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Full text of "Genève, le parti Huguenot et le traité de Soleure (1574 a 1579) : étude historique"

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LIBRARY  OF  PRINCETON 


JUL     6  2005 


THEOLOGICAL  SEMINARY 


FOLIO  DQ  458  .F29  1883 
Fazy,  Henri,  1842-1920. 
Genaeve,  le  parti  Huguenot 
et  le  traitije  de  Soleure 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/genvelepartihuOOfazy 


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GENÈVE 

LE  PARTI  HUGUENOT 


ET 


LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE 


(1574  A   1579) 


ETUDE     HISTORIQUE 

PAR 

Henri  FAZY 

Secrétaire-général  de  l'Institut  National  Genevois 


A.'V  EC      TT3Sr      FOieTEA-IT      IDE      1<IICIIEL      ROSET 


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HENRI     GEORG,     LIBRAIRE     DE     L'INSTITUT,     CORRATERIE 


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GENÈVE 


LE  PARTI  HUGUENOT 


ET 


LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE 


(1574  A   1579) 


GENÈVE.  —  IMPRIMERIE  CENTRALE  GENEVOISE,  RUE  DU  RHONE,  52 


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GENEVE 


LE  PARTI  HUGUENOT 


ET 


LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE 


(1574   A   1579) 


ETUDE     HISTORIQUE 


Henr[  FAZY 

Secrétaire-général  de  l'Institut  National  Genevois 


-ft."V  EC      TJIT      I=OIî.TR.J^IT      IDE      1*<LICIIE3L,      ROSET 


HENRI     GEORG,     LIBRAIRE     DE     L'INSTITUT,     CORRATERIE 

1883 


LIBRARY  OF  PRINCETON 


JUL  •   6  2005 


THEOLOGICAL  SEMINARY 


Extrait  des  Mémoires  de  l'Institut  National  Genevois,  tome  XV 


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AVANT-PROPOS 


Dans  une  précédente  élude  (1),  j'ai  cherché  à  dépeindre,  à  l'aide  des  documents 
officiels,  la  situation  périlleuse,  dramatique,  de  Genève  après  la  Saint-Barthélémy, 
l'époque  héroïque  entre  toutes  où  une  petite  ville,  isolée,  entourée  d'ennemis,  osa 
noblement  offrir  l'hospitalité  aux  proscrits,  victimes  du  fanatisme  des  Guises,  époque 
d'incessantes  inquiétudes  et  de  légitimes  appréhensions,  où  le  danger  surgissait  de 
toute  part,  du  côté  de  la  France  comme  du  côté  de  la  Savoie.  Le  rôle  de  dévouement 
énergique  et  de  charité  que  Genève  accepta  dans  ses  moments  difficiles  lui  valut  dans 
le  monde  une  situation  exceptionnelle  qui  a  son  cachet  de  grandeur.  La  petite  cité 
des  bords  du  lac  devint  pour  les  huguenots  persécutés  comme  un  phare  au  milieu 
de  la  tempête,  une  letraite  assurée  et  bénie,  vers  laquelle  ils  tournaient  leurs  regards 
et  leurs  espérances  dans  les  temps  de  trouble  et  de  danger. 

A  la  suite  de  la  Saint-Barthélémy,  le  prestige  de  Genève  ne  cesse  de  grandir  dans  le 
camp  protestant,  et  il  m'a  paru  intéressant  de  suivre  et  de  retracer,  dans  tous  leurs 
détails,  les  négociations  et  les  rapports  qui  s'établirent  entre  Genève  et  les  chefs  du 
parti  huguenot.  Lorsque  Gondé  et  Montmorency  de  Thoré,  impliqués  dans  la 
conspiration  de  La  Mole  et  Coconnas,  se  virent  obligés  de  fuir,  ils  vinrent  à  Genève 
chercher  l'appui  et  les  conseils  de  Th.  de  Bèze;  c'est  à  Genève  également  qu'ils 
demandèrent  les  ressources  dont  ils  avaient  un  si  pressant  besoin.  Lorsque  l'assemblée 
générale  de  Nîmes  envoya  ses  députés  auprès  de  Condé  pour  s'entendre  avec  lui  sur 
les  moyens  de  pacifier  le  royaume,  ces  députés  s'arrêtèrent  à  Genève  et  soumirent 
au  Conseil  leur  projet  de  pacification  rehgieuse,  en  lui  demandant  son  avis  «  parce  que, 
disaient-ils,  ils  se  fient  en  Messieurs  comme  en  eux-mêmes  ». 

(1)  La  Saint-Barlhélemy  et  Genève,  étude  historique.  Mémoires  de  l'Institut  National  Genevois, 
t.  XIV,  1879. 


6  GENÈVE,    LE   PARTI    HUGUENOT 

Comme  on  peut  le  vérifier  au  cours  de  ce  récit.  Th.  deBèze  fut  l'âme  des  conseils 
de  Condé,  l'inspirateur  véritable  de  sa  politique,  jusqu'au  moment  où  le  jeune  prince 
tenta  la  fortune  des  armes  et  rentra  en  France  avec  ses  gentilshommes  huguenots  et 
les  soldats  du  Palatin.  C'est  Th.  de  Bèze  lui-même  qui  rapporta  à  Genève  l'un  des 
exemplaires  originaux  du  traité  d'alliance  conclu  entre  Condé,  le  Palatin  et  son  fils, 
le  duc  Casimir. 

Non  seulement  les  chefs  du  parti  huguenot  cherchaient  souvent  asile  et  protection 
derrière  les  remparts  de  Genève,  mais,  dans  leurs  embarras  d'argent,  ils  avaient  recours 
à  chaque  instant  au  Conseil  ou  aux  particuliers;  Condé,  Montmorency  de  Thoré, 
Laval,  Nemours,  et  d'autres,  contractent  successivement  des  emprunts  à  Genève  et  on 
se  demande  comment  le  Conseil  et  les  particuliers  purent  faire  face  à  des  exigences 
sans  cesse  renouvelées.  Le  Palatin  lui-même  dépêche  à  Genève  son  «  féal  et  aimé 
Pierre  Beuttereich  »  pour  obtenir  de  la  Seigneurie  un  prêt  de  10,000  écus  et  le  Conseil 
se  résigne  à  lui  en  prêter  2,000.  N'oublions  pas  le  duc  d'Alençon,  le  frère 
du  Roi  de  France,  qui,  au  moment  de  se  joindre  à  Condé,  envoie  Beauvoir-la-Nocle  à 
Genève  pour  y  emprunter  2,300  écus. 

Genève  fut  en  partie  récompensée  de  ses  efforts  et  de  ses  sacrifices  en  faveur 
des  protestants  de  France.  Après  la  guerre  de  1576,  lorsque  le  traité  d'Etigny  assura 
pour  quelque  temps  la  paix  religieuse,  les  huguenots  s'employèrent  activement  à 
obtenir  l'entrée  de  Genève  dans  l'alliance  qui  unissait  la  France  et  plusieurs  cantons 
suisses.  C'était  un  coup  de  maître  que  d'obtenir  ainsi  de  Henri  III  la  garantie  de 
l'indépendance  de  Genève,  la  métropole  du  calvinisme;  les  calculs  purement  politiques 
l'emportaient  sur  les  préventions  et  les  passions  religieuses  ;  les  conseillers  de  Henri  HI 
comprirent  que  Genève,  par  sa  situation  géographique,  intéressait  directement  la 
politique  française  et  qu'elle  ne  pouvait,  sans  inconvénient,  tomber  au  pouvoir  de  la 
maison  de  Savoie.  Le  curieux  mémoire  de  l'ambassadeur  Hautefort,  publié  aux  Pièces 
jusH/îcatives,  indique  très  exactement  quel  était  l'intérêt  français  dans  la  question. 

* 

L'accession  de  Genève  à  l'alliance  française  ne  s'elfectua  pas  sans  rencontrer  de 
grands  obstacles.  Le  duc  de  Savoie  fut  averti  du  coup  qui  se  préparait  et  mit  tout  en 


ET   LE   TRAITE   DE   SOLEURE  7 

œuvre  pour  contrecarrer  le  projet;  d'autre  part,  l'avoyer  de  Lucerne,  Louis  Pfyfîer, 
s'efforça,  lui  aussi,  d'entraver  les  négociations  ;  il  écrivit  directement  au  Roi  et  le 
projet  de  traité  resta  en  suspens  pendant  quelque  temps.  L'intervention  de  Condé,  de 
La  Noue  et  d'autres  amis  de  Genève  triompha  de  tous  les  obstacles  et  un  projet  de 
traité  tut  élaboré  sous  les  auspices  des  ambassadeurs  de  France,  Hautefort  et  Sancy. 
C'est  ce  projet  qui  devint  en  1579  le  traité  de  Soleure,  l'un  des  actes  les  plus  impor- 
tants du  droit  public  genevois,  car  il  plaça  Genève  sous  la  triple  sauvegarde  de  la 
France  et  des  cantons  de  Berne  et  de  Soleure.  Genève  intervint  dans  les  négociations 
préliminaires  par  deux  délégués,  Roset  et  Chevalier.  Michel  Roset,  Tun  des  magistrats 
les  plus  éminents  que  Genève  ait  produits,  déploya  dans  cette  occasion  toutes  les 
ressources  del'espritleplusdéliéjlaferraetéet  en  même  temps  la  souplesse  d'un  homme 
d'Etat  accompli  ;  maniant  avec  une  égale  habileté  la  parole  et  la  plume,  il  réussit  à 
obtenir  en  faveur  de  Genève  de  notables  concessions  sur  le  texte  primitif  du  traité. 
Il  est  pénible  de  constater  que,  dans  cette  circonstance,  les  négociateurs  bernois  firent 
bon  marché  des  intérêts  de  Genève  et  proposèrent  sans  rougir  d'insérer  au  traité  la 
réserve  «  sans  préjudice  des  droits  de  M.  de  Savoye  s>,  ce  qui  équivalait  à  la  reconnais- 
sance des  prétentions  séculaires  de  la  maison  de  Savoie;  c'était  comme  un  avant-goût 
des  conférences  de  Nyon  en  1589  oîi  les  patriciens  bernois  abandonnèrent  traîtreuse- 
ment Genève. 

Les  dispositions  du  traité,  après  avoir  été  minutieusement  débattues  à  Berne  et 
à  Soleure,  furent  communiquées  au  Conseil  de  Genève  qui  les  soumit  à  son  tour  à  la 
Compagnie  des  Ministres  et  au  Conseil  des  Deux-Cents;  puis,  suivant  l'antique  usage, 
le  Conseil  Général  lui-même,  le  peuple  de  Genève,  fut  convoqué  à  l'Eglise  de 
St-Germain  en  séance  solennelle  pour  faire  acte  de  souveraineté  et  se  prononcer  sur  le 
traité,  qui  fut  approuvé  par  un  vote  unanime  (1). 

Au  dernier  moment,  le  duc  de  Savoie  tenta  un  dernier  et  suprême  effort  pour 
empêcher  la  ratification  du  traité  par  Henri  III  et  par  les  deux  cantons  de  Berne  et 

(l)  Deux  historiens,  James  Fazy  et  Gaullieur,  affirment  que  le  traité  de  Soleure  ne  fut  pas 
soumis  à  la  ratilication  du  Conseil  Général  ;  c'est  une  erreur  ;  il  suffit  à  cet  égard  de  consulter  le 
registre  du  Conseil. 


8  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT  ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE 

de  Soleure.  Il  fit  intervenir  le  pape  qui  envoya  tout  exprès  en  Suisse  un  agent  confi- 
dentiel, l'Evoque  de  Verceil.  Mais  les  menées  de  l'Evêque  n'eurent  aucun  résultat  et 
le  29  août  1579  le  traité  fut  solennellement  signé  et  juré  à  Soleure. 

Le  traité  une  fois  signé,  il  fallut  régler  compte  et  récompenser  les  services  très 
peu  gratuits  de  plusieurs  personnages  qui  avaient  utilement  coopéré  aux  négociations; 
le  lecteur  apprendra  sans  doute  avec  quelque  surprise  que  l'avoyer  de  Berne  accepta, 
sans  trop  se  faire  prier,  une  bourse  contenant  cinq  cents  écus.  Le  plus  mal  partagé  fut 
certainement  B.  de  Grissac,  l'un  des  attachés  de  l'ambassade  de  France,  qui  dut 
attendre  quelque  temps  la  rémunération  de  ses  services.  Le  Conseil  paraît  avoir  trouvé 
qu'il  faisait  payer  trop  cher  son  concours.  Finalement  il  toucha  cinq  cents  écus, 
comme  l'avoyer. 

Les  éléments  du  présent  travail  ont  été  puisés  aux  Archives  de  Genève  et  dans 
les  écrits  du  temps.  L'impression  était  déjà  fort  avancée  lorsque  j'ai  eu  connaissance 
du  récent  et  précieux  ouvrage  de  M.  Ed.  Rott,  secrétaire  de  la  Légation  de  Suisse  en 
France  (1);  cet  ouvrage  m'a  révélé  l'existence  de  divers  documents  relatifs  au  traité 
de  Soleure  et  conservés  dans  les  Archives  et  bibliothèques  de  Paris;  l'énoncé  de  ces 
documents,  dépêches,  mémoires,  etc.,  indique  l'intérêt  que  la  Cour  de  France  attachait 
aux  négociations  du  traité  de  Soleure. 

J'accomplis  un  devoir  qui  m'est  des  plus  agréables  en  exprimant  ici  toute  ma 
reconnaissance  aux  personnes  qui  ont  facilité  mes  recherches,  en  premier  lieu  à 
MM.  Th.  Dufour,  directeur  des  archives  de  Genève,  Grivel,  Archiviste,  et  L.  Dufour, 
sous-archiviste;  j'ai  également  rencontré  l'accueil  le  plus  obligeant  auprès  de  MM.  Gas, 
bibhothécaire,  Ph.  Plan  et  Ph.  Roget,  attachés  à  la  Bibliothèque. 

Genève,  Août  1883. 

Henri  Fazy. 

(1)  Inventaire  sommaire  des  Documents  relatifs  à  fHisloire  de  Suisse  conservés  dans  les  Archives 
et  bibliothèques  de  Paris,  par  Ed.  Rorr,  secrétaire  de  la  Légation  de  Suisse  en  France,  V  partie, 
1444  à  1610,  publié  par  ordre  du  Conseil  fédéral.  Berne,  1882. 


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GENEVE 


LE  PARTI  HUGUENOT  &  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE 


CHAPITRE  l«r 

Condé  et  Thoré,  leurs  rapports  avec  Genève.  —  Séjour  de  Condé  et  de  Tlioré  à  Genève 

Henri  de  Bourbon,  prince  de  Condé,  est  sans  contredit  l'une  des  plus  énergiques 
et  des  plus  nobles  ligures  du  parti  huguenot  à  la  fin  du  XVP  siècle  ;  à  peine  âgé  de 
vingt  ans,  il  venait  d'épouser  Marie  de  Clèves,  lorsque  l'effroyable  catastrophe  de  la 
Sainl-Barthélemy  décapita  la  Réforme  française  en  lui  enlevant  Coligny.  Tandis  que 
parents  et  coreligionnaires  étaient  frappés  de  terreur,  tandis  que  Henri  de  Navarre 
faiblissait,  Condé  seul  conserva  une  attitude  fière  et  digne.  Exaspéré  de  ses  résistances, 
Charles  IX  lui  dit  un  jour  :  «  Messe,  mort  ou  Bastille,  choisissez.  »  —  «  Dieu  ne 
permette  point,  mon  Roi  et  mon  maître,  que  je  choisisse  le  premier;  des  deux  autres, 
soit  à  votre  discrétion  que  Dieu  veuille  modérer  par  sa  Providence.  » 

Si  Condé  resta  inébranlable  devant  les  menaces  du  Roi,  il  céda  plus  tard  aux 
instances  du  ministre  Des  Rosiers;  on  obtint  par  la  douceur  et  la  persuasion  ce  qu'on 
n'avait  pu  obtenir  par  la  contrainte  :  Condé  rentra  dans  le  giron  de  l'Eglise  romaine, 
mais  sa  conversion  fut  plus  apparente  que  réelle,  et  il  conserva,  au  milieu  de  la  Cour 
légère  et  corrompue  de  Charles  IX,  le  culte  austère  des  souvenirs,  en  manifestant  sa 


10  GENÈVE,    LE    PARTI    HUGUENOT 

répugnance  pour  !a  foi  nouvelle  qu'il  avait  embrassée  à  regret  (4).  Tandis  que  son 
cousin  Henri  de  Navarre  acceptait  son  sort  avec  plus  d'insouciance  que  de  résignation 
et  se  laissait  gagner  aux  plaisirs  de  la  Cour,  Gondé  se  tenait  à  l'écart  et  montrait, 
par  l'austérité  de  sa  vie  et  par  la  réserve  de  son  attitude,  que  la  foi  des  premières 
années  subsistait  dans  son  cœur  et  qu'il  supportait  impatiemment  le  joug.  Gondé 
saisit  la  première  occasion  favorable  pour  lever  le  masque  ;  il  fut  impliqué  dans  la 
conspiration  de  La  Mole  et  Goconnas  qui  échoua  misérablement  par  la  lâcheté  du  duc 
d'Alençon  et  il  se  vit  obligé  de  fuir  ;  il  réussit  à  gagner  Strasbourg  où  les  franchises 
des  villes  impériales  le  mettaient  à  l'abri  de  tout  danger  (2). 

Les  aveux  du  duc  d'Alençon  et  de  La  Mole  avaient  compromis  non  seulement  le 
prince  de  Gondé  et  ses  coreligionnaires,  mais  encore  nombre  de  catholiques  mécon- 
tents, enlr'autres  les  Montmorency.  Tandis  que  Gondé  se  réfugiait  à  Strasbourg 
Thoré,  le  frère  de  François  de  Montmorency  (3),  se  dirigeait  vers  la  Suisse;  il  arriva  à 
Neuchûtel  (4)  au  mois  de  juillet  1574  et  se  préoccupa  aussitôt  de  réunir  les  gentils- 
hommes huguenots  pour  se  concerter  avec  eux  ;  en  même  temps  il  faisait  prier 
Th.  de  Bèze  de  se  rendre  auprès  de  lui,  sans  doute  pour  s'entendre  avec  lui  sur  un 
plan  de  campagne.  Th.  de  Bèze  était  un  homme  d'action  autant  qu'un  théologien  et 

(1)  Dans  sa  Missive  au  Palatin  (1575),  Coudé  fait  allusion  aux  angoisses  et  aux  dures  épreuves  de 
cette  époque  de  sa  vie  :  «  Ledicl  Seigneur  roy  de  Navarre  et  nous  détenus  en  telle  captivité  de  corps 
«  et  de  conscience  que  nous  avions  cent  fois  la  mort  plus  chère  que  la  vie,  voyans  le  service  de  Dieu 
«  entièrement  exterminé  du  Royaume  de  France  et  nous  et  le  reste  de  ceux  qui  s'esloyent  opposés  à 
u  un  tel  effect  en  si  piteux  estât  que  nous  ne  savions  quelle  résolution  prendre.  » 

(2)  Dans  sa  Missive  au  Palatin,  déjà  citée,  Condé  raconte  en  ces  ternies  sa  sortie  de  France  :  «  Ainsi, 
«  vous  savez  comme  pour  sauver  ma  vie,  le  fu  coniraincl  de  me  retirer  en  très  grande  diligence  et  me 
«  venir  jetter  entre  vos  bras,  pour  vous  prier  très  allectueusement  d'avoir  pitié  des  Eglises  de  France 
«  de  mondicl  Seigneur  frère  du  Roy  et  de  moy  retiré  en  ce  pays  d'Allemagne  avec  mesdicts  cousins 
«  Messieurs  Méru  et  de  Tlioré,  qui  nous  retrouvions  en  si  grande  perplexité  pour  le  mauvais  gouvcr- 
«  nement  de  Testât  de  la  France  entièrement  possédé  par  (luelipies  étrangers.  » 

(3)  Guillaume,  Seigneur  de  Thoré,  acquit  la  réputation  d'un  vaillant  capitaine;  il  mourut  vers 
1.594:  la  Biographie  Universelle  de  MM.  F.  Didot  assure  (|u'il  resta  (idèle  au  parti  de  la  Cour;  c'est  une 
erreur,  puisiju'il  se  joignit  au  parti  huguenot  eliiu'il  entra  en  France  en  octobre  1575  à  la  télé  d'un 
corps  d'auxiliaires  allemands  et  de  réfugiés  français.  Suivant  M.  le  duc  d'Auinale,  dans  son  Histoire 
des  Princes  de  Condé,  Tlioré  aurait  embrassé  le  protestantisme  à  Genève,  mais  nous  n'avons  trouvé 
aucun  indice  de  ce  fait  dans  les  documents  genevois. 

(4)  Reg.  du  Conseil  de  Genève,  séance  du  23  juillet. 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE 


11 


il  élail  fort  disposé  à  seconder  les  plus  audacieuses  entreprises  du  parti  huguenot  (1); 
cependant,  il  ne  voulut  pas  partir  pour  Neuchâtel  sans  avoir  obtenu  l'assentiment  du 
Conseil.  L'autorisation  qu'il  demandait  ne  lui  fut  pas  accordée  (2).  Au  point  de  vue 
politique,  il  y  avait  entre  le  Réformateur  et  les  magistrats  genevois  de  fréquentes 
divergences  de  vues;  Th.  de  Bèze,  dominé  par  son  enthousiasme  de  sectaire,  se 
préoccupait  uniquement  des  intérêts  généraux  de  la  réforme  ;  persuadé  que  Genève 
était  avant  tout  la  ville  sainte  de  la  Réforme,  il  n'aurait  pas  craint  de  la  compromettre 
lorsqu'il  y  aurait  vu  l'intérêt  de  la  religion.  Le  Conseil,  sans  méconnaître  la  gran- 
deur de  la  cause  à  laquelle  le  nom  de  Genève  était  lié,  envisageait  les  choses  à 
un  point  de  vue  plus  étroit,  plus  local,  et  évitait  de  compromettre  la  petite  République 
dans  les  aventures  ou  les  complots.  Dans  le  cas  présent,  le  Conseil  crut  plus  prudent 
de  retenir  Th.  de  Bèze. 

Montmorency  de  Thoré  ne  s'arrêta  pas  longtemps  à  Neuchâtel  ;  voyant  que 
Th.  de  Bèze  ne  se  décidait  pas  à  venir  le  rejoindre,  il  se  mit  en  roule  pour  Genève  où 
il  arriva  le  29  juillet.  La  présence  d'un  grand  personnage,  comme  l'était  Montmo- 
rency de  Thoré  (3),  ne  pouvait  passer  inaperçue  ;  le  Conseil,  aussitôt  informé,  envoya 
auprès  de  lui  une  délégation  composée  du  Lieutenant  de  Police  et  des  conseillers 
Bernard  et  Maillet  «  pour  luy  faire  compagnie,  oultre  le  vin  qui  luy  fust  hyer 
mandé  (4).  » 

Tout  grand  seigneur  qu'il  fût,  Thoré  était  à  bout  de  ressources,  lorsqu'il  arriva 
à  Genève  ;  il  ne  tarda  pas  à  trouver  des  gens  disposés  à  lui  venir  en  aide,  mais,  à  cette 
époque,  l'œil  vigilant  et  soupçonneux  de  la  Seigneurie  s'étendait  sur  les  moindres 

(1)  La  doctrine  de  la  Réforme  française  fut  longtemps  indécise  sur  la  question  capitale  de  la 
Ugitimilc  de  la  résistance.  Calvin  disait  :  Résistons  spirituellement,  sauvons  l'âme  et  laissons  le  corps. 
Bèze  n'accepta  pas  sur  ce  point  les  vues  de  son  maître  et  il  reconnut  aux  Huguenots  le  droit  de  résister 
par  la  force  à  la  tyrannie  religieuse. 

(2)  Reg.  Cens,  séance  du  25  juillet  1574:  «Th.  de  Bèze;  a  esté  proposé  que  ledicl  Seigneur 
<c  de  Bèze  a  faict  entendre  (jue  le  Seigneur  de  Thoré  est  arrivé  à  Neuchâtel  pour  assem- 
«  hier  les  gentilhommes  français  de  la  Religion  et  qu'ils  désirent  (|u'il  y  aile,  ce  que  totesfois  il  n'ose 
«  entreprendre  sans  le  congé  de  Messieurs,  espérant  totesfois  de  le  détourner,  a  esté  arresté  qu'on  luy 
«  die  non  et  qu'il  ne  s'en  mesle  point.  » 

(3)  Condé  donne  toujours  à  Thoré  le  titre  de  «  mon  cousin.  " 

(4)  Séance  du  Conseil  du  30  juillet. 


12  GENÈVE,    LE    PARTI   HUGUENOT 

détails  de  la  vie  privée  ;  un  particulier  n'aurait  pas  osé  prêter  de  l'argent  à  un  étranger 
de  marque,  sans  la  permission  de  Messieurs.  Le  Conseil,  informé  de  la  «  nécessité  »  dans 
laquelle  se  trouvait  un  Montmorency,  accorda  l'autorisation  demandée  (1). 

Le  Conseil  avait  nettement  refusé  de  laisser  partir  Th.  de  Bèze  pour  Neucliâlel, 
mais,  au  mois  d'août,  il  reçut  de  Condé  une  lettre  conçue  en  termes  pressants  et  qui 
le  mit  dans  un  sérieux  embarras.  Le  Prince,  qui  se  trouvait  à  Strasbourg,  annonçait  au 
Conseil  une  bonne  et  joyeuse  nouvelle  :  il  avait  plu  à  Dieu,  écrivait-il,  de  toucher  le 
cœur  du  Roi  «  pour  l'induyre  à  pacifïier  les  troubles  qui  sont  en  son  royaulme  et 
«  donner  repos  aux  Eglises  réformées  qui,  comme  vous  scavez,  ont  souffert  de  longues 
a  et  dures  afflictions  (2).  » 

Le  Roi  avait  écrit  dans  ce  sens  au  Palatin  et  à  d'autres  princes  allemands  ;  il 
s'agissait  de  profiter  des  bonnes  dispositions  de  la  Cour,  mais  Condé  se  sentait  bien 
jeune  et  novice  pour  conduire  à  lui  seul  une  négociation  aussi  délicate  ;  il  lui  importait 
de  s'appuyer  de  la  vieille  expérience  de  Th.  de  Bèze,  et  il  demandait  au  Conseil  de 
Genève  de  le  lui  «  prester  pour  peu  de  jours,  à  ce  que,  disait-il,  par  un  bon  advis  et 
«  prudent  conseil,  joint  avec  celui  des  autres  ministres,  qui  se  trouveront  pardeça,  et 
«  autres  dignes  personnages  que  j'ay  mandés  exprès  pour  l'accompagner,  je  puisse 
a  traicter  d'une  si  saincte  et  louable  entreprise.  »  La  lettre  de  Condé  se  terminait  par 
ces  mots  pleins  de  cordiale  sympathie  pour  Genève  :  «  Vostre  plus  affectueux  et 
«  asseuré  amy  à  vous  obéir.  » 

Le  Conseil  se  trouva  assez  embarrassé  :  il  y  avait  à  ses  yeux  autant  de  motifs  de 
refuser  que  d'accorder.  Condé  assurait  que  la  négociation  à  laquelle  Th.  de  Bèze  devait 
concourir  intéressait  directement  «  l'asseurance  et  stabilité  de  Genève  »,  mais, d'autre 
part,  il  était  à  craindre  que  le  voyage  de  Th.  de  Bèze  ne  compromît  la  République 
aux  yeux  de  la  Cour  de  France.  Condé  venait  d'être  proclamé  à  Milhaud  Gouverneur- 
Général  des  protestants  et  il  ne  pouvait  plus  être  envisagé  par  la  Cour  que  comme  un 

(1)  Reg.  Cons.,  séance  du  13  août  :  «  S'  de  Tore  :  a  esté  proposé  que  ledicl  S'  de  Tore  trouve 
(î  gens  qui  luy  prestenl  d'argent  en  sa  nécessité,  mais  que  les  particuliers  ne  l'osent  pas  faire  sans  la 
«  permission  de  Messieurs,  arresté  qu'on  ne  les  empêche  pas.  » 

(2)  Cette  lettre  est  aux  Archives  de  Genève,  Porlef.  hùt.,  N»  1952  ;  nous  la  publions  aux  Piè<:€s 
justificatives. 


ET    LE   TRAITÉ   DE    SOLEURE  JS 

chef  de  factieux.  Dans  sa  séance  du  12  août,  le  Conseil  débattit  longuenncnl  le  pour 
el  le  contre,  mais  il  ne  put  se  résoudre  à  rien.  Il  avait  d'ailleurs  un  autre  sujet 
d'inquiétude  :  on  lui  annonçait  que  le  nouveau  roi  de  France,  Henri  III,  arrivait  à 
Chambéry  avec  un  grand  nombre  d'Italiens  et  de  Savoisiens,  «  tellement,  dit  le 
«  Registre,  qu'il  est  à  craindre  qu'il  n'essaye  et  attente  contre  ceste  ville,  surtout  la 
«  trouvant  dépourvue  comme  elle  est  ».  C'était  une  crainte  chimérique.  Henri  III 
ne  songeait  à  rien  moins  qu'à  assiéger  Genève  ;  il  venait  de  traverser  à  petites  journées 
la  Haute-Italie,  séjournant  à  Venise,  à  Ferrare,  à  Mantoue,  à  Turin,  «  s'enivranl 
«  partout,  dit  un  historien,  de  spectacles,  d'hommages  et  de  voluptés  ». 

Le  13  août,  le  Conseil  reprit  la  discussion  sur  la  demande  de  Condé  ;  même 
hésitation  que  la  veille.  D'abord,  le  Conseil  décida  d'accorder  Th.  de  Bèze  pour  quinze 
jours  au  plus  ;  puis  il  se  ravisa  et  prit  le  parti  d'attendre  l'avis  des  Ministres.  Ces 
derniers  se  montrèrent  peu  favorables  au  départ  de  leur  collègue;  ils  craignaient 
apparemment  que  la  présence  de  Th.  de  Bèze  à  Neuchàtel,  au  milieu  des  mécontents, 
n'excitàl  le  soupçon  ;  ils  firent  valoir  un  argument  caractéristique  :  le  roi  de  France 
avait  été  averti  que  Th.  de  Bèze  avait  travaillé  sous  main  contre  son  élection  en 
Pologne;  le  Réformateur,  en  se  rendant  auprès  de  Condé,  devait  inspirer  à  la  Cour  de 
nouveaux  motifs  de  défiance.  Les  Ministres  déclarèrent  néanmoins  s'en  remettre  «  à  la 
«  discrétion  de  Messieurs  »;  les  motifs  allégués  par  les  Ministres  n'étant  pas  jugés 
suffisants,  le  Conseil  finit  par  se  décider  à  prévenir  Condé  que  Th.  de  Bèze  se  rendrait 
auprès  de  lui  «  pour  les  fins  par  luy  requises,  asçavoir  pour  adviser  aux  moyens  de 
la  paix  ».  Il  fut  également  convenu  que  le  Réformateur  passerait  par  Beine  pour 
faire  connaître  aux  Avoyer  et  Conseil  de  celte  ville  les  motifs  confidentiels  de  son 
voyage. 

Th.  de  Bèze  se  mit  aussitôt  en  route;  il  se  rendit  à  Bàle,  de  là  à  Strasbourg,  où  se 
trouvait  le  prince  de  Condé,  mais,  à  peine  arrivé  à  Strasbourg,  il  fut  en  quelque  sorte 
contraint  par  le  Prince  et  par  l'ambassadeur  du  Palatin  de  pousser  jusqu'à  Heidelberg. 
Le  Réformateur  excédait  ainsi  les  termes  du  congé  qui  lui  avait  été  accordé  ;  c'était 
une  chose  grave  à  cette  époque  de  stricte  el  minutieuse  discipline  ;  aussi  Th.  de  Bèze 
s'empressa-l-il  d'écrire  à  Genève  pour  s'excuser  el  demander  une  prolongation  de 


14  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

congé.  Condé  crul  opportun  d'écrire  lui-même  au  Conseil  pour  expliquer  ce  qui  s'était 
passé.  La  lettre  du  Prince  fait  apprécier  le  degré  d'influence  et  la  légitime  autorité 
dont  jouissait  le  savant  théologien  auprès  des  chefs  du  parti  huguenot: 

«  Je  ne  vous  scaurois  asses  remercier,  écrit  Condé,  du  plaisir  que  m'aves  faicl, 
«  m'octroiant  de  voir  celluy  que  j'avois  si  longtemps  désiré,  duquel  j'auroy  tel  soing, 
«  Dieu  aidant,  que  bientost  le  verres  sain  et  sauf.  » 

Condé  ajoute  que  Th.  de  Bèze  lui  est  absolument  nécessaire  pour  une  semaine 
encore  et  qu'il  compte  sur  la  bienveillance  du  Conseil  pour  excuser  ce  léger  retard  : 
«  Je  m'asseure,  dit-il  en  terminant,  que  ne  me  desdirez  de  cest  accessoire,  ra'aiant 
a  accordé  le  principal,  de  quoy  je  vous  suis  bien  fort  tenu  et  en  bonne  délibération  de 
«  le  recognoistre  quelque  jour,  Dieu  m'en  faisant  la  grâce  (1).  » 

Quelles  furent  les  décisions  prises  dans  les  réunions  des  Huguenots  et  des  mécon- 
tents, réunions  auxquelles  assistaient  Condé,  le  Palatin,  les  Montmorency  et  Th.  de 
Bèze  ?  Nous  l'ignorons  ;  il  est  certain  qu'on  y  discuta  longuement  les  moyens 
d'obtenir,  de  gré  ou  de  force,  le  redressement  des  nombreux  abus  dont  souffraient  les 
Réformés. 

Lorsque  Th.  de  Bèze  reprit  le  chemin  de  Genève,  Condé  le  chargea  d'une  nou- 
velle lettre  pour  les  magistrats  de  la  République.  Le  Prince  s'excusait  d'avoir  retenu 
Th.  de  Bèze  au-delà  du  terme  fixé  par  le  Conseil  et  il  mettait  ce  retard  sur  le  compte 
des  graves  intérêts  qui  venaient  de  se  débattre.  B  s'assurait,  écrivait-il,  que  le  Con- 
seil ne  prendrait  pas  ce  relaid  en  mauvaise  part,  si  on  pouvait  arriver  à  la  conclusion 
d'une  bonne  paix.  Aussitôt  arrivé  à  Genève,  Th.  de  Bèze  demanda  audience  au  Conseil 
et  lui  remit,  le  16  septembre,  la  lettre  de  Condé,  en  lui  présentant  «  les  recommanda- 
tions et  offres  de  bonne  volonté  »  du  Palatin;  il  ajouta  que  les  affaires  de  Condé 
étaient  en  bonne  voie. 

Puissamment  doué  comme  orateur  et  comme  écrivain,  animé  d'une  ardente  con- 
viction, Tii.  de  Bèze  avait  acquis  d'emblée  une  légitime  influence  sur  l'esprit  et  l'ima- 

(1)  La  leurc  de  Condé,  daloe  de  Strasbourg,  le  '28  août,  est  signéi;  :  «  Vostre  plus  aflcctionné 
«  ainy  à  jamais,  Henry  de  lîourhon.  »  Nous  iiublions  aux  Pièces  imtificatives  les  diverses  lettres  de 
Condé. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  45 

gination  du  jeune  prince;  Condé  ne  pouvait  plus  se  passer  de  l'appui  et  des  conseils 
du  Réformateur  ;  le  22  septembre  il  écrit  de  Berne  pour  donner  à  Th.  de  Bèze  rendez- 
vous  à  Lausanne.  L'entrevue  demandée  n'eut  pas  lieu  à  Lausanne,  mais  à  Genève;  en 
effet,  le  22  septembre,  Thoré  apporte  à  Genève  la  nouvelle  de  la  prochaine  arrivée  de 
Condé,  nouvelle  inattendue  qui  dût  jeter  quelque  émoi  au  sein  du  Conseil.  Condé  était 
un  prince  de  sang  royal,  il  était  en  outre  le  chef  reconnu  du  parti  huguenot.  A 
ce  double  titre,  Genève  devait  l'accueillir  avec  des  honneurs  exceptionnels,  mais, 
d'autre  part,  il  était  difficile  d'oublier  que  le  prince  était  en  guerre  ouverte  avec  la 
Cour  de  France  et  on  pouvait  craindre  que  la  réception  qui  lui  serait  faite  indisposât 
Henri  III  et  Catherine  de  Médicis.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  Conseil  décida  de  prendre  l'avis 
de  Th.  de  Bèze  sur  le  cérémonial  de  la  réception  a  soit  en  présent  ou  à  l'assiette  au 
temple.  » 

Le  24  septembre,  le  Conseil  prend  les  premières  dispositions  en  vue  de  l'arrivée  du 
prince  ;  il  délègue  les  conseillers  Roset,  Varro,  Bernard  et  Maillet,  pour  lui  souhaiter  la 
bienvenue  et  décide  de  lui  offrir  au  temple  de  St-Pierre  la  place  réservée  aux  anciens 
Syndics  (1). 

Le  27  septembre,  le  jour  même  de  l'arrivée  du  prince,  le  Conseil  prit  les  der- 
nières mesures  en  vue  de  la  réception  ;  elles  sont  énumérées  dans  le  registre  avec  toute 
la  naïve  simplicité  de  l'époque.  Le  Conseil  discuta  s'il  se  rendrait  à  cheval  à  la  rencontre 
de  Condé  : 

a  Arresté,  dit  le  protocole,  qu'on  n'y  aile  pas,  mays  qu'on  tire  quelques  pièces 
«  d'artillerie  sur  le  lac  et  au  bolvard,  où  seront  aussy  et  à  la  porte  quelques  arque- 
«  bousiers.  Qu'on  luy  face  présent  d'un  char  de  vin  vieulx,  de  deux  tonneaux  d'avoine 
a  et  de  la  truite,  si  on  en  peult  avoir,  aussy  qu'on  face  chasser  à  Jussy,  et  qu'on 
«  adJGuste,  avec  les  Sieurs  déjà  nommés,  les  Sieurs  de  la  Pale  et  Fabri  pour  luy  aller 
a  faire  la  bienvenue  et  le  présent,  et  à  faulte  qu'on  ne  trouve  de  vin  vieux,  qu'on  luy  face 
présent  de  deux  barrils  de  vin  de  Tage.  » 

(1)  Séance  du  24  septembre  :  «  Prince  de  Condé  :  d'auliant  que  ledicl  S'  Prince  doibt  arriver  IuikIn 
«  procliain  en  cesle  ville,  arresté  qu'on  commet  les  Sieurs  Roset,  Varro,  Bernard  et  Malliei,  pour  luy 
«  aller  faire  la  bienvenue  et  au  reste  qu'on  luy  préparc  place  àSainl-Pierre,  au  lieu  de  Messieurs  les 
,«  anciens  Syndiques,  et  sus  ce  (lu'on  rai)orle  que  le  baron  de  Nemours  prétend  mener  quelques  jeunes 
«  gens  de  la  ville  avec  luy  audevant  de  M.  le  Prince,  au  reste  qu'on  n'y  envoie  persone.  » 


16  GENÈVE,    LE    PARTI    HUGUENOT 

Condé  se  montra  reconnaissant  et  satisfait  des  honneurs  et  des  attentions  qui  lui 
furent  prodigués  dès  son  arrivée  ;  il  invita  plusieurs  magistrats  à  dîner  et  ils  firent 
ensemble  une  promenade  sur  le  lac.  Dans  l'intimité,  le  jeune  Prince  manifesta  toute 
raffeclion  qu'il  éprouvait  pour  Genève,  la  capitale,  la  ville  sainte  de  la  Réforme;  il  fit 
aux  magistrats  «  démonstration  et  bonne  amitié  (1)  »;  il  leur  assura  qu'il  avait  entendu 
dire  à  Henri  III,  parlant  de  Genève,  «  qu'il  ne  seroit  jamais  à  son  ayse  qu'il  n'eust 
exterminé  ceste  ville  ;  »  mais  Condé  eut  soin  d'ajouter  que,  si  une  telle  menace  se 
réalisait,  il  viendrait  lui-même  au  secours  de  Genève  avec  trente  capitaines.  Le 
jeune  prince  avait  au  surplus  le  sentiment  très  net  de  la  situation  précaire  et  périlleuse 
dans  laquelle  se  trouvait  Genève  et  il  engagea  ses  hôtes  à  faire  tous  leurs  efforts  pour 
entrer  dans  l'alliance  des  cantons  réformés  ;  il  offrit  même  de  faire  une  démarche 
dans  ce  sens.  Enfin,  il  demanda  l'autorisation  défaire  imprimera  Genève  une  Déclara- 
tion et  protestation,  indiquant  les  causes  de  sa  retraite  de  France.  Le  Conseil  accorda 
la  permission  demandée,  après  avoir  fait  examiner  le  texte  par  le  Lieutenant  de  police. 
Cette  Déclaration,  qui  devait  contenir  de  curieux  détails  sur  les  affaires  de  France, 
vit-elle  réellement  le  jour?  Nous  avons  quelque  motif  d'en  douter,  car  elle  n'est  citée 
dans  aucun  document  de  l'époque. 

Le  Conseil,  charmé  de  la  courtoisie  de  Condé,  décida  de  le  «  festoyer  »  officiel- 
lement le  dimanche  3  octobre,  et  confia  au  Contrôleur,  au  Secrétaire  Varro  et  au 
Conseiller  Jean  Aubert,  le  soin  d'organiser  en  l'honneur  du  Prince  un  banquet  de  six 
tables  (2).  Il  fut  également  convenu  qu'au  départ  de  Condé,  le  capitaine  Maillart  lui 
ferait  escorte  jusqu'à  Coppet,  avec  vingt-cinq  ou  trente  des  meilleurs  cavaliers  qu'il 
pourrait  trouver  dans  la  ville.  Roset  et  Bernard  furent  aussi  délégués  par  le  Conseil 
pour  «.  faire  compagnie  »  au  Prince  jusqu'à  Coppet,  mais  il  paraît  qu'ils  n'accomplirent 
pas  cette  mission.  Condé  prolongea  jusqu'au  7  octobre  son  séjour  à  Genève;  en  par- 
lant, il  témoigna  tout  son  contentement  de  l'accueil  qu'il  avait  reçu  et  il  fil  à  la 
Seigneurie  «  de  grands  offres  en  général  et  en  particulier  (.S).  » 

(1)  Reg.  (lu  Gon.s.,  séance  du  30  septembre. 

(2)  Rég.  (lu  Gon.s. ,  séance  du  jeudi  30  septembre. 

(3)  R(îg.  Cons.,  s('aiia',du  .''.  oclobre.   I>e  Prince,  ;i  son  iir'|iarl,  lui  accompagm';  jus(iu'à  Cupppl 


ET    LE   TRAITÉ    DE    SOLEURE  47 

Parmi  les  personnages  que  le  prince  de  Condé  rencontra  à  Genève,  il  en  est  nn 
qui  s'attacha  à  sa  fortune  et  qui,  à  ce  titre,  mérite  une  mention  spéciale.  Peu  de  jours 
avant  l'arrivée  de  Condé,  on  avait  informé  le  Conseil  que  le  baron  de  Nemours  avait  l'in- 
tention de  conduire  quelques  jeunes  gens  de  la  ville  au  devant  du  Prince  (1).  Ce  baron 
de  Nemours  n'était  autre,  croyons-nous,  que  Henri  de  Savoie,  fils  d'un  des  grands 
capitaines  du  siècle,  Jacques  de  Savoie,  duc  de  Nemours  ;  ce  dernier  avait  épousé  en 
premières  noces  Françoise  de  Rohan,  qui  appartenait  au  culte  réformé  ;  sous  prétexte 
de  divergence  religieuse  et  feignant  des  scrupules  de  conscience,  il  intenta  un  procès 
à  sa  femme  et  obtint,  en  1566,  l'annulation  de  son  mariage,  bien  qu'il  en  fût  né  un 
fils  ;  ce  fils  est,  selon  toute  apparence,  le  Henri  de  Savoie  que  nous  trouvons  à  Genève 
en  1574,  et  que  le  Registre  qualifie  de  baron  de  Nemours.  Tout  grand  seigneur  qu'il 
fût,  Henri  de  Nemours  était  à  ce  moment  fort  besogneux  et  le  4  octobre  il  s'adressa 
au  Conseil  de  Genève  pour  obtenir  un  prêt  de  deux  cents  écus,  sous  la  caution  de 
MM.  deClervant  et  de  Beauvois;  cette  somme  lui  était  nécessaire  pour  qu'il  pût  partir 
avec  Condé.  Le  Conseil  consentit  à  prêter  la  somme  demandée  et  Nemours  se  pré- 
senta le  24  octobre  pour  prendre  congé  de  «  Messieurs,  les  remerciant  bien  fort  des 
«  plaisirs  et  honneurs  qui  lui  ont  esté  faicts  par  eulx,  lesquels  il  offre  recognoistre 
«  quand  il  plaira  à  Dieu  luy  donner  les  moyens.  »  Le  Conseil  remercia  à  son  tour  le 
jeune  seigneur  de  ses  courtoises  dispositions  et  lui  recommanda  les  intérêts  de  la 
République  (2). 

Eloigné  de  Genève,  Condé  n'oublia  pas  l'accueil  plein  de  cordialité  qu'il  y  avait 
reçu.  Le  21  octobre  il  écrivit  de  Bâle  au  Conseil  pour  lui  donner  de  ses  nouvelles  ;  sa 
missive,  fort  courte  d'ailleurs,  est  louchante  par  les  sentiments  d'affection  qu'elle 

par  un  certain  nombre  de  cavaliers  de  la  ville  qui  furent  indemnisés  par  le  Conseil  :  «  Au  reste,  »  dit  le 
Rej^islre,  «  parce  que  ceux  de  la  ville  qui  l'ont  accompagné  jus(|ues  à  Go[)|)el  oui  faici  quelques  frais 
«  jus(|ues  à  23  It'.,  arresié  qu'on  les  paye.  « 

(1)  Re^.  Cons.,  séance  du  24  septembre. 

(2)  Négligé  par  son  père  qui  s'était  remarié  avec  Anne  d'Esté,  Henri  de  Savoie  mena,  dii-on,  une 
vie  dissipée  :  l'historien  de  Tiiou  le  (|ualilie  fort  sévèrement  <\c  jnvenis  secors  et  tanlo  numitie  wdignus. 
En  1577,  il  fut  emprisonné  au  cliâieau  d'Angouléme.  Délivré  par  Mayenne,  il  lit  plus  tard  avec  Condé 
la  campagne  de  158r).  Il  mourut  en  1590,  laissant  un  bâtard  nommé  Samuel  de  Nemours,  sieur  de 
Viileman. 


48  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

exprime  :  «  Je  vous  suplieray,  dit-il,  très  affectionément  me  contynuer  en  vos  bonnes 
grâces  et  croire  que  vous  n'aurés  jamais  de  meilleur  et  plus  affeclioné  amy  que  moy, 
ce  comme  vous  cognoistrés  par  expérience.  »  La  lettre  de  Condé  fut  probablement  apportée 
à  Genève  par  Montmorency  de  Thoré,  l'un  des  hommes  de  confiance  du  jeune  prince  ; 
dans  la  même  séance  où   la  dépêche  fut  communiquée  au  Conseil,  Th.  de  Bèze 
demanda  pour  Thoré  l'autorisation  «  de  se  retirer  en  ceste  ville,  mesmes  en  logis  par- 
er ticulier,  afin  d'estre  plus  prochain  de  France.  »  Ainsi  Thoré  ne  cachait  nullement 
ses  visées  :  il  voulait  résider  à  Genève  pour  être  à  proximité  de  la  France  et  pour  être 
en  situation  de  profiter  des  événements  qui  se  préparaient.  Le  Conseil  accorda  l'auto- 
risation demandée,  mais  en  y  joignant  une  condition  assez  bizarre,  c'est  que  Thoré 
se  tiendrait  «  en  logis  publicq  »  ;  le  but,  c'était  sans  doute  de  pouvoir  surveiller  plus 
facilement  les  faits  et  gestes  du  seigneur  français.  Mais  Thoré  ne  voulut  pas  accepter 
cette  condition  et  il  demanda  le  22  novembre  qu'il  lui  fût  permis  de  séjourner  «  en 
mayson  particulière,  parce  qu'il  se  crainci  au  logis  public.  »  Le  Conseil  revint  en  arrière 
et  décida  qu'il  serait  permis  à  Thoré  d'habiter  une  maison  particulière,  lorsqu'il  aurait 
prêté  serment  de  ne  rien  entreprendre  contre  l'Etat  ou  l'Eglise  «  et  ce  jusques  au 
bon  plaisir  de  la  Seigneurie.  »  Ces  détails,  insignifiants  en  apparence,  offrent  de  l'in- 
térêt au  lecteur  qui  veut  pénétrer  dans  la  vie  journalière  des  Genevois  du  xvi«  siècle  et 
qui  veut  apprendre  à  connaître  leur  caractère  devenu  défiant  et  soupçonneux  à  l'excès 
sous  l'influence  de  perpétuelles  intrigues.  Il  y  a  lieu  de  remarquer,  d'ailleurs,  que  la 
présence  de  Thoré  à  Genève  était  de  nature  à  inspirer  certaines  inquiétudes:  c'était 
un  politique  remuant  et  un  vaillant  capitaine,  qui  ne  cessa  de  lutter  et  de  conspirer 
jusqu'au  moment  où,  les  armes  à  la  main,  il  rentra  en  France  par  Verdun  et  l'Argonne 
à  la  tête  d'un  corps  de  réfugiés  français  et  d'auxiliaiies  allemands. 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  19 


CHAPITRE  II 


Bruits  de  tentatives  contre  Genève.  —  Condé  et  Th.  de  Bèze.  —  Réunion  à  Baie  des  délégués  des  Eglises 
réformées  de  France.  —  Départ  de  Th.  de  Bèze  pour  Bâle. 

Le  Conseil  de  Genève  eut  à  celle  époque  de  sérieux  motifs  d'être  inquiet  pour  la  sé- 
curité de  la  République  ;  il  reçut,  en  effet,  vers  la  fin  du  mois  de  novembre  des  avis  fort 
peu  rassurants.  Un  personnage,  qui  figure  au  Registre  avec  le  litre  de  ayant  charge  du 
duc  de  Savoie  ou  bien  de  gouvernement  de  Salusses,  raconta  à  Th.  de  Bèze  qu'il  y  avait 
«  intelligence  du  costé  du  Roy  contre  cesle  ville.  »  De  Brosses  exprima  le  désir  que  le 
fait  fût  signalé  au  Conseil  et  il  consentit  même  à  ce  que  son  nom  fût  indique,  «  afin 
qu'il  ne  luy  fust  imputé,  s'il  en  advenait  quelque  chose.  »  L'avis  n'était  pas  à  dédai- 
gner, d'autant  plus  qu'il  venait  d'un  personnage  qui  se  trouvait  en  rapport  à  la 
fois  avec  le  duc  de  Savoie  et  le  prince  de  Condé.  Le  Conseil  prit  la  décision  qu'il  pre- 
nait habituellement  en  pareille  occasion  : 

«  Arresté,  dit  le  Registre  du  29  novembre,  qu'on  surveille  et  qu'on  observe  l'ordre 
«  qui  fusl  faict  dernièrement  pour  le  regard  du  guaict.  » 

Les  aris  un  peu  vagues  que  Th.  de  Bèze  avait  communiqués  au  Conseil  net  ardèrent 
pas  à  prendre  plus  de  consistance.  Le  30  novembre,  Michel  Rosel,  donl  le  nom  paraît 
dans  toutes  les  circonstances  délicates,  exposa  au  Conseil  les  faits  tels  que  De  Brosses 
les  avait  racontés  à  Th.  de  Bèze.  Birague,  gouverneur  pour  le  Roi  en  Piémont,  avait 
proposé  à  Henri  IH  do  lui  livrer  Genève  ;  le  Roi  n'ayant  pas  paru  favorable  à  ce 
projet,  Birague  lui  fit  entendre  que,  Genève  une  fois  prise,  il  serait  toujours  libre, 
comme  souverain,  de  déclarer  que  tout  s'était  fait  sans  son  aveu  et  même  à  son  insu. 
De  Brosses  assurait  tenir  ces  propos  de  la  bouche  môme  du  duc  de  Savoie  qui  l'avait 
chargé  d'avertir  Genève.  Alarmé  de  ces  bruits,  le  Conseil  n'eut  rien  de  plus  pressé  que 
de  prévenir  Messieurs  de  Berne. 

Le  gouvernement  bernois  remercia  de  l'avis  qui  venait  de  lui  être  transmis  et  enga- 
gea Genève  à  veiller  avec  soin,  comme  il  le  faisait  de  son  côté  ;  il  paraît  cependant  que 


20  GENÈVE,  LE  PAUTI  HUGUENOT 

Messieurs  de  Berne  n'claienl  pas  parfailemont  convaincus  de  l'exactitude  de  ces  nou- 
velles alaiinaiites  :  «  combien,  disaienl-ils,  qu'ils  n'y  adjoustent  pas  Iby  pour  plusieurs 
considérations.  »  Mais  à  Genève  les  rumeurs  inquiétantes  reprenaient  de  plus  belle. 
On  annonça  le  9  décembre  que  Henri  III  venait  de  sortir  de  Lyon  ;  en  efîet,  il  avait 
déjà  quitté  cette  ville  le  16  novembre  et  il  avait  envoyé  aux  capitaines  huguenots  des 
bords  du  Rhône  l'ordre  de  mettre  bas  les  armes.  Aussitôt  on  supposa  à  Genève  que  le 
Roi  s'était  mis  en  roule  pour  surprendre  la  ville  et  on  se  prépara  en  conséquence  (1). 

Le  Conseil  était  encore  sans  doute  sous  le  coup  de  ces  fâcheuses  nouvelles,  lorsque 
De  Brosses  repassa  par  Genève  en  revenant  de  faire  visite  au  prince  de  Condé  ;  ce  person- 
nage, ayant  manifesté  le  désir  de  s'entretenir  avec  des  magistrats  de  la  ville,  Michel 
Roset  fut  délégué  auprès  de  lui  et  De  Brosses  lui  renouvela  les  déclarations  qu'il  avait 
faites  antérieurement  ;  il  raconta  que  Nemours  continuait  avec  Charles  de  Birague  ses 
pralliques  contre  la  ville  «  tellement,  disait-il,  que  nous  avons  bien  à  veiller.  »  L'entre- 
tien entre  Roset  et  de  Brosses  roula  non  seulement  sur  les  menées  de  Nemours  et  de 
Birague,  mais  aussi  sur  les  prétendus  droits  que  le  duc  de  Savoie  invoquait  contre 
Genève.  Selon  toute  apparence,  Roset  ne  sortit  pas  fort  rassuré  de  son  entrevue  avec 
De  Brosses  ;  il  y  avait  en  elïet  autant  à  craindre  du  côté  de  la  Savoie  que  du  côté  de  la 
France;  la  défiance  des  Genevois,  fort  naturelle  d'ailleurs,  se  fait  jour  dans  le  protocole  de 
lu  séance  où  Roset  rapporta  son  entretien  avec  De  Brosses  :  «  Arresté,  dit  le  Begistre, 
«  qu'on  soit  sus  ses  gardes  cl  mesmes  contre  son  Allasse  (le  duc  de  Savoie),  nonobstant 
«  CCS  advcrtissements  (2).  » 

Pendant  toute  la  durée  des  guerres  de  religion,  la  situation  de  Genève  fut  des  plus 
critiques;  la  petite  Républi(|uc  avait  non  seulement  tout  à  craindie  do  ses  voisins, 
mais  elle  était  chaque  jour  exposée  à  êtn;  compromise  par  les  réfugiés  auxquels  elle 
donnait  asile.  Au  mois  de  décembre  1574,  un  certain  nombre  de  réfugiés  huguenots, 
dont  plusieurs  avaient  été  acceptés  comme  hafjilants,  se  rendirent  du  côté  de  Màcon 
et  de  Cliùlons  pour  tenter  quelque  coup  de  tête  ;  l'entreprise  échoua  et  les  réfugiés 

(1)  1  Uii'oii  soil  sur  ses  gardes  et  (ju'on  ailvise  à  la  Cliaiiibre  des  Coiiiples  au  iiiojcn  de  faire  le 
guaicl  asseuré  de  iiuicl.  »  Séance  du  'J  décembre. 

('2)  Séance  du  13  décembre. 


ET    LE    TRAITÉ    DE    SOLEURE  21 

reprirent  le  chemin  de  Genève.  Le  Conseil  fut  aussitôt  averti  et  il  comprit  qu'il  pour- 
rait résulter  de  celle  affaire  de  sérieux  embarras  pour  Genève.  La  Cour  de  France 
pouvait  prendre  prétexte  de  cet  incident,  insignifiant  en  apparence,  et  accuser  Genève 
de  compromettre  la  sécurité  de  ses  voisins,  en  fomentant  des  troubles.  Le  Conseil 
invita  le  Lieutenant  de  Police  à  faire  comparaître  devant  lui  les  soldais  (jui  se  présente- 
raient aux  portes  de  la  ville  et  à  les  interroger  «  d'oîi  ils  viennent  et  qu'ils  esloient 
«  allés  faire  et  à  l'adveu  de  qui  et  qui  leur  a  fourni  argent  ou  les  a  enrollés  ».  (Séance 
du  17  décembre.) 

Le  18  décembre,  le  Conseil  se  réunit  en  séance  extraordinaire  pour  s'occuper  de 
nouveau  des  réfugiés  qui  revenaient  de  l'expédition  ;  il  apprit  alors  que  l'aventure  avait 
été  préparée  à  Genève  par  des  capitaines  français  (pii  y  séjournaient,  Briquemaut, 
Jarnosse  et  d'autres  ;  il  apprit,  en  outre,  ce  qui  était  plus  grave,  que  Th.  de  Bèze  avait 
eu  connaissance  de  ce  coup  de  tête.  Dans  cette  circonstance,  le  Réformateur  s'était  évi- 
demment écarté  de  son  devoir  et  il  avait  oublié  le  rôle  de  réserve  et  de  prudence  que 
lui  imposait  sa  qualité  d'ecclésiastique.  Le  Conseil  confia  à  Roset  la  mission  délicate 
d'adresser  quelques  observations  à  Th.  de  Bèze  et  de  lui  «  remonstrer  qu'il  ne  doit 
consentir  à  telles  choses,  moins  s'en  mesler.  »  Quant  aux  capitaines  huguenots  qui 
s'étaient  imprudemment  mêlés  de  celte  affaire,  le  Conseil  décida  de  les  faire  «  respondre  » 
et  il  fit  interdire  l'entrée  de  la  ville  aux  soldats  qui  revenaient  de  l'expédition. 

Vers  la  fin  de  l'année  1574,  le  Conseil  reçut  d'importantes  nouvelles  de  Berne  et  de 
Condc.  Messieurs  de  Berne  annonçaient  qu'ils  s'étaient  mis  d'accord  avec  leurs  alliés 
des  autres  cantons  pour  envoyer  une  ambassade  auprès  du  nouveau  roi  de  France  ; 
l'Ambassadeur  dos  Ligues  devait  complimenter  Henri  III  à  l'occasion  de  son  récent 
avènement  et  le  supplier  en  même  temps  d'aviser  aux  moyens  de  pacifier  son  royaume. 
Toutefois,  l'Ambassade  de  France  avait  fait  savoir  à  Messieurs  de  Berne  que  «  la 
«  commodité  du  Roy  n'est  pas  de  les  ouyr  pour  le  présent  pour  plusieurs  raisons.  »  Le 
gouvernement  bernois  annonçait  en  même  temps  à  ses  alliés  de  Genève  que  le  Pape 
promettait  au  Roi  4,000  Italiens  pour  faire  la  guerre  aux  huguenots  et  que  le  duc  de 
Florence  prêtait  cent  mille  écus  dans  le  même  but. 


22  '     GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Les  nouvelles  de  Berne  semblaient  annoncer  la  guerre  ;  celles  de  Condé,  au 
CHiiliairo,  laissaienl  entrevoir  l'éventualité  du  rétablissement  de  la  paix  entre  la  Cour 
et  les  huguenots.  Le  27  ou  le  28  décembre,  le  jeune  prince  envoya  de  Bàle  à  Genève 
un  exprès  porteur  de  lettres  pour  le  Conseil  et  pour  Th.  de  Bèze.  Il  s'agissait  du  rétablis- 
sement du  culte  réforme  en  France  et  dans  ce  but  Condé  convoquait  auprès  de  lui 
les  délégués  des  principales  églises  de  France,  pour  aviser  aux  mesures  à  prendre.  Dans 
sa  lettre  à  Th.  de  Bèze,  Condé  annonçait  que  les  députés  de  La  Bochelle  ciaient  déjà 
auprès  de  lui  et  qu'ils  lui  avaient  exposé  l'objet  de  leur  mission  : 

«  El,  ajoutait-il,  pour  ce  que  c'est  chose  de  telle  et  si  grande  importance  qu'elle 
mérite  bien  d'estre  traicléc  en  bonne  compagnie  et  qu'il  me  serait  impossible  pour 
beaucoup  de  raisons  aller  par  delà,  j'ay  avisé  que  le  meilleur  estoit  de  nous  assem- 
bler tous  en  ce  lieu  cl  de  vous  mander  par  cesle  lettre  de  vous  y  acheminer  avecques 
ledict  Seigneur  de  Tlioré,  vous  priant  n'en  vouloir  faire  dilliculté  et  ne  vous  excuser 
sur  le  congé  de  Messieurs  de  Genève,  auxquels  pareillement  j'escripts  une  lettre  de 
le  vous  octroier  (1).  » 

Condé  annonçait  ensuite  la  prochaine  arrivée  des  délégués  des  églises  de  Langue- 
doc et  il  terminait  en  priant  Th.  de  Bèze  d'envoyer  un  exprès  à  Neuchâlel  pour 
avertir  iM.  d'Araines  et  l'engager  à  se  rendre  également  à  Bàle. 

Il  s'agissait  donc  d'une  réunion  solennelle  des  notabilités  du  parti  huguenot,  con- 
voquée pour  poser  les  bases  d'une  pacification  religieuse.  Pour  le  succès  de  l'œuvre, 
la  présence  et  la  coopération  d'un  homme  d'expérience  et  d'autorité  comme  Th.  de 
Bèze  étaient  indispensables  ;  aussi  Condé  ne  se  conlenta-t-il  pas  d'écrire  à  Th.  de  Bèze, 
il  voulut  encore  s'assurer  que  le  Conseil  de  Genève  ne  s'opposerait  pas  au  départ  du 
Réformateur.  Il  écrivit  donc  en  même  teuips  à  la  Seigneurie  «  la  priauL  bien  fort  de 
lui  octroier»  Th.de  Bèze.  Condé  terminait  sa  lettre  en  termes  généraux  qui  attestaient 
une  certaine  confiance  dans  le  succès  de  l'œuvre  entreprise  : 

«  Je  prie  Dieu,  écrivait-il,  qu'il  nous  face  la  grâce  que  ccste  négociation  produise 
(1)  Arcli.  (le  Genève.  Porlef.  hist.,  N"  1952. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  23 

«  quelque  bon  fruict  el  que,  bénissant  les  labeurs  des  gens  de  bien  qui  travailleront  à  ce 
«  saincl  ouvrage,  le  tout  soit  à  radvancement  et  exallalion  de  sa  gloire  et  à  vous 
«  Messieurs,  continuer  l'heureuse  protection  et  prospérité  de  vostre  Estât.  » 

Le  31  décembre,  le  Conseil  se  réunit  en  séance  extraordinaire  pour  prendre  con- 
naissance de  la  dépèche  du  prince  de  Condé.  Les  magistrats  comprirent  que  la  confé- 
rence de  Bàle  qui  devait  fixer  la  ligne  de  conduite  et  la  politique  du  parti  huguenot 
avait  une  extrême  importance  non  seulement  au  point  de  vue  de  la  Réforme  en  géné- 
ral, mais  encore  pour  l'avenir  de  Genève  ;  ils  accordèrent  sans  retard  l'autorisation 
demandée  (1)  et  Th.  de  Bèze  se  mil  en  route  pour  Bàle,  au  cœur  de  l'hiver,  à  une 
époque  où  le  moindre  voyage  présentait  de  sérieuses  difficultés. 


CHAPITRE  III 

Damville  proclamé  à  Nimes  protecteur  général  des  protestants  et  des  catholiques  unis.  —  La  délégation  du 
Languedoc  s'arrête  à  Genève  en  se  rendant  à  Bâie.  —  Conférence  de  Bâie.  —  Programme  du  parti  huguenot. 
—  Négociations  entre  le  Roi  et  Condé. 

Tandis  que  Condé  appelait  auprès  de  lui  Tti.  de  Bèze,  une  sourde  agitation  se  ma- 
nifestait dans  le  Midi  de  la  France  ;  le  maréchal  de  Damville,  le  plus  puissant  des 
Montmorency,  se  rangeait  du  côté  des  réformés  et  présidait  à  Nîmes  l'assemblée  géné- 
rale des  prolestants  et  des  catholiques  unis  ;  cette  assemblée,  qui  se  montra  animée 
d'un  esprit  indépendant  et  révolutionnaire,  reconnut  Damville  comm^  protecteur  général 
en  l'absence  de  Condé  et  organisa  une  sorte  de  république  fédérative  où  les  deux  cultes 
rivaux  étaient  mis  sur  le  pied  d'égalité.  En  même  temps,  elle  décida,  d'accord  avec 
Damville,  d'envoyer  auprès  de  Condé  des  députés  chargés  de  s'entendre  avec  lui  sur 
les  moyens  de  pacifier  le  royaume.  Ces  députés,  que  le  prince  attendait  à  Bàle  dès  le 
mois  de  décembre  1574,  ne  se  mirent  en  route  qu'au  mois  de  février  1575. 

(1)  Reg.  Gons.  Séance  du  31  tléceml)re  :  a  Prince  tle  ConJé;  Tliéodore  de  Bèze.  —  DudicI  jour, 
environ  les  deux  heures,  a  esté  rassemblé  le  Conseil  sus  les  lellres  receues  de  la  pari  de  M.  le  prince 
de  Condé,  oscriples  de  Basie  du  27  de  ce  moys,  par  lesquelles  il  prie  luy  presier  encorM.de  Bèze 
pour  aller  pardclà,  alin  d'avoir  .son  advis  el  conseil  sus  le  laid  de  la  pacification  des  égli.ses  franeoise.s, 


24  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Suivant  leurs  instruclions,  les  délégués  du  Languedoc  drivaient  s'arrêter  à  Genève  et 
présenter  au  Conseil  une  lettre  de  créance  du  maréchal  de  Damville  ;  celte  lettre  (1), 
datée  de  Montpellier  le  13  février  1575,  était  conçue  dans  les  termes  les  plus  sympa- 
thiques et  les  plus  flatteurs  pour  Genève  (1).  Le  maréchal  rappelait  les  services  rendus 
par  la  République  aux  réfugiés  français  «  à  l'endroict  de  tous  ceulx  qui  se  sont  trouvés 
affligés  et  exilés  de  toute  consolation,  retraicte  et  ayde,  »  et  il  terminait  en  offrant 
«  tout  service  tant  en  vostre  général  que  particulier;  »  il  sollicitait  également  le  Con- 
seil de  montrer  pour  la  négociation  de  la  nouvelle  paix  religieuse  le  même  zèle  dont  il 
avait  fait  preuve  pour  le  bien  général  de  la  France. 

Les  députés  des  Eglises  et  de  V Assemblée  générale  du  Languedoc  (c'est  ainsi  qu'ils 
sont  qualifiés  au  Registre)  arrivèrent  à  Genève  le  3  mars  et  demandèrent  aussitôt  à  être 
entendus  soit  en  séance  du  Conseil,  soit  par  une  délégation.  Le  Conseil,  leur  ayant  accordé 
audience,  ils  lui  donnèrent  lecture  de  la  lettre  du  maréchal,  en  déclarant  qu'ils 
avaient  mission  de  saluer  Messieurs  de  Genève  de  la  part  de  ceux  qui  les  avaient 
envoyés  et  de  les  remercier  des  *  bons  offices  qu'ils  ont  receu  de  leur  part.  » 

Les  députés  exposèrent  ensuite  sommairement  la  situation  malheureuse  et  précaire 
dans  laquelle  se  trouvait  alors  le  parti  huguenot  ;  cet  exposé  dût  être  d'un  haut  intérêt, 
mais  le  protocole  de  la  séance  du  Conseil  ne  nous  en  donne  qu'une  pâle  et  confuse 
analyse. 

Suivant  le  récit  des  députés  du  Languedoc,  le  maréchal  de  Damville  avait  rap- 
porté une  impression  favorable  de  sa  première  entrevue  avec  le  Roi  en  Piémont,  mais 
la  pernicieuse  influence  de  la  Reine-Mère  et  de  ses  conseillers  n'avait  pas  tardé  à 
reprendre  l'avantage  et  le  Roi  avait  recommencé  la  guerre  de  plus  belle.  Sur  ces 
entrefaites  avait  eu  lieu  à  Nîmes  l'assemblée  générale  des  protestants  et  des  calho 
ligues  unis;  la  discussion  avait  roulé  sur  trois  points  principaux  : 

4"  L'union  et  communion  entre  les  catholiques  paisibles  et  les  réformés,  a  tous 
amateurs  du  royaume  et  du  repos  et  advancement  d'iceluy  »  ; 

pour  laquelle  les  députés  de  la  Rocliclki  sont  désia  arrivés  i)ar  di>vprs  lui  et  ceulx  de  Languedoc  s'y 
devant  aussi  trouver,  a  eslé  arrcslé  (|u'on  le  luy  acorde.  « 
(1)  Arch.  de  Genève.  Porlef.  hisl  ,  iN"  1955. 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  25 

2"  Les  arrangements  à  prendre  pour  continuer  la  guerre  <c  si  on  ne  peut 
autrement  que  par  ce  moyen  parvenir  à  une  bonne  paix  »  ; 

3"  L'opportunité  de  demander  au  Roi  une  trêve  de  trois  mois  (1). 

Les  délégués  racontèrent  ensuite  au  Conseil  de  Genève  les  derniers  faits  de  guerre 
dans  le  Midi,  la  prise  d'Aiguemorles  etd'Alais,  la  prise  du  château  de  Ventadour,  etc.  ; 
ils  s'étendirent  assez  longuement  sur  le  rôle  et  l'attitude  du  maréchal  qui,  en  toute 
occasion,  se  montrait  fort  prudent  et  politique,  cherchant  à  fonder  une  paix  durable 
entre  les  protestants  et  les  catholiques  de  son  gouvernement:  «  Ledict  S""  iMareschal, 
disaient  les  délégués,  est  résolu  autant  qu'homme  du  monde  de  faire  que  tous  soyent 
unis  et  les  desloyaux  chassés.  » 

Les  députés  étaient  porteurs  d'un  projet  de  pacification  religieuse  qui  avait  été 
sans  doute  élaboré  par  Damville  et  qui  devait  être  soumis  à  l'approbation  de  Condé. 
Ce  projet  devait  être  tenu  absolument  secret  ;  il  n'en  avait  été  pris  que  deux  copies, 
l'une,  restée  entre  les  mains  du  maréchal,  l'autre  remise  aux  députés  qui  se  rendaient 
vers  Condé;  pour  plus  de  sûreté,  ils  s'étaient  juré  les  uns  aux  autres  de  n'en  donner 
copie  à  personne,  de  peur  que  le  Roi  n'en  fût  averti.  Les  députés  prièrent  cependant 
le  Conseil  d'examiner  le  texte  de  ce  projet  et  de  leur  donner  son  avis  «  parce  qu'ils 
se  fient  en  Messieurs  comme  en  eux-mêmes  ».  C'était  accorder  aux  magistrats  de 
la  petite  République  un  témoignage  significatif  d'estime  et  de  confiance. 

Le  Conseil  répondit  en  déléguant  le  syndic  Bernard,  le  Lieutenant  de  Police  et  les 
conseillers  Roset  et  Maillet,  pour  examiner  le  projet  de  pacification.  Certes,  il  aurait  été 
pour  nous  d'un  haut  intérêt  de  connaître  le  résultat  de  l'examen  auquel  se  livrèrent 
les  quatre  commissairesgenevois  ;  malheureusement,  le  Registre  ne  fournit  sur  ce  point 
aucune  donnée  :  il  n'en  est  pas  mpins  curieux  de  constater  l'action  indirecte  que  les 
magistrats  de  la  petite  République  exercèrent  par  leurs  conseils  sur  la  politique  du 
parti  huguenot. 

(1)  Si  nous  comprenons  bien  le  résumé,  d'ailleurs  obscur  et  confus,  du  secrétaire  d'Etat,  le 
maréchal  de  Damville  étaii  opposé  à  cette  trêve  et  voulait  simplement  la  continuation  de  la  guerre; 
c'est  le  prince  de  Condé  qui  demandait  la  Irève. 


26  GENÈVE,    LE    PARTI   HUGUENOT 

Tandis  que  les  députés  du  Languedoc  se  concertaient  avec  le  Conseil  de  Genève, 
ils  étaient  impatiemment  attendus  à  Bâle  par  Condé,  Th.  de  Bèze  et  les  représentants 
des  autres  communautés  réformées  de  France.  Le  28  février,  Condé  écrivit  au  Conseil 
pour  s'excuser  d'avoir  retenu  Th.  de  Bèze  aussi  longtemps  auprès  de  lui  «  d'autant, 
«  dit-il,  que  la  faulte  n'est  procédée  ne  de  luy,  ny  de  moi,  ains  des  depputés  de 
«  Messieurs  de  Languedoc,  lesquels  nous  sommes  encores  attendans  (1)  ».  Condé 
remerciait  avec  effusion  le  Conseil  de  lui  avoir  permis  de  consulter  le  Réformateur 
et  d'utiliser  sa  vieille  expérience  pour  le  bien  des  Eghses  de  France,  «  lesquelles, 
«  écrivait-il,  et  moy  avecques  elles,  vous  en  demeureront  à  tousiours  redevables, 
«  pour  le  recognoistre  et  principallement  par  moy,  en  tous  les  endroicts  qu'il  vous 
«  plaira  m'emploier  » . 

Le  10  mars,  Th.  de  Bèze,  de  retour  à  Genève,  se  présentait  au  Conseil  pour 
s'excuser  d'avoir  ainsi  prolongé  son  absence  et  pour  rendre  compte  des  résultats  de 
son  voyage. 

La  conférence  de  Bâle,  à  laquelle  avait  coopéré  Th.  de  Bèze,  eut  pour  la  cause 
protestante  des  résultats  considérables.  Elle  ranima  le  courage  et  les  espérances  du 
parti  huguenot  et  fut  le  point  de  départ  de  nouvelles  et  légitimes  revendications.  C'est 
à  la  suite  de  ces  conférences  de  Bàle  qu'on  vit  arriver  à  Paris,  au  commencement  d'avril, 
les  députés  du  prince  de  Condé,  du  maréchal  de  Damville,  les  délégués  des  protestants 
de  Languedoc,  de  la  Rochelle,  de  Guienne,  de  Provence  et  de  Dauphiné,  se  portant  forts 
pour  toutes  les  Eglises  réformées  du  royaume.  Suivant  Henri  Martin  [Hist.  de  France, 
t.  X,  p.  486),  ils  renouvelèrent  les  requêtes  hardies  présentées  à  Charles  IX  en  4573 
et  les  aggravèrent  encore  ;  ils  demandèrent  l'exercice  public  de  la  religion  réformée 
par  tout  le  royaume,  avec  égalité  absolue  entre  la  dite  religion  et  la  catholique 
romaine,  toute  autre  religion  étant  interdite  sous  peine  de  la  vie  (2)  :  chambres  de 
justice  mi-parties;  châtiment  des  massacreurs  de  la  St-Barlhélemy  :  annulation  des 
sentences  rendues  contre  les  victimes  du  massacre  ;  mise  en  liberté  et  déclaration  d'inno- 

(1)  Lettre  du  dernier  jour  de  février  1575,  vue  au  Conseil  le  10  mars.  —  Arch.  de  Genève.  Portef. 
/iù<.,  N0  1952. 

(2)  La  notion  d'une  tolérance  réelle,  étendue  à  tous  les  cultes,  n'entrait  même  pas  dans  les 
cerveaux  d'alors;  au  niouient  oii  les  liuguenols  réclamaient  l'entière  liberté  de  leur  culle,  ils  deman- 
daient à  l'Eial  de  proscrire,  sous  peine  de  la  vie,  toute  autre  religion  que  le  catholicisme  et  la  Réforme! 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  27 

ceiice  des  maréchaux  prisonniers  ;  décharge  temporaire  des  taxes  municipales  pour 
les  associés,  à  cause  de  leurs  pertes  ;  paiement  par  le  roi  de  l'arriéré  que  les  protestants 
devaient  à  leurs  auxiliaires  allemands,  avec  octroi  de  200,000  écus  pour  solder  leurs 
autres  dettes  ;  exemption  de  tous  impôts  pour  six  ans  aux  provinces  poitevines  et 
aquilaniques,  au  Languedoc  et  au  Dauphiné  ;  réunion  prochaine  des  Etats-Généraux  ; 
réduction  des  tailles  au  taux  du  règne  de  Louis  XII  ;  remise  aux  associés  de  deux 
places  de  sûreté  par  gouvernement,  outre  les  places  qu'ils  tenaient  déjà. 

Comme  on  le  voit,  il  ne  s'agissait  plus  seulement  d'une  simple  revendication  de 
la  liberté  du  culte  réformé  ;  les  huguenots,  unis  aux  catholiques  mécontents,  formulaient 
tout  un  programme  politique  et  réclamaient  entr'aulres  la  prochaine  convocation  des 
Etats-Généraux.  Henri  III  se  montra  fort  ébahi  de  semblables  prétentions,  mais  il  ne 
se  sentait  pas  en  situation  de  rompre  brusquement  les  négociations,  d'autant  plus  que 
les  Ambassadeurs  d'Angleterre,  de  Suisse  et  même  de  Savoie,  l'encourageaient  à  faire 
la  paix  ;  il  essaya  donc  de  louvoyer  et  offrit  aux  délégués  les  concessions  suivantes  :  la 
liberté  religieuse  partout,  l'exercice  du  culte  dans  un  lieu  clos  par  bailliage  ou  séné- 
chaussée et  dans  toutes  les  villes  alors  occupées  par  les  Confédérés,  sauf  Aiguesmorles 
et  Beaucaire  ;  quatre  places  de  sûreté  ;  l'érection  de  nouvelles  Chambres  dans  les  divers 
Parlements,  où  seraient  appelés  un  certain  nombre  de  conseillers  huguenots  ;  l'annu- 
lation générale  des  arrêts  rendus  à  l'occasion  de  la  religion  ;  la  restitution  des  biens 
et  honneurs  aux  enfants  de  Coligny  et  autres  de  mcsmes  conditions  (1). 

Les  concessions  offertes  par  Henri  III  ne  satisfirent  pas  les  députés  des  huguenots 
et  des  catholiques  associés  :  ils  se  retirèrent  en  déclarant  que  leurs  pouvoirs  ne  leur 
permettaient  pas  de  traiter  à  cçs  conditions.  Les  négociations  ne  furent  pas  rompues 
pour  cela  et  Henri  III  ne  dédaigna  pas  d'envoyer  auprès  de  Condé  un  agent  confiden- 
tiel, Du  Cheylar,  chargé  de  le  gagner  par  des  promesses  et  de  bonnes  paroles.  Condé 
était  fort  jeune  et  il  se  laissa  facilement  entraîner  à  l'espérance.  Le  30  mai,  il  écrivit 
au  Conseil  de  Genève  pour  réclamer  de  nouveau  la  présence  de  Th.  de  Bèze  ;  sa  lettre 
respire  une  confiance  prématurée  dans  le  succès  des  négociations  : 

(1)  Voy.  H.  Martin,  t.  X,  p.  487,  qui  énumère  ces  conditions  d'après  les  mémoires  de  Nevers. 


28  GENÉYE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

«  Ayant  pieu  à  Dieu,  écrit-il,  de  disposer  le  cueur  du  Roy,  mon  souverain  sei- 
«  gneur,  à  voulloir  continuer  la  négociation  comancée  pour  parvenir  à  une  bonne 
«  pacification  des  troubles  qui  de  si  longtennps  ont  cours  en  son  royaume  et  d'avoir 
«  pris  en  bonne  part  les  très  humbles  supplications  et  requestes  que  je  luy  avois  envoyé 
«  faire  pour  toutes  les  Églises  de  France  et  catholiques  associés,  sur  lesquelles  sa 
«  Majesté  m'a  fait  responce  par  le  seigneur  du  Cheilar,  il  est  très  nécessaire  de  faire 
t  une  conférance  sus  icelle,  en  laquelle  je  désire  que  M.  de  Bèze  se  puisse  trouver  sur 
«  l'asseurance  quej'ay  que  sa  présence  y  peull  beaucoup  servir  et  pour  cesle  cause, 
«  Messieurs,  je  vous  ay  bien  voulu  faire  la  présente  et  par  icelle  vous  pryer  bien  affec- 
a.  tueusement  de  vouloir  licencier  ledict  S''de  Bèze  pour  faire  ce  voyage  par  deçà.  » 

Les  questions  qui  allaient  se  débattre  à  Bâle  étaient  si  graves  et  d'une  telle  impor- 
tance pour  l'avenir  de  la  Réforme  que  le  Conseil  ne  pouvait  hésiter  à  laisser  partir 
Th.  de  Bèze  ;  ce  dernier  fut  chargé  de  préparer  lui-même  la  réponse  au  prince  de 
Condé  ;  il  fut  entendu  qu'on  ne  limiterait  pas  la  durée  de  son  séjour,  mais,  pour  éviter 
ces  voyages  fréquemment  renouvelés,  le  Conseil  exprima  le  vœu  qu'à  l'avenir  le 
Prince  prendrait  l'avis  du  Réformateur  «  par  lettres  et  non  de  bouche.  »  Les  lettres  de 
Condé  faisaient  entrevoir  comme  probable  le  rétablissement  de  la  paix  religieuse  en 
France,  et  le  Conseil  paraît  en  avoir  conclu  qu'il  fallait  redoubler  de  prudence  à 
l'égard  de  la  Cour.  On  fit  arrêter  et  emprisonner  un  certain  Abel  Riveri,  prévenu 
d'avoir  imprimé  sans  permission  la  vie  de  Catherine  deMédicis  «  pleine  de  détractions  »  ; 
toutefois,  comme  il  reconnaissait  sa  faute,  le  Conseil  décida  de  le  mettre  en  liberté, 
sous  l'obligation  de  se  représenter  toutes  les  fois  qu'il  en  serait  requis  (1). 

A  la  fin  du  mois  de  juin,  Th.  de  Bèze  était  de  retour  à  Genève,  il  rapportait  de 
Bàle  une  nouvelle  lettre  de  Condé  pour  le  Conseil.  Le  Prince  remerciait  les  magistrats 
genevois  d'avoir  facilité  le  voyage  du  Réformateur,  et  de  lui  avoir  ainsi  permis  de 
coopérer  à  «  une  œuvre  tant  nécessaire  pour  la  gloyre  de  Dieu  et  le  repos  de  la  pau- 

(1)  Séance  du  6  juin  :  «  Al)el  Riveri,  détenu  pour  avoir  imprimé  la  vie  de  la  Royne-mère  de  France, 
pleine  de  délraclions,  sans  congé  de  la  Seigneurie,  sus  certains  exemplaires  qui  s'en  vendoienl  icy 
piibli(|ui;inciil  sans  reprension,  recognoissans  sa  faulle,  a  eslé  arresté  (|u'on  le  libère  moyennant 
subiiiission  de  se  ie(irésenLer  lotelois  et  quanlesel  quant  aux  livres,  (ju'on  les  retienne.  » 


ET    LE   TRAITÉ   DE  SOLEURE  -9 

«  vre  France,  où  nous  avions  besoing  d'eslre  assistés  de  sa  prudence  laquelle  il  a  très 
«  bien  desployée  en  tout  ce  qui  s'y  est  présenté,  grâces  à  Dieu.  »  Condé  faisait  ensuite 
le  plus  éclatant  éloge  des  rares  vertus  de  Th.  de  Bèze  et  déclarait  que  quiconque 
serait  assez  osé  pour  entreprendre  contre  sa  personne  s'attaquerait  à  l'un  de  ses  plus 
grands  amis.  Il  est  assez  difficile  de  saisir  le  motif  de  cette  tirade  un  peu  menaçante, 
puisque  les  magistrats  auxquels  était  adressée  la  lettre  étaient  tous  des  amis  et  des 
admirateurs  de  Th.  de  Bèze.  En  terminant,  Condé  annonce  qu'il  a  pris  des  mesures 
pour  faire  rembourser  à  la  République  les  sommes  qu'elle  avait  avancées  pour  le 
service  du  parti  huguenot;  il  s'agissait,  paraît-il,  d'une  somme  de  13,500  fr.  qui  était 
due  à  la  Seigneurie  depuis  la  garnison  de  l'an  1567  (1).  Condé  était  fort  gêné  et  il 
ne  pouvait  rembourser  de  ses  deniers  une  somme  aussi  considérable,  mais  il  donna  à 
la  Seigneurie  une  procuration  qui  devait  servir  à  obtenir  une  fourniture  de  sel  de 
Beaucaire  pour  un  chiiîre  équivalent  (2).  A  la  fin  du  mois  de  juin  passèrent  par 
Genève  des  Ambassadeurs  de  Condé  qui  se  rendaient  en  France  pour  négocier  la  paix  ; 
le  Conseil  s'empressa  de  faire  vérifier  par  eux  le  compte  de  ce  qui  était  dû  à  la 
Seigneurie  pour  les  frais  de  garnison  de  1567;  le  chitfre  primitif  de  13,500  fr.  se 
trouvait  augmenté  de  près  de  4,000  fr.,  représentant  les  intérêts  courus  depuis  1567. 
Les  agents  de  Condé  prirent  à  nouveau  l'engagement  de  faire  rembourser  cette 
somme  en  sel  de  Beaucaire  parles  soins  du  maréchal  de  Damville(3),  mais,  selon  toute 

(1)  En  1567,  le  duc  d'AIbe  devait  passer  en  Savoie,  près  de  Genève  ;  Emmanuel  Philibert  crui  le 
moment  venu  de  s'emparer  de  Genève  et  fit  dans  ce  but  de  grandes  levées  de  troupes.  Dès  que  le 
danger  fut  connu,  on  vit  affluer  à  Genève  des  soldats  et  gentilshommes  huguenots  qui  venaient  offrir 
leurs  services  pour  la  défense  de  la  cité  protestante.  Le  duc  d'AIbe,  informé  de  ces  préparatifs,  passa 
outre  et  le  duc  de  Savoie  se  vit,  forcé  de  s'excuser  en  alléguant  que,  s'il  avait  rassemblé  des  troupes, 
c'était  uniquement  par  mesure  de  précaution  à  l'occasion  du  passage  de  l'armée  espagnole. 

(2)  On  lit  au  Registre  du  Conseil,  séance  du  27  juin  1575.  «Prince  de  Condé,  —M.  de  Bèze,  estant 
«  de  retour  de  Basle,  a  raporté  lettres  dudicl  S''  Prince  par  lesquelles  il  remercie  Messieurs  de  ce 
«  qu'on  l'en  a  accommodé  pour  le  fait  de  la  paix;  du  reste,  luy  ayant  esté  faict  entendre  par  le  dit  S' 
«  Prince  qu'il  estoit  dheu  quelque  argent  à  la  Seigneurie  qu'elle  a  fourny  cydevant  en  temps  de 
«  troubles,  il  a  donné  charge  au  S'  de  Frankeville  de  prouvoir  à  ce  (jue  ledici  paiement  se  face  par 
«  le  moyen  du  sel,  au  contenu  de  la  procuration  qu'a  aporté  ledict  S'  de  Bèze  et  qui  a  esté  icy  veue  ; 
«  sus  ce  arresté  qu'on  y  advise  à  la  Chambre  des  Comptes,  parce  qu'il  s'agit  du  debte  dheu  par  M.  de 
«  Mouvans;  il  y  a  encore  un  aultre  poinct  en  ladicle  lettre  par  lequel  il  prie  Messieurs  de  luy  ayder 
«  en  ce  que  ledici  S'  de  Bèze  dira  de  sa  part,  en  ce  que  totesfois  il  a  oublié.  » 

(.■5)  Au  moment  où  Condé  cherchait  à  liquider  celte  vieille  dette  du  parti  huguenot,  il  agissait  de 
même  pour  une  autre,  plus  récente,  qui  rappelait  les  tragiques  souvenirs  du  siège  de  Sancerre;  il 


30  GENÈVE,  LE  PAHTl  HUGUENOT 

apparence,  celle  promesse  resla  sans  effel,  car  nous  n'avons  Irouvé  dans  les  Regislres 
aucune  trace  du  paienienl  de  celle  créance  (1). 

Pendanl  les  dernières  années  du  xvi''  siècle,  Genève  fut  en  quelque  sorte  le 
banquier  des  proscrits  et  des  persécutés  du  parti  huguenot  ;  sans  doute,  le  Conseil  ne 
pouvait  prendre  sur  lui  de  prêter  sans  intérêt  ou  sans  garantie  l'argent  de  la  Répu- 
blique, mais  il  mettait  un  généreux  empressement  à  venir  en  aide  à  ceux  que  les 
persécutions  religieuses  avaient  jetés  hors  de  France  et  il  se  laissa  entraîner  plus 
d'une  fois  à  des  opérations  assez  hasardées. 

Le  28  juin  1575,  Gui  Paul  de  Chaiillon,  comte  de  Laval,  le  propre  neveu  de 
Coligny,  s'adressa  au  Conseil  pour  obtenir  un  prêt  de  .1000  ou  1200  écus,  sous  la 
caution  de  Banqueté,  banneret  de  Payerne;  le  Conseil  accorda  le  prêt  demandé,  mais, 
quelques  semaines  plus  lard,  le  comte  de  Laval  revint  à  la  charge  et  demanda  1500 
écus  au  lieu  de  1200,  en  proposant  de  nouvelles  cautions  ;  c'était  un  peu  abuser  de 
la  bienveillance  du  Conseil  et  ce  dernier  fit  quelques  difficultés,  d'autant  plus  que  les 
cautions  ne  lui  paraissaient  pas  suffisantes.  Gui  de  Laval  portail  un  nom  illustre  entre 
tous;  fils  aîné  d'Andelot,  il  avait  été,  après  la  mort  de  son  père,  élevé  sous  les  yeux 
de  Coligny  ;  à  la  Saint-Barthélémy,  il  s'enfuit  avec  son  cousin  Fr.  de  Coligny  ;  déguisés 
lous  deux  en  écoliers,  ils  se  dirigèrent  vers  Genève  et  la  Suisse.  Gui  de  Laval  s'établit 
à  Berne  d'où  il  écrivit  au  Conseil  les  deux  lettres  publiées  ci-après. 

Tandis  que  Laval  cherchait  à  emprunter  1200  écus,  Condé  se  voyait  forcé 
d'avoir  également  recours  aux  bons  offices  de  ses  amis  de  Genève.  Le  7  juillet  se 
présenlait  au  Conseil  le  vidame  de  Chartres,  ce  Beauvoir-la-Nocle,  qui  fut  pendant 

offrait  de  payer  deux  cenls  écus  que  la  ville  de  Sancerre  devait  encore  à  Genève,  mais  il  demandait 
l'abandon  désintérêts  arriérés  :  «A  esté  proposé,  dit  le  Reg^istre  du  jeudi  30  juin  1575,  (|ue  le  S'  de 
«  Chelard,  ayant  charge  de  M.  le  Prince  de  Condé,  oll're  paier  deux  cenls  escus  (jue  ceux  de  Sancerre 
«  doyvent  au  change  de  reste  de  deux  mille  escus,  en  leur  quittant  les  inlérêts,  arresté  qu'on  les  leur 
«  (juicte  » 

(1)  Registre  du  Conseil,  séance  de  jeudi  dernier  juin  :  «  Sel,  prince  de  Condé  —  a  esté  raporté 
'<  qu'on  a  faict  vérifier,  par  les  S'"  Ambassadeurs  de  M. le  Prince  ailans  en  France  pour  la  paix,  la  partie 
"  deue  à  Messieurs  pour  la  garnison  de  l'an  d567  montant  treize  mille  et  cinq  cents  francs  de  capital  et 
«  environ  quatre  mille  d'intéresisà  cin(|  pour  cens  et  qu'ils  ont  pris  charge  de  faire  avoir  du  sel  de 
«  Beaucaire  envers  M.  le  maréchal  d'Amviile  pour  ladicte  somme,  soubs  louteftbis  le  nom  de  François 
«  Villain  (l'un  des  fermiers  des  sels).  » 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  3i 

de  longues  années  le  conseiller,  le  confident  et  l'agent  infatigable  de  Condé  (1)  ;  il 
était  accompagné  de  M.  de  Beauvois  qui,  dit  le  Registre,  «  a  présenté  les  recommen- 
dations  de  Mons''  le  Prince  ».  Le  Conseil  ne  larda  pas  à  être  renseigné  sur  l'un  tout 
au  moins  des  motifs  qui  amenaient  à  Genève  ces  deux  chefs  du  parti  huguenot; 
le  14  juillet,  Th.  de  Bèze,  qui  agissait  évidemment  sur  leurs  indications,  pria  le 
Conseil  de  prêter  à  Condé  250  écus  sur  le  dépôt  de  certaines  pierreries.  Le  jeune 
prince  était  évidemment  fort  gêné,  car  les  pierreries  qu'il  offrait  en  gage  étaient  déjà 
affectées  à  la  garantie  d'une  somme  de  mille  francs  qu'il  avait  empruntée  sous  la 
caution  du  S''  de  Vézines.  Le  Conseil  fit  d'abord  quelque  difficulté,  puis  se  décida  à 
prêter  la  somme  demandée,  en  prenant  comme  cautions  les  S"  de  Vézines,  de  Beau- 
vois et  de  la  Fin  (2). 

