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THE LIBRARY
OF
THE UNIVERSITY
OF CALIFORNIA
GIFT OF
Prof. G. C, Evans
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GEOMETRIE DESCRIPTIVE
LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE
HuYGENS (Christian). — Traité de la lumière. Un vol. de x-155 pages
et 74 figures ; broché, net 3 fr. 50
Lavoisier (A.-L.). — Mémoires sur la respiration et la transpira-
tion des animaux. Un vol. de viii-G8 pages ; broché, net. . . 3 fr. »
Spallanzani (Lazare). — Observations et Expériences faites sur les
Animalcules des Infusions. Deux vol. de yiii-106 et 122 pages;
- chaque vol. broché, net 3 fr. »
Clairaut (A.-C). — Eléments de Géométrie. Deux vol. de xiv-95 et
103 pages avec 69 et 77 figures; chaque vol. broché, net. 3 fr. 50
Lavoisier et Laplace. -^ Mémoire sur la chaleur. Un vol. de 78 pages
avec 2 pl-inches; broché, net 3 fr. »
Carnot (Lazare). — Réflexions sur la métaphysique du Calcul infini-
tésimal. Deux vol. de viii-117 et 105 pages avec 5 figures; chaque
vol, broché, net 3 fr. »
D'Alembert (Jean). — Traité de Dynamique. Deux vol, de xl-102 et
187 pages avec 81 figures; chaque vol. broché, net 3 fr. »
Dutrochet (René). — Les mouvements des végétaux. Du réveil et du
sommeil des plantes. Un vol, de viii-121 pages et 25 figures; broché,
net 3 fr. »
Ampère (A.-M,). — Mémoires sur V électromagnétisme et V électrodyna-
mique. Un vol. de xiy-l\0 pages et \1 figures -ybroché, net 3 fr. »
Laplace (P.-S,). — Essai philosophique sur les probabilités. Deux
vol. de xn-103 et 108 pages; chaque vol, broché, net, .. . 3 fr. »
BouGUER (Pierre), — Essai d'optique sur la gradation de la lumière.
Un vol. de xx-l30 pages et 17 figures; broché, net,.. 3 fr. •
Painlevé (Paul). — Les axiomes de la Mécanique. Examen critique.
Note sur la propagation de la lumière. Un vol. de xiii-112 pages et
4 figures; broché, net 4 fr. »
Sous presse :
Mariotte (Edme). — '■ Discours de la nature de l'air. De la végétation
des plantes. Nouvelle découverte touchant la vue. Un vol. do
00 pages ; broché, net »
MoNGE (Gaspard), — Géométrie descriptive. Deux vol. de xvi-1 A4
et 138 pages avec 53 figures; chaque vol. broché, net. . ; . »
Il est tiré de chaque volume 10 exemplaires sur papier
de Hollande, au prix uniforme et net de 6 francs.
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIÔUE
Collection de Mémoires et Ouvrages
Publiée par les soins de IMaihice SOLOVINE
CÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE
PAU
Gaspard MONGE
AlJiîMEMEE mm TlltOlUE »KS OMBllES ET DE LA PERSPECTIVE
EXTRAITK DKS PAPIERS DE LAUTEUR
Par Barnabe BRISSON
PARIS
GAUTHIER-VILLAHS ET C", ÉDITEUi^S
LIBRAIRES DU BUREAU DES LONGITUDES, DK l'ÉCOLE POLYTECJINIQUI
Quai des Grands-Augustins, 55.
19-22
Tous droits de traduction, de reproduction et d'î^daptation réservés
pour tous pays.
AVERTISSEMENT.
V-/-2-
L'accroissement rapide des découvertes scientifiques
engendre fatalement Vouhli des découvertes passées et
de leurs auteurs — ouhli encore favorisé par le fait
regrettable que la plupart des mémoires et des ouvrages^
ou ces découvertes se trouvent exposées^ sont complè-
tement épuisés et introuvables.
La collection des Maîtres de la Pensée scientifique
comprend les mémoires et les ouvrages les plus impor-
tants de tous les temps et de tous les pays. Elle est
destinée à rendre accessibles aux savants et au public
cultivé les travaux originaux^ qui marquent les étapes
successives dans la construction lente et laborieuse de
Védifice scientifique. Tous les domaines de la Science
y sont représentés : les mathématiques ^ V astronomie, la
physique, la chimie, la géologie, les sciences naturelles
et biologiques, la méthodologie et la philosophie des
sciences. Étant la plus complète, elle fournira les docu-
ments indispensables aux historiens de la science et
de la civilisation, qui voudront étudier Vévolution de
Vesprit humain sous sa forme la plus élevée. Elle per-
mettra aux savants de connaître plus intimement les
découvertes de leurs devanciers et £y trouver nombre
316
VI LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
d^ idées originales. Les philosophes y trouveront une
mine inépuisable pour Vétude épistémologique des
théories^ des hypothèses et des concepts, au moyen des-
quels se construit la connaissance de Vunivers. Elle
offre enfin à la jeunesse studieuse un moyen facile et
peu coûteux de prendre contact à leur source même
avec les méthodes expérimentales et les procédés ingé-
nieux que les grands chercheurs ont dû inventer pour
résoudre les difficultés — méthodes concrètes, infini-
ment plus suggestives et plus fécondes que ne le sont
les règles schématiques des Manuels.
On trouve encore dans les mémoires classiques, où la
profondeur de la pensée et la justesse du raisonne-
ment se manifestent sous une forme remarquablement
lucide et élégante, le secret d'exposer les découvertes
et l,es conceptions scientifiques d'une façon claire et
précise, comme Vont demandé à plusieurs reprises les
savants les plus illustres de notre temps.
Les mémoires et les ouvrages français sont réim-
primés avec grande exactitude d'après les textes origi-
naux les mieux établis, et ceux des savants étrangers
sont traduits intégralement et avec une rigoureuse
fidélité.
NOTICE BIO&RAPHIOUE
Gaspard Monge, fils d'un pauvre marcliand ambu-
lant, naquit à Beaune (Côte-d'Or) le lo mai 17/16. Il
fut placé dans le collège de cette ville, dirigé par les
Oratoriens, où il se distingua par son ardeur aux
études et sa pénétrante intelligence. A peine âgé de
i/f ans, il excita l'admiration des notables de Beaune
par la construction d'une pompe à incendie 1res per-
fectionnée. Deux ans plus tard, il provoqua l'admira-
tion générale pour le plan détaillé qu'il traça de sa
ville natale. Ce travail lui valut d'être nommé, à l'âge
de 16 ans, professeur de physique au célèbre collège
de l'Oratoire de Lyon. Les supérieurs de cette insti-
tution désiraient se l'attacher pour toujours et lui
proposèrent d'entrer dans les ordres. Mais le père de
Monge était peu favorable à ce projet et lui conseilla
d'accepter plutôt la proposition d'un officier supérieur
de le faire entrer à l'École militaire de Mézières, qui
formait les officiers du génie. Gaspard Monge acquiesça
à ce projet. Il entra à l'Ecole en 1765, mais n'étant
pas noble, il n'avait de droit d'accès qu'à la section
pratique, qui avait pour but de former des appareil-
leurs et des conducteurs. Monge ne se contenta pas
seulement d'exécuter les travaux obligatoires, il s'em-
vin NOTICE BIOGRAPHIQUE.
ploya à rechercher les fondements mathématiques des
constructions de stéréotomie, et réussit à donner des
démonstrations simples et élégantes des procédés
empiriques employés jusqu'alors. Et ayant été chargé
d'exécuter un plan de défilement, il s'acquitta de cette
tâche délicate en modifiant radicalement les p:océdés
habituels et en établissant une méthode toute nou-
velle pour traiter ce genre de travaux. Cette méthode
rencontra, à cause de sa nouveauté même, une vive
résistance, mais finit cependant par s'imposer.
C'est à ce moment que Monge — qui n'avait que
19 ans — fut nommé suppléant de Bossut, qui pro-
fessait les mathématiques, et de l'abbé Nollet, qui
professait la physique. En 1780, Monge fut adjoint
à Bossut, qui professait l'hydrodynamique. La même
année, il fut nommé, grâce surtout à l'intervention de
D'Alembert, membre de l'Académie des Sciences. En
1783, il quitta définitivement l'Ecole de Mézières pour
remplacer Bezout, qui venait de mourir, comme exa-
minateur à l'Ecole de la marine.
Embrassant avec enthousiasme les idées de la
grande révolution, il déploya une activité prodigieuse
dans les circonstances les plus difîiciles. Il fit partie
de la deuxième Commission — comprenant Borda,
Lagrange, Laplace et Condorcet — qui fut chargée
d'étudier le nouveau système de mesures et qui pré-
senta son Rapport le 19 mars 1791. Le 10 août 1792,
il fut nommé ministre de la marine, poste qu'il occupa
jusqu'au 10 mai 1798. Après sa démission, Monge se
consacra avec un zèle infatigable aux problèmes de la
NOTICE BIOGRAPHIQUE. IX
défense du territoire, menacé par les armées ennemies.
Il surveillait les travaux dans les manufactures
d'armes, dans les fonderies, dans les poudrières et pro-
digua ses conseils aux directeurs des arsenaux et aux
ouvriers {Description de Vart de fabriquer les canons,
Paris an II. Avis aux ouvriers en fer sur la fabrication
de V acier ^ en collaboration avec Vandermonde et Ber-
thollet. Paris, 1794).
Il fut un des principaux fondateurs de l'Ecole Nor-
male et de l'École Polytechnique, dans lesquelles il
exerça comme professeur une influence considérable
et des plus bienfaisantes. Très admiré de Napoléon, il
fut chargé par ce dernier de fonctions très impor-
tantes.
Il figura parmi les savants et les artistes, qui firent
partie de l'expédition d'Egypte, et fut nommé prési-
dent de l'Institut que l'empereur y fonda. De tant de
travaux importants qu'il y efTeclua, il convient de
mentionner tout particulièrement l'explication si juste
du mirage, qu'il étudia d'une façon attentive pendant
le trajet d'Alexandrie au Caire par le désert. De retour
en France, il fut nommé sénateur en 1799 et peu après
comte de Péluse.
Monge, par la supériorité de son génie, l'affabilité
de ses manières et l'élévation de ses sentiments, sut
acquérir l'admiration et la sympathie de tous ceux qui
l'approchaient. Mais les dernières années de sa vie
furent assombries par des tristesses et des chagrins sans
nombre. La chute de Napoléon l'affligea profondément.
La Restauration le persécuta d'une façon indigne.
NOTICE BIOGRAPHIQUE.
Par le décret du 21 mars 18 16, lui et Lazare Carnot
furent rayés de l'Académie des Sciences. Cette injus-
tice et d'autres vexations le plongèrent dans un état
de prostration profonde qui dura jusqu'à la fin de sa
vie, le 28 juillet 1818.
Le génie inventif de Monge s'est manifesté avec un
éclat particulier dans sa Géométrie descriptive, œuvre
remarquable non seulement par sa portée scientifique,
mais encore par le champ illimité qu'elle offre aux
applications pratiques. C'est « une espèce de langue
nécessaire à tous les artistes » (^). Ce qui semblait être
voué pour toujours à la routine, aux tâtonnements et
aux procédés empiriques plus ou moins habiles, s'y
trouve réuni en un corps de doctrine d'une logique
impeccable et réduit à des règles rigoureuses, qui per-
mettent de représenter d'une façon précise, à l'aide
du dessin, les formes des corps et, inversement, de les
reconnaître d'après la description exacte une fois réa-
lisée. En outre des parties achevées, ce Livre contient
en germe presque tout ce qui a été ultérieurement
ajouté à cette nouvelle branche des Mathématiques.
Monge en conçut les idées fondamentales vers 1776 ('-),
il les élabora lentement et les exposa pour la première
(^) Monge, Journal de VEcole Polytechnique, t. I, p. i.
(2) Voir Mémoire sur les propriétés de plusieurs genres
de surfaces courbes, particulièrement sur celles des surfaces
développahles, avec une application à la Théorie des ombres
et des pénombres. (Présenté à l'Académie des Sciences, le
1 1 janvier 1775.)
NOTICE BIOGRAPHIQUE. XI
fois d'une façon systématique à l'École Normale, an III
de la République. Mais il ne fut autorisé à publier ses
importantes découvertes que l'an VII, à cause de la
crainte éprouvée par le Gouvernement que les étran-
gers n'en tirent profit pour leurs ouvrages de défense
militaires.
Par sa puissante originalité et les horizons nouveaux
qu'elle ouvrit, cette œuvre raviva l'intérêt pour les re-
cherches géométriques, qui étaient par trop délaissées
au profit de l'Analyse. La façon dont il a exposé les
nouvelles vérités est un modèle de simplicité et d'exac-
titude.
Non moins remarquables sont ses travaux sur la
géométrie analytique (^) et ses contributions au pro-
blème ardu de l'intégration des équations aux diiïé-
rentielles partielles.
Le texte que nous reproduisons est celui de la
quatrième édition de 1820, qui contient en outre de
la Géométrie descriptive la Théorie des ombres et de la
perspectii^e^ que Barnabe Brisson, et élève de Monge, a
publiée d'après les manuscrits laissés par ce dernier.
La première édition parut sous le titre de Géométrie
descriptive. Leçons données aux Écoles ?îormales, lan 3
de la République. (An VII, Paris.)
M. S.
(^) Feuilles d'analyse appliquée à la Géométrie, an III,
rééditées plus tard sous le titre de Application de Vanalyse
à la géométrie des surfaces du premier et du deuxième degré.
Paris, 1807.
PROGRAMME.
Pour tirer la nation française de la dépendance où
elle a été jusqu'à présent de l'industrie étrangère, il
faut, premièrement, diriger l'éducation nationale vers
la coimaissance des objets qui exigent de l'exaclitude,
ce qui a été totalement négligé jusqu'à ce jour, et
accoutumer les mains de nos artistes au maniement
des instruments de tous les genres, qui servent à porter
la précision dans les travaux et à mesurer ses diffé-
rents degrés : alors les consommateurs, devenus sen-
sibles à l'exactitude, pourront l'exiger dans les divers
ouvrages, y mettre le prix nécessaire; et nos artistes,
familiarisés avec elle dès l'âge le plus tendre, seront en
état de l'atteindre.
Il faut, en second lieu, rendre populaire la con-
naissance d'un grand nombre de phénomènes naturels,
indispensable aux progrès de l'industrie, et profiter,
pour l'avancement de l'instruction générale de la
nation, de cette circonstance heureuse dans laquelle
elle se trouve, d'avoir à sa disposition les principales
ressources qui lui sont nécessaires.
Il faut enfin répandre, parmi nos artistes, la con-
naissance des procédés des arts et celle des machines
qui ont pour objet, ou de diminuer la main-d'œuvre,
ou de donner aux résultats des travaux plus d'unifor-
XIV LES MAITRES EE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
mité et plus de précision ; et, à cet égard, il faut l'avouer,
nous avons beaucoup à puiser chez les nations étran-
gères.
On ne peut remplir toutes ces vues qu'en donnant
à l'éducation nationale une direction nouvelle.
C'est, d'abord, en familiarisant avec l'usage de la
Géométrie descriptive tous les jeunes gens qui ont de
l'intelligence, tant ceux qui ont une fortune acquise,
afin qu'un jour ils soient en état de faire de leurs capi-
taux un emploi plus utile, et pour eux et pour l'état,
que ceux mêmes qui n'ont d'autre fortune que leur
éducation, afin qu'ils puissent un jour donner un plus
grand prix à leur travail.
C-et art a deux objets principaux.
Le premier est de représenter avec exactitude, sur
des dessins qui n'ont que deux dimensions, les objets
qui en ont trois, et qui sont susceptibles de définition
rigoureuse.
Sous ce point de vue, c'est une langue nécessaire à
l'homme de génie qui conçoit un projet, à ceux qui
doivent en diriger l'exécution, et enfin aux artistes
qui doivent eux-mêmes en exécuter les différentes
parties.
Le second objet de la Géométrie descriptive est de
déduire de la description exacte des corps tout ce qui
suit nécessairement de leurs formes et de leurs posi-
tions respectives. Dans ce sens, c'est un moyen de
rechercher la vérité; elle offre des exemples perpé-
tuels du passage du connu à l'inconnu; et parce qu'elle
est toujours appliquée à des objets susceptibles de la
plus grande évidence, il est nécessaire de la faire entrer
dans le plan d'une éducation nationale. Elle est non
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. XV
seulement propre à exercer les facultés intellectuelles
d'un grand peuple, et à contribuer par là au perfec-
tionnement de l'espèce humaine, mais encore elle est
indispensable à tous les ouvriers dont le but est de
donner aux corps certaines formes déterminées; et
c'est principalement parce que les méthodes de cet art
ont été jusqu'ici trop peu répandues, ou même presque
entièrement négligées, que les progrès de notre indus-
trie ont été si lents.
On contribuera donc à donner à l'éducation natio-
nale une direction avantageuse, en familiarisant nos
jeunes artistes avec l'application de la Géométrie
descriptive aux constructions graphiques qui sont
nécessaires au plus grand nombre des arts, et en faisant
usage de cette Géométrie pour la représentation et la
détermination des éléments des machines, au moyen
desquelles l'homme, mettant à contribution les forces
de la nature, ne se réserve, pour ainsi dire, dans ses
opérations, d'autre travail que celui de son intelli-
gence.
Il n'est pas moins avantageux de répandre la con-
naissance des phénomènes de la nature, qu'on peut
tourner au profit des arts.
Le charme qui les accompagne pourra vaincre la
répugnance que les hommes ont en général pour la
contention d'esprit, et leur faire trouver du plaisir
dans l'exercice de leur intelligence, que presque tous
regardent comme pénible et fastidieux.
Ainsi, il doit y avoir à l'Ecole normale un cours de
Géométrie descriptive.
Mais comme nous n'avons sur cet art aucun ouvrage
élémentaire bien fait, soit parce que jusqu'ici les
XVI LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
savants y ont mis trop peu d'intérêt, soit parce qu'il
n'a été pratiqué que d'une manière obscure par des
personnes dont l'éducation n'avait pas été assez
soignée, et qui ne savaient pas communiquer les
résultats de leurs méditations, un cours simplement
oral serait absolument sans effet.
Il est nécessaire pour le cours de Géométrie descrip-
tive, que la pratique et l'exécution soient jointes à
l'audition des méthodes.
Ainsi les élèves doivent s'exercer aux constructions
graphiques de la Géométrie descriptive. Les arts gra-
phiques ont des méthodes générales, avec lesquelles
on ne peut se familiariser que par l'usage de la règle et
du compas.
Parmi les différentes applications que l'on peut faire
de la Géométrie descriptive, il y en a deux qui sont
remarquables, et par leur généralité, et par ce qu'elles
ont d'ingénieux : ce sont les constructions de la pers-
pective et la détermination rigoureuse des ombres
dans les dessins. Ces deux parties peuvent être consi-
dérées comme le complément de l'art de décrire les
objets.
GÉOMÉTRIE DKSCHIFTIVE
I.
1. La Géométrie descriptive a deux objets : le pre-
mier, de donner les méthodes pour représenter sur
une feuille de dessin rpii n'a cpie deux dimensions,
savoir, longueur et largeur, tous les corps de la nature
qui en ont trois, longueur, largeur et profondeur,
pourvu néanmoins que ces corps i)uissent être définis
rigoureusement.
Le second objet est de donner la manière de lecon-
naître, d'après une description exacte, les formes des
corps, et d'en déduire toutes les vérités qui résultent
et de leur forme et de leurs positions respectives.
Nous allons d'abord indiquer les procédés qu'une
longue expérience a fait découvrir, pour remplir le
premier de ces deux objets: nous donnerons ensuite la
manière de remplir le second.
2. Les surfaces de tous les corps de la nature pou-
vant être considérées comme composées de points, le
premier pas que nous allons faire dans cette matière,
doit être d'indiquer la manière dont on exprime la
position d'un point dans l'espace.
L'espace est sans limites; toutes ses parties sont
parfaitement semblables, elles n'ont rien qui les carac-
MONQE. — I. 1
1 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
térisc, et aucune d'elles ne peut servir de terme de
comparaison pour indiquer la position d'un point.
Ainsi, pour définir la position d'un point dans
l'espace, il faut nécessairement rapporter cette posi-
tion à quelques autres objets distincts des parties de
l'espace qui les renferme, et qui soient eux-mêmes
connus de position, tant de celui qui définit, que de
celui qui veut entendre la définition; et pour que le
procédé puisse devenir lui-même d'un usage facile et
journalier, il faut que ces objets soient aussi simples
qu'il est possible, et que leur position soit la plus facile
à concevoir.
3. Parmi tous les objets simples, nous allons re-
chercher quels sont ceux qui présentent plus de faci-
lité pour la détermination de la position d'un point;
et parce que la Géométrie n'offre rien de plus simple
qu'un point, nous examinerons dans quel genre de
considérations on serait entraîné,^ si, pour déterminer
la position d'un point, on le rapportait à un certain
nombre d'autres points dont la position serait connue ;
enfin, pour mettre plus de clarté dans cette exposi-
tion, nous désignerons ces points connus par les lettres
successives A, B, C, etc.
Supposons d'abord que la définition de la position
du point comporte qu'il soit à i^^^ de distance du
point connu A.
Tout le monde sait que la propi-iété de la surface de
la sphère est d'avoir tous ses points à égale distance
de son centre. Ainsi, cette partie de la définition
exprime que le point que l'on veut déterminer a la
même propriété que tous ceux de la surface d'une
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
sphère dont le centre serait au point A, et dont le
rayon serait i™. Mais les points de la surface de la
sphère sont les seuls dans tout l'espace qui aient cette
propriété; car tous les points de Tespace qui sont
au delà de cette surface, par rapport au centre, sont
phis éloiojnés du centre que de i^", et tous ceux qui
sont entre cette surface et le centre sont, au contraire,
moins éloiaiiés du centre que de i™ : donc tous les
points de la surface de la • sphère non seulement
jouissent de la propriété énoncée dans la proposition,
mais encore ils sont les seuls qui en jouissent; donc,
enfin, cette proposition exprime que le point cherché
est un de ceux de la surface d'une sphère dont le
centre serait au point A, et dont le rayon serait i^».
Par là, ce point est actuellement distinct d'une infi-
nité d'autres placés dans l'espace; mais il est encore
confondu avec tous ceux de la surface de la sphère;
i! faut d'autres conditions pour le reconnaître parmi
' ux.
Supposons ensuite que, d'après la définition de la
position du point, il doive être à 5!'" de distance du
second point connu B; il est évident qu'en raisonnant
pour cette seconde condition comme pour la première,
le point doit encore être un de ceux de la surface d'une
seconde sphère, dont le centre serait au point B, et
dont le rayon serait ç>«\ Ce point, devant se trouver en
même temps et sur la surface de la première sphère
et sur celle de la deuxième, ne peut plus être confondu
qu'avec ceux qui sont communs aux deux surfaces, et
qui sont dans leur commune intersection : or, pour peu
qu'on soit familiarisé avec les considérations géomé-
triques, on sait que l'intersection des surfaces de deux
LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
sphères est la circonférence d'un cercle dont le centre
est sur la droite qui joint ceux des deux sphères, et
dont le ])lan est perpendiculaire à cette droite; donc,
en vertu des deux conditions réunies, le point cherché
est actuellement distinct de ceux qui sont sur les sur-
faces des deux sphères, et il ne peut plus être confondu
qu'avec ceux de la circonférence du cercle, qui jouissent
tous des deux conditions énoncées et qui en jouissent
seuls. Il faut donc encore une troisième condition pour
le distinguer.
Supposons enfin que le point doive se trouver à 3"^
de distance d'un troisième point C, connu. Cette troi-
sième condition le place parmi tous ceux de la surface
d'une troisième sphère, dont le centre serait au point C,
et dont le rayon serait 3™. Et parce que nous avons
vu qu'il doit être sur la circonférence d'un cercle connu
de position, pour satisfaire en mcnic temps aux trois
conditions, il faut qu'il soit un des points communs,
et à la surface de la troisième sphère, et à la circonfé-
rence du cercle : or, on sait qu'une circonférence de
cercle et la surface d'une sphère ne peuvent se couper
qu'en deux points; donc, en vertu des trois conditions,
le point se trouve distingué de tous ceux de l'espace,
et ne peut plus être que l'un de deux points déter-
minés; en sorte qu'en indiquant, de plus, de quel côté
il est placé par rapport au plan qni passe par les trois
centres, ce point est absolument déterminé, et ne peut
plus être confondu avec aucun autre.
On voit qu'en employant, pour déterminer la posi-
tion d'un point dans l'espace, ses distances à d'autres
points connus, et dont le nombre est nécessairement
trois, l'on est entraîné dans des considérations qui ne
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
sont pas assez simples pour servir de base à des pro-
cédés d'un usage habituel.
4. Recherchons actuellement quelles seraient les
considérations auxquelles on serait conduit si, au lieu
de rapporter la position d'un point à trois autres
points connus, on le rapportait à des droites données
de position.
Nous ferons observer auparavant qu'une ligne
droite ne doit jamais être considérée comme termhiée,
et qu'elle peut toujours être indéfiniment prolongée
dans l'un et dans l'autre sens.
Pour simplifier, nous nommerons successivement A,
H, C, etc., les droites que nous serons obligés d'em-
ployer.
Si de la définition de la position du point il résulte
qu'il doive se trouver, par exemple, à i"'^ de distance
de la première droite connue A, on énonce que ce
])oint est l'un de ceux de la surface d'un cylindre à
base circulaire, dont l'axe serait la droite A, dont le
rayon serait i"^, et qui serait indéfiniment prolongé
dans les deux sens de sa longueur; car tous les points
de cette surface jouissent de la propriété énoncée dans
la définition, et sont les seuls qui en jouissent. Par
là, le point est distingué de tous les points de l'espace
qui sont en dehors de la surface cylindrique; il est
pareillement distingué de tous ceux qui sont dans
l'intérieur du cylindre, et il ne peut être confondu
qu'avec ceux de la surface cylindrique, parmi lesquels
on ne peut le distinguer qu'au moyen de conditions
nouvelles.
Supposons donc que le point cherché doive, en
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
outre, être placé à 2™ de distance de la seconde ligne
droite B : on voit de même que par là on place ce
point sur la surface d'un second cylindre à base circu-
laire, dont l'axe serait la ligne droite B, et dont le
rayon serait 2"^, mais avec tous les points de laquelle
il est confondu, si l'on ne considère que la seconde
condition seule. En réunissant ces deux conditions,
il doit donc se trouver en même temps et sur la pre-
mière surface cylindrique et sur la seconde : donc il
ne peut être que l'un des poinis communs à ces deux
surfaces, c'est-à-dire l'un de leur commune intersec-
tion. Cette ligne, sur laquelle doit se trouver le point,
participe de la courbure de la surface du premier
cylindre et de la courbure de celle du second, et est, en
général, du genre de celles qu'on appelle courbes à
double courbure.
Pour distinguer le point de tous ceux de cette ligne,
il faut une troisième condition.
Supposons, enfin, que la définition énonce que le
point demandé doive encore être à 3'" de distance
d'une troisième ligne droite C.
Cette, nouvelle condition exprime qu'il est un de
ceux de la surface d'un troisième cylindre à base cir-
culaire, dont la troisième ligne droite C serait l'axe, et
qui aurait 3"^ de rayon : donc, en réunissant les trois
conditions, le point cherché ne peut plus être qu'un
de ceux qui sont communs, et à la troisième surface
cylindrique, et à la courbe à double courbure, inter-
section des deux premières. Or, cette courbe peut, en
général, être coupée par la troisième surface cylin-
drique en huit points; donc les trois conditions ré-
duisent le point cherché à être l'un des huit points
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
délerniiiH's, el parmi les({uc]s on ne peut le dislinguer
(|ue par quelques conditions parliculi«'Tes, du genre
de celles dont nous avons donné un exemple dans le
cas des points.
On voit que les considéra lions auxquelles on est
conduit pour déterminer la position d'un point dans
l'espace, par la connaissance de ses distances à trois
lignes droites connues, sont encore bien moins simples
que celles auxquelles donnent lieu ses distances à
trois points, et qu'ainsi elles peuvent encore moins
servir de base à des méthodes qui doivent être d'un
service fréquent.
5. Parmi les objets simples que la Géométrie consi-
dère, il faut remarquer principalement : i® le point
qui n'a aucune dimension; 2° la ligne droite qui n'en
a qu'une ; 3® le plan qui en a deux. Recherchons s'il ne
serait pas plus simple de déurminer la position d'un
point, par la connaissance de ses distances à des plans
connus, qu'il ne l'tst d'employer ses distances à des
points ou à des lignes droites.
Supposons donc qu'il y ait dans l'espace des plans
non parallèles, connus de position, et que nous dési-
gnerons successivement par les lettres A, B, C, 1), etc.
Si, d'après la définition de la position du point, il
doit être, par exemple, à i"^ de distance du premier
plan A, san^ qu'il soit exprimé de quel côté il doit être
placé par rapport à ce plan, on énonce qu'il est un de
ceux de deux plans parallèles au plan A, placés l'un
d'un côté de ce plan, l'autre de l'autre, et tous deux à
i"^ de distance du premier : car tous les points de ces
deux plans parallèles satisfont à la condition exprimée,
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
et sont, de tous ceux de l'espace, les seuls qui y satis-
fassent.
Pour distinguer, parmi tous les points de ces deux
plans, celui dont on veut définir la position, il faut
donc encore avoir recours à d'autres conditions.
Supposons, en second lieu, que le point cherché
doive être à 2"^ de distance du second plan B : par là,
on le place sur deux plans parallèles au plan I^, fous
deux à 2™ de distance de ce plan, l'un d'un côlé,
l'autre de l'autre. Pour satisfaire en même temps aux
deux conditions, il faut donc (pi'il se trouve, et sur
l'un des plans ])ara11èles au plan A, et sur l'un des
deux plans parallèles au plan B; et, par conséquent,
qu'il soit l'un des points de la commune intersection
de ces quatre plans. Or, la commune intersection de
quatre plans parallèles deux à deux, et de la position
connue, est l'assemblage de quatre lignes droites éga-
lement connues de position; donc, en considérant en
même temps ces deux conditions, le point n'est plus
confondu avec tous ceux de l'espace, ni même avec
tous ceux de quatre plans, mais seulement avec ceux
de quatre lignes droites. Enfin, si le point doit être
aussi à 3"^ de distance du troisième plan C, on exprime
qu'il doit être l'un de ceux de deux autres plans paral-
lèles au plan C, et placés de part et d'autre, par rap-
port à lui, à 3"^ de distance. Ainsi, en vertu des trois
conditions, il doit être en même temps, et sur l'un des
deux derniers plans, et sur l'une des quatre lignes
droites, intersections des ([uatre premiers plans : il ne
peut donc être que l'un des points communs, et à l'un
de ces deux plans et à l'une des quatre droites. Or,
chacun des deux plans ayant un point commun avec
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
cliacuiio des quatre lignes droites, il y a huit points
I (l^iis l'espace, (pii satisfont à la fois aux trois condi-
I lions ; donc, par ces trois conditions réunies, le point
I demandé ne peut plus être que l'un des huit points
déterminés, et parmi lesquels on ne peut le distinguer
(ju'au moyen de quelcpies conditions particulières.
Par exemple, si, en indicpiant la distance au })re-
mier plan A, l'on exprime aussi dans quel sens, par
rapport à ce plan, la distance doit être prise; au lieu
de deux plans parallèles au ])lan A, il n'y en a plus
qu'un qu'il faille considérer, c'est celui' qui est placé,
par rapport à lui, du coté vers lequel la distance doit
être mesurée. De même, si l'on indique dans quel sens,
par rapport au second plan, la distance doit être prise,
on exclut la considération d'un des deux plans paral-
lèles au second; et il n'y en a plus qu'un dont tous les
points satisfassent à la seconde condition; vi en réu-
nissant ces conditions, le point ne peut plus être sur
les quatre droites d'intersection de quatre plans paral-
lèles deux à deux, mais seulement sur l'intersection
de deux plans, c'est-à-dire sur une ligne droite connue
de position. Enfin, si l'on indique aussi de quel côté
le point doit être placé par rapport au troisième plan,
de deux plans parallèles au troisième il n'y en aura
plus qu'un dont tous les points satisfassent à la der-
nière condition; et pour satisfaire en même temps à
ces trois conditions, le point devra se trouver à l'inter-
section de ce troisième plan avec la droite unique
intersection des deux premiers. 11 ne pourra donc plus
êhe confondu avec aucun autre dans l'espace, et il
sera par conséquent entièrement déterminé.
On voit donc que, quoique, par rapport au nombre
.^à
LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
de ses dimensions, le plan soit un objet moins simple
que la ligne droite qui n'en a qu'une, et que le poin|
qui ncn a pas, il présente cependant plus de facilité
que le point et la ligne droite pour la détermination
d'un point dans l'espace : c'est ce procédé que l'on
emploie ordinairement dans l'application de l'Algèbre
à ia Géom^étrie, où, pour cliercher la position d'un
point, on a coutume de chercher ses distances à trois
plans connus de position.
Mais dans la Géomélriè descriptive, qui a été pra-
tiquée depuis beaucoup plus longtemps, par un beau-
coup plus grand nombre d'hommes, et par des hommes
dont le temps était précieux, les procédés se sont
encore simplifiés; et au lieu de la considération de
trois plans, on est parvenu, au moyen des projections,
à n'avoir plus besoin explicitement que de celle de
deux.
6. On appelle projection d'un point sur un plan, le
pied de la perpendiculaire abaissée du point sur le
plan.
Cela posé, si l'on a deux plans connus de position
dans l'espace, et si l'on donne, sur chacun de ces plans,
la projection du point dont on veut définir la position,
ce point sera parfaitement déterminé.
En efîet, si, par la projection sur le premier plan,
l'on conçoit une perpendiculaire à ce plan, il est évi-
dent qu'elle passera par le point défini; de même si,
par sa projection sur le second plan, l'on conçoit une
perpendiculaire sur ce plan, elle passera de même par
le point défini : donc ce point sera en même temps sur
deux lignes droites connues de position dans l'espace;
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
donc il sera le point unique de leur intersection; donc
enfin, il sera parfaitement déterminé.
Dans les paragraphes suivants, on indiquera les
moyens de rendre ce procédé d'un usage facile, et de
nature à être employé sur une seule feuille de dessin.
7. Si {fig. i), de tous les points d'une ligne
droite indéfinie Al^, placée d'une manière quelconque
dans l'espace, l'on conçoit des perpendiculaires
abaissées sur un plan LMNO, donné de position, tous
les points de rencontre de ces perpendiculaires avec
le plan seront dans une autre ligne droite indéfinie ah;
car elles seront toutes comprises dans le plan mené
par AB perpendiculairement au plan LMNO, et elles
ne pourront rencontrer ce dernier que dans l'inter-
section commune des deux plans, qui, comme on sait,
est une ligne droite.
La droite ab, qui passe ainsi par les projections
de tous les points d'une autre droite AB sur un
plan LMNO, est ce qu'on appelle la projection de la
droite AB sur ce plan.
Comme deux points suffisent pour déterminer la
position d'une ligne droite; pour construire la pro-
jeclioii d'une droite, il suUit de construire celle de
deux de ses points, et la droite menée par les projec-
tions de ces points sera la projection demandée.
Il suit de là que, si la droite proposée est elle-même
perpendiculaire au plan de projection, sa projection
se réduira à un seul point, qui sera celui de sa rencontre
avec le plan.
Etant données {fig. 2) sur deux plans non parallèles
LMNO, LMPQ les projections at, a' h' d'une même
lA LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
droite indéfinie AB, cette droite est déterminée : car
si, par l'une des projections ab^ l'on conçoit un plan
perpendiculaire à LMNO, ce plan, connu de position,
passera nécessairement i>ar la droite AB; de même
si, par l'autre projection a' />', l'oji conçoit un plan
perpendiculaire à LMPQ, ce plan, cojinii de position,
passera par la droite AB. La position de; celte droite,
qui se trouve en même temps sur deux plans connus,
et par conséquent à leur commune intersection, est
donc absolument déterminée.
8. Ce que nous venons de dire est indépendant de
la position des plans de projection, et a lieu également,
quel que soit l'angle que ces deux plans fassent entre
eux. Mais si l'angle que forment les deux plans de pro-
jection est très obtus, l'angle que forment entre eux
ceux qui leur sont perpendiculaires est très aigu; et
dans la pratique, de petites erreurs pourraient en
apporter de très grandes dans la détermination de la
position de la droite. Pour éviter cette cause d'inexac-
titude, à moins qu'on n'en soit détourné par quelques
considérations qui présentent de plus grandes faci-
lités, on fait toujours en sorte que les plans de pro-
jection soient perpendiculaires entre eux. De plus,
comme la plupart des artistes qui font usage de la
méthode des projections sont très familiarisés avec
la position d'un ])lan horizontal et la direction du fd à
plomb, ils ont coutume de supposer que, des deux
plans de projection, l'un soit horizontal et l'autre
vertical.
La néci ssité de faire en sorte que dans les dessins les
deux projections soient sur une même feuille, et que
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
l4 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
dans les opérations en grand elles soient sur une même
aire, a encore déterminé les artistes à concevoir que le
plan vertical ait tourné autour de son intersection avec
le plan horizontal, comme charnière, pour s'abattre
sur le plan horizontal, et ne former avec lui qu'un seul
et même plan, et à construire leurs projections dans
cet état.
Ainsi, la projection verticale est toujours tracée de
fait sur un plan horizontal, et il faut perpétuellement
concevoir qu'elle soit dressée et remise en place, au
moyen d'un quart de révolution autour de l'inter-
section du plan horizontal avec le plan vertical. Pour
cela, il faut que cette intersection soit tracée d'une
manière très visible sur le dessin.
Ainsi, dans la figure 2, la projection a' h' de la
droite AB ne s'exécute pas sur un plan qui soit réel-
lement vertical : on conçoit que ce plan ait tourné
autour de la droite LM pour s'appliquer en LMP'Q'; et
c'est dans cette position du plan qu'on exécute la pro-
jection verticale a'h' .
Indépendamment des facilités d'exécution que pré-
sente cette disposition, elle a encore l'avantage
d'abréger le travail des projections. En elTet, suppo-
sons que les points a, a' soient les projections horizon-
tale et verticale du point A, le plan mené par les
droites Acr, Ka' sera en même temps perpendicu-
laire aux deux plans de projection, puisqu'il passe par
des droites qui leur sont perpendiculaires; il sera donc
aussi perpendiculaire à leur commune intersection LM ;
et les droites aC, a'C, suivant lesquelles il coupe ces
deux plans, seront elles-mêmes perpendiculaires à LM.
Or, lorsque le plan vertical tourne autour de L\*i
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I *>
comme chnniièrc, la droite a'C ne cesse pas, dans ce
Miouvement, d'être perpendiculaire à LM; et elle iiù
ist encore perpendiculaire lorsque, le plan vertical
étant abattu, elle a pris la position Ca\ Donc les deux
droites aC, Ca\ passant toutes deux par le point C,
et étant toutes deux perpendiculaires à LM, sont dans
le prolongement l'une de l'autre; il en est de môme
des droil>-s hD, Bb\ par rapport à tout autre point
comme B. D'où il suit que, si l'on a la projeciion
horizontale d'un point, la projection de ce même point
sur le plan vertical, supposé abattu, sera dans la
droite menée par la projection horizontale perpendi-
culairement à l'intersection LM des deux plans de
projection, et réciproquement.
Ce résultat est d'un usage très fréquent dans la pra-
ti(nip.
9. Jusqu'à présent, nous avons regardé la ligne
droite AB {fîg. i) comme indéfmie, et alors nous
n'avions à nous occuper que de sa direction; mais il
peut se faire que cette droite soit considérée conim.
terminée par deux de sts points Ay B; et alors on peut
de plus avoir besoin de connaître sa grandeur. Nous
allons voir comment on peut la déduire de la connais-
sance de ses deux prf éjections.
Lorsqu'une droite est parallèle à un d' s deux plans
sur lesquels elle est projetée, sa longueur est égale à
celle de sa projection sur ce plan; car la droite et sa
projection, étant toutes deux terminées à deux per-
pendiculaires au plan de projection, sont parallèles
entre elles et comprises entre parallèles. Ainsi, dans
ce cas particulier, la projection étant donnée, la ion-
iC LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
gueur de la droite qui lui est égale est aussi donnée.
On est assuré qu'une droite est parallèle à un des
deux plans de projcclion, lorsque sa projection sur
l'autre est parallèle à l'intersection de ces plans.
Si la droite est en même temps oblique aux deux
plans, sa longueur est plus grande que celle de chacune
de ses projections; mais elle peut en être déduite par
une construction très simple.
Soit AIj {fig. 2) la ligne droite, dont les deux pro-
jections «6, a'h' soient données, et dont il faille trouver
la longueur; si, par une de ses extrémités A, et dans
le plan vertical qui passe par la droite, on conçoit
une horizontale AE, prolongée jusqu'à ce qu'elle ren-
contre en E la verticale abaissée par l'autre extrémité,
on formera un triangle rectangle AEB, qu'il s'agit de
construire pour avoir la longueur de la droite AB, qui
en est l'hypoténuse. Or, dans ce triangle, indépen-
damment de l'angle droit, on connaît le côté AE, qui
est égal à la projection donnée ah. De plus, si dans le
plan vertical on mène par le point a' une horizon-
tale «/<?, qui sera la projection de AE, elle coupera
la verticale //D en un point e, cjui sera la projection
du point E. Ainsi, h'e sera la projection verticale
de BE, et sera par conséquent de même longueur
qu'elle. Donc, connaissant les deux côtés de l'angle
droit, il sera facile de construire le triangle, dont
l'hypoténuse donnera la longueur de AB.
La ligure 2, étant en perspective, n'a aucun ra})port
avec les constructions de la méthodd des projections :
nous allons donner ici la construction de cette pre-
mière question dans toute sa simplicité.
La droite LM {fig. 3) étant supposée l'intersection
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I7
des deux plans de projection, et les droites ab, a"b"
étant les projections données d'une ligne droite; pour
trouver la longueur de cette droite, par le point a"
on mènera Thorizontale indéfinie lie, qui coupera
la droite bb" en un point e, et sur laquelle, à i)arlir de
ce point, on portera ab de e en II. On mènera l'hypo-
ténuse II!/", et la longueur de cette hypoténuse sera
celle de la droite demandée.
Comme les deux plans de projection sont rectangu-
laires, l'opération que l'on vient de faire sur un de ces
plans pouvait être faite sur l'autre, et aurait donné le
même résultat.
D'après ce qui précède, on voit que si l'on a les deux
projections d'un corps terminé par des faces planes,
par des arêtes rectilignes, et par des sommets d'angles
Solides, projections qui se réduisent aux systèmes de
celles des arêtes rectilignes, il sera facile d'en conclure
la longueur de telle de ses dimensiorfs qu'on voudra :
car, ou cette dimension sera parallèle à un des deux
plans de projection, ou elle sera en même temps
oblique aux deux; dans le premier cas, la longueur
demandée de la dimension sera égale à sa projection :
dans le second, on la déduira de ces deux projections
par le procédé cpie nous venons de décrire.
10. Ce serait ici le lieu d'indiquer la manière dont se
construisent les projections des solides terminés par
des plans et des arêtes rectilignes; mais il n'y a pour
cette opération aucune règle générale : on sent en
effet que, selon la manière dont la position des som-
mets des angles d'un solide est définie, la construction
de leurs projections peut être plus ou moins facile, et
MOXGE. — I. 2
8 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
que la nature de l'opération doit dépendre de celle de
la définilion. Il en est précisément de cet objet comme
de l'Algèbre, dans laquelle il n'y a aucun procédé
général pour mettre un problème en équations. Dans
chaque cas particulier, la marche dépend de la ma-
nière dont la relation entre les quantités données et
celles qui sont inconnues est exprimée; et ce n'est que
par des exemples variés que l'on peut accoutumer les
commençants à saisir ces relations et à les écrire par
des équations. Il en est de même pour la Géométrie
descriptive. C'est par des exemples nombreux et par
l'usage de la règle et du compas dans des salles d'exer-
cice, que l'on peut acquérir l'habitude des construc-
tions, et que l'on s'accoutume au choix des méthodes
les plus simples et les plus élégantes, dans chaque cas
particulier. Mais aussi, de même qu'en Analyse,
lorsqu'un problème est mis en équations, il existe des
procédés pour traiter ces équations, et pour en déduire
les valeurs de chaque inconnue; de nnême aussi, dans
la Géométrie descriptive, lorsque les projec lions sont
faites, il existe des méthodes générales pour cons-
truire tout ce qui résulte de la forme et de la position
respective des corps.
Ce n'est pas sans objet que nous comparons ici la
Géométrie descriptive à l'Algèbre; ces deux sciences
ont les rapports les plus intimes. Il n'y a aucune cons-
truction de Géométrie descriptive, qui ne puisse être
traduite en Analyse; et lorsque les questions ne com-
portent pas plus de trois inconnues, chaque opération
analytique peut être regardée comme l'écriture d'un
spectacle en Géométrie.
Il serait à désirer que ces deux sciences lussent
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. f()
cultivées ensemble : la Géométrie descriptive porterait
dans les opérations analytiques les plus compliquées
l'évidence qui est son caractère, et, à son tour, l'Ana-
lyse porterait dans la Géométrie la généralité qui lui
est propre.
11. La convention, qui sert de base à la méthode des
projections, est propre à exprimer la position d'un
]H)int dans l'espace, à exprimer celle d'une ligne droite
indéfinie ou terminée, et par conséquent à représenter
la forme et la position d'un corps terminé par des faces
planes, par des arêtes rectilignes, et par des sommets
d'angles solides; parce que, dans ce cas, le corps est
entièrement connu, quand on connaît la position de
toutes ses arêtes et celle des sommets de tous ses
angles. Mais si le corps était terminé, ou par une sur-
face courbe unique, et dont tous les points fussent
assujétis à une même loi, comme dans le cas de la
sphère, ou par l'assemblage discontinu de plusieurs
parties de surfaces courbes différentes, comme dans
le cas d'un corps façonné sur le tour; cette convention
non seulement serait incommode, impraticable, et
n'aurait pas l'avantage de faire image, mais encore
elle manquerait de fécondité et elle serait insuffi-
santes
D'abord, il est facile de voir que la convention que
nous avons faite serait incommode, et même impra-
ticable, si elle était seule; car, pour exprimer la posi-
tion de tous les points d'une surface courbe, il faudrait
non seulement que chacun d'eux fût indiqué par sa
projection horizontale et par sa projection verticale,
mais encore que les deux projections d'un même point
20 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
fussent liées entre elles, afin qu'on ne fût pas exposé
à combiner la projection horizontale d'un certain
point avec la projection verticale d'un autre; et la
manière la plus simple de lier entre elles ces deux
projections étant de les joindre par une même droite
jxrpcndiculaire à la ligne d'intersection des deux
])lans de projections, on surchargerait les dessins d'un
nombre prodigieux de lignes, qui y jetteraient une con-
fusion d'autant plus grande qu'on voudrait approcher
davantage de l'exactitude. Nous allons faire voir
ensuite que cette méthode serait insuffisante, et
qu'elle manquerait de la fécondité nécessaire.
Parmi le nombre infini de surfaces courbes diffé-
rentes, il en existe quelques-unes qui ne s'étendent
(|ue dans une partie finie et circonscrite de l'espace, et
dont les projections ont une étendue limitée dans
toutes les directions; celle de la sphère, par exemple,
est dans ce cas. L'étendue de sa projection sur un plan
se réduit à celle d'un cercle de même rayon que la
sphère; et l'on peut concevoir que le plan sur lequel
ou doit en faire la projection ait des dimensions assez
grandes pour la recevoir. Mais toutes les surfaces
cylindriques sont indéfinies dans une certaine direc-
tion, comme la droite qui leur sert de génératrice. Le
plan lui-même, qui est la plus simple des surfaces, est
indéfini dans deux sens. Enfin, il existe un grand
nombre de surfaces dont les nappes multipliées
.s'étendent en même temps dans toutes les régions
de l'espace. Or, les plans sur lesquels on exécute les
projections ont nécessairement une étendue limitée.
Si donc on n'avait d'autre moyen pour faire connaître
la nature d'une surface courbe que les deux projec-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 21
tions de chacun des points par lesquels elle passe, ce
moyen ne serait applicable qu'à ceux des points de la
surface, qui correspondraient à l'étendue des plans
de ])roiections; tous ceux qui seraient au delà ne
]tourraient être ni exprimés ni connus : ainsi, la mé-
lliode serait insuilisante. Enlin, elle manquerait de
fécondité, parce qu'on ne pourrait en déduire rien de
ce qui serait relatif aux plans tangents de la surface, à
SIS normales, à ses deux courbures en chaque point,
;i ses lignes d'inflexion, à ses arêtes de rebroussement,
à ses lignes multiples, à ses points multiples, à toutes
les affections enfin qu'il est nécessaire de considérer,
dès qu'on veut opérer sur une surface courbe.
Il a donc fallu avoir recours à une convention nou-
velle qui fût compatible avec la première, et qui pût
la suppléer partout où elle aurait été insufTisante. C'est
cette convention nouvelle que nous allons exposer.
12. Il n'y a aucune surface courbe qui ne puisse
être regardée comme engendrée par le mouvement
d'une ligne courbe, ou constante de forme lorsqu'elle
change de position, ou variable en même temps et de
forme et de position dans l'espace. Comme cette pro-
position pourrait être difficile à comprendre à cause
de sa généralité, nous allons l'expliquer sur quel-
ques-uns des exemples avec lesquels nous sommes
déjà familiarisés.
Lt s surfaces cylindriques peuvent cire engendrées
dt deux manières principales; ou par le mouvement
d'une ligne droite qui reste toujours parallèle à une
droite donnée pendant qu'elle se meut, en s'appuyant
toujours sur une courbe donnée, ou par le mouvement
Îi2 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
de la courbe qui servait de conductrice dans le pre-
mier cas, et qui se meut de manière que, s'appuyant
toujours par le même point sur une droite donnée,
tous ses autres points décrivent des lignes parallèles
à cette droite. Dans l'une et l'autre de ces deux géné-
rations, la ligne génératrice, qui est une droite dans le
premier cas, et une courbe quelconque dans le second,
est constante de forme : elle ne fait que changer de
position dans l'espace.
Les surfaces coniques ont de même deux généra-
tions principales.
On peut d'abord les regarder comme engendrées
par une droite indéfinie qui, étant assujétie à passer
toujours par un point donné, se meut de manière
qu'elle s'appuie constamment sur une courbe donnée
qui la dirige dans son mouvement. Le point unique,
par lequel passe toujours la droite, est le centre de la
surface; c'est improprement qu'on lui a donné le nom
de sommet. Dans cette génération, la ligne génératrice
est encore constante de forme; elle ne cesse jamais
d'être une ligne droite.
On peut ensuite engendrer les surfaces coniques
d'une autre manière, que, pour plus de simplicité,
nous n'appliquerons ici qu'au cas de celles qui sont
à bases circulaires. Ces surfaces peuvent être regardées
comme parcourues par la circonférence d'un cercle
qui se meut de manière que son plan restant toujours
parallèle à lui-même, et son centre se trouvant toujours
sur la droite dirigée au sommet, son rayon, dans
chaque instant du mouvement, soit proportionnel à la
distance de son centre au sommet. On voit que si,
dans son mouvement, le plan du cercle tend à s'appro-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. a3
cher du sommet de la surface, le rayon du cercle décroît
pour devenir nul lorsque le plan passe par le sommet,
et que ce rayon change de sens pour croître ensuite
indéfiniment, lorsque le plan, après avoir passé par le
sommet, s'en écarte de plus en plus. Dans cette se-
conde génération, non seulement la circonférence du
cercle, qui est la courbe génératrice, change de position,
elle change encore de forme à chaque instant de son
mouvement, puisqu'elle change de rayon, et, par con-
séquent, de courbure et d'étendue.
Citons enfin un troisième exemple.
Une surface de révolution peut être engendrée par
le mouvement d'une courbe plane, qui tourne autour
d'une ligne droite placée d'une manière quelconque
dans son plan. Dans cette manière de la considérer,
sa courbe génératrice est constante de forme; elle est
seulement variable de position. Mais aussi on peut la
regarder comme engendrée par la circonférence d'un
cercle qui se meut de manière que, son centre étant
toujours sur l'axe, et son plan étant toujours perpen-
diculaire à cet axe, son rayon soit à clia(iue instant
égal à la distance du point, où le plan du cercle coupe
l'axe, à celui où il coupe une courbe quelconque donnée
dans l'espace. Alors la courbe génératrice change en
même temps et de forme et de position.
