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Full text of "Foyers et coulisses : histoire anecdotique des théatres de Paris"

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FOYERS    &     COULISSES 


SEPTIEME  LIVRAISON 


GAITE 


TOME    DEUXIEME 


EN    VENTE: 

L'ANNÉE  THÉÂTRALE  1874-1875 

PREMIÈRE  ANNÉE 

NOUVELLES     DE     CHAQUE   JOUR,    COMPTES 
RENDUS,    RACONTARS,    ETC. 

Par  Georges  DlJVAl 

Un   Volume  in-lS  de  400  Pages 

Prix  :  3  fr.  50 


DEUXIÈME         ÉDITION 

BSSGLÊS 

BIOGRAPHIE       ET       SOUVENIRS 
PAR     E.     DE     MOLÈNES 

/  roi.  in-18,  orné  d'un  Portrait  à  Veau-forte 
Prix  :   3  fr.  50 


Paris.  —  Irap.  K;chard-Be;  thier.  18-19,  pass  de  l'Opéra, 


FOYERS 

ET 

COUUSSES 

HISTOIRE  AMCDOTIÛLE  DES  THÉÂTRES  DE  PARIS 


GAITÉ 

TOME         DEUXIÈME 

1   f  raixc  50 

AVEC       PHOTOGRAPHIES 


PARIS 

TRESSE,  ÉDITEUR 

10     ET     11,      GALERIE     DE     CHARTRES 
Palais-Royal 

1875 
Tous  droits  réservés 


Annejif 


GAITÉ 


ADMINISTRATION 

Directeur  . , : ,  J.  Offe^bach 

Administrateur  général E.  Trefeu. 

Administrateur  artistique  et  pre- 
mier chef  d'orchestre. , , A.  Vizemini. 

Secrétaire  général ..,,,, E.  Mexdel. 

Caissier Ch.  Grou. 

Inspecteur  du  théâtre Ch.  Bridal'lt, 

Inspecteur  de  la  salle G.  Henriot. 

RÉGIE  ET  CHEFS  DE  SERVICE 


Directeur  do  la  scène. 
Régisseur  ,.,.,., 


Contrôleur  en  chef 
Chef  costumière, . , 

—  machiniste,,, 

—  costumier..,, 

—  d'orchestre  , , 

—  des  chœurs  . 

—  des  accessoires 

Maître  do  ballet 

Régisseur  de  la  danse., 
Inspecteur  des  chœurs. 
Accompagnateur ,,,,,, 


E.  Taigny. 
Yazeilles. 
Reaudu. 

J.   ViZENTIM. 

Ph.  Mendel. 
Min«  Gervais. 
E.  GoDix. 
Constant. 

A.    GODIN. 

Bourdeau. 

MONET. 

FUCHS. 

M"^'  MONTPLAISIR. 

MM.  Vaudegend. 
, . .     Martin. 


tiii 


SïîS 


90  FOYERS   ET   COULISSES 

J.  OFFENBACH^ 

Du  temps  quHl  n'avait  pas  oncor  blagué  l'Olympe, 
Ni  soulevé  du  bout  do  son  archet  la  guimpe 

Qu'emplit  le  buste  de  Pallas, 
A  cet  âge  où  l'on  est  fier  d'être  polygame, 
Bien  souvent  il  disait  à  la  sœur  de  son  âme  : 

a  Ça  ne  va  pas  du  tout,  hélas  !  » 

«  Ma  gloire,  la  coquine,  a  le  pas  des  limaces, 
Et  je  ne  suis  connu  que  pour  être  des  basses 

Le  triomphant  Paganini  ; 
Bientôt  tout  va  changer;  mon  avenir  se  dore; 
Alors  tu  quitteras,  pour  le  velours  sonore, 

Ta  robe  d'al;?a^a,  Nini  1 

Vienne  une  occasion,  plutôt  que  je  la  perde, 
Périssent  et  Weber  et  l'aïeul  Monteverde, 

Et  Boïeldieu,  ce  liseron  ! 
L'univers  tremblera  du  poids  de  mon  génie, 
Je  vous  égalerai,  neuf  sphères  d'Harmonie 

Que  nous  décrivit  Gicéron  1 
Je  n'aurai  de  respect  pour  rien;  et  les  antiques 
Seront  déljarrassés  de  ces  poses  attiques 

Qu'ils  ont  sur  leurs  socles  de  stuc; 
Vainqueur,  je  transcrirai  la  musique  des  fées; 
Et  nos  neveux  pourront  comparer  nos  Orphées, 

Mon  pauvre  vieux  compère  Gluck  ! 

J'aurai  la  fantaisie  étrange  des  mers  bleues. 
Et  la  vivacité  folle  des  hochequeues  : 

Hoffmann  ne  sera  que  mon  groom  ; 

[beugles  !  » 
Donc,  j'ai  dit  !  et  je  veux,  ô  Schubert,  que  tu 
, ,  ,Et  l'homme  au  nez  sinistre  écrivit  les  Aveugles 

Et  chanta  le  général  Boum  1 

Cette  poésie  est  de  Vermesch. 


GAITÉ  91 

OFFENBACH-DIRECTEUR 

Offenbach  est  loin  d'avoir  dit  son  der- 
nier mot.  Il  est  jeune  encore,  intrépide  au 
travail. 

Une  originalité  dont  rien  n'approche, 
un  entrain  merveilleux,  une  gaîté  persé- 
vérante et  une  verve  à  jet  continu,  voilà 
sans  contredit  le  caractère  de  son  talent 
musical.  —  Chez  lui  l'inspiration  folâtre 
n'exclut  pas  la  sensibilité,  ce  qui  a  fait 
dire  avec  justesse  à  un  journaliste  de 
Berlin  :  «  La  musique  d'Offenbach  a  l'es- 
prit français,  mais  elle  conserve  toujours 
le  cœur  allemand.  » 

A  propos  de  l'éternel  succès  d'Orphée 
aux  Enfers,  certains  critiques,  voyant  le 
sans-gène  de  l'œuvre,  le  cachet  de  naturel 
qui  la  distingue,  et  ne  sachant  pas  que 
très-souvent  ce  qui  paraît  composé  sans 
peine  a  presque  toujours  coûté  beaucoup 
de  travail  à  l'auteur,  s'écriaient  :  Bah! 
cette  pièce  est  comme  l'œuf  de  Christophe 
Colomb  : 

—  Chacun  pouvait  en  avoir  l'idée. 

—  Oui,  mais  il  fallait  l'avoir. 

LE    CABINET  DOFFEXBACH 

est  situé  au  premier  étage  du  côté  droit  de 
la  scène;  il  est  muni  d'un  certain  nombre 
de  portes  dérobées  et  de  plusieurs  esca- 
liers de  sortie.  L'ameublement  est  en  ve- 


\}'2  rOYERS    ET    COULISSES 

lours  vert.  Aumilieuune  grande  lablc,  près 
de  la  feuêîrc  un  piano,  sur  les  murs  des 
vues  représentant  la  cathédrale  de  Milan, 
les  principaux  tableaux  de  Gènes,  Venise, 
etc.,  etc.,  des  scènes  des  Deux  Aveugles  et 
du  lîoi  Carotte. 


LE  FAUTEUIL  D'OFFENBACH. 

Ce  fauteuil  vaut  la  peine  d'être  souligné, 
car  il  a  son  histoire.  —  Le  maestro  affec- 
tionne tout  particulièrement  ce  genre  de 
siège.  Quand  il  était  directeur  des  Bouffes, 
il  Irùnait  dans  un  vieux  fauteuil  gothique 
qu'il  avait  acheté  chez  un  brocanteur. 

Ce  fauteuil  était  le  rêve  de  Yarney,  qui 
fut  le  successeur  d'Offcnbach. 

M'y  asseoir  et  mourir!  disait-il. 

L'occasion  si  désirée  ne  tarda  pas  à  se 
présenter.  Offenbach  abandonna  les  Bouf- 
fes, et  y  laissa  son  fauteuil. 

Une  heure  après,  Yarney  s'y  précipitait 

mais impossible   de     s'y   asseoir,    il 

était  trop  étroit!... 


Les  détracteurs  et  les  envieux  ont  plus 
d'une  fois  prétendu  qu'Offenbach  avait 
copié  Mozart  et  mis  son  Requiem  en  qua- 
drille. —  Aujourd'hui,  d'après  ce  que  ra- 


GAiTt:  9:J 

conte  Timothée  Trimm,  nous  devons  pen- 
cher pour  l'affirmative.  Oui,  Offenbach  a 
copié  Mozart.  Il  a  donné  raumônc  ù  un 
pauvre,  de  la  même  façon  que  rauleur  de 
Don  Juan. 

Ce  nécessiteux,  persistant  et  enlètc, 
poursuivait  Offenbach  sans  relâche  tout  le 
lonjj  de  l'avenue  des  Champs-Elysées...  et 
faisait  la  manche  dans  la  langue  de  Schil- 
ler... Or,  comme  le  maestro  est  Allemand... 
il  ne  peut  arguer  de  son  ignorance  pour 
refuser  la  charité. 

Il  se  fouille. . .  pas  un  kreulzer. 

Pas  un  sou  de  France. 

Pas  une  obole. 

Une  vraie  pénurie  de  grand  prix  de 
Rome  sortant  du  Conservatoire  ! . . . 

Et  le  pauvre  implorait  toujours  sur  le 
ton  de  Patachon  des  Deux  Aveugles. 

—  Eh  bien  !  s'écria  Offenbach  énervé,  je 
n'ai  pas  d'argent. . .  mais  je  veux  te  donner 
une  traite  à  vue. 

Et,  après  avoir  tracé  sur  un  feuillet  ar- 
raché à  son  portefeuille  les  lignes  harmo- 
niques, il  écrivit  pendant  dix  minutes... 
puis  il  donna  le  feuillet  au  solliciteur.  En 
tête,  on  lisait  : 

La  Polka  du  Mendiant. 

—  Tiens  !  s'écria-t-il,  cela  vaut  bien  deux 
cents  francs  chez  tous  les  éditeurs. . . 


94  FOYERS    ET   COULISSES 

Huit  jours  après,  Offenbach  rencontra 
son  pauvre. 

—  Eh  bien  !  lui  dit-il,  as-tu  vendu  ?. . . 

—  Je  suis  en  pourparlers,  répondit  celui- 
ci  en  rajustant  ses  guenilles. 

—  Et  tu  ne  te  décides  pas  ?. . . 

—  J'ai  le  temps. 

L'indigent  avait  déjà  reçu  des  offres  des 
principaux  éditeurs  de  Paris.  —  Il  avait 
fait  essayer  le  morceau  au  piano  par  un 
domestique  qui  a  été  homme  du  monde. 

Il  veut  mille  francs. 

Et  se  réserve  : 

Le  droit  d'éditer  à  l'étranger  ; 

Le  droit  de  perception  aux  cafés-con- 
certs et  bals  ; 

Le  droit  de  l'édition  populaire  à  10  cen- 
times ; 

Le  privilège  de  vendre  à  l'intérieur  des 
Bouffes  et  de  la  Gaîté  ; 

Le  droit  de  traiter  avec  Strauss  etArban 
pour  les  bals  de  l'Opéra,  et  avec...  les 
orgues  de  Barbarie. 

Pourquoi  Offenbach,  si  intelligent,  si 
malin,  ne  prendrait-il  pas  ce  mendiant  ad- 
ministratif. . .  pour  son  administration  ? 


ETIENNE  TRÉFEU 

Cet  auteur    dramatique    est  à  la   Gaîté 
l'administrateur  chargé  de  la  comptabilité 


GAITÉ  95 

du  matériel, des  achats, et  de  toute  la  partie 
du  contentieux. 

Les  frères  Lyonnet  sont  moins  insépa- 
rables que  Trefeu  et  Albert  Vizentini. — 
Ils  s'entendent  absolument  en  tout  et  pour 
tout.  Tréfeu  est  aussi  calme  et  aussi  fleg- 
matique que  Vizentini  est  prompt  et  ra- 
geur. Tréfeu  veut  toujours  renvoyer  les 
choses  au  lendemain,  ses  projets  comme 
ses  décisions  ont  besoin  de  mûrir  pen- 
dant 24  heures  ;  —  mais  Tréfeu  compte 
sans  Vizentini,  qui  est  là  pour  réaliser  ses 
projets  avant  même  qu'il  ne  les  ait  conçus. 
—  Tréfeu  fut  employé  pendant  longtemps 
dans  les  bureaux  de  la  douane.  Excellent 
père  de  famille,  il  vit  tout  entier  pour  son 
ménage.  Son  rêve  est  d'habiter  sa  Nor- 
mandie (il  est  de  St-Lô);  il  attend,  pour  le 
réaliser,  que  son  collaborateur  et  direc- 
teur Offenbach  ait  gagné  un  milliard  à 
la  Gaîté.  Tréfeu,  toujours  de  noir  habillé, 
n'a  qu'une  coquetterie,  c'est  une  petite 
mèche  blanche  qu'il  porte  coquettement 
sur  son  front.  Serait-ce  la  mèche  de  Sylla? 

J'oubliais  de  vous  dire  que  Tréfeu  est  un 
des  draprons  préposés  à  la  garde  des  ci- 
gares d'Offenbach. 

Vizentini  est  l'autre  !  Malheur  à  qui 
s'aviserait  de  plonger  une  main  crochue 
dans  la  boîte  de  londrès  du  maestro  de- 
vant les  deux  vestales  en  culottes  chargées 
de  veiller  sur  son  feu  sacré. 


96  FOYERS   ET   COULISSES 


ALBERT  VIZENTINI 

Fils  d'Augustin  Vizentini,  administra- 
teur à  l'Opéra,  directeur  à  l'Odéon,  régis- 
seur général  du  Vaudeville,  de  la  Porte- 
St-Martin,  du  Châtelet,  une  des  grandes 
réputations  des  temps  connus,  metteur  en 
scène  ;  —  petit-fils  de  Vizentini,  le  doyen 
des  sociétaires  du  théâtre  Ffivdeau  (le 
Vizentini  qui  a  créé  les  Visitandines,  la 
Neige,  Mazaniello,  etc. 

Abcrt  Vizentini  a  commencé  par  être 
pensionnaire  de  l'Odéon.  En  184711  jouait 
dans  Je  Dernier  Banquet,  la  revue  de  Ca- 
mille Doucet,  le  rôle  du  jeune  auteur.  Il  a 
fait  toutes  ses  études  musicales  en  Bel- 
gique avec  Fétis  et  Léonard,  et  il  a  obtenu 
tous  ses  premiers  prix  de  violon  et  de 
composition  au  Conservatoire  de  Bruxel- 
les. 

Albert  Vizentini  a  commencé  à  con- 
duire, comme  chef  d'orchestre,  à  Anvers 
en  1860. 

Ensuite,  avec  M°^«  Carvalho,  il  fit  une 
tournée  de  concerts  en  Belgique  et  en  Hol- 
lande. Puis  il  vint  se  faire  entendre  comme 
virtuose.  Il  se  fit  remarquer  comme  tel, 
dans  nombre  de  soirées  et  de  représen- 
lations  à  bénéfice.  C'est  lui  qui  inventa, 
pour  un  concert  à  la  salle  Hertz,  la  femme 
TÉNOR  qui  n'était  autre  qu'un    contralto. 


GAITÉ  97 

Mais  tous  ses  succès  ne  valaient  pas  ceux 
du  théâtre.  Il  se  fit  donc  engager  comme 
solo  violon  aux  Bouffes,  puis  au  Théâtre- 
Lyrique,  où  il  resta  quatre  ans. 

"Sur  ces  entrefaites,  Marc  Fournier  et 
Albéric  Second  lui  mirent  la  plume  à 
la  main,  et  Vizentini  devint  critique  mu- 
sical. Ainsi  que  l'atteste  sa  collaboration 
au  Grand  Journal,  au  Charivari  (pendant 
dix  ans) ,  à  l'Entracte^  à  l'Evénement 
illustré,  au  Paris  Magazine,  à  l'Eclair, 
etc.,  etc.,  il  fonda  avec  Strackosh  un  jour- 
nal de  musique,  le  Télégraphe,  dont  la 
guerre  arrêta  le  mouvement. 

C'est  à  la  suite  d'une  discussion,  moti- 
vée par  un  article  du  Charivari,(\\x'\\  donna 
sa  démission  au  Théâtre-Lyrique. 

Il  entra  à  la  Porte-St-Martin  comme 
chef  d'orchestre,  chargé  do  composer  la 
musique  des  pièces  nouvelles.  Il  alla  à 
Londres  pendant  trois  étés,  pour  monter 
le  répertoire  d'Offenbach  avec  Shneider; 
c'est  là  qu'il  eut  au  doigt  un  accident 
qui,  depuis,  l'empêcha  de  jouer  du  violon. 
C'est  également  à  Londres  qu'Offenbach 
le  vit  conduire;  il  le  fit  engager  à  la 
Gaîté,  par  M.  Boulet,  pour  monter  le  Boi 
Carotte. 

M.  Boulet  cédant  sa  direction  à  Offen- 
bach,  celui-ci  garda  naturellement  Vizen- 
tini, qui  est  devenu  aujourd'hui  son  bras 
droit,  son   alter  ego. 


98  FOYERS   ET   COULISSES 

Vizentini  a  signé  un  engagement  de 
seize  ans  absolument  pour  tout  faire, 
comme  les  bonnes  du  bureau  de  place- 
ment. 

Le  jeune  chef  d'orchestre  prenait  si  bien 
cet  engagement  à  la  lettre,  que,  le  lende- 
main matin,  il  pénétrait  chez  Offenbach, 
s'emparait  de  ses  bottes  et  les  cirait  au 
grand  ébahissement  du  maestro. 

—  Ne  m'avez-vous  pas  engagé  pour 
tout  faire  ?  lui  dit-il. 

En  effet,  Vizentini  le  remplace  complè- 
tement dans  son  absence  pour  tous  les 
rouages  de  la  machine.  Résiliations,  enga- 
gements, traités  avec  les  auteurs,  com- 
mandes de  décors, commandes  de  costumes, 
tout  lui  passe  par  les  mains,  tout. . . 

A  la  répétition  générale  àQ  Jeanne  d'Arc, 
les  inspecteurs  de  la  censure  ayant  trouvé 
une  jupe  trop  courte,  ont  demandé  la  cos- 
tumière à  tous  les  échos  ;  elle  ne  venait 
pas.  Que  croyez-vous  que  fit  Vizentini, 
qui  conduisait  son  orchestre?  Il  déposa 
son  bâton  de  mesure  sur  son  pupitre,  des- 
cendit de  son  fauteuil,  escalada  l'orchestre 
en  moins  de  cinq  minutes  ;  ayant  franchi 
les  six  étages  qui  mènent  chez  la  costu- 
mière, il  les  redescendait  avec  celle-ci, 
qui  allongeait  la  jupe,  puis  il  reprenait  sa 
place  à  son  orchestre,  comme  s'il  ne  l'avait 
jamais  quittée. 

Il   n'y   a   qu'une    chose   pour   laquelle 


GAITÉ  99 

Vizentini  n'a  pu  remplacer  Offenbach,  mais 
il  ne  désespère  pas  d'y  arriver. 

Ce  sont  les  rhumatismes. . . 

Le  rêve  du  maestro-directeur  et  de  son 
jeune  chef  d'orchestre,  c'est  d'avoir  à  la 
Gaîté  une  pièce  qui  leur  laisse  le  loisir  de 
s'enfermer  dans  leur  cabinet  pour  jouer 
des  duos  de  violon  et  de  violoncelle. 

Vizentini,  par  son  engagement  qui  le 
reconnaît  administrateur  artistique,  pre- 
mier chef  d'orchestre  et  directeur  de  la 
musique,  se  réserve  le  droit  de  ne  con- 
duire son  orchestre  tout  au  long  que  pen- 
dant les  cinquante  premières  représenta- 
tions de  l'ouvrage. 

Il  vient  de  faire  transformer  son  cabinet 
en  un  véritable  boudoir,  orné  de  son  por- 
trait-charge très-ressemblant,  du  portrait 
d'Offenbach,  et  d'un  millier  de  photogra- 
phies d'artistes...  dames. 

A  chez  lui,  dans  son  salon,  les  portraits 
des  pkis  célèbres  compositeurs  modernes, 
avec  dédicaces  des  plus  flatteuses  pour  le 
jeune  chef  d'orchestre  dont  nous  venons 
de  faire  la  biographie. 

EMILE   MENDEL 

Le  spirituel  courriériste  théâtral  de 
Paris-Journal  est  rarement  à  son  poste, 
par  cette  raison  que  ses  fonctions  con- 
sistent à  donner  des  places;  et  comme  on 


100  FOYERS    ET   COULISSES 

fait  toujours  de  l'argent  au  théâtre  de  la 
Gaîté,  sa  mission  de  secrétaire  y  devient 
une  douce  sinécure. 

Détail  qui  fait  honneur  à  ses  mœurs, 
Emile  Mendcl  ne  permet  pas  aux  petites 
dames  d'être  trop  familières  avec  lui. 

Très-brun,  très-gentil,  très-doux,  très- 
aimable,  son  plus  grand  bonheur  est  de 
se  précipiter  sur  le  premier  piano  qu'il 
peut  rencontrer,  et  de  le  faire  vibrer... 
sans  prétention, 

Mendel  porte  toujours  les  cheveux  cou- 
pés à  la  malcontent,  ce  qui  ne  l'empêche 
pas  d'être  très-content  de  son  sort,  malgré 
les  migraines  féroces  qui  le  retiennent 
quelquefois  chez  lui  {46,  ime  Lafûttë)  au 
cinqui(^mc?. . .  au-dessus  de  l'entresol  !  et 
quand,  pauvre  asthmatique  avant  l'âge, 
vous  maudissez  celte  ascension,  Mendel 
vous  répond  :  Figures-toi  que  tu  es  aux 
courses  de  la  Marche!  En  effet,  il  faut 
en  monter  108  pour  arriver  à  sa  porte  ! 


