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FAUTES A CORRIGER
UNE CHAQUE JOUR
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A. LA PRESSE FKANÇAISE BU CANADA
FAUTES A CORRIGER
UNE CHAQUE JOUR
ALPHONSE LUSIGNAN ^«S*^ **'>i(k.
QUÉBEC
IMPRIMÉ PAK C. DARVEAU,
80 à 84 rue de la Montagne.
1890
V
Enregistré au bureau du ministre cle l'Agriculture, Ottawa,
conformément à l'acte du parlement du Canada, en l'année
mil huit cent quatre-vingt-dix, par Alphonse Lusignan.
PREFACE
Le livre que je publie aujourd'hui, j'avais idée
de l'écrire il y a vingt-cinq ans. Je n'osai cepen-
dant, étant jeune et sans la moindre autorité,
riscpier une leçon aussi directe à la presse. Nous
nous contentions, Frécliette, Buies et moi, de
signaler de-ci de-là, dans le Pays, les fautes les
plus grossières de nos adversaires politiques en
matière de langue. Car à cette époque tout était
subordonné à la politique, et nul journaliste n'eût
reproché à son compagnon d'armes le moindre
péché de ce genre, chose bien secondaire, vrai-
ment ! On ne tire pas dans le dos d'uu camarade,
VI
Nous en étions donc à prêcher les ennemis, dont
quelques-uns peut-être se corrigeaient plus ou
moins, tandis que les erreurs des nôtres allaient
leur chemin courant.
Aujourd'hui on n'en est plus là. Nombre
d'entre nous se sont épris de Lien parler et de
mieux écrire. Ils ont découvert cette nouvelle
forme de patriotisme français. Je l'ai <lit ailleurs,
le respect de sa langue est la meilleure preuve
que nous puissions donner à l'ancienne mère
patrie de notre fidélité à son souvenir. Il y a
de la bonne volonté dans notre presse, qui ne
demande qu'à être conseillée. Ce qui fait son
malheur, c'est que le journalisme n'est pas une
profession ; on y entre au sortir du collège afin
de gagner de quoi payer ses cours de droit, on
le quitte quand on a conquis le diplôme d'avocat_
Le personnel de la rédaction se renouvelle sans
cesse ; des jeunes gens succèdent à des jeunes
gens, et nulle expérience ne s'acquiert. Combien
sont-ils ceux qui entrent résolument dans la car-
rière avec la détermination bien arrêtée d'y
rester ?
Ceux qui deviennent propriétaires des jour-
naux (ju'ils ont longtemps alimentés de leur
prose incorrecte cessent d'écrire ou hien sont
— VII —
trop vieux pour se corriger, et les gazettes
s'ancrent dans leurs mauvaises habitudes.
Je partage l'opinion de Legendre que notre
petit peuple parle mieux que le peuple dans cer-
taines parties de la France, mais que nos hommes
réputés instruits parlent infiniment plus mal
que là-bas. A quoi est-ce dû ? A la presse. La
presse est la grande éducatrice ; on lit le journal
quand on laisse le livre de côté; c'est dans la
gazette que l'on puise inconsciemment son ins-
truction. Or la presse enseigne mal parce qu'elle
a été mal enseignée et rarement reprise ; elle
perpétue dans l'oreille du lecteur et par suite
sous sa plume les anglicismes les plus baroques
les barbarismes les plus audacieux, toutes les
fautes, tous les crimes de langue. C'est elle la
coupable, c'est elle la mère de ce langage bâtard
que les étrangers signalent, sans nous le repro-
cher toutefois, et c'est à elle que je m'adresse»
que je dis ses vérités. Je lui mets ses incorrec-
tions sous les yeux, je lui indique le remède.
Qu'elle n'écarte pas mes conseils, qu'elle entre
dans mes vues, qu'elle se concerte pour accom-
plir un progrès national, une œuvre patriotique-
J'ai fait mon travail sans aigreur contre personne,
sans citer le nom d'un seul journaliste, et si j'ai
— VIII —
<|uelquefois nommé des journaux fautifs, leur
impersonnalité couvre les hommes qui les diri-
gent.
Quand j'ai commencé en 1 884, dans Va Patrie
sous le titre : fautes à corriger, une chaque
jour, le travail d'épuration que je livre au pu-
blic, j'ai constaté la disposition de plusieurs
journaux à s'amender, leurs progrès réels, et,
de fait, je pourrais en nommer un qui est rare-
ment retombé dans l'une ou l'autre des cent
fautes indiquées. Il en sera ainsi cette fois, j'en
ai l'assurance, car le journalisme montre une
tendance sérieuse à se dégager des liens de la
routine et à prendre sa part d'autorité dans la
conduite de l'opinion. Son premier titre au
respect, c'est le souci de la langue. Des pères de
famille m'ont demandé les noms des journaux
écrits dans le meilleur français. Hélas ! ils ne
sont pas nombreux les bons dont on peut con-
seiller la lecture à nos enfants au point de vue
de la o^rammaire. Mon livre les aidera tous à
s'améliorer.
On dépasse quelquefois le but quand on tente
une réforme. Je rends hommage à ceux de nos
écrivains qui tirent le même collier que moi et
consacrent leurs loisirs à purifier notre langage,
— IX —
mais j'ose croire que je ne vais pas, eoninie
certains d'entre eux, jusqu'à proscrire des ternies
corrects.
Mon petit liv^re corrige au delà de cinq cents
fautes, et je n'ai pas fini. Mon travail se conti-
nuera d'année en année. D'autres écrivains
luttent à mes cAtés. Legendre et Fréchette
doivent chacun publier prochainement un livre
sur des questions de langue. Le mouvement de
réforme est sérieusement commencé, et si la
presse entend se montrer patriote, elle va le
pouvoir faire à son aise, ne serait-ce qu'en
proscrivant chaque jour de son vocabulaire un
mot incorrect. Je ne lui demande que cela.
Les lettres-préfaces de Fréchette, Legendre et
Suite, qui viennent à la suite de ceci, méritent
d'être lues et méditées. Je remercie ces vaillants
amis de leur concours.
Alphonse Lusignan.
LETTRES
Montréal, 22 mai 1890.
A Monsieur Alphonse Lusignan.
Mon cher ami,
Je viens de parcourir ton intéressant et précieux
manuscrit, avec la satisfiiction qu'on éprouve à la
vue d'un bel édifice destiné à une belle œuvre.
Ces pages ont un double intérêt pour moi : en
dehors de ma filiale admiration pour notre chère
langue, si gracieuse, si claire, si colorée et si
chantante, elles ont l'éveillé chez moi un souvenir
bien agréable, celui d'une de nos bonnes et longues
causeries d'autrefois.
XII
Car — si lu t'en soiivicn.s — c'est dans une de
CCS causeric8, rarement inf«?eondes, que Vidée de ce
petit livre a fait son éclosion.
C'était sous les pins odorants de Nicolet ; la
brise du soir chuchotait doucement dans les grands
rameaux solennels, tandis que les dernières lueurs
créjHiscuiaires s'éteigiuiient au loin sur la rivière,
dans l'enchevClrement des îlots assombris.
Nous causions de mille et une choses : beaucou]}
du passé, un peu de l'avenir.
Mais, quand on a, comme nous, atteint le dernier
vei-sant de la vie, si l'on rêve d'avenir, c'est plutôt
pour les autres que pour soi. L'avenir qui alors
nous ])réoccupe et souvent nous passionne, c'est
celui des enfants, celui du pays, celui de la race.
La conversation était tombée dans ce courant,
et nous nous disions :
— Un des jjlus ])i-écieux éléments de noti'e
richesse nationale, c'est notre langue — hi langue
française.
C'est comme l'arche sainte de nos institutions et
de nos traditions. C'est elle qui détermine le carac-
tère de nos aspirations collectives, qui assure nos
libertés et maintient notre autonomie, en nous
gi'oupant autour du clocher de la j)aroisse.
Il est donc de la ]j1us extieme importance pour
nous de conserver cette portion sacrée de notre
XIII ~
patrimoine daihs toute sa 2)iircté et dans toute son
intéi^-rité.
Malheureusement la tâche est beaucoup plus
difficile qu elle De le paraît au premier abord.
Les langues, comme toutes les autres choses
humaines, sont essentiellement vai'iables. Le temps,
les lieux, les circonstances les modifient, les re-
manient, les transforment constamment. La phra-
séologie s'altère ; de nouvelles locutions chassent
les anciennes ; les tournures vieillissent et tombent
en désuétude; les mots mcMnes, à la longue, chan-
gent de valeur et de signitication.
Il suffit, pour s'en faire une idée, de compai'cr la
langue de l'ancienno Rome avec l'italien moderne,
et, sans remonter si loin, de mettre les auteurs
français du seizième siècle face à face avec nos
écrivains du jour.
Or supj-josons ces races divisées chacune en deux
groupes ayant entre eux toute la largeur d'un
océan, et modifiant ainsi simultanément leur lan-
gage chacun dans sa direction , où serait, malgré
le point de départ commun, l'identité après quel-
ques siècles ?
C'est contre cette bifurcation fatale et ])resque
inévitable qu'il faut i-éagir ici, si nous ne voulons
pas donner raiso.i à nos compatriotes d'une autre
nationalité, et aux Américains des Etats-Unis, qui
— XIV —
prétendent que nous ne parons ni n'écrivons le
français de Fiance, mais un français à nous, une
langue hybride, un patois déguisé, Canadian Frencli.
C'est eu mouvement divergent qu'il faut enrayer,
si nous ne voulons pas que nos descendants parlent
et écrivent, un jour, un idiome ni français ni anglais,
une espèce de basque, sans lègles, sans cachet, sans
chefs-d'œuvre, sans traditions, langue triviale et
dégénéi-éo, ne conservant avec soi origine qu'une
])arenté abâtardie.
Et, poussant la conversation dans cet ordre
d'idées, nous constations avec effroi le chemin déjà
parcoui'u sur cette pente malheureuse.
Nous déplorions les maigres connaissances de la
plupart de nos professeurs de français, l'indiffé-
rence coupable de nos hommes prétendus instruits
ù l'égard de cette question vitale, l'ignorance, hélas !
trop générale de la langue chez nos hommes de
profession les plus distingués, et enfin, par-dessus
tout, le honteux débiaille de notre presse, école
permanente et sans vergogne de baibarismes, d'an-
glicismes, d'expressions vicieuses et d'abomina-
tions contre la syntaxe et le vocabulaire, qui font
parfois pouffer de l'ire, malgré tout ce qu'il y a
d'attristant dans une pareille plaie.
— Si nous pouvions au moins extirper une faute
de temps en temps ! disais-tu.
— XV —
Et c'est de cette pensée patriotique, j'îitriotiqiie-
ment mûrie et méditée, qu'est né ce p'ctit volume,
qui rendrait de si c^rands services à tout le monde,
si tout le monde avait seulement la bonne volonté
de s'en servir.
Il signale une faute à corriger par jour ; eh bien,
si nous nous corrigions d'une faute par jour, cela
ferait trois cent soixante et cinq fautes corrigées
au bout de l'année. Songeons au pi'Ogrès réalisé !
Pi'Ogi'ès nécessaire si nous voulons rester fi-an-
çais; progrès indispensable surtout pour nos
compatriotes qui ont à visiter la Fr:!nce, ambi-
tion si chère à tout cœur canadien.
J'imagine un des nôtres qui débarque à Paris,
apiès un voyage à bord des cliars^ qui aperçoit le
dcpôt., qui entre dans la siation, et qui demande à
un charretier de la stand comment il charge pour
aller lui chercher du change !
Il est tout abasourdi si on ne le comprend i)as,
et très offensé si son ahurissement provoque le
sourire; il reviendra en disant que les Fra' çais^
en dépit de leur réputation, ne sont pas polis !
Et c'est pourtant bien de cette façon qu'on
s'exprime, même dans nos collèges, en croyant
parler français.
J'ajouterai que cela peut ])rêter à des quiproquos
dont il serait difficile de prévoir les conséquences.
Ainsi, tout doiMiièromcnt, notre populaire Mgr
Labcllc arrive à Pai-i.>, et les journaux acclament
à son de ti'ompc notre ministre d'Ai^ricullure, élu
député jiour le canton de Saint -Jérôme.
— Il ne se donne pas de crocs-en-jambe, disaient
quelques-uns. Le voilà député, le voilà ministi-c,
rien que cela du coup ! Parlez-nous de lui ])our la
faii'c à l'oseille.
Mii;r Label le était pourtant bien innocent de
cette réclame exagéîée. Tout venait d'un malen-
tendu causé par une inadvertance d'expressioiis.
Le brave curé, habitué à notre langage officiel,
qui traduit deputy minider par député-ministre, au
lieu de se donner comme chef de bureau au minis-
tère de l'Agricultui'e, s'était involontairement fait
inscrire comme députe et ministre de l'A riculture.
On avait cru, tout naturellement, que nous avions,
comme en Belgique, des ministres on dehors do
la Chambre, mais que Mgr Labelle, lui, était à la
fois ministre et député.
Ceci peut servir de réponse à ceux qui, trop
apathiques pour .«surveiller leur langage, vous disent
avec aplomb: —Qu'est-ce que ça fait, pourvu qu'on
nous comprenne?
Comme en le voit, il peut arriver des cas où l'on
ne nous comprenne guère.
— xvn —
î)u rc8to, c^R messicni'R pourraient tout aussi
bien nous dire, et avec autant de raison : — Pour-
quoi l'ortogi'aphe, pourquoi la gi'ammaire, poui'vu
qu'on soit compris ? . . . .
En somme, mon cher nmi, je me réjouis de la
tentative que tu fais aujourd'hui. Ton livre n'est
]ias l'édifice tout entier; d'autres y ont déjà apporté
])!us d'une piei-re ; à peine, d'ailleurs, sort-il du sol.
Mais c'est une la ge assise que ta main vient de
poser.
Je t'en félicite pour ma part, et tous ceux qui
aiment notre belle langue t'en seront reconnais-
sants.
Toujours uni à toi dans la bonne cause,
Ton vieil et sincère ami,
Louis; Fréciiettk.
Mon cher Lusignan,
J'ai toujours soutenu, je ci'ois même avoir prouvé
que nous n'avons pas de patois au Canada, et que
le langage du peuple, ici, est bien supérieur à celui
de certaines campagnes de Fi'ance. C'est, du reste,
ce qu'ont affirmé, invariablement, les visiteurs
étrangers qui avaient la com])étcnce nécessaire
pour ])rononcei- sur ce point.
Je ne pouri-ais pas en dire autant du langage de
la classe instruite. Chose assez singulièi-e, c'est
parmi cette classe que l'on l'cmarque le plus de
défauts sous ce rapport. J'en trouve très facilement
la preuve en écoutant parler mes savants confrères
du barreau. Ils disent i-arement, produire, mettre
un docinnent^ une pièce au dossier, mais, presque
ton'ymv^ : filer un exhibit de record ; ils ne consultent
pus la liasse, la collection d'un journal, ils réfèrent à
hxfile. Ils i dent i fient [QOw^iwiQv l'identité) une jiartie
en cause ; ils adressent le juiy et le juge va même
jusqu'à le chanjer ; ils commentent \o présentement
(rapport) du ç/ r a nd ']uvy ( juiy d'accusation).
XX
Comme question de fait (as a matter of fact), ce
sont là dey ai»<;Iici«mc.s impardohnables ; et je n'en
cite qu'un petit nombre: il j en a une légion.
Cependant, mes savants confrères ne sont pas
les seuls coupables ; toutes les autres professions
ont également de sérieux reproches à se faire.
J'excepterai toutefois les notaires, qui se servent
presque toujours de formules bien françaises.
Mais c'est surtout dans la presse que l'on dé-
couvre un plus grand nombre de fautes. Nos jour-
naux sont rédigés, pour la plupart, avec un sans-
gene regrettable. Et pourtant ils devraient être
les premiers à respecter la langue, puisque ce sont
eux qui contribuent dans la plus grande mesure à
former le langage de nos populations.
Malheureusement, ils sont bien éloignés de la
perfection et même de la simple correction. Vous
trouvez à chaque instant : un ailicle éditorial, un
éditorial ; je iiie votre avancé; il est rumeur que;
cette loi a été passée ; elle est venue en force le jour
de n'd jjassation ; nous nous objectons à ; nous con-
courons dans cette décision ; le comité rapporte
27rogrès ; l'orateur a laissé le fauteuil, etc., etc. Je
laisse de côté les fautes de grammaire qui sont
innombrables.
Et, à part cela, la forme générale des articles
n'est pas dans le génie de la langue, L;i phrase
peut être cori'ecte à la rigueur ; elle est composée
— XXI —
de mots français; mais ces mots sont mal disposés;
il y a dans leur assemblaG;e quelque chose qui jure ;
c'est loui-d et embrouillé ; on ne se sert pas du
terme propre. Enfin, c'ctst un peu comme la mu-
sique de sir Arthur Sullivan ; toutes les notes y
sont avec leur valeur, la phrase est bonne, l'har-
monie est sans défaut ; et cependant on sent qu'il
y manque un je ne sais quoi dont l'absence jette
sur le tout une couleur terne.
C'est peut-être un certain savoir, mais, à coup
sûr, ce n'est pas de l'art.
Tout cela est difficile à expliquer sans des
exemples. Pour me faire mieux comprendre je
vais citer un court article publié dans un de nos
journaux, ii y a une dizaine d'années.
" Le chef de police. — Kous n'avons pas l'inten-
tion de dicter au conseil de ville quel doit être
son choix pour le successeur de M. X. ; mais il
nous semble que nous pouvons bien dire qui il ne
doit pas choisir. Le premier contre lequel nous
nous objectons est le monsieur qu'on appelle le
capitaine Y., de Québec. Kous n'avons pas besoin
d'étrangers pour administrer nos affaires. Ce
monsieur demeure à Québec ; qu'il y reste.
Montréal est ca^^able de fournir des hommes
aussi qualifiés que lui. Ce n'est ni un génie, ni
une illustration en quelque genre que ce soit, et
ce serait une disgrâce pour Montréal que d'ac-
— xxii —
C'Cpter un tel homme. Que l'on choisisse qui l'on
voudra parmi les résidents de Montréal, pourvu
que ce soit un homme qualifié ; nous n'allons ni
au-delà ni en-dcça de cela."
Il faudra du temps pour faire disparaître de nos
journaux ce style déplorable ; nous n'}' arriverons
que par petites joui-nées.
En attendant, mon chei- Lusignan, tu as entre-
pris une sérieuse croisade contre les fautes qui
demandent une plus prompte attention. Tu as
toutes les qualités requises ]^our conduire cette
œuvre à bonne fin. Ton livre n'est que le commen-
cement d'un ouvrage plus complet. Mais c'est déjà
nn travail d'une importance réelle, dont nous te
savons gré et dont nous ierons tous notre profit.
Napoléon Legendre.
Québec, 16 mai 1S90.
Ottawa, 9 mai 181)0.
Mon cher Lusignan,
Ta sais que j'ai adressé au capitaine Henri
Jouan, de Cherbourg, une liasse de journaux trai-
tant du débat du mois dernier sur l'usage de la
langue française au Canada. J'ai reçu en réponse
le billet suivant : " Prenez garde ! vous aidez ceux
qui veulent vous anglicise)-, et vous ne semblez pas
en avoir le soupçon. Ainsi votre presse st huilée
d'anglicismes : " Les bagages sont consignés direc-
tement pour éviter le trohb'e... " l en français on
dirait la peine. " Hardes faites " est du vieux fran.
çais ; c'est le ready made clothing des Anglais d'à
présent. Le mot hardes n'est plus employé que
dans nos campagnes ; dans les villes on dit véte^
ments confectionnés. Au lieu de dire " hardes faites
dans les derniers patrons, " en ^France on dirait mr
— XX TV —
les derniers patrons ou sur les derniers modèles.
'' S30,0U0 valant de bijouteries etc." Je n'ai januiis
entendu cela. " Plusieurs journaux expriment une
opinion adverse...;" il faudrait contraire ou opposée.
" Sa position est guère soutenable " ; mettez n'est
guère. " M. McCall a causé une commotion devant
le comité"; c'est plutôt une émotion au comité.
*' Nous les pi-ions de visiter notre magasin à bonne
heure " ; on retrouve cette expression dans nos
campagnes ; elle est remplacée presque partout
par (le bonne heure. "Bazar" pour vente de
charité, anglicisme pur. Voilà en passant. Gardez
votie belle langue du grand siècle, ce qui ne vous
empêchera pas de conseiver aussi ce que vous avez
])ris de bon aux Anglais : le sang-froid, l'esprit
pratique, et, en y joignant une dose l'aisonnable de
l'esprit normand, vous êtes sûrs d'arriver à vos
fins."
Le capitaine Jouan a soixante et dix ans et
d'excellents états de service dans la marine mili-
taire ; il a beau avoir l'air d'un jeune homme de
cinquante ans, on l'a mis à la retraite, — et il em-
ploie ses loisirs à étudier l'histoire du Canada.
En quelques mots, je lui ai fourni l'explication
que tu vas lire :
Nos écrivains d'il y a cinquante ans se servaient
de quatre ou cinq lois plus d'anglicismes que ceux
XXV
d'îiujoind'hui ; l'amélioration est duc aux dix ou
douze brochures qui ont été ]Hibliées, de ti-ois ans
cil quatre ans, pendant cette ]>éi'iode afin de nous
siij^nalcr nos défauts; loin d'cm])ii'cr, notre lanii,ag"0
s'épure constamment, — mais jugez parce qu'il est
encore de ce qu'il devait être en ces temps heureux
de 1830 à 1810 !
L'cpuiation est visible surtout dans les livres.
]es revues sont moins bien écrites que les livres;
les journaux sont, sous ce ra])])ort, inférieui's aux
D'cvues, et le barreau est resté au bas de l'échelle.
Dans ces quatre blanches, il existe un louable
dessein de se peifectionner ; on rencontre nombre
de ])eroonnes qui se ]jréoccuj:)cnt de trouver le mot
juî^te et qui lougissent lorsqu'on kur indique une
incorrection de leur plume ; cela ne paraît pas
avoir existé autrefois. 'Nous en concluons que
l'esclavage de l'anglicisme se fera de moins en
moins sentir, cai", chose de jjremièrc im],ortance,
il y a parmi nous des professeurs de collège, de
lycées, d'écoles ordinaires même, qui se mettent à
soigner leur langue.
On n'est plus ignorant comme un maître cV école.
C'est un fameux point de gagné ; cependant le
vocabulaire anglais a trop de j^lacc dans nos écrits,
— XXVI
et l'on rencontre à chaque alinéa je ne sais quoi
dans la facture des phrases qui rappelle le génie
anglais
Oui, c'est la mode, au tcuips où nous AÙvons;
Voilà comuient, li'^las ! nous écrivons !
Tu apportes, mon cher Lusignan, un crible et
une lime, pour trier et polir tout cela.
Benjamin Sulte.
