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GRAMMAIRE HISTORIQUE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
DU MÊME AUTEUR
Manuel phonétique du français parlé. Deuxième édition traduite et re-
maniée par E. Philipot, 1 vol. in-8" carré 4 fr.
Qrammaire historique de la langue française, 5 vol. in-S».
Tome I. Histoire générale de la langue française. Phonétique. Deuxième
édition revue et augmentée, 1 vol 10 fr.
Tome II. Morphologie, 1 vol 10 fr.
Tome III. Formation des mots, 1 voi 10 fr.
Tome IV. Sémantique, 1 vol. {En préparation.)
Tome V. Syntaxe, 1 vol. (En préparation.)
Nouveau recueil de farces françaises des XV^ et XVIe siècles. Publié
d'après un volume unique appartenant à la Bibliothèque Royale de Co-
penhague. En collaboration avec M. É. Picot. Paris, 1880.
Storia dell* epopea francese nel medio evo. Prima traduzione dall' ori-
ginale danese di E. Gorra. Gon aggiunte e correzioni fornite dall' autore,
con note del traduttore e una copiosa bibliografia. Opéra premiata con
medaglia d'oro dall' Università di Gopenaghen. Firenze, 1886.
Ordenes Liv. Gopenhague, 1902.
Das Leben der Wôrter. Autorisierte Cbersetzung aus dem Dânischen von
Robert Vogt. Leipzig. 1903.
Kortfattet spansk Qrammatik. Quatrième édition. Gopenhague, 1908.
Kortfattet italiensk Qrammatik. Deuxième édition. Gopenhague, 1903.
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GRAMMAIRE HISTORIQUE
DE LA
LANGUE FRANÇAISE
KR. NYROP
PROFESSEUR A l'uNIVERSITÉ DE COPENHAGUE
TOME TROISIEME
COPENHAGUE
GYLDENDALSKE BOGHANDEL
NORDISK FORLAG
LEIPZIG NEW YORK PARIS
OTTO HARRASSOWITZ G. E. STECHERT ALPHONSE PICARD ic FILS
1908
Tous droits réservés
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IMPRIMERIE NIELSEN & LYDICHE
(AXEL SIMMELKI^R)
AVANT-PROPOS.
\^e volume aurait dû comprendre deux parties: une étude sur
la formation des mots et une autre sur leur signification; cepen-
dant comme la première de ces études a demandé bien plus de
place que nous n'avions pensé, nous avons dû laisser de côté la
Sémantique qui occupera, à elle seule, tout un volume.
C'est en 1877 qu'Arsène Darmesteter a publié son ouvrage ma-
gistral intitulé De la création actuelle de mots nouveaux dans la
langue française et des lois qui la régissent. Ce livre, peut-être le
plus original des travaux philologiques de notre regretté maître et
ami, a conservé sa pleine valeur jusqu'à nos jours. Nous espérons
pourtant que notre travail ne fera pas double emploi avec le sien.
D'abord A. Darmesteter n'a pas épuisé le sujet; il s'est contenté
d'examiner les mots nouveaux créés par l'addition d'un suffixe ou
d'un préfixe, en laissant de côté la formation régressive et la for-
mation impropre ainsi que toutes les créations onomatopéiques.
Ensuite en étudiant la formation suffixale et préfixale il a exclu de
ses recherches plusieurs points qui n'ofi'raient aucun intérêt pour
son but principal, par ex. : la question du rapport phonétique entre
le mot primitif et le dérivé, le changement ou la substitution des
suffixes, etc. Dans une grammaire qui aspire à donner un aperçu
historique de l'ensemble des phases que présente l'évolution de
la langue, il serait impossible de passer sous silence les questions
indiquées, et nous leur avons donné la place que demandait leur
importance. Nous avons eu en outre à examiner dans ce volume
la formation du genre, que nous avions exclue, de parti pris, de
notre Morphologie.
Nous avons eu enfin à tenir compte des mots nouveaux dont
s'est enrichie la langue depuis la publication du livre de Darmes-
teter, et à cet effet nous avons parcouru un assez grand nombre d'au-
teurs contemporains ; nos trouvailles ont été enregistrées en leur
tieu et place (voir par ex. bureautin, § 89,4), et on trouvera dans
notre Index plus d'un mot moderne que ne cite aucun dictionnaire.
Ajoutons que nous nous sommes eff'orcé de poursuivre, sur tous
les points, l'évolution de la langue jusqu'à la phase la plus ré-
VI
cente: on verra ainsi (|ue nous avons pris note du mot automobile,
dont nous avons étudié le genre (§ 678) et la dénomination ono-
niatopéique (§ 25). Nous n'avons pas restreint nos recherches à
la langue littéraire ; comme dans les volumes précédents, nous
avons, dans une large mesure, tenu compte de la langue parlée et
des innovations qui apparaissent dans les journaux, dont le langage
est souvent aux prises avec la grammaire officielle; c'est pourquoi
nous avons enregistré l'invariabilité de la locution étant donné (§ 623),
les dérivés plus ou moins argotiques des mots composés (§ 44), le
genre masculin du mot réglisse (§ 726), etc., etc. La langue popu-
laire est une des sources multiples du renouvellement incessant de
la langue littéraire.
Malgré tous nos efforts, nous avons un vague sentiment de ne
pas avoir pu réaliser notre plan tel que nous l'avions conçu. Le
lecteur en jugera. Je ferai seulement observer qu'à cause d'une
grave maladie des yeux qui m'empêche depuis plus de deux ans
de lire et d'écrire, j'ai dû dicter une grande partie de ce volume,
ce qui n'a pas toujours été chose très facile. Un jeune élève et
ami, M, C. P. Chhistiansex, m'a servi de secrétaire et je ne sau-
rais assez le remercier de son dévouement et de son obligeance.
Pour la correction des épreuves, différents amis se sont em-
pressés de m'offrir leurs services. Mlle E. Simonsen a bien voulu
soumettre les feuilles à une première revision typographique; en
suite M. V. Madsex, sous-bibliothécaire à la Bibliothèque Royale de
Copenhague, et mes chers collègues E. Philipot, V, Thomsen, J. Vi-
siNG ont bien voulu relire les épreuves et les soumettre à un exa-
men critique ; je leur dois beaucoup d'améliorations, et plusieurs
de leurs observations ont trouvé place dans les Additions (p. 396 ss.).
Je leur témoigne ici ma gratitude très vive pour leur amabilité et
j'adresse des remerciements tout particuliers à M. E. Philipot qui
a souvent entrepris pour moi des recherches bibliographiques et
autres que j'ai été hors d'état de faire moi-même.
Villa Ibstrup, Gentofte, 22 août 1908.
Kr. N.
vil
TRANSCRIPTION PHONETIQUE.
(Chaque signe doit se prononcer comme la ou les lettres italiques du mot
mis en regard.)
1. ce
JNSONNES.
[b] bout
in]
anglais: k'ing
[d] doux
Ipl
pouls
[f] fou
[■•]
r apical (I, § 356)
[g] ffoiit
[R]
r uvulaiie
[h] (I, § 478)
[s]
sou
[j] ye»^
[J]
chou
[k] coup
[t)
tout
[1] /oup
[v]
t;ous
[X] it. figlio
[w]
ouï
[m] mou
[y]
l«i
[n] nous
M
zouave
[p] agneau
[3]
youe
II. VOYELLES ORALES.
[a] patte [o] pot
[a] pdte [0] port
[e] pédant [0] peu
[e] père [œ] peur
fa] peler [u] pour
[i] pzïe [yj p«r
III. VOYELLES NASALES.
[à] banc [5] bon
[i] bain [œ] brun
après une voyelle indique qu'elle est longue.
VIII
ABRÉVIATIONS ET SIGNES.
aha.
ancien-haut-allemand
isl.
islandais
ail.
allemand
it.
italien
anc.
ancien
lat.
latin
angl.
anglais
mball.
moyen-bas-allemand
ar.
arabe
m ha.
moyen-haut-allemand
blat.
bas-latin
mod.
moderne
cat.
catalan
néerl.
néerlandais
comp.
comparez
norr.
norrois
dan.
danois
pers.
persan
dér.
dérivé
port.
portugais
dim.
diminutif
prov.
provençal
esp.
espagnol
roum.
roumain
fin.
finnois
suéd.
suédois
fr.
français
vén.
vénitien
gasc.
gascon
vfr.
vieux français
germ.
germanique
vha.
vieux-haut-allemand
got.
gotique
vnorr.
vieux norrois
holl.
hollandais
> aboutit à
;zf parallèlement à
< provient de
: rime avec
Un astérisque (*) placé devant une forme indique qu'elle ne se trouve
dans aucun texte et qu'on ne la restitue que par conjecture.
QUATRIÈME PARTIE
FORMATION DES MOTS
LIVRE PREMIER.
INTRODUCTION GENERALE.
CHAPITRE I.
REMARQUES PRÉLIMINAIRES.
I. Le vocabulaire traditionnel d'une langue s'enrichit inces-
samment. Comme la vie ne s'arrête jamais, comme tout se
trouve dans un perpétuel devenir, des mots nouveaux sont
toujours nécessaires pour exprimer les changements qui sur-
viennent et les développements qui s'accomplissent. Qu'il
s'agisse d'une découverte scientifique, d'un progrès industriel,
d'une modification de la vie sociale, d'un nuancement de la
pensée, d'une manière nouvelle de sentir ou de comprendre,
d'un enrichissement du domaine moral, le néologisme est im-
périeusement demandé, et tout le monde crée des mots nou-
veaux, le savant aussi bien que l'ignorant, le travailleur comme
le fainéant, le théoricien comme le praticien. Dans les pages
qui suivent nous allons examiner quelques-unes des différentes
questions générales qui se rattachent à cette création inces-
sante de mots nouveaux.
Remarque. Pour créer des mots nouveaux, on ne se réunit pas en con-
seil académique. Comme nous venons de le dire, tout le monde sans dis-
tinction aucune de classes, en crée et a naturellement le droit d'en créer;
ce n'est pas un privilège réservé ù quelques élus, comme on l'a cru autrefois.
En parlant de débrutaliser (voir § 7), mot créé par la marquise de Ram-
bouillet, Vaugelas observe qu'il »a esté fait par une personne, qui a droit de
faire des mots, et d'imposer des noms, s'il est vray ce que les Philosophes
enseignent, qu'il n'appartient qu'aux sages d'éminente sagesse d'auoir ce
privilège» {Remarques, II, 229). Le développement d'un phonème nouveau se
fait toujours d'une manière inconsciente (I, § 109); la création d'un mot
nouveau s'opère souvent de la même sorte, mais ordinairement l'individu
parlant qui crée un néologisme en a pleine conscience.
A. PROCÉDÉS DE FORMATION.
2. Les mots nouveaux sont ou des emprunts ou des créa-
tions nouvelles. Dès les plus anciens textes nous constatons
l'existence en français de mots empruntés, soit aux langues
étrangères, soit au latin, soit aux dialectes, patois ou argots
gallo-romans. Ces emprunts ont été signalés et examinés dans
le premier volume, et nous n'avons pas à y revenir. Nous nous
occuperons ici seulement des créations nouvelles qui se di-
visent en deux groupes principaux: la création primitive qui
recourt à des éléments absolument nouveaux, et la création
conventionnelle qui emploie des éléments déjà existants et suit
des procédés connus.
3. Création primitive. Ce procédé, qu'on appelle Urschôpfung
en allemand, est pour ainsi dire une création ab ovo. Il con-
siste à créer des mots entièrement nouveaux, sans aucune re-
lation étymologique avec les mots déjà existants; tout en se
servant des phonèmes ordinaires, on évite les modes de for-
mation connues.
Ce procédé est extrêmement peu employé en français comme
dans toutes les autres langues. M. Remy de Gourmont cite
comme exemple aba, mot inventé par M. Antoine d'Abbadie
pour un nouveau théodolite qu'il avait imaginé (Bulletin de la
Société de Géographie, sept. 1878), et le savant essayiste ajoute
que ce mot a » l'avantage d'être court et sans étymologie« (Es-
thétique de la langue française. Paris, 1905. P. 25). Cependant
on se demande si le nom de l'inventeur n'est pas pour quelque
chose dans cet aba; en ce cas nous serions tout simplement
en présence d'une sorte de dérivation régressive irrégulière
(comp. § 532 ss.). Selon nous, il faut presque toujours se mé-
fier des créations ab ovo; les exemples qu'on en cite sont assez
rares, et, à l'exception du mot anglais moderne kodak, et de
quelques autres termes industriels, ils nous paraissent aussi
très peu sûrs. Quoiqu'il en soit, il semble excessivement dif-
ficile de créer un mot nouveau sans aucune relation étymo-
logique avec les mots déjà existants. Même gaz, dû au physi-
cien Van Helmont (1577—1644), et qui est toujours relevé
comme l'exemple par excellence d'une création ex nihilo, pa-
raît avoir été modelé sur le flamand geest, et ellagique, dû au
chimiste Braconnet (1818), a été fait avec le mot galle dont les
lettres ont été renversées arbitrairement pour créer un mot
original pouvant servir à désigner l'acide nouvellement dé-
couvert qui accompagne le dépôt de l'acide gallique.
Remarque. Comme mots provenant d'une création primitive, on peut dans
une certaine mesure citer les onomatopées; elles seront traitées dans un
chapitre spécial (§ 13 ss.).
4. Création conventionnelle. Nous comprenons sous ce
nom les procédés suivis régulièrement dans la formation des
mots nouveaux; ils se réduisent aux groupes suivants:
P On forme des mots nouveaux en combinant des mots
déjà existants: vinaigre, chou- fleur ^ plafond, toujours. Ce pro-
cédé s'appelle composition. Voir § 554 ss.
2^ On forme des mots nouveaux par l'addition de termi-
naisons spéciales: veine — veinard, pédale — pédaler, chanter —
chantage, tousser — toussoter. C'est la formation par suffixes
(formation suffixale) ou dérivation. Voir § 34 ss.
3^ On forme des mots nouveaux par l'addition de syllabes
initiales: veine — déveine, militariste — antimilitariste, voir — entre-
voir. C'est la formation par préfixes; elle est à regarder tantôt
comme une dérivation, tantôt comme une composition.
4^ A ces trois groupes principaux il faut en joindre un quatri-
ème, la dérivation impropre. Par ce procédé on ne crée pas
des mots nouveaux proprement dits, mais on donne aux mots
déjà existants un emploi ou une fonction nouvelle, sans que
ce changement soit accompagné d'aucune modification de la
forme : ainsi de l'infinitif être on tire le substantif un être. Voir
pour les détails § 638 ss.
5^ On crée enfin des mots nouveaux par la soustraction
d'une syllabe; ainsi de aristocratie on a tiré aristocrate. Ce pro-
cédé s'appelle dérivation régressive (voir § 532 ss.). Nous avons
là la contre-partie de la dérivation ordinaire, qui a toujours
pour résultat un allongement du mot.
Il n'est pas toujours facile de distinguer entre les trois pre-
miers groupes indiqués, certaines formations rentrant difficile-
6
ment dans les cadres fixes et artificiels que créent les gram-
mairiens. En fait, il n'y a pas de limites sûres entre la com-
position et la dérivation. La dérivation n'est souvent qu'une
étape récente de la composition. La grammaire moderne ana-
lyse par ex. vivement comme un dérivé de vif, formé à l'aide
du suffixe -ment ajouté à la forme féminine de l'adjectif; mais
si nous nous reportons à l'époque où se formait le mot, nous
voyons qu'il n'est qu'une composition, une fusion de deux
mots indépendants, un adjectif et un substantif féminin vive
ment (viva mente); voir § 604. Dans les langues germa-
niques on trouve également des suffixes qui sont à l'origine
des mots indépendants. Quant à la formation par préfixe, il
est évident que des mots tels que déveine, ressauter, découcher
sont des dérivés des mots simples veine, sauter, coucher^ tout
comme veinard, sauteler, couchoter. Que la syllabe dérivative
se joigne au commencement ou à la fin du mot, peu importe,
la place ne change rien au caractère du procédé. Mais dans
les combinaisons telles que malpropre, bienheureux, biscuit, où
entre une particule qui existe aussi à l'état indépendant, le
procédé a plutôt le caractère d'une composition. On peut choi-
sir, à discrétion, entre l'une ou l'autre de ces dénominations;
c'est un choix qui présente un intérêt minime.
5. Sporadiquement des mots nouveaux peuvent se former
de plusieurs autres manières. Nous examinerons ici, mais très
sommairement, l'abréviation; nous en avons déjà parlé dans
la Phonétique, nous en reparlerons dans la Sémantique. Il faut
distinguer les trois groupes suivants :
1^ On abrège souvent le commencement d'une chanson, d'un
cantique, d'une prière, d'une formule, d'un livre, et l'abrévia-
tion sert à désigner l'ensemble. Ainsi, de la première ligne du
psaume latin bien connu »Te Deum laudamus« on tire le
mot nouveau: un Te Deum. C'est un procédé qui sera examiné
dans la Sémantique, quand nous traiterons du changement de
sens, exprimé dans la formule »pars pro toto«. Voici main-
tenant quelques autres exemples de mots nouveaux, dus à une
pareille abréviation. Toute la série des lettres s'appelle alpha-
bet, un livre qui sert à apprendre toutes les lettres s'appelle
abécé ou abécédé. Angélus, ave, bénédicité, magnificat, miserere,
pater, patenôtre, stabat Mater proviennent du vers initial des
prières ou des cantiques en question. L'origine des dénomina-
tions confiteor, credo, conjungo, gaude, gaudeamus, et des termes
juridiques commitlimus , committitur, s'expliquent de la même
manière.
Rappelons enfin que messe tire son origine de mis sa (se.
est concio) et que cancan (antérieurement quanquan), dont
le sens primitif est: harangue universitaire, est une altération
de quamquam, mot par lequel commençaient généralement
ces harangues. En latin vulgaire une assemblée publique s'ap-
pelait placitum, d'où le français plaid, parce que les édits
qui la convoquaient portaient quia est nostram placitum.
Remarque. Les bulles pontificales tiraient leur nom officiel des premiers
mots. La bulle fameuse du pape Boniface, dirigée contre Philippe le Bel, s'in-
titule Unam Sanctam ; et le décret ecclésiastique, formulé par le concile de
Vejle sous les auspices de l'archevêque Jacob Erlandsen contre le roi danois,
est connu sous le nom de Cum Ecclesia Daciana.
2° Pour des raisons pratiques on peut réduire à leurs ini-
tiales les mots dont se compose le titre d'une société ou d'une
réunion, et de ces initiales réunies former un mot nouveau.
Ce phénomène est relativement rare en français. En voici un
exemple, tiré d'un roman moderne: »I1 s'agissait de l'U. T.,
dit la jeune fille. Comme on voit, elle employait la sorte d'a-
bréviation, empruntée aux habitudes anglo-saxonnes et qui
trahirait seule l'origine étrangère et artificielle de ces groupe-
ments périlleux« (Bourget, L'Étape, p. 80). Sur quelques abré-
viations euphémistiques parallèles, voir I, § 523. Pour d'autres
détails, nous renvoyons aux Additions.
Remarque. Le procédé est en effet assez répandu dans l'anglais moderne.
Notons p. ex. qu'on prend son thé dans un a-b-c-shop [eibijsijjop] (c. à. d.
Aerated Bread Company), et qu'on est membre d'une société intitulée The
s-p-c-a [ôi espijsijei] (Society for the Prévention of Cruelty to Animais). Les
autres langues germaniques offrent aussi, mais moins souvent, des exemples
de ce procédé. Citons le nom de Hakatistes, donné aux membres de la > So-
ciété allemande pour les provinces orientales* (Ostmarkenverein) d'après les
initiales de ses fondateurs: Hanemann, Kenemann et Tiedemann.
3^ Citons aussi les raccourcissements parfois très violents
que peuvent subir les mots, surtout dans les différents argots;
nous les avons déjà examinés (I, § 519 ss.).
6. Rappelons en dernier lieu les autres procédés suivis pour
former des mots nouveaux. Ils n'ont qu'une importance secon-
8
daire et comme nous les avons déjà examinés dans la Phoné-
tique, nous nous contenterons ici d'une simple indication.
1^ On crée parfois un mot nouveau par la contamina-
tion de deux mots déjà existants; ainsi éclabousser provient
d'une fusion de éclater avec vfr. esbousser. Pour les détails voir
I § 524 ss., 124.
2^ On crée un mot nouveau par une simple réduplica-
tion d'un mot ou d'une partie d'un mot: bonbon, dodo; ce
procédé est surtout propre à la langue enfantine et hypo-
coristique; comp. I, § 121, 509.
3^ Un mot nouveau est créé par la substitution d'un mot
à un autre. Ce phénomène est surtout propre au langage eu-
phémistique; rappelons babouche pour bégueule, dont nous avons
déjà parlé (I, § 120). On s'en sert aussi dans le langage plai-
sant; citons les formes badines, malagauche pour maladroit,
paradouze pour paradis (ce procédé pas trop spirituel ne mé-
nage rien; il y en a qui ne reculent pas devant Père Fauteuil
pour Père Lachaise).
B. DATE DES MOTS.
7. Pour un petit nombre de mots il est possible de donner
la date exacte de leur création, et même le nom de leur au-
teur. Exemples:
Absinthisme, créé vers 1860 par le médecin et littérateur
A. Lunel.
Aigre-doux. Du Bellay remarque dans sa Deffence et Illus-
tration de la Langue françoyse (I, § 35) que Lazare de Baïf
a introduit épigramme et élégie »avec ce beau mot composé
aigre-doux afin qu'on n'attribue l'honneur de ces choses à
quelque autre«. J. du Bellay s'est trompé; voir aux Additions.
Altruisme. Ce mot est dû à Auguste Comte qui s'en sert dans
sa Philosophie positive (1830—42).
Bureaucratie est dû à l'économiste Gournay (1712 — 1759); il
a aussi créé bureaumanie qui n'est pas resté.
Burlesque. Ménage dit: «Monsieur Sarasin se vantoit d'avoir
le premier employé le mot de burlesques (Observations, p. 341).
Débrutaliser a été créé par la marquise de Rambouillet (comp.
I, § 55); le mot, fortement recommandé par Vaugelas (Re-
marques^ II, 229), n'a pas fait fortune.
9
Féministe, employé pour la première fois en 1872 par A. Du-
mas fils.
Microbe, créé par le docteur Sédillot, et produit pour la
première fois en public à l'une des séances de l'Académie des
Sciences de février 1878.
Potassium, dérivé de potasse, dû au chimiste Davy (1807).
Prosateur, dû à Ménage qui l'emploie dans son édition de
Malherbe (1666). Il dit lui-même dans ses Observations (p. 342):
»J'ay fait Prosateur, à l'imitation de l'Italien Prosatore, pour
dire, un homme qui écrit en prose. On disoit auparavant
Orateur. «
Timbre-quittance, créé en 1872 à la suite de la loi qui a im-
posé les factures de commerce.
Urée, dû à Fourcroy (1755 — 1809), qui l'a tiré du grec ov-
Qov^ urine.
Vandalisme, créé à la fin du XVIIP siècle par l'abbé Gré-
goire.
8. Les mots dont on peut indiquer la date exacte de leur
introduction dans la langue, sont peu nombreux. Ordinaire-
ment il faut se contenter d'un à peu près, et il ne faut pas
oublier que la première apparition d'un mot dans un livre
n'est pas toujours la date de sa naissance. Souvent les mots
surgissent et meurent pour reparaître plus tard dans des con-
ditions plus favorables. Il est évident qu'il ne suffit pas de
créer un mot, il faut aussi le faire vivre. Tel néologisme ris-
qué par un auteur du XVP siècle peut rester oublié et perdu,
enseveli dans le fatras savant d'un grand in-folio que personne
n'ouvre. Un siècle plus tard, un autre auteur reprend le mot
et réussit à le faire entrer dans la langue courante. C'est ce
dernier qui est le vrai père du mot. Voici quelques exemples
de ces réapparitions du même mot:
Archaïsme a été attribué à Mercier (Néologie, 1801), mais il
existe au moins dès le XVIP siècle: on le trouve dans Ménage.
Bienfaisance est généralement attribué à l'abbé de St.-Pierre;
il remonte pourtant au XIV® siècle.
Généralissime a été attribué par Victor Hugo à Richelieu.
Il écrit: ^Plusieurs ont créé des mots dans la langue, Vauge-
las a fait pudeur, Corneille invaincu, Richelieu généralissime^
{Littérature et Philosophie mêlées, Paris, Charpentier, 1842, p. 163).
10
Autant d'assertions, autant d'erreurs. Généralissime se trouve
déjà dans d'Aubigné; pudeur n'a pas été inventé par Vaugelas,
qui, au contraire, en attribue la création à Desportes (à tort; le
mot se trouve déjà chez Montaigne); invaincu, qui n'a été ad-
mis par l'Académie qu'en 1798, s'employait déjà au XIV*' siècle.
Moderniste a été cité comme un néologisme du XIX^ siècle
dû à F. Champsaur; J.-J. Rousseau l'avait déjà employé dans
une lettre de 1769.
Ode. Ménage remarque: Ronsard est le premier qui s'est
servi du mot d'Ode; comme il le dit lui-mesme en son Epître
au Lecteur dans la première impression de ses Odes: »Et
osay le premier des nostres enrichir ma langue de ce nom
0(/e« {Observations^ p. 339). Cependant, en dépit de cette asser-
tion formelle, ode se trouve déjà dans Jean le Maire.
Offenseur. L'Académie a noté ce mot comme un néologisme
dans le Cid. Cependant il est bien plus ancien que cette pièce ;
Honoré d'Urfé l'avait déjà employé dans VAstrée, comme l'ob-
serve Littré; et, depuis, on l'a trouvé dans des textes remon-
tant au XV^ siècle.
Patrie; voir sur ce mot I § 38, Rem.
Religiosité. Dans son Discours de réception à l'Académie
(17 janvier 1850), de Saint-Priest dit: ». . . si j'osais hasarder un
néologisme devant l'Académie Française, cette religiosité qu'on
a si souvent étalée de nos jours . . . .« Mais ce néologisme re-
monte assez haut; on en a cité des exemples du XV^ et du
XVP siècles.
Vulgarité. Ce mot est généralement attribué à madame de
Staël (voir par ex. Deschanel, Les déformations de la langue fran-
çaise, p. 191). Cependant Littré a montré que vulgarité se trouve
dans un auteur du XVP siècle, et le Dictionnaire général cite
même un exemple du XIV« siècle (cf. R. Ph. F. P. XVII, 299,
302).
C. SORT DES MOTS NOUVEAUX.
9. Les mots nouveaux attirent ordinairement la critique et
commencent souvent par exciter l'hilarité; sous ce rapport ils
partagent le sort de tout ce qui est nouveau. Un néologisme,
qu'il soit bon ou mauvais, a toujours le privilège d'irriter les
laudatores temporis acti par le seul fait d'être une nouveauté,
11
et il est impitoyablement raillé comme prétentieux, superflu,
ridicule, etc. Vaugelas, qui continue la tradition de Malherbe,
conda/nne toute hardiesse néologique (I, § 58), et pendant plus
d'un siècle ses théories ont pesé comme un cauchemar sur le
langage poétique. Même les hommes de la Révolution n'osaient
pas rompre le joug imposé par les traditions du grand siècle.
Il fallait un géant tel que Victor Hugo pour rompre avec les
préjugés hérités et mettre »un bonnet rouge au vieux diction-
naire« (I, § 74). Pourtant la peur ou la haine des néologismes
existent toujours, comme il existera toujours des puristes pé-
dants qui vous mettront en garde contre les termes nouveaux
et déclareront que la langue actuelle se corrompt et court à
sa perdition. La chanson de Saint-Alexis, qui date du XI^ siècle,
commence par la plainte éternelle:
Bons fut li siècles al tens ancienor
Quer feit i ert e justise et amor.
Cette plainte se répète toujours, aussi pour la langue. Le Dic-
tionnaire néologique (1756) de l'abbé Desfontaines est précédé
d'une lettre de Jean Baptiste Rousseau, très curieuse. La voici :
»I1 règne aujourd'hui dans le Langage une affectation si pué-
rile, que le Jargon des Précieuses de Molière n'en a jamais
approché. Le stile frivole & recherché passe des Gaffez jusqu'-
aux Tribunaux les plus graves; & si Dieu n'y met la main, la
Chaire des Prédicateurs sera bientôt infectée de la même con-
tagion. Rien ne peut mieux réussir à en préserver le Public,
que quelque Ouvrage qui en fasse sentir le ridicule: & pour
cela il n'y a autre chose à faire que de lui présenter, dans un
Extrait fidèle, toutes ces phrases vuides & alambiquées, dont
les nouveaux Scuderis de notre tems ont farci leurs Ouvrages,
même les sérieux, etc.«
Cent ans plus tard Emile Deschanel s'écrie: »La langue
française à présent est comme saccagée. On dirait un excellent
instrument de musique gâté par des sauvages qui n'en con-
naîtraient ni l'usage ni le prix .... il semble que jamais les
bizarreries et les déformations ou lésions ne se sont multi-
pliées autant que de nos jours .... Depuis que Lamartine dé-
plorait la corruption du langage français, cette corruption n'a
fait que s'aggraver. Que dirait-il à présent ?« (Les déformations
de la langue française. Paris, 1898. P. 206 ss.). Voici quelques-
12
uns des mots nouveaux contre lesquels Deschanel proteste:
agissements ascensionner, baser, bénéficier, différencier, épater,
majorité, pourcentage, socialiser, terroriser, etc. On pourrait s'ir-
riter pour moins: plusieurs des mots critiqués sont déjà entrés
dans le langage courant.
10. On est parfois tenté de demander: à quoi sert la fureur
toujours renaissante des grammairiens contre les mots nou-
veaux? les résultats de leurs »agissements« sont ordinairement
minces ou plus que minces. Et à quoi servent toutes les pres-
criptions qui tendent à restreindre le nombre des néologismes,
à les autoriser dans certains cas et à les condamner dans
d'autres? Ce ne sont que des efforts inutiles, des coups qui ne
portent pas — et qui ne peuvent pas porter. Voici quelques
réflexions de F. Brunetière:
»Les mots nouveaux doivent correspondre à des » réalités*
nouvelles; et, par exemple, si l'on possède celui de fonder on
n'a pas besoin du mot baser pour ne signifier rien d'autre ni
de plus. Aussi bien, la plupart du temps, beaucoup de mots
nouveaux ne sont-ils que le produit d'une espèce d'embarras,
d'impuissance où nous sommes de dire, avec les mots de l'u-
sage, tout ce que nous voudrions dire. Et, pour ceux qui s'en-
gendrent du désir ou de l'affectation de n'être pas entendus
de tout le monde, ils vont précisément à l'encontre de l'objet
même du langage. « (Revue des Deux Mondes, 1901, VI, p. 575).
C'est le purisme pur que prêche ici l'illustre et regretté aca-
démicien. Un Vaugelas ressuscité n'aurait pas pu mieux dire.
D'abord, pourquoi faut-il que les néologismes correspondent
toujours à des *réalités« nouvelles? Les mots s'usent; par
l'usage constant ils perdent de leur force et de leur fraîcheur.
Qui pourrait contester aux auteurs leur droit de remplacer
les mots qu'ils trouveraient obscurcis, fanés ou banalisés, par
des synonymes plus frais, que ce soit des dérivés nouveaux,
des emprunts à quelque patois ou argot ou même des inven-
tions arbitraires? Ensuite, pourquoi faut-il que tous les mots
soient toujours absolument clairs et intelligibles à tout le
monde? Les poètes lyriques par exemple, aiment à rêver; ils
aiment aussi à faire rêver leurs lecteurs, et tout comme le
crépuscule nous charme par l'effacement des contours fixes,
13
de même dans la poésie la demi-clarté des mots peut parfois
être une beauté de plus:
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
(P. Verlaine, Art poétique).
Il est évident que le vocabulaire d'un Albert Samain ne peut
pas toujours être le même que celui dont se sert Sully Prud-
homme. Pourquoi vouloir morigéner un poète quand il em-
ploie des mots rares, anciens, mj^stérieux même, s'il croit par
là pouvoir mieux exprimer ses sentiments et mieux les com-
muniquer à ses lecteurs? Au bout du compte, c'est une ques-
tion d'art dont la solution dépend du génie et du tact du poète,
non pas du bon plaisir d'un grammairien.
Selon nous, les néologismes sont les résultats nécessaires et
les marques infaillibles de la vitalité forte et saine de la langue,
ou, pour parler plus correctement, ils témoignent d'une ima-
gination poétique et plastique toujours en éveil, d'efforts con-
tinuels pour rendre l'expression plus variée, plus nuancée,
plus pittoresque. Il ne faut pas tenter d'endiguer le flot des
néologismes: il saura bien se régulariser lui-même; les mots
mort-nés ne tarderont pas à disparaître sous la surface de
l'eau, les viables entreront vite dans le grand courant de la
langue parlée, qui, grâce à ce surcroît constant, se rajeunira,
s'embellira et sera de plus en plus apte à exprimer les nuances
infinies de la pensée humaine.
II. Nous ferons voir maintenant à quel point les critiques
sont parfois mauvais prophètes quand il s'agit de néologismes.
Les mots suivants, qui maintenant appartiennent tous à la
langue courante, ont été l'objet, à leur apparition, de critiques
et de railleries plus ou moins vives.
Altruisme. Dans sa réponse au discours de réception de Lit-
tré à l'Académie française le 5 juin 1873 De Champagny re-
marqua: »Un certain jour, vous avez adopté un mot que notre
Dictionnaire n'accepte pas: comme philologues, nous l'aimons
peu; comme moralistes, nous ne pouvons nous empêcher de
l'aimer. C'est le mot d'altruisme, opposé au mot (ïégoïsme, et
que du reste on peut traduire par les mots de dévouement et
de charité.*
14
Ambitionner. Vaugelas remarque: sll y a long-temps que l'on
vse de ce mot, mais ce n'est pas dans le bel vsage; ceux qui
font profession de parler et d'escrire purement, l'ont tousjours
condamné, et quoy que l'on ayt fait pour l'introduire, c'a esté
auec si peu de succez, qu'il y a peu d'apparence qu'il s'es-
tablisse à l'auenir* (Remarques, II, 33). Contre cette condam-
nation de Vaugelas l'Académie protestait: »M. de Vaugelas n'a
pas bien jugé de ce mot, quand il a dit qu'il n'y avoit pas
d'apparence qu'il deust s'establir. On peut l'employer avec
grâce. «
Démodé remonte au commencement du XIX^ siècle. A pro-
pos d'un roman de Kératry où il avait employé le mot, un
critique du Journal des Débats (17 avril, 1828) demande:
»M. Kératry tient-il beaucoup à sa création du mot démodé?
Le croit-il nécessaire à sa langue?« (Cf. RPhFP, XVII, 293).
Exactitude. A propos de ce mot Vaugelas donne une re-
marque curieuse: »Pour exactitude, c'est vn mot que j'ay veu
naistre comme vn monstre, contre qui tout le monde s'escrioit,
mais en fin on s'y est appriuoisé, et dez-lors j'en fis ce juge-
ment, qui se peut faire de mesme de beaucoup d'autres mots,
qu'à cause qu'on en auoit besoin, et qu'il estoit commode, il
ne manqueroit pas de s'establir« (Remarques, I, 377). On ne
saurait mieux dire.
Insidieux. Selon Vaugelas (Remarques, I, 107), ce mot a été
hasardé pour la première fois par Malherbe. L'Académie a
longtemps hésité à l'admettre. Patru dit que le mot ne vaut
rien, et Chapelain le trouve »desagreable et degoustant.«
Progresser. Stendhal s'est moqué de ce mot; il écrit dans
une lettre du 21 déc. 1834: ». . . . M. Magnin , quoiqu'il dise:
Le siècle progresse! Quel joli mot qui rime avec graisse! . . .
demandez-lui pourquoi il invente progresser (Cf. RPhFP, XVII,
297).
Savoir-faire. Le Père Bouhours est très sévère pour ce terme
qui de son temps était tout nouveau: »I1 n'y a pas d'ap-
parence qu'il subsiste et je ne sais même s^il n'est point déjà
passé; aussi est il très irrégulier et même contre le génie de
notre langue qui n'a point de pareil substantif.*
12. Mots de circonstance. On crée constamment des mots
nouveaux. On peut les observer dans les livres, comme dans le
15
parler de tous les jours. Une grande partie de ces néologismes
passent des livres dans la langue parlée, ou de la langue par-
lée dans les livres, et ils montrent ainsi leur vitalité; mais
une autre partie, peut-être encore plus grande, disparaît vite:
ce sont des éphémères qui meurent aussitôt éclos. Surtout le
vocabulaire de différents argots se renouvelle, au moins dans
certains domaines, avec une rapidité vertigineuse. Rappelons,
comme seul exemple, les différentes expressions par lesquelles
on a désigné, pendant les derniers cent ans, le fashionable
qui, lui, se trouve charmant, et que le public, avec son gros
bon sens, trouve ridicule: petit-maître, muscadin^ incroyable,
merveilleux (I, § 122), freluquet, dandy, lion, fashionable, gan-
din, petit-crevé, gommeux. D'autres néologismes sont des créa-
tions de circonstance qui ne tardent pas à disparaître, ne
trouvant pas d'emploi hors de la situation toute spéciale qui
les a provoqués:
Avant-dîner. Littré, qui ne donne pas ce mot dans son dic-
tionnaire, l'a cité dans sa charmante causerie, Comment fai
fait mon dictionnaire: »Le chancelier d'Aguesseau m'avait ap-
pris à ne pas dédaigner des moments qui paraissent sans
emploi, lui que sa femme inexacte faisait toujours attendre
pour le dîner, et qui, lui présentant un livre, lui dit: Voilà
l'œuvre des avant-dîners. «
Chatois, voir § 280,2.
Contre-puff. »Ah ! l'on trouve ici des complots .... me voilà
prévenu! et c'est à moi, à mon tour, par quelque contre-mine,
quelque contre-puff . . .! (E. Scribe, Le Puff, III, se. 7).
Désocculter. M. Jules Bois emploie ce mot dans un article
sur l'occultisme (Revue bleue, 1902, I, 22).
S'embourgeoiser, employé par P. Bourget (L Étape, p. 175).
Enversailler, employé par H. Lavedan (S/re, p. 136).
Hiérarchiser, employé par P. Bourget (L'Étape, p. 126).
Homme-danse. »Chicard, le grand Chicard, ï homme-danse
(Privât d'Anglemont, Paris anecdote. Paris, 1885. P. 216).
Rateusement, mot créé par Clément Marot pour faire pendant
à une autre formation à lui lyonneusement ; les deux mots se
trouvent dans sa fable Le lion et le rat.
16
Regardeur. J'ai toujours plus ou moins besoin d'un regar-
deur (Bourget, Pastels, p. 40).
Rubiconner, employé par P. Bourget: Il nous a rubiconnés
(Un homme d'affaires, p. 89).
Sur-héroder. » Shakespeare condamne, comme Molière con-
damnait les comédiens de l'hôtel de Bourgogne, les acteurs de
son temps qui siir-hérodaient Hérode« (Jusserand, Histoire litté-
raire du peuple anglais^ I, 500).
CHAPITRE II.
ONOMATOPÉES.
13. Les onomatopées sont des mots imitatifs, c. à d. des mots
qui prétendent imiter par les phonèmes dont ils se composent
certains bruits tels * que le cri ou le chant des animaux, le son
des instruments de musique, le vacarme des machines, le
bruit que produisent certains mouvements ou certaines actions,
le bruit qui accompagne les phénomènes de la nature, etc.
L'onomatopée est toujours une approximation, jamais une re-
production exacte, et il n'en peut pas être autrement. Les
phonèmes de la voix humaine diffèrent dans leur timbre et
autres qualités des bruits de la nature qu'ils veulent imiter.
Donc, il n'y aura toujours qu'une sorte de traduction plus ou
moins exacte et plus ou moins conventionnelle. Dans plusieurs
cas cette traduction est assez mauvaise, parfois elle est tout à
fait à côté. Le plus ou le moins d'exactitude dépend de la
difficulté que présente le bruit à imiter. Certaines voix d'ani-
maux s'imitent facilement par la voix humaine. Dans presque
toutes les langues la brebis dit beh ou meh [me:], le chat miaou
ou gnao^ nao (italien), nau (finnois), et ces onomatopées sont
très satisfaisantes.
Elles présentent, pour les voyelles, une correspondance assez
parfaite, et le désaccord qu'offrent les consonnes est insigni-
fiant. En voici quelques autres exemples: les chiens disent
tantôt voo vov (danois), tantôt hau hau (finnois), tantôt bow-
wow (anglais), etc., et les cochons, dont le grognement se rend
ordinairement par ô/, disent ôh [œx] en Finlande; — il est
vrai que le finlandais ne connaît pas le /", mais ce petit trait
montre suffisamment combien il faut se méfier de la correc-
tion des onomatopées.
2
18
14. Le plus souvent les onomatopées diffèrent beaucoup d'un
pays à un autre. Voyons, par exemple, ce que dit le canard
dans les différents pays. Je citerai d'abord un souvenir per-
sonnel.
Un jour, je me promenais à la campagne avec un ami
français, et nous passions devant un petit lac où il y avait
des canards. »Voilà des rap rap,« lui disais-je, en imitant le
parler des enfants danois. »Des quoi?« s'écria-t-il, »des rap
rap? Mais ce sont des canards, et les canards disent couin
couin. Écoutez bien, et vous entendrez qu'ils produisent un
son nasal. Jamais un canard qui sait parler n'a dit rap rap.^
Qui se douterait que ce fût le même animal qu'on désignât
par des onomatopées tellement différentes? Ajoutons qu'à côté
de couin couin, on trouve couan couan et cancan. Pour Mon-
targis, E. Rolland cite une onomatopée sans voyelle nasale mouac
mouac. Cette forme avec son a oral pur rappelle un peu le
danois rap rap, mais elle se rapproche surtout des formes alle-
mandes qui finissent toutes par -ack: gack gack, gick gack (gigaj,
pack pack, quack quack. Comp. roum. mac mac, it. qua qua,
russe kriak, angl. quack, cat. mech mech. Voici encore quelques
remarques sur les mots imitant les voix de quelques autres
animaux :
L'agneau s'exprime, comme nous venons de le dire, de la
même manière dans presque toutes les langues: grec /î^; roum.
he he he; it. bé bé; esp. beée beée ou ba-a ba-a ; cat. bee bee;
angl. baa; dan. bœh ou mœh.
Le chien paraît avoir dit bau bau dans les langues classiques
(comp. les verbes: ^avÇeiv et baubare). Voici maintenant
quelques formes que nous offrent les langues modernes: roum.
ham ham; it. bu bu; esp. guau guau; cat. bup bup ; port, béu
béu ; angl. bow wow; dan. vov vov.
Le coq: roum. cucurigu; it. chicchirichi ; esp. kikiriki; cat.
quiquiriqui cocoroci; port, co-que-ro-co ou cô-crô-cô; angl. cock
a doodle doo; dan. kykiliky ; suéd. kukeliku; fin. kukkukiekuu.
La corneille (ou le corbeau): roum. car; it. gra gra; esp.
gra gra; russe kark ; dan. kra kra; angl. caw. Selon Tennyson
les corneilles disent maud, et il a employé ce mot comme
titre d'une de ses poésies.
19
La grenouille: grec x6a§; roum. oacaca; it. gra gra ou
brè brè.
La vache paraît avoir dit mu chez les anciens (comp. les
verbes juvxâod^at et mugire). La même onomatopée se ren-
contre fréquemment dans les langues modernes: roum. mu;
esp. muû; cat. muûu. Parfois la consonne initiale est changée
contre un b; on trouve en anglais boo moo; le danois emploie
buh et bôh; fin. môô. L'italien est isolé avec mah mah.
15. Nous constatons ainsi que les onomatopées, pour une
grande partie, diffèrent de langue à langue, de parler à parler,
et ce fait, qu'on a souvent négligé, suffit pour prouver combien
elles sont conventionnelles. Souvent on n'arrive pas à les dé-
chiffrer si on n'a pas d'avance le mot de l'énigme. Ainsi, qui
serait capable de dire au juste quelle est la voix que les Mi-
lanais ont voulu imiter par qua quai On peut émettre des
suppositions plus ou moins probables. Mais il est absolument
impossible de donner à priori une réponse certaine. Les Mi-
lanais savent par tradition que qua qua imite non seulement
le coassement des grenouilles, mais aussi le croassement des
corbeaux. Ordinairement ces deux voix ne se confondent pas
dans une seule dénomination; en Suède, par exemple, les gre-
nouilles disent kvak kvak, les corneilles krax krax. Comme
nous connaissons toutes ces onomatopées dès la tendre en-
fance, elles sont si intimement liées aux animaux dont elles
sont censées imiter la voix et dont elles évoquent immédiate-
ment l'image qu'elles n'éveillent jamais la critique. Nous les
avons acceptées presque inconsciemment, et la question de
leur conformité avec le substratum naturel ne se présente pas.
16. On ne comprend pas, d'ordinaire, à quel point nous
sommes dupes de la tradition et esclaves de l'habitude: nous
n'observons pas nous-mêmes, nous entendons ce que nous
nous attendons à entendre pour y être préparés dès le temps
où nous commencions à parler. M. M. Grammont a excellem-
ment mis en lumière cette étrange paresse de l'esprit. Voici
une de ses expériences:
»Un soir que j'entendais un coucou répéter son chant mono-
tone, je priai un de mes amis de l'écouter avec attention et
2»
20
de me dire si c'était bien coucou qu'il entendait ou quelque
autre son. »Alors, me dit-il, tu voudrais que le coucou ne
fasse pas coucoul<^ — »Je ne veux rien du tout; écoute et dis-
moi ce que tu entends.* Au bout d'un instant, il me répondit
qu'il entendait bien coucou »à n'en pas douter« et qu'il trou-
vait d'ailleurs ma question assez saugrenue. » Saugrenue tant
que tu voudras; je prétends que tu n'entends que ou ou,
c'est-à-dire la même voyelle ou répétée deux fois avec une
légère différence d'intonation, mais aucune occlusive, aucun
c devant elle.« Après quelques minutes il était convaincu que
j'avais raison. « — Pour ma part, je suis aussi convaincu que
le cri n'est pas cou cou; mais je me demande s'il est vrai-
ment ou ou, je distingue dans le cri deux sons qui me
semblent assez différents. Passons maintenant à reproduire
une autre expérience, entreprise également par M. M. Gram-
mont: »Si l'on se met en face d'un balancier et qu'on l'écoute
en commençant au moment où il bat à gauche, on entend tic
tac, tic tac; si l'on cesse d'écouter, et que l'on recommence au
moment où il bat à droite, il semble que l'on doive entendre
tac tic, tac tic. Il n'en est rien: le balancier fait toujours tic
tac, tic tac, ce qui montre bien que par ce mot tic tac nous
ne reproduisons pas exactement le bruit du balancier; nous
croyons entendre tic tac parce que c'est là ce que nous nous
attendons à entendre, et si nous essayons de changer l'ordre
pour entendre tac tic, nous entendons encore tic tac parce
que la force de l'habitude domine les impressions de notre
oreille. «
17. Phonétique. Les onomatopées se composent de une, de
deux ou de plusieurs syllabes. Dans les onomatopées poly-
syllabes on observe une certaine harmonie phonétique pro-
cédant de la répétition rhytmique des phonèmes. Les con-
sonnes comme les voyelles se répètent de syllabe en syllabe:
cri cri, crin crin, cou cou, gtou glou, ronron, etc. A côté de
la répétition simple, on observe aussi, pour les voyelles, une
certaine altération harmonique: bredi breda, cahin caha, cric
crac, cric croc, pif paf pouf. La modulation vocalique est sou-
mise à certaines règles harmoniques qui ont fixé invariable-
ment l'ordre des voyelles; on dit flic flac, jamais flac flic.
