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Full text of "Figaro; ou, Le jour des noces. Pièce en 3 actes d'après Beaumarchais, Mozart et Rossini. Arangée par MM. Dartois et Blangini"

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•  C\J 


'  Artois,  Armand  d' 
Figaro 


ou 


LE  JOUR  DES  NOCES, 

PIÈCE  EN  TROIS  ACTES , 


BEAUMARCHAIS,   MOZART  ET  ROSSINI, 

AaftAïîGÉE  PAR 

R£PRÉSE>-TÉE  AU  THEATRE  DES  NOUVEAUTÉS, 
LE  l6  AOUT  I  82  7. 


PRIX  :  I  Franc  5o  centisies. 


PARIS  9 

CHEZ  J.-N.  BARBA,  COUR  DES  FONTAINES,  N«  7. 

4  827. 


PEKSOISNAGES.  JCTEUBS. 

LE  COMTE  ALMXYYVX, grand  Corrégidor 

d Andalousie.  M.  AmÉDÉE. 

FIGAllO  ,  valei  de-chamhre  du  Comte  etconcierge 

du  château.  IM.  BoUFFÉ. 

TIOYMLLLO ,  maure  de  clavecin  de  la  Comtesse.  M.  Camille  D. 

CHÉRUBIN  ,  premier  page  du  Comte.  M"''  MiLLER. 

AlNÏONiO  ,  jardinier  du  château ., père  de  Fan- 

chette  et  onde  de  Suzanne.  JVI.  JoLY, 

BRIDOISON ,  lieutenant  du  Siège.  M.  Emile. 

LA  COMTESSE ,  <î)joM5e  ^«  Co/rafe.  M™^  Beaupré. 
SUZANNE,  première  Camérisie  de  la  Comtesse 

et  fiancée  de  Figaro.  ISI^^  Albert. 

FANCHETTE ,  Jille  dAnlanio.  Mlle  Laurence . 

y  \  oassauxdu  Comte. 

Paysannes.      ) 

Valets  du  Comte. 


2153 
A73P5" 


^tr^'X'-ci    "^^  Scène  est  au  château  d^Aguas-Frescas,  à  trois  lieues  de  SéMle. 


S'adresser  pour  la  partition  ,  à  M.  Béaucourt  ,  chef  d'orchestre  au 
Thuâtre  des  Nouveaute's. 


niPRIMEaiK   DE   A.   CORIAM, 


/«*VfcVfr%V%'VW%%V%V«  «VWWt'-kt  VWl  % %V»Vt/%%«/« Vt  W«n%WV«^V%^V%<«V%t\,Vlr%'V% v%  %  v-vww%%«  -^ 


FIGARO. 


ACTE  PREMIER. 

Le  Théâtre  représente  une  jolie  chambre  que  l'on  finit  de  meubler;  un 
grand  fauteuil  est  au  milieu . 


SCENE  PREMIERE. 

Au  lever  de  la  toile ,  des  ouvriers  sont  occupés  à  orner  la  chambre. 

Chœur. 

Arrangeons  , 
Préparons  , 
Cette  chambre  jolîe  ! 
Quelle  soit  embellie  , 
Pour  les  nouveaux  e'poux. 
Qu'ils  feront  de  jaloux  ! 
Que  leurs  jours  seront  doux  I 

SCÈNE  IL 

Les  Mêmes,  FIGARO. 
FIGARO,  entrant. 

Bravo  !  (  bïs  ). 

Ah  !  que  c'est  beau  ! 
Ma  demeure  est  charmante  , 
Ma  femme  est  se'duisante  , 
Trop  heureux  Figaro  ! 

Chœur. 
Oh  !  que  c'est  beau  !  (  ^^^  )• 

Cette  chambre  jolie  , 
Est  encore  embellie  ! 
Que  les  nouveaux  e'poux 
Vont  faire  de  jaloux  ! 
Que  leurs  jours  seront  doux  ! 
(  Les  ouvriers  sortent  en  chantant  ce  chœur.  ) 
Figaro,  (seul.).  Quelle  attention,   de  la  part  de  monsieur  le 
Comte,  de  nous  donner  la  plus  jolie  chambre  du  château!  Suzanne 
sera  enchantée. 

SCENE  IIL 

FIGARO,  SUZANNE. 

SuzANE.  {entrant).  Eh  bien  !  Figaro,  que  fais-tu  donc  ici .'' 
Figaro.   Je  regarde,  ma  petitte   Suzanne,   si  ce  beau  lit  que 
monseigneur  nous  donne  aura  bonne  grâce  dans  cette  chambre. 
SuzARNE.  Dans  celte  chambre  .'* 


(4;     ' 

Oui;  il  nous  la  cède, 

Suzanne.  Et  moi  je  n'ea  veux  poinr. 

Figaro.  Pourquoi  i' 

Suzanne,  Elle  me  déplaît. . 

Figaro.  La  raison.!'  Elle  est  siiuée  si  eommodémenl!  elle  tient 
Je  milieu  des  deux  apparlemens  :  la  nuit ,  si  madame  est  incom- 
modée, elle  sonnera;  zcsie,  en  deux  pas  ,  »u  es  chez  elle!  3Ion- 
seigneur  veut-il  quelque  chose?  il  n'a  qu'à  tinter  de  son  côté, 
crac,  en  trois  sauts,  me  voilà  rendu. 

Suzanne.  Fort  bien;  mais,  quand  il  aura  tinté  le  matin  pour  le    • 
donner  quelque  bonne  et  longue  commission,  zeste  ,  en  deux  pas, 
il  est  à  ma  porte,  et  crac  ,  en  trois  sauts. .  . 

Figaro.   Qu'cniendez-vous  par  ces  paroles  ? 

SUZANNE. 

Air  de  lilangini. 

Las  des  heauft's  qu'au  loin  son  ccetjr  euflamme  , 
Mon  doux  seigneur  veut  rentrer  au  cliàteau  ; 
Mais  ce  n'est  pas  pour  aller  chez  sa  feiniue  , 
Me  comprends-tu  maintenant  Figaro  ? 
Sur  ma  vertu  tu  peux  compter  d'avance  , 
Pour  me  défendre...  et  pourtant  mon  ami  , 
Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  de  la  prudence  , 
De  s'endormir  si  près  de  l'ennemi. 

Figaro.  Je  ne  m'endormirai  pas  non  plus. 
Suzanne.  C'est  mon  noble  maître  à  chanter,  qui  s'est  chargé 
de  ni 'offrir  ce  logement  en  me  donnant  une  leçon. 

Figaro.  Le  maître  à  chanter  !  .  .  je  lui  en  donnerai  une  moi... 
et  si  jamais  volée  de  bois  vert,  appliquée  sur  des  épaules . .  • 

Suzanne.  Ïu  croyais  donc  que  celte  dot  qu'on  me  donne  était 
pour  les  beaux  yeux  de  Ion  mérite  '? 

Figaro.  J'avais  assez  fait  pour  l'espérer. 
Suzanne.  ()ue  les  gens  d'esprit  son  bêles  î 
Figaro.  On  le  dii. 

Suzanne.  Mais  c'est  qu'on  ne  veut  pas  le  croire. 
Figaro,  On  a  tort. 

Suzanne,  Apprends  qu'il  destine  cette  dot  à  obtenir  de  moi,  se- 
crètement,  certain  quart  d'heure,  seul  à  seule,  qu'un  ancien  droit 
du  seigneur.  .  . 

Figaro,  (/uoi  ?  ce  droit  honteux  que  monsieur  le  Comte  a 
aboli  en  se  mariant. 

Suzanne,  Hé  bien  !  il  s'en  répenl,  et  c'est  ce  droit  qu'il  veut 
racheter  de  moi  en  secret. 

Figaro,  se  frottant  la  tctc ,  ma  icte  s'amollit  de  surprise,  et 
mon  front  fertilisé  .  . 

Suzanne  ,  rrlliantla  main  ,  ne  le  frotte  donc  pas.  . 
Figaro,  OucI  danger  r" 

SuzANNi: ,  en  riant.  S'il  y  venait  un  petit  bouton,  des  gens  su- 
perstitieux. .  . 

Figaro,    lu  ris,  friponne.  .  ,  ah  !  s'il  y  avait  movcn  d'attraper 


(  5) 

ce  grand  Irompeur!.  . .  <le  le  faire  donner  dans  un  bon  piège   et 
de  lui  enlever  une  seconde  dot  ! 

SuZANNK.  De  Tinlri^ue  et  de  TArgcnt,  le  voilà  dans  ta  splière! 
songe  plu!Ôl  à  déjouer  les  projels  de  Marceline;  tu  sais  <pj'clle  t'a 
menacée  de  nietlre  opposition  à  noire  mariage,  en  verlu  d'une 
certaine  promesse  que  lu  lui  as  faite  de  1  épouser  :  elle  prétend 
qu'elle  a  le  droit  pour  elle. 

FlOAiiO.  Oui  ;  mais  nous  aurons  la  justice  de  monsieur  le 
Comte  pour  nous.  (o«  sonne), 

Suzanne.  Voilà  ma  maîlresse  éveillée;  adieu,  mon  pelit  Fi- 
garo. .  .  rêve  à  notre  seconde  dot. 

FiFAUO.  Unpeîit  baiser  pour  m'ouvrir  Tesprit...  (//  l  embrasse.) 

Suzanne.  Tu  vas  aussi  vile  que  la  parole. 

Figaro.   Con)me  mon  amour. 

Suzanne.  Quand  cesseras-iu  de  m'en  parler  du  malin  au  soir? 

FiGAUo.  Quand  je  pourrai  te  le  prouver  du  soir  au  malin.  (  on 
sonne  plus  fort). 

Suzanne,  s' enfuyant  et  s""  arrêtant  à  la  porte .,  voilà  votre  baiser, 
monsieur,  je  n'ai  plus  rien  à  vous.  (  elle  sort). 

Figaro.  Celui-ci  n'est  pas  de  franc  jeu. 

SCÈNE  IV. 

FIGARO  seul. 

La  charmante  fille.  . .  toujours  vive,  rianie'. . .  elle  a  plus  de 
malice  que  dix  iioinmes  ensemble;  çà  sera  un  trésor  en  ménage. 
(^il  marche  en  se  frottant  hs  mains).  Ah!  monsieur  le  Coniie  ,  je 
suis  au  fait  mainîcnant  !  vous  vouliez  m'einmener  à  voire  ambas  • 
sade.  .  .  trois  promotions  à  la  fois!  vous  minisire  ,  moi  courner 
de  dépoches  ,  et  Suzanne  ambassadrice  secrète  !  Attention  sur  la 
journée  ,  monsieur  Figaro  !.  .  .  d  abord,  avancer  l'heure  de  voîre 
petite  fêle  pour  épouser  plus  sûrement  ;  écarter  une  Marceline  qui 
de  vous  est  friande  en  diable  ,  et  par- dessus  tout  empocher  1  or  et 
les  présens. . .  mais  voici,  je  crois,  monsieur  le  conseiller  Bri- 
doison. 

SCÈNE  V. 
FIGARO,  BRIDOISON. 

BridOISON  (entrant  et  parlant  à  la  cantonnade.)  J'en,.,  entends!  . 
et...  cœlera!...  le  re'...  este... 

Figaro.  Soyez  le  bien-venu ,  i^î.  le  conseiller! 

Bridoison    J'ai  vu  ce  ga...  arçon...  là...  à  quelque  part? 

Figaro.  Chez  madame  votre  femme  à  Sévilie,  pour  la  servir, 
M.  le  conseiller! 

Bridoison.  Dan...  ans...  quel  temps? 

Figaro.  Un  peu  moins  dun  an  avant  la  naissance  de  M.  votre 
fils  cadet,  qui  est  un  bien  joli  enfant,  je  m'en  vante.  .  . 

Bridoison.  Oui. . .  c'est  le  plus  jo. . .  oli  de  tous. . .  On  dit 
que  lu.  .  .  u  fais  ici  des  tiennes? 

Figaro.  3Ionsieur  est  bien  bon... .  ce  n'est- là  qu'une  misère. 


(6) 

Brïdoison.  Unepro. . .  omesse  de  mariage. .  .a. .  .ah!  le  pau- 
vre benêt. , . 

Figaro.  Monsieur. . .  j'ai  vu  le  greffier  Doublemain  avec  le- 
quel j'ai  rempli  toutes  les  formes!.  . . 

Brïdoison.  Eh  bien!. .  .  non. . .  nous  aurons  soin  de  ton. .  . 
ton. .  .  affaire.  . . 

Fjgauo,  V  imitant  un  peu.  Ce...  est  donc  vous  qui  nous  ju... 
ugerez? 

Brïdoison.  Est-ce  que  j'ai  a. .  .acheté  ma  charge. . .  pour  au- 
tre chose. . . 

Figaro.  C'est  un  grand  abus  que  de  les  vendre.  . . 

Brïdoison.  Oui,  l'on  fe. .  .  eraii  mieux  de  nous  les  don. .  .oner 
pour  rien.  . .  enfin,  tu  as  fait  une  de  promesse  mariage i* 
Air  :  Vaudeville  de  la  Chasse  au  Renard. 

Tu...u  signas  cet  acte  qui  t'engage  ? 

Figaro. 
Me  dégager  alors  ,  est  très-urgent. 

Bridoisox. 
Une  pro.. .omesse  de  mariage  ! 

Figaro. 
Je  n'agissais  que  par  besoin  d'argent  , 

Brïdoison. 
De  l'e'pouser  ,  la,..a  dame  te  presse  , 

Figaro. 
Vous  saurez  bien  me  tirer  de  ce  pas  , 

Brïdoison. 
Quand  on  promet ,  sans  tenir  sa  promesse  , 

Figaro. 
C'est  comme  si  l'on  ne  promettait  pas. 

Brïdoison.  Mais  si  tu  as  reçu  de  l'argent  sans  le  rendre. 
Figaro.  Ça  vaut  mieux  que  de  rendre  sans  avoir  reçu.  . .  (  lui 
montrant  Suzanne  qui  arrive.  )  Tenez  ,  demandez  plutôt  à  Suzanne  ! 

SCÈNE  YI. 

Les  MEMES,  SUZANNE.  [Elle  tient  un  bonnet  de  femme  avec  un 
large  ruban  dans  la  main  et  une  robe  sur  le  bras.  ) 

Brïdoison  ,  la  regardant.  Su . .  .  uzanne  ! . . .  (<i  part.  )  La  jo .  . . 
olie  fille  !.  .  . 

Figaro.  C'est  celle  que  j'épouse  aujourd'hui. 

Brïdoison.  Oui.  . .  si  voîis.  . .  ous  ne  perdez  pas  votre  procès 
avec  Marceline. 

Suzanne.  Ne  dites  pas  cela  ,  monsieur  le  conseiller ,  ou  je  vous 
arrache  les  yeux. 

Brïdoison.  Dia...    ahle  !  comme  elle  y  va!  heureu...  euse- 
ment  qu'elle  a  les  mains  emba.  .  .  arrassées. 

Suzanne.  Et  il  faut  que  vous  promettiez  à  mon  Figaro  de  lui 
faire  gagner  sa  cause. 

Brïdoison.  Mais...  je  ne  pro...  omets  rien  sans...  ans  avoir  vu 
monsieur  le  comte ...  du ...  u  reste ,  petite  je . .  .  e  vais  le  trou .  . 
cuver ...  et  si  je ...  e  peux . .  .  enien .  .  .  endez-vous  petite ...   si  je 
pcux...(f)  part.)   Elle   esi   jo.  .  .   olie.    .  so...ortons,   car  on 
n'c.  .  .  est  pas  en  sûreté  ici .  .  .  (  //  sort  en  souriant  ii  Suzanne.) 


(7) 

Figaro.  Je  vous  suis,  monsieur  le  conseiller. . .  (  à  Suzanne.  ) 
Je  vais  observer  leur  conduite...  toi,  surtout,  ne  te  laisse  pas 
séduire. 

Suzanne.  Si  j'en  avais  envie ,  à  quoi  servirait  ta  recomman- 
dation ? 

Figaro.  A  rien,  c'est  juste. . .  (  7/  sort.  ) 

SCÈNE  VII. 

SUZAN^'E  seule. 
Non,  certainement!...  je  ne  me  laisserai  pas  séduire...  et 
j'épouserai  mon  Figaro  en  dépit  de  M.  le  Comte  et  de  son  Bri- 
doison  ! . .  .  Figaro  me  convient.  . .  je  lui  conviens,  tout  est  dit  : 
j'y  liens  et  j'y  tiendrai.  . .  parce  que  je  le  veux.  (  Elle  jette  la  robe 
quelle  tient  sur  un  grand  fauteuil.  ) 

Rondeau  de  Blangîni. 
Quel  joli  mariage  !  J'en  mourrais  de  chagrin  .' 

Ah  !  pour  moi ,  quel  beau  jour  !  Quel  joli  mariage  ,  etc.  etc. 

I.e  bonheur  en  me'nage  ,  J'aime  son  caractère  , 

Ne  vient  qu'avec  l'amour  !  Son  ton  est  de'gage'  , 

Si  l'époux  qui  m'agite,  Moi  ,  j'ai  la  main  ie'gcre  , 

Me  trahissait  enfin...  Tout  sera  partage'. 

