun en ce qui
vous concerne, plus attentifs à prendre toutes les mesures
possibles pour la sûreté de la colonie, car il faut s'atten-
dre à tous les événements de la part des Anglois.
Deuxièmement. — Sa Majesté a pensé qu'il pourroit
être utile d'avoir une frégate à Louisbourg pour s'en
servir le printemps prochain, dès l'ouverture de la navi-
gation, soit pour avoir des nouvelles des mouvements
des Anglois, soit pour la défense m^mB de Louisbourg,
DL' MlNISTElîE DE LA MARINE
OO
en cas que cette place soit attaquée ; car alors l'équi-
page de la frégate pourroit être utilem3iit employé,
particulièrement au service de l'artillerie. Le roi ne
prescrit capendant point à M. le chevalier de Drucourt
de garder cette frégate ; Sa ^Majesté s'en remet à sa
prudence pour prendre le parti qu'il jugera le plus con-
venable à cet égard, relativement aux circonstances. S'il
la renvoie cette année, ce sera une occasion de plus pour
m'informer de la situation de la colonie, et me faire
passer les détails que vous aurez à me faire.
C'est toujours avec la plus grande impatience que
j'attends M. de Salvert, et je suis même d'autant plus
inquiet de son retardement que j'ignore d'un côté quelles
dispositions il se proposoit de faire pour son retour,* et
d'un autre s'il avait d'autres raisons que la crainte des
escadres angloises pour prolonger son séjour à Louis-
bourg.
Depuis la nouvelle de la prise des forts de Beausé-
jour et de la baie Verte, le bruit a couru en Angleterre
que celui de la rivière Saint- Jean et de la Pointe à la
chevelure sur le lac Champlain, s'étoient aussi rendus
aux Anglois, mais cela n'est pas encore confirmé.
Noug venons d'apprendre d'un autre côté par la voie
d'Angleterre la défaite totale du corps de troupes qui
avoit maiché contre le fort Duquesne sous le comman-
dement du général Braddock qui y a été tué ; et vous
aurez sans doute appris par Québec le détail de cette
action qui a été des plus avantageuses pour nous.
Mais quelque chose (jui se passe en Canada, Louis-
bourg exige les plus grandes attentions ; et Sa Majesté
est disposée à y en donner une particulière ;. si les
66 EXTRAITS DES ARCHIVES
secours de vivres qui y ont été destinés de France y
arrivent sans accident, la place en sera bien pourvue.
C'est avec bien du plaisir que j'ai appris l'arrivée de
ceux que M. Bigot y a fait passer sous l'escorte du
sieur de la Jonquière, j'espère que M. Prévôt aura pu
s'en procurer d'ailleurs, et l'année prochaine j'en ferai
envoyer de bonne heure.
A l'égard des fonds, outre ceux que la frégate la
Diane et la Fidèle ont apportés, il a été embarqué
200,000 li\Tes sur la flûte l'Outarde, et la flûte La
Valeur portera 100,000 livres.
Je suis, messieurs, très parfaitement à vous.
Joint à la lettre de M. Chasteriaye du 19 septembre 1755.
Tout était tranquille en apparence à Québec le 8 juin,
et l'on y avoit encore alors nulle défiance du projet des
Angiois, parce qu'ils n'avoient fait aucun mouvement le
printemps. La seule inquiétude des officiers comman-
dants en cette colonie, était au sujet de l'escadre qu'ils
attendoient, et que M. de l'Eguille, commandant la
frégate la Diane, leur avoit annoncée pour le commen-
cement de mai.
Cinq ou six jours après on apprit par un navire qui
venoit de la baie Verte que les Angiois avoient débarqué
des troupes qu'ils avoient portées avec 25 ou 30 bateaux
ou goélettes, escortés de trois senaux de 16 à 18 canons
chacun à la Imie Françoise, où il ne peut entrer ni même
approcher de plus gros Ijâtiments.
DU MINISTERE DE LA MARINE 57
A peine ceux-ci parurent-ils que M. DeVergor, com-
mandant au fort de Beauséjour en Acadie, fit avertir le
capitaine de ce navire mouillé à la baie Verte d'en
sortir, et qu'il se prépara à recevoir les Anglois, qui les
bloquèrent le lendemain, en soite qu'après avoir soutenu
onze jours de sièg#, il fut contraint de capituler. Quoi-
que dépourvii de troupes et de munitions de guerre et
de bouche, il n'auroit pas laissé que de tenir encore
quelques jours sans la grande quantité de bombes dont
il étoit assailli, et qui le réduisirent.
Cette nouvelle fut d'abord portée à Québec par
M. l'abW Le Loutre qui trouva le moyen de se sauver
du fort où il étoit, avant que les Anglois s'en fussent
rendus maîtres.
La capitulation est conçue dans les mêmes termes
que celle des Anglois lorsqu'on les somma de quitter ce
pays. On assure que tous les François ont été envoyés
à Louislx)urg avec des bâtiments de transport que les
Anglois leur ont fournis à leurs frais.
Du 12 au 15, M. Dubois de La Motte amva avec
son escadre dont il lui manquoit trois bâtiments, les
autres n'ont pu se réunir que fort avant dans la rivière.
Ils avoient tous été séparés aux environs du banc de
Terre-Xeuve par les brumes.
Du 1er au 5 juillet, M. le marquis de Vaudreuil
reçut un courrier venant des environs de l'Acadie qui
lui, annonça la prise des deux vaisseaux du roi, l'Alcide
et le Lys. Le premier armé en guerre, commandé par
M. Hocquart, et l'autre armé en flûte.
La rencontre de ces deux vaisseaux avec l'escadre
angloise se fit le 8 juin. Elle étoit de onze bâtiments.
58 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. Hoccjuart crut, à ce qu'on assure, (|ue c'étoit l'esca-
dre françoise. Il fit des signaux, et soit que les Anglois
rencontrèrent à la réponse, ou que M. Hocquart le com-
prit, il arriva dessus, et le Lys le suivit ; mais un
troisième bâtiment nommé l'Actif qui étoit avec lui, et
qui est heureusement arrivé à Louilbourg, s'en défia, et
tint le vent. S'étant approchés, ayant vu que c'étoient
des Anglois, on dit ({ue l'Alcide et le Lys voulurent en
faire autant, mais qu'il n'étoit plus tem})s. Vers le midi,
le premier fut joint par un des vaisseaux anglois qui le
somma d'ari'iver, et d'aller parler à l'amiral, à qui
M. Hocquart, qui étoit dans sa galerie, répondit que les
vaisseaux du roi, son maître, ne recevoient des ordres
de personne, et ne changeoient point leur route quand
ils avoient une destination. L'anglois lui dit une seconde
fois d'arriver ou (pi 'il l'alloit couler bas, à cette réijonse
M. Hocquart lui réplitpia de le faire. Eh bien. Mou-
sieur, répartit l'anglois, entrez dans votre chambre, et à
peine se fut-il aperçu qu'il y étoit entré, qu'il lui tira
toute sa bordée à laquelle M. Hocquart riposta ; mais
l'instant après, cinq autres vaisseaux anglois se joigni-
rent au premier et se mirent tous six sur l'Alcide qui
fut bientôt délabré, criljlé et obligé de céder à la force
après avoir perdu 250 hommes. Pendant ce combat le
Lys voulut prendre chasse, mais les Anglois ayant
réduit l'Alcide ne laissèrent qu'un vaisseau pour l'ania-
riner, et se mirent tous à poursuivre l'autre qui fut
joint à 4 heures et contraint de se rendre après une
faible résistance. Le premier étoit déjà à Chibouctou, et
l'on y attendoit l'autre lorsqu'on dépêcha la nouvelle.
DU MINISTERE DE LA MARINE 59
Le 5 août, ^I. Dubois de La Motte qui étoit encore
en rivière paroissoit disposer à en partir avec le reste
de son escadre. Il doit en être sorti au plus tard à la
fin de ce mois là.
Au commencement de juillet, M. le marquis de Vau-
cbeuil reçut plusieurs courriers qui lui annoncèrent les
préparatifs que faisoient les Anglois pour attaquer tous,
ou du moins la majeure partie de nos différents postes
et foits. Celui de Cliouaguen qu'ils ont sur le bord du
lac Ontario, sur notre passage en venant de Niagara qui
est l'entrepôt des pelleteries qui nous viennent d'en
haut, a tiré sur nos voyageurs. Aux environs de là,
les Anglois faisoient construire un nombre infini de
canots et trois grandes barques.
Le fort Duquesne, nouveUemeut construit, a été aussi
menacé et 2,500 à 3,000 Anglois étoient en marche
pour en aller faire le siège, mais le commandant
qui a voit, dit-on, près de 2,000 bommes de garnison,
fut les attendre à demi-lieue du fort en rase campagne
où il se donna une bataille, après laquelle les Anglois
se retii'èrent avec 500 hommes de perte et nous 200.
Du l'^r au 10 juillet toutes nos troupes venues de
France, partirent avec deux mille cinq cents Canadiens
pour les pays d'en haut, et M. le marquis de Vaudreuil
pour Montréal. On assure qu'ils vont former un corps
de sept à huit mille hommes et qu'ils veulent s'empa-
rer du fort Chouaguen et le raser.
Il tardoit déjà à M. Pieser, commandant des troupes,
ainsi qu'à tous les officiers d'être aux prises, et de voir
la querelle terminée pour retourner à Québec et à
60 EXTRAITS DES ARCHIVES
Montréal. Ce qui les a beaucoup mortifiés, c'est que la
caisse militaire s'est malheureusement trouvée embar-
quée sur l'Alcide.
(non signé)
RÉPONSES FAITES PAR UN PRISONNIER
L'armée est partie vendredi passé, elle devoit être de
600 hommes, elle s'en est allée par terre.
Il y a environ 400 bateaux le long de la rivière
auprès du fort.
M, Johnson commande en chef, il étoit encore au fort,
en son absence M. Léman, son second, doit commander.
Ils ont 400 sauvages des Six Nations sous le com-
mandement de M. Johnson, qui a aussi un second pour
les commander, dont il ignore le nom.
Le canon a été tiré pour 340 sauvages qui arrivoient
d'Orange, il y en avait déjà 60 au fort.
Ce qu'ils font à la maison de Lydius, ils l'appellent
Storeshausen, entrepôt et non pas fort.
Cette maison d'entrepôt a cette forme.
70 PIEDS
Cette maison a une enceinte formée par un fossé
large de 14 pieds et profond de 8. Les terres du fossé
sont rejetées du côté du fort, et sur ces terres sont
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 61
plantés des pieux de 12 pieds de haut inclinés en dehors,
c'est-à-dire fraisés.
Le fossé ne continue pas du côté de la rivière, il n'y
a que des pieux seulement, et on travaillait lorsqu'il fut
pris.
Il y a deux portes du côté de la rivière, et une petite
du côté du nord, ces portes n'étoient pas encore faites
ou au moins posées, mais les montants étaient placés.
La maison est à l'extrémité de l'enceinte dans l'angle
formé par la rivière, et par une autre petite rivière, elle
est faite de charpente pièce sur pièce.
Les Anglois n'avoient aucunes nouvelles des François,
il ignore s'ils avoient envoyé à la découverte, mais il
sait qu'ils étoient venus à la rivière du Chicot pour
reconnoître s'ils poun-oient passer par là ; ayant trouvé
la chose trop difficile, ils ont pris du côté du lac Saint-
Sacrement. Avant le renvoi des troupes ils doutoient
s'ils dévoient veuii- à la pointe cette année-ci ou l'autre.
Toutes les troupes qui doivent camper au fort con-
sistoieut en 6,000 hommes.
Les troupes renvoyées étoient des milices, eUes ont
été congédiées, mais il ignore si 2,400 hommes qui doi-
vent encore venir auroient été contremandés et congédiés.
Il y a huit canons au fort qui sont dans le champ à
7 à 8 pas hors de l'enceinte, mais il y en avait de placés
dans l'enceinte à la petite porte qui donne au nord, vers
laquelle on travaille à creuser un chemin qui fera une
sortie de denière.
On attendoit encore dans peu 25 canons ou pierriers.
Les canons ont des affûts sur lesquels ils n'étoient
pas encore.
62 EXTRAITS DES AUCHIVES
Il y a dans l'enceiiite 24 ou 25 mortiers rangés et
qui ont été aj)portés d'Orange montés sur leurs affûts.
Les boulets et les bombes sont entre la maison et les
pieux du côté de la rivière, la poudre est d'un côté
opposé dans un petit hangar.
Les 500 hommes restés au fort sont tous tentés hors
de l'enceinte à l'entour, il n'y a au dedans qu'une sen-
tinelle dans une guérite vis-à-vis la petite porte.
Il y a abondamment du biscuit, du lard, du rhum, mais
il n'y a que quelcjucs breufs pour les officiers seulement.
On attendoit un jour ou deux après celui auquel il a
été pris 2,400 hommes, que M, Johnson devoit com-
mander et conduire au lac Saint-Sacrement pour y
commencer aussitôt un fort.
Les troupes campées ont été renvoyées parce qu'il y
avoit longtemps qu'elles y étoient, et que les maladies
s'y mettoient, que les vivres manq noient pour tant de
monde, et qu'elles étoient fatiguées par le chemin ([u'on
leur avoit fait faire d'Orange à la maison de Lydius et
de là au lac Saint-Sacrement.
Depuis deux mois on les exerçoit à combattre. Il
n'y a point de Flamands dans les troupes. Il y en a
deux cents charretiers et environ 200 charriots de 2
chevaux, et quelques-uns de 10 pour le transjjort de
l'artillerie qui est venue par terre.
Il a ajouté qu'il ne croyait pas qu'on prit le fort sans
canon, parce qu'ils se jetteront dans l'enceinte à moins
qu'ils en fussent empêchés par surprise.
Leur façon de combattre 'est de se mettre sur trois
rangs de hauteur, après que le premier a tiré il passe
derrière, ainsi des autres.
DU MINISTÈRE DE LA 5LVRIXE 63
Les 500 hommes restés au fort sont ou^Tiers la
plupart, dont la moitié devoit se joincli"e à M. Johnson,
pour aller bâtir le fort du lac Saint-Sacrement, les sau-
vages avoient promis d'y accompagner M. Johnson.
(Poiu' copie)
De Vaudreuil.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 18 octobre 1755.
IMonseigneur,
Par mes lettres des 20 et 24 juillet, j'ai eu l'honneur
de vous informer que les Anglois s'étoient rendus
maîtres du fort de Beauséjour et que M. de Boishébert,
commandant à la rivière Saint-Jean, avoit brûlé son
fort, ne pouvant s'opposer à la descente de l'ennemi •
que je lui avois donné oi-dre de se concerter avec le
révérend Père Germain, missionnaire, pour hiverner à
la rivière Saint-Jean, ou revenir à Québec, suivant les
bonnes ou mauvaises dispositions des Acadiens et des
sauvages.
M. de Boishébert et le révérend Père Germain
m'ont rendu des bons témoignages de la conduite et du
zèle des Acadiens et des sauvages; M. de Boishébert
m'a aussi rendu compte de ses mouvements pour s'op-
poser au.\ vues des Anglois.
64 EXTRAITS DES ARCHIVES
Les Anglois ne se sont point bornés à la prise de
Beauséjour, ils ont voulu assujettir tous les Acadiens à
prêter serment de fidélité au roi de la Grande-Bretagne
et à prendre les armes contre nous ; mais ne pouvant
y réussir, ils les obligèrent à remettre leurs armes à
feu, après quoi ils les rassemblèrent au fort de Beausé-
jour (qu'ils ont nommé le fort Cumberland), sous pré-
texte de leur faire part de l'arrangement du gouverneur
d'Halifax pour la conservation de leurs terres, et ils les
retiennent prisonniers, au nombre de 400 chefs de
famille ; ils envoyèrent deux de ces Acadiens de la
part du commandant, pour dire à leurs femmes de se
tenir prêtes à s'embarquer, et que sur leur refus ils
feroient brûler leurs habitations.
Bien loin pour les familles acadiennes d'obéir à cet
ordre, elles fuirent dans les bois ; leur refus porta les
Anglois à brûler entièrement le village de la rivière
Chipoudy sans en excepter l'église. M. de Boishébert, à
la tête de 125 Acadiens ou sauvages, les joignit à la
rivière Petkoudiak ; il les attaqua et les combattit
pendant trois heures, il les repoussa vivement jusque»
à leurs bâtiments. Les Anglois eurent 42 hommes tués
et 45 blessés.
M. Gorhant, otticier anglois très zélé, fut du nombre
des blessés, nous perdîmes un sauvage et en eûmes 3 de
blessés. Si les sauvages eussent été moins vifs, il n'au-
roit pas échappé un seul anglois. M. de Boishébert
passa la nuit sur le champ de bataille, il facilita les
Acadiens à recueillir une partie de leurs grains et à se
retirer dans les bois avec leurs femmes et enfants, il
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 65
leur a envoyé une grande gabarre pour accélérer leur
retour à la rivière Saint-Jean.
Les sauvages ne peuvent qu'être animés contre les
Anglois ; ils ont coupé par morceaux 14 sauvages de la
mission de la rivière Saint-Jean qu'ils surprirent le long
des habitations angloises.
Les Anglois ont pris contre le droit des gens, le nommé
Grandcour, sergent du détachement de M. de Boishébert,
bien avant qu'ils eussent pris Beauséjour. Ce sergent
avoit été par ordre de M. de Boishébert dans une cha-
loupe à la recherche de neuf soldats qui s'étoient écartés
à l'isle de la Perdrix ; il avoit un ordre de son comman-
dant par lequel il réclamoit même l'assistance des
Anglois, si le cas l'exigeoit.
Je n'ai rien négligé pour savoir la situation des
Anglois à Beauséjour, ils sont au nombre d'environ 900
hommes ; ib avoient commencé à rétablir l'intérieur du
fort, mais depuis qu'ils détiennent les habitants, Os ont
cessé.
J'ai donné ordre à M. de Boishébert de se maintenir
à la rivière Saint-Jean. M. l'intendant lui a fait passer
les secours nécessaires pour y hiverner. Le révérend
Père Germain est à Québec et j'espère qu'U ne tardera
pas à aller joindre les sauvages.
Plusieurs raisons, Monseigneur, m'obligent à faire
rester M. de Boishébert à la rivière Saint Jean.
1° Tant que j'occuperai cette rivière, et y aurai un
détachement, je conserverai au roi la possession de
l'Acadie, et les Anglois ne pourront pas dne qu'ils ont
forcé les François de l'abandonner.
5
66 EXTRAITS DES ARCHIVES
2^" Je m'assurerai de la fidélité des Acadiens et des
sauvages, qui, sans cela, se croiroient abandonnés et se
livreroient peut-être d'eux-mêmes aux Anglois.
3*^ M. de Boishébert attii'era à lui tous les Acadiens,
ceux qui sont à sa portée comme ceux qui en sont
éloignés, s'attachera à les réunir avec leurs familles et
à en former un corps ; les Acadiens ainsi réunis seront
obligés pour leur propre sûreté à repousser vivement
l'ennemi s'il se présente.
4" Il s'occupera également de la réunion des sau-
vages et en formera un corps également considérable ;
il correspondra avec M. Manache, missionnaire à Mira-
michy, et suivant que le cas l'exigera, il joindra les
sauvages de cette mis^on aux siens, pour s'opposer au
progrès de l'ennemi.
5° Il sera en état d'avoir constamment des décou-
vreurs à Beauséjour et à Halifax, et de faire quelques
prisonniers qui l'instruiront de la situation et des forces
des Anglois.
6° 11 pourra former des partis d'Acadiens et de sau-
vages, pour harceler continuellement l'ennemi à Beau-
séjour, et l'empêcher de faire son bois de chauffage.
7° En conservant la rivière Saint- Jean, je pouiTai
avoir en tout temps des nouvelles de Louisbourg, il ne
s'agira que de traverser de l'isle Saint-Jean à Chedaïk,
ou en suivant les terres, après avoir j)assé le passage de
Fronsac, aller à Chedaïk ou à Cocagne.
J'ai donné mes ordres en conséquence à M. de Bois-
hébert, et je lui ai essentiellement recommandé d'agir
dans toutes les occasions avec beaucoup de prudence
et de se concerter avec le révérend Père Germain.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 67
J'espère, Monseigneur, sui\Te cet arrangement jus-
qu'à ce que j'aie reçu vos ordres l'année prochaine, et
supposé que vous décidiez qu'il n'est pas possible de
faire retirer les Anglois de l'Acadie, ni d'y soutenir de
notre côté des forces capables de les contenir, je pouiTai
faire venir dans le cœur de la colonie les Acadiens et
les sauvages. Les Acadiens en total peuvent consister
à envii"on 2,000 âmes, dont 700 hommes portant les
armes. Il seroit fâcheux qu'ils fussent aux Anglois.
Je suis, etc.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
Montréal, le 18 novembre 1755.
Demande la plctce de coland génércd des
milices pour le Sieur Fleiiry Descham-
bault. H dematule atissi 12 commis-
sions de capitaine de milices en blanc.
Monseigneur,
Je ne puis me dispenser d'avoir l'honneur de vous
renouveler les représentations de feu M. le marquis de
la Jonquière, à M. EouUlé en 1751, sur la nécessité de
créer un emploi de colonel général des milices de la
colonie et de le confier à M. Fleury Deschambault,
agent principal de MM. de la compagnie des Indes. J'ai
eu occasion, Monseigneur, de reconnoître combien la
création de cette place seroit utile, par les difficultés
que j'ai trouvées à ordonner la levée des milices dans
les différentes paroisses, et j'ai vu avec regret que cette
68 EXTRAITS DES ARCHIVES
levée ne se faisoit pas avec assez de promptitude ni de
discernement. M. Deschambanlt possède au mieux les
forces de la colonie, et en connoît les bons et mauvais
habitants.
Il m'a représenté, Monseigneur, que l'hiver dernier^
il eut l'honneur de vous présenter la formule des rôles,
qu'il seroit essentiel de tenir, il me l'a communiquée et
j'ai l'honneur d'en joindre ici une copie. Il est certain
que si les rôles des miliciens de la colonie étoient
tenus avec le même ordre et la même exactitude, dans
le moment je pouiTois juger des forces que je serois
en état d'employer, suivant l'exigence des cas, et régler
conséquemment nies projets ; au lieu que j'ai expéri-
menté que les capitaines des compagnies, qui presque
tous sont illettrés, n'observent aucun ordre, et même le
plus souvent négligent des bons sujets par des consi-
dérations particulières et fournissent à leur place des
habitants incapal)les de remjilir leur destination.
D'ailleurs, je ne dois point vous laisser ignorer que les
levées de milice ont été d'une grande dépense au roi^
parce que n'y ayant aucun ordre d'établir à mesure qu'il
a fallu 30 ou 40 hommes, on a été obligé de détacher
un officier pour les aller commander ; fondé sur ces
pressantes raisons, je ne puis. Monseigneur, refuser au
bien du service d'avoir l'honneur de vous réitérer la
demande de feu M. de la Jonquière, et de vous supplier
de vouloir bien porter Sa Majesté à créer cet emploi
de colonel des milices, et d'en honorer le dit Sieur
Deschambault, je suis persuadé qu'il s'en acquittera au
mieux, et avec tout le zèle possible. Feu M. son père,
qui a eu l'honneur de servir le roi en qualité d'officier
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 69
des troupes, a occupé cette place pendant près de 20
ans à Québec, et a dressé le Sieur Deschambaidt à tenir
les rôles. Les circonstances présentes, Monseigneur,
rendent cette place infiniment nécessaire. Le dit Sieur
Deschambault la rempliia gratis, et par son exactitude,
il établii-a la meilleure règle dans les milices, M. le
marquis Duquesne doit avoir aussi écrit à ce sujet à
M. EouiUé, le certificat qu'il donne au Sieur Descham-
bault, en est une preuve sensible. J'ajoute, Monseigneur,
que les capitaines des compagnies de milice de Québec
et de Montréal m'ont témoigné une envie extrême
d'avoii' le dit Sieur Deschambault à leur tête. Ils sont
fort zélés, et m'en ont donné des preuves dans la cam-
pagne de M. de Dieskau. Il seroit essentiel de récom-
penser ceux qui se signaleront dans la guerre présente,
et pour cet effet, je vous prie aussi, ^louseigneur, de
vouloir bien m'envoyer douze commissions en blanc
que je distribuerai à ceux des capitaines qui se signa-
leront le plus.
Je suis, etc.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Moiitréal, le 28 octobre 1755.
Nécessité de laisser M. Bigot en Caiiada^
il seroit impossible de le remplacer.
Monseigneur,
J'ai eu l'honneur de vous informer des soins que
M. Bigot s'est donné pendant son séjour à Montréal
70 EXTRAITS DES ARCHIVES
pour pourvoir à tout ce qui étoit nécessaire aux mouve-
ments que j'ai été obligé d'ordonner pour contenir les
Anglois à Chouaguen et pour mettre l'armée de M. de
Dieskau en état de faire une heureuse campagne. Cet
intendant, Monseigneur, a des talents peu ordinaires,
ses ressources pour tout ce qui tend au bien du service
sont inexprimables, son zèle et ses lumières m'ont gran-
dement aidé dans tout ce que j'ai entrepris. Il est
prévoyant, actif et infatigable, quoique depuis qu'il est
dans la colonie il n'ait pas eu huit jours de bonne
santé. Il est heureux, Monseigneur, que vous l'ayez
déterminé à repasser dans cette colonie, et je ne dois
pas vous dissimuler que diificilement pouiToit-il être
remplacé dans les circonstances présentes.
Je suis, etc.
A MONSEIGNEUR LE GARDE DES SCEAUX, COMMANDEUR DES
ORDRES DU ROI, MINISTRE ET SECRÉTAIRE D'ÉTAT.
Monseigneur,
Joseph-Fleury Deschambault, agent général de Mes-
sieurs de la compagnie des Indes en Canada, a l'honneur
de représenter très respectueusement à Votre Grandeur
que les forces de la colonie consistant principalement
aux milices qui ont été constamment employées pen-
dant les guerres, et qui n'ont point cessé de donner
des preuves de valeur, le suppliant en bon citoyen,
I
DU MlNISTEiiE DE LA MARINE 71
s'étudia en 1750 à trouver un moyen également solide
et aisé, pour faciliter la levée des dites milices. Lorsqu'il
est question d'en former quelques parties, et ce fut
dans cette confiance qu'il eut l'honneur de présenter à
feu M. le marquis de Jonquière un projet de tableau de
toutes les compagnies de mdices de la colonie, par lequel
on voyait du premier coup d'œil le nombre des habitants
miliciens de chaque paroisse, et ceux qu'on pouvoit
détacher suivant le besoiu ; ce général goûta ce projet,
et connoissant combien il étoit intéressant qu'U reçut
son exécution surtout eu égard aux dépenses qu'il
éviteroit. Il eut l'honneur, Monseignem-, d'en rendre
compte à M. Eoudlé par une de ses dépêches que le
suppliant eut celui de lui remettre le 15 jan%àer 1751.
Il prend la liberté, ^Monseigneur, de présenter à A'otre
Grandeur le même tableau, sous les auspices de M. le
marquis de Vaudreuil ; le suppliant de retoui* en Canada,
eut plusieurs conférences avec mon dit feu Sieur de la
Jonquière, sur l'arrangement des dites milices, et ce
général lui faisoit toujours espérer que la Cour agi'éeroit
sa proposition ; mais après le départ, des vaisseaux ayant
su que son intention étoit de mettre les compagnies de
milices de la colonie sur le même pied que celles de
Saint-Domingue, U dit au suppliant qu'U aiiroit l'hon-
neur de faù-e ses représentations sur l'impossibilité de
cet arrangement, et qu'il jugeoit qu'il étoit du bien du
service du roi de créer l'emploi qu'il avoit eu l'honnetr
de demander ; c'est en conséquence. Monseigneur, de ce
que feu ^1. de la Jonquière dit au suppliant, qu'il a
l'honneur de renouveler ses représentations à Votre
Grandeur. Il ose vous assurer. Monseigneur, que les
72 EXTRAITS DES ARCHIVES
capitaines des milices des côtes de la colonie ne sont
point susceptibles des dignités que le roi est en usage
d'accorder à ceux de Saint-Domingue, attendu que
presque tou-s ces olîiciers n'ont rien au-dessus des mili-
ciens, et pour la fortune et pour les talents, et que
lorsqu'ils ont été en partis, ils ont toujours eu pour chef
un officier des troupes. L'expérience n'apprend même
que trop que dans les trois-quarts des paroisses, les
capitaines ne sont point en état de faire seulement le
rôle de leur compagnie, ce qui prouve sensiblement
l'utilité de l'emidoi qui est demandé à Votre Grandeur
pour le suppliant. Si vous trouvez à propos, Monsei-
gneur, le lui procurer, ce sera aux appointements qu'il
plaira à Votre Grandeur, et le suppliant s'oblige de
faire annuellement le recensement général des dits
miliciens, et de trouver dans l'instant le nomijre des
hommes que Monsieur le gouverneur général lui
demandera, et le suppliant ne cessera ses vœux les plus
ardents pour la santé et prospérité de votre illustre
personne.
Ci-joint est une lettre de M. le marquis Duquesne au sup-
pliant qui prouve l'utilité du dit projet.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 31 8bre 1755.
Monseigneur,
L'attention que j'ai eu à pénétrer les sentiments des
Cinq Nations, a eu tout le succès que je pouvois en
espérer.
DU MINISTERE DE LA MARINE
Des députés des Cinq Nations sont venus à la Pi-ésen-
tation, mais n'osant pas paraître devant moi, ils ont
chargé des chefs de ces nations de me porter leur
parole par laquelle ils m'annoncent qu'ils ont rejeté la
hache qu'ils a voient acceiJtée de l'Anglois pour ne plus
s'occuper que des bonnes affaires, et qu'ils seront neutres
dans la guerre que nous avons avec l'Anglois. Je n'ai
pas douté que ce ne fut des espions, j'ai cependant
répondu à leur parole, je leur ai reproché leur trahison,
et les ai prévenu, que s'ils continuoient à se mêler
avec les Auglois, je les abandonnerois à la vengeance des
nations des pays d'eu haut et de nos domiciliés qui ont
pris la hache pour frapper sur eux.
M. Joncaire arriva hier avec un chef Sonontouan et
dix considérés de cette nation.
Il m'a d'abord rendu compte que les sauvages des
cinq nations, l'avoient en général assuré de leur neutra-
lité, et que je pouvois avec certitude compter sur celle
des Goyogoins, Sonontouans, de la rivière Cascochagon,
Onneyottes et Theskarorieus. La nouvelle de mon
arrivée leur ayant fait réellement oublier leui"s engage-
ments envers les Auglois, mais qu'à l'égard des Xorta-
guès, nous ne pouvions nous fier à leur promesse, étant
étroitement liés à l'Anglois.
Les Goyogoins a voient remis deux colKers au dit
Sieur Jonquière, tant de lem* part que de celle des
Onneyottes et Theskarorieus, pour me persuî^der de
toute la sincérité de leurs sentiments ; et comme j'avois
donné ordi'e à M. Chabert de Joncaire de partir de
Niagara, sitôt l'arrivée de son frère, pour aller chez les
74 EXTRAITS DES ARCHIVES
Cinq Nations suivre ce qu'il avait commencé, M. de
Joncaire lui a remis ces deux colliers pour le mettre en
état de presser les Nortaguès de suivre l'exemple des
Goyogoins, Sonontouans, Onneyottes et Theskaroriens ;
je suis bien persuadé que le dit Sieur Chabert ne négli-
gera rien pour remplir sa mission, mais je doute toujours
qu'il puisse faire changer les Nortaguès.
Le chef Sonontouan et les dix considérés qui sont
descendus avec le dit Sieur de Joncaire, m'ont témoitmé
la joie qu'ils avoient de me revoir, ils m'ont informé de
tout ce que l'Anglois leur avoit fait accroire sur ma
détention en Angleterre, et que jamais je ne paroîtroi
dans la colonie. Ils ont dit que l'Anglois étoit un impos-
teur, et ce chef, qui était décoré d'une médaille du roi
d'Angleterre m'a dit : " Mon père, je suis un malheureux,
" je t'a vois oublié, et je m'étois laissé séduire par l'An-
" glois ; sois persuadé (jue ton absence a été la seule
" cause de l'inconstance des Cinq Nations, et puisque le
" maître de la vie rend à nos vœux un père que nous
" chérissons, et qui fait revivre le grand brûle- village,
" qui est ineffaçable de notre mémoire, j'oublie qu'il y
" a des Anglois sur la terre, et pour te donner une
" preuve que je les méprise et les regarde comme des
" chiens, tu vois la médaille du roi d'Angleterre que
" j'ai à mon col, je l'arrache et la foule à mes pieds ; je
" ne te demande pas de marques de distinction du grand
" Onontio-Goa, je m'en suis rendu indigne par ma mau-
" vaise conduite et je ne puis la réparer qu'en me sacri-
" fiant pour te prouver ma fidélité."
J'ai répondu comme je le devois à cette parole et j'en
ai pris avantage pour me plaindre de l'ingratitude et de
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 75
la trahison des Cinq dations. J'ai fait repartir ce chef
pour aller témoigner mon ressentiment dans tous les
villages des Cinq Xations, et les prévenir que s'ils ne
changent de conduite, mes enfants des pays d'en haut
et mes domiciliés leur feront une guerre qui ne finira
jamais.
Je ferai remonter le dit Sieur de Joncaire sur les
glaces chez les Cinq Xations, non seulement pour les
maintenir dans leur neutralité, mais même pour les
faire déclarer contre l'Anglois s'il est possible.
Les circonstances présentes s'opposent au désir que
j'aurois de punir les cinq nations de leur trahison ;
l'Anglois m'occupe assez pour que j'éloigne tout autre
sujet de guerre, mais si le printemps prochain, il se
trouve des Cinq Xations parmi les Anglois, je ferai
frapper toutes nos nations des pays d'en haut et nos
domiciliés sur eux ; je femi ravager leurs Wllages, et
je ne les pardonnerai jamais. Il est à souhaiter que je
ne sois pas dans cette nécessité.
Je suis, etc.
76
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82 EXTRAITS DES ARCHIVES
Par le moyen des rôles que l'on dresseroit comme
le modèle ci-devant, il seroit aisé lorsque l'on voudroit
faire quelques détachements de le faire dans le quart
d'heure ; en envoyant aux capitaines des côtes, l'ordre
d'amener ceux qu'on leur dénonimeroit, ce qui se feroit
sans frais ; on seroit en état de faire en peu de temps,
le recensement de tous lés gouvernements, et ayant
attention de dresser tous les ans de nouveaux rôles, où
les rôles seroient supprimés et où on inscriroit les jeunes
gens qui auront atteint l'âge de 15 ans, et ceux qui
seroient revenus des pays d'en haut ; les rôles seroient
toujours en règle.
Joint à la lettre de M. de Vaudreuil du 16 février 1758.
Réponses de Monsieur le marquis de Vaudreuil aux
paroles que les Cinq Nations lui ont envoyées
par les députés de la mission de
la Présentation. -
Du 22 octobre 1755.
Mes enfants les Cinq Nations, j'ai écouté attentive-
ment la parole que vous m'avez adressée par mes enfants
de la Présentation, vous ne pouviez avoir de meilleurs
orateurs que ceux de ce village qui, connoissant mes
sentiments pour vous, ont bien voulu se charger de me
porter vos colliers, et de m'instruire de tout ce que
vous leur avez dit : Je vais donc répondre à vos trois
paroles.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 83
PREMIEHE PAROLE
Vous m'assm-ez, mes enfants, par votre premier
collier non seulement de votre neutralité, mais même
que vous avez embrassé les bonnes affaiies, et que rien
ne saurait vous eu éloigner. Vous me répondiez de vos
jeunes gens, mais vous me priez de ne point ensan-
glanter les terres que vous habitez.
PAR UN COLLIEE
Il paroît, mes enfants, que vous eonnoissez toute
l'étendue de ma bouté pour vous, et que vous vous
persuadez qu'il vous est aisé de me fléchir ; vous avez
raison, si je vous traitois comme vous le méritez, je
rejetterois votre collier, et au lieu d'être assez com-
plaisant pour vous répondre, je vous ferois éprouver
tout le ressentiment que je dois avoir de votre infidélité,
mais je veux bien vous convaincre que ma bonté sur-
passe tout ce que vous pouviez en attendi'e.
Si vos sentiments pour moi étoient aussi sincères
que ceux que j'ai pour vous, vous rougiriez d'avoir eu
seulement la pensée de m'annoncer votre neutralité.
Est-ce que des enfants doivent être neutres, dans ce
qui touche leur père ? En vérité, vous ne parlez pas du
fond du cœur, et je dois être persuadé qu'intérieure-
ment vous vous démentez vous-mêmes ; n'importe, vous
voulez être neutres, soyez le.
Je ne puis croire que vous ayez embrassé les bonnes
affaires, est-ce que vous avez jamais dû vous en éloigner ?
N'avez-vous pas eu au contraire tout sujet de la part
84 EXTRAITS DES ARCHIVES
des François de vous en occuper entièrement, vous
ont-ils jamais induits à faire la moindre chose contre
qui que ce soit ? Ne vous ai-je pas toujours assistés
dans vos besoins, et de mes bons conseils sur toutes
vos affaires ? Que n'en avez-vous profité ; vous êtes
des enfants indociles, et difficilement pouiToi-je vous
remettre l'esprit, vous l'avez trop égaré ; je puis même
dire que vous ne le possédez plus, il vous a été volé
par le plus cruel de vos ennemis. Vous me priez de ne
point ensanglanter les terres que vous habitez. Quel
sujet avez-vous de me faire une semblable prière ? Me
suis-je occupé d'autre chose que de le conserver, et si
par bonté pour vous je n'en avois éloigné vos ennemis,,
ne vous en auroient-ils pas chassés ? Si vous n'aviez
perdu l'esprit, vous me remercieriez de tout ce que je
fais pour vous.
Enfin, je conserve votre collier, non pour me rap-
peler le sujet qui vous a portés à me l'envoyer, mais
parce qu'il vient de vous, et que vous avez encore
place dans mon cœur. Je vous en donne un que vous
porterez dans vos villages pour faire connoître à tous
mes enfants que je ne cesse point d'être leur père, et
que je compte qu'ils ne tarderont pas à me donner des
preuves qu'ils continuent à être mes enfants.
SECONDE PAROLE
Vous convenez, mes enfants, que vous avez accepté la
hache des Anglois, mais qu'ayant considéré l'alliance
faite avec les François depuis un temj)s immémorial^
vous l'avez rejetée pour ne plus vous attacher qu'aux
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 85
bonnes affaires, vous me priez de ne me rien imputer de
toutes les affaires présentes, et que rien ne peut vous
faire lâcher le collier que vous avez repris.
PAR UN COLLIER
De tous les temps, vous avez reçu des preuves de ma
bonté. Je veux bien vous en donner aujourd'hui la
plus grande que vous puissiez désirer en acceptant votre
collier, dans l'unique vue de vous rappeler, dans toutes
les occasions, que vous êtes des enfants dénaturés, que
vous avez accepté la hache contre votre père, et que
par pitié pour vous, je ne vous fais pas subir la punition
qu'exige votre noir attentat.
En vain vous rappelez-vous votre alliance avec les
François ; si je n'étois encore pour vous un père rempli
de bonté, vous auriez perdu tout l'avantage que cette
alliance vous a procuré dans toutes les occasions, du
moment que vous y avez renoncé par la trahison la plus
criminelle ; et à peine eûtes-vous pris la hache contre
moi que mes enfants vous auroieut mangés et rongés
avec leurs dents, jusques dans la moelle des os, si je ne
les avais retenus, sans qu'il vous eût de rien servi de
leur dire que vous avez rejeta cette hache pour ne plus
vous occuper que des bonnes affaires.
Pouvez-vous me prier de ne vous rien imputer des
affahes présentes ? Oubliez- vous tout ce que vous avez
fait, et pensez- vous que je l'ignore ? Xon, ^Taiment vous
êtes bien persuadés que j'ai veillé à votre conduite, et
que je vous ai suivis dans tous vos pas, je vous ai vus,
je vous ai entendus; doutez- vous que j'aie en mon pou-
86 EXTRAITS DES ARCHIVES
voii" les papiers du général Braddock ? J'ai les propres
paroles que vous lui avez données, j'ai aussi votre con-
seil solennel avec le colonel Johnson ; mes enfants des
pays d'en haut m'ont toujours rapporté les paroles et les
colliers que vous leur avez apportés de la part de votre
ennemi et le mien. Dispensez-moi d'en dire davantage.
Vous dites que rien ne peut vous faire lâcher le
collier que vous avez repris. Dois-je vous croire ? Com-
bien de fois ne m'avez-vous pas trompé ? et combien de
fois n'avez-vous pas obtenu votre pardon ? Le collier
que vous avez repris est votre ressource ordinaire pour
rapi^eler ma bonté ; il ne vous suffit point de garder le
collier, vous l'avez trop souvent terni par vos trahisons
réitérées. Je veux bien les raffermir par celui que je
vous donne, joignez les ensemble, faites les courir de
village en village, et de cabane en cabane, et dites jour-
nellement, nous avons été assez malheureux pour trahir
le meilleur de tous les pères, nous méritons la mort, il
nous a fait grâce.
TROISIÈME PAROLE
Vous couvrez la mort des officiers qui ont été tués à
la Belle-Itivière et au portage du lac Saint-Sacrement ;
particulièrement M. de Longueuil, en attendant, dites-
vous, que vous puissiez descendre vous-mêmes.
PAR UN COLLIER
Comment devrois-je recevoir votre collier, ne seroit-
ce pas avec raison, comme un aveu de votre part, que
c'est vous-mêmes les Cinq Nations qui avez tué les
DU MINISTERE LE LA MATîINE 87
officiers ? Ne serais-je pas en droit de faire courir de
nation en nation ce collier pour exciter la vengeance de
tous mes enfants, pouvez- vous raisonnablement penser
que je ne vous ai pas vus les armes à la main contre
moi ? N'ai-je pas été témoin de toutes vos actions, et
aucun de vous seroit-il en vie actuellement, si je n'a vois
fait usage de toute mon autorité pour arrêter mes
enfants qui dans leur fureur vous auroient égorgés, vous,
vos femmes et vos enfants, et auroient ruiné les terres
que vous habitez ; ne devez-vous pas être confus de
ma trop grande bonté ?
Je reçois votre collier, mais c'est pour vous faire voir
dans toutes les occasions que le sang françois que vous
avez répandu injustement, crie vengeance sur vous ;
qu'à la première faute que vous ferez, vous subirez le
sort que vous avez depuis longtemps mérité.
Je vous donne ce collier pour que ce que je vous
dis soit ineffaçable de votre mémoire, répétez-le jour-
nellemF'nt à vos vieillards et à vos guerriers, à vos
femmes et à vos enfants, qu'ils ne l'oublient jamais, et
que les uns et les autres gémissent de leur faute et
s'empressent également à la réparer.
A l'égard de M. le baron de Longueuil, est-il temps
de couvrir sa mort ? Si votre douleur et vos regrets
eussent été sincères, auriez-vous tardé jusqu'à ce moment
à venir eu donner des preuves ? Combien de fois n'avez-
vous pas fait annoncer votre départ pour venir pleurer
le gouverneur ? Pourquoi le différez-vous ? Si vous
voulez dire la vérité, c'est le malin esprit qui vous en
empêche.
88 EXTRAITS DES ARCHIVES
Vous ne sauriez trop tôt venir me voir, vous devez
même être honteux de tant tarder ; vous n'osez pas
paroître parce que vous vous reconnoissez coupables.
N'importe, je vous recevrai, et si vous me donnez des
preuves parfaites que vous êtes repentants de vos
crimes, et vous en vengez sur ceux qui en sont, dans
le fond, les vrais auteurs, vos frères mes domiciliés et
les nations des pays d'en haut, continueront d'être vos
frères et amis.