Si l'onomatopée se compose de deux parties on a i-a, rare-
21
ment i-ou; si elle se compose de trois parties, on a i-a-ou.
Exemples:
1^ I — A: clic clac, cric crac, flic flac, fric frac, tic tac, hredi
hreda.
2^ I— O: cric croc, flic floc.
3^ I — A — OU : him bam boum, pif paf pouf.
Nous verrons que dans les refrains on a souvent une alter-
nance vocalique différente.
Remarque 1. En parlant de la phonétique des onomatopées, il faut con-
stater le fait curieux et pourtant très naturel que ces mots se soustraient
à tout développement phonétique (comp. I § 109 ss.); il persiste pendant des
siècles sans aucun changement. Cela tient à ce fait qu'ils se créent con-
stamment de nouveau, et en se renouvelant toujours, ils ne se renouvellent
jamais; il faut maintenir l'exactitude des onomatopées, toute imaginaire
qu'elle soit, et c'est pourquoi on les conserve pieusement et sans aucun
changement. Une évolution phonétique régulière finirait par les rendre mé-
connaissables et hors d'état de remplir leur rôle.
Remarque 2. Grimm (Deutsche Grammatik, F, 562) et après lui Diez
voient dans l'alternance vocalique i — a le résultat d'une influence des langues
germaniques. Cette hypothèse nous paraît impossible. Il est vrai que l'al-
ternance entre i et a dans les formules onomatopéiques est très générale
en allemand et dans les langues Scandinaves (comp. dan. bim bam , kling
klang, misk mask, vis vas, slidder sladder, etc.), mais il est impossible de
prouver que les Gallo-Romains, en se servant de ce procédé, ont imité les
Francs. L'hypothèse nous paraît aussi superflue; la création onomatopéique
à alternance vocalique est, semble-t-il, un phénomène linguistique si naturel
qu'il peut se produire spontanément partout. Ajoutons que notre phéno-
mène se retrouve dans d'autres langues romanes où l'influence germanique
est sensiblement moins grande qu'en français: prov. drin-dran, flist e flast,
frist e frast, gnic e gnac, trin-tran\ esp. chis-chas, zis-zas, tris-tras, nifi-nafe,
rifi-rafe; ii. ninna-nanna, liffe-taffe, tric-lrac, chiccheri e chiaccheri, et une foule
d'autres exemples dans les dialectes. Ce fait suffira presque seul pour dé-
montrer le peu de probabilité de l'hypothèse émise.
18. Le trait caractéristique des onomatopées, la répétition
à courte distance des mêmes phonèmes, parfois accompagnée
d'une modulation vocalique, se retrouve dans beaucoup de
formations qui, sans être proprement des onomatopées, sont
créées à leur modèle; citons comme exemples méli mélo, mie
mac. Nous constatons l'existence des mêmes particularités
phonétiques dans le langage des enfants et le langage hypo-
coristique (voir I, §§ 121, 509, i): bobo, dada, toutou, etc.
22
19. La sensation eurythmique provoquée par les phonèmes
répétés est souvent mise à profit par les poètes. Ils recourent,
pour produire certains effets, à la répétition de la consonne
ou de la syllabe initiale (I, § 510); au besoin, ils ont même
parfois altéré arbitrairement la forme du mot (I, § 509, 2).
Dans d'autres cas ils répètent la phrase avec quelques varia-
tions artistiquement choisies pour produire une harmonie imi-
tative. Voici deux refrains qui peignent le souffle du vent:
C'est le vent qui vole, qui frivole,
C'est le vent qui va frivolant.
(Rolland, Chansons populaires, 1, 252.)
C'est le vent qui va frétillant,
C'est le vent qui va, qui frétille,
C'est le vent qui va frétillant.
(Bujeaud I, 135.)
Remarque. Nous observons le même procédé dans le langage enfantin ou
plaisant. Exemple: Tout le monde m'appelait une rapporton et l'on chan-
tait à mes oreilles: ^Rapporti rapporta, Va t'en dire à notre chat Qu'il te
garde une place Pour le jour de ton trépas* (L. Perey, Histoire d'une grande
dame. Paris, 1903. Vol. I, 38). Citons aussi une chanson de vignerons qui se
chante dans le Hainaut. Elle commence ainsi :
De terre en vigne —
La voici la jolie vigne!
Vignî, vigna, vignons le vin —
La voici la jolie vigne à vin.
De vigne en branche —
La voici la jolie branche!
Branchi, brancha, branchons le vin —
La voici la jolie branche à vin.
20 Fonction. Sur l'emploi de la fonction des onomatopées
il faut noter les points suivants:
1^ L'onomatopée devient souvent un pur substantif et s'em-
ploie comme désignation de l'animal ou de l'objet en ques-
tion: Un bribri, un coucou, un coq, un teuf-teuf; voir § 31.
2^ L'onomatopée sert souvent à former des verbes: bou-
bouler, cacarder, chuinter, froufrouter, miauler, roucouler, etc.;
voir § 32.
3^ L'onomatopée peut s'employer comme interjection: chut,
couic, crac, han, hue.
23
4^ L'onomatopée s'emploie souvent comme refrain, surtout
des chansons populaires ; voir § 28 ss.
5^ L'onomatopée joue un rôle assez considérable dans le
langage enfantin.
21. Animaux. Dès l'antiquité on a fait des essais nombreux
pour imiter les voix des animaux, et les essais se répètent de
génération à génération. On imite surtout la voix des ani-
maux domestiques et des oiseaux chanteurs, mais tout ani-
mal, pourvu qu'il possède une voix expressive et particulière,
excite le besoin d'imitation de l'homme. On peut dire que les
voix d'animaux constituent le domaine où la formation ono-
matopéique joue le plus grand rôle. Ajoutons qu'il paraît
tellement naturel de désigner un animal par une imitation de
son cri ou de son chant, que dans beaucoup de cas l'animal
n'a pas d'autre nom. Citons bribri, coucou, courlis, cricri, frou-
frou, tritri, furlut, etc. ; il en est de même de plusieurs animaux
étrangers couagga, gecko, guit-guit, ouistiti.
22. Examinons maintenant quelques-unes des formations
onomatopéiques qui se rattachent aux animaux; nous donne-
rons à côté de l'onomatopée pure les différents dérivés aux-
quels elle a donné lieu.
Agneau (voir brebis).
Alouette. — Tirelire. Son cri est aussi désigné par le verbe
grisoler qui est probablement de nature onomatopéique.
Ane. — Hi hi hi, han han han (Testament de Vâne, Bujeaud
I, 63; cf. Mélusine II, 300); on trouve aussi hi-han, hin-han:
comp. La prose de VAne (XIII* siècle).
Bec-figue. — Tri-tri. Le cri désigne aussi Toiseau: un
tri-tri.
Brebis. — Français moderne bêh. Brunetto Latini remarque
que les brebis noires disent meh, les autres beh (Trésors,
p. 254). De bee on a tiré le verbe beeler, devenu bêler, bêler.
Bruant des haies. — Bribri; l'onomatopée désigne aussi
l'oiseau.
Caille. — Son cri est désigné par le verbe courcailler, d'où
le substantif courcaillet.
Canard (voir § 14), — Couin couin. On trouve aussi quand
quand (p. ex. dans le conte fantastique Bout de Canard).
24
Chat. — Miaou^ d'où miauler, et ronron, d'où ronronner.
Chien. — Vow\ vow. — Hou, hou, hou, je garde la porte
(Chanson). Un cri retentit: Ouap! C'est le petit chien Toto . . .
(A. France: Pierre Nozière p. 49). Dans Cyrano de Bergerac (I,
Se. 4, p. 34) M. Rostand fait pousser au public les cris sui-
vants: Hihan! Bêê! Ouah, ouah ! Cocorico. Dans un texte du
XVP siècle on trouve une forme nasalisée ouan, ouan (voir
Moyen de parvenir, chap. XC).
Chouette. — Son cri est exprimé par le verbe chuinter.
Colombe. — Roucou, d'où roucouler (l'explication de G. Don-
cieux dans la Romania 1899, p. 437 me paraît inacceptable) ;
on trouve dans la vieille langue rouconner, rencouller.
Coq, nom dû à une imitation du chant de l'oiseau. Comme
onomatopée on emploie ordinairement coquericot ou cocorico.
Dans l'ancienne langue on trouve aussi coquelicot (appliqué
maintenant à un pavot dont la fleur rouge rappelle la crête
du coq).
Corbeau. — Croa, croa, d'où croasser; on dit aussi, moins
fréquemment, croailler, crailler.
Corneille. — Son cri est désigné par le verbe croailler.
Courlis ou courlieu, noms dus à l'imitation du chant
de l'oiseau ; comme onomatopées on trouve aussi courleri,
courleret, courleru. L'oiseau s'appelle aussi turlut.
Dindon. — Glouglou, d'où glouglouter. Dans Le mission-
naire de Montrouge, Béranger imite la voix du dindon dans
le refrain: »Glous! glous! glous! glous! Reconnaissez la voix
d'Ignace: Pleurez et convertissez-vous. «
Farlouse. — Turlut; est aussi devenu le nom de l'oiseau.
Grenouille. — Coax! coax! ou coi! Le verbe correspon-
dant est coasser; A. Paré donne coaxer (comp. le latin coa-
xare). Quelques auteurs ont employé croasser, qui désigne
ordinairement le cri du corbeau. — Dans Le rossignol et la
grenouille. J. -B. Rousseau emploie le refrain: Brrke ke ke
kex koax koax (sans doute d'après Aristophane).
Grillon. — Cri cri (on écrit aussi cricri). L'onomatopée
désigne aussi l'insecte: un cri-cri.
Hibou. — Son cri est imité de plusieurs manières diffé-
rentes: boubou, houhou, hourougou, hourouhou, ugou, dugou,
dugo, ho ho, etc. De boubou on a tiré bouhouler ; de ho, hôler.
25
Loup. — Hou hou, faisait le loup (Daudet, La chèvre de
M. Seguin).
Moineau. — Guilleri
Mouche. — Zon zon (G. Grandmougin, La chanson des
mouches).
Oie. — Son cri est exprimé par le verbe cacarder.
Oiseau-mouche. — Frou frou. Désigne aussi l'animal.
Poule. — Son gloussement au moment de pondre est ex-
primé par caqueter ou creteler.
Ramage des oiseaux. Cui! cui! Tiou! Ré! Toti! Cui! Oui,
oui! (P. et V. Margueritte, Zette, p. 104).
Rossignol. — Au moyen âge on imite le chant mélodieux
et mélancolique du rossignol par oci (ou occï): Quant j'oi
chanter à mes oreilles Le roussignol oci, oci (Meraugis). Pour
d'autres exemples, voir Godefroy. Cette onomatopée très dure
et très peu satisfaisante ne se trouve pas après la Renaissance.
Dans une chanson moderne on trouve ii ou ti ti ou d ti ou
ti ti.
Serinette, s'appelle aussi turlutaine, dérivé de l'onomato-
pée turlut.
Souris. — Son cri est désigné par le verbe guiorer.
Vache. — Meuh; cette onomatopée se retrouve probable-
ment dans le verbe meugler, altération de beugler; on trouve
aussi moû!
Dans Le Déluge, Xanrof (I, § 81) a réuni un certain nombre
de voix d'animaux:
Et tous les animaux ravis
Poussaient de grands cris ahuris:
Hi-han, miaou, cocorico,
Ouaf-ouaf, meii-meu, bé-bé, couin-couin.
N'y avait que les poissons
Qui ne disaient rien.
23. On interprète souvent le chant des oiseaux de diffé-
rentes manières; on croit y entendre des mots intelligibles,
même des phrases entières qu'on transpose en des dictons
populaires, et les oiseaux arrivent ainsi à donner aux hommes
des conseils de conduite, de morale, d'économie, etc. Voici
quelques faits recueillis par M. P. Sébillot: »En Wallonie on
26
interprète de la même manière le chant de la mésange char-
bonnière: Si si deu (bis), Pây tè dèt' Si tu deii. Dans le Midi
l'alouette dit: Que te fa fali (fais-lui ce qu'il te fait). Le cor-
beau qui est carnassier, exprime cyniquement sa voracité;
plusieurs formulettes méridionales se rapprochent de celle-ci
usitée en Auvergne: Couac! couac! couac! Vole de la car!
Couac! couac! (je veux de la chair); aux environs de Rennes,
il répète: Cadavre! cadavre! (Folklore de la France. Paris,
1906, p. 260). Sur les grenouilles M. Sébillot (z/?., p. 260) ob-
serve: »0n sait qu'un chœur de grenouilles figure dans la
comédie athénienne qui porte leur nom; il est fort possible
que l'idée en ait été suggérée à Aristophane par une inter-
prétation populaire de leur coassement, apparentée à celles
qui sont usitées en plusieurs pays. Parfois c'est une petite
saynète où le dialogue s'engage entre un coryphée et une
sorte de chœur. Dans le pays fougerais, la première grenouille
qu'on entend le soir est la reine et elle dit aux autres:
Qu'est-ce qui lavera
L'écuelle du roi?
Alors toutes de répondre:
Ça n'est pas ma,
Ni ma, ni ma, etc.
Jusqu'à ce quelles soient endormies l'une après l'autre, alors
leur prière est finie. A Genève, on traduit ainsi leur coasse-
ment:
Le roi
est allé —
Où! Où!
A Cognac!^
24. Instruments de musique, armes, etc. Dans ce domaine
les onomatopées sont moins nombreuses. Comme les bruits
et les sons dont il s'agit ici sont ordinairement plus difficiles
à imiter que les voix d'animaux, on se contente généralement
d'approximations assez peu satisfaisantes.
Canon. — Poum poum. On trouve dans la vieille littéra-
ture petouf (Farce des trois Galants v. 96).
Clarinette. — Trum (Th. de Banville, Odes funambu-
lesques, p. 99).
27
Cloche. — Bim ham boum. Din dom, din dom ou din don,
din don. Rappelons un vers de Béranger: Digue, digue, dig,
din, dig, din, don (Le carillonneur).
Cor de chasse. — Trantran ou traintrain. Au XVP siècle
on avait le verbe trantraner.
Fusil. — Pan pan! Pif paf. Le pif paf pouf des balles
(Scribe, Les Huguenots).
Sonnette ou timbre. — Bing bing. Exemple: Il n'y a que
lui pour faire vibrer le timbre de sa porte, — bing . . . bing,
deux coups rapides (G. Droz, Entre nous, p. 242). Drelin drelin,
d'oii derliner (comp. I, § 518): La cloche derlinait à toute
volée (Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 75). Drelin dindin. Tin-
tin (ib., p. 89). E. Pasquier parle du tintin de la cloche que
les enfants appellent dindan (Recherches de la France, VIII,
chap. 6).
Tambour. — Rataplan, rataplan, ou planplan. Un petit
tambour qui fait planplan (Chanson enfantine). On trouve
aussi ran tan plan (Nisard, Chansons populaires II, 168) ou
ran plan plan (Daudet, Nostalgie de caserne); tarare et boum-
boum. E. Pasquier cite le palalalalan des tambours (Recherches
de la France, VIII, chap. 6).
Triangle. — Ktsin (Th. de Banville, Odes funambulesques,
p. 96).
Trompette. — Ratata! ratata ou tatarata. Tarata! (Dau-
det, Tartarin de Tarascon). Une belle petite trompi-trompette
qui fait trara déri dérette (Chanson enfantine).
Violon. — Les sons du violon sont reproduits de beau-
coup de manières très différentes. On trouve crin crin, d'où:
un crincrin pour un mauvais violon, flon flon, zon zon, zig zig.
Voici un exemple de cette dernière onomatopée qui se trouve
dans le texte de H. Cazalis pour la Danse macabre de Saint-
Saëns :
Zig et Zig et Zig, la Mort en cadence
Frappant une tombe avec un talon,
La mort à minuit joue un air de danse,
Zig et Zig et Zig, sur un violon, etc.
Violoncelle. — Vzrumz (Th. de Banville, Odes funambu-
lesques, p. 97).
28
Voici pour finir le premier couplet d'un vieux noël lyon-
nais où sont représentés et imités les sons de plusieurs in-
struments:
La musette quine,
Hautbois font nana,
Tarantant la buccine
La viole zon za,
Fan fan la trompette,
Frin frin le rebec;
Tiirlu dit la flûte,
Toutou le cornet.
25. Nous donnerons ici par ordre [alphabétique diverses
autres imitations.
eu cla clo clou imite le gazouillement de l'eau d'un petit
ruisseau passant sur des cailloux.
Clic clac. Exemple: Le clic-clac de ses gifles (Huysmans,
Les sœurs Vatard, p. 140).
Crac exprime le bruit sec que font les corps durs se rom-
pant ou s'entrechoquant. Dérivés: craquer, craqueler, craqueter.
Cric exprime le bruit d'une chose qu'on déchire.
Cric crac peint le bruit sec d'une chose qui se rompt ou se
déchire.
Croc exprime le bruit que fait une chose qui se brise sous
la dent, sous le pied.
Flic flac exprime le claquement d'un fouet et le bruit de
soufflets donnés.
Fric frac imite le bruit d'une chose qui se déchire. S'em-
ploie aussi dans quelques locutions : ne trouver ni fric ni frac
(rien à manger). Il n'y a ni fric ni frac. Dans l'argot des
cambrioleurs fric frac désigne l'art d'ouvrir les portes.
Frinc frinc imite le son que produit un trousseau de clefs
qu'on agite. Exemple: »M. Viot ne prononça pas de discours,
mais ses clefs, frinc frinc frinc, parlèrent pour lui d'une façon
si terrible, frinc frinc frinc, si menaçante que toutes les têtes se
cachèrent«, etc. (Daudet, Le petit Chose, p. 61).
Frou frou exprime le froissement des feuilles et surtout de
la soie. Halévy a personnifié cette onomatopée dans une pièce
très connue, Froufrou (1869).
Glou glou imite le bruit que produit le vin sortant du col
29
d'une bouteille. On se rappelle les vers du Médecin malgré lui
(I, se. 6):
Qu'ils sont doux,
Bouteille jolie,
Qu'ils sont doux
Vos petits glous-gloiis.
Pan pan exprime soit le bruit occasionné par un corps qui
tombe subitement ou frappe sur un autre corps, soit le bruit
de quelque chose qui éclate. On frappe à la porte: pan pan;
on tire un coup de fusil : pan pan ; on débouche une bouteille
de Champagne, et le bouchon fait pan pan.
Pim peint le bruit d'un marteau frappant sur l'enclume.
Plie ploc plac imite le bruit de la pluie. Exemple: Il tomb'
de l'eau, plic^ ploc, plac, Il tomb' de l'eau plein mon sac.
(Richepin, Chanson des gueux, p. 22).
Tac imite le bruit du fer qui vient choquer le fer. S'em-
ploie comme substantif: Parade du tac, riposter du tac au tac.
Tac tac imite la répétition uniforme d'un bruit sec: le tac
tac d'un moulin; d'où taqueter. J'entends le moulin tique tique
taque J'entends le moulin taqueter. (Rolland, Chansons popu-
laires, I, 79.)
Teuf teuf — le bruit que fait une automobile, d'où le subs-
tantif: un teuf-teuf.
Tic tac imite le bruit d'une horloge ou d'un moulin.
Toc toc exprime un bruit, un choc sourd; on frappe à la
porte: toc toc.
Trictrac exprime le bruit des choses qui se heurtent.
26. Interjections. Beaucoup d'interjections, surtout celles
qui expriment la douleur, la surprise, le dégoût, sont d'origine
onomatopéique; elles reproduisent souvent assez fidèlement
le bruit naturel qui accompagne la sensation en question
(comp. § 631—632):
Aïe exprime la douleur; nous retrouvons probablement cette
interjection dans le substantif aï, nom d'une maladie.
Bouf, forme originaire probable de bouffer.
Brrou. Exemple: Désirée avait des frissons dans le dos,
brrou! ça devait être -froid (Huysmans, Les sœurs Vatard,
p. 86).
30
Couic. — Dès que le rat a goûté l'exquise substance [la
mort aux rats]: couic! (P. et V. Margueritte, Zette. p. 144).
Cric crac. — Les situations s'engagent, se dégagent, se ren-
gagent, cric^ crac, sans que les personnages aient pu seule-
ment prendre le temps de s'asseoir. (P. Hervieu, Peints par
eux-mêmes, p. 116).
Han, cri des gens qui font effort.
Haro, exclamation pour appeler à l'aide. Tel est l'emploi
primitif de ce mot dont la langue moderne fait un autre
usage.
Hi hi imite les pleurnichements et les ricanements des en-
fants; appartient surtout au langage familier.
Houp, cri pour appeler ou exciter un chien, un cheval; d'où
houper.
Ouich. Exemple: J'étais passée dans sa chambre à coucher,
comptant bien qu'il me suivrait pour m'aider, ah! bien ouich!
(Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 149).
Patati patata exprime un babil insignifiant et ennuyeux: Il
entre et soudain dit: Prêchi! prêcha! — Et patati, et patata.
Prêtons bien l'oreille à ce discours-là. (Déranger, Le juge de
Charenton).
Patatras, peint le bruit que fait un corps qui tombe.
Plouf. — Se sentir mourir, et ressusciter soudain, à la der-
nière seconde, quand, plouf! l'air brusquement vous rentre
dans le corps (P. et V. Margueritte, Zette, p. 238).
Tproupt. — Si ne pot pas atemprer s'ire, Ainz dist al mes-
sagier : ^Tproupt, sirei« (Ambroise, Guerre sainte, v. 1466).
Cette exclamation d'injure et de mépris est qualifiée dans le
poème cité (v. 1471) de »mot huntus«.
Vlop. — Turc, lui, est sociable, trop familier même, quand
il avale, vlop! d'un coup de gueule le morceau de pain qu'on
lui offre (P. et V. Margueritte, Zette, p. 134).
Zest, zeste ou zist s'emploie pour marquer que quelque chose
s'est fait lestement ou pour rejeter ce dont il est question:
zest, me voilà rendu; il se vante de cela, zest.
Zut. Exemple : Ah zut pour leur bière au vinaigre et vive le
vinl (Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 162).
27. Cris de chasse. La langue des chasseurs offre beaucoup
d'interjections qui sont souvent difficiles à expliquer; plusieurs
31
d'entre elles sont indubitablement d'origine onomatopéique.
Exemples:
Ça-va la-haut, cri par lequel on excite les chiens.
Hallali, cri que pousse le chasseur pour exciter les chiens.
Hourvari.
Hoye, cri destiné à poursuivre le héron (Eust. Deschamps,
Œuvres, IV, 320).
Taïaut, cri pour lancer les chiens après la bête. C'est par
ce cri que fut accueilli le convoi funèbre de Louis XV (Mau-
gras, Le duc de Lauzun, p. 433).
Velci aller, mot adressé au chien pour l'obliger à suivre les
voies d'une bête.
Velci-revasi (voi-le-ci, revas-y), se crie quand un cerf ruse et
revient dans ses mêmes voies.
28 Refrains. Des réunions arbitraires de syllabes présentant
le plus souvent un caractère onomatopéique s'emploient beau-
coup dans les refrains. Ces refrains sont tantôt vides de sens,
tantôt imitatifs.
Remarque. Dans plusieurs cas le refrain peut devenir un substantif et
prendre le sens de > refrain*. Tel est le cas de faridondaine, flonflon, lan-
turelu, turelure, virelai (de vireli, sous l'influence de lai). On trouve de même
dans la vieille langue un dorenlot Citons enfin mirliton qui parait aussi être
un ancien refrain.
29. Refrains vides de sens. — Ces refrains ont tous un
caractère euphonique très prononcé; grâce à la répétition har-
monique des sons, ils sont faciles à chanter et faciles à re-
tenir. Plusieurs d'entre eux reviennent dans toutes les langues.
Ils s'emploient surtout dans la poésie populaire.
Exemples : La la. Tra la la. Tra déri déra. Laire la, laire lan
laire; laire la; laire lan la; Ion Ion laire, Ion Ion la. Landeri-
rette lande riri. Lon lan la derirette Ion la deriri. O gué Ion la
lanière. 0 reguingué o lon lan la. Et ron ron ron petipatapon.
Palatin patatan, tarabin taraban. La farira dondaine, la farira
dondé. Mirliton, mirlitaine.
30. Refrains imitatifs. Ces refrains sont très employés
dans la poésie lyrique bachique et burlesque. On crée des
32
refrains qui imitent les instruments de musique, le chant des
oiseaux et les bruits qui accompagnent une bacchanale.
P Instruments de musique. Les refrains qui imitent le
son des instruments sont très employés. En voici quelques
exemples:
Biniou. — Bohino pinpin. Pin bobino bino bino binai (Rol-
land, I, 64).
Cor de chasse (cf. § 24). — La tridenne dondenne. La tri-
denne dondon (Bartsch, II, 30). Tra vadelaritandenne. Tra vate-
laritondon {ib., II, 44).
Ces imitations sont médiévales; en voici une plus moderne:
Du cor n'entends-tu pas le son? Tonton, tonton, tontaine, ion-
ton (Béranger, La double chasse).
Musette. — Civalala duri duriaus. Civalala durette.
Violon (cf. § 24). — Flon flon flon, tarira dondaine, Flon
flon, tarira dondon. On emploie aussi zig avec des variations:
En revenant de Bordeaux
La belle zigue, zigue,
La belle zigue zon,
De Bordeaux à la Rochelle
Zigue, zon zaine, etc.
Voici pour finir quelques refrains prétendant imiter le bruit
de tout un orchestre.
Boum! malaizim! malatzim malatzim! zim! ...
Ta ra ta ta pan ! ta pan ! ta pan !
Boum malatzim! malatzim malatzim! zim!
Ta ra ta pan ta prum ! ta prum ! ta prum!
(Sai'repont, Cliansons militaires de la France, p. 71).
Sonnez, trompette, en avant la musique,
Dzing boum boum,
Dzing boum boum,
Dzing malatapoum.
Remarque. On crée parfois des refrains en transformant le nom de l'ins-
trument en question. En voici un exemple tiré d'une chanson napolitaine
moderne de Paris (Paroles et musique de Marinier).
Sous ton balcon, ô ma divine,
Je viens te chanter en passant
Aux accords de ma mandoline
La joyeuse chanson de mon amour naissant.
Refrain: Mandoli, mandoli, mandata,
etc.
33
2^ Voix d'animaux. Des refrains formés sur les voix d'ani-
maux sont fréquents dans la vieille poésie lyrique. En voici
un exemple tiré des poésies de Froissart. Le poète demande
pourquoi on aime tant le chant du rossignol et il répond:
Pour ce qu'il est jolis et amoureus,
Et dist: Oci, oci, joieus, joieus,
Fui de ci, fui! Tout mi est bon, dur et mol.
Une chanson populaire très répandue, L'alouette et le pinson,
a pour refrain :
L'alouette fit: Falurette,
Le pinson fit: Faluron.
(Puymaigre, Chansons populaires, II, 79).
La poésie moderne emploie de ces refrains surtout dans le
genre comique :
Mia-mia-ou! Que veut Minette?
Mia-mia-ou! c'est un matou.
(Béranger, La chatte.)
Co, co, coquérico.
France, remets ton shako.
Coquérico, coquérico.
(Béranger, Notre coq.)
3^ Chansons à boire. Dans les refrains qui accompagnent
ces chansons, on cherche souvent à imiter le bruit qui se pro-
duit quand on débouche une bouteille, quand on verse le vin
et qu'on le boit, quand on choque les verres et les cruches,
etc. Exemples: Tru, tru, trut. Dihhedibhedon. Cli clo cla clou,
eu clo cla la tirette la liron. Glou glou (§ 25). Pon pon pon.
Pan pan pan. Tin tin. Trinquons, et toc, et tin, tin, tin!
Jean, tu bois depuis le matin (Béranger, L'ivrogne et sa
femme).
31. Noms. A côté des onomatopées substantifiées telles que
cricri, crincrin, coucou, mirliton, turelure, etc., dont nous avons
déjà parlé, il faut nommer les suivantes: Du bric-à-brac, du
brouhaha, un cliquetis, un ou plutôt une gnangnan, un haha,
une haha, un méli-mélo, un mic-mac, un patapouf, un patatras,
un trantran, un zigzag, etc.
Rappelons aussi le mot you-you, dont voici un exemple de
Guy de Maupassant. Il écrit: Le yacht s'incline portant toute
sa toile et court suivi toujours du you-you dont l'amarre est
3
34
tendue (Sur l'eau, p. 26). Ainsi ijou-ijou signifie ,yole^ et imite
probablement par ces phonèmes le clapotis de l'eau contre
les bords du bateau.
32. Verbes. Aux exemples déjà cités, tels que croasser, der-
liner, hôîer, roucouler, etc. il faut ajouter les suivants: bahillery
barboter^ caqueter, chuchoter, claquer y vfr. cliquer, cliqueter, cra-
quer, croquer, criquer, crisser, flaquer, frétiller, gargouiller, hale-
ter, hennir, Imcher, japper, papoter, ronfler, tinter, zézayer.
33. Particules. Un petit nombre de formations onomato-
péiques s'emploient comme adverbes ou interjections. Ex-
emples:
Bredi-breda. — Raconter quelque chose bredi-breda, c. à d.
en embrouillant tout par trop de précipitation.
Buf-baf. Si je dy nuf elle dit naf, Si je dy buf elle dit baf
(Montaiglon, Recueil de poésies françaises, II, 189).
Cahin-caha, tant bien que mal, avec peine. — Il se porte
cahin-caha. L'affaire va cahin-caha. Un fiacre allait trottinant
Cahin-caha, Hudia, hopla! (Xanrof, Chansons sans gêne, p. 61).
L'étymologie proposée par le Dictionnaire Général (qua hinc,
qua hac) est inacceptable.
Couci-couci, comme-ci, comme-ça, entre les deux; emprunté
de rit. cosî cosî. On trouve aussi une forme populaire avec
alternance vocalique: couci-couça.
Dare dare, en grande hâte — venir dare dare, faire quelque
chose dare dare.
Ric-à-rac. — Payer ric-à-rac, c. à d. avec une exactitude
scrupuleuse. Cette formule est une variation moderne de ric-
à-ric, comme on disait au moyen âge.
Remarque. Pour les exemples cités dans les paragraphes précédents, nous
nous sommes tenu, en règle générale, à la langue littéraire. Un examen
méthodique et détaillé des patois et des argots donnerait une moisson bien
plus riche. C'est surtout dans le parler populaire que se développent libre-
ment les créations onomatopéiques, qui, grâce à leurs qualités phonétiques,
prêtent à la langue une certaine grâce alerte et une sonorité pittoresque.
LIVRE DEUXIÈME.
DÉRIVATION SUFFIXALE.
CHAPITRE I.
REMARQUES PRÉLIMINAIRES.
34. La dérivation propre se fait à l'aide de suffixes. Les
suffixes sont des syllabes spéciales qu'on peut détacher des
mots dans lesquels ils se trouvent, pour les joindre à d'autres
mots. C'est ainsi qu'à l'aide de la terminaison de artiste, évan-
géliste, juriste, etc. on a créé les mots nouveaux bouquiniste,
dreyfusiste, kneippiste, verlainiste, automobiliste.
Remarque. Nous appellerons suffixe, non seulement toute terminaison
détachable et capable de se joindre à un autre mot, mais aussi toute ter-
minaison qui se modèle sur un vrai suffixe étymologique; nous plaçons
ainsi boyard sous -ard (§ 352) et sérail sous -ail (§ 154), bien qu'il ne soit
pas possible de décomposer aucun de ces mots en un radical et un suffixe.
35. Soudure. Généralement les suffixes n'ont pas d'existence
propre; ils ne vivent que joints à un mot. Dans quelques cas
extrêmement rares le suffixe peut pourtant s'affranchir et
devenir un nom commun. Ce phénomène n'est représenté en
français que par le seule suffixe -ana; on peut dire: un ana,
un recueil danas (comp. en italien: quanto siete accio; on peut
même fortifier ce substantif-suffixe: egli è acciaccio).
Haplologie. Ce phénomène ne s'observe qu'avec -ième; on
peut dire : la langue des douze et treizième siècles. Nous avons
déjà étudié ce phénomène II, § 495, Rem.
3*
36
36. Emploi. Le suffixe s'ajoute à un radical nominal ou
verbal pour en modifier la signification par l'idée secondaire
qui lui est propre (A. Darmesteter). Exemples:
Rose — rosette, rosier^ roseraie, rosir (§ 430);
siffler — sifflable, sifflement, sifflet, siffleur, siffloter;
rouler — roulade, roulement, roulette, routeur, routier, rouloir,
roulon, roulure.
Remarque. Dans notre exposé des suffixes nous partons du français, non
du latin. C'est pourquoi nous donnons des suffixes comme -able, -iment,
-itude, etc. au lieu de -ble, -ment, -tude, comme l'exigerait le latin et comme
le donnent plusieurs grammaires.
37. Vie. Les suffixes qu'on rencontre dans la langue actuelle
sont vivants ou morts.
1^ Les suffixes vivants sont seuls en état de produire des
mots nouveaux; des créations modernes comme boycottage,
communard, rosserie nous montrent que -âge, -ard, -erie sont
des suffixes vivants.
2^ Les suffixes morts sont ceux qui ne sont plus en état de
produire des mots nouveaux. Maladie a été tiré de malade,
mais -ie n'est plus détachable, un dérivé comme cocassie est
impossible, de cocasse on ne peut tirer que cocasserie.
38. Suffixes vivants. Pour qu'un suffixe soit vivant et pro-
ductif il faut surtout qu'il présente une idée nette à l'esprit.
Mais, comme nous verrons, cette condition ne suffit pas. Un
suffixe peut être parfaitement reconnaissable sans être pro-
ductif. La question est parfois assez compliquée comme le
montrera l'exposé suivant :
P Dans discutable, le radical et le suffixe se détachent assez
clairement; le mot se présente pour tout le monde comme un
dérivé suffîxal: discut(er) -}- able. La terminaison ajoutée au
radical provoque l'idée d'une possibilité passive (ce qui peut
être discuté) ; donc -able est senti comme un élément essentiel
et significatif du mot; c'est un suffixe vivant.
Remarque. La dérivation suffixale est pléonastique dans quelques mots
qui contiennent en eux-mêmes, à l'état simple, la même idée qu'exprime le
suffixe. Citons comme exemples les vieilles formes hontage et tenebrour où
l'emploi des suffixes est superflu: ils servent tout au plus à renforcer le
sens abstrait déjà contenu dans honte et ténèbre. C'est l'analogie de mots
tels que corage, claror, etc. qui s'est fait valoir.
37
2^ Un suffixe peut très bien être vivant dans un mot sans
être productif. Dans feuillage et plumage tout le monde recon-
naît le suffixe -âge, comme dans passage, lavage, tirage; cepen-
dant le -âge des premiers mots, qui a un sens collectif, n'est
plus productif: on ne forme plus de mots nouveaux en ajou-
tant -âge à des substantifs; il ne s'ajoute dans la langue mo-
derne qu'à des verbes. Donc le type de dérivation représenté
par feuille— feuillage est mort (il serait absolument impossible
de tirer un fleurage de fleur), mais celui de passer — passage
est resté vivant et productif: boycotter — boycottage, lyncher
— lynchage. Le néologisme cuivrage a le sens de ,action de
cuivrer'; s'il eût été formé au moyen âge il aurait pu signi-
fier ,un tas de cuivre* (comp. branchage, réunion de branches).
39. Suffixes morts. P Ordinairement les suffixes morts ne
présentent pas d'idée nette à l'esprit. Dans Champagne, par
exemple, il y a unité d'image: le mot quoique dérivé est re-
gardé comme un mot simple; aucun sens spécial ne s'attache
à -agne, qui est un élément pétrifié.
2^ Un suffixe peut être parfaitement reconnaissable et pré-
senter une idée nette à l'esprit sans être productif Rappelons
par exemple -ain dans des mots tels que romain, avignonain,
toulousain; nul doute sur l'origine de ces mots, sur leur rap-
port avec les noms des villes en question, ni sur leur valeur
comme gentilices grâce au suffixe -ain; et pourtant, malgré
tout, ce suffixe n'est plus capable de produire, il a été sup-
planté par -ien (-ais, ois); de Transvaal on ne tirera que trans-
vaalien.
3^ Un suffixe peut très bien être mort dans un mot et vi-
vant dans un autre. Dans renardeau, serpenteau, éléphanteau,
le suffixe diminutif -eau est facilement reconnaissable; il s'est
évanoui dans corbeau, taureau dont les primitifs corp, tor ont
disparu.
40. Division. Les suffixes se divisent en deux grands groupes
selon qu'ils désignent des noms ou des verbes.
P Suffixes nominaux. Ces suffixes sont les plus nombreux.
Citons comme exemples quelques dérivés de feuille et de
feuiller: feuill-age, feuill-aison , feuill-ard, feuill-ée, feuill-eret^
feuill-et, feuill-ette, feuill-u, feuill-ure.
38
2^ Suffixes verbaux. La dérivation verbale ne présente pas
beaucoup de variété; citons feuille — feuill-er, larme — larm-oyer,
fendre — fend-iller, vivre — viv-oter, blanc - blanch-ir, rose — ros-ir,
etc.
41. Mots composés. Les suffixes s'ajoutent généralement à
un mot simple. A côlé ôejourn (jour) on avait au moyen âge
journe, journée, journel, journelle, journet, journeus, journoyer,
etc.; mais dès les plus anciens textes on trouve des exemples
qui montrent qu'on a ajouté des suftixes à des groupes de
mots, le pain quotidien s'appelait ainsi le pain chaskejournal.
Ce procédé peu commun dans l'ancienne langue comme dans
la langue littéraire de nos jours, est devenu assez général dans
l'argot et le parler populaire moderne.
42. Exemples de dérivés de noms composés appartenant à
l'ancien français:
De bon aire (disposition). — Debonairie, debonaireté, debon-
airement, adebonairir.
De put aire. — Deputaireté, deputairement.
Fai tart (devenu fêtard). — Fetardie (nonchalance), fetardise,
fetardité, fetarder.
Mal aise. — Malaisance, malaiseté, malaisible, malaisif mal-
aisier.
Mal engin. — Malengeigneux.
Mil sous. — Milsoudier.
Pelle mesle. — Pellemeslange, pellemesler.
Pot d'estain. — Potdestainier.
Prin saut. — Prinsautier.
Sanc mesler. — Sancmesleure, sancmeslison.
43. Les exemples de dérivés de noms composés qu'offre le
français moderne sont aussi peu nombreux. En voici quelques-
uns:
Basse-courier — basse- courière, homme, femme chargée du soin
de la basse-cour.
Blancheœuvrier, dérivé de blancheœuvre, nom donné autrefois
aux outils tranchants.
Charcutier, pour charcuitier ou chaircuitier, dérivé de char
(chair) cuite.
39
Court- bouillonné, dérivé de court-bouillon.
Demi'Ceintier, dérivé de demi-ceint.
Garde-robier, dérivé de garde-robe.
Grand-ducal, dérivé de grand duc.
Pain-d'épicier, dérivé de pain d'épices.
Pourcentage, dérivé de pour-cent.
Tire-bouchonner (P. et V. Margueritte, Zette, p. 12), tirebouchon-
nesque, dérivés de tire-bouchon.
Remarque 1. Dans quelques cas isolés on ajoute le suffixe au prenniier
terme du mot composé; ainsi de conseil général, conseil municipal on forme
conseiller général, conseiller municipal, en tirant du substantif le dérivé qui
lui est propre. Une formation comme conseil-généralier n'existe pas et serait
intolérable.
Remarque 2. Dans les mots composés où entre un adjectif au féminin, le
changement de sens qu'amène l'addition du suffixe, peut parfois amener un
changement du genre de l'adjectif. Exemples : Basse justice, d'où basjusticier
(comp. basse-courier) ; fausse-monnaie, d'oh faux-monnayeur; Franche- Comté,
d'où franc-comtois; tout-puissant, d'où toute-puissance.
Remarque 3. Pour la flexion des dérivés des mots composés, il faut re-
marquer que la première partie du mot est ordinairement laissée invariable:
Des propriétés grand-ducales (II, § 334, Cas isolés), des courte-pointiers (II,
§ 329, Rem.), etc.
44. Nous allons donner par ordre alphabétique un certain
nombre de dérivés de noms composés dont la plupart ap-
partiennent au langage plus ou moins argotique des journalistes
ou des politiques; plusieurs des mots cités n'ont eu qu'une
existence éphémère; d'autres au contraire, plus viables, fini-
ront par entrer dans la langue littéraire ou sont déjà en train
d'y prendre pied:
Arc-en-cielé (Daudet, Numa Roumestan, p. 263). Basbleuisme.
Beaupérisme, mot inventé à l'occasion du président Grévy et
de son gendre. Bonbockeur. Bondieusard, bondieuserie, bondieu-
tisme. Bongarçonnisme. Centre-droitier. Centre-gaucher. Champ-
de-marsiste. Chatnoiresque, chatnoirisme, chatnoiriste , dérivés de
Chat noir., nom d'un fameux café artistique de Montmartre.
Compte-renduer {Revue critique, 1903, II, p. 451). Dix-septième-
siècliste {ib., 1903, I, p. 194). Eaubénitier ; seaubéniter, employé
par Scarron dans le Virgile travesti. Enfanttrouver. Engrandeuillé
(cf. Revue critique, 1905, I, 303). Entr'actiste. État-majoriste. Ex-
trême-oriental. Fait-diversier, fait-diversiste. Feu-d'artificer. Fond-
secrétier (O. Mirbeau, Le jardin des supplices, p. 40). Fortengueul-
40
isme. Gar dénationaliser. Gendelettrerie. Gransiécliser (J. Vallès).
Henriqiiinquiste. Jemenfichisme. Jemenmoquiste. Jourdelanesque.
Jusquauboutien. Dans l'ordre du jour qu'adressait Mac-Mahon
à l'armée, le 9 juillet 1877, se trouvait la phrase: J'irai jusqu'au
bout. Les journaux qui soutenaient la politique du maréchal
s'appelaient ironiquement jusquau-boutiens. Libre- échangiste.
Librepenser. Longcourier (G. de Maupassant, Pierre et Jean,
p. 10). Louisquatorzesque. Moyenâgeux. Nature-mortier^ nature-
mortiste. Nimportequisme. Ordredujourier. Ordremoralien (un
journal o., c. à d. conservateur). Piedplatisme (J. Barbey d'Aure-
villy). Pleinairiste. Pourcentage. Quatre-vingt-neuviste (Mercier,
Néologie, 1801). Rive-gaucher (Donos, Paul Verlaine intime,
p. 160). Rudanier. Sacrécœurer: Mais on était chouette en
c'temps-là. On n'sacrécœurait pas sur la Butt' déserte (Bruant,
Dans la rue, p. 169). Seize-mayeux, sobriquet donné aux fonc-
tionnaires nommés après le 16 mai, aux partisans de la poli-
tique réactionnaire du 16 mai 1877, qui amena un mois après
la dissolution de la Chambre. Terreneuvien. Toureiffelien. Vers-
libriste. Vert-de-grisé.
Remarque. Pour des raisons pratiques, nous avons suivi l'ordre alpha-
bétique, le classement méthodique des dérivés cités offrant beaucoup de
difficultés. On pourrait peut-être proposer les quatre classes suivantes:
1" Termes archaïques, comme rudanier, employé encore au XYII^ siècle.
2° Créations individuelles, non-viable comme arc-en-cielé. S*' Créations éphé-
mères, nées de circonstances politiques ou littéraires, et qui n'ont de chance
de reparaître que si des circonstances semblables se représentent: beau-
périsme, jusquauboutien, chatnoirisme. 4® Mots viables et couramment em-
ployés: extrême-oriental, moyennageux (ou moyenâgeux).
CHAPITRE II.
SORT DU MOT PRIMITIF.
45. Les suffixes s'ajoutent au mot primitif sans que celui-ci
change: fainéant — fainéantise, journal— journalisme: mais il ar-
rive aussi que le mot primitif subisse différents changements;
ils affectent:
1^ La voyelle radicale du primitif, qui peut se changer: poil
— pelage^ panier — panerée, etc. ; voir § 46 ss.
2^ La voyelle finale, qui peut tomber: Sahara— saharien;
voir § 64 ss.
3^ La consonne finale, qui peut se changer: arc — archet;
voir § 69 ss.
4* La terminaison, qui peut disparaître : marmot — marmaille^
ou être confondue avec une autre: tabac —tabatière; voir § 78 ss.
et § 84 ss.
5^ L'orthographe: arc — arquet, dalle — dalot, etc.; voir § 105.
Remarque. Nous faisons observer une fois pour toutes que dans les mots
que nous allons mettre en regard comme primitifs et dérivés il ne s'agit
pas toujours d'une dérivation directe, mais bien de deux mots du même
radical qui sont dans un rapport quelconque de dérivation. On trouvera
dans les pages suivantes des groupes tels que journal— journalisme, poil —
pelage, vfr. chasiel - chastelains ; chacun de ces trois groupes demande en effet
une explication particulière. Journalisme est tiré directement de journal,
c'est le cas le plus simple. Pelage ne vient pas de poil mais bien d'une
forme vulgaire *pilaticum tiré de pilum, d'où poil. Enfin, chastelains est
probablement tiré directement de chasiel, mais il peut aussi remonter à
castellanus. Il faut également comprendre beaucoup des autres indications
suivantes »cum grano salis«. Ordinairement nous ne donnons qu'une seule
explication des phénomènes étudiés, mais nous faisons remarquer ici qu'assez
souvent ils en comportent plusieurs. Ainsi, pour expliquer lendemaintiste
(§ 89, i) nous rappelons que les dérivés des mots en [ — ej présentent sou-
42
vent un /; saint — sainte, sainteté; mais il est clair que la forme s'explique
aussi à l'aide de groupes tels que dent— dentiste, flûte — flûtiste, art — artiste,
et que nous sommes en présence d'un simple emploi du suffixe élargi
— tisie.
A. APOPHONIE.
46. Ce phénomène, dont nous avons déjà parlé (I, § 297
— 302) dépend du déplacement de l'accent. Nous allons cons-
tater pour la dérivation, comme nous l'avons constaté pour
la conjugaison (II, § 22 — 31), que l'apophonie tend à dis-
paraître, au moins dans certains cas, et que la voyelle du
primitif s'introduit par analogie dans le dérivé: au lieu de
soir — serée, comme on disait autrefois, on dit maintenant soir
-soirée. Sur un cas de développement contraire, voir § 53,
Rem.
Remarque. Les dérivés des noms propres ne se conforment pas, en règle
générale, aux lois de l'apophonie; de Baudelaire on tire baudelairiste, sans
changement d'ai en a, comme dans militaire — militariste (§ 48). Cependant
quelques dérivés de Pasteur (§ 57) et de Babeuf (§ 58) font exception; comp.
aussi § 54, 59.
47. A — E. — Ce changement s'observe dans les exemples
suivants: vfr. hanap — hanepel; vfr. vassal — vasselage; savate —
savetier, etc. Comp. vfr. antan — antenois.
48. Aï— A (cf. I, § 298, 2). — Ce changement s'observe dans
les cas suivants :
P Mots en -ain (-aim) et leurs dérivés: Américain — améri-
caniser, américanisme; mondain — mondanité; puritain — puri-
tanisme; républicain — républicanisme, etc. Comp. vfr. raim —
ramure.