ERRATUM
L'article 8, page 4, a été défiguré, et doit se lire ainsi :
" Si étrange que eela paraisse, il faut écrire siffler (avec
deux/^, et iKTs jlcT, iiersijlaijc (avec une seule /). Peu de
journaux s'en doutent."
FAUTES A CORRIGER
Commfnçons par signaler im anglicisme de la
])]ns belle eau, dont les avocats ont le aïonopole.
lis disent : X. . . .vient de donner son évidence,
pour son témoignage ; mon évidence est finie
]>(var U);i preuve t.-st faite.
Au palais, le mot anglais (■"oideu.ce si.ojnitie
t'-'molgnagf. ensemi le des témoignages, réseau
des preuves, taudis <|Ue notre mot évidence
signifie caractère de ce qui est évident, mani-
feste.
On oublie quelqueiois que voltf-face s'écrit au
pluriel comme au singulier. Monsieur le député
écrira donc, comme Reybaud : *' Une crise de
cabinet vint mettre à l'épreuve mon talent pour
les volte-face- ; " — et j'espère qu'il pourra ajouter
à l'inverse de Jérôme Paturot ; " Mais j'étais
mal doué, et je restai fidèle à mes principes."
3
Abus de l'accent circonflexe. Les mots cliihte
hase, zone, atonie, arôme, vu (prép.), cime, hccvre,
vraiment, mets, oser, récUurœ, otage, idiome,
système, thème, égoiU, poteau, coteau, navra-nt,
rets, tom-e, vice versa, pupitre, Chrysostome, que
Ton écrit presque invariablement avec cet accent,
ne l'ont pas.
Evitez de dire fiu'un mandat, un warrant, un
ordre du tribunal, a été értiané ; dites que le
mandat, le warrant, la sommation, a été décerné,
et l'ordre donné.
3 — .
5
C'est en vain qu'à Québec l'on francise la pro-
nonciation du mot anglais hydraiit : cela ne le
rendra pas français. N'avons-nous pas, d'ail-
leurs, son équivalent : horue-fontaiiie ?
Grand nombre de personnes, d'avocats même,
disent et écrivent huissier comme si Vh était
aspirée : le huissier, du huissier, au huissier. Un
journal de Montréal contenait ceci : " M. Cinq-
Mars arrive de St-Lin. Pendant son séjour en
cette paroisse, il a aidé ait huissier de l'endroit
à opérer l'arrestation d'une femme. "
Inutile d(^. dire que Vh n'est pas aspirée et
(ju'il faut écrire et prononcer l'huissier, de l'huis-
sier, à l'huissiei-.
On a le même tort pour h ailier que pour
huissier. Presque tous disent un beau huilit^r
d'argent . L7< iiVst pas phis aspirée pour l'A n'dir,'
«|ue pour l huile qu'on y niet. Prononcez un
ichvAlier. des zka'diprs: écri\«-z un bel hvilier.
hi etraiii^e que cela ])araissc. il iaut ecrnv
IM<rs\fner' {&.y oc deux //et per.s (fi âge {nwc une
seule/). Peu de journaux s'en doutant.
Le ronstoJjle est un officier de pulice en An-
o^leterre et dans les colonies anglaises.
Le hlgh constable est le grancl-constahU ou 1<3
ha td-consf cible, au choix. Mais il n'est pas le
graiid-conaétahle, car voici ce que le mot conné-
table signifie : le principal officier dans la maison
des premiers rois de France, le coiumandant
généxal des armées, un grand digTiitaire du pre-
mier empire français, un gouverneur de ville ou
de place forte, un officier subalterne d'artillerie.
On a donc tort d'appeler grands-connétables les
deux principaux officiers de police de Montréal
et de Québec,
lO
Partir un journal, un magasin, une affaire,
une entreprise, est un des pires anglicismes
que je connaisse, et Dieu sait si nous nous le
mettons souvent sur la^ conscience. On fonde un
journal, on lance une affaire, on établit un maga-
sin, on fait une entreprise : cm ne les part jamais,
Nous entendons souvent dire partira la cam-
pagne, partir (raj- Etats-Unis, par des Français
qui ont trouvé quelques imitateurs dans notre
presse. On doit dire partir pour la campagne,
pour les Etats-Unis. Partir en voyage est égale-
ment une faute ; (jn part, tout simplement, ou
l'on part pour un voyage.
11
La pers(mne (]ui demande si le journal est
■vrrti fait une faute : la gazette (|ui annonce, " que
le candidat N. a sorti une adresse aux électeurs,"
ou " qu'une autre brochure va sortir comme
complément de la première," la gazette, dis-je,
— 6 —
en fait autant. Les verbes paraitiw, piihlicr.
sont les seuls h employer dans ces cas.
Nous écrivons en général ra-t-en, ocnvpe-t-eti
ou bien vo-f-en, occupe-f-cv. Les deux maniè-
res sont incorrectes, le deuxième trait d'union
étant superflu. Il faut écrire ra-fen, occape-
fen, etc.
La grammaire défend de confondre le pronom
te (écrit f) qui se rencontre- à l'impératif des
verbes pronominaux, comme dans les cas ci-des-
sus, avec le / euph<jni(iue de ''(t-t-il^suci-iipc-f-il.
IS
Que de gens écrivent " scholaire,"' " sépul-
chral, " mélancholique," " paschal," " Nicholas'' !
L'A est de trop.
14
Trop de journaux écrivent lib'l au lieu de
libelle. Il y en a qui ne ratent jamais l'occasion
— 7 —
de faire cette faute : tel journa] quotidien de
Québec en est à sa centième fois. Lihel est le
mot anglais, lihdJc le mot français : choisissons.
Certaines personnes font dans rehelle la même
faute, en supprimant la dernière syllabe du mas-
culin, en écrivant par exemple un homme rehel.
Ne ménagez pas votre encre, bonnes gens, et
qu'une troisième syllabe ne vous coûte point !
Îr3
Il n'y a pas cent personnes dans le pays qui
diraient : '' J'ai allumé ma pipe avec de la tondre."
Tout le monde dit du tondre., — et tout le monde
a tort. Tondre est féminin.
Î6
Exploita f<:'ur n'est pas français : c'est explo:
l('(ir qu'il faut employer. . . .ou fuir.
1?
Il n'y a pas <le mot anglais ([ue nous mettion>
à plus de sauces »[ue ^r/. Nous disons et 'l.^cri-
— 8 —
vons : set de salon, rie chambre à coucher, de
salle à manger, pour rnfvhle ou nvienhUmenf :
f^PÀ de perles, de diamant, d'or, pour parure ; set
de cheminée, de foyer, pour garaihtre ; set à
thé, à café, pour service : .s'^î^ en porcelaine, en
argent, pour service de vai^fielle ; .set de broches
à tricoter, d'avirons, f^e voiles, pour jeu ; set de
fourrures, pour toilette, hahille'nierd coiyvplet ; set
de livres, pour série, collection ; set de rubans,
de chaises, pour assortiment ; set d'hommes,
pour réunioii,assenihlage ; set de canailles pour
ta.s ; set de dents, pour dentier ; set de danseurs
pour groupe, couples ; set de quadrille, pour
qiutdrille ou figures de quadrille.
Et que d'autres w^ts^ /
18
N'écrivez jamais quel qu'allusion, quelqu' opé-
ration, etc. Ue muet de quelque précédant un
mot qui commence par une voyelle ou une h
muette, ne se remplace par l'apostrophe que
devant un et une.
9
Les affiches, les pancartes, les annonces de
journaux, devraient avoir pour en-tête avis et
non Hoticc.
Notice est français, mais dans le sens d'avi
c'est un anglicisme.
îlO
Une chose ne peut avoir lieu pur quclcpi'un.
Le journal qui disait dernièrement": " L'autopsie
aura lieu demain par le docteur B." disait un
non-sens. Il fallait : " l'autopsie sera faite demain
par le docteur B.," ou " l'autopsie aura lieu
demain ; le <locteur B. la f era "
•SI
On ne rencontre pas unlûllet, une obligation,
un engagernônt ; on y fait face, on l'acquitte, on
1« paie, ou y fait honneur.
10 —
^9
J'ai lu, je lis cette phrase clans tous les jour-
naux : *• La famille affligée voudra bien accep-
ter l'expression de nos plus sincères condolé-
ances." Cette phrase est incorrecte. Les condo-
léances étant l'expression, le témoignage exté-
rieur de la part que Ton prend à la douleur
d'autrui, ces mets : " l'expression de nos condo-
léances " équivalent à " l'expression de l'expres-
sion de nos regrets."
Dites tout bonnement : acceptez nos condolé-
ances, ou l'expression de nos regrets.
*2tt
La différence qu'il y a entre (l'Uuh et aïfinx
est celle-ci : les aïeuls sont le grand-père et la
grand'mère : les aïeux sont les ascendants plus
éloignés, les ancêtres. On doit écrire hisa'ieuh,
trisaïeals, et non hisaïefLC, trisaïeux.
11 —
*^4
Stuis cj/je, suivi du subjonctif, ne prend ne ni
quand la phrase principale est affirmative, ni
quand elle est négative. La négation (ne) n'est
pas même admise après sans que suivi de ////,
aacun, personne, rien, jamais :
Je reçus et je vois le jour L[ue je respire
Saus que père ni mère ait daigné me sourire. [L'ac.)
Elle n'est pas non plus admise, bien que s'ins
soit suivi du verbe rraindre (Litivé). Il y a
donc une faute dans chacune des phrases sui-
vantes, tirées d'un récit de l'expédition du Nord-
ouest en 1885: "Nos volontaires marchèrent
douze heures .sans qu'aucun ne se plaignit." —
" A ce moment-là tous se battent comme des
lions, sans que personne ne craigne la mort." —
" liien ne se faisait saus que le major n'y vit."
On dit aussi sou\'eiit : Avanf que ne. C'est
une faute ; mais il faut avouer qu'un grand
nombre d'écrivains français eu ^"ue s en rendent
coupables de nos jours.
— 12
^5
Le petit nombre de personnes cjui savent
écrire qadqae dans toutes ses modifications
ferait croire que sa syntaxe est fort difficile :
c'est cependant le pont aux ânes, grâce aux
simples règles que voici : —
1 Suivi d'un verbe, quelque .s'écrit en deux
mots et qad s'accorde en genre et en nombre
avec le nom auquel il se rapporte : quels que
soient ses moyens : quelle que fût sa fortune, etc.
'2' Suivi d'un nom, il s'écrit en un seul mot
et s'accorde en nombre avec le nom : nous ne
vîmes que quelques personnes: quelques avis
qu'on lui donnât, etc.
3^ Suivi dun adjectif qui est lui-même iîiimé-
diatement suivi de que, il est invariable : quel-
que difficiles que soient ces questions; quelque
pressée que vous soyez, etc. Si l'adjectif n'est
pas immédiatement suivi de que, quelque est
regardé comme adjectif, et s'accorde en nombre
avec le nom : quelques grands honnnes que
possèdent les autres nations, la France, sous ce
rapport, n'a rien à leur envier.
— 13 —
•16
C'est une faute d'écrire ; " Nous paierons no.«;
ejiiployés les vendredis soir-s ou les samedis
niatinfi, à leur choix." Soir et matin, en ce cas,
ne prennent point la marque du pluriel. 0\\
doit les écrire couime si l'on disait les vendredis
au soir ou les samedis au matin. Cette der-
nière formule est, du reste, considérée comme la
plus correcte.
'27
Je ne vois pas poni-quoi l'on ne pourrait dire
subir y/Il refus, puisque l'on peut subir " le coup
d'un destin rigoureux " (Corneille) ; " une mas-
carade " (D'Alembert) ; " un jugement solennel "
(Barthélémy) ; la question, un interrogatoire,
un examen, une épreuve, une réforme, des va-
riétés, des changements, etc. Cependant Voltaii-e
dit : " Vous serez révolté de voir subir des refus,
parce qu'on essuyé un refus, et qu'on subit une
peine ; subir un refus est un barbarisme ; " — et
Littré le cite sans commentaire.
— 14
28
Nuance entre odorard et odoriféra td : tout
objet qui exhale une odeur quelconque — bonnes
indifie l'ente ou mau\'aise — est odorant : odorifé-
rant ne se dit que de celui qui exhale une bonne
odeur. Mais les meilleurs poètes semblent em-
ployer les deux mots indifierenunent, en vers.
se
Ce sont surtout les avocats et les voyageurs
du commerce qui font de ces phrases : " Je crois
avoir satisfad le tribunal que mon client a rem-
pli ses obligations" : "je suis satisfait quil ne
peut vendre sa marchandise à ce prix-là." Au
lieu de satisfait, il îaudràit pef-mi a dé, couva litcu,
prouvé à, fait voira. Un grand journal quoti-
dien de Montréal ne disait-il pas, en faisant une
rétractation : " Les défendeurs ont satisfait le
demandeur qu'ils avaient agi de bonne foi."
Sus à l'anglicisme !
15
30
Si vous voulez parler de ^Fontréal en tant (pie
territoire administré par des officiers munici-
paux, dites la municipalité de Montréal.
Si \'ous entendez parler du corps des officiers
(jui l'administrent, dites le conseil municipal, ou
le conseil de ville, ou la numicipalité.
Si vous voulez désigner l'édiii.ce où se tient
l'administration municipale, dites la municipa-
lité, ou la mairie, ou l'hôtel de ville.
Dans aucun de ces cas ne dites la corporation.
Evéque et és^éché prennent l'accent aigu sur
le premier e ; archevêque et archevêché ne le
prennent pas. Diocèse et diocésain sont fran-
çais : archidiocésain l'est aussi, mais archidio-
cèse ne l'est pas. Ce sont là caprices de jolie
langue, soit ! mais il faut les connaître et s'y
soumettre.
— 16
9*2
Plusieurs écrivent : j'ai reçu un à compte, des
à comptes, ou bien un à-conipte, des à-comptes,
sur sa dette. D'autres écrivent un accompte,
des accornptes. Ils se trompent tous. Il faut :
j'ai reçu un acompte, des acomptes ; ou bien,
adverbialement, j'ai reçu tant à compte de sa
dette.
En France, «juand il s'agit de la nournture
et du logement, pension a deux sens : le prix
que l'on paie, l'endroit où l'on mange et couche.
Il les a également parmi nous, mais nous lui en
donnons un troisième, inconnu là-bas, du moins
dans les dictionnaires, et qui se rapporte à la
chose elle-même, à la qualité de la nourriture et
du logement : A-t-on une boun<' pension à rhôtel
Richelieu ? La pension est mauvaise dans les
auberges.
On ne dit pas en France, comme ici, maison
de pension, mais simplement pension. J'aurais
— 17 —
donc fait un cana<lianisme en disant, dans Coa/js
d'œil et conpx de plume, (]uo PapineauvilJe pos-
sède plusienrs '" maisons de pension."
Nous employons encore le verbe pensionner
eonjme verbe neutre, dans le sens de manger et
coucher dans une pension : j(^ pensionne chez
Mme N : — tandis cpie le dictionnaire le donne
uniquement connue verl)e actif signifiant faire
une pension, des rentes, à quel<prun.
Au mot corniste, Littré dit : " C'est la règle
de terminer en Iste le nom des instrumentistes.
Tl a sans doute raison, mais les exceptions sont
nombreuses. On dit un c(jr, un tand:tour, une
tambourine, un trombone, une clarinette, un bas-
son, un trompette, etc, pour celui (]ui joue ces
instruments. Devons-nous dire un ejjvnet ou un
covnétiste ? Le premier terme est dans le dic-
tionnaire, non le second, (pie j'ai lu dans un de
nos journaux ; s'il y a raison de l'y mettre, il
me semble qu'il faudrait l'écrire covnettwtt.
LS _
lî*>
Complétion n'est pas français. Nous l'em-
ployons tous les jours cependant : Ces travaux
seront poussés jusqu'à complétion, jusqu'à leur
complétion : la complétion cVun arrangement,
d'un marché, etc. Il faut dire le complet emeyif
(avec l'accent aigu), ou l'achèvement, la perfec-
tion : Cet édihce approche de sa perfection.
110
Etre inaladif, c'est être sujet à de fréquentes
maladies. C'est un état passif. Une tempéra-
ture variable, comme celle de l'hiver dernier,
peut engendrer des maladies, mais elle ne saurait
en avoir : il est donc mal d'écrire : " nous avons
un temps maladif."
87
Au cours d'une polémique assez vive entre
deux journalistes fort en vue, l'un d'eux a em-
19
ployé le verbe se revenger à deux ou trois re-
prises. Ce verbe n'est pas français. Notre langue
dit seulement, se venger, se rêva neher et prevdre
sa revanche.
38
Abstenez-vous dédire que la loi, le règlement,
la. fabrique, le chemin de fer, la banque, la com-
pagnie d'assurance, la mine, la scierie, etc, sont
en opération. En opération n'est français en
aucun cas : la loi est en vigueur : la fabrique
travaille ; le chemin de fer marche, fait le ser-
vice ; la banque, la compagnie d'assurance, com-
mence, continue ses opérations ; la scierie fonc-
tionne ; la mine est exploitée, etc. Bref, il y a
vingt manières de remplacer " être en opération,'
et le verbe fonctionner est celui que l'on peut y
employer le plus souvent.
119
Pour qu'une femme soit veuve, il faut que
son mari soit mort, n'est-ce pas ^ Ce mari moi-t
— 20 —
devient le feu X. ou le défunt X. De même
(^u'on ne pourrait dire de sa femme qu'elle est
la veu\e du défunt N., de même on ne saurait
l'appeler la vm^ de feu. N. sans pléonasme.
C'est cependant ce qu'on voit tous les jours dans
tous les journaux.
J"ai consulté au sujet de cette expression deux
amis, deux autorités en matière de langue. L'un
d'eux la* trouve un peu redondante, mais pas
plus pléonastique que descendre en bas, marcher
d'un pas alerte, etc. L'autre la condamne, et dit
qu'on ne peut l'employer (pie dans le style
burlesque.
40
La cfih'de étant "' les menées secrètes de gens
qui s'entendent pour un même dessein," et le
verbe cahaler étant neutre, on a tort de dire : l-»
un tel a cabale X : 2" X a été cabale par un tel :
car 1" un seul homme ne peut faire la cabale:
2'* un verbe neutre n'a pas de passif. Ceux que
nous nommons ici des cahcdears ne sont (jue des
meneurs électoraux, des meneurs d'élection ; ce
sont les gens f[ui vont de porte en porte faire
— 21 —
rie la propagande. Les cabaleurs seraient plutôt
les membres de tout comité qui dirige la bataille
électorale, — car eux seuls s'entendent et déter-
minent les menées secrètes auxqr.elles on re-
courra.
41
Caution et c(tiiiionn<'ineiit ne sont pas la
même chose.
La caution est la personne qui donne ou four-
nit le cautionnement ; le cautionnement est la
garantie ainsi donnée ou fournie.
Caution e.st féminin : on ne doit donc pas dire,
comme trop de gens le font en ce pays, un cau-
tion, mon caution a été accepté.
45$
L^n juge, un avocat, a tort de demander à un
témoin de quelle réputation jioim.sevi^ les parties
les intéressés. Dans le cas ou la réputation
.serait mauvaise, il est évident que le mot jouir
ne pourrait entrer ni explicitement ni im))Hcite
— 22 —
loent dans la réponse du témoin, car on ne jouit
pas d'une mauvaise réputation. La question
devrait être ainsi formulée : N. jouit-il d'une
bonne réputation ? ou bien : Quelle est la répu-
tation de X; ?
La même règle s'applique k la santé.
43
Un journal mentionnait il y a quelque temps
le nom d'une charmante actrice, des Bouffe-^
parisieii lies, disait-il d'abord, des Bouf es fran-
çaises, disait-il en second lieu. Bouffes est mas-
culin.
44
Vu journal sérieux raconte un miracle. Une
paralytique a été guérie au sanctuaire de Sainte-
Anne de Beaupré ; elle laisse ses béquilles ftiu-
pieds de la baUiisf rc.
Il y a trois fautes dans les mots en itali(jUes :
1'^ balustre est masculin : 2»^ il ne s'écrit qu'avec
une l ; 3'^ il fallait au pied, qui signifie au bas :
aux pi^ds ne s'emploie que pour les personnes.
45
Je lis dans un journal ; ' . . . mnlgré que voH.<i
refusiez de lui laisser voir vos prétendus docu-
ments."'
Pour faire voir qu'il y a là une faute, je n'ai
(]u'à citer la grammaire.
Malgré que n'est usité qu'a\'ec le verbe avoir ^
de cette façon : " malgré que j'en aie," " malgré
qu'il en eût/' en dépit de moi, en dépit de lui.
Quand, malgré que j'en aie, amour me le décou-
vre (Régnier). Ah ? malgré que j'en aie, il (ce
nom) me vient à la bouche (Molière). Il faut
se divertir, mrJgré qu'on en ait (SÉVIGXÉ).
Malgré qu'ils en eussent (Bossuet). On prend,
malgré qu'on en ait, un rôle dans tes ouvrages
(Diderot).
46
Le mot plaisant ne s'emploie plus guère dans
son ancien sens d'agréable : on s'en sert presque
exclusivement aujourd'hui cians le sens de drôle,
— 24
«lo ridicule. C'est })()urquoi le journal français
«rOttawa n'aurait pas dû dire : " Un «les événe-
ments les plus plaisants de la grande convention
«le Toi*<:)nto a été la présence des trois ministre;»
canadiens-français.
17
Que l'on n'écrix e donc plus, que l'on ne pro-
nonce donc plus iiJléf/éoncr-. On doit écrire allé-
geance, car il n'y a pas d'accent sur le deuxième
^-. et l'on doit prononcer njlp'in m-f.
18
Si vous voulez pouvoir dire avec Fréchette :
.T'amasse un pécule et de ma paroi.sse
J'aspire à l'honueur d'être rnarduiVicr ;
— ou s'il vous prend envie de rire du gros casque
de ce dignitaire, sachez d'abord écrire son titre
correctement. Il y a deux / dans ce mot-là, l'un
avant la première /, l'autre après la seconde.
Les journaux souvent omettent le dernier.
— 25 —
40
Cette pièce de vaisselle d'argent que ]"on mot
sûr la table et que l'on appelle au Canada une
épergroe est un surtout, un surtout de table
Epergne est un mot anglais.
50
Je prie les avocats — et les journalistes qui
racontent leurs exploits — de ne pas écrire une
action en dommage, mais en domma.ges, ou en
do'mrnageiî'intéréfs. Il fa,ut le pluriel.
51
Voici le comble de l'anglicisme: 'Il y a vne
belle onvi'iUire (a fine opening) pour un jeune
homme actif* à tel endroit." On doit din' : une
belle occasion s'offre, il y a une bonne chance dr
réussite pour un jeune homme, etc.
26
5*1
Le verbe apparoir ne s'emploie qu'à l'infinitif
et à la troisième personne de Findicatif présent ;
il o.pperf.