Ces trois exemples doivent sullire i)our faire com-
prendre que toutes les surfaces courbes peuvent être
engendrées par le mouvement de certaines lignes
courbes, et qu'il n'y en a aucune dont la forme et la
position ne puissent être entièrement déterminées par
la définition exacte et complète de sa génération. C'est
cette nouvelle considération qui forme le complé-
•24 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
ment de la méthode des projections. Nous aurons
souvent occasion, par la suite, de nous assurer et de
sa simplicité et de sa fécondité.
Ce n'est donc pas en donnant les projections des
points individuels, par lesquels passe une surface
courbe, que l'on en détermine la forme et la position,
mais en mettant à portée de construire pour un point
quelconque la courbe génératrice, suivant la forme
et la position qu'elle doit avoir en passant par ce
point. Sur quoi il faut observer : i° que chaque sur-
face courbe pouvant être engendrée d'un nombre
infini de manières différentes, il est de l'adresse et de
la sagacité de celui qui opère de choisir, parmi toutes
les générations possibles, celle qui emploie la courbe
la plus simple et qui exige les considérations les moins
pénibles; 2° qu'un long usage a appris qu'au lieu de ne
considérer pour chaque surface courbe qu'une seule
de ses générations, ce qui exigerait l'étude de la loi du
mouvement et de celle du changement de forme de
sa génération, il est souvent plus simple de considérer
en même temps deux génératrices différentes, et d'indi-
quer pour chaque point la construction des deux
courbes génératrices.
Ainsi, dans la Géométrie descriptive, pour exprimer
la forme et la position d'une surface courbe, il sulht,
pour un point quelconque de cette surface, et dont une
des projections peut être prise à volonté, de donner
la manière de construire les projections horizontale et
verticale de deux génératrices dillérentes qui passent
par ce point.
13. Appliquons actuellement ces général
ités au
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
olan, qui, do toutes les surfaces,- est la plus simple,
t't celle dont l'emploi est le plus fréquent.
Le plan est engendré par une j)remièrc droite donnée
d'abord de position, et qui se meut de manière que
!ous ses points décrivent des droiUs pnrallMf s à une
seconde droite donnée. Si la seconde droite est elle-
même dans le plan que l'on considère, on peut dire
aussi que ce plan est engendré par la seconde droite,
(|ui se meut de manière que tous ses pitints décrivent
«les droites parallèles à la première.
On a donc l'idée de la position d'un plan par la consi-
dération de deux ligiîcs droites, dont chacune peut être
regardée comme sa génératrice. La position de ces
deux droites dans le plian qu'elles peuvent engendrer
est absolument iiidifTérente : il ne s'agit donc, pour la
méthode des jjrojections, que de choisir celles qui
(•\i<.Tent les constructions les plus simples. C'est pour
cela (jue, dans la Géométrie descriptive, on indique
la ]>osition d'un plan, en donnant les deux droites
-uivant lesquelles il coupe les plans de projection. Il
est facile de reconnaître que ces deux droites doivent
rencontrer en un môme point l'intersection des deux
plans.de projections, et que, par conséquent, ce point
est celui où elles se rencontrent elles-mêmes.
Comme il arrivera très fréquemment que nous
ayons des plans à considérer, pour abréger le langage,
nous donnerons le nom de traces aux droites selon
lesquelles chacun d'eux coupera les plans de projec-
tions, et qui serviront à indiquer sa position.
14. Ces préliminaires étant posés, nous allons passer
aux solutions de plusieurs questions successives, qui
•26 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
rempliront le double objet de nous exercfr à la mé-
thode des projections, et de nous procurer les moyens
de faire ensuite de nouveaux progrès dans la Géo-
métrie descriptive.
Première question. — Etant donnés (fig. 4) un
])oint dont Jcs projections soient 1), d^ et une droite
dont les projections soient AB et ah^ construire les
projections d'une seconde droite iTienéc par le point
donné parallèîement à la première ?
Solution. — Les deux projections horizontales de
la droite donnée et de la droile cherchée doivent
être parallèles entre elJcs; car ehes sont les intersec-
tions de deux plans verticaux parallèles, par un même
plan. Il en est de même des projections verticales des
mêmes droites. De plus, la droite demandée devant
passer par le point donné, ses projections doivent
pass.or respectivement par celles du même point. Donc,
si par le point D on mène EF parallèle à AB, et si par
le point cl on mène ef parallèle à «6, les droites EF
et ef seront les projections demandées.
15. Seconde question. — Étant donnés (/îg. 5)
un plan dont les deux traces soient AB, BC, et un point
dont les projections soient G, g, construire les traces
d'un second plan mené par le point donné parallèle-
ment au premier ?
Solution. — Les traces du plan demandé doivent
être parallèles aux traces respectives du plan donné,
puisque ces traces, considérées deux à deux, sont les
intersections de deux plans parallèles, par un même
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. IJ
plan. Il ne reste donc? plus à trouver, pour chacune
irelk'S, qu'un seul des points par lesquels elle doit
passer. Pour cela, par le point donné, concevons une
droite horizontale qui soit dans le plan cherché; cette
droite sera parallèle à la trace AB, et elle coupera \o
plan vertical en un point, qui sera un de ceux de la
trace du plan cherché sur le vertical, et Ton aura ses
deux projections en menant par le point g l'horizon-
tale indéfinie gF, et par le point G la droite GI, paral-
lèle à A13. Si l'on prolonge GI jusqu'à ce qu'elle ren-
contre l'intersection LM des deux plans de projection
« n un point I, ce point sera la projection horizontale
de l'intersection de la droite horizontale avec le plan
vertical. Donc ce point d'intersection se trouvera
sur la Verticale IF, menée par le point I. Mais il doit
se trouver aussi sur gF; donc il se trouvera au point F
d'intersection de ces deux dernières droites. Donc
enfin, si par le point F on mène une parallèle à BC,
elle sera, sur le plan vertical, la trace du plan cherché;
et si, après avoir prolongé cette trace jusqu'à ce qu'elle
rencontre LM en un point E, on mène ED parallèle
à AB, on aura la trace du même plan sur le plan
horizontal.
Au lieu de concevoir sur le i)lan cherché une droite
horizontale, on aurait pu concevoir une parallèle au
plan vertical, ce qui, par un raisonnement absolument
semblable, aurait donné la construction suivante :
On mènera par le point G et parallèlement à LM
la droite indéfinie GD ; par le point g on mènera gH
parallèle à CB, et on la prolongera jusqu'à ce qu'elle
coupe LM en un point H, par lequel on mène HD per-
pendiculaire à LM : cette dernière coupera GD en un
'28 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
point D, par lequel, si l'on mône une parallèle à AB,
on aura une des traces du plan demandé; et si, après
avoir prolongé cette trace jusqu'à ce qu'elle ren-
contre LM en un point E, on mène EF parallèle à BC,
on aura la trace sur le plan vertical.
16. TiioisiiïME QUESTION. — Etant donnes [fig. 6)
un plan dont les deux traces soient AB, BC, et un
point dont les deux projections soient D, t/, cons-
truire : 1° les projections de la droite abaissée perpen-
diculairement du point sur le plan; 2^ celle du point
de renconlre de la droite et du plan ?
Solution. — Les perpendiculaires DG, dg, abaissées
des points D et d sur les traces respectives du plan,
seront les projections indéfinies de la droite demandée;
car si par la perpendiculaire on conçoit un plan ver-
tical, ce plan coupera le plan horizontal et Je plan
donné en deux droites, qui seront, l'une et l'autre,
perpendiculaires à la commune intersection AB de ces
deux plans : or, la première ô,e ces droites étant la
projection du plan vertical, est aussi celle de la per-
pendiculaire qu'il renferme; donc Ja projection de
cette perpendiculaire doit: passer par le point D, et
être perpendiculaire à AB.
La même démonstration a lieu pour la projection
verticale.
Quant au point de rencontre de la perpendiculaire
et du plan, il est évident qu'il doit se trouver sur
l'intersection de ce plan avec le plan vertical mené
par la perpendiculaire, intersection qui est projetée
indéfiniment sur EF. Si l'on avait la projection ver-
^ à
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
29
3o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
ticale fe de cette intersection, elle contiendrait celle
du point demandé; et parce que ce point doit aussi
être projeté sur la droite dg^ il se trouverait à l'inter-
section g des deux droites je et dg. Il ne reste donc
plus à trouver que la droite je : or, l'interseclion du
plan donné avec le plan vertical qui lui est perpendi-
culaire rencontre le plan horizontal au point E, dont
on aura la projection verticale e, en abaissant Ee
perpendiculairement sur LM; et elle rencontre le plan
vertical de projection en un point dont la projection
horizontale est l'intersection F de la droite LM avecDG,
prolongée s'il est nécessaire, et dont la projection
verticale doit être sur la verticale F/ et sur la trace CB ;
elle sera donc au point / de leur intersection.
La projection verticale g du pied de la perpendicu-
laire étant trouvée, il est facile de constridre sa pro-
jection horizontale, car si l'on abaisse sur LM la per-
pendiculaire indéfinie g G, cette droite contiendra le
point demandé : or, la droite DF doit aussi le con-
tenir; donc il sera au point G de l'intersection de ces
deux droites.
17. Quatrième questioiN. — Estant donnés (fig. 7)
une droite dont les deux projections soient AB, ah^ et
un point dont les deux projections soient D, d^ cons-
truire les traces du plan mené par le point perpendi-
culairement à la droite ?
Solution. — On sait déjà, par la question précé-
dente, que les deux traces doivent être perpendicu-
laires aux projections respectives des deux droites;
il reste à trouver, pour chacune d'elles, un des points
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 3l
par lesquels elle doit passer. Pour cela, si, par le point
donné,, on conçoit, dans le plan cherché, une horizon-
tale prolongée jusqu'à la rencontre du plan vertical
(le projection, on aura sa projection verlicalc en
menant par le point d une horizontale indéfinie dG,
et sa projection horizontale en nicnaat par le point D
une pcrpendicuiaire DU à AB, prolongée jusfiu'à ce
qu'elle coupe LM en un point II, «jui sera la projection
horizontale du point de rencontre de l'horizontale
avec le ])lau vertical de projection. Ce point de ren-
contre, ([ul doit se trouver dans la verticale HG et
dans l'horizontale dG, et ])ar conséquent au point G
d'intersection de ces deux droites, sera donc un des
points de la trace sur le plan vertical; donc on aura
cette trace, en menant par le point G la droite FC
perpendiculaire à ab; donc 'enfin, si par le point C,
où la première trace rencontre LM, on mène CE per-
pendiculaire à AB, on aura la seconde trace demandée.
S'il était question de trouver le point de rencontre
du plan avec la droite, on opérerait exactement comme
dans la question précédente.
Enfin, s'il fallait abaisser une perpendiculaire du
point donné sur la droite, on construirait, comme
nous venons de le dire, la rencontre de la droite avec
le plan mené par le point donné, et qui lui serait per-
})endiculaire; et l'on aurait, pour chacune des deux
projections de la perpendiculaire demandée, deux
points par lesquels elle doit passer.
18. Cinquième question. — Deux plans étant
donnés de position {fig. 8), au moyen de leurs
traces AB et A 5 pour l'un, CD ci Cd pour l'autre.
3>. LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 33
construire 1rs projections de la droite suivant laquelle
ils se coupent ?
Solution. — Tous les points de la trace AB se
trouvant sur le premier des deux plans donnés, et
tous ceux de la trace CD se trouvant sur le second,
le point K d'intersection de ces deux traces est évi-
dtnunent sur les deux plans; il est, pr.r conséquent,
un des points àc la droite demandée. On reconnaîtra
de même que le point F d'iiitersection des deux tract s
sur le plan vertical est encore un autre point de cette
droite. L'intersection des deux plans est donc placée
(le manière qu'elle rencontre le plan horizontal en K et
I»' plan vertical en F.
Donc, si l'on projette le point F sur le plan horizontal,
. . qu'on fera en abaissant sur LM la perpendiculaire
I'7', et si l'on mène la droite /E, elle sera la projec-
lion horizontale de l'intersection des deux plans. De
même, si l'on projette le point E sur le plan vertical,
en abaissant sur LM la perpendiculaire Ee, et si l'on
mène la droite eF, elle sera la projt ction verticale de
la même intersection.
19. SixiKME QUESTION. — Dcux plaus (//g. Ç)) étant
donnés, au moyen des traces AB, lib du premier,
( t des traces CD, Cd du second, construire l'angle
qu'ils forment entre eux ?
Solution. — Après avoir construit, comme dans
la question précédente, ia projection horizontale F/
de l'intersection des deux plans, si l'on conçoit un
troisième plan qui leur soil perpendiculaire, et qui soit
par conséquent perpendiculaire à leur commune iv. : cr-
in «nge. — I. 3
34 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
section, ce troisième plan coupera les deux plans
donnés en deux droites, qui comprendront entre elles
un angle égal à l'angle demandé.
De plus, la trace horizontale de ce troisième plan
sera perpendiculaire à la projection E/ de l'intersec-
tion des deux plans donnés, et elle formera avec les
deux autres droites un triangle dont l'angle opposé
au côté horizontal sera l'angle demandé. Il ne s'agit
donc plus que de construire ce triangle.
Or, il est indifférent par quel point de l'intersection
des deux premiers plans passe le troisième; on peut
donc prendre sa trace à volonté sur le plan horizontal,
pourvu qu'elle soit perpendiculaire à E/. Soit donc
menée une droite quelconque GlI, perpendiculaire
à E/, terminée en G et en H aux traces des deux plans
donnés, et qui rencontre E/ en un point I; cette droite
sera la base du triangle qu'il faut construire. Actuelle-
ment, concevons que le plan de ce triangle tourne
autour de sa base GH comme charnière, pour s'appli-
quer sur le plan horizontal; dans ce mouvement, son
sommet, qui est d'abord placé sur l'intersection des
deux plans, ne sort pas du plan vertical mené par cette
intersection, parce que ce plan vertical est perpendi-
culaire à GH; et lorsque le plan du triangle est abattu,
ce sommet se trouve sur un des points de la droite E/.
Ainsi il ne reste plus à trouver que la hauteur du
triangle ou la grandeur de la perpendiculaire abaissée
du point I sur l'intersection de deux plans.
Mais cette perpendiculaire est comprise dans le
plan vertical mené par E/. Si donc on conçoit que ce
plan tourne autour de la verticale /F pour s'appliquer
sur le plan vertical de projection, et si l'on porte /E
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 3^
<!«' / en c, /I de / en i, la droite e K sera la grandrur de
lîi i>artie de l'intersection comprise entre' les deux
])lans de projection; et si du point i l'on abaisse sur
cette droite la perpendiculaire i7r, elle sera la hauteur
du triangle demandée
Donc enfin, portant ik de I en K et achevant le
Irlantrlo CKH, l'anj^le en K sera égal à l'anj^le formé
par les deux plans.
20. Septième question. — Deux droites f[ui se
coupent dans l'esjiace {fi;. lo) étant données par leurs
projections horizontales AB, AC, et par leurs projec-
tions verticales ah^ ac^ construire l'angle qu'elles
forment entre elles ?
Avant de procéder à la solution, nous rettiarquefons
(pie, puisque les deux droites données sont supposées
^'^ couper, le point A de rencontre de leurs projections
horizontales, et le point a de rencontre de leurs pro-
jections verticales, seront les projections du point dans
lequel elles se coupent, et seront par conséquent dans
la même droite aGA perpendiculaire à LM. Si les deux
points A et a n'étaient pas dans une même perpendicu-
laire a LM, les droites données ne se couperaient pas,
et par conséquent ne seraient pas dans un même plan.
Solution. — On concevra les deux droites données
prolongées jusqu'à ce qu'elles rencontrent le plan
horizontal, chacune en un point, et l'on construira ces
deux points de rencontre. Pour cela, on prolongera
les droites ab, ac, jusqu'à ce qu'elles coupent LM en
deux points rf, e, qui seront les projections verticales
de ces deux points de rencontre : par les points d, e
36 LES MAITRES DE LA PEiNSÉE SCIENTIFIQUE.
on mènera dans Je plan horizontal et perpendiculaire-
ment à LM deux droites indéfinies dD, eE, qui, devant
passer chacune par un de ces points, détermineront
leurs positions par leurs intersections D, E avec les
projections horizontales respectives AB, iVC, prolon-
gées s'il est nécessaire.
Cela fait, si l'on mène la droite DE, cette droite et
les deux parties des droites données, comprises entre
leur point d'intersection et les points D, E, formeront
un triangle, dont l'angle opposé à DE sera l'angle
demandé; ainsi il ne s'agira plus que de construire ce
triangle. Pour cela, après avoir abaissé du, point A
sur DE la perpendiculaire indéfinie AE, si l'on conçoit
que le plan du triangle tourne autour de sa base DE
connue charnière, juscpi'à ce qu'il soit abattu sur le
plan horizontal ; le sommet de ce triangle, pendant son
mouvement, ne sorlira pas du plan vertical mené
par AF, et viendra s'appliquer quelque part sur le
prolongement de 1"A en un point H, dont il ne restera
plus à trouver que la distance à la base DE.
Or, la projection horizontale de cette distance est la
droite AF, et la hauteur verticale d'une de ses extré-
mités au-dc!^sus de l'autre est égale à aG; donc,
en vertu de la ligure 3, si sur LM on porte AF
de G en /, et si l'on mène l'hypoténuse a/, cette hypo-
ténuse sera la dis lance demandée. Donc enfin, si l'on
porte af de F en H, et si par le point H on mène les
deux droites HD, HE, le triangle sera construit, et
l'angle DHE sera l'angle demandé.
21. IIuittî:me. question. — Etant données les
projections d'une droite et les traces d'un plan, cons-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE:. 87
triiirc l'angle que la droite et le plan forment entre
eux ?
Solution. — Si, par un point pris sur la droite
donnée, on conçoit une perpendiculaire au plan donné,
l'angle que cette perpendiculaire formera avec la
droite donnée sera le complément de l'angle demandé,
et il suflira de construire cet angle pour résoudre la
question.
Or si, sur les deux projections de la droite, on prend
deux points qui soient dans la même perpendiculaire
à l'intersection des deux plans de projection, et si,
par ces deux points, on mène des perpendiculaires aux
traces respectives du plan donné, on aura les projec-
tions horizontale et verticale de la seconde droite. La
question sera donc réduite à construire l'angle formé
par deux droites qui se coupent, et rentrera dans le
cas de la précédente.
22. Lorsqu'on se.prc»posn de lever la carte d'un i)ays,
on conçoit ordinairemeiil <iiic les points remarquables
soient liés entre eux par des lignes droites qui forment
des triangles, et il s'agit ensuite de rapporter ces
triangles sur la carte, au moyen d'une échelle plus
petite, et de les placer entre eux dans le même ordre
que ceux qu'ils représentent. Les oj)érations qu'il
faut faire sur le terrain consistent principalement dans
la mesure des angles et de ces triangles; et, pour que
ces angles puissent être rapportés directement sur la
carte, ils doivent être chacun dans un plan horizontal,
parallèle à celui de la carte. Si le plan de l'angle est
oblique à l'horizon, ce n'est plus l'angle lui-même
38 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
qu'il faut rapporter, c'est sa projection horizontale;
et il est toujours possible do trouver cette projection
lorsque, après avoir mesuré l'angle lui-même, on a
de plus mesuré ceux que ses deux côtés forment avec
l'horizon, ce qui donne lieu à l'opération suivante, qui
est connue sous le nom de réduction d'un angle à
l'horizon.
Neuvième question. — Etant donnés l'angle
formé par deux droites, et ceux qu'elles forment l'une
et l'autre avec le plan horizontal, construire la projec-
tion horizontale du premier de ces angles ?
Solution. • — Soient A {fig, ii) la projection horizon-
tale du sommet de l'angle demandé, et AB celle d'un
de ses côtés, de manière qu'il faille construire l'autre
côté AE. On concevra que le plan de projection ver-
ticale passe par AB; et ayant mené par le point A une
verticale indéfinie Aa, on prendra sur elle, à volonté,
un point d, que l'on regardera comme la projection
verticale du sommet de l'angle observé. Gela fait, si
par le point d on mène la droite cCB, qui fasse avec
l'horizontale un angle d!BA égal à celui que le premier
côté fait avec l'horizon, le point B sera la rencontre
de ce côté avec le plan horizontal. De même, si par le
point d on mène la droite dC, qui fasse avec l'horizon-
tale un angle c^CA égal à celui que le deuxième côté
fait avec l'horizon, et si du point A comme centre, avec
le rayon AC, on décrit un arc de cercle indéfini CEE,
le deuxième côté ne pourra rencontrer le plan horizontal
que dans un des points de l'arc CEE. Il ne s'agira donc
plus que de trouver la distance de ce point à quelque
autre point, comme B.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE, M)
Or, cette dernière distance est dans le plan de
l'angle observé. Si donc on mène la droite dD^ de ma-
nière que l'angle DdU soit égal à Tangle observé, et
si l'on porte dC de d en D, la droite DB sera égale à
cette distance.
Donc, si du point B, comme centre, et d'un inter-
valle égal à BD, on décrit un arc de cercle, K* point E,
où il coupera le i)remi('r arc CKi'\ sera \v j)oint de ren-
contre du deuxième côté avec le plan horizontal ; donc
la droite AE sera la projection horizontale de ce côté,
et l'angle BAE celle de l'angle observé. •»
Les neuf questions .qui précèdent sufllsent à peine
pour donner une idée de la méthode des projections;
elles ne peuvent en montrer toutes les ressources. Mais
à mesure que nous nous élèverons à des considérations
plus générales, nous aurons soin de faire les opérations
qui seront les plus propres à remplir cet objet.
II.
DES PLANS TANGENTS ET DES NORMALES
AUX SURFACES COURBES.
23. Comme il n'y a aucune surface courbe qui ne
puisse être engendrée de plusieurs manières par le
mouvement de lignes courbes, si par un point quel-
conque d'ime surface on considère deux génératrices
diiïérentes dans la position qu'elles doivent avoir,
lorsqu'elles passent l'une et l'autre par ce point, et
si l'on conçoit les tangentes en ce point à chacune des
deux génératrices, le plan mené par ces deux tangentes
4o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
est le plan tangent. Le point de la surface, dans lequel
les deux génératrices se coupent, et qui est en même
temps commun aux deux tangentes et au plan tan-
gent, est le point de contact de la surface et du plan.
La droite menée par le point de contact perpendi-
culairement au plan Langent s'appelle normale à la
surface. Elle est perpendiculaire à l'élément de la sur-
face, parce que la direction de cet élément coïncide,
dans tous les sens, avec celle du plan tangent, qui peut
en être r(;gardé comme le prolongement.
24. La considération des plans tangents et des nor-
males aux surfaces courbes est très utile à un grand
nombre d'arts ; et, pour plusieurs d'entre eux, elle est
absolument indispensable. Nous n'apporterons ici
qu'un seul exemple de chacun de ces deux cas, et nous
les prendrons dans l'Architecture et dans la Peinture.
Les différentes parties dont sont composées les
voûtes en pierres de taille, se nomment poussoirs ' et
l'on appelh^ joints les faces par lesquelles deux vous-
soirs contigus se touchent, soit que ces voussoirs
fassent partie d'une même assise, soit qu'ils soient
compris dans deux assises consécutives.
La position des joints dans les voûtes est assujétie
à plusieurs conditions qui doivent être nécessairement
remplies. Nous ferons connaître successivement toutes
ces conditions dans la suite du cours; mais, dans ce
moment, nous ne nous occuperons que de celle qui a
rapport à notre objet.
Une des conditions auxquelles la position des joints
doit satisfaire, c'est qu'ils soient perpendiculaires
entre eux, et que les uns et les autres rencontrent per-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 4l
pendiculaircment la surface de la voûte. Si l'on s'écar-
tait, sensiblement de cette loi, non seulement on bles-
serait les convenances générales, sans lesquelles rien
ne peut avoir de la grâce, mais encore on s'exposerait
à rendre la voûte moins solide et moins durable : car,
si l'un des joints était oblique à la surface de la voûte,
des deux voussoirs contigus à ce joint, l'un aurait
un angle obtus, l'autre un anj^le aigu; et dans la réac-
tion que les deux voussoirs exercent l'un sur l'autre,
ces deux angles ne seraient pas capables de la même
résistance; à cause de la fragilité des matériaux, l'angle
aigu serait exposé à éclater; ce qui altérerait la forme
de la voûte, et compromettrait la durée de l'édifice.
Ainsi la décomposition d'une voûte en voussoirs exige
donc absolument la considération des plans tangents
et des normales à la surface courbe de la voûte.
'i5. Passons à un autre exemple pris dans un genre
qui, au premier coup d'œil, ne paraît pas susceptible
d'une aussi grande sévérité.
On a coutume de regarder la Peinture comme com-
posée de deux parties distinctes. L'une est l'art pro-
prement dit : elle a pour objet d'exciter dans le specta-
teur une émotion déterminée, de faire naître en lui un
sentiment donné, ou de le mettre dans la situation qui
le disposera le mieux à recevoir une certaine inqjres-
sion; elle suppose dans l'artiste une grande habitude
de la philosophie ; elle exige de sa part les connaissances
les plus exactes sur la nature des choses, sur la manière
dont elles agissent sur nous, et sur les signes, même
involontaires, par lesquels cette action se manifeste;
elle ne peut être que le résultat d'une éducation très
h' LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
distinguée, que l'on ne donne à personne, et que nous
sommes bien éloignés de donner à nos jeunes artistes ;
elle n'est soumise à aucune règle générale; elle ne sup-
porte que des conseils.
L'autre partie de la peinture en est, à proprement
parler, le métier : son but est l'exécution exacte des
conceptions de la première. Ici rien n'est arbitraire;
tout peut être prévu par un raisonnement rigoureux,
parce que tout est le résultat nécessaire d'objets con-
venus et de circonstances données. Lorsqu'un objet
est déterminé de forme et de position, lorsque l'on con-
naît la nature, le nombre et la position de tous les
corps qui peuvent l'éclairer, soit par une lumière
directe, soit par des rayons réfléchis; lorsque la posi-
tion de l'œil du spectateur est fixe; lorsque enfin
toutes les circonstances qui peuvent influer sur la
vision sont bien établies et connues, la teinte de
chacun des points de la surface visible de cet objet
est absolument déterminée. Tout ce qui a rapport à la
couleur de cette teinte et à son éclat dépend de la
position du plan tangent en ce point à l'égard des
corps éclairants et de l'œil du spectateur : elle peut
être trouvée par le seul raisonnement; et lorsqu'elle
est ainsi déterminée, elle doit être appliquée avec
exactitude. Tout afîaiblissement, toute exagération
changeraient les apparences, altéreraient les formes
et produiraient un autre effet que celui qu'attend
l'artiste.
Je sais bien que la rapidité de l'exécution, (|ui est
souvent nécessaire, ne permettrait que bien rarement
l'emploi d'une méthode qui priverait l'esprit de tout
secours matériel, et l'abandonnerait à l'exercice de ses
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 43
seules facultés, et qu'il est beaucoup plus facile au
peintre de poser les objets, d'observer leurs teintes et
(le los imiter : mais s'il était accoutumé à considérer
lès ])usilions des plans tangents et les deux courbures
des surfaces en chacun de leurs points, courbures qui
IVronl l'objet de leçons ultérieures, il tirerait de ce
moyen matériel un parti plus avantageux; il serait en
état de rétablir les ciîets que l'omission de quelques
circonstances a empêché de naîlrc, et de supprimer
Cj«;ux auxquels donnent lieu des circonstances étran-
gères.
Enfin, les expressions vagues, comme celles de
méplat^ clair-obscur^ que les peintres emploient à
chaque instant, sont un témoignage constant du
besoin qu'ils ont de connaissances plus exactes et de
raisonnements plus rigoureux.
26. Indépendamment de son utilité dans les arts,
la considération des plans tangents et des normales
aux surfaces courbes, est un des moyens les plus fé-
conds que la Géométrie descriptive emploie pour la
résolution de questions qu'il serait très difiîcile de
résoudre par d'autres procédés, et nous en donnerons
quelques exemples.
27. La méthode générale, pour déterminer le plan
tangent à une surface courbe, consiste (23) à concevoir
par le point de contact les tangentes à deux courbes
génératrices différentes qui passeraient par ce point,
et à construire le plan qui passerait par ces deux
droites. Dans quelques cas particuliers, pour abréger
les constructions, on s'écarte un peu de cette méthode
44 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
prise à la lettre, mais on fait toujours l'équiva-
lent.
Quant à la construction de la normale, nous ne nous
en occuperons pas en particulier, parce qu'elle se
réduit à celle d'une droite perpendiculaire au plan
tangent, ce que nous savons faire.
28. Première question. — Par un point considéré
sur une surface cylindrique, et dont la projection
horizontale est donnée, mener un plan tangent à cette
surface ?
Solution. — Soint AB, ah {fig. 12) les projec-
tions horizontale et verticale de la droite donnée,
à laquelle la génératrice de la surface cylindrique
doive être parallèle; soit EPD la courbe donnée dans
le plan horizontal, sur laquelle la génératrice doive
constamment s'appuyer, et que l'on peut regarder
comme la trace de la surface cylindrique; enfin soit G
la projection horizontale donnée du point considéré
sur la surface cylindrique, par lequel doive êlrc mené
le plan fangenl.
Gela ])0sé, par le point considéré sur la surface, et
dont la projection horizontale est en G, concevons
la droite génératrice dans la i)Osition qu'elle doit avoir
lorsqu'elle passe par ce point : cette génératrice étant
une ligne droite, elle sera elle-même sa propre tangente ;
elle sera donc une des deux droites qui détermineront
la position du plan tangent; de plus, elle sera parallèle
à la droite donnée : donc ses deux projections seront
respectivement parallèles à AB et ah\ donc si par le
point G on mène à AB une parallèle indéfinie EF, on
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
aura la projection horizontale de la génératricf. Pour
avoir sa projection verticale, concevons la génératrice
prolongée sur la surface cylindrique jusqu'à ce qu'elle
rencontre le plan horizontal; elle ne le pourra faire
que dans un point qui sera en même temps sur la pro-
jection EF et sur la courbe EPD, et qui sera, par con-
séquent, l'intersection de ces deux lignes : ainsi l'on
déterminera ce point, en prolongeant EF jns(|u'i'i ce
qu'elle coupe quelque part la courbe EPI).
Ici il se présente deux cas : ou la droite EF ne cou-
pera la trace du cylindre qu'en un seul point, ou elle
le coup( ra en plusieurs points. Nous allons examiner
ces deux cas séparément, et supposer d'abord que
quelque prolongée que soit la droite EF, elle ne ren-
contre la courbe EPD qu'en un seul point D.
Le point D étant la trace de la génératrice, si on le
projette sur le plan vertical au moycndola ]>("rp;'i!(1i('u-
laire D</, et si par le point d on mène df parallèle à ab,
on aura la projection verticale* de la génératrice. Ainsi
on aura les deux projections d'une des droites par
lesquelles doit passer le plan tangent demandé. De
pluF, la projection vcriicale du point de contact doit
se trouver sur la droite Ce' menée du point donné C
perpendiculairement à LM; elle doit aussi se trouver
sur df; donc elle sera au point c d'intersection de ces
deux lignes.
Si la droite EF coupe la trace EPD de la surface
cylindrique en plusieurs points D, E, on opérera pour
chacun de ces points de la même manière que nous
venons de le décrire pour le point D, regardé comme
seul; il en résultera seulement qu'on aura les projec-
tions verticales c//, ef d'autant de droites génératrices,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 4?
et les projections verticales c, c' d'autant de points
de contact qu'il y aura de points d'intersection entre
la droite EF et la trace EPD.
Dans le cas de la figure 12, la trace de la surface
cylindrique est une circonférence de cercle qui a la
propriété d'être coupée par une droite en deux points :
ainsi la verticale élevée par le point donné C doit ren-
contrer deux fois la surface, d'abord dans un premier
point, dont la jnojeclion verticale est c, et par laquelle
])assc la jjjénéralrice, iorsqu'elliî s'ai)puie sur le point 1),
et ensuite dans un second point, dont la projection
verticale est c\ et par laquelle passe la génératrice
lorsqu'elle s'appuie sur le point E de la trace. Ces deux
points, quoi(pi'ils aient la même projection horizon-
tale, sont néanmoins très distincts, et à chacun d'eux
doit répondre un plan tangent particulier. Actuelle-
ment, pour chacun des deux points de contact, il faut
trouver la deuxième d oite qui doit déterminer la posi-
tion du plan tangent. Si l'on suivait strictement la
méthode générale, en regardant la trace comme une
seconde génératrice, il faudrait la concevoir passant
successivement par chacun des points de contact, et
construire dans chacun de ces points une tangente;
mais, dans le cas particulier des surfaces cylindriques,
on peut employer une considérai ion plus simple. En
effet, le plan tangent au point C, c touche la surface
dans toute l'étendue de la droite génératrice qui passe
par ce point; il la touche donc en D, qui est un point
de cette génératrice ; il doit donc passer par la tangente
à la trace au point D. Par un semblable raisonnement
on trouvera que le plan tangent en C, c' doit passer
par la tangente à la trace en E. Donc, si par les deux
48 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
points D, E on mène à la trace les deux tangentes DK,
EG, prolongées jusqu'à ce qu'elles coupent la droiteLM
en deux points K, G, on aura sur le plan horizontal
les traces des deux plans tangents.
Il ne reste donc plus à trouver que les traces des
mêmes plans sur le plan vertical; et parce que nous
avons déjà pour l'une de ces traces le point K, et pour
l'autre le point G, il ne reste plus à déterminer qu'un
seul point pour chacune d'elles.
Pour cela, et en opérant pour le premier des deux
plans tangents, concevons que le point à construire
soit celui dans lequel une horizontale menée dans le
pian par le point de contact rencontre le pian vertical;
on aura la projection horizontale de cette droite en
menant par le point G une parallèle à la trace DK,
qu'on prolongera jusqu'à ce qu'elle rencontre la
droite LM en un point 1; et l'on aura sa projection
verticale en menant par le point c une horizontale
indéfinie. Le point de rencontre du plan vertical avec
l'horizontale se trouvera donc en même tenq)s et sur
la verticale \i et sur l'horizontale ci; il sera au point i
de leur intersection; donc, si par les points i et K on
mène une droite, on aura la trace du premier plan
tangent sur le plan vertical. En raisonnant de môme
pour le second pian tangent, on trouvera sa trace sur
ie plan vertical en menant par le point C une droite CH
parallèle à la trace horizontale EG, et on la prolon-
gera jusqu'à ce qu'elle coupe LM en un point H, par
lequel on élèvera la verticale LI^; par le point c' on
mènera une horizontale qui coupera la verticale H h
en un jtoint A, par lequel et par le point G si l'on mène
une droite G//, on aura la trace demandée.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 49
29. Deuxième question. — Par un point considéré
sur une surface coni<iue, et dont la projection horizon-
tale est donnée, mener un plan tangent à cette sur-
lace ?
La solution de cette question ne diffère de celle de
la précédente qu'en ce que la droite génératrice, au
lieu d'être toujours parallèle à elle-même, passe
toujours par le sommet dont les deux projections
sont données. Nous pensons qu'il eut convenable de
ne pas l'énoncer ici, et de conseiller au lecteur de la
chercher lui-même, en lui offrant le secours de la
ligure lo, si toutefois cela était nécessaire.
30. Troisième question. — Par un point consi-
déré sur une surface de révolution autour d'un axe
a; rlical, et donné sur la projection horizontale, mener
un i)lan tangent à la surface ?
Solution. — Soient A {/ig. i/|) la projection
horizontale donnée de l'axe, aa' sa projection verti-
cale, BCDEF la courbe génératrice donnée, consi-
dérée dans un plan mené par l'axe, et G la projection
horizontale donnée du point de contact.
Gela posé, si par le point de contact et par l'axe on
conçoit un plan vertical dont la projection sera
l'horizontale indéfinie AG, ce plan coupera la surface
de révolution dans une courbe qui sera la génératrice,
])assant par le point de contact; si par le point G on
conçoit une verticale, elle rencontrera la génératrice
et par conséquent la surface en un ou plusieurs points
qui seront autant de points de contact, dont G sera
la })rojection horizontale! commune. Un trouvera tous
MONGK. — I. 4
5o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 5l
ces points de contact considérés dans le plan de la
génératrice en portant AG sur LM, de a m e, et en
menant par le point e une ])arallcle à au ; tous los
points 1% (1, dans lesquels cette tlroitc coupera la
courbe BCDEF, seront les intersections de la courbe
génératrice avec la verticale menée par le point G, et
indi({iieront les hauteurs d'autant de points do contact
au-dessus du ]>ian horizontal. P<tur avoir les projec-
tions verticales de ces points de contact, on mènera
par tous les points E, C des horizontales indéfinies,
(jiii contiendront ces projections : mais elles doivent
aussi se trouver sur la perpendiculaire à LM, menée
par le point G; donc les intersections g, g' de cette
droite avec les horizontales seront les projeelions des
différents points de contact.
Actuellement, si, par chaque point de conlact, on
conçoit une section faite par un plan horizontal, cette
section, qui pourra être regardée comme une seconde
génératrice, sera la circonférence d'un cercle dont
le centre sera dans l'axe, et dont la tangente, qui doit
être perpendiculaire à l'extrémité du rayon, sera aussi
perpendiculaire au plan vertical mené par AG, et dans
le({uel se trouve le rayon : donc le plan tangent, qui
doit passer par cette tangente, sera aussi perpendi-
culaire à ce même plan vertical, et aura, sur le plan
horizontal, sa trace perpendiculaire à AG. Il ne reste
donc plus, pour avoir la trace de chacun des plans
tangents, que de trouver sa distance au point A : or,
si par les points E, C on mène à la première généra-
trice les tangentes El, CH, prolongées jusqu'à ce
qu'elles rencontrent LM en des points I, H, les
droites ol, ali seront égales à ces distances; donc, si
52 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
l'on porte ces droites de A en i et de A en h, et si par
les points i et h on mène à AG des perpendiculaires iQ,
/tP, prolongées jusqu'à la rencontre de la droite LM,
on aura, sur le plan horizontal, les traces de tous les
plans tangents.
Pour trouver sur le plan vertical les traces des
mêmes plans, il faut concevoir, par chaque point de
contact, et dans le plan langent correspondant, une
horizontale prolongée jusqu'au plan vertical de pro-
jection; cette droite, qui n'est autre chose que la tan-
gente au cercle, déterminera sur ce plan un point qui
appartiendra à la trace. Or, pour tous les pohits du
contact, ces droites ont la même projection horizon-
tale; c'est la droite GK, menée par le point G perpen-
diculairement à AG, et terminée à la droite LM. Donc,
si par le point K on mène à LM une perpendiculaire
indéfinie KA/i', elle contiendra tous les points de ren-
contre des horizontales avec le plan vertical de pro-
jection. Mais ces points de rencontre doivent aussi se
trouver sur les horizontales respectives menées par
les points E, G; donc les intersections /x, k' de ces
horizontales avec la verticale Kk' seront chacune un
point de la trace d'im des plans tangents. Ainsi la
droite Q/i' sera, sur le plan verlieal, la trace d'un des
plans tangents; la droite Fk' sera la trace de l'autre;
et ainsi de suite, s'il y en avait un plus grand nombre.
Nous nous bornerons, dans ce moment, aux trois
exemples précédents, parce qu'ils suffisent pour toutes
les surfaces dont nous avons défini la génération. Dans
la suite de cet écrit, nous aurons occasion de considérer
les générations de familles de surfaces infiniment plus
nombreuses; et à mesure qu'elles se prét.enteront, nous
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 53
a|»pli(iueroiis la même méthode à la détermination de
leurs plans tangents et de leurs normales. Maintenant
nous allons proposer une question, dans la solution de
laquelle on peut employer d'une manière utile la consi-
dération d'un plan tangent.
.')1. QiATiuKMK QUKSTioN. — Dciix (Iroitcs étant
d(»nnées {fig. i5), par leurs projections horizon-
talcs AB, CD, et par leurs projections verticales ah^ cd^
construire les projections PN, pn de leur plus courte
distance, c'est-à-dire, de la droite qui est en même
temps ])erpendiculaire à l'une et à l'autre, et trouver
la grandeur de cette distance ?
Solution. — Par la première des deux droites
données, concevons un plan parallèle à la seconde, ce
qui est toujours possible, puisque si par un point
quelconque de la première on mène une droite paral-
lèle à la seconde, et si l'on conçoit que cette troisième
droite se meuve parallèlement à elle-même le long de
la })remière, elle engendrera le plan dont il s'agit. Con-
cevons de plus une surface cylindrique à base circu-
laire, qui ait pour axe la seconde droite donnée, et
pour rayon la distance cherchée; cette surface sera
touchée par le plan en une droite qui sera parallèle
à l'axe, et qui coupera la première droite en un point.
Si par ce point on mène une perpendiculaire au plan,
elle sera la droite demandée; car elle passera de fait
par un point de la première droite donnée, et elle lui
sera perpendiculaire, puisqu'elle sera perpendiculaire
à un plan qui passe par cette droite : elle coupera do
plus la seconde droite perpendiculairement, puisqu'elle
54 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
sera un rayon du cylindre dont cette seconde droite
est l'axe.
Il ne s'agit donc plus que de construire suroessive-
lïient toutes les parties de cette solution.
i*^ Pour construire les traces du plan parallèle aux
deux droites données, on mènera par un point quel-
conque de la première, une parallèle à la seconde; les
projections de cette parallèle seront parallèles aux
droites" CD, cd. La droite cd coupant la droite ah au
point h, si l'on abaisse de ce point la perpendiculaire
hb' B sur l'intersection comnuine LM des })lans de
projection, et si l'on mène par le point do la première
droite, dont les projections sont B et h, la parallèle
à la seconde droite, cette parallèle aura pour projec-
tions horizontale et verticale les droites BE, cd; elle
rencontrera le plan horizontal au point E, qu'on
obtient en menant la droite cE perpendiculairement
à l'intersection commune LM. Donc, si l'on joint les
points A et E par une droite, cette droite sera la trace
du plan parallèle aux deux droites données.
2^ Pour construire la ligne de contact du plan paral-
lèle aux deux droites données avec la surface cylin-
drique, il faut observer que cette ligne de contact est
parallèle à la seconde droite donnée, et qu'un seul
point de cette ligne détermine sa position. Pour trouver
ce point, on mène par un point quelconque de la se-
conde droite qui est l'axe du cylindre (par exemple,
par le point C, où elle rencontre le plan horizontal),
un plan perpendiculaire à cet axe; l'intt rsection de ce
plan avec le plan parallèle aux deux droites, est la
ligne de contact de ce dernier plan avec la base circu-
laire de la surface cylindrique.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 55
Le plan vertical CD ayant tourné autour do sa
trace CD pour s'applicpier sur le plan horizontal, on
construira l'angle ^'Cp que la seconde droite donnée
fait avec le plan horizontal, en prenant une verticale
^'(5 égale à b' b. Le même plan vertical CD coupe le
plan parallèle aux deux droites, guivant la droite FK
parallèle à Cl). D'où il suit que le plan ])erj)endicu-
laire à l'axe du cylindre mené par le point C, coupe le
plan vertical CD suivant la droite CK perpendiculaire
à C (3' ou à 1/K, et le plan horizontal suivante la droite
Cil perpendiculaire à CD.
Ce })lan perpendiculaire à l'axe du cylindre, tournant
autour de sa trace horizontale CH pour venir s'appli-
quer sur le plan horizontal, le point K s'abaisse en K';
le point H de la trace AE reste fixe, et la droite HK'
est l'intersection du plan tangent à la surface cylin-
drique, et du plan perpendiculaire à l'axe de cette
surface. Donc, si du point C on abaisse la perpendicu-
laire CI sur cette droite HK', le cercle décrit du
point C comme centre, avec le rayon CI, est la base
de la surface cylindrique, et la droite IN, parallèle
à CD, est la projection horizontale de l'arête de con-
tact. Cette arête coupe la première droite en un point
dont les projections sont N et n, et par lequel passe
la perpendiculaire aux deux droites données.
3^ Connaissant les projections N, n d'un des points
de la perpendiculaire commune demandée, pour avoir
celles de cette perpendiculaire, il suffira de mener par
le point N la droite NPQ perpendiculaire à la trace AE.
Cette droite coupe la projection horizontale CD de la
seconde droite donnée au point P, extrémité de la
projection horizontale NP de la perpendiculaire de-
56 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
mandée. La projection verticale de cette perpendicu-
laire étant np, on en construira la grandeur par le pro-
cédé de la figure 3.
, La considération d'une surface cylindrique touchée
par un plan n'était point nécessaire pour la solution
de la question précédente. Après avoir imaginé un plan
parallèle aux deux droites données, on aurait pu, par
chacune de ces droites, mener à ce plan un plan per-
pendiculaire ; et l'intersection de ces deux derniers plans
aurait été la direction de la plus courte distance
demandée. Nous nous contenterons d'énoncer cette
seconde manière, en conseillant au lecteur d'en cher-
cher la construction pour s'exercer.
32. Dans les différentes questions que nous avons
résolues sur les plans tangents aux surfaces courbes,
nous avons toujours supposé que le point par l(K[uel
il fallait mener le plan tangent était pris sur la sur-
face, et qu'il était lui-même le point de contact : cette
condition seule suffisait pour déterminer la position
du plan. Mais il n'en est pas de même lorsque le point
par lequel le plan doit passer est pris hors de la sur-
face.
Pour que la position d'un plan soit déterminée, il
faut qu'il satisfasse à trois conditions différentes, équi-
valentes chacune à celle de passer par un point donné :
or, en général, la propriété d'être tangent à une sur-
face courbe donnée, lorsque le point de contact n'est
pas indiqué, n'équivaut qu'à une seule de ces condi-
tions. Si donc c'est par des conditions de cette nature
que l'on se propose de déterminer la position d'un
plan, il en faut, en général, trois. En effet, supposons
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
quo nous ayons trois surfaces courbes données, et
qu'un plnn soit tangint à l'une d'entre elles, en un
point quelconque ; nous pouvons concevoir que ce plan
se meuve autour de la surface, sans cesser de la toucher :
il pourra le faire dans toutes sortes de sens; seulement
le point de contact se mouvra sur la surface à mesure;
que le plan langent changera de position, et la direc-
tion du mouvement du point de contact sera dans le
même s(;ns que celle du mouvement du plan. Conce-
vons que ce mouvement se fasse dans un certain sens
jus([u'à C(; que h) i>lan rencontre la seconde surface
et la touche en un certain point ; alors le plan sera en
même temps tangent aux deux premières surfaces, et
sa i)Osition ne sera pas encore arrêtée. Nous pouvons
en eiïet concevoir que le plan tourne autour des deux
surfaces, sans cesser de les toucher l'une cl l'autre. Il
ne sera plus libre, coninu; aupariuaul, de se mouvoir
dans toutes sortes de sens, et il ne jtourra plus le faire
que dans un seul. A mesure que le plan eh;!n<^(ra de })0-
sition, les deux points de contact se mouvront chacun
sur la surface à laquelle il appartient ; d(; manière (juc
si l'on conçoit une droite menée i)ar ces deux points,
leurs mouvements seront dans le même sens par rap-
port à cette droite, quand le plan touchera les deux
surfaces du même côté; et ils seront dans des sens
contraires, quand le plan louchera les deux surfaces,
l'une d'un côté, l'autre de l'autre. Enfin concevons
que ce mouvement, qui est le seul qui puisse avoir
encore lieu, continue jusqu'à ce que le plan touche
la troisième surface en un certain point : alors la po-
sition du plan sera arrêtée; et il ne pourra plus se mou-
voir sans cesser d'être tangent à l'une des trois surfaces.
58 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
On voit donc que pour déterminer la position d'un
plan, au moyen de contacts indéterminés avec des
surfaces courbes données, il en faut en général trois.
Ainsi, si l'on se proposait de mener un plan tangent
à une surface courbe donnée, cette condition n'équi-
vaudrait qu'à une seule des trois auxquelles le plan
peut satisfaire : on pourrait donc encore en prendre
deux autres à volonté, et, par exenqde, faire passer
le plan par deux points donnés, ou, ce qui revient au
même, par une droite donnée. S'il fallait que le plan
fût tangent en même temps à deux surfaces, il y aurait
deux conditions employées; il n'y en aurait plus qu'une
disponible, et l'on ne pourrait assujétir de plus le plan
qu'à passer par un point donné. Enfin, si le plan devait
toucher en même temps trois surfaces données, on ne
pourrait plus disposer d'aucune condition, et. sa posi-
tion serait déterminée.
Ce que nous venons de dire regarde les surfaces
courbes en général; il faut néanmoins en excepter ce
qui a rapport à toutes les surfaces cylindriques, à
toutes les surfaces coniques, et à toutes les surfaces
développables ; car, pour ce genre de surfaces, le con-
tact avec un pian n'est pas réduit à un point unique;
il s'étend tout le long d'une droite indéfinie qui se
confond avec la génératrice dans une de ses positions.
La propriété qu'aurait un plan de toucher une seule
de ces surfaces, équivaudrait à deux conditions,
puisqu'elle l'assujétirait à passer par une droite; et il
ne resterait plus qu'une seule condition disponible,
comme, par exemple, de passer par un point donné.
On ne pourrait donc pas proposer de mener un plan
qiii fût en même temps tangent à deux de ces surfaces,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. JQ
et à plus forlo raison à trois, à moins qu'il n'y eût
quelcjucs circonstances parlicuiicres qui rendissent ces
conditions compatibles.
.'j3. Il nVst peut-êlre ])as inutile, avant, «(ue d'aliir
plus loin, de donner quelques exemples de la nécessité
où l'on peut être de nuMier des plans tangents à des
surfaces courbes par des points pris au dehors d'elles.
Nous prendrons le premier de ces exemples dans la
construction des fortifications.
rA)rsqu'on expose les principes généraux de la for-
tilicalion, on suppose d'abord (pie, dans tous les sens,
le terrain qui environne la place forte à la portée du
canon soit horizontal, et ne présente aucune émi-
nence qui puisse donner quelque avantage à l'assié-
geant : puis, dans cette hypothèse, on détermine le
tracé du corps de place, des demi-lunes, des chemins
couverts, et des ouvrages avancés; et l'on indique les
commandements que les difïércntcs parties de la for-
tification doivent avoir les unes sur les autres, afin
qu'elles contribuent toutes, de la manière la plus elli-
cace, à leur défense réciproque. Ensuite, pour faire
l'application de ces principes au cas où le terrain qui
environne la place présenterait quelque liautiur dont
l'assiégeant pourrait profiter, et de laquelle il faudrait
que la fortification fût défilée, il ne reste plus qu'une
considération nouvelle. S'il n'y a qu'une seule hauteur,
on choisit dans la place deux points par lesquels on
conçoit un plan tangent à la hauteur de laquelle on
veut se défiler : ce plan tangent se nomme phin de
défilement; et l'on donne à toutes les parties de la for-
tification le même relief au-dessus du plan de défile-
6o LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
ment, qu'elles auraient eu au-dessus du plan horizontal,
si le terrain eût été de niveau : par là elles ont les unes
sur les autres, et toutes ensemble sur la hauteur voi-
sine, le mêiiK; commandement que sur un terrain
horizontal; et !a fortification a les mêmes avantages
que dans le premier cas. Quant au choix des deux
points par lesquels doit passer le plan de défilement,
il doit satisfaire aux deux conditions suivantes :
i'^ que l'angle forjnc par le pian avec l'horizon soit
le plus petit possible, afin que les terre-pleins ayant
moins de pente, le service de la défense rencontre
moins de diiïicultés; 2^ que le relief de la fortification
au-dessus du terrain naturel soit aussi le plus petit
possible, afin que sa construction entraîne moins de
travail et moins de dépense.
Si, dans les environs de la place, il y a deux hauteurs
desquelles la fortification doive être en même temps
défilée, le plan de défil(;nu nt doit être en même temps
langent aux surfaces de ces deux éminences : il ne
reste plus, pour fixer sa position, qu'une seule condi-
tion disponible, et l'on en dispose; c'est-à-dire, on
choisit dans la place le point par lequel ce plan doit
passer, de manière que l'on satisfasse le mieux pos-
sible aux conditions énoncées dans le premier cas.
^Î4. Le second exemple que nous rapporterons sera
encore pris dans la peinture.
Les surfaces des corps, surtout lorsqu'elles sont
polies, présentent des points brillants, d'un éclat com-
parable à celui du corps lumineux qui les éclaire. La
vivacité de ces points est d'autant plus grande, et leur
étendue est d'autant plus petite, que les surfaces sont
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 6l
plus polies. Lorsque les surfaces sont mates, les points
brillants ont beaucoup moins d'éclat, et ils occupent
une partie plus grande de la surface.