2^ Mots en -aire (I, § 298, 3) et leurs dérivés : Commissaire
— commissariat; doctrinaire — doctrinarisme ; fonctionnaire —
fonctionnarisme; honoraire — honorariat ; humanitaire — humani-
tarisme; populaire — popularisme, populariser; militaire — milita-
risme, militariste; salaire — salariat; secrétaire — secrétariat; sémi-
naire—séminariste; vicaire — vicariat, etc.
Formes analogiques. Sous l'influence du mot primitif, ai
pénètre parfois dans le dérivé. On trouve ainsi autoritairisme,
unitairisme, utilitairisme, volontairiat, à côté de autoritarisme,
43
unitarisme, utilitarisme, volontariat. Littré blâme la forme auto-
ritairisme. De glaciaire on a tiré glaciairiste.
Remarque. Le changement de ai en a n'a pas lieu dans les noms propres:
Baudelaire — baudelairisme ; on a pourtant autrefois de Saint- Acaire tiré aqua-
rin (pris de folie) et acariâtre.
3^ Mots en -ail (-aille) et leurs dérivés. Rappelons les formes
anciennes éventaliste, médaliste, remplacées maintenant par éven-
tailliste, médailliste. Une formation récente est peintre-hataliste,
pour »peintre de bataille* relevée par Chuquet (Revue critique,
1886, 458, note).
49. AI — E (voir I, § 298,2, Cas isolés). Exemples: certain —
vfr. acertener; fontaine — fontenier ; grain- grenaille, grener, gre-
nette, grenu, égrener; main — menotte; vilain — vfr. vilenaille, vile-
ner, vilenesse, vileneus, vilenie, etc.
Forme analogique. A côté de fontenier on trouve fon-
tainier.
50. E— A (voir I, § 298, i, et II, § 25). — Clef— clavier; nez
--nasard; sel — salière, salin. Comp. actuel— actualité.
51. È, Ê [ej — É [e] (voir sur ce changement notre Manuel
phonétique, § 97). — Crème — crémerie, écrémer; ébène — ébéniste;
fièvre — fiévreux; grève — gréviste; nègre — négrillon; Norvège — nor-
végien; pépinière — pépiniériste; règle — réglet, etc.
52. E [e]— E [a] (comp. II, § 19, 26). — Chèvre — chevrette,
chevrier, chevron; cuiller— cuillerée ; gazette— g azetier ; gorgère —
gorgerette, modèle — modeler.
Remarque. Le même changement de è en e féminin se retrouve dans les
dérivés des mots en -el, maintenant -eau (voir II, § 310 ss.): batel (bateau)
— batelée, batelier; chapel — chapelier; charnel — chamelier; mantel — mantelet;
oisel — oiselier, etc.
53. E[9] — E[8]. Chancelier— chancellerie; chapelier — chapellerie;
hôtelier — hôtellerie ; oiselier — oisellerie.
Remarque. Au lieu de [Japalje] (chapelier) nous avons entendu prononcer
[Japelje]; il y a là sans doute une influence du dérivé sur le primitif.
54. El— E. Cette apophonie paraît assez rare; nous ne sau-
rons citer que Corneille — cornélien (lat. cornelianus).
44
55. El — I. Celte apophonie se trouve peut-être dans corneille
—cornillat, cornillon ; corbeille — corbillon; le cas est peu sûr, il se
peut que, dans les mots cités, nous ayons affaire à des suf-
fixes composés. Rappelons aussi feigne — tignasse.
56. EU — E [9]. Ce changement paraît assez rare; il se trouve
dans douceur — doucereux; voleur — volereau; on serait tenté de
citer aussi aoûteron et forgeron, mais ils viennent probable-
ment de aoûter, forger, et non de aoûteur, forgeur.
57. EU — O. Exemples: Liqueur — liquorisfe (emprunté de l'it.
1 i q u o r i s t a) ; nerveux — nervosité ; pasteur — pastoral; précepteur
— préceptorat ; tubéreux — tubérosité; vapeur — vaporiser, etc. C'est
conformément à ces exemples qu'on a tiré pastorien de Pas-
teur; Mirbeau parle d'» Instituts pastoriens« (L'épidémie, p. 38);
comme dérivé verbal on a créé pasteuriser avec maintien de
la voyelle du primitif.
58. EU— OU (comp. I, § 301 ; II, § 30). -- Bœuf— bouvier,
bouvillon, bouveau, bouvreuil; gueule — goulée, goulet, goulot,
goulu; queue — couard, couette. Dans les dérivés modernes,
cette apophonie n'est plus observée; de gueule on tire main-
tenant gueulée, gueuler, engueuler (comp. l'ancien regouler), de
manœuvre, manœuvrier (comp. le doublet manouvrier), etc.
Pourtant, de Babeuf (exécuté en 1797) on a tiré babouvisme,
babouviste.
59. IE(ié, iè)-E(e, é); comp, I, § 299, 1 ; II, § 27, 1. — Ex-
emples: Bijoutier — bijouterie; chevalier — chevalerie; osier — oseraie;
panier — panerée; papier — paperasse; quartier — quarteron ; ramier
ramereau. De Mercier on a tiré Merceriana. — Bannière — banne-
ret; lièvre — levreau, levrette; salière — saleron. — Bandière — ban-
derole, lièvre — lévrier (aussi lévrier).
Formes analogiques, La diphtongue pénètre de bonne heure
dans les dérivés; de fier on tire au moyen âge fieresse, fieret,
fierot, fierour, fiertage, fiertise; de miel, mielleux; de tierz, tier-
çain, etc. L'analogie change beaucoup des formes primitives;
ainsi ferlé, fevreux, pecette, perraille sont remplacés par fierté,
fiévreux, piécette, pierraille. L'apophonie n'agit plus dans les
45
dérivés modernes; arriérer, chiennet, fleroty flévrotte, poussiéreux,
(Siennois comp. it. se nés e), etc.
Doublet. Perrot — Pierrot.
60. 01— E (voir I, § 300,2; II, § 26). — Loir—lérot; poil-
pelage, pelouse, peluche.
Formes analogiques. Dans les dérivés on hésite déjà au
moyen âge entre e et oi; à côté de voir (verum) on trouve
verour et voirour, verable et voirable. Les formes primitives
peleus, pelu, perier, pevrer, serée, telier ont été remplacées par
poileux, poilu (mais patte-pelu), poirier, poivrer, soirée, ioilier.
Le changement de oi en e n'est pas observé dans les dérivés
récents noiraud, poivrade, voilier.
61. 01 — O (comp. I, § 301,3). — Exemples: Histoire — histo-
rial, historien, historier, historiette; notoire — notoriété; patrimoine
— patrimonial ; territoire — territorial, etc. Artois — arbosien. Rap-
pelons aussi coing — cognasse, poing — po(i)gnard (comp. Manuel
phonétique, § 219, ss).
Formes analogiques. Déjà au moyen âge oi pénètre dans le
mot dérivé; à côté de ivoire on trouve ivorin et ivoirin. Sur
éloigner, soigner, témoigner, etc. pour élogner, sogner, témogner,
etc., voir I, § 229, 5, Cas isolés.
B. VOYELLES FINALES.
62. Les voyelles finales peuvent être atones (chèvre) ou ac-
centuées. Les voyelles accentuées peuvent être orales (Chari-
vari, Figaro, Sahara) ou nasales (charbon, voisin). Il faut exa-
miner ces différents cas à part.
63. Voyelle atone. Comme voyelle atone finale le français
ne possède que \'e féminin. Cette voyelle, ordinairement muette
dans la langue moderne, disparaît toujours devant le suffixe:
chèvre— chevron, maître — maîtrise, paysage — paysagiste, etc. Il
disparaît également quand il est suivi de s (comp. I, § 283;
II, § 52, 279): Cervantes — cervantiste, cervantisme. Ingres — in-
griste. Ardennes — ardennois. Nantes — nantais. Rennes — rennais.
Tarbes — tarbéen. Troyes—troyen. Vincennes — vincennois.
46
Remarque. L'e se conserve graphiquement dans certains cas après g:
orange — orangeade, orge — orgeat, rouge—rougeaud, etc.
64. Voyelles accentuées orales. Pour les mots qui finissent
par une voyelle accentuée orale, il y a trois possibilités:
P La voyelle peut tomber. Ce phénomène s'observe surtout
dans la langue moderne avec les mots d'emprunt: Panama—
panamiste; voir § 65 ss.
2^ La voyelle reste, et il se produit un hiatus: bleu— bleu-
âtre, hardi — hardiesse, joli — joliet; café — caféine, revue — revuiste,
etc. Henri — henriade.
3^ La voyelle peut rester, et le suffixe est élargi d'une con.
sonne: tableau — tableautin, etc. Voir § 87 ss.
Remarque. Il n'est pas toujours facile de voir pourquoi on a choisi l'une
des manières de dérivation indiquées plutôt qu'une autre, pourquoi de Chevé
on a tiré cheviste, mais de Hervé, hervéisme; de jingo, jingoïsme, mais de
espéranto, espérantiste, etc. Le procédé choisi paraît souvent tout à fait arbi-
traire, et les cas d'analogie suivis assez vagues.
65. Chute de la voyelle finale. Examinons d'abord les cas
où la voyelle finale du radical est différente de la voyelle ini-
tiale du suffixe. Les voyelles exposées à tomber sont a, e, i, o.
V A. — Exemples: Alhambra — alhambresque. Bamboula —
bamboulesque. Blida — blidien. Canada — canadien. Diva — diviste
(Villalte). Gambetta — gambettiste, gambettiser. Golgatha — golgather
(Villatte). Himalaya — himalayen (O. Mirbeau, Le jardin des
supplices, p. 202). Panama— panaméen, panamiste. Polka — polker.
Saba — sabéen. Sahara— saharien. Spinoza — spinozisme. Venezuela
— vénézuélien. Zola — zolisme, zoliste.
Cas isolés. Dans quelques rares mots on garde l'a. Volta —
voltaïque. Zolatesque, de Zola, a été modelé sur soldatesque.
Doublets. On a hésité entre bouddhaïsme, bouddhaïste et
bouddhisme, bouddhiste.
2^ É. — Exemples: café — cafier. Chevé — cheviste. Delcassé —
delcassisme. Charité — charitable; nécessité — nécessiteux.
Cas isolés. Dans les dérivés de café la langue actuelle con-
serve Vé: caféier (qui a remplacé cafier), caféière, caféine; comp.
cafetier avec une consonne analogique. De thé on a tiré théière
et anciennement thétière.
3" I (Y). — Exemples: Charivari — charivaresque ; Garibaldi
— garibaldesque ; Nancy— nancéen, etc.
47
4^ O. — Exemples: Espéranto —espérantiste. Gigolo— gigolette
(II, § 431). Figaro— figaresque, figariste, figariser.
Cas isolés. On conserve l'o et on admet l'hiatus dans jïn^o
—jingoïsme, zemstvo—zemstvoïste. De Hugo on a tiré hugolâtre,
hugolesque, hugotique.
66. Nous citerons à part les quelques exemples qui pré-
sentent la rencontre de deux voyelles identiques. Si la voyelle
finale du radical est la même que la voyelle initiale du suf-
fixe il y a fusion des deux voyelles (voir I, § 287).
P a -j- a} a: abracadabra + ant ) abracadabrant; Zola -f âtre
y Zolâtre.
2^ é -|- é > é: lycée [- -éen > lycéen; Quimperlé — quimper-
léen.
3^ i-\-iyi: charivari — charivarique, samedi — samediste. Gas-
sendi— gassendiste. Tahiti — tahitien. Ajoutons Bovary — bovarysme;
dandy — dandysme (ou dandisme).
4^ o -{- 0^ o: Hugo — hugolâtre.
5^ u + " > "•■ courbatu — courbature; nerf féru — nerf- férure ;
vermoulu — vermoulure.
Remarque. Ce même phénomène s'observe aussi en espagnol dans le mot
aguardiente et dans des superlatifs comme limpfsimo, ampUsimo, etc. (mais
piisimo, agriisimo).
67. Voyelles accentuées nasales. Les voyelles nasales [â],
[5], [œ] perdent leur nasalité et redeviennent orales (comp. II,
§ 448, 2). Ce changement n'est pas noté par l'orthographe.
1^ [à] devient [an] : charlatan — charlatanisme; paysan — pay-
sannerie;
2^ [on] devient [on] : bonbon — bonbonnière; charbon — charbon-
nage, charbonnier; patron — patronner, etc.;
3^ [œ] devient [yn]: brun— brunâtre^ brunet; opportun — op-
portunisme, opportuniste, etc.
68. Le sort de la voyelle nasale [e] est plus compliqué.
Voici les différents cas qui se présentent:
P [è] (aimjy [am]: faim — affamé, vfr. raim — ramée, ramure;
2^ [s] (ain) y [an]: mondain — mondanité;
3^ [g] fain)y[en]: souverain — souveraineté;
4^ [è] (ain) ) [an] : grain — grenier;
48
5^ [i] (ein) > [en] : frein — effréné.
6<^ [è] (in) y [in]: bouquin — bouquiner, bouquiniste; coquin
coquinerie ; voisin — voisinage.
G. CONSONNES FINALES.
69. C. Théoriquement les dérivés des mots en c devraient
présenter c [k], ch [J], c [s], selon que le suffixe en gallo- roman
commençait par o (uj, a ou e (i). En efîet, on trouve à côté
de arc les vieilles formes étymologiques archier (-a ri us),
archié (-a tu m) et arcel (-ellum), arceler, mais cet état de
choses n'est pas général à cause de l'influence troublante de
l'analogie qui agit de plusieurs manières:
P Grâce à l'emploi plus fréquent de ch, qui figure aussi au
féminin (II, § 417), ce son s'est ordinairement généralisé aux
dépens de c; de là des formes comme archet (-ittus), vfr.
archeier (-izare), etc.
2^ Sous rinfluence du primitif, l'explosive finale peut rester
sans changement: arc—arquet. La plupart de ces dérivés* sont
relativement récents.
3^ Enfin sur le modèle de arc — arceau, l'explosive est parfois
dans les dérivés récents remplacée par c [s] : jonc — joncer.
Doublets. A côté de eunuque on trouve eunuchisme (tiré du
lat. eunuchismus) et eunucisme.
70. Voici maintenant quelques exemples des différents traite-
ments du c final:
1^ Passage (analogique) de c k ch: Bac — bachot. Blanc —
Manchet, Manchette, blancheur, blanchir, vfr. blanchoier, etc.
(comp. les formes régulières blanchaille, blanchard, blanchâtre).
Coq — Cochet. Croc — crochet, crochu. Duc, duché, duchesse. Jonc
— jonchaie, jonchet (comp. joncher, jonchée, jonchère). Roc —
rochet. Sac—sachée, sachet. Sec — vfr. sechece. Tronc — tronchet.
2" Maintien de l'explosive : Bec — bécard, bécasse, béquette,
béqueter, béquille et béquer, béquée, béquet (qui ont remplacé
bechier, bechiée, bechiet). Blanc — blanquet, blanquette, blanquier.
Roc — rocaille (autrefois rochaille). Roc (persan rokh) — roquer.
Comp. Bismarck — bismarckien, Lubeck — lubeckois. Maroc — ma-
rocain, etc. Offenbach — offenbachie, offenbachisie, offenbachiser.
49
3^ Passage de c [k] à c [s] : Balzac — balzacien^ Condillac —
condillacien. Comp. musique — musicien. De jonc, J.-K. Huys-
mans a tiré se joncer.
40 Passage de c à ^ [g]: zinc — zingage, zingueur.
5^ Échange entre c et ^ [5]. A côté de clerc on avait clergie,
clergié, clergise, clerjois, clergil; sur l'origine du g, voir I, § 401,2.
Comp. hauherc (haubert)— haubergeon.
71. F. Sur le sort de cette spirante sourde il faut remarquer:
P Dans tous les dérivés anciens le f final est régulièrement
remplacé par un v (comp. I, § 449; et II, § 408). Exemples:
bœuf — bouvet, bouvier, bouvillon; canif — canivet; chef —
achever; chétif — vfr. chetiveté; vfr. ef — avette; exclusif — ex-
clusivisme; juif—juiverie; naïf — naïveté; neuf— neuvième; oisif-
oisiveté, etc.
2^ Depuis longtemps la sourde du mot primitif s'introduit,
sporadiquement, dans le dérivé. A côté de neuvième et suavet
on trouve ainsi neufîeme (Noël du Fail, II, 239, 279) et suafet,
qui gardent la finale des primitifs neuf et suef (su ave m);
comp. I, § 450, 2.
3^ Les dérivés tout récents conservent la sourde: bœuf —
bœufer; chef—chefferie; soif ^soiffard, soiffer; suif— suiff eux.
Doublets. Dans un seul cas, on garde l'ancienne forme
à côté de la moderne. De suif on a tiré suiver, employé en-
core dans l'argot des marins (voir les poésies de Jean Riche-
pin), et plus récemment (Acad. 1835) suiffer.
72. G. L'explosive a été introduite dans les dérivés popu-
laires de long (comp. II, § 418): longaille, longuet, longueur.
On trouve la chuintante [3] dans longer. Comp. Cherbourg —
cher bourgeois, Hambourg — hambourgeois, Pétersbourg — péters-
bourgeois, etc.; nous avons trouvé slesvigeois à côté de sles-
vicois.
73. GN. La nasale mouillée [ji] est remplacée par la nasale
dentale [nj dans Boulogne — boulon(n)ais, Cologne— colonais.
74. L est remplacé par u devant une consonne (I, § 342):
cheval — chevaucher; féal — féauté; loyal — loyauté; principal —
principauté, etc.
4
5a
Remarque. Un pareil balancement entre [o] et [al] se trouve dans bureau
— buraliste, fourneau— four nalisie (ouvrier-pâtissier). Comment expliquer ces
dérivés curieux? Est-ce que fournaliste (de fourneau) se serait modelé sur
journaliste (à côté de journaux)^
75. N. Un m analogique s'est introduit dans quelques dé-
rivés de mots en -ain et -in.
P Sur le modèle de faim — affamé se sont réglés étain—éta-
mer (la forme correcte serait étagner) et plain (pour pelain)
— plamée, plamer.
2^ De latin on avait tiré en ancien français latimier; il faut
probablement admettre une influence de mots tels que venin
(pour venim, de *venimen, altération de venenum) — veni-
meux, envenimer; sain (vfr. saïn, saïm) — ensimer, essimer.
76. P. Au p (orthographique) de loup correspond un v dans
les dérivés: louvard, louval, louvet, louveteau, louvetier, etc.
77. T. Le t final de enfant est remplacé par c dans l'an-
cien diminutif enfançon; donc, ce mot n'est pas une forma-
tion française, il doit remonter à un *infantionem.
D. CHUTE DE LA TERMINAISON.
78. Le suffixe peut s'ajouter au radical dépouillé de sa ter-
minaison. Les terminaisons dont on constate le plus souvent
la chute sont -as, -eau, -er, -et, -ie, -ier, -is, -on, -ot. Pour
former un dérivé nouveau on a commencé par éliminer ces
syllabes qu'on a regardées, à tort ou à raison, comme des suf-
fixes. De cette manière on a pu tirer marmaille de marmot,
quoiqu'il n'y ait pas de forme radicale marme, tout comme on
a créé en latin vulgaire *rancura de rancor, et en français
moderne frimaire à côté de frimas. Ces cas nous présentent le
phénomène curieux d'une décomposition suivie d'une com-
position.
79. Voici une série d'exemples montrant l'apocope de la
terminaison.
-ard: bocard — bocage (ce qui est écrasé avec le bocard).
51
-as: Thomas — thomiste, la Revue thomiste.
-ay: Faraday— faradique (Darmesteter, Création de mots nou-
veaux, p. 187).
-eau : ciseau — cisailles ; corbeau — corhillot; couteau — coutille ;
oiseau— oison, oisillon; sureau — surard. Le même phénomène
s'observe dans les dérivés de quelques noms propres; de
Chevreau on a tiré Chevréana; de Clemenceau, clémenciste (Ga-
zette de France), mais le Courrier de Vaugelas (X, 11) rejette
cette forme et demande clémenceliste(!J. Les habitants de Lan-
derneau s'appellent Landerniens.
-ée: dragée — drageoir, dragiste.
-er: dîner — dînette (le substantif dîner a été traité comme le
verbe).
-et: cadet — cadichon; fouet ^ fouailler ; violet — violâtre, violir ;
de Floquet on a tiré le verbe floquer ; de Musset, Mussaillon,
de Peyronnet, Peyronéide ; de Turcaret, turcarien.
-eux: vfr. oiseus (otiosus) a été remplacé par oisif; on
avait dans la vieille langue aisance, oiserie.
-ie: bougie — bougeoir; Marie — marotte. Chimie — chimique; fée-
rie— féerique; fantaisie— fantaisiste; ironie— ironisme, etc.; comp.
ci-dessus, § 66.
-ier : bâtonnier — bâtonnat; lévrier — levron ; officier — officiât ;
vfr. pautonnier—pautonnaille.
-in: lapin — lapereau.
-on: aigron (forme dialectale de héron) — aigrette; garnison
—garnisaire (l'a emporté sur garnisonnaire); million — milliasse;
pennon— panneton (pour penneton).
-ond: pudibond — pudibard, faussement pudibond (L. Lar-
chey).
-ot: javelot— javeline; marmot — marmaille.
80. Nous citerons à part les quelques exemples où il y a
rencontre de deux syllabes homophones. Dans ce cas, qui pa-
raît assez rare, il y a suppression de l'une des syllabes (I,
514):
analyse + iste > analyste (voir A. Tobler, Beitrâge, III, p. 144).
décrépit -\- itude (forme élargie de -tude, employée dans ex-
actitude, etc.) > décrépitude.
Delyannis + iste > delyanniste (Le Courrier européen, 30 juin
1905, p. 13).
4*
52
81. Dans les noms propres dérivés, la chute d'une ou de
plusieurs syllabes finales est un phénomène assez ordinaire;
ce qui s'explique par le caractère hypocoristique de plusieurs
de ces dérivés (I, § 121). Exemples: Auberi — Auberon. Catherine
— Catin, Cato. Madeleine — Madelon. Marguerite — Margot. Michel
— Michon. Musset — M ussaillon (employé par G. Sand). Nicolas
— Nicolin, Colin. Pierrot — Pierrette. Robert — Robin. Suzanne —
Suzette, Suzon.
82. Rappelons en dernier lieu les dérivés formés à l'aide
du suffixe argotique -o (§ 414) devant lequel toute terminai-
son tombe: camarade — camaro^ invalide — invalo, propriétaire —
proprio, etc.
83. Verbes. Pour les dérivés verbaux il faut remarquer que
le suffixe ne s'ajoute jamais à la forme pleine de l'infinitif,
mais au thème tel qu'il se présente au participe présent (ou
à l'infinitif des verbes comme parler, sentir):
Tir (-er, -ant) — tirage, tirasse, tireau, tireur, tirailler.
Dorm (-ir, -ant) — dormeur., dor mailler, dor masser.
Blanchiss (-ant) — blanchissage, blanchisseur, blanchisserie.
Buv (-ant) — buvable, buvard, buverie, buveur, buvoter.
E. CONFUSION DE TERMINAISONS.
84. Un certain nombre de dérivés présentent, soit l'addition
d'une consonne (bazar — bazarder), soit le changement d'une
consonne (tabac — tabatière), soit enfin la suppression d'une
consonne (plafond — plafonner). Ces phénomènes, très fréquents
dans la langue moderne, sont ordinairement dus à une ana-
logie proportionnelle (I, § 118, 2), amenée par l'amuïssement de
la consonne finale ou par d'autres développements phoné-
tiques, grâce auxquels des terminaisons primitivement dis-
tinctes ont fini par devenir homophones. En effet, il n'y a
plus, quant à la finale, aucune différence entre fardeau, lour-
daud, linot, prévôt, enclos, entre contraint, empreint, parrain,
serein, marin, entre bavard, rare, bizarre, etc. etc. La con-
fusion des finales amène constamment des incertitudes et des
hésitations dans les dérivés. Nous en avons déjà cité un cer-
53
tain nombre d'exemples dans les tomes précédents (I, § 315,5,
Rem.; II, § 413, 416); nous nous proposons d'étudier ici la
question dans son ensemble.
85. Avant d'entrer dans les détails nous présenterons quelques
remarques générales sur les trois phénomènes d'analogie que
nous allons étudier.
P Addition d'une consonne. De bazar on tire bazarder sur
le modèle de hasard — hasarder. Gomp. tard — tarde, bavard —
bavarde qui amènent dans le parler vulgaire avare— avarde
(II, 416, 2).
2^ Changement d'une consonne. De tabac on a tiré taba-
tière sur le modèle de chocolat — chocolatière. Ce phénomène
est au fond le même que le précédent: il suppose l'amuïsse-
ment de la consonne finale du primitif (quand on prononçait
[tabak] on avait le dérivé régulier tabaquière) ; nous traiterons
dans la suite du changement des consonnes sous la même
rubrique que l'addition d'une consonne.
3^ Suppression d'une consonne. De plafond on tire plafon-
ner sur le modèle de raison — raisonner. Ce phénomène qui
suppose également l'amuïssement de la consonne finale du
radical sera, pour des raisons pratiques, traité à part dans l'ex-
posé suivant.
86. Pour les exemples remontant au-delà de la Renaissance
il faut ordinairement chercher une explication un peu diffé-
rente de celle que nous avons donnée. On avait au moyen
âge brebion à côté de brebis, comme on a maintenant taudion
à côté de taudis; ces exemples, qui paraissent identiques, ne
le sont pourtant pas, et ils s'expliquent différemment. Taudis
se prononce maintenant [todi], et le dérivé moderne taudion
a été tiré de la forme prononcée, comme plafonner de pla-
fon(d). Quant à brebis au contraire il se prononçait [brabits]
ou [brabis] à l'époque où on a formé brebion, et puisque la
sifflante appartenait au thème (berbice) on aurait donc dû
la conserver dans les dérivés. Mais il ne faut pas oublier
que, grâce au mécanisme grammatical, les indéclinables se
règlent parfois sur les déclinables (cf. II, § 264, Rem.), et l'in-
fluence de mots tels que amis — ami amenait brebis — brebi.
C'est de cette dernière forme analogique que proviennent bre-
bion, brebiage, brebiail, brebiete.
54
I. ADDITION D'UNE CONSONNE.
87. L'addition d'une consonne est un phénomène assez fré-
quent; il a fait naître de nouveaux suffixes ou, plutôt, donner
une nouvelle forme collatérale aux anciens suffixes; sur bi-
goterie (de bigot), on a formé ergoterie (de ergo), indigoterie
(de indigo), etc., et de cette manière a été créée la forme -terie
(§ 418), doublet de -erie. Les consonnes analogiques dont
nous allons nous occuper sont d, t, s [z], l, m, n.
88. D. Un d analogique s'est développé dans les cas sui-
vants :
1^ AND. Sur le modèle de dérivation représenté par grand
— grande, grandement, grandeur, grandir, etc., un d adventice
s'est introduit dans quelques dérivés de mots en -an et en
-ant:
Brelan — brelander, brelandier, brelandiner. On trouve au
XIV'^ siècle, à côté de berlandier, la forme bellengier (voir
Godefroy) qui remonte à berlenc, forme primitive de brelan.
Dinant - dinandier, dinanderie; ces formes remontent au moyen
âge. Quelques modernes écrivent dinantier, dinanterie.
Faisan (emprunté du lat. phasianum) — faisande, faisan-
deau, faisander, faisanderie, faisandier. On a longtemps hésité
entre ces formes et les dérivés réguliers sans d. Faisanneau et
faisannier s'employaient au XVP siècle et encore au XVIP. Mé-
nage remarque: »Nicod a dit faisanneaux, et quelques-uns le
disent encore présentement. C'est en effet comme il faudroit dire
selon l'analogie; car ce mot est un diminutif de faisan. Mais
l'usage est pour faisandeaux. C'est donc comme il faut parler.
Et il y a mesme déjà longtemps qu'on parle de la sorte . . .
Du mesme mot faisand, on a fait aussi le mot faisander.
Ainsi on dit, La volaille qui vit dans le bois se faisande, et non
pas, se faisanne.« (Observations, p. 51). On hésite dans la langue
moderne entre une poule faisane et une poule faisande.
Galant — galande, (voir II, § 416, i).
Hareng — harendière; cette forme s'employait au XVP siècle
(Livet, la Grammaire française, p. 112) à côté de harengère.
Lieutenant — lieutenande, lieutenanderie, lieutenandise.
Paysan — paysande, paysandallle. Un dérivé plus moderne est
paysannerie, conforme au féminin paysanne.
55
2^ ARD. Sur le modèle de bavard — bavarde, bavarder, ba-
vardage, etc., un cf a été introduit dans quelques dérivés de
mots en -ar, -are, -art:
Avare — avarde, féminin vulgaire. Darmesteter remarque: »Les
gens du peuple disent . . . un avard — une avarde. «
Bazar — bazarder, se défaire d'un objet, bazardier; termes
d'argot.
Bizarre — bizarde, féminin vulgaire, employé par Labiche
{Théâtre, IX, 175).
Cauchemar — cauchemarder, ennuyer, cauchemardant, per-
sonne importune; termes d'argot (voir Rigaud).
Escobar — escobarder, escobarderie.
Ignare — ignarde, féminin vulgaire (voir Darmesteter).
Putiphar — putipharder, putiphardiser (voir Sachs).
Rempart — rempardière. Il faut remarquer qu'à côté de rem-
part on trouve aussi rempard, et que ces deux formes sont
analogiques: comme le mot est tiré de remparer, on devrait
écrire rempar.
3^ AUD. L'analogie de chaud — chaude, échafaud — écha-
faudage, etc. a déterminé la création de plusieurs dérivés avec
un d adventice :
Bedeau — bedeaude, bedeaudaille.
Boyau — boyaudier, boyauderie; ces formes datent du XVIIP
siècle; Furetière (1690) ne connaît que boyautier.
Carreau— car reauder, carreaudage.
Chaux— échauder.
Marivaux — marivaudage.
4^ ORD. L'analogie de bord — border, accord — accorder, etc.
a amené:
Butor — butorde, butorderie.
89. T. Un / analogique s'est développé dans les dérivés des
mots qui finissent par une voyelle.
P AINT, EINT. Sur le modèle de saint— sainte , sainteté,
teint — teinte, teinter, teinture, etc., on a créé:
Lendemain — lendemaintiste (voir Sachs, Supplément); on
trouve aussi lendemainiste.
Plein— pleinte. Ce féminin dialectal s'emploie en wallon mo-
derne.
56
Rein—éreinter. Cette forme, qui a remplacé le dérivé régulier
esrener, érener, date de la fin du XVI P siècle. On lit dans
Furetière (1690): ^Esrener . , . quelques uns disent esreinler.<^
L'Académie donne les deux formes dans la première édition
de son Dictionnaire (1694). L'ancienne forme érener vit encore
dans le terme technique aréner.
Vilain — vilainte. Ce féminin dialectal se trouve dans Mo-
lière: T'es une vilainte, toi, d'endurer qu'on te cajole (Don
Juan, II, se. 3).
2^ ANT. Au modèle de dérivation représenté par chant —
chanter, chanteur; amant — amante; lent — lente se sont confor-
més quelques mots en -an, -am, -anc, -and:
Fer- blanc — ferblantier, ferblanterie.
Gland — englanté; la forme régulière englandé était en usage
au XVII^ siècle (voir Dictionnaire Général). Comp. glandée,
glandage, glandaire.
Partisan — partisante. On trouve un exemple unique de ce
féminin curieux dans les Lettres de Ninon de Lenclos (voir
Littré).
Quidam — guidante. Ce féminin est assurément très rare;
voici le seul exemple que j'en connaisse: »La fierté et la vi-
vacité d'Alexandre, frère de la guidante, détruisirent en un
moment ces belles espérances « (Perret, Héros subalternes, 1749,
5^ partie, p. 25). Le féminin ordinaire est guidane.
3^ AT. L'analogie de chocolat — chocolatière, soldai— soldatesgue
amène:
Tabac — tabatière. L'ancienne forme était tabaguière, dérivé
régulier de tabac, prononcé [tabak]; mais après l'amuïssement
du c final, l'hésitation commence. Ménage observe: »I1 faut
dire tabakière et non pas tabatière. « En 1694, l'Académie ad-
met les deux formes dans son Dictionnaire, mais de la Touche
objecte: >Je croi pourtant que tabatière est le plus usité de
beaucoup. « A partir de 1718, l'Ac. ne donne que cette forme.
Taffetas— taffetatier (Rousseau, Confessions).
Zola — zolatesgue.
4^ AUT. Sur le modèle de saut— saute, sautage, sauter, sau-
teur, etc. on a créé un grand nombre de dérivés analogiques
de mots en -au et -eau:
Bigarreau — bigarreautier. •
67
Biseau — biseauter, biseautage.
Blaireau — blaireauter (voir Littré, Supplément); citons aussi
le ternie d'argot blaireauteau (voir Rigaud).
Bureau — bureautin, pupille du bureau de TAssistance publique,
placée dans les familles, chez des nourriciers.
Chapeau — chapeauter (voir A. Daudet, Rose et Ninon, p. 105).
Fourneau — fourneauter.
Maquereau — maquereauter, maquereautage, maquereautin (voir
Sachs); on trouve aussi un féminin lorrain maquereaute.
Panneau— panneauter, panneauteur, termes de chasse.
Peau — dépiauter.
Pinceau— pinceauter, pinceautage, pinceauteuse (Littré et Sachs).
Râteau — rateauter, néologisme populaire.
Tableau — tableautin.
Tuyau — tuyauter.
5^ ET. Par assimilation aux mots en -et, quelques mots en
-ey, -ais présentent un t adventice dans leurs dérivés:
Jockey— jockey te (cf. II, § 413,3).
Poney — poneyte ou ponette (cf. II, § 431).
Rabelais— rabelaitique. Ce dérivé a été employé par Henri
Estienne: Des mots de gueux ou des traits Rabelaitiques (H.
Estienne, Apologie pour Hérodote, p. p. Ristelhuber. Paris, 1879.
I, p. XII).
6^ ET (ou lET). Quelques dérivés de mots en -é, -ier(s)
présentent un t analogique:
Café — cafetier, cafetière, cafèterie. On trouve aussi des dé-
rivés sans t: cafier ou caféier, arbre qui produit le café, ca-
féière, caféine.
Épée — épétier, employé au XVIIP sicèle (Mercier).
Papier — papetier, papeterie; pour le changement de la diph-
tongue, comp. épicier^épicerie, etc. (§ 59). La consonne finale
du radical a été conservée dans paperasse.
Thé — thétière disparu devant théière.
Verviers — verviéto is.
1^ EUT. Quelques dérivés de mots en -eu, -eue présentent
un t adventice, qui doit s'expliquer par l'analogie de la plu-
part des autres mots finissant par une voyelle accentuée :
Bleu — bleuté, qui a une teinte bleue; on dit du drap gris-
bleuté, des cheveux bleutés (voir Littré, Supplément) ; on trouve
58
aussi un verbe bleuter, passer du linge au bleu ; c'est un néo-
logisme (voir Sachs, Supplément). Les autres dérivés, plus an-
ciens, ne présentent pas de /: bleuir, bleueur, bleuâtre, etc.
Bon Dieu — bondieutisme , pratique religieuse intermittente
(voir Rigaud).
Feu — feutier (voir Littré; manque au Dictionnaire Général).
Queue— queuter, terme de jeu de billard.
8^ IT. L'analogie de petit — petite, habit — habiter, etc. a amené
quelques dérivés irréguliers des mots en -/, -ifci), -i(f):
Abri— abriter. Cette forme est un dérivé relativement récent;
elle a remplacé l'ancien verbe abrier, primitif du substantif
verbal abri.
Chétif — chetite, chetitement, formes patoises (II, § 450).
Gentil — gentite, forme patoise.
Nid — nitée.
On trouve dans les patois et parlers vulgaires un grand
nombre de participes passés faibles en -i dont le féminin se
termine par -ite: finite, assite, remplite, etc. (cf. II, § 89, Rem.).
9^ OIT. Sur le modèle de droit — droite, droitement, on a
formé:
Coi — coite; on disait autrefois coi — coie (voir II, § 413, 5).
Miroir — miroiter, miroitement, miroitier, miroiterie. Au moyen
âge on trouve miroirier ou miroitier (voir Godefroy). La forme
miroitier apparaît au XVP siècle dans le Dictionnaire de J.
Thierry (1564).
Roi—déroiter (Cahiers de 1789 cités par Beugnot).
10^ ONT. Sur le modèle de mont — monter, front — affronter
on a formé:
Phaéton — phaétonté; cette forme s'employait au XVP siècle
(voir ZRPh, XXIX, 93). On avait un autre dérivé sans t:
phaétonniser.
IP OT. Les mots en -o (opj ont été assimilés à ceux en
-ot (jabot— jaboter) et présentent régulièrement un t adventice
dans toutes les formes dérivées:
Agio — agioter, agiotage, agioteur.
Bacho (I, § 522, 2) — bachotier (Rigaud).
Cabo (mot espagnol, employé en français au XVP siècle)
— caboter, cabotier, caboteur, cabotage.
Chicago — chicagotien. Coco — cocotier.
Domino — dominotier, dominoterie.
59
Écho—échoter, échotier. Exemple: Les échotiers s'emparèrent
aussitôt de ce fait divers (Donos, Verlaine intime, p. 230).
Ergo — ergoter.
Hugo — Imgotesque (Clair Tisseur).
Folio— folioter, foliotage, folioteur.
Indigo— indigotier, indigoterie, indigoteur, teinturier (employé
par Flaubert).
Lico(l) — délicoter, débarrasser du licou.
Monaco— monacoter.
Numéro — numéroter, numérotage, numéroteur.
Piano — pianoter.
Rigolo— rigolote (O. Mirbeau, Journal d'une femme de chambre,
p. 346).
Rococo — rococoter (Concourt, Renée Mauperin, p. 180), ro-
cocoterie (Concourt, Manette Salomon, p. 101).
Silo—ensiloter, ensilotage (comp. Littré).
Sirop — siroter. On trouve au XVIP siècle siroper, au sens de
»traiter avec des sirops« (voir Dictionnaire Cénéral).
Typo — typote, compositrice d'imprimerie ; termes d'argot (voir
Rigaud).
12^ OUT. Les dérivés des mots en -ou (-ouc) se sont ré-
gulièrement conformés au modèle des mots en -out: bout —
bouter, tout— toute, égout — égoutier:
Bambou— bamboutage, bamboutier.
Bijou — bijoutier, bijouterie.
Caillou— caillouter, caillouteur, cailloutage, caillouteux, caillou-
tis. A côté de caillouteux on trouve aussi cailloueux dans Vin-
vantaire de Monet (1635).
Caoutchouc — caoutchouter. Ex. : Des roues caoutchoutées (P. et
V. Margueritte, Les deux vies, p. 151).
Clou — clouter, clouterie, cloutière. On a aussi des dérivés sans
/: clouer et clouière; cette dernière forme, qui s'employait en-
core au XVII^ siècle (voir Dictionnaire Cénéral), est vieillie
maintenant. Quant à cloutier, c'est sans doute une contraction
de clouetier, dér. de clouet.
Filou — filouter, fdoutier, fdouterie, fdoutage.
Frou-frou — froufrouter, froufroutant (voir Sachs, Supplément).
Glouglou — glouglouter.
Grisou — grisouteux.
Joujou — joujouter.
60
Loulou — Louloute.
Marlou—marlouterie, termes d'argot.
Sagou — sagoutier; on trouve aussi la forme sagouier, mais
elle est rare.
Sou — soutado (§ 369); demi-soutier, avare qui coupe les sous
en deux {Bulletin critique, 1896, p. 191, note). Les dérivés pri-
mitifs sont en d: soudoyer, millesoudier (§ 42).
Voyou — voyoute (II, § 413, e), voyoutado, voyouterie, voyoutisme.
Velous (forme primitive de velours; I, § 504, 4) — velouté.
13^ UT. Quelques dérivés de mots en -«, -ue, -us se sont
réglés sur le modèle des mots en -ut: début— débuter, affût —
affûter, affûtage:
Jus— juter, juteux.
Morue — morutier (J. Richepin, La Mer, p. 138), fait sur cha-
lut— chalutier. On trouve aussi la forme moruyer que préfère
Littré.
Recrue — recruter.
Talus (mauvaise orthographe pour talu) — taluter; on a dit
autrefois taluer et taluser.
Tissu — tissutier.
Verjus — ver juter.
90. S [s]. Le développement d'un s sourd est un phénomène
rare. Il ne paraît avoir lieu que dans deux mots:
Autour — autoursier, autourserie ; au XIIP siècle on avait la
forme régulière ostorier.
Peau — peaussier; c'est le type faux — faussaire, fausseté, etc.
qui paraît avoir servi de modèle.
Ajoutons trisser tiré du lat. tri- sur le modèle de bisser.
91. S [z]. Un s sonore s'est développé dans les cas suivants:
P EUX. Par une assimilation à gueux— gueusard, gueuserie,
quelques dérivés de mots en -ieu ou -ieue présentent un s
sonore adventice:
Banlieue— banlieusard, terme d'argot.
Bon Dieu—bondieusard, marchand d'objets de dévotion, bon-
dieusarderie , bondieuserie, métier du bondieusard, commerce
d'objets de sainteté (voir Rigaud).
2*^ OIS. Sur le modèle de bois — déboiser, on a dit autrefois
*roi—déroiser.
61
3^ OUX. Sur le modèle de jaloux— jalouser on dit dans l'ar-
got de Paris:
Atout — atouser, donner de r»atout«, du courage, encourager
(Lorédan Larchey).
Voyou— voyouse, se voyouser, s'encanailler.
92. L. Le développement d'un / analogique est rare. A côté
de coucou on trouve les dérivés coucouer et coucouler (voir
Littré); cette dernière forme est peut-être due à une analogie
tirée de soûl — soûler. Rappelons aussi roucouler, probablement
tiré de roucou (§ 22).
93. M. Le développement d'un m analogique se présente
dans les dérivés de quelques mots en -ain qui se sont réglés
sur faim — affamer, et dans quelques dérivés de mots en -in;
pour les détails, voir § 75.
94. N» A côté de tour (turris), on a les deux diminutifs
tourelle, dérivé régulier, et tournelle, dérivé irrégulier. L'addi-
tion de n est due à l'analogie des groupes tour (tu r nu m) —
tourner, jour — journée, etc.
II. SUPPRESSION D'UNE CONSONNE.
95. Ce phénomène est moins fréquent que celui que nous
venons d'étudier. Dans la lutte entre deux types tels que tard
[ta:r] — tarde [tard) et rare [ra:r] — rare [ra:r], c'est ordinairement
le premier qui l'emporte (II, § 450); nous allons examiner
maintenant quelques exemples de la victoire du dernier type.
96. AN. Quelques dérivés de mots en -and, -ant (-andt),
-ans, -ent, -emps se sont réglés sur les mots en -an: Jean —
Jeanne, paysan — paysanne:
Allemand — allemanisme (comp. l'adj. allemanique ou alle-
mandique); on trouve aussi le dérivé régulier allemandisme
(comp. le fém. allemande). Ajoutons que dans allemand, la
terminaison -and est due à un changement de suffixe (§ 174);
la forme primitive est a/(^/>ema/ï < Alaman num.
Anglo-normand — anglo-normannisme (comp. l'adj. norman-
nique); on trouve aussi anglo-normandisme (comp. le féminin
62
anglo-normande). La terminaison de normand est analogique,
la forme primitive a dû être norman.
Chateaubriand— chateauhrianesque.
Chat-huant — chat-huané.
Géant— géan(n)e. De la Touche remarque: »La plupart des
dames qui parlent bien disent géanne, qui est plus doux que
géante. Néanmoins ... géanne n'est pas encore établi. « Ce fé-
minin qu'on retrouve dans Buffon n'est plus employé; il n'au-
rait jamais dû l'être, observe Littré.
Normand — normanisme; on trouve aussi normandisme (voir
Sachs).
Orléans — orléanisme, orléaniste.
Ornement — ornemaniste. Littré remarque: »Ce mot, tout à fait
barbare, est un néologisme contemporain. On devrait dire
ornementiste.« Notons pourtant que le mot se trouve déjà
dans Boiste (1800) et que l'Académie l'admet dans sa 6^ édi-
tion (1835). Les autres dérivés d'ornemen/ sont réguliers : orne-
mental, ornementer.
Printemps — printanier. Ce dérivé remonte au moins au XVP
siècle; on le trouve dans Ronsard.
Rembrandt — rembranesque.
97. ARE. Les mots en -are influencent ceux en -ard :
Jard—jareux (comp. catarrhe — catarrheux); on disait autre-
fois jardeux (voir Godefroy et Dictionnaire Général).
98. ERE. Sur le modèle de fer — ferré, pierre — pierrée, etc. on
a créé Pivert — piverré (voir Godefroy).
99. L Les dérivés de quelques mots en -zs, -it montrent la
suppression de la consonne finale:
Brebis — brebiage, brebiette. Ces formes remontent au moyen
âge, qui offre aussi brebiail, brebiaille, brebiole, brebion (voir
Godefroy). A côté de brebiette on avait brebisette; comp. bre-
bisière, gardeuse de brebis. Comp. § 86.
Mauvis — mauviette, dérivé récent.
Petit— petiot. Petitot s'emploie comme nom propre.
Souris — souriette (E. Deschamps).
Taudis — taudion, dérivé récent.
63
100. 1ÈRE. Un mot en iers s'est réglé sur Molière— moliérisme:
Thiers — thiérisme (voir Wahlund), thiériste (voir Sachs).
101. ON. Le type patron — patronner détermine parfois la forme
des dérivés des mots en -ond. Exemples:
Plafond — plafonner, plafonneur, plafonnage.
Quart-de-rond — quarderonner.
Vagabond — vag abonner ; c'est la seule forme que donne le
Dictionnaire de Trévoux (I, § 60), et l'Académie l'admet. On
dit maintenant vagabonder.
102. OUR, OURRE. Quelques dérivés des mots en -ourt ou
-ourg se sont conformés au modèle de tour — touriste, bourre —
bourrade, bourrer, etc. :
Dancourt — dancourade.
Faubourg — faubourien.
Concourt — goncouriste, goncourisme (voir Sachs, Supplément);
on trouve aussi goncourtiste et goncourtisme. En parlant d'orne-
maniste M. Remy de Gourmont remarque: »Des professeurs
eussent forgé ornementiste, comme ils ont forgé goncourtiste
qu'ils opposent à goncouriste , forme vraie puisqu'elle est la
seule qui ne déforme pas la sonorité du radical « (Esthétique
de la langue française, p. 128).
III. CHANGEMENT DE LA VOYELLE.
103. Nous avons déjà examiné les changements réguliers que
subissent les voyelles nasales finales (§ 67, 68). Rappelons
ici un changement irrégulier dû à une confusion entre -ain et
-in: fusain — fusiniste (^ bouquin — bouquiniste. Comp. II, § 399).
F. CHANGEMENTS ORTHOGRAPHIQUES.
104. L'addition du suffixe au primitif amène parfois des
changements orthographiques. De ces changements quelques-
uns sont constants et nécessaires (c ) qu, g ) gu, devant e et i,
etc.), d'autres sont tout à fait arbitraires (n} nn, tytt, etc.);
comp. I, 95, 4.
64
105. Voici une série d'exemples des changements ortho-
graphiques les plus importants:
1^ C (Q) > QU (devant e et z): alambic ~ alambiquer ; bec —
béquet, béquille; bivouac — bivouaquer; échec — échiquier; vfr. loc
— loquet; truc — truquer; turc — turquerie, etc. Cinq— cinquième;
coq — coquet.
2^ G > GU (devant e et z) : long — longuet, longueur.