Ex : Il fera apparoir cU son droit ; il appert
par un jugement que, etc ; ainsi qu'il appert *?/r
votre extrait de baptême, etc. Les dictionnaires
ne donnent pas : ainsi qu'il appert à l'acte, av
contrat, comme disent nos avocats.
e>:i
Nos journaux écrivent souvent : feue madame
y., et c'est une faute. Voici, d'après la grammaire,
comment se fait l'accord de cet adjectif : feu
s accorde avec son sub.stantif quand il suit l'ar-
ticle {Is. feue reine); il reste invariable quand
il le précède (pui la reine, fea ma mère), ou
devant madame (feu madaiiit- X.). ou devant un
nom propre (feu Mari^uerite).
L'Académie refu.se un pluriel k feu : Littré est
d'avis ct»utraire : en ce cas, le pluriel s<n'ait feus,
feues.
— 27 —
Littré fait cette autre distinction : on dit feu
la reine, s'il n'y a pas de reine vivante, et la
feue reine si une autre l'a remplacée.
54
"Il va DiariHi' une iille riche," "elle a marié
un bon garçon," — faute très fréquente, angli-
cisme pur.
Un prêtre, nn parent, un ami, un tuteur
marie un homme à ou avec une femme et vice
\ersa. Mais quand on fait un mariage pour son
compte personnel, on épouse quelqu'un, ou l'on
•sr marie à ou avec quelqu'un.
N. a marié sa tille, c'est-à-dire lui a trouvé un
mari. N. a épousé mademoiselle Z, ou s'est
marié à mademoiselle Z, c'est-à-dire l'a prise
pour femme.
o5
L'employé qui transmet les dépêches télégra-
phiques est un ou une télégraphiste, et non un
opérateur ou une opératrice de télégropjhe, comme
— 28 —
l'on dit coniinuiiémeiit ici. Télégraphiste a l'a-
vantage d'être franeais et moins long à dir«
comme à écrire.
56
Rien de plus fréquent que chimie avant heure,
rien aussi de plus inexact. La règle qui gou-
verne ce mot est pourtant 1 )ien simple. Dern i
placé devant un substantif est invariable : un»
demi-douzaine, des demi-douzaines ; placé après,
il s'accorde en genre : une douzaine et demie, un
pied et demi. Il faut donc écrire une demi-
heure, une heure et demie. Demi ne prend pas
la marque du pluriel : des demi-savants, des
demi-aunes ; deux ans et demi, deux aunes et
demie.
On ne met pas de trait d'union après l'adverbe
à demi qui précède un adjectif : à demi mort, à
demi fait. On met un trait d'union après dsmi
quand il précède un substantif ou un adjectif:
demi- vengeance, demi-savant.
— 2d —
57
La chaudière d'une machine à vapeur se nomme
un hou/Uleur. Un journal a donc eu tort d'écrire :
" On a fait avant-hier, à Sorel, l'essai du vapeur
Québec, muni de ses nouvelles bouilloires." On
trouve cette faute partout, même dans une ]iièce
de Crémazie.
La houilloitr ou la bouillotte est un vaisseau
de métal destiné à faire bouillir de ]'eau, et par-
ticulièrement un vase en forme de cafetière
tju'on met devant le feu.
On a tort d'employer les mots canard et
bombe pour la désigner.
58
Au lieu de mon mofto (mot anglais), dites
ma devii^e.
En soirée, ne passez pas des niottos aux dames,
mais des devises de bonbons, des bonbons à
devise j ou simplement des devises.
30
59
Que de fois n'entendez-vous pas dire, que de
fois n'avez-vous pas dit vous-même : " Y a-t-il
des cochers sur le .'<taiid f Je vais chercher une
voiture sur la stand. Le stand est désert."
Le mot français est place.
On dit une voiture de place. Place de fiacres,
de cabriolets, endroit où stationnent les voitures
à Tusao'e du inil)lic.
OO
Votre cordonnier, \otre tailleur parleront des
réparages qu'ils ont faits à vos chaussures, à vos
hardes. D'après Littré, le réparage est, dans le-
beaux-arts, l'action de réparer, de déguiser les
défauts d'un ouvrage qui sort du moule, de
réparer ou d'achever un ouvrage ébauché ; dans
l'industrie, c'est l'action de donner avec les
forces une deuxième coupe au drap, ou c'est la
façon que les cardeurs donnent aux étoffes avec
le chardon.
— 8] —
On ne fait pas de répamges dans l'habille-
ment, la cordonnerie, la menuiserie, la charpente,
la maçonnerie, etc., mais des répr/rations.
6Ï
On entend souvent :
" Je ne sais où cette histoire a origine " ;
" c'est toi qui as origine cette calomnie."
N'employez origine)' sous aucune forme. . . .
et sous aucun prétexte, car il n'est pas français
n^
La poursuite, l'action, la demande d'un tel a
été déboutée. Faute générale, surtout au barreau.
On doit dii-e : un tel a été débouté de sa ])our-
suite, etc.
Si je pouvais corriger un journaliste et cinq
avocats, ma journée ne serait pas perdue.
— 32 —
63
Article éditoricd est un ansrlicisme cru. Disons
article de fond, de tête, de la rédaction, premier-
Montréal, premier-Québec.
64
C'est à l'époque des vacances, que vous dites le
plus souvent, madame : Ma fille a grarJué: la.
fille du voisin r/raduera Tannée prochaine
Permettez-moi de vous signiak-r cette faute en
la corrigeant.
Il faudrait dire : Ma fille o été (ji-ad néo ou
sffif fait (irdd'oev.
De même pour les élèves des facultés de théo-
logie, de droit, de médecine, de sciences et de
lettres. La faculté les gradw\ ou ils se font
(fradficr. ou \\<, prcnneid levr^ dff/rés.
— 33 —
65
Positif, à 'positif de, sont des fiiiglicisines
d'un emploi continuel. Il est 'positif k dire cela;
il dit la vérité, j'en suis 'positif: voilà des
phrases qui ne sont pas françaises. Il faudrait :
Il dit cela d'une manière positive, formelle ; il
dit la vérité, j'en suis sûr, certain.
60
Anglicisme à extirper : rappeler une loi (to
repeal a law) Il faut rapporter : cette loi a été
rapportée, il est nécessaire de rapporter ce règle-
ment. On peut aussi employer les verbes abro-
ger, annuler, abolir,— mais jamais rappeler.
6r
Non seulement le gros public, mais la presse
confond Vhuile de castor, huile animale et anti-
spasmodique tirée de certaines glandes placées
sous la peau de ral)domen du castor, avec l huile
2
— 34 —
de ricin, huile vogétale et piivc^ative. Ce que
presque tous iionimtjiit huile de castor, et les
xVn-'lais ca^tn/' oil, n'est que l'huile de ricin.
08
Si vous aimez quelqu'un, prouvez-le lui en
prenant son iiorti, ce dont il vous saura gré,
mais non sa parf, car il pourrait vous montrer
îe.s dents. Je vous crois honnête : laissez à cha-
cun ce qui lui appartient.
60
On ne doit pas mettre de négation entre la
locution prépositive faute de et un verbe. Ainsi
le journaliste qui disait que ses adversaires
étaient revenus 1 oreille basse d'une assemblée
*' faute de ri avoir -^w se faire entendre, " s'est
trompé. Il pourra se consoler en songeant qu'il
n'est pas seul coupable de cette faute et ... en se
corrigeant
— 35 —
70
RoLert E.sticnne,au XVIe siècle, écrivait "par
le conseil du pilot." La plupart de nos compa-
triotes sont encore de cette époque, car ils disent
plus souvent -j^Hot que pilote. J'ai même lu une
communication sur les j)Uots dans un journal de
Montréal (nov. ou déc. 1887). Il ne-*serait pas
mal de nous moderniser et d'en revenir à pilote.
Un barbarisme atroce qui nous vient de l'an-
g'iai.-^ : pilote brave ké (branched pilot). Il faut
dire pilote cora'niisëionné, ou mieux pilote lama-
ncur.
71
Moi pour un ! Pour l'amour de la France, ne
vous servez jamais de cette atroce expression.
Dites : pour moi, quant à moi, en ce qui me
regarde, en tant que j'y suis concerné, etc. C'est
surtout dans les assemblées parlementaires que
fleurit le moi pour un.
— 30 —
7^2
Si, en parlant d'un lion une ou d'une chose
déjà nommé, vous employez les termes du pra-
tique ledit, ladite, rnondit, nofidits, susdit, etc.,
ne manquez pas d'éci-ire la locution en un seul
mot. Ne faites pas comme les avocats et les
notaires, lesquels écrivent invariai 'lement du dit
sieur, la dite iiiaisori, etc.
73
Absolument parlant, le mot exJ( ihition appli-
qué aux concours agricoles, artistitpies, etc.,
n'est pas une faute, mais en France on emploie
le mot ej'ixjsitinii de préférence.
Le mot concours pourrait aussi se dire à pro-
pos, en remplacement des deux précédents.
On dit surtout i:-oniices agricoles pour les
expositions locales.
17 —
74
La charrette étant une voiture à deux roues,
avec deux ridelles et deux limons, et le charre-
tier étant celui ou celle qui conduit une charrette,
il est évident qu'on a tort de confondre le char-
retier avec le cocher, lequel est le conducteur
d'un coche, d'un carrosse, d'un cabriolet.
On avouera (jue cette faute est presque géné-
rale.
Ainsi, (^uand vous vous ferez conduire en
voiture de place ou eu voiture de maître, dites :
cocher, telle rue, tel numéro.
75
Vote a r n'est pas français. Il faut dire électeur
OM votant. Electeur s'entend de celui (pli a le
droit de voter, votant de celui c(ui vote.
Il y a tant d'électeurs dans telle circonscrip-
tion électorale ; il y a eu. tant de votants à telle
élection.
38
76
Les clubs de raquettes s'amusent souvent à
herner leurs invités, leurs officiers, leurs amis.
En soi, la chose est assez agréable pour chacun,
mais ce qui est désagréable, c'est de l'entendre
exprimer par cet anglicisme ou plutôt ce barba-
risme : boancer. 8i les présidents des clubs s'en-
tendaient pour dire berner, ce mot passerait
bientôt dans le langage.
77
Cette phrase est incorrecte : Chacun s'accorde
à dire. Il faudrait : tout le monde s'accorde à
dire, chacun est prêt à dire, ou ({uehiue autre
tournure équivalente. On comprendra facile-
ment qu'un honnne seul (chacun) ne i)eut s'accor-
der à dire une chose : il faut être plusieurs pour
cela.
— ?,9 —
78
Le voyageur qui laisse ses colis, ses malles, à
la gare du chemin de fer ne doit pas dire qu'ils
sont dans la rhamhi'<' du hagar/e, encore moins
dans la haggage-njoni, mais qu'ils sont fii coii-
sif/ne, n hi ('<niKi<iar.
7»
Au lieu de lettre eiwcgistrée, dites toujours
lettre eh(ir(jé('. " Charger une lettre, un paquet,
dit le dictionnaire, faire constater sur les registres
de la poste l'envoi d'une lettre, d'un paquet." Le
charo-ement est l'action de faire constater l'envoi.
On emploie même ce mot pour la lettre, 1«
paquet : j'ai un chargement à la poste.
80
Pour l'amour de Dieu, ne dites plus moulin à
coudre, mais machine à coudre. Il y a des mou-
lins à vent, à eau, à vapeur ; ces termes n'indi-
— 40 —
quent (^ue la puissance motrice. Mais couinie la
couture n'est pas une puissance motrice, et comme
un moulin a pour objet de moudre, de broyer,
on voudra bien ne plus moudre de couture. Les
journaux devraient extirper cette faute de leurs
annonces.
81
Tous les oT)uvernements à tour de r«Me sont
accusés de faire élire leurs créatures avec les
dons en argent des entrepreneurs publics, que
les journaux nomment toujours controcteurs. Ce
mot n'est pas français. Ceux (jui s'engagent par
contrat sont des contractants. L'entreprise qui
leur est adjugée, dont ils se chargent par con-
trat, n'est toujours qu'une entreprise, jamais un
contrat.
Celui que l'on appelle au Canada un sous-con-
tracteur est un sous-entrepreneur, un tâcheron.
82
.L'Anglais qui dit : " to argue a. case, a ques^tion,
a matter," s'exprime correctement ; mais le Fran-
— 41 —
çais qui dit arguer u/nr caïuir, une question, se
trompe. Arguer signifie ou contredire, accuser,
ou tirer une conséquence. L'avocat doit donc
dire : j'ai plaidé ma cause, développé mes moyens,
discuté la question, fait valoir mes arguments,
etc.
On nargicrueitte pas non plus une cause.
83
On a pu lire dans plusieurs journaux l'hiver
dernier (jue "la l'ibrairie du parlement provin-
cial contient 30,178 volumes." La différence
entre librairie et hihlioiJièque est assez élémen-
taire et assez connue pour que les apprentis-
journalistes qui l'ont ignorée soient inexcusables.
84
Quelle est la gazette où l'on ne lise pas géoli^r
ou geôlier. La véritable orthographe ne permet
pas d'accent sur Ve, et elle exige un accent cir-
conflexe sur Vo. Le n^ot s'écrit donc geôlier et
se prononce ;yo//^'/\
— 42 —
8*^5
Appelez votre garçon comme vous l'entendrez,
René même, si vous avez un penchant à la
rêvasserie, ou de la sympathie pour le maladif
personnage que Chateaubriand a peint ; mais
dans ce cas écrivez et prononcez René, sans
accent sur la première syllabe.
86
Ecrivez protoitutaire, et non prothu notaire,
comme le font tant d'avocats. L'A ne doit se
trouver que dans le mot anglais prothonoUtry.
87
Dti, participe passé du verbe devoir, prend
l'accent circonflexe au singulier masculin seule-
ment : argent dû. Le féminin et le pluriel s'en
passent : une récompense due, les honneurs <ius.
les sommes dues. On loublie 8(^)Uvt:'nt.
48 —
88
La plupart du temps, quand on dit un dim^-
tory, on ne se demande seulement pas s'il existe
un mot français correspondant. Ceux qui se le
demandent et disent un directoire font une faute.
Disons l'almanach des adresses, ou, ce qui vaut
mieux, le hottln, du nom de celui qui le publie
à Paris.
89
On demande que, cm ne demande pas <:« ce que.
Les avocats n'y font pas suffisamment attention.
Il n'est pas rare de les entendre demander au
tribunal à ce qit.e k^urs clients soient admis à
caution, et de voir les journaux répéter la faute.
90
Exercice, danse, licence, voilà trois mots que
je vois bien souvent écrits à l'anglaise : exercise,
dance, licence. Un peu d'attention, s'il vous
plaît ! i
— 44
91
Laissons les Anglais dire flic pscal ycfir, mais
ne traduisons pas littéralement par Vannée fis-
cale. Disons, comme en France, !'(» n née financière.
Avec ce dernier terme on embrasse non seule-
ment les opéx'ations du fisc, mais toutes les opé-
rations d'une année en matière de finances pu-
bliques.
9a
" Sa nomination est. gazeftée," cela se dit tous
les jours, mais n'est pas français. Le verl)e
(jazefif'r passera-t-il dans la langue ? je l'espère.
En attendant nous dirons : sa nomination a paru
dans la Gazette, comme on dit en France : a paru
à l'Officiel : comme on disait sous l'Empire : a
paru au Moniteur.
9S
On entend souvent dire : Voilà une église
dévotieuse, dévote, une chapelle pieuse, religieuse.
4;")
(a" n'est pas t'ra lirais. Il faut dire Tiiie église,
une eliapelle ijui porte à la prière, (|ui inspire la
dévotion, la relioion, la piété.
94
Vous parlez d'un saint, éci'ivez eomnie ceci :
saint Augustin, sainte Barbe : vous pîirlez de sa
f '4e, écrivez la Saint- Jean (avec la double majus-
cule et le trait «ruiûon,) la Sainte-Véronique ;
vous parlez d'un monument, d'une bjcalité, écri-
vez l'église Saint-Germain, la rue Saint-Pierre,
la ville de Saint-Hyacinthe.
Ecrivez de même le fleuve Saint-Laure^it, le
mont Saint-Bernard, ^[. Louis Saint-Denis.
95
C'est une faut!' d'écrire f'///y''fnr//r^s' : il faut
oïiiro (I titres. Voici la règle que pose Littré :
"JJc tinal de r^/z/yv^ s'élide dans les composés de
ce mot : entr'acte, s'entr'aider, etc., mais dans
tous les autres cas on n'emploie pas l'apostrophe :
entre eux, entre tdles, entre autres, entre onze
heures et midi."
^ 4G —
96
Boîtf avec fnïioiii.^ est un terme riussi ridicule
(ju'inipropre. Coniine K-ûjours nous l'avons pris
aux Anglais: ^irifi.tos hox. Notre langue est
donc bien pauvre ! Pourtant les Français rendent
la n. ^iiie idée tjue nous en disant h\ barre, la
harr>'. dv fr'nninah Le témoin y comparaît à la
barre, tout connne à la barre de la chambre
comparaissent témoins, pétitionnaires, accusés.
On ne doit pas non plus dire la huite aux
accavéyi, encore moins la hoîte aux coupahles^
mais le ha ne des accusés, des p rêve n as.
97
En anglais, on écrit avec le jfJi les mots sid-
jjJiuric, i^idphate, sidphite et les autres dérivés
de salpliur (soufî*e). En français, on doit écrire
salfuriqae, snlfafo, <salfite, etc. Beaucoup plus
de personnes qu'un ne pense se trompent sur ce
point.
47
98
Madame part pour le bal et vent boutonner
ses gants ; elle demande à sa femme de cliii ibre
le crochef. Madame ferait mieux de dire le tire-
houton^.
99
En temps d'épidémie, les méd(M"ins et les hy-
giénistes recommandent l'emploi des désinfec-
tants, dont l'un des plus efficaces est Ih chlorwre
de chaux. Que de gens demandent à tort d:.'ly.
chlorure à leur pharmacien 1
lOO
Un journal annonce que " les camarades du
généra] B. lui ont présenté une insigne de la
légion d'honneur," et que "cette insigne est faite
de diamants." Connue d'autres journaux parta-
gent son erreur et font insigne du féminin, je
tiens à les détromper.
4S -—
101
Je mets les journalistes en garde contre la
confusion des ternies pilier et pile. Le pilier est
tout massif qui sert à soutenir (|uel(]ue partie
d'un éditice ha pile iist le massif de mac/onnerie
([ui soutient les arclies d'un pont. JLa distinction
est assez facile à faire pour (ju'on ne soit }:as
justifiai )le de la néoliM-er.
I Oïl
Pour([Uoi nos journaux ne perdent-ils jamais,
au o-rand jamais, roccasion de se s<'rvir du mot
nojj(((le dans un sens qu'il n'a pas ^. Noyade
signifie l'action de noyer inie ou plusieurs per-
sonnes, et non pas je fait de se noyer; Le sup-
plice de la noyade a longtemps existé : on con-
naît les noyndes de Nantes commandées par le
cou venti( )nnel Carrier.
Puis((ue noyade exprime le fait d'être noyc*
par d'autres, et non de se noyer volontairement
ou accidentellement, ([Uel e-^t. dira-t-on, le n)ot
qui le remplace ' Il n'y en a pas. En attendaiit
49
qu'on en crée im, ou que l'on étende le sens de
noyade, mettons noyé en tête des faits divers
qui relatent cet accident.
103
Gardez- vous d'écrire que les débats au sénat
sont l((nijonveax ; ils peuvent être langai^savt^,
ce qui ne surprendrait personne, mais soyez sûr
qu'ils ne tournent jamais à l'amour.
104
L'Anglais ni^mme sluitim/ ri ni- nn endroit
spécialement entretenu pour les tins de pati-
nage. Le Français lui emprunte son mot, et le
défigure en le prononçant. Nos journaux disent
rond (\ jK(fiûer ou /xwillon <lf.spafiiieiirs^ quand
souvent l'endroit est carré ou n'est pas abrité
par un pavillon. J'ai proposé j>afinorr, il y a
plusieurs années, et l'expression fait son chemin.
Elle a toutes les allures d'un terme bien fran-
çais, sans présenter aucune des objections (jue
l'on peut otlrii' aux autres,
— 50
IO.>
Etant donnés la liberté* le franc jeu dont nous
jouissons sous nos institutions municipales et
judiciaires, nous ne pouvons dire avec vérité :
on a commencé l'enquête ntnfre le corps de
police, (■(Hêtre tel accusé. Il faut sur, au sujet
de. etc.
106
Les Anglais écrivent les noms de jour et de
mois avec une majuscule : Monday, Friday,
April, Xovember, etc. En français, on doit écrire
lundi, vendredi, avril, novembre, et<:-. ; c'est ce
ijue l'on est loin de faire toujours.
lor
Il y a un mot dont Tu-Scige est si fréquent
que je ne comprends pas que des joui-na-
listes ignorent son genre : c'est le mot atnioa-
jjJière. Nous disons ou entendons dire tous
5]
les jours 4110 l'atmosphère est bas, posant, vicié,
tandis «pi'il fainliait mettre ces a<.ljectifs a\i
féminin.
10?^
On m'a demandé quelle dittérence il y a entre
piifroïniPi- et /xiffonis^u', et si l'un doit dire
qu'une cjeuvre de bienfaisance est patronnée ou
patronisée par les plus hautes dames de la capi-
tale. J'ai répondu ([u'il faut seul employer le
premier de ces termes, le second n'étant pas
français.
100
Un journal annonce que " le chemin de fer
intercolonial vient de s'enrichir de trois engins."
Le mot anglais oujlne peut certainement se
traduire par Pin/in ; mais quand il s'agit des
chemins de fer ofn dit locunujfive.
52
110
Le mot patriotique ne s'applique qu'aux
choses : un don, une vertu, une récompense
patriotique. On doit dire un homme, une femme
'patriote. L'écrivain qui a dit de M. Papineau :
" le plus patriotique de nos hommes d'Etat," a
péché contre la langue.
111
On a l'habitude, quand on cite des phrases
latines renfermant des mots de la première
déclinaison k l'ablatif singulier, de mettre un
accent circonflexe sur Va. final. Exemples : vice
versa : Dei gratiâ : ex cathedra : in memoriâ
asternâ ; >:)onâ tide ; in forma pauperis, etc. Littré
dit : " Cet accent est inutile ; c'est une invention
des grammairiens modernes pour distinguer
l'ablatif latin, laquelle ne mérite pas d'être con-
servée."
— 53
11*2
Vous ne pouvez mettre vliaqup. à la fin d'une
phrase ; il faut cJuteun. C'est donc une faute
de dire : ces livres me coûtent un dollar chaque ;
on doit dire : un dollar chacun ; ces pommes se
vendent un centin chacune.
llll
" Je l'ai par If belle " est incorrect : la véritable
locution est je l'ai paré ou parée belle.