CHARLES  GROU 

Ce  caissier  modèle  est  l'enfant  chéri  des 

dames de  la  Gaîté.  11  y  a  une  raison 

pour  cela.  Les  jours  de  paie,  il  se  ruine 
en  bouquets  de  violettes  pour  elles,  et  se 
réserve  le  bonheur,  quand  elles  ont  mé- 
rité une  gratification,  d'être  le  premier  à 


GAITÉ  101 

lo  leur  annoncer,  ne  demandant  qu'un  baiser 
pour  toute  récompense. 

Depuis  longtemps  membre  du  Caveau, 
et  ancien  éditeur  do  musique,  M.  Gnou 
ferait  des  romances  et  des  couplets  de 
factures,  jusque  sur  celles  des  fournis- 
seurs de  la  Gaité,  si  les  chiffres  lui  en 
laissaient  le  temps. 

En  résumé,  petit  homme,  et  grand  cais- 
sier. 


BRIDAuLT    (CHARLES) 

Nous  n'en  parlerons  pas  comme  direc- 
teur, puisque  comme  tel  il  a  été  plus  in- 
telligent qu'heureux. 

Ancien  secrétaire  des  Folies-Nouvelles, 
directeur  du  théâtre  Déjazet,  puis  de  la 
Tour-d'Auvergne;  il  est  nouvel  arrivant 
à  la  Gaîté,  où  il  paraît  appelé  à  rendre  de 
grands  services. 

Très-actif  et  portant  toujours  des  lu- 
nettes, c'est  un  homme  d'un  commerce 
agréable  et  qui  a  été  de  suite  sympathique 
au  nombreux  personnel  de  la  Gaîté.  Mais 
ne  le  mettez  pas  en  colère,  car  lorsqu'il 
se  fâche  il  devient  blanc  comme  Debureau. 
Par  exemple,  faites-le  rire,  vous  serez  son 
ami . 

M.  Bridault  a  pour  pour  cabinet  le  salon 
attenant  aux  baignoires  de  gauche,  dont  il 


102  FOYERS   ET   COULISSES 

est  séparé  par  une  des  portes  de  fer  qui 
communiquent  avec  la  salle.  Ce  cabinet 
est  plutôt  un  violon,  car  c'est  là  qu'on 
enferme  les  journalistes  indiscrets  qui  se 
faufilent  sur  la  scène  les  jours  de  répéti- 
tion générale. 
C'est  l'ancien  cabinet  de  Yizentini. 


GASTON   HENRIOT 

Neveu  de  Roqueplan,  ancien  directeur 
du  Châtelet,  où  il  succédait  à  son  oncle. 
Ancien  administrateur  de  l'A-lhambra  de 
Londres.  Préconise  le  système  anglais  en 
matière  de  contrôle. 

Tout  nouveau  à  la  Gaîté,  où  dès  son  en 
trée  il  a  fait  une  bouillie  de  placeurs  et  une 
fricassée  d'ouvreuses. 


EMILE  TAIGNY 


Ancien  directeur  des  Délassements  ; 
a  joint  aux  qualités  directoriales  le  ta- 
lent d'un  jeune  premier  remarquable.  11 
laissa  au  Vaudeville  de  la  rue  de  Chartres 
et  de  la  place  de  la  Bourse  de  glorieux 
souvenirs.  C'est  là  qu'il  débuta  dans  l'abbé 
de  Gondi,  du  Duel  de  Richelieu,  et  créa  le 


GAITÉ  103 

rôle  de  Faublas  et  tant  d'autres.  Sa  belle 
tenue,  ses  manières  distinguées,  son  jeu 
élégant  le  placèrent  au  premier  rang.  — 
Aux  Délassements-Comiques,  il  servait  de 
modèle  à  ceux  de  ses  artistes  qui  tenaient 
son  emploi,  et  reprit  lui-même  sur  son 
théâtre,  pour  lui  donnerplus  d'éclat,  toutes 
ses  créations  du  Vaudeville.  Il  créa, 
avec  sa  femme,  une  pièce  charmante,  de 
Jules  Renard,  le  Chemin  des  amoureux. 
Emile  Taigny  a  laissé  son  nom  attaché  à 
un  emploi  devenu  typique  au  théâtre.  De 
même  qu'on  dit  :  Je  joue  les  Dugazon,les 
Déjazet;  on  dit  :  Je  tiens  l'emploi  des  Tai- 
gny. —  M.  Taigny  est  entré  à  la  Gaîté, 
square  des  Arts-et-Métiers,  dans  la  com- 
binaison de  la  Société  Nantaise,  et  comme 
capitaliste  et  comme  directeur  de  la  scène. 
—  Il  est  une  des  colonnes  fondamentales 
de  ce  théâtre  auquel  il  est  imposé.  Signes 
particuliers  :  pourrait  être  marguillier  de 
sa  paroisse  (si  ce  n'est  déjà  fait). 

M.  Emile  Taigny  porte  toujours  des 
bottes  fourrées  et  boit  de  l'eau  de  goudron 
pendant  toute  la  soirée,  dans  la  loge  où  il 
assiste  à  la  représentation. 

Opinion  politique  :  lit  assidûment  la 
Patrie  et  le  Petit  Journal. 

LÉON  VAZEILLES 

Auteur   dramatique.    Le    Cogniard   du 


iO'i  FUYKIIS    ET    COULISSES 

théâtre  Saint-Pierre.  Edite  ses  pièces  lui- 
même.  Autrefois,  il  les  jouait.  L'été,  il 
monte  trois  ou  quatre  parties  avec  des  co- 
médiens auxquels  il  fait  jouer  des  specta- 
cles g-énéralement  composés  de  ses  pièces, 
et  il  se  présente  trè<-3érieusement  chez 
Peragallo,  le  trimestre  suivant,  pour  tou- 
cher ses  droits  d'auteur. 

Léon  Vazeilles,  qui  n'a  pas  encore  besoin 
de  l'eau  Laferrière,  se  fait  friser  réguliè- 
rement tous  les  deux  jours,  —  et  géné- 
ralement, ces  jours-là,  les  danseuses 
indisposées  s'évanouissent  dans  son 
cabinet,  où  se  trouve  sa  boîte  de  phar- 
macie. 

Les  autres  jours,  il  cause  politique 
riu  foyer,  où  il  commente  les  articles  du 
RappeJ,  dont  il  est,  avec  Mallet,  un  des 
lecteurs  les  plus  assidus. 


BÂUDU    (JEUNE) 

Celui-là  est  bien  l'enfant  de  la  maison. 

Il  a  29  ans  et  il  y  en  a  31  qu'il  est  dans 
le  théâtre,  où  il  fit  sa  première  entrée  dans 
la  personne  de  son  père,  d'abord,  qui  est 
le  perruquier  du  théâtre,  et  de  sa  mère.  — 
Baudu  a  commencé  à  jouer  à  la  Gaîté 
dans  des  rôles  d'enfant,  c'est  le  Deus  ex 
machina   de  la  scène  —  Offenbach  en  fait 


GAITÉ  105 

le  plus  grand  cas,  ainsi  que  Vizentini,  dont 
il  est  essentiellemeut  la  créature.  —  Tou- 
jours armé  d'un  porte-voix  en  zinc  pour 
transmettre  ses  ordres  dans  le  dessous, 
il  est  à  tout  et  conduit  toutes  les  pièces 
pendant  que  M.  Taigny  est  dans  la  salle 
et  prend  des  notes.  —  Baudu  a  ceci  de 
curieux,  c'est  qu'il  sait  tous  les  rôles;  il  a 
doublé  successivement  Dumaine,  Laurent, 
Legrenay,  Charly,  tous  les  artistes  qui 
ont  joué  depuis  5  ans  à  la  Gaîté;  —  quand 
le  souffleur  perd  son  manuscrit  ou  qu'on 
ne  retrouve  pas  la  tradition  d'une  pièce 
on  consulte  Baudu  qui  la  récite  immé- 
diatement sans  se  tromper  d'un  coda.  — 
C'est  un  robinet  à  renseignements.  —  Il  a 
été  un  peu  décontenancé  par  l'arrivée  de 
la  musique  à  la  Gaîté  ;  mais  il  s'est  mis 
courageusement  au  solfège  et  le  temps 
n'est  pas  loin  où  il  pourra  vocaliser  avec 
charme,  le  jour  où  madame  Dartaux 
sera  malade.  Déjà,  quand  il  y  a  des  chœurs 
dans  la  coulisse,  il  bat  la  mesure  avec  son 
porte-voix,  et  manque  de  blesser  avec, 
ceux  qui  se  trouvent  derrière  lui.  — 
Baudu  vient  de  se  marier  avec  une  char- 
mante petite  actrice  de  la  Gaîté,  M^^®  :Mette. 
Son  espoir  est  d'être  père;  ensuite  vous 
verrez  qu'il  mourra  à  la  Gaîté  et  qu'il 
voudra  y  être  enterré. 


lOO  FOYERS   ET    COULISSES 


E.   GODIN 

A  commencé  sa  carrière  à  I'Ambigu. 
C'est  là  que  Fetcher  le  remarqua  et  l'en- 
j^agea  pour  Londres,  où  il  resta  avec  lui 
:iLycéuin,  pendant  huit  ans  ;  de  Londres, 
s'habile  machiniste  revint,  en  1867,  à  Paris, 
où  l'appelait  la  Gaité,  qui  lui  doit,  entre 
autres  grands  effets  décoratifs,  l'incendie 
de  la  Madone  des  Roses,  la  dernière  cor- 
vette du  Fils  de  la  nuit,  les  nouveaux  ta- 
bleaux de  la  Chatte  blanche  et  ceux  du 
royaume  de  Neptune,  dans  Orphée  aux 
Enfers.  Le  chef  machiniste  de  la  Gaîté  est 
un  homme  très-doux;  il  a  rapporté  d'An- 
gleterre les  manières  d'un  parfait  gentle- 
man. Ses  hommes  lui  obéissent  au  doigt 
et  à  l'œil. 

Signe  particulier  :  n'est  pas  partisan  des 
petits  trucs,  n'admet,  ne  conçoit  que  les 
grands  effets,  et  pour  cela  il  est  tout  à  fait 
de  la  nouvelle  école. 

Bref,  le  premier  machiniste  de  France 
et. . .  de  Navarre. 


J.   VIZENTINI  (ONCLE  d'albert) 

A  été  très-longtemps  régisseuràTOdéon. 
Après  cela,   a  parcouru  la  province  dans 


GAITÉ  107 

tous  les  sens.  Est  entré,  il  y  a  quelques 
années,  à  la  Gaîté,  comme  troisième  régis- 
seur. Il  joue  clans  toutes  les  pièces  :  clans 
Jeanne  d'Arc,  un  soldat  anglais  ;  clans 
Orphée,  Rhadamante  ;  a  créé,  dans  Léonard, 
Saint- Pliar,  l'égoutier  célèbre  par  son 
]iinocle  et  son  mouchoir  parfumé. 


PHILIPPE    MENDEL 

Fut  pendant  de  longues  années  le  con- 
trôleur des  bals  de  l'Opéra.  Aime  à  s'en- 
tourer de  sa  famille.  Déteste  la  cravate 
blanche  qu'Offenbach  inqiose  ti  son  per- 
sonnel. 

Très-doux  à  la  ville,  il  est  un  peu  ner- 
veux dans  SOS  rapports  avec  le  public. 

Frère  du  jeune  secrétaire  de  la  Gaité, 
Emile  Mendel,  et  beau-frère  d'Ernest  Blum, 
l'auteur  dramatique. 


M^^   GERVAIS 


Une  maîtresse  femme  très-apprôciée  à 
la  Gaîté,  et  elle  le  mérite.  C'est  une  autorité 
dans  son  genre.  Pour  Grévin,  Lacoste  ou 
Thomas,    dessinateurs  de  costumes,    elle 


108  FOYERS   ET   COULISSES 

devient  un  véritable  collaborateur.  Femme 
d'ordre  et  de  régularité,  ses  costumes  sont 
entretenus,  soignés,  rangés,  étiquetés 
avec  le  plus  grand  soin. 


M.    CONSTANT 

Un  père  tranquille.  Rien  ne  peut  l'émou- 
voir, même  lorsqu'on  lui  commande  7  à 
800  pourpoints,  900  trousses  et  375  paires 
de  bottes.  Signes  particuliers  :  un  coupeur 
de  premier  ordre.  Il  hobille  surtout  les  ar- 
tistes à  leur  taille  et  à  leur  physionomie 
avec  une  sûreté  de  main  qui  lui  est  per- 
sonnelle. Son  véritable  nom  est  Constanzo. 
L'habitude  a  fait  supprimer  le  zo.  Il  reste 
à  la  Gaîté  son  costumier  Constant. 


M.   A.   GODiN 

Correct,  propre,  froid;  il  a  l'aspect  an- 
glais, et  pâlit  un  peu  plus  à  chaque  fausse 
note  d'un  musicien.  Il  fut  second  chef 
d'orchestre  à  l'Opéra-Comique. 

Bon  musicien,  toujours  en  tenue  de  soi- 
rée, il  ne  lui  manque  qu'une  chaufferette 
pour  entraîner  ses  musiciens. 


QAIT  109 


M.   BOURDEAU 


Ancien  premier  basson  de  l'Opcra-Co- 
mique  et  du  Théâtre-Lyrique,  il  est  maître 
de  chapelle  à  Passy.  Comme  l'abbé  Pelle- 
grin, 

Il  dîne  do  Tautel  et  soupe  du  théâtre. 

Joli  garçon,  toujours  élégamment  vêtu, 
il  dirige  son  personnel  à  l'anglaise,  c'est- 
à-dire  sans  bruit,  sans  embarras,  conscien- 
cieusement, exactement,  bref,  en  gentle- 
man. Fou  de  musique,  c'est  entre  cet  art  et 
lui  un  mariage  d'amour  où  les  deux  époux 
sont  toujours  en  pleine  lune  de  miel. 


M.  MONET 


Grand,  fort,  beau  garçon,  il  voit  tout,  il 
pense  atout,  il  fait  tout.  Gartonnier,  truc- 
quiste,  ébéniste,  décorateur,  armurier, 
dessinateur,  il  monte  à  cheval,  joue,  chan- 
te, danse,  parle  selon  les  besoins  du  mo- 
ment. Autrefois,  au  Cirque,  il  joua  tous 
les  héros  d'armes  et  tous  les  mauvais  gé- 
nies. A  la  Gaîté,  il  a  créé  le  joueur  de  bi- 


110  FOYKRf;    ET    COULISPE?. 

niou  dans  le  ballet  du  Gascon  et  le  chien 
Cerbère  dans  OrpluJe.  Pour  ce  dernier 
rôle,  son  succès  fut  tel  qu'il  reçut  de  plu- 
sieurs fermiers  l'offre  d'une  bonne  somme 
pour  passer  ses  nuits  à  aboyer  dans  leur 
basse-cour.  Dans  un  théâtre,  INI.  Monnet 
est  l'homme  précieux  par  excellence. 


M.  FUCHS 

Un  enfant  de  l'Opéra. 

Jadis  l^'^  danseur,  élégant,  allié  aux 
Taglioni.  A  voyagé  dans  les  deux  hémi- 
sphères, et  y  a  remporté  des  succès  cos- 
mopolites. Il  le  dit  avec  orgueil  :  «  Je  fus 
parfois  l'égal  des  têtes  couronnées.  » 

Maintenant,  M.  Fuchs  a  l'aspect  d'un 
bon  bourgeois  retiré  aux  Batignolles,  ce 
qui  ne  l'empêche  pas  de  régler  les  très- 
beaux  et  très -luxueux  ballets  de  la 
Gaîté. 

Très-sensible  aux  influences  féminines, 
lui  et  sa  canne  sont  bien  gardés. 


M'*'^  .MONTPLAISm 

Femme  du  célèbre  chorégraphe  italien, 
elle  a  jadis  dansé  à  la  Porte-Saint-Marlin 


GAITÉ  111 

entre  autres,  et  non  sans  remporter  de  bril- 
lants succès. 

Depuis  six  ans  à  la  Gaîté,  elle  dirige  la 
classe  des  enfants  du  ballet,  et  nous  pré- 
pare ainsi  les  bayadères  do  l'avenir. 


M.  WAUDE6END 


Chargé  de  surveiller  les  choristes,  qui 
souvent,  au  lieu  de  tenir  leur  partie,  pré- 
fèrent raconter  leurs  petites  affaires. 


M.    MARTIN 


Organiste  de  Notre-Dame-de-Bonne- 
Nouvelle.  Se  préoccupe  au  théâtre  de  ce 
que  pense  son  curé,  et  à  l'église  de  ce  que 
dit  son  directeur. 

Accompagnateur  de  premier  ordre.  Des 
doigts  do  fer,  mais  un  drôle  de  corps.  Tout 
en  l'aimant  beaucoup,  Yizentini  lui  casse 
quatre  archets  sur  le  dos  à  chaque  répé- 
tition. 

Aime  beaucoup  les  banquets  et  repas  de 
corps,  où  il  s'amuse  comme  un  enfant. 

Passion  particulière  :  il  adore  sa  pipe 
et  la  mène  dans  le  monde. 


112 


FOYERS   ET   COULISSES 


ARTISTES 


MM.  Lafontaine. 
Montaubry. 
Clément  Just. 
Desrieux. 
Chri3tiau(VariG 
Daubray. 
Bonnet. 
Grivot. 
Gravier. 
Stuart. 
Legrenay. 
Reynald. 
Habbay. 
Angelo. 
Antonin. 
Scipion. 
Courcelles. 
Troy. 
Gaspard. 
Jean-Paul. 
Meyronnet. 
Damourettc. 
Mallet. 
Henri. 
Chevalier. 
Alexandre  fils. 
Galli. 
Barsagol. 
Colleuille. 
Paulin. 
Colleuille  fils. 


tés) 


M™*'Victoria  Lafontaine 
Lia  Félix. 
Marie  Laurent. 
Thérésa. 
Théo. 
L.  Grivot. 

A.  Teissandier. 
Marie  Vaunoy, 
Anna  Darlaux. 
Matz  Ferrare. 
Marie  Brindeau. 
Angèle. 

B.  Perret. 
El.  Gilbert. 
Bl.  Méry. 
P.  Lyon. 
Guolti. 
Capet. 

J.  Eyre. 

Debryat. 

L.  Albouy. 

El.  Albouy. 

Grandpré. 

Julia. 

Maury. 

Gastello. 

Durieu. 

Davenay. 

L.  Gobert. 

Iriart. 

M.  Godin. 

A.  Mette. 

Sylvana. 

Conti. 

Jeault. 

Morini. 

Wagner. 


GAITÉ 


113 


BALLET 


Chrislina  Roselli, 
Viltorina  Fontebello, 
Ro:?ina  Brambilla, 
Léontino  Vernet, 
Eugénie  Pelletier, 
Enrichetta  -ilaiiry, 
Marie  Gardes, 
Berthe  Solari, 
Alicia  Del  Pozzo, 
Aug.  Herbinot, 
Laura  Garbagnati, 
Antonia  Gardés, 
Camille  Perrot, 
Emma  Salvadori, 
Elvira  Viola, 

i8  Coryphées, 

42  Dames, 

16  Enfants, 

82  Choristes, 

10  Enfants  de  chœur, 

54  Musiciens, 

22  Orchestre  militaire, 

85  Machinistes, 
150  Figurants, 

60  Figurantes, 
212  Employés  divers. 


1"  sujet. 


l'e'  Danseuses. 


1"'  Danseuses. 


2°"  Danseuses. 


Guida. 


Corps  de  balle 


751  Personnes  coopérant  à  la  repiéseutalion. 


114  FOYERS   ET    COULISSE? 

LAFONTAINE 

Une  des  meilleures  l)iographies  de  I.a- 
foniaine  est  celle  que  iSI.  N.  Gallois  fit  en 
1867;  nous  la  reproduisons  en  entier  : 

Nous  lisons  dans  une  pclite  publication 
intitulée  la  Lniiterne  magique  :  «  Et  La- 
fontaine,  cet  élégant  acteur  du  Gymnase, 
n'a-t-il  pas  été  abbé  d'un  séminaire,  puis 
garçon  de  ferme  en  Normandie,  puis  pa- 
lefrenier, puis  que  sais-je,  moi  ?  Il  a  fait 
un  peu  de  tout,  et  pourtant,  voyez-le  main- 
tenant, c'est  rhomme  du  monde  par  ex- 
cellence, la  distinction  dans  tout  son  éclat, 
tant  il  est  vrai  que  l'éducation  est  la  pierre 
fondamentale  de  l'humanité!  » 

Louis-Marie-Henri  Thomas,  tel  est  le 
véritable  nom  de  }>L  Lafontaine;  il  compte 
parmi  ses  aïeux  l'académicien  Thomas  et 
Laharpe. 

Lafontaine  a  été  en  effet,  comme  le  dit 
la  biographie  que  nous  venons  de  citer, 
séminariste,  mais  séminariste  ayant  par- 
dessus tout  en  haine  le  séminaire  et  le 
Intin  qu'on  y  apprenait.  Aussi  s'évada-t- 
il  maintes  fois,  au  risque  de  se  rompre  le 
cou  ;  une  dernière  fois,  ce  fut  la  bonne,  il 
n'y  rentra  plus. 