3^ L > LL. 11 faut distinguer plusieurs cas: a) col — collet, collier;
fol — follet (mais folie, folâtre) ; mol — mollet, mollasse; b) chan-
celier — chancellerie; chapelier — chapellerie ; oiselier — oisellerie
(comp. II, § 19); c) gentil — gentillâtre; œil— œillade; péril — pé-
rilleux ; vieil — vieillesse.
4^ LL>L: Dalle— dalot; salle— salon.
5<* N > NN. Le redoublement de n a lieu d'une manière très
arbitraire (comp. II, § 398). De baron on tire baronnage, ba-
ronnie, baronne; de canon, canonnade, canonnier; de patron,
patronner, patronnesse, patronnet, mais on écrit patronage et
patronal avec un seul /?; et à côté de baronnie, canonnade,
canonnier, on a félonie, citronade, timonier. Comp. I, § 95, 4.
6^ QU > C (devant a, ou à la finale): Obélisque — obéliscal;
république— républicain; truquer — trucage. Choquer— choc.
70 R > RR (comp. I, § 365): Char — charrette , charrier,
charron; fer — ferraille, ferrer, fer r et.
8^ S > SS (comp. II, § 411): Bas — bassesse, basset; bras —
brassard, brassée, embrasser; congrès — congressiste; gros — gros-
sesse, grosseur, grossier, etc.
9° T > TT. Le redoublement du t n'est sujet à aucune règle
fixe (comp. I, § 388). A côté de chat — chatterie on a bigot —
bigoterie; comp. encore grelot— grelotter, et gigot — gigoter,
IQO 'pj y j. Calotte — calotin; cotte — cotillon; gazette — gaze-
tier; patte — pataud.
CHAPITRE III.
SUFFIXES NOMINAUX,
106. Origine. Les suffixes nominaux français se divisent en
trois groupes principaux:
P Suffixes d'origine latine. La plupart des suffixes re-
montent au latin. Au point de vue historique et phonétique il
faut distinguer entre ceux qui sont héréditaires (ou de forma-
tion populaire) et ceux qui ont été introduits par voie sa-
vante (voir § 298 ss.).
2^ Suffixes d'origine étrangère. Les suffixes étrangers viennent
surtout du germanique ou des langues méridionales (§ 350 ss.).
3^ Suffixes de création française (§ 377 ss.).
107. Emploi. Les suffixes nominaux s'ajoutent soit aux noms
soit aux verbes.
1® Suffixes qui s'ajoutent de préférence aux substantifs: -aie,
-ain, -aire, -al, -at, -âtre, -é, -ée, -éen, -el, -esque, -eux, -ie, -ien,
-ier, -ière, -ille, -in, -ine, -ique, -ise, -isme, -iste, -ite, '-ot, -otte, -u,
-are. Exemples: œil — œillade, aune — aunaie, poing — poignée^
gant — gantier, etc.
2^ Suffixes qui s'ajoutent de préférence aux adjectifs: -ain,
-âtre, -and, -esse, -eur, -ie, -ise, -isme, -iste, -ot, -té, -ure. Ex-
emples : noir — noirâtre , grand — grandeur, vert — verdure, etc.
3° Suffixes qui s'ajoutent de préférence aux radicaux des
verbes: -able, -âge, -ail, -ement, -eur, -ihle, -iment,'Oir, -ot, -otte.
Exemples: blâmer — blâmable, passer — passage, vanter— van-
terie, tromper — trompeur, mirer — miroir, etc.
5
66
4^ Plusieurs suffixes s'ajoutent indifféremment à des radi-
caux nominaux et verbaux: -ade, -aille, -ard, -eau, -eret, -erie,
-et, -ette, -eux, -if, -in, -is, -on, -ot, -ure. Exemples: valet — valetaille,
trouver — trouvaille, riche — richard, grogner — grognard, drap —
drapeau, traîner — traîneau, etc.
5*^ Dans quelques cas on a changé de procédé au cours des
temps. Ainsi -able et -eur ne s'ajoutaient primitivement qu'aux
verbes (blâmer — blâmable, glaner — glaneur); peu à peu ils ar-
rivent à s'ajouter à des noms (dommage — dommageable, farce
— farceur).
108. Composition. La dérivation suffixale se fait ordinaire-
ment par l'addition d'un seul suffixe; cependant, si l'on veut
souligner la nuance exprimée par le suffixe, on peut en com-
biner plusieurs offrant le même sens et les ajouter au mot
primitif. Cet enchaînement de suffixes existait déjà en latin
(agn-ic-ell-ulus), et il est assez général en italien (libro —
libretto, librettuccio, librettucciaccio) , en roumain, en espagnol
et en portugais, et on le retrouve également en français ; on a
dans la vieille langue ront — rondel, rondelet. Voici quelques ob-
servations de H. Estienne: »Notre langue est tellement ploy-
able à toutes sortes de mignardises, que nous en faisons tout
ce que nous voulons adjoustans souvent diminution sur di-
minution, comme arc, archet, archelet; tendre, tendret, tendrelet;
quand nous disons aussi homme, hommet, hommelet
Ce qui fait que nous avons plusieurs diminutifs de ceste sorte,
c'est que pouvons nous aider d'une autre sorte de terminai-
son, asçavoir en -illon, comme oiseau, oiselet, oisillon; pareille-
ment carpe, carpeau, carpillon. Et quelquefois ceste terminaison
en -illon ne sert qu'à la diminution et venons à une autre
pour trouver la superdiminution; comme quand nous disons
cotte, cottillon, cottillonnet. Aucuns font le mesme en une autre
sorte de terminaison, qui est en -son ou -con (prononceant le
c comme s), comme enfant, enfançon, enfançonnet« {Précellance
du langage françois, p. 97).
109. Signification. A l'aide des suffixes nominaux on crée
des adjectifs ou des substantifs.
P Suffixes formant des substantifs: -ade, -aie, -ail, -aille,
-aine, -ana, -ance, -ard, -as, -at, -auté, -eau, -eé, -ée, -elle, -ement.
67
-ence, -eraie, -ereau, -eret, -erie, -eron, -esse, -e/é, -eton, -ette, eur,
-ie, -ière, -ille, -illon, -iment, -ine, ise, -isme, -ite, -oir, -oire, -on,
-ose, -otte, -té, -ure.
2^ Suffixes formant des adjectifs: -able, -al, -éen, -el, -esque,
-eux, ible, -ique, -u.
3^ Suffixes formant des substantifs et des adjectifs: -ain,
-aire, -an, -ant, -âtre, -aud^ -é, -elet, -et, -ien, -ier, -in. -iste, -ot.
4° Quelques suffixes ont changé de signification. De nos
jours -âge ne sert qu'à former des substantifs; au moyen âge,
il formait aussi des adjectifs.
110. A l'aide des suffixes on peut exprimer beaucoup de no-
tions très différentes. De parler on a tiré parleur, parloir, par-
lote, parlerie, partage, vfr. parlëure, pour indiquer celui qui parle,
le lieu oii l'on parle, l'action de parler et son résultat. Par un
suffixe on peut aussi ajouter à un mot une nuance caressante
et tendre ou défavorable et grossière: sœur — sœurette; frère —
frérot; beau — bellot, bellâtre; fille — fillasse; poète — poétraillon.
Les adjectifs surtout sont susceptibles de beaucoup de nuance-
ments; de maigre on a tiré maigret, maigrelet, maigrelin, mai-
grichon, maigriot (maigrillot). Nous allons maintenant examiner
et grouper les suffixes les plus importants selon leur signi-
fication.
111. Noms abstraits. Pour exprimer une qualité psychique ou
d'autres notions abstraites on emploie surtout les suffixes -âge,
-ance, -ement, -esse, -eur, -(e)té, -ie, -ise, -ure. Exemples: passage,
croyance, emportement, noblesse, rougeur, pauvreté, folie, froidure.
L'emploi de ces suffixes est réglé définitivement dans la
langue actuelle; on dit âpreté, laideur, et non pas âpreur,
laideté, ni âpresse, laidesse. L'usage moderne ne s'est établi
qu'après beaucoup d'hésitations; les suffixes cités s'employ-
aient presque indistinctement dans la vieille langue. Pour dé-
signer l'action de parler ou le langage on disait partance, par-
lation, parlement, parlerie, parlëure. En voici quelques autres
exemples:
Aigreur — vfr. aigror, aigresse, aigreté.
Apreté — vfr. aspreté, aspresse, aspror.
Fermeté — vfr. fermeté, fer messe.
6*
68
Fierté — vfr. flertéy fierecc, fieror.
Folie — vfr. folie, folage, folor.
Hauteur — vfr. hautor, hautece, hauture.
Lâcheté — vfr. lascheté, laschesse, laschement, laschance.
Laideur — vfr. laidor, laidece, laideté, laidure.
Maigreur — vfr. maigror, maigrece, maigreté.
Naissance — vfr. naissance, naissement. .
Noblesse — vfr. noblece, nobleté.
Passage — vfr. passage, passement, passëure.
Pensée — vfr» pensée, pensement, pensage.
Prud'homie — vfr. preudomie, preudommage, preudomement,
preudometé.
Vengeance — vfr. vengeance, vengemeni, vengeure, vengison.
112. Noms de lieux. Pour indiquer le lieu qui contient un
objet déterminé, ou dans lequel s'accomplit une action, on em-
ploie -aie, -ier, -ière, -oir. Exemples: ormaie, encrier, dattier, re-
nardière, sapinière, abattoir.
H3. Noms d'instruments. L'idée d'un outil, d'une machine,
d'un instrument quelconque est exprimée par les suffixes -et,
■ette, -euse, -oir. Exemples : jouet, écumette, écrémeuse, arrosoir.
114. Noms de personnes. On forme des »nomina agentis«
surtout à l'aide des suffixes -eur, -ien, -iste, -ier. Exemples:
danseur, luthérien, jardinier, paysagiste. Ajoutons les mots en
-ant, -isant: fabricant, slavisant. Sur l'hésitation actuelle dans
l'emploi de ces suffixes, voir § 337.
115. Collectifs. L'idée d'une réunion ou d'une abondance
d'objets de même sorte est exprimée par les suffixes -ade,
-âge, -aille, -ée, -erie, -ie, -is. Exemples: colonnade, branchage,
ferraille, ramée, argenterie, bourgeoisie, cailloutis. Ajoutons que
dans la langue actuelle -âge ne forme plus de collectifs
(§ 150) et que -aille a pris un sens péjoratif (§ 159).
116. Diminutifs. Pour former des diminutifs on emploie les
suffixes -at, -et (-eau), -elle, -et, -ette, -ille, -on et -elet, -elot, -eteau,
-illon, -eron. Exemples: loup —louvat, louveteau; renard — renar-
deau, aigle — aiglon, rue — ruelle, chambre — chambr ette , fibre —
69
fibrille; gant — gantelet, ange — angelot, mouche — moucheron,
nègre — négrillon, etc. Les diminutifs abaissent à un degré
inférieur le sens du mot dont ils dérivent; c'est pourquoi ils
s'emploient beaucoup dans le langage enfantin et dans toutes
les expressions tendres, caressantes et câlines. Cependant, en
désignant ce qui est petit et mignon, ils arrivent aussi à dé-
signer ce qui est frêle et faible et revêtent ainsi facilement une
nuance de dédain. Chez toutes les nations romanes on cons-
tate une forte prédilection pour les termes diminutifs. C'est une
particularité qui remonte assez haut, et nous savons que dans
le latin vulgaire beaucoup des mots simples du latin classique
avaient été remplacés par des dérivés diminutifs, qui seuls
ont survécu en français. Citons comme exemples auris, avis,
crates, genu, ovis, sol, qui tous disparaissent en gallo-
roman devant auricula, avica, avicellus, craticula,
genuculum, ovicula, soliculus, d'où les formes fran-
çaises oreille, oie (I, § 415, i), oiseau, grille, genou, ouaille (§ 127),
soleil. Comp. § 197.
Remarque. Nous avons vu que les suffixes diminutifs s'emploient pour
désigner le petit d'un animal, ce qui est bien naturel; ajoutons ici qu'ils
servent aussi à désigner le mâle, ce qui peut paraître surprenant, attendu que
le mâle des animaux domestiques est toujours plus grand et plus fort que la
femelle; mais il faut considérer que l'animal reproducteur est ordinairement
bien plus précieux que la femelle et demande des égards particuliers de la
part des cultivateurs. Ainsi taureau, mulet, verrat, cochon, dindon sont ori-
ginairement des diminutifs; les trois premiers mots sont tirés des masculins
primitifs tor, mul, ver, disparus maintenant; les deux derniers sont tirés des
féminins coche et dinde.
117. L'emploi des diminutifs dans la poésie a beaucoup va-
rié selon les époques. Au moyen âge il était assez étendu.
On sait que par ex. l'auteur d'Aucassin et Nicolete en a fait
parfois un véritable abus. Voici comme spécimen la fin de la
strophe 21:
Li uns dist: ,Bel conpaignet,
Dix ait Aucasinet,
Voire a foi! le bel vallet,
Et le mescine au corset
Qui avoit le poil blondet,
Cler le vis et l'oeul vairet,
Ki nos dona denerés,
Dont acatrons gastelés,
70
Gaïnes et coutelés,
Flaûsteles et cornés,
Macuëles et pipés.
Dix le garisse!'
Au temps de la Renaissance l'école de la Pléiade réintroduit
les diminutifs. Rémi Belleau dans sa Bergerie chante le gentil
rossignolet doucelet, la vigne tendrette, les brebis camusettes, les
herbes nouveleites, les pillardes avettes qui » mussent* (cachent)
des parfums de fleurs dans leurs caissettes, et il se sert volon-
tiers de verbes comme voleter, sauteler, brouteler, etc. — Ronsard,
dans ses églogues, appelle Henri II, Henriot; Charles IX, Car-
lin; Catherine de Médicis, Catin. Il emploie aussi les noms de
Guillot, Pierrot, Michau, Marion, etc. (Brossette). Daunou fait
observer que ces noms n'avaient rien de ridicule, et que les
diminutifs se prenaient en bonne part. Les imitateurs des Ita-
liens abusent également des diminutifs. Les lignes suivantes
de M. F. Brunot nous donneront une idée de ce qu'était cet
abus: »0n n'a dans ce pays-là que des cœurs mignardelets,
que de tendrelets enfançons. L'onde, plus que clairette, devient
argentelette, par la vertu de la rime, et il ferait beau voir que
l'émeraude ne fût pas verdelette, ni la rose vermeillette. Quant
à Lycoris, comment lui résister? Elle a pour nous affriander
une bouchelette sucrine, et pour nous attendrir des larmelettes.«
(Doctrines de Malherbe. Paris, 189L P. 287).
Cet emploi abusif des diminutifs, sévèrement blâmé par
Malherbe (I, § 52,3), disparaît avec les »italianiseurs«, et il
est resté banni de la poésie lyrique jusqu'à nos jours. Parmi
les poètes modernes, Henri de Régnier a montré dans ses
poésies rustiques, notamment les odelettes, une certaine pré-
dilection pour les diminutifs.
118. Dans la poésie populaire les diminutifs sont d'un em-
ploi très général. On trouve à tout moment: œillet, gorgerette,
gorgeron, ceinturette, pochette, chaînette, corhillon, jardinet, her-
bette, nocette, sœurette, etc. La bergère aimée est désignée comme
Vamiette, la mignonnette ; le jour elle mène paître les brebiettes
et les vachettes; la nuit elle dort dans une maisonnette où elle
a une chambrette; le dimanche elle se repose dans son jar-
dinet, où elle file la quenouillette en écoutant le roucoulement
de la colombette, le chant du rossignolet ou d'autres oiselets
71
(oisillons, oisillonnets). Son pied est petitet, sa bouche vermeillette,
son cœur jeunet et tendret, elle se sent seulette et ses yeux
joliets pleurent, etc.
119. PÉJORATIFS. Quelques suffixes expriment une dépréciation,
un mépris; en voici les plus importants: -aille, -aillon, -asse,
-ard, -eux, -on, -ot. Exemples : antiquaille, peintraillon, fûlasse, com-
munard, bonaparteux, Marion, bellot. Plusieurs de ces suffixes
sont primitivement des augmentatifs (-aille, -asse) ou des di-
minutifs (-on, -ot) ; c'est donc en partant de l'idée du trop
gros, du grossier ou du trop petit, du peu solide, du faible,
qu'on est arrivé à celle de l'incapable, du méprisable.
120. TopONYMiQUES. Des noms de races, de peuples, d'habi-
tants sont tirés de noms de lieux à l'aide des suffixes suivants :
-ain, -ais, -asque, éen, -ien, -ichon, -in, -ois. Exemples: toulou-
sain, bergamasque, vendéen, parisien.
CHAPITRE IV.
CHANGEMENTS DE SUFFIXES.
121. Les suffixes peuvent se substituer les uns aux autres.
Pour qu'une substitution ait lieu il faut que les deux suf-
fixes soient voisins de son ou de sens. Nous avons déjà vu
que, pour les noms abstraits, on hésitait au moyen âge entre
différentes terminaisons; on disait indifféremment laideur, lai-
desse, laideté, laidare (§ 111); la langue actuelle présente pour
les noms d'agent une pareille hésitation (§ 337). Parfois aussi
la forme savante d'un suffixe se substitue à la forme popu-
laire: ainsi -aison cède la place à -ation (§ 311), ou à une
forme empruntée: ainsi -ée a été supplanté par -ade (§ 364).
122. Voici maintenant quelques exemples de suffixes offrant
une forte ressemblance au point de vue phonétique, et qui se
sont remplacés les uns les autres.
-al, -at, -ard. Ex. : poignal > poignard; hrocat > brocard (§ 354).
-é, -et. Ex. : fûé > filet (§ 222).
-eille, -aille. Ex.: oueille } ouaille (§ 158).
-enc, -an, -and. Ex.: brelenc > brelan, tisserenc > tisserand
(§ 174).
-ique, -isque. Ex. : odalique > odalisque.
-iste, -ite. Ex.: jésuiste) jésuite (§ 335).
123. Les substitutions de suffixes qui s'observent dans les
périodes classique et moderne se réduisent souvent à des
confusions orthographiques.
-ain = -in, de là hautain (§ 163) pour hautin et alevin pour
alevain (§ 263).
73
_as = -at, de là cadenas pour cadenat, cervelas pour cervelat
(§ 180).
.au(t) = -eau = -ot, de là daleau pour dalot, cheneau pour
chenau, champ'eaux pour champaux,
124. Un changement de suffixe doit parfois être jugé diffé-
remment selon l'époque où il se produit. On trouve au moyen
âge hautin pour hautain (§ 263) ; il y a ici une véritable subs-
titution d'un suffixe à un autre qui offrait un sens analogue,
mais une prononciation différente (comp. I, § 213). Inverse-
ment on trouve dans la langue moderne hautain pour hautin
(vigne, échalas): il y a ici tout simplement une confusion
orthographique, les deux mots étant absolument homophones.
Remarque. Sur la substitution de suffixes homophones ayant pour résul-
tat un changement de genre, voir § 694 et passim.
125. La vitalité d'un suffixe dépend surtout de la fréquence
de son emploi.
P Plus un suffixe est employé, plus il est capable d'exten-
sions analogiques. Nous avons déjà constaté (II, § 65) que plu-
sieurs formes de la première conjugaison ont changé celles
des autres conjugaisons moins employées; ainsi -ans a rem-
placé -en s et -iens. Nous constatons également pour les suf-
fixes la prépondérance des formes qui présentent un a; ainsi
-abilis remplace -ibilis (§ 140), de même -amentum
l'emporte sur -imentum (§209). Ajoutons que -alis peut se
substituer à -élis, -anus à -aneus et -ïnus, -ïcia à -ici a,
-ïcula à -ïcula etc. Cette victoire constante du suffixe le
plus employé s'observe dès le latin vulgaire jusqu'à nos jours.
Dans la langue moderne -erie attaque les derniers survivants
en -ie, d'où la forme vulgaire mairerie pour mairie (§ 394).
2^ Plus un suffixe est rare, plus il est exposé à être trans-
formé sur le modèle d'autres suffixes. De cette manière s'ex-
plique la disparition de -eil, remplacé par -el; de -enc, rem-
placé par -an, -and, -ain (§361); de -er, remplacé par -ier, de
-iet, remplacé par -ier (§ 250), etc. Rappelons aussi que -ison
et -oison cèdent la place à -aison (§ 167).
126. Un changement de suffixe est souvent l'efifet d'une ana-
logie proportionnelle (comp. I, § 118, 2), deux suffixes s'influen-
74
çant à cause d'une forme commune. Ce phénomène s'observe
souvent dans la vieille langue, où un suffixe (déclinable ou
indéclinable) se change sous l'influence d'un autre suffixe
(déclinable ou indéclinable) qui présentait la même forme que
le premier au cas sujet singulier et au cas régime pluriel.
P Suffixe indéclinable changé sous l'influence d'un suffixe
déclinable. Les indéclinables en -(erjez (-erèsj et -iz (-is) tels
que bannerez, chevez, massiz se sont assimilés aux mots comme
arbrez — arbret, vis — vif, d'où les formes analogiques banneret,
chevet, massif. Il y a parfois concurrence entre plusieurs in-
fluences ; à côté de apprentiz — apprentice, on trouve apprenti f —
apprentive et apprenti — apprentie (II, § 288, 2, 408).
2^ Suffixe déclinable changé sous l'influence d'un suffixe
indéclinable. L'adjectif crueus — cruel a été assimilé aux ad-
jectifs en -eus (-osus), d'où le féminin crueuse (et l'adverbe
crueusement) ; comp. pour d'autres détails II, § 308.
3^ Suffixe déclinable changé sous l'influence d'un autre suf-
fixe, également déclinable. Ce phénomène dont nous avons
déjà parlé dans la Morphologie, amène par ex. la confusion
entre -al et -ail; voir II, § 305.
-al et -aut; le type hiraus — hiraut amène amiraus — amiraut
(forme très ordinaire au moyen âge) au lieu de amiral.
-an et -ant; voir II, § 271.
-eul et -euil; voir II, § 32L
-i, -if, -il, -it; il y a eu divers croisements entre les types
hardis — hardi, vis— vif, soutis (subtilis) — soutil, affliz — afflit,
d'où des formes analogiques telles que joli pour jolif, soutif
pour soutil, mendif pour mendi.
-cl et -ot; sur le modèle de angloz — anglot, on a parfois
donné au nominatif rossignos un cas régime rossignol, au lieu
de rossignol.
4^ Deux suffixes s'influencent également à cause d'une forme
commune au masculin ou au féminin. Le groupe daneis —
danesche a été reformé sur le type de cartels — corteise d'où le
nouveau féminin daneise (voir II, § 417). D'une manière pa-
reille s'explique le féminin en -euse des mots en -eur (II, § 406).
127. Un changement de suffixe peut aussi être l'effet d'une
analogie simple. Exemples:
»
75
Vfr. escargol (emprunté du prov. escargol) se change en
escargot sous l'influence de escarbot.
Vfr. oueille devient ouaille (^ aumaille).
Vfr. plurel (emprunté du lat. pluralis) s'est changé en p/u-
rier sous l'influence de singulier; la forme moderne pluriel re-
présente un retour au primitif latin.
128. Dans quelques cas le changement de suffixe paraît dû
à un acte volontaire : à un suffixe un peu incolore on a voulu
substituer un suffixe plus énergique et expressif; de cette ma-
nière s'expliquent écolâtre et mulâtre pour *écolât et mulat. Nous
avons la contre-partie (ie ce phénomène dans ïa forme Savoi-
sien pour Savoyard (§ 355).
129. Rappelons en dernier lieu que la terminaison des mots
d'emprunt, surtout si elle est insolite, est souvent changée sur
le modèle de quelque suffixe français. Ce changement peut
être phonétique (prov. p a s t e n a g a > pas/enade) ou purement
orthographique (russe boyar > boyard). En voici quelques
autres exemples: Alcade (esp. al cal de); artichaut (it. arti-
ciocco); boulevard (hoW. h olwerk); falot (it. falô); maréchal
(aha. marahskalk); paletot (holl. paltrok); reliquat (lat.
r cliqua); sérail (turc, seraï).
CHAPITRE V.
SUFFIXES LATINS.
OBSERVATIONS GENERALES.
130. Accentuation. Les suffixes latins étaient accentués : gal-
lin|aceus, mort|alis, montjanus, claud|aster, oliv|e-
tum, civ|ilis, equ|inus, ras|orium, etc., etc., ou inaccen-
tués: angust|ïa, clement|ïa, colleg|ïum, aur|ëus, ign|-
ëus, patr|ïus, bell|ïcus, civ|ïcus, frig|ïdus, frag|ïlis,
ut|ïlis, hort|ûlus, serv|ùlus, mater|cùla, guberna|cù-
lum, etc., etc. Seuls les suffixes du premier groupe ont pu
continuer leur vie en roman: -aceus > -az, -a lis > -e/; -anus
> -ain, -aster > -astre, - e t u m > -eie, -oie, -aie, - î 1 i s > -il, - i n u s
> -in, -orium > -oir, etc.
131. Suffixes inaccentués. Grâce à l'évolution phonétique,
les suffixes inaccentués sont réduits ou changés d'une telle
façon qu'ils ne peuvent plus se faire valoir comme suffixes;
que l'on compare par ex. angustïa et angoisse, aurëus et vfr.
oire, frigïdum et vfr. freit, fragïlis et vfr. fraile, utilis et
vfr. utle, et l'on comprendra immédiatement pourquoi les. suf-
fixes inaccentués se fondant avec le corps du mot n'ont pu se
maintenir. Le français n'a donc pas de suffixes correspondant
à -ïa, -ïum, -eus, -ïcus, -ïlis, -ïdus, -ùlus, etc., etc.
132. Il est cependant intéressant de constater que les suf-
fixes inaccentués ne cessent pas d'être productifs dans le latin
vulgaire après la période classique. A l'aide des langues ro-
manes on peut constater qu'on a créé dans une période anté-
77
rieure au IX^ siècle, un certain nombre de dérivés inconnus
au vocabulaire classique et formés par l'addition des suffixes
-ïa, -lus, -eus.
133. lA. Ce suffixe s'ajoutait surtout aux adjectifs: angu-
stus — angustia, molestus — molestia, etc., etc. Voici
quelques exemples de créations nouvelles propres à la période
antéromane :
P Dérivés d'adjectifs:
*Claria ) glaire.
*Crassïa > graisse (comp. I, § 399, Cas isolés).
*Curbïa (pour *curvïa; cf. I, §445,2, Cas isolés) > courge
(bâton en arc).
*Districtïa > détresse.
* F o r t i a ) force.
*Grossïa ) vfr. groisse.
*Latïa > laize.
*Spissïa > vfr. espoisse; comp. Romania XXXI, 634.
*Strictïa ) vfr. estrece.
2^ On a aussi quelques dérivés de substantifs:
Granïa (de granum) > grange. Voir aux Additions.
*J un ici a (de junix) ) génisse.
*Metallïa (de metallum) > maille (I, § 265).
3^ Notre suffixe se rencontre aussi dans les noms de pays:
Italïa, Hispanïa, etc. On retrouve en français plusieurs des
formes classiques: Apulïa > Fouille (I, § 261, i), Britannïa
) Bretagne, Hispanïa ) Espagne, Venetïa > Venise, et, ce qui
est plus intéressant, plusieurs formations analogiques d'une
date postérieure: Alamannïa ) Allemagne; Burgundïa >
Bourgogne; Francïa > France (I, § 6, Rem.); Frisïa > Frise;
Marcomannïa > Marmagne; Saxonïa > vfr. Sassoigne;
Wasconïa > Gascogne. Ces créations ne dépassent pas le
VIII^ siècle. Quand il faut un mot pour désigner le pays des
Normands, on n'a plus recours au suffixe inaccentué -ïa,
mais à -îa; on ne crée pas Normandïa, mais Normandîa,
d'où Normandie.
Remarque 1. Le suffixe -ïa a été employé par les botanistes pour des
noms de plantes qui ont passé tels quels en français comme dans les autres
langues: camélia, dahlia, hortensia, magnolia, etc.; comp. § 704, Rem.
I
78
Remarque 2. La forme neutre -ium a été employée dans la terminologie
chimique pour désigner des métaux. On la joint à des mots grecs: ammo-
nium, cadmium; à des mots latins: aluminium, calcium; à des mots fran-
çais ou étrangers: potassium, sodium.
134. EUS, lus. Après la période classique on constate la
création de quelques adjectifs en -eus, -ius. En voici quelques
exemples qui se retrouvent comme substantifs en français.
P Dérivés de substantifs: *Camusius (de l'anc. haut ail.
gamuz), d'où chamois. *Limacius (de limax), d'où vfr.
limaz.
20 Dérivés d'adjectifs: Le vins (de le vis), d'où liège. No-
bilius (de nobilis), d'où le vfr. nobilie. Rapidius (de ra-
pidus), d'où le vfr. ravoi, ravine, torrent.
135. Ajoutons encore les remarques suivantes sur le sort des
suffixes inaccentués:
P Changement d'accent. Le suffixe -ïa a été supplanté par
-îa (§ 241). Rappelons aussi le passage de -ïolus à -iolus
(I, § 137, i). La langue savante utilise les suffixes inaccentués
en les accentuant: -ïcus > -ique, -ïlis > -ile.
2^ Substitution. Le diminutif -ùlus a été remplacé par
-ellus. Pour annulus, catulus on dit dans le latin vulgaire
annellus, catellus.
3^ Élargissement. Les suffixes -bïlis et -eu lu s se re-
trouvent en français, augmentés de la voyelle précédente:
-abilis ) -able, -aculus ) -ail.
136. Suffixes accentués. Un certain nombre des suffixes ac-
centués que possédait le latin classique, ont disparu; citons
-ëla, -ullus, -en us, -un us, -an eus, -ineus, -on eus, -ïcus,
-îicus, -bundus, -lentus, etc.; rappelons que quelques-uns
de ces suffixes se retrouvent dans des mots isolés (candela
y vfr. chandeile, serenum } serein, etc.), mais ils ne sont pas
devenus producteurs. Ces pertes sont, à tout prendre, peu con-
sidérables, et elles ont été largement réparées, surtout par des
emprunts et de nouvelles créations françaises. On ne peut guère
citer comme formations nouvelles latines que -attus et
I
79
-ottus, créées probablement comme formes collatérales de
-ittus (§ 220).
137. Les suffixes français d'origine latine se présentent, soit
sous une forme populaire, soit sous une forme savante (comp.
I, § 140). Sont de formation populaire: -az7/e, -ain, -ance, -as,
-eau, -el, eux, etc.; sont de formation savante: -al, -an, -ible,
-isme, -iste, -ose, etc. Parfois le même suffixe se présente sous
une forme double: -ain et -an, -el et -al, -é et -at, -eux et -ose;
parfois le même suffixe s'emploie dans la formation populaire
et dans la formation savante sans changement de forme: -in.
138. Voici un relevé des
français; s'il y a plusieurs
forme populaire, ensuite la
la forme empruntée:
-(a)bilis > -ahle;
-ace a ) -ace, -asse;
-a ce us > -az, -as;
-aculum ) -ail;
-alla > -aille;
-alis ) -el, al;
-amen > -ain;
-(a)mentum > -ement;
-anea > -agne;
-ans, -antis > -ant;
-antia > -ance;
-anus ) -ain, -an;
-a ri ci us ) -erez;
-aris ) -er;
-a ri us ) -ier, -aire;
-aster ) -âtre;
-a ta ) -ée, -ade.
-aticus ) -âge, -atique;
-atio, -ationis > -aison,
-ation;
-atorius > -oir, -atoire;
-atum ) -é, -at;
-atus > -é, -at, -ado;
suffixes latins qu'on retrouve en
formes nous donnons d'abord la
forme savante, et en dernier lieu
-attus > -at;
-cellus > -ceau
Lius / -ceau;
ellus > -el, -eau, -iau
en si s > -ois, -ais;
-entia ) -ence
-ëta > -eie, -oie, -aie;
-etum ) -ei, -oi;
-ia ) -ie, -ia;
-ianus > -ien;
-ibilis ) -ible;
-ï eu lus ) eil;
-ïculus ) -il;
-ici us, voir -aricius;
-Icius ) -iz, -is;
-icus > -ic, -ique;
-ile > -il;
olus ) -eul, euil;
nus > -in;
se us ) -eis, -ois, -ais;
s m us ) -isme;
-issa ) -esse, -isse;
-ista > -iste;
-ita, -itis ) -ite:
80
itia > -ece, -ise, -oise, -ice;
itio, -itionis } -ison, -ition
ittus > -et;
itus > -i;
ivus ) -if;
o, -onis > -07?;
or, -oris > -eur;
oria > -oire;
orium > -oir;
-os us > -eux, -ose;
-otio, -otionis > -oison;
-ottus > -ot;
-tas, -tatis ) -té;
-udo, -udinis > -urne, -une;
-umen ) -un;
-ura ) -ure;
-utus ) -u.
CHAPITRE VI.
SUFFIXES LATINS
DE FORMATION POPULAIRE.
139. Voici un relevé des suffixes que nous allons étudier
dans ce chapitre: -able, -âge, -agne, -aie, -ail, -aille, -ain, -ais,
•aison, -ance, -and, -ange, -ant, -as, -asse (-ace), at, -âtre, -ceau,
-é, -eau, -eé, -ée, -eil, -eille, -eise, -el, -elle, -ement, -er, -eresse,
-eret, -esse, -et, -ette, -euil, -eul, -eur, -eux, -euse, -i, -iau, -ice, -ie,
-ien, -ier, -ière, -if, -il, -ille, -in, -ine, -is, -ise, -ison, -oir, -oire, -ois,
-oison, -on, -ot, -ote (-otte), -té, -u, -urne, -un, -une, -ure.
140. ABLE remonte au lat. -abilis. Ex.: amabilem > vfr.
amable, d'où aimable (I, § 298,2); rationabilem > vfr. rais-
nable, remplacé par raisonnable (refait sur raison). L'emploi
de -able s'est beaucoup étendu en gallo-roman où il peut se
joindre à n'importe quel verbe. Ajoutons qu'il remplace -ibi-
lis (§ 319) et -ubilis:
Credibilis ( > it. credibile), remplacé en vfr. par creable
qui devient croyable. On avait autrefois le doublet savant cré-
dible.
Vendibilis (>it. vendibile, esp. vendible) est remplacé en
fr. par vendable.
Visibilis est remplacé en vfr. par feaWe, voijable, qui cède
la place au mot d'emprunt visible, dont on trouve des exemples
dès le XIP siècle.
Remarque. La vraie forme du suffixe latin est -bïiis; la voyelle pré-
cédente appartient au thème: ama-bilis, credi-hilis. En français le suf-
fixe est devenu -able: louer — loii-able, et il est peu correct et assez pédant
de donner, comme font plusieurs grammairiens, une forme française -Me.
82
141. Le suffixe -able a joué un rôle important en français,
et il est resté fécond juscju'à nos jours. Il se joint ordinaire-
ment au thème du participe présent, rarement aux thèmes
nominaux.
P Dérivés de verbes: Adorable, blâmable, désirable, vfr. meri-
lable; amortissable, bannissable, chérissable, guérissable, haïssable,
punissable; croyable, prenable, buvable, recevable, reconnaissable ;
secourable, serviable, sortable, tenable. Les créations modernes
sont nombreuses: abattable, abolissable. abrogeable, assurable,
brevetable, capitalisable, civilisable^ dirigeable, discutable, formu-
lable, impressionnable, organisable, simplifiable, etc.
2^ Dérivés de substantifs: Charitable, carrossable, corvéable,
dommageable, équitable, mainmortable, pitoyable, véritable, viable.
La langue moderne attache rarement -able à un thème nomi-
nal; notons les créations isolées clubbable (Rigaud), cyclable
véhiculable. On trouve au moyen âge : amistable, angoissable,
bontable, charnable (charnel), enginable (plein de talent), lion-
table (ayant honte), mensongeable (menteur), piteable (plein de
pitié), soufraitable (malheureux), toiirmentable (plein de tour-
ments), tristable (triste), vertuable (valeureux).
Remarque. Il est parfois difficile de décider si un mot en -able est formé
d'un thème verbal ou nominal. Ainsi l'ancien merveillable, dont se sert en-
core Robert Garnier, et qui voulait dire 'merveilleux', 'étonnant', peut être
tiré aussi bien du substantif merveille que du verbe merveillier.
142. Signification. Dans la langue moderne le suffixe -able
a le plus souvent un sens passif (désirable, qui mérite d'être
désiré), rarement un sens actif (dommageable, qui fait du mal;
secourable, qui secourt). Quant aux dérivés nouveaux, le sens
passif y règne seul: discutable signifie ce qui peut être discuté,
et il serait impossible de lui prêter le sens de: qui discute.
Il en était autrement dans la vieille langue, où -able expri-
mait une possibilité active, tout aussi bien qu'une possibilité
passive.
143. Sens actif. Le sens actif se trouve régulièrement et
nécessairement dans les dérivés des verbes intransitifs et, en
outre, dans les dérivés des verbes transitifs, surtout dans la
vieille langue.
1^ Dérivés de verbes intransitifs: convenable, courable, du-
83
rable, périssable, semblable, sortable, valable, etc. La vieille
langue avait encore consentable (complice), decheable (caduc),
mourable (R. Garnier), pechable (enclin à pécher). On ne forme
plus dans la langue moderne de dérivés en -able de verbes
intransitifs.
2^ Dérivés de verbes transitifs. Dans la vieille langue, ces
dérivés présentaient souvent le sens actif; en voici quelques
exemples:
Acomplissable, qui accomplit.
Aidable, qui aide, qui est prêt à aider; ce sens est général
encore au XVP siècle.
Arrosable, qui arrose. Rustebuef (éd. Jubinal II, 97) parle
d'une arrousable fontaine.
Buvable (beuvable), qui boit, buveur (voir Godefroy).
Decevable, qui déçoit, trompeur. Dans un vieux glossaire,
ce mot traduit le latin fallax. Les anciens poètes regrettaient
souvent la fortune decevable.
Deduisable, qui déduit, charmant: des jardins deduisables.
Despendable, qui »despent« (dépense), prodigue; c'était le
contraire de eschars.
Empeschable, qui empêche ou gêne; on trouve dans la farce
de Patelin: Tels gens qui sont si empeschables (v. 651).
Espargnable, qui épargne, économe, ménager: Ceuls qui
furent espargnable (Deschamps, Œuvres complètes, VI, 165).
Muable, qui change, changeant, éphémère.
Parlable, qui parle; puis porte-parole, négociateur.
Pechable, qui pêche. On disait autrefois ons pechables pour
un 'pécheur'.
Punissable, qui punit, punisseur: Justice est la fort dure et
pugnissable (E. Deschamps, Œuvres complètes, VII, 79).
Ravissable, qui ravit, ravissant, violent.
144. On ne forme plus de dérivés en -able avec une signi-
lication active. Quant aux dérivés anciens, la langue moderne,
en tant qu'elle les conserve, leur prête ordinairement un sens
passif: aidable, qui peut être aidé; arrosable, qui peut être
arrosé; buvable, qui peut être bu; decevable, qui peut être
trompé, etc. Le sens actif a été conservé dans comptable, con-
tribuable, effroijable, épouvantable, pitoyable, redevable, secourable,
ser viable.
6*
84
Remarquk. Le sens actif se trouve aussi dans quelques mots de forma-
tion savante: délectable, re.s/)onsa/)/e, solvahle.
145. Sens passif. Dans la langue moderne, le sens passif se
trouve régulièrement dans les dérivés des verbes transitifs:
accusable, adorable, hastonnahîe, hrisable, chevaiichable, déchif-
frable, éviiable, exploitable^ guérissable, multipliable, recomman-
dable, supportable, etc. Ajoutons quelques mots qui n'ont pas
survécu au moyen Age: guer(re)donable (digne d'être récom-
pensé); veable ou voyable, remplacé par visible.
146. La vieille langue présente un certain nombre d'adjec-
tifs qui avaient en même temps le sens actif et le sens passif;
en voici quelques exemples:
Acomplissable. P Qui accomplit: Tes fins Artus . . . sera ac-
complissables de la table reonde que tu as fondée (Merlin, l,
131). 2^ Ce qui doit être accompli (voir Godefroy).
Agréable. P Qui agrée ou consent; on disait par ex. être
agréable d'un fait. 2^ Qui est agréé.
Défendable. P Qui défend, défensif : armes défendables (Join-
ville, § 94). 2^ Qui peut être défendu: uns chastiaus défendables.
Defensable. Mêmes significations que le mot précédent. On
parlait de gent defensable (R. de Glary), armure defensable,
guerre defensable et de murs defensables, villes defensables, etc.
Entendable. 1^ Qui entend, comprend; intelligent: une beste
entendable (Ph. de Thaun, Bestiaire, v. 693), uns enfes enten-
dables, etc. 2^ Qui est entendu, qui peut être compris; intelli-
gible: une rime entendable, une parole entendable.
Gémissable. P Qui gémit; gémissant (voir Godefroy). 2^ Qui
mérite d'être déploré; déplorable: Gémissable Porcie (R. Gar-
nier, Porcie, v. 1820).
Sachable. 1^ Qui sait: un homme sachable. 2^ Qui peut être
su, qu'on peut connaître (= scibilis; voir Godefroy).
Tenable. P Qui tient, solide, ferme; qui possède: une mé-
moire tenable, estre tenable de la vile. 2^ Qui peut être tenu,
défendu : la ville n estait mie tenable contre une telle puissance
(Froissart).
La langue moderne n'a pas conservé cette signification à
double entente; c'est le sens passif qui l'emporte. Notons
pourtant les deux adjectifs suivants:
85
Flottable. 1« Qui flolle, qui peut flotter: du bois flottable.
2^ Qui peut être flotté, où on peut faire flotter du bois: une
rivière flottable.
Pitoyable. P Qui a de la pitié: un regard pitoyable. 2^ Qui
est digne de pitié: quels pitoyables vers! (Boileau, Épître X.)
ACE, voir § 178.
ACHE, voir § 182, Rem.
147. AGE remoiile à -aticus ou -aticum: silvaticus } sau-
vage, lunaticus > vfr. lunage, vi aticum > voyage, sequa-
ticus > vfr. evage, etc. On forme beaucoup de nouveaux dé-
rivés en latin vulgaire: for m aticus > formage > fromage,
aetaticum > eage, âge, -^baron aticum > vfr. barnage.
Formes élargies. A côté de -âge, on trouve -dage dans
marivaudage, de Marivaux (voir § 88), et -tage dans agiotage,
numérotage (voir § 417).
Cas isolés. Plusieurs mots présentent une terminaison -âge
qui n'a rien à faire avec le suffixe -âge; notons image < vfr.
imàgene (I, § 327,2) < imagine m.
148. Le suffixe -âge a élé très productif en français. Dans
l'ancienne langue il se joignait aux noms (substantifs et adjec-
tifs) et quelquefois aux verbes: Honte — hontage, ombre — om-
brage, vis — visage; chetif — chetivage, mal — malage ; marier —
mariage, etc. Dans la langue moderne -âge ne s'ajoute qu'aux
thèmes verbaux: Bavardage, bouquinage, brunissage, entoilage,
numérotage, réglage, remorquage, remplissage ; blackboulage, boy-
cottage, drainage, flirtage, reportage, skatinage, etc.
Remarque. Dans quelques cas, les créations modernes en -ayc ne re-
montent pas à un thème verbal mais sont dues à une sorte d'analogie pro-
portionnelle. Factage ne vient pas de facter, un tel verbe n'e.xiste pas;
mais comme on avait laveur — lavage, loueur — louage, etc., l'analogie a créé
/'adage à côté de facteur. D'une manière pareille s'explique pourcentage. Ma-
rivaudage paraît provenir directement de Marivaux (§ 88); le verbe mari-
vauder est une formation postérieure.
149. Emploi. A l'origine -âge formait des adjectifs et des
substantifs.
P Adjectifs en -âge. On disait au moyen âge: chant ramage,
endroit ombrage, poisson marage, rat evage, tens yvernage (Am-
8(>
broise, La guerre sainte, v. 3508), etc. La langue moderne n'a
conservé que deux adjectifs en -âge: sauvage et volage, qui
tous les deux remontent au latin; les autres ont disparu ou
sont devenus des substantifs.
2^ Substantifs en -âge. Au moyen âge on désignait à l'aide
de -âge et des personnes et des choses (-aticum); le message
était aussi bien l'homme envoyé (missaticus) que la chose
envoyée (missaticum); depuis longtemps -âge ne désigne
que des choses.
150. Signification. Le suffixe -aticus exprime surtout une
idée d'appartenance: silvaticus, ce qui est propre (appartient)
aux forêts. Cette idée a évolué de plusieurs manières en fran-
çais, mais elle se retrouve au fond des différentes significa-
tions qu'on attribue maintenant à -âge. Dans la langue mo-
derne, ce suffixe désigne:
1^ Une collection d'objets de même espèce : branchage,
feuillage, herbage, nuage, pelage, plumage, etc. Le sens collec-
tif se retrouve aussi dans courage, langage, personnage, visage,
où -âge exprime l'ensemble des qualités qui constituent et
caractérisent le nom.
2^ Un état: apprentissage, esclavage, servage, veuvage: vfr.
nialage.
Remarque. Il est curieux d'examiner un mot tel que l'ancien barnage
(remplacé par la forme refaite baronnagé). II signifie ,1e corps des barons',
une assemblée de barons, ou l'état (la dignité, la puissance) du baron; il
réunit ainsi les deux premières significations.
3^ Une action ou le résultat (le produit) de cette action:
blanchissage, bouquinage, brigandage, factage, monnayage, pèle-
rinage, raccommodage. Cette signification est propre à tous les
dérivés modernes, qui, nous l'avons déjà dit, remontent ex-
clusivement à des thèmes verbaux.
151. AGNE reproduit le latin -anea, neutre pluriel de -an eu s:
interanea > vfr. entragne, camp anea > Champagne, mon-
ta ne a > montagne; pedanea ) vfr. peagne. Ce suffixe, mort
maintenant, n'était guère productif dans la vieille langue;
comme formation nouvelle on ne saurait citer que ovragne
(ouvrage). Sur le rapport entre -agne et -aigne, voir I, § 229,4,
Rem.
87
152. AIE remonte au latin -eta, pluriel de -etum, qui dé-
signe une collection de végétaux, une plantation: arbore-
tum, olive tu m, cannetum, pal me tu m, etc. La terminai-
son -eta donne en français -eie, d'où régulièrement -oie, con-
servé dans charmoie et ormoie; dans tous les autres mots -oie
passe à -aie (I, § 159).
Forme élargie. A côté de -aie on trouve -eraie (§ 388).
Remarque. A côté de -eie, -oie, on avait au moyen âge -ei, -oi, qui re-
monte au singulier -etum: alisoi, alnoi, aiibroi, chaumoi, erboi, espinoi, fan-
goi, gravai, perroi, rosoi, sablonoi (terre couverte de sable), sapinoi. Cette
terminaison masculine, remplacée dans les dérivés des noms d'arbres par
-oie, -aie, n'existe de nos jours que dans écofroi ou écofrai (de écofier) et
gravois, mauvaise graphie pour gravoi; rappelons aussi les noms de lieu
Fontenoy, Aiilna^, Châtenag.
153. Voici les exemples les plus importants du suffixe -aie:
Aiinaie (autrefois aulnaie), vfr. boulaie (dér. de boni, primitif
de bouleau; cf. I, § 4), cannaie, châtaigneraie^ chênaie, épinaie,
fougeraie, foutelaie (dér. de fouteau), frênaie, futaie, houssaie
(dér. de houx), jonchaie, ormaie, oseraie, roseraie, saulaie, saus-
saie (dér. de saux, saule), tremblaie.