114
Le parlement local, la chambre locale, le gou-
vernement local, la léofislation locale, — autant
d'incorrections. Remplacez local par provincial
dans tous ces cas et les cas similaires.
— 54 —
115
Bien qu'à la i-ioueur on ])uisse <lire un vieii;f
cetera I), — car il y a des vétérans qui sont jeunes
et d'autres vieux, — il vaut mieux s'en abstenir
à cause du pléonasme. L'idée (jui s'attache à
vétéran est celle de vieilli dans les luttes : or
vieux ajouté à vieilli sonne mal à l'esprit.
116
On lit tous les jours: "Le président de l'as-
semblée infrodni'iif M. X.'' Il faut dire, s'il
s'agit d'un conférencier, de quelqu'un (jui doit
prendre part à la réunion, qu'il a été présenté.
On introduit (quelqu'un dans une assend)iée
(juan<l <jn lui en procure l'entrée.
Coml^ien de fois n'entendons-nous pas dire
dans nos meilleurs salons : " Venez que je vous
introduise à mademoiselle X " ; " Il me l'a intro-
duit chez M. X." Débarrassons-nous sans tarder
de cet anolicisme mal sonnant.
00
117
L'usage a voulu que les noms et adjectifs
terminés en <( nf et evt perdissent le t au pluriel :
des enfans charmans, des parens indigens ; on
n'exceptait que les monosyllabes : gants, vents,
dents, lents. L'Académie conserve le f à tous ces
mots, et tous les écrivains aujourd'hui t'ont
comme elle ; je ne connais guère que la Ref'ue
des Deux-Monrles ([ui persiste à le supprimer.
118
As.'if' rmerifrr : faire prêter sennent, en parlant
des personnes auxquelles on confère des offices
pul)lics. Assermenter un fonctionnaire. Ce verbe
Uh' s'emploie qu'en parlant des personnes, jamais
des choses. C'est donc une faute, et fort com-
mune, d'écrire une déposition assermentée, asser-
menter un témbignage, une plainte, assermentée,
etc. Dites .so/./s^ serment.
— o6
119
A roccasion d'un récent vol de bijoux, plu-
sieurs journaux ont dit que les voleurs avaient
pénétré dans le magasin du bijoutier " par le
rasisfas placé au-dessus de la porte. ' Ils ont
évidemment confondu le vasistas avec Vimposte.
Le vasistas est ce carreau mobile d'une croisée
ou d'une porte que l'on ouvre pour voir ce qui
se passe, pour parler à quelqu'un ou pour les
besoins de la ventilation. L'imposte, au contraire,
est ce carreau vitré, fixe, qui surmonte la partie
mobile de la porte ou de la croisée, et qui a pour
objet de donner plus de lumière à la pièce.
1*10
Nous avons le verbe monopoliser, et le subs-
tantif ïiu)intp(>U'ar, mais non mon()pol%*feur,
encore moins inoiu^polisateor. J'ai cependant lu
c«'s deux derniers mots dans notn^ presse.
— 57
191
Nous appelons hu'thde ctiorhun riuiile cjui
éclaire presque toutes nos maisons. Son vrai
nom est pétroh'. On ne dit plus huile de pétrole
en France, et ce qu'on y nomme huile de char-
bon de terre ou de houille est une substance
tout autre que notre huile d'éclairaoe. Disons
donc pétrole, et cond)attons chez le peuple la
manie de dire du (uxd oit, (pi'il prononce, du
reste, fort mal : mbdl.
ia*a
Qui n'entend dire tous les jours : Je collerfc
mes comptes ? Collecter ne signifie qu'une
chose : faire une collecte, — c'est-à-dire quêter
dans un but de bienfaisance. On ne peut donc
collecter un compte. Encore moins peut-on dire :
X est venu me collecter. C'est un double angli-
cisme. Il faut dire : X fait ses recouvrements
. ou fait faire ses rentrées, etc. Ily a dix. nxa;niè.res
d'exprimer correctement cette opération.
5S
1*^3
Le mot iu\^]ins (jallavti't/ HU^niUki et galanterie
et bravoure. La galanterie est " tantôt coquet-
terie dans l'esprit, paroles flatteuses, tantôt pré-
sent de petits bijoux, tantôt intrigue avec une
feiunie ou plusieurs ; " cette définition est de
y (j1 taire.
Elle suffit pour ftiire voir qu'un homme qui .se
jette à beau, pour sauver un autre homme fait
plutôt i)reuve de courage que de galanterie, et
par conséquent qu'un journa] des Trois-Rivières
a eu tort d'écrire :
" M. le maire présenta la montre, portant cette
inscription au dedans du V)OÎtier :
" Présenté par le gouvernement du Canada à
M. W. H. Kelly, en reconnaissance de l'humanité
et de la (/(thi nferie par lui déployées en sauvant
la vie, etc.
J'ai relevé ce qui suit dans une adresse pré-
sentée à un député : " Si, comme d'habitude,
— 59 —
vous êtes anxieux de faire conDaître à vos
constif uaiits ce qui est arrivé durant la dernière
session du parlement, etc."
.Deux fautes en une phrase.
Etre anxieux, c'est avoir dey angoisses d'es-
prit : un député peut désirer faire connaître les
événements à ses commettants, mais cela ne va
jamais jusqu'à l'anxiété.
Je viens d'écrire corriiyœttant.^ c'est le mot
français qui doit remplacer l'anglicisme consti-
fvanfs.
'' C'est moi qui gère à mes affaires " ; " c'était
lui qui gérait à cela." C'est un affreux barbarisme.
On ne peut gérer à. Il faut dire : C'est moi qui
gère mes affaires ; c'était lui qui voyait à cela,
réglait cela.
120
J'ai lu je ne sais plus dans quel journal l'an-
nonce d'un ferronnier commençant ainsi : A
— 60 —
V enseigne du r/ros f arrière. Il aurait fallu de la
grosse tfirière. Tarière est féminin, et sa pre-
mière syllabe s'écrit sans /•.
Galerie ne doit sécrire qu'avec une l. Quel
est cependant le journal qui ne lui en met pas
deux plus souvent que de raison ? C'est encore
l'anglais qui ^déteint sur nous. Un peu de sur-
veillance, n'est-ce pas ?
1^8
Je lis : Le jux'é a condamné le défendeur à
.?15 de doûimages. Il fallait dire le jury. Le jury
est le corps des citoyens auxquels une affaire
est soumise : le juré, c'est le citoyen qui fait
partie de ce corps.
A l'imitation des xlnglais, nous disons ici le
grand jury, le petit jury. Je ne suis pas prêt à
dire que ce soit une faute. Je dirai seulement
tju'en France, lorsqu'on parle de l'institution
anglaise des jurys, on appelle le grand jury le
jury d'accusation, et le petit jury le jury de i
61
jugement. " Le premier, dit Littré, décide s'il y
a lieu d'admettre une accusation (cette institu-
tion n'existe pas en France) ; le second décide
si l'accusé est coupable des faits (pli lui sont
imputés."
V29
Si l'Anglais peut dire en parlant d'un spec-
tacle où se presse beaucoup de monde : " There
is a good, a large hou fie," nous ne pouvons pas,
nous, traduire hov.se par inaison et dire " qu'il
y a Tine bonne, une belle maison." Cela se dit
pourtant.
De même, si l'on peut dire que la salle est
comble, qu'il y a salle comble, on ne saurajt dire
dans le même sens qu'il y a une l^elle salle, une
salle nombreuse.
Il faut dire un bel auditoire, un auditoire
nombreux.
130
Je viens de parler de salle.
— 62 —
Xous avons, sans en avoir besoin, emprunté
aux Anglais leur flinlnfi-roorû, (|ue nous avons
traduit par salle à din/'r.
Or on ne dit pa.s salle à dîner en France, pavS
plus que sallo à souper ou à déjeuner. On dit
tout siiii])l('ment soJJp à nianf/fr.
131
^)n a tort d'appeler un ruisseau un criqv,*'
En fait d'eau, rriqve ne signifie pas autre chose
qu'une petite haie, une petite anse dans les
anfiaetuosités du riva<^e. Ce met est du mj.nre
féminin.
132
Pourquoi disons-nous colht poui* /(cnj: roi i
Le col de la chemise est cette partie qui entoure
le cou et ([ui fait partie de la chemise : le col est
encore une espèce de cravate (pi > l'on boucle
derrière le cou ;— le faux col est le col détaché
(|Ue l'on ajoute et ajuste à la clieiuise au moyen
— 68 —
Je boutons. — Le collet est la partie d'un vête-
ment qui entoure le cou. Faux col s'écrit sans
trait d'union.
Un traducteur pi-essé, rencontrant un jour
œater-powfr et n'ayant pas de dictionnaire sous
la main, écrî\'it pouvoir d'eau et son mot fit
fortune au Canada. Rempla(^*ons-le par
force h ydro ni Iq uc, pu i.^f«i iice Ji ijdyra idujiic.
Je dois ajouter cependant que, dans le récit
de son voyage au Canada en 1885, M. de Moli-
nari a parlé des poiuxnrs d'ecm de Saint- Jérôme.
Mais une hirondelle ne fait pas le printemps 1
134
Gardez-vous bien de jamais dire ou écrire :
payer an rovipliment à quelqu'un. C'est un
abominable anglicisme. Dites faire, adresser un
compliment. On ne paie pas non plus ses res-
pects à quelqu'un : on les lui présente.
(i4
i:i5
Lu dans \in journal de Quéljec : " Le Wifurss
insiste à ce que le français soit ensei<;né dans
les écoles anglaises. ' Voilà certes une bonne
idée chez le Wit nesx ; ce n'en est pourtant pas
une moins bonne que les journaux français
enseignent de leur côté le français. Pour prê-
cher d'exemple, le confrère (juébecquois aurait
dû écrire : " Le l^y7v/^^^•^' insiste que ou pon r que
le français soit enseigné, etc."
J.rv>rr/.s,sr/' est un verbe neutre, au sens péjo-
]'atif. Il signifie exercer dans la médiocrité et
l'obscurité la profession d'avocat. Ce n'est pas
ainsi qu'en l'emploie au Canada : on s'en sert
toujours en parlant des honnnes publics qui se
sont faits les avocats, les défenseurs, les apôtres,
d'un intérêt majeur, d'une cause nationale, d'une
grande idée. Avec la bonne intention de leur
rendre hommage, la presse les rapetisse par
l'usage d'un mot toujours pris en mau\'aise part.
On n'avocasse pas une chose.
Itit
Je dénonce à regret l'une de nos plus char-
mantes fautes : sdii/ni/cr de qiielqti' ii v. Nous
disons : '.' Que je suis aise de vous revoir ! je
me suis tant ennuyé devons!" C'est tout un
compliment. Eh bien, il faut y renoncer. On
peut ennuyer quelqu'un, (^n peut en retour s'en-
nuyer en sa compagnie ; on peut s'ennuyer de
tout, c'est-à-dire être ennuyé par toutes sortes
de choses ; — mais on ne peut s'ennuyer d'une
personne absente, c'est - à - dire regretter son
absence, se sentir l'âme vide, dégoûtée, loin
d'elle.
Cela se dit en Bretagne comme au Canada,
mais n'est pas reyu dans la langue officielle.
Les journaux parlent à tout l)out de champ
des argents -pubUcs. On ne peut dire cela cor-
rectement. Il faut employer Hommies, deaiers^
crédits, ou tout autre mot indiquant la nature
3
Ofi
<le la propriété : les expressions ne manquent
})Hs. La plus mauvaise vaudra niieux encore que
l^^s argents.
139
On a le tort assez général de faire ôftr^' du
masculin : on doit pourtant dire et écrire : on
m'a îa'it. une hdle offre, iim' offre avantageuse.
140
On peut dire : '"' force est demeurée à la loi,"
(juand la légalité l'a emporté sur le désordre ;
*■ un long usage donne force de loi ; " '" cette cou-
tume a foi'ce de loi."
Mais on ne saurait dire qu'iuie loi ou un
règlement est en force. ; il faut dire en v'njueur.
Députés, avocats, journalistes, amendez-vous !
141
Ne pas confondre résidence avec demeure ou
domicile. Votre résidence est à ^I(nitréal ou à
Saint-Lambert, — c'est-à-dire que vous résidez
dans l'une ou l'autre de ces villes ; mais votre
demeure ou domicile est dans telle rue, à tel
numéro. Le mot domicile signifie en outre le
lieu où l'on est censé être pour l'exercice de ses
droits ou de ses fonctions.
Ou demeure à tel endroit, on n'y rede pas.
14^
" Reliecca N. a été traduite pour la dixième
fois au recoT(l('r!' On lit cela dans la première
gazette venue. Il fallait écrire : à la cotir ou
devant la cour du recorder, ou devant le recorder.
En d'autres termes, on peut être traduit à ou
devant un corps public : cour, [)arlemcnt, concile,
assemblée, etc. S'il s'agit d'un homme, on est
traduit devant lui !
143
" Cette çjevte de persécuicurs fanatiques, etc."
(Tous U^.s journaux). Gente n'est françai'3 que
couuui- féiuiiiiii (\i- l'adjectif gent, qui veut dire
— 68 —
gentil. Comme substantif et prair signifier race,
espèce, c'est (jent qu'il faut emplo^'er : la gent
lu^pocrite, la gent moutonnière.
144
Qui n'a entendu ceci : '' Des souliers de cuir
à patente, " " des bottines de cuir patent " i
Cette grosse faute vient de ce (pie le vernissage
du cuir a été breveté, patenté. Mais il faut dire
" cuir verni. "
14o
A'ous entrez dans une l>u\'ette et vous vous
fendez la bouche à demander de Vrf n p-f/oss-ton-
ré, ce tonique amer si bon dans le whisky. De-
mandez-le en français, vous n'aurez (pi à dire
«le VaiKjii.sf itrc
Egalement, demandez de la tanaisie, et non
pas du tan-^!j.
— 69 —
146
Une récompense honnête est offerte à celui
qui n'a jamais dit un quart de fleur pour un
quart de farine, ou de fleur de farine. Il est
mieux de dire un baril qu'un quart. Fleur tout
seul pour farine est une faute. Fleur de farine
désigne de la farine de qualité supérieure.
147
" L'attractiov de la semaine est l'Albàni."
(Tous les journaux).
Anglicisme imprudent, qui se faufile jusqu'en
France. Seulement, les Français ont la pudeur
de le souligner.
Il faut dire attrait.
148
Apnlojjip signifie défense, justification, mais
jamais excuse. On doit donc éviter de dire : je
— 70 —
vous fais apologie ; il me doit des apologies.
En anglais, opology s'emploie dans le sens d'ex-
cuse, lequel mot est sou seul équivalent en
français.
149
Supporter un ministère, un homme, un projet
une loi, n'est pas français dans le sens de V ap-
puyer. Disons appuyer, soutenir, aider, suivant
le cas. Il y a déjà assez d'autres choses à sup-
porter. Ainsi l'orateur qui dernièrement disait :
" La responsabilité d'une " loi anticatholique
retombe sur tous ceux qui sv/pportent cette loi
et la font triompher par leur vote," n'a pas rendu
sa pensée, parce qu'il n'a pas parlé français.
150
■' Vingt et un candidats seront ballotés à cette
assemblée." (Lu dans un journal). Il y a là une
double faute : 1-' ballotter s'écrit avec deux f ;
2" le ballottage ne se fait ([u'eutre deux camli-
dats. " Bali.ot'I'aok. Action de ballotter (lf'ii.r
candidatti. Ballotteii. Ballotter deux candidats,
IL
fîécicler par le scrutin lequel l'emportera de deux
candidats qui ont le plus approché de la majo-
rité, tous les autres étant exclus."
Dans le cas dont parle le journal, il fallait
écrire : On votera sur la proposition d'admettre ;
on proposera la réception de ; ou encore : vingt
et un candidats subiront l'épreuve du scrutin,
etc., etc.
loi
S'endonnir est un mot très français, mais
dans le sens seul de passer de la veille au som-
meil, de tomber dans le sommeil. On ne doit
jamais l'employer pour signifier que Ton a besoin
de dormir, auquel cas il faut dire fai sommeilj
comme on dît f(( i fa i m on j'ai soif.
1.V2
Xous employons hîoe k tort en parlant de
maisons : un bloc de maisons, un beau bloc. Il
faut dire un pâté, un beau pâté de maisons. S'il
s'agit d'une seule et vaste maison, on dit édifice.
Nous nous servons aussi du mot bloc pour
désigner rcspace conipris L'iitre deux rues par-
rellèles : " Vous chercliez la (Iciiieiiri' de, }>\. Z :
passez encore deux blocs, vous y serez." C'est
une faute. Il faut dire : " Passez encore deux
rues."
Bloc n'est pas du tout français dans le sens
d'agglomération de maisons à plusieurs loge-
ments, ni de distance entre les rues.
On a l'habitude d'appeler rondncten r (Je la
m aile ou fh niallc le préposé de l'administration
des postes qui est chargé d'accompagner les
lettres dans les convois de chemin de fer: on
devrait le nommer courrier de la nudlc.
154
Coudre, verbe actif (très actif même) : Je
couds, je cousais, je cousis, je coudrai, couds,
cousu. On ne doit pas dire, au futur et au con-
ditionnel, je cotiserai, il couserait, mais bien y f
coudrai, il coudraii. Il y a des journaux de
ma connaissance qui s'\' sont mépris.
— 73 —
1 «lo
Beaucoup de personnes instruites, plusieurs
journalistes même, écrivent des chef-fVœ livres,
lorsqu'il faut absolument des rhefs'(T(eavre. Que
l'on remarque où l'.s doit être placée.
lo6
— Clear tlie road, dit l'Anglais.
— Claiirz le cliemin, dit le Canadien.
— The prisoner was clear, dit l'Anglais,
— Le prisonnier a été claire, dit le Canadien.
Le Canadien traduit trop littéralement, et fait
des néologismes impardonnables. Cldirer existe
en termes de fonderie, mais je ne l'en considère
j)as moins ici comme un néologisme, compliqué
d'un anglicisme !
Il faut dire dans le premier exeiuple : Rangez-
vous, laissez le chemin libre. Dans le second,
on dira que le prisonnier a été acquitté, libéré.
Lin journal annonce que N., accusé de telle
offense, s'en est cldi ré avec .S2 d'amende. S'en
est fi l'é est la bcmnc expression.
— 74
157
Dire : une calomnie fausse, c'est faire un plé-
onasme ; toutes les calomnies sont des asser-
tions fausses de choses dommageables à quel-
qu'un. La calomnie est un mensonge ; or vous
ne sauriez dire " un mensonge faux, " n'est-ce
pas ?
loK
Si le verbe inclure a p(jur participe passé
iacliis, incluse, il ne faut pas oublier que le
verbe exclure fait au même temps e.œlii, exclue.
Pourquoi n'écrit-on plus ('xdus, excluse / Je
n'en sais rien, je sais seulement que cette der-
nière forme n'est plus admise.
159
Théophile Gautier est assez connu de (piicon-
que s'occupe de littérature et de peinture pour
f|Ue nos écrivains n'aient ]»as le droit d'épeler
son nom Gauthier.
Il y a une locution prf)vurl)ialt' qui dit : X<*
pas confondre Gautier avec Gargouille.
lOO
Que d'orateurs populaires disent volontiers
que leurs pères tenaient les manchons de la
charrue ! Que de candidats se vantent de les
tenir eux-mêmes ! Certes, ce sentiment les ho-
nore, mais il neM serait pas moins beau s'ils
disaient, en français, le ma ach.e ou les manche-
rons de la charrue.
161
L'orthographe des noms de géographie laisse
beaucoup à désirer. C'est surtout dans leurs
colonnes de dépêches télégraphiques que les jour-
naux les estropient. Souvent on ne traduit pas
le mot et l'on écrit Antwerp pour Anvers,
Athens pour Athènes, Leghorn pour Livourne,
Cairo pour le Caire, Hague pour LaHaye, Al-
giers pour Alger, Tangier pour Tanger, Mecca
pour la Mecque. Jusqu'à Lyon et Marseille,
— 70 —
aux(iuellt's <»ii a 1(- tort de conserver Vs finale de
la forme ani^laise.
N'écrivons- plus Brézil, maïs Brésil.
Un journal sérieux de Quéliec parlait der-
nièreiiu^nt du traité de Ghent, conclu le 18 juin
1(S22, qui avait réglé la (question des frontières
entre les Etats-Unis et le Canada : il s'agissait
du traité de (Jand. — et (iand se dit (client en
anglais 1
Musset, dans Bol la. a fait rimer Hik-vuI avec
cercueil, lien avait le droit (Littré, Vo Linceul),
puisque l'on prononce indifféremment linceul ou
lineeuil : mais il a respecté l'orthographe, ce
que ne font pas ceux ([ui écrivent lineeuil.
] o:i
" Le bon usage, «lit Littré, repousse des
phrases comme celles-ci : Il est venu avec sa
dame ; ces messieurs et leurs dames. Il faut : il
est venu avec sa femme ; ces messieurs et leurs
femmes.
^7 —
" Dans le langage eouiiaun, on dit votre (hnno)-
>t('Uf' pour votre iille : Coninient va votre demoi-
selle '( mais cela n'est pas du l)on usage : avec le
mot (h'ino'isclh', comme avec les mots (hrme et
sieur, il n'est pas de bon ton d'employer les
adjectifs possessifs de la 2e et de la oe personne.
On demande : Conunent se porte mademoiselle ?
et non p;is voivc demoiselle, ou sa demoiselle.
De même on dit comment se porte madame, et
non votre dame." ^[ais toujours en ajoutant le
nom propre.
164
Noinhrer est fran(;ais, mais c'est un verbe
actif ([ui signifie trouver le nombre de, compter,
relater, énumércr. On nond^re les cotés d'un
carré, on n()]id)re ses propriétés, on nombre les
faveurs (pi'on a reçues, on nombre les gens, etc.
Mais on ne saurait dire, comme un journal de
Montréal : '• Les Acadiens des provinces mari-
times (jui II <> III Jf l'eut .108,().55 âmes, etc." Ici l'on
a fait de nomlirci" un v('r])e neutre, ce (pie ne
permet pas le dictioriuaire. On a servilement
traduit irjin u/nmber, (piand il fallait dire : (jui
sont au nombre de.
VS —
165
Darru' est un tenue d'architecture hydrau-
lique dout ki sens se rapproche assez de cehii de
ditjue, chaussée, h: tn-a(/€ (iii'tjirlel. Cependant
hx différence est assez gran(h' pour (jue ntjus
nous servions uniquement de ces derniers ternies
quand il s'agit de cc>urs d'eau. On ne saurait
dire, comme certain journal, que '" M. X, <le Ren-
frew, a l'intention de construire une nouvelle
danunc sur la Bonnechère."
160
Ammiinition est un mot anglais. Nos chas-
seurs disent : Je n'avais pas emporté assez dam-
munition ; ïnes ammunitions étaient humides.
Nous avons le mot raïf nitions, servons-nous en.