Le  moment  approchait  où  Condé  allait  rentrer  en  France  les  armes  à  la  main. 
Les  négociations  engagées  pour  obtenir  de  Henri  III  et  de  Catherine  de  Médicis  une 
paix  honorable  et  la  tolérance  religieuse  avaient  complètement  échoué  et  le  Registre 
du  Conseil  de  Genève  nous  apprend  que,  dès  le  mois  de  juillet  1575,  Condé  com- 
mençait ses  préparatifs  militaires.  En  effet,  le  15  juillet,  Messieurs  de  Berne  écrivent 
au  Conseil  de  Genève  pour  se  plaindre  de  ce  que  des  capitaines'  et  des  soldats 
français  «  se  disans  venir  de  ceste  ville  (de  Genève)  pour  aller  au  service  de  M.  le 
Prince  de  Condé  »  traversent  en  armes  leur  territoire  ;  le  gouvernement  bernois 
rappelle  à  ce  propos  qu'il  est  lié  à  la  couronne  de  France  par  un  traité  de  paix 
perpétuelle  et  il  prie  ses  combourgeois  de  Genève  de  prendre  les  mesures  nécessaires 
pour  que  les  huguenots  qui  se  rendent  au  quartier-général  de  Condé  «  fassent  leurs 
voyaiges  et  passages  de  telle  sorte  et  en  tel  équipage  que  l'on  ne  se  puisse  doubler  à 

(1)  Beauvoir-la-Nocle  ne  (il  à  Genève  qu'un  séjour  de  courte  durée  ;  au  commencement  d'août, 
il  partit  pour  rejoindre  le  prince  de  Condé  à  Bâle,  comme  nous  l'apprend  le  Registre  du  Conseil  à  la 
date  du  9  août  ;  «  Vidame  de  Cliartres  ;  a  esté  proposé  que  il  a  pris  ce  matin  congé  de  Messieurs  les 
«  Scyndiques  pour  se  retirer  à  Basie,  remerciant  de  l'honneur  qui  luy  a  esté  faict  ici  et  offrant  faire 
«  service  à  Messieurs.  » 

(2)  M.  de  Vézines  refusa,  on  ne  sait  pourquoi,  de  servir  de  caution,  néanmoins,  le  Conseil,  désireux 
de  rendre  service  à  Condé,  maintint  sa  décision,  en  acceptant  comme  seules  cautions  MM.  de  Beauvois 
et  de  La  Fin. 


32  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

leurendroicld'aulcunespratliques  OU  sinistres  entreprinses,  ressentans  hostilité (1)  ».  Ne 
doit-on  pas  reconnaître  que  le  gouvernement  de  la  puissante  République  de  Berne 
allait  un  peu  trop  lacilement  au  devant  des  réclamations  de  l'Ambassadeur  de  France 
et  cette  attitude,  peu  généreuse  pour  Condé  et  les  huguenots  opprimés,  neconlraste- 
l-elle  pas  avec  les  héroïques  imprudences  de  la  petite  cité  de  Genève? 

Messieurs  de  Berne  ne  craignaient  pas  de  laisser  entrevoir  que,  le  cas  échéant, 
ils  seraient  obligés,  à  teneur  du  traité,  à'éconduire,  autrement  dit  d'expulser  tous  les 
huguenots  qui  s'étaient  réfugiés  chez  eux  ou  dans  d'autres  villes  réformées,  «  ce  que, 
ajoutaient-ils,  pourra  estre  prévenu  moyennant  leur  modeste  comportement,  comme 
par  rayson  ils  sont  tenus  de  faire,  affin  d'oster  toute  occasion  de  maulvais  soubçon  à 
leur  endroict  ».  Isolée  comme  elle  l'était,  entourée  d'Etats  hostiles,  Genève  devait 
avant  tout  ménager  ses  alliés  de  Berne;  quand  l'Avoyer  et  Conseil  de  Berne  priaient 
le  magistrat  de  Genève  de  prendre  un  avis  en  bonne  part,  il  fallait  s'incliner.  Aussi  le 
Conseil  décida-t-il-  le  21  juillet,  pour  complaire  à  Messieurs  de  Berne,  que  tous  les 
étrangers  qui  n'étaient  pas  liés  par  «  debvoir  et  serment  à  la  Seigneurie  »,  auraient  à 
vider  la  ville  dans  les  vingt-quatre  heures,  sous  peine  de  l'estrapade,  «  et  ce  tant 
soldats  que  aullres  ». 

Parmi  les  gentilshommes  de  l'entourage  de  Condé,  figurait,  comme  nous  l'avons 
vu  plus  haut,  un  S'  de  Vézines  ;  ce  personnage  était  depuis  longtemps  au  service  du 
parti  huguenot  et  de  l'Eglise  réformée,  mais,  au  moment  où  une  nouvelle  lutte  allait 
s'engager  entre  les  huguenots  et  la  Cour,  il  se  rendit  coupable  de  certaines  démarches 
imprudentes  ou  inconsidérées  qui,  en  temps  de  troubles  civils,  sont  facilement  assimilées 
à  des  actes  de  trahison  ;  la  preuve  de  cette  singulière  défaillance  nous  est  fournie  par  une 
lettre  de  lui  qui  est  sans  contredit  un  des  plus  curieux  documents  de  ces  temps  agités. 
Le  dimanche  21  août  le  Conseil  fut  convoqué  en  séance  extraordinaire  et  secrète; 
étaient  présents  les  Syndics  Bernard,  Guaict  et  Pilard,  le  Lieutenant  de  police  Varro, 
les  conseillers  Châteauneuf,   Villet,  Chabrey,   Roset,  Chappuis  et  Chenelat.  Th.  de 

(1)  Lettre  de  lierne  du  15  juillet  1575,  Portef.  hist.,  N"  1963.  Voy.  ci-après  le  texte  de  ce 
document. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  33 

Bèze,  qui  avait  sans  doute  provoqué  cette  séance,  raconta  qu'il  lui  était  tombé  entre 
les  mains,  grâce  au  S''  de  Clervant  (1),  un  paquet  de  lettres  adressées  par  Vézines 
à  M.  de  Hauteforl,  Ambassadeur  du  roi  auprès  des  Ligues.  Ces  lettres,  datées  du 
15  août,  étaient  accompagnées  d'un  mémoire  écrit  tout  entier  de  la  main  de 
Vézines.  De  l'examen  de  ces  pièces,  il  résultait  clairement,  suivant  Th.  de  Bèze, 
que  Vézines  trahissait  l'Eglise  de  Dieu  et  révélait  à  l'Ambassadeur  du  Roi  tous  les 
secrets  que  sa  position  dans  le  parti  huguenot  lui  permettait  d'apprendre.  Th.  de  Bèze 
avait  comparé  ces  pièces  avec  d'autres  lettres  qui  lui  avaient  été  adressées  par 
Vézines  et  il  demandait  au  Conseil  de  constater,  après  examen,  l'identité  des  deux 
écritures.  Il  s'agissait  d'envoyer  cette  déclaration  officielle  à  Montmorency  de  Thoré 
pour  édifier  le  prince  de  Condé  sur  les  intrigues  qui  pouvaient  se  tramer  entre 
Vézines  et  l'Ambassade.  Le  Conseil  vérifia  les  pièces  et  accorda  à  Th.  de  Bèze  le 
vidimus  et  l'attestation  demandés  :  c'est  à  cette  décision  que  nous  devons  la  conserva- 
lion  de  la  lettre  et  du  mémoire  de  M.  Vézines  (2). 

Aux  yeux  de  Th.  de  Bèze,  Vézines  n'était  autre  chose  qu'un  traître  qui  conspirait 
à  la  fois  contre  l'Eglise  et  contre  Condé.  Aux  époques  troublées,  dans  les  moments  de 
crise  religieuse  et  politique,  les  partis  ne  tolèrent  aucune  hésitation,  aucune  compro- 
mission ;  une  démarche  imprudente  ou  inconsidérée  suffit  pour  rendre  suspect  celui 
qui  s'y  est  laissé  entraîner.  Autant  que  nous  pouvons  juger,  Vézines  ne  voulait  ni 
trahir  la  cause  réformée,  ni  livrer  les  secrets  de  Condé,  mais  les  graves  et  douloureux 
événements,  qu'il  entrevoyait  dans  un  avenir  rapproché,  le  jetaient  dans  une  cruelle 
perplexité.  Il  était  huguenot,  mais  l'esprit  de  parti,  le  fanatisme  n'avaient  pas  étouffé 

(1)  Le  nom  de  M.  de  Clervant  reparaîtra  plus  d'une  fois  dans  le  cours  de  ce  travail  ;  c'est  un  des 
chefs  huguenots  qui  jouèrent  le  rôle  le  plus  actif  dans  les  troubles  de  celte  époque.  Suivant  la 
Biographie  générale  de  MM.  Firmin  Didot,  Claude-Antoine  de  Vienne,  baron  de  Clervant,  était  issu 
(le  la  famille  des  ducs  de  Bourgogne.  Né  vers  1505  à  Metz,  il  fut  le  premier  gentilhomme  de  cette  ville 
qui  embrassa  le  protestantisme,  et  l'homme  qui,  par  l'ardeur  de  son  prosélytisme,  contribua  le  plus 
aux  progrès  de  la  Réforme  dans  le  Nord-Est  de  la  France;  il  assista  en  1575  au  traité  conclu  entre  le 
Palatin  et  le  Prince  de  Condé,  et  amena  à  ce  dernier  les  deux  mille  reitres  que  le  duc  de  Guise  battit 
près  de  Château-Thierry;  il  fut  fait  prisonnier  dans  cette  affaire.  Il  mourut  quelques  années  plus  lard 
sans  que  l'on  sache  précisément  en  quel  lieu  ni  à  quelle  époque. 

(2)  Arch.  de  Genève.  Porte f.  Iiist.,  N"  19C5. 


34  GENÈVE,    LE    PARTI   HUGUENOT 

chez  lui  le  sentiment  national  et  patriotique.  Il  assistait  avec  angoisse  aux  préparatifs 
de  Condé  et  des  nombreux  mécontents  qui  se  groupaient  autour  de  lui  ;  il  prévoyait 
que,  quelques  semaines  plus  tard,  le  fléau  de  la  guerre  civile  allait  fondre  de  nouveau 
sur  son  pays  et  que  Condé  allait  franchir  la  frontière,  entraînant  à  sa  suite  les  soldats 
du  Palatin,  c'est-à-dire  l'étranger.  Ce  qui  devait  l'impressionner  le  plus  vivement, 
c'était  la  triste  perspective  de  voir  Condé  rentrer  en  France  avec  l'appui  de  l'étranger, 
avec  l'aide  de  ces  reîtres  qui  avaient  si  souvent  ravagé  les  plus  riches  provinces  ;  son 
cœur  saignait  ;  il  se  sentait  frappé  dans  son  patriotisme  et,  cependant,  il  sentait  que 
Condé  et  ses  partisans  étaient  poussés  dans  cette  voie  par  une  sorte  de  fatalité  : 

«  J'estime,  dit-il  dans  son  mémoire,  tous  les  chefs  de  nostre  parly  seigneurs 
«  d'honneur  et  bons  Français,  mais  j'ay  suspect  ce  qui  peult  écheoir  en  tous  hommes, 
«  tant  vertueux  et  résolus  soient-ils,  c'est  que  la  nécessité  leur  suggère  de  consentir 
«  à  ce  qu'ils  auroient  tousiours  réprouvé  auparavant.  » 

La  lettre  et  le  mémoire  de  Vézines  révèlent  les  secrètes  angoisses,  les  dou- 
loureuses appréhensions  qui  devaient  assiéger  le  cœur  de  nombreux  huguenots.  Dans 
sa  lettre,  datée  de  Morges  le  15  août,  Vézines  annonce  qu'il  va  supplier  Condé  de 
renoncer  à  l'expédition  qui  se'prépare;  il  assure  que,  pour  lui,  il  entend  se  retirer 
a  sans  plus  se  mesler  que  de  son  fait  particulier.  »  Toutefois  il  soumet  à  M.  de  Hau- 
tefort,  l'ambassadeur  du  Roi,  une  proposition  qui  avait  quelque  chose  de  fort  équivoque 
et  qui  l'exposait  à  passer  pour  un  traître  ou  un  espion.  Il  otïre  à  M.  de  Hautefort  de 
continuer  à  s'occuper  des  affaires  de  la  religion  réformée,  pour  connaître  d'autant 
mieux  les  moyens  de  tendre  à  la  paix.  C'était  accepter  un  rôle  des  plus  compromettants 
et  on  serait  en  droit  d'apprécier  sévèrement  la  conduite  de  Vézines,  s'il  n'avait  pris 
soin,  dans  la  même  lettre,  de  nous  éclairer  sur  la  véritable  portée  de  ses  paroles  : 

«  Cependant,  Monsieur,  dit-il,  afin  qu'on  ne  pense  point  que  je  veuille  faire 
«  quelque  chose  clandestinement,  je  vous  supplieray  ne  laisser  penser  à  leurs 
«  Maieslés  que  je  veuille  décliner  de  la  fidélité  d'homme  de  bien  en  ce  qui  me  seroit 
«  commandé  par  mondict  Seigneur  le  Prince,  car  au! tant  que  je  sçny  que  l'indi- 
ce gnation  de  leurs  Maiestés  m'importe  de  la  vie  et  du  bien,  je  considère  aussy  que  la 


ET   LE  TRAITÉ   DE   SOLEURE  35 

«  défiance  et  mauvaise  opinion  de  ceulx  de  ce  party  m'importerait  de  mon  honneur.  » 
La  déclaration  contenue  dans  ce  passage  est  d'un  iiomme  de  bonne  foi  et  d'hon- 
neur et  on  en  peut  inférer  que,  si  Vézines  acceptait  un  rôle  compromettant,  il  ne 
croyait  nullement  trahir  ses  amis  et  sa  religion. 

Vézines  avait  joint  à  sa  lettre  un  mémoire  détaillé  dans  lequel  il  donnait 
divers  renseignements  et  répondait  aux  questions  posées  par  M.  de  Hautefort  ;  il  y  a 
dans  cet  écrit  bien  des  allusions  dont  nous  avons  perdu  la  clef,  mais  il  est  intéressant 
de  constater  l'esprit  général  qui  anime  l'auteur.  Ce  que  Vézines  redoute  par-dessus 
tout,  ce  qu'il  réprouve,  c'est  l'alliance  de  Condé  avec  l'étranger,  notamment  avec  le 
Palatin  ;  par  contre,  ce  qu'il  appelle  de  tous  ses  vœux,  c'est  une  paix  loyale,  acceptée 
par  la  cour  et  par  les  huguenots.  Il  déclare  de  la  manière  la  plus  explicite  qu'en 
aucun  cas  il  ne  prêtera  les  mains  à  certaines  alliances  ou  intrigues  anti-nationales  ; 
non  seulement,  dit-il,  il  n'y  consentira  pas,  mais  il  en  avertira  leurs  Majestés  et  leurs 
ministres  et  au  besoin  il  prendra  même  les  armes  «  avec  ceulx  qui  s'y  vouldroient 
opposer.  » 

C'était  sans  doute  parler  en  patriote,  mais  Vézines  oubliait  trop  aisément  que 
la  Reine-Mère  et  Henri  III  avaient  mis  les  huguenots  hors  la  loi  et  que  Condé,  persé- 
cuté, réduit  au  désespoir,  n'avait  plus  le  choix  des  moyens  ;  il  oubliait  surtout  que  le 
prince  de  Condé  n'était  pas  le  premier  à  faire  appel  à  l'étranger  et  que  Henri  III 
s'appuyait  lui-même  sur  les  Suisses  et  les  reîtres  (1). 

(1)  Les  huguenots  comprenaient  fort  bien  qu'on  pouvait  leur  reprocher  certaines  alliances,  mais 
ils  répondaient,  non  sans  raison,  qu'ils  n'avaient  pas  été  les  premiers  à  entrer  dans  celte  voie  funeste. 
Nous  relevons  dans  un  pamphlet  huguenot  du  temps  un  passage  où  l'auteur  répond  avec  une  extrême 
véhémence  aux  accusations  de  ce  genre  portées  par  son  adversaire  Charpentier.  En  lisant  ce  passage 
plein  d'une  juste  indignation,  nul  ne  contestera  les  sentiments  patriotiques  qui  animaient  le  pamphlé- 
taire huguenot  : 

«  Dis-moy  en  conscience  (si  toutefois  tu  en  as)  lesquels  des  deux  ont  les  premiers  amené  les  armées 
«  eslrangères  en  la  France,  ou  les  ont  encores  auiourdliuy  avec  eux,  les  nostres  ou  les  tiens?  Lesquels 
«  des  deux  y  ont  les  premiers  mis  les  Suysses,  les  Espagnols,  les  Allemans,  les  Italiens,  les  Corses, 
«  dont  elle  a  esté  pillée  et  saccagée  et  l'est  encore  plus  fort  aujourdhui  que  iamais?  Di  franchement, 
«  Gliarpentier,  et  ne  mens  point  selon  la  coutume,  et  ne  tourne  point  la  leste  de  honte,  ni  pourregar- 
«  der  ceux  que  lu  veux  flatter,  di  qui  des  tiens  ou  des  nostres  les  a  premièrement  mis  ou  bien  les  a 
«  pour  le  présent  en  France?....  Quant  à  présent  et  depuis  les  massacres,  nous  n'avons  pas  eu  un  seul. 


36  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Au  moment  où  Vézines  écrivait,  l'alliance  entre  Gondé  et  le  Palatin  était  déjà 
arrêtée  en  principe  et  le  mémoire  résume  en  quelques  mots  le  programme  politique 
que  les  alliés  devaient  publier  en  franchissant  la  frontière  de  France  :  liberté  aux 
villes  et  peuples  de  France,  une  manière  de  souveraineté  à  la  noblesse  et  à  tous  estats 
soulagement  pourveu  qiCils  recognoissent  l'Empire.  Que  faut-il  entendre  par  ces  mots  : 
pourveu  qu'ils  recognoissent  l'Empire  ?  Jamais,  ni  Condé,  ni  les  Montmorency  ne  purent 
concevoir  même  la  pensée  de  rendre  la  France  tributaire  de  l'Empire  germanique. 
Quoi  qu'il  en  soit,  Vézines  semble  reconnaître  lui-même  que  ses  renseignements  ne 
sont  pas  puisés  à  une  source  parfaitement  sûre:  «  Vous  me  dires,  écrit-il,  que  les 
«  premiers  propos  en  ont  esté  esventés  par  ung  prince  que  l'on  tient  n'avoir  grand 
«  esprit  et  je  vous  diray  que  tant  moings  doibt-on  donc  penser  qu'il  l'aye  inventé  et 
«  qu'au  contraire  de  l'abondance  du  cœur  la  bouche  parle.  » 

Vézines  paraît  avoir  attaché  peu  d'importance  à  la  capitulation  que  Condé 
allait  conclure  avec  le  Palatin  ;  il  savait  que  le  jeune  prince  était  à  court  d'argent  et 
il  prévoyait  que,  faute  d'être  payés,  les  reîtres  allemands  se  débanderaient  au  bout  de 
trois  mois  ;  en  outre,  il  insinue  que  la  discipline  sera  difficile  à  maintenir  et  que  les 
colonels  de  reîtres  seront  peu  respectés  de  leurs  troupes. 

Le  but  et  la  conclusion  du  mémoire,  c'était  le  rétablissement  de  la  paix  entre  les 
huguenots  et  la  Cour.  Vézines  désire  ardemment  la  paix,  et  il  offre  à  M.  de  Haute- 
fort  de  s'y  employer  activement.  Il  annonce  à  ce  propos  qu'il  est  question  de  l'envoyer 
à  la  diète  de  Ratisbonne  avec  une  mission  de  confiance,  «  pour  obtenir,  dit-il,  de 

«  homme  eslranger  en  toutes  nos  armées,  ce  que  tous  savent;  mais  les  tiennes  ensontencores  auiourdhuy 
"  toutes  pleines,  ce  que  tout  le  monde  voit  bien.  Et  ne  se  contentant  pas  mesmedu  grand  nombre  qu'ils 
«  ont  mis  dernièrement,  encores  ont  dépesché  Ghombert  et  Bassonpierre  en  Allemagne  el  plusieurs 
■'  autres  en  Suysse  el  en  Italie  pour  lever  une  nouvelle  armée  d'estrangers,  et  en  faire  venir  davantage  ; 
a  bref  pour  parachever  de  ruiner  du  tout  ce  pauvre  royaume  qui  ne  peut  plus  respirer.  Tellement  (lue, 
«  pour  en  dire  la  vérité,  les  tiens  invitent  toutes  nations  plusIosL  au  misérable  convoi  et  dernières 
"  funérailles  de  la  France  qui  se  meurt  (|ue  de  luy  donner  secours  ni  allégement  pour  le  faire  durer  el 
"  vivre.  » 

(Traitté  durjucl  on  peut  apprendre  en  quel  cas  il  est  permis  à  l'homme  chrestien  de  porter  les 
armes  et  par  lequel  est  respondu  à  Pierre  Charpentier  par  Pierre  Fabre,  à  Monsieur  de  Lomanie, 
baron  de  Terrideet  de  Sériniac,  traduit  du  latin,  1576,  sans  nom  de  lieu). 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  37 

«  l'Empereur  et  des  Estais  de  l'Empire  qu'ils  se  veuUent  mesler  de  moyenner  la  paix 
«  en  France.  »  Il  est  prêta  accepter  cette  mission,  afin  de  prévenir  de  tout  son  pouvoir 
le  mal  de  la  patrie  et  pour  convertir  aux  idées  de  paix  le  plus  de  gens  possible, 
«  mays,  ajoute-t-il,  je  ne  me  chargeray  d'aultre  chose  que  cela,  quoyqu'il  me  fust 
«  commandé  et  néantmoings  s'il  n'est  agréable  à  leurs  Maiestés  que  j'y  aille,  en 
«  estant  adverty  par  vous,  je  m'en  excuseray.  » 

En  terminant,  Vézines  adresse  un  pressant  appel  à  la  Reine-Mère  et  à 
Henri  III,  les  suppliant  de  faire  des  concessions  qui  pui  sent  faciliter  les  négociations  ; 
il  les  engage  à  faire  ces  concessions,  afin  d'éviter  de  plus  graves  inconvénients.  Ce 
passage  du  mémoire  est  l'un  des  plus  caractéristiques  et  mérite  d'être  cité 
textuellement  : 

«  Ce  seroit  ung  beau  moyen  pour  remédier  à  beaucoup  d'inconvénients,  si  leurs 
«  Maiestés  concluoient  d'heure  la  négociation  de  paix  et  si  tant  estoit  que,  pour  la 
«  nécessité  du  temps,  leurs  Maiestés  concédassent  quelque  chose  qui  leur  tournast  à 
«  quelque  peu  d'incommodité,  considérant,  s'il  leur  plaist,  que  c'est  pour  leur  en 
«  éviter  de  plus  grandes  et  mesraes  qu'elles  ont  des  serviteurs  entre  ceulx  de  nostre 
«  religion  qui  moyenneront  bien  avec  le  temps  que  les  choses  se  réparent  et  remettent 
«  au  gré  et  contentement  de  leurs  dictes  Maiestés.  » 

Th.  de  Bèze,  qui  soumit  au  Conseil  la  lettre  et  le  mémoire  de  Vézines,  accusa 
sans  hésitation  ce  dernier  de  trahir  Condé  et  la  cause  réformée.  L'historien  impartial 
peut-il  ratifier  ce  jugement?  De  la  lecture  attentive  des  deux  pièces  précitées,  il 
résulte  que  Vézines  sentit  son  cœur  de  patriote  se  serrer  à  la  pensée  des  fléaux 
qu'une  nouvelle  guerre  religieuse  allait  déchaîner  sur  la  France  ;  il  éprouva  une  dou- 
loureuse émotion  en  apprenant  que  Condé  et  ses  partisans  allaient  attirer  sur  leur 
pays  toutes  les  calamités  de  l'invasion  étrangère;  il  crut  pouvoir  conjurer  l'orage  et 
entra  dans  ce  but  en  relations  avec  l'Ambassade  de  France.  Dans  sa  lettre  ou  dans 
son  mémoire  demande-t-il  quelque  chose  pour  lui,  de  l'argent  ou  des  honneurs  ? 
Nullement  ;  il  demande  la  paix  pour  la  France  ;  il  supplie  le  roi  de  faire  des  concessions, 
afin  d'éviter  les  horreurs  d'une  nouvelle  guerre  civile  ;  il  otTre  de  ^entremettre  lui- 


38  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

même  pour  faciliter  une  transaction.  Son  langage  et  son  attitude  sont  d'un  patriote, 
plutôt  que  d'un  sectaire,  et  rappellent  les  efforts  à  la  fois  si  désintéressés  et  si  inutiles 
de  ces  hommes  de  cœur  et  d'intelligence  qui  formèrent  sous  les  derniers  des  Valois  le 
parti  des  Politiques.  Mais  pour  Th.  de  Bèze,  Vézines  n'était  qu'un  traître,  parce  que 
la  préoccupation  du  but  théologique  et  les  passions  religieuses  avaient  émoussé  chez 
l'illustre  réformateur  le  sentiment  patriotique  ou  national.  En  réalité,  Th.  de  Bèze 
n'était  ni  Français,  ni  Genevois,  il  était  huguenot  ;  ce  qu'il  voulait  avant  tout,  c'était 
le  triomphe  de  la  Réforme  et  la  grandeur  du  but  lui  faisait  perdre  de  vue  toute  autre 
considération. 

Les  efforts  de  Vézines  en  vue  d'une  transaction  pacifique  n'obtinrent  aucun 
résultat,  et  ses  démarches  auprès  de  M.  de  Hautefort  restèrent  infructueuses. 
Du  côté  des  huguenots,  on  se  préparait  activement  à  la  guerre.  Aux  premiers  jours 
de  septembre,  Thoré  écrivit  de  Strasbourg  au  Conseil  de  Genève  que,  «  partant  pour 
«  aller  en  France,  il  ne  l'a  voulu  faire  sans  prendre  congé  de  la  Seigneurie,  les  remer- 
«  ciant  de  tant  de  bien  et  d'honneur  qu'il  en  a  receu,  offrant  luy  faire  service  là  où  il 
aura  moyen  (1).  »  Quelques  semaines  après,  Thoré  rentrait  en  France  les  armes  à  la 
main. 


CHAPITRE  IV 

Missive  de  Condé  au  Palatin,  —  Capitulation  conclue  entre  Condé  et  le  Palatin,  —  Embarras  pécuniaires 
de  Condé  et  de  Laval.  —  Genève  fait  un  prêt  au  Palatin. 

Le  48  septembre  1575,  Condé  adressa  de  Strasbourg  au  Palatin  une  Missive 
qui  était  à  la  fois  un  manifeste  politique  et  une  déclaration  de  guerre  à  la  Cour  de 
France  {%.  Le  but  de  ce  document  était  d'exposer  publiquement  les  motifs  qui  obli- 

(t)  Séance  du  Conseil  du  9  septembre  1575. 

(2)  Voici  le  litre  exact  de  ce  curieux  document  que  nous  n'avons  vu  cité  nulle  part  :  «  Missive 
de  très  illustre  iirincc,  Henry,  prince  de  Condé,  duc  de  Bourbon,  etc.,  envoyée  à  très  illustre  prince 
.Jean  Casinir  (sic),  conte  Palatin  du  Rhin,  duc  de  Bavière,  etc.  Escrite  de  Strasbourg,  le  18  de 
septembre  1575-1575,  sans  désignation  de  lieu.  » 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  39 

geaienl  Condé  et  ses  coreligionnaires  à  défendre  leurs  droits  par  les  armes  et  à 
demander  l'intervention  et  l'appui  du  Palatin.  Condé  rappelle  que  les  Réformés  français 
n'ont  cessé  d'être  molestés  et  persécutés  de  toute  manière  et  que  lui-même  a  épuisé 
«  tous  les  moyens  les  plus  doux  et  gratieux  »  pour  obtenir  justice.  Les  requêtes  et 
remontrances  au  Roi  ayant  été  sans  effet,  Condé  se  voit  réduit  à  chercher  par  les 
armes  le  redressement  des  abus  : 

a  Voyant,  dit-il,  que  tels  remèdes  tant  s'en  faut  qu'ils  ayent  adouci  les  playes  que 
«  plustost  ils  les  ont  aigries  et  envenimées.  Davantage  ayant  trouvé  une  très  mauvaise 
«  disposition  au  corps  de  l'Estat,  il  m'a  convenu  à  mon  très  grand  regret  de  faire 
c  comme  le  sage  médecin  et  essayer  toute  extrémité  en  un  mal  extrême,  adiouslant  le 
«  cautère  des  armes  à  la  playe,  puisque  l'équité  de  mes  très  humbles  requestes  et 
«  remonstrances  ne  l'ont  peu  guérir.  Pourquoy  m'estant  résolu  en  moi-mesme,  pour  ne 
«  voir  plus  aucune  espérance  d'amendement  par  la  voye  de  douceur,  de  recourir  aux 
«  armes  et  de  mourir  plus  tost  honorablement  que  de  voir  plus  longtemps  le  service  de 
«  Dieu  foulé  aux  pieds  et  ma  patrie  en  un  estât  si  misérable  qu'il  y  a  bien  peu  d'espè- 
ce rance  qu'elle  s'en  puisse  relever.  » 

Après  cet  énergique  exorde,  Condé  supplie  le  Palatin  d'avoir  compassion  des 
pauvres    Eglises    de    France  et    de  prendre    en    considération  le   piteux  état  du 
royaume  ;  il  rappelle,  avec  une  passion  contenue,  les  derniers  épisodes  des  troubles 
civils,  la  St-Rarthéiemy  et  ses  horreurs  ;  il  déclare  que,   pour  échapper  à  une  mort 
certaine,  il  s'est  vu  contraint  de  prendre  la  fuite  et  de  se  retirer  à  Strasbourg  «  avec 
ses  cousins  Messieurs  Méru  et  de  Thoré  »  ;  il  annonce  en  outre  que  Monsieur,  frère  du 
Roi  (le  duc  d'Alençon),  se  voyant  en  extrême  danger,  a  pris  le  parti  de  se  sauver  et 
qu'il  se  trouve  en  armes  à  ce  moment,  entouré  d'un  grand  nombre   de  seigneurs  et 
de  gentilshommes,   prêts  à  tout  risquer  pour  rétablir  les    choses  en  bon  ordre; 
Condé  indique  ensuite  en  quelques  mots  le  but  de  la  guerre  et  les  conditions  à  obtenir 
du  Roi  :  l'exercice  libre  et  général  de  la  Religion  réformée  et  la  convocation  des  Etats- 
Généraux  «  pour  rétablir  l'ordre  et  police  du  Royaume,  faire  administrer  la  justice 
4  comme  il  appartient,  distribuer  et  conférer  les  charges,  estats,  honneurs  et  dignités 
«  à  ceux  qui  en  sont  capables,  descharger  le  poure  peuple  de  la  foule  et  oppression 


40  GENÈVE,    LE   PARTI   HUGUENOT 

a  qu'il  souffre,  punir  les  massacres  et  massacreurs,  oster  aux  estrangers,  ennemis  et 
«  perturbateurs  du  repos  public,  l'administration  de  Testât  et  les  empescher  d'esire 
«  plus  inventeurs  des  daces  (taxes),  imposls  et  subsides  intolérables.  » 

Ce  programme  de  réformes  utiles  et  populaires  aurait  pu  être  accepté  sans 
arrière-pensée  par  tout  bon  Français,  quelque  fût  son  culte.  Condé  assumait  un  beau 
rôle  en  réclamant  la  convocation  des  Etats-Généraux  et  en  faisant  appel  à  la  repré- 
sentation nationale  pour  rétablir  l'ordre  et  la  paix  en  France.  En  un  mot,  Condé  ne 
se  présentait  plus  comme  le  chef  exclusif  d'une  secte  ou  d'un  parti  religieux,  mais 
comme  le  défenseur  des  droits  des  Etats-Généraux,  comme  le  vengeur  des  libertés 
perdues,  comme  le  protecteur  du  pauvre  peuple,  foulé  aux  pieds  et  livré  aux  exactions 
de  tout  genre.  Malheureusement,  il  y  avait  une  ombre  au  tableau  ;  pour  accomplir  ces 
réformes,  Condé  faisait  appel  à  l'étranger.  Condé  concluait  en  suppliant  le  Palatin  de 
lui  accorder  son  concours,  de  prendre  en  main  la  défense  des  opprimés  et  de 
«  restituer  par  la  voie  de  la  force  le  service  de  Dieu  et  Testât  et  royaume  de  France 
«  en  leur  ancienne  intégrité  et  splendeur.  »  Parmi  ceux  qui  demandaient  l'intervention 
du  Palatin,  Condé  faisait  figurer  non  seulement  ses  cousins  les  Montmorency,  mais 
encore  le  propre  frère  du  Roi,  le  duc  d'Alençon. 

Le  Palatin,  qui  avait  déjà  secouru  en  1568  les  huguenots,  répondit  favorable- 
ment à  l'appel  de  Condé,  mais  il  n'était  pas  homme  à  s'embarquer  à  l'aventure  et  à 
prendre  les  armes  par  pur  dévouement  à  la  cause  réformée.  Des  négociations  s'étaient 
ouvertes  et  elles  aboutirent  à  un  traité  solennel  passé  le  27  septembre  1575,  dix  jours 
à  peine  après  la  publication  de  la  Missive  de  Condé  ;  cette  dernière  pièce  avait  été 
évidemment  rédigée  et  publiée  pour  expliquer  et  justifier  le  traité  qui  allait  être  signé 
par  Condé  et  le  prince  allemand. 

Le  texte  de  ce  curieux  traité  est  demeuré  jusqu'à  présent  inédit  (1);  à  notre 
connaissance,  il  en  existe  deux  exemplaires  originaux,  l'un  conservé  à  la  Bibliothèque 
Nationale  de  Paris  (Colbert,  V.  399),  l'autre  aux  Archives  de  Genève  {Porte f.  hisl., 
N"  49G8).  M.  le  Duc  d'Aumale  mentionne  incidemment  ce  traité  dans  son  Histoire  des 

(1)  Nou.s  le  publions  aux  Pièces  juslificalives  d'après  l'original  des  Archives  de  Genève. 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  41 

Princes  de  Condé,  en  le  qualifiant  avec  sévérité  ;  il  en  parle  comme  d'un  accord 
odieux,  tout  à  la  fois  absurde  et  inexécutable  :  «  En  le  lisant,  ajoute-t-il,  on  ne  sait 
«  qu'admirer  le  plus,  ou  de  l'outrecuidance  des  prétentions  du  Palatin,  ou  de  la 
(f  naïveté  avec  laquelle  il  semble  recevoir  les  chimériques  engagements  de  ses 
«  alliés  »  (1). 

Chacun  comprend  aisément  l'indignation  que  peut  éprouver  un  bon  Français  en 
lisant  un  traité  qui  attirait  sur  le  royaume  le  fléau  de  l'invasion  étrangère,  mais,  pour 
être  juste,  on  ne  saurait  oublier  que  Condé,  alors  âgé  à  peine  de  vingt-trois  ans,  subissait 
l'influence  exclusive  de  son  entourage  et  que  le  traité  avec  le  Palatin  fut  conclu  non 
seulement  avec  l'approbation  expresse  des  plus  grands  seigneurs  huguenots  (2),  mais 
encore  avec  l'assentiment  du  premier  prince  du  sang,  du  duc  d'Alençon,  le  propre 
frère  du  Roi. 

Le  traité  avec  le  Palatin,  qui  servit  de  préface  à  la  campagne  de  1575,  mérite 
d'être  étudié  de  près  et  analysé. 

Au  début,  Condé  déclare  qu'il  a  très  instamment  «  recerché  et  prié  son  cousin 
«  le  duc  Jean  Casimir,  comte  Palatin  du  Rhin,  d'avoir  pitié  du  misérable  estât  de  la 
«  couronne  et  des  Eglises  de  France  et  prendre  la  charge  d'y  mener  et  commander 
«.  une  bonne  armée.  »  Le  Palatin,  accédant  à  ce  désir,  s'engage  non  seulement  à 
mener  et  à  commander  les  6,000  reîtres  que  les  colonels  Henri  de  Stein,  Jean  de 
Rouch  et  Georges  de  Derse,  ont  fournis  à  Condé  par  des  capitulations  distinctes,  mais 

(1)  Histoire  des  princes  de  Condé  pendant  les  XVI'  et  XVIP  siècles,  par  le  duc  d'Aumale,  Paris, 
1864,  t.  II,  p.  HO. 

(2)  Dans  le  préambule  du  traité,  Condé  déclare  expressément  qu'il  agit  tant  en  son  nom  personnel 
qu'au  nom  de  ses  «  très  chers  et  aimés  cousins  MessieursHenry  de  Alontmorency,  S'  d'Anville,  Maresclial 
«  de  France  et  gouverneur  pour  le  Roy  en  Languedoc,  Charles  de  Montmorency,  S'  de  Méru,  colonnel 
'<  général  des  Suisses  et  capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances,  Guillaume  de 
«  Montmorency,  seigneur  de  Tlioré,  colonel  et  général  de  la  cavalerie  légière  en  Piémont,  aussi  capitaine 
«  de  cinquantejhommes  d'armes  de  ses  dictes  ordonnances,  François  de  Ferrières,  prince  de  Chabanois, 
«  Vidame  de  Chartres,  des  contes  de  Laval  et  de  tous  Français  généralement  de  quelque  des  deux 
«religions,  réformée  ou  catholique.  »  Condé  comptait,  on  le  voit,  de  nombreux  alliés  et  partisans 
dans  l'élite  de  la  noblesse  française. 


42  GENÈVE,    LE    PARTI    HUGUENOT 

en  outre  à  lever  de  son  chef  2,000  chevaux  et  8,000  Suisses  (1),  en  faisant 
l'avance  des  frais  de  levée  et  d'enrôlement  :  le  Palatin  s'engage  encore  à  fournir  du 
sien  4  canons,  12  ou  45  pièces  de  campagne  et  les  munitions  nécessaires;  il  est 
toutefois  stipulé  que  le  Palatin  commandera  en  sous  ordre  et  que  Gondé  sera  le  géné- 
ral en  chef  de  l'armée  d'invasion. 

En  accordant  à  Gondé  son  concours,  le  Palatin  faisait  ce  qu'on  appelle  vulgaire- 
ment une  bonne  affaire  ;  son  appui  coûtait  cher,  comme  on  en  pourra  juger  par  cer- 
taines des  conditions  stipulées  dans  le  traité,  conditions  que  nous  allons  énumérer  : 

1°  Condé  s'engageait  à  fournir  à  l'armée  d'invasion  l'appoint  de  forces  françaises 
et  autres  et  à  se  rencontrer  avec  ses  troupes  sur  un  point  qui  serait  désigné  d'un 
commun  accord.  Gondé  et  le  Palatin  devaient  ensuite  s'entendre  sur  un  ordre  de  mar- 
che ets'acheminer  ensemble,  de  manière  à  opérer  leur  jonction  avec  le  maréchal  de 
Damville  qui  devait  amener  de  son  côté  dix  ou  douze  mille  arquebusiers  et  deux  mille 
chevaux.  Gondé  s'engageait  d'autre  part  à  prendre  à  sa  solde  les  2,000  reîtres,  les 
8,000  Suisses  et,  d'une  manière  générale,  toutes  les  troupes  que  le  Palatin  aurait 
levées:  «  Promectons  et  nous  obligeons,  disait  la  capitulation,  de  les  payer  et 
«  contenter  tous  pour  leur  payement  avant  que  de  nous  ou  nos  armées  séparer  l'ung 
«  l'auUre  en  quelque  sorte  et  manière  que  ce  soit,  soit  que  ledict  S"'  Duc  ou 
«  nous  mourions  ou  vivions.  » 

Gondé  assumait  imprudemment  une  lourde  responsabilité  en  prenant  à  sa 
charge  la  solde  de  toutes  les  troupes  ;  nous  verrons  plus  loin  que  ses  ressources 
étaient  des  plus  bornées  et  qu'il  en  était  réduit,  depuis  son  départ  de  France,  à 
compter  sur  l'emprunt. 

2"  Gondé  s'engageait  à  ne  tenir  aucun  conseil,  à  ne  traiter  aucune  affaire 
concernant  la  guerre,  à  ne  signer  ni  paix,  ni  trêve,  sans  le  consentement  ou  en 
l'absence  du  Palatin  ;  il  promettait  de  môme,  que  ni  lui,  ni  ses  gentilshommes, 
capitaines  ou  soldats,  ne  se   retireraient   par  troupes  ou  isolément,  sans  le  plein 

(1)  «  Ou  tant  Suisses  ([u'aullres  gens  de  pied.  » 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  43 

consentement  du  Palatin  ;  en  acceptant  celte  clause,  Condé  aliénait  complètement  son 
indépendance  et  faisait  du  Palatin  le  chef  véritable  de  l'expédition. 

Le  3«  article  de  la  capitulation  sanctionnait  l'alliance,  contractée  en  1574,  sous 
les  auspices  du  maréchal  de  Damville,  entre  les  huguenots  et  les  catholiques  paisibles  ; 
Condé  promettait  d'exécuter  de  point  en  point  ce  pacte  d'association  et  se  faisait  fort 
d'obtenir  que  le  maréchal  de  Damville  et  les  seigneurs  et  gentilshommes  de  la  dite  asso- 
ciation fissent  cause  commune  avec  l'armée  d'invasion. 

4»  Condé  s'engageait  à  payer  chaque  mois  au  Palatin,  tant  que  durerait  l'expé- 
dition, 12,000  écus  soleil  pour  sa  table,  sa  solde  et  son  état  ;  la  solde  des  serviteurs 
du  Palatin  et  les  frais  d'entretien  de  ses  chevaux  devaient  être  payés  à  part.  En  outre, 
le  Palatin  s'étant  réservé  la  charge  de  colonel  du  régiment  de  cavalerie  qu'il  devait 
lever  lui-même,  Condé  s'engageait  à  lui  payer  chaque  mois  la  même  solde  qu'aux 
autres  colonels.  Condé  prenait  à  sa  charge  toutes  les  munitions  qui  devaient  être 
fournies  aux  troupes  du  Palatin  et  s'engageait  à  rembourser  à  son  allié  le  prix  de 
tout  ce  qui  aurait  été  consommé  en  munitions  ou  perdu  en  artillerie  et  chevaux. 

Comme  on  le  voit,  toutes  les  charges  de  la  campagne  devaient  être  supportées 
par  Condé  et  les  huguenots,  mais  le  Palatin,  profitant  de  l'inexpérience  du  jeune 
prince,  avait  en  outre  obtenu  de  lui  d'autres  concessions  que  M.  le  duc  d'Aumale  qualifie 
non  sans  raison  d'exorbitantes.  En  effet,  par  l'art.  5  de  la  capitulation,  Condé 
s'engageait  à  ne  pas  déposer  les  armes,  à  ne  conclure  aucun  traité  de  paix,  avant  que 
le  duc  Jean  Casimir,  fils  du  Palatin,  eût  été  installé  par  le  Roi  comme  gouverneur  et 
lieutenant  général  des  villes  de  Metz,  Toul  et  Verdun,  citadelles  et  dépendances  ;  cette 
concession  était  faite  en  reconnaissance,  dit  le  traité,  «  des  grans  et  indicibles  services 
«  que  ledict  S"'  Duc  ha  faict  cy  devant  et  faict  encores  à  la  couronne  de  France  et  des 
«  faveurs  qu'il  nous  monstre  par  effect.  »  En  réalité,  le  duc  Jean  Casimir  devait 
entrer  en  possession  non  seulement  du  titre,  des  émoluments  et  autres  avantages  de 
gouverneur  des  trois  villes,  mais  il  obtenait  en  outre  la  jouissance  pleine  et  libre  du 
temporel  des  trois  évêchés,  ces  trois  évêchés  de  iMetz,  Toul  et  Verdun,  que  l'Empire 


44  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

convoitait  depuis  longtemps  (1).  Cette  grave  concession,  qui  entraînait  l'aliénation 
d'une  partie  du  domaine  de  la  Couronne  et  du  territoire  national,  était  faite  à  des 
conditions  fort  curieuses  :  Le  Palatin  devait  prêter  serment  de  «  bien  et  loyalement 
servir  »  le  Roi  en  sa  qualité  de  gouverneur  de  Metz,  Toul  et  Verdun,  comme  les 
gouverneurs  des  autres  provinces  de  France.  Il  devait  affecter  les  fruits  du  temporel 
des  trois  évèchés  à  l'entretien  de  l'Eglise  réformée  et  des  Ministres.  Il  lui  était 
enjoint  de  ne  mettre  en  garnison  dans  les  trois  villes  et  leurs  citadelles  que  des 
soldats  et  olficiers  français  du  culte  réformé,  «  lesquels,  dit  le  traité,  tant  capitaines, 
«  officiers  que  soldats  ayant  tesmoignage,  chacun  de  son  Eglise,  d'estre  de  la  religion 
«;  réformée.  » 

D'autre  part,  il  demeurait  entendu  qu'une  fois  la  paix  conclue,  le  Palatin  jouirait 
des  émoluments  et  pensions  d'un  prince  français  de  sa  qualité  «.  telle  qu'il  aura 
occasion  de  s'en  contenter.  »  En  attendant,  Condé  lui  attribuait  une  pension  de 
6,000  écus  par  an  sur  les  revenus  des  Eglises  du  Languedoc. 

L'article  6  du  traité  stipulait  qu'à  la  conclusion  de  la  paix,  Condé  déposerait  à 
Metz  ou  à  Strasbourg,  au  choix  du  Palatin,  une  somme  de  200,000  écus  soleil  qui 
devait  former  une  sorte  de  fonds  de  réserve  pour  le  cas  où  le  Palatin  devrait 
reprendre  les  armes  en  faveur  des  réformés  français  ;  le  Palatin  était  autorisé  à 
prélever  sur  cette  somme  le  montant  des  pensions  qui  lui  étaient  allouées. 

Par  l'article  7  et  dernier,  Condé  s'engageait  solennellement  à  ne  pas  «  descendre 
de  cheval,  »  et  à  ne  conclure  ni  accord,  ni  traité,  avant  d'avoir  intégralement  remboursé 
au  Palatin  tout  ce  qui  pouvait  lui  être  dû  soit  du  fait  des  guerres  antérieures,  soit  du 
fait  de  l'expédition  qui  allait  être  entreprise.  C'était  à  coup  sûr  assumer  une  lourde 
lâche,  car  il  y  avait  un  arriére  considérable  à  solder  :  en  premier  lieu  100,000  flo- 
rins que  le  Palatin  et  d'autres  princes  d'Allemagne  avaient  fournis  pour  le  voyage 

(1)  Moyennant  cette  cession,  le  Palatin  faisait  l'abandon  d'une  somme  de  95,000  florins 
d'Allemagne  due  |iour  le  .secours  (|u'il  avait  autrefois  [)rêté  au  père  de  Condé  et  aux  Eglises 
n-lormées  de  France;  l'obligation  du  |ircmier  des  Condcs  avait  clé  reconnue  et  ratifiée  depuis 
par  le  Itoi  de  Navarre,  l'Amiral  Coligny  et  par  Henri  de  Condé  lui-même. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  45 

d'un  certain  colonel  Bolzhausen  ;  puis,  50,000  écus  que  le  Palatin  prêtait  pour 
Condéà  la  reine  d'Angleterre  (1)  ;  enfin  200,000  florins  d'une  dette  qui  remontait  à  la 
première  campagne  de  France. 

Certes,  toutes  ces  clauses  et  conditions  étaient  bien  dures  pour  Condé  et  ses 
amis  et  elles  auraient  paru  inacceptables  à  d'autres  qu'à  un  jeune  prince  proscrit 
qui  sacrifiait  tout  au  désir  de  rentrer  en  France  les  armes  à  la  main.  Comment  un 
prince  français  put-il  se  résoudre  à  signer  une  capitulation  qui  introduisait  l'étranger 
en  France  et  qui  livrait  au  Palatin  trois  villes  importantes,  Toul,  Metz  et  Verdun  ? 
C'était  là  sans  doute  une  dangereuse  et  criminelle  concession;  malheureusement,  on 
n'y  regardait  pas  de  si  près  au  XVP  siècle  et  les  partis  en  présence,  la  Royauté  elle- 
même,  ne  se  faisaient  aucun  scrupule  de  faire  appel  à  l'étranger. 

Au  moment  décisif  où  Condé  allié  au  Palatin  se  disposait  à  franchir  la  frontière 
de  France,  les  Registres  du  Conseil  de  Genève  fournissent  de  curieux  détails  sur  la 
situation  et  les  agissements  des  huguenots  réfugiés.  Le  23  août,  il  est  question  de 
nouveau  de  Gui  de  Laval,  qui  priait  instamment  le  Conseil  de  lui  prêter  1,500  écus. 
Le  Conseil  décide  d'abord  de  ne  lui  prêter  que  1,000  écus,  puis,  sur  les  instances  des 
agents  de  Laval,  il  se  ravise  et  prêle  1,200  écus.  Le  9  septembre,  Montmorency 
de  Thoré  écrit  de  Strasbourg  que  «  partant  pour  aller  en  France,  il  ne  l'a  voulu 
«  faire  sans  prendre  congé  de  la  Seigneurie,  les  remerciant  de  tant  de  bien  et  d'hon- 
«  neur  qu'il  en  a  receu,  offrant  luy  faire  service  là  oîi  il  aura  moyen.  » 

Le  Registre  du  13  septembre  nous  met  au  courant  des  embarras  pécuniaires  dans 
lesquels  se  trouvait  Condé  et  qui  le  poussaient  sans  doute  aux  résolutions  désespérées. 
Le  jeune  prince  avait  emprunté  à  divers  particuliers  de  Genève  la  somme  de  10,000 
écus  ;  il  avait  été  obligé,  non  seulement  de  fournir  des  cautions,  les  S'''  de  Clervant 
et  de  Vézines,  mais  il  avait  en  outre  laissé  en  garantie  des  bijoux  évalués  à  14,500 
écus.  Les  créanciers,  ne  pouvant  se  mettre  d'accord  sur  la  personne  qui  resterait 

(1)  On  ne  comprend  pas  trop  pourquoi  le  Palatin  prèlail  celte  forte  somme  à  la  Reine 
d'Angleterre  pour  Condé  ;  peut-être  faut-il  croire  que  le  Palalin  n'avait  pas  voulu  consentir  à 
faire  directement  à  Condé  l'avance  des  frais  de  l'expédition  et  qu'au  lieu  de  prêter  au  chef  des 
huguenots,  il  avait  exigé  la  garantie  de  la  Reine  d'Angleterre. 


46  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

dépositaire   de  ces  bijoux,    s'adressèrent   au   Conseil   qui  les  fit   déposer   dans   la 
grotte  de  l'Hôtel  de  Ville. 

Au  même  moment,  le  Palatin  lui-même  dépêchait  à  Genève  son  «  féal  et  amé 
«  Pierre  Beuttereich,  docteur-ès-loix,  à  l'effect,  disait-il,  de  traicter  choses  concer- 
«  nantes  l'establissement  de  l'honneur  et  gloire  de  Dieu  et  l'augmentation  de  nostre 
«  Estât  ».  En  réalité,  il  s'agissait  très  prosaïquement  d'obtenir  de  la  Seigneurie  un 
emprunt  de  40,000  écus  (1).  Au  premier  abord,  le  Conseil  se  montra  disposé  à 
accorder  le  prêt  demandé  «  sur  caution  suffisante,  à  raisonnable  interest  de  cinq  pour 
«  cent,  suivant  les  ordonnances  du  Si-Empire  ».  Mais  on  ne  se  pressa  pas  de  prendre 
une  décision  et  le  Palatin,  qui  comptait  sur  la  somme,  ne  tarda  pas  à  s'impatienter.  Il 
écrivit  au  Conseil  pour  lui  rafraîchir  la  mémoire  et  le  pria  de  lui  «  faire  tenir  promp- 
«  tement,  par  les  mains  du  présent  noslre  commis  et  député,  la  somme  demandée 
«  de  dix  mille  escus  ou  (si  commodité  ne  le  porte  aultrement)  de  huict  ou  pour  le 
«  moins  six  mille  escus  pour  nous  servir,  comme  dict  est.  En  ce  faisant,  ajoute-t-il, 
«  vous  nous  démonstrerez  office  de  bons  voisins,  qui  nous  sera  agréable,  lequel  non 
«  seulement  par  caution  suffiçante,  ains  aussi  par  tous  auUres  devoirs  et  moiens 
«  lascherons  de  recognoistre  en  vostre  endroict.  » 

La  nouvelle  démarche  était  pressante  et  il  était  difficile  de  refuser  au  plus  influent 
des  princes  protestants  d'Allemagne  le  service  qu'il  demandait  avec  tant  d'insistance, 
mais  que  faire  ?  Le  Conseil  lui-même  n'était  guère  en  situation  de  prêter  la  somme  ; 
il  décida  dans  sa  séance  du  20  octobre  de  s'excuser  auprès  de  l'Ambassadeur  en  allé- 
guant «  la  pauvreté  de  la  ville  et  les  charges  ».  Les  S''^  Roset,  Maillet  et  de  la 
Pale  furent  chargés  de  communiquer  cette  décision  à  l'agent  du  Palatin,  mais  Beutte- 
reich se  récria  et  laissa  entendre  qu'un  pareil  refus  paraîtrait  étrange  :  «  Au  moings, 
«  disait-il,  si  on  ne  pouvait  faire  tote  la  somme  qu'on  heust  faict  quelque  peu,  comme 
«  deux  ou  trois  mille  escus  ou  en  tout  cas  mille  escus.»  Le  Conseil,  se  rappelant  qu'il 

(1)  Voy.  ci-après  les  lettres  du  Palalin  à  «  Messieurs  les  Sin(li(|ues  et  Conseil  de  h  Cité  de 
Genève  »,  la  première  datée  de  llcidelbcrji  le  IC  septembre  1575,  la  seconde  du  2  octobre  de  la  même 
année. 


ET   LE   TRAITÉ   DE    SOLEURE  47 

s'agissait  de  la  cause  commune  et  craignant  sans  doute  d'indisposer  le  Palatin,  se  rési- 
gna finalement  à  prêter  2,000  écus  au  5%  pour  un,  deux  ou  trois  ans  (1). 

A  vrai  dire,  on  s'adressait  alors  au  Conseil  comme  on  l'eût  fait  à  un  banquier 
ordinaire.  Au  même  moment  où  le  Conseil  se  décidait  à  prêter  au  Palatin,  Henri  de 
Savoie,  baron  de  Nemours,  demandait  à  son  tour  à  emprunter  mille  écus  «  pour 
«  s'emploiera  la  première  occasion  au  service  de  Dieu  et  de  son  Eglise.»  Le  Conseil,  qui 
devait  être  fatigué  et  impatienté  de  ces  incessantes  demandes,  refusa  net,  «  parcequ'on 
«  n'a  les  moyens,  dit  le  Registre.  »  Quelques  semaines  plus  tard,  le  duc  d'Alençon, 
le  propre  frère  du  roi,  s'adressait  aussi,  comme  nous  le  verrons,  au  Conseil  pour 
emprunter  2,300  écus. 

Entre  temps  tout  se  préparait  pour  l'entrée  en  campagne  de  Condé  et  des  hugue- 
nots. A  la  fin  d'octobre,  Condé  écrivit  à  Genève  demandant  Th.  de  Bèze  comme  aumô- 
nier de  l'armée  qui  allait  entrer  en  France,  mais  le  Conseil  fit  la  sourde  oreille  : 
«  Arresté  qu'on  s'en  excuse,  »  dit  le  Registre.   Les  magistrats  genevois  avaient  un 
double  motif  pour  refuser  ;  ils  ne  voulaient  pas  exposer  aux  fatigues  et  aux  dangers 
de  la  guerre  un  homme  qui  était  devenu  à  Genève  à  peu  près  aussi  indispensable  que 
l'avait  été  Calvin;  puis,  la  présence  de  Th.  de  Bèze  au  quartier  général  de  Condé  était 
de  nature  à  compromettre  gravement  la  République  vis-à-vis  de  la  Cour  de  France. 
On  refusa  donc,  mais  le  Réformateur,  qui  ne  reculait  jamais  devant  les  résolutions 
énergiques  et  qui  faisait  passer  l'intérêt  du  protestantisme  avant  toute  autre  considé- 
ration, se  présenta  en  personne,  le  1"  novembre,  au  Conseil  pour  lui  demander  de 
revenir  sur  sa  décision.  Le  Prince,  ayant  des  choses  importantes  à  lui  communiquer, 
le  priait  instamment  d'accompagner  l'armée  en  France  ou  tout  au  moins  de  se  rendre 
auprès  de  lui  ;  Th.  de  Bèze  avait  pris  l'avis  de  ses  collègues  qui  l'avaient  engagé  à  se 
rendre  à  l'appel  du  Prince.  Le  Conseil,  qui  venait  de  refuser  formellement  quelques 

(1)  a  Là  dessus  d'aullant  qu'il  s'agit  de  la  cause  commune  el  qu'on  a  cy  devant  présenté  service  et 
«  beaucoup  d'offres  à  M.  le  Comte  Palatin,  arresté  qu'on  luy  preste  deux  mille  escus,  et  parcequ'on 
«  iuy  a  faict  entendre  qu'on  ne  se  pouvoit  obliger  à  Baslesans  les  Deux  Gens,  qu'on  les  prenne  vers  les 
«.  particuliers,  commettant  les  mêmes  S"^^  pour  luy  faire  la  responce  et  faire  passer  l'obligation  pour 
«  ung,  deux  ou  trois  ans,  et  à  censé  de  cinq  pour  cens  ». 


48  GENÈVE,   LE  PARTI  HUGUENOT 

jours  auparavant,  se  laissa  fléchir  et  autorisa  Th.  de  Bèze  à  s'absenter  pendant  trois 
semaines  ou  un  mois  au  plus;  il  fit  mieux,  il  lui  donna,  pour  l'accompagner,  une 
sorte  de  héraut  ou  d'huissier. 


CHAPITRE  V 

Le  duc  d'Alençon  se  joint  aux  mécontents,  —  8a  Protestation,  —  Il  envoie  un  émissaire  à  Genève  pour 
négocier  un  emprunt.  —  Le  Conseil  tente  les  premières  démarches  pour  obtenir  que  Genève  soit  comprise 
dans  l'alliance  de  la  France  avec  les  cantons  suisses. 

Tandis  que  Condé  se  disposait  à  rentrer  en  France  avec  l'aide  du  Palatin,  de 
graves  dissentiments  déchiraient  la  maison  de  France  et  la  Cour.  Le  duc  d'Alençon 
n'avait  jamais  aimé  son  frère,  qui  le  traitait  fort  mal.  Apprenant  les  préparatifs  qui  se 
faisaient  à  la  frontière,  il  jeta  le  masque,  prit  la  fuite  dans  la  nuit  du  15  septembre 
et  se  réfugia  à  Dreux,  ville  de  son  apanage,  où  il  fut  rejoint  peu  de  jours  après  par  le 
roi  de  Navarre.  De  Dreux  il  lança  une  protestation  qui  était  un  véritable  appel  à  la 
guerre  civile.  Il  déclarait  toutefois  dans  ce  manifeste  qu'il  n'avait  nulle  intention 
d'entreprendre  sur  l'autorité  du  Roi,  «  laquelle,  disait-il,  nous  désirons  conserver  et 
«  accroistre  de  tout  noslre  pouvoir,  mais  seulement  nous  employer  de  toutes  nos 
«  forces  voire  jusques  à  n'espargner  nostre  vie  et  biens  pour  déchasser  les  perturba- 
c  teurs  du  repos  public,  poursuyvre  la  iustice  de  tant  de  pilleries,  larrecins,  homicides 
«  et  massacres  inhumains  et  contre  tout  droit  commis  et  perpétrés  au  vu  et  seu  d'un 
«  chacun  (1).  »  Ainsi  le  duc  d'Alençon,  comme  Condé,  s'attaquait,  non  au  Roi,  mais 
aux  étrangers  qui  gouvernaient  et  exploitaient  la  France,  à  l'ombre  de  l'autorité 
royale.  Pour  rétablir  l'ordre  et  le  règne  des  lois,  il  réclamait  la  convocation  d'une 
assemblée  générale  et  libre  des  trois  Etats  du  royaume  «  convoquée  en  lieu  seur  et 
«  libre  et  de  laquelle  tous  estrangers  soient  exclus  »  ;  en  môme  emps  il  déclarait 
prendre  sous  sa  protection  et  sauvegarde  les  Français  des  deux  religions  et  garantis- 

(1)  Voir  le  toxle  de  cette  Protestation  dans  La  Popelinière,  «La  vraye  cl  entitVe  histoire  des  troubles 
cl  choses  inéiiiorables  advenues  tant  en  France  qu'en  Flandres  et  pays  circonvoisins  depuis  l'an  mil 
cinq  cens  soixante  et  deux,  à  liasle,  pour  Barthélémy  Germain,  l.'ÏTO,  lo.  II,  p.  158.» 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  49 

sait  aux  uns  et  aux  autres  le  libre  exercice  de  leur  culte  jusqu'à  ce  que  «  par  les 
«  Eslats  généraux  et  assemblée  d'un  saint  et  libre  concile,  il  soit  pourveu  sur  le  fait 
a  de  la  religion.  » 

La  Protestation  du  duc  d'Alençon,  très  habilement  rédigée,  était  de  nature  à 
faire  impression  sur  l'esprit  de  tous  les  mécontents,  qu'ils  fussent  catholiques  ou 
protestants  ;  la  Popelinière,  qui  est  du  parti  huguenot,  ne  peut  dissimuler  son 
admiration  pour  «  ce  prince  d'un  naturel  généreux,  ouvert  et  vrayement  François  et 
«  incompatible  avec  ceux  qui  ne  prennent  plaisir  qu'à  tyrannie,  ruine  et  désolation  ». 
Il  s'en  faut  que  ces  éloges  fussent  mérités;  si  le  duc  d'Alençon  se  trouvait  amené  par 
les  circonstances  à  prendre  le  parti  des  opprimés  contre  les  persécuteurs  et  à  défendre 
une  cause  juste,  il  n'en  était  pas  moins  le  digne  fds  de  Catherine  de  3Iédicis  parla  duplicité 
de  son  caractère  et  le  machiavélisme  de  ses  moyens.  En  même  temps  que  de  son  plein 
gré  il  se  plaçait  à  la  tête  des  huguenots,  il  envoyait,  suivant  de  Thou,  assurer  le  Pape 
qu'il  n'entendait  nullement  embrasser  la  cause  des  prétendus  réformés,  mais  seulement 
se  servir  d'eux  pour  rétablir  la  paix  et  l'ordre  dans  l'Etal  (1). 

La  Protestation  du  duc  d'Alençon  fut  tout  d'abord  envoyée  au  magistrat  de  Genève 
par  le  prince  de  Condé  avec  une  lettre  datée  de  Strasbourg  le  20  octobre  1575,  dans 
laquelle  le  Prince  recommandait  à  la  sollicitude  de  la  Seigneurie  la  famille  de  son 
médecin  particulier.  Mais,  quelques  semaines  après,  un  agent  du  duc  d'Alençon 
arriva  à  Genève  et  demanda  audience  au  Conseil  pour  lui  remettre  à  la  fois 
la  Protestation  (2)  et  une  lettre  autographe.  Dans  quel  but  le  duc  d'Alençon  envoyait- 
il  ainsi  à  Genève  son  homme  de  confiance,  le  vidame  de  Chartres,  Beauvoir-la-Nocle  ? 

(1)  De  Thou,  10.  UI,  1.  LXI,  p.  427  —  H.  Martin,  Histoire  de  France,  lo.  X,  p.  492. 

(2)  La  Protestation  du  duc  d'Alençon  fut  imprimée  à  Genève  au  mois  de  décembre  par  les  soins  du 
jurisconsulte  dauphinois  Genlillel.  Le  Conseil  autorisa  l'impression,  mais  sous  condition  que  ni  le  lieu 
d'impression  ni  le  nom  de  l'imprimeur  ne  seraient  indiqués.  On  lit  à  ce  sujet  dans  le  Registre  du  Conseil 
à  la  date  du  27  décembre  :  «  Gentillet  ayant  représenté  la  déclaration  de  la  protestation  de  M.  le  duc 
«  d'Alençon,  et  icelle  ayant  esté  veue  par  M.  de  Béze,  arreslé  qu'on  permet  de  la  faire  imprimer  sans 
«  mettre  le  lieu  de  l'impression  ny  de  l'imprimeur.  »  Plus  tard,  le  IC  février  157C,  un  autre  iu)primeur, 
du  nom  de  Campenon,  présenta  requête  au  Conseil  pour  être  autorisé  à  imprimer  <t  une  lettre  qu'on 
attribue  au  duc  d'Alençon  escrile  aux  Parisiens.  «  Cette  lettre  était,  selon  toute  apparence,  un  écrit 
apocryphe,  et  le  Conseil  refusa  i'autori.saiion  demandée. 


50  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

C'était  dans  le  même  but  que  le  Palatin  y  avait  envoyé  le  docteur  Beutterich.  Le 
duc  d'Alençon,  comme  le  Palatin,  comme  Condé  et  ses  amis,  avait  besoin  d'argent  et 
Genève  semblait  plus  que  jamais  destinée  à  jouer  le  rôle  assez  ingrat  de  banquier  des 
mécontents  ou  des  révoltés. 

La  Nocle  arriva  à  Genève  le  8  novembre,  et  le  lendemain  le  Conseil  était  nanti 
de  la  missive  du  duc  d'Alençon,  datée  du  camp  de  Pontlevoy,  le  24  octobre  : 

«  Messieurs  mes  bons  amys,  écrivait-il,  la  longue  expérience  que  ce  royaume  a 
lousiours  eu  par  le  passé  de  vos  sincères  et  bien  affectionnées  volontés  au  bien  et  repos 
d'icelluy  et  l'asseurance  qui  m'en  a  aussi  esté  donnée  par  les  S"  de  Beauvais-la-Nocle, 
son  frère,  et  Davanligny,  gentilhommes  d'honneur  et  de  vertu,  me  fait  croire  et  tenir 
asseuré  qu'elles  ne  sont  en  rien  diminuées,  mais  bien  plustost  acreue  et  augmentée  par 
les  justes  et  très  équitables  moiens  et  occasions  qui  se  présentent  maintenant  aquelle 
je  vous  prie  affectueusement  de  vouloir  continuer  de  bien  en  mieux,  non  seulement 
de  vos  bons  advis  et  très  sages  conseils,  mais  aussi  de  tous  autres  moiens  et  commodités 
que  Dieu  vous  a  donnés,  ainsi  que  le  dict  S""  de  la  Nocle  le  vous  dira  de  ma  part 
et  de  la  suffisance  duquel  ne  vous  en  feray  plus  long  discours  ;  je  vous  envoyé  la 
déclaration  que  j'ai  fête  sur  ma  retraitte  d'auprès  du  Roy,  Monseigneur  et  frère,  par 
laquelle  pourres  plus  amplement  juger  et  cognoistre  l'équité  de  ma  cause,  la  protec- 
tion de  laquelle  je  me  tiens  asseuré  qu'aurès  en  telle  recommandation  que  la  grandeur 
du  fait  le  mérite. 

«  Priant  Dieu,  Messieurs  mes  bons  Amys,  vous  avoir  en  sa  très  saincle  et  digne 
garde. 

«  Escrit  au  camp  de  Pontlevoy  le  XXIIII  jour  d'octobre  1575. 

«  Vostre  entièrement  bon  amy. 

«  Françoys  (1).  » 

(I)  Arcli.  (le  Genève.  Portefhht.,  N"  1970. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  51 

La  lettre  du  duc  d'Alençon  était  des  plus  courtoises  et  le  frère  du  Roi  de  France 
faisait  aux  Syndics  et  Conseil  de  Genève  l'honneur  de  les  traiter  sur  un  pied  de 
familiarité  qui  était  assurément  des  plus  flatteurs;  malheureusement  la  conclusion  de 
ces  belles  phrases,  c'était  une  demande  d'argent.  Beauvoir  exposa  au  Conseil  que  le 
duc  venait  de  s'allier  aux  huguenots,  que  son  principal  appui  était  «  de  ceulx  de  la 
€  Religion  ■»,  et  il  conclut  en  priant  les  magistrats  de  Genève  de  prêter  au  duc  2,300 
écus  pour  qu'il  pût  faire  un  voyage  auprès  de  Messieurs  des  Ligues  et  des  Princes 
d'Allemagne.  Le  Conseil  reconnut  que  la  question  méritait  examen  et  il  décida  de 
prendre  vingt-quatre  heures  de  réflexion  :  «  a  esté  arresté,  dit  le  Registre,  d'aultant 
«  que  ceste  matière  est  importante,  qu'on  y  pense  entre  cy  et  demain.  » 

Le  Conseil  reprit  le  10  novembre  la  délibération  commencée  la  veille.  Le  duc 
d'Alençon  offrait  par  l'intermédiaire  de  Beauvoir,  en  échange  d'un  prêt  de  2,300  écus, 
la  garantie  de  ses  biens  et  domaines  et  de  ceux  de  son  trésorier  ;  il  s'engageait  en 
outre  à  rembourser  la  somme  au  mois  de  mars  de  l'année  suivante.  L'agent  d'Alençon 
fil  habilement  ressortir  tous  les  avantages  qu'il  pouvait  y  avoir  pour  Genève  à  se  conci- 
lier l'amitié  et  les  bonnes  grâces  du  frère  du  roi  de  France  ;  il  insista  notamment  sur 
le  fait  que,  si  un  traité  venait  à  se  conclure,  le  duc  d'Alençon  aurait  assez  de  crédit 
pour  y  faire  comprendre  Genève. 

Après  mûre  délibération,  le  Conseil  reconnulqu'il  serait  souverainement  impolitique 
d'indisposer  par  un  refus  un  prince  du  sang  royal  et  il  se  résigna  à  faire  un  sacrifice  ; 
il  restait  toutefois  à  déterminer  le  chiffre  :  2,300  écus,  c'était  pour  l'époque  une  assez 
grosse  somme  et  les  finances  genevoises  subissaient  de  part  et  d'autre  de  rudes  assauts. 
Le  Conseil  décida  donc  de  réduire  à  1,200  écus  le  montant  du  prêt  :  «Arresté,  dit  le 
«  Registre,  eu  esgard  des  petis  moyens  de  ceste  République,  qu'on  le  prie  (Beauvoir) 
«  de  se  contenter  de  douze  cens  escus  et  au  reste,  suyvant  ses  offres,  qu'on 
«  le  prie  de  faire  envers  Son  Excellence  que  Genève  soit  comprise  en  la  paix  de  France 
«  comme  Messieurs  des  Ligues.  » 

La  réponse  du  Conseil  fut  aussitôt  communiquée  à  Beauvoir-la-Nocle  qui  s'en 
montra  médiocrement  satisfait.  L'agent  du  duc  d'Alençon  voulait  la  somme  entière  et 


52  GEiNÈVE,    LE   PARTI    HUGUENOT 

il  fit  valoir  que  «  Son  Excellence  estoit  fort  affectionée  à  ceste  ville  et  qu'elle  s'esloit 
a  confiée  qu'on  ne  luy  refuseroit  pas  cesle  somme  qu'il  dict  eslre  petite,  estant  la 
a  première  demande  qu'il  leur  a  faicte,  estimant  que  ce  sera  ung  grand  bien  pour 
ceste  ville  à  l'advenir.  »  En  habile  diplomate,  Beauvoir  ajouta,  pour  se  faire  bien  venir, 
que  Monsieur,  frère  du  Roi,  avait  pleine  confiance  dans  les  magistrats  de  la  République 
et  qu'il  lui  avait  donné  «  commission  expresse  •»  de  prendre  l'avis  du  Conseil,  avant 
d'entrer  en  négociation  avec  les  Ligues,  le  Palatin  ou  l'Empereur.  On  ne  pouvait 
flatter  d'une  manière  plus  délicate  les  magistrats  d'une  humble  République  qui  ne 
devait  avoir  d'autres  visées  que  de  conserver  son  indépendance.  Beauvoir  concluait  en 
laissant  entendre  que,  s'il  ne  pouvait  obtenir  la  somme  entière,  son  voyage  serait  retardé 
et  que  Son  Excellence  pourrait  en  ressentir  quelque  mécontentement. 

Michel  Roset,  l'un  des  seuls  véritables  hommes  d'Etat  que  Genève  ait  produits,  avait 
saisi  d'emblée  tout  le  parti  que  Genève  pourrait  tirer  des  bonnes  grâces  du  duc  d'Alençon; 
il  caressait  l'idée  de  neutraliser  le  danger  permanent  que  courait  Genève,  en  opposant  la 
France  à  la  Savoie.  Avant  de  faire  aucune  promesse  relative  au  prêt  des  2,300  écus,  il 
demanda  à  Beauvoir  s'il  serait  possible  d'obtenir  que  Genève  fût  comprise  dans  l'al- 
liance de  la  France  comme  Messieurs  des  Ligues  et  que  les  marchands  de  Genève 
fussent  exemptés  des  nouveaux  impôts  comme  ceux  des  cantons  suisses.  Beau- 
voir affirma  que  Genève  obtiendrait  sans  difficulté  ces  avantages  et  qu'il  se  trouverait 
aisément  une  trentaine  de  «  bons  gentilhommes»  pour  en  faire  la  demande. 

Le  11  novembre,  Roset  rendit  compte  de  sa  mission  ;  le  Conseil  comprit  qu'en  face 
de  l'insistance  de  Beauvoir,  il  était  urgent  de  céder;  il  s'agissait  avant  tout  de  gagner 
la  faveur  du  duc  d'Alençon  et  ce  n'était  pas  la  payer  trop  cher  que  d'avancer  la  somme 
totale  de  2,300  écus.Le  Conseil  n'en  prit  pas  moins  ses  précautions;  il  fut  stipulé  que 
l'engagement  serait  contracté  au  nom  du  duc  d'Alençon,  de  son  trésorier  particulier, 
et  de  Beauvoir-la-Nocle.  Comme  le  chamjeur  ou  banquier  de  la  Seigneurie  n'avait  pas 
sous  la  main  les  2,300  écus  demandés,  on  emprunta  la  somme  à  un  S"'  Durand  qui 
l'offrait  pour  un  an  au  taux  des  Edits;  en  même  temps  le  syndic  Bernard  et  les  con- 
seillers Roset,  Chenelat  et  Varro,  furent  chargés  de  régulariser  l'opération  à  laquelle  le 
Conseil  venait  de  consentir  et  ils  reçurent  le  mandat  de  négocier  avec  Beauvoir  en  vue 


ET   LE   TRAITÉ   DE    SOLEURE  53 

du  traité.  Il  fut  convenu  que  Beauvoir  écrirait  aussitôt  au  duc  d'Alençon  pour  le  prier 
de  faire  comprendre  Genève  dans  le  traité  de  paix  qui  unissait  la  France  et  les  Ligues 
suisses.  Il  y  a  lieu  de  remarquer  qu'à  ce  moment  le  duc  d'Alençon  était  en  pleine 
révolte  contre  le  Roi  son  frère  et  que  son  appui  ne  pouvait  être  pour  le  moment  d'une 
grande  utilité. 

Sur  ces  entrefaites,  Th.  de  Bèze,  qui  avait  été  appelé  à  Strasbourg  par  Condé,  écrivit 
au  Conseil  à  la  fin  de  novembre  pour  s'excuser  de  prolonger  son  absence  ;  la  vieille 
expérience  du  Réformateur,  l'autorité  dont  il  jouissait,  rendaient  sa  présence  fort  utile 
au  quartier-général  de  Condé.  Th.  de  Bèze  ne  revint  à  Genève  que  vers  le  milieu  de 
décembre,  apportant  des  lettres  et  des  documents  de  la  plus  haute  importance.  Il  se 
présenta  au  Conseil  et  lui  remit  le  20  décembre  des  lettres  du  Palatin  qui  annonçaient 
qu'il  avait  «  chargé  ledict  S^  de  Bèze  de  dire  et  délivrer  à  Messieurs  quelque  chose 
«  de  sa  part,  s'asseurans  de  la  fidélité  et  preudhomie  d'iceulx  et  de  luy,  présentant  au 
«  reste  à  Messieurs  sa  bonne  affection  en  tout  et  partout.  y>  Bèze  avait  en  effet  reçu  la 
mission  de  remettre  aux  Syndics  et  Conseil  de  Genève  un  des  exemplaires  originaux 
du  traité  qui  venait  d'être  conclu  entre  l'Electeur  palatin,  le  duc  Casimir,  son  fils,  et 
le  prince  de  Condé,  traité  et  capitulation  «  advouées  aussy  par  M.  le  duc  d'Alençon  »;  cet 
exemplaire  devait  être  rendu  à  Condé,  quand  ce  dernier  en  ferait  la  demande  ;  le 
Conseil  décida  séance  tenante  de  placer  ce  précieux  document  dans  l'endroit  le  plus 
sûr  de  l'Hôtel  de  Ville,  «  en  la  crotte  en  l'arche  des  sept  clefs  (1)». 

Bèze  apportait  au  Conseil,  avec  les  «  recommandations  et  offres  »  du  Palatin  et 
de  Condé,  la  nouvelle  de  l'entrée  des  Princes  en  France  avec  une  armée  qui,  suivant 
le  Registre,  comptait  8,500  reîtres,  trois  cornettes  de  volontaires,  quelques  enseignes 
de  lansquenets  et  quelques  Wallons,  outre  les  Suisses.  Au  moment  de  partir,  Condé 
écrivit  au  Conseil  pour  le  remercier  de  lui  avoir  envoyé  Th.  de  Bèze  et  de  lui  avoir 
prêté,  par  l'intermédiaire  du  S''  de  la  Fin,  une  somme  de  250  écus,  garantie  par  le 

(1)  L'exemplaire  (lu  irailé  ne  fui  jamais  réclamé  par  Condé  et  il  n'a  jamais  quitté  dès  lors  l'Hôtel 
de  Ville  de  Genève  (Archives,  Portef.  hist.,  N"  1968).  Un  autre  exemplaire  que  M.  le  ducd'Aumale 
considère  comme  l'orii^inal  existe  à  la  Bibliothèque  nationale,  à  Paris  (Colbert,  V.  399)  ;  voy.  Histoire 
des  Princes  de  Condé,  par  M.  le  duc  d'Aumale. 


54  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

dépôt  de  ses  bijoux  (1).  A  ce  moment,  Condé,  Montmorency  de  Thoré  et  d'autres 
gentilshommes  huguenots  étaient  plus  gênés  que  jamais  et  la  guerre  ne  mil  pas  un 
terme  à  leurs  embarras  d'argent  ;  les  dettes  qu'ils  contractèrent  à  Genève  ne  furent 
acquittées  que  bien  des  années  après. 

Le  Conseil  de  Genève  avait  compris  le  parti  avantageux  qu'il  pouvait  tirer  de  ses 
relations  avec  le  duc  d'Alençon  ;  il  voulait  arriver  à  garantir  du  côté  de  la  France 
l'indépendance  de  Genève  en  obtenant  que  la  République  fût  comprise  dans  le  traité 
d'alliance  entre  la  France  et  les  cantons  suisses.  La  tentative  était  hardie,  car  Genève 
et  ses  magistrats  n'étaient  guère  en  faveur  auprès  de  Henri  III  et  de  sa  Cour,  mais  le 
Conseil  comptait,  pour  atteindre  son  but,  sur  l'appui  du  duc  d'Alençon  et  de  son 
entourage.  En  effet,  Beauvoir-la-Nocle,  l'agent  d'Alençon,  se  montra  des  mieux  disposés 
à  faciliter  les  démarches  et  il  rédigea  en  faveur  de  Genève  un  mémoire  qui  devait  être 
remis  au  duc  par  un  S"'  du  Resay,  mais,  ce  dernier  n'ayant  pu  se  mettre  en  route,  il 
fallut  attendre. 

Une  nouvelle  occasion  ne  tarda  pas  à  se  présenter  ;  à  la  fin  du  mois  de  janvier 
1576,  le  Conseil  apprit  qu'un  personnage  qui  pouvait  inspirer  toute  confiance  se  ren- 
dait auprès  d'Alençon  ;  il  lui  fit  remettre  des  dépêches  chiffrées  pour  Montmorency 
de  Thoré  et  Beauvoir,  en  vue  de  l'alliance.  Quelques  semaines  après,  Th.  de  Bèze  fut 

(I)  a  Ledict  S'  Prince  escripl  du  VllI  de  ce  moys  qu'il  remercie  Messieurs  de  ce  qu'ils  ont  acordé 
«  ledici  S'  de  Bèze,  proineilanL  se  reseniir  lousiours  de  tant  de  biens  faicls, entre  lesquels  il  ne  veull 
«  oublier  le  presl  faicl  au  S''  de  la  Fin  de  250  écus,  lesijuels  il  assigne  sur  les  bagues  qu'il  a  engagées 
«  en  ceste  ville,  lesquelles  recouvrant  conime  il  espère,  de  brief,  Messieurs  seront  récompensés  du  prin- 
«  cipal  et  intérêts.  Arresté  qu'on  mette  ladicte  lettre  avec  lesdictes  bagues  pour  en  recevoir  le  paiement 
n  (piand  on  les  retirera.  »  (Séance  du  20  déc.) 

Le  12  janvier  1576,  il  fut  de  nouveau  question  de  ces  bijoux  de  Condé  et  de  Thoré  ;  de  nouveaux 
Syndics  venaient  d'être  élus  et  les  Syndics  sortant  de  charge  demandaient  à  être  relevés  de  toute  res- 
ponsabilité: a  Bagues  de  M.  le  Prince  de  Condé  et  S'  de  Thoré.  Messieurs  les  anciens  Syndiques  ont 
a  icy  faict  aporter  le  cofre  où  sont  lesdictes  bagues  dépositées  entre  les  mains  de  la  Seigneurie  pour 
«  asseurance  des  créanciers  de  ceste  ville,  et  lc(iuel  on  avoil  lors  dict  (|u'on  dlieust  mettre  la  bas  en  la 
«  crotte  en  l'arche  des  sept  clefs,  où  n'ayant  peu  entrer  on  la  laisse  despuis,  sans  que  persone  y  ayt  esté 
«  dès  lors,  ayans  les  clefs  esté  tousiours  à  la  Chambre,  comme  ont  attesté  les  Seigneurs  et  les  clefs 
«  dudict  colfret  entre  mains  des  deux  parties,  a  esté  arresté  qu'on  le  porte  à  la  crotte  de  Sl-Pierre,  de 
«  laquelle  Messieurs  les  Syndiques  ayent  les  clefs  et  ainsy  en  tient-on  pour  déchargés  les  anciens 
«  S"  Syndiques.  » 


ET    LE   TRAITÉ    DE    SOLEURE  55 

informé  qu'on  pressait  fort  la  paix  en  France  et  le  Conseil  comprit  qu'il  n'y  avait  pas 
de  temps  à  perdre  ;  il  chargea  le  S'  Du  Resay,  qui  avait  obtenu  un  sauf-conduit,  de 
soutenir  à  la  Cour  les  intérêts  de  la  République  et  lui  fil  remettre  des  instructions 
détaillées  qui  avaient  été  préparées  par  Michel  Roset  (1).  Mais  le  20  mars,  le  S''  du 
Resay,  que  le  Registre  appelle  aussi  Florent  Renard,  n'était  pas  encore  parti  et  pour 
cause  ;  il  lui  manquait  un  cheval  et  le  Conseil  se  vit  forcé  de  lui  en  acheter  un  pour 
qu'il  pût  se  mettre  en  route  (2). 

Du  Resay  rejoignit  en  France  un  autre  gentilhomme  protestant,  De  la  Fin  (3), 
et  tous  deux  se  mirent  en  campagne  pour  obtenir  que  Genève  fût  comprise  dans 
l'alliance  ;  ils  s'en  ouvrirent  au  duc  d'Alençon  qui,  se  souvenant  du  service  récemment 
rendu  par  Genève,  s-e  montra  des  mieux  disposés.  Ils  écrivirent  donc  à  la  Seigneurie 
qu'ils  espéraient  obtenir  ce  que  Genève  demandait;  ils  prévinrent  en  même  temps 
le  Conseil  qu'il  pouvait  se  faire  rembourser  la  somme  prêtée  au  duc  d'Alençon  et 
qu'il  serait  bon  de  la  «  faire  recouvrer,  attendu  que  c'est  le  proufit  du  trésorier  tant 
«  seulement  (4).  »  La  somme  fut  remboursée,  mais  quelques  mois  après,  le  duc 
d'Alençon  s'adiessait  de  nouveau  à  Genève  pour  obtenir  de  l'argent. 


CHAPITRE  VI 

La  Campagne  de  1576.  —  Paix  d'Etigny.  —  L'Edit  de  pacification. 
Tandis  que  le  Conseil  cherchait  à  obtenir  l'entrée  de  Genève   dans  l'alliance 

(1)  Dans  la  même  séance  où  furent  arrêiées  ces  instruclions,  le  Conseil  prit  une  décision  relaiive 
aux  2,300  écus  qui  avaient  été  prêtés  au  duc  d'Alençon  :  a  D'autant  qu'on  entend  que  la  partie  de  deux 
<s  mille  trois  cens  escus  qui  fui  dernièrement  prestée  au  S' de  la  Nocle  pour  troys  moys  a  esté  rembour- 
«  sée  par  MonsMe  duc  d'Alençon,  tellement  que  de  la  laisser  entre  les  mains  du  tlirésorier,  on  ne  faicl 
«  point  de  plaisir  audicl  S'  Duc,  arresté  qu'on  essaye  de  la  retirer  par  le  moyen  de  Jaques  Mesiée  ou 
«  autres  traffiquansà  Paris.  » 

(2)  Séance  du  20  mars  :  Florent  Benard,  S'  du  Resay. 

(3)  Jean  de  la  Fin  de  Beauvoir,  beau-frère  de  Jean  de  Ferrières  et  seigneur  de  Maligny,  gentil- 
tiomme  protestant  de  l'Auxerrois. 

(4)  Séance  du  17  avril  :  «  Arresté  qu'on  y  advise  et  qu'on  sollicite  ceux  qui  ont  charge,  combien 
«  qu'il  a  esté  raporlé  qu'on  les  en  a  adverlys.  »  Le  recouvrement  de  la  sonune  prêtée  au  duc  d'Alençon 
fut  confié  à  un  négociant  du  nom  de  Mesiée. 


56  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

française,  les  événements  avaient  marché  et  la  situation   du  parti   huguenot  avait 
absolument  changé. 

Condé  et  Jean  Casimir,  fils  du  Palatin,  entrèrent  en  France  par  la  Lorraine  au 
commencement  de  janvier  1576;  leur  armée,  qu'on  évalue  à  dix-huit  mille  hommes, 
se  composait  d'Allemands,  de  Suisses,  et  d'environ  deux  mille  réfugiés  français.  Ils 
passèrent  près  de  Langres  et  de  Dijon,  s'emparèrent  de  la  petite  ville  de  Nuits  qui 
avait  attendu  le  canon  pour  capituler,  et  gagnèrent  à  travers  le  Nivernais  la  ville  de 
la  Charité,  près  de  laquelle  ils  traversèrent  la  Loire  (1).  De  là  ils  pénétrèrent  dans  le 
Bourbonnais  et  se  dirigèrent  vers  l'Auvergne  qu'ils  rançonnèrent.  Le  duc  de  Mayenne, 
qui  commandait  l'armée  royale,  fit  preuve  d'une  incroyable  inertie,  il  côtoyait  l'armée 
de  Condé,  sans  lui  offrir  le  combat,  et  il  n'essaya  même  pas  d'empêcher  la  jonction 
de  Condé  avec  les  troupes  du  duc  d'Alençon  et  du  roi  de  Navarre.  L'armée  royale 
était  si  mal  commandée  et  si  mal  payée  qu'elle  se  livrait  à  toute  sorte  de  déprédations, 
à  tel  point  qu'elle  était  plus  redoutée  des  paysans  que  les  reîtres  de  Jean  Casimir  : 
«  Par  ainsi,  dit  Cl.  Haton  (2),  ce  pays  de  France  était  mangé  de  toutes  parts.  Mais 
«.  avoit  le  camp  dudit  sieur  duc  du  Maine  la  renommée  de  faire  plus  de  domage, 
«  de  ravissements,  rançonnements  et  tous  aultres  maux  que  celui  desdils  reîtres, 
«  mettant  le  feu  en  aulcuns  lieux.  » 

La  situation  de  la  Cour  était  donc  des  plus  critiques  et  Catherine  de  Médicis,  en 
femme  clairvoyante  et  avisée,  comprit  qu'il  fallait  traiter  à  tout  prix  ;  Henri  III  la 
laissa  faire  ;  elle  se  rendit  au  quartier  général  de  Condé,  à  Etigny  (3),  avec  le 
maréchal  de  Montmorency,  le  cardinal  de  Bourbon  et  l'essaim  de  jeunes  dames  d'honneur 
qui  lui  servait,  en  telles  circonstances,  à  faciliter  les  négociations.  Dans  les  derniers 
jours  d'avril,  la  paix  fut  conclue;  c'était,  dit  Henri  Martin,  la  cinquième  depuis 
treize  ans. 

(1)  Consulter  sur  celle  campagne  de  \T>7G  l'inléressanl  ouvrage  de  M.  A.  Challe  :  Histoire  des 
guerres  du  caivinisino  et  de  la  Ligue  dans  l'Auxerrois,  le  Sénonais,  etc.  (Auxerre.  1803,  to.  I,  p.  528 
et  suiv.) 

(2)  Mémoires  de  Cl.  Haton,  p.  827. 

(3)  Etigny,  coiiiiiiiiin'  du  caiilon  de  Sens,  à  8  kil.  de  celte  ville. 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  57 

«  A  l'instant  et  tout  incontinent  après  cet  accord  signé  et  arrêté,  dit  un  témoin 
«  oculaire  (1),  douze  trompettes,   dont  six  françaises  et  six  allemandes,  avec  les 
8  tambours  de  cuivre  qu'on  bat  ordinairement  à  cheval  devant  le  duc  Casimir,  en 
a  signe  de  paix  et  de  joie,  commencèrent  à  sonner  dans  la  cour  du  château  d'Etigny  ; 
«  trois  héraux  du  Roy,  qui  estoient  tout  prêts  avec  leurs  grandes  cottes  d'armes 
«  semées  de  fleurs  de  lis,  se   présentèrent  aussi   à  cheval  au   raiheu    de   chefs, 
«  gentilshommes,  capitaines,  et  même  d'une  grande  partie  de  l'armée  là  assemblée, 
(c  Puis,  l'un  des  héraux,  pour  faire  silence,  ayant  crié  par  trois  fois  :  Oyez,  de  par  le 
«  Roij,  notre  souverain  seigneur  et  maisire  !  ung  aullre  d'entre  eulx  lut  à  haulte  voix 
8  un  billet  contenant  la  formule  de  l'édit  sur  ce  expressément  faict  et  qui  fut  publié 
«  par  tout  le  royaume.  » 

Aussitôt  le  traité  signé,  la  reine-mère  revint  à  Sens  où  elle  voulut  faire  chanter 
un  Te  Deum  dans  la  cathédrale,  mais  le  clergé  était  fort  mécontent,  et  pour  cause, 
des  concessions  faites  aux  huguenots,  et  le  préchanlre  de  la  cathédrale  s'opposa 
nettement  au  Te  Demi,  disant  :  quia  plenam  victoriam  non  habcrnus  (parce  que  nous 
n'avons  pas  remporté  une  pleine  victoire).  Néanmoins  le  Te  Deum  fut  chanté  le 
lendemain  par  les  chantres  du  roi,  mais  en  l'absence  des  chanoines,  chapelains  et 
chantres  de  l'église,  qui  ne  voulurent  pas  s'y  trouver.  L'avenir  réservait  au  clergé  une 
surprise  bien  autrement  désagréable  :  trois  ans  plus  tard,  Henri  III  ratifia  le  traité  de 
Soleure  qui  plaçait  Genève,  la  capitale  de  la  Réforme,  sous  la  protection  de  la  France, 
de  Berne  et  de  Soleure! 

Le  traité  d'Etigny  terminait  la  guerre.  Les  reîtres  du  Palatin  traversèrent  la  forêt 
d'Othe  et  remontèrent,  en  s'éloignant,  les  vallées  du  Serein  et  de  l'Armançon,  qui 
furent  livrées  au  pillage.  Le  duc  d'Alençon  fil  ses  adieux,  le  7  juillet,  à  l'isle-sous- 
Monlréal,  au  duc  Jean-Casimir,  que  le  prince  de  Condé  accompagna  jusqu'à  la  fron- 
tière de  Lorraine  ;  quant  aux  reîtres,  ils  restèrent  cantonnés  dans  ces  parages  jusqu'au 
parfait  paiement  de  leur  solde,  qui  n'eut  lieu  qu'au  mois  de  septembre. 

(1)  Recueil  des  choses  jour  par  jour  avenues  dans  l'armée  conduite  d'Allemagne  en  France  par 
M.  le  Prince  de  Condé,  p.  107. 


58  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Les  conditions  de  la  paix  équivalaient  pour  Henri  III  à  la  plus  humiliante  défaite  ; 
jamais  la  royauté  ne  subit  plus  complètement  la  loi  du  vainqueur  qu'en  cette  occasion  ; 
c'était  une  tardive,  mais  juste  revanche  de  la  sanglante  journée  de  la  Saint-Barthélémy. 
Les  massacres,  les  confiscations,  la  proscription,  loin  d'anéantir  le  parti  huguenot, 
lui  avaient  laissé  toute  sa  vitalité  et  avaient  en  quelque  sorte  relevé  son  opiniâtre  et 
sombre  énergie  ;  il  avait  suffi  de  quatre  ans  pour  intervertir  les  rôles  et  les  situations, 
et  pour  fournir  aux  huguenots  l'occasion  d'imposer  la  loi  à  leurs  persécuteurs.  Rien 
ne  démontre  mieux  qu'en  matière  de  croyance,  la  force  brutale  est  impuissante  et 
qu'elle  détermine  d'inévitables  réactions.  En  réalité,  ce  ne  sont  ni  les  massacres,  ni  les 
proscriptions  qui  anéantirent  les  huguenots  comme  parti  politique,  c'est  l'Edit  de 
Nantes,  c'est-à-dire  la  tolérance. 