Pour chaque surface, la position du point brillant
est déterminée par la condilion suivante : que le
rayon de lumière incident, et le rayon réfléchi dirigé
ù Tœil du spectateur, soient dans un même plan pcr-
]);'ndiculaire au plan tangent en ce point, et fassent
avec ce plan des angles égaux, parce que le point
brillant de la surface fait fonction de miroir, et renvoie
à l'œil une partie de l'image de robjel lumineux. La
détermination de ce point exige une extrême préci-
sion ; et quand même le dessin serait de la plus grande
correction, quand même les contours apparents
seraient tracés avec une exactitude mathématique,
la moindre erreur commise dans la position du point
brillant en apporterait de très grandes dans l'appa-
rence des formes. Nous n'en apporterons qu'une seule
preuve, mais bien frappante.
La surface du globe de l'œil est polir; elle est de plus
enduite d'une légère couche d'humidité qui en rend
le poli plus parfait : aussi lorsqu'on observe un œil
ouvert, on voit sur sa surface un point brillant d'un
grand éclat, d'une très petite étendue, et dont la posi-
tion dépend de celle de l'objet éclairant et de l'obser-
vateur. Si la surface de l'œil était parfaitement sphé-
rique, l'œil pourrait tourner autour de son axe ver-
tical, sans que la position du point brillant éprouvât
le moindre changement : mais cette surface est allongée
dans le sens de l'axe de la vision: et lorsqu'elle tourne
autour de l'axe vertical, la position du point brillant
change. Un long exercice nous ayant rendus très sen-
6-1 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
?:ib]es à ce changement, il entre pour beaucoup dans le
jugement que nous portons sur ]a direction du globe
de l'œil. C'est principalement par la différence des
positions des points brillants sur les globes des deux
yeux d'une personne, que nous jugeons si elle louche
ou si elle ne louche pas; que nous reconnaissons qu'elle
nous regarde, et, lorsqu'elle ne nous regarde pas, de
quel côté elle porte la vue.
En rapportant cet exemple, nous ne prétendons pas
que, dans un tableau, il faille déterminer géométri-
quement la position du point brillant sur le globe de
l'œil; nous avons seulement l'inlention de faire voir
comment de légères erreurs dans la position de ce point
en apportent de considérables dans la forme apparente
de l'objet, quoique d'ailleurs le tracé de son contour
apparent reste le même.
35. Passons actuellement à la détermination des
plans tangents aux surfaces courbes menés par des
points pris au dehors d'elles.
La surface de la sphère est une des plus simples que
Ton puisse considérer; elle a des générations communes
avec un grand nombre de surfaces différentes : on pour-
rait, par exemple, la ranger parmi les surfaces de révo-
lution, et ne rien dire de parUculicr pour elle. Mais sa
régularité donne lieu à des résultats remarquables,
dont quelques-uns sont piquants par leur nouveauté,
et dont nous allons nous occuper d'abord, moins
pour eux-mêmes, que pour acquérir, dans l'observa-
tion des trois dimensions, une habitude dont nous
aurons besoin pour des objets plus généraux et plus
utiles.
GÉOMÉTRIE OF-SCRIPTIVE. ()3
36. Première <^>uEsrioN. — Par une droite donnée
mener un plan tangent à la surface d'une sphère donnée ?
Svlullon. — Première manière. — Soient A et a
[fig. i6) les deux projections du centre de la sphère;
BCD, la projection du grand cercle horizontal; EF
et r/, les deux projections indéfinies de la droite
donnée. Soit conçu, par le centre de la sphère, un plan
perpendiculaire à la droite, et soient construites, par
la méthode que nous avons donnée (fig. 6), les pro-
jections G et i^ du point de rencontre de la droite avec
le ])IiUi.
Cela posé, il est évident que, par la droite donnée,
on peut mener à la sphère deux plans tangents dont
le premier la touchera d'un côté, le second la touchera
de l'autre, et entre lesquels elle sera placée; ce qui
déterminera deux points de contact diiïérents, dont
il s'agit d'abord de construire les projections.
Pour cela, si, du centre de la sphère, on conçoit: une
perpendiculaire abaissée sur chacun des deux plans
tangi'nts, chacune d'elles aboutira au point de contact
de la surface de la sphère avec le plan correspondant;
et elles seront toutes deux dans le plan perpendicu-
laire à la droite donnée : donc les deux points de con-
tact seront dans la section de la sphère par le plan
perpendiculaire; section qui sera la circonférence d'un
des grands cercles de la sphère, et à laquelle seront
tangentes les deux sections faites dans les pians tan-
gents par le même plan.
Si, dans le pran perpendiculaire, et par le centre de
la sphère, on conçoit une horizontale, dont on aura
la projectioA verticale en menant l'horizontale a/i, et
64 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. G5
dont on aura l'autre projection en abaissant sur EF
la perpendiculaire AH; et si Ton conçoit que le plan
perpendiculaire tourne autour de cette horizontale
comme charnière, jusqu'à ce qu'il devienne lui-même
horizontal; il est évident que sa section avec la sur-
face de la sphère viendra se confondre avec la circon-
férence BGD, que les deux points de contact seront
alors sur cette circonférence, et que si l'on construisait
le point J, où la rencontre du plan perpendiculaire
avec la droite donnée vient s'appliquer par ce mouve-
ment, les tangentes JC, JD, menées au cercle BGD,
détermineraient ces doux points de contact dans la
position où on les considère alors. Or, il est facile de
construire le point J, ou, ce qui revient au même, de
trouver sa distance au point H : car la projection
horizontale de cette distance est GII, et la différence
des hauteurs verticales de ses extrémités est gg' ; donc,
si l'on porte GH sur l'horizontale ah de g' en /t, l'hypo-
ténuse hg sera la grandeur de cette distance; donc,
portant gh sur EF de H en J, et menant les deux tan-
gentes JC, JD, les deux points de contacts C, D seront
déterminés dans la position qu'ils ont prise, lorsque le
plan perpendiculaire a été abattu sur le plan horizontal.
Actuellement, pour trouver leurs projections dans
la position qu'ils doivent avoir naturellement, il faut
concevoir que le plan perpendiculaire retourne à sa
position primitive, en tournant encore autour de
l'horizontale AH comme charnière, et qu'il entraîne
avec lui le point J, les deux tangentes JC, JD, pro-
longées jusqu'à ce qu'elles coupent AH en des points K,
K', et la corde CD qui coupera aussi la même droite
AH en un point N. Il est évident que, dans ce mouve-
MO.NGK. — 1. 5
66 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE,
ment, les points K, K' et N, qui sont sur la charnière,
seront fixes, et que les deux points de contact C, D
décriront des arcs de cercle qui seront dans des plans
perpendiculaires à la charnière, et dont on aura les
projections horizontales, en abaissant des points C,
D, sur AH, les perpendiculaires indéfinies CP, DQ.
Donc les projections horizontales des deux points de
contact se trouveront sur les deux droites CP, DQ.
Mais dans le mouvement rétrograde du plan perpen-
diculaire, les deux tangentes JGK', JKD ne cessent
pas de passer par les points de contact respectifs; et
lorsque ce plan est parvenu dans sa position primi-
tive, le point J se trouve de nouveau projeté en G,
et les deux tangentes sont projetées suivant les
droites GK', GK. Donc ces deux dernières droites
doivent aussi contenir chacune la projection horizon-
tale d'un des points de contact, donc enfin les inter-
sections de ces deux droites, avec les droites respectives
CP, DQ, détermineront les projections horizontales D
et S des deux points de contact qui se trouveront
avec le point N sur une même ligne droite.
Poul" trouver les projections verticales des mêmes
points, on mènera d'abord sur LM les perpendiculaires
indéfinies Rr, S s; puis si l'on projette les points K,
K', en A-, A', et si, par le point g, on mène les droites
gA', gA', on aura les projections verticales des deux
mêmes tangentes. Ces droites contiendront donc les
projections des points de contact respectifs; donc les
points r, s de leurs intersections avec les verticales Rr,
S 5 seront les projections demandées.
Les projections horizontales et verticales des deux
points de contact étant trouvées, pour construire sur
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 67
1r plan horizontal les traces des deux plans tangents,
on concevra, par chacun des points de contact, une
parallèle à la droite donnée. Ces droites seront dans les
plans tangents respectifs, et Ton aura leurs projections
horizontale et verticale en menant RU, SV parah
lèles à EF, et rw, s<^ parallèles à ef. On construira, sur
le plan horizontal, la trace T de la droite donnée, et les
traces U, V des deux dernières droites; et les droites
TU, TV seront les traces des deux plans tangents.
Au lieu de concevoir, par les points de contact, de
nouvelles lignes droites, on pourrait trouver les traces
des deux tangentes GR, GS, qui rempliraient le nienic
but. Quant aux traces des deux mêmes plans avec le
plan vertical, on les trouvera par la méthode que nous
avons déjà souvent employée.
Cette solution pourrait être rendue beaucoup plus
élégante, en faisant passer les deux plans de projection
par le centre même de la sphère. Par là les deux pro-
jections de la sphère se confondraient dans le même
cercle, et les prolongements des lignes droites seraient
moins longs. Nous n'avons séparé les deux projec-
tions que pour mettre plus de clarté dans l'exposition.
Il est facile actuellement de donner à la construction
tonte la concision dont elle est susceptible.
37. Seconde manière. — Soient A et a (/?g. 17) les
deux projections du centre de la sphère, AB ou ah son
rayon, BGD la projection de son grand cercle hori-
zontal, et EF, ef les projections de la droite donnée.
Si l'on conçoit le plan du grand cercle horizontal pro-
longé jusqu'à ce qu'il coupe la droite donnée en un
certain point, on aura la projection verticale de ce plan
68 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
en menant par le point a l'horizontale indéfinie bag;
le point g, où cette horizontale coupera e/, sera la pro-
jection verticale du point de rencontre du plan avec
la droite donnée, et l'on aura la projection horizontale
G de ce point, en projetant g sur EF.
Cela posé, si, en prenant ce même point pour sommet,
on conçoit une surface conique qui enveloppe la sphère,
et dont toutes les droites génératrices la touchent
chacune en un point, on aura les projections des deux
droites génératrices horizontales de cette surface
conique en menant par le point G les deux droites GC,
GD, tangentes au cercle BCD, et qui le toucheront en
deux points C, D, qu'il sera facile de déterminer. La
surface conique touchera celle de la sphère dans la cir-
conférence d'un cercle, dont la droite CD sera le dia-
mètre, dont le plan sera perpendiculaire à l'axe du
cône, et par conséquent vertical, et dont la projection
horizontale sera la droite CD.
Si, par la droite donnée, on conçoit deux plans tan-
gents à la surface conique, chacun d'eux la touchera
suivant une de ces droites génératrices, qui sera en
même temps sur la surface conique et sur le plan;
et parce que cette droite génératrice touche aussi la
surface de la sphère en un de ses points qui se trouve
sur la circonférence du cercle projeté en GD, il s'ensuit
que ce point est en même temps sur la surface conique,
sur le plan qui la touche, sur la surface de la sphère,
et sur la circonférence du cercle projeté en CD, et qu'il
est un point de contact commun à tous ces objets.
Donc; i°les deux plans tangents à la surface conique
sont aussi tangents à la surface de la sphère, et sont
ceux dont il faut déterminer la position; 2^ leurs
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 69
points de contact avec la sphère, étant dans la circon-
férence du cercle projeté en CD, seront eux-mêmes
projetés quelque part sur cette droite; 3° la droite qui
passe par les deux points de contact, étant comprise
dans le plan du même cercle, sera projetée elle-même
indéfiniment sur CD.
Actuellement, faisons pour le plan d'un grand cercle,
parallèle à celui de la projection verticale, la même
opération que nous venons de faire pour le plan du
grand cercle horizontal. La projection horizontale de
ce plan sera la droite BAH, indéfiniment parallèle
à LM; le point où il rencontre la droite donnée sera
projeté horizontalement à l'intersection H des deux
droites EF, BAH; et l'on aura sa projection verticale
en projetant le point H sur ef en h. Si l'on conçoit une
nouvelle surface conique dont le sommet soit en ce
point de rencontre, et qui enveloppe la sphère comme
la première, on aura les projections verticales des deux
droites génératrices extrêmes de cette surface, en
menant parle point A, au cercle 6 Kl, les tangentes ^K,
h I, qui le toucheront en des points K, I, que l'on déter-
minera. Cette seconde surface conique touchera celle
de la sphère dans la circonférence d'un nouveau cercle
dont Kl sera le diamètre, et dont le plan, qui sera
perpendiculaire à celui de la projection verticale, sera
par conséquent projeté indéfiniment sur Kl. La cir-
conférence de ce cercle passera aussi par les deux
points de contact de la sphère avec les plans tangents
demandés; donc les projections verticales de ces deux
points de contact seront quelque part sur Kl; donc
aussi la droite qui joint ces deux points sera projetée
sur la même droite KL
70 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
Ainsi la droite menée par les deux points de contaet
est projetée horizontalement sur CD, et verticalement
sur K 1 ; elle rencontre le plan du grand cercle horizontal
en un point, dont la projection verticale est à l'inter-
seclion n de Kl, avec bag, et dont on aura la projec-
tion horizontale N en piojetant le point n sur CD.
Cela fait, concevons que Je plan du cercle v« rtical,
projeté en CD , tourne autour de son diamètre
horizontal comme charnière, pour devenir lui-même
horizontal, et qu'il entraîne avec lui, dans son mou-
vement, les deux points de contact par lesquels passe
sa circonférence, et la droite qui joint ces deux points.
On construira ce cercle dans cette nouvelle position,
en décrivant sur CD, comme diamètre, le cercle CPDQ;
et si l'on construisait la position que prend la droite
des deux points de contact, elle couperait la circonfé-
rence CPDQ en deux points, qui les détermineraient
sur cette circonférence considérée dans sa position
horizontale.
Or, le point N de la droite des deux contacts, étant
sur la charnière CD, ne change pas de position dans le
mouvement. Cette droite doit donc encore passer parce
point, lorsqu'elle est devenue horizontale. De plus, le
point où elle rencontre le plan du grand cercle paral-
lèle à la projection verticale, point dont la projection
horizontale est à la rencontre 0 des deux droites CD
BAH, et dont on aura la projection verticale t en pro-
jetant le point 0 sur Kl; ce point, dis-je, dans son
mouvement autour de la charnière CD, décrit, un quart
de cercle vertical perpendiculaire à CD, et dont le
rayon est la verticale ot; donc, si l'on mène, par le
point 0, une perpendiculaire à CD, et si, sur cette per-
CEOMéTRIE DESCRIPTIVE.
peiidiculaire, on porte ot de 0 en T, le point T sera un
de ceux de la droite des contacts, lorsqu'elle est de-
venue horizontale. Donc, si, par les points N et T, on
mène une droite, ses deux points de rencontre P, Q,
avec la circonférence CPDQ, seront les deux points de
contact considérés dans le plan vertical abattu.
Pour avoir les projections horizontales des deux
mêmes points dans leurs positions naturelles, il faut
concevoir que le cercle CPDQ retourne dans sa posi-
tion primitive en tournant sur la même charnière CD.
Dans ce mouvement, les deux points P, Q décriront
des quarts de cercle dans des plans verticaux, perpen-
diculaires à CD, et dont les projections horizontales
seront les perpendiculaires PR et QS, abaissées sur CD.
Donc, les projections horizontales des deux points de
contact seront respectivement sur les droites PR
et QS : or, nous avons vu qu'elles devaient être aussi
sur CD; donc elles seront aux deux points de ren-
contre R et S.
On aura les projections verticahîs r, s des deux
mêmes points, en projetant les points R et S sur Kl;
ou, ce qui revient au même, en portant sur les verti-
cales Rr, S 5, à partir de l'horizontale bag, r' r égale
à PR, et s' s égale à QS.
Les projections horizonlajes et verticales des deux
points de contact étant construites, on déterminera
les traces des deux plans tangents, comme dans la pre-
mière solution.
Cette seconde solution peut aussi être rendue beau-
coup plus concise en faisant passer les plans de projec-
tion par le centre de la sphère; ce qui réduit les deux
projections à une même figure.
72 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
38. Ces dernières considérations vont nous conduire
à la découverte de quelques propriétés remarquables
du cercle, de la sphère, des sections coniques et des
surfaces courbes du second degré.
Nous venons de voir que les deux surfaces coniques
circonscrites à la sphère la touchaient chacune dans la
circonférence d'un cercle, et que ces circonférences
passaient toutes deux par les deux points de contact
de la sphère avec les plans tangents. Cette propriété
n'est point particulière aux deux surfaces coniques
que nous avons considérées; elle convient à toutes
celles qui auraient leur sommet dans la droite donnée,
et qui seraient de même circonscrites à la sphère. Donc,
si l'on conçoit une première surface conique qui, ayant
son sommet sur la droite donnée, soit circonscrite
à la sphère, et si l'on suppose que cette surface se
meuve de manière que son sommet parcoure la droite,
sans qu'elle cesse d'être circonscrite et tangente à la
sphère; dans chacune de ses positions, elle touchera
la sphère dans la circonférence d'un cercle ; toutes ces
circonférences passeront par deux mêmes points, qui
seront les contacts de la sphère avec les deux plans
tangents; et les plans de ces cercles se couperont tous
suivant une même ligne droite, qui sera celle des deux
contacts. Enfin, si l'on conçoit le plan mené par la
droite donnée et par le centre de la sphère, ce plan, qui
passera par les axes de toutes les surfaces coniques,
sera perpendiculaire aux plans de tous les cercles de
contact, et par conséquent à la droite qui est leur com-
mune intersection; et il coupera tous ces plans dans des
lignes droites qui passeront par un même point.
Réciproquement, étant données une sphère et une
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 7!
ligne droite, si l'on conçoit par la droite tant de plans
qu'on voudra, qui couperont la sphère chacun suivant
un cercle, et si, pour chacun de ces cercles, on conçoit
la surface conique droite dont il serait la base, et qui
serait circonscrite à la sphère, les sommets de toutes
ces surfaces coniques seront dans une autre même
ligne droite.
39. En considérant seulement ce qui se passe dans
le plan mené par la droite donnée et par le centre de
la sphère, on est conduit aux deux propositions sui-
vantes, qui sont des corollaires immédiats de ce qui
précède.
« Étant donnés dans un plan (fig. 18 et 19) un
cercle dont le centre soit en A, et une droite quel-
conque BC; si, après avoir mené par un point quel-
con(pic D de la droite deux tangentes au cercle, et la
droite EF qui passe par les deux points de contact, on
conçoit que le point D se meuve le long de la droite,
et entraîne avec lui les deux tangentes, sans qu'elles
cessent de toucher le cercle : les deux points de con-
tact changeront de position, de même que la droite EF
qui les joint; mais cette droite passera toujours par
un même point N qui se trouve sur la perpendiculaire
AG, abaissée du centre du cercle sur la droite.
« Réciproquement, si, par un point N pris dans le
plan d'un cercle, on mène tant de droites EF qu'on
voudra, qui couperont chacune la circonférence du
cercle en deux points, et si, par ces deux points, on
mène au cercle deux tangentes ED, FD, qui se cou-
peront quelque part en un point D, la suite de tous les
points d'intersection trouvés de la même manière sera
74 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
A
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Fi^ -Ji)
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
sur une même ligne droite BC perpendiculaire à AN. »
Ce n'est pas parce que tous les points de la circonfé-
rence sont également éloignés du centre, que le cercle
jouit de la propriété que nous venons d'énoncer, c'est
parce qu'il est une courbe du second degré; et toutes
les sections coniques sont dans le même cas.
En effet, soient AEBF (fig, 20) une section conique
quelconque, et CD une droite quelconque donnée dans
son plan : concevons que la courbe tourne autour d'un
de ses axes AB pour engendrer une surface de révolu-
tion, et concevons les deux plans tangents à cette sur-
face menés par la droite CD; les deux plans auront
chacun leur point de contact particulier. Cela posé, si,
en prenant pour sommet un point quelconque H de
la droite CD, on conçoit la surface conique circons-
crite et tangente à la surface de révolution, elle tou-
chera cette dernière surface dans une courbe qui pas-
sera nécessairement par les deux points de contact
avec les plans tangents. Cette courbe sera plane; son
plan, qui sera perpendiculaire à celui de la section
conique donnée, sera projeté sur ce dernier, suivant
une droite EF; et cette droite passera par les points
de contact des tangentes à la section conique, menées
par le point H. Actuellement, si l'on suppose que le
sommet H de la suiface conique se meuve sur la
droite CD, sans que cette surface cesse d'être circons-
crite et tangente à la surface de révolution; dans cha-
cune de ses positions, sa courbe de contact aura les
mêmes propriétés de passer par les deux points de
contact avec les plans tangents, d'être plane et d'avoir
son plan perpendiculaire à la section conique. Donc
les plans de toutes les courbes de contact passeront par
76 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
la droite qui joint les deux points de contact, et qui
est elle-même perpendiculaire au plan de la section
conique ; donc enfin les projections de tous les plans
seront des lignes droites qui passeiont toutes par la
projection N de la droite qui joint les deux points
de contact.
40. Enfin, cette proposition n'est elle-même qu'un
cas particulier d'une autre plus générale qui a lieu
dans les trois dimensions, et que nous nous conten-
terons d'énoncer ici.
« Etant données dans l'espace une surface courbe
quelconque du second degré, et une surface conique
circonscrite qui la touche, et dont le sommet soit en
un point quelconque; si la surface conique se meut
sans cesser d'être circonscrite à la première surface
et de la toucher, de manière cependant que son sommet
parcoure une droite quelconque, le plan de la courbe
de contact des deux surfaces passera toujours par une
même ligne droite (qui sera déterminée par les contacts
de la surface du second degré avec les deux plans tan-
gents qui passent par la droite des sommets) ; et si la
surface conique se meut de manière que son sommet
soit toujours dans un même plan, le plan de la courbe
de contact passera toujours par un même point. »
41. Seconde question. — Par un point donné,
mener un plan tangent à la fois aux surfaces de deux
sphères données ?
Solution. — Soient A, a {fig. 21) les deux pro-
jections du centre de la première sphère; B, è,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
78 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
celles du centre de la seconde ; et G, c, celles du point
donné. Après avoir mené les droites indéfinies AB
a6, projections de celle qui passerait par les deux
centres, et après avoir construit les projections GEF,
ge/, HIK, hik des grands cercles des deux sphères
parallèles aux plans de projection, on concevra une
surface conique circonscrite à la fois aux deux sphères,
et qui les touche toutes deux. Cette surface aura son
sommet dans la droite qui passe par les deux centres.
On mènera aux deux cercles GEF, HIK les deux tan-
gentes communes EH, FK, qui se couperont en un
point D de la droite AB; et ce point sera la projection
horizontale du sommet du cône : on aura la projection
verticale du même point, en projetant le point D en d!
sur le prolongement de ab. Enfin, on mènera les pro-
jections CD, cd de la droite menée par le sommet du
cône et par le point donné. Cela posé, si par cette der-
nière droite on conçoit deux plans tangents à la sur-
face conique, ils la toucheront chacun en une de ses
droites génératrices ; et, par conséquent, ils seront tous
deux tangents en même temps aux deux sphères. La
question est donc réduite à mener, par la droite qui
passe par le sommet du cône et par le point donné, deux
plans tangents à la surface d'une des sphères, ce qui
s'exécutera comme dans la question précédente, et les
deux plans seront en même temps tangents à la seconde
sphère.
Il faut observer que l'on peut concevoir deux sur-
faces coniques circonscrites aux deux mêmes sphères.
La première les enveloppe toutes deux en dehors, et a
son sommet au delà d'une des sphères par rapport à
l'autre : les plans tangents à cette surface conique
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 70
touchent chacun les deux sphères du même côté. La
seconde surface conique enveloppe les sphères, l'une
en dedans, l'autre en dehors, et a son sommet entre
les deux centres. On trouve la projection horizontale D'
de ce sommet en menant aux cercles EFG et HIK les
deux tangentes intérieures qui se coupent en un point
de la droite AB; et l'on a sa projection verticale en
projetant le point D' en d' sur ab. Les deux plans tan-
gents menés à cetle surface conique touchent aussi
cliacun les deux sphères; mais ils touchent la première
d'un côté, et la seconde de l'autre. Ainsi quatre plans
dilïérents peuvent satisfaire à la question : pour deux
d'entre eux, les deux sphères sont du même côté du
plan; pour les deux autres, elles sont de côtés diffé-
rents.
42. Troisième question. — Mener un plan tangent
en même temps à trois sphères données de grandeur
et de position ?
Solution. — Concevons le plan tangent en même
temps aux trois sphères, et imaginons d'abord une sur-
face conique circonscrite aux deux premières sphères,
et qui les touche toutes deux; le plan tangent tou-
chera cette surface conique le long d'une de ses droites
génératrices, et passera par le sommet du cône. Si l'on
imagine une seconde surface conique circonscrite à la
première sphère et à la troisième, le même plan tangent
la touchera de même le long d'une de ses droites géné-
ratrices, et passera, par conséquent, par son sommet.
Enfin, si l'on conçoit une troisième surface conique qui
embrasse et touche la seconde sphère et la troisième,
8o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
le plan tangent la touchera encore le long d'une de ses
droites génératrices, et passera par son sommet. Ainsi
les sonimets des trois surfaces coniques seront dans le
plan tangent; mais ils seront aussi dans le plan qui
passe par les centres des sphères, et qui contient les
trois axes : donc ils seront en même temps dans deux
plans différents ; donc ils seront en ligne droite. Il suit
de là que si l'on construit, comme nous l'avons indiqué
dans la question précédente, les projections horizon-
tales et verticales de ces sommets, dont deux suffisent,
on pourra faire passer par ces projections celles d'une
droite qui se trouve sur le plan tangent. La question se
réduit donc à mener par une droite donnée un plan
tangent à celle des trois sphères qu'on voudra ; ce qui
s'exécutera par les méthodes précédentes, et ce plan
sera tangent aux deux autres.
43. Il faut observer que, puisqu'on peut toujours
concevoir pour deux sphères quelconques deux sur-
faces coniques qui les enveloppent et les touchent
toutes deux, la première ayant son sommet au delà
d'un des centres par rapport à l'autre, la seconde ayant
son sommet entre les deux centres, il est évident que,
dans la question précédente, il y aura six surfaces
coniques, dont trois seront circonscrites en dehors aux
trois sphères prises deux à deux, et dont trois auront
leurs sommets entre les sphères. Les sommets de ces
six cônes seront distribués trois par trois sur quatre
droites, par chacune desquelles on pourra mener deux
plans tangents en même temps aux trois sphères.
Ainsi huit plans différents satisfont à cette troisième
question : deux d'entre eux touchent les trois sphères
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 8l
du même côté par rapport à eux; les six autres sont
tellement placés, qu'ils touchent deux des sphères
d'un côté, et la troisième de l'autre.
44. Ces considérations nous conduisent à la propo-
sition suivante :
« Trois cercles quelconques étant donnés de grandeur
et de position sur un plan (/îg. 22), si, en les considé-
rant deux à deux, on leur mène les tangentes exté-
rieures prolongées jusqu'à ce qu'elles se coupent, les
trois points d'intersection D, E, F, qu'on obtiendra
de cette manière, seront en ligne droite. »
Car si l'on conçoit les trois sphères dont ces cercles
sont les grands cercles, et un plan qui les touche toutes
les trois extérieurement, ce plan touchera aussi les
trois surfaces coniques circonscrites aux sphères consi-
dérées deux à deux, et passera par leurs trois som-
mets D, E, F. Mais ces trois sommets sont aussi sur le
plan des trois centres : donc ils sont sur deux plans
différents, et par conséquent en ligne droite. « Si aux
mêmes cercles, considérés deux à deux, on mène les
tangentes intérieures qui se croiseront, les trois nou-
veaux points d'intersection G, H, I seront deux à
deux en ligne droite avec un xles trois premiers, en
sorte que les six points D, E, F, G, H, I seront les
intersections des quatre droites. »
Enfin, cette proposition n'est qu'un cas particulier
de la suivante, qui a lieu dans les trois dimensions.
« Quatre sphères quelconques étant données de
grandeur et de position dans l'espace, si l'on conçoit
les six surfaces coniques qui sont circonscrites exté-
rieurement à ces sphères considérées deux à deux, les
ilUNGK. — I. 6
82 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
sommets des six cônes seront dans un même plan et
aux intersections de quatre droites; et si l'on conçoit
les six autres surfaces coniques circonscrites intérieu-
rement, c'est-à-dire, qui ont leurs sommets entre les
centres de deux sphères, les sommets de ces six nou-
veaux cônes seront trois par trois dans un même plan
avec trois des premiers.
45. Quatrième question. — Par un point pris
arbitrairement, mener un plan tangent à une surface
cylindrique donnée ?
Solution. — 'Soit EiFK {flg. 23) la trace de la sur-
face cylindrique sur le plan horizontal, trace que
nous supposons donnée. Soient AB, ah les deux pro-
jections données de la droite à laquelle la génératrice
doit toujours être parallèle, et C, c celles du point
donné. Si par ce point on conçoit une parallèle à la
droite génératrice, cette droite sera dans le plan tan-
gent demandé; et les points dans lesquels elle coupera
les plans de projection seront sur les traces du pian
tangent. Donc, si par ce point C on mène CD paral-
lèle à AB et, par le point c, cd parallèle à aè, on aura
les deux projections de cette droite ; et si, après avoir
prolongé cd jusqu'à ce qu'elle rencontre LM en un
point d, on projette le point c^ en D sur CD, le point D
sera la rencontre de cette droite avec le plan horizontal,
et par conséquent un point de la trace du plan tangent.
Or, la trace horizontale du plan tangent doit être tan-
gente à la courbe EIFK; donc, si par le point D on
mène à cette courbe toutes les tangentes possibles,
DE, DF, etc., on aura les traces horizontales de tous
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
R3
Fis 23
«4 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
les plans tangents qui peuvent passer par le point
donné. Si par les points de contact E, F, etc., on mène
à AB les parallèles indéfinies EG, FH, etc., on aura
les projections horizontales des droites génératrices,
dans lesquelles les différents plans tangents touchent
la surface cylindrique; enfin on aura les projections
verticales eg, /^, etc. de ces génératrices ou de ces
droites de contact, en projetant les points E, F, etc.
sur le plan vertical en e, /, etc., et en menant par ces
derniers points des parallèles indéfinies à ab. Quant
aux traces des plans tangents sur le plan vertical, on
les trouvera par le procédé de la figure 12.
46. Cinquième question. — Par un point pris
arbitrairement, mener un plan tangent à une surface
conique donnée ?
Gomme la solution de cette question diffère très peu
de. celle de la précédente, nous nous contenterons d'en
indiquer la construction dans la figure 24, où la courbe
EGFH est la trace donnée de la surface conique, où A
et a sont les projections données du sommet, et où G
et c sont celles du point donné par lequel le plan tan-
gent doit passer.
47. Sixième question. — Par une droite donnée,
mener un plan tangent à une surface de révolution
donnée ?
Solution. — Nous supposerons que l'axe de la sur-
face de révolution soit perpendiculaire à l'un des deux
plans de projection, ce qui n'altérera pas la généralité
de la solution, parce qu'on est toujours le maître de
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 85
disposer de la position de ces plans, de manière que
cette condition soit remplie.
Soient donc A {fig. 25) la projection horizontale
donnée de Taxe de la surface, aa' sa projection
verticale, apia' la courbe génératrice de la surface,
vt BC, bc les deux projections données de la droite
par laquelle le plan tangent doit passer. Du point A
soit abaissée sur BC la perpendiculaire AD, qui sera
la projection horizontale de la plus courte distance
entre l'axe et la droite donnée, et soit projeté le point
D en ^ sur bc.
Cela posé, concevons d'abord que le plan tangent
soit mené ; puis supposons que la droite donnée tourne
autour de l'axe de révolution, sans changer de dis-
tance à cet axe, sans changer d'inclinaison sur le plan
horizontal, et qu'elle entraîne avec elle le plan tangent,
de manière qu'il touche toujours la surface : il est évi-
dent qu'en vertu de ce mouvement, le point de contact
de la surface et du plan changera de position : mais,
parce que le plan tangent garde toujours la même
inclinaison, ce point de contact ne changera pas de
hauteur sur la surface, et il se mouvTa dans la cir-
conférence d'un cercle horizontal, dont le centre sera
dans Taxe. De plus, la droite donnée engendrera par
son mouvement une seconde surface de révolution
autour du même axe, à laquelle le plan tangent sera
lui-même tangent dans toutes ses positions.
En effet, concevons un plan par Taxe et par le point
de contact du plan tangent avec la première surface :
ce plan coupera la droite génératrice en un point qui
sera celui du contact du même plan tangent avec la
seconde j car indépendamment de la droite génératrice
8b LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
F((r. 2 S-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 87
par laquelle il passe en ce point, il passe encore par la
tangente du cercle horizontal au même point, puisqu'il
passe aussi par la tangente du cercle horizontal au
point de contact avec la première surface, et que, par
la propriété des surfaces de révolution, ces deux tan-
gentes sont parallèles.
Comme c'est au moyen de la seconde surface de
révolution que nous devons résoudre la question, il est
nécessaire de construire la courbe suivant laquelle
elle est coupée par un plan mené par l'axe; et nous
supposerons que ce plan soit parallèle au plan vertical
de projection, et par conséquent projeté sur le plan
liorizontal dans une droite AF parallèle à LM.
Soit pris sur la droite donnée un point quelconque,
dont les projections soient E et e, et cherchons le
point dans lequel il rencontre le plan de la section dans
son mouvement. D'abord ce point décrira autour de
l'axe de révolution un arc de cercle horizontal, dont
on aura la projection horizontale en décrivant du
point A comme centre, et de l'intervalle AE, l'arc EF,
jusqu'à ce qu'il rencontre la droite AF quelque part
en un point F; et l'on aura la projection verticale de
cet arc en menant par le point e l'horizontale indé-
finie cf. Le point F sera donc la projection horizon-
tale de la rencontre du point décrivant avec le plan de
la section : donc, si l'on projette le point F en / sur e/,
le point / sera la projection verticale de cette rencontre,
et par conséquent un point de la section. Si l'on fait
les mêmes opérations pour tant d'autres points qu'on
voudra, pris sur la droite donnée, on aura autant de
points g, /, r, n, par lesquels on fera passer la courbe
demandée.
88 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
Cela fait, supposons que la droite donnée et le plan
tangent, par leur rotation simultanée autour de l'axe,
soient parvenus dans une position telle, que le plan
tangent soit perpendiculaire au plan vertical de pro-
jection. Dans cette position, sa projection sur ce plan
sera une ligne droite, et cette droite sera tangente en
même temps aux deux courbes apia\ grnf. Si donc on
mène à ces deux courbes toutes les tangentes com-
munes, telles que gi, np, on aura les projections de
tous les plans tangents qui satisfont à la question, et
considérés dans la position qu'ils ont prise, lorsque
par la rotation ils sont devenus successivement per-
pendiculaires au plan vertical. Les points de con-
tact i, p de ces tangentes avec la génératrice de la
première surface détermineront les hauteurs de ceux
de cette surface avec tous les plans tangents : par con-
séquent, si par ces points on mène les horizontales
indéfinies it, ps, elles contiendront les projections ver-
ticales des points de contact de la surface avec les
plans; et si du point A comme centre, et avec des
rayons égaux respectivement à it et à ps^ on décrit
des arcs de cercle IK, PQ, ces arcs contiendront les
projections horizontales des mêmes points. Il ne reste
donc plus, pour achever de les déterminer, qu'à trouver
sur quels méridiens de la surface de révolution ils
doivent se trouver : c'est ce à quoi doivent servir les
points de contact g, n.
Pour cela, après avoir projeté les points g, n
sur AG, en G et N, si du point A comme centre, et avec
des intervalles successivement égaux à AG et AN, on
décrit les arcs de cercle GH, NO, jusqu'à ce qu'ils
coupent la droite BG en des points H et 0, ces arcs
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 89
expriment la quantité de rotation que, pour chaque
plan tangent, la droite qui passe par ses contacts avec
les deux surfaces a été obligée de faire pour se trans-
porter dans le plan vertical parallèle à celui de projec-
tion. Donc on aura les projections horizontales de ces
mêmes droites, considérées dans leurs positions natu-
relles, en menant par le point A les droites AH, AO;
donc enfin les points K, Q, où les dernières droites cou-
jxront les arcs correspondants IK, PQ, seront les pro-
jections horizontales des points de contact de la pre-
mière surface avec les plans tangents menés par la
droite donnée.
Quant aux projections verticales des mêmes points,
on les aura en projetant les points K, Q, en /f, ç, sur
les horizontales respectives it, ps.
Les projections horizontales et verticales des points
de contact étant déterminées, on construira les traces
de tous les plans tangents par les mêmes méthodes que
nous avons déjà employées.
Cette méthode peut facilement se généraliser eL
s'appliquer aux surfaces engendrées par des courbes
quelconques, constantes de formes et variables de
positions dans l'espace.
III.
DES INTERSECTIONS DES SURFACES COURBES.
48. Lorsque les générations de deux surfaces courbes
sont entièrement déterminées et connues; lorsque,
pour chacune d'elles, la suite de tous les points de
QO LÈS MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
l'espace par lesquels elle passe n'a plus rien d'arbi-
traire; lorsque pour chacun de ces points, une des deux
projections étant prise à volonté, ]'autre projection
peut toujours être construite; si ers deux surfaces ont
quelques points communs dans l'espace, la position
de tous ces points communs est absolument déter-
minée; elle dépend et de la forme des deux surfaces
courbes, et de leurs positions respectives; et elle est
de nature à pouvoir toujours être déduite de la défi-
nition des générations des surfaces, dont elle est une
conséquence nécessaire.
La suite de tous les points communs à deux surfaces
courbes déterminées forme en général dans l'espace
une certaine ligne courbe qui, pour des cas très parti-
culiers, peut se trouver dans un certain plan et n'avoir
qu'une seule courbure; qui, pour des cas infiniment
plus particuliers, peut devenir une ligne droite et
n'avoir aucune courbure; enfin qui, pour des cas infini-
ment plus particuliers encore, peut se réduire à un
point unique; mais qui, dans le cas général, est ce
(ju'on nomme courbe à double courbure, parce qu'elle
participe ordinairement des courbures des deux sur-
faces courbes, sur chacune desquelles elle se trouve
en même temps, et dont elle est l'intersection commune.
49. Il existe entre les opérations de l'Analyse et les
méthodes de la Géométrie descriptive une correspon-
dance dont il est nécessaire de donner ici une idée.
Dans l'Algèbre, lorsqu'un problème est mis en équa-
tions, et qu'on a autant d'équations que d'inconnues,
on peut toujours obtenir le même nombre d'équations,
dans chacune desquelles il n'entre qu'une des in-
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. 9I
connues; ce (jui met à portée de connaître les valeurs
de chacune d'elles. L'opération par laquelle on par-
vient à ce but, et qui s'appelle élimination^ consiste,
au moyen d'une des équations, à chasser une des in-
connues de toutes les autres équations; et en chassant
ninsi successivement les différentes inconnues, on
arrive à une équation finale qui n'en contient plus
qu'une seule dont elle doit produire la valeur.
L'objet de l'élimination, dans l'Algèbre, a la plus
grande analogie avec les opérations par lesquelles, dans
la Géométrie descriptive, on détermine les intersec-
tions des surfaces courbes.
En effet, supposons que, considérant un point dans
l'espace, et représentant par a;, t/, z les distances de
ce point à trois plans rectangulaires entre eux, on éta-
blisse une relation entre ces trois distances, et que
cette relation soit exprimée par une équation, dans
laquelle entrent les trois quantités a;, t/, z, et des cons-
tantes. En vertu de cette relation, la position du point
ne sera pas déterminée : car les quantités x^ î/, z pour-
ront changer de valeur, et par conséquent le point
pourra changer de position dans l'espace, sans que la
relation exprimée par l'équation cesse d'avoir lieu;
et la surface courbe, qui passe par toutes les positions
que le point peut occuper ainsi, sans nue la relation
entre ces trois coordonnées soit altérée, est celle à
laquelle appartient l'équation.
Par exemple, supposons qu'une sphère dont le
rayon soit exprimé par A ait son centre au point d'in-
tersection commune des trois plans rectangulaires, et
qu'en considérant un certain point sur la surface de la
sphère, on imagine des perpendiculaires abaissées de
()2 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
ce point sur les trois plans et représentées par les
lettres x, y^ z; il est évident que le rayon de la sphère,
dirigé au point que l'on considère, sera la diagonale
d'un parallélépipède rectangle, dont les trois arêtes
seront x^ y, z; que son carré sera égal à la somme des
carrés des trois arêtes ; et qu'ainsi l'on aura l'équation
.7;2 -{-y- -\- z^ = A^. Gela posé, si le point change de
position sur la surface de la sphère, ses distances rc,
y, z aux trois plans rectangulaires changeront; mais
sa distance au centre ne changera pas, et la somme des
carrés de ces trois coordonnées, qui est toujours égale
au carré du rayon, aura toujours la même valeur : on
aura donc encore entre les coordonnées de ce point la
relation exprimée par l'équation x~ -\- y- -{- z' = A^.
Cette équation, qui a lieu pour tous les points de la sur-
face de la sphère, et qui a lieu pour eux seuls, est celle
de cette surface. Toutes les surfaces courbes ont ainsi
chacune leur équation; et s'il n'est pas toujours facile
d'avoir cette équation exprimée en quantités aussi
simples que les distances x, y, z, il est toujours possible
de l'obtenir en quantités plus compliquées, telles que
les inclinaisons des plans tangents, les rayons des cour-
bures : il suffit à notre objet d'en avoir fait connaître
une pour exemple.
Actuellement, si, ayant en x, ?/, z les équations de
deux surfaces courbes différentes, et en supposant que
pour les points des deux surfaces les distances soient
prises par rapport aux mêmes plans rectangulaires, on
élimine une des trois quantités rc, î/, z, par exemple z,
entre les deux équations; par la simultanéité de ces
deux équations, on établit d'abord que ce n'est pas de
tous les points de la première surface indistinctement.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 93
ni de tous ceux de la seconde, que Ton s'occupe, mais
seulement de ceux de leur intersection, pour chacun
desquels les équations doivent avoir lieu, puisqu'ils
sont en même temps sur les deux surfaces. Ensuite
l'équation en rr, t/, qui résulte de l'élimination de z,
exprime la relation qui existe entre ces deux distances
pour tous les points de l'intersection, quelle que soit
la distance z qui a disparu, et dont il n'est plus ques-
tion dans l'équation; elle est donc l'équation de la
projeclion de l'intersection des deux surfaces sur le
plan perpendiculaire aux z.
On voit donc qu'en Algèbre l'objet de l'élimination
entre plusieurs équations à trois inconnues est de
déterminer, sur les trois plans auxquels tout l'espace
est rapporté, les projections des intersections des sur-
faces auxquelles les équations appartiennent.
50. La correspondance entre les opérations de l'Ana-
lyse et les méthodes de la Géométrie descriptive ne se
borne pas à ce que nous venons de rapporter; elle
existe partout. Si dans l'espace, pour opérer des géné-
rations quelconques, on fait mouvoir des points, des
lignes courbes, des surfaces, ces mouvements peuvent
toujours être dictés par des opérations analytiques; et
les objets nouveaux auxquels ils donnent lieu sont
exprimés par les résultats mêmes des opérations. Réci-
proquement, il n'y a aucune opération d'Analyse en
trois dimensions, qui ne soit l'écriture d'un mouve-
ment opéré dans l'espace et dicté par elle. Pour
apprendre les Mathématiques de la manière la plus
avantageuse, il faut donc que l'élève s'accoutume de
bonne heure à sentir la correspondance qu'ont entre
94 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
elles les opérations de l'Analyse et celles de la Géo-
métrie ; il faut qu'il se mette en état, d'une part, de
pouvoir écrire en Analyse tous les mouvements qu'il
peut concevoir dans l'espace, et, de l'autre, de se repré-
senter perpétuellement dans l'espace le spectacle mou-
vant dont chacune des opérations analytiques est
l'écriture.
51. Revenons actuellement à notre objet, qui est
la méthode de déterminer les projections des intersec-
tions des surfaces courbes.
Pour mettre plus de clarté dans l'exposition de cette
méthode, nous ne la présenterons pas d'abord avec
toute l'élégance dont elle est susceptible ; nous y arri-
verons par degrés. De plus, l'énoncé sera général et
applicable à deux surfaces quelconques ; et quoique les
lettres que nous emploierons se rapportent à la
figure 26, qui présente le cas particulier de deux
surfaces coniques, à bases circulaires et à axes ver-
ticaux, il faut néanmoins toujours concevoir que
les surfaces dont il s'agit peuvent être, chacune en
particulier, tout autre qu'une surface conique.
52. Premier problème général. — Les générations
de deux surfaces courbes étant connues, et toutes les
données qui fixent ces générations étant déterminées
sur les plans de projection, construire les projections
de la courbe à double courbure, suivant laquelle les
deux surfaces se coupent ?
Solution. — On concevra une suite de plans indé-
finis, placés d'une manière convenue dans l'espace; ces
G^OMélRIE DESCRIPTIVE. 9^
plans pourront, par exemple, être tous horizontaux, et
c'est eu effet ce que nous supposerons d'abord. Dans
ce cas, la projection verticale de chacun d'eux sera
une droite horizontale indéfinie; et parce qu'on est
maître de les mener à distances arbitraires, nous sup-
poserons que dans la projection verticale on ait mené
tant de droites horizontales {fi g, 26) ee', ce', ee', etc.,
qu'on ait voulu, et que la suite de ces droites soit la
projection verticale de la suite des plans qu'on a
conçus. Cela posé, on fera successivement, pour chacun
de ces plans, et par rapport à la droite ee' qui en est
la projection, l'opération que nous allons indiquer
pour celui d'entre eux qui est projeté en EE'.
Le plan EE' coupera la première surface en ujie cer-
taine courbe, qu'il sera possible de construire, si l'on
connaît la génération de la surface; car cette courbe
est la suite des points dans lesquels le plan EE' est
coupé par la génératrice dans toutes ses positions.
Cette courbe étant plane et horizontale aura sa projec-
tion horizontale égale, semblable à elle-même, et placée
de la même manière; il sera donc possible de construire
cette projection, et nous supposerons que ce soit la
courbe FGHIK.
Le même plan El*]' coupera aussi la seconde 'surface
dans une autre courbe plane horizontale, dont il sera
toujours possible de construire la projection horizon-
tale, et nous supposerons que cette projection soit
la courbe FOGPN.
Cela fait, il peut arriver que les deux courbes, dans
lesquelles le même plan EE' coupe les deux surfaces,
se coupent elles-mêmes, ou qu'elles ne se coupent pas :
si elles ne se coupent pas, quelque prolongées quelles
96 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 97
soient, ce sera une preuve qu'à la hauteur du plan EE'
les deux surfaces n'ont aucun point commun; mais si
ces 4^ux courbejB se coupent, elles le feront en un cer-
tain nombre de points qui seront communs aux deux
surfaces, et qui seront par conséquent autant de points
de l'intersection demandée. En elîet, en tant que les
points d'intersection des deux courbes sont sur la pre-
mière d'entre elles, ils sont siir la première des deux
surfaces proposées; en tant qu'ils sont sur la seconde
courbe, ils sont aussi sur la seconde surface : donc, en
tant qu'ils sont sur les deux courbes à la fois, ils sont
aussi sur les deux surfaces.
Or, les projections horizontales des points dans
lesquels se coupent les deux courbes doivent se
trouver, et sur la projection de la première, et sur la
projection de la seconde; donc les points F, G, ... de
rencontre des deux courbes FGIIIK et FOGPN seront
les projections horizontales d'autant de points de l'in-
tersection demandée des deux surfaces courbes. Pour
avoir les projections verticales des mêmes points, il
faut observer qu'ils sont tous compris dans le plan
horizontal EE', et que leurs projections doivent être
sur la droite EE'. Donc, si l'on projette les points F,
G, . . . sur EE' en /, g, . . ., on aura les projections ver-
ticales des mêmes points.
Actuellement, si pour toutes les autres horizon-
tales ce', ee\ . . ., on fait la même opération que nous
venons de faire pour EE', on trouvera pour chacune
d'elles, dans la projection horizontale, une suite de
nouveaux points F, G, . . ., et dans la projection ver-
ticale une suite de nouveaux points /, g, Puis, si
par tous les points F, . . . , on fait passer une branche
98 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
de courbe, par tous les points G, . . . , une autre branche,
et ainsi de suite, l'assemblage de toutes ces branches,
qui pourront quelquefois rentrer l'une dans l'autre,
sera la projection horizontale de l'intersection des
deux surfaces ; de même, si par tous les points /, . . . ,
on fait passer une branche de courbe, par tons les
points g, . . . , une autre branche, et ainsi de suite,
l'assemblage de toutes ces branches, qui pourront aussi
quelquefois rentrer les unes dans les autres, sera la
projection verticale de l'intersection demandée.
53. La méthode que nous venons d'exposer est géné-
rale, même en supposant qu'on ait choisi pour système
de plans coupants une suite de plans horizontaux.
Nous allons voir que, dans certains cas, le choix du
système de plans coupants n'est pas indifférent, qu'on
peut quelquefois le faire tel, qu'il en résulte des cons-
tructions plus faciles et plus élégantes, et même qu'il
peut être avantageux, au lieu d'un système de plans,
d'employer une suite de surfaces courbes, qui ne dif-
fèrent entre elles que par une de leurs dimensions.
Pour construire l'intersection de deux surfaces de ré-
volution dont les axes sont verticaux, le s,ystème de plans
le plus avantageux est une suite de plans horizontaux;
car chacun des plans coupe les deux surfaces en des
circonférences de cercles dont les centres sont sur les
axes respectifs, dont les rayons sont égaux aux ordon-
nées des courbes génératrices, prises à la hauteur du
plan coupant, et dont les projections horizontales sont
des cercles connus de grandeur et de position. Dans ce
cas, tous les points de la projection horizontale de l'in-
texsicetion des deux sijirfaces se trouvent 4onc par des
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. <)()
intersections d'arcs de cercle. Oh sent que si les sur-
faces de révolution avaient leurs axes parallèles entre
eux, mais non vrriicaux, il faudrait changer de ])lans
de projection, et les choisir de manière que l'un d'enirc
eux fût perpendiculaire aux axes.
54. S'il s'agissait de construire l'ihtérsection de deux
sui faces coniques à bases quelconques, Ct dont les
traces sur le plan horizontal fussent données ou cons-
truites, le système de plans horizontaux entramciait
tlans des opérations qui seraient trop longues pour ce
cas; car chacun des plans horizontaux couperait les
dvux surfaces dans des courbes, qui srraient bien à la
\ érité semblables aux traces des surfaces respectives :
mais ces courbes ne seraient point égales aux traces;
il faudrait les construire par points, chacune en parti-
culier, tandis que si, après avoir mené une droite par
les sommets donnés des deux cônes, on emploie le sys-
tème de plans qui passent par cette droite, chacun de
ces plans coupera les deux surfaces coniques en quatre
droites; et ces droites, qui seront dans le même plan,
se couperont, indépendaninfient des sommets, en
quatre points, qui seront sur l'intersection des deux
surfaces. Dans ce cas, chacun des points de la projec-
tion horizontale de l'intcrseCtion sera donc construit
par l'intersection de deux lignes droites.
55. Pour deux surfaces cylindriques à bases quel-
conques, et dont les génératrices seraient inclinées
diversement, le système des plans horizontaux ne
serait pas le plus favorable que l'on pourrait choisir.
Chacun de ces plans couperait, à la vérité, les deux
lOO LÇS MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
surfaces dans des courbes semblables et égales à leurs
traces respectives; mais les courbes qui ne correspon-
draient pas verticalement aux traces auraient pour
projections des courbes qui seraient distantes des traces
elles-mêmes, et qu'il faudrait construire par points. Si
l'on choisit le système de plans parallèles en même
temps aux génératrices des deux surfaces, chacun de
ces plans coupera les deux surfaces dans des lignes
droites, et ces droites se couperont en des points qui
appartiendront à l'intersection des deux surfaces. Par
là, les points de la projection horizontale seront cons-
truits par des intersections de lignes droites. Au reste,
ceci n'est que la conséquence nécessaire de ce que nous
avons dit pour le cas de deux surfaces coniques.
