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Full text of "Extraits des archives des Ministères de la marine et de la guerre à Paris : Canada, Correspondance générale, MM. Duquesne et Vaudreuil, Gouverneurs-generaux, 1755-1760"

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EXTEAITS 

DES  ARCHIVES 

DIS 

MMSTÈRES  DE  L\  MARLN'E  ET  DE  U  GUERRE 

A  PARIS 


G  A^JS[  ^^  r>  A. 

1765-1760 


.^i' 


EXTRAITS 

DES  ARCHIVES 

DES 

MIXISTÈRES  DE  LA  MARLXE  ET  DE  LA  GUERRE 

Publiés  sons  la  direction  de  l'abbé.H.*R.  CASGRAIN 

D.    ÉS-L..    PROFESSEUR   A  L'tXIVERSITÉ-LAVAL.  ETC. 


CORRESPOXDAXCE  GÉNÉRALE 


MM.  DUQUESXE  ET  A^AUDEEUIL 

GOm'ERXEURS-GÉNÉRAUX 


1755-1760 


QUÉBEC 

IMPRIMERIE  DE  L.-J.  DEMERS  et  FRÈRE 

30,  Rue  de  la  Fabrique,  30 

1890 


F 

5oCo5 
C37 


V 


\\      SEP  2  0 1965 
1008767 


L'HONORABLE  M.  MERCIER 

PREMIER   MINISTRE 

DE  LA 

PROVINXE   DE  QUÉBEC 


Monsieur  le  premier  Ministre, 

Il  y  a  deux  ans,  la  Province  de  Québec  a  exprimé, 
par  un  vote  unanime  de  la  Chambi'e  d^ Assemblée, 
(11  juin  1888),  ses  reniercîments  à  M.  le  comte  de 
Nicolay  pour  le  don  magnifique  qu'il  venait  de 
faire  à  cette  Province  de  la  copie  complète  et  authen- 
tique des  manuscrits  de  son  aïeul  le  maréchal  de 
Lévis.  Par  la  même  résolution,  la  Chambre  s'est 
engagée  à  publier  cette  collection  de  manuscrits.  Déjà 
les  deux  premiers  volumes  :  Le  Jouenal  et  les 
Lettres  du  Chevalier  de  Lêvis,  ont  été  publiés, 
et  l'impression  de  la  suite  se  continue.  Ces  manus- 
crits d'un  prix  inestimable  'pour  l'histoire  du  Canada, 
embrassent  la  période  la  plus  intéressante  de  nos 
annales,  celle  de  la  guerre  de  sept  ans  (1756-1763), 


6  DÉDICACE 

et  répandent  un  jour  tout  nouveau  sur  les  hommes 
et  les  choses  de  ce  temps. 

Une  fois  en  possession  de  ce  riche  trésor,  unique  en 
son  genre,  il  restait  à  le  compléter  en  obtenant  la 
copie  des  manuscrits  concernant  la  même  période, 
qui  se  trouvent  à  Paris  aux  archives  du  Ministère  de 
la  Marine  et  des  Colonies,  et  à  celles  du  Ministère  de 
la  Guerre.  La  copie  de  ces  derniers  documents  form^era 
douze  volumes  d'impression.  Ce  sont  ces  manuscrits 
dont  nous  comTnençons  aujourd'hui  la  publication. 
Quand  elle  sera  terminée,  la  Province  de  Québec  aura 
élevé  un  monument  historique  qui  n'a  pas  son  pareil 
en  Amérique. 

C'est  à  vous,  Monsieur  le  prernier  Ministre,  qu'en 
revient  l'honneur  ;  car  c'est  vous  qui  avez  pris  l'ini- 
tiative de  la  publication  des  Manuscrits  du  maréchal 
de  Lévis,  dont  celle-ci  est  le  complément.  En  vous 
félicitant  de  la  haute  protection  et  de  V encouragement 
que  vous  accordez  à  la  science  historique  dans  notre 
pays,  je  vous  prie  d'agréer, 

Monsieur  le  premier  Ministre, 

L'expression  des  sentiments  distingués  avec  lesquels 
J'ai  l'honneur  d'être, 

Votre  tout  dévoué  serviteur. 

L'abbé  H.-R.  CA8GRAIN. 

Québec,  I4  aotît  1890. 


LISTE  DES  MINISTRES  D'ÉTAT 

IDE  iPî^j^nsroE 

DURANT  LA  GUEERE  DE  SEPT  ANS 
1755-1763 

Ministres  de  la  Justice 

APPELÉS   AUSSI   CHANCELIERS  OU    GARDES   DES   SCEAUX. 


1755,    9  déc.     1757,    2  fév..  De  Machault  d'Armonville. 

Louis  XV  lui-même  garde  des  sceaux. 

1761,  13oct..    1762,  15  août    B.-rryer. 

1762,  loct..    1763,        oct.   Feydeau  de  Brou. 

1763,  ....     1768;        ....   De    Maupeou  (Réné-Charles)  ;  chan- 

celier en  1768. 


Ministres  «les  Affaires  Etrangères 

DE  A 

1754,  28juil.  1757,  De  Rouillé,  de  Jouy, 

1757,  25  juin.  1758,  De  Pierre,  Cardinal  de  Bemis. 

rr58,    1  nov.  1761,  De  Choiseul  Stainville. 

1761,       oct..  1766,  De  Choiseul  Praslin. 


MINISTRES  d'État  de  frange 


Ministres  de  la  Narine  et  des  Colonies 


1754,  28  juil.  1757,     1  fév.  De  Machault. 

1757,  1  fév..  1758,     1  juin.  Peirenne  de  Moras. 

1758,  1  juin.  1758,     1  nov.  De  Massiac. 

1758,    1  juin.  1758,     1  nov.  Lenormand  de  Mézy,  adjoint. 

1758,    1  nov.  1761,  13  oct.    Berryer, 

1761,  13oct..  1766,     7  avril  De  Choiseul  Stainville. 


Ministres  de  la  Guerre 


I 


1743,     9  janv    1757,     1  fév..  De  Voyer  D'Argenson. 

1757,  1  fév..    1758,  25  fév..  De  Voyer  D'Argenson,  Antoîne-René, 

marquis  de  Paulmy. 

1758,  3  mars    1761,  20  janv.  Fouquet  De  Belle-Isle  (Louis-Charles- 

Auguste.)  * 

1758,     9  avril  De  Crémille,  adjoint. 

1761,  26  janv.    1770,  24  dêc.  De  Choiseul  Stainville. 


Contrôleurs  Généraux 


1754,  29  juil..  1756,  25  août.  De  Séchelles  (Jean  Moreau). 

1756,  25  août.  1757,    1  fév. .   Peirenne  de  Moras  (François-Marie). 

1757,  25  août.  1759,     4  mars  De  Bullogne  (Jean-Nicolas). 
1759,        mars  1759,        nov.   De  Silhouette. 

1759,        nov.  1763,        déc  .  Bertin  (Henri-Léonard-Jean-Baptiste). 

1763,       déc . .  1768,  De  L'Averdy  (Clément-Chs-François) . 

•  M.  de  Crémille  signait  avec  lui. 


EXTR.^lITS 

DES  ARCHIA^ES 

DC 

MIXISTÈRE  DE  LA  MARIXE  ET  DES  COLONIES 

A  PARIS  ' 


c  .A.  :n^  .^  D  .A. 


CORRESPONDANCE  GÉNÉRALE 


M.  LE  MARQUIS  DUQUESNE,  GOUVERNEUR  GËNÈRAL 

Mcmtréal,  le  31  mai  1755. 
Monseigneur, 

Je  reçois  dans  le  moment  une  dépêche  du  Sieur  de 
Contrecœur  qui  m'apprend  que  les  Chouanons  de  la 
Belle-Ei\àère  à  qui  j'avois  fait  honte  de  ce  qu'ils  souf- 


*  La  copie  des  manuscrits  qui  a  servi  de  texte  à  la  présente 
publication,  a  été  faite  sous  ma  direction.  Chaque  pièce  a  été 
coUationnée  par  un  archiviste  avec  un  si>in  et  une  exactitude 
qui  lui  donnent  la  valeur  de  l'original.  Pour  les  manuscrits  du 
Ministère  de  la  Marine  et  des  Colonies,  j'ai  suivi  l'excellent 
catalogue  dressé  par  M.  Joseph  Manuette  et  publié  par  le 
gouvernement  fédéral  dans  les  Rapports  sur  les  Archives  du 
Canada.  Comme  il  n'en  existe  pas  pour  les  Archives  du  Minis- 
tère de  la  Guerre,  j'ai  dû  y  suppléer  moi-même.  Afin  de  rendre 
la  publication  de  ces  documents  aussi  complète  et  aussi  utile  que 
possible,  je  n'ai  tenu  aucun  compte  des  fragments  qui  en  ont 
été  publiés  à  diverses  époques  et  qui  sont  dispersés  dans  diffé- 
rents ouvrages,  dont  l'accès  est  plus  ou  moins  difiicile.  Le 
premier  volume  de  cette  publication  répond  au  volume  100  des 
Archives  de  la  Marine. 

L'abbé  H.-R.  Casckaix. 


10  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

froient  impunément  que  six  de  leurs  frères  fussent 
détenus  depuis  deux  ans  dans  les  prisons  de  la  Virginie, 
ont  frappé  sur  ce  gouvernement  où  ils  ont  fait  dix-sept 
chevelures  et  dix  prisonniers  qu'ils  distribuent  à  toutes 
les  nations  pour  les  inviter  à  se  joindre  à  eux.  Cette 
invitation  ayant  été  parfaitement  bien  reçue  pourroit 
bien  déconcerter  les  projets  que  les  Anglois  forment  sur 
la  Belle-Rivière.  Je  réponds  au  Sieur  de  Contrecœur 
de  suivre  de  très  près  ces  sauvages  afin  que  les  Anglois 
ne  les  séduisent  par  des  présents  et  par  le  pardon  qu'ils 
accordent  facilement  lorsqu'on  les  a  tués. 

J'ai  fait  publier  partout  les  secours  de  toute  espèce 
que  le  roi  envoie  dans  cette  colonie,  et  j'ose  vous 
assurer,  Monseigneur,  que  le  Canadien  a  été  si  pénétré 
des  marques  de  bonté  de  la  j  art  de  Sa  Majesté  que  j'en- 
visage qu'ils  feront  des  prodiges  si  M.  le  marquis  de 
Vaudreuil  les  emploie  à  quelque  expédition  avec  des 
troupes  françoises.  C'est  le  seul  regret  que  j'aie  de 
sortir  de  ce  pays  où  je  regarde  la  guerre  presque  inévi- 
table. Elle  m'eût  moins  inquiété  que  ma  position  d'être 
sur  la  défensive  vis-à-vis  d'une  nation  qui  depuis  deux 
ans  fait  des  apprêts  pour  m'attaquer  de  tous  côtés. 

Je  suis,  etc. 


DU   MNISTÈRE   DE   LA    MARINE  11 

M.    LE    MARQUIS    DUQUESNE 

Montréal,  12  juin  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  reçu  les  26  et  29  mai  dernier,  les  lettres  que 
vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  par  les  frégates 
du  roi,  la  Diane  et  la  Fidèle,  par  lesquelles  vous  voulez 
bien  m'annoneer  les  secours  de  troupes  que  le  roi 
envoie  dans  cette  colonie,  et  j'ai,  sur  le  champ,  donné 
mes  ordres  pour  envoyer  des  pilotes  et  pour  la  distri- 
bution de  cette  troupe  à  l'arrivée  de  l'escadre,  ce  à  quoi 
M.  Bigot  a  pourvu  au  mieux,  et  j'ai  ordonné  de  plus 
que  lorsqu'elles  seroient  reposées  quatre  jours  :  on  les  fit 
filer  en  partie  à  Montréal,  afin  de  les  faire  voir  aux  sau- 
vages et  d'être  à  portée  de  les  employer. 

Je  reste  ici  jusqu'à  ce  que  je  sois  informé  de  l'arrivée 
de  M.  le  marquis  de  Yaudreuil,  parce  qu'il  est  trop 
important  de  faire  monter  des  subsistances  au  fort 
Frontenac  pour  en  fournir  abondamment  non  seulement 
la  Belle-Rivière,  mais  encore  les  forts  de  la  Eoute,  pour 
les  mouvements  dont  cette  colonie  pomToit  bien  être 
agitée  ;  les  Anglois  nous  menacent  de  partout.  D'ail- 
leurs comme  on  assemble  des  troupes  à  Orange  et  à 
Chouaguen,  je  veux  savoir  de  quoi  il  est  question  pour 
diriger  mes  mouvements  si  M.  le  marquis  de  Vaudi'euil 
tardoit  à  arriver.  Je  me  suis  occupé  pendant  l'hiver  à 
comloître  le  local  depuis  le  Sault  à  la  Chaudière  jusqu'à 
la  rivière  Xarantchouac,  je  nai  trouvé  aucun  Canadien 
en  état  de  satisfaire  ma  curiosité,  et  il  m'a  fallu  avoir 


12  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

recours  au  missionnaire  des  sauvages  de  cet  endroit 
qui  y  a  passé  plusieurs  jours  et  qui  m'en  a  tracé  un  plan 
par  leciuel  j'ai  vu  l'impossibilité  de  faire  marcher  une 
troupe  aussi  considérable  qu'il  la  faudroit  pour  détruire 
les  établissements  des  Anglois  qui  sont  extrêmement  for- 
tifiés, d'autant  qu'on  ne  peut  y  porter  du  canon,  à  cause 
des  chemins,  rivières  et  montagnes  impraticables,  et 
qu'on  auroit  même  beaucoup  de  peine  à  fournir  à  leur 
subsistance.  Je  pense  qu'une  pareille  entreprise  ne  peut 
se  faire  que  l'hiver  et  encore  par  surprise,  j'en  conférerai 
avec  M.  le  marquis  de  Vaudreuil. 

Je  me  suis  rejeté  sur  la  ressource  des  Abénakis  qui 
depuis  l'automne  dernier  frappent  de  ce  côté-là  avec 
succès  et  qui  ont  dit  à  l'Anglois  que  tant  que  ce  fort 
existeroit,  ils  exerceroient  sur  eux  toutes  les  cruautés 
imaginables,  c'est  tout  ce  que  j'ai  pu  faire  de  mieux,  ne 
pouvant  percer  en  force  dans  un  endroit  aussi  difficile 
pour  m'emparer  d'un  fort  aussi  bien  muni  d'artillerie. 

Je  suis,  etc. 


DU    MIXIfcTèRE   DE    LA    MARINE  13 

M,    LE    MARQUIS    DUQUESXE 

Montréal,  le  25  juin  1755. 


Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer  le  tableau  des  mouve- 
ments que  j'ai  fait  cette  année,  par  lequel  vous  verrez 
mes  précautions  pour  être  à  l'abri  de  sui'prise  de  la  part 
de  l'Anglois  qui,  pendant  l'hiver,  a  envoyé  des  officiers 
chez  toutes  les  nations  du  Sud  pour  leur  faire  savoir 
qu'ils  envahiroient  tout  le  Canada  avec  les  forces  de 
troupes  réglées  qu'ils  attendoient  de  la  vieille  Angle- 
terre, et  pour  les  inviter  à  un  conseil  solennel,  qui  doit 
se  tenir  à  Orange  et  à  la  Virginie,  et  qui  ne  peut  être  à 
autre  fin  que  pour  les  corrompre  et  tâcher  de  leur  faire 
prendre  la  hache  contre  nous. 

Il  m'a  paru,  Monseigneur,  que  toutes  ces  in\-itations 
auront  sûrement  lieu  pour  les  conseils  parce  qu'ils  y 
reçoivent  des  présents  immenses.  Mais  il  y  a  tant  à 
espérer  qu'ils  trouveront,  comme  il  y  a  deux  ans,  la 
hache  trop  pesante  dans  la  crainte  qu'ils  n'eussent  aft'aire 
à  tous  nos  sauvages  de  nos  postes  du  Xord  et  du  Sud 
qui  nous  sont  affidés  au  point  de  m'offrir  leurs  services 
et  qui  sont  prêts  à  marcher  dès  que  je  l'ordonnerai.  Il 
en  descendra  de  toutes  les  nations  à  la  Belle-Eivière 
pour  en  imposer  aux  sauvages  de  cet  endroit. 

Je  suis,  etc. 


14  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

Joint  à  la  lettre  de  M.  le  marquis  Duquesno,  du  25  juin  1755  : 
GARNISON 

des  forts  de  la  Belle- Rivière  et  ses  dépendances  qui 
ont  Idverné  en  1754,  savoir: 

Officiers.       Cadets.  Miliciens  et  Soldats. 

Au  fort  Duquesne 6       ..       15       ..  237 

déplus Sauvages  domiciliés 

Au  las  de  la  Rivière ..  100 

Au  Bœuf 1        15 

Au  fort  de  la  Rivière . .  lOO 

Au  Bœuf 1        ..  2        ..  85 

A  la  Presqu'île 1        ..         2       ..  100 

9        ..        19        ..        437 

Ordre  au  Détroit  de  fournir  milices  et  sauvages  si  le 
Sieur  de  Contrecœur  le  requéroit. 

Même  ordre  aux  Miami  s,  Ouyats  et  St- Joseph  pour 
les  sauvages  seulement. 


MOUVEMENTS    EN    1755 

Ordonne  de  faire  partir  de  Québec  en  prime  170 
hommes  de  troupes  pour  doubler  la  garnison  de  Beau- 
séjour,  six  pièces  de  canon  de  18  avec  toutes  les 
munitions  de  guerre  et  de  bouche  nécessaires. 

POUR    LA    BELLE-RIVIÈRE 

Le  6  mars  —  Il  est  parti  sur  les  glaces  un  détache- 
ment composé  de  deux  officiers,  cjuatre  cadets,  trente 
canonniers  et  quinze  soldats,  en  tout  51  hommes. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  15 

Pour  se  rendre  au  fort  Frontenac,  passer  sur  les 
barques  et  de  là  à  Niagara  à  l'ouverture  de  la  naviga- 
tion, pour  conduire  au  fort  Duquesue  les  six  pièces  de 
canon  que  j'avois  envoyées  l'automne. 

Le  23  a^^•il  —  Le  Sieur  de  Beaujeu  est  parti  avec  40 
bateaux  portant  240  hommes,  des  vi^Tes  pour  quatre 
mois,  et  tous  les  effets  et  ustensiles  pour  munii*  tous  les 
postes  de  leur  besoin. 

Après  ses  partages  faits,  il  doit  construire  un  petit 
fort  de  pieux  au  bas  de  la  Eivière-au-Bœuf  pour  entou- 
rer seulement  les  magasins  qui  servent  d'entrepôt. 

Fait  partir  en  outre  vingt-six  chevaux  pour  les  por- 
tager  de  Niagara  à  la  Presqu'île. 

Le  29  a^Til  —  La  brigade  du  Sieur  de  Saint-Martin, 
composée  de  10  bateaux  et  100  hommes,  est  partie  aussi 
chargée  de  vi\Tes. 

Le  3  mai  —  La  brigade  de  Sieur  de  Carqueville,  com- 
posée de  10  bateaux  et  100  hommes  est  partie  aussi 
chargée  de  vIntcs. 

Le  6  mai  —  La  l^rigade  du  Sieur  de  Saint-Ours,  com- 
posée de  10  bateaux  et  100  hommes,  est  partie  encore 
chargée  de  vi\Tes. 

Nota  —  Toutes  ces  brigades  ont  eu  ordre  de  passer 
au  fort  Frontenac  pour  alléger  leurs  bateaux  sur  les 
barques  et  se  mettre  en  état  de  traverser  le  lac  Ontario 
avec  plus  de  diligence  en  passant  devant  Chouaguen 
pour  se  montrer  aux  Anglois. 

Le  12  mai  —  Les  sauvages  Hurons,  au  nombre  de  22, 
sont  partis  avec  un  ofi&cier  qui  les  conduit  et  8  Cana- 
diens. 


16  EXTRAITS   DES  ARCHIVES 

Le  dit  jour  —  Les  sauvages  du  Sault,  au  nombre  de 
22,  sont  partis  sous  la  conduite  d'un  officier  et  8  Cana- 
diens. 

Le  15  mai  —  Les  Iroquois  du  Lac,  au  nombre  de  18, 
sont  partis  sous  la  conduite  d'un  otïicier  et  huit  Cana- 
diens et  ont  pris  en  passant,  six  Iroquois  de  la  Présen- 
tation et  vingt  Missisagués  à  Toronto. 

Le  28  mai  —  Les  Népissingues  sont  partis  au  nombre 
de  12,  sous  la  conduite  d'un  officier. 

Nota  —  Ordre  à  tous  les  officiers  conduisant  les  sau- 
vages, de  passer  par  le  nord  du  lac  Ontario  pour  leur 
ôter  toute  envie  d'arrêter  à  Chouaguen. 

Le  5  juin  —  Sur  les  nouvelles  que  l'on  rassembloit 
beaucoup  de  troupes  à  Chouaguen,  et  qu'on  y  construi- 
soit  des  barques,  j'ai  fait  partir  le  Sieur  de  Villiers  avec 
un  détachement  de  200  hommes  et  70  sauvages  Iroquois, 
Népissingues  et  Algonquins  du  Lac  pour  aller  à  Niagara, 
y  être  en  observation  et  empêcher  une  irruption  de  la 
part  des  Anglois  ou  sauvages  qui  menacent  ce  poste. 
Cet  officier  a  ordre  de  visiter  la  baie  de  Goyogouins  qui 
est  le  seul  asile  des  barques  angloises  dans  le  lac 
Ontario,  et  s'il  trouve  dans  cet  endroit  qu'on  travaille  à 
l'établissement  qu'on  dit  s'y  faire,  il  le  renversera  de 
vive  force  ;  mais  s'il  n'étoit  question  que  de  quelques 
ouvriers,  il  détachera  seulement  ses  sauvages  pour  s'op- 
poser aux  travaux  et  brûlera  tous  les  bois. 

Le  Sieur  de  Villiers  a  ordre  de  laisser  au  fort  Fron- 
tenac vingt  hommes  de  son  détachement  pour  mettre 
l'artillerie  en  état  de  renforcer  la  garnison  en  cas  d'in- 
sulte. Envoie  au  fort  Saint-Frédéric  un  officier  d'artil- 
lerie et  des  canons. 


DU    iUNISTÈRE   DE   LA    MARINE  17 

RÉCAPITULATIOy 

Miliciens  et  Soldats.     Saurages. 
Garnisons  qui  ont  hivtmé en  1754. .  465  100 

Détachement  de  1755 817  170 

Total 1,282  270 

A  Montréal,  le  25  juin  1755. 

DCQUESXS. 


M.    LE   MARQUIS   DUQXJESNE 

Québec,  le  12  juillet  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer  le  compte  de  la  recette 
et  dépense  du  produit  des  postes  des  pays  d'en  haut, 
pour  l'année  1754,  par  lequel  vous  verrez,  Monseigneur, 
que  le  nouvel  arrangement  que  j'ai  fait,  procure  un 
excédent  de  7,599  liv.  que  j'ai  remis  au  trésorier,  malgré 
la  somme  que  j'ai  été  forcé  de  donner  aux  Abénakis 
qui  s'étoient  mutinés  au  point  de  ne  vouloir  pas  de  mon 
festin  et  de  mes  présents  pour  avoir  été  détachés  à  la 
Belle-Eivière,  parce,  disoient-ils,  qu'ils  étoient  en  bâtisse 
et  qu'ils  avoient  besoin  de  cette  somme  pour  finir  leurs 
maisons.  Cette  nation,  dans  les  circonstances  présentes, 
étant  à  ménager,  j'ai  été  obligé  de  condescendre  à  leurs 
volontés,  mais  j'ai  exigé  de  leur  part  une  promesse  que 
désormais  ils  se  contenteroient  de  ce  que  leur  père  leur 
donneroit. 

Vous  remarquerez  en  outre.  Monseigneur,  que  l'espèce 
de  famine  qu'on  a  essuyée  ici  pendant  deux  ans,  et  les 
2 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


incendies  de  Montréal,  m'ont  obligé  à  des  générosités  de 
la  part  du  roi. 

Je  me  suis  parfaitement  bien  trouvé  d'avoir  gratifié 
les  femmes  des  miliciens  morts  à  la  Belle-Eivière,  ainsi 
que  les  dix-huit  habitants  qui  ont  été  estropiés  dans 
l'affaire  du  Sieur  de  Villiers,  et  vous  envisagerez  aisé- 
ment, Monseigneur,  que  toutes  ces  récompenses  distri- 
buées à  propos  n'ont  pas  peu  contribué  à  encourager  le 
Canadien  à  marcher. 


Je  suis,  etc. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  marquis  Duquesne,  du  12  juillet  1755. 

COMPTE 

de  la  recette  et  dépense  des  postes  des  pays  d'en  haut 
que  rend  M.  le  marquis  Duquesne,  savoir  : 

CHAPITRE  DES  EECETTES 


Reste  du  compte  de  l'année  dernière. 

DÉTROIT. 

Treize  congés  h  500  liv.  pièce 

MISSITIMAKIKAC. 

Dix-huit  congés  à  600  liv.  pièce 

SAINT-JOSEPH. 

Quatre  congés  à  GOO  liv 


105  liv. 


e,500  « 


10,800  " 


2,400  " 


DU    xMINISTERE   DE    LA    MARINE 


19 


CHAPITRE  DES  RECETTES— Suite 

MIXOIR  (sic) 

Douze  congés  à  500  liv 

lâ  baie 
Pour  la  ferme  du  poste,  échue  en  juin  1755 

MER    d'oCEST 

Pour  la  ferme  du  poste,  échue  en  juin  1755 

TÉMISCAMINGCE 

Pour  la  ferme  du  poste,  éc.iue  en  août  1754 

chagSamigon 
Pour  la  ferme  du  poste,  échue  en  juin  1755 

NÉPIGOX    ET    LAC    A    LA   CARPE 

Pour  la  ferme  du  poFte,  échue  en  juin  1 754 

CAMAXESTIGSiA  et  MICHlPIC0T0>f 

Pour  la  ferme  du  poste,  échue  en  juin  1754 

MIAMIS 

Pour  la  ferme  du  poste,  échue  en  juin  1755 

SlATAXOXS 

Pour  la  ferme  du  poste,  échue  en  juin  1755 


6,000  liy. 


9,000  « 


9,000  « 


3,500  « 


8,100  « 


4,000  " 


4,000  " 


1,200  « 


1,200  " 


65,805  « 


CHAPITRE  DES  DÉPENSES 

détroit 

Au  Sieur  Demuy,  commandant,  pour  sa 
gratification  dune  année,  échue  en  juin 
1755 


3,000  liv. 


20 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


CHAPITRE  DES  DÉPENSES— Suite 

Au  Sieur  Landrieve,  subdélégué,  pour  deux 
années  de  gratification,  échues  en  juin  1 753 
et  1754 


Au  Père  Bonaventure,  aumônier,  pour    sa 
gratification,  échue  en  juin  1755 


Au  Sieur  de  Léry,  second  commandant,  pour 
sa  gratification  d'une  année,  échue  en  juin 
1756 , 


Au  Sieur  de  Rigauville,  oflBcier  détaché   au 

poste,  pour  sa  gratification  d'une  année, 

échue  en  juin  1755 


450  liv. 


A  Dehaitre,  interprète,  pour  une  année  d'ap- 
pointements, qu'on  a  voit  oublié  de  payer, 
du  mois  de  juillet  1 752  à  1 753. 

Au  dit  pour  un  mois  qu'il  a  servi, 
ayant  été  relevé  le  1er  août 
1754 


37 


487     " 


Au  nommé  Duchéne,  interprète,  pour  onze 
mois  d'appointements,  ayant  relevé  De- 
haitre du  1er  août  1754  juî-qu'au  1er  juillet 
1755. 

Au  nommé  Saint-Martin,  interprète  huron, 
pour  ses  appointements  d'une  année,  échue 
en  juin  1755 


MISSILIMAKIXAC 


Au  Sieur  Herbin,  commandant,  pour  sa  gra- 
tification d'une  année,  échue  en  juin  1755 

Au  second  commandant,  pour  sa  gratifica- 
tion d'une  année,  échue  eu  juin  1 755 


1,200  liv. 


500  '< 


500  " 


250  " 


487   " 


363 


400 


6,700 


3,000  liv. 


],000   " 


6,700  liv. 


DU    MINISTERE    DE    LA    MARINE 


21 


CHAPITRE  DES  DEPENSES— Sditb 

A  l'interprète  qui  a  servi  pendant  le  temps 
que  Farti  à  descendu  à  Montréal  avec  les 
sauvages 


A  Farti,  interprète,  pour  ées  appointments 
d'une  année,  échue  en  juin  1755 


BELLE-RIVIERE 


Au  Sieur  de  Contrecœur,  commandant,  au 
fort  Duquesne,  pour  sa  gratification  dune 
année,  échue  en  juin  1755 


Au  Sieur  de  Joncaire,  commandant  à  la  Paille 
Coupée,  pour  sa  gratification  d'une  année, 
échue  en  juin  1754 


FORT    DE    LA    PRESQU ILE 

Au   Sieur  Douville,   commandant,  pour  sa 
gratification,  échue  en  juin  1 755 


FORT  DE  LA  RIVIERE-AC-BŒCF 

Au  Sieur  Duverger,  co  nmandant,   pour  sa 
gratification,  échue  en  juin  1755 


MF.R   D  OUEST 


Au  Sieur  Chevalier  de  la  Corne,  comman- 
dant, pour  sa  gratification  d'une  année, 
échue  en  juin  1 755 


Au  Sieur  Marin,  commandant,  pour  sa  gra- 
tification dune  année,  échue  en  juin  1754 

Au  Sieur  de  Villebon,  second  commandant, 
pour  sa  gratification  d'une  année,  échue  en 
juin  1754    


200  liv. 


600 


4,800  " 


3,000  liv. 


3,000  " 


3,000  liv.' 


2,500  " 


4,800  Ut. 


6,000  «  6.000  " 


1,000  « 


1,000  « 


3,000  « 


5,500  «    j     5,500  " 


22 


EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


CHAPITRE  DES  DÉPENSES— Suite 

chagSamigon 

Au   Sieur  de    la    Vérandrie,    commandant, 
pour  8a  gratification,  échue  en  juin  1755.. 


A  Tremblai,  interprète,  pour  ses 
appointements  d'une  année, 
échue  en  juin  1754 


A    lui    pour  les  appointements, 
échus  en  juin  1 755 


500  liv. 


500 


NEPIGON 

Au  Sieur  de  Saint-Blain,  commandant,  pour  sa  gratifica- 
tion d'une  année,  échue  eu  juin  1 755 

camanestigSia  et  michipicoton. 

Au  Sieur  de  Saint- Vincent,  commandant,  pour  sa  grati- 
fication d'une  année,  échue  en  juin  1755 

SAINT-JOSEPH 

Au  Sieur  de  Saint-Ours,  commandant,  pour  sa  gratifica- 
tion d'une  année,  échue  en  juin  1 755 

MONTRÉAL 

Au  Sieur  Frémond,  capitaine  des  postes,  pour  ses  appoin- 
tements, échus  en  octobre  1 754 

Aux  Abénakis  de  Saint-François  qui  ont  été  à  la  Belle- 
Rivière 

Aux  Abénakis  de  Bekancourt  qui  ont  été  aussi  à  la  Belle- 
Rivière  

Dépense  secrète  pour  des  espions 

Frais  que  j'ai  été  obligé  de  faire  pour  engager  les  négo- 
ciants d'envoyer  des  marchandises  à  la  Belle-Rivière.. 


3,000  liv. 


2,000  « 


2,000  " 


1,800  « 


800 

3,850 

1,400 

660 

360 

43,870 

DU    MINISÏEUE    DE    L.V    MAKINE 


23 


DISTRIBUTION  DES  GRACES  DU  ROI 


A  Mme  la  Vve  Levittier 

A  Mme  dy  Qiiindre 

A  Mme  La  Chauviguerie 

A  Mme  de  Beaucouit 

A  M.  de  Varenne 

A  Mlle  Linctot 

A  Mme  Diisal'lé 

A  M  me  Desjonrdy 

A  Mlle  Moiitigni 

A  Mme  Poitneuf 

A  la  Vve  Morisseau ....  ; 

Aux  Dlles  Dusablé 

A  Mme  la  Vve  Joncaire    

A  Mme  Dertiiiy ,... 

A  Mme  Saint-Michel 

A  Mme  la  Vve  Linctot 

A  Mme  Dubnissou,  la  jeune 

A  Mme  la  Vve  Senneville 

A  Mme  la  Vve  Dul'uisson 

A  M  me  Touti 

A  Mlle  Langy 

A  Mlle  Vintenne 

A  Mlle  Vieuxpont     

A  Mme  !a  Vve  Beautac 

A  Mme  Lespervanc  lie   

A  Mme  l 'ortueiif 

A  Mlle  de  Lanouë   

Aux  Dlles  Duplessis 

A  Mme  la  Vve  Heitel 

A  Mme  Herbin 

A  Mme  Dabanac 

A  Mme  la  Vve  Linctot 

A  Mlle  Moues 

A  Mlle  Saint-Simon,  de  Québec 

A  Mlles  Clérin 

A  Mlle  Dubuisson 

A  Mme  de  Joëlle 

A  IHôtel-Dieu l 

A  l'Hôpitai-Général    l-de  Montréal. 

Aux  Récoliets J , 

A  Mlle  Langy    

A  Mlle  Morar 

A  Mme  Uroisille 

A  Mlle  de  Norman  ville 


200  liv 

200 

.( 

200 

.( 

300 

(( 

300 

« 

100 

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100 

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200 

u 

100 

u 

100 

u 

72 

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100 

u 

150 

II 

150 

« 

200 

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150 

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150 

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120 

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100 

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200 

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300 

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100 

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300 

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150 

.( 

150 

et 

600 

u 

100 

(1 

100 

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u 

200 

« 

100 

It 

200 

(C 

200 

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300 

u 

150 

u 

100 

u 

200 

u 

100 

t( 

100 

II 

24 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


DISTRIBUTION  DES  GRACES  DU  ROI— Suite 


A  Mme  Montmidi 

A  M.  Destonchaux , 

A  Mme  la  Vve  Taschereau ....  

A  Mlle  Saint-Simon,  de  Montréal 

A  Mlle  Belugard 

A  Mlle  Baraguet 

A  Mme  Aubert 

A  Mlle  Gaillard 

A  Mllo  Dutineau 

Au  Sieur  Dion 

A  Mlle  Saint-Martin 

A  Mme  la  Vve  Morville. 

A  Mlle  Bayeul 

A  Mme  de  La  Ronde 

A  l'Hôpital-Général  de  Québec . .   

A  Mme  la  Vve  Juraonville 

Pour  les  pauvres  inci  ndiés  de  Montréal,  delà  campagne 
granges  abattues  par  un  ouragan ,  aumônes  aux  femmes 
et  orphelins  de  miliciens  morts  à  la  Belle-Rivière,  et 
ceux  qui  ont  été  estropiés  à  l'affaire  du  Sieur  de 
Villiers 


BALANCE 


Recettes 

-,              j  En  gratifications  et  autres  chai ges.. 43, 8 70  liv 
Uépenses  -(^  ^^^^  ^^^  grâces  du  roi .14,336  " 

Reste 

Fait  à  Québec,  le  12  juillet  1755. 

Ddqcesne. 


100  liv. 

300 

Il 

300 

i( 

100 

(1 

300 

u 

300 

II 

200 

t( 

150 

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100 

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200 

» 

200 

(( 

200 

a 

100 

(( 

600 

i( 

200 

(( 

300 

(f 

3,344 

(( 

14,336 

II 

65,805 

liv. 

58,206 

II 

7,599 

II 



DL'    MIX.STEKK    DE    LA    MARIN K 


M.    LE    MARQUIS   DUQUESXE 

Québec,  le  15  juillet  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  informer  que  M.  le  marquis 
de  Yaudreuil  est  monté  à  Montréal  le  12  du  courant 
pour  accélérer  les  mouvements  qu'il  doit  faire  du  côté 
de  Chouaguen,  qui  de^'iennent  toujours  plus  pressés 
par  les  forces  que  les  Anglois  envoient  de  ce  côté-là  et 
les  barques  qu'ils  construisent  à  toute  hâte  pour  croiser 
dans  le  lac  Ontario  ;  je  ne  mets  point  en  doute  que  M, 
le  baron  Dieskau  qui  est  chargé  de  cette  opération  ne 
réussisse. 

Personne  de  la  colonie  n'ignore  que  j'ai  offert  mes 
services  à  M.  le  marquis  de  Yaudreuil  pour  une  opéra- 
tion aussi  importante,  et  que  je  ne  lui  ai  fait  observer 
que  tout  Canadien  qu'il  étoit,  il  n'auroit  pas  mes  mêmes 
facilités  soit  pour  rassembler  promptement  sa  milice, 
soit  encore  pour  la  célérité  du  départ,  je  n'ai  eu  d'autre 
réponse  de  lui,  qu'il  allait  monter  à  Montréal  ;  à  ce 
refus  je  lui  ai  communiqué.  Monseigneur,  la  lettre  que 
vous  m'avez  fait  l'honneur  de  m'écrire  du  l*^""  rxtU.  Il 
m'a  encore  répondu  qu'il  monteroit  à  Montréal. 

Je  lui  ai  cependant  dressé  le  projet  de  cette  expédi- 
tion en  présence  de  M.  le  baron  Dieskau  et  l'ai  déter- 
miné à  se  servir  des  Sieurs  Saint-Jean  et  Le  Mercier 
pour  l'arrangement  et  la  prompte  exécution  de  cette 
entreprise,  ces  deux  officiers  m'ayant  donné  de  fortes 
preuves  de  capacité  dans  mes  mouvements. 


28  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

J'ai  remis  à  ce  nouveau  gouverneur  des  mémoires 
de  ce  que  j'ai  fait  dans  cette  colonie  et  sur  tous  les 
objets  les  plus  intéressants  qui  exigent  beaucoup  d'atten- 
tion pour  entretenir  l'ordre,  la  règle  et  l'épargne  que  j'y 
ai  établis  dans  tout  ce  qui  a  été  de  mon  ressort  ;  je  lui 
ai  donné  de  plus  un  mémoire  sur  ce  que  j'aurois  fait  si 
la  colonie  avoit  roulé  sur  moi  dans  la  circonstance  pré- 
sente. 

Je  ne  puis  m'empêcher,  Monseigneur,  de  vous  témoi- 
gner ma  sensibilité  sur  ce  que  vous  n'avez  pas  cru 
agi"éable  de  faii'e  rouler  sur  moi  jusques  en  automne  les 
opérations  du  Canada  ;  je  m'attendois  cependant  à  cet 
agrément,  vu  mon  travail  et  les  connoissances  que  j'ai 
acquises  ;  j'en  ai  été  si  vivement  touché,  qu'après  avoir 
rempli  tout  ce  que  je  devois  à  mon  successeur  et  me 
voyant  inutile,  j'ai  demandé  à  M.  le  comte  Dubois  de 
la  Motte  la  frégate  la  Diane  pour  passer  à  Rochefort  où 
il  me  convient  d'aller  par  préférence. 

Je  suis,  etc. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  marquis  Duquesiie,  du  15  juillet  1755. 
EÈGLEMENT 

pour  le  commerce  du,  poste  de  Missilimahinac  du  6 
juillet  1755. 

Le  Mis,  etc.,  etc.,  etc. 

Etant  venu  à  notre  connoissance  que  plusieurs  voya- 
geurs qui  obtiennent  des  congés  multiplient  le  nombre 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MAKINE  27 

de  canots  autant  qu'il  leur  convient  sans  qu'ils  aient  à 
craindre  d'être  recherchés  sur  cet  abus  ainsi  que  sur 
celui  de  l'eau-de-vie  qu'ils  portent  au  delà  de  la  quan- 
tité permise,  nous  avons  jugé  indispensable  de  remédier 
à  tous  ces  abus  qui  ont  pour  base  la  mauvaise  foi  et 
l'indépendance,  par  les  articles  ci-après. 

Article  l«r 

Lorsqu'un  canot  arrivera  à le  Sieur 

commandant  au  dit  poste  se  fera  présenter  notre  per- 
mission, et  il  vérifiera  avec  toute  l'attention  dont  nous 
le  croyons  capable  pour  l'exécution  de  nos  ordres,  si  le 
nombre  des  canots  n'excède  pas  celui  que  nous  aurons 
permis,  et  en  cas  de  contravention  il  arrêtera  et  confis- 
quera toute  la  cargaison  de  celui  qui  aura  tombé  en 
fraude,  il  la  vendi-a  et  nous  en  enverra  le  produit  pour 
être  adjugé  aux  hôpitaux.  Il  nous  enverra  aussi  sous 
bonne  et  sauvegarde  celui  qui  étoit  chargé  de  cette 
même  cargaison. 

Article  2 

Enjoignons  au  Sieur de  faire  des  perquisi- 
tions aussi  exactes  pour  ce  qui  concerne  la  quantité 
d'eau-de-vie  permise,  et  lui  ordonnons,  en  cas  de  con- 
travention, d'infliger  la  même  punition  pour  cet  article 
que  pour  celui  de  la  multiplicité  des  canots. 

Article  3 

Ayant  été  de  plus  informé  que  nombre  des  voyageurs 
qui  montent  dans  les  pays  d'en  haut  y  fixent,  sans 


28  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

notre  autorisation,  leur  demeure,  soit  pour  commercer 
furtivement  d'un  poste  à  l'autre  et  soit  encore  pour 
libertinage  avec  les  sauvagesses.  Et  voulant  remédier  à 
un  abus  aussi  préjudiciable  au  bien  de  la  colonie  à  tous 

égards;  ordonnons  au  Sieur de  nous  renvoyer 

ceux  qui,  dans  l'étendue  de  son  poste,  ne  seront  pas 
reconnus  domiciliés  à et  qui  sont  réputés  cou- 
reurs de  bois. 

Article  4 

Nous  ordonnons  de  plus  au  Sieur de  ne  point 

envoyer  commercer  dans  les  postes  qui  ne  sont  point 
de  sa  dépendance  et  d'arrêter  ceux  qui  viendront  traiter 
furtivement  dans  le  sien,  qu'il  nous  enverra  sous  bonne 
et  sauvegarde,  en  confisquant  les  effets  dont  ils  seront 
chargés  au  profit  des  hôpitaux. 

Nous  ne  lui  laissons  pas  ignorer  que  le  présent  règle- 
ment est  circulaire  afin  de  fixer  chaque  commandant 
dans  les  bornes  de  l'étendue  de  son  poste  pour  le  com- 
merce usité  et  permis. 

Article  4 

jyour  le  Détroit 

Ordonnons  en  outre  au  Sieur de  faire  confis- 
quer et  brûler  toutes  les  marchandises  prohibées  qu'on 
apportera  au  Détroit,  et  de  nous  envoyer  sous  bonne  et 
sauvegarde  les  conducteurs  des  canots  qui  auront  con- 
trevenu aux  défenses  ci-devant  faites,  et  que  nous 
renouvelons  dans  toute  leur  force  et  vigueur. 


du  ministère  le  la  makine  29 

Article  5 

Ordonnons  que  notre  présent  règlement  soit  lu  et 
pubKé  afin  que  nul  n'en  prétende  cause  d'ignorance. 

Fait  à  Montréal,  le  9  mai  1753. 

Même  règlement  pour  Saint- Joseph  et  pour  le  Détroit, 
en  y  ajoutant  le  commerce  prohibé. 

Fait  à  Québec  le  6  juillet  1755. 

DUQLTSXE. 


Monseigneur, 


M.    LE   MARQUIS   DUQUESNE 

1755 


J'ai  l'honneur  de  vous  informer  de  mon  arrivée  à 
l'Ile  d'Aix  sur  la  frégate  du  roi,  la  Diane,  commandée 
par  M.  de  l'Eguille,  le  37*^  jour  de  notre  route,  dont  ce 
capitaine  vous  fait  le  détail. 

Vous  verrez,  Monseigneur,  par  ma  lettre  du  25  juil- 
let, les  raisons  qui  m'ont  déterminé  à  partir  de  Québec 
plus  tôt  qu'il  m'a  paru  que  vous  l'auriez  désiré. 

J'ai  lieu  de  présumer  que  M.  le  marquis  de  Yau- 
dreuil  vous  a  informé  de  la  situation  actuelle  du  Canada 
depuis  que  je  lui  ai  remis  le  gouvernement  et  qu'il  est 
monté  à  Montréal,  ne  m'en  ayant  pas  fait  part  ;  M.  le 
comte  Dubois  de  la  Motte  vous  informe  aussi  de  ce 
qui  le  compète. 

Quoique  ma  santé  ait  beaucoup  souffert  d'une  tra- 
versée plus  fatigante  que  longue,  par  l'insomnie  dont  je 


'àO  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

suis  atteint,  je  vais  faire  tous  mes  efforts  pour  me 
rendre  auprès  de  vous,  Monseigneur,  et  vous  faire  ma 
cour. 

Je  suis,  etc. 
(Cette  lettre  est  sans  date) 


M.    LE    MxVRQUIS    DE   VAUDREUIL 

A  Brest,  le  15  avril  1755. 
Monseigneur, 

Je  reçois  dans  le  moment  vos  dépêches,  auxquelles 
je  réponds  aussitôt,  l'une  du  >22  mars  et  l'autre  du  pre- 
mier avril  ;  avec  mes  provisions,  ainsi  que  les  ordon- 
nances et  mémoires  du  roi,  pour  servir  d'instructions. 
Je  me  conformerai  avec  zèle  en  tout  ce  qui  m'est 
ordonné,  et  j'agirai  toujours,  dans  toutes  les  occasions, 
tant  générales  que  particulières,  de  concert  avec  M.  le 
baron  de  Dieskau,  qui  commande  les  troupes,  dans  tout 
ce  qui  tendra  à  leur  bien  et  à  celui  du  service  de  Sa 
Majesté,  dont  je  vous  rendrai  compte  exactement. 

M.  Hocquart  m'a  remis  les  douze  médailles  que  vous 
m'avez  fait  l'honneur  de  m'envoyer. 

Je  suis,  etc. 


DU    MIXISÏÈKE    DE    LA    MARINE  ol 

Extrait  de  l'instruction  du  Sietir  de  Vaudreuil  de 
Cavagnal,  gouverneur  et  lieutenant  général  de  la 
Nouvelle-France. 

De  toutes  les  parties  de  radmiiiistration  confiée  au 
Sieur  de  Yaudreuil,  celle  qui  exige  des  soins  les  plus 
suivis  de  sa  part  c'est  le  gouvernement  des  sauvages.  Il 
est  informé  que  le  Canada  est  habité  par  des  nations 
nombreuses,  et  d'autant  plus  difficiles  à  contenir  que 
leur  caractère  le*  plus  ordinaire  est  la  légèreté  et  l'in- 
constance. 

L'expérience  que  le  Sieur  de  Yaudreuil  a  acquise 
sur  cette  importante  partie,  et  la  réputation  qu'il  a 
depuis  longtemps  chez  toutes  ces  nations,  font  espérer  à 
Sa  ^lajesté  qu'il  profitera  de  ces  avantages  avec  tout  le 
succès  qu'elle  peut  désirer  dans  les  occasions  les  plus 
intéressantes.  Mais  quelque  confiance  qu'elle  ait  en 
lui,  elle  ne  peut  se  dispenser  d'entrer  ici  dans  quelques 
explications  particulières  sur  les  principes  qu'il  doit 
suivre  à  cet  égard. 

Sa  Majesté  veut  qu'il  apporte  toute  l'attention  dont 
il  est  capable  à  éviter,  autant  qu'il  sera  possible,  les 
guerres  avec  les  sauvages.  Il  y  a  en  Canada  des  gens 
fort  opposés  à  ce  prùicipe.  ]\Iais  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  ces  sortes  de  guerre  ne  servent  le  plus  souvent 
qu'à  occasionner  beaucoup  de  dépenses  et  à  troubler  la 
tranquillité  de  la  colonie  sans  produire  aucun  avantage 
réel  ;  et  il  est  également  certain,  qu'elles  n'ont  été  pour 
la  plupart  causées  que  par  des  intérêts  particuliers. 
Ainsi  le  Sieur  de  Yaudreuil  ne  saurait  être  trop  en 
garde  contre  toutes  les  insinuations  qui  pourront  lui 
être  faites  sur  cette  matière. 


32  EXTRAITS    DES    AKGHIVES 

Ce  n'est  pourtant  pas  qu'il  convienne  de  souffrir  de 
certaines  insultes  de  la  part  des  sauvages  ;  et  Sa  Majesté 
en  est  fort  éloignée.  Elle  entend,  au  contraire,  et  il  est 
effectivement  nécessaire  qu'on  emploie  dans  certains  cas 
la  fermeté  pour  les  contenir.  Le  mal  est,  et  Sa  Majesté 
a  eu  occasion  de  s'en  apercevoir  plus  d'une  fois,  qu'il 
est  assez  commun  en  Canada,  de  faire  grand  bruit  et 
même  de  commencer  des  guerres  pour  des  faits  parti- 
culiers de  commerce  peu  intéressants  pour  la  nation, 
pendant  qu'on  souffre  des  insultes  qui  la  font  mépriser, 
et  dont  la  tolérance  attire  les  plus  grands  désordres. 

Le  Sieur  de  Vaudreuil  aura  à  travailler  à  un  autre 
changement  dans  le  système  du  gouvernement  des  sau- 
vages en  Canada.  Dans  la  vue  de  les  occuper  et  de  les 
affoiblir  on  a  cru  devoir  profiter  de  toutes  les  occasions 
pour  fomenter  et  exciter  des  guerres  contre  eux. 

Cette  politique,  qui  est  fort  éloignée  des  sentiments 
de  justice  et  d'humanité  qui  animent  Sa  Majesté,  pou- 
vait être  avantageuse  et  peut-être  même  nécessaire  dans 
les  commencements  de  l'étaljlissement  de  la  colonie. 
Mais  au  point  oii  sont  aujourd'hui  réduites  ces  nations, 
et  dans  les  dispositions  où  elles  sont  en  général,  il  est 
plus  convenable  à  tous  égards  que  les  François  jouent 
le  rôle  de  x>i"otecteurs  et  de  pacificateurs  entre  elles. 
Elles  en  auront  plus  de  considération  et  d'attachement 
pour  eux.  La  colonie  en  sera  plus  tranquille,  et  l'on  y 
épargnera  beaucoup  de  dépenses  à  Sa  Majesté,  sans 
compter  qu'il  périt  toujours  des  François  dans  ces  occa- 
sions. Il  peut  cependant  se  présenter  des  cas  où  il  est 
à  propos  d'exciter  la  guerre  contre  des  nations  mal  dis- 
posées pour  les  François,  et  qui  pourroient  se  déclarer 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  33 

ouvertement  contre  eux.  Mais  dans  ces  cas-là  même,  il 
y  a  deux  choses  à  observer.  L'une  de  tenter  auparavant 
de  gagner  ces  mêmes  nations,  en  les  réconciliant  avec 
celles  qui  sont  fidèles.  Et  l'autre  de  s'assurer  autant 
qu'il  sera  possible,  que  celles-ci  ne  pourront  pas  trop 
souffrir  de  ces  guerres. 

Il  y  a  encore  un  autre  principe  établi  depuis  long- 
temps en  Canada,  et  que  Sa  Majesté  remarque  qu'on 
suit  dans  toutes  les  occasions.  C'est  de  tirer  les  nations 
sauvages  des  endroits  qu'elles  ont  choisis  pour  leurs 
retraites  et  de  les  approcher  des  postes  françois.  L'es- 
prit de  traite  a  contribué  plus  que  toute  autre  chose  à 
inspirer  cette  façon  de  penser  et  d'agir.  C'est  en  général 
fort  mal  employer  l'argent  de  Sa  Majesté,  l'autorité  ou 
le  crédit  des  commandants  que  de  s'en  servir  pour  ces 
sortes  de  transmigrations.  Les  sauvages  alliés  doivent 
être  censés  bien  partout,  pourvu  que  ce  ne  soit  ni  sur 
un  territoire  anglois,  ni  dans  le  voisinage  de  quelque 
nation  ouvertement  ennemie  des  François.  Et  sans 
trop  s'occuper  du  profit  des  traiteurs  ni  des  préjugés,  où 
bien  des  gens  sont  à  cet  égard,  le  Sieur  de  Yaudreuil 
doit  laisser  à  certaines  nations  la  liberté  d'errer  et  de 
vaquer  dans  les  terres  de  la  colonie,  pourvu  qu'elles  n'y 
reçoivent  pas  d'étrangers  ;  car  c'est  ce  dernier  point  qui 
est  le  plus  essentiel. 

Sa  Majesté  a  eu  aussi  occasion  de  remarquer  dans 
les  différents  comptes  qid  lui  ont  été  rendus  de  ce  qui 
se  passe  par  rapport  aux  sauvages,  que  depuis  quelques 
années  ils  se  font  un  jeu  de  recevoir  des  colliers  et 
pavillons  anglois  et  ensuite  de  les  porter  aux  François 
pour  en  recevoir  des  présents.  Tout  cela  est  fort  coû- 
3 


34  EXTEAITS  DES  ARCHIVES 

teux  pour  Sa  Majesté  et  d'ailleurs  indécent.  Il  ne 
convient  point  d'être  la  dupe  de  ces  sortes  de  nianceu- 
vres.  Le  Sieur  de  Vaudreuil  doit  les  faire  cesser  ;  ce 
qui  lui  sera  d'autant  moins  difficile  qu'elles  ne  sont 
que  trop  souvent  favorisées  par  les  François  même. 

Approuvé. 


M,    LE    MARQUIS   DE   VAUDREUIL 

A  Brest,  le  15  avril  1755. 
Monseigneur, 

Je  n'ai  eu  le  temps  (jue  de  vous  accuser  la  réception 
de  vos  dépêches  par  la  poste  ordinaire,  qui  partoit 
aussitôt.  M.  Hocciuart,  depuis,  m'a  fait  savoir  qu'il 
envoyoit  un  courrier  :  j'en  profite  avec  plaisir,  pour 
vous  assurer  de  toute  l'exactitude  que  j'apporterai  à 
remplir  avec  empressement  les  ordres  de  Sa  Majesté, 
conformément  à  vos  instructions. 

Je  vous  prie  d'être  persuadé  que  je  ne  négligerai 
rien  pour  entretenir  une  bonne  intelligence  avec  M.  le 
baron  de  Dieskau,  dans  tout  ce  qui  pourra  intéresser 
le  bien  du  service,  et  que  j'irai  au  devant  de  tout  ce 
qui  pourra  lui  faire  plaisir. 

J'ai  vu  avec  bien  de  la  satisfaction,  Monseigneur,  les 
instructions  que  vous  m'avez  envoyées,  surtout  ce  qui 
a  rapport  aux  affaires  présentes  de  l'Acadie.  Cette 
partie  m'étant  inconnue.  Je  vous  promets  d'agir  dans 
toutes  les  occasions  avec  toute  la  prudence  que  vous  me 


DU    MINISTERE   DE   LA    MARINE  35 

prescrivez,  pour  tout  ce  qui  peut  regarder  ce  pays,  et 
uotamment  vis-à-vis  les  Anglois.  Et  je  remplirai  dans 
tous  les  points  les  ordi-es  que  vous  m'avez  donnés  à  ce 
sujet  et  ceux  que  vous  jugerez  devoir  me  donner. 

Lorsque  je  serai  arrivé  en  Canada,  et  que  j'aurai  pris 
connoissance  de  l'état  actuel  du  pays,  je  répondrai  à 
tous  les  articles  contenus  dans  vos  dépêches. 

J'ai  eu  l'honneur.  Monseigneur,  de  vous  demander 
les  cartes  de  l'Acadie,  je  ne  les  ai  point  encore  reçues. 
Je  vous  supphe  de  donner  vos  ordres,  pour  qu'elles  me 
soient  envoyées,  m'étant  absolument  nécessaires. 

Le  dernier  bataillon  des  troupes  destinées  à  être 
embarquées,  a  été  mis  aujourd'hui  à  bord.  J'ai  vu 
avec  joie  les  officiers  et  soldats  de  ces  ti"oupes,  s'embar- 
quer sans  aucune  répugnance,  et  ils  m'ont  paru  contents 
et  satisfaits. 

Toute  l'escadre  est  prête  à  mettre  à  la  voile.  Xous 
n'attendons  qu'un  vent  favorable  pour  partir. 

Je  suis,  etc. 


M.    LE    MARQUIS   DE   VAUDREUIL 

A  Québec,  le  27  jui»  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  informer  que  je  me  suis  débar- 
qué à  la  prairie  le  20  de  ce  mois,  du  vaisseau  l'Entre- 
prenant, qui  y  est  resté,  et  que  je  suis  arrivé  à  Québec  le 
23  ;  je  me  suLs  fait  recevou*  deux  jours  après.    M.  le 


36  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

marquis  Duquesne  qui  est  à  Montréal  ayant  donné 
d'avance  à  M.  le  chevalier  de  Longueuil  ses  ordres  à  cet 
égard. 

Notre  traversée  a  été  très  belle.  L'escadre  destinée 
pour  Québec  y  est  aussi  arrivée,  à  l'exception  cepen- 
dant des  vaisseaux  l'Alcide  et  le  Lys  que  nous  attendons 
tous  les  jours. 

Je  ne  peux,  Monseigneur,  vous  rendre  aucun  compte 
sur  la  situation  actuelle  des  affaires  de  la  colonie, 
j'attends  au  premier  jour  M.  le  marquis  Duquesne, 
pour  en  conférer,  et  j'aurai  l'honneur  de  vous  écrire  plus 
amplement  par  un  navire  qui  partira  la  semaine  pro- 
chaine. 

Je  suis,  etc. 


M.    LE    MARQUIS    DE   VAUDREUIL 

A  Québec,  le  10  juillet  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  eu  l'honneur  de  vous  informer  par  ma  lettre  du 
3  du  courant,  que  les  Anglois  faisoient  filer  quantité  de 
monde  du  côté  de  Chouaguen,  qu'ils  y  avoient  bâti  des 
barques  portant  10  canons,  et  deux  espèces  de  petites 
galères  ;  qu'un  corps  d'armée  de  3,000  hommes  s'assem- 
bloit  aussi  au  fort  de  la  Nécessité,  qui  est  à  environ  40 
lieues  du  fort  Duquesne,  et  que  son  avant-garde,  qui 
étoit  de  700  hommes,  y  étoit  déjà  rendue. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  37 

Ces  nouvelles  nous  ont  été  confirmées  par  des  sau- 
vages affidés  de  différents  villages,  et  ils  nous  en  ont 
donné  des  certitudes  assez  fortes  pour  n'en  point  douter. 
Ils  nous  ont  même  ajouté,  comme  chose  très  sûre,  qu'il 
alloit  4,000  hommes  à  Chouaguen,  que  les  cinq  nations 
se  tiendroient  sur  les  ailes  de  cette  armée,  que  les 
Anglois  vouloient  s'emparer  de  Niagara  et  du  fort  Fron- 
tenac, et  qu'en  outre  on  avoit  construit  600  bateaux  à 
Orange,  qu'on  y  travailloit  encore  à  beaucoup  d'autres, 
qu'il  y  avoit  aussi  5,000  hommes  tentés  au  dehors 
d'Orange...  que  cette  armée  devoit  marcher  contre  le 
fort  Saint-Frédéric,  et  s'avancer  ensuite  sur  nos  habi- 
tations de  ce  continent  ;  je  vais.  Monseigneur,  envoyer 
quelques  secours  en  hommes  à  ce  dernier  fort,  mais 
cette  diversion  ne  me  fera  rien  changer  à  mon  projet 
du  lac  Ontario,  dont  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  faire 
part.  La  conservation  de  Niagara  est  ce  qui  nous  inté- 
resse le  plus,  si  nos  ennemis  en  étoieut  maîtres,  en 
conservant  Chouaguen,  les  pays  d'en  haut  seroient 
perdus  pour  nous,  et  nous  n'aurions  plus  aussi  de  com- 
munications avec  la  rivière  Oyo, 

J'avois  eu  l'honneur  de  vous  marquer  que  je  ferois 
rabattre  sur  Niagara  400  hommes  que  je  prendrois  à  la 
Presqu'île,  mais  le  danger  où  est  le  fort  Duquesne  m'a 
fait  changer  d'avis,  et  ils  se  rendront  à  ce  dernier  fort. 

Je  vous  avouerai.  Monseigneur,  queje  me  trouve  très 
embarrassé  et  que  je  pense  que  tout  autre  le  seroit  fort 
à  ma  place,  j'arrive  dans  un  pays  où  l'on  m'assure  que 
tout  est  tranquille,  je  n'y  trouve  en  conséquence  aucun 
approvisionnement,  ni  de  voitures  faites,  et  il  me  faut 
faire  face  de  tous  les  côtés  aux  entreprises  des  ennemis 


38  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

en  nioiiisj  de  6  semaines.  On  travaille  à  force  aux  pré- 
paratifs nécessaires,  et  malgré  l'activité  de  M.  Bigot,  je 
doute  qu'il  puisse  me  mettre  en  état  de  remplir  entière- 
ment mon  projet. 

Vous  saurez,  Monseigneur,  cet  automne,  la  réussite 
des  opérations  que  je  projette,  et  ce  ne  sera  que  l'évé- 
nement qui  pourra  me  décider  sur  les  demandes  que 
j'aurai  à  vous  faire. 

Je  pars  demain  pour  me  rendre  à  Montréal  où  ma 
présence  est  nécessaire,  tant  pour  le  départ  des  troupes 
que  pour  ordonner  les  levées  de  miliciens. 

Je  suis,  etc. 


ORDRE    GÉNÉRAL    POUR    LA    MARCHE   ET   L'aTTAQUE 

M.  de  Saint-Pierre,  ayant  sous  ses  ordres  tous  les 
sauvages  et  le  corps  de  M.  de  Kepentigny,  marchera  à 
la  tête  de  l'armée  dans  telle  disposition  qu'il  jugera 
nécessaire  et  enverra  à  la  découverte,  en  avant,  sur  les 
derrières  et  sur  les  flancs  en  tel  nombre  qu'il  voudra. 

Quand  l'armée  marchera  sur  trois  colonnes,  on  sui- 
vra l'ordre  de  bataille  qui  a  été  donné,  et  on  tiendra  au 
moins  cent  pas  de  distance  d'une  colonne  à  l'autre,  afin 
que  les  bataillons  de  France  ayant  du  terrain  pour  se 
mettre  en  bataille,  lorsqu'il  leur  sera  ordonné.  Quand 
l'armée  marchera  sur  deux  colonnes,  les  bataillons  de 
la  Keine  et  de  Languedoc  recevront  ordre  pour  savoir 
s'ils  doivent  marcher  à  la  queue  de  la  colonne  de  la 
droite  ou  de  la  gauche. 


DU    -MINÎSTKUE    DE    L\    MAUINE 


Quand  l'armée  marchera  sur  une  colonne,  celle  de  la 
droite,  command..^e  par  M.  de  Raymond,  marchera  la 
première,  la  colonne  de  la  gauche,  commandée  par 
]M.  de  Valsant,  suivra  celle  de  la  droite,  et  la  colonne 
du  centre,  commandée  par  M.  de  Eocquemaure,  suivra 
cette  dernière  et  sera  suivie  de  la  compagnie  d'artillerie 
qui  formem  la  queue. 

Si  l'armée  marchoit  sur  trois  colonnes  et  qu'en  cette 
disposition  il  fallut  combattre  l'ennemi  dans  le  bois, 
alors  M.  de  Saint-Pierre,  avec  les  sauvages  et  le  corps 
de  M.  de  Kspentigny,  attaquera  avec  la  dernière  vigueur, 
le  gain  de  la  bataille  déi>endra  sans  doute  de  cette  brusque 
attaque  ;  il  sera  soutenu  par  les  trois  colonnes,  celle  de 
la  droite,  marchant  à  la  canadienne,  dépassera  l'ennemi 
pour  le  prendre  en  flanc. 

La  colonne  de  la  gauche  fera  de  même  de  son  côté,  et 
la  colonne  des  bataillons  de  France  marchera  droit  à 
l'ennemi,  et  attaquera  en  colonne,  à  moins  qu'il  ne  soit 
ordonné  de  se  mettre  en  bataille,  ce  qui  ne  manquera 
pas  d'arriver;  si  le  terrain  le  permet  ces  bataillons  feront 
leur  attaque  comme  les  troupes  réglées  doivent  la  faire 
sans  se  rompre  et  sans  s'éparpiller. 

Si  l'armée  étoit  obligée  de  combattre,  marchant  sur 
deux  colonnes,  elles  feront  la  même  man(eu^Te  comme 
il  est  dit  ci-dessus,  et  les  bataillons  de  France  marche- 
ront droit  à  l'ennemi  pour  l'attaquer  soit  en  colonns  soit 
en  Ijataille,  selon  qu'il  leur  sera  ordonné. 

Si  l'armje  étoit  obligée  de  combattre  sur  une  colonne, 
les  deux  brigades  de  M.  de  Raymond  feront  la  même 
manœuvre  ci -dessus  expliquée  ;  ainsi  que  les  deux 
brigades  de  M.  de  Vassan^,  le<<  [uelles  se  porteront  légère- 


40  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

ment  sur  l'aile  de  l'ennemi,  et  les  bataillons  de  France 
suivis  de  la  compagnie  d'artillerie  marcheront  droit  à 
l'ennemi  pour  l'attaquer  suivant  l'ordre  qu'ils  recevront. 

Dans  la  marche  les  colonnes  de  la  droite  et  de  la 
gauche  marcheront  sur  10,  11  ou  12  de  front,  et  on 
laissera  une  petite  distance  d'une  compagnie  à  l'autre 
afin  qu'elles  ne  se  mêlent  point,  à  quoi  Messieurs  les 
officiers  qui  commandent  les  compagnies  doivent  avoir 
grande  attention. 

Messieurs  les  commandants  des  colonnes  de  la  droite 
et  de  la  gauche,  auront  grande  attention  que  pendant 
la  marche,  leurs  colonnes  soient  toujours  en  ordre  ; 
mais  dès  qu'il  sera  question  d'attaquer  l'ennemi  on  se 
portera  légèrement  et  on  attaquera  à  la  canadienne. 

La  colonne  des  bataillons  de  France  marchera  sur 
8  pelotons  par  bataillon,  ce  qui  fera  16  sur  toute  la 
colonne,  et  à  peu  près  12  de  front  par  chaque  peloton. 
Les  bataillons  resteront  toujours  en  ordre  sans  jamais 
s'éparpiller  tant  pendant  la  marche  que  dans  l'attaque, 
et  si  le  terrain  le  permet,  ils  se  mettront  en  bataille 
aussitôt  que  les  Canadiens  et  les  sauvages  feront  leur 
attaque,  afin  que  les  attaquants  puissent  se  rallier  der- 
rière eux  au  cas  qu'ils  soient  repoussés. 

Toutes  les  troupes  en  général,  tant  sauvages  qu'au- 
tres, sont  averties  de  ne  pas  s'amuser  à  piller  pendant 
le  combat,  et  de  suivre  l'ennemi  le  plus  loin  qu'il  sera 
possible  ;  et  lorsque  la  bataille  sera  entièrement  finie 
on  pillera  le  camp. 

M.  de  Saint-Pierre  aura  la  bonté  de  faire  entendre 
raison  là-dessus  aux  sauvages,  surtout  de  ne  pas 
s'amuser  à  enlever  des  chevelures,  que  l'ennemi  ne 


DU    MINISTÈRE   DE   LA   »L\RIXE  41 


soit  entièrement  défait,  attendu  que  l'on  j^eut  tuer  10 
hommes  pendant  qu'on  enlève  une  chevelure. 
J'attends  cette  obéissance  de  mes  enfants. 

Au  f(.«rt  de  Frédéric,  ce  26  août  1755. 

(Signé)         Le  baron  de  Dieskau. 

(Pour  copie) 

De  Vaudreuil. 


NOTES   A  remettre 

à  M.  l'Intendant  pour  les  ouvrages  essentiels  et 
indispensables  à  faire  faire. 

Construire  quarante  bateaux  au  petit  portage  de 
Niagara  où  il  faut  envoyer  des  clous,  de  l'étoupe  et  du 
brai. 

La  forêt  de  la  Rivière-au-Bceuf  ne  pouvant  plus 
fournir  des  arbres  pour  faire  des  pirogues,  il  faut  y 
envoyer  des  charpentiers  pour  construire  150  bateaux 
de  planche  à  l'Angloise  fort  légère  ;  il  faut  encore  des 
clous,  de  l'étoupe,  brai,  et  calfats,  etc.,  etc. 

Faire  construire  au  fort  Frontenac  deux  barques  de 
60  à  80  tonneaux  à  plates  varrangues  et  fortes  pour  les 
échouages,  mais  on  ne  peut  déterminer  cette  construc- 
tion que  suivant  le  succès  de  l'expédition  projetée.  On 
peut  s'occuper  en  attendant  à  la  coupe  du  bois  et  à 
l'avitoitement  (sic)  de  ces  barques;   cette  construction 


42  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

a  pour  objet  non  seulement  le  transport  des  vivres,  mais 
encore  celui  de  600  hommes  qu'on  pourroit  aisément 
faire  passer  sur  les  quatre  barques. 

Nota  —  Ces  mêmes  barques  pourroient  servir  à 
détruire  celles  que  les  Anglois  ont  construites  à  Choua- 
guen. 

A  examiner  s'il  ne  conviendroit  pas  de  construire  une 
seconde  barque  à  Saint-Jean,  (jii  il  faudrait  en  outre 
construire  cinquante  bateaux  sur  le  lieu  à  cause  des 
difficultés  qu'il  y  a  de  les  y  faire  parvenir,  ce  seroit 
d'une  grande  commodité  et  d'une  grande  épargne  et 
l'on  pourroit  envoyer  800  hommes  sur  les  voitures. 

Il  faut  cent  bateaux  à  Québec,  cin(]uante  au  fort 
Saint-Jean  et  deux  cent  cinquante  à  la  Chine,  et  le  tout 
plus  ou  moins  suivant  les  circonstances,  mais  il  y  a  à 
observer  et  même  ordonner  qu'il  faut  que  tous  ceux 
qu'on  amènera  de  l'expédition  restent  à  la  Chine,  parce 
qu'on  est  à  portée  de  s'en  servir  au  besoin,  et  qu'on 
épargne  une  pistole  par  bateau  pour  les  y  faire  rendre 
de  Montréal,  d'ailleurs  le  terrain  de  la  commune  de  la 
Chine  est  assez  grand  et  commode  pour  en  contenir  plus 
de  mille. 

Je  serois  d'avis  qu'on  établit  chez  Pilet  un  chantier 
de  construction  qui  épargnerait  beaucoup  au  roi,  puis- 
qu'on tire  tous  les  bois  de  Chateauguay  pour  cette  même 
construction,  ce  qui  constitue  beaucoup  en  frais. 

En  conséquence  je  ne  laisserai  à  Montréal  que  la 
quantité  de  bateaux  qu'il  faut  pour  le  service  de  cette 
place. 

L'établissement  d'une  boulangerie  et  d'un  blutoir 
seroit  encore  plus  important  à  la  Chine,  et  le  roi  seroit 


DU    MINISTERE   DE    LA    MARINE 


43 


bientôt  remboursé  des  frais  de  cet  établissement  par 
l'épargne  des  transports  et  les  déchets  qu'ils  occasion- 
nent. 