L'Edit  du  Roi  sur  la  pacification  des  troubles  du  royaume  fut  publié  à'Paris,  en 
séance  du  Parlement,  le  14  mai  1576  ;  une  analyse  sommaire  de  cet  important  docu- 
ment permettra  d'apprécier  toute  l'étendue  des  concessions  auxquelles  Henri  III  et 
Catherine  de  Médicis  durent  se  résigner  (1). 

En  premier  lieu,  une  déclaration  générale  du  Roi  prescrivait  l'oubli  «de  toutes 
«  choses  passées  d'une  part  et  d'autre  dès  et  depuis  les  troubles  »  et  défendait  à  tous 
ses  sujets,  de  quelque  état  et  qualité  qu'ils  fussent,  de  renouveler  la  mémoire  des 
luttes  antérieures,  de  s'attaquer,  de  s'injurier  ou  de  se  provoquer  par  reproche  de  ce 
qui  était  passé.  L'art.  4  consacrait  sous  la  forme  la  plus  large  le  principe  de  la 
tolérance  religieuse,  en  admettant  Vexercice  libre,  public  et  général,  du  culte  réformé, 
sans  restriction  de  temps  ni  de  personnes  ;  il  n'y  avait  d'exception  que  pour  Paris, 
ses  faubourgs  et  sa  banlieue  à  deux  lieues  à  la  ronde.  Partout  ailleurs  les  réformés 
avaient  le  droit  de  bâtir  des  temples,  de  faire  «  presches,  prières,  chants  de  Psalmes, 
«  administration  du  Baptesme  et  de  la  Gène,  publication  et  célébration  de  mariages, 
«  escholes  et  leçons  publiques,  correction  selon  ladicte  Religion,  et  toutes  autres 
((  choses  appartenans  au  libre  et  entier  exercice  d'icelle.  »  Comme  on  le  voit,  c'était 

(1)  Voy.  :  «  Edicl  du  Roy  sur  la  pacidcalion  des  troubles  de  ce  Royaume,  leu  et  publié  ledlcl 
«  Seigneur  .séant  en  son  Parlemenl,  le  XIIII  lourde  May  1576,  à  Paris,  par  Ped.  More!,  imprimeur 
«  du  Roy,  l.'STG.  » 


ET    LE   TRAITÉ    DE    SOLEURE  59 

la  liberté  du  culle  dans  l'acceptation  la  plus  complète  du  mot,  puisque  la  liberté  d'en- 
seignement, le  droit  de  tenir  école  et  leçons  publiques,  y  était  même  compris.  L'Edit 
reconnaissait  la  légalité  des  Consistoires  et  des  Synodes  provinciaux  et  généraux,  à  la 
seule  condition  que  les  officiers  de  la  couronne  y  assisteraient. 

L'art.  9,  l'un  des  plus  curieux  de  l'Edit,  reconnaissait  comme  valides  les  mariages 
des  prêtres  et  personnes  religieuses  contractés  pendant  les  troubles,  mais  il  privait  en 
partie  du  droit  d'héritage  les  enfants  issus  de  ces  unions  :  «  Déclarons  néanmoins,  ajoute 
«  l'Edit,  que  les  enfants  issus  desdils  mariages  pourront  succéder  seulement  aux  meu- 
«  blés,  acquests  et  conquests  immeubles  de  leurs  pères  et  mères  ;  ne  voulans  que 
«  lesdits  Religieux  et  Religieuses  proies  puissent  venir  à  aucune  succession  directe 
ce  ni  collatérale.  » 

Les  articles  11  et  17  consacraient  expressément  l'égalité  politique  de  tous  les 
Français,  catholiques  et  réformés.  L'Edit  prescrivait  de  ne  faire  aucune  distinction, 
pour  le  regard  de  la  Religion,  quant  à  l'admission  dans  les  Universités,  les  collèges, 
écoles,  hôpitaux  et  maladeries,  etc.  Pareillement  l'Edit  déclarait  les  réformés  et  les 
catholiques  unis  capables  de  «  tenir  et  exercer  tous  estats,  dignités,  offices  et  charges 
«  quelconques,  royales,  seigneuriales,  ou  des  villes  de  nos  dicts  Royaume,  pais,  terres 
et  seigneuries  ». 

C'était  là  sans  contredit  de  très  larges  concessions,  les  plus  larges  qu'il  fût  possi- 
ble d'obtenir,  si  on  tient  compte  de  l'état  des  esprits  et  du  caractère  intolérant  des 
institutions  de  l'époque.  Mais  les  articles  de  l'Edit  ne  constituaient  pas  par  eux-mêmes 
une  garantie  suffisante  contre  le  retour  des  persécutions  et  des  abus  ;  il  importait  que 
la  Royauté  donnât  aux  protestants,  par  des  actes  formels  et  par  des  garanties  efficaces, 
la  mesure  de  sa  bonne  foi.  Sous  ce  rapport,  l'Edit  de  1576  donnait  des  gages  impor- 
tants :  les  articles  18  et  suivants  instituaient  des  Parlements  mi-pariie  protestants  et 
catholiques,  à  Paris,  Montpellier,  Grenoble,  Bordeaux,  Aix,  Dijon,  Rouen  et  en  Bre- 
tagne. Le  roi  de  Navarre,  le  prince  de  Condé,  le  maréchal  de  Damville  et  tous  les 
autres  seigneurs,  gentilshommes  ou  roturiers,  qui  avaient  été  poursuivis  pendant  les 
troubles,  étaient  réintégrés  dans  leurs  gouvernements,  charges,  états  et  offices  royaux. 


60  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

tels  qu'ils  en  jouissaient  avant  la  St-Barthélemy.  A  l'art.  32  le  Roi  déclarait  hypocrite- 
ment que  «  les  désordres  et  excès  faicts  le  24  d'aoust  et  jours  suivans  en  conséquence 
«  dudit  jour,  à  Paris  et  en  aultres  villes  et  endroits  de  son  Royaume  étaient  advenus 
«  à  son  très  grand  regret  et  déplaisir.  »  Tous  les  arrêts  et  jugements  rendus  pour 
cause  de  religion  contre  des  réformés  étaient  cassés  et  annulés  :  les  plus  illustres 
victimes  des  troubles,  Coligny,  Montgommery,  Montbrun,  Briquemault,  et  Cava^nes, 
étaient  nominativement  réhabilités. 

L'Edit  ne  se  bornait  pas  à  cette  tardive  et  juste  réparation  ;  le  Roi  s'infligeait  à 
lui-même  une  cruelle  humiliation  el  déclarait  à  la  face  du  peuple  français,  qu'il  répu- 
tait  et  tenait  son  «très  cher  et  très  amé  frère  le  duc  d'Alençon  pour  son  bon  frère, 
«  son  très  cher  et  très  amé  beau-frère  le  roi  de  Navarre  pour  son  beau-frère  et  bon 
«  parent  et  son  très  cher  et  bien  amé  cousin  le  prince  de  Condé  pour  son  parent, 
«  fidèle  subiect  et  serviteur.  »  Par  une  amère  dérision,  le  Palatin  et  le  duc  Jean-Casimir 
son  fils,  qui  avait  envahi  le  territoire  français  étaient  aussi  reconnus  «  bons  parents, 
«  voisins  et  amis  ».  Enfin,  pour  accentuer  encore  son  repentir  et  l'humiliation  de  sa 
défaite,  le  roi  déclarait  que  «  la  levée  et  sortie  des  Suysses  mesmes  des  comtés  de 
«  Neufchaslel  el  Vallangin,  et  autres  des  cantons,  quels  qu'ils  soient,  n'avoit  esté  faicte 
«  que  pour  son  service.  »  Bizarre  situation  que  celle  d'un  Prince  qui  se  résigne  à  dire 
que  des  troupes  levées  contre  lui  ont  été  enrôlées  pour  son  service  ! 

Henri  III  s'engageait  en  outre  à  convoquer  dans  le  délai  de  six  mois  les  Etats- 
Généraux,  qui  devaient  être  tenus  à  Blois,  selon  les  bonnes,  anciennes  et  louables 
coutumes  du  Royaume. 

Enfin,  pour  prévenir  toute  trahison  et  pour  ne  pas  se  livrer  sans  garanties,  les 
huguenots  et  leurs  alliés  les  Catholiques  unis  se  firent  «bailler  en  garde»  huit  villes 
et  places  fortes  :  Aiguemortes  et  Beaucaire  en  Languedoc;  Périgueux  et  le  Mas  de 
Verdun  en  Guyenne;  Nyons  et  Serre  en  Dauphinô  ;  Issoire  en  Auvergne  et  Seyne  la 
Grand-Tour  en  Provence. 

Tel  est,  esquissé  et  résumé  à  grands  traits,  l'Edit  de  pacification,  autrement  dit 


ET   LE    TRAITÉ    DE   SOLEURE  61 

la  Paix  de  Monsieur,  qui  porte  la  date  du  14  mai  i576  et  qui  fut  solennellement 
publié  et  enregistré  à  Paris  (1). 


CHAPITRE  VII 

Premières  démarches  pour  obtenir  l'entrée  de  Genève  dans  l'alliance  entre  la  France  et  les  Cantons  suisses.  — 
Le  duc  d'Alençon  demande  à  emprunter  3,000  écus.  —  Refus  du  Conseil.  —  Le  duc  d'Alençon  mécontent 
néglige  l'affaire  du  traité. 

La  paix  de  Monsieur,  en  relevant  la  situation  des  huguenots,  eut  pour  Genève 
d'heureuses  conséquences.  Deux  gentilshommes,  qui  avaient  l'oreille  du  duc  d'Alençon, 
les  Seigneurs  de  Beauvoir  et  De  la  Fin,  se  firent  auprès  de  lui  les  avocats  de  Genève  ; 
les  délégués  des  Eglises  réformées  du  royaume  se  joignirent  à  eux  pour  demander  que 
Genève,  la  métropole  du  calvinisme,  fût  comprise  dans  le  traité  de  la  Couronne  de 
France  avec  les  Ligues  suisses.  La  proposition  paraît  avoir  été  accueillie  sans  trop  de 
surprise  ;  on  objecta  toutefois  que  Messieurs  de  Genève  n'avaient  fait  aucune  démarche 
positive  et  directe.  M.  du  Rezay,  qui  se  montra  toujours  dévoué  aux  intérêts  de 
Genève,  écrivit  aussitôt  au  conseiller  Bernard  en  recommandant  qu'on  fît  une  prompte 
démarche  par  l'intermédiaire  de  l'Ambassade  de  France  en  Suisse  ou  qu'on  envoyât 
des  députés  à  la  Cour. 

Ici  se  dressait  un  obstacle.  Le  traité  de  combourgeoisie  interdisait  à  Genève 
d'entrer  en  alliance  ou  même  de  nouer  des  relations  avec  un  prince  étranger  sans  le 
consentement  de  Messieurs  de  Berne.  Il  fallait  donc  obtenir  ce  consentement.  Le 
Conseil  écrivit  au  Gouvernement  bernois  pour  le  prévenir  de  son  intention  de 
participer  à  l'alliance  française  et  pour  le  prier  de  lui  prêter  son  appui  ;  on  avisa  en 
même  temps  l'Ambassadeur  de  France,  Bellièvre  (2),  et  le  Syndic  Bernard  fut  chargé 

(1)  Il  fut  imprimé  à  peu  près  en  même  temps  à  Genève  qu'en  France,  comme  l'indique  l'extrait 
suivant  du  Registre  du  28  mai  :  «  Paix  de  France,  Jean  Gorniée  a  requis  luy  permettre  de  pouvoir 
«  faire  imprimer  les  articles  de  la  paix  sus  ceulx  qui  ont  estes  aportés  imprimés  de  Lyon  où  ils  furent 
«  publiés,  a  esté  arresté  qu'on  luy  acorde.  » 

(2)  Jean  de  Bellièvre,  seigneur  de  Hautefort,  avait  succédé  en  1575,  comme  Ambassadeur  en 
Suisse,  à  son  frère  Pomponne  de  Bellièvre,  qui  avait  suivi  le  duc  d'Anjou  en  Pologne. 


62  GENÈVE,    LE    PArxTI    HUGUENOT 

d'écrire  confidentielleuient  à  du  Rezay  pour  le  prier  de  continuer  ses  bons  offices 
auprès  du  duc  d'Alençon. 

Ces  diverses  démarches  aboutirent  ;  quelques  jours  après,  Bellièvre  répondit  qu'il 
se  rendait  à  Berne  pour  conférer  du  (railé  avec  les  principaux  membres  du  Conseil. 
En  même  temps  M.  de  Mûlinen  écrivait  au  premier  Syndic  que  l'occasion  était 
excellente  et  qu'il  s'emploierait  volontiers  au  succès  de  l'entreprise.  De  son  côté, 
du  Rezay  mandait  à  Rosel  et  à  Bernard  qu'il  avait  été  question  de  Genève  dans 
une  récente  conférence  à  laquelle  assistaient  la  Reine-Mère  et  le  duc  d'Alençon  avec 
d'autres  princes  et  seigneurs  ;  que,  dans  cette  réunion,  tout  le  monde  avait  approuvé 
l'idée  de  faire  entrer  à  Genève  dans  l'alliance  perpétuelle  de  la  France  avec  Messieurs 
des  Ligues,  el  qu'il  avait  été  résolu  de  confier  à  Bellièvre  de  Hauteforl,  Ambassadeur 
aux  Ligues,  le  soin  de  mener  à  bonne  fin  cette  négociation.  Du  Rezay,  qui  n'avait 
pas  reçu  la  derrière  lettre  du  Conseil,  ajoutait  toutefois  qu'il  avait  fait  différer  toute 
dépêche  de  l'Ambassade  de  France  jusqu'au  moment  où  il  aurait  reçu  les  instructions 
précises  de  Genève.  Le  Conseil  répondit  aussitôt  à  du  Rezay  en  le  mettant  au  courant 
de  ce  qui  avait  été  fait  et  il  saisit  l'occasion  de  recommander  les  intérêts  de  Genève 
au  duc  d'Alençon,  à  Messieurs  de  Limoges  et  de  Bellièvre  ;  il  chargea  en  même  temps 
Beauvoir-la-Nocle  et  De  la  Fin  de  se  porter  garants  de  la  Seigneurie  auprès  du  Roi. 

Les  amis  que  Genève  comptait  à  la  Cour  de  France  ne  perdaient  pas  leur  temps. 
Au  mois  de  juin  157G,  le  Conseil  apprend  par  du  Rezay  qu'il  a  été  décidé  au  Conseil 
Privé  du  Roi  de  «  recevoir  les  combourgeois  de  ceux  de  Berne  en  la  paix  de  France  et 
par  «  conséquent  cesle  ville  »  ;  quelques  jours  plus  tard,  le  3  juillet,  le  même  S''  du 
Rezay  annonce  que  le  Roi  a  envoyé  une  dépêche  à  son  Ambassadeur  aux  Ligues 
pour  lui  recommander  l'affaire  de  Genève.  En  même  temps  le  duc  d'Alençon  écrivait 
lui-même  au  Roi  pour  lui  recommander  chaudement  Genève  (4). 

Tandis  qu'à  la  Cour  de  France  on  s'intéressait  aussi  vivement  à  la  sécurité  de 
Genève,  le  duc  de  Savoie  intriguait  sourdement  à  Berne.  L'Avoyer  de  Miilinen,  qui 
était  en  correspondance  quotidienne  avec  Roset,  lui  écrivit  au  commencement  de 
septembre,  pour  le  prévenir  que  les  négociations  engagées  par  «.  le  Savoyen  »  avec  les 

(1)  Séance  du  Conseil  du  2C  juillet  :  a  Paix  de  France,  ont  esté  veues  lettres  du  S'  du  Rezay  par 
«  lesquelles  il  adVertii  que  M.  le  Duc  a  escript  au  Roy  pour  caste  ville  bien  amplement,  y 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  63 

cantons  étaient  dirigées  tout  entières  contre  Genève  «  et  que,  si  on  veult  reprendre  les 
«  derniers  erremens  oiî  on  en  est  denaeuré,  qu'il  y  a  espérance  d'y  revenir  et  qu'on 
«  y  pense  bien.  •»  Le  Conseil,  désireux  de  connaître  le  fond  des  choses,  décida  de 
«  sonder  ung  peu  mieulx  »  de  Mùlinen  et  de  lui  recommander  de  nouveau  l'affaire 
de  l'alliance. 

Le  duc  d'Alençon,  qui  ne  perdait  aucune  occasion  de  protester  de  son  dévouement 
à  la  République,  n'oubliait  pas  non  plus  Genève,  lorsqu'il  avait  besoin  d'argent.  Le 
5  novembre,  du  Rezay,  qui  était  le  secrétaire  particulier  du  duc,  se  présenta  au 
Conseil  avec  une  lettre  demandant  qu'on  prêtât  au  duc  pour  un  an  ou  six  mois  tout 
au  moins,  la  somme  de  3,000  écus  ;  du  Rezay,  qui  était  muni  d'une  procuration 
régulière,  fit  valoir  que  le  duc  d'Alençon  s'emploierait  utilement  pour  soutenir  à  la  Cour 
les  intérêts  de  Genève;  il  profita  môme  de  l'audience  que  le  Conseil  lui  avait  accordée 
pour  exposer  en  détail  les  efforts  tentés  en  faveur  de  Genève.  Il  ressort  de  cet  exposé 
qu'en  effet  le  duc  d'Alençon  et  son  secrétaire  du  Rezay  avaient  tenté  diverses  démar- 
ches pour  faire  comprendre  Genève  dans  l'alliance.  Du  Rezay  raconta  que  la  proposi- 
tion avait  été  présentée  à  un  conseil  de  cabinet  auquel  assistaient  la  Reine,  les  S''*  de 
Rellièvre  (1)  et  de  Limoges,  et  l'Evêque  Morvilliers  ;  l'idée  fut  fort  bien  accueillie  par 
les  assistants  qui  la  déclarèrent  «  bonne  et  utile  pour  le  royaume,  »  et  on  décida 
d'aviser  aux  moyens  de  la  mettre  à  exécution.  Les  S"^^  de  Limoges,  Morvilliers,  Rel- 
lièvre, Beauvoir  et  du  Rezay  lui-même  se  réunirent  donc  pour  aviser  ;  une  seule 
objection  fut  émise  par  Rellièvre  ;  il  fit  remarquer  qu'il  n'était  guère  raisonnable  que 
le  Roi  «  déclairast  son  cœur  »  en  faveur  de  Genève,  lorsque  personne  ne  se  présentait 
pour  traiter  au  nom  de  cette  ville.  Finalement  il  fut  décidé  que  l'affaire  serait  négo- 
ciée directement  par  l'Ambassadeur  de  France  auprès  des  Ligues  et  que  le  Roi  lui  en 
écrirait.  Ce  mode  de  procédure  devait  entraîner  nécessairement  des  longueurs  et  du 
Rezay  en  exprima  ses  regrets,  ajoutant  qu'il  ne  dépendait  pas  de  lui  que  les  choses  ne 
fussent  plus  avancées,  car,  disait-il,  «  il  n'est  moings  affeclioné  à  cest  République  que 
«  s'il  en  fust  né  citoyen.  » 

(1)  Il  s'agit  ici  non  de  Jean  de  Bellièvre,  seigneur  de  Hautefort,  alors  Ambassadeur  en  Suisse,  mais 
de  son  frère  Pomponne  de  Bellièvre,  chancelier  de  France. 


64  GENÈVE,    LE   PARTl'"lIUOUENOT 

Le  Conseil  remercia,  comme  il  le  devait,  l'agent  du  duc  d'Alençon  de  toute  la 
peine  qu'il  se  donnait  pour  soutenir  les  intérêts  de  Genève  et  il  décida  d'avancer  la 
somme  réclamée,  à  moins  toutefois  que  du  Rezay  ne  se  contentât  d'une  moindre  somme. 
On  commença  donc  par  offrir  2,000  écus  au  lieu  des  3,000  demandés  et  du  Rezay,  qui 
était  fort  accommodant,  promit  d'écrire  au  duc  pour  l'amener  à  se  contenter  de  cette 
somme.  Mais  en  même  temps,  le  Conseil,  qui  tenait  avant  tout  à  ménager  le  duc 
d'Alençon,  décida  de  ne  pas  «  marchander  »  pour  les  3,000  écus,  si  le  duc  insistait  (1). 

N'ayant  pas  obtenu  d'emblée  ce  qu'il  demandait,  du  Rezay  se  décida  à  frapper  à 
une  autre  porte  ;  il  se  rendit  à  Berne,  mais  Messieurs  de  Berne  n'étaient  pas  d'humeur 
prêteuse  et  ils  lui  répondirent  par  un  refus  péremptoire,  prétextant  qu'ils  venaient  de 
refuser  également  «  quelque  petite  somme  »  à  l'Ambassadeur  du  Roi  (2).  Du  Rezay 
revint  donc  à  Genève  comme  il  en  était  parti,  mais  entre  temps  le  Conseil  avait  appris 
par  un  courrier  venant  de  Lyon  que  le  duc  d'Alençon  était  en  train  de  faire  sa  paix 
avec  le  Roi  et  la  Reine-Mère  ;  cette  nouvelle  refroidit  les  bonnes  dispositions  du 
Conseil  et,  lorsque  du  Rezay  se  présenta  pour  rappeler  la  promesse  antérieure,  il  lui 
fut  répondu  assez  sèchement  que,  s'il  n'y  avait  rien  de  nouveau,  la  Seigneurie  tiendrait 
sa  parole  (3).  Le  nouveau  ne  se  fit  pas  attendre;  le  Conseil,  ayant  appris  de  source 
certaine  que  le  duc  d'Alençon  venait  de  se  réconcilier  avec  le  Roi,  répondit  par  un 

(1)  Si  l'on  en  juge  par  le  Registre  de  la  séance  du  G  novembre,  il  paraît  que  le  duc  d'Alençon 
n'éiait  pas  des  plus  scrupuleux,  (|uand  il  s'agissait  de  s'acquitter  envers  ses  créanciers  ;  la  République 
lui  avait  prêté  précédemment  2,300  écus  et  il  ne  lui  avait  remboursé  celte  somme  ([u'à  raison  de  3 
francs  l'écu. 

(2)  «  Parce  mesmes,  dit  le  Registre  du  10  novembre,  (lu'ilsse  doublent  de  quelque  chose  du  coslé 
»  de  Bourgogne  où  on  veull  lever  gens  " . 

(5)  Le  Registre  du  Conseil  nous  apprend,  à  la  date  du  18  novembre,  que  le  duc  d'Alençon  vcnaii 
lie  donner  au  S'  de  la  Violette  une  mission  conlidentiellc  pour  l'Italie  el  ([u'il  l'avait  chargé  en  particulier 
de  voir  le  duc  de  Savoie  pour  lui  dire  «  tout  ce  ([u'on  trouvera  bon  pour  le  bien  de  Genève  ».  M.  de  la 
Violette  passa  par  Genève  el  eut  à  celle  occasion  une  audience  du  Conseil  :  «  Duc  d'Alençon,  Savoie. 
«  On  s'est  assemblé  exlraordinairement  parceque  le  S''  de  la  Violette  est  arrivé  de  France  el  est  icy 
'<  mandé  par  M.  de  la  Fin  (|ui  a  charge  de  Son  Excellence  (le  duc  d'Alençon)  d'aller  en  Italie,  notamment 
•<  en  i)assant  par  devers  son  Altesse  de  luy  dire  de  la  pari  de  Monsieur  tout  ce  (ju'on  trouvera  estre  bon 
«  pour  le  bien  de  cesie  ville  laquelle  il  désire  conserver  et  pourlanl  est  passé  par  deçà  pour  sçavoir 
«  la  volonté  de  Messieurs:  a  esté  arreslé  (pi'on  le  remercie  cl  puisipi'ainsi  est,  (ju'on  le  prie  de  recom- 
«  mander  la  ville  à  Sun  Altesse  de  la  pari  de.  Son  Excellence  el  Iny  (aire  enlendi'(î  comme  il  la  chérit  ». 


ET   LE   TRAITE   DE   SOLEURE  65 

refus  catégorique,  lorsque  du  Rezay  se  présenta  pour  toucher  les  3,000  écus  (1). 
Poliment  éconduit  à  Berne  et  à  Genève,  l'agent  du  duc  d'Alençon  retourna  en 
France  raconter  sa  déconvenue  à  son  maître.  A  partir  de  ce  moment,  le  duc  d'Alençon 
ne  se  soucia  plus  ni  de  Genève,  ni  du  traité,  et  il  s'écoula  plusieurs  mois  avant  que  les 
négociations  fussent  reprises. 

Les  succès  des  huguenots  et  des  catholiques  mécontents,  qui  avaient  abouti  à 
l'Edit  de  pacification,  avaient  naturellement  donné  quelque  sécurité  aux  Genevois 
mais,  à  la  fin  de  l'année  1576,  des  nouvelles  sinistres  parvinrent  au  Conseil;  on  rapporta 
que  la  Reine-Mère  avait  envoyé  à  Genève  des  émissaires  pour  nuire  à  la  ville  et  pour 
y  mettre  le  feu  ;  le  Conseil  donna  ordre  aux  dizeniers  et  aux  autres  officiers  de  quartier 
de  rechercher  activement  les  nouveaux-venus  et  les  étrangers. 


'S*- 


Au  mois  de  février  1577,  le  Conseil  reçut  des  avis  plus  inquiétants  encore,  car 
ils  faisaient  soupçonner  une  trahison.  Un  Genevois,  Anselme  Caille,  revenant  de  Lyon, 
raconta  avoir  entendu  dire  à  un  personnage  qui  désirait  ne  pas  être  nommé  que  la 
Reine-Mère  savait  tout  ce  qui  se  faisait  à  Genève  par  le  moyen  de  gens  qu'elle  y 
entretenait  ;  le  même  personnage  ajoutait,  ce  qui  était  plus  grave,  que  l'un  des  membres 
du  Conseil  révélait  tout  à  un  ministre  et,  par  les  indiscrétions  de  ce  ministre,  toutes 
les  décisions  du  Conseil  étaient  transmises  à  la  Cour.  On  rapportait  en  outre  que  le  duc 
de  Savoie  tramait  une  nouvelle  entreprise  contre  la  ville  et  qu'il  employait  dans  ce 
but  quatre  bourgeois  de  Genève  qui  s'étaient  donnés  à  lui.  Le  personnage  qui  fournissait 
ces  renseignements  promettait  de  faire  ses  efforts  pour  découvrir  les  traîtres  et  livrer 
leurs  noms.  Tout  porte  à  croire  qu'il  n'y  avait  rien  de  fondé  dans  ces  vagues  rumeurs, 
mais  on  conçoit  aisément  quel  trouble,  quelle  terrible  défiance  de  semblables  bruits 
devaient  jeter  dans  les  relations  journalières;  qu'on  se  représente  une  séance  du 
Conseil  oii  se  produisaient  ces  dénonciations  et  où  chacun  des  membres,  interrogeant 

(1)  «  Séance  du  27  novembre:  Duc  d'Alençon,  S^  du  Resay  —  Sus  ce  que  le  dict  S'' du  Resay 
«  requierl  lui  délivrer  les  trois  mille  cous  en  prest  pour  ledict  S"^  Duc,  suyvanl  la  parole  à  luy  baillée  cy 
"  devant,  a  esté  arresté,  d'aultant  qu'on  lient  pour  certain  que  ledict  S'  Duc  s'est  rengé  au  costé  du  Roy, 
«  qu'on  révoque  ladicte  promesse,  s'excusant  aussy  sus  ce  qu'on  a  mandé  à  Basic  qu'on  vouloit  rédimer 
«  environ  dix  mille  cscus,  oullre  ce  (jue  nous  avons  à  craindre  en  ce  passage  des  Espagnols  «. 


60  GENÈVE,  LE  PARTF  HUGUENOT 

du  ret^ard  son  voisin,  se  demandait  quel  était  le  irailre  :  «  Arreslé,  dit  à  ce  propos  le 
a  Registre,  qu'on  soit  sus  ses  gardes  et  qu'on  veille  pour  découvrir  tels  donneurs 
«  d'advertissemenls.  » 

Au  milieu  de  ces  bruits  alarmants,  le  Conseil  sentait  plus  que  jamais  combien  il 
importait  que  la  République  fût  comprise  dans  le  traité  d'alliance  entre  la  France  et 
les  cantons  et  il  ne  négligeait  aucune  occasion  favorable  pour  atteindre  ce  but.  Le 
Seigneur  de  Beauvoir  ayant  annoncé  qu'il  allait  rejoindre  le  Roi  de  Navarre  (1),  le 
Conseil  lui  confia  une  double  mission  :  en  premier  lieu  d'obtenir  le  remboursement  de 
tout  ou  partie  des  sommes  prêtées  par  Genève  aux  églises  de  France,  puis  de  tenter 
de  nouvelles  démarches  pour  le  traité.  On  lui  remit  dans  ce  double  but  une  procu- 
ration régulière  qui  lui  permettait  de  négocier  au  nom  de  la  République  ;  il  fut  en  môme 
temps  chargé  de  lettres  de  créance  pour  le  Roi  de  Navarre,  le  prince  de  Condé,  le 
maréchal  de  Damville,  le  vicomte  de  Turenne,  et  pour  les  églises  réformées  de  France  ; 
le  Conseil,  en  leur  recommandant  Beauvoir,  les  priait  de  prendre  en  mains  les  intérêts 
de  la  République,  mais  il  fut  entendu  en  même  temps  que  ces  lettres,  toutes  confi- 
dentielles, ne  seraient  remises  qu'en  cas  de  nécessité  ;  le  Conseil  craignait  sans  doute 
d'éveiller  les  soupçons  ou  d'exciter  la  défiance  de  la  Cour. 

La  mission  de  Beauvoir  n'eut  pas  lieu  de  suite  ;  ce  gentilhomme  reconnut  qu'il 
courrait  de  grands  dangers  en  se  rendant  à  ce  moment  auprès  du  Roi  de  Navarre  et  il 
renonça  momentanément  à  son  voyage,  se  bornant  à  envoyer  son  secrétaire  à  Bergerac, 
oii  se  trouvaient  alors  le  Roi  de  Navarre,  le  prince  de  Condé  et  le  duc  de  Montpensier. 
Beauvoir  ne  put  se  mettre  en  route  que  six  mois  plus  tard  :  le  11  novembre  1577,  il 

(1)  Pour  entreprendre  son  voyage,  le  S'  de  Beauvoir  dût  demander  au  Conseil  un  prêt  de  500  ccus 
el  offrit  de  «  s'ol)ligcr  avec  sa  femme,  laquelle  ne  bougera  point  de  la  ville  jusques  à  ce  que  ceste  pariic 
'<  soit  paiéc  ny  ses  enfanls;  a  esté  arreslé,  dit  le  Registrcd'auitanl  (ju'il  est  homme  d'autliorilé  et  crédit, 
.<  qu'on  les  luy  preste  "  (Séance  du  20  avril  1577).  Mais,  dès  le  lendemain,  Beauvoir  recul  de  l'argent 
de  France  el  il  remboursa  la  somme  qui  lui  avait  été  avancée  (séance  du  29  avril)  :  «  S'^  de  Beauvoir, 
..  dcble  dtieu  à  la  Seigneurie  par  les  Eglises.  A  esté  proposé  qu'il  a  receu  argent  par  ung  sien  homme 
'(  nouvellemcnl  arrivé  de  France,  lellemenl  ([u'il  est  presl  à  rendre  les  ciiK]  cens  escus  à  luy  prcslés  dont 
'.  il  se  sent  aultani  obligé  iiue  s'il  les  heusl  gardé  tout  le  temps,  s'olTranl  faire  service  à  Messieurs  el 
'<  tout  ce  (|u'il  pourra,'mesme  envers  le  Boy  de  ii'rance  et  aullres  S'"  du  la  Religion.  Arreslé  qu'on  le 
«  prie  d'avoir  cesle  ville  en  recommandation,  mesmes  de  soliciter  par  tous  moyens  le  paiement  des 
«  soimiii's  (leues  à  la  Seigneurie  par  les  Eglises.  » 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  67 

prit  congé  du  Syndic  Varro  «  offrant,  dit  le  Registre,  faire  service  à  la  Seigneurie  en 
«  ce  qu'il  luy  plaira  l'eraploier,  mesmes  au  faict  pour  lequel  on  luy  bailla  lettres  et 
i<  procure,  d  Le  Conseil  remercia  Beauvoir  de  ses  offres  et  lui  remit  les  pièces  qui  lui 
étaient  nécessaires  pour  l'accomplissement  de  sa  mission  (i). 

A  ce  moment  Beauvoir  se  trouva  mêlé  à  un  curieux  incident  qui  nous  fait  con- 
naître les  procédés  haineux  et  perfides  employés  contre  Genève  par  le  duc  de  Savoie. 
Beauvoir  avait  un  frère,  le  Seigneur  de  la  Fin,  dont  il  a  été  question  plus  haut  et  qui 
était  attaché  à  la  maison  du  duc  d'Anjou  ;  ce  de  la  Fin,  en  séjour  à  Ripaille,  eut  de 
fréquentes  audiences  du  duc  de  Savoie.  Dans  une  de  ces  entrevues.  De  la  Fin  s'exprima 
en  termes  bienveillants  à  l'égard  de  Genève  ;  le  duc  l'interrompit  brusquement  en  lui 
disant  qu'il  était  vraiment  bien  bon  de  se  soucier  tant  de  cette  ville,  car  il  y  avait  peu 
de  crédit.  De  la  Fin,  fort  surpris,  répliqua  à  S.  A.  qu'il  estimait  au  contraire  y  avoir 
du  crédit  et  que  les  Genevois  lui  portaient  de  l'amitié,  comme  ils  l'avaient  montré  en 
l'accueillant  avec  humanité  pendant  les  persécutions.  Mais  le  duc  de  Savoie,  conti- 
nuant ses  insinuations,  lui  assura  qu'un  des  principaux  personnages  de  la  Ville,  qui 
avait  été  précédemment  employé  aux  affaires  d'Etat,  avait  tout  mis  en  œuvre  pour  le 
faire  expulser  de  Ripaille,  où  Messieurs  de  Genève  ne  le  voyaient  pas  de  bon  œil  ;  au 
dire  du  duc  de  Savoie,  les  Genevois  accusaient  De  la  Fin  de  tramer  quelque  entre- 
prise contre  eux.  Le  duc,  en  agissant  ainsi,  n'avait  qu'un  but,  c'était  d'indisposer  contre 
Genève  De  la  Fin  et  Beauvoir.  De  la  Fin,  très  froissé  des  soupçons  qu'on  cherchait 
à  faire  planer  sur  lui,  chargea  son  frère  de  demander  des  explications.  Beauvoir  se 
présenta  au  Conseil  accompagné  de  deux  gentilshommes  de  ses  amis  ;  à  la  séance 

(i)  Beauvoir  était,  comme  le  S' de  Clervant,  un  des  amis  et  des  auxiliaires  du  prince  de  Condé  ; 
tous  deux  furent  obligés  de  se  mettre  en  avant  pour  aider  Condé  dans  ses  embarras  pécuniaires,  comme 
en  témoigne  le  Registre  du  9  septembre  1577  : 

«  S'  de  Clervant,  S'  de  Beauvoir.  —  Estant  proposé  que  M.  le  Prince  de  Condé,  ayant  passé  obli- 
«  gation  de  1,000  écus  au  S'  Lucas  Guebert,  de  Basle,  sous  la  caution  du  S'  Lochmann  et  les  S''"  de 
«  Clervant  et  de  Vesines  contre-caution,  il  demande  estre  maintenant  payé  et  des  intéresls  en  trois  ans. 
«  Surquoy,  le  S' de  Beauvoir  [)rie  prester  ladicie  somme  de  150  pour  les  intéresls  et  100  pour  le  voyage 
(I  (lu'il  faut  faire,  ollVant  de  s'en  constituer  respondant,  arresté,  pour  le»  obligations  qu'on  a  audict 
«  S'  de  Clervant,  encor  qu'il  soit  redevable  d'aillieurs  de  six  ou  sept  cens  escus,  qu'on  les  preste  audict 
«  S' de  Clervant,  si  on  ne  peult  mieux  faire.  » 


68  GENÈVE,  LE  PAUTI  HUGUENOT 

assistait  enlr'autres  Michel  Roset,  alors  lieutenant  de  police,  qui  avait  été  plus  particu- 
lièrement désigné  par  les  paroles  du  duc  de  Savoie.  Tous  les  membres  du  Conseil  et 
Michel  Roset  lui-même  déclarèrent  sans  hésiter  qu'ils  n'avaient  jamais  tenu  le  langage 
qui  leur  était  attribué;  Roset  rappela  qu'il  avait  eu  des  conférences  officielles  avec  le 
président  iMilliet,  de  Chambéry,  mais  qu'il  s'en  était  tenu  strictement  à  ses  instruc- 
tions et  qu'il  n'avait  pas  prononcé  un  seul  mot  qui  pût  être  interprété  dans  un  sens 
défavorable  à  De  la  Fin.  Le  Conseil  s'empressa  de  communiquer  à  Beauvoir  le  résultat 
de  l'enquête  &  avec  démonstration  de  tote  la  faveur  et  plaisir  qu'on  pourroit  faire 
«  audict  S""  De  la  Fin,  comme  il  l'a  aperceu  cy  devant,  aussy  luy  tesmoigner  que  tant 
«  en  fault  que  Messieurs  ayent  quelque  sinistre  opinion  de  Monseigneur  le  Duc 
'(  d'Anjou,  qu'au  contraire  ils  sont  prests  de  luy  faire  très-humble  service,  comme  ils 
«  ont  faict  cy  devant.  »  Beauvoir  remercia  chaleureusement  le  Conseil  des  assurances 
qui  venaient  de  lui  être  données  et  témoigna  sa  joie  de  pouvoir  transmettre  une 
aussi  heureuse  nouvelle  à  son  frère,  qui,  de  son  côté,  se  chargerait  de  renseigner  son 
maître,  le  duc  d'Anjou,  sur  les  intentions  véritables  du  Conseil  (1).  En  terminant, 
Beauvoir  assura  que  lui  et  son  frère  resteraient  toujours  les  serviteurs  de  la 
Seigneurie.  Rentré  en  France,  Beauvoir  tint  sa  promesse  et  montra  qu'il  était  tout 
dévoué  aux  intérêts  de  Genève;  il  joignit  ses  efforts  à  ceux  d'autres  gentilshommes 
protestants  pour  obtenir  que  l'indépendance  et  la  sécurité  de  Genève  fussent  garanties 
par  la  France. 


CHAPITRE  VIII 

le  Conseil  tente  de  nouvelles  démarclies  pour  obtenir  l'alliance  et  la  garantie  de  la  France.—  Intrigues  du  duc  de 
Savoie.  —  Mission  de  Roset  à  Berne.—  L'Avoyer  de  Lucerne,  Pfjiïer,  écrit  au  Roi  contre  le  traité,  —  Le 
Conseil  achète  le  concours  de  B.  de  Grissac,  secrétaire  de  l'Ambassade  de  France. 

La  question  de  l'alliance  française  ne  cessait  de  préoccuper  le  Conseil  ;  c'était 
alors  l'idée  dominante  de  Michel  Roset,  l'homme  éminent  qui  dirigea  pendant  près 

(I)  Aussi  bien,  ajoulaii  Beauvoir,  le  Duc  d'Anjou  pouvait  avoir  reçu  à  ce  sujet  (juelque  faux 
rapport  que  De  la  Fin  se  chargerait  de  déinenlir  «  et  par  ce  moyen,  disait-il,  avec  la  maladie  il  portera 
"  l'emplaslre.  » 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  69 

d'un  demi-siècle  les  affaires  de  la  République.  Au  mois  d'avril  1578,  Roset  s'entretint 
longuement  de  son  projet  avec  le  Irucheman  de  l'Ambassade  de  France,  Ballhasard 
de  Grissac,  qui  lui  donna  les  plus  grandes  espérances  en  lui  affirmant  que  le  Roi  était 
des  mieux  disposés  pour  Genève.  Th.  de  Bèze,  qui  n'était  étranger  à  aucune  négocia- 
tion politique,  se  préoccupait,  lui  aussi,  des  moyens  de  faire  garantir  la  sécurité  de 
Genève  du  côté  de  la  France  ;  le  22  avril  il  proposa  au  Conseil  de  profiter  dans  ce  but 
du  départ  de  deux  gentilshommes  français,  Clervant  et  Du  Lac,  qui  se  rendaient  auprès 
du  Roi  de  Navarre.  Une  assemblée  de  délégués  des  églises  réformées  de  France  était 
convoquée  à  Bergerac  pour  le  25  juin  ;  Th.  de  Bèze  demandait  qu'on  saisît  cette  occa- 
sion pour  solliciter  le  remboursement  des  sommes  dues  à  la  Seigneurie  par  les  églises 
et  il  proposait  que  le  Roi  de  Navarre  fût  instamment  prié  d'intercéder  auprès  de 
Henri  III  en  faveur  de  Genève.  Le  Conseil  suivit  cet  avis  et  décida  d'écrire  au  Roi  de 
Navarre,  au  prince  de  Condé  et  à  La  Noue  (1). 

Henri  de  Navarre,  comme  tous  les  chefs  du  parti  huguenot,  avait  l'œil  constamment 
fixé  sur  Genève.  La  Noue  l'ayant  prévenu  qu'on  parlait  d'entreprises  nouvelles  contre 
la  République,  Henri  de  Navarre  s'empressa  d'écrire  à  Lesdiguières  «  aultant  affec- 
«  lueusement  qu'il  a  peu,  d'y  avoir  l'œil  et  d'y  apporter  tout  le  soing  et  diligence  qui  y 
«  est  requise,  suyvant  les  advis  qu'on  lui  donneroit,  tenant  totes  choses  prestes  et  en 
«  estât  ;  de  sa  part  il  n'y  veult  espargner  aucun  des  moiens  que  Dieu  luy  a  mis  en 
«  main  et  a  desia  prié  quelques  gentilshommes  estans  auprès  de  lui  et  aultres  qui 
«  sont  par  les  provinces  et  se  tenir  prests  et  y  mener  le  plus  de  forces  qu'ils  pourront, 
«  s'il  en  est  besoing.  » 

Henri  de  Navarre  ne  se  contenta  pas  d'une  simple  lettre  ;  il  envoya  Clervant 
auprès  de  Lesdiguières  qui  leva  aussitôt  mille  hommes  d'infanterie  et  deux  cents  che- 
vaux pour  venir  au  secours  de  Genève  ;  dans  le  cas  où  ces  troupes  ne  pourraient  pas 
passer  librement,  elles  avaient  ordre  de  «  se  ruer  sus  la  Savoye.  » 

(1)  Le  Conseil  arrêta  le  23  avril  la  teneur  des  lettres  destinées  au  roi  de  Navarre  et  le  24  le  S'  de 
Clervant,  qui  était  chargé  sans  doute  de  remettre  ces  lettres  en  mains  propres,  prit  congé  du  Conseil  en 
mettant  sa  personne  ei  ses  biens  au  service  de  la  République  et  en  offrant  en  cas  de  danger  d'amener  à 
Genève  «  gens  de  cheval  el  de  pied.  » 


70  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Pour  obtenir  l'alliance  française,  le  Conseil  ne  se  contenta  pas  de  solliciter  l'appui  du 
roi  de  Navarre  ;  il  sollicita  en  même  temps  l'intervention  de  Messieurs  de  Berne,  en  leur 
annonçant  qu'il  était  bruit  de  nouvelles  entreprises  contre  Genève.  On  répondit  de  Berne  en 
priant  le  Conseil  d'envoyer  des  délégués  pour  conférer;  Michel  Boset  et  Ami  Varro,  aussitôt 
désignés,  partirent  pour  Berne;  ils  eurent  une  entrevue  avec  l'Avoyer  de  Mùlinen  (1)  et  lui 
demandèrent  si  les  négociations  pour  l'alliance  avaient  quelque  chance  de  réussir. 
L'Avoyer,  qui  était  fort  dévoué  aux  intérêts  de  Genève,  répondit  qu'il  venait  de  s'entre- 
tenir tout  au  long  de  cette  affaire  avec  le  trucheman  de  l'Ambassade  de  France; 
Balthasard  de  Grissac  avait  reconnu  qu'il  serait  avantageux  de  faire  comprendre 
Genève  dans  le  traité  avec  la  couronne  de  France  et  il  avait  offert  de  porter  lui-même 
les  propositions  à  la  Cour.  L'Avoyer  de  Mùlinen  concluait  en  énonçant  l'idée  qu'une 
demande  formelle  devait  être  présentée  dans  ce  sens  par  les  cantons. 

Le  23  juin,  le  Conseil  reçut  les  nouvelles  les  plus  encourageantes.  Beauvoir,  qui 
se  trouvait  à  la  Cour,  écrivait  à  Th.  de  Bèze  pour  lui  annoncer  que  la  dépêche  relative 
à  l'alliance  avait  été  non  seulement  soumise  à  la  signature  du  Boi,  mais  qu'elle  était 
déjà  en  route. 

Sur  ces  entrefaites,  le  duc  de  Savoie,  qui  avait  été  informé  des  négociations  entamées, 
ne  restait  pas  inactif;  il  mit  tout  en  œuvre  pour  contrecarrer  les  projets  d'alliance.  Il 
fit  valoir  auprès  de  Messieurs  de  Berne  que,  tout  en  ayant  sur  Genève  des  droits 
incontestables,  il  ne  les  soutiendrait  pas  par  les  armes,  mais  par  les  voies  de  droit, 
offrant  de  soumettre  le  litige  à  leur  appréciation.  Mais,  en  fin  matois,  il  ajoutait  que, 
puisque  d'autres  souverains  avaient  des  vues  sur  Genève,  il  était  prêt,  «  afin  que  pis 
«  n'advienne,  »  à  entrer  en  plus  étroite  aUiance  avec  Messieurs  de  Berne,  pour  veiller 
de  plus  près  à  la  protection  de  Genève.  C'était  assurément  une  protection  peu  rassu- 
rante que  celle  du  duc  de  Savoie,  quand  il  s'agissait  de  Genève  !  Malgré  les  observations 
du  duc  de  Savoie,  le  gouvernement  de  Berne  écrivit  au  Boi  qu'il  était  prêt  à  s'entendre 
avec  lui  pour  la  protection  de  Genève.  On  annonçait  d'autre  part  que  le  Chancelier  de 

(1)  Béai  Louis  de  Miilinen,  Avoyer  de  Berne  ;  il  fui  envoyé  auprès  de  Henri  III  pour  le  compliinen- 
Icr  sur  son  avènement  au  Irône.  Voy.  Fragments  historiques  de  la  ville  et  République  de  Berne,  Neucliàtel 
1737,  2'""  partie,  p.  154  et  suiv. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  71 

France  engageait  le  Roi  à  accepter  les  ouvertures  de  Messieurs  de  Berne  :  c'était  d'un 
heureux  augure. 

Quelques  jours  plus  tard,  ces  nouvelles  favorables  furent  pleinement  confirmées. 
L'Avoyer  de  Miilinen  écrivit  à  Roset  que  M.  de  Haulefort  allait  arriver  en  Suisse 
avec  les  pleins  pouvoirs  pour  traiter;  l'Avoyer  de  Berne  recommandait  toutefois  le 
plus  grand  secret,  afin  que  le  duc  de  Savoie  ne  se  doutât  de  rien  (1).  Le  13  juillet 
l'Avoyer  de  Miilinen  revient  à  la  charge  et  transmet  à  Michel  Roset  des  nouvelles  plus 
précises.  L'Avoyer  annonce  qu'il  ne  s'est  pas  contenté  de  négocier  auprès  de  la  Cour  de 
France,  mais  qu'il  a  vivement  sollicité  Messieurs  de  Fribourg  et  de  Soleure  de  s'entendre 
avec  la  France  et  le  gouvernement  Bernois  pour  garantir  Genève.  Ces  ouvertures  ont 
rencontré  de  part  et  d'autre  le  meilleur  accueil.  Tout  faisait  supposer  que  le  Roi  consen- 
tirait à  accepter  Genève  dans  l'alliance  perpétuelle  ;  pour  le  cas  où  il  serait  nécessaire  de 
mettre  garnison  à  Genève,  il  devait  être  stipulé  que  Berne  fournirait  les  troupes  et  la 
France  le  montant  de  la  solde,  «  tellement,  dit  le  Registre,  qu'eulx  et  nous  seront 
déchargés  île  l'argent  et  n'auront  qu'à  fournir  gens  à  leur  plaisir.  »  Les  négociations 
étaient  donc  en  bonne  voie,  mais,  avant  d'aller  plus  loin,  l'Avoyer  désirait  connaître 
exactement  les  intentions  et  les  vœux  des  Genevois  et  il  priait  Roset  de  les  lui 
indiquer.  Le  Conseil  délégua  aussitôt  Michel  Roset  pour  se  rendre  à  Berne  auprès  de 
Miilinen. 

En  passant  par  Payerne,  Roset  se  rencontra  avec  le  banneret  Banqueté  qui  lui 
communiqua  des  lettres  de  l'Avoyer  de  Fribourg;  ce  dernier  annonçait  son  départ 
pour  Lucerne  oïi  devait  avoir  lieu  ane  journée  entre  les  députés  des  sept  cantons,  pour 
aviser  à  la  défense  de  Genève  (2).  Au-delà  de  Moral,  Roset  rencontra  M.  de  Vézines 
qui  lui  donna  d'excellentes  nouvelles;  on  n'attendait  plus  que  l'arrivée  de  l'Ambassadeur 
de  France  pour  pousser  vigoureusement  les  négociations  en  faveur  de  Genève. 

(1)  Au  même  moment,  un  ihéologieu  de  Zurich,  Guallcr,  informait  Tii.  de  Bèze  que  «  le  roy 
«  s'efforeoit  grandement  que  les  Bernois  el  aullrcs  cantons  receussent  ceste  ville,  promettant  pour  ce 
sa  foy  et  son  pouvoir  ».  (Séance  du  Conseil  du  8  juillet.) 

(2)  Il  est  peu  |)rol)able  que  cette  journée  ait  eu  lieu  :  c'est  précisémentde  Lucerne  que  partit  la 
plus  vive  opposition  au  traité  de  Soleure. 


72  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Aussitôt  arrivé  à  Berne,  Rosel  eut  une  entrevue  avec  l'Avoyer  de  Mùlinen  qui  le 
mit  au  courant  des  négociations  pendantes  entre  le  gouvernement  bernois  et  l'Am- 
bassade de  France  ;  l'Avoyer  avait  pris  en  main  les  intérêts  de  Genève  :  il  avait  écrit 
soit  à  l'Ambassadeur  de  Hautefort,  soit  à  son  frère  le  Chancelier,  et  à  d'autres  seigneurs 
de  la  Cour  de  France  pour  leur  recommander  l'affaire  du  traité;  ces  ouvertures  avaient 
été  bien  accueillies  et  on  avait  répondu  que  le  Roi  était  prêt  à  comprendre  Genève  et 
le  Pays  de  Vaud  dans  le  traité  de  paix  perpétuelle;  le  Roi  offrait  en  outre  de  main- 
tenir à  ses  frais,  en  cas  de  nécessité,  une  garnison  à  Genève  ;  M.  de  Hautefort  allait 
arriver  avec  pleins  pouvoirs  pour  traiter. 

De  retour  à  Genève,  Michel  Roset  rendit  compte  de  sa  mission  dans  la  séance  du 
Conseil  du  28  juillet;  les  renseignements  qu'il  donna  étaient  des  plus  favorables  et  tout 
semblait  annoncer  une  heureuse  issue  des  négociations  (1).  Mais  on  avait  compté 
sans  les  intrigues  de  quelques  fanatiques. 

Au  mois  de  septembre  1578,  le  Conseil  reçut  des  avis  inquiétants  de  Vézi- 
nes  (2)  qui  se  trouvait  à  ce  moment  en  France.  Ce  personnage  annonçait  que  le 
colonel  Pfyffer,  de  Lucerne,  avait  écrit  au  Roi  pour  s'opposer  au  traité;  Pfyffer  déclarait 
que  lui  et  d'autres  bons  catholiques  avaient  appris  avec  regret  son  intention  de  prendre 
Genève  sous  sa  protection,  «  ce  qu'ils  ne  pouvoient  estimer,  attendu  l'importance  du 
fait,  par  lequel  il  attireroit  l'inimitié  de  tous  bons  catholiques  et  notamment  du 
Pape  ». 

(1)  Au  niomem  où  s'ciigageaienl  les  négociations  avec  la  France,  le  Conseil  semait  la  nécessité  de 
surveiller  de  très  près  les  publications  qui  pouvaient  compromettre  Genève.  Le  17  juillet  on  lui  soumet 
un  ouvrage  intitulé  :  Mémoires  de  France;  Varro  et  Chevalier  sont  désignés  pour  l'examiner  et  noter 
■<  ce  (jui  est  à  osier  des  blasnies  et  calomnies  contre  le  Roy,  la  Roine,  etc.  »  Le  7  août,  l'imin-imeur 
Ëustache  Vignon  revient  à  la  charge  pour  obtenir  l'autorisation,  mais  le  Conseil  décide  de  la  refuser 
..  d'aultanl  qu'il  est  tout  plein  <rinvectives  et  qu'il  ne  se  pcult  rcirencher,  comme  il  offre,  que  l'histoire 
u  ne  soit  manrjué,  joingt  que  la  Seigneurie  n'en  pcult  recevoir  (|ue  dommage  et  reproches  ■>. 

(2)  M.  (le  Vézines  avait  recouvré  toute  la  conliance  du  Conseil  qui  lui  avait  avancé  100  écus 
au  moment  de  son  départ  pour  la  France.  Vézines  était  pour  le  Conseil  une  sorte  de  négociateur 
ollicieux,  d'agent  conddentiel,  qui  le  renseignait  sur  les  dispositions  de  la  Cour  ;  c'est  ce  qui  ressort 
du  passage  suivant  des  Registres,  à  la  date  du  28  juillet  : 

«  A  esté  proposé  que,  suyvant  ce  (|ui  avoit  esté  parlé  audict  S'  de  Vézines  par  le  S'  Bernard  au 
"nom  de  la  Seigneurie  et  (|ue,  s'il  voioil  (iii'il  lusl  bon  (|u'il  .illasi  ou  à  la  Cour  ou  Irouver  M.  de 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  73 

L'Avoyer  Pfyffer  était  sans  contredit  le  seul  Suisse  de  son  temps  qui  put  se  croire 
autorisé  à  parler  aussi  librement  au  Roi  de  France  ;  à  Dreux,  simple  capitaine  des 
Enfants  perdus,  \\  avait  rendu  possible  la  victoire  des  catholiques;  plus  tard,  en  4569, 
il  avait,  à  la  tête  de  6,000  Suisses,  sauvé  du  milieu  de  l'armée  des  réformés  Catherine 
de  Médicis,  le  Roi  Charles  IX,  ainsi  que  toute  la  maison  royale,  et  les  avait  ramenés 
heureusement  de  Meaux  à  Paris  (1).  Celui  qui  rend  de  tels  services  acquiert  le 
droit  de  se  faire  écouter  ;  la  lettre  de  Pfyffer  fit  impression  sur  l'esprit  du  Roi  et  le 
projet  de  traité  resta  en  suspens  pendant  quelque  temps. 

Mais,  tandis  que  l'Avoyer  de  Lucerne  travaillait  à  empêcher  le  traité,  les  chefs 
du  parti  huguenot  offraient  spontanément  leurs  services  pour  appuyer  auprès  du  Roi 
la  demande  d'alliance.  Le  prince  de  Condé,  le  vaillant  La  Noue,  écrivaient  des  lettres 
«  pleines  de  bonne  volonté  à  s'emploier  pour  la  Seigneurie  envers  le  Roy  pour  faire 
(f  entrer  ceste  ville  en  la  paix  de  France  dont  ledict  S""  Prince  promet  d'escrire  au  Roy 
«  quand  Mess"  l'en  requerront.  » 

A  ce  moment,  un  Genevois,  Claude  Colladon  (2),  se  rendait  précisément  auprès 
de  Condé  ;  le  Conseil  le  chargea  de  remettre  au  Prince  une  dépêche  dans  laquelle  il  le 
remerciait  de  son  intérêt  et  de  ses  offres  et  le  priait  «  d'y  continuer  de  plus  en  plus  »  (3). 

«  Bellièvre  à  Grenoble,  il  a  escript  tant  à  luy  qu'audict  S'  Roset,  qu'il  ne  peult  aller  à  Grenoble  pour 
<i  éviter  que  ledict  S'  de  Bellièvre  ne  le  découvre,  mays  qu'il  y  satisfera  par  lettre  :  au  reste  qu'il  s'en 
«  ira  à  la  Court,  là  où  il  poussera  les  afaires,  et  les  prie  de  luy  faire  prester  cent  escus  sus  cédule  el 
«  promesse  de  les  rendre,  a  esté  arresté  qu'on  les  luy  preste  et  que  ce  soient  lesdicts  S"  Roset  et 
«  Bernard  ou  l'ung-  d'eux,  de  l'argent  totesfois  de  la  Seigneurie  i. 

(1)  Louis  Pfyffer,  qui  fut  surnommé  le  Roi  des  Suisses,  fut  54  ans  Avoyer  de  Lucerne. «  Il  fut  un  type 
(1  des  qualités  et  des  vices  du  condottiere  suisse  au  XVI''  siècle  ;  promiititude  d'action  et  persévérance, 
«  énergique  fidélité  à  sa  foi  religieuse,  mais  les  mœurs  et  la  vénalité  d'un  courtisan.  »  (Galerie  suisse, 
par  Eug.  Secrétan,  to.  I,  p.  4C5  et  suivantes.) 

(2)  Claude  Colladon,  fils  de  Germain  Colladon  et  de  Christophia  Trembley,  s'établit  en  France  el 
devint  dans  la  suite  conseiller  du  Roi  et  maître  des  requêtes  (1599).  (Voir  les  Notices  généalogiques  ùe 
Galiffe,  art.  Colladon.) 

(.")  N'oublions  pas  un  détail  caractéristique  qui  peint  l'époque  :  «D'aullanl,  dii  le  Rei;islre,  qu'on 


74  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Parmi  les  personnages  qui  offrirent  de  s'employer  au  service  de  Genève  figure  le 
secrétaire  de  l'Ambassade  de  France,  Balthasard  de  Grissac;  le  Conseil,  qui  ne  dédai- 
gnait aucun  auxiliaire,  autorisa  Roset  à  promettre  à  Grissac  «  honneste  récom- 
«  pense  au  cas  que  la  chose  réussisse.  »  Roset  eut  l'occasion  de  rencontrer  Grissac  en 
Vallais  et  lui  fit  aussitôt  des  ouvertures,  lui  promettant  que  le  Conseil  ne  se  montrerait 
ni  oublieux,  ni  ingrat  ;  Grissac  répondit  fort  courtoisement  qu'il  était  des  mieux 
disposés,  qu'il  n'avait  aucun  doute  sur  le  succès  des  négociations  et  que  la  chose 
se  ferait  dès  que  M.  de  Hautefort  serait  arrivé.  Grissac  ajouta  que,  si  les  menées  contre 
Genève  avaient  continué,  le  Roi  aurait  offert  une  garnison  dont  il  aurait  payé  les  frais 
de  trois  mois  en  trois  mois.  Roset  ayant  demandé  ce  qu'on  entendait  faire  pour  Genève, 
Grissac  répondit  que  l'intention  du  Roi  était  de  faire  alliance  avec  Berne,  Soleure  et 
Genève,  et  de  comprendre  Genève  dans  l'alliance  perpétuelle  :  «  A  Solleurre,  disait 
Grissac,  ses  Seigneurs  ont  respondu  en  Petit  et  Grand  Conseil  qu'ils  entreront  en 
«  alliance  avec  Berne  et  Genève  et  qu'on  ne  changera  point,  quand  tous  les  Papistes 
«  debvroient  crever.  »  En  terminant,  Grissac  assura  Roset  qu'il  s'intéresserait  au  succès 
de  la  négociation  et  il  ajouta  que  le  but  serait  facilement  atteint,  car  le  Roi  avait 
lui-môme  à  cœur  le  succès  de  cette  affaire. 

Ainsi,  malgré  l'intervention  hostile  de  l'Avoyer  Pfyffer,  les  choses  prenaient  une 
excellente  tournure  et  tout  semblait  annoncer  que  Genève,  conslammenl  menacée  du 
côté  de  la  Savoie,  allait  du  moins  être  garantie  du  côté  de  la  France. 

Au  mois  de  novembre,  M.  de  Hautefort,  Ambassadeur  de  France  en  Suisse,  passa 
par  Genève,  se  rendant  à  son  poste.  Roset  lui  fit  visite  et  l'entretint  longuement  de 
la  question  de  l'alliance  ;  Hautefort  se  montra  d'abord  un  peu  réservé,  assurant  sim- 
plement que,  si  l'occasion  se  présentait  pour  lui  d'être  agréable  au  Conseil,  il  la  saisi- 
rait avec  empressement;  puis,  devenant  plus  exphcite,  il  déclara  qu'il  avait  mission 
de  s'occuper  activement  de  l'alliance  et  que  le  Roi  lui-même  désirait  expédier  rapide- 

«  entcnii  Icdicl  S'  Colladon  n'avoir  i,^ranil  moyen  pour  s'en  rclourncr  par  devers  ledicl  S'  Prince,  a 
.<  •■sléarn'st(;(iu'on  Iny  fournisse  dix  escus  pour  faire  son  voyage»  Les  dix  écus  furent  offerlji  à 
CI.  Colladuii,  mais  il  ne  voulut  pas  les  accepter.  (Voir  une  noie  en  marge  du  Registre  du  «J  octobre  1.578.) 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  75 

ment  celle  affaire,  avant  qu'elle  fût  ébruitée.  Hautefort  ajoulail  que,  pour  maintenir 
le  Roi  dans  ses  bonnes  dispositions,  le  Conseil  ferait  bien  d'empêcher  la  publication, 
à  Genève,  de  tout  écrit  injurieux  pour  la  famille  royale  (i). 

Grissac,  le  secrétaire  de  l'Ambassade  de  France,  avait  promis  ses  bons  offices, 
mais,  comme  on  l'a  vu,  il  n'entendait  pas  travailler  uniquement  pour  les  beaux  yeux 
du  Conseil;  non  seulement  il  tenait  à  une  rémunération  en  bonnes  espèces  sonnantes, 
mais  il  voulait  que  la  récompense  lui  fût  garantie  par  un  titre  authentique.  Un  ami  de 
Grissac,  Polier,  se  présenta  un  jour  auprès  de  Roset  et  lui  exposa  que  Grissac  ne 
pouvait  se  contenter  de  la  promesse  verbale  qui  lui  avait  été  récemment  faite  au  nom 
de  la  Seigneurie,  «  qu'esloit  de  luy  faire  honeste  présent  et  recognoissance  au  cas  que 
«  ceste  ville  soit  comprinse  en  la  paix  de  France  ou  qu'il  y  ait  alliance  au  contentement 
«  de  la  Seigneurie.  » 

Suivant  Polier,  ce  n'étaient  là  que  de  simples  paroles  qui  n'engageaient  personne  et 
il  lui  fallait  quelque  chose  de  plus  positif,  la  promesse  écrite  d'une  somme  déterminée. 
Polier  ajoutait,  pour  faire  valoir  son  ami,  qu'il  pouvait  être  très  utile  ou  beaucoup 
nuire,  quand  bien  même  l'Ambassadeur  travaillerait  de  son  côté  à  la  réussite  des 
négociations.  Le  Conseil  comprit  qu'en  pareil  cas  il  ne  fallait  pas  lésiner  ;  il  y  allait 
du  succès  de  l'entreprise  ;  il  s'exécuta  de  bonne  grâce  et  autorisa  Michel  Roset  à 
promettre  1,000  et  même  1,500  écus  pour  Grissac  et  500  écus  pour  Polier.  Roset  fut 
chargé  de  suivre  à  cette  petite  négociation  et  il  fut  convenu  que  la  promesse  serait 
faite  par  Roset  en  son  privé  nom,  mais  sous  la  garantie  de  la  Seigneurie. 

Roset  s'acquitta  de  sa  mission,  mais  il  rencontra  quelque  difficulté,  car  le  Sei- 
gneur Jean  Polier  était  un  personnage  assez  méticuleux,  et  il  fallut  plusieurs  entrevues 

(1)  Quelques  jours  après  l'entrevue  (le  Roset  avec  M.  de  Hautefort,  le  Conseil  eut  l'occasion  de 
montrer  sa  déférence  pour  la  famille  royale,  à  l'occasion  du  passage  du  comte  de  Vaudemont,  beau- 
frère  du  roi  de  France  :  «  A  esté  raporté,  dit  le  Registre  du  24  novembre  1578,  qu'il  (le  comte  de 
Vaudemont  le  jeune)  arriva  byer  en  ceste  ville,  venant  du  Piémont,  estant  beau-frère  du  Roy  de 
France,  tellement  qu'on  luy  lit  honneur,  luy  faisant  présenter  du  vin  et  une  grosse  truicie  par  le 
sieur  David  Chappuis  ei  par  le  Saultier,  dont  il  remercia,  et  au  reste  estant  proposé  qu'il  désire  aller 
aujourd'luiy  par  ville  pour  la  veoir  et  estant  mis  en  délibération  si  on  luy  fera  faire  compagnie  par 
quelque  Seigneur,  arresté  (lu'on  s'en  déporte,  pour  éviter  qu'il  ne  demande  à  veoir  la  forteresse,  b 


76  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

enlre  les  deux  négociateurs  pour  arriver  à  être  d'accord  sur  les  conditions  du  marché. 
Roset  avait  rédigé  un  premier  projet,  mais  Polier  le  trouva  trop  ample.  Roset  en 
rédigea  un  second  et  le  Conseil  y  ajouta,  comme  condition,  que  Grissac  serait  tenu  de 
restituer  le  titre  dans  les  six  mois,  à  supposer  que  la  promesse  n'eût  pas  d'effet.  Là- 
dessus  de  nouvelles  difficultés  surgirent  :  Polier  déclara  que  Grissac  n'accepterait 
pas  celte  condition  et  qu'en  outre,  il  serait  peu  satisfait  de  la  somme  «  si  petite  qu'on 
«  luy  promet.  »  Finalement,  le  Conseil  battit  en  retraite  et  consentit,  pour  gain  de 
paix,  à  supprimer  la  clause  relative  à  la  restitution  de  l'acte. 

De  tout  temps  et  en  tout  pays,  il  s'est  rencontré  des  hommes  peu  scrupuleux, 
qui  ont  fait  trafic  des  services  qu'ils  pouvaient  rendre,  mais  ce  qui  s'est  rarement  vu, 
c'est  la  corruption  d'un  agent  diplomatique  qui  se  fait  délivrer  la  promesse  écrite 
d'une  récompense  pécuniaire.  Le  Conseil  ne  voulut  pas,  cela  se  comprend,  intervenir 
directement  dans  cette  singulière  tractation  :  ce  fut  Mic'iel  Roset  qui  reçut  pleins  pou- 
voirs dans  ce  but  et  on  peut  lire  tout  au  long,  au  Registre  du  25  novembre  1578,  le 
texte  de  l'acte  authentique  par  lequel  Roset  s'engagea  à  récompenser  de  1,000  écus 
d'or,  somme  considérable  pour  l'époque,  les  services  de  Balthasard  de  Grissac,  secré- 
taire du  Roi  auprès  des  Ligues  suisses  ;  ce  curieux  document  mérite  d'être  cité  en 
entier  : 

«  Teneur  de  la  promesse  baillée  au  Seigneur  Pollier  pour  le  Seigneur  Baltasard 
«  par  le  Seigneur  Roset. 

«  Je,  Michel  Roset,  citoyen  et  conseiller  de  Genève,  soubsigné,  comme  ainsy 
«  soit  que,  pour  raison  des  machinations  puis  naguères  descouvertes  sur  ceste  ville, 
«  aucuns  féaux  aniys  et  bons  voysins  d'icelle  ayent  si  soigneusement  pourveu  aux 
a  moyens  de  pouvoir  rompre  et  dissiper  à  l'advenir  toutes  malheureuses  entreprises 
«  qu'ils  sont  entrés  en  espérance  que  non  seulement  aucuns  cantons  des  Ligues,  mays 
a  aussy  la  Maieslé  royale  et  très  chrestiennc,  se  trouveront  en  volonté  et  affection  de 
«  dresser  certain  accord,  convention,  ligue,  confédération  ou  autre  traicté  utile,  hono- 
((  rable  et  nécessaire  pour  ladicte  ville  et  pour  la  défense  et  conservation  de  la  liberté 
«  d'icelle,  auquel  effet  le   S''   Baltasard  de  Grissac,   secrétaire   et  truchemant  de 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  77 

a  sadicte  Maiesté  aux  Ligues,  sus  tous  les  autres,  travaille  beaucoup  et  se  monstre 
«  fort  affectionné,  au  moyen  de  quoy  mes  Seigneurs  et  supérieurs  auront  tousiours 
«  mémoire  de  tels  bons  et  dignes  offices  envers  leur  chose  publique,  en  contempla- 
«  lion  desquels,  suyvant  leur  commandement  et  tant  au  nom  de  mes  dicts  Seigneurs 
«  qu'en  mon  propre  et  privé  nom,  je  promets  au  dict  S''  de  Grissac,  avenant  et  au  cas 
«  que  ledict  accord,  convention,  ligue  et  confédération  ou  autre  traiclé  dont  cidessus 
«  est  faite  mention  se  face  et  accomplisse  pour  le  bien,  profit  et  utilité  de  ladicte 
4  ville,  conservation  de  la  liberté  d'icelle  et  avec  le  bon  et  aggréable  consentement  de 
«  mes  dicts  Seigneurs  et  Supérieurs,  un  don,  présent  ou  recognoissance  de  mille  escus 
«  d'or,  voire  plus,  demeurant  toutefois  ledict  plus  à  la  discrétion  de  mes  dicts  Seigneurs, 
«  lesquels  d'ailleurs  ne  prétendent  demeurer  ingrats  envers  Mons'  le  secrétaire  PoUier, 
«  ains  recognoistre  dignement  ses  peines  et  labeurs,  le  tout  sous  l'obligation  de 
«  tous  et  chascun  mes  biens.  En  tesmoing  de  quoy  j'ay  signé  et  cacheté  la  présente 
«  de  ma  main  et  de  mon  sceau.  A  Genève  ce  XXV  novembre  1578.  » 

En  même  temps  que  Roset  s'engageait  vis-à-vis  de  Grissac  et  de  Polier,  le  Con- 
seil couvrait  par  une  décision  régulière  la  responsabilité  de  son  mandataire  et  acceptait 
pour  lui  toutes  les  conséquences  de  l'engagement  qui  venait  d'être  signé  (1). 


CHAPITRE  IX 

Négociations  préliminaires,  -  Le  Conseil  envoie  à  Berne  Roset  et  Chevalier.  —  Projet  de  traité,  -  Observations 

du  Conseil  sur  le  projet 

Les  promesses  du  Conseil  ne  pouvaient  que  stimuler  le  zèle  de  Grissac  et  de 
Polier.  Le  fait  est  que  peu  de  temps  après  les  négociations  entrèrent  dans  une  phase 
nouvelle. 

(1)  La  conlrepromesse,  remise  par  le  Conseil  à  Michel  Roset,  ligure  au  Registre  à  la  date  du 
25  novembre  sous  la  forme  suivante  : 

«  Nous  Syndiques  et  Conseil  de  Genève  scavoir  faisons  comme  auiourdlmy  datte  des  présentes, 
N°  Michel  Roset,  noslre  bien  aymé  citoyen  et  frère  conseillier,  ayt,  par  nostre  commandement  et 
suyvant  nos  arnésts  d'hier  et  d'auiourdhuy,  fait  la  promesse  ci-après  dessus  de  mot  à  mol  ténorisée;  au 


78'  GENÈVE,    LE    PARTI    HUGUENOT 

Au  commencement  de  l'année  1579,  l'Avoyer  de  Miilinen,  qui  suivait  cette  affaire 
avec  intérêt,  écrivit  à  Rosel  que  l'Ambassadeur  du  Roi  négociait  le  traité  avec  Mes- 
sieurs de  Berne  et  de  Soleure.  Le  secrétaire  de  l'Ambassade  qui  venait  de  passer  à 
Berne  annonçait  que  les  gouvernements  des  deux  Républiques  avaient  déjà  dressé  des 
articles  en  vue  du  traité  et  Polier  estimait  que  c'était  «  à  bon  escient  »  (1). 

D'autre  part,  un  personnage  qui,  suivant  le  Registre,  avait  «  le  maniement  des 
«  afaires  de  Suisse  »,  M.  de  la  Chaise,  passa  au  mois  de  mars  à  Genève  et  déclara  aux 
conseillers  Roset  et  Chevalier  qu'un  nouvel  Ambassadeur  allait  arriver  en  Suisse  avec 
des  instructions  précises  pour  négocier  le  traité.  De  la  Chaise  ajoutait,  ce  qui  était 
fort  rassurant,  que  Genève  n'avait  rien  à  craindre  du  côté  de  la  France,  à  moins 
toutefois  que  ce  ne  fù\.  de  quelque  particulier  (2). 

Ces  nouvelles  favorables  ne  tardèrent  pas  à  se  confirmer  ;  à  la  fin  du  mois  de 
mars,  l'Ambassadeur  de  France  écrivit  lui-même  à  Roset  qu'il  avait  «  charge  expresse 
«  et  réitérée  du  Roi  de  ne  partir  des  Ligues  que  l'afaire  de  ceste  alliance  ne  soit 
«  conclu  et  enasseuré.  » 

S'  Baltasard  de  Grissac,  secrétaire  et  trucliemand  du  Roy  aux  Ligues,  et  au  S'  Jean  Polier,  secrélaire 
de  Sa  Majesté.  Et  d'autant  que  le  tout  a  esté  fait  pour  le  bien  de  nostre  Ré|)ubli(|ue  el  (|ue  le  dicl 
S'  Roset  ne  fait  que  prester  son  nom  par  meure  délibération  de  nostre  Conseil,  nous  avons  promis  et 
promettons  de  satisfaire  à  forme  et  au  contenu  de  ladicte  promesse  envers  lesdicts  S"  de  Grissac  et 
Polier  et  de  garder  etgarentir  ledict  S'  Roset  de  toutes  fâcheries,  dommages  et  intéresls  et  despens, 
qu'il  pourroit  souffrir  pour  raison  de  ladicte  promesse.  En  foy  de  quoy  avons  donné  les  présentes  sous 
nosire  sceau  commun  et  seing  de  nostre  secrétaire  ce  XXV  nov.  1578.  » 

(1)  A  ce  moment  le  Conseil  évitait  avec  le  plus  grand  soin  tout  ce  qui  pouvait  porter  ombrage  à  la 
Cour  de  France.  Le  3  mars  il  décida  de  faire  saisir  un  livre  intitulé  le  Don  patriote,  qui  se  vendait  dans 
la  ville  et  qui  contenait  des  injures  à  l'adresse  du  frère  du  Roi  : 

«  Livre  intitulé  le  Bon  patriote.  —  Estant  proposé  qu'on  vend  en  ceste  ville  ledict  livre  contenant 
«  ])lusieurs  oultrages  contre  Monsieur  frère  du  Roy,  lequel  on  n'a  voulu  permettre  d'imprimer  icy,  a 
4  esté  arresté  qu'on  le  saisisse.  » 

Pareillenienl,  le  4  mai,  un  nommé  Lois  Durozu  ayant  demandé  la  permission  d'imprimer  «  l'Histoire 
«  ecclésiastique  de  totes  les  Eglises  réformées  de  France,  commençant  despuis  le  Roy  Francoys,  pre- 
«  mier,  offrant  faire  imprimer  la  |)remière  feuille  hors  ceste  cité,  a  esté  arresté  qu'on  le  refuse  el  qu'on 
«  l'aile  imprimer  aulln;  part.  » 

(2)  «  Sinon  (pie  ce  fussent  de  quehpies  particuliers,  comme  de  faict  il  a  entendu  (ju'il  estoit  parly 
n  de  Piedmond  trois  capitaines,  l'ung  desquels  nommé  Annibal,  a  charge  de  lever  en  Provence  sezc 
«  compagnies,  tellement  (ju'il  sera  bon  de  veiller  tousiours.  (Reg.  Cons.  Séance  du  24  mars  1579.) 


ET  LE  TRAITÉ  DE   SOLEURE  79 

Le  gouvernement  bernois,  qui  s'était  constitué  comme  le  protecteur  et  le  garant 
de  Genève,  se  chargea  de  négocier  avec  l'Ambassadeur  du  Roi.  De  son  côté,  le  Conseil 
de  Genève  envoya  à  Berne  deux  commissaires,  Roset  et  Chevalier,  avec  mission  de  le 
renseigner  exactement  sur  la  marche  des  négociations. 

Dès  le  début,  des  difficultés  surgirent.  La  France  ne  voulait  pas  entendre  parler 
d'accorder  aux  commerçants  genevois  l'exemption  des  droits  de  douane,  et,  d'autre  part, 
elle  exigeait  que  Genève  prît  l'engagement  de  ne  pas  accueillir  les  ennemis  rebelles  du 
Roi.  Cette  dernière  condition  était  inacceptable  ;  c'était  contester  à  Genève  l'une  des 
prérogatives  essentielles  de  la  souveraineté  ;  c'était  obliger  le  Conseil  à  refuser  l'asile 
aux  victimes  des  persécutions  religieuses,  car  on  traitait  de  rebelles  ceux  qui  suivaient 
un  autre  culte  que  celui  du  Prince.  Les  commissaires  annoncèrent  en  outre  qu'en  cas 
de  guerre  le  Roi  était  disposé  à  fournir  à  ses  frais  une  garnison  de  cinq  enseignes  qui 
seraient  prises  dans  les  deux  villes  de  Berne  et  de  Soleure  ;  en  cas  de  siège,  le  Roi 
devait  payer  h  Berne  16,000  écus  par  mois  et  il  devait  faire  l'avance  du  premier 
mois. 

Ces  divers  points  offraient  ample  matière  à  contestation  ;  le  Conseil  chargea  le 
Syndic  Bernard  de  donner  de  nouvelles  instructions  aux  commissaires  de  Genève,  en 
insistant  sur  deux  points,  l'un  d'ordre  matériel,  l'autre  d'ordre  moral:  l'exemption  des 
droits  de  douane  et  la  reconnaissance  du  droit  d'asile.  Pour  obtenir  ces  deux  conces- 
sions, le  Conseil  était  prêt  à  bien  des  sacrifices  ;  il  décida  donc  que  les  commissaires 
à  Berne  pourraient  promettre  en  son  nom  à  Grissac  et  à  d'autres  ce  qu'ils  jugeraient 
convenable. 

Avant  de  raconter  les  négociations  qui  suivirent,  analysons  le  traité  qui  se  discu- 
tait entre  l'Ambassade  de  France  et  les  gouvernements  de  Berne  et  de  Soleure. 

Le  traité  ne  concernait  pas  exclusivement  Genève.  Le  premier  article  stipulait 
que  «  les  pays  appartenants  aux  Seigneurs  de  Berne  et  à  eux  délaissés  par  les  accords 
«  cy  devant  faits  entre  Monsieur  le  duc  de  Savoye  et  eux  »  seraient  compris  dans  la 
paix  perpétuelle  existant  entre  la  Couronne  de  France  et  les  Ligues  suisses.  Le  pays 
de  Vaud  était  ainsi  au  bénéfice  de  celle  garantie. 


80  GENÈVE,    LE    PARTI   HUGUENOT 

Puis  venait  le  tour  de  Genève  ;  il  était  stipulé  que,  «  pour  les  raesmes  considéra- 
«  lions  que  dessus  et  en  faveur  et  contemplation  desdits  Seigneurs  de  Berne  et 
«  Soleure,  »  la  ville  de  Genève  et  son  territoire  seraient  compris  dans  le  traité  de 
paix  perpétuelle,  «  à  la  charge  que  les  habitans  d'icelle  se  comporteroient  envers  Sa 
«  Majesté  et  la  Couronne  de  France,  avec  le  respect  qu'il  appartient  et  qu'il  est  porté 
«  par  ledict  traité  de  paix  perpétuelle.  » 

Ainsi,  ce  n'était  pas  Genève  qui  obtenait  directement  la  faveur  d'être  comprise 
dans  le  traité,  c'était  Berne  et  Soleure  qui  intervenaient  pour  elle.  Berne  avait  pris 
de  longue  date  l'habitude  de  traiter  Genève  en  simple  client,  en  pupille. 

Le  projet  de  traité  stipulait  formellement  que  les  Genevois  ne  jouiraient  en 
France  d'aucune  exemption  des  droits  de  gabelle,  péage  et  autres,  et  qu'ils  seraient 
assimilés  aux  sujets  du  Roi,  au  point  de  vue  du  commerce  et  des  impôts. 

Le  traité  prévoyait  ensuite  le  cas  oii  Berne  et  Soleure,  agissant  pour  la  sûreté  de 
Genève,  jugeraient  nécessaire  d'y  envoyer  une  garnison.  Cette  garnison  suisse  qui  pou- 
vait s'élever  jusqu'à  1,500  hommes,  devait  être  soldée  des  deniers  du  Roi  de  France. 
Comme  après  tout  Genève  était  la  première  intéressée  au  traité,  il  semble  que  les 
Syndics  et  Conseil  de  la  République  auraient  dû  être  admis  à  dire  leur  mot  en  pareil 
cas.  Mais  les  promoteurs  du  traité  avaient  soigneusement  évité  toute  clause  qui  aurait 
pu  placer  Genève  sur  un  pied  d'égalité  vis-à-vis  de  ses  puissants  protecteurs.  C'était 
l'Ambassadeur  de  France  et  les  délégués  des  cantons  qui  avaient  seuls  à  décider  dans 
quel  cas  Genève  devait  être  occupée  militairement  et  on  ne  faisait  pas  même  l'honneur 
aux  Genevois  de  les  consulter  sur  une  mesure  qui  les  intéressait  au  premier  chef. 

Le  traité  étant  essentiellement  dirigé  contre  le  duc  de  Savoie  qui  convoitait 
Genève,  les  parties  contractantes  se  garantissaient  réciproquement  aide  et  protection 
pour  le  cas  où  aucun  Prince  ou  potentat  viendrait  «  à  mouvoir  guerre  »  soit  contre 
les  Seigneurs  de  Berne  et  Soleure,  soit  contre  Sa  Majesté  très  chrétienne.  Si  les 
cantons  de  Berne  et  de  Soleure  étaient  attaqués,  le  Roi  était  tenu  de  les  aider  de 
10,000  écus  par  mois  pendant  toute  la  durée  de  la  campagne.  En  revanche,  si  le  Roi 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  81 

de  France  était  attaqué,  les  cantons  étaient  tenus  de  le  secourir  avec  une  armée  de 
six  mille  hommes. 

Le  traité  contenait  en  dernier  lieu  plusieurs  obligations  qui  étaient  imposées  à 
Genève  en  échange  de  la  garantie  :  ces  obligations  étaient  ténorisées  comme  suit  dans 
le  projet  de  traité  : 

«  Et  pour  bénéfice  du  bien  que  ladicte  ville  de  Genève  recevra  du  Roy  par  le 
«  moyen  de  ladicte  protection,  elle  sera  ouverte  et  libre  à  tous  les  subiects  de  Sa 
«  Maiesté,  tant  pour  le  regard  du  trafiîq  et  aultres  affaires  qu'ils  y  pourroient  avoir 
«  que  aussy  pour  le  passage  des  gens  de  guerre  qu'elle  pourroit  avoir  à  tirer  desdictes 
«  Ligues  ou  à  envoler  de  France  delà  les  monts,  lesquelles  gens  de  guerre  passans  à 
«  la  file  sans  désordre  et  avec  tote  modestie  y  seront  receus  et  logés  et  à  iceulx  admi- 
«  nistrés  vivres  et  aultres  choses  nécessaires  en  payant  raisonnablement.  » 

«  Comme  aussy  ne  sera  donné  aucun  passage  ny  retraicte  en  ladicte  ville  de 
«  Genève  aux  ennemis  de  Sa  Maiesté  et  Couronne  de  France.  » 

Le  projet  de  traité  fut  transmis  au  Conseil  de  Genève,  qui  l'examina  et  le  discuta 
avec  le  plus  grand  soin.  Les  observations  du  Conseil  portèrent  sur  huit  points  différents 
et  elles  révèlent  une  remarquable  pénétration  chez  les  magistrats  qui  dirigeaient 
alors  les  affaires  de  la  République.  Comme  on  le  verra,  ces  observations  portaient 
parfois  sur  des  nuances  et  des  détails  de  rédaction,  mais  chaque  observation  avait  sa 
valeur  et  il  est  facile  de  saisir  le  but  que  se  proposait  le  Conseil. 

En  premier  lieu,  le  traité  pariait  à  plusieurs  reprises  de  la  «défense  &i protection 
«.  de  la  ville  de  Genève».  Ce  terme  de  protection  avait  quelque  chose  d'humiliant 
pour  une  République  souveraine  et  le  Conseil  demanda  qu'il  fût  remplacé  par  «  ayde 
«  ou  secours  » . 

En  second  lieu,  le  Conseil  revint  sur  la  question  de  l'exemption  des  droits  de 
péage  et  demanda  l'intervention  de  Messieurs  de  Soleure  pour  obtenir  celte  exemption. 


82  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Le  traité  stipulait  que  «  la  ville  et  cité  de  Genève  avecq  son  territoire  »,  serait 
comprise  dans  l'alliance  perpétuelle  ;  le  Conseil  demanda  qu'on  substituât  les  mots  : 
(c  avec  ses  terres  et  seigneuries  »  au  mot  territoire.  La  différence  de  rédaction  semble 
légère  au  premier  abord,  mais  en  réalité  elle  avait  une  certaine  importance  :  Genève 
n'était  pas  une  simple  ville  libre,  c'était  une  seigneurie  féodale  comme  les  Républiques 
italiennes. 


«  S'il  advient,  disait  le  projet,  que,  pour  la  conservation  de  la  ville  de  Genève, 
«  lesdicts  S""^  de  Berne  et  Solleure  soient  contraincts  de  mettre  garnison  dans  ceste 
«  ville,  sadicte  Maiesté  en  ce  cas  sera  tenue  de  souldoier  ladicte  garnison  à  ses  frais 
«  et  despens.  »  Suivant  cette  rédaction,  les  hautes  parties  contractantes,  la  France, 
Soleure  et  Berne,  étaient  seuls  juges  des  cas  où  Genève  devrait  recevoir  garnison  ; 
c'était  le  point  de  vue  des  Bernois,  qui  traitaient  plus  ou  moins  Genève  en  ville  vassale. 
Le  Conseil,  qui  se  résignait  difficilement  à  ce  rôle  subordonné,  proposa  très 
habilement  une  autre  rédaction,  qui  semblait  à  première  vue  parfaitement  identique  : 

«  S'il  advient  que,  pour  la  conservation  de  la  ville  de  Genève,  lesdicts  S'"'  de 
«  Berne  et  Soleure  soient  occasionés  (raccorder  garnison.  » 

D'après  celte  nouvelle  rédaction,  il  demeurait  sous-entendu  que  Genève  avait  à 
demander  la  garnison  et  que  Berne  et  Soleure  seraient  «  occasionés  de  l'accorder  ». 
Celui  qui  avait  rédigé  cet  amendement  de  rédaction,  sans  doute  Roset  lui-même,  était 
à  coup  sûr  un  habile  diplomate,  rompu  aux  finesses  du  métier. 

D'après  le  projet,  c'étaient  l'Ambassadeur  de  France  et  les  délégués  des  deux 
Cantons  qui  décidaient,  à  la  majorité  des  voix,  de  l'occupation  de  Genève.  Le  principal 
intéressé  n'était  pas  même  consulté.  Le  Conseil  réclama  à  juste  titre  que  Genève  pût 
faire  entendre  sa  voix  dans  la  délibération  qui  devait  décider  de  l'occupation  par  une 
garnison. 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  83 

En  échange  du  secours  qui  lui  était  garanti,  Genève  était  tenue,  aux  termes  du  traité, 
d'accorder  aux  sujets  du  Roi  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  le  libre  établissement, 
ainsi  que  le  droit  de  faire  le  commerce  ;  elle  était  en  outre  tenue  d'accorder  le  libre 
passage  aux  troupes  que  le  Roi  pourrait  enrôler  en  Suisse  ou  envoyer  delà  les  monts; 
enfin,  Genève  ne  devait  accorder  ni  passage  ni  asile  aux  ennemis  de  Sa  Majesté.  Sur 
ces  points  délicats,  le  projet  de  traité  était  rédigé  comme  suit  : 

«  Et  pour  bénéfice  du  bien  que  ladicte  ville  de  Genève  recevra  du  Roi  par  le 
«  moyen  de  ladicte  protection,  elle  sera  ouverte  et  libre  à  tous  les  subieclsde  Sa  Majesté 
«  tant  pour  le  regard  du  traffiq  et  aultres  affaires  qu'ils  y  pourroient  avoir  que  aussi 
«  pour  le  passage  des  gens  de  guerre  qu'elle  pourroit  avoir  à  tirer  des  dictes  Ligues 
«  ou  à  envoler  de  France  delà  les  monts,  lesquelles  gens  de  guerre,  passans  à  la 
«  file,  sans  désordre  et  avec  lote  modestie,  y  seront  reçeus  et  logés  et  à  iceulx 
«  administrés  vivres  et  aultres  choses  nécessaires  en  payant  raisonnablement. 

«  Comme  aussy  ne  sera  donné  aucun  passage  ny  retraicte  en  ladicte  ville  de  Genève 
«  aux  ennemis  de  Sa  Maiesté  et  Courone  de  France.  » 

Cet  article  du  projet  n'était  point  indifférent  ;  il  accordait  à  la  Cour  de  France 
des  droits  dont  l'exercice  pouvait  devenir  dangereux  pour  l'indépendance  de  Genève. 
N'osant  repousser  l'article  lui-même,  le  Conseil  chercha  du  moins  à  l'atténuer  dans  la 
forme .  Le  nouvel  article  qu'il  proposa  est  finement  rédigé,  de  manière  à  sauvegarder 
en  quelque  mesure  les  droits  d'une  République  souveraine.  Il  n'y  est  pas  dit  que  la 
ville  de  Genève  sera  ouverte  à  tous  les  sujets  de  Sa  Majesté,  «  mais  que  la  ville  donnera 
«  libre  accès  »  aux  sujets  de  Sa  Majesté.  C'était  bien  au  fond  le  même  sens,  mais  avec 
une  nuance  délicate  qui  ménageait  les  droits  souverains  de  la  République.  Quant  au 
passage  des  gens  de  guerre,  il  était  stipulé  que  la  Seigneurie  en  serait  préalablement 
avertie  ;  c'était  une  réserve  des  plus  naturelles,  car  il  importait  de  tout  point  que 
Genève  ne  pût  être  considérée  comme  une  ville  absolument  ouverte,  une  sorte  de  ville 
tributaire  que  les  troupes  françaises  auraient  le  droit  de  traverser  sans  même  donner 
avis.  Voici  d'ailleurs  la  rédaction  que  proposait  Genève  : 


84  GENÈVE,    LE   PARTI    HUGUENOT 

«  Pour  recognoissance  du  bien  que  ladicle  ville  de  Genève  recevra  du  Roy  par  le 
«  moyen  dudicl  secours  et  défense,  elle  donnera  libre  accès  es  subiects  de  Sa  Majesté 
«  pour  y  traffiquer  honnestement  et  donnera  aussy  passage  aux  gens  de  guerre  de  sa 
a  dicte  Majesté  qu'elle  pourroit  avoir  à  tirer  des  dictes  Ligues  ou  a  envoier  de  France, 
«  delà  les  monts,  ayant  la  Seigneurie  premièrement  esté  adverlie,  lesquelles  gens  de 
«  guerre  passeront  à  la  file  et  selon  qu'il  sera  advisé  par  ladicte  Seigneurie  heu  esgard 
«  au  temps  et  à  la  saison,  et  se  comporteront  sans  désordre,  avec  tote  modestie  et 
«  leur  seront  administrés  logis  et  vivres  et  aultres  choses  nécessaires  en  payant 
«  raisonablement.  » 

Restait  encore  une  très  grave  question  à  régler.  Dès  les  premiers  symptômes  des 
persécutions  religieuses,  Genève  s'était  noblement  exposée  à  l'inimitié  de  ses  voisins, 
en  accordant  asile  et  protection  aux  réformés  proscrits  ;  elle  était  ainsi  devenue  la 
ville  du  Refuge  et  elle  mettait  son  orgueil  et  son  honneur  à  conserver  ce  redoutable 
privilège.  Or,  le  traité  portait  que  Genève  n'accorderait  ni  passage  ni  asile  aux  ennemis 
du  Roi  de  France.  Comment  fallait-il  interpréter  ces  mots  ?  Les  réfugiés  huguenots 
devaient-ils  être  considérés  comme  compris  sous  cette  désignation  générale  d'ennemis 
du  Roi  ?  Dans  ce  cas  le  projet  de  traité  devenait  inacceptable  pour  Genève.  Les  com- 
missaires furent  donc  chargés  d'obtenir  des  éclaircissements  sur  ce  point,  de  telle 
sorte  que  l'article  du  projet  ne  pût  pas  être  appliqué  aux  réfugiés  pour  cause  de 
religion. 

Telles  étaient  les  modifications  fort  importantes  que  les  commissaires  de  Genève, 
Roset  et  Chevalier,  devaient  soumettre  aux  négociateurs  du  traité.  Pour  atteindre  le 
but,  pour  obtenir  tout  au  moins  une  partie  de  ce  qu'il  demandait,  Roset  déploya  une 
habileté  consommée;  tour  à  tour  ferme  et  souple,  sachant  céder  à  temps  lorsqu'il 
sentait  l'inutilité  de  ses  efforts,  il  se  montra  à  la  hauteur  de  la  tâche  qui  lui  était 
confiée . 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEUUE  85 


CHAPITRE  X 

Négociations  de  Roset  et  Chevalier  avec  Hautefort  et  Sancy,  Ambassadeurs  de  France,  et  avec  le  gouvernement 
bernois.  —  Les  délégués  genevois  obtiennent  diverses  modifications  au  projet  rie  traité. 