Mais je dois vous prévenir en bon père que si mal-
heureusement pour vous, vous repreniez votre infâme
conduite, vous n'aurez plus de miséricorde, et les bras
de tous mes enfants s'appesantiront tant sur vous, qu'ils
vous engloutiront dans la terre sans qu'il en échappe
un seul de vous.
L'arbre et le traité de M. de Callières les y obligent,
et d'ailleurs leur inclination et leur attachement pour
moi ne les y portent que trop.
Pensez sérieusement à ce que je vous dis, et mettez
tout en usage pour éviter d'en éprouver les funestes
effets.
Rapjjelez-vous vos ancêtres qui avoient de l'esprit et
qui donnoient dans toutes les occasions des preuves de
leur bonne conduite. Souvenez-vous, vieillards, du beau
ciel sous lequel vous viviez du temps de mon père qui
vous armoit comme moi ; écoutez ma parole comme ils
écoutoient la sienne, et vous jouirez de la paix et de la
tranquillité la plus parfaite.
Pierre de Piigaud de Vaudreuil, gouverneur, lieute-
nant général pour le roi en toute la Nouvelle-France,
terres et pays de la Louisiane.
DU MINISTÈRE DE LA MABINE 89
Nous certitions que la présente expédition est con-
forme à l'original demeuré en notre secrétariat, en foi
de quoi nous avons signé le présent et à icelui fait
apposer le cachet de nos armes, et conti-esigner par
notre secrétaire.
Fait à Montréal le 16 février 1758.
Vaudreuil.
Par Monseigneur
Saint-Sauvecr.
A Moutréal, le 23 8bre 1755.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
n a fait embarquer sur la Fidélité les
Aiuilois prisonniers o>f déserteurs dont
M. Bigot envoie la liste.
Monseigneur,
Xous avons à Québec nombre d'Anglois prisonniers
ou déserteurs qui sont de très mauvais sujets, et sont à
la charge de la colonie ; ne pouvant éviter de les tenir
en prison, je donne ordre à M. de La Jonquière de les
recevoir à bord de sa frégate pour les remettre au com-
mandant du port où il débarquera, pour que vous puis-
siez, Monseigneur, en disposer.
Comme je ne suis point à portée de vous envoyer une
liste de ces Anglois, je prie M. Bigot de suppléer à mon
défaut.
90 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 25 octobre 1755.
Demaottide (pi'an envoie dès le comme^ice-
ment dn priiUemps les munitions,
armes, accessoires, demandés par le
chevalier Le Mercier.
Monseigneur,
Monsieur le chevalier Le Mercier m'a rendu compte
des états de demandes et des observations dont je
l'avois chargé concernant l'artillerie, ustensiles à son
usage, armes et munitions nécessaires, tant pour la
défense de la colonie que pour me mettre en état d'aller
attaquer l'ennemi suivant que les circonstances pour-
ront me le permettre. J'ai visé tous les états et
mémoires, de même que les lettres qu'il a l'honneur de
vous écrire à ce sujet. Ainsi, Monseigneur, je ne puis
que vous supplier de vouloir bien y avoir égard. Je
sens bien que ces demandes sont considérables, cepen-
dant il serait essentiel que le tout pût nous parvenir de
bon printemps.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 91
M. LE MARQUIS DE VAUDREULL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
M. le marqiiU Dnqtiestie doit 26,44"^
lirres au compte des postes des pays
d'en haut: il a donne' des effets véretue
pour comptant. 2kl. le marqnis de
Vaudrenil a retenu ce qui lui revient
st«r les droits du castor et srtr la can-
tine.
Monseigneur,
Quoique je ne doute pas que M. le marquis Buquesne
ne vous ait rendu son compte en recettes et dépenses
des pays d'en haut de la courante année, néanmoins je
dois avoir l'honneur de vous informer que se trouvant
relicataire envers le roi, de la somme de 26,447 livres
pour autant dont sa recette excède sa dépense, il m'a
remis en'paiement de cette somme savoir : 16,447 livres
comptant, 2,000 livres à prendre sur M. de la Xaudière,
et 8,000 livres sur les deux officiers anglois qui sont ici
en otage, de laquelle première somme de 26,447 livres
je lui ai donné mon reçu dans lequel j'ai fait mention
du dit billet de 8,000 livres des Anglois. M. le marquis
de Duquesne m'assura que cette somme me seroit
incessamment payée, mais comme je n'y vois pas la
moindre apparence, et qu'il n'est pas juste que le roi
en souffre ; que d'ailleurs il reste beaucoup de gi'atifica-
tions arréragées à payer (notamment à MM. de Ligneris
et de Yilliers, capitaines) qui ne sont point comprises
sur l'état que M. le marquis de Duquesne m'a remis.
92 EXTRAITS DES ARCHIVES
montant à 11,163 livres, je retiens la moitié des droits
sur le castor et sur la cantine, appartenant à M. le mar-
quis de Duquesne, suivant l'usage établi entre nos
prédécesseurs, quoiqu'à son arrivée dans la colonie il
ne se soit pas conformé à cet usage et qu'il ait gardé
l'un et l'autre de ces droits en entier, sans eu faire part,
ni à la succession de feu M. de La Jonquière ni à M.
le baron de Longueuil, commandant en chef.
Je lui tiendrai compte de la moitié des dits droits sur
le dit billet, et lorsque j'en aurai reçu le paiement,
j'en remettrai ici, h son commissaire, le montant.
J'écris en conséquence à M. le marquis Duquesne.
M. LK MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755,
Demande une commission de capitaine
réformé pour le Sieur Duvivier, et
celle de lieutenant réformé pour le
Sieur SennevUle de Saint-Faul.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous représenter que messieurs Duvi-
vier, lieutenant, et Senneville de Saint-Paul, enseigne
en pied, sont infirmes et ne sont plus en état de servir
avec le zèle que je leur connois, ce qui m'engage à vous
supplier, Monseigneur, de vouloir bien accorder au
premier une commission de capitaine réformé, et au
second une commission de lieutenant réformé, avec les
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 93
appointements attachés à ces grades. Ils méritent ce
traitement dans leur retraite, ayant toujours bien servi
le roi. Ci-joint, Monseigneur, la liste des officiers que
j'ai l'honneur de vous proposer pour remplir les emplois
qui seront vacants par la retraite de ces deux officiers.
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Noms des officiels de la colonie.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous envoyer, ci-joint, la liste des
officiers de la colonie qui sont morts ou ont ét^ tués au
service du roi, avec la date de leur décès.
31. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Remplacements d'officiers et croix de
Saint-Louis,
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous envoyer, ci-joint, la liste des
officiers que j'ai celui de vous proposer pour remplir les
emplois vacants dans les troupes de cette colonie ; j'ai
mis, par observation, dans cette liste, les bons témoi-
gnages que je dois avou' l'honneur de vous rendre du
94 EXTRAITS DES ARCHIVES
zèle et des services de chaque officier, je ne saurois assez
les appuyer, et je ne vous en propose aucun qui ne
mérite à tout égard son avancement. Ceux qui ont des
anciens n'en doivent pas souffrir dès que leurs actions
et leurs talents les mettent au-dessus d'eux, et les ren-
dent essentiellement nécessaires à la défense de la
colonie, surtout, eu égard aux circonstances présentes.
J'ose espérer. Monseigneur, que vous voudrez bien vous
en rapporter à moi ; je ne considère que le mérite, et je
ne m'attache qu'aux sujets qui sont en état de conti-
nuer à signaler leur zèle pour le service du roi. Je
puis compter sur tous ceux que j'ai l'honneur de vous
proposer ; jusqu'au dernier enseigne, il n'y en a pas un
seul qui ne soit très vigoureux, intrépide et au fait des
guerres sauvages, ils en ont plusieurs fois donné des
preuves, surtout cette année et la précédente.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Liste des officiers qu'il piopose pour rem-
placer ceux qui seront employés dmis
les 10 compagiàes d'augmentatioti.
Monseigneur,
Les officiers de cette colonie que j'ai l'honneur de
vous proposer pour les dix compagnies que j'ai celui de
vous demander d'augmentation, forment un vide dans
chacun de leur grade. Ci-joint, Monseigneur, la liste
DU >nXISTÈRE DE LA MARINE 95
des officiers que j'ai celui de vous proposer pour les
remplacer, dans laquelle j'ai compris trois enseignes en
pied de Louisbourg pour compléter le remplacement
des officiers de ce o;i-ade.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Propose le Sieur Le Gardeiir de Repeii-
tigny, capitaine à Louisbourg, pour
remplacer M. Lhipiessis-Fahert.
Monseigneiu',
J'ai l'honneur de vous proposer M. Le Gardeur de
Eepentigny, capitaine des troupes de la marine de
Louisbourg, pour remplacer M. Duplessis-Fabert. Je ne
dis rien. Monseigneur, dans mes observations au sujet
de cet officier, qu'il ne mérite à tous égards, et je ne
puis me dispenser d'avoir l'honneur de vous réitérer
qu'il servira bien plus utilement dans cette colonie
qu'à Louisbourg. Il est également aimé des troupes,
canadiens et sauvages ; c'est un officier très nécessaire,
surtout, eu égard aux circonstances présentes. Ce qui
m'engage à vous supplier. Monseigneur, de vouloir bien
lui accorder sa lettre de passe, et les grâces que j'ai
l'honneur de vous demander pour lui.
96 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. LE MARl^UIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Demande que les officiers de Canada qui
serrent à Vlsle Royale soient rerivoye's
à Québec.
Monseigneur,
J'ai l'honnenr de vous envoyer, ci-joint, la liste des
officiers canadiens qui servent dans les troupes de
Louisbourg. Comme ils connoissent la colonie, et sont
expérimentés dans la guerre de ce pays-ci, je vous
supplie. Monseigneur, de vouloir bien leur accorder
leur lettre de passe pour qu'ils soient employés dans le
remplacement des officiers de la colonie, et dans les dix
compagnies que j'ai l'honneur de vous demander d'aug-
mentation. Ainsi que j'ai celui de vous le proposer,
leurs services à Louisbourg sont moins utiles que dans
cette colonie, où nous avons essentiellement besoin
d'officiers canadiens et accoutumés dès leur enfance à
nos voyages qui sont très pénibles. Ces officiers cana-
diens peuvent aisément être remplacés de France. Ils
sont au nombre de douze, dont sept sont dans la colonie,
et actuellement employés au service, comme je l'ai
marqué dans mes observations.
Il sera juste, Monseigneur, que ces Messieurs jiren-
nent leur rang d'ancienneté du jour de leurs lettres de
service à Louisbourg. M. de Charly est employé en
qualité d'enseigne en pied depuis le premier avril 1754,
Le roi ayant nommé le même jour M. D'Ailleboust de
Caryon, enseigne en second, pour remplacer le dit Sieur
Charly, fait enseigne en pied, et comme sa commission
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 97
*^ .
fut oubliée, M. le chevalier Drucourt le fit reconnoître,
et servir en la dite qualité, ce qui m'engagea à vous
supplier, Monseigneur, de vouloir bien lui accorder son
ancienneté du dit jour premier a\Til 1754.
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte par une de mes
lettres de ce jour, de la mort des officiers de cette
colonie qui étoient décorés de la croix de Saint-Louis.
Celles de MM. le baron de Longueuil, de Fonville et
Marin doivent avoir été remises à M. le marquis
Duquesne, celle de M. le Gardeur de Saint^Pierre est
en mon pouvoir.
Vaudreuil.
M, LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Dematuie une pension de 150 livres pour
les F^«» des Sieurs Saint-Pierre et de
Beaujeu.
Monseigneur,
Je ne puis me dispenser d'avoir l'honneur de vous
rendre les bons témoignages que je dois à la mémoire de
MM. Le Gardeur de Saint -Pierre et de Beaujeu, capi-
taines.
Le premier était un officier d'un mérite supérieur, il
réunissoit à ses talents pour le gouvernement des
7
98 EXTRAITS DES ARCHIVES
nations sauvages, une intrépidité à toute épreuve ; il a
été malheureusement tué le 8 T^""*^ au portage du lao
Saint-Sacrement à la tête des sauvages et des Cana-
diens. Je ne puis, Monseigneur, vous exprimer combien
ce capitaine est généralement regretté ; son zèle pour le
service du roi, son attachement à sa patrie et ses
lumières lui a voient aci^uis, à tous égards, la confiance
du soldat, du Canadien et des sauvages. Il s'est signalé
dans toutes les occasions et n'a point cessé d'être
employé depuis qu'il est dans le service, surtout à com-
battre l'ennemi. Je ne dois pas vous dissimuler. Mon-
seigneur, que la perte de ce capitaine est irréparable, et
que cette colonie s'en ressentira longtemps. M. de La
Galissonnière le connoissoit ; il pourra vous informer de
ses services.
Le second étoit également un très bon officier, qui
avoit très bien servi ; il a été tué le 9 juillet dans le
combat ({u'il livra à l'armée du général Braddock à trois
lieues du fort Duquesne.
Fondé sur ces témoignages que je dois essentielle-
ment à la justice et au bien du service du roi, j'ai
l'honneur de vous supplier, Monseigneur, de vouloir
bien procurer aux veuves de ces deux capitaines une
pension de 150 livres à chacune, moins à cause du
besoin qu'elles en ont, qu'à titre de récompense des
services de leurs époux ; et pour preuve de la satisfaction
que Sa Majesté en a, cette gTace flattera infiniment nos
Messieurs, qui en général j prennent le même intérêt
que moi.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 99
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
p. s'en faut 700 hommes que ses troupes
soient complètes.
Monseigneur,
Mes grandes occupations m'ont ôté la liberté de vous
rendre un compte exact de la ^Taie situation des troupes
de cette colonie, mais je puis avoir l'honneur de vous
assurer. Monseigneur, qu'il s'en faut au moins d'environ
700 hommes qu'elles soient complètes.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Deman-le à être autorisé à tiommer aux
places d'enseignes et demande des com-
7nissions en blanc.
*
Monseigneur,
Je ne puis refuser au bien du service d'avoir l'hon-
neur de vous représenter, qu'il seroit essentiel que je
fusse autorisé. Monseigneur, à nommer sous le bon plaisir
du roi aux emplois d'enseigne en second, qui vaqueront
dans les troupes de la colonie ; je ne vous ferois point,
Monseigneur, cette proposition, s'il n'étoit indisijen-
sable dans les circonstances présentes, de pourvoir
100 EXTRAITS DES ARCHIVES
aussitôt au remplacement de ces officiers. Il importe
que j'aie toujours les officiers nécessaires relativement
aux différents mouvements que je serois obligé d'ordon-
ner, et que j'en aie de vigoureux pour mettre à la tête
des petits partis que je ferai marcher de tous côtés. Il
n'est que trop certain, Monseigneur, que les officiers
de la colonie ne manqueront pas d'occasions pour se
signaler, et s'il n'en périt pas beaucoup, ce ne sera pas
faute de s'y exposer ; je me dispose à ne pas les laisser
oisifs, et je les ai prévenus que je ne prendrois intérêt
qu'à ceux qui se distingueront dans les missions que
je leur confierai ; je n'userai pas. Monseigneur, de cette
liberté, et j'ai l'honneur de vous réitérer que je ne m'en
prévaudrai qu'en faveur des sujets qui s'en rendront
essentiellement dignes par leurs actions. Je dois vous
observer qu'en 1750, AI. de la Jonquière fut autorisé
à commettre des sujets pour remplir quelque emploi
de subalternes, et que dans ce temps-là, les troupes
avoient autant de repos qu'elles ont actuellement
matière à s'exercer, ce qui me donne lieu d'espérer,
Monseigneur, que vous voudrez bien m'envoyer
lettres d'enseignes en second, les noms et dates en blanc,
pour me mettre en état de récompenser à propos, les
cadets qui auront donné des preuves de leur zèle et de
leur intrépidité.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 101
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
L'établissement de la Belle-Rivière a
fait perdre beaucoup de monde et em-
pêche les cultures.
Monseigneur,
Cette colonie en général est susceptible de grands
avantages, mais pour les recueillir, elle auroit besoin
de recou^Ter sa première tranquillité. Si les terres
étoient cultivées, elle seroit en état de nourrir autant
de monde qu'il plaii'ait au roi d'y en faire passer, mais
les habitants sont épuisés ; ceux qui depuis plusieurs
années ont pris des terres, n'ont pu seulement les défri-
cher parce qu'ils ont été commandés par préférence à
des habitants aisés et très vigoureux. Je remédie à
ces abus autant qu'il est en mon pouvoir.
L'établissement de la Belle-Eivière est la cause
du'ecte de la ruine des habitants ; il y en est mort un
plus grand nombre que nous ne pourrons en perdre
pendant plusieurs années de guerre, et cela, je ne puis
vous le cacher, parce qu'ils ont été forcés sans aucun
des ménagements que l'humanité exige, à faire le por-
tage des ballots et autres effets qui avoient un principe
très opposé au bien du service.
Yoilà, Monseigneur, en quel état je trouve les colons
et leurs terres ; je ne puis. Monseigneur, refuser à mon
zèle pour le service du roi et à mon attachement pour ma
patrie, d'avoir l'honneur de vous faire ces observations.
102 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Eloges de MM. Doreil et de Monrepos.
Monseigneur,
Je ne dois pas vous laisser ignorer que M. Doreil,
commissaire général des troupes, se donne tous les soins
et l'application que cette place exige, il la remplit avec
distinction. Il en est de même de M. de Monrepos,
lieutenant-général de police de Montréal ; il est égale-
ment très zélé dans tout ce qui concerne la police, sur-
tout eu égard au logement des troupes.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre ]75o.
^ Eloge dii Sieur Martel.
Monseigneur,
Je ne puis refuser à M. Martel, garde des magasins
du roi à Montréal, d'avoir l'honneur de vous rendre les
meilleurs témoignages de son zèle et de son activité
dans toutes les opérations du service, relatives à la
place qu'il occupe ; il m'en a, Monseigneur, donné des
preuves sensibles dans toutes les occasions.
DU MiNlSTÈKE DE LA MARINE 103
M. LE MARQUIS DE YAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Le Canada n'est pas en état d'envoyer
des vivres à Lonisbourg. H pense
comme M. de Drucourt sur les diffi-
cultés des commandements des troupes
de ten-e. Les troupes sont en haye et
rappellent pmir le gouverneur, et don-
lœnt la haye sèche à l'ordonnateiir, à
la Louisiane. Cda devroit être à l'IsLe
Boijale.
Monseigneur,
Les comptes que M. de Drucourt aura eu l'honneur
de vous rendre, ne vous laisseront rien à désirer sur la
situation de cette place ; je dois seulement avoir l'hon-
neur de vous représenter que, bien loin que cette
colonie soit en état de lui procurer des vivi-es, elle est
au contraire obligée d'en demander.
M. de Drucourt m'a fait part des représentations
qu'il a l'honneur de vous faire au sujet des difficultés
que les commandants de bataillons d'Artois et de Bour-
gogne lui font sur nombre de cas concernant le service ;
je me suis appliqué à en connoitre la justice, et j'ai vu
qu'il étoit fondé. Permettez, Monseigneur, que je me
joigne à lui pour vous supplier de vouloir bien y avoir
égard.
M. de Drucourt doit avoir eu aussi l'honneur de vous
représenter que conformément à l'usage établi à la
Louisiane, les troupes devroient prendre les armes et
rappeler pour lui et donner la haye sèche à M. le com-
104 EXTEAITS DES ARCHIVES
missaire-ordonnateur. Je crois, Monseigneur, sous votre
bon plaisir, que les mêmes honneurs militaires devroient
avoir lieu pour Louisbourg, tout comme pour la Loui-
siane.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 8bre 1755.
Monseigneur,
Depuis les lettres que j'ai eu l'honneur de vous écrire
concernant l'Acadie, M. de Boishëbert m'a rendu compte
de ce qui s'y est passé d'intéressant.
Les Anglois ont enlevé de force tous les Acadiens, et
la plupart des femmes des habitations de Tintamare,
du lac, du pont à Buot. M. de Boishébert ne put arriver
assez tôt pour les en empêcher.
Il ne restoit que ceux de Petkoudiak, Memramcouk
et Chipoudy, qu'il a sauvés.
Les Anglois ont cependant enlevé plusieurs habitants
de ces contrées, qui ont été intimidés à la publication
qui fut faite le 15 août de l'ordre du commandant de
Beauséjour. Ils ont fait fustiger deux femmes, et les
ont fait mourir sous leurs coups ; et ils en ont aussi fait
fustiger plusieurs autres, et usent de toutes sortes de
violences à leur égard. Aussi M. de Boishébert, pour se
venger de ces cruautés, se propose de ne point racheter
les prisonniers que les sauvages feront à Beauséjour.
M. de Boishébert, suivant mes ordres, fera passer à
Chedaïk toutes les femmes et enfants à l'arrivée des
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 105
petits bâtiments que je lui fais expédier à Caucagne ;
et d'abord après qu'il les aura mis à couvert de l'insulte
de l'Anglois, il mettra tout en usage pour interrompre
le transport des Anglois à la baie Verte ; il ne négligera
même rien pour leur faire abandonner le fort de Gas-
pareaux.
Des sauvages de Pentagoët lui ont rapporté qu'il y a
deux vaisseaux de 50 canons à Mapsipicoton qui doi-
vent venir au bas de la rivière Saint-Jean et peut-être
monter jusqu'aux habitations. M. de Boishébert pouiTa
les repousser, s'Us n'y sont que ce nombre, en rassem-
blant les Acadiens et "les sauvages du révérend Père
Germain, pour aller attaquer l'ennemi partout où il
pourra. Il m'expédiera un courrier aux premières
glaces pour me rendre compte de la situation des
Acadiens et de celle des Anglois.
Le révérend Père Gonnon m'informe que la petite
vérole s'étant communiquée à ses sauvages, d ne pourra
mener sa mission au Sault de la Chaudière, et qu'ils se
transporteront à Mettakulek pour y hiverner, mais
comme il n'est pas possible de lui procurer des ^'ivres
pour son hivernement, moins à cause que nous en
manquons que par la difficulté des chemins, je l'en
préviens, et lui marque de faire son possible pour venir
au Sault de la Chaudière, ou s'il ne peut faire mieux,
de se mettre à portée de M. de Boishébert et du
révérend Père Germain, pour qu'ils puissent lui pro-
curer tous les secours qui seront en leur possible. J'ai
écrit en conséquence à ce commandant et à ce mission-
naire.
106 EXTRAITS DES ARCHIVES
La petite vérole a empêché les sauvages du révé-
rend Père Gonnon de frapper vigoureusement l'Anglois,
ils leur ont cependant tué des bœufs dont ils feront
une petite sècherie qui leur servira pendant l'hiver, et
dès qu'ils ne seront plus affligés de la petite vérole, ils
iront continuellement en parti sur les Anglois.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montré»], le 30 S^re 1755.
Monseigneur,
Quoique j'aie été très occupé à prendre les arrange-
ments convenables pour m'op])oser aux progrès des
Anglois, j'ai néanmoins donné mon attention à tout ce
qui regarde les nations des pays d'en haut. J'ai sérieu-
sement examiné les comptes qui ont été rendus par les
commandants de chaque poste ; et j'ai d'ailleurs pris
toutes les connoissances possibles pour ne rien ignorer.
Il est certain. Monseigneur, que les pays d'en haut, en
général, ont été bien négligés à tous égards ; les nations
sauvages sont la plupart en guerre entre elles. J'ai
même découvert que plusieurs de ces nations a voient
reçu des colliers et paroles de la part des Anglois ; j'ai
donné les ordres convenables dans chaque poste pour
y établir le bon ordre et la bonne police. J'ai prévu
aussi tout ce qui pourroit nous assurer la fidélité des
nations sans occasionner aucune dépense au roi. J'ai
été informé qu'elles attendoient mon arrivée avec impa-
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 107
tience. Les chefs Outawas, Folle Avoine, Sakis et
Eenards m'ont témoigné le plaisir qu'ils avoient de me
voir ; ils m'ont prévenu que la joie des nations les
plus éloignées égalerait la leur. Ils ont voulu se char-
ger de leur aller dire qu'ils m'avoient vu, pour les
convaincre que les Anglois s'étoient, mal à propos,
vantés qu'ils m'enlèveroient en mer, et que jamais je
ne viendrois dans cette colonie.
Je me flatte que je veiTai le printemps prochain des
chefs de toutes les nations, et que je réussirai à rendre
leur attachement pour les François, inviolable.
Je ne doute pas. Monseigneur, que vous ne soyez
informé de l'excellence des terres du Détroit. Ce poste
est considérable, il est bien peuplé, mais on pourroit
aisément y placer trois fois plus de familles qu'il n'y
en a. Le malheur est que nous n'avons point assez de
monde dans la colonie. Je prendrois des arrangements
pour favoriser l'établissement de deux sœurs de la con-
grégation dans ce poste pour l'éducation des enfants
sans qu'il en coûte le sol au roi.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 30 octobre 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint :
1"'' La liste des officiers et soldats des bataillons de
la reine et de Languedoc qui ont été tués ou blessés
dans la campagne de M. le baron de Dieskau au por-
taoe du lac Saint-Sacrement.
108 EXTRAITS DES ARCHIVES
2*^ L'état du nombre d'officiers et soldats des batail-
lons de la reine, de Languedoc, de Guyenne et de
Bearn qui sont dans cette colonie.
Vous savez. Monseigneur, qu'il a été pris sur les vais-
seaux du roi, l'Alcide et le Lys, dix officiers et 155
soldats du bataillon de la reine, et pareil nombre
d'officiers et soldats de celui de Languedoc, ce qui fait
330 hommes de moins dans ces deux bataillons.
Les bataillons qui sont à Louisbourg paroissent com-
plets, suivant la liste qui m'en a été envoyée, celui
d'Artois est de 31 officiers et 489 soldats, et celui de
Bourgogne de 31 officiers et 491 soldats.
3^" Quatre états de service qui m'ont été envoyés
par M. de Roquemaure, commandant le bataillon de la
reine, pour procurer la croix de Saint-Louis à Messieurs
d'Hébecourt, d'Hert, Germain et Delmas, capitaines.
4*^ Trois autres états de service qui m'ont été
adressés par M. Privât, commandant le bataillon de
Languedoc, pour procurer la croix de Saint-Louis à
MM. le chevalier de Marillac, de Basserode, chevalier
Rennepont, capitaines, et un quatrième état des ser-
vices de M. Parfouru, lieutenant, commandant la
nouvelle compagnie de grenadiers, pour lui procurer
une commission de capitaine.
5*^ Deux états de service qui m'ont été envoyés par
M. Hurault de l'hôpital, commandant le bataillon de
Béarn, pour procurer à M. de Trépezec, capitaine, et à
M, de Rasmorduc, capitaine en second, la croix de
Saint-Louis.
Je ne saurois. Monseigneur, que m'en rapporter à
Messieurs les commandants de ces trois bataillons,
DU MINISTERE DE LA MARINE 109
pour les- grâces qu'ils demandent en faveur de leurs
officiers. Je ne les connois point particulièrement,
ainsi je ne puis avoir l'honneur de vous en rien dire
de moi-même ; je dois cependant rendre les meilleurs
témoignages du zèle de MM. les commandants des
quatre bataillons, de MM. les officiers et des troupes,
ils m'en ont donné des preuves dans les dififérents
mouvements que j'ai été obligé de leur ordonner pour
en imposer à l'ennemi.
Je dois, Monseigneur, avoir l'honneur de vous repré-
senter qu'il n'est pas nécessaire qu'il y ait d'officier
général à la tête de ces bataillons, on peut sans cela
les disciphner et les exercer; les guerres de ce pays-ci
sont bien différentes de celles d'Europe, nous sommes
obligés d'agir avec beaucoup de prudence, pour ne rien
donner au hasard. Xous avons peu de monde et pour
peu que nous en perdions, nous nous en ressentons.
Quelque brave que pût être le commandant de ces
troupes, il ne pourroil connoître le pays ; il ne vou-
droit peut-être pas agréer les avis que des subalternes
pourroient lui donner, il s'en rapporteroit à lui-même
ou à des conseils mal éclairés, et il n'auroit point de
succès quoi qu'en se sacrifiant. Je fonde mes repré-
sentations sur l'événement de la campagne de M. de
Dieskau. D'ailleurs, je ne dois pas vous dissimuler.
Monseigneur, que les Canadiens et les sauvages ne
marcheroient pas avec la même confiance sous les
ordi'es d'un commandant des troupes de France, que
sous ceux des officiers de cette colonie. Je me flatte
que vous agréerez mes représentations ; elles ont pour
principe le bien du service et de cette colonie.
110 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. de Saint- Vincent, capitaine au régiment de
Guyenne, m'a demandé de passer en France l'année
prochaine, à cause de ses infirmités. Je me conformerai
aux ordres du roi à cet égard.
J'informe M, le comte d'Argenson de la réception de
M. le chevalier de Montreuil à l'ordre royal et mili-
taire de Saint-Louis, et en conséquence de la lettre
dont il m'a voit honoré, je lui en adresse mon certificat.
Permettez, Monseigneur, que je joigne ici à cachet
volant la lettre que je lui écris, et que je vous supplie
de vouloir bien la lui faire remettre si vous l'approuvez.
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 31c 8bre 1755.
Monseigneur,
Je puis en toute sûreté avoir l'honneur de vous ren-
dre compte que je suis heureusement parvenu à arrêter
les progi'ès des Anglois dans tous leurs projets.
La campagne de M. de Dieskau, quoique très con-
traire au succès que je devois en espérer, a néanmoins
intimidé les Anglois, qui avançoient avec des forces
considérables pour attaquer le fort Saint-Frédéric qui
n'auroit pu leur résister ; après quoi ils n'auroient
trouvé nulles difficultés à pénétrer plus avant, et il
aurait fallu de grands efforts de notre part pour les
faire retirer.
Les Anglois ont eu constamment une armée de 3,000
hommes à Chouaguen, sous le commandement du
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 111
gouverneur Shirley, bien munie d'artillerie, pour
entreprendre l'expédition de Niagara et du fort Fron-
tenac, mais les camps d'observation que j'ai tenus dans
chacun de ces forts les ont contenus et les ont obligés à
se garder, craignant que pendant qu'ils iroient attaquer
l'un de ces forts, les troupes, les Canadiens et les sau-
vages, qui étoient dans l'autre, fussent tout de suite a
Chouaguen. Je viens d'apprendre que leur armée se
retiroit et qu'ils n'y laissoient qu'une forte garnison.
Xous ne pouvions, Monseigneur, rien espérer de plus
heureux ; j'ai arrêté l'ennemi, et sans les justes mesures
que j'ai prises, il seroit actuellement en possession de
Niagara et par conséquent de tous nos postes des pays
d'eu haut.
M. LE .NLVRQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 2 9bre 1755.
Départ de la Sirène. M. de Tuiirrille
est itJi exeMent officier. U it'a su que le
31 octobre, le départ de Choiiagi/eii de
l'armée de M. Shiiiey.
Monseigneur,
Mes grandes occupations ne m'ont pas permis d'ex-
pédier plus tôt la frégate la Sirène. Je craignois,
Monseigneur, être dans le cas de vous rendre compte
de la résistance que j'aurois opposée au gouverneur
Shirley, s'il avoit marché avec son armée pour assiéger
Niagara ou le fort Frontenac ; et je n'ai pu positive-
112 EXTRAITS DES ARCHIVES
ment savoir le départ de son armée de Chouaguen que
le 31 du mois dernier.
Je fais partir un courrier pour porter mes dépêches
à Québec, M. le chevalier de Longueuil les remettra à
M. le chevalier de Tourville. Je lui donne les mêmes
ordres qu'à M. de la Jonquière pour éviter les Anglois,
et jeter mes dépêches à la mer dans le cas qu'il ne pût
éviter le combat, ni résister à la supériorité des forces
de l'ennemi.
Je donne aussi ordre à M. de Tourville de recevoir
à bord de sa frégate les Anglois que M. de Longueuil
fera embarquer, ce sont de très mauvais sujets et par
conséquent à charge à la colonie ; il les remettra au
commandant du port où il débarquera pour que vous
puissiez en disposer.
Je dois. Monseigneur, avoir l'honneur de vous rendre
les meilleurs témoignages du zèle de M. de Tourville ;
c'est un très excellent officier qui désire les occasions
de se signaler.
Je souhaite. Monseigneur, que cette frégate arrive
heureusement en France ; il est d'une conséquence
infinie à cette colonie que mes dépêches vous par-
viennent.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 113
M. LE MARQUIS DE VAUDREUIL
A Montréal, le 6 9bre 1755.
H demande la grâce dxi nommé Pierre
Chartier dit La Victoire, soldat déser-
teur, qui a bien servi depuis à l'Acadie.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous représenter que le nommé
Pierre Chartier dit La Victoire, soldat de la compagnie
de Vergor, déserta, il y a quelques années, du fort de
Beauséjour et se réfugia chez les Acadiens. Il fut con-
damné par contumace à subir la peine de sa désertion.
Ce soldat a resté avec les Acadiens jusqu'au moment
qu'il eut connoissance que les Anglois se disposoient à
aller assiéger le fort de Beauséjour ; il s'échappa, crai-
gnant d'être forcé de prendre les armes contre nous, et
fut avertir M. l'abbé Le Loutre des vues de l'ennemi ;
il offrait même de rentrer dans notre fort pour contri-
buer à sa défense, si M. de Vergor, qui y commandoit,
vouloit lui promettre sa grâce. Ce conlmandant, tou-
ché du retour de ce soldat, le reçut avec promesse de
lui faire obtenir son pardon, et pendant le siège, il
combattit l'ennemi ; il fut ensuite à la rivière Saint-
Jean et assista au combat que M. de Boishébert livra
aux Anglois, dont j'ai eu l'honneur de vous rendre
compte dans une de mes lettres concernant l'Acadie.
Ces deux commandants lui ont expédié des certificats
de sa bonne conduite et de son zèle ; il est caché dans
la colonie ; il m'a fait présenter ses certificats, et M. de
8
114 EXTiiAlTS DES AKCHIVES
Vergor et de Boishëbert me sollicitent en sa faveur, ce
qui m'engage, Monseigneur, à vous supplier de vouloir
bien lui procurer des lettres de grâce du roi, en consi-
dération de son retour et des preuves qu'il a données
de sa fidélité.
M. LE MAKQUIS LE VAULKEUIL
A Montréal, le 6 novembre 1755.
Il roivoie eii France le Sieur de Bayeu-
ville poiir insvhordhiatioti.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que je ne puis
me dispenser de renvoyer en France le Sieur de
Bayeuville, cadet à l'aiguiUette, à cause de son insu-
bordination et de sa mauvaise conduite.
Il étoit au camp de Carillon, il déserta nuitamment
et débaucha des Canadiens pour les ramener à Mont-
réal. Cet exemple est très nécessaire pour maintenir
les troupes et les milices dans la subordination.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 115
M. VARIN
A Québec, le 15 8bre 1755.
Demaruh à être placé au Cap, à la
Louisiane ou ailleurs et une indem-
nité.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte que suivant
les ordres de M. Bigot, je me suis rendu ici pour y
prendre avec lui les arrangements nécessaires aux pré-
paratifs" de l'année prochaine. Je me rendrai incessam-
ment à Montréal pour les exécuter. J'espère, Monsei-
gneur, que vous aurez la bonté de faire attention à la
dépense que j'ai été obligé de faire pendant huit mois
qu'a duré l'absence de M. Bigot, ce qui m'a coûté 8
à 10 ... d'extraordinaire pour soutenir avec quelque
décence la place que j'occupois alors.
Je vous supplie aussi. Monseigneur, de vouloir bien
m'accorder mon avancement que je me flatte de mériter
par mes longs services, et me destiner où il vous plaira,
soit au Cap François, à la Louisiane ou ailleurs ; mais
permettez-moi de vous représenter très respectueuse-
ment, Monseigneur, que je ne puis plus soutenir le
climat de ce pays- ci, où ma délicate santé commence
à se détruire entièrement.
J'ai lieu de croire qu'il ne vous reviendra. Monsei-
gneur, rien que d'avantageux de mon application et de
mon zèle à procurer le nécessaire pour les grandes
opérations qui ont eu lieu en ce pays-ci depuis trois
116 EXTRAITS DES ARCHIVES
ans, et particulièrement cette année-ci qui a été des
plus critiques pour le Canada par les entreprises de
l'Anglois, et qui n'ont échoué que par la victoire
heureusement remportée à la rivière Ohio sur le géné-
ral Braddock par feu M. de Beaujeu, mon beau-frère,
qui s'y est sacrifié.
LE SIEUR LEVASSEUR
A Québec, le 6 9bre 1755.
M. Bigot va faire commencer là secmide
frégate gi(oiçit'ow ti'ait rien répondu
sur le plan envoyé. La première sera
en état de partir au priidemps. Il eut
été à soiihaiter qu'elle fut partie l'aii,-
tomne à cause des neiges. Le Sieur
Cressé a construit ait fort Frontenac
une goélette de 10 canons et va en con-
struire une seconde.
Monseigneur,
J'ai eu l'honneur de vous rendre compte l'année
dernière de l'état où étoient les travaux de la con-
struction, et j'ai remis à M. Bigot le plan de la seconde
frégate dont les bois sont rendus ici, nous n'avons eu
aucune réponse à ce sujet, et le plan n'a pas été ren-
voyé. Cependant, M. l'intendant est dans l'intention
de faire commencer cet hiver les coupes de cette fré-
gate, si nos ouvriers ne peuvent être employés aux
travaux de la colonie. Alors ce bâtiment sera en état
DU mXISTÈRE DE LA MARINE 117
d'être monté sur le chantier de la frégate, aussitôt
qu'elle sera lancée ; elle pourra l'être dès le petit prin-
temps, et pourra partir aussitôt : sa mâture et ses agrès
sont entièrement finis.
Il eût été à souhaiter qu'elle eût pu partir cet
automne, son retardement sur le chantier est fort pré-
judiciable à sa durée, étant impossible de la mettre à
l'abri des neiges qui échauffent extrêmement les bois,
lors de leur fonte. J'ai pris contre cet inconvénient
toutes les mesures possibles ; cependant, il ne laisse
pas d'en rester auxquels je ne puis remédier.
Le Sieur Cressé, sous-constructeur, a construit au
fort Frontenac une goélette de dix canons, et doit en
construire une seconde.
L'attente de vos ordres au sujet de la frégate que
nous comptions devoir armer tout de suite, m'a empê-
ché d'aller, moi-même, veiller à ces travaux ; rien ne
pouvant m'empêcher de me transporter avec beaucoup
de zèle partout où je pourrai être de quelque utilité au
service.
Je ne crois pas que les circonstances présentes
puisssent me permettre de continuer mes visites dans
les bois pour y découvrir des innières propres à four-
nir des mâtures, cependant rien ne me retiendra, et les
dangers de la guerre ne m'arrêteront pas un instant, si
M. Bigot le juge nécessaire.
118 EXTRAITS DES ARCHIVES
A Québec, le 15 mars 1755.
PROCÈS-VERBAL
De visite de Pinières à la rivière Senaramiac
Nous, chef des constructions des vaisseaux du roi,
et inspecteur des bois et forêts en Canada, accompagné
de M. Joseph Corbin, charpentier entretenu, et de six
autres charpentiers, nous sommes rendus par ordre de
M. l'intendant, à la rivière Senaramiac, pour y con-
stater des pinières propres à fournir des mâtures pour
les vaisseaux du roi ; à cet effet y étant arrivés, nous
avons parcouru tout le côté du nord de cette rivière
jusqu'à deux lieues environ de profondeur, et nous y
avons trouvé des bouquets de pin rouge, semés de
distance en distance, tels que nous les y avons déjà
remarqués dans les précédentes visites ; ils sont de
moyenne grosseur mêlés de cyprès. L'extraction en
sera aisée en profitant des eaux du printemps; tous
ces arbres étant le long de la rivière, il est facile de les
y rendre l'hiver sur les neiges en les exploitant.
Nous avons passé la rivière Senaramiac après avoir
attendu au cabanage qu'elle fut assez prise pour nous
porter ;, nous avons trouvé dans l'espace contenu entre
cette rivière et celle appelée aux Pins, qui est parallèle
à la première, des cyprès et des pins rouges comme du
côté du nord de la rivière Senaramiac ; cet espace
n'étant que de deux lieues tout au plus, et les pins se
trouvant le long des deux rivières, l'extraction en sera
toujours praticable par celle de ces deux rivières qui
sera la plus près.
DU MINISTÈRE DE L.\ MVRIXE 119
L'échantillon de ces mâts est de vingt-trois pouces
et au-dessous, il y en a de plus forts, mais il s sont en
petite quantité ; l'on en trouvera cependant toujours
quel>[ues-un3 dans toutes les exploitations que l'on
voudra faire. J'en ai fait marquer plusieurs qui porte-
ront jusqu'à trente pouces et plus; mais on ne peut
faira fond sur beaucoup de ces arbres. Nous avons
découvert de l'autre côté de la rivière aux Pins, que
nous n'avons pas passée sans peine, une pinière de
pins rouges qui va rendre à la rivière aux Sables, en
suivant un coteau parallèle au lac. Cette rivière va
en profondeur comme la rivière Sanaramiac et est
distante de celle aux Pins de deux lieues environ.
Cette pinière que le dégel ne nous a pas permis de
visiter exactement, paroît de la qualité et de l'échantil-
lon de celles ci-dessus. Il est à présumer que l'espace
contenu entre ces deux rivières est boisé par contrées,
comme sont les terrains que nous avons visités entre
les autres rivières.
Les temps mois et les eaux dont les bois étoient
inondés, nous ont empêchés d'approfondir davantage les
quantités de matures que l'on pourroit tirer de cette
contrée ; mais en exploitant on en découvrira toujours
de nouvelles, étant impossible de s'assurer exacte-
ment de tous les bois à moins de faire un long séjour
dans le même endroit ; ce que je n'ai pu faire, n'ayant
pu rester que douze jours, tant à aller qu'à revenir et
à rester à la cabane, les temps impraticables nous ayant
presque toujours contrariés.
Malgré l'attention que nous apportons à découvrir
des mâtures, nous en avons trouvé un bouquet de fort
120 EXTRAITS DES ARCHIVES
belles, que nous n'avions pas vues, quoique près d'uu
endroit où nous en avions déjà exploité ; ce qui prouve
ce que j'ai dit ci-des-us, qu'il s'en trouvera toujours à
mesure que l'on travaillera.
Je serai à même de faire de plus longues et plus
exactes visites, lorsque mes travaux de Québec me le
permettront.
L'automne semble être le temps le plus commode
pour faire de semblables découvertes.
(non signé)
M, IMBERT
A Paris, le 2 février 1755.
M. de Laporte.
Monseigneur,
Je n'ai pu, pendant mon séjour à Versailles, trouver
un moment favorable pour avoir l'honneur de vous
faire ma cour. Etant obligé de partir incessamment
pour me rendre au lieu de mon embarquement, j'ai
pris la liberté de vous adresser, Monseigneur, un
mémoire concernant la gestion de ma caisse en Canada,
le détail en devient de plus en plus considérable. J'ai
besoin de secours pour le faire avec plus d'ordre et
plus d'agrément, je supplie très humblement Votre
Grandeur, d'avoir égard à la justice de mes demandes.
DU MINISTERE DE LA MARINE 121
A MONSEIGNEUR
le garde des Sceaux, ministre et secrétaire d'Etat de
la marine.
Le Sieur Jacques Imbert, trésorier de Canada, repré-
sente humblement à Votre Grandeur, que depuis cinq
ans, les mouvements intérieurs de la colonie lui ont
occasionné un travail trop forcé pour le faire avec
régularité. Il a souvent fait ses représentations sur
les difficultés du détail immense dont il est chargé ; il
a sollicité une permission de passer en France pour se
perfectionner dans sou emploi, recevoir des nouvelles
instructions qui sont nécessaires pour suivre sa gestion
avec plus d'ordre.