Je  le  tuerais...  ensuite  Quel  joli  mariage,  etc.  etc. 

SCÈNE  VIII. 

SUZANNE  ,  CHERUBIN. 

Chérubin.  Ah  !  Suzon ,  te  voilà  seule  enfin  !  hélas  !  tu   te  ma- 
ries, et  moi  je  vais  partir. 

Suzanne.  Comment  mon  mariage  éloigne- t-il  du  château  le 
premier  page  de  monseigneur  ? 

Chérubin  ,  piteusement,  Suzanne  ,  il  me  renvoie  ! 
Suzanne  ,  le  contrefaisant.  Chérubin  ,  quelque  sottise  ! 
Chérubin.  Il  m'a  trouvé  hier  au  soir  chez  ta  cousine  Fanchette , 
à  qui  je  faisais  répéter  son  petit  rôle  d'innocente  ,  pour  la  fêle  de 
ce  soir  ;  il  s'est  mis  dans  une  fureur  en  me  voyant  I . .  sortez  , 
m'a-t-il  dit ,  petit?. .  je  n'ose  pas  prononcer  devant  une  femme 
le  gros  mot  qu'il  m'a  dit. . .  sortez ,  et  demain  vous  ne  coucherez 
pas  au  château. .  .  si  madame  ,  ma  belle  marraine  ,  ne  parvient 
pas  à  l'apaiser ,  c'en  est  fait  ,  Suzon  ,  je  suis  à  jamais  privé  du 
bonheur  de  te  voir. 

Suzanne.  De  me  voir  !  moi  ?  c'est  mon  tour  ?..  ce  n'est  donc 
plus  pour  ma  maîtresse  ,  que  vous  soupirez  en  secret  ? 

Chérubin,  Ah  !  Suzon  !  qu'elle  est  noble  et  belle  1  mais , 
qu'elle  est  imposante  ! 

Suzanne.  C'est-à-dire,  que  je  ne  le  suis  pas,  et  qu'on  peut 
oser  avec  mol. 

Chérubin.  Tu  sais  trop  bien  ,  méchante  ,  que  je  n'ose  pas 
oser.  Qu'est-ce  que  tu  tiens  donc  là  .'* 

Suzanne  , /ûi/Za/^/.  Helas!..  l'heureux  bonnet,  et  le  fortuné 
ruban  qui  renferment ,  la  nuit^,  les  cheveux  de  cette  belle 
marraine. 


(  8) 

Chérubin.  Son  ruban  de  nuif  I  donne  le  moi  ,  mon  cœur.  (  Il 
le  lui  arrache  ]. 

Suzanne.  Ah  !  (  imihmt  h  lui  reprendre').  Rendez-le  moi  ! .  . 

Chérubin  ,  en  tournant  autour  du  grand  fauteuil.  Tu  diras  qu'il 
est  gûlé  ,  qu'il  est  perdu...  que...  tu  diras  tout  ce  que  tu 
voudras  ! 

Suzanne.  Oh  !  dans  trois  ou  quUre  ans  ,  je  prédis  que  vous 
serez  l.i  plus  grand  petit  vaurien. 

Dtio  de  lilanginr. 
CHÉRUBIN,  d'un  ton  câlin.  Suzanne,  de  rncrne. 

Suzanne ,  je  t'en  prie  ,  Suzanne  ,  Je  t'en  prie, 

Laisse-moi  ce  ruban  1  I-aissc-moi  ce  ruban, 

C'est  mon  bonlieur,  ma  vie,  C'est  mon  bonlieui- ,  ma  vie, 

Voiià  mon  talisman  !  Le  petit  garnement. 

CHÉRUBIN.  Je  le  donnerai  ma  romance. 

SUZANNE  la  prenant,     l^c  ce  cade;uj  je  vous  dispense 
Je  ne  saurais  c|u 'en  faire  hélas! 
CHÉRUBIN.  Pour  moi,  lu  la  chanteras 

A  ta  maîtresse,  à  Faiichette  , 
A  Lisette  , 
A  Rosette  , 
A  Laurette. 
SUZANNE.  C'est  à  dire  qu'elle  est  faite 

Pour  tous  les  tendrons 

Des  environs. 
Rendez-le  je  vous  prie. 
CHÉRUBIN  ,  menaçant.  On  ne  l'aura  qu'avec  ma  vie  ! 
SUZANNE.  Prenez  »iii  air  plus  doux  , 

Je  n'ai  pas  peur  d'un  homme  tel  que  vous! 
ENSEMBLE.  Monsieur  ,  je  vous  en  prie  , 

Rendez-moi  ce  ruban  , 
Rendez.    .  ou  bien  je  crie.  •  • 
1/6  petit  garnement. 
CHÉRUBIN.  Suzanne,  je  t'en  prie,  etc.,  etc. 

Si  tu  n'es  pas  contente  du  prix  ,  j'y  joindrai  mille  baisers  I  (  //  lui 
donne  la  chasse  ii  son  tour  ). 

Suzanne.  Mille  soufdels ,  si  vous  approchez...  je  vais  m'en 
plaindre  à  ma  maîiresse  ;  et  loin  de  supplier  pour  vous  ,  je  dirai 
moi-même  à  Monseigneur.  .  .  c'est  bien  fait  ,  Monseii^neur  , 
chassez-nous  ce  petit  voleur  ;  renvoyez  à  ses  parens  un  petit  mau- 
vais sujet  qui  se  donne  les  airs  d'aimer  Madame. . .  et  qui  veut 
toujours  in'embrasser  par  contre-coup. 

Chérubin,  voyant  le  Comte  paraître,  se  jette  derrière  k  fauteuil. 
(  Avec  effroi  ),  Je  suis  perdu  ! 

SCÈNE  IX. 

SUZyVNNE  ,  LE  COxMTE  ,  CHÉRUBIN  ,  caché. 

Suzanne,  apperce\>ant  le  Comte.  Ahl..  (/'7/c  s'approche  du 
fauteuil  pour  masquer  Chérubin  ). 

Le  Comte.  Tu  es  émue,  Suzon!..  tii  parlais  seule;  et  ton 
petit  cœur  paraît  dans  une  ap;ltation.  ..  bien  pardonnable  ,  au 
reste,  un  jour  comme  celui-ci  I 


(9) 

Suzanne.  Monseigneur...  que  me  voulez- vous  i'  .  si  l'on 
vous  trouvait  avec  moi.  . . 

Le  Comte,  Je  serais  désolé  qu'on  m'y  surprit!  mais  tu  sais 
tout  l'inlérêt  que  je  prends  à  toi.  .  .  on  ne  t'a  pas  laissé  ignorer 
mon  amour.  . .  js  n'ai  qu'un  instant  pour  t'expliquer  mes  vues, 
écoute.  (  Jl  s  assied  dans  le  fauteuil). 

SuzA>NE  ,  vii>ement.   Je  n'écoute  rien.  .  . 

Le  Comte  ,  lui  prenant  la  main.  Un  seul  mot  !..  si  (u  voulais 
te  rendre  ce  soir  au  jardin  ? 

Fior.ELLO  ,  en  dehors.  Il  n'est  pas  chez  hù  ,  Monseigneur  !" 

Le  Comte  ,  se  levant.   Quelle  est  celle  voix  ? 

FiORELLO  ,  crie  en  dehors.  Monseigneur  é!ait  chez  Madame.  . . 
je  vais  voir. .  . 

Le  Comte.  Et  pas  un  lieu  pour  se  cacher. . .  ah  !  derrière  ce 
fauteuil  I .  .  .  renvoie  le  bien  vite.  .  . 

Suzanne.  Ah  !  mon  Dieu  !..  (Le  Comte  veut  se  cacher  derrière 
le  fauteuil  ;  Suzanne  lui  barre  le  chemin  ,  il  la  pousse  doucement  ,•  elle 
recule  et  se  met  ainsi  entre  lui  et  Chérubin.  Mais  pendant  que  le  Comte 
s  abaisse  cl  prend  sa  place  ,  Chérubin  ,  tourne  ,  et  se  jette  effrayé  sur 
le  fauteuil ,  ii  genoux  .  et  s'y  blottit.  Suzanne  prend  la  robe  quelle 
apportait ,  en  couvre  le  page  ,  et  se  met  devant  le  fauteuil). 

SCÈNE  X. 

Les  Mêmes  ,  FIORELLO. 

FiORELLO,  entrant.  jS'auriez-vcus  pas  vu  monjci^ueur,  iiiadc- 
moiselle  ! 

SuSANNE,  brusquement.  Et  pourquoi  i"aurais-je  vu?.  .  bissez- 
moi  . .  . 

FiORELLO,  s  approchant.  Si  vous  éliez  plus  raisonnable  ,  il  nV 
aurait  rien  d'élonnanl  à  ma  quesîion .  .  .  C'est  Figaro  qui  le 
cherche  ! 

Suzanne.  11  cherche  donc  l'homme  qui  lui  veut  !e  plus  de  mal 
après  vous. 

FiORELLO.  Désirer  du  bien  à  une  femme,  esl-ce  vouloir  du 
mal  à  son  mari  :' 

Suzanne.  Non,  dans  vos  affreux  principes. . .  qui  vous  permet 
d'entrer  ici  P 

FiORELLO.  Là.  .  .  là  ;  mauvdisi;.  . .  Dieu  vous  appaise!.  .  .  Il 
n'en  sera  que  ce  que  vous  voulez...  mais  ne  croyez  pas  non 
plus  que  je  regarde  INI.  Figaro  comme  robsiacle  qui  nuis  à  mon- 
seigneur. .  .  Et  sans  le  petit  page... 

Suzanne.  Don  Chérubin...  quel  imposlure  !  Allez-vous  en,  mé- 
chant homme. 

FiORELLO.  On  est  un  méchant  homme  parce  qu'on  v  voit  clair. 
!N'est-ce  pas  pour  vous  aussi  cetie  romance  dont  le  pelit  page  fait 
mystère  ? 

Suzanne,  en  colère.  Ah!  oui,  por:r  m.oiî 

FiORELLO.  A  moins  qu'il  ne  l'ait  composée  prnr  iviodame. 

Le  COMTE,  sr  levant.    Pour  mn.i.inu-  1 


(    'o) 

Si:zAis>E.  Ah!  cid  ! 

FioRELLO.  Ah  !  ah  ! 

Le  C03ITE  ,  se  montrant  (  à  Fiorello.  )  Courez ,  et  qu'on  le 
chasse. 

FiORELLO.  Ah  !  que  je  suis  fâché  d'être  entré. 

Suzanne,  troublée.  Mon  Dieu!.,  mon  Dieu!.  . 

Le  comte.   Kl!e  est  s^aisie!.  .  asseyons-là  dans  ce  fauleuil!-  . 

SuzAKNE,  le  repoussant  owement  .Je  ne  veux  pas  nï'asseoir. .  . 

Le  comte.  Cinquante  pisloles,  un  cheval ,  et  qu'on  renvoie  le 
page  à  ses  parens.  . 

Fîor.ELLo.  I\lor!seigneur...  pour  un  badinage. 

Le  f  oaiTE.  Lu."  pciil  libertin  que  j'ai  surpris  encore  hier  avec 
la  fi  ie  '!u  jarJinier. 

FiouELLo.  Avec  Fanclieîle  ? 

Le  Comte.  Et  dans  sa  chambre... 

ScZANîiE  ;  outrée.  Où  monseigneur  avait  sans  doute  aff;ure 
aussi!.. 

Le  Comte  ,  gaîmenl.  .T'en  aime  la  remarque  ,  non  ;  j'allais 
chercher  ion  oncle  Antonio,  mon  ivrogne  de  jardinier,  pour 
lui  doimer  des  orfircs...  Je  frappe;  on  csi  long-temps  à  m'ouvrir; 
ta  cousine  a  l'air  embarrassée...  Je  prends  un  soupçon  ;  je  lui 
parle;  cl  tout  en  causant,  j'examine...  Il  y  avait  derrière  la  porle 
uîic  espèce  de  rideau,  de  porle-manleau  ,  de  je  ne  sais  pas  quoi 
qui  couvrait  des  bardes  ;  sans  faire  semblant  de  rien  ,  je  vais  dou- 
cement ,  doucement  le\er  le  ritîeau  {pour  imiter  le  geste  ,  il  lève  la 
robe  qui  est  sur  le  fauteuil  ) ,  et  je  vois  {apercevant  Chérubin).  Ah!.. 

QUATUOR. 

(^'est  le  page  ,  c'est  le  bon  apôlre  , 
J'en  conviens  ,  ce  lour-ci  vaut  bien  l'antre. 
FIORELLO.  1!  vaut  mieux  : 

SUZANNE,  LE  COMTE  ,   FIORELLO.  C'cbt  affreux  ! 

LE  CdMTE  ,  à  Suzanne.  Ainsi  donc  je  vous  trouve  cnscmhle. 

CHÉRUBIN.  Ail  !  de  frayeur  je  suis  transi  ! 

LE  COMTE.  Libertin  !..  que  faites-vous  ici  ? 

CHÉRUBIN.  Monseigneur,  je  tremble. 

ENSEMBLE. 

LE  COMTE  ,  FIORELLO.  C'est  le  page  ,  c'est  le  bon  apôtre,   etc. 

SUZANNE  ET  CHÉRUBIN.  C'est  le  page  ,  tjut  I  sort  est  le  nôtre  , 

Innocens,  nous  tremblons  l'un  et  l'autre. 
Ah  !  grands  Dieux c'est  alTrfUX  ! 

Ll  Comte,  à  Suzanne^  à  merveille  ,  mademoiselle;  h  peine 
fiancée  ,  vous  faites  de  ces  apprcis  !..  -  c'était  pour  rccevuir  mon 
page  que  vous  désiriez  cire  seule!.  .  («  C  héruLin).  Et  vous  ,  mon- 
sieur ,  qui  ne  changez  pas  de  conduite,  il  vous  mancpiait  de  vous 
adresser  ,  sans  respect  pour  votre  marraine  ,  à  sa  première  camc- 
risle  ,  à  la  femme  de  votre  ami  !.  .  mais  je  ne  souffrirai  pas  que 
Figaro,  qu'un  homnie,  que  j'estime  et  que  j'aime,  soit  victime 
d'une  pareille  tromperie. 

Suzanne,  outrée ,  11  n'y  a  ni  tromperie,  ni  victime  :  il  était  1.^ 
lorsque  vous  me  parliez.  .  .  il  nie  priait  d'engager  madame  à  vous 
demander  sa  gr.^ce.  .  .  voire  arrivé»'  Ta  si  ferl  troublé,  qu'il  s'est 
masqué  de  ce  fauteuil. 


(  II  ) 

Le  Comte,  en  colère.  Ruse  «r^nfcr  ! .  .  je  m'y  suis  assis  en  en- 
Iranl  ! 

Chérubin,  Umidemeni.  Hélas!.,  monseigneur.  .  j'étais  trem- 
hlant  derrière. 

Le  Comte.  Autre  fourberie,  je  viens  de  m'y  placer  moi- 
même. 

CiiERUBliS! ,  toujours  dons  le  fauteuil .  Pardon  ;  mais  c'est  alors 
que  je  me  suis  Ijlntli  dedans. 

Le  Comte,  plus  outré.  C'est  donc  une  couleuvre  que  ce  petit... 
serpent-là.  . .  il  nous  écoulait  ! 

Chérubin.  Au  contraire  ,  monseigneur,  j'ai  fait  loul  ce  que  j'ai 
pu  pour  ne  rien  entendre. 

Le  Comte.  O  perfidie  !  {à Suzanne)  Tu  n'épouseras  pas  Figaro! 

FlORELLO  ,  bas  au  Comte.  Monseigneur  ,  on  vient! 

Le  Comte  ,  tirant  Chérubin  du  fauteuil  et  le  mettant  sur  ses  pieds.  11 
resterait  là  devant  toute  la  terre. 

SCÈNE  XL 

CHÉRUBIN,  SUZANNE,  LE  COMTE,  FlORELLO,  LA 
COMTESSE,  FIGARO,  Valets 

Figaro,  d  la  cantonnade.  Entrez,  entrez  ,  mes  acnis. 

Chœur  des  villageois  en  entrant. 

\W  monseigneur, 
.\h  '  quel  beau  jour  pour  nous  commence  , 
La  justice  de  ninnseigneur  , 
Des  fenunes  protc-fj'  l'inrocence. 
lit  rend  aitx  maris  le  bonheur. 
Vis'  nionieigneur. 

FfOARO  ,  tlerd  une  toque  de  femme .,  garnie  de  plumes  blanches  et 
de  rubans  blancs  et  parlant  à  la  Comtesse.  Il  n'y  a  que  vous,  madame, 
qui  puissiez  nous  obtenir  celle  faveur. 

La  Comtesse.  Vous  le  voyez,  monsieur  le  Comte,  ils  me 
supposent  un  crédit  que  je  n'ai  pas  ;  mais,  comme  leur  demande 
n'tst  pas  déraisonnable.  . 

Le  Comte  ,  à  Figaro.  Que  voulez- vous  : 

FlOARO,  jMonseigneur,  touché  de  raboliti'm  d'un  certain  droit 
fâcheux  que  votre  amour  pour  madame... 