La  mission  que  Roset  et  Chevalier  avaient  à  remplir  était  loin  d'être  facile  ; 
l'Ambassade  de  France,  Berne  et  Soleure  s'étaient  mis  d'accord  sur  les  clauses  du 
traité  et  les  simples  délégués  d'une  petite  République  comme  Genève  avaient  peu  de 
chances  de  se  faire  écouter.  Mais  les  négociateurs  genevois  étaient  habiles  et  persévé- 
rants ;  ils  ne  se  laissèrent  pas  rebuter  par  les  difficultés. 

Henri  III,  auquel  on  avait  fait  comprendre  l'importance  du  traité,  s'était  décidé  à 
envoyer  en  Suisse  un  nouvel  Ambassadeur  avec  ses  instructions  et  les  pleins  pouvoirs 
pour  traiter.  Le  nouvel  Ambassadeur,  qui  était  ainsi  adjoint  à  M.  de  Hautefort,  était  Nicolas 
Harlay  de  Sancy,  l'un  des  esprits  les  plus  déliés  de  son  temps,  l'auteur  du  Discours 
sur  l'occurrence  des  affaires,  le  même  que  d'Aubigné  a  mis  en  scène  dans  la  Confession 
catholique  de  Sancy.  Harlay  de  Sancy  était  issu  d'une  branche  cadette  de  la  maison 
de  Harlay  qui  avait  embrassé  la  communion  protestante  ;  il  s'était  fait  catholique  en 
i572  pour  échapper  à  la  Saint-Barthélémy,  mais  il  n'avait  pas  tardé  à  revenir  à  la 
religion  réformée.  D'abord  conseiller  au  Parlement  de  Paris,  puis  maître  des  requêtes, 
il  avait  été  admis  au  Conseil  du  Roi,  malgré  sa  qualité  de  huguenot.  Le  choix  de 
Sancy  pour  négocier  le  traité  fut  heureux  pour  Genève,  car  le  nouvel  Ambassadeur  se 
montra  bienveillant  et  il  y  a  lieu  de  croire  qu'il  contribua  efficacement  à  aplanir 
certaines  difficultés  suscitées  par  le  gouvernement  bernois  (1). 

(1)  La  mission  de  Sancy  en  1579  a  passé  presque  inaperçue;  Xa  France  prolestante  [k\:\..  Sancy) 
rappelle  cependant  qu'il  apposa  sa  signature  au  bas  du  traité  de  Soleure.  Dix  ans  plus  tard,  en  1589, 
Sancy  revint  en  Suisse  et  réussit  à  lever  une  armée  de  plus  de  12,000  hommes  qu'il  amena  à  Henri  III. 
Cette  seconde  mission,  qui  eut  pour  résultat  de  tirer  Henri  III  du  plus  grand  embarras,  a  été  racontée 
par  Sancy  dans  son  Discours  sur  l'occurrence  de  ses  affaires  (1589-lCOO)  ;  ce  discours  a  été  réimprimé, 
avec  des  notes  intéressantes,  par  M.  A.  Poirson,  dans  ses  Mémoires  et  documents  nouveaux,  relatifs  à 
l'histoire  de  France  à  la  fin  du  XVI«  siècle,  Paris  1868. 


86  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Aussitôt  arrivés  à  Berne,  Roset  et  Chevalier  eurent  une  audience  de  Sancy  et  de 
Hautefortet  leur  soumirent  les  changements  demandés  par  le  Conseil  de  Genève.  Les 
ambassadeurs  accueillirent  avec  courtoisie  les  deux  commissaires  genevois,  en  les 
assurant  de  leur  bon  vouloir  ;  ils  ajoutèrent  qu'ils  auraient  été  heureux  de  faire  plus 
pour  Genève,  mais  que,  pour  le  moment,  il  n'était  pas  possible  d'aller  plus  loin.  Quant 
aux  termes  employés  dans  le  traité,  les  Ambassadeurs  de  France  dirent  qu'il  ne  fallait 
pas  s'en  faire  souci,  attendu  que  le  traité  n'était  pas  conclu  directement  avec  Genève, 
mais  entre  la  France,  Berne  et  Soleure  : 

«  Au  reste,  ajoutaient  MM.  de  Sancy  et  de  Hautefort,  le  Roi,  en  rendant  à  Genève 
«  le  service  de  la  garantir,  mérite  bien  quelques  égards.  Pensez-y  bien  et  n'empêchez 
«  pas,  pour  une  discussion  de  mots,  une  affaire  de  si  grande  importance.  Puis  n'oubhez 
«  pas  que  vous  faites  partie  de  l'Empire  ;  si  le  duc  de  Savoie  voulait  vous  citer  au 
«  tribunal  de  l'Empire,  vous  n'auriez  d'autre  soutien  que  Messieurs  de  Berne  et  n'est- 
«  il  pas  bien  nécessaire  qu'un  monarque  puissant,  comme  le  Roi  de  France,  ail 
a  l'occasion  de  se  mêler  de  vous  défendre.  Considérez  bien  le  tout.  » 

Les  commissaires  genevois  répondirent  avec  tact  et  habileté,  mais  en  se  permet- 
tant un  petit  mensonge  diplomatique  :  ils  prétendirent  qu'ils  n'avaient  aucun  mandat 
pour  traiter  et  que  leurs  supérieurs,  les  Syndics  et  Conseil  de  Genève,  n'avaient  pas 
encore  connaissance  du  projet  : 

«  Nous  n'avons,  dirent-ils,  aucun  mandat  pour  discuter  les  termes  du  traité,  car 
«  nos  supérieurs,  les  Syndics  et  Conseil,  n'en  ont  pas  encore  connaissance  (1).  Mais, 
a.  désireux  de  voir  aboutir  une  œuvre  aussi  excellente,  nous  agissons  en  fidèles  serviteurs, 
«  en  cherchant  à  prévenir  les  difficultés  qui  pourraient  s'élever.  Nous  osons  donc  vous 
«  demander  de  ne  pas  vous  arrêter  aux  mots,  puisque,  de  part  et  d'autre,  les  inten- 
«  tions  sont  bonnes  et  que  les  mots  peuvent  parfois  engendrer  des  disputes.  Nous 
«  avons  obtenu  communication  du  traité,  quoiqu'il  ne  soit  pas  conclu  directement 
a  avec  nos  Seigneurs,  mais,  puisqu'il  les  concerne,  notre  devoir  comme  magistrats  et 

(1)  C'était  inexact,  puisque  Roset  et  Chevalier  étaient  précisément  ciiargés  par  le  Conseil  d'obtenir 
des  modifications  au  traité. 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  87 

«  nos  désirs  personnels  nous  engagent  à  vous  signaler  les  dangers  que  nous  y  décou- 
«  vrons  et  nous  ne  pouvons  que  vous  prier  très  affectueusement  de  nous  prêter  votre 
«  attention  et  de  nous  accorder  un  favorable  accueil.  » 

Le  langage,  simple  et  digne,  des  négociateurs  genevois  ne  pouvait  convaincre  du 
premier  coup  les  Ambassadeurs  français;  ils  déclarèrent  d'abord  maintenir  ce  qu'ils 
avaient  dit  précédemment,  mais  finirent  par  ajouter  que,  puisqu'on  était  d'accord  sur 
le  fond,  on  s'entendrait  bien  sur  les  termes. 

Ainsi  Hautefort  et  Sancy  paraissaient  des  mieux  disposés;  en  réalité,  l'obstacle 
venait  du  gouvernement  bernois  qui  était  ballotté  entre  diverses  influences,  comme 
nous  le  verrons  plus  tard  ;  il  fallait  donc  essayer  de  convaincre  et  de  gagner  les  délégués 
bernois.  Roset  et  Chevalier  se  rendirent  auprès  d'eux  pour  leur  recommander  les 
intérêts  de  Genève.  L'Avoyer  de  Diesbach  le  prit  d'assez  haut  : 

«  Le  traité  est  entre  nous,  dit-il,  non  avec  vous  ;  peut-être  même  ne  sera-t-il  pas 
«  nécessaire  de  faire  aucun  autre  traité;  quand  on  viendra  à  vous  pour  traiter,  alors 
ft  ce  sera  pour  vous  le  moment  d'accorder  ou  de  refuser.  » 

Autant  valait  dire  aux  délégués  genevois  qu'ils  se  mêlaient  de  ce  qui  ne  les 
regardait  pas.  Roset  et  Chevalier  ne  laissèrent  percer  aucune  mauvaise  humeur  et 
répondirent  avec  fermeté  : 

«  Nous  en  parlons  bien  pour  nous,  en  notre  nom  personnel,  mais  nous  croyons 
«  que  vous  ne  pouvez,  ni  ne  devez,  ni  ne  voulez  faire  avec  la  France  un  accord  par 
«  lequel  vous  donnerez  avantage  sur  nous  ;  nous  croyons  au  contraire  que  vous  désirez 
«  nous  aider  à  la  conservation  de  nos  libertés  et  franchises.  » 

L'Avoyer  de  Diesbach  s'aperçut  sans  doute  qu'il  avait  été  trop  loin  et  il  termina 
l'entretien  par  des  paroles  plus  encourageantes  : 

«  Nous  ferons  tout  ce  que  nous  pourrons,  vous  y  allez  de  bien  près.  » 


88  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Aussitôt  après,  Diesbacli  et  Tillier  s'abouchèrent  avec  les  Ambassadeurs  de  France, 
pour  discuter  les  modifications  demandées  par  Roset  et  Chevalier.  La  conférence  dura 
plus  d'une  heure  ;  à  l'issue,  Roset  et  Chevalier  furent  appelés  et  les  Ambassadeurs  de 
France  s'attachèrent,  en  présence  des  délégués  bernois,  à  lever,  à  réfuter  les  objections 
de  forme  qui  avaient  été  émises  par  les  Genevois. 

Il  fut  question  en  premier  lieu  du  terme  de  protection  qui  revenait  à  plusieurs 
reprises  dans  le  traité  et  que  Genève  repoussait  ajuste  titre  comme  une  sorte  d'atteinte 
à  son  indépendance.  Les  Ambassadeurs  s'efforcèrent  de  démontrer  que  ce  terme 
n'avait  pas  toute  la  portée  qu'on  lui  attribuait;  ils  firent  valoir  en  particulier  que  les 
protestants  ne  craignaient  pas  d'appeler  le  roi  Henri  \e\ir  prolecteur,  ce  qui  n'impli- 
quait aucun  droit  du  roi  de  France  sur  eux.  Ils  insistèrent  sur  le  fait  qu'il  y  aurait  à 
la  Cour  des  gens  qui  feraient  tout  pour  empêcher  la  ratification  du  traité  et  que  les 
Genevois  devaient  éviter  avec  soin  toute  démarche  pouvant  compromettre  le  succès 
des  négociations. 

Malgré  toutes  les  observations,  les  remontrances  et  répliques,  comme  dit  une 
dépêche,  les  commissaires  genevois  restèrent  inébranlables  et  ils  déclarèrent  finalement 
qu'ils  n'avaient  pas  en  mains  les  pouvoirs  nécessaires  pour  accepter  cette  rédaction. 
Devant  les  représentants  d'une  puissance  de  premier  ordre,  le  langage  des  deux  Gene- 
vois fut  énergique  et  fier  : 

«  Nous  ne  croyons  point,  dirent-ils,  que  nos  supérieurs,  qui,  réduits  à  toute 
«  extrémité,  se  sont  excusés  envers  le  grand  roi  François  I  de  ne  pas  accepter  une 
«  semblable  protection,  consentiraient  aujourd'hui  à  souffrir  la  moindre  tache  sur  la 
«  liberté  que  Dieu  leur  a  donnée  et  qu'ils  donneraient  ainsi  aux  adversaires  et  contre- 
«  pralùjueurs  le  plaisir  de  se  moquer  d'eux.  Il  y  aurait  plus  de  louange  pour  le  Roi  de 
«  faire  les  choses  libéralement  et  vertueusement  qu'en  portant  atteinte  en  quelque 
«  manière  à  ce  qu'il  promet  de  conserver.  » 

Les  paroles  fermes  et  élevées  de  Roset  firent  impression.  Le  terme  de  protection 
(lui  lui  tenait  à  cœur  fut  remplacé  par  conservalion.  Les  mois  mettre  garnison  furent 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  89 

également  remplacés  par  accorder  garnison.  Le  traité  portait  que  la  ville  de  Genève 
serait  ouverte  aux  sujets  du  Roi;  sur  ce  point  comme  sur  les  précédents,  les  obser- 
vations des  Genevois  furent  accueillies  et  on  modifia  comme  suit  la  rédaction  :  «  les 
«  sujets  du  Roi  auront  passage  libre  et  sûr  pour  traffîquer  ». 

Quant  aux  gens  de  guerre  pour  lesquels  la  France  demandait  libre  passage,  il  fut 
également  tenu  compte  des  réclamations  de  Genève  et  il  fut  stipulé  ce  qui  suit  ;  «  La 
«  Seigneurie  en  sera  premièrement  advertie  pour  donner  ordre  heu  esgard  à  la  qualité 
«  d'ycelle  pour  n'estre  susprys  ny  surchargés.  » 

Sur  la  grave  question  du  droit  d'asile,  les  Ambassadeurs  de  France  donnèrent  aux 
délégués  genevois  les  assurances  les  plus  formelles  et  les  plus  encourageantes;  ils 
déclarèrent,  en  présence  des  Seigneurs  de  Berne,  que  les  mots  ennemis  du  Roi  n'étaient 
nullement  applicables  aux  réfugiés  huguenots,  considérés  par  le  Roi  comme  ses  bons 
et  fidèles  sujets,  au  même  titre  que  les  catholiques.  Hautefort  ajouta  que,  de  nombreux 
huguenots  s'étant  retirés  de  France  après  la  Saint-Barthélémy,  plusieurs  cantons 
furent  d'avis  qu'on  pouvait  réclamer  à  leur  sujet  auprès  de  Messieurs  de  Berne,  mais 
l'Ambassade  de  France  n'en  fil  rien,  sachant  bien  que  les  traités  ne  le  comportaient 
pas  et  qu'ils  visaient  exclusivement  «  ceux  qui  entreprennent,  portent  armes  et  machi- 
«  nent  hostilité (1)».  Au  surplus,  les  Ambassadeurs  de  France  ajoutaient  qu'il  ne  fallait 
avoir  aucun  doute,  ni  aucune  inquiétude  à  cet  égard,  et  priaient  qu'on  n'ajoutât  rien  au 
texte  du  traité,  afin  de  ne  pas  excéder  leurs  instructions. 

Comme  on  en  peut  juger  par  ce  qui  précède,  les  délégués  genevois  avaient  obtenu 
gain  de  cause  sur  plusieurs  points  ;  sur  d'autres  ils  furent  moins  heureux  ;  ainsi  les 
Ambassadeurs  français  ne  voulurent  pas  consentir  à  substituer  les  ternies  de  «  la 
ville  et  cité  de  Genève  avecq  ses  terres  et  Seigneuries  »  à  ceux  de  «  la  ville  et  cité  de 
Genève  avec  son  territoires.  Ils  laissèrent  entrevoir  que  le  changement  désiré  offrirait 

(1)  Cette  dernière  explication  donnée  par  M.  de  Hautefort  n'était  pas  des  plus  rassurantes  :  il  en 
résultait  (jue  la  sécurité  de  l'asile  était  garantie  aux  victimes  qui  écliappaienl  à  un  massacre,  mais  rien 
n'empêchait  l'Ambassade  de  ii'rance  de  réclamer  l'extradition  des  luiguonots  ijui  avaient  pris  les  armes 
pour  défendre  leur  liberté  relij^ieuse. 


90  GENÈVE,    LE   PARTI  HUGUENOT 

des  inconvénients  et  ils  ajoutèrent  que  d'ailleurs  le  duc  de  Savoie  avait  des  droits  de 
souveraineté  sur  certaines  terres  des  environs  de  Genève.  Les  Ambassadeurs  avaient 
ainsi  parfaitement  deviné  les  motifs  pour  lesquels  Genève  demandait  un  changement 
de  rédaction. 

Les  Genevois  désiraient  être  représentés  à  la  conférence  ou  à  la  délibération  qui 
devait  décider  de  l'envoi  de  la  garnison;  il  était  bien  naturel,  semble-t-il,  que  les  prin- 
cipaux intéressés  eussent  voix  au  chapitre.  Mais  les  Ambassadeurs  français  et  les  délégués 
bernois  en  avaient  résolu  autrement;  ils  repoussaient  celte  concession  sous  prétexte 
qu'ils  ne  traitaient  pas  directement  avec  Genève  et  que  d'ailleurs  Genève  devait  être 
considérée  comme  partie  demanderesse  se  présentant  devant  un  tribunal;  il  demeura 
donc  établi  que  Genève,  en  cas  de  danger,  demanderait  garnison  et  que  les  commis- 
saires des  cantons  décideraient  seuls  de  la  question.  On  maintenait  ainsi  Genève  dans 
une  position  subordonnée  qui  ne  convenait  guère  à  une  république  indépendante, 
mais  en  tout  ceci  apparaissait  clairement  le  dessein  des  patriciens  bernois  qui  voulaient 
imposer  à  Genève  une  sorte  de  sujétion  morale. 

Du  reste,  il  faut  bien  dire  que  3îessieurs  de  Berne  se  souciaient  médiocrement 
des  intérêts  et  de  l'indépendance  de  Genève,  car  ils  eurent  le  triste  courage  de  proposer 
aux  Ambassadeurs  français  d'insérer  au  traité  la  réserve  «  sans  préjudice  des  droits 
«  de  M.  de  Savoye.  »  C'était  implicitement  reconnaître  le  bien  fondé  des  prétentions 
de  la  maison  de  Savoie,  c'était  d'un  trait  remettre  en  question  l'indépendance  môme 
de  Genève,  fruit  de  longs  efforts  et  de  luttes  héroïques.  Heureusement  pour  Genève, 
les  Ambassadeurs  de  France  repoussèrent  la  proposition  des  Bernois,  non  sans  doute  par 
suite  d'un  généreux  scrupule  en  faveur  de  Genève,  mais  simplement  parce  qu'ils  ne  vou- 
laient à  aucun  prix  faire  les  affaires  du  duc  de  Savoie.  La  réserve  ne  fut  donc  pas  insérée 
dans  le  traité,  mais  il  fut  entendu  qu'on  dirait  aux  envoyés  de  Savoie  et  de  Genève 
«  qu'ils  advisent  de  s'accorder  pendant  les  troys  moys  que  le  Roy  a  de  temps  à  res- 
«  pondre.  »  Il  était  puéril  de  supposer  qu'une  querelle  qui  durait  depuis  tant  d'années 
pourrait  se  régler  ainsi  en  trois  mois.  Les  Genevois  pouvaient  craindre  que  ce  délai 
de  trois  mois  ne  facilitât  de  nouvelles  intrigues  ou  ne  fît  naître  des  difficultés  imprévues, 
mais  les  Ambassadeurs  de  France  s'empressèrent   de  rassurer  Rosel  et  Chevalier 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  91 

et  leur  affirmèrent  qu'ils  n'avaient  aucune  arrière-pensée  ni  l'intenlion  de  retarder  la 
signature  du  traité,  mais  qu'il  fallait  donner  à  l'un  deux,  M.  de  Hautefort,  le  temps 
de  se  rendre  auprès  de  la  Reine-Mère  ;  ils  ajoutèrent  :  «  Ce  que  le  Roy  a  promys,  il 
«  le  tiendra.  » 

Les  délégués  de  Genève  avaient  parfaitement  compris  toute  la  portée  de  la  réserve 
qui  avait  été  proposée  par  Messieurs  de  Renie.  Réserver  les  droits  du  duc  de  Savoie, 
c'était  en  une  certaine  mesure  les  reconnaître  et  il  est  difficile  de  concevoir  que  les 
Rernois  aient  fait  aussi  bon  marché  des  droits  et  des  intérêts  de  Genève,  leur  allié. 
Il  est  malheureusement  évident  que  le  duc  de  Savoie  avait  su  se  ménager  des  intelli- 
gences dans  le  gouvernement  bernois  ;  cela  résulte  très  clairement  de  certains  propos 
rapportés  dans  les  dépèches  de  Roset. 

Roset  et  Chevalier  se  rendirent  auprès  de  l'Avoyer  Steiguer  pour  chercher  à  lui 
démontrer  tout  le  préjudice  que  la  réserve  des  droits  du  duc  de  Savoie  pouvait  causer 
à  Genève.  L'Avoyer  répondit  qu'il  voudrait  que  Genève  se  mît  d'accord  avec  le  Duc, 
afin  que  la  querelle  fût  une  fois  terminée.  «  Quant  à  la  réserve,  ajouta-t-il,  il  a  été 
décidé  de  la  formuler,  mais  elle  ne  figurera  pas  dans  le  traité.»  Au  cours  de  la  conver- 
sation, l'Avoyer  ne  dissimula  en  aucune  manière  ses  sentiments  intimes  ;  il  déclara 
aux  deux  Genevois  que  ces  négociations,  «  cest  affaire  de  France  »  ne  lui  avaient 
jamais  plu  (1),  et  qu'il  n'avait  jamais  donné  son  adhésion  au  traité,  que  d'ailleurs  il 
avait  toujours  présents  devant  les  yeux  les  défauts  du  Roi.  Steiguer  concluait  en  insi- 
nuant que  a  si  on  povoit  accorder  avec  le  Duc,  il  pourroit  bien  faire  valloir  Genève.  » 

C'était,  on  en  conviendra,  un  bien  triste  langage  pour  un  magistrat  républicain. 
C'était  en  quelque  sorie  donner  à  Genève  le  conseil  de  céder  et  de  renoncer  à  son 
indépendance  (2).  Mais  les  deux  délégués  genevois  n'étaient  pas  hommes  à  se  laisser 

(1)  «  Sinon  qu'il  a  dil  à  Messieurs  les  Bourgeois:  Dieu  vous  en  doient  joye.  »  (Voir  dépêche  de 
Roset  el  Clievalier,  aux  documents.) 

(2)  L'atliliide  de  l'Avoyer  Steiguer  s'explique  par  certains  faits  personnels  ;  dans  sa  jeunesse, 
Steiguer  avait  séjourné  à  Ghambéry  et  il  avait  été  fort  bien  accueilli  à  la  Cour  du  Duc  de  Savoie  ;  plus 
lard^  une  fois  entré  dans  la  vie  publique,  il  fut  chargé  de  diverses  missions  auprès  du  Duc  ;  il  avait 


92  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

gagner  ou  décourager,  ils  rappelèrent  à  l'Âvoyer  que,  si  on  n'avait  pu  s'entendre  avec 
le  duc  de  Savoie  dans  les  précédentes  journées,  la  faute  n'en  était  nullement  impu- 
table aux  Genevois  qui  avaient  toujours  désiré  vivre  en  paix  avec  leurs  voisins  ;  les 
obstacles  venaient  de  la  maison  de  Savoie  qui  persistait  dans  ses  injustes  prétentions. 
Rosel  et  Chevalier  firent  ressortir  combien  il  était  imprudent  de  formuler,  surtout  par 
écrit,  des  réserves  en  faveur  de  la  maison  de  Savoie.  Les  «  Savoyens  »  s'en  prévau- 
draient contre  Genève  et  Berne  n'en  retirerait  aucun  avantage.  L'Avoyer,  s'apercevant 
que  ses  conseils  n'obtenaient  aucun  succès,  battit  légèrement  en  retraite  et  s'efforça 
de  rassurer  ses  interlocuteurs  ;  il  leur  déclara  que  la  réserve  ne  figurerait  point  au 
traité,  mais  dans  un  acte  distinct,  et  il  les  engagea  même  à  s'adresser  à  M.  de  Diesbach 
pour  que  cette  malheureuse  clause  fût  complètement  supprimée.  M.  de  Diesbach  se 
montra  fort  conciliant;  lorsque  les  délégués  genevois  lui  eurent  exposé  le  but  de 
leur  visite,  il  ne  fit  pas  de  difficulté  pour  retirer  la  phrase  qui  blessait  les  Genevois  et 
qui  pouvait  servir  de  point  d'appui  aux  prétentions  de  la  maison  de  Savoie  ;  il  donna 
immédiatement  des  ordres  pour  que  la  réserve  fût  supprimée.  Malheureusement,  l'avis 
de  M.  de  Diesbach  ne  fut  pas  suivi  et  Roset  dût  revenir  sur  ce  point  délicat. 

Le  même  jour  Roset  et  Chevalier  eurent  une  dernière  audience  de  Hautefort,  qui 
se  montra  des  plus  bienveillants  pour  eux  et  pour  Genève.  Il  leur  annonça  qu'il  avait 
remis  au  gouvernement  bernois  une  note  relative  au  mot  ennemis  contenu  dans  le 
traité  ;  puis  il  les  engagea  à  user  de  toute  leur  influence  pour  que  le  traité  fût  accepté 
par  Genève  sans  discussion  ;  il  leur  fit  comprendre  qu'il  rencontrait  lui-même  beaucoup 
d'obstacles,  de  traverses,  dans  les  négociations,  et  que  le  duc  de  Savoie,  les  cinq 
cantons  catholiques,  mettraient  tout  en  œuvre  pour  empêcher  la  ratification  du  traité. 
Il  leur  montra  que  les  secrètes  menées  avaient  déjà  obtenu  un  premier  résultat,  puis- 
que Berne  avait  proposé  d'insérer  dans  le  traité  une  réserve  en  faveur  des  droits  de  la 
maison  de  Savoie  ;  dans  le  langage  du  diplomate  français,  il  était  aisé  de  démêler  les 
sentiments  d'irritation  qui  animaient  alors  le  Roi  de  France  contre  le  duc  de  Savoie. 
Hautefort  fit  remarquer  à  ce  sujet  que  «  le  Duc,  qui  avait  reçu  tant  de  bienfaits  du 

ainsi  contracté  des  aniiliés  el  subi  des  iniluences  (|ui  cxpliiiuenl  ses  dispositions  favorables  à  la 
Savoie. 


ET    LE   THAITÉ    DE   SOLEURE  93 

«  Roi,  ne  lui  avait  pas  fait  l'honneur  de  le  réserver  dans  son  traité  avec  les  cinq 
«  cantons».  Le  Roi  ne  faisait  ainsi  que  rendre  au  duc  la  pareille,  en  refusant  d'accepter 
aucune  réserve  dans  le  traité  avec  Rerne  et  Soleure  (1), 

Hautefort,  en  terminant,  recommanda  instamment  aux  deux  Genevois  d'éviter 
avec  soin  tout  ce  qui  pourrait  occasionner  des  discussions  nouvelles  et  il  manifesta 
même  le  désir  que  Roset  retournât  à  Genève  pour  renseigner  le  Conseil  et  aplanir 
toute  difficulté.  Sur  ce  dernier  point,  Roset  et  Chevalier  s'excusèrent  de  ne  pouvoir 
acquiescer  au  désir  exprimé  par  l'Ambassadeur;  en  effet,  ils  étaient  tenus  de  pour- 
suivre leur  voyage  en  Suisse,  pour  s'acquitter  d'une  mission  dont  ils  étaient  chargés 
auprès  des  cantons,  en  vue  d'une  prochaine  Journée. 

Le  lendemain,  avant  leur  départ,  Roset  et  Chevalier  revirent  une  dernière  fois  les 
Ambassadeurs  de  France  ;  ces  derniers  promirent  de  remettre  au  Conseil,  en  passant 
par  Genève,  le  double  du  traité,  tel  qu'il  avait  été  amendé.  Au  dernier  moment.  Haute- 
fort  exprima  une  fois  encore  ses  regrets  de  ce  que  Roset  ne  pouvait  pas  retourner  à 
Genève  pour  préparer  le  terrain  ;  en  outre,  il  recommanda  spécialement  aux  délégués 
genevois  «d'entretenir  Mess"  de  Soleure,  troys  ou  quatre  qu'ils  sont,  et  le  secrétaire», 
afin  qu'ils  ne  se  laissent  pas  influencer  par  les  plaintes  ou  les  menaces  des 
cantons  catholiques.  En  autres  termes,  Hautefort,  connaissant  le  côté  faible  de  certains 
magistrats,  engageait  les  délégués  à  gagner  ou  à  conserver,  par  des  cadeaux,  l'appui 
bienveillant  des  Soleurois.  L'Ambassadeur  prit  soin  d'ajouter  que  Ralthasard  de  Grissac 
pouvait  leur  être  d'un  grand  secours  et  qu'il  jouissait  à  Soleure  d'un  crédit  considérable. 

Au  moment  où  l'Ambassadeur  donnait  ce  conseil  à  Roset,  Grissac  entra  dans  la 
salle  où  se  trouvaient  réunis  Hautefort  et  les  deux  délégués  genevois.  L'Ambassadeur 
de  France,  s'adressant  à  Grissac,  lui  demanda  son  avis  : 

—  «  Je  disais  à  M.  le  Syndic  qu'il  serait  bon  d'entretenir  les  principaux  de  Soleure, 
afin  qu'ils  ne  se  laissent  pas  détourner  par  les  sollicitations  des  cinq  cantons,  soUicita- 
tions  qui  ne  se  feront  pas  attendre  :  qu'en  dites-vous  ?  » 

(1)  Ainsi,  par  une  étrange  anomalie,  ce  turent  les  Ambassadeurs  de  France  qui  se  trouvèrent 
défendre  les  intérêts  de  Genève  contre  Messieurs  de  Berne  qui  en  faisaient  bon  marché. 


94  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

—  a  Puisque  vous  daignez  me  demander  mon  avis,  répondit  Grissac,  je  vous  le 
dirai  en  toute  franchise;  à  mon  avis,  dès  que  Messieurs  de  Berne  ont  accepté  le  traité, 
il  n'y  a  pas  lieu  de  craindre  que  les  Seigneurs  de  Soleure  se  laissent  manier  ou 
entraîner  par  les  cinq  cantons  et  ainsi  Messieurs  de  Genève  pourront  éviter  de  la 
dépense.  Cependant,  puisque  M.  Roset  se  rend  à  Zurich,  il  aura  l'occasion  de  voir 
M.  de  Mùlinen  (1)  et  ils  aviseront  ensemble.  » 

—  «  Vous  savez,  reprit  M.  de  Hautefort,  combien  les  cinq  cantons  sont  irrités 
contre  ceux  de  Soleure  à  cause  de  leur  alliance  particulière  avec  les  Seigneurs  de 
Berne  et  vous  n'ignorez  pas  qu'ils  en  ont  fait  des  chansons,  dans  lesquelles  ils  accusent 
les  Soleurois  de  vouloir  devenir  luthériens,  ce  qui  fâche  fort  les  Soleurois.  Il  faudrait 
donc  veiller  du  côté  de  Soleure.  Toutefois,  conclut  M.  de  Hautefort,  vous  connaissez 
mieux  cette  affaire  que  moi.  » 

A  la  suite  de  cet  entretien,  Roset  et  Chevalier  prièrent  instamment  Hautefort  de 
les  aider  de  sa  haute  influence  et  de  ses  recommandations  auprès  des  cantons  catho- 
liques. L'Ambassadeur  répondit  qu'il  y  avait  deux  personnages  auxquels  on  pourrait 
s'adresser,  a  mais,  ajouta-t-il,  celui  de  Lucerne  (sans  doute  l'Avoyer  Pfyffer)  est 
«  inaccessible  de  ce  costé.  » 

En  écrivant  au  Conseil  de  Genève,  Roset  rendit  compte  dans  les  meilleurs  termes 
de  ses  relations  avec  les  Ambassadeurs  de  France  :  «  Ou  nous  sommes  bien  trompés, 
«  écrivait-il,  ou  ils  sont  affectionnés  à  ceste  affaire.  »  En  effet,  les  deux  Ambassadeurs 
avaient  témoigné  aux  délégués  de  Genève  des  égards  tout  exceptionnels,  les  invitant  à 
leur  table  et  les  traitant  comme  des  égaux.  Evidemment,  les  délégués  genevois  avaient 
su  habilement  gagner  l'estime  et  les  bonnes  grâces  des  deux  Ambassadeurs. 

Après  le  départ  des  Ambassadeurs  de  France,  Roset  et  Chevalier  se  rendirent  à 
l'Hôtel  de  Ville  de  Berne  et  obtinrent  une  dernière  audience  de  l'Avoyer.  Ils  lui  exposè- 
rent de  nouveau  combien  ils  regrettaient  que  le  gouvernement  bernois  eût  formulé  des 
réserves  en  faveur  de  la  maison  de  Savoie  et  les  eût  communiquées  aux  Ambassadeurs 

(1)  M.  de  Mulinen  était  alors  en  séjour  à  Baden. 


ET   LE   TKAITÉ   DE   SOLEURE  95 

français.  Roset  disait  avec  raison  :  «  puisque  le  Roi  ne  voulait  introduire  aucune  réserve 
dans  ce  traité,  pourquoi  Messieurs  de  Berne  en  insèrent-ils  une  dont  le  gouvernement 
royal  n'a  que  faire.  Au  surplus,  il  aurait  suffi  de  faire  cette  réserve  verbalement,  sans 
la  formuler  par  écrit.  »  En  somme,  Messieurs  de  Berne  ne  s'étaient  pas  comportés  en 
cette  occasion  en  fidèles  alliés  et  corabourgeois  et  le  langage  des  délégués  genevois 
n'était  pas  exempt  de  reproches  légitimes  (1). 

L'Avoyer  s'efforça  de  rassurer  ses  interlocuteurs  et  d'atténuer  l'importance  du 
procédé  dont  ils  se  plaignaient  ;  il  leur  affirma  que  le  document  contenant  la  réserve 
serait  retiré;  enfin  il  chercha  à  expliquer  la  condescendance  de  Berne  pour  la  Savoie 
par  des  scrupules  assez  peu  compréhensibles. 

Après  celte  audience,  la  mission  de  Roset  et  de  Chevalier  à  Berne  était  terminée, 
mais  leurs  instructions  leur  prescrivaient  de  se  rendre  ensuite  à  Soleure,  à  Zurich  et  à 
Bàle,  pour  préparer  le  terrain  en  vue  d'une  prochaine  journée. 


CHAPITRE  XI 

Hautefort  et  De  la  Chaise  à  Genève.  —  Mission  de  Roset  et  Ciievalier  à  Soleure,  Zurich,  Schaffhouse  et  Bâie.  — 
Démarche  de  l'Avouer  Pfyfîer  contre  le  traité,  —  Roset  et  Chevalier  rendent  compte  de  leur  mission. 

Tandis  que  Roset  et  Chevalier  partaient  pour  Soleure,  les  Ambassadeurs  de  France, 
Hautefort  et  De  la  Chaise  (2),  se  dirigeaient  vers  Genève;  ils  y  arrivèrent  le  23  mai 
et  aussitôt  le  Conseil  délégua  trois  de  ses  membres  avec  le  Premier  Syndic  pour  les 
complimenter  et  leur  «  tenir  compagnie.  »  L'entretien  porta  naturellement  sur  le  traité 

(1)  a  Nous  ne  pouvons,  tlisaienl-iis,  ([ue  nous  ne  le  (l'Avoyer  de  Berne)  requérions  de  tant  faire 
«  que  ces  escrils  ne  s'esventent  point,  sinon  ([u'il  fut  possible  de  les  retirer,  veu  que  le  préjudice  qu'ils 
«  nous  font  en  cela  retumbe  sur  eulx,  pource  que  nostre  Estât  est  tellement  conioint  au  leur  que 
«  l'avantage  que  M.  de  Savoye  pourroit  gagner  sur  Genève  luy  réussiroit  certainement  à  fondement 
«  pour  réintégrande  de  totcs  ses  (lucrelles  et  actions  contre  eulx,  nonobstant  totes  lettres  et  seaux.» 

(2)  Sancy,  qui  était  resté  à  Berne,  ne  tarda  pas  à  retourner  à  Soleure,  où  était  le  siège  de  l'Am- 
bassade. 


96  GENÈVE,    LE   PARTI    HUGUENOT 

qui  venait  de  se  négocier,  et  le  Premier  Syndic  exposa  aux  deux  Ambassadeurs  les 
griefs  de  Genève,  notamment  pour  les  péages;  il  leur  fit  remarquer  que  le  Pays  de 
Vaud  jouissait  de  l'immunité  douanière,  tandis  que  Genève  n'avait  pu  l'obtenir  ;  le 
maintien  des  barrières  commerciales  ne  pouvait  avoir  d'autre  effet  que  de  dépeupler 
Genève,  tandis  qu'au  contraire  le  Roi  de  France  avait  intérêt  à  la  voir  peuplée  et 
florissante,  «  pour  se  pouvoir  mieulx  garder,  suyvant  son  intention.  »  Le  Premier 
Syndic  insista  vivement  sur  ce  point,  jusqu'à  mettre  en  doute  que  le  peuple  consulté  en 
Conseil  Général  voulût,  dans  ces  conditions,  ratifier  le  traité  (1). 

Les  Ambassadeurs  répondirent  que,  si  le  Pays  de  Vaud  jouissait  de  l'immunité 
douanière,  c'était  comme  terre  sujette  de  Berne,  et  que  d'ailleurs  Genève  pouvait  pré- 
tendre dans  la  suite  à  des  avantages  semblables,  même  à  de  plus  importants.  Pour  le 
moment,  dirent-ils,  nous  n'avons  pu  faire  mieux,  attendu  que  notre  mandat  était 
limité  (2).  Ils  promirent  enfin  d'envoyer  le  traité  à  Genève,  lorsque  le  Roi  l'aurait 
approuvé. 

En  résumé,  les  deux  Ambassadeurs  firent  preuve  des  ^meilleures  dispositions  à 
l'égard  de  Genève  et  déclarèrent  au  Premier  Syndic,  comme  ils  l'avaient  déclaré  à 
Roset  et  à  Chevalier,  qu'ils  avaient  refusé  d'accepter  la  réserve  proposée  par  Messieurs 
de  Berne  en  faveur  du  duc  de  Savoie  et  que  Messieurs  de  Soleure  avaient  pris  le 
même  parti.  En  terminant,  ils  exhortèrent  les  magistrats  genevois  à  ne  pas  se  mon- 
trer difficiles  ou  exigeants  pour  l'acceptation  du  traité,  d'autant  que  plus  tard  ils 
pourraient  obtenir  mieux  en  négociant  à  nouveau  avec  Berne  et  Soleure 

Tandis  que  les  Ambassadeurs  de  France  séjournaient  à  Genève,  Roset  et  Cheva- 
lier, partis  de  Berne  le  20  mai,  étaient  arrivés  à  Soleure  ;  ils  y  reçurent  la  visite  de 

(1)  Les  questions  changem  peu  ;  celte  question  des  douanes  et  des  péages  qui  intéresse  si  sérieu- 
sement la  Genève  contemporaine  préoccupait  au  même  degré  nos  ancêtres. 

(2)  Selon  toute  apparence,  les  Bernois  n'appuyèrent  que  très  mollement  les  réclamations  de 
Genève  pour  les  péages  ;  en  effet,  Roset,  rendant  compte  de  sa  inission  en  Suisse,  raconta  au  Conseil, 
(séance  du  C  juin  1.^79)  ipi'il  avait  vu  à  lîcrne  M.  de  t'Iervant  et  que  ce  dernier  avait  fort  bien  aperçu 
«  que  les  S"  de  Iterne  n'avoient  pas  fort  pressé  l'article  de  rcxemption  des  péages,  d'autant  ([u'on  leur 
a  dit  que  ccuix  (lui  se  fasclieroicnt  à  Genève  se  retireront  en  leur  pais.  » 


ET    LE   TRAITÉ    DE    SOLEURE  97 

l'Avoyer  et  de  quelques  autres  magislrals.  Roset,  qui  cherchail  en  toute  occasion  à 
étendre  les  relations  de  Genève,  demanda  à  l'Avoyer  de  Soleure  s'il  ne  serait  pas  op- 
portun de  conclure  une  alliance  particulière  entre  Berne,  Soleure  et  Genève.  L'Avoyer 
répondit  «  qu'il  faudroit  faire  quelque  chose,  »  mais  qu'il  fallait  ajourner  toute 
nouvelle  négociation,  jusqu'au  moment  où  les  intentions  du  Roi  seraient  connues. 

Le  22  mai,  Roset  et  son  collègue  arrivèrent  à  Baden,  en  Argovie,  et  s'empressè- 
rent de  faire  visite  à  un  ami  dévoué  de  Genève,  à  l'Avoyer  de  Miilinen,  qui  était  en 
séjour  aux  bains.  Ils  lui  racontèrent  en  détail  les  négociations  qui  venaient  d'avoir  lieu 
et  les  obstacles  qu'ils  avaient  rencontrés.  Miilinen  leur  confia  que  le  Duc  de  Savoie 
était  fort  irrité  du  succès  des  négociations  et  leur  fit  part  d'une  conversation  toute 
récente  qu'il  avait  eue  avec  l'envoyé  de  Savoie,  M.  de  Jacob  ;  ce  dernier  lui  ayant 
reproché  d'avoir  été  le  promoteur  du  traité  «  dont  son  maistre  esloit  bien  fasché,  » 
M.  de  Mùlinen  lui  avait  répondu  que  le  traité  n'avait  d'autre  but  que  de  garantir  la 
sécurité  de  Genève  :  «  D'ailleurs,  avait  ajouté  Mùlinen,  ne  pensez  pas  que  ceux  de 
«  Genève  soient  disposés  à  se  rendre  à  Son  Altesse,  ils  se  rendraient  plutôt  à 
«  d'autres.  » 

—  «  A  qui,  reprit  M.  de  Jacob,  au  Roi  de  France?  Nous  le  voudrions,  car  il  ne 
«  faudrait  que  deux  tours  de  chambre  pour  avoir  Genève  du  Roi  lui-même  ;  on  a  eu 
«  de  lui  bien  d'autres  places.  » 

Cette  déclaration  de  l'envoyé  de  Savoie  n'était  pas  rassurante  pour  Genève.  Les 

délégués  Roset  et  Chevalier  jugèrent  inutile  de  la  relever  et  se  bornèrent  à  demander 

à  Miilinen  s'il  était  opportun  de  solliciter  pour  Genève  un  traité  de  combourgeoisie 

avec  Zurich  et  Soleure.  Miilinen  les  dissuada  de  tenter  une  démarche  dans  ce  sens, 
en  leur  apprenant  qu'il  avait  déjà  traité  ce  sujet  avec  un  conseiller  de  Zurich  qui 

avait  fort  mal  accueilli  ses  ouvertures. 

De  Bade,  Roset  et  Chevalier  poussèrent  jusqu'à  Zurich  oîi  ils  présentèrent  dès  le 
premier  jour  leurs  lettres  de  créance  au  bourgmaitre  Brôhl  ;  le  25  mai  ils  furent  reçus 


98  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

en  audience  par  le  Conseil.  Ils  exposèrent  l'objet  de  leur  mission  et  demandèrent  que 
la  Seigneurie  de  Zurich  leur  accordât  le  trésorier  Thomann  comme  arbitre  pour  la 
journée  qui  devait  statuer  sur  les  différends  de  Genève  avec  le  Duc  de  Savoie.  Le  Con- 
seil fit  le  meilleur  accueil  aux  deux  délégués  et  leur  accorda  l'objet  de  leur  demande, 
en  ajoutant  que  «  où  ils  pourroient  gratifier  Messieurs  de  Genève,  ils  le  feroient 
«  volontiers.  »  L'accueil  bienveillant  qui  fut  fait  aux  deux  Genevois  était  d'un  heureux 
augure  pour  l'avenir  ;  en  effet,  trois  ans  plus  lard,  Michel  Roset  revenait  à  Zurich  pour 
conclure  et  signer  un  traité  de  combourgeoisie  au  nom  de  Genève. 

De  Zurich,  Roset  et  Chevalier  se  rendirent  à  Schaffhouse,  puis  à  Râle  ;  dans  ces 
deux  villes  ils  rencontrèrent  le  meilleur  accueil,  A  leur  retour,  les  deux  délégués  s'ar- 
rêtèrent de.  nouveau  à  Soleure  ;  arrivés  le  1"'' juin,  ils  eurent  aussitôt  une  conférence 
avec  l'Ambassadeur  du  Roi,  Sancy,  qui  leur  raconta  un  nouvel  incident  survenu  à 
l'occasion  du  traité.  L'Avoyer  Pfyffer,  de  Lucerne,  lui  avait  écrit  pour  se  plaindre 
amèrement  de  ce  qui  avait  été  fait  en  faveur  de  Genève  (1).  L'Avoyer  blâmait  ouverte- 
ment ceux  qui  s'étaient  mêlés  des  négociations  du  traité  ;  il  ajoutait  qu'ils  seraient 
désavoués  par  le  Roi  et  que  les  cinq  cantons  catholiques  enverraient  incessamment 
des  Ambassadeurs  à  la  Cour  pour  protester  contre  le  traité.  Comme  nous  l'avons 
indiqué  plus  haut,  Pfyffer  était  alors  non  seulement  le  chef  de  l'Etat  de  Lucerne, 
mais  encore  le  personnage  le  plus  considérable  de  la  Suisse  catholique.  «  Les 
«  Confédérés,  dit  Vulliemin,  ne  connaissaient  pas  d'exemple  d'un  homme  qui  se  fût 
«  élevé  si  haut  par  les  richesses,  la  gloire  et  l'amitié  des  têtes  couronnées.  Aussi  les 
«  étrangers  le  nommaient-ils  le  Roi  des  Suisses  (2).  » 

Pfyffer  était  un  personnage  qu'il  fallait  ramener  à  tout  prix,  afin  d'éviter  de 
nouvelles  complications.  L'Ambassadeur  de  France  s'était  donc  empressé  de  lui  expé- 
dier son  secrétaire  Vallier  pour  tâcher  de  calmer  son  ressentiment.  Lorsque  Vallier 
réussit  à  le  rencontrer,  l'homme  d'Etat  lucernois  était  en  état  d'ivresse,  et  l'entretien 

(1)  Sous  le  litre  de  :  Ludwig  Pfyffer  und  seine  Zeil,  M.  de  Segesser  vient  de  raconter  en  détail 
la  carrière  de  l'iiommc  d'Etat  lucernois. 

(2)  Hist.  de  la  ConC.  suisse,  par  Jean  de  Millier,  continuée  par  Monnard  et  Vulliemin,  le.  Xtl, 
p.  142. 


ET    LE   TRAITE    DE   SOLEUIIE  99 

s'engagea  dans  les  conditions  les  plus  fâcheuses.  Vallier  chercha  à  faire  comprendre  à 
son  interlocuteur  que  le  Roi  n'avait  nullement  traité  avec  Genève,  mais  seulement 
avec  Berne  et  Soleure,  et  dans  l'intérêt  de  l'alliance  que  la  Couronne  de  France  vou- 
lait maintenir  avec  les  Ligues  Suisses  : 

«  Le  Roi,  disait  Vallier,  n'entend  nullement  par  ce  traité  favoriser  la  religion 
«  réformée,  vu  qu'il  n'y  a  prince  au  monde  qui  ait  fait  autant  de  sacrifices  pour  la 
«  défense  de  la  religion  catholique,  s'étant  trouvé  à  cinq  ou  six  batailles  et  ayant  tout 
a  risqué  pour  elle.  Après  la  St-Barthélemy,  lorsque  M.  de  Savoie  insinua  aux  Seigneurs 
«  de  Berne  et  d'autres  cantons  que  le  Roi  voulait  s'emparer  de  Genève,  lorsque  le 
c(  même  duc  de  Savoie  offrit  de  participer  à  la  défense  de  la  ville,  en  contribuant  à  la 
«  solde  d'une  garnison  suisse,  cette  proposition  venant  de  M.  de  Savoie  ne  vous  parut 
«  point  étrange  ;  pourquoi  donc  la  repoussez-vous  aujourd'hui  qu'elle  vient  du  Roi  ? 
«  Qui  vous  a  comblé  de  ses  bienfaits?  Faites  attention.  Monsieur  Pfyfïer,  que,  si  les 
«  cantons  catholiques  envoient  auprès  du  Roi  une  ambassade  contre  ce  traité,  c'est 
«  vous  seul  qui  en  porterez  toute  la  responsabilité  !  Si  vous  trouvez  d'ailleurs  quelque 
«  avantage  à  suivre  un  autre  parti  que  celui  du  Roi,  faites-le,  mais,  si  vous  voulez 
«  continuer  à  servir  le  Roi,  ne  cherchez  point  à  entraver  ce  qui  se  fait  dans  l'intérêt 
«  de  la  France.  A  vous  parier  franchement,  le  Roi  a  toujours  le  moyen  d'avoir  des 
«  amis,  et,  s'il  faut  qu'il  se  passe  des  uns,  il  en  trouvera  d'autres.  L'alliance  de  la  Cou- 
«  ronne  de  France  est  aussi  nécessaire  aux  cantons  qu'au  Roi  lui-même.  Quant  aux 
«  soupçons  que  vous  cherchez  à  faire  planer  sur  ceux  qui  se  sont  mêlés  du  traité, 
«  rappelez-vous  que  ces  derniers  sont  aussi  bons  catholiques  que  d'autres  et  à  ceux 
«  qui  diraient  le  contraire  on  pourrait  aisément  prouver  qu'ils  se  trompent.  » 

Le  langage  très  vif  de  Vallier  n'était  pas  fait  pour  calmer  l'Avoyer  de  Lucerne.  Il 
répondit  avec  emportement  que  les  cantons  enverraient  une  Ambassade  en  France, 
quoiqu'il  en  fût,  et  il  ajouta:  puisqu'on  a  des  préférences  pour  Berne  et  Soleure,  les 
autres  cantons  aviseront. 

Sur  ce  ton  l'entretien  ne  pouvait  aller  bien  loin;  Vallier  quitta  l'Avoyer  et  partit 


]00  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

aussitôt  pour  Schwylz  et  Zug  ;  il  s'entretint  avec  les  principaux  personnages  de  ces 
deux  cantons  et  les  trouva  bien  disposés,  malgré  les  intrigues  des  envoyés  de  Savoie. 
Au  retour,  Vallier  repassa  par  Lucerne  et  fut  tout  étonné  de  trouver  que  l'humeur  de 
l'Avoyer  avait  complètement  changé;  il  s'était  radouci  et  il  s'excusa  d'avoir  été 
violent  quelques  jours  auparavant,  ajoutant  que  l'Ambassade  dont  (il  avait  parlé  ne 
serait  pas  envoyée. 

L'irritation  de  l'Avoyer  Pfyffer  s'était  calmée,  mais  les  cantons  catholiques, 
excités  par  dessous  main,  ne  tardèrent  pas,  comme  nous  le  verrons,  à  entreprendre 
une  véritable  croisade  contre  le  traité  de  Soleure. 

Après  avoir  pris  congé  de  Sancy,  Roset  et  Chevalier  quittèrent  Soleure  pour 
retourner  à  Genève.  Dans  les  environs  de  Berne  ils  firent  la  rencontre  de  Glervant, 
l'un  des  agents  les  plus  zélés  des  réformés  français  ;  il  leur  raconta  que  Messieurs  de 
Berne  n'avaient  guère  insisté  pour  obtenir  en  faveur  de  Genève  l'exemption  des 
péages,  parce  qu'ils  supposaient  que  «  ceux  qui  se  fascheroient  à  Genève  se  retireront 
a  en  leur  pais,  s  c'est-à-dire  sur  territoire  bernois.  Glervant  ajouta  qu'il  avait  entendu 
dire  à  Diesbach  que  «  ceux  de  Genève  se  faisoient  croire  qu'ils  étoient  gens  de  guerre, 
«  mais  qu'ils  ne  l'estoient  ».  Ges  propos,  qui  coïncident  avec  d'autres  faits  de  même 
nature,  attestent  qu'il  y  avait  dans  le  gouvernement  bernois  un  groupe  d'hommes  poli- 
tiques qui  se  souciait  fort  peu  de  l'indépendance  ou  des  intérêts  de  Genève. 

A  Berne,  Roset  eut  une  dernière  entrevue  avec  Steiguer  qui  lui  annonça  que  le 
gouvernement  bernois  n'attendrait  pas  l'expiration  du  délai  de  trois  mois  demandé 
par  l'Ambassade  de  France  et  qu'il  écrirait  incessamment  au  Gonseil  de  Genève  pour 
obtenir  son  adhésion  au  traité  de  Soleure. 

Le  6  juin,  Roset  et  Chevalier  étaient  de  retour  à  Genève  et  rendaient  compte  au 
Conseil  du  résultat  de  leur  mission.  Par  son  habileté,  mêlée  de  souplesse  et  de  fermeté, 
Roset  avait  aplani  bien  des  difficultés  et  réussi  à  améliorer  un  traité  qui  allait  devenir 
l'une  des  bases  essentielles  de  l'indépendance  de  Genève. 


ET    LE   TRAITE    DE   SOLEURE 


101 


CHAPITRE  XII 

Le  gouvernement  bernois  communique  le  traité  au  Conseil  de  Genève.  -  Préavis  demandé  à  la  Compagnie  des 

Ministres. 

A  partir  des  premiers  jours  de  juin,  le  Conseil  de  Genève  attendit  avec  une 
impatience  compréhensible  la  dépêche  de  Berne  qui  devait  le  nantir  officiellement  du 

traité. 

Le  11  juin,  le  Conseil  discute  s'il  y  a  lieu  de  faire  quelque  démarche  «  parcequ'on 
«  n'a  point  de  nouvelles  de  Berne,  encore  qu'on  disoit  qu'ils  manderoient  par  deçà  ». 
La  dépêche  ne  se  fit  attendre  que  quelques  jours;  en  effet,  le  22  juin  au  matin,  le 
Conseil  fut  convoqué  d'urgence  pour  prendre  connaissance  de  la  dépêche  si  impa- 
tiemment attendue  et  qui  était  arrivée  la  veille  au  soir  (1).  Messieurs  de  Berne  pré- 
sentaient le  traité  comme  ayant  été  conclu  uniquement  à  leur  «  requeste  et  sollicita- 
tion »,  ils  assuraient  qu'ils  étaient  certains  de  l'adhésion  du  Roi  et  annonçaient 
leur  intention  de  soumettre  à  la  journée  de  Baden  le  texte  du  traité,  ainsi  que  les 
motifs  qui  les  avaient  déterminés  à  le  conclure.  Ils  priaient  le  Conseil  de  Genève  de 
leur  transmettre  le  plus  promptement  possible  son  avis  sur  le  traité.  A  la  dépêche 
officielle  était  jointe  une  lettre  particulière  de  l'Avoyer  de  Miilinen  pour  Michel  Roset  ; 
l'Avoyer  engageait  vivement  les  magistrats  genevois  à  accepter  le  traité  tel  quel  : 

«  Autrement,  disait-il,  vous  aurez  bien  peu  d'amis.  » 

Avant  de  rien  décider,  le  Conseil  voulut  prendre  l'avis  de  deux  hommes  qui, 
dans  des  sphères  différentes,  lui  inspiraient  le  plus  de  confiance,  l'un  théologien, 
Th.  de  Bèze,  le  second  jurisconsulte  éminent,  CoUadon.  Tous  deux  furent  aussitôt 
mandés  et  ils  prirent  connaissance  des  articles  du  traité  qui  furent  recomms  passables 
et  acceptables  sous  deux  réserves  : 

(1)  Elle  existe  aux  Arch.  de  Genève,  Port.  hist.  ^"2001. 


102  GENÈVE,    LE   PARTI    HUGUENOT 

i"  Que  les  relii^ionnaires  français  qui  se  retireraient  à  Genève  ne  seraient  point 
considérés  comme  ennemis  du  Roi  et  que  les  portes  de  la  ville  leur  resteraient 
ouvertes  : 

2°  Qu'on  réglerait  ultérieurement  à  quelles  conditions  les  papistes  seraient  admis 
dans  la  ville. 

Il  fut  également  décidé  d'écrire  à  Berne  pour  l'exemption  des  impôts  et  péages 
en  France. 

Non  content  d'avoir  l'approbation  de  Th.  de  Bèze  et  de  Colladon,  le  Conseil 
décida  de  «  communiquer  (le  traité)  pour  le  faict  de  la  conscience  à  la  Compagnie 
«  des  Ministres  ».  Le  Conseil  prenait  rarement  une  mesure  de  quelque  importance 
sans  consulter  la  Compagnie  des  Pasteurs  et  il  en  résultait  un  certain  amoindrissement 
de  l'autorité  civile  au  profit  du  corps  ecclésiastique. 

Le  texte  du  traité  fut  donc  communiqué  à  la  Compagnie  et  le  même  jour,  à 
sept  heures  du  soir,  le  Conseil  se  réunit  de  nouveau  pour  entendre  le  préavis  de  la 
Compagnie.  Tous  les  Pasteurs  de  la  Ville  et  quelques-uns  de  la  campagne  assistaient 
à  la  séance.  Th.  de  Bèze  porta  la  parole  au  nom  de  ses  collègues;  le  Registre  du 
Conseil  nous  a  conservé  le  résumé  de  son  discours: 

«  Messieurs  les  Ministres,  dit  Th.  de  Bèze,  ne  se  sont  nullement  dissimulé  la 
«  gravité  de  la  question  qui  leur  a  été  soumise,  mais  ils  hésitent  à  se  prononcer 
«  d'une  manière  catégorique;  en  effet,  si  d'une  part  ils  ne  peuvent  méconnaître 
«  l'action  divine  qui  se  déploie  pour  notre  protection,  d'autre  part  ils  ne  peuvent 
«  oublier  à  qui  on  a  affaire.  Chacun  sait  que  le  Roi  en  veut  à  la  religion  réformée  et 
«  plus  particulièrement  à  cette  ville  ;  il  est  donc  impossible  de  se  fier  à  lui.  Toutefois, 
«  il  faut  prier  Dieu  qu'il  bénisse  les  effets,  comme  il  le  peut  faire,  et  qu'il  fasse 
«  tourner  à  bien  de  coupables  intentions. 

«  Les  Ministres  rappellent  ensuite  qu'il  y  a  à  Genève  une  jeunesse  dont  on  connaît 
«  les  défauts  ;  ils  craignent  que  cette  jeunesse  ne  profile  du  traité  pour  s'oublier  et  se 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  103 

«  livrer  à  la  dissipation  ;  ils  supplient  donc  que,  si  le  traité  est  ratifié,  la  jeunesse  soit 
«  tenue  en  bride-  Quant  au  Roi,  il  a  encore  les  mains  teintes  du  sang  de  nos  frères  et 
«  Messieurs  les  Ministres  se  feraient  scrupule  d'avoir  affaire  avec  lui,  mais  pour  le  pré- 
ce  sent,  il  s'agit  simplement  de  savoir  si  Genève  acceptera  ce  qui  a  été  traité  entre  le 
«  Roi  d'une  part,  Messieurs  de  Berne  et  Soleure  d'autre  part.  En  réalité,  Messieurs  les 
«  Ministres  ne  voient  pas  qu'il  y  ait  lieu  en  bonne  conscience  de  s'opposer  au  traité  ; 
a  toutefois,  ils  estiment  qu'il  y  a  quatre  points  qui  demandent  à  être  examinés  de  près, 
«  car  ceux  avec  lesquels  on  a  affaire  peuvent  interpréter  les  choses  à  leur  avantage.  En 
«  présentant  ces  observations,  ils  ne  cherchent  nullement  à  élever  des  obstacles,  mais  à 
a  obtenir  que  les  articles  soient  modifiés  avec  le  concours  de  Messieurs  de  Berne.  Nous 
«  ne  saurions  oublier  d'ailleurs  que  nous  sommes  liés  par  une  sorte  de  pacte  ou  d'al- 
«  liance  ayec  les  Eglises  réformées  de  France  qui  sont  de  véritables  colonies  de  l'Eglise 
«  de  Genève  et  les  articles  conçus  en  termes  généreux  doivent  être  formulés  de  telle 
«  façon  qu'ils  ne  puissent  être  mal  interprétés  par  les  fidèles  de  ces  Eglises.  » 

«  L'article  premier  du  traité  dit  que  les  habitants  de  Genève  se  comporteront  envers 
«  le  Roi  «  avec  le  respect  qu'il  appartient.  »  Cela  est  bon  et  suivant  la  parole  de  Dieu, 
«  mais  nous  savons  comment  ces  termes  sont  compris  en  France  et  nous  craignons 
«  que,  sous  le  manteau  d'une  telle  disposition,  on  ne  réclame  autre  chose  que  le  res- 
«  pect  dû  au  Roi.  Nous  prions  donc  qu'on  ajoute  à  l'article  premier  les  mots  suivants 
«  qui  en  précisent  le  sens  :  que  ce  soit  sans  préjudicier  à  la  sainte  et  raisonnable  liberté, 
«  octroyée  parla  parole  de  Dieu. 

«  A  l'article  deuxième  il  est  dit  que  Genève  est  reçue  dans  l'alliance  «  en  Testât 
«  qu'elle  est  de  présent.  »  Il  est  certain  que  ces  mots  «  en  Testât  »  comprennent 
«  tout  ;  toutefois  nous  aimerions  qu'ils  fussent  rendus  plus  clairs  encore,  si  c'est  pos- 
«  sible,  et  nous  désirerions  qu'on  ajoutât  :  «  assavoir  tant  en  la  liberté  que  religion.  » 

«En  troisième  lieu,  pour  la  garnison,  il  semble  qu'il  conviendrait  de  déterminer  à 
«  quelles  conditions  on  laissera  entrer  dans  la  ville  des  soldats  papistes,  afin  qu'il  n'en 
«  résulte  aucun  préjudice  pour  la  religion .  » 


-104  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

«  Comme  dernier  point,  Messieurs  les  Ministres  prient  qu'il  soit  clairement  spé- 
«  cifié  que  ceux  de  la  religion  ne  sont  pas  compris  sous  le  titre  d'ennemis  du  Roi. 

«  Voilà,  dit  en  terminant  Th.  de  Bèze,  ce  que  nous  avons  pu  faire  en  un  si  bref 
«  délai  et  sans  préjudice  de  l'opinion  de  nos  frères  absents.  » 

Les  autres  Ministres,  appelés  à  émettre  leur  opinion,  s'exprimèrent  tous  dans 
le  même  sens  que  Th.  de  Bèze. 

Après  avoir  entendu  le  préavis  de  la  Compagnie  des  Pasteurs,  le  Conseil  décida 
de  convoquer  le  Conseil  des  Deux  Cents  pour  lui  soumettre  le  traité. 

Le  mardi  23  juin,  dans  la  matinée,  «  Messeigneurs  du  Grand  Conseil  dict  des 
a  Deux  Cens  »  s'assemblèrent  et  le  Premier  Syndic  exposa,  dans  un  remarquable  dis- 
cours, l'importante  question  sur  laquelle  Genève  devait  se  prononcer.  A  propos  des 
anciennes  alliances  de  la  République,  il  rappela  qu'en  1558  les  Bernois  avaient  promis 
de  faire  entrer  la  Seigneurie  dans  la  paix  perpétuelle  qui  existait  entre  la  Couronne  de 
France  et  les  cantons  suisses.  Malheureusement,  ce  projet  n'avait  pu  se  réaliser  par 
suite  des  guerres  de  religion  et  de  la  haine  qu'inspirait  le  nom  seul  de  Genève.  Dès 
lors  plusieurs  entreprises  avaient  été  préparées  contre  la  sécurité  de  la  ville  ;  une 
entr'autres,  «  plus  chaude  que  jamais,  »  avait  été  tramée  l'année  précédente  ;  neuf  à 
dix  mille  hommes  s'étaient  réunis  de  tous  les  points  du  royaume  pour  surprendre 
Genève,  lesquels,  «  dit  le  Premier  Syndic,  Dieu  combattit  pour  nous  de  loing  et  avant 
«  qu'aprocher  se  mirent  en  roule  et  en  effroy  ». 

A  la  suite  de  cette  tentative  avortée,  Genève  avait  adressé  des  plaintes  aux 
Bernois  et  à  d'autres  cantons.  Messieurs  de  Berne  avaient  pris  l'affaire  en  main  et 
s'étaient  plaints  au  Roi  de  France  et  au  Duc  de  Savoie,  qui  avaient  déclaré  qu'ils  ne 
savaient  pas  le  premier  mot  de  ce  complot.  Pour  prouver  leur  bonne  foi,  tous  deux 
avaient  offert  de  se  concerter  avec  Messieurs  de  Berne  dans  le  but  d'empêcher  que 
Genève  tombât  entre  les  mains  de  l'étranger.  Mais,  tandis  que  le  Duc  de  Savoie  avait 
laissé  l'affaire  en  suspens,  le  Roi  de  France  avait  charge  son  Ambassadeur,  Ilautefort, 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  105 

de  suivre  aux  négociations,  qui  avaient  eu  pour  résultat  la  conclusion  d'un  traité  entre 
les  envoyés  de  France  d'une  part,  les  gouvernements  de  Berne  et  de  Soleure  de  l'autre. 

Après  avoir  ainsi  exposé  l'état  des  négociations,  le  Premier  Syndic  fit  observer 
que,  pour  deux  motifs  essentiels,  le  traité  n'avait  pu  être  communiqué  plus  tôt  au 
Conseil  des  Deux  Cents  ;  en  premier  lieu,  Hautefort  avait  instamment  prié  que  le 
traité  restât  secret  jusqu'au  moment  où  le  Roi  en  aurait  été  nanti  ;  en  second  lieu,  il 
était  à  remarquer  que  le  traité  était  conclu  non  pas  avec  Genève,  mais  en  faveur  de 
Genève,  entre  la  France,  Berne  et  Soleure.  Peut-être  même  le  traité  serait-il  resté 
secret  quelque  temps  encore  si  deux  jours  auparavant  Messieurs  de  Berne  n'avaient 
pas  envoyé  un  exprès  chargé  de  demander  l'adhésion  formelle  de  Genève. 

Le  Premier  Syndic  déclara  ensuite  que  le  Conseil  aurait  vivement  désiré  un  traité 
plus  avantageux  pour  Genève,  mais,  pour  le  moment  et  malgré  les  bons  offices  de 
Berne,  il  était  impossible  d'obtenir  mieux.  Cependant  M.  de  Hautefort  avait  laissé 
espérer  que,  dans  la  suite,  Genève  obtiendrait  l'exemption  des  péages  et  impôts  en 
France,  immunité  dont  jouissaient  déjà  Messieurs  des  Ligues.  Mais,  ajouta  le  premier 
Syndic,  «  il  y  a  matière  de  louer  Dieu  en  ce  qu'ayant  les  Francoys  pour  ennemys, 
«  comme  ils  le  monstrèrent  l'an  passé  et  au  lieu  qu'on  avoit  à  craindre  qu'ils  ne 
«  dressassent  siège  contre  la  ville,  le  Roy  s'en  déclaire  maintenant  amy,  estant  dict  par 
«  ledict  traicté  perpétuel  qu'il  ne  souffrira  passer  personne  par  sus  ses  terres  pour  nous 
«  nuyre,  mays  s'oblige  à  secours  et  à  consigner  argent  là  où  les  gens  se  lèveront  et  en 
«  oullre  permet  à  ses  subiets  de  nous  venir  au  secours;  il  contracte  avec  deux  cantons 
«  et  aullres  qui  se  vouldront  joindre,  tellement  qu'il  est  à  espérer  qu'il  le  tiendra  ». 

Après  cet  exposé  général,  le  premier  Syndic  passa  en  revue  les  principales  clauses 
du  traité,  en  insistant  sur  celles  qui  pouvaient  soulever  quelque  objection  : 

«  Nous  promettons  de  respecter  le  Roi,  disait  le  premier  Syndic,  il  n'y  a  rien  là  que 
de  raisonnable  et  nous  l'avons  bien  fait  jusqu'à  présent.  Quant  au  droit  de  passage  que 
nous  accordons  aux  Suisses  se  rendant  en  France,  nous  l'avons  déjà  accordé  précé- 
demment, quoique  nous  ne  fussions  liés  par  aucun  traité  ;  d'ailleurs,  nous  ne  pour- 


14 


106  GENÈVE,    LE   PARTI   HUGUENOT 

rions  refuser  le  passage  à  Messieurs  des  Ligues  sans  nous  déclarer  leurs  ennemis  et  les 
ennemis  du  Roi.  Le  traité  nous  interdit  de  donner  asile  aux  ennemis  du  Roi  ;  il  était 
à  craindre  que  le  Roi  n'entendît  par  là  les  réfugiés  pour  la  religion,  mais,  pour  dissiper 
nos  craintes,  les  Ambassadeurs  du  Roi  ont  déclaré  par  écrit,  à  Rerne,  que  ces  termes 
ne  s'appliquent  nullement  aux  réformés.  Suivant  celte  déclaration,  «les  ennemis  sont 
«  ceulx  qui  se  joignent  avec  les  princes  estrangiers  ou  qui  se  bandent  contre  la  cou- 
«ronne.  Aussy  ceulx  de  la  religion  ne  sont  tels,  car  le  Roi  les  a  déclairés  par  son  édict 
«  perpétuel  ses  bons  et  loiaulx  subiects,  comme  aussy  ils  vivent  sous  l'obéissance  du 
«  Roi  ». 

Le  premier  Syndic  insista  en  terminant  sur  les  deux  avantages  essentiels  qu'of- 
frait le  traité  :  en  cas  de  guerre,  la  garantie  d'un  corps  d'occupation  entretenu  aux 
frais  du  Roi  ;  en  temps  de  paix,  le  droit  de  trafiquer  librement  en  France.  Le  premier 
Syndic  conclut  en  priant  «  la  compagnie  d'y  bien  penser  et  adviser  ». 

Aussitôt  après  ce  discours,  les  conseillers  du  CC  exprimèrent  successivement  leur 
avis  sur  le  traité  qui  fut  approuvé  à  l'unanimité;  il  fut  en  outre  décidé  de  convoquer 
pour  le  lendemain  le  Conseil  général,  afin  de  soumettre  le  traité  à  sa  ratification 
souveraine. 

Le  mercredi  24  juin,  dans  la  matinée,  le  Conseil  général,  convoqué  au  son  de  la 
grosse  cloche,  se  rassembla,  à  l'issue  du  sermon,  dans  le  temple  de  St-Germain.  La 
séance  s'ouvrit,  suivant  l'usage,  par  la  prière,  puis  un  des  magistrats  présents  exposa 
devant  le  peuple  tous  les  avantages  résultant  du  traité;  il  donna  lecture  des  articles  du 
traité,  des  lettres  de  Berne  et  de  la  réponse  que  Messieurs  du  Petit  et  Grand  Conseil 
proposaient  d'adresser  au  gouvernement  bernois  «  portant  acceptation,  avec  la  décla- 
a  ration  qu'on  n'entend  pas  faire  préjudice  tant  soit  peu,  ny  en  tout,  ny  en  partie,  à  la 
religion.  » 

Lorsque  cet  exposé  fut  terminé,  l'objet  de  la  réunion  fut  mis  en  délibération  et 
la  parole  fut  offerte  à  qui  la  demanderait  «  pour  approuver  ou  contredire  cest  advis». 
Aucune  opposition  ne  se  manifesta  et  le  traité  fui  ratifié  par  le  Conseil  général  : 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  107 

«  Ainsy,  dit  le  Registre,  après  avoir  rendu  grâces  à  Dieu,  le  peuple  s'est  retiré  paisi- 
«  blement,  dont  Dieu  soit  loué  éternellement.  » 

N'y  a-t-il  pas  quelque  grandeur  dans  le  spectacle  de  ce  petit  peuple  de  Genève 
se  réunissant  en  Conseil  Général  pour  exercer  sa  souveraineté  et  pour  ratifier  un  traité 
qui  venait  d'être  négocié  par  les  délégués  de  deux  républiques  et  par  les  Ambassadeurs 
de  France  ! 


CHAPITRE  XIII 

Intrigues  du  Duc  de  Savoie  et  du  Pape.  —  Ratification  du  traité  par  Henri  111.  —  Genève  délègue  Roset  et  Varro 
à  Soleure.  —  Le  traité  est  définitivement  signé  et  ratifié  à  Soleure. 

Tandis  que  le  peuple  genevois  ratifiait  le  traité  de  Soleure,  le  duc  de  Savoie 
s'agitait  et  intriguait  pour  empêcher  que  le  Roi  de  France  donnât  son  adhésion.  A  la 
fin  du  mois  de  juin,  le  secrétaire  d'Etat  de  Bàle  écrivit  confidentiellement  à  Roset  que 
le  vi-bailli  d'Aoste  s'était  récemment  rendu  à  Berne,  afin  de  se  renseigner  sur  l'exis- 
tence du  traité  ;  aussitôt  qu'il  avait  été  suffisamment  instruit,  il  était  reparti  en  poste 
pour  rejoindre  le  duc  de  Savoie.  On  sut  bientôt  à  quoi  s'en  tenir  sur  les  intentions  du 
duc.  Le  4  juillet,  Vézines  écrivit  à  Th.  de  Bèze  que  la  ratification  du  traité  rencontrait 
à  la  Cour  de  grandes  difficultés,  «  d'aultant,  disait-il,  que  le  duc  de  Savoye  y  a  de 
«  grands  fauteurs  :  totesfois,  ajoutait  Vézines,  il  entend  que  le  Roy  ne  laissera  de  le 
«  ratifier  » 

Non  content  d'intriguer  à  la  Cour  de  France,  le  duc  fit  intervenir  le  Pape,  qui 
expédia  en  Suisse  l'évêque  de  Verceil  pour  tâcher  d'empêcher  la  ratification  du  traité. 
L'évêque  se  rendit  aussitôt  à  Baden  où  se  tenait  une  yoMraée;  il  arriva  en  grande  pompe, 
ce  qui,  dit-on,  scandalisa  plusieurs,  et  il  se  logea  dans  une  maison  qui  avait  autrefois 
porté  l'enseigne  «  du  renard  qui  presche  aux  poules  »,  ce  qui  provoqua  naturellement 
de  piquantes  allusions.  L'envoyé  du  Pape  se  mit  aussitôt  en  campagne  pour  obtenir 
l'intervention   des  cinq   cantons   cathohques.   Ces   derniers   tentèrent  en  effet  une 


408  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

démarche,  mais  l'Ambassadeur  de  France  leur  répondit  sèchement  que  le  Roi,  son 
maître,  ne  reviendrait  pas  sur  une  parole  donnée  et  qu'il  avait  constamment  refusé 
d'écouter  l'Ambassadeur  de  Savoie,  MM.  de  Guise  et  de  Nemours,  qui  le  suppliaient 
«  de  se  déporter  de  Genève,  à  cause  que  tous  les  maux  qui  sont  advenus  en  son 
8  roiaume  procèdent  de  ceste  ville  ». 

A  l'instigation  de  l'évêque  de  Verceil,  les  délégués  des  cinq  cantons  firent  égale- 
ment des  démarches  auprès  du  gouvernement  de  Soleure  pour  lui  persuader  de 
renoncer  au  traité,  mais  ils  échouèrent;  les  Soleurois  répondirent  bravement  «qu'ils 
<i  ne  se  desjoindroient  d'avec  Messieurs  de  Berne  (1)». 

Ainsi,  les  intrigues  de  l'évêque  de  Verceil  et  les  menées  du  duc  de  Savoie  avaient 
misérablement  échoué. 

Le  3  août,  Anselme  Caille,  arrivé  la  veille  de  Fribourg,  raconta  à  Genève  qu'il 
avait  vu,  entre  les  mains  de  l'Avoyer  de  Miilinen,  des  lettres  du  Roi  à  son  Ambassa- 
deur déclarant  qu'il  ratifierait  le  traité  «  qui  qui  s'y  oppose  et  luy  dheust-il  coster 
«  cincquanle  mille  hommes.  » 

Enfin,  le  17  août,  Michel  Roset,  revenant  de  Berne,  apporta  au  Conseil  l'heureuse 
nouvelle  que  le  traité  de  Soleure  avait  été  dûment  ratifié  par  Henri  III.  L'Ambassa- 
deur de  France  avait  montré  à  l'Avoyer  de  Mûlinen  des  lettres  de  la  Cour,  du  28  juillet, 
annonçant  la  ratification  comme  un  fait  accompli.  A  cette  occasion,  Mûlinen  avait 
raconté  à  Roset  que  l'Ambassadeur  de  France  s'était  montré  plein  de  sollicitude 
pour  Genève  ;  pour  réduire  au  silence  les  cantons  catholiques,  Sancy  avait  été 
jusqu'à  menacer  leurs  chefs  les  plus  influents  de  ne  plus  leur  payer  leurs  pensions, 
puisqu'ils  étaient  devenus  les  instruments  du  Duc  de  Savoie  ;  il  leur  avait  prouvé 
d'ailleurs  que  le  Duc  n'avait  nullement  le  droit  de  se  plaindre  du  traité,  attendu  qu'il 
avait  offert  lui-même  de  prendre  avec  Messieurs  de  Berne  les  mesures  nécessaires 

(1)  En  apprenant  que  le  gouvernement  de  Soleure  avait  résisté  aux  réclamations  des  cinq  cantons, 
le  Conseil  de  Gencve  dôcida  de  l'en  remercier  ofliciellement  (séance  du  27  juillet  1579),  mais,  comme 
on  craignait  fort  d'indisposer  les  Bernois,  on  décida  de  ne  rien  faire  avant  d'avoir  pris  l'avis  de  M.  de 
Miilinen. 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEUBE  109 

pour  la  protection  de  Genève  ;  pour  achever  de  les  convaincre,  Sancy  avait  commu- 
niqué aux  cantons  catholiques  des  lettres  où  le  duc  de  Savoie  mandait  à  son  agent, 
qu'il  ratifiait  «les  articles  proposés  touchant  Genève».  A  quel  litre  le  Duc  de  Savoie 
et  les  cantons  catholiques  pouvaient-ils  protester  contre  le  traité,  lorsque  le  Duc  lui- 
même  avait  manifesté  le  désir  de  signer  un  traité  semblable?  L'argumentation  de 
l'Ambassadeur  de  France  était  sans  réplique  et,  combinée  avec  les  menaces  relatives 
aux  pensions,  elle  produisit  le  meilleur  effet  sur  les  gouvernements  des  cinq  cantons. 
Les  confédérés  de  Zoug  furent  les  premiers,  dit-on,  à  «  se  repentir»,  et  ils  prièrent 
Sancy  «  d'aller  faire  ung  tour  par  devers  eulx.  » 

Vers  le  20  août,  Sancy  passa  par  Genève  ;  il  eut  une  entrevue  avec  le  SyndicBernard 
et  lui  confirma  de  vive  voix  la  nouvelle  de  la  ratification,  en  lui  montrant  la  dépêche 
qui  l'annonçait,  «  contenant  que  la  ratification  estoit  faicle,  ne  c'esloit  que  de  la  coucher 
«  en  parchemin  et  la  porter  au  Roi  pour  la  signer  ».  Dans  le  cours  de  la  conversation, 
l'Ambassadeur  se  montra  fort  confiant  et  communicatif  et  témoigna  tout  son  regret  de 
la  réserve  que  Messieurs  de  Berne  avaient  proposée  en  faveur  des  prétentions  de  la 
maison  de  Savoie  ;  il  ajouta  que,  pour  atténuer  l'effet  de  cette  réserve,  il  ferait  stipuler 
au  traité  qu'il  s'agissait  des  droits  anciens  de  la  maison  de  Savoie,  de  ceux  qu'elle 
prétendait  posséder  de  son  chef  et  par  voie  héréditaire,  non  de  ceux  que  les  ducs  de 
Savoie  prétendaient  avoir  acquis  de  l'évêque  de  Genève  ou  autrement  (1). 

En  quittant  Genève,  Sancy  prit  la  route  de  Grenoble  où  se  trouvaient  alors 
Catherine  de  Médicis  et  Henri  III,  mais,  arrivé  près  de  Chambéry,  il  fut  obligé  de 
rebrousser  chemin.  M.  de  Hautefort  lui  écrivait  de  retourner  en  toute  hâte  à  Berne  et 
à  Soleure  pour  procéder  à  l'échange  des  ratifications.  Le  Roi  ayant  approuvé  le  traité, 
il  importait  d'en  finir  au  plus  vite,  d'autant  plus  que  le  Duc  de  Savoie,  qui  se  trouvait 
alors  à  Grenoble  auprès  de  la  Reine-Mère,  mettait  tout  en  œuvre  pour  faire  révoquer 

(1)  Dans  la  séance  du  Conseil  où  le  Syndic  Bernard  et  Roset  rendirent  compte  de  leurs  entrevues 
avec  l'Ambassadeur  du  Roi,  il  est  de  nouveau  question  du  prince  de  Gondé  et  de  l'emprunt  qu'il  avait 
contracté  quelques  années  auparavant  :  a  Ont  esté  veues  lettres  dudict  S'  Prince  par  lesquelles  il  prie 
«  faire  surcoir  la  vente  de  ses  bagues  engagées  en  ceste  ville  vers  certains  particuliers  pour  I,HOécus 
«  jusques  à  la  foire  de  Pasques  de  Francfort,  a  esté  arresté  qu'on  leur  en  parle  ». 


110  GENÈVE,   LE   PARTI   HUGUENOT 

le  traité.  Le  Duc  était  si  irrité  de  voir  le  Roi  s'interposer  entre  Genève  et  lui  qu'il  s'en 
prenait  à  tout  le  monde  et  à  Grenoble  même,  il  attaqua  «  à  paroles  »  M.  de  Hautefort, 
qai  lui  répondit  sur  le  même  ton.  Hautefort  jugeant,  en  homme  avisé,  que  rien  ne 
valait  un  fait  accompli,  pressait  M.  de  Sancy  de  revenir  sur  ses  pas  et  de  hâter  la 
signature  du  traité,  «  afin  que  ce  soit  chose  irrémédiable  ». 

Sancy  reprit  donc  le  chemin  de  Genève,  mais  il  eut  soin  de  se  faire  précéder  par 
Balthasard  de  Grissac  qui  arriva  à  Genève  dans  la  matinée  du  22  août,  et  qui  fit  aus- 
sitôt prévenir  le  Conseil  de  sa  présence.  Roset  fut  délégué  pour  recevoir  et  compli- 
menter B.  de  Grissac,  qui  exprima  l'avis  que  le  Conseil  devait  immédiatement  désigner 
ses  mandataires  pour  participer  à  la  ratification  du  traité.  Roset  objecta,  non  sans 
raison,  que,  le  traité  ayant  été  conclu  entre  le  Roi  et  les  deux  cantons,  Genève  n'y 
intervenait  qu'indirectement;  si  on  voulait  que  Genève  s'engageât  elle  aussi,  par  ser- 
ment, il  fallait  que  l'invitation  partît  à  la  fois  du  Roi  et  des  deux  cantons.  Grissac 
reconnut  que  c'était  une  question  à  examiner  et  qu'il  convenait  de  s'entendre  à  ce 
sujet  avec  Sancy  qui,  disait-il,  «  est  bien  affectionné  (1)  ». 

Sancy  arriva  à  Genève  le  môme  jour  ;  il  reçut  aussitôt  la  visite  de  Bernard  et  de 
Roset  et  confirma  ce  qui  leur  avait  été  dit  par  Grissac;  il  leur  déclara  que  des 
délégués  de  Genève  devaient  assister  à  l'échange  des  ratifications  et  prêter  serment  au 
même  titre  que  les  Ambassadeurs  de  France,  de  Berne  et  de  Soleure. 

Pendant  la  durée  des  négociations  du  traité  de  Soleure,  Genève  avait  été  main- 
tenue dans  une  sorte  de  dépendance  humiliante,  comme  si  le  traité  ne  la  concernait 
en  aucune  manière  ;  ses  puissants  protecteurs  entendaient  bien  veiller  à  sa  sécurité, 
mais  ils  se  souciaient  peu  de  la  consulter.  En  signant  au  traité,  Genève  se  relevait  au 
rang  d'Etat  'souverain  et  indépendant  ;  le  Conseil  accepta  donc  avec  empressement 
l'invitation  que  lui  adressait  Harlay  de  Sancy  et  désigna  deux  délégués,  Michel  Roset  et 

(1)  Sancy  a  élé  scvèreincnt  jugé  à  cause  de  la  léi^èrelé  et  de  la  versatilité  de  son  caractère,  mais  il 
est  juste  de  reconnaître  qu'il  se  montra  loyal  et  bienveillant  dans  ses  premiers  rapports  avec  Genève; 
il  est  vrai  que,  dans  ce  cas,  l'intérêt  de  la  France  et  celui  de  Genève  étaient  identiques. 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  lil 

Ami  Varro  (1),  qui  se  mirent  en  route  munis  d'une  procuration  régulière  et  des  pleins 
pouvoirs  nécessaires  pour  prêter  et  recevoir  le  serment  (2).  Roset  et  Varro  arrivèrent 
à  Berne  le  25  août;  l'ami  le  plus  dévoué  de  Genève,  Mûlinen,  venait  de  partir  pour 
Soleure  avec  M.  de  Diesbach,  dans  le  but  de  s'entendre  sur  la  forme  du  serment. 
Les  deux  magistrats  genevois  s'adressèrent  donc  à  l'Avoyer  Steiguer,  lui  montrèrent  la 
procuration  dont  ils  étaient  porteurs  et  lui  demandèrent  si  les  délégués  bernois  avaient 
reçu  les  pleins  pouvoirs  pour  le  serment.  Steiguer  répondit  que  les  délégués  ne  pou- 
vaient agir  sans  en  référer,  mais  que,  si  le  cas  était  urgent,  le  Conseil  des  CC  pourrait 
se  réunir  le  lendemain  et  désigner  deux  députés  pour  le  serment. 

Roset  et  Varro  abordèrent  dans  la  même  entrevue  le  sujet  le  plus  délicat  :  la 
question  de  la  réserve  que  Berne  avait  stipulée  en  faveur  de  la  maison  de  Savoie. 
L'Avoyer  Steiguer  répondit  qu'il  s'en  était  longuement  entretenu  avec  Mûlinen  et 
s'efforça  de  prouver  aux  deux  délégués  que  la  réserve  ne  pouvait  porter  aucun  préju- 
dice à  Genève  ;  il  ajouta  que,  d'ailleurs,  on  n'y  pouvait  rien  changer,  attendu  que  les 
Savoisiens  en  étaient  déjà  informés.  Roset  et  Varro  ne  se  tinrent  pas  pour  battus  et 
cherchèrent  à  obtenir  que  le  texte  de  la  réserve  fût  modifié,  mais  l'Avoyer  répondit 
d'une  manière  évasive  à  leurs  observations. 

Le  lendemain,  soit  le  mercredi  26  août,  Roset  et  Varro  furent  admis  au 
Conseil  des  CC,  devant  lequel  ils  exposèrent  en  détail  l'objet  de  leur  mission;  ils 
racontèrent  que  l'Ambassadeur  de  France,  désireux  de  conclure  au  plus  vite  le  traité, 
les  avait  priés  de  se  trouver  le  jour  même  à  Soleure,  mais  qu'ils  n'avaient  rien  voulu 
faire  sans  prévenir  Messieurs  de  Berne,  que  d'ailleurs  ils  avaient  reçu  un  mandat 
relativement  à  la  réserve  des  droits  de  M.  de  Savoie,  réserve  qui  était  fort  grave  ;  ils 

(1)  Noble  Ami  Varro,  seigneur  de  Choulex,  du  CG  en  1552,  conseiller  en  15C9,  syndic  en  1573, 
mourut  à  l'âge  de  67  ans,  le  19  décembre  1593.  (Voir  Notices  généalogiques  de  Galiffe,  art.  Varro.) 

(2)  Séance  du  22  août  1579.  —  Chose  étrange,  au  moment  où  Genève  obtenait  la  protection 
ofTicielle  du  Roi  de  France,  le  Conseil  recevait  de  divers  côtés  les  avis  les  moins  rassurants,  notamment 
du  célèbre  jurisconsulte  Hotman  ;  on  lit  au  Registre  du  25  août  :  a  Fran.  Ottoman,  adverlissemens.— 
«  Aussy  ont  esté  receus  divers  adverlissemens  tant  d'Allemagne  que  de  Neufcliastel  que  ce  traicté  avec 
«  le  Roy  n'est  que  pour  nous  trahir  et  que  le  Roy  a  juré  d'exterminer  ceste  ville.  » 


•H 2  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

ajoutèrent  que  les  Savoisiens  faisaient  grand  bruit  de  quelques  bulles  et  rescrits  récem- 
ment obtenus  de  l'Empereur,  du  Pape  et  du  prétendu  évêque  de  Genève,  et  ils  conclu- 
rent en  renouvelant  auprès  du  CG  la  réclamation  qu'ils  avaient  présentée  la  veille  à 
l'Avoyer;  pour  le  cas  où  il  serait  impossible  d'annuler  la  réserve,  ils  demandèrent 
qu'elle  s'appliquât  exclusivement  aux  droits  que  le  Duc  pouvait  tenir  de  son  père. 

Le  même  jour  dans  l'après-midi,  l'Avoyer  Steiguer  et  d'autres  membres  du  Conseil 
communiquèrent  aux  délégués  genevois  la  réponse  du  gouvernement  bernois.  En  pre- 
mier lieu,  les  envoyés  bernois,  qui  se  trouvaient  à  Soleure,  étaient  invités  à  attendre 
l'arrivée  de  deux  nouveaux  délégués,  chargés  de  prêter  serment  au  nom  de  la  Répu- 
blique de  Berne.  En  second  lieu,  on  donnait  aux  mômes  délégués  toute  liberté  de  réduire 
la  portée  de  la  réserve  et  d'agir  pour  le  mieux. 

Roset  et  Varro  avaient  ainsi  obtenu  du  gouvernement  bernois  tout  ce  qu'ils  pou- 
vaient raisonnablement  espérer;  ils  se  mirent  en  route  pour  se  rendre  à  Soleure,  où 
ils  arrivèrent  le  mercredi  soir  26  août.  A  peine  arrivés,  ils  eurent  un  entretien  avec 
les  envoyés  bernois,  auxquels  ils  exposèrent  ce  qui  venait  de  se  passer  à  Berne  ;  de 
leur  côté,  les  deux  Bernois  annoncèrent  à  Roset  et  à  Varro  qu'ils  avaient  reçu  de 
nouvelles  instructions,  avec  les  pouvoirs  les  plus  étendus  pour  la  conclusion  définitive 
du  traité. 

Le  jeudi  27  août,  Roset  et  Varro  furent  appelés  auprès  des  délégués  de  Berne 
et  de  Soleure  et  Mûlinen  leur  demanda  s'ils  avaient  les  pouvoirs  nécessaires  pour 
prêter  serment  au  nom  de  Genève  ;  il  leur  demanda  en  même  temps  si  le  traité  était 
agréable  aux  Genevois  ou  s'ils  avaient  quelque  observation  à  présenter  ;  en  terminant, 
Mûlinen  communiqua  aux  deux  délégués  la  formule  du  serment,  telle  qu'elle  avait  été 
rédigée  par  l'Ambassadeur  de  France,  et  les  pria  de  répondre  sur  ces  divers  points. 

Les  délégués  genevois  se  retirèrent  quelques  instants  pour  se  mettre  d'accord 
sur  les  termes  de  leur  réponse  ;  une  fois  rentrés  auprès  des  envoyés  de  Soleure  et  de 
Berne,  ils  leur  exposèrent  qu'ils  étaient  autorisés  à  prêter  et  à  recevoir  le  serment  ; 
que  la  Seigneurie  de  Genève  acceptait  le  traité  dans  toutes  ses  dispositions;  qu'en  ce 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  113 

qui  concernait  spécialement  la  forme  du  serment,  ils  ne  proposaient  aucun  change- 
ment ;  ils  demandaient  toutefois  que  la  déclaration  générale  des  droits  de  la  maison 
de  Savoie  fût  limitée  «à  la  combourgeoisie  et  au  vidomat, »  conformément  au  départ 
de  Baie  et  à  d'autres  traités  qui  réservaient  formellement  ces  deux  points. 

Après  avoir  entendu  ces  observations,  les  délégués  de  Berne  et  de  Soleure  se 
retirèrent  à  leur  tour  pour  délibérer.  A  ce  moment,  où  tout  semblait  d'accord,  surgit 
une  difficulté  inattendue  qui  faillit  remettre  tout  en  question.  En  effet,  les  Bernois  ne 
tardèrent  pas  à  revenir,  en  annonçant  que  Messieurs  de  Soleure  refusaient  péremptoi- 
rement de  prêter  aucun  serment  aux  délégués  de  Genève.  Pour  expliquer  cet  étrange 
refus,  les  Soleurois  invoquaient  les  motifs  suivants  :  ils  étaient  liés  par  un  traité  qui 
leur  interdisait  de  contracter  alliance  ou  combourgeoisie  avec  qui  que  ce  fût  sans  le 
consentement  des  autres  cantons.  Les  cinq  Etats  catholiques,  ayant  eu  vent  des  négo- 
ciations du  traité  de  Soleure,  avaient  tout  fait  pour  l'empêcher,  mais  le  gouvernement 
de  Soleure  s'était  prévalu  du  fait  qu'il  ne  contractait  nullement  avec  Genève,  mais 
seulement  avec  le  roi  de  France  et  avec  Berne.  Les  Soleurois  déclaraient,  en  consé- 
quence, qu'ils  prêteraient  serment  aux  représentants  du  Roi  et  de  Berne,  mais  qu'ils 
s'abstiendraient  de  toute  relation  avec  ceux  de  Genève.  En  outre,  ils  s'opposaient  à 
ce  que  la  procuration  de  la  Seigneurie  de  Genève  figurât  au  traité. 

L'attitude  des  Soleurois  en  cette  circonstance  était  blessante  et  les  deux  Genevois 
durent  être  péniblement  affectés  de  celte  difficulté  nouvelle  surgissant  au  moment  où 
ils  croyaient  toucher  au  port.  Mais  Michel  Roset  était  de  ces  jhommes  admirablement 
trempés  qui  ne  se  laissent  pas  décourager  et  qui  finissent  par  atteindre  le  but  à  force 
de  persévérance.  Les  deux  Genevois  se  rendirent  auprès  de  l'Ambassadeur  de  France 
et  lui  exposèrent  qu'ils  ne  pourraient  prêter  serment  si  la  procuration  du  Conseil 
ne  figurait  pas  dans  le  traité  ;  en  effet,  c'était  cette  pièce  seule  qui  leur  conférait  les 
pouvoirs  nécessaires  pour  prêter  serment.  L'argument  était  irréfutable;  l'Ambas- 
sadeur de  France  le  reconnut  et  promit  d'en  parler  aux  commissaires  des  deux  villes. 
Après  avoir  gagné  Sancy  à  leur  cause,  les  deux  délégués  se  rendirent  auprès  de 
l'Avoyer  de  Mùiinen  qui  promit  également  d'user  de  son  iniluenre  auprès  des  Soleurois. 