Cas isolés. Pour les arbres fruitiers, il y a hésitation; -aie
s'ajoute tantôt au nom du fruit, tantôt au nom de l'arbre. On
trouve d'un côté cerisaie, olivaie, poiraie, et de l'autre châ-
taigneraie, pommeraie et au moyen âge figueroie (remplacé
maintenant par figuerie). On hésite entre prunaie et prunelaie
(pour pruneraie). Quant à coudraie, il dérive de coudre, qui
s'employait autrefois pour coudrier.
154. AIL est un suffixe populaire qui remonte à -aculum
(ou à -alium): gubernaculum > gouvernail; *berbica-
lium ) bergeail, remplacé par bercail (I, § 68). Il était assez
productif au moyen âge et formait de nombreux dérivés de
thèmes verbaux, rarement de thèmes nominaux : afermail (fer-
moir), afichail (agrafe), afublail (vêtement), aiguail (rosée), alu-
mail (mèche), amorsail (amorce), atachail (attache), bersail
(cible), cordait (corde), mirait (miroir), terrait (retranchement
de terre). La langue actuelle possède aiguail, aspirait, attirail,
bâtait, bercail, épouvantait, éventail, fermait, plumait, soupirail,
vantait.
88
155. Formations analogiques.
P Ail n'est pas étymologique dans corail, émail, frontail,
mélail, poitrail, portail, où il remplace -al; voir sur ce cas II,
§ 305, 1.
2^ Il faut encore noter:
Biirail, emprunté de l'it. buratto; au XVI'' siècle on trouve
burat et hiirail.
Camail, emprunté du prov. capmalh.
Sérail, emprunté du turc serai.
3^ Sur quelques mots, où -ail a été remplacé sporadique-
ment par -al, voir II, § 305, 2.
156. AILLE remonte généralement à la terminaison latine
-alia (neutre pluriel de -alis), qu'on trouve dans carnalia,
genitalia, inguinalia, Lupercalia, etc. On a conservé
en français anima lia > aumaille (cf. I, § 330,2), sponsalia
) épousailles; vie tua lia > vfr. vitaille. Dans quelques mots
-aille reproduit l'italien -aglia: anticaglia > antiquaille,
canaglia ) canaille (remplace l'ancien chienaille).
Mots savants. La forme -aille pénètre aussi dans les mois
savants: funeralia > funérailles.
Forme élargie. A côté de -aille on trouve -daille dans be-
deaudaille de bedeau (cf. § 88). Crépodaille (sorte de crépon
fort mince) est probablement pour créponaille, dér. de crépon;
l'altération paraît due à l'influence de crapaudaille (cf. I,
§118,5).
157. Sur le modèle des mots cités on a de bonne heure
formé des dérivés nouveaux. Citons les formes vulgaires bat-
talia (pour battu alia, de battu ère), d'où le français ba-
taille, et intralia (glossaire de Reichenau, n° 1153), d'où en-
trailles (prov. intralias). Les créations françaises sont assez
nombreuses; elles sont tirées des noms et des verbes
P Dérivés de substantifs: Biocaille (de bloc), bordaille (de
bord), broussaille (autrefois brossaille, de brosse), cisaille (de
ciseau, cf. § 79), coquinaille, ferraille, fonçaille (pour fonsaille),
futaille, grenaille, gueusaille, maraudaille , marmaille (de mar-
mot), merdaille, mitraille (vfr. mitaille; I, § 504, 5), moinaille,
moutonnante, muraille, pédantaille, pierraille, poissonnaille, prê-
traille, racaille, ribaudaide, rimaille, rocaille, tripaille, truandaille,
89
valetaille. On n'emploie plus baronnaille, chienaille (remplacé
par canaille), coraille, frapaille (gens de rien), de frap, multi-
tude, garçonaille (valetaille), escuiraille (réunion d'écuyers),
mortaille (mort, funérailles), noçailles (noces), peautraille (ca-
naille), peschaille (poissons pêches), piétaille (infanterie), pieto-
naille (gens à pied), putaille (racaille), repostaille (lieu caché),
etc., etc.
2" Dérivés d'adjectifs: Grisaille, longaille, meniiaille. Povraille,
vilenaille (Patelin, v. 416) sont maintenant hors d'usage.
3^ Dérivés de verbes: Accordailles , fiançailles, limaille, man-
geaille, relevailles, semaille, trouvaille. On n'emploie plus as-
semhlaille (union), commençaille (commencement), devinaille
(divination), esposaille (anneau nuptial), repentaille (regret),
braçaille (action de brasser), etc.
158. Formations analogiques. Par substitution de suflixe, on
trouve -aille pour -eille ou -ille dans :
Ouaille < vfr. oueille (conip. prov. ovelha, esp. oveja); in-
lluence probable de aumaille.
Volaille < vfr. volille (de vola t il i a? on ne trouve pas la
forme voleïlle).
Une substitution momentanée de -aille à -eille se trouve dans
la Farce du Munijer, qui dans une rime emploie boutaille
(Jacob, Recueil de farces, p. 259). Comp. I, § 207, 3, Rem.
159. Signification.
1" Le suffixe -aille signifie, selon son origine, une pluralité;
il a pris déjà en latin un sens collectif qui a passé en fran-
çais. Par baronnaille on désignait au moyen âge l'ensemble
des barons: Li rois de France, il et sa baronnaille {Les Nar-
bonnais, v. 7709). Comp. escuieraille (une foule de serviteurs),
piétaille (les soldats à pied), fustaille (réunion de fûts, barriques),
pierraille, etc.
2^ Au sens collectif s'unit facilement une idée dépréciative:
Ferraille, d'abord un amas de fer, se dit très naturellement
du fer qui ne peut plus servir, et finit par désigner exclusive-
ment les vieux fers ou débris de fer mis au rebut. De cette
manière -aille prend peu à peu une valeur péjorative qui vient
à dominer dans la plupart des créations nouvelles, et à chan-
ger la signification des anciens mots. Au moyen Age baronnaille
90
désignait une réunion de barons et était un terme tout neutre;
le mot récent prêtraille est un terme de mépris et d'injure.
Antiquaille était au XVI* siècle un terme noble pour l'antiquité
ou l'ensemble des œuvres antiques; Régnier s'en est servi:
Les Latins, les Hébreux et toute l'antiquaille (Satire IX); mais
déjà dans Corneille le mot se prend »in malam partem« et
s'emploie de choses surannées et de peu de valeur: Tous ces
vieux ornements, traitez-les d'antiquailles (Poésies diverses).
3^ Les mots en -aille qui dérivent de verbes désignent sur-
tout une action et l'objet ou le résultat de cette action: vfr.
commençaille, commencement; trouvaille, ce qu'on trouve; li-
maille, produit du limage.
160. AIN remonte à -anus: humanum > humain, mun-
danum > mondain. Il a été très productif en roman, où il
s'attache non seulement aux substantifs, comme en latin
classique, mais aussi aux adjectifs (et aux adverbes). Voici
quelques formations appartenant au latin vulgaire: * Vil la-
nus (de villa) > vilain; *altanus (de altus) > hautain;
*certanus (de certus) > certain; -'alibanus (de alibi) >
albain, aubain; -^ongitanus (de longiter) > lointain. Il
faut encore remarquer que dans quelques cas, -anus se
substitue à -aneus: Foraneus > *foranus > /bz-az/î; subi-
taneus > ^'subitanus > soudain; subterraneus > ^=sub-
terranus > souterrain. Il se substitue à -inus dans pulli-
nus (esp. pollino, prov. polin) > *pullanus > poulain. Sur
le sort du pluriel -an a, voir § 306.
Cas isolé. Après une palatale -anus devient -ien (I, § 415,2):
decanus > deiien > doyen.
161. En français, l'emploi de -ain a été considérable. Il s'est
attaché aux adjectifs, aux adverbes, et aux substantifs, et il
a été employé dans les mots d'emprunt. Dans la langue mo-
derne -ain n'est presque plus productif; il a été dépossédé sur-
tout par -ien.
P Dérivés d'adjectifs (ou d'adverbes). On trouve au moyen
âge aubain (cheval blanc), derrain (dernier), grevain (de grief),
prochain, purain (de pur), etc. ; de ces mots la langue moderne
n'a retenu que prochain. Sur les dérivés des noms de nombres,
voir § 162, 2.
91
2^ Dérivés de substantifs: Acérain, chapelain, châtelain, dio-
césain, vfr. hostelain, etc.; avignonain, toulousain, etc.
3^ Mots d'emprunt. On l'emploie dans les mots savants:
urbain, publicain, sylvain, etc. et dans les mots pris aux
langues modernes : napolitain (it. napolitano), puritain {angl.
puritan).
162. Signification. Le suffixe -ain sert à former des adjectifs
et des substantifs. Il désigne surtout:
P Des personnes: chapelain, châtelain, franciscain, puritain,
républicain, etc. Notons aussi les dérivés des noms de lieux et
de pays: américain, avignonain, chartrain, montpelliérain, na-
politain, toulousain, etc. Un dérivé tout récent est formosain
(L'Européen, 1905, 4 nov., p. 6).
2^ Des noms de nombres collectifs. Dans la langue moderne
-ain et -aine ont eu chacun leur emploi particulier. Les mots
en -ain sont surtout des termes de prosodie indiquant des
strophes d'un nombre déterminé de vers: quatrain, sixain,
huitain, dizain, tandis que ceux en -aine indiquent surtout une
quantité approximative et les unités d'un certain ordre: dou-
zaine, vingtaine, trentaine, centaine, neuvaine. Cette distinction
est relativement moderne; autrefois on employait indifférem-
ment -ain et -aine pour exprimer une réunion d'objets quel-
conques : Le dixain des fruiz (voir Godefroy) ; deux trentains de
vin (ib.), etc. On trouve encore dizain pour un paquet de dix
jeux de cartes, un trentain pour trente messes; et douzain est
conservé dans plusieurs patois; voici une observation d'H. de
Balzac: »Le douzain est un antique usage encore en vigueur
et saintement conservé dans quelques pays situés au centre de
la France. En Berry, en Anjou, quand une jeune fille se ma-
rie, sa l"amille ou celle de l'époux doit lui donner une bourse
où se trouvent, suivant les fortunes, douze pièces ou douze
douzaines de pièces ou douze cents pièces d'argent ou d'or.
La plus pauvre des bergères ne se marierait pas sans son
douzain, ne fût-il composé que de gros sous« (Eugénie Grandet,
p. 32).
Remarque. Ain s'emploie aussi dans quelques mots curieux de la langue
technique moderne: dix-hnitain, vingt-deuxain, vingt-quatrain, vingt-sixain,
tungt-hiiitain. On appelle ainsi des draps dont la trame est composée de
92
1800, 2200, 2400, 2()00 ou 2800 fils. (A. Thomas, Essais de philologie fntn-
eaise. Paris, 1897. P. 55, 04).
163. Formations analogiques. Ain a remplacé -in ou -enc
dans les mots suivants:
Acérain ^ forme récente, qui remplace l'ancien acerin (de
acier).
Hautain, doublet de hautin (vigne cultivée en hauteur), dû à
une confusion avec l'adj. hautain.
Lorrain a remplacé lorrenc (§ 361).
164. AIN remonte à -amen: œramen ) airain, ^loramen
(de lorum) > vfr. lorain, =materiamen (de m a te ri a) )
mairain ou merrain. Il paraît que c'est ce suffixe que nous
trouvons dans douvain (de douve), ridain (de ride), couvain (de
couver), levain (de lever), pelain (de peler) et dans quelques
autres mots, qui s'écrivent maintenant par -in (voir § 165, 2).
165. Formations analogiques. Il y a eu échange entre -ain
et -in,
1^ On trouve -ain pour -in dans nourrain <( vfr. "^nourrin {
nu trïmen.
2^ Ain a été remplacé par -in dans alevin, cavin, funin et
peut-être dans graissin.
166. Aïs, forme collatérale de -ois (§ 279), remonte à -ensis,
devenu -ëse (I, § 318, 3), d'où -eis, -ois et enfin -ais (I,
§ 159). Nous le trouvons exclusivement dans des dérivés de
noms de lieux et de pays: Avignonais, béarnais, bordelais,
bourbonnais, dijonnais, lyonnais, marseillais, etc., etc. Ecossais,
hollandais, irlandais, islandais, etc. Ce suffixe est toujours vi-
vant comme le montre basquais (employé par M. É. Reclus pour
basque), new-yorkais, soudanais.
167. AISON reproduit le lat. -ationem dans orationem >
oraison, venationem ) venaison, etc. A l'aide de cette ter-
minaison on a créé un grand nombre de mots nouveaux mar-
quant ordinairement l'action ; ce sont surtout des dérivés de
verbes de la V^ conjugaison, mais comme ces verbes sont les
plus nombreux, -aison a aussi été introduit dans les dérivés
93
de la 2^ et de la 3^' conjugaison et remplace ainsi -ison (§ 274)
et -oison (§ 281).
168. Le domaine de -aison s'est peu à peu restreint. Dans
la langue moderne il n'est presque plus productif, et c'est sur-
tout la forme savante -ation qui le remplace. Voici les quelques
restes conservés.
P Dérivés de la V^ conjugaison: Combinaison, comparaison,
crevaison, échauffaison, exhalaison, fauchaison, fenaison, inclinai-
son, liaison, livraison, etc.
2^ Dérivé de la 2^ conjugaison : cueillaison.
3^ Dérivés de la 3'^ conjugaison : pendaison, tondaison.
4^ Dérivés de substantifs: cervaison, fleuraison, lunaison, oli-
vaison, porchaison, tomaison.
169. ANGE correspond au lat. -antia. C'est un suffixe qui
se rattache, comme en latin, au radical du participe présent
(il est en effet tiré du part. prés, à l'aide de -ia; ignoran-
tia représente ignorant + ia, non pas ignor + antia):
Alliance, assistance, confiance, défiance, oubliance, outrecuidance^
vengeance; appartenance, obéissance, réjouissance, souffrance, sou-
venance; bienséance, descendance, méconnaissance, puissance. Ci-
tons à part finance et nuance, dont les verbes radicaux sont
morts ou vieillis. L'origine de manigance est inconnue.
170. Il est curieux de constater que le suffixe -ance ne pa-
raît se trouver dans aucun nom commun de formation popu-
laire et remontant directement à un mot latin en -antia. Les
mots tels que constance, ignorance, qui remontent très haut,
ne sont pourtant pas des mots héréditaires, ils sont emprun-
tés; la forme vraiment populaire de constance se trouve dans
le nom de ville Coutance. Mais nous trouvons -ance dans
quelques mots de formation populaire, dont les correspon-
dants latins finissent en -entia; comparez, par exemple,
croissance, naissance, plaisance et cresc entia, nascentia,
placentia. Les formes françaises pourront s'expliquer comme
remontant aux mots latins, mais il faut en ce cas supposer
un changement de suffixe, une généralisation de -antia aux
dépens de -entia (résultat nécessaire de la généralisation de
94
-ans; voir II, § 65, i); elles pourront aussi s'expliquer comme
des créations françaises remontant à croissant, naissant, plai-
sant.
171. Les dérivés en -ance, qui marquent l'action ou le ré-
sultat de l'action, abondaient dans la vieille langue. Exemples:
Acordance (accord), avilance (avilissement), delaissance, démo-
rance (retard), descordance (désaccord), demonstrance, doutance
(doute), esmaiance (frayeur), [aisance., oiance, partance. Depuis
le moyen âge, l'emploi de -ance est allé en diminuant, grâce
surtout à la forte concurrence de la forme savante -ence
(§ 317). Pour le XIX^ siècle, on peut citer quelques rares
créations nouvelles comme ambulance, transhumance. Cepen-
dant, il faut ajouter que les symbolistes aiment beaucoup
notre suffixe, et on trouve dans leur poésie attirance^ f^lÇI^^^
rance, luisance, unisonance, etc.
Remarque. Plusieurs mots en -ance inusités maintenant en français, s'em-
ploient encore en belge; tels sont par ex. doutance., héritance.
172. ANCE et ENCE. Sur la concurrence entre ces deux
formes, il faut remarquer;
P Dans quelques cas rares, -ance a pris la place de -ence
dans les mots savants. Avant d'écrire résistance on a écrit ré-
sistence.
2^ Dans d'autres cas plus nombreux, des mots savants en
-ence ont remplacé des mots populaires en -ance. On disait
au moyen âge astenance, oiance, peneance; on dit maintenant
abstinence, audience, pénitence.
3^ On a parfois gardé la forme populaire à côté de la forme
savante. Voici quelques exemples de ces doublets: contenance
— continence , croyance — crédence , déchéance — décadence , pour-
voyance — providence, préséance— présidence.
173. AND est une orthographe relativement moderne, qui
dans certains mots a remplacé l'ancienne forme -ant: grand,
gourmand, truand s'écrivaient au moyen âge grant, gourmant,
truant (cf. I, § 395,2); le changement graphique du f en oT
est dû à l'influence des féminins grande, gourmande, truande
et des autres dérivés tels que grandeur, grandir, où il y avait
un d étymologique.
95
174. Formations analogiques. En dehors des mots où -and
est une graphie postérieure et étymologique (comp. grand et
grandis), notre suffixe s'est introduit par substitution dans
un certain nombre d'autres mois que nous allons indiquer.
On verra qu'il remplace -an, -ant, -enc:
Allemand < vfr. aleman (ou alenmnt; cf. II, § 271) < Alla-
mannus. Sur les hésitations dans les dérivés modernes, voir
§ 88.
Brigand < it. b r i g a n te.
Chaland < vfr. chalant, part. prés, de chaloir (c a 1ère).
Flamand < vfr. flamenc (§ 361).
Friand < vfr. friant, part. prés, de frire.
Goéland < bas-breton g w élan.
Marchand < vfr. marchëant < mercatantem.
Normand < vfr. norman (ou normant; cf. II, § 271) < Nor-
man nus. Sur les hésitations dans les dérivés, voir § 88.
Tisserand < tisserenc (§ 361); on trouve déjà au XIV^ siècle
le dérivé tisserandet.
175. ANGE, primitivement ENGE. L'origine de ce suffixe est
peu claire. On a cité comme points de départ les deux mots
vendange, vfr. vendenge, de vindemia, et vfr. blastenge de
'^'b las te mi a pour blasphemia; pourtant on ne voit pas
bien comment on a pu tirer un suffixe de ces mots qui ne
se laissent pas décomposer. Les quelques exemples que nous
avons de formations nouvelles à l'aide de -ange, nous montrent
ce suffixe joint à des noms et à des verbes.
P Dérivés de noms. Vfr. laidenge (injure, insulte), losenge
(flatterie). Ces mots ont disparu depuis longtemps.
2^ Dérivés de verbes. Vfr. costenge, haenge (haine), louenge,
meslenge, vuidenge. La langue actuelle a conservé louange, mé-
lange, vidange.
Remarque. Nous ne laisserons pas de rappeler que tout récemment
M. Baist a revendiqué une origine germanique pour -ange en le rattachant
au suffixe -ingo. Comme l'impression de notre livre était commencée quand
nous avons eu connaissance de la note en question, nous n'avons pas pu en
tenir compte.
176. ANT vient du lat. -antem: infantem > enfant, Gan-
tante m > chantant, collocantem > couchant, etc. Cette ter-
96
minaison a été appliquée aux participes présents de toutes
les conjugaisons (voir II, § 81) : dormant, buvant, faisant, etc.?
etc. Ces participes présents s'emploient souvent comme des
adjectifs: Imitant, charmant, gênant, obligeant, etc.; c'est sur
leur modèle qu'on a créé abracadabrant, tiré de abracadabra,
et croustillant, de croustille.
177. Formations analogiques. 1^ La terminaison -ant se
substituait souvent au moyen Age à -an (comp. II, § 271). On
trouve ainsi dans les vieux auteurs alemant, aufricant, cor-
douant, drughemant, estnrmant, faisant, normant, persant, sou-
dant, iyrant, etc. à côté de aleman (Allamann um), aufrican
(Africanum), cordouan, drugheman (cf. it. dragomanno), es-
turman (hoU. stuurman), faisan (phasianum), norman
(Normannum), persan (Persanum), Soudan, tyran (tyran-
nu m), etc. Le français n'a gardé que les formes en -an; deux
de celles en -ant ont passé en anglais: pheasant, tyrant. Ajou-
tons que -ant se substituait aussi souvent à -enc, d'où les
vieilles formes bauçant, bouquerant, chambellant, ferrant, jase-
ront, marant, paysant, etc. De ces formes, paysant est la seule
qu'on trouve encore au XVP siècle: Laissons là ce païsant
avecq sa païsante (Heptaméron, n° 29).
2^ Ant a été remplacé par -an dans cadran, encan (§ 305, i);
par -and dans brigand, chaland, friand, marchand (§ 174).
178. AS et ASSE (ou ACE). Il faut examiner ces suffixes
séparément.
1^ As, en vfr. -az, dérive du lat. -aceus: setaceum [cri-
brum] ) vfr. sëaz, sëas, d'où sas (I, § 265), cf. esp. sedazo.
La terminaison -as n'a guère été productive en français; elle
a servi à former quelques noms et paraît morte main-
tenant.
2^ Asse, ou -ace, qui est la forme primitive et régulière (I,
§ 476), dérive du lat. -acea: foc a ce a > fouace (cf. esp. ho-
gaza); *filacea ) fîlace > fdasse (cf. esp. hilaza). Cette termi-
naison a été bien plus productive que -as; on s'en est servi
pour former des noms et des adjectifs, et elle est encore
vivante.
97
179. Noms en -as. Les formations nouvelles en -as ne sont
guère nombreuses; elles sont tirées ou de substantifs ou de
verbes.
1^ Dérivés de ^substantifs : bourras (de bourre), vfr. brumas
(de brume), frimas (du germ. hrim), plâtras (déplâtre). Ajou-
tons l'ancien adjectif paonaz (bleu-violet), dér. de paon.
2^ Dérivés de verbes: vfr. brouillas (de brouiller), fatras (">).
Remarque. Embarras et tracas sont des substantifs verbaux, tirés de em-
barrasser et tracasser.
180. Formations analogiques.
Dans un certain nombre de mots -as s'est substitué à
d'autres terminaisons, surtout à -at, et à l'it. -accio, -asso:
Cadenas, emprunté du prov. cadenat.
Cannelas, au XVIP siècle cannelat (Acad. 1694), emprunté
du prov. cannelat.
Canevas, emprunté de Fit. cane v accio.
Cervelas, au XVP siècle cervelat, de l'it. cervellato.
Cornillas, orthographe fautive (maintenue par l'Académie)
pour cornillat.
Coutelas, emprunté de Fit. coltellaccio.
Galetas, de Gala ta à Constantinople.
Lilas; sur cette forme, voir II, § 365.
Matelas, emprunté de Fit. materasso.
Taffetas, emprunté de l'it. taffetà.
Verglas, est pour verglaz, postverbal tiré de l'ancien verbe
ver glacier.
Pour plusieurs substantifs on a hésité entre -as et -asse
(ace); on trouve coutelas et coutelace (R. Garnier), populas et
populace (cf. Estienne, Deux dialogues, p. p. Ristelhuber I, 198).
181. Substantifs en -asse (-ace). Les formations nouvelles sont
tirées de noms ou de verbes.
P Dérivés de noms: bannasse (de banne); bécasse (de bec);
brumasse (de brume); cognasse (de coing; cf. I, § 229, . 5) ; cu-
lasse; grimace (?); militasse (de million; cf. § 79); paperasse
(de papier; cf. § 59); pinace ou pinasse (de pin); *plumace (de
plume), primitif hypothétique de plumasseau; rosace (de rose);
terrasse (de terre); tétasse (de telle); tignasse (de teigne; cf.
7
98
§ 55); villace (de ville); vinasse (de vin). Ajoutons l'ancien
paonace (étolTe d'une certaine couleur violelle, dér. de paon).
2" Dérivés de verbes: chiassc^ crevasse^ lavasse^ liasse, tirasse.
Brouillasse est un postverbal (§ 548).
S*^ Ajoutons quelques mots propres à l'argot, où -as.se est
resté productif: cannasse (prostituée), couturasse (couturière),
/illasse, jupasse (couturière qui fait les jupes des robes, jupière),
iripasse (femme d'un embonpoint excessif), verrasse.
182. Les autres mots en -asse (-ace) sont d'origine étrangère:
Bagasse (esp, bagazo), bagasse (prov. bagassa); bancasse
(prov. bancasso), barcasse, bestiasse (it. bestiaccia), cale-
basse, carcasse (it. carcassa), paillasse (it. pagliaccio), po-
pulace (it. populaccio), etc.
Remarque. A côté de -asse, on trouve -ache qui est de provenance ita-
lienne ou espagnole et reproduit surtout les terminaisons -accio, -acchio, -aïo:
bravache (it. br a v acchio), ganache (it. ganascia), mordache (esp. mor-
daza), moustache (it. mostacchio), panache (it. pennachio), rondache
(it. rondaccio), etc.
183. Adjectifs en -asse. Exemples: Blondasse, bonasse, fadasse,
Iwmmasse, laidasse, mollasse, savantasse, etc. Ajoutons l'ancien
riace (Patelin, v. 765) et le tout récent cocasse. Comment ex-
pliquer l'emploi au masculin de la terminaison féminine -asse"!
Il faut probablement supposer que les plus anciens de ces
mots ne s'employaient d'abord qu'avec des substantifs fémi-
nins: la mer bonasse^ une femme hommasse^ et qu'ensuite la
terminaison -asse s'est pour ainsi dire pétrifiée et a été étendue
aussi au masculin: un garçon hommasse, un trait hommasse.
On pourrait peut-être aussi penser que des mots tels que hom-
masse, riace ont été primitivement des substantifs féminins
qu'on avait employés sans changement comme attributs: une
hommasse (A. d'Aubigné, Misères, v. 1175) — une femme hom-
masse — un garçon hommasse; cette combinaison s'explique-
rait ainsi comme une femme médecin (comp. § 641).
Remarque. Rappelons qu'on a essayé de réagir contre l'emploi de -asse
au masculin en créant une forme en -as. A. d'Aubigné emploie, dans le Ba-
ron de Fœneste, fadas et savantas sans doute à l'imitation des formes méri-
dionales (comp. prov. sabentas). Molière et la Bruyère se servent encore de
savantas. Cf. II, § 394.
184. Signification. Notre suffixe exprimait en latin une
abondance: capillaceus, ce qui est couvert de (plein de)
capilli, poilu. L'idée d'abondance comprend aussi celle de
grandeur, qui finit par amener celle de grossièreté et de dif-
formité. En français, le suffixe est ainsi en même temps aug-
mentatif, dépréciatif et péjoratif.
P Le sens augmentatif se trouve dans hannasse, culasse, la-
vasse, milliasse, rosace, fripasse.
2^ Le sens péjoratif et dépréciatif se trouve dans fillasse,
paperasse, tignasse, fripasse, villace, vinasse; hommasse, fadasse,
etc.; cf. cognasse (coing sauvage).
Remarque. A cause du sens méprisant attaché au mot populace, Mercier
demanda en 1801 qu'il fût remplacé par plèbe. On a adopté plèbe sans pour-
tant renoncer à populace, et les deux mots ont une valeur également dé-
daigneuse.
3^ Dans quelques mots le sens primitif paraît absolument
obscurci: brumasse, petite brume.
185. AT remonte au latin vulgaire -attus, variante de -ittus
(§ 220). On l'a surtout appliqué à des noms d'animaux:
Aiglaf, petit de l'aigle (maintenant remplacé par aiglon). Vfr.
cervaf, corbaf. Louvaf, jeune loup; on dit aussi louvard (§ 3à4)
et louvefeau (§ 401). Verraf, dér. de l'ancien ver « ver rem);
par la mort du simple, verraf a perdu sa signification dimi-
nutive. Sur la forme allongée -illaf, voir § 408.
186. ATRE, au moyen âge -asfre, remonte à la terminaison
-aster, qui s'employait surtout dans la langue populaire. En
français il n'a joué qu'un rôle modeste; on retrouve peu des
mots latins en -aster et les dérivations nouvelles ne sont pas
nombreuses. On a appliqué -âtre à quelques rares substantifs
et à des adjectifs désignant surtout des couleurs.
P Substantifs. On avait en vieux français parasfre, maras-
tre, fillastre, frerasfre, sorasfre, clergeasfre, genfillastre. De ces
mots, la langue moderne n'a conservé que marâtre et gen-
tillâfre.
2^ Adjectifs : Bellâtre, blanchâtre, bleuâtre, blondâfre, brunâtre,
(louçâtre, fauvâtrc, foliaire, fmâtre, grisâtre, jaunâtre, noirâtre,
7*
100
olivâtre, rosaire, rougeâtre^ roussâtre, verdâtre. Ajoutons acari-
âtre, dont l'origine est douteuse; il faut peut-être y voir un
dérivé de Acaire, nom d'un saint qui guérissait les fous, sous
l'influence de follastre (comp. Romania, X, 302). Opiniâtre est
un dérivé à moitié savant du lat. opinio.
187. Formations analogiques.
Écolâtre est emprunté au latin scholasticus (pour le r,
comp. I, § 504, 3) ; on pourrait aussi partir d'une forme latine
vulgaire scholaster.
Mulâtre provient de l'esp. mulato; Furetière (1690) admet
les trois formes mulat, mulâtre ou mulate.
Ajoutons que iconolâtre (eîxovoldTQi^g), et idolâtre doivent leur
a allongé à l'influence de -âtre.
188. Signification. Le suffixe -aster exprimait une qualité
approchante: surdaster (= subsurdus), un peu sourd; cal-
V as ter, un peu chauve; claudaster, un peu boiteux; ful-
vaster, un peu jaune ; nigraster, un peu noir; mentàstrum,
menthe sauvage; oleaster, olivier sauvage; patr a s ter, beau-
père, etc. De cette signification se dégage facilement une idée
dépréciative et péjorative: poetaster désignant celui qui est
un peu poète, devient synonyme de petit poète, mauvais poète;
comp. encore palliastrum, mauvais pallium, fui vin aster,
imitateur de Fulvinius, filiaster (CIL, XIII, n° 2073), enfant
naturel, etc. Notre suffixe forme, comme on voit, des substan-
tifs aussi bien que des adjectifs. Il en est de même en fran-
çais, où il garde également les nuances indiquées. Atre marque
donc l'approximation (surtout dans les dérivés des adjectifs
désignant une couleur): blanchâtre, qui tire sur le blanc; la
diminution: douçâtre, d'une douceur fade; la dépréciation:
marâtre, belle-mère, mère dénaturée, geniillâtre, petit gentil-
homme dont on fait peu de cas.
189. CEAU, autrefois CEL (II, § 312) remonte au latin
-cellus. Comme -ëllus remplace -ùlus (§ 193), -cellus rem-
place -culus. Exemples: juveneûlum ) *juvencellum >
jouvencel, jouvenceau ; leoncùlum>*leoncellum > vfr. lioncel,
lionceau; monticùlum > *monticëllum > monceau; pon-
101
ticûlum ) *ponticëllum ) ponceau. La forme féminine est
-celle: particûla > *particella ) parcelle,
La langue du moyen âge présente plusieurs dérivés nou-
veaux : avironcel, bastoncel, flourcelle, garçoncel, larroncel, moche-
roncel, penoncel; ils ont tous disparu.
Orthographe. Si le suffixe était précédé en latin d'un s,
on écrit -sseau (sselle), au lieu de -ceau (-celle): arboriscel-
lum ) arbrisseau, rivuscellum > ruisseau, vermiscellum
) vermisseau; vasculum ) *vascellum > vaisseau; vas-
cella ) vaisselle.
Cas isolés. Quand le c latin est intervocalique, la sifflante
devient sonore en français (I, § 416): •''dominicellum >
damoiseau, *avicellum > oiseau.
190, É (terminaison de substantif) reproduit -atus employé
dans consulatus, ducatus, etc. (sur la forme savante -a/,
voir § 307). Ce suffixe qui désigne des dignités ou des em-
plois, se trouve dans comté, duché (cf. § 70, i), évêché, archevê-
ché, archiprêtré, vicomte, vidamé. La langue du moyen âge con-
naissait encore harné, de baron (réunion de barons, qualité de
barons); prince; régné, de règne (royaume, fief), conservé dans-
le nom de lieu Régné; visné, voisiné, vesiné (voisinage). Sur le
rapport entre -é et -eé (duché — ducheé), voir § 198.
191. É (terminaison adjectivale) remonte au latin -atus. C'est
proprement la terminaison du participe passé; elle s'ajoutait
déjà en latin aux noms: barba — barbatus, et ces dérivés
sont très communs en latin vulgaire. Les créations nouvelles
en é sont très nombreuses dans la langue moderne; elles sont
toutes tirées de substantifs. Exemples: Accidenté, armoire, azuré,
barbé, barbelé, camphré, cendré, chevelé, chocolaté, cuivré, four-
ché, givré, imagé, membre, mitre, mouvementé, patte, perlé, phgl-
loxéré, pourpré, vanillé, etc. Voici quelques autres exemples
trouvés dans Le jardin des supplices d'O. Mirbeau; ce sont pour
la plupart des formations individuelles: Un ciel flammé de rose
(p. 80). Des enclos treillages de bambou (p. 146). Des toits ra-
mages d'or (p. 193). Une palpitation nacrée (p. 194). Des queues
orfévrées (p. 271). La pente gazonnée (p. 289). Lame angoissée
(p. 308).
102
Concurrence de formes. A côté des dérivés en -é on trouve
souvent des formes collatérales en -ii\ feuille — feuillu, mafflé —
mafflu, membre — memhru, râblé — râblu. Les formes en -u im-
pliquent plus d'abondance, de force et souvent aussi de vul-
garité, que les mots en -é.
Remarque. Les formes en -é ne supposent pas l'existence d'un verbe cor-
respondant. On parle d'un terrain accidenté, mais on n'a pas d'infinitif ac-
cidenter. Parfois, à côté d'un pur adjectif en -é tiré directement d'un subs-
tantif, on a un participe passé de forme identique, appartenant à un verbe
en -er, tiré du même substantif. Dans la ligne ardoisée des toits du château
(P. Bourget, Le Disciple, p. 254), nous avons affaire à un tout autre mot que
dans un toit ardoisé. Littré fait de imagé le participe passé de imager, mais
ce verbe est un néologisme et a été créé sur imagé, comme prématnrer
(RPhF, XIX, 67) a été créé sur prématuré.
192. EAU, autrefois -el (voir II, § 312), remonte à èllum:
agnellum ) agnel ) agneau; castellum } chastel } château ;
gemellum } jumel ) jumeau. La forme en -el se retrouve
dans les dérivés: agnelet, annelet, cervelet, mantelet^ rondelet, oi-
selet, etc. Sur le féminin -elle, voir § 208.
Formes élargies. A côté du simple -eau on trouve -ceau:
lion — lionceau (§ 189), -ereau: poète — poètereau (§391), -eteau:
chêne — chêneteau, diable — diableteau (§ 401) ou diabloteau (cf. dia-
blotin), et enfin -reau dans sureau, dérivé du vfr. sëu. Sur -deau
dans faisan — faisandeau, voir § 88,
193. Le suffixe -ellum, qui se retrouve dans toutes les
langues romanes, a pris une assez grande extension en latin
vulgaire. Il remplace souvent -ùlus: martulum > *mar-
tellum > martel, marteau; prunùlum > *pr un ellum >
prunel, pruneau; ramulum > *ramellum ) ramel, rameau;
taurulum ) *taur ellum > *torel, taureau. Il peut aussi rem-
placer -illus (-illum): paxïllum ) *paxellum } paissel.
paisseau; penicïllum ) *penicellum ) pincel, pinceau:
sigïllum > *sigëllum > seel } sceau.
194. En français -eau s'attache aux noms et aux verbes.
P Dérivés de substantifs: chevreau, drapeau, fourneau^ lar-
ronneau, sapineau, tyranneau.
2^ Dérivés d'adjectifs: rondeau. On trouve dans la vieille
langue: blondel, fauvel, rouget, noirel, roussel.
103
3^ Dérivés de verbes: aideau, chemineau, doleaii, grattean,
ouvreaii, traîneau.
195. Formes analogiques.
Dans la vieille langue, -èl remplace parfois -él (II, § 307)
et -euil ; dans la langue moderne, où -èl a été supplanté par
-eau, cette forme remplace parfois -au ou -ot. Exemples:
Berceau ordinairement au moyen âge berçueil, dér. de bers.
Chameau < charnel, primitivement chameil < camelum (I,
§ 155).
Champeaux est pour champaux (voir II, § 292,2, Rem.).
Daleau, mauvaise orthographe pour dalot.
Fronteau, doublet de frontal, dont on avait aussi dans la
vieille langue la forme frontel (comp. § 303).
Landeau pour landau, se rencontre parfois dans les auteurs
modernes (voir p. ex. P. Bourget, La terre promise, p. 109, 119).
Linteau a remplacé l'ancien lintel de *limitale.
Réseau, doublet de réseuil de retiolum (dér. de retem).
196. Signification. Notre suffixe avait en latin une valeur
diminutive, qui s'est conservée assez bien dans la vieille
langue, où l'on a fait un très large emploi de -el et surtout
de elle. Dans la langue moderne, la valeur diminutive de ces
suffixes ne s'est conservée que dans quelques cas.
P Noms d'animaux: Baleineau, bécasseau, carpeau, chevreau,
dindonneau, éléphanteau, faisandeau (§ 88), outardeau, paon-
neau, pigeonneau, ramereau, renardeau, saumoneau, serpenteau,
souriceau, vipereau. Colombelle, tourterelle. On disait autrefois
leopardel (jeune léopard), louvel (louveteau; encore Garnier se
sert de louveau), lionnel (lionceau).
2^ Noms de personnes: Bonhommeau (La Fontaine), tyran-
neau.
3^ Noms d'arbres: chêneau, ormeau, sapineau.
4^ Quelques mots isolés: Caveau, citerneau, cordeau, enclu-
meau, jambonneau, rondeau, soliveau, tonneau. Cordelle, nuellc,
ruelle.
197. Les autres mots en -eau tels que anneau, bureau, cha-
peau, couteau, etc. ne gardent aucune trace de la valeur di-
minutive.
104
1^ La valeur diminulive s'est éteinte surtout grâce à la dis-
parition du mot primitif, dont le dérivé est venu prendre la
place déjà dans la période gallo-romane. On ne trouve dans
les textes français aucune trace du primitif des mots agneau,
oiseau, pourceau.
2^ Dans d'autres cas, le mot primitif existait encore dans le
plus vieux français. C'est ainsi que bouleau, corbeau, rameau,
taureau, ont remplacé boul, corp, raim, tor. L'assimilation du
sens du dérivé à celui du mot simple s'observe encore; ainsi
ormeau, proprement 'jeune orme', est venu à s'employer pour
orme, et Delille, dans une de ses poésies, chante un antique
ormeau. Mais Littré blâme cette expression et qualifie l'épi-
thète de contradictoire.
3^ Enfin pour beaucoup de mots le simple subsiste à côté
du dérivé, mais il y a eu une forte différenciation du sens.
I^xemples : Bande — bandeau, bure — bureau, cercle — cerceau, chape
— chapeau, drap — drapeau, four — fourneau, moine — moineau, plat
— plateau, plume— plumeau, pomme — pommeau, tombe — tombeau.
Dent — dentelle, ombre — ombrelle.
ECE, voir ESSE (§ 218).
198. EÉ, suffixe médiéval, qui remonte à -ïtatem: sancti-
tatem > sainteé. Il a servi à créer un petit nombre de subs-
tantifs nouveaux tels que chasteé, netteé, quiteé, et conteé, du-
cheé, princeé. Toutes ces formes ont disparu: chasteé et netteé
ont été remplacés par chasteté et netteté (cf. § 400); conteé et
ducheé coïncident, par l'amuïssement de l'e féminin (I, § 266),
avec conté et duché, dont ils influencent le genre (§ 687);
princeé a été remplacé par principauté.
199. ÉE remonte au latin -ata (comp. le doublet -ade, § 364).
C'est proprement le féminin de la terminaison du participe
passé; elle s'ajoute comme le masculin à des noms, et elle a
produit un très grand nombre de dérivés. La force créatrice
de -ée est toujours vivante, mais elle paraît un peu moins fer-
tile aujourd'hui qu'autrefois. Le dérivé le plus récent que nous
ayons rencontré, est félibrée (E. Lefèvre, Vannée félibréenne,
p. 6) pour désigner une réunion ou une fête des félibres (cf.
I, § 80, Rem. i).
105
200. Signification. Le suffixe -ée désigne:
1^ Une abondance: fumée, gerbée, jonchée, nuée, ondée, ra-
mée, risée. Cette même signification se retrouve plus ou moins
clairement au fond de celles que nous allons indiquer dans
les numéros suivants.
2^ La quantité contenue dans le primitif: Airée, assiettée,
batelée, bouchée, chambrée, brassée, charretée, chaudronnée, cuille-
rée, gorgée, gueulée, hottée, lippée, litée, maisonnée, nitée {§ 89,8),
panerée, peignée, pelletée, pincée, platée, poêlée, poêlonnée, poignée,
râtelée, ruchée, tablée, terrinée, ventrée, verrée. Voici une for-
mation propre à la vieille langue: devantée (Ambroise, Guerre
sainte, v. 1064), ce que contient le giron, le devant d'une
robe.
8^ Une mesure: vfr. arbalest(r)ée (distance d'un trait d'ar-
balète, portée d'arbalète), brassée, vfr. lieuée (espace d'une lieue),
vfr. tesée (longueur d'une toise), vfr. vergiée (étendue d'une
verge carrée). Comp. vfr. chamelée (charge d'un chameau).
4^ Une durée: année, journée, matinée, nuitée, soirée, veillée,
vfr. vesprée.
5^ Une valeur: vfr. livrée, valeur d'une livre; vfr. maillée,
valeur d'une maille.
6^ Un produit du primitif : Ara/^/îée, maintenant 'arachnide',
mais au moyen âge 'toile d'araignée', toile produite par Va-
raigne; comp.: Que coûte-t-il d'ôter toutes ces araignées? (La
Fontaine, Fables, IV, 21.) Dentée, coup de dent, que le chien
donne au gibier. Vfr. palmée, coup avec la paume.
7^ Une action sur le primitif: fessée, onglée. A la langue du
moyen Age ou de la Renaissance appartiennent canée (coup
sur la mâchoire, la cane, la dent); cotée (coup sur le col, la
nuque); dentée (coup sur les dents); groigniée {Chev. au lion,
V. 6145; coup sur le groin, un soufflet); jouée (un soufflet);
oreilliée, oreillie (coup sur l'oreille).
201. Formations analogiques. Le suffixe -ée ne s'est pas
substitué à d'autres suffixes. Il se trouve irrégulièrement dans
abattée, tiré de abattre. Il a cédé la place à -ie dans oublie,
dont la vieille forme est oublée (lat. ecclés. obi a ta).
202. EIL est une terminaison qui remonte au suffixe di-
minutif ïculus; il se trouve dans des adjectifs: pariculum
106
> pareil, vermiculum > vermeil, et des substantifs: arti-
culum (Ij § 5) > orteil, soliculum > so/ez7. Cette terminaison
n'a pas été productive en français.
203. EILLE. Cette terminaison, qui remonte au lat. -ïc(u)la,
sert de féminin à -eil et se trouve dans les substantifs sui-
vants: *butticula (dim. de buttem) > bouteille, corbicula
> corbeille, au ri eu la > oreille. Il y a eu changement de suf-
fixe dans cornicula devenu cornïcula, d'où corneille. No-
tons encore abeille, du prov. a bel ha (I, § 32); merveille de
mirabilia (I, § 151); treille de trïchila. La terminaison
-eille n'a pas été productive en français.
204. EISE (OISE), suffixe populaire, propre à la vieille
langue, remonte à -ïtia. Il ne se trouve pas après le XI IP
siècle, et dans la période antérieure il n'est représenté que
par quelques exemples isolés: proeise, richeise (voir § 218).
205. EL remonte au latin -a!is: carnalem ) charnel, mor-
talem > mortel, nasale m ) vfr. nasel, natale m > noël,
pectorale > vfr. poitrel, etc. Il y a eu substitution en gallo-
roman de -alis à -élis dans crudelem ) -'crudalem )
vfr. cruel.
Forme élargie. A côté de -el on se sert de -iel; voir § 407.
206. Sur le modèle des mots cités, on a fait un large em-
ploi de -el comme suffixe. Il a été introduit dans les mots
d'emprunt et il a servi à former des dérivés de mots fran-
çais.
P Mots d'emprunt: Corporel (corporalem), criminel (cri-
minalem), essentiel (e ssentialem), graduel (g va. du aie m),
immortel (im mortalem), originel (o ri gin a le m), personnel
(personalem), rationnel (rat ion aie m), temporel (tempo-
ralem), etc. Ajoutons les dérivés de thèmes latins: fraternel
(cf. fraternus), maternel (cf. maternus), paternel (cf. pa-
ternus), continuel (cf. continu us), assiduel (cf. assiduus).
2^ Dérivés français: accidentel, additionnel, vfr. champel, cons-
titutionnel, individuel, intentionnel. Le suffixe -el est encore vi-
vant, quoique moins employé que -al; voici quelques dérivés
107
tout récents: alluvionnel, convictionnel, exceptionnel^ flexionnel,
fonctionnel^ insurrectionnel, passionnel, professionnel, sériel.
207. Formations analogiques.
1° EL est d'origine analogique dans autel, vfr. altel, dont la
forme primitive est aller (< lat. altare) qui s'emploie jusque
dans le XIIP siècle.
2^ EL a été remplacé dans certains mots par d'autres ter-
minaisons. Il y a eu confusion avec -èl, -eau (§ 192) dans fron-
tel > fronteau, lintel ) linteau (§ 195), avec -eux dans matinel
y matineux (§ 234); il y a eu substitution de suffixe dans
ménestrel > ménétrier (§ 250) et dans le vieux français plurel
(pluralis), qui devient plurer, plurier, sous l'influence de
singuler, singulier, et finalement pluriel par un rapprochement
récent du primitif latin.
208. ELLE, forme féminine de l'ancien -el (§ 192 ss.), dé-
rive du lat. -ëlla: n a vice lia > nacelle; par changement de
suffixe il remonte aussi à -illa: axilla ) *axëlla ) aisselle.
En français, il s'attache aux substantifs, plus rarement aux
adjectifs.
1^ Dérivés de substantifs: Barbette, margelle, prunelle, rouelle,
ruelle.
2^ Dérivé d'adjectifs : rondelle.
Le suffixe -elle est encore productif comme le montrent les
créations modernes embryonnelle, nuelle, nucelle, vitelle. Sur la
signification de -elle, voir § 196, 197.
209. EMENT remonte à -amentum : ornamentum ) o/*/7e-
ment. Cette terminaison n'appartient primitivement qu'aux
verbes en -are; mais grâce à la suprématie de cette con-
jugaison (II, § 65), -amentum, dont on a considéré la pre-
mière voyelle comme appartenant au suffixe, a été appliqué
à tous les verbes. Cette généralisation a eu lieu à une époque
antérieure aux plus vieux textes français: que le latin clas-
sique présente -ïmentum ou -ïmentum, on a toujours
-ement en vieux français; comp. *unguimentum et unguc-
ment (Passion, v. 346), impedimentum et impedement (S^^
Kulalie, v. 16), movimentum et mouvement, sentimen-
lum et seulement, veslimentum et vestement, etc. Les
108
formes françaises supposent des formes vulgaires en -amen-
tuni, dont le glossaire de Reichenau (I, § 12, i) nous présente
probablement un exemple dans d e fend amen ta , pour de-
fendimenta, qui explique tutamenta (n° 190).