Le  Comte.  Eh  bien  !..  ce  dioil  n'exlsie  plus...  que  veux-îu  dire.'' 

Figaro.  Pernjettez  que  celte  jeu:;e  créature,  de  qui  voire  sa- 
gesse a  préservé  1  honneur,  reçoive  de  votre  main  publiqueinent 
la  loque  virginale  ,  ornée  de  plumes  et  de  rubans  blancs. 

Suzanne  a\,>ec  intention.  wSymbole  de  la  pureté  de  vos  intentions.. 

ÏjE  Comte.  {^  à  part).  La  perfide! 

Figaro.  Regardez-la  donc  ,  monseigneur,  jamais  plus  jolie 
fiancée  ne  montrera  mieux  la  grandeur  de  voire  sacrifice. 

Suzanne.  Laisse-là  ma  figure,  et  ne  vantons  que  la  vertu  de 
monseigneur. 

Le  Comte,  {àpaii).  Ma  vertu  1  c'est  un  jeu  que  tout  ceci,  {haut 
et  Figaro).  IMais  il  existe  un  obstacle  à  ton  mariage.. .  MACceline 


(  12  ) 

veut  plaider  contre  toi ,  et  Bridoison,  lieutenaut  du  sicge,  est  déjà 
ici  pour  fc  juger. 

Figaro.  Mais  la  piaifcnanJc  n'y  est  pas  encore,  et  tout  prouve 
qu'elle  ne  veut  pas  continuer  ses  poursuites, 

La  Comte.ss£.  Je  me  joins  à  eux,  monsieur  le  Comte;  et  cette 
cércmonio  me  sera  toujours  chère  ,  puisqu'elle  doit  son  motif  à 
l'amour  cha;':nant  que  vous  aviez  pour  moi.,. 

Le  Comte.  Que  j  ai  toujours,  madame  ,  et  c'est  à  ce  titre  que 
je  me  rends. 

Tous,  Avivât  ! 

Le  Comte,  {à part).  Je  suis  pris!  {haut).  Pour  que  la  cérémo- 
nie eut  un  peu  plus  d'éclat ,  je  voudrais  qu'on  la  remit  à  tantôt,.. 

Figaro  à  Chérubin.  Eh  bien!  espiègle,  vous  n'applaudissez 
pas  ! 

Suzanne  à  Figaro.  Il  est  au  désespoir  !  {à  la  Comtesse). 
Monseigneur  le  renvoie. 

La  Comtesse  au  Comte.  Monsieur ,  je  demande  sa  grâce. 

Le  Comte.  Il  ne  la  mérite  point... 

La  (Comtesse.  Hélas  ! ...  il  est  si  jeune  .' 

Le  comte.   Pas  tant  qne  vous  le  croyez. 

Chérubin,  tremblant.  Pardonner  généreusement  n'est  pas  le 
droit  du  seigneur  auquel  vous  avez  renoncé  en  épousant  madame... 

Suzanne,  avec  intention.  Si  monseigneur  avait  cédé  le  droit  de 
pardonner,  ce  serait  sûrement  le  premier  qu'il  voudrait  racheter 
en  secret. 

Le  comte  ,  embarrassé.  Sans  doute  !  — 

La  comtesse.  Eh!  pouripioi  le  racheter.'' 

Chérubin,  au  comte.  Je  lus  léger  dans  ma  conduite,  il  est  vrai, 
monseigneur;  mais  jamais  la  moindre  indiscrétion  dans  mes  pa- 
roles. .  . 

Le  comte,  embarrassé.   Eh  hien!  c'est  assez! 

Figaro,  à  Suzanne.  Oa"cnlcnd-il? 

Le  Comte  ,  oi\:>cmcnl.  C  est  assez.  .  .  c'est  assez.  .  .  tout  le  monde 
exige  son  pardon  ;  je  l'accorde ,  et  j'irai  plus  loin  :  je  lui  donne  une 
compagnie  dans  ma  légion. 

Tous.  Vivat  ! 

Le  comte.  Mais  c'est  à  condition  qu'il  partira  sur-le-champ 
pour  rejoindre  eu  Catalogne. 

Figaro.  Ah!  monseigneur  ,  demain. 

Le  comte  ,  insiste.  Je  le  veux  ! 

Figaro,  bas  a  Chérubin.  Vous  resterez! 

Chérubin  ,  fïM  fom/^.  J'obéis! 

Le  COMTE.  Saluez  votre  marraine,  et  demandez  sa  proleclion. 
(  Chérubin  met  un  genou  en  terre  devant  la  comtesse  ,  et  ne  peut  parler   ) 

La  COMTESSE  émue.  Puisqu'on  ne  peut  vous  g  irdcr  seulement 
aujourd'hui,  parl<?z,  jeune  homme.  .  .  un  nouvel  état  vous  ap- 
pelle. .  .  allez  le  rcujplir  dignement.  .  .  honorez  votre  bienfaiteur  ; 
souvenez-vous  de  cette  maison  où  votre  jeunesse  a  trouvé  tant 
d'indulgence;  soyez  soumis,  honnête  et  brave  ,  nous  prendrons 
part  à  vos  succès.  (  Chérubin  se  rclhe  et  retourne  à  sn  place-  ) 


(  .3  ) 
SCÈNE  XII. 

Les  MEMES,  FAiSCHETTE;  ensuite  BRIDOISON. 

Fancuettë,  accourant.  Monseigneur!  monseigneur!  Marceline 
est  arrivée  ! 

Le  comte.  Marceline  ! 

Figaro  {à  part.  )  Allons,  elle  vient  me  rc'clamer. 

SuzAN^^E.  Qu'est-ce  qu'elle  veut,  Fanchelle.'* 

Fa>'ciietie.  Je  ne  sais  pas.  . .  mais  le  docteur  Barlholo  la  sui- 
vait. .  .  tous  deux  ont  parlé  à  M.  Bridoison. .  .  et  Marceline  disait: 
Figaro  est  un  montre  bien  aimable. 

Figaro.  Ah!  ah! 

Fanchette  continuant.   C'est  mon  cousin. 

Le  comte,  lui  prenant  le  menton.  Oui,  cousin.  .  .  futur. 

Fanchette,  montrant  Chérubin.  Monseigneur  ,  nous  avez-vous 
pardonné  d'hier.'' 

Le  comte.  Bonjour,  bonjour,  petite. 

Figaro.  Elle  veut  troubler  noire  fèîe. 

Le  comte  (à  part.  )  Elle  la  troublera  ,  je  t'en  réponds  I 

Bridoison  ,  en  dehors.  On  va  ouvrir  l'audience  ! 

Le  comte  {haut.  )  Eh  !  voilà  don  Gusman  de  Bridoison.  (.-i  Bri- 
doison qui  entre.  Eh  bien  !  don  Gusman  de  Bridoison!...  qu'y 
a-t-il  de  nouveau  ?.  .  .  dites  bien  vite. 

Bridoison.  Mon. . .  on. .  .  on.  .  .  onseigneur   . . 

Le  comte.  Tous  n^'en  finissez  pas. 

Bridoison.  Mon. . .  on. . .  seigneur,  c'est  que  je  veus  me  dé- 
pêcher. 

Le  comte.  Eh  bien  !  je  vais  parler  pour  vous.  •  .  Marceline  est 
ici ,  et  vous  venez  me  chercher  pour  présider  l'audience. 

Bridoison.  Et  pou.  . .  our  savoir  d'avance  qui  doit  gagner  le 
procès. 

Figaro.  Ah!  monseigneur. 

Suzanne.  Monseigneur  ne  sera  pas  contre  moi .'' 

La  comtesse.  Monsieur  le  comte  ,  si  mon  crédit. .  . 
.Le  comte.  Oh!  madame,  dans   une  pareille  circonstance,    la 
justice  doit  passer  avant  tout  ;  {regardant  Suzanne)  cependant  Fi- 
garo peut  gagner.  . .  Allons  monsieur  le  conseiller...  allons  juger. 

Bridoison.  Co.  . .  omme  vous  voudrez,  monseigneur! 

Le  comte  à  Chérubin.  Et  vous,  monsieur  l'officier. . .  soyez 
prêt  à  monter  à  cheval  ;  on  va  vous  expédier  votre  brevet...  em- 
brassez Suzanne  pour  la  dernière  fois.  (  Le  comte  sort  avec  la  corn- 
tesse  et  Bridoison.  ) 

Figaro  arrêtant  le  pa^e  qui  va  embrasser  Suzanne.  Pourquoi  cela .'' 


(  '4  ) 

il  viendra  ici  passer  ses  hivers,  liaise-mol  do!)c  aussi  ,  capitaine  ; 
a<lieii,  mon  petit  (Jhéruijin  :  tu  vas  mener  un  train  de  vie  bien  dif- 
férent, mon  enfant.  Dam  !  lu  ne  rôderas  plus  tout  le  jour  au  quar- 
tier des  femmes.  Plus  d'échaudés,  de  goûtés  à  la  crème;  plus  de 
main  chaude,  ou  de  colin-maillard.  De  bon  soldais ,  morbleu  ! 
basanés,  mal  velus  ;  un  grand  fusil  bien  lourd  ;  tourne  à  droite  , 
tourne  à  gauche. 

FINALE. 

En  avant,  dans  fa  nohle  carrière 
Le  bonheur  suit  le  plus  teme'raire  ! 
Songe  bien  qu'un  vaillant  militaire, 
Ne  connail  ijue  le  sûu 
Du  ranon. 
Ferme  au  poste  ,  en  bravant  la  mitraille 
Sans  regrets  va  d'estoc  et  de  taille 
Car  jamais  sur  le  champ  de  balaillc  , 
On  n'a  tort 
Quand  on  est  le  plus  fort. 

ENSEMBLE. 

En  avant  dans  la  noble  carrière,  etc. 
CHERUBIN.  Oui,  je  vtux  marclier  à  la  gloire  , 

Et  dans  l'ardeur  ijue  je  sens  là. 
lifgarilant  Suzanne.     Mes  amis,  je  voudrais  de'jà 

Etre  à  ma  première  victoire. 

ENSEMBLE. 

LES  HOMMES.  Quel  nobic  l'iau 

Qu'il  est  vaillant. 
LES  FEMMES.  Le  pauvre  enfant 

Il  est  chnrmant! 
tUtRUBiN.  Ah!  je  suis  sans  eflroi 

Ne  tremblez  pas  pour  moi. 
Il  i-evicndia  , 
Le  page  (pii  s'en  va  , 
Loin  de  ces  lieux  l'honneur  veut  qu'il  s'tîance  ; 
Mais  il  ne  peut  gémir  de  son  absence  ; 
Pendant  ce  temps  fillette  grandira.  . 
Il  reviendra  ! 
Il  reviendi-a ! 
[^Mettant  la  nioin        Ce  doux  espoir  est  là  ! 
sur  son  eatir  )       .Taloux  ,  liez  de  voir  partir  le  page  ! 
lieposez-vi)us  et  reprenez  courage  : 
Ne  dormez  pas  trop  long-tcn'ps  pour  cela 
Il  re\  iendra  ! 
TOUS.  I\/arrlie  à  la  gloire, 

y\  la  victoire  , 
Qu'il  est  vaillant  , 

Quel  noble  élan  !  ' 

cnihvuBiN.  Tout  à  la  gloire  , 

A  la  victoire. 
Je  veux  pourtant 
Etre  galant. 
fiGAno  f)cnd(int  cet  rnsrinhlr  reprend  h  premier  rnolif. 
En  avant  dans  la  n(iblc  carrière  ,  etc. 


C  .5  ) 

ACTE  DEUXIÈME. 

Le  Théâtre  reprcsente  un  salon  richement  meuble'.  De  ginncls  rideaux 
masquent  la  porte  donnant  enlre'e  dans  la  galerie  fjui  se  trouve  au  fond. 
A  droite  est  une  porte  donnant  dans  l'appartement  des  femmes;  au  pre- 
mier plan  celle  d'entre'e;  au  deuxième  plan,  à  gauche,  la  porte  de  la 
chambre  de  !a  comtesse;  à  côte,  une  fenêtre  donnant  sur  le  potager. 

SCÈNE  PREMIÈRE. 

LA   COMTESSE  ,   SUZANNE.   {Elles   entrent  par   la  porte  à 

gauche.  ) 

La  comtesse.  Ferme  la  porte,  Suzanne!..  (Susanne  la  ferme). 
Eh  bien  !  Figaro  a  donc  gagné  sa  cause? 

Suzanne.   Et  la  mienne  aussi,  madame  ,  puisque  je  l'épouse. 

La  Comtesse.  Et  la  rivale  Marceline!' 

Suzanne.  Blarccline  devient  ma  belle-mère  ,  puisque  mon 
Figaro  se  troure  êire  son  fils. 

La  comtesse.  Et  le  comie? 

Suzanne.  II  était  furieux...  car  il  n'a  plus  de  prétexte  pour  dif- 
férer la  cérémonie  de  mon  mariage. 

La  Comtesse.  II  ne  m'aime  plus  «lu  tout  ! 

Suzanne.  Pourquoi  donc  esi-il  si  jaloux  ? 

La  comtesse.  Comme  tous  les  maris  ,  ma  chère...  uniquement 
par  orgueil... 

Suzanne.  Alors  son  orgueil  va  être  mis  à  de  rudes  épreuves  ! 
car  Figaro  vient  de  faire  rendre  à  mon  maître  à  chanter  un  billet 
inconnu,  par  lequel  monseigneur  est  averii  qu'un  galant  doit  cher- 
cher à  vous  voir  aujourd'hui  pendant  le  bal. 

La  Comtesse.  Mais  c'est  se  jouer  de  la  vérité. 

Suzanne.  Figaro  prétend  qu'il  n'y  a  que  ce  moyen  de  forcer 

monsieur  le  comte  à  rentrer  dans  ses  possessions L'heure 

du  mariage  arrive  ,  et  jamais  il  n'osera  s  y  opposer  devant  madame. 
D'ailleurs,  pour  lever  tous  les  obstacles  ,  Figaro  veut  encore  que 
je  fasse  dire  à  monseigneur  que  je  me  rendrai  sur  la  brune  au 
jardin. 

La  Comtesse,  vivement.  Figaro  veut  que  tu  t'y  ren*les  ? 

Suzanne.  Point  du  tout. .  .  Nous  faisons  prendre  mes  habits  à 
quelqu'un  .  •  Surpris  par  nous  au  rendez-vous  ,  M.  le  Comte 
n'aura  rien  à  nous  refuser. 

La  comtesse.  Mais,  à  qui  donner  tes  habits.'' 

Suzanne.  A  Chérubin! 

La  COMTE.SSE.  Chérubin.  .  .  il  est  parti! 

Suzanne.  Oh  bien  ouil  .  est-ce  qu'il  peut  quitter  comme  cela 
des  lieux  embellis  par  sa  noble  marraine!"  Ilny  a  pas  eu  moyen 
de  le  faire  mettre  en  roule.  .  •  (  L'imitant:  ;  »  Ma  marraine  par- 
u  ci.  . .  Je  voudrais  bien  ,  par  l'autre.  . .  »  Encore  ce  malin:  ii 
a  aperçu  voire  ruban  de  nuit  que  je  tenais. . .  il  s'est  jeté  deîsus. 

La  comtesse  souriant.  Mon  ruban! .  .  quelle  enfance! 

Suzanne.  J'ai  voulu  le  lui  ôter.  .  .  mais  c'était  un  lion. .  . 


(  i6  ) 

Air  de  Madame  Albert. 
Rendez  ce  ruban  je  vous  prie  ,  Vous  savez  effrayer  son  âme  , 

Riais  il  m'a  dit ,  loin  d'y  penser  :  Mais  moi,  j'ai  beau  le  menacer 

«  Tu  ne  l'auras  cju'avec  ma  vie!»  Parce  fju'ii  a  peur  de  madame, 

J'ai  mieux  aime  le  lui  laisser-..  11  voudrait  toujours  m'embrasser. 

(  On  entend  frapper  à  la  porte.  ) 

La  comtesse.  On  frappe! 

Suz\^NE.  C'est  sans  doute  lui,  que  Figaro  nous  envoie  pour 
que  nous  l'habillions.  .  .  nous  lui  ferons  chanter  sa  romance.  (^Elle 
ça  ouvrir.  ) 

SCÈNE  IL 

LES   MÊMES.    CHÉRUBIN. 

Suzanne  ,  h  la  porte.  Entrez  ,  monsieur  l'officier  ;  on  est 
visible. 

Chérubin,  dun  air  câlin.  Ah!  que  ce  nom  m'afflie;c!  Il 
m'apprend  qu'il  me  faut  quitter  une  marraine...  si  bonne  ! 

Suzanne.  Et  si  belle! 

Chérubin  ,  soupirant.  Oh  I  oui  I 

Suzanne,  limitant.  Oh  !  oui  .  .  le  bon  apôtre  ,  avec  ses  lon- 
gues paupii^res  hypocrites..  .  allons,  bel  oiseau  bleu,  chantez  la 
romance  à  Madame. 

La  Comtesse  ,  déployant  la  romance.  De  qui ,  dit-on  ,  quelle 
csl? 

Suzanne.  Voyez  la  rougeur  du  coupable. 