Quoiqu'on  ait  transporté  beaucoup  de  vi^Tes  pour  la 
Belle-Eivière,  il  faut  penser  sérieusement  à  en  envoyer 
le  plus  que  l'on  pouiTa  à  cause  de  la  multitude  de  sau- 
vages à  laquelle  on  ne  s'attendoit  pas,  qui  occasionne- 
ront une  grande  consommation. 

Envoyer  des  vi\Tes  à  la  rivière  Saint-Jean. 


Fait  à  Québec,  ce  6  juillet  1755. 


DUQUESNE. 


M.    LE    MARQUIS    DE   VAUDKEUIL 


A  Montréal,  le  24  juillet  1755. 


Monseigneur, 


J'ai  eu  l'honneur  de  vous  rendre  compte  par  mes 
lettres  des  2  et  10  de  ce  mois,  de  la  fâcheuse  situation 
de  la  colonie,  que  ma  surprise  en  avoit  été  si  grande, 
que  je  n'aurais  eu  garde  de  m'y  attendre,  fondé  sur  la 
certitude  que  M.  le  marquis  Duquesne  me  donnait  que 
le  gouvernement  était  ti'anquille,  qu'il  avoit  prévu  à 
tout,  et  qu'il  n'y  avoit  pas  d'apparence  qu'on  dut 
craindre  aucun  mouvement  de  la  part  des  Anglois. 

Depuis  mon  arrivée  à  Montréal,  je  ne  cesse  d'ap- 
prendre la  contirmation  des  mauvaises  nouvelles.  Elles 
ont  même  grossi  avec  tel  excès,  que  je  ne  puis  refuser 
à  mon  devoir,  d'avoir  l'honneur  de  vous  en  instruire. 


44  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

Les  Anglois  se  multiplient  de  jour  en  jour,  et  n'hési- 
tent pas  de  dire,  surtout  aux  sauvages,  qu'ils  enlèveront 
le  fort  Saint-Frédéric,  le  fort  Duquesne,  Niagara,  le  fort 
Frontenac  et  la  Présentation.  Leurs  vues  à  tous  ces 
égards  ne  sont  point  douteuses  suivant  les  rapports 
unanimes  qui  ont  été  faits  aux  commandants  de  ces 
postes  par  leurs  décou\Teurs,  et  nombre  de  prisonniers 
successivement  les  uns  aux  autres.  J'ai  interrogé  tous 
ces  prisonniers  et  aucun  n'a  démenti  les  avis  que  j'ai. 

Les  Anglois  paroissent  toujours  en  vouloir  au  fort 
Saint-Frédéric,  et  s'arranger  pour  cet  effet  à  Orange. 
Leurs  mouvements  ont  même  si  effrayé  les  habitants 
qui  ont  leurs  terres  au-delà  du  fort  qu'ils  les  ont  aban- 
données. Le  détachement  que  j'ai  fait  partir  pour  y 
établir  un  camp  d'observation  doit  être  rendu  à  sa 
destination.  J'ai  donné  ordre  au  commandant  d'envoyer 
continuellement  des  découvreurs  et  de  me  faire  part 
aussitôt  de  leur  rapport. 

Le  fort  Duquesne  est  réellement  menacé.  Le  7  de 
ce  mois  les  Anglois  étoient  à  6  ou  8  lieues  de  ce  fort  ; 
on  m'écrit  qu'ils  sont  au  nombre  de  3,000  avec  de 
l'artillerie  et  autres  munitions  pour  faire  un  siège. 

Je  ne  serois  point  en  peine  pour  ce  fort  si  l'ofRcier 
qui  y  commande  possédoit  toutes  ces  forces.  Elles  con- 
sistent à  environ  1,600  hommes  tant  en  troupes  milices 
que  sauvages. 

Avec  ces  forces,  ce  commandant  auroit  été  en  état  de 
former  des  partis  assez  considérables  pour  inquiéter  la 
marche  des  Anglois  du  premier  instant  qu'il  en  a  eu 
connoissance.     Ces   partis   les    auroient   harselés,    les 


DU    MINISTÈKE    DE    LA    MARINE  45 

auroient  sûrement  rebutés.  Tout  nous  favorisoit  à  cet 
égard,  et  nous  donnoit  un  très  gi-and  avantage. 

Mais  malheurensement  on  n'avoit  point  prévu  dès 
l'automne  à  pourvoir  ce  fort  en  vivres  et  munitions  de 
guerre.  En  sorte  que  ce  commandant  manquant  de  l'un 
et  de  l'autre,  est  obligé  d'employer  la  majeure  partie  de 
son  monde  à  faire  le  va-et-vient  pour  le  transport  de 
ces  vi^Tes  et  munitions  ;  elles  ne  peuvent  pas  même 
lui  parvenir  abondammant  à  cause  de  la  lenteur  du 
portage  de  la  Presqu'île,  et  le  peu  d'eau  qu'il  y  a  dans 
la  Ei\'ière-au-Bœuf. 

Je  dois  d'ailleurs  observer  que  le  fort  Duquesne  n'a 
jamais  été  dans  sa  perfection  et  est  au  contraire  suscep- 
tible de  bien  des  défauts  capitaux  ;  le  plan  ci-joint  le 
justifie. 

Il  est  vrai  que  le  commandant,  pressé  par  les  officiers 
de  la  garnison  qui  s'appercevoient  de  tous  ces  défauts, 
prit  sur  lui  dès  le  printemps  de  demander  au  comman- 
dant du  Détroit,  le  Sieur  de  Léry,  sous  ingénieur,  et  que 
cet  officier  a  mis  le  fort  dans  le  meilleur  état  qu'il  a  pu, 
sans  cependant  oser  entreprendre  d'y  rien  changer. 

Je  crains,  Monseigneur,  avec  raison,  les  premières 
nouvelles  de  ce  fort,  et  je  seroi  agréablement  surpris  si 
l'Anglois  a  été  forcé  d'abandonner  son  entreprise. 

A  l'égard  de  Xiagara  il  est  certain  qu'il  est  aux 
Anglois  s'ils  parviennent  à  l'attaquer. 

On  me  marque  que  ce  fort  est  si  délabré  qu'il  n'est 
pas  possible  d'y  mettre  une  clle^'ille  sans  le  faire  tomber 
par  morceaux,  on  est  obligé  d'y  mettre  des  étançons 
pour  le  soutenir.  La  garnison  est  composée  de  trente 
hommes  qui  n'ont  point  de  fusils.  Le  Sieur  de  Villiers 


46  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

a  été  détachi  avec  environ  200  hommss  pour  y  établir 
un  camp  d'observation. 

Voilà,  Monseigneur,  un  abrégé  vrai  da  l'état  où  M,  le 
marquis  Duquesne  m'a  remis  le  gouvernement  pour  les 
parties  que  je  viens  de  traiter. 

Je  ne  crois  pas  devoir  vous  cacher  que  les  préparatifs 
des  Anglois  n'ont  pas  été  ignorés  dans  la  colonie,  ils  ont 
été  généralement  sus  dès  l'instant  même  qu'ils  ont  pris 
naissance  ;  il  auroit  été  facile  dans  leurs  commence- 
ments, de  les  éteindre  sans  nous  compromettre.  J'ajoute 
que  les  deux  capitaines  anglois  qui  sont  ici  en  otage 
ont  eu  autant  de  liberté  que  s'ils  eussent  été  mandés 
j>our  connoître  parfaitement  notre  situation.  Ils  ont 
couru  les  villages  de  nos  sauvages  domiciliés  et  ont 
conféré  avec  eux.  Ils  ont  même  instruit  leurs  gouver- 
neurs de  nos  forces  et  de  nos  desseins,  je  les  ai  fait 
renfermer. 

Le  mal  est  fait,  il  est  si  visil)le,  que  je  puis  dire  sans 
trop  de  prévention,  qu'il  auroit  été  à  souhaiter  que 
j'eusse  été  en  possession  de  ce  gouvernement  il  y  a  trois 
ans,  la  colonie  et  les  finances  ne  seroient  point  si  exces- 
sivement épuisées. 

Quelque  grand  que  soit  le  mal,  il  faut  que  j'y  remédie, 
et  pour  remplir  mes  vues  et  mon  zèle  à  cet  égard,  je  ne 
saurois  perdre  de  vue  mon  projet  sur  Chouaguen,  puis- 
que du  succès  de  ce  projet  dépend  la  tranquillité  de  la 
colonie. 

L'expédition  de  Chouaguen  qui,  de  tous  les  temps 
auroit  été  aisée,  est  malheureusement  aujourd'hui  bien 
épineuse,  et  cela  (je  ne  puis  que  le  réitérer),  parce  que 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  47 

les  Anglois  n'ont  trouvé  aucun  obstacle  clans  leurs  tra- 
vaux et  apprêts. 

La  sécurité  de  la  colonie  les  a  même  rendus  si  orgueil- 
leux,  qu'ayant  atteint  enfin  le  degré  de  perfection  auquel 
ils  aspiroient,  ils  ont  hardiment  levé  le  masque,  et  dès 
les  premiers  jours  de  juin  ils  ont  été  assez  osés  pour 
envoyer  trois  boulets  sur  le  pavillon  du  roi,  arboré  sur 
le  bateau  d'un  otficier  qui  conduisoit  un  détachement  à 
la  Belle-Rivière. 

Ils  ont  actuellement  deux  et  peut-être  trois  barques 
à  fonds  plats  et  à  rames  armées  en  guerre,  qui  croisent 
sur  le  lac  Ontario.  De  jour  à  l'autre  ils  doivent  mettre 
à  l'eau  d'autres  barques  pour  le  même  effet. 

On  m'écrit  du  20  de  ce  mois  que  ces  deux  barques 
ont  été  avec  plusieurs  bateaux  jusqu'au-dessus  de 
Quinte,  où  les  Anglois  ont  débarqué,  et  qu'il  est  certain 
qu'ils  doivent  aller  à  Niagara. 

Chouaguen  n'est  plus  une  maison  de  traite,  H  est 
fortifié  en  bonne  règle,  et  muni  convenablement  de 
pièces  d'artillerie.  Il  y  a  un  second  fort  également  muni 
de  pièces  d'artillerie.  Les  bois  qui  environnoieut  Choua- 
guen et  qui  nuisoient  à  sa  défense,  n'existent  plus,  ils 
en  ont  rendu  les  approches  difficiles.  Ils  y  sont  nom- 
breux et  ils  le  deviennent  encore  plus  de  moment  en 
moment  par  les  troupes  qui  leur  viennent  d'Orange. 

Cependant,  Monseigneur,  j'agis  avec  confiance,  et 
j'ose  me  flatter  de  faire  raser  Chouaguen. 

L'armée  sera  composée  d'environ  4,300  hommes,  dont 
2,000  hommes  de  troupes  réglées,  1,800  Canadiens  et 
500  sauvages  domiciliés.    Je  vois  avec  joie  que  les  uns 


48  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

et  les  autres  se  portent  d'un  grand  cœur  à  remplir  mes 
désirs. 

Cette  armée  sera  pourvue  de  pièces  d'artillerie  porta- 
tives, et  généralement  des  munitions  de  guerre  et  usten- 
siles nécessaires  pour  un  siège. 

Depuis  le  12  de  ce  mois  les  troupes  défilent  par  bri- 
gade pour  se  rendre  au  fort  Frontenac,  J'espère  que 
le  dix  du  mois  prochain,  le  reste  de  l'armée  sera  parti 
de  Montréal,  et  qu'à  moins  de  temps  contraire,  toutes 
mes  forces  seront  réunies  au  fort  Frontenac  le  25  du 
même  mois, 

J'aurois  eu,  Monseigneur,  une  satisfaction  extrême  à 
marcher  à  la  tête  de  l'armée,  persuadé  de  l'effet  que 
mon  zèle  pour  le  service  du  roi  et  pour  ma  patrie 
auroit  produit  de  la  part  des  soldats  Canadiens  et  sur- 
tout des  sauvages.  Mais  le  fort  Saint-Frédéric  étant 
également  menacé,  ma  présence  devient  nécessaire  à 
Montréal, 

M.  le  baron  de  Diçskau  commandera  cette  armée.  Je 
confère  journellement  avec  lui,  et  je  vois  avec  plaisir 
qu'il  désire  ardemment  d'accomplir  mes  vues. 

J'ai  toujours  les  intentions  du  roi  présentes,  et  c'est 
en  m'y  conformant  que  je  m'occupe  aussi  sérieusement 
que  je  le  fais  de  la  destruction  de  Chouaguen. 

Le  procédé  des  Anglois  n'est  point  équivoque  pour 
user  de  représailles  de  la  prise  de  Beauséjour,  de  la 
rivière  Saint-Jean  ne  m'autorise  que  trop  à  agir  hostile- 
ment. 

Quant  aux  Cinq  Nations,  je  ne  compte  point  sur  leurs 
secours,  mais  je  ne  désespère  pas  qu'ils  ne  soient 
neutres. 


DU    MINISTERE   DE   LA    iLA.RINE  49 

Si  je  différois  rexpédition  de  Chouaguen  et  que  les 
Anglois,  après  s'être  rendus  maîtres  de  Xiagara,  forti- 
fiassent solidement  ce  fort,  il  est  sensible  qu'ils  nous 
boucheroient  la  communication  des  postes  du  sud,  et 
qu'ils  se  mettroient  en  état  d'envahir  tous  nos  pays 
d'en  haut. 

Chouaguen  pris  et  rasé,  tous  les  progrès  que  les 
Anglois  pourroient  avoir  faits  jusqu'alors,  tombent. 
Quand  bien  même  les  Anglois  auraient  pris  Xiagara,  je 
ne  leur  donnerai  pas  le  temps  de  s'y  établir,  et  par  la 
même  expédition  je  les  en  délogerai. 

Chouaguen  est  depuis  l'instant  de  son  établissement 
le  rendez- vous  des  différentes  nations  sauvages.  C'est 
de  Chouaguen  que  sortent  tous  les  colliers  et  les  paroles 
que  les  Anglois  font  répandre  chez  les  nations  des  pays 
d'en  haut.  Ça  toujours  été  à  Chouaguen  que  les 
Anglois  ont  tenu  conseil  avec  les  nations  et  qu'à  force 
de  présents,  principalement  eu  boissons  eni^Tantes,  ils 
les  ont  déterminées  à  assassiner  les  François. 

Enfin,  c'est  par  conséquent  Chouaguen  qui  est  la 
cause  du'ecte  de  tous  les  troubles  survenus  dans  la 
colonie,  et  des  dépenses  infinies  qu'ils  ont  occasionnées 
au  roi. 

De  la  destruction  de  Chouaguen  il  s'en  suivra. 

D'un  côté  le  parfait  attachement  de  tous  les  sauvages 
du  pays  d'en  haut.  De  l'autre  une  diminution  considé- 
rable des  dépenses  que  le  roi  fait  annuellement  pour  la 
colonie. 

Les  Cinq  Nations   eussent-elles  pris  parti  pour  les 
Anglois,  ils  l'abandonnent  dès  l'instant  que  Chouaguen 
ne  subsiste  plus.    Les  nations  sauvages  n'avant  plus  la 
4 


50  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

ressource  des  Anglois  pour  avoir  des  boissons  enivrantes, 
je  détruirai  insensiblement  la  traite  des  eaux-de-vie  eu 
certains  postes  qui  est  pernicieuse  au  bien  du  service  et 
du  commerce. 

Ces  mêmes  nations  ne  reconnaissant  et  ne  pouvant 
avoir  de  liaison  (|u'avec  le  François,  dès  ce  moment  la 
([uantité  prodigieuse  de  castor  et  de  pelleterie  ({ui  alloit 
aux  Anglois  rentrera  au  commerce  de  France. 

Je  viens  d'apprendre  dans  le  moment  que  le  capitaine 
Chabot,  parti  de  la  baie  des  Chaleurs  le  7  juillet,  arrivé 
le  23  à  Québec,  dit  avoir  vu  deux  gi'os  vaisseaux  et  un 
plus  petit  à  trois  mâts  en  croisière  entre  Bonaventure 
et  Fourion,  qui  tirèrent  le  soir  deux  coups  de  canon, 
(ju'il  ne  doute  nullement  que  ce  ne  soit  des  Anglois. 
Suivant  le  rapport  des  pêcheurs  de  Gaspé,  ils  en  ont 
compté  jusqu'à  47  qui  tiennent  toute  la  côte  jusqu'à 
l'île  Saint-Jean. 

Soyez  persuadé,  je  vous  supplie,  Monseigneur,  de 
mon  exactitude  à  remjJir  tout  ce  qui  m'est  prescrit  par 
mes  instructions,  et  que  je  ferai  tout  mon  possible  pour 
signaler  mon  zèle  pour  le  service  du  roi. 

J'ai  l'honneur  d'être,  etc. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  51 


Eu  marge  :  Porté  au  roi  le  6  septembre  1755. 


A    M.    LE    MARQUIS    DE   VAUDREUIL 

Le  5  septembre  1755. 

Depuis  votre  amvée  k  Québec,  Monsieur,  je  n'ai  reçu 
de  vous  que  les  deux  lettres  particulières  des  2  et  10 
juillet,  et  celle  que  vous  m'avez  écrite  en  commun  avec 
M.  Duquesne,  le  5  du  même  mois.  Mais  je  présume 
qu'il  y  en  avoit  d'autres  dans  les  paquets  qui  avoient 
été  remis  au  capitaine  du  navire,  le  Pierre-Alex- 
andre, arrivé  à  Bordeaux,  lequel  a  déclaré  les  avoir 
jetés  H  la  mer  au  nombre  de  22,  qui  étoient  renfermés 
dans  un  sac,  à  la  rencontre  qu'il  a  faite  d'une  frégate 
angloise,  qui  l'a  visité  le  17  août  à  la  hauteur  de  l'Isle 
Dieu.  Et  je  compte  de  recevoir  d'autres  nouvelles  par 
le  retour  des  vaisseaux  de  M.  Dubois  de  La  Motte,  que 
j'attends  d'un  jour  à  l'autre  avec  beaucoup  d'impatience. 

Nous  avions  déjà  appris  par  les  nouvelles  de  l'An- 
gleterre, la  prise  par  les  Anglois  des  postes  de  Beau- 
séjour  et  de  Gaspareaux,  et  la  marche  de  différents 
corps  de  troupes  de  cette  nation  contre  le  fort  de  la 
rivière  Saint-Jean,  celui  de  Saint-Frédéric,  celui  de 
Niagara  et  celui  de  la  Belle-Ei\ière, 

Le  roi  a  approuvé  le  parti  que  vous  avez  pris,  sur 
l'avis  que  vous  avez  eu  de  toutes  ces  entreprises,  de 
faire  marcher  M.  Dieskau  pour  en  empêcher  ou  réparer 
l'exécution  suivant  le  plan  d'opérations  que  vous  avez 
concerté  tant  avec  cet  officier  qu'avec  M.  Duquesne  ;  et 


52  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

VOUS  devez  bien  juger  que  ce  ne  sera  pas  sans  impatience 
que  Sa  Majesté'attendra  des  nouvelles  de  ces  opérations. 

Ce  n'est  pas  non  plus  sans  peine  que  Sa  Majesté  se 
voit  forcée  par  les  hostilités  des  Anglois  à  prendre  des 
mesures  si  opposées  à  son  amour  pour  la  paix  et  aux 
efforts  qu'elle  a  faits  pour  la  maintenir  avec  cette  nation. 

Il  n'y  a  pourtant  pas  encore  de  déclaration  de  guerre 
de  part  ni  d'autre.  Sur  la  première  nouvelle  de  la 
prise  des  vaisseaux,  l'Alcide  et  le  Lys,  Sa  Majesté  a 
fait  revenir  son  ambassadeur  de  Londres,  et  son  ministre 
d'Hanovre,  sans  prendre  congé.  Les  vaisseaux  de  guerre 
anglois  visitent  tous  nos  navires  marchands  qu'ils  ren- 
contrent, mais  nous  n'avons  pas  appris  qu'ils  en  aient 
encore  retenu  aucun.  Nous  avons  cependant  lieu  de 
croire  qu'ils  ne  ménageront  pas  ceux  qu'ils  rencontreront 
avec  des  provisions  pour  le  Canada  et  l'Isle  lloyale  ;  et 
ils  ne  font  pas  mystère  de  leurs  projets  sur  cela.  Quoi 
qu'il  en  soit,  je  ne  puis,  pour  le  présent,  que  vous  pres- 
crire de  vous  conformer  à  vos  instructions  relativement 
à  la  conduite  des  Anglois.  Elle  vous  donne  déjà  plus 
d'occupation  que  nous  n'avions  pensé.  Mais  Sa  Majesté 
est  persuadée  qu'avec  les  secours  que  vous  avez,  vous 
parviendrez  à  faire  échouer  leurs  injustes  entreprises  et 
à  soutenir  la  gloire  de  ses  armes. 

Les  nouvelles  que  nous  avons  reçues  d'Angleterre 
augmentent  la  confiance  du  roi.  Elles  nous  annoncent 
d'une  manière  positive  la  défait 3  entière  du  corps  de 
troupes  qui  avoit  marché  de  la  Virginie  contre  le  fort 
de  la  Belle-Rivière,  sous  le  commandement  du  général 
Braddock,  qui  y  a  été  tué.  Je  compte  que  les  premiers 
bâtiments  qui  viendront  de  Canada,  m'en  apporteront 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  "  53 

le  détail  circonstancié,  et  je  vous  préviens  que  le  roi 
€st  déterminé  à  donner  des  récompenses  marquées  à  ceux 
qui  s'y  sont  distingués. 

Je  vous  confie  en  même  temps  que  Sa  Majesté  est 
dans  des  dispositions  qui  sont  bien  différentes,  et 
fondées  cependant  sur  le  même  principe,  à  l'égard  des 
officiers  qui  étaient  aux  forts  de  Beauséjour  et  de  Gas- 
pareaux.  Suivant  des  avis  particuliers  qui  sont  venus 
ici,  et  selon  ce  que  les  Anglois  en  ont  eux-mêmes 
publié,  ces  forts  ont  été  très  mal  défendus,  et  celui  de 
Gaspareaux  a  été  même  rendu  avant  que  les  Anglois  y 
fussent  arrivés.  Le  roi  veut  savoir  ce  qui  s'est  passé, 
et  il  est  en  effet  important  par  toute  sorte  de  raisons 
que  la  conduite  de  ces  officiers  soit  éclaircie.  Sa  Majesté 
désire  que  vous  me  mettiez  en  état  de  lui  rendre 
compte  de  tout  ce  que  vous  aurez  pu  apprendre  ;  et  je 
vous  prie  d'y  satisfaire  sans  complaisance  pour  personne. 


Porté  au  roi  le  6  septembre  1755. 

A  MM.  LES  CHEVALIERS  DE  DRUCOURT  ET  PRÉVÔT 

A  Versailles,  le  5  septembre  1755. 

Par  ma  dépêche  du  29  juillet  dernier,  je  vous  ai, 
Messieurs,  accusé  la  réception  des  lettres  que  vous 
m'avez  écrites  par  la  goélette  l'Espérance  arrivée  à 
Bayonne,  et  dont  les  duplicatas  me  sont  parvenus  par 
le  bateau  Le  Jason  venu  à  La  Rochelle.  J'ai  reçu 
depuis  celles  dont   vous  aviez  chargé  le  capitaine  du 


54  EXTRAITS    DES   AKCHIVES 

bateau  TApoUon,  et  celui  du  navire  l'Estienne-Pierre, 
mais  celui  de  la  goélette  la  Geneviève  a  déclaré,  à  son 
arrivée  à  Nantes,  qu'ayant  rencontré  le  21  juillet,  à  10 
lieues  à  l'Est  de  Louisbourg,  5  vaisseaux  de  guerre 
anglois,  ils  ^l'ont  visité  et  décacheté  plusieurs  lettres, 
qu'ils  en  ont  gardé  trois,  mais  ({ue  les  paquets  que 
M.  Prévôt  lui  avoit  remis  ont  été  jetés  à  la  mer,  sui- 
vant les  ordres  qu'il  lui  en  avoit  donné. 

Quoique  je  n'aie  rien  à  ajouter  à  ce  que  je  vous  ai 
expliqué  des  intentions  du  roi  sur  ce  ({ui  regarde  la 
défense  de  la  colonie  par  ma  dépêche  du  29  juillet,  dont 
je  joins  ici  le  triplicata,  j'ai  proposé  à  Sa  Majesté  d'en- 
voyer à  Louisbourg  sa  frégate  La  Valeur,  commandée  par 
le  Sieur  Maccarty,  et  je  compte  que  cette  frégate  partira 
incessamment  de  la  rade  de  l'Isle  d'Aix. 

Deux  raisons  principales  ont  déterminé  Sa  Majesté  à 
lui  donner  cette  destination. 

Premièrement.  —  Pour  vous  faire  savoir  que  les 
affaires  avec  l'Angleterre  sont  encore  dans  le  même  état 
où  elles  étoient  le  29  juillet.  Il  n'y  a  point  eu  de  décla- 
ration de  guerre  de  part  ni  d'autre.  Les  Anglois  n'arrêtent 
pas  même  nos  navires  marchands,  mais  ces  incertitudes 
ne  doivent  servir  qu'à  vous  rendre  chacun  en  ce  qui 
vous  concerne,  plus  attentifs  à  prendre  toutes  les  mesures 
possibles  pour  la  sûreté  de  la  colonie,  car  il  faut  s'atten- 
dre à  tous  les  événements  de  la  part  des  Anglois. 

Deuxièmement.  —  Sa  Majesté  a  pensé  qu'il  pourroit 
être  utile  d'avoir  une  frégate  à  Louisbourg  pour  s'en 
servir  le  printemps  prochain,  dès  l'ouverture  de  la  navi- 
gation, soit  pour  avoir  des  nouvelles  des  mouvements 
des  Anglois,  soit  pour  la  défense  m^mB  de  Louisbourg, 


DL'    MlNISTElîE    DE    LA    MARINE 


OO 


en  cas  que  cette  place  soit  attaquée  ;  car  alors  l'équi- 
page de  la  frégate  pourroit  être  utilem3iit  employé, 
particulièrement  au  service  de  l'artillerie.  Le  roi  ne 
prescrit  capendant  point  à  M.  le  chevalier  de  Drucourt 
de  garder  cette  frégate  ;  Sa  ^Majesté  s'en  remet  à  sa 
prudence  pour  prendre  le  parti  qu'il  jugera  le  plus  con- 
venable à  cet  égard,  relativement  aux  circonstances.  S'il 
la  renvoie  cette  année,  ce  sera  une  occasion  de  plus  pour 
m'informer  de  la  situation  de  la  colonie,  et  me  faire 
passer  les  détails  que  vous  aurez  à  me  faire. 

C'est  toujours  avec  la  plus  grande  impatience  que 
j'attends  M.  de  Salvert,  et  je  suis  même  d'autant  plus 
inquiet  de  son  retardement  que  j'ignore  d'un  côté  quelles 
dispositions  il  se  proposoit  de  faire  pour  son  retour,*  et 
d'un  autre  s'il  avait  d'autres  raisons  que  la  crainte  des 
escadres  angloises  pour  prolonger  son  séjour  à  Louis- 
bourg. 

Depuis  la  nouvelle  de  la  prise  des  forts  de  Beausé- 
jour  et  de  la  baie  Verte,  le  bruit  a  couru  en  Angleterre 
que  celui  de  la  rivière  Saint- Jean  et  de  la  Pointe  à  la 
chevelure  sur  le  lac  Champlain,  s'étoient  aussi  rendus 
aux  Anglois,  mais  cela  n'est  pas  encore  confirmé. 

Noug  venons  d'apprendre  d'un  autre  côté  par  la  voie 
d'Angleterre  la  défaite  totale  du  corps  de  troupes  qui 
avoit  maiché  contre  le  fort  Duquesne  sous  le  comman- 
dement du  général  Braddock  qui  y  a  été  tué  ;  et  vous 
aurez  sans  doute  appris  par  Québec  le  détail  de  cette 
action  qui  a  été  des  plus  avantageuses  pour  nous. 

Mais  quelque  chose  (jui  se  passe  en  Canada,  Louis- 
bourg  exige  les  plus  grandes  attentions  ;  et  Sa  Majesté 
est  disposée  à   y   en  donner  une  particulière  ;.  si  les 


66  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

secours  de  vivres  qui  y  ont  été  destinés  de  France  y 
arrivent  sans  accident,  la  place  en  sera  bien  pourvue. 
C'est  avec  bien  du  plaisir  que  j'ai  appris  l'arrivée  de 
ceux  que  M.  Bigot  y  a  fait  passer  sous  l'escorte  du 
sieur  de  la  Jonquière,  j'espère  que  M.  Prévôt  aura  pu 
s'en  procurer  d'ailleurs,  et  l'année  prochaine  j'en  ferai 
envoyer  de  bonne  heure. 

A  l'égard  des  fonds,  outre  ceux  que  la  frégate  la 
Diane  et  la  Fidèle  ont  apportés,  il  a  été  embarqué 
200,000  li\Tes  sur  la  flûte  l'Outarde,  et  la  flûte  La 
Valeur  portera  100,000  livres. 

Je  suis,  messieurs,  très  parfaitement  à  vous. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  Chasteriaye  du  19  septembre  1755. 

Tout  était  tranquille  en  apparence  à  Québec  le  8  juin, 
et  l'on  y  avoit  encore  alors  nulle  défiance  du  projet  des 
Angiois,  parce  qu'ils  n'avoient  fait  aucun  mouvement  le 
printemps.  La  seule  inquiétude  des  officiers  comman- 
dants en  cette  colonie,  était  au  sujet  de  l'escadre  qu'ils 
attendoient,  et  que  M.  de  l'Eguille,  commandant  la 
frégate  la  Diane,  leur  avoit  annoncée  pour  le  commen- 
cement de  mai. 

Cinq  ou  six  jours  après  on  apprit  par  un  navire  qui 
venoit  de  la  baie  Verte  que  les  Angiois  avoient  débarqué 
des  troupes  qu'ils  avoient  portées  avec  25  ou  30  bateaux 
ou  goélettes,  escortés  de  trois  senaux  de  16  à  18  canons 
chacun  à  la  Imie  Françoise,  où  il  ne  peut  entrer  ni  même 
approcher  de  plus  gros  Ijâtiments. 


DU    MINISTERE   DE    LA    MARINE  57 

A  peine  ceux-ci  parurent-ils  que  M.  DeVergor,  com- 
mandant au  fort  de  Beauséjour  en  Acadie,  fit  avertir  le 
capitaine  de  ce  navire  mouillé  à  la  baie  Verte  d'en 
sortir,  et  qu'il  se  prépara  à  recevoir  les  Anglois,  qui  les 
bloquèrent  le  lendemain,  en  soite  qu'après  avoir  soutenu 
onze  jours  de  sièg#,  il  fut  contraint  de  capituler.  Quoi- 
que dépourvii  de  troupes  et  de  munitions  de  guerre  et 
de  bouche,  il  n'auroit  pas  laissé  que  de  tenir  encore 
quelques  jours  sans  la  grande  quantité  de  bombes  dont 
il  étoit  assailli,  et  qui  le  réduisirent. 

Cette  nouvelle  fut  d'abord  portée  à  Québec  par 
M.  l'abW  Le  Loutre  qui  trouva  le  moyen  de  se  sauver 
du  fort  où  il  étoit,  avant  que  les  Anglois  s'en  fussent 
rendus  maîtres. 

La  capitulation  est  conçue  dans  les  mêmes  termes 
que  celle  des  Anglois  lorsqu'on  les  somma  de  quitter  ce 
pays.  On  assure  que  tous  les  François  ont  été  envoyés 
à  Louislx)urg  avec  des  bâtiments  de  transport  que  les 
Anglois  leur  ont  fournis  à  leurs  frais. 

Du  12  au  15,  M.  Dubois  de  La  Motte  amva  avec 
son  escadre  dont  il  lui  manquoit  trois  bâtiments,  les 
autres  n'ont  pu  se  réunir  que  fort  avant  dans  la  rivière. 
Ils  avoient  tous  été  séparés  aux  environs  du  banc  de 
Terre-Xeuve  par  les  brumes. 

Du  1er  au  5  juillet,  M.  le  marquis  de  Vaudreuil 
reçut  un  courrier  venant  des  environs  de  l'Acadie  qui 
lui, annonça  la  prise  des  deux  vaisseaux  du  roi,  l'Alcide 
et  le  Lys.  Le  premier  armé  en  guerre,  commandé  par 
M.  Hocquart,  et  l'autre  armé  en  flûte. 

La  rencontre  de  ces  deux  vaisseaux  avec  l'escadre 
angloise  se  fit  le  8  juin.     Elle  étoit  de  onze  bâtiments. 


58  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

M.  Hoccjuart  crut,  à  ce  qu'on  assure,  (|ue  c'étoit  l'esca- 
dre françoise.  Il  fit  des  signaux,  et  soit  que  les  Anglois 
rencontrèrent  à  la  réponse,  ou  que  M.  Hocquart  le  com- 
prit, il  arriva  dessus,  et  le  Lys  le  suivit  ;  mais  un 
troisième  bâtiment  nommé  l'Actif  qui  étoit  avec  lui,  et 
qui  est  heureusement  arrivé  à  Louilbourg,  s'en  défia,  et 
tint  le  vent.  S'étant  approchés,  ayant  vu  que  c'étoient 
des  Anglois,  on  dit  ({ue  l'Alcide  et  le  Lys  voulurent  en 
faire  autant,  mais  qu'il  n'étoit  plus  tem})s.  Vers  le  midi, 
le  premier  fut  joint  par  un  des  vaisseaux  anglois  qui  le 
somma  d'ari'iver,  et  d'aller  parler  à  l'amiral,  à  qui 
M.  Hocquart,  qui  étoit  dans  sa  galerie,  répondit  que  les 
vaisseaux  du  roi,  son  maître,  ne  recevoient  des  ordres 
de  personne,  et  ne  changeoient  point  leur  route  quand 
ils  avoient  une  destination.  L'anglois  lui  dit  une  seconde 
fois  d'arriver  ou  (pi 'il  l'alloit  couler  bas,  à  cette  réijonse 
M.  Hocquart  lui  réplitpia  de  le  faire.  Eh  bien.  Mou- 
sieur,  répartit  l'anglois,  entrez  dans  votre  chambre,  et  à 
peine  se  fut-il  aperçu  qu'il  y  étoit  entré,  qu'il  lui  tira 
toute  sa  bordée  à  laquelle  M.  Hocquart  riposta  ;  mais 
l'instant  après,  cinq  autres  vaisseaux  anglois  se  joigni- 
rent au  premier  et  se  mirent  tous  six  sur  l'Alcide  qui 
fut  bientôt  délabré,  criljlé  et  obligé  de  céder  à  la  force 
après  avoir  perdu  250  hommes.  Pendant  ce  combat  le 
Lys  voulut  prendre  chasse,  mais  les  Anglois  ayant 
réduit  l'Alcide  ne  laissèrent  qu'un  vaisseau  pour  l'ania- 
riner,  et  se  mirent  tous  à  poursuivre  l'autre  qui  fut 
joint  à  4  heures  et  contraint  de  se  rendre  après  une 
faible  résistance.  Le  premier  étoit  déjà  à  Chibouctou,  et 
l'on  y  attendoit  l'autre  lorsqu'on  dépêcha  la  nouvelle. 


DU    MINISTERE   DE    LA    MARINE  59 

Le  5  août,  ^I.  Dubois  de  La  Motte  qui  étoit  encore 
en  rivière  paroissoit  disposer  à  en  partir  avec  le  reste 
de  son  escadre.  Il  doit  en  être  sorti  au  plus  tard  à  la 
fin  de  ce  mois  là. 

Au  commencement  de  juillet,  M.  le  marquis  de  Vau- 
cbeuil  reçut  plusieurs  courriers  qui  lui  annoncèrent  les 
préparatifs  que  faisoient  les  Anglois  pour  attaquer  tous, 
ou  du  moins  la  majeure  partie  de  nos  différents  postes 
et  foits.  Celui  de  Cliouaguen  qu'ils  ont  sur  le  bord  du 
lac  Ontario,  sur  notre  passage  en  venant  de  Niagara  qui 
est  l'entrepôt  des  pelleteries  qui  nous  viennent  d'en 
haut,  a  tiré  sur  nos  voyageurs.  Aux  environs  de  là, 
les  Anglois  faisoient  construire  un  nombre  infini  de 
canots  et  trois  grandes  barques. 

Le  fort  Duquesne,  nouveUemeut  construit,  a  été  aussi 
menacé  et  2,500  à  3,000  Anglois  étoient  en  marche 
pour  en  aller  faire  le  siège,  mais  le  commandant 
qui  a  voit,  dit-on,  près  de  2,000  bommes  de  garnison, 
fut  les  attendre  à  demi-lieue  du  fort  en  rase  campagne 
où  il  se  donna  une  bataille,  après  laquelle  les  Anglois 
se  retii'èrent  avec  500  hommes  de  perte  et  nous  200. 

Du  l'^r  au  10  juillet  toutes  nos  troupes  venues  de 
France,  partirent  avec  deux  mille  cinq  cents  Canadiens 
pour  les  pays  d'en  haut,  et  M.  le  marquis  de  Vaudreuil 
pour  Montréal.  On  assure  qu'ils  vont  former  un  corps 
de  sept  à  huit  mille  hommes  et  qu'ils  veulent  s'empa- 
rer du  fort  Chouaguen  et  le  raser. 

Il  tardoit  déjà  à  M.  Pieser,  commandant  des  troupes, 
ainsi  qu'à  tous  les  officiers  d'être  aux  prises,  et  de  voir 
la  querelle  terminée   pour  retourner  à   Québec  et  à 


60  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

Montréal.  Ce  qui  les  a  beaucoup  mortifiés,  c'est  que  la 
caisse  militaire  s'est  malheureusement  trouvée  embar- 
quée sur  l'Alcide. 

(non  signé) 


RÉPONSES    FAITES    PAR    UN    PRISONNIER 

L'armée  est  partie  vendredi  passé,  elle  devoit  être  de 
600  hommes,  elle  s'en  est  allée  par  terre. 

Il  y  a  environ  400  bateaux  le  long  de  la  rivière 
auprès  du  fort. 

M,  Johnson  commande  en  chef,  il  étoit  encore  au  fort, 
en  son  absence  M.  Léman,  son  second,  doit  commander. 

Ils  ont  400  sauvages  des  Six  Nations  sous  le  com- 
mandement de  M.  Johnson,  qui  a  aussi  un  second  pour 
les  commander,  dont  il  ignore  le  nom. 

Le  canon  a  été  tiré  pour  340  sauvages  qui  arrivoient 
d'Orange,  il  y  en  avait  déjà  60  au  fort. 

Ce  qu'ils  font  à  la  maison  de  Lydius,  ils  l'appellent 
Storeshausen,  entrepôt  et  non  pas  fort. 

Cette  maison  d'entrepôt  a  cette  forme. 


70   PIEDS 


Cette  maison  a  une  enceinte  formée  par  un  fossé 
large  de  14  pieds  et  profond  de  8.  Les  terres  du  fossé 
sont  rejetées  du   côté  du   fort,    et  sur  ces  terres   sont 


DU   MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  61 

plantés  des  pieux  de  12  pieds  de  haut  inclinés  en  dehors, 
c'est-à-dire  fraisés. 

Le  fossé  ne  continue  pas  du  côté  de  la  rivière,  il  n'y 
a  que  des  pieux  seulement,  et  on  travaillait  lorsqu'il  fut 
pris. 

Il  y  a  deux  portes  du  côté  de  la  rivière,  et  une  petite 
du  côté  du  nord,  ces  portes  n'étoient  pas  encore  faites 
ou  au  moins  posées,  mais  les  montants  étaient  placés. 

La  maison  est  à  l'extrémité  de  l'enceinte  dans  l'angle 
formé  par  la  rivière,  et  par  une  autre  petite  rivière,  elle 
est  faite  de  charpente  pièce  sur  pièce. 

Les  Anglois  n'avoient  aucunes  nouvelles  des  François, 
il  ignore  s'ils  avoient  envoyé  à  la  découverte,  mais  il 
sait  qu'ils  étoient  venus  à  la  rivière  du  Chicot  pour 
reconnoître  s'ils  poun-oient  passer  par  là  ;  ayant  trouvé 
la  chose  trop  difficile,  ils  ont  pris  du  côté  du  lac  Saint- 
Sacrement.  Avant  le  renvoi  des  troupes  ils  doutoient 
s'ils  dévoient  veuii-  à  la  pointe  cette  année-ci  ou  l'autre. 

Toutes  les  troupes  qui  doivent  camper  au  fort  con- 
sistoieut  en  6,000  hommes. 

Les  troupes  renvoyées  étoient  des  milices,  eUes  ont 
été  congédiées,  mais  il  ignore  si  2,400  hommes  qui  doi- 
vent encore  venir  auroient  été  contremandés  et  congédiés. 

Il  y  a  huit  canons  au  fort  qui  sont  dans  le  champ  à 
7  à  8  pas  hors  de  l'enceinte,  mais  il  y  en  avait  de  placés 
dans  l'enceinte  à  la  petite  porte  qui  donne  au  nord,  vers 
laquelle  on  travaille  à  creuser  un  chemin  qui  fera  une 
sortie  de  denière. 

On  attendoit  encore  dans  peu  25  canons  ou  pierriers. 

Les  canons  ont  des  affûts  sur  lesquels  ils  n'étoient 
pas  encore. 


62  EXTRAITS    DES   AUCHIVES 

Il  y  a  dans  l'enceiiite  24  ou  25  mortiers  rangés  et 
qui  ont  été  aj)portés  d'Orange  montés  sur  leurs  affûts. 

Les  boulets  et  les  bombes  sont  entre  la  maison  et  les 
pieux  du  côté  de  la  rivière,  la  poudre  est  d'un  côté 
opposé  dans  un  petit  hangar. 

Les  500  hommes  restés  au  fort  sont  tous  tentés  hors 
de  l'enceinte  à  l'entour,  il  n'y  a  au  dedans  qu'une  sen- 
tinelle dans  une  guérite  vis-à-vis  la  petite  porte. 

Il  y  a  abondamment  du  biscuit,  du  lard,  du  rhum,  mais 
il  n'y  a  que  quelcjucs  breufs  pour  les  officiers  seulement. 

On  attendoit  un  jour  ou  deux  après  celui  auquel  il  a 
été  pris  2,400  hommes,  que  M,  Johnson  devoit  com- 
mander et  conduire  au  lac  Saint-Sacrement  pour  y 
commencer  aussitôt  un  fort. 

Les  troupes  campées  ont  été  renvoyées  parce  qu'il  y 
avoit  longtemps  qu'elles  y  étoient,  et  que  les  maladies 
s'y  mettoient,  que  les  vivres  manq noient  pour  tant  de 
monde,  et  qu'elles  étoient  fatiguées  par  le  chemin  ([u'on 
leur  avoit  fait  faire  d'Orange  à  la  maison  de  Lydius  et 
de  là  au  lac  Saint-Sacrement. 

Depuis  deux  mois  on  les  exerçoit  à  combattre.  Il 
n'y  a  point  de  Flamands  dans  les  troupes.  Il  y  en  a 
deux  cents  charretiers  et  environ  200  charriots  de  2 
chevaux,  et  quelques-uns  de  10  pour  le  transjjort  de 
l'artillerie  qui  est  venue  par  terre. 

Il  a  ajouté  qu'il  ne  croyait  pas  qu'on  prit  le  fort  sans 
canon,  parce  qu'ils  se  jetteront  dans  l'enceinte  à  moins 
qu'ils  en  fussent  empêchés  par  surprise. 

Leur  façon  de  combattre 'est  de  se  mettre  sur  trois 
rangs  de  hauteur,  après  que  le  premier  a  tiré  il  passe 
derrière,  ainsi  des  autres. 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    5LVRIXE  63 


Les  500  hommes  restés  au  fort  sont  ou^Tiers  la 
plupart,  dont  la  moitié  devoit  se  joincli"e  à  M.  Johnson, 
pour  aller  bâtir  le  fort  du  lac  Saint-Sacrement,  les  sau- 
vages avoient  promis  d'y  accompagner  M.  Johnson. 

(Poiu'  copie) 

De  Vaudreuil. 


M.    LE    MARQUIS    DE   VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  18  octobre  1755. 
IMonseigneur, 

Par  mes  lettres  des  20  et  24  juillet,  j'ai  eu  l'honneur 
de  vous  informer  que  les  Anglois  s'étoient  rendus 
maîtres  du  fort  de  Beauséjour  et  que  M.  de  Boishébert, 
commandant  à  la  rivière  Saint-Jean,  avoit  brûlé  son 
fort,  ne  pouvant  s'opposer  à  la  descente  de  l'ennemi  • 
que  je  lui  avois  donné  oi-dre  de  se  concerter  avec  le 
révérend  Père  Germain,  missionnaire,  pour  hiverner  à 
la  rivière  Saint-Jean,  ou  revenir  à  Québec,  suivant  les 
bonnes  ou  mauvaises  dispositions  des  Acadiens  et  des 
sauvages. 

M.  de  Boishébert  et  le  révérend  Père  Germain 
m'ont  rendu  des  bons  témoignages  de  la  conduite  et  du 
zèle  des  Acadiens  et  des  sauvages;  M.  de  Boishébert 
m'a  aussi  rendu  compte  de  ses  mouvements  pour  s'op- 
poser au.\  vues  des  Anglois. 


64  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

Les  Anglois  ne  se  sont  point  bornés  à  la  prise  de 
Beauséjour,  ils  ont  voulu  assujettir  tous  les  Acadiens  à 
prêter  serment  de  fidélité  au  roi  de  la  Grande-Bretagne 
et  à  prendre  les  armes  contre  nous  ;  mais  ne  pouvant 
y  réussir,  ils  les  obligèrent  à  remettre  leurs  armes  à 
feu,  après  quoi  ils  les  rassemblèrent  au  fort  de  Beausé- 
jour (qu'ils  ont  nommé  le  fort  Cumberland),  sous  pré- 
texte de  leur  faire  part  de  l'arrangement  du  gouverneur 
d'Halifax  pour  la  conservation  de  leurs  terres,  et  ils  les 
retiennent  prisonniers,  au  nombre  de  400  chefs  de 
famille  ;  ils  envoyèrent  deux  de  ces  Acadiens  de  la 
part  du  commandant,  pour  dire  à  leurs  femmes  de  se 
tenir  prêtes  à  s'embarquer,  et  que  sur  leur  refus  ils 
feroient  brûler  leurs  habitations. 

Bien  loin  pour  les  familles  acadiennes  d'obéir  à  cet 
ordre,  elles  fuirent  dans  les  bois  ;  leur  refus  porta  les 
Anglois  à  brûler  entièrement  le  village  de  la  rivière 
Chipoudy  sans  en  excepter  l'église.  M.  de  Boishébert,  à 
la  tête  de  125  Acadiens  ou  sauvages,  les  joignit  à  la 
rivière  Petkoudiak  ;  il  les  attaqua  et  les  combattit 
pendant  trois  heures,  il  les  repoussa  vivement  jusque» 
à  leurs  bâtiments.  Les  Anglois  eurent  42  hommes  tués 
et  45  blessés. 

M.  Gorhant,  otticier  anglois  très  zélé,  fut  du  nombre 
des  blessés,  nous  perdîmes  un  sauvage  et  en  eûmes  3  de 
blessés.  Si  les  sauvages  eussent  été  moins  vifs,  il  n'au- 
roit  pas  échappé  un  seul  anglois.  M.  de  Boishébert 
passa  la  nuit  sur  le  champ  de  bataille,  il  facilita  les 
Acadiens  à  recueillir  une  partie  de  leurs  grains  et  à  se 
retirer  dans  les  bois  avec  leurs  femmes  et  enfants,  il 


DU   MINISTÈRE   DE   LA   MARINE  65 

leur  a  envoyé  une  grande  gabarre  pour  accélérer  leur 
retour  à  la  rivière  Saint-Jean. 

Les  sauvages  ne  peuvent  qu'être  animés  contre  les 
Anglois  ;  ils  ont  coupé  par  morceaux  14  sauvages  de  la 
mission  de  la  rivière  Saint-Jean  qu'ils  surprirent  le  long 
des  habitations  angloises. 

Les  Anglois  ont  pris  contre  le  droit  des  gens,  le  nommé 
Grandcour,  sergent  du  détachement  de  M.  de  Boishébert, 
bien  avant  qu'ils  eussent  pris  Beauséjour.  Ce  sergent 
avoit  été  par  ordre  de  M.  de  Boishébert  dans  une  cha- 
loupe à  la  recherche  de  neuf  soldats  qui  s'étoient  écartés 
à  l'isle  de  la  Perdrix  ;  il  avoit  un  ordre  de  son  comman- 
dant par  lequel  il  réclamoit  même  l'assistance  des 
Anglois,  si  le  cas  l'exigeoit. 

Je  n'ai  rien  négligé  pour  savoir  la  situation  des 
Anglois  à  Beauséjour,  ils  sont  au  nombre  d'environ  900 
hommes  ;  ib  avoient  commencé  à  rétablir  l'intérieur  du 
fort,  mais  depuis  qu'ils  détiennent  les  habitants,  Os  ont 
cessé. 

J'ai  donné  ordre  à  M.  de  Boishébert  de  se  maintenir 
à  la  rivière  Saint-Jean.  M.  l'intendant  lui  a  fait  passer 
les  secours  nécessaires  pour  y  hiverner.  Le  révérend 
Père  Germain  est  à  Québec  et  j'espère  qu'U  ne  tardera 
pas  à  aller  joindre  les  sauvages. 

Plusieurs  raisons,  Monseigneur,  m'obligent  à  faire 
rester  M.  de  Boishébert  à  la  rivière  Saint  Jean. 

1°  Tant  que  j'occuperai  cette  rivière,  et  y  aurai  un 
détachement,   je  conserverai   au  roi  la  possession   de 
l'Acadie,  et  les  Anglois  ne  pourront  pas  dne  qu'ils  ont 
forcé  les  François  de  l'abandonner. 
5 


66  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

2^"  Je  m'assurerai  de  la  fidélité  des  Acadiens  et  des 
sauvages,  qui,  sans  cela,  se  croiroient  abandonnés  et  se 
livreroient  peut-être  d'eux-mêmes  aux  Anglois. 

3*^  M.  de  Boishébert  attii'era  à  lui  tous  les  Acadiens, 
ceux  qui  sont  à  sa  portée  comme  ceux  qui  en  sont 
éloignés,  s'attachera  à  les  réunir  avec  leurs  familles  et 
à  en  former  un  corps  ;  les  Acadiens  ainsi  réunis  seront 
obligés  pour  leur  propre  sûreté  à  repousser  vivement 
l'ennemi  s'il  se  présente. 

4"  Il  s'occupera  également  de  la  réunion  des  sau- 
vages et  en  formera  un  corps  également  considérable  ; 
il  correspondra  avec  M.  Manache,  missionnaire  à  Mira- 
michy,  et  suivant  que  le  cas  l'exigera,  il  joindra  les 
sauvages  de  cette  mis^on  aux  siens,  pour  s'opposer  au 
progrès  de  l'ennemi. 

5°  Il  sera  en  état  d'avoir  constamment  des  décou- 
vreurs à  Beauséjour  et  à  Halifax,  et  de  faire  quelques 
prisonniers  qui  l'instruiront  de  la  situation  et  des  forces 
des  Anglois. 

6°  11  pourra  former  des  partis  d'Acadiens  et  de  sau- 
vages, pour  harceler  continuellement  l'ennemi  à  Beau- 
séjour,  et  l'empêcher  de  faire  son  bois  de  chauffage. 

7°  En  conservant  la  rivière  Saint- Jean,  je  pouiTai 
avoir  en  tout  temps  des  nouvelles  de  Louisbourg,  il  ne 
s'agira  que  de  traverser  de  l'isle  Saint-Jean  à  Chedaïk, 
ou  en  suivant  les  terres,  après  avoir  j)assé  le  passage  de 
Fronsac,  aller  à  Chedaïk  ou  à  Cocagne. 

J'ai  donné  mes  ordres  en  conséquence  à  M.  de  Bois- 
hébert, et  je  lui  ai  essentiellement  recommandé  d'agir 
dans  toutes  les  occasions  avec  beaucoup  de  prudence 
et  de  se  concerter  avec  le  révérend  Père  Germain. 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  67 

J'espère,  Monseigneur,  sui\Te  cet  arrangement  jus- 
qu'à ce  que  j'aie  reçu  vos  ordres  l'année  prochaine,  et 
supposé  que  vous  décidiez  qu'il  n'est  pas  possible  de 
faire  retirer  les  Anglois  de  l'Acadie,  ni  d'y  soutenir  de 
notre  côté  des  forces  capables  de  les  contenir,  je  pouiTai 
faire  venir  dans  le  cœur  de  la  colonie  les  Acadiens  et 
les  sauvages.  Les  Acadiens  en  total  peuvent  consister 
à  envii"on  2,000  âmes,  dont  700  hommes  portant  les 
armes.  Il  seroit  fâcheux  qu'ils  fussent  aux  Anglois. 

Je  suis,  etc. 


M.    LE    MARQUIS   DE   VAUDREUIL 

Montréal,  le  18  novembre  1755. 

Demande  la  plctce  de  coland  génércd  des 
milices  pour  le  Sieur  Fleiiry  Descham- 
bault.     H  dematule  atissi  12  commis- 
sions de  capitaine  de  milices  en  blanc. 
Monseigneur, 

Je  ne  puis  me  dispenser  d'avoir  l'honneur  de  vous 
renouveler  les  représentations  de  feu  M.  le  marquis  de 
la  Jonquière,  à  M.  EouUlé  en  1751,  sur  la  nécessité  de 
créer  un  emploi  de  colonel  général  des  milices  de  la 
colonie  et  de  le  confier  à  M.  Fleury  Deschambault, 
agent  principal  de  MM.  de  la  compagnie  des  Indes.  J'ai 
eu  occasion,  Monseigneur,  de  reconnoître  combien  la 
création  de  cette  place  seroit  utile,  par  les  difficultés 
que  j'ai  trouvées  à  ordonner  la  levée  des  milices  dans 
les  différentes  paroisses,  et  j'ai  vu  avec  regret  que  cette 


68  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

levée  ne  se  faisoit  pas  avec  assez  de  promptitude  ni  de 
discernement.  M.  Deschambanlt  possède  au  mieux  les 
forces  de  la  colonie,  et  en  connoît  les  bons  et  mauvais 
habitants. 

Il  m'a  représenté,  Monseigneur,  que  l'hiver  dernier^ 
il  eut  l'honneur  de  vous  présenter  la  formule  des  rôles, 
qu'il  seroit  essentiel  de  tenir,  il  me  l'a  communiquée  et 
j'ai  l'honneur  d'en  joindre  ici  une  copie.  Il  est  certain 
que  si  les  rôles  des  miliciens  de  la  colonie  étoient 
tenus  avec  le  même  ordre  et  la  même  exactitude,  dans 
le  moment  je  pouiTois  juger  des  forces  que  je  serois 
en  état  d'employer,  suivant  l'exigence  des  cas,  et  régler 
conséquemment  nies  projets  ;  au  lieu  que  j'ai  expéri- 
menté que  les  capitaines  des  compagnies,  qui  presque 
tous  sont  illettrés,  n'observent  aucun  ordre,  et  même  le 
plus  souvent  négligent  des  bons  sujets  par  des  consi- 
dérations particulières  et  fournissent  à  leur  place  des 
habitants  incapal)les  de  remjilir  leur  destination. 
D'ailleurs,  je  ne  dois  point  vous  laisser  ignorer  que  les 
levées  de  milice  ont  été  d'une  grande  dépense  au  roi^ 
parce  que  n'y  ayant  aucun  ordre  d'établir  à  mesure  qu'il 
a  fallu  30  ou  40  hommes,  on  a  été  obligé  de  détacher 
un  officier  pour  les  aller  commander  ;  fondé  sur  ces 
pressantes  raisons,  je  ne  puis.  Monseigneur,  refuser  au 
bien  du  service  d'avoir  l'honneur  de  vous  réitérer  la 
demande  de  feu  M.  de  la  Jonquière,  et  de  vous  supplier 
de  vouloir  bien  porter  Sa  Majesté  à  créer  cet  emploi 
de  colonel  des  milices,  et  d'en  honorer  le  dit  Sieur 
Deschambault,  je  suis  persuadé  qu'il  s'en  acquittera  au 
mieux,  et  avec  tout  le  zèle  possible.  Feu  M.  son  père, 
qui  a  eu  l'honneur  de  servir  le  roi  en  qualité  d'officier 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  69 

des  troupes,  a  occupé  cette  place  pendant  près  de  20 
ans  à  Québec,  et  a  dressé  le  Sieur  Deschambaidt  à  tenir 
les  rôles.  Les  circonstances  présentes,  Monseigneur, 
rendent  cette  place  infiniment  nécessaire.  Le  dit  Sieur 
Deschambault  la  rempliia  gratis,  et  par  son  exactitude, 
il  établii-a  la  meilleure  règle  dans  les  milices,  M.  le 
marquis  Duquesne  doit  avoir  aussi  écrit  à  ce  sujet  à 
M.  EouiUé,  le  certificat  qu'il  donne  au  Sieur  Descham- 
bault,  en  est  une  preuve  sensible.  J'ajoute,  Monseigneur, 
que  les  capitaines  des  compagnies  de  milice  de  Québec 
et  de  Montréal  m'ont  témoigné  une  envie  extrême 
d'avoii'  le  dit  Sieur  Deschambault  à  leur  tête.  Ils  sont 
fort  zélés,  et  m'en  ont  donné  des  preuves  dans  la  cam- 
pagne de  M.  de  Dieskau.  Il  seroit  essentiel  de  récom- 
penser ceux  qui  se  signaleront  dans  la  guerre  présente, 
et  pour  cet  effet,  je  vous  prie  aussi,  ^louseigneur,  de 
vouloir  bien  m'envoyer  douze  commissions  en  blanc 
que  je  distribuerai  à  ceux  des  capitaines  qui  se  signa- 
leront le  plus. 

Je  suis,  etc. 


M.    LE    MARQUIS    DE   VAUDREUIL 

A  Moiitréal,  le  28  octobre  1755. 

Nécessité  de  laisser  M.  Bigot  en  Caiiada^ 
il  seroit  impossible  de  le  remplacer. 
Monseigneur, 

J'ai  eu  l'honneur  de  vous  informer  des  soins  que 
M.  Bigot  s'est  donné  pendant  son  séjour  à  Montréal 


70  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

pour  pourvoir  à  tout  ce  qui  étoit  nécessaire  aux  mouve- 
ments que  j'ai  été  obligé  d'ordonner  pour  contenir  les 
Anglois  à  Chouaguen  et  pour  mettre  l'armée  de  M.  de 
Dieskau  en  état  de  faire  une  heureuse  campagne.  Cet 
intendant,  Monseigneur,  a  des  talents  peu  ordinaires, 
ses  ressources  pour  tout  ce  qui  tend  au  bien  du  service 
sont  inexprimables,  son  zèle  et  ses  lumières  m'ont  gran- 
dement aidé  dans  tout  ce  que  j'ai  entrepris.  Il  est 
prévoyant,  actif  et  infatigable,  quoique  depuis  qu'il  est 
dans  la  colonie  il  n'ait  pas  eu  huit  jours  de  bonne 
santé.  Il  est  heureux,  Monseigneur,  que  vous  l'ayez 
déterminé  à  repasser  dans  cette  colonie,  et  je  ne  dois 
pas  vous  dissimuler  que  diificilement  pouiToit-il  être 
remplacé  dans  les  circonstances  présentes. 

Je  suis,  etc. 


A  MONSEIGNEUR  LE  GARDE  DES  SCEAUX,  COMMANDEUR  DES 
ORDRES  DU  ROI,  MINISTRE  ET  SECRÉTAIRE  D'ÉTAT. 

Monseigneur, 

Joseph-Fleury  Deschambault,  agent  général  de  Mes- 
sieurs de  la  compagnie  des  Indes  en  Canada,  a  l'honneur 
de  représenter  très  respectueusement  à  Votre  Grandeur 
que  les  forces  de  la  colonie  consistant  principalement 
aux  milices  qui  ont  été  constamment  employées  pen- 
dant les  guerres,  et  qui  n'ont  point  cessé  de  donner 
des  preuves  de   valeur,  le   suppliant  en  bon  citoyen, 


I 


DU    MlNISTEiiE    DE    LA    MARINE  71 

s'étudia  en  1750  à  trouver  un  moyen  également  solide 
et  aisé,  pour  faciliter  la  levée  des  dites  milices.  Lorsqu'il 
est  question  d'en  former  quelques  parties,  et  ce  fut 
dans  cette  confiance  qu'il  eut  l'honneur  de  présenter  à 
feu  M.  le  marquis  de  Jonquière  un  projet  de  tableau  de 
toutes  les  compagnies  de  mdices  de  la  colonie,  par  lequel 
on  voyait  du  premier  coup  d'œil  le  nombre  des  habitants 
miliciens  de  chaque  paroisse,  et  ceux  qu'on  pouvoit 
détacher  suivant  le  besoiu  ;  ce  général  goûta  ce  projet, 
et  connoissant  combien  il  étoit  intéressant  qu'U  reçut 
son  exécution  surtout  eu  égard  aux  dépenses  qu'il 
éviteroit.  Il  eut  l'honneur,  Monseignem-,  d'en  rendre 
compte  à  M.  Eoudlé  par  une  de  ses  dépêches  que  le 
suppliant  eut  celui  de  lui  remettre  le  15  jan%àer  1751. 
Il  prend  la  liberté,  ^Monseigneur,  de  présenter  à  A'otre 
Grandeur  le  même  tableau,  sous  les  auspices  de  M.  le 
marquis  de  Vaudreuil  ;  le  suppliant  de  retoui*  en  Canada, 
eut  plusieurs  conférences  avec  mon  dit  feu  Sieur  de  la 
Jonquière,  sur  l'arrangement  des  dites  milices,  et  ce 
général  lui  faisoit  toujours  espérer  que  la  Cour  agi'éeroit 
sa  proposition  ;  mais  après  le  départ,  des  vaisseaux  ayant 
su  que  son  intention  étoit  de  mettre  les  compagnies  de 
milices  de  la  colonie  sur  le  même  pied  que  celles  de 
Saint-Domingue,  U  dit  au  suppliant  qu'U  aiiroit  l'hon- 
neur de  faù-e  ses  représentations  sur  l'impossibilité  de 
cet  arrangement,  et  qu'il  jugeoit  qu'il  étoit  du  bien  du 
service  du  roi  de  créer  l'emploi  qu'il  avoit  eu  l'honnetr 
de  demander  ;  c'est  en  conséquence.  Monseigneur,  de  ce 
que  feu  ^1.  de  la  Jonquière  dit  au  suppliant,  qu'il  a 
l'honneur  de  renouveler  ses  représentations  à  Votre 
Grandeur.     Il  ose  vous  assurer.  Monseigneur,  que  les 


72  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

capitaines  des  milices  des  côtes  de  la  colonie  ne  sont 
point  susceptibles  des  dignités  que  le  roi  est  en  usage 
d'accorder  à  ceux  de  Saint-Domingue,  attendu  que 
presque  tou-s  ces  olîiciers  n'ont  rien  au-dessus  des  mili- 
ciens, et  pour  la  fortune  et  pour  les  talents,  et  que 
lorsqu'ils  ont  été  en  partis,  ils  ont  toujours  eu  pour  chef 
un  officier  des  troupes.  L'expérience  n'apprend  même 
que  trop  que  dans  les  trois-quarts  des  paroisses,  les 
capitaines  ne  sont  point  en  état  de  faire  seulement  le 
rôle  de  leur  compagnie,  ce  qui  prouve  sensiblement 
l'utilité  de  l'emidoi  qui  est  demandé  à  Votre  Grandeur 
pour  le  suppliant.  Si  vous  trouvez  à  propos,  Monsei- 
gneur, le  lui  procurer,  ce  sera  aux  appointements  qu'il 
plaira  à  Votre  Grandeur,  et  le  suppliant  s'oblige  de 
faire  annuellement  le  recensement  général  des  dits 
miliciens,  et  de  trouver  dans  l'instant  le  nomijre  des 
hommes  que  Monsieur  le  gouverneur  général  lui 
demandera,  et  le  suppliant  ne  cessera  ses  vœux  les  plus 
ardents  pour  la  santé  et  prospérité  de  votre  illustre 
personne. 

Ci-joint  est  une  lettre  de  M.   le  marquis  Duquesne   au   sup- 
pliant qui  prouve  l'utilité  du  dit  projet. 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  31  8bre  1755. 
Monseigneur, 

L'attention  que  j'ai  eu  à  pénétrer  les  sentiments  des 
Cinq  Nations,  a  eu  tout  le  succès  que  je  pouvois  en 
espérer. 


DU    MINISTERE   DE    LA    MARINE 


Des  députés  des  Cinq  Nations  sont  venus  à  la  Pi-ésen- 
tation,  mais  n'osant  pas  paraître  devant  moi,  ils  ont 
chargé  des  chefs  de  ces  nations  de  me  porter  leur 
parole  par  laquelle  ils  m'annoncent  qu'ils  ont  rejeté  la 
hache  qu'ils  a  voient  acceiJtée  de  l'Anglois  pour  ne  plus 
s'occuper  que  des  bonnes  affaires,  et  qu'ils  seront  neutres 
dans  la  guerre  que  nous  avons  avec  l'Anglois.  Je  n'ai 
pas  douté  que  ce  ne  fut  des  espions,  j'ai  cependant 
répondu  à  leur  parole,  je  leur  ai  reproché  leur  trahison, 
et  les  ai  prévenu,  que  s'ils  continuoient  à  se  mêler 
avec  les  Auglois,  je  les  abandonnerois  à  la  vengeance  des 
nations  des  pays  d'eu  haut  et  de  nos  domiciliés  qui  ont 
pris  la  hache  pour  frapper  sur  eux. 

M.  Joncaire  arriva  hier  avec  un  chef  Sonontouan  et 
dix  considérés  de  cette  nation. 

Il  m'a  d'abord  rendu  compte  que  les  sauvages  des 
cinq  nations,  l'avoient  en  général  assuré  de  leur  neutra- 
lité, et  que  je  pouvois  avec  certitude  compter  sur  celle 
des  Goyogoins,  Sonontouans,  de  la  rivière  Cascochagon, 
Onneyottes  et  Theskarorieus.  La  nouvelle  de  mon 
arrivée  leur  ayant  fait  réellement  oublier  leui"s  engage- 
ments envers  les  Auglois,  mais  qu'à  l'égard  des  Xorta- 
guès,  nous  ne  pouvions  nous  fier  à  leur  promesse,  étant 
étroitement  liés  à  l'Anglois. 

Les  Goyogoins  a  voient  remis  deux  colKers  au  dit 
Sieur  Jonquière,  tant  de  lem*  part  que  de  celle  des 
Onneyottes  et  Theskarorieus,  pour  me  persuî^der  de 
toute  la  sincérité  de  leurs  sentiments  ;  et  comme  j'avois 
donné  ordi'e  à  M.  Chabert  de  Joncaire  de  partir  de 
Niagara,  sitôt  l'arrivée  de  son  frère,  pour  aller  chez  les 


74  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 


Cinq  Nations  suivre  ce  qu'il  avait  commencé,  M.  de 
Joncaire  lui  a  remis  ces  deux  colliers  pour  le  mettre  en 
état  de  presser  les  Nortaguès  de  suivre  l'exemple  des 
Goyogoins,  Sonontouans,  Onneyottes  et  Theskaroriens  ; 
je  suis  bien  persuadé  que  le  dit  Sieur  Chabert  ne  négli- 
gera rien  pour  remplir  sa  mission,  mais  je  doute  toujours 
qu'il  puisse  faire  changer  les  Nortaguès. 

Le  chef  Sonontouan  et  les  dix  considérés  qui  sont 
descendus  avec  le  dit  Sieur  de  Joncaire,  m'ont  témoitmé 
la  joie  qu'ils  avoient  de  me  revoir,  ils  m'ont  informé  de 
tout  ce  que  l'Anglois  leur  avoit  fait  accroire  sur  ma 
détention  en  Angleterre,  et  que  jamais  je  ne  paroîtroi 
dans  la  colonie.  Ils  ont  dit  que  l'Anglois  étoit  un  impos- 
teur, et  ce  chef,  qui  était  décoré  d'une  médaille  du  roi 
d'Angleterre  m'a  dit  :  "  Mon  père,  je  suis  un  malheureux, 
"  je  t'a  vois  oublié,  et  je  m'étois  laissé  séduire  par  l'An- 
"  glois  ;  sois  persuadé  (jue  ton  absence  a  été  la  seule 
"  cause  de  l'inconstance  des  Cinq  Nations,  et  puisque  le 
"  maître  de  la  vie  rend  à  nos  vœux  un  père  que  nous 
"  chérissons,  et  qui  fait  revivre  le  grand  brûle- village, 
"  qui  est  ineffaçable  de  notre  mémoire,  j'oublie  qu'il  y 
"  a  des  Anglois  sur  la  terre,  et  pour  te  donner  une 
"  preuve  que  je  les  méprise  et  les  regarde  comme  des 
"  chiens,  tu  vois  la  médaille  du  roi  d'Angleterre  que 
"  j'ai  à  mon  col,  je  l'arrache  et  la  foule  à  mes  pieds  ;  je 
"  ne  te  demande  pas  de  marques  de  distinction  du  grand 
"  Onontio-Goa,  je  m'en  suis  rendu  indigne  par  ma  mau- 
"  vaise  conduite  et  je  ne  puis  la  réparer  qu'en  me  sacri- 
"  fiant  pour  te  prouver  ma  fidélité." 

J'ai  répondu  comme  je  le  devois  à  cette  parole  et  j'en 
ai  pris  avantage  pour  me  plaindre  de  l'ingratitude  et  de 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  75 

la  trahison  des  Cinq  dations.  J'ai  fait  repartir  ce  chef 
pour  aller  témoigner  mon  ressentiment  dans  tous  les 
villages  des  Cinq  Xations,  et  les  prévenir  que  s'ils  ne 
changent  de  conduite,  mes  enfants  des  pays  d'en  haut 
et  mes  domiciliés  leur  feront  une  guerre  qui  ne  finira 
jamais. 

Je  ferai  remonter  le  dit  Sieur  de  Joncaire  sur  les 
glaces  chez  les  Cinq  Xations,  non  seulement  pour  les 
maintenir  dans  leur  neutralité,  mais  même  pour  les 
faire  déclarer  contre  l'Anglois  s'il  est  possible. 

Les  circonstances  présentes  s'opposent  au  désir  que 
j'aurois  de  punir  les  cinq  nations  de  leur  trahison  ; 
l'Anglois  m'occupe  assez  pour  que  j'éloigne  tout  autre 
sujet  de  guerre,  mais  si  le  printemps  prochain,  il  se 
trouve  des  Cinq  Xations  parmi  les  Anglois,  je  ferai 
frapper  toutes  nos  nations  des  pays  d'en  haut  et  nos 
domiciliés  sur  eux  ;  je  femi  ravager  leurs  Wllages,  et 
je  ne  les  pardonnerai  jamais.  Il  est  à  souhaiter  que  je 
ne  sois  pas  dans  cette  nécessité. 

Je  suis,  etc. 