210. Le suffixe -ement s'ajoute au thème du participe pré-
sent des diverses conjugaisons:
P Abaissement, avancement, bêlement, commencement, emporte-
ment, froissement, logement, sifflement, etc., etc. On trouve dans
la vieille langue acesmement, acointement (liaison), acordement
(réconciliation), acreantement, espousement, joustement (joute),
mandement, mariement, passement (passage), pensement (pensée),
retournement, sauvement, terminement (fin), vengement, etc.
2^ Avènement, consentement, recueillement, revêtement, tressaille-
ment, tènement, vêtement. On trouve dans la vieille langue as-
sentement, département, detenement, faillement, parlement, repente-
ment, seulement, soustenement, etc. Sur le changement de -ement
en -iment, voir § 412.
3^ Abrutissement, accomplissement, adoucissement, affadissement,
arrondissement, dégourdissement , dévêtissement , élargissement,
établissement, fmissement, frémissement, etc. On trouve dans la
vieille langue blandissement, enheudissement, garissement, glatisse-
ment, regehissement, etc.
Remarque. A côté de -issement quelques mots présentent aussi une forme
en -ement. On trouve ainsi dans la vieille langue les doublets giiarnissement
et giiarnement, marissement, chagrin, et marement (St. Alexis, v. 136). Bos-
suet s'est servi de revêtissement pour revêtement.
4^ Abattement, accroissement, battement, bruissement, entende-
ment, éteignement, pendement, rabattement, rebattement, etc. On
trouve dans la vieille langue : attendement, con fondement, con-
naissement, corrumpement, defendement, espandement, mordement,
naissement, etc.
211. Le suffixe -ement a de tout temps été très productif; il
est encore dans la langue actuelle d'une singulière richesse.
On trouve dans presque tous les auteurs modernes des mots
nouveaux en -ement exprimant, soit l'action verbale abstraite
indiquée par le radical, soit l'état, soit l'objet qui résulte de
cette action. Victor Hugo surtout témoigne une prédilection pour
ces mots; on trouve dans » La Légende des siècles «: assainissement,
109
hlanchissement , blêmissement, verdissement, creusement, échevele-
ment, rejaillissement, etc.
212. ER. Ce suffixe propre à la vieille langue remonte soit
au lat. -are, soit au lat. -aris. Exemples: al tare > vfr. aller,
collare > vfr. coller, pilare > vfr. piler, etc.; singularem
> vfr. sengler, scolarem > vfr. escoler, etc.; notons aussi les
mots savants: vfr. réguler (régula rem), vfr. singuler (singu-
larem), etc. Le suffixe -er se confond de bonne heure au
moyen âge avec -ier qui finit par le remplacer tout à fait. Au
lieu de bacheler, boucler, chandeler, coller, escoler, irreguler, par-
ticuler, piler, réguler, sengler, seculer, singuler, soler, on a depuis
la fin du moyen âge des formes en -ier (§ 248). Aller est de-
venu autel.
213. ERESSE, autrefois ERECE, est surtout le féminin de
l'ancien suffixe -erez (§ 214). Il se trouve, comme celui-ci, dans
des dérivés de thèmes nominaux et de thèmes verbaux.
1^ Dérivés de noms: Bergerece (bergerie), costerece, forterece,
meiteerece, porcherece (porcherie), secherece, tercerece, vacherece
(vacherie), etc. Dans la langue actuelle notre suffixe se re-
trouve dans forteresse (comp. le prov. fortareza, fortalezd),
panneresse, sécheresse, et dans un certain nombre de noms de
lieux: Faveresse ou Favresse, Porcherece, Vacheresse.
2^ Dérivés de verbes: Avalerece, baterece, boterece, bruierece,
chaplerece, colerece, cremerece, crierece (action de crier), escu-
merece (écumoire), guinderece, retenterece (retentissement), etc.
On a conservé dans la langue moderne avaleresse, guinderesse
et quelques noms de lieux: Batresse ou Baptresse, La Boute-
resse.
Remarque. Il ne faut pas confondre -eresse de -erece avec la terminaison
-eresse dont nous avons parlé au t. II, § 428. Chasseresse est le féminin de
chasseur dans une déesse chasseresse (qui se livre à la chasse); il est le fé-
minin de chacerez dans l'ancienne expression une corde chasseresse (qui sert
à chasser).
214. ERET, autrefois EREZ, paraît remonter à -aricius, com-
posé de -aris et -ici us (it. -eccio, roum. -et); on le trouve
par ex. dans sigillaricius. La forme -eret remplace -erez
grâce à une assimilation à des mots tels que cervelez— cervelet,
110
mantelez—mantelet (comp. § 126); elle se montre dès le com-
mencemenl du XIV*" siècle et devient bientôt générale. Elle
provoque la création d'un nouveau féminin en -erette, au lieu
de -erece (§213); chaumerette, dans l'expression dialectale pierre
chaiimerette (caillou qu'on ramasse à la surface des chaumes;
Jaubert) est pour chaiimeresse, dont la forme médiévale serait
chalmerece, fém. régulier de chalmerez.
215. Le suffixe -erez s'ajoutait aux thèmes nominaux et aux
thèmes verbaux; il formait des adjectifs et des substantifs.
1^ Dérivés de noms: Ablerez (filet pour pêcher des ablettes),
asnerez (relatif aux ânes), banerez, bataillerez (propre à la ba-
taille), chaperez (drap pour faire des chapes), chevalerez (fait
pour un cheval), chevrerez (qui nourrit des chèvres), costerez,
coiteret, damerez, dimancheret (endimanché), encerez (dérivé de
ence, cheville), fûleret (formé par G. Bouchet, sur dameret),
jamberez (qu'on fixe à la jambe), lacerez (dér. de lace, cuiller),
paroisserez (attaché à la paroisse), paierez (qui sert à un pot),
tavernerez (qui hante la taverne), torberez (où il y a de la
tourbe). De ces mots la langue actuelle a conservé ableret,
banneret, catret, dameret, esseret (pour eusseret), laceret ou lasse-
ret (pour laceret). Osseret (dér. de as) et pailleret paraissent des
formations modernes.
2^ Dérivés de verbes: Baignerez (qui sert à baigner), bâterez
(qui sert à battre), berserez, chacerez (qui sert à chasser),
chevaucherez (dont on se sert pour chevaucher), esposerez (dont
on se sert pour épouser), fenderez (outil pour fendre), fumerez,
guilerez, nagerez, parlerez, penderez, pescherez, porterez, rollerez,
taillerez, etc., etc. On trouve dans la langue actuelle caupe-
ret, feuilleret, guilleret, porteret (portrait), ramèneret, refenderet,
traceret.
216. Formation analogique.
P Dans chardonneret il paraît qu'il y a eu un changement
de suffixe; on disait au moyen âge chardonnereul ou char-
donnerel.
2^ Notre suffixe a été remplacé par une autre terminaison
presque homophone dans l'ancienne expression colombe roche-
raie, altération de radierez (qui vit dans les roches), et dans
le nom de lieu Faverois, pour Paverez, lieu où il y a des fèves.
111
217. ESSE remonte à -issa, emprunté au grec -loaa à l'é-
poque chrétienne. Il sert à former des féminins: abbas —
abbatissa > abeesse > abbesse. Nous en avons parlé dans la
morphologie (II, § 423 ss.).
218. ESSE, au moyen âge ECE, remonte à -itia, dont le
développement phonétique est peu clair. Régulièrement il au-
rait dû aboutir à -eise (-oise) et, après une palatale (I, § 191),
à -ise: ces deux formes se trouvent en français, mais -eise
(§ 204) est extrêmement rare, et -ise n'est pas restreint aux
cas demandés par la phonétique; enfin la forme -ece repré-
sente un troisième développement de -itia. Voici quelques
détails :
P Eise, qui devrait être le représentant principal de -ïtia,
ne se trouve que dans deux mots: prooise (^proditia) et
richoise. Dans cette dernière forme, qui alterne avec richece,
-oise est sûrement d'origine analogique; *francïtia aurait
abouti à francise, et franchoise doit être regardé comme une
formation française.
2^ Ise qui ne devrait s'employer étymologiquement qu'après
une palatale, se trouve dès les plus anciens textes après toutes
les consonnes. Comment expliquer ce fait? Y a-t-il là une
simple extension analogique ou faut-il admettre un change-
ment de -ïtia en -itia? Les deux raisons ont pu agir (comp.
I, § 196, Rem.).
3^ Ece ne peut pas remonter directement à -itia; il sup-
pose probablement comme point de départ -ici a, dont on
n'est pas arrivé à expliquer ni l'origine ni la raison. Nous
citerons comme exemple pigrïtia > =^pigrïcia > perece >
parece > paresse.
219. Le suffixe -esse (-ece) a été très productif en français.
Il sert exclusivement à former des substantifs tirés d'adjec-
tifs. Exemples: délicatesse, faiblesse, finesse, grossesse, hardiesse,
ivresse, jeunesse, mollesse, noblesse, richesse, rudesse, sagesse, sou-
plesse, tristesse, vieillesse, etc. Beaucoup des anciens dérivés sont
morts maintenant: aigrece, druece, grandece, genvrece, haltece,
humblece, laidece, largece, laschece, leece, maigrece, radece (vi-
tesse), simplece, sobrece, sourdece, etc. Dans la langue moderne
112
-esse est encore vivant sans être productif; on ne trouve que
très peu de créations nouvelles: robustesse.
220. ET remonte au suffixe -îttus, dont les inscriptions ro-
maines de l'époque impériale nous montrent les premières
traces dans des noms propres féminins tels que Bonitta,
Caritta, Julitta, Lucitta, Senecitta, Suavitta, etc.
Cette terminaison, qui probablement a eu un sens caressant
et diminutif, s'est vite étendu, et on l'a appliquée aussi aux
noms communs et aux adjectifs; en même temps on a essayé
de la varier, en en variant la voyelle, et c'est ainsi qu'à côté
de -ïttus, on a créé -ïttus, -attus, -ottus qui tous se re-
trouvent en français.
Formes élargies. Notre suffixe entre dans plusieurs formes
composées où il figure tantôt comme le premier, tantôt comme
le dernier élément. On a ainsi -etel, -eteau (§ 401), -eton (§ 402),
et de l'autre côté -elet (§ 383), -iculet (§ 406), -iquet (dans tour-
niquet), -onnet, -onnelte (dans bergeronnette). Sur -eret voir § 214.
221. Le suffixe -et a joué un rôle important en français, où
il est devenu le suffixe diminutif par excellence (sous la forme
simple ou sous une forme élargie) et l'a emporté même sur
'Cau (§ 192); il est encore productif comme le montre le terme
récent wagonnet. Il s'adapte aux thèmes nominaux, comme
aux thèmes verbaux.
P Dérivés d'adjectifs: Basset, blondet, brunet, doucet, grosset,
jaunet, jeunet, maigret, mollet, petltet, propret, rouget, rousset,
verdet, etc. Au moyen âge on avait aussi espesset, longuet, re-
ondet, soavet, etc.
2^ Dérivés de noms communs: Archet, baronnet, béquet,
cervelet, cachet, coquet (§ 70), cordonnet, dosseret, feuillet, livret,
loquet (de l'anc. franc, toc), mulet (de l'anc. franc, mul), maillet,
mantelet, navet (dér. du vfr. nef <^ napum), œillet, oignonet, oise-
let, onglet, patronnet (A. France, Le livre de mon ami, p. 169),
plumet, réglet, signet, sommet, verset, etc. On n'emploie plus:
anelet, arbret, cœuret, enfantet, matinet (l'aube du jour), muret,
uisset.
30 Dérivés de noms propres: Adenet (de Adam), Deniset,
Jeannet, Paulet, Perret et Pierret, Simonnet. Rappelons aussi
robinet qui est primitivement Robinet, dim. de Robin.
113
4^ Dérivés de verbes: Claquet, fauchet, foret, fumet, jouet,
nichet, nouet, rivet, savouret, sifflet, soufflet, tranchet, volet.
222. Formations analogiques.
1^ ET remplace surtout -é, -er, -ez. Exemples:
Banneret < vfr. bannerez.
Chevet <, vfr. chevez.
Civet a remplacé civé (ou sive) comme on écrivait encore au
XVIP siècle.
Claret < vfr. claré; il y a eu confusion avec cla(i)ret.
Cotret < vfr. costerez (§ 215, i).
Couvet, même mot que couvoir ; l'altération s'explique par
l'ancienne prononciation de couvoir comme couvoi [kuvwe] (voir
I, § 364, 5, 158).
Creuset est pour creuseul; Oudin (1643) donne les deux
formes. La plus vieille forme française est croisuel (dérivé de
croix); elle a subi l'influence de creux.
Filet (tissu de mailles) s'écrivait autrefois filé; il y a eu con-
fusion avec filet (petit fil). Nicot distingue encore filé ou rets
d'avec filet.
Gilet est probablement pour *^z7ec qui remonte au turc ye-
lek (comp. it. giulecco, esp. jileco, jaleco, chaleco).
Pannequet, de l'angl. pan cake.
Pichet < vfr. pichier, picher ; comp. l'angl. pitcher.
Soiichet est probablement pour *souchef, subst. verbal de
souche ver.
2^ ET a disparu des mots suivants:
Chaudelait, altération par étymologie populaire de chaudelet,
dim. de chaudel, chaiideau.
Davier < daviet; R. Estienne (1549) donne davier y mais da-
viet se trouve encore dans Rabelais, et, selon Ménage, les
menuisiers disaient david au XVIP siècle.
223. ETTE (autrefois ETE) remonte à -itta et est ainsi la
forme féminine de -et (§ 220). Il s'emploie dans le féminin
des adjectifs et des noms de personnes (§ 221); il s'attache et
aux noms communs et aux verbes:
1° Dérivés de noms communs: Aiguillette, ailette, alouette (de
l'anc. fr. aloue), amourette, brochette, burette, canette, chevrette,
colonnette, facette, fillette, fourchette, formulette, machinette, mai-
8
114
sonnette, manchette, nouette^ palmette, passionnette, réglette, rosette,
serinette, serpette, voitiirette. On n'emploie plus amiette, bestete
(Ph. de Thann, Bestiaire, v. 1217), mustelete (il)., v. 1218), etc.
2^ Dérivés de verbes: Allumette^ amusette, bavette, causette,
claquette, comprenette (Villalte), couchette, devinette, écumette,
époussetie, lorgnette, moquette, mouchette, mouillette, oubliette, pas-
setfe, serfouette, serviette, sonnette, sornette, suette, tapette, tenette,
tournette.
224. Signification.
P Et (-elle) est devenu le suffixe diminutif par excellence;
il l'emporte même sur eau (§ 196). Il était très employé déjà
au moj'en âge; rappelons comme exemple la strophe d'Aiz-
cassin et Nicolete, citée au § 117. Encore au temps de la Re-
naissance les formes en -et, -ette étaient très répandues, et la
poésie populaire en fait toujours un large emploi. Voici pour
finir quelques exemples montrant l'emploi que fait la langue
littéraire moderne des diminutifs en -et: Demain matin, dès
laubette, les rédifs . . . feront tapages (P. Loti, Aziyadé, p. 167).
Une leçon de danse donnée par un maître en redingote à sept
à huit fillettes ou jeunes filles de dix à seize ans et à tout au-
tant de garçonnets ou de jeunes gens du même âge (P. Bour-
get, Pastels, p. 238). Sœurette, sœurette, vous n'êtes pas sage
(P. Bourget, Pastels, p. 155). J'étais notaire à Rouen, et un peu
gêné, non pas pauvre, mais pauvret (G. de Maupassant, Le
Rosier de Mme Husson, p. 228). Enfin, elle protégeait, elle, la
solide, la robuste, cet être, faible de corps, presque chétif et
si simplet, comme elle disait, qu'un enfant de dix ans l'aurait
dupé ... (P. Bourget, Le disciple, p. 313).
2^ La signification diminutive a disparu dans les cas où le
primitif est mort: alouette, loquet, sommet signifient dans la
langue moderne exactement ce qu'on appelait aloue, toc, som
au moyen âge.
3^ Dans plusieurs cas le dérivé a pris un sens spécial qui
procède du sens diminutif primitif: Double — doublet, livre —
livret, œil — œillet, casque— casquette, oreille — oreillette.
4"^ Les dérivés de thèmes verbaux désignent généralement
Tobjeti finstrument avec lequel l'action s'accomplit: Claquet,
fauchet, foret, jouet, sifflet, soufflet, claquette, écumette, époussetie,
lorgnette, mouillette, mouchettes, passette, tournette.
115
Remarque. Parfois un mot présente des sens différents selon qu'il dérive
d un verbe ou d'un nom. Ainsi, à côté de moiichettes, sorte de ciseaux (dér.
de moucher), et soufflet, instrument qui sert à souffler, on avait autrefois
moucheté, petite mouche, souftet, petit souffle.
225. EUIL remonte au latin -olium ou -oculum. Exemples:
caerefolium > cerfeuil, caprifolium > chèvrefeuil, scopu-
lum>*scoculum(I, § 369, i) > écueil Ajoutons orgueil, em-
prunté de Taha. *urguoli (tiré de urguol) et les substantifs
verbaux accueil et recueil. Notre terminaison n'a guère été pro-
ductive; des rares formations nouvelles citons bouvreuil (de
bouvier). Sur les mots oii -euil a été introduit par analogie en
remplaçant une autre terminaison, voir le paragraphe suivant.
226. Formations analogiques. Dans un petit nombre de
mots, -euil n'est pas étymologique. Euil remplace -eul (§ 227)
dans chevreuil, écureuil, linceuil, réseuil, dont les anciennes
formes sont chevreul, écureul, linceul, reseul; pour les détails,
voir II, § 318. On a dit aussi autrefois berceuil, filleuil, ligneuil,
tilleuil, pour berceul, filleul, ligneul, tigneul (§ 227), mais ces
formes n'ont pas persisté; -euil n'a été gardé que dans les mots
dont le radical ne se terminait pas par un son mouillé ou un
(j]. Rappelons aussi fauteuil, pour fauteul, vfr. faldestuel (du
germ. faldastuol) et le substantif postverbal deuil (de dou-
loir) dont la forme primitive est duel; on avait aussi autrefois
formé veuil à côté de vuel (de vouloir). Euil remplace -eu dans
cercueil; voir II, § 320.
227. EUL remonte au suffixe latin -iolum (voir I, § 137, i);
c'est une terminaison qui s'est pétrifiée de bonne heure: on
la trouve presque exclusivement dans des mots transmis di-
rectement du latin. Exemples: Aïeul de aviolum (de a vus),
haiseul (cf. baisol; Passion, v. 150) de basiolum (de ba-
sium); vfr. champigneul, (cf. it. campignuolo) de campigneo-
lum; épagneul de hispaniolum; /illeul de filiolum; glaïeul
de gl ad iolum; ligneul de *lineolum (de Une a); linceul
de linteolum; tilleul de til iolum. Cette terminaison a été
très peu productive; on ne la trouve que dans un petit nombre
de mots nouveaux qui n'ont pas survécu au moyen âge: ber-
ceul, forme collatérale de berceau, tiré de bers (II, § 364); frieul,
8*
116
poêle à frire (dér. de frire); langeai, pièce de laine (dér. de
lange); poigneul, sorte de mesure (dér. de poigne).
228. Dans plusieurs mots, -eul a parfois cédé la place à
d'autres terminaisons.
1^ Eul a été supplanté par -euil; voir § 226.
2^ Eul a été supplanté par -et dans creuseul devenu creuset
(§ 222).
3^ Eul s'est réduit en -eu dans moyeul, devenu moyeu, pro-
bablement sous l'influence du pluriel moyeux (II, § 316).
229. EUR, autrefois OUR (I, § 183), terminaison qui indique
des noms abstraits, remonte au lat. -orem: calorem ) cha-
leur ^ dolorem ) douleur, lento rem > lenteur, etc. Ce suffixe
a été très productif. On trouve des formations nouvelles déjà
dans le latin vulgaire (lucorem ) lueur); elles sont nom-
breuses en français, où elles ont ordinairement pour base un
adjectif.
P Exemples propres au vieux français: Baldour (hardiesse),
frerour, folour, irour, radour, tristour, verour ou voirour (vérité).
2^ Exemples de la langue moderne: Ampleur, blancheur, dou-
ceur, épaisseur, froideur, grandeur, grosseur, laideur, maigreur,
minceur, pesanteur, puanteur, sombreur, tiédeur.
Cas isolé. Noirceur est tiré de noir, sous l'influence de noir-
cir.
230. EUR (terminaison des noms d'agent), autrefois -eur ou
-ëeur (I, § 268) et plus anciennement -our ou -eour, provient
du lat. -orem ou -atorem : Seniorem ) seignour ) seigneur;
peccatorem ) pecheour ) pecheeur > pécheur; salvatorem
> salveor ) sauveeur ) sauveur. La terminaison -eur a aussi
été introduite dans les mots savants: acteur, directeur, facteur,
lecteur, etc.
Formations analogiques. La terminaison anglaise -er a été
assimilée à -eur: trapper > trappeur. Parfois l'assimilation
n'atteint que la prononciation: steamer ) steamer [stimœ:r].
231. Le suffixe -eur a été extrêmement productif; c'est main-
tenant le suffixe général des noms d'agent. Originairement il
117
ne s'ajoutait qu'aux thèmes verbaux; mais, dès la fin du
moyen âge, il s'ajoutait aussi aux noms.
P Dérivés de verbes: Accoucheur, allumeur, baigneur, bou-
quineur, chercheur^ coiffeur, glaneur, etc. Amincisseur, bénisseur,
blanchisseur, convertisseur, enchérisseur, fournisseur, polisseur, ra-
visseur, etc. Acquéreur, coureur, couvreur, entreteneur, menteur,
ouvreur, souteneur, etc. Buveur, confiseur, connaisseur, entendeur,
entremetteur, faiseur, prometteur, vainqueur, etc.
2^ Dérivés de substantifs: Chroniqueur, enquêteur, farceur,
torpilleur.
3^ Des mots nouveaux en -eur se rencontrent à tout mo-
ment dans les auteurs modernes. Exemples: déjeuneur (A.
P'rance, Histoire comique, p. 228), high-lifeur, phraseur (Mau-
passant. Fort comme la mort, p. 42), pique-niqueur . Des dérivés
en -eur sont aussi extrêmement fréquents dans l'argot: bockeur,
cascadeur, chapardeur, chippeur, engueuleur, étouffeur, flancheur,
fricoteur, gambilleur, gobelotteur, luncheur, etc.
232. EUX, pour -eus (I, § 464), plus anciennement -ous (I,
§ 183), remonte au lat. -osus ; il a été très productif en fran-
çais où il s'attache surtout aux noms, moins fréquemment aux
verbes ; il a aussi été introduit dans les mots savants.
P Dérivés de substantifs: Avantageux, boueux, chanceux,
courageux, dangereux, douloureux (§ 58), fiévreux (cf. § 59), hai-
neux, heureux, joyeux, merveilleux, etc.
2^ Dérivés d'adjectifs. On disait au moyen âge chaitivos,
celestios, plantivos.
3^ Dérivés de verbes : Boiteux, chatouilleux, convoiteux, fâ-
cheux.
4^ Mots savants: Belliqueux, calamiteux, défectueux, fraudu-
leux.
Formés élargies. A côté de -eux, on emploie aussi -ineux
(§ 413) et -ueux (§ 422).
233. Dans toutes les périodes de la langue on a créé des
mots à l'aide du suffixe -eux. C'est pourtant au XVP siècle
qu'il était le plus en faveur. Voici quelques exemples cu-
rieux de formations nouvelles employées par les poètes de la
Pléiade: Animeux, chagrineux, crimineux, encombreux, esclan-
dreux, estoileux, froidureux, gemmeux, massacreux, perleux,
118
peupIeiiXy roidureiix. Elles sont mortes maintenant ainsi que
beaucoup de dérivés médiévaux: mensongeiix, rioteus, ver-
goyneiis^ etc. Des dérivés nouveaux à l'aide de -eux s'observent
jusqu'à nos temps. Restif de la Bretonne a créé loisireiix, spec-
taciileuXy tempéramenteux, tempêteux. On trouve dans Flaubert:
crasseux, mamelon neux, portenteiix, râpeux, tétonneuse, etc. Les
formations nouvelles sont surtout fréquentes dans le parler
populaire et l'argot: argenteux (Gyp, Professional lover, p. 23),
cercleux, communeux (Rictus, Les Soliloques du Pauvre, p. 63),
genreux, miséreux, moyenâgeux, talenteux, théâtreux, soireux, etc.
234. Formations analogiques.
1^ Dans la vieille langue -eus (-os us) se substituait parfois
à -eus, de -els; on trouve ainsi le biforme crueus — crueuse pour
l'uniforme crueus (crudelis), cruel (crudelem), etc.; voir
II, § 308).
2^ Pour la langue moderne, -eux s'est substitué à -eur dans
faucheux (araignée), fileux, gâteux, hasardeux, partageux, piqueux,
violoneux; voir II, § 407.
235. Signification. Le suffixe -eux indique ordinairement
soit une qualité: courageux, chatouilleux, lumineux, soit une
abondance: boueux, laiteux, mielleux^ tétonneuse. Dans le parler
vulgaire actuel, -eux a souvent une valeur dépréciative : seize-
mayeux est un sobriquet donné aux partisans de la politique
réactionnaire du 16 mai 1877; bonaparteux s'emploie dans le
jargon des adversaires politiques des bonapartistes; commu-
neux s'est dit avant communard; partageux est le terme iro-
nique dont on a désigné pendant longtemps les socialistes.
236. EUSE, forme féminine de -eur (§ 230) et de -eux
(§232), est utilisé comme suffixe pour désigner des machines:
batteuse, balayeuse, écrémeuse, taqueuse, moissonneuse.
237. I remonte à -itus. Cependant, on ne retrouve en fran-
çais aucun des adjectifs latins auritus, crinitus, pellitus,
etc.; on a au contraire conservé -atus (§ 191) et -utus
(§ 293). I ne s'emploie régulièrement que dans les participes
passés (voir II, § 89).
119
238. Formations analogiques. Grâce à une analogie pro-
portionnelle, -i peut remplacer -if, -iz. On trouve dans la vieille
langue chaiti, joli, naï, tardi, etc. pour chaitif, jolif, naïf, tardif,
etc. et apprenti, arabi, volti, etc. pour apprentiz, arabiz, vottiz,
etc. De ces formes nouvelles on crée parfois un féminin ana-
logique : naïe, voltie sont tirés de naï, volti. Voici quelques dé-
tails :
Apprenti. On trouve au moyen âge apprentiz, apprentis et au
féminin apprentice, appreniisse (comp. apprentissage); ces formes,
qui supposent un dérivé formé à l'aide du suffixe -ici us,
sont probablement les primitives (comp. prov. apprentitz, esp.
aprendiz). A côté d'elles on rencontre aussi apprentif, au fé-
minin apprentive, dû à une substitution de suffixe (comp.
§ 254). Le masculin apprentis disparaît au moyen âge; au
XVP siècle on ne trouve que apprenti ou apprentif; l'hésita-
tion entre ces deux formes subsiste au grand siècle. Pour le
féminin, apprentisse se conserve jusque dans le XVIIP siècle;
Richelet (1680) donne apprenti — apprentisse; Furetière (1690)
donne apprentif— apprentice. Au siècle suivant l'Académie dans
son édition de 1762 n'a plus que apprenti — apprentie; ce der-
nier féminin se trouve déjà dans Boileau (Satire X, v. 464).
Bailli, primitivement baillif La forme sans f s'emploie dès
le XIII^ siècle; le féminin analogique baillie, qu'on trouve déjà
dans Rustebuef, n'a jamais pu supplanter bailliue (cf. Il,
§ 408).
Joli. Les formes primitives sont jolif— jolive ; elles ont été
remplacées par joli — jolie. La disparition de la labiale remonte
au moyen âge. Quant aux dérivés, on trouve dans la vieille
langue jolivet et joliet, joliveté et jolieté, jolivement et joliement,
joliver et jolier, ajoliver et ajolier, etc. La langue moderne a
garôé joliveté et enjoliver qui contrastent avec joliet, joliment.
239. lAU, qui remonte au latin .ellum, est une forme dia-
lectale (I, § 239, Rem.) de -eaa (§ 192). Nous le trouvons dans
un tout petit nombre de mots:
Affûtiau, terme patois pour affCiteau.
Aiglian, proprement: petit de l'aigle, maintenant usité comme
terme de blason.
Bouterian, forme dialectale pour boutereau; quelques- un'i
écrivent à tort boiitriot.
120
Fabliau, mot littéraire repris à la langue du moyen âge (I,
§83).
Morvandiau. Ex.: Un langage barbare de bûcherons mor-
vandiaux (Daudet, Sapho, p. 198). On écrit plus souvent mor-
vandiot. Une forme morvandeau existe aussi.
Morviau, terme d'argot signifiant: morve ou petit morveux.
Nobliau (manque à Littré et au Dict. Gén.). Ex. : Un nobliau
de province (P. Bourget, Complications sentimentales, p. 6).
240. IGE ou ISSE remonte au latin -ïcia: nutrîcia >
nourrice. A cet exemple il faut ajouter ceux où -ïcia est d'ori-
gine analogique et remplace -ïcia, comme dans galbinïcia
y *galbinicia } jalnice } jaunisse; peUïcia > *pellîcia )
pelice ) pelisse. Quelques mots en -isse sont les féminins des
mots en -is (-ici us), étudiés au § 268, coulisse, jetisse, métisse.
241. lE est un suffixe d'origine gréco-latine qui se trouve
dans la formation populaire et la formation savante. Il re-
monte au latin -'ia (cf. § 133) devenu -ïa sous l'influence du
grec -la. Il était d'un emploi très étendu dans la langue latine
vulgaire, et il se retrouve dans toutes les langues romanes.
Remarque. Le suffixe grec -t'a peut aussi se modeler sur -ïa comme dans
h/.y.Xiiaîa > ecclesïa > *eclësïa > église (esp. iglesia, it. chiesa). Ce phéno-
mène assez rare s'observe surtout en espagnol: avjLapwvîa > zampona; il se
trouve aussi dans les mots savants academia, prosodia, tragedia.
242. Le suffixe -ie ne s'ajoute qu'aux noms:
1° Dérivés d'adjectifs: courtoisie, félonie, folie, jalousie, ma-
ladie, sotie. On n'emploie plus: briconie, coardie, estoutie, fri-
andie, manantie, etc.
2^ Dérivés de noms communs: baronnie, bourgeoisie, cha-
pellerie, châtellenie, compagnie, librairie, mairie, seigneurie, ty-
rannie. On n'emploie plus: ancesserie, bougrerie, marchandie,
mestrie, paiennie, prodomie, renardie, ribaudie, etc.
3^ Dérivés de noms propres: Normandie, Picardie; Lombar-
die, Germanie, Russie, Moscovie, Bosnie, Bulgarie, Moldavie.
243. De nos jours le suffixe -ie est à regarder comme mort;
il a été supplanté par -erie (§ 393). Le groupe malade— maladie
n'a plus de force analogique; de rosse on ne peut tirer que
121
rosserie, jamais rossie. Cependant il est possible de citer quelques
formations isolées créées au XIX^ siècle:
Acrobatie, tiré à' acrobate (dxQo^arog), sur le modèle de aristo-
crate— aristocratie, démocrate — démocratie.
Histrionie, tiré de histrion; ce mot, qui est dû à M.É. Montégut,
a un caractère marqué d'archaïsme.
Offenbachie, tiré d'Offenbach; la forme en -ie a été préférée
probablement pour éviter ce qu'un mot tel que offenbacherie
aurait de méprisant.
Formations analogiques.
1^ JE est d'origine analogique dans oublie, altération de
l'ancien oublée qui dérive du lat. ecclés. oblata, proprement
'chose offerte'. Poulie, altération de l'ancien poulée (voir Ro-
mania, XXVII, 485).
2^ IE a été supplanté surtout par -erie (§ 394): diablie >
diablerie, rarement par -ise (§ 272): marchandie (encore con-
servé dans les parlers locaux) ) marchandise.
244. Signification.
P IE s'emploie d'abord dans la dérivation adjective, surtout
des noms abstraits, et désigne la manière d'être, la qualité du
sujet: courtoisie, folie; bonhomie, maladie; vfr. estoutie (bra-
voure), renardie (ruse de renard, tromperie).
2^ IE adopte ensuite un sens collectif: bourgeoisie, com-
pagnie, vfr. ancesserie (l'ensemble des ancêtres).
Remarque. Parfois le même mot réunit les deux sens indiqués. Baronie
désignait 1° les qualités d'un baron: le courage, la vaillance, la prodigalité,
et ensuite: la dignité, seigneurie et terre d'un baron; 2® l'ensemble des ba-
rons: La grant baronie Qui iert arivée en Sulie (Ambroise, La Guerre sainte,
V. 3821 ; cf. V. 3063).
3^ IE désigne enfin des pays: Normandie, Arabie, etc. No-
tons, pour la vieille langue: paienie (encore dans Rabelais),
terre des païens.
245. lEME est un suffixe d'origine obscure qui s'ajoute aux
nombres cardinaux pour en faire des nombres ordinaux: deux
— deuxième, etc.; pour les détails, voir II, § 493 — 494. Par ana-
logie on a aussi formé quantième, et dans le parler de Frie-
drichsdorf (I, § 86, 55, Rem.) on trouve lequelième et le combien-
tième. Sur l'emploi haplologi(|ue de -ième, voir § 35.
122
246. lEN est une forme collatérale de -ain (§ 160) qui re-
monte régulièrement à -anus précédé d'une palatale: deca-
num > vfr. deiien, paganuni > vfr. paiien, *antianum >
ancien, etc. len reproduit aussi -ianus dans les mots d'em-
prunt : 1 1 a 1 i a n u s > italien, etc.
Orthoghaphh. a côté de -ien on trouve -yen après une
voyelle: citoyen, doyen, moyen, biscayen (de la Biscaye), troyen
(de Troyes), etc.
Formes élargies. A côté du simple -ien on trouve -lien dans
Hugo — hugolien (comp. hugolâtre, § 415, et hngolesque) et -sien
dans Savoisien.
Formation analogique. Le suffixe -ien a remplacé -enc
(§ 362) dans gardien, originairement gardenc. Il a été rem-
placé par -ain dans merrain < vfr. merrien (de materiamen,
tiré de m a te ri a).
247. Des formations nouvelles en -ien se rencontrent dès le
moyen âge; citons naturien (savant, naturaliste), terrien (ter-
restre), tragédien (poète tragique), victorien (victorieux). Pour-
tant c'est surtout dans la période moderne qu'on a fait un
emploi plus étendu de ce suffixe qui est encore productif.
1*^ Dérivés de noms communs: collégien, comédien, faubou-
rien (§ 102), grammairien, historien, monarchien, paroissien,
pharmacien, théologien, thermidorien, tragédien, tsarien (»le péril
tsarien«), etc. Il s'attache surtout aux thèmes des adjectifs la-
tins en -icus désignant des personnes: Académicien, arith-
méticien, dialecticien, logicien, mathématicien, musicien, platoni-
cien, polytechnicien, rhétoricien. A l'argot de Paris appartiennent
saumurien, ulstérien.
2^ Dérivés de noms de personne : Balzacien, baudelairien, bis-
marckien, byronien, cartésien, condillacien, épicurien, darwinien,
garibaldien, hégélien, kantien, lamartinien, mac-mahonien, napo-
léonien, pétrarquien, rabelaisien, sarceyen, shakspearien , wag-
nérien. On parlait, il y a quelques années, du régime pléhwien.
3^ Dérivés de noms géographiques: Algérien, alsacien, arté-
sien, assyrien, athénien, autrichien, babylonien, bohémien, cam-
brésien, forézien, languedocien, londonien, norvégien, nubien,
olympien , parisien , prussien , savoisien (cf. § 128) , transva-
alien, etc.
123
248. 1ER remonte soit à -arium: apiarium > vfr. achier,
columbarium > colombier, virid(i) arium > vfr. vergier;
soit à la terminaison adjectivale -arius: adversarius > vfr.
aversiers, prim arius > vfr. premiers. Le passage de -ario à
-ier est obscur. On suppose que -ario a subi l'influence du suf-
fixe germanique -a ri qui offrait une forme et une signification
analogue: grâce à r»umlaut« -a ri est devenu -er, ce qui aurait
amené un changement pareil du suffixe latin. Telle est l'hypo-
thèse ingénieuse, mais peu probable, de MM. Vising et Tho-
mas sur ce que ce dernier appelle »un court-circuit entre la
phonétique germanique et la phonétique romane*. La substitu-
tion de -er à -ario remonte au moins au VHP siècle; c'est
de cette époque que datent les formes sorcerus (pour sor-
ti arius) dans le glossaire de Reichenau (n° 385), paner à
côté de pan ario dans le même document (n° 1094), et pome-
rius dans les gloses du ms. latin 912 de Saint-Gall.
Orthographe. Il faut observer les deux points suivants:
P Au lieu de -ier on écrit -yer après une voyelle: écuyer <
vfr. escmer(s) < scutarius. 2^ Vers la fin du moyen âge -ier
se réduit à -er après c/i, g et les deux liquides mouillées (I,
§ 193): vfr. archier > archer, vfr. hiichier ) hucher, vfr. por-
chier ) porcher, vfr. vergier ) verger, vfr. estrangier ) étranger,
vfr. paillier ) pailler, etc. On écrit potirtant -ier après -ill- dans
aiguillier, grosseillier, joaillier, marguillier, médaillier, quincaillier;
-ier se réintroduit aussi après ch et g, grâce à une sorte de re-
composition: sergier a remplacé serger (vfr. sergier), et J.-M.
de Hérédia emploie huchier pour hucher (vfr. huchier) dans
Les Trophées (voir le sonnet: »Le huchier de Nazareth«).
Rappelons aussi pistachier et épongier (créé par La P'ontaine).
P^ORMES ÉLARGIES. A côté du simple -ier on trouve -dier dans
boyau — boyaudier (§ 88), et -tier dans bijou — bijoutier (§ 89).
249. Le suffixe -ier (-er) a été très productif en français. Il
sert à former des adjectifs et des substantifs. Dans la langue
moderne, il ne s'attache qu'aux noms, dans l'ancienne langue
il s'attachait aussi aux verbes:
1^ Dérivés d'adjectifs: grossier, journalier, plénier.
2^ Dérivés de substantifs: abricotier, audiencier, banquerou-
tier, banquier, boursier, bouvier, braconnier, brandevinier, briga-
124
dier, caissier, chamelier, chaudronnier, envier, damier, etc. Les
formations de ce genre sont extrêmement nombreuses, et on
en crée incessamment. En voici quelques exemples récents:
Animalier, baissier, boulevardier, boursicotier, centrier, conféren-
cier, coupletier, échoiier, haussier, outrancier (partisan de la
guerre à outrance; créé pendant la guerre de 1870 — 1871).
Cas isolé. Tombelier est un dérivé de tombereau; on écrivait
au XVP siècle tombellier qui paraît être une forme assimilée
de '-'tomberlier (sur ri ) //, voir I, § 362), contraction de tom-
berelier.
3^ Dérivés de verbes. On trouve dans la vieille langue des-
tourbier (trouble), devancier, encombrier (embarras), recovrier
(remède). La langue moderne n'en a conservé que devancier.
250. Formations analogiques.
1^ 1ER a remplacé -er (§ 212) dans bachelier, bouclier, chan-
delier, collier, écolier, irrégulier, pilier, régulier, sanglier, séculier,
soulier, singulier. Il est aussi d'origine analogique dans les mots
suivants:
Baudrier, altération de baudrei <( aha. balderich.
Daintier, mauvaise orthographe pour daintié < vfr. deintié
(dignitatem).
Davier, altération de daviet, dim. de david (David); cette
dernière forme était encore usitée au XVI P siècle (voir Roma-
nia, XXXIII, 344).
Écubier, altération de l'esp. escoben; on trouve escouve au
XVP siècle, équibien dans Nicot (1606) et enfin écubier à la fin
du XVIP siècle.
Étrier a remplacé l'ancien estrieu (estreu), mot d'origine ger-
manique. La forme étymologique s'est conservée dans le mot
technique étrieu, étai transversal entre deux maisons.
Flibustier < holl. vrijbuiter.
Ménétrier, autrefois menestrier (Joinville, § 284), altération de
ménestrel qui remonte au bas-lat. minister(i)alis (dont la
forme savante est ministériel).
Pourpier < lat. pullipedem (voir I, §342,529; II, § 232,i).
2^ 1ER a été supplanté par -et dans pichet, autrefois pichier.
L'encensoir s'appelait au moyen âge encensier.
125
251. Signification. On forme à l'aide de -ier soit des substan-
tifs, soit des adjectifs.
1^ 1er (< -arius) désigne une personne agissante qui pro-
duit, fabrique, soigne l'objet indiqué par le radical, ou qui a
avec lui un autre rapport quelconque: sellier, chocolatier, che-
misier, gantier, chapelier, argentier, bijoutier, préfacier, fermier,
jardinier, barbier, animalier, greffier, geôlier, prisonnier, rentier,
etc. Au moyen âge, un portefaix s'appelait collier, proprement:
un homme qui porte un fardeau sur le col.
Remarque. Les exemples cités montrent que les sens de -ier sont très variés.
Voiturier est celui qui conduit une voiture, carrossier est celui qui fabrique
des cai rosses; armurier est celui qui forge ou vend des armures, tandis que
cuirassier est celui qui porte la cuirasse. Dans ces cas, comme l'a dit M. Mi-
chel Bréal, l'esprit devine ou sait par tradition des rapports qui ne sont
nullement exprimés par les mots, et notre entendement achève ce qui est
seulement indiqué par le langage. Nous voyons parfois -ier prêter aux dé-
rivés des sens tout contraires; ainsi prisonnier est un homme détenu en
prison, mais geôlier un homme qui garde les détenus. Parfois le même mot
présente des sens contraires. Ainsi au moyen âge almosniers signifiait celui
qui recevait l'aumône, aussi bien que celui qui la distribuait, le mendiant
et le bienfaiteur. Exemples: Damz Alexis en lodet Deu del ciel D'icez sons
sers cui il est almosniers {St. Alexis, v. 123). Li roys fu si larges aumosnier,
que partout la ou il aloit en son royaume, il fesait donner aus povres
églises, a maladeries, etc. (Joinville, § 690). La langue moderne n'a gardé de
ce mot que le sens actif, celui qui fait l'aumône. L'ancien provendier pré-
sente un parallèle curieux. Le plus souvent il désigne celui à qui on four-
nit sa »provende« (II, § 2, Rem.), sa nourriture, mais on le trouve aussi au
sens contraire; Comp. le doublet savant, prébendier, celui qui jouit d'une
prébende.
2^ 1er « -arium) désigne le réceptacle, le lieu où est con-
tenu le primitif: bourbier, chéquier, colombier, encrier, grenier,
guêpier, herbier, huilier, œufrier, plumier, poivrier, sablier, sala-
dier, sucrier, etc. Le mot almosnier dont nous avons signalé
ci-dessus deux significations dans la vieille langue en avait
encore une troisième; il s'employait aussi pour désigner un
vase destiné à recueillir les aumônes; on dit maintenant aumô-
nière (§ 252).
8^ Ier forme des adjectifs désignant des qualités: buissonnier,
chicanier, coutumier, dépensier, façonnier, hospitalier, fruitier,
moutonnier, ordurier, princier, printanier, routier, viager, etc.
Plusieurs de ces adjectifs peuvent aussi fonctionner comme
12()
(les substantifs: chicanier, dépensier, fruitier, routier. L'emploi
difYérent est parfois accompagné d'une signification différente:
perruquier veut dire maintenant fabricant de perruques, et,
par extension, coiffeur; au XVP siècle, Apollon est appelé le
Dieu perruquier (R. Garnier, Hippolyte, v. 151), c. à d. aux
cheveux bouclés. Le groupe suivant se compose d'adjectifs
devenus substantifs.
Remarque. Dans la vieille langue on avait aussi des dérivés en -ier tirés
de substantifs abstraits désignant des qualités, des faits moraux; on disait
au moyen âge droiturier (juste, légitime), loseiigier (flatteur), mensongier
(menteur), etc. Cette manière de former des qualificatifs a été abandonnée.
4^ 1er (-a ri us) désigne un arbre, surtout un arbre fruitier:
Abricotier, amandier, arbousier, bananier, cerisier, citronnier, co-
cotier, cognassier, dattier, fraisier, framboisier, merisier, mûrier,
noisetier, palmier, pêcher, poirier, pommier, prunier, rosier, sa-
goutier, etc. Ajoutons le mot fablier appliqué par madame de
Bouillon à La Fontaine; par cette expression elle donnait à
entendre que le poète produisait naturellement ses fables
comme le pommier ses pommes.
Remarque. On peut signaler des mots qui rentrent dans toutes les caté-
gories citées. Fruitier désigne celui qui fait commerce de fruits, le local où
l'on garde le fruit et le lieu qui est planté d'arbres à fruits; c'est aussi un
adjectif (»qui produit du fruit»): un arbre fruitier, un jardin fruitier, et
autrefois on l'a employé substantivement pour arbre fruitier. Charbonnier
désigne celui qui fait le charbon et celui qui le vend, en outre le coin de
la maison où l'on met le charbon, et le bâtiment qui le transporte pour le
ravitaillement des navires. Poulailler est un marchand de volailles et l'en-
droit où l'on élève de la volaille; autrefois il désignait l'homme qui a le
soin de la volaille ou un rôtisseur et la voiture du marchand d'ceufs.
252. 1ÈRE, forme féminine de -ier (§ 248): premier — pre-
mière, fruitier — fruitière. Elle sert aussi à former des dérivés
nouveaux, des noms de choses, désignant ordinairement le
lieu où est contenu le primitif. On peut distinguer les groupes
suivants :
1^ Un réceptacle : aumonière, cafetière, grenadière, sablonnière,
sabUère, salière, salpétrière, saucière, soupière, tabatière, théière,
etc. Ajoutons à part des mots comme croupière, genouillère,
jarretière, jambière, têtière, etc.
2^ Un lieu habité: capucinière, fourmilière, gentilhommière,
grenouillière, jésuitière, renardière, taissonnière, etc.
127
3^ Un lieu semé et planté: chenevière, houhtonnière, luzer-
nière, melonnière, pépinière, rizière, sapinière, etc. On a dit autre-
fois linière (plantation de lin) et vessière.
4^ Des ustensiles divers: brassière, canardière, chatière^ corde-
lière, souricière, tourtière.
253. IF remonte au latin -ivus: nativum > naïf, capti-
vum > chétif. Les dérivés nouveaux ne sont pas très nom-
breux; -if s'attache en français — comme -ivus en latin —
aux thèmes verbaux et aussi aux thèmes nominaux.
P Dérivés de thèmes verbaux: pensif, poussif, rétif, tardif,
etc. Sont obsolètes': aidif (secourable), boisif (trompeur), meslif
(querelleur), trenchif (décidé), etc.
2^ Dérivés de noms: craintif, fautif, hâtif, maladif, sportif,
etc. A la vieille langue appartiennent: aisif, bontif, fustif (de
bois), lentif, plenteïf (fertile), poesteïf (puissant), volentif, etc.
La langue savante qui possède -ivus sous la même forme
que la langue populaire: captivum > captif, activum } ac-
tif, collectivum > collectif, etc., se sert assez souvent de ce
suffixe dans les formations nouvelles: ampli ficatif , annulatif,
contractif, coopératif, dispersif, exportatif, extensif, liquidatif, nor-
matif, etc.
Cas isolés. Suggestif vient de l'anglais suggestive. L'ori-
gine de bélif (ou bélic) est inconnue.