La  Comtesse  ,  ii  Suzann':.  Prends  ma  guitare  ,  (  ii  Chérubin  ) 
chantez-là.  .     elle  vous  accompagnera. 

Chérubin.  Ah  !  je  suis  bien  tremblant  1. . 

Suzanne.  Chantez  toujours,  mauvais  sujet.  {La  Comtesse, 
assise  ,  tient  le  papier  pour  sia\'rc.  Suzanne  ,  est  derrière  son  fauteuil , 
et  prélude  en  regardant  In  musique  par-dessus  sa  maîtresse  ;  le  page  est 
devant  elle  ,  les  yeux  baissés.  Ce  tableau  est  juste  ,  la  belle  estampe 
d'après  Vanloo  ,  appelée  la  Conversation  Espagnole). 

CHÉRUBIN. 
Air  de  Mozart. 

Mon  cœur  soupire ,  Me  sens  transir  , 

La  nuit  le  jour  Je  veux  me  plaindre 

Qui  peut  me  dire  De  mes  tourmens  , 

Si  c'est  d'amour?  Mais  comnient  peindre 

A  ma  marraine  Ce  que  je  sens  ? 

Si  je  l'osais  ,  Ce  qu'il  iiiut  dire 

Ma  vive  peine  ISe  le  sais  plus  , 

Raconterais.  Je  me  retire  , 

Quand  je  m'avance  ,  Triste  et  couliis. 

Pour  lui  parier  ,  INIon  âme  est  pleine 

Mon  coeur  cnmmeiire  O'un  doux  languir  , 

Par  se  troubler  ;  Est-ce  ;mc  peine? 

Flamme  siibilc  Est-ce  un  ])laisir  ? 

Vient  me  saisir  ,  Mon  cœur  soupire,  etc. 
Puis  tout  de  suite  , 

Suzanne.  Trè.s-bien ,  ntonsictn'  le  Ircmbleur!..  Ah  I  ça,  Fi- 
garo vous  a-l-il  dit  ;'.  . 


(  »7  ) 

CeÉaUBm.  11  m'a  pr<îy«iu  de  tout. 

Suzanne  ,  se  mesurant  avec  lui.  11  est  de  ma  grandeur  ,  à  peu 
près.  {Elle  ôte  le  manteau  de  Chérubin  ). 

La   Comtfsse.  Si  l'on  survenait  ?. . 

Suzanne,  Est-ce  que  nous  faisons  du  mal  P  Je  vais  fermer  la 
porte. . .  c'est  la  coiffure  que  je  veux  voir. 

La  comtesse  ,  à  Suzanne.  Sur  ma  toiietle  ,  une  baigneuse  à 
moi.  (  Suzanne  va  dans  la  chambre  de  la  Comtesse ).  (à  Chérubin  ). 
Jusqu'à  l'instant  du  Lai ,  le  Comte  ignorera  que  vous  soyez  au 
château  j  nous  lui  dirons  après  que  le  tems  d'expédier  votre  bre- 
vet ,  nous  a  fait  naître  l'idée. . . 

Chérubin  ,  tirant  un  papier  de  sun  sein.  Hélas  !  madame  ,  le 
voici. 

La  Comtesse  ,  regardant  le  brevet.  Déjà  !  ils  se  sont  tant  pres- 
sés ,  qu'ils  ont  oublié  d'y  mettre  le  cachet,  (elle  le  lui  rend). 

Suzanne  ,  rentrant  avec  un  bonnet  à  la  main.  Le  cachet  !  à  quoi .'' 

La  Comtesse.  A  son  brevet. 

Suzanne.  Quel  empressement  !  voilà  le  bonnet  î  (elle  s'assied 
près  de  la  Comtesse  ,  Chérubin  se  met  ii  genoux  ,  elle  le  coiffe  ,  et 
chante  ayant  des  épingles  dans  la  bouche  ). 

Mon  cœur  soupire 
La  nuit  le  jour. 

Ma'Jame  ,  il  est  charmant  ! 

La  Comtesse,  Arrange  son  collet  d'un  air  un  peu  plus 
féminin. 

Suzasne  ,  Tarrangeant.  Là  î  mais  voyez  donc  ce  morveux  , 
comme  il  est  joli  en  fille  !  j'en  suis  jalouse  ,  moi.  (  Elle  lui  prend  le 
menton  ),  voulez-vous  bien  ne  pas  être  joli  comme  ça  ! 

La  Comtesse.  Quelle  est  folle  !  qu'est-ce  qu'il  a  donc  au  bras  ? 
un  ruban  ! 

Suzanne.  C'est  le  vôtre. 

La  Comtesse  ,  regardant  le  ruhan.  Il  y  a  du  sang  ! 
Chérubin  ,  honteux.  Ce  matin,  comptant  partir,  j'arrangeais 
la  gourmette  de  mon  cheval  ;  11  a  donné  de  la  tête  ,  et  la  bossette 
m'a  effleuré  le  bras. 

La  Comtesse.  On  n'a  jamais  mis  un  ruban. 
Suzanne.  Et  sur-tout  un  ruban  volé  !  voyons  donc  le  mal  qu'a 
fait  la  bossette  ?  (  elle  regarde  son  bras),  ah!  qu'il  a  le  bras  blanc  ! 
plus  blanc  que  le  mien  ,  c'est  comme  une  femme  ! 

Chérubin  ,  se  levant.  Il  est  assez  fort  pour  porter  une  épée  ! 
La  Comtesse  ,  souriant.  Il  est  tout  fier  d'être  officier  I 
Suzanne.  C'est  un  si  bel  état  ! 

Rondeau. 
Vive  ,  vive  le  militaire  i 
Qu'il  est  doux  après  la  guerre  , 
A  la  belle  de  son  cœur  , 
De  se  présenter  en  vainqueur  ! 
D'une  noble  et  douce  maîtresse, 
On  emporte  le  souvenir  , 
Et  son  image  que  l'on  presse  , 
Vers  le  danger  nous  fait  courir  ; 


(   t8  ) 

On  prpnd  remparts  cl  ciladelies  , 
Enfin  après  avoir,  dans  vingt  combats  , 

Cueilli  des  palmes  immortelles  , 
On  est  bi«in  sûr  de  triompher  des  belles  , 
\  moins  (ju'on  n'en  revienae  pas. 
Vive  ,  vive  le  militaire,  etc.. 
La  Comtesse.  Suzanne  ,  va  lui  chercher  un  de  tes  hallis  ,  et 
prends  le  ruban  d'un  autre  bonnet.  {Suzanne  pousse  en  riant ,  la  tête 
de  Chérubin  ;  il  tombe  sur  ses  deux  mains ^  elle  entre  dans  sa  chambre  , 
emportant  le  manteau  du  page  ). 

scènf:  m. 

LA  COMTESSE  ,  CHÉRUBIN. 

Chérubin  ,  les  yeu%  baissés.  Celui  qui  m'est  ôté  ,  m'aurait 
guéri  en  moins  de  rien  !  (  on  frappe  à  la  porte  ). 

La.  Comtesse  ,  élevant  la  voie.   Qui  frappe  ainsi  chez  moi  ? 

Le  Com  te  ,  en  dehors.   Pourquoi  donc  enfermée  ? 

La  Comtesse  ,  effrayée.  C  est  mon  époux  !  grands  dieux  !  (  à 
Chérubin  ,  qui  s  est  le^^é  en  tremblant^.,  seul  avec  moi  !..  cet  air  de 
désordre.  .  .  un  billet  reçu.  .  .  sa  jalousie  ! 

Le  Comte,  en  dehors.  Vous  n'ouvrez  pas  .'' 

La  Comtesse.  C'est  que. . .  je  suis  seule. .  . 

Le  Comte  ,  id.  Seule  !  avec  qui  parlez-vous  donc  ? 

La  comtesse.  Avec  vous,  sans  doute  ? 

Chérubin.  Après  ce  qui  est  déjà  arrivé ,  il  me  tuerait  sur  la 
place.  (  Il  court  à  la  chambre  de  la  comtesse,  y  entre  ,  et  tire  lu  porte 
sur  lui.  ) 

La  comtesse.  Et  vite  !  et  vite  !  (  Elle  été  la  clef  de  sa  chambre  et 
court  oui'rir  au  comte.  ) 

SCÈNE  IV. 
LE  COMTE,  LA  COMTESSE. 

Le  comte  entrant.  Vous  n'êtes  pas  dans  l'usage  de  vous  enfer- 
mer? 

La  comtesse  troublée.  Je  chiffonais  avec  Suzanne  ;  elle  est  pas- 
sée un  moment  chez  elle. 

Le  comte  l'examinant.  Vous  avez  l'air  et  le  ton  bien  altérés. 

La  comtesse  cherchant  à  se  remettre.   Moi  ! .  .  .  vous  croyez  ? 

Le  comte  /;//  montrant  une  lettre  omyerle.  Tenez  ,  regardez  ce  bil- 
lot qu  on  vient  de  aie  remettre.  (//  examine  la  comtesse  tandis  qu'elle 
lit.) 

La  comtesse  {après  awir  regardé  la  lettre  ,  à  part.  )  Ciel!  c'est 
celui  que  Figaro  lui  a  envoyé  !  {haut.  )  Je  ne  conçois  pas.  .  .  je 
n'ai  vu  ici  personne...  (  O/i  entend  le  brait  d  un  meuble  que  le  page 
fait  tondjer  dans  la  rhandjre.  ) 

Le  comte.  Quel  bruit  entends-je  .^  on  a  fait  tomber  un  meuble! 

La  comtesse.  Je...  je  n'ai  rien  entendu. 

Le  comte.  11  faut  que  vous  soyez  furieusement  préoccupée  !  il  y 
a  quelqu'un  dans  yolre  chambre  ,  madame! 


(  '9) 

La  comtesse.  Qui  voulez-vous  qu'il  y  ait ,  monsieur? 

Le  comte.    C'est  moi  qui  vous  le  demande  ;  j'arrive. 

La  comtesse.  Eh!  mais..   Suzanne  apparemment  qui  range.  .  . 

Le  comte.  Vous  avez  dit  qu'elle  était  passée  chez  elle... 

La  comtesse,  C  est  que  j'aurai  mal  observé. 

Le  COMTE.  Si  c'est  Suzanne,  d'où  vient  le  trouble  où  je  vous 
vois  ? 

La  comtesse.  Du  trouble  !.„  pour  ma  femme-de-chambre  K.. 

Le  C031TE.  Pour  votre  femme-de-chambre  ,  je  ne  sais  ;  m.iis 
pour  du  trouble,  assurément. 

La  COMTESSE.  Assurément,  monsieur,  celle  fille  vous  trouble 
ei  vous  occupe  beaucoup  plus  que  moi. 

Le  COMTE.  Elle  m'occupe  à  tel  point,  madame,  que  ie  veux  la 
voir  à  l'instant  !  (  yîllant  à  la  parte  de  la  chambre  de  la  comtesse.  ) 
Sortez  ,  Suzanne  ,  je  vous  l'ordonne... 

SCÈNE  V. 

Les  MÊMES  ,  SUZANNE.  (  Elle  entre  par  la  porte  du  fond,  et  porte 
des  hardes;  elle  s'arrête  en  voyant  le  comte.  ) 

La  COMTESSE.  Elle  est  à  moitié  habillée.  .  .  elle  essayait  des 
robes  que  je  lui  donne  en  la  mariant  ;  elle  s'est  enfin'e  quand  elle 
vous  a  entendu. 

Le  COMTE.  Si  elle  craint  de  se  montrer,  du  moins  elle  peut 
parler...  l\épondez-moi,  Suzanne!  êtes-vous  dans  la  chambre  de 
la  comtesse?  Ç Suzanne  ^  restée  au  fond,  se  glisse  derrière  la^  dra- 
perie. •  ' 

La  COMTESSE,  çii>ement .,  parlant  vers  la  porte  de  sa  chambre. Sw- 
zanne!...  je  vous  défends  de  parler...  {aucomte. )On  n'a  jamais 
poussé  si  loin  la  tyrannie! 

Le  COMTE.  J'espère  savoir  dans  un  moment  qu'elle  est  celte 
Suzanne  mystérieuse...  vous  demander  la  clef,  serait,  je  le  vois  , 
inutile;  mais  il  est  un  moyen  sur...  holà!...  quelqu'un  i* 

La  comtesse.  Faire  un  scandale  public  d'un  soupçon  qui  nous 
rendrait  la  fable  du  château. 

Le  comte.  Fort  bien,  madame...  en  effet...  j'y  suffirai...  je 
vais  à  l'instant  prendre  chez  moi...  ce  qu'il  me  faut;  (il  va  pour 
sortir  et  revient)  mais  pour  que  tout  reste  au  même  état ,  vous  vou- 
drez bien  m'accompagner  sans  scandale  et  sans  bruit...  ah!  j'ou- 
bliais... la  porte  qui  va  chez  vos  femmes...  il  faut  que  je  la  ferme 
aussi.  (  Il  va  fermer  la  porte  du  fond  et  en  oie  la  clef.  ) 

La  comtesse  (à  part.)  Etourderie  funeste  I 

Le  comte  revenant  à  la  comtesse.  Maintenant  que  cette  chambre 
est  close,  acceptez  mon  bras,  je  vous  prie...  {Il  lui  donne  le  bras 
étev'intlavoijc.  )  Et  quant  à  la  Suzanne  du  cabinet,  il  faudra  qu'elle 
ait  la  bonté  de  m 'attendre ,  et  la  moindre  chose  qui  pui^sg  lui  ar- 
river à  mon  retour... 


(     20     ) 

La  comtesse.  En  rérité;  monsieur,  voilà  bien  les  plus  odieux 
soupçons. 

Le  COMTE.  C'est  possible,  madame;  mais  les  apparences...  (  // 
emmène  la  comtesse  ctfeime  la  porte  à  la  clef.  ) 

SCÈNE  VI. 

SUZANNE  ;  puis  CHÉRUBIN. 

Suzanne,  sortant  de  sa  cachette  ,  court  à  la  porte  de  la  comtesse. 
Chérubin!  Chérubin  !  ouvrez,  c'est  Suzanne! 

Chérubin  sortant  da  cabinet.  Ah!  Suzon  ,  quelle  horrible  scène  ! 

Suzanne.  Sortez,  vous  n'avez  pas  une  minute. 

Chérubin  effrayé.  Eh!  par  où  sortir.'' 

Suzanne.  Je  n'en  sais  rien;  mais  sortez. 

Chérubin.  S'il  n'y  a  pas  d'issue! 

Suzanne.  Après  la  rencontre  de  tantôt,  il  vous  écraserait... 
courez  conter  à  Figaro... 

Chérubin.  La  fenêtre  du  jardin  n'est  peut-être  pas  bien  haute. 

Suzanne.  Arrêtez...  un  grand  étage!...  il  va  se  tuer...  Ahl 
ma  pauvre  maîtresse  ! 

Chérubin.  Dans  un  gouffre  allumé,  Suzon!...  je  m'y  jetterais 
plutôt  que  de  lui  nuire...  ce  baiser  va  me  porter  bonheur!  [Il  C  em- 
brasse et  s  élance  par  la  fenêtre.  ) 

SviA'SViEjetfant  un  cri.  Ah  ! .  .  Celle  tombe  sur  une  chaise. ..  elle  se 
remet  peu  à  peu  et  regarde  A  la  fenêtre  ).  11  est  déjà  loin ...  ah  !  le  pe- 
tit garnement!  aussi  leste  que  joli...  si  celui-là  manque  de 
femme. .  prenons  sa  place  au  plutôt.  (  en  entrant  dans  la  chambre"). 
Vous  pouvez  à  présent,  monsieur  le  Roland  furieux  ,  rompre  la 
cloison,  si  cela  vous  amuse  ! ...  je  vous  attends.  (e/Ze  s^enjcrme). 

SCÈNE  VIL 

LE  COMTE,  LA  COMTESSE. 

Le  Comte  ,  une  pince  à  la  main.  Tout  est  bien  comme  je  l'ai 
laissé.  Madame  ,  encore  une  fois  voulez-vous  ouvrir  celle  porle  .'' 
(  il  fait  un  pas  ). 

La  Comtesse.  Arrêtez  ,  monsieur. . .  me  croyez-vous  capable 
de  manquer  à  ce  que  je  me  dois  ? 

Le  Comte.  Tout  ce  qu'il  vous  plaira ,  madame  ,  mais  je  verrai 
qui  est  dans  cette  chambre. 

La  Comtesse  effrayée.  Eh  bien!  monsieur,  vous  verrez... 
écoulez-moi. . .  tranquillement... 

Le  Comte.  Ce  n'est  donc  pas  Suzanne  f 

La  Comtesse,  timidement.  Au  n\o\ns...  ce  n'est  pas  non  plus 
une  personne...  dont  vous  deviez  rien  redouter...  nous  disposions 
une  plaisanterie...  bien  innocente...  pour  ce  soir...  cl  je  vous  jure.. 

Le  Comte,  Qui  esi-ce  donc  i' 

La  Comtesse  s' efforçant  de  sourire.  Un  enfant! 

Le  Comte.  Un  enfant! 

liA  Comtesse.  Ce  jeune . . .  Chérubin . . . 