114  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Mùlinen  et  son  collègue  firent  en  effet  de  louables  efforts  pour  triompher  des  scru- 
pules et  de  l'opposition  des  Soleurois;  ceux-ci  finirent  par  consentir  à  ce  que  la  pro- 
curation de  Genève  fût  insérée  dans  le  traité,  mais  par  contre  ils  refusèrent  obstinément 
de  prêter  serment  aux  délégués  de  Genève. 

Le  28  août,  deux  patriciens  bernois,  Hans  Rudolf  de  Bonstetten  et  Hans  Rudolf 
Wurstemberg,  arrivèrent  à  Soleure  avec  une  procuration  régulière  pour  le  serment. 
Rien  ne  s'opposait  plus  dès  lors  à  l'échange  des  ratifications  et  le  samedi  29  août 
l'Ambassadeur  de  France,  les  délégués  de  Berne,  Soleure  et  Genève,  se  réunirent  à 
l'Hùtel  de  Ville.  Les  représentants  du  Roi  de  France,  de  Berne  et  de  Soleure,  se  prêtèrent 
mutuellement  serment,  puis  les  Soleurois  se  retirèrent  et  on  fit  entrer  les  deux  Genevois, 
auxquels  le  secrétaire  de  Berne  donna  lecture  de  la  formule  du  serment  ainsi  conçue  : 

«  Nous  promettons  et  jurons,  au  nom  du  Dieu  vivant,  de  garder  et  observer  invio- 
«  lablement  tout  le  contenu,  chascun  entant  qu'il  nous  touche,  au  traicté  que  nous 
«  avons  ouy,  sans  aulcune  faute  ny  variation.  » 

Les  Ambassadeurs  et  délégués,  debout,  tête  nue  et  la  main  levée,  répétèrent,  après 
le  secrétaire,  chaque  mot  de  la  formule  du  serment,  puis  les  deux  Genevois  prêtèrent 
serment  entre  les  mains  de  l'Ambassadeur  du  Roi  et  des  Seigneurs  de  Berne.  Aussitôt 
après,  l'Ambassadeur  de  France  et  les  délégués  de  Berne  s'avancèrent  et  prêtèrent 
successivement  le  serment  entre  les  mains  des  deux  Genevois  :  «  Et  ainsy,  ajoute 
«  Roset  dans  son  rapport  au  Conseil,  se  sont  respectivement  congratulés,  louans  Dieu 
«  et  le  prians  bénir  le  totaige.  » 

Elle  était  enfin  accomplie  l'œuvre  à  laquelle  Roset  avait  travaillé  avec  tant  de 
persévérance  et  d'habileté  (1).  L'indépendance  de  Genève  était  désormais  placée  sous 

(1)  Quoique  le  traité  de  Soleure  fût  des  plus  avantageux  pour  Genève  et  qu'il  eût  été  réguliôrenienl 
approuvé  par  le  Conseil  Général,  il  l'ut  apprécié  de  diverses  manières,  comme  on  en  peut  juger  par 
l'extrait  suivant  du  Registre  du  Conseil  à  la  date  du  8  septembre  :  «  D'autant  que  plusieurs  parlent 
'(  diversement  du  traité  fait  entre  le  Roy  et  Messieurs  des  deux  villes  concernant  ceste  ville,  estant  veu 
'<  un  mémoire  des  articles  dudicl  traicté,  a  esté  arresté  (|u'on  en  l'ace  plusieurs  doubles,  les(|uels  on 
«  pourra  communiiiui-r,  selon  (pic  l'occasiou  se  présentera,  aliu  (|u'ou  saiclie  au  vray  le  contenu  dudict 
'(  traicté.  » 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  415 

la  triple  garantie  de  la  France,  de  Berne  et  de  Soleure.  Roscl  diîl  éprouver  un  senti- 
ment de  joie  inlense  et  de  légitime  orgueil  en  voyant  ses  patients  efforts  couronnés 
par  le  succès,  mais  il  y  avait  une  ombre  au  tableau. 

La  procuration  des  commissaires  de  Soleure  contenait  la  réserve  expresse  que 
Soleure  entendait  n'avoir  rien  à  faire  avec  Genève  et  ne  voulait  être  lié  à  celte  ville 
ni  par  traité,  ni  par  serment.  Cette  réserve  était  offensante  pour  Genève  :  Roset  et 
Varro  en  furent  très  affectés  et  se  rendirent  auprès  de  l'Ambassadeur  pour  s'en 
expliquer  avec  lui.  Sancy  chercha  à  les  rassurer  et  leur  répondit  «  qu'il  n'y  avoit  en 
a.  cela  tant  de  mal  qu'ils  cuidoient  »  ;  il  leur  montra  que  Soleure,  canton  catholique, 
était  placé  dans  une  situation  délicate  vis-à-vis  de  ses  alliés,  mais  que,  malgré  tout, 
les  Soleurois  exécuteraient  loyalement  le  traité. 

Roset  et  Varro  se  rendirent  ensuite  auprès  des  délégués  bernois  qui  cette  fois 
prirent  très  chaudement  en  mains  les  intérêts  de  Genève.  Mùlinen  «  remontra  »  aux 
Soleurois  que  les  termes  de  la  procuration  impliquaient  plutôt  de  l'hostilité  que  de 
l'amitié.  Les  remontrances  du  délégué  bernois  produisirent  un  effet  inattendu.  Les 
Soleurois  répondirent  que,  pour  complaire  à  M.  de  Mùlinen,  ils  retrancheraient  de  la 
procuration  la  clause  blessante  pour  Genève  ;  ils  firent  mieux  ;  ils  prièrent  les  deux 
délégués  genevois  de  ne  pas  prendre  en  mauvaise  part  ce  qui  s'était  passé,  ajoutant 
que  la  clause  avait  été  insérée  non  par  hostilité  pour  Genève,  mais  «  pour  certaines 
raisons  qu'ils  ont  avec  leurs  alliés  ».  Ils  déclarèrent  en  terminant  que,  le  jour  où  les 
circonstances  l'exigeraient,  Genève  les  trouverait  «  prests  et  affectionnés  »,  comme  ils 
l'avaient  promis  au  Roi  et  à  Messieurs  de  Berne. 

Ces  loyales  explications  firent  la  meilleure  impression  sur  les  deux  délégués 
genevois  qui,  de  leur  côté,  promirent  que  Genève  ne  se  nionlrerail  pas  ingrate. 

La  mission  de  Roset  et  de  Varro  était  terminée  ;  ils  avaient  aplani  bien  des  diffi- 
cultés et  prêté  au  nom  de  Genève  le  serment  exigé  par  le  traité.  Avant  de  quitter 


116  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Soleuiv,  ils  firent  une  dernière  visite  à  l'Ambassadeur  du  Roi  pour  le  remercier  de  son 
précieux  concours.  Sancy  leur  fit  le  meilleur  accueil  et  leur  dit  que,  si  jamais  il  se 
trouvait  appelé  auprès  du  Uoi,  il  ne  manquerait  pas  de  lui  recommander  Genève  et  de 
lui  montrer  combien  l'indépendance  et  la  sécurité  de  cette  ville  importaient  à  la 
France.  ^ 

De  Soleure,  Roset  et  Varro  reprirent  le  chemin  de  Berne,  puis  de  Genève;  le 
5  septembre,  ils  rendirent  compte  de  leur  mission  en  séance  du  Conseil  et  demandèrent, 
suivant  l'usage,  décharge  de  leur  mandat,  ce  qui  leur  fut  accordé. 


-     CHAPITRE  XIV 

Le  Conseil  de  Genève  récompense  les  services  de  Mulinen,  Grissac,  etc.  —  Nouvelles  intrigues  des  cantons 
catlioliques.  —  Le  canton  de  Zurich  est  associé  au  traité  de  Soleure. 

Pendant  toute  la  durée  des  négociations  du  traité  de  Soleure,  Sancy  s'était  mon- 
tré des  plus  bienveillants  pour  Genève,  mais,  en  diplomate  habile,  il  entendait  tirer 
parti  de  l'attitude  qu'il  avait  prise  ;  il  savait  que  les  conseils  de  Genève  étaient  écoutés 
avec  déférence  par  les  Eglises  réformées  de  France  et,  aussitôt  le  traité  signé,  il 
demanda  l'intervention  de  Genève  pour  apaiser  les  troubles  du  Dauphiné.  Dès  le 
1"  septembre,  il  écrivit  au  Conseil  une  lettre  commençant  en  ces  termes  : 

«  Magnifiques  Seigneurs, 

«  Ayant  entendu  comment  les  Eglises  réformées  du  Dauphiné  et  spécialement  le 
«  S''  Desdiguières  marche  lentement  au  faict  de  la  paciffication  de  ceste  province,  j'ay 
«  estimé  qu'il  n'y  avoit  personnes  en  ce  monde  plus  propres  pour  les  admonester  de 
«  leur  devoir  envers  Dieu,  leur  prince  naturel,  et  leur  patrie,  que  vous,  desquels  ils  ont 
«  receu  en  leurs  afflictions  tant  de  courtoisies  qu'ils  ne  pourront  prendre  qu'en  bonne 
f(  part  les  remonstrances  que  vous  leur  vouldrès  faire.  » 

Ilarlay  de  Sancy  priait  ensuite  le  Conseil  de  députer  auprès  de  Lesdiguières  et 


ET   LE   TRAITÉ   DE    SOLEURE  H  7 

des  Eglises  réformées  du  Dauphiné  quelque  personnage  notable  chargé  de  leur  faire 
connaître  les  bonnes  dispositions  du  Roi  à  l'égard  de  Genève  et  de  leur  représenter 
«  le  tort  qu'ils  feroient  à  leur  réputation  s'ils  vouloyent  aujourd'hui,  seuls  de  tout  le 
«  Royaulme,  nourrir  et  fomenter  ce  feu  de  guerre  civile,  lequel  est,  par  la  grâce  de 
«  Dieu,  estainct  par  tout  ailleurs  et  ne  se  peult,  ce  semble,  rallumer  que  par  leur 
«  faulte  et  mauvaise  volunté.  » 

Sancy  avait  en  outre  donné  des  instructions  particulières  à  son  secrétaire  Vigier, 
porteur  de  la  dépêche;  d'après  ces  instructions,  le  secrétaire  devait  se  borner  à 
demander  que  le  Conseil  écrivît  à  Lesdiguières  et  aux  Eglises  réformées,  mais  il  ne 
devait  pas  insister  sur  l'envoi  d'un  délégué. 

Il  était  très  adroit  de  réclamer  ainsi  les  bons  offices  du  Conseil  auprès  de  Lesdi- 
guières ;  chacun  sait  que  les  Eglises  réformées  de  France  éprouvaient  à  l'égard  de 
Genève  les  sentiments  de  fdiale  déférence  et  de  respect  que  les  colonies  peuvent 
ressentir  pour  leur  métropole.  Il  était  donc  à  présumer  que  Lesdiguières  et  les 
Huguenots  du  Dauphiné  tiendraient  compte  des  avis  de  Genève.  D'autre  part,  il  y 
avait  lieu  de  considérer  qu'en  intervenant  ainsi  dans  les  affaires  de  France,  le  gouver- 
nement genevois  sortait  de  ses  attributions  et  assumait  une  certaine  responsabilité  ; 
en  un  mot,  il  se  mêlait  de  ce  qui  ne  le  regardait  pas.  Dans  les  cas  difficiles  on  avait 
volontiers  recours  aux  lumières  et  à  l'expérience  de  Th.  de  Bèze  ;  le  Conseil  fit  donc 
appeler  le  Réformateur  et  lui  soumit  la  question.  Le  préavis  de  Th.  de  Bèze  paraît 
avoir  été  favorable,  car,  après  l'avoir  consulté,  le  Conseil  décida  d'écrire  aux  Eglises 
réformées  du  Dauphiné  dont  les  délégués  devaient  se  réunir  à  La  Mure.  La  lettre 
destinée  à  ces  Eglises  fut  aussitôt  rédigée,  et  le  Conseil  tint  une  nouvelle  séance  le 
même  jour  dans  l'après-midi  pour  approuver  le  contenu.  La  rédaction  proposée  fut 
trouvée  «  trop  ample  et  trop  générale  »  et  le  Conseil  décida  de  la  revoir  et  de  la 
modifier  «sus  tout  à  l'endroicl  out  il  est  dict  et  parlé  dudict  mareschal  de  Bellegarde.» 
Mais  en  réalité  cette  lettre  n'était  pas  destinée  à  parvenir  à  son  adresse  ;  lorsqu'elle 
dût  être  expédiée  en  Dauphiné,  Lesdiguières  était  en  Piémont  ;  quant  à  l'assemblée 
des  délégués  des  Eglises  réformées,  elle  n'eut  pas  lieu;  enfin,  un  gentilhomme  réformé, 


118  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

M.  de  Cugi  (1),  fit  remarquer  non  sans  raison  que  celle  lettre  pourrait  compromettre 
la  Seigneurie  et  il  donna  le  conseil  fort  sage  de  ne  pas  l'expédier  à  Lesdiguières, 
a  d'aultant,  disait-il,  qu'il  la  pourroit  monstrer  au  maréchal  de  Bellegarde  qui  en 
«  seroit  indigné  contre  ceste  ville.  »  L'avis  de  M.  de  Cugy  prévalut  et  les  lettres  du 
Conseil  ne  furent  point  remises. 

Au  XVP  siècle  les  services  politiques  et  diplomatiques  de  la  nature  la  plus 
relevée  se  récompensaient  à  beaux  deniers  comptant  et  les  personnages  les  plus  en  vue 
acceptaient  sans  rougir  une  somme  d'argent  en  échange  de  leurs  bons  offices.  Le 
7  septembre  1579,  le  Conseil  discuta  la  rémunération  à  accorder  à  divers  personnages 
qui  avaient  coopéré  au  traité  de  Soleure.  A  tout  seigneur,  tout  honneur;  on  commença 
par  s'occuper  de  l'ancien  Avoyer  de  Mûlinen  auquel  on  avait  fait  des  promesses  très 
précises.  Le  Conseil  décida  de  lui  offrir  500  écus  ;  c'était  pour  l'époque  une  très  grosse 
somme  et  de  Mûlinen  n'avait  pas  à  se  plaindre.  On  décida  ensuite  d'offrir  25  écus  à 
chacun  des  Avoyers  en  charge  et  au  secrétaire  de  Soleure  ;  au  S''  Schuwaller  (?)  12  écus, 
enfin,  au  secrétaire  de  Berne,  Dachselhoffer,  15  écus  (2).  Le  Conseil  ne  se  contenta 
pas  de  ces  témoignages  très  positifs  de  sa  reconnaissance  ;  à  la  fin  du  mois  de 
décembre  de  la  même  année,  il  fut  proposé  «  qu'il  seroit  bon  de  mander  quelques 
«  chappons  gras  aux  principaulx  seigneurs  de  Solleure  pour  quelque  recognoissance 
«des  plaisirs  qu'ils  ont  faits;  arresté,  ajoute  le  Registre,  qu'on  leur  en  mande  une 
«  beste  chargée  avec  d'orenges  et  une  lettre  que  le  S''  Roset  escrira  pour  les  entretenir, 
«  attendant  qu'on  aile  par  delà  pour  les  recognoistre  plus  amplement.  » 

Les  Soleurois  firent  le  meilleur  accueil  aux  présents  du  Conseil  de  Genève  et  le 

(1)  /Vinié  de  Glane,  SfcleCugieel  Eurre,  l'un  des  amis  et  des  compagnons  d'armes  de  Lesdiguières, 
fui  employé  par  ce  dernier  dans  diverses  négociations  ;  il  fui  envoyé  nolamment  auprès  de  Catherine 
de  Médicis  pour  Irailer  de  la  paix  (1579).  fl  avait  épousé  en  premières  noces  une  (ille  de  Montbruii  el 
en  deuxièmes  Anloinelte  de  Massues- Vercoiran.  —  Consulter  sur  le  S''  de  Cugy  les  Actes  el  Corres- 
pondance du  Connétable  de  Lesdiguières,  publiés  par  MM.  le  coiiile  Douglas  et  J.  Roman,  to.  f, 
Grenoble  1878. 

(2)  Dans  la  même  séance  du  7  scpletnbre,  le  Conseil  décide  d'accorder  une  gratilicalion  de  dix 
écus,  fort  justifiée  d'ailleurs,  au  savant  jurisconsulte  llotman,  l'auteur  de  la  Fraiico-Gallia,  pour  un 
avis  de  droit  concernant  le  dillérend  entre  Genève  el  le  Duc  de  Savoie. 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  H9 

secrétaire  d'Etat  répondit  par  une  lettre  de  remerciements  conçue  dans  les  meilleurs 
termes;  il  reconnaissait  que  les  récentes  négociations  n'avaient  pas  entièrement  réussi 
au  gré  des  Genevois,  mais  il  priait  le  Conseil  de  croire  que  les  Seigneurs  de  Soleure 
étaient  animés  d'excellentes  intentions  et  qu'ils  avaient  dû  à  regret  se  conformer  à  la 
maxime  de  Cicéron  «qu'il  fault  en  telle  façon  aider  à  un  estât  qu'on  ne  nuise  point 
«  à  l'autre  ». 

Le  Conseil  avait  ainsi  décidé  de  récompenser  largement  les  services  des  Bernois 
et  des  Soleurois;  il  lui  restait  à  indemniser  Balth.  de  Grissac,  auquel  Roset  avait  promis 
la  somme  de  mille  écus  pour  le  cas  où  le  traité  se  conclurait.  A  la  fin  de  l'année 
1579,  Grissac  fit  rappeler  la  promesse  qui  lui  avait  été  faite  ;  ce  fut  Polier,  un  agent 
de  l'Ambassade,  qui  fut  chargé  par  Grissac  de  rafraîchir  la  mémoire  de  Michel  Roset. 
Il  fallait  donc  s'exécuter,  mais  le  Conseil  voulut  y  mettre  le  temps  :  «  Arresté,  dit  le 
<i  Registre  du  16  novembre,  qu'on  l'entende  (B.  de  Grissac)  encor  plus  pariiculière- 
«  ment,  assavoir  ledicl  S''  Varro,  qui  est  son  familier  ».  En  réalité,  le  Conseil  trouvait 
que  mille  écus,  c'était  bien  cher,  d'autant  plus  que  Grissac  n'avait  pu  obtenir  pour 
Genève  une  faveur  essentielle,  l'exemption  des  douanes.  Grissac  attendit  assez  patiem- 
ment, mais,  au  mois  d'avril  1580,  Roset,  qui  se  disposait  à  partir  pour  Berne  et  pour 
Soleure,  rappela  au  Conseil  qu'il  s'était  personnellement  engagé  pour  la  somme  de 
mille  écus  vis-à-vis  de  l'agent  français  ;  or  il  pouvait  rencontrer  en  voyage  Balthasard 
de  Grissac,  et  il  demandait  ce  qu'il  devait  lui  offrir  ;  là-dessus  le  Conseil  décide  «  qu'il 
«  accorde  avecluy  comme  il  pourra  ». 

Quelques  jours  après,  Roset  se  mettait  en  route  pour  accomplir  sa  nouvelle 
mission;  il  s'agissait  de  remettre  en  mains  propres  les  cadeaux  et  gratifications  que 
la  République  offrait  aux  Bernois  et  Soleurois.  Roset  se  rendit  en  premier  heu  à  Berne 
et  se  présenta  auprès  de  l'Avoyer  de  Mûlinen,  auquel  il  offrit  une  bourse  contenant 
500  écus,  «  après  avoir  fait  les  recommandations  de  la  part  de  Messieurs  et  fait 
«  entendre  la  confiance  que  Messieurs  avoyent  en  sa  bonne  volonté  et  en  son  amitié 
«  à  l'advenir  ».  L'Avoyer  fit  naturellement  quelques  difficultés;  il  objecta  qu'il  n'avait 
besoin  d'aucune  récompense,  ayant  agi  et  négocié  dans  l'intérêt  de  Berne,  mais  il  finit 
par  accepter,  afin,  dit-il,  qu'on  ne  prît  pas  son  refus  en  mauvaise  part.  Roset  profita 


120  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

des  bonnes  dispositions  de  l'Avoyer  pour  aborder  un  autre  sujet  qui  lui  tenait  à  cœur  ; 
il  importait  à  Genève  d'obtenir  l'alliance  de  Zurich  et  Rosel  pria  Mùlinen  de  lui  prêter 
son  concours  dans  ce  but.  L'Avoyer  répondit  qu'à  la  dernière  journée  Berne  avait 
demandé  aux  treize  cantons  de  recevoir  comme  alliés  ses  territoires  conquis  (le  Pays  de 
Vaud,  etc.),  mais  qu'il  ne  l'avait  pas  encore  obtenu  ;  il  ajouta  qu'on  n'avait  nullement 
perdu  l'espérance  d'y  arriver,  et  que  Berne  chercherait  à  obtenir  la  même  faveur 
pour  Genève. 

De  Berne  Roset  se  rendit  à  Soleure  ;  sa  première  visite  fut  pour  le  secrétaire 
d'Etat  auquel  il  offrit  des  tasses,  des  pièces  d'argenterie,  que  le  digne  fonctionnaire 
accepta  après  les  excuses  d'usage.  Ayant  ainsi  préparé  le  terrain,  Roset  demanda  au 
secrétaire  si  le  gouvernement  de  Soleure  était  toujours  dans  les  mêmes  dispositions  à 
l'égard  de  Genève  ;  il  lui  fut  répondu  que  les  Soleurois  «  estoient  autant  ou  plus 
affectionnés  que  jamais.  » 

Le  lendemain,  Roset  obtint  audience  du  Conseil  et  le  remercia,  au  nom  de  Genève, 
d'avoir  participé  au  traité.  Les  Soleurois  se  montrèrent  affables  et  courtois  et  décla- 
rèrent qu'en  se  joignant  au  traité,  ils  l'avaient  fait  «  de  bonne  volonté  »  ;  ils  ajoutèrent 
qu'en  cas  de  danger,  ils  seraient  des  premiers  à  secourir  Genève. 

A  Soleure,  Roset  avait  encore  une  dernière  tâche  à  remplir,  c'était  la  plus  délicate 
et  la  plus  désagréable  ;  il  se  rendit  auprès  de  Grissac  et  chercha  à  lui  faire  comprendre 
que  le  Conseil  de  Genève  était  médiocrement  satisfait  du  traité,  qu'il  espérait  mieux 
et  qu'il  avait  compté  notamment  sur  l'exemption  des  péages.  Roset  ajouta  que,  si 
Genève  avait  obtenu  gain  de  cause  sur  ce  dernier  point,  le  Conseil  lui  aurait  fait 
volontiers  quelque  bon  présent,  mais  pour  le  moment,  il  ne  pouvait  lui  offrir  que 
200  écus,  «  en  attendant  qu'on  face  davantaige  ».  Grissac,  qui  comptait  sans  doute 
sur  les  mille  écus  promis,  dût  faire  la  grimace  ;  il  répondit  que  la  somme  offerte  était 
bien  petite  et  qu'il  avait  le  moyen  de  rendre  encore  bien  des  services  à  la  ville.  II 
s'ensuivit  une  scène  de  marchandage  qui  n'avait  rien  de  bien  édifiant.  Grissac  deman- 
dait au  moins  COO  écus,  tandis  que  Roset  affirmait  ne  pouvoir  dépasser  500  écus  ; 
selon  toute  apparence,  on  s'arrêta  au  chiffre  réclamé  par  Grissac.  Mais  ce  dernier  ne 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  i^\ 

loucha  la  récompense  promise  que  dans  le  courant  de  l'année  suivante  (1).  Il  continua 
du  reste  à  servir  secrètement  les  intérêts  de  la  République.  A  Zurich,  il  recommanda 
officieusement  au  bourgmestre  d'entrer  en  alliance  avec  Genève  (2).  Plus  tard,  lorsqu'il 
eut  l'occasion  de  retourner  en  France,  il  offrit  ses  services  auprès  de  la  Cour  pour 
obtenir  l'exemption  des  douanes  (3).  Ajoutons  qu'il  profitait  de  sa  situation  officielle 
pour  renseigner  le  Conseil  sur  les  dispositions  de  la  Cour  de  France  à  l'égard  de 
Genève  (4). 

(1)  Reg.  du  Cons.  Séance  du  H  juillet  1582;  No.,  Baltasard  deGrissac.—  D'auUantqu'il  se  présente 
commodité  de  faire  entendre  audict  S""  de  Grissac  la  bonne  volonté  de  Messeigneurs,  ayant  fait  entendre 
au  S' Roset  que,  s'il  plaist  à  mesdicts  seigneurs  luy  délivrer  les  six  cens  escus  (|ui  lui  ont  esté  promis, 
il  fera  telle  quictance  el  si  ample  qu'il  leur  plaira. 

Séance  du  4  septembre  158-2  ;  Baltasard  de  Grissac  —  Suyvant  ce  que  fust  dernièrement  arresté, 
a  esté  arresté  qu'on  mande  audict  Baltasard  qu'on  ira  bien  tosl  par  delà  et  <|u'on  luy  portera  ce  qu'on 
luy  a  promis. 

(2)  Reg.  Cons.  séance  du  1"  septembre  1581.  —  Baltasard  de  Grissac,  Zurich  —  a  rescript  audict 
S'  Roset  qu'ayant  esté  à  Zurich,  comme  il  luy  avoit  promis,  il  a  recommandé  aft'ectueusement  le  fait  de 

l'alliance  au  S'  bourgmaistre dont  il  a  bonne  espérance  :  au  reste  luy  mande  qu'il  est  prest  de  faire 

bonne  quittance  et  décharge  à  Messieurs  de  l'argent  qu'on  luy  a  promts,  arresté  qu'on  le  paye  à  la 
première  oportunité  qu'on  ira  pardelà. 

24  octobre  1581.  Baltasard  de  Grissac— Traicté  avec  le  Roy,  alliance  avec  Zurich.— Monsf  Roset 
a  rapporté  avoir  parlé  au  Seigneur  Baltasard  de  Grissac  qui  s'en  va  à  Grenoble  qui  luy  a  dict  que 
Mons'  de  Mulhunen  (Miilinen)  luy  avoit  escritque  Messeigneurs  sedoutoientde  ceste  arrivée  du  duc  du 
Maine  estant  au  Dauphiné,  dont  ayant  adverli  tant  le  duc  contre  M.  de  Hautefort  ils  ont  asseuré  par 
lettres  lesdicts  seigneurs  de  Berne  qu'il  n'y  a  aucune  chose  à  craindre  et  sont  bien  marris  qu'il  se 
sème  tels  bruits  pardeça.  Parlant  plus  oultre  audict  S'  de  Grissac,  notamment  de  la  réserve  des  actions 
du  duc  contenue  au  traicté  faict  avec  le  Roy,  ledict  de  Grissac  luy  dit  que  les  S"  de  Mandelot  et  de 
Hautefort  estoieni  à  Soleure  pour  le  renouvellement  des  alliances  avec  les  cantons  et  qu'il  espéroit  que 
les  affaires  succéderoient  bien  pour  Messieurs  et  s'asseuroil  qu'il  trouveroit  moyen  défaire  oster  ladicte 
réserve  pour  le  moings  qu'il  y  emploiera  tout  son  crédit.  Dit  aussy  avoir  esté  à  Zurich  et  que,  parlant 
aux  principaux  dudict  lieu,  il  les  a  trouvés  bien  affectionnés  à  ceste  République  et  inclinans  à  la  rece- 
voir en  alliance,  à  quoy  aussy  il  aidera  de  son  pouvoir.  Ledict  S'  Roset  luy  a  promis  à  son  retour  de 
luy  faire  délivrer  la  partie  qui  luy  a  esté  promise. 

(3)  Reg.  Cons.  Séance  du  25  décembre  1581.  —  Estant  proposé  que  maintenant  (jue  le  S'  Baltasard 
de  Grissac  s'en  va  en  France  avec  les  Ambassadeurs  des  Ligues,  il  oll're  de  s'emploier  pour  Messieurs 
envers  le  Roy  pour  faire  exempter  ceste  ville  des  péages  en  France,  comme  lesdicts  S"  des  Ligues,  et 
qu'il  seroit  bon  que  M.  Roset  en  escrivit  à  M.  de  Hautefort  qui  va  à  la  Cour,  a  esté  arresté  qu'il  en 
escrive,  selon  la  lettre  ([ui  a  esté  icy  veue. 

(4)  Reg.  Cons.  Séance  du  20  février  1582.  «  Baltasard  de  Grissac,  France.  —  M.  le  Lieutenant  a 


122  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

La  conclusion  définitive  du  traité  de  Soleure  n'empôcha  pas  de  nouvelles  menées 
contre  Genève.  Les  cantons  catholiques,  dirigés  par  le  colonel  Pfyffer,  ne  pouvaient  se 
résigner  à  l'idée  de  voir  la  capitale  du  calvinisme  protégée  et  garantie  par  la  France,  et 
par  Berne  et  Soleure.  En  1582,  une  ambassade  des  cantons  catholiques  se  rendit  à  Paris  : 
elle  avait  pour  mission,  entr'autres,  de  travaillera  obtenir  que  le  Roi  revînt  sur  le  traité 
de  Soleure,  mais  les  tentatives  échouèrent  et  la  Cour  de  France  se  montra  décidée  à 
respecter  ses  engagements  (1).  En  cela,  Henri  III  fit  preuve  d'habileté  et  de  clair- 
voyance ;  il  sut  faire  céder  ses  passions  religieuses  devant  la  raison  d'Etat,  devant 
l'intérêt  supérieur,  évident,  du  Royaume.  Il  lui  en  coûtait  sans  doute  de  prendre  sous 
sa  protection  un  foyer  d'hérésie,  comme  Genève  l'était  à  ses  yeux,  mais  il  lui  importait 
avant  tout  que  Genève  ne  devînt  pas  la  proie  du  duc  de  Savoie.  Ses  conseillers, 
les  Sancy.  les  Hautefort,  lui  avaient  fait  comprendre  l'importance  exceptionnelle  de 
Genève,  pour  la  sécurité  de  ses  relations  avec  les  Ligues  Suisses.  C'est  dans  ce  sens  que 
Henri  III  écrivait  le  13  mars  1582  à  ses  deux  Ambassadeurs  en  Suisse,  Mandelot  et 
Hautefort: 

<t  En  premier  lieu,  encores  qu'il  fust  à  souhaiter  que  la  ville  de  Genève  eust  esté 
longtemps  ja  réduicte  en  cendres  pour  la  semence  de  mauvaise  doctrine  qu'elle  a 
espendue  en  plusieurs  endroicts  de  la  chrestienté,  dont  se  sont  ensuiviz  infinis  maulx, 
ruines  et  calamités,  et  plus  en  mon  royaume  que  en  nul  aultre  endroict,  néantmoings 
estant  assize  en  telle  assiette  qu'elle  est,  elle  ne  pourroit  estre  réduicte  en  l'obéissance 

monstre  des  lettres  qu'il  a  receu  dudicl  S'  Baliasard,  par  lesquelles  il  luy  mande  avoir  esté  parlé  à  la 
Court  de  ce  dont  on  avoit  escrit  à  M.  de  Hautefort,  assavoir  de  l'exemption  des  péages,  mays  il  ne  scail 
ce  qui  en  a  esté  dict  :  au  demourant,  que  le  Roy  se  pleinl  de  l'impression  qui  se  fait  en  ceste  ville  de 
certains  livres,  comme  du  secret  des  finances  de  France,  du  miroir  de  la  France,  a  esté  arresté  ([ue 
M.  le  Lieutenant  recommande  derechef  ce  faict  audict  Raltasard  et  (ju'on  luy  escrive  que  Mess"'  ne 
savent  que  c'est  de  ces  livres.  » 

(1)  Reg.  Cons.  séance  du  7  mars  1582:  «  Paix  avec  la  France,  traicté  de  France.  Ont  esté  icy  veues 
lettres  de  M.  de  Vozines  contenant  (|uo  les  Ambassadeurs  des  cantons  papistes  qui  ont  esté  ces  jours  à 
la  (>our  de  hYance  avoient  charge  d'Inster  (|ue  le  Roy  se  déportas!  du  traicté  faict  avec  Rerne  et  Solleurre 
pour  le  rcg;inl  de  Genève,  mays  que  cela  a  esté  rejeté.  Il  estime  qu'ils  feront  mesme  instance  quant  ce 
viendra  au  rcnouvclloment  de,  ralliance  avec  les  Suisses,  donnant  advis  (|ue  les  amys  trouveroient  bon 
que,  pour  prévenir  ce  rcnmomcnt,  il  seroit  bon  ijue  Messieurs,  par  le  moyen  desdicts  S""  de  lîerneet 
de  Solleure,  attirassent  audict  traicté  les  S"  de  Fribourg.  » 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  123 

de  quelque  prince  que  ce  soyt  de  mes  voisins,  qui  ne  tint  en  grande  subjeclion  les 
sieurs  des  Ligues  et  ne  les  réduisit  comme  çn  sa  mercy  ;  demeurant  en  sa  puissance 
—  tenant  le  pas  de  l'Ecluse  qu'il  fortiffieroit  incontinant  —  d'empescher  que  je  ne  les 
puisse  secourir  à  leur  besoing,  ni  que  eulx  peussent  venir  à  mon  secours  et  service 
quand  je  les  appeleroys  (i).» 

Le  traité  de  Soleure  ouvrit  pour  Genève  une  ère  nouvelle;  sans  doute  ce  traité 
n'eut  pas  pour  effet  de  désarmer  la  maison  de  Savoie  et  de  détruire  ses  prétentions 
séculaires,  mais  Genève,  jusqu'alors  isolée,  obtint  une  sorte  de  garantie  internationale, 
précieuse  sauvegarde  de  son  indépendance.  Dès  lors,  à  Paris,  comme  à  Berne  et  à 
Soleure,  on  surveilla  d'un  œil  jaloux  et  inquiet  les  menées  ou  les  entreprises  du  duc 
de  Savoie.  Plus  tard,  en  1605,  ie  canton  de  Zurich,  le  second  des  cantons  réformés  en 
importance  et  en  influence,  apposa  sa  signature  au  bas  du  traité  de  Soleure,  ajoutant 
ainsi  sa  garantie  à  celle  de  la  France,  de  Berne  et  de  Soleure.  A  diverses  reprises  et 
notamment  en  1640,  il  fut  question  de  la  mise  à  exécution  des  clauses  du  traité  de 
Soleure,  et  une  lettre  de  M  de  Reffuge,  Ambassadeur  de  France,  nous  apprend  qu'il 
avait  reçu  l'ordre  de  Leurs  Majestés,  «  de  mettre  à  part  trente  neuf  mil  livres  pour  estre 
d  consignées  et  employées  suivant  et  à  la  forme  du  traicté  de  SoUeurre  ».  Il  est  juste  de 
reconnaître  que  ce  traité,  fruit  de  patientes  négociations,  constitue  l'une  des  bases 
essentielles  de  l'indépendance  de  Genève.  L'histoire  doit  donc  un  souvenir  reconnais- 
sant aux  patriotes  zélés  et  intelligents  et  en  première  ligne  à  l'illustre  Michel  Roset, 
à  ceux  qui  eurent  l'habileté  d'opposer  la  France  à  la  Savoie  et  d'obtenir  la  sécurité 
de  Genève  par  l'antagonisme  des  intérêts.  En  se  contrecarrant  et  se  surveillant 
mutuellement,  les  puissants  voisins  de  Genève,  le  Roi  de  France,  le  Duc  de  Savoie,  et 
les  patriciens  de  Berne,  consolidèrent  l'indépendance  de  Genève. 

(1)  Lettre  de  Henri  III  à  Mandelol  et  Hauleforl,  citée  par  M.  Ed.  Rott,  Henri  IV,  les  Suisses  et  la 
Haute  Italie,  p.  156  et  157  note. 

Des  arguments  de  niéiiie  ordre  sont  exposés  tout  au  long  dans  une  curieuse  Relation,  rédigée  par 
HauLefort,  Ambassadeur  de  France  en  Suisse,  relation  que  nous  publions  aux  Pièces  justificalives. 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  ''^^ 


PIÈCES  JUSTIFICATIVES 


1    MTinW    I 


I 

Lettre  du  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  hist.  n"  1952; 

A  Magnificques  Seigneurs  Messieurs  les  Syndiques  et  Conseil  de  Genève. 

Magnifiques  Seigneurs, 
Ayant  rcceu  advertissement  de  plusieurs  endroicts  comme  il  a  pieu  à  Dieu  toucher 
le  cœur  du  Roy  mon  Seigneur  pour  l'induyre  à  paciffier  les  troubles  qui  sont  en  son 
Royaume  et  donner  repos  aux  Églises  réformées  qui,  comme  vous  scavez,  ont  souffert 
de  longues  et  dures  aftlictions,  mesmes  ayant  sa  Majesté  escript  'pour  cet  effect  à 
M.  le  Comte  Palatin,  Electeur  de  l'Empire,  et  autres  Princes  de  la  Germanie,  j'aybien 
voulu  vous  faire  part  d'une  si  bonne  et  joyeuse  nouvelle,  comme  à  ceux  que  je  say 
estre  singulièrement  affectionnés  au  bien  de  nostre  France  et  particulièrement  au  repos 
et  tranquillité  de  nos  pauvres  Églises,  et  d'autant  que,  pour  la  négociation  d'une 
affaire  de  telle  importance  et  qui  touche  l'asseurance  et  la  stabilité  de  vostre  estât,  j'ay 
besoing  de  conseil,  j'ay  bien  voulu  vous  prier.  Magnifiques  Seigneurs,  me  prester,  pour 
peu  de  jours,  Mons'  de  Resze,  pasteur  et  ministre  de  vostre  Eghse,  à  ce  que,  par  son 
bon  advis  et  prudent  conseil  joint  avec  celui  des  autres  ministres  qui  se  trouve- 
ront par  deçà,  et  autres  dignes  personnages  que  j'ay  mandés  exprès  pour  l'accom- 
pagner, je   puisse  traicler  d'une  si  saincle  et  louable    entreprise,   suyvant  ce  que 


126  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

VOUS  entendrez  plus  amplement  par  M"  Viret,  ministre  de  mon  Eglise,  lequel  j'ay 
envoyé  exprès  par  devers  vous  et  n'estant  la  présente  pour  autre  elTect,  je  feray  fin 
par  mes  affectionnées  recommandations  à  vos  bonnes  grâces.  Priant  Dieu  vous  main- 
tenir, Magnifiques  Seigneurs,  en  sa  saincte  et  digne  garde. 

De  Strasbourg,  ce  2"  de  août  4574. 

Vostre  plus  affectionné  et  asseuré  amy  à  vous  obéir, 

Henry  de  Bourbon. 


II 

Le  Prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  de  Genève,  Porlef.  hisl.  n°  1952.) 

Messieurs, 

Je  ne  vous  scaurois  asses  remercier  du  plaisir  que  m'aves  faict,  m'octroiant  de 
voir  celluy  que  j'avois  si  longtemps  désiré,  duquel  j'auray  tel  soing,  Dieu  aidant,  que 
bien  tost  le  verres  sain  et  sauf.  Cependant,  aiant  entendu  par  luy  le  terme  que  luy 
avies  préfix  pour  ce  que  vous  estimiez  qu'il  me  deust  trouver  à  Basle,  je  suis 
contrainct  vous  advenir  que  ce  terme  s'est  trouvé  si  court  que,  sans  l'allonger  d'une 
sepmaine  pour  le  plus,  son  voiage  me  seroit  rendu  du  tout  inutille  ;  ce  que  sachant 
estre  fort  contraire  à  l'intention  que  vous  aves  eue  de  me  faire  ce  plaisir  de  me 
l'envoier,  attendu  mesmenient  qu'il  n'est  question  que  de  la  négociation  de  la  paix, 
je  vous  prie  bien  fort  ne  trouver  mauvais  de  m'accorder  volontairement  la  prolon- 
gation d'une  sepmaine,  ce  que  icelluy  ne  m'a  voulu  octroier,  sinon  que  par  une 
manière  de  contraincte,  pour  ne  vouloir  en  rien  ouUrepasser  vostre  permission. 
Surquoy  luy  aiant  promis  que  je  luy  serois  garent  envers  vos  Seigneuries,  je  m'assure 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  427 

que  ne  me  desdirez  de  cesl  accessoire,  m'aiant  accordé  le  principal,  de  quoy  je  vous 
suis  bien  fort  tenu  et  en  bonne  délibération  de  le  recognoistre  quelque  jour,  Dieu 
m'en  faisant  la  grâce,  lequel  je  supplie. 

Messieurs,  vous  tenir  et  tout  vostre  Estât  en  bonne  et  saincte  prospérité  es  corps. 

A  Strasbourg,  28«  jour  d'aoust  1574. 

Vostre  plus  affectionné  amy  à  jamais, 

Henry  de  Bourbon. 


III 

Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  (le  Genève,  Portef.  hist.  n»  1952.) 

Messieurs, 

S'en  retournant  Mons''  de  Besze  vers  vous,  je  ne  l'ay  voulu  laisser  partir  sans 
l'accompagner  de  la  présente  et  par  icelle  vous  remercier  bien  fort  du  plaisir  que  vous 
m'avez  faict  de  me  le  presteren  ung  tel  et  si  urgent  besoing,  comme  celuy  pour  lequel 
il  est  venu  me  trouver  et  qui  regarde  le  bien  et  profiît  de  l'Eglise  de  Dieu,  vous  priant 
croire  que  sa  présence  par  deçà,  laquelle  a  de  beaucoup  servi,  et  la  peine  qu'il  a  prinse, 
me  sera  tousiours  en  telle  souvenance  que  j'en  recognoistray  une  perpétuelle  obligation 
envers  vous  et  au  demeurant  m'excuser  et  luy  aussy  de  ce  que  je  l'ay  plus  longuement 
retenu  que  vous  ne  luy  en  avies  donné  delicense,  car,  s'estant  les  affaires  rendues  de 
plus  difficille  disculion  que  nous  ne  cuidions,  il  a  esté  nécessaire  qu'il  demeurast 
jusques  à  une  nnalle  résolution,  ce  que,  je  m'assure,  vous  ne  prendrés  de  mauvaise 
part,  mais  que  vous  serez  bien  aise,  quand  nos  affaires  par  ung  bon  conseil  pourront 
succéder  à  une  bonne  paix  et  heureuse  fin,  et  en  ceste  opinion  remectant  sur  la  dis- 
crection  dudict  S""  de  Besze  à  vous  dire  Testât  de  mes  nouvelles,  je  finiray  par  prier  le 


128  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Créateur,  Messieurs,  vous  donner  en   toute  heureuse  prospérité  l'heureux  repos  et 
prospérité  de  vostre  estât. 

Escript  à  Basle  ce  H'"*'  jour  de  septembre  1574. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  vous  obéir, 

Henry  de  Bourbon, 


IV 

Le  Prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  (le  Genève,  Portef.  hisl.  n°  1952.) 

Messieurs, 

Puis  qu'il  vous  a  desia  pieu  me  faire  ceste  faveur  que  de  m'aider  du  conseil  de 
Mons""  de  Besze  pour  le  bien  et  service  des  églises  de  Dieu,  et  ne  doubtant  poinct 
que  vous  ne  soies  bien  contens  de  me  le  prester  encores  pour  quelques  jours,  je  vous 
en  ay  bien  voulu  faire  la  requeste  et,  par  la  présente,  vous  prier  bien  affectueusement, 
Messieurs,  luy  vouloir  permettre  qu'il  me  vienne  trouver  à  Lausanne,  où  j'espère 
arriver  sabmedi  au  soir,  moiennant  la  grâce  de  Dieu  ;  m'assurant  donc  que  vous  ne 
m'en  refuserez,  attendu  le  besoing  que  j'en  ay  et  l'utilité  qu'apportera  ce  petit  voiage, 
je  ne  vous  feray  ceste  plus  longue,  fors  après  m'estre  affectueusement  recommandé  à 
vos  bonnes  grâces  prier  le  Créateur  vous  continuer.  Messieurs,  les  siennes  tressaincles. 

Escript  à  Berne  ce  22^  jour  de  septembre  1574. 

Vostre  plus  fidelle  et  affectionné  amy  à  jamais. 

Henry  de  Bourbon. 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  129 


Le  prince  de  Condé  mi  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Porlef.  hisl.  n°  1952.) 

Messieurs, 

Pour  ce  que  je  scay  que  vous  serez  bien  aise  d'entendre  mon  retour  pardeça  en 
bonne  santé  et  aussy  pour  vous  faire  savoir  de  mes  nouvelles,  j'ay  advisé  envoyant  ce 
porteur  pardelà  de  vous  faire  la  présente  par  laquelle  je  vous  suplieray  très  affec- 
tionément  me  contynuer  en  vos  bonnes  grâces  et  croire  que  vous  n'aures  jamais  de 
meilleur  et  plus  affectionné  amy  que  moy,  comme  vous  congnoistrez  par  expérience; 
touteffois  que  me  ferez  ce  bien  d'en  faire  preuve  sur  ceste  asseurance,  après  m'estre 
très  afïectionément  recommandé  à  vos  bonnes  grâces,  je  priray  Dieu, 

Messieurs,  vous  donner  en  parfaicte  santé  bonne  et  heureuse  vye. 

De  Balle  ce  21»  octobre  1574. 

Vostre  plus  fidelle  amy  à  jamais. 

Henry  de  Bourbon. 


VI 

Le  Prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Porlef.  hisl.  n"  1952.) 

Messieurs, 
Aiantencores  nécessairement  affaire  del'advis  et  conseil  de  Mons"'  de  Besze,  lequel 
ne  sp  peult  rommuniquer  par  loltres,  d'autant  que  c'est  cliose  qui  concerne  le  bien 


130  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

de  la  paix  et  le  restablissemenl  des  églises  de  Dieu  en  France,  je  me  suis  tant  promis 
des  elïects  de  voslre  bonne  volonté  que  vous  ne  serez  pas  marris  de  me  le  prester 
pour  quelque  temps  et  c'est  pourquoy  luy  escrivant  présentement  de  me  venir  trouver 
pour  cest  effect,  je  n'ay  pas  voulu  oublier  de  vous  demander  son  congé,  vous  priant 
bien  fort  le  luy  octroier,  afin  qu'avecques  mon  cousin  Mons''  de  Thoré  il  s'achemine 
en  sa  bonne  compagnie.  Les  depputez  de  Messieurs  de  la  Rochelle  sont  désia  arrivés 
en  ce  lieu  et  j'attens  ceulx  des  autres  provinces  de  France  dans  peu  de  jours  ;  je  prie 
Dieu  qu'il  nous  face  la  grâce  que  ceste  négotiation  produise  quelque  bon  fruict  et 
que,  bénissant  les  labeurs  des  gens  de  bien  qui  travailleront  à  ce  sainct  ouvrage,  le 
tout  soit  à  l'advancement  et  esaltation  de  sa  gloire  et  à  vous,  Messieurs,  continuer 
l'heureuze  protection  et  prospérité  de  vostre  estât,  me  recommandant  lousiours  à  vos 
bonnes  prières. 

Escript  à  Basle  ce  27«  jour  de  décembre  4574. 

Vostre  plus  affectionné  amy. 

Henry  de  Bourbon. 


VII 

Le  prince  de  Condé  à  Th.  de  Bèze 
(Arcli.  (le  Genève,  Portef.  hist.  n"  1952). 

Monsieur  de  Besze. 

J'escripts  présentement  à  mon  cousin  Mons'  de  Thoré  comme  les  depputés  de  la 
Rochelle  arrivèrent  hier  au  soir  et  que  ce  jourd'huy  ils  m'ont  proposé  la  charge  qu'ils 
avoient  et  pource  que  c'est  chose  de  telle  et  si  grande  importance  qu'elle  mérite  bien 
d'estre  traictée  en  bonne  compagnie  et  qu'il  me  seroit  impossible  pour  beaucoup  de 
raisons  aller  par  delà,  j'ay  avisé  que  le  meilleur  estoit  de  nous  assembler  tous  en  ce 
lieu  jet  de  vous  mander  par  ceste  lettre  de  vous  y  acheminer  avecques  ledict  S''  de 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEUi'.E  131 

Thoré,  vous  priant  n'en  vouloir  faire  difficulté  et  ne  vous  excuser  sur  le  congé  de 
Messieurs  de  Genève,  auxquels  pareillement  j'escripts  une  lettre  de  le  vous  octroyer. 
Ce  que,  je  m'assure,  ils  feront  d'autant  plus  volontiers  qu'ils  jugeront  le  faict  en  soy 
en  estre  très  digne  ;  les  dicts  depputés  m'ont  assuré  avoir  dépesché,  auparavant  que 
partir  de  leur  pais,  homme  exprès  en  Languedoc  avecques  passeports  fort  amples,  pour 
pareillement  envoier  yci  de  leur  part,  qui  me  faict  croire  qu'ils  ne  tarderont  poinct  à 
s'y  rendre.  Selon  la  délibération  que  vous  ferés  de  vostre  parlement  et  du  jour  que 
vous  prandrez,  je  vous  prie  faire  passer  ce  lacquais  par  Neufchastel  pour  en  advertir 
Mons'  d'Araines  et  luy  mander  le  jour  que  vous  por.rrés  arriver,  afin  qu'il  s'y  veuille 
rendre,  selon  ce  que  je  luy  mande,  adjoustant  dans  vostre  lettre  ung  petit  mot  de  per- 
suasion pour  plus  l'encourager;  sans  ceste  occasion  j'avois  délibéré  vous  mander 
bien  amplement  de  beaucoup  de  choses,  mais  j'en  réserverai  le  discours  à  nostre  pre- 
mière veue.  Cependant,  me  recommandant  tousiours  à  vos  bonnes  prières,  je  supliray 
de  ma  part  le  Créateur  vous  donner.  Monsieur  de  Besze,  avecques  sa  pristine  grâce,  ce 
que  plus  désirés. 

Escript  à  Basic  ce  27"=  jour  de  décembre  1574. 

Vostre  plus  fidelle  et  affectionné  amy  à  jamais. 

Henry  de  Bourbon. 


VIII 

Le  maréchal  de  Damville  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  Hisl.  n°  1955) 

Aux  Magnifiques  Seigneurs,  Messieurs  les  Sindics  et  Conseils  de  Genesve, 

Messieurs, 

L'Assemblée  généralle  des  Eglises  Réformées  de  France,  calholi(iues  unis,  et  moi, 
envoyons  nos  depputés  présens  porteurs,  suyvant  la  volonté  du  Roy  et  passeports  par 


132  GENÈVE,  LE  PARTI  HUCUENOT 

Sa  Majesté  octroyés,  pour  entendre  de  Monseigneur  le  Prince  de  Condé  les  moyens  de 
parvenir  à  une  bonne  et  seure  pacifficalion  des  troubles  de  ce  pauvre  et  désolé 
royaulme,  et  parce  qu'avez  tousiours  monstre  par  effect  l'affection  qu'aves  au  bien  et 
soulagement  de  tous  vos  frères  en  religion,  ayant  usé  non  seullement  envers  eux,  mais 
à  l'endroict  de  tous  ceulx  qui  se  sont  trouvés  affligés  et  exilés  de  toute  consolation, 
reiraicte  et  ayde,  j'ay  bien  voulu  faire  la  présente  pour  vous  tesmoigner  de  la  charge 
que  j'ay  donnée  aux  dicts  depputés  de  vous  veoir  de  ma  part  et  vous  offrir  en  mon 
nom,  comme  je  faicts  par  la  présente,  tout  service,  tant  en  vostre  général  que  parti- 
cullier,  vous  asseurant  que  m'y  trouvères  tousiours  disposé,  ainsy  que  les  etïects  vous 
feront  congnoistre,  le  temps  m'en  produisant  l'occasion,  estant  de  mon  debvoir  de 
recongnoislre  les  faveurs  que  aves  desparties  aux  miens,  et  pour  la  fin  je  vous  supliray 
que  en  tout  ce  que  pourres  servir  pour  l'advancement  d'ung  si  sainct  œuvre  que  celluy 
que  vont  négotier  les  dicts  depputés,  vous  y  employer  avec  telle  affection  que  aves 
tousiours  monstre  avoir  au  bien  général  de  la  France  ;  remettant  le  surplus  à  leurs 
suffisances,  je  finiray  par  mes  bien  affectionnées  recommandations  à  vos  bonnes  grâ- 
ces, priant  Dieu,  Messieurs,  vous  donner  en  parfaicte  santé  longue  et  heureuse  vye. 

De  Montpellier,  ce  13  Février  1575, 

Vostre  plus  affectionné  et  parfaict  amy  à  vous  faire  service, 

DE  Montmorency. 


IX 

Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  de  Genève,  Portef.  hisl.  n"  1952) 
Messieurs, 

Vous  m'excuseres  bien,  s'il  vous  plaist,  si  j'ay  retenu  par  deçà  Mons''  de  Besze  plus 
longuement  qu'il  ne  désiroit  et  que  je  n'espérois,  d'autant  que  la  faulle  n'est  proccdée 


ET  LE  TKAITÉ  DE  SOLEURE  133 

ne  de  luy  ny  de  inoy,  ains  des  depputez  de  ftlessieiirs  de  Languedoc,  lesquels  nous 
sommes  encores  atlendans,  et  combien  que  ceste  négociation,  en  laquvîlle  nous  travail- 
lons et  que  nous  ne  pouvons  bonnement  conclure  en  l'absence  et  sans  l'advis  desdicts 
depputés,  méritasl  bien  la  présence  dudict  de  Besze,  touteffois  la  craincle  qu'il  a  eue 
d'avoir  trop  demeuré  et  moy  de  vous  desplaire  a  esté  cause  que  je  me  suis  consenti  à 
s'en  retourner  et  que  je  n'ay  voulu  faillir  de  vous  faire  par  luy  ce  mot  de  lettre  pour 
vous  remercier  bien  affectueusement  du  plaisir  que  m'aves  faict  de  me  le  prester, 
ensemble  du  bon  conseil  et  secours  qu'il  a  donné  pour  le  bien  des  églises  de  France, 
lesquelles,  et  moy  avecques  elles,  vous  en  demeureront  à  tousiours  redevables,  pour 
le  recognoistre  et  principallement  par  moy  en  tous  les  endroicls  qu'il  vous  plaira 
m'emploier,  ce  que  je  feray  tousiours  dans  si  bon  cœur  que  je  prie  le  Créateur  vous 
conserver,  Messieurs,  et  tout  vostre  estât  en  très-heureuse  et  saincle  prospérité. 

Escript  à  Basle,  ce  dernier  jour  de  février  1575. 

Vostre  plus  affectionné  amy  à  iamais, 

Henry  de  Bourbon. 

Au  dos  de  la  lettre  on  lit:  lettres  de  M. le  Prince  de  Condé  touchant  M.  de  Bèze, 
veues  ce  10  mars  1575. 


Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  hisl.  n"  1952) 

Pour  responce  à  la  lettre  que  vous  m'avez  escripte  du  25"»«  du  mois  passé  en 
faveur  de  vos  deux  citoiens  y  dénommés,  je  vous  diray  que  vous  ne  me  requerres 
jamais  de  chose,  quelque  importante  qu'elle  soit,  dont  je  ne  vous  gratiffie  tousiours 
très  volontiers  et  de  bon  cœur,  m'ayans  vous  mesmes  les  premiers  tellement  oblige  et 


134  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

en  tant  de  façons  rendu  vostre  redevable  que  je  serois  par  trop  ingrat,  si  je  ne  m'ac- 
quitois  de  quelque  recognoissance.  J'escripts  présentement  à  mon  cousin,  Monsieur  le 
Mareschal  de  Dampville,  pour  leur  faict,  selon  que  j'ay  estimé  leur  affaire  le  désirer, 
estant  certain  qu'il  ne  fauldra  d'y  pourvoir,  en  sorte  que  vous  -et  vos  dicts  citoiens 
aurez  occasion  de  vous  en  contenter,  qui  est,  Messieurs,  tout  ce  que  je  vous  en  puis 
dire  et  l'endroict  où,  après  m'estre  bien  fort  recommandé  à  vos  bonnes  grâces,  je 
priray  le  Créateur  vous  donner  en  toute  heureuse  prospérité  l'augmentation  des  siennes 
très  sainctes. 

Escript  à  Basle,  ce  6"'^  jour  de  mars  4575. 

Vostre  plus  afïectionné  amy  à  iamais, 

Henry  de  Bourbon. 

Au  dos  on  lit  :  lettres  de  M.  le  Prince  de  Condé  touchant  le  sel  veues  ce  17  mars 
1575. 


XI 

Le  Prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  hist.  n»  1952) 

Messieurs, 

Ayant  pieu  à  Dieu  de  disposer  le  cueur  du  Roy,  mon  souverain  seigneur,  à  voul- 
loir  continuer  la  négociation  comancée  pour  parvenir  à  ane  bonne  pacification  des 
troubles  qui  de  si  longtemps  ont  cours  en  son  royaume  et  d'avoir  pris  en  bonne  part 
les  très  humbles  supplications  et  requestes  que  je  luy  avois  envoyé  faire  pour  toutes 
les  Eglises  de  France  et  catholicques  assosiés,  sur  lesquelles  Sa  Maiesté  m'a  faict  res- 
ponse  par  le  sieur  du  Cheilar,  d  est  très-nécessaire  de  faire  une  conférance  sur  icelle, 


ET   LE  TRAITÉ    DE   SOLEURE  435 

en  laquelle  je  désire  que  Mons""  de  Bèze  se  puisse  trouver,  sur  l'asseurance  que  j'ay  que 
sa  présence  y  peult  beaucoup  servir  et  pour  ceste  cause,  Messieurs,  je  vous  ay  bien 
voulu  faire  la  présente  et  par  icelle  vous  pryer  bien  affectueusement  de  vouloir  licen- 
cier ledict  s''  de  Bèze  pour  faire  ce  voiage  par  deçà  et  m'asseurans  que  la  congnoissance 
que  vous  aves  de  l'importance  de  cest  affaire  vous  invitera  asses  de  l'accorder,  je  ne 
m'estendray  davantaige  et,  après  ra'estre  de  très  bon  cueur  recommandé  à  vos 
bonnes  grâces,  je  prieray  Dieu,  Messieurs,  qu'il  vous  augmente  les  sciences  très 
saincles  en  très  bonne  santé  et  longue  vye. 

Escript  à  Basle  ce  30">"  de  may  1575. 

Voslre  plus  fulelle  et  affectionné  amy  à  iamais, 

Henry  de  Bourbon. 


XII 

Le  Prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcii.  de  Genève,  Portef.  hist.  n»  1952) 

Messieurs, 

Je  ne  puis  que  très  affectueusement  vous  remercier  de  la  bonne  et  saincte 
affection  que  vous  me  faicles  en  maintes  sortes  congnoistre  que  me  portes  mesme  en 
ce  que,  suyvant  la  prière  que  je  vous  avois  faicte,  vous  avez  licencyé  Mons''  de  Bèze 
de  faire  ce  voiage  pour  se  trouver  en  une  œuvre  tant  nécessaire  pour  la  gloyre  de 
Dieu  et  repos  de  la  pauvre  France,  où  nous  avions  besoing  d'eslre  assistez  de  sa 
prudence,  laquelle  il  a  très  bien  desployée  en  tout  ce  qui  s'y  est  présenté  grâces  à 
Dieu,  vous  asseurant,  Messieurs,  qu'oulire  la  recommandation  généralle  que  ses  rares 
vertus  ont  engravu  (sic)  aux  cueurs  de  tous  les  gens  de  bien,  j'en  ay  pour  mon  parti- 
culier une  plus  singulière,    suyvant  laquelle  je  feray  congnoistre  à  quiconque  sera 


136  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

si  ozé  d'allenler  en  sa  personne  qu'il  se  sera  adressé  à  l'un  de  mes  plus  grands  amis, 
et  d'autanl  que  pai'  luy  j'ay  entendu  qu'il  vous  est  deu  quelque  somme  de  deniers  que 
vous  aves  cy-devant  preste  pour  le  service  de  ce  parti,  j'ay  faict  dépescher  un  pouvoir 
bien  ample  au  s''  de  Franqueville,  pour  faire  que  vous  en  soies  remboursés  par  les 
moyens  èsquels  vous  luy  ferez  ouverture,  vous  priant  aussy  bien  affectueusement, 
Messieurs,  de  m'ayder  en  ce  que  ledict  s'  de  Bôze  vous  fera  entendre  de  ma  part  et 
me  faire  ce  bien  de  croyre  que  vous  n'aurés  jamais  prince  qui  de  meilleure  volonté 
employé  tout  ce  qui  sera  jamais  en  sa  puissance,  que  je  feroy  en  toutes  occasions  où 
j'en  auray  le  moyen  pour  vous  le  faire  esprouver  à  vostre  contentement  avec  l'ayde  de 
Dieu,  lequel  je  supplie.  Messieurs,  qu'il  vous  augmente  ses  sainctes  grâces  et  vous 
maintienne  longuement  en  toute  prospérité  et  santé  bonne  et  heureuse  vie. 

Escript  à  Basle  ce  22™^  jour  de  juing  1575. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy, 

Henry  de  Bourbon. 


XIII 

UAvoyer  et  Conseil  de  Berne  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  lie  Genève,  Portef,  hist.  n"  1965) 

Aulx  Nobles,  Magnifficques  Seigneurs,  Sindicques  etConsfil  de  la  cité  de  Genève, 
nos  singuliers  amis,  bons  voysins,  très  chers  et  féaulx  combourgeois. 

Nobles,  Magnifficques  Seigneurs,  singuliers  amys,  bons  voysins,  très  chers  et  féaulx 
combourgeois,  à  vostre  bonne  grâce  bien  affectueusement  nous  recommandons,  ayants 
heu  advertissement  d'aulcungs  nos  ballifs  et  officiers  comme  soit  que  plusieurs  capi- 
taines et  souldats  François,  se  disants  venir  de  vostre  cité  pour  aller  au  service  de 
Mous'  le  Prince  de  Gondé,  prennent  leur  chemin  par  sus  nos  terres  et  pays  et  y  passent 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  137 

en  équipaige  de  gens  d'armes,  nous  n'avons,  en  considération  de  la  paix  perpétuelle 

d'entre  la  Coronne  de  France  et  ce  pays  des  Ligues  establies,  par  laquelle  lespassaiges 
suspects  sont  interdicts,  joinct  aullres  conséquences,  peu  ny  dheu  dissimuler  de  vous 
adverlir  de  cela  et  par  mesme  moyen  bien  affectueusement  vous  prier  et  requérir,  si 
ainsi  est  que  aulcuns  capitaines  et  soldats  françois  se  fussent  retirés  en  vostre  ville  et 
à  présent  s'en  vouidroyent  départir,  pour  aller  au  service  de  qui  que  ce  soit  par  sus 
nos  terres  et  pays,  qu'il  vous  plaise  leur  remonstrer  et  donner  ordre  à  ce  qu'ils  fassent 
leurs  voyages  et  passaiges  de  telle  sorte  et  en  tel  équipaige  que  l'on  ne  se  puisse 
doublera  leur  endroict  d'aulcunes  praticques  ou  sinistres  entreprinses  ressentans  hosti- 
lité et  que  tant  l'Ambassadeur  de  Sa  Royalle  Majesté  que  nos  bien  aymés  alliés  et 
confoedérés  des  aultres  cantons  des  Ligues  ne  puissent  prendre  par  ce  occasion  (comme 
aultrement  seroit  à  craindre  il  pourroit  advenir)  de  leur  interdire  ledict  passage  et 
nous  sommer  en  vertu  du  dict  traicté  de  paix,  de  faire  le  mesme,  voire  aussy  de 
esconduire  tous  ceulx  qui  jusques  à  présent  se  seroient  réfugiés  rière  nous  et  aullres 
villes  de  la  Religion  réformée,  ce  que  pourra  estre  prévenu  moyennant  leur  modeste 
comportement  comme  par  rayson  ils  sont  tenus  de  faire,  affin  d'oster  toute  occasion 
de  maulvais  soubçon  à  leur  endroict,  vous  priant  de  prendre  cest  advertissement  de 
nous  (comme  il  ne  se  faict  à  aultre  que  à  bonne  intention)  à  la  bonne  part,  et  à  ces 
fins  prierons  le  Créateur,  Nobles,  Magnifficques  Seigneurs,  vous  tenir  en  sa  saincle  et 
très  digne  garde. 

De  Berne  ce  15  de  juillet  1E75. 

L'Advoyer  et  Conseil  de  la  Ville  de  Berne. 


XIV 

Copie  d'une  lettre  et  d'un  mémoire  de  M.  de  Vézines,  adressés  à  M.  de  Haute  for  t. 

(Arcli.  de  Genève,  Pertef.  hisl.  n"  1965) 
€  Copie  d'une  lettre  missive  du  S-"  de  Vézines  de  laquelle  la  susperscripiion  estlelle 


438  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

A  Monsieur,  Monsieur  de  Haultefort,  conseiliier  du  Roy  en  son  privé  Conseil  et 
Ambassadeur  pour  sa  Majesté  aux  Ligues,  et  la  soubscription  :  vostre  humble  et 
obéissant  serviteur,  Vézines,  estant  cachetée  des  armoiries  d'iceluy,  en  cire 
rouge.  » 


Monsieur, 

Je  suys  demeuré  en  suspens  jusques  à  ceste  heure  qu'il  est  requis  que  je  prenne 
résolution  au  faict  dont  je  vous  ay  escript.  Mon  intention  seroit  de  supplier  Mon- 
seigneur le  Prince  de  Condé  et  ceulx  de  ce  pariy  de  ne  me   plus  commander  aucun 
affaire  concernant  ceste  guerre  et  que  je  me  veux  retirer  sans  plus  me  mesler  que  de 
mon  faict  particulier,  vous  suppliant  sentir  si  Leurs  Maiestés  auront  pour  agréable  que 
j'en  use  ainsy  ou  bien  si,  avec  leur  permission,  je  continueray  à  entendre  des  afaires 
de  la  Religion  pour  tant  mieux  voir  les  moyens  de  tendre  à  la  paix  et  jecter  les  afaires 
hors  de  la  patrie,  qui  a  lousiours  esté  mon  but  et  mon  désir.  Cependant,  Monsieur, 
afin   qu'on   ne  pense  point  que  je  veuille  faire  quelque  chose  clandestinement,   je 
vous  supplieray  ne  laisser   penser   à  Leurs   Maiestés  que  je  veuille  décliner  de  la 
fidélité  d'homme  de  bien  en  ce  qui  me  seroit  commandé  par  mon  dict  S'  le  Prince, 
car,  aultant  que  je  scay  que  l'indignation  de  Leurs  Maiestés  m'importe  de  la  vie  et  du 
bien,  je  considère  aussi  que  la  défiance  et  mauvaise  opinion  de  ceulx  de  ce  party 
m'imporleroit  de  mon  honneur,  qui  t'ait  que  je  vous  prie  humblement  que,  ces  choses 
ne  demourant  sauves,  me  moyennes  que  Leurs  Majestés  me  tiennent  pour  tel  que  je  veux 
demourer,  ascavoir  leur  très  humble  et  très  obéissant  subiet  et    serviteur  et  comme 
pour  tel  elles  me  cognoistront  peuU  estre  bien  tost  et  je  m'en  sentiray  d'aultant  vostre 
tenu  el  obligé  de  vous  faire  service  que  cest  afaire  m'est  cher  et  important,  dont  je 
m'acquiteray  de  mesme  affection  que  je  salue  vos  bonnes  grâces  de  mes  très  humbles 
recommandations  et  que  je  prie  Dieu,  Monsieur,  vous  donner  très  heureuse  et  longue 
vie. 

De  Morges  ce  15*  d'aoust. 

Copie  du  mémoiri'.  c/r  M   de  Vézines. 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEUKE  139 

J'ay  faict  tout  le  debvoir  qu'il  m'a  esté  possible  pour  recouvrer  la  lettre  dont 
m'avies  commandé  vous  envoier  copie,  ce  que  ne  m'a  esté  possible,  mays  ceux  qui 
l'ont  veue  m'ont  asseuré  qu'elle  est  de  Monsieur  le  Chancelier,  adressée  à  Monsieur  le 
Cardinal  de  Pelve,  portant  ces  mots  :  Nous  sommes  contraincts  de  faire  la  paix,  et  quant 
à  moy,  je  la  conseille,  mays  nous  ne  désisterons  point  d'avoir  bon  pied  et  bon  œil. 

Je  n'ay  jamais  ouy  mal  parler  du  S"^  duquel  m'aves  escript,  sinon  que  comme 
d'homme  affeciioné  au  party  qu'il  tient  et  vous  puys  asseurer  que  luy  ou  aultre  que  ce 
fust  que  nous  auroit  faict  tous  les  maux  du  passé,  qu'il  ne  laissera  d'estre  loué,  aymé 
et  estimé  de  nous,  s'il  se  monstre  à  ceste  heure  tant  amy  de  la  patrie  que  d'en  vou- 
loir sauver  les  remanans  de  la  ruyne  de  tous  les  deux  partis.  Or  scait-on  bien  que  ledict 
S""  y  a  bon  moyen  et  crédit. 

On  m'a  faict  entendre  qu'on  parle  du  mariage  de  Monseigneur  le  Duc  d'Alençon 
avec  Mademoiselle  d'Orenges,  mays  que  le  Prince  d'Orenge,  n'estimant  que  ce  soit  de 
bon  escient  pour  plusieurs  considérations,  n'y  met  pas  aussy  de  sa  part  grand 
fondement. 

On  nous  a  mandé  que  ceste  remonstrance  a  esté  faicte  au  Roy,  ascavoir  qu'il 
n'aye  pointa  faire  paix  avec  ses  subiets,  et  que  le  nom  de  paix  et  l'observation  des  droicts 
militaires  envers  eulx  présuppose  la  guerre  avoir  esté  légitime,  ce  que  ne  convient 
aux  perduels,  pirates  et  aultre  telle  manière  de  gens,  et  là  dessus  a  on  mis  en  délibé- 
ration de  prattiquer  l'eft'ect  de  ceste  remonstrance  sus  Mons"^  de  Montbrun,  sus  le 
secrétaire  Abraam  pris  sus  mer  vers  St-Malo  et  aultres  prisonniers,  chose  qui  déses- 
père ceulx  de  nostre  party  qu'on  veuille  nécher  (?)  de  bon  pied^à  ceste  paix  et  les 
faict  disposer  au  pis  faire. 

Je  ne  puys  bonnement  vous  dire  quels  sont  nos  moyens  et  nos  adresses  pour 
dresser  une  forte  armée,  comme  nous  faisons,  mays,  bien  que  j'estime  qu'en  cela  nous 
dépendons  de  personnes  qui  n'ayment  nostre  patrie,  avec  lesquels  il  est  à  craindre 
que  la  nécessité  et  le  désespoir  ne  facent  capituler  choses  esiranges,  je  n'y  ay  esté 
appelle,  dont  je  suys  bien  ayse  pour  le  regard  de  ne  me  mesler  en  choses  telles  et  marry 
pour  ne  me  pouvoir  opposer  au  mal,  si  tant  est  qu'il  s'en  prépare  pour  la  patrie  ; 


140  GENÈVE,    LE    PARTI    HUGUENOT 

tant  s'en  faull  (|ue  je  voulusse  consenlir  à  tels  dosseiiigs  (|ue  non  seulomenl  j'en  voul- 
drois  advenir  leurs  Maiestés  et  leurs  ministres,  mays  mesnnes  prendre  les  armes  avec 
ceulx  qui  s'y  vouldroient  opposer. 

J'estime  tous  les  chefs  de  nostre  party  seigneurs  d'honneur  et  bons  François, 
mays  j'ay  suspect  ce  qui  peult  échoir  en  tous  hommes,  tant  vertueux  et  résolus 
soient-ils,  c'est  que  la  nécessité  leur  suggère  de  consentir  à  ce  qu'ils  auroiont  lousiours 
réprouvé  auparavant. 

Si  vous  n'eussies  heu  cest  advis  comment  des  plus  grands  princes  d'Allemaigne 
font  estât  de  souffrir  que  l'on  meine  et  eulx-mêmes  pousser  tant  de  reiltres  en  France 
que  ils  y  puissent  donner  la  loy,  je  n'eusse  faiUy  de  le  vous  donner  ;  considères  donc 
que,  nous  dressans  une  armée  d'Allemans,  le  Roy  une  aultre,  et  puys  ung  ou  plusieurs 
princes  d'Allemaigne  une  aultre,  qui  auront  toutes  raesme  desseing  et  intelligence, 
qu'il  leur  sera  facile  de  venir  à  leur  fin. 

Vous  aves  entendu  comment  ils  se  proposent  d'offrir  liberté  aux  villes  et  peuples 
de  France,  une  manière  de  souveraineté  à  la  noblesse,  et  à  tous  estats  soulagement, 
pourveu  qu'ils  recognoissent  l'empire.  Vous  me  dires  que  les  premiers  propos  en  ont 
esté  esventés  par  ung  prince  que  l'on  tient  n'avoir  grand  esprit  et  je  vous  diray  que 
tant  moings  doibl-on  donc  penser  qu'il  l'aye  inventé,  et  qu'au  contraire  de  l'abon- 
dance du  cœur  la  bouche  parle. 

Il  ne  se  fault  pas  beaucoup  arrester  aux  capitulations  ne  en  l'aulhorité  des 
colonels  qui  y  conduiront  les  soldats  allemans,  car,  au  bout  de  troys  moys,  ils  seront 
quicles  de  leur  serment  par  la  faulte  de  paye  en  tous  les  deux  partis  et  ne  faudront 
lors  de  demander  en  se  mutinant  tout  ce  qui  est  dheu  à  leur  nation,  tant  du  vieux  que 
du  nouveau,  chose  qui  ne  se  peult  pour  ceste  heure  payer  ;  d'aultre  part,  leurs  colonels 
ne  seront  pas  de  beaucoup  respectés,  quant  les  plus  grands  princes  de  la  Germanie 
commanderont  aux  soldats  faire  quelque  chose  qui  mesme  leur  ameneroit  utilité. 
Mays  je  croy  que  les  colonels,  mesme  quelque  affeclionés  qn'ils  soient,  ne  différe- 
roient  d'obéir  à  la  volonté  de  leurs  princes,  cela  advenant. 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  141 

J'enlends  qu'il  se  doibl  trouver  ung  agent  de  la  Royne  d'Angleterre  à  la  Diète  de 
Ratisbone  pour  traicter  de  quelque  chose  d'importance  avec  les  Allemands  ;  si  cela  a 
lieu,  il  est  cer'ain  qu'il  n'y  aura  rien  qui  tende  au  profit  de  nostre  France. 

On  prétend  m'envoier  à  ladicle  Diète  pour  obtenir  de  l'Empereur  et  des  eslasls 
de  l'Empire  qu'ils  se  veullent  mesler  de  moyenner  la  paix  en  France,  ce  que  je  feray 
volontiers,  tant  pour  empêcher  le  mal  de  la  patrie  de  mon  pouvoir,  si  tant  est  qu'il 
s'y  prépare,  que  pour  en  besogner  tant  plus  de  gens  à  ung  si  bon  œiivre  que  nostre 
paix,  mays  je  ne  me  chargeray  d'aullre  chose  que  cela,  quoy  qu'il  me  fust  commandé, 
et  néantmoings,  s'il  n'est  agréable  à  leurs  Maiestés  que  j'y  aille,  en  estant  adverty 
par  vous,  je  m'en  excuseray. 

Ce  seroit  ung  beau  moyen  pour  remédier  à  beaucoup  d'inconvénients  si  leurs 
Maiestés  concluoient  d'heure  la  négociation  de  paix  et  si  tant  estoit  que,  pour  la 
nécessité  du  temps,  leurs  Maiestés  concédassent  quelque  chose  qui  leur  tournast  à 
quelque  peu  d'incommodité,  considérant,  s'il  leur  plaist,  que  c'est  pour  leur  en  éviter 
déplus  grandes,  et  mesmes  qu'elles  ont  des  serviteurs  entre  ceulx  de  nostre  religion, 
qui  moyenneront  bien,  avec  le  temps,  que  les  choses  se  réparent  et  remettent  au  gré 
et  contentement  de  leurs  dictes  Maiestés. 

Vous  verres  la  lettre  que  je  vous  escris  pour  faire  veoir  à  leurs  Maiestés,  si  le 
trouvés  bon,  et  pareillement  pourrés  extraire  de  ce  présent  billet  ce  que  verres  eslre 
convenable  leur  estre  mandé  el,  ce  faisant,  user  de  vostre  prudence  pour  ne  point 
gaster  celuy  qui  vons  est  serviteur  et  fidèle  amy,  me  renvoiant  ce  présent  billet,  quant 
Taures  leu,  s'il  vous  plaist. 

Je  ne  scay  quelle  excuse  vous  faire  de  vous  envoier  cest  escrit  ainsy  brouillé  el 
obscur  ;  je  vous  diray  seulement  que  je  vous  heusse  volontiers  récité  en  présence  le 
contenu  d'iceluy,  y  adjouxtanl  les  expositions  nécessaires,  mays  il  n'est  nullement 
commode,  ny  expédient  pour  cesle  heure.  J'attendray  icy  quatre  jours  de  vos  nouvelles 
et  plus,  si  je  puys  ;  je  vous  prie  humblement  m'en  mander  le  plus  tost  que  sera 
possible  et,  quant  aures  heu  responce  de  la  Court,  m'escrire  aussy,  s'il  vous  plaist,  au 


442  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

lieu  OÙ  je  vous  feiay  entendre  que  j'atlendray  de  vos  nouvelles.  Je  vous  supplie 
humblement  de  recommander  ma  famille  qui  est  en  France  en  la  protection  de  vos  amys. 

Déclaration  du  Conseil. 

Nous,  Syndiques  et  Conseil  de  Genève,  savoir  taisons  à  tous  ceux  qu'il  apartiendra, 
comme  aujourdhuy  nostre  bien  aymé  Spectable  Théodore  de  Bèze,  ministre  de  la 
Parolle  de  Dieu  en  nostre  cité,  nous  a  présenté  les  lettres  cydessus  ténorisées  qu'il  nous 
a  dict  estre  escriles  et  soubscrites  de  la  main  du  S"^  de  Vézines  et  cachetées  de  son 
seau  en  cyre  rouge,  estans  décloses  avec  certains  articles  et  mémoires  de  la  mesme 
escriture  qui  estoyent  au  paquet  desdictes  lettres  qui  luy  sont  tombées  entre 
mains,  nous  suppliant  et  humblement  requérant  de  les  vérifier  et  conférer  avec  deux 
lettres  missives  à  luy  escrites  par  ledict  S'  de  Vézines,  l'une  du  16®  et  l'aultre  du  20' 
de  ce  moys,  qu'il  nous  a  pareillement  exibées  et  du  totage  luy  oultroier  nos  lettres 
testimoniales,  ensemble  copie  et  vidimus  desdictes  lettres  et  mémoires  pour  s'en 
servir  où  il  luy  sera  requis  et  expédient.  Nous,  à  sa  requesle  inclinans,  attestons  et 
déclairons  par  ces  présentes  qu'ayans  veu,  tenu  et  leu  au  long  l'original  de  ladicle 
lettre,  datée  du  15«  du  présent  moys,  ensemble  les  mémoires  sus  escrites,  nous  avons 
trouvé  le  tout  estre  escript  d'une  mesme  main  et  lettre  et  cachetées  d'ung  semblable 
seau  et  cachet  que  celles  que  ledict  Spectable  de  Bèze  nous  a  dict  et  affermé  luy  avoir 
esté  escrites  par  le  dict  S''  de  Vézines,  l'escriture  et  seau  duquel  il  recognoist  très 
bien.  Et  pourtant  avons  faict  faire  desdictes  lettres  du  15"=  de  cedictmoys  et  mémoires 
susdicts  le  présent  extraict  et  vidimus,  auquel  foy  soit  adjouxtée,  comme  au  propre 
original,  duquel  il  a  esté  tiré  et  collationé  de  mol  à  mot  en  nostre  présence  et  remis 
audict  Spectable  de  Bèze,  ayans  lotesfois  retenu  pardevers  nous  l'original  des  susdictes 
lettres  du  16^  et  20'  de  ce  moys  pour  servir  où  et  quand  requis  sera.  En  foy  de  quoy 
avons  donné  les  présentes  soubs  nostre  seau,  cachet  et  le  seing  manuel  do  nostre  secré- 
taire d'Eslal  soubsigné,  ce  vingt-deuxième  d'Aoust  mil  cincq  cens  septante  cincq, 
secret,  uts'*. 

Par  mesdicts  Soigneurs  Syndiques  et  Conseil  secret. 

Gallatin. 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLELRE  143 


XV 


Gui  de  Laval  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  (le  Genève.  Portef.  hist.  n"  1906). 

Aux  Manifiques  fsicj  et  vertueux  Seigneurs,  Messieurs  les  Scindicques  ei  Conseil 
de  Genève,  à  Genève.  ■ 

Messieurs, 

Vous  m'aves  par  infinys  bons  lésmoignages  tant  de  foys  faict  connoistre  la  bonne 
volonté  et  atTection  que  vous  portes  rie  longtemps  à  nos  maisons  et  à  moy  parliculliè- 
rement,  que  je  ne  feray  dilTiculié  de  vous  déclairer  le  besoing  que  j'ay  maintenant 
d'estre  accommodé  de  quelque  somme  de  deniers,  attendant  qu'il  m'en  vienne  de  mes 
terres  et  revenu,  d'oîi  j'espère  en  estre  secouru  de  brief,  encores  que  je  soys  (puys 
qu'il  piaist  à  Dieu)  un  peu  eslongné  des  lieux  où  sont  mes  moyens.  Voylà  pourquoy  tant 
plus  hardiment  je  me  suys  adressé  à  vous  et  par  la  présente  vous  ay  bien  voulu  sup- 
plier de  me  prester  quinze  cens  escus,  si  tant  vostre  commodité  le  peut  porter,  de 
laquelle,  avecque  l'obligation  myenne,  bonne  et  seure,  que  je  vous  en  feray,  je  vous 
bailleray  deux  bons  respondans,  tels  que  vous  nommera  Slons''  du  Resay,  lequel  j'ay 
pryé  s'entremettre  de  cest  affaire,  pour  la  bonne  affection  qu'il  me  porte.  En  quoy, 
Messieurs,  vous  me  ferez  ung  plaisir  si  grand  que  vous  m'obligerez  beaucoup  à  vous 
tous,  espérant  (comme  Dieu  m'a  donné  le  moyen  et  la  volonté  de  le  recongnoistre  et 
m'en  revenchir)  que  j'y  ferai  devoir  du  mesme  cœur  qu'en  cest  endroit,  je  vous 
présenterai  mes  humbles  et  bien  affectionnées  recommandations  à  vos  bonnes  grâces 
et  supplye  Dieu  vous  donner  à  tous  en  parfaicte  santé.  Messieurs,  avec  ses  conti- 
nuelles grâces  et  bénéditions,  heureuse,  prospère  et  longue  vye. 

Escripl  à  Berne  ce  XVIIP  jour  d'aousl  1575. 

Vostre  bien  obéissant  et  plus  affectionné  amy  à  vous  servir. 

Guy  de  Laval. 


444  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 


XVI 


L'Avoyer  et  le  Conseil  de  Berne  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève,  Portef.  hist.  n"  1963). 

Nobles,  Magniffîcques  Seigneurs,  singuliers  amys,  bons  voysins,  1res  chers  elféaulx 
combourgeois,  ayants  esté  advertis  de  la  pari  de  Mens"' le  Duc  de  Savoye  par  ambassadeur 
exprès,  pource  par  devers  nous  délégué,  de  certaines  assemblées  de  gens  de  guerre, 
assérées  eslre  continuellement  faicles  en  vostre  ville,  et  notamment  ces  jours  passés, 
d'une  compagnie  de  cavallerie,  soubs  la  conduicte  du  seigneur  de  Cugiez,  qui  seroit 
passée  par  sus  les  Estats  de  Son  Altesse,  sans  son  congé,  ne  permission,  ny  de  ses 
officiers  et  gouverneurs  de  ses  provinces  et  sans  aussy  aulcung  advertissement 
préallable,  aux  fins  qu'il  nous  pleust  vous  en  faire  quelques  remonstrances  pour  vous 
en  depporter,  d'aultant  que  ce  seroit  chose  de  maulvaise  conséquence  et  redondante 
au  mespris  de  Son  Altesse,  aussy  du  tout  contrevenante  au  traicté  d'accord  et  mode 
de  vivre  entre  Sadicle  Altesse  et  vous  estably,  joinct  que  cela  pourroit  causer  à 
Sadicte  Altesse  une  altération  de  la  bonne  volonté  des  Princes  et  potentats  circonvoi- 
sins  envers  luy,  quand  ils  se  vouldroienl  persuader  ou  concepvoir  opinion  de  luy  que 
ces  choses  se  feissent  par  son  consentement,  joinct  aultres  raisons  par  ledict  Seigneur 
délégué  plus  amplement  sur  ce  propos  alléguées,  du  ressentiment  que  Son  Altesse  en 
pourroii  avoir,  si  adce  n'estoit  pourveu.  Nous,  désirants  le  repos  et  tranquillité  de  vos 
et  de  nos  Estats,  avons  bien  voullu  de  bonno  part  vous  adverlir  de  cela  et  parmi  ce 
bien  affectueusement  vous  prier  que,  ces  choses  considérées  et  les  amiables  remon- 
trances que  ja  cy  devant  vous  ont  esté  à  ce  mesme  propos  faictes,  il  vous  plaise  y 
adviser  et  donner  ordre  ad  ce  que  rien  ne  soit  faict  ou  entrepris  en  vostre  ville  dont 
encombrier  et  fascherie  vous  en  pourroit  advenir  cy  apprès  et  à  vos  voysins,  car  vous 
avez  bien  à  considérer,  sellon  vos  prudences,  quelle  en  seroit  la  conséquence,  ce  que 
vous  prions  eschever  {pour  esquiver)  autant  que  possible  et  n'encourir  ceste  maulvaise 
opinion  et  renom  qu'on  pourroit  ou  vouldroit  avoir  et  se  persuader  de  vous  qu'auriez 
voullu  donner  occasion  à   cesluy-cy  ou  aultre  d'entreprendre  aulcune  chose  contre 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  i45 

les  Estais  d'autruy  ou  consentir  à  aulcunes  entreprises  ressentans  hoslillilé  ou  con- 
travention aulx  traictés  d'accord  sus-mentionnés,  ains  que  en  tout  et  partout  il  vous 
plaise  vous  comporter  si  bien  et  gralieusemenl  avecq  vos  voisins  et  notamment  avec 
sadicte  Altesse  et  ses  Estais  que  par  raison  elle  en  puisse  avoir  bon  contentement  elle 
reveoir  (comme  elle  s'en  est  déclairée)  par  continuation  de  mesme  bonne  corres- 
pondance de  bonne  amytié  et  voisinanceà  vostre  endroict,  dont  quant  ad  ce  nousremec- 
tants  sus  vostre  prudence  accoustumée,  en  nous  confiant  de  mesme  que  prendres 
cesle  nostre  amiable  remonstrance  à  la  bonne  part,  ne  ferions  cestesplus  longues  ains, 
apprès  vous  avoir  présenté  nos  bien  affectionnées  recommandations  à  vos  bonnes  grâces, 
nous  prierons  cependant  le  Créateur, 

Nobles,  Magnifficques  Seigneurs,  singuliers  amys,  bonvoysins,  Irèscliers  elféaulx 
combourgeois,  vous  tenir  en  sa  saincte  et  très  digne  garde. 

De  Berne  ce  pénultie«me  d'Augst  1575. 

L'Advoyer  et  Conseil  de  la  Villp  de  Berne. 


XVII 

Le  Palatin  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève,  Porîe/'.  hisl.  irl821) 

Messieurs  les  Sindiques  et  Conseil  de  la  Cité  de  Genève. 

Friderich,  par  la  grâce  de  Dieu,  comte  Palatin  du  Bliin,  prince  Electeur  du  Saincl 
Empire,  Duc  de  Bavières. 

Messieurs, 

Nous  avons  dépêché  avec  instniclion  el  procuration  suffisante  nostre  féal  et  amé 


146  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Pierre  BeuUerich,  docleur  es  loix(l),  porteur  de  cestes,  par  devers  vous,  à  l'effect  de 
traiter  avec  vous  choses  concernantes  l'establissement  de  l'honneur  et  gloire  de  Dieu 
et  l'augraenlation  de  nostre  estai,  auquel  adiousterez  foy,  comme  si  nous  estions  en 
personne,  et  de  ce  vous  prions,  que  sera  l'endroit  oîj  prierons  le  Créateur  qu'il  vous 
tienne  en  sa  sainte  sauvegarde. 

De  Heidelberg,  ce  le  16*  jour  de  seplentibre  anno  1575. 

Frédéric,  Electeur  Palatin. 


XVIII 

Traité  iV alliance  entre  le  Palatin  et  le  prince  deCondé. 
(Arch.  (le  Genève.  Portef.  hist.  n"  1968) 

Nous  Frederich,  conte  Palatin  du  Rhin,  prince  Electeur  du  Sainct-Empire,  duc 
de  Bavières,  confessons,  comme  ainsi  soit  que  nostre  cousin  le  Prince  de  Condé, 
comme  chef  esleu  des  Eglises  réformées  en  France,  ayt  contracté  avecq  nostre  fils  le 
duc  Casimir,  conte  Palatin,  et  ses  associés  ensemble,  et  arresté  deux  contracls,  comme 
de  mot  en  mot  s'ensuit  : 

Nous,  Henry  de  Bourbon,  prince  de  Condé,  duc  d'Anguien,  pair  de  France, 
marquis  de  Conty  et  des  isles  Contii,  conte  de  Soissons,  d'Anisi  et  de  Valerérii  fsicj, 
gouverneur  et  lieutenant  général  pour  le  Roy  en  ses  pays  de  Picardie,  Boullenois, 
Artois,  Cales,  et  pays  nouellemeni  reconquis,  chef  esleu  des  Eglises  réformées  en 

(1)  Le  D'  P.  Beulricli  étail,  l'un  des  agents  de  confiance  du  Palatin.  En  i'ilG  il  fui  chargé  d'une 
importante  mission  auprès  de  la  Républi{iue  de  Berne.  En  apparence  il  avait  à  négocier  la  réunion  des 
KKlises  rcforini'cs  de  la  Suisse  avec  celles  de  la  Confession  d'Augsbourg,  mais  en  réalité  il  devait  clier- 
clier  à  provo(iuer  une  levée  de  troupes  on  faveur  des  Huguenots.  Beiitricli  réussit  dans  sa  mission  et 
plusieurs  olliciers  bernois  levèrent  à  la  hâte  un  corps  de  volontaires  pour  se  joindre  aux  Huguenots. 
(Voy.  los  Fragments  historiques  de  la  Ville  et  République  de  Berne,  2"  partie,  p.  155.) 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  147 

France  et  de  leurs  associés  pour  la  défension  de  ladictc  couronne  et  religion  réfor- 
mées, tant  en  nostre  persone  et  nom  qu'au  nom  et  de  la  part  de  nos  très  chers  et 
amés  cousins,  Messieurs  Henry  de  Montmorency,  S''  d'Anville,  mareschal  de  France  et 
gouverneur  pour  le  Roy  en  Languedoc,  Charles  de  Montmorency,  S''  de  Méru,  colonnel 
général  des  Suisses  et  capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  de  ses  ordonnances, 
seigneur  de  Thoré,  colonel  et  général  de  la  cavallerie  légière  en  Piémont,  aussi  capi- 
taine de  cincquante  hommes  d'armes  de  ses  dictes  ordonnances,  François  de  Ferrières, 
prince  de  Chabanois,  visdame  de  Chartres,  des  contes  de  Laval,  et  de  tous  aultres 
seigneurs,  gentilshommes,  citoyens,  bourgeois,  et  de  tous  François  généralement  de 
quelque  des  deux  religions,  réformée  ou  catholique,  et  de  quelque  estât  qu'ils  soient, 
alliez,  confédérés  et  intéressés  de  ladicte  confession  et  de  nos  vassaulx  et  subiects 
mesmes.  Confessons,  en  vertu  de  ceste  nostre  capitulation  et  obligation,  que,   pour 
nous  et  tous  les  susdicts,  avons  très  instamment  recerché  et  prié  Monsieur  nostre 
cousin  le  duc  Jean  Casimir,  conte  Palatin  du  Rhin,  duc  de  Bavières,  de  vouloir  avoir 
pitié  du  misérable  estât  de  la  Couronne  et  des  Eglises  de  France,  et  prendre  la  charge 
d'y  mener  et  commander  une  bonne  armée  soubs  nous,  comme  soubs  le  chef  esleu 
tant  par  les  Eglises  réformées  de  France  que  par  les  catholiques  leur  associés,  tant 
pour  les  secourir  contre  la  tirannie  d'aulcuns  que  pour  y  restablir  une  bonne  et  ferme 
paix  tant  nécessaire  au  royaume  et  honnorable  au  Roy.  Or,  d'aultant  que  iedict  Duc, 
nostre  cousin,  comme  prince  chrestien,  voisin  et  particulier  amy  de  la  Couronne  de 
France,  à  luy  desia  bien  fort  obligé  et  redevable,  entendant  à  nostre  très  iuste  requeste 
pour  servir  à  Dieu  et  son  église  et  à  la  conservation  de  ladicte  couronne  et  en  général 
au  repos  de  la  Chrestienité,  nous  a  accordé  et  promis  cy-dessoubs,  non-seulement  de 
mener  et  commander  les  six  mil  reustres  que  les  colonnels  Henry  de  Stein,  Jean  de 
Bouch  et  George  de  Derse,  nous  ont  accordé  par  la  retenue  et  capitulation  faicte  entre 
nous  et  eux,  mais  aussi  de  lever   pour  nous  et  nostre  service  deux  mil   chevaux 
d'avantaige  et  huict  mil  Suisses  ou  tant  Suisses  qu'aultres  gens  de  pied,  en  advançant 
de    ses  moyens  les  deniers    pour  ladicte  levée,  voire  amener  avec  soy  et  du  sien 
quatre  cannons,  douze  ou  quinze  pièces  de  campaigne  et  munitions,  et  finalement  d'estre 
sous  nous  général  de  ceste  armée,  tant  des  dicts  six  mil  reustres  que  des  aultres  gens 
de  cheval  et  de  piedt   qu'il   aura  levés,  comme  aussy  de  ceulx  qui   se  vouldroient 


148  GENÉVt:,    LE    l'Al'.Tl    HUHUENOT 

Joindre  on  ladicle  armée  audicl  S'  Duc  soubs  la  charge  de  qui  que  ce  soit,  pour  ensem- 
bleuienl  avec  son  artillerie  les  mener  et  commander  pour  nostre  service  le  mieux  qui 
pourra,  aulx  conditions  mises  sy  dessoubs.  Pour  ce  est-il  que  nous,  en  qualité  que 
dessus,  promectons,  et  nous  faisons  fort,  fermement  et  irrévocablement,  en  parole  et 
foy  de  Prince,  par  serment  corporel,  pour  nous  et  pour  tous  les  susdicts  en  général  et 
espécial  et  pour  tous  nos  et  leurs  boires,  successeurs,  associés,  subiects  et  serviteurs, 
les  articles  qui  s'ensuivent  : 

Premièrement,  promectons  et  nous  obligeons  de  nous  fortiflier  de  forces  françoises 
et  aultres,  tant  qu'il  nous  sera  possible,  à  présent  et  à  l'advenir,  et  nous  trouver  à  la 
place  monstre  qui  sera  advisé  par  ensemble  pour  de  là  nous  acheminer  ensemblement 
avec  ledict  S""  Duc  où  il  sera  résolu  par  commun  advis,  affin  de  ioindre  à  ladicte  armée 
les  forces  de  Mons''  nostre  cousin,  le  Mareschal  d'Anville,  ascavoir  dix  ou  douze  mil 
chevaulx  François  pour  le  moings.  Promectons  et  nous  obligeons  de  recevoir  à  nostre 
solde  et  de  nos  associés  de  l'une  et  l'aultre  religion,  tant  ledict  S''  Duc  nostre  cousin 
et  ceulx  qui  seront  avec  lui  mesmes  les  deux  mil  reustres,  huict  mil  Suisses  ou  aultres, 
ceux  qu'aulront  charge  de  l'artillerie  pionière  et  généralement  tous  ceulx  qu'il  aura 
levé  pour  nostre  service  avec  les  colonnels  et  estats,  tout  ainsi  comme  les  six  mil 
reustres  que  nous  avons  levé,  comme  dict  est,  luy  en  faisant  expédier  retenue  et  capi- 
tulation en  nostre  nom  à  ce  requis,  selon  qu'il  aura  accordé  avec  ceux  qui  par  luy 
seront  levés.  Promectons  et  nous  obligeons  de  les  payer  et  contenter  tous  pour  leur 
payement  avant  que  de  nous  ou  nos  armées  séparer  l'ung  de  l'aultre  en  quelque  sorte 
et  manière  que  ce  soit,  soit  que  ledict  S""  Duc  ou  nous  mourions  ou  vivions. 