Garçon  de  ferme,  palefrenier,  ceci  est 
de  l'imagination  toute  pure  ;  quand  il  s'é- 
vadait,  il  se  cachait  chez   d'anciens  fer- 


GAITE  115 

miers  de  son  père  qui  le  traitaient  comme 
leur  fils  et  leur  maître  à  la  fois.  Voilà  sans 
doute  ce  qui  a  donné  lieu  à  la  petite  inexac- 
titude que  nous  avons  citée  pour  la  recti- 
fier. Ce  fait  redressé,  nous  devons  cons- 
tater que  Lafontaine  a  mené  sur  terre  et 
sur  mer  une  vie  vagabonde  qui,  en  der- 
nier ressort,  l'a  conduit  à  embrasser  la 
carrière  théâtrale.  Il  a  été  commis  négo- 
ciant ;  il  s'est  acheminé  ensuite  vers  Paris, 
léger  d'argent  et  rempli  d'espérance.  En 
route,  il  s'est  fait  colporteur,  vendant  aux 
campagnards  des  bonnets  de  coton  ;  c'est 
ainsi  qu'il  est  parvenu  à  atteindre  la  capi- 
tale avec   quelques  écus  dans  sa  poche. 

Lafontaine  cherchait  sa  vocation  ;  il  ne 
l'avait  rencontrée  ni  dans  les  austérités 
des  ordres  ecclésiastiques,  ni  dans  les 
spéculations  commerciales,  réduites  à  leur 
plus  modeste  expression  ;  mais  le  goût  du 
théâtre  lui  était  venu;  il  avait  joué  Buri- 
dan  sur  des  tréteaux,  il  avait  joué  à  l'A- 
thénée de  Bordeaux,  charmant  petit  théâ- 
tre d'amateurs  où  l'on  se  souvient  toujours 
de  lui. 

Aussi,  dès  son  arrivée  à  Paris,  Lafon- 
taine, plein  des  illusions  naturelles  à  son 
âge,  se  crut-il  en  droit  de  frapper  aux 
portes  de  la  Comédie-Française  :  Sésame 
ne  s'ouvrit  pas.  Alors  Lafontaine  s'ache- 
mina plus  modestement  vers  les  théâtres 
de  la   banlieue  ;  accueilli  par  M.  Seveste, 


116  FOYERS   ET   COULISSES 

il  débuta,  il  joua,  il  étudia,  bientôt  il  se  fit 
remarquer  par  l'art  avec  lequel  il  compo- 
sait ses  rôles.  Enfin,  ô  bonheur!  voilà  le 
jeune  artiste  à  la  Porte-Saint-Martin.  Mais 
la  direction  qui  l'avait  engagé  ayant  fait 
de  mauvaises  affaires,  le  théâtre^  ferma  ; 
il  dut  chercher  à  se  caser  ailleurs. 

Gomme  la  plupart  de  nos  artistes  au- 
jourd'hui en  renom,  Lafontaine,  consta- 
tons-le en  passant,  devait  compter  avec 
les  répulsions  de  sa  famille,  s'il  eût  parlé 
d'embrasser  le  métier  d'acteur;  pendant 
deux  ans,  Henri  Thomas,  qui  a  deux 
sœurs  religieuses,  écrivait  à  ses  parents 
qu'il  était  employé  dans  une  maison  de 
commerce,  et  ceux-ci  le  croyaient  ;  l'ac- 
teur Lafontaine  en  riait  sous  cape. 

En  1849,  le  Gymnase  accueillit  Lafon- 
taine, qui  débuta  dans  Briitus  lâche  César, 
dans  Faust  et  Marguerite,  en  1851,  et  fixa 
enfin  la  critique,  dans  la  Femme  qui  trompe 
son  mari  :  «  Qu'il  réchauffe  sa  froideur  !  » 
lui  disait  la  Presse  à  propos  de  sa  créa- 
tion du  rôle  de  François,  dans  cette  pièce; 
c'était  là  un  de  ces  conseils  qu'on  donne 
à  des  artistes  dont  on  fait  cas.  A  partir  de 
ce  moment,  Lafontaine  s'est  parfaitement 
posé  au  Gymnase.  Le  rôle  de  Fulgence 
dans  le  Mariage  de  Victorine,  où  il  s'est 
révélé  avec  tant  de  distinction,  lui  a  con- 
quis la  faveur  du  public,  et  cette  faveur  a 
depuis  été  toujours  en  croissant;  il  l'a  jus- 


GAITÉ  in 

tifîée    par    d'incontestables    progrès    de 
chaque  jour. 

Nous  l'avons  va  comme  tout  Paris  dans 
un  Fils  de  famille,  celte  création  où  il  n'a 
jamais  été  égalé,  cette  pièce  si  admirable- 
ment montée  à  son  origine,  et  nous  en  di- 
rons, comme  M.  Théodore  Anne  :  «  Il  a 
rendu  avec  un  art  parfait  le  rôle  du  colo- 
nel. C'est  le  portrait  vivant  d'un  de  ces 
braves  officiers  au  cœur  droit,  à  la  tour- 
nure un  peu  gauche,  auxquels  l'air  de  la 
caserne  convient  mieux  que  celui  du  sa- 
lon, mais  qui  portent  la  tète  haute  parce 
qu'ils  ont  le  cœur  noble  et  pur.  On  dirait 
que  Lafontaine  a  cherché  sur  quelque 
champ  de  manœuvre,  trouvé  et  dessiné  le 
type  de  la  figure  qu'il  a  été  chargé  de  re- 
présenter à  la  scène.  Sa  perruque,  les 
mouvements  de  son  front,  sa  tenue,  sa 
tournure,  son  débit  saccadé,  ses  mouve- 
ments convulsifs,  tout  est  d'un  naturel 
parfait.  Jusqu'alors  jeune  premier,  Lafon- 
taine est  devenu  tout  à  coup  premier  rôle, 
sans  embarras,  sans  effort  et  sans  que 
son  talent  souffrît  de  cette  brusque  tran- 
sition. Loin  de  là,  ce  talent  expressif  dans 
la  jeunesse  a  pris  une  teinte  de  maturité 
qui  prouve  l'excellence  des  études  de  cet 
acteur  distingué.  Chaque  création  nouvelle 
de  Lafontaine  montre  en  effet  avec  quel 
art  cet  excellent  comédien  sait  composer 
un  rôle  ;  il  ne  se  ressemble  pas,  ne  se'co- 


118  FOYERS    ET    COULISSES 

pie  pas  lui-même,  il  fait  de  chaque  per- 
sonnage qu'il  aborde  un  type  quireslera.  » 

La  Comédie  Française  voulut  l'engager 
en  1851.  M.  Montigny  eut,  de  son  côté,  le 
bon  esprit  de  le  retenir. 

A  vingt-huit  ans,  il  comptait  un  nombre 
infini  de  créations  dignes  d'un  maître,  sur 
cette  scène  du  boulevard  Bonne-Nouvelle 
qui  conserve,  elle  aussi,  scrupuleusement, 
toutes  les  traditions  du  bon  ton,  de  la 
vraie  comédie.  11  semblait  s'y  élever  à 
chaque  nouveau  rôle  qvi'il  prenait  ;  le 
comte  de  Diane  de  Lys  avait,  en  dernier 
lieu,  ajouté  à  sa  réputation;  le  rôle  de 
Flaminio,  dans  une  œuvre  de  Georges 
Sand  à  présent  oubliée,  était  créé,  par  lui, 
avec  un  cachet  de  fatalisme  qui  ne  lui 
messeyait  pas. 

Muni  d'un  bagage  dramatique  ({ui  eût 
été  peut-être  bien  lourd  à  porter  pour 
tout  autre  que  lui,  Lafontaine  vint  de  nou- 
veau frapper  aux  portes  de  la  Comédie- 
Française;  elles  s'ouvrirent  avec  plus  de 
facilité  pour  le  transfuge  du  Gymnase  que 
pour  l'échappé  du  séminaire  et  de  l'Athé- 
née de  Bordeaux.  Pourquoi  ne  le  dirais- 
je  pas?  Il  s'y  dévoya  tout  d'abord.  Lui, 
l'homme  par  excellence  de  la  comédie  dra- 
matique, il  se  lança,  en  enfant  perdu,  dans 
les  vigoureux  hémistiches  de  Corneille. 
Il  joua  le  Cid ;  il  comprit  à  sa  manière,  il 
en  fil.  d'accord  peut-cire  avec  la  tradition 


GAITÉ  ll'J 

historique,  mais  complètement  en  désac- 
cord avec  la  tradition  du  lieu,  une  sorte 
de  personnage  comme  ceux  du  drame  ro- 
mantique, là  où  le  Cïc/ personnifiait  la  tra- 
dition classique.  Il  ne  réussit  pas.  Apres 
avoir  médiocrement  réussi  dans  le  rôle 
assez  morose  de  d'Aubigny,  de  M^^^  de 
Belle-Isie,  —  on  peut  bien  constater  ces 
insuccès  effacés  par  tant  et  de  si  beaux 
succès,  —  qu'on  me  permette  ce  jeu  de 
mot  involontaire,  il  se  décida  sans  hésita- 
tion. Il  alla  jouer  au  Vaudeville  Dalila,  le 
Roman  d'un  Jeune  homme  pauvre,  puis  il 
revint  au  Gymnase,  où  il  retrouva  une  ap- 
probation unanime  et  méritée,  dont  il  sut 
apprécier  la  valeur,  et  où  il  continua  de 
^lus  en  plus  à  marquer  sa  place  aux 
Français. 

Là,  nous  le  retrouvons  dans  la  Perle 
Noire,  la  Vertu  de  ma  mère,  les  Pattes  de 
mouche,  les  Ganaches,  le  Démon  du  Jeu; 
nous  devons  aussi  l'y  mentionner  dans  le 
Bout  de  l'an  de  l'amour. 

Quelle  physionomie  plus  touchante  que 
oelle  du  Gentilhomme  pauvre,  si  heureu- 
sement créé  par  lui,  en  dernier  lieu,  à 
son  berceau  d'artiste,  la  saile  Bonne- 
Nouveile.  Quelle  dignité  dans  l'humilia- 
tion de  la  misère  imméritée  !  quelle  sen- 
sibilité vraie  dans  ses  souffrances  pater- 
nelles, dans  son  orgueil  uni  à  tant  d'ab- 
négation!   comme   Tacteur  perfectionnait 


120  FOYERS    ET   COULISSES 

le  personnage  créé  par  l'auteur  et  en  fai- 
sait un  type! 

Au  Gymnase,  Lafontaine  était  souvent, 
par  la  distribution  des  rôles,  astreint  à 
aimer,  parfois  d'un  amour  tout  paternel, 
l'une  des  plus  gracieuses  et  des  plus  mé- 
ritantes actrices  du  lieu,  M^^®  Victoria. 
Cette  affection,  écrite  dans  le  poëme  de 
la  pièce,  il  l'a  prise  au  sérieux,  et  celle 
dont  le  nom  était  si  souvent  mêlé  à  ses 
triomphes  est  devenue  madame  La- 
fontaine. 

Lafontaine  et  INI"^^  Victoria-Lafontaine 
sont  entrés  ensemble  à  la  Comédie- 
Française,  le  20  octobre  1863,  avec  le 
rang  de  sociétaires,  et  un  magnifique  en- 
gagement. L'ex-pensionnaire  de  M.  Mon^ 
tigny  y  a  trouvé  un  public  sympathique 
et  bienveillant  avec  lequel  il  s'est  bientôt 
mis  à  l'aise.  Il  y  a  débuté,  le  1^''  novem- 
bre 1863,  dans  le  Dernier  quartier,  par 
un  rôle  des  plus  modestes,  où  il  n'avait 
que  quelques  mots  à  dire,  et  il  y  a  con- 
tinué dans  Moi,  par  un  rôle  qui  n'était  pas 
mieux  fait  pour  lui. 

Qu'on  me  permette  de  me  borner  à 
mentionner  ses  trois  dernières  créations, 
dans  les  dernières  pièces  des  Français. 
La  sombre  figure  du  jaloux  Alvarez  dans 
le  Supplice  d'une  femme  allait  admirable- 
ment à  sa  taille  :  celle  de  Louis  XI,  dans 
Gringoire,  n'a  pas  été  moins  bien  étudiée, 


UAITÉ  1-21 

moins  bien  dessinée  par  lui.  Dans  le  co- 
lonel de  Maître  Guérin,  nous  avons  re- 
trouvé avec  plaisir  le  colonel  du  Fils  do 
famille.  Ne  parlons  pas,  par  respect  pour 
les  mortes,  du  mari  d'Henriette  ^Ia^échal. 

Après  la  guerre,  M.  et  M"^*^  Lafontaine 
donnèrent  leur  démission  de  sociétaires 
de  la  Comédie-Française. 

Lafontaine  fut  engagé  en  représenta- 
tions à  la  Gaîté,  pour  la  reprise  du  Fils 
de  la  Nuit,  c'était  pendant  la  direction 
Boulet. 

Après,  il  alla  jouer  avec  le  succès  que 
l'on  sait,  Ruy-Blas  à  l'Odéon  ;  quand 
Offenbach  prit  la  Gaîté  il  engagea  définiti- 
vement M.  et  ^I™*^  Lafontaine.  La  pièce  de 
réouverture  était  le  Gascon  de  Théodore 
Barrière  et  Poupart-Davyl.  Lafontaine 
créa  Artaban-le-Gascon  et  Madame  Lafon- 
taine le  rôle  do  Marie  Stuart;  la  pièce  fut 
ensuite  jouée  par  eux  à  Bordeaux,  et  dans 
plusieurs    villes  de  province. 

A  son  retour  à  Paris,  Lafontaine  alla 
jouer,  à  l'Odéon,  Mazarin  de  La  Jeunesse 
de  Louis  XIV. 

Il  va  créer  le  principal  rôle  de  la  LIaine. 

FÉLIX  MONTAUBRY 

Fut    aussi  l'irrésistible  ténor...    avant 
Capoul. 
Frère  du  chef  d'orchestre  du  Vaudeville 


122  FOYERS   ET   COULISSES 

qui   a  laissé  son  nom  à  tant  d'airs  et  de 

rondeaux. 

Félix  Montaubry  a  débuté  par  jouer  du 

violon  dans  quelques  orchestres  de  petits 

théâtres. 

Je  me  fais  friser  tous  les  jours, 
On  me  relève  ma  raouslaolie, 
J'entrecoupe  tous  mes  discours 
De  soupirs,  d'ambre  et  de  pistache. 

Entré  au  Conservatoire,  il  y  a  fait  la 
connaissance  de  la  fille  de  Ghollet.  Ils  sont 
partis  tous  les  deux  en  représentation  à 
Bruxelles,  où  ils  eurent  de  grands  succès; 
de  là  à  La  Haye,  où  ils  se  marièrent.  — 
Ses  succès  de  province  l'ont  fait  engager 
à  rOpéra-Gomique,  où  il  a  débuié  dans  la 
Circassienne,  d'Auber.  Il  était,  dans  cette 
pièce,  moitié  en  homme,  moitié  en  femme. 
11  a  créé  une  infinité  de  rôles  à  l'Opéra-Go- 
mique.  Une  de  ses  plus  charmantes  créa- 
tions restera  Lalla  Houek,  rôle  qui  conve- 
nait à  merveille  à  sa  nature  efféminée,  au 
soin  qu'il  prenait  de  sa  personne.  Le  Pos- 
tillon  de  Lonjumeaii  et  lioso  et  Colas 
furent  également  deux  grands  succès 
pour  lui.  —  Montaubry  est  bien  le  type  du 
joli  ténor  enfant  chéri  des  dames.  L'arrivée 
de  Gapoul  lui  fit  perdre  du  terrain  dans  le 
cœur  des  Parisiennes.  Aussi  quitta-t-il 
bien  vite  l'Opéra-Gomique  pour  se  faire 
directeur  des  Folies-Marigny.  11  y  fit  jouer 
deux  ou  trois  pièces  dont  la  musique  était 


l'IloToGKAiniIK  GASTON  et  MATIIIKI 

•10,    BOIJLEVARK   BCNNE-NOUVELLE 


RESSE,  édit-eur. 


]';.ris 


GAITÉ  123 

de  sa  composition.  Puis  il  devint  directeur 
à  Rouen,  mais  ne  fut  pas  heureux  dans  la 
Seine-Inférieure.  Ce  qui  prouve  qu'il  est 
plus  facile  de  roucouler  une  romance  que 
de  s'y  connaître  en  chiffres.  —  Enfin, 
M.  Offenbach  l'engagea  pour  trois  ans  à 
la  Gaîté.  11  y  a  débuté  dans  Orphée  et  dans 
les  matinées  lyriques,  il  joua  deux  chefs- 
d'œuvre  de  l'ancien  répertoire,  Maison  a 
vendre  et  le  Tableau  parlant.  Musqué,  co- 
quet, soigné,  parfumé  comme  un  petit 
maître,  il  prend  de  sa  personne  le  plus  grand 
soin  afin  d'empêcher  Monseigneur  le  Pu- 
blic de  constater  «  des  ans  l'irréparable 
outrage  ».  Montaubry  fait  des  altères  et  de 
l'hydrothérapie  tous  les  matins  en  se  le- 
vant. —  Le  personnel  de  la  Gaîté,  qui  le 
trouve  un  peu  trop  collet  monté,  l'appelle 
Monseigneur.  Il  affectionne  les  gilets 
blancs  ou  chamois,  et  porte  toujours  des 
redingotes  lui  serrant  bien  la  taille.  Il  est 
père  d'un  grand  garçon  qui  commence  à 
jouer  les  amoureux  au  théâtre  Déjazet. 

En  résumé,  qu'est-ce  que  Montaubry? 
La  gaminerie,  l'aplomb  imperturbable,  la 
tyrolienne  faite  homme,  un  chanteur  plein 
d'adresse  et  de  ficelles,  le  style  le  plus 
sucré  du  monde,  le  ténor  personnifiant  le 
mieux  l'opéra-comique,  mais,  par-dessus 
tout,  un  artiste  un  peu  trop  infatué  de  son 
élégante  personne.  ^Montaubry  a  des  four- 
mis dans  les  jambes  qui  l'empêchent  d'at- 


124  FOYERS    ET   COULISSES 

tendre.  Lorsqu'il  joue,  il  arrive  trop  tôt , 
s'habille  de  môme,  et  file  des  sons  en  voix 
de  lête  et  arpente  trente  ou  quarante  fois 
de  suite  le  corridor  attenant  à  sa  loge. 

CLÉMENT-JUST 

Ancien  acteur  de  la  banlieue,  un  brûleur 
de  planches,  s'il  en  fut.  S'est  classé  d'em- 
blée au  premier  rang  après  le  succès  de 
la  Prise  de  Pékin  au  Cirque.  C'est  lui  qui 
a  créé  dans  cette  pièce  militaire  le  rôle 
typique  d'un  reporter  anglais  qui  meurt 
dans  les  plus  affreuses  tortures,  victime 
de  son  dévouement  pour  trois  Français 
faits  prisonniers  avec  lui.  Clément-Just  a 
créé  aussi  d'une  façon  remarquable  le 
Quasimodo  de  Miss  Aurore.  Mais  où  il  a 
fait  fureur,  c'est  à  l'Ambigu.  Qui  ne  se 
souvient  de  Pliénix  Porion  le  Mangeur  de 
fer? 

Clément-Just,  ne  voulant  pas  être  pen- 
sionnaire de  M.  Billion,  a  accepté  derniè- 
rement un  engagement  à  l'Athénée,  pour 
Q,h.[^ïi\evV opéra-comique  (malgré  son  organe 
voilé).  Il  est  vrai  que  dans  Sylvana  il 
n'avait  rien  à  chanter;  mais  enhn  tout  le 
monde  s'étonnait  de  voir  le  nom  de  Clé- 
ment-Just sur  une  affiche  de  théâtre  ly- 
rique. Offenbach  l'a  extrait  à  temps  de  la 
cave  de  la  rue  Scribe,  et  Fa  enrôlé  à  la 


GAITÉ  125 

Gaîté,  où  il  a  joué  dans  Jeanne  d'Arc, 
dans  le  Gascon;  il  va  créer  un  rôle  dans  la 
Haine.  Clément-Just  est  un  artiste  modeste, 
trop  modeste  même,  car  la  modestie  est 
un  défaut  capital  pour  se  faire  ouJjlicr  au 
théâtre,  quel([ue  talent  qu'on  ait.  Le  latin 
aura  éternellement  raison  :  Audaces  fortiina 
Jiivat. 

DESRIEUX 

Le  créateur  d'Henri  de  Navarre  de  la 
Jeunesse  du  Boi  Henri.  Excellent  acteur 
de  drame  ;  a  joué  presque  tous  les  traîtres 
du  répertoire  du  boulevard  ;  a  été  engagé 
par  Boulet  pour  le  Fils  do  la  Nuit.  Offen- 
bach  l'a  conservé  ;  il  a  joué  à  la  Gaîté  dans 
Jeanne  d'Arc,  dans  le  Gascon. 

Desrieux  a  épousé  Marie  Laurent. 

Desrieux  est  tombé  gravement  malade 
il  y  a  quelques  mois.  On  le  disait  atteint 
d'aliénation  mentale.  Il  n'en  est  rien  heu- 
reusement :  sous  peu,  on  espère  le  revoir 
entièrement  guéri. 

PAPA-PITER-CHRISTIAN 

Sur  ses  fiers  argots  Jupiter  s'arcboute, 
Agitant  sa  foudre  aux  criards  éclats  ; 
Viveur  efTréné,  toujours  il  écoute 
Les  chansons  d'amour  qui  viennent  d'eu  bas, 


126  FOYERS   ET   COULISSES 

11  sait  tout  les  trucs,  et  ce  qu'il  en  coûte 
Pour  que  la  beauté  tombe  dius  ses  bras  : 
Taureau,  cygne  blanc,  sequin  d'or  qui  goutte, 
Ou  mouche  émeraude  aux  gais  entrechats. 