167
Il est bon de faire sa\oir à certain journal
qu'il ne saurait écrire Y(;i nouvel échaïqx/.toire,
— 79 —
ce mot étant féminin. Lui qui a l'habitude des
phrases Jong-ucs comme le bras, pour((uoi recu-
lerait-il devant l'addition correcte d'une syllabe ?
168
Faute des plus commune : rénvumérfr ai réna-
raération (qui ne sont pas français,) au lieu de
réinvnérer et réiriuneWitioyi, Ce ne sont pas
toujours les tj^pographes qui s'en rendent cou-
pables.
Faites bien la distinction entre veniranix et
vénéa<ni.T. Le premier de ces termes s'applique
aux animaux qui ont du venin ou aux choses
infectées de leur venin : un serpent venimeux,
une langue venimeuse. Le second s'applique
aux choses qui empoisonnent par ingestion : une
racine vénéneuse, un suc vénéneux,
170
"M. X . . . , avocat, de (:Juébec, est en cette
ville, en rapport avec des affaires profession-
— ISO —
nelles.' Le journal parle ninsi, mais ne parlez
pas connue lui : dites [lonr fiffaires profession-
nelles.
En rapport avec signifie en pr()[)oi-tion a\c'e :
sa dépense n'est pas en rapport avec sa fortune.
Cette locution ne doit jamais remplacer relative-
ment à, pour, conceinant, par suite de, à la suite
de, au sujet de. M. Buies a deux bonnes pages
sur cet impropre emploi : j'en consedle la lecture
171
Les noms de peuples, employés comme sub-
stantifs, prennent une première lettre majuscule :
les Français, les Tartares. S'ils sont employés
comme adjectifs, la première lettre est toujours
minuscule : les intérêts français dans le Tonkin,
la question grecque.
L'oA-oadiqac est cette partie de la physique
qui traite des lois suivant lesrpielles le son se
produit et se transmet, Les dictionnaires ne
— 81 —
donnent au mot (^ue ce sens. Nous aurions donc
tort de dire l'acoustique d'une salle, l'acoustique
est bonne. Il est probable cependant qu'on
emploiera un jour ces expressions en France
c<)mnie ici. Déjà, M. Mermeix a dit, dans la
Frtf/nee du 18 novembre 1884, que l'acoustique
du Grand Opéra est mauvaise.
173
8e garder d'éci"ire hofeUicr (avec deux l),
connue le font la plupart des avocats dans leurs
pièces de procédure relatives à ces citoyens hos-
pitaliers. Il faut hôtelier.
174
Les marchands doivent éviter cet anglicisme :
je suis dans la ligne des nouveautés ; telle ligne
de connu erce, d'affaires. Qu'ils remplacent ligne
par branche, ou par partie, que l'on dit quelque-
fois en France. Les journaux se font leurs com-
plices en publiant des annonces qui fourmillent
de fautes.
82
175
Dire de quelqu'un qu'il est un liomme ronsé-
qaeid, lorsqu'on veut dire qu'il est important
est une faute, — comme c'est une faute de parkr
d'une somme fo aséqivente pour une somme con-
si<iérable. En ofarde contre ce barbarisme !
irn
Ou doit dire divovcpr avec le bon sens, l'es-
prit, sa femme, son mari, etc, et non pas divorcer
davf'r. On dira aussi fcii rr divorce avec 1«
monde.
177
Dd raDhiifc doit s'écrire sans apostrophe après
le d. mais (Vdvn ik-p en prend une. L'on confond
quelquefois.
83 —
178
Tran.nf/('r signifie "uniquement aceomnioder
un différend par des concessions réciproques.
On a donc tort d'employer ce mot dans le sens
de faire des opérations de loi, de commerce, ou
il n'y a ni différend, ni concessions. Quand un
de nos avocats annonce qu'il est prêt à tran-
siger des affaires, il entend simplement dire
qu'il s'occupera d'affaires de son ressort ; quand
un de nos marchands mentionne le chiffre des
affaires qu'il transige, il veut bonnement parler
chi chiffre des affaires qu'il fait. Aucun d'eux
n'a dans l'esprit les affaires où l'on arrange un
différend par des concessions mutuelles : ils font
donc usage d'un mot inq)ropi"e.
iro
Différence entre servieMe et essuie-iiviins : la
première se dit également du linge qui sert à la
talile et de celui (pli sert à la toilette ; le second
se dit seulement du linge qui sert à la toilette.
_ <S4 —
180
Tous les étés les journaux parlent de Wispprf
de la moisson. Cela est certainement français,
mais dans un sens qui n'est pas celui où ils
l'emploient. Ils veulent parler de l'abondance
plus ou moins grande de la moisson, de ce qu'elle
laisse espérer : alors ils devraient dire les n jh^ki-
rencfls, les y>/'(>//7^.s-.srr^.S' de la moisson.
181
" Le parlement est convoqué pour la déppA-hf
des affaires. " Pas français. " Pour ICrpéi^thm
des affaires : "' français, mais dans le sens ironique
seulement, (piand on re]n'oche aux chambres
d'aller trop vite en besogne. Il faudrait em-
ployer discussion, étude,, examen, prise en con-
.sidération, direction, décision, etc.
— 85
18*3
Dans le sens où observer signifie faire une
remarque', il n'est pas permis de dire : je vous
observe <pie ; il faut dire : je vous fais observer
que.
C'est un l)arl)arisme de dire : je vous romaT-
querai que .... Il faut : je vous ferai remar(:(uer
(pie ....
18»
Dans une réclame en faveur du concert Sara-
sate-d' Albert, les journaux mettaient ces paroles
dans la bouche de Von Bulow : " Il n'y a que
trois grands pianistes au monde : Rubinstein,
moi et d'Albert ; mais celui-ci est encore jeune
et promet de nous outrep(ts.ser tous."
Dépasser, non ; outrepasser, jamais ! passer ou
surpasser, oui !
Au reste, il faudrait écrire oati'e-pas;i<>er avec
un trait d'union.
sr. —
184
^lunsieiir veut se chausser ; il deinande au
cloinestiiiue la railler jurur le!< sovlier.'^. Monsieur
devrait demander la corne ou le chausse -pied.
I)e même qu'une conférence ou un article de
journal sur le parlement ne saurait être une
conférence, un article parlementaire, de même
la corre8p(mdance envoyée du siège du parle-
ment aux gazettes pendant la session ne saurait
être une corrf'spctïir/anrf^ piirlementaire.
Dites courrier du 'parlement ou lettre du.
parlement.
180
Bébé veut nianger un œuf à la coque et vous
demande un cocotier. Donnez-lui ce quil désire,
mais reprenez-le et lui faites promettre de dire
coquetier à l'avenir.
87
187
" M. Stanislas L . . . . a reçu samedi soir de ses
amis, en cadeau, une chaîne en or <ivec loqtœt, à
l'occasion de l'anniversaire de sa naissance."
(Coiirrier de X.)
Je n'étais pas à la fête, mais je jurerais qu'on
n'a pas donné un loquet, mais un -niédriilloii., à
M. L . . . . Un loquet sert à fermer une porte, et
ne se pend jamais à une chaîne de montre ni à
un collier. Un médaillon est un bijou de forme
ronde ou ovale, dans lequel on enferme un por-
trait, des cheveux, etc. Un médaillon se dit
locket en anglais : de là le barbarisme-anglicisme
qui m'occupe.
188
On emploie généralement ici le verbe acter au
neutre, et l'on dit plus souvent : un tel acte bien
(pour joue bien sur la scène) que : un tel acte
bien son rôle (pour tient bien son rôle) ; cepen-
dant on se sert des deux manières. Aucune
n'est bonne : acter n'est pas français.
88
189
" Le fd'if d'être allé vous promener avec lui ne
vous coiiiprouiettra pas ; " cette phrase est fran-
çaise. Elle ne le serait pas si l'on disait : " Le
piit qiK' vous êtes allé vous promener avec lui,
etc." (,)n doit donc dire le fait (h et non le fait
q ae.
On peut cependant dire, mais dans un autre
sens, " le fait est que."
190
Vous ciicdissi'Z un billet, une traite, un chèque,
une lettre de change, un mandat, ou tout autre
eUet négociable, lorsque vous en touchez la
vadeur : " je cours à la T>an(|ue encaisser votre
dernier chèque." Substitiions ce verbe à chaii-
</er, à éclid iKier, surtout à cet anglo-barbarisme
que j'enten<ls parfois : cttsln'i- (t<) caslij.
89
191
Ignorance, <'U trop grande ressenihlance des
mots, les journalistes, les notaires et les a\ocats
confondent souvent hahilcté avec hahillfé.
L'habileté, c'est la (jualité de celui qui est
habile, entendu, perspicace, capable d'appliquer
ce qu'il sait.
L'hal)ilité, c'est la (jualité de celui qui est
propre, apte à une chose : c'est l'aptitude légale
surtout : habilité à succéder.
19*2
Je n'accuserai pas les journalistes d'ignorer
que p^'''•s" fot est un adverbe de temps et s'écrit
en deux mots : il arrivera plus tôt que les autres :
et que jylutot est un autre adverbe qui indique
la préférence : plutôt mourir que trahii*. On
me dira : mais c'est en toutes lettres dans la
grammaire ! Hé oui, mais on oublie cette règle
si souvent que je la rappelle aux journalistes
90
S'ils ne confondent pas les deux adv^erbes, je
leur reproche de laisser là-dessus carte l)lanche
à beaucoup troj^ de correspondants
10»
Celui qui fait mouvoir et dirige les machines
à Aapeur dans les locomotives, dans les usines,
dans les bateaux, est un rnécn niripn, non un
ingénieur. Il peut se faire qu'un mécanicien
soit ingénieur, comme il se pourrait qu'il fût
avocat, mais le mot qui désigne ses fonctions
est iiiécaiiicieu.
194
L'Encyclopédie étal)lit ainsi la différence, trop
inconnue parmi nous, qui existe entre gages,
appointements et honoraires :
" Appointe nie nf s se dit pour tout ce qui est
place, ou qu'on regarde comme tel. Honoraires
a lieu pour les maîtres qui enseignent quelque
science, et pour ceux à qui on a recours dans
l'occasion à l'effet d'obtenir un conseil salutaire,
>- 91 —
ou quelque autre service que leur doctrine ou
leur fonction met à portée de rendre. Gages est
d'usage à l'égard des domestiques de particuliers
ou des gens qui se louent pendant quelque
temps au service d'autres personnes."
Littré ajoute à cette citation :
" Trc/itemenJ peut être ajouté à ces trois
mots ; ... il est synonyme d'appointements et
diffère par conséquent de gages et d'honoraires.
I] y a en outre une différence qui n'est pas notée,
c'est que les appointements, le traitement, les
gages sont quelque chose de fixe, tandis que les
honoraires s'entendent mieux de ce qui est occa-
sionnel : un prêtre assistant à un service, un
médecin, un avocat ont des honoraires ; le prêtre
qui dessert une église, le médecin qui est attaché
à un hôpital ont un traitement."
19o
Voici une faute des plus fréquente. On
entend dire tous les jours : " J'ai vu telle chose
dans le vitra a. de tel marcliaiid;' Il faulraît
au moins le .^iivjrd'cr vitrail et non \v jtlniicl
vitraux : mais vitrail et vitraux ne désignent
— 92 —
que les vitrages formés de panneaux de verre
assemblés par compartiments, comme ceux des
églises. Le seul mot à employer est vitrine: la
vitrine d'une boutique, d'un magasin, d'un cabi-
net, d'un musée.
196
Balzac parle des •■ fortifications de consonnes
par lesquelles la langue slave protège ses
voyelles.'' La langue française ne redouble ordi-
nairement ses consoîuies que forcée par la
logique ou le son. Elle écrit frafic et non pas
tratjfie, comme le font plusieurs personnes parmi
nous, à l'imitation des Anglais.
197
Ce (jue j'ai dit S(jus le numéro précédent s'ap-
plique au redoublement de la consonne d dans
les mots <i(li-('ss<', tftlrrs.srr. Ecrire (((/</ resseï' est
une faute d'orthographe : mais une faute bien
plus grave, c'est cet anglicisme si fré(|uent parmi
nous : <(iLrsfn;i' nue ^/.s>v'///6/6'V, quand on devrait
— 93 ~
dire haranguer, faire un discours, porter la
parole, adresser la parole, s'adresser à une assem-
blée, etc.
198
On se débarrassera difficilement, je le sais, du
mot qualification dans le sens de capacité, apti-
tudes, mais on pourrait commencer par ne plus
dire un examen de qualiti cation, quand il s'agit
de y examen (F aptitudes que subissent les aspi-
rants au service civil. Ce serait un premier pas
dans la bonne voie.
199
PrafÂquer sa profession n'est peut-être pas
une expression impropre, mais voici ce qu'en dit
Littré :
" PRATIQUER, V. n. 2 Exercer, en parlant
«l'une profession ; // ne se (lit f/nère qu'en par-
la ut (le 1(1 inéderine et de Vart rétéri naire.
A})Solument. Ce médecin praticpie depuis vingt
ans."
— 94 —
Les autres hommes de profession exercent.
"PRATIQUE, s. f. 15^' Toute la clientèle de
l'étude d'un avoué, d'un notaire. Ce notaire, cet
avoué vendra bien sa pratique, quand il se reti-
rera des affaires. On dit aujourd'hui clientph/'
dOO
Tous les jours les -àyocfitsjyroflaisenf des docu-
ments en cour ou les dépose nt au greffe, ou encore
pétitionnent le tribunal. Ils sont dans leur rôle,
mais ils sortent de leur rôle de Français tenus à
l'exemple, eux les instruits, quand, parlant de
leurs exploits, ils disent qu'ils ont plé wwq appl t.-
cafwn, pu une motion, un exhilât, etc.
301
Avocats et notaires font tous la faute d'écrire
réffistfy'K. rnre^/isfrcr. on ré'j'istrcincid. Ces mots
ne prennent pas 1 "accent ai ou. Les journali.ste=^
.suivent l'exemple ch^^ liomims ri- loi, et. chose
chagrinante, des hommes de lettres bien en vue.
— 95 —
«le ceux surtout <jui s'occupent df^ rhist<")ire du
(.■anadci, emboîtent le }>a8.
Quant au mot réf/istratear, (^uî signifie chez
nous directeur, receveur de l'enreofistrenient
conservateur des hypothèques, et que notre code
civil a consacré, il existait déjà avec l'accent :
il y a vingt-quatre régistrateurs des bulles et
des supplic^ues à la cour de Rome.
Je constate un progrès : on écrivait il y a
vingt ans bien plus souvent qu'aujourd'hui
^/y/bassade, r:î/)ibassadeur. La faute ne peut se
taire en conversation ; elle ne se rencontre pas
dans nos livres : on la voit seulement dans les
journaux. Pas l)esoin de dire qu'il faut (r/y^bas-
sade, etc. J'ai déjà lu aussi (//7djûche, a/nbus-
cade, mais il y a si longtemps !
aos
Que Dieu vous sauve de la picote, c'est mon.
vœu de chrétien ; qu'il vous préserve de mal
— or; —
ortliograpliier le liéau, en l'écrivant av«-c deux
t : jucottr, — c'est là mon souhait <le Icxicolo^-ue.
•104
Un parapet étant un nmr à hauteur d'cxppui
élevé sur le bord dun pont, dinie terrasse, ou,
en fortification, la partie supérieure d'un rem-
part, je ne vois pas pounpioi les Canadiens le
confondent avec un trottoir. La faute cependant
n'est pas générale et ne se commet que dans
«luelques parties du l^ays, et par peu de per-
sonnes encore. Elle tend à disparaître. Ceux (pii
la font l'aggravent souvent en ù\si\\\t pa luipcl.
aOo
l"n journal de Montréal disait en parlant de
l'atelier du sculpteur Hébert : '' C'est une pièce
spacieuse composée d'un seul appartement."
Une pièce n'est toujours qu'une pièce, tandis
qu'un appartement se C(jmpose de plusieurs
pièces. Dire qu'une pièce se compose d'un ou de
plusieurs appartements, équivaut à dire qu'une
— 97 —
personne forme une ou plusieurs familles. Un
appartement est une réunion de pièces ou de
chambres, comme une famille est une réunion
de personnes attachées l'une à l'autre. On ne
dira donc pas d'une maison qui contient dix
pièces qu'elle contient dix appartements.
'' Des lettres cV incorporation ont été accor-
dées." C'est une faute. " Des lettres de corj90-
ration " vaudrait mieux. Mais nous avons les
termes " constitution légale," " lettres patentes,"
et des périphrases en veux-tu en voiJà. Incorpo-
ration veut dire action de faire entrer des par-
ties dans un tout, mais non pas de former un
tout avec des parties éparses : ce mot suppose
l'existence d'un principal auquel viennent se
mêler des accessoires, et non l'agglomération de
corps distincts mais égaux au même degré.
Dix personnes instruites sur douze écriront
et diront une astérique, sans se douter que ce
signe de renvoi * s'écrit astérisque.
— 98 —
208
Ne confondez pas jalousies av^ec 2)er siennes.
Les jalousies sont les lames mobiles que l'on met
dans les fenêtres, à l'intérieur des maisons, et
que l'on abaisse ou relève au moyen d'un cor-
don ; tandis que les persiennes sont les cadres
de bois sur lesquels se posent les lames, fixes ou
mobiles, qui gardent du soleil, et que l'on place
à l'extérieur des maisons.
ao9
Les êtres d'une maison sont ses différentes
parties, la distribution des pièces dont elle se
compose. On dira donc : je sais tous les êtres de
ce château ; je connais les êtres de cette maison,
et non les airs, comme presque tout le monde
dit ici.
^10
" Cet homme est consistant " — voilà un angli-
cisme. Il faut dire logique, conséquent; Voici
— 99 —
une plus grosse faute encore ; je la trouve dans
un journal publié par un professeur de belles-
lettres : Aucun catholique qui veut être consis-
tant avec ses devoirs religieux. Il aurait fallu :
tidèle à ses devoirs religieux.
^11
" Le terme de la cour est clos " ; " il sera jugé
au prochain temne." Ici terme est un anglicisme
des moins fardé : il faut session.
^1^
Quand la laveuse a décrassé le linge dans de
l'eau avant de le mettre à la lessive, elle a fait
ce qu'elle appelle son échange ; elle a, comme
toutes les ménagères disent au Canada, échangé
son linge. Maîtresses, servantes, chevalières du
battoir font toutes cette faute. On doit dire
essanger, faire Vessange,
Oh.
100
^13
Ne pas dire la race ovine, bovine, porcine ou
chevaline, mais l'espèce. Vous direz ht race quand
vous voudrez mentionner, en fait de chevaux
les percherons, etc., en fait de vaches les Durham
etc. Si l'on parle de poules en général, on devra
dire l'espèce galline ; mais l'on dira la race
padoue, la race cochinchinoise, la race Plymouth,
etc. Voyez-vous la différence ?
314
Episode se rencontre (quelquefois au féminin
dans les journaux. Il est masculin, de même que
les mots suivants, presque toujours féminisés
par le peuple : escalier, oreiller, espace, inter-
valle, argent, emplâtre, éventail, incendie.
Le journal d'Ottawa qui a dit " des décombres
sociales, religieuses et morales " a fait une grosse
faute, décombres étant du masculin.
~ 101 —
^15
Saint-Pierre et Miquelon sont deux îles fran-
çaises, situées dans le golfe Saint-Laurent, et
distinctes, bien que gouvernées par la même au-
torité. On doit donc dire Saint-Pierre, ou Mi-
quelon, ou Saint-Pierre et Miquelon, selon que
l'on veut parler de l'une ou de l'autre, ou des
deux. Mais il faut ne jamais dire Saint-Pierre
Miquelon, ni Saint-Pierre de Miquelon.
S16
Vous ne vous permettriez certes jamais de
dire que vous avez lu tel fait sur un livre : vous
devez de même éviter de dire que vous avez lu
ceci ou cela sur un journal. Dans les deux cas,
la préposition dans est la seule permise.
217
Défiez-vous de cet anglicisme : " sous ces cir-
constances {iinder those circonstances) ; " il faut
" dans ces circonstances."
— 102 —
Nos honunes politiques — ministres, députés,
journalistes, — tombent souvent dans cette
erreur.
Le soufre (minéral) ne prend qu'une /, en quoi
il se distingue de plusieurs temps et personnes
du verbe soufirir qui en prennent deux : je
souffre, qu'il souffre. Il est facile de faire la
distinction.
S19
Si les Canadiens-français s'occupaient davan-
tage de sport ... et de leur langue, beaucoup
moins diraient un ditruh hell et beaucoup plus
feraient usage de l'expression française : une
haltère.
L'A est aspirée.
Aide est tantôt du féminin, tantôt du mascu-
lin. Il est féminin dans le sens de secours, assis-
— 103 —
tance, protection : L'aide qu'il m'a donnée était
précieuse. Il est masculin quand il indique les
hommes qui prêtent leur concours à quelqu'un :
Ce chirurgien a un bon aide ; et féminin si ce
sont des femmes : Cette infirmière est une aide
intelligente.
Peu de mots prêtent aussi souvent à la confu-
sion des genres.
Un mot anglais dont peu de personnes sem-
blent connaître la traduction française, le chib,
le swinging club, espèce de massue dont se ser-
vent les amateurs de gymnastique pour déve-
lopper la poitrine et les muscles des bras. Le
mot français est mils (s. m. pi.), qui se prononce
comme s'il n'avait pas d's. Ce mot est tiré du
persan, mais passé dans notre langue.
C'est une faute de dire : J'ai acheté une copie
de tel livre, de tel journal ; il faut un exevi-
plaire.
— 104 —
Le Messager de X . . . annonce qu'un bateau à
vapeur a remorqué les homes qui servent vis-à-
vis la ville à arrêter le bois." Bornes — que j'ai
vu écrire haiimes par un avocat — est la corrup-
tion du mot anglais booms, qui se rend en fran-
çais par estacacles.
Quel est le dictionnaire français où l'on trouve
le mot incendiât ? Quel est le criminel en
France que l'on a jamais accusé du crime d'in-
cendiat ? Journalistes et avocats — de la campa-
gne comme des villes — ne se font pas faute
d'employer ce terme.
Il faut dire : accusé d'incendie, du crime d'in-
cendie.
^25
Ne traduisez plus dead letter par lettre onorte
quand il s'agit d'une lettre non reclamée et qui
— 105 -^
retourne au bureau central des postes; dites lettre
en rebut, lettre tombée en rebut. De même, tra-
duisez dead letter office, non par bureau des
lettres mortes, mais par bureau des rebuts. C'est
ainsi que l'on dit en France.
Pourquoi écrire et prononcer dangereux et
"profondément, quand il favit dangereux (sans
accent) et profondément (avec accent) ?
S3r
S'abstenir de dire : le membre pour Lévis, le
membre de Joliette : on doit dire : le député, le
représentant de Lévis, de Joliette.