Secondement,  promectons  comme  dessus  que  sans  ledict  S'' Duc  nostre  cousin,  ni 
sans  son  sceu  et  consentement,  ni  sans  sa  présence  ou  de  ceux  qu'il  y  ordonnera, 
nous  ne  tiendrons  aulcuns  conseils,  ny  traicterons  aulcune  chose  concernante  ceste 
guerre,  soit  recepte  ou  desboursement  des  deniers  ou  entreprises,  ou  batailles  ou 
irefves  ou  assiégements  ou  compositions  ou  paix,  soit  avec  nos  associés  ou  estrangiers 
ou  ennemis  ou  avec  le  Roy  mesme  ou  personne  du  monde,  et  n'endurerons  qu'aulcunes 
de  ces  choses  soit  laide  par  aultres,  sans  que  ledict  S--  Duc  y  soit  présent  et 
consentant,  ou   qu'en  absence  il  se  déclare  eslre  consentant  par  les  siens,  comme 


ET   LE   THAITÉ   DE   SOLEUUE  149 

aussi  nous  ne  permelrons  aulcunennenl  que  Prince,  S'»  gentilhommes,  capitaines  ou 
soldat  de  nos  années  que  joindrons  avecq  la  sienne,  se  retirent  par  irouppes  ou  seuls 
en  leurs  maisons  ou  aultre  part  sans  plein  consentement  duJict  S"^  Duc,  nostre  cousin. 

Tierceraent,  promectons,  en  qualité  que  dessus,  particulièrement  pour  nosdicts 
associés  catholiques,  comme  aussi  nous  soubsignés  faisons  et  promectons,  de  n'attenter 
à  jamais  rien  contre  rassocialion  faicte  l'an  1574,  au  jour  de  mois,  etc.,  d'entre 
lesdicls  associés  et  ceulxde  la  Religion  réformée,  ains  de  l'exécuter  de  poinct  en  poinct 
et  conserver  et  ayder  à  iamais,  aussi  bien  ceux  de  la  dicte  Religion  réformée  que 
ceulx  de  la  leur,  afïin  que  la  paix  publique  soit  guardée  et  que  l'exercice  de  ladicte 
religion  réformée  soit  guardée  et  faict  avec  ses  appendances  et  deppendances,  sans 
rupture  d'icelle  paix  en  repos  et  également  partout  sans  exception  de  lieux,  personnes 
et  temps,  Ûnalement  d'estre  ennemis  jurés  à  iamais  des  massacreurs  et  conseilliers 
des  massacres  et  ne  se  trouver  oncques  en  aulcun  conseil  du  faict  contraire  à  cest 
article,  comme  nous,  prince  de  Condé,  promectons  aussi,  en  qualité  que  dessus,  de  la 
part  de  ceubc  de  la  Religion  réformée,  respectivement  ratifions  et  confermons  par  ceste 
la  susdicte  association,  comme  pareillement  nous  nous  faisons  fort  pour  les  absens  de 
faire,  quant  nous  serons  entré  au  Royaulme  de  France,  que  le  S''  Mareschal  d'Anville 
et  tous  Princes,  S"  gentilshommes  et  aultres  de  ladicte  association  et  qui  si  poulroient 
ioindre  confermeront  à  part  ceste  article,  jurant  qu'il  ne  feront  aulcun  iraicté  à  part, 
ne  se  sépareront  de  nous  et  de  luy,  ny  consentiront  à  la  paix  que  cest  article  de  la 
Religion  soit  obtenu  du  Roy  et  deuement  asseuré. 

Quartement,  nous  promectons,  comme  dessus,  de  payer  par  chascun  mois  audict 
S"^  Duc  et  à  ses  hoirs,  tant  que  ceste  expédition  durera,  soit  qu'il  meure  ou  vive,  pour 
sa  table,  sa  solde  et  son  estât,  douze  mil  escus  sol  et  luy  seront  souldoyés  à  part  ses 
serviteurs  et  les  chevaulx  qu'il  bailera  signés  par  liste,  comme  de  coustume.  Seconde- 
ment, d'aultant  qu'il  lève  deux  mil  chevaux  en  réservant  la  charge  et  estât  du  colonnel 
pour  soy,  comme  dict  est,  promectons  de  luy  donner  à  part  par  moys  tel  estât  et  solde 
de  colonnel  de  deux  mil  chevaulx,  comme  ung  des  aultres  colonnel  aura. 

Tiercement,  s'il  y  a  Prince  ou  Ducs  auprès  de  luy,  leur  sera  par  nous  faict  et 


450  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

payé  leur  eslat  et  solde  à  pari  et  honnestemenl.  Quartement,  après  que  les  munitions 
par  luy  amenées  fauldronl.  nous  en  fournirons  d'aultres  et  singulièrement  luy  payeront 
son  artillerie,  la  munition,  les  chevaulx  et  aultres  choses  y  appartenantes,  qu'il  pourra 
avoir  employé  ou  perdus,  ou,  si  bon  luy  semble,  la  laisse  à  nous  pour  le  prix,  tout 
selon  la  cédule,  taxe  et  bon  compte  qu'il  nous  en  baillera. 

Quintemenl,  pour  recognoissance  telle  qu'elle  que  pouvons  faire  asteur  des  grans 
et  indicibles  services  que  ledict  S''  Duc  ha  faict  cy-devant  et  faict  encores  à  la  Cou- 
ronne de  France  et  des  faveurs  qu'il  nous  monstre  par  effect,  particulièrement  nous 
promectons  et  nous  obligeons  de  ne  quicter  les  armes  et  ne  bouger  d'avec  ledict  S''  Duc 
Casimir,  ny  faire  accord  ou  paix,  qu'il  ne  soit  préalablement  installé  par  le  Roy  gou- 
verneur et  lieutenant  général  pour  sa  Majesté  es  villes  de  Metz,  Thon  et  Verdun,  et 
les  citadelles  et  deppendances  et  non  sf  ulement  en  l'entreténement  et  traictement  que 
le  gouverneur  y  a  et  doibt  avoir,  mais  aussi  en  la  jouissance  pleine  et  libre  du  tem- 
porel des  Eveschés  des  dictes  trois  villes,  sa  vie  durant,  sans  que  le  revenu  des  dicts 
Eveschés  soit  en  rien  obligé  à  la  déduction  des  debtes  faictes  et  créés  les  guerres 
passées  ou  qui  s'en  feront  en  ceste  guerre  à  nostre  service,  fors  et  excepté  la  somme 
de  quatre-vingt  quinze  mil  florins  d'Allemaigne  qu'on  doibt  audict  S''  Duc  Casimir  du 
voiaige  qu'il  a  faict  en  France  pour  secourir  feu  Monseigneur  nostre  Père  et  les  Eglises, 
selon  l'obligation  de  feu  nostre  dict  Père,  ratifïié  depuis  de  par  le  Roy  de  Navarre 
d'asteur  et  nous,  Prince  de  Condé,  et  feu  Amiral  de  France,  conte  de  Colligni,  et  ce 
aulx  charges  qui  s'ensuivent  : 

Premièrement,  ledict  S''  Duc  fera  serment  de  bien  et  loyalement  servir  le  Roy  en 
la  sus-dicte  charge  de  gouverneur,  comme  les  aultres  gouverneurs  des  Provinces  de  la 
France  ont  accoustumé  de  faire,  sans  toutefois  aulcunement  charger  sa  conscience 
contre  sa  Religion,  ains  au  contraire  il  sera  tenu  d'entretenir  les  ministres  qui  seront 
dedans  le  pays  des  fruicls  du  temporel  des  Eglises  dcsdicts  Eveschés,  y  dressant  l'exer- 
cice de  la  Religion  réformée  avec  toutes  ses  appendanccs  et  deppendances  sans 
exception  des  lieux,  temps  ou  personnes. 

Secondement,  ne  mectrc   garnisons   èsdicls  trois   villes  ny  es  citadelles  et  aultre 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  151 

villes  deppendantes  d'icelles  et  desdicls  Eveschés  que  naturels  François,  lesquels  tant 
capitaines,  officiers  que  soldats,  ayent  tesmoignage,  chacun  de  son  Eglise  d'estre  de 
la  Religion  réformée  et  feront  serement  de  garder  lesdictes  places  tant  pour  la  seurté 
de  ceulx  de  la  Religion  réformée  et  de  leurs  associés  que  pour  la  nostre  et  celle  dudict 
S""  Duc  comme  nostre  associé  et  y  estant  aussi  à  ceste  fin,  ascavoir  pour  l'establisse- 
ment  de  la  seurté  de  la  paix  installé,  sans  toutefois  que  ceste  article  s'entende  de  sa 
court  et  des  gens  qu'il  aura  à  l'entour  de  soi,  lesquels  il  poira  avoir  et  prendre  d'aultre 
nation.  Et  en  oultre  promectons  qu'alhors,  quant  la  paix  se  fera,  luy  ferons  avoir 
pensions  et  entretenement  de  prince  de  sa  qualité,  telle  qu'il  aura  occasion  de  s'en 
contenter.  En  attendant,  à  présent  luy  assignons  la  pension  de  six  mil  escus  par  an, 
des  Eglises  en  Languedoc,  selon  le  pouvoir  qu'en  avons  d'elles. 

Pour  le  sixiesme,  que  non  seullement  telles  pensions  soient  certaines,  mais  aussi  la 
seurté  de  la  paix  qu'espérons  par  la  grâce  de  Dieu  obtenir  du  Roy  soit  plus  ferme  et 
que  nous,  avec  tous  nos  associés  et  alliés,  soient  tant  plus  asseurés  d'estre  secourus 
au  besoing.  Promectons  comme  dessus  de  mectre  incontinent,  et  alhors  quant  l'on 
fera  la  paix,  la  somme  de  deux  cens  mil  escus  sol  en  la  ville  de  Metz  ou  de  Strasbourg, 
à  choix  dudict  S'  Duc  nostre  cousin,  pour  lesdictes  deux  choses,  ascavoir  affin  qu'il  y  ayl 
argent  contant  pour  pouvoir  secourir  nous  ou  nos  associés  et  successeurs,  quant  il  sera 
besoing,  et  secondement,  affin  que  d'icelle  somme  ledict  S""  Duc  se  paye  ses  pensions, 
dont  sera  faict  une  obligation  à  part  du  contenu  de  cest  article,  y  estans  expressément 
spéciffiés  lesdictes  pensions  avec  pouvoir  que  ledict  S'  Duc  les  en  poIra  lever  chacun  an 
sans  aultre  procuration  ou  pouvoir. 

Au  septiesme,  nous  promectons,  en  qualité  que  dessus,  de  ne  départir  l'ung  de 
l'aultre,  ny  faire  paix  aulcunement,  devant  que  toutes  et  chascunes  sommes  et 
debtes  suivantes,  selon  les  obligations  qu'on  aura  d'icelles  ne  soyent  payés  ou 
ceulx  ausquels  l'on  doibt  assez  asseurés  et  contents,  singulièrement  devant  tous 
et  tous  les  sommes  qu'on  doibt  et  devra  au  dict  S''  Duc  et  Mons'^  le  Prince  Elec- 
teur son  Père,  ascavoir  les  deniers  que  ledict  S'  Duc  aura  avancé  et  déboursé  en 
ceste  guerre  pour  les  dicls  deux  mil  reustres,  pour  les  Suisses  et  aultres  gens  de 
guerre  et  pour  l'arlellerie  et  munition,  comme  dict  est  dessus,  et  généralement  pour 


^52  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

les  aiiltres  frais  qu'il  aura  faict  pour  l'année  présente,  selon  les  comptes  qu'il  en 
baillera,  puis  après  la  solde  et  paiement  tant  dudict  S'  Duc  que  de  l'armée  qu'il  mènera 
à  ceslheur.  Tiercemenl,  les  cent  mil  florins  que  Mons.  le  Prince  Electeur  Palatin  et 
aultres  Princes  d'AUemaigne  ont  fournis  pour  le  voiage  du  colonel  Bolzhausen.  Quar- 
tement,  les  cincquante  mil  escus  que  ledicl  S'  Electeur  preste  asteur  à  la  Royne 
d'Engleterre  pour  nous,  selon  nostre  quilance  el  obligation.  Quintement,  ferons 
qu'il  ne  perde,  ains  qu'on  luy  paye  les  deux  cens  mil  florins  et  tant  de  mil  qu'on 
doibt  aussi,  encoires  pardessus  les  sus  dictes  quatre  vingts  et  quinze  mil  florins  audict 
S""  Duc  nostre  cousin  et  à  ses  gens  de  son  susdict  voiaige  en  France.  Enfin  ferons 
payer  aulx  gens  de  feu  Mons''  nostre  cousin  le  Duc  de  Deux  Ponts  qui  se  trouveront 
en  cesle  année  la  reste  de  leur  solde.  Que  si  ledict  S""  Duc  venoit  à  mourir  en  ce 
voiaige,  nous  serons  tenus  et  obligés  pour  tout  en  tout  ce  que  dessus  de  poinct  en 
poinct  à  ses  héritiers  ou  tels  successeurs  qu'il  nommera  ou  laira  par  escript,  ou 
s'il  n'aura  personne  nommé,  à  ceux  que  Mons''  l'Electeur  son  Père  fera  nommer  alhors. 
Comme  aussi  sy  et  quant  nous  venons  à  mourir,  néantmoings  nos  héritiers  et  succes- 
seurs el  tant  les  Eglises  réformées  de  France  que  tous  nos  associés  catholiques, 
Princes,  Seigneurs,  gentilshommes,  bourgeois  el  aultres,  de  quelque  condition  et 
qualité  qu'ils  soient  adhérans  astheur  à  ceste  cause  ou  qu'il  s'y  pourroienl  joindre, 
ne  serons  moins  que  nous  mesmes  en  tout  et  par  tout  à  ce  que  dessus  obligés  audict 
S''  Duc  et,  le  cas  advenant  de  sa  mort,  au  susdicts  successeurs.  Et  pour  plus  grande 
asseurance  de  tout  ce  que  dessus  nous  promeclons  sainctement  pour  nous  et  tous 
les  susdicts  Princes,  Seigneurs,  Gentilshommes  et  en  général  tant  pour  toutes  les 
Eglises  réformées  que  pour  nos  associés  catholiques,  tous  et  chescun  solidement,  de 
ne  descendre  de  cheval,  ensemble  de  n'entendre  iamais  à  aulcun  traicté  de  paix, 
composition  ou  accord,  sans  que  premièrement  et  préalablement  ledict  S'  Duc  ne  soit 
entièrement  payé  ou  satisfaicl  et  contenté,  nous  obligeons  très  estroictement  et  jurant 
solemnement  observer,  exécuter,  accomplir  et  entretenir  et  faire  garder  exactement  de 
poinct  en  poinct  ceste  présente  capitulation,  selon  sa  forme  et  teneur,  et  n'y  contre- 
venir directement  ou  indirectement,  soubs  obligation,  engaigemenls  et  hipotèque 
entières  de  nos  personnes,  de  nostre  foy,  nom,  honneur  et  réputation,  ensemble  de 
tous   et  cliascunes   nos  biens,  tant   meubles   qu'innieubles,   noms,  voix  cl   actions. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  iSS 

présens  et  advenir.  Nous  soubmectons,  en  cas  de  contravention,  d'estre  tenu  et  réputé 
par  tous  peuples  et  nations  de  la  terre  d'estre  perfides,  desloyaux,  ingrats  et 
indignes  de  négocier  à  jamais  avec  les  princes  et  gens  d'honneur  de  la  Ghrestienté, 
estans  content  et  prions  mesnne  tous  magistrats  de  luy  assister  en  ce  cas  contre  nous, 
tout  ainsi  que  nous  nous  sommes  obligés  aususdicls  trois  clonnels  (pom-  colonels). 
En  foy  de  quoy  et  asseurance,  nous  Prince  de  Condé,  Charles  de  Montmorency,  s''  de 
Meru,  François  de  Ferrière  et  aultres,  avons,  avecq  bonne  et  meure  délibération  de 
France  et  bonne  volonté  et  propos  délibéré,  sans  estre  circonvenu  ou  contrainct,  icy 
mis  et  apposé  nos  seings  de  nos  mains  propre,  ensemble  nous  Prince  de  Condé  le 
cachet  de  nos  armes. 

Et  nous,  Jean  Casimir,  conte  Palatin  du  Rhin,  duc  de  Bavières,  confessons  que 
noslre  dict  cousin  Mons"^  le  Prince  de  Condé  ha  convenu,  en  qualité  que  dessus,  avec 
nous  et  faict  toute  teste  présente  capitulation  de  poinct  en  poinct,  comme  dessus, 
laquelle  nous  acceptons  par  ceste,  promeclons  et  nous  obligeons  soubs  semblable 
obligation  que  dessus  et  pareille  à  celle  dudict  Sieur  Prince  en  parole  et  foy  de  Prince, 
par  serment  solennel,  d'observer,  exécuter,  accomplir  et  entretenir  par  la  grâce  de 
Dieu  tout  ce  à  quoy  nous  sommes  obligés  en  vertu  d'icelle,  suivant  ce  que  précède  :  le 
premier  article  et  le  contenu  du  cinquiesme,  ascavoir  que  non  seulement  mènerons  et 
commanderons  sous  ledict  Prince,  comme  chef  esleu  tant  par  les  Eglises  réformées 
de  France  que  par  les  catholiques,  leur  associes,  les  six  mil  reustres  que  luy  sont 
accordés  par  lesdicts  trois  colonnels,  mais  lèverons  aussi  pour  son  service  d'avaintaige 
deux  mil  reustres,  huict  mil  Suisses  on  aultres  gens  de  piedt,  leurs  avançans,  de  nos 
moyens,  les  deniers  pour  ladicte  levée,  qu'amènerons  avecq  nous  quatre  canons, 
douze  ou  quinze  pièces  de  campaigne  et  munitions  et  que  servirons  audict  S"^  Prince 
pour  général  de  ceste  armée  et  des  aultres  que  nous  polrions  lever  ou  qu'il  se 
vouldroient  ioindre  avecq  nous  pour  avec  nostre  artellerie  les  mener  et  commander 
sous  luy  pour  son  service  et  le  favoriser,  comme  luy  avons  dit  de  bouche  d'avantaige  à 
conditions  cy-dessus  mises. 

Item,  quant  nous  serons  installés,  selon  le  contenu  du  cincquiesme  article,  tant 
au  gouvernement  des  trois  villes  Metz,  Thou  et  Verdun,  et  es  citadelles  et  dépendances 


154  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

d'elles,  qu'en  la  jouissance  pleine  et  seure  du  temporel  des  Eveschés  es  dicts  trois 
villes,  nous  ferons  serment  de  bien  et  loyaulment  servir  le  Roy  en  la  susdicte  charge 
de  gouverneur  comme  de  coustume,  sans  contrevenir  à  nostre  Religion,  ains  d'enre- 
tenir  les  ministres  du  pays  du  temporel  des  Eglises  et  y  dresser  l'exercice  de  la 
Religion  réformée  avec  ses  appendances  et  deppendances,  sans  exception  et  respect 
des  lieux,  temps  ou  persones.  Puis  après,  de  ne  mectre  guarnison  esdicts  trois  villes, 
ny  es  citadelles  eiaultres  villes  dépendantes  et  desdicts  Eveschés  que  naturel  François, 
lesquels,  tant  capiteines,  officiers  que  soldats,  ayent  tesmoignaige,  chascun  de  son 
Eglise,  d'estre  de  la  Religion  réformée,  et  facent  serment  de  garder  les  dicts  places  tant 
pour  la  seurté  de  celui  de  ladicte  religion  et  de  leur  associés  que  pour  celle  dudict 
S''  Prince  et  la  nostre  mesme,  affm  que  nous  les  guardions  pour  l'establissement  de 
la  seureté  de  la  paix,  tellement  toutefois  que,  pour  nostre  court  et  ceux  qui  seront  à 
l'entour  de  nous,  nous  puissions  prendre,  avoir  et  retenir  serviteurs  de  nostre  nation 
ou  aullre. 

En  foy  de  quoy  et  asseurance  de  n'enfreindre  aulcun  des  susdicts  poincts,  ains  les 
accomplir  et  les  faire  garder  entièrement,  avons,  après  les  avoir  bien  diligemment 
considéré,  icy  apposé  le  seing  de  nostre  main,  ensemble  le  cachet  de  nos  armes,  et, 
pour  plus  grande  seurté,  nous,  toutes  les  deux  parties,  avons  ainsi  faict,  signé  et  sellé 
trois  exemplaires  de  ceste  capitulation,  desquelles  une  sera  tant  valable  que  toutes  les 
trois;  deux  en  retiendra  ledict  S'  Duc  et  une  nous,  pour  chascun  s'en  servir,  quant  il 
sera  requis.  Ainsi  faict  et  accordé  ce  vingt-septiesme  jour  de  Septembre  l'an  mil  cinq 
cens-soixante-quinze. 

Nous,  Henri  de  Bourbon,  prince  de  Condé,  etc.,  chef  esleu  tant  par  les  Eglises 
réformées  de  France  que  par  les  catholiques  nos  associés,  ayans  contracté  avecq 
Mons'  nostre  cousin  le  Duc  Jean  Casimir,  comte  Palatin  du  Rhin,  duc  de  Bavières, 
pour  nous  assister  et  secourir  en  la  conservation  de  la  couronne  et  des  églises  réfor- 
mées de  France,  suyvant  la  capitulation  réciproque  faicte  là  dessus,  ayans  aussi 
considéré  qu'il  est  très  raisonnable  et  prouffitable  de  recongnoislre  les  faveurs 
que  non  seulement  ledict  S'  Duc  nous  monstre  à  cesl  heure,  mais  aussy  les  aultres 
grands  plaisirs  du  passé  pour  lesqueles  les  Eglises  réformées,  voire  la  couronne  de 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  455 

France  etlous  fidèles  serviteurs  d'icelle,sont  grandement  obligésà  Monsieur  noslre  cousin 
l'Electeur  conte  Palatin,  son  père,  et  à  luy  mesmes,  et  de  nous  unir  tant  plus  en  toute 
syncère  et  entière  correspondance,  confessons,  promettons  et  nous  obligeons  saincte- 
ment,  fermement  et  irrévocablement,  pour  nous,  nos  successeurs,  hoirs,  alliés  et 
associés,  de  quelque  religion,  réformée  ou  catholicque,  qu'ils  soient,  le  cas  advenant 
que,  depuis  ceste  nostre  expédition,  Monsieur  l'Electeur  conte  Palatin,  nostre  dict 
cousin,  ayt  affaire  de  secours  de  le  venir  trouver  à  sa  demande  en  personne  et  bien 
accompaigné  de  Seigneurs  de  nostre  parti  avec  six  mil  harquebuziers  et  deux  mil 
chevaulx  françois  à  nos  despens  troys  mois  durant  ;  comme  aussy  Monsieur  l'Electeur 
sera  tenu  et  promect,  le  cas  aussy  advenant,  que  despuis  après  ceste  noslre  expédition 
et  mesmes  la  paix  faicte,  nous  ayons  pour  nous,  les  Eglises  réformées  et  associés, 
affaire  de  secours  de  nous  faire  retenir  et  souldoyer  à  ces  despens  et  les  faire  conduire 
par  Monsieur  le  Duc  Casimir  son  fils,  nostre  cousin,  où  il  sera  de  nous  requis  et  que 
la  nécessité  le  requerra,  ung  mois  durant,  six  mil  chevaulx,  reustres  allemands.  Mais, 
au  cas  que,  pendant  la  présente  expédition,  la  nécessité  des  aftaires  dudict  Seigneur 
Electeur  conte  Palatin  rappelasl  ledici  Seigneur  Duc  Casimir  son  (ils  par  deçà,  luy 
sera  permis  sans  luy  donner  ou  faire  donner  empeschement,  ains  plus  tost  avecques 
nostre  conduicle  et  seureté,  se  retirer  avec  sa  maison  et  ce  qu'il  aura  levé  et  amené 
de  forces  en  l'armée  et  luy  sera  alhors  faict  payement  ou  donné  asseurance  dont  il  soit 
content,  de  ce  qui  luy  sera  deus  et  au  gens  de  guerre  qu'il  aura  levés.  Toutefois,  si, 
durant  ceste  expédition,  le  faix  de  la  guerre  et  la  plus  grande  force  de  l'ennemy  tombe 
sur  le  Palalinat,  nous  serons  tenus  d'aller  avecq  nos  associés  et  nos  forces,  quand  et 
quand  et  ensemblemeiii  secourir  ledict  Seigneur  Electeur  et  le  Palalinat,  pour  en 
divertir  l'ennemi  et  faire  pour  luy,  comme  nous  vouldrions  faire  pour  nous  mesmes. 

D'avantaige,  la  paix  se  faisans,  nous,  nos  successeurs,  alliés  et  associés,  serons 
tenus  de  conduire  ledict  S""  Duc  Jean  Casimir  et  son  armée,  ensemble  leur  bagage  et 
tout  ce  qu'ils  auront  avec  eulx  en  lieu  de  seureté  et  ceulx  qui  le  demanderont  aulx 
liontières  et  sur  le  fond  de  l'Empire  sans  que  force  ou  dommaige  aulcun  leur  soit  faict. 
Et  quant  au  temporel  des  Eveschés  des  trois  villes  de  Metz,  Thou  et  Verdun,  et  de 
leurs  deppendaiices,  d'aultanl  que  nostre  dicl  cousin  le  duc  Jean  Casimir  en  désire 


156  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

estre  bien  eclaircy,  pour  ce  qu'il  pourroil  advenir  que  le  fils  de  Monsieur  nostre  cousin, 
le  duc  de  Lorraine,  en  seroil  en  possession,  nous  entendons  le  cinquiesme  article  de 
la  susdicte  capitulation  en  ceste  sorte  qu'en  ce  cas  nous  ferons  que  le  fils  de  nostre 
dict  cousin  Monsieur  le  Duc  de  Lorraine  soit  aultrement  pourveu,  affin  que  ledict 
S""  Duc  Jean  Casimir  soit  (sans  en  avoir  aulcun  querelle  avec  la  maison  de  Lorraine 
ou  aultres)  installé  au  gouvernement  desdicts  trois  villes,  citadelles  et  deppendances, 
eten  lajouissance  des  rentes, revenus  et  biens  des  Eveschés  d'icelles  et  de  leurs  apparte- 
nances. Et  s'il  advenoil  qu'il  en  fust  par  aulcuns,  mesmes  par  le  Roy,  molesté,  troublé 
ou  forcé  en  ladicte  possession,  nous,  nos  successeurs,  alliés,  associés,  et  générallement 
tous  ceulx  es  noms  desquels  nous  procédons,  de  l'une  et  de  l'aultre  religion,  serons 
obligés,  à  sa  demande,  de  leur  secourir,  ayder  et  maintenir  par  tous  nos  moyens  et 
forces,  à  nos  despens,  comme  aussi  de  tenir  et  garder  tous  et  chacuns  les  susdicts 
articles  inviolablement  et  les  faire  confirmer  et  jurer  parnos  associés,  princes  et  aultres, 
.  quand  nous  serons  entrés  en  France. 

En  tesmoignaige  et  asseurance  de  quoy,  nous,  prince  de  Condé,  etc.,  et  Charles 
de  Mommorency,  seigneur  de  Méru,  etc.,  avons  signé  de  nos  mains  deux  originaulx 
de  ceste  obligation  et  y  faict  apposer  le  cachet  de  nos  armes.  Faict  le  27^  jour  du 
mois  de  Septembre  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  soixante  et  quinze. 

Tout  ce  que  dessus  est  par  nous,  prince  de  Condé,  faict  et  accordé  sans  en  rien 
préiudicer  à  la  capitulation  qui  fust  hier  passée  et  arrestée  entre  nous  et  Mous''  nostre 
Cousin  le  duc  Jean  Casimir,  faict  l'an  et  jour  que  dessus. 

Henry  de  Bourbon. 
Charles  de  Mommorency. 


Auquel  contracts  nous  sommes  comprins,  et  pour  ce  nous  confessons,  par  la 
présente,  qu'en  cas  la  paix  fust  faicte  en  France  et  les  dictes  capitulations  fussent  de 
poinct  en  poinct  entièrement  accomplis,  que  lors  en  cas  de  nécessité  et  que  la  paix  ne 
fust  tenue  à  ceulx  de  la  Religion  réformée,  nous  ferons  secourir  les  Eglises  pour  leur 


ET   LE   TIIAITÉ   DE   SOLEURE  157 

déCension  par  la  conduicte  de  nostre  dicl  fils  le  Duc  Jean  Casimir  avec  force  de  six 
mil  reustres  allemands,  lesquelles  nous  ferons  lever  et  entretenir  par  ung  mois,  à  nos 
despens,  à  condition  que  puis  après  ils  seront  souldoyés  des  Eglises  et  leurs  associés, 
et  au  cas  qu'ils  nous  secourassent  aussi,  comme  la  sucscripte  obligation  contient. 
D'avantaige,  qu'ils  envoyent  alhors,  quand  ils  auront  besoing  dudict  nostre  secours, 
gens  de  qualité,  avec  asseurances  suffisiantes  pour  la  reste  du  payement  des  deux 
aultres  mois  et  ung  mois  de  retraicte,  si  mieulx  ne  peult  eslre  capitulé  avec  les  dictes 
reustres  et  qu'ils  ne  traictent  ou  facent  aulcune  paix  ou  composition  sans  que  ce  que 
nous  aurons  desboursé  pour  ladicle  levée  et  solde  d'ung  mois  nous  soit  payé  ou  deueu- 
ment  asseuré  du  Roy  et  de  ceulx  qu'auront  rompus  la  paix.  Tout  en  bonne  foy  et 
parole  de  Prince.  En  tesmoignage  de  quoy,  Frederich,  conte  Palatin,  avons  subsigné  la 
présente  et  cacheté  de  nostre  cachet.  Le  27  de  Novembre  l'an  1575. 

Federicu  Electeur  Palatin. 


La  copie  du  traité  était  accompagnée  d'une  lettre  d'envoi  du  Palatin  ainsi  conçue  : 
A  Messieurs  nos  bons  amis  les  Sindicqs  de  la  Ville  de  Genève. 

Messieurs, 

Le  S'  de  Bèze  ha  charge  de  moy  de  vous  dire  et  délivrer  quelque  chose  de  ma 
part.  Parquoy  m'asseurant  tant  de  voslre  fidélité  et  prudhommie  que  de  la  sienne, 
ne  feray  cesle  plus  longue,  ains,  vous  présentant  ma  bonne  afi'eclion  en  tout  et  partout, 
prieray  Dieu,  Messieurs,  de  vous  avoir  en  sa  saincte  garde.  Escriple  à  Heydelberg  ce 
premier  jour  de  Décembre  l'an  1575. 

Frédéricii  Electeur  Palatin. 


158  GENÈVE,    LE   rAPxTl    HUGUENOT 

XIX 

Le  Palatin  aux  Syndics  el  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Porlef.  hist.  n°  1821.) 

Messieurs  les  Syndiques  el  Conseil  de  la  Cité  de  Genève. 


Très  chers  el  bien  aymés, 

Nous  vous  as.seurons  qu'auras  desia  entendu  par  le  rapport  de  nostre  cher  et 
féal  conseiller,  Pierre  Beuterich,  docteur  ès-loix,  les  causes  qui  nous  esmeuvent  de 
faire  provision  de  quelque  bonne  somme  de  deniers  pour  les  emploier  à  l'utilité  de 
nos  duchés  et  terres.  Et  sur  ceste  nostre  demande  nous  a  esté  vostre  responce  fort 
agréable,  par  laquelle,  sans  faire  aultre  difficulté,  aves  aulicl  (1)  nostre  conseiller 
déclaré  que  vous  estiez  prest  de  nous  faire  tenir  la  somme  requise  sur  caution  suffi- 
sante à  raisonnable  intérest  te  cinq  pour  cent,  suivant  les  ortonnances  lu  St  Empire, 
puisque  la  présente  nécessité  le  requiert  ainsy,  mais,  d'aultant  que  depuis  n'avons  reçeu 
tu  tict  nostre  consellier  aulcune  finalle  résolution,  craignans  ou  qu'il  ne  soit  par 
aultres  affaires  empesché  ou  que  vous,  paravanture,  n'ayez  cependant  trouvé  quelque 
aultre  empeschemenl  ou  difficulté  pour  ceste  cause  (d'aultant  que  cest  affaire  nous 
importe),  n'avons  voulu  failler  de  vous  requérir  derechef  par  la  présente  que  veulliez, 
comme  bons  voisins  el  aniys,  suyvant  l'espérance  qu'avons  conceue  de  vous,  nous 
(aire  tenir  promptement,  par  les  mains  du  présent  noslre  commis  et  député,  la  somme 
demandée  de  dix  mille  escus,  ou  (si  votre  commotité  ne  la  porte  aultrement)  le  huict 
ou  pour  le  moins  six  mille  escus,  pour  nous  en  servir,  comme  dict  est.  En  ce  faisant, 
vous  nous  démonslrerez  office  de  bons  voisins,  qui  nous  sera  agréable,  lequel,  non 

(1)  Pour  audicl;  celle  erreur  d'orthographe,  qui  résulled'un  défaut  de  prononcialiori,  se  reproduit 
Iréquemiiient  dans  le  resle  de  la  lellre  :  W  pour  de,  tu  pour  du,  elc. 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  159 

seulement  par  caution  suffîçanté,  ains  aussi  par  tous  aultres  tevoirs  etrnoiens,  tasche- 
rons  te  recognoistre  en  vostre  endroict,  ausquels  sontjmes  et  temeurons,  comme  à  nos 
amys  et  bons  voisins,  prests  à  demonstrer  toute  faveur. 

De  Heydelberg,  ce  2  d'Octobre  l'an  1575. 

Frédéric  Electeur  Palatin. 


XX 

Le  Prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  de  Genève,  Porlef.  hisl.  n"  1952) 

Messieurs  les  Scindics  et  Conseil  de  Genève. 

Messieurs, 

Ayant  retenu  W  Mare,  présent  porteur,  pour  mon  appolhicaire,  je  n'ay  voulu 
oublier  à  vous  faire  la  présente  pour  vous  pryer  bien  affectueusement  que,  pendant  son 
absence,  sa  famille,  laquelle  reste  dans  vostre  ville,  vous  soit  tellement  recommandée 
qu'en  ma  faveur  vous  la  gratiffîez  en  tout  ce  qu'il  vous  sera  possible,  ce  que  je  m'asseure 
que  vous  ferez  de  tant  plus  volontiers  que  je  croy  que  vous  serez  bien  aises  qu'il  face 
service  à  l'armée  que  j'espère  de  brief  conduyre  en  France,  et  n'eslans  ceste  présente 
à  autre  fin  que  pour  me  recommander  à  vos  bonnes  grâces,  je  prieray  Dieu,  Messieurs, 
qu'il  vous  maintienne  longuement  en  très  bonne  santé  longue  et  heureuse  vye. 

Escript  à  Strasbourg  ce  20  jour  d'Octobre  1575. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais. 

Henry  de  Bourbon. 

Je  vous  envoyé  la  protestation  que  Monseigneur  le  Duo  a  faicle  depuis  son  parte- 
menl  de  la  Cour. 


460  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 


XXI 


Le  Duc  d'Alençon  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève,  Porlef.  hisl.  11°  1970.) 

Messieurs  mes  bons  amys, 

La  longue  expérience  que  ce  royaume  a  tousiours  eu  par  le  passé  de  vos  sincères 
et  bien  affectionnées  volontés  au  bien  et  repos  d'icelluy  et  l'asseurance  qui  m'en  a 
aussi  esté  donnée  par  les  S"  de  Beauvais,  La  Nocle  son  frère,  et  Davantigny,  gentils- 
bommes  d'honneur  et  de  vertu,  me  fait  croire  et  tenir  asseuré  qu'elles  ne  sont  en  rien 
diminuées,  mais  bien  plustost  acreue  et  augmentée  par  les  justes  et  très  équitables 
moiens  et  occasions,  qui  se  présentent  maintenant,  aquelles  je  vous  prie  affectueuse- 
ment de  vouloir  continuer  de  bien  en  mieux,  non  seulement  de  vos  bons  advis  et 
très  sages  conseils,  mais  aussi  de  tous  autres  moiens  et  commodités  que  Dieu  vous  a 
donnés,  ainsi  que  ledict  S'  de  la  Nocle  le  vous  dira  de  ma  part  et  pour  la  suffisance 
duquel  ne  vous  en  feray  plus  long  discours  ;  je  vous  envoyé  la  déclaration  que  j'ay 
faicte  sur  ma  retraitte  d'auprès  du  Roy,  Mon  Seigneur  et  frère,  par  laquelle  pourres 
plus  amplement  juger  et  cognoislre  l'équité  de  ma  cause,  la  protection  de  laquelle  je 
me  tiens  asseuré  qu'aures  en  telle  recommandation  que  la  grandeur  du  fait  le 
mérite,  priant  Dieu,  Messieurs  mes  bons  amys,  vous  avoir  en  sa  très  saincte  et  digpe 
garde. 


o 


Escrit  au  camp  de  Pontlevoy  le  24'"  jour  d'Octobre  1575. 
Voslre  entièrement  bon  amy. 

Françoys. 


ET   LE   TRAITÉ   DE    SOLEURE  161 

XXII 

Gui  de  Laval  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  htst.  n"  19CC; 

Messieurs  les  Magnificques  Seigneurs,  Messieurs  les  Scindicqs  et  Conseil  de  la 
Ville  el  cité  de  Genève. 

Messieurs, 

Vous  m'aves  par  cy  devant  faict  ceste  faveur  de  m'accorder  libérallemeni  par 
forme  de  prest  la  sonnme  de  douze  cens  escus  sol,  laquelle  je  pensois  trouver  entre 
les  mains  de  ma  seur,  Madamoiselle  de  Laval,  mais  j'ay  entendu  que  celuy  qui  avoit 
accordé  d'estre  fiance  pour  moy  s'est  rendu  si  dificile  envers  les  arriefiances  pour 
avoir  demandé  d'eulx  plusieurs  conditions  déraisonnables,  qu'ils  n'ont  voulhi  s'obliger  à 
luy.  Cependant  le  secours  qu'il  vous  avoil  pieu  de  m'accorder  demeure  sans  effect  et 
moy  en  grand  peyne  pour  me  trouver  en  plus  de  nécessité  que  je  n'estois  lors,  qui  me 
faict  envoler  devers  vous  le  S''  de  la  Vallière  avec  ceste  lettre  pour  vous  supplier  bien 
humblement,  Messieurs,  que,  me  continuant  ceste  mesme  première  faveur,  il  vous 
plaise  de  m  aider  de  ladicte  somme  de  douze  cens  escus  sol,  soubs  la  caution  du 
S"'  de  Cugy,  trop  plus  responsable  que  le  premier  qui  vous  avoil  esté  nommé  et  par 
l'obligation  que  le  dict  S'  de  La  Vallière  vous  en  fera  avec  luy  en  mon  nom,  suyvant 
le  pouvoir  qu'il  en  a  de  moy,  qui,  avec  tant  d'aultres  biens  faicls  el  honneur  que  j'ay 
receus  de  vos  Magnificences,  vous  demeureray  infiniment  obligé  de  cestuy  cy  pour  vous 
obéir  et  faire  service,  quand  il  plaira  à  Dieu  m'en  donner  les  moiens,  comme  j'en  ay 
la  vollonté,  avec  laquelle  je  le  supplieray  en  cest  endroict.  Messieurs,  qu'il  vous 
accroisse  en  toute  prospérité  pour  tousiours  servir  à  sa  gloire,  me  recommandant  bien 
humblement  à  vos  bonnes  grâces. 

De  Berne  le  18  Novembre  1575. 

Vostre  bien  humble  et  afiectionné  à  vous  faire  service. 

Guy  de  Laval. 


162  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 


XXIII 

Le  Valatin  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  (le  Genève,  Portef.  hisl.  n"  1821) 

A  Messieurs  les  Syndiques  et  Conseil  de  la  Ville  de  Genève,  nos  bons  amis. 

Fridcfich,  par  la  grâce  de  Dien  conle  Palatin  du  Rhin,  Electeur  du  Sainct  Empire, 
Duc  de  Bavire,  aux  Syndiques  et  Conseil  de  la  Ville  de  Genève,  saint 

Messieurs, 

Me  faisant  Monsieur  de  Bèze,  qui  est  auprès  du  vous,  ce  plaisir  de  m'envriior  par 
deçà  aucune  fois  par  messagiers  exprès  des  pacques  venants  du  camp  de  mon  très  cher 
fds  le  duc  Jean  Casimir,  qui  est  en  France,  et  luy  faisant  pareillement  tenir  les  miens 
(|ue  je  luy  envoie,  à  quoy  il  luy  fault  faire  sans  double  aucune  fois  des  grands  frais, 
pourtant,  afin  qu'il  ne  luy  manque  en  argent  pour  ce  faire,  je  vous  ay  bien  volu  prier 
de  luy  advancer  des  deniers  en  mon  nom,  autant  que  la  nécessité  le  requerra.  Et  ce 
taisant,  m'obligerez  non  seulement  au  remboursement  qui  sera  fait  par  moy,  sans 
deslay,  desdicts  deniers  qu'aures  desploier  pour  moy,  mais  à  une  gratitude  par  tous 
bons  offices  et  partout  où  le  temps  et  l'occasion  me  le  permettiay.  Priant  nostre  bon 
Dieu,  Messieurs,  vous  maintenir  lousiours  en  bon  estât  et  en  sa  saincte  et  digne  garde. 

De  Heydelberg  ce  17^  jour  de  Mars  l'an  1576. 

(Sans  signature) 


ET   LE   TRAITÉ   DR   SOLEURE  '^^^ 

XXIV 

Le  Ducd'Alençon  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève.  Porlcf.hisl.  n"  1970). 

A  Messieurs   mes  bons  amys,  les  conseillers  et  communiaulié  de   la  ville  de 
Genefve. 

Messieurs  mes  bons  Amys, 

S'en  allant  par  delà  le  S^  de  Cornaton,  présent  porteur,  je  vous  ay  bien  voulu 
escrire  la  présente  pour  vous  remercier  autant  affectueusement  que  faire  je  puis,  des 
bons  offices  qu'il  vous  a  tousiours  pieu  faire  et  démonstrer  en  ce  qui  cesl  offert  et 
présenté  pour  le  bien  et  advancement  de  mon  service,  dont  je  me  sens  tellement 
obligé  envers  vous  que  vous  pouvez  vous  asseurer  ne  vous  estre  iamais  employé  pour 
prince  qui  le  scache  mieulx  recongnoistre,  soyt  en  général  ou  particulier,  que  je  feray 
en  tout  ce  qui  s'offrira  pour  vous,  ainsy  que  pourrez,  plus  amplement  congnoistre  par 
les  effects,  qui  me  gardera  vous  en  faire  autre  persuasion,  vous  priant  de  vouloir  con- 
tinuer en  cesle  affection  et  bonne  volonté  et  d'avoir  tousiours  pour  recommandé  ce  qui 
me  touchera,  comme  j'auray  aussi  de  ma  part  tout  ce  qui  vous  appartiendra. 

Priant  Dieu,   Messieurs  mes  bons  amys,  vous  avoir  eu  sa  trèssaincte  et  digne 
earde. 


o 


Escript  à  Chastillon  sur  Seyne  le  13  de  Juing  1576. 
Vostre  bien  bon  amy, 


Françoys 


16^ 


t  GENEVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 


XXV 

Le  Duc  (ÏAlençon  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  de  Genève,  Porlef.  hisl.  n"  1970) 


A  Messieurs  les  Gouverneurs  de  Genève. 


Messieurs, 


Aiant  entendu  que  ceulx  qui  tiennent  en  gaige  les  bagues  du  S'^  de  Thoré,  mon 
cousin,  pour  la  partie  d'onze  mil  cinq  cens  escus,  qui  luy  fust  prestée  à  Genève  pour 
faire  la  levée  des  reitres,  sont  en  propos  de  vendre  les  dicts  bagues,  parceque  le  terme 
du  desgaigement  est  escheu,  désirant  retarder  ladicte  vente,  tant  pour  ce  que  s'estant 
ainsi  libérallement  exposé  mondict  cousin  pour  le  bien  commun  de  ce  party,  il  n'est 
raisonnable  qu'il  porte  une  si  grande  perte  que  pour  n'avoir  moien  si  prompt  de  les 
retirer,  je  vous  ai  faict  la  présente  pour  vous  pour  le  plus  affectueusement  qu'il  m'est 
possible  employer  tellement  vostre  crédit  et  faveur  en  cest  endroict  pour  l'amour  de 
moy,  que  ceulx  qui  ont  lesdictes  bagues  en  surseent  la  vente  jusques  à  la  fin  du  moys 
d'Octobre  prochain,  dans  lequel  je  me  promets  leur  faire  donner  toute  satisfaction  et 
si  me  revancheray  particullièrement  de  ceste  courtoisie  en  tous  les  endroicts  on  ils  me 
vouldront  requérir  de  m'employer  pour  eulx  et  vous,  aussi  d'aussi  bon  cueur  que  je 
vous  prye  et  le  Créateur  vous  avoir,  Messieurs,  en  sa  saincte  et  digne  garde. 

De  Bourges  ce  8^  jour  d'Aoust  1576. 

Vostre  amy. 

Franco  YS. 


ET    LE   TUAiTÉ    DE   SOLEURE  165 


XXVI 

Le  Palatin  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève,  Portef.  hhl.  n°  1821) 


Messieurs  les  Syndiques  et  Conseil  de  la  Ville  de  Genève. 

Messieurs  les  Syndiques  et  Conseil  de  la  Ville  de  Genève,  j'envoie  vers  vous  mon 
loyal  et  fidèle  conseillier,  le  S-^  Jehan  Guillaume  Bolzheim,  docteur  en  droict,  pour 
quelque  mien  affaire,  vous  priant  le  vouloir  ouïr  et  adiouster  foy,  comme  à  moy 
mesme,  à  ce  qu'il  vous  dira  de  ma  part,  qui  me  sera  fort  agréable  et  à  recognoistre 
en  pareil  cas  où  l'occasion  s'offre.  Priant  nostre  Dieu,  Messieurs,  vous  augmenter  ses 
grâces  et  maintenir  en  sa  saincte  garde  et  protection. 

De  Heydelberg  ce  4  de  Septembre  l'an  1576. 

Frédéric  Electeur  Palatin. 


XXVII 

Le  Duc  d'Alençon  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  hist.  n°  1970). 

Aux  Magnificques  Seigneurs,  Messieurs  les  Sindiques  et  Conseil  de  la  Ville  de 
Genève- 

Magnificques  Seigneurs, 

Désirant  recouvrer  quelque  somme  d'argent  pour  estre  employée  vers  vostre 
quartier  en  certains  affaires  qui  m'importent  grandement,  me  confyanl  de  vostre 


Ige  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

bienveillance  et  sur  l'espérance  que  j'ay  de  vous,  j'ay  advisé,  pour  l'asseurance  de 
l'amityé  et  bonne  volunlé  que  me  portiez,  de  vous  envoyer  les  S"  de  Rezé,  nion  secré- 
taire, et  de  Matharet,  ou  l'un  d'eux,  porteur  de  la  présente,  pour  vous  prier,  comme 
je  fais  le  plus  affectueusement  que  je  puis,  de  me  prester  pour  ung  an. entier,  sy  faire 
pouvez,  ou  à  tout  le  moings  pour  six  moys,  la  somme  de  trois  mil  escus  d'or  soleil, 
et  icelle  délivrer  es  mains  desdicts  S''^  de  Rezé  et  de  Matharet  ou  tous  deux,  s'ils  y  vont, 
ausquels  j'ay  passé  procuration  et  pouvoir  spécial  pour  icelle  recepvoir  et  prandre, 
soyt  en  prest  pur  et  simple  ou  à  constitution  de  rente,  sy  besoing  est,  sur  tous  et 
chacuns  mes  biens,  pour  satisfaire  aux  affaires  pour  lesquels  je  désire  tirer  ceste 
commodité  de  vous  et  vous  asseurer,  outre  que  je  ne  fauldray  de  vous  faire  rendre 
ladicte  somme  au  temps  qui  sera  convenu  entre  vous,  je  me  senliray  infinyment  tenu 
du  plaisir  que  vous  me  ferez  en  ce  faisant  et  que  je  m'employeray,  comme  j'ay  desja 
bien  commencé,  pour  conduire  l'affaire  dont  vous  m'aves  escript  et  faict  parler,  de 
telle  façon  que  vous  en  aurez  contentement,  comme  plus  particuUièrement  vous 
entendrés  par  les  dessusdicts  porteurs,  ausquels  me  remectant,  je  prieray  Dieu  vous 
donner,  Magnifiques  Seigneurs,  en  toute  prospérité  ce  que  plus  désires. 

Du  Plessis-les-Tours,  le  vingtiesme  jour  d'Octobre  1576. 

Vostre  bien  bon  amy. 

Françoys. 


XXVIII 

Roset  el  Chevalier  aux  envoyés  de  France,  Haute  fort  et  Sancy. 

Copie. 
(Arcli.  de  Genève,  Portef.  hisl.  a"  '2010) 

Messeigneurs, 
Ceux  qui  ont  à  requérir  bénéfice  d'aulruy  n'ayant  autre  entrée  doivent  pour  le 
moins  garder  tous  les  ropi'cls  (|tii  soiiL  les  plus  conveiiiiblcs,  qui  lait  (juu,  iw  pouvans 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEUKE  167 

pour  certains  esgards  que  vos  prudences  scauront  trop  bien  considérer,  nous  addresser 
à  vous,  comme  nous  eussions  désiré,  pour  vous  faire  les  recommandations  de  nos 
supérieurs  et  vous  prier  d'une  chose  qui  leur  est  de  grande  importance  et  de  petite 
conséquence  à  Sa  Majesté,  nous  avons  usé  de  l'opportunité  du  Seigneur  de  Grissac 
que  nous  avons  rencontré  icy  et  luy  avons  remonstré  ce  que  nous  avons  entendu  ces 
iours  en  caste  ville  des  bons  moyens  proiectés  pour  la  seurté  de  nostre  ville,  et  d'autant 
qu'en  iceux  avons  apperceu  un  point  qui  enlève  presque  toute  la'  iouissanceet  douceur 
de  ceste  négoliation  à  ceux  de  nostre  dicte  ville,  nous  désirerions  de  trouver  à  cela 
quelque  bon  expédient.  Et  à  cest  efïect  avons  advisé  de  vous  envoyer  le  S''  Caille, 
présent  porteur  lldelle  à  nos  Seig'^^S  tant  pour  nous  excuser  de  ce  que  dessus  que  pour 
vous  requérir  très  affectueusement  qu'il  vous  plaise,  suyvant  vos  heureux  commen- 
cemens,  nous  aider,  secourir  et  favoriser  en  ce  besoing,  dont  nous  espérons  que 
n'aures  iamais  occasion  de  vous  repentir,  ny  eschéanl  dommage  qui  soit  pour  Sa 
.Maiesté.  Et  laisseres  à  nos  Seigneurs  de  quoy  louer  Dieu  et  conserver  la  mémoire 
d'un  tel  bénéfice.  Surquoy,  nous  recommandant  bien  humblement  à  vos  bonnes  grâces, 
Mt^sseignenrs.  prierons  Dieu  vous  donner  en  bonne  santé  longue  et  heureuse  vie. 

De  Berne  ce  13*  May  1579. 


XXIX 

BeUièvre  et  Harlay,  ambassadeurs  de  France,  à  Rosct  et  Chevalier. 
(Arcti.  lie  Genève,  Portef.  hist.  n°  2009) 

-Messieurs  Roset  et  Chevallier,  ambassadeurs  de  la  ville  de  Genève,  à  Berne. 

Messieurs, 

Pour  responce  à  la  lettre  qu'il  vous  a  pieu  nous  escrire  par  le  Seigneur   Callier 
et  à  ce  qu'il  nous  a  dict  de  voslre  part,  principalement  pour  le  regard  du  commerce 


168  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

et  de  l'exemption  que  vous  désyreries  estre  accordée  à  Messieurs  les  habilans  de  vostre 
ville,  nous  vous  dirons  que  Messieurs  les  Ambassadeurs  de  la  Ville  et  Canton  de  Berne 
nous  avoient  déjà  faict  là-dessus  toutes  les  remonslrances  et  instances  que  vous 
mesmes  nous  auries  sceu  faire,  comme  aussi  nous  leur  avons  de  nostre  part  franche- 
ment et  ouvertement  déclairé  ce  qui  estoyt  à  nostre  pouvoir;  vous  priant  de  croire 
que,  si  nous  eussions  estimé  qu'il  nous  eust  esté  loysible  de  passer  oultre,  nous  l'au- 
rions faict  et  le  ferions  encores  de  bon  cœur,  mais  il  ne  vous  serviroyt  de  rien  non 
plus  que  à  nous,  et  si  seroyt  plus  lost  occasion  de  faire  rompre  tout  avec  plus  de 
mescontenlement  et  de  préjudice  de  toutes  les  parties  ensemble.  Ce  n'est  pas  que  nous 
ne  considérions  asses  ce  qui  nous  a  esté  fort  bien  déduit  par  ledictS''  Caillié  du  peu  de 
riches  marchands  que  vous  avez  en  voslre  dicte  ville  et  par  conséquent  du  peu  d'in- 
térêts qui  en  reviendroyt  aux  droicls  du  Roy  ou  à  ses  subiects,  mais  vous  pouvez 
penser  que  pourtant  il  n'est  pas  aisé  d'en  rendre  si  tost  chascun  capable  ;  mesraement 
que  l'on  diroyt  tousiours  que,  au  moyen  deladicte  exemption,  les  facultés  de  la  ville  ne 
fauldroient  avec  le  temps  d'augmenter  et  par  mesme  moyen  ledict  interest.  Cependant 
ce  traiclé  se  trouveroyt  interrompu,  en  danger  de  ne  pouvoir  jamais  plus  estre  reprins 
ne  renoué.  Qui  est  la  cause  que  nous  vous  prions  de  ne  vous  arrester  à  ladicte  diffi- 
culté ne  aultre  quelconque  pour  les  raisons  que  nous  avons  touchées  audict  S'"  Cailler 
et  que,  par  vos  prudences,  vous  pourrez  assez  considérer.  Je,  de  Haultefort,  estoys 
délibéré  de  partir  précisément  demain,  néantmoins,  affin  de  donner  un  peu  plus  de 
loysir  à  Messieurs  de  Berne  et  à  vous  de  vous  résouldre  entièrement,  je  différeray 
jusques  à  samedy  prochain,  ne  m' estant  possible  de  le  faire  davantaige  pour  divers 
respects,  et  croyez,  s'il  vous  plail,  que  cest  tout  ce  que  nous  vous  pouvons  dire  ou  faire 
en  cest  endroict.  A  tant  nous  nous  recommandons  très  affectueusement  à  vos  bonnes 
grâces,  en  priant  Dieu  qu'il  vous  donne,  Messieurs,  très  longues  et  heureuses  vies. 

De  Solleurre,  ce  13*  jour  de  May  1579. 

Vos  bien  affectionés  amys  à  vous  faire  plaisir  et  service 

Bellièvre. 
De  IIarlay. 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  169 

XXX 

Roset  et  Chevalier  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Porlef.  hist.  n°  2010) 

Magnifiques  et  très  honorés  Seigneurs, 

Depuys  nostre  dernière  dépesche  par  Bramerel,  vostre  serviteur,  nous  tenions 
main  à  pouvoir  départir  d'ycy,  nnais  l'Amb"'  de  son  Altesse   s'advisa,   disant  qu'il  ne 
nous  pouvoit  bailler  les  lettres  aux  Cantons  qu'en  recevant  les  vostres,  et  puysqu'il 
pendoit  encor  d'adviser  et  respondre  par  nous  sur  le  secrétaire  et  sur  le  point  des 
Seigneurs  de  Berne,  qu'il  falloit  attendre  la  résolution,   et  cependant  nous  signa  et 
cacheta  le  despart,  dont  avons  cy  devant  envoyée  la  minute  ;  pendant  cela  arrivarenl 
les  Seigneurs  de  Diespach  et  Dillier  (Tillier),  revenans  de  Soleure,  ayans  conclu  avec 
les  Ambassadeurs  de  France  et  avec  les  S''*  de  Soleure  ;  ce  fut  samedy  bien  tard.  Le 
lendemain,  après  le  sermon,  les  Seigneurs  s'assemblarent  extraordinairemenl  pour 
entendre  ces  nouvelles,  dont  on  ne  nous  volui  rien  découvrir,  fors  ce  qu'en  avions 
auparavant  aperceu,  estimant  que  Messieurs  de  deçà,  ayans  le  toulveu,  nous  commu- 
niqueroient  ce  qui  nous  concerne.  Il  estoit  arrivé  encor  un  nouvau  Ambassadeur  de 
Savoye,  qui  est  homme  d'âge,  viballi  d'Augste,  homme  d'aparence  et   a  son  parler 
bénin,  tardif  et  advisé,  et  qui  scait  allemand;  lesquels  deux  nous  avoient  fait  convier 
au  diner,  dont  les  avions  remerciés  pour  affaires.  Mons''  l'Advoyer  Steiguer  fut  avec 
eulx,  es  devis  duquel  nous  aperceumes  depuys  qu'il  se  falloit  bien  peu  fier  au  Roy 
et  que  leurs  bourgeois  en  parloient  fort  et  qu'il  seroit  bon  de  faire  avec  M''  de 
Savoye.  Nous  remontrions  qu'il  falloit  se  servir  prudemment  de  tôles  pièces  et  que,  si 
nous  avions  les  articles,  nous  en  pourrions  parler  plus  ouvertement.  Il  nous  parloit 
du  retranchement  ou  réserve  à  nostre  préiudice   et  de  l'article   de  ne  retirer  les 
ennemys  que  s'il  s'enlendoit  de  la  religion  et  seroit  chose  pernilieuse.  Nous  remon- 
trions nostre  désir  sur  les  péages  et  commerce  et  que  c' estoit  peu  au  Roy  et  de 
l'autre  point  qu'on    ne    le    passeroit   jamais  en  ceste   intelligence.    I.e   requérions 


-170  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

de  s'ayder  à  ce  que  les  choses  fussent  bien  entendues.  Il  nous  dit,  quant  au  premier, 
qu'il  n'estoit  pas  possible  de  l'obtenir,  au  second  qu'on  y  adviseroit.  Le  lendemain 
furent  tenus  les  Deux  Cens.  Au  sortir,  le  S""  de  Diespach  nous  fit  compagnie,  lequel 
nous  dit  que  ce  matin  avoit  esté  faite  chose  d'un  très  grand  dommage  à  une 
ville  de  Genève  et  estoit  fort  fasché  et  que  tout  esioit  renversé  sans  cause  et  sans 
raison  et  qu'on  avoit  prins  terme  de  troys  moys  à  respondre  ;  cependant  ceux  de 
Soleurre  avoient  prins  à  se  résoudre  aujourd'huy,  comme  ils  auront  fait,  et  que  eulx 
et  l'Amb''  prendroient  en  fort  mauvaise  part  ce  délay  et  que  ce  n'est  pas  avec  le  Roy 
de  France  qu'il  se  faut  ainsin  porter.  On  a  requys  ceux  de  Soleurre.  lisse  sont  joints  à 
requérir  le  Roy.  Le  Roy  a  tout  accordé  ce  qu'on  luy  a  demandé,  hors  mys  ce  point 
des  péages,  et  maintenant  ou  remontre  qu'il  ne  faut  pas  négotier  avec  luy.  L'Amb.  de 
Savoye  a  grand  crédit  et  qu'il  veoit  bien  que  tout  est  rompu,  luy  remontrant  que 
peult  estre  que  non  est,  mays  qu'il  pourroit  servir  à  obtenir  ce  point  des  péages.  Il 
me  dit  :  non  fera,  mais  rompra  tout.  Nous  prenons  prétexte  sus  ce  que  les  Amb.  ont 
réservé  de  raporter  au  Roy  et  d'envoyer  les  dépêches,  lettres  et  seaux  de  France 
dedans  troys  moys.  Mais  cela  s'entend,  si  nous  y  consentons  des  deux  coslés,  Rerne  et 
Soleure,  car  quant  au  Roy,  il  est  passé.  Et  ne  scavons  cognoitre  l'occasion,  quand  elle 
est  à  la  porte,  (nous  dîmes)  :  Le  pourrions-nous  pas  veoir  que  c'est  pour  adviser  plus 
outre  et  nous  ayder  en  quelque  chose.  (Il  dit)  :  il  faudra  bien  que  vous  le  voyez,  car 
cela  vous  concerne,  parle/.-en  à  Mons""  l'Advoyer  Steiguer.  Iceluy  S'  Advoyer  demeura 
bien  tard  avec  les  S'^^  de  Savoye  et,  à  son  retour,  monta  à  cheval  et  s'en  alla  à  Munt- 
zigen.  Ledict  S"^  de  Diespach  fut  lieutenant,  lequel  nous  priâmes  de  nous  faire  avoir  la 
doble.  Il  promit  d'en  parler  au  Conseil.  Sur  le  soir,  lûmes  vi.siter  les  Seigneurs  de 
Savoye  pour  les  remercier  du  convoy  et  saluer  le  nouveau  venu,  et,  après  certains  bons 
propos,  le  S""  de  Jacob  réiouy  nous  disoit  que  nous  n'estions  pas  encore  Françoys. 
Nous  luirespondîmes  qu'il  fait  bon  ne  se  haster  pas  trop  en  choses  de  conséquence  et 
pleut  à  Dieu  que  dès  longtemps  fussions  de  bon  accord.  Il  nous  dit  que  son  Altesse  ne 
pourroit  souffrir  qu'autre  y  vint  mettre  la  main  et  n'usoit  que  de  moyens  amiables, 
ayant  conquys  avec  l'espée  au  commencement  ;  et  puys  dit  :  Je  crçy  que  s'il  estoit 
question  d'avoir  prince,  encor  aymeries-vous  mieux  Son  Altesse,  prince  tout  humain 
1 1  véritable,   tenant  sa   paroilu,   que   les   Françoys.  Nous   luy  respondîmes  (jue  nos 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  171 

Seigneurs  n'auroient  point  reculé  à  tous  bons  moyens,  mais  qu'on  leur  avoil  tousiours 
demandé  ce  qu'ils  n'accorderont  jamais,  ny  vent  ny  fumée,  et  au  surplus  qu'il  n'y  a 
point  de  choix  ny  de  l'un  ny  de  l'autre  et  qu'on  se  peut  passer  de  parler  de  cela  ; 
Dieu  nous  a  gardés  jusqu'aujourdhuy.  —  Bien,  dit-il,  on  verra  qui  aura  droit;  il  s'agit 
de  cela,  nous  sommes  en  bons  termes  :  vous  aurez  affaire  à  un  bon  et  bien  affectionné 
seigneur,  lequel  en  est  party  devostre  ville;  c'est  M.  31illet  (1)  qui  s'y  trouvera. 

Le  mardy  nous  arriva  après  diner  vostre  messagier  et  sur  le  soii'  le  S''  Anselme 
Callie  avec  vos  lettres.  Or  avions-nous  décoverl  par  le  menu  que  cela  estoit  advenu 
en   Deux-Cens,  c'est  que,  sur  une  remontrance  faite   par  M.  l'Advoyer,  le   Conseil 
s'estoit  trouvé  au  point  de  rompre  tout,  mais  encor  pour  attendre  la  journée,  qu'on 
avoit  prys  le  terme  de  troys  moys.  Quelques  uns  des  principaux  de  vos  bons  amys  nous 
advertirent,  disans  :  ne  vous  fiez  pas  en  chacun.  M.   de  Jacob  parle  par  la  bouche  de 
quelques  uns.  Nous  avons  donc  fait  diligence  pour  obtenir  la  copie  du  traité.  M.  de 
Diespach  (estant  absent  M.  Steiguer  l'advoyer  qui  s'en  estoit  allé  à  Muntzigen  où  il  a 
demeuré  jusqu'au  vendredi)  nous  promit  d'en  parler  en  Conseil,  mais  il  nous  bailla  pour 
responce  que  Messieurs  avoient  dit  qu'il  en  falloit  premièrement  encor  conférer  avec 
Messieurs  de  Soleure,  devant  que  le  nous  délivrer.  Nous  luy  dîmes  par  avanlure,  l'ayans 
veu  en  lieu  que  nous  ne  povons  maintenant  que  nous  taire  :  pourrions-nous  dire  ou  faire 
quelque  chose  qui  serviroil  à  ne  rompre  pas  chose  de  si  grande  importance.  Il  en  reparla 
donc  le  Jeudy,  si  que  l'original  et  sa  translation  nous  a  esté  mys  entre  mains  et  en 
avons  prins  copie,  comme  verrez.  L'original  est  en  françoys,  signé  par  les  deux  Ambas- 
sadeurs. Nous  y  avons  trouvé  principalement  à  redire  ce  qui  est  en  huit  articles  à  part, 
dont  nous  avons  parlé  particulièrement  et  fait  remontrances  au  possible,  ensemble 
qu'un  tel  œuvre  fut  de  si  près  considéré  qu'on  ne  perdit  pas  l'occasion.  Cependant 
nous  fumes  par  devers  les  Amb"  du  Duc,  disans  avoir  receue  responce  de  nos  Seigneurs 
par   laquelle    ils    avoienl   aggréé   ce    que   avoit   esté   convenu  entre   eulx    et  nous 
lochanl  la  journée,  afiin  de  ne  la  retarder,  et  nous  avoient  envoyées  lettres  par  les 

(1)  Louis  Millet,  baron  de  Faverges  et  de  Clialles,  ne  à  Ghaiiibéry  le  26  Juin  1527,  iiiorL  à  Moncalier 
le  12  Février  1599,  fut  premier  président  du  Sénat  de  Savoie  en  1571,  Chancelier  de  ce  duclié  en  1580. 
11  fui  chargé  d'iniporlanles  ambassades  auprès  du  Roi  de  France  el  des  cantons  suisses.  C'est  de  lui  (jue 
descendent  lesconiles  de  Faverges,  les  marquis  de  Clialles  et  ceux  d'Arvillars. 


17:2  r.E.NÉVE,    LE   PAItTI    HUGUENOT 

cantons  de  Lucenic,  Ury,  Schwilz,  lesquelles  eslions  prests  leur  délivrer  en  recevant 
celles  qu'ils  ont  promys  nous  délivrer  aussi.  Mais  que  nos  Seigneurs  entendoisnt 
d'avoir  acceptée  ceste  journée  pour  estre  tenus  à  la  forme  de  celle  deNion  et  nous 
chargeoient  de  les  requérir  très  affectueusement  de  prier  avec  nous  les  Mag.  S'^  leurs 
alliés  et  les  nostres  de  vouloir  accorder  deux  de  leur  nombre  pour  ayder  et  assister. 
Qu'il  leur  pleut  donc  de  vouloir  à  cela  condescendre,  affin  qu'estans  dépeschés  icy, 
nous  puissions  passer  plus  outre.  Quant  au  secrétaire,  puys  qu'il  ne  leur  a  pieu  en 
avoir  un  neutre,  que  nos  Seig'^,  ne  se  voulans  arrester  à  cela,  nous  ont  donné  charge 
d'en  choisir  un  pour  eulx,  à  quoy  nous  adviserons.  Ils  nous  ont  respondu  par  réitérées 
raisons  ne  pouvoir  condescendre  à  cela  du  moyen  de  Berne,  estants  prests  de  nous 
bailler  leurs  lettres  et  qu'ils  ne  nous  cacheroient  pas  qu'il  s'agissoit  principalement 
entre  autres  d'ung  point  qu'est  celuy  de  nostre  combourgeoisie,  auquel  Messieurs  de 
Berne,  ny  les  leurs,'^ine  povoient  pas  assister  et  que  les  autres  Seigneurs  n'y  pren- 
droient  pas  plaisir  et,  pour  le  dire  court,  n'y  povoient  faire  autre  sans  la  volonté  de 
son  Altesse  qui  estoit  loing  et  pourtant  nous  prioient  (si  ne  voulions  rompre  ceste 
amiable  procédure  qu'il  nous  pleut  passer  outre).  Nous  répliquâmes  à  tout  et  les  priâmes 
d'y  penser.  Ils  dirent  qu'ils  avoient  tout  pensé  et  d'aullant  que  nous  n'avions  pas 
haste  à  cause  de  l'autre  affaire,  nous  remismes  l'affaire  au  lendemain.  Cependant 
ledict  S''  de  Jacob  dit  qu'il  me  vouloit  dire  quelque  chose  à  part,  qu'il  avoit  receue 
une  lettre  de  M.  le  Président  Millet,  par  laquelle  il  l'advertissoit  que  l'entreprise  de 
l'année  passée  estoit  reprise  plus  fort  et  chaude  que  jamais.  11  lisoit  dans  la  lettre 
qu'il  povoit  remontrer  au  bon  seigneur  de  pardeça  que  le  moyen  d'empêcher  tout 
cela  seroit  le  bon  accord  qui  se  pourroit  faire  et  me  prioitden'en  dire  rien,  autrement 
qu'il  diroit  non,  me  demandant  si  nous  en  scavions  rien.  Je  le  remerciay  et  que  mes 
Seigneurs  avoient  bien  heu  quelque  advys  cy-devant  et  n'estoit  pas  ignorans  de  beaucoup 
de  délibérations  dont  Dieu  les  préserveroit  et  les  renverseroit  sur  la  teste  des  entre- 
preneurs. Néanmoins  qu'ils  n'en  faisoient  pas  bruit  jusqu'à  ce  qu'ils  en  puissent  parler 
seuremcnt  par  noms  et  surnoms,  selon  les  moyens  que  Dieu  leur  donne  d'estre 
adveriys  plus  que  les  entrepreneurs  ne  peuvent  estimer.  Si  que  j'espère  qu'ils  ne 
seront  pas  surprys,  que  ce  seroit  la  meilleure  chose  du  monde  d'ung  bon  accord  et 
intelligence,  mais  qu'ils  ne  s'y  accommodent  jamais,  en  demandans  ce  que  ne  pouvons 


ET   hK   TRAITÉ   DE    SOLEURE  473 

accorder  ;  pleul  à  Dieu  que  dès  longtems  son  Altesse  se  fut  accordé  et  déporte,  tant 
de  grands  affaires  et  entreprises,  qu'on  aura  peyne  d'esteindre,  ne  se  fussent  pas  ainsin 
avancés.  Il  nous  voulut  convier  au  souper,  mais  nous  le  remerciâmes.  Le  noveau 
Amb'',  nous  exagérant  la  bonté  de  Son  Altesse,  disoit  que  luy  prince  souverain  s'accom- 
modoit  aniiablement  pour  traiter  du  sien  en  ceste  manière  si  douce,  laissant  les  autres 
voies  et  grands  moyens  qu'il  a  en  main,  que  nous  y  devions  bien  penser.  Nous  res- 
pondimes  que  nos  Seigneurs,  souverains  par  la  grâce  de  Dieu  en  leur  estât,  avoient  à 
le  remercier  de  ce  bon  vouloir  et  que,  de  leur  part,  ils  ne  s'accommodoient  pas  moins 
à  tûtes  journées,  désireux,  après  la  faveur  de  Dieu,  de  la  bonne  paix  d'ung  prince 
voisin,  tant  y  a  qu'ils  n'estiment  pas  tenir  de  l'autruy.  La  dessus  M.  de  Jacob  dit:  Il 
se  verra,  nous  sommes  en  bon  chemin. 

Le  mescredy  de  matin,  leur  fisraes  tenir  vos  lettres  et  receumes  les  leurs,  leur 
déclairans  que,  puys  qu'il  ne  leur  plaisoit  de  requérir  les  Seigneurs  de  Berne,  il  faudroil 
prier  Dieu  qu'il  bénit  la  procédure  sans  cela.  Mons""  de  Diespach  nous  avoit  conseillé 
de  n'y  insister  plus.  Nous  advisàmes  d'envoyer  le  S''  Anselme  Callie  à  Soleurre,  pour 
requérir  les  Amb.  de  voloir  ayder  à  l'article.  Le  S""  Balthasard  estoit  de  cest  advys, 
combien  qu'il  n'en  espérast  pas  beaucoup.  Il  leur  escrivit  et  nous  aussi  et  estoit 
merveilleusement  fâché  de  ce  délay,  disant  que  tout  s'en  alloit  rompre,  qu'il  y  avoit 
gens  à  la  Court,  M.  de  Guise  et  M.  de  Ennemours  (Nemours),  qui  en  feroienl  bien 
leur  profit.  Ledict  S''  Callie  revint  le  lendemain  et  nous  raporla  lettres  et  son  raporl, 
tochant  sa  diligence,  comme  il  plaira  à  vos  Seig'*  de  l'entendre.  Nous  l'avons  aussi 
employé  à  parler  es  Seigneurs  plus  de  près  tochant  l'empêche  de  la  conduite  navale, 
comme  il  vous  raportera  ;  nous  espérons  qu'ils  suspendront  la  défence  qu'ils  en 
avoient  desja  faite  et  disent  que  le  mal,  s'il  y  en  ha,  est  venu  de  Genève.  Le  S''  Bail, 
me  dit  qu'il  ne  failoit  pas  craindre  qu'il  y  eut  de  la  trahison  en  ce  traité,  car  le  Roy 
n'y  enveloperoil  pas  ceux  de  Soleure,  et  quant  à  luy,  qu'il  avoit  parlé  au  Roy,  n'y 
estant  que  M.  de  Bellièvre  en  la  chambrete,  où  le  Roy  appuyé,  dit  que,  puys  que 
Mons''  de  Savoye,  son  oncle,  en  avoit  besogné  ainsin,  d'avoir  détourné  ses  Suysses 
après  soy,  qui  n'estoit  pas  selon  qu'il  luy  avoit  escript  du  passé,  qu'il  ne  pourroit  ou 
il  s'en  ressentiroit  et  que  ce  n'est  autre  chose  sinon  que  le  Roy  luy  veut  aprendre 
qu'il  en  scait  bien  à  luy.  Et  qui  heut  sceu  les  difficultés  que  font  ceux-ci,  on  heul 


174  GENÈVE,  LE  PAHTI  HUGUENOT 

traité  avec  vous  à  Genève,  mais  il  n'est  pas  àlempsmaintenani,  parcequ'on  se  dégoûtera 
et  les  adversaires  entreviendront.  Que  si  nous  n'aydons  à  faire  passer  cecy,  nous 
attirons  plus  de  mal  que  ne  pourrions  croire,  qu'il  voudroit  qu'il  luy  lieust  costé 
500  écus  et  ne  s'en  estre  jamais  meslé,  pour  le  malheur  qui  en  surviendra.  Que  nous 
ne  nous  devons  arrester  à  ce  point  des  péages,  car  le  temps  vient  que  nous  obtiendrons 
plus  que  cela.  Il  faut  commencer,  c'est  une  belle  entrée.  11  nous  a  fait  veoir  le  traité 
tout  au  long,  avant  que  nous  l'heussions  obtenu  et  nous  interprétoit  les  difficultés  en 
bonne  part. 

N'ayans  donc  loysir  de  vous  escrire  et  l'ecevoir  responce,  nous  avons  fait 
diligence  vers  plusieurs  particuliers  des  Bourgeois  pour  les  informer  ;  ledict  S'"  Ballh. 
a  esté  devant  le  Conseil  pour  réadviser  sur  le  fait  en  advouant  les  négotiations  de 
leurs  Amb.  sans  tel  délay  et  a  obtenu  que  samedy  on  tiendrait  les  Deux  Cens  pour  y 
adviser.  Ce  mesme  jour  avons  esté  devant  le  Conseil  avant  que  les  Deux  Cens  fussent 
assemblés  et  les  avons  remerciés  de  tant  de  peynes  et  fait  entendre  le  refus  de  leurs 
commys,  les  avons  priés  de  vostre  part  de  leur  secrétaire  pour  nostre  part,  veu  qu'ils 
n'en  ont  voulu  un  neutre,  les  avons  remerciés  de  la  communication  du  traité,  sur 
lequel  n'avions  point  de  charge,  parceque  vos  Seigneurs  n'en  avoient  pas  notice  à  cause 
du  bref  temps  ;  ainsin  ne  le  povions  accepter  ny  refuser.  Cependant,  comme  estans 
icy  de  la  part  de  nos  Seigneurs,  nous  avions  diligemment  considéré  tout  le  contenu  ; 
et,  combien  que  le  traité  estoit  comprys,  non  avec  nos  Seigneurs,  mais  avec  les  deux 
nobles  cantons,  Berne  et  Soleure,  par  les  sens  du  Roy,  si  qu'il  sembleroit  n'estre  à 
nous  d'en  dire,  néanmoins,  entant  qu'il  pouvoit  concerner  une  cité  de  Genève,  pour 
l'amour  de  laquelle  il  leur  plaisoit  tant  faire  et  veu  qu'il  estoit  conceu  à  perpétuité, 
nous  avions  notez  quelques  points  et  passages  en  iceluy,  lesquels  il  nous  sembloit 
pouvoir  estre  aysément  amendés,  lesquels  leur  voulions  déclairer,  espérans  en  cela  ne 
déplaire  à  nos  Seigneurs  (sans  les  astraindre  ny  obliger  aucunement,  comme  n'ayans 
notice  de  cecy).  Qu'il  leur  pleut  donc  nous  entendre  bénignement,  non  comme  si 
voulions  donner  advys  ou  instruction  à  leurs  Seigneurs  trop  plus  advisés,  mais  comme 
ceux  qui  ne  peuvent  éviter  par  devoir  de  tesmoigner  le  désir  qu'ils  ont  que  les  choses 
soient  tellement  considérées  au  commencement  qu'il  n'en  puisse  sourdre,  s'il  est 
possible,  différent  ny  mésintelligence  à  l'advenir.  Làdessus  leur  avons  déclairé  les  huit 


ET    LE   TRAITÉ    DE    SOLEURE  175 

passages  coltés  en  l'escript,  dont  leur  avons  laissé  copie.  Puys  les  avons  requys  d'y 
ayder  et  tenir  main  à  l'amendement  d'yceux.  Les  avons  en  outre  très  expressément 
requis  de  vouloir  tellement  embrasser  cest  affaire  qu'il  ne  leur  eschappe  pas,  comme 
il  y  ha  à  craindre  pour  un  si  long  terme  de  troys  moys  ;  qu'il  leur  plaise  de  considérer 
en  cecy  la  grand  gloyre  de  Dieu,  en  ce  qu'il  fait  venir  les  grands  persécuteurs  de  son 
Eo-lise  et  en  vouloir  estre  raainteneurs  contre  leur  intention  pour  brider  des  autres 
persécuteurs  et  ennemys,  selon  ses  promesses  :  la  consolation  et  édification  des  Eglises 
réformées  tant  en  France  qu'ailleurs,  en  ce  que,  considérans  cesl  œuvre,  elles  prendront 
courage,  voire  plusieurs  seront  rendus  plus  hardys  à  se  déclairer  et  maintenir  de  ceste 
religion,  voyans  comme  Dieu  en  besogne  à  la  fin;  la  louange  qui  les  suit  en  cecy, 
d'autant  que  ung  chacun  dira  de  la  prudence  que  Dieu  a  donné  à  leurs  Seigneurs, 
par  le  moyen   desquels   tel  œuvre  aura  heu  avancement  es  temps  si   troblés  ;    le 
profit  et  seurté  qui  en  revient  aux  deux  villes,  terres  et  pays,  en  ce  que,  pour  le  moins, 
on  aura  lettres  et  seaux  de  telles  promesses  par  lesquelles  tacitement  tout  le  passé  et 
les  quérimonies  qu'on  heut  peu  soubsonner  à  l'advenir  tochant  les  faits  des  particuliers 
de  leurs  terres  et  de  Genève  au  regard  du  Roy  seront  abbatus  et  ensevelys  et  par  ce 
moyen  nos  adversaires  tenus  en  plus  grand  debvoir,  mais  notamment  leur  plaise  se 
resouvenir  de  ce  qu'ils  s'en  sont  cy  devant  tant  sentys  chargés  du  secours  de  Genève. 
Et  maintenant  que  Dieu  présente  un  moyen  pour  les  alléger,  que  leur  prudence  le 
veuille  apréhender  de  telle  sorte  qu'à  la  gloire  de  Dieu  il  n'eschape  point,  pour  ne 
donner  à  nos  adversaires  ce  contentement.  En  ceci  n'ayans  point  de  charge,  comme 
avons  dit,  nous  les  requérions  de  preuvoir  le  danger  des  entreprises  qui  se  sont  mani- 
festées cy-devant,  es  lesquelles  peuvent  encores  eslre  sur  le  bureau  et  plus  chaudes 
que  jamais,  suyvanl  les  advys,  lesquelles,  aydant  Dieu,  pourroient  par  ce  moyen  estre 
renversées,  et  en  général  faire  tellement  qu'eux  et  nos  Seigneurs  ayons  à  louer  Dieu 
et  à  déservir  tels  bénéfices. 

A  dîner,  les  S"  Steiguer,  Diespach  et  Manuel,  nous  ayans  fait  compagnie,  nous 
ont  respondu  que  Messieurs,  ayans  entendue  nostre  proposite,  nous  ont  accordé  le 
secrétaire  pour  nostre  party,  puys  que  les  autres  n'en  ont  pas  volu  un  neutre  ;  qu'ils 
ont  aussy  passé  en  leur  Grand  Conseil  il'accepter  ce  traité  et  d'y   Hiire  corriger  les 


476  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

points  et  passages  que  nous  avons  notés,  autant  qu'il  sera  possible,  et  en  parleront 
avec  les  Ambassadeurs  qui  doivent  venir  icy,  lesquels  ils  interrogueront  s'ils  entendent 
pas  qu'en  ce  mot  ennemys  ne  sont  comprys  ny  entendus  ceux  qui  seroient  réfugiés 
pour  la  Religion.  Quant  aux  péages,  qu'ils  en  ont  fait  leur  possible,  mais  cy  après 
s'ayderont,  eulx  et  tous  les  alliés  qui  participeront  à  ce  traité,  pour  le  nous  faire 
obtenir,  s'il  plait  à  Dieu,  et  qu'il  y  a  partout  commencement  ;  de  ce  qui  se  fera  ils  en 
advertiront  nos  Seigneurs,  Cependant  qu'il  y  a  quelcung  qui  a  mys  en  avant  que  nous 
ne  devons  pas  laisser  d'accorder  avec  Mons''  de  Savoye,  ce  qui  leur  semble  que  nous 
devons  faire,  affin  de  nous  oster  ceste  vieille  querelle  de  dessus  les  espaules. 

Les  Amb.  de  Savoye  sont  départys  d'ycy  et  nous  avons  advisé  d'attendre  encor 
es  Amb.  de  France  pour  estre  icy  pendant  la  correction,  s'il  est  possible,  afin  d'y 
tenir  main,  si  les  moyens  se  présentent.  Cela  nous  pourra  relarder  de  troys  ou  quatre 
jours,  puys  passerons  outre  aydant  Dieu.  C'est  ce,  Magnificques  Seigneurs,  que  jusques 
à  ce  samedy  avons  peu  faire,  moyennant  l'ayde  du  Seigneur,  auquel  soit  gloire  et  à 
vos  Seigneuries  contentement  et  prospérité.  Le  S''  Anselme  Callie,  qui  à  la  vérité  est 
rendant  debvoir  affectionné  et  dextre  et  qui  a  veu  et  sceu  pendant  son  séjour,  vous 
pourra  informer  du  totage  plus  particulièrement,  dont  n'heussions  fait  si  long  discours, 
n'estoit  pour  satisfaire  au  désir  que  vos  Seigneuries  peuvent  avoir  d'entendre  les  choses 
par  le  menu  pour  tant  mieux  adviser  sur  ce  qui  escherra  pendant  nostre  absence.  Et 
à  tant  nous  recommandons  très  humblement  à  vos  bonnes  grâces  et  prierons,  présen- 
tans  nostre  debvoir  et  très  humble  service. 

De  Berne,  ce  1G  de  May  1579. 

Vos  très  humbles  citoiens  et  Ambassadeurs. 

RosET.  —  Chevalier. 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  17' 


XXXI 


Roset  et  Chevalier  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  (le  Genève,  Portef.  hisl.  n»  2010.) 

Magnifiques  et  très  honorés  Seigneurs, 

Depuys  le  dépari  du  Sire  Anselme  Callié,  nous  avons  attendus  les  S"  Amb'''  de 
France,  qui  dévoient  arriver  d'heure  à  autre,  et  cependant  fait  toute  diligence  pour 
recommander  la  correction  par  nous  requise.  Les  dicts  S"  sont  arrivés  hier  au  soir 
un  peu  devant  souper  ;  nous  les  avons  visités,  salués  et  remerciés,  leur  recommandant 
aussi  lesdicts  8  articles;  ils  nous  ont  respondu  fort  humainement  de  leur  bonne 
volunté  et  que,  tant  s'en  faut  qu'ils  heussent  voulu  retenir  quelque  chose  de  leur 
puissance,  que  plustôl  ils  y  voudroient  mettre  davantage,  s'il  esloit  possible,  soubs  le 
bon  plaisir  du  Roy,  mais  nous  prient  de  croire  que,  pour  le  présent,  il  n'est  possible 
de  passer  plus  outre.  Quant  aux  mots,  que  ce  n'est  pas  si  grand  cas,  veu  que  ce  n'est 
pas  avec  nous  qu'on  contracte,  et  quand  ce  viendra  à  nous,  que  nous  regardions  bien 
es  termes  desquels  nous  accorderons  les  uns  avec  les  autres.  Au  reste,  que  le  Roy, 
faisant  ce  grand  bien  d'asseurer  et  d'ayder,  mérite  pour  le  moins  quelque  respect, 
qui  profitera  toujours  plus  que  de  nuire  ;  que  nous  y  pensions  bien  et  n'empêchions 
pas  une  chose  de  si  grande  conséquence  pour  des  mots  ;  une  autre  raison,  dira-il,  que 
nous  sommes  de  l'Empire  ;  si  le  Duc  nous  vouloit  nous  amener  devant  l'Empire,  que 
nous  n'avons  aucun  refuge,  ny  appuy,  que  des  Seigneurs  de  Rerne,et  n'est-il  pas  bien 
besoing  qu'ung  si  grand  Roy  ayt  occasion  de  s'en  mesler;  considérez  bien  le  tout. 
Nous  luy  avons  respondu  qu'icy  nous  n'estions  pas  chargés  de  nos  Supérieurs,  car  ils 
n'avoient  encores  sceu  lesdicts  termes,  mais  comme  leurs  fidèles  serviteurs,  désireux 
qu'un  si  bon  œuvre  puisse  obtenir  bon  effet,  nous  avions  taché  de  prévenir  ce  qui  le 
pourroit  empêcher;  si  les  requérions  de  ne  s'arrester  pas  es  mots,  puysque  l'intention 
est  bonne  et  veu  que  les  mots  peuvent  engendrer  des  disputes;  qu'ayans  heu  commu- 
nication du  traité,  oncor  qu'il  ne  soit  fait  avec  nos  Seigneurs,  néanmoins,  pnys  (ju'il 


178  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

les  concerne,  nous  ne  pouvons,  pour  nostre  devoir  el  le  désir  que  nous  avons, 
ùbmettre  de  remontrer  les  dangiers  que  nous  y  voyons  et  les  prier  très  affectueuse- 
menl  d'y  vouloir  entendre  et  nous  favoriser.  Ils  ont  persisté,  disans  néanmoins  enfin 
que,  puys  qu'on  estoit  d'accord  de  la  substance,  on  s'accorderoit  bien  des  mots. 

Le  lendemain,  mardy  au  matin,  nous  avons  advertys  les  Seigneurs  commys,  qui 
avoient  à  s'assembler  avec  lesdicts  S"  Ambassadeurs  pour  ladicte  correction,  leur 
monstrans  l'importance  desdicts  mots,  leur  faisans  entendre  que  nous  n'estimons  pas 
que  nos  Seigneurs  y  consentent  jamais.  M.  de  Diespach  nous  a  respondu  :  ce  traité 
est  entre  nous,  non  avec  vous,  peut-estre  ne  sera-il  pas  besoing  d'en  faire  point 
d'autre  et,  quant  on  parlera  à  vous  pour  traiter,  lors  ce  sera  à  vous  d'accorder  ou 
refuser.  Nous  luy  avons  respondu  :  nous  en  parlons  bien  pour  nous,  mais  nous  croions 
bien  que  vous  ne  puissiez,  ny  devez,  ny  veullez  faire  accord,  par  lequel  vous  donniez 
avantage  sur  nous,  mais  nous  avder  à  la  conservation  de  nos  libertés  et  franchises. 
Enfin,  il  a  dit  :  Nous  ferons  tout  ce  que  nous  pourrons  ;  vous  y  allez  de  bien  près. 

Tanlost  après,  ils  sont  venus  lesdicts  S'=  de  Diespach  et  Tillier,  qui  ont  esté  plus 
d'une  heure  avec  lesdicts  S''='  françoys,  puys,  suyvant  ce  qu'avions  requis  ledict  Dies- 
pach d'estre  ouys,  s'il  y  escheoit  quelque  doute,  pour  soutenir  nos  raisons,  ils  nous 
ont  appelés,  fait  asseoir,  et  nous  avoir  beaucoup  remontré  en  présence  desdicts 
S"  de  Berne  sui-  ce  mot  protection,  et  que  les  estais  appellent  bien  nostre  protecteur 
et  les  protestans  le  Roy  Henry  aussi  protecteur,  mais  ce  n'est  pourtant  à  en  dire  qu'il 
ayt  acquis  droit  sur  iceux  ;  qu'il  y  a  plusieurs  gens  à  la  Court  qui  s'efforceront  de 
remuer  cest  affaire,  que,  de  nostre  part,  nous  n'y  donnions  empêche  ;  fin  après  plusieurs 
remontrances  et  répliques  et  finale  déclaration  que  nous  n'avons  point  de  consente- 
ment et  si  ne  croyons  point  que  nos  Supérieurs,  qui,  en  l'extrémité  de  leurs  affaires, 
s'estoient  excusés  envers  le  grand  Roy  Françoys  de  telle  protection,  volussenl 
auiourdhuy  souffrii'  la  moindre  tasche  sur  la  liberté  que  Dieu  leur  a  donnée,  ny  donner 
aux  adversaires  et  conlrepratiqueurs  plaisir  de  se  moquer  d'eulv  ;  qu'il  y  auroit  plus 
de  louange  pour  le  Roy  d'avoir  fait  les  choses  libéralement  el  vertueusement  qu'en 
déroganl  en  quelque  manière  ù  ce  qu'il  semble  qu'on  promet  de  conserver,  ils  ont 
accordé  de  changer  ce  moi  protection  \i  conservation,  \v  mol  nirltre  (jarnison  à  acronler 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  i79 

garnison,  le  mot  :  la  ville  sera  ouverte  aux  suhiets  du  Roy  à  les  subiects  auront  -passage 
libre  et  seur  pour  trafiquer  ;  le  passage  des  gens  de  guerre,  la  Seigneurie  en  sera 
premièrement  advertie  pour  donner  ordre  heu  esgard  à  la  qualité  d'ycellc  pour  n'estre 
snrprys  ny  surchargés.  Quant  aux  ennemys,  nous  ont  respondu  devant  les  S'»  de  Berne 
qu'ils  n'y  entendoient  ceux  de  la  Religion,,  lesquels  le  Roy  lient  et  a  déclairé  pour  ses 
bons  et  fidèles  subiets,  comme  les  catoliques  ;  disant  ledict  S'  de  Bellièvre  que  cy 
devant  plusieurs  s'estans  retirés  de  France  après  la  St-Barthélemy,  les  autres  cantons 
estoient  d'advys  qu'il  en  fit  instance  vers  Messieurs  de  Berne,  mais  il  ne  l'a  l'ait, 
scacliant  bien  que  le  traité  de  paix  ne  s'estendoit  pas  jusques  là,  mais  seulement  sui' 
ceux  qui  entreprennent,  portent  armes  et  machinent  hostilité;  au  reste,  nous  scavons 
en  quel  estât  est  le  Roy  et  voyons  comme  c'est  qu'il  négotie  avec  les  deux  villes. 