Ces difficultés sont la solde des troupes. La quan-
tité des décharges qu'il est obligé de payer journelle-
ment sans avoir le temps de calculer les pièces, la
rentrée annuelle du papier et monnaie de carte à con-
vertir en lettres de change qu'il est obligé de recevoir
avec une précipitation dangereuse.
l'^r ARTICLE
AppointcTiients et solde des troupes.
De toutes les parties du service dont la caisse est
chargée, la solde des troupes est celle qui l'expose le
plus. Ce détail a toujours été l'objet du retardement de
la reddition des comptes de son prédécesseur qui en a
laissé sept à rendre. Après sa mort, M. l'intendant a
pourvu à ces inconvénients par l'ordre qu'il a donné
d'expédier en forme les dépenses journalières du service
122 EXTRAITS DES ARCHIVES
et pour mettre le trésorier en ëtat de les rendre annuel-
lement pour l'exercice précédent. Il a été décidé que
les décharges pour la solde des troupes seroient
expédiées en plein et que le trésorier donneroit sa
soumission, pour le restant à payer aux officiers ou
soldats détachés dans les forts et postes des divers pays
d'en haut, lesquelles soumissions deviennent nulles,
lorsque les dits acquits sont rapportés ; cet arrangement
a paru le plus facile pour accélérer l'expédition des
comptes. Il y a cependant des inconvénients qui
deviennent à charge au trésorier et l'exposent à plusieurs
doubles emplois occasionnés par l'exemple suivant :
Plusieurs officiers et soldats étant destinés pour
servir dans différents forts, la distribution s'en fait à
Québec et à Montréal, et chaque officier ou soldat sont
aj)ostillés sur les extraits de chaque compagnie et leur
solde est retenue.
Lorsqu'ils sont rendus à destination, plusieurs chan-
gent de poste pour raison de service, et ce, par ordre
des commandants des dits postes, d'où il s'en suit cet
abus — exemple — Pierre est détaché et apostille pour
Niagara, six mois après il est au fort Frontenac, et de là
quelquefois ailleurs, sans que le commissaire en soit
instruit. Ce soldat ambulant de fort en fort pendant
trois ou quatre ans et quelquefois plus longtemps, est
attaché à un fort où il devient utile, le roi le nourrit,
sa solde reste en dépôt et il la touche après plusieurs
années, ou par lui-même, ou par procuration. Les
ordres sont expédiés ordinairement à Montréal, et
souvent à Québec, savoir : un ordre expédié au soldat
et un autre au porteur de procuration, ce qui ne se
DU MINISTÈRE DE LA MAKLNE 123
découvre que six mois après, c'est-à-dire lorsque le
trésorier vérifie les acquits sur les extraits qu'il reçoit
de Montréal, et sjuveut deux ans après.
Le recouvrement de ce double paiement ne peut
être fait sur les capitaines qui ne touchent que la
solde des présents, ainsi le trésorier perdroit beaucoup
si Sa Majesté ne lui en accordoit le remboursement.
II y a eu plusieurs de ces ordres expédiés doubles, ce
que le trésorier est en état de prouver.
Dans certains forts le soldat touche partie de la
solde en marchandises du magasin du roi, au fort, le
garde-magasin en envoie l'état pour être retenu et le
trésorier se charge eu recette extraordinaire de ce qu'il
a touché, mais il arrive souvent que cet état n'arrive
qu'après que le soldat a été payé. Il en résulte un
double emploi à la charge du roi.
Observations sur les payements faits de la solde des
dits extraits pour les dits soldats présents.
Les différents mouvements de ce corps à l'occasion
de l'établissement de la Belle-Rivière ayant obligé
M. le général à détacher un grand nombre d'officiers, il
s'est trouvé l'année dernière sept compagnies à Québec
sans aucun officier, et le trésorier demandant décharges
valables, a été obligé de payer à un sergent la solde
des soldats présents aux dites compagnies, pourquoi il
a sollicité les quittances du major de chaque gouver-
nement. '
Il y a souvent un officier présent à la compagnie
suivant l'extrait, mais il ne réside point à la garnison ;
le trésorier ne peut avoir ses quittances lorsqu'il paye
124 EXTRAITS UE.S ARCHIVES
la solde. Il est souvent à Montréal par congé, et il en
part quelquefois pour aller servir dans les forts, et
alors le trésorier se trouve dans l'impossibilité de retirer
quittances à sa décharge, c'est à cette occasion qu'il a
exigé les quittances du major.
Il conviendroit donc qu'il y eût toujours un officier
subalterne présent pour conduire le reste de la compa-
gnie en résidant dans sa garnison ou au moins s'y
trouver pour compter et fournir quittance par quartier.
Il seroit même nécessaire qu'il y eût un bureau parti-
culier pour cette partie, et que ceux qui seroient pré-
posés pour le conduire fussent instruits des différents
changements qui se font dans le corps des troupes.
Il a été proposé de payer la solde de la compagnie
complète à chaque capitaine, mais le déplacement en a
empêché l'exécution.
La meilleure proposition et la plus juste seroit de
payer la solde des troupes au major de chaque gouver-
nement en lui donnant un commis pour suivre le
détail ; cet arrangement épargneroit au roi tous les
doubles emplois, et le trésorier auroit des décharges
solides pour la chambre.
Le trésorier désire savoir avant son retour de quelle
façon les troupes auxiliaires seront payées.
2e ARTICLE
La quantité de décharges que le trésorier est obligé
de payer journellement ne lui permet pas de calculer
les états qui sont dressés dans les bureaux, il ne peut
pas y suffire, cependant il s'y glisse souvent des erreurs
qu'il fait rectifier lorsqu'il les découvre, mais celles qui
LU MINISTÈRE DE LA MARINE 125
lui échappent, ne pouvant relire tous les acquits,
deviennent à sa charge, ce qui n'est pas juste, vu
l'impossibilité de vérifier avant de payer ; il seroit
nécessaire d'avoir dans les bureaux du contrôle, une
personne préposée pour examiner les décharges en
forme, et qui n'eût d'autre détail que de vérifier les
états avant d'être munis de la signature du contrôleur,
et que le trésorier eût aussi un commis capable de
vérifier ces mêmes états quoique contrôlés avant de les
acquitter.
3« ARTICLE
La rentrée annuelle du papier et monnaie de carte
à convertir en lettre de change est une opération des
plus dangereuses pour le trésorier. Le temps est si
limité pour sa recette et la distribution de ses traites,
qu'il est souvent exposé à des erreurs considérables.
Il conviendroit de mettre plus de temps à cette recette
et à la distribution des lettres de change en commen-
çant plus tôt et lui procurant le secours dont il a besoin
en cette saison.
Observations sur les soumissions du trésorier pour
les billets manuscrits qu'iù a retirés du
public avec des billets impHmés.
D'après le 25 octobre 1750 au 15 septembre 1751,
il y a eu en billets manuscrits pour le payement des
dépenses de services, 2,399,895 livres 15. Le trésorier
avoit donné sa soumission au roi de la dite somme.
Lorsque M, Bigot a jugé nécessaire d'avoir des
billets imprimés, tant pour la facilité du service que du
12(3
EXTRAITS DES ARCHIVES
public, ces billets imprimés ont servi à retirer les
manuscrits, et le trésorier les a comptés en présence
de M. Bréard, contrôleur, qui les a brûlés pour éteindre
la soumission précédente, mais il se trouve dans les
mains du trésorier 5,967 de ces billets manuscrits au
delà de la soumission. Il demande qu'il soit ordonné
de lui en faire le remboursement. Si le trésorier eut
rapporté des billets au-dessous de sa soumission, il
aurait été obligé d'en fournir une pour le surplus. Il
y a donc de la justice à lui tenir compte de ce qu'il a
payé au delà.
La raison de cette différence provient des billets faux
dont je ne dois pas supporter la perte. Il y a aussi 400
livres de billets imprimés, altérés, dont le rembourse-
ment lui f'st également dû, ainsi que les doubles emplois
dont il se trouve chargé depuis qu'il est trésorier.
Le Sieur Imbert a l'honneur de vous représenter
aussi. Monseigneur, que ses appointements ne sont pas
proportionnés aux charges de son emploi. Il n'a pas
de quoi se défrayer de sa dépense annuelle qiioique
très médiocre, la cherté des vivres et de l'entretien, le
bois de chauffage qu'il est obligé de fournir dans deux
bureaux, les courses qu'il fait pour le service, l'obligent
à vous demander, Monseigneur, son bois de chauff'age. —
Un gardien du bureau qui feroit aussi les commissions
afin de ne point détourner son commis qui perd beau-
coup de temps pour le transport des papiers en différents
bureaux.
Après dix-huit années de service sans interruption
dans un travail continuel, il supplie Votre Grandeur
de lui accorder le titre d'écrivain principal, qui n'est
DU MINISTÈRE DE LA MAKINE 127
point imcompatible à son emploi et l'attachera plus
particulièrement atix intérêts du roi et au bien du
service. Cette dignité le mettroit en état de travailler
avec plus d'ordre dans sa gestion, ayant continuelle-
ment à traiter avec ceux qui ont quelques grades dans
la marine. M. l'intendant qui connoît l'étendue de
mon travail et mon assiduité à remplir mes devoirs
peut en rendre exempte. J'ose me flatter que sou témoi-
gnage ne peut m'être qu'avantageux.
A Paris, ce 25 février 1755.
Imbert.
Monseigneur,
M. BRÉARD
A Québec, le 13 août 1755.
L'absence de M. Bigot (jui est à Montréal depuis le
30 juillet, et l'incertitude où je suis, si les lettres qu'il
m'a adressées pour la cour et que j'ai remises au capi-
taine de la gabarre du roi la Macreme, prête à faire
voile pour Brest, arriveront à bon port, me font prendre
la liberté de vous adresser, Monseigneur, par le navire
les Deux Frères de Saint- Yalléry, capitaine Elie, expé-
dié pour la Eochelle, copie des pièces que M. l'intendant
m'a envoyées de Montréal, au sujet de l'action passée
le 9 du mois dernier, à trois lieues du fort Duquesne,
entre un parti de 900 hommes, dont deux cent cin-
quante sauvages, sous le commandement de M. de
Beaujeu, et 2,000 Anglois faisant partie d'un corps de
3,000 qui venait attaquer ce fort , M. Bigot me marque.
Monseigneur, par sa lettre du 7 du courant, de faire
128 EXTRAITS DES ARCHIVES
monter à Montréal, avec toute la diligence possible, 300
habitants, demandés par M. de Vaudreiiil du gouver-
nement de Québec, et 50 de celui des Trois-Eivières,
pour aller faire la récolte des blés, tous les hommes du
gouvernement de Montréal, en état de marcher, ayant
été commandés pour défendre les approches du fort
Saint- Frédéric aux Anglois, qui y marchent avec un
corps de trois mille hommes et un train d'artillerie.
Comme le salut de la colonie dépend de la sûreté de
cette récolte, qu'on pense qui sera bonne, je n'ai rien
négligé pour seconder le zèle de M. Bigot, et sa
demande a été remplie. Il est à craindre que les
ennemis avancent assez près du fort pour en former le
siège, qu'il ne soit pris, ses ouvrages étant peu en état
et sa garnison foible.
Les mouvements des Anglois à Chouaguen sont,
Monseigneur, très considérables, les derniers avis reçus
de ce poste annoncent qu'il y a près de six mille hom-
mes pour le garder et pour s'opposer aux desseins des
François de ce côté-là. L'artillerie ne leur manque pas,
ils en ont jusques sur des barques qui naviguent sur
le lac Ontario, où ils ont aussi quantité de bateaux.
L'armée françoise qui s'est formée à Montréal est
au-dessus de cinq mille hommes, dont la plus grande
partie est filée à Niagara, elle est assez pourvue du
nécessaire ; je n'ose m'exposer dans le détail de ses
mouvements, ne m'étant pas assez connu.
Si la colonie est assez heureuse. Monseigneur, pour
éviter la prise du fort Saint-Frédéric, et faire quelque
progrès du côté de Chouaguen, elle sera à couvert pour
cette campagne des incursions des ennemis, et les sau-
J
DU MINISTÈRE DE LA >LiRIXE 129
vages des Cinq Nations se décideront sûrement cet hiver
en faveur des François ; et d'autres nations suivront
leur exemple.
L'escadre de M, le comte Dubois de La Motte
s'étend actuellement de l'Isle-aux-Coudres aux Pèle-
rins, il ne reste plus dans cette rade de Québec que le
vaisseau l'Illustre, et la frégate la Sirène ; le premier
doit partir incessamment pour se rendre à l'escadre, et
la Sirène doit rester en rade jusqu'au mois d'octobre.
Une goélette, partie depuis un mois, de Louisbourg,
rapporte, par un de ses oflBciers, arrivé à Québec depuis
deux jours, que l'escadre angloise gardoit toujours sa
même croisière, qu'il la croyait forte de quinze voiles.
Le peu de sauté dont je jouis. Monseigneur, en
Canada, et les maladies dangereuses que j'ai essuyées
depuis que j'y suis, ne me permettant pas d'y continuer
un long séjour sans courir risque de perdre la vie, j'ai
pris la liberté de vous deJiiander, l'année dernière, un
congé, pour passer celle-ci en France, afin de tenter,
par l'air natal et le secours des remèdes que je ne puis
trouver ici, le rétablissement de mon tempérament, usé,
j'ose le dire, par les veilles qu'il m'a fallu donner pour
l'arrangement des finances de la colonie. Comme la
saison avance, que le vaisseau porteur des expéditions
du Canada n'arrive point, et que ma santé ne peut se
refaire, je vous supplie très respectueusement. Mon-
seigneur, d'approuver que je passe, sous le congé de
M. Bigot. Je serai toujours à vos ordres pour retourner
prendre mon emploi en Canada, si mes services vous y
sont agréables.
130 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. OLIVIER DE VÉZIN
A rislc-aux-Coudres du Canada, le bre 1755.
Monseigneur,
Dans le peu de séjour que j'ai fait au Canada, après
y avoir terminé les affaires qne j'y avois relativement
aux forges de Saint-Maurice, j'ai cherché à m'instruire
de leur état actuel qui est bien fâcheux, par la perte
des bois que l'on y a faite : comme je dois naturelle-
ment m'intéresser encore à cet établissement, puisqu'il
est mon ouvrage, je crois devoir, Monseigneur, en ren-
dre compte à Votre Grandeur, et la prévenir qu'en
suivant plus longtemps l'exploitation que l'on en a
faite depuis sa rétrocession jusqu'à présent, elle le
ruinera à un point qu'il tombera dans peu de temps,
en pure perte au roi.
Pour que Sa Majesté ne soit pas dans le cas d'en
courir les risques, j'ai offert à M. l'intendant de cette
colonie de faire valoir pour mon compte ces forges, et
lui en ai remis un projet en conséquence qu'il doit,
Monseigneur, adresser à Votre Grandeur. Si les propo-
sitions que j'ai l'honneur d'y faire peuvent convenir
aux intérêts du roi, et que Sa Majesté veuille bien
me conserver le titre de grand voyer de la province
de la Louisiane, sur les assurances. Monseigneur, que
je supplie très humblement Votre Grandeur, de m'en
donner au plus tôt, je repasserai de la Nouvelle-
Orléans au Canada avec ma famille, dès l'année pro-
chaine, pour en examiner de plus proche la possibilité,
et y former des arrangements à pouvoir eu ]3reudre
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 131
possession le plus tôt qu'il sera possible, pour qu'elles
ne périclitent pas davantage, craignant bien que deux
à trois années de plus d'exploitation semblables aux
précédentes, n'achèvent de les mettre hors d'état d'en
tirer partie.
Je vais attendre là-dessus à la Louisiane les ordres
de Votre Grandeur, qu'il est essentiel que je reçoive
dans le courant de l'hiver prochain, pour m'arranger
en conséquence, soit à y continuer les fonctions de
mon emploi de grand voyer, soit à partir par le pre-
mier convoi des Illinois pour me rendre au Canada,
où je désire donner en cette occasion des marques de
mou zèle au service de Sa Majesté, soit en exploitant
les forges pour mon compte ou les faisant valoir pour
celui du roi en qualité de son directeur, comme il
plaira à Votre Grandeur, pourvu qu'elle veuille bien
m'en procurer la commission du roi avec des appointe-
ments convenables, auxquels je renoncerai, si je ne
parvenois pas à remettre cet établissement sur le pied
où il doit être, et à faire rendre à ces forges un béné-
fice à pouvoir les soutenir, ce dont je me flatte en y
travaillant comme pour moi, pourvu que je sois libre
d'en former les dispositions à mon gré. Pour être tenu
de rendre d'autre compte que celui des fonds que j'y
emploierai et de leur produit, ne demandant même à
Votre Grandeur d'autres appointements que la moitié
du bénéfice que j'espère, tous frais faits de la dite
exploitation, avec cent vingt mille francs de fonds, au
plus, que Sa Majesté s'obligera à me fournir, ne pré-
tendant point cependant me soustraire à l'autorité de
monsieur l'intendant que je respecte trop pour ne pas
132 EXTRAITS DES ARCHIVES
lui rendre compte de toutes mes opérations fondées sur
l'expérience de plus de vingt années de pareille exploi-
tation.
Dans le cas où il plaise, Monseigneur, à Votre Gran-
deur, me faire parvenir ses ordres pour me rendre au
Canada, je la supplie très humblement de prescrire à
Messieurs les gouverneur et commissaire-ordonnateur
à la Louisiane de me favoriser à me rendre aux Illinois,
ce sera un voyage pour moi extrêmement coûteux et
peu dispendieux pour le roi, en me donnant seulement
un bateau armé de troupes pour m'y conduire, et des
rations pour moi et ma famille.
M. LE CHEVALIER LE MERCIER
A Québec, le 20 octobre 1755.
Artillerie et ustensiles à envoyer de
France.
Nécessité d'augmenter la compagnie des
canonniers.
Monseigneur,
D'envoyer des mineiirs et iin motdeur en
poterie pottr les forges de Saint-Mau-
rice.
J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, l'état des
munitions et ustensiles d'artillerie qu'il serait néces-
saire d'envoyer de France ; cet état. Monseigneur, est
la récapitulation de tous les autres, pour les articles
qu'on ne peut tirer de la colonie. Je peux vous assurer,
DU MINISTÈRE DE L.V MA.RINE 133
Monseigneur, qu'il n'y en a pas un qui ne soit très
utile, mais les indispensables sont les mortiers, bombes,
boulets, balles, cornes d'amorce ; et à miliciens fusils,
pierres, mèches, poudre de guerre, papiers à gargousses
et à cartouches. Si ce sont les indispensables, ils sont
aussi les plus considérables. J'espère, Monseigneur,
que lorsque vous les aurez examinés, vous approuverez
mes demandes, et que vous donnerez vos ordres pour
que le tout nous parvienne par les premiers vaisseaux.
Si cependant, Monseigneur, il y avoit quelques-uns de
ces articles qu'on ne pût pas remplir d'abord, je vous
supplie de vouloir bien ordonner qu'il soit envoyé un
état des choses sur lesquelles nous pourrons compter,
pour qu'en conséquence on puisse faire en son t^mps
les envois à leurs destinations. Loin d'être à même de
le faire. Monseigneur, si nous étions privés de vos
ordres et de vos intentions, nous serions dans l'obliga-
tion de faire descendre du fort Frontenac, partie de ce
qui y a été envoyé ; et pour lors il n'y auroit plus à
penser à l'entreprise projetée.
Vous approuverez. Monseigneur, dans la demande
des mortiers la différence des chambres de ceux qui sont
destinés pour Québec ou pour Montréal ; les premiers
devant inquiéter les vaisseaux, il est de conséquence
que la portée des bombes soit bien plus consiaérable,
que ceux qui sont destinés pour être transportés et
pour les sièges.
Vu Vaudreuil,
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138 EXTRAITS DES ARCHIVES
Joint à la lettre du chevalier Le Mercier du 21 octobre 1755.
M. LE CHEVALIER LE MERCIER
A Québec, le 20 octobre 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, l'état des
munitions qui étoient effectives, au fort Saint-Frédéric,
le 12 de septembre dernier. Je n'estime pas, Monsei-
gneur, que ce fort par rapport à lui-même soit suscep-
tible d'autre artillerie ; j'ai l'honneur de vous représenter
que si jamais il est attaqué, l'officier d'artillerie qui y
sera, y jouera un fort vilain rôle, d'autant qu'il ne sera
pas possible de servir les pièces qui seront à l'en-
ceinte ; les parapets n'ont que deux pieds et demi
d'épaisseur. La maçonnerie ne pourroit soutenir le
choc du boulet ; et les éclats des pierres détruiroient
autant de canonniers qu'on y en mettroit.
La redoute, Monseigneur, n'étant pas flanquée, n'est
plus susceptible d'une bonne défense, partie des pièces
ne pourroient tirer n'ayant pas assez de commande-
ment sur l'enceinte, celles qui sont à l'étage supérieur
seroient démontées très vite.
L'épaisseur du mur qui forme le mâchicoulis n'étant
que de sept à huit pouces.
On vous aura également informé. Monseigneur, de
la position de ce fort, du commandement du Rocher,
de la facilité que les assiégeants auroient à former
leurs attaques et à mettre leurs canons en batterie,
sans être incommodés de celui du fort.
DU MINISTÈRE DE LA. MARINE 139
Mon intention, Monseigneur, n'est point de faire la
critique de ce poste, mais je croirois manquer à ce que
je vous dois et à moi-même, si je ne vous en rendois
compte ; au surplus, Monseigneur, je peux vous
assurer que malgré ses désavantages, nous ferons de
notre mieux chacun dans notre particulier pour con-
courir à la gloire des armes du roi.
Le zèle que j'ai reconnu dans MM. de Fiedmont et
Lusignan me fait beaucoup espérer de ces officiers.
M. LE CHEVALIER LE MERCIER
A Québec, le 20 8bre 1755,
Monseigneur,
Les entreprises des Auglois du côté du lac Saint-
Sacrement, leur établissement sur ce lac, le projet
qu'ils avoient formé d'attaquer le fort Saint-Frédéric, et
d'établir le lac Champlain ont été. Monseigneur, autant
de motifs pour s'attacher à défendre cette partie.
M. de A^'audreuil ayant été informé de la position
désavantageuse du fort Saint-Frédéric, a fait travailler
à des camps retranchés, et m'a ordonné d'envoyer pour
cette partie l'artillerie dont je joins ici l'état.
L'avantage, Monseigneur, qu'on espère en retirer
sera : 1° La défense des lignes ; 2"^ l'inquiétude que
cela donnera aux Anglois pour leur établissement du
lac Saint-Sacrement ; les ressources qu'on en retireroit
s'ils venoient à forcer les camps retranchés et à
140 EXTRAITS DES ARCHIVES
s'emparer de Saint-Frédéric. J'espère toutefois que
cela n'arrivera pas, mais il faut, à la guerre, se préparer
à tout événement.
Les affûts ne pourront être finis que dans le cours de
l'hiver, n'ayant pas actuellement les bois nécessaires ;
je ferai en sorte, Monseigneur, que tous ces ustensiles
soient solidement construits, et que tous soient rendus
à leur destination à la fonte des glaces. Pour ce qui
est des canons, on va les mener incessamment à Cham-
bly afin de les passer pendant l'hiver au fort Saint-
Jean.
M. LE CHEVALIER LE MERCIER
A Québec, le 20 octobre 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, l'état des
munitions qui sont effectives à Québec, et celui de ce
qui est nécessaire pour cette place.
J'ai eu égard. Monseigneur, en formant ce dernier,
aux ressources que nous pouvons tirer de la colonie
pour les différentes voitures, et j'ai donné toute mon
attention pour concilier l'économie, sans toutefois qu'elle
soit préjudiciable à l'honneur des armes du roi.
J'ai fait. Monseigneur, un relevé des articles de ce
mémoire pour toutes les choses qui nous doivent venir
de France, et nous espérons que vous ordonnerez
qu'elles puissent nous parvenir par les premiers vais-
seaux, d'autant que, si les Auglois prévenoient leur
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 141
arrivée, la colonie se trouveroit dans une position des
plus tristes.
Pour ce qui est, Monseigneur, de tout ce qu'il est
possible d'exécuter dans la colonie, nous ne perdrons
pas un instant pendant l'hiver.
Les batteries de cette ville étoient totalement ruinées,
les plates-formes pourries, partie des affûts dans le
même état. Nous réparons actuellement les batteries
Royale et Dauphine ; il a fallu refaire à neuf le quai
de cette dernière, les bois qui en forment le revêtement
étant totalement pourris.
Toutes les batteries de la basse ville. Monseigneur,
sont si près des maisons, qu'il seroit dangereux de les
servir à cause des éclats ; mais si l'ennemi vient, on
préviendra cet inconvénient en les abattant. Elles sont
très exposées à être tournées ; et si l'ennemi s'emparoit
de la basse-ville qui est ouverte de toute part, il n'est
pas douteux, qu'il se saisiroit bien vite des canons, et
les rendroit hors de service. Il a été de tous les temps,
Monseigneur, proposé de faire une batterie à la pointe
à Carcy, cet endroit est si avantageux qu'il n'échappe
point aux personnes qui ont la mqindre teinture de
l'attaque des places ; et c'est dans l'espérance que vous
en ordonnerez la construction que je demande dix
pièces de canon de 36 livres de balles. Il arrive. Mon-
seigneur, que dans les forges, en coulant les pièces, il
s'en trouve qui sont chargées de métal, ou qui auront
le calibre un peu trop fort ou trop faible ; ces défauts
qui les font rebuter pour les vaisseaux, ne seroient pas
suffisants pour les rendre inutiles à terre, et il ne seroit
question que de couler des boulets proportionnés aux
1-42 EXTRAITS DES ARCHIVES
calibres des pièces ; ainsi, Monseigneur, s'il n'y a pas
possibilité d'en envoyer d'autres, nous ferons usage de
ces derniers.
Vous verrez par les états, que la colonie se trouve
également dénuée de balles, boulets et de fusils. Ce
sont toutes choses, Monseigneur, indispensables pour
faire la guerre,
La quantité de poudre que nous avons n'est pas
suffisante à beaucoup près, et il pourroit arriver qu'il
ne fût pas possible par la suite d'en faire parvenir. Je
n'en demande. Monseigneur, que 200 milliers, m'étant
restreint à l'indispensable, mais s'il y avoit de la possi-
bilité d'en envoyer plus, ce seroit autant de rendu, et
la consommation annuelle en est si forte que, si ce
secours nous manquoit, il seroit impossible de faire la
moindre entreprise. Vous serez peut-être surpris, Mon-
seigneur, du peu de boulets que nous avons ici relati-
vement aux états des années précédentes, et à l'envoi
de cette année. J'aurai l'honneur de vous observer
qu'ils ont été portés au fort Frontenac pour être
employés à l'entreprise projetée comme vous le verrez
par l'état N° 8. .
On vous fera peut-être remarquer, Monseigneur, que
les affûts de campagne sont innovation, et qu'ils occa-
sionnent de la dépense, mais je peux vous assurer
qu'ils sont indispensables pour le transport des pièces ;
qu'il en est nécessaire pour toute l'artillerie, destinée à
la défense des lignes, à celle qui doit soutenir des
troupes et généralement pour toutes les sorties. Aussi
les pièces de 12 sont le calibre où j'en emploie le
plus.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 1-43
Les différentes démarches des Anglois, Monseigneur,
nous sont de& preuves convainquantes de leur desseins
ambitieux, et vont occasionner beaucoup de dépenses
pour rendre leurs entreprises inutiles ou du moins très
difficiles.
Le grand nombre d'hommes dont ils peuvent faire
usage relativement à nous, ne nous permettrait rien
d'avantageux si l'industrie et la valeur ne nous eu
tenoient lieu. Xous allons donc, Monseigneur, faire
tous nos efforts dans la partie qui nous concerne, et
j'ai tout lieu de me promettre d'être parfaitement
secondé par MM. de Fiedmont et Lusignan ; ce sont des
officiers fort intelligents et pleins de zèle, et il seroit à
souhaiter pour le bien du service qu'il y en eût encore
trois de cette espèce, n'étant pas possible qu'avec trois
officiers d'artillerie, l'on puisse vaquer au service des
différents postes et remplir tous les détails dont l'artil-
lerie est susceptible.
Vous verrez. Monseigneur, par l'état ci-joint. No, 4,
le lieu où sont les pièces de canon, et par celui Xo. 5,
leur destination par batterie et le nombre qu'il seroit
nécessaire d'envoyer de France pour les garnir.
Vu Vaudreuil.
144 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. LE CHEVALIER LE MERCIER
A Québec, le 20 S^re 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte, qu'étant sur
le point de partir de Montréal pour le siège de Choua-
guen, je parlai à M. l'intendant à l'occasion de ce que
le roi accorde en France pour mettre chaque pièce de
canon en batterie, ainsi que pour la subsistance des
dites pièces pendant le siège,
M. Bigot, Monseigneur, n'a rien voulu régler à cette
occasion sans en avoir reçu vos ordres ; j'ai l'honneur
de vous supplier de la part des officiers d'artillerie de
la colonie de vouloir bien leur être favorable dans
votre décision.
J'aurai l'honneur de vous observer. Monseigneur,
qu'il n'est point de corps en Canada qui ait servi avec
plus de distinction, et qui soit plus réguliètement
employé dans toutes les campagnes. Le petit nombre
d'officiers les rend continuellement de service, et ils
ont les fatigues sans pouvoir participer aux grâces du
roi, puisqu'ils se trouvent, par leur utilité, privés de
pouvoir aspirer aux postes qui sont la ressource des
officiers ; ils sont obligés à plus de dépenses que les
autres, étant contraints de résider dans les villes, lors-
qu'ils ne sont pas dans les partis, et cependant leurs
appointements, à l'exception de l'enseigne, sont les
mêmes que ceux des officiers des autres compagnies ; à
la vérité le commandant d'artillerie jouit de quelques
petits émoluments attachés à l'emploi, qui sont si peu
DU MNISTÈRE DE LA MARINE 145
de chose, qu'il ne pourroit vivre si son industrie et
les secours qu'il tire de sa famille, ne lui fournissoient
des ressources. Permettez-moi, Monseigneur, de vous
observer que le roi y gagneroit à leur faire un état qui
les mît à même de n'être uniquement occupés de leur
service, la moindre négligence de leur part entraînant
des dépenses bien plus considérables que celles des
augmentations d'appointements ou gratifications qu'il
vous plairoit de leur accorder.
J'espère, Monseigneur, que vous voudrez bien avoir
égard aux demandes que j'ai l'honneur de vous faire
pour les officiers de la compagnie, d'autant que je suis
persuadé que MM. de Yaudreuil et Bigot vous rendront
des témoignages qui leur seront avantageux.
Je me flatte aussi. Monseigneur, que vous regarderez
ce corps avec complaisance et que vous lui accorderez
votre protection.
M. LE CHEVALIER LE MERCIER
A Québec, le 20 octobre 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous adresser, ci-joint, l'état de
l'artillerie envoyée cette année au fort Frontenac, tant
pour l'entreprise qui avoit été projetée que pour l'ar-
mement des barques du lac Ontario.
On avoit. Monseigneur, précédemment fait passer
six canons de douze livres de balles, ce qui composoit
trente pièces de canons destinés pour le siège.
10
146 EXTRAITS DES ARCHIVES
Vous verrez, Monseigneur, d'un coup d'œil, tout ce
■qui était destiné pour cette entreprise, il vous sera aisé
d'apercevoir les difficultés que nous aurions eues à
vaincre pour les transports, n'ayant aucuns chevaux
pour mener les pièces en batterie ainsi que les muni-
tions; malgré cela je m'étois personnellement chargé
■de toutes les opérations, et j'espérois surmonter les
obstacles.
J'aurai cependant l'honneur de vous observer. Mon-
seigneur, que si cette entreprise a lieu le printemps
prochain, que toutes nos pièces seront sur affûts de
campagne; le service en étant bien plus facile pour
les sièges ; je ferai également en sorte de faire passer
<les chevaux, pour moins fatiguer l'armée, qui aura par
elle-même assez de travaux pour construire les lignes
de circonvallation, de contrevallation, faire les travaux
ordinaires des lignes et des sièges.
Je doute cependant, Monseigneur, qu'à moins qu'il
nous vienne des secours de France, que nous puissions
faire autre chose que d'être sur la défensive. . Nous
n'avons aucune connoi.^sance exacte de ce que les
Anglois y ont fait tout l'été ; il paroîtroit cependant
qu'ils ont eu en vue de rendre ce fort respectable par la
quantité d'hommes qu'ils ont employés à le retrancher.
Je suis bien persuadé, Monseigneur, que M. de
A^audreuil mettra tout en usage pour avoir une connois-
sance parfaite de tout ; ce sera en conséquence que
l'on prendra les arrangements les plus réfléchis et les
mesures les plus justes pour le succès de l'entreprise.
Les connoissances que j'ai du local, n'ont pas peu
contribué à me faire oser me charger de la conduite de
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 147
toutes munitions, et il n'est point d'officier d'artillerie
accoutumé à servir dans les armées d'Europe, qui n'eût
regardé la chose comme presque impossible ; l'envie
que j'avois, Monseigneur, de pouvoir contribuer au
salut de la colonie et à la gloire des armes du roi
m'avoit suggéré les expédients dont j'aurois fait usage.
Vous pouvez être persuadé, Monseigneur, que si
cette entreprise a lieu, que je ne négligerai rien de tout
ce qui dépendra de moi, et que s'il est nécessaire de
me rendre cet hiver sur les glaces au fort Frontenac,
je l'entreprendrai. M. de Fiedmont, lieutenant de la
compagnie des canonniers bombardiers, y est allé pour
di-esser des états de tout ce qui y est rendu, et de la
quantité de chaque chose ; ne pouvant pas se flatter
qu'il n'y en ait pas eu de perdu, ou de mis hors de
service dans les rapides de la rivière de Cataraqui.
A Québec, le 20 octobre 1755.
Monseigneur,
Aussitôt mon retour de l'action passée au lac Saint-
Sacrement, le 8'' 7^"^ dernier, j'ai travaillé à prendre
toutes les connoissances de l'état actuel de l'artillerie
de la colonie ; j'en ai dressé les états cottes depuis No. 1
jusqu'à 12.
Je comptois. Monseigneur, les envoyer à ^1. le
marquis de Vaudreuil, pour qu'il pût les examiner, y
ajouter ou retrancher ce qu'il estimeroit nécessaire,
mais le départ de la frégate du roi, la Fidèle, a déter-
148 EXTRAITS DES ARCHIVES
miné M, Bigot de m'engager à vous les envoyer pour
que vous puissiez, Monseigneur, avoir le temps d'or-
donner et de faire exécuter les différents articles
demandés à l'état No. 12.
J'enverrai, Monseigneur, par le premier courrier qui
partira pour Montréal, à M. de Vaudreuil, des copies
des dits états, ainsi que des lettres que j'ai l'honneur
de vous écrire, pour qu'il puisse examiner le tout, et
que les duplicatas vous soient envoyés, visés de ce
général, par la frégate du roi, la Sirène.
Je suis bien persuadé qu'il ne trouvera aucun chan-
gement à y faire ; si cependant cela arrivoit, j'aurai
l'honneur de vous en rendre compte et exécuterai en
tout les ordres de ce général.
Le chevalier Le Mercier.
A Québec, le 20 S^re 1755. .
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous envoyer, ci-joint, l'état actuel
des armes qui sont à la salle de Québec ; vous y aper-
cevrez. Monseigneur, le grand nombre qui a été mis
hors de service par l'incendie du 7 juin dernier et le
mauvais état où elle se trouve présentement ; le peu
qui en reste dans la colonie, et l'importance dont il est
d'en envoyer.
J'espère, Monseigneur, qu'à la fin de l'hiver j'aurai
fait rétablir les 1,231 qui sont au radoub, et partie de
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 149
celles qui sont à remonter, ce qui fera près de 3,000
fusils.
Montréal, Monseigneur, comme vous le verrez aux
états de cette place, en est totalement dénué, et je
m'attends journellement que M. le marquis de Yau-
dreuil m'ordonnera d'y en envoyer.
J'ai l'honneur de vous prévenir qu'il y a très peu de
fond à faire sur les armes des habitants qui, lorsqu'ils
viennent pour le service, se présentent toujours avec
des fusils si mauvais qu'on est dans l'obligation de leur
en donner.
L'inconvénient, en outre des fusils des Canadiens, est
la différence de leurs calibres, de façon que dans les
distributions des balles, les trois-quarts sont obligés de
les diminuer avec leurs couteaux, opération qui ne
peut avoir lieu lorsqu'on est à l'avant de l'ennemi ;
cependant on est journellement obligé d'y distribuer
des balles. •
J'aurai également l'honneur de vous observer que
jusqu'à présent les Canadiens ont toujours préféré les
fusils Tulle de chasse, à causa de leur légèreté ; mais
il seroit nécessaire que ces mêmes fusils eussent chacun
une baïonnette ; cette arme étant, sans contredit, la
meilleure, soit pour défendre un retranchement ou
pour le forcer, je ne voudrois pas pour cela qu'on
retranchât le casse-tête à cause de son utilité dans les
marches pour les campements.
Il n'est point de pays. Monseigneur, où il se con-
somme autant de fusils que dans cette colonie, par
rapport aux sauvages, étant d'usage de les armer chaque
fois qu'on les fait marcher ; il n'est pas également
150 EXTRAITS DES ARCHIVES
possible de remédier à l'abus qui se glisse en changeant
leur fusil ; beaucoup d'habitants se servent de ce
moyen pour se défaire de ceux qui ne valent rien.
Il est certain, Monseigneur, que si la guerre continue
dans cette colonie, on peut s'attendre à une très
grande consommation de fusils, et que, si malheureuse-
ment on se trouvoit dans l'impossibilité d'en fournir
aux sauvages, on les verroit bientôt abandonner les
François pour se jeter du côté des Anglois. Cet article
et celui de notre poudre, sont ceux qui nous les
attachent davantage.
Le CHEVALIER Le Mercier.
A Québec, le 20 8bre 1755.
Monseigneur,
•
J'ai l'honneur de vous adresser l'état de l'artillerie
de la ville de Montréal, et le projet de ce qui seroit
nécessaire pour mettre cette place à l'abri d'un coup
de main.
Vous trouverez peut-être, Monseigneur, que je
demande beaucoup de canons, mais j'aurai l'honneur
de vous observer qu'ils sont absolument nécessaires
pour garnir les embrasures de chaque flanc ; l'enceinte
n'est pas susceptible de soutenir un siège, et il n'est
pas probable que les Anglois puissent l'entreprendre
de longtemps.
Il s'agit donc, Monseigneur, de se garantir d'une
attaque brusque, et pour cet effet, il faut que chacun
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 151
des côtés de la place soit également mimi. Cette
artillerie, d'ailleurs, en imposeroit aux sauvages, et l'on
sera à même, au moyen des pièces qui seront montées
sur des affûts de campagne, de pouvoir les transporter
d'un instant à l'autre aux différents forts que l'on con-
struira dans les paroisses voisines, si les Cinq Nations
nous déclaroient la guerre.
Pour ce qui est des mortiers, Monseigneur, ils nous
sont absolument nécessaires, d'autant que si nous
voulons attaquer les Anglois et les débusquer de leurs
retranchements, soifc à Chouaguen ou sur le lac Saint-
Sacrement, ils sont indispensables. Les obus sont
demandés pour la même fin.
Vous apercevrez, Monseigneur, la nécessité d'avoir
toujours à Montréal un nombre de fusils en magasin,
tant pour la défense que pour en fournir à un détache-
ment qu'on voudroit faire partir sur le champ ; c'est
dans cette vue que vous trouverez les petits tulles de
chasse ; à l'égard des fusils de traite la consommation
en sera journalière, tant pour les présents des sauvages,
que pour armer ceux des nations qui iront en guerre
sur r Anglois.
On est, Monseigneur, comme vous le savez, dans
l'usage de leur donner des fusils chaque fois qu'on les
emploie, malgré cela ils se servent de toutes sortes de
stratagèmes pour en avoir deux fois. J'ai l'honneur
aussi, de vous prévenir. Monseigneur, qu'il est bien de
conséquence d'envoyer des cornes pour contenir la
poudre de nos miliciens ; mais il serait nécessaire de
les faire revoir, pour voir si elles sont bien vides, et
si elles contiennent une livre de poudre chacune ;,
152 EXTRAITS DES ARCHIVES
d'autant que celles qui sout arrivées cette année sont
totalement inutiles.
Je donnerai, Monseigneur, tous mes soins pour faire
accomplir pendant l'hiver tous les articles de l'état qui
ne sont point compris dans celui, cotté No, 12, qui ren-
ferme les munitions que nous espérons que vous voudrez
bien ordonner qui nous soient envoyées de France.
Je me flatte également. Monseigneur, que vous aper-
cevrez la demande que je fais d'un magasin aux
poudres, et d'un bâtiment pour servir d'arsenal, puis-
qu'ils contribueront à la conservation des munitions de
toutes espèces, et qu'il en doit résulter par la suite, de
l'économie, sans quoi tout périroit, et au bout de quatre
à cinq ans, les dépenses tomberoient à pure perte.
Il n'y a dans cette ville qu'un seul maître canon-
nier, et des canonniers de milice, lesquels n'ont pu être
exercés depuis trois années, par le petit nombre
d'officiers d'artillerie, tous étant employés dans les
postes de l'Acadie, Belle-Rivière, Saint-Frédéric et
fort Frontenac. Il seroit cependant bien nécessaire,
Monseigneur, qu'on pût les former ; de leur capacité
s'en suit l'économie des munitions, le progrès des
entreprises, et ce qui est encore de plus précieux la
conservation des sujets du roi.
Le chevalier Le Mercier.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 153
Joint à la lettre du chevalier Le Mercier, du 20 8bre 1755.
MÉMOIRE SUR L'aRTILLERIE DU CANADA
Les difficultés que les Anglois paroissoient avoir à
transporter de l'artillerie pour attaquer les différents
postes que nous occupons dans les pays d'en haut,
avoient déterminé les ingénieurs de construire des
forts en pieux, ou avec de simples enceintes de
murailles si foibles par leur épaisseur qu'elles pouvoient
plutôt être regardées comme des murs de clôture que
pour des pièces de fortification.
Les officiers d'artillerie n'avoient également envoyé
dans tous les petits forts, que des pièces de très petit
calibre, dans la vue d'épouvanter les sauvages, et
garantir ces postes d'une attaque brusque.
Aujourd'hui les objets semblent totalement changés
de face, par le genre d'attaque que les Anglois parois-
sent projeter, ou tout au moins par celui qu'ils peuvent
exécuter, ëoit à la Belle-Eivière, Xiagara, fort Fron-
tenac, à Saint -Frédéric, Chambly et même à Montréal,
s'ils avoient une campagne heureuse.
On n'ignore pas la différence des forces que l' Anglois
peut mettre sur pied dans la Nouvelle- Angleterre, avec
celles que l'on peut tirer de la colonie ; leur heureuse
position d'Orange ; pour donner également de l'inquié-
tude à tout ce que nous occupons sur le lac Ontario,
et sur le lac Champlain ; la nécessité où nous serions
d'avoir, de l'un et de l'autre côt^ des armées d'obser-
vation pour arrêter l'ennemi ; le grand nombre d'hom-
mes qu'il faudroit pour fournir les vivres et les muni-
tions de ces armées ; l'inquiétude que l'on auroit pour
154 EXTRAITS DES ARCHIVES
Québec à la vue d'une escadre dans le bas du fleuve ;
la nécessité de travailler à la culture des terres pour
fournir à la subsistance annuelle de la colonie ; tous
ces différents objets paroissent très difficiles à remplir
aux personnes qui ont une connoissance exacte du
local.