La semence est la chose que l'on sème ; la
semaille est l'action de semer ; la semaison est
le temps pendant lequel on fait les semailles.
— 106 —
On ne doit donc pas dire qu'on a terminé ses
semences, mais ses semailles; ou bien on dira
que la semaison est finie.
Si ferblanterie et ferblantier s'écrivent en un
seul mot, il n'en est pas ainsi àQ fer-blanc, qui s'é-
crit, ou le voit, en deux mots reliés par un trait
d'union. Plusieurs s'y méprennent.
330
Xous avons des carrousels dans nos carnavals.
Des centaines de mille personnes disent ce mot,
mais pas une sur mille correctement. Elles
prononcent carroiœel, au lieu de carrouzel.
Tous les auteurs enseignent que Vi de si s'é-
lide devant les pronoms il et ils, et devant eux
seuls. Dites alors : s'il, s ils, et non si il, si ils.
— 107 —
Je ne connais qu'un seul journaliste qui se
rend coupable de cette faute, mais ça lui arrive
tous les jours.
Avialgamation est un terme français ; il si-
gnifie la séparation de l'or et de l'argent de leur
minerai à l'aide du mercure. On ne saurait s'en
servir, comme le font nos journaux et même
nos législateurs, pour exprimer la fusion de
deux sociétés commerciales, de deux entreprises
industrielles, de deux intérêts. C'est surtout
quand il s'agit de chemins de fer qu'on l'em-
ploie ici.
Journaliste, mon ami, vous recevez souvent
des billets de faveur qui vous permettent de
voyager à frais réduits, d'aller au théâtre, au
concert, sans bourse délier, etc. Je n'en suis
pas jaloux, mais je suis jaloux des droits de la
langue, et je vous prie de la respecter assez pour
ne dire jamais des billets, coinplimientaives.
108
334
On dit bien conforme à, conformément à,
mais si l'on emploie la locution adverbiale en
conforiiiité, il faut la faire suivre de la préposi-
tion de : en conformité de vos ordres.
Résuriier le débat, c'est l'analj^ser ; or ce n'est
pas ce que fait l'orateur qui, dans un corps dé-
libérant, rejyrend le débat, continue la discussion
(resuvies the debate), après un ajournement ou
une interruption. Notre presse commet très
souvent cet anglicisme, surtout durant les ses-
sions du parlement.
336
Ce sont moins souvent les journalistes que
leurs correspondants qui écrivent exonorer 'pour
exonérer ; mais ils ont le tort de laisser passer
la faute. J'ai même lu exhonorer. Rien n'ex-
cuse semblable ignorance ou manque d'attention.
109 —
ssr
Cette cheminée a beaucoup de tirage, un fort
tirage, dev^rait-on dire au lieu de beaucoup de
tire, une forte tire.
938
Ne dites pas: Je vais faire prendre mon por-
trait ; mais bien : Je vais faire faire ou tirer
mon portrait.
93»
Différence entre va sans dire et va s'en dire.
" Va sans dire que les amis du maire L. . .,
sont heureux de son triomphe sur M . . . . Aussi
il va s'en dire des paroles le soir de son instal-
lation."
Soumis aux réflexions du journal qui réclame
pour lui la plus grande publicité.
110
â40
Doit-on dire angliciser et anglicisation ou
bien anglifier et anglification, qui sont d'un
usage général parmi nous ? Les dictionnaires
ne donnent que la première forme. Si j'avais
quelque autorité, je conseillerais à mes compa-
triotes d'employer angliciser pour les choses :
" tel mot français est anglicisé ; " et anglifier
pour les personnes : " nos muscadins ont une
tendance à s'anglifier."
Faire des gestes se dit en ce pays pour être
maniéré, prendre des airs, poser, sortir du na-
turel en un mot dans la parole ou la démarche.
Ce n'est pas français.
Pour l'amour du dictionnaù-e, cessez d'écrire
exhorhitant, exhubérant. Pourquoi mettre une
— 111 —
h dans le corps de ces mots que la grammaire
n'en frappe pas ?
^43
Manqxier quelqu'un, pour être privé de sa pré-
ssnee, est un anglicisme. On ne dira donc plus
le départ de ma servante m'a mis dans l'embar-
ras ; je la manque beaucoup.
344
Je parie que la plupart des letttres qui sont
adressées à S ceint- Hugues, dans le comté de
Bagot, portent la mauvaise suscription de Saint-
Hughes. Cette faute est quasi générale. Quand
il était question de l'affaire Hugues-Morin, un
grand journal français de Montréal écrivait
presque invariablement Hwgkes. Hughes est
î'épellation anglaise.
345
La cretonne est une toile qui a la chaîne de
chanvre et la trame de lin ; elle est fort connue
112
et employée au Canada, mais ou a le tort assez
général de la faire du genre masculin et de dire
du cretonne.
•246
On est en faute quand on dit: " fantici2)e
quelque malheur, quelque difficulté ; " il faut :
" je prévois, je pressens, je devine, etc., quelque
malheur, etc." Anticiper signifie prévenir, de-
vancer.
•247
Lu dans un journal :
" Le ministre a institué des procédés au cri-
minel." Il fallait dire des 'procédures, ou une
poursuite, une action, un procès, etc., mais pas
des procédés.
S48
Ayez bien soin de ne plus dire ni écrire : se
rappeler de quelqu'un, de quelque chose ; je
— 113 —
m en rappelle. Il faut : se rappeler quelqu'un,
quelque chose, je me le rappelle.
Il n'est permis d'employer le de que devant
un infinitif; on dit alors indifféremment: je
me rappelle cZ'avoir vu ou avoir vu, c^'être allé
ou être allé.
Si l'on tient à l'emploi du de, que l'on se
serve du verbe se souvenir.
940
" Vous le verrez en awvun temps. " " Je don-
nerais aucune somme d'argent pour cet incu-
nable. " " Aucun parti politique lui est indiffé-
rent " Remplacez aucun par tout, n importe
quel, et ces phrases deviendront correctes.
. 950
Abuser quelqu'un, pour l'insulter, l'injurier,
le couvrir d'opprobre, etc., est un anglicisme (to
abuse.)
— 114 —
251
Ne dites pas porter une lettre à la malle, niais
à la poste, La malle est le mode de transport
des lettres, la poste est le lieu où elles sont dé-
posées et reçues. On peut dire : la malle de
Québec est arrivée ; on ne peut dire : je m'en
vais chercher ma malle, mais mon courrier.
Maller une lettre est un barbarisme ; il faut
dire : mettre à la poste.
^o»3
" Si vous avez voté, c'est que nul ne s y est
objecté. " Grosse faute très fréquente. Il faut
dire : n'y a objecté. On ne s'objecte pas à une
chose. S'objecter est un verbe réfléchi, qui si-
gnifie être objecté.. Ex. : Voilà ce qui s'objecte
en pareille circonstance ; je me suis objecté ma
jeunesse.
115
^J5:i
On appelle en ce pays saucier le vase dans
lequel on sert les sauces ; on devrait dire sau-
cière : une saucière d'argent, de porcelaine, de
faïence. Le saucier est la personne qui compose
ou qui vend des sauces. Pour emploj^er le vrai
mot, nos sauces n'en seront pas moins bonnes.
Moelle, nioelleiix, Dioelleibsement ne prennent
pas le tréma sur le premier e. Ils le prenaient, il
est vrai, au seizième siècle, mais on écrivait
aussi alors onouelle Tout cela est changé. Moellon
se passe aussi du tréma.
Coercion et coercition se disent tous deux,
mais ni l'un ni l'autre n'a de tréma.
^55
Ne jamais écrire ayions, ayiez. Le verbe
avoir fait ayons et ayez à l'impératif et au
— 116 —
subjonctif présent. Jamais, à aucun temps, il
n'est permis de mettre un i après Vy. Faute
commune, cependant.
Si l'on doit écrire et prononcer Venise (sans
accent aigu sur le premier e), il n'en faut pas
moins écrire et prononcer Vénitien (avec accent)
Un journal de Montréal avait l'habitude d'é-
crire invariablement un héro : nos remarques
l'ont corrigé.
Au singulier comme au pluriel, il faut écrire
héros.
Ce que l'on nomme dans toutes nos cuisines
sassejKtnne (corruption du mot anglais sattce-
pan) est tout bonnement la casserole, que Littré
définit ainsi : Ustensile de cuisine en métal,
— 117 —
à queue, à fond plat et à parois droites et cy-
lindriques.
Quand l'ustensile a une anse, on l'appelle
coqueniar.
Dites : Avez-vous la ononnaie d'un dollar ?
Ne dites pas : Avez-vous du change pour un
dollar ? encore moins de réchange, comme on dit
presque généralement sur la rivière Ottawa.
" Ce projet de loi était opposé par les députés
d'Ontario. " " Les fabricants de sucre n'opposent
pas le tarif actuel. "
Deux fautes relevées dans un courrier du par-
lement pendant la dernière session.
Il fallait : Ce projet de loi était combattu,
ou bien : les députés d'Ontario s'opposaient à ce
projet. Dans le second cas, il fallait : Les fa-
bricants ne sont pas opposés, ou ne s'opposent
pas au tarif.
— 118 —
Opposer un projet, un candidat, vie, est un
anglicisme féroce.
^61
" Nous avons cru emprunter à tel journal, "
— "nous croyons rapporter ce qui se disait à
cette époque ;" — "je crois vous remercier pour
vos bontés;" — "vous croyez en appeler à un
tribunal supérieur. " Autant de phrases que j'ai
cueillies dans les journaux, qui sont françaises
en soi, mais qui ne l'étaient pas dans la circon-
stance, parce qu'elles ne rendaient pas la pensée
de leurs auteurs qui voulaient dire : " Nous
avons cru devoir emprunter ; nous croj^ons
devoir rapporter; je crois devoir vous remer-
cier ; vous croyez j)Otivoir en appeler.
Faute bien plus commune ([u'on ne croit.
Autre faute de la même nature : " Le bureau
des travaux publics rt jugé de faire disparaître
les fils électriques. " On voulait évidemment
dire : a jugé à propos de faire disparaître, etc.
119
•26*3
Peu de personnes écrivent quelques fois, mais
il y en a encore. Nous leur rappelons que la
seule manière correcte est quelquefois, en un
seul mot.
^63
Nous disons presque toujours faire une chose
à la perfection. " Elle chante à la perfection ;
il faut en perfection, et non à la perfection
comme on dit à la cour." (De Caillières, 1690,
cité par Littré). Ou peut dire aussi dans la
perfection.
964
Plusieurs journaux, annonçant l'arrestation,
par erreur, de M. Gye et de l'Albani à Anvers,
ont dit:
— 120 —
" Ils n'ont pu se soustraire aux mains des po-
liciers qu'en se précipitant dans le théâtre, où
leurs amis les identifièrent!'
Il fallait: où leurs amis ont établi leur
identité.
On ne doit pas dire non plus : Le cadavre
trouvé dans le fleuve a été identifié, — mais : on
a constaté l'identité du cadavre, on a reconnu le
cadavre, etc.
Identifier signifie : rendre identique, com-
prendre deux choses sous une même idée.
Beaucoup de personnes appellent estaiivpille le
petit cachet volant qu'elles collent sur leurs
lettres pour les aflranchir. C'est une erreur.
Le mot propre est timbre-poste ou seulement
timbre. On appelle indifieremment estampille
ou timbre l'empreinte appliquée sur les lettres
pour indiquer la date et le lieu de leur départ
ou de leur arrivée. On nomme en outre estam-
pille l'instrument dont on se sert pour cela, la
marque qui indique la provenance des marchan-
dises, la marque mise sur les livres pour indi-
121 —
quer la bibliothèque à laquelle ils appartiennent,
enfin le f ae simile d'une signature que l'on appose
sur un papier quelconque.
^60
Dites le secrétaire particviier et non le secré-
taire privé d'un ministre, d'un administrateur,
etc.
Î307
Nous appelons ordinairement clerc extra celui
qui n'est pas employé à titre permanent dans
les administrations. Ni clerc, ni extra ne sont
français en ce sens. Il faut dire coinmis supplé-
mentaire ou auxiliaire.
Voici une faute presque générale. On dit :
j'ai été notifié du fait, de la chose, au lieu de :
le fait, la chose, l'acte m'a été notifié. On notifie
une chose à quelqu'un ; quelqu'un n'est pas noti-
— 122 —
fié de cette chose. On peut dire aussi, avec cor-
rection, notifier que : on lui notifia qu'il eût à
payer sans retard.
369
La Malbaie, Kamouraska, Saint-Léon, Varen-
nes, etc., ne sont pas des places cVeaiix, mais des
villes d'eaux. Le mot ville s'applique même aux
moindres endroits : témoin Mont Oriol, inventé
et célébré par Guy de Maupassant.
On dit également stations balnéaires, — et
stations thermales quand les sources y sont
chaudes.
370
Dites à votre cocher de vous conduire à la
station, à la gare du chemin de fer, mais jamais
au dépôt. En France, on coffre les gens qui vont
au dépôt.
— 123 —
Si vous dites : J'ai son billet promissoire, vous
dites un mot de trop. Promissoire est français,
mais on ne l'emploie pas dans ce sens, j Billet
suffit.
27*2
Distinguons entre le substantif et l'adjectif, et
écrivons 1'^ (subs.) une fiole d'ammoniaque, de
l'ammoniaque gazeuse, liquide ; 2° (adj.) du gaz
ammoniac, de la gomme ammoniaque.
" Le maire et plusieurs officiers municipaux
ont visité le village Quinsigamond samedi dans
le but de prolonger les canaux d'égouts de Wor-
cester et d'empêcher les eaux de la rivière
Blackstone d'être polluées par ces égouts qui
s'y déchargent."
Souillées, corrompues, infectées, contaminées,
soit ! polluées, jamais !
— 124
274
Quand vous allez lire les journaux clans une
salle de lecture, dans un hôtel, ne demandez pas
la file de la Patr^ie, de V Electeur, mais la liasse.
Cet être au pas pressé, à l'air grave, aux ha-
bits râpés, qui vous rend des visites aussi régu-
lières qu'incommodantes, et • auquel vous dites
de revenir dans un mois s'entendre dire quand
il devra repasser, vous l'appelez un collecteur :
ce n'est qu'un garçon de recettes,
Non plus, ne pas appeler collecteur du revenu
l'officier préposé à la perception des droits d'ac-
cise et de douane : c'est un percepteur.
are
Quand les journaux disent : Cet homme pu-
blic est une disgrâce pour le pays ; ce crime est
une disgrâce pour notre ville, — ils ne se doutent
— 125 —
pas de l'anglicisme qu'ils commettent. Disgrâce
n'est pas français dans ce sens.
Le prétexte est souvent une linesse, mais tou-
jours un mensonge de parole ou d'action. Les
locutions " sous prétexte de " et " sous prétexte
que " ne doivent donc être employées que si Ton
entend signaler la cause supposée, la raison ap-
parente d'un dire ou d'un acte. Quand le dire
et l'acte n'ont pas besoin d'excuse ou de man-
teau, on ne doit pas les employer : on dira
" pour la raison que," " parce que," *' a cause de,''
" à raison de," " vu que," etc.
378
" Cette voie d'eau fut aveuglée avec du cane-
vai^" se lit dans un journal de Montréal du 11
juillet 1888. On aurait dû dire avec de la toile
à voiles. L'anglais canvass, que l'on a traduit
de trop près, par l'oreille, signifie également
canevas et toile à voiles ; mais il est évident que
~ 126 —
l'on n'a pas aveuglé une voie d'eau avec du
canevas, " grosse toile claire pour la tapisserie à
l'aiguille," qui doit se trouver rarement sur les
bâtiments. Cette faute se fait souvent dans la
région maritime au-dessous de Québec.
Si l'on ne veut pas dire toile à voiles, que l'on
emploie caneveau, qui en a le sens.
•279
Un journal de Montréal annonce que la mu-
nicipalité a donné aux cochers de place " un
kiosque pour s'abriter contre les rigueurs de
l'hiver. " Ce journal se trompe : un kiosque est,
selon Littré, " un belvédère situé dans un jardin,
sur une terrasse ; un pavillon turc ouvert de
tous côtés, dont on décore les parcs, les jardins ;
une petite boutique sur les boulevards de Paris
et des grandes villes où l'on vend les journaux
aux passants."
Ce que la municipalité a fourni aux cochers,
c'est un refuge, — bâtiment où se mettent à
l'abri de l'intempérie des saisons les cochers de
place, les gens qui attendent que le tramway
passe, ceux que surprend un orage, etc.
— 127
380
Le mois de novembre 1888 a été mauvais pour
la langue : il a vu l'introduction dans la presse
de deux mots anglais pur sang, que l'on emploie
peut-être dans le langage parlé, mais que je
n'avais encore jamais vus dans les journaux.
On ne les a même pas soulignés. La Patrie an-
nonçait que le plant de l'Imprimerie Générale
avait été vendu pour $15,000. Elle voulait dire
le matériel, l'outillage.
La Presse, de son côté, parlait d'une hose
(boyau) adaptée à une borne-fontaine.
Sentinelles, prenez garde à vous !
*i81
Ecrivez \xn fabricant de cigares et un homme
fabriquant des cigares, un travail fatigant,
et un travail faMguant l'ouvrier.
Ecrivez infatigable, et non infatiguable.
N'écrivez jamais traficant mais toujours tra-
fiquant.
— 128 —
Distinguez entre intrigant (suljstantif) et
intriguant (participe).
L'anglais a déteint jusque sur le rasoir. Ra-
zor a produit razoir, que j'ai vu quelquefois
dans les colonnes d'annonces des journaux. Ne
nous laissons pas faire la barbe par ce mot-là.
L'on écrivait jadis en France hazard, mais
aujourd'hui c'est hasard. Je rappelle la chose,
à certain journaliste qui n'est évidemment pas
de son siècle et qui déteste les innovations mo-
dernes.
Faire ai^plication, anglicisme barbare, ré-
pandu partout, presque indéracinable. Cette
locution est censée vouloir dire demander, sol-
liciter, soumissionner.
384
Que de fois j'ai lu briques à feu (fire bricks)
pour briques réfractaires !
— 129 —
C'est à Ottawa que j'ai entendu pour la pre-
mière fois coiirir coinrïie, courir pour, dans le
sens d'être candidat, et je l'y entends encore
tous les ans. On court pour la mairie, quand ce
n'est pas pour la Qiiairerie, on court comme
échevin, on court comme membre, ou simplement
on court. C'est la traduction littérale de l'anglais
to run. Ne pourrait-on pas dire, comme en
France, être candidat, se porter, se présenter
comme candidat, etc, ?
" La blessure, quoique peu dangereuse, est
très souffrante." — Cette phrase se lit dans tout
journal qui ignore la différence entre souffrante
et douloureuse.
Je m'avoue pauvre clerc en matières de milice
mais la traduction de color sergeant par sergent
— 130 —
de couleur est absurde. Un sergent de couleur
serait un sergent noir, un nègre. Si l'on disait
sergent de couleurs (au pluriel), je pourrais à la
rigueur comprendre qu'il s'agit d'un sergent qui
porte les couleurs de la compagnie ; mais ce
terme est inconnu en France. On a là, comme
en Angleterre et ici, un sous-officier qui porte
l'étendard de la compagnie et se nomme porte-
étendard, et un officier qui porte le dr^ipeau du
régiment et s'appelle porte-drapeaiL
388
Xos journalistes qui se traitent tous les jours
entre eux de misérables et se reprochent toutes
les vilenies possibles, n'écrivent même pas cor-
rectement leurs injures : ils écrivent vilenies à
tout coup.
389
On a voulu à tort exclure le substantif item
de la langue. L'item est un article de compte. Il
ne prend pas la marque du pluriel : plusieurs
petits item de son compte. Par analogie avec
compte, on peut dire les ifem du budget.
390
Injurier signilîe offenser par des paroles
blessantes, et ne signifie que cela. On a donc eu
tort, en racontant qu'un taureau avait été
décorné, de dire que l'opération n'a pas injurié
l'animal. On a simplement traduit le verbe an-
glais to injure par le mot qui lui ressemble le
plus de forme, tout en signifiant autre chose.
Tourne-clef, mot qui n'est pas français, — que
l'on a fabriqué au moyen d'une servile traduc-
tion du mot anglais turnhey, — et que nos jour-
naux, sans exception, emploient au lieu de gui-
chetier. Si le guichetier, ainsi volé de son nom^
pouvait mettre ses détracteurs sous triple ser-
rure, et ne tourner la clef de délivrance qu'après
triples excuses !
132 —
aea
Disparution s'employait souvent au Canada,
il y a trente ans ; on l'emploie encore quelque-
fois. Mais il faut l'abandonner complètement.
Le seul mot permis est disparition.
Ne me conseillez jamais d'investir mes capi-
taux ici ou là ; je sais mieux que vous où les
bien placer. Votre investissement ne vaudrait
point mon placement.
094
" Il se garde bien de ne rien publier qui puisse
nuire à ses chers alliés." L'auteur de cette phrase
a voulu dire de son adversaire qu'il se garde
bien de publier quelque chose de défavorable à
ses alliés. En mettant la négation, il a dit le
contraire de sa pensée. Ce genre de faute est
assez commun.
— 133 —
a95
Esclandre a été du féminin, nous dit Littré ;
et des écrivains contemporains, Scribe et Soalié
entre autres, l'ont fait de ce e^enre. Mais la recèle
est admise qu'il est aujourd'hui du masculin.
Conformons -nous -y.
•296
Magasin de liardes faites ! Ne dites jamais
cela, je vous prie, mais bien magasin de confec-
tion. En termes de tailleur, la confection c'est
l'action de faire des habillements à l'avance ;
c'est l'habillement lui-même ; c'est aussi la partie
d'un magasin où sont ces habillements.
•297
Je lis dans une circulaire signée par les admis-
nistrateurs de trois grands journaux quotidiens :
" Ce journal ... a poursuivi un système de dé-
nigration systématique contre ses confrères."
Dénigrement, s'il vous plaît !
134
â98
" Les orangistes voteront contre lui, et les
180 Irlandais catholiques feront pareil " (La
Presse). Faute rare dans les journaux, mais
commune dans la conversation.
Il faut ixi.reilleinent.
S99
Législater n'est pas français ; nous l'avons
pris à l'anglais legislate. Nous devons dire légi-
férer.
300
" Le malheureux n'a pas encore recouvert con-
naissance." Littré dit qu'au XVIIe siècle on
confondait recouvert et recouvré, mais qu'au-
jourd'hui ce n'est plus permis. Dans l'instance,
il faut dire recouvré connaissance.
185 —
301
On ne doit plus dire la grande cJtartre, la
chartre d'une compagnie ; le mot est tombé en
désuétude. On dit charte.
30^
Il est mal de dire bris de promesse de mari-
age ; il faut dire rupture.
303
Nous confondons en berne avec à "nii-niât
Berne est un terme de marine. Un pavillon en
berne est hissé, mais roulé sur lui-même. On a
tort de dire : Au consulat français, le drapeau
tricolore était en berne ; il faut : était ou flot-
tait à mi -mât. Le pavillon à mi-mât est tou-
jours déployé.