Nous  n'avons  à  faire  doute  de  cela,  prians  qu'on  n'y  adjouxte  rien  pour  n'excéder 
pas  leurs  instructions,  qu'ils  adviseront  avec  les  S'*  de  Berne  de  quelque  autre  provi- 
sion. Quant  au  mot  de  territoire,  ne  l'ont  voulu  outrepasser,  disans  que  cela  a  certain 
regard  et  que  le  mot  est  bien  grand,  mais  encor  sont-ils  bien  ayses  de  pouvoir 
respondre  qu'ils  n'ont  pas  fait  cela  pour  empêcher  les  droits  d'autruy,  mais  pour 
garder  le  passage  qu'est  Genève  et  son  territoire;  que  le  Duc  a  quelque  souveraineté 
en  certaines  terres.  N'ont  voulu  que  Genève  fut  présente  à  la  délibération  tochant  la 
garnison,  car  ils  ne  traitent  avec  nous  ;  que  ceux  qui  demandent  ne  peuvent  estre 
juges.  Que  Genève  demandera  garnison,  eulx  des  Cantons  adviseront  s'ils  la  bailleront; 
et  ainsin  des  péages,  qu'il  ne  se  peut  taire  pour  le  présent,  mais,  selon  qu'on  se 
comportera,  qu'on  obtiendra  cela  et  choses  plus  grandes  ;  avec  les  S"  de  Berne,  ils 
déduisent  tochant  les  capitaines  de  secours  de  6,000  hommes,  lesquels  capitaines 
les  S''^  de  Berne  veulent  baliier  et  semble  qu'ils  s'accorderont.  Les  S'^'  de  Berne  leur 
ont  demandé  que  dans  le  traité  il  fut  dit:  sans  préjudice  des  droits  de  Monsieur  de  Savoye. 
Ils  l'ont  refusé,  comme  ils  debvoient  ;  cela  avoit  bien  esté  mys  en  avant  au  dernier 
Conseil,  mais  le  plus  porta  seulement  de  le  dire  à  nous,  les  Amb.  de  Genève,  et  de 
dire  aux  Savoyens  qu'ils  advisent  de  s'accorder  pendant  les  troys  moys  que  le  Roy  a 
de  temps  à  respondre.  Les  dicls  S"  Amb.  nous  ont  dit  que  ce  n'est  pas  terme  pour 
dilayer,  mais  pour  ce  qu'il  faut  que  ledict  S'  de  Hauteforl  s'en  aile  vers  la  Royne-Mère  ; 
il  a  niyeux  ayiué  avoir  du  lonips  plus  que  moins  ;  cf-pendant  il  dépêchera  et  que  ce  que 


180  GENÈVE,  LE  PAUTl  HUGUENOT 

le  Roy  a  piomys,  il  le  tiendra.  Ledicl  S'  de  Hautefortet  La  Chaise  s'en  vont  à  Genève, 
et  pour  ce  que  nous  présuposons  vos  honneurs  et  caresses  et  les  offres  qu'ils  pourront 
faire  au  réciproque,  par  aventure  se  pourroit  obtenir  davantage,  s'ils  ont  pouvoir, 
mais,  pour  n'excéder  pas  nostre  vocation,  ayans  advertys  vos  Seigneuries  de  ce  qui 
se  passe  et  de  leur  allée  par  delà,  nous  entendrons  cy-après  au  surplus  de  nostre 
voyage,  aydant  Dieu,  lequel  nous  prierons  vouloir  bénir  et  protéger  vostre  Mag.  Estât 
en  toute  prospérité,  et  vous  demeurans  très  humbles  serviteurs,  comme  debvons, 
nous  recommanderons  très  humblement  à  vos  bonnes  grâces  et  prières. 

De  Berne,  ce  Mardy  19  de  May  1579. 

Vos  très  humbles  serviteurs  et  Arab". 

RosET.  —  Chevalier. 


XXXII 

Rosel  et  Chevalier  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  de  Genève,  Portef.  hisl.  n"  '2010) 

Magnifiques  et  très  honorés  Seigneurs, 

Après  le  despari  de  bon.  Jaq.  Gradelle  et  Guicheslre,  vos  bourgeois,  par  lesquels 
avons  escript  à  vos  Seigneuries,  nous  avons  entendu  comme  Mess"  de  Berne,  par  la 
responce  qu'ils  ont  balliée  de  la  part  des  Deux  Gens,  leur  ont  dit  et  ballié  par  escript, 
entre  autres  points  qu'ils  entendent  que  cecy  ne  préjudicie  point  à  la  décision  amiable  ou 
par  le  droit  des  différens  de  Genève  avec  M.  de  Savoye.  Nous  avons  remontré  à  M.  l'Advoier 
Steiguer  le  préjudice  qu'ils  se  font  et  à  nous  en  cela.  Il  nous  a  dit  qu'il  voudroit 
que  fussions  d'accord  avec  M.  de  Savoye,   autrement  nous  aurons  touiours  cesle 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  181 

querelle  el  qu'il  a  esté  ainsin  arreslé.  Toteffois  on  ne  le  met  point  en  l'instrument  et 
que  cest  affaire  de  France  ne  luy  a  jamais  pieu,  et  qu'il  ne  nous  cachera  pas  qu'il  n'y 
a  jamais  consenty,  sinon  qu'il  dit  à  Messieurs  les  Bourgeois  :  Dieu  vous  en  doient  joye. 
Qu'il  a  touiours  la  qualité  de  ce  Roy  devant  les  yeux,  et  que,  si  on  pouvoit  accorder 
avec  le  Duc,  qu'il  pourroit  bien  faire  valloir  Genève.  Nous  luy  avons  remontré  qu'il 
veoit  bien  qu'il  n'a  pas  tenu  à  Messieurs  nos  Seigneurs  es  journées  passées  et  que,  si 
on  povoit  accorder  encor  de  présent,  on  le  désire,  mais  la  difficulté  vient  de  la  part 
de  Son  Altesse  qui  insiste  à  ce  que  nous  ne  devons  pas  et  qu'ils  ne  dévoient  soubs 
correction  ballier  telles  réserves,  surtout  par  escript,  veu  qu'aussi  bien  on  ne  laissoit 
pas  de  suyvre  et  qu'ils  nous  en  avoient  parlé  et  que  les  Savoyens  l'entendans  prendront 
corage  el  s'efforceront  de  faire  tant  pys,  et  que  cela  ne  leur  profite  de  rien.  Il  nous  a 
répliqué  que  cela  ne  sera  pas  au  traité,  mais  en  une  responce  à  pari,  et  que  n'en  ayons 
point  de  crainte,  que  nous  parlions  à  M.  deDiespach.affin  qu'il  la  retire.  Sur  cela  nous 
avons  parlé  audict  S^  de  Diespach  et  luy  avons  remontré  l'inconvénient  que  nous  y 
apercevons  et  l'avons  prié  de  retirer  ledict  escript.  Il  a  mandé  incontinent  pour  le 
retirer. 

Après  souper,  le  S''  de  Hautefort  nous  a  dit  qu'il  avoit  ballié  es  Seigneurs  de 
Berne  une  déclaration  du  mot  des  ennemys,  comme  il  s'entend,  el  le  pourrons  veoir 
et  qu'on  leur  fait  en  cecy  beaucoup  de  traverses,  que  nous  avons  à  y  penser  comme 
pour  nous,  affm  qu'il  n'y  entrevienne  interruption,  car  les  cinq  cantons  et  M.  de  Savoye 
remueroient  tant  pour  empêcher  ou  renverser  cecy  qu'on  aperçoit  bien  ses  menées,  car 
on  leur  a  fait  une  réserve,  combien  que  le  Roy  n'ait  rien  voulu  réserver  au  Traité,  n'en 
ayant  aussi  point  d'occasion,  car  le  Duc,  qui  a  tant  receuz  de  biens  du  Roy  en  son  Traité 
avec  les  cinq  cantons,  n'a  pas  fait  l'honneur  au  Roy  de  le  réserver,  qu'est  la  cause  que 
le  Traité  de  présent  est  couché  simple  et  sans  réserve  de  personne.  Cependant  il  faut 
passer  outre  ;  que  nous  avons  bien  à  ne  donner  point  d'occasion  de  nostre  part  en 
nous  arrestant  à  cecy  ou  à  cela  ;  qu'il  seroit  bon  que  je  retournasse  à  Genève  pour 
informer  Messieurs  à  ce  qu'on  n'y  face  difficulté.  Nous  luy  avons  respondu  que,  dans  le 
Traité  tel  qu'il  est,  nos  Seigneurs  ne  sont  pas  introduits  pour  consentir,  ny  autrement, 
et  qu'il  s'agiroit  de  faire  l'Alliance  ou  bourgeoisie  avec  les  deux  cantons,  Berne  et 
Soleurre,  pour  mettre  en  pratique  ce  que  porte  le  premier  Traité.  Il  faudroil  donc, 


185  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

dit-il,  que  cela  se  dépeschal,  afliri  que  rien  ne  demeure  en  arrière.  Je  luy  ay  dit:  Nos 
Seigneurs  n'ont  pas  encor  heu  communication  de  tout  cecy  et  ne  s'en  pourront  pas 
résoudre  si  tost,  s'il  est  question  de  bailler  quelque  consentement,  et  quoy  qu'il  en 
soit,  pourront  trop  mieux  adviser  sur  le  totage  par  leur  prudence,  voire  sans  nous, 
qui  aussi  ne  pourrions  abandonner  la  charge  expresse  que  nous  avons  d'aller  aux 
Cantons  pour  la  journée  establie.  Après  il  nous  a  dit  qu'il  y  falloit  penser  cesle  nuit  et 
qu'il  nous  prioii  de  parler  de  matin  à  luy  avant  son  desparl. 

Mescredy  de  grand  malin,  nous  avons  veu  entre  les  mains  de  M.  de  Diespach 
l'escript  de  la  responce  ou  réplique  que  les  Amb.  leur  ont  baillée,  dont  avez  ici  la 
copie.  Nous  luy  avons  demandé  s'il  estoit  pas  expédient  de  faire  quelque  autre  traité 
avec  Mess"  de  Soleurre  et  eulx,  suyvant  ce  traité,  après  que  vos  Seig'^'  l'auront  veu 
s'il  vous  aggrée.  Il  nous  a  respondu  que  par  avanture  ne  sera  il  pas  de  besoing,  sinon 
accepter  cela,  pour  ce  qu'il  se  craint  que,  si  cest  atlaire  revenoit  plus  en  leur  Grand 
Conseil,  que  tout  ne  fut  à  néant  à  cause  des  grandes  traverses  qu'on  y  donne  sans 
raison.  Item  que  Mess"'*  de  Soleurre  peut-estre  ne  prendront  pas  plaisir  pour  le  présent 
de  faire  plus  grand  bruit  à  cause  des  cinq  cantons,  mais  il  y  faudra  adviser.  Nous 
avons  parlé  à  M''*  les  Amb.  de  France  au  point  de  leur  départ,  lesquels  nous  ont 
promys  vous  délivrer  à  Genève  le  double  du  traité,  ainsin  qu'il  a  esté  corrigé.  Mons''  de 
Hautefort  dit  qu'il  voudroit  bien  que  je  retournasse  à  Genève  ;  toteilois,  puys  que 
nostre  commission  tendoit  autre  pari,  qu'il  avoit  pensé  qu'il  faudroit  peut-estre  attendre 
M.  de  MuUinen,  qui  a  négolié  tout  cecy,  et  qu'il  faudroit  adviser  de  ce  qui  sera 
expédient  ;  cependant  que  nous  ferions  bien  d'entretenir  Mess"  de  Soleurre  troys  ou 
quatre  qu'ils  sont  et  le  secrétaire,  aiBn  qu'ils  soient  fermes,  si  ces  cantons  les  recer- 
chent  et  qu'ils  ne  prennent  pas  occasion  sur  le  changement  et  correction  qu'on  a  faite 
et  qu'en  cela  le  S''  Baltasard  a  grand  crédit  et  intelligence  et  a  beaucoup  iravallié. 
Puys  entrant  le  S""  Balt.,  a  dit  devant  luy  :  «  Je  disoys  icy  à  Mons"^  le  Sindique  qu'il 
seroit  bon  d'entretenir  les  principaux  de  Soleurre,  aflîn  que,  pendant  ces  choses,  ils  ne 
se  détornent  par  les  sollicitations  des  cinq  cantons  que  j'aperçoys  survenir  ;  qu'eu 
dites-vous.  »  Il  respond  ;  «  Puys  qu'il  vous  plaît  de  m'interrogucr,  je  prendray  la 
hardiesse  de  vous  en  dire  mon  advys,  que,  puys  que  Mess'*  de  Berne  ont  baillé  leur 
seau  ou  soit  acceptation,  il  ne  laul  pas  craindre  ipic  les  S''"  de  Soleurre   se  laissent 


ET   LE   TRAITÉ   DE    SOLEURE  183 

manier  aux  cinq  cantons  et  ainsin  Mess-^^  de  Genève  pourront  éviter  de  la  dépence. 
Cependant  M"'  s'en  va  à  Zurich  et  verra  M''  de  MuUinen  pour  adviser  plus  autre.  »  Lors 
M.  de  Hautefort  a  dit  :  «  Vous  scavez  bien  comme  les  cinq  cantons  veulent  mal  à  ceux 
de  Soleurre  à  cause  de  leur  particulière  conionction  faite  avec  les  S"^^  de  Berne  et  qu'ils 
en  ont  faites  des  chansons,  les  chargeans  de  vouloir  devenir  lutériens,  ce  qui  fasche 
fort  lesdicts  Soloduroys.  Toteffois,  vous  cognoissez  mieux  cesl  atïaire.  »  Nous  l'avons 
requys  de  nous  ayder  de  leurs  bonnes  recommandations  envers  ceux  des  Cantons 
Papistes.  Il  nous  a  respondu  qu'il  y  en  ha  deux  esquels  on  pourra  parler,  mais  celuy 
de  Lucerne  est  inaccessible  de  ce  costé.  M.  de  Sancy  a  promys  de  s'y  employer.  Ledict 
S^  de  Sancy  accompagne  le  S"^  de  Hautefort  jusques  à  Fribourg  et  le  S''  Baltasard  aussi. 
Ou  nous  sommes  bien  trompés,  ou  ils  sont  affectionnés  à  cest  affaire.  En  devys  de 
table  je  demanday  particulièrement  à  M.  de  Hautefort  du  mariage  de  M'  avec  celle 
d'Hespagne.  Il  dit  qu'il  en  estoit  quelque  bruit  et  de  celle  d'Angleterre.  Je  luy  demanday: 
et  si  le  mariage  d'Hespagne  se  faisoit,  les  deux  royaumes  seroient-ils  pas  conioints  et 
unys  pour  s'entre  ayder.  Il  me  dit  :  «  Non  pas,  quand  le  Roy  mesme  l'auroit  prinse. 
Car  ces  deux  estats,  France  et  Hespagne,  ne  craignent  ny  ne  regardent  que  l'ung  sur 
l'autre.  C'est  le  mal  qu'ils  nous  ont  fait  pour  nous  tenir  petis  ;  mais,  après  nostre 
minorité,  nous  commençons  à  le  cognoître.  Ils  nous  ont  broillés,  nous  scavons  bien, 
si  nous  voulions,  quel  il  fait  au  Pays-Bas.  Nous  scavons  bien  les  mescontentemens  de 
leurs  estats.  Ils  ont  osté  Constance  à  ce  pays  des  Ligues.  Nous  scavons  bien  en  quelle 
manière  ils  les  gouvernent  et  les  plaintifs  de  ceux  de  Constance  et  ce  qu'on  leur  ha 
respondu.  Tout  a  son  temps.  )^ 

Je  luy  ay  demandé  s'il  prétendoit  parler  de  ce  traité  à  vous,  mes  Très  honorés 
Seigneurs.  Il  m'a  respondu  que  non  pas,  sinon  à  quelcun  et  à  M.  de  Bèze,  car  il  désire 
qu'il  soit  secret.  Je  luy  ay  dit  :  «  Les  Savoyens  le  scavenl.  »  Respond  :  «  Ils  se  vantent 
de  le  scavoir  de  Genève.  »  Je  luy  ay  respondu  :  «  Il  n'est  possible.  •»  «-ie  vous  dii-ay, 
dit-il,  les  traversiers  d'ycy  leur  auront  tout  conté,  puys  vous  auront  fait  ce  bien  de  les 
instruire  de  dire  que  c'est  devostre  ville  qu'ils  l'ont  aprins.  »  M.  de  la  Chaise  m'a  dit 
qu'à  Zurich  il  a  ces  jours  parlé  à  M.  Gualter,  de  Zurich,  qui  a  trouvé  cest  affaire  fort 
bon  et.  a  espérance  que  Mess"'-  dudict  lieu  y  entendront  facilement.  Ils  nous  oi.l  conviés 


484  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

les  troys  repas  qu'ils  ont  esté  icy.  Après  leur  départ,  nous  avons  encor  parlé  à  M.  l'Ad- 
voyer  en  la  maison  de  ville,  luy  remontrans  le  déplaisir  que  nous  avons  pour  nos  Sei- 
gneurs de  ce  qu'outre  ce  qui  est  assez  déclairé  en  leurs  traités  avec  Monsiew  de  Savoye 
en  nostre  mode  de  vivre  et  es  Abscheids,  il  leur  plait  de  faire  ces  réserves  et  les  mettre 
es  mains  des  S'^  Amb"  françoys,  qui  en  pourra  faire  bruit  en  plusieurs  lieux  et  donner 
occasion  aux  grands  d'en  parler,  en  lieu  qu'ils  désirent  et  nous  induisent  touiours  de 
l'assoupir  et  mesmes  qu'ils  creignent  la  succession  des  grands  et  puys  qu'en  ce  Traité  le 
Roy  ne  vouloit  rien  réserver,  pourquoy  luy  font-ils  une  réserve  de  laquelle  il  n'a  que 
faire.  Il  suffisoit,  si  ainsin  leur  heut  pieu,  d'en  avoir  parlé,  sans  la  mettre  par  escript; 
et  d'autant  que  nous  en  sommes  en  peyne,  encor  qu'ils  facent  cela  sans  nous  en  dire  ny 
communiquer,  nous  ne  pouvons  que  nous  ne  le  requérions  de  tant  faire  que  ces  escripts 
ne  s'esventent  point,  sinon  qu'il  fut  possible  de  les  retirer  du  tout,  veu  que  le  préiu- 
dice  qu'ils  nous  font  en  cela  retumbe  sur  eulx,  pour  ce  que  nostre  Estât  est  tellement 
conioint  au  leur  que  l'avantage  que  M.  de  Savoye  pourroit  gagner  sur  Genève  luy 
réussiroit  certainement  à  fondement  pour  réinlégrande  de  totes  ses  querelles  e<  actions 
contre  eulx,  nonobstant  totes  lettres  et  seaux  ;  qu'il  luy  pleut  nous  y  donner  quelque 
bon  advys. 

Il  nous  a  respondu  en  substance  qn'il  ne  s'en  fera  point  de  traité,  que  le  mesme 
escript  qu'on  leur  avoil  baillé,  ils  l'ont  retiré  ou  le  retireront.  Le  traité  est  net,  sans 
réserve,  mais  ils  ont  bien  voulu  dire  pour  leur  honneur,  afTm  qu'il  ne  leur  fut  reproché 
et  qu'il  ne  peut  nuire,  n'estant  ni  scelé,  ni  signé,  et  ne  demeurant  pas  en  leurs 
mains. 

S'il  sembloit  à  vos  Seigneurs,  après  avoir  ouy  le  S''  Amb.  de  France,  et  totes  ces 
choses  considérées,  qu'il  fut  bon  ou  de  remercier  en  Conseil  ou  de  requérir  les 
S"  de  Berne  et  Soleurre  de  quelque  alliance  ou  Bourgeoisie,  selon  que  nous  pourrions 
décovrir  estre  expédient  ou  nécessaire,  après  avoir  parlé  particulièrement  à  Soleurre 
es  S'*  principaux,  à  Baden,  à  M.  l'Advoier  de  Mullinen  et  es  autres  endroits  où  nous 
allons,  et  il  vous  plaisoit  nous  envoyer  une  lettre  de  créance  pour  Berne,  une  autre 
pour  Soleurre,  et  nous  instruire  de  vostre  bon  vouloir,  nous  nous  en  acquiterons, 
aydant  Dieu,  au  retour,  pour  éviter  autrfs  frays  et  voyages,  entendans  néanmoins  que 


ET    LE    TRAITÉ    DE   SOLEURE  1  Î<IJ 

VOS  Seigneuries  veulent  bien  qu'en  tout  cela  nous  puissions  avoir  esgard  à  ce  que 
nous  pourrons  avoir  aperceu  pour  faire  plus  ou  moins  ou  laisser  le  tout  selon  ies 
occurrens.  I.e  nnessager  pourroil  attendre  à  Soleurre,  au  logis  de  la  Tour,  où  pourrons 
eslre  de  retour,  s'il  plail  au  S^  d'auiourdhuy  en  dix  jours.  A  tant,  Magnificques  el  très 
honorés  Seigneurs,  répétons  noslre  debvoir  et  très  linmhle  service,  prians  le  tout 
puissant  qu'il  luv  plaise  vous  (aire  prospérer  et  tenir  en  sa  sainte  garde. 

De  Berne,  ce  mescredy  20  de  May  1579. 

Vos  très  humbles  serviteurs  et  Amb. 

RosET.  —  Chevalier 


XXXTH 

Roset  à  IJanlpforl. 
Copie 

(Arch.  lie  Genève.  Portef.  Iiifl.  n'  2010) 

Monseigneur. 

Depuis  voslre  départ  nous  avons  obtenu  des  Magnificques  S"""  des  Cantons  que 
les  arbitres  nommés  se  Irouveroient  pour  le  28  de  Juing  au  lieu  de  Nion.  mais 
depuis  il  a  pieu  à  Mons""  le  Duc  de  Savoye  de  dilaier  ladicte  journée  jnsques  au  second 
d'Aousl  prochain,  à  quny  nos  Seig"^^  n'ont  peu  contredire,  vpu  que  la  journée  est 
amiable.  Cependant  quelqu'un  des  gentilshommes  de  Savoye  a  dit  que  son  Allesse 
avoit  dépesché  pardevers  le  Roy  pour  luy  remontre  la  grande  el  pernitieuse  importance 
de  cest  affaire  el  1^  requérir  de  proveoir  tout  cela  en  se  déporliiil  de  telles   faveurs, 

54 


180  fiENÈVE,    LE    PARTI    HUGUENOT 

si  qu'ils  sont  plpjns  d'espérancp  de  faire  que  le  tout  s'esvente,  cornu  e  une  mine  bien 
rencontrée  par  les  défendeurs,  à  la  confusion  et  desplaisance  de  ceux  qui  s'en  sont 
meslés  ;  or,  combien  que  je  ne  face  aucun  doute  de  vostre  grande  prudence  et  que  ne 
soyes  adverti  de  cela  et  d'autres  choses  plus  outre,  je  n'ay  cependant  voulu  obmettre 
de  vous  en  donner  ce  mot  d'advis  à  toute  adventure,  comme  l'on  dit,  comme  vous 
tenant  et  sachant  tr^s  affectionné  ot  désireux  à  tout  ce  que  concerne  le  bien,  seurié 
et  succès  de  la  couronne  et  de  ses  confins  et  serviteurs.  Et  sur  ce,  me  recommandant 
très  humblement  à  vos  bonnes  grâces,  je  prierai  le  Seigneur  qu'il  luy  plaise,  etc. 

Le  17  Juing  1579. 


XXXIV 

LAvoycr  et.  le  Conseil  de  Berne  au  Conseil  de  Genève. 
(Arcli.  (le  Genève,  Portef.  hist.  n"  2noi) 

Nobles,  Magniflicques  Seigneurs,  singuliers  Amys,  bons   voysins, 
très  chers  et  féaulx  combourgeois, 

Vous  aurez  entendu  du  rapport  qu'auront  faict  les  Seigneurs  Scindicques  Roset  et 
vostre  secrétayre  d' Estai  (suyvant  ce  que  les  avons  priés)  tout  ce  qu'a  esté  convenu  et 
iraicté  entre  Messieurs  de  Haullefort  et  de  Harlai,  ambassadeurs  de  la  Royalle  Majesié 
de  France,  et  pour  la  part  d'icelle,  nos  très  chers  alliés  et  combourgeois  de  Saleure 
et  nous,  sur  la  requesle  et  solicitation  que  leur  avions  ci-devant  faicte,  de  nous  vouloir 
soublever  et  assister  à  vous  secourir  en  cas  de  nécessité  contre  ceulx  qui  vouldroient 
entreprendre  sur  vous,  attendu  la  grandissime  charge,  à  nous  incombante,  de  vous 
pouvoir  deffendre  seuls  contre  les  forces  et  grande  puissance  de  vos  ennemys,  nous 
asseurans  que  l'aurez  trouvé  très  salulaire  et  grandement  requis  pour  la  conser- 
vation, utilité  et  repos  do  nos  commungs  estats,  voire  tel  que  ceste  béningne  présen- 
tation de  Sadicio  Majesté  et  <Ih  nos  combourgeois  ne  doibi,  ny   penlt  ostro  refusée. 


ET   LE   TRAITÉ    DE    SOLEUKE  187 

mais,  d'aultant  que  jusques  à  présent  n'avons  encore  receu  de  vous  aulcune  lesponce 
et  que  sommes  certains  que  sa  Majesté  l'advouera  et  trouvera  bien  uggréable,  mesmes 
que  la  journée  de  Baden  est  prociiaine,  à  laquelle  sommes  résolue  déclairer  à 
nos  alliés  la  convention  dudict  Traiclé  et  les  raisons  que  nous  ont  mheues  de 
pourchasser  ladicte  assistance  deffensive,  aussy  de  les  prier  généralement  d'y  vouloir 
entrer,  comme  espérons  qu'aucungs  d'iceulx  y  condescendront,  nous  vous  prions  de 
le  vouloir  aussy  librement  accepter,  prenant  sur  ce  prompte  résolution,  nous  envoyer 
icelle  par  ce  présent  messager,  pour  ce  seul  respect  envoyé  par  devers  vous,  affin  que, 
suyvamment,  nous  puissions  dépesclier  nos  délégués  à  ladicte  journée  avecq  telle 
charge  qu'il  sera  requis.  Surquoy  attendant  voslre  désirée  responce,  prierons 
cependant  le  Créateur  vous  tenir, 

Nobles,  Magnifficqucs  Seigneurs,  singuliers  Aniys,  bons  voysins,  Irèscheis  et  leaulx 
combourgeois,  en  sa  saincte  garde. 

De  Berne,  ce  18*  de  Jning  1579. 

L'Advoyer  et  Conseil  de  la  Ville  de  Berne. 


XXXV 

Les  députés  des  Eglises  réformées  de  France  au  Conseil  de  Genève. 

(Arch.  de  Genève,  Portef.  hisl.  n"  2014) 

Très  honorés  et  iVJagnificques  Seigneurs, 

Estans  asamblés  en  ceste  ville  par  le  mandement  du  roi  de  Navarre,  soubs 
l'autorité  et  permission  du  Roy  nostre  souverain,  pour  et  au  nom  de  toutes  les  Eglises 
réformées  de  France,  Monseigneur  le  Prince  de  Condé,  présent  en  ladicte  assamblée, 
nous  a  remonstré  qu'il  est  redevable  à  beaucoup  de  personnes  en  plusieurs  grandes  et 
notables  sommes  de  deniers,  par  luy  empruntées,  pendant  qu'il  csloit  hors  de  royaume, 


188  GENÈVE,    LE    l'AUTI    HUGUENOT 

et  emploiées  au  profit  et  pour  la  detïence  desdictes  églises  aux  guerres  passées,  dont 
Son  Excellence  nous  a  représenté  l'estat,  auquel  sont  comprises  les  parties  deues  à 
quelques  bourgeois  et  habitants  particuliers  de  vostre  ville  par  ledict  Seigneur  Prince, 
montant  à  la  somme  de  onze  cens  cinquante  un  escus,  pour  laquelle  ses  créditeurs 
ont  de  Ses  bagues  en  gaige.  Surquoy  jugeans  estre  bien  raisonnable  et  juste  que 
lesdictes  Eglises  payent  ladicte  somme  en  l'acquêt  et  descharge  dudict  Seigneur  Prince, 
nous  l'avons  comprise  et  enclose  en  la  somme  de  vingt-deux  mil  escuts  sol,  que  nous 
lui  avons  accordée  et  imposée  sur  nos  églises,  au  nom  desquelles  nous  vous  suplions 
bien  humblement,  Très  honorés  et  Magniffiques  Seigneurs,  vouloir,  par  vostre  crédit, 
laveur  et  autorité,  moyener  envers  les  susdicls  créditeurs  qu'ils  sursoient  et  attandenl  le 
payement  de  ladicte  somme  de  onze  cens  cinquante  un  escus  sol  de  la  prochaine  foire 
de  Francfort  en  ung  an,  vous  promettans  et  à  eulx  aussi  faire  nostre  plain  et  entier 
debvoir  envers  nosdictes  églises  par  nos  remonstrances,  interpellations  et  dilligences,  à 
ce  qu'elles  fournissent  dans  le  terme  susdict  audict  Seigneur  Prince,  ladicte  somme  de 
vingt  deux  mil  escuts,  et  luy  donnent,  en  ce  faisant,  moyen  de  contanter  ses  susdits 
créditeurs  et  leur  payer  ce  qui  leur  est  deu,  espérans  qu'elles  n'y  feront  faulte,  ains 
agréeront  ladicte  imposition  et  département  par  nous  faict.  El  sur  ce  nous  assurans  de 
vostre  bonne  volonté  et  sincère  afection  envers  ledict  Seigneur  Prince  et  toutes  nos 
Eglises  et  que  ne  nous  desvierés  la  bien  humble  requeste  que  nous  vous  faisons  pour 
ce  regard,  nous  prions  Dieu  vous  avoir. 

Très  honorés  et  Magnilicques  Seigneurs,  eu  sa  saincte  et  digne  garde  et  maintenir 
vostre  Estât  en  toute  prospérité. 

De  Montauban,  ce  25'  jour  de  Juillet  1579. 

Vos  très  humbles  et  afectionnés  serviteurs,  les  députés  des  Eglises  réformées  de 
France  et  au  nom  d'iceulx, 

Calvet, 
Commis  à  la  garde  des  actes  et  procès-verbal  de  leur  assemblée. 


ET   LE   TRAITÉ    DE    SOLEUUE  "18'' 

XXXVI 

Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Purtef.  hist.  n°  1952.) 

Messieurs, 

N'ayant  ou  la  commodilé  de  pouvoir  acquiter  la  parlye  de  1151  écus,  de 
laquelle  j'ay  esté  secouru  par  aucuns  particuliers  de  vostre  ville  sur  des  bagues  qui 
sont  encores  en  leurs  main^  pour  ladicle  somme  de  1151  écus,  j'ay  pensé  qu'après 
avoir  employé  d'ailleurs  tous  mes  moyens  pour  le  service  de  nostre  parly,  il  estoit 
raisonnable  que  le  général  recongneusl  que  les  grandes  despences  et  debtes  que  j'ay 
créées  en  ma  retraicte  en  Allemaignes  ont  esté  pour  le  service  de  tout,  ce  qui  a  esté 
très  bien  considéré  et  pour  ceste  cause  l'assemblée  tenue  en  ceste  ville  de  Monlauban 
par  permission  du  Roy,  mon  souverain,  m'a  accordé  la  somme  de.  .  .  .  pour  l'acquit 
desdictes  debtes  par  moy  deues,  en  laquelle  ceste  partie  est  comprise,  comme  vous 
verrez  par  les  lettres  que  lesdictes  églises  vous  en  escriveni,  qui  me  faicl  vous  supplier 
qu'en  me  continuant  tousiours  ceste  bonne  volonté  que  vous  m'avez  taict  paroistre, 
vous  veuillez  avoir  agréable  que  ladicle  somme  soit  payé  dans  la  foyre  de  Francfort 
en  un  an  et  vous  asseurer  que  ceste  nouvelle  obligation  m'estreindra  encores  plus  à 
recercher  les  moyens  de  m'en  pouvoir  acquicter  par  quelque  agréable  occasion, 
laquelle  ne  se  présentera  si  tost  que  je  la  désire  et  en  ceste  asseurance  je  supplie  que 
le  Créateur  vous  donne,  Messieurs,  très  bonne  santé,  longue  et  heureuse  vye. 

De  Montauban  ce  26  Juillet  1579. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais. 

Henry  de  Bourbon. 


190  GEiNÉVE,    LE    PARTI    HUGUENOT 


XXXVII 


Traité  de  Soleiire  pour  la  protection  de  Genève  ('). 
(Arcli.  (le  Genève,  Portef.  hisl.  n»  2016) 

Au  nom  de  la  saincte  Trinité,  amen.  A  tous  présens  et  advenir.  Comme  ainsi 
soit,  que  l'une  des  principales  choses  que  le  Très  Chrestien  Roy  de  France  et  de  Poloigne 
Henry,  troisiesme  de  ce  nom  à  présent  régnant,  se  soit  proposée  dès  son  advenement  à 
la  Coronne,  ayt  esté,  à  l'exemple  de  ses  prédécesseurs  Roys,  de  désirer  et  pourchasser 
tout  ce  qu'il  eslimeroit  pouvoir  servir  à  la  conservation  du  repos  et  seureté  de  Testât 
de  ses  très  chers  grands  amys  alliés  et  confédérés  les  seigneurs  des  Ligues  de  Suisse, 
et  à  l'entretènement  de  l'ancienne  amitié,  alliance  et  bonne  intelligence,  qui  a  cy 
devant  esté  entre  ses  dicts  prédécesseurs  et  est  encores  de  présent  entre  sa  Majesté  et 
les  dicls  Seigneurs  des  Ligues  ;  et  considérant  qu'il  ne  se  pourroit  faire  aucune  entre- 
prinse  sur  la  moindre  des  places,  appartenantes  ou  alliées  du  corps  en  général  des 
dictes  Ligues,  ou  en  particulier  d'aucuns  cantons  d'icelles,  sans  apporter  quelque 
trouble  à  leur  commune  unyon  et  bonne  intelligence,  avec  affoiblissement  de  leur 
dict  Estât,  detant  plus,  si  telle  nouveaulté  advenoit  pourla  surprinse  ouoccuppation  de 
place  de  telle  importance  comme  est  la  ville  et  cité  de  Genève  allyée  des 
seigneurs  de  la  ville  et  canton  de  Berne,  pour  estre  icelle  ville  de  Genève 
l'une  des  clufs  et  principal  boulevart  du  pays  desdictes  villes  et  qui  peult  tenir 
le  passage  libre  et  ouvert  entre  sadicle  Maieslé  et  lesdicts  Seigneurs  des  Ligues 
et  ayant  entendu  que,  pour  obvier  aulx  entreprinses  et  dessaings  qui  se  pouvoient 
faire  sur  icelle  pour  la  surprendre  et  faire  changer  de  mains  et  par  conséquent  clorre 
et  interdire  ce  passaige  qui  de  tout  temps  a  esté  libre  et  lesdicts  Roys  de  France  et 
seigneurs  des  Ligues,  les  seigneurs  des  villes  et  cantons  de  Berne  et  Solleurre,  consi- 
dérans  le  peu  de  moyen  que  ladicte  ville  de  Genève  auroit  de  subsister  d'elle  mesme 

(1)  Le  lexlc  de  ce  traité  a  déjà  été  publié  par  Spon,  Hist.  de  Genève,  i.  Il,  p.  205  et  suiv.,  nous 
croyons  utile  néanmoins  ik:  le  reproduire,  allenilui|iril  est  irèslmiuemnienl  cilédans  leprésenl  liavail. 


ET   LE   TRAITÉ    DE    SOLEURE  191 

en  Testai  qu'elle  est  de  présent,  estoient  délibérés  de  faire  entre  eulx  quelque  traicté 
particulier  pour  la  conservation  et  deffense  d'icelle  ville,  pour  le  bien  et  seureté  com- 
mune de  toutes  les  Ligues,  Sa  dicte  Majesté  ayant  esté  par  eux  requise  d'y  entrer  (a  estimé, 
à  l'exemple  de  ses  prédécesseurs  qui  ont  tousiours  esté  très  prompts  d'embrasser  tout 
ce  qui  s'est  présenté  pour  le  bien  et  repos  des  dictes  Ligues)  de  ne  les  en  devoir 
esconduire,  ains  au  contraire  s'efforcer  par  tous  moyens  de  rendre  et  tenir  à  iamais 
ledict  passaige  libre  et  asseuré  au  bénéfice  et  seureté  des  pays,  terres  et  seigneuries 
desdicts  Seigneurs  des  Ligues.  Pour  à  quoy  parvenir  Sadicte  Majesté,  par  advis  et  meure 
délibération  de  son  conseil,  en  auroit  dès  l'année  passée  mil  cinq  cent  soixante  dix 
huict  envoyé  ses  lettres  patentes  signées  de  sa  main  et  de  Monsieur  Biularl,  l'un  de  ses 
conseilliers  et  secrétaires  d'Estat,  en  dacte  du  dixième  jour  de  Juillet,  portant  pouvoir  et 
procuration  spéciale  à  Monsieur  Messire  Jehan  de  Bellièvre,  S'  de  Haultefort,  conseiller 
au  Conseil  privé  de  Sa  Maiesté,  premier  président  en  Daulphiné  et  son  ambassadeur 
en  cedict  pays  des  Ligues,  de  traicter,  convenir  et  négocier  avec  les  Cantons  ou  alliés 
des  dicls  Seigneurs  des  Ligues  en  général  ou  particulier  et  adviser  avec  eulx  de  tout 
ce  qui  pourroit  servir  à  la  continuation  et  fortifiication  du  repos  général  d'icelles  et 
spécialement  de  ce  qui  pourroit  toucher  à  la  conservation  de  ladicte  ville  et  cité  de 
Genève  et  territoire  d'icelle  en  Testât  qu'elle  se  retrouve  à  présent  et  empescher  les 
entreprinses  qui  se  pourroient  faire  sur  icelle  par  quelques  personnes  ou  potentats  que 
ce  soit  sans  nul  excepter.  Et  pour  cest  effect  accorder  au  nom  de  sadicte  Maiesté 
tout  tel  secours,  faveur,  ayde  et  adsistance  pour  ce  regard  qu'il  seroit  trouvé  expédient 
et  nécessaire,  de  sorte  que  ladicte  ville  puisse  demeurer  et  se  maintenir  ainsi  qu'elle 
est  de  présent  et  de  ce  en  passer  par  ledict  S""  de  Haultefort  au  nom  de  sadicte 
Maiesté  telles  promesses  et  obligations  qu'il  verroit  bon  estre.  Ainsi  que  plus  à 
plain  le  contiennent  lesdicles  lettres  que  sa  Majesté  luy  en  a  depuis  particulièrement 
escriptes.  Ledict  S''  de  Haultefort  désirant  satisfaire  au  désyr  et  affection  que  nobles  et 
magnifiques  Seigneurs,  les  S'''  des  Villes  et  Cantons  de  Berne  et  Solleurre,  ont 
démonslré  avoir  à  la  conservation  de  ladicte  ville  et  cité  de  Genève  et  à  la  requeste 
qu'ils  en  ont  faicte  à  sa  Majesté  au  commun  bénéfice,  repos  et  seureté  de  tous  les 
pays  des  Ligues,  après  en  avoir  par  diverses  fois  traicté  et  négocié  avec  eulx  et  consi- 
déré ce  qui   faisoil  sur  ce  à  considérer  seroit  enfin,  par  Tadvis  et  en  présence  de 


195  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Monsieur  de  ITarlay,  seigneur  de  Sancy,  baron  de  Monlglal,  conseiller  et  maistre  des 
requestes  ordinaire  diidict  Seigneur  Très  Chrestien  et  Amb.  pour  sa  M'^  ausdictes 
Ligues,  après  le  dicl  S*"  de  Haullefort  lumbé  d'accord  avecq  lesdiclsSeignours  de  Berne 
el  de  Solleurre  des  conditions  cy  après  déclarées  qui  ont  semblé  nécessaires,  pour  la 
deffence  et  conservation  de  ladicle  Ville,  cité  et  territoire  de  Genève,  en  Testât  qu'elle 
se  retrouve  à  présent.  C'est  à  scavoir  : 

En  premier  lieu  que,  pour  satisfaire  à  la  requeste  que  lesdicts  S''*  de  Berne  el 
Solleurre  en  ont  faicte  à  Sa  Maiesté  Très  chreslienne  et  à  l'opinion  qu'ils  ont  qu'il 
importe  grandement  à  leur  bien  et  repos  et  de  tout  le  général  des  Ligues  que  les 
pays  appartenans  ausdicts  Seigneurs  de  Berne  et  à  eulx  délaissez  par  les  accords  cy 
devant  faicts  entre  Monsieur  le  duc  de  Savoye  et  eulx  soyent  compris  en  ladicte  paix 
perpétuelle  qui  est  entre  la  Coronne  de  France  et  le  général  desdictes  Ligues.  Il  a 
esté  accordé  qu'iceux  pays  délaissés  par  le  dict  S''  Duc  de  Savoye  ausdicts  Seigneurs 
de  Berne  seront  et  demeureront  compris  en  ladicte  paix  perpétuelle  aux  mesmes 
qualités  et  conditions  des  aultres  pays  appartenans  d'ancienneté  ausdicts  Seig"  de 
Berne,  tout  ainsi  que  si  elles  estoienl  icy  désignées  et  spéciffiées  par  le  menu.  Pour 
les  mesmes  considérations  que  dessus  et  en  faveur  et  contemplation  desdicts 
seig'^5  de  Berne  el  Soleurre,  a  esté  aussi  accordé  que  ladicte  ville  et  cité  de  Genève 
avec  son  territoire  sera  comprise  audicl  traiclé  de  paix  perpétuelle,  à  la  charge  que  les 
habitans  d'icelle  se  comporteront  envers  sa  Maiesté  et  la  Coronne  de  France  avec  le 
respect  qu'il  appartient  et  qu'il  est  porté  par  ledict  Iraicté  de  paix  perpétuelle.  Sans 
néanlmoins  que,  par  le  moyen  de  ladicte  compréhension,  les  habitans  d'icelle  ville  de 
Genève  jouyssent  d'aucune  exemption  des  droicts  de  gabelles,  péaiges  et  autres  subsides 
et  imposts,  pour  raison  du  traffîcq  et  marchandise  qu'ils  feront  en  France,  ains  se 
contenteront  lesdicts  habitans  d'estre  traictés  comme  les  propres  subiects  du  Roy 
pour  raison  dudict  commerce,  péaiges,  gabelles  et  imposts,  tant  pour  l'achapt  el 
débitement  des  denrées  et  marchandises  que  pour  les  droicts  d'entrée  et  sortie 
d'icclles,  ensemble  pour  la  liberté  d'aller,  venir  el  négocier  par  le  Royaulme  de 
France,  terres  et  seigneuries  de  son  obéissance.  El  s'il  intervient  quelque  différent 
entre  les  subiects  de  sadicte  Maif^sté  et  les  particuliers  de.  ladicle  ville  de  Genève,  le 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  193 

demandeur  sera  tenu  de  poursuivre  son   droict  par  devant  le  juge  ordinaire  et  au 
domicile  du   déffendeur  tant   d'une   part  que  d'aultre,  mais   s'il  escheoyt   aucune 
difliculté  ou  différent  sur  le  faicl  de  la  garnison  ou  du  secours  dont  sera  parlé  cy 
après,  le  Roy  en  sera  au  droict  de  marche  suivant  et  à  la  forme  du  traicté  de  la  paix 
perpétuelle.  S'il  advient  que,  pour  la  conservation  de  ladicte  ville  de  Genève,  lesdicls 
Seigneurs  de  Berne  et  Soleurre  soient  contraincls{\)  de  mettre  garnison  dans  icelle, 
Sadicte  Majesté  en  ce   cas  sera   tenue  de  soldoyer  ladicte  garnison  à  ses  frais  et 
despens  jusques  au  nombre  de  cinq  compaignies  de  gens  de  guerre  de  la  nation  de 
Suisses,  si  tant  en  est  besoing  pour  la  seurté  de  ladicte  ville,  chascune  desdictes  cinq 
compagnies  composée  de  trois  cens  hommes  qui  seront  payés  à  raison  de  treize  cens 
escus  de  quatre  testons  pièce  pour  moys  pour  chascune  compaignye  et  ce  seulement 
pour  le  temps  et  au  prorata  des  jours  qu'elles  auront  servy  pour  la  nécessité  qui 
se  présentera,  oultre  cinq  jours  pour  l'aller  et  aultres  cinq  jours  pour  le  retour.  Mais, 
affîn  que  l'on  ne  face  entrer  le  Roy   en  despence  inutile  et  superflue  pour  ladicte 
garnison,  il  a  esté  accordé  que,  Ihors  qu'il  conviendra  la  mectre,  la  délibération  s'en 
fera  avec  l'Ambassadeur  de  Sa  Majesté  ausdictes  Ligues,  lequel  y  aura  sa  voix  comme 
un  des  Cantons  qui  seront  entrés  en  ce  traicté  et  sera  faicle  la  résolution  de  bonne 
foy  selon  la  pluralité  des  voix.  Et  pour  ne  demeurer  court  de  ce  qu'il  fauldra  pour 
soldoyer  ladilte  garnison,  et  que,  à  faute  de  deniers,  il  n'advienne  quelque  inconvé- 
nient à  ladite  Ville,  et  par  conséquent  ausdicts  Seigneurs  des  Ligues,  a  esté  accordé  : 
que  sa  Majesté  sera  tenue  de  faire  consigner  es  mains  des  Seigneurs  de  la  Ville  et 
canton   de  Soleurre  la  somme  de  treize  mil  escus  de  quatre  testons  pièce,  à  quoy 
monte  la  solde  de  cinq  compaignies  cy  dessus  accordées  pour  ladicte  garnison,  pour 
deux  mois  entiers.  Et  s'il  advenoit  que  ladicte  ville  de  Genève  (ust  assiégée  par  qui 
que  ce  soit,   et  que,  pour  la  secourir,  lesdicts  Seigneurs  de  Berne  et  Soleurre  et 
aultres  Cantons,  qui  entreront  en  ce  Traicté,  fussent  contraincts  dresser  une  armée, 
en  ce  cas  Saditte  Majesté  sera  tenue  de  les  secourir  et  ayder  de  la  somme  de  quinze 
mil    escus    de    quatre    testons   pièce    par   chascun    mois    pour   tout   secours    tant 
et  si  longuement   qu'il  y   aura  armée  en   campaigne  pour  la  deffence   de   ladicte 
ville   moyennant   lesquels   15    mille   escus    par   mois,    sadicte    Majesté   demeurera 

(1)  Le  mol  est  souligné  et  remplacé  en  marge  par  aient  occasion. 


194  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

deschargée  du  payement  des  cinq  compagnies  cy  dessus  accordées  pour  la  garnison 
de  ladicle  ville,  à  compter  du  jour  que  ladicte  armée  sera  en  campaigne  pour  la 
deffense  d'icelle.   El  afiin  que   lesdicls  Seigneurs  de  Berne  et  Soleurre  et  autres 
cantons,  qui  entreront  en  ce  présent  Traicté,    ayent  plus  de  moyen  de  se  fortifier  et 
dresser  une  plus  belle  armée  pour  le  secours  de  ladicte  Ville,  quand  le  besoin  y  sera  ; 
si  aucuns  des  subjecls  de  Sadicte  Majesté  les  veulent  venir  ayder  et  secourir,  il  ne  leur 
sera  aucunement  defîendu  ny  empesché  par  Sadicte  Majesté,  ny  par  ses  ministres  et 
officiers.  Que  si,   à  l'occasion  ou  en  hayne  de  la  deffense  et  conservation  de  ladicte 
Ville  de  Genève,  aucun  Prince  ou  Potentat  venoyt  à  mouvoir  guerre  contre  lesdicts 
Seigneurs  de  Berne  et  Soleurre  et  aultres  cantons,  qui  pourront  cy  après  entrer  en 
ce  Traicté  ou  aucun  d'iceulx,  en  ce  cas,  Sa  Majesté  sera  tenue  les  ayder  et  secourir 
de  la  somme  de  dix  mil  escus  de  quatre  testons  pièce  par  moys,  tant  et  si  longue- 
ment qu'ils  auront  armée  en  campaigne,  pour  raison  de  ladicte  querelle.  Comme 
aussi  en  cas  pareil,  si  quelqu'un  venoyt  à  mouvoir  guerre  contre  Sa  Majesté  Très 
Chrestienne,   à   l'occasion    de    laditte   deffense    et  conservation  de  Genève,    lesdits 
Seigneurs  de  Berne  et  Soleurre  et  aultres  cantons  qui  y  entreront  seront  tenus  do 
secourir  Saditte  Majesté  jusques  au  nombre  de  six  mil  hommes  de  guerre  de  laditte 
Nation,  si  tant  elle  en  a  besoing,  en  faisant  les  levées  et  soldoyant  les  compaignies 
suivant  et  à  la  forme  des  Traiclés  d'Alliance  queSaMajesléa  desja  avec  aucuns  cantons 
desdittes  Ligues.  Et  pour  recongnoissance  du  bien  que  ladicle  Ville  de  Genève  recevra 
du  Roy,  par  le  moyen  de  ladicle  delfense  et  conservation,  les  Subjecls  de  Sa  Majesté 
auront  seur  et  libre  accès  en  icelle,  tant  pour  le  regard  du  trafficq  et  aultres  affaires 
qu'ils  y  pourroyenl  avoir,  que  aussi  pour  le  passaige  des  gens  de  guerre  passans  à  la 
Ole  sans  désordre  et  avec  toute  modestie,  ils  seront  receus  et  logés,  et  à  iceulx 
administré  vivres  et  aultres  choses  nécessaires,  en  payant  raisonnablement,  et  seront 
pour  cest  effect  les  Seigneurs  de  ladicle  ville  premièrement  adverlis   du  passaige 
desdicts  gens  de  guerre,  attendu  la  qualité  de  ladicle  Ville  à  ce  qu'ils  ne  soyent  surpris 
ou  surchargés.  Comme  aussi  ne  sera  donné  aucun  passaige,  ny  retraicte  en  ladicle 
ville  de  Genève  aulx  ennemys  de  Sa  Majesté  et  coronne  de  France.  Et  en  oultre  a 
esté  (licl  et  accordé,  que  le  présent  Traicté  durera  et  tiendra  ;\  perpétuité,  de  mesme 
quo   la  Paix  per[)éluelle,  sans  que  par  cy  après  il  puisse  eslrc  faicl,  d'une  part  ny 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEUUE  i95 

d'aullre,  aucune  chose  au  préjudice  d'iceluy  ;  aiiis  sera  inviolablemenl  entretenu  et 
gardé  par  Saditle  Majesté  et  par  lesdits  Seigneurs  de  Berne  et  SoUeurrc  et  autres 
Gantons  et  Alliés  desdictes  Ligues,  qui  par  cy  après  y  pourront  entrer,  de  poinct  en 
poinct,  selon  sa  forme  et  teneur,  sans  aller  jamais  au  contraire  en  quelque  sorte  et 
manière  que  ce  soit,  se  réservant  néantmoins  ledit  Seigneur  de  Haultefort  de  faire 
entendre  à  Sa  Majesté  tout  le  contenu  cy  dessus  pour  en  avoir  son  bon  plaisir,  et 
l'ayant  agréable,  d'en  envoyer  auxdicts  Seigneurs  de  Berne  et  Soleurre  dans  trois  mois 
prochains  lettres  et  seaulx  de  Saditle  Majesté,  et  Ihors  seront  prestes,  d'une  part 
et  d'aultre,  les  serments  en  tel  cas  requis  et  accoustumés  ;  en  tesmoing  de  quoy, 
lesdits  Seigneurs  de  Haultefort  et  de  Sancy  ont  signé  les  présentes  de  leurs  mains, 
et  à  icelles  faict  mettre  le  scel  de  leurs  armes,  comme  aussi  lesdits  Seigneurs  de 
Berne  et  Soleurre  les  ont  pareillement  signées  et  à  icelles  faict  raectre  et  apposer 
leurs  seaulx  le  huictiesme  jour  de  May,  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  soixante  dix  neuf. 

S'ensuyt  la  teneur  des  lettres  patentes  de  Sa  Majesté  Très  Chrestienne  portant 
pouvoir  audict  Seigneur  de  Haultefort  de  faire  et  traicter  le  contenu  cy  dessus. 

Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France  et  de  Poloigne,  à  nostre  amé  et 
féal  conseiller  en  nostre  privé  Conseil,  président  en  nostre  Court  de  Parlement  de 
Daulphiné  et  ambassadeur  ordinaire  près  les  Seigneurs  des  Ligues  de  Suisse, 
M""  Jehan  de  Bellièvre,  seigneur  de  Haultefort,  salut  et  dileclion.  Comme  l'une  des 
principales  choses  que  nous  nous  soyons  proposées,  dès  la  première  congnoissance  que 
Dieu  nous  a  donnée  des  affaires  de  nostre  Royaulme,  spécialement  depuis  que  nous 
sommes  parvenus  à  la  Couronne  d'iceluy,  ayt  esté  de  chérir,  aymer  et  avoir  en 
singulière  recommandation  l'Amilié,  Alliance  et  Confédération,  que  ja  dès  long- 
temps nos  Prédécesseurs  Boys  ont  eue  et  continuée,  et  par  tant  d'années 
inviolablement  observée,  avec  nos  très  chers  et  bons  Amis  Alliés  et  Confédérés  les 
Seigneurs  des  Ligues  de  Suisse  et  Grisons,  et  à  l'exemple  de  nos  Prédécesseurs, 
désirer  et  pourchasser  tout  ce  que  nous  estimerons  pouvoir  servir  à  la  conservation 
du  repos  et  seurlé  de  l'Etat  et  commune  alliance  desdits  Seigneurs  des  Ligues,  en 
intention  de  n'y  espargner  nos  moyens  n'y  nostre  propre  personne,  quand  le  cas  le 
requerroit  ;  et  considérant  qu'il  ne  se  pourroit  faire  nulle  entreprise  sur  la  moindre 


19(3  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

des  Places  appartenantes  ou   allyées   du  corps  en  général  desdicles  Ligues,  ou  en 

particulier  d'aucuns  Cantons  d'icelles,  sans  danger  de  quelque  grand  trouble  à  leur 

commune  unyon  et  bonne  intelligence  ou  affoiblissement  de  leur  dict  Estât,  que  ne 

pourrions  entendre  qu'avec  nostre  grand  regret  et  desplaisir.  De  tant  plus,  si  telle 

nouveaullé  advenoit  par  la  surprise  d'une  place  de  telle  importance,  comme  est  la 

Ville  de  Genève,   allyée   de  nos  très  chers  et  bons  Amis  Allyés  et  Confédérés  les 

Seigneurs  de  la  Ville  et  C-anton  de  Berne,  et  l'une  des  clefs  et  principaulx  Boulevards 

dudit  Pays  des  Ligues,  sur   laquelle  Ville  nous  ayans  aucuns  desdits  Seigneurs  des 

Ligues  fait  entendre  que  puis  quelque  temps  ont  esté  faictes  plusieurs  entreprises  au 

préjudice  du  repos  d'icelle;  et  que,  pour  y  obvier,  les  Seigneurs  des  Cantons  et  Pays 

plus  voisins  de  laditte  Ville  de  Genève  estoyent  délibérés  de  faire  entre  eux  quelque 

particulier  Traicté,  pour  la  protection  et  deifence  d'icelle,  nous  requérans  d'y  vouloir 

entrer,  à  l'exemple  de  nosdils  Prédécesseurs  qui  ont  tousjours  esté  prompts  d'embrasser 

tout  ce  qui  s'est  présenté  pour  le  bien,  repos  et  tranquillité  desdicts  Seigneurs  des 

Ligues  et  de  leur  Pays  ;  à  quoy  ne  voulant  delïaillir,  nous  pour  ces  causes  et  autres 

grandes  et  dignes  considérations,  à  ce  nous  mouvans,  vous  avons,   de  l'advis  de 

nostre  Conseil,  auquel  ce  faict  a  esté  bien  et  meurement  délibéré,  commis,  ordonné 

et  depputé,  commectons,   ordonnons  et  députions,  donné  et  donnons  plein  pouvoir, 

aulhorité  et  mandement  par  ces  présentes,  de  vous  assembler,  une  et  aullant  de  fois 

qu'il  sera  besoing  en  tel  lieu  ou  lieux  qu'il  sera  advisé,  avec  tel  nombre  de  person- 

naigcs  d'un   ou  de  plusieurs  Cantons  ou  alliés  desdicts  Seigneurs  des  Ligues,  qui 

vouidront  entrer  en  traicté  général  ou  particulier,  pour  la  protection  et  deffence  de 

ladicte  Ville  de  Genève,  et  avec  eulx  adviser  de  tout  ce  qui    pourra  servir  à  la 

continuation   et  fortifiication   du   repos  général  desdictes  Ligues  et  de  nostre  dicte 

amitié  et  commune  intelligence  et  en  spécial  traicter,  convenir  et  négocier  avec 

lesdicts  députés  de  ce  qui  pourra  toucher  à  la  conservation  de  la  dicte  Ville  de  Genève 

et  territoire  d'icelle,   en  Testât  qu'elle  se  retrouve  à   présent,   et    empescher  les 

entreprises  qui  se  pourroyent  faire  sur  icelle,  par  quelques  personnes  ou  potentats 

que  ce  soyt,  sans  nul  excepter,  accorder  pour  nous  et  en  nostre  nom  tout  le  secours, 

faveur,   ayde  et   adsistance  pour  ce  regard  qu'il  sera  avec  lesdicts  députés  trouvé 

expédient  et  nécessaire,  de  sorte  qu'elle  puisse  demeurer  et  se  maintenir,  ainsi  qu'elle 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEUUE  197 

est  de  présent,  au  bénéfice  et  seurté  des  pays,  terres  et  eslats  desdicts  Seigneurs  des 
Ligues  ;  et  de  ce  passer  pour  nous  et  en  nostre  nom  telles  promesses  et  obligations 
que  vous  verrez  bon  estre,  et  générallemenl  de  faire  par  vous  en  cest  endroict  dire, 
gérer,  promectre,  accorder  et  négocier  tout  ce  que  nous  ferions  et  faire  pourrions,  si 
présens  en  personne  y  estions,  jaçoit  que  le  cas  requist  mandement  plus  spécial  que 
ces  présentes,  par  lesquelles  promettons  en  bonne  foy  et  parolle  de  Roy,  avoir 
agréable,  tenir  ferme  et  stable  à  tousjours,  ce  que  par  vous  sera  fait,  dict,  négocié, 
promis  et  accordé  pour  ce  regard,  sans  jamais  y  contrevenir  en  quelque  manière  que 
ce  soit,  et  le  tout  ratifier  toutes  les  fois  qu'en  seront  requis.  En  lesmoing  de  quoy  nous 
avons  signé  ces  présentes  de  nostre  main,  et  à  icelles  faict  mectre  nostre  scel. 
Donné  à  Paris  le  dixiesme  jour  de  Juillet  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  soixante-dix- 
huit.  Ainsi  signé  Henry  et  audessoubs,  par  le  Roy  estant  en  son  Conseil,  Brulart,  et 
scellé  sur  simple  queue  du  grand  sceau  de  Sa  Majesté  en  cire  jaulne. 

Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France  et  de  Pologne,  à  tous  présens  et 
advenir,  salut.  Comme  cy  devant  et  de  long  temps,  nos  très  chers  et  grands  Amys, 
.Mlyés  et  Confédérés,  les  Seigneurs  des  Villes  et  Cantons  de  Berne  et  de  SoUeurre,  sur 
les  bruicts  qui  ont  par  diverses  fois  couru  de  plusieurs  entreprises  et  desseings  sur  la 
ville  de  Genève,  fussent  entrés  en  opinion,  qu'icelle  venant  à  changer  de  mains,  la 
paix  et  tranquillité  généralle  de  tous  les  pays  des  Ligues  en  pourroii  estre  beaucoup 
altérée,  pour  estre  icelle  ville  l'une  des  clefs  et  boulevards  desdits  pays  des  Ligues,  et 
d'ailleurs  Allyée  par  ancienne  combourgeoisie  avec  lesdits  Seigneurs  de  Berne,  ils  nous 
auroyent  faict  entendre  que,  pour  obvier  à  telles  entreprises  (dont  le  seul  bruit  troubloit 
grandement  leur  repos),  ils  estoient  délibérés  de  faire  entre  eux  quelque  Traicté  pour 
maintenir  et  conserver  laditte  Ville  de  Genève  en  Testât  qu'elle  se  retrouvoit,  comme 
chose  qu'ils  estimoient  des  plus  importantes  et  nécessaires,  non  seulement  au  bien  et 
seureté  commune  de  toutes  lesdittes  Ligues,  mais  aussi  à  la  conservation  et  entretene- 
ment  de  l'ancienne  amitié  et  alliance,  qui  est  entre  nous  et  elles,  nous  requérans  que 
à  cesle  occasion,  à  l'exemple  de  nos  Prédécesseurs  Roys,  qui  ont  tousjours  esté  très 
prompts  d'embrasser  tout  ce  qui  s'est  présenté  pour  le  bien  et  repos  d'icelles  Ligues, 
nous  voulussions  entrer  avec  eux  audit  Traicté  ;  à  quoy  ne  voulans  défaillir  pour  l'an- 
cienne amitié  et  bienveillance  que  nous  leur  portons,  après  avoir  par  diverses  fois  mis 


198  GEiNÈVE,    LE   PARTI    HUGUENOT 

l'airaire  en  délibération  ;  nous  aarions  envoyé  nos  lettres  patentes  en  datte  du  dixiesnie 
jour  de  Juillet  mil  cinq  cens  soixante  dix  huit  à  nostre  amé  et  féal  conseiller  en  nostre 
Conseil  privé,  premier  président  en  Daulphiné  et  Ihors  nostre  Ambassadeur  auxditles 
Ligues,  le  Seigneur  de  Haultefort,  portant  pouvoir  exprès  de  traicter  avec  lesdicts 
Seigneurs  des  Ligues  en  général,  ou  avec  aucuns  Cantons  ou  Allyés  d'icelles  en  parti- 
culier, qui  y  vouidroient  entrer,  de  ce  qu'ils  jugeroient  et  adviseroient  estre  propre  et 
nécessaire,  pour  la  conservation  et  deffense  de  laditte  ville  de  Genève  et  territoire 
d'icelle,  en  Testât  qu'elle  se  retrouve  de  présent,  et  empescher  les  entreprises  qui  se 
pourroient  faire  sur  icelle,  au  préjudice  du  repos  desditles  Ligues,  par  quelques 
personnes  ou  Potentats  que  ce  soit.  Et  pour  cest  effect  accorder  par  ledit  Sieur  de 
Haultefort  en  nostre  nom  tel  secours,  faveur,  ayde  et  adsistance  (ju'il  seroit  trouvé 
expédient  et  nécessaire  pour  la  continuation  et  fortification  du  repos  général  des 
dictes  Ligues  et  de  nostre  amitié  et  commune  intelligence  avec  icelles,  suivant 
lesquelles  nos  lettres  de  pouvoir  et  aultres  lettres,  mémoires  et  instructions  que  nous 
en  aurions  depuis  envoyées  audici  sieur  de  Haultefort;  après  en  avoir  par  diverses  fois 
traicté  et  négocié  avec  lesdicts  Seigneurs  des  villes  et  cantons  de  Berne  et  de 
Solleurre,  nos  très  chers  et  grands  amis,  alliés  et  Confédérés,  iceluy  Sieur  de  Haul- 
tefort, par  l'advis  et  en  présence  de  nostre  amé  et  féal  conseiller  en  nostre  dit  Conseil 
et  nostre  Ambassadeur  après  luy  auxdittes  Ligues,  le  Sieur  de  Sancy,  seroit  enfin 
demeuré  d'accord  avec  lesdits  Seigneurs  de  Berne  et  de  Solleurre,  soubs  nostre  bon 
plaisir,  des  articles  cy  après  déclarés  et  insérés  de  mot  en  mot. 

Scavoir  faisons,  que  nous,  après  avoir  veu  et  meurement  considéré  tous  lesdits 
articles  ainsi  faicls  et  accoidés  en  nostre  nom  par  lesdits  Sieurs  de  Haultefort  et  de 
Sancy,  nos  ambassadeurs  susdits,  avec  lesdits  Seigneurs  des  Villes  et  Cantons  de  Berne  et  de 
Solleurre,  et  les  ayans  bien  agréables,  avons  iceulx  loués,  approuvés  et  ratiffiés,  louons, 
approuvons  et  ratiffions  par  ces  présentes,  selon  qu'ils  sont  couchés  et  escripts  cy 
dessus,  tout  ainsi  que  si  par  nous  en  personne  ils  avoient  été  faicts  et  accordés,  et 
partant  avons  promis  et  pi'omettons  en  bonne  foy  et  parole  de  Roy,  tant  pour  nous 
que  pour  nos  successeurs  roys  à  perpétuité,  tenir,  garder  et  inviolablement  observer 
tout  le  contenu  on  iceulx  de  poinct  en  poinct,  selon  leur  forme  et  teneur,  sans  jamais 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  199 

aller,  ny  permettre  qu'il  soit  allé  de  nostre  part  au  contraire,  directement  ou  indirec- 
tement, en  quelque  sorte  et  manière  qne  ce  soit.  Mandant  et  ordonnant  pour  cesl 
effect  audit  Sieur  de  Sancy,  à  présent  nostre  ambassadeur  auxdittes  Ligues  (auquel 
nous  en  donnons  tout  pouvoir  par  cesdicles  présentes),  de  faire  et  prester  pour  nous, 
en  nostre  nom  et  sur  nostre  foy  et  conscience  à  l'endroict  desdicls  Seigneurs  de  Berne 
et  de  Solleurre  et  aultres  Cantons  ou  alliés  desdicts  Seigneurs  des  Ligues  qui  vouldront 
entrer  audict  traiclé,  le  serment  en  tel  cas  requis  et  accoustumé  ;  Et  de  mesmes  le 
recevoir  pour  et  en  nostre  nom  desdicts  Seigneurs  de  Berne  et  de  Solleurre,  et  autres 
Cantons  que  besoing  sera  pour  l'enlrelénement  desdicts  articles  et  traicté,  selon  et 
ainsi  qu'il  a  esté  promis  et  convenu  en  iceulx  faisant  et  accordant.  El  d'aultant  que 
nous  avons  esté  advertis  par  lesdicts  Sieurs  de  Haultefort  et  de  Sancy,  nos  ambas- 
sadeurs susdicts,  qu'en  faisant  la  conclusion  desdicts  traicté  et  articles,  les  Seigneurs 
de  ladicte  ville  et  Canton  de  Berne  avoient  en  leur  Conseil  faict  expresse  réserve  que 
le  droict  et  action  que  nostre  très  cher  et  très  amé  oncle  le  Duc  de  Savoye  prétend 
sur  icelle  ville  de  Genève  seroit  décidé  amiablement  et  par  justice,  là  où  les 
parties  se  sont  assignées,  ne  voulant  cedder  à  aucun  aultre  en  amityé,  affection  et 
bonne  volunté  envers  nostre  dicl  oncle,  nous  avons  dict  et  déclairé  que  nous  avons 
ladicte  réserve  pour  bien  agréable  ;  voulons  et  entendons  que  de  nostre  part  elle  ayt 
lieu,  en  la  mesme  forme  et  manière  que  lesdicts  S'*  de  Berne  l'ont  laicte  et  résolue 
en  leurdict  Conseil,  en  faisant  et  accordant  ledict  traicté.  En  tesmoing  de  quoy  nous 
avons  signé  ces  présentes  de  nostre  propre  main  et  à  icelles  faict  mectre  nostre  scel. 
Donné  à  Paris  au  mois  d'Aoust  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  soixante  dix  neuf  et  de 
nostre  règne  le  sixiesme.  Ainsi  signé  Henry,  et  plus  bas  :  Par  le  Roy,  Brulart. 

Nous  Béat  Ludovic  de  Mulinen,  ancien  advoyer,  Nicolas  de  Diesbach,  Hans 
Anthony  Tillier,  boursier  du  petit  conseil,  Vincent  Tachselhoifer,  secrétaire,  Hans 
Rudoiff  de  Bonsteten,  Hans  RudolffWurslenberger,  au  nom  du  Grand  Conseil,  depputés 
de  la  Ville  et  Canton  de  Rerne  ;  Et  nous  Urs  Sury,  Urs  Ruchty,  nouveau  et  ancien  advoyer, 
Steffan  Schualler  banderet,  Urs  Rudoiff  boursier,  Petler  Manslyb,  aedile  du  Petit 
Conseil,  Jehan  Jacques  de  Stal,  secrétaire,  BalthesarddeCrissach,  Ulrich  Volgelsang, 
Pelter  Brunner,  Jeronimus  Kalleaberg,  du  Grand  Conseil,  aussi  deppules  de  la  Ville 
et  Canton  de  Solleurre.  Scavoir  faisons  qu'après  avoir  esté  leue  en  nos  Cantons  devant 


200  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

noslre  Grand  et  Petit  Conseil,  la  ratification  du  Traicté  dernièrement  faict  entre  le 
Roy  de  France  noslre  très  redoublé  Seigneur,  allyé  et  Confoedéré,  pour  la  conser- 
vation et  deffense  de  la  Ville  de  Genève,  nous  avons  eu  charge  de  nos  Seigneurs  et 
Supérieurs  de  remercier  1res  humblement  Sa  Majesté  de  ce  qu'il  luy  a  pieu  se 
déclarer  tellement  affectionné  au  bien  et  repos  de  ces  Ligues,  que  d'avoir  voulu 
ratidier  ledicl  Traicté,  avec  la  réserve  que  la  Ville  et  Canton  de  Berne,  en  faisant  la 
conclusion  dudil  Traicté,  auroit  expressément  faicte  ;  assavoir  que  le  droit  et  action, 
que  Monsieur  le  Duc  de  Savoye,  comme  héritier  des  feus  Ducs  de  Savoye  ses 
prédécesseurs,  prétend  sur  ladicte  Ville  de  Genève,  seroit  décidé  amiablemenl  ou  par 
justice,  là  où  les  parties  se  sont  assignées  ;  et  avons  eu  aussi  commandement  de 
nosdits  Seigneurs  et  Supérieurs  de  jurer  en  leur  nom  ledicl  Traicté  ;  El  partant,  nous 
les  depputés  susdicts,  au  nom  et  comme  ayans  pouvoir  de  nos  Seigneurs  et  Supérieurs, 
avons  juré  et  promis  par  nos  serments  accouslumés,  jurons  el  promeclons  par  ces 
présentes,  tant  pour  nous  que  pour  nos  successeurs  à  perpétuité,  tenir,  garder  et  invio- 
lablement  observer  tout  ce  qui  est  contenu  audict  traicté  et  accord,  de  poinct  en  poinct, 
sans  jamais  aller  ny  venir  au  contraire,  el  d'aultant  qu'en  faisant  icelui  traicté,  nous 
nous  serions  faict  forts  que  la  Ville  de  Genève  accepleroit  tout  ce  que  en  iceluy  conlracl 
nous  aurions  promis  à  Sa  Majesté,  qui  les  peull  concerner,  nous  avons  iceluy  traicté 
et  accord  communicqué  aux  Seigneurs  Scindicques  et  Conseil  de  ladicte  Ville  de 
Genève,  lesquels  l'ont  accepté  dès  le  vingl-qualriesme  de  Juing  dernier  passé  ;  et 
avons,  nous  depputés  de  la  Ville  et  Canton  de  Berne,  estimé  qu'entant  que  ledict 
traicté  peull  loucher  et  concerner  ladicte  Ville  de  Genève  ils  deussenl  faire  serment  de 
le  garder  aussi  inviolablement  de  leur  part  et  de  poinct  en  poinct  observer  selon  sa 
forme  et  teneur  ;  pour  à  quoy  satisfaire,  lesdicls  Seigneurs  de  Genève  ont  dépuUé 
nous  Michel  Rozet  el  Amy  Varro,  conseillers  el  anciens  Scindiques  de  ladicte  ville  de 
Genève,  pour  en  leur  nom  venir  jurer  ledicl  traité  à  qui  il  appartiendra,  el  en  vertu  du 
pouvoir  à  nous  donné  par  nos  Seigneurs  et  Supérieurs,  nous  députtés  susdicts  de  ladicte 
ville  de  Genève,  jurans  au  nom  de  Dieu,  avons  promis  à  Monsieur  de  Sancy,  ambas- 
sadeur de  Sa  Majesté  1res  Chreslienne  en  ce  pays  des  Ligues  el  à  mesdicts  Seigneurs  les 
Députtés  de  Berne,  nos  Très  Chers  Combourgeois,  de  garder  el  inviolablement  observer 
ledicl  traicté  entant  qu'à  nous  louche  et  peull  loucher,  sans  jamais  aller  au  contraire 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  201 

en  quelque  forme  et  manière  que  ce  soit.  Et  d'aultre  part,  nous  Nicolas  de  Hariay. 
seigneur  de  Sancy,  ambassadeur  pour  Sa  Majesté  aux  Ligues  de  Suisse,  promectons 
el  jurons  pour  et  au  nom  de  Sadicte  Majesté,  aux  susdicts  Députés  des  trois  villes, 
suivant  le  pouvoir  spécial  à  nous  donné,  transcript  en  la  ratiffication  que  nous  avons 
mise  es  mains  de  Messieurs  de  Berne  et  de  Solleurre,  tant  pour  sa  Majesté  de  présent 
que  pour  ses  successeurs  Roys  à  perpétuité,  tenir,  garder  et  inviolablement  observer  le 
contenu  audict  traicté  de  poinct  en  poinct,  selon  sa  forme  et  teneur,  sans  jamais  aller 
de  la  part  de  Sa  Majesté  au  contraire,  directement  ou  indirectement,  en  quelque 
forme  et  manière  que  ce  soit  ;  comme  aussi,   nous  députtés  de  Berne,   promectons 
et  jurons  comme  dessus  aux  susdicts  députtés  de  Genève  d'observer  ledict  contract 
envers  eulx  inviolablement,   selon  que  cy  dessus  nous  avons  promis  et  juré  ;  en 
tesmoing  de  quoy  nous.  Ambassadeur  susdicl  de  sa  Majesté  Très  Chrestienne,  avons 
faicl  sceller  le  présent  acte  du  scel  de  nos  armes;  et  nous,  susdicts  députtés  des  Villes 
de  Berne  et  Solleurre,  du  scel  et  armes  de  nosdictes  villes  et  cantons  ;  et  nous,  susdicts 
députtés  de  ladicte  ville  de  Genève,  avons  pareillement  faict  sceler  le  présent  acte 
du  scel   de  nos  Seigneurs  et  Supérieurs,  lequel  nous  avons  seulement  mis  entre  les 
mains  de  mondict  Seigneur  l'Ambassadeur  de  Sa  Majesté  très  Chrestienne  et  de 
Messieurs  de  Berne  ;  et  avons  tous,  selon  qu'il  est  porté  cy  devant,  laict  transcrire  à 
la  fin  de  ces  présentes  les  pouvoirs  à  nous  donnés,    dont  et  de  toutes  lesquelles 
choses  nous,  susdict  ambassadeur  de  Sa  Majesté  et  deppuiés  susdicts,  avons  chascun 
retiré  ung  acte  à  pan  pour  nous  servir  en  tant  que  raison.  Faict  à  Solleurre  le  vingt 
neufiesme  jour  d'Aoust  l'an  de  grâce  mil  cinq  cens  soixante  dix  neuf. 


Ensuyt  te  pouvoir  donné  par  Messieurs  de  Berne  à  leurs  députtés. 


Nous,  le  Lieutenant  et  Conseil  de  Berne,  faisons  scavoir  par  la  présente,  comme 
ainsi  soyt  que  entre  le  Roy  de  France  d'une  part,  el  nos  chers  et  bien  aymés  allyés, 
combourgeois  et  frères  de  la  Ville  de  Solleurre,  et  nostre  Petit  et  Grand  Conseil  de 

te 


202  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Berne  d'aultre  pari,  il  ayt  esté  dressé,  convenu  et  raiiftié  au  nom  de  Dieu  certains 
articles  pour  la  defïence  de  la  .Ville  de  Genève  et  conservation  du  passaige  libre  de 
France  en  ces  pays  et  de  ces  pays  en  France,  sans  que  pour  fin  de  celte  négociation 
il  faille  aullre  chose  que  de  jurer  et  faire  serment  solennel  de  garder  et  observer 
purement,  simplement  et  inviolablement,  les  uns  envers  les  aultres,  le  contenu 
desdicts  articles  ratiffiés.  Nous  à  ces  raisons  ayons  dépeschés  à  Solleurre  Nobles  et 
Spectables  Monsieur  Béat  Ludovic  de  Melunen,  nostre  cher  ancien  Advoyer,  Monsieur 
Niclaus  de  Diesbach,  Monsieur  Ilans  Tillier  nostre  boursier,  nos  aymés  conseillers, 
pour  et  en  nostre  nom  :  Vincens  Tachselhoiïer  nostre  secrétaire  d'Estat,  Noble  Hans 
Rudolff  de  Bonsleten,  et  Hans  Rudolff  Wurstenberger,  de  la  part  de  nostre  Grand 
Conseil  dict  les  Bourgeois,  avec  charge  et  plain  pouvoir  de  satisfaire  pour  entière 
définitive  de  ce  pourparler  aux  solemnités  en  tel  et  semblable  cas  requises,  leur 
donnons  derechef,  au  nom  du  Dieu  vivant,  la  puissance  du  serment  et  tout  pouvoir 
de  conclurre  en  la  forme  que  Monsieur  l'Ambassadeur  de  Sa  Majesté,  nosdicts  bien 
aimés  AUyés,  Combourgeois  et  Frères  de  la  Ville  de  Solleurre  et  nosdicts  députés 
adviseront,  promectant  par  la  présente  d'approuver  et  avoir  pour  agréable  tout  ce  que 
nosdicts  députés  feront,  suivant  ce  nostre  pouvoir,  en  forme  et  de  mesme  que  si  ung 
chascun  de  nous  particulièrement  en  eussions  faict  le  serment.  En  foy  de  quoy  y 
avons  faict  apposer  le  sceau  secret  de  nostre  ville  ce  vingt  huictiesme  jour  d'Aoust 
mil  cinq  cens  soixante  dix  neuf. 


Ensuyt  le  pouvoir  donné  par  Messieiirs  de  Solleurre  à  leurs  députtés. 

Nous  le  Lieutenant,  Petit  et  Grand  Conseil  de  la  Ville  et  Canton  de  Solleurre, 
faisons  scavoir  à  tous  par  ces  présentes  lettres,  comme  ainsi  soit  que  cy  devant  il 
auroit  esté  dressé  quelque  traicté  pour  l'asseurance  et  conservation  de  la  Ville  de 
Genève,  à  ce  qu'elle  soit  ung  libre  passaige  d'entre  la  Coronne  de  France  et  le  Pays 
des  Ligues,  entre  nos  chers  Alliés,  Combourgeois  et  Frères  de  la  Ville  et  Canton  de 
Berne  et  nous,  et  que,  à  la  très  humble  requeste  de  nous  lesdicles  deux  villes,  il 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEUhE  203 

auroil  pieu  au  Roi  de  France,  nostre  1res  redoublé  Seigneur,  Allyé  et  Confédéré, 
d'entrer  audict  traicté  et  de  le  tenir  pour  agréable,  ayant  là  dessus  Sadicte  Majesté 
donné  plain  pouvoir  et  charge  aux  Magnifiques  et  Nobles  Seigneurs  Monsieur  de 
Haultefort,  conseiller  au  privé  Conseil  de  Sa  Majesté,  Premier  Président  en  la  Court 
de  Parlement  de  Daulphiné,  et  pour  Ihors  Ambassadeur  en  ce  Pays  des  Ligues,  et  à 
Monsieur  de  Harlay,  seigneur  de  Sancy,  aussi  conseiller  audict  Conseil  Privé,  et  à 
présent  Ambassadeur  en  ces  Ligues,  après  ledict  Seigneur  de  Haultefort,  de  contracter 
avec  les  Députtés  desdictes  deux  villes,  pour  l'asseurance  et  conservation  delasusdicte 
Ville  de  Genève,  aucuns  articles  que  lesdicts  Seigneurs  Ambassadeurs  auroient 
acceptés  soubs  le  bon  plaisir  de.Sa  Majesté,  el  que  pour  mectre  en  effect  ceste  négo- 
ciation. Sa  Majesté  en  auroyt  envoyé  l'approbation  et  ratifficatiou  dudict  contrat,  signé 
de  sa  main  et  scelé  de  son  sceau  à  mondict  Seigneur  de  Sancy  avec  charge  et  pouvoir 
exprès  de  le  confirmer  et  jurer  avec  les.  députlés  de  nosdicts  Alliés,  combourgeois  et 
frères  de  la  Ville  de  Berne  et  les  nostres.  A  ceste  cause  et  pour  effectuer  ceste  négo- 
ciation, nous  avons,- de  nostre  part,  en  cest  endroict,  nommés  et  ordonnés,  nommons 
et  ordonnons,  pour  résouldre  ledict  traicté  par  ces  présentes,  Nobles  Honnorables, 
Prudens  el  Saiges  Seigneurs  Urs  Sury  et  Urs  Ruchty,  nos  deux  Advoyers,  Steffan 
Schualler,  Banderet,  Urs  Rudolff,  boursier,  Petter  Manslyb,  tous  de  nostre  Petit 
Conseil,  ensemble  nostre  Aymé  et  féal  Secrétaire  d'Estat  Jehan  Jacques  de  Sial,  avec 
Ulrich  Vogelsang,  Ballhezard  de  Grissach,  Petter  Brunner  el  Jerominus  Kallenberg, 
tous  de  nostre  Grand  Conseil,  auxquels  nous  avons  donné  plain  pouvoir  et  charge  de 
convenir  avec  ledict  Seigneur  de  Sancy,  au  nom  de  Sa  Majesté,  et  avec  les  depputés  de 
nosdicts  alliés,  combourgeois  et  frères  de  la  Ville  de  Berne  dudict  faict,  et  de  jurer  et 
confirmer  en  nostre  nom  avec  serment  solennel  ledict  traicté  de  poinct  en  poincl, 
suivant  la  teneur  de  la  ratifficatiou  de  Sa  Majesté  Très  Chrestienne,  ayans  toutes  fois 
expressément  réservé  que  pour  ceste  heure  nous  n'entendions  de  contracter  avec 
aucuns  autres  que  avec  Sadicte  Majesté  et  nosdicts  Alliés  de  Berne,  ainsi  que  nous 
pouvons  faire  légitimement  et  sans  repréhension  quelconque  pour  l'asseurance  et 
prospérité  des  deux  estais  ;  parquoy  nous  promectons,  pour  nous  et  nos  successeurs 
à  perpétuité,  de  tenir  pour  agréable  et  d'observer  fermement  et  inviolablemenl  tout 
ce  qui  sera  faict  et  résolu  en  cest  endroict  par  nosdicts  députtés,  sans  jamais  aller, 


204  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

faire,  dire  ne  venir  au  contraire,  ny  permettre  qu'il  y  soit  contrevenu,  en  manière 
quelconque,  ains  que  le  tout  sera  tidellemcnt  et  syncerement  observé,  tenu  et  gardé  en 
vertu  des  présentes  lettres  que  nous  avons  faict  sceller  du  scel  de  nostre  ville  le 
veudredy  après  la  Sainct-Barlliélemy  mil  cinq  cens  soixante  dix  neuf. 

(Signé)  Von  Staal. 


Ensuyt  le  pouvoir  donné  par  Messieurs  de  Genève  à  leurs  députtés. 

Nous  Sindicques  et  Conseil  de  Genève,  par  meure  délibération  de  nostre  Conseil  et 
suivant  la  déclaration  par  nous  déjà  faicte  et  passée  en  nostre  Conseil  Général  le  vingt 
quatriesme  de  Juin  dernier,  dès  Ihors  envoyée  aux  magnifiques,  puissans  et  très 
honnorés  Seigneurs  de  Berne,  nos  bons  voisins,  très  chers  et  singuliers  arays  et  féaulx 
combourgeois,  portant  l'acceptation  du  traicté  qu'il  a  pieu  à  la  Majesté  du  Roy  Très 
Chrestien  faire,  par  Messieurs  ses  Ambassadeurs  au  Pays  des  Ligues,  le  huictiesme  de 
May,  an  présent,  avec  lesdicts  Magnifiques  Seigneurs  nos  très  chers  Combourgeois  de 
Berne  et  les  Magnifiques,  puissants  et  très  honnorés  Seigneurs  de  la  Ville  de  Soleurre, 
nos  bons  voisins,  très  chers  et  singuliers  amys,  en  nostre  faveur,  et  pour  la  seurlé  et 
conservation  de  nostre  cité  et  territoire  d'icelle,  estans  informés  de  la  loyaulté,  suffi- 
sance et  expérience  de  Nobles  Michel  Rozet  et  Amy  Varro,  nos  bien  aymés  Citoyens, 
Conseillers  et  anciens  Scindicques,  avons  à  iceulx  ensemblement  ou,  à  faulte  de  l'un 
d'eulx,  séparément,  donné  et  donnons  par  ces  présentes  plain  pouvoir,  charge  et 
procuration  expresse  pour  et  en  nostre  nom  promeclre  et  confirmer  par  serment 
solemnel,  au  nom  du  Dieu  vivant,  Icdict  traicté  entant  qu'il  nous  concerne,  tant  à 
Sadicte  Majesté,  par  la  stipulation  de  Mons.  de  Ilarlay,  seigneur  de  Sancy,  baron  de 
Montglat,  conseiller  et  maistre  des  Requestes  ordinaire  de  Sadicte  Majesté,  de  présent 
son  Ambassadeur  audict  Pays  des  Ligues,  que  auxdicts  Magnifiques  et  puissants 
Seigneurs  de  Berne  et  Solleurre,  et  réciproquement  le  recevoir  et  stipuler  d'iceux, 
pour  et  au  nom  de  nostre  dicte  Cité  et  République,  avec  et  soubs  toutes  les  promesses, 
clauses  et  obligations  en  ce  nécessaires  et  expédientes,  et  en  général  de  faire  et 


ET   LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  205 

négocier  tout  ce  que  requis  sera  en  cest  endroict,  et  tout  ainsi  que  nous  pourrions 
faire,  si  nous  y  adsistions  en  nos  propres  personnes,  pronieclans  d'avoir  pour  agréable 
tout  ce  que  sera  faict  par  nosdicls  Procureurs  et  Députés,  en  ce  que  dessus  par  ces 
présentes,  données  à  Genève  sous  nostre  sceau  et  le  seing  de  nostre  secrétaire  d'Estat, 
ce  vingt-deuxiesme  d'Aoust  mil  cinq  cens  septante  neuf. 

Par  mesdicts  Seigneurs  Syndicques  et  Conseil, 
(Signé)  Gallatin. 


S'ensuit  la  teneur  des  lettres  de  V Acceptation  dudict  traicté  par  Messieurs  de  Genève. 

Magnifficques,  Puissans  et  très  honnorés  Seigneurs,  singuliers  Amys  et  féaulx 
Combourgeois,  nous  nous  recommandons  de  bien  bon  cueur  à  vos  bonnes  grâces, 
Magnifficques  Seigneurs,  sur  le  traicté  qui  a  esté  dressé  entre  les  Seigneurs  Ambassa- 
deurs de  la  Royalle  Maieslé  de  France  et  vos  Magnifficences,  et  les  Magnifficques  Sei- 
gneurs de  Soleurre,  ainsi  qu'il  a  esté  couché,  selon  une  copie  qu'il  pleust  à  Mons^de 
Haultefort  délivrer  en  passant  par  cesle  cité,  nous  heussions  piéça  respondu,  n'estoit  qu'il 
havoit  instament  prié  de  tenir  l'affaire  secret;  maintenant  que  Vos  Seigneuries  estiment 
estre  convenable  que  nous  prenions  résolution,  ainsi  qu'il  vous  a  pieu  nous  escripre 
par  vos  lettres  du  dix  huictiesme  de  ce  mois  ;  après  Dieu  tout  puissant,  nous  remer- 
cions très  alïectueusement  Vos  Seigneuries  et  Messieurs  vos  alliés  de  Saleurre  du 
grand  soing  et  très  louable  affection  de  laquelle  vous  aves  considéré  et  cerché  la 
conservation  de  nostre  Estât  et  de  la  commune  patrie,  espérans,  moyennant  la  grâce 
du  Souverain  et  la  continuation  de  vos  bonnes  faveurs,  que  la  bienveillance  de  la 
Majesté  Royale  de  France  croistra  de  plus  en  plus  envers  nous,  pour  nous  alléger  de 
la  réserve  que  nous  désirons  n'estre  poinct  audict  traicté,  toucliant  le  privilège  de 
péages  de  France;  en  ceste  confiance  nous  acceptons,  entant  qu'il  nous  concerne,  le 
contenu  dudict  traicté,  nous  asseurans  bien  que  Vos  Magnifficences  n'entendent  pas 
et  ne  vouldroient,  comme  de  nostre  part  nous  n'entendons,  ny  ne  vouldrions  aulcune- 
menl  préjudicier,  à  nostre  commune  religion,  en  tout  ny  en  partie,  tant  peu  que  ce 


206  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

soit,  ny  comprendre,  ny  entendre  soubs  ce  mot  de  ne  retirer  les  enneniys  de  Sa 
Majesté  et  Couronne  de  France,  ceulx  qui  se  retireroient  pour  la  religion  ;  ainsi, 
Magnifficques  Seigneurs  et  très  chers  Combourgeois,  nous  prierons  Dieu  qu'il  luy  plaise 
de  bénir  de  plus  en  plus  vos  bons  conseils  à  sa  gloire  et  à  l'enlretenement  de  la  tran- 
quililé  publique  et  de  noslre  perpétuelle  combourgeoisie,  vous  présentant  pour 
revenche  le  très  affectionné  et  fidelle  service  que  nous  vous  debvons  de  nostre  petit 
pouvoir,  et  prians  le  Créateur  vous  maintenir,  Magnifficques  Seigneurs  et  très  chers 
Combourgeois,  en  sa  saincte  et  digne  garde  et  protection. 

Donné  ce  vingl-quatriesme  de  Juing  mil  cinq  cens  septante  neuf.  —  Soubscript. 

Les  Sindicqiies,  Petit,  Grand  et  Général  Conseil  de  Genève,  vos 
bons  voisins,  amys  et  combourgeois. 

Lesdictes  lettres  d'acceptation  ont  esté  icy  escrites  et  insérées  du  commandement 
de  Messieurs  les  Advoyer  et  Conseil  de  la  Ville  de  Berne  par  moy  soussigné  leur 
secrétaire  d'Eslal,  en  faveur  des  Seigneurs  de  Genève. 

V.  Daghselhoffer. 


XXXVIII 


Harlay  de  Sancy  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Porlef.  hist.  n«  2009) 

Magnificques  Seigneurs, 

Ayant  entendu  comme  les  Eglises  réformées  du  Daulpliiné  et  spécialement  le 
S''  Desdiguières  marche  lentement  au  faict  de  la  paciification  de  cesle  province,  j'ay 
estimé  qu'il  n'y  avoit  personnes  en  ce  monde  plus  propres  pour  les  admonester  de  leur 
devoir  envers  Dieu,  leur  prince  naturel  et  leur  patrie,  que  vous,  desquels  ils  ont  receu 


Et  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  207 

en  leurs  afiïicllons  tant  de  courtoisies  qu'ils  ne  pourront  prendre  qu'en  bonne  part  les 
reraonstrances  que  vous  leur  vouldres  faire.  Je  vous  supplye  donc,  par  les  honnestes 
offres  que  dernièrement  il  vous  pleuct  me  faire,  que,  pour  donner  occasion  au  Roy 
d'augmenter  de  jour  en  jour  la  bonne  affection  que  vous  avez  congneue  de  Sa  Maiesté 
en  vostre  endroict  par  la  defTense  et  conservation  qu'il  a  maintenant  entreprise  de 
vous,  vostre  ville  et  vostre  estât,  contre  tous  les  Princes  et  Potentats  de  la  Chrestienlé, 
vous  vueillez  dépulter  quelque  notable  personnaige  d'entre  vous  vers  le  S""  Desdiguières 
et  les  églises  Réformées  de  Daulphiné  pour  leur  faire  entendre  la  bonne  volunté  du 
Roy  en  vostre  endroict,  et  le  tort  qu'ils  feroient  à  leur  réputation,  s'ils  vouloyent 
aujourd'huy,  seuls  de  tout  le  Royaulme,  nourrir  et  fomenter  ce  feu  de  guerre  civile, 
lequel  est  par  la  grâce  de  Dieu  estainct  partout  ailleurs  et  ne  se  peuh,  ce  semble, 
rallumer  que  par  leur  faulte  et  mauvaise  volunté.  J'ay  donné  charge  au  S''  Vigier, 
présent  porteur,  de  vous  en  dire  davantaige,  auquel  je  vous  prie  adiouxter  pareille  foy 
que  à  moy  mesme. 