D'un autre côté la position des limites de la colonie,
la valeur canadienne, la bonté des troupes du roi et
les dispositions des sauvages, sont autant d'obstacles
difficiles à vaincre pour les Anglois, lorsque nous sau-
rons profiter de tous nos avantages ; et je crois qu'il
seroit convenable que l'on rendît respectables les forts
de Niagara et Frontenac, pour que, avec une bonne
garnison, ou pût avoir de la tranquillité de ce côté ;
que l'on conservât au fort Frontenac une artillerie
de campagne qui pût toujours donner de l'inquiétude
à Chouaguen ; que également au fort Saint-Frédéric
on y eût un bon fort qui exigeât et une armée et une
nombreuse artillerie pour en faire le siège ; qu'il y eût
un camp retranché à Carillon, et un poste au portage
du lac Saint-Sacrement, de façon que mille hommes
de ce côté nous ôtassent toute inquiétude.
Il est également nécessaire d'avoir une artillerie de
campagne pour défendre le camp retranché, chasser les
Anglois du petit portage Saint-Sacrement, s'ils s'en
emparoient, et même de les débusquer de dessus le lac,
La ville de Montréal dans la situation où elle est, il
seroit nécessaire qu'elle fût garnie de canons pour
pouvoir être à l'abri d'une surprise ; cette place devant
aussi être l'entrepôt de tous les postes, devroit avoir
un bon magasin aux poudres avec un petit arsenal.
DU MINISTèKE I)K LA .MAi:iNK 155
Toutes ses plates-formes sont à refaire, et il y manque
une très grande quantité de canons comme l'on verra
par l'état Xo. 5.
Pour ce qui est de la viUe de Québec, on connoit
assez la bonté de sa situation, tant par la rivière que
par son heureuse position; mais sa fortification est
bien peu de chose par elle-même, et il seroit nécessaire
qu'on construisît une bonne batterie à la Pointe Carcy
de dix pièces de canon de trente-six, qui pût mettre à
couvert la basse-ville.
Les batteries que nous y avons ne sont point flan-
quées, et il est très facile d'ailleurs de les tourner, de
façon que le canon que nous y avons pourroit aisément
être soulevé. La basse-ville seroit infailliblement
brûlée, et pour lors toutes les batteries de la haute
sont si plongeantes et si éloignées qu'elles incommode-
roient peu l'ennemi.
Il seroit important pour cette place qu'il y eût
quantités de mortiers, rien n'inquiétant davantage les
vaisseaux.
Ils sont aussi d'une conséquence infinie pour la
défense de nos postes ; les batteries de mortiers ne
pouvant être éteintes que par les bombes, elles devien-
nent indispensables pour l'attaque des postes, ainsi que
les obusiers.
Comme il n'est pas douteux que dans le cas que les
Anglois vinssent à Québec, ils seroient contraints de
faire des descentes, lesquelles seroient soutenues par
de l'artillerie sur des bateaux plats, par le moyen
desquels ils s'éloigneroient et se garantiroient de notre
mousqueterie, on sera donc obligé pour s'y opposar, à
156
EXTRAITS DES ARCHIVES
la première nouvelle que l'on aura qu'ils sont dans le
fleuve, d'élever des lignes le long de la grève, depuis
le Sàult Mantm jrency jusqu'à la petite rivière ; de
placer de distance en distance des redoutes, soit pour
les flanquer, soit pour favoriser la retraite à ceux qui
les défendront, dans le cas qu'elles soient forcées.
Il sera donc également nécessaire de les soutenir
avec des pièces de campagne ; c'est pour remplir ces
différents objets qu'on construira à Québec, pendant
l'hiver, les outils de toutes espèces qui seront néces-
saires pour faciliter un prompt remuement de terre;
que l'on va mettre toutes les batteries en état, faire
faire tous les affûts et généralement tout ce que l'on
pourra tirer de la colonie même.
Mais il est indispensable d'envoyer de France, les
canons, mortiers, obusiers, bombes, boulets, cornes
d'amorce à canon, celles pour les miliciens, poudre,
fusils, pièces de rechange, pierres à fusils, plomb en
saumon et en balles, mèches de guerre, toile pour tentes
et pour sacs à terre ; pour ce qui est des autres articles
compris dans les états de demandes, ils pourront être
exécutés à Québec.
On avoit demandé, l'année dernière, à Monseigneur
le Garde des Sceaux, quelques mineurs du régiment
Eoyal - Artillerie ; ils seroient très utiles dans cette
colonie, pour en pouvoir former.
Le roi entretient en Canada cinquante canonniers-
bombardiers, sur le nombre desquels il a fallu fournir
l'Acadie, la Belle-Rivière, le fort Saint-Frédéric, celui
de Frontenac, Niagara, et sur les barques du lac
Ontario.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 157
Il est également nécessaire qu'il y en ait un certain
nombre suivant les armées, surtout lorsqu'on voudra
attaquer quelques postes ; il en faut à Québec pour la
recette et l'envoi des munitions, pour leurs remue-
ments, pour leur conservation, et pour travailler aux
artifices.
Cette compagnie n'est composée que de trois oflBciers,
et depuis sa création ils ont été les uns et les autres
employés presque continuellement soit à Beauséjour,
à la Belle-Eivière, au fort Saint-Frédéric ou au fort
Frontenac, de façon que souvent, il n'y en avoit pas
un seul à Québec ; on étoit obligé, cet été, de tirer
jusqu'au maître- canonnier de la ville, pour l'entreprise
de Chouaguen. Il seroit donc nécessaire qu'il y eût
pour l'artillerie de la colonie, un capitaine en pied, un
idera en second, deux lieutenants, deux enseignes et
quatre cadets ; au lieu de cinquante canonniers, qu'il
y en eût soixante-dix à quatre-vingts; de cette façon,
les écoles pourroient se faire régulièrement, et il en
seroit fourni aux postes qui en sont susceptibles ; au
lieu que ne pouvant fournir qu'un seul officier d'artil-
lerie, soit qu'on veuille attaquer ou être sur la défensive,
il n'est pas possible qu'il puisse opérer jour et nuit, et
dans le cas qu'il seroit tué, ou blessé dangereusement,
il est impossible de le remplacer ; et de sa mort s'en
suivroit le manque de réussite d'un projet considérable,
ou la perte d'un poste important.
Comme il seroit très possible que les Anglois prissent
quelques-uns des bâtiments chargés de boulets ou
bombes, il seroit nécessaire d'envoyer par les premiers
vaisseaux, deux bons mouleurs en poteries pour les
158 EXTKAIÏS DES ARCHIVES
forges Saint- Maurice, lesquels pourroient remplacer ce
qui manqueroit, et mettroient à même de tirer parti de
cet établissement. Cette précaution est d'autant plus
nécessaire, que si malheureusement les boulets venoient
à être pris, la colonie en seroit dépourvue.
On verra dans chacun des états ci-joints ce qui est
nécessaire pour l'artillerie de la colonie, relativement
à chaque poste ; mais il ne sera nécessaire que d'avoir
égard à celui cotté No. 12, pour ce qui doit être envoyé
de France, le reste devant être exécuté dans la colonie.
A Québec, le 15 8bre 1755.
Le chevalier Le Mercier,
Vu Yaudreuil. .
Joint à la lettre de M. le chevalier Le Mercier du 20 8brc 1755.
inventaire
des munitions et artillerie qui sont effectives au fort
Saint- Frédéric ce jour-d'hui, douze septembre mil
sept cent cinquante-cinq, savoir :
:l
2 Canons de 6 '
lï Idem 4 |- avec leurs affûts, partie des roues à refaire.
3 Idem 2]
17 i'ierriers avec leurs boîtes.
1 Boîtes de rechange.
20 Bombes de huit pouces.
12 Idem de 12.
428 Grenades.
12 Mortiers de bois pour grenades, hois de service.
1 Idem de fer, bon.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 159
1900 Boulets de 4
545 Idcra de 6.
271 Idem de 8. ^
30 Tourteaux avec leurs grenades.
33 Balles à feu.
24 Réchauds pour rempart.
2 Fourneaux pour rempart, hors de serrice.
120 Mèches de guerre.
7 Cornes d'amorces.
29 Garde-feu de 4.
6 Idem de 6.
30 Boutefeu.^.
26 Pinces de fer.
36 Anspects.
100 Coups de Mitrailles à pompe: de boulets d'une h h.
26 Ecouvillons et refouloirs de 4.
6 Cuillères et tire-bourres de 4.
3 Idem de 6.
3 Refouloirs et ecouvillons 6.
8 Epinglettes.
2 Vrilles à canon.
2 Pieds de chats.
2 Lunettes.
1 Crochet.
1 Idem de passe-balle depuis 1 jusqu'à G.
29 Clous à échelons.
3 Mesures à poudre de bois de 1, de 2 de 3.
3 Entonnoirs de ferblanc.
2 Coupelles.
4 Carabines rayées.
68 Pistolets.
38 Sabres.
49 Fusils grenadiers avec leurs baïonnettes.
12 Mousquetons complets.
1 Paire de balance de cuivre, levier, à la boulangerie.
49 Barils de 100 fes 4,900 "|
1 Idem de 100 v 10,450 fcs de poudre.
109 Idem de 50 5,450 J
160
EXTRAITS DES ARCHIVES
■ 8,755 ifes.
130 fts de balles 130'
99 Barils de 75 7,445
1 Idem de grosses Lialles 200
20 Sacs idem de 50 1,000^
A Québec, le 20 octobre 1755.
Le chevalier Le Mercier.
Joint à la lettre de M. le chevalier Le Mercier du 20 8bre 1755.
ÉTAT
de Vartillerie destinée à être envoyée au lac Cham-
plain, savoir :
Noms des Pièces. Calibre. Nombre.
Canons de fer de
12
6
(I II
8
8
Il tt
6
6
(i (1
4
4
11 K
3
4
Afluts de campagne à grand rouage, garnis
d'un avant-train pour trois pièces
( 12
8
4
3
28
7
9
7
4
3
30
Boulets Ronds
f ^'^
360
8
480
J 6
360
4
400
3
400
2,000
DU MINISTÈRE DE LA iLUîINE 161
Les armes complètes pour ces différentes pièces :
Poudre 1,000
Mitraille à portée 300 coups
Chaînes 4
Crics 6
Plates-formes volantes à cantui 30
Caissons 6
Cordages 4,000
Les outils proportionnellement à la consommation
qui en aura été faite à la construction des camps retran-
chés de Carillon et du rocher de Saint-Frédéric,
A Québec, le 15 octobre 1755.
Le chevalier Le Mercier.
Joint à la lettre de M. le chevalier Le Mercier du 20 8bre 1755.
ÉTAT
des diffère aies choses qui vont être exécutées, pour
mettre l'artillerie de la colonie en état, conformémeat
à l'ordre de Monsieur le marquis de Vaudreuil, du
dix-huit septembre, mil sept cent cinquante-ciTiq,
savoir :
1° De faire mettre toutes les batteries de Québec
en état.
2° De garnir les plates-formes de leurs gîtes et
madriers.
3^ Faire monter les pièces de canon sur leurs affûts
dès le printemps avant la navigation,
11
162 EXTRAITS DES ARCHIVES
4*^ Complt^ter toutes les pièces de canon de leurs
armes.
5*^ Faire mener sur les glaces les pièces de canon
aux lieux les plus avantageux, tant du côté de la
rivière que sur les fortifications de la ville.
6° Préparer les artifices les plus usités tant pour
l'attaque des places que pour la défense.
7*^ Faire conduire de Québec à Montréal, cet automne
ou pendant l'hiver, les ustensiles qui seront nécessaires
au fort Frontenac pour l'expédition du projet de Choua-
guen, s'il continue à avoir lieu.
8° Faire préparer un train d'artillerie de campagne
de trente pièces de canon, depuis douze livres de balles
jusqu'à une, pour l'expédition du lac Saint-Sacrement,
si on a dessein d'en chasser l'Anglois.
9*^ Faire monter à Montréal, cet automne, six pièces
de canon de six livres de balles, pour remplacer celles
qui sont destinées pour la barque qui doit naviguer
sur le lac Ontario.
10® De faire monter cet automne, en barque par la
rivière Sorel, les canons que l'on destinera pour le lac
Cliamplaiu, afin qu'ils puissent être transportés cet
hiver, sur les traînes au fort Saint-Jean.
11° Préparer à Québec les artifices qui seroient
nécessaires si on vouloit armer un brûlot.
12° Faire radouber toutes les armes qu'il sera pos-
sible pendant l'hiver, et dans le cas qu'il n'en arrivât
pas de France à l'usage des sauvages, d'en faire acheter
par Monsieur l'intendant, si la chose est possible, pour
en avoir mille ou douze cents le printemps prochain.
DU MINISTERE DE LA MARINE
163
13^ De dresser des états généraux de tout ce qui est
effectif en effets d'artillerie, avec des états de demandes
pour être envoyés à la cour, lesquels seront envoyés à
Monsieur le général pour y ajouter ou retrancher ce
qu'il jugera à propos, pour copie des différents états.
Joint à la lettre de M. le chevalier Le Mercier du 20 8bre 1755.
ÉTAT
des v.stensiles d'artilleHe qui sont effectives tant dans
les magasins du roi de cette ville, que sur les batte-
ries, ce premier octobre mil sept cent cinquante-
cinq, savoir :
Noms des Pièces. Calibre.
Canons de fonte 4
C 24
Canons de fer.
18
12
8
tî
4
3
Nombre.
3
35
25
56
31
23
8
8
189
A£fùt8 marias.
r ^"^
35
18
27
12
71
8
54
i)
22
-i
1
3
i;
316
164
EXTRAITS DES ARCHIVES
Noms des Pièces.
Affûts de campagne à grand rouage
12
Affûts bâtards, hors de service, de 6
Affûts de place, de 6 9
Mortier de fonte à tourillon de 12 F 8 lignes
de diamètre
Mortier de fonte pour éprouver les poudres
avec son globe
Affûts de mortier de 1 2 pouces
Avant-trains
Anspects
Arcs de flèches
Arbres pour allézer, garnis de leurs rasoirs..
Boulets artificiels ,
Boulets brisés de 4
Boulets ronds.
1
2
9
57
1,115
2
15
2
36
766
24
5,980
18
3,879
12
1,336
8
2,176
6
1,142
4
6,855
3
0
22,134
^ .
Boulets rames.
C 18
336
12
327
8
72
4
163
DU MINISTÈRE DE LA MARINE
165
2^oms de^ Pièces.
Bombes
Calibre. Notnbre.
r 12 pouces 543
( 9 383
926
Boîte de fonte pour pierriere
Idem de fer pour idem
Idem de fer pour salut
Boîtes de fer battu chargées avec leurs dards.
Boites de ^er pour mortiers à bûche
Baguettes de fer pour tuyaux artificiels
Idem eu bois pour idem
Boutefeux
Bancs pour battre les fusées
Boîte de bois de pin pour étoupille
Boyards
Balance de ferblanc arec leur fléau, hors de
Fer\'ice
Bragues
Coffres garnis, fermant à clef
Chèvre garnie
Chaînes de fer pour transporter les canons.
Ciseau de fer pour marquer les canons
0
4
II
31
14
11
4
0
2
1
2
1
7
2
0
2
l
Cuillères à canon en cuivre, garnies ou non
garnies de leurs hampes et boites
C 24
18
12
Câblots pour décharger et charger les pièces
de 1 8 toises de longueur
Carcasses chargées
Jeu de calibre pour canons de fusils en cuivre
Jeu de calibre pour canons
Caissons pour mortiers à bombes
5
46
43
29
123
2
10
1
1
37-
166
EXTRAITS DES ARCHIVES
Noms des Pièces. Calibre. Nombre.
Compas courbe, hors de service 1
Couteaux de bois pour mortiers 4
Coupelles de ferblanc 2
Caissons couverts de toile, hors de service. . . 7
Clous de 6 à 7 pouces de long 50
Charriot à transporter les mortiers garnis
de leurs roues ferrées etavant-trains . ... 1
Carquois de loup-marin 958
Cric ... 1
Curette à mortiers 1
Caliornes garnies 3
Crochets pour souder les chambres 2
Cornes d'amorces 1 04
Cornes pour les détachements 451
Demoiselles pour mortiers 2
Esses pour affûts 160
Ecumoir 1
Elingues pour canons 5
Epissoir de fer 1
Epinglettes 5
Aiguillettes 18
Esses pour croupières de canons 15
Essieux pour affûts 18
Dards 115
Ecouvillons garnis de leurs refouloirs.
41
2G
44
9
120
Fanal gros
Ferrures provenant des charrettes d'artillerie.
1
11
DU MINISTÈRE DE LA MAKINE
167
Noms des Pièces.
Garde-feu .
Calibre. Nombre.
f 24 76
18 12
12 54
8 33
6 8
183
Gargou«ses de pierre Lemain.
24
968
18
772
12
100
1,840
Grattes pour mortiers 3
Grenade 0
Lances de ferblanc pour flèches 40
Lampions 4,000
Lunettes garnies de leurs hampes 3
Lambines pour canon 2
Lignes, Colles 4
Lusin, bottes 24
Mortiers à grenade en fer 2
Mortier avec son pilon 1
Mèches de guerre, barriques 11
Manches de faux sabord 16
Moules pour fusées volantes 2
Machines pour embarquer les canons 3
Moules ;\ serpenteau 3
Idem à saucisson 1
Mesures de ferblanc 6
Idem en bois 6
Marteau 0
Pierriers de fer, hors de service 2
Pétards de fonte 2
Palans garnis 87
Plateaux ou platines de bois 26
168
EXTRAITS DES ARCHIVES
Noms des Pièces.
Platines de plomb de différents calibres
Pieds de chats
Prelarts goudronnés
Pièces de cordages
Idem entamée
Rabans
Poudrière
Calibre. Nombre.
14
4
2
11
1
6
1
Pênes de fer pour canon ■•
C 24
18
12
8
5
11
3
12
8
5
44
Plateaux pour pétards 4
Pavillon rouge , I
Poulies simples 4
Idem doubles 8
Pointes d'acier pour enclouer les canons.... 36
Rouets de fer pour chèvres 2
Récliauds de rempart 14
Réchauds, petits, de rempart 80
Idem pour artifices 1
Roues de différents calibres pour affûts marins 108
Rasoirs pour allézoirs 8
Rondache, vieux 1
Salpêtre 0
Sacs de mitraille en boulets d'une livre 147
Sacs idem en cailloux 83
Souffre 0
Tiqueballes garnis de leurs roues ferrées,
hors de service 2
Train 1
Traîneaux 4
Tables pour artifices 3
Traînes à billots pour transport 4
DU MINISTERE DE LA MARINE
169
Koms des Pièces. Calibre. Nombre.
Tables simples 3
Tourteaux artificiels 3,000
Trépied de fer 1
Petites boîtes de fer pour grenades 6
Pierre à fusil 0
Plomb en balles ou saumon 0
Tapes pour mortiers de 1 2pcs ^ 250
Pour idem de 9 pcs J 170
Verges de fer pour les calibres 2
Vieux fer 226
Valets de cordage 230
Vieux cordage pour valets, bouts 30
A Québec, le 15 octobre 1755.
Le CHEVALIER Le Mercier.
du 25 octobre 1755.
Poudre au roi 60,200"\ „_ „^. „
' V62, <00 ibs.
A 1» Cie des Indes 2,500 j
ÉTAT
des pièces d'artillerie et Tïiunitions de guerre qui sont
nécessaires pour la défense de Québec, savoir :
Noms des Pièces. Calibre. Nombre.
Canons de fonte à la Suédoise 4 10
Canons de fer de .
36
24
18
12
4
3
2
10
16
13
15
13
2
10
89
170
EXTRAITS DES ARCHIVES
Noms des Pièces.
Boulets ronds de.
Calibre.
Nombre.
36
1,234
24
4,220
18
3,721
12
12,864
8
4,024
6
3,256
4
0
3
3,000
2
3,000
1
6,000
41,319
Affûts marins de ,
36
12
24
40
18
30
12
30
4
20
132
f 12
Affûts de campa*gne à grand rouage, avec
leurs avant-trains
2
12
8
16
6
16
4
20
3
12
2
12
Affûts de mortiers ou crapauds de fer fond
j:
2pcs
8
6
12
16
36
DU MINISTERE DE LA MARINE
171
Noms des Pièces.
Anspects
Calibre, Nombre.
.... 800
Bout€feux . .
.... 500
Balances de
cuivre arec
leurs fléaux ....
.... 6
Boyards
.... 50
Brouettes . .
300
Bombes
'de Oominge 3,000
12 2,500
8 2,600
6 2,400
10,500
Chapiteaux
Chèvres garnies
Chaînes de fer pour transporter les canons..
Caissons couverts de toile pour batteries. ,
Capetesles
Cuillères à canon, garnies de leur hampe
et boîtes dont J ait son tire-bourre . , .
260
10
6
12
3,000
36
12
24
50
18
0
12
40
8
10
6
26
4
36
3
15
2
15
204
Charrettes d'artillerie 10
Crics 6
Caliornes garnies 12
Cornes d'amorces avec leurs épinglettes 280
Cornes pour habitants, contenant une livre
de poudre 4,000
Cuirasses et armes complètes 100
172
EXTRAITS DES ARCHIVES
Noms des Pièces.
Ecouvillons garnis de leurs refouloirs et
hampes
Calibre.
Nombre,
' 36
12
24
15
18
16
12
34
8
31
G
30
4
30
3
12
, 2
12
192
Escoupes
Elingues pour canons
Feuilles de sauge
Fusils grenadiers à domino, baguettes de fer
avec baïonnettes
Fusils, tulle, de chasse avec baïonnettes. . ..
Fusils de traille ou de chasse pour les sau-
vages
Fusils de cuivre rouge
Garde-feu de ,
2,000
10
1,200
2 000
4,000
2,000
100
36
20
24
24
18
64
12
168
8
29
6
36
4
48
3
20
2
20
429
Grenades de fossé 1 ,000
Grenades à main 6,000
Hampes de différents calibres 500
DU MINISTÈKE DE LA
MARINE
173
Noms des Fièces.
Heurtoirs pour plate-forme à canon . .
Calibre
Nombre.
''00
Haches
1.500
Herminettes
100
Hoveaux
0 500
Lanternes
■'4
Idem sourdes
12
Louchets
800
Madriers de chêne pour plate-forme . .
50 000
Idem pour plate-forme à mortier
1 ''00
Manches d'outils
10 000
Marcs
4
Mèches en barrique
Mesures à poudre
Mitraille en sacs
10
100
2,000
Mortiers de fonte de
'Coming
12 pcs
8
6
e 4
4
6
6
20
Mortiers de fer de 6 pcs 6
Mortiers avec leurs pitons 2
Marmites de fer de différentes grandeurs. ... 10
Marteaux 30
Masses de fer de 25ft>s 6
Idem de 12 à 15 20
Masses de bois 100
Planes à charron 50
Pelles de bois 2,000
Idem ferrées 1.000
Pics boyaux 600
Pics à roc 600
Pierres à fusils pour grenadiers 100,000
Pinces à canon 223
Platines pour fusils grenadiers 400
174
EXTRAITS DES ARCHIVES
Noms des Pièces.
Pierres assorties pour idem ,
Plomb en balles de 18 à la livre, . . .
Plomb en balles de 28 à 30 à la livre.
Plomb en saumon
Poids à peser
Poudre de guerre
Quarts de foretes
Serpes
Calibre. Nombre.
4,000
80,000
120,000
100,000
0
200,000
8
500
Pour artifices.
Salpêtre en baril
Soufre
Goudron en tonne
Poids ou raisiné
Cire neuve
huile de lin s
Idem de pétrole
Idem de térébenthine . . ,
Vieux ouig
Suif
V.
/'Cables de chèvre
Cinquenelles
Combleau
Prolonges doubles
Cordage blanc ^ Idem simples
Travers
Traits com muns
Menus cordages
, Ligue du Bau en peu ....
Flasques d'orme pour affûts de campagne de
différents calibres
Idem pour affûts marins ,
Roues d'affûts de campagne
Roues de charrettes
Roues d'avant-trains
Essieux d'érable
Moyeux pour affûts
800
1,000
6,000
1,800
500
1,000
200
2,500
400
12
2
10
15
20
40
200
llÛO
10
10
150
20
1«
20
300
30
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 175
Noms des Pièces. CaiUyre. Nombre.
Gentes de différentes espèces 600
Rais idem 2,000
Feuilles de parchemin pour gargousses 10,000
Rames de papier à cartouche à canon 200
Rames de papier à cartouche pour les troupes 300
A Québec, le 15 octobre 1755.
Le chevalier Le Mercier
Joint à la lettre de M. le chevalier Le Mercier du 20 8bre 1755.
ÉTAT
de ce qui est nécessaire pour mettre l'artillene de
Montréal en bon état, savoir:
Noms des Pièces.
Canons ûu fer .
Calibre. Nombre.
r 12 4
8 8
6 7
4 48
67
r 12
Affûts marins garnis de leurs coussins et
coins de mire
20 Affûts de campagne, de différents
calibres, garnis de leurs avant-
trains.
54
76
176 EXTRAITS DES ARCHIVES
Noms des Pièces. Calibre. Nombre.
C 12
Boulets .
2
120
8
240
6
210
4
1,440
2,010
V2 Cuillières à canon, du calibre des pièces, dont un tiers
garnies d'un tire-bourre.
72 Ecouvillons garnis de leur refouloir.
82 Boutefeux.
100 Cornes d'amorces garnies de leur épinglette et dégor-
geoir.
1,500 Idem pour les miliciens, d'une livre de poudre.
78 Pinces de fer.
320 Anspects de bois dur ou d'érable.
368 Sacs de Mitraille en plomb.
552 Sacs idem en fer.
20 Caissons de batteries pour les poudres.
2 Triqueballes.
4 Caissons pour voiturer les poudres.
2 000 Grenades de fer.
2,500 Fusées pour idem.
168 Gros boucaniers, à raison de 6 par flanc.
1,200 Fusils grenadiers garnis de leurs baïonnettes.
1,000 Idem, petit Tulle de chasse.
1,000 Fusils de traille. ^
6 Chèvres, garnies de leurs poulies
6 Crics.
12 Elingues.
8 Cables de chèvres.
14 Chevrettes.
50 Brouettes.
50 Boyards.
50 Masses de bois.
4 Masses de fer de 30 Ibs.
10 Idem de 10 Ibs.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 177
600 Grosses haches.
1,000 Pioches.
600 Pelles de fer ou escopes.
12 Marteaux d'artillerie.
12 Grosses paires de tenailles.
500 Garpes.
1 2 Scies de travers.
20 Seaux.
50 Herminettes.
50 Tarières de différentes grosseurs.
28 Préchauds à descendre dans le fossé, garnis de leur chaîne
de fer.
300 Tourteaux pour idem.
1 Mortier de font* pour éprouver les poudres.
360 Fanaux clairs et sourds.
24 Mesures de ferblanc pour la poudre.
4 Grandes chaudières de fer avec leurs trépieds.
4 Idem moyennes.
200 Ibs Salpêtre.
300 Ibs de pois noirs.
300 Ibs de résine.
300 L. huile de lin pour artifices et peindre les affûts.
300 L. de vieux vin.
2 Mortiers de fer à piler les compositions, avec leurs pilons
en bois et en fer.
2 Egrégolrs.
2 Cribles.
2 Tamis de soie.
2 Idem de crin.
4 Fléaux de fer garnis de leurs plateaux, des poids de fer
et plomb.
6 Paires de balances avec un marc chacun de 4 1.
4 Mortiers de fonte de 12 pcs. de calibre à Chambrey
poire, contenant 5^ de poudre.
8 Mortiers de fonte de 8 pcs. 3 1. de diamètre à chambre
cylindre, contenant W- yi de poudre.
12 pcs 2.000 \
6 Obus de fonte . . { „ ^ q^q i. bombes.
12
178 EXTRAITS DES ARCHIVES
5 Orapauds de fer pour mortiers de 1 2 pouces.
1 Magasin aux poudres
1 Bâtiment dont les caves puissent contenir les affûts, bois
de remontage, et dont les hauts seroient pour salle
d'armes et Sainte-Barbe.
A Québec, le 15 octobre 1755.
Le CHEVALIER Le Merciek.
Joint à la lettre de M. le chevalier Le Mercier du 20 8bre 1755.
ÉTAT
des munitions et ustensiles d'artillerie qui ont été
envoyés cette année au fort Frontenac pour les
expéditions projetées sur le lac Ontario, savoir :
2 Affûts marms de 1 2
8 Idem de 8.
18 Idem de 6.
6 Idem de 1.
1 Affût des pierriers.
6 Idem de campagne.
46 Boutefeux
2 Baguettes de fei avec racloirs et tire- bourres.
153 Bombes de 6 pouces.
1 Quart de balles à feu.
10 Bragues.
1 Boîte à forest.
2 Broches carrées.
4 Burins.
3,002 Boulets de 12.
4,700 Idem de 8.
2,136 Idem de 1.
2 436 Idem de 2.
4,480 Idem de 6.
120 Idem de 4.
2,322 Idem de 3.
DU MINISTÈRE DE LA JLAJRIXE 179
1 ,500 L. vieux cordages pour valets.
1 Chèvre.
2 Coulevrines de fonte de 2 L. de balles.
4 Canons de fer de 2.
18 Canons et pierriersde fer de 1 L.
4 Pierriers de fonte avec leurs boîtes.
6 Canons de fer de 8
16 Idem de 6.
8 Idem de 3.
2 Idem de 4.
2 Caliomes.
4,652 L. de cordage pour l'artillerie.
23 Cuillères et tire-bourres.
1 Cric.
46 Cornes d'amorces.
10 Coussins.
20 Coins de mire.
7 Coupelles.
2 Epingoles.
22 Epingtettes.
34 Ecouvillons et refuuloirs.
1 Elingue.
1 Epissoir.
7 Entonnoirs de ferblanc.
342 Fusils grenadiers.
9 Fusils de marine.
14 Fanaux.
2,675 Gargousses de parchemin.
5, Wuarts de gargousses de papier.
1,500 Grenade"s.
102 Garde-feu.
70 Herminettes.
5 Haches à doler.
1,013 Grosses haches.
66 Paquets de limes.
178 Limes.
20 Pièces de quaranteniers.
98 Langues de fer.
3 Mèches pour percer les fusils.
14 Meules à moudre.
180 EXTRAITS DES ARCHIVES
1 3 Masses de fer.
747 L. de mèches.
3 Mortiers à bombes.
44 Mesures de ferblanc.
34 Monte-ressorts.
1,195 Pioches.
675 Pelles de fer.
10 Plateaux.
7 Rames papier à gargousse
2 Poinçons,
4 Pousse-goupilles.
50 Peaux d'agneaux.
838 Pics de fer.
42 Pinces.
75 Planes.
13,500 Pierres à fusil.
9,400 L. de balles.
30,000 L. poudre de guerre.
361 Pelles de bois ferrées.
243 Pics boyaux.
20 Pilons.
1 Pétard de fonte.
1 2 Rouets de gayets.
20 Scies de long.
30 Scies de travers.
1 Soufflet de forge.
96 Sapes.
36 Serres pour scies de long.
57 Tarières.
1 Tamis de soie.
1 Idem de crin.
250 Tournevis.
A Québec, le 15 8brc 1755.
Le chevalier Le Mercier.
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DU MINISTÈRE DE LA MARIXE 185
Il paroît dans l'état des canons rendus à Québec qu'il
y a une pièce de 8 de plus que dans le projet ; on la
comprendra dans celles qui seront destinées pour le lac
Chaniplain ; on observera aussi que l'on sera obligé de
prendi'e à Québec les pièces que M. le marquis de
Vaudreuil a ordonné d'y envoyer cet automne.
A Québec, le 20 octobre 1755.
Le chevalier Le Mercier. •
Joint k la lettre de M. le chevalier Le 5Iercier du 20 8bre 1755.
ÉTAT
des munitions et ustensiles d'artillerie qui se sont
trouves effectifs à Montréal, le onze octobre- mil
sept cent cinquante-cinq, savoir :
2 Canons de 121
10 Idem d»! 8
12 Idem de 4 ]■ 34 pièces de canon.
1 Idem de 3 1
9 Idem de 6|
34 Affûts.
IjOCO Boulets de différents calibres.
24 Boutefeux.
1 Jeu de calibre pour canon.
25 Clous d'acier.
1 Compas courbe.
24 Cornes d'amorce.
2 Caissons i\ poudre.
12 Cuillères à canon.
100 Fusées à bombes.
172 Fusils à réparer.
2,450 Gargousses de parchemin.
450 Mèches.
12 Ecouvillons.
4 Mortiers à grenades.
186 EXTRAITS DES ARCHIVES
60,675 L. de balles et plomb.
27,800 L. de plomb en saumon.
58,700 L. de poudre au roi.
25,600 L. de poudre à la compagnie.
66 Roues d'affûts,
2,500 L. de salpêtre.
300 Tourteaux.
3( 0 Tuyaux de grenades.
200 Idem à bombes.
7 Moules à balles, en cuivre
13 Moules à balles, en fer.
21 Coupebattes.
2 Pieds de chats.
2 Limolles pour canon.
2 ( chaudières de fer.
1 Trépied de fer.
1 Paire de balances.
8 Baguettes à fusées.
1 Chemise soufrée.
256 Cornes à poudre.
4 Crics.
36 Feuilles de cuivre.
1 Chèvre.
9 Monte-ressorts.
1 Moule à fusées.
55,500 Pierres à fusil.
2 Pinces de fer.
24 Pistolets.
400 Platines de fusil.
1 Quartier pour pointer les mortiers.
4,830 Sacs à terre.
50 Tournevis.
1 Tamis de soie,
l Tamis de crin.
1 Crochet de fer.
A Québec, le 20 octobre 1755.
Le chevalier Le Mercier.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 187
LE CHEVALIER LE MERCIER
A Québec, ce 10 9bre 1755.
Monseigneur,
J'ai eu l'honneur de vous adresser par la frégate du
roi, La Fidèle, les états concernant l'artillerie de la
colonie, et par la Sirène, les duplicatas, visés de M. le
marquis de Yaudreuil, qui les a approuvés, ainsi que
les lettres que j'ai eu l'honneur de vous écrire.
J'ai été assez heureux, Monseigneur, pour mériter
les suffrages de ce général dans les différents détails
dont j'ai été chargé depuis qu'il est dans cette colonie ;
et pour me donner des preuves de la satisfaction qu'il
en a, il vous demandera pour moi une croix de Saint-
Louis.
Vous avez eu la bonté. Monseigneur, de m'accorder
des applaudissements à mon départ de Versailles, et les
assurances de me faù-e ressentir les effets de votre
protection.
Je crois être fondé dans ma demande puisque j'étais
officier en France, en 1734, que depuis ce temps je n'ai
discontinué de servir, et que j'ai été assez heureux dans
cette colonie pour me trouver dans presque toutes les
actions importantes, que non seulement je me suis
acquitté de mon métier, mais encore que j'ai été chargé
des détails de tous les genres.
M. le baron de Dieskau m'avoit donné un ordre pour
faire les fonctions de maréchal général des logis de son
armée, et j'ai été assez heureux après l'action du 8
188 EXTRAITS DES ARCHIVES
septembre, pour conserver au roi dix de ses sujets,
quoique j'eusse tombé dans une embuscade de 70 hom-
mes environ.
Toutes ces choses, Monseigneur, me font espérer que
vous m'accorderez cett£ grâce.
M. de Vaudreuil vous a demandé, Monseigneur, une
augmentation d'officiers d'artillerie et de canonniers, je
ne doute pas que vous en envisagerez la nécessité pour
cette colonie, par la multiplication des postes que nous
occupons.
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, ce 4 janvier 1755.
Monseigneur,
Si j'avois cru pouvoir, dans ces jours-ci, me procurer
l'honneur de vous faire ma révérence, et de vous offrir
en même temps, et de vive voix, les vœux de la nou-
velle année, j'aurois, malgré la dureté de la saison, et
ma mauvaise santé, entrepris le voyage de Versailles ;
mais j'ai craint de le faire inutilement par la difficulté
de trouver dans un seul jour, la facilité de me présenter
chez vous. Monseigneur.
Permettez du moins que j'y supplée par lettre eu
vous y renouvelant les assurances de mon attachement,
de mon respect et des vœux que je ne cesserai de for-
mer pour votre conservation, précieuse à nos colonies,
si en leur donnant vos soins et votre temps, vous voulez
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 189
bien les honorer et les soutenir de votre puissante et
respectable protection.
J'ai pris la liberté de vous adresser mon extrait sur
la Louisiane, si, pendant que M. le marquis de Vau-
dreuil est encore en France, vous voulez le consulter
sur les articles que j'ai eu l'honneur de vous proposer
avant que de rien décider.
Je n'ai point encore reçu toutes mes lettres de
Québec, de l'Isle Eoyale et de l'Acadie, à en juger par
ce qui m'en est annoncé dans celles que j'ai reçues, et
qui me sont parvenues par la poste. S'il m'en avoit
été adressé quelques-unes dans les paquets de la Cour,
je vous demande en grâce. Monseigneur, d'ordonner
qu'elles me soient renvoyées.
Sur le bruit, qui court à Paris, d'un armement pour
Louisbourg et pour l'Acadie, j'ai relié, avec attention,
un tableau général de ces deux parties de la Xouvelle-
France en Canada, que j'eus l'honneur de présenter à
M. Eouillé, au commencement de 1753, avec un
mémoire sur la nécessité de la fixation des limites entre
la France et l'Angleterre, ensemble un plan de can-
tonnement qui tendoit à concilier les intérêts des deux
couronnes, et à décider la question des limites au pos-
sessoire, dès que, d'après ^ou^^'age de MM. les com-
missaires et sur les titres, elle n'avoit pu être décidée
au pétitoire.
Ces trois petits ouvrages parurent faire plaisir dans
ce temps- là, à M. Eouillé ; s'il vous convenoit, Mon-
seigneur, d'en prendre lecture et d'examiner l'usage
qu'on en pourroit faire au profit de la France, et contre
les prétentions vagues et sans fondement et sans bor-
190 • EXTRAITS DES ARCHIVES
nés de l'Angleterre, j'aurois l'honneur de vous envoyer
mes originaux, supposé qu'il n'en soit pas resté de
copie dans les bureaux, sous la condition cependant,
(s'il m'est permis d'en faire avec vous, Monseigneur),
qu'ils me seront renvoyés, ayant gardé soigneusement
depuis 24 ans, tous les extraits de tout ce qui m'est
venu des colonies, et les différentes observations ou
mémoires, que j'ai cru devoir présenter à la Cour à ce
sujet.
Joint à la lettre de M. l'abbé de l'Isle-Dieu, du 7 mars 1755.
A MONSEIGNEUR LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT DE LA MARINE
Monseigneur,
L'objet de ce mémoire paroît d'autant plus digne de
votre attention, qu'il s'agit de l'entière exécution d'un
projet approuvé par la Cour en 1753, et pour lequel M,
Kouillé avoit cru devoir accorder 50,000 livres qui
dévoient être remises au trésor de Québec ou à celui
de Louisbourg.
Ce projet consistoit dans la construction d'un aboi-
teau (ce qu'on appelle en France levée, digue ou
chaussée), pour procurer le dessèchement des terre s
nouvellement habitées. Sur les rivières du fort de Beati-
séjour, où (suivant le dénombrement qui en a été
envoyé cette année) nous avons le produit effectif de
2,897 habitants, tant en hommes que femmes, garçons
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 191
et filles ; du nombre desquels s'en trouvent 746 por-
tant les armes, dans le cas de guerre.
Non seulement M. Eouillé fit alors examiner le
projet qui lui fut présenté à ce sujet, la dépense qu'il
occasionneroit dans son exécution et l'utilité qui en
résulteroit, mais ce ministre fit écrire à Louisbourg et
y fit prendre tous les éclaircissements nécessaires, pour
s'assurer de la vérité des faits, de la possibilité de
l'exécution du projet proposé, de la solidité de l'ou-
vrage, et surtout des avantages qui en résulteroient,
non seulement pour les terres qui se trouveroient
directement sous l'aboiteau, mais pour toutes les
rivières voisines, et en général pour toute la colonie,
par les productions abondantes qu'on en retireroit.
En conséquence et en réponse aux éclaircissements
demandés, l'ingénieur préposé pour l'exécution de
l'aboiteau dressa le plan et la description de l'ouvrage
à faire ensemble le devis estimatif de ce qu'il en
coûteroit pour l'exécuter, et dans lequel il fit entrer
toutes les espèces de matériaux, leur approchement et
jusqu'à la dépense de la main-d'œuvre.
Les dits plans, descriptions et devis estimatifs ont
été envoyés au ministre, et il en est resté une copie
assez exacte à l'abbé de L'Isle-Dieu, qu'il aura l'hon-
neur de remettre sous vos yeux, Monseigneur, si vous
le jugez à propos.
On voit par ce plan et devis estimatif que la dépense
de cet aboiteau de voit monter à 85,120 livres au lieu
de 50,000 livres qui avoient été demandées et accordées
par la Cour, ce qui faisoit une différence de 35,120
livres en sus de la somme demandée, et ce qui auroit
192 EXTRAITS DES ARCHIVES
dû empêcher M. Le Loutre, missionnaire et auteur du
projet de l'aboiteau proposé, d'en poursuivre l'exécu-
tion ; mais son zèle et son intelligence soutenus de la
confiance de ses habitants, lui firent bientôt imaginer
un remède à l'obstacle qui auroit dû l'aiTêter, et un
supplément au vide de la somme qui lui manquoit
(tant il est vrai qu'il y a des hommes à qui les obstacles
irritent le courage et ne le rebutent pas).
M. Le Loutre assembla les habitants de toutes ces
rivières et des différents établissements qui sont sous
le fort de Beauséjour, il les assura de la protection du
roi, leur fit voir les efforts de dépense que Sa Majesté
faisoit pour eux, l'obligation où ils étoient d'y con-
courir et d'y contribuer ; et le résultat de la délibération
des habitants, par lui convoqués et députés à ce sujet,
fût que les dits habitants, tous en corps et solidaire-
ment les uns pour les autres, se chargeroient de contri-
buer jusqu'à la concurrence de 38,150 livres, tant en
fournitures de matériaux de toute espèce qu'en contri-
bution, main-d'œuvre, ce qui réduisit à l'instant et à
la décharge de l'État et du roi, le montant du devis
estimatif de (85,120 livres, à quoi il avoit été porté par
l'ingénieur) à la somme de 4G,970 livres, plus foible de
3,030 livres que celle qui avoit été promise par le roi,
d'où il résultoit que M. Le Loutre se trouvoit alors ^
vis-à-vis de l'étoffe qu'il avoit demandée pour la con-
struction de son aboiteau et de 3,030 livres de plus ;
aussi ne pensa-t-il (sûr qu'il étoit de l'approbation et
des ordres du ministre), qu'à presser la fourniture du
contingent de ses habitants, qui dans le courant des
trois derniers mois de 1753 firent rapprochement de
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DU MINISTÈRE DE LA MARINE 193
de toutes les espèces de matériaux énoncés dans leur
délibération.
Les choses dans cet état, M. Le Loutre se rendit à sa
mission, sous le fort de Beauséjour, et ne songea plus
qu'à s'assurer d'un nombre suffisant d'ouvriers, tant du
côté des Mines que de celui des habitants, qui étaient
sur ces rivières, à l'effet de pouvoir commencer son
opération aux premiers jours du printemps de 1754
comptant d'ailleurs pouvoir tirer sur le trésor de Québec
ou sur celui de Louisbourg, les 50,000 livres qui lui
avoient été promises par la Cour ; mais son embarras
fut plus grand que tout ce qu'on peut imaginer, lors-
qu'il apprit que les fonds n'étoient faits ni du côté
de Québec ni de celui de Louisbourg.... Il est inutile
de parler ici des différentes contradictions qu'il éprouva
d'ailleurs; rien ne le rebuta.... Les avances étoient
faites, les avantages qui dévoient résulter de son opéra-
tion l'encouragèrent.... L'estime et l'approbation des
puissances des deux gouvernements de Québec et de
Louisbourg le soutinrent. Le zèle et l'amour du bien
public lui tinrent lieu de finances (du moins pour la
plus grande partie).