— 136 —
S04
" Une dépêche reçue aujourd'hui nous informe
que l'honorable M. X. est sous traitement, et
que tout progresse favorablement." Anglicisme
atroce et fort commun. Progresser signifie
avancer, s'accroître, se propager, s'étendre. Ce
qu'on veut dire ici, c'est que l'individu se réta-
blit, conséquemment que la maladie cède au
lieu de progresser. On a donc employé le mau-
vais mot. Et tout progresse. . . . Qu'est-ce qui
progresse ? Qu'est-ce que ce tout-\k représente ?
C'est bien là le vague de l'anglais. Quant à
favorablement, il est vague aussi, mais surtout
redondant. Quand on progresse, c'est favorable-
ment,
305
Défalcation est français: ce mot signitie
retranchement, diminution. Il exprime l'action
de retrancher d'une somme, d'une quantité, mais
non le péculat, le vol de deniers publics, sens
auquel nous l'employons presque exclusivement
— 137 —
au Canada. Il faut employer les mots détourne-
ment, abus de confiance. Défcdcataire n'est pas
français.
«
306
D'après Littré, oppressé vieillit dans le sens
d'opprimé, mais, dit-il, " il serait encore de bon
emploi dans le style élevé." Dans le style élevé»
soit ! mais pas dans une dépêche télégraphique
que l'on traduit de l'anglais, surtout quand cette
dépêche est adressée par le général Boulanger
au président da Fonsaca. On disait ancienne-
ment un peuple oppressé ; personne ne se per-
met plus cette expression que les journalistes
qui ont sous les yeux et dans l'oreille le mot
anglais oppressed.
307
Sur l'enveloppe d'une lettre écrivez Monsieur
ou Madame au long (avec la majuscule) :
Monsieur Louis Fréchette, Madame E. Gye-
Albani.
— 188 —
Dans le corps d'un écrit, il faut distinguer. Si
le titre est suivi du nom de la personne, et s'il
n'est pas en apostrophe, mettez M. pour Monsieur:
M. Mercier ; mettez Mme pour Madame : Mme
Sévigné. S'il est en apostrophe et suivi du nom
de la personne, écrivez monsieur au long avec
une minuscule : Nierez-vous,monsieur Mercier...?
Si vous ne nommez pas la personne, écrivez
Monsieur au long avec une majuscule : Nierez-
vous, Monsieur ... ?
;I08
CoTiiices est du masculin.- On écrit donc à
tort les comices municipales, ainsi que je l'ai
lu dans un journal de la campagne.
300
Allez au palais écouter les plaidoiries, vous
entendrez chaque avocat plaidant dire au juge :
Il est en preuve que ; tel fait est en pn^euve. Il
faudrait dire : les témoignages établissent que ;
il est prouvé que ; la preuve de telle chose est
faite.
139
310
Dites la et non le Sud-Amérique, Nord-Amé-
rique : le genre de l'article est imposé par celui
du continent et non par celui du point cardinal.
C'est une faute de dire l'Amérique britannique
du Nord ; cela implique une Amérique britan-
nique du Sud.
J'ai lu dans nos journaux la haronnesse Coûts,
le baron et la haronnesse X. Baronnesse s'est dit
jusqu'au quinzième siècle, peut-être un peu plus
tard, mais il est depuis bien longtemps remplacé
par baronne, qui est seul admis. Ce sont les
traducteurs de dépêches anglaises qui font la
faute.
3ia
Ne dites pas : tant qu'à moi, mais quant à
moi. Ne dites pas : tant qu'à me ranger de son
avis, mais quant à me ranger.
— 140 —
313
Station du feu est la traduction trop littérale
de fire station. En France, où les pompiers sont
enrégimentés et traités comme des soldats, on
dit caserne: des pompiers. Mais dans notre pays
il convient de dire poste des pompiers. On dit
en France, au lieu de hoîte d'alarme, appareil
d'alerte, avertisseur d'incendie, ou simplement
avertisseur. Alarme ne s'emploie guère, on dit
alerte, sie'nal d'incendie.
314
Utile distinction à faire :
" Collègue se dit de ceux qui sont revêtus des
mêmes fonctions ou qui ont une même mission •
on est collègue dans un collège, au sénat, au
corps législatif, dans un conseil municipal, etc.
Confrère se dit de ceux qui appartiennent à une
même société, à un même corps, sans avoir rien
à faire de particulier au nom de cette société.
On est confrère à l'Académie et dans toutes les
sociétés académiques. Les hommes revêtus des
mêmes grades, comme les avocats entre eux, les
— 141 —
médecins entre eux, les marchands qui vendent
les mêmes objets, par exemple, les libraires
entre eux, se traitent de confrères " (Littvé).
315
Au cours d'une récente campagne de presse
entreprise au sujet des Canadiens-français, nous
avons lu bien des fois des mots francophobie,
francophobe. Ces mots ne se trouvent pas dans
les dictionnaires. On y voit seulement gallo-
phobie, gallophobe.
On entend tous les jours au palais : ce témoi-
gnage, tel document est de record ou est gardé
de record. L'on devrait dire ctit dossier, ou con-
servé aux archives.
317
Se souvenir que chariot n'a qu'une r, et que
carriole et carrosse en ont chacun deux. Les
ournaux et des écrivains connus l'oublient.
142 —
:ii8
Je suis tombé des nues quand j'ai lu dans un
journal d'Ottawa le prix du heiirre imprhné sur
le marché. C'était bien mal rendre l'anglais
'print butter. Il ne faut pas que cette faute
roule son chemin. On dira donc beurre moulé,
beurre en pain.
319
" Pendant qu'on était à élever le nouveau
pôle pour hisser le drapeau sur la place Nepean
hier, la grue se brisa et le p)ôle tomba avec fra-
cas sur le sol.
Pôle est un mot anglais que le journal a bru-
talement introduit dans notre langue en l'af-
fublant d'un binocle, pardon, d'un accent circon-
flexe, et qu'il a par là rendu incompréhensible
au lecteur français. Il s'cigit ici d'un poteau,
d'un mât, d'une flèche, d'une hampe.
— 143
330
" On demande des poseurs de briques, char-
pentiers, maçons, manœuvres, G%rriéreurs, etc.'
C'est dans une annonce que je lis cela ; mais il
se lit et s'entend souvent ailleurs. Il faut car-
riers.
S31
Plusieurs touristes qui sont allés en Europe
l'an dernier à l'occasion de l'Exposition de Paris,
ont, en racontant leur voyage dans les journaux,
mentionné les îles Scilly (the Scilly Iles.) Ils
devaient dire les îles Sorlingues ou simplement
les Sorlingues.
" On dit que ce jugement va être interjeté
devant le Conseil Privé d'Angleterre par la
compagnie Allan."
— Ï44 —
Il fallait : appel de ce jugement va être inter-
jeté, etc., ou bien : la Compagnie Allan va inter-
jeter appel, etc.
On n'interjette pas un jugement.
3*23
Il fait erreur le journal qui dit : " Notre
agent va passer au domicile de nos abonnés ;
nous espérons que tous ceux qui sont endettés
envers le journal se feront un devoir de le
faciliter dans sa tâche."
On facilite une chose, non une personne. Il
faut, dans ce cas, lui faciliter sa tâche.
3^4
Ne jamais dire qu'un jury a rendu un verdict
de mortalité par suite de ceci ou de cela. C'est
mort, décès, trépas, qu'on doit employer.
— 145 —
Très fréquemment les journaux confondent
audience et auditoire dans leurs comptes-ren-
dus de concerts, de théâtres, d'assemblées pu-
bliques. C'est toujours auditoire qu'il faut
employer dans ces cas : un auditoire est l'en-
semble des gens qui vont écouter quelqu'un.
L'audience est soit l'attention que l'on donne,
soit la réception que l'on accorde à ceux qui ont
à nous parler ; ou encore la séance d'un tri-
bunal.
Ce sont surtout les journaux canadiens des
Etats-Unis qui confondent les deux termes, à
cause du mot anglais audience, qui a les deux
significations.
Le verbe contenancer n'est pas français. La
presse, le barreau, les hommes publics l'em-
ploient cependant tous les jours. C'est la tra-
duction imitative de l'anglais to countenance, qui
signifie favoriser, encourager, appuyer, protéger.
Anglicisme et barbarisme tout à la fois.
— 146 —
Calculer que, grotesque anglicisme ! Je ne l'ai
jamais vu imprimé, mais je l'entends dire tous
les jours par des hommes censés instruits. On
doit le remplacer par compter que, prévoir que,
se proposer.
Nous avons tort de dire qu'une personne a
été l'objet, la victime, d'un assaut ; il faut dire
d'une attaque. Traduisons le terme légal assaidt
and hattery par attaque et batterie, ou par
attaque et voies de fait. Je recommande ceci
aux traducteurs des lois et aux substituts du
procureur-général.
Je recommande surtout que l'on n'écrive
jamais assaidf quand on écrit en français.
Peut-on appeler /o?YY/i celui qui est détenu
dans un pénitencier ? Il semble que oui, d'après
— 147 —
la délinition de Littré : malfaiteur que la justice
condamne à des travaux auxquels il ne pevit
se soustraire. Il semble que non d'après ce qu'il
ajoute : " Autrefois le forçat subissait sa peine
dans les galères. . . Aujourd'hui que les galères
n'existent plus, les forçats sont ou employés
dans les arsenaux militaires ou déportés."
Mais passe pour forçat.
Ce qui ne saurait passer, c'est le mot galérien
appliqué à un détenu. Ce mot a fait le tour de
la presse l'an dernier à propos d'un suicide au
pénitencier de Sanit-Vincent de Paul.
Nous n'avons pas de galères, par suite pas de
galériens, au Canada.
:i30
Je lis dans un journal commercial : " On a
commencé à simialer des ventes d'orbe nou-
veau," etc. Orge nouvelle, s'il vous plaît ! Orge
n'est masculin que lorsqu'il est suivi des parti-
cipes passés inondé (nettoyé, débarrassé des
impuretés et des matières inutiles) et perlé
(dépouillé de ses pellicules).
— 148 —
331
C'est peut-être par inadvertance que plusieurs
gazettes écrivent subordination pour suborna-
tion de témoins ; mais la faute se répète bien
souvent !
On croit avoir reconnu un concussionnaire
américain dans un homme de passage à Ottawa.
Le journal de la capitale dit qu'il paraissait bien
approirisionné d'argent. Approvisionné veut
dire garni de provisions, et de cela seulement.
Il fallait dire muni, pourvu, garni d'argent.
:j:i3
" Le phtstra/je de l'école du quartier Dalhousie
sera commencé la semaine prochaine." Plâtrage,
mon ami !
Beaucoup de personnes nomment plastreur
l'ouvrier qui pose le plâtre dans les construc-
tions. Son nom est plâtrier
vr.
— 149 —
Une annonce publiée depuis longtemps dans
les journaux commence ainsi : " Ce qui froisse un
plomheur" Il îaut plombier.
S34
Il y a deux fautes dans ces deux phrases d'un
journal : " Notre Conseil de Ville sera invité à
dire s'il préfère Chicago à New- York comme
site de l'Exposition de 1892. Tout les maires de
nos principales villes ont reçu à ce sujet un cir-
culaire très original."
Site n'est pas le mot propre : on devait em-
ployer siège ou théâtre.
Circulaire est du féminin ; la plupart des mar-
chands et des commis le font cependant du
masculin.
835
Je prie en grâce les journaux de se respecter
assez pour ne plus mettre dans leurs colonnes
d'annonces grocerie pour épicerie, et groceur pour
épicier. Ces mauvaises expressions se lisent
— 150 —
parfois clans les gazettes, souvent sur les ensei-
gnes de \'illage, et sont employées par les trois
quarts de la population.
836
L'habitude est presque générale de mettre un
trait d'union après (//? fi ou r/ 7? fe dans les mots
qui commencent par ces deux préfixes. C'est
une faute : il faut écrire antichrétien, antipa-
triotique, etc. Il n'y a qu'une exception : anti-
hois ou ante-hois.
La même règle s'applique à tous les mots qui
ont le préfixe co. Il n'y a que deux mots qui
prennent le trait d'union : co-aateu/r et co-hour-
geois.
On ne met le trait d'union dans aucun des
mots qui commencent par nrchi
Voici une faute que je rencontre pour la pre-
mière fois dans un journal ; je souhaite que ce
soit la dernière : " Il avait vendu la bête à un
individu d'Ottawa qui est très volontiers de s'en
— 151 —
débarrasser à des conditions faciles." Pourquoi
n'avoir pas dit : qui s'en débarrassera volontiers,
ou : qui est bien disposé à s'en débarrasser ?
Volontiers est un adverbe et non un adjectif.
338
Xe plus confondre j)ervcvsion et perversité.
Perversion, changement du bien en mal. Perver-
sité, état de ce qui est pervers. Un honnête
homme devient une canaille, — ce changement
est une perversion; son nouvel état moral est la
perversité.
339
Un récit d'inondation que j'ai sous les yeux
constate la destruction de cinq édifices, lesquels
étaient " une maison de réfugie, une oTançre, une
étable et deux autres bâtiments." De singuliers
édifices, vraiment ! Voici la règle que donne Littré
pour distinguer entre les diverses constructions :
" Le bâtiment, c'est tout ce qu'on bâtit ; une ca-
bane est un petit bâtiment, une caserne en peut
être un grand. U édifice suppose plus d'art, de
— 152 —
grandeur, d'élévation, des matériaux plus solides.
Un marché public qui n'a presque pas de hau-
teur, n'est qu'un grand bâtiment, l'église des In-
valides est un édifice. Le monurnent est ce qui
sert à instruire la postérité, ce qui reste comme
une marque de la grandeur des peuples ou des
hommes ; la porte Saint-Denis, l'arc de l'Etoile,
sont des monuments ; et, par extension, on donne
ce nom aux beaux édifices et aux tombeaux."
S40
Peu de personnes parmi nous saisissent la
différence qu'il y a entre f^ite et eniplaceinent .
Nous employons presque invariablement le pre-
mier pour le second ; nous disons, par exemple,
que tel bâtiment est élevé sur un beau site. Le
site, c'est un endroit, une partie de paysage
considéré relativement à l'aspect qu'il présente,
à son exposition .• un beau site, un site pitto-
resque. L'emplacement, c'est un endroit conve-
nable pour construire, établir ou faire quelque
chose : le square Jacques-Cartier n'est pas un
bon emplacement pour la statue de Nelson.
C'est encore une place : l'emplacement de la
Bastille.
— 153 —
341
Il y a deux fautes clans cette plirase : " Nous
sommes tous d'accord, à part de lui." 1^ On ne
doit jamais mettre de après à part. 2° Dans ce
sens, c'est-à-dire quand à part signifie excepté,
il se met toujours en tête de la phrase; il fallait
dire : à part lui, nous sommes tous d'accord.
34^
De même qu'il ne faut pas confondre autour
et alentour, ainsi doit-on savoir que à travers
ne veut jamais de après lui et qu'au travers le
veut toujours : à travers les obstacles, au travers
des obstacles. Bossuet et Bufïon ont péché contre
cette règle; ne les imitons pas. Il n'y a pas lieu
d'établir de distinction entre ces deux locutions
prépositives ; on les emploie indifféremment.
3451
Les chasseurs qui racontent leurj exploits
dans les journaux ne manquent jamais, pour
~ 154 —
peu que le gibier ait donné, de parler des nom-
breux voliers de canards, d'outardes, etc., qu'ils
ont vus passer. Dans Je peuple on ne se sert pas
d'autre mot : vm volier de corneilles, d'étour-
neaux. Le mot n'est pas français : c'est une
■volée qu'il faut dire.
344
C'est une faute assez ordinaire de mettre un
accent circonflexe sur Vi dans le mot ait (troi-
sième personne du singulier du subjonctif pré-
sent du verbe avoir.)
345
On peut être 2)réven u contre quelqu'un ou en
sa faveur, mais on ne peut être préjugé pour ou
contre lui. Cependant on peut avoir des pré-
jugés, c'est-à-dire une croyance, une opinion
qu'on s'est faite sans examen, qui lui soit favo-
rable ou défavorable. Ce qui est inadmissible
ici, c'est la forme passive.
— 155 —
S46
Ce que nous nommons ici la hauteur des terres
se dit en France le partage des eaux, la ligne de
faîte. Cette ligne est constituée par les faîtes
des montagnes ou coteaux d'une contrée, et elle
divise celle-ci en deux régions Lien distinctes.
Hauteur des terres se disait cependant autrefois.
347
Littré dit que la locution populaire comme
tout est depuis longtemps condamnée. Il cite
l'exemple suivant comme l'un des plus barbares :
" Cette homme est riche comme tout," pour est
très riche. Cette locution est employée par tout
le monde au Canada. Il est vrai que nous avons
l'exemple de Dancourt, qui a dit : " Ils s'en-
nuient comme tout à ce camp," et de Marivaux :
" Voilà un petit mot qui me plaît comme tout."
Littré rejette aussi commie de juste. De jvMe
n'est pas français, dit-il, et ne le devient pas da-
vantage pour être joint k comme.
— 156
348
L'e de lorsqv.e ne s'élide que devant il, elle, on,
et devant un, une. C'est donc une faute d'écrire :
lorsqu'eut lieu le déménagement ; lorsqu'on lui
ou son frère viendra ; lorsqu'attendant ses dépê-
ches ; lorsqu'Ugolin fut condamné à mourir de
faim ; lorsqu'images et médailles leur étaient
distribuées, etc.
349
En outre de cela, qui se dit quelquefois, est
une locution barbare, d'après Littré. Il faut
dire outre cela, ou simplement en outre.
350
Quand tout le monde se chauffait avec du
bois, tout le monde appelait les poêles des
poêles à bois. Aujourd'hui que nous nous chauf-
fons avec du charbon, nous appelons nos poêles
à charbon, même les plus petits, des fournaises
— 157 —
Ce n'est pas exact, la fournaise étant un grand
four où brûle un feu ardent. — Mais, dira-t-on,
ne peut-on nommer fournaise le poêle entouré
de briques, ordinairement placé dans la cave, et
qui alimente les tuyaux calorifères ? — Non, c'est
un 'poêle de coiistrvction ou simplement un
calorifère, car le calorifère est défini : " appareil
pour produire et distribuer la chaleur."
:{5i
— Quelle heure est-il ?
— Cinq heures viennent de sonner au cadran
du parlement.
— Pardon ! vous voulez dire à V horloge du
parlement. Vous le savez comme moi, le cadran
n'est qu'un plan qui indique, au moyen de chif-
fres et d'aiguilles, l'heure qu'il est ; l'horloge
seule sonne les heures.
8oa
J.-J. Rousseau a dit : Je ne vois pas d'incon-
vénient de me prévenir du jour où vous arrive-
rez. C'est un solécisme ; il faut je ne vois _2^a.s
— 158 —
cV inconvénient à, ou je ne vois pas V inconvé-
nient de. Dans le premier cas, à est régi par le
verbe, dans le second de est régi par le nom
(Littré). La faute de Ronsseau se répète souvent
dans notre pays.
On dit correctement : Votre mouchoir sent le
magnolia, et on ne peut pas dire : Cette pomme
goûte la fraise. C'est Lien malheureux, car il
existe tant de parité entre les deux verbes, et
chacun de nous fait cette faute si naturellement !
On doit dire : Cette ponune a le goût, la saveur
de la fraise. Mais la langue se perfectionne, et la
faute d'aujourd'hui n'en sera peut-être pas une
demain.
Ne disons plus : j'ai eu beaucoup de trouble,
de misère, pour parvenir jusqu'au ministre, mais
beaucoup de ijeine, de difficulté, de r)%al. Ne
disons plus : permettez que je vous troid)le pour
un morceau de j^ain, mais que je vous dérange.
159 —
Soô
Pour, joint à un mot qni exprime le temps,
signifie jyendant, mais avec le sens d'un futur :
je pars pour quinze jours, je vous interromps
pour un instant, je vous laisse pour une minute.
Mais on ne saurait dire : il est resté à Paris pour
un mois, il s'est absenté pour une heure, il m'a
interrompu pour plusieurs minutes, etc.
»o6
Y a-t-il quelque chose de plus horripilant
que ces mots : comité de -srtii/e (health committee),
médecin de santé (health officer), que nous
lisons tous les jours ? Pourquoi ne pas dire :
commission d'hygiène, conseil de scduhrité
'publique, hygiéniste ijuhlic ou municijxd ? " La
salubrité publique, dit le dictionnaire, est cette
partie de l'hygiène publique qui embrasse ce qui
concerne les soins de propreté des villes, l'éclai-
rage, la surveillance des halles et marchés, la
vente des comestibles, les falsifications et sophis-
— 160 —
tications des aliments et des boissons ; les inhu-
mations, constructions des rues, habitations,
égouts, canaux, institutions et établissements
publics divers, les prisons, les hôpitaux, hospices,
salles d'asile ; la prostitution; les mesures con-
cernant les épidémies, les vaccinations."
Officier de santé se dit en France d'un méde-
cin d'un rang au-dessous de celui de docteur en
médecine. Il s'emploie surtour sur mer.
n^t
La jonction de deux chemins de fer ou de
deux bateaux, ou d'un chemin de fer et d'un
bateau, pour le trafic, se nomme r accorde me nt.
Le Pacitique Canadien et l'Atlantique Canadien
font raccordement à Saint- Poly carpe ; il y a
raccordement à tel endroit. Nous autres, gens
et journaux du Canada, nous disons connexion
quand encore nous ne faisons pas pis en écrivant
connection.
161 —
*S5S
Vous hésitez parfois, ne sachant si vous devez
placer l'adjectif autre, employé avec un nom de
nombre, avant ou après ce nombre : Son revenu
s'élevait à six mille francs, dont il donnait deux
mille aux pauvres et se réservait. . . .les quatre
OAttres ? ou les autres quatre ? La règle, fréquem-
ment enfreinte, est que l'adjectif se met toujours
après le nombre : on dira donc les quatre autres.
S59
On accapare une chose, on ne s'accapare pas
cette chose, encore moins s'en accapare-t-on.
C'est ce qu'ignorait le journaliste qui a écrit :
" Un journaliste de Montréal saœajxirait même,
l'autre jour, de tout notre article sur la confé-
rence de M. N." Pourquoi n'avoir pas dit s'em-
parait ?
6
— 162
3€0
A ceux auxjuels répugne l'emploi du mot ger-
ryriumdermg, je propose cette traduction : re-
maniement, répartition des districts ou collèges
électoraux, des circonscriptions électorales; re-
constitution topographique de l'électorat. J'ai
lu cette dernière expression dans un journal pa-
risien.
361
Cesser de dire : ]QCori8€'ns à ce que ; toujours
dire : je consens que.