76 


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82  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


Par  le  moyen  des  rôles  que  l'on  dresseroit  comme 
le  modèle  ci-devant,  il  seroit  aisé  lorsque  l'on  voudroit 
faire  quelques  détachements  de  le  faire  dans  le  quart 
d'heure  ;  en  envoyant  aux  capitaines  des  côtes,  l'ordre 
d'amener  ceux  qu'on  leur  dénonimeroit,  ce  qui  se  feroit 
sans  frais  ;  on  seroit  en  état  de  faire  en  peu  de  temps, 
le  recensement  de  tous  lés  gouvernements,  et  ayant 
attention  de  dresser  tous  les  ans  de  nouveaux  rôles,  où 
les  rôles  seroient  supprimés  et  où  on  inscriroit  les  jeunes 
gens  qui  auront  atteint  l'âge  de  15  ans,  et  ceux  qui 
seroient  revenus  des  pays  d'en  haut  ;  les  rôles  seroient 
toujours  en  règle. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  de  Vaudreuil  du  16  février  1758. 

Réponses  de  Monsieur  le  marquis  de  Vaudreuil  aux 
paroles  que  les  Cinq  Nations  lui  ont  envoyées 
par  les  députés  de  la  mission  de 
la  Présentation.  - 

Du  22  octobre  1755. 

Mes  enfants  les  Cinq  Nations,  j'ai  écouté  attentive- 
ment la  parole  que  vous  m'avez  adressée  par  mes  enfants 
de  la  Présentation,  vous  ne  pouviez  avoir  de  meilleurs 
orateurs  que  ceux  de  ce  village  qui,  connoissant  mes 
sentiments  pour  vous,  ont  bien  voulu  se  charger  de  me 
porter  vos  colliers,  et  de  m'instruire  de  tout  ce  que 
vous  leur  avez  dit  :  Je  vais  donc  répondre  à  vos  trois 
paroles. 


DU    MINISTÈRE    DE   LA    MARINE  83 


PREMIEHE   PAROLE 

Vous  m'assm-ez,  mes  enfants,  par  votre  premier 
collier  non  seulement  de  votre  neutralité,  mais  même 
que  vous  avez  embrassé  les  bonnes  affaiies,  et  que  rien 
ne  saurait  vous  eu  éloigner.  Vous  me  répondiez  de  vos 
jeunes  gens,  mais  vous  me  priez  de  ne  point  ensan- 
glanter les  terres  que  vous  habitez. 

PAR    UN    COLLIEE 

Il  paroît,  mes  enfants,  que  vous  eonnoissez  toute 
l'étendue  de  ma  bouté  pour  vous,  et  que  vous  vous 
persuadez  qu'il  vous  est  aisé  de  me  fléchir  ;  vous  avez 
raison,  si  je  vous  traitois  comme  vous  le  méritez,  je 
rejetterois  votre  collier,  et  au  lieu  d'être  assez  com- 
plaisant pour  vous  répondre,  je  vous  ferois  éprouver 
tout  le  ressentiment  que  je  dois  avoir  de  votre  infidélité, 
mais  je  veux  bien  vous  convaincre  que  ma  bonté  sur- 
passe tout  ce  que  vous  pouviez  en  attendi'e. 

Si  vos  sentiments  pour  moi  étoient  aussi  sincères 
que  ceux  que  j'ai  pour  vous,  vous  rougiriez  d'avoir  eu 
seulement  la  pensée  de  m'annoncer  votre  neutralité. 
Est-ce  que  des  enfants  doivent  être  neutres,  dans  ce 
qui  touche  leur  père  ?  En  vérité,  vous  ne  parlez  pas  du 
fond  du  cœur,  et  je  dois  être  persuadé  qu'intérieure- 
ment vous  vous  démentez  vous-mêmes  ;  n'importe,  vous 
voulez  être  neutres,  soyez  le. 

Je  ne  puis  croire  que  vous  ayez  embrassé  les  bonnes 
affaires,  est-ce  que  vous  avez  jamais  dû  vous  en  éloigner  ? 
N'avez-vous  pas  eu  au  contraire  tout  sujet  de  la  part 


84  EXTRAITS   DES    ARCHIVES 


des  François  de  vous  en  occuper  entièrement,  vous 
ont-ils  jamais  induits  à  faire  la  moindre  chose  contre 
qui  que  ce  soit  ?  Ne  vous  ai-je  pas  toujours  assistés 
dans  vos  besoins,  et  de  mes  bons  conseils  sur  toutes 
vos  affaires  ?  Que  n'en  avez-vous  profité  ;  vous  êtes 
des  enfants  indociles,  et  difficilement  pouiToi-je  vous 
remettre  l'esprit,  vous  l'avez  trop  égaré  ;  je  puis  même 
dire  que  vous  ne  le  possédez  plus,  il  vous  a  été  volé 
par  le  plus  cruel  de  vos  ennemis.  Vous  me  priez  de  ne 
point  ensanglanter  les  terres  que  vous  habitez.  Quel 
sujet  avez-vous  de  me  faire  une  semblable  prière  ?  Me 
suis-je  occupé  d'autre  chose  que  de  le  conserver,  et  si 
par  bonté  pour  vous  je  n'en  avois  éloigné  vos  ennemis,, 
ne  vous  en  auroient-ils  pas  chassés  ?  Si  vous  n'aviez 
perdu  l'esprit,  vous  me  remercieriez  de  tout  ce  que  je 
fais  pour  vous. 

Enfin,  je  conserve  votre  collier,  non  pour  me  rap- 
peler le  sujet  qui  vous  a  portés  à  me  l'envoyer,  mais 
parce  qu'il  vient  de  vous,  et  que  vous  avez  encore 
place  dans  mon  cœur.  Je  vous  en  donne  un  que  vous 
porterez  dans  vos  villages  pour  faire  connoître  à  tous 
mes  enfants  que  je  ne  cesse  point  d'être  leur  père,  et 
que  je  compte  qu'ils  ne  tarderont  pas  à  me  donner  des 
preuves  qu'ils  continuent  à  être  mes  enfants. 

SECONDE   PAROLE 

Vous  convenez,  mes  enfants,  que  vous  avez  accepté  la 
hache  des  Anglois,  mais  qu'ayant  considéré  l'alliance 
faite  avec  les  François  depuis  un  temj)s  immémorial^ 
vous  l'avez  rejetée  pour  ne  plus  vous  attacher  qu'aux 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  85 

bonnes  affaires,  vous  me  priez  de  ne  me  rien  imputer  de 
toutes  les  affaires  présentes,  et  que  rien  ne  peut  vous 
faire  lâcher  le  collier  que  vous  avez  repris. 

PAR    UN    COLLIER 

De  tous  les  temps,  vous  avez  reçu  des  preuves  de  ma 
bonté.  Je  veux  bien  vous  en  donner  aujourd'hui  la 
plus  grande  que  vous  puissiez  désirer  en  acceptant  votre 
collier,  dans  l'unique  vue  de  vous  rappeler,  dans  toutes 
les  occasions,  que  vous  êtes  des  enfants  dénaturés,  que 
vous  avez  accepté  la  hache  contre  votre  père,  et  que 
par  pitié  pour  vous,  je  ne  vous  fais  pas  subir  la  punition 
qu'exige  votre  noir  attentat. 

En  vain  vous  rappelez-vous  votre  alliance  avec  les 
François  ;  si  je  n'étois  encore  pour  vous  un  père  rempli 
de  bonté,  vous  auriez  perdu  tout  l'avantage  que  cette 
alliance  vous  a  procuré  dans  toutes  les  occasions,  du 
moment  que  vous  y  avez  renoncé  par  la  trahison  la  plus 
criminelle  ;  et  à  peine  eûtes-vous  pris  la  hache  contre 
moi  que  mes  enfants  vous  auroieut  mangés  et  rongés 
avec  leurs  dents,  jusques  dans  la  moelle  des  os,  si  je  ne 
les  avais  retenus,  sans  qu'il  vous  eût  de  rien  servi  de 
leur  dire  que  vous  avez  rejeta  cette  hache  pour  ne  plus 
vous  occuper  que  des  bonnes  affaires. 

Pouvez-vous  me  prier  de  ne  vous  rien  imputer  des 
affahes  présentes  ?  Oubliez- vous  tout  ce  que  vous  avez 
fait,  et  pensez- vous  que  je  l'ignore  ?  Xon,  ^Taiment  vous 
êtes  bien  persuadés  que  j'ai  veillé  à  votre  conduite,  et 
que  je  vous  ai  suivis  dans  tous  vos  pas,  je  vous  ai  vus, 
je  vous  ai  entendus;  doutez- vous  que  j'aie  en  mon  pou- 


86  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


voii"  les  papiers  du  général  Braddock  ?  J'ai  les  propres 
paroles  que  vous  lui  avez  données,  j'ai  aussi  votre  con- 
seil solennel  avec  le  colonel  Johnson  ;  mes  enfants  des 
pays  d'en  haut  m'ont  toujours  rapporté  les  paroles  et  les 
colliers  que  vous  leur  avez  apportés  de  la  part  de  votre 
ennemi  et  le  mien.  Dispensez-moi  d'en  dire  davantage. 
Vous  dites  que  rien  ne  peut  vous  faire  lâcher  le 
collier  que  vous  avez  repris.  Dois-je  vous  croire  ?  Com- 
bien de  fois  ne  m'avez-vous  pas  trompé  ?  et  combien  de 
fois  n'avez-vous  pas  obtenu  votre  pardon  ?  Le  collier 
que  vous  avez  repris  est  votre  ressource  ordinaire  pour 
rapi^eler  ma  bonté  ;  il  ne  vous  suffit  point  de  garder  le 
collier,  vous  l'avez  trop  souvent  terni  par  vos  trahisons 
réitérées.  Je  veux  bien  les  raffermir  par  celui  que  je 
vous  donne,  joignez  les  ensemble,  faites  les  courir  de 
village  en  village,  et  de  cabane  en  cabane,  et  dites  jour- 
nellement, nous  avons  été  assez  malheureux  pour  trahir 
le  meilleur  de  tous  les  pères,  nous  méritons  la  mort,  il 
nous  a  fait  grâce. 

TROISIÈME   PAROLE 

Vous  couvrez  la  mort  des  officiers  qui  ont  été  tués  à 
la  Belle-Itivière  et  au  portage  du  lac  Saint-Sacrement  ; 
particulièrement  M.  de  Longueuil,  en  attendant,  dites- 
vous,  que  vous  puissiez  descendre  vous-mêmes. 

PAR  UN  COLLIER 

Comment  devrois-je  recevoir  votre  collier,  ne  seroit- 
ce  pas  avec  raison,  comme  un  aveu  de  votre  part,  que 
c'est  vous-mêmes  les  Cinq  Nations  qui  avez   tué  les 


DU    MINISTERE    LE    LA    MATîINE  87 


officiers  ?  Ne  serais-je  pas  en  droit  de  faire  courir  de 
nation  en  nation  ce  collier  pour  exciter  la  vengeance  de 
tous  mes  enfants,  pouvez- vous  raisonnablement  penser 
que  je  ne  vous  ai  pas  vus  les  armes  à  la  main  contre 
moi  ?  N'ai-je  pas  été  témoin  de  toutes  vos  actions,  et 
aucun  de  vous  seroit-il  en  vie  actuellement,  si  je  n'a  vois 
fait  usage  de  toute  mon  autorité  pour  arrêter  mes 
enfants  qui  dans  leur  fureur  vous  auroient  égorgés,  vous, 
vos  femmes  et  vos  enfants,  et  auroient  ruiné  les  terres 
que  vous  habitez  ;  ne  devez-vous  pas  être  confus  de 
ma  trop  grande  bonté  ? 

Je  reçois  votre  collier,  mais  c'est  pour  vous  faire  voir 
dans  toutes  les  occasions  que  le  sang  françois  que  vous 
avez  répandu  injustement,  crie  vengeance  sur  vous  ; 
qu'à  la  première  faute  que  vous  ferez,  vous  subirez  le 
sort  que  vous  avez  depuis  longtemps  mérité. 

Je  vous  donne  ce  collier  pour  que  ce  que  je  vous 
dis  soit  ineffaçable  de  votre  mémoire,  répétez-le  jour- 
nellemF'nt  à  vos  vieillards  et  à  vos  guerriers,  à  vos 
femmes  et  à  vos  enfants,  qu'ils  ne  l'oublient  jamais,  et 
que  les  uns  et  les  autres  gémissent  de  leur  faute  et 
s'empressent  également  à  la  réparer. 

A  l'égard  de  M.  le  baron  de  Longueuil,  est-il  temps 
de  couvrir  sa  mort  ?  Si  votre  douleur  et  vos  regrets 
eussent  été  sincères,  auriez-vous  tardé  jusqu'à  ce  moment 
à  venir  eu  donner  des  preuves  ?  Combien  de  fois  n'avez- 
vous  pas  fait  annoncer  votre  départ  pour  venir  pleurer 
le  gouverneur  ?  Pourquoi  le  différez-vous  ?  Si  vous 
voulez  dire  la  vérité,  c'est  le  malin  esprit  qui  vous  en 
empêche. 


88  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


Vous  ne  sauriez  trop  tôt  venir  me  voir,  vous  devez 
même  être  honteux  de  tant  tarder  ;  vous  n'osez  pas 
paroître  parce  que  vous  vous  reconnoissez  coupables. 
N'importe,  je  vous  recevrai,  et  si  vous  me  donnez  des 
preuves  parfaites  que  vous  êtes  repentants  de  vos 
crimes,  et  vous  en  vengez  sur  ceux  qui  en  sont,  dans 
le  fond,  les  vrais  auteurs,  vos  frères  mes  domiciliés  et 
les  nations  des  pays  d'en  haut,  continueront  d'être  vos 
frères  et  amis. 

Mais  je  dois  vous  prévenir  en  bon  père  que  si  mal- 
heureusement pour  vous,  vous  repreniez  votre  infâme 
conduite,  vous  n'aurez  plus  de  miséricorde,  et  les  bras 
de  tous  mes  enfants  s'appesantiront  tant  sur  vous,  qu'ils 
vous  engloutiront  dans  la  terre  sans  qu'il  en  échappe 
un  seul  de  vous. 

L'arbre  et  le  traité  de  M.  de  Callières  les  y  obligent, 
et  d'ailleurs  leur  inclination  et  leur  attachement  pour 
moi  ne  les  y  portent  que  trop. 

Pensez  sérieusement  à  ce  que  je  vous  dis,  et  mettez 
tout  en  usage  pour  éviter  d'en  éprouver  les  funestes 
effets. 

Rapjjelez-vous  vos  ancêtres  qui  avoient  de  l'esprit  et 
qui  donnoient  dans  toutes  les  occasions  des  preuves  de 
leur  bonne  conduite.  Souvenez-vous,  vieillards,  du  beau 
ciel  sous  lequel  vous  viviez  du  temps  de  mon  père  qui 
vous  armoit  comme  moi  ;  écoutez  ma  parole  comme  ils 
écoutoient  la  sienne,  et  vous  jouirez  de  la  paix  et  de  la 
tranquillité  la  plus  parfaite. 

Pierre  de  Piigaud  de  Vaudreuil,  gouverneur,  lieute- 
nant général  pour  le  roi  en  toute  la  Nouvelle-France, 
terres  et  pays  de  la  Louisiane. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA   MABINE  89 

Nous  certitions  que  la  présente  expédition  est  con- 
forme à  l'original  demeuré  en  notre  secrétariat,  en  foi 
de  quoi  nous  avons  signé  le  présent  et  à  icelui  fait 
apposer  le  cachet  de  nos  armes,  et  conti-esigner  par 
notre  secrétaire. 

Fait  à  Montréal  le  16  février  1758. 

Vaudreuil. 

Par  Monseigneur 

Saint-Sauvecr. 


A  Moutréal,  le  23  8bre  1755. 

M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

n  a  fait  embarquer  sur  la  Fidélité  les 
Aiuilois prisonniers  o>f  déserteurs  dont 
M.  Bigot  envoie  la  liste. 
Monseigneur, 

Xous  avons  à  Québec  nombre  d'Anglois  prisonniers 
ou  déserteurs  qui  sont  de  très  mauvais  sujets,  et  sont  à 
la  charge  de  la  colonie  ;  ne  pouvant  éviter  de  les  tenir 
en  prison,  je  donne  ordre  à  M.  de  La  Jonquière  de  les 
recevoir  à  bord  de  sa  frégate  pour  les  remettre  au  com- 
mandant du  port  où  il  débarquera,  pour  que  vous  puis- 
siez, Monseigneur,  en  disposer. 

Comme  je  ne  suis  point  à  portée  de  vous  envoyer  une 
liste  de  ces  Anglois,  je  prie  M.  Bigot  de  suppléer  à  mon 
défaut. 


90  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  25  octobre  1755. 

Demaottide  (pi'an  envoie  dès  le  comme^ice- 
ment  dn  priiUemps  les  munitions, 
armes,  accessoires,  demandés  par  le 
chevalier  Le  Mercier. 

Monseigneur, 

Monsieur  le  chevalier  Le  Mercier  m'a  rendu  compte 
des  états  de  demandes  et  des  observations  dont  je 
l'avois  chargé  concernant  l'artillerie,  ustensiles  à  son 
usage,  armes  et  munitions  nécessaires,  tant  pour  la 
défense  de  la  colonie  que  pour  me  mettre  en  état  d'aller 
attaquer  l'ennemi  suivant  que  les  circonstances  pour- 
ront me  le  permettre.  J'ai  visé  tous  les  états  et 
mémoires,  de  même  que  les  lettres  qu'il  a  l'honneur  de 
vous  écrire  à  ce  sujet.  Ainsi,  Monseigneur,  je  ne  puis 
que  vous  supplier  de  vouloir  bien  y  avoir  égard.  Je 
sens  bien  que  ces  demandes  sont  considérables,  cepen- 
dant il  serait  essentiel  que  le  tout  pût  nous  parvenir  de 
bon  printemps. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  91 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREULL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

M.  le  marqiiU  Dnqtiestie  doit  26,44"^ 
lirres  au  compte  des  postes  des  pays 
d'en  haut:  il  a  donne' des  effets  véretue 
pour  comptant.  2kl.  le  marqnis  de 
Vaudrenil  a  retenu  ce  qui  lui  revient 
st«r  les  droits  du  castor  et  srtr  la  can- 
tine. 

Monseigneur, 

Quoique  je  ne  doute  pas  que  M.  le  marquis  Buquesne 
ne  vous  ait  rendu  son  compte  en  recettes  et  dépenses 
des  pays  d'en  haut  de  la  courante  année,  néanmoins  je 
dois  avoir  l'honneur  de  vous  informer  que  se  trouvant 
relicataire  envers  le  roi,  de  la  somme  de  26,447  livres 
pour  autant  dont  sa  recette  excède  sa  dépense,  il  m'a 
remis  en'paiement  de  cette  somme  savoir  :  16,447  livres 
comptant,  2,000  livres  à  prendre  sur  M.  de  la  Xaudière, 
et  8,000  livres  sur  les  deux  officiers  anglois  qui  sont  ici 
en  otage,  de  laquelle  première  somme  de  26,447  livres 
je  lui  ai  donné  mon  reçu  dans  lequel  j'ai  fait  mention 
du  dit  billet  de  8,000  livres  des  Anglois.  M.  le  marquis 
de  Duquesne  m'assura  que  cette  somme  me  seroit 
incessamment  payée,  mais  comme  je  n'y  vois  pas  la 
moindre  apparence,  et  qu'il  n'est  pas  juste  que  le  roi 
en  souffre  ;  que  d'ailleurs  il  reste  beaucoup  de  gi'atifica- 
tions  arréragées  à  payer  (notamment  à  MM.  de  Ligneris 
et  de  Yilliers,  capitaines)  qui  ne  sont  point  comprises 
sur  l'état  que  M.  le  marquis  de  Duquesne  m'a  remis. 


92  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


montant  à  11,163  livres,  je  retiens  la  moitié  des  droits 
sur  le  castor  et  sur  la  cantine,  appartenant  à  M.  le  mar- 
quis de  Duquesne,  suivant  l'usage  établi  entre  nos 
prédécesseurs,  quoiqu'à  son  arrivée  dans  la  colonie  il 
ne  se  soit  pas  conformé  à  cet  usage  et  qu'il  ait  gardé 
l'un  et  l'autre  de  ces  droits  en  entier,  sans  eu  faire  part, 
ni  à  la  succession  de  feu  M.  de  La  Jonquière  ni  à  M. 
le  baron  de  Longueuil,  commandant  en  chef. 

Je  lui  tiendrai  compte  de  la  moitié  des  dits  droits  sur 
le  dit  billet,  et  lorsque  j'en  aurai  reçu  le  paiement, 
j'en  remettrai  ici,  h  son  commissaire,  le  montant. 

J'écris  en  conséquence  à  M.  le  marquis  Duquesne. 


M.  LK  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755, 

Demande  une  commission  de  capitaine 
réformé  pour  le  Sieur  Duvivier,  et 
celle  de  lieutenant  réformé  pour  le 
Sieur  SennevUle  de  Saint-Faul. 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  représenter  que  messieurs  Duvi- 
vier,  lieutenant,  et  Senneville  de  Saint-Paul,  enseigne 
en  pied,  sont  infirmes  et  ne  sont  plus  en  état  de  servir 
avec  le  zèle  que  je  leur  connois,  ce  qui  m'engage  à  vous 
supplier,  Monseigneur,  de  vouloir  bien  accorder  au 
premier  une  commission  de  capitaine  réformé,  et  au 
second  une  commission  de  lieutenant  réformé,  avec  les 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  93 

appointements  attachés  à  ces  grades.  Ils  méritent  ce 
traitement  dans  leur  retraite,  ayant  toujours  bien  servi 
le  roi.  Ci-joint,  Monseigneur,  la  liste  des  officiers  que 
j'ai  l'honneur  de  vous  proposer  pour  remplir  les  emplois 
qui  seront  vacants  par  la  retraite  de  ces  deux  officiers. 


A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 
Noms  des  officiels  de  la  colonie. 


Monseigneur, 


J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer,  ci-joint,  la  liste  des 
officiers  de  la  colonie  qui  sont  morts  ou  ont  ét^  tués  au 
service  du  roi,  avec  la  date  de  leur  décès. 


31.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Remplacements    d'officiers    et    croix   de 
Saint-Louis, 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer,  ci-joint,  la  liste  des 
officiers  que  j'ai  celui  de  vous  proposer  pour  remplir  les 
emplois  vacants  dans  les  troupes  de  cette  colonie  ;  j'ai 
mis,  par  observation,  dans  cette  liste,  les  bons  témoi- 
gnages que  je  dois  avou'  l'honneur  de  vous  rendre  du 


94  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


zèle  et  des  services  de  chaque  officier,  je  ne  saurois  assez 
les  appuyer,  et  je  ne  vous  en  propose  aucun  qui  ne 
mérite  à  tout  égard  son  avancement.  Ceux  qui  ont  des 
anciens  n'en  doivent  pas  souffrir  dès  que  leurs  actions 
et  leurs  talents  les  mettent  au-dessus  d'eux,  et  les  ren- 
dent essentiellement  nécessaires  à  la  défense  de  la 
colonie,  surtout,  eu  égard  aux  circonstances  présentes. 
J'ose  espérer.  Monseigneur,  que  vous  voudrez  bien  vous 
en  rapporter  à  moi  ;  je  ne  considère  que  le  mérite,  et  je 
ne  m'attache  qu'aux  sujets  qui  sont  en  état  de  conti- 
nuer à  signaler  leur  zèle  pour  le  service  du  roi.  Je 
puis  compter  sur  tous  ceux  que  j'ai  l'honneur  de  vous 
proposer  ;  jusqu'au  dernier  enseigne,  il  n'y  en  a  pas  un 
seul  qui  ne  soit  très  vigoureux,  intrépide  et  au  fait  des 
guerres  sauvages,  ils  en  ont  plusieurs  fois  donné  des 
preuves,  surtout  cette  année  et  la  précédente. 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Liste  des  officiers  qu'il  piopose  pour  rem- 
placer ceux  qui  seront  employés  dmis 
les  10  compagiàes  d'augmentatioti. 

Monseigneur, 

Les  officiers  de  cette  colonie  que  j'ai  l'honneur  de 
vous  proposer  pour  les  dix  compagnies  que  j'ai  celui  de 
vous  demander  d'augmentation,  forment  un  vide  dans 
chacun  de  leur  grade.    Ci-joint,  Monseigneur,  la  liste 


DU   >nXISTÈRE   DE   LA    MARINE  95 

des  officiers  que  j'ai  celui  de  vous  proposer  pour  les 
remplacer,  dans  laquelle  j'ai  compris  trois  enseignes  en 
pied  de  Louisbourg  pour  compléter  le  remplacement 
des  officiers  de  ce  o;i-ade. 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Propose  le  Sieur  Le  Gardeiir  de  Repeii- 
tigny,  capitaine  à  Louisbourg,  pour 
remplacer  M.  Lhipiessis-Fahert. 

Monseigneiu', 

J'ai  l'honneur  de  vous  proposer  M.  Le  Gardeur  de 
Eepentigny,  capitaine  des  troupes  de  la  marine  de 
Louisbourg,  pour  remplacer  M.  Duplessis-Fabert.  Je  ne 
dis  rien.  Monseigneur,  dans  mes  observations  au  sujet 
de  cet  officier,  qu'il  ne  mérite  à  tous  égards,  et  je  ne 
puis  me  dispenser  d'avoir  l'honneur  de  vous  réitérer 
qu'il  servira  bien  plus  utilement  dans  cette  colonie 
qu'à  Louisbourg.  Il  est  également  aimé  des  troupes, 
canadiens  et  sauvages  ;  c'est  un  officier  très  nécessaire, 
surtout,  eu  égard  aux  circonstances  présentes.  Ce  qui 
m'engage  à  vous  supplier.  Monseigneur,  de  vouloir  bien 
lui  accorder  sa  lettre  de  passe,  et  les  grâces  que  j'ai 
l'honneur  de  vous  demander  pour  lui. 


96  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


M.  LE  MARl^UIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Demande  que  les  officiers  de  Canada  qui 
serrent  à   Vlsle  Royale  soient  rerivoye's 
à  Québec. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honnenr  de  vous  envoyer,  ci-joint,  la  liste  des 
officiers  canadiens  qui  servent  dans  les  troupes  de 
Louisbourg.  Comme  ils  connoissent  la  colonie,  et  sont 
expérimentés  dans  la  guerre  de  ce  pays-ci,  je  vous 
supplie.  Monseigneur,  de  vouloir  bien  leur  accorder 
leur  lettre  de  passe  pour  qu'ils  soient  employés  dans  le 
remplacement  des  officiers  de  la  colonie,  et  dans  les  dix 
compagnies  que  j'ai  l'honneur  de  vous  demander  d'aug- 
mentation. Ainsi  que  j'ai  celui  de  vous  le  proposer, 
leurs  services  à  Louisbourg  sont  moins  utiles  que  dans 
cette  colonie,  où  nous  avons  essentiellement  besoin 
d'officiers  canadiens  et  accoutumés  dès  leur  enfance  à 
nos  voyages  qui  sont  très  pénibles.  Ces  officiers  cana- 
diens peuvent  aisément  être  remplacés  de  France.  Ils 
sont  au  nombre  de  douze,  dont  sept  sont  dans  la  colonie, 
et  actuellement  employés  au  service,  comme  je  l'ai 
marqué  dans  mes  observations. 

Il  sera  juste,  Monseigneur,  que  ces  Messieurs  jiren- 
nent  leur  rang  d'ancienneté  du  jour  de  leurs  lettres  de 
service  à  Louisbourg.  M.  de  Charly  est  employé  en 
qualité  d'enseigne  en  pied  depuis  le  premier  avril  1754, 
Le  roi  ayant  nommé  le  même  jour  M.  D'Ailleboust  de 
Caryon,  enseigne  en  second,  pour  remplacer  le  dit  Sieur 
Charly,  fait  enseigne  en  pied,  et  comme  sa  commission 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  97 

*^ . 

fut  oubliée,  M.  le  chevalier  Drucourt  le  fit  reconnoître, 
et  servir  en  la  dite  qualité,  ce  qui  m'engagea  à  vous 
supplier,  Monseigneur,  de  vouloir  bien  lui  accorder  son 
ancienneté  du  dit  jour  premier  a\Til  1754. 


A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  par  une  de  mes 
lettres  de  ce  jour,  de  la  mort  des  officiers  de  cette 
colonie  qui  étoient  décorés  de  la  croix  de  Saint-Louis. 
Celles  de  MM.  le  baron  de  Longueuil,  de  Fonville  et 
Marin  doivent  avoir  été  remises  à  M.  le  marquis 
Duquesne,  celle  de  M.  le  Gardeur  de  Saint^Pierre  est 
en  mon  pouvoir. 

Vaudreuil. 


M,    LE    MARQUIS   DE   VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Dematuie  une  pension  de  150  livres  pour 
les  F^«»  des  Sieurs  Saint-Pierre  et  de 
Beaujeu. 
Monseigneur, 

Je  ne  puis  me  dispenser  d'avoir  l'honneur  de  vous 
rendre  les  bons  témoignages  que  je  dois  à  la  mémoire  de 
MM.  Le  Gardeur  de  Saint -Pierre  et  de  Beaujeu,  capi- 
taines. 

Le  premier  était  un  officier  d'un  mérite  supérieur,  il 
réunissoit  à  ses  talents  pour  le  gouvernement  des 
7 


98  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


nations  sauvages,  une  intrépidité  à  toute  épreuve  ;  il  a 
été  malheureusement  tué  le  8  T^""*^  au  portage  du  lao 
Saint-Sacrement  à  la  tête  des  sauvages  et  des  Cana- 
diens.  Je  ne  puis,  Monseigneur,  vous  exprimer  combien 
ce  capitaine  est  généralement  regretté  ;  son  zèle  pour  le 
service  du  roi,  son  attachement  à  sa  patrie  et  ses 
lumières  lui  a  voient  aci^uis,  à  tous  égards,  la  confiance 
du  soldat,  du  Canadien  et  des  sauvages.  Il  s'est  signalé 
dans  toutes  les  occasions  et  n'a  point  cessé  d'être 
employé  depuis  qu'il  est  dans  le  service,  surtout  à  com- 
battre l'ennemi.  Je  ne  dois  pas  vous  dissimuler.  Mon- 
seigneur, que  la  perte  de  ce  capitaine  est  irréparable,  et 
que  cette  colonie  s'en  ressentira  longtemps.  M.  de  La 
Galissonnière  le  connoissoit  ;  il  pourra  vous  informer  de 
ses  services. 

Le  second  étoit  également  un  très  bon  officier,  qui 
avoit  très  bien  servi  ;  il  a  été  tué  le  9  juillet  dans  le 
combat  ({u'il  livra  à  l'armée  du  général  Braddock  à  trois 
lieues  du  fort  Duquesne. 

Fondé  sur  ces  témoignages  que  je  dois  essentielle- 
ment à  la  justice  et  au  bien  du  service  du  roi,  j'ai 
l'honneur  de  vous  supplier,  Monseigneur,  de  vouloir 
bien  procurer  aux  veuves  de  ces  deux  capitaines  une 
pension  de  150  livres  à  chacune,  moins  à  cause  du 
besoin  qu'elles  en  ont,  qu'à  titre  de  récompense  des 
services  de  leurs  époux  ;  et  pour  preuve  de  la  satisfaction 
que  Sa  Majesté  en  a,  cette  gTace  flattera  infiniment  nos 
Messieurs,  qui  en  général  j  prennent  le  même  intérêt 
que  moi. 


DU   MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  99 

M.    LE   MARQUIS   DE   VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

p.  s'en  faut  700  hommes  que  ses  troupes 
soient  complètes. 

Monseigneur, 

Mes  grandes  occupations  m'ont  ôté  la  liberté  de  vous 
rendre  un  compte  exact  de  la  ^Taie  situation  des  troupes 
de  cette  colonie,  mais  je  puis  avoir  l'honneur  de  vous 
assurer.  Monseigneur,  qu'il  s'en  faut  au  moins  d'environ 
700  hommes  qu'elles  soient  complètes. 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Deman-le  à  être  autorisé  à  tiommer  aux 
places  d'enseignes  et  demande  des  com- 

7nissions  en  blanc. 

* 

Monseigneur, 

Je  ne  puis  refuser  au  bien  du  service  d'avoir  l'hon- 
neur de  vous  représenter,  qu'il  seroit  essentiel  que  je 
fusse  autorisé.  Monseigneur,  à  nommer  sous  le  bon  plaisir 
du  roi  aux  emplois  d'enseigne  en  second,  qui  vaqueront 
dans  les  troupes  de  la  colonie  ;  je  ne  vous  ferois  point, 
Monseigneur,  cette  proposition,  s'il  n'étoit  indisijen- 
sable    dans  les    circonstances   présentes,  de   pourvoir 


100  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

aussitôt  au  remplacement  de  ces  officiers.  Il  importe 
que  j'aie  toujours  les  officiers  nécessaires  relativement 
aux  différents  mouvements  que  je  serois  obligé  d'ordon- 
ner, et  que  j'en  aie  de  vigoureux  pour  mettre  à  la  tête 
des  petits  partis  que  je  ferai  marcher  de  tous  côtés.  Il 
n'est  que  trop  certain,  Monseigneur,  que  les  officiers 
de  la  colonie  ne  manqueront  pas  d'occasions  pour  se 
signaler,  et  s'il  n'en  périt  pas  beaucoup,  ce  ne  sera  pas 
faute  de  s'y  exposer  ;  je  me  dispose  à  ne  pas  les  laisser 
oisifs,  et  je  les  ai  prévenus  que  je  ne  prendrois  intérêt 
qu'à  ceux  qui  se  distingueront  dans  les  missions  que 
je  leur  confierai  ;  je  n'userai  pas.  Monseigneur,  de  cette 
liberté,  et  j'ai  l'honneur  de  vous  réitérer  que  je  ne  m'en 
prévaudrai  qu'en  faveur  des  sujets  qui  s'en  rendront 
essentiellement  dignes  par  leurs  actions.  Je  dois  vous 
observer  qu'en  1750,  AI.  de  la  Jonquière  fut  autorisé 
à  commettre  des  sujets  pour  remplir  quelque  emploi 
de  subalternes,  et  que  dans  ce  temps-là,  les  troupes 
avoient  autant  de  repos  qu'elles  ont  actuellement 
matière  à  s'exercer,   ce  qui  me  donne  lieu  d'espérer, 

Monseigneur,  que  vous  voudrez  bien  m'envoyer 

lettres  d'enseignes  en  second,  les  noms  et  dates  en  blanc, 
pour  me  mettre  en  état  de  récompenser  à  propos,  les 
cadets  qui  auront  donné  des  preuves  de  leur  zèle  et  de 
leur  intrépidité. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  101 

M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

L'établissement    de    la   Belle-Rivière   a 
fait  perdre  beaucoup  de  monde  et  em- 
pêche les  cultures. 
Monseigneur, 

Cette  colonie  en  général  est  susceptible  de  grands 
avantages,  mais  pour  les  recueillir,  elle  auroit  besoin 
de  recou^Ter  sa  première  tranquillité.  Si  les  terres 
étoient  cultivées,  elle  seroit  en  état  de  nourrir  autant 
de  monde  qu'il  plaii'ait  au  roi  d'y  en  faire  passer,  mais 
les  habitants  sont  épuisés  ;  ceux  qui  depuis  plusieurs 
années  ont  pris  des  terres,  n'ont  pu  seulement  les  défri- 
cher parce  qu'ils  ont  été  commandés  par  préférence  à 
des  habitants  aisés  et  très  vigoureux.  Je  remédie  à 
ces  abus  autant  qu'il  est  en  mon  pouvoir. 

L'établissement  de  la  Belle-Eivière  est  la  cause 
du'ecte  de  la  ruine  des  habitants  ;  il  y  en  est  mort  un 
plus  grand  nombre  que  nous  ne  pourrons  en  perdre 
pendant  plusieurs  années  de  guerre,  et  cela,  je  ne  puis 
vous  le  cacher,  parce  qu'ils  ont  été  forcés  sans  aucun 
des  ménagements  que  l'humanité  exige,  à  faire  le  por- 
tage des  ballots  et  autres  effets  qui  avoient  un  principe 
très  opposé  au  bien  du  service. 

Yoilà,  Monseigneur,  en  quel  état  je  trouve  les  colons 
et  leurs  terres  ;  je  ne  puis.  Monseigneur,  refuser  à  mon 
zèle  pour  le  service  du  roi  et  à  mon  attachement  pour  ma 
patrie,  d'avoir  l'honneur  de  vous  faire  ces  observations. 


102  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Eloges  de  MM.  Doreil  et  de  Monrepos. 
Monseigneur, 

Je  ne  dois  pas  vous  laisser  ignorer  que  M.  Doreil, 
commissaire  général  des  troupes,  se  donne  tous  les  soins 
et  l'application  que  cette  place  exige,  il  la  remplit  avec 
distinction.  Il  en  est  de  même  de  M.  de  Monrepos, 
lieutenant-général  de  police  de  Montréal  ;  il  est  égale- 
ment très  zélé  dans  tout  ce  qui  concerne  la  police,  sur- 
tout eu  égard  au  logement  des  troupes. 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  ]75o. 

^  Eloge  dii  Sieur  Martel. 

Monseigneur, 

Je  ne  puis  refuser  à  M.  Martel,  garde  des  magasins 
du  roi  à  Montréal,  d'avoir  l'honneur  de  vous  rendre  les 
meilleurs  témoignages  de  son  zèle  et  de  son  activité 
dans  toutes  les  opérations  du  service,  relatives  à  la 
place  qu'il  occupe  ;  il  m'en  a,  Monseigneur,  donné  des 
preuves  sensibles  dans  toutes  les  occasions. 


DU    MiNlSTÈKE    DE    LA    MARINE  103 


M.   LE  MARQUIS  DE  YAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 

Le  Canada  n'est  pas  en  état  d'envoyer 
des  vivres  à  Lonisbourg.  H  pense 
comme  M.  de  Drucourt  sur  les  diffi- 
cultés des  commandements  des  troupes 
de  ten-e.  Les  troupes  sont  en  haye  et 
rappellent  pmir  le  gouverneur,  et  don- 
lœnt  la  haye  sèche  à  l'ordonnateiir,  à 
la  Louisiane.  Cda  devroit  être  à  l'IsLe 
Boijale. 

Monseigneur, 

Les  comptes  que  M.  de  Drucourt  aura  eu  l'honneur 
de  vous  rendre,  ne  vous  laisseront  rien  à  désirer  sur  la 
situation  de  cette  place  ;  je  dois  seulement  avoir  l'hon- 
neur de  vous  représenter  que,  bien  loin  que  cette 
colonie  soit  en  état  de  lui  procurer  des  vivi-es,  elle  est 
au  contraire  obligée  d'en  demander. 

M.  de  Drucourt  m'a  fait  part  des  représentations 
qu'il  a  l'honneur  de  vous  faire  au  sujet  des  difficultés 
que  les  commandants  de  bataillons  d'Artois  et  de  Bour- 
gogne lui  font  sur  nombre  de  cas  concernant  le  service  ; 
je  me  suis  appliqué  à  en  connoitre  la  justice,  et  j'ai  vu 
qu'il  étoit  fondé.  Permettez,  Monseigneur,  que  je  me 
joigne  à  lui  pour  vous  supplier  de  vouloir  bien  y  avoir 
égard. 

M.  de  Drucourt  doit  avoir  eu  aussi  l'honneur  de  vous 
représenter  que  conformément  à  l'usage  établi  à  la 
Louisiane,  les  troupes  devroient  prendre  les  armes  et 
rappeler  pour  lui  et  donner  la  haye  sèche  à  M.  le  com- 


104  EXTEAITS    DES   ARCHIVES 

missaire-ordonnateur.  Je  crois,  Monseigneur,  sous  votre 
bon  plaisir,  que  les  mêmes  honneurs  militaires  devroient 
avoir  lieu  pour  Louisbourg,  tout  comme  pour  la  Loui- 
siane. 


M.    LE    MARQUIS   DE   VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  8bre  1755. 
Monseigneur, 

Depuis  les  lettres  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire 
concernant  l'Acadie,  M.  de  Boishëbert  m'a  rendu  compte 
de  ce  qui  s'y  est  passé  d'intéressant. 

Les  Anglois  ont  enlevé  de  force  tous  les  Acadiens,  et 
la  plupart  des  femmes  des  habitations  de  Tintamare, 
du  lac,  du  pont  à  Buot.  M.  de  Boishébert  ne  put  arriver 
assez  tôt  pour  les  en  empêcher. 

Il  ne  restoit  que  ceux  de  Petkoudiak,  Memramcouk 
et  Chipoudy,  qu'il  a  sauvés. 

Les  Anglois  ont  cependant  enlevé  plusieurs  habitants 
de  ces  contrées,  qui  ont  été  intimidés  à  la  publication 
qui  fut  faite  le  15  août  de  l'ordre  du  commandant  de 
Beauséjour.  Ils  ont  fait  fustiger  deux  femmes,  et  les 
ont  fait  mourir  sous  leurs  coups  ;  et  ils  en  ont  aussi  fait 
fustiger  plusieurs  autres,  et  usent  de  toutes  sortes  de 
violences  à  leur  égard.  Aussi  M.  de  Boishébert,  pour  se 
venger  de  ces  cruautés,  se  propose  de  ne  point  racheter 
les  prisonniers  que  les  sauvages  feront  à  Beauséjour. 

M.  de  Boishébert,  suivant  mes  ordres,  fera  passer  à 
Chedaïk  toutes  les  femmes  et  enfants  à  l'arrivée  des 


DU    MINISTÈRE   DE   LA   MARINE  105 

petits  bâtiments  que  je  lui  fais  expédier  à  Caucagne  ; 
et  d'abord  après  qu'il  les  aura  mis  à  couvert  de  l'insulte 
de  l'Anglois,  il  mettra  tout  en  usage  pour  interrompre 
le  transport  des  Anglois  à  la  baie  Verte  ;  il  ne  négligera 
même  rien  pour  leur  faire  abandonner  le  fort  de  Gas- 
pareaux. 

Des  sauvages  de  Pentagoët  lui  ont  rapporté  qu'il  y  a 
deux  vaisseaux  de  50  canons  à  Mapsipicoton  qui  doi- 
vent venir  au  bas  de  la  rivière  Saint-Jean  et  peut-être 
monter  jusqu'aux  habitations.  M.  de  Boishébert  pouiTa 
les  repousser,  s'Us  n'y  sont  que  ce  nombre,  en  rassem- 
blant les  Acadiens  et  "les  sauvages  du  révérend  Père 
Germain,  pour  aller  attaquer  l'ennemi  partout  où  il 
pourra.  Il  m'expédiera  un  courrier  aux  premières 
glaces  pour  me  rendre  compte  de  la  situation  des 
Acadiens  et  de  celle  des  Anglois. 

Le  révérend  Père  Gonnon  m'informe  que  la  petite 
vérole  s'étant  communiquée  à  ses  sauvages,  d  ne  pourra 
mener  sa  mission  au  Sault  de  la  Chaudière,  et  qu'ils  se 
transporteront  à  Mettakulek  pour  y  hiverner,  mais 
comme  il  n'est  pas  possible  de  lui  procurer  des  ^'ivres 
pour  son  hivernement,  moins  à  cause  que  nous  en 
manquons  que  par  la  difficulté  des  chemins,  je  l'en 
préviens,  et  lui  marque  de  faire  son  possible  pour  venir 
au  Sault  de  la  Chaudière,  ou  s'il  ne  peut  faire  mieux, 
de  se  mettre  à  portée  de  M.  de  Boishébert  et  du 
révérend  Père  Germain,  pour  qu'ils  puissent  lui  pro- 
curer tous  les  secours  qui  seront  en  leur  possible.  J'ai 
écrit  en  conséquence  à  ce  commandant  et  à  ce  mission- 
naire. 


106  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

La  petite  vérole  a  empêché  les  sauvages  du  révé- 
rend Père  Gonnon  de  frapper  vigoureusement  l'Anglois, 
ils  leur  ont  cependant  tué  des  bœufs  dont  ils  feront 
une  petite  sècherie  qui  leur  servira  pendant  l'hiver,  et 
dès  qu'ils  ne  seront  plus  affligés  de  la  petite  vérole,  ils 
iront  continuellement  en  parti  sur  les  Anglois. 


M.    LE   MARQUIS   DE   VAUDREUIL 

A  Montré»],  le  30  S^re  1755. 
Monseigneur, 

Quoique  j'aie  été  très  occupé  à  prendre  les  arrange- 
ments convenables  pour  m'op])oser  aux  progrès  des 
Anglois,  j'ai  néanmoins  donné  mon  attention  à  tout  ce 
qui  regarde  les  nations  des  pays  d'en  haut.  J'ai  sérieu- 
sement examiné  les  comptes  qui  ont  été  rendus  par  les 
commandants  de  chaque  poste  ;  et  j'ai  d'ailleurs  pris 
toutes  les  connoissances  possibles  pour  ne  rien  ignorer. 
Il  est  certain.  Monseigneur,  que  les  pays  d'en  haut,  en 
général,  ont  été  bien  négligés  à  tous  égards  ;  les  nations 
sauvages  sont  la  plupart  en  guerre  entre  elles.  J'ai 
même  découvert  que  plusieurs  de  ces  nations  a  voient 
reçu  des  colliers  et  paroles  de  la  part  des  Anglois  ;  j'ai 
donné  les  ordres  convenables  dans  chaque  poste  pour 
y  établir  le  bon  ordre  et  la  bonne  police.  J'ai  prévu 
aussi  tout  ce  qui  pourroit  nous  assurer  la  fidélité  des 
nations  sans  occasionner  aucune  dépense  au  roi.  J'ai 
été  informé  qu'elles  attendoient  mon  arrivée  avec  impa- 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  107 


tience.  Les  chefs  Outawas,  Folle  Avoine,  Sakis  et 
Eenards  m'ont  témoigné  le  plaisir  qu'ils  avoient  de  me 
voir  ;  ils  m'ont  prévenu  que  la  joie  des  nations  les 
plus  éloignées  égalerait  la  leur.  Ils  ont  voulu  se  char- 
ger de  leur  aller  dire  qu'ils  m'avoient  vu,  pour  les 
convaincre  que  les  Anglois  s'étoient,  mal  à  propos, 
vantés  qu'ils  m'enlèveroient  en  mer,  et  que  jamais  je 
ne  viendrois  dans  cette  colonie. 

Je  me  flatte  que  je  veiTai  le  printemps  prochain  des 
chefs  de  toutes  les  nations,  et  que  je  réussirai  à  rendre 
leur  attachement  pour  les  François,  inviolable. 

Je  ne  doute  pas.  Monseigneur,  que  vous  ne  soyez 
informé  de  l'excellence  des  terres  du  Détroit.  Ce  poste 
est  considérable,  il  est  bien  peuplé,  mais  on  pourroit 
aisément  y  placer  trois  fois  plus  de  familles  qu'il  n'y 
en  a.  Le  malheur  est  que  nous  n'avons  point  assez  de 
monde  dans  la  colonie.  Je  prendrois  des  arrangements 
pour  favoriser  l'établissement  de  deux  sœurs  de  la  con- 
grégation dans  ce  poste  pour  l'éducation  des  enfants 
sans  qu'il  en  coûte  le  sol  au  roi. 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  30  octobre  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer  ci-joint  : 
1"''  La  liste  des  officiers  et  soldats  des  bataillons  de 
la  reine  et  de   Languedoc  qui  ont   été  tués  ou  blessés 
dans  la  campagne   de  M.  le  baron  de  Dieskau   au  por- 
taoe  du  lac  Saint-Sacrement. 


108  EXTRAITS   DES    ARCHIVES 


2*^  L'état  du  nombre  d'officiers  et  soldats  des  batail- 
lons de  la  reine,  de  Languedoc,  de  Guyenne  et  de 
Bearn  qui  sont  dans  cette  colonie. 

Vous  savez.  Monseigneur,  qu'il  a  été  pris  sur  les  vais- 
seaux du  roi,  l'Alcide  et  le  Lys,  dix  officiers  et  155 
soldats  du  bataillon  de  la  reine,  et  pareil  nombre 
d'officiers  et  soldats  de  celui  de  Languedoc,  ce  qui  fait 
330  hommes  de  moins  dans  ces  deux  bataillons. 

Les  bataillons  qui  sont  à  Louisbourg  paroissent  com- 
plets, suivant  la  liste  qui  m'en  a  été  envoyée,  celui 
d'Artois  est  de  31  officiers  et  489  soldats,  et  celui  de 
Bourgogne  de  31  officiers  et  491  soldats. 

3^"  Quatre  états  de  service  qui  m'ont  été  envoyés 
par  M.  de  Roquemaure,  commandant  le  bataillon  de  la 
reine,  pour  procurer  la  croix  de  Saint-Louis  à  Messieurs 
d'Hébecourt,  d'Hert,  Germain  et  Delmas,  capitaines. 

4*^  Trois  autres  états  de  service  qui  m'ont  été 
adressés  par  M.  Privât,  commandant  le  bataillon  de 
Languedoc,  pour  procurer  la  croix  de  Saint-Louis  à 
MM.  le  chevalier  de  Marillac,  de  Basserode,  chevalier 
Rennepont,  capitaines,  et  un  quatrième  état  des  ser- 
vices de  M.  Parfouru,  lieutenant,  commandant  la 
nouvelle  compagnie  de  grenadiers,  pour  lui  procurer 
une  commission  de  capitaine. 

5*^  Deux  états  de  service  qui  m'ont  été  envoyés  par 
M.  Hurault  de  l'hôpital,  commandant  le  bataillon  de 
Béarn,  pour  procurer  à  M.  de  Trépezec,  capitaine,  et  à 
M,  de  Rasmorduc,  capitaine  en  second,  la  croix  de 
Saint-Louis. 

Je  ne  saurois.  Monseigneur,  que  m'en  rapporter  à 
Messieurs  les   commandants  de  ces    trois   bataillons, 


DU    MINISTERE   DE   LA   MARINE  109 

pour  les-  grâces  qu'ils  demandent  en  faveur  de  leurs 
officiers.  Je  ne  les  connois  point  particulièrement, 
ainsi  je  ne  puis  avoir  l'honneur  de  vous  en  rien  dire 
de  moi-même  ;  je  dois  cependant  rendre  les  meilleurs 
témoignages  du  zèle  de  MM.  les  commandants  des 
quatre  bataillons,  de  MM.  les  officiers  et  des  troupes, 
ils  m'en  ont  donné  des  preuves  dans  les  dififérents 
mouvements  que  j'ai  été  obligé  de  leur  ordonner  pour 
en  imposer  à  l'ennemi. 

Je  dois,  Monseigneur,  avoir  l'honneur  de  vous  repré- 
senter qu'il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  y  ait  d'officier 
général  à  la  tête  de  ces  bataillons,  on  peut  sans  cela 
les  disciphner  et  les  exercer;  les  guerres  de  ce  pays-ci 
sont  bien  différentes  de  celles  d'Europe,  nous  sommes 
obligés  d'agir  avec  beaucoup  de  prudence,  pour  ne  rien 
donner  au  hasard.  Xous  avons  peu  de  monde  et  pour 
peu  que  nous  en  perdions,  nous  nous  en  ressentons. 

Quelque  brave  que  pût  être  le  commandant  de  ces 
troupes,  il  ne  pourroil  connoître  le  pays  ;  il  ne  vou- 
droit  peut-être  pas  agréer  les  avis  que  des  subalternes 
pourroient  lui  donner,  il  s'en  rapporteroit  à  lui-même 
ou  à  des  conseils  mal  éclairés,  et  il  n'auroit  point  de 
succès  quoi  qu'en  se  sacrifiant.  Je  fonde  mes  repré- 
sentations sur  l'événement  de  la  campagne  de  M.  de 
Dieskau.  D'ailleurs,  je  ne  dois  pas  vous  dissimuler. 
Monseigneur,  que  les  Canadiens  et  les  sauvages  ne 
marcheroient  pas  avec  la  même  confiance  sous  les 
ordi'es  d'un  commandant  des  troupes  de  France,  que 
sous  ceux  des  officiers  de  cette  colonie.  Je  me  flatte 
que  vous  agréerez  mes  représentations  ;  elles  ont  pour 
principe  le  bien  du  service  et  de  cette  colonie. 


110  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

M.  de  Saint- Vincent,  capitaine  au  régiment  de 
Guyenne,  m'a  demandé  de  passer  en  France  l'année 
prochaine,  à  cause  de  ses  infirmités.  Je  me  conformerai 
aux  ordres  du  roi  à  cet  égard. 

J'informe  M,  le  comte  d'Argenson  de  la  réception  de 
M.  le  chevalier  de  Montreuil  à  l'ordre  royal  et  mili- 
taire de  Saint-Louis,  et  en  conséquence  de  la  lettre 
dont  il  m'a  voit  honoré,  je  lui  en  adresse  mon  certificat. 
Permettez,  Monseigneur,  que  je  joigne  ici  à  cachet 
volant  la  lettre  que  je  lui  écris,  et  que  je  vous  supplie 
de  vouloir  bien  la  lui  faire  remettre  si  vous  l'approuvez. 


M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  31c  8bre  1755. 
Monseigneur, 

Je  puis  en  toute  sûreté  avoir  l'honneur  de  vous  ren- 
dre compte  que  je  suis  heureusement  parvenu  à  arrêter 
les  progi'ès  des  Anglois  dans  tous  leurs  projets. 

La  campagne  de  M.  de  Dieskau,  quoique  très  con- 
traire au  succès  que  je  devois  en  espérer,  a  néanmoins 
intimidé  les  Anglois,  qui  avançoient  avec  des  forces 
considérables  pour  attaquer  le  fort  Saint-Frédéric  qui 
n'auroit  pu  leur  résister  ;  après  quoi  ils  n'auroient 
trouvé  nulles  difficultés  à  pénétrer  plus  avant,  et  il 
aurait  fallu  de  grands  efforts  de  notre  part  pour  les 
faire  retirer. 

Les  Anglois  ont  eu  constamment  une  armée  de  3,000 
hommes    à    Chouaguen,    sous   le   commandement   du 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  111 

gouverneur  Shirley,  bien  munie  d'artillerie,  pour 
entreprendre  l'expédition  de  Niagara  et  du  fort  Fron- 
tenac, mais  les  camps  d'observation  que  j'ai  tenus  dans 
chacun  de  ces  forts  les  ont  contenus  et  les  ont  obligés  à 
se  garder,  craignant  que  pendant  qu'ils  iroient  attaquer 
l'un  de  ces  forts,  les  troupes,  les  Canadiens  et  les  sau- 
vages, qui  étoient  dans  l'autre,  fussent  tout  de  suite  a 
Chouaguen.  Je  viens  d'apprendre  que  leur  armée  se 
retiroit  et  qu'ils  n'y  laissoient  qu'une  forte  garnison. 

Xous  ne  pouvions,  Monseigneur,  rien  espérer  de  plus 
heureux  ;  j'ai  arrêté  l'ennemi,  et  sans  les  justes  mesures 
que  j'ai  prises,  il  seroit  actuellement  en  possession  de 
Niagara  et  par  conséquent  de  tous  nos  postes  des  pays 
d'eu  haut. 


M.  LE  .NLVRQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  2  9bre  1755. 

Départ  de  la  Sirène.  M.  de  Tuiirrille 
est  itJi  exeMent  officier.  U  it'a  su  que  le 
31  octobre,  le  départ  de  Choiiagi/eii  de 
l'armée  de  M.  Shiiiey. 

Monseigneur, 

Mes  grandes  occupations  ne  m'ont  pas  permis  d'ex- 
pédier plus  tôt  la  frégate  la  Sirène.  Je  craignois, 
Monseigneur,  être  dans  le  cas  de  vous  rendre  compte 
de  la  résistance  que  j'aurois  opposée  au  gouverneur 
Shirley,  s'il  avoit  marché  avec  son  armée  pour  assiéger 
Niagara  ou  le  fort  Frontenac  ;    et  je  n'ai  pu  positive- 


112  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

ment  savoir  le  départ  de  son  armée  de  Chouaguen  que 
le  31  du  mois  dernier. 

Je  fais  partir  un  courrier  pour  porter  mes  dépêches 
à  Québec,  M.  le  chevalier  de  Longueuil  les  remettra  à 
M.  le  chevalier  de  Tourville.  Je  lui  donne  les  mêmes 
ordres  qu'à  M.  de  la  Jonquière  pour  éviter  les  Anglois, 
et  jeter  mes  dépêches  à  la  mer  dans  le  cas  qu'il  ne  pût 
éviter  le  combat,  ni  résister  à  la  supériorité  des  forces 
de  l'ennemi. 

Je  donne  aussi  ordre  à  M.  de  Tourville  de  recevoir 
à  bord  de  sa  frégate  les  Anglois  que  M.  de  Longueuil 
fera  embarquer,  ce  sont  de  très  mauvais  sujets  et  par 
conséquent  à  charge  à  la  colonie  ;  il  les  remettra  au 
commandant  du  port  où  il  débarquera  pour  que  vous 
puissiez  en  disposer. 

Je  dois.  Monseigneur,  avoir  l'honneur  de  vous  rendre 
les  meilleurs  témoignages  du  zèle  de  M.  de  Tourville  ; 
c'est  un  très  excellent  officier  qui  désire  les  occasions 
de  se  signaler. 

Je  souhaite.  Monseigneur,  que  cette  frégate  arrive 
heureusement  en  France  ;  il  est  d'une  conséquence 
infinie  à  cette  colonie  que  mes  dépêches  vous  par- 
viennent. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  113 

M.  LE  MARQUIS  DE  VAUDREUIL 

A  Montréal,  le  6  9bre  1755. 

H  demande  la  grâce  dxi  nommé  Pierre 
Chartier  dit  La  Victoire,  soldat  déser- 
teur, qui  a  bien  servi  depuis  à  l'Acadie. 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  représenter  que  le  nommé 
Pierre  Chartier  dit  La  Victoire,  soldat  de  la  compagnie 
de  Vergor,  déserta,  il  y  a  quelques  années,  du  fort  de 
Beauséjour  et  se  réfugia  chez  les  Acadiens.  Il  fut  con- 
damné par  contumace  à  subir  la  peine  de  sa  désertion. 
Ce  soldat  a  resté  avec  les  Acadiens  jusqu'au  moment 
qu'il  eut  connoissance  que  les  Anglois  se  disposoient  à 
aller  assiéger  le  fort  de  Beauséjour  ;  il  s'échappa,  crai- 
gnant d'être  forcé  de  prendre  les  armes  contre  nous,  et 
fut  avertir  M.  l'abbé  Le  Loutre  des  vues  de  l'ennemi  ; 
il  offrait  même  de  rentrer  dans  notre  fort  pour  contri- 
buer à  sa  défense,  si  M.  de  Vergor,  qui  y  commandoit, 
vouloit  lui  promettre  sa  grâce.  Ce  conlmandant,  tou- 
ché du  retour  de  ce  soldat,  le  reçut  avec  promesse  de 
lui  faire  obtenir  son  pardon,  et  pendant  le  siège,  il 
combattit  l'ennemi  ;  il  fut  ensuite  à  la  rivière  Saint- 
Jean  et  assista  au  combat  que  M.  de  Boishébert  livra 
aux  Anglois,  dont  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  rendre 
compte  dans  une  de  mes  lettres  concernant  l'Acadie. 
Ces  deux  commandants  lui  ont  expédié  des  certificats 
de  sa  bonne  conduite  et  de  son  zèle  ;  il  est  caché  dans 
la  colonie  ;  il  m'a  fait  présenter  ses  certificats,  et  M.  de 
8 


114  EXTiiAlTS    DES    AKCHIVES 


Vergor  et  de  Boishëbert  me  sollicitent  en  sa  faveur,  ce 
qui  m'engage,  Monseigneur,  à  vous  supplier  de  vouloir 
bien  lui  procurer  des  lettres  de  grâce  du  roi,  en  consi- 
dération de  son  retour  et  des  preuves  qu'il  a  données 
de  sa  fidélité. 


M.  LE  MAKQUIS  LE  VAULKEUIL 

A  Montréal,  le  6  novembre  1755. 

Il  roivoie  eii  France  le  Sieur  de  Bayeu- 
ville  poiir  insvhordhiatioti. 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  que  je  ne  puis 
me  dispenser  de  renvoyer  en  France  le  Sieur  de 
Bayeuville,  cadet  à  l'aiguiUette,  à  cause  de  son  insu- 
bordination et  de  sa  mauvaise  conduite. 

Il  étoit  au  camp  de  Carillon,  il  déserta  nuitamment 
et  débaucha  des  Canadiens  pour  les  ramener  à  Mont- 
réal. Cet  exemple  est  très  nécessaire  pour  maintenir 
les  troupes  et  les  milices  dans  la  subordination. 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  115 

M.    VARIN 

A  Québec,  le  15  8bre  1755. 

Demaruh  à  être  placé  au  Cap,  à  la 
Louisiane  ou  ailleurs  et  une  indem- 
nité. 

Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  que  suivant 
les  ordres  de  M.  Bigot,  je  me  suis  rendu  ici  pour  y 
prendre  avec  lui  les  arrangements  nécessaires  aux  pré- 
paratifs" de  l'année  prochaine.  Je  me  rendrai  incessam- 
ment à  Montréal  pour  les  exécuter.  J'espère,  Monsei- 
gneur, que  vous  aurez  la  bonté  de  faire  attention  à  la 
dépense  que  j'ai  été  obligé  de  faire  pendant  huit  mois 
qu'a  duré  l'absence  de  M.  Bigot,  ce  qui  m'a  coûté  8 
à  10  ...  d'extraordinaire  pour  soutenir  avec  quelque 
décence  la  place  que  j'occupois  alors. 

Je  vous  supplie  aussi.  Monseigneur,  de  vouloir  bien 
m'accorder  mon  avancement  que  je  me  flatte  de  mériter 
par  mes  longs  services,  et  me  destiner  où  il  vous  plaira, 
soit  au  Cap  François,  à  la  Louisiane  ou  ailleurs  ;  mais 
permettez-moi  de  vous  représenter  très  respectueuse- 
ment, Monseigneur,  que  je  ne  puis  plus  soutenir  le 
climat  de  ce  pays- ci,  où  ma  délicate  santé  commence 
à  se  détruire  entièrement. 

J'ai  lieu  de  croire  qu'il  ne  vous  reviendra.  Monsei- 
gneur, rien  que  d'avantageux  de  mon  application  et  de 
mon  zèle  à  procurer  le  nécessaire  pour  les  grandes 
opérations  qui  ont  eu  lieu  en  ce  pays-ci  depuis  trois 


116  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

ans,  et  particulièrement  cette  année-ci  qui  a  été  des 
plus  critiques  pour  le  Canada  par  les  entreprises  de 
l'Anglois,  et  qui  n'ont  échoué  que  par  la  victoire 
heureusement  remportée  à  la  rivière  Ohio  sur  le  géné- 
ral Braddock  par  feu  M.  de  Beaujeu,  mon  beau-frère, 
qui  s'y  est  sacrifié. 


LE    SIEUR   LEVASSEUR 

A  Québec,  le  6  9bre  1755. 

M.  Bigot  va  faire  commencer  là  secmide 
frégate  gi(oiçit'ow  ti'ait  rien  répondu 
sur  le  plan  envoyé.  La  première  sera 
en  état  de  partir  au  priidemps.  Il  eut 
été  à  soiihaiter  qu'elle  fut  partie  l'aii,- 
tomne  à  cause  des  neiges.  Le  Sieur 
Cressé  a  construit  ait  fort  Frontenac 
une  goélette  de  10  canons  et  va  en  con- 
struire une  seconde. 


Monseigneur, 


J'ai  eu  l'honneur  de  vous  rendre  compte  l'année 
dernière  de  l'état  où  étoient  les  travaux  de  la  con- 
struction, et  j'ai  remis  à  M.  Bigot  le  plan  de  la  seconde 
frégate  dont  les  bois  sont  rendus  ici,  nous  n'avons  eu 
aucune  réponse  à  ce  sujet,  et  le  plan  n'a  pas  été  ren- 
voyé. Cependant,  M.  l'intendant  est  dans  l'intention 
de  faire  commencer  cet  hiver  les  coupes  de  cette  fré- 
gate, si  nos  ouvriers  ne  peuvent  être  employés  aux 
travaux  de  la  colonie.    Alors  ce  bâtiment  sera  en  état 


DU    mXISTÈRE   DE   LA    MARINE  117 

d'être  monté  sur  le  chantier  de  la  frégate,  aussitôt 
qu'elle  sera  lancée  ;  elle  pourra  l'être  dès  le  petit  prin- 
temps, et  pourra  partir  aussitôt  :  sa  mâture  et  ses  agrès 
sont  entièrement  finis. 

Il  eût  été  à  souhaiter  qu'elle  eût  pu  partir  cet 
automne,  son  retardement  sur  le  chantier  est  fort  pré- 
judiciable à  sa  durée,  étant  impossible  de  la  mettre  à 
l'abri  des  neiges  qui  échauffent  extrêmement  les  bois, 
lors  de  leur  fonte.  J'ai  pris  contre  cet  inconvénient 
toutes  les  mesures  possibles  ;  cependant,  il  ne  laisse 
pas  d'en  rester  auxquels  je  ne  puis  remédier. 

Le  Sieur  Cressé,  sous-constructeur,  a  construit  au 
fort  Frontenac  une  goélette  de  dix  canons,  et  doit  en 
construire  une  seconde. 

L'attente  de  vos  ordres  au  sujet  de  la  frégate  que 
nous  comptions  devoir  armer  tout  de  suite,  m'a  empê- 
ché d'aller,  moi-même,  veiller  à  ces  travaux  ;  rien  ne 
pouvant  m'empêcher  de  me  transporter  avec  beaucoup 
de  zèle  partout  où  je  pourrai  être  de  quelque  utilité  au 
service. 

Je  ne  crois  pas  que  les  circonstances  présentes 
puisssent  me  permettre  de  continuer  mes  visites  dans 
les  bois  pour  y  découvrir  des  innières  propres  à  four- 
nir des  mâtures,  cependant  rien  ne  me  retiendra,  et  les 
dangers  de  la  guerre  ne  m'arrêteront  pas  un  instant,  si 
M.  Bigot  le  juge  nécessaire. 


118  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


A  Québec,  le  15  mars  1755. 
PROCÈS-VERBAL 

De  visite  de  Pinières  à  la  rivière  Senaramiac 

Nous,  chef  des  constructions  des  vaisseaux  du  roi, 
et  inspecteur  des  bois  et  forêts  en  Canada,  accompagné 
de  M.  Joseph  Corbin,  charpentier  entretenu,  et  de  six 
autres  charpentiers,  nous  sommes  rendus  par  ordre  de 
M.  l'intendant,  à  la  rivière  Senaramiac,  pour  y  con- 
stater des  pinières  propres  à  fournir  des  mâtures  pour 
les  vaisseaux  du  roi  ;  à  cet  effet  y  étant  arrivés,  nous 
avons  parcouru  tout  le  côté  du  nord  de  cette  rivière 
jusqu'à  deux  lieues  environ  de  profondeur,  et  nous  y 
avons  trouvé  des  bouquets  de  pin  rouge,  semés  de 
distance  en  distance,  tels  que  nous  les  y  avons  déjà 
remarqués  dans  les  précédentes  visites  ;  ils  sont  de 
moyenne  grosseur  mêlés  de  cyprès.  L'extraction  en 
sera  aisée  en  profitant  des  eaux  du  printemps;  tous 
ces  arbres  étant  le  long  de  la  rivière,  il  est  facile  de  les 
y  rendre  l'hiver  sur  les  neiges  en  les  exploitant. 

Nous  avons  passé  la  rivière  Senaramiac  après  avoir 
attendu  au  cabanage  qu'elle  fut  assez  prise  pour  nous 
porter  ;,  nous  avons  trouvé  dans  l'espace  contenu  entre 
cette  rivière  et  celle  appelée  aux  Pins,  qui  est  parallèle 
à  la  première,  des  cyprès  et  des  pins  rouges  comme  du 
côté  du  nord  de  la  rivière  Senaramiac  ;  cet  espace 
n'étant  que  de  deux  lieues  tout  au  plus,  et  les  pins  se 
trouvant  le  long  des  deux  rivières,  l'extraction  en  sera 
toujours  praticable  par  celle  de  ces  deux  rivières  qui 
sera  la  plus  près. 


DU    MINISTÈRE    DE    L.\    MVRIXE  119 

L'échantillon  de  ces  mâts  est  de  vingt-trois  pouces 
et  au-dessous,  il  y  en  a  de  plus  forts,  mais  il  s  sont  en 
petite  quantité  ;  l'on  en  trouvera  cependant  toujours 
quel>[ues-un3  dans  toutes  les  exploitations  que  l'on 
voudra  faire.  J'en  ai  fait  marquer  plusieurs  qui  porte- 
ront jusqu'à  trente  pouces  et  plus;  mais  on  ne  peut 
faira  fond  sur  beaucoup  de  ces  arbres.  Nous  avons 
découvert  de  l'autre  côté  de  la  rivière  aux  Pins,  que 
nous  n'avons  pas  passée  sans  peine,  une  pinière  de 
pins  rouges  qui  va  rendre  à  la  rivière  aux  Sables,  en 
suivant  un  coteau  parallèle  au  lac.  Cette  rivière  va 
en  profondeur  comme  la  rivière  Sanaramiac  et  est 
distante  de  celle  aux  Pins  de  deux  lieues  environ. 
Cette  pinière  que  le  dégel  ne  nous  a  pas  permis  de 
visiter  exactement,  paroît  de  la  qualité  et  de  l'échantil- 
lon de  celles  ci-dessus.  Il  est  à  présumer  que  l'espace 
contenu  entre  ces  deux  rivières  est  boisé  par  contrées, 
comme  sont  les  terrains  que  nous  avons  visités  entre 
les  autres  rivières. 

Les  temps  mois  et  les  eaux  dont  les  bois  étoient 
inondés,  nous  ont  empêchés  d'approfondir  davantage  les 
quantités  de  matures  que  l'on  pourroit  tirer  de  cette 
contrée  ;  mais  en  exploitant  on  en  découvrira  toujours 
de  nouvelles,  étant  impossible  de  s'assurer  exacte- 
ment de  tous  les  bois  à  moins  de  faire  un  long  séjour 
dans  le  même  endroit  ;  ce  que  je  n'ai  pu  faire,  n'ayant 
pu  rester  que  douze  jours,  tant  à  aller  qu'à  revenir  et 
à  rester  à  la  cabane,  les  temps  impraticables  nous  ayant 
presque  toujours  contrariés. 

Malgré  l'attention  que  nous  apportons  à  découvrir 
des  mâtures,  nous  en  avons  trouvé  un  bouquet  de  fort 


120  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


belles,  que  nous  n'avions  pas  vues,  quoique  près  d'uu 
endroit  où  nous  en  avions  déjà  exploité  ;  ce  qui  prouve 
ce  que  j'ai  dit  ci-des-us,  qu'il  s'en  trouvera  toujours  à 
mesure  que  l'on  travaillera. 

Je  serai  à  même  de  faire  de  plus  longues  et  plus 
exactes  visites,  lorsque  mes  travaux  de  Québec  me  le 
permettront. 

L'automne  semble  être  le  temps  le  plus  commode 
pour  faire  de  semblables  découvertes. 

(non  signé) 


M,    IMBERT 

A  Paris,  le  2  février  1755. 