Dans cette position, M. Le Loutre qui connoissoit
depuis longtemps les vues et le zèle de M. Prévost,
pour le bien, le progrès et l'accroissement de nos
colonies, surtout de celle de l'Isle Eoyale, où il est
intendant et commissaire-ordonnateur pour le roi, se
replia vers ce bon et fidèle citoyen, et lui emprunta,
sur son billet, 3,000 livres en lettres de change, dont il
se servit pour acheter du castor, qu'il échangea avec
un marchand anglois du fort de Xécaragua, poui' de la
194 EXTRAITS DES ARCHIVES
farine, du lard et du saindoux, qu'il eût à assez bon
compte, puisque la farine ne lui revenoit qu'à 11 livres
10 sous le quintal, le lard à 27 livres et le saindoux
à 29, et que d'ailleurs l'anglois lui donnoit 5 livres
du castor, quoiqu'il ne lui coûta que 3 livres 10 sous.
C'est avec cette provision de munitions de bouche
que M, Le Loutre a commencé son opération, jointe
à 50 quarts de lard, à quelques cordages et grapius
que M. Prévost lui fit délivrer des magasins de Louis-
bourg.
M. Le Loutre observe à ce sujet, qu'il se voyoit à la
vérité un petit commencement de vivres pour les
ouvriers qu'il faisoit venir des Mines (car pour ceux
qui étoient pris parmi les habitants, ils étoient
réputés rationnés par le roi), mais que comme il
lui falloit payer les journées des ouvriers de l'Acadie
angloise, il fut obligé d'ehiprunter encore 1,000 livres
sur ses billets, à différents particuliers, pour lesquels,
aussi bien que pour les 3,000 livres à lui prêtées par M.
Prévost ; le même M. Prévost lui a accordé très gra-
cieusement, dit-il, des lettres de change sur le trésor
royal, et ce, en déduction des 50,000 livres à lui pro-
mises par la Cour pour la confection de son aboiteau.
Quant à l'excédant des dites 50,000 livres, montant
à 46,000 livres, il a été fourni par les puissances de
Québec, non en argent, mais en marchandises, prises
dans les magasins de Beauséjour et de la Baie Verte,
et à lui délivrées sur ses billets, et sur les ordres de
M. le général Duquesne et de M. Bigot, intendant
général.
DU MINISTERE DE LA MARIXE 195
C'est avec la dernière ressource dont on ^àent de
parler que M. Le Loutre a mis son alxiiteau dans
l'état où il est actuellement ; mais ce n'a pas été sans
perte sur l'échange des marchandises à lui fournies, et
qu'il a fallu convertir, soit en argent soit en denrées ou
autres choses appropriées aux besoins des ouvriers de
l'aboiteau (ces marchandises d'ailleurs étoient de
mauvais aloi et de très mauvaise qualité, puisqu'elles
n'étoient que des restes de magasins, en sorte que
M. Le Loutre assiu-e qu'il auroit plus fait avec 30,000
li\Tes d'argent qu'avec les 46,000 livres de marchan-
dises à lui fournies des magasins, d'où il résulte (suivant
qu'il l'affirme par ses lettres) une perte pour lui, et au
détriment de son opération, de plus d'un tiers.
L'inconvénient dont se plaint ici M. Le Loutre, et
qui n'est aucunement venu de son fait, ne l'a pas empê-
ché de pousser son aboiteau et de le porter au point
de perfection et de solidité où il est pour ce qui en est
fait Il assure qu'il est à plus de moitié et à près des
deux-tiers construit, de la manière la plus solide et à
l'épreuve des plus grandes forces de la mer, de la plus
grande violence des marées, de la rigueur de l'hiver,
des grandes eaux^de l'automne, des glaces de l'hiver et
des inondations du printemps.
On ne s'amusera point ici à répéter ce qui a été dit
dans le travail de 1753, de l'utilité de cet aboiteau, et
des avantages qu'onlençpeut retirer poi:r la colonie et
pour toutes celles où il sera nécessaire d'en construire,
il suffit d'ajouter ici, qu'à l'exemple, et sur le modèle
de celui de M. Le Loutre, il en a déjà été construit.
196 EXTRAITS DES ARCHIVES
dans le même temps ou à peu près, douze autres, savoir :
trois à Chipoudy, huit à Memramcouk et un à la Butte-
à-Roger, ce qui jrouve la nécessité reconnue et les
avantages de ces aboiteaux, pour le dessèchement et la
fertilisation des terres de nos colonies.
En partant de ce principe admis et reconnu, M. Le
Loutre s'est flatté que vous voudrez bien, Monseigneur,
avoir la bonté de lui fournir de quoi finir et parachever
son aboiteau, et l'abbé de l'Isle-Dieu s'est chargé,
d'autant plus volontiers de vous présenter sa requête à
ce sujet, que vous avez bien voulu l'assurer, dans une
de vos lettres, que vous ne changeriez rien aux arran-
gements et aux entreprises de M, Eouillé.
La très humble prière de M. Le Loutre, au sujet de
son aboiteau, se réduit à deux choses :
La première de ces deux grâces. Monseigneur, est
que vous ayez pour agréable de lui faire encore délivrer
20,000 livres pour achever et perfectionner son aboi-
teau, ce qui fera 70,000 livres de dépense pour le roi, et
pour un ouvrage qui coûtera au moins 150,000 livres...
dont le surplus, en sus des 70,C00 livres payées par le
roi, viendra de l'économie de l'entrepreneur et du con-
tingent de ses habitants. •
La seconde, qu'il vous plaise ordonner que le sup-
pliant sera remboursé, soit au trésor de Québec, soit à
celui de Louisbourg, des farine, lard et saindoux qu'il a
achetés pour la nourriture de ses ouvriers, qu'il a tirés
de l'Acadie angloise, sur le mémoire qu'il en présentera,
certifié d'ailleurs par M. de Yergor, commandant de
Beauséjour.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 197
M. Le Loutre ajoute une troisième demande qui
paroît très intéressante, et que l'abbé de L'Isle-Dieu a
cru devoir joindre ici.
Il s'agit d'une levée de 4 à 500 toises qui renferme
un marais de 30 baiTiques de semence, et qui est situé
le long de la rivière qui nous sépare des Anglois, près
l'Isle de la Vallière.... Cette levée a été rompue, il y a
quelques années par les Anglois, sous le commande-
ment de M. de Saint- Ours, qui par là a fait inonder
nos terres et ruiné nos habitants qui y étoient établis,
et auxquels il seroit même dû une indemnité de la part
des Anglois.,.. M. Le Loutre demande à la Corn- la
permission de faire rétablir cette levée, au nom des
habitants qui y sont intéressés et même de toute la
colonie, qui continuera ses prières et ses vœux pour
votre précieuse conservation, Monseigneur.
(sans signature)
Monseigneur,
M. l'abbé de l'isle-dieu.
A Paris, le 12 juillet 1755.
Le mémoire ci-inclus m'a été remis par les sup-
pliants y dénommés, sur le prétexte de la correspondance
que j'ai avec les différentes colonies de l'Amérique
Septentrionale.... Comme je n'en ai aucune avec celles
de l'Amérique Méridionale, je l'avois d'abord refusé ;
mais sur ce qu'on m'a représenté qu'il étoit de l'intérêt
du roi que vous fussiez informé des faits et plaintes
qui y sont énoncés, j'ai cru devoir vous l'adresser, pour
198 EXTKAITS DES ARCHIVES
prendre à ce sujet telles mesures et donner tels ordres
qne vous jugerez convenables.
Je viens de recevoir un assez grand nombre de lettres
de la Louisiane.... Le principal fait dont on m'y parle,
et qui m'intéresse personnellement (comme chargé du
spirituel), concerne une division ouverte entre les deux
ordres de missionnaires qui desservent le bas et le
haut de cette colonie (les jésuites et les capucins).
Les seconds paroissent vouloir méconnoître la juris-
prudence de M. l'évêque de Québec, parce qu'elle est
confiée aux premiers, et point à eux.
Si vous désirez, Monseigneur, être informé de la
première origine et de la source de cette discussion,
j'aurai l'hoinieur de vous en rendre compte ; mais je
pense qu'il sera nécessaire que vous interposiez votre
autorité, et que pour savoir la vérité de ce fait, et qui a
tort ou raison, soit dans le fait, le fond ou la forme, il
sera nécessaire que vous adressiez vos ordres à M. le
gouverneur, homme des plus judicieux, et qui n'est pas
moins touché du bien et du progrès de la religion que
du bien du service.
Je compte écrire aux capucins par le premier vais-
seau, mais puisqu'ils me forcent à dévoiler les plaintes
qui m'en ont été portées et avouées, même en partie
par le supérieur dans ses lettres de 1753 et de 1754, je
pense qu'ils sont insoutenables dans le fond, dans leurs
prétentions et les procédés, peu mesurés, qui en ont
résulté.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 199
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 19 juillet 1755.
Monseigneur,
Je n'ai oublié, ni le projet que vous aviez de faire
passer de nouveaux habitants à la Louisiane pour le
poste des Allemands, ni les mesures et précautions que
vous étiez dans le dessein de prendre pour que l'Etat
et la religion j trouvassent également leur avantage, et
si j'ai omis de vous rappeler les dernières, dans ma
lettre à ce sujet, ce n'est point un oubli, mais une mar-
que de respect et une preuve de déférence pour vos
vues, auxquelles je me conformerai toujours très exac-
tement.
11 n'est pas douteux que l'Etat j trouvera son avan-
tage, puisque ce sera procurer à la colonie de nouveaux
colons et cultivateurs.
Il est également vrai que la religion y trouvera le
sien, puisque ce sera procurer à ces habitants un moyen
de rentrer dans le sein de l'Eglise catholique, et que
d'aiUeurs c'est s'assurer et se rendre le maître de l'édu-
cation de leurs enfants, en supposant, comme vous me
faites l'honneur de me le marquer, Monseigneur, qu'ils
les présenteront aux missions pour en recevoir le
baptême, et que, lorsqu'ils seront en âge, ils les enver-
ront aux écoles et au catéchisme pour y être instruits
dans la foi et la croyance catholique, apostolique et
romaine.
Il est pourtant vrai que d'après les conditions qu'ils
font, l'inconséquence d'opinions dans lesquelles ils
200 EXTRAITS DES ARCHIVES
désirent vivre, et de la conduite qu'ils promettent de
tenir pour leurs enfants, doit au moins mettre les mis-
sionnaires en défiance vis-à-vis d'eux ; mais, sans le
leur laisser apercevoir, il y a des gens à qui il faut
supposer une partie de la bonne foi qu'on veut leur
inspirer, et dont il .faut mériter la confiance par celle
qu'on leur marque, persuadé que les hommes se mènent
beaucoup mieux et plus sûrement par l'insinuation, la
douceur et la persuasion, que par l'autorité, surtout en
matière de religion, qui se persuade et ne se commande
pas, attendu qu'il ne suffit pas de la prêcher à l'esprit
par principes, mais de la faire goûter au cœur par sen-
timent.
Quant aux autres mesures et précautions que vous
me marquez dans votre lettre, Monseigneur, je les crois
absolument nécessaires, et suis persuadé que MM. les
gouverneur et commissaire - ordonnateur y tiendront
exactement la main sur les ordres que vous leur en
donnerez ; je ne connais pas personnellement le second,
mais je suis bien sûr du premier, qui n'est pas moins
attentif à l'établissement et au progrès de la religion,
qu'au bien du service, et qui a toutes les qualités de
l'esprit et du cœur, pour pourvoir et fournir à l'un et à
l'autre.
D'ailleurs le poste des Allemands n'est qu'à douze
lieues de la Nouvelle-Orléans, en remontant le fleuve,
par conséquent sous la main de M. Kerlerec et de
M. D'Auberville, qui pourront le veiller de près et
pourvoir à ce que les conditions imposées à ces nou-
veaux habitants soient exactement exécutées et remplies
de leur part, si ils veulent se rendre dignes de la protec-
DU mXISTÈRE DE LA MARINE 201
tion que vous voulez bien leur accorder, quoique d'une
croyance différente de la nôtre, dans l'espérance qu'ils
se feront instruire, et que, tôt ou tard, ils se rendront à
la persuasion et à la force, non de l'autorité, mais de
nos prescriptions contre eux, qui^ont bien nos plus
fortes armes, et le discrédit et la faiblesse des motifs de
leur séparation de notre communion.
Je pense donc. Monseigneur, qu'il n'y a rien à rabattre
ni à diminuer des conditions que vous voulez imposer
à ces émigrants, et que, puisque vous me permettez de
vous dire mon sentiment, il y auroit même encore quel-
ques précautions à ajouter, non, quant au fond, mais à
la forme et à la manière de distribuer ces nouveaux
habitants dans le poste où vous désirez les faire passer.
1° Suivant que vous me faites l'boimeur de me le
marquer dans votre lettre, Monseigneur, et que je trans-
cris ici de verho ad verhuin.
Qu'ils ne feront aucun exercice extérieur ni public
de leur religion.
2° Que par conséquent ils ne tiendront ni prêche, ni
assemblées particulières ni privées.
3** Qu'ils écouteront les instructions particulières
ou lyuhliques qu'on leur fera, sans cependant qu'ils
puissent être gênés à cet égard, ni par l'autorité tem-
porelle, ni par les menaces et reproches des rnission-
naires qui n'emploiei'ont que Vinsinuation et la per-
sv.asion pour les gagner.
4° Qu'ils feront baptiser leurs enfants à l'église des
catholiques, et qu'ils les enverront au catéchisme et
aux écoles publiques, quand ils seront en âge.
202 EXTRAITS DES ARCHIVES
5° Que par conséquent ils les laisseront élever dans
la religion catholique, apostolique et romaine.
6° Sous la condition qu'ils seront renvoyés en France
pour retourner dans leur pays s'ils contreviennent à
quelqu'une de ces conditions.
A l'égard des livres et catéchismes que vous vous
proposez de me faire remettre, Monseigneur, je les ferai
passer soigneusement dans la colonie, et j'y ajouterai
toutes les instructions qui pourront dépendre de moi
pour la pleine et entière exécution des ordres que vous
donnerez à ce sujet, et que je vous supplierai de me
communiquer pour m'y conformer, dans les instruc-
tions que je donnerai aux missionnaires, et que je con-
certerai avec le gouvernement, pour que l'autorité
temporelle vienne à l'appui du ministre spirituel. Voici
présentement, Monseigneur, les nouvelles précautions
que je croirois convenables et devoir être observées
pour l'établissement de ces nouveaux habitants.
1° Si on les mêle avec les anciens, je pense qu'il
seroit bon que le nombre des premiers fut toujours
supérieur à celui des seconds, pour tirer avantage de
l'exemple de ceux qui sont déjà affermis, et éviter le
danger de la perversion de la part de ceux qui ont une
croyance différente de la nôtre.
2o Que si le danger de la perversion paroît plus grand
que le bénéfice de l'exemple, et oblige d'établir ces nou-
veaux habitants séparément, ils accepteront au moins
un missionnaire pour la conduite et l'instruction de
leurs enfants et même pour eux, si ils veulent bien
examiner de bonne foi la validité ou l'insuffisance de
leurs préjugés.
DU MINISTÈRE DE LA .MARINE 203
3° Enfin, qu'ils n'auront aucune correspondance ni
liaison avec les Anglois qui pourroient se trouver dans
leur voisinage, propter periculum jMrversionis, non
seulement sur œ qui regarde la religion, mais pour la
fidélité qu'ils de^Tont à l'Etat et au Koi.... Quant à
cette dernière précaution, elle est plus du ressort et de
la compétence de l'autorité temporelle que du ministère
ecclésiastique et des ministres qui le remplissent, qui
peuvent au plus, avertir le gouvernement de ce qui
se passeroit, et user de remontrances et de représen-
tations vis-à-vis des délinquants.
Il ne me reste plus à ce sujet. Monseigneur, qu'une
seule observation à vous faire sur un germe de division
qui se trouve actuellement entre les deux ordres de
missionnaires qui sont à la Nouvelle- Orléans, et sur
laquelle il sera, je crois, pécessaire d'interposer votre
autorité, en la joignant à celle de Monseigneur l'évêque
de Québec, après toutefois que pour ne pas vous en
rapporter à mon témoignage seul, vous aurez pris la pré-
caution de vous en faire informer par le gouvernement ;
je crois même qu'il y a ici un capucin à la suite de
cette affaire, et qu'il y auroit quelque danger de par-
tialité à vous en laisser prévenir.
Pour ce qui concerne la seconde lettre que j'ai trouvée
de vous, Monseigneur, dans le même paquet, je garderai
en exécution de vos ordres les 600 livTcs dont je suis
dépositaire, jusqu'au départ des premiers missionnaires
qui seront demandés pour l'année prochaine.... Je suis
en avance de 150 et quelques livres pour l'envoi de
livres de piété et catéchismes que j'ai fait partir cette
année pour l'Acadie, et dont j'ai payé en sus de ce que
204 EXTRAITS DES ARCHIVES
l'on m'avoit donné, pour suppléments, caisses, emballage
et port d'ici à La Rochelle, les susdites 150 et quelques
livres, dont il ne sera cependant que ce que vous jugerez
à propos d'en décider, Monseigneur, n'ayant eu pour
m'y déterminer que le simple conseil de M. de La
Porte.
Les trois missionnaires destinés pour l'Acadie sont
embarqués et partis du 8 de ce mois, à ce qu'on me
mande de La Rochelle.... A l'égard des quatre reli-
gieuses ursulines destinées pour la Nouvelle-Orléans,
j'ignore encore leur sort et le temps de leur départ.
Quant au pouvoir nécessaire pour toucher et donner
quittance de la gratification que vous avez eu la bonté
de faire accorder à M. l'évêque de Québec, Monsei-
gneur, je suis muni non seulement de ses lettres de
vicaire général pour toutes les colonies de son diocèse,
mais d'une procuration spéciale pour son temporel, qui
est bien court ; et mes quittances sont même reçues à
la chambre des comptes pour ce qui regarde les sommes
payées aux différentes communautés de son diocèse.
Ainsi, Monseigneur, si j'avois su le montant de sa gra-
tification et que j'eusse pu encore lui écrire, il auroit
pu, à l'inspection de ma lettre, trouver de l'argent à
Québec, en donnant des rescriptions sur moi à vue.
Permettez, Monseigneur, que j'aie l'honneur de vous
remercier pour M. l'évêque de Québec, et que je vous
supplie en même temps de le faire profiter de la bonne
volonté du roi, au sujet de l'abbaye que Sa Majesté a
paru désirer que M. l'ancien évêque de Mirepoix lui
donnât ; il paroîtra toujours étonnant, à quiconque con-
noît M. l'évêque de Québec, qu'après quatorze ans de
DU MIXISTàRE DE LA MARINE 205
grand vicariat en France, et bientôt quinze d'épiscopat,
sans avoir perdu de vue son diocèse, il soit sans un sol
de revenu (de bien d'Eglise) et que, comme le disait
M. Eouillé de son temps, ce soit, pour ainsi dire, un
évêque à gages, et que l'Etat soit obligé de gi"atifier
pour lui aider à subsister,.,. Je ne sais cependant (et
c'est pour vous seul, Monseigneur, que je hasarde cette
façon de penser), j'ignore s'il seroit avantageux pour
M. l'évêque de Québec que les grâces du roi lui pas-
sassent par la main de M. l'ancien évêque de Mirepoix,
vu le peu de bonne volonté qu'il lui a marqué jusqu'à
présent, et dans la crainte que pressé, et enfin déter-
miné par l'importunité, il n'allât lui donner un béné-
fice de 4 à 5,000 livres de rente qui lui tiennent lieu
de tout, et ne suffisent à rien, eu égard aux prodi-
gieuses dépenses que lui occasionnent l'immense éten-
due et le détail de son diocèse ; je sais ce qu'il m'en
coûte à moi-même pour la simple correspondance.
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 21 juillet 1755.
Monseigneur,
Comme je suis présentement occupé à faire mes
réponses pour la colonie de la Louisiane, d'après les
apostilles que vous avez eu la bouté de faire mettre en
marge de mes extraits sur cette colonie, dès le 7 janvier
dernier, et que j'ai lieu de craindre qu'il n'ait pas été
206 EXTRAITS DES AlîCIIIVES
donné d'ordre sur les différents objets que vous avez eu
la bonté de décider, n'y ayant pas eu de vaisseaux expé-
diés depuis pour la Nouvelle-Orléans, j'ai cru que vous
me permetteriez de vous rappeler les principaux objets
sur lesquels il a paru que vous désireriez vous en rap-
porter aux témoignages de M. le gouverneur et de M.
le commissaire-ordonnateur.
Je vous supplie donc. Monseigneur, de vouloir' bien
vous faire informer par ces messieurs :
l*' De ce qui fait le motif de la division des jésuites
et des capucins dans la colonie, au préjudice du bien
du service et de celui de la religion, à moins que vous
n'aimiez mieux vous en rapporter à ce qui m'en a été
mandé, et donner vos ordres à ce que les capucins se
conforment comme le font les jésuites, aux règlements
faits par M. l'évêque de Québec, sur le fait de la juri-
diction que les capucins refusent de reconnoître dans la
main d'un jésuite, nommé grand vicaire pour la Nou-
velle-Orléans et le cours du fleuve, en remontant jusqu'à
la Mobile... difficulté que ne font pas les jésuites dans
le haut de la colonie, et dans tous les postes des Illi-
nois, où M. l'évêque de Québec les a subordonnés à un
prêtre séculier, supérieur de la mission des Tamarois ou
Kaokias ; je sens bien que tous ces grands vicaires
locaux et établis ad annwm et ad nutum, me sont
subordonnés ; mais je ne pense pas qu'il fût prudent
ni respectueux de rien changer aux arrangements et
règlements de M. l'évêque de Québec, que je suis sim-
plement fait pour maintenir, et auxquels je dois être le
premier à me conformer.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 20,
20 De ce que sont devenus les ordres envoyés depuis
deux ans au sujet des représentations faites à la Cour
par les ursulines, sur la lésion qu'elles souffrent dans
le service qu'elles rendent à l'hôpital, et la dispropor-
tion des charges qu'elles supportent, et de ce que le
roi leur donne pour y subvenir.
Elles mandent dans toutes leurs lettres qu'on ne
leur a communiqué ni leur mémoire ni les observations
de M. Le Normant, ni les ordres de la Cour à ce sujet,
et qu'elles sont toujours dans la souffrance des pertes
que leur occasionne le marché qu'elles ont fait avec le
roi, pour le service de l'hôpital en 1744, surtout depuis
que les charges ont triplé et quadruplé vis-à-vis du
bénéfice que le roi leur accorde, et qui est toujours le
même.... Elles font encore à ce sujet, une nouvelle
représentation qui paroît fondée.... Le roi leur donne
3,600 livres pour douze religieuses, ce nombre suffisoit
alors vis-à-vis des charges à remplù-, elles sont actuel-
lement 17, non compris les 4 que je fais partir cette
année, et elles de\Toient être au moins 24, qui sûre-
ment ne pourroient pas vivre avec 3,600 livres.... Sa
Majesté leur accorde 4,500 livres pour 30 oi"phelines,
elles en ont le double à élever, nourrir et entretenir, la
disproportion est égale et la lésion manifeste, sauf à
vous faire rendi-e compte. Monseigneur, de la vérité
des faits et de l'attention qu'ils méritent.
3° Que ces mêmes ursulines sollicitent depuis long-
temps la permission de faire une petite acquisition de
treize à quatorze arpents de teiTe qui tiennent à une
petite habitation qu'elles ont, et qui leur sont absolu-
ment nécessaires... que vous avez fait mettre en marge
208 . EXTRAITS DES ARCHIVES
de mes extraits, vis-à-vis de cet article, que la dite
permission leur étoit accordée et que vous feriez écrire
en conséquence, Monseigneur, mais que si cet article
est oublié, ces bonnes et saintes filles se trouveront dans
le même état où elles sont depuis dix ans qu'il y a
qu'elles sollicitent cette permission.
4° Que l'hôpital dont parlent les capucins pour le
soulagement des pauvres habitants de la ville peut avoir
son utilité, si MM. les gouverneur et commissaire-
ordonnateur jugent de la possibilité de l'établir, ou
plutôt de le perfectionner, comme de son utilité, dans
l'état même où il se trouve actuellement.
5° Enfin, et une dernière observation à faire, c'est
que l'on se plaint que l'apothicairerie de l'hôpital des
troupes du roi n'est pas suffisamment fournie des
remèdes et médicaments proportionnés au nombre des
malades qui y sont reçus, et qu'à cette occasion il se
présente une nouvelle observation à faire en faveur des
malades qui se trouvent éloignés de la capitale et des
lieux principaux où il y a des hôpitaux, et par consé-
quent des secours publics Que si on les fait trans-
porter dans les hôpitaux,.., ces. mêmes hôpitaux s'en
trouvent surchargés, et que d'ailleurs, ils meurent avant
que d'y être arrivés et transportés, ce qui fait une perte
pour l'Etat et pour la colonie.... Qu'on remédieroit à
ces inconvénients en distribuant des remèdes et médi-
caments aux missionnaires, qui les distribue roient eux-
mêmes chacun dans leur poste, en se conformant aux
instructions qui leur seroient données selon le genre et
l'espèce, des maladies qui surviendroient parmi les
habitants.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 209
Voilà, Monseigneur, les principaux objets que j'ai
cru devoir vous représenter, surtout apprenant que
vous étiez actuellement occupé du travail de la colonie.
Si vous n'avez plus besoin des extraits et différents
mémoires que j'ai eu l'honneur de vous présenter sur
celles de l'Isle Eoyale et de l'Acadie, je vous supplie
de me les faire renvoyer, les gardant tous, du moins
pour mémoire, et comme un journal de chaque année,
auquel j'ai recours dans la circonstance, et le besoin
pour ma propre instruction et ma sûreté dans les
réponses que je fais passer, d'après vos apostilles, aux
différentes colonies.
Monseigneur,
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 30 juillet 175».
La consternation dont je me suis senti frappé à la
nouvelle de la prise de nos deux vaisseaux et des suites
fâcheuses que le public, avide de conjectures, semblait
prendre soin d'en annoncer, m'a ôté en même temps et
le courage et la liberté de vous en écrire.
Je me flatte cependant. Monseigneur, que vous êtes
persuadé de mon zèle pour tout ce qui intéresse votre
gloii'e aussi bien que de mon attachement et de mon
zèle pour l'établissement et le progrès de nos chères
colonies de l'Amérique Septentrionale, depuis vingt-
cinq ans, que j'y consacre, de grand cœur, mes soins et
mes peines, pour ce qui concerne la partie dont je me
14
210 EXTRAITS DES ARCHIVES
trouve chargé sous vos ordres et muni des pouvoirs de
M. l'évêque de Québec.
A entendre le public tout était perdu... la flotte dis-
persée . . . Louisbourg bloqué ... les Aiiglois maîtres de la
rivière Saint-Jean... Une flotte angloise en panne dans
le fleuve Saint-Laurent, et qui nous en disputoit et
nous en empêchoit l'entrée, par conséquent de parvenir
jusqu'à Québec et d'y porter les secours nécessaires...
notre fort de Beauséjour pris et rasé... tous les établisse-
ments qui sont sur ces rivières détruits et dispersés...
risle Saint-Jean prise et ses nouveaux établissements
détruits.... Voilà, Monseigneur, ce qui m'a jeté dans la
consternation dont je vous rends compte au commen-
cement de ma lettre, et ce qui m'a ôté jusqu'à la
faculté de vous épancher mon cœur et de vous marquer
ma douleur.
A qui en veut le public ? ou du moins quelques
particuliers ?..., Quel projet en résulte-t-il pour l'Etat
et la patrie ? qu'une incertitude qui jette l'alarme et
même le découragement dans l'Etat et la nation.
Tout cela se réduit à la prise de deux vaisseaux,
dont l'honorable et la ferme résistance a facilité au
surplus de notre flotte et de notre armement les moyens
de parvenir et de mouiller à Louisbourg.
Si cela est, Monseigneur, notre position» est bien diffé-
rente, nos parages sont en sûreté pour la partie essen-
tielle qui est l'Isle Royale et l'Acadie françoise, qui
sont les deux parties où les Anglois ont porté toutes
leurs forces.
Nos nouveaux établissements subsistent donc encore
sous le fort de Beauséjour, où nous avons sur ces rivières
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 211
{suivant le dernier dénombrement qui m'en a été envoyé)
2,897 habitants, dont 746 portant les armes, vous le
pouvez voir dans nos extraits, Monseigneur, où je vous
en ai rendu compte.
Puisque l'Isle Saint- Jean n'est par prise, nous j avons
3,000, 5 à 600 habitants qui commencent à être bien
établis et qui ne manquent que d'un fort et d'une gar-
nison suffisante pour protéger et défendre leur île de
l'insulte des Anglois.
- Ces 3,000, 5 à 600 habitants forment cinq paroisses
qui ont chacune un missionnaire pour les desservir et
encourager les colons et cultivateurs à se mettre en état
■de subsister par eux-mêmes.
Il n'est pas douteux que ces nouveaux habitants
soient soutenus et animés par le renfort de troupes et
de forces qui leur an-ivent.
D'aUleurs, le plus grand nombre des sauvages qui nous
sont alliés : les Canibas, les Abénakis, les Maréchites,
les Micmacs et le plus grand nombre de ceux du con-
tinent, à qui ces premiers ont envoyé des colliers et
déclarer la guerre à l'Anglois, se trouveront également
animés, encouragés et soutenus par les secours que la
France leur porte.
Peut-être, Monseigneur, que j'aime à me flatter, mais
j'aime encore mieux porter dans ce second excès que
dans le premier ; d'ailleurs rien n'est plus dangereux
que de jeter l'alarme et l'inquiétude dans le public.
Ainsi, pardonnez-moi ma confiance et la bonne opinion
que j'ai de nos succès, je les remets de plus sous la
protection de Dieu et j'espère qu'il ne nous aljandon-
nera pas.
212 EXTRAITS DES ARCHIVES
Je viens de recevoir une lettre de La Rochelle dans
le moment et de M. D'Abbadie, qui m'annonce le
départ de nos quatre religieuses et d'un jésuite qui
les accompagne sur un vaisseau parti le 19, du port de
Eochefort pour la Nouvelle- Orléans, ce qui prouve,
dans les circonstances présentes, de la part de ces
bonnes et saintes filles, la constance de leur courage et
la force et la certitude de leur vocation. Dieu veuille
leur procurer une heureuse traversée et permettre
qu'elles se rendent à leur destination.
Copie d'une lettre écrite à M. l'abbé de l'Isle-Dieu,
par M. Le Loutre, prêtre missionnaire de l'Acadift
franco] se, sous le fort Beauséjour... sous le nom de
Joseph Desprez... en date du 22 septembre 1755, de
Plymouth :
Monsieur,
J'ai été pris et conduis dans ce port. Comme on ne
m'a pas permis d'aller à terre je ne puis vous dire ce
que je deviendrai, ni vous dire où je serai, mais je vous
prie de me faire tenir de l'argent, j'en manque totale-
ment, et de travailler à procurer ma liberté; j'espère
que vous ferez pour moi toutes les démarches néces-
saires, vous verrez M. de Machault et M. de Mirepoix,
mon adresse à M. Desprez, pris par la frégate l'Embus-
cade, et conduit à Plymouth, par le vaisseau du roi,
DU iUXISTÈKE DE LA iLVRINE 213
l'Oxford ; vous voyez par là qu'il faut s'adresser à un
quelqu'un bon négociant qui fasse toutes les démarches
pour me trouver.
Je suis, etc.,
J.-L. Desprez.
T. S. V. P.
En face, il est écrit :
" Lettre de M. Le Loutre pris et retenu à Plymouth,
" Monseigneur le garde des sceaux est supplié de lire
" la copie de sa lettre, tant à la première page qu'au
" revers, où se trouvent les différentes inscriptions de
" la susdite lettre. "
Au revers :
" L'inscription de la lettre en l'autre part est de
Monsieur l'abbé de l'Isle-Dieu, au séminaire des mis-
sions étrangères, rue du Bacq, faubourg Saint-Germain,
à Paris.
" Au revers de la lettre et du côté du cachet est
l'inscription suivante, et d'une écriture différente telle
qu'elle est ci-après figurée :
Sous couvt de V. Ths
P. M. P. Siioon
à Lond 29e sept."
214 EXTRAITS DES ARCHIVES
M. l'abbé DE L'ISLE-DIEU
A Paris, le 4 octobre 1755.
Monseigneur,
J'ai une bien mauvaise nouvelle à vous apprendre,
mais j'ai cru ne pouvoir trop tôt vous en informer.
En partant mercredi matin pour la campagne, j'ai eu
l'honneur de vous rendre compte de ce qui s'était passé
à la prise du fort de Beauséjour, d'après le détail que
j'en avais reçu d'un missionnaire aumônier de la gar-
jiison.
J'ai trouvé hier au soir, vendredi, à mon retour, une
lettre de Plymouth, datée du 22 7^""^ et signée J.-L.
Desprez,
Ce J.-L. Desprez est M. Le Loutre, prêtre et pre-
mier missionnaire de l'Acadie françoise sous le fort de
Beauséjour, dont j'ai eu l'honneur de vous parler. Mon-
seigneur, dans ma dernière lettre.
J'ai celui de vous adresser copie de la sienne datée
de Plymouth, du 22 septembre dernier, avec l'inscription
sous laquelle elle m'est adressée, et une seconde inscrip-
tion au revers de la susdite lettre et du côté du cachet.
Comme ce missionnaire n'est pas connu de vous,
Monseigneur, vous pouvez vous en informer à M. de
La Porte, et même à M. de Eouilly, l'un et l'autre le con-
noissent du côté du zèle et de l'intelligence, et savent
également l'utilité dont il a été à la colonie depuis près
de 20 ans.
Vous verrez par sa lettre. Monseigneur, qu'il a été pris,
conduit au port de Plymouth, et qu'il est absolument
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 215
sans ressources, quoiqu'il soit bien digne des secours et
de la protection de la Cour.
J'ai cru devoir commencer par vous en donner avis,
Monseigneur, après quoi (et si vos grandes préoccupa-
tions ne vous perraettoient de m'hpnorer d'un mot de
réponse) je vais mettre tout en œuvre pour procurer
quelque secours à ce saint et vertueux missionnaire,
qui a également bien mérité de l'Etat et de la religion
(quand je devrais emprunter et vendre une partie de
mes livres pour faire honneur à mes engagements, à son
profit, et pour le soulager dans sa détention et vis-à vis
de la détresse où il se trouve), je vous demande en grâce,
Monseigneur, de pourvoir à sa sûreté.
Quant à ses besoins, je vous supplie de me faire
informer de ce que vous aurez la bonté de faire en
sa faveur, et de m'indiquer vous - même la route
que je dois tenir pour lui procurer du pain, quand ce
devroit être aux dépens de mes propres et plus pres-
sants besoins, n'en connoissant point que je puisse pré-
férer aux siens ...je me croirois trop heureux de me
priver du plus nécesssaire pour soulager un aussi bon
serviteur de l'Etat et de la religion.
Il me mande de vous informer de sa situation, et
d'en parler à M. de Mirepoix Je suppose que c'est à
M. le duc, et non à M. l'ancien évêque de ce nom, car
quand le second vivroit encore, il ne nous seroit pas
d'une gi'ande ressource ni disposé à mieux traiter
les missionnaires de ce diocèse que leur évêque.
Je n'ai pas cru devoir écrire à M. le duc de Mirepoix
sans avoir, sur cela, reçu vos ordres ; j'ai pensé qu'il
valoit mieux réunir en vous toute ma confiance et mes
216 EXTRAITS DES ARCHIVES
espérances en faveur de ce respectable et vertueux
ecclésiastique.
Je vous supplie, Monseigneur, de ne pas me laisser
ignorer ce que vous voudrez ])ien faire pour lui, il est
bien digne de toutes vos bontés et des secours que vous
voudrez bien lui procurer, tant pour sa liberté que pour
sa subsistance.
Je vous les demande avec la dernière instance pour
lui.
M. LABBÉ DE l'iSLE-DIEU
A Paris, le 8 octobre 1755.
Monseigneur,
En conséquence de votre dernière lettre datée du 5
et que j'ai reçue hier mardi, 7 du courant, je me rendis
dans le moment chez M. KoUy, banquier, rue Vivienne,
pour y concerter avec lui la lettre qu'il devait écrire,
et qu'il écrivit sur le champ à un Imnquier négociant
de Londres (M. P. Simon), qui se trouvait même indiqué
par M. Le Loutre, puisque sa lettre étoit parvenue du
port de Plymouth à Londres sous le couvert du susdit
M. P. Simon, qui me l'avait fait passer de Londres à
Paris.... J'ai pris la précaution de couper la signature
de la lettre de M. Le Loutre (signée J.-L. Desprez) et
de l'insérer dans celle de M. Kolly à Monsieur P. Simon,
correspondant de Londres, afin qu'il n'y ait ni méprise
de sa part, ni surprise d'un tiers.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 217
Avant que de recevoir la réponse dont vous m'avez
honorée, Monseigneur, je m'étais déjà informé de M.
P. Simon, et on m'en avoit dit beaucoup de bien pour
l'intelligence et l'exactitude D'ailleurs il est à présu-
mer que M. Le Loutre qui a déjà été plusieurs fois en
Angleterre, le connoît, puisqu'il lui a adressé sa lettre
pour mêla faire passer Le seul inconvénient qui
reste à craindre c'est que notre cher prisonnier n'ait été
transféré depuis le 22 7^^^ (date de sa lettre) et que
M. P. Simon n'ait de la peine à le décou^Tir. Yoilà,
Monseigneur, toutes les précautions que j'ai pu prendre,
il ne me reste plus qu'à vous supplier de pourvoir à la
sûreté et à la liberté de notre cher missionnaire, dès
que les circonstances le permettront.... J'ignore com-
ment et où il a été pris, j'avais eu l'honneur de vous
mander d'après la lettre de l'aumônier de la garnison
de Beauséjour qu'il en étoit sorti un quart d'heure avant
que les Anglois y entrassent et qu'ils l'y avaient fait
beaucoup chercher.
Il y a toute apparence qu'ils l'ont fait suivre dès
qu'ils ont su qu'il prenoit sa route vers Québec, ou que
si il y est arrivé, il a voulu repasser en France, sur
quelque vaisseau parti de ce port et pris par les
Anglois dans la traversée ; mais il n'y a sur cela que
des conjectures à former, jusqu'à ce qu'on ait de lui
un plus grand détail, que je ne manquerai pas de vous
faire passer, Monseigneur, dès qu'il sera parvenu jus-
qu'à moi.
Si vous ignorez, Monseigneur, le sort du vaisseau
sur l'^.quel nos trois missionnaires séculiers, et le Père
Ambroise, récollet et curé de Louisbourg, sont partis
218 EXTRAITS DES ARCHIVES
du port de Eochefort, dans le courant de juillet der-
nier pour Louisbourg, en voici le détail en peu de
mots, d'après la lettre que m'écrit le Père Ambroise,
récollet, en date du 22 août.... Il me mande qu'ils sont
amvés le 18 à la vue du port de Louisbourg et que
quoiqu'ils l'aient trouvé bloqué, ils y sont entrés sains
et saufs, par une espèce de prodige.... Il m'ajoute que les
trois prêtres séculiers, trouvant les postes qu'ils dévoient
occuper, dérangés par la prise de Louisbourg, dévoient
passer à Québec, par le premier vaisseau qui partiroit
de Louisbourg, pour ce port, se trouvant inutiles à
Louisbourg, et pouvant devenir utiles à Monseigneur
l'évêque de Québec, qui pourra facilement les faire
repasser dans les postes de notre Acadie françoise, pour
lesquels ils étoient destinés, s'il se fait quelque arran-
gement de pacification et de cantonnement entre les
deux couronnes.
J'espère, Monseigneur, que vous approuverez le
parti qu'ont pris ces trois zélés et vertueux mission-
naires qui, suivant la lettre du Père Ambroise, doivent
être partis de Louisbourg pour Québec le 24 ou le 25
de septembre ; à moins que la prudence de MM. de
Drucourt, de Franquet et Prévost n'en ait jugé
autrement.
Il m'a paru par la lettre du Père Ambroise que ses
supérieurs avoient pris la précaution de rappeler en
France deux religieux qu'ils auroient dû y faire repas-
ser depuis longtemps ; il y en a bien encore quelqu'un
mais qui, se trouvant seul de son genre et de son carac-
tère, sera plus facile à ramener à la régularité de son
état et à l'exactitude de ses fonctions et de son minis-
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 219
tère.... D'ailleurs le Père Ambroise, actuellement supé-
rieur et curé, est un homme doux et liant, qui a tou-
jours bien vécu avec tous les prêtres séculiers. Ainsi,
il faut espérer qu'on verra revi\'re, dans cette colonie,
l'union, la paix et la bonne intelligence, pour le bien
même du service, et au profit de l'édification publique.
M. l'abbé DE L'ISLE-DIEU
A Paris, le 10 octobre 1755.
Monseigneur,
Il n'est plus douteux que ça été sur mer que M. Le
Loutre a été pris, et dans la travereée de Québec en
France.
J'avois eu l'honneur de vous informer, Monseigneur,
qiie cet ecclésiastique étoit sorti de Beauséjour le jour
même que les Anglois y étoient entrés, et qu'il avoit
pris la route de Québec par teiTe.
Je vois qu'il est arrivé sans accident à en juger par
une lettre de Madame la marquise de Vaudreuil, qui
m'annonce le départ de cet ecclésiastique pour se rendre
en France.
Le départ de cet ecclésiastique (de Québec) m'est
d'ailleurs confirmé par une lettre que je reçus hier de
M. Bigot, pour lui, et qu'il lui adi-esse en France.
Si la fréquence de mes lettres vous importunoit.
Monseigneur, je vous supplierois de me le faire dire ...
220 EXTRAITS DES ARCHIVES
jusque là je me croirai oblige de vous informer exacte-
ment et à temps de tout ce que j'apprendrai de particu-
lier dans les circonstances présentes.
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 29 septembre 1755.
Monseigneur,
Je viens de recevoir dans le moment une lettre du
missionnaire qui étoit aumônier de la garnison de Beau-
séjour, lorsque ce fort a été pris par les Anglois.
Sa lettre est datée du 9 juillet, et de Louisbourg, où
il me mande que la garnison de Beauséjour est sortie
de ce fort, après 16 jours de tranchée et d'attaque très
rigoureuse, et avec des forces supérieures aux nôtres,
surtout vis-à-vis de la conduite qu'on tenue nos
Acadiens établis sous le susdit fort, et les sauvages qui
n'ont pas fait si bonne contenance qu'on espérait.
Ce missionnaire m'ajoute que M. Eouillé est passé
en France pour apporter le détail à la Cour, ainsi
je ne vous en ferai pas de plus ample. Monseigneur,
surtout n'ayant encore reçu que la lettre de ce mis-
sionnaire qui me mande que le jour même de la date
de sa lettre, il s'embarque pour passer de Louisbourg à
Québec avec la garnison du fort de Beauséjour qui en
étoit sortie avec les honneurs de la guerre et avoit été
conduite à Louisbourg aux frais du roi de la Grande-
Bretagne.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 221
L'essentiel de ma lettre, Monseigneur, est de vous
informer du sort du premier et principal missionnaire
que nous avions sur nos nouveaux établissements, sous
le fort de Beauséjour (M. Le Loutre).
On me mande que les Anglois l'ont beaucoup cherché
en entrant dans le fort, et, qu'à en juger par la perqui-
sition exacte et aAàde qu'ils en ont faite, ils paroissent
disposés à lui faire un mauvais traitement... mais heu-
reusement il en étoit sorti un quart d'heure auparavant
et avoit pris et dirigé sa route vers Québec, où il doit
être actuellement.
Ce missionnaire (M. Le Loutre) avoit heureusement
pris la précaution de confier tous ses papiers, mémoires,
plans et instructions de la Cour, à un particulier, qui
me mande les avoir remis à M. de Yillejoin, comman-
dant de l'Isle Saint-Jean, et assez à temps pour n'en
avoir pas été ti'ouvé saisi, puisqu'il a été arrêté depuis
sur les simples soupçons qu'on avoit de lui, et ensuite
relâché.