36*^
Certains mots latins francisés ont leurs ca-
prices d'épellation et doivent s'écrire avec ou sans
italiques, avec ou sans accent, avec ou sans^ma-
juscule, avec ou ans trait d'union, ainsi qu'il suit :
— 1C3 —
triduuin ou triduo ; Pater ; Ave ; Te Deum ;
credo ; Confiieor ; angélus ou angélus ; De pro-
fundis ; bénédicité (s) ; miserere (s) ; Salve (s) ;
in pace ; motu proprio ; ex-voto ; ad patres ; ad
hoc : ad honores ; ad honiinem ; paréatis ; allé-
luia (s) ; extra ; mémento (s) ; ab hoc et ab hac ;
mémorandum (s) ; amen (mot hébraïque latinisé) ;
Sanctus ; coram populo : agnus Dei : vice versa
introït ; ad libitum ; ad rem ; in-folio ; in-quarto ;
in-octavo ; in-plano ; in partibus ; à priori ; à
posteriori; nota benè ; magnificat; lavabo (s);
gloria patri ; Kyrié-éléison (terme grec) ; ex-
abrupto ; ex cathedra ; ex - professo ; exeat ;
exequatur ; pro Deo ; in-extenso ; nemine con-
tradicente ; desideratum, desiderata (pi.) ; ecce
homo ; habeas corpus ; item ; idem ; ibidem ; tu
autem ; ab irato ; in extremis; extra-muros ;
ipso facto.
Les mots suivis d'une « entre parenthèse
prennent cette lettre comme marque du pluriel.
363
Dit-on à Montréal et à Québec, comme on dit
à Ottawa : acheter quelque chose en approbation»
— 164 ^
s 3 faire envoyer des marchandises en approba-
tion ? Habituons-nous à dire à V épreuve, à
l'essai, et nous nous débarrasserons ainsi d'un
anglicisme.
Il y a bien assez que l'on fivocloque et skat-
ingrinqwe à Paris, sans qu'au Canada l'on
éjvyilr'igJdlse. Pour l'amour du bon ssn-., de
Toreille et du langage, trêve de barbaris .les à
l'anglaise 1
Au lieu d'éqanlrifjhtiste, d'équalrighteur, que
nos jou-maux n'emploient-ils ' pas le mot égali-
tdire, qui signifie partisan de l'égalité ? Pourquoi
ne pas créer le mot égaliste, qui aurait le m3me
sens ? Veut-on un terme d'apparence plus savante,
au radical latin, et qui rende bien le sens que
l'on a en vue ? Prenons jiissimilistejussimil lire.
N'importe lequel des mots proposés vaut m' eux
que l'affreux équalrightiste et le hideux eg tf/N
rightewr. ^
1. Je suis l'auteur de cette proposition, qui a paru da i3 la
Patrie, mais non de la chronique signée : Pierre S .xs-
FAÇON, dans laquelle on l'a inte.-2alée. — A. L.
— 165 —
365
L'habitude s'introduit d'appeler tramps, de
l'anglais, ces personnes sans état, sans domicile,
sans aveu, qui jettent souvent la terreur dans
nos campagnes. Ce sont tout bonnement des
vagabonds.
(Pour l'année hisseœtile).
" Notre reporter s'est rendu hier soir à l'hôtel"
de-ville. On annonçait depuis quelques jours
que la séance du conseil-de-ville serait très-
intéressante. Trente-et-un de nos édiles étaient
réunis dans la grande salle de l'entre-sol. Les
uns chantaient, sifflaient, lançaient des boules
de papier, comme des mal-appris ; les autres,
gourmés dans leurs faux - cols gigantesques,
étaient o^raves comme des o^ardes-des-sceaux de
l'ancien régime. Les sténographes affilaient
leurs crayons pour écrire le compte - rendu de
l'orageuse séance qui se préparait. Le coup-d'œil
— 166 —
était tout-à-fait curieux. On tapageait bien au-
dedanS; mais au- dehors tout semblait tranquille.
" La .séance va s'ouvrir dans un petit quart-
d'heure. Tout-à-coup une vitre vole en éclats,
et un projectile tombe sur la table du greffier ;
c'est une pierre-ponce, grosse comme les deux
poings. En un clin - d'œil toute la salle est
debout. Xon - seulement le maire, le greffier,
l'avocat de la municipalité, les journalistes,
mais les deux -tiers, les trois-quarts des sus- dits
échevins, effarés, à demi - morts de frayeur,
croyant à une émeute, s'enfuient dans toutes
les directions. Quelqu'un crie : Sauve-qui-peut !
Il y a plus de bruit que dans un corps-de-garde.
C'est une bousculade générale, tout est sens-
dessus-dessous.
'•' Notre rep orter n'a pas perdu la tête, il a
pris son parti de ce contre-temps et a suivi les
événements. La salle s'est évacuée rapidement ;
il y a même des gens qui, entraînés par la
poussée, sont sortis sens-devant-derrière.
" Pas plus d'émeute que sur la main. La rue
est déserte. Seul en ce moment passe un pied-bot,
robuste porte-faix qui tient à chaque main un
lourd porte-manteau. Il n'est pas probable que
ce soit là le coupable ; mais on l'interroge et il
— 167 —
répond qu'il débarjue à l'instant d'un bateau-à-
vapcur où le rédacteur-en-chef du TraÀt-cVv/aion
l'a envoyé chercher ses colis. On traite cette
histoire d'archi-folichonne, de conte de ma
grand'-mère. Le maire le fait fouiller par un
sergent-de-viile, qui découvre dans ses bottes
deux passe-ports faits à des noms différents ; on
en conclut que c'est un rien-qui-vaille, et l'on
parle de le mener au poste de police. Ce faire-
le-faut lui répugne terriblement ; il s'adresse
à tous les saints, promet une grand'-messe à
saint- Jossph, menace de porter l'affaire à la
connaissance des tribunaux, de la mère-patrie,
de l'univers. Bref, on le mène coucher au violon.
Il parait qu'on lui a découvert un complice. Les
co-accusés comparaîtront aujourd'hui devant le
recorder pour rendre compte de leurs hauts-
faits." (Tiré possiblement de n importe lequel
de nos joihvnaibx).
Combien de fautes mes lecteurs ont - ils
reconnues dans ce récit tout d'invention ? En
ont-ils vu une seule ? Laquelle ?
Réponse : il s'y trouve cinquante-sept traits
d'union, et il n'en faut pas un seul.
POSTFACE
Sous le titre sans prétention de A travers la
presse canadienne, M. Pierre Foncin, secrétaire^
de l'Alliance française, publie dans la Revue
Bleue une très remarquable étude sur nos jour-
naux. De même que les amis dont je publie les
lettres en préface, il met le doigt sur des fautes
que je n'ai pas mentionnées. C'est à ce titre que
j'extrais de son écrit, si bienveillant pour nous,
le chapitre suivant :
" L'usage obstiné de la langue française a été le
préservatif tout-puissant de la nationalité cana-
dienne ; il sera pour l'avenir sa meilleure sauve-
garde. Chacun sait que là-bas, et surtout dans les-
-- 169 —
campagnes, notre langue a conservé une saveur
parlicuiière d'archaïsme ; elle l'a empruntée aux
dialectes provinciaux du XVIIe siècle que par-
laient pour la plupart les premiers colons
" Lisez-vous les faits divers ? Vous verrez que
à la hnmanie signifie à la brune, qu'une cage est un
radeau, qu'une claque est une chaussure que l'on
met par-dessus sa chaussure oïdinaire. Les an-
nonces ? Il y est sans cesse question de hardes
(vêtements), de hardes faites (confections), de gar-
gotes (restaurants), de breuvages (liqueurs, bois-
sons), d'occupations très payantes (emplois très lu-
cratifs), d'assurances contre le feu, etc. Il faut savoir
aussi que Vorignal (écrit souvent, mais à tort, ori-
ginal) est une sorte d'élan ; que le caribou est le
nom canadien du renne ; qu'une place d'eau est
une ville d'été, une station de bains de mer ou
d'eau douce ; que la poudrerie q^x de la neige en
poudre chassée par le vent ; que cas^-er la terre,
c'est la défricher ; qu'une barge est une sorte do
bateau plat; qu'un barachois est un étang formé au
bord de la mer, à l'embouchure d'une rivière ;
qu'une galante femme est une femme ornée de toutcs^
les veruis.
" Voici d'autres locutions (prises au hasard dan»
divers journaux) qui ont un caractère d'ancienneté,
d'exotisme ou de naïveté curieux : *• Grâce aux
octrois (dons) généreux de quelques municipalités^
170
— Les habitants peuvent en aucun temps, mais
poui- leur nourriture seulement, tuer aucun des
oiseaux susmentionnés. — Il appert que... — Dans la
bâtisse de... — Cheval à vendre à dos conditions très
libérales... —M. X. a été notifié que... — M. Y. .s'est
infligéwwQ blessure grave... — Il e-t rumeur que... —
Une intermission (ontr'acte). — Un élévateur (ascen-
seur). — Il y avait/riC(?^ chez... (repas avec invités).
— On demande six bonnes filles pour conduire des
machines à coudre. — On demande cent jolies jeunes
fitles pour figurer dans la pièce à grand spectacle
Tht WaJer Queen. — On demande doux filles générales
(servantes à tout faire).— ^[Ue X., modiste, se chai-ge
de la confection des toilettes de dames en général
(on voit que les niodistes sont en même temps tail-
leu-es et couturières). — On a besoin de bons pi'es.
seurs dans le département des tailleurs. — Chemin de
fer intercolonial : Arrangements (service) d'hiver. —
Mlle ]Sr. est montée dans la boîte aux témoins (sorte
de petite tribune où les témoins viennent déposer
devant le tribunal). — Lots de terre mis en vente à
des prix variant de deux dollars et demi par acre,
en montant. — Il y aura cette année un surplus dans
le budget, etc., etc.. "
"Et cette annonce qui en Fiance passerait pour
une lugubre facétie ! ^* Cercueils ! Cercueils !
Jaurai constamment en main dos cercueils de toutes
les dimensions et à des prix très bas. Je n'em-
— 171 —
ploierai que du bois sec Qt de première classe. Je ga-
rantis mon ouvrage parfait. Qu'on s'empresse de
venir me rendre une visite, je promets à tous ceux
qui achètei'ont chez moi pleine et entière satisfac-
tion."
" Ce n'est pas tout. Bon nombre de mots anglais
ont fait invasion dans la langue française cana-
dienne, et, bien qu'elle les expulse déplus en plus,
depuis qu'elle possède une littérature nationale
et de véritables écrivains, tant s'en faut encore
qu'elle soit complètement expurgée. Un Acadien
racontait en ces termes un accident qui lui était
arrivé : *' Je voudrais bien vous driver (promener
en voiture), mais ce matin j'attelai mon teaîn (ma
voiture), et à peine sortie de la stable (écurie), le
cheval prend sa race (course). Ah ! ça allai t/asf
(vite). Bb quand je vins pour dévirer le corner
(tournant), je tombai par terre, le cheval partit
tout seul. Il fat pogné (blessé) et je fiisjindé (mis à
l'Amende)." Sauf dévirer et pogné, qui sont du
vieux fi-ançais, tous les autres mots qui surprennent
le lecteur sont d'origine anglaise.
" Hâtons-nous de dire que ce charabia est l'ex-
ception, même en Acadie. Cependant les jour-
naux canadiens, surtout dans leurs annonces, sont
fréquemment émaillés de locutions britanniques Oi
américaines. Exemple : — Dans le budget, un
article de comp'e s'rpp-:Me un item. — Une épicerie
— 172 —
est une grocerie. — Un gi'cffier est un recorder. —
Dans une énumération de me blés, on dira : un
ménage complet, un set (garniture) de salon, six
chaises de salle à dîner, un sideboard (buffet), une
grande berçante, bizarre mélange de mots anglais
et de termes du cru. — Une dispute, une rixe est
qualifiée de scène disgracieuse.— JJ ne carriole (ca-
briolet) s'attelle en tandem (avec doux chevaux en
flèche). — Un caucus, comme aux Etals-Unis, est un
groupe d'hommes politiques ayant la même opi-
nion.—Un homestead est une ferme, un saloon un
salon, un job une occasion dans une vente ; des
gants de kid sont des gants de chevreau, etc.
Inutile de multiplier ces citations."
Il y a quelques légères erreurs là-dedans,
mais il n'importe pas de les relever.
IISrDEX
{Le chiffre indigne le numéro de la faute.)
Abuser 250
Accaparer (s") de 359
Accent circon-
flexe 3, 111, 344
Accents 302
A-conip^e 32
Acoustique 172
Acter „ 188
Addresser 197
Aide 220
Aïeuls 23
Airs 209
Ait 344
Algiers 161
Allégeance 47
Amalgamation 232
Ambûche 202
Ambuscade 202
Amérique britannique
du Nord 310
Ammoniaque 272
Ammunition . 166
Angliciser,, anglifier... 240
Augustory 145
Année fisca'e 91
Alite Cpréfîxe) 336
Anti (préfixe) 336
Anticiper 246
Antwerp.. 161
Anxieux 124
A part de 341
Apologie 148
Apparoir 52
Appartement 205
Application 283
Appointements 194
Approbation 363
Approvisionné 332
A propos 261
Archevêque 31
Archi (préfixe) 336
Archidiocèse 31
— 174
Arguer 82
Argumenter 82
Argent 211
Argents 138
Arôme 44
A>pect 180
Assault . .. = ..,.. 328
Assermenter 118
Aslérique 207
Athens 161
Atmosphère 107
Atome 3
A travers de 342
Attraction 147
Aucun 219
Audience 325
Autre 35-^
Aux pieds — 44
Avant que 24
Avocasser 1 3fi
Ayion.=, aviez . . 255
Bagage (cli ambre
du) 78
Baîloter 150
Ballustre 44
Barounesse 311
Base 3
Bâtiment 339
Berne (en) 303
Beurre irnprimé 318
Billet promissoire ... 271
Bisaïeux 23
Bloc... 152
Boîte aux témoins... 96
Boîte d'alarme 313
Bombe 57
Bôme.«, baumes 223
Bouffes 43
Bouilloire 57
Bouncer 76
Branche 70
Brézil 161
Brique à feu 284
Bris de promesse 302
Cabale 40
Cadran 351
Cniro 161
Calculer que... 327
Calomrie fausse 157
Canard 57
Canevas 278
Carosse 317
Carriéreurs 320
Carriole 317
Carroucel 230
Caslier un chèque... 190
Castor (huile de) 67
Caution 41
Chacun s'accorde 77
Change 259
Changer un chèque .. 190
Chaque 112
Charretier. 74
Charriot 317
Chartre 301
Chefd'œuvres 155
Chlorure 99
Chrysostôme 3
Chute 3
Cîme 3
Circulaire 3:v4
Clairer 156
Clerc 267
C:ub...., 221
Co (préfixe) 336
Cocotier 186
Coërcion 254
Collecter 122
— 175
Collecteur 275
Collègue 314
Collet 132
Comices 308
Comité de santé 356
Comme de juste 347
Comme tout 34?
Complétion 35
Complimentaire 233
Condoléances 22
Coiiducleur de
malle?
Conformité
Confrère . .
153
. 234
314
Connection 357
Connétable 9
Consentir à ce que. 381
Conséqueiit .... 175
Consistant . .. . 210
Constituants . 124:
Contenancer . .... 326
Contracteur ........ 81
Copie _... 222
Cornétiste 3 4
Corporation .... 30
Correspondance parle-
îiienlaire 18 j
Coteau 3
Coudre 154
Courir 285
Cretonne. 245
Crique 131
Crochet ., 98
Croire 261
Cuiller pour souliers. 184
Cuir à patente 144
Dame 1 65
Dames et demoiselles . 163
Dance 90
Dangereux 226
D'avantage 177
Débouter.. 62
Décombres 214
Défalcation 305
Demander cà ce que 89
Demie 56
Dénigration „ 297
Dépêche 181
Dépôt 270
Dévotieuse 93
Directoire , 88
Disgrâce.... ........ 276
Disparution 292
Dit (le dit, susdit).... 72
Divorcer d'avec 176
Dommage 50
Dumb be!l 219
Dû-', ducs 87
Echange ., 259
Echanger un chèque . 190
Echanger du linge. 212
Echappatoire........ 167
Edifice 339
Editorial .... 63
Kgoût 3
Emaner 4
Embassadeur 202
Emplacement 340
Emplâtre .... 214
En approbation 363
En force 140
Engin 109
En outre de 349
Enquête contre 105
En preuve 309
En rapport avec 170
Enregistrée (lettre). . . 79
Enregistrer 201
176 —
ï^ntr'autres 95
Epergne 49
Episode 214
Equalrighteur 364
ï:-calier 214;
Esclandre 295
Espace 214
Essuie-mains 179
Estampille 265
Eventail 214 !
Evêque, évêcLé 31
Evidence, 1 !
Exercise 90 '
Exhibition 73 >
Exhorbitant 242,
Exhubérant 242 ;
Exonorer 236
Expédition ISl
Exploitateur IG '
Extra 2G7 :
Fabriquant 281
Faciliter 323
Fait que 189
Fatiguant 281
Faute de ne 69
Ferblanc 223
Feu, feue 53
File :. 274
Filer 200
Fleur 146
Forçat 329
Fournaise 350
Francophobe 315
Gages 191
Calant 12.i
Galérien 329
Gallerie 127
Oauthier 159
Gazetler 92
Gente 143
Geôlier 84
Gérer à 125
Gerrvmandering 360
Gestes 241
Ghent 161
Goûter 353
Graduer 64
Groceur, grocerie 333
Habilité 191
Hague 161
Hardes faites 296
Hauteur des terres 346
Havre 3
Hazard 282
Héro 257
Honoraires 194
Hose 280
Hûtellier 173
Hughes 244
Huile de charbon 121
Huilier 7
Huissier 6
Hydrant 5
Identifier 261
Idiome 3
Incendiât 224
Incendie 214
Inclu, exclus 158
Inconvénient de 352
Incorporation 206
Infatiguable 281
Ingénieur 193
Inj urier 290
Insigne 100
Insistera ce que 135
Interjeter 322
177 —
Inlcrvalle 2U
Intriguant 2^1
Introdnire 1 ! (>
Investir '^9;-)
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Item 28',»
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Jalon?
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Juré, jui'v
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Légjplîitcr 2!)9 ;
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Lettre uiorie 225 \
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Malle, lualler 251 I
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Mélanclioli(]ue LS
Mc'iiibi'e pour 227
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Mi>ère ;>;"4
McëUe 254
Moi jiour un 71
Mon dit 72
Monopoliseur 120
Monsieur, uuulanie . . a07
ûlonuinent '.'.V.^
Mortaiité 324
Mots latins :-:G2
M Otto 5S
j\loulin à coudre 80
Navrant 3
Néga'ion ne..., '^94
Nicholas 13
Nord- A tnérique 310
Nouibrer IGl
Notice 19
Notifier 2(,8
Noyade 102
Objecter (s') 2:.2
Observer que. 1^2
Odorant, odoriférant .. 28
Offre 139
Opérateur de télégrajjbe 55
Oj.éraiion (en) 38
Opposer -GO
Oppressé 3( (j
i'vge 330
Oreiller 2J4
Orlii-iner (il
Oser 3
17.S
Otage •>
Outrepas.-cr \>'.\
Ouvernue 51
Par 20
Parapet 204
Pareil 2t)S
Parleiiiciitaire 165
Part (o I
Partir ... 1" i
Paru bel.e 11:^
Paschal !■•!
Patriotique 1^0
Pairoui.^^er 108 .
Paviliou de.s patineur.-^ i 04 j
Payer uu coiiiplinjent. l--54i
PeiLsion = .. 13
J^erfeetiou (à lai 2G3
Per.-^iet)ne> 20S ,
Per.-ifflage &;
Perver.'sion H3S
Picotte 208 ,
Pilier 101
Pilot 70
Place d'eaux 269 ;
PIai.=ant 4(1 !
Plant 280 :
Plaslrage, pla>treur . . H8'i |
Ploiubeur -'BH !
Pluriel de certain* mots 117 !
Plutôt et plus tôt 192 I
Foie 319'
Polluer 2731
Po.sitif 65'
Poteau 3
Pour 355 i
Pouvoir d'eau 133
Pratiquer 199
Pr;-jugé H45 ,
Prendre un portrait . . . 23d :
Préte.xte 277
P)-euve (en,' . ;i09
Procédé;* 217
Profondément. 226
Progre.5.-^er favorab'e-
menl lUl-l-
Prolhonotaire j«'6
Piipîire 8
Qua'itieaiiou .. . l'JS
Quelque ls.25
Quelque.^ foi.>< 2(i2
P.ace 2l;{
Rappeler une loi G()
Rappeler (çej de 248
Rapport avec ie). 170
Razoir... 282
Rel.el 14
Réclame 8
Record 816
Recorder 1-12
Recouvrir . , 300
Registre."^ 201
Ren^arquer que i 82
René 85
Rencontrer 21
Rémunérer l(j:<
Réparage (iO
Résidence Ml
Rester à i 11
Résumer le débat 285
Rets 3
Revenger (se) 87
Rond "à patiner 104
Saint 94
Salle 129
Salle à dîner 130
Sans que 24
~ 179 —
Sa.'^sepaniie 258 î
Satisfait que 29
Saucier 25H |
Sciiolaire.. 9 !
Sciliy Islanrls. ... S2l
Secret lire privé 2«)G
Semence^; 228
^'endormir 15 1
S'en un ver 1^'7
Sépulcliral IH
Ser^rent de couleui". 287
Serviette 179
Set 17
Si il -.Hl
Sit'- XU, 3^0
Skatiug riiik 104
Soirs . 2<i
Sortir U
Souffrant 286
Souffre 218
Sous ces circoustauces 217
St. Pierre de Miqueluii 215 :
Station du feu oli! !
Stand 5;) ]
Subir 271
Subordination •'îHl |
Sud-Auiérique ;-5 1 0 j
Sulpliuriqiie 97 '
Supporter 149 [
Sur un journal 216 !
Susdit 72 I
Système 3;
Tangiers 161
'J'ansy 145
Tant qu'à o 1 2
Tarrière 126
Te 12
Ternie ...„ 211
Thème 8
Tinibre 265
Tire 237
Tônie... 3
Tondre.. 15
Tourne-clef 2i^l
Tratfic 196
Traticant 281
Trait d'union 12,336.362,366
Traiietnent 194
Transiger 178
Ti'éma 254
Trisaïeux 23
Trouble 354
^^a sans dire 239
Vasistas 119
Venimeux. Iti9
Venise 25(>
Vétéran 115
Veuve de feu. 3*
Vice ver-â 3
Vilenies 288
Vitraux 195
Volier 343
Volontiers 337
Volte-face 2
Voîeur 75
Vraîmeiit 3
Vu 3
Zone 3
'W^"^
J
Bibliothèques
Université d'Ottawa
Echéance
DEC 1 0 1999'
MV 2 1 19519
Libraries
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