254. Formations analogiques.
1" Dans plusieurs mots, -if n'est pas d'origine étymologique.
Il remplace surtout -is.
Adventif remplace l'ancien adventiz, adventis (de adventi-
cius, § 268); ce mot, qui aurait dû rester indécHnable, a de
bonne heure été ramené au type vis— vif (voir II, § 266,1,2);
on trouve adventif déjà au XI IP siècle (Horn, v. 2434), mais
Peiresc emploie encore l'ancienne forme: bien adventis.
Juif, pour jui(e)u, a été tiré du féminin juive (II, § 381).
De la même manière s'explique l'ancienne forme antif, tiré de
antive (an tiqua).
Massif remplace l'ancien massiz, massis; comp. adventif.
Métif, doublet de métis, s'explique comme adventif (la con-
128
servation et la prononciation irrégulière de métis paraissent
dues à l'influence de l'esp. mestizo). Notons aussi les doublets
gélif et gélis, tirés de geler (pourtant leur é étonne); pour pon-
cif Richelet (1680) donne poncis.
Oisif, doublet de oiseux (otiosum), qui présente un change-
ment de suffixe curieux. A côté de oisif (huisif) on trouve au
moyen âge oisdif (huisdif).
Plumitif autrefois plumetis (encore dans Cotgrave), dér. de
l'ancien verbe plumeter.
2^ Dans quelques mots -if a disparu : apprentif (encore dans
Furetière) ) apprenti (déjà dans R. Estienne, 1539), baillif >
bailli; brandif > brandi; jolif ) joli (comp. § 238).
255. IL remonte au neutre latin -ile, qui désigne un lieu
de séjour (pour les animaux) ou un dépôt. Nous trouvons ce
suffixe dans foenile ) fenil et dans quelques formations pos-
térieures : * c a n i 1 e > chenil, •'' cohortile > courtil, "^ m a n s i o-
nile > maisnil ) ménil, "^ verve ci le ) bercil. Comme création
française on ne saurait citer que fournil, tiré du vfr. forn
(four).
256. IL (autrefois prononcé [iJi\) remonte au latin -icuius,
-iculum; *coniculus > vfr. conil, periculum ) péril, ou à
-ilium: lat. pop. *usetilium (tiré de -^u s et ile, altération de
ut en si le) ) vfr. ostil > outil. Ce suffixe, auquel il faut attri-
buer une signification diminutive, est peu représenté en fran-
çais; aussi les dérivations nouvelles sont-elles très rares: cou-
td, de coûte (autre forme de couette; cf. I, § 158, i, Rem.);
doisil (ou dousil, douzil), du vfr. dois, source; grésil, de grès.
257. ILLE. Sur l'origine et le développement de ce suffixe
il faut remarquer les points suivants:
P Le suffixe -ille dérive du latin -ïcula: canicula > che-
nille, clavicula ) cheville, cratïcula ) grille. Il remplace
souvent -îcula en latin vulgaire: anatïcula ) ■•'anatïcula
) aneïlle ) anille; falcïcula > *falcîcula ) faucille; lenti-
cula > *lenticula ) lentille; vitïcula > viticula > vrille
(I, § 504, i). Dans quelques cas, -ille remonte à -ilia: vola-
til i a > vfr. voleïlle.
129
20 II se trouve par analogie dans un certain nombre de
mots étrangers empruntés au latin, à l'italien, à l'espagnol, au
provençal. Mots latins: anguille (anguilla); armille (ar-
milla), camomille (camomiUa), pastille (pastillus). Mots
espagnols: cédille (cedilla), cochenille (coch en il la), coro/îzV/e
(coronilla), écoutille (escotiUa), estampille (estampilla),
grenadille (g r e n a d i 1 1 a), jonquille (j u n q u i 1 1 o), mantille (m a n-
tilla), peccadille (peccadillo), quadrille (quadrilla, cuar-
tillo. cuadrillo), résille (I, § 525,4), vanille (va initia), vé-
tille (vetilla?). Mots italiens: cannetille (cannettiglia),
pointillé (puntiglio), torpille (torpilla). Mot provençal: crous-
tille (croustilho).
258. Les mots français créés à l'aide du suffixe -ille sont
assez nombreux. Ils présentent souvent un sens diminutif et
sont généralement tirés de substantifs, rarement d'adjectifs ou
de verbes: Barbille, héatilles, béquille (de bec), brandille (de
brandir), brindille (de brin), broutille, bûchille, bulbille, char-
mille, chenille (de chien), coudrille, croisille, effondrilles (pour
fondrilles, de fondre), fibrille, flotille, jantille, larmille, ormille,
pacotille (de paquet?).
259. Formes analogiques.
1^ Aux formes adaptées citées ci-dessus § 257, 2 il faut en-
core ajouter les suivantes:
Bastille, orthographe fautive pour bastie (I, § 351, 2).
Coquille de conchylium; le suffixe -ille remplace dès les
plus anciens textes la terminaison latine; comp. aussi I, § 329.
Mandille de l'esp. m and il.
Souquenille, orthographe fautive pour souquenie (I, § 20, 4,
351,2).
2^ Ille a été remplacé par -aille dans volaille dont la plus
vieille forme est voleïlle < volatilia.
260. IN, suffixe commun à la langue populaire et à la
langue savante, remonte à -inus: divinus > devin, divin (cf.
I, § 151, Rem.); nous le retrouvons aussi dans les substantifs
consobrinus > cousin (cf. I, § 519, 1); coxinus > vfr. cois-
sin > coussin; *mansuetinus (de mansuetus) > mâtin;
molinum > moulin; *punicinum (pour pullicenum) >
9
130
poucin, poussin. Dans d'autres mots, -in remonte indirectement
au latin -inus par la terminaison italienne -ino: biscottino >
biscottin, cappucino y capucin; fiorino > florin^ fort ino >
fortin, etc.
Formes élargies. A côté du simple -in, on trouve -elin dans
gosse — gosselin et -tin dans bureau — bureautin ; maquereau — ma-
quereautin, écrit macrotin ; tableau — tableautin; Soute — souletin
(Loti, Figures et choses, p. 136) ; comp. § 89. Diablotin est un
dérivé de diablot (§ 287).
261. Le suffixe -in, qui autrefois a été assez peu productif,
est devenu plus employé dans la langue moderne. Il s'attache
surtout aux thèmes nominaux (enfantin, blondin), rarement aux
thèmes verbaux (brassin, craquelin, galopin, gratin, trottin); il
donne naissance à des adjectifs et à des substantifs:
1^ Adjectifs: Azurin, chevalin, crépusculin, cristallin, diaman-
tin, serpentin, zéphyrin, etc. Les poètes modernes, qui aiment
beaucoup les adjectifs en -in, en ont créé plusieurs comme
p. ex. aprilin (Vielé-Griffin, Poèmes et poésies, p. 111). Ajoutons
l'expression : un ton galantin.
2^ Substantifs. Dérivés de noms: agassin, ballotin, casaquin,
calotin, chevrotin (dér. de chèvre'^), diablotin, galantin, gorgerin
(dér. de gorgère), harpin, ignorantin, oursin, plaisantin, picotin
(dér. de l'anc. fr. picot), rondin, turbotin, etc.
262. Signification. Dans la langue latine vulgaire notre suf-
fixe présentait surtout un sens diminutif. Exemples: Jacet
sub hoc signino dulcissima Secundilla (G. L L. XII, 874).
Ce sens s'est conservé surtout en italien: signorino, donnina,
tavolino, carino, etc. Il s'est presque perdu en français; les
mots de la langue moderne qui ont une valeur diminutive,
sont presque tous empruntés de l'italien. Rappelons pourtant
qu'au moyen âge, -in avait conservé des restes de sa valeur
primitive; on trouve par exemple poy m/? (Saint Alexis, v. 100).
Voici maintenant quelques remarques sur la signification qu'on
attache de nos jours à -in.
1^ Dans les adjectifs il désigne a) la manière: aquilin, en-
fantin, poupin, sauvagin, serpentin; b) la matière: aimantin,
argentin, sucrin ; c) origine: angevin, limousin, messin, péri-
gourdin, poitevin, alpin, flandrin, florentin. On trouve encore
131
dans la vieille langue, acerin, alabastrin (R. Garnier), ferrin,
fraisnin, fustin, ivoirin, martrin, orin, pomprin, sorin, enterin, etc.
2^ Il désigne des êtres vivants, surtout des personnes: ga-
lopin, cabotin, grondin, rapin, trottin; ajoutons aussi rampin et
quelques noms propres: Antonin, Baptistin, Bernardin, Catin,
Colin, Grondin, Jeannin, Joséphin, Pescalin, Paulin, Perrin, Per-
rotin, Renaudin, Roussin, Simonin.
S^ Il désigne des objets: casaquin, gorgerin, harpin, rondin,
coussin, moulin. Étoupin et gourdin sont italiens; grappin est
probablement provençal.
4^ Il a une valeur diminutive dans ballotin, blondin, bureau-
tin (§ 89, 4), chevrotin, diablotin, fûin, maquereautin ou macro-
tin (apprenti souteneur), oursin, routin, titin, turbotin. Notons
aussi biscotin (emprunté de l'it. biscottino) et gazetin (dér.
de gazette, à l'imitation de l'it. gaz et ti no).
5^ Il a une valeur péjorative: ignorantin, calotin, galantin,
plaisantin, régentin.
263. Changement de suffixes.
P Dans plusieurs mots, -in n'est pas étymologique. Il rem-
place -un dans aubin, égrin, autrefois aubun (albumen),
aigrun (comp. it. agrume) et -ain dans alevin, cavin, funin, vfr.
*alevain, cavain, funain (funamen); comp. provin pour pro-
vain (propaginem).
2^ D'un autre côté -in a été supplanté par -ain dans acé-
rain, hautain, nourrain, autrefois acerin, hautin, nourrin (voir
§ 163).
3^ Quelques mots présentent simultanément deux formes;
on trouve en vfr. parrain et parrin, marraine et marrine, pou-
lain et poulin. Voici quelques remarques de détails:
Marrine (esp., it. madrina, prov. mairina <( lat. matrina) —
marraine (< lat. *matrana). Les deux formes s'employaient
sans distinction au moyen âge; marrine qui disparaît dans la
langue littéraire devant marraine, existe encore dans les patois.
Un chant de quête du pays de Caux commence ainsi: Ha-
guignette à ma marrine, Donnez des œufs et de la frine {Al-
manach des traditions populaires, II, 90).
Parrin (it. patrino, esp. padrino, prov. pairin < lat. patri-
nu s)— parrain « lat. *patranus). Au moyen âge on se ser-
vait indistinctement des deux formes, parfois dans le même
9*
132
texte {Amis et Amiles, v. 24 et v. 2499); après le XVP siècle, on
n'emploie plus que parrain. Pour les dérivés, parrinage dis-
paraît devant parrainage (par rénage).
Poulain; à côté de cette forme on a créé (au XVP siècle?)
poulin, d'où pouliner, poulinière et autrefois poulinage, pouline-
ment (cf. I, § 213; II, § 399).
4^ Une certaine hésitation entre -in et -ain s'observe aussi
dans les adjectifs; on trouve parfois au moyen âge à côté de
hautain, sousterrain, hautin {Auberi de Bourg oin, 201,9) et sous-
terrin (Ogier le Danois, v. 7758; Aucassin et Nicolete, 11, e).
Dans la langue moderne plusieurs dérivés toponymiques pré-
sentent des formes doubles en -ain et -in: bayeusain -in,
belfortain -in, médocain -quin, mussipontain -in.
264. INE remonte au latin -ina: vie in a > voisine, co-
quina > cuisine (I, § 411,4), collina > colline, radicina >
racine, etc. Le latin vulgaire offre plusieurs créations nou-
velles: *narina (de narem) ) narine, *pectorina (de pec-
tore) > poitrine, etc. En français, le domaine de -ine tout en
s'élargissant reste pourtant assez restreint. Ce n'est que de nos
jours qu'il a pris une extension plus grande.
Cas isolés. Dans plusieurs mots, -ine est d'origine italienne :
cantina > cantine, mandolina ) mandoline, mussolina >
mousseline, sur d ina ) sourdine.
Remarque. Dans la vieille langue on trouve un certain nombre de mots
en -ine dérivés de radicaux germaniques; ce sont surtout des noms abstraits:
aatine (défi, querelle), giierpine (délaissement), haïne (devenu haine; I, § 275),
plevine (garantie), saisine, et dans ces mots -ine s'est peut-être substitué à
une terminaison germanique (-eins). Dans bahine, bruine, gnaudine au con-
traire, où -ine a sa signification ordinaire, il est sans doute d'origine latine.
265. La terminaison -ine sert de féminin aux mots en -in
(cf. Il, § 399). C'est aussi un suffixe indépendant qui s'unit
aux noms.
P Dérivés de noms communs: archine, bâtine, bécassine, bot-
tine, capucine, chopine, javeline (de javelot; cf. § 78), routine,
vermine, etc.
Remarque. Chaumine et terrine sont primitivement des adjectifs; on a dit
autrefois une maison chaumine et peut-être une marmite terrine (on trouve
au moyen âge un terrin = un pot de terre).
133
2^ Dérivés de noms de personnes:
Tontine, dér. de Tond (son brevet est de 1653).
Turgotine, dér. de Turgot; nom des voitures établies par le
célèbre ministre.
Remarque. Berline est un dérivé du nom de ville Berlin. — Praline est
un dérivé du nom du maréchal du Plessis-Praslin, dont le cuisinier inventa
ce bonbon.
3^ Dérivés de noms géographiques: Alpes — Alpines (au Midi
de la France on les appelle Alpilles; voir G. Paris, Penseurs et
poètes, p. 65).
266. La langue mi-savante de l'industrie fait de nos jours
un large emploi de -ine qui s'unit non seulement aux mots
populaires mais aussi aux mots savants, grecs et latins, et
aux mots étrangers. Dans la terminologie technique -ine dé-
signe:
P Des produits chimiques : Albumine, abricotine, amygdaline,
aniline, atropine, benzine, caféine, camphorine, caséine, dextrine,
gélatine, glycérine, lactine, lanoline, margarine, morphine, narco-
tine, nicotine, stéarine, strychnine, vanilline, vaseline, etc. Ces
mots ont été formés sur résine, térébenthine, etc.
2^ Des parfumeries: amandine, bandoline, brillantine, corne-
line, onguline, poncine, violettine.
Remarque. Nestor Roqueplan a créé le mot parisine.
3^ Des étoffes : Castorine, crinoline, crépeline, molesquine, taffe-
taline, tartaline, veloutine. Ces mots ont été formés sur mousse-
line, lustrine, percaline.
4^ Des appareils: La machine à écrire munie de signes
phonétiques a été nommée la sonoscribine.
267. Formation analogique. Il y a eu échange entre -aine
et -ine dans aveline < vfr. avelaine < lat. nucem abellanam.
Sur marrine pour marraine, voir § 263.
268. IS, au moyen âge IZ, remonte au latin -icius: facti-
cius > vfr. faitiz > faitis; mesticius > vfr. mestiz > mes-
tis > métis; tracticius > vfr. traitiz. A côté de -iz on trouve
dans la vieille langue -eïz employé d'abord dans les dérivés
de la première conjugaison: leveïz (comp. prov. levadiz, esp.
levadizo, it. levaticcio), puis, par extension, dans les autres dé-
134
rivés: fereïz (de ferir), abateiz (de abatre), etc.; -efz devient -e/s,
d'où régulièrement -is (I, § 267): leveïz > leveïs > levis; abateïs
> abatis; logeïs > logis.
269. Le suffixe latin -ici us s'ajoutait au radical des parti-
cipes; en français -is s'ajoute également aux thèmes verbaux,
mais on trouve aussi quelques dérivés de thèmes nominaux:
P Dérivés de thèmes verbaux: Abatis, arrachis, coulis, crique-
tis, croquis, culbutis, doublis, élongis, éboulis, fondis, fouillis,
gâchis, galis, gazouillis, glacis, hachis, lancis, roulis, viandis, etc.
A la langue du moyen âge appartiennent foulis, tortiz (cierges
réunis en faisceau).
2^ Dérivés de thèmes nominaux: caillebotis, champis, châssis,
gaulis, grènetis (de grenelle; a remplacé l'ancien greneïs, de grain),
lattis. A la langue du moyen âge appartient herbis (herbage).
La force créatrice de ce suffixe n'est pas encore éteinte; ci-
tons comme formations récentes cailloutis, de caillou (§ 89, 12)
et chuchotis, enlacis, frôlis (souvent employés par les poètes
modernes; voir p. ex. St. Merrill, Poèmes, 1887—1897, p. 75);
on trouve dans J.-K. Huysmans grouillis—grouillos (Les sœurs
Vatard, p. 131).
270. Signification. En latin -ici us formait des adjectifs; en
français -iz, -is forme des adjectifs et surtout des substantifs.
La langue moderne ne connaît que quelques adjectifs isolés
en -is: vent coulis, pont-levis, bois taillis (et œuf couvi, autrefois
couvis); en dehors de ces cas, les mots en -is sont toujours
des substantifs.
1^ Dès les plus anciens textes, notre suffixe sert à former
des noms abstraits à thème verbal: abateïz, l'action d'abattre;
vfr. fereïz, l'action de férir; vfr. ploreïz, l'action de pleurer,
etc. Ce même sens se retrouve encore dans abatis, arrachis,
roulis.
2^ Du sens abstrait on passe facilement à l'idée d'un dés-
ordre, ou d'une multitude: vfr. poigneïz, mêlée; vfr. ploreïz,
pleurs. Le sens collectif est assez prononcé dans abatis,
cailloutis, éboulis, froncis, vfr. herbis (herbage), lacis, lattis
(ouvrage fait en lattes), palis (suite de pieux ; dér. de pel,
pal).
3^ Notre suffixe, surtout uni au thème d'un verbe transitif,
135
arrive aussi tout naturellement à désigner le résultat ou le
produit de l'action (soit une chose, soit un état) ou ce qui a
été l'objet de l'action. Fouillis est d'abord l'action de fouiller
ou creuser la terre: E. Deschamps parle du fouillis des pour-
ceaux (Œuvres complètes, VI, 7); il se dit ensuite d'objets qui
ont été fouillés ou remués: un fouillis de papiers, et de l'état
produit: quel fouillis dans ce tiroir! De la même manière s'ex-
pliquent chablis, arbre chablé, culbutis, pêle-mêle de choses et
de personnes culbutées; gâchis, ce qui a été gâché, le mortier;
ensuite boue et désordre; gobetis; hachis, etc. Notons aussi
chamaillis, cliquetis, criquetis, gazouillis.
40 Is désigne l'endroit où a Heu l'action: patrouillis, endroit
fangeux où l'on patrouille.
271. Formations analogiques.
P Is n'est pas étymologique dans coloris qui vient de l'ita-
lien colorito.
2^ Is a été remplacé par -if dans adventif, massif, métif, plu-
mitif, voir § 254. Il a été réduit à -/ dans couvi, autrefois cou-
vis^ de coveïz (comp. it. covaticcio). G. Sand écrit champi pour
champis.
272. ISE remonte peut-être à -ïtia, pour -ïtia. Il s'ajoute
aux noms et, moins souvent, aux verbes.
1^ Dérivés d'adjectifs: feintise, franchise.
2^ Dérivés de substantifs : bâtardise, bêtise, chalandise, gaillar-
dise, gourmandise, maîtrise, marchandise, prêtrise, traîtrise.
3^ Dérivés de verbes: convoitise, hantise. A la vieille langue
appartiennent cointise, comandise, galantise (R. Garnier), jaelise.
Ce suftixe est encore vivant comme le montrent les créa-
tions récentes roublardise, vantardise.
273. Signification. Le suffixe -ise désigne:
1*^ Des qualités morales: convoitise, franchise, gourmandise,
sottise.
2^ Des états ou des di^^nités: bâtardise, maîtrise, prêtrise.
3^ Des objets matériels: marchandise.
274. ISON reproduit le latin -itionem. On s'est servi de ce
suffixe pour former des noms abstraits tirés de verbes de la
136
'l"" conjugaison. Voici quelques-uns des nombreux exemples
qu'offre la vieille langue: coiwrison, depariison, eiivaïson, escar-
nison, guarantison^ fournison, honison, languison, marrison. Le
suffixe -ison empiète même sur le domaine de la l""* et de la
3^ conjugaison (surtout, paraît-il, dans les textes picards):
acordison, arrestison, araisnison, atargison, demorison, espargni-
son, herbergison, plorison, vengison, etc. ; atendison, batison, con-
fondison, tondison, etc. De toute cette richesse la langue ac-
tuelle n'a gardé que trois dérivés se rapportant à des verbes
de la 2"^ conjugaison: garnison, guérison, trahison.
275. 01 R remonte à -orium: dormitorium ) dortoir, ra-
sorium > rasoir. En vieux français on trouve aussi la forme
allongée -eoir qui, reproduisant -atorium, est primitivement
propre aux dérivés de verbes de la première conjugaison:
ouvreoir, parleoir.
Remarque. Dans quelques mots techniques on trouve -oi(s) pour -oir:
bouioi, cochois, rivois, tentoi; voir I, § 364,5.
276. Le suffixe -oir s'ajoute surtout aux thèmes verbaux, et
il est resté productif jusqu'à nos jours. Dans quelques cas
isolés il s'ajoute à des thèmes nominaux.
P Dérivés de verbes: Abreuvoir, arrosoir, battoir, boudoir,
comptoir, grattoir, miroir, mouchoir, semoir, tiroir, etc. On en
crée toujours: aiguisoir, découpoir, glanoir, etc. Voici quelques
formations récentes et individuelles: C'est elle qui viendra
dans ma garçonnière, dans mon aimoir comme disait ton ami
Larcher (P. Bourget, La duchesse bleue, p. 138). Elle n'est
qu'une bouche, un suçoir (P. et V. Margueritte, Zette, p. 2).
2^ Dérivés de noms: Bougeoir (de bougie), drageoir (de dra-
gée), peignoir, trousse (de peigne).
277. Le suffixe -oir désigne généralement:
P L'endroit où se passe l'action : abattoir, abreuvoir, bou-
doir, comptoir, crachoir, parloir, séchoir, tiroir, trottoir.
2^ L'instrument qui sert à accompagner l'action: arrosoir,
assommoir, découpoir, miroir, mouchoir, sarcloir, semoir.
278. OIRE, forme féminine de -oir (§ 275) remonte à -cria.
Son emploi est assez restreint; il ne sert qu'à désigner des
137
noms d'instruments: affiloire, aitrapoire, baignoire, balançoire,
bassinoire, écumoire, nageoire, rôtissoire.
Remarque. A côté de -oire, la vieille langue offre aussi la forme -eoire:
mangeoire, passeoire. On avait de même -eoir pour -oir; voir § 275.
279. OIS remonte à -ensis, devenu -ese (I, § 318,3), d'où
-eis, et ensuite -ois ou dans d'autres cas -ais (I, § 159). Les
mots en -eis (-ois), qui devraient rester invariables présentent
dès les plus anciens textes un féminin analogique: corteis —
corteise (II, §384,3, Rem.); ce féminin finit par s'étendre aux
autres mots en -eis qui remontent au germ. -isc (§ 351): da-
neis — daneise, pour daneische (cf. II, § 417, Cas isolés).
Cas isolés. Après une palatale -en sis aboutit régulièrement
à -is (I, § 191). Cependant ce développement peut être en-
travé par l'analogie comme dans burgensis qui ne devient
pas bourgis, mais bourgeois.
Formes analogiques. La terminaison -ois est d'origine ana-
logique dans anchois qui vient de l'esp. anchoa, et dans g^ra-
vois, qui est pour gravai; § 152, Rem.
280. Le suffixe -ois s'attache comme le latin -en sis à des
noms de villes et de pays pour désigner leurs habitants. Nous
le trouvons aussi, mais rarement, attaché à des noms com-
muns.
P Dérivés de noms de lieux: Ardennois, champenois, cler-
montois, dauphinois, dieppois, Hllois, niçois, rémois, vosgeois, etc.
Bavarois, danois, gallois, hongrois, norois, suédois. Bernois, Cre-
tois, génois, etc. Il est toujours productif, comme le montrent
montmartrois, anversois, hambourgeois, pékinois, pétersbourgeois,
copenhaguois, etc. Notre suffixe peut même s'ajouter à des
noms de peuple. Cet emploi pléonastique s'observe dans tur-
quois, encore dans Edmond Rostand: Ce turquois ne peut vous
comprendre (La princesse lointaine, II, se. 3); cf. turquoise.
2^ Dérivés de noms communs. On trouve dans le latin pos-
térieur pa g en sis; c'est peut-être sur ce modèle ou sur un mo-
dèle semblable qu'on a formé burgensis, d'où bourgeois (voir
ci-dessus) et curtensis, d'où courtois (cf. it. cortese). En fait
de créations françaises on trouve dans la vieille langue des
formes telles que aidois, champois, clergeois, fontenois, islois,
marbrois, marchois, molois, etc.; elles ont toutes disparu. La
138
langue moderne connaît villageois, matois (de mate, terme d'ar-
got qui désignait le lieu de rendez-vous des filous de Paris),
les substantifs minois (de mine), putois (du vfr. put) et l'ad-
verbe en tapinois (du vfr. en tapin), d'où a été tiré le substan-
tif tapinois. On doit à La Fontaine l'adjectif souriquois, tiré
plaisamment de souris, et l'abbé Galiani parle de la langue
chatoise (voir Jusserand, Shakespeare en France, p. 222).
281. OISON remonte à -otionem. Il servait, dans l'ancienne
langue, à former des dérivés à signification abstraite des
verbes de la 3^ conjugaison: batoison, confondoison. II empiète
aussi sur le domaine de -aison (§ 167) et se joint aux verbes
de la l""^ conjugaison: ahitoison, acordoison, arestoison, chaçoi-
son, chaploison, coltivoison, crioison, donoison, getoison, livraison,
mangeoison, etc. De toutes ces formations la langue actuelle
n'a gardé que pâmoison.
282. ON remonte au lat. -onem: carbonem ) charbon,
falconem ) faucon, latronem ) larron, saponem /savon,
etc. Il a été assez productif en français, mais paraît peu vi-
vant dans la langue moderne.
Cas isolés. Les mots en c et ^ présentent des dérivés en
-çon: arc — arçon, tronc — tronçon, enfant — vfr. enfançon, plante
— vfr. plançon, point — poinçon. Ces formes présupposent des
dérivés vulgaires en -ionem (comp. § 77).
Formation analogique. Le suffixe -on a remplacé -un dans
tendron (voir § 295).
Formes élargies. A côté du simple -on, on trouve -aillon
(§ 380), -asson (de * a ci onem) dans chevasson, paillasson,
mollasson (Soirées de Médan, p. 225); -eron (§ 398); -eton:
gueule — gueuleton (§ 402), -ichon: drôle — drôlichon (§ 404);
-illon: cotte— cotillon (§ 409).
283. En français, -on s'attache et aux thèmes nominaux et
aux thèmes verbaux. Exemples:
1^ Dérivés d'adjectifs : molleton, sauvageon, tendron, vairon.
Dans les parlers locaux on trouve petiton (Rolland, Chansons
populaires, V, 52).
2^ Dérivés de noms communs: aiglon, aiguillon, ceinturon,
139
cruchon, dindon. A l'ancienne langue appartiennent basiardon
(petit bâtard), bergeron, etc.
3^ Dérivés de noms propres: Benoîton, Toinon.
4^ Dérivés de verbes : Avorton, bâillon, coupon, frotton, jeton,
juron, louchon, plongeon, réveillon, salisson, souillon, torchon,
etc. Notons pour la vieille langue changeon (enfant substitué;
Romania, XXXII, 452), viron (conservé dans environner), tro-
ton (celui qui fait les courses).
284. Signification. Le suffixe latin -o, -onis désignait or-
dinairement des êtres vivants, parfois aussi des noms de
choses. Le suffixe français -on présente ces mêmes emplois:
1^ Noms de personnes: baron, brouillon, charreton (ou char-
ton; cf. I, § 292), charron, espion, fripon, louchon, souillon,
tendron, etc. On n'emploie plus changeon, clergeon, guion, soçon
(tiré de socius).
2^ Noms d'animaux: ânon, barbichon, chaton, étalon, griffon,
goujon, liron, mouton^ plongeon, etc., etc.
3^ Noms de choses : bouchon, brouillon, coupon, chaînon, gla-
çon, manchon, oreillon, etc., etc. C'est pour les noms de choses
que notre suffixe a été le plus productif.
285. Le suffixe -on présente souvent une valeur diminutive;
elle est surtout prévalente dans les noms d'animaux, où -on
désigne les petits (comp. -at; § 185) dans les noms de per-
sonnes et, moins souvent, dans les noms de choses.
1® Noms d'animaux: aiglon, ânon, baleinon, bécasson, chaton,
faon, grillon, levron, oisillon, ourson, raton.
Cas isolés. Cochon (II, § 403) désigne d'abord le cochon de
lait. Dindon, dér. de dinde (II, § 431), s'employait primitive-
ment au sens de dindonneau ; le dindon s'appelait autrefois
dindart. Étalon vient du bas-lat. stallonem (tiré du germ.
stall), le cheval qui reste à l'écurie, qui ne travaille pas.
Hérisson, du lat. pop. *hericionem, tiré de hericius.
2^ Noms de personnes : Benoîton, Fanchon, Jeanneton, Lison,
Madelon, Marion, Margoton, Nanon, Suzon, Toinon.
Remarque. Dans les noms propres, -on prend souvent une valeur dé-
préciative :
140
Pauvre fille, i\ quinze ans, ses sens dormaient encore,
Son nom était Marie, et non pas Marion.
(Musset, Nouvelles poésies, p. 14.)
Je n'aimerai plus Madeleine.
Mieux vaut courir les Madelons.
(Kichepin, La mer, p. 259.)
Partout on vous rencontre avec des Jeannetons.
(V. Hugo, Ruy Blas, I, se. 2.)
3*^ Noms communs désignant des personnes du sexe fémi-
nin: un(ej louchon, un(e) salisson, un tendron. Pour le genre
de ces mots, voir § 666.
4^ La signification est devenue péjorative dans: brouillon,
fanfaron, grognon, fripon^ marmiton, souillon.
5^ Noms de choses : Fleuron, goujon, mamelon, vallon, veston,
286. En italien et en espagnol, le suffixe correspondant a une
valeur augmentative : it. animale — animalone (grand animal);
esp. bestia — bestiôn, etc. Cette valeur se trouve dans plusieurs
mots français dus généralement à une imitation étrangère:
Ballon (grosse balle), dér. de balle, sous l'influence de l'it.
ballone.
Barbon, de l'it. barbone, proprement grande barbe, puis
homme vieux (comp. § 710).
Caisson, autrefois casson^ de l'it. cassone, grande caisse.
Carafon, emprunté de l'it. caraffo ne, signifiait au XVIP
siècle 'grosse carafe'; il veut dire aujourd'hui 'petite carafe'.
Médaillon (grosse médaille), emprunté de l'it. medaglione.
Million paraît créé sous l'influence de l'it. miglione, propre-
ment 'un grand mille'.
Mousqueton, tiré de mousquet à l'imitation de l'it. moschet-
tone; il désignait autrefois une arme de plus gros calibre que
le mousquet.
Perron, dérivé de pierre.
Toron (gros tore, moulure ronde), de l'it. torone.
Téton (mamelle), dér. de tette (bout de la mamelle).
287. OT remonte au latin vulgaire -ottus (cf. en italien
otto), variante de -ittus. Il a été assez productif en fran-
141
çais, surtout dans les périodes précédentes; mais il est encore
capable de fournir des dérivés nouveaux.
Forme élargie. A côté de -ot on trouve -elot (§ 387).
288. Le suffixe -ot s'attache aux noms et aux thèmes ver-
baux. En voici quelques exemples:
l*' Dérivés d'adjectifs: Bellot, brunot, manchot (dér. de l'anc.
fr. manc (^ m an eus), pâlot^ sécot, vieillot, etc. On trouve cons-
tamment des créations nouvelles non enregistrées par les dic-
tionnaires: Elle est faiblotte (Concourt, Renée Mauperin, p. 141).
Une fille parut, roussotte, louchon (A. France, Le Mannequin
d'osier, p. 43). Citons aussi flnot (Huysmans, Les sœurs Vatard,
p. 290) qui est peut-être une mauvaise graphie pour finaud
(§ 358,2). Littré dit »synonyme inusité de finaud <, explication
peu heureuse. Rappelons qu'on trouve finoterie au XVIP siècle.
Cas isolé. Petiot, de petit; cf. § 99.
2^ Dérivés de substantifs: Bachot, ballot, barrot, billot, bécot,
boulot, calot, cuivrot, cuissot, délot (de l'ancien deel, del, main-
tenant dé; cf. I, § 266), diablot, frérot, goulot, îlot, linot, minot,
mulot (dér. de mut), pérot, pouliot. On n'emploie plus aillot,
ancelot, anglot, bichot (petit d'une biche), courserot (un petit
coursier; voir H. Estienne, Deux dialogues, I, 95).
Cas isolés. Berlingot (voiture), dérivé de berlingue, autre
forme pour berline, employée au XVIIP siècle. Bousingot, dé-
rivé populaire de bousin (cabaret, désordre). Camelot, forme
plutôt provençale, a remplacé l'ancien chamelot, dér. de cha-
meau.
3^ Des noms propres: Bernardot, Chariot, Denisot, Henriot,
Georgeot, Jacquot, Jeannot, Margot (§ 78), Paulot, Perrot, Pierrot,
Renaudot, Robertot, Vacherot, etc.
Cas isolés. La célèbre Mme Angot s'écrivait à l'origine
Ango (§ 414); telle est l'orthogiaphe de Vadé. Miquelot est une
forme normanno-picarde pour michelot, dér. de Michel.
4® Dérivés de verbes: Brûlot, cachot.
289. OTTE ou OTE (cf. II, § 414, s), forme féminine de
-ot (§ 287). Elle s'emploie dans le féminin des adjectifs: pâlot
—pâlotte, manchot ^manchote, et des substantifs linot — linotte,
Chariot — Charlotte. Elle sert aussi à former des dérivés nou-
veaux de noms et de verbes.
142
P Dérivés de substantifs: Baillotte (de baille), calotte (de cale,
sorte de bonnet), capote, chènevotte (dér. de l'ancienne forme
cheneve, de cannabis), culotte, fiévrotte, gelinotte, linotte, me-
notte (de main).
Cas isolé. Marotte est un dérivé hypocoristique de Marie;
papillotte, morceau de papier dont on enveloppe les cheveux,
est peut-être un dérivé irrégulier de papier. Papillotte, paillette
d'or ou d'argent, est un post-verbal de papilloter (§ 540).
2^ Dérivés de verbes: Bouillotte, jugeotte, parlotte.
290. Signification.
1^ Le suffixe -ot a primitivement une valeur diminutive et
souvent caressante. Nous la retrouvons encore dans beaucoup
de cas: îlot, petite île; frérot, petit frère; pâlot, un peu pâle;
Georgeot, mon cher petit Georges, etc. Ce suffixe sert encore
dans le parler câlin et caressant: Bêtote, c'est fini, fit M. Mau-
perin (Concourt, Renée Mauperin, p. 322). Par une extension
commune -ot peut aussi être dépréciatif, comme dans bellot et
vieillot.
2^ Dans la langue moderne la signification diminutive a
disparu complètement dans plusieurs dérivés: fagot, goulot.
3^ Les dérivés de thèmes verbaux expriment plusieurs idées
différentes, surtout celle d'un instrument: brûlot, chariot, déri-
votte.
291, Formations analogiques. Ot a pris la place de -o, -oc,
-oe, -og(l), -ol, -out dans les mots suivants:
Abricot, emprunté du port, albricoque.
Berlingot (bonbon au caramel), emprunté de l'it. berlin-
gozzo.
Canot, au XVIP siècle canoë, emprunté de l'esp. canoa, mot
d'origine caraïbe (se trouve déjà dans le Dictionnaire de Ne-
brija, 1493).
Coquelicot, altération de coquericoq (employé encore au XVP
siècle). C'est une onomatopée imitant le chant du coq; elle
s'appliquait d'abord au coq lui-même; puis, par assimilation,
au petit pavot aux fleurs rouges.
Échalote, plus anciennement échalotte, est tiré, par substi-
tution de suffixe, de l'anc. fr. eschalogne, du lat. ascalonia,
proprement 'ail d'Ascalon'.
143
Écharbot (cf. le doublet escarbot), en vfr. escharbot, est tiré
du lat. scarabaeus (cf. la forme savante scarabée) avec change-
ment du suffixe; un développement régulier aurait amené une
terminaison -ieu.
Escargot, emprunté du prov. es car (a) g ol; on trouve au XIV®
siècle la forme escargole.
Falot, emprunté de l'it. falô.
Loriot, au moyen âge loriot et Voriol (I, § 489, i).
Magot (gros singe), probablement altération de Ma go g.
Maillot, au moyen âge maillot, probablement dérivé de maille.
Paletot, altération de paletoc ou paletoke (XIV® siècle), em-
prunté du holl. paltrok.
Pavot, au moyen âge pava, du lat. vulgaire *papavum qui
remplace papa ver.
Pouliot, pour pouliol ou poulieul qui remonte à pulegium.
Sanglot est pour sanglout ou sengloiit de *singluttum, al-
tération de singultum (sous l'influence de gluttum?).
Sarrot, doublet orthographique peu usité de sarrau.
Tarot, emprunté de l'it. tarocco; Rabelais écrit tarau.
292. TÉ remonte au lat. -itatem: bonitatem > bonté,
veritatem > vfr. verte, dur itatem > vfr. durté, etc. Il a servi
au moyen âge à former des noms abstraits tirés d'adjectifs:
amerté, averté, cherté, fierté, honerableté, loyalté, nobleté, richeié,
simpleté. Depuis le moyen âge, -té est mort comme suffixe, et
la langue moderne n'a gardé qu'un petit nombre des formes
primitives en -té: cherté, fierté. Dans les autres il a été rem-
placé soit par -été (§ 400): vfr. durté > dureté, vfr. purté >
pureté, vfr. sëurté ) sûreté, soit par la terminaison savante -ité:
vfr. verte ) vérité (sur veritas).
293. U remonte au lat. -utus (dans canutus, cornutus
n a su tu s, etc.); il s'attache, comme celui-ci, exclusivement
aux substantifs, et forme des adjectifs exprimant un développe-
ment particulier d'une qualité exprimée par le radical. Les
formations nouvelles sont nombreuses: barbu, bossu, bourru,
brancha, charnu (du vfr. charn; cf. I, § 327,2, Rem.), chevelu,
crochu (de croc; cf. § 70), feuillu, fourchu, goulu (de gueule;
cf. § 58), grenu (de grain; cf. § 49), joufflu, lippu, membru,
moustachu, pattu, poilu, pointu, têtu, ventru, etc. A l'ancienne
144
langue appartiennent bouchii, corsa, crenu, crespelu, dentu,
mamelu, pommelu, ramu, veina, etc.
Cas isolés. Fea était au moyen âge fëa (1, § 276) qui re-
monte à *fatutus, dérivé populaire de fatum.
294. UME ou UNE. Ces suffixes peu employés paraissent
avoir la même origine.
1^ La forme -ame remonte probablement à un type -umi-
nem, qui a dû remplacer -udinem. La cause du change-
ment n'est pas claire. Ex.: consuetudinem ) coatame,
ama rit udinem } ainertame. Notons quelques créations nou-
velles propres à la vieille langue: espessetame, pesantame, sua-
tame.
Forme ANALOGIQUE. Apostume, emprunté de apostema.
2^ La forme -une remonte au latin -udinem: amaritudi-
nem ) vfr. amertane. Les autres exemples de notre suffixe
qu'offre la langue du moyen âge, sont des créations françaises :
pesantane^ rancune (forme collatérale de rancure et rancor),
sembletune, servitune (doublet de servitude), servune (de serf),
vieillune. De ces formes on n'a conservé que rancune.
295. UN. Ce suffixe peu employé remonte à -umen; il ne
se trouve que dans la vieille langue; les quelques mots qui
se terminaient autrefois par -un, sont morts ou ont échangé
leur suffixe contre un autre. Voici d'abord deux exemples re-
montant au latin classique: Albumen ) vfr. auè«/7, remplacé
par aubin (§ 263, i); le g umen ) vfr. lëun , remplacé par
légume. On peut encore citer quelques autres mots en -umen
de formation postérieure: acrumen ) vfr. aigrun (comp. it.
agrume), remplacé par aigrin et égrain (voir Littré); calidu-
men ) vfr. chaudun, tripes (it. caldume), tene rumen ) vfr.
tendrun (it. tenerume), supplanté par tendron.
296. URE vient du lat. -ura: morsura > morsure, pic-
tura ) *pinctura > peinture, scriptura ) écriture, junc-
tura y jointure; ajoutons blat. rancura (pour rancor)) vfr.
rancure. On voit que -ura s'ajoutait surtout aux participes
passés; comp. les nouvelles formations tenture (*tentura, de
tentus), penture (*penditura, de *penditus; II, § 108,2),
couverture (de couvert), confiture (de confit), friture (de frit), etc.
145
A côté de -ure, on trouve dans la vieille langue -ëure tiré des
dérivés de la première conjugaison: armatura ) armëure;
cette forme s'est employée par analogie dans chaussëure (de
chaussier)^ envoisëure (de envoisié, gai), batëure (de batre), ner-
vëure (de nerf)^ ramëure (de raim), etc., etc. Après le moyen
âge, -ëure, par l'amuïssement régulier de la première voyelle
(I, § 269), s'est confondu avec -ure; la suppression de l'e fé-
minin est marquée par un accent circonflexe dans le seul mot
piqûre, autrefois piqueure.
Formations analogiques. La vieille forme saumuire est de-
venue saumure. Dans le parler vulgaire de nos jours, verrue
s'altère en verrure.
297. Le suffixe -ure a été assez productif en français, et il
est encore vivant; il s'adapte aux noms et aux verbes. Ex-
emples:
P Dérivés de substantifs : Cadrannure, carature, chevelure,
denture, ferrure, feuillure, forfaiture, mâture, membrure, nacrure.
Cas isolé. Fermeture, doublet de fermure, paraît modelé sur
ouverture.
2^ Dérivés d'adjectifs: Droiture, froidure, ordure, verdure. On
avait dans la vieille langue: blanchure, hauture, laidure, rous-
sure, etc.
Cas isolé. Courbature a été tiré de courbatu (cf. § 66).
3° Dérivés de verbes: a) Balaijure, blessure, brochure, brûlure,
coiffure, coupure, dorure, éclaboussure, égratignure, engelure, fou-
lure, gageure (cf. I, § 119), hachure, limure, piqûre, plissure,
serrure, b) Bouffissure, brunissure, élargissure, flétrissure, fourbis-
sure, meurtrissure, moisissure, noircissure, ternissure, etc. c) Bat-
ture. Notons aussi, pour la langue vulgaire, revoyure, employé
surtout dans la formule à la revoyure (Daudet, Sapho, p. 116;
J. Rictus, Les soliloques du Pauvre, p. 119).
10
CHAPITRE VII.
SUFFIXES LATINS
DE FORMATION SAVANTE.
298. Sur les suffixes de formation savante, il faut remar-
quer:
1^ Ordinairement le suffixe est accommodé à la française :
-ation, -aire, -isie; dans quelques cas très rares le suffixe passe
tel quel en français: -ana.
2^ Les suffixes savants s'attachent non seulement aux mots
français (action — actionnaire) mais aussi à des thèmes latins.
Il arrive ainsi très souvent qu'à côté d'un mot français de
formation populaire on trouve un dérivé de formation savante.
Cette particularité est digne d'intérêt. Comme il existe un cer-
tain nombre de substantifs de forme populaire, dont il est
impossible de tirer des dérivés, on est obligé, pour créer un
adjectif correspondant, de recourir au latin. En voici quelques
exemples: Aisselle — axillaire, ancêtre — ancestral, dimanche — do-
minical^ dos — dorsal, enfer — infernal, évêque — épiscopal, genre —
générique, goût — gustuel, île — insulaire, moelle — médullaire, moine
— monacal, nez — nasal, oreille — auriculaire, palais — palatal, pou —
pédiculaire, pluie — pluvial, pluvieux, voyelle — vocalique.
3^ Les suffixes savants, qui remontent moins haut dans la
langue que les suffixes populaires, finissent parfois par les
remplacer; ainsi -ation est sur le point de supplanter -aison
(§ 168), et -ence est bien plus productif que -ance (§ 172).
Comp. aussi le rapport entre -al et -et (§ 303), entre -at et -é
(§ 190), entre -ose et -eux (§ 232); et notez la très grande ex-
tension qu'a prise -ique (§ 325).
147
299. AIRE, doublet savant de -ier (§ 248) et de -er (§ 212),
reproduit -arius et -aris. Il se trouve dans des mots em-
pruntés: contra ri us > contraire, adversarius > adversaire
(la forme populaire aversier a disparu), primarius } primaire
(forme pop. premier) vulgaris > vulgaire etc. et dans de
nombreuses formations nouvelles. Il s'ajoute non seulement
aux radicaux latins: alvéolaire, annuaire, folliaire, lapidaire,
patibulaire, mais aussi et surtout aux radicaux français: ac-
tionnaire, commissionnaire, égalitaire, humanitaire, mousquetaire,
millionnaire, milliardaire, pensionnaire.
300. AL remonte au latin -alis (-aie) dont la forme popu-
laire est -el (§ 205), Des mots d'emprunt en -al se trouvent
dès le XP siècle : enfernal, essential, estival, final, historial, im-
périal, oriental, pastoral, personal, etc. ; on a continué à en
introduire jusqu'à nos jours : brutal, capital, causal, central,
conjugal, diurnal, dorsal, fatal, frugal, génital, matutinal, rural,
sépulcral, temporal, théâtral, triomphal, verbal, vital, etc., etc.
Remarque. Rappelons que dans le Sud-Ouest et moins régulièrement dans
l'Ouest et en anglo-normand, -al représente le développement populaire de
-alem. Dans les domaines cités hospitalem devient ostal; dans le reste
de la France du Nord ostel.
301. Sur le modèle de ces mots, on s'est servi de -al comme
suffixe, dès le moyen âge. On l'ajoutait et à des mots fran-
çais et à des thèmes latins.
P Dérivés de mots français : amial, banal, besognai, costal,
fenestral, grevai, hivernal, lunal, poignal, prestral, etc. Colossal,
colonial, instrumental, musical, papal, phénoménal, sentimen-
tal, etc.
2^ Dérivés de thèmes latins: Vfr. angelical, apostolat, autum-
nal, evangelical, médicinal, simonial, etc. Buccal, caudal, céré-
bral, doctoral, électoral, floréal, germinal, guttural, infinitésimal,
lacrymal, latitudinal, lingual, longitudinal, ombilical, stomacal,
vaginal, vertébral, etc.
3^ Dans quelques cas on trouve des doublets: loyal — légal,
chenal — canal.
4** Le suffixe -al est toujours vivant; voici quelques dérivés
récents : architectural, auroral, caricatural (Bourget, Voyageuses,
10*
148
p. 60), fantômal (Zola, Lourdes, p. 218), gouvernemental, obé-
liscal, pyramidal, spectral. Flaubert a employé aromal, sidéral^
tombal
302. Formations analogiques.
P AL est d'origine analogique dans:
Maréchal, vfr. mareschalc, du germ. mar[a]hskalk.
Orig(i)nal, altération de orignac, emprunté du basque o ré-
gna c (pluriel de oregna, cerf).
Sénéchal, vfr. senescalc, du germ. siniskalk.