Ce  n'est  plus  de  Zens  l'héroïque  scie, 
Buvant  le  nectar,  gavé  d'ambroisie; 
Il  sable  le  moët  en  taillant  un  bac; 


Parle  sport  et  turf  avec  frénésie, 

Et  pince  un  cancan  plein  de  fantaisie. 

Sous  l'archet  de  fer  de  maître  Offenbach. 

D'après  une  statistique  digne  de  foi 
(c'est  le  souffleur  qui  l'a  faite),  Christian 
perpètre  tous  les  soirs,  dans  Orphée  aux 
Enfers,  76  calembourgs  soi-disant  inédits, 
outre  ceux  du  recueil  à  trois  cents  pour 
un  sou,  dans  lequel  il  puise  à  indiscrétion. 

Ij'importante  maison  d'habillements  qui 
n'est  pas  au  coin  du  quai  a  le  monopole  des 
annonces  et  des  réclames  à  sensation  ; 
chacun  sait  cela,  car  ces  annonces  et  ces 
réclames  incessantes  sont  devenues  pro- 
verbiales. 

L'immense  manufacture  d'habillemenls 
pour  laquelle  nous  faisons  une  diversion 
qui  ne  nous  écarte  pas  trop  de  notre  sujet, 
se  sert  de  tout  ce  dont  elle  peut  se  servir 
(honnêtement,  bien  entendu,)  pour  attirer 
l'attention  publique.  L'affichage,  le  décor 


6AITÉ  121 

mural,  le  transparent-nocturne,  le  pros- 
pectus, la  chanson,  la  quatrième  page  des 
grands  journaux  et  la  première  des  feuilles 
à  caricatures,  rappellent  à  tout  Paris  que 
la  meilleure  maison  d'habillements  n'est 
pas  celle  au  coin  du  quai  —  la  Belle  Jar- 
dinière. Tous  les  soirs ,  dans  trois  ou 
quatre  théâtres  en  même  temps ,  cette 
maison  fait  tomber  du  Paradis  une  ava- 
lanche de  prospectus,  sous  laquelle  dis- 
paraissent littéralement  les  tètes  des  pro- 
fanes de  l'orchestre  et  des  premiers  rangs 
du  balcon.  Ce  n'est  pas  tout  :  de  la  salle, 
la  réclame  est  passée  sur  la  scène.  Le 
comique  aimé  est  chargé  de  la  faire  avaler 
en  douceur  au  public.  Les  revues  de  fin 
d'année  surtout  servent  admirablement  la 
maison  de  la  rue  du  Pont-Neuf. — Les  Va- 
riétés n'en  ont-elles  pas  joué  une  l'année 
dernière  intitulée  :  La  Revue  n'est  pas  au 
coin  du  quai  ? 

Dans  Orphée  aux  Enfers,  à  la  Gaîté, 
Jupiter-Christian  avait  la  partie  belle,  au 
milieu  des  5,000  mauvais  calembourgs 
qu'il  débite  chaque  soir,  pour  faire  mous- 
ser la  maison  qui  n'est  pas  au  coin  du 
quai,  —  C'est  ce  qu'il  a  fait  en  improvi- 
sant cette  réclame  : 

—  Madame  ma  femme,  dit-il  à  Junon, 
vous  mériteriez  que  je  me  débarrassasse 
de  vous  en  vous  envoyant  à  la  maison  qui 
n'est  pas  au  coin  du  quai. 


128  FOYERS    ET    COULISSES 

—  Pourquoi  cela,  Monsieur  : 

—  Parce  qu'on  y  rend  l'argent  de  tout 
achat  qni  a  cessé  de  plaire. 

—  Mais  je  ne  vous  ai  pas  coûté  un  sou  ! 

—  Il  n'eût  plus  manqué  que  cela  ! 

Et  le  public  de  se  tordre,  et  la  maison 
du  Pont-Neuf  de  se  dire  :  la  Gaîté  nous 
enverra  cent  clients  de  plus  demain. 

Pour  plus  de  détails  biographiques,  sur 
Christian,  nous  renvoyons  le  lecteur  au 
volume  des  Variétés  (3«  de  la  collection). 


DAUBRAY 

Le  vrai,  le  seul,  le  digne  remplaçant  du 
gros  Désiré. 

Offenbach  ne  pouvait  faire  faire  une 
meilleure  acquisition  à  M.  Hostein,  quand 
il  lui  fit  engager,  au  théâtre  de  la  ÎRenais- 
sauce,  M^^*'  Théo  et  Daubray.  M.  Hostein, 
devenu  seul  directeur  de  son  théâtre, 
Offenbach  garda  Dau])ray  pour  sa  troupe 
d'opérette  qui  a  ramené  le  succès  aux 
Bouffes  avec  la  Jolie  Parfumeuse  et  tout 
le  répertoire  du  célèbre  maestro. 

Daubray  nous  a  fort  diverti  pendant 
plusieurs  années  au  théâtre  Déjazet,  où 
c'était  déjà  le  joyeux  et  sympathique  com- 
père que  nous  retrouvons  passage  Choi- 
seul. 


GAITÉ  129 

Daabray  a  toujours  la  ligure  empourprée 
comme  une  pivoine.  On  dirait  que  ses 
joues  vont  éclater  comme  de  simples  bal- 
lons rouges.  C'est  égal,  comment  fait-il 
pour  être  sanguin  avec  les  appointements 
qu'il  touche? 


BONNET 

Bonnet  de  coton,  bonnet  de  nuit,  bonnet 
à  poi],  honnit  de  police,  bonnet  phrygien, 
enfin  tous  les  bonnets  réputés  ne  valent 
pas  celui-là  pour  faire  passer  une  soirée 
agréable.  Bonnet,  c'est  les  Bouffes  Pari- 
siens, les  Bouffes  Parisiens,  ce  sont 
Bonnet. 

Allez  donc  le  revoir  dans  la  Jolie  Par- 
fumeuse! Les  spectateurs  se  tordent  avoir 
Daubray  et  Bonnet;  on  entend  à  chaque 
instant  ce  cri  :  Font-i~rire  ! 

Bonnet  est  doué  d'un  physique  auquel 
sied  très-bien  le  costume  féminin.  Il  a 
intrigué  bien  des  nourrices  alsaciennes 
dans  la  Revanche  de  Fortunia. 

GRIVOT 

Ancien  graveur  sur  métaux.  Adroit  et 
agile  comme  un...  clown.  Si  vous  en 
doutez,  vous  n'avez  qu'à  aller  le  voir  gam- 


130  FOYERS    ET    COULISSES 

bader  en  Mercure,  au  deuxième  acte  d'Or- 
phée aux  Enfers.  Il  se  livre  là  sur  les 
gradins  de  l'Olympe  à  une  course  éche- 
velée  ;  le  plus  infatigable  facteur  renonce- 
rait à  le  suivre. 

Grivot  a  joué  au  Vaudeville  et  un  peu 
partout  avec  beaucoup  de  succès;  mais,  en 
supposant  que  tous  les  théâtres  vinssent 
à  lui  manquer,  il  lui  resterait  à  choisir 
entre  le  Cirque  d'hiver,  le  Girquo  des 
Champs-Elysées,  le  Cirque  Fernando  ou 
les  Folies-Bergère. 


GRAVIER 

Acteur  de  mélodrame,  doué  d'un  excel- 
lent organe  et  d'un  physique...  à  femmes. 
A  commencé  à  Beaumarchais,  a  joué  à 
Belleville  etau  Ghàteau-d'Eau,  Nous  l'avons 
entendu  déclamer  fort  bien  la  Grève  des 
Forgerons.  Mais  le  talent  n'empêche  pas 
les  manies  et  Gravier  en  a  deux.  La  pre- 
mière, c'est  d'offrir  cent  sous  à  celai  qui 
sera  assez  fort  pour  Je  tomber,  lui  le  digne 
émule  d'Arpin  le  Savoyard  !  La  seconde, 
c'est  de  chanter  continuellement  l'opéra 
dans  sa  loge,  et  même  d'aller  jusqu'à 
chanter  des  duos  avec  Jean-Paul!  Pour  ce 
fait.  Gravier  a  été  surnommé  par  Alexan- 
dre :  Le  ténor  de  couloir. 


GAITÉ  131 

WILLIAM   STUARD 

Anglais  non  naturalisé,  pensionnaire  de 
M.  Larochelle  au  théâtre  Cluny.  M.  Offen- 
bach  l'a  engagé  à  la  Gaîté,  où  il  a  déjà 
joué,  avec  de  fort  beaux  appointements. 
Stuard  a  passé  aussi  par  la  Porte-Sî -Mar- 
tin. Au  moment  de  la  guerre,  il  quitta  Paris 
pour  aller  jouer  à  Nice,  en  Italie  et  au 
Caire.  Rentré  dans  la  capitale,  il  débuta 
à  Cluny  dans  les  Chevaliers  de  V honneur , 
joua  depuis  dans  le  Presbytère,  la  Closerie 
des  Genêts  (où  il  fut  très-remarque),  dans 
les  Frères  d'armes  dont  il  a  sauvé  les  plus 
mauvaises  situations.  N'a  eu  occasion  de 
se  montrer  à  la  Gaîté  que  dans  Jeanne 
d'Arc,  où  il  représentait  le  Beau  Dunois. 
Offenbach  l'a  autorisé  à  jouer,  au  théâtre 
des  Arts,  le  duc,  des  Sceptiques.  Rien  de 
particulier  dans  la  loge  de  M.  Stuard,  si 
ce  n'est  quelques  dessins  dus  au  crayon 
plus  que  naïf  de  ses  camarades  Georges 
Richard  et  Alphonse  Barralle.  A  voyagé 
beaucoup  ;  aussi  a-t-il  fait  moisson  d'anec- 
dotes, et  voulons-nous  en  citer  une.  Etant  à 
Berlin  pendant  l'hiver  de  1869,  un  jour  qu'il 
répétait  à  la  cour  dans  le  fameux  salon  de 
l'Argenterie,  au  palais,  d'Aranda  ou  les  gran- 
des passions,  pièce  de  Scribe,  dont  tout  le 
premier  acte  n'est  joué  que  par  des  femmes, 
une  porte  s'ouvrit  tout  d'un  coup  et  on  vit 


132  FOYERS    ET    COULISSES 

entrer  S.  M.  Guillaume,  alors  roi  de  Prusse, 
qui,  après  être  allé  dire  bonjour  à  Eugène 
Luguet,  directeur  de  la  troupe,  savança 
vers  Stuard  en  disant  aux  dames  :  «  Conti- 
nuez, que  je  ne  vous  interrompe  pas.»  Puis, 
causant  longuement  avec  M.  Siuard  :  «  Ma 
belle-fille  a  entendu  dire  que  vous  étiez 
Anglais,  et  elle  manifeste,  quoique  très- 
grosse  (position  intéressante),  le  désir 
d'aller  vous  voir  jouer  Par  droit  de  con- 
quête;-» et  enfin  le  roi  fit  l'aveu  que,  s'il  eût 
joué  la  comédie,  il  aurait  pris  les  rôles 
comiques.  M.  Stuard  répondit,  faisant  al- 
lusion à  la  taille  du  roi  :  «  Sire,  vous  auriez 
bien  fait,  car  les  comiques  de  votre  force 
sont  rares.  :>  Stuart  a  résilié  son  engage- 
ment avec  la  Gaîté;  il  est  parti  pour  l'Amé- 
rique, où  l'appelait  un  très-bel  enga- 
gement pour  jouer  en  anglais  les  mêmes 
rôles  que  Fechter. 


LEGRENAY 

Je  ne  trouve  rien  de  mieux  que  de  re- 
produire le  rondeau  qu'Amédée  de  Jallais 
lui  a  fait  : 

Air  :  Ne  raillez  pas  la  garde  citoyenne. 

Voyez  là-bas,  ce  grand  sécot  qui  passe, 
Il  est  encor  plus  long  qu'un  jour  d'été  ; 
L'oreille  est  fine  et  bien  vite  ramasse 


OAITH  Ui^ 

Plus  d'un  propos  flattant  sa  vanité  : 

On  dit  tout  haut  :  <.<  C'est  Legrenay.  l'artiste. 

Qui  nous  fit  rire  hier  à  Déjazet. 

Il  n'est,  par  lui,  pas  une  pièce  triste, 

Et  la  gaité  renaît  dès  qu'il  parait  ! 

Il  a  crée  cent  types  en  cent  rôles. 

Il  en  créera  bientôt  d'autres  encor; 

Donnant  à  tous  les  cachets  les  plus  drôles... 

Gava  toujours  de  plus  fort  en  plus  fort!... 

il  commença  par  entrer  au  service 

D'un  serrurier,  chez  lequel  il  chorna  ; 

C'est  pour  cela  qu'il  a  beaucoup  de  vice, 

Oui,  mais  ce  vice  est  le  vis  comica. 

Aussi  bientôt,  désertant  la  boutique, 

Vers  Belleville  il  monte  tout  courant, 

Laissant  la  forge  pour  Fart  dramatique. 

Mettant  son  feu  dans  son  jeu,  dans  son  chant  î 

Là,  dans  le  drame,  il  excelle,  ou  l'acclame. 

Il  fait  pleurer  et  rire  en  même  temps. 

Le  vaudeville  arrive  après  le  drame, 

C'est  bien  l'hiver  qui  succède  au  printemps  ! 

Puis  Déjazet  bien  vite  le  réclame. 

Et  dans  Paris  il  descend  lestement  ; 

Adieu  ie  traître,  adieu  le  mélodrame, 

C'est  le  comique  au  jeu  fin  et  charmant  ! 

C'est  Tricornot,  c'est  VAmour  du  trapèze. 

Prés-Saint-Gervais,  Trottmann  et  le  Dégel, 

Paris  en  Chine,  où  l'on  se  pâmait  d'aise 

Lorsqu'on  voyràt  son  grand  œil  bleu  de  ciel! 

Les  Vieux  glaçons  après  Juge  et  partie, 

Belle-hU  ou  bien  Mémoire  de  cherchez  ça. 

Toujours  le  rire...  et  le  publie  s'écrie: 

C'est  Legrenay  qui  nous  déridera  ! 

On  citerait  cent  pièces...  mais  je  pense 

Que,  comme  moi.  le  public  les  connaît  ; 

Son  chapelet  de  succès  est  immense, 

Ce  chapelet,  je  viens  de  Legrenay  (l'égrener). 


134  FOYERS   ET   COULISSES 


REYNALD 

Jeune  premier  rôle  de  drame.  A  débuté 
à  l'Ambigu  dans  un  Lâche,  d'Alfred 
Touroude. 

Le  succès  qu'il  obtint  dans  le  rôle  de 
Roger  Delatournelle  le  fit  engager  à  la 
Gaîté  pour  créer,  dans  le  Gascon,  un  rôle 
important;  il  a  joué  ensuite  Thibaut  dans 
Jeanne  d'Arc. 

Va  créer  un  rôle  dans  la  Haine. 

HABBAY 

Élève  du  Conservatoire  de  Toulouse,  il 
se  mit  au  théâtre,  alla  en  Angleterre  don- 
ner des  leçons  de  chant,  et  il  fit  un  riche 
mariage,  qui  ne  l'empêcha  pas  de  continuer 
sa  carrière  artistique.  Second  ténor  d'o- 
péra-comique dans  les  villes  d'ordre,  il 
doubla  un  beau  soir  d'été  Dupuis  dans 
Barhe-DIeue,  puis  partit  pour  la  Russie, 
d'où  il  revint  à  la  Gaité.  —  Garçon  jovial 
et  franc,  il  attend  impatiemment  la  création 
qui  doit  le  mettre  en  relief.  11  vient  de  s'as- 
socier avec  le  docteur  Déclat,  d'une  part, 
et  avec  une  huîtrière  importante,  d'autre 
part.  Gela  peut  s'appeler  occuper  ses  loi- 
sirs de  ténor  à  devenir  millionnaire. 

Un   dernier  mot  :  Habbay  vient  d'aller 


GAITÉ  135 

habiter  Ménilmontant,  et  comme  il  va  créer 
un  rôle  important  dans  Madame  l'Archiduc, 
il  fait  quatre  fois  par  jour  le  trajet  à  pied, 
afin  de  s'entraîner  ;  car,  à  l'exemple  de 
beaucoup  d'autres  ténors,  Habbay  prend 
du  ventre  comme  un  abbé. 


AN6EL0 

Jeune  premier,  joli  garçon.  C'était  le 
boute  en  train  du  foyer  du  Ghàtelet,  sous 
la  direction  Lacressonnière  et  Deshayes. 

L'été,  Angelo  va  constamment  à  la  cam- 
pagne. La  ligne  de  St-Germain-en-Laye 
le  réclame  ;  il  lui  arrive  même,  dit-on,  des 
aventures  en  ^vagon.  Angelo  est  proprié- 
taire 1°  d'une  maison  de  six  étages,  bou- 
levard Montparnasse  ;  2*^  d'une  agilité  et 
d'une  force  de  biceps  qui  lui  permettent 
de  concourir  avec  Grivot  pour  les  ca- 
brioles et  autres  exercices  de  gymnas- 
tique. Angelo  entre  au  foyer  sur  les 
mains,  la  tête  en  bas,  les  jambes  en  l'air. 
De  plus,  il  cultive  le  tr;ipeze  dans  sa  loge. 

De  mauvaises  langues  ajoutent  qu'il  se 
parfume  comme  une  femme,  et  qu'il  sou- 
tient mordicus,  que  ce  n'est  pas  lui  qui 
embaume.  Serait,  par  conséquent,  bien 
malheureux,  s'il  lui  fallait  jouer  le  drame 
à  La  Valette  ou  à  Bondy. 


l'àij  FOYERR   ET   COULISSES 

ANTONIN 

Ancien  fleuriste,  a  commencé  la  comé- 
die dans  les  troupes  exploitant  les  envi- 
rons de  Paris.  Remarquable  par  une  con- 
viction digne  d'être  plus  appréciée. 

A  fait  son  mariage  au  Bœuf  h  la  modo, 
faubourg  du  Temple. 


SCIPION 

N'a  jamais  posé  pour  l'ozanore. 

Un  drôle  de  comédien!  Propre  à  jouer 
l'emploi  le  plus  comique  les  jours  })airs, 
et  l'emploi  le  plus  sérieux  les  jours  im- 
pairs. Cela  s'appelle  de  la  souplesse.  Long, 
mince,  fluet,  Scipion  passa  par  la  l)anlieuo 
et  la  Porte-Saint-Martin  avant  d'aller  faire 
son  petit  tour  d'Amérique.  Il  peut  aussi 
])ien  jouer  le  drame  que  la  comédie,  et  la 
farce  que  la  tragédie.  Bon  garçon,  nouvel- 
lement marié,  ayant  découvert  la  photo- 
graphie spirite,  ce  qui  est  encore  assez 
spirituel  de  sa  part. 


COURCELLES 

Grosse  et  bonne  nature. 

Enfant  du  peuple,    devant  plus   à   lui- 


GAITÉ  13" 

même  qu'au  public.  Né  en  1839  (qu'est-ce 
que  ça  nous  fait)  ;  jusqu'à  vingt  ans,  ouvrier 
en  bronze;  débuta  au  théâtre  de  la  Tour- 
d'Auvergne  l'année  1860  ;  de  là,  passa  aux 
Folies-Marigny,  en  province,  aux  Fantai- 
sies-Parisiennes, au  théâtre  Cluny,  au 
théâtre  Déjazet,puis,  à  la  fermeture  de  ce 
théâtre,  il  accepta  un  engagement  à  l'Al- 
cazar.  Mais  là,  Courcelles  se  trouva  m.al  à 
son  aise.  La  chansonnette  ne  mettait  pas 
assez  en  relief  sa  nature  franche  et  sa 
bonhomie.  Enfin ,  après  quelques  mois 
passés  aux  Menus-Plaisirs,  il  trouva  un 
engagement  au  théâtre  de  la  Gaîté,  où,  sans 
parler  des  rôles  qu'il  créa,  il  obtînt  un 
grand  succès  dans  les  matinées  littéraires. 
La  façon  remarquable  dont  il  joua  le  Bar- 
bier de  Séville  et  la  Partie  de  chasse 
d'Henri  IV  lui  ouvriront  tôt  ou  tard  les 
portes  d'un  théâtre  de  genre  où  il  saura 
se  faire  apprécier  comme  financier  ou 
ganache. 

TROY 

Une  très  belle  voix  de  baryton.  Gêné 
quelquefois  par  un  masque  impassible  et 
un  jeu  glacial.  Chante  d'une  façon  char- 
mante. Serait  certainement  arrivé  plus 
haut  qu'il  n'est,  s'il  n'avait  été  le  frère  de 
son  frère,  le  regretté  Troy  du  Théâtre- 

II  4 


188  FOYERS   ET   COULISSES 

Lyrique,  qui  avait  pris  pour  lui  seul  une 
grande  part  de  la  célébrité  de  la  famille. 

GASPARD 

Ancien  second  ténor  de  province  dans 
les  troupes  de  M.  Harmant,  qui  a  conservé 
pour  lui  une  estime  des  plus  grandes.  — 
Aussi  la  Gaîté,  sous  le  coup  de  la  Société 
nantaise,  s'est-elle  empressée  d'offrir  à 
cet  artiste  la  juste  récompense  des  ser- 
vices rendus  à  son  ancien  directeur. 

M.  Gaspard  joue  à  la  Gaîté  les  rôles  dits 
de  complaisance.  Homme  marié  et  bon 
père  de  famille...  s'il  en  avait. 