Ce même habitant me mande que M. de Villejoin a
fait passer tous les papiers de M. Le Loutre à un M. de
^lanach, missionnaire des sauvages Micmacs, qui se
sont retirés à Eemchick depuis la prise de Beauséjour,
et où ils sont plus en sûreté qu'ils ne l'auroient été au
port La Joye (fort de l'Isle Saint-Jean), où commande
M. de Villejoin, s'il venoit à être attaqué.
Il m'a toujours paru d'autant plus important, que
les mémoires, papiers et instructions de M. Le Loutre,
ne tombassent pas entre les mains des Anglois, qu'il
était l'auteur et le chef de tous les établissements que
nous avions sous le fort de Beauséjour, et sur ses
222 EXTRAITS DES ARCHIVES
rivières, et qiie l'indignation des Anglois contre ce mis-
sionnaire, auroit bien pu rejaillir sur les autres mission-
naires qui nous restent encore dans ces parages, au lieu
que par la capitulation même, on me mande qu'il fût
permis aux habitants de rester dans leurs habitations, d'y
exercer librement leur religion et d'y avoir autant de
missionnaires qu'ils en pourroient entretenir... du moins
on me le mande, et M. Rouillé vous donnera, sans
doute sur cela, tous les éclaircissements nécessaires sur
ce qui s'est passé depuis la prise de Beauséjour jusqu'à
son départ de Louisbourg.
On m'a remis, Monseigneur, et même envoyé de
l'imprimerie royale, l'ouvrage de MM. les commissaires
du roi sur les limites de l'Acadie, dont j'ai déjà prié
M, de La Porte de vous en marquer ma très respec-
tueuse reconnaissance.
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 15 septembre 1755.
Monseigneur,
Nous voilà à la veille ou surveille du départ de la Cour
pour Fontainebleau ; me seroit-il permis de vous rap-
peler la situation de Monseigneur l'évêque de Québec
et le besoin qu'il a non seulement de la gratification
que vous lui avez obtenue, mais d'avoir part aux
grâces du roi dans la première nomination des bénéfices
vacants qui se fera.
DU MINISTERE DE LA MARINE 221
Il faut espérer que Son Eminence Monseigneur le
cardinal de La Eochefoucault sera mieux intentionnée
pour lui que feu M. l'ancien évêque de Miiepoix.
Vous savez, Monseigneur, que dès 1753 le roi fit dire
à M. l'ancien évêque de Mirepoix, par M. Eouillé,
qu'il vouloit qu'on donna un abbaye à M. l'évêque de
Québec... quatorze ans de grand vicariat en France....
bientôt quinze ans d'épiscopat dans le nouveau monde
le rendent bien digne des grâces du roi dans l'espèce
de celle que je sollicite pour lui.
Tous m'avez paru bien disposé. Monseigneur, en sa
faveur, vous êtes instruit des intentions du roi à son
égard ... vous connoissez l'utilité dont il est dans son
diocèse, non seulement pour ce qui concerne son minis-
tère, mais pour le bien du service ; j'ignore si vous avez
trouvé l'occasion d'en parler à S. E. Mgr le cardinal de
La lîochefoucauld.
Si vous daignez, Monseigneur, m'houorer d'un mot
de lettre qui m'autorisât à le faù'e, je me présenterois à
son audience, et je ne perdrois aucune occasion de lui
représenter les besoins instants de M. l'évêque de
Québec (plus pressants encore pour son diocèse que
pour lui), car pour sa dépense personnelle il lui est aisé
d'y satisfaii'e par la sobriété dont il vit, lorsqu'il ne
s'agit de rejirésentations indispensables pour le bien du
service.
Je n'ose plus, Monseigneur, vous parler de différents
articles de mes dernières lettres ; si cependant je ne
craingnois de vous importuner, je vous demanderois un
ordre pour qu'on me déli\Ta rou\Tage de MM. les com-
missaires du roi sur la question des limites ...je suis
224 EXTRAITS DES ARCHIVES
informé qu'on le délivre au public... nous sommes
inondés de petits ouvrages fugitifs sur cette question,
j'avoue que je serois bien aise d'en trouver la réponse
dans leur source, et dans les titres mêmes sur lesquels
les Angiois imaginent de fonder leurs vagues prétentions.
Cette matière a été traitée d'une manière si concluante
(contre les Angiois) que je serois bien aise de revoir ce
que MM. les commissaires du roi leur opposent, et la
manière dont ils combattent et détruisent leur système,
dont les preuves mêmes militent contre leurs préten-
tions.
Pardonnez-moi, je vous prie, cette curiosité de citoyen
et de patriote.
M, l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 3 9bre 1755.
Monseigneur,
Il m'a paru qu'il étoit de mon devoir et de ma recon-
noissance de vous informer de l'effet qu'avoit eu la
lettre que M. KoUy, banquier de Paris, avoit écrite à
M. Simon, banquier de Londres, son correspondant.
Vous en jugerez vous-même, Monseigneur, par la
lettre de M. Le Loutre, sous le nom de J.-L. Desprez,
que je reçue hier, 2^°^® du courant, dont je joins ici la
copie figurée (cette lettre m'est parvenue par la poste,
sous l'adresse suivante) : à Monsieur l'abbé de l'Isle-
Dieu, au séminaire des Missions Etrangères, faubourg
Saint-Germain, rue du Bacq, à Paris.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 225
Il paroît, ou du moins, il y a lieu de présumer, Mon-
seigneur, que ce bon et vertueux missionnaire a reçu
les 500 livres que vous avez ordonnées à M. Kolly de
lui faire compter, et il paroît bien disposé à ménager
cette petite ressource, qui lui étoit extrêmement néces-
saire dans la détresse où il se trouvoit, mais il paroît
également qu'il est toujours à bord du vaisseau l'Oxford,
dans le port de Plymouth, sans pouvoir aller à terre...
s'il étoit possible de lui procurer cette liberté, cela lui
feroit grand plaisir, jusqu'à ce que les circonstances
plus favorables permettent de lui procurer son entière
liberté... je crois même, Monseigneur, que vous en
pourriez tirer des éclaircissements très utiles (s'il étoit
en France) par la parfaite connoissance qu'il a de
l'Acadie, et des propriétés et possessions respectives des
deux couronnes, dans cette colonie.... Je vous supplie,
du moins. Monseigneur, de ne le pas oublier, et de
le regarder comme un excellent sujet du roi, qui a
toujours bien mérité de l'Etat et de la Eeligion.
J'ignore, Monseigneur, les mesures que vo\is avez
prises au sujet des capucins de la Nouvelle-Orléans....
Je suppose cependant que (comme j'avois pris la liberté
de vous en supplier) vous avez eu la bonté de donner
vos ordres à M. de Kerlerec, gouverneur, et à M. D'Au-
berville, commissaire-ordonnateur de cette colonie, à
l'effet d'être informé par eux de la vérité des faits, et
des charges et plaintes respectives.
Les capucins ont répandu un libelle imprimé qui
m'est enfin parvenu. ... J'y ai vu avec douleur toutes
les faussetés qui y sont témérairement avancées.
15
226 EXTRAITS DES ARCHIVES
Les jésuites de France qui en ont eu connaissance
sont venus me trouver, et me demander ce qu'ils avoient
à faire, ... Je leur ai conseillé de rester tranquilles, et de
s'en rapporter aux mesures de prudence que vous aviez
prises, et aux ordres que vous aviez donnés à ce sujet,
vous ayant supplié de vous faire informer sur les lieux,
de la vérité des faits et des charges.
Pendant ce temps-là, Monseigneur, j'ai cru cependant
devoir rassembler sous un seul point de vue, tout ce
qui s'est passé depuis l'avènement de M. de Pontbriant,
à l'évêché de Québec, j'y joins :
l*' L'arrangement fait par M. l'évêque de Québec
pour le nouveau gouvernement spirituel de cette colo-
nie Les motifs qui l'y ont porté, avec l'attachement
et l'agTément de M. le comte de Maurepas, alors secré-
taire de la marine.
2° L'article de l'hôpital militaire décide n'appartenir
ni aux jésuites ni aux capucins, mais laissé au choix
du gouvernement, pour en confier par eux la desserte
spirituelle à ceux des deux ordres religieux qu'ils en
jugeront les plus dignes et les plus capables.
J'ai sur cela, entre les mains, toutes les lettres de M.
le comte de Maurepas et de M. de La Porte, et c'est en
conformité d» ces mêmes lettres que M. de Vaudreuil
s'est conduit, et depuis lui, M. de Kerlerec de concert
avec M. D'Auberville, comme M. de Vaudreuil l'avoit
fait de son temps avec M. Michel et avant eux M. de
Bienville et M. de Salmon.
Il me revient de plusieurs endroits, Monseigneur,
qu'il doit passer cette année quatre nouveaux capucins
à la Louisiane avec le Père Hilaire, que des confrères
DU MNISTÈRE DE LA MARINE 227
avoient député en France pour y exposer leurs plaintes
et y soutenir leurs prétentions, telles qu'elles sont expo-
sées et déduites dans leur mémoire.
S'il est vrai. Monseigneur, que vous ayez accordé et
approuvé le passage de ces saints religieux, je n'ai rien à
dire ; mais comme ils n'ont pris aucuns pouvoù's ni
aucunes approbations de moi (n'en ayant pas même
entendu parler, non plus que du Père HUaire), et qu'ils
ne veident point reconnoître la juridiction du grand
vicaire, nommé pour la Nouvelle-Orléans, par Mgr
l'évêque de Québec, Us prétendent apparemment décider
la question par eux-mêmes, et par voie de fait, être
indépendants de l'ordinaire, se donner pour mission-
naires apostoliques, et ne reconnoître que la mission du
Pape, qu'ils n'ont pas, et qui d'ailleurs ne pourroit avoir
lieu dans un évêché en titre, au préjudice des droits et
de la juridiction de l'ordinau-e. D'ailleurs encore. Mon-
seigneur, l'intention de M. l'évêque de Québec, dans ses
an'angements en partant pour son diocèse, a été qu'il
ne partit de France, aucuns missionnaù-es séculiers ni
réguliers pour les différentes colonies de son diocèse,
qu'ils n'eussent été vus, examinés et approuvés par son
vicaire général en France (arrangement concerté avec
la Cour, et approuvé par M. le comte ^e Maurepas,
suivant que ses différentes lettres à ce sujet en font foi).
Je m'acquitte sur cela, Monseigneur, des différentes
représentations que M. l'évêque de Québec me repro-
cheroit tôt ou tard de ne vous avoir pas faites, et
d'aiQeurs l'usurpation d'une juridiction que les capucins
n'ont pas, et que M. l'évêque de Québec n'a pas eu
intention de leur accorder depuis son avènement à l'épis-
228 EXTRAITS DES ARCHIVES
copat, mettroit les sujets du roi en souffrance, ce qui
est déjà arrivé dans les deux derniers mariages qui se
sont faits, sur la fin de l'année dernière par les capucins,
et sur des dispenses qu'ils ont accordées, sans en avoir
le pouvoir ni la juridiction.
Sans des raisons aussi importantes, Monseigneur, et
des représentations aussi nécessaires à vous faire, je
n'aurois pas pris la liberté de vous importuner, je ne
suis pas assez jaloux d'une juridiction qui me pèse, pour
le moins autant qu'elle m'honore, surtout vis-à-vis de
mon âge, de mes infirmités et des dépenses qu'elle m'oc-
casionne, au dépens de mon propre nécessaire, depuis
vingt-cinq ans, mais je ne dois pas me plaindre quand
on laisse, depuis bientôt quinze ans M. l'évêque de
Québec, sans pain, ou du moins, pour toute ressource,
vis-à-vis d'une simple pension modique sur l'économat
et réductible à volonté.
A bord du vaisseau de guerre l'Oxford,
ce if4 octobre 1755.
Monsieur,
J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de
m'écrire en date du 7 du mois courant.
Je vous suis obligé de votre attention, et vous pouvez
être persuadé que je ne prendrai l'argent que pour le
pur nécessaire, je vous prierai cependant de donner
ordre pour tout ce dont je pourrois avoir besoin, en cas
qu'il fallût un cautionnement pour me i^rocurer une
DU ^UXISTÈRE DE LA iLA^RINE 229
honnête lil^erté. Comme vous savez mieux que moi ce
qu'n faut faire et que vous connoissez les personnes
auxquelles U faut s'adresser, je ne vous nommerai plus
personne, mais je vous prie d'agir sans relâche, forte-
ment et avec confiance, car je n'ai commis aucun crime.
Je suis, etc.,
J.-L. Desprez.
Pour copie.
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 18 9bre 1755.
Monseigneur,
]M. Kolly me fit remettre hier une lettre ouverte (et
qui paroît n'avoir point été cachetée) de ]M. Le Loutre,
et il me mande qu'il en a envoyé copie à M. de La Porte,
qui, sans doute, vous l'aura déjà communiquée. Ainsi,
j'ai cru inutile de vous en envoyer une nouvelle copie,
mais j'y vois avec une gi'ande douleur et une inquiétude
égale pour le sort de notre cher missionnaire, qu'il a été
reconnu et transféré du port de Plymouth dans celui de
Portsmouth à bord du vaisseau le Royal George, avec
aussi peu de Kberté qu'il en avoit à Plymouth à bord
du vaisseau l'Oxford.
L'ne nouvelle circonstance augmente encore mon
inquiétude, je vis hier une dame qui, venant du Cap,
avec un enfant de trois ans, avoit été prise sur mer et
conduite à Plymouth, (elle s'appelle Madame de Lan,
230 EXTRAITS DES ARCHIVES
et loge à Paris, rue Salleaucomte (?), chez M. Modelle,
marchand d'étoffes d'or).
Dans une assez longue conversation que j'ai eue
avec elle, elle m'a rendu un compte exact du traite-
ment qui lui avait été foit, et de tout ce qui s'étoit
passé à son égard, et au sujet des autres passa-
gers de qui on a retenu tous les effets, elle y perd elle-
même 12 à 1,300 livres, mais on leur a donné à tous la
liberté de repasser en France, et on a fait conduire notre
cher missionnaire de Plymouth à Portsmouth.
Je me suis exactement informé si on avoit envoyé
quelque passager du port de Plymouth (ce qui seroit
encore de plus mauvais augure pour notre cher prison-
nier), mais je n'ai pu rien découvrir.
Vous verrez par sa lettre. Monseigneur, le traitement
qu'on lui a fait dans les premiers jours qu'il est arrivé
à Portsmouth, à bord du vaisseau le Eoyal George, et
les démarches qu'il a faites pour avoir la liberté d'aller
à terre.
Vous verrez également. Monseigneur, par la copie de
la lettre de M, P. Simon, correspondant de M. Kolly,
les notes qu'on a données à la Cour d'Angleterre contre
M. Le Loutre.... Permettez donc, je vous supplie, que je
réclame en sa faveur, de votre protection, tout ce que
les circonstances présentes vous permettront de faire
pour lui.... J'ignore encore s'il a reçu les 500 livres que
vous lui avez accordées, quoique j'eusse lieu de présu-
mer de sa dernière lettre ; mais il me paroît que le
correspondant de M. Kolly lui a adressé une lettre
de crédit à Portsmouth, ayez en pitié, je vous en con-
DU MINISTÈRE DE L\ MA.RIXE 231
jure, Monseigneur ... on peut vous certifier de plus
d'une part, en ce pays-ci, qu'il a assez bien mérité de
l'Etat et de la Eeligion, pour n'être pas abandonné.
M, l'abbê de l'isle-dieu
A Paris, le 29 9bre J755.
Monseigneur,
Je reçus hier au soir une lettre particulière de
Louisbourg, en date du 26 octobre dernier, et qui m'est
venue par Saint-Malo, ce qui me fait juger qu'il j est
arrivé un vaisseau venant de Louisbourg.
Cette lettre m'annonce que nous n'avons plus de
missionnaires dans l'intérieur de l'Acadie angloise,
c'est-à-dire dans la péninsule, et que trois (savoir MM.
Daudin, Le Cliau^Teux et Lemaire qui étoient à Port-
Eoyal et aux Mines) ont été enlevés et conduits à Chi-
bouctou ou Halifax, sans qu'on n'en ait pu avoir des
nouvelles depuis.
Il y en avoit un quatrième nommé M. Des Enclaves,
dont on ne me parle point. Il avoit quitté depuis deux
ans Port-Royal et s'étoit retiré auprès de quelques
habitants Acadiens-françois, dans la partie de l'Est, au
Cap de Sable, j'ignore ce qu'il est devenu.
On me mande également que les Auglois ont chassé
ce qui restoit encore d' Acadiens-françois dans la partie
de la péninsule qu'ils habitoient, et qu'ils les ont réduits
à la dernière misère .... Ils y auront apparemment
232 EXTRAITS DES ARCHIVES
substitué des colons et cultivateurs anglois, qui auront
trouvé la nappe mise, et qui auront pu profiter du
travail et des cultivations de nos pauvres Acadiens-
françois, aussi bien que de leurs effets morts et vifs....
Il restoit encore dans cette partie (suivant le dernier
dénombrement qu'on m'en a envoyé) 6,345 habitants.
On m'ajoute que depuis que les Anglois se sont
emparé de la rivière Saint-Jean, où nous avons plus de
2,500 habitants, nouvellement établis sur de bonnes
terres, ils en ont chassé les missionnaires, et qu'ils mal-
traitent beaucoup ces mêmes habitants.
Le missionnaire, qui étoit depuis quelques années
chargé de 2,897 habitants bien établis, sur les rivières
de Chipoudy, retkoudiak et Memramcouk, sous le fort
de Beauséjour, a pris le parti de se retirer à Québec, sur
la nouvelle qu'il a eue que les Anglois vouloient le
faire arrêter.
On me mande rien de l'Isle Saint-Jean, où nous avons
(suivant les derniers dénombrements) plus de 3,000
habitants qui commencent à se bien établir, en cinq
paroisses, qui ont chacune un missionnaire, y compris
celui du fort nommé La Joye.
Il paroît qu'on craint la disette à Louisbourg par le
défaut de communication avec ceux de nos postes qui
pourroient contribuer à son approvisionnement.
Je n'ai point eu de nouvelles du pauvre M. Le
Loutre depuis le 10 du courant, je le crois toujours à
bord du vaisseau le Royal George, dans la rade de
Portsmouth, où je le crois fort maltraité, suivant qu'il
me le mandoit par sa dernière lettre .... Je sais cepen-
dant que sur les lettres de M. Kolly, M. P. Simon, son
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 233
correspondant à Londres, lui a fait passer une lettre de
crédit pour Portsmouth, comme il en avoit une ci-devant
poiu" Plymouth.
M. l'abbê de l'isle-dieu
A Paris, le 15 Xbre 1755.
Monseigneur,
Quoique j'ignore si vous approuvez mon exactitude
à vous informer de tout ce que j'apprends de nos colo-
nies, je crois cependant devoir continuer jusqu'à ce
que vous m'ayez fait donner des ordres contraires.
Il faut, Monseigneur, qu'il soit arrivé un nouveau vais-
seau à Saint-Malo, il y a aujourd'hui huit jom-s (lundi
8 du courant).... J'avais eu l'honneur de vous mander,
par ma dernière lettre. Monseigneur, que le gouverne-
ment anglois avoit fait an-êter (le 7 août dernier) ce qui
restoit encore de missionnah-es dans la péninsule de
leur Xouvelle-Ecosse, et qu'il les avoit fait conduire
dans les prisons.
Je vois par une lettre qvie j'ai reçue hier au soir,
datée du 9 et d'un M. Daudin, ci-devant curé dans le
diocèse de Sens, et, depuis 1753, missionnaire dans
l'Acadie angloise où il desservoit Port-Eoyal et les
postas voisins, qu'il est anivé la veille, le 8, à Saint-
Malo, avec un de ses confi'ères, nommé M. Le Chau-
"VTeux, ancien missionnaire aux ^lines, qui a eu le
même sort que lui.
234 EXTKAITS DES ARCHIVES
Ce missionnaire m'écrit fort brièvement, et ne me
parle point de deux autres missionnaires (M. Des
Enclaves et M. Lemaire) qui étoient avec lui dans le
gouvernement anglois, ainsi j'ignore ce qu'ils sont
devenus... il me dit seulement qu'il se rendra inces-
samment à Paris pour me faire le détail de la
position actuelle de l'Acadie, et de ce qui s'y est passé
depuis ses dernières lettres ; mais qu'il est obligé de
partir pour Eennes, où, suivant qu'il me le mande, il a
dû arriver samedi dernier, 13 du courant, et d'où il se
rendra à Nantes, et de Nantes à Orléans par la Loire, si
elle est praticable, j)oiir y déposer son confrère M,
Le Chauvreux, qui y trouvera apparemment sa famille
ou des amis pour l'y recevoir, et lui donner les secours
que son âge et ses infirmités lui rendent nécessaires et
même indispensables.
Je compte donc, Monseigneur, que M. Daudin se
rendra à Paris au plus tard dans les premiers jours de
janvier, et peut-être même auparavant, mais j'ignore
encore de quoi je l'y ferai subsister n'y ayant ni faculté,
ni famille, et c'est un homme à conserver, si les choses
prenoient une autre forme.... Il a quitté une cure de
1,600 livres pour se consacrer à l'œuvre de nos missions,
et la conduite qu'il y a tenue fait son éloge à tous
égards, et du côté du zèle et de celui de la prudence...
c'est même le seul des quatre qui étoient sous le gou-
vernement anglois, sur qui on puisse compter, les trois
autres étant infirmes ou consumés de travail et d'années.
J'aurai l'honneur de vous présenter M. Daudin lors-
qu'il sera rendu à Paris, si vous le jugez à propos,
Monseigneur, où je vous ferai passer l'extrait du détail
1
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 235
qu'il m'aura fait.... Si vous daignez avoir quelques
bontés pour lui, et lui procurer quelques petits secours
de subsistance jusqu'à ce qu'on puisse lui laisser
prendi-e un autre parti, je vous supplie de m'adresser
vos ordres à ce sujet, et de me pardonner l'importunitë
que je vous cause ; j'imagine cependant que vous ne
blâmerez pas mon zèle pour des hommes aussi respec-
tables, et qui ont tout sacrifie, exposé même leur vie,
pour le bien du ser\-ice de l'Etat et de celui de la
Eeligion.
J'ai enfin reçu des nouvelles de M. Desprez Le Loutre,
sa lettre est du 3 du courant.... Il est toujours à la rade
de Portsmouth, à bord du vaisseaii le Royal George,
sans permission d'aller à terre, cependant moins dure-
ment traité qu'il ne l'a voit été auparavant.
J'aurai l'honneur de vous adresser la copie exacte et
figurée de sa lettre, si vous le jugez à propos, Monsei-
gneur.... * Elle contient la nouvelle requête qu'il a pré-
sentée aux chefs de l'Amirauté, et par laquelle il
demande à comparoître devant ses juges, à subir tel
interrogatoire qu'on jugera à propos ; mais qu'on veuille
bien lui accorder la liberté d'aller à teiTe pour s'y faire
traiter, soit dans telle prison qu'on voudra lui indiquer,
ou à terre sous caution, afin qu'il ait la liberté de voir
les médecins et chnurgiens dont il a besoin, pour le
traiter d'un asthme qui le réduit à l'extrémité surtout
à bord d'un vaisseau, où il ne peut avoir ni feu par la
saison où nous sommes, ni les autres secours nécessaires.
* Ces points de suspension se trouvent dans le manuscrit
original, et n'indiquent pas de suppressions — Note de l'Editeur.
236
EXTRAITS DES ARCHIVES
M, P. Simon, correspondant de M. KoUy, m'a égale-
ment écrit, et me mande qu'il a donné ordre à un M.
William, son correspondant à Portsmouth, de compter
500 livres à M. Desprez Le Loutre, qui m'écrit lui-
même qu'il n'en a encore pris que cinq guinées, ne
croyant devoir toucher cet argent qu'à fur et à mesure
qu'il en aura besoin, dans l'espérance de se servir utile-
ment de ce qu'il pourra conserver et épargner pour se
faire traiter, s'il peut avoir la liberté d'aller à terre.
En vérité. Monseigneur, de pareils hommes, d'aussi
fidèles citoyens et de si généreux confesseurs de la foi
sont bien dignes de votre compassion, et des grâces et
de la protection de la Cour.
M. Desprez Le Loutre me mande qu'il est le seul et
unique françois détenu dans la rade de Portsmouth.
M. l'abbé de l'isle-dieu
A Paris, le 23 Xbre 1755.
Monseigneur,
Quelque crainte que j'aie de vous importuner, au
milieu des gTandes occupations où je vous sais, ne vou-
lant rien faire de ma tête et sans conseil ou ordre de
votre part, je ne puis me dispenser de vous confier
l'embarras où je me trouve.
Il me vient journellement des lettres des différentes
colonies de l'Amérique, nos pauvres missionnaires dis-
persés m'en écrivent des différents ports où ils prennent
terre.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 237
Je reçois toutes ces lettres et j'en acquitte le port,
suivant l'usage où je suis de le faire pour mon compte,
depuis 25 ans ; mais ce n'est pas là ce qui me peine
le plus. Tant que mes petites facultés et ma santé me
permettront de faire face, les unes à la dépense, et
l'autre à un travail qui peut également servir l'Etat et
la Eeligion... je suis citoyen et j'ai l'honneur d'être
prêtre, cela me suait pour être également attaché à
l'un et à l'autre ; mais voici. Monseigneur, ce qui me
pénètre de douleur.
Xous n'avons plus aucun missionnane dans la Xou-
velle-Ecosse, sous le gouvernement anglois, ni dans
l'Acadie f rançoise, sur les rivières établies -sous le fort
de Beauséjour que les Anglois nous ont pris.
De quatre missionnaires qui étoient dans la Xou-
velle-Ecosse, sous le gouvernement anglois, trois
(comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le marquer) ont
été enlevés, et après quelques mois de prison à Halifax,
ont été conduits à Portsmouth, et de Portsmouth ont été
envoyés sur un vaisseau qu'ils ont frété à leurs dépens,
avec plusieurs autres passagers dans le port de Saint-
Malo, d'où ils m'ont annoncé leur débarquement et
leur dispersion chacun de leur côté, selon les vues
qu'ils avoient.
Le seul et unique missionnaire qui étoit dans l'Acadie
françoise, et qui desservoit au moins quarante lieues
de pays, sur les trois rivières de Chipoudy, Petkoudiak
et Memramcouk, a pris la fuite sur la première nou-
velle qu'il a eue que les Anglois vouloient faire
enlever ses 'habitants pour les faire transporter en
238 EXTRAITS DES ARCHIVES
Angleterre. J'ignore ce qu'il est devenu, je le crois
cependant actuellement parvenu à Québec.
Vous voyez, Monseigneur, par le détail que je viens
de vous faire des quatre missionnaires qui étoient dans
la Nouvelle- Ecosse, sous le gouvernement anglois, qu'il
n'y en a eu que trois d'arrêtés et de transportés en
Angleterre .... J'ignore absolument encore ce qu'est
devenu le quatrième, qui s'étoit ci-devant retiré de
Port-Eoyal et réfugié, avec quelques Acadiens-françois,
au Cap de Sable.
Quant aux trois missionnaires, que par vos ordres,
Monseigneur, j'ai fait partir cette année pour Louisbourg,
voyant qu'il n'y avait rien à faire pour eux à l'Acadie
angloise ni françoise, ils ont heureusement passé à
Québec, où M. l'évêque de Québec les a reçus et d'où il
pourra les renvoyer dans l'Acadie, s'il se fait quelque
conciliation entre les deux couronnes au moyen d'une
paix solide (et pour la maintenir) de la fixation des
limites.
Je vois donc actuellement à Québec cinq excellents
missionnaires, et bien propres à servir l'Etat et la
Eeligion, si on les met à portée de le faire ; mais j'ignore
de quoi M. l'évêque de Québec pourra les faire subsis-
ter, étant lui-même fort à l'étroit ; mais les hommes
qui pensent comme lui ne connoissent que le bien
qu'ils peuvent faire, et savent oublier leurs propres
besoins pour ne penser qu'à ceux des autres, et c'est
un évêque de cette espèce que M. l'ancien évêque de
Mirepoix a laissé sans aucune grâce de la Cour, malgré
les ordres bien positifs du roi à ce sujet.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 239
J'ai présenté un nouveau mémoire en faveur de ce
respectable prélat, à Son Eminence M. le cardinal de
La Eochefoucauld... j'ignore quel en sera le succès;
mais j'en espère rois beaucoup si vous vouliez seule-
ment dire un mot, Monseigneur, et que le roi voulût
bien se souvenir de ses favorables dispositions pour M.
l'évêque de Québec, bien digne de l'attention et des
grâces de Sa ]\Iajesté :
Les cinq missionnaires qui sont actuellement à Québec
sont :
Le premier, M. de Biscarat ;
Le deuxième, M. Eudo ;
Le troisième, M. Coquart ;
Le quatrième, M. Vizien, ci-devant aumônier de la
garnison du fort de Beauséjour, et compris dans la
capitulation ;
Le cinquième, M. Le Guerne, ci-devant et depuis
nombre d'années missionnaire de 2,897 habitants, bien
établis sur les rivières de Chipoudy, Petkoudiak, Mem-
ramcouk, sous le fort de Beauséjour (supposé qu'en se
sauvant à travers les bois pour éviter d'être enlevé par
les Anglois il ait pu parvenir et se réfugier à Québec
entre les bras et sous la protection de son évêque).
Je reviens, présentement, Monseigneur, aux mission-
naires que j'ai actuellement en France, et aux besoins
desquels je suis hors d'état de subvenir, si vous ne me
procurez des secours, Monseigneur.
Le premier se nomme M. Lemaire, ci-devant mission-
naire aux Mines dans l'Acadie, sous le gouvernement
anglois.
240 EXTRAITS DES ARCHIVES
Il est arrivé de Saint-Malo ici où je l'ai reçu, en me
chargeant d'y payer sa pension pendant le cours d'une
retraite qu'il m'a demandé d'y faire, après quoi je ne
saurai qu'en faire.
Le second et le troisième se nomment l'un M, Daudin,
ci-devant missionnaire à Port-Royal, et l'autre M. Le
Chauvreux, ci-devant missionnaire d'une des paroisses
des Mines, dans la Nouvelle-Ecosse, sous le gouverne-
ment anglois... je les crois tous deux actuellement à
Orléans, d'où M. Daudin doit arriver incessamment à
Paris, et dont je crois, Monseigneur, que vous pourrez
tirer beaucoup d'éclaircissements ; d'ailleurs c'est un
homme à conserver et fort en état de retourner en
mission, si on en a besoin.... Quant à M. Le Chauvreux,
il est usé d'années, de travail et d'infirmités, et je le
crois digne de quelques petits secours.
J'en ai un quatrième qui est arrivé de l'Isle Saint-
Jean (où il desservoit une très grosse paioisse) à La
liochelle, par les derniers vaisseaux.... Il se nomme M.
Perroiinet, ci-devant missionnaire curé de la paroisse de
Saint-Pierre du Xord-d'Est,sur la rivière de ce nom, dans
l'Isle Saint- Jean.... Mais malheureusement il est infirme,
et plus encore d'esprit que de corps... il est tombé
dans une espèce d'imbécillité et d'enfance qui le mettent
hors d'état de remplir aucune fonction ecclésiastique....
Il a été mis en arrivant à La Ptochelle, à l'hôpital de
cette ville dans la communauté des prêtres qui le des-
servent par M. l'official de La Rochelle, qui est de mes
amis, sur le pied de 40 sous par jour, et sur mon compte,
jusqu'à nouvel ordre de ma part... j'ai écrit pour qu'on
en eût grand soin... mais vous voyez bien, Monsei-
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 241
gneur que je ne suis pas en état de payer une pension
de 730 livres à cet ecclésiastique, à moins que de me
réduire moi-même à la mendicité.
D'ailleurs, si le roi veut avoir pitié de cet ecclésias-
tique. Sa Majesté peut en être quitte à bien meilleur
compte, en le faisant placer, avec le secours d'une
petite pension, dans l'hôpital où il est, au nombre des
malades laïcs, et c'est. Monseigneur, sur quoi je prends
la liberté de demander vos ordres aussi bien pour les
secours nécessaires aux trois autres missionnaires
(M. Daudin, M. Le Chauvreux et M, Lemaire) qui
sont actuellement en France, et surtout pour M. Dau-
din qui est un homme à conserver.
A l'égard des différents détails qui m'ont été envoyés
svu* les différents postes de nos colonies de l'Amérique,
je ne vous en ferai et ne vous en présenterai l'extrait,
Monseigneur, que quand vous me l'aurez ordonné, dans
la crainte de vous importuner par des redites de détails
dont vous êtes peut-être informé, beaucoup mieux que
je ne pourrois le faire, quoique ce qui m'en a été mandé
me paroisse fort exact pour les faits et pour les
réflexions et combinaisons, sur les mesures à prendre
pour conserver nos possessions et rentrer dans les usur-
pations qu'on nous a faites, tant du côté des i)ays d'en
haut du fleuve Saint-Laurent que de celui de l'Acadie.
Si j'avois été sûr d'être admis à votre audience. Mon-
seigneur, je me serois rendu à Versailles, et je le ferai
immédiatement après les fêtes, si vous me le permettez,
et que vous m'en donniez l'ordre, mais de façon ou
d'autre, je serois bien aise de savoir si vous me per-
16
242 EXTRAITS DES ARCHIVES
mettez de suivre les différentes affaires dont j'ai l'hon-
neur de vous parler dans cette lettre, afin de mettre
fin à mes importunités.
Je n'ai point eu de nouvelles de M. Le Loutre depuis
le 3 du courant, et le dernier compte que j'ai eu l'hon-
neur de vous en rendre, je lui ai écrit depuis et je sais
qu'il a reçu une lettre de crédit sur un banquier de
Portsmouth ; mais ce qui m'étonne et m'inquiète beau-
coup, c'est que les trois missionnaires d'Halifax qui ont
été conduits à Portsmouth, et qui sont actuellement en
France, le croyoient ici et n'en ont point entendu parler
pendant le séjour qu'ils ont fait à Portsmouth, ce qui
prouve qu'il est extrêmement resserré.
Je vous supplie de me faire donner vos ordres sur
le contenu de cette lettre, afin que je puisse m'y con-
former.
M. DE CONTRECŒUR
Au Fort Duquesuc, le 20 juillet 1755.
Monseigneur,
Monsieur le général aura eu l'honneur de vous rendre
compte de la victoire que nous avons eue sur les Anglois
le 9 de ce mois, à trois lieues de ce fort.
Après le succès réitéré que j'ai eu depuis que j'ai
l'honneur de commander ici, il ne me restera plus rien
à désirer si Votre Grandeur approuve la conduite que
j'ai tenue dans les différentes occasions qui se sont
présentées, et si cette dernière action peut mettre les
principaux officiers qui s'y sont trouvés à portée des
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 243
grâces du roi ; il me reste, Monseigneur, à vous rendre
compte de la bonne volonté qu'ont fait paroître tous
messieura les officiers ; il ne m'a pas été permis de
répondre à l'empressement que chacun d'eux a voit
d'aller au devant de l'ennemi, nos découvreurs me rap-
portoient tous les jours que les ennemis venoient par
différents chemins pour investir le fort ; il était néces-
saire de garder ici ce qui étoit indispensablement
nécessaire pour garder le fort. M. de Beaujeu, qui étoit
nommé pour me succéder dans le commandement de ce
poste,commandoit le parti ayant pour seconds messieurs
Dumas et De Ligneris, il eût le malheur d'être tué à la
troisième décharge des ennemis, dans le temps que nos
François et sauvages commençoient à balancer; cet
accident, au heu de décourager notre monde ne fit que
le ranimer. Ces deux messieurs se surpassèrent pour
encourager les nôtres et le bon Dieu se mit de notre
côté. Monsieur le général aura eu l'honneur, Monsei-
gneur, de vous informer du reste, tous les officiers qui
étoient dans cette action et vingt-deux cadets se sont
également distingués.
Un accident fâcheux produit par les fatigues de la
campagne dernière me mettra peut-être hors d'état de
continuer mes services ; il me reste deux enfants pour
lesquels j'ose implorer l'honneur de votre protection.
L'aîné a été employé ailleurs par monsieur le général,
le plus jeune m'a toujours suivi dans cette partie, l'un
et l'autre sont en état de bien remplir leur devoir par-
tout où ils seront employés.
244 EXTRAITS DES ARCHIVES
M, DE CONTRECŒUR
A Montréal, le 28 7bre 1755.
Monseigneur,
J'ai l'honneur de vous rendre compte qu'après avoir
eu le commandement de Niagara, M. le marquis
Duquesne me déféra celui de la rivière Ohio ; je reçus
ses ordres étant encore à Niagara au mois de janvier
1754, et aussitôt je me mis en marche par terre pour
me rendre à la dite rivière ; il me fut impossible d'y
parvenir par les mauvais chemins et la dureté de la
saison avant le 16 avril de la même année.
En arrivant au fort Duquesne, qui est le principal
poste de cette rivière, j'y trouvai un fort ennemi dont
je m'emparai aussitôt après avoir contraint les Anglois
qui étoient dans son enceinte à en déguerpir ; j'ai resté
au fort Duquesne jusqu'au 15 du présent mois et je
suis arrivé en cette ville le 26.
M. le marquis de Vaudreuil vous aura sans doute
informé, Monseigneur, de la dernière victoire que je
remportai au 9 juillet dernier, au fort Duquesne, ainsi
que des différentes précautions que je pris dans le
temps pour le mettre à couvert des insultes de l'ennemi,
dont les prétentions ne tendoient à rien moins que de
s'en rendre maître.
Si mes services peuvent mériter auprès de vous.
Monseigneur, quelque récompense, j'ose vous supplier
de m'accorder la croix de Saint-Louis et l'avancement
de mes deux enfants.
L'aîné qui est enseigne est actuellement faisant fonc-
tion de major dans un parti auprès du fort Saint-
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 245
Frédéric, et le cadet âgé de 23 ans n'est encore que
cadet, celui-ci étoit à la dernière campagne de la rivière
Ohio, il se trouva à l'action du fort Duquesne et y eût
le chien de son fusil cassé par une balle ennemie.
J'ose me flatter, Monseigneur, que vous voudrez
bien m'accorder la grâce que je vous demande. Mon
zèle et celui de mes enfants j)our le service du roi
n'en prendra qu'un nouvel accroissement, et tous
ensemble nous serons toujours prêts à nous sacrifier
pour sa défense.
A Québec, le 11 novembre 1755.
M. CHAUSSEGROS DE LÉRY, INGÉNIEUR
Il seroit nécessaire de co^ivrir en ardoise
tous les bâtiments du roi. Place d'élève
de la marine à Toidoti, po^ir son neveu ;
qne son fis Heuteiuint à Louisbonrg
retourne en Canada. Propose ses deux
fils pour ingénieurs.
Monseigneur,
Les projets des Anglois étoient de s'emparer du fort
Duquesne dans la Belle-Rivière, ils marchoient avec
un corps de troupes réglées de trois mille hommes de
l'artillerie, munitions de guerre et de bouche, et tout
ce qui étoit nécessaire pour en faire le siège, ils ont été
attaqués par un petit corps de nos gens, composé de
huit cent cinquante hommes, officiers, soldats, milices
et sauvages, à trois lieues du fort, ils ont été entière-
ment défaits, ils ont perdu leur artillerie, munitions, le
246 EXTRAITS DES ARCHIVES
commandant mort de ses blessures, six cents hommes
tués SUT le champ de bataille, on les a poursuivis, et le
carnage a continué. Monsieur le général sait la perte
des Anglois.
Comme j'avois su le projet des ennemis qui étoit
de s'emparer de nos forts, j'écrivis à mon fils aîné
qui achevoit le fort du Détroit de descendre au fort
Duquesne pour le mettre en état de défense, et de là
il s'est rendu au fort de Niagara pour y faire la même
chose.
M. de Lotbinière est allé au fort Saint-Frédéric pour
y faire un retranchement autour du fort, et un fort à
Carillon à six lieues du fort Saint-Frédéric du côté des
Anglois pour couvrir le premier fort.
Il est an-ivé à Québec un incendie affreux. Le feu a
pris à l'Hôtel-Dieu, le vent étant au nord-est, les flam-
mes ont traversé la rue et ont mis le feu à la couver-
ture en planches des prisons, salles d'armes et nouvelles
casernes et casernes Dauphine, toutes les couvertures
ont brûlées, le reste a été sauvé étant voûté, j'ai tout
fait réparer. Il y a eu six maisons de particuliers
brûlées.
Une dépense utile et nécessaire, ce seroit de couvrir
tous les bâtiments du roi en ardoise, ce seroit une
dépense l)ien utile, je l'avois déjà proposée.
Les fortifications de Québec n'ont pas avancées cette
année, une grande partie des ouvriers étant allés à la
Belle-Rivière, et au fort Saint-Frédéric, les dépenses
seront peu de chose.
Je vous supplie. Monseigneur, de m'accorder la grâce
de procurer à mon neveu, fils de feu mon frère aîné,
1
DU MIXISTKRE DB L\ MVRIXE 247
capitaine dans Vandosme, une place d'élève écrivain
de roi, à Toulon, où est son bien.
Et d'accorder à mon fils le cadet, lieutenant dans les
troupes à Louisbourg, son changement pour ce pays, y
ayant déjà été officier.
Si j'avois encore deux ingénieurs ordinaires du roi, les
travaux des fortifications des places et des forts se
feroient aisément, je vous offre mes deux fils, lieu-
tenants dans les troupes qui en sont capables ; je vous
supplie, Monseigneur, de leur être favorable. S'il y
avoit quatre ingénieurs, je serois en état de tenir tant
en ordre.
Porté au roi, le 22 mars 17S5.
TRANSPORTS DE TROUPES, ARMEMENTS
Lorsqu'il a été rendu compte à Sa Majesté au com-
mencement du mois dernier, des opérations des ports
relativement à l'armement des vaisseaux destinés à
transporter en Canada six bataillons des troupes de
terre, il n'étoit alors question que des premiers prépa-
tifs nécessaires à cette occasion. Mais dans tout le cou-
rant de février et dans les quinze premiers jours de
mars, on a fini entièrement la carène de tous les vais-
seaux, et il y en avoit déjà onze en rade à Brest, le
quinze de ce mois.
On a commencé par ceux qui sont destinés à com-
poser l'escadre commandée par M. Du Bois de la Mothe,
parce qu'il a été arrangé que tous les vaisseaux de cette
248 EXTRAITS DES ARCHIVES
escadre seroient mis en rade dès ce mois-ci, pour n'oc-
casionner aucun retardement à l'embarquement des
troupes dans le premier rëgiment arrivé à Brest le trois
avril. Cela n'empêchera point que tous les vaisseaux
de l'escadre commandée par M. de Macnemara ne
soient prêts pour le temps qui a été fixé, attendu que
l'on achèvera leur armement dans l'intervalle de l'em-
barquement des troupes, dont le premier n'ira à bord
que le cinq avril, et le sixième le quinze du même
mois. Il y a tout lieu d'assurer à Sa Majesté que tous
les vaisseaux des deux escadres seront prêts du quinze
au vingt avril, et qu'elles pourront alors partir de Brest
si les vents sont favorables.
L'escadre commandée par M. de Macnemara est com-
posée de trois vaisseaux et de trois frégates du port
de Brest, et de trois vaisseaux du port de Eochefort.
Deux de ces derniers ont été conduits à la rade de l'Isle
d'Aix le 26 du mois passé, et le troisième a descendu
la rivière le 13 de celui-ci. On doit espérer que les
deux premiers seront à Brest ce mois-ci, et que le der-
nier y arrivera dans les premiers jours d'avril.
La frégate La Diane qui doit aller à Louisbourg et
ensuite à Québec, d'où elle reviendra au devant de
M. Du Bois de La Mothe, étoit prête à partir des
rades de La Rochelle, dès le 20 février. Les vents lui
ont été contraires jusqu'au 13 mars qu'elle a mis à la
voile avec un vent favorable.