56. Enfin, pour deux surfaces de révolution dont
les axes seraient dans le même plan, mais non paral-
lèles entre eux, ce ne serait plus un système de plans
qu'il serait convenable de choisir, ce serait le système
de surfaces sphériques, qui auraient leur centre com-
mun au point de rencontre des deux axes : car chacune
des surfaces sphériques couperait les deux surfaces de
révolution dans les circonférences de deux cercles qui
auraient leurs centres sur les axes respectifs, et dont
les plans seraient perpendiculaires au plan mené par
les deux axes ; et les points d'intersection de ces deux
circonférences, qui seraient en même temps et sur la
surface sphérique et sur les deux surfaces de révolu-
tion, appartiendraient à l'intersection demandée.
Ainsi les points de la projection de l'intersection
seraient construits par les rencontres de cercles et de
lignes droites. Dans ce cas, la position la plus avanta-
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
geuse des deux plans de projection est que Tun soit
perpendiculaire à un des axes, et que l'autre soit paral-
lèle aux deux axes. Ce petit nombre d'observations,
par rapport aux surfaces courbes qui se rencontrent
le plus fréquemment, suflit pour faire voir la manière
dont la méthode générale doit être employée, et com-
ment, par la connaissance de la génération des sur-
faces courbes, on peut choisir l'espèce de section qui
doit donner des constructions plus faciles.
57. Lorsque deux surfaces courbes sont définies de
formes et de positions respectives, non seulement la
courbe de leur intersection est déterminée dans l'espacé
mais encore toutes les afîeetions de ces courbes s'en-
suivent immédiatement. Ainsi, par exemple, dans
chacun de leurs points la direction de leur tangente
est déterminée : il en est de même de celle de leur plan
normal, c'est-à-dire du plan qui coupe la courbe à
angle droit, et qui est par conséquent perpendicu-
laire à la tangente au point d'intersection. Quoique
nous devions avoir souvent occasion, dans la suite., de
considérer les plans normaux aux courbes à double
courbure, nous n'entrerons ici, par rapport à leur déter-
mination, dans aucun détail, parce que ces plans étant
toujours perpendiculaires aux tangentes, il nous suffira
d'avoir donné la manière de construire les projections
des tangentes aux intersections des surfaces courbes.
58. Second problème général. — Par un point
pris à volonté sur l'intersection de deux surfaces
courbes, mener la tangente à cette intersection.
I02 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIEIQUE.
Solution. — Le point pris à volonté sur l'intersec-
tion des deux surfaces courbes se trouve en même
temps et sur l'une et sur l'autre de ces surfaces. Si
donc par ce point considéré sur la première surface
on mène à cette surface un plan tangent, ce plan tou-
chera l'intersection dans le point que l'on considère.
Pareillement, si par le même point considéré sur la
seconde surface on mène à cette surface un plan tan-
«j'ent, ce plan touchera l'intersection dans le point
que l'on considère. Les deux plans tangents touche-
ront donc l'intersection dans le même point, qui sera
en même temps un de leurs points communs, et par
conséquent un de ceux de la droite dans laquelle ils se
coupent; donc l'intersection des deux plans tangents
sera la tangente demandée.
Ce problème donne lieu à l'observation suivante,
qui est d'un grand usage dans la Géométrie descrip-
tive.
« La projection de la tangente d'une courbe à double
courbure est elle-même tangente à la projection de la
courbe, et son point de contact est la projection de
celui de la courbe à double courbure. »
En effet-, si, par tous les points de la courbe à double
courbure, on conçoit des perpendiculaires abaissées sur
un des plans de projection, par exemple, sur le plan
horizontal, toutes ces perpendiculaires seront sur une
surface cylindrique verticale, qui sera coupée par le
plan horizontal dans la projection même. De même,
si, par tous les points de la tangente à la courbe à
double courbure, on conçoit des verticales abaissées,
elles seront dans un plan vertical qui sera coupé par le
plan horizontal dans la projection même de la tan-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. Io3
gente. Or, la surface cylindrique et le plan vertical se
touchent évidemment dans toute l'étendue de la ver-
ticale abaiflsée du point do contact, et qui leur est com-
mune ; donc les intersections de la surface cylindrique
et du plan par le plan horizontal se toucheront dans un
point qui st;ra l'intersectiou de la droite du contact.
de la surface cylindrique et du plan vertical. Donc
enfin les projections d'une courbe à double courbure
et d'une de ses tangentes se touchent en un point qui
est la projection du point de contacrt de la courbe.
59. Nous allons actuellement faire l'application de
tout ce qui précède à quelques cas particuliers; et
pour commencer par des considérations simples, nous
supposerons d'abord qu'une des deux surfaces dont il
i&v!t détjBrminer l'dntersecrtion soit un plan.
Première question. — Construire l'intersection
d'une surface cylindrique donnée par un plan donné
de position ?
La position des pians de projection étant arbitraire,
nous supposerons d'abord, ce qui est toujours possible,
que ces deux plans aient été choisis de manière que
l'un soit perpendiculaire à la génératrice de la surface,
et que l'autre soit perpendiculaire au plan coupant,
parce que, dans cette supposition, la construction est
beaucoup plus facile; puis, pour donner aux élèves
l'habitude des projections, nous supposerons que les
deux plans de projection soient placés d'une manière
quelconque.
Solution. — Premier cas, dans lequel on suppose que
la ^nératrice de la surface soit perpendiculaire à Vun
Io4 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
des plans de projection^ par exemple, au plan horizontal,
et que le plan coupant soit perpendiculaire à Vautre.
Soient A {fig. 27) la projection horizontale de
la droite, à laquelle la génératrice de la surface
cylindrique doit toujours être parallèle; aa" sa pro-
jection verticale; BCDE la trace donnée de la sur-
face cylindrique, trace qui sera la projection horizon-
tale de la surface indéfinie, et, par conséquent, celle
de la courbe d'intersection ; soient /g la projection verti-
cale donnée du plan coupant, projection qui sera aussi
celle de l'intersection demandée, et FG la trace horizon-
tale du même plan : il est évident que si l'on mène à
la courbe BCDE, et perpendiculairement à LM, les
tangentes indéfinies Ee", Ce", les droites ee", ce"
seront les projections verticales de la génératrice dans
ses positions extrêmes, et que les points e',.c', dans
lesquels elles couperont la projection fg du plan cou-
pant, termineront sur fg la projection verticale de l'in-
tersection demandée.
Cela posé, si par un point pris arbitrairement sur
l'intersection (point dont la projection horizontale
sera un point H, pris à volonté sur la courbe BCDE, et
dont on aura la projection verticale en projetant le
point H en i' sur fg) on veut mener la tangente à cette
intersection, il est clair que cette tangente sera com-
prise dans le plan coupant, et que sa projection ver-
ticale sera la droite fg; il est clair aussi qu'elle sera com-
prise dans le plan vertical tangent à la surface cylin-
drique, et que sa projection horizontale, qui sera la
même que celle du plan tangent, sera la droite FHN
tangente en H à la courbe donnée BCDE . Ainsi tout
est déterminé par rapport à l'intersection demandée-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
io5
tob' LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
60. Actuellement, posons qu'il s'agisse de cons-
truire cette intersection telle qu'elle existe dans son
plan et, par un de ses points pris à volonté, de lui
mener une tangente. Si le plan de projection verti-
cale se trouve à une trop grande distance de la
courbe BCDE, on pourra concevoir un autre plan ver-
tical qui lui soit parallèle, qui passe dans l'intérieur
de la courbe BCDE, et dont la projection horizontale
soit la droite EG parallèle à LM. Ce plan vertical cou-
pera le plan coupant dans une droite parallèle à sa
projection /g, et autour de laquelle, comme charnière,
nous supposons que le plan coupant tourne pour de-
venir vertical et présenter en face la courbe demandée.
Gela posé, par tant de points H qu'on voudra, pris
arbitrairement sur BCDE, on concevra des plans ver-
ticaux perpendiculaires au plan vertical de projection,
et dont on aura en même temps les projections horizon-
tales et verticales, en menant par tous les points H
des droites llJKii' perpendiculaires à LM. Chacun
de ces plans coupera le plan coupant dans une droite
horizontale perpendiculaire à la charnière, et dont la
projection verticale sera le point de rencontre i' des
deux droites /g, ii'. De plus, dans chaque plan, cette
droite horizontale rencontrera la charnière dans un
point dont la projection horizontale sera l'intersection J
des deux droites EG, HJKii'; et elle rencontrera la
courbe demandée dans des points dont les projections
horizontales seront les intersections H, K de la droite
HJKu' avec la courbe BCDE. Enfin cette droite et
toutes ses parties seront égales à leurs projections
horizontales. Or, lorsque le plan coupant tourne autour
de la charnière pour devenir vertical, toutes ses droites,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I07
qui d'abord étaient horizontales, ne cessent pas d'être
perpendiculaires à la charnière, et ne changent pas de
grandeur. Donc, si par tous les points i' on mène à /g
des perpendiculaires indéfinies A/f, et si sur ces perpen-
diculaires on porte JH de i' en /i, et JK de i' en /c, on
aura tant de points A, A: qu'on voudra, par lesquels
on fera passer la courbe demandée e' kc' h.
61. La courbe étant construite dans son plan, il
s'agit par un de ses points A, pris arbitrairement, de lui
mener une tangente; on aura la projection \erticale de
ce point en abaissant du point h sur fg la perpendi-
culaire hi'; on aura sa projection horizontale en pro-
jetant i' en H sur la courbe BCDE; on aura la pro-
jection horizontale de la tangente demandée, en me-
nant la droite FN, tangente en H, à la courbe BCDE,
et il suffira de rapporter sur le plan de la courbe un
point quelconque de la tangente, celui, par exemple,
qui est projeté sur le point N pris arbitrairement, et
dont la projection verticale est sur fg en a'. Or, en rai-
sonnant pour ce point comme pour tout autre point
du plan coupant, il est clair que si par le point a' on
mène à fg la perpendiculaire a' n, et que si sur cette
droite on porte de a' en n la distance NA du point N
à la droite EC, le point n sera le second point de la
tangente. Donc en menant la droite hn^ on aura la
tangente demandée.
62. Quelle que soit la courbe donnée BCDE, on
voit que l'intersection e' kc' h jouit de la propriété,
que, pour un de ses points, quelconque, la sous-
tangente a' n est égale à la sous-tangente AN de la
I()8 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
première. Cette propriété, qui est très connue pour le
cercle et l'ellipse, lorsque ces deux courbes ont un axe
commun, n'a lieu par rapport à elles que parce qu'elles
sont les intersections d'une même surface cylindrique
par deux plans différents.
63. Enfin, il peut arriver qu'on ait besoin de tracer
sur le développement de la surface cylindrique l'effet
de la section faite par le plan coupant. Pour cela, après
avoir développé la courbe BCDE, avec toutes ses divi-
sions, sur une droite IIQ; si par toutes les divisions
de RQ on lui mène des perpendiculaires indéfinies,
on aura sur le développement de la surface les traces
des différentes positions de la droite génératrice, et il
ne s'agira plus que de porter sur ces perpendiculaires
les parties des génératrices correspondantes, comprises
entre la section perpendiculaire BCDE et la section
faite par le plan coupant. Or, ces parties de généra-
trices sont égales à leurs projections verticales, et ces
projections sont toutes terminées d'une paît à la droite
LM, et de l'autre à fg. Donc, si le point H, par exemple,
tombe en S sur la droite RQ, en portant ii' sur la per-
pendiculaire qui passe par le point S, de S en T, le
point T sera sur la surface développée celui où la
génératrice qui passe par le point H est coupée par le
plan coupant. I^a courbe XTYZ, qui passera par tous
les points déterminés de la même manière, sera la
courbe demandée.
64. Il est évident que si l'on prolonge la tangente
au point H jusqu'à .ce qu'elle rencontre la trace
horizontale GF du plan coupant quelque part en un
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I09
point F, et que si l'on porte HF sur RQ de S en U, la
droite TU sera tangente à la courbe; car lorsque la
surface cylindrique se développe, ses éléments ne
changent pas d'inclinaison par rapport au plan hori-
zontal.
Second cas, dans lequel on suppose la surface cylin-
drique et le plan coupant placés d'une manière quel-
conque par rapport aux deux plans de projections.
65. Solution (fig. 28). — Soient A A' et aa' les
deux projections de la droite à laquelle la généra-
trice doit être parallèle; CEDF la trace donnée de la
surface cylindrique; et HG/î, hh les traces du plan
cou])ant.
On imaginera une suite de plans parallèles à la géné-
ratrice de la surface cylindrique, et qui seront de plus
tous perpendiculaires à un des plans de projection, par
exemple, au plan horizontal; chacun de ces plans sera
projeté suivant une droite OKE parallèle à AA', et
coupera la surface en des droites qui seront des posi-
tions de la génératrice et qui rencontreront le plan
horizontal aux points d'intersection E, F de la
droite OKE avec la courbe CEDF. Si donc on projette
les points E, F sur LM en e, /, et si par ces derniers
points on mène à la droite aa' les parallèles ee\ ff\ on
aura les projections verticales des intersections de la
surface avec chacun des plans parallèles à la généra-
trice.
Ces mêmes plans couperont aussi le plan coupant en
des droites qui seront parallèles entre elles, qui auront
toutes leurs traces horizontales sur les différents
IIO LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. lit
points 0 de la droite HG, et dont les projections ver-
ticales seront aussi parallèles entre elles. Pour avoir
ces projections, il faut d'abord chercher la direction
de l'une d'elles, de celle, par exemple, qui correspond
au plan vertical mené par AA'. Pour cela, si l'on pro-
longe AA' jusqu'à ce qu'elle rencontre, d'une part, la
trace du plan coupant en un point N, et, de l'autre, la
droite LM en un point B, et si l'on projette le point B
en b sur A6, les deux points N et è seront sur les deux
plans de projection les traces de l'intersection du plan
coupant avec le plan vertical. Donc, si l'on projette
le point N en n sur LM, et si l'on mène la droite nb,
on aura la projection verticale de cette intersection.
Donc, en projetant sur LM tous les points O, dans
lesquels la trace GH est coupée par les projections des
l)lans verticaux, ce qui donnera une suite de points o,
et en menant par ces derniers les parallèles oik à n6, on
aura les projections verticales des intersections du
plan coupant par la suite des plans verticaux. Donc
enfin les points de rencontre i, k de chaque droite oik
avec les projections ee\ ff des sections faites dans la
surface cylindrique par le plan vertical correspondant,
seront sur la projection verticale de l'intersection de-
mandée; et la courbe qui passera par tous les joints i,
/f, ainsi déterminés, sera cette projection. Si l'on pro-
jette les points t, /c, en J, K, sur la projection OKE du
plan vertical correspondant, on aura la projection
horizontale des mêmes points, et la courbe KJP, qui
passera par tous les points ainsi déterminés, sera la
projection horizontale de l'intersection.
66. Pour avoir les tangentes de ces deux projections
ir2 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
aux points J, i, il faut se rappeler que ces tangentes
sont les projections de la tangente à l'intersection. Or^
cette dernière tangente étant en même temps dans le
plan coupant et dans le plan tangent à la surface cylin-
drique doit avoir sa trace horizontale dans l'inter-
section des traces horizontales de ces deux plans : de
plus, la trace du plan tangent est la tangente en F à
la courbe GEDF. Donc, si l'on mène cette tangente, et
si, après l'avoir prolongée jusqu'à ce qu'elle rencontre
la trace du plan coupant en un point G, on mène la
droite GJ, cette droite touchera au point J, la pro-
jection horizontale de l'intersection. Enfin, projetant
le point G sur LM en g, et menant la droite gi, on aura
la tangente en i de la projection verticale de la même
courbe.
67. S'il faut construire la courbe de l'intersection,
telle qu'elle existe dans son plan, on concevra que le
plan coupant tourne autour de sa trace horizon-
tale HG, comme charnière, pour s'appliquer sur le
plan horizontal. Dans ce mouvement, chacun des
points de la section, celui, par exemple, qui est projeté
en J, décrira un arc de cercle dont le plan sera vertical,
perpendiculaire à HG, et dont on aura la projection
indéfinie, en menant par le point J une droite RJS
perpendiculaire à HG : donc, lorsque le plan sera
abattu, le point de la section tombera quelque part
sur un point de cette droite. Reste à trouver la dis-
tance de ce point à la charnière : or la projection
horizontale de cette distance est JR, et la dilîérence
des hauteurs de ses extrémités est la verticale is. Si
l'on porte JR sur LM de s en /, l'hypoténuse ri sera
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. Il3
cette distance. Donc, portant ri sur RJ de R en S, le
point S sera un des points de l'intersection consi-
dérée dans son plan abattu sur le plan horizontal; et
la courbe STUV, menée par tous les points S semblable-
ment construits, sera cette intersectioji elle-même.
68. Pour avoir la tangente de cette courbe au
point S, il suffît d'observer que, pendant le mouve-
ment du plan coupant, la tangente ne cesse pas de
passer par le point G de la charnière : donc, si l'on
mène la droite SG, on aura la tangente demandée.
69. Deuxième question. — Construire l'inter-
section d'une surface conique à base quelconque
donnée, par un plan donné de position ?
Solution. — Nous supposerons, ce qui est toujours
possible, que le plan vertical de projection soit placé
perpendiculairement au plan coupant.
Soient A et a' (fig, 29) les projections du sommet
du cône ou du centre de la surface conique,*
l^CDE la trace de cette surface sur le plan horizontal,
/g la projection verticale du plan coupant, et G/ sa
trace horizontale. On imaginera par le sommet du
cône une suite de plans perpendiculaires au plan ver-
tical de projection : les projections verticales de ces
plans seront les droites a' c menées par la projection
du sommet, et leurs traces horizontales seront les
droites cC perpendiculaires à LM, qui couperont la
trace de la surface conique quelque part en des
points C, C, .... Ces plans couperont la surface en
des droites dont les projections verticales seront les
MONOK. — I. 8
n| LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 1 15
droites a' c^ ..., et dont on aura les projections
horizontales en menant au point A les droites CA,
C'A, .... Les mêmes plans couperont aussi le plan
coupant dans des droites qui seront perpendiculaires
au plan vertical. Les projections de ces droites seront
les points h, ... de rencontre de /g avec les droites
a' c, . . .,et Ton aura leurs projections horizontales en
abaissant des points /i, ... sur LM les perpendicu-
laires indéfinies AH, .... Cela fait, les droites h H, ...
couperont les droites correspondantes CA, C'A, ...,
en des points H, H', . . . qui seront les projections
horizontales d'autant de points de l'intersection de-
mandée; et la courbe PHQH', qui passera par tous les
points construits de cette manière, sera la projection
de l'intersection.
70. Pour mener à cette courbe une tangente par
un point H pris à volonté sur elle, il suffit de chercher
sur le plan horizontal la trace de la tangente de l'in-
tersection dans le point qui correspond au point H.
Or, cette trace doit être sur celle du plan coupant, et
par conséquent sur G/; elle doit être aussi sur celle du
plan qui touche la surface conique dans la droite, dont
la projection est AH ; de plus, si l'on prolonge AH
jusqu'à ce (|u'elle rencontre la courbe BCDE quelque
part en un point C, la tangente CF de cette courbe au
point G sera la trace horizontale du plan tangent.
Donc le point F de rencontre des deux traces / G, CF
sera sur la tangente au point H de la courbe PHQH'.
71. S'il est nécessaire de construire l'intersection
considérée dans son plan, on pourra jndiiïéremment
l6 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
concevoir, ou que le plan coupant tourne autour
de G / comme charnière, pour s'abattre sur le plan
horizontal, et construire la courbe dans la position
qu'elle aura prise alors, ou qu'il tourne autour de sa
projection verticale /g pour s'appliquer sur le plan ver-
tical; c'est cette dernière hypothèse que nous allons
suivre.
Toutes les horizontales dans lesquelles la suite des
plans menés par le sommet a coupé le plan coupant,
et qui sont perpendiculaires à /g, ne changent pas de
grandeur dans le mouvement du plan coupant, et ne
cessent pas d'être perpendiculaires à /g : donc, si par
tous les points h on mène à /g des perpendiculaires
indéfinies, et si l'on porte sur elles les horizontales
correspondantes KH, KH', de h en N et en N', les
points N et N' seront des points de la section; et la
courbe RNSN', menée par tous les points ainsi cons-
truits, sera l'intersection considérée dans son plan.
72. D'après tout ce qui précède, il est évident que,
pour mener à cette courbe une tangente en un point N,
pris arbitrairement sur elle, il faut du point N abaisser
sur /g la perpendiculaire N/î, mener la droite a' h
jusqu'à ce qu'elle rencontre LM en un pomt c, projeter
ce dernier point en C sur la courbe BCDE, mener à
cette courbe la tangente en C, qui coupera la trace G/
quelque part en un point F, et porter F/ perpendicu-
lairement à /g de / en 0. La droite ON sera la tangente
demandée.
Quant à la manière de construire le développement
de la surface conique à base quelconque, et de tracer
sur ce développement l'efl'et de l'intersection par le
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. II7
plan coupant, nous Texposerons incessamment, après
avoir parlé de rinterscetion de la surface conique par
celle d'une sphère qui aurait son centre au sommet.
73. Troisième question. — Construire l'inter-
section de deux surfaces coniques à bases circulaires,
et dont les axes sont parallèles entre eux ?
Solution. — Nous ne répéterons pas ici, sur la
figure 26, tout ce que nous avons dit en exposant
la méthode générale à laquelle cette figure servait
de type ; nous observerons seulement que, dans le cas
dont il s'agit ici, de même que dans celui de deux sur-
faces quelconques de révolution, les sections faites
dans les deux surfaces par les plans horizontaux sont
des cercles : mais nous entrerons dans quelques détails
par rapport aux tangentes, dont nous n'avons pas eu
occasion de parler.
74. Pour trouver la tangente au point D (fig. 9,0)
de la projection horizontale de l'intersection, nous
nous rappellerons qu'elle est la projection de la
tangente de l'intersection des deux surfaces, au point
qui correspond à D, et qu'il suffit, pour la déterminer,
de trouver le point S qui est, sur le plan horizontal, la
trace de la tangente de l'intersection. Or cette der-
nière tangente est dans les deux plans qui touchent
les surfaces coniques dans le point de l'intersection;
donc, si l'on trouve les traces horizontales Rr, ()q
de ces deux plans tangents, elles détermineront par
leur rencontre le point S. Mais le plan tangent à la
première surface la touche dans une droite qui pas3e
Il8 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
par le sommet, et dont on aura la projection horizon-
tale en menant la droite indéfinie AD. De plus, si l'on
prolonge AD jusqu'à ce qu'elle rencontre en un
point Q la trace circulaire horizontale TQUV de la
surface, le point Q sera un point de la ligne de contact
de la surface et du plan; par conséqueni, la trace hori-
zontale du plan sera tangente en Q au cercle TQUV :
scit donc menée cette tangente Q^. Pareillement, si
l'on prolonge le rayon BD jusqu'à ce qu'il rencontre
en R la trace horizontale circulaire RXYZ de la seconde
surface, et si l'on mène à ce cercle la tangente en R,
cette droite Rr sera la trace horizontale du plan tan-
gent à la seconde surface. Donc, si par le point S d'in-
tersection des deux tangentes Q(/, Rr on mène la
droite SD, on aura la tangente au point D de la pro-
jection horizontale de l'intersection.
Quant à la tangente au point correspondant d de la
projection verticale, il est clair qu'on l'obtiendra en
projetant le point S en 5, et en menant ensuite la
droite sd, qui sera cettp tangente.
75. Il peut arriver qu'il soit nécessaire de cons-
truire sur le développement de l'une des surfaces
coniques, peut-être même sur celui de chacune d'elles,
l'effet de leur mutuelle intersection; ce qui serait
nécessaire, par exemple, s'il fallait exécuter les cônes
avec des substances flexibles, telles que des feuilles de
métal : dans ce cas, on opérera pour chaque cône, comme
nous allons l'indiquer pour le premier.
Nous observerons d'abord que, lorsqu'une surface
conique se développe pour devenir plane, les lignes
droites qui sont sur cette surface no changent ni de
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. ij^
iorme, ni de grandeur, parce que chacune d'elles est
successivement la charnière autour de laquelle s'opère
le développement : ainsi tous les points de la surface
restent toujours à la même distance du sommet. De
plus, lorsque, comme dans ce cas, la surface conique
est droite et circulaire, tous les points de la trace
horizontale circulaire sont à égale distance du som-
met ; ils doivent donc être à égale distance du sommet
sur le développement, et par conséquent sur un arc de
cercle dont le rayon est égal à la distance constante du
sommet à la trace circulaire. Donc, si après avoir pris
arbitrairement un point pour représenter le sommet
sur le développement, on décrit de ce point, comme
centre, et d'un rayon égal à aC, un arc de cercle indé-
fini, cet arc sera aussi indéfiniment le développement
de la trace horizontale de la surface. Puis, si, à partir du
point T de la trace par lequel on veut commencer le
développement, on porte l'arc de cercle TQ sur l'arc
qu'on vient de décrire, on déterminera la position du
point Q sur le développement; et la droite indéfinie,
menée par ce point au centre du développement, sera
la position qu'occupera la droite de la surface qui est
projetée en AQ, et sur laquelle devra se trouveï le
point D, d de la section rapportée. Pour construire ce
point, il ne s'agira plus que de trouver sa distance au
sommet, et de là porter sur là droite indéfinie, à partir
du centre du développement. Pour cela, par le point d
dans la projection verticale, on mènera l'horizontale dk
jusqu'à ce qu'elle coupe le côté a G du cône en un
point k; et la droite ak sera cette distance. En cons-
truisant de même successivement tous les autres points
dfr l'intersection, et faisant passer par tous ces points
I20 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
une courbe, on aura l'intersection des deux surfaces
rapportées sur le développement de la première : on
opérera de même pour la seconde surface.
76. Quatrième question. — Construire l'intersec-
tion de deux surfaces coniques à bases quelconques ?
Solution. — Soient A, a (fig. 3o) les projections
du sommet de la première surface; CGDG', sa trace
donnée sur le plan horizontal; B, è, les projec-
tions du sommet de la seconde; et EHFH', sa trace
sur le plan horizontal. On concevra par les deux som-
mets une droite, dont on aura les projections en me-
nant les droites indéfinies AB, ab, et dont on cons-
truira facilement la trace I sur le plan horizontal. Par
cette droite on concevra une série de plans qui cou-
peront chacun les deux surfaces coniques dans le sys-
tème de plusieurs lignes droites ; et celles de ces lignes
droites qui seront dans le même plan détermineront
par leurs rencontres autant de points de l'intersection
des deux surfaces. Les traces horizontales de tous les
plans de cette série passeront nécessairement par le
point I; et, parce que la position de ces plans est
d'ailleurs arbitraire, on pourra donc se donner arbi-
trairement leurs traces en menant par le point I tant
de droites IK qu'on voudra, pour chacune desquelles
on fera l'opération que nous allons décrire pour une
seule d'entre elles.
La trace Kl de chacun des plans de la série coupera
la trace horizontale de la première surface conique en
des points G, G', qui seront aussi les traces horizon-
tales des lignes droites, suivant lesquelles le plan coupe
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
1*21
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«I2î2 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
la surface conique : ainsi AG, AG' seront les projec-
tions horizontales indéfinies de ces droites, et l'on
aura leurs projections verticales en projetant G, G'
en g, g', et en menant les droites indéfinies ag, ag' .
Pareillement la trace Kl du même plan de la série
coupera la trace horizontale de la seconde surface co-
nique dans des points H, H', par lesquels si l'on mène
indéfiniment BH, BH', on aura les projections horizon-
tales des droites, suivant lesquelles le même plan de
la série coupe la seconde surface; et l'on aura leurs
projections verticales en projetant H, H' en h^ h\ et
en menant les droites indéfinies bh, bh'.
Gela fait, pour le même plan dont la trace est Kl, on
aura sur la projection horizontale un certain nombre
de droites AG, AG', BH, BH'; et les points P, Q, R, S,
où celles qui appartiennent à l'une des surfaces ren-
contreront celles qui appartiennent à l'autre, seront
les projections horizontales d'autant de points de
l'intersection des deux surfaces. Ainsi en opérant suc-
cessivement de la même manière pour d'autres lignes
Kl, on trouvera de nouvelles suites de points PQRS;
et faisant ensuite passer par tous les points P une pre-
mière branche de courbe, par tous les points Q une
seconde, par tous les points R une troisième, etc., on
aura la projection horizontale de l'intersection de-
mandée.
Pareillement, pour le même plan dont la trace
est Kl, on aura sur la projection verticale un certain
nombre de droites ag, ag', bh, bh\ dont les points de
rencontre seront les projections verticales d'autant
de points de l'intersection.
Il faut observer ici qu'il n'est pas nécessaire de cons-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 123
truire les deux projections de la courbe d'intersection,
indépendamment l'une de l'autre, et (ju'un point de
l'une étant construit, on peut trouver son correspon-
dant sur l'autre projection, en le projetant par une
perpendiculaire à la commune intersection des deux
plans de projection sur l'une des droites qui doit le
contenir; ce qui fournit les moyens de vérifier les ope
rations, et d'éviter dans certains cas les intersections
de droites qui se couperaient sous des angles trop
obliques.
77. Pour trouver les tangentes à la projection
horizontale, celle, par exemple, qui la touche au
point P, il faut construire la trace horizontale T de la
tangente de l'intersection au point qui correspond
à P. Or cette tangente est l'intersection des deux plans
qui touchent les surfaces coniques dans ce point : sa
trace sera donc dans la rencontre des traces horizon-
tales de ces deux plans tangents. De plus, A(x' P est la
projection de la droite de contact du plan qui touche la
première surface ; ainsi la trace de ce premier plan sera
la tangente de la courbe GGDG' au point G' : soit
G' TV cette tangente. Pareillement BH' P est la pro-
jection horizontale de la droite de contact du plan qui
touche la seconde surface; ainsi la trace horizontale
du second plan tangent sera la tangente au point II'
de la courbe EHFH' : soit H' TU cette tangente. Les
deux tangentes G' V, H' U se couperont donc en un
point T, par lequel, si l'on mène la droite TP, on aura
la tangente au point P demandée.
En raisonnant de même pour les autres points Q,
R, S, on trouvera : 1° que la tangente en Q doit passer
124 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
par le point de rencontre des tangentes en G' et en H;
•2^ que la tangente en R doit passer par la rencontre
des tangentes en H et en G; 3° que la tangente en S
doit passer par la rencontre des tangentes en G et
en H\
Quant aux tangentes de la projection verticale, elles
n'ont aucune difficulté, lorsque celles de la projection
horizontale sont déterminées, car en projetant les
traces horizontales des tangentes de l'intersection, on
a les points par lesquels elles doivent passer.
78. Cinquième question. — Construire l'intersec-
tion d'une surface conique à base quelconque, et de
celle d'une sphère ?
Nous supposerons ici que les deux surfaces sont
concentriques, c'est-à-dire que le sommet du cône est
placé au centre de la sphère, parce que nous aurons
besoin de ce cas particulier pour la question suivante.
Solution. — Soient A, a {fig. 3i) les projections
du centre commun des deux surfaces, BCDE la
trace horizontale donnée de la surface conique,
am le rayon de la sphère, et le cercle If g' m la pro-
jection verticale de la sphère. On concevra par le
centre commun des deux surfaces une série de plans,
que l'on pourra de plus supposer tous perpendicu-
laires à l'un des deux plans de projection. Dans la
figure 3i, nous les avons supposés verticaux. Chacun
de ses plans coupera la surface conique dans un sys-
tème de lignes droites, et la surface de la sphère dans
la circonférence d'un de ses grands cercles; et pour
chaque plan, les rencontres de ces droites avec la cir-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
il6 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIÈNTIF'lQUE.
conférence du cercle détermineront des points de l'in-
tersection demandée : soient donc menées par le
point A tant de droites indéfinies CAE qu'on voudra,
qui seront les projections horizontales d'autant de
plans verticaux de la série, et en même temps celles des
lignes suivant lesquelles ces plans coupent les deux
surfaces. Chaque droite CAE coupera la trace horizon-
tale BCDE de la surface conique en des points C, E,
qui seront les traces horizontales des sections faites
dans cette surface par le plan correspondant; et si,
après avoir projeté les points C, E sur LM en c, e, on
mène les droites ac^ ae, on aura les projections verti-
cales des mêmes sections. Il s'agit actuellement de
trouver les rencontres de ces sections avec celles de la
sphère par le même plan.
Pour cela, après avoir mené par le point A la droite
GAF parallèle à LM, on concevra que le plan vertical
mené par CE tourne autour de la verticale qui est
élevée par le point A et projetée en ci a, jusqu'à ce
qu'il devienne parallèle au plan vertical de projection,
et de plus qu'il entraîne avec lui les sections qu'il a
faites dans les deux surfaces. Dans ce mouvement, les
points C, E décriront autour du point A, comme centre,
des arcs de cercle CG, EF, et viendront s'appliquer
en G, F ; et si l'on projette ces derniers points sur LM
en g, /, les droites «g, af seront les projections verti-
cales des sections faites dans la surface conique, con-
sidérées dans la nouvelle position qu'elles ont prise
en vertu du mouvement du plan. La section faite dans
la surface de la sphère, considérée de même dans la
nouvelle position, aura pour projection verticale la
circonférence If g' m. Donc les points de rencontre /',
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. 127
g' de cette circonférence avec les droites ag, af seront
les projections des points de l'intersection demandée,
considérés aussi dans la nouvelle position du plan.
Actuellement, pour avoir les projections des mornes
points considérés dans leur position naturelle, il faut
supposer que le plan vertical de la série retourne dans
su position primitive. Dans ce mouvemeni, tous les
points du plan, et par conséquent ceux de l'inter-
section qu'il contient, décriront des arcs de cercles
horizontaux autour de la verticale élevée par le point A
comme axe, et dont les projections verticales seront
des droites horizontales. Donc, si par les points g\ f
on mène les horizontales ^'i, f'h^ elles contiendront
les projections verticales des points de l'intersection :
mais ces projections doivent aussi se trouver sur les
droites respectives ac^ ae; donc elles seront aux points
de rencontre i, h de ces dernières droites avec les
horizontales g'i, f h. Ainsi la courbe /c/mi, imenée paj*
tous les points construits de la même manière pour
toute autre droite que CE, sera la projection verticale
de l'intersection demandée.
Si l'on projette les points i, h sur CE en J, 11, on
aura les projections horizontales des mêmes points
de l'intersection; et la courbe KHNJ menée par tous
les points J, H, construits de la même manière pour
toute autre droite que CE, sera la projection horizon-
tale de l'intersection.
79. Pour trouver la tangente au point J de la pro-
jection horizontale, il faut construire la trace horizon-
tale P de la tangente au point correspondant de l'in-
tersection. Cette droite doit se trouver à la rencontre
I'28 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
des traces des plans tangents aux deux surfaces au
point de l'intersection qui correspond au point J. Or
il est évident que, si par le point C on mène à la
courbe BGDE la tangente CP, on aura la trace du
plan tangent à la surface conique. Quant à celle du
plan tangent de la sphère, on opérera comme nous
l'avons vu pour les surfaces de révolution, c'est-à-dire
en menant par le point g' au cercle If g' m la tangente
g'o prolongée jusqu'à la droite LM en o, en portant
ensuite a' o sur CE de A en 0, et menant par le point 0
la droite OP perpendiculaire à CE. Donc les deux
traces CP, OP se couperont en un point P par lequel,
si l'on mène la droite JP, on aura la tangente au
point J.
Enfin, il est évident que l'on aura la tangente au
point i de la projection verticale de l'intersection, en
projetant le point P sur LM en p, et menant ensuite
la droite ip, qui sera la tangente demandée.
80. Si la sphère et la surface conique n'étaient pas
concentriques, il faudrait concevoir par leurs deux
centres une ligne droite, et choisir la série des plans
coupants qui passerait par cette droite. Chacun de
ces plans couperait la surface conique dans des dioites,
et celle de la sphère dans un de ses grands cercles,
comme dans le cas précédent, ce qui donne également
une construction simple; mais alors il serait avanta-
geux de placer le plan vertical de projection parallè-
lement à la droite menée par les deux centres, afin que,
dans le mouvement que l'on fait faire à chaque, plan
coupant pour le rendre parallèle au plan vertical de
projection, les deux centres soient immobiles et ne
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 129
changent pas de projections; ce qui simplifie les cons-
tructions.
81. Sixième question. — Construire le dévelop-
pement d'une surface conique à base quelconque, et
rapporter sur cette surface ainsi développée une sec-
tion dont on a les deux projections ?
Solution. — On concevra la surface d'une sphère
d'un rayon pris à volonté, et dont le centre soit placé
au sommet du cône, et on construira, comme nous
l'avons fait dans la question précédente, les projec-
tions de l'intersection de ces deux surfaces. Cela fait,
il est évident que tous les points de l'intersection sphé-
rique étant à la même distance du sommet, ils doivent
aussi sur la surface développée se trouver à la même
distance du sommet, et par conséquent sur un arc de
cercle décrit du sommet comme centre, et avec un
rayon égal à celui de la sphère. Ainsi, en suppo-
sant que le point R {fig. 33) soit le sommet de la
surface développée, si de ce point comme centre, et
d'un rayon égal à am {fig. 3i), on décrit un arc de
cercle indéfini STU, ce sera sur cet arc que tous les
points de l'intersection sphérique viendront s'appli-
quer, de manière que les parties de cet arc seront ros-
pectivement égales aux parties correspondantes de
l'intersection sphérique. Il s'agit donc actuellement,
après avoir pris à volonté sur cette intersection un
point pour origine, par exemple, celui qui est projeté
en N, n (fig. 3i), et un point S {fig. 33) pour son cor-
respondant sur la surface développée, de développer
Jes différents arcs'de l'intersection sphérique, et de les
MONGE. — I. 0
l3o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
porter successivement sur l'arc de cercle STU de S en
des points T. Pour cela, la courbe sphérique étant à
double courbure, il faut lui faire perdre successive-
ment ses deux courbures, sans altérer sa grandeur,
de la manière suivante :
L'intersection sphérique étant projetée sur le pian
horizontal en NJKH (flg. 3i), on peut la regarder
comme tracée sur la surface d'un cylindre vertical,
dont la base serait NJKH : on pourra donc développer
cette surface, comme nous l'avons indiqué (fig. 27), et
rapporter sur cette surface cylindrique développée
l'intersection sphérique, en développant l'arc NJ
(fig. 3i) en N' J' (fig. 82), et en portant la verticale i' i
(fig. 3i) perpendiculairement à N'N' (fig. 82) de J'
en J". La courbe N"J"K"H"N'', qui passera par tous
les points J" ainsi déterminés, sera l'intersection sphé-
rique privée de sa courbure horizontale, sans avoir
changé de longueur. On aura la tangente au point J'^
de cette courbe, en prenant JP (fig. 81) et la portant
sur N'N' (fig. 82) de J' en P', et menant la droite J"P\
Actuellement, on développera la courbe N" J^K^'H^N"
pour la replier sur l'arc STU (fig. ZZ) : par exemple, on
portera l'arc N" J" de S en T, et le point T sera sur la
surface conique développée, le point où s'applique
celui de l'intersection sphérique, dont les projections
sont J, i (fig. 81). Donc, si l'on mène la droite RT, on
aura sur le développement de la surface la génératrice
dont la projection horizontale est AC (fig. 81); enfin,
s'il se trouve sur cette génératrice un point qu'il faille
rapporter sur la surface développée, il ne s'agira plus
que de prendre (fig. 3i) la distance de ce point au
sommet de la surface conique, et de la porter (fig. ZZ)
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. l3l
sur RT de R en V; et le point V sera sur la surface
développée celui que l'on considère.
82. Septième question. — Construire l'intersec-
tion de deux surfaces cylindriques à bases quel-
conques ?
Solution. — Lorsque, dans la recherche qui donne
lieu à la question dont il s'agit, on n'a pas d'autres
intersections à considérer que celle des deux surfaces
cylindriques, et surtout quand ces surfaces sont à
bases circulaires, il est avantageux de choisir les plans
de projection de manière que l'un d'entre eux soit
parallèle aux génératrices des deux cylindres : par là
l'intersection se construit sans employer d'autres
courbes que celles qui sont données. Mais, lorsqu'on
doit considérer en même temps les intersections de
ces surfaces avec d'autres, il n'y a plus d'avantage à
changer de plans de projection; et même il est plus
•facile de se représenter les objets en les rapportant
tous aux mêmes plans.
Nous allons donc supposer les génératrices des deux
surfaces placées d'une manière quelconque, par rapport
aux plans de projection.
Soient donc {fig. 34) TFF'U, XGG'V les traces
horizontales données des deux surfaces cylindriques ;
AB, ab les projections données de la droite à
laquelle la génératrice de la première doit être paral-
.lèle; CD, cd celles de la droite à laquelle doit être
parallèle la génératrice de la seconde. On concevra une
série de plans parallèles aux deux génératrices. Ces
plans couperont les deux surfaces dans des lignes
droites ; et les rencontres des ^eux sections faites dans
l32 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. l33
la première surface, par les sections faites dans la
seconde, détermineront les points de l'intersection
demandée.
Ainsi, après avoir construit, comme dans la figure i5,
la trace horizontale AE d'un plan mené par la
première droite donnée parallèlement à la seconde,
on mènera parallèlement à cette trace tant de
droites FG' qu'on voudra, et Ton regardera ces paral-
lèles comme les traces des plans de la série. Chaque
droite FG' coupera la trace de la première surface en
des points F, F', et celle de la seconde en d'autres
points G, G', par lesquels on mènera aux projections
des génératrices respectives les parallèles FH, F'H', ...,
GJ, G' J', ... ; et les points de rencontre P, Q, R, S,
de ces droites, seront les projections horizontales
d'autant de points de l'intersection des deux surfaces.
En opérant de même pour la suite des droites FG', on
trouvera une suite de systèmes de points P, Q, R, S,
et la courbe qui passera par tous les points trouvés
de la même manière sera la projection horizontale
de l'intersection.
Pour avoir la projection verticale, on projettera
sur LM les points F, F', . . ., G, G', ... en /, /', . . .,
g, g', . . ., et, par ces derniers points, on mènera aux
projections des génératrices respectives les paral-
lèles //i, /' /i', . . . , gi, g' i'j ... qui, par leurs ren-
contres, détermineront les projections verticales p,
g, r, s des points de l'intersection. En opérant de
même pour toutes les autres droites FG', on aura de
nouveaux points p, ç, r, 5; et la courbe qui passera par
tous ces points sera la projection verticale de l'inter-
section.
l34 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
Pour avoir les tangentes de ces courbes aux points R
et p, on construira la trace horizontale F' Y du plan
tangent en ce point à la première surface cylindrique |
puis la trace G' Y du plan tangent en ce même point à
la seconde ; et la droite, menée du point P au point Y
de rencontre de ces traces, sera la tangente en P. Enfiil,
projetant Y sur LM en ?/, et menant la droite py, on
aura la tangente au point p de la projection verticale.
83. Huitième question. — Construire l'inter-
section de deux surfaces de révolution, dont les axes
sont dans un même plan ?
Solution. — On disposera les plans de projection
de manière que l'un d'entre eux soit perpendiculaire
à l'axe d'une des surfaces, et que l'autre soit paral-
lèle aux deux axes. D'après cela, soient A {fig, 35)
la projection horizontale de l'axe de la première
surface, aa' sa projection verticale, et cde la géné-
ratrice donnée de cette surface. Soient AB, paral-
lèle à LM, la projection horizontale de l'axe de la
seconde surface, a'b sa projection verticale, de manière
que A et a' soient les projections du point de rencontre
des deux axes; et soit fgh la génératrice donnée de
cette seconde surface. On concevra une série de sur-
faces sphériques, dont le centre commun soit placé
au point de concours des deux axes. Pour chacune des
surfaces de cette série, on construira la projection
iknopq du grand cercle parallèle au plan vertical de
projection; et ces projections, qui seront des arcs de
cercle décrits du point a' comme centre, et avec des
rayons arbitraires, couperont les deux génératrices en
des points A, p.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
Cela posé, chaque surface sphérique coupera la pre-
mière surface dans la circonférence d'un cercle, dont
le plan sera perpendiculaire à Taxe aa\ et dont on
aura la projection verticale en menant l'horizontale ko^
et dont on aura la projection horizontale en décri-
vant du point A comme centre, et d'un diamètre égal
à Ao, la circonférence de cercle KROR'. De même
chaque surface sphérique de la série coupera la seconde
surface de révolution dans la circonférence d'un cercle
dont le plan sera perpendiculaire au plan vertical
de projection, et dont on aura la projection verticale
en menant par le point p une droite pn perpendicu-
laire à a'b.
Si le point r, dans lequel se coupent les deux
droites ko, pn, est plus près des deux axes respectifs
que n'en sont les points /r, p, il est évident que les
deux circonférences de cercles se couperont en deux
points, dont le point r sera la projection verticale
commune ; et la courbe menée par tous les points r,
construits de la même manière, sera la projection ver-
ticale de l'intersection des deux surfaces. Projetant le
point r sur la circonférence du cercle KROR' en R et R',
on aura les projections horizontales des deux points de
rencontre des circonférences de cercles qui se trouvent
sur la même sphère; et la courbe menée par tous les
points R, R', construits de la même manière, sera la
projection horizontale de l'intersection demandée.
Ces exemples doivent suffire pour faire connaître la
manière dont il faut employer la méthode de construire
les intersections des surfaces et de leur mener des tan-
gentes, surtout si les élèves s'appliquent à construire
avec la plus grande exactitude, s'ils emploient de
l36 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
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GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 187
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grandes dimensions, et si, autant qu'il sera possible,
ils tracent les courbes dans toute leur étendue.
84. Dans tout ce qui précède, nous avons regardé
les courbes à double courbure comme déterminées cha-
cune par deux surfaces courbes dont elle est l'intersec-
tion, et c'est, en effet, le point de vue sous lequel elles
se présentent le plus ordinairement dans la Géométrie
descriptive. Dans ce cas, nous avons vu qu'il est tou-
jours possible de leur mener des tangentes. Mais, de
même qu'une surface courbe peut être définie au
moyen de la forme et du mouvement de sa génératrice,
il peut arriver aussi qu'une courbe soit donnée par la
loi du mouvement d'un point générateur; et alors,
pour lui mener une tangente, si l'on ne veut pas avoir
recours à l'Analyse, on peut employer la méthode de
Roberval. Cette méthode, qu'il inventa avant que
Descartes eût appliqué l'Algèbre à la Géométrie, est
implicitement comprise dans les procédés du Calcul
différentiel, et c'est pour cela que les éléments de
Mathématiques n'en font pas mention; nous nous
contenterons ici de l'exposer d'une manière sommaire.
Ceux qui désireront en voir des applications nom-
breuses pourront consulter les Mémoires de VAca-
demie des Sciences, antérieurs à 1699, dans lesquels les
ouvrages de Roberval ont été recueillis.
85. Lorsque, d'après la loi de son mouvement, un
point générateur est perpétuellement poussé vers un
même point de l'espace, la ligne qu'il parcourt en vertu
de cette loi est droite; mais si, dans chaque instant de
son mouvement, il est en même temps poussé vers
l38 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
. t , . '.
deux points, la ligne qu'il parcourt, et qu^, dans
quelques cas particuliers, peut encore être une droite,
est en général une ligne courbe. On aura la tSMigente
à cette courbe en menant par le point de la courbe
deux droites, suivant les deux directions différentes
du mouvement -du point générateur, en portant sur
ces directions, et dans le sens convenable, des parties
proportionnelles aux deux vitesses respectives de ce
point, en achevant le parallélogramme, et en menant
la diagonale, qui sera la tangente demandée f car cette
diagonale sera dans la direction du mouvement du
point décrivant, au point de la courbe que l'on consi-
dère.
86. Nous ne-^iterons qu'un seul exemple.
Un fil AyLB (fig, -36) ^tant attaché par ses extré-
mités à deux points fixes A, B, si, au moyen d'une
pointe M, on tend ce fil, et si l'on fait mouvoir la
pointe, de manière que le fil soit toujours tendu, la
pointe j décrira une courbe DCM qui, comme on sait,
est une ellipse dont les points fixes A, B sont les foyers.
D'après la génération de cette courbe, il est très facile
de lui mener une tangente par la méthode de Roberval.
En effet, puisque la longueur du fil ne change pas,
dans chaque instant du mouvement le rayon AM
s'allonge de la même quantité dont le rayon BM se
raccourcit. La vitesse du point décrivant dans la direc-
tion AM est donc égale à sa vitesse dans la direc-
tion MQ. Donc, si l'on porte sur MB, et sur le prolon-
gement de AM, des droites égales MQ, MP, et si l'on
achève le parallélogïïimme MPRQ, la diagonale MR
de ce parallélogramme sera la direction du point gêné-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. ' iSg
rateur en M, et, par conséquent, la tangente au même
point de la courbe. On voit clairement, d'après cela,
que dans l'ellipse la tangente partage en deux parties
égales l'angle BMP formé par un des rayons vecteurs
et par le prolongement de l'autre ; que les angles AMS
et BMR sont égaux entre eux, et que la courbe doit
avoir la propriété de réfléchir à un des foyers les
rayons de lumière émanés de l'autre.
Il est facile d'étendre la méthode de Roberval au
cas des trois dimensions, et de l'appliquer à la cons-
truction des tangentes des -courbes à double cour-
bure. En effet, si un point générateur se meut dans
l'espace, de manière qu'à chaque instant de son mouve-
ment il soit poussé vers trois points différents, la ligne
qu'il parcourt, et qui, dans quelques cas particuliers,
peut être plane et même droite, est en général une
courbe à double courbure. On aura la tangente de cette
courbe en un point quelconque, en menant par ce
point des droites, suivant lea trois directions diffé-
rentes des mouvements du point générateur ; en portant
sur ces droites, et dans le sens convenable, des parties
proportionnelles aux trois vitesses respectives de ce
point, en achevant le parallélépipède; et en menant
la diagonale du parallélépipède, qui sera la tangente
de la courbe au point que l'on considère.
87. Nous allons appliquer cette méthode à un cas ana-
logue à celui de l'ellipse; et la figure 87, que nous
allons employer, représentera l'objet en perspective,
et non pas en projection.
Trois points fixes A, B, C étant donnés dans l'espace,
soit un premier fil AMB attaché par ses deux extré-
l4o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
mités aux points A et B 5 soit un autre fil AMC, d'une
grandeur indépendante de celle du premier, et qui
soit attaché par ses extrémités aux deux points A
et C ; si un point générateur, saisissant en même temps
les deux fils, se meut de manière que ces fils soient
toujours tendus, il parcourra une courbe à double
courbure (^). Pour mener à cette courbe une tangente
au point M, il faut remarquer que la longueur du pre-
mier fil AMB étant constante dans chaque instant du
mouvement, la quantité dont la partie AM s'allonge
est égale à celle dont la partie MB se raccourcit, et que
la vitesse du point générateur dans la direction AM
est égale à sa vitesse dans la direction MB. De même,
la longueur du fil AMC étant constante, la vitesse
du point générateur dans la direction MC est encore
égale à sa vitesse dans la direction AM. Donc, si sur
le prolongement de AM, et sur les droites MB, MC,
on porte les parties égales MP, MQ, MR, et si
l'on achève le parallélépipède MPUSVQRT, la diago-
nale MS de ce parallélépipède sera la tangente de-
mandée.
Comme la méthode de Roberval est fondée sur le
(^) M. Dupin, en s'occupant de la détermination d'une
sphère tangente à trois autres, a fait voir que la courbe
indiquée ci-dessus comme à double courbure, est plane
et du second degré ; ce qui tient à la théorie générale du
nombre infmi de foyers qui appartiennent à chaque courbe
du deuxième degré. Voir la Correspondance sur l'École
Polytechnique, t. I, p. 22 ; t. II, p. 887, et les Développe-
ments de Géométrie, par M. Dupin, p. 280. (Note commu-
niquée par M. Dupin. )
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. l4l
principe de la composition du mouvement, il est facile
d'apercevoir que, dans les cas moins simples que ceux
que nous avons choisis pour exemples, on peut s'aider
des méthodes connues pour trouver la résultante de
forces qui sont dirigées vers un point, et dont on con-
naît les grandeurs et les directions.
FIN DU PREMIER VOLUME.
TABLE DES MATIERES
DU PREMIER VOLUME.
Pages,
Avertissement v
Notice, biographique vu
Programme xiii
I.
Objet de la Géométrie descriptive i
Considérations d'après lesquelles on détermine la
position d'un point situé dans l'espace. De la mé-
thode des projections l
Comparaison de la Géométrie descriptive avec
l'Algèbre 17
Convention propre à exprimer les formes et les posi-
tions des surfaces. Applications au plan 19
Solutions de plusieurs questions élémentaires rela-
tives à la ligne droite et au plan 25
II.