M.  de  Laporte. 

Monseigneur, 

Je  n'ai  pu,  pendant  mon  séjour  à  Versailles,  trouver 
un  moment  favorable  pour  avoir  l'honneur  de  vous 
faire  ma  cour.  Etant  obligé  de  partir  incessamment 
pour  me  rendre  au  lieu  de  mon  embarquement,  j'ai 
pris  la  liberté  de  vous  adresser,  Monseigneur,  un 
mémoire  concernant  la  gestion  de  ma  caisse  en  Canada, 
le  détail  en  devient  de  plus  en  plus  considérable.  J'ai 
besoin  de  secours  pour  le  faire  avec  plus  d'ordre  et 
plus  d'agrément,  je  supplie  très  humblement  Votre 
Grandeur,  d'avoir  égard  à  la  justice  de  mes  demandes. 


DU    MINISTERE   DE    LA    MARINE  121 

A   MONSEIGNEUR 

le  garde  des  Sceaux,  ministre  et  secrétaire  d'Etat  de 
la  marine. 

Le  Sieur  Jacques  Imbert,  trésorier  de  Canada,  repré- 
sente humblement  à  Votre  Grandeur,  que  depuis  cinq 
ans,  les  mouvements  intérieurs  de  la  colonie  lui  ont 
occasionné  un  travail  trop  forcé  pour  le  faire  avec 
régularité.  Il  a  souvent  fait  ses  représentations  sur 
les  difficultés  du  détail  immense  dont  il  est  chargé  ;  il 
a  sollicité  une  permission  de  passer  en  France  pour  se 
perfectionner  dans  sou  emploi,  recevoir  des  nouvelles 
instructions  qui  sont  nécessaires  pour  suivre  sa  gestion 
avec  plus  d'ordre. 

Ces  difficultés  sont  la  solde  des  troupes.  La  quan- 
tité des  décharges  qu'il  est  obligé  de  payer  journelle- 
ment sans  avoir  le  temps  de  calculer  les  pièces,  la 
rentrée  annuelle  du  papier  et  monnaie  de  carte  à  con- 
vertir en  lettres  de  change  qu'il  est  obligé  de  recevoir 
avec  une  précipitation  dangereuse. 

l'^r   ARTICLE 

AppointcTiients  et  solde  des  troupes. 

De  toutes  les  parties  du  service  dont  la  caisse  est 
chargée,  la  solde  des  troupes  est  celle  qui  l'expose  le 
plus.  Ce  détail  a  toujours  été  l'objet  du  retardement  de 
la  reddition  des  comptes  de  son  prédécesseur  qui  en  a 
laissé  sept  à  rendre.  Après  sa  mort,  M.  l'intendant  a 
pourvu  à  ces  inconvénients  par  l'ordre  qu'il  a  donné 
d'expédier  en  forme  les  dépenses  journalières  du  service 


122  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

et  pour  mettre  le  trésorier  en  ëtat  de  les  rendre  annuel- 
lement pour  l'exercice  précédent.  Il  a  été  décidé  que 
les  décharges  pour  la  solde  des  troupes  seroient 
expédiées  en  plein  et  que  le  trésorier  donneroit  sa 
soumission,  pour  le  restant  à  payer  aux  officiers  ou 
soldats  détachés  dans  les  forts  et  postes  des  divers  pays 
d'en  haut,  lesquelles  soumissions  deviennent  nulles, 
lorsque  les  dits  acquits  sont  rapportés  ;  cet  arrangement 
a  paru  le  plus  facile  pour  accélérer  l'expédition  des 
comptes.  Il  y  a  cependant  des  inconvénients  qui 
deviennent  à  charge  au  trésorier  et  l'exposent  à  plusieurs 
doubles  emplois  occasionnés  par  l'exemple  suivant  : 

Plusieurs  officiers  et  soldats  étant  destinés  pour 
servir  dans  différents  forts,  la  distribution  s'en  fait  à 
Québec  et  à  Montréal,  et  chaque  officier  ou  soldat  sont 
aj)ostillés  sur  les  extraits  de  chaque  compagnie  et  leur 
solde  est  retenue. 

Lorsqu'ils  sont  rendus  à  destination,  plusieurs  chan- 
gent de  poste  pour  raison  de  service,  et  ce,  par  ordre 
des  commandants  des  dits  postes,  d'où  il  s'en  suit  cet 
abus  —  exemple  —  Pierre  est  détaché  et  apostille  pour 
Niagara,  six  mois  après  il  est  au  fort  Frontenac,  et  de  là 
quelquefois  ailleurs,  sans  que  le  commissaire  en  soit 
instruit.  Ce  soldat  ambulant  de  fort  en  fort  pendant 
trois  ou  quatre  ans  et  quelquefois  plus  longtemps,  est 
attaché  à  un  fort  où  il  devient  utile,  le  roi  le  nourrit, 
sa  solde  reste  en  dépôt  et  il  la  touche  après  plusieurs 
années,  ou  par  lui-même,  ou  par  procuration.  Les 
ordres  sont  expédiés  ordinairement  à  Montréal,  et 
souvent  à  Québec,  savoir  :  un  ordre  expédié  au  soldat 
et   un   autre  au  porteur  de  procuration,  ce  qui  ne  se 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MAKLNE  123 

découvre  que  six  mois  après,  c'est-à-dire  lorsque  le 
trésorier  vérifie  les  acquits  sur  les  extraits  qu'il  reçoit 
de  Montréal,  et  sjuveut  deux  ans  après. 

Le  recouvrement  de  ce  double  paiement  ne  peut 
être  fait  sur  les  capitaines  qui  ne  touchent  que  la 
solde  des  présents,  ainsi  le  trésorier  perdroit  beaucoup 
si  Sa  Majesté  ne  lui  en  accordoit  le  remboursement. 

II  y  a  eu  plusieurs  de  ces  ordres  expédiés  doubles,  ce 
que  le  trésorier  est  en  état  de  prouver. 

Dans  certains  forts  le  soldat  touche  partie  de  la 
solde  en  marchandises  du  magasin  du  roi,  au  fort,  le 
garde-magasin  en  envoie  l'état  pour  être  retenu  et  le 
trésorier  se  charge  eu  recette  extraordinaire  de  ce  qu'il 
a  touché,  mais  il  arrive  souvent  que  cet  état  n'arrive 
qu'après  que  le  soldat  a  été  payé.  Il  en  résulte  un 
double  emploi  à  la  charge  du  roi. 

Observations  sur  les  payements  faits  de  la  solde  des 
dits  extraits  pour  les  dits  soldats  présents. 

Les  différents  mouvements  de  ce  corps  à  l'occasion 
de  l'établissement  de  la  Belle-Rivière  ayant  obligé 
M.  le  général  à  détacher  un  grand  nombre  d'officiers,  il 
s'est  trouvé  l'année  dernière  sept  compagnies  à  Québec 
sans  aucun  officier,  et  le  trésorier  demandant  décharges 
valables,  a  été  obligé  de  payer  à  un  sergent  la  solde 
des  soldats  présents  aux  dites  compagnies,  pourquoi  il 
a  sollicité  les  quittances  du  major  de  chaque  gouver- 
nement. ' 

Il  y  a  souvent  un  officier  présent  à  la  compagnie 
suivant  l'extrait,  mais  il  ne  réside  point  à  la  garnison  ; 
le  trésorier  ne  peut  avoir  ses  quittances  lorsqu'il  paye 


124  EXTRAITS    UE.S    ARCHIVES 

la  solde.  Il  est  souvent  à  Montréal  par  congé,  et  il  en 
part  quelquefois  pour  aller  servir  dans  les  forts,  et 
alors  le  trésorier  se  trouve  dans  l'impossibilité  de  retirer 
quittances  à  sa  décharge,  c'est  à  cette  occasion  qu'il  a 
exigé  les  quittances  du  major. 

Il  conviendroit  donc  qu'il  y  eût  toujours  un  officier 
subalterne  présent  pour  conduire  le  reste  de  la  compa- 
gnie en  résidant  dans  sa  garnison  ou  au  moins  s'y 
trouver  pour  compter  et  fournir  quittance  par  quartier. 
Il  seroit  même  nécessaire  qu'il  y  eût  un  bureau  parti- 
culier pour  cette  partie,  et  que  ceux  qui  seroient  pré- 
posés pour  le  conduire  fussent  instruits  des  différents 
changements  qui  se  font  dans  le  corps  des  troupes. 

Il  a  été  proposé  de  payer  la  solde  de  la  compagnie 
complète  à  chaque  capitaine,  mais  le  déplacement  en  a 
empêché  l'exécution. 

La  meilleure  proposition  et  la  plus  juste  seroit  de 
payer  la  solde  des  troupes  au  major  de  chaque  gouver- 
nement en  lui  donnant  un  commis  pour  suivre  le 
détail  ;  cet  arrangement  épargneroit  au  roi  tous  les 
doubles  emplois,  et  le  trésorier  auroit  des  décharges 
solides  pour  la  chambre. 

Le  trésorier  désire  savoir  avant  son  retour  de  quelle 
façon  les  troupes  auxiliaires  seront  payées. 

2e    ARTICLE 

La  quantité  de  décharges  que  le  trésorier  est  obligé 
de  payer  journellement  ne  lui  permet  pas  de  calculer 
les  états  qui  sont  dressés  dans  les  bureaux,  il  ne  peut 
pas  y  suffire,  cependant  il  s'y  glisse  souvent  des  erreurs 
qu'il  fait  rectifier  lorsqu'il  les  découvre,  mais  celles  qui 


LU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  125 

lui  échappent,  ne  pouvant  relire  tous  les  acquits, 
deviennent  à  sa  charge,  ce  qui  n'est  pas  juste,  vu 
l'impossibilité  de  vérifier  avant  de  payer  ;  il  seroit 
nécessaire  d'avoir  dans  les  bureaux  du  contrôle,  une 
personne  préposée  pour  examiner  les  décharges  en 
forme,  et  qui  n'eût  d'autre  détail  que  de  vérifier  les 
états  avant  d'être  munis  de  la  signature  du  contrôleur, 
et  que  le  trésorier  eût  aussi  un  commis  capable  de 
vérifier  ces  mêmes  états  quoique  contrôlés  avant  de  les 
acquitter. 

3«  ARTICLE 

La  rentrée  annuelle  du  papier  et  monnaie  de  carte 
à  convertir  en  lettre  de  change  est  une  opération  des 
plus  dangereuses  pour  le  trésorier.  Le  temps  est  si 
limité  pour  sa  recette  et  la  distribution  de  ses  traites, 
qu'il  est  souvent  exposé  à  des  erreurs  considérables. 
Il  conviendroit  de  mettre  plus  de  temps  à  cette  recette 
et  à  la  distribution  des  lettres  de  change  en  commen- 
çant plus  tôt  et  lui  procurant  le  secours  dont  il  a  besoin 
en  cette  saison. 

Observations  sur  les  soumissions  du  trésorier  pour 

les  billets  manuscrits  qu'iù  a  retirés  du 

public  avec  des  billets  impHmés. 

D'après  le  25  octobre  1750  au  15  septembre  1751, 
il  y  a  eu  en  billets  manuscrits  pour  le  payement  des 
dépenses  de  services,  2,399,895  livres  15.  Le  trésorier 
avoit  donné  sa  soumission  au  roi  de  la  dite  somme. 

Lorsque  M,  Bigot  a  jugé  nécessaire  d'avoir  des 
billets  imprimés,  tant  pour  la  facilité  du  service  que  du 


12(3 


EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


public,  ces  billets  imprimés  ont  servi  à  retirer  les 
manuscrits,  et  le  trésorier  les  a  comptés  en  présence 
de  M.  Bréard,  contrôleur,  qui  les  a  brûlés  pour  éteindre 
la  soumission  précédente,  mais  il  se  trouve  dans  les 
mains  du  trésorier  5,967  de  ces  billets  manuscrits  au 
delà  de  la  soumission.  Il  demande  qu'il  soit  ordonné 
de  lui  en  faire  le  remboursement.  Si  le  trésorier  eut 
rapporté  des  billets  au-dessous  de  sa  soumission,  il 
aurait  été  obligé  d'en  fournir  une  pour  le  surplus.  Il 
y  a  donc  de  la  justice  à  lui  tenir  compte  de  ce  qu'il  a 
payé  au  delà. 

La  raison  de  cette  différence  provient  des  billets  faux 
dont  je  ne  dois  pas  supporter  la  perte.  Il  y  a  aussi  400 
livres  de  billets  imprimés,  altérés,  dont  le  rembourse- 
ment lui  f'st  également  dû,  ainsi  que  les  doubles  emplois 
dont  il  se  trouve  chargé  depuis  qu'il  est  trésorier. 

Le  Sieur  Imbert  a  l'honneur  de  vous  représenter 
aussi.  Monseigneur,  que  ses  appointements  ne  sont  pas 
proportionnés  aux  charges  de  son  emploi.  Il  n'a  pas 
de  quoi  se  défrayer  de  sa  dépense  annuelle  qiioique 
très  médiocre,  la  cherté  des  vivres  et  de  l'entretien,  le 
bois  de  chauffage  qu'il  est  obligé  de  fournir  dans  deux 
bureaux,  les  courses  qu'il  fait  pour  le  service,  l'obligent 
à  vous  demander,  Monseigneur,  son  bois  de  chauff'age. — 
Un  gardien  du  bureau  qui  feroit  aussi  les  commissions 
afin  de  ne  point  détourner  son  commis  qui  perd  beau- 
coup de  temps  pour  le  transport  des  papiers  en  différents 
bureaux. 

Après  dix-huit  années  de  service  sans  interruption 
dans  un  travail  continuel,  il  supplie  Votre  Grandeur 
de  lui  accorder  le  titre  d'écrivain  principal,  qui   n'est 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MAKINE  127 


point  imcompatible  à  son  emploi  et  l'attachera  plus 
particulièrement  atix  intérêts  du  roi  et  au  bien  du 
service.  Cette  dignité  le  mettroit  en  état  de  travailler 
avec  plus  d'ordre  dans  sa  gestion,  ayant  continuelle- 
ment à  traiter  avec  ceux  qui  ont  quelques  grades  dans 
la  marine.  M.  l'intendant  qui  connoît  l'étendue  de 
mon  travail  et  mon  assiduité  à  remplir  mes  devoirs 
peut  en  rendre  exempte.  J'ose  me  flatter  que  sou  témoi- 
gnage ne  peut  m'être  qu'avantageux. 

A  Paris,  ce  25  février  1755. 

Imbert. 


Monseigneur, 


M.  BRÉARD 

A  Québec,  le  13  août  1755. 


L'absence  de  M.  Bigot  (jui  est  à  Montréal  depuis  le 
30  juillet,  et  l'incertitude  où  je  suis,  si  les  lettres  qu'il 
m'a  adressées  pour  la  cour  et  que  j'ai  remises  au  capi- 
taine de  la  gabarre  du  roi  la  Macreme,  prête  à  faire 
voile  pour  Brest,  arriveront  à  bon  port,  me  font  prendre 
la  liberté  de  vous  adresser,  Monseigneur,  par  le  navire 
les  Deux  Frères  de  Saint- Yalléry,  capitaine  Elie,  expé- 
dié pour  la  Eochelle,  copie  des  pièces  que  M.  l'intendant 
m'a  envoyées  de  Montréal,  au  sujet  de  l'action  passée 
le  9  du  mois  dernier,  à  trois  lieues  du  fort  Duquesne, 
entre  un  parti  de  900  hommes,  dont  deux  cent  cin- 
quante sauvages,  sous  le  commandement  de  M.  de 
Beaujeu,  et  2,000  Anglois  faisant  partie  d'un  corps  de 
3,000  qui  venait  attaquer  ce  fort ,  M.  Bigot  me  marque. 
Monseigneur,  par  sa  lettre  du  7  du  courant,  de  faire 


128  EXTRAITS   DES  ARCHIVES 


monter  à  Montréal,  avec  toute  la  diligence  possible,  300 
habitants,  demandés  par  M.  de  Vaudreiiil  du  gouver- 
nement de  Québec,  et  50  de  celui  des  Trois-Eivières, 
pour  aller  faire  la  récolte  des  blés,  tous  les  hommes  du 
gouvernement  de  Montréal,  en  état  de  marcher,  ayant 
été  commandés  pour  défendre  les  approches  du  fort 
Saint-  Frédéric  aux  Anglois,  qui  y  marchent  avec  un 
corps  de  trois  mille  hommes  et  un  train  d'artillerie. 

Comme  le  salut  de  la  colonie  dépend  de  la  sûreté  de 
cette  récolte,  qu'on  pense  qui  sera  bonne,  je  n'ai  rien 
négligé  pour  seconder  le  zèle  de  M.  Bigot,  et  sa 
demande  a  été  remplie.  Il  est  à  craindre  que  les 
ennemis  avancent  assez  près  du  fort  pour  en  former  le 
siège,  qu'il  ne  soit  pris,  ses  ouvrages  étant  peu  en  état 
et  sa  garnison  foible. 

Les  mouvements  des  Anglois  à  Chouaguen  sont, 
Monseigneur,  très  considérables,  les  derniers  avis  reçus 
de  ce  poste  annoncent  qu'il  y  a  près  de  six  mille  hom- 
mes pour  le  garder  et  pour  s'opposer  aux  desseins  des 
François  de  ce  côté-là.  L'artillerie  ne  leur  manque  pas, 
ils  en  ont  jusques  sur  des  barques  qui  naviguent  sur 
le  lac  Ontario,  où  ils  ont  aussi  quantité  de  bateaux. 

L'armée  françoise  qui  s'est  formée  à  Montréal  est 
au-dessus  de  cinq  mille  hommes,  dont  la  plus  grande 
partie  est  filée  à  Niagara,  elle  est  assez  pourvue  du 
nécessaire  ;  je  n'ose  m'exposer  dans  le  détail  de  ses 
mouvements,  ne  m'étant  pas  assez  connu. 

Si  la  colonie  est  assez  heureuse.  Monseigneur,  pour 
éviter  la  prise  du  fort  Saint-Frédéric,  et  faire  quelque 
progrès  du  côté  de  Chouaguen,  elle  sera  à  couvert  pour 
cette  campagne  des  incursions  des  ennemis,  et  les  sau- 


J 


DU   MINISTÈRE   DE   LA   >LiRIXE  129 

vages  des  Cinq  Nations  se  décideront  sûrement  cet  hiver 
en  faveur  des  François  ;  et  d'autres  nations  suivront 
leur  exemple. 

L'escadre  de  M,  le  comte  Dubois  de  La  Motte 
s'étend  actuellement  de  l'Isle-aux-Coudres  aux  Pèle- 
rins, il  ne  reste  plus  dans  cette  rade  de  Québec  que  le 
vaisseau  l'Illustre,  et  la  frégate  la  Sirène  ;  le  premier 
doit  partir  incessamment  pour  se  rendre  à  l'escadre,  et 
la  Sirène  doit  rester  en  rade  jusqu'au  mois  d'octobre. 
Une  goélette,  partie  depuis  un  mois,  de  Louisbourg, 
rapporte,  par  un  de  ses  oflBciers,  arrivé  à  Québec  depuis 
deux  jours,  que  l'escadre  angloise  gardoit  toujours  sa 
même  croisière,  qu'il  la  croyait  forte  de  quinze  voiles. 

Le  peu  de  sauté  dont  je  jouis.  Monseigneur,  en 
Canada,  et  les  maladies  dangereuses  que  j'ai  essuyées 
depuis  que  j'y  suis,  ne  me  permettant  pas  d'y  continuer 
un  long  séjour  sans  courir  risque  de  perdre  la  vie,  j'ai 
pris  la  liberté  de  vous  deJiiander,  l'année  dernière,  un 
congé,  pour  passer  celle-ci  en  France,  afin  de  tenter, 
par  l'air  natal  et  le  secours  des  remèdes  que  je  ne  puis 
trouver  ici,  le  rétablissement  de  mon  tempérament,  usé, 
j'ose  le  dire,  par  les  veilles  qu'il  m'a  fallu  donner  pour 
l'arrangement  des  finances  de  la  colonie.  Comme  la 
saison  avance,  que  le  vaisseau  porteur  des  expéditions 
du  Canada  n'arrive  point,  et  que  ma  santé  ne  peut  se 
refaire,  je  vous  supplie  très  respectueusement.  Mon- 
seigneur, d'approuver  que  je  passe,  sous  le  congé  de 
M.  Bigot.  Je  serai  toujours  à  vos  ordres  pour  retourner 
prendre  mon  emploi  en  Canada,  si  mes  services  vous  y 
sont  agréables. 


130  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

M.    OLIVIER    DE    VÉZIN 
A  rislc-aux-Coudres  du  Canada,  le         bre  1755. 
Monseigneur, 

Dans  le  peu  de  séjour  que  j'ai  fait  au  Canada,  après 
y  avoir  terminé  les  affaires  qne  j'y  avois  relativement 
aux  forges  de  Saint-Maurice,  j'ai  cherché  à  m'instruire 
de  leur  état  actuel  qui  est  bien  fâcheux,  par  la  perte 
des  bois  que  l'on  y  a  faite  :  comme  je  dois  naturelle- 
ment m'intéresser  encore  à  cet  établissement,  puisqu'il 
est  mon  ouvrage,  je  crois  devoir,  Monseigneur,  en  ren- 
dre compte  à  Votre  Grandeur,  et  la  prévenir  qu'en 
suivant  plus  longtemps  l'exploitation  que  l'on  en  a 
faite  depuis  sa  rétrocession  jusqu'à  présent,  elle  le 
ruinera  à  un  point  qu'il  tombera  dans  peu  de  temps, 
en  pure  perte  au  roi. 

Pour  que  Sa  Majesté  ne  soit  pas  dans  le  cas  d'en 
courir  les  risques,  j'ai  offert  à  M.  l'intendant  de  cette 
colonie  de  faire  valoir  pour  mon  compte  ces  forges,  et 
lui  en  ai  remis  un  projet  en  conséquence  qu'il  doit, 
Monseigneur,  adresser  à  Votre  Grandeur.  Si  les  propo- 
sitions que  j'ai  l'honneur  d'y  faire  peuvent  convenir 
aux  intérêts  du  roi,  et  que  Sa  Majesté  veuille  bien 
me  conserver  le  titre  de  grand  voyer  de  la  province 
de  la  Louisiane,  sur  les  assurances.  Monseigneur,  que 
je  supplie  très  humblement  Votre  Grandeur,  de  m'en 
donner  au  plus  tôt,  je  repasserai  de  la  Nouvelle- 
Orléans  au  Canada  avec  ma  famille,  dès  l'année  pro- 
chaine, pour  en  examiner  de  plus  proche  la  possibilité, 
et  y  former  des  arrangements  à  pouvoir  eu  ]3reudre 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  131 

possession  le  plus  tôt  qu'il  sera  possible,  pour  qu'elles 
ne  périclitent  pas  davantage,  craignant  bien  que  deux 
à  trois  années  de  plus  d'exploitation  semblables  aux 
précédentes,  n'achèvent  de  les  mettre  hors  d'état  d'en 
tirer  partie. 

Je  vais  attendre  là-dessus  à  la  Louisiane  les  ordres 
de  Votre  Grandeur,  qu'il  est  essentiel  que  je  reçoive 
dans  le  courant  de  l'hiver  prochain,  pour  m'arranger 
en  conséquence,  soit  à  y  continuer  les  fonctions  de 
mon  emploi  de  grand  voyer,  soit  à  partir  par  le  pre- 
mier convoi  des  Illinois  pour  me  rendre  au  Canada, 
où  je  désire  donner  en  cette  occasion  des  marques  de 
mou  zèle  au  service  de  Sa  Majesté,  soit  en  exploitant 
les  forges  pour  mon  compte  ou  les  faisant  valoir  pour 
celui  du  roi  en  qualité  de  son  directeur,  comme  il 
plaira  à  Votre  Grandeur,  pourvu  qu'elle  veuille  bien 
m'en  procurer  la  commission  du  roi  avec  des  appointe- 
ments convenables,  auxquels  je  renoncerai,  si  je  ne 
parvenois  pas  à  remettre  cet  établissement  sur  le  pied 
où  il  doit  être,  et  à  faire  rendre  à  ces  forges  un  béné- 
fice à  pouvoir  les  soutenir,  ce  dont  je  me  flatte  en  y 
travaillant  comme  pour  moi,  pourvu  que  je  sois  libre 
d'en  former  les  dispositions  à  mon  gré.  Pour  être  tenu 
de  rendre  d'autre  compte  que  celui  des  fonds  que  j'y 
emploierai  et  de  leur  produit,  ne  demandant  même  à 
Votre  Grandeur  d'autres  appointements  que  la  moitié 
du  bénéfice  que  j'espère,  tous  frais  faits  de  la  dite 
exploitation,  avec  cent  vingt  mille  francs  de  fonds,  au 
plus,  que  Sa  Majesté  s'obligera  à  me  fournir,  ne  pré- 
tendant point  cependant  me  soustraire  à  l'autorité  de 
monsieur  l'intendant  que  je  respecte  trop  pour  ne  pas 


132  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

lui  rendre  compte  de  toutes  mes  opérations  fondées  sur 
l'expérience  de  plus  de  vingt  années  de  pareille  exploi- 
tation. 

Dans  le  cas  où  il  plaise,  Monseigneur,  à  Votre  Gran- 
deur, me  faire  parvenir  ses  ordres  pour  me  rendre  au 
Canada,  je  la  supplie  très  humblement  de  prescrire  à 
Messieurs  les  gouverneur  et  commissaire-ordonnateur 
à  la  Louisiane  de  me  favoriser  à  me  rendre  aux  Illinois, 
ce  sera  un  voyage  pour  moi  extrêmement  coûteux  et 
peu  dispendieux  pour  le  roi,  en  me  donnant  seulement 
un  bateau  armé  de  troupes  pour  m'y  conduire,  et  des 
rations  pour  moi  et  ma  famille. 


M.    LE    CHEVALIER    LE    MERCIER 

A  Québec,  le  20  octobre  1755. 

Artillerie    et    ustensiles    à    envoyer    de 

France. 
Nécessité  d'augmenter  la  compagnie  des 


canonniers. 


Monseigneur, 


D'envoyer  des  mineiirs  et  iin  motdeur  en 
poterie  pottr  les  forges  de  Saint-Mau- 
rice. 


J'ai  l'honneur  de  vous  adresser,  ci-joint,  l'état  des 
munitions  et  ustensiles  d'artillerie  qu'il  serait  néces- 
saire d'envoyer  de  France  ;  cet  état.  Monseigneur,  est 
la  récapitulation  de  tous  les  autres,  pour  les  articles 
qu'on  ne  peut  tirer  de  la  colonie.  Je  peux  vous  assurer, 


DU    MINISTÈRE    DE    L.V    MA.RINE  133 

Monseigneur,  qu'il  n'y  en  a  pas  un  qui  ne  soit  très 
utile,  mais  les  indispensables  sont  les  mortiers,  bombes, 
boulets,  balles,  cornes  d'amorce  ;  et  à  miliciens  fusils, 
pierres,  mèches,  poudre  de  guerre,  papiers  à  gargousses 
et  à  cartouches.  Si  ce  sont  les  indispensables,  ils  sont 
aussi  les  plus  considérables.  J'espère,  Monseigneur, 
que  lorsque  vous  les  aurez  examinés,  vous  approuverez 
mes  demandes,  et  que  vous  donnerez  vos  ordres  pour 
que  le  tout  nous  parvienne  par  les  premiers  vaisseaux. 
Si  cependant,  Monseigneur,  il  y  avoit  quelques-uns  de 
ces  articles  qu'on  ne  pût  pas  remplir  d'abord,  je  vous 
supplie  de  vouloir  bien  ordonner  qu'il  soit  envoyé  un 
état  des  choses  sur  lesquelles  nous  pourrons  compter, 
pour  qu'en  conséquence  on  puisse  faire  en  son  t^mps 
les  envois  à  leurs  destinations.  Loin  d'être  à  même  de 
le  faire.  Monseigneur,  si  nous  étions  privés  de  vos 
ordres  et  de  vos  intentions,  nous  serions  dans  l'obliga- 
tion de  faire  descendre  du  fort  Frontenac,  partie  de  ce 
qui  y  a  été  envoyé  ;  et  pour  lors  il  n'y  auroit  plus  à 
penser  à  l'entreprise  projetée. 

Vous  approuverez.  Monseigneur,  dans  la  demande 
des  mortiers  la  différence  des  chambres  de  ceux  qui  sont 
destinés  pour  Québec  ou  pour  Montréal  ;  les  premiers 
devant  inquiéter  les  vaisseaux,  il  est  de  conséquence 
que  la  portée  des  bombes  soit  bien  plus  consiaérable, 
que  ceux  qui  sont  destinés  pour  être  transportés  et 
pour  les  sièges. 

Vu  Vaudreuil, 


134 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


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138  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


Joint  à  la  lettre  du  chevalier  Le  Mercier  du  21  octobre  1755. 

M.    LE    CHEVALIER   LE    MERCIER 

A  Québec,  le  20  octobre  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser,  ci-joint,  l'état  des 
munitions  qui  étoient  effectives,  au  fort  Saint-Frédéric, 
le  12  de  septembre  dernier.  Je  n'estime  pas,  Monsei- 
gneur, que  ce  fort  par  rapport  à  lui-même  soit  suscep- 
tible d'autre  artillerie  ;  j'ai  l'honneur  de  vous  représenter 
que  si  jamais  il  est  attaqué,  l'officier  d'artillerie  qui  y 
sera,  y  jouera  un  fort  vilain  rôle,  d'autant  qu'il  ne  sera 
pas  possible  de  servir  les  pièces  qui  seront  à  l'en- 
ceinte ;  les  parapets  n'ont  que  deux  pieds  et  demi 
d'épaisseur.  La  maçonnerie  ne  pourroit  soutenir  le 
choc  du  boulet  ;  et  les  éclats  des  pierres  détruiroient 
autant  de  canonniers  qu'on  y  en  mettroit. 

La  redoute,  Monseigneur,  n'étant  pas  flanquée,  n'est 
plus  susceptible  d'une  bonne  défense,  partie  des  pièces 
ne  pourroient  tirer  n'ayant  pas  assez  de  commande- 
ment sur  l'enceinte,  celles  qui  sont  à  l'étage  supérieur 
seroient  démontées  très  vite. 

L'épaisseur  du  mur  qui  forme  le  mâchicoulis  n'étant 
que  de  sept  à  huit  pouces. 

On  vous  aura  également  informé.  Monseigneur,  de 
la  position  de  ce  fort,  du  commandement  du  Rocher, 
de  la  facilité  que  les  assiégeants  auroient  à  former 
leurs  attaques  et  à  mettre  leurs  canons  en  batterie, 
sans  être  incommodés  de  celui  du  fort. 


DU    MINISTÈRE   DE   LA.    MARINE  139 

Mon  intention,  Monseigneur,  n'est  point  de  faire  la 
critique  de  ce  poste,  mais  je  croirois  manquer  à  ce  que 
je  vous  dois  et  à  moi-même,  si  je  ne  vous  en  rendois 
compte  ;  au  surplus,  Monseigneur,  je  peux  vous 
assurer  que  malgré  ses  désavantages,  nous  ferons  de 
notre  mieux  chacun  dans  notre  particulier  pour  con- 
courir à  la  gloire  des  armes  du  roi. 

Le  zèle  que  j'ai  reconnu  dans  MM.  de  Fiedmont  et 
Lusignan  me  fait  beaucoup  espérer  de  ces  officiers. 


M.    LE    CHEVALIER    LE    MERCIER 

A  Québec,  le  20  8bre  1755, 
Monseigneur, 

Les  entreprises  des  Auglois  du  côté  du  lac  Saint- 
Sacrement,  leur  établissement  sur  ce  lac,  le  projet 
qu'ils  avoient  formé  d'attaquer  le  fort  Saint-Frédéric,  et 
d'établir  le  lac  Champlain  ont  été.  Monseigneur,  autant 
de  motifs  pour  s'attacher  à  défendre  cette  partie. 

M.  de  A^'audreuil  ayant  été  informé  de  la  position 
désavantageuse  du  fort  Saint-Frédéric,  a  fait  travailler 
à  des  camps  retranchés,  et  m'a  ordonné  d'envoyer  pour 
cette  partie  l'artillerie  dont  je  joins  ici  l'état. 

L'avantage,  Monseigneur,  qu'on  espère  en  retirer 
sera  :  1°  La  défense  des  lignes  ;  2"^  l'inquiétude  que 
cela  donnera  aux  Anglois  pour  leur  établissement  du 
lac  Saint-Sacrement  ;  les  ressources  qu'on  en  retireroit 
s'ils    venoient  à  forcer    les   camps   retranchés    et   à 


140  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

s'emparer  de  Saint-Frédéric.  J'espère  toutefois  que 
cela  n'arrivera  pas,  mais  il  faut,  à  la  guerre,  se  préparer 
à  tout  événement. 

Les  affûts  ne  pourront  être  finis  que  dans  le  cours  de 
l'hiver,  n'ayant  pas  actuellement  les  bois  nécessaires  ; 
je  ferai  en  sorte,  Monseigneur,  que  tous  ces  ustensiles 
soient  solidement  construits,  et  que  tous  soient  rendus 
à  leur  destination  à  la  fonte  des  glaces.  Pour  ce  qui 
est  des  canons,  on  va  les  mener  incessamment  à  Cham- 
bly  afin  de  les  passer  pendant  l'hiver  au  fort  Saint- 
Jean. 


M.    LE    CHEVALIER   LE   MERCIER 

A  Québec,  le  20  octobre  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser,  ci-joint,  l'état  des 
munitions  qui  sont  effectives  à  Québec,  et  celui  de  ce 
qui  est  nécessaire  pour  cette  place. 

J'ai  eu  égard.  Monseigneur,  en  formant  ce  dernier, 
aux  ressources  que  nous  pouvons  tirer  de  la  colonie 
pour  les  différentes  voitures,  et  j'ai  donné  toute  mon 
attention  pour  concilier  l'économie,  sans  toutefois  qu'elle 
soit  préjudiciable  à  l'honneur  des  armes  du  roi. 

J'ai  fait.  Monseigneur,  un  relevé  des  articles  de  ce 
mémoire  pour  toutes  les  choses  qui  nous  doivent  venir 
de  France,  et  nous  espérons  que  vous  ordonnerez 
qu'elles  puissent  nous  parvenir  par  les  premiers  vais- 
seaux, d'autant  que,  si  les  Auglois  prévenoient  leur 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  141 

arrivée,  la  colonie  se  trouveroit  dans  une  position  des 
plus  tristes. 

Pour  ce  qui  est,  Monseigneur,  de  tout  ce  qu'il  est 
possible  d'exécuter  dans  la  colonie,  nous  ne  perdrons 
pas  un  instant  pendant  l'hiver. 

Les  batteries  de  cette  ville  étoient  totalement  ruinées, 
les  plates-formes  pourries,  partie  des  affûts  dans  le 
même  état.  Nous  réparons  actuellement  les  batteries 
Royale  et  Dauphine  ;  il  a  fallu  refaire  à  neuf  le  quai 
de  cette  dernière,  les  bois  qui  en  forment  le  revêtement 
étant  totalement  pourris. 

Toutes  les  batteries  de  la  basse  ville.  Monseigneur, 
sont  si  près  des  maisons,  qu'il  seroit  dangereux  de  les 
servir  à  cause  des  éclats  ;  mais  si  l'ennemi  vient,  on 
préviendra  cet  inconvénient  en  les  abattant.  Elles  sont 
très  exposées  à  être  tournées  ;  et  si  l'ennemi  s'emparoit 
de  la  basse-ville  qui  est  ouverte  de  toute  part,  il  n'est 
pas  douteux,  qu'il  se  saisiroit  bien  vite  des  canons,  et 
les  rendroit  hors  de  service.  Il  a  été  de  tous  les  temps, 
Monseigneur,  proposé  de  faire  une  batterie  à  la  pointe 
à  Carcy,  cet  endroit  est  si  avantageux  qu'il  n'échappe 
point  aux  personnes  qui  ont  la  mqindre  teinture  de 
l'attaque  des  places  ;  et  c'est  dans  l'espérance  que  vous 
en  ordonnerez  la  construction  que  je  demande  dix 
pièces  de  canon  de  36  livres  de  balles.  Il  arrive.  Mon- 
seigneur, que  dans  les  forges,  en  coulant  les  pièces,  il 
s'en  trouve  qui  sont  chargées  de  métal,  ou  qui  auront 
le  calibre  un  peu  trop  fort  ou  trop  faible  ;  ces  défauts 
qui  les  font  rebuter  pour  les  vaisseaux,  ne  seroient  pas 
suffisants  pour  les  rendre  inutiles  à  terre,  et  il  ne  seroit 
question  que  de  couler  des  boulets  proportionnés  aux 


1-42  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

calibres  des  pièces  ;  ainsi,  Monseigneur,  s'il  n'y  a  pas 
possibilité  d'en  envoyer  d'autres,  nous  ferons  usage  de 
ces  derniers. 

Vous  verrez  par  les  états,  que  la  colonie  se  trouve 
également  dénuée  de  balles,  boulets  et  de  fusils.  Ce 
sont  toutes  choses,  Monseigneur,  indispensables  pour 
faire  la  guerre, 

La  quantité  de  poudre  que  nous  avons  n'est  pas 
suffisante  à  beaucoup  près,  et  il  pourroit  arriver  qu'il 
ne  fût  pas  possible  par  la  suite  d'en  faire  parvenir.  Je 
n'en  demande.  Monseigneur,  que  200  milliers,  m'étant 
restreint  à  l'indispensable,  mais  s'il  y  avoit  de  la  possi- 
bilité d'en  envoyer  plus,  ce  seroit  autant  de  rendu,  et 
la  consommation  annuelle  en  est  si  forte  que,  si  ce 
secours  nous  manquoit,  il  seroit  impossible  de  faire  la 
moindre  entreprise.  Vous  serez  peut-être  surpris,  Mon- 
seigneur, du  peu  de  boulets  que  nous  avons  ici  relati- 
vement aux  états  des  années  précédentes,  et  à  l'envoi 
de  cette  année.  J'aurai  l'honneur  de  vous  observer 
qu'ils  ont  été  portés  au  fort  Frontenac  pour  être 
employés  à  l'entreprise  projetée  comme  vous  le  verrez 
par  l'état  N°  8.    . 

On  vous  fera  peut-être  remarquer,  Monseigneur,  que 
les  affûts  de  campagne  sont  innovation,  et  qu'ils  occa- 
sionnent de  la  dépense,  mais  je  peux  vous  assurer 
qu'ils  sont  indispensables  pour  le  transport  des  pièces  ; 
qu'il  en  est  nécessaire  pour  toute  l'artillerie,  destinée  à 
la  défense  des  lignes,  à  celle  qui  doit  soutenir  des 
troupes  et  généralement  pour  toutes  les  sorties.  Aussi 
les  pièces  de  12  sont  le  calibre  où  j'en  emploie  le 
plus. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  1-43 

Les  différentes  démarches  des  Anglois,  Monseigneur, 
nous  sont  de&  preuves  convainquantes  de  leur  desseins 
ambitieux,  et  vont  occasionner  beaucoup  de  dépenses 
pour  rendre  leurs  entreprises  inutiles  ou  du  moins  très 
difficiles. 

Le  grand  nombre  d'hommes  dont  ils  peuvent  faire 
usage  relativement  à  nous,  ne  nous  permettrait  rien 
d'avantageux  si  l'industrie  et  la  valeur  ne  nous  eu 
tenoient  lieu.  Xous  allons  donc,  Monseigneur,  faire 
tous  nos  efforts  dans  la  partie  qui  nous  concerne,  et 
j'ai  tout  lieu  de  me  promettre  d'être  parfaitement 
secondé  par  MM.  de  Fiedmont  et  Lusignan  ;  ce  sont  des 
officiers  fort  intelligents  et  pleins  de  zèle,  et  il  seroit  à 
souhaiter  pour  le  bien  du  service  qu'il  y  en  eût  encore 
trois  de  cette  espèce,  n'étant  pas  possible  qu'avec  trois 
officiers  d'artillerie,  l'on  puisse  vaquer  au  service  des 
différents  postes  et  remplir  tous  les  détails  dont  l'artil- 
lerie est  susceptible. 

Vous  verrez.  Monseigneur,  par  l'état  ci-joint.  No,  4, 
le  lieu  où  sont  les  pièces  de  canon,  et  par  celui  Xo.  5, 
leur  destination  par  batterie  et  le  nombre  qu'il  seroit 
nécessaire  d'envoyer  de  France  pour  les  garnir. 

Vu  Vaudreuil. 


144  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

M.    LE    CHEVALIER    LE    MERCIER 

A  Québec,  le  20  S^re  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte,  qu'étant  sur 
le  point  de  partir  de  Montréal  pour  le  siège  de  Choua- 
guen,  je  parlai  à  M.  l'intendant  à  l'occasion  de  ce  que 
le  roi  accorde  en  France  pour  mettre  chaque  pièce  de 
canon  en  batterie,  ainsi  que  pour  la  subsistance  des 
dites  pièces  pendant  le  siège, 

M.  Bigot,  Monseigneur,  n'a  rien  voulu  régler  à  cette 
occasion  sans  en  avoir  reçu  vos  ordres  ;  j'ai  l'honneur 
de  vous  supplier  de  la  part  des  officiers  d'artillerie  de 
la  colonie  de  vouloir  bien  leur  être  favorable  dans 
votre  décision. 

J'aurai  l'honneur  de  vous  observer.  Monseigneur, 
qu'il  n'est  point  de  corps  en  Canada  qui  ait  servi  avec 
plus  de  distinction,  et  qui  soit  plus  réguliètement 
employé  dans  toutes  les  campagnes.  Le  petit  nombre 
d'officiers  les  rend  continuellement  de  service,  et  ils 
ont  les  fatigues  sans  pouvoir  participer  aux  grâces  du 
roi,  puisqu'ils  se  trouvent,  par  leur  utilité,  privés  de 
pouvoir  aspirer  aux  postes  qui  sont  la  ressource  des 
officiers  ;  ils  sont  obligés  à  plus  de  dépenses  que  les 
autres,  étant  contraints  de  résider  dans  les  villes,  lors- 
qu'ils ne  sont  pas  dans  les  partis,  et  cependant  leurs 
appointements,  à  l'exception  de  l'enseigne,  sont  les 
mêmes  que  ceux  des  officiers  des  autres  compagnies  ;  à 
la  vérité  le  commandant  d'artillerie  jouit  de  quelques 
petits  émoluments  attachés  à  l'emploi,  qui  sont  si  peu 


DU   MNISTÈRE   DE   LA    MARINE  145 

de  chose,  qu'il  ne  pourroit  vivre  si  son  industrie  et 
les  secours  qu'il  tire  de  sa  famille,  ne  lui  fournissoient 
des  ressources.  Permettez-moi,  Monseigneur,  de  vous 
observer  que  le  roi  y  gagneroit  à  leur  faire  un  état  qui 
les  mît  à  même  de  n'être  uniquement  occupés  de  leur 
service,  la  moindre  négligence  de  leur  part  entraînant 
des  dépenses  bien  plus  considérables  que  celles  des 
augmentations  d'appointements  ou  gratifications  qu'il 
vous  plairoit  de  leur  accorder. 

J'espère,  Monseigneur,  que  vous  voudrez  bien  avoir 
égard  aux  demandes  que  j'ai  l'honneur  de  vous  faire 
pour  les  officiers  de  la  compagnie,  d'autant  que  je  suis 
persuadé  que  MM.  de  Yaudreuil  et  Bigot  vous  rendront 
des  témoignages  qui  leur  seront  avantageux. 

Je  me  flatte  aussi.  Monseigneur,  que  vous  regarderez 
ce  corps  avec  complaisance  et  que  vous  lui  accorderez 
votre  protection. 


M.    LE    CHEVALIER    LE   MERCIER 

A  Québec,  le  20  octobre  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser,  ci-joint,  l'état  de 
l'artillerie  envoyée  cette  année  au  fort  Frontenac,  tant 
pour  l'entreprise  qui  avoit  été  projetée  que  pour  l'ar- 
mement des  barques  du  lac  Ontario. 

On  avoit.  Monseigneur,  précédemment  fait  passer 
six  canons  de  douze  livres  de  balles,  ce  qui  composoit 
trente  pièces  de  canons  destinés  pour  le  siège. 
10 


146  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


Vous  verrez,  Monseigneur,  d'un  coup  d'œil,  tout  ce 
■qui  était  destiné  pour  cette  entreprise,  il  vous  sera  aisé 
d'apercevoir  les  difficultés  que  nous  aurions  eues  à 
vaincre  pour  les  transports,  n'ayant  aucuns  chevaux 
pour  mener  les  pièces  en  batterie  ainsi  que  les  muni- 
tions; malgré  cela  je  m'étois  personnellement  chargé 
■de  toutes  les  opérations,  et  j'espérois  surmonter  les 
obstacles. 

J'aurai  cependant  l'honneur  de  vous  observer.  Mon- 
seigneur, que  si  cette  entreprise  a  lieu  le  printemps 
prochain,  que  toutes  nos  pièces  seront  sur  affûts  de 
campagne;  le  service  en  étant  bien  plus  facile  pour 
les  sièges  ;  je  ferai  également  en  sorte  de  faire  passer 
<les  chevaux,  pour  moins  fatiguer  l'armée,  qui  aura  par 
elle-même  assez  de  travaux  pour  construire  les  lignes 
de  circonvallation,  de  contrevallation,  faire  les  travaux 
ordinaires  des  lignes  et  des  sièges. 

Je  doute  cependant,  Monseigneur,  qu'à  moins  qu'il 
nous  vienne  des  secours  de  France,  que  nous  puissions 
faire  autre  chose  que  d'être  sur  la  défensive.  .  Nous 
n'avons  aucune  connoi.^sance  exacte  de  ce  que  les 
Anglois  y  ont  fait  tout  l'été  ;  il  paroîtroit  cependant 
qu'ils  ont  eu  en  vue  de  rendre  ce  fort  respectable  par  la 
quantité  d'hommes  qu'ils  ont  employés  à  le  retrancher. 

Je  suis  bien  persuadé,  Monseigneur,  que  M.  de 
A^audreuil  mettra  tout  en  usage  pour  avoir  une  connois- 
sance  parfaite  de  tout  ;  ce  sera  en  conséquence  que 
l'on  prendra  les  arrangements  les  plus  réfléchis  et  les 
mesures  les  plus  justes  pour  le  succès  de  l'entreprise. 

Les  connoissances  que  j'ai  du  local,  n'ont  pas  peu 
contribué  à  me  faire  oser  me  charger  de  la  conduite  de 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  147 

toutes  munitions,  et  il  n'est  point  d'officier  d'artillerie 
accoutumé  à  servir  dans  les  armées  d'Europe,  qui  n'eût 
regardé  la  chose  comme  presque  impossible  ;  l'envie 
que  j'avois,  Monseigneur,  de  pouvoir  contribuer  au 
salut  de  la  colonie  et  à  la  gloire  des  armes  du  roi 
m'avoit  suggéré  les  expédients  dont  j'aurois  fait  usage. 
Vous  pouvez  être  persuadé,  Monseigneur,  que  si 
cette  entreprise  a  lieu,  que  je  ne  négligerai  rien  de  tout 
ce  qui  dépendra  de  moi,  et  que  s'il  est  nécessaire  de 
me  rendre  cet  hiver  sur  les  glaces  au  fort  Frontenac, 
je  l'entreprendrai.  M.  de  Fiedmont,  lieutenant  de  la 
compagnie  des  canonniers  bombardiers,  y  est  allé  pour 
di-esser  des  états  de  tout  ce  qui  y  est  rendu,  et  de  la 
quantité  de  chaque  chose  ;  ne  pouvant  pas  se  flatter 
qu'il  n'y  en  ait  pas  eu  de  perdu,  ou  de  mis  hors  de 
service  dans  les  rapides  de  la  rivière  de  Cataraqui. 


A  Québec,  le  20  octobre  1755. 

Monseigneur, 

Aussitôt  mon  retour  de  l'action  passée  au  lac  Saint- 
Sacrement,  le  8''  7^"^  dernier,  j'ai  travaillé  à  prendre 
toutes  les  connoissances  de  l'état  actuel  de  l'artillerie 
de  la  colonie  ;  j'en  ai  dressé  les  états  cottes  depuis  No.  1 
jusqu'à  12. 

Je  comptois.  Monseigneur,  les  envoyer  à  ^1.  le 
marquis  de  Vaudreuil,  pour  qu'il  pût  les  examiner,  y 
ajouter  ou  retrancher  ce  qu'il  estimeroit  nécessaire, 
mais  le  départ  de  la  frégate  du  roi,  la  Fidèle,  a  déter- 


148  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

miné  M,  Bigot  de  m'engager  à  vous  les  envoyer  pour 
que  vous  puissiez,  Monseigneur,  avoir  le  temps  d'or- 
donner et  de  faire  exécuter  les  différents  articles 
demandés  à  l'état  No.  12. 

J'enverrai,  Monseigneur,  par  le  premier  courrier  qui 
partira  pour  Montréal,  à  M.  de  Vaudreuil,  des  copies 
des  dits  états,  ainsi  que  des  lettres  que  j'ai  l'honneur 
de  vous  écrire,  pour  qu'il  puisse  examiner  le  tout,  et 
que  les  duplicatas  vous  soient  envoyés,  visés  de  ce 
général,  par  la  frégate  du  roi,  la  Sirène. 

Je  suis  bien  persuadé  qu'il  ne  trouvera  aucun  chan- 
gement à  y  faire  ;  si  cependant  cela  arrivoit,  j'aurai 
l'honneur  de  vous  en  rendre  compte  et  exécuterai  en 
tout  les  ordres  de  ce  général. 

Le  chevalier  Le  Mercier. 


A  Québec,  le  20  S^re  1755.    . 
Monseigneur, 

J'ai  l'honneur  de  vous  envoyer,  ci-joint,  l'état  actuel 
des  armes  qui  sont  à  la  salle  de  Québec  ;  vous  y  aper- 
cevrez. Monseigneur,  le  grand  nombre  qui  a  été  mis 
hors  de  service  par  l'incendie  du  7  juin  dernier  et  le 
mauvais  état  où  elle  se  trouve  présentement  ;  le  peu 
qui  en  reste  dans  la  colonie,  et  l'importance  dont  il  est 
d'en  envoyer. 

J'espère,  Monseigneur,  qu'à  la  fin  de  l'hiver  j'aurai 
fait  rétablir  les  1,231  qui  sont  au  radoub,  et  partie  de 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  149 

celles  qui  sont  à  remonter,  ce  qui  fera  près  de  3,000 
fusils. 

Montréal,  Monseigneur,  comme  vous  le  verrez  aux 
états  de  cette  place,  en  est  totalement  dénué,  et  je 
m'attends  journellement  que  M.  le  marquis  de  Yau- 
dreuil  m'ordonnera  d'y  en  envoyer. 

J'ai  l'honneur  de  vous  prévenir  qu'il  y  a  très  peu  de 
fond  à  faire  sur  les  armes  des  habitants  qui,  lorsqu'ils 
viennent  pour  le  service,  se  présentent  toujours  avec 
des  fusils  si  mauvais  qu'on  est  dans  l'obligation  de  leur 
en  donner. 

L'inconvénient,  en  outre  des  fusils  des  Canadiens,  est 
la  différence  de  leurs  calibres,  de  façon  que  dans  les 
distributions  des  balles,  les  trois-quarts  sont  obligés  de 
les  diminuer  avec  leurs  couteaux,  opération  qui  ne 
peut  avoir  lieu  lorsqu'on  est  à  l'avant  de  l'ennemi  ; 
cependant  on  est  journellement  obligé  d'y  distribuer 
des  balles.  • 

J'aurai  également  l'honneur  de  vous  observer  que 
jusqu'à  présent  les  Canadiens  ont  toujours  préféré  les 
fusils  Tulle  de  chasse,  à  causa  de  leur  légèreté  ;  mais 
il  seroit  nécessaire  que  ces  mêmes  fusils  eussent  chacun 
une  baïonnette  ;  cette  arme  étant,  sans  contredit,  la 
meilleure,  soit  pour  défendre  un  retranchement  ou 
pour  le  forcer,  je  ne  voudrois  pas  pour  cela  qu'on 
retranchât  le  casse-tête  à  cause  de  son  utilité  dans  les 
marches  pour  les  campements. 

Il  n'est  point  de  pays.  Monseigneur,  où  il  se  con- 
somme autant  de  fusils  que  dans  cette  colonie,  par 
rapport  aux  sauvages,  étant  d'usage  de  les  armer  chaque 
fois   qu'on  les  fait  marcher  ;  il   n'est    pas  également 


150  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


possible  de  remédier  à  l'abus  qui  se  glisse  en  changeant 
leur  fusil  ;  beaucoup  d'habitants  se  servent  de  ce 
moyen  pour  se  défaire  de  ceux  qui  ne  valent  rien. 

Il  est  certain,  Monseigneur,  que  si  la  guerre  continue 
dans  cette  colonie,  on  peut  s'attendre  à  une  très 
grande  consommation  de  fusils,  et  que,  si  malheureuse- 
ment on  se  trouvoit  dans  l'impossibilité  d'en  fournir 
aux  sauvages,  on  les  verroit  bientôt  abandonner  les 
François  pour  se  jeter  du  côté  des  Anglois.  Cet  article 
et  celui  de  notre  poudre,  sont  ceux  qui  nous  les 
attachent  davantage. 

Le  CHEVALIER  Le  Mercier. 


A  Québec,  le  20  8bre  1755. 
Monseigneur, 

• 

J'ai  l'honneur  de  vous  adresser  l'état  de  l'artillerie 
de  la  ville  de  Montréal,  et  le  projet  de  ce  qui  seroit 
nécessaire  pour  mettre  cette  place  à  l'abri  d'un  coup 
de  main. 

Vous  trouverez  peut-être,  Monseigneur,  que  je 
demande  beaucoup  de  canons,  mais  j'aurai  l'honneur 
de  vous  observer  qu'ils  sont  absolument  nécessaires 
pour  garnir  les  embrasures  de  chaque  flanc  ;  l'enceinte 
n'est  pas  susceptible  de  soutenir  un  siège,  et  il  n'est 
pas  probable  que  les  Anglois  puissent  l'entreprendre 
de  longtemps. 

Il  s'agit  donc,  Monseigneur,  de  se  garantir  d'une 
attaque  brusque,  et  pour  cet  effet,  il  faut  que  chacun 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  151 

des  côtés  de  la  place  soit  également  mimi.  Cette 
artillerie,  d'ailleurs,  en  imposeroit  aux  sauvages,  et  l'on 
sera  à  même,  au  moyen  des  pièces  qui  seront  montées 
sur  des  affûts  de  campagne,  de  pouvoir  les  transporter 
d'un  instant  à  l'autre  aux  différents  forts  que  l'on  con- 
struira dans  les  paroisses  voisines,  si  les  Cinq  Nations 
nous  déclaroient  la  guerre. 

Pour  ce  qui  est  des  mortiers,  Monseigneur,  ils  nous 
sont  absolument  nécessaires,  d'autant  que  si  nous 
voulons  attaquer  les  Anglois  et  les  débusquer  de  leurs 
retranchements,  soifc  à  Chouaguen  ou  sur  le  lac  Saint- 
Sacrement,  ils  sont  indispensables.  Les  obus  sont 
demandés  pour  la  même  fin. 

Vous  apercevrez,  Monseigneur,  la  nécessité  d'avoir 
toujours  à  Montréal  un  nombre  de  fusils  en  magasin, 
tant  pour  la  défense  que  pour  en  fournir  à  un  détache- 
ment qu'on  voudroit  faire  partir  sur  le  champ  ;  c'est 
dans  cette  vue  que  vous  trouverez  les  petits  tulles  de 
chasse  ;  à  l'égard  des  fusils  de  traite  la  consommation 
en  sera  journalière,  tant  pour  les  présents  des  sauvages, 
que  pour  armer  ceux  des  nations  qui  iront  en  guerre 
sur  r  Anglois. 

On  est,  Monseigneur,  comme  vous  le  savez,  dans 
l'usage  de  leur  donner  des  fusils  chaque  fois  qu'on  les 
emploie,  malgré  cela  ils  se  servent  de  toutes  sortes  de 
stratagèmes  pour  en  avoir  deux  fois.  J'ai  l'honneur 
aussi,  de  vous  prévenir.  Monseigneur,  qu'il  est  bien  de 
conséquence  d'envoyer  des  cornes  pour  contenir  la 
poudre  de  nos  miliciens  ;  mais  il  serait  nécessaire  de 
les  faire  revoir,  pour  voir  si  elles  sont  bien  vides,  et 
si  elles   contiennent   une  livre  de    poudre    chacune  ;, 


152  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

d'autant  que  celles  qui  sout  arrivées  cette  année  sont 
totalement  inutiles. 

Je  donnerai,  Monseigneur,  tous  mes  soins  pour  faire 
accomplir  pendant  l'hiver  tous  les  articles  de  l'état  qui 
ne  sont  point  compris  dans  celui,  cotté  No,  12,  qui  ren- 
ferme les  munitions  que  nous  espérons  que  vous  voudrez 
bien  ordonner  qui  nous  soient  envoyées  de  France. 

Je  me  flatte  également.  Monseigneur,  que  vous  aper- 
cevrez la  demande  que  je  fais  d'un  magasin  aux 
poudres,  et  d'un  bâtiment  pour  servir  d'arsenal,  puis- 
qu'ils contribueront  à  la  conservation  des  munitions  de 
toutes  espèces,  et  qu'il  en  doit  résulter  par  la  suite,  de 
l'économie,  sans  quoi  tout  périroit,  et  au  bout  de  quatre 
à  cinq  ans,  les  dépenses  tomberoient  à  pure  perte. 

Il  n'y  a  dans  cette  ville  qu'un  seul  maître  canon- 
nier,  et  des  canonniers  de  milice,  lesquels  n'ont  pu  être 
exercés  depuis  trois  années,  par  le  petit  nombre 
d'officiers  d'artillerie,  tous  étant  employés  dans  les 
postes  de  l'Acadie,  Belle-Rivière,  Saint-Frédéric  et 
fort  Frontenac.  Il  seroit  cependant  bien  nécessaire, 
Monseigneur,  qu'on  pût  les  former  ;  de  leur  capacité 
s'en  suit  l'économie  des  munitions,  le  progrès  des 
entreprises,  et  ce  qui  est  encore  de  plus  précieux  la 
conservation  des  sujets  du  roi. 

Le  chevalier  Le  Mercier. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  153 

Joint  à  la  lettre  du  chevalier  Le  Mercier,  du  20  8bre  1755. 
MÉMOIRE    SUR    L'aRTILLERIE   DU   CANADA 

Les  difficultés  que  les  Anglois  paroissoient  avoir  à 
transporter  de  l'artillerie  pour  attaquer  les  différents 
postes  que  nous  occupons  dans  les  pays  d'en  haut, 
avoient  déterminé  les  ingénieurs  de  construire  des 
forts  en  pieux,  ou  avec  de  simples  enceintes  de 
murailles  si  foibles  par  leur  épaisseur  qu'elles  pouvoient 
plutôt  être  regardées  comme  des  murs  de  clôture  que 
pour  des  pièces  de  fortification. 

Les  officiers  d'artillerie  n'avoient  également  envoyé 
dans  tous  les  petits  forts,  que  des  pièces  de  très  petit 
calibre,  dans  la  vue  d'épouvanter  les  sauvages,  et 
garantir  ces  postes  d'une  attaque  brusque. 

Aujourd'hui  les  objets  semblent  totalement  changés 
de  face,  par  le  genre  d'attaque  que  les  Anglois  parois- 
sent  projeter,  ou  tout  au  moins  par  celui  qu'ils  peuvent 
exécuter,  ëoit  à  la  Belle-Eivière,  Xiagara,  fort  Fron- 
tenac, à  Saint -Frédéric,  Chambly  et  même  à  Montréal, 
s'ils  avoient  une  campagne  heureuse. 

On  n'ignore  pas  la  différence  des  forces  que  l' Anglois 
peut  mettre  sur  pied  dans  la  Nouvelle- Angleterre,  avec 
celles  que  l'on  peut  tirer  de  la  colonie  ;  leur  heureuse 
position  d'Orange  ;  pour  donner  également  de  l'inquié- 
tude à  tout  ce  que  nous  occupons  sur  le  lac  Ontario, 
et  sur  le  lac  Champlain  ;  la  nécessité  où  nous  serions 
d'avoir,  de  l'un  et  de  l'autre  côt^  des  armées  d'obser- 
vation pour  arrêter  l'ennemi  ;  le  grand  nombre  d'hom- 
mes qu'il  faudroit  pour  fournir  les  vivres  et  les  muni- 
tions de  ces  armées  ;  l'inquiétude  que  l'on  auroit  pour 


154  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


Québec  à  la  vue  d'une  escadre  dans  le  bas  du  fleuve  ; 
la  nécessité  de  travailler  à  la  culture  des  terres  pour 
fournir  à  la  subsistance  annuelle  de  la  colonie  ;  tous 
ces  différents  objets  paroissent  très  difficiles  à  remplir 
aux  personnes  qui  ont  une  connoissance  exacte  du 
local. 

D'un  autre  côté  la  position  des  limites  de  la  colonie, 
la  valeur  canadienne,  la  bonté  des  troupes  du  roi  et 
les  dispositions  des  sauvages,  sont  autant  d'obstacles 
difficiles  à  vaincre  pour  les  Anglois,  lorsque  nous  sau- 
rons profiter  de  tous  nos  avantages  ;  et  je  crois  qu'il 
seroit  convenable  que  l'on  rendît  respectables  les  forts 
de  Niagara  et  Frontenac,  pour  que,  avec  une  bonne 
garnison,  ou  pût  avoir  de  la  tranquillité  de  ce  côté  ; 
que  l'on  conservât  au  fort  Frontenac  une  artillerie 
de  campagne  qui  pût  toujours  donner  de  l'inquiétude 
à  Chouaguen  ;  que  également  au  fort  Saint-Frédéric 
on  y  eût  un  bon  fort  qui  exigeât  et  une  armée  et  une 
nombreuse  artillerie  pour  en  faire  le  siège  ;  qu'il  y  eût 
un  camp  retranché  à  Carillon,  et  un  poste  au  portage 
du  lac  Saint-Sacrement,  de  façon  que  mille  hommes 
de  ce  côté  nous  ôtassent  toute  inquiétude. 

Il  est  également  nécessaire  d'avoir  une  artillerie  de 
campagne  pour  défendre  le  camp  retranché,  chasser  les 
Anglois  du  petit  portage  Saint-Sacrement,  s'ils  s'en 
emparoient,  et  même  de  les  débusquer  de  dessus  le  lac, 

La  ville  de  Montréal  dans  la  situation  où  elle  est,  il 
seroit  nécessaire  qu'elle  fût  garnie  de  canons  pour 
pouvoir  être  à  l'abri  d'une  surprise  ;  cette  place  devant 
aussi  être  l'entrepôt  de  tous  les  postes,  devroit  avoir 
un  bon  magasin  aux  poudres  avec  un  petit  arsenal. 


DU    MINISTèKE    I)K    LA    .MAi:iNK  155 


Toutes  ses  plates-formes  sont  à  refaire,  et  il  y  manque 
une  très  grande  quantité  de  canons  comme  l'on  verra 
par  l'état  Xo.  5. 

Pour  ce  qui  est  de  la  viUe  de  Québec,  on  connoit 
assez  la  bonté  de  sa  situation,  tant  par  la  rivière  que 
par  son  heureuse  position;  mais  sa  fortification  est 
bien  peu  de  chose  par  elle-même,  et  il  seroit  nécessaire 
qu'on  construisît  une  bonne  batterie  à  la  Pointe  Carcy 
de  dix  pièces  de  canon  de  trente-six,  qui  pût  mettre  à 
couvert  la  basse-ville. 

Les  batteries  que  nous  y  avons  ne  sont  point  flan- 
quées, et  il  est  très  facile  d'ailleurs  de  les  tourner,  de 
façon  que  le  canon  que  nous  y  avons  pourroit  aisément 
être  soulevé.  La  basse-ville  seroit  infailliblement 
brûlée,  et  pour  lors  toutes  les  batteries  de  la  haute 
sont  si  plongeantes  et  si  éloignées  qu'elles  incommode- 
roient  peu  l'ennemi. 

Il  seroit  important  pour  cette  place  qu'il  y  eût 
quantités  de  mortiers,  rien  n'inquiétant  davantage  les 
vaisseaux. 

Ils  sont  aussi  d'une  conséquence  infinie  pour  la 
défense  de  nos  postes  ;  les  batteries  de  mortiers  ne 
pouvant  être  éteintes  que  par  les  bombes,  elles  devien- 
nent indispensables  pour  l'attaque  des  postes,  ainsi  que 
les  obusiers. 

Comme  il  n'est  pas  douteux  que  dans  le  cas  que  les 
Anglois  vinssent  à  Québec,  ils  seroient  contraints  de 
faire  des  descentes,  lesquelles  seroient  soutenues  par 
de  l'artillerie  sur  des  bateaux  plats,  par  le  moyen 
desquels  ils  s'éloigneroient  et  se  garantiroient  de  notre 
mousqueterie,  on  sera  donc  obligé  pour  s'y  opposar,  à 


156 


EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


la  première  nouvelle  que  l'on  aura  qu'ils  sont  dans  le 
fleuve,  d'élever  des  lignes  le  long  de  la  grève,  depuis 
le  Sàult  Mantm  jrency  jusqu'à  la  petite  rivière  ;  de 
placer  de  distance  en  distance  des  redoutes,  soit  pour 
les  flanquer,  soit  pour  favoriser  la  retraite  à  ceux  qui 
les  défendront,  dans  le  cas  qu'elles  soient  forcées. 

Il  sera  donc  également  nécessaire  de  les  soutenir 
avec  des  pièces  de  campagne  ;  c'est  pour  remplir  ces 
différents  objets  qu'on  construira  à  Québec,  pendant 
l'hiver,  les  outils  de  toutes  espèces  qui  seront  néces- 
saires pour  faciliter  un  prompt  remuement  de  terre; 
que  l'on  va  mettre  toutes  les  batteries  en  état,  faire 
faire  tous  les  affûts  et  généralement  tout  ce  que  l'on 
pourra  tirer  de  la  colonie  même. 

Mais  il  est  indispensable  d'envoyer  de  France,  les 
canons,  mortiers,  obusiers,  bombes,  boulets,  cornes 
d'amorce  à  canon,  celles  pour  les  miliciens,  poudre, 
fusils,  pièces  de  rechange,  pierres  à  fusils,  plomb  en 
saumon  et  en  balles,  mèches  de  guerre,  toile  pour  tentes 
et  pour  sacs  à  terre  ;  pour  ce  qui  est  des  autres  articles 
compris  dans  les  états  de  demandes,  ils  pourront  être 
exécutés  à  Québec. 

On  avoit  demandé,  l'année  dernière,  à  Monseigneur 
le  Garde  des  Sceaux,  quelques  mineurs  du  régiment 
Eoyal  -  Artillerie  ;  ils  seroient  très  utiles  dans  cette 
colonie,  pour  en  pouvoir  former. 

Le  roi  entretient  en  Canada  cinquante  canonniers- 
bombardiers,  sur  le  nombre  desquels  il  a  fallu  fournir 
l'Acadie,  la  Belle-Rivière,  le  fort  Saint-Frédéric,  celui 
de  Frontenac,  Niagara,  et  sur  les  barques  du  lac 
Ontario. 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  157 

Il  est  également  nécessaire  qu'il  y  en  ait  un  certain 
nombre  suivant  les  armées,  surtout  lorsqu'on  voudra 
attaquer  quelques  postes  ;  il  en  faut  à  Québec  pour  la 
recette  et  l'envoi  des  munitions,  pour  leurs  remue- 
ments, pour  leur  conservation,  et  pour  travailler  aux 
artifices. 

Cette  compagnie  n'est  composée  que  de  trois  oflBciers, 
et  depuis  sa  création  ils  ont  été  les  uns  et  les  autres 
employés  presque  continuellement  soit  à  Beauséjour, 
à  la  Belle-Eivière,  au  fort  Saint-Frédéric  ou  au  fort 
Frontenac,  de  façon  que  souvent,  il  n'y  en  avoit  pas 
un  seul  à  Québec  ;  on  étoit  obligé,  cet  été,  de  tirer 
jusqu'au  maître- canonnier  de  la  ville,  pour  l'entreprise 
de  Chouaguen.  Il  seroit  donc  nécessaire  qu'il  y  eût 
pour  l'artillerie  de  la  colonie,  un  capitaine  en  pied,  un 
idera  en  second,  deux  lieutenants,  deux  enseignes  et 
quatre  cadets  ;  au  lieu  de  cinquante  canonniers,  qu'il 
y  en  eût  soixante-dix  à  quatre-vingts;  de  cette  façon, 
les  écoles  pourroient  se  faire  régulièrement,  et  il  en 
seroit  fourni  aux  postes  qui  en  sont  susceptibles  ;  au 
lieu  que  ne  pouvant  fournir  qu'un  seul  officier  d'artil- 
lerie, soit  qu'on  veuille  attaquer  ou  être  sur  la  défensive, 
il  n'est  pas  possible  qu'il  puisse  opérer  jour  et  nuit,  et 
dans  le  cas  qu'il  seroit  tué,  ou  blessé  dangereusement, 
il  est  impossible  de  le  remplacer  ;  et  de  sa  mort  s'en 
suivroit  le  manque  de  réussite  d'un  projet  considérable, 
ou  la  perte  d'un  poste  important. 

Comme  il  seroit  très  possible  que  les  Anglois  prissent 
quelques-uns  des  bâtiments  chargés  de  boulets  ou 
bombes,  il  seroit  nécessaire  d'envoyer  par  les  premiers 
vaisseaux,  deux  bons  mouleurs  en  poteries   pour  les 


158  EXTKAIÏS    DES   ARCHIVES 

forges  Saint- Maurice,  lesquels  pourroient  remplacer  ce 
qui  manqueroit,  et  mettroient  à  même  de  tirer  parti  de 
cet  établissement.  Cette  précaution  est  d'autant  plus 
nécessaire,  que  si  malheureusement  les  boulets  venoient 
à  être  pris,  la  colonie  en  seroit  dépourvue. 

On  verra  dans  chacun  des  états  ci-joints  ce  qui  est 
nécessaire  pour  l'artillerie  de  la  colonie,  relativement 
à  chaque  poste  ;  mais  il  ne  sera  nécessaire  que  d'avoir 
égard  à  celui  cotté  No.  12,  pour  ce  qui  doit  être  envoyé 
de  France,  le  reste  devant  être  exécuté  dans  la  colonie. 

A  Québec,  le  15  8bre  1755. 

Le  chevalier  Le  Mercier, 
Vu  Yaudreuil.  . 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  chevalier  Le  Mercier  du  20  8brc  1755. 

inventaire 

des  munitions  et  artillerie  qui  sont  effectives  au  fort 
Saint-  Frédéric  ce  jour-d'hui,  douze  septembre  mil 
sept  cent  cinquante-cinq,  savoir  : 


:l 


2  Canons  de  6  ' 
lï  Idem  4  |-  avec  leurs  affûts,  partie  des  roues  à  refaire. 

3  Idem  2] 
17  i'ierriers  avec  leurs  boîtes. 

1  Boîtes  de  rechange. 
20  Bombes  de  huit  pouces. 
12  Idem  de  12. 
428  Grenades. 
12  Mortiers  de  bois  pour  grenades,  hois  de  service. 
1  Idem  de  fer,  bon. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  159 


1900  Boulets  de  4 
545  Idcra  de  6. 
271  Idem      de  8.  ^ 

30  Tourteaux  avec  leurs  grenades. 

33  Balles  à  feu. 

24  Réchauds  pour  rempart. 

2  Fourneaux  pour  rempart,  hors  de  serrice. 
120  Mèches  de  guerre. 

7  Cornes  d'amorces. 

29  Garde-feu  de  4. 
6  Idem  de  6. 

30  Boutefeu.^. 
26  Pinces  de  fer. 
36  Anspects. 

100  Coups  de  Mitrailles  à  pompe:  de  boulets  d'une  h  h. 
26  Ecouvillons  et  refouloirs  de  4. 
6  Cuillères  et  tire-bourres  de  4. 