(  21  ) 

Le  Comte  frappant  du  pied.  Je  trouverai  partout  ce  maudit 
page!...  pourquoi  n'est-il  pas  parti?  Tinsolent  !•..  voilà  mes 
soupçons  et  le  billet  expliqués.  Je  le  tuerai,  {a^ec  fureur  à  la  porte 
de  la  chambre^. 

La  Comtesse  lui  retenant  le  bras.  Ah!  monsieur,  votre  colère 
nie  fait  trembler  pour  lui...  vous  allez  le  trouver  dans  un  désordre. 

Le  Comte.  Un  désordre  ! 

La  Comtesse.  Hélas  !  oui  ;  prêt  à  s'habiller  en  femme...  une 
coiffure  à  moi  sur  la  tête...  il  allait  essayer... 

Le  Comte /«n'eux.  Ah!  c'en  est  trop  ! 

La  Comtesse  se  mettant  devant  lui  Eh  bien  !  tenez ,  tenez  , 
voilà  la  clé...  (  elle  la  lui  remet).  Mais  promettez-moi  de  laisser  al- 
ler cet  enfant,  sans  lui  faire  aucun  mal. 

Le  Comte.  Je  n'écoule  plus  rien.  .  (  //  »'«  ouvrir  la  porte). 

La  Comtesse  tombant  sur  un  fauteuil.  Oh  !  ciel  !..  il  va  périr  î 
(/«  Comte  ouvre  précipitamment;  Suzanne  paraît). 

SCÈNE  Vin. 

Les  mêmes,  SUZANNE. 
Le  Comte.  Sors  donc,  petit  malheureux  !..  (^Suzanne  se  présente). 
C'est  Suzanne 

La  Comtesse  se  retournant.,  aperçoit  Suzanne  et  exprime  à  la  fois 
t élonnement  et  r inquiétude.  Suzanne  ! 

TRIO. 

LE   COMTE  ,     confus. 

Je  ne  sais  plus  que  dire. 
SUZANNE.  Le  voilà  cet  amant  ! 

LA  COMTESSE  à  ^ar/.     A  peine  je  respire 

Et  quel  ctcnnement  ! 
SUZANNE  ,  à  part.  LE  COMTE  ,  à  part. 

Il  n'y  peut  rien  comprendre  ,  Je  n'y  puis  rien  comprendre  , 

Reprenons  mes  esprits  ;  Et  je  reste  surpris. 

Quand  il  croyait  le  prendre  ,  Quand  je  croyais  les  prendre  , 

l.ui  seul  se  trouve  pris.  C'est  moi  seul  qui  suis  pris. 

LA  COMTESSE  ,  à  part. 

Je  n'y  puis  rien  comprendre  ! 

Reprenons  nos  esprits  , 

Quand  il  croyait  me  prendre, 

Lui  seul  se  trouve  pris. 

Suzanne  riant.  Je  le  tuerai  !  je  le  tuerai  !  tuez-le  donc  ce  mé- 
chant page  ! 

Le  Comte  regardant  la  Comtesse  qui  est  restée  stupéfaite,  (à  part). 
Ah  !  quelle  école  !  (  haut).  Mais  peut-être  elle  n'y  est  pas  seule..  • 
(  //  entre  dans  la  chambre  ). 

SCÈNE  IX. 

LA  COMTESSE,  SUZANNE. 

Suzanne  bas  et  vi\>emeni  à  la   Com/ewe.  Remettez-vous ,  ma- 
dame !  il  est  bien  loin...  il  a  fait  un  saut. 
La  Comtesse.  Ah  '  Suzanne  !  je  suis  morte  !..  . 


(  »a  ) 

SCÈNE  X. 
LA  COMTESSR,  LE  COMTE,  SUZANNE. 

Le  ('oMTE  retenant  d  un  air  confus.  Il  n'y  a  personne  ,  et  pour 
le  coup  j'ai  lort.  {s' approchant  de  la  Comtesse.,  ijui  s'efforce  de  se  re- 
mettre). Quoi!  madame,  vous  plaisantiez  ? 

La  Comtesse  se  remettant  un  peu.  Eh  /  pourquoi  pas  ,  monsieur  ? 

Le  Comte.  Quel  cruel  badinage  •' 

Suzanne.  Madame  n'avait  qu'à  vous  laisser  appeler  ses  gens  ! 

Le  Comte  embarrassé  Tu  as  raison...  j'ai  tort,  à  la  Comtesse  ). 
Je  suis  d  une  confusion. 

Suzanne.  Avouez,  monseigneur,  que  vous  la  mériîez  un  per. 

Le  Comte,  Mais  quand  je  t'ordonnais  de  sortir  ? 

Suzanne.  Et  madame  ,  qui  me  le  défendait ,  avait  ses  raisons 
pour  le  faire .' 

Le  Comte.  Au  Hej  de  rappeler  mes  loris,  aide  moi  plutôt  à 
l'appaiser. 

La  Comtesse.  Non,  monsieur'  un  tel  outrage  ne  peut  se  par- 
donner. 

Le  Comte.  Par  piiié... 

JjA  Comtesse    \  ous  n'en  aviez  aucune  pour  moi. 

Le   Comte,  JMais  aussi  ce  billet. . .  il  m'a  tourné  le  sang. 

La  comtesse,  .le  n'avais  pas  conseillé  qu'on  l'écrivit. 

Le  Comte.  Vous  le  saviez  ? 

La  Comtesse,  C'est  cet  étourdi  de  Figaro  ! 
.   Le  Comte,  Jl  en  était  ? 

La  Comtesse.   Si  je  pardonne  ,  je  veux  uue  amnistie  générale, 

SCÈNE  XL 

I-ES  Mêmes,   FIGARO,   arrwant  tout  essoufflé. 

Figaro.  Monseigneur!  Monseigneur,  tout  est  prêt  pour  la 
cérémonie  ,  et  je  n'attends  plus  que  vos  ordres  ,  pour  conduire 
ma  fiancée. 

Le  Comte.  Un  moment  !..  je  ne  puis  m'éloigner  de  la  com- 
tesse !  cet  homme  qui  doit  venir  l'entretenir.''.  • 

Fie,  A  no  ,  étonné.   Quel  homme  .'^ 

Le  Comte.  L'homme  du  billet  que  vous  avez  reniis  au  maiire 
h.  chauler. 

Figaro.  Qui  dit  celai' 

Le   Comte.  Fripon  ,  ta  physionomie  me  dit  que  lu  ments  ! 
.Figaro.  Alors  ,  ce  n'e«t    pas  moi  qui    ments,  c'est  ma  i»hy- 
sionowiie. 

Suzanne,   ^'a  ,  mon  pauvre  Figaro  ,  nous  avons  tout  dit. 

FiGAiio    l'.h  !  quoi  ,  (lil  V 

Suzanne  ,  awc  intention.  Que  lu  avais  écrit  ce  billel  de  tantôt  , 
pour  faire  accroire  à  Monseigneur  ,  que  le  pclil  page  était  dans 
cette  chambre  où  je  me  suis  enfermée  ! 

Le  Comte.  Qu'as-lu  i\  répondre  •' 


(  ^3  ) 

Li  Comtesse.  II  n'y  a  plus  rien  à  cacher,  Figaro  ,  le  badi- 
nage  est  consommé. 

Le  Comte.  Oui ,  coasomraé. . .  que  dis-tu  là-dessus  ? 

Figaro  ,  après  avoir  regardé  tout  le  monde.  Moi  ,  je  dis  .  • .  que 
je  voudrais  bien  qu'on  en  put  dire  autant  de  mon  mariage.  . .  et  si 
vous  l'ordonnez?.  . 

Le  Comte.  Tu  conviens  donc  enfin  du  billet  ? 

Figaro.  Puisque  Madame  le  veut.  .  .  que  Suzanne  le  veut.  .  . 
que  vous  le  voulez  vous-mêtne  ,  il  faut  bien  que  je  le  veuille  aussi  ; 
mais  à  voire  place  ,  en  vérité  ,  Monseigneur  ,  je  ne  croirais  pas 
un  mot,  de  ce  que  nous  vous  disons. 

Le  Comte.   Toujours  menlir  contre  l'évidence. 

Figaro  ,  bas  à  Suzanne.  Je  l'avertis  de  son  daneer. 

Suzanne  ,  bas  à  Figaro.  As-lu  vu  le  peiit  pa^e  ;' 

Figaro  ,  de  même.  Encore  tout  froissé. 

Suzanne  ,  bas.  Ah  !  pccaire  .' 

La  Comtesse.  Allons,  monsieur  le  Couite  ,  ils  brûlent  de 
s'unir. 

SCÈNE  XII. 

Les  Mêmes  ,   ANTONIO  ,  demi-gris  ,  tenant  un  pot  de  giroflées 

écrasées. 

Antonio.  Ah  !  Monseigneur  !  Monseigneur  .' 

Le  Comte.  Que  veux-tu  ,  Antonio  ï 

Antonio.  3Ionseigneur  !  il  faut  faire  griller  les  croisées  qui 
donnent  sur  mes  couches  \  on  jette  toutes  sortes  de  choses  par  ces 
fenêtres  ,  et  tout-à-1  heure  encore,  on  vient  d'v  jelter  un  hoitune. 

Le  Comte.  Par  cette  fenêire  ! 

Antonio.  Regariez  comme  on  arrange  mes  giroflées.  (  //  mow 
ire  le  pot  de  fleur  quil  tient  ). 

Suzanne  ,  bas  à  Figaro.  Figaro  ,  tire-nous  de  là  ? 

Figaro.   Cet  homme  esi  gris  dès  le  malin. 

Antonio.  Vous  n'y  êtes  pas  ,  c'est  un  peiit  resle  d'hier  au  soir  ! 
voilà  comme  on  fait  des  ju2;emens  ténébreux. 

Le  Comte  ,  virement.  Cet  homme  1 . .  cet  homme . . .  oii  est-il  ? 

Antonio.  Où  il  est  ? 

Le  Comte.  Oui  I 

Antonio.  C'est  ce  que  je  dis.  . .  il  faut  me  le  trouvt^r  ,  déjà  ; 
c'est  moi  qui  prends  soin  de  votre  jardin  ,  il  y  tombe  un  homme  , 
«t  vous  sentez  que  ma  réputation  en  est  effleurée  ! 

Figaro.  Tu  boiras  donc  toujours  I 

Antonio.  Tiens  ,  si  je  ne  buvais  pas  ,  je  deviendrais  enrage. 

Le  Comte  ,  impatienté.  Réponds-moi  donc  ,  ou  je  le  chasse. 

Antonio.  Est-ce  que  je  m'en  irais  ! 

Le  Comte.  Comment  1 

Antonio.  Si  vous  n'avez  pas  assez  de  çà  ,  f  il  ie  tâte  Je  front)., 
pour  garder  un  si  bon  domestique  ,  je  ne  suis  pas  assez  bêle  ,  moi , 
pour  renvoyer  un  si  bon  maître  I 


Le  Comte  ,  lui  secouant  le  bras  aocc  colère.  On  a  ,  dis-tu  ,  je'é 
un  homme  par  cette  fenêtre  ? 

Antonio.  Tout-à  rheure  ,  en  vesle  blanche ,  et  qui  s'est 
enfui . . .  jarni l . .  .  courant . . . 

Le  Comte.  Après.. . 

Antonio.  J'ai  bien  voulu  courir  après  ;  mais  je  me  suis  donné 
contre  la  grille  une  si  fière  gourde  à  la  main,  que  je  ne  puis  plus 
remuer  ni  pied  ,  ni  patte  de  ce  doigt-là. 

Le  Comte.  Au  moins ,  tu  reconnaîtrais  Thomme  ? 

Antonio.  Oh .'  que  oui ,  je  le  reconnaîtrais  .'  si  je  l'avais  vu 
pourtant. 

Suzanne,  basd  Figaro.  Il  ne  l'a  pas  vu  .' 

Figaro.  Il  est  inutile  de  chercher  monseigneur  .'..  c'est  moi  qui 
ai  sauté. 

Le  Comte.  Comment ,  c'est  vous  ! 

Antonio.  Ahl  c'est  vous!.,  votre  corps  a  donc  bien  grandi 
depuis  ce  temps-là;  car  je  vous  ai  trouvé  beaucoup  plus  maigre  et 
plus  fluet. 

Figaro.  Quand  on  saute  ,  on  se  plotonnc. 

Antonio.  M'est  avis  que  ça  seraii  plutôt  ce 'gringalet  de  page. 

Le  Comte.  Chérubin  ! 

Figaro.  Oui  ;  revenu  tout  exprès  de  Séville  avec  son  cheval? 

Antonio.  Oh  !  non...  je  ne  dis  pas  ça...  je  n'ai  pas  vu  sauter  le 
cheval  ..  je  le  dirais  de  même... 

Le  Comte.  Quelle  patience  ! 

Figaro.  J'étais  dans  la  chambre  des  femmes  ;  j'attendais  là  ma 
Suzette...  tout  à  coup  j'ai  entendu  la  voix  de  monseigneur.  Ce  ta- 
page, ma  lettre  imprudente...  la  peur  m'a  pris  et  j'ai  sauté  sur  les 
couches  ,  où  je  me  suis  même  foulé  un  peu  le  pied  droit.  (  il  se  frotte 
le  pied). 

Antonio  tirant  une  feuille  de  papier  de  sa  poche.  Puisque  c'est 
vous  ,  il  est  juste  de  vous  rendre  ce  brimborion  de  papier  qui  a 
coulé  de  votre  veste  en  tombant. 

Le  Comte  s^en  saisissant.  Donne-le  moi.  (//  l'oui>re  et  le  lit  ). 

Figaro,  (à  part).  Je  suis  pris  î 

Le  Comte  à  Figaro.  La  frayeur  ne  vous  aura  pas  fait  oublier  ce 
que  contient  ce  papier,  ni  comment  il  se  trouvait  dans  votre 
poche .'' 

Figaro  embarrassé  et  se  fouillant.  Non  sûrement  !..  mais  j'en  ai 
tant.' 

La  Comtesse  ,  qui  a  ou  le  papier  ,  bas  à  Suzanne.  C'est  le  brevet 
d'officier. 

Suzanne  bas  à  Figaro.  Tout  est  perdu ,  c'est  le  brevet  ! 

Le  Comte  à  Figaro.  Vous  ne  vous  rappeliez  pas  ce  que  cela 
peut  être? 

Figaro.  Ah  !  pavero  !..  ce  sera  le  brevet  de  ce  malheureux  en- 
fant, qu'il  m'avait  remis  t 

IjE  Comte.  Pourquoi? 

Figaro  emlmrrassé.  11  désirait  qu'on  y  fit  quelque  chose. 


(    25    ) 

Le  Comte.  11  n'y  manque  rien. 

La  Comtesse  bas  à  Suzanne.  Le  cachet  ! 

Suzanne  bas  d  Figaro.  Le  cachet  manque. 

Le  Comte  à  Figaro.  \  ous  ne  répondez  pas  ? 

Figaro,  C'est...  c'est  qu'en  effet  il  v  manque  peu  de  chose... 
mais  il  dit  que  c'est  l'usage  d'y  apposer  le  sceau  de  vos  armes. 

Antonio.  Le  sceau  n'y  est  pas  I 

Le  Comte  quia  regardé  le  brayet.  Allons,  il  est  écrit  que  je  ne 
saurai  rien,  {ù part).  C'est  ce  Figaro  qui  mène  tout  cela  ;  mais  je 
m'en  vengerai. 

Suzanne.  Vous  voyez,  monseigneur,  que  vous  avez  encore 
tort. 

Le  Comte  bas  à  Suzanne.  Oui,  mais  tu  n'auras  la  dot  qu'après 
avoir  consenti  au  rendez-vous  du  jardin. 

ENSEMBLE. 

LE  COMTE,  bas  à  Suzanne.  Tout  est  d'accord  pour  ton  mariage, 

]\Iais  j'ai  la  dot  et  c'est  un  avantage. 

FIGARO  ,  SUZA:s[NE,  LA  COMTESSE.      Tout  est  d'accord  pour  j^^^.  mariage. 

Il  tient  la  dot  et  c'est  un  avantage. 
LA  COMTESSE  ,  au.  Comte. 

Quoi!  vous  sortez- au  moment  de  la  fêle! 
SUZANNE.  Monseigneur,  la  dût   était  prête? 

LE  COMTE  ,  bas  à  Suzanne.  Ah  !  ce  présent  si  doux, 

Tu  ne  l'auras  qu'au  lieu  du  rendez-vous! 
SUZANNE,  au  Comte.  Voilà  la  dot  que  monseigneur  me  donne. 

FIGARO  à  Suzanne.  C'est  en  vain  qu'il  veut  différer  , 

A  lui  je  me  cramponne 
Pour  ne  pas  lui  donner  le  temps  de  respirer. 

ENSEMBLE. 

LE  COMTE,  ANTONIO.  C'est  un  retard  !...  dans  le  mariage 

Quand  on  s'engage  ,  il  faut  bien  du  courage. 
LA  COMTESSE",  FIGARO  ,  SUZANNE.     Ah  !  quel  retard  . . .  dans  le  mariage 
Quand  on  s'engage  il  faut  bien  du  courage. 