Des plans tangents aux surfaces courbes, et de leurs
normales 39
Méthode pour mener des plans tangents par des points
donnés sur les surfaces 4^
Des conditions qui déterminent la position du plan
tangent à une surface courbe quelconque; observa-
tion sur les surfaces développables 56
" LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE "
HuYGENs (Christian). — Traité de la lumière. Un vol. de x-155 pages
et 74 figures ; broché, net 3 fr. 50
Lavoisier (A.-L.). — Mémoires sur la respiration et la transpira-
tion des animaux. Un vol. de viii-68 pages ; broché, net. , . 3 fr. »
Spallanzani (Lazare). — Observations et Expériences faites sur les
Animalcules des Infusions. Deux vol. de viii-106 et 122 pages;
chaque vol. broché, net 3 fr. »
Clairaut (A.-C). — Eléments de Géométrie. Deux vol. de xiv-95 et
103 pages avec 69 et 77 figures; chaque vol. broché, net. 3 fr. 50
Lavoisier et Laplace. — Mémoire sur la chaleur. Un vol. de 78 pages
avec 2 planches; broché, nel ♦ . . 3 fr. »
Carnot (Lazare). — Réflexions sur la métaphysique du Calcul infini-
tésimal. Deux vol. de viii-117 et 105 pages avec 5 figures; chaque
vol. broché, net 3 fr. »
D'Alembert (Jean). — Traité, de Dynamique. Deux vol. de xl-102 et
187 pages avec 81 figures; chaque vol. broché, net 3 fr. »
Dutrochet (René). — Les mouvements des végétaux. Du réveil et du
sommeil des plantes. Un vol. de viii-121 pages et 25 figures; broché,
net . . . 3 fr. »
Ampère (A.-M.). — Mémoires sur V électromagnétisme et V électrodyna-
mique. Un vol. de xiv-110 pages et 17 figures ; broché, net 3 fr. »
Laplace (P.-S.). — Essai philosophique sur les probabilités. Deux
vol. de xii-103 et 108 pages; chaque vol. broché, net ... 3 fr. »
BouGUER (Pierre). — Essai d'optique sur la gradation de la lumière.
Un vol. de xx-130 pages et 17 figures ; broché, net. . . 3 fr. i
Painlevé (Paul). — Les axiomes de la Mécanique. Examen critique.
Note sur la propagation de la lumière. Un vol. de xm-1 12 pages et
4 figures; broché, net 4 h. »
Sous presse :
Mariotte (Edme). — Discours de la nature de Vair. De la végétation
des plantes. Nouvelle découverte louchant la vue. Un vol. de
00 pages; broché, net >
MoNGH (Gaspard). — Géométrie descriptive. Deux vol. de xvi-144
et 138 pages avec 53 figures; chaque vol. broché, net. ... »
Il est tiré de chaque volume 10 exemplaires sur papier
de Hollande, au prix uniforme et net de 6 francs.
LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE
Collection de Mémoires et Ouvrages
Publiée par les soins de Maurice SOLOVINE
^ _ it
GEOMETRIE DESCRIPTIVE
PAR
Gaspard MONGE
AUGMENTÉE DTNE THÉORIE DES OMBRES ET DE L4 PERSPECTIVE
EXTRAITE DES PAPIERS DE l'aUTEUR
Par Barnabe BRISSON
II.
PARIS
GAUTHIER-VILLARS ET C", ÉDITEURS
LIBRAIRES DO BUREAU DBS LONGITUDES, DE l'ÉCOLE POLYTECHNIQUE
Quai des Grands-Augustins, 55.
1922
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés
pour tous pays.
GÉOMÉTRIE DESCHIPTIVE
IV.
APPLICATION DE LA MÉTHODE DE CONSTRUIRE LES
INTERSECTIONS DES SURFACES COURBES A LA SOLU-
TION DES DIVERSES QUESTIONS.
88. Nous avons donné [fig. '26) la méthode de
construire les projections de l'intersection de deux
surfaces courbes définies de forme et de position; et
nous l'avons fait d'une manière abstraite, c'est-à-dire
sans nous occuper de la nature des questions qui
pourraient rendre nécessaires de pareilles recherches,
l/exposition de cette méthode, considérée d'une ma-
nière abstraite, serait suffisante pour le plus grand
nombre des arts; car, si l'on prend pour exemples
Fart de la coupe des pierres et celui de la charpenterie,
les surfaces courbes que l'on y considère, et dont on
peut avoir besoin de construire les intersections,
forment (irdinairement l'objel princi[)al dont on
s'occupe, et elles se présentent naturellement. Mais la
Géométrie descriptive devant devenir un jour une des
parties principales de l'éducation nationale, parce que
les méthodes qu'elle donne sont aussi nécessaires aux
artistes que le sont la lecture, Técriture et Tarithmé-
tique, nous croyons qu'il est utile à-^ faire voir par
quelques exemples comment elle peut suj_'pléer l'Ana-
MONOt. — II. I
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
lyse pour la solution d'un grand nombre de questioiis,
qui, au premier aperçu, ne paraissent pas de nature
à devoir être traitées de cette manière. Nous com-
mencerons d'abord par des exemples qui n'exigent
que les intersections de plans, nous passerons ensuite
à ceux pour lesquels les intersections de surfaces
courbes sont nécessaires.
89. La première question qui frappe d'une manière
remarquable ceux qui apprennent les éléments de
Géométrie ordinaire est la recherche du centre du
cercle dont la circonférence passe par trois points
placés arbitrairement sur un plan. La détermination
de ce centre par l'intersection de deux lignes droites,
sur chacune desquelles il doit se trouver nécessaire-
ment, frappe les élèves, et par sa généralité, et parce
qu'elle donne un moyen d'exécution. Si toute la Géo-
métrie était traitée de cette manière, ce qui est pos-
sible, elle conviendrait à un plus grand nombre
d'esprits; elle serait cultivée et pratiquée par un plus
grand nombre d'hommes; l'instruction moyenne de la
nation serait plus avancée, et la science elle-même
serait poussée plus loin. Il existe dans les trois dimen-
sions une question analogue à celle que nous venons
de citer, et c'est par elle que nous allons commencer.
90. Première question. — Trouver le centre et
le rayon d'une sphère dont la surface passe par quatre
points donnés arbitrairement dans l'espace ?
Solution. — Les quatre points étant donnés par
leurs projections horizontales et verticales, on con-
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
cevra par l'un d'eux des droites menées à chacun des
trois autres; et l'on tracera les projections horizon-
tales et verticales de ces trois droites. Puis, considé-
rant la première de ces droites, il est évident que le
centre demandé devant être à égale distance de ses
deux extrémités, il doit se trouver sur le plan perpen-
diculaire à cette droite, et mené par son milieu. Si
donc on divise en parties égales les projections de la
droite, ce qui donnera les projections de son iniiieu,
et si l'on construit les traces du plan mené par le point
perpendiculairement à la droite, ce que nous savons
faire, on aura les traces d'un plan sur lequel le cenire
demandé doit se trouver. Considérant ensuite les deux
autres droites, et faisant successivement pour chacune
d'elles la même opération, on aura les traces des trois
plans différents, sur chacun desquels doit se trouver
le centre demandé. Or, de ce que le centre doit être
sur le premier de ces pians et sur le second, il doit être
sur la droite de leur intersection; donc, si l'on construit
les projections de cette intersection, on aura, sur
chaque plan de projection, une droite qui contiendra
la projection du centre. Par la même raison, si l'on
construit les projections de l'intersection du premier
plan et du troisième, on aura encore, sur chaque plan
de projection, une autre droite qui contiendra la pro-
jection du centre. Donc, sur chaque plan de projec-
tion on aura deux droites qui, par leur intersection,
détermineront la projection demandée du centre de la
sphère.
Si l'on employait l'intersection du second plan et
du troisième, on aurait une troisième droite qui pas-
serait par le centre, et dont les projections passeraient
4 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
encore par les projections demandées, ce qui fournit
un moyen de vérification.
Quant au rayon, il est évident que si, par la projec-
tion du centre et par celle d'un des points donnés, on
mène une droite, elle sera sa projection; on pourra
donc avoir la projection horizontale et la projection
verticale du rayon, et par conséquent sa grandeur.
91. Si l'on est libre de choisir la position des plans
de projection, la méthode précédente peut être consi-
dérablement simplifiée. En effet, supposons que celui
de ces plans que nous regardons comme horizontal
(fig. 38) passe par trois des points donnés, de
manière que des projections données A, B, C, D des
quatre points, les trois premières se confondent avec
leurs points respectifs; puis, après avoir mené les
trois droites AB, AC, AI), supposons que le plan ver-
tical soit parallèle à AD, c'est-à-dire que les droites TiM
et AD soient parallèles entre elles; les projections ver-
ticales des trois premiers points seront sur LM en
des points a, ^, c, et celle du quatrième sera donnée
(jnelque part en un point d de la droite Dd perpen-
diculaire à LM. Cela posé, la droite menée du point A
au point B étant horizontale, tout plan qui lui sera
perpendiculaire sera vertical, et aura pour projection
horizontale une droite perpendiculaire à AB. Il en est
de même pour la droite menée du point A au point C.
Donc, si sur le milieu de AB on lui mène la perpendi-
culaire indéfinie Ee, cette perpendiculaire sera la pro-
jection horizontale d'un plan vertical qui passe par le
centre de la sphère; donc la projection horizontale du
centre sera quelque part sur la droite Ee. De même,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
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/ '- — I V.> \
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6 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
si sur le milieu de AG on lui mène la perpendicu-
laire indéfinie F/, cette perpendiculaire sera la pro-
jection d'un second plan vertical qui passe par le
centre de la sphère, et la projection horizontale de
ce ceîitie fera quelque part sur un point de la
droii(; l'Y; donc \() point G d'intersection des deux
droites Ee, F/ sera la projection horizontale du centre
de la sphère, dont la projection verticale sera, par
conséquent, sur la droite indéfinie de projection Ggg'.
La droite menée du point A au quatrième point
étant parallèle à sa projection verticale ad, tout plan
qui lui sera perpendiculaire sera aus^i perpendiculaire
au plan vertical de projection, et aura pour projection
verticale une droite perpendiculaire à ad. Donc, si sur
le milieu de ad on lui mène une perpendiculaire indéfinie
HA, on aura la projection d'un troisième plan qui
passe par le centre de la sphère; donc la projection
verticale de ce centre, devant se trouver en même
temps et sur gg' et sur Hh, sera au point K d'inter-
section de ces deux droites.
Enfin, si l'on mène les deux droites AG, aK, on aura
évidemment les deux projections d'un même rayon de
la sphère; donc, si l'on porte AG sur LM, de g en J,
la droite JK sera la grandeur du rayon demandé.
92. Deuxième question. — • Inscrire une sphère
dans une pyramide triangulaire donnée, c'est-à-dire
trouver la position du centre de la sphère et la gran-
deur de son rayon?
Solution. — La surface de la sphère inscrite devant
toucher les quatre faces de la pyramide, il est évident
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
que si par le centre de la sphère et par chacune des
six arêtes on conçoit un plan, ce plan partagera en
deux parties égales l'angle que forment entre elles les
deux faces qui passent par la même arête. Si donc
]u»rmi les six arêtes on en choisit trois qui ne passent
}»as toutes par le même sommet d'angle solide, et si
par chacune de ces arêtes on fait passer un plan qui
partage en deux parties égales l'angle formé par les
deux faces correspondantes, on aura trois plans, sur
chacun desquels le centre de la sphère demandée doit
se trouver, et qui, par leur intersection commune,
doivent déterminer la position.de ce centre.
9^1 Pour sinq)lilier la construction, nous suppose-
rons que les plans de projection aient été choisis de
manière (juc celui que nous regarderons couihkî
horizontal soit le même qu'une des faces de la pyra-
mide.
Soient donc {fig. Sg) A, B, C, D les projec-
tions horizontales données^ des sommets des quatre
angles solides de la pyramide, et a, ^, c, d' leurs pro-
jections verticales; par le sommet de la pyramide, on
concevra des plans perpendiculaires aux trois côtés
de la base; ces plans seront verticaux, et leurs projec-
tions horizontales seront les droites DE, DF, DG,
abaissées perpendiculairement du point D sur les
côtés AC, GB, BA de la base. Chacun de ces })]ans
coupera la base de la pyramide et la face qui passe par
l'arête en deux droites qui comprendront entre elles un
angle égal à celui que la face forme avec la base. Si
donc on porte sur LM les droites DE, DF, DG, à partir
de la verticale T>dd\ de d en e, /, g:, et si par le som-
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
Fi^ 3y
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
met à' on mène les droites à' e,, d'f^ d' g^ ces droites
formeront avec LM des angles égaux à ceux que
les faces correspondantes de la pyramide forment
avec la base; et si l'on partage chacun de ces trois
angles en deux parties égales par les droites ee\ ff\
gg\ les angles que ces dernières droites formeront
avec LM seront égaux à ceux que formeraient avec
la base les faces d'une seconde pyramide qui aurait la
même base que la pyramide donnée, et dont le sommet
serait au centre de la sphère demandée.
Pour trouver le sommet de cette seconde pyramide,
on la coupera par un plan horizontal, mené à une
hauteur arbitraire, et dont on aura la projection ver-
ticale, en menant une horizontale quelconque pn.
Cette droite coupera ee', ff\ gg' en des points h\ i'. A',
desquels on abaissera sur LM les verticales hh^ i' i,
k'k] et si l'on porte les trois distances e/i, /i, kg sur
les perpendiculaires respectives de E en H, de F en J
et de G en K, on aura en H, J, K les projections
horizontales de points pris dans les trois faces de la
seconde pyramide, et qui se trouvent sur le plan
horizontal arbitraire. Donc, si par les points H, J, K
on mène aux côtés respectifs de la base des parallèles
PN, NO, OP, ces droites seront les projections des
sections des trois faces de la seconde pyramide par le
même plan horizontal ; elles se couperont en des points
N, 0, P, qui seront les projections d'autant de points
des trois arêtes de la seconde pyramide; et si par ces
points on mène aux sommets des angles respectifs de
la base des droites indéfinies AP, BO, CN, ces droites
seront les projections des arêtes; enfm, le point
unique Q, dans lequel elles se rencontreront toutes
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
trois, sera la projection horizontale du sommet de la
seconde pyramide, et par conséquent du centre de la
sphère demandée.
Pour avoir la projection verticale de ce centre, on
raènera d'abord la droite indéfinie de projection Qq(/,
sur laquelle elle doil se trouver; puis ou projet lera les
trois points N, 0, P sur l'horizontale np en n, o, p;
par les projections «, b, c, des sommets des angles res-
pectifs de la base, on mènera les droites op, ho, en, qui
seront les projections verticales des trois arêtes; et le
point unique q', dans lequel ces trois dernières droites
se couperont et qui sera en même temps sur la droite
Qqq\ sera la projection verticale du centre de la
sphère.
Enfin, la verlicaic qq' sera évidemment égale au
rayon de la sphère inscrile, et les points Q, q seront
les projections du point de contact de la surface de la
sphère avec le plan de la base.
94. Nous avons fait voir (3) par quelles considéra-
tions on pouvait déterminer la position d'un point,
lorsque l'on connaissait ses distances à trois points
connus de position; nous allons actuellement donner
la construction de cette question.
Troisième question. — Construire les projections
d'un point dont on connaît les distances à trois autres
points donnés dans l'espace?
Solution. — Nous supposerons les plans de projec-
tion choisis de manière que celui que nous regar-
derons comme horizontal passe par les trois points
donnés, et que l'autre soit perpendiculaire à la droite
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. Il
qui joint deux de ces points. D'après cela, soient A,
B, G {fi g. 4o) les trois points donnés ; A', B', C
les distances données de ces points au point
Jcniandé. On joindra deux des points par la droite AB,
perpendiculairement à laquelle on mènera LM «pii
détermine la position du plan vertical de prctjccliun.
Puis, des points A, B, C, comme centres, et avec des
rayons égaux aux dis lances respectives A', B', C/, on
décrira trois arcs de cercles qui se couperont deux à
deux en des points D, E, F, J, P, Q; par les points
d'intersection de ces arcs considérés deux à deux, on
liiènera les droites DE, FJ, PQ, qui seront les projec-
tions horizontales des circonférences de cercles, dans
lesquelles les trois sphères se coupent; et le point
unique N, dans lequel ces trois droites se rencontre-
ront, sera évidemment la projection horizontale du
point demandé.
Pour avoir la projection verticale du même point,
.on mènera la ligne de projection indéfinie ^nn' ; puis,
observant que le cercle projeté en DE est parallèle au
plan vertical, et que sa projection sur ce plan doit être
un cercle de même rayon, on projettera la droite AB
ur LM au point r, duquel, comme centre, et avec un
intervalle égal à DR, ou à la moitié de DE, on décrira
le cercle dnen \ et la circonférence de ce cercle coupera
la droite Nn/i' en deux points ti, n', qui seront indiffé-
remment la projection verticale du point demandé.
Ce sera d'après les autres circonstances de la ques
tion qu'on déterminera si les deux points n et n'
doivent être tous deux employés; et dans le cas où il
n'y en aurait qu'un de nécessaire, quel est celui qui
doit être rejeté.
I^ LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
Le lecteur pourra se proposer de construire les pro-
jections (Tun point dont on connaît les distances à trois
lignes données dans Vespace.
95. Quatrième question. — Un ingénieur par-
courant un pays de montagnes, soit pour étudier la
forme du terrain, soit pour faire le projet de travaux
publics qui dépendent de cette forme, est muni d'une
carte topographique, dans laquelle non seulement les
projections des différents points du terrain sont
exactes, mais encore les hauteurs de tous ces points
au-dessus d'une même surface de niveau sont indiquées
par des nombres placés à côté des points respectifs, et
auxquels on a coutume de donner le nom de cotes. Il
rencontre un point remarquable qui n'est pas placé
sur la carte, soit parce qu'il a été omis, soit parce qu'il
a été rendu remarquable depuis la confection de la
carte. L'ingénieur ne porte avec lui d'autre instru-
ment d'observation qu'un graphomètre propre à
mesurer les angles, et cet instrument est garni d'un
fd à plomb.
On demande que, saiis quitter la station, il construise
sur la carte la position du point où il est, et qu'il trouve
ia cote qui convient à ce point, c'est-à-dire sa hauteur
au-dessus de la surface de niveau ?
Moyen de solution. — Parmi les points du terrain
marqués d'une manière précise sur la carte, et qui
seront les plus voisins, l'ingénieur en distinguera trois,
dont deux au moins ne soient pas à la même hauteur que
lui; puis il observera les angles formés par la verticale
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
et les rayons visuels dirigés à ces trois points, et,
d'après cette seule observation, il pourra résoudre la
<|uestion.
En effet, nommons A, B, C les trois points observés
dont il a les projections liorizontales sur la carte, et
dont il pourra construire les projections verticales au
moyen de leurs cotes. Puisqu'il connaît l'angle formé
}»ar la verticale et par le rayon visuel dirigé au point A,
il connaît aussi Pangle formé par le même rayon et par
la verticale élevée au point A; car en négligeaat la
courbure de la terre, ce qui est convenable, ces deux
angles sont alternes-internes, et par conséquent égaux.
Si donc il conçoit une surface conique à base circu-
laire, dont le sommet soit au point A, dont l'axe soit
vertical, et dont l'angle formé par l'axe et par la droite
génératrice soit égal à l'angle observé, ce qui déter-
mine complètement cette surface, elle passera par le
rayon visuel dirigé au point A, et par conséquent par
le point de la station : ainsi il aura une première sur-
face courbe détei minée, sur laquelle se trouvera le
point demandé. En raisonnant pour les deux autres
points B, C comme pour le premier, le point demandé
se trouvera encore sur- deux autres surfaces coniques
à bases circulaires, dont les axes seront verticaux,
dont les sommets seront aux points B, C, et pour cha-
cune desquelles l'angle formé par l'axe et par la géné-
ratrice sera égal à l'angle formé par la verticale et y)ar
le rayon visuel correspondant. Le point demandé sera
donc en même temps sur trois surfaces coniques déter-
minées de forme et de position, et par conséquent dans
leur intersection commune. Il ne s'agit donc plus que
de construire, d'après les données de la question, les
l4 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
projections horizontales et verticales des intersections
de ces trois surfaces considérées deux à deux; les
intersections de ces projections donneront les projec-
tions horizontale et verticale du point demandé, et
par conséquent la position de ce point sur la carte, et
sa hauteur au-dessus ou au-dessous des points observés,
ce qui déterminera sa cote.
Cette solution doit en général produire quatre points
qui satisfont à la question; mais il sera facile à l'obser-
vateur de distinguer parmi ces quatre points celui qui
coïncide avec le point de la station. D'abord, il pourra
toujours s'assurer si le point de la station est au-dessus
ou au-dessous du plan qui passe par les trois points
observés. Supposons que ce plan soit au-dessus du
plan des sommets des cônes ; il sera autorisé à négliger
les branches des intersections des surfaces coniques
qui existent au-dessous de ce plan; par là le nombre
des points possibles sera réduit à quatre. Ce serait la
même chose si le point de la station était au contraire
placé au-dessous du pian. Ensuite, parmi ces quatre
points, s'ils existent tous, il reconnaîtra facilement
celui dont la position, par rapport aux trois sommets,
est la même que celle du point de la station, par rap-
port aux points observés.
96. Construction. — - Soient A, B, C {fig. 4i) ^es
projections horizontales des trois points observés,
prises sur la carte; a, 5, c les projections ver-
ticales des mêmes points, construits en portant sur les
verticales B5, Ce, à partir de l'horizontale LM, qui
passe par le point a, la différence des cotes des deux
autres points; et soient A', B', C les angles observés,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
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LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
que les rayons visuels, dirigés aux points respectifs A,
B, G, forment avec la verticale.
On mènera les verticales indéfinies aa', bb', cc\ qui
seront les projections verticales des axes des trois
cônes; par les trois points «, 6, c, on mènera les
droites a/, bin, en, qui formeront avec ces verticales
des angles respectivement égaux aux angles donnés A',
iV, C'; et ces droites seront chacune la projection ver-
ticale de l'un des deux côtés extrêmes de la surface
conique correspondanlc.
Cela fait, on mènera dans la projection verticale
tant de droites horizontales ee' qu'on voudra; on les
regardera comme les projections d'autant de plans
horizontaux; et pour chacune d'elles, on fera l'opéra-
tion que nous allons décrire pour celle d'entre elles qui
est indiquée par EE'.
Cette droite coupera les projections des axes des
trois cônes en des points /, g, A, cpii seront les pro-
jections verticales des centres des cercles, suivant
lesquels le plan horizontal correspondant coupe les
trois surfaces coniques ; et elle coupera les côtés
extrêmes des cônes aZ, èm, en en des points /', g\ A',
tels que les distances //', gg\ hh' seront les rayons
de ces mêmes cercles. Des points A, B, C, pris succes-
sivement pour centres, et avec des rayons respective-
ment égaux à //', gg', hh\ on décrira des cercles dont
les circonférences seront les projections horizontales
des sections faites dans les trois surfaces coniques par
le même plan EE' ; ces circonférences se couperont deux
à deux dans des points D, D', K, Iv', J, J', qui seront
les projections d'autant de points des Irois intersec-
tions des surfaces coniques considérées deux à deux;
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I7
t I. en projetant ces points sur EE' en d^ d\ A-, k\ i, i',
on aura les projections verticales des mêmes points
des trois intersections.
En opérant ensuite de même pour les autres
droites ee\ on trouvera pour chacune d'elles de nou-
veaux points D, D', K, K', J, .T', dans la projection
horizontale, et de nouveaux points c?, d\ /c, k\ i, i\
dans la projection verticale; puis par tous les points D,
D', . . ., on fera passer une courbe DPD\ qui sera la
projection horizontale de l'interseclion de la première
surface conique avec la seconde; par tous les points K,
K', ..., on fera passer une autre courbe KPK' qui
sera la projection de l'intersection de la seconde sur-
face et de la troisième; et par tous les points J, J', . . .,
on en fera passer une dernière JPJ' qui sera la projec-
tion de l'intersection de la troisième surface et de la
l)remière. Les points P, . . ., dans lesquels ces courbes
se couperont toutes trois, seront les projections
horizontales d'autant de points qui satisfont à la ques-
tion.
De même dans la projection verticale, par tous les
points d, d\ . . ., on fera passer une première courbe;
par tous les points A-, k' ^ . . ., une seconde; et par tous
les points i, i\ . . ., une troisième. Ces courbes seront
les projections verticales des intersections des trois
surfaces considérées deux à deux; et les points />, . . .,
dans lesquels ces courbes se couperont toutes trois,
seront les projections verticales de tous les points qui
satisfont à la question.
Les projections P, p d'un même point seront dans
une même perpendiculaire à LM.
L'observateur, après avoir reconnu parmi tous les
MON ai;. — 11, J
l8 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
points P celui qui appartient au point de la station,
aura la projection horizontale de cette station, et par
conséquent sa position sur la carte; puis, au moyen de
la hauteur du point correspondant p au-dessus de la
droite LM, il aura l'élévation du point de la station
au-dessus du point observé A, et par conséquent il
trouvera la cote qui convient à la station.
97. Dans cette solution nous avons construit les
projections des trois intersections des surfaces, tandis
que deux auraient suffi. Nous conseillons d'agir tou-
jours de même, parce que les projections des deux
courbes à double courbure peuvent se couper en des
points qui ne correspondent pas à des points d'inter-
section, et que pour reconnaître les projections des
points d'intersection, il faut suivre les branches des
deux courbes qui sont sur la même nappe d'une des
surfaces; ce qui exige une attention pénible, dont on
est presque toujours dispensé en construisant les trois
courbes; les points où elles se coupent toutes trois
sont de véritables points d'intersection.
98. Cinquième question. — Les circonstances
étant les mêmes que dans la question précédente,
avec cette seule différence que l'instrument n'est pas
garni de fil à plomb, de manière que les angles avec
la verticale ne puissent pas être mesurés ; on demande
encore que l'ingénieur, sans quitter la station, déter-
mine sur la carte la position du point où il est, et qu'il
trouve la cote de ce point, c'est-à-dire son élévation
au-dessus de la surface de niveau à laquelle tous les
points de la carte sont rapportés ?
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I-9
Moyen de solution. — Après avoir choisi trois
poinjs du terrain qui soient marqués d'une manière
préeise sur la carte, et tel que le point de station ne
soit pas avec eux dans le même plan, l'ingénieur me-
surera les trois angles que forment entre eux les rayons
visuels dirigés à ces trois points ; et au moyen de cette
seule observation, il sera en état de résoudre la ques-
tion.
En eiïet, si nous nommons A, B, C les trois points
observés, et si on les suppose joints par les trois
droites AB, BC, CA, l'ingénieur aura les projections
horizontales de ces droites tracées sur la carte; de plus,
au moyen des cotes des trois points, il aura les diffé-
rences de hauteur des extrémités de ces droites; il
pourra donc avoir la grandeur de chacune d'elles.
Cela posé, si dans un plan quelconque mené par AB
on conçoit un triangle rectangle BAD (fig. 42),
construit sur AB comme base, et dont l'angle
en B soit le complément de l'angle sous lequel le
côté AB a été observé, l'angle en D sera égal à l'angle
observé, et la circonférence de cercle décrite par les
trois points A, B, D jouira de la propriété, que si d'un
point quelconque E de l'arc ADB on mène deux
droites aux points A et B, l'angle en E qu'elles com-
prendront entre elles sera égal à l'angle observé. Si
donc on conçoit que le plan du cercle tourne autour
de AB comme charnière, l'arc ADB engendrera une
surface de révolution, dont tous les points joui-
ront de la même propriété; c'est-à-dire, que si d'un
point quelconque de la surface on mène deux droites
aux points A et B, ces droites formeront entre elles un
angle égal à l'angle observé. Or, il est évident que les
'10 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 21
points de cette surface de révolution sont les seuls qui
jouissent de cette propriété; donc la surface passera
])ar le point de la station. Si l'on raisonne de la même
manière pour les deux autres droites BC, CA, on aura
deux autres surfaces de révolution sur chacune des-
quelles se trouvera le point de la station; ce point sera
donc en même temps sur trois surfaces de révolution
différentes, déterminées de forme et de position; il
sera donc un point de leur intersection commune.
Ainsi, en construisant les projections horizontales et
verticales des intersections de ces trois surfaces consi-
dérées deux à deux, les points où les projections se
couperont elles-mêmes toutes trois seront les pro-
jections du point qui satisfait à la question. La pro-
jection horizontale donnera la position du point sur la
carte, et la projection verticale donnera l'élévalion de
ce point au-dessus ou au-dessous des points observés.
99. Si celte question était traitée i)ar l'Analyse, elle
conduirait généralement à une équation du 64^ degré;
car chacune des surfaces de révolution a quatre nappes
distinctes, dont deux sont engendrées par l'arc de
cercle ADB, et dont les deux autres sont engendrées
par l'arc AFB. Chacune des nappes de la première
pouvant être coupée par toutes celles de la seconde,
il peut en résulter i6 branches dans la courbe d'inter-
section ; et les 1 6 branches pouvant être coupées par les
quatre nappes de la troisième surface, il peut en résulter
64 points d'intersection des trois surfaces : mais ces
points ne satisferaient pas tous à la question. En effet,
si d'un point quelconque F de l'arc AFB on mène des
droites aux extrémités de AB, l'angle AFB qu'elles
21 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
comprendront ne sera pas égal à l'angle observé; il en
sera le supplément. Les nappes engendrées par l'arc
AFB, et les nappes analogues dans les autres surfaces
de révolution, ne peuvent donc servir à résoudre la
question; et tous les points d'intersection, qui appar-
tiennent à quelques-unes de ces nappes, sont des points
étrangers au problème.
Dans la Géométrie descriptive, on peut et l'on doit
exclure l'arc AFB et ses analogues dans les deux autres
surfaces; chacune de ces surfaces n'a plus alors que
deux nappes ; et le nombre de leurs points d'intersec-
tion possibles se réduit à huit. De ces huit points,
quatre sont d'un côté du plan qui passe par les trois
axes de révolution, et quatre sont de l'aulre. L'obser-
vateur connaissant toujours de quel côté il est placé par
rapport à ce plan, il ne construira pas les intersections
qui sont placées de l'autre côté, et le nombre des points
qu'il pourra trouver est réduit à quatre. Enfin parmi
ces quatre points, s'ils existent tous, il reconnaîtra
facilement celui qui sera placé par rapport aux
points A, B, C, de la même manière que celui de la
station l'est par rapport aux trois points du terrain
qu'il a observés.
100. Construction. — On choisira la position des
deux plans de projections de manière que celui que
nous regardons comme horizontal passe par les trois
points observés, et que l'autre soit perpendiculaire
à la droite menée par deux de ces trois points. Soient
donc ABC {fig. 42) le triangle formé par les points
observés, considéré dans son plan, et A', B',
G' les trois angles donnés par l'observation. On
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. a3
mènera perpendiculairement au côté AB ia droite LM
(jui indiquera la position du plan vertical de projec-
tion; et l'on construira, comme nous venons de 1 in-
diquer (98), les arcs de cercle générateurs ADEB,
BGC, CLA des trois surfaces de révolution, dont les
côtés AB, BC, AC sont les axes. Cela fait, du point A
comme centre, on décrira tant d'arcs de cercle EOL
que l'on voudra, et qui couperont les généra Irices,
dont les axes se rencontrent en A, dans des points E,
L, desquels on abaissera sur les axes respectifs les per-
pendiculaires indéfinies l^^E', LI/; ces perpendicu-
laires se couperont quelque part en un point H qui
sera la projection horizontale d'un point d'intersec-
tion des deux surfaces dont les axes sont AB et AC,
et la courbe AHP menée par tous les points H . . .
trouvés de, cette manière, sera la projection horizon-
tale de cette intersection. Puis, après avoir projeté
l'axe AB en a, on décrira du point a comme centre,
et avec des rayons successivement égaux aux perpen-
diculaires EE', des arcs de cercle ee'A, sur chacun
desquels projetant le point H correspondant en //, on
aura la projection verticale d'un point de l'intersec-
lion des deux mêmes surfaces de révolution; et la
courbe ahp menée par tous les poin Ls h. . . construits
de cette manière, sera la projection verticale de cette
intersection.
On opérera de même pour les deux surfaces de révo-
lution autour des axes AB, BC; c'est-à-dire, du
point B de rencontre des deux axes, comme centre, on
décrira tant d'arcs de cercle MKG que l'on voudra; ces
arcs couperont les deux génératrices en des points M,
G, desquels on abaissera sur les axes rcspcctiis les
24 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
perpendiculaires indéfinies MM^, GG'; ces perpendi-
culaires se couperont en un point J; et la courbe BJP
menée par tous les points J... sera la projection
horizontale de l'intersection de la première et de la
troisième surface de révolution. Du point a comme
centre, et avec des rayons successivement égaux aux
perpendiculaires MM', on décrira des arcs de cercle
mm' i^ sur lesquels on projettera en i les points J cor-
respondants; et la courbe aip menée par tous les
points i sera la projection verticale de la même inter-
section.
Cela fait, tous les points P . . . , dans lesquels les deux
courbes AHP, BJP se couperont, seront les projec-
tions horizontales d'autant de points qui satisfont à
la question; et tous les points p- - -, dans lesquels se
couperont les courbes ahp^ aip, seront les projections
verticales des mêmes points.
Les projections ainsi trouvées ne donneront pas
immédiatement la position du point de station sur la
carte, ni sa hauteur, parce que le plan horizontal de
projection n'est pas celui de la carte; mais il sera facile
de la rapporter sur les véritables plans de projection.
101. Sixième question. — Le général d'une armée
en face de l'ennemi n'a pas la carte du pays occupé
par celui-ci, et il en a besoin pour faire le plan d'une
attaque qu'il médite. Il a un aérostat. Il charge un
ingénieur de s'élever avec l'aérostat, et de prendre
toutes les mesures nécessaires pour faire la carte, et
pour en donner un nivellement approché : mais il a
lieu de croire que si l'aérostat changeait de station sur
le terrain, l'ennemi s'apercevrait de son dessein; en
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
conséquence il permet à l'ingénieur de s'élever à dilîé-
rentes hauteurs dans l'atmosphère, si cela est néces-
saire; mais il lui défend de changer de station à terre.
L'ingénieur est muni d'un instrument propre à mesurer
les angles, et cet instrument est garni d'un fil à plomb :
on demande comment l'ingénieur pourra exécuter les
ordres du général ?
Moyen de solution. — L'ingénieur fera deux sta-
tions dans la même verticale, et il connaîtra leur
distance en faisant mesurer la corde que l'on aura filée
|)()ur relever de l'une à l'autre. Dans l'une des stations,
par exemple dans celle qui est inférieure, il mesurera
les angles que fait la verticale avec les rayons visuels
dirigés aux points dont il veut déterminer la position
sur la carte; puis, parmi tous ces points, il en choisira
un qu'il regardera comme premier, et que nous nom-
merons A, et il mesurera de plus successivement les
angles formés par le rayon visuel dirigé au point A,
et ceux qui sont dirigés à tous les autres. Dans l'autre
station, il mesurera les angles formés par la verticale,
et les rayons visuels dirigés à tous les points du terrain.
D'après ces observations, il sera en état de construire
la carte demandée.
En effet, puisque l'on connaît les angles formés par la
verticale, et les deux rayons visuels dirigés des deux
stations au même point, ce point se trouve en même
temps sur deux surfaces coniques déterminées et
connues, car ces surfaces sont à bases circulaires; elles
ont leurs axes dans la même verticale ; la distance de
leurs sommets est égale à la différence des hauteurs des
deux stations, et les angles que leurs génératrices
'26 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
forment avec l'axe commun sont égaux aux angles
observés. De plus, puisque l'on connaît l'angle formé
par le rayon visuel dirigé de la première station à ce
point, et par celui qui est dirigé au point A; le point
que l'on considère sera donc encore sur une troisième
surface conique à base circulaire, dont l'axe incliné
sera le rayon visuel dirigé de la première station au
point A, dont le sommet sera à la première station, et
dont l'angle formé par l'axe et la génératrice sera égal
à l'angle observé. Le point que l'on considère se trou-
vera donc en même temps sur des surfaces co-
niques (') à bases circulaires connues de forme et do
position; il sera donc au point de leur intersection
commune; et en construisant les projections horizon-
tale et verticale de cette intersection, on aura la posi-
tion du point sur la carte, et son élévation au-dessus
ou au-dessous des autres.
102. Sans changer de considérations, la construction
peut devenir plus simple, au moyen de quelques-unes
des méthodes que nous avons déjà exposées précédem-
ment : car, connaissant les angles formés à la pre-
mière station par le rayon visuel dirigé au point A, et
par les rayons visuels dirigés à tous les autres points,
et connaissant, pour chacun de ces angles, les angles
(^) Deux de ces surfaces sont des cônes droits à base cir-
culaire, qui ont pour sommet le point A et qui se coupent
nécessairement suivant deux droites. On détermine un
point de chacune de ces deux droites par l'intersection de
deux cercles, en considérant les cônes comme des surfaces
de révolution dont les axes se rencontrent (art. 83).
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. a*
quo CCS côtés forment avec la verticale, il sera facile
de les réduire à l'horizon, c'est-à-dire de construire
leurs projections horizontales. Si donc on prend sur
la carte un point arbitraire pour représenter la projec-
tion de la verticale de l'aérostat; et si par ce point on
mène une droite arbitraire, qui doive représenter la
projection du rayon visuel dirigé au point A; enfin, si
par le même point on mène des droites qui fassent,
avec la projection du rayon dirigé au point A, des
angles égaux aux angles réduits à l'horizon, il est évi-
dent que chacune de ces droites devra contenir la
projection horizontale du point du terrain qui lui corres-
pond. Il ne s'agira donc plus que de trouver la distance
de ce point du terrain à la verticale. Or, si dans la pro-
jection verticale, et sur la projection de la verticale de
l'aérostat, on prend deux points qui, en parties de
l'échelle, soient distants l'un de l'autre d'une quantité
égale à la distance mesurée des deux stations, et si par
ces points on mène des droites qui fassent avec la ver-
ticale des angles égaux à ceux qui ont été observés
pour un même point du terrain, ces droites se cou-
peront en un point dont la distance à la verticale sera
la distance demandée. Portant donc cette distance sur
le rayon correspondant, à partir de la projection de
l'aérostat, on aura sur la carte la position du point du
terrain. Les deux mêmes droites, dans la projection
verticale, déterminent, par leur intersection, la hauteur
du point du terrain ; prenant donc sur la projection ver-
ticale les hauteurs de tous les points du terrain au-
dessus d'un même plan horizontal, on déterminera les
cotes qui conviendront à tous les points de la carte,
et l'on aura le nivellement du terrain.
28 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
Celle construction est assez simple pour ne pas avoir
besoin de figure.
La droite menée de la projeclion de la verticale de
l'aérostat à celle du premier point A observé, ayant
été tracée d'abord arbitrairement sur la carte, il
s'ensuit que la carte n'est point orientée; et, en effet,
dans les observations que nous avons indiquées, il n'y
a rien qui puisse déterminer la position des objets
par rapport aux quatre points cardinaux de l'horizon.
Mais si l'ingénieur observe à terre l'angle que fait avec
la méridienne un rayon visuel horizontal dirigé du
pied de la verticale à un des points placés sur la carte,
et s'il rapporte cet angle sur sa projection, il aura la
direction de la méridienne, et la carte sera orientée.
103. Ce que nous avons vu jusqu'à présent de la
Géométrie descriptive, considérée d'une manière
abstraite, contient les principales méthodes dont on
peut avoir besoin dans les arts.
Si donc on avait établi dans toutes les villes un peu
considérables des écoles secondaires, dans lesquelle;-
les jeunes gens de l'âge de 12 ans, et qui se destineni
à la pratique de quelques-uns des arts, auraient été
exercés pendant deux années aux constructions gra-
phiques, et familiarisés avec les principaux phéno-
mènes de la nature, dont la connaissance leur esl
indispensable; ce qui, en développant leur intelligence
et en leur donnant l'habitude et le sentiment de k
précision, aurait contribué de la manière la plus cer
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 29
taine aux progrès de l'industrio nationale, et ce qui,
en les accoutumant à l'évidcnc» , les aurait garantis
pour toujours de la séduction des imposteurs de tous
les genres; et si nous ne nous proposions que de faire
le livre élémentaire qui aurait dû servir de base à l'ins-
truction de ces écoles secondaires, il faudrait terminer
là les généralités, et passer immédiatement aux appli-
cations les plus utiles, et à celles dont l'usage est le
plus fréquent. Mais nous ne devons pas écrire seule-
ment pour les élèves des écoles secondaires, nous
devons écrire pour leurs professeurs.
On ne doit faire entrer dans le plan d'une instruc-
tion populaire que des objets simples et d'une utiiilé
journalière : mais si un artiste rencontre une seule
fois dans sa vie une difficulté dont il n'ait point été
question dans les écoles, à qui s'adressera-t-il pour la
lever, si ce n'est au professeur ? et comment le pro-
fesseur la lèvera-t-il, s'il ne s'est exercé à des considé-
rations d'une généralité plus grande que celles qui
forment l'objet ordinaire des études ?
Pour donner aux professeurs la connaissance de
quelques propriétés générales de l'étendue, et dont
on peut avoir occasion de faire usage dans les arts,
nous allons consacrer quelques leçons à l'examen de
la courbure des courbes à double courbure, et de celles
des surfaces courbes.
DE LA COURBURE ET DES DÉVELOPPÉES DES COURBES
A DOUBLE COURBURE.
J04. On sait que si une droite, considérée dans un
plan, tourne autour d'un de ses points supposé fixe,
32 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
Ces deux branches se toucheront donc elles-mêmes
en P^
Le point P' dans lequel une courbe se réfléchit
ainsi, de manière que ses deux branches se touchent
à ce point, se nomme point de rebroussement.
La courbe MNP'O, sur laquelle s'appuie la droite
en la touchant perpétuellement, s'appelle la déve-
loppée de la courbe GPP'P"H, parce qu'un de ces
arcs quelconques MNP' est égal à la partie correspon-
dante MP de la droite mobile, et la courbe GPP' P" H
s'appelle la développante de la courbe MNO. Gomme
on peut avoir autant de courbes décrites de la même
manière que l'on peut concevoir de points P, p sur
la droite AB, regardée comme indéfinie, il est évident
qu'une même développée peut avoir une infinité de
développantes différentes, telles que GPP'P"H,
gpp'p"h; et toutes ces développantes ont la propriété
d'avoir les mêmes normales. Nous verrons incessamment
que réciproquement il n'y a pas de courbe qui n'ait
une infinité de développées différentes.
105. On fait usage dans les arts de quelques déve-
loppantes, et principalement de celle du cercle, qui est
une spirale dont le nombre des révolutions est infini,
et dont toutes les branches successives sont éloignées
les unes des autres d'une quantité constante, égale à
la circonférence du cercle développé. C'est suivant
la courbure de cette développante que l'on coupe les
cames ou dents des arbres tournants qui soulèvent
des pilons, comme dans les bocards, parce que le
contact de la came avec le mentonnet du pilon étant
toujours dans la même verticale, l'effort de l'arbre
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 33
pour soulever le pilon est constamment le même.
Vaucanson employait souvent la spirale développante
du cercle comme moyen d'engrenage pour transmettre
le mouvement d'un arbre tournant à un autre arbre
qui lui était parallèle, surtout lorsqu'il fallait que
l'engrenage fût exact cl transmît subitement, sans
temps perdu, le mouvement d'un arbre à l'autre.
106. Nous avons fait voir (104) comment la déve-
loppante peut être formée d'après la développée ; il est
facile de concevoir comment, à son tour, la dévelop-
pée peut être formée d'après la développante. En effet,
nous avons vu que toutes les normales de la dévelop-
pante sont tangentes à la développée. Si donc, par
tous les points P, Q d'une courbe proposée GPQP',
on conçoit des normales, la courbe MNO qui touchera
toutes ces normales sera la développée. De plus, si par
deux points P, Q consécutifs et infiniment proches
on conçoit deux normales PB, Q^b, le point M où elles
se couperont, pour se croiser au delà, sera sur la déve-
loppée; et ce point pourra être regardé comme lii
contre d'un yjetit arc de cercle qui, étant décrit avec le
rayon PM, aurait la même courbure (pie l'arc PQ de
la courbe que l'on considère. Le rayon PM du cercle,
dont la courbure est la même que celle de l'arc inli-
niment petit PQ d'une courbe, se nomme le rayon da
courbure de cet arc; le point M où se coupent les deux
normales consécutives en est le centre de courbure; et
cette courbure est connue lorsque la position du
point M est déterminée.
107. Jusqu'ici nous avons supposé que les courbes
MU.NUL. — II. 3
34 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
étaient planes, et nous n'avons considéré que ce qui
se passe dans leur plan. Nous allons passer aux courbes
à double courbure, telles que celles qui sont produites
par l'intersection de deux surfaces courbes.
Si l'on conçoit une droite menée par le centre d'un
cercle, perpendiculairement à son plan et indéfini-
ment prolongée de part et d'autre, on sait que chacun
des points de cette droite sera à égales distances de
tous les points de la circonférence, que par conséquent,
si l'on imagine qu'une seconde droite, terminée d'une
part à un des points de la circonférence et de l'autre
à un point quelconque de la perpendiculaire, tourne
autour de cette dernière comme axe, en faisant cons-
tamment le même angle avec elle, son extrémité mo-
bile décrira la circonférence du cercle avec la même
exactitude que si l'on eût fait tourner le rayon autour
du centre. La description du cercle au moyen du rayon,
et qui n'est qu'un cas parliculier de la première, par
sa simplicité est plus propre à donner l'idée de l'étendue
du cercle : mais, s'il ne s'agit que de description, la
ju'emière peut dans certains cas avoir de l'avantage,
parce qu'en prenant sur l'axe deux pôles placés de part
et d'autre du plan du cercle, puis menant par ces deux
points deux droites qui se couperaient en un point de
la circonférence, et faisant ensuite mouvoir le système
de ces deux droites autour de l'axe, de manière que
leur point d'intersection fût fixe sur l'une et sur l'autre
droite, ce point décrirait la circonférence du cercle,
sans qu'il eût été nécessaire d'exécuter auparavant le
plan dans lequel elle doit se trouver.
108. Soit KA a D [fig. 44) ^iii^ courbe à double
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 35
courbure quelconque tracée dans l'espace. Par
un point A de cette courbe soit conçu un plan
MNOP perpendiculaire à la tangente en A; par le
point a infiniment proche soit pareillement imaginé
un plan mnPO perpendiculaire à la tangente en a;
ces deux plans se couperont en une droite OP qui sera
l'axe du cercle dont le petit arc Aa de la courbe peut
être censé faire partie : de manière que si, des points A,
«, on abaisse deux perpendiculaires sur cette droite,
ces perpendiculaires, égales entre elles, la rencontre-
ront en un même point G qui sera le centre de ce cercle.
Tous les autres points g, g\ g" y ... de cette droite
seront chacun à égales distances de tous les points de
l'arc infiniment petit A a, et pourront par conséquent
en être regardés comme les pôles. Ainsi, si d'un point
quelconque g de cet axe on mène deux droites aux
points A, a, ces droites gA, ga seront égales entre
elles, et formeront avec l'axe des angles AgO, agO,
égaux entre eux; en sorte que si l'on voulait définir
la courbure de la courbe au point A, il faudrait donner
la longueur du rayon de courbure AG, et que s'il
s'agissait d'assigner le sens de la courbure, il faudrait
donner la position du centre G dans l'espace. Mais s'il
est simplement question de décrire le petit arc, il
suffira également ou de faire tourner la droite A g
autour de l'axe, sans altérer l'angle AgO qu'elle fait
avec lui, ou de faire tourner le rayon de courbure AG
perpendiculairement à cet axe.
Ainsi la droite OP peut être regardée comme la
ligne des pôles de l'élément Aa; le centre de courbure
de cet élément est celui de ses pôles dont la distance
à l'élément est un minimum^ enfin son rayon de cour-
36 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
bure est la perpendiculaire AG, abaissée de l'élément
sur la ligne des pôles.
109. Que l'on fasse actuellement sur tous les points
de la courbe à double courbure la même opération que
l'on vient de faire sur un de ses éléments, c'est-à-dire
que par tous les points consécutifs A, A', A", A'", etc.
{fig. 45) l'on fasse passer des plans MNOP, perpen-
diculaires chacun à la tangente de la courbe au
point où il la coupe; le premier de ces plans rencon-
trera le second dans une droite OP qui sera le lieu
géométrique des pôles de l'arc AA'; le second rencon-
trera le troisième dans une droite O'P', lieu des pôles
de l'arc A'A'', et ainsi de suite. Il est évident que le
système de toutes les droites d'intersection, ou la
surface courbe qu'elles forment par leur assemblage,
sera le lieu géométrique des pôles de la courbe KAD;
car cette courbe n'aura point de pôle qui ne soit sur
la surface, et cette surface n'aura pas de point qui ne
soit le pôle de quelqu'un des éléments de la courbe.
110. Avant que d'aller plus loin, il est nécessaire
d'exposer quelques propriétés dont jouissent les sur-
faces de ce genre, indépendamment de la courbe qui
a servi à leur formation.
Ces surfaces peuvent se développer sur un plan sans
rupture et sans duplicature. En effet, les éléments tels
que OPP'O', dont est composée la surface, sont des
portions de plans infiniment étroites, et qui se joignent
successivement par des lignes droites. On peut donc
toujours concevoir que le premier de ces éléments
OPP'O' tourne autour de O'P' comme charnière,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 3y
jusqu'à ce qu'il soit dans le plan de l'élément suivant
0'P'P"0"; qu'ensuite leur assemblage tourne autour
de O"?*, jusqu'à ce qu'il soit dans le plan du troisième
et ainsi de suite. D'où l'on voit que rien n'empêche
que de cette manière tous les éléments de la surface ne
viennent sans rupture se ranger dans un même plan.
De même que les plans normaux à la courbe KAD,
par leurs intersections successives, forment une surface
courbe, à laquelle ils sont tous tangents, pareillement
les lignes droites dans lesquelles ils se coupent se ren-
contrent successivement dans des points qui forment
une courbe à double courbure, à laquelle toutes ces
droites sont tangentes : car deux de ces droites consé-
cutives sont les intersections d'un même plan nor-
mal, avec celui qui le précède et avec celui qui le suit
immédiatement. Ces deux droites sont donc dans un
même plan; elles se coupent donc quelque part en un
point, et la suite de tous ces points de rencontre forme
une courbe remarquable sur la surface développable.
En effet, les droites consécutives, après s'être croisées
sur la courbe qui les touche toutes, se prolongent au
delà, et forment par leurs prolongements une nappe
de surface, distincte de la nappe formée par les parties
des mêmes droites avant leurs rencontres. Ces deux
nappes se joignent sur la courbe qui est, par rapport à
la surface entière, une véritable arête de rcbroussement.
Actuellement, du point A {fig. 45) de la courbe, par
lequel passe le premier plan normal MNPO, soit
menée dans le plan, et suivant une direction arbi-
traire, une droite A g jusqu'à ce qu'elle rencontre la
section OP quelque part en un point g; par les points A'
g, soit menée dans le second plan^normal la droite A' g
38 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
prolongée jusqu'à ce qu'elle rencontre la section O'P'
en un point g'-, soit pareillement menée A" g'g'\ et
ainsi de suite. La courbe qui passe par tous les points g,
g'g'\ etc. est une développée de la courbe KAD; car
toutes les droites A g, A' g', A" g" sont les tangentes
de la courbe gg' g'\ puisqu'elles sont les prolongements
des éléments de cette courbe. De plus, si l'on conçoit
que la première, A g, tourne autour de OP, comme
axe, pour venir s'appliquer sur la suivante, A' g, elle
n'aura pas cessé d'être tangente à la courbe gg'g";
et son extrémité A, après avoir parcouru l'arc AA', se
confondra avec l'extrémité A' de la seconde. Que l'on
fasse de même tourner la seconde ligne. A' g', autour
de O'P', comme axe, pour qu'elle vienne s'appliquer
sur la troisième, A"g', elle ne cessera pas de toucher la
courbe gg'g" et son extrémité A' ne sortira pas de
l'arc A'A", et ainsi de suite. Donc la courbe gg'g"
est telle, que si l'on conçoit qu'une de ces tangentes
tourne autour de cette courbe sans cesser de lui être
tangente et sans avoir de mouvement dans le sens de
sa longueur, un des points de cette tangente décrira
la courbe KAD; donc elle est une de ses développées.