La Fidèle, qui doit également précéder en Canada
l'arrivée de l'escadre, est prête et n'attend pour partir
que M. Bigot, intendant de la colonie, qui doit s'y
embarquer, et qui n'étoit resté ici que pour y conceil^er
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 249
toutes les dispositions nécessaires, relativement aux
troupes qui vont passer en Canada.
Quoiqu'il y ait lieu de juger et même d'assurer en
quelque manière que tout sera prêt à Brest pour le
départ des escadres du 15 au 20 avril, il reste cepen-
dant à arriver dans ce port beaucoup de munitions et
effets que l'on tire du Havre, du port Louis; de Eoche-
fort et de Bayonne, dont le transport dépend de la
navigation plus prompte ou plus lente des bâtiments
sur lesquels sont chargés ces munitions et effets.
Tous les approvisionnements d'habillements et d'us-
tensiles des troupes que l'on a fait faire à Paris sont
transportés sur des rouliers, dont quelques-uns sont déjà
arrivés à Brest, et tous les autres sont en route pour y
arriver successivement, il n'en reste plus à faire partir
de Paris.
Comme il a été réglé par Sa Majesté que, des six
bataillons qui s'embarquent à Brest, il n'y en aura que
quatre qui iront en Canada, et que les deux autres iront
à risle Eoyale, ce dont le commandant de l'escadre et
celui des troupes ne doivent avoir connoissance que
par les paquets qu'ils ouvriront sur le Grand-Banc ; on
a été obligé de former plusieurs arrangements pour que
la division de l'escadre puisse être faite sans confusion.
Le premier arrangement a été de déterminer quels
seront les vaisseaux sur lesquels chaque bataillon sera
embarqué, et l'on a observé de destiner pour la division
qui ka à l'Isle Royale les vaisseaux qui tirent le plus
d'eau, dont la navigation auroit été difficile dans le
fleuve Saint-Laurent. On a aussi déterminé en même
temps que l'hôpital de mer pour les troupes, dans la
250 EXTRAITS DES ARCHIVES
traversée qui d'abord devoit être sur un seul vaisseau,
seroit partagé sur deux vaisseaux.
La division pour le Canada sera composée des vais-
seaux ci-après :
L'Entreprenant .... 74 canons, Monsieur le commandant Du Bois
de la Mothe.
L'Alcide 64 canons,
L'Algonkin 64 réduit à 24 1 Transportant le bataillon
L'Actif 64 « 22 l de la reine et celui
Le Lys 64 " 22 J de Languedoc.
^'^'^"«^'•^ 64 " 22 j Le bataillon de Guyenne
L'Opi'^i^^t'-^ 64 '- 22 <- ^^ ^.^i^^j ^^ g ,^^^_
Le Léopard 64 " 22 j
L'Apollon 50 " 12 Hôpital.
La Sirène 30 Frégate.
La division pour l'Isle Royale sera alors :
Le Bizarre 64 canons, M. Perrier de Salvest.
Le Défendeur 74 réduit à 24 "j Transportant le lataillon
Le Dauphin royal . . 74 " 24 |- d'Artois et celui de
L'Espérance 74 " 2*^ j Bourgogne.
L'Aquilon 40 " 12 Hôpital.
La Comète 30 Frégate.
Mais comme la division de l'escadre doit être entiè-
rement ignorée avant le départ, les états arrêtés à cette
occasion comprennent tous les vaisseaux de transport,
et les six bataillons qui y seront embarqués ; ils sont
ci-joints :
No. 1. Il a voit été donné ordre en général par rap-
port aux approvisionnements pour les troupes de les
répartir sur tous les vaisseaux, de manière que chaque
espèce d'effets fût séparée sur plusieurs vaisseaux, afin
d'éviter d'en manquer d'une même espèce s'il venoit à
arriver malheur à quelque vaisseau, et cet ordre général
I
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 251
auroit été suffisant si toute l'escadre eût eu la même
destination, mais la division des troupes entre le Canada
et risle Eoyale, dont il est important de ne point don-
ner connoissance, a exigé d'arrêter à Versailles la répar-
tition à faire sur chaque vaisseau.
No. 2. L'état ci-joint No. 2 comprend sommairement
tout ce qui doit être embarqué sur les vaisseaux au delà
de ce qui concerne leur armement en celui
No. 3. Est la répartition générale qui a été dressée
pour que les divisions de l'escadre ayant chacune ce
qui lui est nécessaire. On travaille aux états particu-
liers, un pour chacun des quatorze vaisseaux, de ce qui
devi-a y être embarqué relativement à la répartition
générale, et ces états seront envoyés dans le port lundi
prochain.
A mesure que l'on conduit des vaisseaux en rade à
Brest et à Eochefort, le travail diminue dans le port
pour les mouvements de l'armement. On a déjà con-
gédié quelques ouvriers, et les autres se répartissent
chaque jour, tant aux ouvrages de construction qui
avoient été interrompus qu'aux radoubs des vaisseaux
que les circonstances pouiToient encore exiger d'armer,
s'il y avoit apparence de guerre avec les Anglois : ce
qui consiste en six vaisseaux à Brest et quatre à Roche-
fort, faisant dix vaisseaux, outre huit à dix frégates,
indépendamment de ce qui concerne le port de Toulon.
252
EXTRAITS DES ARCHIVES
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254
EXTRAITS DES ARCHIVES
ÉTAT
des officiers de la marine et des troupes de terre qui
seront embarqués sur les vaisseaux ci-après, savoir ;
LE DÉFENSEUR
' M. Beausier de l'Isle, capitaine, commandant.
3 Lieutenants.
13 - 6 Enseignes.
1 Ecrivain principal de la marine.
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
34 l
2. Le commandant de bataillon et l'aide-major.
18. Les capitaines et les lieutenants des 9 compagnies
V 21 •( de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la première compagnie de
fusiliers.
( 12
33
21 <
LE DACPHIN ROYAL
M. De Montalais, capitaine, commandant.
3 Lieutenants.
5 Enseignes.
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
DE BOURGOGNE
' 2. Le commandant de bataillon et le chirurgien-major.
18. Les capitaines et les lieutenants de 9 compagnies
de fusiliers.
1 Enseigne attaché i\ la première compagnie de
fusiliers.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE
255
P
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33 <
21
LAL60SKIN
M De la Villeon, capitaine, commandant.
3 Lieutenants.
5 Enseignes.
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
DB LA BBI>'E
2. Le commandant de bataillon et l'aide-major.
18. Les capitaines et les lieutenants des 9 compagnies
de fusiliers.
iseigne attaché à la première compagnie de
jsiliers.
t' de fu:
1 Enseigne
lusilie
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32
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K 10
l'espérajîcï
' M. Jubert de Bouville, capitaine, commandant.
3 Lieutenants.
5 Enseignes
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirui^ien-major.
D' ARTOIS
3. Les capitaine, lieutenant et sous-lieutenant des
grenadiers.
6. Les capitaines et les lieutenants de trois compa-
gnies de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la seconde compagnie de
fusiliers.
DE BOURGOGNS
f 3. Les capitaine, lieutenant et soos-lieutenant des
I grenadiers.
6. Les capitaines et les lieutenants de trois compagnies
de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la 2e compagnie de fusiliers.
256
EXTRAITS DES ARCHIVES
f 12
M. Le chevalier de Caumont, capitaine, commandant.
3 Lieutenants.
5 Enseignes.
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
33 <
DB LANGUEDOC
2. Le commandant de bataillon et l'aide-major.
18. Les capitaines et les lieutenants des 9 compagnies
21 -^ de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la première compagnie de
fusiliers.
,' 12
33 \
l 21
LILLDSTRE
' M. le marquis de Choiseul-Prasliu, capitaine, comman-
dant.
3 Lieutenants.
5 Enseignes.
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
DE GDYBNNB
' 2. Le commandant de bataillon et l'aide-major.
18. Les capitaines et les lieutenants des 9 compagnies
de fusiliers.
1 Enseigne attaché h la première compagnie de
fusiliers
DU MINISTÈRE DE LA MARINE
257
33
l'opiniastre
r M. de Moëlien, capitaine, commandant.
9 j 3 Lieutenants.
I 5 Enseignes.
f 9. D'autre part.
12 1 3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
DB BEARN
r 2. Le commandant de bataillon et l'aide-major.
18. Les capitaines et les lieutenants de 9 compagnies
de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la première compagnie de
fusiliers.
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M. de Lorgeril, capitaine, commandant.
3 Lieutenants.
5 Enseignes.
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
32 ^ 10 .
DE LA REINE
f 3. Les capitaine, lieutenant et sous-lieutenant des
grenadiers.
6. Les capitaines et les lieutenants de trois compa-
gnies de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la deuxième compagnie de
fusiliers.
DE LANGUEDOC
3. Les capitaine, lieutenant et sous-lieutenant des
grenadiers.
^ 10 ^ 6. Les capitaines et les lieutenants de trois compa-
gnies de fusiliers.
^ 1 Enseigne attaché à la deuxième compagnie de
fusiliers.
17
258
EXTRAITS DES ARCHIVES
12
10
32 i
LE LÉOPARD
M de Saint-Laziirre, capitaine, commandant.
3 Lieutenants.
5 Enseignes.
3. L'aumônier, l'écrivain et le chirurgien-major.
DE GUYENNE
' 3. Les capitaine, lieutenant et sous-lieutenant des
grenadiers.
6. Les capitaines et les lieutenants de trois compa-
gnies de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la deuxième compagnie de
fusiliers.
DE BÊARN
3. Les capitaine, lieutenant et sous-lieutenant des
grenadiers.
6. Les capitaines et les lieutenants de trois compa-
gnies de fusiliers.
1 Enseigne attaché à la deuxième compagnie de
fusiliers.
Fait et arrêté à Versailles,
le 15 mars 17.55.
10
Porté au roi, le 22 mars 1755.
NOUVELLES
Indépendamment des arrangements qui ont été faits
au port de Brest, et dont on rend compte à Sa Majesté
par un autre mémoire, tant pour l'annement des vais-
seaux que pour l'embarquement des troupes et de leurs
approvisionnements, il y en a d'autres à prendre qui
doivent avoir pour objet les instructions à donner à
DU SnXISTÈRE DE LA MARINE 259
MM. de Macneraara et Du Bois de La Mothe pour leur
navigation, celle de M. le baron de Dieskau et celle de
M. de Vaudreuil, gouverneur général.
Les instructions de MM. de Macnemara et Du Bois
de La !Mothe doivent rouler sur quatre points : la par-
tance de Brest, la séparation d'entre M. de Macnemara
et M. Du Bois de La Mothe, le détachement à faire de
la division de M. Du Bois de La Mothe pour l'Isle
Royale, et la disposition concernant le retour de toutes
les divisions en France. Ces quatre points doivent être
décidés sur un mémoire particulier à rapporter au Con-
seil. On dressera tout de suite les projets des instruc-
tions relativement à la décision qui sera donnée, et on
les mettra sous les yeux de Sa Majesté pour avoir son
approlDation. On lui rendra compte en même temps de
tous les ordres particuliers qui de^Tont les accompagner,
car il en faudi'a tant pour le détachement à faire pour
risle Eoyale que pour les rendez-vous à donner à
chaque vaisseau des différentes divisions, relativement
à leurs destinations respectives. Les ordr&s pour le
détachement de l'Isle Eoyale ne seront ouverts que
dans le parage qui sera indiqué à M. Du Bois de La
Mothe, en conséquence de ce qui aura été réglé à cet
égard, et ceux pour les rendez- vous ne le seront qu'en
cas de séparation.
Les instructions à donner à Monsieur de Dieskau ont
deux objets : le premier concerne le commandement
des trouj^es de terre, leur poKce, leur discipline et leur
service journalier; le second est la conduite que le
baron de Dieskau aura à tenir avec M. de Vaudi^euil,
gouverneur général.
260 EXTRAITS DES ARCHIVES
■ »
L'instruction sur le premier objet a été expédiée par
le ministre de la guerre : celle qui a rapport au second
l'a été par le ministre de la marine ; et la cotamunica-
tion en a été faite de part et d'autre. On joint ici le pro-
jet de celle qui sera donnée par le ministre de la marine,
et qui est relative à l'autre ; et l'on y joint pareillement
l'ordonnance dont il est fait mention, et qui a été con-
certée entre les deux ministres et expédiée par l'un et
par l'autre,
A l'égard des instructions et des ordres à donner à
M. de Vaudreuil, on a cru devoir les partager en trois
parties, c'est - à - dire lui expédier trois instructions
séparées.
Dans l'une on lui prescrit la conduite qu'il doit tenir
par rapport aux troupes de terre, et le projet en est
ci-joint. Cette instruction est relative et conforme aux
arrangements concertés avec M. D'Argenson sur cette
matière, et expliquée dans les instructions de M. le
baron de Dieskau.
La seconde instruction de M. de Vaudreuil doit con-
tenir les ordres de Sa Majesté sur ce qu'il y aura à faire
par rapport aux affaires des Anglois ; mais ces ordres
devant être réglés suivant les circonstances de ce qu'on
pourra savoir des dispositions des Anglois, on n'en
formera le projet que le plus tard qu'on pourra. On
observe seulement qu'il sera nécessaire que cette instruc-
tion puisse être envoyée à Brest dans les deux ou trois
premiers jours du mois prochain, au plus tard.
Et dans la troisième instruction on explique à M. de
Vaudreuil les intentions de Sa Majesté sur les parties
de l'administration ordinaire du gouvernement; et l'on
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 261
joint ici l'extrait de quelques articles nouveaux qui ont
paru devoir y être insérés pour détruire certains pré-
jugés qui ont été reconnus contraires au bien du service
sur le gouvernement particulier des sauvages.
Si Sa Majesté veut bien donner son approbation aux
projets, qu'on lui présente, il restera à lui rendre compte
de ceux qui seront dressés en conséquence des ordres
qu'elle donnera, tant pour les instructions de MM. de
Macnemara et Du Bois de La Mothe que pour l'instruc-
tion particulière de M. de Vaudi'euil, concernant les
affaires des Anojlois.
l
A M. DE BOMPART
A Versailles, le 17 février 1755.
Les nouvelles publiques vous auront instruit, mon-
sieur, des mouvements qu'il y a depuis quelque temps
sur nos frontières de Canada, et particulièrement du
côté de la rivière d'Ohio *.
Le roi d'AngleteiTe a fait donner les assurances les
plus positives que les troupes envoyées à la Virginie et
les autres dispositions qui se font dans ces pays-là,
n'ont d'autres objets que de défendre ses colonies contre
* La Cour d'Angleterre ayant destiné deux bataillons de trou-
pes réglées pour la Virginie et fait d'autres dispositions dans
cette colonie et dans celles qui en sont voisines, le roi a pris le
parti denvoyer un renfort de six bataillons de troupes de terre
en Canada, et Sa Majesté se propose de les faire partir au mois
d'avril prochain, sous l'escorte d'une escadre de ses vaisseaux.
262 EXTRAITS DES AllCHIVES
les invasions dont elles se prétendent menacées de la
part du Canada.
Sa Majesté est de son côté bien éloignée de souffrir
qu'on entreprenne aucune invasion sur ses voisins.
Elle donnera ses ordres pour qu'on se tienne en Canada
sur la plus exacte défensive. Mais quoiqu'elle soit
effectivement résolue de se borner ainsi à défendre ses
droits à ses possessions, elle ne peut pas se flatter, sur-
tout après ce qui s'est passé l'année dernière du côté de
la rivière d'Ohio, qu'on ne sera pas obligé de faire
usage des forces qu'elle envoie en Canada.
Les dispositions que Sa Majesté bien-aimée ne cesse
de faire paroître pour la conservation de la paix doivent
cependant faire espérer que toutes les discussions con-
cernant les limites des colonies respectives dans l'Amé-
rique septentrionale pourront s'arranger sans qu'il en
vienne à une rupture ouverte. Il est même question
actuellement entre les deux Cours de nouvelles propo-
sitions à cet égard.
Mais dans l'incertitude des événements, Sa Majesté
m'a ordonné de vous marquer de sa part que son inten-
tion est que vous vous prépariez à tous ceux qui pour-
ront aiTiver ; que vous redoubliez de soins et d'attention
pour pourvoir, autant qu'il sera possible, à tous les
objets relatifs à la défense de votre gouvernement, que
vous preniez des précautions pour être informé de ce
qui se passera dans les colonies angloises de votre
voisinage ; que vous vous teniez en garde contre toute
surprise ; mais que vous observiez en même temps
dans toutes les dispositions que vous ferez de ne point
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 263
laisser soupçonner que vous avez reçu des ordres à cet
égard.
Vous aurez agréable de me rendre compte de ce que
vous ferez sur cela ; et j'aurai soin de vous faire savoir
les circonstances dont il convient que vous soyiez ins-
truit avec les nouveaux ordres qu'elles pourront exiger.
Mais comme dans tous les cas il est nécessaire que
le roi soit en état de prendre un parti sur ce qui peut
intéresser la sûreté de votre gouvernement, Sa Majesté
désire que vous m'envoyiez par la première occasion et
avec les précautions convenables, un tableau qui pré-
sente la situation où il est relativement à cet objet, le
plan des dispositions que vous vous proposez de faire
en cas de gueiTe, et l'état des secours dont vous pourrez
avoir besoin.
Si Sa Majesté approuve qu'on écrive cette lettre
aux gouverneurs des colonies, autres que le Canada, il
paroît nécessaire d'ajouter à M. de Bompart, gouver-
neur des Isles du Vent, l'article suivant :
Et comme dans tous les cas aussi il faut s'attendre
que les Anglois ne perdront point de vue leurs projets
sur les isles contentieuses, particulièrement sur Sainte-
Lucie, le roi veut que vous vous conformiez aux ordres
que Sa ^lajesté vous a déjà donnés à ce sujet, non seu-
lement dans le cas où les Anglois feroient quelqu'entre-
prise sur qy^lqu'une de ces isles, mais encore sur la
première nouvelle certaine que vous pourriez avoir
d'une rupture de leur part.
264 EXTRAITS DES ARCHIVES
Les ordres qu'on rappelle dans cet article ont pour
objet Sainte-Lucie. Il a été prescrit en effet dans plu-
sieurs occasions à M. de Bomj^art d'être toujours sur
ees gardes par rapport à cette isle, afin de ne pas s'y
laisser prévenir par les Anglois ; de prendre à cet effet
toutes les mesures possibles pour être informé des mou-
vements qu'ils pourront faire, et être en état de les y
prévenir lui-même à la première occasion.
Idem à M. le marquis de Vaudreuil et à M. de Kerlerec, en
supprimant le dernier article.
(non signé)
LU AU CONSEIL
21 mars 1755.
Dans le projet général arrêté pour l'armement actuel,
les vingt-cinq vaisseaux qui seront en rade à Brest vers
le 15 avril dévoient mettre tous à la voile en même
temps. M. Du Bois de La Motlie, faisant la route avec
sa division destinée pour le Canada et composée de seize
vaisseaux, et M. de Macnemara le suivant avec la
sienne de 9 vaisseaux ou frégates, jusqu'au parage où
M. Du Bois de La Mothe jugeroit n'avoir plus besoin
d'escorte,
La partance a été ainsi réglée dans l'espérance que
les Anglois n'auroient peut-être pas le temps de mettre
assez de vaisseaux à la mer pour s'y opposer. On se
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 265
flattoit aussi de trouver dans le ministère britannique
des dispositions moins prochaines à une rupture que
celles qu'on a lieu de lui soupçonner sur les dernières
nouvelles de M. le duc de Mirepoix.
Quelques oppositions qu'on ait à craindre de la part
des Anglois, il paroît que l'on doit s'en tenir à cet
arrangement. Il pourroit y avoir de grands inconvé-
nients à diviser le convoi. Il courroit plus de danger,
non pas pour la totalité, mais du moins pour une partie,
dans le cas où les Anglois auroient entrepris d'empê-
cher son départ. Il y auroit beaucoup d'incertitude
pour sa réunion, et cette division seroit surtout capable
de donner beaucoup d'inquiétudes aux troupes de terre.
Tout ce qu'on pourra faire de mieux à cet égard, ce sera
de s'en rapporter à la prudence des commandants, sur
les nouvelles qu'on pourra leur donner de ce que nous
apprendrons d'Angleterre, sur celles qu'ils pouiTont se
procurer eux-mêmes du côté de la mer, et sur les
mesures qu'ils jugeront devoir prendre en conséquence.
Ils seront à portée et en état de déterminer suivant les
circonstances, et il ne paroît pas que l'on puisse présen-
tement prendre d'autre résolution.
On ne peut pas différer celle qui doit être prise sur la
proposition faite d'envoyer à l'Isle Royale deux des six
bataillons destinés pour le Canada.
La garnison de cette petite colonie est de vingt-
quatre compagnies françoises de cinquante hommes
chacune, faisant un total de douze cents hommes, outre
une compagnie de cinquante canonniers. Il n'y avoit
avant la dernière guen'e que sept cent cinquante
hommes. Et M. de Drucour, actuellement gouverneur,
266 EXTKAITS DES ARCHIVES
ne demande qu'une augmentation de deux compagnies
pour les envoyer à l'Isle Saint- Jean.
Il est pourtant certain que deux bataillons des trou-
j)es de terre pouiTont être très utilement employés, soit
à la défense de Louisbourg, s'il vient à être attaqué
avant (jue les fortifications de cette place soient finies,
soit à accélérer les ouvrages de ces fortifications. Peut-
être même que cette augmentation de garnison sera
seule capable d'an'êter les projets des Anglois. Elle les
mettroit du moins dans la nécessité de faire de beau-
coup plus grands préparatifs pour l'exécution.
Le seul inconvénient qu'il y ait, c'est la difficulté de
la subsistance, et ce seroit exposer cette colonie à la
famine de ne pas la munir de vivres pour deux ans.
Il faut les envoyer de France ; et ce ne seroit pas un
embarras médiocre en cas de rupture. On prendra tout
de suite toutes les mesures possibles sur cela, si les
deux bataillons de troupes sont envoyés.
Il y a aussi, sur cet article, à régler comment on
fera passer ces deux bataillons à l'Isle Eoyale. Cela
devra dépendre du parti qui sera pris pour le départ de
Brest.
Voici ce qu'on en peut dire pour le présent :
1" On pourroit faire aller toute la flotte, même l'es-
cadre de M. de Macnemara, à Louisbourg ; d'où après le
débarquement des deux bataillons et leurs aiprovi-
sionnements, M. Du Bois de La Motlie continueroit sa
route pour Québec avec les quatre bataillons, et M.
de Macnemara l'escorteroit dans le golfe ou bien s'en
reviendroit directement en Europe.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 267
2° M. Du Bois de La Mothe poiirroit, après s'être
séparé de M. de Macnemara, faire route directement
pour Louisbourg, et y débarquer les deux bataillons
pour ensuite passer à Québec.
3° Ou peut faire détacher, vers le Grand-Banc,
seulement, de la flotte de M. Du Bois de La Mothe les
bâtiments sur lesquels seront embarqués les deux batail-
lons avec leurs approvisionnements, sous l'escorte d'un
vaisseau ou d'un vaisseau et d'une frégate.
Dans les deux premiers arrangements, il est certain
que risle Royale seroit rassurée par la présence des
deux divisions de MM. de Macnemara et Du Bois de la
Mothe, et même par celle de M. Du Bois de La Mothe ;
et l'arrivée de ces forces en imposeroit aux Anglois.
Mais il est certain aussi que tant de monde afiame-
roit risle Eoyale, surtout en rafraîchissements. D'ail-
leiu's, on sait par expérience que ces sortes de relâches
entraînent inévitablement beaucoup de retardements.
Les besoins des vaisseaux s'y midtiplient. On est tou-
jours dans le cas d'y porter quelques malades aux
hôpitaux, et de là, il y a toujours beaucoup de matelots
et de soldats qui demandent à y aller *.
Dans ce cas, M. de Macnemara accompagneroit
M. Du Bois de La Mothe jusqu'en delà des Caps, jus-
qu'aux Açores ou même jusque sur le Grand-Banc,
suivant les circonstances.
Après avoir quitté M. Du Bois de La Mothe, il s'en
reviendra en Europe.
* Ainsi le troisième arrangenieut paroît, du moins pour le
présent, préférable aux deux autres.
268 EXTRAITS DES ARCHIVES
Les vaisseaux de Louisbourg, d'abord après le .débar-
quement, reviendroient aussi, soit dans les ports de
France, soit au rendez-vous qui leur seroit donné avec
M, de Macnemara.
Et M. Du Bois de La Mothe en useroit de même après
le débarquement des troupes en Canada, où il laisseroit
seulement un vaisseau, ou un vaisseau et une frégate.
La question sera de savoir si l'on fera revenir toutes
ces divisions directement ou séparément dans nos ports,
ou si on leur donnera un rendez-vous dans quelqu'un
des ports d'Espagne, où l'on poun-oit leur envoyer des
ordres relatifs aux circonstances de ce qui se passeroit.
Il paroît qu'on pourroit encore laisser cet article à la
délibération des deux commandants qui en convien-
droient avant leur séparation. On observe seulement
qu'en laissant subsister les divisions pour le retour, les
vaisseaux du roi courroient moins de risques que s'ils
étoient rassemblés vis-à-vis des forces que les Anglois
auront sans doute alcr, à la mer sur un pied de supé-
riorité.
Quelque parti qu'on prenne pour faire passer les
deux bataillons à Louisbourg, il faut toujours diriger
l'embarquement des troupes, des approvisionnements et
de l'argent pour la solde relativement à ce détachement.
Il faut décider si l'on n'en donnera pas le comman-
dement au plus ancien commandant des deux batail-
lons, et si on ne le fera pas suivre par le second.
On ne peut pas proposer quant à présent d'autres
arrangements sur tous ces objets. Il est encore moins
possible d'en imaginer qui puissent mettre les vaisseaux
à couvert de tous risques. Ces sortes d'expédition en
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 269
entraînent toujours de très considérables, surtout dans
des conjonctures semblables à celles où nous nous trou-
vons. Ces risc^ues augmenteront à proportion du retar-
dement qu'il y aura au départ des vaisseaux ; et il n'est
rien de plus important que de le presser autant qu'il sera
possible, si l'on veut sui\Te l'exécution du projet. On
éprouve dès à présent l'avantage qu'il y a à cet égard
d'avoir destiné pour le transport, des vaisseaux du roi,
par préférence à des navires marchands ; car indépen-
damment des autres considérations qui ont déterminé
Sa Majesté et son Conseil à cette préférence, il est cer-
tain qu'il n'auroit pas été possible de mettre avec des
navires marchands l'approvisionnement au point où il
est actuellement.
(Pièce non signée)
Xbre 1755.
La frégate La Sirène, qui est arrivée à Brest le 10
de ce mois, avoit mis à la voile de la rade de Québec
le 8 de novembre ; mais on ne doit compter sa partance
que du 12, parce que, contrariée par les vents jusqu'à
ce jour-là, elle n'avait fait que le chemin que la marée
lui faisait faire.
La frégate La Fidèle étoit partie auparavant, mais de
fort peu de jours ; et c'est tout ce qu'on en sait jusqu'à
j résent.
270 EXTRAITS DES ARCHIVES
Les lettres venues par La Sirène de la part de M. de
Vaudreuil, gouverneur général, sont datées depuis le 17
septembre jusqu'au 2 novembre et sont toutes écrites
de Montréal où ce gouverneur étoit encore. Les détails
qu'elles contiennent de tout ce qui s'étoit passé jus-
qu'alors, roulent:
1° Sur l'affaire de M. de Dieskau, de laquelle M. de
Vaudreuil envoie une relation circonstanciée :
Suivant la liste ci-jointe, nous n'avons eu dans cette
affaire que quatre-vingt-quinze ou quatre-vingt-seize
hommes de tués, et cent trente blessés ; et les Anglois
y ont perdu de leur propre aveu plus de cinq cents
hommes. Après l'action, nos troupes se sont retirées
du côté du fort Saint-Frédéric, sans avoir été pour-
suivies, et M. de Vaudreuil a fait faire une espèce de
camp retranché à quelques lieues en avant de ce fort.
Les Anglois de leur côté sont restés dans leurs postes ;
mais ils n'ont point tenté d'exécuter le projet d'atta-
quer le fort Saint-Frédéric.
2° Sur ce qui s'est passé du côté de l'Acadie :
Depuis la prise des forts de Beauséjour et Gaspa-
reaux, les Anglois, voulant forcer les Acadiens de
prendre les armes contre la France, ont usé de toute
sorte de violence et de cruauté contre ces habitants,
dont un assez grand nombre s'est i étiré eu différents
endroits à l'intérieur des terres du continent où on leur
a envoyé des secours du Canada.
Quoique le commandant de la rivière Saint-Jean ait
pris le parti de brûler le fort pour empêcher qu'il ne
tombât entre les mains des Anglois, il s'est pourtant
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 271
mairtenu sur cette ri\'ière, et M. de Vaudreiiil a pris
des mesures pour en conserver la possession.
30 Sur ce qui s'est passé du côté des lacs :
Au moyen des troupes que M. de Vaudreuil avoit
rassemblées sous le fort de Frontenac, dans la vue de
faire le siège de Chouaguen, le gouverneur Shù-ley, qui
s'étoit rendu à ce dernier poste avec un corps considé-
rable de troupes pour attaquer tous nos forts sur les
lacs, n'a osé en attaquer aucun ; et M. de Vaudreuil
étoit informé qu'il s'étoit retiré avec toute son armée, à
l'exception de la garnison qu'il a laissée à Chouaguen ;
mais le mauvais succès de M. de Dieskau a empêché
M. de Vaudreuil de faire attaquer ce dernier poste. Il se
propose de faire cette entreprise dès le commencement
du printemps prochain, s'il n'y trouve pas des obstacles
insurmontables.
4"^ Sur ce qui s'est passé du côté de la Belle-Eivière :
Depuis la défaite du général Braddock plusieurs
partis sauvages ont pénétré chez les Anglois, et y ont
levé plusieurs chevelures, mais malgré la consterna-
tion que cette aventure a causée dans les colonies
angloises, les nouvelles que M. de Vaudreuil en a
reçues annoncent qu'on s'y prépare à faii-e, l'année pro-
chaine, une nouvelle enterprise contre le fort Duquesne ;
et il prend de sou côté des mesures pour la défense de
ce fort.
Il envoie des copies bien authentiques des papiers
de général Braddock, et l'on y trouve l'instruction du
roi d'Angleterre à ce général, une instruction particu-
lière qui lui avoit été donnée aussi de la part du duc
de Cumberland, plusieurs lettres écrites par ce même
272 EXTRAITS DES. ARCHIVES
général aux ministres d'Angleterre, MM. de Newcastle,
Robinson, Fox et Halifax ; et beaucoup d'autres pièces
qui prouvent bien manifestement les projets du gou-
vernement britannique.
50 Sur les dispositions des sauvages :
En général M. de Vaudreuil en paroît fort content.
Il ne désespère j)as même de ramener les cinq nations
Iroquoises à une neutralité.
Mais malgré le peu de succès que les Anglois ont eu
cette année du côté du fort Saint-Frédéric, des lacs et
de la Belle-Rivière, il s'attend à de nouveaux efforts de
leur part l'année prochaine ; et il demande des secours
considérables eu troupes, artillerie, armes, munitions
de guerre et de bouche.
CPièce non signée)
1755
MÉMOIRE PAR M. DE BÉHAGUE, BRIGADIER DES ARMÉES
DU ROI
Causes de la grande puissance des Anglois en
Europe, dans les deux Indes et en Afrique ;
Moment favorable pour mettre un frein ; nécessité
de l'union des deux branches de la maison de Bourbon,
celles de France et d'Espagne ;
Projet de descendre en Angleterre par la France ;
Projet de conquête des colonies angloises par
l'Espagne.
I
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 273
OBSERVATIONS P0LITI-MILITAIRE3 SUR LA PUISSANCE
BRITANNIQUE
On ne peut, dit milord Bolingbroke, donner ni
prendre trop tôt l'alarme en Europe, quand il s'élève
quelque puissance capable d'emporter la balance poli-
tique, car si une telle puissance n'est prévenue par la
vigilance, et arrêtée de bonne heure par les forces
réunies des autres états, il est à craindre qu'elle
n'attaque séparément ceux qui pourroient lui porter
ombrage, et qu'après les avoir successivement réunies,
rien ne puisse plus s'opposer à ses entreprises, ni
l'empêcher de consommer les projets de son ambition.
Il est d'autant plus nécessaire de réveiller à ce sujet
l'attention des politiques, que le point précis auquel la
balance tourne, est imperceptible à une observation
commune, et qu'il est difficile de s'apercevoir du chan-
gement avant qu'il se soit fait quelques progrès, sui-
vant la nouvelle direction, de sorte que ceux mêmes
qui ont le plus d'intérêt aux variations de cette balance
s'y méprennent souvent, et continuent pendant quelque
temps à craindre une puissance qui n'est plus en état
de nuire, ou à n'avoir aucune appréhension d'une autre
qui devient de jour en jour plus formidable.
Tel est ra\'is important qu'un des phis grands poli-
tiques que l'Angleterre ait eu, donnoit à l'Europe il
n'y a pas quarante ans, avis qu'il ne croyoit pas qu'on
toumeroit contre sa propre patrie dont l'ambition
n'éclatoit point encore, quoiqu'elle travaillât déjà
depuis longtemps à fonder et élever cette puissance
qui cherchoit à braver toutes les forces du continent,
18
274 EXTRAITS DES ARCHITES
ce qui doit causer à ses peuples plus d'inquiétudes
que ne leur en cause la grandeur des maisons d'Autri-
che et de Bourbon, dont on prit tant d'ombrage pen-
dant le cours des deux derniers siècles.
Pourquoi donc l'Europe ne paroît-elle pas encore
fort alarmée ? D'où parviennent sa sécurité et son indo-
lence ? c'est qu'apparemment quoique l'on voie bien
clairement les projets, les entreprises et les succès de
l'Angleterre, on n'en appréhende pas assez les suites,
parce qu'on ne considère pas l'espèce de puissance et
de domination auxquelles elle aspire, et qu'on n'ima-
gine point quelles entraves elle porteroit à la prospérité
de tous les états du continent, si elle pouvoit parvenir
à ses fins.
Sans imputer à cette nation le projet chimérique
qu'on a, suivant milord Bolingbroke lui-même, fausse-
ment attribué successivement aux maisons d'Autriche
et de Bourbon, on peut rapporter le véritable objet de
son ambition, à des vues assez révoltantes pour alarmer
et soulever tous les états qui ont intérêt à maintenir
un certain équilibre entre les diverses puissances du
monde.
En effet l'Angleterre tend à se former une puissance
absolue pour exercer la domination la plus tyrannique
qu'on ait encore vue en Europe. C'est ce qu'on -va
tâcher de développer.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 275
DÉFINITION DE LA PUISSANCE ABSOLUE
On entend par puissance absolue, celle qui est, se
soutient, agit et vaut par elle-même indépendamment
de tous moyens étrangers et accidentels, et il n'y a de
telles puissances que celles qui ont pour base un cer-
tain fond de population bien entretenue par l'exploita-
tion des terres et par l'industrie des sujets de l'Etat.
Toute autre puissance, uniquement fondée, par exemple,
ou sur les forces militaires ou sur les intrigues de la
politique, ou même sur un commerce d'économie et
sur les richesses qu'il procure, ne peut être que précaire,
et quoiqu'il soit possible qu'une telle puissance ren-
verse tout, dans un instant, par un coup subit et "sàolent,
elle doit nécessairement céder à la longue à une puis-
sance absolue qui sera seulement en état de résister à
ses premiers efforts.
Il n'y a donc à proprement parler, de vraie puis-
sance que la puissance absolue ; c'est elle qui fournit
des forces à la puissance militaire pour faire des con-
quêtes et pour les conserver. C'est elle qui prête des
moyens à la politique pour établir et soutenir le crédit
d'une nation chez les autres, et pour les attirer et les
attacher à son parti ; en un mot c'est elle qui est le
principe de toutes les autres puissances, étant composée
des seules vraies forces, et des seules richesses réelles
de l'Etat, qui sont les hommes et les produits des
exploitations de la terre et de l'industrie des sujets.
Telle est l'espèce de puissance que l'Angleterre
affecte et qu'elle s'efforce de porter au plus haut point
possible.
276 EXTRAITS DES ARCHIVES
Si l'on réfléchit sur la nature et la force des moyens
qu'elle emploie pour y réussir ; si l'on considère que
c'est là l'objet du système de son gouvernement, de
son administration économique, de sa politique exté-
rieure, de ses entreprises et de ses conquêtes, on ne
sera pas surpris des progrès qu'elle a déjà faits, mais
on sera effrayé de la rapidité de ceux qu'elle peut
encore faire.
Il y a déjà longtemps que l'Angleterre se conduit
sur u n plan qui doit porter sa puissance au plus haut
degi'é de sa grandeur, et il y a apparence qu'elle con-
tinuera à se gouverner de même tant que des révolu-
tions imprévues ne démembreront point son domaine,
ou ne changeront pas la constitution de son gouverne-
ment, et tant que le poids de sa propre grandeur ne
l'accablera pas, ou que sa prospérité ne corrompra
point les principes de son administration.
J^i-CTE JD:e 1660
PREMIÈRE ÉPOQUE DU BONHEUR DE LA NATION ANGLOISE
La première époque des progrès naturels dont l'Angle-
terre est redevable dans le principe à sa constitution,
à son système et à sa conduite soutenue, est le fameux
acte de navigation passé en 1660, dont l'objet fut d'as-
surer à la Grande-Bretagne le commerce exclusif de
ses colonies qui jusque là avoit été presque aban-
DU MINISTÈRE DE LA !kLA.RINE 277
donné aux antres nations, et d'étendre le plus qu'il
seroit possible sa navigation marchande, en restreignant
tant qu'on pourroit celle des autres peuples. Ce sage
statut bien exécuté produisit les plus heureux effets.
AVANTAGES QUI EN SONT RÉSULTÉS
Le jjremier fut que dès ce moment l'Angleterre retira
tout l'avantage qu'elle pouvoit espérer de l'établisse-
ment et de l'entretien de ses colonies qui, ne recevant
plus rien de leur métropole, et ne consommant plus que
des denrées de son cru et de sa fabrique, firent valoir
infiniment l'exploitation de ses terres et l'industrie de ses
sujets ; et qui, lui réservant pour ses retours toutes les
denrées et marchandises de leur cru et de leur fabrique,
pourvurent à la plus grande partie de ses besoins,
lui fournirent en outre la matière d'une exportation
considérable à l'étranger, et lui procurèrent ainsi les
moyens de solder avantageusement son commerce exté-
rieur, et de faire entrer abondamment chez elle l'argent
des autres nations.
Le deuxième efi'et que produisit l'exécutiGn de l'acte
de navigation fut de donner beaucoup plus d'emploi
qu'auparavant à la marine marchande d'Angleterre, de
multiplier prodigieusement chez cette nation l'espèce
de gens de mer, et de la mettre ainsi en état de former
et d'entretenir cette marine militaire à l'appui de
laquelle elle ose tant entreprendre.
278 EXTRAITS DES ARCHIVES
.A.CTE 3DE 1689
DEUXIÈME ÉPOQUE DE LA PROSPÉRITÉ DE L'ANGLETERRE
La seconde époque des progrès de la prospérité de
la grandeur de l'Angleterre est l'acte passé en 1689,
qui accorde une qualification pour l'exportation sur des
vaisseaux de la nation, des grains du pays quand leur
prix est au-dessous d'un certain taux.
Au moyen de cet encouragement on vit tout à la
fois les cultures s'étendre, et la navigation s'accroître.
La face de l'Angleterre chaogea. Des communes incul-
tes ou mal cultivées ; des champs, des pâturages arides
ou déserts devinrent des champs fertiles et des prés
riches. Les défrichements mirent toutes les campa-
gnes en valeur, et l'amélioration des terres en doubla
le revenu. Ainsi ce royaume n'éprouva plus de disette
et ne fut plus obligé d'acheter comme autrefois des
blés étrangers pour la subsistance des habitants. Des
moissons abondantes et certaines le mirent au contraire
en état de porter des grains aux nations qui en man-
quent, et de soutenir par cette précieuse branche de
commerce, la concurrence de la Pologne, du Danemark,
de Hambourg, de l'Afrique et de la Sicile. A propor-
tion de ce que la culture augmenta, elle employa plus
de chevaux, de bœufs, de moutons pour lalourer et
engraisser les terres, autre accroissement de richesses
aussi précieux, pour la consommation intérieure que
pour le commerce extérieur. L'exportation à l'étranger
ne pouvant s'en faire que par des bâtiments de la nation,
la navigation marchande s'étendit ; l'augmentation du
I
DU MINISTÈRE DE LA >LVRINE 279
nombre des gens de mer facilita des pêcheries, tant sur
les côtes que sur les parages éloignés, nouvelles écoles
et pépinières de matelots qui fournirent ensuite des
sujets pour la marina militaire, dont la puissance de\'int
de jour en jour d'autant plus formidable qu'elle étoit
mieux fondée, ses progrès n'étant jamais que propor-
tionnels à raccroissement des richesses et de la popula-
tion de l'Etat.
Ces statuts n'ont pas cessé d'être exécutés depuis
qu'ils ont été rendus. Si des règlements postérieurs en
ont étendu, restreint ou modifié quelques dispositions,
ils en ont toujours conservé l'esprit.
Tels sont les principes par lesquels l'Angleterre,
constamment gouvernée depuis cei^t ans, s'élève au plus
haut degré de la puissance absolue, ce qui n'est pas,
comme on voit, l'ouvrage peu solide et peu durable
d'un grand prince ou d'un ministre habile, dont le
règne ou l'administration passe bientôt, mais le fruit
d'un gouvernement bien constitué, bien systématique
et bien administré, qui tend continuellement à un but
certain par des moyens sûrs et presque sans écarts.
On ne voit pas que jusque là il n'y ait rien à repro-
cher à l'Angleterre. Ce n'est qu'à la bonté de son
gouvernement qu'elle doit les progrès de sa prospérité
et de sa grandeur ; elle a cherché à tirer le plus grand
parti possible de l'exploitation de ses domaines et de
l'industrie de ses sujets pour accroître continuellement
ses richesses et sa population, ce qui n'est pas moins
conforme aux principes du droit naturel qu'à ceux de
la saine politique.
280 EXTRAITS DES ARCHIVES
ACCROISSEMENT EXTÉRIEUR DE LA PUISSANCE
BRITANNIQUE
Mais l'ambition croissant avec la gi'andeur, la nation
angloise, après s'être fortifiée intérieurement et être
parvenue à un certain degré de puissance, s'est bientôt
trouvée trop resserrée dans les Isles Britanniques, et
sentant que si elle se tenoit resserrée dans de si étroites
bornes, elle ne pourroit jamais faire tête à de plus
grands états auxquels elle a affaire, elle a résolu de
s'agrandir au dehors et de s'étendre au delà des mers.
Tel est l'objet de ses projets, de ses entreprises et de
ses conquêtes dans les Indes orientales et occidentales.
Ce ne sont plus de simples colonies qu'elle veut établir,
mais de vastes empires qu'elle prétend se former dans
les autres parties du monde, pour suppléer au défaut
d'étendue de ses états en Europe. C'est ainsi qu'il faut
considérer aujourd'hui son agrandissement en Asie, en
Afrique et en Amérique. Quel redoutable empire par
exemple ne s'établiroit-elle pas dans la partie septen-
trionale de ce vaste pays, si après s'être emparée de
risle Eoyale, du Canada, de la Floride, elle envahissoit
encore la Louisiane, les Grandes Antilles, et se rendoit
maîtresse de cette riche partie du Nouveau-Monde.
Eien n'est plus capable d'étonner et de fixer l'attention
des autres états que la rapidité des progrès avec
lesquels elle pousse . l'établissement de ses colonies.