(  Le  Comte  sort ,  Figaro  et  Antonio  Je  suivent.  ) 

SCÈNE  xm. 

LA  COMTESSE  ,  SUZANNE. 

La  Comtesse.  Eh  bien  !  Suzanne ,  vous  voyez  la  jolie  scène 
que  votre  étourdi  de  Figaro  m'a  value  avec  son  billet  !  je  ne  pou- 
vais rassembler  deux  idées .' 

Suzanne.  Ah!  ah!  madame,  au  contraire. .  et  c'est  laque 
j'ai  vu  combien  l'usage  du  grand  monde  donne  d'aisance  aux  da- 
mes comme  11  faut,  pour  mentir  sans  qu'il  y  paraisse. 

La  Comtfsse.  ,11  a  donc  saule  par  la  fenêtre? 

Suzanne.  Sans  hésiter  !  le  charmant  enfant!  léger  comme  une 
abeille  ! 

La  Comtesse.  Il  faut  qu'il  parle  ;  après  ce  qui  vient  d'arriver , 
vous  croyez  bien  que  je  ne  suis  pas  tentée  de  l'envoyer  au  jardin  à 
votre  place. 

4 


(  :'0  ) 

SuZANNF,.  Il  est  ceriain  que  je  n'irai  pas  non  plus  ,  et  voilà  une 
dot  de  moins  ;  cnr  monseigneur  vient  de  me  déclarer  ,  que  si  je 
n'acceptais  pas  le  rendez- vous,  je  n'aurais  pas  celle  qu^il  m'avait 
promise. 

La  CoaiTESSE.  Attends  !  -  . .  au  lieu  d'un  autre  ou  de  toi-  .  .  si 
j'y  allais  moi-même.'' 

SuzAN>E.  Oh  !  oh  !  la  bonne  idée.'.  .  .  elle  rapproche  tout,  ter- 
mine tout  ! 

La  COMTESSE.  Surtout,  point  de  confidence  à  Figaro;  il  em- 
brouille tout.  Prends  celte  plume,  et  fixons  le  lieu  du  rendez- 
vous  ? 

Suzanne.  Lui  écrire  i' 

La  comtesse.  11  le  faut ,  je  mets  tout  sur  mon  compte.  (  Su- 
zanne  s'assied,  la  Comtesse  dicle.  )  «  Chanson  nouvelle  ,  sur  l'air  : 
j>  qu'il  lera  beau  ce  soir  sous  les  grands  maronniers.  Qu'il,  elc.  » 

Suzanne,  répétant  ce  quelle  écrit.  Sous  les  grands  maronniers... 
après  ! 

La  comtesse.  Cralus-lu  qu'il  ne  t'entende  pas.  C  Elle  plie  le 
billet.  ) 

Suzanne.  Avec  quoi  le  cacheter? 

[>A  comtesse.  Une  épingle;  elle  servira  de  réponse!  Ecris  sur 
le  revers:  »  Renvoyéz-moi  le  cachet!  .  .  » 

Suzanne,  écrivant  et  riant.  Ah!  le  cachet!  celui-ci  est  plus  gai 
que  celui  du  brevet  ! 

La  comtesse.  Vite  ,  cache-le. . .  j'entends  du  monde. 

SCÈJNE  XIV. 

LES  Mêmes,  CHERUBIN  en  fille  ,  FANCHETTE  ,  jeunes 
Filles  (  avec  des  bouquets.  ) 

Chœur  de  Mozart. 

Toutes  les  filles  «lu  village  C'est  par  un  bien  petit  hommage 

Vous  présentent  ces  boutpiets  ,  Keconnaître  vos  bienfaits  ! 

La  comtesse.  Je  vous  remercie,  mes  belles  petites  {montrant 
Chérubin.).  Quelle  est  cette  aimable  onfanl? 

Fanchette.  C'est  une  cousine  à  moi,  madame,  qui  n'est  ici 
que  pour  la  noce. 

La  comtesse.  Faisons  honneur  à  l'étrangère.  . .  approchez.  .  . 
et  donnez-moi  votre  bouquc:.  (/iV/^  prend  le  bouquet  de  Chérubin  et 
le  baise  au  front.  )  Elle  rougit  {bas  ii  Suzanne.  )  Ne  trouves-tu  pas, 
Suzaime  ,  qu'elle  ressemble  à  quelqu'un;' 

SuZANNt.  A  s'y  méprendre  I 

SCÈNE  XV. 

LES  MÊMES ,  LE  COMTE ,  ANTONIO. 

Antonio,  au  Comte,  en  entrant.  Je  vous  dis,  monseigneur, 
qu'il  est  encore  au  château  ,  et  voilà  son  chapeau  d'ordonnance... 


(  ■>!  ) 
(  //  s  uQance,  regarde  toutes  les  filles,  et^  dècoUi>raiil  Chéruhiit^  /ai  eiiiève 
son  hunnet  de  fille  ^    et  lui  met  son  chapeau  sur  la  têle.^    At»!'par- 
guenne/. .  .  v'ià  noire  officier  !  i;'i*i  •'^'' 

La  Comtesse  et  Susanne.  Oh  ciel  ! 

Le  Comte  ,   se  retournant  vers  la  Comtesse.  Eh  bien  ,  madame  I 

La  comtesse.  Eh  bien  !  monsieur.. .vous  me  voyez  aussi  surprise 
que  vous,  et  pour  le  moins  aussi  fâchée. 

Lecomte.    Oui!.  .  mais  ce  matin.' 

La  Comtesse.  Ce  matin  ,  nous  commencions  le  badinage  que 
ces  jeunes  filles  viennent  d'achever. 

Le  Comte  en  colère  ,  à  Chérubin.  Pourquoi  netes-  vous  pas 
partir 

ChÉrrbin  ,  tremblant.   Monseigneur!.. 

Le  Comte.  Je  punirai  ta  désobéissance  ! 

Fa>xhette  ,  s  avançant.  y\h  !  monseigneur...  entendez-moi... 
Toutes  les  fois  que  vous  venez  m'embrasser  ,  vous  sa\  ez  bien  que 
vous  me  dites  toujours:  pelite  Faochette...  si  tu  veux  m'aimer , 
je  te  donnerai  tout  ce  que  tu  voudras... 

Le  Comte,  embarrassé.   Comment!.,  mol!.,  j'ai  dit  cela  ? 

Fakchette.  Oui,  monseigneur...  au  lieu  de  faire  partir  Ché- 
rubin... donnez-le-moi  en  mariage  ..  je  vous  aimerai  à  la  folie... 

Le  comte.  C'est  bon  I  c'est  bon  !..  {à part.  )  Etre  ensorcelé  pav 
un  page  ! 

La  Comtesse.  Eh  bien!  monsieur,  à  votre  tour... 

Le  comte  à  part.  Il  y  a  un  mauvais  génie  qui  loanic  tout  ici 
contre  moi. 

SCÈNE  XVL 

LES  MÊMES.   FIGARO. 

FiFARO.  Monseigneur!  si  vous  retenez  les  filles  ,  on  ne  pourra 
commencer  ni  la  fête ,  ni  la  danse. 

Le  comte.  Vous  ,  danser  !  avec  le  pied  foulé. 

Figaro.  Je  souffre  encore  un  peu...  mais  ce  n'est  rien...  Allons, 
mes  belles,  allons. 

Le  comte.  Vous  avez  été  fort  heureux  qiie  ces  couches  ne  fus- 
sent que  du  terreau  bien  doux  1 

Figaro.  ïrès-heureux  sans  doule...  Yenez-vous ,  mes  de- 
moiselles? 

A-nto^Io,  le  retenant.  Pendant  ce  temps  ,  le  petit  page  galnp- 
pait  sur  son  cheval  à  Sévillc  ! 

Figaro.  Galopait  ou  marchait  au  pas  ..  allons. 

Le  comte.  El  vous  aviez  son  brevet  dans  la  poche. 

Figaro.  Assurément! 

Antonio,  tirant  Chérubin  par  le  bras.  En  voici  une  qui  prétend 
que  mon  neveu  futur  n'est  qu'un  menteur. 

Figaro  ,  surpris.  Chérubin!  {ii  part.)  Le  petit  fat!  {haut.) 
Eh  bien!  qu'est-ce  qu'il  chante? 

Le  comte,  sèchement.  Il  ne  chante  pas...  il  clil  que  c  est  lui  qui 
a  sauté  sur  les  giroflées. 


(     28) 

Figaro.  Ah!  ah!  s'il  le  dit  :  cela  se  peut. 

Le  comte.  Ainsi ,  vous  et  lui  ï 

Figaro.  Pourquoi  pas...  la  rage  de  sauter  peut  gagner...  voyez 
les  moutons  de  Panurge, 

Le  COMTE,  en  colère.  Comment  !..  deux  à  la  fois!  {On  entend 
le  prélude  du  fanfares.^ 

Figaro.  Voilà  le  signal  de  la  marche!  à  vos  postes,  mes- 
dames ! .  .  Allons  ,  Suzanne.  .  .  donne  moi  le  bras.  (  Tous  les  vil- 
lageois se  portent  dans  le  fond  du  théâtre  ,  et  se  disposent  à  se  mettre 
en  marche  ). 

Le  Comte  ,  après  avoir  menacé  Figaro  du  doigt.  Pour  vous  , 
monsieur.  .  .  le  sournois  ,  qui  failes  le  honteux.  .  .  allez  vous 
r'habilier  bien  vîlc. .  .  et  que  je  ne  vous  rencontre  nulle  part  de 
la  soirée.  .  . 

La  Comtesse.  Il  va  bien  s'ennuyer  ! 

Chérubin  ,  élourdime.nt.  M'ennuyerl. .  j'emporte  à  mon  front, 
du  bonheur  ,  pour  plus  de  cent  années  de  prison. .  .   {il  s^enfuit). 

Le  Comte,  à  la  Comtesse.  Qu'a-t-il  donc  au  front,  de  si 
heureux  .^ 

La  Comtesse,,  embarrassée.  Son  premier  chapeau  d'officier  , 
sans  doute...  Mais,  voici  la  noce,  asseyons-nous  pour  la 
recevoir. 

Le  Cobite.  La  noce  !•  •  (  à  part).  Il  faut  souffrir,  ce  qu'on  ne 
peut  empêcher  ! 

SCÈNE  XVII. 

Les  Mêmes,  BRIDOISON,  FIORELLO,  Gardes-chasse, 

ET  DEUX  JEUNES  FlLLES  ,  portant  la  tucjue  <>irginale  ,  à  plumes 
blanches  et  le  coussin. 

Marche,  castagnettes  ,  fandango  ;  Air  de  .llozart. 

CHŒUR. 

Célébrons  la  gloire  Sa  loi  nous  dégage.. 

D'un  si  bon  seigneur  !  Il  rend  au  village 

(tardons  la  mémoire  L'amour  cl  l'Iionneur! 

De  tant  de  faveur.  Rendons  tous  bonimage 

D'un  triste  esclavage  A  ce  bon  seigneur. 

Pendant  le  chœur  ,  la  cérémonie  se  met  en  marche.  Antonio  conduit 
Suzanne  au  Comte  :  elle  se  met  à  genoux  devant  lui ,  et  au  moment  où. 
le  Comte  lui  pose  hi  couronne.,  elle  lui  montre  le  billet  quelle  tient  ^ 
puis  portant  la  main  ,  (pi  elle  a  du  coté  des  spectateurs  ,  à  sa  tcte. ,  oii  le 
Comte  a  ï air  d'ajuster  la  toque  ,  elle  lui  donne  le  billet  ,  qiiil  glisse 
jurtivemcnt  dans  son  sein.  Lu  fiancée  se  relève  ,  et  fait  une  profonde 
révérence  au  Comte.  La  Comtesse  suit  tous  les  momemens  de  son 
époux.  Pendant  cette  cérémonie  ,  t  orchestre  joue  en  sourdine  ,  les  Folies 
d'Espagne. 

Le  Comte  ,  pressé  de  lire  le  billet  ,  s'avance  sur  la  scène  ,  ouvre  le 
papier^  et  se  pique.  Peste  soit  des  femmes!  qui  fourrent  des  épin- 
gles partout.  (  //  jette  Vépiagle  à  terre  ,  Ut  le  billet ,  cl  le  baise  ). 


f 


(  ^9  ) 

Figaro,  çî/i /e  ooit.   C'est  un  billet  doux...    qu'une  fillei!e 

aura  glissé   dans  sa  main,  en   passant il   était    cacheté 

d'une  épingle  ,  qui  Ta  outrageusement  piqué.  .  {le  Comte  après 
ai'Oirlu  ,  ramasse  f  épingle).  (  Figaro  à  Suzanne  ).  D'un  objet  aimé  , 
tout  est  cher  !..  le  voilà  qui  ramasse  l'épingle.  . .  c'est  une  drôle 
deiête... 

Le  Comte.  Allons  ,  mes  amis  ,  que  Ton  dresse  le  contrat ,  j'y 
signerai . . . 

Figaro,  Cette  fois  ,  j'aurai  ma  femme. 

Le  Comte  ,  à  part.  Et  moi ,  mon  rendez-vous  ! . . . 

Bridoiso>".  Et  tou . . .  out  le  mon . . .  onde  sera  content . . . 

Aktonio.  Et  moi ,  je  vais  arranger  le  feu  d'artifice  ,  sous  les 
grands  maronniers. 

Le  Comte,  l'arrêtant.  Non...  non!.,  quel  est  le  sot  qui  a 
donné  cet  ordre  ?  c'est  sur  la  terrasse,  vis-à-vis  l'appartement  de 
la  comtesse  ,  qu'il  faut  préparer  le  feu  d'artifice.  (^  à  part).  Sous 
les  grands  maronniers  !  il  allait  incendier  mon  rendez-vous  ? 

CHŒUR   FINAL. 

Célébrons  la  gloire  ,  etc. 
(  Toute  la  cérémonie  sort  en  chantant.  ) 


ACTE  TROISIÈME. 

Le  Théâtre  représente  une  salle  de  maronniers  dans  un  parc  ;  deux  pa- 
villons ,  kiosques  ou  temples  de  jardins  sont  à  droite  et  à  gauche  ;  le  fond 
est  une  clairière  ornée;  un  banc  de  gazon  sur  le  devant  de  la  scène  à 
gauche.  Il  fait  nuit. 

SCÈ^E  PREMIÈRE. 

FANCHETTE  seule ,  tenant  d'une  main  deux  biscuits  et  une 
orange  ,  et  de  P autre  ,  une  lanterne  de  papier  allumée.  Dans  le  pavil- 
lon ,  à  gauche,  a-t-il  dit  :  c'est  celui-ci.  S'il  allait  ne  pas  venir  à 
présent.  .  .  ces  vilaines  gens  de  l'office,  qui  ne  voulaient  pas  seu- 
lement me  donner  une  orange  et  deux  biscuits  ?.  .  pour  qui,  ma- 
demoiselle ?.  .  Eh!  bien,  monsieur,  c'est  pour  quelqu'un... 
oh  !  nous  savons.  .  .  et  quand  ça  serait  !.  .  parce  que  monseigneur 
ne  veut  pas  le  voir,  faut-il  qu'il  meure  de  faim  ?  tout  ça  ,  pour- 
tant ,  m'a  coûté  un  fier  baiser  sur  la  joue  ! .  .  que  sait-on  ,  il  me  le 
rendra  peut-être  ! .  . 

SCÈNE  n. 

Figaro  ,  uyajit  un  grand  manteau  sur  les  épaules  ,  et  un  large 
chapeau  rabattu. 

FA^XH£TTE  se  heurtant  contre  Figaro  qui  oient  t examiner.  Ah! 
(  elle  s'enfuit ,  et  entre  dans  le  paoillon  à  droite  ). 

FIGARO  seul.  C'est  Fanchetle!  si  je  n'avais  pas  su  la  faire 
jaser  ,  si  elle  ne  m'avait  pas  conté  avec  la  plus  grande  naïveté  , 
l'histoire  de  l'épingle,  monsieur  le  comte  triomphait  j. .  et  moi , 


(  3o  ) 

croyant  bonneniciit  a  son  amour...  à  sa  foi...  ô  femme  ! 
Icmnie  !  (/'/  se  promène  d'un  air  mquiet\  Tout  est  prêt.  .  ,  l'heure 
approche...  on  vient...  c'est  elle!.,  ce  n'est  personne...  la 
nuit  est  noire  en  diable  ,  cl  me  voilà  ,  faisant  le  sot  métier  de 
mari  !  ingrate/  à  Tinslant  même  de  la  cérémonie.  .  .  il  riait  en 
lisant.  .  -  le  perfide  !  et  moi  ,  comme  un  benêt  !.  .  mais  ces  yeux 
innocens.  . .  cet  air  modeste.  . .  pouvais-je  prévoir?.  .  ah  !  quand 
on  prend  une  femme...  on  n'y  voit  goule  !  mais  je  saurai  troubler 
leur  rendez-vous  !  j'ai  rassemblé  près  d'ici  ,  lîridoison  ,  Antonio  , 
et  ils  doivent  paraîlre  avec  tous  les  gens  de  la  fête  ,  aussitôt  que 
j'appelerai  ! 

SCÈNE  m. 