3  Idem  de  6. 

3  Refouloirs  et  ecouvillons  6. 

8  Epinglettes. 

2  Vrilles  à  canon. 
2  Pieds  de  chats. 

2  Lunettes. 
1   Crochet. 

1  Idem  de  passe-balle  depuis  1  jusqu'à  G. 
29  Clous  à  échelons. 

3  Mesures  à  poudre  de  bois  de  1,  de  2  de  3. 

3  Entonnoirs  de  ferblanc. 

2  Coupelles. 

4  Carabines  rayées. 
68  Pistolets. 

38  Sabres. 

49  Fusils  grenadiers  avec  leurs  baïonnettes. 
12  Mousquetons  complets. 
1  Paire  de  balance  de  cuivre,  levier,  à  la  boulangerie. 

49  Barils  de  100  fes 4,900 "| 

1  Idem  de 100  v  10,450  fcs  de  poudre. 

109  Idem  de  50 5,450 J 


160 


EXTRAITS   DES    ARCHIVES 


■  8,755  ifes. 


130  fts  de  balles 130' 

99  Barils  de  75 7,445 

1  Idem  de  grosses  Lialles 200 

20  Sacs  idem  de  50 1,000^ 

A  Québec,  le  20  octobre  1755. 

Le  chevalier  Le  Mercier. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  chevalier  Le  Mercier  du  20  8bre  1755. 

ÉTAT 

de  Vartillerie  destinée  à  être  envoyée  au  lac  Cham- 
plain,  savoir  : 

Noms  des  Pièces.  Calibre.     Nombre. 


Canons  de  fer  de    

12 

6 

(I             II 

8 

8 

Il             tt 

6 

6 

(i             (1 

4 

4 

11                         K 

3 

4 

Afluts  de  campagne  à  grand  rouage,  garnis 
d'un  avant-train  pour  trois  pièces 


(    12 

8 

4 
3 


28 

7 
9 
7 
4 
3 

30 


Boulets  Ronds 


f  ^'^ 

360 

8 

480 

J       6 

360 

4 

400 

3 

400 

2,000 


DU   MINISTÈRE   DE   LA   iLUîINE  161 

Les  armes  complètes  pour  ces  différentes  pièces  : 

Poudre 1,000 

Mitraille  à  portée 300  coups 

Chaînes 4 

Crics 6 

Plates-formes  volantes  à  cantui 30 

Caissons 6 

Cordages 4,000 

Les  outils  proportionnellement  à  la  consommation 
qui  en  aura  été  faite  à  la  construction  des  camps  retran- 
chés de  Carillon  et  du  rocher  de  Saint-Frédéric, 

A  Québec,  le  15  octobre  1755. 

Le  chevalier  Le  Mercier. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  chevalier  Le  Mercier  du  20  8bre  1755. 

ÉTAT 

des  diffère  aies  choses  qui  vont  être  exécutées,  pour 
mettre  l'artillerie  de  la  colonie  en  état,  conformémeat 
à  l'ordre  de  Monsieur  le  marquis  de  Vaudreuil,  du 
dix-huit  septembre,  mil  sept  cent  cinquante-ciTiq, 
savoir  : 

1°  De  faire  mettre  toutes  les  batteries  de  Québec 
en  état. 

2°  De  garnir  les  plates-formes  de  leurs  gîtes  et 
madriers. 

3^  Faire  monter  les  pièces  de  canon  sur  leurs  affûts 
dès  le  printemps  avant  la  navigation, 

11 


162  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

4*^  Complt^ter  toutes  les  pièces  de  canon  de  leurs 
armes. 

5*^  Faire  mener  sur  les  glaces  les  pièces  de  canon 
aux  lieux  les  plus  avantageux,  tant  du  côté  de  la 
rivière  que  sur  les  fortifications  de  la  ville. 

6°  Préparer  les  artifices  les  plus  usités  tant  pour 
l'attaque  des  places  que  pour  la  défense. 

7*^  Faire  conduire  de  Québec  à  Montréal,  cet  automne 
ou  pendant  l'hiver,  les  ustensiles  qui  seront  nécessaires 
au  fort  Frontenac  pour  l'expédition  du  projet  de  Choua- 
guen,  s'il  continue  à  avoir  lieu. 

8°  Faire  préparer  un  train  d'artillerie  de  campagne 
de  trente  pièces  de  canon,  depuis  douze  livres  de  balles 
jusqu'à  une,  pour  l'expédition  du  lac  Saint-Sacrement, 
si  on  a  dessein  d'en  chasser  l'Anglois. 

9*^  Faire  monter  à  Montréal,  cet  automne,  six  pièces 
de  canon  de  six  livres  de  balles,  pour  remplacer  celles 
qui  sont  destinées  pour  la  barque  qui  doit  naviguer 
sur  le  lac  Ontario. 

10®  De  faire  monter  cet  automne,  en  barque  par  la 
rivière  Sorel,  les  canons  que  l'on  destinera  pour  le  lac 
Cliamplaiu,  afin  qu'ils  puissent  être  transportés  cet 
hiver,  sur  les  traînes  au  fort  Saint-Jean. 

11°  Préparer  à  Québec  les  artifices  qui  seroient 
nécessaires  si  on  vouloit  armer  un  brûlot. 

12°  Faire  radouber  toutes  les  armes  qu'il  sera  pos- 
sible pendant  l'hiver,  et  dans  le  cas  qu'il  n'en  arrivât 
pas  de  France  à  l'usage  des  sauvages,  d'en  faire  acheter 
par  Monsieur  l'intendant,  si  la  chose  est  possible,  pour 
en  avoir  mille   ou  douze  cents  le   printemps  prochain. 


DU    MINISTERE   DE   LA   MARINE 


163 


13^  De  dresser  des  états  généraux  de  tout  ce  qui  est 
effectif  en  effets  d'artillerie,  avec  des  états  de  demandes 
pour  être  envoyés  à  la  cour,  lesquels  seront  envoyés  à 
Monsieur  le  général  pour  y  ajouter  ou  retrancher  ce 
qu'il  jugera  à  propos,  pour  copie  des  différents  états. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  chevalier  Le  Mercier  du  20  8bre  1755. 

ÉTAT 

des  v.stensiles  d'artilleHe  qui  sont  effectives  tant  dans 
les  magasins  du  roi  de  cette  ville,  que  sur  les  batte- 
ries, ce  premier  octobre  mil  sept  cent  cinquante- 
cinq,  savoir  : 


Noms  des  Pièces.                                      Calibre. 
Canons  de  fonte 4 

C  24 


Canons  de  fer. 


18 
12 
8 
tî 
4 
3 


Nombre. 

3 
35 
25 
56 
31 
23 

8 

8 

189 


A£fùt8  marias. 


r  ^"^ 

35 

18 

27 

12 

71 

8 

54 

i) 

22 

-i 

1 

3 

i; 

316 


164 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


Noms  des  Pièces. 
Affûts  de  campagne  à  grand  rouage 


12 


Affûts  bâtards,  hors  de  service,  de  6 

Affûts  de  place,  de  6 9 

Mortier  de  fonte  à  tourillon  de  12  F  8  lignes 

de  diamètre 

Mortier  de  fonte  pour  éprouver  les  poudres 

avec  son  globe 

Affûts  de  mortier  de  1  2  pouces 

Avant-trains 

Anspects 

Arcs  de  flèches 

Arbres  pour  allézer,  garnis  de  leurs  rasoirs.. 

Boulets  artificiels , 

Boulets  brisés  de  4 


Boulets  ronds. 


1 
2 
9 

57 

1,115 

2 

15 
2 


36 

766 

24 

5,980 

18 

3,879 

12 

1,336 

8 

2,176 

6 

1,142 

4 

6,855 

3 

0 

22,134 

^ . 

Boulets  rames. 


C  18 

336 

12 

327 

8 

72 

4 

163 

DU   MINISTÈRE  DE    LA    MARINE 


165 


2^oms  de^  Pièces. 
Bombes 


Calibre.    Notnbre. 
r  12  pouces  543 
(     9  383 

926 


Boîte  de  fonte  pour  pierriere 

Idem  de  fer  pour  idem 

Idem  de  fer  pour  salut 

Boîtes  de  fer  battu  chargées  avec  leurs  dards. 

Boites  de  ^er  pour  mortiers  à  bûche 

Baguettes  de  fer  pour  tuyaux  artificiels 

Idem  eu  bois  pour  idem 

Boutefeux 

Bancs  pour  battre  les  fusées 

Boîte  de  bois  de  pin  pour  étoupille 

Boyards  

Balance  de  ferblanc  arec  leur  fléau,  hors  de 

Fer\'ice 

Bragues 

Coffres  garnis,  fermant  à  clef 

Chèvre  garnie 

Chaînes  de  fer  pour  transporter  les  canons. 
Ciseau  de  fer  pour  marquer  les  canons 


0 

4 

II 

31 
14 
11 
4 
0 
2 
1 
2 

1 
7 
2 
0 
2 
l 


Cuillères  à  canon  en  cuivre,  garnies  ou  non 
garnies  de  leurs  hampes  et  boites 


C  24 
18 
12 


Câblots  pour  décharger  et  charger  les  pièces 

de  1 8  toises  de  longueur 

Carcasses  chargées 

Jeu  de  calibre  pour  canons  de  fusils  en  cuivre 

Jeu  de  calibre  pour  canons 

Caissons  pour  mortiers  à  bombes 


5 
46 
43 

29 

123 


2 

10 

1 

1 

37- 


166 


EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


Noms  des  Pièces.  Calibre.    Nombre. 

Compas  courbe,  hors  de  service 1 

Couteaux  de  bois  pour  mortiers 4 

Coupelles  de  ferblanc 2 

Caissons  couverts  de  toile,  hors  de  service. . .  7 

Clous  de  6  à  7  pouces  de  long 50 

Charriot    à    transporter  les  mortiers   garnis 

de  leurs  roues  ferrées  etavant-trains . ...  1 

Carquois  de  loup-marin 958 

Cric ...  1 

Curette  à  mortiers 1 

Caliornes  garnies 3 

Crochets  pour  souder  les  chambres 2 

Cornes  d'amorces 1 04 

Cornes  pour  les  détachements 451 

Demoiselles  pour  mortiers 2 

Esses  pour  affûts 160 

Ecumoir 1 

Elingues  pour  canons 5 

Epissoir  de  fer 1 

Epinglettes 5 

Aiguillettes 18 

Esses  pour  croupières  de  canons 15 

Essieux  pour  affûts 18 

Dards 115 


Ecouvillons  garnis  de  leurs  refouloirs. 


41 

2G 

44 

9 


120 


Fanal  gros 

Ferrures  provenant  des  charrettes  d'artillerie. 


1 
11 


DU   MINISTÈRE  DE   LA   MAKINE 


167 


Noms  des  Pièces. 


Garde-feu . 


Calibre.  Nombre. 

f   24  76 

18  12 

12  54 

8  33 

6  8 


183 


Gargou«ses  de  pierre  Lemain. 


24 

968 

18 

772 

12 

100 

1,840 


Grattes  pour  mortiers 3 

Grenade 0 

Lances  de  ferblanc  pour  flèches 40 

Lampions 4,000 

Lunettes  garnies  de  leurs  hampes 3 

Lambines  pour  canon 2 

Lignes,  Colles 4 

Lusin,  bottes 24 

Mortiers  à  grenade  en  fer 2 

Mortier  avec  son  pilon   1 

Mèches  de  guerre,  barriques 11 

Manches  de  faux  sabord 16 

Moules  pour  fusées  volantes 2 

Machines  pour  embarquer  les  canons 3 

Moules  ;\  serpenteau 3 

Idem  à  saucisson 1 

Mesures  de  ferblanc 6 

Idem  en  bois 6 

Marteau  0 

Pierriers  de  fer,  hors  de  service 2 

Pétards  de  fonte 2 

Palans  garnis 87 

Plateaux  ou  platines  de  bois 26 


168 


EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


Noms  des  Pièces. 
Platines  de  plomb  de  différents  calibres 

Pieds  de  chats 

Prelarts  goudronnés 

Pièces  de  cordages 

Idem  entamée 

Rabans 

Poudrière 


Calibre.  Nombre. 
14 
4 
2 
11 
1 
6 
1 


Pênes  de  fer  pour  canon ■• 


C  24 
18 
12 
8 


5 
11 

3 
12 

8 

5 

44 


Plateaux  pour  pétards 4 

Pavillon  rouge , I 

Poulies  simples 4 

Idem  doubles 8 

Pointes  d'acier  pour  enclouer  les  canons....  36 

Rouets  de  fer  pour  chèvres 2 

Récliauds  de  rempart 14 

Réchauds,  petits,  de  rempart 80 

Idem  pour  artifices 1 

Roues  de  différents  calibres  pour  affûts  marins  108 

Rasoirs  pour  allézoirs 8 

Rondache,  vieux 1 

Salpêtre 0 

Sacs  de  mitraille  en  boulets  d'une  livre 147 

Sacs  idem  en  cailloux 83 

Souffre 0 

Tiqueballes   garnis   de   leurs   roues    ferrées, 

hors  de  service 2 

Train 1 

Traîneaux 4 

Tables  pour  artifices 3 

Traînes  à  billots  pour  transport 4 


DU    MINISTERE   DE   LA   MARINE 


169 


Koms  des  Pièces.                                     Calibre.  Nombre. 

Tables  simples 3 

Tourteaux  artificiels 3,000 

Trépied  de  fer 1 

Petites  boîtes  de  fer  pour  grenades 6 

Pierre  à  fusil 0 

Plomb  en  balles  ou  saumon 0 

Tapes  pour  mortiers  de  1 2pcs  ^ 250 

Pour  idem  de  9  pcs  J 170 

Verges  de  fer  pour  les  calibres 2 

Vieux  fer 226 

Valets  de  cordage 230 

Vieux  cordage  pour  valets,  bouts 30 

A  Québec,  le  15  octobre  1755. 

Le  CHEVALIER  Le  Mercier. 

du  25  octobre  1755. 

Poudre  au  roi 60,200"\  „_  „^.  „ 

'        V62,  <00  ibs. 
A  1»  Cie  des  Indes 2,500  j 


ÉTAT 

des  pièces  d'artillerie  et  Tïiunitions  de  guerre  qui  sont 
nécessaires  pour  la  défense  de  Québec,  savoir  : 

Noms  des  Pièces.  Calibre.    Nombre. 

Canons  de  fonte  à  la  Suédoise 4  10 


Canons  de  fer  de . 


36 

24 

18 

12 

4 

3 

2 


10 
16 
13 
15 
13 
2 
10 


89 


170 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


Noms  des  Pièces. 


Boulets  ronds  de. 


Calibre. 

Nombre. 

36 

1,234 

24 

4,220 

18 

3,721 

12 

12,864 

8 

4,024 

6 

3,256 

4 

0 

3 

3,000 

2 

3,000 

1 

6,000 

41,319 


Affûts  marins  de , 


36 

12 

24 

40 

18 

30 

12 

30 

4 

20 

132 


f   12 


Affûts  de   campa*gne  à  grand  rouage,  avec 
leurs  avant-trains 


2 

12 

8 

16 

6 

16 

4 

20 

3 

12 

2 

12 

Affûts  de  mortiers  ou  crapauds  de  fer  fond 


j: 


2pcs 

8 
6 


12 
16 


36 


DU    MINISTERE    DE    LA    MARINE 


171 


Noms  des  Pièces. 
Anspects 

Calibre,    Nombre. 
....                     800 

Bout€feux . . 

....                      500 

Balances  de 

cuivre  arec 

leurs  fléaux .... 

....                           6 

Boyards 

....                         50 

Brouettes . . 

300 

Bombes 

'de  Oominge  3,000 
12           2,500 

8           2,600 
6            2,400 

10,500 


Chapiteaux 

Chèvres  garnies 

Chaînes  de  fer  pour  transporter  les  canons.. 
Caissons  couverts  de  toile  pour  batteries. , 
Capetesles 


Cuillères   à    canon,  garnies  de  leur  hampe 
et  boîtes  dont  J  ait  son  tire-bourre  . , . 


260 

10 

6 

12 

3,000 

36 

12 

24 

50 

18 

0 

12 

40 

8 

10 

6 

26 

4 

36 

3 

15 

2 

15 

204 


Charrettes  d'artillerie 10 

Crics 6 

Caliornes  garnies 12 

Cornes  d'amorces  avec  leurs  épinglettes 280 

Cornes  pour  habitants,  contenant  une   livre 

de  poudre 4,000 

Cuirasses  et  armes  complètes 100 


172 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


Noms  des  Pièces. 


Ecouvillons   garnis   de    leurs  refouloirs   et 
hampes 


Calibre. 

Nombre, 

'  36 

12 

24 

15 

18 

16 

12 

34 

8 

31 

G 

30 

4 

30 

3 

12 

,  2 

12 

192 


Escoupes 

Elingues  pour  canons 

Feuilles  de  sauge 

Fusils  grenadiers  à  domino,  baguettes  de  fer 
avec  baïonnettes 

Fusils,  tulle,  de  chasse  avec  baïonnettes. . .. 

Fusils  de  traille  ou  de  chasse  pour  les  sau- 
vages   

Fusils  de  cuivre  rouge 


Garde-feu  de , 


2,000 

10 

1,200 

2  000 

4,000 

2,000 

100 

36 

20 

24 

24 

18 

64 

12 

168 

8 

29 

6 

36 

4 

48 

3 

20 

2 

20 

429 


Grenades  de  fossé 1 ,000 

Grenades  à  main 6,000 

Hampes  de  différents  calibres 500 


DU    MINISTÈKE    DE    LA 

MARINE 

173 

Noms  des  Fièces. 
Heurtoirs  pour  plate-forme  à  canon . . 

Calibre 

Nombre. 
''00 

Haches 

1.500 

Herminettes 

100 

Hoveaux 

0  500 

Lanternes 

■'4 

Idem  sourdes 

12 

Louchets 

800 

Madriers  de  chêne  pour  plate-forme . . 

50  000 

Idem  pour  plate-forme  à  mortier 

1  ''00 

Manches  d'outils 

10  000 

Marcs 

4 

Mèches  en  barrique 

Mesures  à  poudre 

Mitraille  en  sacs 

10 

100 

2,000 

Mortiers  de  fonte  de 

'Coming 
12  pcs 
8 
6 

e        4 

4 

6 
6 

20 


Mortiers  de  fer  de 6  pcs  6 

Mortiers  avec  leurs  pitons 2 

Marmites  de  fer  de  différentes  grandeurs. ...  10 

Marteaux 30 

Masses  de  fer  de  25ft>s 6 

Idem  de  12  à  15 20 

Masses  de  bois 100 

Planes  à  charron 50 

Pelles  de  bois 2,000 

Idem  ferrées 1.000 

Pics  boyaux 600 

Pics  à  roc 600 

Pierres  à  fusils  pour  grenadiers 100,000 

Pinces  à  canon 223 

Platines  pour  fusils  grenadiers 400 


174 


EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


Noms  des  Pièces. 

Pierres  assorties  pour  idem , 

Plomb  en  balles  de  18  à  la  livre,  . . . 
Plomb  en  balles  de  28  à  30  à  la  livre. 

Plomb  en  saumon 

Poids  à  peser 

Poudre  de  guerre 

Quarts  de  foretes 

Serpes 


Calibre.    Nombre. 

4,000 

80,000 

120,000 

100,000 

0 

200,000 

8 

500 


Pour  artifices. 


Salpêtre  en  baril 

Soufre 

Goudron  en  tonne 

Poids  ou  raisiné 

Cire  neuve 

huile  de  lin  s 

Idem  de  pétrole 

Idem  de  térébenthine . . , 
Vieux  ouig 

Suif 

V. 

/'Cables  de  chèvre 

Cinquenelles 

Combleau 

Prolonges  doubles 

Cordage  blanc ^  Idem  simples 

Travers 

Traits  com  muns 

Menus  cordages 

,  Ligue  du  Bau  en  peu .... 

Flasques  d'orme  pour  affûts  de  campagne   de 

différents  calibres 

Idem  pour  affûts  marins , 

Roues  d'affûts  de  campagne 

Roues  de  charrettes 

Roues  d'avant-trains 

Essieux  d'érable 

Moyeux  pour  affûts 


800 
1,000 
6,000 
1,800 

500 
1,000 

200 

2,500 
400 

12 

2 

10 

15 

20 

40 

200 

llÛO 

10 

10 
150 
20 
1« 
20 
300 
30 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  175 

Noms  des  Pièces.  CaiUyre.    Nombre. 

Gentes  de  différentes  espèces 600 

Rais  idem 2,000 

Feuilles  de  parchemin  pour  gargousses 10,000 

Rames  de  papier  à  cartouche  à  canon 200 

Rames  de  papier  à  cartouche  pour  les  troupes  300 

A  Québec,  le  15  octobre  1755. 

Le  chevalier  Le  Mercier 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  chevalier  Le  Mercier  du  20  8bre  1755. 

ÉTAT 

de  ce  qui  est  nécessaire  pour  mettre  l'artillene  de 
Montréal  en  bon  état,  savoir: 


Noms  des  Pièces. 


Canons  ûu  fer . 


Calibre.  Nombre. 

r  12  4 

8  8 

6  7 

4  48 

67 


r  12 


Affûts  marins  garnis  de  leurs  coussins   et 
coins  de  mire 


20  Affûts  de  campagne,  de  différents 
calibres,  garnis  de  leurs  avant- 
trains. 


54 
76 


176  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

Noms  des  Pièces.  Calibre.    Nombre. 

C  12 


Boulets . 


2 

120 

8 

240 

6 

210 

4 

1,440 

2,010 


V2  Cuillières   à  canon,  du  calibre  des  pièces,  dont  un  tiers 

garnies  d'un  tire-bourre. 
72  Ecouvillons  garnis  de  leur  refouloir. 
82  Boutefeux. 

100  Cornes   d'amorces  garnies   de    leur   épinglette   et  dégor- 
geoir. 
1,500  Idem  pour  les  miliciens,  d'une  livre  de  poudre. 
78  Pinces  de  fer. 
320  Anspects  de  bois  dur  ou  d'érable. 
368  Sacs  de  Mitraille  en  plomb. 
552  Sacs  idem  en  fer. 
20  Caissons  de  batteries  pour  les  poudres. 
2  Triqueballes. 

4  Caissons  pour  voiturer  les  poudres. 
2  000  Grenades  de  fer. 
2,500  Fusées  pour  idem. 

168  Gros  boucaniers,  à  raison  de  6  par  flanc. 
1,200  Fusils  grenadiers  garnis  de  leurs  baïonnettes. 
1,000  Idem,  petit  Tulle  de  chasse. 
1,000  Fusils  de  traille.  ^ 

6  Chèvres,  garnies  de  leurs  poulies 
6  Crics. 
12  Elingues. 
8  Cables  de  chèvres. 
14  Chevrettes. 
50  Brouettes. 
50  Boyards. 
50  Masses  de  bois. 
4  Masses  de  fer  de  30  Ibs. 
10  Idem  de  10  Ibs. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  177 

600  Grosses  haches. 
1,000  Pioches. 
600  Pelles  de  fer  ou  escopes. 

12  Marteaux  d'artillerie. 

12  Grosses  paires  de  tenailles. 
500  Garpes. 

1 2  Scies  de  travers. 

20  Seaux. 

50  Herminettes. 

50  Tarières  de  différentes  grosseurs. 

28  Préchauds  à  descendre  dans  le  fossé,  garnis  de  leur  chaîne 
de  fer. 
300  Tourteaux  pour  idem. 

1  Mortier  de  font*  pour  éprouver  les  poudres. 
360  Fanaux  clairs  et  sourds. 

24  Mesures  de  ferblanc  pour  la  poudre. 

4  Grandes  chaudières  de  fer  avec  leurs  trépieds. 

4  Idem  moyennes. 
200  Ibs  Salpêtre. 
300  Ibs  de  pois  noirs. 
300  Ibs  de  résine. 

300  L.  huile  de  lin  pour  artifices  et  peindre  les  affûts. 
300  L.  de  vieux  vin. 

2  Mortiers  de  fer  à  piler  les  compositions,  avec  leurs  pilons 

en  bois  et  en  fer. 
2  Egrégolrs. 
2  Cribles. 
2  Tamis  de  soie. 
2  Idem  de  crin. 
4  Fléaux  de  fer  garnis  de  leurs  plateaux,  des  poids  de  fer 

et  plomb. 
6  Paires  de  balances  avec  un  marc  chacun  de  4  1. 
4  Mortiers   de   fonte  de  12  pcs.  de  calibre    à    Chambrey 

poire,  contenant  5^  de  poudre. 
8  Mortiers  de  fonte  de  8  pcs.  3 1.  de  diamètre  à  chambre 

cylindre,  contenant  W-  yi  de  poudre. 


12  pcs 2.000  \ 

6  Obus  de  fonte . .  {     „        ^  q^q  i.  bombes. 


12 


178  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

5  Orapauds  de  fer  pour  mortiers  de  1 2  pouces. 

1  Magasin  aux  poudres 

1   Bâtiment  dont  les  caves  puissent  contenir  les  affûts,  bois 

de  remontage,    et  dont  les  hauts  seroient  pour  salle 

d'armes  et  Sainte-Barbe. 

A  Québec,  le  15  octobre  1755. 

Le  CHEVALIER  Le  Merciek. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  le  chevalier  Le  Mercier  du  20  8bre  1755. 

ÉTAT 

des  munitions  et  ustensiles  d'artillerie  qui  ont  été 
envoyés  cette  année  au  fort  Frontenac  pour  les 
expéditions  projetées  sur  le  lac  Ontario,  savoir  : 

2  Affûts  marms  de  1 2 

8  Idem  de     8. 

18  Idem  de     6. 

6  Idem  de     1. 

1  Affût  des  pierriers. 
6  Idem  de  campagne. 

46  Boutefeux 

2  Baguettes  de  fei  avec  racloirs  et  tire- bourres. 
153  Bombes  de  6  pouces. 

1  Quart  de  balles  à  feu. 
10  Bragues. 

1  Boîte  à  forest. 

2  Broches  carrées. 
4  Burins. 

3,002  Boulets  de  12. 
4,700  Idem  de  8. 
2,136  Idem  de  1. 
2  436  Idem  de  2. 
4,480  Idem  de  6. 
120  Idem  de  4. 
2,322  Idem  de  3. 


DU   MINISTÈRE   DE    LA   JLAJRIXE  179 

1 ,500  L.  vieux  cordages  pour  valets. 

1  Chèvre. 

2  Coulevrines  de  fonte  de  2  L.  de  balles. 
4  Canons  de  fer  de  2. 

18  Canons  et  pierriersde  fer  de  1  L. 
4  Pierriers  de  fonte  avec  leurs  boîtes. 

6  Canons  de  fer  de  8 
16  Idem  de  6. 

8  Idem  de  3. 

2   Idem  de  4. 

2  Caliomes. 
4,652  L.  de  cordage  pour  l'artillerie. 
23  Cuillères  et  tire-bourres. 

1  Cric. 

46  Cornes  d'amorces. 

10  Coussins. 

20  Coins  de  mire. 

7  Coupelles. 

2  Epingoles. 
22  Epingtettes. 

34  Ecouvillons  et  refuuloirs. 
1  Elingue. 
1   Epissoir. 

7  Entonnoirs  de  ferblanc. 
342  Fusils  grenadiers. 
9  Fusils  de  marine. 
14  Fanaux. 
2,675  Gargousses  de  parchemin. 

5,  Wuarts  de  gargousses  de  papier. 
1,500  Grenade"s. 
102  Garde-feu. 
70  Herminettes. 
5  Haches  à  doler. 
1,013  Grosses  haches. 
66  Paquets  de  limes. 
178  Limes. 
20  Pièces  de  quaranteniers. 
98  Langues  de  fer. 
3  Mèches  pour  percer  les  fusils. 
14  Meules  à  moudre. 


180  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

1 3  Masses  de  fer. 
747  L.  de  mèches. 

3  Mortiers  à  bombes. 
44  Mesures  de  ferblanc. 
34  Monte-ressorts. 

1,195  Pioches. 
675  Pelles  de  fer. 
10  Plateaux. 

7  Rames  papier  à  gargousse 
2  Poinçons, 

4  Pousse-goupilles. 
50  Peaux  d'agneaux. 

838  Pics  de  fer. 
42  Pinces. 
75  Planes. 
13,500  Pierres  à  fusil. 

9,400  L.  de  balles. 
30,000  L.  poudre  de  guerre. 
361  Pelles  de  bois  ferrées. 
243  Pics  boyaux. 
20  Pilons. 
1  Pétard  de  fonte. 
1 2  Rouets  de  gayets. 
20  Scies  de  long. 
30  Scies  de  travers. 
1  Soufflet  de  forge. 
96  Sapes. 

36  Serres  pour  scies  de  long. 
57  Tarières. 
1  Tamis  de  soie. 
1  Idem  de  crin. 
250  Tournevis. 


A  Québec,  le  15  8brc  1755. 


Le  chevalier  Le  Mercier. 


DU   MINISTERE   DE    LA    MARINE 


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DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARIXE  185 

Il  paroît  dans  l'état  des  canons  rendus  à  Québec  qu'il 
y  a  une  pièce  de  8  de  plus  que  dans  le  projet  ;  on  la 
comprendra  dans  celles  qui  seront  destinées  pour  le  lac 
Chaniplain  ;  on  observera  aussi  que  l'on  sera  obligé  de 
prendi'e  à  Québec  les  pièces  que  M.  le  marquis  de 
Vaudreuil  a  ordonné  d'y  envoyer  cet  automne. 

A  Québec,  le  20  octobre  1755. 

Le  chevalier  Le  Mercier.  • 


Joint  k  la  lettre  de  M.  le  chevalier  Le  5Iercier  du  20  8bre  1755. 

ÉTAT 

des  munitions  et  ustensiles  d'artillerie  qui  se  sont 
trouves  effectifs  à  Montréal,  le  onze  octobre- mil 
sept  cent  cinquante-cinq,  savoir  : 

2  Canons  de  121 
10  Idem     d»!    8 
12  Idem      de    4  ]■  34  pièces  de  canon. 

1   Idem     de    3 1 

9  Idem      de    6| 
34  Affûts. 
IjOCO  Boulets  de  différents  calibres. 

24  Boutefeux. 
1  Jeu  de  calibre  pour  canon. 

25  Clous  d'acier. 

1  Compas  courbe. 
24  Cornes  d'amorce. 

2  Caissons  i\  poudre. 
12  Cuillères  à  canon. 

100  Fusées  à  bombes. 
172  Fusils  à  réparer. 
2,450  Gargousses  de  parchemin. 
450  Mèches. 
12  Ecouvillons. 
4  Mortiers  à  grenades. 


186  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

60,675  L.  de  balles  et  plomb. 
27,800  L.  de  plomb  en  saumon. 
58,700  L.  de  poudre  au  roi. 
25,600  L.  de  poudre  à  la  compagnie. 
66  Roues  d'affûts, 
2,500  L.  de  salpêtre. 
300  Tourteaux. 
3(  0  Tuyaux  de  grenades. 
200  Idem  à  bombes. 

7  Moules  à  balles,  en  cuivre 
13  Moules  à  balles,  en  fer. 

21  Coupebattes. 

2  Pieds  de  chats. 

2  Limolles  pour  canon. 

2  (  chaudières  de  fer. 

1  Trépied  de  fer. 

1  Paire  de  balances. 

8  Baguettes  à  fusées. 
1  Chemise  soufrée. 

256  Cornes  à  poudre. 
4  Crics. 
36  Feuilles  de  cuivre. 
1   Chèvre. 

9  Monte-ressorts. 

1  Moule  à  fusées. 
55,500  Pierres  à  fusil. 

2  Pinces  de  fer. 
24  Pistolets. 

400  Platines  de  fusil. 

1  Quartier  pour  pointer  les  mortiers. 

4,830  Sacs  à  terre. 

50  Tournevis. 

1  Tamis  de  soie, 

l  Tamis  de  crin. 

1  Crochet  de  fer. 

A  Québec,  le  20  octobre  1755. 

Le  chevalier  Le  Mercier. 


DU    MINISTÈRE  DE    LA    MARINE  187 

LE    CHEVALIER    LE   MERCIER 

A  Québec,  ce  10  9bre  1755. 

Monseigneur, 

J'ai  eu  l'honneur  de  vous  adresser  par  la  frégate  du 
roi,  La  Fidèle,  les  états  concernant  l'artillerie  de  la 
colonie,  et  par  la  Sirène,  les  duplicatas,  visés  de  M.  le 
marquis  de  Yaudreuil,  qui  les  a  approuvés,  ainsi  que 
les  lettres  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  écrire. 

J'ai  été  assez  heureux,  Monseigneur,  pour  mériter 
les  suffrages  de  ce  général  dans  les  différents  détails 
dont  j'ai  été  chargé  depuis  qu'il  est  dans  cette  colonie  ; 
et  pour  me  donner  des  preuves  de  la  satisfaction  qu'il 
en  a,  il  vous  demandera  pour  moi  une  croix  de  Saint- 
Louis. 

Vous  avez  eu  la  bonté.  Monseigneur,  de  m'accorder 
des  applaudissements  à  mon  départ  de  Versailles,  et  les 
assurances  de  me  faù-e  ressentir  les  effets  de  votre 
protection. 

Je  crois  être  fondé  dans  ma  demande  puisque  j'étais 
officier  en  France,  en  1734,  que  depuis  ce  temps  je  n'ai 
discontinué  de  servir,  et  que  j'ai  été  assez  heureux  dans 
cette  colonie  pour  me  trouver  dans  presque  toutes  les 
actions  importantes,  que  non  seulement  je  me  suis 
acquitté  de  mon  métier,  mais  encore  que  j'ai  été  chargé 
des  détails  de  tous  les  genres. 

M.  le  baron  de  Dieskau  m'avoit  donné  un  ordre  pour 
faire  les  fonctions  de  maréchal  général  des  logis  de  son 
armée,  et  j'ai  été  assez  heureux  après  l'action  du  8 


188  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

septembre,  pour  conserver  au  roi  dix  de  ses  sujets, 
quoique  j'eusse  tombé  dans  une  embuscade  de  70  hom- 
mes environ. 

Toutes  ces  choses,  Monseigneur,  me  font  espérer  que 
vous  m'accorderez  cett£  grâce. 

M.  de  Vaudreuil  vous  a  demandé,  Monseigneur,  une 
augmentation  d'officiers  d'artillerie  et  de  canonniers,  je 
ne  doute  pas  que  vous  en  envisagerez  la  nécessité  pour 
cette  colonie,  par  la  multiplication  des  postes  que  nous 
occupons. 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  ce  4  janvier  1755. 


Monseigneur, 


Si  j'avois  cru  pouvoir,  dans  ces  jours-ci,  me  procurer 
l'honneur  de  vous  faire  ma  révérence,  et  de  vous  offrir 
en  même  temps,  et  de  vive  voix,  les  vœux  de  la  nou- 
velle année,  j'aurois,  malgré  la  dureté  de  la  saison,  et 
ma  mauvaise  santé,  entrepris  le  voyage  de  Versailles  ; 
mais  j'ai  craint  de  le  faire  inutilement  par  la  difficulté 
de  trouver  dans  un  seul  jour,  la  facilité  de  me  présenter 
chez  vous.  Monseigneur. 

Permettez  du  moins  que  j'y  supplée  par  lettre  eu 
vous  y  renouvelant  les  assurances  de  mon  attachement, 
de  mon  respect  et  des  vœux  que  je  ne  cesserai  de  for- 
mer pour  votre  conservation,  précieuse  à  nos  colonies, 
si  en  leur  donnant  vos  soins  et  votre  temps,  vous  voulez 


DU   MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  189 

bien  les  honorer  et  les  soutenir  de  votre  puissante  et 
respectable  protection. 

J'ai  pris  la  liberté  de  vous  adresser  mon  extrait  sur 
la  Louisiane,  si,  pendant  que  M.  le  marquis  de  Vau- 
dreuil  est  encore  en  France,  vous  voulez  le  consulter 
sur  les  articles  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  proposer 
avant  que  de  rien  décider. 

Je  n'ai  point  encore  reçu  toutes  mes  lettres  de 
Québec,  de  l'Isle  Eoyale  et  de  l'Acadie,  à  en  juger  par 
ce  qui  m'en  est  annoncé  dans  celles  que  j'ai  reçues,  et 
qui  me  sont  parvenues  par  la  poste.  S'il  m'en  avoit 
été  adressé  quelques-unes  dans  les  paquets  de  la  Cour, 
je  vous  demande  en  grâce.  Monseigneur,  d'ordonner 
qu'elles  me  soient  renvoyées. 

Sur  le  bruit,  qui  court  à  Paris,  d'un  armement  pour 
Louisbourg  et  pour  l'Acadie,  j'ai  relié,  avec  attention, 
un  tableau  général  de  ces  deux  parties  de  la  Xouvelle- 
France  en  Canada,  que  j'eus  l'honneur  de  présenter  à 
M.  Eouillé,  au  commencement  de  1753,  avec  un 
mémoire  sur  la  nécessité  de  la  fixation  des  limites  entre 
la  France  et  l'Angleterre,  ensemble  un  plan  de  can- 
tonnement qui  tendoit  à  concilier  les  intérêts  des  deux 
couronnes,  et  à  décider  la  question  des  limites  au  pos- 
sessoire,  dès  que,  d'après  ^ou^^'age  de  MM.  les  com- 
missaires et  sur  les  titres,  elle  n'avoit  pu  être  décidée 
au  pétitoire. 

Ces  trois  petits  ouvrages  parurent  faire  plaisir  dans 
ce  temps- là,  à  M.  Eouillé  ;  s'il  vous  convenoit,  Mon- 
seigneur, d'en  prendre  lecture  et  d'examiner  l'usage 
qu'on  en  pourroit  faire  au  profit  de  la  France,  et  contre 
les  prétentions  vagues  et  sans  fondement  et  sans  bor- 


190  •  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

nés  de  l'Angleterre,  j'aurois  l'honneur  de  vous  envoyer 
mes  originaux,  supposé  qu'il  n'en  soit  pas  resté  de 
copie  dans  les  bureaux,  sous  la  condition  cependant, 
(s'il  m'est  permis  d'en  faire  avec  vous,  Monseigneur), 
qu'ils  me  seront  renvoyés,  ayant  gardé  soigneusement 
depuis  24  ans,  tous  les  extraits  de  tout  ce  qui  m'est 
venu  des  colonies,  et  les  différentes  observations  ou 
mémoires,  que  j'ai  cru  devoir  présenter  à  la  Cour  à  ce 
sujet. 


Joint  à  la  lettre  de  M.  l'abbé  de  l'Isle-Dieu,  du  7  mars  1755. 

A   MONSEIGNEUR   LE   GARDE   DES   SCEAUX,   MINISTRE, 
SECRÉTAIRE    D'ÉTAT    DE    LA    MARINE 

Monseigneur, 

L'objet  de  ce  mémoire  paroît  d'autant  plus  digne  de 
votre  attention,  qu'il  s'agit  de  l'entière  exécution  d'un 
projet  approuvé  par  la  Cour  en  1753,  et  pour  lequel  M, 
Kouillé  avoit  cru  devoir  accorder  50,000  livres  qui 
dévoient  être  remises  au  trésor  de  Québec  ou  à  celui 
de  Louisbourg. 

Ce  projet  consistoit  dans  la  construction  d'un  aboi- 
teau  (ce  qu'on  appelle  en  France  levée,  digue  ou 
chaussée),  pour  procurer  le  dessèchement  des  terre  s 
nouvellement  habitées.  Sur  les  rivières  du  fort  de  Beati- 
séjour,  où  (suivant  le  dénombrement  qui  en  a  été 
envoyé  cette  année)  nous  avons  le  produit  effectif  de 
2,897  habitants,  tant  en  hommes  que  femmes,  garçons 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  191 


et  filles  ;  du  nombre  desquels  s'en  trouvent  746  por- 
tant les  armes,  dans  le  cas  de  guerre. 

Non  seulement  M.  Eouillé  fit  alors  examiner  le 
projet  qui  lui  fut  présenté  à  ce  sujet,  la  dépense  qu'il 
occasionneroit  dans  son  exécution  et  l'utilité  qui  en 
résulteroit,  mais  ce  ministre  fit  écrire  à  Louisbourg  et 
y  fit  prendre  tous  les  éclaircissements  nécessaires,  pour 
s'assurer  de  la  vérité  des  faits,  de  la  possibilité  de 
l'exécution  du  projet  proposé,  de  la  solidité  de  l'ou- 
vrage,  et  surtout  des  avantages  qui  en  résulteroient, 
non  seulement  pour  les  terres  qui  se  trouveroient 
directement  sous  l'aboiteau,  mais  pour  toutes  les 
rivières  voisines,  et  en  général  pour  toute  la  colonie, 
par  les  productions  abondantes  qu'on  en  retireroit. 

En  conséquence  et  en  réponse  aux  éclaircissements 
demandés,  l'ingénieur  préposé  pour  l'exécution  de 
l'aboiteau    dressa  le  plan  et  la  description  de  l'ouvrage 

à  faire ensemble  le  devis  estimatif  de  ce  qu'il   en 

coûteroit  pour  l'exécuter,  et  dans  lequel  il  fit  entrer 
toutes  les  espèces  de  matériaux,  leur  approchement  et 
jusqu'à  la  dépense  de  la  main-d'œuvre. 

Les  dits  plans,  descriptions  et  devis  estimatifs  ont 
été  envoyés  au  ministre,  et  il  en  est  resté  une  copie 
assez  exacte  à  l'abbé  de  L'Isle-Dieu,  qu'il  aura  l'hon- 
neur de  remettre  sous  vos  yeux,  Monseigneur,  si  vous 
le  jugez  à  propos. 

On  voit  par  ce  plan  et  devis  estimatif  que  la  dépense 
de  cet  aboiteau  de  voit  monter  à  85,120  livres  au  lieu 
de  50,000  livres  qui  avoient  été  demandées  et  accordées 
par  la  Cour,  ce  qui  faisoit  une  différence  de  35,120 
livres  en  sus  de  la  somme  demandée,  et  ce  qui  auroit 


192  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

dû  empêcher  M.  Le  Loutre,  missionnaire  et  auteur  du 
projet  de  l'aboiteau  proposé,  d'en  poursuivre  l'exécu- 
tion ;  mais  son  zèle  et  son  intelligence  soutenus  de  la 
confiance  de  ses  habitants,  lui  firent  bientôt  imaginer 
un  remède  à  l'obstacle  qui  auroit  dû  l'aiTêter,  et  un 
supplément  au  vide  de  la  somme  qui  lui  manquoit 
(tant  il  est  vrai  qu'il  y  a  des  hommes  à  qui  les  obstacles 
irritent  le  courage  et  ne  le  rebutent  pas). 

M.  Le  Loutre  assembla  les  habitants  de  toutes  ces 
rivières  et  des  différents  établissements  qui  sont  sous 
le  fort  de  Beauséjour,  il  les  assura  de  la  protection  du 
roi,  leur  fit  voir  les  efforts  de  dépense  que  Sa  Majesté 
faisoit  pour  eux,  l'obligation  où  ils  étoient  d'y  con- 
courir et  d'y  contribuer  ;  et  le  résultat  de  la  délibération 
des  habitants,  par  lui  convoqués  et  députés  à  ce  sujet, 
fût  que  les  dits  habitants,  tous  en  corps  et  solidaire- 
ment les  uns  pour  les  autres,  se  chargeroient  de  contri- 
buer jusqu'à  la  concurrence  de  38,150  livres,  tant  en 
fournitures  de  matériaux  de  toute  espèce  qu'en  contri- 
bution, main-d'œuvre,  ce  qui  réduisit  à  l'instant  et  à 
la  décharge  de  l'État  et  du  roi,  le  montant  du  devis 
estimatif  de  (85,120  livres,  à  quoi  il  avoit  été  porté  par 
l'ingénieur)  à  la  somme  de  4G,970  livres,  plus  foible  de 
3,030  livres  que  celle  qui  avoit  été  promise  par  le  roi, 
d'où  il  résultoit  que   M.  Le  Loutre  se  trouvoit  alors  ^ 

vis-à-vis  de  l'étoffe  qu'il  avoit  demandée  pour  la  con- 
struction de  son  aboiteau  et  de  3,030  livres  de  plus  ; 
aussi  ne  pensa-t-il  (sûr  qu'il  étoit  de  l'approbation  et 
des  ordres  du  ministre),  qu'à  presser  la  fourniture  du 
contingent  de  ses  habitants,  qui  dans  le  courant  des 
trois   derniers  mois  de  1753  firent  rapprochement  de 


im' 
'Ml» 


DU    MINISTÈRE    DE   LA    MARINE  193 

de  toutes  les  espèces  de  matériaux  énoncés  dans  leur 
délibération. 

Les  choses  dans  cet  état,  M.  Le  Loutre  se  rendit  à  sa 
mission,  sous  le  fort  de  Beauséjour,  et  ne  songea  plus 
qu'à  s'assurer  d'un  nombre  suffisant  d'ouvriers,  tant  du 
côté  des  Mines  que  de  celui  des  habitants,  qui  étaient 
sur  ces  rivières,  à  l'effet  de  pouvoir  commencer  son 
opération  aux  premiers  jours  du  printemps  de  1754 
comptant  d'ailleurs  pouvoir  tirer  sur  le  trésor  de  Québec 
ou  sur  celui  de  Louisbourg,  les  50,000  livres  qui  lui 
avoient  été  promises  par  la  Cour  ;  mais  son  embarras 
fut  plus  grand  que  tout  ce  qu'on  peut  imaginer,  lors- 
qu'il apprit  que  les  fonds  n'étoient  faits  ni  du  côté 
de  Québec  ni  de  celui  de  Louisbourg....  Il  est  inutile 
de  parler  ici  des  différentes  contradictions  qu'il  éprouva 
d'ailleurs;  rien  ne  le  rebuta....  Les  avances  étoient 
faites,  les  avantages  qui  dévoient  résulter  de  son  opéra- 
tion l'encouragèrent....  L'estime  et  l'approbation  des 
puissances  des  deux  gouvernements  de  Québec  et  de 
Louisbourg  le  soutinrent.  Le  zèle  et  l'amour  du  bien 
public  lui  tinrent  lieu  de  finances  (du  moins  pour  la 
plus  grande  partie). 

Dans  cette  position,  M.  Le  Loutre  qui  connoissoit 
depuis  longtemps  les  vues  et  le  zèle  de  M.  Prévost, 
pour  le  bien,  le  progrès  et  l'accroissement  de  nos 
colonies,  surtout  de  celle  de  l'Isle  Eoyale,  où  il  est 
intendant  et  commissaire-ordonnateur  pour  le  roi,  se 
replia  vers  ce  bon  et  fidèle  citoyen,  et  lui  emprunta, 
sur  son  billet,  3,000  livres  en  lettres  de  change,  dont  il 
se  servit  pour  acheter  du  castor,  qu'il  échangea  avec 
un  marchand  anglois  du  fort  de  Xécaragua,  poui'  de  la 


194  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


farine,  du  lard  et  du  saindoux,  qu'il  eût  à  assez  bon 
compte,  puisque  la  farine  ne  lui  revenoit  qu'à  11  livres 
10  sous  le  quintal,  le  lard  à  27  livres  et  le  saindoux 
à  29,  et  que  d'ailleurs  l'anglois  lui  donnoit  5  livres 
du  castor,  quoiqu'il  ne  lui  coûta  que  3  livres  10  sous. 

C'est  avec  cette  provision  de  munitions  de  bouche 
que  M,  Le  Loutre  a  commencé  son  opération,  jointe 
à  50  quarts  de  lard,  à  quelques  cordages  et  grapius 
que  M.  Prévost  lui  fit  délivrer  des  magasins  de  Louis- 
bourg. 

M.  Le  Loutre  observe  à  ce  sujet,  qu'il  se  voyoit  à  la 
vérité  un  petit  commencement  de  vivres  pour  les 
ouvriers  qu'il  faisoit  venir  des  Mines  (car  pour  ceux 
qui  étoient  pris  parmi  les  habitants,  ils  étoient 
réputés  rationnés  par  le  roi),  mais  que  comme  il 
lui  falloit  payer  les  journées  des  ouvriers  de  l'Acadie 
angloise,  il  fut  obligé  d'ehiprunter  encore  1,000  livres 
sur  ses  billets,  à  différents  particuliers,  pour  lesquels, 
aussi  bien  que  pour  les  3,000  livres  à  lui  prêtées  par  M. 
Prévost  ;  le  même  M.  Prévost  lui  a  accordé  très  gra- 
cieusement, dit-il,  des  lettres  de  change  sur  le  trésor 
royal,  et  ce,  en  déduction  des  50,000  livres  à  lui  pro- 
mises par  la  Cour  pour  la  confection  de  son  aboiteau. 

Quant  à  l'excédant  des  dites  50,000  livres,  montant 
à  46,000  livres,  il  a  été  fourni  par  les  puissances  de 
Québec,  non  en  argent,  mais  en  marchandises,  prises 
dans  les  magasins  de  Beauséjour  et  de  la  Baie  Verte, 
et  à  lui  délivrées  sur  ses  billets,  et  sur  les  ordres  de 
M.  le  général  Duquesne  et  de  M.  Bigot,  intendant 
général. 


DU   MINISTERE   DE   LA    MARIXE  195 


C'est  avec  la  dernière  ressource  dont  on  ^àent  de 
parler  que  M.  Le  Loutre  a  mis  son  alxiiteau  dans 
l'état  où  il  est  actuellement  ;  mais  ce  n'a  pas  été  sans 
perte  sur  l'échange  des  marchandises  à  lui  fournies,  et 
qu'il  a  fallu  convertir,  soit  en  argent  soit  en  denrées  ou 
autres  choses  appropriées  aux  besoins  des  ouvriers  de 
l'aboiteau  (ces  marchandises  d'ailleurs  étoient  de 
mauvais  aloi  et  de  très  mauvaise  qualité,  puisqu'elles 
n'étoient  que  des  restes  de  magasins,  en  sorte  que 
M.  Le  Loutre  assiu-e  qu'il  auroit  plus  fait  avec  30,000 
li\Tes  d'argent  qu'avec  les  46,000  livres  de  marchan- 
dises à  lui  fournies  des  magasins,  d'où  il  résulte  (suivant 
qu'il  l'affirme  par  ses  lettres)  une  perte  pour  lui,  et  au 
détriment  de  son  opération,  de  plus  d'un  tiers. 

L'inconvénient  dont  se  plaint  ici  M.  Le  Loutre,  et 
qui  n'est  aucunement  venu  de  son  fait,  ne  l'a  pas  empê- 
ché de  pousser  son  aboiteau  et  de  le  porter  au  point 
de  perfection  et  de  solidité  où  il  est  pour  ce  qui  en  est 

fait Il  assure  qu'il  est  à  plus  de  moitié  et  à  près  des 

deux-tiers  construit,  de  la  manière  la  plus  solide  et  à 
l'épreuve  des  plus  grandes  forces  de  la  mer,  de  la  plus 
grande  violence  des  marées,  de  la  rigueur  de  l'hiver, 
des  grandes  eaux^de  l'automne,  des  glaces  de  l'hiver  et 
des  inondations  du  printemps. 

On  ne  s'amusera  point  ici  à  répéter  ce  qui  a  été  dit 
dans  le  travail  de  1753,  de  l'utilité  de  cet  aboiteau,  et 
des  avantages  qu'onlençpeut  retirer  poi:r  la  colonie  et 
pour  toutes  celles  où  il  sera  nécessaire  d'en  construire, 
il  suffit  d'ajouter  ici,  qu'à  l'exemple,  et  sur  le  modèle 
de  celui  de  M.  Le  Loutre,  il  en  a  déjà  été  construit. 


196  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

dans  le  même  temps  ou  à  peu  près,  douze  autres,  savoir  : 
trois  à  Chipoudy,  huit  à  Memramcouk  et  un  à  la  Butte- 
à-Roger,  ce  qui  jrouve  la  nécessité  reconnue  et  les 
avantages  de  ces  aboiteaux,  pour  le  dessèchement  et  la 
fertilisation  des  terres  de  nos  colonies. 

En  partant  de  ce  principe  admis  et  reconnu,  M.  Le 
Loutre  s'est  flatté  que  vous  voudrez  bien,  Monseigneur, 
avoir  la  bonté  de  lui  fournir  de  quoi  finir  et  parachever 
son  aboiteau,  et  l'abbé  de  l'Isle-Dieu  s'est  chargé, 
d'autant  plus  volontiers  de  vous  présenter  sa  requête  à 
ce  sujet,  que  vous  avez  bien  voulu  l'assurer,  dans  une 
de  vos  lettres,  que  vous  ne  changeriez  rien  aux  arran- 
gements et  aux  entreprises  de  M,  Eouillé. 

La  très  humble  prière  de  M.  Le  Loutre,  au  sujet  de 
son  aboiteau,  se  réduit  à  deux  choses  : 

La  première  de  ces  deux  grâces.  Monseigneur,  est 
que  vous  ayez  pour  agréable  de  lui  faire  encore  délivrer 
20,000  livres  pour  achever  et  perfectionner  son  aboi- 
teau, ce  qui  fera  70,000  livres  de  dépense  pour  le  roi,  et 
pour  un  ouvrage  qui  coûtera  au  moins  150,000  livres... 
dont  le  surplus,  en  sus  des  70,C00  livres  payées  par  le 
roi,  viendra  de  l'économie  de  l'entrepreneur  et  du  con- 
tingent de  ses  habitants.  • 

La  seconde,  qu'il  vous  plaise  ordonner  que  le  sup- 
pliant sera  remboursé,  soit  au  trésor  de  Québec,  soit  à 
celui  de  Louisbourg,  des  farine,  lard  et  saindoux  qu'il  a 
achetés  pour  la  nourriture  de  ses  ouvriers,  qu'il  a  tirés 
de  l'Acadie  angloise,  sur  le  mémoire  qu'il  en  présentera, 
certifié  d'ailleurs  par  M.  de  Yergor,  commandant  de 
Beauséjour. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  197 

M.  Le  Loutre  ajoute  une  troisième  demande  qui 
paroît  très  intéressante,  et  que  l'abbé  de  L'Isle-Dieu  a 
cru  devoir  joindre  ici. 

Il  s'agit  d'une  levée  de  4  à  500  toises  qui  renferme 
un  marais  de  30  baiTiques  de  semence,  et  qui  est  situé 
le  long  de  la  rivière  qui  nous  sépare  des  Anglois,  près 
l'Isle  de  la  Vallière....  Cette  levée  a  été  rompue,  il  y  a 
quelques  années  par  les  Anglois,  sous  le  commande- 
ment de  M.  de  Saint- Ours,  qui  par  là  a  fait  inonder 
nos  terres  et  ruiné  nos  habitants  qui  y  étoient  établis, 
et  auxquels  il  seroit  même  dû  une  indemnité  de  la  part 
des  Anglois.,..  M.  Le  Loutre  demande  à  la  Corn-  la 
permission  de  faire  rétablir  cette  levée,  au  nom  des 
habitants  qui  y  sont  intéressés  et  même  de  toute  la 
colonie,  qui  continuera  ses  prières  et  ses  vœux  pour 
votre  précieuse  conservation,  Monseigneur. 

(sans  signature) 


Monseigneur, 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu. 

A  Paris,  le  12  juillet  1755. 


Le  mémoire  ci-inclus  m'a  été  remis  par  les  sup- 
pliants y  dénommés,  sur  le  prétexte  de  la  correspondance 
que  j'ai  avec  les  différentes  colonies  de  l'Amérique 
Septentrionale....  Comme  je  n'en  ai  aucune  avec  celles 
de  l'Amérique  Méridionale,  je  l'avois  d'abord  refusé  ; 
mais  sur  ce  qu'on  m'a  représenté  qu'il  étoit  de  l'intérêt 
du  roi  que  vous  fussiez  informé  des  faits  et  plaintes 
qui  y  sont  énoncés,  j'ai  cru  devoir  vous  l'adresser,  pour 


198  EXTKAITS  DES  ARCHIVES 

prendre  à  ce  sujet  telles  mesures  et  donner  tels  ordres 
qne  vous  jugerez  convenables. 

Je  viens  de  recevoir  un  assez  grand  nombre  de  lettres 
de  la  Louisiane....  Le  principal  fait  dont  on  m'y  parle, 
et  qui  m'intéresse  personnellement  (comme  chargé  du 
spirituel),  concerne  une  division  ouverte  entre  les  deux 
ordres  de  missionnaires  qui  desservent  le  bas  et  le 
haut  de  cette  colonie  (les  jésuites  et  les  capucins). 

Les  seconds  paroissent  vouloir  méconnoître  la  juris- 
prudence de  M.  l'évêque  de  Québec,  parce  qu'elle  est 
confiée  aux  premiers,  et  point  à  eux. 

Si  vous  désirez,  Monseigneur,  être  informé  de  la 
première  origine  et  de  la  source  de  cette  discussion, 
j'aurai  l'hoinieur  de  vous  en  rendre  compte  ;  mais  je 
pense  qu'il  sera  nécessaire  que  vous  interposiez  votre 
autorité,  et  que  pour  savoir  la  vérité  de  ce  fait,  et  qui  a 
tort  ou  raison,  soit  dans  le  fait,  le  fond  ou  la  forme,  il 
sera  nécessaire  que  vous  adressiez  vos  ordres  à  M.  le 
gouverneur,  homme  des  plus  judicieux,  et  qui  n'est  pas 
moins  touché  du  bien  et  du  progrès  de  la  religion  que 
du  bien  du  service. 

Je  compte  écrire  aux  capucins  par  le  premier  vais- 
seau, mais  puisqu'ils  me  forcent  à  dévoiler  les  plaintes 
qui  m'en  ont  été  portées  et  avouées,  même  en  partie 
par  le  supérieur  dans  ses  lettres  de  1753  et  de  1754,  je 
pense  qu'ils  sont  insoutenables  dans  le  fond,  dans  leurs 
prétentions  et  les  procédés,  peu  mesurés,  qui  en  ont 
résulté. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  199 

M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  19  juillet  1755. 


Monseigneur, 

Je  n'ai  oublié,  ni  le  projet  que  vous  aviez  de  faire 
passer  de  nouveaux  habitants  à  la  Louisiane  pour  le 
poste  des  Allemands,  ni  les  mesures  et  précautions  que 
vous  étiez  dans  le  dessein  de  prendre  pour  que  l'Etat 
et  la  religion  j  trouvassent  également  leur  avantage,  et 
si  j'ai  omis  de  vous  rappeler  les  dernières,  dans  ma 
lettre  à  ce  sujet,  ce  n'est  point  un  oubli,  mais  une  mar- 
que de  respect  et  une  preuve  de  déférence  pour  vos 
vues,  auxquelles  je  me  conformerai  toujours  très  exac- 
tement. 

11  n'est  pas  douteux  que  l'Etat  j  trouvera  son  avan- 
tage, puisque  ce  sera  procurer  à  la  colonie  de  nouveaux 
colons  et  cultivateurs. 

Il  est  également  vrai  que  la  religion  y  trouvera  le 
sien,  puisque  ce  sera  procurer  à  ces  habitants  un  moyen 
de  rentrer  dans  le  sein  de  l'Eglise  catholique,  et  que 
d'aiUeurs  c'est  s'assurer  et  se  rendre  le  maître  de  l'édu- 
cation de  leurs  enfants,  en  supposant,  comme  vous  me 
faites  l'honneur  de  me  le  marquer,  Monseigneur,  qu'ils 
les  présenteront  aux  missions  pour  en  recevoir  le 
baptême,  et  que,  lorsqu'ils  seront  en  âge,  ils  les  enver- 
ront aux  écoles  et  au  catéchisme  pour  y  être  instruits 
dans  la  foi  et  la  croyance  catholique,  apostolique  et 
romaine. 

Il  est  pourtant  vrai  que  d'après  les  conditions  qu'ils 
font,    l'inconséquence    d'opinions   dans   lesquelles   ils 


200  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

désirent  vivre,  et  de  la  conduite  qu'ils  promettent  de 
tenir  pour  leurs  enfants,  doit  au  moins  mettre  les  mis- 
sionnaires en  défiance  vis-à-vis  d'eux  ;  mais,  sans  le 
leur  laisser  apercevoir,  il  y  a  des  gens  à  qui  il  faut 
supposer  une  partie  de  la  bonne  foi  qu'on  veut  leur 
inspirer,  et  dont  il  .faut  mériter  la  confiance  par  celle 
qu'on  leur  marque,  persuadé  que  les  hommes  se  mènent 
beaucoup  mieux  et  plus  sûrement  par  l'insinuation,  la 
douceur  et  la  persuasion,  que  par  l'autorité,  surtout  en 
matière  de  religion,  qui  se  persuade  et  ne  se  commande 
pas,  attendu  qu'il  ne  suffit  pas  de  la  prêcher  à  l'esprit 
par  principes,  mais  de  la  faire  goûter  au  cœur  par  sen- 
timent. 

Quant  aux  autres  mesures  et  précautions  que  vous 
me  marquez  dans  votre  lettre,  Monseigneur,  je  les  crois 
absolument  nécessaires,  et  suis  persuadé  que  MM.  les 
gouverneur  et  commissaire  -  ordonnateur  y  tiendront 
exactement  la  main  sur  les  ordres  que  vous  leur  en 
donnerez  ;  je  ne  connais  pas  personnellement  le  second, 
mais  je  suis  bien  sûr  du  premier,  qui  n'est  pas  moins 
attentif  à  l'établissement  et  au  progrès  de  la  religion, 
qu'au  bien  du  service,  et  qui  a  toutes  les  qualités  de 
l'esprit  et  du  cœur,  pour  pourvoir  et  fournir  à  l'un  et  à 
l'autre. 

D'ailleurs  le  poste  des  Allemands  n'est  qu'à  douze 
lieues  de  la  Nouvelle-Orléans,  en  remontant  le  fleuve, 
par  conséquent  sous  la  main  de  M.  Kerlerec  et  de 
M.  D'Auberville,  qui  pourront  le  veiller  de  près  et 
pourvoir  à  ce  que  les  conditions  imposées  à  ces  nou- 
veaux habitants  soient  exactement  exécutées  et  remplies 
de  leur  part,  si  ils  veulent  se  rendre  dignes  de  la  protec- 


DU    mXISTÈRE   DE   LA    MARINE  201 


tion  que  vous  voulez  bien  leur  accorder,  quoique  d'une 
croyance  différente  de  la  nôtre,  dans  l'espérance  qu'ils 
se  feront  instruire,  et  que,  tôt  ou  tard,  ils  se  rendront  à 
la  persuasion  et  à  la  force,  non  de  l'autorité,  mais  de 
nos  prescriptions  contre  eux,  qui^ont  bien  nos  plus 
fortes  armes,  et  le  discrédit  et  la  faiblesse  des  motifs  de 
leur  séparation  de  notre  communion. 

Je  pense  donc.  Monseigneur,  qu'il  n'y  a  rien  à  rabattre 
ni  à  diminuer  des  conditions  que  vous  voulez  imposer 
à  ces  émigrants,  et  que,  puisque  vous  me  permettez  de 
vous  dire  mon  sentiment,  il  y  auroit  même  encore  quel- 
ques précautions  à  ajouter,  non,  quant  au  fond,  mais  à 
la  forme  et  à  la  manière  de  distribuer  ces  nouveaux 
habitants  dans  le  poste  où  vous  désirez  les  faire  passer. 

1°  Suivant  que  vous  me  faites  l'boimeur  de  me  le 
marquer  dans  votre  lettre,  Monseigneur,  et  que  je  trans- 
cris ici  de  verho  ad  verhuin. 

Qu'ils  ne  feront  aucun  exercice  extérieur  ni  public 
de  leur  religion. 

2°  Que  par  conséquent  ils  ne  tiendront  ni  prêche,  ni 
assemblées  particulières  ni  privées. 

3**  Qu'ils  écouteront   les    instructions  particulières 
ou  lyuhliques  qu'on  leur  fera,   sans  cependant  qu'ils 
puissent  être  gênés  à  cet  égard,  ni  par  l'autorité  tem- 
porelle, ni  par  les  menaces  et  reproches  des  rnission- 
naires  qui  n'emploiei'ont  que  Vinsinuation  et  la  per- 
sv.asion  pour  les  gagner. 

4°  Qu'ils  feront  baptiser  leurs  enfants  à  l'église  des 
catholiques,  et  qu'ils  les  enverront  au  catéchisme  et 
aux  écoles  publiques,  quand  ils  seront  en  âge. 


202  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


5°  Que  par  conséquent  ils  les  laisseront  élever  dans 
la  religion  catholique,  apostolique  et  romaine. 

6°  Sous  la  condition  qu'ils  seront  renvoyés  en  France 
pour  retourner  dans  leur  pays  s'ils  contreviennent  à 
quelqu'une  de  ces  conditions. 

A  l'égard  des  livres  et  catéchismes  que  vous  vous 
proposez  de  me  faire  remettre,  Monseigneur,  je  les  ferai 
passer  soigneusement  dans  la  colonie,  et  j'y  ajouterai 
toutes  les  instructions  qui  pourront  dépendre  de  moi 
pour  la  pleine  et  entière  exécution  des  ordres  que  vous 
donnerez  à  ce  sujet,  et  que  je  vous  supplierai  de  me 
communiquer  pour  m'y  conformer,  dans  les  instruc- 
tions que  je  donnerai  aux  missionnaires,  et  que  je  con- 
certerai avec  le  gouvernement,  pour  que  l'autorité 
temporelle  vienne  à  l'appui  du  ministre  spirituel.  Voici 
présentement,  Monseigneur,  les  nouvelles  précautions 
que  je  croirois  convenables  et  devoir  être  observées 
pour  l'établissement  de  ces  nouveaux  habitants. 

1°  Si  on  les  mêle  avec  les  anciens,  je  pense  qu'il 
seroit  bon  que  le  nombre  des  premiers  fut  toujours 
supérieur  à  celui  des  seconds,  pour  tirer  avantage  de 
l'exemple  de  ceux  qui  sont  déjà  affermis,  et  éviter  le 
danger  de  la  perversion  de  la  part  de  ceux  qui  ont  une 
croyance  différente  de  la  nôtre. 

2o  Que  si  le  danger  de  la  perversion  paroît  plus  grand 
que  le  bénéfice  de  l'exemple,  et  oblige  d'établir  ces  nou- 
veaux habitants  séparément,  ils  accepteront  au  moins 
un  missionnaire  pour  la  conduite  et  l'instruction  de 
leurs  enfants  et  même  pour  eux,  si  ils  veulent  bien 
examiner  de  bonne  foi  la  validité  ou  l'insuffisance  de 
leurs  préjugés. 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    .MARINE  203 

3°  Enfin,  qu'ils  n'auront  aucune  correspondance  ni 
liaison  avec  les  Anglois  qui  pourroient  se  trouver  dans 
leur  voisinage,  propter  periculum  jMrversionis,  non 
seulement  sur  œ  qui  regarde  la  religion,  mais  pour  la 
fidélité  qu'ils  de^Tont  à  l'Etat  et  au  Koi....  Quant  à 
cette  dernière  précaution,  elle  est  plus  du  ressort  et  de 
la  compétence  de  l'autorité  temporelle  que  du  ministère 
ecclésiastique  et  des  ministres  qui  le  remplissent,  qui 
peuvent  au  plus,  avertir  le  gouvernement  de  ce  qui 
se  passeroit,  et  user  de  remontrances  et  de  représen- 
tations vis-à-vis  des  délinquants. 

Il  ne  me  reste  plus  à  ce  sujet.  Monseigneur,  qu'une 
seule  observation  à  vous  faire  sur  un  germe  de  division 
qui  se  trouve  actuellement  entre  les  deux  ordres  de 
missionnaires  qui  sont  à  la  Nouvelle- Orléans,  et  sur 
laquelle  il  sera,  je  crois,  pécessaire  d'interposer  votre 
autorité,  en  la  joignant  à  celle  de  Monseigneur  l'évêque 
de  Québec,  après  toutefois  que  pour  ne  pas  vous  en 
rapporter  à  mon  témoignage  seul,  vous  aurez  pris  la  pré- 
caution de  vous  en  faire  informer  par  le  gouvernement  ; 
je  crois  même  qu'il  y  a  ici  un  capucin  à  la  suite  de 
cette  affaire,  et  qu'il  y  auroit  quelque  danger  de  par- 
tialité à  vous  en  laisser  prévenir. 

Pour  ce  qui  concerne  la  seconde  lettre  que  j'ai  trouvée 
de  vous,  Monseigneur,  dans  le  même  paquet,  je  garderai 
en  exécution  de  vos  ordres  les  600  livTcs  dont  je  suis 
dépositaire,  jusqu'au  départ  des  premiers  missionnaires 
qui  seront  demandés  pour  l'année  prochaine....  Je  suis 
en  avance  de  150  et  quelques  livres  pour  l'envoi  de 
livres  de  piété  et  catéchismes  que  j'ai  fait  partir  cette 
année  pour  l'Acadie,  et  dont  j'ai  payé  en  sus  de  ce  que 


204  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


l'on  m'avoit  donné,  pour  suppléments,  caisses,  emballage 
et  port  d'ici  à  La  Rochelle,  les  susdites  150  et  quelques 
livres,  dont  il  ne  sera  cependant  que  ce  que  vous  jugerez 
à  propos  d'en  décider,  Monseigneur,  n'ayant  eu  pour 
m'y  déterminer  que  le  simple  conseil  de  M.  de  La 
Porte. 

Les  trois  missionnaires  destinés  pour  l'Acadie  sont 
embarqués  et  partis  du  8  de  ce  mois,  à  ce  qu'on  me 
mande  de  La  Rochelle....  A  l'égard  des  quatre  reli- 
gieuses ursulines  destinées  pour  la  Nouvelle-Orléans, 
j'ignore  encore  leur  sort  et  le  temps  de  leur  départ. 

Quant  au  pouvoir  nécessaire  pour  toucher  et  donner 
quittance  de  la  gratification  que  vous  avez  eu  la  bonté 
de  faire  accorder  à  M.  l'évêque  de  Québec,  Monsei- 
gneur, je  suis  muni  non  seulement  de  ses  lettres  de 
vicaire  général  pour  toutes  les  colonies  de  son  diocèse, 
mais  d'une  procuration  spéciale  pour  son  temporel,  qui 
est  bien  court  ;  et  mes  quittances  sont  même  reçues  à 
la  chambre  des  comptes  pour  ce  qui  regarde  les  sommes 
payées  aux  différentes  communautés  de  son  diocèse. 
Ainsi,  Monseigneur,  si  j'avois  su  le  montant  de  sa  gra- 
tification et  que  j'eusse  pu  encore  lui  écrire,  il  auroit 
pu,  à  l'inspection  de  ma  lettre,  trouver  de  l'argent  à 
Québec,  en  donnant  des  rescriptions  sur  moi  à  vue. 