JEAN-PAUL 

Babylas  de  la  Poule  aux  Œufs  d'or  est 
Belge...  et  le  filleul  de  M.  Emile  Taigny, 
le  directeur  de  la  scène  de  la  Gaîté.  Jean- 
Paul,  artiste  soigneux,  propre,  froid  et 
méthodique  comme  un  buveur  de  faro  (il 
lui  préfère  cependant  le  vin  de  Bordeaux) 
est  plus  amusant  dans  les  rôles  qu'il  re- 
prend que  dans  ceux  qu'il  crée. 

Jean-Paul  a  été  pendant  plusieurs  années 
le  pensionnaire  des  Bouffes. 

En  somme,  un  acteur  consciencieux  et 
patient  qui  a  pu  se  dire  quelquefois: 
Jean  Paul. ..me  le  public. 


GAITK  139 

MEYRONNET 

Violoniste,  ancien  chef  d'orchestre,  prix 
du  Conservatoire,  comédien.  Bref  tous  les 
talents  réunis,  mais  ne  sachant  sur  lequel 
chanter...  ou  danser  ? 

M.  Meyronnet  joue  en  ce  moment  le  rôle 
d'Orphée,  en  attendant  qu'il  puisse  l'ac- 
compagner lui-même...  à  grand  orchestre 
l'archet  de  mesure  en  main. 


DAMOURETTE 

Chante,  peint  et  joue  du  violon,  le  tout 
avec  une  agréable  médiocrité.  Il  fut  au 
Gymnase  un  temps,  où  il  débuta  comme 
jeune  premier  dans  des  levers  de  rideau, 
puis  alla  cabotiner  en  province  comme 
chef  d'orchestre,  et,  en  fm  de  compte,  fut 
engagé  à  la  Gaîté  pour  doubler  Orphée. 
Comme  chanteur,  petite  voix;  comme  co- 
médien, petit  jeu;  comme  violoniste,  petit 
son.  N'a  pas  d'amourette  au  théâtre. 

MÂLLET 

Est  venu  au  monde  à  la  Gaîté,  entre 
deux  portants  et  ne...  s'en  porte  pas  plus 
mal.  A  été  à  ce  théâtre,  figurant,  choriste, 


140  FOYERS   ET   COULISSES 

puis  acteur.  Ne  demande  qu'à  garder  sa 
petite  place  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours. 
Signes  particuliers  :  est  marié,  père  de 
famille,  fait  sa  cuisine  lui-même  et... 
chambre  à  part  (?) 

HENRI 

Ainsi  nommé  parce  qu'il  s'appelle  Ur- 
seau.  Bien  contrarié  de  ne  pas  jouer  des 
rôles  à  physique.  Je  me  suis  laissé  dire 
qu'avant  l'avènement  au  trône  de  Louis- 
Philippe  P"^,  roi  des  Français,  un  Henri 
jouait  quelque  part  en  province  les  GoUin 
et  les  Philippe.  De  cet  emploi  doucereux, 
il  lui  est  resté  les  habitudes  conciliatrices 
qui  le  font  passer  au  théâtre  de  la  Gaîté 
pour  le  fondant  de  la  troupe.  Jouerait  de 
préférence  Henri  H  à  Henri  de  Guise. 

CHEVALIER 

Cumule.  —  Commis  en  marchandises 
pour  le  compte  d'une  grande  maison  de 
soieries.  M™®  Chevalier  peint  sur  porce- 
laine, et  fait  des  choses  charmantes. 

ALEXANDRE 
Fils  de  son  père  le  grand  Alexandre,  le 


GAITÉ  141 

célèbre  Fouinard,  dont  nous  parlerons  à  la 
Porte- Saint-Martin. 

6ALLI 

Gros,  gras,  lourd,  empâté.  A  joué  les 
basse-taille.  N'en  a  gardé  que  le  gras- 
seyement. Honnête  et  tranquille  à  la  ville, 
il  joue  au  théâtre  un  emploi  aussi  tran- 
quille qu'honnête. 

BARSAGOL 

Avoir  commandé  un  régiment  et  rentrer 
courageusement  dans  les  rangs  à  l'heure 
de  la  retraite,  tel  est  le  cas  de  Barsagol. 

Ancien  premier  ténor  léger  d'opéra-co- 
mique, ayant  tenu  son  emploi  à  Genève,  à 
Lyon  et  dans  d'autres  grandes  villes  à  une 
époque  où  les  appointements  ne  permet- 
taient pas  de  faire  fortune,  il  est  venu 
achever  son  existence  artistique  à  la  Gaîté, 
ou  il  rend  de  grands  services  en  jouant  de 
petits  rôles  et  en  étant  chef  d'attaque  dans 
les  chœurs.  Homme  modeste,  honnête  et 
consciencieux,  il  montre  aux  ambitieux 
qu'à  savoir  descendre  à  propos  il  y  a  sou- 
vent autant  de  courage  que  de  bon  sens. 

COLLEUILLE 

Grand  ami  d'Henri,  la  même  douceur,  la 


142  FOYERS    ET    COULISSES 

même  conscience  et  le  même  sang-froid. 
Jamais,  depuis  qu'existe  le  théâtre  de  la 
Gaîté,  on  n'a  pu  savoir  où  s'habillait  Gol- 
leuille.  Il  arrive  à  la  Gaîté  en  habit  de  ville, 
à  l'heure  fixe,  il  entre  en  scène.  Mais  per- 
sonne ne  peut  savoir  où  il  s'est  habillé. — 
A  la  ville,  pas  fier  dutout.  Fait  son  marché 
lui-même. 


PAULIN 

L'air  d'un  quaker.  Ancien  comédien  qui 
n'a  qu'une  inspiration  :  oublier  que  les 
feuilles  tombent  et  que  l'hiver  suit  l'été. 
En  est  resté  à  l'ancien  répertoire,  où  il  ne 
voit  que  le  personnage  de  Valaire. 


COLLEUILLE   FILS 

Fils  de  GoUeuille,  l'ex-directeur  du  théâ- 
tre Bobino,  où  il  a  commencé  à  jouer  la 
comédie.  De  là,  il  est  passé  à  Beaumar- 
chais, où  il  a  également  joué  la  comédie. 
Maintenant,  à  la  Gaîté,  où  il  continue  son 
commerce  de  comédien  paisible.  Il  peut 
dire  comme  le  soldat  romain  :  «  Je  com- 
bats dans  les  rangs,  et  je  fais  nombre.  » 


GAITÉ  143 

MESDAMES 
VICTORIA  LAFONTAINE 


C'était,  jadis,  de  face  et  de  profil, 

Un  fil!... 
Grasse  à  présent  comme  pas  une, 

La  lune, 
Ronde  comme  elle,  a  la  même  blancheur, 
Le  même  charme  doux,  poétique  et  rêveur. 
Celte  artiste,  étrange  et  volage. 

N'a  d'âge 
Que  ce  que  lui  donnent  les  yeux. 
Où  naquit-elle?...  Elle  lignore. 
Sans  passé  ' —  comme  un  météore  — 
Son  état  civil  sérieux 
Date  du  jour  qui  vit  éclore 
Son  talent  chaste  et  vaporeux. 
Victoria  !...  Ce  nom  de  reine 
De  sa  vie  est  bien  le  drapeau  : 
Elle  est  l'orgueil  des  buveurs  d'eau 
Par  son  amour  pour  la  fontaine. 

Henri  Tessier. 


Félix  Savard,  voulant  faire  la  biographie 
de  cette  charmante  comédienne,  la  pria  de 
vouloir  bien  l'aider  elle-même  dans  son 
travail,  en  lui  envoyant  quelques  notes. 
\[me  Victoria  Lafontaine  répondit  à  l'auteur 
des  Actrices  de  Paris  par  cette  lettre  : 


144  FOYERS   ET   COULISSES 

«  Monsieur, 

«  Vous  me  demandez  quelques  rensei- 
gnements qui  vous  permettent  de  faire  ma 
biographie.  Elle  a  été  faite  bien  des  fois  à 
mon  insu,  et  toujours  au  point  de  vue  du 
roman,  car  ma  vie  a  été  si  simple  qu'elle 
prête  peu  à  pareil  sujet. 

«  C'est  M.  Gustave  Lemoine,  frère  de 
M.  Montigny,  et  sa  chère  femme,  Loïsa 
Puget,  qui  m'ont  ouvert  les  portes  du 
Gymnase.  J'y  suis  entrée  presque  enfant; 
j'ai  été  accueillie  par  M.  Montigny  et 
M'°°®  Rose  Chéri  avec  la  plus  exquise 
bonté.  Pour  leur  en  témoigner  ma  recon- 
naissance, j'ai  beaucoup  travaillé.  Le  ciel 
m'a  bénie  comme  artiste  et  aussi  comme 
femme,  puisqu'il  m'a  fait  rencontrer  mon 
mari.  Voilà  ma  vie.  Monsieur.  Vous  voyez 
qu'elle  peut  être  intéressante  pour  les 
miens,  mais  fort  peu  pour  le  public.  » 

Non  !  la  vie  de  M"'^®  Lafontaine  ne  prête 
guère  aux  récits.  Abandonnée  toute  jeune 
par  son  père  et  sa  mère,  qu'elle  n'a  jamais 
connus,  elle  fut  recueillie  par  de  braves 
gens  qui  relevèrent  comme  leur  enfant. 
La  petite  Victoria,  dès  qu'elle  eut  atteint 
l'âge  de  raison,  voulut  payer  l'hospitalité 
qu'on  lui  avait  si  généreusement  donnée. 
Elle  apprit  avec  assiduité  la  couture,  et 
elle  profita  de  ce  que  le  mari  de  sa  maî- 
tresse d'apprentissage  donnait  des  leçons 


GAITÉ  145 

d'art  dramatique  pour  en  prendre  avec  lui. 
Elle  n'avait  qu'un  but  :  gagner  de  l'argent 
pour  venir  en  aide  à  ceux  qui  l'avaient 
élevée.  Ceci  se  passait  à  Lyon.  Ce  fut  clans 
celte  ville  qu'elle  joua  pour  la  première 
fois.  M°^^  Loisa  Puget  la  vit  et  la  recom- 
manda à  M.  Montigny,  son  beau-frère. 
Engagée  au  Gymnase,  elle  y  débuta,  à  peine 
âgée  de  15  ans,  dans  Yelva  ou  FOrpheline 
russe.  Elle  fut  aussitôt  remarquée  ;  mais 
un  de  ses  premiers  succès  a  été  Cendril- 
Jon,  de  Théodore  Barrière.  Après,  sont 
venus  ceux  de  Paméla  GiraucI,  de  Picco- 
lino ,  des  Ganaches,  du  Gentilhomme 
pauvre,  du  Démon  du  jeu,  etc.  C'est  à  elle 
aussi  que  fut  confié  le  rôle  de  Marie,  dans 
la  Grâce  de  Dieu,  reprise  à  la  Porte-Saint- 
Martin.  Le  souvenir  de  Loïsa  Puget  l'ins- 
pira; elle  rendit  ce  persor-nage  sympathi- 
que avec  tous  ses  élans  de  pudewr  et  de 
chasteté  ;  c'était  bien  là  l'honnête  fille,  pure 
et  candide. 

Le  Théâtre-Français  engagea  M^'^Lafon- 
taine:  avant  ses  débuts  elle  était  sociétaire. 

Elle  débuta  le  26  février  1864,  dans  II 
ne  faut  Jurer  de  rien. 

Nous  ne  dirons  pas  toutes  les  ressources 
du  jeu  digne,  ému,  naturel,  pathétique  de 
M™^  Lafontaine.  A  qui  n'a-t-il  pas  été  donné 
d'applaudir  cette  charmante  artiste,  au 
Gymnase,  dans  les  créations  que  nous 
venons  de  mentionner,  et  rue  de  Riche- 


146  FOYERS   ET    COULIf^SES 

lieu,  dans  :  Il  ne  faut  jurer  de  rien,  la 
timide  Agnès  de  YEcole  des  Femmes,  la 
sémillante  Rosine  du  Barbier  de  Sôville, 
V Œillet  blanc,  ou  le  travesti  lui  seyait  si 
bien,  et  enfin  feu  Henriette  Maréchal,  de 
cabaleuse  mémoire.  M'"'^  Victoria  Valons  a 
épousé  M.  Thomas,  dit  Lafontaine,  le 
23  février  1863.  Elle  s'était  assez  sou- 
vent mariée  avec  ce  brillant  comédien  sur 
la  scène  de  M.  Montigny,  au  dénouement 
des  pièces,  pour  qu'elle 'devînt  un  jour  sa 
femme  pour  tout  de  bon. 

Je  ne  sais  qui  a  fait  cette  originale  com- 
paraison du  talent  de  M"'^  Victoria  Lafon- 
taine, lors  de  ses  débuts  rue  Richelieu? 
«  Les  mièvreries  de  M™^  Victoria  font 
songer  à  ces  petites  souris  blanches,  si 
charmantes  dans  une  petite  cage  dorée  et 
que  l'on  aurait  peine  à  voir  courir  au  mi- 
lieu du  Ghamp-de-Mars.  Le  Champ-de- 
Mars,  pour  l'adorable  petite  souris  blanche 
dont  nous  parlons,  ce  fut  pendant  huit  ans 
le  cadre  de  la  Comédie-Française,  et  c'est 
le  cadre  plus  écrasant  encore  du  théâtre 
de  la  Gaîté.  » 

l[me  Victoria  Lafontaine  est  tout  simple- 
ment la  première  ingénue  de  Paris.  Elle 
ne  dit  jamais  rien  au  théâtre,  en  dehors  de 
son  rôle.  Elle  fait  du  crochet  dans  les  cou- 
lisses en  attendant  son  entrée.  Figurez- 
vous  une  pensionnaire  que  le  couvent 
réclame  pendant  les  entr'actes. 


147 


LIA  FÉLIX 


Ainsi  qu'une  Vestale,  elle  a  dévotement 

Gardé  le  saint  foyer  tragique: 
Dans  ses  yeux  on  en  voit  luire  dis  tinctemeat 

La  flamme  ardente  et  poétique. 

Kt  le  public,  haletant  et  charmé, 

Le  cœur  et  lame  pleins  de  fièvres. 

Par  ce  grand  art  enthousi  ismé, 
Applaudit  chaque  mot  qui  tombe  de  ses  lèvres. 
Ah  !  la  vaillante  !  elle  a  conquis  enfin 

La  couronne  si  longtemps  due 
Ace  talent  puissant,  vigoureux,  fier  et  fin, 

Justice  tardive  est  rendue. 
L'Étoile  aux  fulgurants  éclairs  brille  en  plein  ciel  ; 
La  foule  bat  des  mains  ;  la  Presse  dominée 
La  compare  à  sa  sœur  et  lui  verse  le  miel... 
Eh  !  braves  gens.  Lia  n'eut  qu'un  tort  :  elle  est  née 
Lorsque  régnait  Rachel. 

La  parole  est,  pour  la  prose,,  à  mon  ami 
Félix  Savard,  ou,  pour  mieux  dire,  à  l'in- 
téressant volume  qu'il  a  publié  en  1867  sur 
les  Actrices  de  Païus. 

Il  y  a  des  familles  privilégiées  que 
l'art  semble  avoir  marquées  au  front  de 
son  sceau  lumineux,  qui  est  toute  une  au- 
réole, et  assurément  la  famille  Félix  est 
de  celles-là. 

Comptons  les  artistes  qu'elle  a  donnés 
au  théâtre  !  —  Nous  trouvons  UaphaëJ, 
Dinah,  Sarali,  Lia,  Hehecca  et  Rachel. 
Hélas  !  des  vides  cruels  se  sont  faits  dans 


148  FOYERS    ET    COULISSES 

cette  tribu  renommée  :  Rachel,  Rebecca 
et  Raphaël  manquent  à  l'appel! 

Adélaïde-Lia  Félix  est  née  à  Saumur. 
Le  temps  qui  s'écoula  entre  sa  septième  et 
sa  treizième  année,  elle  le  passa  en  pen- 
sion ,  et  quand  elle  en  sortit ,  son 
premier  mot  fut  une  aspiration  vers  le 
théâtre. 

Sa  sœur  Rachel  était  déjà  la  grande  tra- 
gédienne que  nous  regrettons  ;  elle  était 
alors  à  l'apogée  de  sa  gloire,  et  dame  !  ses 
sœurs  voulaient  toutes  marcher  sur  ses 
brisées,  suivre  ses  traces  et  se  tailler  un 
péplum  dans  son  manteau  royal  ;  mais  telle 
n'était  pourtant  pas  l'idée  de  Rachel  ;  elle 
connaissait  trop  les  luttes  de  la  scène  ;  elle 
voulait  tenir  ses  sœurs  éloignées  de  ces 
bruits  tumultueux,  les  marier,  leur  assurer 
ce  repos,  ce  calme,  cette  tranquillité,  dont 
le  manque  devait  la  tuer. 

Mais  Lia  ne  voulait  pas  déroger  à  son 
nom.  Elle  insista,  et  son  père  (mort  il  y  a 
deux  ans)  finit  par  consentir;  ce  fut  lui 
qui  lui  fit  son  éducation  dramatique. 

Lia  travailla  avec  l'auteur  de  ses  jours 
pendant  2  ans;  ce  fut  son  seul  profes- 
seur ;  il  l'a  rendue  digne  du  nom  qu'elle 
porte. 

Lia  Félix  joua  pour  la  première  fois  au 
théâtre  de  Saint-Germain,  dans  la  Pauvre 
Fille,  et  l'affiche  était  ainsi  conçue,  d'après 
es  ordres  du  père  : 


GAITÉ  149 

M"^  LIA  FÉLIX 

ÉLÈVE      DE       S0>-      PÈRE 

Et    Sœur  de    Mu^   RACHEL 

jouera  le  rôle  de  la  Pauvre  Fille,  drame 
créé  à  la  Porte-Saint-Martin. 

Vers  1850,  on  se  trouvait  au  théâtre  de 
la  Porte-Saint- Martin  dans  un  grand  em- 
barras ;  on  répétait  Toussaint  Louverture, 
la  première  —  et  la  dernière  pièce  de  La- 
martine, —  et  l'on  n'avait  pas  la  moindre 
actrice  sous  la  main  qui  lut  capable  d'y 
créer  le  principal  rôle  féminin  et  de  bien 
dire  les  vers.  Déjà  on  en  avait  essayé  plu- 
sieurs, mais  aucune  ne  marchait  convena- 
blement. 

Lia  Félix  fut  recommandée  à  M.  Béer, 
associé  de  Marc  Fournier  pour  la  direction 
de  la  Porte-Saint-Martin.  M.  Béer  fut  de- 
puis l'organisateur  et  le  directeur  du  Pré- 
Catelan. 

Le  lendemain,  Lia  Félix  fut  engagée, 
et,  le  samedi  6  avril  1850,  elle  débutait, 
sous  la  direction  de  M.  Marc  Fournier, 
dans  Toussaint  Louverture. 

C'était  un  brillant  début,  pour  une  jeune 
fille  de  n  ans,  qu'une  œuvre  du  chantre 
de  Jocelvn,  avec  Frederick  Lemaîtrepour 
partenaire.  Son  succès  fut  grand  et  légi- 


150  FOYERS    ET   COULISSEÎ^ 

timo,  et  M.  de  Lamartine,  dans  la  préface 
de  sa  pièce,  fit,  en  ce  style  que  Ton  con- 
naît, pressentir  tous  les  succès  qui  l'at- 
tendaient. 

Après,  on  la  vit  dans  le  rôle  de  Jenny 
r Ouvrière...  au  cœur  content...  content  de 
peu!...  Puis  dans  la  Claudie  de  madame 
Georges  Sand,  à  côté  de  Bocage;  dans  la 
Poissarde  avec  Marie  Laurent;  avec  ma- 
demoiselle Georges  dans  la  Chambre 
ardente;  avec  Bouffé  dans  la  Fi  Ile  de 
J' Avare,  où  elle  chantait  fort  joliment  ses 
couplets;  d-àiis  IUcIiard  III,  dans  les  A^oces 
vénitiennes,  de  ce  pauvre  Victor  Séjour, 
qu'on  vient  de  mettre  en  terre  ! 

Mais  la  fatigue  était  venue,  sa  santé  s'était 
altérée,  et  les  médecins  lui  conseillaient 
l'air  de  la  mer.  Sur  ces  entrefaites,  Rachel 
s'étant  décidée  à  partir  pour  l'Amérique, 
Lia  émigra  avec  elle,  et  joua,  là-bas,  à  ses 
côtés,  tous  les  rôles  de  Jeune  première, 
tels  qu'Aricie,  de  Phèdre,  la  P.atarina, 
d'Angelo,  Junie,  de  Britannieus. 

Hélas  !  il  fut  bien  triste  ce  voyage,  et  la 
pauvre  Lia  eut  bien  à  souffrir  en  voyant 
tous  les  jours  les  progrès  incessants  de 
la  maladie  de  sa  sœur,  que  le  Nouveau- 
Monde  devait  nous  renvoyer  mourante. 
L'illustre  tragédienne  avait  exhalé  sa  vie 
dans  un  suprême  effort. 

A  son  retour  à  Paris,  Lia  Félix,  dont  la 
santé  s'était  sensiblement  améliorée,  fut 


GAITK  loi 

demandée  par  M.  d'Eiinery  pour  jouer  ù 
l'Ambigu  les  Orphelines  de  la  Charifp. 
Elle  consentit,  et  après  une  série  de  bril- 
lantes représentations,  elle  alla  à  la  Porte- 
Saint-Martin  jouer  Richard  d'Arlington,  la 
Closerie  des  Genêts  et  la  Tireuse  de  cartes. 
Ce  fut  vers  cette  époque  que  sa  position 
commença  surtout  à  devenir  meilleure,  — 
au  point  de  vue  pécuniaire  s'entend  ;  car 
il  y  avait  longtemps  que,  comme  artiste,  on 
comptait  avec  elle  et  sur  elle. 