Mais la direction de la première droite Ag était arbi-
traire; et suivant quelque autre direction qu'on l'eût
menée dans le plan normal, on aurait trouvé une autre
courbe gg'^' qui aurait été pareillement une développée
de la courbe KAD. Une courbe quelconque a donc
une infinité de développées qui sont toutes comprises
sur une même surface courbe.
Les droites A' g' et A" g' forment des angles égaux
avec la droite O'P^; et l'élément g' g" étant le prolon-
gement de la droite A" g\'^i\ s'ensuit que les deux élé-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 39
ments c«tfisécutifs gg\ g'g" de la développée gg'g"
forment des angles égaux avec la droite O'P' qui passe
par leur point de rencontre. Or, lorsqu'on développe la
surface pour l'appliquer sur un plan, les éléments de
la développée ne cessent pas de faire les mêmes angles
avec les droites O'P'; donc deux éléments consécutifs
de la courbe gg' g'\ considérés dans la surface étendue
sur un plan, forment des angles égaux avec une même
ligne droite; donc ils sont dans le prolongement l'un
de Taulre. Il suit de là que chacune des développées
d'une courbe à double courbure devient une ligne
droite, lorsque la surface qui les contient toutes est
étendue sur un plan; donc elle est sur cette surface
la plus courte qur l'on puisse mener entre ses extré-
mités.
i)\\ déduit de là un moyen facile d'obtenir une déve-
loppée quelconque d'une courbe à double courbure,
lorsqu'on a la surface développable qui les contient
toutes. Pour cela, il suffit, par un point de la courbe,
de mener un fil tangent à la surface et de plier ensuite
ce fil sur la surface en le tendant : car, en vertu de la
tension, il prendra la direction de la courbe la plus
courte entre ses extrémités; il se pliera par conséquent
sur une des développées.
111. On conçoit, d'après cela, comment il est pos-
sible d'engendrer, par im mouvement continu, une
courbe quelconque à double courbure : car, après avoir
exécuté la surface développable, touchée par tous les
plans normaux de la courbe, si, du point donné dans
l'espace et par lequel la courbe doit passer, on dirige
<leux fils tangents à cette surface; et si, après les avoir
4o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
plies ensuite sur la surface en les tendant, o» les fixe
par leurs autres extrémités; le point de réunion des
deux fils qui aura la faculté de se mouvoir avec le plan
tangent à la surface, sans glisser ni sur l'un des fils,
ni sur l'autre, engendrera dans son mouvement la
courbe proposée.
112. Tout ce que nous venons de dire, par rapport
aux courbes à double courbure, convient également
aux courbes planes, avec cette différence, seulement,
que tous les plans normaux étant perpendiculaires
au plan de la courbe, toutes les droites de leurs inter-
sections consécutives sont aussi perpendiculaires au
même plan, et par conséquent parallèles entre elles.
La surface développable, touchée par tous ces plans
normaux, est donc alors une surface cylindrique, dont
la section perpendiculaire est la développée ordinaire
de la courbe. Mais cette surface cylindrique contient
de même toutes les développées à double courbure
de la même courbe; et chacune de ces développées
fait, avec toutes les droites génératrices de la surface
cylindrique, des angles constants. Le filet d'une vis
ordinaire est une des développées de la développante
du cercle qui sert de base à la surface cylindrique sur
laquelle il se trouve; et quelle que soit la hauteur du
pas de la vis, si le diamètre du cylindre ne change pas,
le filet sera toujours une des développées de la même
courbe.
113. Après avoir exposé la théorie des courbes à
double courbure, nous allons nous occuper des surfaces
courbes. Cet objet est de nature à être traité avec
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
beaucoup plus de facilité par le secours de l'Analyse,
que par la simple contemplation des propriétés de
l'étendue : mais les résultats auxquels il conduit
peuvent être utiles à des artistes que nous ne devons
pas supposer familiarisés avec les opérations ana-
lytiques; nous allons donc essayer de les présenter
en n'employant que des considérations géométriques.
Cette mélhode introduira la clarté qui lui est particu-
lière, mais aussi elle apportera de la lenteyr dans la
marche.
Les surfaces, par rapport à leurs courbures, peuvent
être divisées en trois grandes classes. La première
comprend celles qui dans tous leurs points n'ont aucune
courbure; les surfaces de ce genre se réduisent au plan,
qui d'ailleurs peut être placé d'une manière quel-
conque dans l'espace. La seconde classe renferme
toutes celles qui dans chacun de leurs points n'ont
qu'une seule courbure; ce sont, en général, les sur-
faces développables, dont deux éléments consécutifs
peuvent être regardés comme faisant partie d'une sur-
face conique, même en regardant la grandeur de ces
éléments comme indéfinie dans le sens de la généra-
trice de la surface conique. Enfin, toutes les autres sur-
faces courbes composent la troisième classe; dans
chacun de leurs points, elles ont deux courbures dis-
tinctes et qui peuvent varier l'une indépendamment
de l'autre. Commençons par considérer les surfaces
courbes les plus simples, et d'abord les surfaces cylin-
driques.
114. Soit ABFE (fig. 46) une surface cylin-
drique indéfinie à base quelconque, sur laquelle
\l LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
on considère un point L pris arbitrairement. Par ce
point concevons la droite génératrice CLG, et une sec-
tion JLK faite par un plan perpendiculaire à la géné-
ratrice; cette section sera parallèle et semblable à la
base de la surface. Enfin, par le point L concevons à la
surface la normale LP; celte normale sera perpendicu-
laire à la génératrice CG, et par conséquent dans le
plan de la section JLK ; de plus, elle sera perpendicu-
laire à la tangente de la section au point L, ou, ce qui
comprend à la fois les deux conditions, elle sera per-
pendiculaire au plan tangent à la surface en L. Gela
posé, si l'on prend sur la surface deux autres points
infiniment voisins du point L, l'un M sur la géné-
ratrice CG, l'autre N sur la section perpendiculaire,
et si par chacun de ces points on mène une nouvelle
normale à la surface, ces deux normales MQ, NP
seront chacune dans un même pian avec la première
normale LP; mais ces plans seront différents pour les
deux dernières normales. En effet, le plan tangent à
la surface en li étant aussi tangent en M, les deux
droites LP et MQ sont perpendiculaires au même plan;
elles sont donc parallèles entre elles, et par conséquent
dans un même plan. Ces droites parallèles peuvent
être regardées comme concourant à l'infmi. Quant aux
normales LP, NP, elles sont évidemment comprises
dans le plan de la section perpendiculaire; elles con-
courent donc en un certain point P de ce plan; ainsi
les deux plans qui contiennent les trois normales deux
à deux sont non seulement différents, mais perpen-
diculaires à l'autre.
115. Actuellement, quelque autre point 0 que l'on
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
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y J'tu^
44 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
prenne sur la surface, infiniment voisin du premier
point L, si par ce point on conçoit à la surface une
normale OQ, cette normale ne sera pas dans un même
plan avec la première normale LP, et par conséquent
ne pourra la rencontrer : car si par le point 0 on con-
çoit une nouvelle section iOk perpendiculaire à la
surface, et qui coupe quelque part en un point M la
droite génératrice qui passe par le point L, la nor-
male OQ sera dans le plan de cette section. Les deux
normales LP et OQ seront donc dans deux plans paral-
lèles, et ne pourront être elles-mêmes dans un même
plan, à moins qu'elles ne soient parallèles entre elles :
or elles ne sont point parallèles. En effet, si l'on conçoit
la normale au point M, nous avons vu que cette nor-
male MQ sera parallèle à LP; mais elle ne sera pas
parallèle à OQ : donc les normales LP et OQ ne sont
point parallèles entre elles; donc elles ne sont pas dans
un même plan; donc elles ne peuvent jamais se ren-
contrer.
116. On voit donc que si, après avoir mené par un
point quelconque d'une surface cylindrique une nor-
male à la surface, on veut passer à un point infiniment
voisin pour lequel la nouvelle normale soit dans un
même plan avec la précédente, et puisse la rencontrer
même à l'infini, si cela est nécessaire, on ne peut le faire
que dans deux sens différents : i^ en suivant la direc-
tion de la droite génératrice de la surface, et alors la
nouvelle normale rencontre la première à l'infini;
2° en suivant la section perpendiculaire ti la surface,
et alors la nouvelle normale rencontre la première en
un point, dont la distance dépend de la courbure de la
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 45
base dans le point correspondant; enfin, que ces deux
directions sont entre elles à angles droits sur la
surface.
Les deux points de rencontre des trois normales sont
donc les seuls centres de courbure possibles de l'éléniont
que Ton considère sur la surface; les deux plans diffé-
rents, qui passent par la première normale et par
chacune des deux autres, indiquent le sens de chacune
de ces courbures; les distances du point de la surface
aux deux points de rencontre des normales sont les
rayons des deux courbures; et l'on voit que dans les
surfaces cylindriques, un de ces rayons étant toujours
infini, tandis que la grandeur de l'autre dépend de la
nature de la base de la surface pour chacun des points,
il n'y a qu'une courbure finie; l'autre est toujours
infiniment petite ou nulle.
Ce que nous venons de dire peut s'appliquer faci-
lement à toutes les surfaces développables, dont deux
éléments consécutifs même indéfinis dans le sens de
la direction de la droite génératrice peuvent toujours
être considérés comme faisant partie d'une certain<'
surface cylindrique. Passons maintenant au cas général
des surfaces courbes quelconques.
117. Soit ABCD {fig. 4?) une surface courbe
quelconque, sur laquelle on considère un point L
pris à volonté, et par ce point soit conçue une
droite FL/ tangente à la surface : la position de cette
droite ne sera pas déterminée; elle pourra être menée
d'une manière quelconque dans le plan tangent à la
surface au point L. Puis concevons que la droite F/
se meuve de manière qu'elle soit toujours parallèle à
46 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
elle-même, et qu'elle soit toujours tangente à la sur-
face courbe; elle engendrera par son mouvement une
certaine surfac(î cylindrique EegG, dont la base
dépendra de la l'orme de la surface courbe, et qui tou-
chera cette surface dans une courbe LCKAL, engendrée
elle-même par le mouvement du point de contact de
la droite génératrice avec la surface proposée. Cette
courbe de contact LCKAL est en généial à double
courbure.
lis. Dans le cas très particulier de la surface courbe
du second degré, c'est-à-dire de la surface qui, étant
coupée par un plan quelconque, produit toujours une
section conique, la ligne de contact avec une surface
cylindrique qui l'enveloppe est toujours une courbe
plane, quelle que soit d'ailleurs la direction de la géné-
ratrice de la surface cylindrique.
119. Dans le cas un peu plus général où la surface
courbe est engendrée par le mouvement d'une ligne
courbe plane, fixe dans son plan, mais mobile avec lui,
lorsqu'il roule sur deux surfaces courbes données, pour
chaque point de la surface il existe une direction à
donner à la droite génératrice, pour que la surface
cylindrique engendrée par le mouvement de cette
droite touche la surface courbe dans une courbe plane,
et cette direction doit être telle, que la droite soit
toujours perpendiculaire au plan mobile, lorsqu'il
passe par le point que l'on considère. Les surfaces de
révolution en sont un cas particulier. En effet, si par
un point quelconque d'une surface de révolution on
conçoit une droite tangente à la surface et perpendi-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 4?
culaire au plan du méridien qui passe par ce point,
et si l'on suppose que cette droite se meuve de manière
qu'elle soit toujours tangente à la surface et perpendi-
culaire au plan du même méridien, le point de contact
de la ligne avec la surface parcourra la circonférence
du méridien, et la droite engendrera une surface cylin-
drique qui touchera la surface de révolution dans la
circonférence même du méridien, et par conséquent
dans une courbe plane.
120. Pour tout autre cas, une surface cylindrique
I circonscrite à une surface quelconque touche cette
(Surface dans une courbe LCKAL qui est à double
( courbure.
La droite FL/ ayani d'abord été menée d'une nia-
aiière arbitraire dans le plan tangent à la surface au
\ point L, si par ce point on conçoit la tangente LU à la
courbe de contact LCKAL, cette tangente fera avec
la ligne droite génératrice FL/ un angle FLU qui
dépendra et de la nature de la surface courbe, et de la
direction arbitraire donnée à la droite FL/. Conce-
vons, ce qui est toujours possible dans chaque cas par-
Iticulier, que la direction de la droite FL/ change, sans
que cette droite cesse d'être tangente à la surface au
! point L, et que, d'après cette nouvelle direction, elle
se meuve parallèlement à elle-même en touchant
toujours la surface ; elle engendrera par son mouvement
une autre surface cylindrique circonscrite à la surface,
qui la touchera dans une autre ligne de contact à
double courbure; cette nouvelle courbe de contact
passera encore par le point L, et sa tangente en ce
point fera, avec la nouvelle direction de la droite gêné-
48 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
ratrice, un angle différent du premier angle FLU. Con
cevons enfin qu'on ait ainsi fait varier la direction d
la droite génératrice, jusqu'à ce que la surface cylin
drique, engendrée par cette droite, touche la surfac
dans une courbe de contact, dont la tangente en 1
soit perpendiculaire à la droite génératrice.
Cela posé, soit {fig. l\è) une surface courb
quelconque, sur laquelle on considère d'abord ui
certain point L; soit FLJ la droite tangente à l
surface en L, dont la direction soit prise de manier
que, si on la fait mouvoir parallèlement à elle-mêm
et sans qu'elle cesse de toucher la surface, elle engendr
une surface cylindrique EFGHJK, qui touche la sur
face en une courbe, dont la tangente en L soit perpen
diculaire à FLJ. La ligne de contact de la surfac
cylindrique avec la surface proposée sera une courb
à double courbure; mais au point L son élément s
confondra avec l'élément LN de la section GNLD fait
dans la surface cylindrique par un plan perpendicu
laire à la droite génératrice FLJ. Les deux extré
mités L, N, de cet élément, se trouvant sur la ligne d
contact, seront en même temps sur les deux surfaces
et si par ces points L, N on mène deux normales Lr
NP à la surface cylindrique, elles seront aussi noi
maies à la courbe. Or ces deux normales sont dans 1
même plan perpendiculaire à la génératrice de la sur
face cylindrique, et doivent se rencontrer quelque par
en un point P, qui est le centre de courbure de l'arc LN
donc si sur une surface courbe quelconque on pren»
deux points L, N, qui soient placés sur la ligne d
contact de cette surface avec la surface cylindriqu
dont la droite génératrice soit perpendiculaire à l'élé
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 49
ment LN de cette ligne de contact, les normales à la
surface courbe, menées par ces deux points, seront
dans un même plan, et se rencontreront en un point
qui sera le centre de la courbure de la surface, dans le
sens du plan qui contient les deux normales.
121. Si sur la droite FLJ on prend un point m infi-
niment proche du point L, et si par ce point m on
conçoit une normale à la surface cylindrique, cette
normale sera parallèle à LP et ne sera pas normale à
la surface courbe. Mais si l'on conçoit que dans le plan
de la courbe ALMB, déterminé par les droites FLJ
et LP, la droite FLJ se meuve sans cesser de toucher
la surface et prenne la position infiniment voisine fi,
de manière qu'elle touche la surface dans un point M
infiniment voisin du point L, et si l'on suppose que
cette droite /Mi se meuve parallèlement à elle-
même en touchant toujours la surface, elle engendrera
une nouvelle surface cylindrique efghik, infiniment
peu différente de la première, tant pour la forme que
pour la position, et la ligne de contact de cette nou-
velle surface cylindrique passera par le point M. La nor-
male MQ à cette surface cylindrique, au point M, sera
aussi normale à la surface courbe; elle sera dans un
même plan avec la première normale LP, puisqu'elles
seront toutes deux dans le plan déterminé par les
droites FLJ, /Mi; et ce plan sera perpendiculaire à
celui qui passe par les normales LP, NP. Les deux
normales LP et MQ se rencontreront donc en un cer-
tain point R, qui sera le centre de courbure de
l'arc LM, et par conséquent le centre de la courbure
MONGE. — II. A
5o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
de la surface dans le sens du plan qui passe par les
droites FLJ, /Mi.
On voit donc que si, considérant sur une surface
courbe quelconque un point quelconque L, on conçoit
une normale à la surface en ce point, on peut tou ours
passer, suivant deux directions différentes, à un autre
point M ou N, pour lequel la nouvelle normale soit
dans un même plan avec la première, et que ces deux
directions étant dans des plans no maux rectangu-
laires entre eux, elles sont elles-mêmes à angles droits
sur la surface courbe.
122. Actuellement, ces deux directions sont en
général les seules pour lesquelles cet effet puisse avoir
lieu; c'est-à-dire, que si sur la surface courbe on passe
dans toute autre direction à un point 0, infiniment
voisin du point L, et que si par ce point on mène à la
surface la normale OQ, cette normale ne sera pas dans
un même plan avec la normale LP, et ne pourra par
conséquent la rencontrer.
En effet, concevons que la seconde surface cylin-
drique ait été inclinée de telle manière que sa ligne
de contact avec la surface passe par le point 0;
l'arc OM de cette ligne de contact se confondra avec
l'arc de la section G'OMD' perpendiculaire à la surface
cylindrique ; les deux i ormaîes en 0 et en M à la
surface seront aussi normales à la surface cylin-
drique, elles seront dans le plan de la section perpen-
diculaire ; elles se rencontreront quelque part en
un point Q : mais la normale OQ ne rencontrera pas
la normale LP; car pour que ces deux normales se
rencontrassent, il faudrait que le point Q de la nor-
'i GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 5l
I maie coïncidât avec le point R, dans lequel cette nor-
I maie rencontre LP; ce qui en général n'arrive pas,
r parce que cela suppose une égalité entre les courbures
^ des deux arcs LM et LN, et ce qui ne peut avoir lieu
que pour certains points de quelques surfaces courbes.
j Par exemple, la courbure de la surface de la sphère
étant la même dans tous les sens, suivant quelgue
^' direction que l'on passe d'un de ses points à un autre
infiniment proche, les normales menées par ces deux
points sont toujours dans un même plan; et cette
surface est la seule pour laquelle cette propriété con-
vienne à tous les points. Dans les surfaces de révolu-
tion pour lesquelles a courbe génératrice coupe l'axe
perpendiculairement, la courbure au sommet est encore
la même dans tous les sens, et deux normales consé-
cutives sont toujours dans un même plan; mais cette
propriété n'a lieu que pour le sommet. Enfin il existe
(les surfaces courbes, dans lesquelles cette propriété
a lieu pour une suite de points qui forment une cer-
taine courbe sur la surface : mais cola n'arrive que pour
les points de cette courbe; et pour tous les autres
points de la surface, la nouvelle normale ne peut ren-
contrer la première, à moins que le point de la surface
par lequel elle passe ne soit pris suivant l'une des deux
directions que nous avons définies.
123. Il suit de là qu'en général une surface quel-
conque n'a, dans chacun de ces points, que deux cour-
bures ; que chacune de ces courbures a son centre par-
liculier, son rayon particulier, et que les deux arcs sur
lesquels se prennent ces deux courbures sont à angles
droits sur la surface. Les cas particuliers pour lesquels.
5';! LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
comme dans la sphère, et dans les sommets de surfaces
de révolution, deux normales consécutives quelconques
se rencontrent ne sont pas une exception à cette pro-
position. Il résulte seulement que pour ces cas les deux
courbures sont égales entre elles, et que les direclions
suivant lesquelles on doit les estimer sont indiffé-
rentes.
124. Quoique les deux courbures d'ime surface
courbe soient assujéties l'une à l'autre par la loi de
la génération de la surface, elles éprouvent d'un point
de la surface à l'autre des variations qui peuvent
être dans le même sens ou dans des sens contraires.
Nous ne pouvons pas entrer, à cet égard, dans de très
grands détails, qui deviendraient beaucoup moins
pénibles par le secours de l'Analyse; nous nous conten-
terons d'observer que pour certaines surfaces, telles
que les sphéroïdes, dans chaque point les deux cour-
bures sont dans le même sens, c'est-à-dire qu'elles
tournent leurs convexités du même côté; que pour
quelques autres surfaces, dans certains points, les
deux courbures sont dans des sens opposés, c'est-à-
dire que l'une présente sa concavité et l'autre sa con-
vexité du même côté (la surface de la gorge d'une
poulie est dans ce cas); que pour quelques autres sur-
faces dans tous les points, les deux courbures sont dans
des sens opposés (ia surface engendrée par le mouve-
ment d'une ligne droite, assujétie à couper toujours
trois autres droites données arbitrairement dans
l'espace, est dans ce cas); enfin que dans une surface
particulière ces deux courbures opposées sont, pour
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 53
chaque point, égales entre elles. Cette surface est
celle dont Taire est un minimum.
125. Passons maintenant à quelques conséquences
qui suivent des deux courbures d'une surface courbe,
et qu'il est important de faire connaître aux artistes.
Soit (fig. /jg) une portion de surface courbe
quelconque, sur laquelle nous considérions un
point L pris arbitrairement, et soit conçue la normale
à la surface en L. Nous venons de voir que l'on peut
passer, suivant deux directions différentes, du point L
à un autre M ou L', pour lequel la nouvelle normale
rencontre la première, et que ces deux directions sont
à angles droits sur la surface. Soient donc LM et LT/
ces deux directions rectangulaires en L. Du point M
on pourra de même passer dans deux directions diffé-
rentes à un autre point N ou M', pour lequel la nor-
male rencontre la normale en M, et soient MN, MM'
ces deux directions rectangulaires en M. En opérant
de même pour le point N, on trouvera les deux direc-
tions NO et NN' rectangulaires en N; pour le point 0,
on aura les deux directions OP, 00', et ainsi de suite.
La série des points L, M, N, 0, P, etc., pour lesquels
deux normales consécutives sont toujours dans un
plan, formera sur la surface courbe une ligne courbe,
qui indiquera perpétuellement le sens d'une des deux
courbures de la surface, et cette courbe sera une ligne
de première courbure, qui passera par le point L. Si l'on
opère pour le point L', comme on l'a fait pour le
point L, on pourra d'abord passer, suivant deux direc-
tions rectangulaires, à un nouveau point M' ou L",
pour lequel la nouvelle normale rencontre la normale
54 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
en L', et l'on trouvera de même une nouvelle série de
points L', M', N', 0', P^ etc., qui formeront sur la
surface courbe une autre ligne de première courbure,
qui passera par le point L'. En opérant de même pour
la suite des points L", L'% U^\ . . ., trouvés comme L',
L", on aura de nouvelles lignes de première courbure ...
L" M" N" 0" P", L" M' W 0'' F'\ etc., qui passeront
par les points respectifs L", L"\ L'^, etc., et qui divi-
seront la surface courbe en zones. Mais la suite des
points L, L', L", L"\ etc., pour lesquels deux normales
consécutives sont encore dans un plan, formera sur la
surface courbe une autre courbe qui indiquera perpé-
tuellement le sens de l'autre courbure de îa surface,
et cette courbe sera la ligne de seconde courbure; M,
M', M", M"', etc. formera une autre ligne de seconde
courbure, qui passera par le point M; la série des
points N, N', N", N''', etc. formera une nouvelle ligne
de seconde courbure qui passera par le point N, el
ainsi de suite, et toutes les lignes de seconde courbure
diviseront la surface courbe en d'autres zones. Enfin
toutes les lignes de première courbure couperont à
angles droits toutes les lignes de seconde courbure, et
ces deux systèmes de lignes courbes diviseront la sur-
face en éléments rectangulaires; et cet effet aura lieu,
non seulement si ces lignes sont infiniment proches,
comme nous l'avons supposé, mais même quand celles
d'un même système seraient à des distances finies
les unes des autres. Avant que d'aller plus loin, nous
allons en apporter un exemple, avec lequel on est déjà
familiarisé.
126. Si l'on coupe une surface quelconque de révo-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 55
lution par une suite de plans menés par Taxe, on aura
une suite de sections qui seront les lignes d'une des
courbures de la surface; car pour qu'une courbe soit
ligne de courbure d'une surface, il faut qu'en chacun
de ses points l'élément de surface cylindrique, qui
toucherait la surface dans l'élément de la courbe, ait
sa droite génératrice perpendiculaire à la courbe; or
cette condition a évidemment lieu ici, non seulement
en chaque point de la courbe pour un élément de sur-
face cylindrique particulière, ce qui serait suffisant,
mais même par rapport à toute la courbe pour une
même surface cylindrique. De plus, si l'on coupe la
même surface de révolution par une suite de plans
perpendiculaires à l'axe, on aura une seconde suite
de sections, qui seront toutes circulaires et qui seront
les lignes de l'autre courbure; car si, par un point quel-
conque d'une de ces sections, on conçoit la tangente
au méridien de la surface, et si l'on suppose que celle
tangente se meuve parallèlement à elle-même pour
engendrer l'élément d'une surface cylindrique tangent
à la surface de révolution, l'élément de la surface
cylindrique touchera cette surface dans l'arc de cercle,
et cet arc sera perpendiculaire à la droite génératrice.
Ainsi, sur une surface quelconque de révolution, les
lignes de courbure sont, pour une espèce de courbure,
les méridiens de la surface, et pour l'autre courbure,
les parallèles; et il est évident que ces deux suites de
courbes se coupent toutes à angles droits sur la surface.
127. Si par tous les points d'une des lignes de
courbure LMNOP {fig. 49) d'une surface courbe
on conçoit des normales à la surface, nous avons vu
56 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
que la seconde normale rencontrera la première en
un certain point, que la troisième rencontrera la
seconde en un autre point, et ainsi de suite; le système
de ces normales, dont deux consécutives sont toujours
dans un même plan, forme donc une surface déve-
loppable, qui est partout perpendiculaire à la surface
proposée et qui la coupe suivant la ligne de courbure.
Cette ligne de courbure étant elle-même partout per-
pendiculaire aux normales qui composent la surface
développable est aussi une ligne de courbure de cette
dernière surface. L'arête de rebroussement de la sur-
face développable, arête qui est formée par la suite
des points de rencontre des normales consécutives, et
à laquelle toutes les normales sont tangentes, est une
des développées de la courbe LMNOP; elle est le lieu
des centres de courbure de tous les points de cette
courbe, et elle est aussi celui des centres d'une des
courbures de la surface pour les points qui sont sur la
ligne LMNOP. Si l'on fait la même observation pour
toutes les autres lignes de courbure de la même suite,
telles que V M' N' 0' F', L" M" W 0" F", etc., toutes
les normales de la surface courbe pourront être re-
gardées comme composant une suite de surfaces déve-
loppables, toutes perpendiculaires à cette surface, et
le système des arêtes de rebroussement de toutes les
surfaces développables formera une surface courbe
qui sera le lieu de tous les centres d'une des courbures
de la surface proposée.
Ce que nous venons de remarquer pour une des deux
courbures de la surface a également lieu pour l'autre.
En effet, si par tous les points L, L', h'\ h"', ...,
d'une des lignes de l'autre courbure, on conçoit des
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 57
normales à la surface, ces droites seront consécutive-
ment deux à deux dans un même plan; leur système
formera une surface développable, qui sera partout
perpendiculaire à la surface proposée, et qui la ren-
contrera dans la ligne de courbure Lï/ L" l"\ . . .
qui sera elle-même une ligne de courbure de la sur-
face développable. L'arête de rebroussement de cette
dernière surface sera le lieu des centres de courbure
de la ligne LI/ U' L'", . . . , et en même temps celui des
centres de seconde courbure de la surface proposée,
pour tous les points de la ligne LL' h" L"\ Il en
sera de même pour toutes les normales menées par les
points des autres lignes de courbure MM' M'' M'", . . .,
N N' N" N"", En sorte que toutes les normales
de la surface courbe proposée pourront être regardées
de nouveau comme composant une seconde suite de
surfaces développables, toutes perpendiculaires à cette
surface, et le système des arêtes de rebroussement
de toutes les nouvelles surfaces développables for-
mera une seconde surface courbe, qui sera le lieu des
centres de la seconde courbure de la première.
128. Dans quelques cas particuliers, les surfaces
des centres des deux courbures d'une même surface
courbe sont distinctes, c'est-à-dire qu'elles peuvent
être engendrées séparément, ou qu'elles ont leurs
équations séparées. On en a un exemple dans les sur-
faces de révolution, pour lesquelles une de ces sur-
faces se réduit à l'axe même de rotation, et pour
lesquelles l'autre est une autre surface de révolution
engendrée par la rotation de la développée plane du
méridien autour du même axe. Mais le plus souvent,
/
58 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE. •
et dans le cas général, ces deux surfaces ne sont point
distinctes, elles ne peuvent être engendrées séparé-
ment; elles ont la même équation, et elles sont deux
nappes différentes d'une même surface courbe.
129. On voit donc que toutes les normales d'une
surface courbe peuvent être considérées comme les
intersections de deux suites de surfaces développables
telles, que chacune des surfaces développables ren-
contre perpendiculairement la surface proposée et
la coupe suivant une courbe, qui est en m.ême temps
ligne de courbure de cette surface et ligne de courbure
de la surface développable, et que chacune des sur-
faces développables de la première suite coupe toutes
celles de la seconde suite en ligne droite et à angles
droits.
130. Voyons actuellement quelques exemples de
l'utilité dont ces généralités peuvent être dans cer-
tains arts. Le premier exemple sera pris dans l'Archi-
tecture.
Les voûtes construites en pierres de taille sont com
posées de pièces distinctes auxquelles on donne le
nom générique de Poussoirs. Chaque voussoir a plu-
sieurs faces qui exigent la plus grande attention dans
l'exécution : i^ la face qui doit faire parement et qui,
devant être une partie de la surface visible de la voûte,
doit être exécutée avec la plus grande précision^ cette
face se nomme douelle; 2® les faces par lesquelles les
voussoirs consécutifs s'appliquent les uns contre les
autres, on les nomme généralement joints. Les joints
exigent aussi la plus grande exactitude dans leur
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. tnj
exécution; car la pression se transmettant d'un vous-
soir à l'autre perpendiculairement à la surface du
joint, il est nécessaire que les deux pierres se touchent
par le plus grand nombre possible de points, afin que
> pour chaque point de contact la pression soit la
moindre, et que pour tous elle approche le plus de
l'égalité. Il faut donc que dans chaque voussoir les
joints approchent le plus de la véritable surface dont
ils doivent faire partie; et pour que cet objet soit plus
facile à remplir, il faut que la surface des joints soit
de la nature la plus simple et de l'exécution la plus
susceptible de i)récision. C'est pour cela que l'on fait
ordinairement les joints plans, mais les surfaces de
toutes les voûtes ne comportent pas cette disposition,
et dans quelques-unes on blesserait trop les conve-
nances dont nous parlerons dans un moment, si l'on
ne donnait pas aux joints une surface courbe. Dans ce
cas, il faut clioibir parmi toutes les surfaces courbes,
qui pourraient d'ail 'eurs satisfaire aux autres condi-
tions, celles dont la génération est la plus simple et
dont l'exécution est plus susceptible d'exactitude. Or,
de toutes les surfaces courbes, celles qu'il est plus
facile d'exécuter sont celles qui sont engendrées par
le mouvement d'une ligne droite, et surtout les sur-
faces développables; ainsi, lorsqu'il est nécessaire que
les joints des voussoirs soient des surfaces courbes,
on les compose, autant qu'il est possible, de surfaces
développables.
Une des principales conditions auxquelles la forme
des joints des voussoirs doit satisfaire, c'est d'être
partout perpendiculaires à la surface de la voûte que
ces voussoirs composent. Car, si les deux angles qu'un
6o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
même joint fait avec la surface de la voûte étaient sen-
siblement inégaux, celui de ces angles qui excéderait
l'angle droit serait capable d'une plus grande résis-
tance que l'autre; et dans l'action que deux voussoirs
consécutifs exercent l'un sur l'autre, l'angle plus petit
que l'angle droit serait exposé à éclater, ce qui, au
moins, déformerait la voûte, et pourrait même altérer
sa solidité et diminuer la durée de l'édifice. Lors donc
que la surface d'un joint doit être courbe, il convient
de l'engendrer par une droite qui soit partout perpen-
diculaire à la surface de la voûte ; et si l'on veut de plus
que la surface du joint soit développable, il faut que
toutes les normales à la surface de la voûte, et qui
composent, pour ainsi dire, le joint, soient consécuti-
vement deux à deux dans un même plan. Or nous
venons de voir que cette condition ne peut être
remplie, à moins que toutes les normales ne passent
par une même ligne de courbure de la surface de la
voûte; donc, si les surfaces des joints des" voussoirs
d'une voûte doivent être développables, il faut néces-
sairement que ces surfaces rencontrent celle de la
voûte dans ses lignes de courbure.
D'ailleurs, avec quelque précision que les voussoirs
d'une voûte soient exécutés, leur division est toujours
apparente sur la surface; elle y trace des lignes très
sensibles, et ces lignes doivent être soumises à des lois
générales et satisfaire à des convenances particulières,
selon la nature de la surface de la voûte. Parmi les
lois générales, les unes sont relatives à la stabilité,
les autres à la durée de l'édifice; de ce nombre est la
règle qui prescrit que les joints d'un même voussoir
soient rectangulaires entre eux, par la même raison
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 6l
qu'ils doivent être eux-mêmes perpendiculaires à la
surface de la voûte. Aussi les lignes de division des
voussoirs doivent être telles, que celles qui divisent
la voûte en assises soient toutes perpendiculaiies à
celles qui divisent une même assise en voussoirs. Quant
aux convenances particulières, il y en a de plusieurs
sortes, et notre objet n'est pas ici d'en faire l'énuméra-
tion; mais il y en a une principale, c'est que les lignes
de division des voussoirs qui, comme nous venons de
le voir, sont de deux espèces, et qui doivent se ren-
contrer toutes perpendiculairement, doivent aussi
])orter le caractère de la surface à laquelle elles appar-
tiennent. Or, il n'existe pas de ligne sur la surface
courbe qui puisse remplir en même temps toutes ces
conditions, que les deux suites de lignes de courbures,
et elles les remplissent complètcmont. Ainsi la division
d'une voûte en voussoirs doit donc toujours être faite
par des lignes de courbure de la surface de la voûte,
et les joints doivent être des portions de surfaces déve-
loppables formées par la suite des normales à la sur-
face qui, considérées consécutivement, sont deux à
deux dans un même plan; en sorte que, pour chaque
voussoir, les surfaces des quatre joints, et celle de la
voûte, soient toutes rectangulaires.
Avant la découverte des considérations géomé-
triques sur lesquelles tout ce que nous venons de dire
est fondé, les artistes avaient un sentiment confus des
lois auxquelles elles conduisent, et, dans tous les cas,
ils avaient coutume de s'y conformer. Ainsi, par
exemple, lorsque la surface de la voûte était de révo-
lution, soit qu'elle fût en sphéroïde, soit qu'elle fût
en berceau tournant, ils divisaient ses voussoirs par
62 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
des méridiens et par des parallèles, c'est-à-dire par
les lignes de courbures de la surface de la voûte.
Les joints qui correspondaient aux méridiens étaient
des plans menés par l'axe de révolution; ceux qui
correspondaient aux parallèles étaient des surfaces
coniques de révolution autour du même axe; et ces
deux espèces de joints étaient rectangulaires entre
eux et perpendiculaires à la surface de la voûte. Mais
lorsque les surfaces des voûtes n'avaient pas une géné-
ration aussi simple, et quand leurs lignes de courbure
ne se présentaient pas d'une manière aussi marquée,
comme dans les voûtes en sphéroïdes allongés et dans
un grand nombre d'autres, les artistes ne pouvaient
plus satisfaire à toutes les convenances, et ils sacri-
fiaient, dans chaque^ cas particulier, celles qui leur
présentaient les difficultés les plus grandes.
Il serait donc convenable que dans chacune des
écoles de Géométrie descriptive établie dans les dépar-
tements, le professeur s'occupât de la détermination
et de la construction des lignes de courbure des sur-
faces employées ordinairement dans les arts, afin que,
dans le besoin, les artistes, qui ne peuvent pas con-
sacrer beaucoup de temps à de semblables recherches,
pussent les consulter avec fruit et profiter de leurs
résultats.
131. Le second exemple que nous rapporterons sera
pris dans l'art de la gravure.
Dans la gravure, les teintes des différentes parties
de la surface des objets représentés sont exprimées
par des hachures que l'on fait d'autant plus fortes
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 63
OU d'autant plus rapprochées, que la teinte doit être
plus obscure.
Lorsque la dislance à laquelle la gravure doit être
vue est assez jurande pour que les traits individuels
de la hachure ne soient pas aporçiis, le genre de la
hachure est à peu près indifférent, et, quel que soit
le contour de ses traits, l'artiste peut toujours les
forcer et les multiplier de manière à obtenir la teinte
qu'il désire et à produire l'effet demandé. Mais,
et c'est le cas le plus ordinaire, quand la gravure est
destinée à être vue d'assez près pour que les contours
des traits de la hachure soient aperçus, la forme de
ces contours n'est plus indiiïérenîje. Pour chaque
objet, et pour chaque partie de la surface d'un objet,
il y a des contours de hachures plus propres que tous
les autres à donner une idée de la courbure de la sur-
face; ces contours particuliers sont toujours au nombre
de deux, et quelquefois les graveurs les emploient tous
deux à la fois, lorsque, pour forcer plus facilement
leurs teintes, ils croisent les hachures. Ces contoiivs,
dont les artistes n'ont encore qu'un sentiment confus,
sont les projections des lignes de courbure de la sur-
face qu'ils veulent exprimer. Comme les surfaces de
la plupart des objets ne sont pas susceptibles de défi-
nition rigoureuse, leurs lignes de courbure ne sont pas
de nature à être déterminées, ni par le calcul, ni par
des constructions graphicjues. Mais si, dans leur jeune
âge, les artistes avaient été exercés à rechercher les
lignes de courbure d'un grand nombre de surfaces
différentes et susceptibles de définition exacte, ils
seraient plus sensibles à la forme de ces lignes et à leur
position, même pour 1rs objets moins déterminés ; ils les
64 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
saisiraient avec plus de précision, et leurs ouvrages
auraient plus d'expression.
Nous n'insisterons pas sur cet objet qui ne présente
peut-être que le moindre des avantages que les arts
et l'industrie retireraient de l'établissement d'une
école de Géométrie descriptive dans chacune des prin-
cipales villes de France.
THÉORIE DES OMBRÉS
l)K LA PEUSPECTIVE
(Extrait des Leçons inédites de M. Monge^
par iM. Brissov, ingénieur des Ponts et Chaussées.)
132. Après avoir exposé les principes généraux à
l'aide desquels on résout les différentes questions
qu'embrasse la Géométrie descriptive, il est conve-
nable d'en faire connaître quelques applications. Nous
nous proposons de nous occuper d'abord de la déter-
mination des ombres dans les dessins, et ensuite de la
perspective.
Dans une école destinée à répandre les méthodes de
la Géométrie descriptive, il serait convenable que les
élèves commençassent les applications de ces mé-
thodes par l'étude de la coupe des pierres et de la
charpente. La correction rigoureuse des épures, que
comporte ce genre de recherches, accoutume l'esprit
et la main à plus de précision; les problèmes qui se
présentent sont plus variés en général et offrent plus
d'exercice à la sagacité. Mais dans un cours spéciale-
ment consacré à la Géométrie descriptive propre-
MONGK. — II. 5
66 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
ment dite, il est naturel de prendre pour premier objet
d'application la Théorie des Ombres, qui doit être
regardée comme le complément de cette science.
On a dit que la Géométrie descriptive doit être envi-
sagée sous deux points de vue. Sous le premier, on la
considère comme un moyen de recherches pour arriver,
avec précision, à des résultats dont on a besoin; et
c'est ainsi que l'emploient la coupe des pierres et la
charpente. Sous le second, elle est simplement un
moyen de représenter les objets; et dans ce cas, la
détermination des ombres est pour elle un auxiliaire
avantageux.
Les personnes qui sont au courant des méthodes
de cette science savent qu'une projection seule ne
sufFit pas pour définir un objet; qu'il faut nécessaire-
ment deux projections, parce qu'il y a toujours sur un
plan une des dimensions qui manque, mais qu'au
moyen de deux projections, les trois dimensions se
trouvent déterminées. Lors donc que l'on considère
la description d'un objet faite complètement au moyen
de ses deux projections, on doit comparer la projection
horizontale avec la projection verticale ; et c'est de
cette perpétuelle comparaison que l'on déduit la con-
naissance de la forme de l'objet propose.
Quoique la méthode des projections soit facile et
qu'elle ne soit pas dépourvue d'un genre particulier
d'élégance, cependant cette obligation, de comparer
sans cesse deux projections l'une à l'autre, est une
fatigue qu'on peut diminuer considérablement par
l'indication des ombres.
Supposons, en effet, que l'on ait une projection
horizontale, comprenant toutes les dimensions en Ion-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. ()7
gueur et en largeur, mais qui ne détermine en rien les
dimensions en hauteur; si l'on admet que les corps
soient éclairés d'une manière bien connue (et il con-
; nt d'adopter en général la manière la plus natu-
nlle, celle avec laquelle nous sommes le plus fami-
liarisés), par des rayons de Uimière parallèles entre eux,
par exemple, ces corps vont porter ombre les uns sur
les autres et sur le plan horizontal au-dessus duquel
ils sont placés; et par le moyen de l'étendue des
ombres et de leurs formes, on jugera immédiatement
des dimensions verticales. Ainsi, la direction des
rayons de lumière étant connue, on n'a pas besoin de
deux projections : une seule, avec le* tracé des ombres,
donnera une idée complète de l'objet que l'on consi-
dère; et si l'on a la projection horizontale et la pro-
jection verticale, l'une et l'autre avec les ombres cons-
l'-uites, ces deux projections seront plus aisées à lire,
montreront plus facilement l'objet que si l'on
j l'avait que les projections nues et sans ombres.
Ainsi, pour tous les arts où il s'agit de représenter
des objets, où la Géométrie descriptive n'est pas em-
ployée comme moyen de recherches, mais d'expo-
sition, la détermination des ombres est avantageuse
et rend plus parfaite la représentation que l'on se pro-
pose de tracer.
La détermination des ombres comprend deux parties
distinctes, l'une est la description graphique du con-
tour des ombres, l'autre est la recherche de l'inten-
sité des teintes à attribuer à chaque partie des sur-
faces qui reçoivent ces ombres.
Nous nous occuperons d'abord de la première partie,
de celle qui est relative à la description graphique.
68 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
DE LA DESCRIPTION GRAPHIQUE DES OMBRES.
133. La théorie des ombres est entièrement fondée
sur un phénomène que tout le monde connaît, c'est
que la lumière se propage en ligne droite. Nous sommes
si accoutumés à cotte proposition, que toutes les fois
qu'on cherche à vérifier si une ligne est droite, on la
compare à un rayon de lumière. Veut-on s'assurer
qu'une règle est droite, on la compare, dans toute sa
longueur, avec le rayon de lumière passant par ses
deux extrémités;, cherche-t-on à savoir si une
rangée d'arbres est alignée, on se place de manière
que le rayon de lumière qui vient d'une extrémité de
cette rangée jusqu'à l'œi! passe le long des arbres,
et si tous sont placés exactement le long de ce rayon,
on reconnaît qu'ils sont parfaitement alignés.
Nous admettons donc, comme principe, que la lu-
mière se répand en ligne droite. Il faut cependant
observer que cette proposition n'est rigoureusement
vraie que quand le milieu dans lequel la lumière se
meut est d'une densité uniforme; mais dans les appli-
cations aux arts que nous avons ici uniquement en
vue, on a rarement besoin de considérer les rayons de
lumière comme prolongés à une grande distance, et
traversant des milieux de densités sensiblement diffé-
rentes : il nous sera donc permis de supposer les mi-
lieux uniformes et les rayons de lumière rigoureuse-
ment en ligne droite.
Nous distinguerons deux cas : celui où l'espace est
éclairé par un point lumineux unique et celui où il est
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 69
éclairé par un corps lumineux de dimensions finies; et
nous considérerons d'abord le premier cas.
Le point lumineux lance dans tous les sens des
rayons de lumière, dont l'ensemble occupe entière-
ment l'espace, si aucun corps ne s'offre pour les arrêter
dans leur direction : il n'en sera pas de même s'il se
trouve un corps opaque, c'est-à-dire qui ne soit pas
pénétrable aux rayons de la lumière, qui les arrête ou
les réfléchisse en tout ou en partie; les rayons qui ne
le rencontreront pas continueront de se répandre
dans l'espace; mais ceux sur la direction desquels il
est placé seront arrêtés et ne s'étendront pas dans la
partie de l'espace qui est au delà, et qui, par l'inter-
position du corps, sera ainsi privée de lumière.
Concevez une surface conique ayant son sommet au
point lumineux et enveloppant le corps opaque, et
supposez-la prolongée indéfiniment; elle sera au delà
du ci^rps opaque, la limite de la partie de l'espace dans
laquelle pénètrent les rayons envoyés par le point
lumineux et de celle où il ne saurait en arriver aucun.
Cette dernière partie, privée de lumière par l'interpo-
sition du corps opaque, est ce qu'on appelle Vomhre
(le ce corps; telle est du moins la définition de ce qu'on
entend par le mot ombre, lorsqu'en parlant d'une
éclipse de Lune, par exemple, on dit que la Lune entre
dans l'ombre de la Terre. Le Soleil est le corps lumi-
neux duquel les rayons parlent et se répandent dans
toutes les directions; la Terre est le corps opaque qui
intercepte une portion de ces rayons; et deriière elle,
par rapport au Soleil, il se trouve une partie de l'espace
privée de lumière. Tant que la Lune est hors de cette
partie, elle est éclairée et renvoie de la lumière, elle
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
est visible; mais du moment qu'elle y entre, elle ne
reçoit plus de lumière, n'en renvoie plus et devient
invisible.
Dans le langage ordinaire toutefois, ce n'est pas là
ce qu'on entend le plus souvent par le mot ombre,
lorsque par exemple en se promenant au Soleil on
remarque que les ombres sont courtes à midi. Dans
celle acception, l'ombre n'est point l'espace privé de
lumière par l'interposition d'un corps qui arrête une
partie des rayons lancés par le point lumineux, mais
c'est la projection de cet espace sur la surface qui la
reçoit; c'est dans ce dernier sens que nous emploierons
habituellement ce mot.
Supposons que le point lumineux soit à une distance
infmie; les rayons de lumière qui viendront de là
jusqu'à nous seront parallèles entre eux, à peu près
comme nous le paraissent ceux du Soleil. Dans cette
hypothèse, à laquelle nous nous arrêterons d'abord,
on peut considérer deux cas, celui dans lequel le corps
opaque, qui porte ombre, est terminé par des surlaees
planes, et par conséquent par des arêtes rectilignes et
par des sommets d'angles solides, et celui où il est ter-
miné par des surfaces arrondies. Nous commencerons
par nous occuper du premier qui est extrêmement
simple.
Si le corps qui reçoit la lumière et qui porte ombre
est terminé par des faces planes, on conçoit aisément
qu'une partie de ces faces est éclairée, cpie Tautre est
obscure, et que la ligne qui, sur ce corps, sépare la
partie éclairée de celle qui ne l'est pas est formée par
l'ensemble des arêtes rectilignes d'intersection des
faces obscures et des faces éclairées; cette ligne est
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 71
facile à trouver, et c'est elle qui détermine le contour
de l'ombre cherchée. Si l'on conçoit que le corps opaque
vienne à disparaître, mais que cette même ligne con-
tinue de subsister, et qu'on lui suppose une épaisseur
sensible, l'ombre de cette ligne, tracée sur la surface
qui doit la recevoir, sera le contour de l'ombre du
corps. On voit que dans le cas que nous considérons,
le problème se réduit à trouver l'ombre de certaines
lignes droites connues de position.
Pour fixer les idées et rendre ce qui précède plus
sensible, supposons que le corps qui porte ombre
soit le parallélépipède ABCD ahcd (fi g. 5o), que
la direction des rayons de lumière, parallèles entre eux,
soit indiquée par L/, et que le plan MN soit la surface
qui doit recevoir l'ombre. On juge immédiatement,
d'après la direction des rayons de lumière, que les
faces ABCD, ABa/>, AD ad sont éclairées, et que les
faces DCdc, CBc6 et abcd ne le sont pas; que les
arêtes DG, CB, B b, ba^ ad et dD sont les limites de la
partie éclairée et de la partie obscure. Les ombres D'C,
G'B', h'b', b'a', a'd' et d'D' de ces six arêtes, sur le
plan MN, forment le contour ou les limites de l'ombre
du parallélépipède; les ombres des six autres arêtes,
tombant dans l'intérieur de l'aire enveloppée par ce
contour, sont confondues dans l'ombre totale du corps
proposé.
En général, quand il s'agit de corps terminés par des
surfaces planes, les arêtes limites, ou qui séparent les
faces éclairées des faces obscures, se distinguent immé-
diatement ou sont faciles à déterminer; et plus tard
nous indiquerons un moyen simple de les reconnaître
sûrement, si dans quelques circonstances leur position
72 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
Fi^ ^o
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
pouvait laisser de rincerliliide. La question se borne
donc, comme nous l'avons déjà dit, à trouver l'ombre
d'un certain assemblage de lignes droites connues de
position.
Cherchons en premier lieu l'ombre d'une de ces
droites. Nous observerons que le corps qui porte
ombre étant connu de forme et de position par rap-
port aux plans de projection, les arêtes qui terminent
ses faces sont également connues par rapport à ces
mêmes plans, c'est-à-dire qu'on a ou qu'on peut
trouver leurs projections horizontales et verticales.
Supposons que l'objet lumineux soit un point unique
place à une distance infinie; la direction des rayons de
lumière, dans ce cas, sera donnée par la projection
horizontale et verticale d'une ligne droite à laquelle
ils devront tous être parallèles. Les rayons de lumière
qui rencontrent la droite dont nous cherchons à déter-
miner l'ombre forment un plan, dont la position, par
rapport aux plans de projection, résulte de la condi-
tion de passer par la droite proposée et d'être parallèle
à la direction de la lumière. Ce plan, prolongé, contient
évidemment l'ombre de la droite ; ou, si l'on considère
le corps dont cette droite est une des arêtes, il
sépare la partie éclairée de l'espace de celle que l'inter-
position de ce corps prive de lumière. Ce même plan
va rencontrer la surface sur laquelle l'ombre est reçue,
suivant une certaine ligne qui est l'ombre portée par
la droite sur cette surface, ou qui appartient au con-
tour de l'ombre du corps proposé. La surface étant
connue et déterminée par rapport aux plans de pro-
jection, on pourra toujours construire son intersection
avec le plan que nous avons conçu, et parvenir ainsi
^4 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
à connaître complètement cette partie du contour de
l'ombre cherchée.
Ce que l'on aura fait pour une première arête du
corps qui porte ombre, on le fera pour une seconde,
l)our une troisième, et enfin pour toutes celles dont
l'assemblage forme, sur ce corps, la séparation des
faces éclairées des faces obscures.
Si le point lumineux était à une distance finie, la
solution précédente serait encore applicable en y
apportant une légère modification. Les rayons de
lumière partant de ce point dont on doit connaître les
projections, et dirigés vers la première des arêtes qu'on
a considérées, formeront également un plan déterminé
dans l'espace, ou par rapport aux plans de projection,
par la condition de passer par cette droite et par le
point lumineux; et les raisonnements que nous avons
faits tout à l'heure, relativement au plan qui, dans la
première hypothèse, contenait les rayons de lumière
parallèles, se répéteront pour celui qui contient les
mêmes rayons, lorsqu'ils partent d'un point placé à
une distance finie.
On voit que ces recherches ne sont que de simples
applications des méthodes de la Géométrie descrip-
tive. Pieconnaître sur le corps qui porte ombre les
arêtes qui séparent la partie éclairée de la partie
obscure; par ces arêtes faire passer des plans qui soient
parallèles à la direction des rayons de lumière, ou qui
contiennent le point lumineux s'il n'est pas à une
distance infinie, et construire les intersections de ces
plans avec la surface qui doit recevoir l'ombre : dans
le cas qui nous occupe, telle est toute la solution.
Nous avons dit que la distinction des arêtes limites,
CEOMETRIP DESCRIPTIVE.
dont les ombres circonscrivent Tombre propre du
corps, est en général facile à faire; et en effet, il suffit
pour cela de chercher indistinctement les ombres de
toutes les arêtes : celles d'entre elles qui entreront
dans l'intérieur du polygone formant le contour de
l'ombre du corps ne peuvent appartenir aux arêtes
limitey. Ainsi, dans la figure 5o, les ombres b'c\ d'c\
Ce, A'a', A'D', A'B' des arêtes Z>c, de, Ce, A«,
AD, AB n'appartiennent à aucune des arêtes limites,
|)uis(]u'elles entrent dans l'intérieur du polygone
a'b'B'CD'd'.