Priant  Dieu,  Magnificques  Seigneurs,  vous  donner  très  longues  et  heureuses  vies. 

De  Soleurre  ce  premier  jour  de  Septembre  1579. 

Vostre  bien  humble  et  affectionné  serviteur  et  amy. 

De  Harlay. 


XXXIX 


Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  hist.  n°  1952.) 


Messieurs, 


Estant  arrivé  près  de  moy  Colladon,  mon  secrétaire,  il  m'a  asseuré  de  la  conti- 
nuation de  vostre  bonne  volonté  envers  moy,  de  laquelle,  encor  que  je  n'aye  iamais 
doublé  pour  en  avoir  receu  trop  de  preuves,   si  est-ce  que  ie  ne  puis  nyer  que  ceste 


208  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

nouvelle  ne  m'ayt  esté  autant  agréable  qu'aultre  qu  aye  receu  de  long  temps  ;  c'est 
pourquoy  ie  luy  ay  commandé  de  passer  par  voslre  ville  et,  vous  visitant  de  ma  part, 
vous  asseurer  aussi  que  iamais  ne  départîtes  tesmoignage  de  bonne  affection  à  Prince 
qui  s'en  tienne  plus  obligé  pour  à  toutes  occasions  employer  mes  moyens  et  ce  qui  en 
dépend  en  la  recognoissance  d'un  tel  bien.  J'ay  commandé  audict  Colladon  vous 
discourir  de  Testât  de  nos  aflaires,  desquels  il  est  bien  instruict  pour  en  avoir  veu  la 
conduite  et  assisté  aux  délibérations  et  conclusions  qui  en  ont  esté  prinses.  Je  me 
contenteray  donc  de  ce  peu  pour  prier  Dieu  qu'il  vous  préserve  à  l'encontre  des 
desseings  de  vos  ennemis  et  bénie,  Messieurs,  vos  conseils  pour  sa  gloire  et  conser- 
vation de  vostre  estât,  me  recommandant  affectueusement  à  vos  bonnes  grâces. 

Escript  à  Nismes  le  30  jour  du  mois  de  Mars  1581. 

Vostre  bien  affectionné  et  meilleur  amy. 

Henry  de  Bourbon. 


XL 

Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Porte f.  hist.  n»  1952) 

Messieurs, 

Par  vostre  lettre  du  deuxiesme  de  ce  mois  qui  m'a  esté  rendue  trois  sepmaines 
après,  j'ay  esté  adverti  en  général  de  la  singulière  assistance  qu'aves  receue  de  Dieu 
qui  vous  a  délivrés  du  danger  auquel  esties  prests  de  tumber  par  les  desseings  de  vos 
ennemis  (1),  chose  qui  m'a  autant  résiouy  que  nouvelle  que  j'eusse  peu  entendre 
d'ailleurs  et  donné  occasion  avec  ample  argument  d'en  rendre  grâces  à  celuy  qui  est 

(1)  Il  s'agit  (lu  coinplol  (i"Aiitoint!  Larcliier,  ounli  à  l'insligalion  du  duc  de  Savoie. 


ET    LE   TRAITÉ    DE    SOLEURE  209 

aulheur  de  vostre  délivrance,  de  la  quelle  serai  bien  aise  d'entendre  les  particularités 
pour  avoir  tant  plus  de  matière  de  résiouissance,  comme  aussi  de  vous  donner  meilleur 
et  plus  certain  advis  en  la  perplexité  que  vous  peut  avoir  apporté  la  machination  de 
ceux  qui  ne  cesseront  de  vous  dresser  des  embusches  pour  essayer  de  vous  surprendre, 
vous  'priant  croire  que  ce  sera  tousiours  de  fort  bonne  volonté  que  ie  m'employray 
pour  vostre  conservation  iusques  à  n'y  espargner  ma  propre  personne,  comme  ie  vous 
l'ay  souvent  tesmoigné  de  bouche  et  par  lettres,  qui  se  trouveront  véritables  en  la 
nécessité.  Cependant,  si  vous  apperceves  que  le  mal  continue  et  que  l'ennemy  vous 
presse,  je  n'en  seray  sitost  adverti  que  ie  ne  vous  assiste  de  tout  ce  qui  dépendra  de 
moy,  c'est-à-dire  et  de  moyens  et  d'hommes  affectionnés  et  capables  de  s'opposer  à 
la  violence  qui  vous  pourroit  estre  faicte.  En  cesle  asseurance  que  ie  vous  prie  prendre 
de  moy,  je  me  recommanderay  bien  affectionnément  à  vos  bonnes  grâces,  priant  Dieu 
qu'il  vous  continue,  Messieurs,  les  siennes  très  sainctes  et  vous  préserve  contre  tous 
les  pernicieux  conseils  et  desseings  de  vos  ennemis. 

A  S'  Jehan  d'Angély,  le  24  jour  de  May. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy. 

Henry  de  Bourbon. 


XLI 

Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  hisl.  n»  19.52) 

Messieurs, 

M'acheminant  de  Pau  en  ce  pais  pour  quelques  mienes  affaires,  oultre  l'envye 
que  j'avoy  de  scavoir  au  vray  Testât  et  disposition  des  vostres,  le  Roy  de  Navarre  me 
commanda  de  m'en  informer  bien  particulièrement  sur  vostre  différend  avecq  Mon- 
sieur le  Duc  de  Savoye,  dont  ayant  sceu  le  succès  [ihis  paisible  que  l'on  n'avoit  espéré 


210  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

par  les  nouvelles  certaines  que  mon  cousin  Mons"'  de  Chastillon  en  a  receues,  j'en  ay 
loué  et  remercyé  Dieu  comme  le  meilleur  de  vos  amys  et  qui  n'a  rien  tant  désiré  que 
de  pouvoir  servir  à  les  amener  à  si  heureuse  fin,  car  nonseuUement  en  cest  endroict, 
mais  aussi  en  tout  aultre  je  vous  tesmoigneray  toujours  avecq  beaucoup  de  contente- 
ment combien  sont  véritables  et  entières  les  premières  offres  de  mon  amylié  et  bonne 
vollonté,  m'asseurant  tant  de  la  vostre  que,  pour  satisfaire  à  l'attente  et  du  Roy  de 
Navarre  et  de  moy,  vous  prendres  la  peine  de  me  donner  advis  bien  exprès  comment 
le  tout  a  réuscy  entre  ledict  S""  Duc  de  Savoye  et  vous,  dequoy  je  vous  prie,  bien 
résolu  de  m'en  resjoyr  d'advantaige  quand  j'en  apprendray  par  vous  mesmes  les 
nouvelles  et  que  de  ceste  heure  vous  joyssies  de  la  tranquillité  que  moy  sur  tous 
aullres  vous  souhaitte  et  pour  le  maintien  de  laquelle  je  m'employray  toute  ma  vye 
aultant  franchement  qu'après  mes  plus  affectionnées  recommandations  à  vos  bonnes 
grâces  et  m'estre  remys  sur  le  S"'  de  Vaqueresse  à  vous  dire  comment  je  me  porte,  je 
supplye  le  Créateur  vous  tenir  continuellement,  Messieurs,  en  sa  très  saincte  et  très 
digne  sauvegarde. 

A  Montpellier,  ce  28*  jour  de  Septembre  4582. 

Votre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais. 

Henry  de  Bourbon. 


En  marge  :  Messieurs,  j'espère  dans  peu  de  temps  vous  envoyer  homme  exprès 
qui  vous  discourra  particulièrement  Testât  de  nos  affaires. 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  211 


XLII 


Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Portef.  hist.  n"  2049  ) 

Messieurs, 

Sachant  la  dépesche  que  mon  cousin  Mons"^  de  Chastillon  vous  faicl  présentement 
par  le  S''  de  Roûault,  je  suis  très  aise  de  me  trouver  icy  à  propos  pour  vous  en  rendre 
par  mes  lettres  l'effect  aultant  recommandable  que  je  le  luy  désire  et  congnoy  qu'il  en  a 
besoing  soit  pour  le  regard  de  l'adveu  qu'il  vous  prie  luy  moyenner  sur  la  levée  qu'il  a 
faicle  en  votre  faveur,  le  delïault  duquel  sans  doubte  le  pourroit  mettre  en  beaucoup 
de  peine,  soit  pour  son  remboursement  très  raisonnable  des  grands  frais  et  despences 
nécessaires  auxquelles  ladicte  levée  l'a  réduict.  Je  vous  priray  doncq  de  toute  mon  affec- 
tion luy  donner  tel  contentement  sur  l'une  et  l'aultre  de  ses  demandes  qu'estimant 
très  bien  employée  la  dévotion  qu'il  a  eue  prompte  de  servir  à  la  conservation  de 
vostre  estai  et  repos,  il  puisse  avecq  plus  de  moyens  et  d'occasion  continuer  au  mesme 
désir  et  les  aultres  en  occurence  semblable  (dont  je  supplye  nostre  Seigneur  vous  pré- 
server) se  monstrer  et  rendre  de  pareille  vollonté,  par  ceste  recongnoissance,  en  laquelle 
m'asseurant  bien  que  vous  entrerez  et  pource  que  mondict  cousin  vous  en  requiert 
avecq  raison  et  qu'en  vostre  endroict  j'accompagne  sa  prière  et  la  miene,  je  ne  l'esten- 
dray  d'advantaige,  affm  de  vous  dire  que  les  nouvelles  certaines  de  l'accord  de  vostre 
différend  avecq  Monsieur  le  Duc  de  Savoye  m'ont,  comme  à  l'ung  de  vos  meilleurs  et 
plus  certains  amys,  esté  très  agréables  et  ne  désire  rien  tant  que  d'en  scavoir  la 
continuation  par  vous  mesmes,  de  quoy  si  vous  prenez  la  peine  de  m'advertir  aux 
commodités  qui  s'en  offriront,  je  ne  seray  moings  songneux  d'employer  celles  que 
j'auray  de  vous  escripre  et  cependant  vous  trouvères  tousiours  en  moy  la  mesme 
disposition  à  tout  ce  qui  regardera  vostre  aise,  repos  et  contentement,  de  laquelle  je 
vous  ay  cy  devant  rendu  tesmoignage  et  de  bouche  et  par  mes  lettres,  mais  en  cest 


212  GENÈVE,    LE    TARTI    HUGUEiNOT 

en  droicl  je  clorray  la  présente  de  mes  très  affectionnées  recommandations  à  vos  bonnes 
grâces,  après  avoir  supplyé  nostre  Seigneur  qu'il  vous  donne, 

Messieurs,  en  santé  l'heureux  accroissement  des  sienes  très  sainctes. 

A  Montpellier,  ce  18"'«  jour  d'Octobre  1582. 

Vostre  très  affectionné  et  meilleur  amy. 

Henry  de  Bourbon. 


XLIII 

Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  de  Genève,  Porlef.  hist.  n"  1952) 

Messieurs, 

Encor  que  de  long  temps  j'aye  occasion  de  m'asseurer  de  vostre  bonne  amitié  et 
m'en  tenir  vostre  obligé,  toutefois  la  démonstration  que  vous  continues  de  m'en  faire 
par  vos  lettres  presques  ordinaires  et  communication  de  Testât  de  vos  affaires  me 
contrainct  de  vous  testifier,  comme  de  nouveau,  que  ie  vous  suis  plus  affectionné  que 
iamais  pour  m'employer  à  tout  ce  qui  concerne  vostre  bien  et  repos  ;  j'espère  que,  par 
la  prudence  de  Messieurs  des  Ligues,  vos  dilTérenls  se  termineront  en  bonne  paix  et 
à  vostre  contentement;  s'il  en  advient  aultrement,  je  vous  prie  croire  qu'au  besoing  ic 
vous  serviray  avec  mes  amys,  et  s'il  ne  lient  qu'à  exposer  ma  personne,  je  ne  recu- 
leray  poinct  pour  la  défense  de  vostre  ville  à  laquelle  Dieu  a  si  abondamment  départi 
de  ses  grâces  qu'elles  ont  découlé  iusques  à  touts  ceux  dedeça  qui  font  profession  de 
mesme  religion  et  ne  peuvent  moins  que  par  Temploy  de  ce  qui  est  en  eux  user  de 
recognoissance  cl  gratitude  à  l'endroicl  des  instruments  desquels  Dieu  s'est  servi  pour 
leur  monstrer  le  chemin  de  vérité.  Je  vous  ay  une  obligation  particulière  que  ie  ne 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  215 

mectray  jamais  en  oubli,  qui  esl  cause  que  particulièrement  et  derechef  ie  m'offre  à 
vous  franchement  et  de  mesme  volonté  qu'après  vous  avoir  présente  mes  bien  affec- 
tionnées recommandations,  je  supplie  le  Créateur,  Messieurs,  vous  conserver  en  bonne, 
longue  et  asseurée  paix,  pour  le  repos  de  vostre  Eglise  et  des  nostres. 

A  St-Jehan  d'Angely,  le  4  Juillet  1583. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais. 

Henry  de  Bourbon. 


XLIV 

Condé  au  Conseil  de  Genève.  ■ 
(Arch.  de  Genève.  Porlef.  hist.  n°  1952) 

Messieurs, 

Retournant  en  vostre  ville  ce  porteur,  envoyé  vers  moy  par  le  S""  Juge,  comme  il 
m'a  présenté  de  vos  lettres,  je  ne  veulx  luy  permettre  de  partir  sans  les  mienes  et 
m'excuser  de  ne  vous  avoir  plustost  faict  responce  à  faulte  de  commodité.  J'ay  veu  ce 
que  ledict  S''  Juge  m'escripl  touchant  le  faict  de  mes  bagues  et  entendu  les  propo- 
sitions de  cedict  porteur.  Pour  en  résouldre  une  fin,  je  vous  prie  de  croire,  Messieurs, 
que  je  désire  infiniment  de  le  veoir  bien  salisfaict  tant  en  considération  de  luy  mesme 
de  qui  avecq  juste  occasion  je  suis  amy  qu'en  faveur  de  vostre  recommandation,  dont 
et  en  cesl  endroicl  et  en  tout  aultre  je  feray  tousiours  beaucoup  d'estime  pour  m'y 
employer  à  bon  escient.  J'ay  faict  certaines  ofîres  à  ce  porteur  qu'il  n'a  voulu 
accepter,  mais  la  raison  et  commodité  de  mes  affaires  ne  me  permettans  de  passer 
plus  oultre  sur  l'attente  de  la  responce  que  m'en  fera  ledict  trésorier,  je  vous  priray 
apprendre  de  mes  nouvelles  par  cedict  porteur  et  croire  que  les  vostres  bonnes 


214  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

m'arriveronl  tousiours  fort  agréables,  mais  encor  plus  les  moyens  qu'il  plaira  à  Dieu 
me  donner  à  l'aclvancemenl  de  vostre  bien,  repos  et  conseivation.  En  l'espérance 
desquels  je  le  supplye  qu'il  vous  continue,  Messieurs,  ses  très  dignes  grâces  et  très 

sainctes  bénédictions. 

A  Pau  ce  IS-^  jour  d'Octobre  1583. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais 

Henry  de  Bourbon. 


XLV 

Coudé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève,  Portef.  hist.  n"  1952) 

Messieurs, 

Les  advertissemens  ordinaires  que  me  donnes  de  Testât  de  vos  affaires  me  font 
assez  cognoistre  la  continuation  de  vostre  amitié  en  mon  endroict  ;  c'est  pourquoy  à 
toutes  occasions  ie  désire  vous  asseurer  de  la  mienne  et  vous  en  promoctre  les  effects 
tels  que  pouves  espérer  de  moy,  qui  n'oublieray  jamais  l'obligation  que  ie  vous  ay  avec  le 
général  de  nos  Eglises  et  particulièrement  à  cause  de  l'honnesle  et  amiable  accueil 
que  m'aves  aullre  fois  faicl  en  volsre  ville.  Croyez  donc,  Messieurs,  qu'il  n'y  a  Prince 
en  France  ny  ailleurs  qui  de  meilleure  volonté  que  moy  employé  ses  moyens,  crédict 
et  propre  personne,  pour  vostre  soulagement,  estant  bien  marry  d'un  costé  de  ne 
venir  vostre  estât  plus  paisible  et  de  l'aullre  ioyeux  d'entendre  vostre  résolution 
louable  à  la  conservation  de  ce  qui  à  la  vérité  doibt  estre  entre  les  hommes  plus  cher 
et  précieux  que  la  vie,  mesmement  quand  le  service  de  Dieu  y  est  conioinct,  ce  qui 
me   faicl  espérer  que  l'issue  des   ennuys  et  traverses  qu'on  vous  donne  auiourd'huy 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE  215 

sera  heureuse  pour  vous  et  honteuse  pour  les  ennemis,  lesquels  vous  sont  communs 
avec  nous  et  avec  tous  ceux  qui  font  profession  Je  la  vraye  religion. 

Messieurs,  je  supplie  le  Créateur  qui  ainsi  soit  et  qu'après  avoir  délivré  et  vous 
et  nous  d'une  longue  oppresse,  il  donne  aux  uns  et  aux  aultres  pleine  liberté  de  le 
louer,  avec  augmentation  de  ses  sainctes  grâces,  me  recommandant  bien  affection- 
nément  aux  vostres  meilleures. 

A  St-Jean  d'Angély,  le  4  Mars  1584. 

Vostre  phis  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais. 

Henry  de  Bourbon. 


XLYI 

Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève,  Portef.  hist.  n"  1952) 

Messieurs, 

Tant  de  preuves  que  j'ay  cy  devant  receues  de  vostre  amytié  me  font  croire  que 
vous  serez  touiours  bien  aises  d'en  continuer  les  effects  semblables  en  mon  endroict 
et  non  moings  de  ceulx  que  j'affectionne.  Avecq  ceste  persuasion,  je  vous  prie  aultant 
affectionnément  qu'il  m'est  possible  d'avoir  pour  l'amour  de  moy  en  recommandation 
particulière  la  damoiselle  de  Marlinville,  petite  fille  de  feu  Madamoiselle  Des  Marais 
et  niepce  du  S"^  des  Marais,  chef  de  mon  conseil,  et  lequel  j'employe  ordinairement 
en  mes  affaires.  J'ai  sceu  que  sadicte  niepce  est  de  longtemps  retirée  en  vostre  ville 
et  que  le  S^  de  Juranville,  au  préjudice  de  quelques  instances  pendantes  par  devant  le 
Magistrat  de  vostre  Républicque,  est  après  pour  l'en  distraire,  soubs  ombre  de  quelques 
procédures  faicles  par  deçà;  vous  m'obligerez  beaucoup,  Messieurs,  si  à  ma  prière  vous 


216  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

empeschez  qu'il  ne  le  puisse  faire  ny  par  force,  ny  par  surprise,  et  quand  en  toute 
autre  chose  vous  favoriserez  à  bon  escient  ceste  demoiselle,  car  ce  sera  une  recon- 
gnoissance  louable  du  zelle  que  ladicie  damoiselle  Des  Marais,  sa  mère,  a  lousiours 
tesmoigné  à  l'advancement  de  la  relligion  et  gloire  de  Dieu  sans  aulcune  espargne 
de  ses  moyens  et  par  telle  gratification  dont  vous  userez  à  la  fille  en  ma  faveur,  ledict 
S""  des  Marais  s'appercevra.  de  plus  en  plus  combien  je  l'ay  agréable,  qui  me  faict  vous 
en  redoubler  la  recommandation  et  les  mienes  bien  affectionnées  à  vos  bonnes 
grâces,  après  avoir  supplyé  le  Créateur  qu'il  vous  donne,  Messieurs,  en  santé  l'heu- 
reux accroissement  des  sienes  très  saincles  et  très  dignes. 

A  S'  Jehan  d'Angély  le  20*  jour  de  Mars  1584. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais. 

Henry  de  Bourbon. 


XLVII 

Condé  au  Conseil  de  Genève. 
(Arch.  (le  Genève,  Porte f.  hist.  n"  1952) 

Messieurs, 

La  mesme  religion  de  laquelle  nous  faisons  profession  nous  enseigne  asses  la 
conionclion  qui  doibt  estre  entre  nous,  mais,  puisque  nos  ennemis  nous  l'apprennent 
davantage  par  leurs  desseings  qu'ils  bastissent  tous  les  jours  pour  nous  ruiner  tous 
à  la  fois,  cela  nous  doibt  occasionner  d'estreindre  plus  fort  le  lien  d'amitié  et  union 
comme  le  plus  asseuré  moyen,  selon  les  hommes,  de  nostre  conservation  ;  ce  que  je 
dy.  Messieurs,  afin  de  vous  tesmoigner  par  la  présente  le  semblable  que  par  mes 
précédentes  et  vous  prier  croire  que  i'ay  merveilleusement  à  cœur  vostre  bien,  repos, 
accroissement  et  contentement,  tenant  pour  certain  que,  si  Dieu  vous  continue, 
comme  je  l'en  prie  ardemment,  une  tranquillité,  il  vous  fera  aussi  la  grâce  de 
l'employer  à  l'advancement  de  sa  gloire  pour  triompher  au  milieu  de  vos  ennenn's. 


ET   LE    TRATTÉ   DE    SOLEURE  217 

Si  pour  y  parvenir  vous  estimes  que  mes  moyens  y  puissent  apporter  de  la  facilité, 
je  les  vous  offre  volontairement  avec  ma  personne,  de  laquelle  ie  vous  serviray  de 
toute  l'affection  que  pouves  attendre  et  vous  promettre  d'un  Prince  désireux  de  vous 
veoir  sortis  des  perplexités  qui  vous  travaillent  de  long  temps,  à  quoy  il  semble  par 
vos  dernières  lettres  que  Dieu  vous  présente  une  ouverture  qui  ne  sera  iamais  si 
seure  ny  si  prompte  que  ie  la  vous  souhaitte,  Messieurs,  priant  Dieu  que,  malgré  vos 
adversaires,  il  conserve  et  accroisse  vostre  Estai,  vous  faisant  prospérer  de  plus  en 
plus  à  son  honneur,  vostre  soulagement  et  utilité  de  nos  Eglises  qui  y  ont  intérest, 

A  S*  Jehan  d'Angely  le  24«  jour  de  Mars  1584. 

Vostre  plus  affectionné  et  meilleur  amy  à  iamais. 

Henrv  de  Bourbon. 


XLVIII 


Belation  dressée  par  le  Sieur  de  Haute  fort,  ambassadeur  de  France,  des  prétentions  du 
duc  de  Savùye  sur  Genève  et  des  deffences  de  ceux  de  Genève,  dressées  lors  du 
retour  du  Roy  de  Pologne  l'an  i514,  ensemble  des  poursuittes  que  le  Duc  de  Savoie 
en  faisait  en  la  Chambre  Impériale  et  des  raisons  qui  s'avançaient  pour  empesc/irr 
que  Genève  ne  fust  comprise  en  Varticle  du  Traité. 

(Arcli.  (le  Genève.  Mémoires,  actes  et  traités  de  la  République  de  Genève  avec  la  France,  la  Suisse  et 

la  Savoye.  toine  104,  page  04  et  suivantes.) 

Sommaire  discours  des  prétentions  des  très  illustres  ducs  de  Savoie  sur  la 
ville  franche  et  impériale  de  Genève. 

Les  Sieurs  Ducs  demandent  sur  Genève  la  haute  souveraineté  comme  vicaire 
d'Empire,  puis  le  vidomnal,  tiercement  la  cassation  de  toutes  les  alliances  traitées 
entre  Genève  ou  autres  villes  et  Seigneurs  quelsconques. 


218  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

Leurs  fondemens  sont  deux  bulles  de  vicariat  d'Empire,  y  estant  expressément 
mentionnée  Genève  octroyée  à  la  maison  de  Savoye,  asscavoir  à  Amé  cinquième, 
appelé  le  comte  Vert,  et  aux  siens  par  l'Empereur  Charles  quatrième  l'an  1366  et 
1367. 

Confirmations  dudit  vicariat  par  l'Empereur  Maximilian  premier,  1504  et  1530. 
Une  sentence  donnée  par  le  Pape  Léon  dixième  l'an  1515  en  laveur  du  duc  Charles 
ayant  du  Duc  à  présent  régnant  contre  Pierre  de  la  Baume,  évesque  de  Genève. 

Deux  sentences  des  Cantons,  l'une  donnée  à  Payerne  l'an  1531,  l'autre  à  Lucerne 
1535. 

La  ville  de  Genève  au  contraire  remonstre  que  tousjours,  depuis  que  les  Romains 
conquirent  les  Allobroges,  elle  a  esté  ville  franche  et  a  tousjours  continué  en  ses 
franchises  et  libertés,  mesmes  durant  les  Rois  de  Bourgongne  et  pour  preuve  de  cela 
monstre  les  marques  engravées  en  pierre  très  antique  dès  le  temps  de  l'Empereur 
Marc  Aurèle,  par  lesquelles  appert  que  dès  lors  elle  estoit  Colonie  romaine  appelée 
CÂvitas  Aequestrum,  et  par  conséquent  immédiatement  deppendante  de  l'Empire 
Romain  alors  florissant,  estant  appellée  Colonia  Aequestris  par  Pline,  lib.  4"  cap.  17*, 
ayant  veseu  sous  l'Empereur  Vespasien  (Ij. 

Monstre  aussi  l'Aigle  Impérial,  marque  des  villes  franches  impériales,  plus 
ancienne  que  la  Maison  de  Savoie  n'ayant  commencée  que  l'an  998  ou,  comme  les 
autres  veuUent,  994,  plantée  au  plus  haut  du  portail  du  principal  Temple  du  dit 
Genève. 

Allègue  d'avantage  comme  peu  à  peu  estant  survenues  les  tempestes  de  l'incli- 
nation de  l'Empire  romain  et  les  Evesques  de  Genève,  auxquels  les  peuples  du  Dioceze 
avoient  eu  reffuge,  comme  on  scait  ostre  advenue  en  plusieurs  grandes  villes  du 
Monde,  voire  mesme  à  Rome,  estans  peu  à  peu  d'administrateurs  précaires  devenus, 

(1)  L'auteur  (Ju  mémoire  commet  la  morne  erreur  (jue  il'aulres  écrivains  du  temps;  c'est  à  Nyon 
et  non  à  Genève  qu'il  faut  clierclier  la  Colonie  Equestre.  Les  historiens  du  XVI""'  siècle  ont  été  induits 
en  erreur  par  diverses  inscripiions  lrans|iortécs  de  iN'yon  à  Genève. 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  219 

avec  certaines  convenances  avec  leurs  peuples,  souverains  en  k'ur  diocèze,  où  il  y 
avoil  quelques  comtes  et  barons,  lesquels  aussy  peu  à  peu  d'officiers  estoient  devenus 
sieurs  héréditaires. 

Les  Comtes  de  Genevois,  grands  seigneurs  du  costé  desdits,  appelés,  comme  nous 
avons  dit,  par  les  Romains  Aequestres,  aequestres  ab  acquis,  estoit  vassal  dudit 
Evesque,  ce  qui  appert  par  la  reconnaissance  dudit  Sieur  Comte  de  l'an  1124, 
spéciffiant  tous  les  droits  de  régales  et  souveraineté,  entre  lesquels  la  cité  a  de  tous 
temps  fait  forger  et  battre  monnoye,  non  seullement  d'argent,  mais  de  pur  or  et  dont 
s'en  trouvent  encores  de  fort  antiques,  et  de  mesme  la  liberté  de  la  pesche  sur  le  lac 
et  sur  le  Rbosne  soit  de  poisson,  ou  mesme  de  l'or  que  porte  ledict  fleuve  sortant 
du  Lac. 

Plus  produit  à  celte  fin  trois  bulles  de  Frederich  Barberousse  : 

La  première  de  l'an  1153  déclarant  ce  que  dessus  ; 

La  seconde  de  l'an  1162  estant  un  jugement  donné  en  faveur  dudit  Evesque 
contre  le  Duc  Berthod  de  Zeringen  et  Amé  comte  de  Genevois,  condamnés  en  leur 
présence  en  plaine  assistance  impérialle,  où  ils  reconnurent  aussi  leur  faute  pour 
avoir  par  surprise  ledit  Berthodde  impélré  un  tel  vicariat  qu'a  depuis  aussi  impelré  le 
comte  Verd,  de  Charles  4,  portant  d'avantage  laditte  condamnation  une  très  ample 
déclaration  de  loutte  prééminence  audit  Evesque,  Eglise  et  cité. 

La  3"  de  l'an  1186,  par  laquelle  tout  le  fief  de  Guillaume,  comte  de  Genevois, 
est  confisqué  à  raison  de  lélonie  par  luy  commise,  dont  puis  après  ledit  comte 
appoincta  avec  le  dit  Evesque. 

Item  produit  une  déclaration  de  Thomas,  comte  de  Morienne,  duquel  sont  issus 
les  très  illustres  Ducs  de  Savoye,  que  jamais  ne  mouveroit  querelle  ny  ne  prétendroit 
rien  sur  les  régalles  de  Genève  l'an  1211. 


"S" 


Plus  les  hommages  faits  à  l' Evesque  et  Eglise  de  Genève  dudit  comté  de  Genevois 


220  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

par  les  coniles  de  Savoye  de  l'an  1305,  1346,  1405,  en  laquelle  dernière  reconnois- 
sance  est  spéciffié  l'hommage  lige  preslé  par  Amé  huicUesme  du  nom  et  premier 
Duc  de  Savoye,  de  la  Baronnie  de  Treny  ou  Terny,  Remilly,  Montfalcon,  les  Eschelles, 
Ballaison  et  autres  terres  et  seigneuries.  Item  plusieurs  reconnoissances  des  Sieurs  de 
Gex  en  divers  temps. 

Item  sentence  de  confiscation  de  fief  contre  Girard,  baron  de  Ternier,  pour 
félonnie  contre  l'Evesque  son  seigneur,  de  l'an  1398. 

Item  les  confirmations  des  susdittes  Bulles  de  Fréderich  par  plusieurs  Papes  des 
années  1157,  1160,  1180,  1183,  voire  mesme  par  ledict  Amé  huitième,  premier  Duc 
de  Savoye,  lorsqu'il  estoit  Pape,  appelé  Foelix  quintu.s,  1444. 

Item  une  grâce  faite  à  un  criminel  par  l'Evesque  à  la  requeste  mesme  du  Duc 
Louis  l'an  1453. 

Item  plusieurs  actes  des  jugements  capitaux  donnés  par  les  Scindics  et  Conseil 
de  Genève,  remettant  les  prisonniers  condamnés  par  eux  entre  les  mains  du  Vidame 
avec  commandement  de  faire  exécuter  leur  sentence  ;  iceluy  la  remettoit  au  chastelain 
de  Gaillard,  luy  commandant  de  faire  exécuter  au  gibet  de  Genève  leur  sentence  de 
point  en  point. 

Item  les  territoires  demandés  par  les  Ducs  de  Savoye  pour  pouvoir  tenir  leur 
conseil  dans  la  Ville  quand  ils  venoient  pour  y  faire  séjour. 

Item,  plusieurs  acquêts  tant  de  privilèges  que  de  terres  vendues  à  la  ville  de 
Genève  louée  par  les  Ducs  de  Savoye  avec  rémission  perpétuelle  expresse  de  tout 
droit  de  fief,  directe  domaine,  meremixte  empire,  toute  supériorité  et  ressort  quelconque 
qu'il  y  pourroit  avoir. 

Plus  une  bulle  de  l'Empereur  Sigismond  l'an  1420  defïendant  au  Duc  de  Savoye 
d'attenter  aucunement  sur  les  régales  de  Genève. 

llem  une  letlre  de  l'Empereur  Charles  cinq  en  datte  de  l'an  1540  et  par  couse- 


ET   LE    TRAITÉ   DE   SOLEUKE  221 

quenl  n'ignorant  pas  l'Estal  auquel  esloit  lors,  et  est  aujourd'hui  la  ville  de  Genève 
ainsy  intitulée  :  honorabilibus  noslris  et  imperii  sacri  fidelibus  sindicis,  consulibus  et 
civibus,  imperialis  civitalis  noslrae  Gebennensis. 

Et  quant  à  l'octroy  du  vicariat  impetré  par  le  susdit  comte  Verd  l'an  1367,  la 
ville  de  Genève  y  repond  péremptoirement,  opposant  à  icelle  la  révocation  expresse 
qu'en  fit  le  même  Empereur  sur  la  complainte  de  l'Evesque  Ardutius  en  plaine  assis- 
tance impériale  et  par  forme  de  pragmatique  sanction,  déclarant  ledit  mesme 
Empereur  que  en  cet  endroit  il  avoit  esté  surpris,  anéantissans  par  termes  exprès  et 
signifficatifs  de  tous  droits  de  ce  qu'il  avoit  octroyé  audit  Sieur  comte  son  cousin,  luy 
deffendant  de  contrevenir  à  cette  révocation  sous  peine  de  son  indignation  et  de  mil 
marcs  de  pur  or,  estant  ladilte  révocation  de  l'an  1867  et  depuis  confirmée  par  le 
Pape  Sixte  l'an  1483,  répétant  aussy  les  dites  Bulles  de  Frédericli  Barberousse  ;  ce 
qui  met  aussi  à  néant  toutes  confirmations  subreptices  de  la  bulle,  ainsy  révoquée 
solemnellement  selon  les  anciennes  Bulles  et  autres  documens. 

Quant  à  la  sentence  du  Pape  Léon  dixième,  outre  ce  qu'il  n'estoit  juge  compétant 
de  cette  affaire,  et  ne  pouvoit  aucunement  déroger  auxdittes  Bulles  Impérialles,  ny 
mesme  aux  confirmations  de  tant  de  Papes  ses  prédécesseurs,  tout  cela  se  fist  par 
une  menée  du  duc  Charles,  ayant  fait  saisir  les  bénéfices  de  Suze  et  de  Pignerol 
appartenans  à  Pierre  de  la  Baume,  Evesque  de  Genève,  pour  l'intimider  et  faire  qu'il 
ne  s'opposast  trop  vivement  à  la  procédure  de  Rome,  craignant  de  ne  jouir  de  ses 
bénéfices,  mais  tant  s'en  fallust  que  cela  ne  sortist  effect  que  au  contraire  Pierre  de  la 
Baume  se  fit  bourgeois  et  compagnon  de  la  communauté  de  Genève  à  rencontre  dudit 
Sieur  Duc,  comme  il  appert  par  bons  instrumens. 

Quant  à  la  sentence  de  Payerne,  pour  ce  qu'il  n'y  avoit  personne  suffisamment 
instruit  de  la  part  de  l'Evesque  sur  le  fait  de  la  souveraineté,  il  n'en  fut  rien  expres- 
sément déterminé,  mais  en  fut  ledit  Sieur  Duc  tacitement  assez  débouté,  ayant  esté  dit 
que  l'alliance  de  Genève  avec  Berne  et  Fribourg  tiendrait,  ce  qu'ils  n'eussent  jamais  dit 
ou  que  par  provision,  s'ils  n'eussent  tacitement  jugé  lesdits  de  Genève  avoir  droit  de 
souveraineté  pour  pouvoir  contiacler  alliance,  et  qui  plus  est,   lui  ledit  Sieur  Duc 


222  genéviî:,  le  pakti  huguenot 

Cliarles  condamné  aux  despens  do  vingt  raille  escus  pour  la  guerre  par  luy  laite  contre 
la  ville  et  l'Evesque  de  Genève,  depuis  paies  réallement  par  luy. 

Quant  à  la  sentence  de  Lucarne,  ceux  de  Genève  n'y  comparurent  jamais,  ny  en 
persone  ny  par  autruy,  et  ce  non  par  leur  faute,  mais  d'autant  que  les  passages 
estoient  clos  et  espiés  jour  et  nuit  par  ledit  Sieur  Duc  de  Savoye  depuis  Genève  jusques 
près  de  Berne  et  qui  plus  est,  ceux  de  Genève  advertis  de  ladilte  sentence  déclarèrent 
incontinant  après  à  Badden  ausdits  Sieurs  Cantons  qu'ils  ne  pouvoient  accepter 
aucunement  laditte  sentence,  qui  n'estoit  qu'une  aimable  composition  et  non  pas 
un  jugement  diffinitif  par  compromis,  attendu  qu'elle  desrogeait  ouvertement  à  laditte 
sentence  dePayerne,  acceptée  de  part  et  d'autre,  à  laquelle  ils  se  lenoient,  dont  lesdits 
Sieurs  des  Ligues  se  contentèrent,  et  partant  n'est  laditte  sentence  d'aucun  poids. 

Appert  par  tout  ce  que  dessus  que  les  Ducs  de  Savoie,  au  lieu  d'avoir  aucune 
souveraineté  ny  jurisdiction  sur  Genève,  doivent  l'hommage  du  comté  de  Genevois  et 
d'autres  terres  à  la  souveraineté  d'icelle  et  quant  ils  y  auroient  eu  droit  autrefois  ils 
en  sont  descheus  par  infinies  félonnies  et  usurpations  toutes  manifestes. 

Quant  au  vidonnat  : 

Lesdits  Sieurs  Ducs  de  Savoye  prétendent  que  le  Vidonne  ayt  esté  un  juge 
ordinaire  ordonné  par  eux,  comme  Lieutenant  pour  exercer  la  Justice  ordinaire  au 
nom  d'eux,  comme  souverains  seigneurs. 

Au  contraire,  il  se  prouve  que  le  vidonnat  estoit  un  oflice  épiscopal  qui  se 
conféroit  par  l'Evesque  en  possession  précaire,  comme  autres  offices  ecclésiastiques, 
pour  exercer  la  justice  civille  et  ordinaire  en  première  instance,  d'autant  que  l'Evesque 
estoit  Sieur  temporel  et  spirituel,  ainsy  que  les  causes  vrayement  ecclésiastiques  se 
démenoient  devant  l'officialité  ayant  toutes  fois  eslendu  ses  ailes  comme  chacun  scait 
qu'il  est  advenu  aillieurs  jusques  à  ce  que  les  Princes  y  ont  donné  ordre  et  de  ce 
vidonnat,  devant  mesmes  que  les  Evesques  fussent  sieurs  temporels,  ayans  toutefois 
grands  privilléges  tant  pour  leur  clergé  et  leurs  domestiques  que  pour  ceux  qui  volon- 
tairement se  rapporteroient  à  eux  de  leurs  différens,  comme  il  se  veoid  par  plusieurs 
ordonnances  impériales  des  Emjirreurs  Ghicsliens  au  titre  de...  Kjnscujiall  audieucm. 


ET    LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  228 

Il  est  porté  expressément  au  grand  décret  en  la  distinction  au  39  chap.,  vol.  et 
chap.  Diaconum.  Et  qu'ainsy  soit  ou  fait  apparoir  par  bons  instruments  que  les 
vidones  ont  esté  devant  qu'il  fust  jamais  mention  de  ce  différend  avec  les  Comtes  de 
Savoye. 

Item  que  les  Evesques  ont  tousjours  appelé  les  vidones  leurs  vidones. 

Item,  que  le  \idonal  ayant  esté  usurpé  par  le  comte  de  Savoye  Amé,  ainsy  que 
autres  droits  sur  leurs  Evesques,  sous  prétexte  de  certains  despens  qu'il  disoit  avoir 
faits  pour  secourir  Guillaume  Evesque  pour  lors,  contre  un  comte  de  Genevois,  ce 
rebellant  contre  ledit  Evesque  son  Sieur,  par  accord  fait,  ledit  vidonat  fut  inféodé  audit 
comte  Amé  pour  sa  vie  seulement,  dont  illuy  fist  foy  et  hommage  et  à  condition  que 
les  Evesques  successeurs  dudit  Guillaume  trouvassent  cela  bon,  asscavoir  au  cas  que 
ledit  Amé  survesquit  ledit  Evesque  Guillaume  comme  il  advint,  et  ne  fut  ledit  Amé 
accepté,  ains  rejette  par  l'Evesque  Amé  successeur  dudit  Guillaume,  dont  il  advint 
beaucoup  de  différends  lesmoignans  l'usurpation  des  susdits  comtes  et  mainti  nant 
Ducs  de  Savoye.  D'avantage  il  conste  que  les  appellations  dudit  vidonnat  alloient  à 
Vienne  et  finallement  à  Rome,  si  besoin  estoit.Tesmoignage  irréfragable  que  le  vidonnat 
estoit  un  Lieutenant  de  l'Evesque   et  non   pas  de  M.  le  Duc  de  Savoye,  lequel  au 
contraire  querellant  le  vidonnat  quand  iceluy  appartiendroit,  ce  que  non  se  confesse 
vassal  de  l'Evesque. 

Par  mesme  moyen  il  se  trouvera  lesdits  comtes  et  ducs  de  Savoye,  quand  ils  ont 
tenu  ledit  vidonat,  avoir  esté  niesmement  sujets  des  Scindics  et  Conseil  de  Genève 
qui  commandoient  audit  vidonne  l'exécution  de  leur  sentence  criminelle. 

Et  pour  monslrer  que  ce  vidonnat  n'est  aujourd'hui  pourchassé  pour  dignité 
ne  pour  proffit  qu'il  y  ait  en  cet  office,  il  se  prouve  par  bons  documents  et  irréfragables 
que  le  vidonne,  ayant  le  serment  à  l'Evesque,  ne  pouvoit  rien  juger  que  sommairement 
et  sans  aucune  escriture  s'il  n'esloit  question  de  quelque  depposition  de  tesmoins;  que 
aucun  ecclésiastique  ne  peut  procurer,  plaider,  ne  donner  advis  en  la  Cour  du  vidonat 
hors  mis  qu'en  cause  de  bien  grande  conséquence,  le  vidonne  appellast  deux  chanoines 
avec  cinq  citoyens. 


224  GENÈVE,    LE   PARTI    HUGUENOT 

Que  l'Evesque  poiivoit  viiider  les  causes  luy  mesme  soit  présent  ou  absent  le 
vidonne  ;  qu'il  ne  prenoit  rien  pour  son  sceau,  mais  seulement  avoit  les  amandes  de 
trois  sois  et  le  tiers  amandes  de  soixante  sols  de  Savoie,  dont  il  esloit  comptable 
à  l'Evesque  et  non  à  Chambéry,  sinon  quand  les  Ducs  de  Savoye  estans  les  Evesques 
de  Genève  de  leur  maison  quelquesfois  aagés  de  huict  à  dix  ans,  en  ont  fait  à  leur 
vouloir. 

Le  vidonat,  dont  si  mal  fondé,  n'a  jamais  esté  et  n'est  aujourdhuy  prétendu  par 
les  ducs  de  Savoye  sinon  pour  s'en  servir  comme  d'un  estrier  pour  monter  en  selle. 

Lesdits  sieurs  Ducs,  n'ayans  nul  droit  au  pétitoire  dudit  office,  se  fondent  sur  la 
dilte  sentence  de  Payerne  de  l'an  i5M  par  laquelle  la  réintegrande  en  auroit  esté 
adjugée  au  feu  Duc  Charles  pour  avoir  prouvée  sa  possession,  quoy  qu'elle  fust  de 
malefoy,  comme  dit  est,  la  dilte  réintegrande  depuis  confirmée  plus  amplement  par 
la  sentence  de  Lucerne  l'an  1535. 

La  ville  de  Genève  advoue  que  la  ditte  réintegrande  luy  fut  adjugée  et  que  la  ditte 
sentence  fut  acceptée  de  part  et  d'autre,  mais  on  adjoute  qu'il  y  avoit  une  queue  et 
condition,  laquelle  seule  fut  cause  que  la  ville  de  Genève  accepta  la  ditte  sentence. 
Quant  à  laditte  réintegrande  luy  estant  réservé  le  pétitoire,  assavoir  que  devant  toutes 
choses  ledit  Sieur  Duc  donneroit  bonne  et  suffisante  assurance  à  la  ville  de  Genève  de 
ne  rien  attenter  sur  icelle,  après  avoir  esté  réintégré  sauf  le  pétitoire.  A  quoy  tant  s'en 
faull  qu'il  obeist  qu'au  contraire  il  leur  fit  la  guerre  qui  dura  un  an  et  demy  et 
plus,  où  fut  exercée  toute  manière  de  cruauté,  dont  la  ville  de  Genève  demande 
encore  les  intérests  inestimables. 

De  cela  s'ensuit  que  tant  s'en  fault  que  les  Sieurs  Ducs  de  Savoye  se  puissent 
ayder  de  laditte  réintegrande,  qu'au  contraire,  estant  venu  par  la  seule  faute  dudit  feu 
Duc  Charles  qu'il  n'ait  esté  réintégré,  il  en  est  descheu  et  la  ville  de  Genève  au 
contraire  establie  en  juste  possession  depuis  laditte  année  et  auparavant  montant  plus 
de  cinquante  ans. 

Oui  [)lus  est,  quand  la  réintegrande  appartiendroit  audit  Sieur  Charles,  s'il  vivoit, 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  225 

en  vertu  de  la  dilte  sentence,  si  est-ce  que  ses  successeurs  ne  s'en  peuvent  ayder  s'ils 
ne  monstrent  qu'ils  ayenl  esté  pourveus  dudit  office,  ou  continué  en  la  possession 
d'icelle  par  les  Evesques  de  Genève,  attendu,  comme  nous  avons  cy-dessus  monstre, 
que  ledit  office  estant  épiscopal  n'a  jamais  esté  tenu  qu'en  possession  précaire  et  non 
successionnaire. 

Quant  à  la  sentence  de  Lucerne,  il  a  esté  dit  qu'ayant  esté  baillée  sans  partie  et 
par  forme  de  composition  amiable,  laquelle  n'a  esté  acceptée,  mais  inconlinant 
refusée  par  ceux  de  Genève,  entre  autres  raisons,  parcequ'elle  repugnoil  à  celle  de 
Payerne  acceptée  par  les  dittes  deux  parties,  elle  n'est  d'aucun  poids  ny  valeur. 

Quant  à  la  troisiesme  demande  desdits  Sieurs  Ducs,  asscavoir  que  toutes  les 
alliances  de  Genève,  avec  quelsconques  que  ce  soient,  soient  déclarées  de  nulle  valeur, 
et  soient  cassées  et  annullées,  elle  est  vuidée  par  deux  raisons  péremptoires. 

La  première,  pour  ce  que  la  souveraineté  appartient  à  Genève,  représenlant 
aujourd'huy  son  Evesque  et  son  Eglise  outre  les  libertés  anciennes  de  la  ville  e't 
communauté  très  amples,  ausquelles  les  Evesques  mesmes  n'ont  peu  préjudicier,  il 
s'ensuit  qu'elle  a  peu  et  peut  contracter  alliance  telle  que  bon  luy  semble,  ne  contre- 
venant point  aux  droits  de  l'Empire  dont  elle  deppend  immédiatlement.  La  deuxième, 
pour  ce  que  par  la  dilte  sentence  de  Payerne  acceptée  et  produite  maintenant  par  la 
maison  de  Savoie,  il  est  dit  que  l'alliance  que  Genève  avoit  lors  avec  Berne  et  Fribourg 
et  qu'elle  a  encores  maintenant  avec  Berne,  tiendra  nonobstant  les  deffences  alléguées 
alors  par  les  Ambassadeurs  du  feu  duc  Charles. 

Et  quant  à  ce  que  l'on  pourroit  dire  que  Genève  allègue  les  droits  de  son  Evesque 
et  non  chose  qui  luy  appartienne,  on  répond  que  cela  suffit  pour  exclurre  les  prétentions 
du  duc  de  Savoye,  et  que  si  quelqu'un  se  veult  dire  Evesque  de  Genève,  on  a  des 
exceptions  fort  péremptoires  pour  luy  répondre  devant  juge  compétant. 

Quant  la  ville  de  Genève  seroit  paisible  à  Monsieur  le  duc  de  Savoye,  à  peine  que 
le  passage  des  Ligues  en  fust  plus  libre  ne  plus  au  commandement  du  Roy  qu'il  est 


226  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

aujourdhuy.  Et  tel  party  pourroit-il  prendre  qu'il  le  seroit  encores  moins  n'estant  pas 
à  croire  qu'il  eust  moyen  de  la  tenir  sans  l'ayde  de  quelque  autre  plus  grand  Prince, 
mais  elle  nous  serviroit  bien  de  barre  pour  nous  clorre  le  passage  d'Italie  et  empes- 
cher  la  venue  du  secours  des  dittes  Ligues,  s'il  la  remeltoit  à  Monsieur  le  Duc  de 
Savoye,  comme  il  y  a  apparence  qu'il  le  feroit  plus  tost  qu'à  nul  autre.  Et  encores 
d'avantage  si  en  reprenant  les  brisées  de  l'Empereur  Charles  le  Quint  et  Duc  Charles 
dernier  déceddé,  on  venoit  à  faire  eschange  des  pais  de  Savoie  et  de  la  ditte  ville 
avec  le  Roy  d'Espagne. 

Ce  qui  nous  doit  plus  faire  redouter  cecy  est  que  le  dit  Roy  d'Espagne  ne  scauroit 
faire  un  plus  grand  coup  soit  pour  réunir  et  lier  les  pais  qu'il  a  de  ça  et  de  là  les 
monts,  soit  pour  s'avantager  sur  le  Royaume  de  France. 

Parce  qu'en  ce  faisant  il  acquerroit  un  passage,  pour  aller  du  fond  de  l'Italie 
jusques  au  fond  des  Pais  Bas,  sans  presque  marcher  que  sur  le  sien. 

Il  se  seroit  mis  entre  deux  de  nous  et  des  Suisses  pour  empescher  nostre  mutuel 
secours  et  venir  plus  aysément  à  bout  des  prétentions  qu'il  a  contre  l'un  et  l'autre,  il 
nous  garderoit  de  pouvoir  plus  aller  prendre  ses  Estais  de  delà  les  monts  par  le 
derrière  et  de  les  luy  troubler  ainsy  que  nous  avons  fait  par  cy  devant,  si  que  les 
Princes  et  Potentats  d'Italie  seroient  tous  à  sa  mercy. 

Il  y  a  d'avantage  qu'estant  ainsy  le  Roy  d'Espagne  jette  entre  deux,  il  nous  auroit 
tout  à  coup  mis  à  descouvert  et  rendu  sujets  à  garnisons  près  de  cent  lieues  de  lizières, 
asscavoir  depuis  les  monts  qui  séparent  la  rivière  de  Saône  ju'^ques  à  la  source  d'icelle, 
la  ville  de  Lion,  et  la  France  de  l'Italie  jusques  à  la  ditte  ville  de  Lion,  toute  laquelle 
eslendue  de  pais  se  trouve  aujourd'huy  couverte  par  le  moyen  de  l'alliance  des  Suisses 
et  dellivrée  desdittes  garnisons. 

Et  ladessus  fait  à  considérer  que,  sans  laditle  ville  de  Genève,  l'Espagnol  mesme 
ne  s'oseroit  asseurer  des  pais  de  Savoye,  ne  garder  que  toutes  les  fois  que  nous  serons 
d'accord  avec  lesdits  Suisses  ou  partie  d'iceux  on  ne  les  luy  puisse  pareillement 
enlever. 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  227 

De  sorte  que  tout  ainsy  que,  si  ledit  Espagnol  pouvoil  recouvrer  lesdils  Pais  de 
Savoie  avec  laditte  ville  de  Genève,  il  n'y  a  récompense  qu'il  n'en  deust  bailler,  aussy 
esl-ii  à  croire  que  sans  laditte  ville,  il  ne  voudra  entendre  audit  païs  de  Savoye,  mesnies 
qu'elle  est  aujourd  huy  trop  plus  forte  et  mal  aysée  à  recouvrer  qu'elle  n'estoit  lors  du 
traité  d'entre  lesdits  Empereur  Charles  le  quint  et  le  duc  Charles  dernier  décédé. 

Il  nous  sera  encores  plus  aysé,  estant,  comme  dit  est,  d'accord  avec  les  dits 
Suisses  d'enlever  à  mon  dit  Sieur  de  Savoye  ses  païs,  toutes  les  fois  que  nous  voudrions, 
tandis  que  la  dilte  ville  demeurera  en  l'Estat  qu'elle  est.  Là  où  si  par  aucun  moien, 
elle  tombait  en  ses  mains,  il  se  pourroit  après  dire  estre  comme  émancipé  et  hors  de 
subjection  de  la  couronne  de  France  et  desdits  Suisses  ensemble.  Et  ce  pour  les 
raisons  et  par  les  moiens  que  j'ay  autrefois  remonstrés,  entre  autres,  en  fortiffiant  le 
pas  de  l'Escluse  ce  qu'il  ne  peut  nullement  faire,  sans  qu'il  tienne  quant  et  quant 
la  ditte  ville  de  Genève. 

D'oîi  il  adviendroit  qu'au  lieu  de  ce  qu'aujourd'huy,  il  fault  que  ledit  Sieur  de 
Savoye  bon  gré  mal  gré  qu'il  en  aye  par  manière  de  dire  respecte  la  couronne  de 
France  et  se  garde  de  l'otfencer,  il  n'en  feroit  plus  sinon  ce  qui  luy  plairoit,  s'estant 
une  fois  ainsy  emparé  de  la  ditle  ville. 

Si  l'on  veult  dire  que  le  Roy  mesme  aura  moyen  de  s'accommoder  avec  mon  dit 
Sieur  de  Nemours,  à  cela  se  peut  répondre  qu'outre  ce  qu'il  n'y  a  apparence  que  ledit 
Seigneur  le  voulust  faire  contre  le  gré  de  Monsieur  de  Savoye,  pour  ne  se  priver  d'une 
de  l'espérance  qu'il  a  d'une  si  belle  succession.  Il  convient  aussy  considérer  que  le 
Roy  ne  scauroit  entendre  à  la  ditte  ville  sans  se  rompre  d'un  costé  avec  les  Bernois  et 
les  autres  cantons  protestants  et  de  l'autre  avec  mondit  sieur  de  Savoye,  et  sans  pai- 
mesme  moyen  mettre  toutes  les  Ligues  en  combustion,  qui  seroit  se  priver  entièrement 
du  fruit  et  utilité  de  toute  l'alliance  qu'il  a  avec  les  dittes  Ligues,  tant  pour  le  regard 
de  ce  que  la  ditte  alliance  sert  de  rempart  et  boulevart  à  une  si  grande  estendue  du 
Royaume,  que  aussy  pour  raison  du  secours  que  l'on  a  accoustumé  d'en  tirer,  sans 
lequel  secours  nous  n'avons  point  estimé  depuis  80  ans  en  ça  d'avoir  une  armée  asses 
complète  ne  asseurée. 


228  GENÈVE,    LE   PARTI    HUGUE^OT 

Au  surplus,  je  ne  veoy  point  de  quoy  l'occupalion  de  laditte  ville  serviroil  au  Roy, 
si  ce  n'est  pour  se  vanger  de  ce  qu'elle  a  esté  la  première  et  ordinaire  retraite  des 
Luthériens  de  France  et  depuis  le  lieu  où  est  forgé  une  partie  des  troubles  et  séditions 
qui  ont  eu  cours  en  ce  Royaume  depuis  dix-sept  ou  dix-huit  ans.  Mais  il  ne  faut  point 
douter  que  tandis  qu'il  y  aura  des  malcontans,  s'ils  n'auront  plus  de  refuge  à  Genève, 
ils  ne  lairront  de  l'avoir  ailleurs,  el  partant,  où  ils  se  trouveront;  ils  bastiront  tous- 
jours  de  mesme  des  conspirations,  et  y  feront  imprimer  des  livres  diffamatoires, 
tesmoins  les  villes  de  Rasle,  de  Strasbourg,  Heydelberg  et  les  terres  du  Prince  de  la 
Petite  Pierre (1),  en  tous  lesquels  lieux,  toutes  les  susdittes  choses  se  sont  semblable- 
ment  faites  lorsque  les  chefs  desdits  fugitifs  s'y  sont  trouvés. 

Tant  est  que  jusquesicy  les  habitans  de  la  ditteville  de  Genève  el  rétugiés  en  icelle 
n'ont  jamais  ozé  entreprendre  de  donner  le  moindre  empeschement  ou  destourbier 
au  passage  des  Ligues,  soit  pour  aller  en  Italie,  ou  en  revenir,  soit  pour  raison  des 
forces  que  l'on  a  fait  venir  en  France,  quelques  desplaisirs  qu'ils  en  eussent,  voire 
que  quelquefois  ils  ayant  esté  en  allarme  de  nous,  et  n'y  a  pas  apparence  qu'ils 
l'ozenl  faire  non  plus  à  l'advenir,  pourveu  que  nous  conservions  la  paix  perpétuelle 
avec  les  Rernois,  et  ne  se  peut  faire  ou  entreprendre  chose  contre  la  France  que 
désormais  ne  se  puisse  aussy  bien  faire  et  entreprendre  en  une  infinité  d'autres 
endroits,  n'y  ayans  aujourd'huy  que  trop  de  Genève  tant  dedans  que  dehors  le  Royaume. 

Donc  reste  à  peser  si  nous  aymons  mieux  que  la  ditte  ville  demeure  en  l'Estat 
qu'elle  est,  asscavoir  entre  les  mains  des  gens  les  plus  mal  conditionnés  du  monde, 
mais  toutes  fois  qui  n'ont  autre  moyen  de  nous  nuire,  sinon  de  s'y  assembler  pour 
faire  des  complots  et  imprimer  des  livres  diffamatoires  ou  bien  qu'elle  tumbe  entre 
les  mains  d'un  prince,  pour  bon  el  amy  qu'il  soit,  lequel,  quand  il  voudra,  nous  puisse 
nuire,  attendu  que  les  hommes  meurent  el  leurs  volontés  peuvent  changer  en  un  moment. 
El  cela  semble  avoir  esté  la  raison  pour  laquelle  le  feu  Roy  François  le  Grand  fil  ce 
qu'il  peut,  lorsqu'il  y  envoya  le  S''  de  Veres  pour  garder,  que  le  Roy  Charles  dernier 
décédé  (que  Dieu  absolve)  commanda  premièrement  à  mon  frère  el  puis  à  moy  de 

(1)  La  Petite-Pierre,  en  allemand  Liitzelstein,  à  20  kilonièlres  N.-N.-O.  de  Saverne,  autrefois 
chef-lieu  d'un  comté. 


ET   LE   TRAITÉ   DE   SOLEURE  229 

faire  et  procurer  que  les  cantons  calh.  ou  aucuns  d'eux  se  voulussent  joindre  aux 
Bernois  pour  prendre  ensemble  la  protection  de  la  ditte  Ville,  estant  Sa  Majesté  con- 
tente que  la  ditte  ville  fust  par  certain  moyen  comprise  en  la  paix  perpétuelle,  ce  qui 
eusl  esté  le  moyen  de  contenir  dès  lors  en  avant  les  habitans  de  la  ditte  ville,  et  d'em- 
pescher  qu'ils  n'eussent  plus  à  se  faire  les  mauvais  offices  qu'ils  y  ont  depuis  continué, 
car  ils  s'en  fussent  gardés,  tant  pour  se  conserver  en  laditte  paix  perpétuelle  que  pour 
n'irriter  lesdils  cantons  catholiques,  surtout  ceux  qui  leur  sont  plus  voisins,  parce 
qu'ils  les  eussent  veillés  de  plus  près,  et  eussent  eu  occasion  de  les  reprendre  et 
réprimer  toutes  les  fois  qu'ils  se  fussent  esgarés. 

Pour  les  mesmes  raisons  le  Roy  de  présent,  à  son  retour  de  Poulongne,  trouva 
bon  que  j'empeschasse  que  mondit  Sieur  de  Savoye  n'en  vinst  point  à  bout,  comme  il 
prétendoit  et  estoil  lors  après. 

L'article  de  la  ville  de  Genève  est  couché  de  sorte  qu'il  semble  n'y  pouvoir 
estre  contredit  avec  raison  et  partant  qu'il  n'y  devra  avoir  difficulté,  parceque 
Monsieur  de  Savoie  ne  requiert  pas  que  l'on  ne  puisse  faire  alliance  avec  laditte 
ville  sinon  avec  cette  condition,  asscavoir  que  premièrement  il  n'aye  fait  vuider  par 
Justice,  ou  par  appoinctement,  le  différend  qu'il  a  avec  les  habitans  d'ycelle  ville  de 
Genève. 

Au  surplus,  que  y  venant  ledit  Seigneur  par  Justice,  il  n'y  a  rien  craindre  pour  les 
dits  habitants,  parcequ'il  ne  se  trouvera  aucun  droit  sur  iceux,  dont  il  n  'y  a  apparence 
qu'il  puisse  non  plus  rien  obtenir  par  appoinctement. 

Mais  avec  supportation  il  ne  se  faut  pas  arrester  là,  parcequ'ayant  ledit  Seigneur 
le  fait  de  la  dite  ville  tellement  à  cœur  que  sans  doute  le  principal  but  auquel  il 
tend  est  d'en  pouvoir  venir  au  dessus,  et  d'ailleurs  estant  Prince,  si  accord  et  advisé 
comme  il  est,  il  n'est  pas  à  croire  qu'il  se  contentast  du  dit  article,  sinon  qu'il  vit 
bien  celuy  estre  suffisant  pour  parvenir  à  son  intention.  Comme  à  la  vérité,  si  la  chose 
passe  de  la  sorte,  il  semble  qu'il  luy  sera  plus  facille  d'en  venir  à  bout  par  forme  de 
justice  que  l'on  ne  cuyde. 


230  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

La  raison  est  parceque,  se  trouvant  tous  les  cantons  privés  par  le  moyen  dudit 
article  de  pouvoir  emparer  la  ditle  ville  s'entremettre  d'icelle,  ledit  Seigneur  pourra 
appeler  les  habitants  par  devant  la  Chambre  de  l'Empire  pour  estre  (comme  elle 
mesme  se  dit)  ville  impéiiale  là  où  il  luy  sera  aysé  d'obtenir  jugement  contre  eux, 
quel  bon  droit  qu'ils  puissent  avoir  et  ce  au  moien  de  la  faveur  qu'il  aura  envers  les 
Princes  de  l'Empire,  d'un  costé  par  la  recommandation  du  Pape,  du  Roy  Philippes 
et  de  l'Empereur,  et  de  l'autre  pour  le  peu  de  bonne  volonté  que  les  Potentats 
d'Allemagne  qui  sont  de  la  confession  d'Augsbourg  portent  à  la  ville  de  Genève,  à 
cause  de  la  diversité  de  la  Religion  d'icelle. 

Or  si  ledit  Sieur  obtient  une  fois  jugement  en  la  ditte  Chambre  Impérialle,  les 
Cantons  après  ne  seront  pas  seullement  bridés  de  ne  pouvoir  faire  aucun  port  ou 
faveur  à  la  ditte  ville,  ains  aussy  se  trouveront  chargés  d'assister  son  Altesse  au 
recouvrement  de  ce  qui  luy  aura  esté  adjugé  par  les  Juges  compélans  des  parties, 
et  quoy  que  ce  soit  il  y  en  aura  plusiem^s  lesquels  ne  le  feront  que  trop  volontiers. 

Et  voilà  comme  ledit  Sieur  à  peu  de  semblant  sera  venu  audessus  de  ses  desseins 
sans  presque  que  l'on  s'en  soit  apperceu. 

Encores  seroit-il  à  craindre  que,  se  sentant  ledit  Seigneur  court  de  droit  ou  bien 
pour  fortiffier  celuy  qu'il  a  desja,  il  ne  se  vouUust  prevalloir  de  celuy  de  l'Evesque, 
lequel  on  tient  estre  mieux  fondé,  car  ce  a  esté  la  ruse  dont  ceux  de  la  maison 
d'Austriche  se  sont  autresfois  prévalus  contre  plusieurs  des  Cantons  acquérans  ainsy 
le  droit  que  les  ecclésiastiques  avoient  sur  iceux  cantons  dont  l'exemple  pourroit 
après  redonder  sur  tel,  qui  n'y  pense  pas,  et  me  doute  fort  que  cecy  ne  soit  plus  à 
faire,  ainsi  que  ledict  Seigneur  se  sera  desjà  fait  cedder  ledit  droit  du  dit  Evesque. 

Il  reste  doncques  à  considérer  si  lesdits  Sieurs  des  Cantons  ou  aucuns  d'iceux 
ont  interest  que  cela  n'advienne  point,  affin  que  si  ainsy  est  qu'ils  y  ayent  interest, 
ils  s'en  gardent  par  toutes  voyes  raisonnables  et  accoustumées. 

Quant  à  l'inlerest  des  cantons  de  Berne  et  Fribourg,  il  est  tout  apparent  parceque 


ET  LE  TRAITÉ  DE  SOLEURE  231 

la  ditte  ville  seroit  à  cavallier  à  tous  les  pais  qu'ils  ont  autresfois  conquis  sur  ledit 
Sieur  Duc  et  comme  un  esperon  au  flanc  de  tout  le  surplus  de  leurs  Estats. 

Quant  au  général  des  Cantons,  leur  inlerest  est  semblablement  très  grand  pour 
plusieurs  raisons  dont  il  suffira  remarquer  celte  cy  qu'il  semble  très  évidente. 

Asscavoir  que  tenant  le  dit  Seigneur  d'un  costé  laditte  ville,  et  de  l'autre  fortiffiant 
le  pas  de  Lescluse,  il  seroit  après  en  son  pouvoir  d'empescher  lotallemenl  le  mutuel 
secours  d'entre  la  Couronne  de  France  et  le  pais  des  Ligues  aussy  bien  que  la  force 
de  celuy  de  France.  Et  pourroit  leJict  Sieur  audit  cas  empescher  ledit  mutuel 
secours  d'autant  plus  hardiment  que  tenant  ces  deux  passages,  il  n'auroit  plus  à 
craindre  que  les  Suisses  luy  pussent  courir  sus,  ne  l'endommager. 

Voire  se  pourroit-il  dire  avoir  mis  des  ceps  aux  pieds  des  dits  Sieurs  des  Ligues, 
mesmement  qu'ayant  entre  ses  mains  laditte  ville,  il  en  feroit  son  principal  fort  et 
boulevart  deçà  les  monts  et  sa  ville  capitalle. 

Or  ie  donne  à  penser  si  le  feu  Empereur  Charles  le  Quinl,  qui  fut  un  si  sage  et 
si  avisé  Prince,  eust  envié  de  faire  un  eschange  avec  feu  Monsieur  de  Savoye,  et  de 
prendre  les  païs  d'iceluy  de  deçà  les  monts  encores  qu'il  n'eust  laditte  ville,  en  luy 
donnant  une  bonne  récompense  en  Italie  et  afiin  de  se  mettre  entre  les  deux  Estats 
de  France  et  des  Ligues,  asscavoir  Mons""  son  successeur  le  devra  vouloir  faire  encores 
plus  fort,  pouvant  par  mesme  moyen  recouvrer  la  ditte  ville  de  Genève  avec  laquelle 
le  surplus  est  plus  tenable  et  sans  icelle  de  beaucoup  moindre  important. 

Par  ce  moyen  l'Espagnol  avoit  gaigné  d'un  costé  un  grand  avantage  sur  le 
François  de  luy  avoir  couppé  chemin  au  secours  qu'il  a  jusques  ici  tiré  des  Ligues, 
qui  est  le  plus  grand,  le  plus  prompt  et  le  plus  asseuré  que  ledit  François  puisse 
avoir. 

Et  de  l'autre  il  cuyderoit  par  mesme  moyen  pouvoir  après  plus  aisément  fuier 
des  Ligues,  voire  sans  coup  férir  asscavoir  en  fomentant  tant  seulement  les  dissentions 
de  la  Religion,  et  les  faisant  venir  aux  mains,  ce  que  advançanl  il  estimeroit  n'avoir 


232  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

plus  à  les  redoubler,  et  si  peut  estre  attenteroit  de  venir  audessus  de  ses  vieilles 
prétentions. 

Il  est  doncques  bien  requis  aux  Cantons  et  particulièrement  à  ceux  de  Berne  et 
de  Fribourg,  d'y  pourveoir  sans  laisser  faire  à  Monsieur  de  Savoye  par  voyes  occultes 
et  indirectes,  ce  qu'ils  ne  voudroienl  permettre  à  la  descouverte. 

Car  ils  auroient  un  jour  trop  de  regret  qu'il  leur  fust  reproché  de  s'eslre  ainsy 
laissés  endormir  par  un  beau  prétexte  de  paroles. 

El  si  l'on  dit  que  ce  seroit  chose  injurieuse  aux  Sieurs  des  Cantons  de  s'opposer 
à  la  voye  de  Justice. 

A  cela  se  peut  repondre  que  puisqu'ainsi  est  que  ledict  Sieur  Duc  est  mal  fondé 
en  ses  prétentions  sur  la  dilte  Ville  et  que  le  transport  qui  se  pourroit  faire  faire  par 
l'Evesque  seroit  contre  le  droit  lequel  improuve  l'aliénation  des  choses  contentieuses 
aux  personnes  plus  puissantes,  comme  est  ledict  S''  Duc,  et  partant  qu'il  ne  peut  rien 
gagner  sur  ceux  de  la  ditte  ville  sinon  par  injustice  et  faveur,  il  s'ensuit  qu'il  sera 
juste  auxdits  Cantons  d'obvier  par  tous  moyens  à  ce  que  la  ditte  injustice  ne  se  fasse 
attendre  mesme  que  cela  importe  à  la  seureté  de  leur  liberté  et  de  leur  Estât,  et  que 
ce  sera  sans  l'injure  d'autruy,  ne  se  pouvant  pas  dire  que  l'on  fasse  tort  au  dit  Duc, 
puisqu'il  se  trouve  n'y  avoir  point  de  droit. 


XLIX 

Translation  de  la  déclaralion  envolée  par  Messieurs  de  la  Ville  et  Canton  de  Zurich  à 
Sa  Majesté  très  Chrestiennc  pour  estre  receus  et  entrer  au  traicté  fait  à  Soleiirre 
en  Van  i579  pour  la  conservation  de  Genève. 

(Arcli.  de  Genève,  Traités  publics  pour  la  République  de  Genève,  tome  1,  page  412  et  suivantes.) 

Au  nom  de  la  Saincte  Trinité,  père,  fils  et  Saint-Esprit,  Amen  !  Nous,  Bourg- 
maistre,    Petit   et   Grand   Conseil    appelle  les  Deux   Cens,  de  la  Ville  de  Ziirich, 


ET    LE    TRAITÉ    DE   SOLEURE  23.S 

recognoissons  et  scavoir  faisons  par  les  présentes  que  comme  ainsi  soit   que  en  l'an 
dernier  passé   mil  cinq  cens  soixante  et  dix  neuf  ung  iraicté  et  convention  ait  été 
faicte  soubs   certaines   conditions  et  pour   des   causes  d'importance    entre  l'eu   très 
illustre,  très  puissant  et  très  chreslien  prince  et  seigneur,  Henry  troisième  de  ce  nom, 
Roy   de  France  et  de  Polongne,   d'heureuse  mémoire,  et   les   sages,    prudents   et 
honorés  Bourgmaistres  et  Conseils  des  deux  villes  Berne  et  Soleurre,  nos  féaux  et  très 
chers  alliés  et  confédérés,  concernant  la  tuition  et  conservation  de  la  ville  de  Genève 
et  du  territoire  qui  lui  appartient.  Auquel  traicté  auroit  esté  réservé  que  les  autres 
cantons  des  Ligues  et  leurs  Alliés  y  pourroient  aussi  entrer  et  veu  que  nous  considé- 
rons combien  il  importe  à  la  louable  communaulté  des  Ligues  qu'une  ville  de  Genève 
demeure  au  mesme  estre  et  estât  qu'elle  est  de  présent,  et  que  la  paix,  repos  et  bon 
estât  de  laditte  communaulté   des  Ligues  ne  se  pourroit  par  aucun  moyen  plus  tost 
troubler  que  si  laditte  ville  de  Genève,  laquelle  est  une  clef  et  le  principal  boulevart 
du  pays  des  Ligues,  venoit  à  tomber  en  autres  mains  et  en  la  puissance  d'un  Prince 
ou  Potentat,  quelqu'il  fut,  soit  par  force  ouverte,  surprinse  ou  autre  moyen.  A  cette 
occasion,  de  nostre  pure   et  franche  volonté  et  avec  meure  délibération,  pour  le  désir 
que  nous  avons  avec  les  susnommés,  nos  très  chers  Alliés  de  Berne  et  de  Soleure, 
d'aider  à   tout  ce  qui  peut  servir  pour  le  commun  bien  et  repos,   conservation  et 
tuition  de  laditte  Ville  de  Genève,  laquelle  nous  est  aussi  conjoincte  par  alliance,  et 
ce  avec   le  gracieux  vouloir  et  consentement   de  Très  illustre,  très  puissant  et  très 
chrestien  Prince  et  Seigneur  Henry  quatrième,  Pioy  de  France  et  de  Navarre,  nostre 
très  clément  seigneur  et  allié,  et  le  sceu  de  nosdits  Très  cheis  Alliez  de  Berne  et  de 
Soleurre  ;   Nous  sommes  entrés  audit  traitté  fait   en  laditte  année  mil   cinq   cents 
soixante  et  dix  neuf,  et  l'avons  receu  pour  nous  et  nos  successeurs,  et  l'acceptons 
par  vertu  des  présentes,  tellement  que  nous  y  soyons  et  voulons  estre  comprins, 
obligez  et  adstraints  à  tous  les  points,  clauses  et  conditions,  portées  par  iceluy  traicté, 
ne  plus  ne  moins  que  si,  dès  le  commencement  et  au  temps  que  ledit  traité  a  été  fait, 
nous  y  avions  esté  comprins  et  nommés,  promettans  par  ces  présentes  sur  nos  biens, 
foy  et  honneur,   de  garder  et  observer  de  poinct  en  poinct  à  tous  jour  mais  ledit 
traitté  en  tout  son  contenu,  fidèlement  et  sans  fraude.  En  foy  et  en   tesmoignage  de 
quoy  nous  avons  fait  attacher  manifestement  à  ces  présentes  le  grand  sceau  de  nostre 


234  GENÈVE,  LE  PARTI  HUGUENOT 

ville.  Fail  le  vingt  huitième  d'Aoust  que  l'on   conte  mille  six  cens   et  cinq  depuis  la 
naissance  de  nostre  seigneur  et  sauveur  Jésus-Christ. 

Ensuit  la  teneur  des  lettres  patentes  de  Sa  Majesté  Très  chrestienne,  par  lesquelles 
est  approuvée  la  déclaration  des  Seigneurs  de  la  ville  et  canton  de  Zurich  et  iceux 
receus  au  traitté  de  l'an  1579. 

Henry,  par  la  grâce  de  Dieu  Roy  de  France  et  de  Navarre,  à  tous  ceux  qui  ces 
présentes  lettres  verront,  salut  ;  Comme,  suivant  le  traitté  fait  en  l'année  mille  cinq 
cents  soixante  et  dix  neuf,  entre  le  feu  Roy  dernier  décédé,  nostre  très  cher  et  très 
honoré  Seigneur  et  frère,  et  nos  très  et  grands  amis,  alliez  et  confédérés,  les  Advoyers 
des  villes  et  cantons  de  Berne  et  Soleurre,  touchant  la  protection  et  conservation  de  la 
ville  de  Genève  et  de  leur  territoire,  auquel  traicté  il  estoit  réservé  à  nos  très  chers 
et  grands  amis  alliés  et  confédérés  les  autres  cantons  et  leurs  coalliez  de  pouvoir 
entrer.  Nos  très  chers  et  grands  amis,  alliés  et  confédérés,  les  Bourgmaislres,  Conseil  et 
Grand  Conseil  composé  de  deux  cens  de  la  ville  et  canton  de  Zurich,  ayenl  fait  expédier 
leurs  lettres  patentes  soubs  le  gros  sceau  de  leurs  villes,  par  lesquelles  ayans  considéré 
qu'il  importoit  grandement  à  toute  la  Suisse  que  laditte  ville  de  Genève  demeurast  au 
mesme  estât  et  condition  quelle  est  à  présent,  ils  ayent  résolu  et  désiré,  tant  pour  eux 
que  pour  leurs  successeurs,  d'accepter  ledit  traicté  et  y  estre  comprins,  à  la  charge 
d'entretenir  tous  les  poincts,  clauses  et  conditions  portées  par  iceluy,  et  qu'au  cas  que 
laditte  ville  de  Genève,  qui  est  la  clef  et  le  principal  boulevart  du  pais  de  Suisse,  veint 
à  estre  assaillie  et  en  hazard  de  tomber  au   pouvoir  ou  domination  d'un  Prince  ou 
Potentat  quel  qu'il  fust,  soit  par  la  force  ouverte,  usurpation  ou  autre  voye,ilsapporte- 
royent  volontairement  tout  ce  qui  pourroit  servir  en  général  pour  le  repos  publicq  et 
conservation  de  ladicte  ville  de  Genève,  le  tout  avec  nostre  gré  et  consentement  et  le 
sceu  des  dits  cantons  de   Berne  et  Soleurre  qui  y  sont  entrés  et  y  ont  aussi  esté 
comprins.  Scavoir  faisons  que  nous,  ayans  veu  l'acceptation  dudit  traicté  de  laditte 
année  mille  cinq  cens  soixante  et  dix  neuf  faille  par  nosdits  alliés  de  Zurich  et  la 
déclaration  qu'ils  ont  faille  pour  ce  regard  par  leurs  dites  lettres  patentes,  avons  dit 
et  déclairé,  disons  et  déclarons  par  ces  présentes  pour  ce  signées  de  nostre  main, 
que  nous  avons  ladille  acceptation  dudict  traicté  et  entrée  en  iceluy  par  nos  dits  alliés 


ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEUnE  235 

de  Zurich  bien  agréable,  la  louons,  approuvons  et  rattifions,  et  les  y  avons  receu  et 
recevons  par  cesditles  présentes,  en  la  mesme  sorte  et  manière  et  tout  ainsi  que  si  du 
commencement  que  ledit  traicté  a  esté  fait,  ils  y  eussent  esté  nommés  et  comprins, 
car  tel  est  nostre  plaisir.  En  tesmoing  de  quoy  nous  avons  fait  mettre  nostre  scel  à 
ces  dittes  présentes.  Données  à  Paris  le  douzième  jour  de  Décembre  l'an  de  grâce 
mille  six  cens  et  cinq  et  de  nostre  règne  le  dix  septième,  signé  Henry,  et  sur  le  reply, 
par  le  Roy,  de  Neufville,  et  scellées  sur  double  queue  de  cire  jaulne. 

Nous,  Conrad  Grosmann,  bourgmeistre,  et  Jehan  Escher,  trésorier  et  du  Petit 
Conseil  de  la  ville  et  Canton  de  Zurich,  scavoir  faisons  qu'après  avoir  esté  leu  en 
nostre  canton  devant  nostre  Grand  et  Petit  Conseil  le  trailté  fait  en  l'an  mille  cinq 
cens  soixante  et  dix  neuf  par  feu  Très  hault,  Très  puissant  et  Très  excellent  Prince 
Henry  troisième.  Très  chresiien  Roy  de  France  et  de  Pologne  d'heureuse  mémoire, 
pour  la  conservation  et  deffense  de  la  ville  de  Genève,  ensemble  la  déclaration  et 
patentes  dernièrement  envoyées  à  nos  Seigneurs  et  supérieurs  par  Très  hault,  Très 
puissant  et  Très  excellent  prince,  Henry  quatrième,  Roy  de  France  et  de  Navarre, 
nostre  très  redoubté  Seigneur,  dallées  à  Paris  le  douzième  jour  de  Décembre  mille  six 
cens  cinq,  signées  Henry,  et  plus  bas,  de  Neufville,  et  scellées  du  grand  scel  de 
saditte  Majesté  en  cire  jaulne,  nous  avons  eu  charge  de  nosdiis  seigneurs  et  supérieurs 
de  remercier  très  humblement  sa  Majesté  de  ce  qu'il  lui  a  pieu  se  déclarer  tellement 
affectionné  au  bien  et  repos  des  Ligues  que  de  les  avoir  voulu  recepvoir  audicl  Traicté, 
et  avons  eu  aussi  commandement  de  nos  Seigneurs  et  Supérieurs  de  jurer  en  leur 
nom  ledit  trailté.  El  partant,  nous  députés  susdits,  au  nom  et  comme  ayans  pouvoir 
de  Nos  Seigneurs  et  Supérieurs,  avons  promis  et  juré  par  nos  serments  accoustumés, 
jurons  et  promettons  par  ces  présentes,  tant  pour  nous  que  pour  nos  successeurs  à 
perpétuité,  à  Monsieur  de  Caumartin,  ambassadeur  du  Roy,  pour  et  au  nom  de  sa 
Majesté  et  des  Roys  successeurs  d'icelle,  à  nos  très  chers  alliés  les  Seigneurs  Saguer, 
advoyer,  et  Scharner,  conseiller  au  petit  Conseil  du  Canton  de  Berne,  pour  et  au  nom 
de  leurs  Seigneurs  et  Supérieurs,  et  à  nos  très  chers  alliés  de  Soleurre  et  Genève, 
tenir,  garder  et  inviolablemenl  observer  tout  ce  qui  est  contenu  au  dit  traicté  et  accord, 
sans  jamais  aller  ny  venir  au  contraire,  et  d'autant  qu'il  auroit  esté  jugé  convenable 
qu'entend  que  ledit  traicté  louche  et  concerne  ladille  ville  de  Genève,  les  Seigneurs 


536  GENÈVE,    LE    PAIITI    HUGUENOT    ET    LE   TRAITÉ    DE   SOLEURE 

d'icelle  ville  deussenl  aussi  faire  serment  de  le  garder  inviolablenienl   de  leur  part  et 
de  poinct  en  poinct  l'observer  selon  sa  forme  et  teneur,  pour  à  cela  satisfaire,  lesdits 
Seigneurs  de  Genève  ont  député  Nous  Jehan  Sarrasin,  Docteur  es  droit,  conseiller  et 
ancien  sindic  de  la  ditte  ville  de  Genève,  pour  en  leur  nom  venir  jurer  ledit  traicté. 
Et  en  vertu  du  pouvoir  à  nous  donné  par  nosdits  Seigneurs  et  Supérieurs,  jurans  au 
nom  de  Dieu,  avons  promis  à   mondit   Seigneur  de  Caumartin,  ambassadeur   de  Sa 
Majesté  au  pais  des  Ligues  et  ausdils  Seigneurs  députés  de  Zurich,  nos  très  chers 
Alliés  et  Confédérés,  de  garder  et  inviolablement  observer  ledit  traicté,   entant  qu'il 
touche  et  peut  loucher  nosdits  Seigneurs  et  Supérieurs,  sans  jamais  aller  au  contraire 
en  quelque  forme  et  manière  que  ce  soit.  Et  d'autre  part  nous,  Louys  Lefèvre,  seigneur 
de  Caumartin,  conseiller  du  Roy  en  ses  Conseils  d'Etat   et  privé  et  son   ambassadeur 
aux   Ligues  suisses,   promettons  et   jurons    au    nom   de    Saditte    Majesté   auxditts 
Seigneurs  de  Zurich  tenir  et  garder  le  conleiai  audit  traicté  de  poinct  en  poinct  selon 
sa  forme  et  teneur.  En  tesmoing  de  quoy,    nous,   Ambassadeur  susdit  de  sa  Majesté 
Très  chrestienne,  avons  signé  et  fait  sceller  le  présent  acte  du  scel  de  nos  armes  et 
nous  susdits  députés  des  villes  de  Zurich  et  Genève,  l'avons  signé  et  fait  sceller  du  scel 
de  nos  Seigneurs  et  Supérieurs.  Desquelles  choses  nous,  susdit  Ambassadeur  de  sa 
Majesté  et  Députés  susdits,  avons  chacun  retiré  un  acte  à  part  pour  nous  servir  entant 
que   de  raison.  Fait  à  Badden  ce  second  jour  de  Juillet  mille  six  cens  six.    Signé 
Lefeure,  Conratt  Grosuian,   Burgemeister,  Johannes  Escher  de  Zurich,  Sarasin,  et 
scellé  des  sceaux  dudit  S''  de  Caumartin,  des  Seigneurs   de  Zurich,  et  des  Seigneurs 
de  Genève. 

Tous  les  actes  sus  copiés  ont  été  par  nous  soussignés  collationnés  comme  par 
notre  verbal  à  la  première  page- 

G.  Grenus.  —  M'  Trembley. 


^-^tî-^Ofi^zJ^  ty^-. 


TABLE   DES   MATIÈRES 


19 


38 


Pages 

Avant-Propos. 

Chapitre  I".  —  Condé  et  Thorc,  leiiis  rapports  mec  Genève.  —  Séjour   de    Condé  et  de  Tlwré  à 

Genève      ^ 

Chapitre  II.  —  Bruits  de  tentatives  contre  Genève.—  Condé  et  Th.  de  Bésc.—  Réunion  à  Bâle  des 
délégués  des  Eglises  reformées  de  France.  —  Départ  de  Th.  de  Bè::e  pour  Bâle       .... 

Chapitre  III.  —  Damville  proclamé  à  Nitnes  protecteur  général  des  protestants  et  des  catholiques 
unis.—  La  délégation  du  Languedoc  s'arrête  à  Genève  en  se  rendant  à  Bdle.  —  Conférence  de 

Bâle. Programme  du  parti  huguenot.  —  Négociations  entre  le  Roi  et  Condé.  —  Préjjaratifs 

militaires  de  Condé.  —  M.  de  Vélines  et  ses  relations  avec  l'Ambassade  de  France   ....  23 

Chapitre  IV.  —  Missive  de  Condé  au  Palatin.  —  Capitulation  conclue  entre  Condé  et  le  Palatin. 
—  Embarras  pécuniaires  de  Condé  et  de  Laval.  —  Genève  fait  un  prêt  au  Palatin  .... 

Chapitre  V.  —  Le  duc  d'Alençon  se  joint  aux  mécontents.  —  Sa  protestation.  —  Il  envoie  un 
émissaire  à  Genève  pour  négocier  un  emprunt.  —  Le  Conseil  tente  les  premières  démarches 
pour  obtenir  que  Genève  soit  comprise  dans  Valliance  de  la  France  avec  les  cantons  suisses       .  48 

Ch/lPITheW.  —  La  campaijne  de  1576.  —  Paix  d'Etigny.  —  L'Edit  de  pacification    ....  55 

Chapitre  VII.  —  Premières  démarches  pour  obtenir  l'entrée  de  Genève  dans  l'alliance  entre  la 
France  et  les  cantons  suisses. —  Le  duc  d'Alençon  demande  à  emprunter  3,000  écus. —  Refus 
du  Conseil.  —  Le  duc  d'Alençon  mécontent  négli'je  l'affaire  du  traité 61 

Chapitre  VIII.  —  Le  Conseil  tente  de  nouvelles  démarches  pour  obtenir  l'alliance  et  la  garantie  de 
la  France.  —  Intrigues  du  due  de  Savoie.  —  Mission  de  Roset  à  Berne.  —  L'avoyer  de 
Lucerne,  Pfyffer,  écrit  au  Roi  contre  le  traité.—  Le  Conseil  achète  le  concours  de  B.  de  Grissac. 
secrétaire  de  l'Ambassade  de  France "° 

Chapitre  IX.  —  Négociations  préliminaires.  —  Le  Conseil  envoie  à  Berne  Roset  et  Clievalier.  — 

Projet  de  traité.  — Observations  du  Conseil  sur  le  projet '' 

Chapitre  X.  —  Négociations  de  Roset  et  Chevalier  avec  Hautefort  et  Sancy,  ambassadeurs  de 
France,  et  avec  le  Gouvernement  bernois.  —  Les  délégués  genevois  obtiennent  diverses  modifi- 
cations au  projet  de  traité 

Chapitre  XI.  —  Hautefort  et  De  la  Chaise  à  Genève.  —  Mission  de  Roset  et  Chevalier  à  Soleure, 
Zurich,  Schaffhouse  et  Bâle.  —  Démarche  de  l'avoyer  Pfyffer  contre  le  traité.  —  Roset  et 
Chevalier  rendent  compte  de  leur  mission "^ 

Chapitre  Xll.  —  Le  Gouvernement  bernois  communique  le  traité  au  Conseil  de  Genève.  —  Préavis 

demandé  à  la  Compagnie  des  Ministres '"' 

Chapitre  XIII.  —  Intrigues  du  duc  de  Savoie  et  du  Pape.  —  Ratification  du  traité  par  Henri  III. 
—  Genève  délègue  Roset  et  Varro  à  Soleure.  —  Le  traité  est  définitivement  signé  et  ratifié  à 

Soleure ' 

Chapitre  XIV.  —  Le  Conseil  de  Genève  récompense  les  services  de  Midinen,  Grissac,  etc.  — 
Nouvelles  intrigues  des  cantons  catholiques.  —  Le  canton  de  Ziirich  est  associé  au  traité  de 
Soleure 


85 


107 


116 


PIÈCES    JUSTIFICATIVES 


Page* 

I.  —  Lettre  du  prince  de  Conde'  au  Conseil  de  Genève 125 

II.  —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 126 

III. —  Le  prince  de  Conde' au  Conseil  de  Genève 127 

IV. —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 128 

V. —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 129 

VI.  —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 129 

^'II.  —  Le  prince  de  Condé  à  Th.  de  Bèze 130 

VIII. —  Le  maréchal  de  Damville  au  Conseil  de  Genève 131 

IX. —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 132 

X.  —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 133 

XI.  —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 134 

XII.  —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 135 

XIII. —  L'Avoyer  et  le  Conseil  de  Berne  au  Conseil  de  Genève 136 

XIV.  —  Copie  d'une  lettre  et  d'un  mémoire  de  M.  de  Vézinea,  adressés  à  M.  de  Hautefort      .  137 

XV.  —  Gui  de  Laval  au  Conseil  de  Genève 143 

XVI. —  L'Avoyer  et  le  Conseil  de  Berne  au  Conseil  de  Genève 144 

XVII. —  Le  Palatin  au  Conseil  de  Genève 145 

XVIIl. —  Traité  d'alliance  entre  le  Palatin  et  le  prince  de  Condé 146 

XIX. —  Le  Palatin  aux  Syndics  et  Conseil  de  Genève 158 

XX.  —  Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 159 

XXI.  —  Le  duc  d'Alençon  au  Conseil  de  Genève 160 

XXII.  — ■  Gui  de  Laval  au  Conseil  de  Genève 161 

XXIII. —  Le  Palatin  au  Conseil  de  Genève 162 

XXIV. —  Le  duc  d'Alençon  au  Conseil  de  Genève 163 

XXV. —  Le  duc  d'Alençon  au  Conseil  de  Genève 164 

XXVI. —  Le  Palatin  au  Conseil  de  Genève 165 

XXVII. —  Le  duc  d'Alençon  au  Conseil  de  Genève 165 

XXVIll. —  Roset  et  Chevalier  aux  envoyés  de  France,  Hautefort  et  Sancy 166 

XXIX. —  Bellièvre  et  Harlay,  ambassadeurs  de  France,  à  Roset  et  Chevalier 167 

XXX. —  Roset  et  Chevalier  au  Conseil  de  Genève 169 

XXXI. —  Roset  et  Chevalier  au  Conseil  de  Genève 177 

XXXII. —  Roset  et  Chevalier  au  Conseil  de  Genève 180 

XXXIII. —  Roset  à  Hautefort  f^cqpie) 185 

XXXIV.  —  L'Avoyer  et  le  Conseil  de  Berne  au  Conseil  de  Genève 186 

XXXV. —  Les  députés  des  Eglises  réformées  de  France  au  Conseil  de  Genève 187 


GENÈVE,    LE    PARTI    HUGUENOT    ET   LE    TRAITÉ   DE    SOLEURE  239 

Pages 

XXXVI.— Le  prince  de  Condé  au  Conseil  de  Genève 189 

XXX VIL — Traité  de  Soleure  pour  la  protection  de  Genève 190 

XXXVIII.  —  Harlay  de  Sancy  au  Conseil  de  Genève 206 

XXXIX.— Condé  au  Conseil  de  Genève 207 

XL.  —  Condé  au  Conseil  de  Genève 208 

XLI.  —  Condé  au  Conseil  de  Genève 209 

XLII.— Condé  au  Conseil  de  Genève 211 

XLIII.  —  Condé  au  Conseil  de  Genève 212 

XLIV.  —  Condé  au  Conseil  de  Genève 213 

XLV. —  Condé  au  Conseil  de  Genève 214 

XLVI.  —  Condé  au  Conseil  de  Genève 215 

XLVII. —  Condé  au  Conseil  de  Genève 216 

XLVIII.  —  Relation  dressée  par  le  sieur  de  Hautefort  des  prétentions  du  duc   de  Savoie  sur 

Genève  et  des  deffences  de  ceux  de  Genève,  etc 217 

XLIX.  —  Déclaration  du  Gouvernement  de  ZUrich  pour  être  compris  dans  le  traité  de  Soleure  232 


f 


**-S\'S* 


Chez  H.  GEORG,  libraire  de  l'Institut,  à  GENEVE 


Du  même  auteur 


Procès  de  Jérôme  Bolsec.  74  pages  in-4°,  1865 Fr.  5 

Procès  dogmatique  intenté  à  Çenève,  en  1551,  contre  un  ancien  carme  parisien,  qui 
niait  la  prédestination. 

Genève  sous    la  domination   romaine.  Notice    archéologique.  In-4°    avec    six 

planches,  1868 Fr.  5 

Les  six  planches  reproduisent  les  trente-quatre  inscriptions  romaines  existant  à 
Genève  etdans  les  environs. 

Procès  de  Valentin  Gentilis  et  de  Nicolas  G  allô.  102  pages  in-4°,  1878      .     .     .     Fr.  5 

Procès  dogmatique  intentié  à  Genève,  en  1558,  contre  deux  antitrinitairei  italien*. 

La  Saint-Bar th'elemy  et  Genève.  Etude  historique.  131  pages  in-4°,  1879    .     .     Fr.  5 

Le  mémoire  est  suivi  de  quarante-deux  documents  inédits. 


(IKNKVK.    —   IMl'RIMlîRIK   CENTRALK    (lENEVOISK,    RUE    OU    RHÔNE 

m.^  3482TC,.  ^    w ■ -  --^^ 


Princeton   Theological   Seminary   Libraries 


012  01355  7 


54