FIGARO  ,  LA   COMTESSE,   avec  les  habits  de  Suzanne; 
Suzanne  avec  ceux  de  la  Comtesse. 

FïG.\RO.  J'entends  marcher.'.  •  on  vient,  voici  l'instant  de  la 
crise  !..  ^il  se  retire  près  de  la  première  coulisse  à  gauche  ). 

Suzatn?;e  ,  las  à  la  Comtesse.  Oui  ,  madame  ,  Figaro  est  déjà 
dans  ces  lieux.  Ainsi  ,  l'un  nous  écoute,  et  l'autre  va  venir  nous 
chercher.  Commençons.  . .  (  haut  ^  avec  intention').  Madame  trem- 
ble. .  .  est-ce  qu'elle  aurait  froid  i' 

La  Comtesse.  La  soirée  est  humide  ,  je  vais  me  retirer. 

SrZAMSE.  Si  madame  n'avait  pas  besoin  de  moi,  je  me  pro- 
mènerais un  instant  ? 

FlOARO  ,  bas.  Nous  y  voilà  ! 

Suzanne.  Le  sang  me  monte  à  la  fête. 

Figaro  ,  portant  la  main  à  son  front.  A  moi  aussi  ! 

La  Comtesse.  J'y  consens  ,  mais  prends  garde  au  serein. 

Suzanne.  J'y  suis  toute  faite. 

Figaro  ,  à  part.  Je  le  crois  bien.  (^Suzanne  se  retire  près  de  la 
coulisse  ,  du  côté  opposé  à  Figaro  ). 

SCÈNE  IV. 
FIGARO,  CHÉRUBIN,  LA  COMTESSE,   SUZANNE. 

(  Figaro  et  Suzanne  sont  retirés  de  chaque  côté  sur  le  devant  de  la 
scène ,  Chérubin  est  en  habit  d'officier  ). 

Chérubin.  //  entre  en  chantant  gaîment  la  reprise  de  fuir  de  lu 
romance.  La ,  la  ,  la. 

La  Comtesse,  {dpart).  Le  petit  page! 

Chérubin  s^arrécunt.  On  se  promène  ici,  gagnons  vite  mon 
asile  où  la  petite  Fanchcttel . . .  c'est  une  femme  ! 

La  Comtesse.  (  à  part).  Ah  !  grands  dieux  ! 

Chérubin  se  baissant  en  regardant  de  loiji.  Me  trompai-jei*  ce. 
chapeau  garni  de  plumes. . .  il  me  semble  que  c'est  Suzon  ! 

La  Comtesse,  {dpart).  Si  le  Comte  arrivait!.  . 


(  3i  }     * 
SCÈNE  V. 

Les  mêmes  et  bienlôt  LE  COMTE. 
Chérubin  s  approche  et  prend  la  main  de  la  Comtesse  qui  se  dé- 
fend. Oui;  c'est  la  charmante  fille  qu'on  nomme  Suzon  !  eh!  pour- 
rais-je  m'y  méprendre  à  la  douceur  de  celle  main  ,  à  ce  petit 
tremblement  qui  l'a  saisie  t  •  .  surtout  au  battement  de  mon  cœur  ? 
{  il  veut  appuyer  le  dos  de  la  main  delà  Comtesse  sur  son  cœur;  elle  la 
retire  ). 

Ltk  Comtesse  bas,  imitant  la  voix  de  Suzanne.  Allez-vous  en  ! 

Chérubin.  Si  la  compassion  t'avait  conduite  exprès  dans  cet 
endroit  du  parc  où  je  suis  caché  depuis  t.intôt  ? 

La  Comtesse  bas.  Figaro  va  venir. 

Le  Comte  (à part,  en  s'amnranl).  N'est-ce  pas  Suzanne  que 
j'aperçois  ? 

Chérubin  à  la  Comtesse.  Je  ne  crains  pas  du  tout  Figaro  ;  car 
ce  n'est  pas  lui  que  tu  attends. 

La.  Comtesse  ^05.  Qui  donc  ? 

Le  Comte  (à part).  Elle  est  avec  quelqu'un  ! 

Chérubin.  C'est  monseigneur  ,  friponne  ,  qui  t'a  demandé  ce 
rendez-vous  ce  matin  ,  quand  j  étais  derrière  le  fauteuil. 

Le  Comte  ît  part  a^ec  fureur.  C'est  encore  le  page  infernal? 

Figaro,  {à  part).  On  dit  qu'il  ne  faut  pas  écouter. 

Suzanne,  {à part)-  Petit  bavard! 

La  Comtesse  au  page.  Obligez-moi  de  vous  retirer. 

Chérubin.  Ce  ne  sera  pas  au  moins  sans  avoir  reçu  le  pris  de 
mon  obéissance. 

La  Comtesse  effrayée.  Vous  prétendez? 

Chérubin  a^ec  feu.  D'abord  vingt  baisers  pour  ton  compte, 
et  puis  cent  pour  la  belle  maîtresse! 

La  Co3itesse.  Vous  oseriez  ? 

Chérubin.  Ah!  que  oui,  j'oserai!. .  tu  prends  sa  place  auprès 
de  monseigneur  ;  moi ,  celle  du  Comte  auprès  de  toi .  . .  le  plus  at- 
trapé ,  c'est  Figaro  . .  . 

Figaro.  (ày9«rO.  Cebrigandeau! 

Suzanne,  (à  part  ).  Hardi  comme  un  page.  •  .  {Chérubin  veut 
embrasser  la  Comtesse  ;  le  Comte  se  met  entre  euv  et  reçoit  le  baiser). 

La  Comtesse  se  retirant.  Ah  !  ciel  1 . .  • 

Figaro,  {à part,  ayant  entendu  le  baiser).  J  épousais  une  jolie 
mignone ! .  . 

Chérubin  tâtant  les  habits  du  Comte,  {ci  part).  C'est  monsei- 
gneur !  (  //  s'enfuit  dans  le  painllon  à  droite  où  est  déjà  Fanchetle  ). 

SCÈNE  VL 
FIGARO,  LE  COMTE,  LA  COxMTESSE,  SUZANNE. 

Figaro  s'' approchant.  Je  vais. .  • 

Le  Coiat^  croyant  parler  au  page.  Puisque  vous  ne  redoublez  pas 
le  baiser ...  {il  lui  donne  un  souflet ,  croyant  rappliquer  à  Chérubin). 


•  (    32     ) 

Figaro  le  recevant.  Ah  ! 

Le  Comte.  Voilà  toujours  le  premier  payé! 

Figaro,  {à. part.,  se  frottant  la  joue  ).  Tout  n'est  pas  gain  non 
plus  en  écoulant. 

Suzanne  riant  tout  haut  de  l'autre  côté.  Ah!  ah  !  ah  ! 

Le  Comte  ^/  la.  Comtesse  qu^ il  prend  pour  Suzanne.  Entend-on 
quelque  chose  à  ce  page  .''  il  reçoit  le  plus  rude  soufflet,  et  s'enfuit 
en  éclatant  de  rire  ! 

Figaro,  ( à  part  ).  S'il  s'affligeait  de  celui-ci  ! 

Le  Comte.  Comment  !  je  ne  pourrai  pas  faire  un  seul  pas  ?•  •  • 
{d  la  Comtesse).  Mais  laissons  cette  bizarrerie  ,  elle  empoisonne- 
rait le  plaisir  que  j'ai  à  te  trouver  dans  ce  jardin. 

La  Comtesse  imitant  le  parler  de  Suzanne.  L'espériez-vous  î* 

Le  Comte.  Après  ton  ingénieux  billet.  .  .  (  //  lui  prend  la  mairi). 
Tu  trembles  ! 

La  Comtesse.  J'ai  eu  peur! 

Le  Comte.  Ce  n'est  pas  pour  te  priver  du  baiser  que  je  l'ai 
pris.  .  .  (iV  la  baise  sur  le  front^j. 

La  Comtesse.  Des  libertés  ! 

Figaro,  (â  part).  Coquine! 

Suzanne,  (â  part)  Charmante  ! 

Aif  de  Blangini. 
LE  comte.  Près  de  toi ,  quelle  est  ma  flamme  ! 

Que  tu  nie  parais  Suzon  , 
Bien  préférable  à  ma  femme  ! 
LA  COMTESSE  ù  part.     Voyez  la  prévention  ! 
LE  COMTE.  Que  la  Comtesse  n'a-t'elle 

Celte  main,  ce  joli  bras, 
Celte  taille  fine  et  belle  ! 

ENSEMBLE. 

LA  COMTESSE  à  part.    On  voit  bien  qu'il  n'y  voit  pas. 
SUZANNE  à  part.  On  voit  bien  qu'il  n'y  voit  pas 

FIGARO  à  pari.  J'entends  si  je  n'y  vois  pas. 

ae.  COUPLET. 
j.^C0mr,à  la  Comtesse.  Auprès  de  ta  gentillesse. 

Rien  ne  saurait  me  tenter; 

A  ta  grâce,  à  ta  jeunesse, 

On  ne  peut  pas  résister. 

J'ai  la  plus  douce  espérance, 

Et  pour  doubler  tes  appas  , 

Je  trouve  encor  l'innocence. 

ENSEMBLE. 

LA  COMTESSE  à  part.   On  voit  bien,  etc. 
SUZANNE  à  part.  On  voit  bien,  etc. 

FIGARO  à  part.  J'enlends  si  je,  etc. 

La  Comtesse  ,  ooix  de  Suzanne.  Ainsi ,  l'amour  .•'... 
Le  Comte.  L'amour  i'  c'est  le  plaisir  ;  il  m 'amène  à  tes  genoux  ! 
La  Comtesse,  de  même.  Vous  n'aimez  plus  la  comtesse  ? 
Le  Comte.  Je  l'aime  beaucoup  ;  mais  trois  ans  d'union  ,  ren- 
dent rhymen  si  respectable  ! 

La  Comtesse  ,  de  même  Que  vouliez-vous  en  elle  ? 
Le  Comte  ,  la  caressant.  Ce  que  je  trouve  en  toi. 
La  Comtesse.  Mais  dites  donc  ? 


(  33  ) 

Le  Comtl.  Ji;  ne  sais  :  moins  d'uniforniilé  ,  peut-être.  .  .  plus 
(\e  piquant  dans  les  manières.  .  .  un  j''  ne  sais  quoi  ,  qui  fait  le 
charme.  .  .  quelquefois  un  refus.  T^os  jeunes  femmes  croyent 
tout  accomplir  en  nous  aimant.  . .  ce  n'est  pas  assez  :  notre  i.îche 
à  nous  ,  fut  (ie  les  obtenir  ;  la  leur.  .  . 

L\  Comtesse.  La  leuri*.. 

Le  Cohte.  Est  de  nous  retenir  ;  on  Toublie  trop. 

La  Comtesse    Ce  ne  sera  pas  moi. 

Le  Comte.  Ni  moi. 

SuzANî^E  ,  ùl.  Ni  moi. 

Figaro  ,  à  part.  Ni  moi. 

Le  Comte  ,  prenant  la  main  de  sa  femme.  Il  y  a  de  Téclio ,  ici .  .  . 
parlons  plus  bas  !  tu  n'as  nul  besoin  d  y  songer ,  toi  que  l'amour  a 
faite  et  si  vive  et  si  jolie  1 

Nnciurne. 

Air  de.  Bhtngiju. 
Femme  charmante 
Vive  agaçante. 
Je  veux  toujours  suivre  fa  loi. 
Douce  et  discrète, 
Un  peu  coquette  , 
L'amour  t'a  falie 
Exprès  pour  moi. 
Va  ne  crains  pas  (jue  mon  amour  s'envole  ; 
De  me  fixer  ,  toi  seule  a  ie  talent. 
Suzane,  je  serai  consiant  , 
Un  Castillan 
N'a  que  sa  parole. 
ÎNIais  de  ce  rendez— vous  louc'ianl. 
Reçois  le  prix  en  ce  moment  : 
Avec  la  dot  ,  accepte  encore  ce  brillant  ; 
Un  Castillan 
N'a  que  sa  parole. 
(  //  lui  passe  un  anneau  au  doigt  V 

La.  Comtesse,  faisant  une  révérence.  Suzanne  acrepîe  tout  ! 
Figaro  ,  à  part.  On  n'est  pas  plus  coquine  que  ça. 

LE  COMTE  ,  reprise  du  nocturne. 
Femme  charmante  ,  Vive  agaçante,  etc. 

Le  Comte  ,  à  part.  Elle  est  iniéressée  ,  tant  mieux  ! 
La  Comtesse  ,  regardant  dans  le  fond.  Je  vois  des  flambeaux. 
Le  Comte.  Ce  sont  les  apprêts  de  la  noce-  . .  entrons-nous  un 
moment  dans  Tun  des  pavillons  .^pour  les  laisser  passer  :' 
La  Comtes.se.  Sans  lumière  ? 
Le   Comte  ,  ï entraînant  doucement.  A  quoi  bon  .'  nous  n  avons 

rien  à  lire  ?  ^  .  ,  .        ,       ,         ■   m  -i  >  n 

Figaro  ,  «  part.  Elle  y  va  ,  ma  foi  !  je  m  en  doutais  !  yds  avancey^ 
Le  Comte  ,  grossissant  sa  voiv  ,  et  se  retournant.   Qui  passe  ici  ? 
Figaro  ,  en  colère.  Passer  !  on  vient  exprès  '.^         ^ 
Le  Comte  ,  bas  à  la  Comtesse.  C  est  Figaro  .  {ds  enjmi  ). 
La  Comtesse.  Je  vous  .suis.  .  .  (  elle  entre  dans  Le pa^nllon  à  gau- 
che ,  pendant  que  le  Comte  se  perd  dans  le  bois  ,  au  fond  ). 


(  H  ) 

SCÈNE  YII. 

riGARO  ,  SUZANNE. 

Figaro  ,  chen  liant  à  voir  oh  vont  le  Comte  et  la  Comtesse  y  quil 
prend  toujours  p'Mr  Suzarme.  Je  n'entends  plus  rien.  .  .  ils  y  sont 
entrés  ! .  •  my  voilà  I.  (  d'un  ton  altéré^  Vous  autres  époux  ma- 
ladroits ,  qui  tenez  des  es[)ions  à  gages  ,  et  soupçonnez  des  mois 
entiers  ,  sans  rien  découvrir  ,  que  ne  m'imiîez-vous  ?  dès  le  pre- 
mier jour  ,  je  suis  ma  femme ,  je  l'écoute  ,  et  je  suis  sûr  de  mon 
fait  !  c'est  charmant  !  plus  de  doute  ,  on  sait  à  quoi  s'en  tenir. 
[T7ïarchani  vivement) .  Heureusement  que  je  ne  m'en  soucie  guères  1 
(  marchant  plus  virement),  et  que  ça  ne  me  fait  plus  rien  du  tout! 
absolument  rien  !  je  les  liens  donc  ,  enfin  ! 

Suzanne,  qui  s  est  avancée  doucement ,  ii  part.  Tu  vas  payer  les 
beaux  soupçons  !  (  du  ion  de  la  voijo  de  lu  Comtesse  ).  Oui  va  là  ? 

FiGAPiO  ,  extravagant.    Oui    va    là  ?  celui   qui  voudrait    de  bon 
cœur ,  que  la  peste  l'eilt  étouffé  en  naissant  ! 

SUZAISISE  ,  du  même  ton.  Ëb  !  mais  !  c'est  Figaro  ! 
Figaro  ,  regarde  ,  et  dit  vivement.   Madame  la  Comtesse  ! 
Suzanne.  Parlez  bas  ! 

Figaro  ,  vite.  Ah  !  madame  ,  que  le  ciel  vous  amène  à  propos  ! 
où  croyez-vous  qu'est  Monseigneur  ? 

Suzanne.  Que  m'importe  un  ingrat?  dis-moi. .  . 
Figaro  ,  plus  vite.  Et  Suzanne  ,  mon  épousée  ,  où  croyez-vous 
qu'elle  soit  ? 

Suzanne  ,  du  même  ton.  Mais  ,  parlez  bas  ! 
Figaro  ,  très  vite.  Celte  Suzon  ,  qu'on  croyait  si  vertueuse  ,  qui 
faisait   tant  la  réservée  !    ils    sont    enfermés   là-dedans  !    je   vais 
appeler  •' 

Suzanne  ,  en  lui  fermant  la  louche  avec  la  main  ,  ouhlie  de  déguiser 
sa  voix.  N'appelez  pas  ! 

Figaro,    la  reconnaissant,   a  part.   Eh!    c'est   Suzon!..    ah! 
respirons  ! 

Suzanne  ,  du  ton  de  la  Comtesse.   \  ous  paraissez  inquiet  ! 
Figaro,  à  part.  Traîlresse  ,  qui  veut  me  surprendre  ! 
Suzanne.  11  faut  nous  venger,  Fig.iro  ! 
Figaro.  Kn  sentez-vous  le  vif  désir  ? 

Suzanne.  Je  ne  serais  donc  pas  de    mon  sexe...    mais,  les 
hommes  en  ont  cent  moyens. 

Figaro  ,  confidcmmcnt.  Madame  ,  il  n'y  a  personne  ici  de  trop  : 
celui  des  femmes  les  vaut  tous  ! 