Mais on peut avec nioins de Iravaii reconnaîlre si
de deux faces planes d'un corps, l'une est éclairée et
l'autre obscure, ou si elles sont toutes deux obscures,
ou toutes deux éclairées, et par conséquent si leur
intersection est une arête limite ou non. Eîî cfTct, par
un point quelconque de cette intersection, imaginons
un rayon de lumière; si des deux faces l'une est
éclairée et l'autre obscure, ce rayon de lumière pro-
longé les laissera toutes deux du mênie côté; mais si
elles sont l'une et l'autre éclairées ou l'une et l'autre
obscures, il passera entre elles deux. Cela posé, les
deux faces planes que nous considérons appartiennent
à deux plans donnés de position dans l'espace, et dont
par conséquent on peut construire les traces sur les
pians de projection, ainsi que les projections horizon-
tale et verticale de leur intersection; que par un point
quelconque de cette intersection on fasse passer une
ligne parallèle à la direction de la lumière, et que l'on
construise ses deux points de rencontre avec les plans
de projection; si ces deux points sont en dehors des
traces des plans proposés, le rayon de lumière ne passe
76 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
pas entre les deux plans, et l'un est éclairé et l'autre
ne l'est pas; si l'un des points ou tous les deux se
trouvent en dedans des traces, on en conclura que le
rayon de lumière passe entre les deux plans, et que
ces plans sont tous deux éclairés ou tous deux obs-
curs : dans le premier cas, leur intersection est une
arête limite; dans le second, elle ne l'est pas. Ainsi
l'on peut reconnaître d'avance quelles sont les arêtes
par rapport auxquelles on doit opérer pour obtenir le
contour de l'ombre du corps proposé.
Les corps que l'on considère dans les arls présentent
fréquemment des arêtes verticales, c'est ce qui rend
souvent utile l'observation suivante. La projection
horizontale de la ligne verticale se réduit à un seul
point; la ligne passant par ce point dans le plan
horizontal de projection et dirigée vers le point lumi-
neux renferme toujours la projection horizontale de
l'ombre de la verticale, sur quelque surface que cette
ombre soit reçue; ce résultat est vrai, que le point
lumineux soit à une distance finie ou infinie. En elï'et,
dans l'un et l'autre cas, l'ensemble des rayons de
lumière passant par la verticale forme un plan ver-
tical qui doit contenir l'ombre de la verticale proposée,
et qui la donnera par son intersection avec la surface
qui doit recevoir l'ombre. La trace de ce plan vertical,
dans le plan horizontal de projection, contiendra par
conséquent la projection horizontale de l'ombre,
quelle que soit la surface qui la reçoive.
Au reste, cette observation s'applique également à
toute droite perpendiculaire à un plan quelconque de
projection. Le plan formé par les rayons de lumière
qui passent par cette droite est perpendiculaire
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 77
comme elle au plan de projection, cl sa trace sur ce
plan doit contenir évidemment la projection sur ce
même plan de l'ombre portée par la droite sur quelque
surface que ce soit. On conçoit que dans quelques cir-
constances et en choisissant avec intelligence les plans
de projection, le résultat précédent peut simplifier
beaucoup les opérations.
Ce que nous venons de dire renferme à peu près
tout ce qui est d'usage habituel dans la théorie des
ombres, et résout les questions relatives aux corps ter-
minés par des surfaces planes et des lignes droites
et éclairés par un point unique. Les livres qu'on a
coutume de publier sur cet objet vont rarement plus
loin, et n'ajoutent guère à ce qui précède que divers
développements d'opérations graphiques pour lesquels
nous renverrons aux leçons de Géométrie descrip-
tive.
134. Passons maintenant au cas où le corps qui
porte ombre n'est pas terminé par des surfaces planes.
La ligne qui sépare, sur la surface du corps, la partie
éclairée de la partie obscure n'est plus, en général,
un assemblage d'arêtes facile à reconnaître; c'est une
courbe qu'il faut déterminer par la seule propriété
d'être la limite de ces deux parties. Les rayons de
lumière que reçoit la partie éclairée pénétreraient
dans le corps s'ils étaient prolongés; la partie obscure
n'en reçoit pas, parce que ceux qui pourraient lui
arriver auraient à traverser le corps qui portp ombre
avant de lui parvejiir; mais il est facile de voir que les
rayons qui vont à la courbe limite de la partie obscure
et de la partie éclairée n'entrent pas dans ce corps
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
et ne font que toucher sa surface. Ces derniers rayons
sont donc tangents à la surface du corps ; chacun d'eux
se trouve dans un plan tangent à cette surface et pas-
sant par le point lumineux. On peut donc construire
la courbe dont il s'agit, en menant du point lumineux
une suite de plans tangents à la surface du corps pro-
posé et en déterminant les points de tajigence; chacun
de ces points appartiendra à la courbe cherchée. Nous
ne nous arrêterons cependant point à ce mode de
solution, et nous allons en exposer un autre qui est
aussi général et d'un emploi plus facile pour le genre
de recherches dont il s'agit, car on sait que l'élégance
et la simplicité des constructions graphiques dépendent
du système de moyens qu'on adopte pour obtenir
chaque élément du résultat.
Nous supposerons toujours le point lumineux à une
distance infinie, et la direction des rayons de lumière
indiquée par les projections horizontale et verticale
d'une ligne donnée, à laquelle ces rayons doivent être
parallèles. Le corps qui porte ombre étant ccnnu de
forme et de position, par rapport aux plans de pro-
jection, ainsi que la surface sur laquelle l'ombre doit
être reçue, on demande de construire la projection de
cette ombre et, pour y parvenir, de déterminer sur la
surface du corps qui porte ombre la ecurbe qui sépare
la partie obscure de la partie éclairée. Cette dernière
recherche, outre qu'elle entre dans la solution du pro-
blème qui nous occupe, est encore i<itéressante pour
les arts du dessin et de la peinture, puisqu'elle fait
connaître sur la surface du corps éclairé, où doivent
s'arrêter les teintes claires et commencer les teintes
obscures.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 79
La méthode que nous allons exposer est analogue
à celle quia été donnée, dans la Géométrie descriptive,
pour les intersections des surfaces cylindriques.
Concevons un système de plans parallèles à la direc-
tion de la lumière et, de plus, perpendiculaires à l'un
des plans de projection, au plan vertical par exemple.
Les opérations que nous allons indiquer pour l'un des
premiers plans se répéteront aisément pour les autres.
Nous remarquerons d'abord que, puisqu'il est per-
pendiculaire au plan vertical de projection, il est
entièrement projeté suivant sa trace, ainsi que toutes
les lignes qu'il peut renfermer. On peut le concevoir
comme composé de lignes parallèles à la direction de
la lumière ou, ce qui revient au même,» de rayons lumi-
neux. Or, il doit en général couper la surface du corps
qui porte ombre suivant une courbe. Des rayons de
lumière situés dans le plan, les uns rencontrent la
courbe et s'y arrêlent : ils font évidemment partie des
rayons qui sont interceptés par le corps proposé et
dont l'interruption produit roiiibrc derrière ce corps;
les autres ne rencontrent pas la courbe et, n'éprou-
vant aucun obstacle, se propagent au loin dans l'espace ;
enfin il se trouve des rayons de lumière qui, placés
entre ceux qui rencontrent la courbe et ceux qui ne
la rencontrent pas, ne font simplement que la toucher;
et l'on observera que, si le corps qui porte ombre n'a
pas des dimensions infinies, il doit se trouver en général
deux rayons âe ce genre. Ces derniers, tangents à la
section du corps par le plan que nous considérons,
sont aussi tangents à la surface de ce corps; leurs
points appartiennent donc, d'après ce que nous avons
dit précédemment, à la courbe limite de la partie de
8o LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
la surface du corps qui est éclairée et de celle qui ne
l'est pas; enfin leurs points de rencontre avec la sur-
face sur laquelle l'ombre est reçue appartiennent
également au contour de cette ombre.
Ce sont donc ces rayons qu'il nous importe de re-
connaître et de construire ; la propriété qui les carac-
térise doit nous en fournir les moyens. Puisqu'ils sont
tangents à la courbe d'intersection de la surface du \
corps qui porte ombre, par le plan que nous considérons,
leurs projections horizontales doivent être tangentes
à la projection de cette même courbe. La surface du
corps est connue, le plan coupant est donné de posi-
tion; supposons donc que la projection horizontale de
leur intersection soit construite. Si nous menons à cette
projection des tangentes parallèles à la direction du
rayon de lumière projeté sur le plan horizontal, elles
seront les projections des rayons dont il s'agit, et les
points de tangence seront les projections horizontales
de ceux où ces rayons de lumière touchent la surface
du corps proposé. La projection ou la trace du plan
coupant sur le plan vertical contient la projection
verlicaie du rayon de lumière, et pour déterminer sur
ces projections celles des points de tangence dont on
vient de parler, il suffit d'élever par les projections
horizontales de ces points des lignes perpendiculaires
à la commune intersection des deux plans de projec-
tion. On obtient donc ainsi, en projections horizon-
tale et verticale, deux points de la courbe qui, sur la
surface du corps proposé, sépare la partie éclairée de
celle qui ne l'est pas.
Si l'opération que nous venons d'indiquer se répète
pour un nombre quelconque de plans parallèles à la
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
lumière et perpendiculaires au plan vertical de pro-
jection, on trouvera, en projection horizontale, une
pareille suite de points, par lesquels faisant passer une
courbe on aura la projection de la courbe limite qui,
sur la surface proposée, sépare la partie éclairée de la
partie obscure. On trouvera également, en projection
verticale, une autre suite de points, et la courbe qui les
réunira sera la projection verticale de la même courbe
limite.
Occupons-nous maintenant de la détermination du
contour de l'ombre sur la surface qui doit la recevoir.
Le plan parallèle à la lumière, que nous avons d'abord
considéré, détermine en général, comme nous l'avons
vu, deux rayons lumineux tangents à la surface du
corps qui porte ombre, et qui sont eux-mêmes situés
dans ce plan. Les points de rencontre de ces rayons
avec la surface qui reçoit l'ombre appartiennent au
contour qu'il s'agit d'obtenir. Ces points de rencontre
doivent évidemment être placés sur la courbe de l'in-
tersection du plan avec cette même surface. Le plan
et la surface étant connus et déterminés de position,
on peut construire la projection horizontale de leur
intersection. Supposons cette projection construite;
les projections horizontales des deux rayons de lumière
que nous considérons la rencontreront en des points
qui seront les projections de ceux où les rayons eux-
mêmes rencontrent la surface; et ces derniers points
appartiennent, ainsi que nous l'avons dit, au contour
demandé. Si des points obtenus en projection horizon-
tale, on mène des lignes perpendiculaires à la com-
mune intersection des plans de projection, ces lignes
détermineront, par leur rencontre avec la projection
MO.NuE. — 11. 6
82 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE. '
verticale du plan coupant sur lequel nous avons opéré,
les projections verticales des mêmes points du contour
de l'ombre portée.
En répétant cette dernière opération pour chacun
des pians parallèles à la direction de la lumière, on
obtiendra, sur l'une et l'autre projection, une série
de points par lesquels faisant passer des courbes on
aura les projections horizontale et verticale du con-
tour de l'ombre du corps proposé sur la surface des-
tinée à la recevoir.
Au nombre des plans parallèles à la direction de la
lumière, il peut s'en trouver qui, après avoir coupé
le corps portant l'ombre, ne rencontrent pas la surface
qui doit la recevoir, ou quelques-uns des rayons tan-
gents à la surface du corps, et déterminés par ces plans,
peuvent ne pas rencontrer ensuite la courbe d'intersec-
tion de ces mêmes plans avec la surface sur laquelle
on suppose que l'ombre doit être portée. Dans l'un
et l'autre cas, ces circonstances feront reconnaître que
cette surface ne reçoit pas entièrement l'ombre portée
par le corps, mais qu'une partie lui échappe, pour être
reçue par une surface plus éloignée ou se perdre dans
l'espace.
Pour rendre tout ce qui précède plus facile à com
prendre, nous allons l'appliquer à un exemple.
Soit une sphère représentée par les projections
verticale et horizontale A, A' (fig, 5i) de deux de
ses grands cercles; supposons que la direction des
rayons djC lumière soit donnée par les projections LL,
L'L' d'une ligne à laquelle ils doivent être parallèles,
et cherchons les projections horizontale et verticale
de la ligne qui sépare la partie éclairée de la surface
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
B3
Fis Si
84 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
de la sphère de la partie obscure, et celles du contour
de l'ombre portée par la sphère sur un cylindre droit
à base circulaire, donné en projection horizontale par
le cercle B'.
Conformément à la méthode que nous venons
d'exposer, concevons une suite de plans parallèles
à la direction de la lumière, perpendiculaires au plan
vertical de projection, et par conséquent projetés sur
ce plan suivant leurs traces Pp, PiPi, P2 P2j • • ••
Considérons en particulier le plan P; il coupera la
sphère suivant une courbe dont la projection verti-
cale ne peut être que sur la trace Pp, et dont la pro-
jection horizontale sera la courbe p'p'p'p'' Après
l'avoir construite nous lui mènerons les deux tan-
gentes ^' B' et 1' t\ parallèles à L'L', lesquelles
seront les projections horizontales de deux rayons de
lumière tangents à la sphère; quant aux projections
verticales de ces mêmes rayons, elles ne peuvent être
l'une et l'autre que la trace Pp elle-même. Les points
de tangence T' et 0' sont les projections des deux
points où ces rayons de lumière touchent la sphère, et
qui appartiennent par conséquent à la courbe qui
sépare, sur sa surface, la partie éclairée de la partie
obscure. Pour avoir les projections verticales de ces
mêmes points, on mènera les deux lignes T'T et 0' 0,
perpendiculaires à la commune intersection des deux
plans de projection, prolongées jusqu'à la rencontre
de la trace Pp, et l'on obtiendra ainsi, en T et 0, les
projections verticales des deux points dont il s'agit.
En répétant pour chacun des plans P^, Pg, P3, P4, • . .
l'opération que nous venons d'exécuter pour le
plan P, on trouvera sur le plan horizontal la courbe
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 85
rr,T;0; 0'(-);e;r3, et sur le pian vertical la
courbe TTj Tg ©i ©©3 0; Tg, pour les projections de
celle qui, sur la sphère, sépare la partie éclairée de la
partie obscure.
Reprenons les rayons de lumière dont T't' et S' 0'
sont les projections horizontales, et dont Pp est la
projection verticale, et cherchons les points où ils
rencontrent la surface du cylindre ; ce seront des
points du contour de l'onibre portée sur cette surface
par la sphère. Le plan P coupe la surface du cylindre
suivant une courbe projetée sur le plan horizontal,
dans le cercle qui sert de base au cylindre. Les lignes
T't' et 0' 6' rencontrent ce cercle dans les points r'
et p', qui sont par conséquent les projections horizon-
tales des points de rencontre que nous cherchons;
pour avoir leurs projections verticales, il suffît de
mener les lignes r' r et p' p perpendiculaires à la com-
mune intersection des deux plans de projection, et
jusqu'à la rencontre de la ligne Pp. Si l'on répète
également cette dernière opération, relativement aux
autres plans Pj , Pg, . . ., on trouvera les projections
verticales de divers autres points de contour de
l'ombre portée par la sphère sur le cylindre, et l'on
construira la courbe rrir2 pi ppg p^ qui sera la projec-
tion verticale de ce contour.
En considérant le plan P3 et les deux lignes T._^t'^
et ©3 0'.^ qui sont les projections horizontales des deux
rayons de lumière tangents à la sphère, situés dans le
plan dont il s'agit, on observera que l'une de ces pro-
jections, celle qui est désignée par T3 ^3, ne rencontre
pas la base du cylindre, qui est la projection horizon-
tale, ainsi que nous l'avons observé de la section de
86 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
la surface cylindrique par le plan Pg; le rayon de lu-
mière auquel appartient la projection T^ t'.^ ne ren-
contre donc pas cette surface et passe à côté. On en
conclura que l'ombre portée par la sphère n'est pas
reçue en entier par le cylindre, et que le contour de
cette ombre sur la surface cylindrique n'est point
fermé, mais s'arrête aux points où les rayons de lu-
mière tangents à la sphère sont aussi tangents au
cylindre.
135. Nous avons supposé jusqu'à présent que le
point lumineux était à une distance infinie; et cette
hypothèse est celle qui est le plus fréquemment admise,
parce qu'elle est à peu près conforme à la manière
dont les corps sont éclairés par le Soleil; mais si l'on
supposait le point lumineux à une distance finie, il
suffirait, pour rendre la méthode précédente appli-
cable encore dans ce cas, de substituer aux plans paral-
lèles que nous avons employés une suite de plans
assujétis à passer par le point lumineux, et du reste
toujours perpendiculaires au plan vertical de projec-
tion, comme dans la première hypothèse.
Le procédé que nous venons d'exposer peut souvent
se simplifier dans les questions particulières, d'après
la génération de la surface du corps qui porte l'ombre
et de celle qui la reçoit. Nous renverrons, à cet égard,
aux méthodes de la Géométrie descriptive qui, dans
ces recherches, sont susceptibles de diverses applica-
tions intéressantes. Il nous suffit d'avoir fait con-
naître un mode de solution qui comprend dans toute
sa généralité le problème de la détermination gra-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 87
phîque des ombres, lorsque le corps lumineux se
réduit à un point unique.
La solution de ce problème satisfait à peu près à
tout ce que demandent habituellement les arts du
dessin; ce qui nous reste à dire nous donnera lieu de
fr\iie quelques observations qui ne seront jjas sans
iiUérêt sous le rapport de ces mêmes arts; mais comme
. n supposant que le corps lumineux ait dos diiru nsions
Unies, les constructions graphiques deviennent extrê-
mement compliquées, et seraient d'ailleurs d'un usage
peu près nul, ce sera plutôt sous le point de vue de la
héorie que sous celui des applications que nous allons
îraiter cette dernière partie de la détermination
linéaire des ombres.
Lorsque le corps lumineux n'est qu'un point et que
rien dans l'espace ne réfléchit la lumière, l'ombre
portée par un corps opaque sur une surface placée der-
rière doit êtTv? parfaitement noire, puisque aucun rayon
ne peut y arriver directement, à raison de l'interposi-
tion du corps opaque, ni indirectement, car nous sup-
posons qu'il n'existe aucun autre objet qui puisse y
réfléchir de la lumière. Cette ombre étant donc d'un
noir absolu sera par conséquent égale dans toute son
étendue; et de plus elle se terminera brusquement à
son contour qui sera une ligne parfaitement nette et
prononcée.
11 n'en est pas ainsi lorsque le corps lumineux a des
dimensions finies; le contour n'est pas tranche brus-
quement, et c'est par une dégradation insensible que
l'on passe du noir de l'ombre à la clarté.
En efîet, cherchons et qui a lieu dans ce cas, en
bupposant toujours qu'il n'existe dans l'espace que le
88 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
corps lumineux, le corps opaque et la surface qui reçoit
l'ombre.
Concevons un plan tangent à la fois au corps lumi-
neux et au corps opaque, et tel que les deux corps se
trouvent du même côté relativement au plan; puis
concevons-en un semblablement tangent et infiniment
voisin du premier, qu'il coupera suivant une droite
tangente à la fois aux deux corps. Concevons encore
un troisième plan tangent, infiniment voisin du second ;
il le coupera suivant une autre droite également tan-
gente aux deux derniers pians, et l'on observera que
cette seconde ligne doit rencontrer la première,
puisque l'une et l'autre se trouvent sur le second plan
tangent. En multipliant ainsi les plans tangents, on
aura une suite de lignes tangentes à la fois aux deux
corps et se rencontrant deux à deux; elles appar-
tiendront à une surface que l'on doit reconnaître,
d'après sa génération que nous venons d'indiquer,
pour être du genre de celles qu'on appelle déç>elop-
pables (110).
Cette surface développable enveloppe à la fois le
corps lumineux et le corps opaque; et dans la partie
de l'espace qu'elle renferme au delà de ce dernier, il
ne peut pénétrer aucun rayon lancé par le corps lumi-
neux; l'aire de l'intersection de cette surface avec celle
qui reçoit l'ombre sera donc d'un noir parfait, et par
conséquent égal dans toute son étendue.
Maintenant, concevons une autre suite de plans
tangents au corps lumineux et au corps opaque, mais
placés de manière que l'un de ces corps se trouve d'un
côté du plan, et que l'autre se trouve du côté opposé;
les intersections successives de ces plans donneront
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 89
naissance, comme tout à l'heure, à une nouvelle sur-
face développable qui enveloppera, ainsi que Ja pré-
cédente, le corps lumineux et le corps opaque; maii
on observera, par rapport à cette surface et aux lignes
droites dont on peut la concevoir composée, que l'un
(les corps se trouve d'un côté et l'autre du côlé opposé,
il résulte de cette disposition que, de tous les points
extérieurs à cette seconde surface développable, on
découvre en entier le corps lumineux, sans qu'aucune
partie de ce corps puisse être cachée par l'interposition
du corps opaque. Si l'on construit l'intersection de
cette surface avec celle qui reçoit l'ombre, chacun des
points situés en dehors de cette intersection jouira
d'une clarté totale, c'est-à-dire recevra tous les rayons
qui peuvent lui parvenir du corps lumineux.
Si l'on considère maintenant les deux surfaces déve-
loppablcs à la fois, on remarquera que dans l'espace
qu'elles comprennent entre elles, au delà de leurs
courbes de tangence avec le corps opaque, une partie
des rayons lancés par le corps lumineux est inter-
ceptée par le corps opaque, et qu'ainsi cette portion
de l'espace n'est pas complètement éclairée. Cher-
chant ensuite ce qui a lieu sur la surface qui reçoit
l'ombre, on observera que l'aire comprise entre les
deux contours donnés par les intersections de cette
surface avec les deux surfaces développables forme, en
général, une espèce d'anneau pour lequel l'ombre et
la clarté sont incomplètes. Au milieu se trouve l'ombre
absolue, et en dehors la clarté totale; mais chacun des
points situés dans l'aire annulaire elle-même ne reçoit
qu'une partie des rayons émanés du corps lumineux,
le reste lui étant enlevé par l'interposition du corps
()0 LES MAITRES t)E LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
opaque. Si ce point, pris sur Faire annulaire, est voisin
du contour intérieur donné par ]a première surface
développable, il ne peut recevoir la lumière que d'un
très petit segment du corps lumineux, le corps opaque
lui dérobant tout le reste; il est par conséquent très
près de l'obscurité. Si ce même point est voisin du
contour extérieur donné par la seconde surface déve-
loppable, il n'y a, par rappoit à lui, qu'ime très petite
partie du corps lumineux qui reste couverte par le
corps opaque; il est donc très près de jouir de la clarté
totale. On voit par là que du contour intérieur au
contour extérieur, dé terminés par les deux surfaces déve-
loppables, l'ombre va en diminuant et la clarté en aug-
mentant, de manière qu'il y a une dégradation insen-
sible entre î'ombie absolue renfermée dans le contour
intérieur, et la clarté totale qui a lieu au delà du con-
tour extérieur : cette aire annulaire, qui entoure
l'ombre absolue et dans laquelle l'ombre et la clarté
sont incomplètes, se nomme la pénonihre^ ce qui si-
gnifie presque ombre.
Nous n'avons encore considéré la distribution de
l'ombre et de la lumière que sur la surface placée der-
rière le corps opaque ; il nous reste à la considérer éga
lement sur la surface même de ce corps.
La courbe de tangence de la première surface déve-
loppable avec le corps forme la ligne de séparation de
la partie de la surface qui ne peut recevoir aucun rayon
de lumière de celle qui peut en recevoir. La courbe de
tangence avec la seconde surface développable forme
également, sur la surface du corps opaque, la ligne qui
sépare les points pour lesquels une partie des rayons
lumineux est interceptée par la convexité même du
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 9I
corps opaque, de ceux pour lesquels cette convexité
ne peut en arrêter aucun. Il se trouve donc sur la sur-
face du corps opaque, entre sa face obscure et sa face
éclairée, une zone ou pénombre, sur laquelle l'intensité
de l'ombre diminue par gradation insensible, pour
passer de l'ombre absolue à la clarté totale.
Ce que nous venons d'exposer, en embrassant dans
toute sa généralité le problème qui nous occupe, se
simplifie beaucoup et devient très sensibl»^ dans des
exemples particuliers. Supposons que le corps lumi-
neux et le corps opaque soient l'un et l'autre des
sphères représentées par les cercles L et O {fig. 62)
sur un plan de projection, dans lequel leurs
centres soient placés ; que la surface sur laquelle
l'ombre doit être portée soit le plan SS perpendicu-
laire à la ligne LO qui joint les centres des sphères.
Dans ce cas, tous les plans tangents à la fois aux. deux
corps et placés de manière qu'ils se trouvent tous du
même côté, par rapport à chaque corps, formeront,
comme on le sait, par leurs intersections successives,
une surface conique que nous indiquerons par les
lignes TT', TT', suivant lesquelles cette surface coupe
le plan de projection. Son sommet, ou centre, tom-
bera au delà de la sphère 0, si cette sphère est d'un
rayon plus petit que la sphère L; et au contraire en
deçà de L, si cette dernière sphère est la plus petite.
C'est à cette surface conique que se réduit la première
surface développable que nous avons considérée en
traitant le cas général. On voit aisément que l'espace
qu'elle renferme au delà de la sphère opaque ne peut
recevoir aucun rayon de lumière émané de la sphèr<; L;
son intersection avec le plan SS est un cercle dont MN
9^-
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 98
est le diamètre et dont rintéricur est absolument
privé de lumière.
Si l'on conçoit maintenant d'autres plans tangents
également aux deux sphères, mais tels que ])ar ri)]>p<>rt
à chaque plan l'une des sphères se trouve d*un côté
et l'autre du côté opposé, ces plans, par leurs inter-
sections successives, formeront une autre surface
conique dont le sommet sera placé entre les deux
sphères, et que nous indiquerons comme la première,
par les lignes tt\ tt\ qui sont ses intersections avec le
plan de projection; cette seconde surface conique
répond à la seconde surface développable que nous
avons considérée, dans le cas général. On voit de
même que tout l'espace qu'elle laisse à son extérieur
reçoit les rayons émanés de la sphère L, sans qu'aucun
soit arrêté par la sphère 0. Son intersection avec
le plan SS est un cercle dont mn est le diamètre, et tous
les points du plan, extérieurs à ce cercle, reçoivent les
rayons de lumière sans obstacle de la part de la
sphère opaque.
Mais l'espace compris entre les deux surfaces co-
niques au delà de leurs courbes de tangence avec la
sphère, et qui se trouve indiqué sur le plan de projec-
tion par les aires angulaires T'ct\ T'ct\ ne reçoit pas
complètement les rayons lumineux de la sphère L,
puisque chacun de ses points ne peut découvrir qu'une
partie du corps lumineux, le reste lui étant dérobé
par l'interposition de la sphère opaque : cet espace ne
sera donc pas entièrement obscur ni entièrement
éclairé. Les points du plan SS, situés entre le cercle du
diamètre MN et le cercle du diamètre mn, seront dans
ce cas: l'intervalle de ces deux cercles formera donc
94 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
un anneau pour lequel ni l'ombre ni la clarté ne seront
absolues.
Si, sur cet anneau, on prend un point voisin du
cercle intérieur, tel que le point p, on voit, d'après
la figure, qu'il ne peut recevoir des rayons lumineux
que de la partie de la sphère L, correspondant à
l'arc g/; si, au contraire, on prend un point voisin du
cercle extérieur, tel que p', on voit qu'il peut recevoir
des rayons de la partie de la sphère lumineuse, cor-
respondant à l'arc g' /', beaucoup plus grand que g/;
la clarté doit donc aller en augmentant, ou l'ombre
en diminuant, du cercle intérieur au cercle extérieur,
ou dans l'étendue de ce que nous avons nommé la
pénombre.
Sur la surface de la sphère opaque, la courbe de tan-
gence du premier cône est un cercle projeté suivant
son diamètre aa. La courbe de tangence du second
cône est un autre cercle projeté suivant son diamètre hh.
La partie de la surface de la sphère 0 qui est au delà
du cercle aa est entièrement dans l'obscurité; celle
qui est en deçà- du cercle hh reçoit sans obstacle tous
les rayons de lumière. Mais les points situés sur la zone
comprise entre ces deux cercles ne voient qu'en partie
ia sphère lumineuse, sont par conséquent dans un état
intermédiaire entre la clarté et l'obscurité, et l'ombre
perd de son intensité, du cercle aa au cercle hh^ sans
qu'il y ait nulle part de passage brusque et précis : il
y a également une sorte de pénomhre dans l'étendue
de cette zone.
On peut regarder, on général, comme inutile de
déterminer d'une manière géométrique les contours
des pénombres, ce qui serait d'ailleurs fort long et fort
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 9^
embarrassant; mais quelques observations assez
simples peuvent fournir des données sur la mesure ô,e
la largeur qu'il convient de leur attribuer.
La distance entre le corps lumineux L et le corps
opaque 0 restant la même, si Ton rapproche parallè-
lement à lui-même le plan SS de ce dernier, la ligne Nn
qui indique la largeur de la pénombre diminue, si l'on
éloigne ce plan elle augmente; on voit aisément qu'elle
est proportionni Ile à la distance du corps opaque au
plan sur lequel l'ombre est portée, et qu'elle dépend
d'ailleurs de l'angle ncN formé par les arêtes TT'
et tt' des deux cônes qui enveloppent la sphère opaque
et la sphère lumineuse, angle qui dépend lui-même
de la distance entre le corps opaque et le corps lumi-
neux, et des dimensions de ce dernier.
Si nous supposons que le corps lumineux soit le
Soleil, la distance de cet astre à la Terre étant partout
sensiblement la même, l'angle dont il s'agit sera tou-
jours égal, quel que soit le corps opaque que l'on con-
sidère comme éclairé par le Soleil. Cet angle mesure
ce qu'on appelle le diamètre apparent du Soleil ; il est
d'environ un demi-degré, et de cette donnée on peut
conclure que la largeur de la pénombre sera environ
la ii5^ partie de la distance comprise entre le point
qui porte l'ombre et celui où elle est reçue sur le plan,
que nous supposons à peu près perpendiculaire à la
direction du rayon de lumière. Il est facile de voir que s'il
s'éloignait de cette position, la largeur de la pénombre
augmenterait d,ans le rapport inverse du sinus de
l'angle que le plan ferait avec la direction de la lu-
mière; on trouverait par exemple, en supposant cet
angle de 4o°» tjue la laçgeur d,ç la pé^omlprç devrait
96 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
être la 8i® partie de la distance entre le point qui porte
l'ombre et celui où cette ombre est reçue.
Il est donc essentiel dans les dessins de donner une
plus grande largeur à la pénombre, à mesure que
l'ombre portée s'éloigne de l'objet qui la produit, et
les résultats que nous venons d'indiquer suffisent
pour faire connaître l'étendue à donner à chaque partie
de la pénombre, avec plus de précision même que
l'exécution des dessins ne le comporte ordinairement.
Nous avons remarqué qu'il se trouvait également
une pénombre, ou zone incomplètement éclairée, sur
la surface du corps opaque. Supposons toujours que ce
corps soit la sphère 0; et pour trouver l'étendue de
l'arc ba qui mesure la largeur de la pénombre, conce-
vons aux points è et a deux normales à la surface, qui,
dans le cas de la sphère, seront les deux rayons ob
et oa. On sait que l'angle formé par les normales est
égal à celui que forment entre elles les tangentes TT'
et tt'; ainsi, la mesure de l'arc ba ne dépend que de
deux éléments, l'angle formé par les tangentes et le
rayon ob auquel l'arc est proportionnel.
Si la lumière vient du Soleil, l'angle dont il s'agit
est toujours le même, quel que soit le corps éclairé,
et d'un demi-degré à peu près.
On en conclura donc que la largeur de la pénombre
sur la sphère est à peu près égale à la ii5^ partie du
rayon.
On peut, sans erreur sensible, étendre ce résultat
à un corps de figure quelconque, en observant qu(?'
pour avoir la largeur de la pénombre correspondant
à un point déterminé de la ligne de séparation dt la
face obscure et de la face éclairée de ce corps, il faut
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
concevoir par ce point, et dans le sens du rayon de lu
niière, un plan normal à la surface du corps, et prendre
la II 5® partie du rayon de courbure de cette section.
I^a nous hornani à ce qui précède, sur cette partie
<lr la théorie des ombres qui a pour objet la déter-
mination géométrique de leurs contours, il nous reste
à traiter de celle ((ui est relative à la recherche de
riiilensité des teintes qu'il faut donner aux différentes
parties des surfaces ombrées, pour qu'elles nous
offrent dans les dessins toutes les apparences d'ombre
et (le lumière que les objets imités nous présentent
dans la nature ; mais pour embrasser un tel sujet dans
toute son étendue, il ne suffit pas d'envisager unique-
ment, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, un
corps lumineux, un corps opaque et une surface qui
reçoit l'ombre, en faisant abstraction de toute cir-
constance accessoire. Il faut étudier les objets avec
tout ce qui les entoure dans la réalité, et avoir égard,
entre autres choses, à la position du spectateur et
aux modifications que la lumière peut éprouver avant
d'arriver à son œil, pour y porter la sensation du
spectacle sur lequel il attache sa vue; ces considéra-
tions nous semblent exiger que nous fassions précéder
ce que nous avons à dire sur cette matière par l'exj
si t ion de la théorie de la perspective.
no-
THÉORIE DE LA PERSPECTIVE.
136. L'art de la Perspective consiste à représenter,
sur un tableau dont la forme et la position sont con-
nues, des objets également donnés de forme et de
position, tels qu'ils paraîtraient à un œil dont la posi-
MONGE. — II. "j
gS LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
tion serait aussi déterminée. Pour rendre cette défini-
tion encore plus sensible, supposons que le tableau
soit d'abord une glace transparente. Si, de tous les
points des objets proposés, on conçoit des rayons
dirigés vers l'œil, que ces rayons, en traversant le
tableau transparent, y laissent leurs traces em-
preintes de la couleur et de la teinte propre aux points
dont ils partent, l'ensemble de ces traces formera sur
le verre la représentation complète des objets : c'est
cette représentation qu'on se propose d'obtenir dans
l'art de la perspective. On voit qu'ici, comme dans la
théorie des ombres, on doit admettre deux parties
distinctes : l'une est purement géométrique, et son
objet est de déterminer d'une manière précise sur le
tableau la position de chaque point représenté;
l'autre a pour objet la recherche de la teinte d'ombre
et de lumière qu'on doit donner à chaque' partie du
tableau, et c'est par des considérations physiques
qu'on peut en général la traiter. Cette dernière partie,
qu'on désigne sous le nom de Perspectwe aérienne^
rentre entièrement dans le cercle des recherches que
nous essaierons d'exposer plus taTd, pour compléter la
théorie des ombres; nous ne nous occuperons donc ici
que de la première partie, appelée Perspectwe linéaire.
D'après les définitions que nous venons de donner,
il est facile de concevoir que la perspective linéaire
se réduit à construire la section qu'une surface déter-
minée fait dans une pyramide dont le sommet et la
base sont donnés. L'œil est le sommet; la base peut
être regardée comme répandue sur la surface des
objets qu'on se propose de mettre en porspecftive, et
la surface sécant;e est le tableau.
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. Ç)i)
Les méthodes de la Géométrie descriptive donnent
aisément la solution de ce problème pris dans toute sa
généralité, c'est-à-dire, en supposant même que le
tableau soit une surface courbe quelconque; cepen-
dant, comme nous avons surtout en vue ce qui est
d'une utilité habituelle dans les arts, nous ne nous
étendrons avec quelque détail que sur ce qui concerne
les perspectives à tracer sur des surfaces planes, et
nous nous contenterons de présenter ensuite quelques
observations concernant les perspectives à construire
&ur des surfaces courbes.
Nous supposerons que le tableau soit un plan ver-
tical ou perpendiculaire à celui des plans de projec-
tion que l'on considère comme horizontal; on pour-
rait sans difficulté le supposer incliné d'une manière
quelconque par rapport à ces plans ; mais l'hypothèse
à laquelle nous nous arrêtons est plus naturelle et sim-
plifie les constructions.
Ainsi, la position de l'œil, celle d'un objet connu de
forme et enfin celle d'un plan vertical étant données
par rapport aux plans de projection, il s'agit de
trouver les rencontres de ce plan avec les droites
menées de l'œil à chacun des points de l'objet proposé,
et de les rapporter sur un tableau représentant ce
même plan vertical supposé rabattu.
Diverses constructions peuvent donner les points
de rencontre avec plus ou moins d'avantage et de
facilité, selon les positions respectives de l'objet, de
l'œil et du tableau; nous allons exposer en premier
lieu celle qui est la plus simple et ordinairement la
plus commode.
Plaçons d'abord le plan vertical de projection dans
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
une position telle, que celui du tableau lui soit per-
pendiculaire, et qu'en conséquence ce dernier s'y
trouve projeté par une ligne verticale qui sera sa trace.
Soient 0' et 0" {fig. 53) les projections de l'œil,
T'T' et "Y""Y" celles du tableau, ou les traces du
])lan vertical aTU|uel il appartient; supposons qu'on
ait au delà les projections des objets à nieltre en
perspective déjà faites, ou (pie l'on doit conunencer
par faire sur les plans de projection qu'on a adoptés;
par exenqde, celles d'une pyramide à base quadrangu-
laire, dont les sommets ou angles solides A, B, C, D, E
soient donnés en projection borizonlale aux points A',
B', C, D', by, et en projection verticale aux points A",
B", C, \)\ \\".
Si, de l'ceil, oji mène une ligne à im premier point
de l'objet proposé, on aura })our les projections de celte
ligne les droites O'A' et 0"A". Les points a' et a", où
ces droites coupent les projections T' T' et T" T" du
tableau, sont évidemment les projections du point
de rencontre du rayon visuel avec le tableau; il ne
s'agit plus que de trouver la position de ce point sur le
tableau lui-même, que nous concevrons enlevé de sa
position x'T'T"T" et placé en MN. Un moyen sinq^le
d'y parvenir est de déterminer sur ce tableau deux
lignes que l'on prendra pour des axes auxquels tous les
autres points doivent se rapporter; la position de ces
axes étant fixée sur les plans de projection, on cber-
chera la distance à laquelle se trouve, de cliacun d'eux,
le point de rencontre du rayon visuel avec :e tableau,
et à l'aide de ces distances la situation du point sur le
tableau sera facile à marquer. Ces deux axes pouvant
être pris arbitrairement, nous supposerons que, par
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
[01
Fio^ S3
^
T'
?0> LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
l'œil, on mène deux plans, l'un horizontal et l'aut e
vertical, perpendiculaires tous deux au tableau; leurs
traces sur ceux de projection seront O'Y et 0"X; ils
couperont le plan du tableau suivant deux lignes, l'une
horizontale, représentée en projection verticale par le
point X, et l'autre verticale, représentée en projection
horizontale par le point y; ces deux lignes seront les
axes que nous adopterons et, sur le tableau, nous les
représenterons, savoir, par XX l'axe horizontal, et
par Y Y l'axe vertical.
Cela posé, nous avons dit que a' est la projection
horizontale du point où le rayon visuel mené au pointA
rencontre le tableau ; ya' sera donc la distance à laquelle
co point doit se trouver de la verticale passant par le
point î/, ou de l'axe YY sur le tableau MN. Si donc sur
ce tableau on mène à droite ou à gauche de l'axe YY,
selon qu'en projection horizontale a' est à droite ou à
gauche de î/, une parallèle à une distance égale à ya\
cette parallèle aa^ renfermera le point cherché. De
n^ême a" étant la projection verticale du même point,
xci"' mesure la distance à laquelle ce point se trouve de
l'axe horizontal, mené dans le tableau par le point x :
qu'on tire donc sur le tableau une parallèle a" a à
l'axe XX, en ayant l'attention de la placer au-dessus
ou au-dessous, selon que dans la projection verticale
le point a" sera au-dessus ou au-dessous du point x;
les deux lignes a'a, a"a, parallèles aux axes, donneront
par leur rencontre le point cherché, ou la perspective
du point A; on peut faire la même opération pour tous
les points de la pyramide ABGDE dont on obtiendra
ainsi la perspective complète.
Quelques observations abrégeront beaucoup le
GÉOMÉTRIE DESCRrPTIVE. I03
travail; on remarquera d'abord que la perspective
dune ligne droite est une ligne droite lorsque le
tableau est une surface plane. En elVet, les rayons
visuels menés de l'œil aux divers poinfs de la droite
j.roposée sont dans le plan mené par cette droite et
]iar l'œil; par conséquent, leurs points de rencontre
avec le tableau doivent être sur la droite d'intersec-
tion du tableau par le plan auquel ils appartiennent.
Ainsi, il suffît de construire les perspectives de deux
points de la ligne proposée et de les joindre par une
droite, pour avoir la perspective de la ligne eFîe-même.
Dans l'exemple que nous avons pris, on pourra donc
se contenter de construire les perspectives des cinq
sommets A, B, C, D, E de la pyramide; et en les joi-
gnant par des droites, on aura les perspectives des
arêtes.
En second )ieu, si le corps dont on veut faire la pers-
pective est opaque et inipérjctrablc aux rayons visuels,
la partie antérieure dérobera la vue de l'autre partie;
il est donc inutile de construire la perspective des
points qui appartiennent à cette dernière; ainsi, dans
l'exemple proposé, le point E de la pyramide ne pou-
vant être aperçu de î'œil placé au point O, il est inu-
tile de cbercher sur le tableau MN le point qui lui
correspond.
La partie visible d'un objet est séparée de celle que
l'œiî ne peut apercevoir par une ligne que Ton appelle
contour apparent. La perspective du contour apparent
est le trait qui, sur le tableau, enveloppe l'image de
l'objet qu'on se propose de représenter; il est donc im-
portant, en général, de bien détermine r le contour appa-
rent d'nn objet et d'en faire avec soin la perspective.
I04 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
Lorsque les objets à représenter sont terminés par
des surfaces planes et des arêtes reclilignes, il est en
général facile de distinguer les faces visibles, pour une
position déterminée de l'œiJ, de celles qui ne le sonl
pas, et par conséquent de reconnaître celles des arêtes
dont l'assemblage forme la ligne du contour apparent.
Mais lorsque ces objets sont terminés par des surfaces
courbes, le contour apparent n'est plus formé de lignes
droites : c'est alors une courbe qu'il faut déterminer
sur Ja surface du corps, à l'aide de son caractère par-
ticulier, qui est de séparer la partie du corps qui est
V sible de celle qui ne l'est pas, par rapport à un œil
doiil la position est donnée. On voit que cette re-
cherche est tout à fait semblable à celle de la ligne qui
sépare, sur un corps opaque, la partie éclairée de la
partie obscure, lorsque le corps lumineux est un point
unique, placé à une distance finie : il s'agit également
de trouver la courbe de t|ingence d'un cône dont le
sommet est donné, et qui enveloppe un corps terminé
par une surface connue. Nous croyons inutile de nous
arrêter à cette recherche, et nous renverrons aux solu-
tions que nous avons données des questions parfaite-
ment analoo;ues, dans la théorie des ombres.
137. Nous devons faire connaître ici un résultat de
perspective très important par ses fréquentes appli-
cations, et dont l'observation est essentielle pour la
correction du dessin; il consiste en ce que toutes les
fois que l'on doit mettre en perspective plusieurs
lignes droites parallèles entre elles (mais non pas au
tableau), sur quelque tableau que ce soit, les perspec-
tives de ces droites concourent en un seul point. Si
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I05
ce tableau est plan, ces perspectives sont elles-mêmes
des lignes droites qui passent toutes par le même point,
proposition facile à démontrer.
En effet, une droite étant donnée pour la mettre en
perspective, on conçoit que l'ensemble de tous les
rayons visuels menés de l'œil à cette ligne forme un
plan passant par la ligne et par l'œil, et dont l'inter-
section par le tableau trace la perspective demandée;
alors, si par l'œil on suppose une droite parallèle à la
ligne donnée, elle se trouve en entier dans le premier
plan. Maintenant, qu'on ait une seconde ligne, paral-
lèle à la première, à mettre également en perspective,
et que l'on considère aussi le plan passant par cette
ligne et par l'œil, comme traçant par son intersection
avec le tableau la perspective qu'il s'agit d'obtenir,
puis qu'on mène par l'œil une droite parallèle à la
seconde ligne donnée, elle sera entièrement dans le
second plan. Mais les deux lignes données étant paral-
lèles, les droites qu'on mène par l'œil, parallèlement
à la première et à la seconde, se confondent en une
seule qui est en même temps dans le premier plan et
dans le second : elle est donc leur ligne d'intersection;
le point où elle rencontre le tableau est par conséquent
celui où se croisent les lignes suivant lesquelles ces
plans coupent le tableau, ou, ce qui revient au même,
celui où concourent les perspectives. Il suit de là que,
pour mettre en perspective tant de droites parallèles
qu'on voudra, il n'y a qu'à mener par l'œil une ligne
<iui leur soit parallèle; le point où cette dernière ren-
contrera le tableau sera le point de concours auquel
tendront les perspectives de toutes ces droites.
Les projections de la droite menée par l'œil sont
Io6 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
parallèles à celles de la ligne à mettre en perspective,
et sont par conséquent faciles à construire; on a les
traces du tableau sur les plans de projection : il est
donc aisé de trouver le point de rencontre de la droite
et du tableau.
Le résultat que nous venons d'expos^er peut abréger
beaucoup les opérations, lorsque te tableau est une
surface plane, et qu'il s'agit de tracer les perspectives
de différentes lignes parallèles. Dans ce cas, ces pers-
pectives sont elles-mêmes des lignes droites, et leur
point de concours étant déterminé ainsi que nous
l'avons indiqué, il suffira, pour les tracer, de connaître
sur le tableau, relativement à chacune d'elles, la pers-
pective d'un second point.
Mais ce n'est pas seulement co^nime moyen d'abré-
viation que ce que nous venons de dire doit être
considéré; c'est encore lo procédé le plus sûr pour
éviter des incorrections dont notre œil est facilement
blessé. Nous sommes en général moins sensibles aux
grandeurs réelles des objets qu'au parallélisme des
lignes que nous jugeons devoir être parallèles. Que
deux lignes soient un peu plus éloignées ou un peu
plus rapprochées l'une de l'autre qu'elles ne doivent
l'être, il faudra un œil exercé et quelque attention
pour saisir ce défaut; mais si elles doivent être paral-
lèles et qu'elles ne le soient pas, nous nous en aper-
cevrons sur-le-champ et nous en serons vivem^ent
choqués. Si donc, lorsqu'on met en perspective plu-
sieurs lignes parallèles, les perspectives qui doivent
concourir au même point n'y concourent pas en effet,
cette erreur blesse extrêmement l'observateur, et les
parallèles ne lui paraissent plus telles; ainsi, on peut
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. I07
toujours regarder comme essentiel de déterminer sur
le tableau le point d^ concours des lignes qui repré-
sentent les perspectives de« droites parallèles, afin
d'être sûr que les perspectives passent par ce point.
Dans l'exposition dn procédé de construction que
nous avons domné ci-dc«sus, nous avons supposé que
le plan vertical de projection était perpendiculaire
au i)lan du tableau; nous avons trouve dans cette dis-
posilion l'avantage d'avoir le tableau projeté en
entier sur une seule ligne. Si le tableau était oblique
au plan vertical de projection, pour trouver la hauteur
de chaque point de la perspective au-dessus de l'axe
horizontal auquel on le rapporte, il faudrait, du point
où la projection horizontale du rayon visnel rencontre
la trace horizontale du tableau, abaisser une perpen-
diculaire sur l'intersection des deux plans de projec-
tion, et la prolonger jusqu'à la rencontre de la projec-
I ion verticale du rayon a isuel. Ce travail, quoique assez
long, peut dans quelques circonstances être moins
pénible que la construction préliminaire d'une projec-
tion verticale sur un plan perpendiculaire an tableau.
Supposons qu'on ait à mettre en perspective une
suite de pilastres semblables, et dont la direction soit
oblique ati plan du tableau ; il serait fort long d'en faire
la projection sur un plan verlical perpendiculaire au
tableau, mais en la faisant sur un plan perpendiculaire
à la direction des pilastres, elle se réduit à la projec-
tion d'un seul d'enire eux. On voit que, dans ce cas,
il devient préférable d'adopter cette dernière disposi-
tion, malgré l'inconvénient d'avoir une ligne de plus
à tracer pour construire la perspective de chaque
point.
Io8 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
I:î8. En général, lo problème que présente la pers-
pective linéaire, en le considérant dans ses éléments,
se réduit à construire le point de rencontre du tableau,
par le rayon visuel mené de l'œil à un point déter-
miné; et il est utile de connaître plusieurs moyens de
le résoudre, afin de faire usage, en chaque circons-
tance, de ceux qui exigent le moins de travail. La plu-
part des méthodes données dans les ouvrages qui
traitent de la perspective, et particulièrement celle
que nous avons déjà développée, rentrent dans le
mode général de solution que nous allons indiquer.
Si, par le point à mettre en perspective et par l'œil,
on conçoit deux plans difterents, le rayon visuel se
confondra avec leur intersection, et comme iis cou-
peront nécessairement le tableau, si l'on construit les
lignes ou les traces suivant lesquelles ils le rencontrent,
le point où ces traces se croiseront appartiendra à
l'intersection des deux plans entre eux, et sera par
conséquent le lieu de rencontre du rayon visuel et du
tableau. C'est au dessinateur à choisir parmi le nombre
infin de plans qui peuvent passer par l'œil et par le
point à mettre en perspective, les deux plans dont il
lui est le plus facile de déterminer les traces sur le
tableau, l^^n les prenant perpendiculaires, chacun à
l'un des plans de projection, on retombe sur la méthode
de construction que nous avons déjà donnée. Il peut
être souvent avantageux de supposer l'un des plans
perpendiculaire au tableau même; dans ce cas, il est
aisé de voir que sa trace passera par les pieds des per-
pendiculaires abaissées de l'œil et du point proposé sur
le tableau. Plus généralement, si l'on conçoit, par le
point et par l'œil, deux lignes parallèles entre elles,
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE, I09
l'inlerseclioli du tableau et du plan qui les contient
}>assera par les points où le tableau est lui-même ren-
contré par ces parallèles.
Ces diverses observations sufliscnl \)cm' nu tliv les
]»«;rsoniies, (pii sont au courant des méthodes de la
(Jéoniéfrie descriptive, en état d'abréger dans un grand
nombre de cas et de simplifier beaucoup les opérations
«pi'exige la pratiipie de la perspective linéaire.
Supposons maintenant (jue le tableau n<'. soit plus
un plan, mais une surface courbe donnée; les considé-
rations que nous venons d'exposer doivent en général
conduire, pour chaque cas, à la plus avantageuse des
constructions possibles. En elîet, parmi tous les plans
passant par l'œil et par le point dont on demande la
])erspective, et qui contiennent en conséquence le
rayon visuel, on peut toujours choisir celui qui,
d'après la nature connue de la surface proposée pour
tableau, doniK^ par son intersection avec ce laltleau
la courbe la plus aisée à construir» , soit sur le plan
même que l'on considère, soit dans Tune de ses pro-
jections. Il sera ensuite facile de trouver Tinlersec-
tions de cette courbe avec le rayon visuel, ce (jui déter-
minera le point où le rayon rencontre le tableau.
Si, par exemple, le tableau était une surface sphé-
ricpie, il faudrait que le plan mené par l'œil et par le
point à mettre en perspective passât également par
le centre de la sphère; alors l'intersection serait
toujours un grand cercle, dont on trouverait facile-
ment sur le plan même la rencontre par le rayon
visuel.
Si le tableau était une surface conique, on ferait
passer constamment le plan contenant le rayon visuel
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
par le sommet du cône ; l'intersection de ce plan avec
le tableau serait une ligne droite dont on trouverait
sans peine les projections, et leur point de rencontre
avec celles du rayon visuel.
Les panoramas sont des perspectives tracées sur des
surfaces cylindriques verticales à base circulaire, le
point de vue étant pris sur l'axe même de ces surfaces.
Pour mettre un point quelconque en perspective sur
la surface d'un cylindre vertical, on concevia par l'œil
et par le point proposé un plan vertical qui coupera
cette surface suivant une de ses arêtes, déterminée par
la rencontre de la trace horizontale du plan avec la
circonférence du cercle servant de base au cylindre.