Quand  l'engagement  de  deux  ans  qui  la 
liait  avec  M.  Marc  Fournier  fut  près  d'être 
terminé,  M.  Harmant  l'appela  à  la  Gaîté  ; 
son  talent  fut  en  quelque  sorte  mis  aux 
enchères.  M.  Marc  Fournier  cependant 
finit  par  la  prêter  à  son  confrère,  chez  qui 
elle  joua  André  Gérard.  M.  Harmant  l'en- 
gagea définitivement  pour  trois  ans. 

Elle  créa  au  boulevard  du  Temple  la 
Fille  du  paysan,  et  dans  la  nouvelle  salle 
du  square  des  Arts-et-Métiers ,  le  Château 
de  Pontalec  (de  chûteuse  mémoire),  la 
Maison  du  Baignenr,  le  Marquis  Caporal, 
le  Mousquetaire  du  Roi  et  le  Hussard  de 
Bercheny. 

M.  Dumaine ,  devenu  directeur  de  la 
Gaîté,  renouvela  pour  3  ans  l'engagement 
de  Lia  Félix. 

Que  vous  dire  encore,  si  ce  n'est  que 
mademoiselle  Lia  Félix  n'a  jamais  fait 
parler  d'elle  que  comme  artiste  dramatique, 


152  FOYERS   ET   COULISSES 

qu'elle  vit  à  l'écart,  ne  s'occupant  pas  des 
autres  et  n'aimant  pas  qu'on  s'occupe  d'elle. 

Elle  joue  avec  son  cœur,  elle  pleure  de 
vraies  larmes,  et,  en  l'écoutant,  on  oublie 
bien  vite  le  rôle  étudié  pour  ne  plus  songer 
qu'à  l'âme  qui  s'épanche. 

Au  physique,  c'est  une  nature  d'une 
apparence  frêle,  délicate,  nerveuse,  et  l'on 
est  tenté  parfois  de  s'étonner  en  voyant 
cette  mignonne  personne  déployer  tant  de 
puissance  en  scène  et  tant  d'énergie.  Chez 
elle,  rien  de  forcé,  rien  de  vulgaire;  son 
talent  est  complet. 

Elle  a  toutes  les  finesses  de  la  comé- 
dienne, et,  avec  cela,  des  élans  magnifi- 
ques, des  cris  qui  émeuvent,  des  sanglots 
qui  vont  au  cœur.  Sa  diction  est  vibrante, 
fiévreuse,  pleine  d'harmonie;  son  œil  bleu 
(et  elle  est  brune  !  )  a  tour  à  tour  de  la  fierté, 
de  la  tendresse  et  de  la  colère  ;  son  geste 
est  ample  et  mesuré,  et  tout  en  elle  enfin 
rappelle  la  passion  vivifiante  et  la  force 
créatrice  de  la  grande  tragédienne  qui 
n'est  plus. 

Le  sang  de  Rachel  coule  dans  les  veines 
de  Lia,  et  les  éclairs  de  ses  yeux  semblent 
illuminer  son  regard  et  le  faire  irradier. 

MARIE   LAURENT 

Les  artistes  sont  frères,  a-t-on  souvent 
répété;  ceci  est  peut-être  vrai  jusqu'à  un 


GAITÉ  153 

certain  point,  pour  toutes  les  branches  qui 
se  rattachent  aux  arts,  mais  au  théâtre 
c'est  une  vérité  rigoureuse.  Les  artistes 
dramatiques  sont  frères,  beaux-frères  et 
cousins,  germains  et  issus  de  ger- 
mains, etc.  A  quelques  rares  exceptions 
près,  le  théâtre  est  exploité  par  quelques 
familles  privilégiées,  dont  les  membres 
se  marient  entre  eux,  et  resserrent  ainsi 
plus  étroitement  encore  cette  fraternité 
artistique. 

Au  nombre  de  ces  familles,  et  peut-être 
en  avant  de  toutes  les  autres,  nous  devons 
compter  la  famille  Luguet.  Les  Luguet 
sont  nombreux  comme  les  grains  de  sable 
de  la  mer,  leur  arbre  généalogique  a  ses 
racines  dans  les  dessous  les  plus  profonds, 
ses  branches  nombreuses  ombragent  tous 
les  plans  de  la  cour  au  jardin,  et  sa  tête 
altière  va  se  perdre  dans  les  frises  les 
plus  élevées.  —  Les  Luguet  couvrent  la 
surface  du  globe  dramatique,  on  en  ren- 
contre à  Paris,  en  province,  à  l'étranger, 
à  la  banlieue,  partout  enfin  où  il  y  a  des 
coulisses,  un  trou  pour  souffler  et  un  par- 
terre pour  applaudir.  —  Montez  sur  n'im- 
porte quel  théâtre,  frappez  du  pied,  vous 
êtes  sûr  qu'il  en  sortira  un  Luguet,  tout 
habillé,  tout  frisé,  tout  poudré,  un  rôle  à 
la  main,  vingt  rôles  dans  la  tête,  cent 
rôles  sur  le  bout  de  la  langue. 

En  vérité,  c'est  une  famille  d'artistes 

II  5 


154  FOYERS    ET   COULISSES 

que  ces  Luguet,  une  famille  où  le  talent 
est  héréditaire,  soyez-en  sûrs,  et  vous  en 
serez  convaincus  comme  moi  lorsque  vous 
saurez  que  madame  Marie-Laurent  est 
issue  de  l'arbre  généalogico-artistique 
dont  nous  parlions  tout  à  l'heure. 

Née  à  Tulle,  département  de  la  Corrèze, 
madame  Laurent,  qui  n'était  alors  que 
Marie  Luguet,  n'eut  garde  démentir  à  son 
origine.  Elle  n'avait  encore  que  trois  ans, 
à  peine  pouvait-elle  prononcer  deux  mots, 
que  son  père  lui  apprit  à  épeler  un  rôle, 
le  souffleur  fit  le  reste;  c'est  ainsi  que  la 
petite  Marie  Luguet  signala  ses  premiers 
pas  dans  le  monde  de  la  comédie  et  dans 
la  comédie  du  monde.  Un  peu  plus  tard, 
dès  que  sa  mémoire  mûrit,  elle  était  char- 
gée des  rôles  de  madame  Volnys,  et  accom- 
pagna son  père  à  Amiens. 

Malgré  toutes  ses  dispositions  et  la  pré- 
cocité d'un  talent  qui,  pour  n'être  qu'en 
germe,  n'en  était  pas  moins  encourageant, 
la  petite  i\Iarie  Luguet  resta  dix  années, 
tout  autant,  dix  longues  années,  sans 
monter  sur  un  théâtre,  sans  même  aller 
au  spectacle. — Mais  bon  sang  ne  peut 
mentir,  le  jeûne  avait  été  long,  l'enfant  ne 
demandait  qu'une  occasion  pour  s'installer 
au  festin  dramatique  ;  l'occasion  ne  se  fit 
pas  attendre ,  et  elle  signa  un  engagement 
pour  Rouen,  et  débuta  dans  l'emploi  des 
jeunes  premières. 


G.\ITÉ  155 

Tout  le  monde  connaît  le  théâtre  do 
Rouen,  sinon  de  vue,  du  moins  de  répu- 
tation. Le  parterre  passepour  être  taquin, 
et  souvent  même  un  peu  rigoureux.  Marie 
Luguct  affronta  son  juge  avec  toute  la 
candeur  de  son  âge  et  le  courage  de  son 
bon  vouloir;  elle  fut  charmante  dans  Paul 
et  Virginie,  qu'elle  joua  avec  son  frère. 
Le  paptcrre  avait  pleuré,  il  était  désarmé, 
et  le  succès  de  la  débutante  ne  coûta  de 
larmes  qu'au  public. 

De  Rouen,  où mademoiselleLuguet  resta 
fort  peu  de  temps  ,  elle  alla  à  Toulouse 
pour  jouer  le  môme  emploi,  seulement 
elle  agrandit  son  répertoire,  et  passa 
de  la  comédie  à  l'opéra  avec  la  même  fa- 
cilité qu'elle  avait  franchi  la  distance  qui 
sépare  le  vaudeville  de  la  comédie.  Elle 
chanta  dans  le  Puits  d'amour  le  rôle  de 
mademoiselle  Révilly,  et  plus  tard  Edvige 
de  Guillaume  Tell.  Le  public  toulousain 
lui  sut  gré  de  cet  acte  de  volonté  qu'elle 
imposait  à  son  larynx,  et,  voyant  dans  la 
jeune  fille  une  grande  comédienne  à  côté 
de  la  chanteuse  médiocre,  il  applaudit 
vivement  l'une  pour  ne  point  décourager 
l'autre. 

L'événement  ne  tarda  pas  à  prouver  que 
les  Toulousains  avaient  raison.  C'était  en 
1849,  le  choléra  régnait  dans  la  ville.  Tout 
le  monde  était  malade  ou  avait  peur  de 
l'être,  ce  qui  revient  à  peu  près  au  même. 


156  FOYERS   ET   COULISSES 

Le  directeur  aux  abois  ne  pouvait  monter 
aucun  ouvrage ,  ses  premiers  artistes 
avaient  au  moins  la  griope.  —  Comment 
faire  ?  et  pourtant  M.  Bocage  était  à  Tou- 
louse, et  M.  Bocage  apportait  avec  lui, 
sinon  une  certitude,  au  moins  un  espoir 
de  recettes.  M.  Bocage  est  un  grand  acteur, 
nous  n'avons  pas  l'intention  de  dire  le 
contraire  ;  mais  il  était  difficile ,-  sinon 
impossible,  à  M.  Bocage  de  jouer  tout 
seul  l'ouvrage  de  M.  Ponsard. — Comment 
faire?...  A  force  de  prières,  de  supplica- 
tions, le  directeur  finit  par  réunir  autour 
de  lui  les  moins  enrhumés  de  sa  troupe. 
Un  seul  rôle  manque,  et  ce  rôle,  qui  n'est 
pas  le  principal,  il  est  vrai,  est  cependant 
iDeaucoup  trop  important  pour  le  remplacer 
par  une  pantomime,  quelque  vive  et  ani- 
mée qu'elle  soit.  —  Enfin  Lucrèce  est 
prête,  mais  Tullie  est  dans  son  lit  ;  or  le 
personnage  de  Tullie,  comme  on  sait,  a 
été  établi  par  madame  Halley  à  l'Odéon,  et 
madame  Halley,  loin  de  dédaigner  ce  rôle, 
y  avait  eu  un  grand  succès.  —  Le  direc- 
teur, comme  nous  l'avons  dit,  était  dans 
le  plus  grand  embarras,  mais  une  joie  su- 
bite lui  vint  : 

((.  Nous  avons  la  petite  Marie  Luguet, 
dit-il  à  M.  Bocage;  si  vous  vous  en  con- 
tentez, je  ne  vois  rien  qui  puisse  empêcher 
la  représentation.  » 

M.  Bocage  accepta,  et  ce  fut  lui  qui  le 


GAITÉ  157 

premier  alla  serrer  les  deux  mains  de  notre 
débutante,  car  c'était  un  véritable  début 
que  ce  nouveau  pas  dans  la  carrière  dra- 
matique. 

Ce  pas  une  fois  franchi  avec  une  heu- 
reuse audace,  iNlarie  Laurent  abandonna 
les  ingénues,  et,  quoique  toute  jeune  en- 
core, elle  entra  fièrement  dans  les  premiers 
rôles;  c'est  en  cette  qualité  qu'elle  fut 
engagée  à  Bruxelles. 

Ce  nouvel  emploi  qu'elle  venait  d'adopter 
demandait  une  nature  vigoureuse ,  une 
grande  verve,  que  la  jeune  Marie  ne  pos- 
sédait encore  qu'en  herbe,  mais  qui  ne 
demandaient  qu'à  être  développées;  c'était 
quelques  leçons  à  prendre,  leçons  de  per- 
fectionnement bien  entendu,  mais  qu'un 
père  ou  un  frère  sont  malhabiles  à  donner. 
Un  jeune  artiste,  M.  Laurent,  qui  chantait 
les  barytons  au  théâtre  de  la  Monnaie ,  lui 
offrit  ses  conseils,  et  bientôt  après  madame 
Laurent  compléta  le  talent  de  mademoiselle 
Marie  Luguet.  Marie-Jeanne,  Madeleine, 
deux  grands  rôles,  contiibuèrent,  pour 
leur  bonne  paii,  à  la  réputation  de  notre 
artiste. 

De  Bruxelles,  madame  Laurent  accom- 
pagna son  mari  à  Marseille,  et  son  succès 
fut  si  grand,  que  nous  renonçons  en  vérité 
à  le  décrire.  Le  régisseur,  M.  Vizentini, 
se  hâta  de  résilier  l'engagement  de  Marie- 
Jeanne,  et  lui  donna  rendez-vous  à  l'Odéon, 


158  FOYERS    ET   COULISSES 

qu'il  venait  de  prendre  des  mains  de 
M.  Bocage. 

Enfin,  la  petite  Marie  Luguet,  devenue 
madame  Laurent,  était  à  Paris;  elle  avait 
peut-être  pris  le  chemin  des  écoliers,  mais 
les  étapes  avaient  été  si  heureuses,  qu'en 
vérité  elle  eût  eu  mauvaise  grâce  à  se 
plaindre  de  la  longueur  de  la  route. 

Notre  devoir  d'historien  nous  oblige  à 
signaler  le  début  de  madame  Laurent, 
dans  un  ouvrage  en  vers,  Isabelle  de 
Castille,  et  nous  devons  ajouter  que,  si 
l'actrice  ne  subit  pas  le  sort  de  l'ouvrage, 
elle  le  dut  à  cette  heureuse  constitution 
dramatique  dont  elle  était  pourvue.  Un 
rôle  important  dans  la  Fille  d'Eschylo 
vint  un  peu  consoler  l'artiste,  mais  il 
était  décidé  que  son  heure  n'avait  pas 
encore  sonné.  Le  poëte  Eschyle  avait 
péri  de  mort  violente,  sa  fille  reçut  toute 
la  révolution  sur  la  tête,  elle  ne  s'en  releva 
pas.  Madame  Laurent  partit  donc  pour  la 
province,  allant  conter  son  chagrin  de  ville 
en  ville,  et  recevant  des  consolations  de 
parterre  en  parterre,  si  bien  que,  se  trou- 
vant un  beau  jour  assez  consolée,  elle 
revint  à  l'Odéon,  et  déclama  Phèdre  avec 
d'autant  plus  de  fureur  qu'elle  se  souve- 
nait d'avoir  joué  Isabelle  de  Castille. 

L'Odéon  n'avait  pa^  été  trop  favorable  à 
madame  Laurent,  une  grande  compensa- 
tion lui  était  due.  Madame  Sand  se  chargea 


GAITÉ  159 

de  cette  dette  de  la  direction,  et  François 
lo  Champi  lui  offrit  cent  trente  fois  de 
suite  l'occasion  de  prouver  à  tous  les  di- 
recteurs de  la  rive  droite  qu'il  y  avait 
outre-Seine  une  actrice  dont  le  talent  était 
de  taille  à  faire  la  fortune  d'une  entre- 
prise. 

Le  théâtre  de  la  Porte-Saint-Martin  ve- 
nait de  rouvrir  ses  portes.  M.  Marc-Four- 
nier,  qui  avait  suivi  madame  Laurent  avec 
un  intérêt  tout  particulier,  lui  apporta  un 
beau  jour  un  engagement  et  un  rôle  dans 
la  pièce  d'ouverture;  c'était,  si  j'ai  bonne 
mémoire,  Vlmagier  de  Harlem.  L'ouvrage 
était  littéraire,  et  n'eut  qu'un  succès  d'es- 
time ;  mais  le  véritable  début  de  madame 
Laurent  ne  date  réellement  que  de  la 
Poissarde.  A  elle  seule  tout  le  triomphe,  à 
elle  seule  tout  le  mérite  d'avoir  fait,  de  ces 
cinq  actes  aux  allures  passablement  com- 
munes, un  succès  qui  ne  se  ralentit  qu'à 
la  centième  représentation.  —  Madame 
Pailleux  restera  un  des  types  les  plus  re- 
marquables auxquels  madame  Laurent  a 
donné  la  vie. 

Madame  Laurent  a  les  traits  expressifs 
et  mobiles,  son  teint  vif,  ses  yeux  animés, 
tout  est  énergie  et  résolution  dans  ce  vi- 
sage qui  semble  légèrement  bronzé  par 
les  tropiques;  une  bouche  aux  lèvres  un 
peu  fortes  vient  adoucir  ce  que  sa  physio- 


160  FOYERS  ET  f:ouLiss?:s 

nomie  semblerait  annoncer  de  rude,  et 
donne  un  airde  bonté  à  cette  figure  d'une 
fierté  résolue.  —  Madame  Laurent  est  une 
belle  actrice,  c'est  de  plus  une  grande  ar- 
tiste. 


THÉRÉSA 


Elle  a  raconté  elle-même  sa  vie,  ses  dé- 
buts, ses  grands  succès  à  l'Eldorado  et 
surtout  à  l'Alcazar.  Nous  renverrons  donc 
nos  lecteurs  aux  mémoires  publiés  en  1865 
par  la  diva  populaire. 

Nous  nous  occuperons  de  l'actrice. 

Dans  ses  mémoires,  Thérésa  disait  : 

«  Il  paraît  que  Siraudin  a  eu  l'intention 
de  me  faire  débuter  au  théâtre. 

«  Le  théâtre,  c'est  mon  rêve. 

«  Je  sens  que  je  ne  serais  pas  déplacée 
sur  une  véritable  scène,  et  que  j'ai  ce  qu'on 
appelle  la  corde  dramatique.  Mais  où  est 
le  directeur  qui  pourrait  me  donner  les 
appointements  que  je  gagne  en  disant  de 
simples  chansonnettes?  » 

Thérésa,  on  le  voit  par  cette  citation  de 
ses  mémoires ,  ne  manquait  pas  de  confiance 
en  elle. 


GAITÉ  161 

Son  rêve  devait  se  réaliser. 

Au  commencement  de  1867,  elle  tomba 
malade;  pendant  près  d'une  année,  le 
public,  et  il  y  en  avait  à  cette  époque  à 
Paris,  fut  privé  de  la  Femme  a  barbe.  Le 
directeur  de  la  Porte  Saint-Martin  se  dit 
que  celui  qui  engagerait  Thérésa  pour  sa 
rentrée  encaisserait  quelques  bonnes  re- 
cettes. On  répétait  justement  1867,  revue 
de  Ad.  Choler,  Saint-Agnan-Choler  et 
Koning. 

Il  parvint  à  vaincre  les  répugnances  de 
Thérésa  (à  prix  d'or,  c'est  vrai).  On  ne  lui 
demandait  pas  encore  déjouer  :  une  chan- 
sonnette de  circonstance  intercalée  dans 
la  revue,  le  Retour  de  Suzon,  devait  suf- 
fire à  attirer  pendant  trois  mois  le  public 
à  la  Porte-Saint-Martin,  Thérésa  fit  florès; 
elle  fut  accueillie  avec  transports  ;  les  re- 
cettes affluèrent.  L'année  suivante,  Thérésa 
fut  engagée  à  la  Gaîté  ;  pendant  près  de 
200  fois,  elle  chanta  les  Canards  tyroliens 
dans  la  Chatte  blanche.  La  guerre  arriva  : 
on  oublia  Thérésa. 

Après  la  Commune,  elle  fuf  engagée  par 
de  Jallais  aux  Menus-Plaisirs.  Là,  enfin, 
elle  devait  avoir  un  rôle,  un  vrai  rôle.  Elle 
joua  d'abord  le  Puits  qui  chante,  ensuite 
la  Reine  Carotte,  qui  fut  jouée  120  fois. 
Après  la  Reine  Carotte,  elle  fut  de  nou- 
veau engagée  à  la  Gaîté,  pour  jouer  la 
Poule  aux  œufs  d'or,  200  représentations. 


162  FOYERS   ET   COULISSES 

Peu  d'artistes  certainement  sont  aussi 
populaires  que  Thérésa.  Partout  où  elle 
joue,  elle  est  sûre  d'amener  la  foule,  même 
pour  la  Famille  Trouillat,  qu'elle  parvint, 
grâce  à  deux  ou  trois  chansonnettes, 
à  faire  supporter  près  de  70  fois  de  suite. 

Thérésa  vient,  paraît-il,  d'être  engagée 
définitivement  par  Offenbach,  Quand  et 
dans  quoi  débutera-t-elle?  On  l'ignore. 

De  la  femme,  nous  ne  dirons  rien.  Une 
observation  cependant. 

Daas  ses  mémoires,  la  chanteuse  popu- 
laire parle  plaisamment  de  l'économie  pro- 
verbiale de  M.  Billion;  et  savez-vous  le 
défaut  attribué,  à  tort  ou  ù  raison,  à 
Thérésa  ? 

L'avarice  !  !  !   l'avarice  !  !  ! 


M'^?  THÉO 

Une  étoile  qui  se  lève, 

Vaporeuse  comme  un  rêve, 

Blanches  dents,  grands  yeux  railleurs. 

Jeu  leste,  voix  chevrotante, 

Que  c'est  un  bouquet  de  fleurs  ! 

Pomme  d'Api,  voilà  comme 

On  la  nomme  1 
Mais  le  bruit  trop  laudatif 
Dont  on  fête  sa  naissance 
Peut  gâter  ce  fruit  hâtif 
Avant  toute  sa  croissance. 