Celles qu'elle possède dans l'Amérique septentrionale
ont déjà près de trois millions d'hommes, quoiqu'il n'y
ait guère plus de cent ans qu'elles soient fondées. Quel
prodigieux accroissement de population, de richesses,
DU MINISTÈRE DE LA. MARINE 281
de puissance ne peut-elle donc pas se promettre de ses
conquêtes, si l'on souffre qu'elle les conserve et qu'elle
en tire tout l'avantage qu'elle est capable d'en tirer,
dont le moindre seroit d'exercer par son commerce un
monopole général.
Ce n'est pas qu'on imagine qu'elle s'avise jamais
d'appeler des autres parties du monde, des armées pour
faire la guerre en Europe, ce qui cependant ne lui
seroit pas plus difficile que de faire passer des troupes
d'Europe dans les autres parties du monde; mais les
colonies sans lui fournir de secours en hommes, ne la
mettent pas moins en état de faire de bien plus grands
efforts contre les autres puissances, qu'elle n'en pour-
roit faire si elle n'en possédoit aucune. En effet, les
grands avantages qu'elle retire de ses productions exté-
rieures par la voie du commerce, lui procurent les
moyens d'augmenter sa propre population beaucoup
au delà des bornes naturelles et circonscrites de son
domaine d'Europe. C'est cette population surabondante
et entretenue en Europe par l'exploitation des colonies
qu'elle possède dans les autres parties du monde, qui
lui donne tant de supériorité sur d'autres peuples, qui
sont en réalité plus puissants en Europe, mais n'ayant
pas de colonies ou ne sachant pas les faire valoir, n'ont
pas les mêmes ressources, sans lesquelles l'Angleterre
n'eût pu trouver le moyen d'entretenir une marine
considérable, de faire passer des troupes dans toutes les
parties du monde, d'y faire des conquêtes, et de fournir
encore à ses alliés des secours pour soutenir la guerre
dans le continent d'Europe. Si elle exécute déjà tant
de choses avec succès, que ne pourra-t-elle pas entre-
282 EXTRAITS DES ARCHIVKS
prendre quand ses colonies, devenant des empires, mul-
tiplieront de plus en plus ses forces et ses richesses, et
la porteront enfin au degré de la plus absolue puissance.
Les progi'ès accélérés de cette nation, si on ne les arrête,
surprendront alors l'Europe endormie, mais lui ouvri-
ront trop tard les yeux sur ses véritables intérêts, et
sur sa négligence irréparable.
NÉCESSITÉ d'y mettre UN FREIN, MOMENT FAVORABLE
Pourquoi donc tarder à mettre un frein à l'ambition
démesurée de l'Angleterre, lorsqu'il en est temps encore,
et que les circonstances semblent favorables à la France
et à l'Espagne pour s'en approprier la gloire ?
SITUATION ACTUELLE DE L ANGLETERRE A PROUVER PAR
DES DÉTAILS PARTICULIERS
La nation angloise fait preuve en ce moment de
crainte et de faiblesse. Elle temporise par ses négocia-
tions en même temps qu'absorbée de dettes, elle arme
de toutes parts. Cette contrainte est l'effet momentané
d'une administration divisée, qui s'est écartée des vrais
principes. Le gouvernement sait que l'empire des mers
qu'il a usurpé ne peut appartenir qu'à la force et à la
prudence qui font les titres de possession, mais tout
état puissant en armes sur terre a le droit de l'acquérir.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 283
RESSOURCES DR LA FRANCE
La France en jouit plus que tout autre par le nombre
et la valeur de ses troupes, par ses anciennes et nou-
velles frontières, par sa position sur l'Océan et sur la
Méditerranée ; par les ports et arsenaux qu'elle a sur
les mers ; par l'état renaissant de ses forces navales ;
enfin par son alliance avec l'Espagne qu'elle doit et qui
la doit mutuellement soutenir dans l'entreprise, seule
capable d'en imposer à une nation altière autant que sa
rivale, en allant lui enlever ses colonies ou la combattre
dans ses propres états.
PROJETS SUR L ANGLETERRE ET SUR LES POSSESSIONS
EXTÉRIEURES
Conquêtes (fes colonies anyloises re'serve'es à VEspaifue
Le moyen d'assurer le succès d'un projet aussi digne
de la maison de Bourbon, seroit de commencer par
porter les forces maritimes de l'Espagne sur les colonies
qui appartiennent à l'Angleterre, tandis que ses vais-
seaux à mettre en commission ne sont qu'imparfaite-
ment armés par le manque d'équipage et d'approvision-
nements.
DESCENTE EN ANGLETERRE RÉSERVÉE A LA FRANCE
Il en résulteroit leur conquête prochaine, ou la néces-
sité aux Anglois de dispei^ser leurs forces pour aller au
secours de Iturs colonies attaquées. Dans ce cas la
284 EJCTRAITS DES ARCHIVES
France tenteroit avec célérité l'exécution du projet qui
doit venger les insultes faites au pavillon de son roi, et
rendre à sa marine l'éclat imposant que lui avoient
procuré MM. de Colbert et de Seignelai.
DÉTAILS SUCCINTS RELATIFS A LA DESCENTE PROPOSÉE.
Le point d'attaque devroit être naturellement au
plus étroit de la Manche, en faisant la descente au
pays de Kent, comme le plus à portée de Londres dont
la possession décida la destinée du royaume.
Mais dans l'occurrence, la France n'ayant aucun port
dans la Manche, susceptible d'un embarquement consi-
dérable et tout à la fois en état de servir de retraite aux
vaisseaux de ligne, il faudrait évidemment que celui de
Brest en fut le chef-lieu, et que de ce port et de sa
rade ou de celles qui l'avoisinent dépendit le principal
embarquement.
Néanmoins pour diviser les forces qui, dans l'hypo-
thèse, resteroient à l'Angleterre et les fixer à la conser-
vation de Londres, il serait conséquent de former aux
environs du Pas de Calais un simulacre d'embarque-
ment qui, par la diversion qu'il occasionneroit, facili-
teroit d'autant le succès de la descente principale,
laquelle ayant son effet, trouveroit moins d'empêche-
ment pour pénétrer dans le pays.
Le point proposé pour le débarquement expédié de
Brest seroit Torbay sur la côte de Devon, lieu à le
faire d'autant plus commode que sa baie peu fortifiée
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 285
et bien abritée offre un ancrage sûr. C'est l'endroit que
le prince d'Orange choisit aux mêmes fins en 1688.
Ces diversions bien concertées feroient nécessaire-
ment baisser les fonds publics, et réduiroient peut-être
le ministère à la nécessité de vexer le peuple, et d'at-
tenter aux droits et à la liberté nationale. Le mécon-
tentement qui s'en suivroit, soutenu du zèle des parti-
sans jacobites ardents à se déclarer, dès qu'ils croiroient
qu'il est question de rendre aux Isles Britanniques leur
légitime souverain, favoriseroit infailliblement les
opérations de la France. La notoriété de l'histoire
prouve ce que dans de semblables conjontures, on
auroit droit d'attendre du génie des Anglois,si on leur
permettoit de maintenir leur religion, conserver leurs
privilèges et la forme présente de leur gouvernement,
en protégeant les dettes nationales qui font en partie
l'objet de leurs fortunes.
Une victoire sur les vaisseaux qu'ils s'efforceroient
d'opposer doit nécessairement précéder l'entreprise. Dès
lors du port de Dunkerque à ce suffisant, dépendroit
une flotte de bâtiments de transports pour conduire
sous escorte à l'ouest de l'Ecosse, huit à dix mille
hommes qui y formeroient leiu" débarquement à la
faveur des bons ports qui s'y rencontrent.
Ce corps joint aux Ecossais toujours prompts à se
réveiller, saisissant pour place d'arme la ville de Glas-
gow, distante ouest de dix-huit lieues d'Pldimbourg,
s'achemineroit à travers l'Angleteri'e sur Oxford.
Ce point seroit celui de réunion avec les troupes
débarquées à Torbay, pour ensemble se porter sur Lon-
dres, et combattre ce que le gouvernement auroit pu
286 EXTRAITS DES ARCHIVES
ramasser de forces autour de cette capitale, tandis que
l'embarquement simulé au Pas de Calais, se réaliseroit
en la province de Kent par la baie de Eyes, ou dans
Essex, du côté d'Harwich.
Cependant l'Espagne en mesure avec la France
pourroit débarquer à l'ouest de l'Irlande, un corps de
troupes pour agir conjointement avec les Irlandais
intéressés à la conquête de ce royaume, d'où ensuite il
seroit aisé de faire passer un corps d'alliés dans le
pays de Galles.
Ainsi à la fois les forces britanniques se trouveroient
partagées par trois attaques sous différents points de
directions. Le premier par Brest, le deuxième par
Dunkerque, et le troisième par le Pas de Calais, le
secours espagnol n'étant que provisionnel pour agir au
besoin.
Telle est le plan qu'on propose à la France et à
l'Espagne pour établir sa supériorité, rédimer l'Europe
des vexations dont elle est menacée. Quant aux détails
particuliers des opérations et de la conduite d'un projet
qu'on se contente d'exposer vaguement, on croit devoir
se les resserrer, ainsi que ceux qui ont trait aux moyens
et aux manœuvres d'opposition que l'Angleterre auroit
à employer contre une entreprise de cette nature.
BÉHAGUE,
Brigadier des armées du roi.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 287
COMilERCE INTÉRIEUR — DES MONNOIES — PARTIE
POLITIQUE
Envoi d'espèces dans la colonie du
Canada eiiJ755; critique de cette opé-
ration,mauvais effets qu'elle a produits.
Lorsqu'en 1755 le roi jugea à propos de faire passer
des troupes de France en Canada, on envoya dans cette
colonie des fonds en espèces pour le paiement de la
solde et de la subsistance de ces troupes.
Cette opération a été reconnue mauvaise parles effets
qu'elle a produits ; c'est ce qu'il est intéressant d'appro-
fondir pour bien reconnoître la faute qu'on a faite et
n'y plus retomber.
Yoici ce que le ministre écrivit d'abord à ce sujet à
l'intendant de la colonie :
LETTRE DU MINISTRE A M. BIGOT
Du 1er avril 1755.
Il l'autorisa à tirer des lettres de change pour les
dépenses de ces troupes, payables l'année suivante, en
di\-isant et éloignant les échéances autant qu'il lui seroit
possible.
Ensuite le ministre ajoute :
" n est à croire qu'en fixant ainsi ces échéances à
" l'année prochaine, vous pourrez procurer de la dimi-
" nution dans les dépenses relativement à l'augmenta-
" tion que peut y avoir causée l'éloignement des
" échéances des traites faites les deux dernières années.
h
288 EXTRAITS DES ARCHIVES
" Comme il est cependant de la plus grande impor-
" tance de parvenir à faire tomber les prix excessifs
" auxquels toutes les choses sont montées depuis quel-
" que temps en Canada, et que le plus sûr moyen seroit
" sans doute de faire payer en argent toutes les dépenses
" qui s'y font pour le compte du roi, puisque c'est à la
" quantité immense de papier qui a été répandue dans
" le public pour ces dépenses qu'il faut principalement
" attribuer cette excessive cherté qui se fait sentir dans
"la colonie; je me serais déterminé à y faire passer
" dès cette année des fonds en argent dans cette vue, si
" la situation de la caisse eût pu le permettre, mais
" cela n'est pas possible.... Il faut donc remettre cet
" arrangement à un autre temps.... Vous me rendrez
" donc compte de l'effet que pourra produire dans la
" colonie l'argent que lés troupes de terre vont y répan-
" dre, et vous me donnerez votre avis sur la quantité
" d'argent qu'il conviendroit d'y envoyer relativement
" à l'objet que j'ai eu en vue, avis que vous accompa-
" gnerez de toutes les considérations qui pourront y
" être relatives."
Voici maintenant quelques observations sur cette
lettre du ministre.
Il est constant qu'en fixant à un court terme les
échéances des traites faites sur France, on parviendroit
à faire baisser le prix des denrées en Canada, car les
négociants qui reçoivent leur paiement en monnoie de
cartes pour lesquelles on leur donne au trésor des
lettres de change sur France, payables dans les termes
de deux ou trois ans, ne peuvent se dédommager de ce
retardement qu'en vendant leurs denrées plus cher. A
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 289
l'égard de l'expédient de faire passer de l'argent dans
la colonie, il ne peut produire aucun bon effet, mais
au contraire bien des inconvénients.
Lorsqu'on réfléchit sur la nature et l'objet de la
monnoie qui est de représenter les denrées et générale-
ment tout ce qui est matière de commerce ; on sent
aisément que peu importe que cette monnoie soit de
métal ou de cartes, pourvu qu'elle remplisse bien sa
fonction de signe et de mesure des denrées.
Qu'importe aux habitants et négociants de n'avoir
qu'une monnoie de cartes, si avec cette monnoie ils
satisfont à tous leurs besoins dans la colonie, et s'ils
peuvent, lorsqu'ils le veulent, la convertir en espèces
en France. Ce n'est donc point du tout la carte qui
renchérit les denrées, mais le retardement dans le paie-
ment des lettres de change sur la France.
La quantité de papier répandue dans la colonie est
aussi cause de ce renchérissement, mais ce n'est pas
parce que ce n'est que du papier, c'est parce que cela
fait beaucoup de monnoie dans le commerce ; quand
tous ces papiers et cartes se convertissent en espèces,
pareille quantité d'espèces occasionneroit le même
renchérissement.
C'est donc une erreur que de croire qu'il faille faire
passer des espèces en Canada pour y faire baisser le
prix des denrées.
Bien au contraire, l'argent ne peut produire que de
mauvais effets dans cette colonie. Comment veut-on
en efl*et que la monnoie de cartes soutienne la œncur-
rence de la monnoie en espèces ? Plus il y a de mon-
noie de cartes ou de papier, plus il est dangereux d'y
19
290 EXTRAITS DES ARCHIVES
faire connoître des espèces ; ou bien il faudrait y en
faire passer assez pour retirer tout le papier, ce qui
seroit trop considérable et deviendroit inutile par la
suite, caria colonie ne pouiToit certainement pas retenir
tout cet argent, et il en repasseroit nécessairement une
partie en France, et peut-être même chez l'étranger.
LETTRE A M. DE VAUDREUIL
1755.
Le ministre fit effectivement passer en 1755 en
Canada, un fond d'environ 1,200,000 livres pour le
paiement des traites des troupes de France qu'on y
envoyoit.
Le premier malheur qui en résulta fut la perte d'une
somme de.... qui fut prise parles Anglois sur les vais-
seaux l'Alcide et le Lys.
Voici ensuite ce que M. Bigot, intendant, écrivit sur
les effets que cet argent produisit dans la colonie :
LETTRE DE M. BIGOT
Du 8 9bre. 1755.
" Je puis avouer (dit cet intendant) que l'argent
" comptant ne feroit pas tomber le prix des denrées.
" Pour ce qui concerne les denrées de la colonie,
" c'est l'aisance des habitants de la campagne et la
" bonne chair que ceux de la ville veulent faire qui
*' sont les seules causes de cette cherté. Le moindre
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 291
" artisan et ouvrier mange ce qu'il y a de meilleur,
" comme le premier de Québec, et l'habitant de la
" campagne remporte chez lui pour son usage ce qu'il
" ne peut vendre au marché au prix qu'il s'était pro-
" posé. L'ouvrier n'en est pas à la vérité plus riche,
*' au contraire, il n'est pas huit jours malade sans être
" réduit à l'annonce du curé, mais qu'importe ; cette
" manière de vivre multiplie les consommations et
" occasionne par conséquent la cherté.
" Ce n'est que depuis les grandes dépenses que le
" roi fait en Canada, qu'on y voit régner cette cherté sur
" les denrées, et elle augmente toutes les années, sur-
" tout celle-ci (1755), à cause du nombre extraordinaire
" de vaisseaux du roi. J'ai vu et connu jusqu'à pré-
" sent que c'est le plus ou moins de consommation
" qui décide du prix des denrées, et non le paiement
" en papier.
" Quant aux denrées de France, leur cherté n'est
" occasionnée que par l'éloignement des échéances des
" lettres de change qui vont jusqu'à trois ans. Le
" négociant aimeroit autant le papier que l'argent,
" pourvu qu'il lui donna, lorsqu'il le rapp'orte à la
" caisse des traites payables l'année suivante, et s'il
" n'y a que de l'argent dans la colonie, ceux qui vou-
" droient faire des remises en France le rapporteroient
" au trésorier pour avoir des lettres de change sur
" France, ils n'exposeroient pas des espèces sur mer
" en temps de guerre. "
M. Bigot ajoute à ces raisons une considération qui,
ce me semble, est décisive contre l'introduction de
l'argent en Canada,
292 EXTRAITS DES ARCHIVES
" C'est que l'habitant aura toujours plus à cœur de
*' défendre son pays quand l'intérêt l'y engagera, et il
" sera forcé de le faire quand il envisagera que s'il étoit
" pris par l'ennemi, il perdroit les papiers de caisse et
" monnoie de cartes qu'il auroit ramassé depuis long-
" temps, au lieu que s'il avoit de l'argent dans son
" coffre, lI lui seroit indifférent de passer sous une autre
" domination, "
" Par toutes ces raisons, et sans parler du risque
" que le roi courroit à faire passer des espèces dans la
" colonie, M. Bigot pense qu'il n'y a rien de mieux
" pour le pays que le i:)apier ou monnoie de cartes,
" pourvu que ce qui en seroit rapporté à la caisse fut
" retiré pour des traites payables l'année suivante. Les
" marchandises de France en ce dernier cas vien-
" droient en temps de paix à leur prix ordinaire. Il
" n'en seroit pas de même des denrées de la colonie,
" leur prix sera toujours forcé tant que le roi fera des
" dépenses considérables dans la colonie ; elles occasion-
" neront à chacun de ceux qui y ont part d'en faire
" plus chez lui, tant par rapport à lui-même qu'en
" faisant travailler les ouvriers, "
Ce que M. Bigot dit est fort bon, mais n'est pas
exprimé clairement ; il fait une distinction entre les
marchandises et les denrées qui n'est point nette, qu'en-
tend-il par denrées et par marchandises ? Je crois qu'on
peut réduire son raisonnement à ce qui suit :
La cherté des denrées ou marchandises vient de deux
causes : l'^ L'éloimement des échéances des traites sur
France, qui oblige le marchand à se faire payer des
DU iUXISTÈRE DE LA MARIXE 293
intérêts de ce retardement en vendant plus cher ; 2^ Les
dépenses que le roi fait dans la colonie qui répandent
l'aisance, augmentent les consommations et par consé-
quent renchérissent les denrées. A l'égard de la pré-
sence de l'argent dans le commerce, c'est une chose
tout à fait inutile et indiÔerente, et qui n'influe nulle-
ment sur le prix des denrées.
D'où il suit qu'il n'y a que deux moyens de faire
baisser le prix des denrées. Le premier est de donner
pour le papier ou la carte rapporté à la caisse des
lettres de change sur France, payables aux plus courtes
échéances possibles, et le deuxième de diminuer les
dépenses que le roi fait dans la colonie.
Nonobstant toutes ces raisons, M. Bigot, pour satis-
faire aux éclaircissements qu'on lui avoit demandés,
rend compte de la situation de la caisse de la colonie,
et il fait voir qu'il faudroit commencer par y envoyer
deux millons trois cent miUe livres pour retirer tous les
billets de caisse et le million de monnoie de cartes qui
coure dans le commerce, et ensuite sept millions pour
les dépenses courantes et à faire.
Je demande si l'on est en état d'envoyer cette somme
en Canada, et si on ne le peut ou on ne le veut pas, il
ne faut pas y en envoyer du tout, comme je l'ai déjà
observé, car comment le papier ou la carte soutiendra-
t-elle la concurrence de l'argent ? Et il parut bien dès
294 EXTRAITS DES ARCHIVES
1755 que cette concurrence de voit être fatale à la carte
et au papier de la colonie, car M. Bigot observe :
(En marge de ce paragraphe il y a l'annotation suivante) :
" C'est encore bien plus impossible à présent (en
1758) qu'il faudroit peut-être faire passer pour quatorze
ou quinze millions d'espèces en Canada pour faire face
à tout."
(Ihid).
" Qu'il ne paroît pas un écu dans le commerce ni au
" marché, que les habitants ou domiciliés dans le pays
" qui n'ont pas en vue de repasser jamais en France
" donnent sept francs en papier ou monnoie de cartes
" pour l'écu de six livres, et qu'ils servent sur le
" champ ses écus (sic). Le négociant n'en fait point de
" recherches, parce qu'il ne veut pas garder cet argent ;
" plusieurs officiers des troupes de France, gagnent sur
" leur argent ainsi que le soldat, d'autres le gardent
" pour leur retour en France, n'ayant pas d'occasion de
" le dépenser."
Enfin M. Bigot prétend :
" Que l'argent envoyé dans la colonie n'y produira
" aucun bien, qu'il en résultera seulement qu'au lieu
" d'un million de cartes que les habitants gardoient
" dans leurs coffres, comme la meilleure monnoie, ils
" le conserveront s'ils le peuvent en espèces, et que les
" cartes seront rapportées à la caisse ; et on s'aper-
" cevoit déjà (lorsque M. Bigot écrivoit) qu'il en ren-
" troit plus qu'à l'ordinaire. "
DU MINISTÈRE DE LA MARIXE 295
Xonobstant ces représentations de M. Bigot aux-
quelles je n'ai pas vu qu'on ait répondu, on a recom-
mencé en 1756 à envoyer de l'argent tant en Canada
qu'à risle Eoyale pour 1,267,571 livres.
Sur cette somme on a encore perdu celle de.
qui a été prise par les Anglois sur 1
Je ne sais si avant que de faire ce second envoi, on
a bien pesé les raisons pour ou contre, et si on a fait
part à M. Bigot des motifs qu'on a eus de continuer à
faire passer de l'argent en Canada contre son avis
motivé dans la lettre ci-dessus extraite.
Quoiqu'il en soit, cet intendant s'est encore plaint
de ce second envoi, qui a fait tomber la carte dans un
tel discrédit, qu'il a été obligé, pour la soutenir, de faire
savoir dans toute la colonie qu'il ne donneroit de
lettres de change sur France qu'aux porteurs de la
carte et de -papier de la colonie, et qu'il en refuseroit à
ceux qui ne rapporteroient que de l'argent à la caisse.
En marge, ou Ut :
" Je ne sais la date de cette lettre de M. Bigot qui
n'a fait que me passer entre les mains sans que j'aie
eu le temps d'en faire l'extrait. Je l'ai Techerchée
depuis sans la pouvoir trouver, mais je suis certain
qu'elle contient tout ce que j'en cite. "
296 EXTRAITS DES ARCHIVES
Cet expédient nécessaire auquel M. Bigot a été obligé
d'avoir recours pour réparer le désordre que causoit
dans la colonie la concurrence de l'espèce avec la carte
et le papier, a occasionné des plaintes de la part des
officiers des troupes de France, qui par là se sont privés
de l'avantage qu'ils trouvoient dans la faveur que
l'argent avoit usurpée sur la monnoie et le papier de
la colonie.
C'est ainsi qu'une mauvaise opération entraîne après
elle des suites fâcheuses, non seulement tant qu'elle
dure, mais même encore quelquefois lorsqu'il est ques-
tion de la ratifier. En effet, que va-t-on faire à présent,
cessera-t-on d'envoyer des espèces ? Les troupes de
France accoutumées à recevoir de l'argent et à gagner
dessus, se plaindront hautement, et comment les apai-
sera-t-on ? D'un autre côté si l'on continue à envoyer
de l'argent, la carte tombera tout à fait dans le discrédit,
et l'agiotage ravagera la colonie. Car il faut bien
remarquer que l'agiotage naît de la concurrence de
deux monnoies dont l'une gagne sur l'autre. S'il n'y
avoit en Canada que du papier, il n"y auroit point
d'agiotage.
(Mémoire non signé)
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 297
LETTRE DE M. DE LA GALISSONNIÈRE A M. ROtlLLÊ
A Paris, le 7 mars 1755.
Monsieur,
Voilà tout ce que j'ai pu rassembler de caites des
différentes parties du Canada. Vous y verrez qu'il n'y
en a aucune, ni ancienne ni moderne, qui laisse aucun
équivoque sur la possession de l'Ohio et de toutes les
rivières qui tombent dans le fleuve Mississipi à sa
gauclie. Vous y veiTez aussi que toutes ces cartes
ont placé les bornes des possessions angloises au som-
met des montagnes des Apalaches. La carte augloise
de People, que je n'ai pas, mais que M, le duc de
Mirepoix trouvera facilement, puisqu'elle a été faite
sous les yeux et par les ordres du gouvernement,
n'est pas plus favorable aux nouvelles prétentions de
l'Angleterre.
On peut voir par ces mêmes cartes que nous
n'avons plus de bornes à opposer aux prétentions
angloises, si on leur laisse franchir celles que la
nature du terrain semble leur avoir prescrites, et que
notre possession non contestée jusqu'ici sembloit devoir
assurer pour jamais.
Enfin on peut dire que par une ambition aussi
imprudente qu'injuste, ils se préparent à attirer pour
toujours le fléau de la guerre et des incursions sau-
vages sur leurs colonies qui jusqu'à présent avoient
joui d'une paix profonde, ce qui, quelque traite qu'on
fasse, et quelque précaution qu'on prenne, ne pourra
plus subsister si une fois il leur est permis de venir
298 EXTRAITS DES ARCHIVES
faire le commerce en concurrence avec nous dans les
villages sauvaoes des environs de l'Ohio.
EXTRAIT d'une LETTRE ÉCRITE PAR LE MINISTRE
DUQUESNE AU CHEVALIER DE DRUCOUR
Le 8 mars 1755.
Il vient d'arriver un événement dans la Belle-Eivière
qui semble me promettre qu'on aura moins de peine à
consolider notre nouvel établissement. Les Chouanons
qui composent la plus forte nation de cet endroit ont
fi'appé sur les Anglois, ont levé dix-sept chevelures et
amené dix prisonniers qu'ils ont distribués à différentes
nations qui ont accepté la hache. Kien ne pou voit être
si avantageux dans les circonstances présentes ; car il
n'est pas de barrières comme de pareils défenseurs ;
mais avec si beau jeu (car mes mouvements sont les
mêmes), il faut appuyer les sauvages qui lâcheroient
bientôt prise s'ils pensoient qu'on leur laissât faire toute
la besogne. En conséquence, j'ai fait partir un détache-
ment sur les glaces, et à l'ouverture de la navigation
je ferai filer par brigade ainsi que de coutume.
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 299
MÉMOIRE SUR LA DÉPÊCHE DE M. LE DUC DE iURElOIX
Du 6 avril 1755.
Les propositions du ministère britannique dont cette
dépêche rend compte, ne diffèrent presque en rien de
ce qui a été proposé jusqu'ici par ce même ministère ;
elles servent seulement à dévoiler ce qui avoit été
enveloppé d'une manière obscure dans le contre-projet
de convention dressé par l'Angleterre.
Les Anglois font désormais connoître d'une manière
bien précise qu'ils veulent étendre leurs possessions
jusqu'au fleuve Saint-Laurent.
Ils proposent par rapport à une partie du Canada
située au-dessus de Québec, que le fleuve Saint-Lau-
rent et les lacs Ontario et Erié servent de limites entre
les deux nations. Ce sont les propres expressions de
la lettre de M. le duc de Mirepoix.
C'est sur la supposition ou sur la reconnoissance de
ces limites qu'ils entendent établir la base de toute la
négociation ; et ils veulent bien, après avoir absorbé la
partie la plus précieuse et la plus intéressante du
Canada, entrer en accommodement, par amour pour la
paix, sur les convenances et les stipulations particu-
lières que la France devra leur proposer par rapport à
la partie du Canada dont ils l'auront dépouillée.
On sent tout l'art et le daugar d'un système de
négociation où l'on commenceroit par supposer en
faveur des Anglois ce qu'on ne doit pas même souffrir
qu'ils mettent en question ; et qui ne tendroit à rien
moins qu'à la perte totale du Canada, par la difliculté.
300 EXTRAITS DES ARCHIVES
pour ne pas dire l'impossibilité, d'en conserver le sur-
plus après ce démembrement.
Il paroît donc indispensable de s'expliquer préala-
blement avec l'Angleterre et de lui déclarer catégori-
quement que le fleuve Saint- Laurent et les lacs qui en
font partie, ont toujours fait le centre du Canada, et
n'en ont jamais été les limites ; il seroit peut-être à
propos de prescrire en conséquence à l'ambassadeur du
roi, d'éloigner et de rejeter définitivement toute propo-
sition nouvelle qu'on pourroit lui faire et qui seroit
contraire, parce qu'elle ne seroit pas admise , par Sa
Majesté.
Comme le ministère anglois a reconnu lui-même
dans ses conférences avec M. le duc de Mirepoix que
les montagnes de la Virginie sont les limites de leurs
établissements, il paroît qu'on ne peut poser d'autre
règle pour fixer les limites des différentes possessions
respectives dans cette partie de l'Amérique septen-
trionale, que la hauteur même des terres, c'est-à-dire
que les rivières qui se rendent à la mer depuis la
Nouvelle-Angleterre jusque y compris la Géorgie
appartiendront aux Anglois, jusqu'à leurs sources, et
que celles qui se rendent dans le fleuve Saint-Laurent
et le fleuve Saint- Louis, ainsi que toutes celles qui
tombent à la mer dans l'étendue des côtes qui font
partie des colonies françoises, appartiendront à la
France.
Par cette fixation même des limites, les Anglois se
trouveront extrêmement à portée en plusieurs endroits
du centre de nos établissements ; mais c'est néanmoins
le moyen de pourvoir de la manière la plus stable et la
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 301
plus solide à la sûreté mutuelle des établissements des
deux nations ; tout autre arrangement ne pourroit que
tendre à en faciliter l'invasion.
En convenant de part et d'autre que les sujets des
deux couronnes ne pourroient excéder les limites, on
pouiToit au surplus se prêter à tous les arrangements
convenables qui seroient proposés pour laisser un
intervalle sur les frontières sans être établi ni défriché ;
et l'on pourroit pareillement restreindi'e la liberté
d'élever des forts à des distances convenues, et propres
à dissiper tout sujet d'ombrage et d'inquiétude.
La connoissance de la nature de nos colonies, ainsi
que celles des Anglois et du commerce des unes et
des autres, mettent en état de discuter avec avantage
vis-à-vis les membres les plus accrédités du conseil
privé d'Angleterre, ce que l'arrangement que l'on pro-
pose a de favorable ou de contraire aux intérêts réci-
proques des deux nations.
Il est certain, comme on l'a déjà observé, que c'est
le seul convenable à leur sûreté mutuelle ; et qu'en
conséquence il ne peut y avoir que deux motifs pour
s'y refuser.
Le premier seroit le dessein caclié de se ménager
les facilités d'une invasion ; ce premier motif est pré-
cisément celui qui doit faire insister sur les limites
proposées. Le deuxième est le préjudice que les
Anglois peuvent prétendre que cet arrangement cau-
seroit à leur commerce ; celui-ci peut avoir besoin de
quelque explication.
On doit convenir que les Anglois auroient plus de
facilité pour le commerce des pelleteries, s'il leur étoit
302 EXTRAITS DES ARCHIVES
libre d'étendre leurs possessions jusque sur le fleuve
Saint-Laurent et sur les lacs, et ils en auroient encore
davantage s'ils étoient les maîtres du Canada.
Mais ce n'est pas un motif pour leur accorder ce
qu'ils demandent, et il y a plusieurs réflexions et con-
sidérations qu'il est essentiel de les engager à peser
avec maturité :
1*^ Tout l'objet se réduit au fond à une branche de
commerce de pelleteries.
2'^ Si l'on veut être de bonne foi, cet objet est en
soi très médiocre et ne vaut pas la centième partie des
frais dans lesquels cette contestation a déjà constitué
les deux couronnes. Ce seroit au fond faire la guerre
pour l'intérêt de quelques traiteurs en petit nombre,
et d'un plus petit nombre de personnes qui peuvent
trouver dans la guerre des avantages particuliers.
3*^ L'objet de commerce dont il pourroit être ques-
tion est d'autant moins considérable que l'arrange-
ment que l'on propose n'emporte point avec soi l'exclu-
sion du commerce des pelleteries, attendu que les sau-
vages ont toujours joui et jouiront toujours de la
faculté de porter leurs pelleteries où ils le jugeront à
propos,
4° Ces pelleteries se réduisent à deux espèces prin-
cipales : le daim ou le chevreuil, dont les François ne
font presque aucun commerce, et le castor dont les
sauvages j)artageront toujours la traite avec les Anglois.
5° Le médiocre inconvénient que pourroit entraîner
l'arrangement des limites par rapport à cette branche
de commerce doit céder non seulement à la justice des
droits du roi sur cette partie du Canada, mais encore à
DU MINISTÈRE DE LA MARINE 303
l'amour de la paix et à la tranquillité de ces colonies.
Les troubles, les craintes, les inquiétudes y subsiste-
ront à jamais tant que les traiteurs particuliers pour-
ront franchir leurs limites, aller chez les sauvages et
les soulever, il s'en suivra des massacres dont les
tristes exemples ne sont que trop multipliés. Ce sera
pour l'une et l'autre nation un obstacle à l'établisse-
ment solide et à l'accroissement de la partie de leurs
colonies, qui seront à proximité des sauvages. 11 est
donc indispensable d,e faire céder la considération d'un
médiocre commerce à celle de fixer les bornes cer-
taines entre les deux nations, et l'on ne peut se guider
à cet égard que par celle que la nature paraît avoir
prescrites elle-même.
Enfin, si l'on veut procéder de bonne foi, si l'Angle-
terre veut renoncer à tout projet de se faciliter les
moyens d'envahir les possessions de la France, si en
conséquence, elle reconnoît comme une vérité certaine,
ainsi qu'on l'assure avec confiance, qu'il ne s'agit que
de l'intérêt très borné d'une mvidiocre branche de
commerce de pelleteries, c'est alors qu'on pourra trai-
ter avec l'espérance de parvenir à une conciliation. Il
y auroit même des moyens de dédommager les Anglois
avec usure des profits d'un commerce de pelleteries
qu'ils ne peuvent se procurer qu'en empiétant sur une
partie du Canada, qu'on ne peut céder sans intéresser
la sûreté de cette colonie. On n'estime pas au surplus
qu'il soit convenable d'entrer dans le détail de ces
moyens, que l'on ne soit préalablement convenu des
principes de la négociation.
304 EXTKAITS DES ARCHIVES
On a si amplement expliqué tout ce qui concerne
les limites de l'Acadie dans les observations qui ont
été faites sur les précédentes dépêches de M, le duc de
Mirepoix, il est si facile de démontrer que les vingt
lieues que les Anglois demandent le long de la côte du
continent ne peuvent servir à la communication pour
laquelle ils en font la demande ; enfin la nécessité de
conserver la possession de la rivière Saint-Jean pour
les communications avec Québec, lorsque le fleuve
Saint-Laurent n'est pas navigable, est si sensible
qu'on ne s'arrêtera pas ici à une discussion suffisam-
ment éclaircie, et qui dégénéroit en répétitions.
Pour se résumer l'on pense qu'on doit poser et établir
comme base, principes et moyens de la conciliation :
1^ Que la hauteur des terres servira de limites entre
les colpnies angloises, depuis la Nouvelle- Angleterre
jusque y compris la Géorgie, et entre les colonies
françoises du Canada et de la Louisiane, en sorte que
toutes les rivières qui se rendent dans les fleuves Saint-
Laurent et Saint-Louis, et celles qui tombent à la mer
dans l'étendue des côtes qui font partie de ces deux
colonies, appartiendront à la France, et de même respec-
tivement à l'égard des colonies angloises.
2^^ Que pour éviter tout sujet mutuel d'inquiétude,
on pourra stipuler de laisser sur les frontières une
certaine étendue de terrain sans être habité ni défriché,
et qu'on pourra pareillement convenir d'une distance
dans laquelle il ne sera élevé aucun fort. Qu'au surplus
on proposera des moyens qui procureront aux Anglois
un commerce de pelleteries plus considérable que celui
qui fait désirer à leurs traiteurs d'empiéter sur une
DTJ MINISTÈRE DE LA MARINE 305
partie du Canada, auquel démembrement on ne con-
sentira jamais.
3^ Que chaque nation ne pourra trafiquer avec les
sauvages que sur son propre territoire ; mais que les
sauvages pourront, suivant l'usage ordinaire, aller trafi-
quer chez une nation ou chez l'autre.
4° Quoiqu'il soit évidemment établi par les mémoires
de la commission qu'il n'appartient à l'Angleterre
qu'une partie de la péninsule où est située l'Acadie
avec la viUe de Port-Eoyal et sa banlieue, on pourroit,
sans inconvénient pour les colonies françoises, céder à
l'AngleteiTe l'extrénaité de cette même péninsule, depuis
le Cap de Sable jusqu'à la banlieue de Port-Eoyal et
le surplus de la péninsule, non compris Beau-Bassin
ou Chignitou qui appartiendroit à la France, et une
certaine étendue vers l'isthme, laquelle étendue reste-
roit neutre et sous la condition qu'il n'y auroit aucun
établissement, à une distance qui seroit déterminée sur
la partie de la côte de la péninsule qui règne le long
du golfe Saint-Laurent. Il y auroit en ce cas des arran-
gements à prendre, également utiles aux deux nations
pour retirer les François qui habitent la péninsule.
5° Comme la côte des chemins depuis l'extrémité de
'** la Nouvelle- AngleteiTe jusqu'à la péninsule ne peut
servir à la communication de l'une à l'autre par terre,
et comme cette même côte est indispensable et néces-
saire pour la communication de Québec, durant une
partie de l'année, tant avec l'Europe qu'avec l'Isle
Eoyale et l'Isle Saint-Jean, que d'ailleurs cette contrée
n'a pas fait partie de la cession de l'Acadie faite à
20
306 EXTRAITS DES ARCHIVES DU MINISTÈRE, ETC
l'Angleterre par le traité d'Utrecht, il paroit qu'on ne
doit pas se désister de la possession d'un terrain qui
apj)artient à la France, qui lui est nécessaire et qui
serait inutile aux Anglois.
Au surplus on pense qu'on pourroit se prêter à
étendre les limites de la Nouvelle-Angleterre, en ce
qui ne gôneroit point la communication avec Québec.
Par cette extension de la Nouvelle-Angleterre ou rap-
procheroit et on abrégeroit de plus en plus la commu-
nication par mer avec l'Acadie, la seule dont elle
puisse être dans le cas de faire usage, et la seule qui
dans le fait soit praticable.
C Enfin, comme il s'agit de procéder à une conven-
tion définitive, il paroît qu'on ne doit se prêter à
tous les avantages ci-dessus mentionnés en faveur de
l'Angleterre, qu'en obtenant en même temps justice de
sa part sur les isîes contentieuses et réparation pour
ce qui s'est passé à la Côte d'Or, en statuant sur les
prises faites injustement à l'occasion de la dernière
guerre, et en terminant les contestations des Indes
orientales.
(non signé)
FIN
T^BLE DES M^TI^RES
PAGES
Dédicace. 5
Liste des ministres d'Etat de France 7
Lettre du marquis Duquesne 31 mai 1755 9
Idem 12 juin 1755 11
Idem -5 juin 1755 13
Garnison des forts de la Belle Rivière 14
Mouvements en 1755 14
Lettre du marquis Duquesne 12 juillet 1755 17
Comptes pour les pays d'en haut 18
Distribution des grâces du roi 23
Lettre du marquis Duquesne 15 juillet 1755 25
Règlement pour Missiliraakinac 26
Lettre du marquis Duquesne 1755 29
Lettre du marquis de Vaudreuil 15 avril 1755 30
Instruction du marquis de Vaudreuil 31
Lettre du marquis de Vaudreuil .... 15 avril 1755 34
Idem 27 juin 1755 35
Idem 10 juillet 1755 36
Ordre pour la marche de l'armée 38
Notes pour l'intendant 41
Lettre du marquis de Vaudreuil 24 juillet 1755 43
Idem 5 septembre 1755... 51
Dépêche à MM. les chevaliers de
Drucour et Prévôt 5 septembre 1755.. . 35
308 TABLE DES MATIÈRES
Note jointe à la lettre de M. Chaste-
nay 19 septembre 1755 ... 56
Réponses d'un prisonnier 60
Lettre du marquis de Vaudreuil 18 octobre 1755 . 63
Idem 18 novembre 1765 . . 67
Idem 28 octobre 1755 69
Requête de Joseph-Fleury Deschambault , 70
Lettre du marquis de Vaudreuil 31 8bre 1755 72
Modèle des rôles de milice 76
Réponses du marquis de Vaudreuil aux sauvaf^es de la Pré-
sentation 82
Lettre du marquis de Vaudreuil 23 8bre 1755 89
Idem 25 octobre 1755 90
Idem , 30 do .... 91
Idem 30 do .... 92
Idem 30 do .... 93
Idem 30 do .... 94
Idem 30 do .... 95
Idem 30 do .... 96
Idem 30 do .... 97
Idem 30 do .... 99
Idem 30 do .... 101
Idem 30 do 102
Idem = 30 do .... 103
Idem 30 8bre 1755 104
Idem 30 do 106
Idem 30 octobre 1756 107
Idem 318brel765 110
Idem 29brel756 111
Idem 6 do 113
Idem 6 do 114
TABLE DES MATIÈRES 309
PAGES
Lettre de M. Varin 15 8bre 1755 115
Lettre de M. Levasseur 6 9bre 1755 116
Pinières à la rivière Senaramiac 118
Lettre de M. Imbert 2 février 1755 120
Requête de M. Imbert 121
Lettre de M. Bréard 13 août 1755 127
Lettre de M. Olivier de Vézin 130
Lettre du chevalier Le Mercier 20 octobre 1755 132
Demandes puur l'artillerie 134
Lettre du chevalier Le Mercier 20 octobre 1755. .... 138
Idem 20 8bre 1755 139
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Idem
Mémoire sur l'artillerie du Canada 153
Etat des travaux d'artillerie 161
Lettre du chevalier Le Mercier 187
Lettre de M. l'abbé de l'Isle-Dieu ... 4 janvier 1755 188
Idem 7 mars 1755 190
Idem l:i juillet 1755 197
Idem 19 do 1755 199
Idem 21 do 1755. :... 205
Idem 30 do 1755 209
Lettre de M. l'abbé Le Loutre 22 septembre 1755. . 212
Lettre de M. l'abbé de l'Isle-Dieu. . . 4 octobre 1755. ... 214
Idem 8 do 1755 216
Idem 10 do 1755 219
Idem 29 septembre 1755. . 220
20
do
140
20
do
144
20
do
145
20
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147
20
do
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20
do
150
310 TABLE DES MATIÈRES
PAGES
Idem 15 septembre 1755 . . 222
Idem 3 novembre 1755 . . 224
Lettre de M. l'abbé Le Loutre, sous
le nom de J.-L. Desprez 24 octobre 1755 228
Lettre de M. l'abbé de l'Isle-Dieu. . . 18 novembre 1755. . 229
Idem 29 do 1755. . 231
Idem 15 décembre 1755. .. 233
Idem 23 do 1755-.. 236
Lettre de M. de Contrecœur 20 juillet 1755. .... 242
Idem 28 septembre 1755 . . 244
Lettre de M. Chaussegros de Léry. . 11 novembre 1755. . 245
Rfipport du roi sur le trauaport des troupes 247
Lettre à M. de Bompart 17 février 1755 261
Pièces non signées lues au Conseil 264
Mémoire de M. de Béhague 272
Commerce intérieur — des monnoies — partie politique . . . 287
Lettre de M. de La G.ilissonnière à M. Rouillé 297
Lettre de M. Duquesne au chevalier
de Drucour 8 mars 1755 298
Mémoire non signé sur la dépêche de
M. le duc de Mirepoix 6 avril 1755 299
S^
0
BINDING SECT. OCT 2 11966
005109518096
F
5065
G37
Casgrain, Henri Raymond (éd.)
Extraits des archives des
Ministères de la Marine et de
la Guerre à Paris
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