Permettez,  Monseigneur,  que  j'aie  l'honneur  de  vous 
remercier  pour  M.  l'évêque  de  Québec,  et  que  je  vous 
supplie  en  même  temps  de  le  faire  profiter  de  la  bonne 
volonté  du  roi,  au  sujet  de  l'abbaye  que  Sa  Majesté  a 
paru  désirer  que  M.  l'ancien  évêque  de  Mirepoix  lui 
donnât  ;  il  paroîtra  toujours  étonnant,  à  quiconque  con- 
noît  M.  l'évêque  de  Québec,  qu'après  quatorze  ans  de 


DU    MIXISTàRE   DE   LA    MARINE  205 

grand  vicariat  en  France,  et  bientôt  quinze  d'épiscopat, 
sans  avoir  perdu  de  vue  son  diocèse,  il  soit  sans  un  sol 
de  revenu  (de  bien  d'Eglise)  et  que,  comme  le  disait 
M.  Eouillé  de  son  temps,  ce  soit,  pour  ainsi  dire,  un 
évêque  à  gages,  et  que  l'Etat  soit  obligé  de  gi"atifier 
pour  lui  aider  à  subsister,.,.  Je  ne  sais  cependant  (et 
c'est  pour  vous  seul,  Monseigneur,  que  je  hasarde  cette 
façon  de  penser),  j'ignore  s'il  seroit  avantageux  pour 
M.  l'évêque  de  Québec  que  les  grâces  du  roi  lui  pas- 
sassent par  la  main  de  M.  l'ancien  évêque  de  Mirepoix, 
vu  le  peu  de  bonne  volonté  qu'il  lui  a  marqué  jusqu'à 
présent,  et  dans  la  crainte  que  pressé,  et  enfin  déter- 
miné par  l'importunité,  il  n'allât  lui  donner  un  béné- 
fice de  4  à  5,000  livres  de  rente  qui  lui  tiennent  lieu 
de  tout,  et  ne  suffisent  à  rien,  eu  égard  aux  prodi- 
gieuses dépenses  que  lui  occasionnent  l'immense  éten- 
due et  le  détail  de  son  diocèse  ;  je  sais  ce  qu'il  m'en 
coûte  à  moi-même  pour  la  simple  correspondance. 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  21  juillet  1755. 


Monseigneur, 


Comme  je  suis  présentement  occupé  à  faire  mes 
réponses  pour  la  colonie  de  la  Louisiane,  d'après  les 
apostilles  que  vous  avez  eu  la  bouté  de  faire  mettre  en 
marge  de  mes  extraits  sur  cette  colonie,  dès  le  7  janvier 
dernier,  et  que  j'ai  lieu  de  craindre  qu'il  n'ait  pas  été 


206  EXTRAITS    DES    AlîCIIIVES 

donné  d'ordre  sur  les  différents  objets  que  vous  avez  eu 
la  bonté  de  décider,  n'y  ayant  pas  eu  de  vaisseaux  expé- 
diés depuis  pour  la  Nouvelle-Orléans,  j'ai  cru  que  vous 
me  permetteriez  de  vous  rappeler  les  principaux  objets 
sur  lesquels  il  a  paru  que  vous  désireriez  vous  en  rap- 
porter aux  témoignages  de  M.  le  gouverneur  et  de  M. 
le  commissaire-ordonnateur. 

Je  vous  supplie  donc.  Monseigneur,  de  vouloir'  bien 
vous  faire  informer  par  ces  messieurs  : 

l*'  De  ce  qui  fait  le  motif  de  la  division  des  jésuites 
et  des  capucins  dans  la  colonie,  au  préjudice  du  bien 
du  service  et  de  celui  de  la  religion,  à  moins  que  vous 
n'aimiez  mieux  vous  en  rapporter  à  ce  qui  m'en  a  été 
mandé,  et  donner  vos  ordres  à  ce  que  les  capucins  se 
conforment  comme  le  font  les  jésuites,  aux  règlements 
faits  par  M.  l'évêque  de  Québec,  sur  le  fait  de  la  juri- 
diction que  les  capucins  refusent  de  reconnoître  dans  la 
main  d'un  jésuite,  nommé  grand  vicaire  pour  la  Nou- 
velle-Orléans et  le  cours  du  fleuve,  en  remontant  jusqu'à 
la  Mobile...  difficulté  que  ne  font  pas  les  jésuites  dans 
le  haut  de  la  colonie,  et  dans  tous  les  postes  des  Illi- 
nois, où  M.  l'évêque  de  Québec  les  a  subordonnés  à  un 
prêtre  séculier,  supérieur  de  la  mission  des  Tamarois  ou 
Kaokias  ;  je  sens  bien  que  tous  ces  grands  vicaires 
locaux  et  établis  ad  annwm  et  ad  nutum,  me  sont 
subordonnés  ;  mais  je  ne  pense  pas  qu'il  fût  prudent 
ni  respectueux  de  rien  changer  aux  arrangements  et 
règlements  de  M.  l'évêque  de  Québec,  que  je  suis  sim- 
plement fait  pour  maintenir,  et  auxquels  je  dois  être  le 
premier  à  me  conformer. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  20, 


20  De  ce  que  sont  devenus  les  ordres  envoyés  depuis 
deux  ans  au  sujet  des  représentations  faites  à  la  Cour 
par  les  ursulines,  sur  la  lésion  qu'elles  souffrent  dans 
le  service  qu'elles  rendent  à  l'hôpital,  et  la  dispropor- 
tion des  charges  qu'elles  supportent,  et  de  ce  que  le 
roi  leur  donne  pour  y  subvenir. 

Elles  mandent  dans  toutes  leurs  lettres  qu'on  ne 
leur  a  communiqué  ni  leur  mémoire  ni  les  observations 
de  M.  Le  Normant,  ni  les  ordres  de  la  Cour  à  ce  sujet, 
et  qu'elles  sont  toujours  dans  la  souffrance  des  pertes 
que  leur  occasionne  le  marché  qu'elles  ont  fait  avec  le 
roi,  pour  le  service  de  l'hôpital  en  1744,  surtout  depuis 
que  les  charges  ont  triplé  et  quadruplé  vis-à-vis  du 
bénéfice  que  le  roi  leur  accorde,  et  qui  est  toujours  le 
même....  Elles  font  encore  à  ce  sujet,  une  nouvelle 
représentation  qui  paroît  fondée....  Le  roi  leur  donne 
3,600  livres  pour  douze  religieuses,  ce  nombre  suffisoit 
alors  vis-à-vis  des  charges  à  remplù-,  elles  sont  actuel- 
lement 17,  non  compris  les  4  que  je  fais  partir  cette 
année,  et  elles  de\Toient  être  au  moins  24,  qui  sûre- 
ment ne  pourroient  pas  vivre  avec  3,600  livres....  Sa 
Majesté  leur  accorde  4,500  livres  pour  30  oi"phelines, 
elles  en  ont  le  double  à  élever,  nourrir  et  entretenir,  la 
disproportion  est  égale  et  la  lésion  manifeste,  sauf  à 
vous  faire  rendi-e  compte.  Monseigneur,  de  la  vérité 
des  faits  et  de  l'attention  qu'ils  méritent. 

3°  Que  ces  mêmes  ursulines  sollicitent  depuis  long- 
temps la  permission  de  faire  une  petite  acquisition  de 
treize  à  quatorze  arpents  de  teiTe  qui  tiennent  à  une 
petite  habitation  qu'elles  ont,  et  qui  leur  sont  absolu- 
ment nécessaires...  que  vous  avez  fait  mettre  en  marge 


208  .  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


de  mes  extraits,  vis-à-vis  de  cet  article,  que  la  dite 
permission  leur  étoit  accordée  et  que  vous  feriez  écrire 
en  conséquence,  Monseigneur,  mais  que  si  cet  article 
est  oublié,  ces  bonnes  et  saintes  filles  se  trouveront  dans 
le  même  état  où  elles  sont  depuis  dix  ans  qu'il  y  a 
qu'elles  sollicitent  cette  permission. 

4°  Que  l'hôpital  dont  parlent  les  capucins  pour  le 
soulagement  des  pauvres  habitants  de  la  ville  peut  avoir 
son  utilité,  si  MM.  les  gouverneur  et  commissaire- 
ordonnateur  jugent  de  la  possibilité  de  l'établir,  ou 
plutôt  de  le  perfectionner,  comme  de  son  utilité,  dans 
l'état  même  où  il  se  trouve  actuellement. 

5°  Enfin,  et  une  dernière  observation  à  faire,  c'est 
que  l'on  se  plaint  que  l'apothicairerie  de  l'hôpital  des 
troupes  du  roi  n'est  pas  suffisamment  fournie  des 
remèdes  et  médicaments  proportionnés  au  nombre  des 
malades  qui  y  sont  reçus,  et  qu'à  cette  occasion  il  se 
présente  une  nouvelle  observation  à  faire  en  faveur  des 
malades  qui  se  trouvent  éloignés  de  la  capitale  et  des 
lieux  principaux  où  il  y  a  des  hôpitaux,  et  par  consé- 
quent des  secours  publics Que  si  on  les  fait  trans- 
porter dans  les  hôpitaux,..,  ces.  mêmes  hôpitaux  s'en 
trouvent  surchargés,  et  que  d'ailleurs,  ils  meurent  avant 
que  d'y  être  arrivés  et  transportés,  ce  qui  fait  une  perte 
pour  l'Etat  et  pour  la  colonie....  Qu'on  remédieroit  à 
ces  inconvénients  en  distribuant  des  remèdes  et  médi- 
caments aux  missionnaires,  qui  les  distribue roient  eux- 
mêmes  chacun  dans  leur  poste,  en  se  conformant  aux 
instructions  qui  leur  seroient  données  selon  le  genre  et 
l'espèce,  des  maladies  qui  surviendroient  parmi  les 
habitants. 


DU    MINISTÈRE   DE   LA   MARINE  209 

Voilà,  Monseigneur,  les  principaux  objets  que  j'ai 
cru  devoir  vous  représenter,  surtout  apprenant  que 
vous  étiez  actuellement  occupé  du  travail  de  la  colonie. 

Si  vous  n'avez  plus  besoin  des  extraits  et  différents 
mémoires  que  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  présenter  sur 
celles  de  l'Isle  Eoyale  et  de  l'Acadie,  je  vous  supplie 
de  me  les  faire  renvoyer,  les  gardant  tous,  du  moins 
pour  mémoire,  et  comme  un  journal  de  chaque  année, 
auquel  j'ai  recours  dans  la  circonstance,  et  le  besoin 
pour  ma  propre  instruction  et  ma  sûreté  dans  les 
réponses  que  je  fais  passer,  d'après  vos  apostilles,  aux 
différentes  colonies. 


Monseigneur, 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  30  juillet  175». 


La  consternation  dont  je  me  suis  senti  frappé  à  la 
nouvelle  de  la  prise  de  nos  deux  vaisseaux  et  des  suites 
fâcheuses  que  le  public,  avide  de  conjectures,  semblait 
prendre  soin  d'en  annoncer,  m'a  ôté  en  même  temps  et 
le  courage  et  la  liberté  de  vous  en  écrire. 

Je  me  flatte  cependant.  Monseigneur,  que  vous  êtes 
persuadé  de  mon  zèle  pour  tout  ce  qui  intéresse  votre 
gloii'e  aussi  bien  que  de  mon  attachement  et  de  mon 
zèle  pour  l'établissement  et  le  progrès  de  nos  chères 
colonies  de  l'Amérique  Septentrionale,  depuis  vingt- 
cinq  ans,  que  j'y  consacre,  de  grand  cœur,  mes  soins  et 
mes  peines,  pour  ce  qui  concerne  la  partie  dont  je  me 
14 


210  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


trouve  chargé  sous  vos  ordres  et  muni  des  pouvoirs  de 
M.  l'évêque  de  Québec. 

A  entendre  le  public  tout  était  perdu...  la  flotte  dis- 
persée . . .  Louisbourg  bloqué ...  les  Aiiglois  maîtres  de  la 
rivière  Saint-Jean...  Une  flotte  angloise  en  panne  dans 
le  fleuve  Saint-Laurent,  et  qui  nous  en  disputoit  et 
nous  en  empêchoit  l'entrée,  par  conséquent  de  parvenir 
jusqu'à  Québec  et  d'y  porter  les  secours  nécessaires... 
notre  fort  de  Beauséjour  pris  et  rasé...  tous  les  établisse- 
ments qui  sont  sur  ces  rivières  détruits  et  dispersés... 
risle  Saint-Jean  prise  et  ses  nouveaux  établissements 
détruits....  Voilà,  Monseigneur,  ce  qui  m'a  jeté  dans  la 
consternation  dont  je  vous  rends  compte  au  commen- 
cement de  ma  lettre,  et  ce  qui  m'a  ôté  jusqu'à  la 
faculté  de  vous  épancher  mon  cœur  et  de  vous  marquer 
ma  douleur. 

A  qui  en  veut  le  public  ?  ou  du  moins  quelques 
particuliers  ?...,  Quel  projet  en  résulte-t-il  pour  l'Etat 
et  la  patrie  ?  qu'une  incertitude  qui  jette  l'alarme  et 
même  le  découragement  dans  l'Etat  et  la  nation. 

Tout  cela  se  réduit  à  la  prise  de  deux  vaisseaux, 
dont  l'honorable  et  la  ferme  résistance  a  facilité  au 
surplus  de  notre  flotte  et  de  notre  armement  les  moyens 
de  parvenir  et  de  mouiller  à  Louisbourg. 

Si  cela  est,  Monseigneur,  notre  position»  est  bien  diffé- 
rente, nos  parages  sont  en  sûreté  pour  la  partie  essen- 
tielle qui  est  l'Isle  Royale  et  l'Acadie  françoise,  qui 
sont  les  deux  parties  où  les  Anglois  ont  porté  toutes 
leurs  forces. 

Nos  nouveaux  établissements  subsistent  donc  encore 
sous  le  fort  de  Beauséjour,  où  nous  avons  sur  ces  rivières 


DU   MINISTÈRE  DE  LA   MARINE  211 

{suivant  le  dernier  dénombrement  qui  m'en  a  été  envoyé) 
2,897  habitants,  dont  746  portant  les  armes,  vous  le 
pouvez  voir  dans  nos  extraits,  Monseigneur,  où  je  vous 
en  ai  rendu  compte. 

Puisque  l'Isle  Saint- Jean  n'est  par  prise,  nous  j  avons 
3,000,  5  à  600  habitants  qui  commencent  à  être  bien 
établis  et  qui  ne  manquent  que  d'un  fort  et  d'une  gar- 
nison suffisante  pour  protéger  et  défendre  leur  île  de 
l'insulte  des  Anglois. 

-  Ces  3,000,  5  à  600  habitants  forment  cinq  paroisses 
qui  ont  chacune  un  missionnaire  pour  les  desservir  et 
encourager  les  colons  et  cultivateurs  à  se  mettre  en  état 
■de  subsister  par  eux-mêmes. 

Il  n'est  pas  douteux  que  ces  nouveaux  habitants 
soient  soutenus  et  animés  par  le  renfort  de  troupes  et 
de  forces  qui  leur  an-ivent. 

D'aUleurs,  le  plus  grand  nombre  des  sauvages  qui  nous 
sont  alliés  :  les  Canibas,  les  Abénakis,  les  Maréchites, 
les  Micmacs  et  le  plus  grand  nombre  de  ceux  du  con- 
tinent, à  qui  ces  premiers  ont  envoyé  des  colliers  et 
déclarer  la  guerre  à  l'Anglois,  se  trouveront  également 
animés,  encouragés  et  soutenus  par  les  secours  que  la 
France  leur  porte. 

Peut-être,  Monseigneur,  que  j'aime  à  me  flatter,  mais 
j'aime  encore  mieux  porter  dans  ce  second  excès  que 
dans  le  premier  ;  d'ailleurs  rien  n'est  plus  dangereux 
que  de  jeter  l'alarme  et  l'inquiétude  dans  le  public. 
Ainsi,  pardonnez-moi  ma  confiance  et  la  bonne  opinion 
que  j'ai  de  nos  succès,  je  les  remets  de  plus  sous  la 
protection  de  Dieu  et  j'espère  qu'il  ne  nous  aljandon- 
nera  pas. 


212  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

Je  viens  de  recevoir  une  lettre  de  La  Rochelle  dans 
le  moment  et  de  M.  D'Abbadie,  qui  m'annonce  le 
départ  de  nos  quatre  religieuses  et  d'un  jésuite  qui 
les  accompagne  sur  un  vaisseau  parti  le  19,  du  port  de 
Eochefort  pour  la  Nouvelle- Orléans,  ce  qui  prouve, 
dans  les  circonstances  présentes,  de  la  part  de  ces 
bonnes  et  saintes  filles,  la  constance  de  leur  courage  et 
la  force  et  la  certitude  de  leur  vocation.  Dieu  veuille 
leur  procurer  une  heureuse  traversée  et  permettre 
qu'elles  se  rendent  à  leur  destination. 


Copie  d'une  lettre  écrite  à  M.  l'abbé  de  l'Isle-Dieu, 
par  M.  Le  Loutre,  prêtre  missionnaire  de  l'Acadift 
franco] se,  sous  le  fort  Beauséjour...  sous  le  nom  de 
Joseph  Desprez...  en  date  du  22  septembre  1755,  de 
Plymouth  : 

Monsieur, 

J'ai  été  pris  et  conduis  dans  ce  port.  Comme  on  ne 
m'a  pas  permis  d'aller  à  terre  je  ne  puis  vous  dire  ce 
que  je  deviendrai,  ni  vous  dire  où  je  serai,  mais  je  vous 
prie  de  me  faire  tenir  de  l'argent,  j'en  manque  totale- 
ment, et  de  travailler  à  procurer  ma  liberté;  j'espère 
que  vous  ferez  pour  moi  toutes  les  démarches  néces- 
saires, vous  verrez  M.  de  Machault  et  M.  de  Mirepoix, 
mon  adresse  à  M.  Desprez,  pris  par  la  frégate  l'Embus- 
cade,  et  conduit  à  Plymouth,  par  le  vaisseau  du  roi, 


DU    iUXISTÈKE   DE   LA    iLVRINE  213 

l'Oxford  ;  vous  voyez  par  là  qu'il  faut  s'adresser  à  un 
quelqu'un  bon  négociant  qui  fasse  toutes  les  démarches 
pour  me  trouver. 

Je  suis,  etc., 

J.-L.  Desprez. 


T.  S.  V.  P. 

En  face,  il  est  écrit  : 

"  Lettre  de  M.  Le  Loutre  pris  et  retenu  à  Plymouth, 
"  Monseigneur  le  garde  des  sceaux  est  supplié  de  lire 
"  la  copie  de  sa  lettre,  tant  à  la  première  page  qu'au 
"  revers,  où  se  trouvent  les  différentes  inscriptions  de 
"  la  susdite  lettre.  " 

Au  revers  : 

"  L'inscription  de  la  lettre  en  l'autre  part  est  de 
Monsieur  l'abbé  de  l'Isle-Dieu,  au  séminaire  des  mis- 
sions étrangères,  rue  du  Bacq,  faubourg  Saint-Germain, 
à  Paris. 

"  Au  revers  de  la  lettre  et  du  côté  du  cachet  est 
l'inscription  suivante,  et  d'une  écriture  différente  telle 
qu'elle  est  ci-après  figurée  : 

Sous  couvt  de  V.  Ths 

P.  M.  P.  Siioon 
à   Lond   29e   sept." 


214  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


M.    l'abbé   DE    L'ISLE-DIEU 

A  Paris,  le  4  octobre  1755. 
Monseigneur, 

J'ai  une  bien  mauvaise  nouvelle  à  vous  apprendre, 
mais  j'ai  cru  ne  pouvoir  trop  tôt  vous  en  informer. 

En  partant  mercredi  matin  pour  la  campagne,  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  rendre  compte  de  ce  qui  s'était  passé 
à  la  prise  du  fort  de  Beauséjour,  d'après  le  détail  que 
j'en  avais  reçu  d'un  missionnaire  aumônier  de  la  gar- 
jiison. 

J'ai  trouvé  hier  au  soir,  vendredi,  à  mon  retour,  une 
lettre  de  Plymouth,  datée  du  22  7^""^  et  signée  J.-L. 
Desprez, 

Ce  J.-L.  Desprez  est  M.  Le  Loutre,  prêtre  et  pre- 
mier missionnaire  de  l'Acadie  françoise  sous  le  fort  de 
Beauséjour,  dont  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  parler.  Mon- 
seigneur, dans  ma  dernière  lettre. 

J'ai  celui  de  vous  adresser  copie  de  la  sienne  datée 
de  Plymouth,  du  22  septembre  dernier,  avec  l'inscription 
sous  laquelle  elle  m'est  adressée,  et  une  seconde  inscrip- 
tion au  revers  de  la  susdite  lettre  et  du  côté  du  cachet. 

Comme  ce  missionnaire  n'est  pas  connu  de  vous, 
Monseigneur,  vous  pouvez  vous  en  informer  à  M.  de 
La  Porte,  et  même  à  M.  de  Eouilly,  l'un  et  l'autre  le  con- 
noissent  du  côté  du  zèle  et  de  l'intelligence,  et  savent 
également  l'utilité  dont  il  a  été  à  la  colonie  depuis  près 
de  20  ans. 

Vous  verrez  par  sa  lettre.  Monseigneur,  qu'il  a  été  pris, 
conduit  au  port  de  Plymouth,  et  qu'il  est  absolument 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  215 

sans  ressources,  quoiqu'il  soit  bien  digne  des  secours  et 
de  la  protection  de  la  Cour. 

J'ai  cru  devoir  commencer  par  vous  en  donner  avis, 
Monseigneur,  après  quoi  (et  si  vos  grandes  préoccupa- 
tions ne  vous  perraettoient  de  m'hpnorer  d'un  mot  de 
réponse)  je  vais  mettre  tout  en  œuvre  pour  procurer 
quelque  secours  à  ce  saint  et  vertueux  missionnaire, 
qui  a  également  bien  mérité  de  l'Etat  et  de  la  religion 
(quand  je  devrais  emprunter  et  vendre  une  partie  de 
mes  livres  pour  faire  honneur  à  mes  engagements,  à  son 
profit,  et  pour  le  soulager  dans  sa  détention  et  vis-à  vis 
de  la  détresse  où  il  se  trouve),  je  vous  demande  en  grâce, 
Monseigneur,  de  pourvoir  à  sa  sûreté. 

Quant  à  ses  besoins,  je  vous  supplie  de  me  faire 
informer  de  ce  que  vous  aurez  la  bonté  de  faire  en 
sa  faveur,  et  de  m'indiquer  vous  -  même  la  route 
que  je  dois  tenir  pour  lui  procurer  du  pain,  quand  ce 
devroit  être  aux  dépens  de  mes  propres  et  plus  pres- 
sants besoins,  n'en  connoissant  point  que  je  puisse  pré- 
férer aux  siens  ...je  me  croirois  trop  heureux  de  me 
priver  du  plus  nécesssaire  pour  soulager  un  aussi  bon 
serviteur  de  l'Etat  et  de  la  religion. 

Il   me  mande  de  vous  informer  de  sa  situation,  et 

d'en  parler  à  M.  de  Mirepoix Je  suppose  que  c'est  à 

M.  le  duc,  et  non  à  M.  l'ancien  évêque  de  ce  nom,  car 
quand  le  second  vivroit  encore,  il  ne  nous  seroit  pas 
d'une  gi'ande  ressource  ni  disposé  à  mieux  traiter 
les  missionnaires  de  ce  diocèse  que  leur  évêque. 

Je  n'ai  pas  cru  devoir  écrire  à  M.  le  duc  de  Mirepoix 
sans  avoir,  sur  cela,  reçu  vos  ordres  ;  j'ai  pensé  qu'il 
valoit  mieux  réunir  en  vous  toute  ma  confiance  et  mes 


216  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

espérances  en  faveur  de  ce  respectable  et  vertueux 
ecclésiastique. 

Je  vous  supplie,  Monseigneur,  de  ne  pas  me  laisser 
ignorer  ce  que  vous  voudrez  ])ien  faire  pour  lui,  il  est 
bien  digne  de  toutes  vos  bontés  et  des  secours  que  vous 
voudrez  bien  lui  procurer,  tant  pour  sa  liberté  que  pour 
sa  subsistance. 

Je  vous  les  demande  avec  la  dernière  instance  pour 
lui. 


M.  LABBÉ  DE  l'iSLE-DIEU 

A  Paris,  le  8  octobre  1755. 


Monseigneur, 


En  conséquence  de  votre  dernière  lettre  datée  du  5 
et  que  j'ai  reçue  hier  mardi,  7  du  courant,  je  me  rendis 
dans  le  moment  chez  M.  KoUy,  banquier,  rue  Vivienne, 
pour  y  concerter  avec  lui  la  lettre  qu'il  devait  écrire, 
et  qu'il  écrivit  sur  le  champ  à  un  Imnquier  négociant 
de  Londres  (M.  P.  Simon),  qui  se  trouvait  même  indiqué 
par  M.  Le  Loutre,  puisque  sa  lettre  étoit  parvenue  du 
port  de  Plymouth  à  Londres  sous  le  couvert  du  susdit 
M.  P.  Simon,  qui  me  l'avait  fait  passer  de  Londres  à 
Paris....  J'ai  pris  la  précaution  de  couper  la  signature 
de  la  lettre  de  M.  Le  Loutre  (signée  J.-L.  Desprez)  et 
de  l'insérer  dans  celle  de  M.  Kolly  à  Monsieur  P.  Simon, 
correspondant  de  Londres,  afin  qu'il  n'y  ait  ni  méprise 
de  sa  part,  ni  surprise  d'un  tiers. 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  217 


Avant  que  de  recevoir  la  réponse  dont  vous  m'avez 
honorée,  Monseigneur,  je  m'étais  déjà  informé  de  M. 
P.  Simon,  et  on  m'en  avoit  dit  beaucoup  de  bien  pour 
l'intelligence  et  l'exactitude D'ailleurs  il  est  à  présu- 
mer que  M.  Le  Loutre  qui  a  déjà  été  plusieurs  fois  en 
Angleterre,  le  connoît,  puisqu'il  lui  a  adressé  sa  lettre 

pour  mêla  faire  passer Le  seul  inconvénient  qui 

reste  à  craindre  c'est  que  notre  cher  prisonnier  n'ait  été 
transféré  depuis  le  22  7^^^  (date  de  sa  lettre)  et  que 
M.  P.  Simon  n'ait  de  la  peine  à  le  décou^Tir.  Yoilà, 
Monseigneur,  toutes  les  précautions  que  j'ai  pu  prendre, 
il  ne  me  reste  plus  qu'à  vous  supplier  de  pourvoir  à  la 
sûreté  et  à  la  liberté  de  notre  cher  missionnaire,  dès 
que  les  circonstances  le  permettront....  J'ignore  com- 
ment et  où  il  a  été  pris,  j'avais  eu  l'honneur  de  vous 
mander  d'après  la  lettre  de  l'aumônier  de  la  garnison 
de  Beauséjour  qu'il  en  étoit  sorti  un  quart  d'heure  avant 
que  les  Anglois  y  entrassent  et  qu'ils  l'y  avaient  fait 
beaucoup  chercher. 

Il  y  a  toute  apparence  qu'ils  l'ont  fait  suivre  dès 
qu'ils  ont  su  qu'il  prenoit  sa  route  vers  Québec,  ou  que 
si  il  y  est  arrivé,  il  a  voulu  repasser  en  France,  sur 
quelque  vaisseau  parti  de  ce  port  et  pris  par  les 
Anglois  dans  la  traversée  ;  mais  il  n'y  a  sur  cela  que 
des  conjectures  à  former,  jusqu'à  ce  qu'on  ait  de  lui 
un  plus  grand  détail,  que  je  ne  manquerai  pas  de  vous 
faire  passer,  Monseigneur,  dès  qu'il  sera  parvenu  jus- 
qu'à moi. 

Si  vous  ignorez,  Monseigneur,  le  sort  du  vaisseau 
sur  l'^.quel  nos  trois  missionnaires  séculiers,  et  le  Père 
Ambroise,  récollet  et  curé  de  Louisbourg,  sont  partis 


218  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


du  port  de  Eochefort,  dans  le  courant  de  juillet  der- 
nier pour  Louisbourg,  en  voici  le  détail  en  peu  de 
mots,  d'après  la  lettre  que  m'écrit  le  Père  Ambroise, 
récollet,  en  date  du  22  août....  Il  me  mande  qu'ils  sont 
amvés  le  18  à  la  vue  du  port  de  Louisbourg  et  que 
quoiqu'ils  l'aient  trouvé  bloqué,  ils  y  sont  entrés  sains 
et  saufs,  par  une  espèce  de  prodige....  Il  m'ajoute  que  les 
trois  prêtres  séculiers,  trouvant  les  postes  qu'ils  dévoient 
occuper,  dérangés  par  la  prise  de  Louisbourg,  dévoient 
passer  à  Québec,  par  le  premier  vaisseau  qui  partiroit 
de  Louisbourg,  pour  ce  port,  se  trouvant  inutiles  à 
Louisbourg,  et  pouvant  devenir  utiles  à  Monseigneur 
l'évêque  de  Québec,  qui  pourra  facilement  les  faire 
repasser  dans  les  postes  de  notre  Acadie  françoise,  pour 
lesquels  ils  étoient  destinés,  s'il  se  fait  quelque  arran- 
gement de  pacification  et  de  cantonnement  entre  les 
deux  couronnes. 

J'espère,  Monseigneur,  que  vous  approuverez  le 
parti  qu'ont  pris  ces  trois  zélés  et  vertueux  mission- 
naires qui,  suivant  la  lettre  du  Père  Ambroise,  doivent 
être  partis  de  Louisbourg  pour  Québec  le  24  ou  le  25 
de  septembre  ;  à  moins  que  la  prudence  de  MM.  de 
Drucourt,  de  Franquet  et  Prévost  n'en  ait  jugé 
autrement. 

Il  m'a  paru  par  la  lettre  du  Père  Ambroise  que  ses 
supérieurs  avoient  pris  la  précaution  de  rappeler  en 
France  deux  religieux  qu'ils  auroient  dû  y  faire  repas- 
ser depuis  longtemps  ;  il  y  en  a  bien  encore  quelqu'un 
mais  qui,  se  trouvant  seul  de  son  genre  et  de  son  carac- 
tère, sera  plus  facile  à  ramener  à  la  régularité  de  son 
état  et  à  l'exactitude  de  ses  fonctions  et  de  son  minis- 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  219 


tère....  D'ailleurs  le  Père  Ambroise,  actuellement  supé- 
rieur et  curé,  est  un  homme  doux  et  liant,  qui  a  tou- 
jours bien  vécu  avec  tous  les  prêtres  séculiers.  Ainsi, 
il  faut  espérer  qu'on  verra  revi\'re,  dans  cette  colonie, 
l'union,  la  paix  et  la  bonne  intelligence,  pour  le  bien 
même  du  service,  et  au  profit  de  l'édification  publique. 


M.    l'abbé   DE   L'ISLE-DIEU 

A  Paris,  le  10  octobre  1755. 


Monseigneur, 


Il  n'est  plus  douteux  que  ça  été  sur  mer  que  M.  Le 
Loutre  a  été  pris,  et  dans  la  travereée  de  Québec  en 
France. 

J'avois  eu  l'honneur  de  vous  informer,  Monseigneur, 
qiie  cet  ecclésiastique  étoit  sorti  de  Beauséjour  le  jour 
même  que  les  Anglois  y  étoient  entrés,  et  qu'il  avoit 
pris  la  route  de  Québec  par  teiTe. 

Je  vois  qu'il  est  arrivé  sans  accident  à  en  juger  par 
une  lettre  de  Madame  la  marquise  de  Vaudreuil,  qui 
m'annonce  le  départ  de  cet  ecclésiastique  pour  se  rendre 
en  France. 

Le  départ  de  cet  ecclésiastique  (de  Québec)  m'est 
d'ailleurs  confirmé  par  une  lettre  que  je  reçus  hier  de 
M.  Bigot,  pour  lui,  et  qu'il  lui  adi-esse  en  France. 

Si  la  fréquence  de  mes  lettres  vous  importunoit. 
Monseigneur,  je  vous  supplierois  de  me  le  faire  dire  ... 


220  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


jusque  là  je  me  croirai  oblige  de  vous  informer  exacte- 
ment et  à  temps  de  tout  ce  que  j'apprendrai  de  particu- 
lier dans  les  circonstances  présentes. 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  29  septembre  1755. 


Monseigneur, 


Je  viens  de  recevoir  dans  le  moment  une  lettre  du 
missionnaire  qui  étoit  aumônier  de  la  garnison  de  Beau- 
séjour,  lorsque  ce  fort  a  été  pris  par  les  Anglois. 

Sa  lettre  est  datée  du  9  juillet,  et  de  Louisbourg,  où 
il  me  mande  que  la  garnison  de  Beauséjour  est  sortie 
de  ce  fort,  après  16  jours  de  tranchée  et  d'attaque  très 
rigoureuse,  et  avec  des  forces  supérieures  aux  nôtres, 
surtout  vis-à-vis  de  la  conduite  qu'on  tenue  nos 
Acadiens  établis  sous  le  susdit  fort,  et  les  sauvages  qui 
n'ont  pas  fait  si  bonne  contenance  qu'on  espérait. 

Ce  missionnaire  m'ajoute  que  M.  Eouillé  est  passé 
en  France  pour  apporter  le  détail  à  la  Cour,  ainsi 
je  ne  vous  en  ferai  pas  de  plus  ample.  Monseigneur, 
surtout  n'ayant  encore  reçu  que  la  lettre  de  ce  mis- 
sionnaire qui  me  mande  que  le  jour  même  de  la  date 
de  sa  lettre,  il  s'embarque  pour  passer  de  Louisbourg  à 
Québec  avec  la  garnison  du  fort  de  Beauséjour  qui  en 
étoit  sortie  avec  les  honneurs  de  la  guerre  et  avoit  été 
conduite  à  Louisbourg  aux  frais  du  roi  de  la  Grande- 
Bretagne. 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  221 

L'essentiel  de  ma  lettre,  Monseigneur,  est  de  vous 
informer  du  sort  du  premier  et  principal  missionnaire 
que  nous  avions  sur  nos  nouveaux  établissements,  sous 
le  fort  de  Beauséjour  (M.  Le  Loutre). 

On  me  mande  que  les  Anglois  l'ont  beaucoup  cherché 
en  entrant  dans  le  fort,  et,  qu'à  en  juger  par  la  perqui- 
sition exacte  et  aAàde  qu'ils  en  ont  faite,  ils  paroissent 
disposés  à  lui  faire  un  mauvais  traitement...  mais  heu- 
reusement il  en  étoit  sorti  un  quart  d'heure  auparavant 
et  avoit  pris  et  dirigé  sa  route  vers  Québec,  où  il  doit 
être  actuellement. 

Ce  missionnaire  (M.  Le  Loutre)  avoit  heureusement 
pris  la  précaution  de  confier  tous  ses  papiers,  mémoires, 
plans  et  instructions  de  la  Cour,  à  un  particulier,  qui 
me  mande  les  avoir  remis  à  M.  de  Yillejoin,  comman- 
dant de  l'Isle  Saint-Jean,  et  assez  à  temps  pour  n'en 
avoir  pas  été  ti'ouvé  saisi,  puisqu'il  a  été  arrêté  depuis 
sur  les  simples  soupçons  qu'on  avoit  de  lui,  et  ensuite 
relâché. 

Ce  même  habitant  me  mande  que  M.  de  Villejoin  a 
fait  passer  tous  les  papiers  de  M.  Le  Loutre  à  un  M.  de 
^lanach,  missionnaire  des  sauvages  Micmacs,  qui  se 
sont  retirés  à  Eemchick  depuis  la  prise  de  Beauséjour, 
et  où  ils  sont  plus  en  sûreté  qu'ils  ne  l'auroient  été  au 
port  La  Joye  (fort  de  l'Isle  Saint-Jean),  où  commande 
M.  de  Villejoin,  s'il  venoit  à  être  attaqué. 

Il  m'a  toujours  paru  d'autant  plus  important,  que 
les  mémoires,  papiers  et  instructions  de  M.  Le  Loutre, 
ne  tombassent  pas  entre  les  mains  des  Anglois,  qu'il 
était  l'auteur  et  le  chef  de  tous  les  établissements  que 
nous   avions   sous  le  fort  de  Beauséjour,  et  sur  ses 


222  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

rivières,  et  qiie  l'indignation  des  Anglois  contre  ce  mis- 
sionnaire, auroit  bien  pu  rejaillir  sur  les  autres  mission- 
naires qui  nous  restent  encore  dans  ces  parages,  au  lieu 
que  par  la  capitulation  même,  on  me  mande  qu'il  fût 
permis  aux  habitants  de  rester  dans  leurs  habitations,  d'y 
exercer  librement  leur  religion  et  d'y  avoir  autant  de 
missionnaires  qu'ils  en  pourroient  entretenir...  du  moins 
on  me  le  mande,  et  M.  Rouillé  vous  donnera,  sans 
doute  sur  cela,  tous  les  éclaircissements  nécessaires  sur 
ce  qui  s'est  passé  depuis  la  prise  de  Beauséjour  jusqu'à 
son  départ  de  Louisbourg. 

On  m'a  remis,  Monseigneur,  et  même  envoyé  de 
l'imprimerie  royale,  l'ouvrage  de  MM.  les  commissaires 
du  roi  sur  les  limites  de  l'Acadie,  dont  j'ai  déjà  prié 
M,  de  La  Porte  de  vous  en  marquer  ma  très  respec- 
tueuse reconnaissance. 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  15  septembre  1755. 


Monseigneur, 


Nous  voilà  à  la  veille  ou  surveille  du  départ  de  la  Cour 
pour  Fontainebleau  ;  me  seroit-il  permis  de  vous  rap- 
peler la  situation  de  Monseigneur  l'évêque  de  Québec 
et  le  besoin  qu'il  a  non  seulement  de  la  gratification 
que  vous  lui  avez  obtenue,  mais  d'avoir  part  aux 
grâces  du  roi  dans  la  première  nomination  des  bénéfices 
vacants  qui  se  fera. 


DU    MINISTERE    DE    LA    MARINE  221 


Il  faut  espérer  que  Son  Eminence  Monseigneur  le 
cardinal  de  La  Eochefoucault  sera  mieux  intentionnée 
pour  lui  que  feu  M.  l'ancien  évêque  de  Miiepoix. 

Vous  savez,  Monseigneur,  que  dès  1753  le  roi  fit  dire 
à  M.  l'ancien  évêque  de  Mirepoix,  par  M.  Eouillé, 
qu'il  vouloit  qu'on  donna  un  abbaye  à  M.  l'évêque  de 
Québec...  quatorze  ans  de  grand  vicariat  en  France.... 
bientôt  quinze  ans  d'épiscopat  dans  le  nouveau  monde 
le  rendent  bien  digne  des  grâces  du  roi  dans  l'espèce 
de  celle  que  je  sollicite  pour  lui. 

Tous  m'avez  paru  bien  disposé.  Monseigneur,  en  sa 
faveur,  vous  êtes  instruit  des  intentions  du  roi  à  son 
égard  ...  vous  connoissez  l'utilité  dont  il  est  dans  son 
diocèse,  non  seulement  pour  ce  qui  concerne  son  minis- 
tère, mais  pour  le  bien  du  service  ;  j'ignore  si  vous  avez 
trouvé  l'occasion  d'en  parler  à  S.  E.  Mgr  le  cardinal  de 
La  lîochefoucauld. 

Si  vous  daignez,  Monseigneur,  m'houorer  d'un  mot 
de  lettre  qui  m'autorisât  à  le  faù'e,  je  me  présenterois  à 
son  audience,  et  je  ne  perdrois  aucune  occasion  de  lui 
représenter  les  besoins  instants  de  M.  l'évêque  de 
Québec  (plus  pressants  encore  pour  son  diocèse  que 
pour  lui),  car  pour  sa  dépense  personnelle  il  lui  est  aisé 
d'y  satisfaii'e  par  la  sobriété  dont  il  vit,  lorsqu'il  ne 
s'agit  de  rejirésentations  indispensables  pour  le  bien  du 
service. 

Je  n'ose  plus,  Monseigneur,  vous  parler  de  différents 
articles  de  mes  dernières  lettres  ;  si  cependant  je  ne 
craingnois  de  vous  importuner,  je  vous  demanderois  un 
ordre  pour  qu'on  me  déli\Ta  rou\Tage  de  MM.  les  com- 
missaires du  roi  sur  la  question  des  limites  ...je  suis 


224  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


informé  qu'on  le  délivre  au  public...  nous  sommes 
inondés  de  petits  ouvrages  fugitifs  sur  cette  question, 
j'avoue  que  je  serois  bien  aise  d'en  trouver  la  réponse 
dans  leur  source,  et  dans  les  titres  mêmes  sur  lesquels 
les  Angiois  imaginent  de  fonder  leurs  vagues  prétentions. 

Cette  matière  a  été  traitée  d'une  manière  si  concluante 
(contre  les  Angiois)  que  je  serois  bien  aise  de  revoir  ce 
que  MM.  les  commissaires  du  roi  leur  opposent,  et  la 
manière  dont  ils  combattent  et  détruisent  leur  système, 
dont  les  preuves  mêmes  militent  contre  leurs  préten- 
tions. 

Pardonnez-moi,  je  vous  prie,  cette  curiosité  de  citoyen 
et  de  patriote. 


M,  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  3  9bre  1755. 


Monseigneur, 


Il  m'a  paru  qu'il  étoit  de  mon  devoir  et  de  ma  recon- 
noissance  de  vous  informer  de  l'effet  qu'avoit  eu  la 
lettre  que  M.  KoUy,  banquier  de  Paris,  avoit  écrite  à 
M.  Simon,  banquier  de  Londres,  son  correspondant. 

Vous  en  jugerez  vous-même,  Monseigneur,  par  la 
lettre  de  M.  Le  Loutre,  sous  le  nom  de  J.-L.  Desprez, 
que  je  reçue  hier,  2^°^®  du  courant,  dont  je  joins  ici  la 
copie  figurée  (cette  lettre  m'est  parvenue  par  la  poste, 
sous  l'adresse  suivante)  :  à  Monsieur  l'abbé  de  l'Isle- 
Dieu,  au  séminaire  des  Missions  Etrangères,  faubourg 
Saint-Germain,  rue  du  Bacq,  à  Paris. 


DU   MINISTÈRE    DE   LA   MARINE  225 

Il  paroît,  ou  du  moins,  il  y  a  lieu  de  présumer,  Mon- 
seigneur, que  ce  bon  et  vertueux  missionnaire  a  reçu 
les  500  livres  que  vous  avez  ordonnées  à  M.  Kolly  de 
lui  faire  compter,  et  il  paroît  bien  disposé  à  ménager 
cette  petite  ressource,  qui  lui  étoit  extrêmement  néces- 
saire dans  la  détresse  où  il  se  trouvoit,  mais  il  paroît 
également  qu'il  est  toujours  à  bord  du  vaisseau  l'Oxford, 
dans  le  port  de  Plymouth,  sans  pouvoir  aller  à  terre... 
s'il  étoit  possible  de  lui  procurer  cette  liberté,  cela  lui 
feroit  grand  plaisir,  jusqu'à  ce  que  les  circonstances 
plus  favorables  permettent  de  lui  procurer  son  entière 
liberté...  je  crois  même,  Monseigneur,  que  vous  en 
pourriez  tirer  des  éclaircissements  très  utiles  (s'il  étoit 
en  France)  par  la  parfaite  connoissance  qu'il  a  de 
l'Acadie,  et  des  propriétés  et  possessions  respectives  des 
deux  couronnes,  dans  cette  colonie....  Je  vous  supplie, 
du  moins.  Monseigneur,  de  ne  le  pas  oublier,  et  de 
le  regarder  comme  un  excellent  sujet  du  roi,  qui  a 
toujours  bien  mérité  de  l'Etat  et  de  la  Eeligion. 

J'ignore,  Monseigneur,  les  mesures  que  vo\is  avez 
prises  au  sujet  des  capucins  de  la  Nouvelle-Orléans.... 
Je  suppose  cependant  que  (comme  j'avois  pris  la  liberté 
de  vous  en  supplier)  vous  avez  eu  la  bonté  de  donner 
vos  ordres  à  M.  de  Kerlerec,  gouverneur,  et  à  M.  D'Au- 
berville,  commissaire-ordonnateur  de  cette  colonie,  à 
l'effet  d'être  informé  par  eux  de  la  vérité  des  faits,  et 
des  charges  et  plaintes  respectives. 

Les  capucins  ont  répandu  un  libelle  imprimé  qui 
m'est  enfin  parvenu. ...  J'y  ai  vu  avec  douleur  toutes 
les  faussetés  qui  y  sont  témérairement  avancées. 

15 


226  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


Les  jésuites  de  France  qui  en  ont  eu  connaissance 
sont  venus  me  trouver,  et  me  demander  ce  qu'ils  avoient 
à  faire, ...  Je  leur  ai  conseillé  de  rester  tranquilles,  et  de 
s'en  rapporter  aux  mesures  de  prudence  que  vous  aviez 
prises,  et  aux  ordres  que  vous  aviez  donnés  à  ce  sujet, 
vous  ayant  supplié  de  vous  faire  informer  sur  les  lieux, 
de  la  vérité  des  faits  et  des  charges. 

Pendant  ce  temps-là,  Monseigneur,  j'ai  cru  cependant 
devoir  rassembler  sous  un  seul  point  de  vue,  tout  ce 
qui  s'est  passé  depuis  l'avènement  de  M.  de  Pontbriant, 
à  l'évêché  de  Québec,  j'y  joins  : 

l*'  L'arrangement  fait  par  M.  l'évêque  de  Québec 
pour  le  nouveau  gouvernement  spirituel  de  cette  colo- 
nie  Les  motifs  qui  l'y  ont  porté,  avec  l'attachement 

et  l'agTément  de  M.  le  comte  de  Maurepas,  alors  secré- 
taire de  la  marine. 

2°  L'article  de  l'hôpital  militaire  décide  n'appartenir 
ni  aux  jésuites  ni  aux  capucins,  mais  laissé  au  choix 
du  gouvernement,  pour  en  confier  par  eux  la  desserte 
spirituelle  à  ceux  des  deux  ordres  religieux  qu'ils  en 
jugeront  les  plus  dignes  et  les  plus  capables. 

J'ai  sur  cela,  entre  les  mains,  toutes  les  lettres  de  M. 
le  comte  de  Maurepas  et  de  M.  de  La  Porte,  et  c'est  en 
conformité  d»  ces  mêmes  lettres  que  M.  de  Vaudreuil 
s'est  conduit,  et  depuis  lui,  M.  de  Kerlerec  de  concert 
avec  M.  D'Auberville,  comme  M.  de  Vaudreuil  l'avoit 
fait  de  son  temps  avec  M.  Michel  et  avant  eux  M.  de 
Bienville  et  M.  de  Salmon. 

Il  me  revient  de  plusieurs  endroits,  Monseigneur, 
qu'il  doit  passer  cette  année  quatre  nouveaux  capucins 
à  la  Louisiane  avec  le  Père  Hilaire,  que  des  confrères 


DU   MNISTÈRE   DE   LA   MARINE  227 

avoient  député  en  France  pour  y  exposer  leurs  plaintes 
et  y  soutenir  leurs  prétentions,  telles  qu'elles  sont  expo- 
sées et  déduites  dans  leur  mémoire. 

S'il  est  vrai.  Monseigneur,  que  vous  ayez  accordé  et 
approuvé  le  passage  de  ces  saints  religieux,  je  n'ai  rien  à 
dire  ;  mais  comme  ils  n'ont  pris  aucuns  pouvoù's  ni 
aucunes  approbations  de  moi  (n'en  ayant  pas  même 
entendu  parler,  non  plus  que  du  Père  HUaire),  et  qu'ils 
ne  veident  point  reconnoître  la  juridiction  du  grand 
vicaire,  nommé  pour  la  Nouvelle-Orléans,  par  Mgr 
l'évêque  de  Québec,  Us  prétendent  apparemment  décider 
la  question  par  eux-mêmes,  et  par  voie  de  fait,  être 
indépendants  de  l'ordinaire,  se  donner  pour  mission- 
naires apostoliques,  et  ne  reconnoître  que  la  mission  du 
Pape,  qu'ils  n'ont  pas,  et  qui  d'ailleurs  ne  pourroit  avoir 
lieu  dans  un  évêché  en  titre,  au  préjudice  des  droits  et 
de  la  juridiction  de  l'ordinau-e.  D'ailleurs  encore.  Mon- 
seigneur, l'intention  de  M.  l'évêque  de  Québec,  dans  ses 
an'angements  en  partant  pour  son  diocèse,  a  été  qu'il 
ne  partit  de  France,  aucuns  missionnaù-es  séculiers  ni 
réguliers  pour  les  différentes  colonies  de  son  diocèse, 
qu'ils  n'eussent  été  vus,  examinés  et  approuvés  par  son 
vicaire  général  en  France  (arrangement  concerté  avec 
la  Cour,  et  approuvé  par  M.  le  comte  ^e  Maurepas, 
suivant  que  ses  différentes  lettres  à  ce  sujet  en  font  foi). 

Je  m'acquitte  sur  cela,  Monseigneur,  des  différentes 
représentations  que  M.  l'évêque  de  Québec  me  repro- 
cheroit  tôt  ou  tard  de  ne  vous  avoir  pas  faites,  et 
d'aiQeurs  l'usurpation  d'une  juridiction  que  les  capucins 
n'ont  pas,  et  que  M.  l'évêque  de  Québec  n'a  pas  eu 
intention  de  leur  accorder  depuis  son  avènement  à  l'épis- 


228  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

copat,  mettroit  les  sujets  du  roi  en  souffrance,  ce  qui 
est  déjà  arrivé  dans  les  deux  derniers  mariages  qui  se 
sont  faits,  sur  la  fin  de  l'année  dernière  par  les  capucins, 
et  sur  des  dispenses  qu'ils  ont  accordées,  sans  en  avoir 
le  pouvoir  ni  la  juridiction. 

Sans  des  raisons  aussi  importantes,  Monseigneur,  et 
des  représentations  aussi  nécessaires  à  vous  faire,  je 
n'aurois  pas  pris  la  liberté  de  vous  importuner,  je  ne 
suis  pas  assez  jaloux  d'une  juridiction  qui  me  pèse,  pour 
le  moins  autant  qu'elle  m'honore,  surtout  vis-à-vis  de 
mon  âge,  de  mes  infirmités  et  des  dépenses  qu'elle  m'oc- 
casionne, au  dépens  de  mon  propre  nécessaire,  depuis 
vingt-cinq  ans,  mais  je  ne  dois  pas  me  plaindre  quand 
on  laisse,  depuis  bientôt  quinze  ans  M.  l'évêque  de 
Québec,  sans  pain,  ou  du  moins,  pour  toute  ressource, 
vis-à-vis  d'une  simple  pension  modique  sur  l'économat 
et  réductible  à  volonté. 


A  bord  du  vaisseau  de  guerre  l'Oxford, 


ce  if4  octobre  1755. 

Monsieur, 

J'ai  reçu  la  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'honneur  de 
m'écrire  en  date  du  7  du  mois  courant. 

Je  vous  suis  obligé  de  votre  attention,  et  vous  pouvez 
être  persuadé  que  je  ne  prendrai  l'argent  que  pour  le 
pur  nécessaire,  je  vous  prierai  cependant  de  donner 
ordre  pour  tout  ce  dont  je  pourrois  avoir  besoin,  en  cas 
qu'il  fallût  un  cautionnement  pour  me  i^rocurer  une 


DU    ^UXISTÈRE   DE   LA    iLA^RINE  229 

honnête  lil^erté.  Comme  vous  savez  mieux  que  moi  ce 
qu'n  faut  faire  et  que  vous  connoissez  les  personnes 
auxquelles  U  faut  s'adresser,  je  ne  vous  nommerai  plus 
personne,  mais  je  vous  prie  d'agir  sans  relâche,  forte- 
ment et  avec  confiance,  car  je  n'ai  commis  aucun  crime. 

Je  suis,  etc., 

J.-L.  Desprez. 

Pour  copie. 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  18  9bre  1755. 
Monseigneur, 

]M.  Kolly  me  fit  remettre  hier  une  lettre  ouverte  (et 
qui  paroît  n'avoir  point  été  cachetée)  de  ]M.  Le  Loutre, 
et  il  me  mande  qu'il  en  a  envoyé  copie  à  M.  de  La  Porte, 
qui,  sans  doute,  vous  l'aura  déjà  communiquée.  Ainsi, 
j'ai  cru  inutile  de  vous  en  envoyer  une  nouvelle  copie, 
mais  j'y  vois  avec  une  gi'ande  douleur  et  une  inquiétude 
égale  pour  le  sort  de  notre  cher  missionnaire,  qu'il  a  été 
reconnu  et  transféré  du  port  de  Plymouth  dans  celui  de 
Portsmouth  à  bord  du  vaisseau  le  Royal  George,  avec 
aussi  peu  de  Kberté  qu'il  en  avoit  à  Plymouth  à  bord 
du  vaisseau  l'Oxford. 

L'ne  nouvelle  circonstance  augmente  encore  mon 
inquiétude,  je  vis  hier  une  dame  qui,  venant  du  Cap, 
avec  un  enfant  de  trois  ans,  avoit  été  prise  sur  mer  et 
conduite  à  Plymouth,  (elle  s'appelle  Madame  de  Lan, 


230  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

et  loge  à  Paris,  rue  Salleaucomte  (?),  chez  M.  Modelle, 
marchand  d'étoffes  d'or). 

Dans  une  assez  longue  conversation  que  j'ai  eue 
avec  elle,  elle  m'a  rendu  un  compte  exact  du  traite- 
ment qui  lui  avait  été  foit,  et  de  tout  ce  qui  s'étoit 
passé  à  son  égard,  et  au  sujet  des  autres  passa- 
gers de  qui  on  a  retenu  tous  les  effets,  elle  y  perd  elle- 
même  12  à  1,300  livres,  mais  on  leur  a  donné  à  tous  la 
liberté  de  repasser  en  France,  et  on  a  fait  conduire  notre 
cher  missionnaire  de  Plymouth  à  Portsmouth. 

Je  me  suis  exactement  informé  si  on  avoit  envoyé 
quelque  passager  du  port  de  Plymouth  (ce  qui  seroit 
encore  de  plus  mauvais  augure  pour  notre  cher  prison- 
nier), mais  je  n'ai  pu  rien  découvrir. 

Vous  verrez  par  sa  lettre.  Monseigneur,  le  traitement 
qu'on  lui  a  fait  dans  les  premiers  jours  qu'il  est  arrivé 
à  Portsmouth,  à  bord  du  vaisseau  le  Eoyal  George,  et 
les  démarches  qu'il  a  faites  pour  avoir  la  liberté  d'aller 
à  terre. 

Vous  verrez  également.  Monseigneur,  par  la  copie  de 
la  lettre  de  M,  P.  Simon,  correspondant  de  M.  Kolly, 
les  notes  qu'on  a  données  à  la  Cour  d'Angleterre  contre 
M.  Le  Loutre....  Permettez  donc,  je  vous  supplie,  que  je 
réclame  en  sa  faveur,  de  votre  protection,  tout  ce  que 
les  circonstances  présentes  vous  permettront  de  faire 
pour  lui....  J'ignore  encore  s'il  a  reçu  les  500  livres  que 
vous  lui  avez  accordées,  quoique  j'eusse  lieu  de  présu- 
mer de  sa  dernière  lettre  ;  mais  il  me  paroît  que  le 
correspondant  de  M.  Kolly  lui  a  adressé  une  lettre 
de  crédit  à  Portsmouth,  ayez  en  pitié,  je  vous  en  con- 


DU    MINISTÈRE   DE    L\    MA.RIXE  231 

jure,  Monseigneur  ...  on  peut  vous  certifier  de  plus 
d'une  part,  en  ce  pays-ci,  qu'il  a  assez  bien  mérité  de 
l'Etat  et  de  la  Eeligion,  pour  n'être  pas  abandonné. 


M,  l'abbê  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  29  9bre  J755. 


Monseigneur, 


Je  reçus  hier  au  soir  une  lettre  particulière  de 
Louisbourg,  en  date  du  26  octobre  dernier,  et  qui  m'est 
venue  par  Saint-Malo,  ce  qui  me  fait  juger  qu'il  j  est 
arrivé  un  vaisseau  venant  de  Louisbourg. 

Cette  lettre  m'annonce  que  nous  n'avons  plus  de 
missionnaires  dans  l'intérieur  de  l'Acadie  angloise, 
c'est-à-dire  dans  la  péninsule,  et  que  trois  (savoir  MM. 
Daudin,  Le  Cliau^Teux  et  Lemaire  qui  étoient  à  Port- 
Eoyal  et  aux  Mines)  ont  été  enlevés  et  conduits  à  Chi- 
bouctou  ou  Halifax,  sans  qu'on  n'en  ait  pu  avoir  des 
nouvelles  depuis. 

Il  y  en  avoit  un  quatrième  nommé  M.  Des  Enclaves, 
dont  on  ne  me  parle  point.  Il  avoit  quitté  depuis  deux 
ans  Port-Royal  et  s'étoit  retiré  auprès  de  quelques 
habitants  Acadiens-françois,  dans  la  partie  de  l'Est,  au 
Cap  de  Sable,  j'ignore  ce  qu'il  est  devenu. 

On  me  mande  également  que  les  Auglois  ont  chassé 
ce  qui  restoit  encore  d' Acadiens-françois  dans  la  partie 
de  la  péninsule  qu'ils  habitoient,  et  qu'ils  les  ont  réduits 
à  la   dernière  misère  ....    Ils   y  auront  apparemment 


232  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

substitué  des  colons  et  cultivateurs  anglois,  qui  auront 
trouvé  la  nappe  mise,  et  qui  auront  pu  profiter  du 
travail  et  des  cultivations  de  nos  pauvres  Acadiens- 
françois,  aussi  bien  que  de  leurs  effets  morts  et  vifs.... 
Il  restoit  encore  dans  cette  partie  (suivant  le  dernier 
dénombrement  qu'on  m'en  a  envoyé)   6,345  habitants. 

On  m'ajoute  que  depuis  que  les  Anglois  se  sont 
emparé  de  la  rivière  Saint-Jean,  où  nous  avons  plus  de 
2,500  habitants,  nouvellement  établis  sur  de  bonnes 
terres,  ils  en  ont  chassé  les  missionnaires,  et  qu'ils  mal- 
traitent beaucoup  ces  mêmes  habitants. 

Le  missionnaire,  qui  étoit  depuis  quelques  années 
chargé  de  2,897  habitants  bien  établis,  sur  les  rivières 
de  Chipoudy,  retkoudiak  et  Memramcouk,  sous  le  fort 
de  Beauséjour,  a  pris  le  parti  de  se  retirer  à  Québec,  sur 
la  nouvelle  qu'il  a  eue  que  les  Anglois  vouloient  le 
faire  arrêter. 

On  me  mande  rien  de  l'Isle  Saint-Jean,  où  nous  avons 
(suivant  les  derniers  dénombrements)  plus  de  3,000 
habitants  qui  commencent  à  se  bien  établir,  en  cinq 
paroisses,  qui  ont  chacune  un  missionnaire,  y  compris 
celui  du  fort  nommé  La  Joye. 

Il  paroît  qu'on  craint  la  disette  à  Louisbourg  par  le 
défaut  de  communication  avec  ceux  de  nos  postes  qui 
pourroient  contribuer  à  son  approvisionnement. 

Je  n'ai  point  eu  de  nouvelles  du  pauvre  M.  Le 
Loutre  depuis  le  10  du  courant,  je  le  crois  toujours  à 
bord  du  vaisseau  le  Royal  George,  dans  la  rade  de 
Portsmouth,  où  je  le  crois  fort  maltraité,  suivant  qu'il 
me  le  mandoit  par  sa  dernière  lettre  ....  Je  sais  cepen- 
dant que  sur  les  lettres  de  M.  Kolly,  M.  P.  Simon,  son 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  233 

correspondant  à  Londres,  lui  a  fait  passer  une  lettre  de 
crédit  pour  Portsmouth,  comme  il  en  avoit  une  ci-devant 
poiu"  Plymouth. 


M.  l'abbê  de  l'isle-dieu 

A  Paris,  le  15  Xbre  1755. 


Monseigneur, 


Quoique  j'ignore  si  vous  approuvez  mon  exactitude 
à  vous  informer  de  tout  ce  que  j'apprends  de  nos  colo- 
nies, je  crois  cependant  devoir  continuer  jusqu'à  ce 
que  vous  m'ayez  fait  donner  des  ordres  contraires. 

Il  faut,  Monseigneur,  qu'il  soit  arrivé  un  nouveau  vais- 
seau à  Saint-Malo,  il  y  a  aujourd'hui  huit  jom-s  (lundi 
8  du  courant)....  J'avais  eu  l'honneur  de  vous  mander, 
par  ma  dernière  lettre.  Monseigneur,  que  le  gouverne- 
ment anglois  avoit  fait  an-êter  (le  7  août  dernier)  ce  qui 
restoit  encore  de  missionnah-es  dans  la  péninsule  de 
leur  Xouvelle-Ecosse,  et  qu'il  les  avoit  fait  conduire 
dans  les  prisons. 

Je  vois  par  une  lettre  qvie  j'ai  reçue  hier  au  soir, 
datée  du  9  et  d'un  M.  Daudin,  ci-devant  curé  dans  le 
diocèse  de  Sens,  et,  depuis  1753,  missionnaire  dans 
l'Acadie  angloise  où  il  desservoit  Port-Eoyal  et  les 
postas  voisins,  qu'il  est  anivé  la  veille,  le  8,  à  Saint- 
Malo,  avec  un  de  ses  confi'ères,  nommé  M.  Le  Chau- 
"VTeux,  ancien  missionnaire  aux  ^lines,  qui  a  eu  le 
même  sort  que  lui. 


234  EXTKAITS   DES   ARCHIVES 


Ce  missionnaire  m'écrit  fort  brièvement,  et  ne  me 
parle  point  de  deux  autres  missionnaires  (M.  Des 
Enclaves  et  M.  Lemaire)  qui  étoient  avec  lui  dans  le 
gouvernement  anglois,  ainsi  j'ignore  ce  qu'ils  sont 
devenus...  il  me  dit  seulement  qu'il  se  rendra  inces- 
samment à  Paris  pour  me  faire  le  détail  de  la 
position  actuelle  de  l'Acadie,  et  de  ce  qui  s'y  est  passé 
depuis  ses  dernières  lettres  ;  mais  qu'il  est  obligé  de 
partir  pour  Eennes,  où,  suivant  qu'il  me  le  mande,  il  a 
dû  arriver  samedi  dernier,  13  du  courant,  et  d'où  il  se 
rendra  à  Nantes,  et  de  Nantes  à  Orléans  par  la  Loire,  si 
elle  est  praticable,  j)oiir  y  déposer  son  confrère  M, 
Le  Chauvreux,  qui  y  trouvera  apparemment  sa  famille 
ou  des  amis  pour  l'y  recevoir,  et  lui  donner  les  secours 
que  son  âge  et  ses  infirmités  lui  rendent  nécessaires  et 
même  indispensables. 

Je  compte  donc,  Monseigneur,  que  M.  Daudin  se 
rendra  à  Paris  au  plus  tard  dans  les  premiers  jours  de 
janvier,  et  peut-être  même  auparavant,  mais  j'ignore 
encore  de  quoi  je  l'y  ferai  subsister  n'y  ayant  ni  faculté, 
ni  famille,  et  c'est  un  homme  à  conserver,  si  les  choses 
prenoient  une  autre  forme....  Il  a  quitté  une  cure  de 
1,600  livres  pour  se  consacrer  à  l'œuvre  de  nos  missions, 
et  la  conduite  qu'il  y  a  tenue  fait  son  éloge  à  tous 
égards,  et  du  côté  du  zèle  et  de  celui  de  la  prudence... 
c'est  même  le  seul  des  quatre  qui  étoient  sous  le  gou- 
vernement anglois,  sur  qui  on  puisse  compter,  les  trois 
autres  étant  infirmes  ou  consumés  de  travail  et  d'années. 

J'aurai  l'honneur  de  vous  présenter  M.  Daudin  lors- 
qu'il sera  rendu  à  Paris,  si  vous  le  jugez  à  propos, 
Monseigneur,  où  je  vous  ferai  passer  l'extrait  du  détail 


1 


DU   MINISTÈRE  DE   LA   MARINE  235 

qu'il  m'aura  fait....  Si  vous  daignez  avoir  quelques 
bontés  pour  lui,  et  lui  procurer  quelques  petits  secours 
de  subsistance  jusqu'à  ce  qu'on  puisse  lui  laisser 
prendi-e  un  autre  parti,  je  vous  supplie  de  m'adresser 
vos  ordres  à  ce  sujet,  et  de  me  pardonner  l'importunitë 
que  je  vous  cause  ;  j'imagine  cependant  que  vous  ne 
blâmerez  pas  mon  zèle  pour  des  hommes  aussi  respec- 
tables, et  qui  ont  tout  sacrifie,  exposé  même  leur  vie, 
pour  le  bien  du  ser\-ice  de  l'Etat  et  de  celui  de  la 
Eeligion. 

J'ai  enfin  reçu  des  nouvelles  de  M.  Desprez  Le  Loutre, 
sa  lettre  est  du  3  du  courant....  Il  est  toujours  à  la  rade 
de  Portsmouth,  à  bord  du  vaisseaii  le  Royal  George, 
sans  permission  d'aller  à  terre,  cependant  moins  dure- 
ment traité  qu'il  ne  l'a  voit  été  auparavant. 

J'aurai  l'honneur  de  vous  adresser  la  copie  exacte  et 
figurée  de  sa  lettre,  si  vous  le  jugez  à  propos,  Monsei- 
gneur.... *  Elle  contient  la  nouvelle  requête  qu'il  a  pré- 
sentée aux  chefs  de  l'Amirauté,  et  par  laquelle  il 
demande  à  comparoître  devant  ses  juges,  à  subir  tel 
interrogatoire  qu'on  jugera  à  propos  ;  mais  qu'on  veuille 
bien  lui  accorder  la  liberté  d'aller  à  teiTe  pour  s'y  faire 
traiter,  soit  dans  telle  prison  qu'on  voudra  lui  indiquer, 
ou  à  terre  sous  caution,  afin  qu'il  ait  la  liberté  de  voir 
les  médecins  et  chnurgiens  dont  il  a  besoin,  pour  le 
traiter  d'un  asthme  qui  le  réduit  à  l'extrémité  surtout 
à  bord  d'un  vaisseau,  où  il  ne  peut  avoir  ni  feu  par  la 
saison  où  nous  sommes,  ni  les  autres  secours  nécessaires. 


*  Ces  points  de  suspension   se  trouvent  dans  le  manuscrit 
original,  et  n'indiquent  pas  de  suppressions — Note  de  l'Editeur. 


236 


EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


M,  P.  Simon,  correspondant  de  M.  KoUy,  m'a  égale- 
ment écrit,  et  me  mande  qu'il  a  donné  ordre  à  un  M. 
William,  son  correspondant  à  Portsmouth,  de  compter 
500  livres  à  M.  Desprez  Le  Loutre,  qui  m'écrit  lui- 
même  qu'il  n'en  a  encore  pris  que  cinq  guinées,  ne 
croyant  devoir  toucher  cet  argent  qu'à  fur  et  à  mesure 
qu'il  en  aura  besoin,  dans  l'espérance  de  se  servir  utile- 
ment de  ce  qu'il  pourra  conserver  et  épargner  pour  se 
faire  traiter,  s'il  peut  avoir  la  liberté  d'aller  à  terre. 

En  vérité.  Monseigneur,  de  pareils  hommes,  d'aussi 
fidèles  citoyens  et  de  si  généreux  confesseurs  de  la  foi 
sont  bien  dignes  de  votre  compassion,  et  des  grâces  et 
de  la  protection  de  la  Cour. 

M.  Desprez  Le  Loutre  me  mande  qu'il  est  le  seul  et 
unique  françois  détenu  dans  la  rade  de  Portsmouth. 


M.  l'abbé  de  l'isle-dieu 


A  Paris,  le  23  Xbre  1755. 


Monseigneur, 


Quelque  crainte  que  j'aie  de  vous  importuner,  au 
milieu  des  gTandes  occupations  où  je  vous  sais,  ne  vou- 
lant rien  faire  de  ma  tête  et  sans  conseil  ou  ordre  de 
votre  part,  je  ne  puis  me  dispenser  de  vous  confier 
l'embarras  où  je  me  trouve. 

Il  me  vient  journellement  des  lettres  des  différentes 
colonies  de  l'Amérique,  nos  pauvres  missionnaires  dis- 
persés m'en  écrivent  des  différents  ports  où  ils  prennent 
terre. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  237 


Je  reçois  toutes  ces  lettres  et  j'en  acquitte  le  port, 
suivant  l'usage  où  je  suis  de  le  faire  pour  mon  compte, 
depuis  25  ans  ;  mais  ce  n'est  pas  là  ce  qui  me  peine 
le  plus.  Tant  que  mes  petites  facultés  et  ma  santé  me 
permettront  de  faire  face,  les  unes  à  la  dépense,  et 
l'autre  à  un  travail  qui  peut  également  servir  l'Etat  et 
la  Eeligion...  je  suis  citoyen  et  j'ai  l'honneur  d'être 
prêtre,  cela  me  suait  pour  être  également  attaché  à 
l'un  et  à  l'autre  ;  mais  voici.  Monseigneur,  ce  qui  me 
pénètre  de  douleur. 

Xous  n'avons  plus  aucun  missionnane  dans  la  Xou- 
velle-Ecosse,  sous  le  gouvernement  anglois,  ni  dans 
l'Acadie  f  rançoise,  sur  les  rivières  établies  -sous  le  fort 
de  Beauséjour  que  les  Anglois  nous  ont  pris. 

De  quatre  missionnaires  qui  étoient  dans  la  Xou- 
velle-Ecosse,  sous  le  gouvernement  anglois,  trois 
(comme  j'ai  déjà  eu  l'honneur  de  vous  le  marquer)  ont 
été  enlevés,  et  après  quelques  mois  de  prison  à  Halifax, 
ont  été  conduits  à  Portsmouth,  et  de  Portsmouth  ont  été 
envoyés  sur  un  vaisseau  qu'ils  ont  frété  à  leurs  dépens, 
avec  plusieurs  autres  passagers  dans  le  port  de  Saint- 
Malo,  d'où  ils  m'ont  annoncé  leur  débarquement  et 
leur  dispersion  chacun  de  leur  côté,  selon  les  vues 
qu'ils  avoient. 

Le  seul  et  unique  missionnaire  qui  étoit  dans  l'Acadie 
françoise,  et  qui  desservoit  au  moins  quarante  lieues 
de  pays,  sur  les  trois  rivières  de  Chipoudy,  Petkoudiak 
et  Memramcouk,  a  pris  la  fuite  sur  la  première  nou- 
velle qu'il  a  eue  que  les  Anglois  vouloient  faire 
enlever  ses  'habitants  pour   les   faire   transporter  en 


238  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


Angleterre.    J'ignore  ce  qu'il  est  devenu,  je  le   crois 
cependant  actuellement  parvenu  à  Québec. 