CtAité  168 

Laissez  donc  mûrir  l'épi, 

Et,  si  la  farine  est  bonne, 

Vous  ferez  une  courunno 

A  Pomme  d'Api! 

J'emprunte  au  Sil'flet  les  détails  qu'on 
va  lire  : 

Vous  souvient-il  de  ce  temps  d'affole- 
ment où  les  voitures  de  maîtres  faisaient 
le  tour  de  l'Alcazar  d'été  en  file  double  et 
serrée  ? 

De  ce  temps  où,  du  peuple  au  trône,  on 
ne  répétait  qu'un  nom,  celui  d'une  diva 
populaire  ! 

Cet  engouement  était  aussi  étrange  que 
celle  qui  l'inspirait,  car  Thérésa  n'était  pas 
belle  et  sa  voix  était  presque  sauvage. 

Mais,  quand  le  public  se  met  à  aimer 
quelqu'un,  il  l'aime  bien.  Ses  engouements 
ne  s'expliquent  jamais. 

Aujourd'hui  encore,  il  a  sa  diva  popu- 
laire, son  étoile  de  Bethléem,  qu'il  suit 
avec  amour. 

Hier,  il  exaltait  Judic;  aujourd'hui,  il  ne 
veut  plus  entendre  parler  que  de  Théo  ! 

Et  cette  fois,  quel  contraste  étrange  avec 
Thérésa! 

Madame  Théo  est  jeune  et  jolie,  sa  voix 
est  fraîche  et  pure,  douce  et  pénétrante  ; 
son  geste,  au  lieu  de  la  rudesse  grossière 
de  Thérésa,  est  d'une  provocation  mutine, 
tellement  adorable,  —  qu'on  irait  l'enten- 
dre, rien  que  pour  la  voir. 


164  FOYERS    ET    COULISSES 

Peu  de  biographes  ont  dit  son  âge 
exact,  —  cet  âge  qu'elle  n'a  encore,  heu- 
reusement pour  elle,  aucune  raison  de 
cacher.  LeGuillois,  toujours  bien  informé, 
est  à  même  de  réparer  cet  oubli. 

D'abord,  elle  est  Parisienne,  —  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  Parisienne,  —  car  elle  est 
née  aux  Champs-Elysées. 

Quel  doux  nid  que  les  Champs-Elysées! 
Quel  charmant  berceau  ! 

Sa  mère  est  madame  Anna  Piccolo,  pro- 
priétaire de  ce  fameux  pavillon  de  l'Hor- 
loge, qu'on  vient  de  se  disputer  avec  tant 
d'acharnement,  —  et  qui  passe  brusque- 
ment de  la  folle  chansonneite  à  la  musique 
italienne  ! 

Elle  est  née  le  22  avril  1854,  —  elle  a  à 
peine  vingt  ans  ! 

Vingt  ans  et  la  popularité  ! 

Vingt  ans  et  le  talent  ! 

Ah  !  Madame,  vous  êtes  bien  heureuse  ! 

Ce  qui  la  rend  plus  heureuse  encore, 
c'est  qu'elle  a  pour  l'aimer  deux  jolis  petits 
bébés,  qui  gazouillent  déjà  comme  une 
fauvette  et  un  rossignol. 

La  fauvette,  c'est  la  petite  Madeleine, 

A  vingt  ans,  la  biographie  n'est  pas 
encore  bien  longue, —  mais  quand  on  tra- 
verse une  époque  comme  la  nôtre,  elle 
est  déjà  bien  remplie. 

Madame  Théo  a  débuté  pendant  le  siège, 
dans  un  concert  donné  au  profit  des  ambu- 


GAITÉ  165 

lances.  Oui,  elle  était  à  Paris,  sa  ville  na- 
tale, pendant  ce  siège  où  nous  avons  tant 
souffert  de  la  faim  et  du  froid.  Cette  nature 
frêle  a  supporté  victorieusement  toutes  nos 
privations,  mais  cela  n'a  pas  contribué  à 
lui  donner  des  forces  ! 

Le  soir  de  ce  concert,  il  gelait  à  pierre 
fendre  et  le  canon  faisait  la  basse. 

Oh  !  elle  ne  faisait  pas  que  grelotter,  ce 
soir-là  !  Elle  tremblait  ! 

Pensez  donc  !  Affronter  le  public  pour 
la  première  fois. 

Mais,  il  le  fallait;  on  dépensait  tant  pour 
manger  si  peu  !... 

Je  la  vois  encore  vêtue  de  sa  robe 
blanche,  aussi  simple  que  sainte  Mousse- 
line elle-même. 

Elle  chanta  :  Fontenay-aux-Eoses,  Oui,  et 
le  Pigeon  blessé,  romances  de  Lhuillier. 

Ce  fut  un  charme  général.  On  l'applau- 
dit, mais  pour  son  excessive  simplicité,  et 
l'on  bissa  son  talent  révélé. 

Ce  succès  dura  trois  jours  de  suite,  ne 
faisant  que  s'accroître  à  chaque  nouvelle 
audition. 

Alors  ,  le  régisseur  des  Variétés , 
M.  Rousseau,  l'unique  directeur  pendant 
le  siège,  n'hésita  pas  à  lui  offrir  un  enga- 
gement à  son  théâtre. 

Madame  Théo  rougit  de  plaisir.  Elle  se 
souvenait  des  leçons  d'Halèvy;  elle  se 
souvenait  surtout  des  leçons  de  Wartel, 


166  FOYERS    ET    COULISSES 

son  vrai  maître;  elle  so  souvenait  que  sa 
mère,  par  un  pressentiment  singulier, 
avait  déjà  voulu  en  faire  une  artiste  ;  elle 
savait  maintenant  qu'elle  pouvait  être  elle- 
même,  naturelle,  primesautière,  et  qu'elle 
plairait  plus  qu'avec  une  correction  par- 
faite ;  elle  n'avait  plus  peur  du  public... 

Elle  accepta. 

Oui,  mais  c'était  pendant  le  siège... 

Et  quand  elle  débuta  aux  Variétés,  c'était 
déjà  la  Commune  !... 

Elle  remplit  le  personnage  d'Odette 
dans  le  Beau  Danois... 

Au  bout  de  huit  jours,  sous  la  pression 
des  événements,  le  théâtre  fermait.,,  et 
Géligniery  devenait  ambulancier... 

On  a  raconté  son  héroïsme  pendant  la 
dernière  et  sanglante  lutte,  quand  on  vou- 
lut brûler  sa  maison,  et  que  pour  fuir  elle 
fut  obligée  d'affronter  les  dangers  de  la 
rue  et  des  barricades. 

Ne  nous  y  attristons  pas. 

Elle  remplaça  Judic  à  l'Eldorado,  quand 
Judic  partit  pour  la  Belgique. 

Madame  Théo  est  elle-même. 

A  l'Eldorado,  elle  a  créé  :  J'viens  de  me 
marier,  —  J'suis  grise,  —  Coquin  d' Prin- 
temps, —  Fauvette  et  Bouvreuil,  —  la  Fri- 
leuse, —  la  Peureuse,  —  la  Rieuse,  — 
Toc- Toc,  etc.,  etc. 

Parmi  les  opérettes  qu'elle  a  jouées,  il 
faut  citer  :  le  Coc/  en  jupons,  —  Madame 


GAITÉ  167 

Nicolas,  —  le  Par/e  de  Madame  Malbo- 
rougb,  les  Horreurs  du  Carnaval...,  de. 

Pendant  l'Exposition  de  Vienne,  enga- 
gée au  Karl'Theater,  elle  obtint  tant  de 
succès  qu'Offenbach,  pour  la  rendre  à 
Paris,  l'engagea  à  la  Renaissance. 

Elle  fut  charmante  dans  Pomme  d'Api. 

Elle  fit  de  la  Parfumeuse  un  immense 
succès,  qui  a  atteint  plus  de  200  repré- 
sentations. 

Le  Monsieur  de  l'orchestre,  du  Figaro, 
s'exprimait  ainsi  sur  la  digne  émule  de 
Judic ,  lors  de  l'ouverture  du  nouveau 
théâtre  de  la  Renaissance  : 

a  L'étoile  qui  doit  attirer  dans  la  caisse 
de  AL  Hostein  des  recettes  pharamineuscs, 
la  femme  à  sensation  dont  le  nom  doit 
briller  en  vedette  sur  les  affiches  de  la 
Renaissance,  la  débutante  qu'on  attendait 
avec  une  certaine  curiosité,  c'est  Mademoi- 
selle Théo. 

«  Il  ne  m'appartient  pas  d'apprécier  l'ar- 
tiste, ni  même  de  dire  si  les  espérances  de 
la  direction  ont  été  ou  non  confirmées  ; 
tout  cela  est  du  domaine  de  mon  collabo- 
rateur Bénédict.  Mais  quelques  renseigne- 
ments sur  la  femme  sont  de  ma  compé- 
tence. 

«  De  tout  temps  Paris,  à  côté  de  ses 
étoiles  dramatiques,  a  voulu  avoir  des 
contre-étoiles.  A  côté  de  la  Patti,  il  y  a  eu 
Nilsson  ;  Lagier  a  essayé  de  contre-balan- 


168  FOYERS    ET    COULISSES 

cer  la  vogue  de  ïhérésa;  maclemeiselle 
Théo  vient  faire  concurrence  à  Judic.  Elle 
débute  dans  un  rôle  écrit  pour  Judic  ; 
comme  Judic,  elle  vient  en  droite  ligne  du 
café-concert.  Seulement,  c'est  une  Judic 
blonde. 

«  Elle  est  fille  de  M™®  Anna  Piccolo,  qui 
fut  pendant  longtemps  la  directrice  du  pa- 
villon de  l'Horloge,  un  des  premiers  cafés 
chantants  des  Champs-Elysées. 

«  La  petite  Théo  fut  élevée  derrière  le 
comptoir,  entre  un  bock  et  une  chanson. 
Toute  petite,  elle  sut  par  cœur  le  réper- 
toire de  la  troupe  maternelle. 

«  Mais  i\ï^®  Piccolo  vendit  un  jour  son 
établissement  à  M.  Thomas,  du  Soleil. 
Celui-ci  y  installa  un  gérant  inhabile  ; 
l'affaire  périclita,  et  M"^^  Piccolo  y  perdit 
une  partie  de  sa  fortune. 

«  C'est  alors  que  sa  fille  sentit  la  voca- 
tion se  réveiller  en  elle.  Elle  débita  d'abord 
aux  Variétés,  dans  une  opérette  de  Lecocq, 
puis  le  directeur  de  l'Eldorado  lui  fit  des 
propositions  si  belles  qu'elle  se  décida  à 
entrer  à  l'Eldorado.  C'est  à  l'Eldorado 
qu'Offenbach  l'a  enlevée  à  prix  d'or. 

«  M'^®  Théo  est  mariée  à  un  ex-tailleur, 
M.  Vachot,  très-jeune  et  très-joli  garçon, 
qui  reprit  pour  son  compte  la  brasserie 
fondée  par  l'artiste  Castellano,  qui,  à  un 
moment,  blasé  des  succès  du  théâtre,  avait 
songé   à   se   reposer   dans  les  modestes 


GAITÉ  169 

occupations  de  marchand  d'eau  cliaude,  et 
qui,  plis  quelques  moments  après  de  la 
nostalgie  du  lustre,  remonta  sur  la  scène, 
et  dirige  maintenant  l'ex-Théâtre-Lyrique. 

«  M"'^  Théo  est,  de  plus,  cousine  de 
M.  Planchet,  cafetier  du  théâtre,  qui  a 
joué  quelque  peu  la  comédie. 

«  On  le  voit,  l'estaminet  joue  un  grand 
rôle  dans  la  vie  de  Pomme  d'Api.  » 

Depuis  Pomme  d'Api,  Théo  a  créé  avec 
le  succès  que  l'on  sait  la  Jolie  parfu- 
meuse. Pendant  quatre  mois,  elle  a  joué  la 
pièce  à  la  Renaissance.  Elle  vient  encore 
de  la  jouer  soixante  fois  aux  Bouffes. 

M"^  LAURENCE   GRIVOT 

La  petite  Laurence  arriva  des  Batignolles 
au  Vaudeville  et  y  débuta  dans  la  Clier- 
cheuse  d'esprit,  avec  son  camarade  Grivot 
(qu'elle  épousa  quelque  temps  après).  Elle 
y  eut  un  succès  remarquable,  suivi  d'au- 
tres créations  charmantes.  Entre  autres  :  le 
Ménage  en  ville,  la  Jeunesse  de  Piron,  le 
Sacrifice,  etc.,  etc.  Du  Vaudeville,  elle 
passa  à  la  Gaîté,  où  elle  joua  la  Grâce  de 
Dieu,  et  fit  recette,  malgré  la  guerre  et  la 
Commune.  Puis  elle  alla  une  année  au 
Caire,  et  fut  engagée  par  Offenbach,  qui 
la  fit  débuter  à  la  Renaissance  dans  la 
Permission  de  dix  heures;  puis  elle  créa 


170  FOYERS   ET   COULISSES 

la  Jolie  Parfumeuse,  Bagatelle  aux  Bouf- 
fes. Madame  Grivot  vient  de  créer  le  PHit 
Bonhomme  pas  plus  haut  qu  çadans  Madame 
r Archiduc.  S'est  fait  remarquer  aux  mati- 
nées littéraires  dans  le  Chérubin  de  Fi- 
garo, dans  le  Philosophe  sans  le  sa- 
voir, etc.  Pourrait  être  aussi  bien  aux 
Français  qu'aux  Bouffes.  C'est  une  comé- 
dienne de  premier  ordre;  elle  porte  le 
travesti  comme  Déjazet.  Elle  est  arrivée,  à 
force  de  travail  et  de  volonté,  à  chanter 
d'une  façon  charmante.  Maintenant  son 
nom  est  fait  :  il  restera. —  Adore  son  mari, 
qui  le  lui  rend  avec  usure. 

AIMÉE  TEiSSANDIER 

1^*^  rôle  de  drame.  —  A  commencé  sa 
carrière  militante  à  Bordeaux.  De  là,  elle 
passa  à  Bruxelles  et  à  Reims ,  d'où  Lafon- 
taine  la  fit  engager.  Elle  commença  l'étude 
de  l'histoire  de  France  au  moment  où  la 
Gaîté  monta  Jeanne  d'Arc,  mais  ses  oc- 
cupations théâtrales  ne  lui  permirent  pas 
d'aller  plus  loin  que  le  roi  Charles  VII.  En 
ce  moment,  madame  Aimée  Teissandier 
est  en  congé  au  Caire.  —  Curieux  détail 
pour  les  initiés  :  n'aime  pas  les  marchands 
do  meubles. 


GAITÉ  ni 


MARIE  VANNOY 

Fille  de  l'excellent  Vannoy,  de  la  Porte- 
Saint-Martin.  Débuta  à  l'Ambigu,  passa  au 
Gymnase,  où  elle  créa  d'une  façon  remar- 
quable ï Abandonnée,  de  François  Goppée  ; 
repassa  à  l'Ambigu,  fut  engagée  à  la  Gaité, 
qui  la  prêta  à  l'Ambigu  ;  revint  cet  hiver  à 
la  Gaîté,  qui  la  re prêta  à  l'Ambigu. 

Elle  vient  de  créer,  à  ce  théâtre  la  Prin- 
cesse Amélie  dans  V Officier  de  fortune. 

M"^    ANNA    DARTAUX 

Sous  le  nom  d'Anna  Godot,  fut  danseuse 
aux  Folies-Marigny  et  à  l'Opéra-Comique. 
Après  cela,  elle  débuta  aux  Bouffes,  dans 
le  Moulin  Joli,  de  Varney,  où  la  culotte  du 
dragon  promettait  tout  ce  qu'elle  a  tenu. 

Passa  de  Bordeaux  à  Anvers ,  Gand, 
Bruxelles.  Adorée  dans  ce  coin  de  Belgi- 
gique,  où  elle  faisait  la  pluie  et  le  beau 
temps,  elle  fut  engagée  à  Paris  pour  créer 
l'Eurydice,  d^Orphée.  Mais  à  la  suite  de 
difficultés  qui  s'élevèrent  entre  son  direc- 
teur et  elle,  elle  ne  créa  que  Pomme  d'Api 
et  la  Permission  de  dix  Iieures.  A  la  100^ 
d'Orphée,  elle  reprit  le  rôle  d'Eurydice. 
i\ri°  Dartaux  est  une  charmante  Dugazon, 
qui  aie  tort  de  se  croire   première  chau- 


172  FOYERS    ET    COULISSES 

teuse.  Sa  voix  est  chaude,  pure,  excellente. 
Elle  quitte  la  Gaîté  ou  la  Gaîté  la  quitte, 
comme  vous  voudrez.  Les  Russes  lui  font 
un  pont  d  or,  mais  qu'elle  prenne  garde  à 
la  Sibérie.  Dans  tous  les  théâtres  où  elle 
passe,  elle  laisse  la  réputation  d'une  pen- 
sionnaire très-difficile,  et  l'on  ne  plaisante 
pas  avec  le  Nord. 


MATZ-FERRARE 

Vous  souvient-il  de  la  petite  Denise 
Ferrarc  ?  Enfant  du  Cirque  et  cabotine  des 
pieds  à  la  tète,  elle  joua  maint  et  maint 
rôle,  tant  à  Paris  qu'en  province,  jusqu'au 
jour  où  elle  se  fit  remarquer  au  Théâtre- 
Historique  dans  Léonard.  Après  quoi,  elle 
refit  son  tour  de  France  en  gai  compagnon. 
C'est  à  Bordeaux  qu'elle  épousa  M.  Matz, 
pianiste.  Depuis,  entre  Bordeaux,  l'Italie 
et  Marseille,  elle  obtint  de  grands  succès 
dans  toutes  les  pièces  d'Offenbach.  —  Elle 
revint  à  Paris  et  fut  engagée  aux  Menus- 
Plaisirs  pour  créer  le  principal  rôle  de 
l'Eléphant  blanc.  Elle  créa  après  cela  la 
Liqueur  d'or,  qui  fut  arrêtée  à  la  dou- 
zième. —  La  déconfiture  des  Menus- 
Plaisirs  lui  permit  d'être  engagée  à  la 
Gaîté,  où  elle  créa  Cupidon  dans  Orphée. 
—  Madame  Matz  est  restée  un  peu  trop  en 
province.   Si,  depuis  Léonard,  elle  n'avait 


GAITÉ  173 

pas  quitté  Paris,  ce  serait  aujonrd'lmiune  de 
nos  principales  étoiles.  Elle  a  tout  ce  qu'il 
faut.  Pourtant,  il  lui  manque  le  je  ne  sais 
quoi  si  cher  aux  Parisiens.  Une  création 
importante  peut  le  lui  donner,  à  moins 
qu'elle  ne  préfère  retrouver  au-delà  de  nos 
fortifications  les  grands  succès  qu'elle  peut 
y  oljtenir.  Le  cadre  do  la  Gaîté  est  un  peu 
fort  pour  elle.  A  la  Renaissance ,  une  telle 
artiste  serait  un  trésor...  le  trésor  des 
Fer  rare. 


MARIE   BRINDEAU 

Fille  de  M.  Brindeau,  le  sociétaire  de  la 
Comédie-Française.  A  beaucoup  joué  dans 
les  villes  d'eaux  et  dans  les  salons,  et  le 
plus  souvent  avec  M.  Febvre,  du  Théâtre- 
Français.  Elle  a  joué  à  l'Odéon  et  au  Chà- 
telet,  dans  le  JuJi'-Erraiit,  dans  la  Maison 
du  Baigneur. 

Les  étoiles  de  première  grandeur  Font 
empêchée  jusqu'à  présent  de  briller  comme 
elle  le  pourrait  faire  au  milieu  des  autres 
constellations  dramatiques. 

AN6ÈLE 

Bordelaise  —  ce  qu'on  ne  croirait  pas  à 
voir  son  pied,  —  née  pour  jouer  les  Vénus. 


174  FOYERS    ET    COULISSES 

—  A  paru  au  firmament  dramatique,  dé- 
couverte par  l'astronome  Bernard-Latle  et 
présentée  par  le  savant  Gogniard.  —  C'est 
ce  qu'on  appelle  un  beau  brin  de  fille  ;  ah! 
mais  pour  un  beau  brin,  c'est  un  beau  brin. 
Ce  qu'elle  aime  le  théâtre,  et  les  artistes, 
donc  !  Dans  le  drame,  c'est  le  traître  qui  la 
passionne  le  plus.  Mais  ne  parlons  que 
à' Orphée,  où  Vénus  est  toute  à  Mars.  La 
belle  Angèle,  en  souvenir  de  son  ancien 
théâtre,  est  restée  le  plus  ferme  soutien  du 
café  du  Ghàteau-d'Eau. 

Jamais  d'Artagnan  des  Mousquetaires  ne 
vint  chez  Planchet  si  souvent  qu'Angèle. 
Plusieurs  théâtres  l'ont  demandée  à  Of- 
fenbach  pour  des  rôles  non  distribués.  Le 
maestro  a  refusé,  préférant  garder  ses  ri- 
chesses, et  répondant:  «  A  la  vue  dételles 
actrices,  mon  public  en  grille  ;  peu  m'im- 
porte que  les  autres  en  gèlent,  » 

U^^  BERTHE  PERRET 

La  chaste  Diane.  En  sortant  du  Conser- 
vatoire, elle  entra  aux  Folies-Dramatiques, 
d'où  elle  sortit,  avec  un  procès  gagné  par 
elle,  pour  entrer  à  l'Opéra-Gomique,  d'où 
elle  sortit  pour  se  fixer  à  la  Gaîté.  Elle  n'a 
encore  joué  que  dans  Choufleury  et  les 
Dames  de  la  Halle  à  la  Renaissance. 