Suzanne  ,  à  part.  Comme  je  le  souflleterais  ? 
Figaro  ,  à  part.  Il  serait  bien  gai  ,  qu'avant  la  noce  !. . 

Duo  de  Blanglnl. 
SUZANNE.  Mais  sans  amour  une  telle  vengeance  , 

Ne  peut  avoir  de  cliarme  pour  mon  cœur  ! 
FIGARO  coiniqueiHint .   Ali!  mon  amour. se  ta'sait  par  prudence  , 
l'.l  le  respect  rcteiiail  mon  ardeur. 
SUZANNE.  Je  suis  r,ol)jet  de  votre  ardeur. 

FiOAKO.  Oui,  je  vous  aime  avec  ai'deur. 


(  35  ) 

SUZAN^E,  àparl.  La  main  inc  brûle, 

Figaro  ,  à  part.  Le  cœur  me  bat! 

SUZANNE.  Mais  n'avez-voiis  aucun  scrupule  ? 

FIGAKO  de  mnnr.  Plus  de  débat  ! 

La  vengeance  m'enflanic 

N'otre  main  ,  iiindauie, 
^'olrc  main  ,  s'il  vous  piait. 
SUZANNE  ,  sa  i'oi'x  riatiirdlc  et  lui  donnant  un  soujjlrl. 
La  voilà. 
FIGARO  ,  se  relevant.  Quel  soufflet! 

SUZANNE  lui  en  donnant  un  second.  Alliapc  ,  attrape  ! 

FIGARO.  Ah  !  quel  plaisir  ça  me  fait. 

SUZANNE  le  battant.       Pour  ta  vengeance,  attrape!        • 
FIGARO  joyeux.  Frappe  encore  ,  frappe. 

SUZANNE  ri'e  A/iPwf.     Pour  tes  soupijOns  attrape. 
FIGARO.  Frappe  touj«uis  ,  frappe. 

ENSEMBLE. 

SUZANNE.  Je  suis  sans  regret 

Quel  doux  effet 
C:i  te  fait. 

D 

FIGAUO.  >  a,  SOIS  saiis  regret 

Quel  doux  efiet 
Ça  me  fait. 

Regarde,  Suzon ,  l'homme  ie  plus  for!u;ié  ,  qui  fui  battu  par  une 
femme  ! 

Sl'ZaMNE.  Le  plus  fortuné  ,  bon  fripon  ,  vous  n'en  séduisiez  pas 
moins  la  Coniîesse. 

F'.OARO.   Ai-jc  pu  me  méprendre  au  son  de  la  jolie  vois  ? 
SuZA^^E  ,  en  riant.   Tu  m'as  reconnue  i"  ah  !   comme  je  m'en 
vene;erai  ! 

FiGARO.  Ijien  rosser  ,  et  garder  rancune  ,  est  aussi  par  trop 
féminin  .'  mais  ,  dis-moi  donc  ,  par  quel  bonheur  je  le  vois  là  , 
quand  je  te  croyais  avec  lui  ?  et  comment  cet  habit  qui  m'abusait , 
te  montre  enfin  innocenfe  ? 

Suzanne.  Eh  !  c'est  toi,  qui  es  un  innocent ,  de  \enir  ie  prendre 
au   piège    apprêté  pour  un  autre.  Est-ce  notre  faute  à  nous,  si  , 
\  oulanl  museler  un  renard  ,  nous  en  attrapons  deux  .'' 
Figaro    Oui  prend  donc  l'autre  ;' 
Suzanne.  Sa  femme. 
Figaro.  Sj  lemme!.. 
Suzanne.  Sa  femme  ! 

FiG  \Ro  ,  follewent.  Ah!  Figaro  ,  pends  loi  !  lu  n'ôn  pas  deviné 
celui-là  !  sa  femme  !  ô  douze  ou  quinze  fois  spirituelles  femelles  ! 
ainsi  ,  les  baisers  de  toul-à-l'heure  ? 
Suzanne.  Ont  été  donnés  à  Mad.imc. 
Figaro.  Et  celui  du  page  ï 
Suzanne  ,  en  riant.  A  Monsieur  ! 
FwiARO.  Et  lantôt ,  derrière  le  fauteuil  ? 
Suzanne.  A  personne  ! 
FiG.VRo.  En  êt'S  vous  sûre? 

Suzanne  ,  en  riant.   îl  pleut  l'es  soufOels  ,  Figaro  ? 
Figaro  ,  /ni  baisant  la  main.  Ce  sont  dos  bijoux  ,  que  les  liens  : 
mais  celui  du  Comte  ,  était  de  bonne  gucire  ! 


(  30 

Suzanne.   Allons  ,  superbe  !  humilic-loi  ! 

FiGABO  ,  faisant  tout  ce  qu'il  dit.  Cela  est  juste.  .  .  à  genoux  l .  . 
bien  courbé  ! .  .  prosterné  ! .  .  ventre  à  terre  ! . . 

Suzanne  ,  riant.  Ah  !  re  pauvre  Comte  !  quelle  peine  il  s'est 
donnée  .' 

Figaro  ,  ie  relevant  sur  ses  genoux.  Pour  faire  la  conquête  de  sa 
femme  l 

SCÈNE  VJil. 

LE    COMTE  ,    entrant   par   la   droite   du  théâtre ,     oa   droit    au 
paxnllon  ,  à  gauche  ,  FIGARO,  SUZANNE. 

Le  Comte  ,  à  lui-même.  Je  la  cherche  en  vain  ,  dans  le  bois  , 
elle  est  sans  doute  entrée  ici. 

Suzanne  ,  bas  à  Figarc.  C'est  lui  ' 
Le  Comte  ,  ouvrant  h  pavillon-  Suzon  ,  es-tu  là- dedans  ? 
Figaro  ,  las,  11  la  cherche  !  et  moi  je  croyais.  .  . 
Suzanne,  bas.  11  ne  la  pas  reconnue  •' 
Figaro  ,  has.  Aclievons  -le  ,  vcux-îu  ?  (  //  lui  baise  la  mcnn  ). 
Le   Comte  ,    se  retournant  au  bruit  du  baiser.  Un  liomme  ,   aux 
pieds  de  la  Comtesse  !  ah  !  je  suis  sans  armes  !  (^ils'avance\ 

Figaro  ,  se  relevant  tout-à-fait ,  et  contrefaisant  sa  ooix.  Pardon  , 
Madame  ,  je  n'ai  pas  réfléchi  que  ce  rendez-vous  ordinaire  était 
destiné  pour  la  «oce  I 

Le  CoaiTE  ,  à  part.  C'est  l'homme  du  cabinet  de  ce  matin  I  (  // 
se  frappe  le  front  ). 

Figaro,  continuant.    ISlais  ,  il  ne  sera  pas  dit,  qu'un    obstacle 
aussi  sot  ,  aura  retardé  nos  plaisirs  I 
Le  Comte  ,  à  part.  Mort  !  enfer  I 

FiGARO  ,  bas.    Il  jure  !  (  hcuit  à  Suzanne  ,  en  la  conduisant  oers  le 
pavillon  à  droite^.  Pre.^sons-nous  donc  ,  Madame  ,  fl  réparons  le 
tort  qu'on  nous  a  fait  tantôt  ,  quand  j'ai  sauté  par  la  fenêtre  1 
Le  comte,  à  part.  Ah!  tout  se  découvre  enfin! 
Suzanne,   près  da  pavillon  à   droite.  Avant  d'cnirer  ,  voyez  si 
personne  n'a  buivi.  (  Figaro  baise  Suzanne  sur  le  front.  ) 

Le  Comte  s'' écrie  •■  Vengeance  !  (  Suzanne  s  enfuit  dans  le  paoillon  , 
oii  sont  entres  Fanchette  et  Chérubin.  ) 

SCÈNE  IX. 
LE  COMTE  ,  FIGARO. 

(  Le   comte   saisit  le  bras   de   Figaro.  ) 
Figaro,  jouant  la  frayeur  excessive.  C'est  mon  maître! 
Le  comte  ,  le  reconnaissant.  Ah,  scélérat!  c'est  toi!  appelant. 
Hola,  quelqu'un  !..  quelqu'un!.,  accourez  tous! 


(3-) 

SCÈNE  X. 

BRIDOISOiN  ,  LE  COMTE  ,  FIGARO  ,  AISTOiNlO  , 
FIORELLO  ,  Paysans,  Paysannes,  Valets,  portant  des 
flambeaux.   Le  théâtre  est  entièrement  éclairé. 

Chœur  générac 

Quel  bruit  1  qui  nous  appelé  '  Nous  accourons  remplis  Je  zèle. 

Pourquoi  ces  cris?  que  voulez-vous  ?  El  l'on  peut  disposer  de  nous. 

Le  COMTE  ,  montrant  le  pa^ullon  à  droite.  Emparez-vous  de  cette 
porte.  (  Deux  valets  se  rangent  auprès.  Aux  paysans  en  leur  montrant 
Figaro.  )  Et  vous  tous,  enlourez-inoi  cet  homme, et  m'en  répon- 
dez sur  la  vie. 

Antonio.  Ah!  ah  1 

Le  comte  ,  furieux.  Taisez-vous  donc.  (  A  Figaro  ,  d^un  ton 
glacé.  Mon  cavalier,  répondez  à  mes  questions  :  quel  est  la  dame 
actuellement  amenée  dans  ce  pavillon  ï  (  //  montre  celui  qui  est  ci 
droite.  ) 

Figaro,  montrant  l  autre  ai>ec  malice.  Dans  celui-là l 

Le  comte  ,  wement.  Dans  celui-ci  ! 

Figaro  ,  froidement.  C'est  différent.  —  Une  jeune  personne  qui 
m'honore  de  ses  bontés  parîiculières. 

Le  comte  ,  avec  fureur.  Au  moins  il  est  naïf;  mais  quand  le 
déshonneur  est  public  ,  il  faut  que  la  vengeance  le  soit  aussi.  (  Il 
entre  dans  le  pavillon . 

SCÈNE  XI. 

les  mêmes  ,  excepté  le   Comte. 
BaiBOisON.   Oui  .,1...  donc  a  pris  la.  .a  femme  de  1  au. ..autre? 

SCÈNE  XII. 

les  mêmes,  le  COMTE  et  CHÉRUBIN.  Le  Comte  parle 
dans  le  pavillon  à  quelrjuun  qu'il  s'efforce  d  attirer,  et  quon  ne  voit 
pas  encore. 

Le  comte.  Tous  vos  efforts  sont  inutiles  ;  vous  êlcs  perdue  , 
madame,  et  voire  heurii  est  bien  arrivée.  (//  entre  sans  regarder  en 
amenant  Chérubin-  ) 

Figaro  s'écrie-   Chérubin! 
Le  comte.  Mon  page  ! 
Antonio.  Ah!  ah  I.  . 

Le  comte  ,  hors  de  lui,  à  part.  Et  toujours  le  page  en  diable.' 
(  à  Chérubin.^  Que  faisiez-vous  dans  ce  pavillon  ? 

ChÉrl'bin,  timid  ment.  Je  me  cachais,  comme  vous  me  l'avez 
ordonné. 

Le  comte.  Enlres-y,  toi ,  Antonio  ;  conduis  devant  son   juge 
rinfâme  qui  m'a  déshonoré. 

BuiDOisON.  C'est  nîa...adamc  que  von.,.ous  y  cherchez.^ 


(  38) 

Antonio.  Y  a  pargnenne  une  bonne  providence!  vous  en  avez 
tant  fait  dans  le  pays  1 

Le  comte  ,  Jurieux.  Entre  donc  1  (  Antonb  y  entre.  )  Vous  allez 
voir,  messieurs;  que  le  page  n'y  était  pas  seul. 

Chérubin  ,  timidement.  Mon  sort  eût  été  trop  cruel,  si  quel- 
qu'âme  sensible  n'en  eût  adouci  l  amertume  ! 

SCÈNE  XIII. 

Les  MÊMES,  ANTONIO  revenant  du  pavillon  et  attirant  par  le 
bras  Fanchette  qu  'on  ne  volt  pas  encore. 

Antonio,  en  dedans.  Allons,  Madame,  il  ne  faut  pas  vous  faire 
prier  pour  en  sortir ,  puisqu'on  sait  que  vous  y  êtes  entrée.  (// 
parait  avec  Fanchette). 

Figaro  5'emV.  La  petite  cousine! 

Antonio  fout  étonné.  Ah!  ali!  ah! 

Le  (]omte.  Fanchette! 

A'STOT^iO  se  retoujne  et  s'écrie.  Ah!  palscmblcu!  Monseigneur! 
il  est  gaillard  de  me  choisir  pour  montrer  à  la  compagnie  que  c'est 
ma  fille  qui  cause  tout  ce  train-là  ! 

Le  Comte,  outré.  Que  m'importe  à  moi  ;'  la  Comtesse.  . . 

SCÈNE  XV. 

Les  mêmes,  SUZANNE    sortant  du  pavillon ,    son  éventail  sur  le 

visage. 
Le  Comte.  Ah!  la  voici  qui  sort!  {Il  prend  Suzanne  par  1/  l/ras). 
Morceau  de  Ross/ni. 

TOUS,  excepte  le  Comte, 

C'est  la  Comtesse  , 

La  fureur  qui  le  presse 

Aisément 

Se  coinprcntl. 

SUZANNE  la  trie  hiiissce  sejcllc  à  genoux. 

y\h!  j'implore  ma  grâce. 

i.K  COMTE.  Non  ,  non. 

Quelle  audace. 

FICAKO  se  jette  h  genoux  de  Tendre  cote. 

J'implore  sa  grâce. 

lE  COMTE,  Non  ,  non  , 

Point  lie  grâce. 

TOUS  se  jncltant  à  genoux  excepte  Bridolson . 

ma      »    ,T 
cracc! 
sa  " 

LE  COMTE.  Non  ,  non. 

SCÈNE  XVL 

Les  Mêmes,  LA  COMTESSE  sortant  du  pavillon  à  gauche,  et  se 
jetant  au:v  genoux  du  Comte. 

LA  COMTESSE.  De  leur  côté  souffrez  tjue  je  me  range  ! 

LE  COMTi'.  reconnaissant  lu  Comtesse  et  Suzanne. 
C'est  la  Comtesse 


(%) 

LA  COMTESSE  un  Comte.       Direz-vous  toujours  non. 
LE  COMTE  se  met  à  genoux  et  la  Comtesse  se  releçe  :  tous  les  aiilres  enfoui 

autant. 
GrAce ,  madame. 
SliZANNE.  Ali  !  voilri  le  tableau  (jui  change. 

A  son  tour  il  demande  pardon. 

ENSEMBLE. 

LE  COMTE.  Chère  Comtesse  , 

Cro^'ez  à  ma  tendresse, 
Ce  moment 
Vous  la  rend. 
TOUS.  C'est  la  Comtesse, 

Le  regret  qui  le  presse 
.\lsement 
Se  comprend. 

Le  Comte.  Il  n'y  a  qu'un  pardon  bien  généreux! 

La  Comtesse.  Vous  diriez  non  ,  non  ,  à  ma  place  ;  et  moi,  pour 
la  troisième  fois  d'aujourd'hui,  je  l'accorde  sans  conditions. 

Suzanne.  Moi  aussi. 

Figaro.  Moi  aussi.  Il  v  a  de  l'écho,  ici. 

Le  Comte.  De  l'écho  !  j'ai  voulu  ruser  avec  eux,  ils  m'ont  traité 
comme  un  enfant! 

FlOABO,  s'essiiyant  les  genoux  avec  son  chapeau.  Une  petite  jour- 
née comme  celle-ci  forme  bien  un  ambassadeur. 

Le  Comte  à  Suzanne.  Ce  billet  fermé  d'une  épingle? 

SuZA>-?sE.  C'est  Madame  qui  l'avait  dicté. 

Le  Comte.  La  réponse  lui  en  est  bien  due.  (//  baise  la  main  de 
la  Comtesse). 

La  Comtesse.  Chacun  aura  ce  qui  lui  appartient.  {Elle  donne 
le  diamant  à  Suzanne  et  la  dut  à  Figaro'). 

Figaro,  frappant  la  bourse  dans  sa  main.  Elle  a  été  rude  à  ar- 
racher! 

Suzanne.  Comme  notre  mariage. 

Le  Comte,  à  Bridoison,  en  lui  frappant  sur  f  épaule.  Eh  bien  !  don 
Brldoison,  voire  avis  maintenant? 

Bridoison.  Su.  .ur  tout  ce  que  je.  .e  vois,  Monsieur  le  Comte? 
ma .  .  a  foi ,  pour  moi .  .  je .  .  e  ne  sais  que  vou  .  .  ous  dire  ?  voilà 
ma.  .a  façon  de  penser. 

Tous.  Bien  jogé  ! 

CHANT  FINAL. 

Viv'  monseigneur  , 
Ah.'  quel  beau  jour  pour  nous  commence  , 
La  justice  de  monseigneur 
Des  femmes  prote'g'  l'innocence 
Et  rend  aux  maris  le  bonheur. 
Viv'  monseigneur. 


FIN. 


Py  Artois,  Armand  d* 

2153  Figaro 

A7«F5 


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