Vous  voyez,  Monseigneur,  par  le  détail  que  je  viens 
de  vous  faire  des  quatre  missionnaires  qui  étoient  dans 
la  Nouvelle- Ecosse,  sous  le  gouvernement  anglois,  qu'il 
n'y  en  a  eu  que  trois  d'arrêtés  et  de  transportés  en 
Angleterre  ....  J'ignore  absolument  encore  ce  qu'est 
devenu  le  quatrième,  qui  s'étoit  ci-devant  retiré  de 
Port-Eoyal  et  réfugié,  avec  quelques  Acadiens-françois, 
au  Cap  de  Sable. 

Quant  aux  trois  missionnaires,  que  par  vos  ordres, 
Monseigneur,  j'ai  fait  partir  cette  année  pour  Louisbourg, 
voyant  qu'il  n'y  avait  rien  à  faire  pour  eux  à  l'Acadie 
angloise  ni  françoise,  ils  ont  heureusement  passé  à 
Québec,  où  M.  l'évêque  de  Québec  les  a  reçus  et  d'où  il 
pourra  les  renvoyer  dans  l'Acadie,  s'il  se  fait  quelque 
conciliation  entre  les  deux  couronnes  au  moyen  d'une 
paix  solide  (et  pour  la  maintenir)  de  la  fixation  des 
limites. 

Je  vois  donc  actuellement  à  Québec  cinq  excellents 
missionnaires,  et  bien  propres  à  servir  l'Etat  et  la 
Eeligion,  si  on  les  met  à  portée  de  le  faire  ;  mais  j'ignore 
de  quoi  M.  l'évêque  de  Québec  pourra  les  faire  subsis- 
ter, étant  lui-même  fort  à  l'étroit  ;  mais  les  hommes 
qui  pensent  comme  lui  ne  connoissent  que  le  bien 
qu'ils  peuvent  faire,  et  savent  oublier  leurs  propres 
besoins  pour  ne  penser  qu'à  ceux  des  autres,  et  c'est 
un  évêque  de  cette  espèce  que  M.  l'ancien  évêque  de 
Mirepoix  a  laissé  sans  aucune  grâce  de  la  Cour,  malgré 
les  ordres  bien  positifs  du  roi  à  ce  sujet. 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  239 

J'ai  présenté  un  nouveau  mémoire  en  faveur  de  ce 
respectable  prélat,  à  Son  Eminence  M.  le  cardinal  de 
La  Eochefoucauld...  j'ignore  quel  en  sera  le  succès; 
mais  j'en  espère  rois  beaucoup  si  vous  vouliez  seule- 
ment dire  un  mot,  Monseigneur,  et  que  le  roi  voulût 
bien  se  souvenir  de  ses  favorables  dispositions  pour  M. 
l'évêque  de  Québec,  bien  digne  de  l'attention  et  des 
grâces  de  Sa  ]\Iajesté  : 

Les  cinq  missionnaires  qui  sont  actuellement  à  Québec 
sont  : 

Le  premier,  M.  de  Biscarat  ; 

Le  deuxième,  M.  Eudo  ; 

Le  troisième,  M.  Coquart  ; 

Le  quatrième,  M.  Vizien,  ci-devant  aumônier  de  la 
garnison  du  fort  de  Beauséjour,  et  compris  dans  la 
capitulation  ; 

Le  cinquième,  M.  Le  Guerne,  ci-devant  et  depuis 
nombre  d'années  missionnaire  de  2,897  habitants,  bien 
établis  sur  les  rivières  de  Chipoudy,  Petkoudiak,  Mem- 
ramcouk,  sous  le  fort  de  Beauséjour  (supposé  qu'en  se 
sauvant  à  travers  les  bois  pour  éviter  d'être  enlevé  par 
les  Anglois  il  ait  pu  parvenir  et  se  réfugier  à  Québec 
entre  les  bras  et  sous  la  protection  de  son  évêque). 

Je  reviens,  présentement,  Monseigneur,  aux  mission- 
naires que  j'ai  actuellement  en  France,  et  aux  besoins 
desquels  je  suis  hors  d'état  de  subvenir,  si  vous  ne  me 
procurez  des  secours,  Monseigneur. 

Le  premier  se  nomme  M.  Lemaire,  ci-devant  mission- 
naire aux  Mines  dans  l'Acadie,  sous  le  gouvernement 
anglois. 


240  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


Il  est  arrivé  de  Saint-Malo  ici  où  je  l'ai  reçu,  en  me 
chargeant  d'y  payer  sa  pension  pendant  le  cours  d'une 
retraite  qu'il  m'a  demandé  d'y  faire,  après  quoi  je  ne 
saurai  qu'en  faire. 

Le  second  et  le  troisième  se  nomment  l'un  M,  Daudin, 
ci-devant  missionnaire  à  Port-Royal,  et  l'autre  M.  Le 
Chauvreux,  ci-devant  missionnaire  d'une  des  paroisses 
des  Mines,  dans  la  Nouvelle-Ecosse,  sous  le  gouverne- 
ment anglois...  je  les  crois  tous  deux  actuellement  à 
Orléans,  d'où  M.  Daudin  doit  arriver  incessamment  à 
Paris,  et  dont  je  crois,  Monseigneur,  que  vous  pourrez 
tirer  beaucoup  d'éclaircissements  ;  d'ailleurs  c'est  un 
homme  à  conserver  et  fort  en  état  de  retourner  en 
mission,  si  on  en  a  besoin....  Quant  à  M.  Le  Chauvreux, 
il  est  usé  d'années,  de  travail  et  d'infirmités,  et  je  le 
crois  digne  de  quelques  petits  secours. 

J'en  ai  un  quatrième  qui  est  arrivé  de  l'Isle  Saint- 
Jean  (où  il  desservoit  une  très  grosse  paioisse)  à  La 
liochelle,  par  les  derniers  vaisseaux....  Il  se  nomme  M. 
Perroiinet,  ci-devant  missionnaire  curé  de  la  paroisse  de 
Saint-Pierre  du  Xord-d'Est,sur  la  rivière  de  ce  nom,  dans 
l'Isle  Saint- Jean....  Mais  malheureusement  il  est  infirme, 
et  plus  encore  d'esprit  que  de  corps...  il  est  tombé 
dans  une  espèce  d'imbécillité  et  d'enfance  qui  le  mettent 
hors  d'état  de  remplir  aucune  fonction  ecclésiastique.... 
Il  a  été  mis  en  arrivant  à  La  Ptochelle,  à  l'hôpital  de 
cette  ville  dans  la  communauté  des  prêtres  qui  le  des- 
servent par  M.  l'official  de  La  Rochelle,  qui  est  de  mes 
amis,  sur  le  pied  de  40  sous  par  jour,  et  sur  mon  compte, 
jusqu'à  nouvel  ordre  de  ma  part...  j'ai  écrit  pour  qu'on 
en  eût  grand  soin...  mais  vous  voyez  bien,  Monsei- 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  241 

gneur  que  je  ne  suis  pas  en  état  de  payer  une  pension 
de  730  livres  à  cet  ecclésiastique,  à  moins  que  de  me 
réduire  moi-même  à  la  mendicité. 

D'ailleurs,  si  le  roi  veut  avoir  pitié  de  cet  ecclésias- 
tique. Sa  Majesté  peut  en  être  quitte  à  bien  meilleur 
compte,  en  le  faisant  placer,  avec  le  secours  d'une 
petite  pension,  dans  l'hôpital  où  il  est,  au  nombre  des 
malades  laïcs,  et  c'est.  Monseigneur,  sur  quoi  je  prends 
la  liberté  de  demander  vos  ordres  aussi  bien  pour  les 
secours  nécessaires  aux  trois  autres  missionnaires 
(M.  Daudin,  M.  Le  Chauvreux  et  M,  Lemaire)  qui 
sont  actuellement  en  France,  et  surtout  pour  M.  Dau- 
din qui  est  un  homme  à  conserver. 

A  l'égard  des  différents  détails  qui  m'ont  été  envoyés 
svu*  les  différents  postes  de  nos  colonies  de  l'Amérique, 
je  ne  vous  en  ferai  et  ne  vous  en  présenterai  l'extrait, 
Monseigneur,  que  quand  vous  me  l'aurez  ordonné,  dans 
la  crainte  de  vous  importuner  par  des  redites  de  détails 
dont  vous  êtes  peut-être  informé,  beaucoup  mieux  que 
je  ne  pourrois  le  faire,  quoique  ce  qui  m'en  a  été  mandé 
me  paroisse  fort  exact  pour  les  faits  et  pour  les 
réflexions  et  combinaisons,  sur  les  mesures  à  prendre 
pour  conserver  nos  possessions  et  rentrer  dans  les  usur- 
pations qu'on  nous  a  faites,  tant  du  côté  des  i)ays  d'en 
haut  du  fleuve  Saint-Laurent  que  de  celui  de  l'Acadie. 

Si  j'avois  été  sûr  d'être  admis  à  votre  audience.  Mon- 
seigneur, je  me  serois  rendu  à  Versailles,  et  je  le  ferai 
immédiatement  après  les  fêtes,  si  vous  me  le  permettez, 
et  que  vous  m'en  donniez  l'ordre,  mais  de  façon  ou 
d'autre,  je  serois  bien  aise  de  savoir  si  vous  me  per- 

16 


242  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 


mettez  de  suivre  les  différentes  affaires  dont  j'ai  l'hon- 
neur de  vous  parler  dans  cette  lettre,  afin  de  mettre 
fin  à  mes  importunités. 

Je  n'ai  point  eu  de  nouvelles  de  M.  Le  Loutre  depuis 
le  3  du  courant,  et  le  dernier  compte  que  j'ai  eu  l'hon- 
neur de  vous  en  rendre,  je  lui  ai  écrit  depuis  et  je  sais 
qu'il  a  reçu  une  lettre  de  crédit  sur  un  banquier  de 
Portsmouth  ;  mais  ce  qui  m'étonne  et  m'inquiète  beau- 
coup, c'est  que  les  trois  missionnaires  d'Halifax  qui  ont 
été  conduits  à  Portsmouth,  et  qui  sont  actuellement  en 
France,  le  croyoient  ici  et  n'en  ont  point  entendu  parler 
pendant  le  séjour  qu'ils  ont  fait  à  Portsmouth,  ce  qui 
prouve  qu'il  est  extrêmement  resserré. 

Je  vous  supplie  de  me  faire  donner  vos  ordres  sur 
le  contenu  de  cette  lettre,  afin  que  je  puisse  m'y  con- 
former. 


M.    DE   CONTRECŒUR 

Au  Fort  Duquesuc,  le  20  juillet  1755. 


Monseigneur, 


Monsieur  le  général  aura  eu  l'honneur  de  vous  rendre 
compte  de  la  victoire  que  nous  avons  eue  sur  les  Anglois 
le  9  de  ce  mois,  à  trois  lieues  de  ce  fort. 

Après  le  succès  réitéré  que  j'ai  eu  depuis  que  j'ai 
l'honneur  de  commander  ici,  il  ne  me  restera  plus  rien 
à  désirer  si  Votre  Grandeur  approuve  la  conduite  que 
j'ai  tenue  dans  les  différentes  occasions  qui  se  sont 
présentées,  et  si  cette  dernière  action  peut  mettre  les 
principaux  officiers   qui  s'y  sont  trouvés   à  portée  des 


DU   MINISTÈRE    DE    LA   MARINE  243 

grâces  du  roi  ;  il  me  reste,  Monseigneur,  à  vous  rendre 
compte  de  la  bonne  volonté  qu'ont  fait  paroître  tous 
messieura  les  officiers  ;  il  ne  m'a  pas  été  permis  de 
répondre  à  l'empressement  que  chacun  d'eux  a  voit 
d'aller  au  devant  de  l'ennemi,  nos  découvreurs  me  rap- 
portoient  tous  les  jours  que  les  ennemis  venoient  par 
différents  chemins  pour  investir  le  fort  ;  il  était  néces- 
saire de  garder  ici  ce  qui  étoit  indispensablement 
nécessaire  pour  garder  le  fort.  M.  de  Beaujeu,  qui  étoit 
nommé  pour  me  succéder  dans  le  commandement  de  ce 
poste,commandoit  le  parti  ayant  pour  seconds  messieurs 
Dumas  et  De  Ligneris,  il  eût  le  malheur  d'être  tué  à  la 
troisième  décharge  des  ennemis,  dans  le  temps  que  nos 
François  et  sauvages  commençoient  à  balancer;  cet 
accident,  au  heu  de  décourager  notre  monde  ne  fit  que 
le  ranimer.  Ces  deux  messieurs  se  surpassèrent  pour 
encourager  les  nôtres  et  le  bon  Dieu  se  mit  de  notre 
côté.  Monsieur  le  général  aura  eu  l'honneur,  Monsei- 
gneur, de  vous  informer  du  reste,  tous  les  officiers  qui 
étoient  dans  cette  action  et  vingt-deux  cadets  se  sont 
également  distingués. 

Un  accident  fâcheux  produit  par  les  fatigues  de  la 
campagne  dernière  me  mettra  peut-être  hors  d'état  de 
continuer  mes  services  ;  il  me  reste  deux  enfants  pour 
lesquels  j'ose  implorer  l'honneur  de  votre  protection. 
L'aîné  a  été  employé  ailleurs  par  monsieur  le  général, 
le  plus  jeune  m'a  toujours  suivi  dans  cette  partie,  l'un 
et  l'autre  sont  en  état  de  bien  remplir  leur  devoir  par- 
tout où  ils  seront  employés. 


244  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


M,    DE   CONTRECŒUR 

A  Montréal,  le  28  7bre  1755. 


Monseigneur, 


J'ai  l'honneur  de  vous  rendre  compte  qu'après  avoir 
eu  le  commandement  de  Niagara,  M.  le  marquis 
Duquesne  me  déféra  celui  de  la  rivière  Ohio  ;  je  reçus 
ses  ordres  étant  encore  à  Niagara  au  mois  de  janvier 
1754,  et  aussitôt  je  me  mis  en  marche  par  terre  pour 
me  rendre  à  la  dite  rivière  ;  il  me  fut  impossible  d'y 
parvenir  par  les  mauvais  chemins  et  la  dureté  de  la 
saison  avant  le  16  avril  de  la  même  année. 

En  arrivant  au  fort  Duquesne,  qui  est  le  principal 
poste  de  cette  rivière,  j'y  trouvai  un  fort  ennemi  dont 
je  m'emparai  aussitôt  après  avoir  contraint  les  Anglois 
qui  étoient  dans  son  enceinte  à  en  déguerpir  ;  j'ai  resté 
au  fort  Duquesne  jusqu'au  15  du  présent  mois  et  je 
suis  arrivé  en  cette  ville  le  26. 

M.  le  marquis  de  Vaudreuil  vous  aura  sans  doute 
informé,  Monseigneur,  de  la  dernière  victoire  que  je 
remportai  au  9  juillet  dernier,  au  fort  Duquesne,  ainsi 
que  des  différentes  précautions  que  je  pris  dans  le 
temps  pour  le  mettre  à  couvert  des  insultes  de  l'ennemi, 
dont  les  prétentions  ne  tendoient  à  rien  moins  que  de 
s'en  rendre  maître. 

Si  mes  services  peuvent  mériter  auprès  de  vous. 
Monseigneur,  quelque  récompense,  j'ose  vous  supplier 
de  m'accorder  la  croix  de  Saint-Louis  et  l'avancement 
de  mes  deux  enfants. 

L'aîné  qui  est  enseigne  est  actuellement  faisant  fonc- 
tion  de    major   dans    un  parti  auprès  du  fort  Saint- 


DU   MINISTÈRE   DE   LA   MARINE  245 

Frédéric,  et  le  cadet  âgé  de  23  ans  n'est  encore  que 
cadet,  celui-ci  étoit  à  la  dernière  campagne  de  la  rivière 
Ohio,  il  se  trouva  à  l'action  du  fort  Duquesne  et  y  eût 
le  chien  de  son  fusil  cassé  par  une  balle  ennemie. 

J'ose  me  flatter,  Monseigneur,  que  vous  voudrez 
bien  m'accorder  la  grâce  que  je  vous  demande.  Mon 
zèle  et  celui  de  mes  enfants  j)our  le  service  du  roi 
n'en  prendra  qu'un  nouvel  accroissement,  et  tous 
ensemble  nous  serons  toujours  prêts  à  nous  sacrifier 
pour  sa  défense. 


A  Québec,  le  11  novembre  1755. 

M.  CHAUSSEGROS  DE  LÉRY,  INGÉNIEUR 

Il  seroit  nécessaire  de  co^ivrir  en  ardoise 
tous  les  bâtiments  du  roi.  Place  d'élève 
de  la  marine  à  Toidoti,  po^ir  son  neveu  ; 
qne  son  fis  Heuteiuint  à  Louisbonrg 
retourne  en  Canada.  Propose  ses  deux 
fils  pour  ingénieurs. 
Monseigneur, 

Les  projets  des  Anglois  étoient  de  s'emparer  du  fort 
Duquesne  dans  la  Belle-Rivière,  ils  marchoient  avec 
un  corps  de  troupes  réglées  de  trois  mille  hommes  de 
l'artillerie,  munitions  de  guerre  et  de  bouche,  et  tout 
ce  qui  étoit  nécessaire  pour  en  faire  le  siège,  ils  ont  été 
attaqués  par  un  petit  corps  de  nos  gens,  composé  de 
huit  cent  cinquante  hommes,  officiers,  soldats,  milices 
et  sauvages,  à  trois  lieues  du  fort,  ils  ont  été  entière- 
ment défaits,  ils  ont  perdu  leur  artillerie,  munitions,  le 


246  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

commandant  mort  de  ses  blessures,  six  cents  hommes 
tués  SUT  le  champ  de  bataille,  on  les  a  poursuivis,  et  le 
carnage  a  continué.  Monsieur  le  général  sait  la  perte 
des  Anglois. 

Comme  j'avois  su  le  projet  des  ennemis  qui  étoit 
de  s'emparer  de  nos  forts,  j'écrivis  à  mon  fils  aîné 
qui  achevoit  le  fort  du  Détroit  de  descendre  au  fort 
Duquesne  pour  le  mettre  en  état  de  défense,  et  de  là 
il  s'est  rendu  au  fort  de  Niagara  pour  y  faire  la  même 
chose. 

M.  de  Lotbinière  est  allé  au  fort  Saint-Frédéric  pour 
y  faire  un  retranchement  autour  du  fort,  et  un  fort  à 
Carillon  à  six  lieues  du  fort  Saint-Frédéric  du  côté  des 
Anglois  pour  couvrir  le  premier  fort. 

Il  est  an-ivé  à  Québec  un  incendie  affreux.  Le  feu  a 
pris  à  l'Hôtel-Dieu,  le  vent  étant  au  nord-est,  les  flam- 
mes ont  traversé  la  rue  et  ont  mis  le  feu  à  la  couver- 
ture en  planches  des  prisons,  salles  d'armes  et  nouvelles 
casernes  et  casernes  Dauphine,  toutes  les  couvertures 
ont  brûlées,  le  reste  a  été  sauvé  étant  voûté,  j'ai  tout 
fait  réparer.  Il  y  a  eu  six  maisons  de  particuliers 
brûlées. 

Une  dépense  utile  et  nécessaire,  ce  seroit  de  couvrir 
tous  les  bâtiments  du  roi  en  ardoise,  ce  seroit  une 
dépense  l)ien  utile,  je  l'avois  déjà  proposée. 

Les  fortifications  de  Québec  n'ont  pas  avancées  cette 
année,  une  grande  partie  des  ouvriers  étant  allés  à  la 
Belle-Rivière,  et  au  fort  Saint-Frédéric,  les  dépenses 
seront  peu  de  chose. 

Je  vous  supplie.  Monseigneur,  de  m'accorder  la  grâce 
de   procurer   à  mon  neveu,  fils  de  feu  mon  frère  aîné, 


1 


DU    MIXISTKRE   DB    L\    MVRIXE  247 

capitaine  dans  Vandosme,  une  place  d'élève  écrivain 
de  roi,  à  Toulon,  où  est  son  bien. 

Et  d'accorder  à  mon  fils  le  cadet,  lieutenant  dans  les 
troupes  à  Louisbourg,  son  changement  pour  ce  pays,  y 
ayant  déjà  été  officier. 

Si  j'avois  encore  deux  ingénieurs  ordinaires  du  roi,  les 
travaux  des  fortifications  des  places  et  des  forts  se 
feroient  aisément,  je  vous  offre  mes  deux  fils,  lieu- 
tenants dans  les  troupes  qui  en  sont  capables  ;  je  vous 
supplie,  Monseigneur,  de  leur  être  favorable.  S'il  y 
avoit  quatre  ingénieurs,  je  serois  en  état  de  tenir  tant 
en  ordre. 


Porté  au  roi,  le  22  mars  17S5. 
TRANSPORTS    DE   TROUPES,    ARMEMENTS 

Lorsqu'il  a  été  rendu  compte  à  Sa  Majesté  au  com- 
mencement du  mois  dernier,  des  opérations  des  ports 
relativement  à  l'armement  des  vaisseaux  destinés  à 
transporter  en  Canada  six  bataillons  des  troupes  de 
terre,  il  n'étoit  alors  question  que  des  premiers  prépa- 
tifs  nécessaires  à  cette  occasion.  Mais  dans  tout  le  cou- 
rant de  février  et  dans  les  quinze  premiers  jours  de 
mars,  on  a  fini  entièrement  la  carène  de  tous  les  vais- 
seaux, et  il  y  en  avoit  déjà  onze  en  rade  à  Brest,  le 
quinze  de  ce  mois. 

On  a  commencé  par  ceux  qui  sont  destinés  à  com- 
poser l'escadre  commandée  par  M.  Du  Bois  de  la  Mothe, 
parce  qu'il  a  été  arrangé  que  tous  les  vaisseaux  de  cette 


248  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

escadre  seroient  mis  en  rade  dès  ce  mois-ci,  pour  n'oc- 
casionner aucun  retardement  à  l'embarquement  des 
troupes  dans  le  premier  rëgiment  arrivé  à  Brest  le  trois 
avril.  Cela  n'empêchera  point  que  tous  les  vaisseaux 
de  l'escadre  commandée  par  M.  de  Macnemara  ne 
soient  prêts  pour  le  temps  qui  a  été  fixé,  attendu  que 
l'on  achèvera  leur  armement  dans  l'intervalle  de  l'em- 
barquement des  troupes,  dont  le  premier  n'ira  à  bord 
que  le  cinq  avril,  et  le  sixième  le  quinze  du  même 
mois.  Il  y  a  tout  lieu  d'assurer  à  Sa  Majesté  que  tous 
les  vaisseaux  des  deux  escadres  seront  prêts  du  quinze 
au  vingt  avril,  et  qu'elles  pourront  alors  partir  de  Brest 
si  les  vents  sont  favorables. 

L'escadre  commandée  par  M.  de  Macnemara  est  com- 
posée de  trois  vaisseaux  et  de  trois  frégates  du  port 
de  Brest,  et  de  trois  vaisseaux  du  port  de  Eochefort. 
Deux  de  ces  derniers  ont  été  conduits  à  la  rade  de  l'Isle 
d'Aix  le  26  du  mois  passé,  et  le  troisième  a  descendu 
la  rivière  le  13  de  celui-ci.  On  doit  espérer  que  les 
deux  premiers  seront  à  Brest  ce  mois-ci,  et  que  le  der- 
nier y  arrivera  dans  les  premiers  jours  d'avril. 

La  frégate  La  Diane  qui  doit  aller  à  Louisbourg  et 
ensuite  à  Québec,  d'où  elle  reviendra  au  devant  de 
M.  Du  Bois  de  La  Mothe,  étoit  prête  à  partir  des 
rades  de  La  Rochelle,  dès  le  20  février.  Les  vents  lui 
ont  été  contraires  jusqu'au  13  mars  qu'elle  a  mis  à  la 
voile  avec  un  vent  favorable. 

La  Fidèle,  qui  doit  également  précéder  en  Canada 
l'arrivée  de  l'escadre,  est  prête  et  n'attend  pour  partir 
que  M.  Bigot,  intendant  de  la  colonie,  qui  doit  s'y 
embarquer,  et  qui  n'étoit  resté  ici  que  pour  y  conceil^er 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  249 


toutes  les  dispositions  nécessaires,  relativement  aux 
troupes  qui  vont  passer  en  Canada. 

Quoiqu'il  y  ait  lieu  de  juger  et  même  d'assurer  en 
quelque  manière  que  tout  sera  prêt  à  Brest  pour  le 
départ  des  escadres  du  15  au  20  avril,  il  reste  cepen- 
dant à  arriver  dans  ce  port  beaucoup  de  munitions  et 
effets  que  l'on  tire  du  Havre,  du  port  Louis;  de  Eoche- 
fort  et  de  Bayonne,  dont  le  transport  dépend  de  la 
navigation  plus  prompte  ou  plus  lente  des  bâtiments 
sur  lesquels  sont  chargés  ces  munitions  et  effets. 

Tous  les  approvisionnements  d'habillements  et  d'us- 
tensiles des  troupes  que  l'on  a  fait  faire  à  Paris  sont 
transportés  sur  des  rouliers,  dont  quelques-uns  sont  déjà 
arrivés  à  Brest,  et  tous  les  autres  sont  en  route  pour  y 
arriver  successivement,  il  n'en  reste  plus  à  faire  partir 
de  Paris. 

Comme  il  a  été  réglé  par  Sa  Majesté  que,  des  six 
bataillons  qui  s'embarquent  à  Brest,  il  n'y  en  aura  que 
quatre  qui  iront  en  Canada,  et  que  les  deux  autres  iront 
à  risle  Eoyale,  ce  dont  le  commandant  de  l'escadre  et 
celui  des  troupes  ne  doivent  avoir  connoissance  que 
par  les  paquets  qu'ils  ouvriront  sur  le  Grand-Banc  ;  on 
a  été  obligé  de  former  plusieurs  arrangements  pour  que 
la  division  de  l'escadre  puisse  être  faite  sans  confusion. 

Le  premier  arrangement  a  été  de  déterminer  quels 
seront  les  vaisseaux  sur  lesquels  chaque  bataillon  sera 
embarqué,  et  l'on  a  observé  de  destiner  pour  la  division 
qui  ka  à  l'Isle  Royale  les  vaisseaux  qui  tirent  le  plus 
d'eau,  dont  la  navigation  auroit  été  difficile  dans  le 
fleuve  Saint-Laurent.  On  a  aussi  déterminé  en  même 
temps  que  l'hôpital  de  mer  pour  les  troupes,  dans  la 


250  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

traversée  qui  d'abord  devoit  être  sur  un  seul  vaisseau, 
seroit  partagé  sur  deux  vaisseaux. 

La  division  pour  le  Canada  sera  composée  des  vais- 
seaux ci-après  : 

L'Entreprenant ....  74  canons,  Monsieur  le  commandant  Du  Bois 

de  la  Mothe. 

L'Alcide 64  canons, 

L'Algonkin 64  réduit  à  24  1  Transportant  le  bataillon 

L'Actif 64        «         22    l       de  la  reine  et  celui 

Le  Lys 64        "         22   J  de  Languedoc. 

^'^'^"«^'•^ 64        "         22  j   Le  bataillon  de  Guyenne 

L'Opi'^i^^t'-^ 64        '-         22  <-        ^^  ^.^i^^j  ^^  g ,^^^_ 

Le  Léopard 64        "         22  j 

L'Apollon 50        "         12       Hôpital. 

La  Sirène 30 Frégate. 

La  division  pour  l'Isle  Royale  sera  alors  : 

Le  Bizarre 64  canons,  M.  Perrier  de  Salvest. 

Le  Défendeur 74  réduit  à  24  "j  Transportant  le  lataillon 

Le  Dauphin  royal . .  74        "         24    |-       d'Artois  et  celui  de 

L'Espérance 74        "         2*^   j  Bourgogne. 

L'Aquilon 40         "         12       Hôpital. 

La  Comète 30 Frégate. 

Mais  comme  la  division  de  l'escadre  doit  être  entiè- 
rement ignorée  avant  le  départ,  les  états  arrêtés  à  cette 
occasion  comprennent  tous  les  vaisseaux  de  transport, 
et  les  six  bataillons  qui  y  seront  embarqués  ;  ils  sont 
ci-joints  : 

No.  1.  Il  a  voit  été  donné  ordre  en  général  par  rap- 
port aux  approvisionnements  pour  les  troupes  de  les 
répartir  sur  tous  les  vaisseaux,  de  manière  que  chaque 
espèce  d'effets  fût  séparée  sur  plusieurs  vaisseaux,  afin 
d'éviter  d'en  manquer  d'une  même  espèce  s'il  venoit  à 
arriver  malheur  à  quelque  vaisseau,  et  cet  ordre  général 


I 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  251 


auroit  été  suffisant  si  toute  l'escadre  eût  eu  la  même 
destination,  mais  la  division  des  troupes  entre  le  Canada 
et  risle  Eoyale,  dont  il  est  important  de  ne  point  don- 
ner connoissance,  a  exigé  d'arrêter  à  Versailles  la  répar- 
tition à  faire  sur  chaque  vaisseau. 

No.  2.  L'état  ci-joint  No.  2  comprend  sommairement 
tout  ce  qui  doit  être  embarqué  sur  les  vaisseaux  au  delà 
de  ce  qui  concerne  leur  armement  en  celui 

No.  3.  Est  la  répartition  générale  qui  a  été  dressée 
pour  que  les  divisions  de  l'escadre  ayant  chacune  ce 
qui  lui  est  nécessaire.  On  travaille  aux  états  particu- 
liers, un  pour  chacun  des  quatorze  vaisseaux,  de  ce  qui 
devi-a  y  être  embarqué  relativement  à  la  répartition 
générale,  et  ces  états  seront  envoyés  dans  le  port  lundi 
prochain. 

A  mesure  que  l'on  conduit  des  vaisseaux  en  rade  à 
Brest  et  à  Eochefort,  le  travail  diminue  dans  le  port 
pour  les  mouvements  de  l'armement.  On  a  déjà  con- 
gédié quelques  ouvriers,  et  les  autres  se  répartissent 
chaque  jour,  tant  aux  ouvrages  de  construction  qui 
avoient  été  interrompus  qu'aux  radoubs  des  vaisseaux 
que  les  circonstances  pouiToient  encore  exiger  d'armer, 
s'il  y  avoit  apparence  de  guerre  avec  les  Anglois  :  ce 
qui  consiste  en  six  vaisseaux  à  Brest  et  quatre  à  Roche- 
fort,  faisant  dix  vaisseaux,  outre  huit  à  dix  frégates, 
indépendamment  de  ce  qui  concerne  le  port  de  Toulon. 


252 


EXTRAITS    DES   ARCHIVES 


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254 


EXTRAITS  DES  ARCHIVES 


ÉTAT 

des  officiers  de  la  marine  et  des  troupes  de  terre  qui 
seront  embarqués  sur  les  vaisseaux  ci-après,  savoir  ; 

LE    DÉFENSEUR 


'    M.  Beausier  de  l'Isle,  capitaine,  commandant. 
3    Lieutenants. 
13  -      6    Enseignes. 

1    Ecrivain  principal  de  la  marine. 

3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 


34  l 


2.  Le  commandant  de  bataillon  et  l'aide-major. 
18.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  des  9  compagnies 
V  21   •(  de  fusiliers. 

1    Enseigne   attaché    à    la    première    compagnie  de 
fusiliers. 


(   12 


33 


21   < 


LE    DACPHIN  ROYAL 

M.  De  Montalais,  capitaine,  commandant. 

3    Lieutenants. 

5    Enseignes. 

3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 

DE  BOURGOGNE 

'    2.  Le  commandant  de  bataillon  et  le  chirurgien-major. 
18.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  9  compagnies 
de  fusiliers. 
1    Enseigne   attaché   i\    la   première   compagnie    de 

fusiliers. 


DU   MINISTÈRE  DE  LA   MARINE 


255 


P 


f    12 


33  < 


21 


LAL60SKIN 

M  De  la  Villeon,  capitaine,  commandant. 

3    Lieutenants. 

5    Enseignes. 

3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 

DB  LA  BBI>'E 

2.  Le  commandant  de  bataillon  et  l'aide-major. 
18.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  des  9  compagnies 
de  fusiliers. 

iseigne  attaché  à    la   première  compagnie    de 
jsiliers. 


t'  de  fu: 

1    Enseigne 
lusilie 


z'  12 


32 


10  i 


K  10 


l'espérajîcï 

'    M.  Jubert  de  Bouville,  capitaine,  commandant. 
3    Lieutenants. 
5    Enseignes 
3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirui^ien-major. 

D' ARTOIS 

3.  Les  capitaine,  lieutenant  et  sous-lieutenant  des 
grenadiers. 

6.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  trois  compa- 
gnies de  fusiliers. 

1  Enseigne  attaché  à  la  seconde  compagnie  de 
fusiliers. 

DE  BOURGOGNS 

f  3.  Les  capitaine,  lieutenant  et  soos-lieutenant  des 
I  grenadiers. 

6.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  trois  compagnies 
de  fusiliers. 

1    Enseigne  attaché  à  la  2e  compagnie  de  fusiliers. 


256 


EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


f    12 


M.  Le  chevalier  de  Caumont,  capitaine,  commandant. 

3    Lieutenants. 

5    Enseignes. 

3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 


33  < 


DB   LANGUEDOC 

2.  Le  commandant  de  bataillon  et  l'aide-major. 
18.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  des  9  compagnies 
21  -^  de  fusiliers. 

1    Enseigne   attaché    à    la   première  compagnie    de 
fusiliers. 


,'    12 


33  \ 


l   21 


LILLDSTRE 

'    M.  le  marquis  de  Choiseul-Prasliu,  capitaine,  comman- 
dant. 
3    Lieutenants. 
5    Enseignes. 
3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 

DE    GDYBNNB 

'    2.  Le  commandant  de  bataillon  et  l'aide-major. 
18.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  des  9  compagnies 
de  fusiliers. 
1    Enseigne    attaché    h  la  première  compagnie   de 
fusiliers 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE 


257 


33 


l'opiniastre 


r  M.  de  Moëlien,  capitaine,  commandant. 

9  j  3   Lieutenants. 

I  5    Enseignes. 

f  9.  D'autre  part. 

12  1  3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 


DB    BEARN 

r    2.  Le  commandant  de  bataillon  et  l'aide-major. 
18.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  9  compagnies 
de  fusiliers. 

1    Enseigne    attaché   à    la  première  compagnie  de 
fusiliers. 


^  21    - 


r  u  \ 


M.  de  Lorgeril,  capitaine,  commandant. 
3    Lieutenants. 
5    Enseignes. 
3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 


32  ^    10  . 


DE    LA    REINE 

f  3.  Les  capitaine,  lieutenant  et  sous-lieutenant  des 
grenadiers. 

6.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  trois  compa- 
gnies de  fusiliers. 

1  Enseigne  attaché  à  la  deuxième  compagnie  de 
fusiliers. 


DE  LANGUEDOC 

3.  Les   capitaine,    lieutenant   et  sous-lieutenant  des 
grenadiers. 
^  10  ^     6.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  trois  compa- 
gnies de  fusiliers. 
^    1    Enseigne  attaché    à   la    deuxième  compagnie  de 
fusiliers. 


17 


258 


EXTRAITS   DES  ARCHIVES 


12 


10 


32  i 


LE    LÉOPARD 

M  de  Saint-Laziirre,  capitaine,  commandant. 
3  Lieutenants. 
5    Enseignes. 
3.  L'aumônier,  l'écrivain  et  le  chirurgien-major. 

DE    GUYENNE 

'    3.  Les   capitaine,    lieutenant   et   sous-lieutenant   des 
grenadiers. 
6.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  trois  compa- 
gnies de  fusiliers. 
1    Enseigne    attaché  à    la   deuxième  compagnie  de 
fusiliers. 

DE    BÊARN 

3.  Les  capitaine,  lieutenant  et  sous-lieutenant  des 
grenadiers. 

6.  Les  capitaines  et  les  lieutenants  de  trois  compa- 
gnies de  fusiliers. 

1  Enseigne  attaché  à  la  deuxième  compagnie  de 
fusiliers. 


Fait  et  arrêté  à  Versailles, 

le  15  mars  17.55. 


10 


Porté  au  roi,  le  22  mars  1755. 
NOUVELLES 


Indépendamment  des  arrangements  qui  ont  été  faits 
au  port  de  Brest,  et  dont  on  rend  compte  à  Sa  Majesté 
par  un  autre  mémoire,  tant  pour  l'annement  des  vais- 
seaux que  pour  l'embarquement  des  troupes  et  de  leurs 
approvisionnements,  il  y  en  a  d'autres  à  prendre  qui 
doivent  avoir  pour  objet  les  instructions  à  donner  à 


DU   SnXISTÈRE  DE  LA   MARINE  259 


MM.  de  Macneraara  et  Du  Bois  de  La  Mothe  pour  leur 
navigation,  celle  de  M.  le  baron  de  Dieskau  et  celle  de 
M.  de  Vaudreuil,  gouverneur  général. 

Les  instructions  de  MM.  de  Macnemara  et  Du  Bois 
de  La  !Mothe  doivent  rouler  sur  quatre  points  :  la  par- 
tance de  Brest,  la  séparation  d'entre  M.  de  Macnemara 
et  M.  Du  Bois  de  La  Mothe,  le  détachement  à  faire  de 
la  division  de  M.  Du  Bois  de  La  Mothe  pour  l'Isle 
Royale,  et  la  disposition  concernant  le  retour  de  toutes 
les  divisions  en  France.  Ces  quatre  points  doivent  être 
décidés  sur  un  mémoire  particulier  à  rapporter  au  Con- 
seil. On  dressera  tout  de  suite  les  projets  des  instruc- 
tions relativement  à  la  décision  qui  sera  donnée,  et  on 
les  mettra  sous  les  yeux  de  Sa  Majesté  pour  avoir  son 
approlDation.  On  lui  rendra  compte  en  même  temps  de 
tous  les  ordres  particuliers  qui  de^Tont  les  accompagner, 
car  il  en  faudi'a  tant  pour  le  détachement  à  faire  pour 
risle  Eoyale  que  pour  les  rendez-vous  à  donner  à 
chaque  vaisseau  des  différentes  divisions,  relativement 
à  leurs  destinations  respectives.  Les  ordr&s  pour  le 
détachement  de  l'Isle  Eoyale  ne  seront  ouverts  que 
dans  le  parage  qui  sera  indiqué  à  M.  Du  Bois  de  La 
Mothe,  en  conséquence  de  ce  qui  aura  été  réglé  à  cet 
égard,  et  ceux  pour  les  rendez- vous  ne  le  seront  qu'en 
cas  de  séparation. 

Les  instructions  à  donner  à  Monsieur  de  Dieskau  ont 
deux  objets  :  le  premier  concerne  le  commandement 
des  trouj^es  de  terre,  leur  poKce,  leur  discipline  et  leur 
service  journalier;  le  second  est  la  conduite  que  le 
baron  de  Dieskau  aura  à  tenir  avec  M.  de  Vaudi^euil, 
gouverneur  général. 


260  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

■ » 

L'instruction  sur  le  premier  objet  a  été  expédiée  par 
le  ministre  de  la  guerre  :  celle  qui  a  rapport  au  second 
l'a  été  par  le  ministre  de  la  marine  ;  et  la  cotamunica- 
tion  en  a  été  faite  de  part  et  d'autre.  On  joint  ici  le  pro- 
jet de  celle  qui  sera  donnée  par  le  ministre  de  la  marine, 
et  qui  est  relative  à  l'autre  ;  et  l'on  y  joint  pareillement 
l'ordonnance  dont  il  est  fait  mention,  et  qui  a  été  con- 
certée entre  les  deux  ministres  et  expédiée  par  l'un  et 
par  l'autre, 

A  l'égard  des  instructions  et  des  ordres  à  donner  à 
M.  de  Vaudreuil,  on  a  cru  devoir  les  partager  en  trois 
parties,  c'est  -  à  -  dire  lui  expédier  trois  instructions 
séparées. 

Dans  l'une  on  lui  prescrit  la  conduite  qu'il  doit  tenir 
par  rapport  aux  troupes  de  terre,  et  le  projet  en  est 
ci-joint.  Cette  instruction  est  relative  et  conforme  aux 
arrangements  concertés  avec  M.  D'Argenson  sur  cette 
matière,  et  expliquée  dans  les  instructions  de  M.  le 
baron  de  Dieskau. 

La  seconde  instruction  de  M.  de  Vaudreuil  doit  con- 
tenir les  ordres  de  Sa  Majesté  sur  ce  qu'il  y  aura  à  faire 
par  rapport  aux  affaires  des  Anglois  ;  mais  ces  ordres 
devant  être  réglés  suivant  les  circonstances  de  ce  qu'on 
pourra  savoir  des  dispositions  des  Anglois,  on  n'en 
formera  le  projet  que  le  plus  tard  qu'on  pourra.  On 
observe  seulement  qu'il  sera  nécessaire  que  cette  instruc- 
tion puisse  être  envoyée  à  Brest  dans  les  deux  ou  trois 
premiers  jours  du  mois  prochain,  au  plus  tard. 

Et  dans  la  troisième  instruction  on  explique  à  M.  de 
Vaudreuil  les  intentions  de  Sa  Majesté  sur  les  parties 
de  l'administration  ordinaire  du  gouvernement;  et  l'on 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  261 

joint  ici  l'extrait  de  quelques  articles  nouveaux  qui  ont 
paru  devoir  y  être  insérés  pour  détruire  certains  pré- 
jugés qui  ont  été  reconnus  contraires  au  bien  du  service 
sur  le  gouvernement  particulier  des  sauvages. 

Si  Sa  Majesté  veut  bien  donner  son  approbation  aux 
projets,  qu'on  lui  présente,  il  restera  à  lui  rendre  compte 
de  ceux  qui  seront  dressés  en  conséquence  des  ordres 
qu'elle  donnera,  tant  pour  les  instructions  de  MM.  de 
Macnemara  et  Du  Bois  de  La  Mothe  que  pour  l'instruc- 
tion particulière  de  M.  de  Vaudi'euil,  concernant  les 
affaires  des  Anojlois. 


l 


A  M.  DE  BOMPART 

A  Versailles,  le  17  février  1755. 

Les  nouvelles  publiques  vous  auront  instruit,  mon- 
sieur, des  mouvements  qu'il  y  a  depuis  quelque  temps 
sur  nos  frontières  de  Canada,  et  particulièrement  du 
côté  de  la  rivière  d'Ohio  *. 

Le  roi  d'AngleteiTe  a  fait  donner  les  assurances  les 
plus  positives  que  les  troupes  envoyées  à  la  Virginie  et 
les  autres  dispositions  qui  se  font  dans  ces  pays-là, 
n'ont  d'autres  objets  que  de  défendre  ses  colonies  contre 


*  La  Cour  d'Angleterre  ayant  destiné  deux  bataillons  de  trou- 
pes réglées  pour  la  Virginie  et  fait  d'autres  dispositions  dans 
cette  colonie  et  dans  celles  qui  en  sont  voisines,  le  roi  a  pris  le 
parti  denvoyer  un  renfort  de  six  bataillons  de  troupes  de  terre 
en  Canada,  et  Sa  Majesté  se  propose  de  les  faire  partir  au  mois 
d'avril  prochain,  sous  l'escorte  d'une  escadre  de  ses  vaisseaux. 


262  EXTRAITS   DES   AllCHIVES 

les  invasions  dont  elles  se  prétendent  menacées  de  la 
part  du  Canada. 

Sa  Majesté  est  de  son  côté  bien  éloignée  de  souffrir 
qu'on  entreprenne  aucune  invasion  sur  ses  voisins. 
Elle  donnera  ses  ordres  pour  qu'on  se  tienne  en  Canada 
sur  la  plus  exacte  défensive.  Mais  quoiqu'elle  soit 
effectivement  résolue  de  se  borner  ainsi  à  défendre  ses 
droits  à  ses  possessions,  elle  ne  peut  pas  se  flatter,  sur- 
tout après  ce  qui  s'est  passé  l'année  dernière  du  côté  de 
la  rivière  d'Ohio,  qu'on  ne  sera  pas  obligé  de  faire 
usage  des  forces  qu'elle  envoie  en  Canada. 

Les  dispositions  que  Sa  Majesté  bien-aimée  ne  cesse 
de  faire  paroître  pour  la  conservation  de  la  paix  doivent 
cependant  faire  espérer  que  toutes  les  discussions  con- 
cernant les  limites  des  colonies  respectives  dans  l'Amé- 
rique septentrionale  pourront  s'arranger  sans  qu'il  en 
vienne  à  une  rupture  ouverte.  Il  est  même  question 
actuellement  entre  les  deux  Cours  de  nouvelles  propo- 
sitions à  cet  égard. 

Mais  dans  l'incertitude  des  événements,  Sa  Majesté 
m'a  ordonné  de  vous  marquer  de  sa  part  que  son  inten- 
tion est  que  vous  vous  prépariez  à  tous  ceux  qui  pour- 
ront aiTiver  ;  que  vous  redoubliez  de  soins  et  d'attention 
pour  pourvoir,  autant  qu'il  sera  possible,  à  tous  les 
objets  relatifs  à  la  défense  de  votre  gouvernement,  que 
vous  preniez  des  précautions  pour  être  informé  de  ce 
qui  se  passera  dans  les  colonies  angloises  de  votre 
voisinage  ;  que  vous  vous  teniez  en  garde  contre  toute 
surprise  ;  mais  que  vous  observiez  en  même  temps 
dans  toutes  les  dispositions  que  vous  ferez  de  ne  point 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  263 

laisser  soupçonner  que  vous  avez  reçu  des  ordres  à  cet 
égard. 

Vous  aurez  agréable  de  me  rendre  compte  de  ce  que 
vous  ferez  sur  cela  ;  et  j'aurai  soin  de  vous  faire  savoir 
les  circonstances  dont  il  convient  que  vous  soyiez  ins- 
truit avec  les  nouveaux  ordres  qu'elles  pourront  exiger. 

Mais  comme  dans  tous  les  cas  il  est  nécessaire  que 
le  roi  soit  en  état  de  prendre  un  parti  sur  ce  qui  peut 
intéresser  la  sûreté  de  votre  gouvernement,  Sa  Majesté 
désire  que  vous  m'envoyiez  par  la  première  occasion  et 
avec  les  précautions  convenables,  un  tableau  qui  pré- 
sente la  situation  où  il  est  relativement  à  cet  objet,  le 
plan  des  dispositions  que  vous  vous  proposez  de  faire 
en  cas  de  gueiTe,  et  l'état  des  secours  dont  vous  pourrez 
avoir  besoin. 

Si  Sa  Majesté  approuve  qu'on  écrive  cette  lettre 
aux  gouverneurs  des  colonies,  autres  que  le  Canada,  il 
paroît  nécessaire  d'ajouter  à  M.  de  Bompart,  gouver- 
neur des  Isles  du  Vent,  l'article  suivant  : 

Et  comme  dans  tous  les  cas  aussi  il  faut  s'attendre 
que  les  Anglois  ne  perdront  point  de  vue  leurs  projets 
sur  les  isles  contentieuses,  particulièrement  sur  Sainte- 
Lucie,  le  roi  veut  que  vous  vous  conformiez  aux  ordres 
que  Sa  ^lajesté  vous  a  déjà  donnés  à  ce  sujet,  non  seu- 
lement dans  le  cas  où  les  Anglois  feroient  quelqu'entre- 
prise  sur  qy^lqu'une  de  ces  isles,  mais  encore  sur  la 
première  nouvelle  certaine  que  vous  pourriez  avoir 
d'une  rupture  de  leur  part. 


264  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

Les  ordres  qu'on  rappelle  dans  cet  article  ont  pour 
objet  Sainte-Lucie.  Il  a  été  prescrit  en  effet  dans  plu- 
sieurs occasions  à  M.  de  Bomj^art  d'être  toujours  sur 
ees  gardes  par  rapport  à  cette  isle,  afin  de  ne  pas  s'y 
laisser  prévenir  par  les  Anglois  ;  de  prendre  à  cet  effet 
toutes  les  mesures  possibles  pour  être  informé  des  mou- 
vements qu'ils  pourront  faire,  et  être  en  état  de  les  y 
prévenir  lui-même  à  la  première  occasion. 


Idem  à  M.  le  marquis  de  Vaudreuil  et  à  M.  de  Kerlerec,  en 
supprimant  le  dernier  article. 

(non  signé) 


LU    AU    CONSEIL 

21  mars  1755. 

Dans  le  projet  général  arrêté  pour  l'armement  actuel, 
les  vingt-cinq  vaisseaux  qui  seront  en  rade  à  Brest  vers 
le  15  avril  dévoient  mettre  tous  à  la  voile  en  même 
temps.  M.  Du  Bois  de  La  Motlie,  faisant  la  route  avec 
sa  division  destinée  pour  le  Canada  et  composée  de  seize 
vaisseaux,  et  M.  de  Macnemara  le  suivant  avec  la 
sienne  de  9  vaisseaux  ou  frégates,  jusqu'au  parage  où 
M.  Du  Bois  de  La  Mothe  jugeroit  n'avoir  plus  besoin 
d'escorte, 

La  partance  a  été  ainsi  réglée  dans  l'espérance  que 
les  Anglois  n'auroient  peut-être  pas  le  temps  de  mettre 
assez  de  vaisseaux  à  la  mer  pour  s'y  opposer.     On  se 


DU   MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  265 

flattoit  aussi  de  trouver  dans  le  ministère  britannique 
des  dispositions  moins  prochaines  à  une  rupture  que 
celles  qu'on  a  lieu  de  lui  soupçonner  sur  les  dernières 
nouvelles  de  M.  le  duc  de  Mirepoix. 

Quelques  oppositions  qu'on  ait  à  craindre  de  la  part 
des  Anglois,  il  paroît  que  l'on  doit  s'en  tenir  à  cet 
arrangement.  Il  pourroit  y  avoir  de  grands  inconvé- 
nients à  diviser  le  convoi.  Il  courroit  plus  de  danger, 
non  pas  pour  la  totalité,  mais  du  moins  pour  une  partie, 
dans  le  cas  où  les  Anglois  auroient  entrepris  d'empê- 
cher son  départ.  Il  y  auroit  beaucoup  d'incertitude 
pour  sa  réunion,  et  cette  division  seroit  surtout  capable 
de  donner  beaucoup  d'inquiétudes  aux  troupes  de  terre. 
Tout  ce  qu'on  pourra  faire  de  mieux  à  cet  égard,  ce  sera 
de  s'en  rapporter  à  la  prudence  des  commandants,  sur 
les  nouvelles  qu'on  pourra  leur  donner  de  ce  que  nous 
apprendrons  d'Angleterre,  sur  celles  qu'ils  pouiTont  se 
procurer  eux-mêmes  du  côté  de  la  mer,  et  sur  les 
mesures  qu'ils  jugeront  devoir  prendre  en  conséquence. 
Ils  seront  à  portée  et  en  état  de  déterminer  suivant  les 
circonstances,  et  il  ne  paroît  pas  que  l'on  puisse  présen- 
tement prendre  d'autre  résolution. 

On  ne  peut  pas  différer  celle  qui  doit  être  prise  sur  la 
proposition  faite  d'envoyer  à  l'Isle  Royale  deux  des  six 
bataillons  destinés  pour  le  Canada. 

La  garnison  de  cette  petite  colonie  est  de  vingt- 
quatre  compagnies  françoises  de  cinquante  hommes 
chacune,  faisant  un  total  de  douze  cents  hommes,  outre 
une  compagnie  de  cinquante  canonniers.  Il  n'y  avoit 
avant  la  dernière  guen'e  que  sept  cent  cinquante 
hommes.  Et  M.  de  Drucour,  actuellement  gouverneur, 


266  EXTKAITS   DES   ARCHIVES 


ne  demande  qu'une  augmentation  de  deux  compagnies 
pour  les  envoyer  à  l'Isle  Saint- Jean. 

Il  est  pourtant  certain  que  deux  bataillons  des  trou- 
j)es  de  terre  pouiTont  être  très  utilement  employés,  soit 
à  la  défense  de  Louisbourg,  s'il  vient  à  être  attaqué 
avant  (jue  les  fortifications  de  cette  place  soient  finies, 
soit  à  accélérer  les  ouvrages  de  ces  fortifications.  Peut- 
être  même  que  cette  augmentation  de  garnison  sera 
seule  capable  d'an'êter  les  projets  des  Anglois.  Elle  les 
mettroit  du  moins  dans  la  nécessité  de  faire  de  beau- 
coup plus  grands  préparatifs  pour  l'exécution. 

Le  seul  inconvénient  qu'il  y  ait,  c'est  la  difficulté  de 
la  subsistance,  et  ce  seroit  exposer  cette  colonie  à  la 
famine  de  ne  pas  la  munir  de  vivres  pour  deux  ans. 
Il  faut  les  envoyer  de  France  ;  et  ce  ne  seroit  pas  un 
embarras  médiocre  en  cas  de  rupture.  On  prendra  tout 
de  suite  toutes  les  mesures  possibles  sur  cela,  si  les 
deux  bataillons  de  troupes  sont  envoyés. 

Il  y  a  aussi,  sur  cet  article,  à  régler  comment  on 
fera  passer  ces  deux  bataillons  à  l'Isle  Eoyale.  Cela 
devra  dépendre  du  parti  qui  sera  pris  pour  le  départ  de 
Brest. 

Voici  ce  qu'on  en  peut  dire  pour  le  présent  : 

1"  On  pourroit  faire  aller  toute  la  flotte,  même  l'es- 
cadre de  M.  de  Macnemara,  à  Louisbourg  ;  d'où  après  le 
débarquement  des  deux  bataillons  et  leurs  aiprovi- 
sionnements,  M.  Du  Bois  de  La  Motlie  continueroit  sa 
route  pour  Québec  avec  les  quatre  bataillons,  et  M. 
de  Macnemara  l'escorteroit  dans  le  golfe  ou  bien  s'en 
reviendroit  directement  en  Europe. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  267 

2°  M.  Du  Bois  de  La  Mothe  poiirroit,  après  s'être 
séparé  de  M.  de  Macnemara,  faire  route  directement 
pour  Louisbourg,  et  y  débarquer  les  deux  bataillons 
pour  ensuite  passer  à  Québec. 

3°  Ou  peut  faire  détacher,  vers  le  Grand-Banc, 
seulement,  de  la  flotte  de  M.  Du  Bois  de  La  Mothe  les 
bâtiments  sur  lesquels  seront  embarqués  les  deux  batail- 
lons avec  leurs  approvisionnements,  sous  l'escorte  d'un 
vaisseau  ou  d'un  vaisseau  et  d'une  frégate. 

Dans  les  deux  premiers  arrangements,  il  est  certain 
que  risle  Royale  seroit  rassurée  par  la  présence  des 
deux  divisions  de  MM.  de  Macnemara  et  Du  Bois  de  la 
Mothe,  et  même  par  celle  de  M.  Du  Bois  de  La  Mothe  ; 
et  l'arrivée  de  ces  forces  en  imposeroit  aux  Anglois. 

Mais  il  est  certain  aussi  que  tant  de  monde  afiame- 
roit  risle  Eoyale,  surtout  en  rafraîchissements.  D'ail- 
leiu's,  on  sait  par  expérience  que  ces  sortes  de  relâches 
entraînent  inévitablement  beaucoup  de  retardements. 
Les  besoins  des  vaisseaux  s'y  midtiplient.  On  est  tou- 
jours dans  le  cas  d'y  porter  quelques  malades  aux 
hôpitaux,  et  de  là,  il  y  a  toujours  beaucoup  de  matelots 
et  de  soldats  qui  demandent  à  y  aller  *. 

Dans  ce  cas,  M.  de  Macnemara  accompagneroit 
M.  Du  Bois  de  La  Mothe  jusqu'en  delà  des  Caps,  jus- 
qu'aux Açores  ou  même  jusque  sur  le  Grand-Banc, 
suivant  les  circonstances. 

Après  avoir  quitté  M.  Du  Bois  de  La  Mothe,  il  s'en 
reviendra  en  Europe. 


*  Ainsi  le  troisième  arrangenieut  paroît,    du  moins  pour  le 
présent,  préférable  aux  deux  autres. 


268  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

Les  vaisseaux  de  Louisbourg,  d'abord  après  le  .débar- 
quement, reviendroient  aussi,  soit  dans  les  ports  de 
France,  soit  au  rendez-vous  qui  leur  seroit  donné  avec 
M,  de  Macnemara. 

Et  M.  Du  Bois  de  La  Mothe  en  useroit  de  même  après 
le  débarquement  des  troupes  en  Canada,  où  il  laisseroit 
seulement  un  vaisseau,  ou  un  vaisseau  et  une  frégate. 

La  question  sera  de  savoir  si  l'on  fera  revenir  toutes 
ces  divisions  directement  ou  séparément  dans  nos  ports, 
ou  si  on  leur  donnera  un  rendez-vous  dans  quelqu'un 
des  ports  d'Espagne,  où  l'on  poun-oit  leur  envoyer  des 
ordres  relatifs  aux  circonstances  de  ce  qui  se  passeroit. 
Il  paroît  qu'on  pourroit  encore  laisser  cet  article  à  la 
délibération  des  deux  commandants  qui  en  convien- 
droient  avant  leur  séparation.  On  observe  seulement 
qu'en  laissant  subsister  les  divisions  pour  le  retour,  les 
vaisseaux  du  roi  courroient  moins  de  risques  que  s'ils 
étoient  rassemblés  vis-à-vis  des  forces  que  les  Anglois 
auront  sans  doute  alcr,  à  la  mer  sur  un  pied  de  supé- 
riorité. 

Quelque  parti  qu'on  prenne  pour  faire  passer  les 
deux  bataillons  à  Louisbourg,  il  faut  toujours  diriger 
l'embarquement  des  troupes,  des  approvisionnements  et 
de  l'argent  pour  la  solde  relativement  à  ce  détachement. 

Il  faut  décider  si  l'on  n'en  donnera  pas  le  comman- 
dement au  plus  ancien  commandant  des  deux  batail- 
lons, et  si  on  ne  le  fera  pas  suivre  par  le  second. 

On  ne  peut  pas  proposer  quant  à  présent  d'autres 
arrangements  sur  tous  ces  objets.  Il  est  encore  moins 
possible  d'en  imaginer  qui  puissent  mettre  les  vaisseaux 
à  couvert  de  tous  risques.    Ces  sortes  d'expédition  en 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  269 

entraînent  toujours  de  très  considérables,  surtout  dans 
des  conjonctures  semblables  à  celles  où  nous  nous  trou- 
vons. Ces  risc^ues  augmenteront  à  proportion  du  retar- 
dement qu'il  y  aura  au  départ  des  vaisseaux  ;  et  il  n'est 
rien  de  plus  important  que  de  le  presser  autant  qu'il  sera 
possible,  si  l'on  veut  sui\Te  l'exécution  du  projet.  On 
éprouve  dès  à  présent  l'avantage  qu'il  y  a  à  cet  égard 
d'avoir  destiné  pour  le  transport,  des  vaisseaux  du  roi, 
par  préférence  à  des  navires  marchands  ;  car  indépen- 
damment des  autres  considérations  qui  ont  déterminé 
Sa  Majesté  et  son  Conseil  à  cette  préférence,  il  est  cer- 
tain qu'il  n'auroit  pas  été  possible  de  mettre  avec  des 
navires  marchands  l'approvisionnement  au  point  où  il 
est  actuellement. 

(Pièce  non  signée) 


Xbre  1755. 

La  frégate  La  Sirène,  qui  est  arrivée  à  Brest  le  10 
de  ce  mois,  avoit  mis  à  la  voile  de  la  rade  de  Québec 
le  8  de  novembre  ;  mais  on  ne  doit  compter  sa  partance 
que  du  12,  parce  que,  contrariée  par  les  vents  jusqu'à 
ce  jour-là,  elle  n'avait  fait  que  le  chemin  que  la  marée 
lui  faisait  faire. 


La  frégate  La  Fidèle  étoit  partie  auparavant,  mais  de 
fort  peu  de  jours  ;  et  c'est  tout  ce  qu'on  en  sait  jusqu'à 
j  résent. 


270  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

Les  lettres  venues  par  La  Sirène  de  la  part  de  M.  de 
Vaudreuil,  gouverneur  général,  sont  datées  depuis  le  17 
septembre  jusqu'au  2  novembre  et  sont  toutes  écrites 
de  Montréal  où  ce  gouverneur  étoit  encore.  Les  détails 
qu'elles  contiennent  de  tout  ce  qui  s'étoit  passé  jus- 
qu'alors, roulent: 

1°  Sur  l'affaire  de  M.  de  Dieskau,  de  laquelle  M.  de 
Vaudreuil  envoie  une  relation  circonstanciée  : 

Suivant  la  liste  ci-jointe,  nous  n'avons  eu  dans  cette 
affaire  que  quatre-vingt-quinze  ou  quatre-vingt-seize 
hommes  de  tués,  et  cent  trente  blessés  ;  et  les  Anglois 
y  ont  perdu  de  leur  propre  aveu  plus  de  cinq  cents 
hommes.  Après  l'action,  nos  troupes  se  sont  retirées 
du  côté  du  fort  Saint-Frédéric,  sans  avoir  été  pour- 
suivies, et  M.  de  Vaudreuil  a  fait  faire  une  espèce  de 
camp  retranché  à  quelques  lieues  en  avant  de  ce  fort. 
Les  Anglois  de  leur  côté  sont  restés  dans  leurs  postes  ; 
mais  ils  n'ont  point  tenté  d'exécuter  le  projet  d'atta- 
quer le  fort  Saint-Frédéric. 

2°  Sur  ce  qui  s'est  passé  du  côté  de  l'Acadie  : 

Depuis  la  prise  des  forts  de  Beauséjour  et  Gaspa- 
reaux,  les  Anglois,  voulant  forcer  les  Acadiens  de 
prendre  les  armes  contre  la  France,  ont  usé  de  toute 
sorte  de  violence  et  de  cruauté  contre  ces  habitants, 
dont  un  assez  grand  nombre  s'est  i étiré  eu  différents 
endroits  à  l'intérieur  des  terres  du  continent  où  on  leur 
a  envoyé  des  secours  du  Canada. 

Quoique  le  commandant  de  la  rivière  Saint-Jean  ait 
pris  le  parti  de  brûler  le  fort  pour  empêcher  qu'il  ne 
tombât  entre  les  mains  des  Anglois,  il  s'est  pourtant 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  271 

mairtenu  sur  cette  ri\'ière,  et  M.  de  Vaudreiiil  a  pris 
des  mesures  pour  en  conserver  la  possession. 
30  Sur  ce  qui  s'est  passé  du  côté  des  lacs  : 
Au  moyen  des  troupes  que  M.  de  Vaudreuil  avoit 
rassemblées  sous  le  fort  de  Frontenac,  dans  la  vue  de 
faire  le  siège  de  Chouaguen,  le  gouverneur  Shù-ley,  qui 
s'étoit  rendu  à  ce  dernier  poste  avec  un  corps  considé- 
rable de  troupes  pour  attaquer  tous  nos  forts  sur  les 
lacs,  n'a  osé  en  attaquer  aucun  ;  et  M.  de  Vaudreuil 
étoit  informé  qu'il  s'étoit  retiré  avec  toute  son  armée,  à 
l'exception  de  la  garnison  qu'il  a  laissée  à  Chouaguen  ; 
mais  le  mauvais  succès  de  M.  de  Dieskau  a  empêché 
M.  de  Vaudreuil  de  faire  attaquer  ce  dernier  poste.  Il  se 
propose  de  faire  cette  entreprise  dès  le  commencement 
du  printemps  prochain,  s'il  n'y  trouve  pas  des  obstacles 
insurmontables. 

4"^  Sur  ce  qui  s'est  passé  du  côté  de  la  Belle-Eivière  : 
Depuis  la  défaite  du  général  Braddock  plusieurs 
partis  sauvages  ont  pénétré  chez  les  Anglois,  et  y  ont 
levé  plusieurs  chevelures,  mais  malgré  la  consterna- 
tion que  cette  aventure  a  causée  dans  les  colonies 
angloises,  les  nouvelles  que  M.  de  Vaudreuil  en  a 
reçues  annoncent  qu'on  s'y  prépare  à  faii-e,  l'année  pro- 
chaine, une  nouvelle  enterprise  contre  le  fort  Duquesne  ; 
et  il  prend  de  sou  côté  des  mesures  pour  la  défense  de 
ce  fort. 

Il  envoie  des  copies  bien  authentiques  des  papiers 
de  général  Braddock,  et  l'on  y  trouve  l'instruction  du 
roi  d'Angleterre  à  ce  général,  une  instruction  particu- 
lière qui  lui  avoit  été  donnée  aussi  de  la  part  du  duc 
de  Cumberland,  plusieurs  lettres   écrites  par  ce  même 


272  EXTRAITS   DES.  ARCHIVES 

général  aux  ministres  d'Angleterre,  MM.  de  Newcastle, 
Robinson,  Fox  et  Halifax  ;  et  beaucoup  d'autres  pièces 
qui  prouvent  bien  manifestement  les  projets  du  gou- 
vernement britannique. 

50  Sur  les  dispositions  des  sauvages  : 

En  général  M.  de  Vaudreuil  en  paroît  fort  content. 
Il  ne  désespère  j)as  même  de  ramener  les  cinq  nations 
Iroquoises  à  une  neutralité. 

Mais  malgré  le  peu  de  succès  que  les  Anglois  ont  eu 
cette  année  du  côté  du  fort  Saint-Frédéric,  des  lacs  et 
de  la  Belle-Rivière,  il  s'attend  à  de  nouveaux  efforts  de 
leur  part  l'année  prochaine  ;  et  il  demande  des  secours 
considérables  eu  troupes,  artillerie,  armes,  munitions 
de  guerre  et  de  bouche. 

CPièce  non  signée) 


1755 


MÉMOIRE    PAR   M.    DE    BÉHAGUE,    BRIGADIER    DES    ARMÉES 
DU   ROI 

Causes  de  la  grande  puissance  des  Anglois  en 
Europe,  dans  les  deux  Indes  et  en  Afrique  ; 

Moment  favorable  pour  mettre  un  frein  ;  nécessité 
de  l'union  des  deux  branches  de  la  maison  de  Bourbon, 
celles  de  France  et  d'Espagne  ; 

Projet  de  descendre  en  Angleterre  par  la  France  ; 

Projet  de  conquête  des  colonies  angloises  par 
l'Espagne. 


I 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  273 

OBSERVATIONS    P0LITI-MILITAIRE3    SUR    LA    PUISSANCE 
BRITANNIQUE 

On  ne  peut,  dit  milord  Bolingbroke,  donner  ni 
prendre  trop  tôt  l'alarme  en  Europe,  quand  il  s'élève 
quelque  puissance  capable  d'emporter  la  balance  poli- 
tique, car  si  une  telle  puissance  n'est  prévenue  par  la 
vigilance,  et  arrêtée  de  bonne  heure  par  les  forces 
réunies  des  autres  états,  il  est  à  craindre  qu'elle 
n'attaque  séparément  ceux  qui  pourroient  lui  porter 
ombrage,  et  qu'après  les  avoir  successivement  réunies, 
rien  ne  puisse  plus  s'opposer  à  ses  entreprises,  ni 
l'empêcher  de  consommer  les  projets  de  son  ambition. 
Il  est  d'autant  plus  nécessaire  de  réveiller  à  ce  sujet 
l'attention  des  politiques,  que  le  point  précis  auquel  la 
balance  tourne,  est  imperceptible  à  une  observation 
commune,  et  qu'il  est  difficile  de  s'apercevoir  du  chan- 
gement avant  qu'il  se  soit  fait  quelques  progrès,  sui- 
vant la  nouvelle  direction,  de  sorte  que  ceux  mêmes 
qui  ont  le  plus  d'intérêt  aux  variations  de  cette  balance 
s'y  méprennent  souvent,  et  continuent  pendant  quelque 
temps  à  craindre  une  puissance  qui  n'est  plus  en  état 
de  nuire,  ou  à  n'avoir  aucune  appréhension  d'une  autre 
qui  devient  de  jour  en  jour  plus  formidable. 

Tel  est  ra\'is  important  qu'un  des  phis  grands  poli- 
tiques que  l'Angleterre  ait  eu,  donnoit  à  l'Europe  il 
n'y  a  pas  quarante  ans,  avis  qu'il  ne  croyoit  pas  qu'on 
toumeroit  contre  sa  propre  patrie  dont  l'ambition 
n'éclatoit  point  encore,  quoiqu'elle  travaillât  déjà 
depuis  longtemps  à  fonder  et  élever  cette  puissance 
qui  cherchoit  à  braver  toutes  les  forces  du  continent, 
18 


274  EXTRAITS   DES    ARCHITES 

ce  qui  doit  causer  à  ses  peuples  plus  d'inquiétudes 
que  ne  leur  en  cause  la  grandeur  des  maisons  d'Autri- 
che et  de  Bourbon,  dont  on  prit  tant  d'ombrage  pen- 
dant le  cours  des  deux  derniers  siècles. 

Pourquoi  donc  l'Europe  ne  paroît-elle  pas  encore 
fort  alarmée  ?  D'où  parviennent  sa  sécurité  et  son  indo- 
lence ?  c'est  qu'apparemment  quoique  l'on  voie  bien 
clairement  les  projets,  les  entreprises  et  les  succès  de 
l'Angleterre,  on  n'en  appréhende  pas  assez  les  suites, 
parce  qu'on  ne  considère  pas  l'espèce  de  puissance  et 
de  domination  auxquelles  elle  aspire,  et  qu'on  n'ima- 
gine point  quelles  entraves  elle  porteroit  à  la  prospérité 
de  tous  les  états  du  continent,  si  elle  pouvoit  parvenir 
à  ses  fins. 

Sans  imputer  à  cette  nation  le  projet  chimérique 
qu'on  a,  suivant  milord  Bolingbroke  lui-même,  fausse- 
ment attribué  successivement  aux  maisons  d'Autriche 
et  de  Bourbon,  on  peut  rapporter  le  véritable  objet  de 
son  ambition,  à  des  vues  assez  révoltantes  pour  alarmer 
et  soulever  tous  les  états  qui  ont  intérêt  à  maintenir 
un  certain  équilibre  entre  les  diverses  puissances  du 
monde. 

En  effet  l'Angleterre  tend  à  se  former  une  puissance 
absolue  pour  exercer  la  domination  la  plus  tyrannique 
qu'on  ait  encore  vue  en  Europe.  C'est  ce  qu'on  -va 
tâcher  de  développer. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  275 

DÉFINITION    DE    LA   PUISSANCE  ABSOLUE 

On  entend  par  puissance  absolue,  celle  qui  est,  se 
soutient,  agit  et  vaut  par  elle-même  indépendamment 
de  tous  moyens  étrangers  et  accidentels,  et  il  n'y  a  de 
telles  puissances  que  celles  qui  ont  pour  base  un  cer- 
tain fond  de  population  bien  entretenue  par  l'exploita- 
tion des  terres  et  par  l'industrie  des  sujets  de  l'Etat. 
Toute  autre  puissance,  uniquement  fondée,  par  exemple, 
ou  sur  les  forces  militaires  ou  sur  les  intrigues  de  la 
politique,  ou  même  sur  un  commerce  d'économie  et 
sur  les  richesses  qu'il  procure,  ne  peut  être  que  précaire, 
et  quoiqu'il  soit  possible  qu'une  telle  puissance  ren- 
verse tout,  dans  un  instant,  par  un  coup  subit  et  "sàolent, 
elle  doit  nécessairement  céder  à  la  longue  à  une  puis- 
sance absolue  qui  sera  seulement  en  état  de  résister  à 
ses  premiers  efforts. 