Excellente   musicienne,  travailleuse   et 


GAITÉ  175 

intelligente,  elle  supplée,  à  force  de  tra- 
vail, à  la  facilité  vocale  que  la  nature  lui  a 
refusée.  Aucune  création  n'aura  pour  elle 
le  relief  de  Diane,  qui  l'a  fait  valoir  comme 
femme  et  comme  artiste.  Sa  ligne  droite 
fait  merveille  au  milieu  du  déhanchement 
de  l'Olympe,  J'en  appelle  à  tous  les  pein- 
tres. 


ELVIRE   GILBERT 

Débuta  au  Théâtre-Lyrique  par  un  rôle 
de  bohémienne  muette,  dans  la  Fiancée 
d'Ahydos.  A  la  suite  de  ce  début,  elle  passa 
par  la  Porte-Saint-Martin,  où  elle  fit  ad- 
mirer sa  jolie  jambe  dans  un  page  im- 
portant de  la  Biche  au  bois ,  puis  elle  alla 
à  Berlin,  dans  la  troupe  de  M.  Luguet.  où 
elle  obtint  de  très-grands  succès.  De  retour 
à  Paris,  elle  laissa  Melpomène  pour  Tha- 
lie,  et  passa  aux  Bouffes,  où  elle  créa, 
entre  autres,  le  Fifre  enchanté.  Des  Bouffes 
à  la  Gaîté,  où  elle  joua  la  Chatte  blanche, 
et  la  belle  Pompéienne  dans  le  Pioi 
Carotte. 

Un  profil  grec,  des  formes  presque  irré- 
prochables, une  voix  agréable,  une  nature 
tranquille,  telles  sont  les  qualités  de  cette 
jeune  première,  qui  a  déjà  ï opinion  pu- 
blique pour  elle. 


176  FOYERS   ET   COULISSES 

BLANCHE  MÉRY 

Un  petit  frou-frou  qui  vient  des  Variétés. 
Leste,  vive,  gaie,  fine,  intelligente,  faisant 
beaucoup  de  bruit.  Signes  particuliers  : 
des  bras  dignes  de  Canova.  Fera  quand 
elle  le  voudra  une  soubrette  pour  le  Vau- 
deville ouïe  Gymnase. 

PAULINE  LYON 

A  commencé  au  Palais-Royal,  sous  le 
simple  prénom  de  Pauline.  De  là  est  partie 
au  Portugal  pour  le  théâtre  français  de 
Lisbonne  (1852),  puis  a  été  dans  l'Amé- 
rique du  Sud,  où  de  comédienne  elle  s'est 
transformée  en  modiste.  Après  avoir 
amassé  un  petit  pécule,  est  revenue  en 
France,  où  elle  a  repris  la  scène  sur  le 
théâtre  Déjazet  et  autres.  Christian-Jupi- 
ter ne  pouvait  rêver  une  plus  appétissante 
Junon. 

M""^  JEAULT 

Femme  de  Jeault,  l'amusante  ganache 
des  Folies-Dramatiques.  M'"*^  Jeault,  qui  a 
de  la  barbe  au  menton  comme  feu 
^|me  Thierret,  est  depuis  un  temps  immé- 


GAITÉ  177 

morial  à  la  Gaîté.  On  dit  même  qu'elle  ne 
se  rappelle  pas  avoir  joué  ailleurs. 

jM""^  Jeault  a  plusieurs  cordes  à  son  arc, 
notamment  celle  da  commerce.  Elle  vend 
de  la  parfumerie  à  la  Gaîté,  pendant  que 
son  mari  en  vend,  de  son  côté,  à  ses 
camarades  des  Folies- Dramatiques. 

M.  et  M™^  Jeault  sont  sûrs  de  rester  en 
bonne  odeur  dans  leur  théâtre  respectif. 

JUUÂ   H. 

Une  jolie  petite  souris  qui  trotte  menu, 
parle  de  même,  et  se  défend  comme  une 
lionne  quand  on  l'attaque. 

Mère  d'un  adorable  petit  bébé.  Elle  a 
passé  par  les  Yariélés  et  par  l'Amérique 
avant  de  se  fixer  à  la  Gaîté.  —  Elle  doit 
avoir  des  valeurs  à  la  Bourse ,  car  elle  ne 
parle  jamais  que  de  reporter. 

MAURY 

Elève  du  Conservatoire.  Très-aimée  de 
toutes  ses  camarades,  qui,  fait  rare,  ne 
cassent  pas  de  sucre  sur  son  compte.  — 
Une  excellente  voix,  peut-être  la  meilleure 
de  la  maison. 

CASTELLO 

La  Sagesse,  mesdames  et  messieurs,  la 


178  FOYERS    ET   COULISSES 

Sagesse...  dans  Orphée.  D'ailleurs,  a  si 
bien  muré  sa  vie  privée,  qu'il  est  bien 
difficile  d'en  franchir  le  seuil.  —  Au  phy- 
sique, c'est  un  camée.  Au  moral,  c'est  une 
femme  distinguée  qui  possède  plus  de  bon 
sens  à  elle  toute  seule  ({ue  toutes  ses  cama- 
rades réunies.  Au  théâtre,  on  la  trouve  un 
peu  pincée.  Dame!  quand  on  joue  la  Sa- 
gesse... 

DURIEU 

La  belle  ribaude  de  Jeanne  d'Arc  a  fait 
la  connaissance  au  quartier  latin  de  son 
mari,  le  docteur  D***,  dont  elle  commença 
la  clientèle.  Un  excellent  ménage.  Lorsque 
madame  chante,  monsieur  est  dans  la  salle, 
tremblant  de  peur.  Lorsque  monsieur  a 
une  opération  difficile,  la  voix  de  madame 
s'en  ressent  le  soir. 

Bref,  son  mari  la  quittant  rarement,  elle 
est  aimée,  choyée  et  protégée  à  la  ville 
comme  au  théâtre. 


DAVENAY 

La  femme  la  mieux  faite  de  Paris,  — 
après  la  belle  Mariani,  de  sculpturale  mé- 
moire. Rieuse,  elle  adore  les  histoires 
folichonnes  ;  quoique  fidèle  à  l'élu  de  son 
cœur,  chaque  fois   qu'on  raconte  devant 


GAITÉ  179 

elle   un   fait   croustillant,    elle    en    rit    à 
Georges  chaude. 

GQBERT 

L'ex-Gobert  de  l'Ambigu  au  temps  de  ce 
bon  monsieur  de  Chilly.  Désespérée  de 
faire  si  peu  de  chose  à  la  Gaîté,  mais  à  qui 
la  faute  ?  Très-bonne  petite  personne  ;  elle 
adore  son  chien. 

IRIART 

Une  voix,  un  nez,  —  un  nez,  une  voix. 
—  Adore  la  flanelle.  —  Son  air  favori 
est  : 

Dans  un  grenier  qu'on  est  bien  à  vingt  ans  1 

r/lARlE  GODIN 

Est  le  représentant  femelle  de  la  dynastie 
des  Godin  au  théâtre  de  la  Gaîté. 

Fille  du  souffleur  et  sœur  du  second 
chef  d'orchestre,  elle  les  confond  tous  deux 
dans  le  même  regard.  —  A  doublé  au  pied 
levé  Judic  dans  le  Roi  Carotte. 

METTE 
Ancienne  fourmi  du  Boi  Carotte.  Elle 


180  FOYERS    ET    COULISSES 

était  alors  mince,  mince,  mince,  comme 
col  insecte.  Aujourd'hui  qu'elle  est  devenue 
madame  Beaudu,  la  fourmi  a  pris  l'cm- 
hompoint...  du  mariage. 

Bonne,  douce,  aimable,  et  pas  canca- 
nière du  tout  :  voilà  tout  le  mal  que  nous 
pouvons  en  dire. 

SYLVANÂ 

Quoique  Gaston  Mathieu  lui  ait  fait  des 
portraits  les  plus  ressemblants  du  monde 
et  qu'elle  soit  très-jolie  femme,  on  re- 
tourne toujours  la  photographie...  Je  ne 
comprends  pas  pourquoi...  j'en  suis  tout 
étonne...  Sylvana  a  dû  ses  débuts  à  l'in- 
fluence de  la  presse.  Peu  patiente,  elle  ne 
donne  pas  beaucoup  de  ses  lectures.  Pour 
elle,  un  journal  n'est  qu'un  éclair. 

CONTI 

Arrivait   de  la  province    et  y   est  re- 
tournée. 
En  reviendra-t-elle? 

GUIOTTI 

Possède  de  très-beaux  cheveux  noirs, 
avec  lesquels  elle  se  coiffe  le  plus  mal  du 


GAITÉ  181 

monde,  chante  agréablement...  au-dessus 
de  la  note.  A  refusé  de  jouer  Vesta  dans 
Orphée.  Pourquoi? 


LES  SŒURS  ALBOUY 

Aucune  parenté  avec  la  rue  de  ce  nom. 
L'une,  petite  et  grosse,  a  eu  beaucoup  de 
succès  à  Garpentras  dans  le  Violoneux. 
L'autre,  jeune  et  douce,  a  créé,  à  la  Re- 
naissance, la  quatrième  femme  de  chambre 
de  la  xJolio  Parfumeuse.  Si  les  Yapereau 
de  l'avenir  ne  trouvent  pas  ces  renseigne- 
ments suffisants,  je  donne  ma  langue  au 
chat. 

CÂPET 

Femme  du  régisseur  de  l'Eldorado,  et 
très-aimée  de  ^F*^  Godin.  G'est  tout  ce  que 
les  biographes  peuvent  trouver  sur  son 
compte. 

GRArîDPBÉ 

A  créé  Pandore  dans  Orpliée.  Belle  fille* 
Tel  était  son  talent.  Le  jour  de  la  20«  re- 
présentation, elle  oublia  le  chemin  de  la 
rue  de  Réaumur.  Les  recettes  n'en  ont 
point  baissé. 


182  FOYERS    ET    COULISSES 


JEANNE   EYRE 

Qui  s'appelle  de  son  vrai  nom  Lefebvre. 
-  Pose  chez  Nadar. 


DEBRYAT 

Surnommée  plantureuse  par  Christian. 
Cette  charmante  enfant  a  toujours  l'air  d'un 
bonbon  fondant  dans  lequel  on  aurait  mis 
trop  de  sucre.  Elle  fait  bien  au  théâtre, 
mieux  encore  à  la  ville.  Je  ne  vivrai  jamais 
assez  longtemps  pour  la  retrouver  au 
Théâtre-Français.  —  N'est  pas  parente 
Debrya  t-Sa  varin . 


PAULY 

9  9   9 

1  iVl  *!  ! 


Mlle   V/AGNER 

Sœur  d'un  dentiste.  —  Si  grande,  si 
grande,  qu'elle  dérangerait  les  frises  en 
entrant  en  scène. 

Musicienne  émérite,  polyglotte.  Elle 
quitte  la  Gaîté  pour  entrer  au  Théâtre-Ita- 
lien. 


GAITÉ  183 

Elle  laisse  à  la  Gaîté  quelques  amies 
éplorées. 

Pendant  deux  ans ,  fit  partie  du  Conser- 
vatoire, dont  elle  sortit  fruit  sec,  ce 
qui  étonnera  toujours    ceux  qui  connais- 


DANSEUSES 

M"^  THÉODORE 

L'étoile  de  l'année  dernière. — Un  grand 
talent. 

FONTABELLO 

C'est  l'Italienne  pur  sang,  la  danseuse 
intrépide,  folle  de  son  art  et  s'élançant  au 
début  d'une  variation,  comme  on  s'élance 
à  l'attaque  d'une  redoute.  Le  théâtre  pour- 
rait sauter,  que  sur  ses  ruines  on  la  re- 
trouverait toujours,  souriante,  furieuse, 
endiablée  et  terminant  son  écho  aux  ap- 
plaudissements... des  pompiers.  —  Très- 
aimée  du  public  de  la  Gaîté.  —  A  toutes 
les  premières,  elle  remporte  le  succès  du 
ballet.  A  la  ville,  c'est  un  bon  garçon,  ca- 
marade avec  tous  et  fière  du  sang  italien 
qui  coule  dans  ses  veines.  —  Dernier  dé- 


18  4  FOYERS    ET    COULISSES 

tail  :  n'entrerait  jamais  en  scène  sans  faire 
le  signe  de  la  croix. 

CHRiSTINA   P.OSELLi 

1"  danseuse.  L'étoile  du  jour.  17  ans, 
petite,  noirotte,  une  Bosaki  de  l'avenir. 
Arrive  de  l'Italie,  où  elle  cueillit  à  Reggio 
ses  premirs  lauriers.  Ne  sait  pas  sourire, 
chose  rare  pour  les  danseuses ,  et  quand 
elle  veut  sourire  au  public  au  milieu  d'une 
variation,  elle  a  l'air  de  dire  :  «  Mon  Dieu, 
que  mon  pal  me  gène.  » 

DEL  POZZO 

A  filé  de  la  Gaîté  sans  tambour  ni  trom- 
pette en  Amérique.  Le  tribunal  l'a  con- 
damnée à  payer  3,000  francs  de  dommages- 
intérêts.  —  Avis  aux  consuls. 


PREMIERES  DANSEUSES 

ROSINÂ  BRÂMBILLA 

Une  Italienne  qui  se  francise.  Elle  était 
à  Bruxelles  il  y  a  deux  ans,  à  Lyon  l'année 
dernière.  Danseuse  correcte,  elle  a  de 
petites  mines  fort  bonnes  à  voir. 

Le  demi- caractère  est  son  lot. 


185 


LÉONTINE   VERNET 


Danseuse  de  race.  Débuta  à  l'Opéra, 
[.'une  des  danseuses  les  mieux  faites  qui 
existent.  De  l'école  et  du  cachet. 

Bonne  petite  personne.  Simple  et  con- 
sciencieuse, elle  n'a  d'autres  signes  parti- 
culiers que  de  faire  du  crochet  du  matin 
au  soir  et  d'adorer  ses  cinq  ou  six  chiens, 
qu'elle  regrette  bien  de  ne  pouvoir  amener 
au  théâtre  avec  elle  ;  mais  on  est  si  sévère 
à  la  Gaîté... 


EUGÉNIE    PELLETIER 

Femme  de  M.  Buisseret,  le  maître  de 
ballet  des  Folies-Bergère.  Ne  manque  pas 
d'un  certain  effet  sur  le  public  ;  seulement 
finit  un  peu  trop  ses  variations  comme  un 
clown.  Se  plaint  toujours  du  directeur, 
des  administrateurs,  du  maître  de  ballet, 
de  ses  camarades,  des  habilleuses,  de  ce 
qu'elle  a  dansé,  du  temps  qu'il  fait,  bref,  de 
tout  le  monde  et  d'elle-même.  A  cela  près, 
parfaitement  contente. 


186  FOYERS   ET   COULISSES 

2»"  PREMIÈRES  DANSEUSES 

ENRICHETTA   NIAURY 

Nouvelle  arrivée.  Grande,  blonde,  plan- 
tureuse, du  ballon,  et  du  ballon.  Ne  quitte 
Jamais  sa  camarade  Salvadori. 

MARIE  GARDES 

Est  sortie  petit  à  petit  des  rangs  du  bal- 
let de  la  Gaîté.  Il  va  sans  dire  qu'elle  est 
très-protégée  par  le  maître  de  ballet,  et 
qu'elle  mérite  cette  assiduité  par  son  tra- 
vail constant.  Un  peu  maigrelette,  il  ne 
lui  manque  que  d'engraisser  un  peu  pour 
devenir  une  charmante  petite  étoile.  Avec 
Herbinot  et  vSolari,  constitue  le  trio  gamin 
du  ballet. 

2^^«  DANSEUSES 


AUGUSTINE   HERBINOT 

Une  très-gentille  petite  enfant,  un  peu 
trop   douillette.  A  débuté   au  théâtre   du 


GAITÉ  187 

Chàteau-d'Eau.  Rieuse,  alerte  de  son  na- 
turel. Ses  camarades  lui  reprochent  de  ne 
pas  aimer  les  bains  froids. 

LAURA   GâRBAGNATI 

Est  arrivée  d'Italie  comme  simple  dan- 
seuse du  corps  de  ballet.  Ses  excellentes 
dispositions,  son  assiduité  et  son  intelli- 
gence la  firent  vite  remarquer  du  maître 
de  Ijallet.  On  lui  fit  danser  à  l'improviste, 
devant  tout  le  monde,  une  variation,  et  elle 
passa  d'emblée  seconde  danseuse. 

Modeste  et  intelligente,  elle  parlait  cou- 
ramment français  au  bout  de  trois  jours 
qu'elle  était  à  Paris. 

ANTONiA   GARDES 

Un  maréchal  du  corps  de  ballet  qui, 
pour  avoir  conquis  ses  grades  à  l'ancien- 
neté, n'en  est  pas  moins  fort  agréable  à 
voir. 

CAMILLE  PERROT 

Petite,  maigre,  travailleuse  et  méritante. 
Son  époux  est  i^"^  violon  à  l'Opéra,  et 
fabrique  des  chaussons  de  danse  à  ses 
moments  perdus. 


188  FOYERS    ET    COULISSES 

EMMA  SALVADQRI 

Brune,  lymphatique.  Ne  quitte  jamais  sa 
camarade  ISIaùry. 

ELVIRA  VIOLA 

Prima  guida  —  di  prima  quadrilla. 
Una  bella  figlia  !  !  !  !  ! 

MASCONI 

A  de  bien  vilains  bras  —  comme  dan- 
seuse, s'entend,  mais  une  bonne  petite 
personne  tranquille,  qui  sourit  impertur- 
bablement dans  toutes  les  occasions  de  la 
vie  chorégraphique. 

SOLARI 

Une  enfant  de  la  maison.  De  sérieuses 
qualités,  tant  comme  danseuse  que  comme 
femme.  Mériterait  le  prix  INIonthyon.  Esti- 
mée, méritante,  mais  rieuse,  rieuse,  rieuse 
comme  une  enfant  de  la  Gaîté.  Ses  cama- 
rades l'appellent  le  clown. 


FIN    DU    TOME    DEUXIEME    ET    DERNIER 


Henry  Buguet. 

Décembre  1874. 


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LA  JOLIE  PARFUMEUSE,  3  actes..    .  2  » 

LE    FLORENTIN,  3  actes 2 

DON  GÉSAR   DE   BAZAN,  3  actes..    .  1  » 
LE     PREMIER     JOUR     DE    BONHEUR, 

3  actes i  » 

LA  FANCHONNETTE,  3  actes.   ...  1  » 

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chasse.  1  beau  vol.  gr.  in-8°.   .    .     oO  fr. 

LE  CHASSEUR  AUX  FILETS  OU  LA  CHASSE 
DES  DAMES.  —  Contenant  les  habitudes, 
les  ruses  des  petits  Oiseaux,  leurs  noms 
vulgaires  et  scientitiques,  l'Art  de  les  pren- 
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en  toute  saison,  la  manière  de  les  cngrais- 
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l'Eglise,  le  Koran ,  Homère,  Aristote , 
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Pline,  Horace,  Virgile,  Ovide,  Jean  Gaïus, 
Paulini,  Gessner,etc.  1vol.  in-S  rare.  15  fr. 

LE  CHASSEUR  AU  CHIEN  COURANT. —  Conte- 
nant les  habitudes,  les  ruses  des  Bêtes, 
l'Art  de  les  quêter,  de  les  juger  et  de  les 
détourner,  de  les  attaquer,  de  les  tirer  ou 
de  les  prendre  à  force;  l'éducation  du  Li- 
mier, des  Chiens  courants,  leurs  mala- 
dies, etc.  2  vol.  in-18 7  fr. 

LE  CHASSEUR  AU  CHIEN  D'ARRÊT.  —  Conte- 
nant les  habitudes,  les  ruses  du  Gibier, 
l'Art  de  le  chercher  et  de  le  tirer,  le  choix 
des  Armes,  l'Education  des  Chiens,  leurs 
maladies,  etc.  Un  volume  in-18.    3  fr.  50. 


CABINET    SECRET 

DU 

MUSÉE  ROYAL  DE   NAPLES 


L'art  ancien  et  l'art  au  moyrn  âge  ne  se 
piquaient  pas  d'une  pudour  bien  chaste;  les 
plus  admirables  chefs-d'œuvre  sont  souvent 
accompagnés  de  détails  obscènes  qui  en  ren- 
dent impossible  l'exposition  aux  yeux  de 
tous.  Le  cabinet  secret  du  roi  de  Naples  est 
la  seule  galerie  au  monde  oîi  l'on  se  soit 
proposé  de  réunir  tous  les  chefs-d'cjeuvredm- 
pudiques.  Le  livre  qui  les  reproduit  est  1, in- 
dispensable complément  de  toutes  les  col  cc- 
tions  de  musées,  et  doit  trouver  place  dans 
un  coin  secret  de  la  bibliothèque  de  l'artiste 
et  de  l'amateur. 

1  beau  vol.  in-4°  grand-raisin  vélin,  orné 
de  60  planches,  représentant  les  peintures, 
les  bronzes  et  statues  erotiques  qui  existant 
dans  ce  cabinet. 

Figures  noires,  broché 40  fr. 

Figures  coloriées,  broché 60  tr. 

LE  MÊME,  avec  les  deux  collections 
de  gravures  r.oires  et  coloriées  sur 
papier  de  Chine  demi-rel.  dos  en 
veau  à  nerfs 120  fr. 


Imp.  Richard-Berthier   18  &  19,  pass.  de  l'Opéra. 

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