Que l'on fasse la projection verticale de cette arête, sa
rencontre avec la projection verticale du rayon visuel
déterminera la hauteur à laquelle le rayon visuel ren-
contre la surface du cylindre, au-dessus de la base
de ce dernier; et il sera facile, d'après ces données,
de construire la perspective du point proposé, soit sur
la surface même du cylindre, soit sur le tableau sup-
posé développé.
139. Ce qui précède donnant les moyens de ré-
soudre toutes les questions que peut présenter la pers-
pective, nous n'ajouterons plus que quelques observa-
tions.
Lorsqu'on a un tableau offrant la perspective d'un
objet, prise d'un point déterminé, on peut en déduire
le tracé d'une perspective du même objet prise du
même point de vue, et sur un tableau différent. En
effet, l'œil et le premier tableau étant déterminés de
pasition, la direction des rayons visuels menés de l'œil
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. i!t
à chacun des points de l'objet représenté se trouve
fixée, et l'on peut en déduire par conséquent leur ren-
contre avec la surface d'un autre tableau dont la posi-
lion est donnée.
Mais ce qu'on vient de dire ne saurait plus avoir
lieu, si l'on prenait un autre point de vue ; rien dans ce
cas ne déterminant la direction des rayons visuels, et
une simple perspective ne sufîisant pas pour définir
l'objet représenté. Une perspective est une sorte de
]»rojeclion qui ne diffère de la projection orthogonale,
dont on lait haibituellement usage, qu'en ce que la
pre>niière «'opère par des lignes qui concourent au
]>0'int de vue d'où la perspective est prise, tandis que,
])our la seconde, ces lignes sont perpendiculaires au
pian de projection; or, on sait qu'un objet n'est com-
plètement défini qu'à l'aide de deux })rojections : il ne
le serait également qu'à l'aide de deux perspectives,
par rapport à chacune desquelles on connaîtrait la
position du point de vue.
Nous terminerons ici nos recherches sur la partie
géométrique de la théorie des ombres et de la perspec-
tive. Les méthodes que nous avons exposées em-
brassent, relativement à la représentation des objets,
à peu près tout ce qui, dans l'usage, est susceptible
d'un tiacé rigoureux. Ainsi, divers objets étant pro-
posés et déterminés par leurs projections, si on les
suppose éclairés d'une manière connue, on construira
les contours des parties éclairées et des parties
obscures sur la surface de chacun d'eux, et ceux des
ombres qu'ils portent les uns sur les autres, puis on
tracera sur un tableau d'une forme donnée la pers-
pective de ces mêmes objets, ainsi que des contours de
LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
eiirs ombres, prise d'un point connu; il ne restera
plus, pour compléter leur représentation, qu'à donner
aux diverses parties de leur image les teintes avec
lesquelles, dans la réalité, elles s'ofl'rent à nos regards.
DE LA DÉTERMINATION DES TEINTES DANS LA REPRÉ-
SENTATION DES OBJETS, ET DE LA PERSPECTIVE
AÉRIENNE.
140. La partie de la théorie des ombres et de la pers-
pective dont nous avons maintenant à nous occuper
est très compliquée, et a besoin d'être étudiée avec
plus de soin qu'elle ne l'a été jusqu'à présent; elle
exige quelques connaissances physiques et surtout
un grand nombre d'observations.
Malheureusement, les peintres, qui sont obligés de
réfléeliir à tout moment sur cette matière, publient
peu les résultats de leurs méditations sur leur arl.
Peut-être plusieurs découvertes curieuses, des obser-
vations importantes, demeurent-elles ignorées et
perdues pour l'instruction générale, parce que les
artistes qui les ont faites n'ont pas su en rendre un
compte précis, ou ont négligé de prendre ce soin. Nous
sommes bien loin de présenter les recherches que nous
allons exposer comme un corps complet de doctrine ;
ce- ne sojil que des idées jetées en avant el destinées à
ouvrir une carrière à peu près nouvelle; puissent nos
essais faire naître des recherches plus profondes, et
devenir amsi pour la science le principe de quelques
progrès ultérieurs.
La teinte qu'offre à notre vue un objet éclairé
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. Il)
dépend, premièroinent, de l'intensité propre de la lu-
mière reçue du corps lumineux et renvoyée à notre
œil, et de la manière dont a lieu sa distribution sur la
surface de l'objet, et la réflexion qui la fait parvenir
jusqu'à nous; secondement, des modifications que la
lumière éprouve par l'elïet des milieux ou d«' l'air
qu'elle traverse, et des autres circonstances aux<|uelles
elle est soumise : c'est dans cet ordre que se suivront
les considérations auxquelles nous allons nous livrer.
Commençons par chercher l'intensité de la lumièi'c
venant du corps lumineux à l'objet éclairé et, pour
plus de simplicité, supposons que le corps lumineux
soit unique, et considérons-le comme réduit à un point.
On sait que V intensité de la lumière émise par un point
lumineux diminue en raison im>erse du carré de la dis-
tance; il est évident, d'après ce principe, que plus
l'objet éclairé est éloigné du corps lumineux, moins
il en reçoit de clarté. Cette observation n'est pas d'une
très grande importance dans les arts du dessin, parce
qu'on suppose habituellement les objets éclairés par
le Soleil. Dans ce cas, la distance du corps lumineux
étant immense, par rapport aux dimensions des
objets éclairés et aux distances qui les séparent entre
eux, elle peut être regardée comme égale pour tous, et
que par conséquent il n'y a aucune diiïérence entre
l'intensité de la lumière qui parvient aux divers points
des objets que l'on considère; mais si l'on avait à
représenter une scène nocturne, éclairée par une lampe
ou un foyer, il faudrait avoir égard aux distances des
objets éclairés au corps lumineux, et donner une clarté
plus vive à ceux qu'on voudrait faire ]>araître plus
voisins du point d'où pari la lumière.
MONUI . — 11. S
l4 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
«
Ce que nous venons de dire n'est relatif qu'aux
parties éclairées; quant aux parties dans l'ombre, dès
qu'on suppose qu'il n'y a qu'un seul point lumineux,
et qu'on fait abstraction de tout ce qui peut réfléchir
la lumière, elles ont toutes une intensité égale, elles
sont toutes d'un noir absolu. Cette assertion peut
paraître extraordinaire, parce que nous ne sommes
pas habitués à voir les corps éclairés de cette manière;
le Soleil est bien pour nous, dans le jour, la cause de
la lumière, mais les autres corps la réfléchissent et
nous la renvoient, tellement qu'il lait clair où les
rayons directs du Soleil n'arrivent pas, et que nous
n'avons jamais occasion de voir une ombre complète :
on ne peut s'en former une idée que par les expériences
de la chambre noire, et surtout par celles du micro-
scope solaire. Lorsqu'on introduit dans la chambre
noire un faisceau de rayons solaires, en les faisant
tomber sur un verre lenticulaire; ces rayons se réu-
nissent au foyer, s'y croisent et de là divergent, en
formant un cône de lumière qui se projette, suivant
un cercle très lumineux, sur le mur opposé de la
chambre. Que l'on dispose un tableau très blanc pour
recevoir ce cercle lumineux, et qu'au-devant l'on
place un objet qui intercepte une partie des rayons,
l'ombre paraîtra du noir le plus intense et sera ter-
minée par un contour très précis, très tranché. Dans
ce cas, en efl^et, la lumière part d'un point unique, le
foyer du verre lenticulaire par lequel passent les
rayons lumineux; et il n'y a pas assez de lumière ré-
fléchie pour diminuer sensiblement l'obscurité de la
chambre noire, dans les parties où les rayons n'arrivent
pas directement.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. Ii5
141. Considérons maintenant la lumière renvoyée
de l'objet éclairé à l'œil de l'observa tevir. Si elle avait
à traverser un milieu parfaitement libre, qui ne lui
oll'rit aucune résistance, qui n'en interceptât aucune
partie, deux objets de la même clarté paraîtraient
à notre œil de la même clarté, quelle que fût leur dis-
lance par rapport à nous. Pour s'en rendre compte,
que l'on conçoive deux cercles égaux, également
éclairés, et situés sur des plans également inclinés par
rapport aux rayons menés de leurs centres à l'œil;
l'intensilé de la lumière renvoyée par chacun d'eux
décroîtra en raison inverse du carré de leurs distances
jusqu'à l'œil, mais en même temps les grandeurs des
images, suivant lesquelles ces cercles se peindtont à
l'œil, décroîtront aussi en raison inverse des carrés
des mêmes distances. Ainsi, d'une part, si la lumière
renvoyée par tous les points du cercle le plus éloigné
est moins intense, d'une autre part, elle est plus ras-
semblée et se condense pour nous ofîrir une image plus
resserrée; ces deux cfTets contraires se trouvant dans
le même rapport, se balancent pour donner lieu à la
sensation que notre œil éprouve, et il en résulte que
les deux cercles placés à des distances inégales doivent
pourtant présenter la même clarté.
Cependant, il n'en est pas ainsi dans la nature, parce
«lue l'air dans lequel se meut la lumière n'est pas com-
plètement transparent. Nous chercherons plus tard à
apprécier les altérations que sa transparence impai faite
fait éprouver aux rayons lumineux, mais nous devons
auparavant examiner comment la lumière se comporte
à la surface des corps éclairés, soit pour s'y distribuer,
soit pour revenir à notre œil.
llO LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
Nous diviserons les surfaces en deux classes, rela-
tivement à la manière dont elles reçoivent et renvoient
la lumière, savoir, les surfaces polies et les surfaces
mates.
Nous ne connaissons pas de surfaces parfaitement
polies, mais nous regarderons comme approchant de
cet état celles qui forment miroir. On sait que les
rayons de lumière, qui viennent frapper une surface
polie, sont réflécliis en faisant l'angle de réflexion égal
à l'angle d'incidence. Si la lumière émane d'un point
unique, chaque point de la surface polie ne reçoit et
ne réfléchit qu'un rayon, et parmi ces rayons un seul
parvient à l'œil; tous les autres lui échappent : l'œil
n'aperçoit donc que le point de la surface qui lui
renvoie ce rayon; le reste est pour lui dans une com-
plète obscurité, et le point visible en paraît d'autant
plus brillant. La surface, la position de l'œil et celle
du point lumineux étant connues, la détermination
du point brillant est un problème de Géométrie des-
criptive, dont la solution est plus ou moins compliquée,
suivant la génération de la surface proposée; il s'agit,
en effet, de trouver sur cette surface un point tel, que
menant de là des lignes à l'œil et au point lumineux,
ces lignes soient dans un plan perpendiculaire au
plan tangent et fassent avec lui des angles égaux (34).
11 est facile de voir qu'en supposant la surface polie
assez étendue, il doit y avoir en général un point bril-
lant. Sur les surfaces planes, sur celles qui ont dans
un sens des éléments plans indéfinis, telles que les sur-
faces cylindriques, coniques et développables, il ne
peut se trouver, ainsi que sur les surfaces arrondies,
que des points lirillants, et non pas des lignes ou des
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. II7
arêtes brillantes, du moins tant que la lumière vient
d'un point unique. Si elle vient d'un corps de dimen-
sions finies, plusieurs points de la surface })olie ren-
voient à l'œil des rayons dont l'ensemble lui présente
l'image plus ou moins altérée du corps lumineux; le
reste demeure d'un noir d'autant plus parfait que la
surface est plus polie. Lors donc que l'on doit repré-
senter un corps poli, il faut, après avoir déterminé la
position du point brillant, p( iiulre ce point d'un blanc
très éclatant et tenir le reste du corps dans l'obscu-
rité.
Les surfaces mates, dont se compose la seconde
classe, beaucoup plus nombreuse (pie la première,
diffèrent des surfaces polies en ce que, de tous leurs
points auxquels parviennent des rayons du corps
lumineux, elles en renvoient à notre œil, à moins
qu'un corps interposé n'y mette obstacle.
Il est assez facile de se faire une idée précise de la
quantité de lumière que cbaque partie d'une surfaces
quelconque reçoit du corps lumineux que, pour plus
de simplicité, nous regarderons comme un point
unique. On sait déjà, qu'abstraction faite de l'obli-
(piité suivant laquelle la surface présente chacune de
ses parties, l'intensité de la lumière qui lui arrive est en
raison inverse du carré de la distance du point lumi-
neux. De plus, si l'on conçoit que ce point soit le
centre d'une sphère, la quantité de rayons reçue par
un élément de la surface éclairée pourra se mesurer
par la portion de la surface de la sphère comprise dans
le cône dont le sommet est au point lumineux, et dont
la base est l'élément de la surface proposée. Plus cet
élément sera oblique, par rapport aux rayons qu'il
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE,
reçoit, plus le cône sera resserré, et moins la portion de
la surface de la sphèlie qui s'y trouve comprise aura
d'étendue. On peut donc en conclure, que plus la sur-
face éclairée se présente obliquement aux rayons
lumineux, et moins elle recevra de lumière. On exprime
d'une manière mathématique ces résultats, en disant
que pour chaque point de la surface, V intensité de la
lumière est en raison directe du sinus de Vangle d-'inci-
dence du rayon sur le plan tangent en ce point, et en
raison inverse du carré de la distance au point lumi-
neux.
II est plus difficile d'apprécier d'une manière satis-
faisante, comment la lumâèrc est réfléchie par les
corps mats, (ît quelle quantité chaque partie de leur
surface en fait parvenir à notre œil. Cette recherche
dépend de la contexture de l'enveloppe des corps; et
nos connaissances physiques sont trop imparfaites,
pour nous fournir les données qui nous seraient néces-
saires : ce que nous allons dire sera donc fondé sur des
hypothèses; nos résultats ne seront <iue probables, et
nous ne les proposons que jusqu'à ce que l'on puisse
les remplacer par d'autres, fondés sur une théorie
plus certaine.
Nous admettrons donc que chacune des molécules
qui appartiennent à une surface mate agit à la ma-
nière d'un corps lumineux, en réfléchissant dans tout
l'espace libre la lumière qu'elle a reçue et qu'elle
n'absorbe pas. On sent que ces molécules doivent
offrir une infinité d'aspérités, qui ne sont sensibles
pour nous qu'en ce que le corps nous paraît mat, et
qui n'empêchent pas que la surface qui l'enveloppe
ne soit à nos yeux unie et continue. Dans cette hypo-
GEOMETRIE DESCRIϻTIVE. II<)
thèse, chaque molécule placée à la surface du corps
nous renvoie un rayon de lumière. Considérons un
clément de la surface ; nous avons déjà vu que la dis-
tance à laquelle se trouve de nous cet élément influe
sur la grandeur de l'image qu'il nous présente, mais
non sur la clarté avec laquelle il nous apparaît, autant
du moins qu'on n'a aucun égard aux altérations
qu'éprouve la lumière par l'elfet du défaut de trans-
parence de l'air qu'elle traverse pour nous parvenir.
L'ensemble des rayons réfléchis par tous les points
appartenant à cet élément et dirigés vers l'œil
forment un cône dont l'élément est la base et l'œil
le sommet, et le noinbre des rayons compris dans ce
cône est proportionnel à l'étendue de l'élément de la
surface. Si l'on conçoit une sphère dont l'œil soit le
centre, et d'un rayon égal à la distance comprise entie
la base du cône et l'œil, la portion de la surface de
cette spiière, qui sera comprise dans le cône, donnera
la mesure de l'espace angulaire dans lequel les rayons
se trouvent réunis. L'intensité de la lumière arrivant
à l'œil pourra donc s'évaluer, par le rapport de
l'étendue de l'élément que nous considérons à celle
de cette portion de la surface de la sphère. L'étendue
de l'élément restant la même, celle de la portion cor-
respondante de la surface de la sphère sera d'autant
moins grande, que cet élément fera un angle plus aigu
avec les rayons visuels; ainsi, l'intensité de la lumière
réfléchie par la surface mate sera d'autant moindre,
que cette surface approchera plus d'être perpendicu-
laire aux rayons qu'elle nous renvoie, ce qu'on peut
exprimer d'une manière mathématique, en disant que
pour chaque élément de la surface, celle intensité est
l'}.() LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
en raison im^erse du sinus de Vangle que fait le plan
tangent ai^ec le rayon visuel.
Ce résultat ne doit pas être interprété à la rigueur,
lorsque l'angle dont il s'agit est presque nul; dans ce
cas, les aspérités de la surface mate, se couvrant en
partie les unes les autres, nous dérobent une portion de
la lumière qu'elles devraient nous faire parvenir. Ainsi,
en regardant une surface plane mate sous un angle
très aigu, on ne la voit pas avec une clarté très intense,
comme l'indique l'expression analytique que nous
avons proposée; cette expression devient alors incom-
plète, parce qu'elle ne tient pas compte des petites
aspérités, dont la surface est couverte, et des rapports
de leurs dimensions avec les distances qui les séparent.
Nous citerons un exemple remarquable à l'appui du
résultat précédent.
La Lune peut être regardée comme un corps mat,
éclairé par le Soleil, dont il nous renvoie les rayons. Si
cet astre était enveloppé d'une atmosphère, les rayons
qu'il nous renvoie des bords de son disque auraient à la
traverser sur une plus grande épaisseur et, sans doute,
ils nous arriveraient plus affaiblis que ceux qui vien-
draient du centre. Mais les observations astronomiques
prouvent que la Lune n'a point d'atmosphère sensible;
et, à raison de sa forme sphérique, nous devons voir
près de ses bords une plus grande étendue de surface
sous un même angle visuel : il doit donc nous arriver
de là plus de rayons réfléchis, et les bords doivent, en
conséquence, nous paraître plus éclairés; aussi obser-
vera-t-on que la clarté de la Lune a plus d'intensité sur
le contour de son disque que dans son milieu.
La nature nous offre un grand nombre de corps dont
GEOMETRIE DESCRIPTIVE.
les surfaces sont intermédiaires aux deux classes
exi renies que nous venons de considérer, et participent
jusqu'à un certain point, comme le démontre l'expé-
rience, aux propriétés des surfaces polies et des sur-
faces mates. Relativement à ces corps, on peut
admettre que les molécules ({ui appartiennent à leur
enveloppe extérieure sont des petites sphères à peu
près polies, réfléchissant en partie la lumière, à la ma-
nière des corps polis, et plus ou moins engagées dans la
solidité même du corps proposé, selon que son poli
est plus ou moins parfait. Si elles étaient isolées,
chacune olîrirait un point brillant; mais comme elles
ne nous laissent voir qu'une partie de leur contour,
toutes ne peuvent pas nous présenter un point de ce
genre : celles-là seules jouissent de cette propriété,
pour lesquelles le point brillant tombe sur leur seg-
ment antérieur et visible, qui se confond sensiblement
avec la surface générale du corps. On peut conclure de
là, que si, sur la surface du corps proposé considérée
comme continue, on cherche la position du point
brillant, ainsi qu'on le ferait dans le cas où le corps
serait poli, on aura, en quelque sorte, le centre de la
partie de la surface où se trouvent les molécules polies,
susceptibles de nous offrir des points brillan s; et l'on
conçoit que cette partie lumineuse sera d'autant moins
resserrée, que les molécules polies dont il s'agit seront
plus saillantes, ou que le corps sera moins lisse. En
d'autres termes, on peut dire que pour les corps impar-
faitement polis le point brillant s'élargit et se répand,
en s'afîaiblissant, sur un espace d'autant plus étendu,
que le poli est moins parfait. Sur le reste de la surface
du corps proposé, les molécules ne nous renvoient
122 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
Ja lumière que de la manière propre aux surfaces com-
plètement mates; et ce que nous avons dit à ce sujet
trouve là son application.
Jusqu'à présent, nous n'avons considéré dans la lu-
mière que l'intensité avec laquelle elle arrive au corps,
s'y distribue et s'y réfléchit pour revenir à l'œil du
s; éclateur; nous avons fait abstraction des altérations
qu'elle subit dans les milieux qu'elle traverse, et par
l'elFet des autres circonstances qui agissent sur elle :
ce sont les modifications résultantes de ces diverses
causes que nous avons maintenant à étudier.
142. L'air que la lumière traverse pour arriver
jusqu'à nous n'est pas doué d'une transparence par-
faite ; ses molécules arrêtent quelques rayons de lu-
mière et les réfléchissent, comme le font les corps
opaques. Cet effet, qui est insensible pour les objets
peu éloignés, devient frappant pour les lointains; il
s'étend sur les parties éclairées comme sur les parties
placées dans l'obscurité; il diminue l'intensité de la
clarté des premières et de l'ombre des secondes, et
modifie la couleur des objets.
La lumière que réfléchissent les molécules de l'air
a une couleur déterminée; l'air, comme tous les autres
corps de la nature, a sa couleur particulière; c'est ce
qui forme le bleu de ce que nous appelons le Ciel. Si
l'air n'existait pas, ou ne renvoyait pas de lumière,
le ciel nous paraîtrait d'un noir absolu, sur lequel les
astres formeraient des points brillants. Le bleu du ciel
est d'autant plus vif, que l'air a moins d'humidité; et
c'est pour cette raison que le ciel des pays méridio-
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. I2'i
naux est habituellement d'un azur ])lus beau que
celui des pays du nord.
Lors donc qu'un faisceau de lumière traverse une
étendue d'air assez considérable, il perd en chemin
une partie des rayons dont il est formé, et par consé-
quent de son intensité.
Cette observation n'est pas aussi importante,
lorsque l'on considère le rayon de lumière dans sa
marche, dei»uis le corps Inminoux jusqu'à l'objet
éclairé, que lorsqu'on le suit comme rayon visuel dans
son retour de l'objet éclairé jusqu'à l'œil. En efîet,
relativement à tous les objets éclairés par le Soleil, par
exemple, qui s'ofTrent à nos regards dans un instant
déterminé, la lumière traverse une couche d'air sensi-
blement égale pour éc]airer chacun d'eux, et la perte
qu'elle éprouve dans sa marche diminue également
la clarté de tous. Il y a cependant des circonstances
où il est essentiel d'avoir égard à cette perte; et, pour
représenter dans un tableau un elTet de soleil levant,
un peintre remarquera que la lumière traversant alors
horizontalement une grande étendue de l'atmosphère,
avant de parvenir aux objets qu'elle coloie, a bien
moins de force et d'éclat qu'au milieu du jour.
Mais c'est surtout dans le trajet de l'objet éclairé
jusqu'à l'œil, qu'il est essentiel d'examiner comment
la lumière est altérée par la masse d'air interposée.
Non seulement une partie des rayons réfléchis par
l'objet se trouve interceptée, mais les molécules d'air
intermédiaires reçoivent aussi des rayons directs
de lumière et les réfléchissent avec leur propre cou-
leur, dans la direction même de ceux qui sont ren-
voyés à l'œil par l'objet éclairé. La sensation que cet
1^4 LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
objet doit faire éprouver à l'œil est donc altérée de
deux manières; d'abord, en ce qu'une partie des
rayons qui doit la faire naître est arrêtée; et ensuite,
parce que des rayons étrangers et d'une couleui
bleuâtre se mêlent aux premiers. Cet efïet est d'autant
plus prononcé, que la masse d'air interposée est plus
considérable; et l'on peut admettre comme principe,
qu'à mesure que la distance des objets éclairés à notre
œil augmente, leur clarté diminue, et leur couleur
propre participe davantage de la couleur bleue de
l'atmosphère.
Pour les objets dans l'ombre, un effet analogue a lieu.
S'il n'y avait qu'un corps lumineux et point d'atmo-
sphère, l'ombre serait d'un noir absolu; mais les objets
environnants, et particulièrement l'air lui-même,
éclairent jusqu'à un certain degré les parties des
corps qui ne reçoivent pas directement la lumière, et
c'est ainsi que leurs formes deviennent sensibles pour
nous. De plus, les rayons qu'elles peuvent nous ren-
voyer sont aussi en partie arrêtés par les molécules de
l'air intermédiaire; ces molécules reçoivent et réflé-
chissent vers notre œil d'autres rayons, qui nous
parviennent dans la direction où l'ombre que nous
considérons est placée relativement à nous, et qui
affaiblissent l'intensité de cette ombre, en y mêlant
une teinte bleuâtre; on peut donc admettre égale-
ment, que plus les objets non éclairés sont éloignés
de nous, plus l'ombre diminue d'intensité, en se rap-
prochant de la teinte de l'atmosphère.
Concevons deux files d'objets semblables se pro-
longeant à une grande distance, l'une composée
d'objets éclairés et l'autre d'objets dans l'ombre. La
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 125
clarté des objets qui composent la première ira s'affai-
blissant à mesure qu'ils s'éloignent; si on les suppose
de couleur blanche, le blanc diminuera d'éclat et, de
plus, il changera de couleur par degrés insensibles,
d'un objet au suivant, mais d'une manière marquée sur
la longueur de la file, et il passera à une teinte bleuâtre.
En même temps, l'ombre des objets qui composent
la seconde file diminuera d'intensité; elle s'éclaircira,
non pas en s'approchant de la couleur blanche, mais
de la couleur bleue. Si les deux files d'objets que nous
considérons s'étendent extrêmement loin, il arrivera
enfin que le blanc de ceux qui sont éclairés et le noir
de ceux qui sont dans l'ombre, décroissant toujours
pour se rapprocher du bleu, se perdront en se confon-
dant dans la couleur de l'atmosphère. C'est ce qu'on
remarque, lorsqu'on aperçoit de hautes montagnes,
dans un lointain de 25 ou 3o lieues; leurs cimes cou-
vertes de neige et brillantes de clarté, leurs grandes
ombres si prononcées, lorsqu'on les voit d'une petite
distance et pendant un beau jour, tout s'éteint presque
entièrement et se fond dans l'azur du ciel.
Ainsi, quand on veut faire sentir dans un tableau
l'intervalle qui sépare deux objets inégalement
éloignés, il est de principe de peindre celui qui est le
plus distant de couleurs moins vives, en éteignant les
clairs et en affaiblissant l'intensité des ombres; et
quand on doit représenter des objets très lointains, les
couleurs doivent prendre une teinte générale bleuâtre.
Ce principe est bien connu, et même on l'exagère, et
l'on en fait très fréquemment un abus qu'il est utile
de signaler. D'après ce que nous avons dit, ce n'est que
lorsque la ditférence entre les intervalles qui séparent
[•26 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
divers objets de notre œil devient considérable, qu'il
en résulte une différence sensible entre les effets pro-
duits par les masses d'air qui occupent ces intervalles,
sur la lumière que les objets nous renvoient. Si l'on
a par exemple devant les yeux une façade d'archi-
leclure, dont une partie forme une saillie ou un
avant-corps de i"^, la couche d'air de i"^ d'épaisseur,
que les rayons visuels venant de la partie en arrière-
corps ont à parcourir de plus que les autres, pour
arriver jusqu'à nous, ne leur ôtc rien de leur intensité,
ou du moins leur en ôte trop peu, pour que la diminu-
tion soit appréciable par nos sens. En supposant
donc l'avant et l'arrière-corps parallèles entre eux et
semblablement éclai es, c'est à tort qu'on établirait
une différence entre les teintes qu'il faut donner à l'un
et à l'autre, comme le font beaucoup de dessinateurs;
ils nous paraissent également éclairés et doivent être
représentés avec la même clarté.
Cependant, nous distinguons parfaitement dans la
réalité qu'une partie forme saillie sur l'autre; il n'est
pas même nécessaire que 1 avant-corps porte ombre
sur la partie en arrière; et lors même que la direction
du rayon de lumière venant du Soleil et la position
de l'œil sont tels, qu'aucune ombre n'est apparente,
on juge sans peine quel est le plan le plus voisin et
quel est le plus éloigné. Il est essentiel de reconnaître
ce qui dirige à cet égard notre jugement, pour l'imiter
s'il se peut, et que )a peinture avertisse l'œil par les
mêmes moyens que ceux qui l'avertissent dans la réa-
lité.
Représentons-nous toujours une façade d'architec-
ture d'un ton de couleur parfaitement uniforme, et
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 1^7
dont une partie forme sur l'autre un avant-corps. Si
l'on place un obstacle quelconque, tel qu'une planche,
«lui nous dérobe la vue de l'arête par laquelle se ter-
mine l'avant-corps, il nous devient impossible de
juger laquelle des deux parties est la plus voisine de
notre œil; mais si l'obstacle est enlevé, on en peut
juger à l'instant . Cette expérience fort bimple nous
apprend donc que c'est par la manière dont la lumière
agit sur l'arête qui termine l'avûnt-corps, que nous
sommes avertis qu'il existe une saillie. Si l'arête dont
il s'agit était une ligne droite mathématique, l'action
de la lumière sur l'arête serait nulle, ou parfaitement
inappréciable, et nous ne pourrions pas encore dis-
tinguer quelle est la partie qui est en avant-corps.
Mais cette arête n'est jamais tranchante, jamais une
ligne droite mathématique : les matériaux dont elle
est composée ne sont pas d'une compacité absolue, les
instruments dont on fait usage pour les tailler ne sont
point parfaits, on n'a point apporté au taillage une
précaution infinie ; et en sortant des mains de l'ouvrier,
cette arête était déjà loin d'être ligourcusement pré-
cise. Depuis, tout ce qui a pu la frapper ou simplement
la frotter a dû l'émousser davantage; et, définitive-
ment, au lieu d'être une arête tranchante, ce n'est
qu'une surface arrondie, que l'on peut considérer
comme une portion de cylindre vertical circulaire et
d'un très petit rayon; c'est par la manière dont la
lumière agit sur cette surface cylindrique, et en est
renvoyée à notre œil, que l'existence de la saillie nous
est indiquée.
Nous avons montré précédemment que chaque
partie d'une surface courbe reçoit d'autant plus de
/
128 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCENTIFIQUE.
lumière qu'elle se présente plus directement aux
rayons lumineux, et que la lumière qu'elle renvoie à
notre œjl a d'autant plus d'intensité, que cette sur-
face s'offre plus obliquement à nos regards. D'après
ces principes, il doit se trouver sur la petite surface
cylindri(|ue, qui représente l'arête du côté où vient la
lumière, une partie dont la clarté est plus vive; et, sur
l'autre arête, une partie dont la clarté est moindre
que celle de la façade du bâtiment; le tout dépendant,
pour la détermination précise, de la position de l'œil
et de la direction des rayons lumineux.
Ainsi, pour faire sentir, dans l'exemple proposé,
qu'il y a une partie de la façade qui forme saillie, il
faut ménager aux arêtes, du côté de l'ombre, une
ligne un peu moins claire, et à celles qui sont du côté
de la lumière, une ligne plus éclairée, qu'on appelle
reflet; du reste, la teinte sur les deux plans parallèles
dont se compose la façade doit être la même.
Nous devons ajouter cependant encore quelques
développements qui tiennent à d'autres considéra-
tions.
Nos organes sont doués de certaines propriétés qui
altèrent les sensations qu'ils nous transmettent.
L'organe de la vue, par exemple, prolonge la sensa-
tion au delà de l'instant où il l'éprouve; c'est ce que
démontre une expérience bien connue : quand on fait
mouvoir avec rapidité un charbon allumé, placé au
bout d'un bâton, on voit, non pas le charbon occu-
pant successivement différents points, mais un ruban
de feu continu.
Ce même organe jouit d'une autre propriété, c'est
d'étendre, d'agrandir les objets, d'autant plus (ju'ils
GEOMETRIE DESCRIPTIVE. Ï9.9
sont plus éclairés; en voici un exemple frappant.
Quelques jours après la nouvelle Lune, et lorsqu'elle
approche de son premier quartier, elle est visible sur
l'horizon, encore un peu après le coucher du Soleil ;
un quart environ de son disque seulement est éclairé,
mais ce qui est dans l'ombre reçoit par réflexion
quelque lumière de la terre et n'est pas invisible pour
nous; la partie éclairée paraît alors d'un diamètre
beaucoup plus grand que celle qui est dans l'ombre,
et il semble y avoir un ressaut considérable au pas-
sage de la courbure de l'une à la courbure de l'autre.
A l'époque du dernier quartier, et avant le lever du
Soleil, la même illusion se renouvelle; mais la partie
dans l'ombre au premier quartier est alors éclairée, et
paraît à son 'tour plus grande que l'autre, qui est
devenue obscure. Plusieurs expériences confirment
cette faculté qu'a la vue d'étendre les dimensions des
objets blancs et éclairés, aux dépens de ceux qui sont
obscurs; nous ne rapporterons que l'expérience sui-
vante, comme la plus simple. Lorsqu'on place, à côté
l'une de l'autre, plusieurs bandes parallèles, parfai-
tement égales en largeur et alternativement noires et
blanches, en les regardant d'un point un peu éloigné,
les bandes blanches paraissent beaucoup plus larges
que les noires.
Une troisième propriété, que l'œil partage avec nos
autres organes, tient à ce qu'en général les sensations
fortes affaiblissent momentanément en nous la per-
ception des sensations plus faibles. C'est ainsi que le
canonnier, qui vient d'entendre la décharge d'une
batterie, est insensible à l'impression d'un bruit mé-
dioci-e. Il arrive même qu'une sensation vive, éprouvée
MONGE. — II. 9
LES MAITRES DE LA PENSEE SCIENTIFIQUE.
par un organe, couvre tout à fait une sensation reçue
ensuite par un autre organe d'une sensibilité plus
obtuse. Avant de boire de la liqueur, nous sentons son
parfum, mais notre odorat y devient insensible,
aussitôt que nous en avons bu quelques gouttes; la
sensation forte éprouvée par le palais émousse tout
à fait la sensibilité de l'odorat. Cet effet des sensations
vives est très remarquable sur l'organe de la vue : les
objets brillants nous rendent insensibles à ceux qui
ne jouissent que d'une moindre lumière; lorsque l'on
passe du grand jour dans un lieu peu éclairé, on ne
distingue rien dans les premiers moments; on a de la
peine à reconnaître les personnes les plus voisines de
soi; mais peu à peu, la vue s'habitue à cette faible
clarté, et l'on parvient, après quelque temps, à lire
même un caractère assez fin. îl est vrai qu'au moment
où l'on passe de la lumière à l'obscurité, la prunelle
de l'œil se dilate et permet l'entrée à un plus grand
nombre de rayons ; mais cette dilatation de la prunelle
a lieu instantanément, et n'est pas la cause de l'effet
que nous venons de rappeler : il tient à ce que l'œil
ne perd que lentement l'impression vive que lui a
laissée la clarté du grand jour.
En appliquant ces remarques à la détermination du
reflet qu'on doit ménager sur une arête éclairée, on
reconnaîtra que ce reflet paraît à l'œil un peu plus
large qu'il ne l'est en effet, et que les parties contiguës
paraissent un peu plus obscures. Pour reproduire dans
la peinture ces apparences, essentielles à la vérité, de
l'image, il faudra donner une plus grande largeur au
reflet, et placer parallèlement, à droite et à gauche,
une teinte un peu plus sombre sur une faible étendue.
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. l'Jl
Si nous avions à notre disposition des couleurs aussi
vives que celles de la nature, si nous pouvions peindre
le reflet d'un blanc aussi éclatant que celui qui a lieu
dans la réalité, il deviendrait inutile de lui donner plus
de largeur, et de le rehausser en quelque sorte, par
l'opposition de teintes plus sombres placées à côté :
la copie fidèle de ce qui existe leproduirait, sur nos
organes, l'effet produit par l'objet lui-même; mais
nous sommes obligés de compenser par une sorte
d'exagération, qui nous est facile, l'imperfection de nos
moyens d'imitation.
143. Après avoir traité des modifications ({ue la
lumière éprouve, spécialement dans son intensité
absolue, et quelles que soient les couleurs dont elle
nous apporte la sensation, il nous reste à examiner
quelles sont les variations que subissent les couleurs
elles-mêmes par l'action des diverses causes qui
peuvent les modifier. Cette recherche se rattache à la
partie de l'Optique, dont l'objet est l'étude de la lu-
mière colorée; elle est beaucoup trop vaste pour que
nous l'embrassions dans son entier, et nous nous bor-
nerons à un petit nombre d'observations, que nous
croyons susceptibles d'une assez fréquente applica-
tion.
Une des causes principales des variations
qu'éprouvent les couleurs tient à la nature du corps
lumineux; ainsi, le bleuet des champs, qui est d'un
beau bleu pendant le jour, semble violet à la clarté
d'une bougie; à la même clarté, le vert des feuilles et
des plantes devient beaucoup plus sombre, et le jaune
se lapproche beaucoup d'un blanc un peu rose; c'est la
\
102 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE,
raison pour laquelle les personnes dont le teint n'est
pas très blanc paraissent avec plus d'avantage à la
lumière.
Mais les changements qu'on observe dans les cou-
leurs ne proviennent pas uniquement de la nature de
la lumière, soit directe, soit réfléchie, dont les objets
sont éclairés; ils tiennent souvent, en partie, à une
appréciation inexacte que nous faisons des couleurs,
lorsque notre jugement est, pour ainsi dire, faussé par
des circonstances particulières : nous en citerons
quelques exemples.
Le matin, avant le lever du Soleil, et lorsque le ciel
est d'un bel azur, si, devant une fenêtre ouverte,
nous avons sur une table un papier blanc et une
bougie, le papier se trouve à la fois éclairé par la
clarté de la bougie et par la lumière déjà répandue dans
l'atmosphère, et que l'air nous renvoie. Dans ces cir-
constances, que nous placions un corps qui intercepte
en partie la clarté de la bougie par rapport au papier,
l'ombre portée sur le papier ne sera plus éclairée que
par l'atmosphère, elle paraîtra d'un beau bleu, ce qui
doit être en efîet, puisque la lumière réfléchie par
l'atmosphère est bleue; mais si nous éteignons la
bougie, le papier ne sera en entier éclairé que par cette
même lumière bleue, et cependant, nous n'hésiterons
pas alors à le juger blanc; et s'il se trouve à côté un
papier d'une teinte bleue, il nous paraîtra sensible-
ment blanc comme le premier.
Supposons encore que nous soyons dans un appar-
tement dont les fenêtres soient parfaitement exposées
au Soleil, et que nous les fermions par des rideaux
rouges; la pièce sera alors entièrement éclairée par
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.
de la lumière rouge; au bout de quelques instants,
rœil, familiarisé avec la teinte rougeâtre répandue sur
tous les objets, reconnaît pour blancs ceux qui sont de
cette couleur, et il regarde aussi comme blancs ceux
qui sont de la couleur rouge des rideaux : mais ce n'est
pas tout. Si dans le rideau il se trouve une ouverture de
3rain ou 4""" de diamètre, et qu'on présente à peu de
distance un papier blanc pour recevoir le faisceau de
rayons du Soleil qui passe par cette ouverture, ces
rayons peindront sur le papier blanc une tache verte;
si les rideaux étaient verts, la tache serait rouge.
Nous ne pouvons pas ici expliquer pourquoi la
tache est verte dans le premier cas, et rouge dans le
second; parce que ce phénomène dépend de la théorie
de la composition de la lumière; mais nous allons
essayer d'exposer comment il se fait que, l'apparte-
ment étant éclairé par de la lumière rouge, par exemple,
un objet blanc qui reçoit cette lumière paraît encore
blanc, un objet rouge paraît également blanc, et
pourquoi la lumière blanche des rayons solaires, qui
n'éprouve aucune altération, puisqu'elle passe par
une ouverture du rideau et qu'elle est reçue sur un
papier blanc, paraît cependant d'une couleur toute
différente.
Il nous est nécessaire de faire précéder ce que nous
avons à dire sur ce sujet par quelques considéra-
tions sur le rôle que la lumière blanche joue, en général,
dans l'opération de la vision.
Lorsque l'on regarde un corps, quelle qu'en soit la
couleur, chaque molécule de sa surface visible nous
renvoie des rayons blancs avec ceux qui sont empreints
de la couleur propre du corps.
l34 LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
Plus nous recevons des rayons de ce genre, et plus
l'objet nous paraît éclairé, ou plus sa couleur nous
paraît vive et claire. On connaît le cinabre, substance
composée de soufre et de mercure, de laquelle on
obtient ce rouge brillant qu'on emploie dans la peinture
des vitraux : en masse, le cinabre est d'un rouge brun
assez terne, et semblable à celui de la brique fortement
cuite; mais, à mesure qu'on le broie, il perd cette
couleur obscure et foncée; en se divisant, il acquiert
plus de surface et nous renvoie de la lumière blanche
par un plus grand nombre de points; enfin, quand il
est réduit en poudre impalpable, il offre un rouge très
éclatant et devient du vermillon. Chaque molécule
du cinabre renvoie donc à l'œil plus ou moins de lu-
mière blanche; et c'est lorsqu'elles peuvent en ré-
fléchir une plus grande quantité, que cette substance
prend une couleur plus brillante. De même, si nous
examinons un chapeau, chaque poil dont le feutre est
composé est un petit cylindre, qui, vu au microscope,
présente une arête blanche, semblable à celle que nous
voyons sur un bâton de cire d'Espagne, quand nous le
regardons au grand jour; cette arête renAoie donc à
notre œil de la lumière blanche. Ce que nous venons de
dire relativement à ces deux exemples, est vrai de
tous les corps de la nature ; c'est cette lumière blanche,
réfléchie de tous les points visibles, qui détermine
essentiellement la teinte de clarté propre à chaque
partie de l'objet considéré, parce que les rayons blancs
sont les plus complets et les plus vifs de ceux que
chaque molécule nous renvoie; ce sont ceux, par con-
séquent, qui nous font mieux connaître les formes,
apprécier l'inclinaison de chaque élément et la cour-
GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE. 1)5
bure en chaque point de la surface. Nous sommes
habitués à cette grande abondance de lumière blanche
et aux services qu'elle nous rend dans la vision ; et c'est
comparativement à elle qu'en général nous jugeons
de la lumière colorée.
Ceci posé, si les objets ne sont éclairés que par de la
lumière déjà colorée, si, comme nous l'avons supposé
tout à l'heure, des rideaux ou des vitres rouges donnent
cette couleur à toute la lumière que le Soleil projette
dans un appartement, ce ne sera plus au moyen de la
lumière blanche que nous jugerons de la forme des
corps, puisque les rayons blancs que chaque point
aurait réfléchis, si la lumière n'eût pas été altérée,
deviennent alors des rayons rouges. Ces rayons, cepen-
dant, sont encore les plus complets et les plus vifs de
ceux qui nous parviennent, et quoique notre œil en
soit affecté d'une manière différente, il juge cependant
par leur secours, comme il l'eût fait à l'aide des rayons
blancs ; il est donc conduit naturellement à les regarder
comme blancs, et c'est en comparant les autres rayons
à ceux-là qu'il apprécie leurs couleurs. On voit, d'après
ceci, que s'il se trouve dans l'appartement un corps
du même rouge que la lumière dont la pièce est éclairée,
cet objet, renvoyant des rayons de même nature que
ceux que nous jugeons blancs, nous paraîtra blanc
également. On vérifiera facilement cette expérience,
en plaçant un verre rouge devant ses yeux et en regar-
dant, au travers, des objets blancs et des objets rouges;
les uns et les autres paraîtront de la première de ces
couleurs.
La même cause qui nous détermine à regarder
comme blancs des rayons qui ne le sont pas en effet
l3() LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE.
ne nous permet pas d'admettre comme tels ceux qui
le sont réellement; et telle est la raison pour laquelle la
lumière naturelle du Soleil, qui passe à travers une
petite ouverture d'un rideau rouge, va porter sur un
papier blanc une couleur qui nous paraît très sensible-
ment différente de la couleur blanche.
Les observations précédentes, cj[ue nous avons faites
en considérant un exemple particulier, sont de nature
à être facilement généralisées, et s'étendent à toutes,
les circonstances où la lumière dont les corps sont
éclairés n'est pas telle que celle que nous recevons
habituellement du Soleil. On sent combien il peut
être essentiel, quelquefois, d'y avoir égard, surtout
quand il s'agit de peindre un objet qui ne reçoit que
de la lumière réfléchie, ou altérée par les milieux dia-
phanes qu'elle a traversés. Presque toujours, la lu-
mière qui n'arrive que par réflexion est empreinte de
la couleur des corps qui la réfléchissent; cette modifi-
cation influe sur les apparences que présentent les
couleurs de l'objet qu'elle éclaire, et sur le jugement
que nous portons de leurs rapports.
FIN DU DEUXIEME ET DERNIER VOLUME
«
T\i;i i; DES MATIEHES
m !>».t XIK.MK VOI.IMT.
l'ases.
Application des intersections des surfaces à la solu-
tion de divers'-s questions I
V.
Utilité de renseignement de la géométrie descriptive
dans les écoles secondaires 28
Des courbes planes et à double courbure, do leurs
développées, de leurs développantes, de leurs
rayons de courbure '^9
De la surface qui est le lieu géométrique des déve-
loppées d'une courbe à double courbure; propriété
remarquable des développées, considérées sur cette
surface. Génération d'une courbe quelconque à
double courbure par un mouvement continu .... 36
Des surfaces courbes. Démonstration de cette pro-
position : « Une surface quelconque n'a dans
chacun de ses points que deux courbures ; chacune
de ces courbures a un sens particulier, son rayon
particulier, et les deux arcs sur lesquels se me-
surent ces deux courbures sont à angles droits sur
la surface » 4o
Des lignes de courbure d'une surface quelconque, de
ses centres de courburs et de la surface qui en est
t38 table des matières.
le lieu géométrique. Application à la division des
voûtes en voussoirs et à Tart du graveur 53
Théorie des ombres et de la perspectiçe.
Utilité des ombres tracées sur les épures 65
De la description graphique des ombres 68
Théorie de la perspective.
Méthodes pour mettre les objets en perspective. ... 97
De la détermination des teintes dans la représenta-
tion des objets, et de la perspective aérienne 112
Des variations que subissent les couleurs dans cer-
taines circonstances i3i
FIN DE LA TABLE DES MATIERES.
LES MAITRES DE LA PENSÉE SCIENTIFIQUE
HvYGENS (Christian). — Traité de la lumière. Un vol. do x-155 pages
et 74 figures ; broché, net 3 fr. 50
Lavoisier (A.-L.). — Mémoires sur la respiration et la transpira-
tion des animaux. Un vol. de vni-68 pages ; broché, net. . . 3 fr. »
Spallanzani (Lazare). — Observations et Expériences faites sur les
Animalcules des Infusions. Deux vol. do viii-106 et 122 pao-es;
chaque vol. broché, net 3 fr. »
Ci-AiRAUT (A.-C). — Eléments de Géométrie. Deux vol. de xiv-95 et
103 pages avec C9 et 77 figures; chaque vol. broché, net. 3 fr. 50
Lavoisier et Laplace. — Mémoire sur la chaleur. Un vol. de 78 pages
avec 2 planches; broché, net 3 i'r. »
Caunot (Lazare). — Réflexions sur la métaphysique du Calcul infini-
tésimal. Deux vol. de viii-117 et 105 pages avec 5 figures; chaque
vol. broché, net 3 fr. »
D'Alembert (Jean). — Traité de Dynamique. Deux vol. de xl-102 et
1 87 pages avec 8 1 figures ; chaque vol. broché, net 3 f r. »
Dv'TRocHET (René). — Les mouvements des végétaux. Du réveil et du
sommeil des plantes. Un vol. de vni-121 pages et 25 figures; broché,
net 3 fr. •
Ampère (A,-M.). — Mémoires sur V électromagnétisme et l'électrodyna-
/-rttgue. Un vol. de xiv-llOpagcs et 17 figures; broché, net 3 fr. »
Laplace (P.-S.). — Essai philosophique sur les probabilités. Deux
vol. de xn-103 et 108 pages ; chaque vol. broché, net. ... 3 fr. »
Eovguer (Pierre). — Essai d'optique sur la gradation de la lumière.
Un vol. de xx-130 pages et 17 figures; broché, net... 3 fr. >
Pajnlevé (Paul). — Les axiomes de la Mécanique. Examen critique.
j\ote sur la propagation de la lumière. Un vol. de xin-112 pages et
4 figures; broché, net 4 fr. »
Sous presse :
\UiiioTTE (Edme). — Discours de la nature de l'air. De la végétation
Jis plantes. Nouvelle découverte touchant la vue. Un vol. de
00 pages; broché, net »
MoNGE (Gaspard). — Géométrie descriptive. Deux vol. de xvi-li4
tt 138 pages avec 53 figures; chaque vol. broché, net. ... »
Il est tiré de chaque volume 10 exemplaires sur papier
de Hollande, au prix uniforme et net de 6 francs.
Paraîtront successivement :
Newton. — Principes mathématiques de la philosophie naturelle.
Lamé. — Examen des différentes méthodes employées pour résoudra
les problèmes de géométrie.
Pascal. — Traité de l'équilibre des liqueurs. Traité de la pesanteur
de la masse de l'air.
Galilée. — Dialogues cl démonstrations concernant deux sciences
nouvelles.
Fermât. — De la comparaison des lignes courbes avec les lignes droites.
Carnot (Sadi). — Réflexions sur la puissance motrice du feu.
D'Alembert. — Eléments de philosophie.
Faraday. — Recherches expérimentales sur l'électricité.
Helmholtz. — Mémoires sur l'hydrodynamique.
Malus. — Théorie de la double réfraction de la lumière.
Laplace. — Mémoire sur les inégalités séculaires des planètes et des
satellites.
EucLiDE. — Les Éléments.
De Saussure. — Recherches chimiques sur la végétation.
Archimède. — De la sphère et du cylindre.
Gauss. — Méthode des moindres carrés.
Foucault. — Mémoires relatifs à la mesure de la vitesse de la lumière
et au mouvement de la Terre.
Gay-Lussac et Thénard. — Recherches physico-chimiques.
Ingenhousz. — Expériences sur les végétaux.
Chevreul. — Recherches chimiques sur les corps gras d'origine ani-
male.
Newton. — Optique.
Lamarck. — Philosophie zoologique.
Coulomb. — Mémoires sur l'électricité et le magnétisme.
Mendel. — Essai sur les plantes hybrides.
Leibniz. — Mémoires sur l'analyse infinitésimale et la dynamique.
Bravais. — Mémoire sur les systèmes formés par des points distribués
régulièrement sur un plan ou dans l'espace.
BiciiAT, — Recherches physiologiques sur la vie et la mort.
Laplace. — Sur la théorie des tubes capillaires. Sur l'action capillaire.
De l'adhésion des corps à la surface des fluides. Considérations sur la
théorie des phénomènes capillaires.
YouNG. — Théorie de la lumière et des couleurs. Correspondance
choisie sur des sujets d'optique.
Volta. — Lettres sur l'électricité animale.
Faraday, Ampère. — Rotations électromagnétiques.
Herschel. — Discours préliminaire sur l'étude de la philosophie ncUU'
relie.
Lagrange. — Mémoire sur la tfiéorie du mouvement des fluides.
DuTROCHET. — De l'endosmose et de V exosmose.
Gauss. — lîecfierches générales sur les surfaces courbes.
RiEMANN. — Sur les hypothèses qui servent de base à la géométrie.
Clifford. — Essais et conférences sur les fondements et la philosophie
des sciences.
Laplace. — Exposition du sijstcme du monde.
Réaumur. — Mémoires pour servir à l'histoire des insectes.
Fresnel. — De la lumière.
Geoffroy Saint-IIilaire. — Principes de philosophie zoologique.
Descartes. — La géométrie.
Clairaut. — Théorie de la figure de la Terre.
Lavoisier. — Décomposition et recomposition de l'eau. Réflexions sur
la décomposition de l'eau par les substances végétales et animales.
Desargues. — Traité des coniques.
FouRiER. — Questions sur la théorie physique de la chaleur rayonnante.
Résumé théorique des propriétés de la chaleur rayonnante.
Hales. — Essais de statique végétale.
Mendeléeff. — Mémoire sur le système naturel des éléments chi-
miques.
SwAMMERDAM. — Mémoires sur les abeilles.
LoBATSciiEFSKi. — Pongéométrie ou théorie générale des parallèles,
suivie des opinions de d'Alembert sur le même sujet et d'une discus-
sion sur la ligne droite entre Fouricr et Monge.
Spallanzani. — Expériences sur la digestion de l'homme et de diffé-
rentes espèces d'animaux.
AccADEMiA DEL CiMENTo. — Essois d'cxpéricnces physiques.
BoLYAi. — La science absolue de l'espace.
Harvey. — La circulation du sang.
De Saussure (H.-B.). — Essais sur l'hygrométrie.
Clifford. — Mémoires mathématiques.
Bernard (Claude). — Introduction à l'étude de la médecine expé-
rimer^ale.
Hertz. — Equations électrodynamiques fondamentales des corps en
moyivement et des corps en repos.
D'autres volumes sont en préparation.
PARIS. — lAirRIMERIE GAUTHIER-VJLLARS et C
66543 Quai des Grands- Augiislins, 55.
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Tel. No. 642-3381
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f^^ JUL08 1985
liii '**=<*^ UCB A/M/S
MAY 2 3 1986
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Berkeley
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