Il  n'y  a  donc  à  proprement  parler,  de  vraie  puis- 
sance que  la  puissance  absolue  ;  c'est  elle  qui  fournit 
des  forces  à  la  puissance  militaire  pour  faire  des  con- 
quêtes et  pour  les  conserver.  C'est  elle  qui  prête  des 
moyens  à  la  politique  pour  établir  et  soutenir  le  crédit 
d'une  nation  chez  les  autres,  et  pour  les  attirer  et  les 
attacher  à  son  parti  ;  en  un  mot  c'est  elle  qui  est  le 
principe  de  toutes  les  autres  puissances,  étant  composée 
des  seules  vraies  forces,  et  des  seules  richesses  réelles 
de  l'Etat,  qui  sont  les  hommes  et  les  produits  des 
exploitations  de  la  terre  et  de  l'industrie  des  sujets. 

Telle  est  l'espèce  de  puissance  que  l'Angleterre 
affecte  et  qu'elle  s'efforce  de  porter  au  plus  haut  point 
possible. 


276  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

Si  l'on  réfléchit  sur  la  nature  et  la  force  des  moyens 
qu'elle  emploie  pour  y  réussir  ;  si  l'on  considère  que 
c'est  là  l'objet  du  système  de  son  gouvernement,  de 
son  administration  économique,  de  sa  politique  exté- 
rieure, de  ses  entreprises  et  de  ses  conquêtes,  on  ne 
sera  pas  surpris  des  progrès  qu'elle  a  déjà  faits,  mais 
on  sera  effrayé  de  la  rapidité  de  ceux  qu'elle  peut 
encore  faire. 

Il  y  a  déjà  longtemps  que  l'Angleterre  se  conduit 
sur  u  n  plan  qui  doit  porter  sa  puissance  au  plus  haut 
degi'é  de  sa  grandeur,  et  il  y  a  apparence  qu'elle  con- 
tinuera à  se  gouverner  de  même  tant  que  des  révolu- 
tions imprévues  ne  démembreront  point  son  domaine, 
ou  ne  changeront  pas  la  constitution  de  son  gouverne- 
ment, et  tant  que  le  poids  de  sa  propre  grandeur  ne 
l'accablera  pas,  ou  que  sa  prospérité  ne  corrompra 
point  les  principes  de  son  administration. 


J^i-CTE   JD:e   1660 


PREMIÈRE   ÉPOQUE  DU  BONHEUR   DE  LA  NATION   ANGLOISE 

La  première  époque  des  progrès  naturels  dont  l'Angle- 
terre est  redevable  dans  le  principe  à  sa  constitution, 
à  son  système  et  à  sa  conduite  soutenue,  est  le  fameux 
acte  de  navigation  passé  en  1660,  dont  l'objet  fut  d'as- 
surer à  la  Grande-Bretagne  le  commerce  exclusif  de 
ses    colonies   qui  jusque  là  avoit   été  presque   aban- 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    !kLA.RINE  277 

donné  aux  antres  nations,  et  d'étendre  le  plus  qu'il 
seroit  possible  sa  navigation  marchande,  en  restreignant 
tant  qu'on  pourroit  celle  des  autres  peuples.  Ce  sage 
statut  bien  exécuté  produisit  les  plus  heureux  effets. 


AVANTAGES    QUI  EN    SONT    RÉSULTÉS 

Le  jjremier  fut  que  dès  ce  moment  l'Angleterre  retira 
tout  l'avantage  qu'elle  pouvoit  espérer  de  l'établisse- 
ment et  de  l'entretien  de  ses  colonies  qui,  ne  recevant 
plus  rien  de  leur  métropole,  et  ne  consommant  plus  que 
des  denrées  de  son  cru  et  de  sa  fabrique,  firent  valoir 
infiniment  l'exploitation  de  ses  terres  et  l'industrie  de  ses 
sujets  ;  et  qui,  lui  réservant  pour  ses  retours  toutes  les 
denrées  et  marchandises  de  leur  cru  et  de  leur  fabrique, 
pourvurent  à  la  plus  grande  partie  de  ses  besoins, 
lui  fournirent  en  outre  la  matière  d'une  exportation 
considérable  à  l'étranger,  et  lui  procurèrent  ainsi  les 
moyens  de  solder  avantageusement  son  commerce  exté- 
rieur, et  de  faire  entrer  abondamment  chez  elle  l'argent 
des  autres  nations. 

Le  deuxième  efi'et  que  produisit  l'exécutiGn  de  l'acte 
de  navigation  fut  de  donner  beaucoup  plus  d'emploi 
qu'auparavant  à  la  marine  marchande  d'Angleterre,  de 
multiplier  prodigieusement  chez  cette  nation  l'espèce 
de  gens  de  mer,  et  de  la  mettre  ainsi  en  état  de  former 
et  d'entretenir  cette  marine  militaire  à  l'appui  de 
laquelle  elle  ose  tant  entreprendre. 


278  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


.A.CTE    3DE    1689 


DEUXIÈME  ÉPOQUE    DE  LA   PROSPÉRITÉ   DE   L'ANGLETERRE 

La  seconde  époque  des  progrès  de  la  prospérité  de 
la  grandeur  de  l'Angleterre  est  l'acte  passé  en  1689, 
qui  accorde  une  qualification  pour  l'exportation  sur  des 
vaisseaux  de  la  nation,  des  grains  du  pays  quand  leur 
prix  est  au-dessous  d'un  certain  taux. 

Au  moyen  de  cet  encouragement  on  vit  tout  à  la 
fois  les  cultures  s'étendre,  et  la  navigation  s'accroître. 
La  face  de  l'Angleterre  chaogea.  Des  communes  incul- 
tes ou  mal  cultivées  ;  des  champs,  des  pâturages  arides 
ou  déserts  devinrent  des  champs  fertiles  et  des  prés 
riches.  Les  défrichements  mirent  toutes  les  campa- 
gnes en  valeur,  et  l'amélioration  des  terres  en  doubla 
le  revenu.  Ainsi  ce  royaume  n'éprouva  plus  de  disette 
et  ne  fut  plus  obligé  d'acheter  comme  autrefois  des 
blés  étrangers  pour  la  subsistance  des  habitants.  Des 
moissons  abondantes  et  certaines  le  mirent  au  contraire 
en  état  de  porter  des  grains  aux  nations  qui  en  man- 
quent, et  de  soutenir  par  cette  précieuse  branche  de 
commerce,  la  concurrence  de  la  Pologne,  du  Danemark, 
de  Hambourg,  de  l'Afrique  et  de  la  Sicile.  A  propor- 
tion de  ce  que  la  culture  augmenta,  elle  employa  plus 
de  chevaux,  de  bœufs,  de  moutons  pour  lalourer  et 
engraisser  les  terres,  autre  accroissement  de  richesses 
aussi  précieux,  pour  la  consommation  intérieure  que 
pour  le  commerce  extérieur.  L'exportation  à  l'étranger 
ne  pouvant  s'en  faire  que  par  des  bâtiments  de  la  nation, 
la  navigation  marchande   s'étendit  ;  l'augmentation  du 


I 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    >LVRINE  279 

nombre  des  gens  de  mer  facilita  des  pêcheries,  tant  sur 
les  côtes  que  sur  les  parages  éloignés,  nouvelles  écoles 
et  pépinières  de  matelots  qui  fournirent  ensuite  des 
sujets  pour  la  marina  militaire,  dont  la  puissance  de\'int 
de  jour  en  jour  d'autant  plus  formidable  qu'elle  étoit 
mieux  fondée,  ses  progrès  n'étant  jamais  que  propor- 
tionnels à  raccroissement  des  richesses  et  de  la  popula- 
tion de  l'Etat. 

Ces  statuts  n'ont  pas  cessé  d'être  exécutés  depuis 
qu'ils  ont  été  rendus.  Si  des  règlements  postérieurs  en 
ont  étendu,  restreint  ou  modifié  quelques  dispositions, 
ils  en  ont  toujours  conservé  l'esprit. 

Tels  sont  les  principes  par  lesquels  l'Angleterre, 
constamment  gouvernée  depuis  cei^t  ans,  s'élève  au  plus 
haut  degré  de  la  puissance  absolue,  ce  qui  n'est  pas, 
comme  on  voit,  l'ouvrage  peu  solide  et  peu  durable 
d'un  grand  prince  ou  d'un  ministre  habile,  dont  le 
règne  ou  l'administration  passe  bientôt,  mais  le  fruit 
d'un  gouvernement  bien  constitué,  bien  systématique 
et  bien  administré,  qui  tend  continuellement  à  un  but 
certain  par  des  moyens  sûrs  et  presque  sans  écarts. 

On  ne  voit  pas  que  jusque  là  il  n'y  ait  rien  à  repro- 
cher à  l'Angleterre.  Ce  n'est  qu'à  la  bonté  de  son 
gouvernement  qu'elle  doit  les  progrès  de  sa  prospérité 
et  de  sa  grandeur  ;  elle  a  cherché  à  tirer  le  plus  grand 
parti  possible  de  l'exploitation  de  ses  domaines  et  de 
l'industrie  de  ses  sujets  pour  accroître  continuellement 
ses  richesses  et  sa  population,  ce  qui  n'est  pas  moins 
conforme  aux  principes  du  droit  naturel  qu'à  ceux  de 
la  saine  politique. 


280  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

ACCROISSEMENT   EXTÉRIEUR   DE   LA   PUISSANCE 
BRITANNIQUE 

Mais  l'ambition  croissant  avec  la  gi'andeur,  la  nation 
angloise,  après  s'être  fortifiée  intérieurement  et  être 
parvenue  à  un  certain  degré  de  puissance,  s'est  bientôt 
trouvée  trop  resserrée  dans  les  Isles  Britanniques,  et 
sentant  que  si  elle  se  tenoit  resserrée  dans  de  si  étroites 
bornes,  elle  ne  pourroit  jamais  faire  tête  à  de  plus 
grands  états  auxquels  elle  a  affaire,  elle  a  résolu  de 
s'agrandir  au  dehors  et  de  s'étendre  au  delà  des  mers. 

Tel  est  l'objet  de  ses  projets,  de  ses  entreprises  et  de 
ses  conquêtes  dans  les  Indes  orientales  et  occidentales. 
Ce  ne  sont  plus  de  simples  colonies  qu'elle  veut  établir, 
mais  de  vastes  empires  qu'elle  prétend  se  former  dans 
les  autres  parties  du  monde,  pour  suppléer  au  défaut 
d'étendue  de  ses  états  en  Europe.  C'est  ainsi  qu'il  faut 
considérer  aujourd'hui  son  agrandissement  en  Asie,  en 
Afrique  et  en  Amérique.  Quel  redoutable  empire  par 
exemple  ne  s'établiroit-elle  pas  dans  la  partie  septen- 
trionale de  ce  vaste  pays,  si  après  s'être  emparée  de 
risle  Eoyale,  du  Canada,  de  la  Floride,  elle  envahissoit 
encore  la  Louisiane,  les  Grandes  Antilles,  et  se  rendoit 
maîtresse  de  cette  riche  partie  du  Nouveau-Monde. 
Eien  n'est  plus  capable  d'étonner  et  de  fixer  l'attention 
des  autres  états  que  la  rapidité  des  progrès  avec 
lesquels  elle  pousse .  l'établissement  de  ses  colonies. 
Celles  qu'elle  possède  dans  l'Amérique  septentrionale 
ont  déjà  près  de  trois  millions  d'hommes,  quoiqu'il  n'y 
ait  guère  plus  de  cent  ans  qu'elles  soient  fondées.  Quel 
prodigieux  accroissement  de   population,  de   richesses, 


DU   MINISTÈRE   DE    LA.    MARINE  281 

de  puissance  ne  peut-elle  donc  pas  se  promettre  de  ses 
conquêtes,  si  l'on  souffre  qu'elle  les  conserve  et  qu'elle 
en  tire  tout  l'avantage  qu'elle  est  capable  d'en  tirer, 
dont  le  moindre  seroit  d'exercer  par  son  commerce  un 
monopole  général. 

Ce  n'est  pas  qu'on  imagine  qu'elle  s'avise  jamais 
d'appeler  des  autres  parties  du  monde,  des  armées  pour 
faire  la  guerre  en  Europe,  ce  qui  cependant  ne  lui 
seroit  pas  plus  difficile  que  de  faire  passer  des  troupes 
d'Europe  dans  les  autres  parties  du  monde;  mais  les 
colonies  sans  lui  fournir  de  secours  en  hommes,  ne  la 
mettent  pas  moins  en  état  de  faire  de  bien  plus  grands 
efforts  contre  les  autres  puissances,  qu'elle  n'en  pour- 
roit  faire  si  elle  n'en  possédoit  aucune.  En  effet,  les 
grands  avantages  qu'elle  retire  de  ses  productions  exté- 
rieures par  la  voie  du  commerce,  lui  procurent  les 
moyens  d'augmenter  sa  propre  population  beaucoup 
au  delà  des  bornes  naturelles  et  circonscrites  de  son 
domaine  d'Europe.  C'est  cette  population  surabondante 
et  entretenue  en  Europe  par  l'exploitation  des  colonies 
qu'elle  possède  dans  les  autres  parties  du  monde,  qui 
lui  donne  tant  de  supériorité  sur  d'autres  peuples,  qui 
sont  en  réalité  plus  puissants  en  Europe,  mais  n'ayant 
pas  de  colonies  ou  ne  sachant  pas  les  faire  valoir,  n'ont 
pas  les  mêmes  ressources,  sans  lesquelles  l'Angleterre 
n'eût  pu  trouver  le  moyen  d'entretenir  une  marine 
considérable,  de  faire  passer  des  troupes  dans  toutes  les 
parties  du  monde,  d'y  faire  des  conquêtes,  et  de  fournir 
encore  à  ses  alliés  des  secours  pour  soutenir  la  guerre 
dans  le  continent  d'Europe.  Si  elle  exécute  déjà  tant 
de  choses  avec  succès,  que   ne  pourra-t-elle  pas  entre- 


282  EXTRAITS    DES    ARCHIVKS 


prendre  quand  ses  colonies,  devenant  des  empires,  mul- 
tiplieront de  plus  en  plus  ses  forces  et  ses  richesses,  et 
la  porteront  enfin  au  degré  de  la  plus  absolue  puissance. 
Les  progi'ès  accélérés  de  cette  nation,  si  on  ne  les  arrête, 
surprendront  alors  l'Europe  endormie,  mais  lui  ouvri- 
ront trop  tard  les  yeux  sur  ses  véritables  intérêts,  et 
sur  sa  négligence  irréparable. 


NÉCESSITÉ   d'y    mettre    UN    FREIN,     MOMENT    FAVORABLE 

Pourquoi  donc  tarder  à  mettre  un  frein  à  l'ambition 
démesurée  de  l'Angleterre,  lorsqu'il  en  est  temps  encore, 
et  que  les  circonstances  semblent  favorables  à  la  France 
et  à  l'Espagne  pour  s'en  approprier  la  gloire  ? 


SITUATION    ACTUELLE    DE   L  ANGLETERRE    A    PROUVER    PAR 
DES    DÉTAILS    PARTICULIERS 

La  nation  angloise  fait  preuve  en  ce  moment  de 
crainte  et  de  faiblesse.  Elle  temporise  par  ses  négocia- 
tions en  même  temps  qu'absorbée  de  dettes,  elle  arme 
de  toutes  parts.  Cette  contrainte  est  l'effet  momentané 
d'une  administration  divisée,  qui  s'est  écartée  des  vrais 
principes.  Le  gouvernement  sait  que  l'empire  des  mers 
qu'il  a  usurpé  ne  peut  appartenir  qu'à  la  force  et  à  la 
prudence  qui  font  les  titres  de  possession,  mais  tout 
état  puissant  en  armes  sur  terre  a  le  droit  de  l'acquérir. 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  283 

RESSOURCES   DR    LA    FRANCE 

La  France  en  jouit  plus  que  tout  autre  par  le  nombre 
et  la  valeur  de  ses  troupes,  par  ses  anciennes  et  nou- 
velles frontières,  par  sa  position  sur  l'Océan  et  sur  la 
Méditerranée  ;  par  les  ports  et  arsenaux  qu'elle  a  sur 
les  mers  ;  par  l'état  renaissant  de  ses  forces  navales  ; 
enfin  par  son  alliance  avec  l'Espagne  qu'elle  doit  et  qui 
la  doit  mutuellement  soutenir  dans  l'entreprise,  seule 
capable  d'en  imposer  à  une  nation  altière  autant  que  sa 
rivale,  en  allant  lui  enlever  ses  colonies  ou  la  combattre 
dans  ses  propres  états. 


PROJETS  SUR  L  ANGLETERRE  ET  SUR  LES  POSSESSIONS 
EXTÉRIEURES 

Conquêtes  (fes  colonies  anyloises  re'serve'es  à  VEspaifue 

Le  moyen  d'assurer  le  succès  d'un  projet  aussi  digne 
de  la  maison  de  Bourbon,  seroit  de  commencer  par 
porter  les  forces  maritimes  de  l'Espagne  sur  les  colonies 
qui  appartiennent  à  l'Angleterre,  tandis  que  ses  vais- 
seaux à  mettre  en  commission  ne  sont  qu'imparfaite- 
ment armés  par  le  manque  d'équipage  et  d'approvision- 
nements. 


DESCENTE  EN  ANGLETERRE  RÉSERVÉE  A  LA  FRANCE 

Il  en  résulteroit  leur  conquête  prochaine,  ou  la  néces- 
sité aux  Anglois  de  dispei^ser  leurs  forces  pour  aller  au 
secours  de  Iturs  colonies  attaquées.     Dans  ce  cas  la 


284  EJCTRAITS    DES    ARCHIVES 

France  tenteroit  avec  célérité  l'exécution  du  projet  qui 
doit  venger  les  insultes  faites  au  pavillon  de  son  roi,  et 
rendre  à  sa  marine  l'éclat  imposant  que  lui  avoient 
procuré  MM.  de  Colbert  et  de  Seignelai. 


DÉTAILS  SUCCINTS  RELATIFS  A  LA  DESCENTE  PROPOSÉE. 

Le  point  d'attaque  devroit  être  naturellement  au 
plus  étroit  de  la  Manche,  en  faisant  la  descente  au 
pays  de  Kent,  comme  le  plus  à  portée  de  Londres  dont 
la  possession  décida  la  destinée  du  royaume. 

Mais  dans  l'occurrence,  la  France  n'ayant  aucun  port 
dans  la  Manche,  susceptible  d'un  embarquement  consi- 
dérable et  tout  à  la  fois  en  état  de  servir  de  retraite  aux 
vaisseaux  de  ligne,  il  faudrait  évidemment  que  celui  de 
Brest  en  fut  le  chef-lieu,  et  que  de  ce  port  et  de  sa 
rade  ou  de  celles  qui  l'avoisinent  dépendit  le  principal 
embarquement. 

Néanmoins  pour  diviser  les  forces  qui,  dans  l'hypo- 
thèse, resteroient  à  l'Angleterre  et  les  fixer  à  la  conser- 
vation de  Londres,  il  serait  conséquent  de  former  aux 
environs  du  Pas  de  Calais  un  simulacre  d'embarque- 
ment qui,  par  la  diversion  qu'il  occasionneroit,  facili- 
teroit  d'autant  le  succès  de  la  descente  principale, 
laquelle  ayant  son  effet,  trouveroit  moins  d'empêche- 
ment pour  pénétrer  dans  le  pays. 

Le  point  proposé  pour  le  débarquement  expédié  de 
Brest  seroit  Torbay  sur  la  côte  de  Devon,  lieu  à  le 
faire  d'autant  plus  commode  que  sa  baie  peu  fortifiée 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  285 

et  bien  abritée  offre  un  ancrage  sûr.  C'est  l'endroit  que 
le  prince  d'Orange  choisit  aux  mêmes  fins  en  1688. 

Ces  diversions  bien  concertées  feroient  nécessaire- 
ment baisser  les  fonds  publics,  et  réduiroient  peut-être 
le  ministère  à  la  nécessité  de  vexer  le  peuple,  et  d'at- 
tenter aux  droits  et  à  la  liberté  nationale.  Le  mécon- 
tentement qui  s'en  suivroit,  soutenu  du  zèle  des  parti- 
sans jacobites  ardents  à  se  déclarer,  dès  qu'ils  croiroient 
qu'il  est  question  de  rendre  aux  Isles  Britanniques  leur 
légitime  souverain,  favoriseroit  infailliblement  les 
opérations  de  la  France.  La  notoriété  de  l'histoire 
prouve  ce  que  dans  de  semblables  conjontures,  on 
auroit  droit  d'attendre  du  génie  des  Anglois,si  on  leur 
permettoit  de  maintenir  leur  religion,  conserver  leurs 
privilèges  et  la  forme  présente  de  leur  gouvernement, 
en  protégeant  les  dettes  nationales  qui  font  en  partie 
l'objet  de  leurs  fortunes. 

Une  victoire  sur  les  vaisseaux  qu'ils  s'efforceroient 
d'opposer  doit  nécessairement  précéder  l'entreprise.  Dès 
lors  du  port  de  Dunkerque  à  ce  suffisant,  dépendroit 
une  flotte  de  bâtiments  de  transports  pour  conduire 
sous  escorte  à  l'ouest  de  l'Ecosse,  huit  à  dix  mille 
hommes  qui  y  formeroient  leiu"  débarquement  à  la 
faveur  des  bons  ports  qui  s'y  rencontrent. 

Ce  corps  joint  aux  Ecossais  toujours  prompts  à  se 
réveiller,  saisissant  pour  place  d'arme  la  ville  de  Glas- 
gow, distante  ouest  de  dix-huit  lieues  d'Pldimbourg, 
s'achemineroit  à  travers  l'Angleteri'e  sur  Oxford. 

Ce  point  seroit  celui  de  réunion  avec  les  troupes 
débarquées  à  Torbay,  pour  ensemble  se  porter  sur  Lon- 
dres, et  combattre   ce  que  le  gouvernement  auroit  pu 


286  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

ramasser  de  forces  autour  de  cette  capitale,  tandis  que 
l'embarquement  simulé  au  Pas  de  Calais,  se  réaliseroit 
en  la  province  de  Kent  par  la  baie  de  Eyes,  ou  dans 
Essex,  du  côté  d'Harwich. 

Cependant  l'Espagne  en  mesure  avec  la  France 
pourroit  débarquer  à  l'ouest  de  l'Irlande,  un  corps  de 
troupes  pour  agir  conjointement  avec  les  Irlandais 
intéressés  à  la  conquête  de  ce  royaume,  d'où  ensuite  il 
seroit  aisé  de  faire  passer  un  corps  d'alliés  dans  le 
pays  de  Galles. 

Ainsi  à  la  fois  les  forces  britanniques  se  trouveroient 
partagées  par  trois  attaques  sous  différents  points  de 
directions.  Le  premier  par  Brest,  le  deuxième  par 
Dunkerque,  et  le  troisième  par  le  Pas  de  Calais,  le 
secours  espagnol  n'étant  que  provisionnel  pour  agir  au 
besoin. 

Telle  est  le  plan  qu'on  propose  à  la  France  et  à 
l'Espagne  pour  établir  sa  supériorité,  rédimer  l'Europe 
des  vexations  dont  elle  est  menacée.  Quant  aux  détails 
particuliers  des  opérations  et  de  la  conduite  d'un  projet 
qu'on  se  contente  d'exposer  vaguement,  on  croit  devoir 
se  les  resserrer,  ainsi  que  ceux  qui  ont  trait  aux  moyens 
et  aux  manœuvres  d'opposition  que  l'Angleterre  auroit 
à  employer  contre  une  entreprise  de  cette  nature. 

BÉHAGUE, 

Brigadier  des  armées  du  roi. 


DU    MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  287 

COMilERCE  INTÉRIEUR  —  DES  MONNOIES  —  PARTIE 
POLITIQUE 

Envoi  d'espèces  dans  la  colonie  du 
Canada  eiiJ755;  critique  de  cette  opé- 
ration,mauvais  effets  qu'elle  a  produits. 

Lorsqu'en  1755  le  roi  jugea  à  propos  de  faire  passer 
des  troupes  de  France  en  Canada,  on  envoya  dans  cette 
colonie  des  fonds  en  espèces  pour  le  paiement  de  la 
solde  et  de  la  subsistance  de  ces  troupes. 

Cette  opération  a  été  reconnue  mauvaise  parles  effets 
qu'elle  a  produits  ;  c'est  ce  qu'il  est  intéressant  d'appro- 
fondir pour  bien  reconnoître  la  faute  qu'on  a  faite  et 
n'y  plus  retomber. 

Yoici  ce  que  le  ministre  écrivit  d'abord  à  ce  sujet  à 
l'intendant  de  la  colonie  : 

LETTRE  DU  MINISTRE  A  M.  BIGOT 

Du  1er  avril  1755. 

Il  l'autorisa  à  tirer  des  lettres  de  change  pour  les 
dépenses  de  ces  troupes,  payables  l'année  suivante,  en 
di\-isant  et  éloignant  les  échéances  autant  qu'il  lui  seroit 
possible. 

Ensuite  le  ministre  ajoute  : 

"  n  est  à  croire  qu'en  fixant  ainsi  ces  échéances  à 
"  l'année  prochaine,  vous  pourrez  procurer  de  la  dimi- 
"  nution  dans  les  dépenses  relativement  à  l'augmenta- 
"  tion  que  peut  y  avoir  causée  l'éloignement  des 
"  échéances  des  traites  faites  les  deux  dernières  années. 


h 


288  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 


"  Comme  il  est  cependant  de  la  plus  grande  impor- 
"  tance  de  parvenir  à  faire  tomber  les  prix  excessifs 
"  auxquels  toutes  les  choses  sont  montées  depuis  quel- 
"  que  temps  en  Canada,  et  que  le  plus  sûr  moyen  seroit 
"  sans  doute  de  faire  payer  en  argent  toutes  les  dépenses 
"  qui  s'y  font  pour  le  compte  du  roi,  puisque  c'est  à  la 
"  quantité  immense  de  papier  qui  a  été  répandue  dans 
"  le  public  pour  ces  dépenses  qu'il  faut  principalement 
"  attribuer  cette  excessive  cherté  qui  se  fait  sentir  dans 
"la  colonie;  je  me  serais  déterminé  à  y  faire  passer 
"  dès  cette  année  des  fonds  en  argent  dans  cette  vue,  si 
"  la  situation  de  la  caisse  eût  pu  le  permettre,  mais 
"  cela  n'est  pas  possible....  Il  faut  donc  remettre  cet 
"  arrangement  à  un  autre  temps....  Vous  me  rendrez 
"  donc  compte  de  l'effet  que  pourra  produire  dans  la 
"  colonie  l'argent  que  lés  troupes  de  terre  vont  y  répan- 
"  dre,  et  vous  me  donnerez  votre  avis  sur  la  quantité 
"  d'argent  qu'il  conviendroit  d'y  envoyer  relativement 
"  à  l'objet  que  j'ai  eu  en  vue,  avis  que  vous  accompa- 
"  gnerez  de  toutes  les  considérations  qui  pourront  y 
"  être  relatives." 

Voici  maintenant  quelques  observations  sur  cette 
lettre  du  ministre. 

Il  est  constant  qu'en  fixant  à  un  court  terme  les 
échéances  des  traites  faites  sur  France,  on  parviendroit 
à  faire  baisser  le  prix  des  denrées  en  Canada,  car  les 
négociants  qui  reçoivent  leur  paiement  en  monnoie  de 
cartes  pour  lesquelles  on  leur  donne  au  trésor  des 
lettres  de  change  sur  France,  payables  dans  les  termes 
de  deux  ou  trois  ans,  ne  peuvent  se  dédommager  de  ce 
retardement  qu'en  vendant  leurs  denrées  plus  cher.  A 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  289 

l'égard  de  l'expédient  de  faire  passer  de  l'argent  dans 
la  colonie,  il  ne  peut  produire  aucun  bon  effet,  mais 
au  contraire  bien  des  inconvénients. 

Lorsqu'on  réfléchit  sur  la  nature  et  l'objet  de  la 
monnoie  qui  est  de  représenter  les  denrées  et  générale- 
ment tout  ce  qui  est  matière  de  commerce  ;  on  sent 
aisément  que  peu  importe  que  cette  monnoie  soit  de 
métal  ou  de  cartes,  pourvu  qu'elle  remplisse  bien  sa 
fonction  de  signe  et  de  mesure  des  denrées. 

Qu'importe  aux  habitants  et  négociants  de  n'avoir 
qu'une  monnoie  de  cartes,  si  avec  cette  monnoie  ils 
satisfont  à  tous  leurs  besoins  dans  la  colonie,  et  s'ils 
peuvent,  lorsqu'ils  le  veulent,  la  convertir  en  espèces 
en  France.  Ce  n'est  donc  point  du  tout  la  carte  qui 
renchérit  les  denrées,  mais  le  retardement  dans  le  paie- 
ment des  lettres  de  change  sur  la  France. 

La  quantité  de  papier  répandue  dans  la  colonie  est 
aussi  cause  de  ce  renchérissement,  mais  ce  n'est  pas 
parce  que  ce  n'est  que  du  papier,  c'est  parce  que  cela 
fait  beaucoup  de  monnoie  dans  le  commerce  ;  quand 
tous  ces  papiers  et  cartes  se  convertissent  en  espèces, 
pareille  quantité  d'espèces  occasionneroit  le  même 
renchérissement. 

C'est  donc  une  erreur  que  de  croire  qu'il  faille  faire 
passer  des  espèces  en  Canada  pour  y  faire  baisser  le 
prix  des  denrées. 

Bien  au  contraire,  l'argent  ne  peut  produire  que  de 
mauvais  effets  dans  cette  colonie.  Comment  veut-on 
en  efl*et  que  la  monnoie  de  cartes  soutienne  la  œncur- 
rence  de  la  monnoie  en  espèces  ?  Plus  il  y  a  de  mon- 
noie de  cartes  ou  de  papier,  plus  il  est  dangereux  d'y 
19 


290  EXTRAITS    DES   ARCHIVES 

faire  connoître  des  espèces  ;  ou  bien  il  faudrait  y  en 
faire  passer  assez  pour  retirer  tout  le  papier,  ce  qui 
seroit  trop  considérable  et  deviendroit  inutile  par  la 
suite,  caria  colonie  ne  pouiToit  certainement  pas  retenir 
tout  cet  argent,  et  il  en  repasseroit  nécessairement  une 
partie  en  France,  et  peut-être  même  chez  l'étranger. 


LETTRE  A  M.   DE  VAUDREUIL 

1755. 

Le  ministre  fit  effectivement  passer  en  1755  en 
Canada,  un  fond  d'environ  1,200,000  livres  pour  le 
paiement  des  traites  des  troupes  de  France  qu'on  y 
envoyoit. 

Le  premier  malheur  qui  en  résulta  fut  la  perte  d'une 
somme  de....  qui  fut  prise  parles  Anglois  sur  les  vais- 
seaux l'Alcide  et  le  Lys. 

Voici  ensuite  ce  que  M.  Bigot,  intendant,  écrivit  sur 
les  effets  que  cet  argent  produisit  dans  la  colonie  : 

LETTRE  DE    M.  BIGOT 

Du  8  9bre.  1755. 

"  Je  puis  avouer  (dit  cet  intendant)  que  l'argent 
"  comptant  ne  feroit  pas  tomber  le  prix  des  denrées. 

"  Pour  ce  qui  concerne  les  denrées  de  la  colonie, 
"  c'est  l'aisance  des  habitants  de  la  campagne  et  la 
"  bonne  chair  que  ceux  de  la  ville  veulent  faire  qui 
*'  sont  les  seules  causes  de   cette  cherté.     Le  moindre 


DU   MINISTÈRE   DE   LA   MARINE  291 

"  artisan  et  ouvrier  mange  ce  qu'il  y  a  de  meilleur, 
"  comme  le  premier  de  Québec,  et  l'habitant  de  la 
"  campagne  remporte  chez  lui  pour  son  usage  ce  qu'il 
"  ne  peut  vendre  au  marché  au  prix  qu'il  s'était  pro- 
"  posé.  L'ouvrier  n'en  est  pas  à  la  vérité  plus  riche, 
*'  au  contraire,  il  n'est  pas  huit  jours  malade  sans  être 
"  réduit  à  l'annonce  du  curé,  mais  qu'importe  ;  cette 
"  manière  de  vivre  multiplie  les  consommations  et 
"  occasionne  par  conséquent  la  cherté. 

"  Ce  n'est  que  depuis  les  grandes  dépenses  que  le 
"  roi  fait  en  Canada,  qu'on  y  voit  régner  cette  cherté  sur 
"  les  denrées,  et  elle  augmente  toutes  les  années,  sur- 
"  tout  celle-ci  (1755),  à  cause  du  nombre  extraordinaire 
"  de  vaisseaux  du  roi.  J'ai  vu  et  connu  jusqu'à  pré- 
"  sent  que  c'est  le  plus  ou  moins  de  consommation 
"  qui  décide  du  prix  des  denrées,  et  non  le  paiement 
"  en  papier. 

"  Quant  aux  denrées  de  France,  leur  cherté  n'est 
"  occasionnée  que  par  l'éloignement  des  échéances  des 
"  lettres  de  change  qui  vont  jusqu'à  trois  ans.  Le 
"  négociant  aimeroit  autant  le  papier  que  l'argent, 
"  pourvu  qu'il  lui  donna,  lorsqu'il  le  rapp'orte  à  la 
"  caisse  des  traites  payables  l'année  suivante,  et  s'il 
"  n'y  a  que  de  l'argent  dans  la  colonie,  ceux  qui  vou- 
"  droient  faire  des  remises  en  France  le  rapporteroient 
"  au  trésorier  pour  avoir  des  lettres  de  change  sur 
"  France,  ils  n'exposeroient  pas  des  espèces  sur  mer 
"  en  temps  de  guerre.  " 

M.  Bigot  ajoute  à  ces  raisons  une  considération  qui, 
ce  me  semble,  est  décisive  contre  l'introduction  de 
l'argent  en  Canada, 


292  EXTRAITS  DES  ARCHIVES 

"  C'est  que  l'habitant  aura  toujours  plus  à  cœur  de 
*'  défendre  son  pays  quand  l'intérêt  l'y  engagera,  et  il 
"  sera  forcé  de  le  faire  quand  il  envisagera  que  s'il  étoit 
"  pris  par  l'ennemi,  il  perdroit  les  papiers  de  caisse  et 
"  monnoie  de  cartes  qu'il  auroit  ramassé  depuis  long- 
"  temps,  au  lieu  que  s'il  avoit  de  l'argent  dans  son 
"  coffre,  lI  lui  seroit  indifférent  de  passer  sous  une  autre 
"  domination,  " 

"  Par  toutes  ces  raisons,  et  sans  parler  du  risque 
"  que  le  roi  courroit  à  faire  passer  des  espèces  dans  la 
"  colonie,  M.  Bigot  pense  qu'il  n'y  a  rien  de  mieux 
"  pour  le  pays  que  le  i:)apier  ou  monnoie  de  cartes, 
"  pourvu  que  ce  qui  en  seroit  rapporté  à  la  caisse  fut 
"  retiré  pour  des  traites  payables  l'année  suivante.  Les 
"  marchandises  de  France  en  ce  dernier  cas  vien- 
"  droient  en  temps  de  paix  à  leur  prix  ordinaire.  Il 
"  n'en  seroit  pas  de  même  des  denrées  de  la  colonie, 
"  leur  prix  sera  toujours  forcé  tant  que  le  roi  fera  des 
"  dépenses  considérables  dans  la  colonie  ;  elles  occasion- 
"  neront  à  chacun  de  ceux  qui  y  ont  part  d'en  faire 
"  plus  chez  lui,  tant  par  rapport  à  lui-même  qu'en 
"  faisant  travailler  les  ouvriers,  " 

Ce  que  M.  Bigot  dit  est  fort  bon,  mais  n'est  pas 
exprimé  clairement  ;  il  fait  une  distinction  entre  les 
marchandises  et  les  denrées  qui  n'est  point  nette,  qu'en- 
tend-il par  denrées  et  par  marchandises  ?  Je  crois  qu'on 
peut  réduire  son  raisonnement  à  ce  qui  suit  : 

La  cherté  des  denrées  ou  marchandises  vient  de  deux 
causes  :  l'^  L'éloimement  des  échéances  des  traites  sur 
France,  qui  oblige  le  marchand  à  se  faire  payer  des 


DU   iUXISTÈRE   DE   LA   MARIXE  293 

intérêts  de  ce  retardement  en  vendant  plus  cher  ;  2^  Les 
dépenses  que  le  roi  fait  dans  la  colonie  qui  répandent 
l'aisance,  augmentent  les  consommations  et  par  consé- 
quent renchérissent  les  denrées.  A  l'égard  de  la  pré- 
sence de  l'argent  dans  le  commerce,  c'est  une  chose 
tout  à  fait  inutile  et  indiÔerente,  et  qui  n'influe  nulle- 
ment sur  le  prix  des  denrées. 

D'où  il  suit  qu'il  n'y  a  que  deux  moyens  de  faire 
baisser  le  prix  des  denrées.  Le  premier  est  de  donner 
pour  le  papier  ou  la  carte  rapporté  à  la  caisse  des 
lettres  de  change  sur  France,  payables  aux  plus  courtes 
échéances  possibles,  et  le  deuxième  de  diminuer  les 
dépenses  que  le  roi  fait  dans  la  colonie. 

Nonobstant  toutes  ces  raisons,  M.  Bigot,  pour  satis- 
faire aux  éclaircissements  qu'on  lui  avoit  demandés, 
rend  compte  de  la  situation  de  la  caisse  de  la  colonie, 
et  il  fait  voir  qu'il  faudroit  commencer  par  y  envoyer 
deux  millons  trois  cent  miUe  livres  pour  retirer  tous  les 
billets  de  caisse  et  le  million  de  monnoie  de  cartes  qui 
coure  dans  le  commerce,  et  ensuite  sept  millions  pour 
les  dépenses  courantes  et  à  faire. 


Je  demande  si  l'on  est  en  état  d'envoyer  cette  somme 
en  Canada,  et  si  on  ne  le  peut  ou  on  ne  le  veut  pas,  il 
ne  faut  pas  y  en  envoyer  du  tout,  comme  je  l'ai  déjà 
observé,  car  comment  le  papier  ou  la  carte  soutiendra- 
t-elle  la  concurrence  de  l'argent  ?  Et  il  parut  bien  dès 


294  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

1755  que  cette  concurrence  de  voit  être  fatale  à  la  carte 
et  au  papier  de  la  colonie,  car  M.  Bigot  observe  : 

(En  marge  de  ce  paragraphe  il  y  a  l'annotation  suivante)  : 

"  C'est  encore  bien  plus  impossible  à  présent  (en 
1758)  qu'il  faudroit  peut-être  faire  passer  pour  quatorze 
ou  quinze  millions  d'espèces  en  Canada  pour  faire  face 
à  tout." 

(Ihid). 

"  Qu'il  ne  paroît  pas  un  écu  dans  le  commerce  ni  au 
"  marché,  que  les  habitants  ou  domiciliés  dans  le  pays 
"  qui  n'ont  pas  en  vue  de  repasser  jamais  en  France 
"  donnent  sept  francs  en  papier  ou  monnoie  de  cartes 
"  pour  l'écu  de  six  livres,  et  qu'ils  servent  sur  le 
"  champ  ses  écus  (sic).  Le  négociant  n'en  fait  point  de 
"  recherches,  parce  qu'il  ne  veut  pas  garder  cet  argent  ; 
"  plusieurs  officiers  des  troupes  de  France,  gagnent  sur 
"  leur  argent  ainsi  que  le  soldat,  d'autres  le  gardent 
"  pour  leur  retour  en  France,  n'ayant  pas  d'occasion  de 
"  le  dépenser." 

Enfin  M.  Bigot  prétend  : 

"  Que  l'argent  envoyé  dans  la  colonie  n'y  produira 
"  aucun  bien,  qu'il  en  résultera  seulement  qu'au  lieu 
"  d'un  million  de  cartes  que  les  habitants  gardoient 
"  dans  leurs  coffres,  comme  la  meilleure  monnoie,  ils 
"  le  conserveront  s'ils  le  peuvent  en  espèces,  et  que  les 
"  cartes  seront  rapportées  à  la  caisse  ;  et  on  s'aper- 
"  cevoit  déjà  (lorsque  M.  Bigot  écrivoit)  qu'il  en  ren- 
"  troit  plus  qu'à  l'ordinaire.  " 


DU    MINISTÈRE   DE   LA    MARIXE  295 

Xonobstant  ces  représentations  de  M.  Bigot  aux- 
quelles je  n'ai  pas  vu  qu'on  ait  répondu,  on  a  recom- 
mencé en  1756  à  envoyer  de  l'argent  tant  en  Canada 
qu'à  risle  Eoyale  pour  1,267,571  livres. 


Sur  cette  somme  on  a  encore  perdu  celle  de. 
qui  a  été  prise  par  les  Anglois  sur  1 


Je  ne  sais  si  avant  que  de  faire  ce  second  envoi,  on 
a  bien  pesé  les  raisons  pour  ou  contre,  et  si  on  a  fait 
part  à  M.  Bigot  des  motifs  qu'on  a  eus  de  continuer  à 
faire  passer  de  l'argent  en  Canada  contre  son  avis 
motivé  dans  la  lettre  ci-dessus  extraite. 

Quoiqu'il  en  soit,  cet  intendant  s'est  encore  plaint 
de  ce  second  envoi,  qui  a  fait  tomber  la  carte  dans  un 
tel  discrédit,  qu'il  a  été  obligé,  pour  la  soutenir,  de  faire 
savoir  dans  toute  la  colonie  qu'il  ne  donneroit  de 
lettres  de  change  sur  France  qu'aux  porteurs  de  la 
carte  et  de  -papier  de  la  colonie,  et  qu'il  en  refuseroit  à 
ceux  qui  ne  rapporteroient  que  de  l'argent  à  la  caisse. 


En  marge,  ou  Ut  : 

"  Je  ne  sais  la  date  de  cette  lettre  de  M.  Bigot  qui 
n'a  fait  que  me  passer  entre  les  mains  sans  que  j'aie 
eu  le  temps  d'en  faire  l'extrait.  Je  l'ai  Techerchée 
depuis  sans  la  pouvoir  trouver,  mais  je  suis  certain 
qu'elle  contient  tout  ce  que  j'en  cite.  " 


296  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

Cet  expédient  nécessaire  auquel  M.  Bigot  a  été  obligé 
d'avoir  recours  pour  réparer  le  désordre  que  causoit 
dans  la  colonie  la  concurrence  de  l'espèce  avec  la  carte 
et  le  papier,  a  occasionné  des  plaintes  de  la  part  des 
officiers  des  troupes  de  France,  qui  par  là  se  sont  privés 
de  l'avantage  qu'ils  trouvoient  dans  la  faveur  que 
l'argent  avoit  usurpée  sur  la  monnoie  et  le  papier  de 
la  colonie. 

C'est  ainsi  qu'une  mauvaise  opération  entraîne  après 
elle  des  suites  fâcheuses,  non  seulement  tant  qu'elle 
dure,  mais  même  encore  quelquefois  lorsqu'il  est  ques- 
tion de  la  ratifier.  En  effet,  que  va-t-on  faire  à  présent, 
cessera-t-on  d'envoyer  des  espèces  ?  Les  troupes  de 
France  accoutumées  à  recevoir  de  l'argent  et  à  gagner 
dessus,  se  plaindront  hautement,  et  comment  les  apai- 
sera-t-on  ?  D'un  autre  côté  si  l'on  continue  à  envoyer 
de  l'argent,  la  carte  tombera  tout  à  fait  dans  le  discrédit, 
et  l'agiotage  ravagera  la  colonie.  Car  il  faut  bien 
remarquer  que  l'agiotage  naît  de  la  concurrence  de 
deux  monnoies  dont  l'une  gagne  sur  l'autre.  S'il  n'y 
avoit  en  Canada  que  du  papier,  il  n"y  auroit  point 
d'agiotage. 

(Mémoire  non  signé) 


DU   MINISTÈRE   DE   LA    MARINE  297 

LETTRE   DE    M.    DE    LA    GALISSONNIÈRE    A    M.    ROtlLLÊ 

A  Paris,  le  7  mars  1755. 
Monsieur, 

Voilà  tout  ce  que  j'ai  pu  rassembler  de  caites  des 
différentes  parties  du  Canada.  Vous  y  verrez  qu'il  n'y 
en  a  aucune,  ni  ancienne  ni  moderne,  qui  laisse  aucun 
équivoque  sur  la  possession  de  l'Ohio  et  de  toutes  les 
rivières  qui  tombent  dans  le  fleuve  Mississipi  à  sa 
gauclie.  Vous  y  veiTez  aussi  que  toutes  ces  cartes 
ont  placé  les  bornes  des  possessions  angloises  au  som- 
met des  montagnes  des  Apalaches.  La  carte  augloise 
de  People,  que  je  n'ai  pas,  mais  que  M,  le  duc  de 
Mirepoix  trouvera  facilement,  puisqu'elle  a  été  faite 
sous  les  yeux  et  par  les  ordres  du  gouvernement, 
n'est  pas  plus  favorable  aux  nouvelles  prétentions  de 
l'Angleterre. 

On  peut  voir  par  ces  mêmes  cartes  que  nous 
n'avons  plus  de  bornes  à  opposer  aux  prétentions 
angloises,  si  on  leur  laisse  franchir  celles  que  la 
nature  du  terrain  semble  leur  avoir  prescrites,  et  que 
notre  possession  non  contestée  jusqu'ici  sembloit  devoir 
assurer  pour  jamais. 

Enfin  on  peut  dire  que  par  une  ambition  aussi 
imprudente  qu'injuste,  ils  se  préparent  à  attirer  pour 
toujours  le  fléau  de  la  guerre  et  des  incursions  sau- 
vages sur  leurs  colonies  qui  jusqu'à  présent  avoient 
joui  d'une  paix  profonde,  ce  qui,  quelque  traite  qu'on 
fasse,  et  quelque  précaution  qu'on  prenne,  ne  pourra 
plus  subsister  si  une  fois  il  leur  est  permis  de  venir 


298  EXTRAITS    DES    ARCHIVES 

faire  le  commerce  en  concurrence  avec  nous  dans  les 
villages  sauvaoes  des  environs  de  l'Ohio. 


EXTRAIT    d'une   LETTRE    ÉCRITE    PAR    LE    MINISTRE 
DUQUESNE   AU    CHEVALIER    DE   DRUCOUR 

Le  8  mars  1755. 

Il  vient  d'arriver  un  événement  dans  la  Belle-Eivière 
qui  semble  me  promettre  qu'on  aura  moins  de  peine  à 
consolider  notre  nouvel  établissement.  Les  Chouanons 
qui  composent  la  plus  forte  nation  de  cet  endroit  ont 
fi'appé  sur  les  Anglois,  ont  levé  dix-sept  chevelures  et 
amené  dix  prisonniers  qu'ils  ont  distribués  à  différentes 
nations  qui  ont  accepté  la  hache.  Kien  ne  pou  voit  être 
si  avantageux  dans  les  circonstances  présentes  ;  car  il 
n'est  pas  de  barrières  comme  de  pareils  défenseurs  ; 
mais  avec  si  beau  jeu  (car  mes  mouvements  sont  les 
mêmes),  il  faut  appuyer  les  sauvages  qui  lâcheroient 
bientôt  prise  s'ils  pensoient  qu'on  leur  laissât  faire  toute 
la  besogne.  En  conséquence,  j'ai  fait  partir  un  détache- 
ment sur  les  glaces,  et  à  l'ouverture  de  la  navigation 
je  ferai  filer  par  brigade  ainsi  que  de  coutume. 


DU   MINISTÈRE   DE   LA   MARINE  299 

MÉMOIRE  SUR    LA   DÉPÊCHE    DE    M.    LE    DUC   DE   iURElOIX 

Du  6  avril  1755. 

Les  propositions  du  ministère  britannique  dont  cette 
dépêche  rend  compte,  ne  diffèrent  presque  en  rien  de 
ce  qui  a  été  proposé  jusqu'ici  par  ce  même  ministère  ; 
elles  servent  seulement  à  dévoiler  ce  qui  avoit  été 
enveloppé  d'une  manière  obscure  dans  le  contre-projet 
de  convention  dressé  par  l'Angleterre. 

Les  Anglois  font  désormais  connoître  d'une  manière 
bien  précise  qu'ils  veulent  étendre  leurs  possessions 
jusqu'au  fleuve  Saint-Laurent. 

Ils  proposent  par  rapport  à  une  partie  du  Canada 
située  au-dessus  de  Québec,  que  le  fleuve  Saint-Lau- 
rent et  les  lacs  Ontario  et  Erié  servent  de  limites  entre 
les  deux  nations.  Ce  sont  les  propres  expressions  de 
la  lettre  de  M.  le  duc  de  Mirepoix. 

C'est  sur  la  supposition  ou  sur  la  reconnoissance  de 
ces  limites  qu'ils  entendent  établir  la  base  de  toute  la 
négociation  ;  et  ils  veulent  bien,  après  avoir  absorbé  la 
partie  la  plus  précieuse  et  la  plus  intéressante  du 
Canada,  entrer  en  accommodement,  par  amour  pour  la 
paix,  sur  les  convenances  et  les  stipulations  particu- 
lières que  la  France  devra  leur  proposer  par  rapport  à 
la  partie  du  Canada  dont  ils  l'auront  dépouillée. 

On  sent  tout  l'art  et  le  daugar  d'un  système  de 
négociation  où  l'on  commenceroit  par  supposer  en 
faveur  des  Anglois  ce  qu'on  ne  doit  pas  même  souffrir 
qu'ils  mettent  en  question  ;  et  qui  ne  tendroit  à  rien 
moins  qu'à  la  perte  totale  du  Canada,  par  la  difliculté. 


300  EXTRAITS   DES    ARCHIVES 

pour  ne  pas  dire  l'impossibilité,  d'en  conserver  le  sur- 
plus après  ce  démembrement. 

Il  paroît  donc  indispensable  de  s'expliquer  préala- 
blement avec  l'Angleterre  et  de  lui  déclarer  catégori- 
quement que  le  fleuve  Saint- Laurent  et  les  lacs  qui  en 
font  partie,  ont  toujours  fait  le  centre  du  Canada,  et 
n'en  ont  jamais  été  les  limites  ;  il  seroit  peut-être  à 
propos  de  prescrire  en  conséquence  à  l'ambassadeur  du 
roi,  d'éloigner  et  de  rejeter  définitivement  toute  propo- 
sition nouvelle  qu'on  pourroit  lui  faire  et  qui  seroit 
contraire,  parce  qu'elle  ne  seroit  pas  admise  ,  par  Sa 
Majesté. 

Comme  le  ministère  anglois  a  reconnu  lui-même 
dans  ses  conférences  avec  M.  le  duc  de  Mirepoix  que 
les  montagnes  de  la  Virginie  sont  les  limites  de  leurs 
établissements,  il  paroît  qu'on  ne  peut  poser  d'autre 
règle  pour  fixer  les  limites  des  différentes  possessions 
respectives  dans  cette  partie  de  l'Amérique  septen- 
trionale, que  la  hauteur  même  des  terres,  c'est-à-dire 
que  les  rivières  qui  se  rendent  à  la  mer  depuis  la 
Nouvelle-Angleterre  jusque  y  compris  la  Géorgie 
appartiendront  aux  Anglois,  jusqu'à  leurs  sources,  et 
que  celles  qui  se  rendent  dans  le  fleuve  Saint-Laurent 
et  le  fleuve  Saint- Louis,  ainsi  que  toutes  celles  qui 
tombent  à  la  mer  dans  l'étendue  des  côtes  qui  font 
partie  des  colonies  françoises,  appartiendront  à  la 
France. 

Par  cette  fixation  même  des  limites,  les  Anglois  se 
trouveront  extrêmement  à  portée  en  plusieurs  endroits 
du  centre  de  nos  établissements  ;  mais  c'est  néanmoins 
le  moyen  de  pourvoir  de  la  manière  la  plus  stable  et  la 


DU   MINISTÈRE   DE    LA    MARINE  301 

plus  solide  à  la  sûreté  mutuelle  des  établissements  des 
deux  nations  ;  tout  autre  arrangement  ne  pourroit  que 
tendre  à  en  faciliter  l'invasion. 

En  convenant  de  part  et  d'autre  que  les  sujets  des 
deux  couronnes  ne  pourroient  excéder  les  limites,  on 
pouiToit  au  surplus  se  prêter  à  tous  les  arrangements 
convenables  qui  seroient  proposés  pour  laisser  un 
intervalle  sur  les  frontières  sans  être  établi  ni  défriché  ; 
et  l'on  pourroit  pareillement  restreindi'e  la  liberté 
d'élever  des  forts  à  des  distances  convenues,  et  propres 
à  dissiper  tout  sujet  d'ombrage  et  d'inquiétude. 

La  connoissance  de  la  nature  de  nos  colonies,  ainsi 
que  celles  des  Anglois  et  du  commerce  des  unes  et 
des  autres,  mettent  en  état  de  discuter  avec  avantage 
vis-à-vis  les  membres  les  plus  accrédités  du  conseil 
privé  d'Angleterre,  ce  que  l'arrangement  que  l'on  pro- 
pose a  de  favorable  ou  de  contraire  aux  intérêts  réci- 
proques des  deux  nations. 

Il  est  certain,  comme  on  l'a  déjà  observé,  que  c'est 
le  seul  convenable  à  leur  sûreté  mutuelle  ;  et  qu'en 
conséquence  il  ne  peut  y  avoir  que  deux  motifs  pour 
s'y  refuser. 

Le  premier  seroit  le  dessein  caclié  de  se  ménager 
les  facilités  d'une  invasion  ;  ce  premier  motif  est  pré- 
cisément celui  qui  doit  faire  insister  sur  les  limites 
proposées.  Le  deuxième  est  le  préjudice  que  les 
Anglois  peuvent  prétendre  que  cet  arrangement  cau- 
seroit  à  leur  commerce  ;  celui-ci  peut  avoir  besoin  de 
quelque  explication. 

On  doit  convenir  que  les  Anglois  auroient  plus  de 
facilité  pour  le  commerce  des  pelleteries,  s'il  leur  étoit 


302  EXTRAITS   DES   ARCHIVES 

libre  d'étendre  leurs  possessions  jusque  sur  le  fleuve 
Saint-Laurent  et  sur  les  lacs,  et  ils  en  auroient  encore 
davantage  s'ils  étoient  les  maîtres  du  Canada. 

Mais  ce  n'est  pas  un  motif  pour  leur  accorder  ce 
qu'ils  demandent,  et  il  y  a  plusieurs  réflexions  et  con- 
sidérations qu'il  est  essentiel  de  les  engager  à  peser 
avec  maturité  : 

1*^  Tout  l'objet  se  réduit  au  fond  à  une  branche  de 
commerce  de  pelleteries. 

2'^  Si  l'on  veut  être  de  bonne  foi,  cet  objet  est  en 
soi  très  médiocre  et  ne  vaut  pas  la  centième  partie  des 
frais  dans  lesquels  cette  contestation  a  déjà  constitué 
les  deux  couronnes.  Ce  seroit  au  fond  faire  la  guerre 
pour  l'intérêt  de  quelques  traiteurs  en  petit  nombre, 
et  d'un  plus  petit  nombre  de  personnes  qui  peuvent 
trouver  dans  la  guerre  des  avantages  particuliers. 

3*^  L'objet  de  commerce  dont  il  pourroit  être  ques- 
tion est  d'autant  moins  considérable  que  l'arrange- 
ment que  l'on  propose  n'emporte  point  avec  soi  l'exclu- 
sion du  commerce  des  pelleteries,  attendu  que  les  sau- 
vages ont  toujours  joui  et  jouiront  toujours  de  la 
faculté  de  porter  leurs  pelleteries  où  ils  le  jugeront  à 
propos, 

4°  Ces  pelleteries  se  réduisent  à  deux  espèces  prin- 
cipales :  le  daim  ou  le  chevreuil,  dont  les  François  ne 
font  presque  aucun  commerce,  et  le  castor  dont  les 
sauvages  j)artageront  toujours  la  traite  avec  les  Anglois. 

5°  Le  médiocre  inconvénient  que  pourroit  entraîner 
l'arrangement  des  limites  par  rapport  à  cette  branche 
de  commerce  doit  céder  non  seulement  à  la  justice  des 
droits  du  roi  sur  cette  partie  du  Canada,  mais  encore  à 


DU    MINISTÈRE    DE    LA    MARINE  303 

l'amour  de  la  paix  et  à  la  tranquillité  de  ces  colonies. 
Les  troubles,  les  craintes,  les  inquiétudes  y  subsiste- 
ront à  jamais  tant  que  les  traiteurs  particuliers  pour- 
ront franchir  leurs  limites,  aller  chez  les  sauvages  et 
les  soulever,  il  s'en  suivra  des  massacres  dont  les 
tristes  exemples  ne  sont  que  trop  multipliés.  Ce  sera 
pour  l'une  et  l'autre  nation  un  obstacle  à  l'établisse- 
ment solide  et  à  l'accroissement  de  la  partie  de  leurs 
colonies,  qui  seront  à  proximité  des  sauvages.  11  est 
donc  indispensable  d,e  faire  céder  la  considération  d'un 
médiocre  commerce  à  celle  de  fixer  les  bornes  cer- 
taines entre  les  deux  nations,  et  l'on  ne  peut  se  guider 
à  cet  égard  que  par  celle  que  la  nature  paraît  avoir 
prescrites  elle-même. 

Enfin,  si  l'on  veut  procéder  de  bonne  foi,  si  l'Angle- 
terre veut  renoncer  à  tout  projet  de  se  faciliter  les 
moyens  d'envahir  les  possessions  de  la  France,  si  en 
conséquence,  elle  reconnoît  comme  une  vérité  certaine, 
ainsi  qu'on  l'assure  avec  confiance,  qu'il  ne  s'agit  que 
de  l'intérêt  très  borné  d'une  mvidiocre  branche  de 
commerce  de  pelleteries,  c'est  alors  qu'on  pourra  trai- 
ter avec  l'espérance  de  parvenir  à  une  conciliation.  Il 
y  auroit  même  des  moyens  de  dédommager  les  Anglois 
avec  usure  des  profits  d'un  commerce  de  pelleteries 
qu'ils  ne  peuvent  se  procurer  qu'en  empiétant  sur  une 
partie  du  Canada,  qu'on  ne  peut  céder  sans  intéresser 
la  sûreté  de  cette  colonie.  On  n'estime  pas  au  surplus 
qu'il  soit  convenable  d'entrer  dans  le  détail  de  ces 
moyens,  que  l'on  ne  soit  préalablement  convenu  des 
principes  de  la  négociation. 


304  EXTKAITS    DES   ARCHIVES 

On  a  si  amplement  expliqué  tout  ce  qui  concerne 
les  limites  de  l'Acadie  dans  les  observations  qui  ont 
été  faites  sur  les  précédentes  dépêches  de  M,  le  duc  de 
Mirepoix,  il  est  si  facile  de  démontrer  que  les  vingt 
lieues  que  les  Anglois  demandent  le  long  de  la  côte  du 
continent  ne  peuvent  servir  à  la  communication  pour 
laquelle  ils  en  font  la  demande  ;  enfin  la  nécessité  de 
conserver  la  possession  de  la  rivière  Saint-Jean  pour 
les  communications  avec  Québec,  lorsque  le  fleuve 
Saint-Laurent  n'est  pas  navigable,  est  si  sensible 
qu'on  ne  s'arrêtera  pas  ici  à  une  discussion  suffisam- 
ment éclaircie,  et  qui  dégénéroit  en  répétitions. 

Pour  se  résumer  l'on  pense  qu'on  doit  poser  et  établir 
comme  base,  principes  et  moyens  de  la  conciliation  : 

1^  Que  la  hauteur  des  terres  servira  de  limites  entre 
les  colpnies  angloises,  depuis  la  Nouvelle- Angleterre 
jusque  y  compris  la  Géorgie,  et  entre  les  colonies 
françoises  du  Canada  et  de  la  Louisiane,  en  sorte  que 
toutes  les  rivières  qui  se  rendent  dans  les  fleuves  Saint- 
Laurent  et  Saint-Louis,  et  celles  qui  tombent  à  la  mer 
dans  l'étendue  des  côtes  qui  font  partie  de  ces  deux 
colonies,  appartiendront  à  la  France,  et  de  même  respec- 
tivement à  l'égard  des  colonies  angloises. 

2^^  Que  pour  éviter  tout  sujet  mutuel  d'inquiétude, 
on  pourra  stipuler  de  laisser  sur  les  frontières  une 
certaine  étendue  de  terrain  sans  être  habité  ni  défriché, 
et  qu'on  pourra  pareillement  convenir  d'une  distance 
dans  laquelle  il  ne  sera  élevé  aucun  fort.  Qu'au  surplus 
on  proposera  des  moyens  qui  procureront  aux  Anglois 
un  commerce  de  pelleteries  plus  considérable  que  celui 
qui  fait  désirer   à  leurs  traiteurs   d'empiéter  sur  une 


DTJ  MINISTÈRE  DE  LA   MARINE  305 

partie  du  Canada,  auquel  démembrement  on  ne  con- 
sentira jamais. 

3^  Que  chaque  nation  ne  pourra  trafiquer  avec  les 
sauvages  que  sur  son  propre  territoire  ;  mais  que  les 
sauvages  pourront,  suivant  l'usage  ordinaire,  aller  trafi- 
quer chez  une  nation  ou  chez  l'autre. 

4°  Quoiqu'il  soit  évidemment  établi  par  les  mémoires 
de  la  commission  qu'il  n'appartient  à  l'Angleterre 
qu'une  partie  de  la  péninsule  où  est  située  l'Acadie 
avec  la  viUe  de  Port-Eoyal  et  sa  banlieue,  on  pourroit, 
sans  inconvénient  pour  les  colonies  françoises,  céder  à 
l'AngleteiTe  l'extrénaité  de  cette  même  péninsule,  depuis 
le  Cap  de  Sable  jusqu'à  la  banlieue  de  Port-Eoyal  et 
le  surplus  de  la  péninsule,  non  compris  Beau-Bassin 
ou  Chignitou  qui  appartiendroit  à  la  France,  et  une 
certaine  étendue  vers  l'isthme,  laquelle  étendue  reste- 
roit  neutre  et  sous  la  condition  qu'il  n'y  auroit  aucun 
établissement,  à  une  distance  qui  seroit  déterminée  sur 
la  partie  de  la  côte  de  la  péninsule  qui  règne  le  long 
du  golfe  Saint-Laurent.  Il  y  auroit  en  ce  cas  des  arran- 
gements à  prendre,  également  utiles  aux  deux  nations 
pour  retirer  les  François  qui  habitent  la  péninsule. 

5°  Comme  la  côte  des  chemins  depuis  l'extrémité  de 
'**  la  Nouvelle- AngleteiTe  jusqu'à  la  péninsule  ne  peut 
servir  à  la  communication  de  l'une  à  l'autre  par  terre, 
et  comme  cette  même  côte  est  indispensable  et  néces- 
saire pour  la  communication  de  Québec,  durant  une 
partie  de  l'année,  tant  avec  l'Europe  qu'avec  l'Isle 
Eoyale  et  l'Isle  Saint-Jean,  que  d'ailleurs  cette  contrée 
n'a  pas  fait  partie  de  la  cession  de  l'Acadie  faite  à 

20 


306      EXTRAITS  DES  ARCHIVES  DU  MINISTÈRE,  ETC 

l'Angleterre  par  le  traité  d'Utrecht,  il  paroit  qu'on  ne 
doit  pas  se  désister  de  la  possession  d'un  terrain  qui 
apj)artient  à  la  France,  qui  lui  est  nécessaire  et  qui 
serait  inutile  aux  Anglois. 

Au  surplus  on  pense  qu'on  pourroit  se  prêter  à 
étendre  les  limites  de  la  Nouvelle-Angleterre,  en  ce 
qui  ne  gôneroit  point  la  communication  avec  Québec. 
Par  cette  extension  de  la  Nouvelle-Angleterre  ou  rap- 
procheroit  et  on  abrégeroit  de  plus  en  plus  la  commu- 
nication par  mer  avec  l'Acadie,  la  seule  dont  elle 
puisse  être  dans  le  cas  de  faire  usage,  et  la  seule  qui 
dans  le  fait  soit  praticable. 

C  Enfin,  comme  il  s'agit  de  procéder  à  une  conven- 
tion définitive,  il  paroît  qu'on  ne  doit  se  prêter  à 
tous  les  avantages  ci-dessus  mentionnés  en  faveur  de 
l'Angleterre,  qu'en  obtenant  en  même  temps  justice  de 
sa  part  sur  les  isîes  contentieuses  et  réparation  pour 
ce  qui  s'est  passé  à  la  Côte  d'Or,  en  statuant  sur  les 
prises  faites  injustement  à  l'occasion  de  la  dernière 
guerre,  et  en  terminant  les  contestations  des  Indes 
orientales. 

(non  signé) 


FIN 


T^BLE  DES  M^TI^RES 


PAGES 

Dédicace. 5 

Liste  des  ministres  d'Etat  de  France 7 

Lettre  du  marquis  Duquesne 31  mai  1755 9 

Idem 12  juin  1755 11 

Idem -5  juin  1755 13 

Garnison  des  forts  de  la  Belle  Rivière 14 

Mouvements  en  1755 14 

Lettre  du  marquis  Duquesne 12  juillet  1755 17 

Comptes  pour  les  pays  d'en  haut 18 

Distribution  des  grâces  du  roi 23 

Lettre  du  marquis  Duquesne 15  juillet  1755 25 

Règlement  pour  Missiliraakinac 26 

Lettre  du  marquis  Duquesne 1755 29 

Lettre  du  marquis  de  Vaudreuil 15  avril  1755 30 

Instruction  du  marquis  de  Vaudreuil 31 

Lettre  du  marquis  de  Vaudreuil ....   15  avril  1755 34 

Idem 27  juin  1755 35 

Idem 10  juillet  1755 36 

Ordre  pour  la  marche  de  l'armée 38 

Notes  pour  l'intendant 41 

Lettre  du  marquis  de  Vaudreuil 24  juillet  1755 43 

Idem 5  septembre  1755...  51 

Dépêche  à  MM.    les   chevaliers    de 

Drucour  et  Prévôt 5  septembre  1755.. .  35 


308  TABLE   DES    MATIÈRES 


Note  jointe  à  la  lettre  de  M.  Chaste- 

nay 19  septembre  1755 ...     56 

Réponses  d'un  prisonnier 60 

Lettre  du  marquis  de  Vaudreuil 18  octobre  1755 .     63 

Idem 18  novembre  1765 . .     67 

Idem 28  octobre  1755 69 

Requête  de  Joseph-Fleury  Deschambault , 70 

Lettre  du  marquis  de  Vaudreuil 31  8bre  1755 72 

Modèle  des  rôles  de  milice 76 

Réponses  du  marquis  de  Vaudreuil  aux  sauvaf^es  de  la  Pré- 
sentation       82 

Lettre  du  marquis  de  Vaudreuil 23  8bre  1755 89 

Idem 25  octobre  1755 90 

Idem , 30  do         ....     91 

Idem 30  do         ....     92 

Idem 30  do         ....     93 

Idem 30  do         ....     94 

Idem 30  do         ....     95 

Idem 30  do         ....     96 

Idem 30  do         ....     97 

Idem 30  do         ....     99 

Idem 30  do         ....   101 

Idem 30  do         102 

Idem = 30  do         ....   103 

Idem 30  8bre  1755 104 

Idem 30        do        106 

Idem 30  octobre  1756 107 

Idem 318brel765 110 

Idem 29brel756 111 

Idem 6         do        113 

Idem 6        do       114 


TABLE  DES    MATIÈRES  309 

PAGES 

Lettre  de  M.  Varin 15  8bre  1755 115 

Lettre  de  M.  Levasseur 6  9bre  1755 116 

Pinières  à  la  rivière  Senaramiac 118 

Lettre  de  M.  Imbert 2  février  1755 120 

Requête  de  M.  Imbert 121 

Lettre  de  M.  Bréard 13  août  1755 127 

Lettre  de  M.  Olivier  de  Vézin 130 

Lettre  du  chevalier  Le  Mercier 20  octobre  1755 132 

Demandes  puur  l'artillerie 134 

Lettre  du  chevalier  Le  Mercier 20  octobre  1755. ....  138 

Idem 20  8bre  1755 139 

Idem 

Idem 

Idem 

Idem 

Idem 

Idem 

Mémoire  sur  l'artillerie  du  Canada 153 

Etat  des  travaux  d'artillerie 161 

Lettre  du  chevalier  Le  Mercier 187 

Lettre  de  M.  l'abbé  de  l'Isle-Dieu ...     4  janvier  1755 188 

Idem 7  mars  1755 190 

Idem l:i  juillet  1755 197 

Idem 19    do      1755 199 

Idem 21     do      1755.  :...  205 

Idem 30    do      1755 209 

Lettre  de  M.  l'abbé  Le  Loutre 22  septembre  1755. .  212 

Lettre  de  M.  l'abbé  de  l'Isle-Dieu. . .     4  octobre  1755.   ...  214 

Idem 8    do        1755 216 

Idem 10    do        1755 219 

Idem 29  septembre  1755. .  220 


20 

do 

140 

20 

do 

144 

20 

do 

145 

20 

do 

147 

20 

do 

148 

20 

do 

150 

310  TABLE   DES   MATIÈRES 

PAGES 

Idem 15  septembre  1755 . .  222 

Idem 3  novembre  1755 . .  224 

Lettre  de  M.  l'abbé  Le  Loutre,  sous 

le  nom  de  J.-L.  Desprez 24  octobre  1755 228 

Lettre  de  M.  l'abbé  de  l'Isle-Dieu.  . .   18  novembre  1755.  .  229 

Idem 29        do         1755. .  231 

Idem 15  décembre  1755. ..  233 

Idem 23        do        1755-..  236 

Lettre  de  M.  de  Contrecœur 20  juillet  1755.  ....  242 

Idem 28  septembre  1755 . .  244 

Lettre  de  M.  Chaussegros  de  Léry. .   11  novembre  1755. .  245 

Rfipport  du  roi  sur  le  trauaport  des  troupes 247 

Lettre  à  M.  de  Bompart 17  février  1755 261 

Pièces  non  signées  lues  au  Conseil 264 

Mémoire  de  M.  de  Béhague 272 

Commerce  intérieur  —  des  monnoies  —  partie  politique  .  .  .  287 

Lettre  de  M.  de  La  G.ilissonnière  à  M.  Rouillé 297 

Lettre  de  M.  Duquesne  au  chevalier 

de  Drucour 8  mars  1755 298 

Mémoire  non  signé  sur  la  dépêche  de 

M.  le  duc  de  Mirepoix 6  avril  1755 299 


S^ 


0 


BINDING  SECT.  OCT  2  11966 


005109518096 


F 

5065 

G37 


Casgrain,   Henri  Raymond  (éd.) 
Extraits  des  archives  des 
Ministères  de  la  Marine  et  de 
la  Guerre  à  Paris 


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