2^ AL a été remplacé par -ail dans corail, frontail, poitrail,
portail (voir II, § 305, i), par -ard dans brancard et poi-
gnard (§ 354). Rappelons qu'on a dit bocar, locar au lieu de
bocal, local, et, inversement, brassai, cavial, réalgal au lieu de
brassard, caviar, réalgar. Enfin -al a été sporadiquement rem-
placé par -ac dans arsenal qu'on prononçait arsenac au XVIP
siècle (voir Vaugelas, Remarques, II, 206).
303. Il y avait jusqu'au XVII'^ siècle, dans beaucoup d'ad-
jectifs et dans quelques substantifs, une certaine hésitation
entre -al et le suffixe populaire correspondant et synonyme -et
(§ 205). A côté de la forme purement savante personal, on
trouve aussi personel, et à côté de la forme populaire charnel,
on trouve charnal. Voici quelques exemples de ces doublets:
Accidentel -al, champel -al, charnel -al, communel -al^ continuel
-al, corporel -al, cruel -al, espirituel -al, essentiel -al, graduel -al,
individuel -al, journel -al, loyel -al, matinel -al, mortel -al, na-
sel -al, naturel -al, ostel -al, personnel -al, poitrel -al, principel
-al, royel -al, temporel -al, virginel -al, etc. Le même auteur
se sert souvent des deux formes sans distinction; dans le
Tristan de Beroul on trouve p. ex. ostel: sel (v. 1297 — 98) et
ostal: governal (v. 3581 —82). Sur le sort de ces doublets il
faut remarquer:
1^ EL l'a emporté dans accidentel, charnel, continuel, corpo-
rel, cruel, essentiel, graduel, hôtel, individuel, mortel, naturel, per-
sonnel, spirituel, temporel.
2^ AL l'a emporté dans communal, journal, loyal, matinal,
poitral, principal, royal, virginal.
3^ Dans quelques cas on a conservé les deux formes: officiel
— officiai, originel— original, partiel — partial, pénitentiel — péniten-
149
tial; à la différence des doublets médiévaux, ceux-ci ne sont
pas synonymes.
4^ Signalons en dernier lieu quelques autres traces de l'an-
cienne hésitation: Cruel — cruauté (vfr. crualté, de crual), jour-
nal— journellement. A côté de matériel et universel on a les plu-
riels matériaux et universaux.
304. AN est une terminaison d'origine assez diverse.
P Elle reproduit régulièrement le latin -ann-: tyrannum
) tyran.
2^ Elle reproduit dans les mots d'emprunt le latin -anus,
dont les formes populaires sont -ain (§ 160) et -ien (§ 246):
anglican (anglican us), faisan (phasianus), pélican (péli-
can u s), joersa/î (persanus), vétéran (veteranus).
3^ La terminaison italienne et espagnole -ano et le proven-
çal -an: artisan (it. artigiano), courtisan (it. cortigiano),
partisan (it. partigiano), toscan (it. toscano), castillan (esp.
castellano), capelan (prov. capelan).
4^ Nous trouvons aussi -an dans un certain nombre de
mots orientaux: drogman, musulman, ottoman, sultan, etc.
305. Formations analogiques.
1^ Dans un certain nombre de mots -an a été substitué à
-ant et -enc: Brelan < vfr. brelenc (§361). Cadran < quadran-
tem. Chambellan < vfr. chamberlenc. Cormoran < vfr. cor ma-
renc. Encan < encant (Oudin, 1642) < in quantum. Éperlan
< vfr. esperlenc < aha. spierling. Floran est probablement
pour florant, dérivé de fleur. Halbran < germ. halberent.
Jaser an < vfr. '^ jaser enc, dérivé du nom de la ville d'Alger (en
arabe al-Djezair), d'oii venaient beaucoup de cottes de
mailles. Merlan < vfr. merlenc. Paysan < vfr. paysenc. Peigneran,
pour peigner and (§ 173).
2^ AN a été remplacé par -and dans allemand et normand
(comp. § 88, 173).
306. AN A (ou plutôt lANA), pluriel neutre de -anus
(-ianus), est un suffixe savant qui s'applique à des noms
propres: Huetiana, Ménagiana, Perroniana. Ana s'attache aussi,
mais assez rarement, à des noms communs; on a ainsi publié
150
des Cricriana ou recueil des Halles (Paris, 1805) qui font
suite à des Grivoisiana et à des Merdiana.
307. AT est emprunté au latin ou aux langues romanes
méridionales. Il reproduit:
P Le latin -atus (dont la forme populaire est -é; § 190):
Apostolat (apostolatus), canonicat (ca no nie a tus), cardina-
lat (csir dînai âius), consulat (consul atus), diaconat (dia-
conat us), épiscopat (episcopatus), magistrat (magistra-
tus), patriarcat (patriarcatus); avocat (advocatus), candi-
dat (candidatus); scélérat (sceleratus); sur la forme -iat,
voir § 318.
2^ Le latin -atum : cérat (ceratum), /lïanc/af (m and atu m).
3^ Le provençal -at: comtat, goujat, muscat.
40 L'italien -ato: brocat (§ 309,2), carat, cervelat, ducat.
50 L'espagnol -ato: mulat (§ 187).
Doublets. Les doublets populaires des mots en -at se ter-
minent en -é: avocat— avoué, comtat — comté, épiscopat — évêché.
Pour scélérat, on trouve au XV^ et au XVP siècle sceleré;
R. Garnier s'en sert encore: Et souuent les grands Dieux
gardent expressément Les hommes scelerez pour nostre châti-
ment (Cornélie, v. 894). A côté de orgeat, on avait autrefois
orgeade, d'après l'ital. orzata, et orgée.
308. Sur le sort qu'a joué -at dans la formation de mots
français, il faut remarquer:
\^ At (= -atus) a été relativement productif. On l'a ajouté
à des thèmes latins: électoral, professorat, rectorat, et à des
mots français indigènes ou empruntés : acolytat, califat, exar-
chat, généralat, marquisat, syndicat. La création de mots nou-
veaux en -at continue toujours; en voici quelques exemples
récents: anonymat, bambinat (Fourrier), bâtonnat, externat,
hospodorat, internat, inspectorat, macmahonat (Villatte), manda-
rinat, officiât, orphelinat, séniorat, septennat (date de 1872), etc.
2® At (= -atum), qui s'ajoute surtout aux verbes, a été
bien moins productif; on le trouve dans alternat, assassinat,
assignat, crachat, orgeat, pissat.
151
309. Formations analogiques.
P AT n'est pas étymologique dans reliquat, qui est pour
reliqua (lat. reliqua); encore en 1694, l'Académie écrit le mot
sans t, tout en ajoutant que »quelques-uns escrivent reliquat*.
2® AT a été remplacé par -as dans cadenas < cadenat (prov.
cadenat), cervelas (^ cervelat (it. cervellato); par -âtre, dans
mulâtre (§ 186) < mulat (esp. mulato); par -ard (-art) dans
brocard < brocat (it. broccato), escarbillard (^ escarbillat (gasc.
escarrabilhat), surard < surat (dérivé de sureau, § 78); on
hésite entre louvat et louvard. Au XVI P siècle, on disait rosar,
violar, soldar, pour rosat, violât, soldat.
310. ATEUR, dont la forme populaire est -ëor, -eur (§ 230),
reproduit le latin -atorem: On le trouve dans les mots d'em-
prunt: administrateur, admirateur, adorateur, collaborateur, con-
solateur, explorateur, etc. Les créations françaises, qui appa-
raissent surtout dans la langue moderne, sont nombreuses;
elles sont toutes tirées de verbes. Exemples: accélérateur, ac-
clamateur, annonciateur, colonisateur, épurateur, extirpateur, fûa-
teur, régulateur, vulgarisateur, etc.
311. ATION reproduit le latin -ationem. On le trouve dans
beaucoup de mots d'emprunt : abdication, aberration, adoration,
adulation, circulation, considération, flagellation. C'est sur le mo-
dèle de ces mots d'emprunt qu'on a tiré de thèmes verbaux
des dérivés nouveaux marquant l'action: association, autorisa-
tion, bifurcation, canonisation, centralisation, cautérisation, dé-
moralisation, localisation, unification, vaccination, etc. Notre
suffixe peut aussi s'ajouter à des thèmes latins: aviation, claus-
tration, majoration. L'emploi toujours croissant de -ation a fini
par tuer -aison (§ 168). Notons aussi que les anciennes formes
dérivaison, sevraison ont été remplacées par dérivation, sépara-
tion.
312. ATIQUE remonte à -aticus; il a été tiré de mots tels
que aromatique, diplomatique, dogmatique, énigmatique, flegma-
tique, etc. Il a peu servi à créer des mots nouveaux; citons
emblématique (tiré de emblème probablement sur le modèle de
problématique).
152
313. ATOIRE. Ce suffixe, qui reproduit le latin -atorius, a
été tiré de mots d'emprunt tels que adjutatoire, ambulatoire^
conservatoire, consolatoire, etc. Voici quelques formations fran-
çaises: accusatoire^ dînatoire, soiipatoire (Brillât-Savarin).
314. ATURE remonte au latin -atura, dont la forme popu-
laire est -ëure, -are (§ 296). On le trouve dans des mots d'em-
prunt latins comme armature, dictature, littérature, nomencla-
ture, quadrature, température, etc. et dans quelques mots d'ori-
gine italienne: caricature, miniature, etc. Quant aux créations
nouvelles, elles sont peu nombreuses. Comme -ure, -ature s'at-
tache et aux verbes (français ou latins): fdature, judicature,
maculature, signature, et aux noms (français ou latins): arca-
ture, climature, musculature (de musculus), ossature, sacrifica-
ture, tablature (de tabula; cf. Fit. tavolatura). Ces exemples
montrent que -ature sert ordinairement à désigner l'ensemble
des caractères qu'exprime le radical.
Doublets. Le mot populaire armure existe à côté du mot
savant armature. La vieille forme populaire temprëure a dis-
paru devant température.
315. ÉEN est une forme collatérale de -zen (§ 246). Il s'em-
ploie surtout pour traduire les mots latins en -sens (-eus):
Chaldéen (Chaldseus), Européen (Europaeus), Héracléen (He-
racleus), Néméen (Nemaeus), Phocéen (Phocseus), céruléen
(cseruleus), éburnéen (eburneus), hyménéen (hymen sens),
marmoréen (marmoreus).
Remarque. A côté de -éen on trouve aussi, bien que rarement, 'éan.
R. Garnier dit ainsi les voix hyménéanes {Cornélie, v. 256).
316. Le suffixe -éen se trouve aussi dans un petit nombre
de dérivés français; il s'attache surtout aux mots terminés
par -é, -ée, -ey, -ay, -i, -y:
1^ Dérivés de noms communs: alizéen (de alizé), fuséen, ly-
céen.
2^ Dérivés de noms de lieux : condéen. Quadeloupéen, nan-
céen (de Nancy), nouméen (de Nouméa), panaméen, pyrénéen,
quimperléen (de Quimperlé), sabéen (de Saba), tarbéen (de
Tarbes), vendéen, vitréen (de Vitré).
I
153
S^ Dérivés de noms de personnes : Goethe— goethéen (RPhFP,
XVII, 149).
317. ENCE, doublet de -ance (§ 172), reproduit le latin
-etitia: absence (ab senti a), abstinence (abstinentia), con-
fidence (c o n f i d e n t i a), éloquence (e 1 o q u e n t i a), évidence (e v i-
dentia), intelligence (intelligen tia), etc. C'est sur le modèle
des mots d'emprunt en -ence, dont on trouve des exemples dès
les plus anciens textes, qu'on a créé des mots nouveaux en
-ence tirés d'adjectifs en -ent: adhérence, exigence, intermittence,
insurgence, permanence, résidence.
Cas isolé. Jouvence, qui remonte au moins au XVP siècle,
paraît être une altération du vfr. jouvente (de *ju venta pour
juventus); le changement est probablement dû à l'influence
du suffixe -ence et du diminutif jouvencel.
318. lAT, forme collatérale de -at (§ 307), s'emploie pour
former des dérivés de mots latins en -ius: noviciat (de no-
v ici us), vicariat (de vi cari us). C'est donc la forme ordi-
naire des dérivés de mots en -aire: antiquariat, commissariat,
honorariat, prolétariat, salariat, secrétariat, volontariat. Il s'em-
ploie par analogie dans margraviat.
319. IBLE est emprunté du latin -ibilis. Il se trouve dès le
moyen âge dans les mots d'emprunt: contemptibilis )
contemptible, conversibilis ) conversible (Furetière), con-
vertibilis ) convertible, corruptibili s > corruptible, cre-
dibilis > crédible, divisibilis > divisible, flexibilis >
flexible, horribilis > horrible, intelligibilis > intelligible,
risibilis > risible, etc. Le latin ecclésiastique et scolastique
a fourni plusieurs formations nouvelles: comprehensibilis
) compréhensible, concupiscibilis ) concupiscible, disponi-
bilis ) disponible, imperceptibilis > imperceptible, etc.
320. Sur le modèle des mots cités on a créé un petit nombre
de dérivés nouveaux. Ils sont tirés soit de verbes latins, soit
de verbes français, très rarement de noms français.
P Radicaux de verbes latins: accessible, admissible, amovible,
comestible, compatible, compressible, éligible, fusible, indicible, etc.
154
Ce mode de formation est encore vivant, comme le montrent
les mots nouveaux conceptible, explosible, impressible, etc.
2° Radicaux de verbes français: corrigible, exigible, lisible,
loisible, nuisible, etc. Dérivé nouveau: répétible (Littré, Suppl.).
3^ Dérivés de noms français: paisible, pénible.
Dans quelques cas il y a eu concurrence entre -ible et -able.
Avant de dire nuisible on a dit nuisable; Cotgrave (1611) donne
lisable à côté de lisible; la langue moderne admet faisable et
faisible; on a eu autrefois pénable à côté de pénible.
321. ICE reproduit les terminaisons suivantes:
P Le latin -îcium: novice.
2^ Le latin -îcium : artifice, auspice, bénéfice, cilice, délice, édi-
fice, office, sacrifice.
3^ Le latin -itia, -ities: avarice, immondices, justice, malice,
milice, prémices.
4^ Le latin -itia: blandices.
5^ Le latin -îtium: précipice, propice, service.
6^ Le latin -ix, -icis: appendice, calice, cicatrice.
7^ Le latin -ex, -icis: auspice, complice.
8^ L'italien -iccio: caprice.
Le suffixe -ice ne paraît pas avoir été productif en français.
322. IME reproduit le suffixe inaccentué -îmus: decimus
) décime. Sur le modèle de ce mot on a formé centime, mil-
lime.
323. ION, suffixe peu employé qui doit probablement son
origine aux mots d'emprunt en -ion. On le trouve surtout dans
des dérivés nominaux, rarement dans des dérivés verbaux:
P Dérivés nominaux: champion, cornion, croupion, fanion
(du radical de fanon; cf. § 78), gavion (de l'ancien gave, go-
sier). On trouve au XVI*= siècle bestion, petite bête (Voyage de
Charles-Quint).
2^ Dérivés verbaux: tordion (de tordre), trayon (de traire).
324. IQUE reproduit le latin -ïcus, confondu avec le grec
'Lxog; il se trouve dans beaucoup de mots d'emprunt: asia-
»
155
tique, authentique, dalmatique, fantastique, liomérique, mytliique,
platonique, saptiique, sceptique, typique, etc.
Remarque. De la terminaison uniforme -ique on a tiré une forme mascu-
line -/c; ainsi l'ancien publique a été remplacé par public — publique; voir
II, § 388.
325. Le suffixe -ique a eu un très grand développement en
français, où il est devenu le suffixe le plus usuel dans la for-
mation des adjectifs. Il s'emploie surtout dans la terminologie
scientifique et s'ajoute non seulement aux mots français (fée-
rie— féerique), mais aussi au type latin reconstitué (voyelle —
vocalique, d'après vocalis).
P Dérivés de noms communs: Académique, charivarique,
chimique, chronologique, édénique, héraldique (dér. de héraut,
d'après la forme latinisée herald us), monarchique, nostal-
gique, périodique, photographique, salicylique, somnambulique,
squelettique, syllabique, typographique, volcanique.
2^ Dérivés de noms de personnes: Don-juanique, galvanique,
holbachique, hoffmannique, hugotique, machiavélique, méphisto-
phélique, mesmérique, marotique, offenbachique, ossianique, pan-
tagruélique, voltaïque, villonique (Tiersot, Romancero populaire,
p. XVIII).
3^ Dérivés de noms géographiques et de noms de nationa-
lités: Ballcanique, carpathique, hunnique, islamique, jurassique,
javanique, lombardique, pyrénaïques, sarracénique, westphalique.
326. Substitution.
P La langue populaire substitue parfois -ique à -isque; on
entend dans l'argot de Paris astérique et obélique pour astérisque
et obélisque.
Remarque. Inversement -isque se substitue à -ique. Odalisque est pour
odalique. La forme primitive est odalik qui reproduit fidèlement le turc
odalik (odalyk). Elle a été employée par Antoine Bauderon de Sénecé
(mort en 1737) qui écrit dans un de ses contes: Je veux d'abord, dit-il,
épouser quatre femmes, avoir deux cent chevaus, au moins trente odaliks,
cent valets, six sérails, dix ou douze chiffiks [altération du turc tchiftlik,
ferme, métairie], le reste à l'avenant {Œuvres choisies, Paris, 1855. P. 126 —
127). La forme analogique odalisque a été employée déjà par Fermanel dans
ses Voyages du Levant (1664).
156
2° Il y a parfois hésitation entre -ique, -esque, -ien, -an. Ci-
tons: aristophanique — aristophanesque; don-juanique — don-jua-
nesqiie; monarchique — nwn ar chien ; mahoméiique (Garnier, Bra-
damante, v. 34) — mahométan.
327. ISME remonte au latin -ismus (gr. -lOfuog). Les mots
d'emprunt en -isme se montrent déjà au moyen âge: Apho-
risme, barbarisme, catéchisme, christianisme, emboiisme, exor-
cisme, paienisme, etc.; et on a continué à en adopter jusqu'à
nos jours: archaïsme, atticisme, cynisme, idiotisme, paganisme
(qui remplace paienisme), etc.
Formes élargies. A côté de -isme, on trouve quelques formes
élargies: -tisme dans bondieutisme , voijoutisme (§ 89); -icisme
(tiré de anglicisme, gallicisme, classicisme) dans celticisme, pla-
tonicisme, romanticisme, russicisme (§ 330,5); -ianisme (tiré de
cartésianisme, voltair ianisme) dans baudelairianisme , bohémia-
nisme, parnassianisme, victorianisme, etc. (§ 330, 7) et quelques
autres.
Orthographe Si le mot primitif se termine par -g, on écrit
-ysme pour -zsme; Bovary — bovarysme; dandy— dandysme. Après
le succès d'Antony, le fameux drame werthérisant d'A. Dumas
père (1831), on créa le mot antonysme.
328. Sur le modèle des mots d'emprunt cités on a créé
un très grand nombre de dérivés français en -isme. Ces
formations nouvelles datent surtout de la Renaissance, où
elles fourmillent dans les auteurs savants; c'est au XVP siècle
qu'on a créé calvinisme, épicurisme, francisme, gallicisme, gas-
conisme, grécisme, hébraïsme, Imguenotisme, italianisme, jésu-
isme, pédantisme. La création de mots en -isme continue dans
la période classique; au XVIP siècle appartiennent anachro-
nisme, cromwellisme , déisme, héroïsme, péripatétisme , philo-
sophisme; au XVIIP, anglicisme, atomisme, civisme, éléatisme,
fédéralisme, fétichisme, leibnitzianisme.
329. Les dérivés modernes en -isme sont fort nombreux, et
leur nombre augmente tous les jours. On applique notre suf-
fixe, également apprécié dans la langue savante et dans la
langue vulgaire, aux noms communs simples et composés, aux
noms propres et aux adjectifs :
»
157
P Dérivés de noms communs: Absinthisme^ alcoolisme, al-
truisme (A. Comte), amateurisme, animalisme, archaïsme, ata-
visme, athéisme, athlétisme, automobilisme, banditisme, barbarisme,
bouquinisme, bromisme, cabotinisme, capitalisme, chéquardisme,
crétinisme, despotisme, étymologisme, fonctionnarisme (Bourget),
gourmetisme, impressionnisme, inouîsme, ironisme, jingoïsme, jour-
nalisme, laquaiïsme, lorettisme, maniérisme, monosyllabisme, muf-
lisme (Flaubert), naturisme, nihilisme, obscurantisme, panamisme,
panmuflisme (Flaubert), papisme, parnassisme, pétrolisme, pignou-
flisme (Flaubert), rastaquouérisme, reporterisme, sanscritisme, sa-
tanisme, sublimisme, symbolisme, troubadourisme, vaudevillisme.
2^ Dérivés de noms propres: Alphonsisme (Bourget, Pastels,
p. 78), bonapartisme, bouddhisme, césarisme, chauvinisme, crom-
wellisme, darwinisme, donjuanisme, don quichottisme, fourriérisme,
mahométisme (coin p. § 330), ossianisme, platonisme, spinozisme,
trissotinisme, etc. Ajoutons quelques formations récentes: Bou-
langisme, déroulédisme, dreyfusisme, ibsénisme, panurgisme, zo-
lisme, wagnérisme.
3^ Dérivés d'adjectifs : Bilinguisme, cagotisme, cléricalisme, ex-
clusivisme, fatalisme, libéralisme, militarisme, puérilisme, purisme,
sentimentalisme, servilisme, sincérisme.
4:^ Dérivés de mots composés et de phrases (comp. § 41):
Autrechosisme, basbleuisme, beaupérisme, bondieutisme, bongar-
çonnisme, chatnoirisme, fortengueulisme, mauvaissujeitisme, pied-
platisme (Barbey d'Aurevilly), jemenfichisme (atténuation eu-
phémistique pour jemenfoutisme).
330. Doublets. Beaucoup de mots en -isme se présentent
sous une double forme; dans quelques cas isolés l'usage a
donné à ces doublets des acceptions différentes (allemandisme
— allemanisme, russisme — russicismej, mais ordinairement ils
présentent absolument le même sens. Rappelons à ce sujet
quelques vers de Musset:
C'est le point capital du mahométanisme.
Diable! j'ai du malheur, — encore un barbarisme!
On dit mahométisme, et j'en suis bien fâché.
(Namouna, I, str. 73.)
P Allemandisme — allemanisme, normandisme — normanisme
(§ 96), goncourtisme — goncourisme (§ 102).
158
2* Eumichisme (eunuchismus; sur c/i, voir I, § 119) —
euniicisme, grécisme — gréquisme, pétrarquisme — pétrarchisme.
3° Autoritarisme — aiitoritairisme (§ 48, 2).
4° Égoïsme — égotisme (emprunté de l'anglais), loyalisme — lé-
galisme; vfr. paienisme, remplacé par paganisme.
5^ Celtisme — celticisme, électisme — électicisme, helvétisme — helvé^
ticisme, platonisme — platonicisme, romantisme — romanticisme.
6^ Cosmopolisme — cosmopolitisme, jésuisme (employé au XVP
siècle)— jésuitisme, préraphaélisme — préraphaélitisme^ Iiybrisme —
hybridisme.
7° Antinomisme — antinomianisme , kantisme — kantianisme^
lockisme — lockianisme, newtonisme — newtonianisme, parisisme —
parisianisme, parnassisme — parnassianisme , victorisme — Victoria-
nisme.
8^ Décadisme — décadentisme , décentralisme — décentralisation-
nisme, mandaïsme — mandéïsme, sabaïsme — sabéïsme.
331. Signification. Le suffixe -isme désigne:
1® Des notions abstraites: archaïsme, barbarisme, héroïsme^
pédantisme, etc.
2^ Des doctrines philosophiques, politiques, religieuses, ar-
tistiques: calvinisme, darwinisme, jansénisme, wagnérisme, bou-
langisme.
3^ Une tournure propre à une langue: Florentisme, galli-
cisme, latinisme, picardisme, serbisme, suécisme, toscanisme, wal-
lonisme.
332. ISTE reproduit le latin -ista (du grec -lotr^g), qui dé-
signe des personnes agissantes. Il fut très employé dans la
langue de l'époque chrétienne: baptista, evangelista, le-
gista, psalmista, etc., et son emploi est toujours allé en
augmentant; il est de nos jours plus productif que jamais.
Cas isolés. Dans quelques mots -iste reproduit l'italien -ista:
duel lista ) duelliste, et l'anglais -ist: conformist ) con-
formiste, essayist ) essayiste, humorist ) h umoriste.
Formes élargies. A côté de -iste on trouve les formes élar-
gies -iniste dans irvinguiniste de Irving (comp. plautiniste, de
159
plautinus, à côté de Plante) et -liste dans alinéaliste (^ jour-
naliste, criminaliste) .
Orthographe. Si le mot primitif se termine par -y on écrit
généralement -y ste pour -iste. Exemples: Fortuny — fortunyste;
Grévy—grévyste; Ferry — ferryste, etc. On trouve pourtant champ-
fleuriste, cluniste (comp. § 327).
Remarque. Au lieu de -iste on trouve parfois en ancien français -istre
avec un r adventice (cf. I, § 504, s) : alchemistre, batistre, choristre, evange-
listre, legistre, salmistre, etc.
333. Les mots d'emprunt en -iste remontent au moyen âge; ci-
tons comme exemples archemiste, decretaliste, choriste, evangeliste,
juriste, légiste, organiste, psalmiste. D'introduction plus récente
sont antagoniste, anabaptiste, catéchiste, épigrammatiste, exorciste,
panégyriste.
A côté des mots empruntés directement au latin ou au grec,
on trouve un très grand nombre de créations françaises en
-iste. Au moyen âge et au XVP siècle appartiennent anatomiste,
annaliste, artiste, cabaliste, calviniste, canoniste, casuiste, déiste,
droguiste, herboriste, humaniste, humoriste, jésuiste (§ 330, e),
luthériste, machiavéliste, oculiste, papiste, rabbiniste, sorboniste,
etc. Des XV ÏP et XVIIP siècles datent académistes, anarchiste,
apanagiste, apologiste, archiviste, botaniste, bouquiniste, buraliste
(§ 74, Rem.), capitaliste, chimiste, congréganiste, ébéniste, fata-
liste, fleuriste, janséniste, journaliste, humoriste, machiniste, monar-
chiste, moraliste, nouvelliste, optimiste, parodiste, publiciste, quié-
tiste, royaliste, séminariste, etc., etc.
334. Au XIX^ siècle, le nombre des dérivés en -iste a con-
sidérablement augmenté, et de nos jours on en voit surgir de
tous côtés, le suffixe -iste jouissant d'une très grande popula-
rité. On l'adapte surtout aux noms, rarement aux verbes.
P Dérivés de noms communs (français et latins): Absten-
tionniste, aquarelliste, autographiste, automobiliste, bouquiniste,
buriniste, caricaturiste, communiste, congressiste, couriériste, cy-
cliste, dragiste (qui fabrique des dragées), décembriste, équilibriste,
essayiste, étalagiste, étatiste, excursionniste, fantaisiste, féministe
(créé par A. Dumas fils en 1852 dans VHomme-Femme p. 91),
gréviste, hautboïste, impressionniste, ironiste, légumiste, lundiste,
motocycliste, opiumiste, ornemaniste (§ 96), pastelliste, portrai-
160
turiste, prosaïste (V. Hugo), samediste {Revue critique, 1900, II,
355), soiriste, tsariste, turfiste, utopiste, vaudevilliste.
2^ Dérivés de noms propres: Boulangiste, darwiniste, drey-
fusiste, figariste, gambettiste, gréviste, héhertiste, irwinginiste, in-
griste, kneippiste, méliniste , panamiste, moliériste, rolandiste,
ropsiste, verlainiste, wilsoniste.
3° Dérivés d'adjectifs: Centraliste, futuriste, frivoliste, impéria-
liste, légitimiste, nationaliste^ positiviste, rougiste, socialiste, uni-
tariste.
4^ Dérivés de mots composés, de phrases et d'adverbes:
Aujourdhuiste, chdmp-de-marsiste, entr' actiste, état-majoriste, fait-
diversiste, nature mortiste, plein airiste, quatre-vingt-neuviste, vers-
libriste, jemen fichiste.
5^ Dérivés de verbes : arriviste, engagiste.
335. Formations analogiques. Le suffixe -iste a été remplacé
par -ite (§ 340, 3) dans jésuiste ) jésuite. L'ancien spiritiste a été
remplacé par l'anglais spirite.
336. On trouve un petit nombre de synonymes en -iste, dus
ou à des emprunts aux langues étrangères ou à des procédés
de dérivation particuliers. Les voici par ordre alphabétique:
Chambriste — camériste (emprunté de l'esp. camarista). Dé-
cadiste — décadentiste. Éventaliste (Furetière), remplacé par éven-
tailliste. Lendemainiste — lendemaintiste (§ 89). Médaliste (XV IP
siècle), remplacé par médailliste. Moyenâgiste (usité de 1840 —
1850), remplacé par médiéviste. Vériste — vérétiste. Rappelons
aussi bayliste et beyliste. On évite généralement dantiste à cause
de l'odieux calembour avec dentiste.
337. Concurrence de formes. Comme les suffixes -eur, -eux,
-ien, -ier, -isant peuvent avoir le même sens que -iste, on trouve
souvent plusieurs formes du même mot présentant tantôt l'un,
tantôt l'autre de ces suffixes. Nous allons citer un certain
nombre de ces doublets qui sont, le plus souvent, absolument
synonymes; dans quelques cas seulement ils présentent une
différenciation de sens.
1^ Bourdonniste — bourdonneur; cornemusiste — cornemuseur
(cornemuseux) ; détailliste — détailleur; dialoguiste — dialogueur;
161
médailliste — médailleur ; monologuisie — monologueur; portraitiste
— portra iteur ; polkiste—polkeur ; treitlagiste — treillageur.
2^ Académiste — académicien; bacornste — baconien; dantoniste —
dantonien; landerniste — landernien; ludoviciste (élève du lycée
St. Louis) — ludovicien (partisan de Louis Bonaparte); nietzschiste
— nietzschéen; normaliste — normalien. Nie. Oresme, dans sa tra-
duction d'Aristote, dit doriste, frigiste, îydiste, pour dorien^ phry-
gien, lydien; on a dit de même luthériste, pour luthérien; par
contre chronologien a été remplacé par chronologiste. Comp. en-
fin machiniste et mécanicien.
3° Bulletiniste — bulletinier ; éventailliste — éventaillier ; fait-diver-
siste — fait-diversier ; jardiniste — jardinier; marronniste — marron-
nier; nature-mor liste — nature-mortier ; prébendiste — prébendier.
4^ Arabiste — arabisant; celtiste — celtisant; germaniste — germani-
sant; hispaniste — hispanisant; slaviste — slavisant, etc.; tous ces
mots sont synonymes. Gréciste et latiniste présentent une autre
signification que grécisant et latinisant.
338. Signification. Le suffixe -iste désigne ordinairement un
homme qui, de quelque manière, s'occupe de l'objet indiqué
par le radical, en le vendant, le fabriquant, le produisant, le
professant, le cultivant, etc., etc.: Bandagiste, bouquiniste, ca-
lembouriste, médailliste, aqua-fortiste, archiviste, journaliste, roya-
liste, bonapartiste, darwiniste, etc., etc.
Remarque. Comme terminaison des »nomina agentis« -ier (§ 251) est à peu
près synonyme de -iste. Pourtant ce dernier suffixe indique parfois une posi-
tion sociale plus élevée que le premier; comp. la différence entre jardiniste
et jardinier.
339. ITE. Ce suffixe savant, d'un emploi assez varié, tire
son origine de différentes terminaisons grecques ou gréco-
latines. Il reproduit le grec -hr^g: alfiaTlTT]g ) hématite, (.lala-
X^'^^S y malachite, etc., le grec -ÎTtg: ccçd^çÎTig ) arthrite, vecpQÎ-
Tig > néphrite, etc., le gréco-latin -ita employé dans le latin
ecclésiastique: cenobita > cénobite, sodomita > sodomite.
340. Le suffixe -ite a été utilisé dans de nombreuses créa-
tions nouvelles appartenant surtout au langage technique.
1*^ Ite (de -hrjg) sert dans la nomenclature minéralogique et
chimique: anthracite, azurite, chalcite, chlorite, franklinite, fui-
11
162
gurite, graphite, humholdtite, lyddite, mélanite, uvanite, etc. Une
des dernières créations est sorbiérite, sucre extrait des baies du
sorbier.
2^ Ite (de -mg) est très employé dans le langage médical
où il forme des substantifs féminins désignant l'inflammation
des parties du corps indiquées par le radical : appendicite,
bronchite, colite, conjonctivite, cystite, entérite, hépatite, laryngite,
méningite, péritonite, etc.
3^ Ite (de -ita) s'attache aux noms propres et désigne un
partisan de la personne en question : Adamite, barnabite, hus-
site, jacobite, jésuite (a remplacé jésuiste, employé jusque dans
le XVIP siècle), etc. Cet emploi est encore vivant, comme le
montrent boulangite (Villatte) et ibsénite, quoiqu'on se serve
ordinairement du suffixe -iste.
341. ITE reproduit le latin -itas (-ita te m). On le trouve
dans beaucoup de mots d'emprunt: absurdité, activité, agilité,
aménité, animosité, antiquité, atrocité, calamité, civilité, dignité,
éternité, félicité, fidélité, etc. et dans un très grand nombre de
créations françaises tirées exclusivement d'adjectifs. Notons
que la terminaison de quelques-uns de ces adjectifs subit di-
vers changements: -able abilité (inviolable — inviolabilité),
-ible ibilité (aperceptible — aperceptibilité), -ique icité (catho-
lique— catholicité); enfin la forme populaire -et est échangée
contre -al (actuel— actualité), et -ain est remplacé par -an (mon-
< la in — monda n ité) .
342. ITION. Ce suffixe se trouve dans un certain nombre
de mots d'emprunt: audition (auditio), perdition (perditio),
pétition (p e t i t i o) , répétition (r e p e t i t i o) , sédition (s e ( 1 i t i o) ,
vendilion (venditio), etc. Les formations nouvelles ne sont
pas très nombreuses; nous ne saurions citer que endormilion
(L. Bocquet, Albert Samain, p. 117) et futurition.
343. ITUDE reproduit la terminaison latine -(i)tudo. Nous
le trouvons dans beaucoup de mots d'emprunt: aptitude, certi-
tude, habitude, latitude, rectitude, etc. Les créations françaises
ne sont pas nombreuses. Les voici: Décrépitude, tiré de décré-
pit avec haplologie de -it- (voir § 80), remonte au XIV^ siècle.
Esclavitude. Exactitude remplace, malgré Vaugelas (I, § 69),
\
163
exacteté et exactesse. Platitude remonie au XVIP siècle. Vastitude
est dû à Chateaubriand. Sur foultitude, voir I, § 527, 2.
344. ITURE reproduit le latin -itura (dans la formation
populaire, celte terminaison a été remplacée par -atura >
-ëure ) -ure; § 296). Les créations françaises oii se trouve
-iture ne sont pas très nombreuses; on ne saurait guère citer
que confiture, fourniture, garniture, investiture, pourriture.
345. OL et OLE (ou OLLE) sont des suffixes de significa-
tion et d'origine différentes selon les mots où ils se trouvent.
■ Sur la forme allongée -erol(t)e, voir § 397.
1^ 01 (au féminin -oie) était au moyen âge une forme col-
latérale de -uel, -eut (§ 227); à côté de aïeul -e, chevreul, fil-
leul -e, lorieul, on trouve aïol, chevrol, fillol -e, loriot. Ces formes
savantes ou dialectales n'ont pas duré; remarquez pourtant
qu'on a dit fillol jusque dans le XVIP siècle (I, § 177). Le
suffixe -ol (-oie) était très peu productif; on peut citer comme
créations françaises vfr. bannerole (de bannière), remplacé par
banderole (de bandière), vfr. maillol (de maille), vfr. fuirole )
furole (de fuir), vfr. faverole ) fèverolle (de fa bar i a), paillote,
menue paille (L'Escoufle, v. 5231).
Formations analogiques. Le suffixe -ol a été remplacé par
-ot dans loriot et maillot, dont les anciennes formes sont loriot
et maillol (cf. § 291).
2^ 01 est d'origine méridionale dans campagnol (it. cam-
pagnuolo), romagnol (it. romagnuolo), espagnol (esp. es-
panol); sur le modèle de ces mots, où -ol marque la pro-
venance, on a formé cévenol (de Cévennes). Rappelons aussi
rossignol.
346. Ole (-olle) se trouve dans un certain nombre dé mots
d'emprunt; il a été peu productif en français.
P Mois d'origine méridionale, surtout ilalienne: barcarolle
(it. barcarola), barquerolle (vén. barcaruola), cabriole (it.
capriola), casserole (it. cazzarola), escarole ou scar(iJole (it.
scariola), étudiole (it. studiolo), fumerole (it. fumarola),
fusarolle (it. fusaruola), girandole (\i. girandola), girole
(prov. giroulo), gondole (it. gondola), luciole (it. lucciola),
rabiote (prov. rabiolo).
11*
164
2*^ Mots savanls: Alvéole (alveolus), aréole (areola), auré-
ole (auréola), bractéole (bracteola), cornéole (corneola),
/ascb/e (fa s eol us), glaréole (gl arec la), lancéolé (la n ce o la),
lauréole (laureola), malléole (m ail eol us), vérole (variola),
etc. Bestiole (bestiola), fasciole (fa s ci ol a), foliole (folio-
lum), gloriole (gloriola), gratiole (gratiola), pétiole (pe-
tiolus), variole (variola), etc.
3^ Mots français. On ne peut signaler qu'un nombre res-
treint de mots nouveaux formés à l'aide de -oie (-éole, -iole)
et tirés de mots français ou de thèmes latins; ils appartiennent
tous, comme le montrent les exemples suivants, à la langue sa-
vante: Aranéole (de aranea), astériole (de asteria), flavéole
(de fia vus), nivéole (de niveus). Absidiole (de abside), arté-
riole (de artère), coqueluchiole, gaudriole (dér. plaisamment de
gaudir), herniole (de hernie), roséole (de rose), rougeole (de
rouge).
347. OSE reproduit soit le grec -woig: al/ndzwGtg ) hématose,
d/iiavQcoGig > amaurose, èyxvfnwGig ) enchymose, etc., soit le latin
-osus (dont la forme populaire est -eux; § 232): morosus >
morose, nivosus ) nivôse, pluviosus ) pluviôse, ventosus
) ventôse, soit l'it. -oso: grandioso ) grandiose, virtuoso >
virtuose.
348. Le suffixe -ose est devenu d'un emploi étendu dans la
nomenclature technique.
1^ Ose (de -woig) sert dans la nomenclature de la médecine
oiî il désigne les affections qui peuvent atteindre la partie
du corps indiquée par le radical: Dermatose, gastrose, névrose;
chlorose.
2^ Ose (de -osus) sert dans le langage chimique: Cellulose,
glucose, ichthyose, maltose.
349. ULE remonte au latin -ulus, -ula, -ulum. Il se trouve
dans beaucoup de mots d'emprunt: formule (formula), libel-
lule (libellula). Dans les créations françaises, peu nombreuses,
-ule s'ajoute tantôt à un radical latin: florule (de flore), ovule
(de ovum), tantôt à un radical français: antennule, criticule
(Goncourt), veinule (O. Mirbeau).
Forme élargie: -icule (voir § 406).
CHAPITRE VIII.
SUFFIXES D'ORIGINE ETRANGERE.
350. Le français a emprunté un petit nombre de suffixes
aux langues étrangères. On trouve dans les plus vieux textes
quatre ou cinq suffixes d'origine germanique: -ais, -ait, -art,
-enc (cf. I, § 8); sur -enge, voir § 175, Rem. Après la Renais-
sance l'influence méridional amène -ade, -asque, -esque. Les
autres suffixes empruntés dont on constate l'emploi, n'ont
aucune importance.
Remarque. Dans les paragraphes précédents nous avons à plusieurs re-
prises signalé des suffixes d'origine étrangère sur lesquels nous ne revien-
drons pas ici; ainsi -an, -at, -ol figurent en même temps dans des mots sa-
vants et dans des mots empruntés aux autres langues romanes.
A. SUFFIXES D'ORIGINE GERMANIQUE.
351. AIS ou OIS, primitivement EIS, remonte au germ. -isk
(croisé avec le gréco-latin -iscus): frankisk ) franciscus
) franceis > françois > français; thiudisk > thiudiscus >
tieis, tiois. Que nous n'ayons pas ici des dérivés de -ensis
(§ 166), c'est ce qui est rendu probable par les vieux féminins
français: francesche (voir ZRPh, XVI, 247), tiesche, et par les
formes des autres langues romanes: \i.^ francesco, tedesco, esp.
tudesco, prov. francesc. On trouve -eis, -esche dans plusieurs
formations nouvelles: anglais — anglesche, daneis — danesche,
grieis — griesche, galeis — galesche, saracineis — saracinesche, etc.
(comp. en prov. espanesc, grezesc, preensalesc, sarracinesc). Dans
les mots français cités le féminin étymologique disparaît peu
166
à peu devant un féminin analogique: il y a assimilation du
type daneis — danesclie au type corteis — corteise^ d'où la forme
nouvelle daneise (comp. II, § 417).
352. ARD. Ce suffixe, qui ne se retrouve qu'en français et
en italien, provient de la terminaison -hart, employée dans
des noms de personnes composés: Adalhart, Bernhard, Eber-_
hart, Eginhart, Reginhart, etc. Beaucoup de ces noms passent
en français: Alard, Aymard, Bernard, Evrard^ Guiard, Guichard,
Renard, Richard, etc. Des noms propres, le suffixe -ard passe
aux noms communs (substantifs et adjectifs), comme le montrent
bâtard, couard, gaillard, richard, vieillard, qui remontent tous
à l'époque gallo-romane. Plus tard, il s'adapte aussi aux thèmes
verbaux: vfr. baillart, frappart (bourreau), huart. L'emploi de
ce suffixe est toujours allé en augmentant, et il est de nos
jours plus vivant et plus productif que jamais.
Orthographe. L'ancienne forme française était -art; elle est
devenue -ard sous l'influence du féminin -arde; il faut pro-
bablement ici admettre l'influence d'un mot tel que tart, au
féminin tarde (comp. II, § 415). Notons qu'on écrit -art pour
-ard dans boulevart, orthographe de l'Académie, à côté de boule-
vard, et brocart (étoffe de soie) pour éviter la confusion avec
brocard; on hésite entre soudart et soudard.
Formes élargies. A côté de -ard, on trouve -sard dans bon-
dieusard (§ 91, i) et banlieusard (Donos, Verlaine intime, p. 195).
Ces mots paraissent formés sur gueusard. Comment expliquer
goguenard, de goguel
353. Voici un choix d'exemples de formations françaises à
l'aide de -ard:
P Dérivés d'adjectifs: Blanchard, richard, vieillard. Ajoutons
sotard, employé par Jodelle {Eugène I, se. 1), friponard (XVP
siècle), fadard employé par Labiche {Deux papas très bien:
1844).
2^ Dérivés de noms communs: Campagnard, canard (II,
§ 431), communard (1871), cuissard, frocard, gueusard, mon-
tagnard, paillard, oreillard, têtard, soudard, etc.
3^ Dérivés de noms propres: Colard (de Nicolas), Charlard,
Denisard (abrégé: Nisard), Jacquard, Philippard, Pierrard. Rap-
pelons aussi dreyfusard.
167
4^ Dérivés de verbes: Babillard, brocard, criard, cumulardy
fuyard, grognard, gueulard, jasard (R. Garnier), nasillard, peu-
dard, piaûlard, pleurard, pochard, rigolard (H. Lavedan, Les
beaux dimanches, p. 263), soûlard, trichard, traînard, vidard.
354. Formations analogiques.
Dans plusieurs cas -ard a été substitué à une autre termi-
naison; il remplace surtout -ar, -are, -arc et -al, -at. Ex-
emples: Baillard (I, § 528, Rem.) était au moyen âge baillarc,
ce qui a fait proposer comme point de départ (bord eu m)
Baliaricum (A. Tbomas, Mélanges d'étymologie, p. 27); on a
aussi une forme féminine baillarge qui paraît appuyer cette
étymologie. Bézoard, du port, bezuar. Blafard < aha. bleih-
varo. Boulevard < boll. BoUwerk. Boyard < russe boïar.
Brancard <( prov. mod. bran cal. Brocard, altération de bro-
cat (encore dans Furetière, 1690) < it. broccato. Brouillard,
altération de brouillas (§ 179, 2). Épinard, autrefois espinar(d),
emprunté de Tesp. espinaca. Escarbillard, doublet de escar-
billat < gascon escarrabilhat. Homard, autrefois homar <(
vnor. humarr. Hussard < hongrois huszâr. Jumart < prov.
mod. gemerre (ou gemarre). Louvard, doublet de louval
(§ 185). Milliard < esp. millar. Poignard, au moyen âge
peignai Surard, autrefois seura/ (Cotgrave, 1611). Ajoutons en-
core les noms de lieux Pommard « Polmarcum) et Couard
( < Cùcubarrum).
Remarque. Sur les féminins tels que avarde, voir II, § 416, 2, et ci-dessus
§ «8.
355. Signification. La signification primitive de -ard s'est
effacée de bonne heure, peut-être déjà en germanique.
P En français, -ard désigne, presque exclusivement, des
êtres vivants; on le trouve, comme nous avons vu, dans les
noms propres: Richard, Colard, et dans les noms communs:
bâtard, campagnard, canard, renard, chevrillard.
2^ Dans quelques cas isolés, -ard désigne aussi des objets:
béchard, billard, bocard, bousard, brassard, buvard, corbillard,
cuissard, étendard, faucard, fauchard, flambard, pétard, placard,
poignard, puisard.
3^ Comme -ard sert souvent à souligner la présence d'une
qualité: bocard, nasard, vieillard, il adopte facilement un sens
168
augmentatif: bécard^ brocard, chicard, dagard, gaillard, vei-
nard.
Remarque. Chicard désigne proprement celui qui possède le comble du
chic. Pendant la période de 1830 à 1850, c'était le surnom d'une célébrité
chorégraphique et du costume carnavalesque qu'il mit à la mode. On se
servait aussi des formes superlatives chicandar(d), chicocandar(d).
4^ Au sens augmentatif se joint facilement une nuance pé-
jorative: richard, gueusard, frocard. Dans la langue moderne,
le sens défavorable l'a emporté, comme le montreront les ex-
emples-suivants: Badouillard, balochard, bondieusard, capitu-
lard, chançard, chicard, chéquard (créé en l'hiver de 1892),
choucroutard, coupolard, communard, débrouillard, déchard, dé-
cembraillard, dreyfusard, dynamitard, faiblard, fêtard, fiémard,
flingard, flottard, gueulard, légitimard, lignard, médaillard, om-
nibusard, pantouflard, patriotard, pauurard, porte feuillard, revan-
chard, soiffard, etc.
Remarque. A cause de la valeur dénigrante de notre suffixe, les Niçards
et les Savoyards aiment à se déguiser en Niciens et Savoyens ou Savoisiens
(modelé sur parisien). Ajoutons pourtant' que le mot Savoyard a été dé-
précié non seulement par suite de sa terminaison, mais parce que les Sa-
voyards, gens pauvres, étaient surtout représentés en France par des ra-
moneurs.
5^ Notons en dernier lieu que -ard, ajouté à des noms d'a-
nimaux, peut avoir un sens diminutif: vfr. bichard (petit de
la biche), louvard (jeune loup). Faut-il ici admettre une in-
fluence du suffixe -a/?
356. ARDE, forme féminine de -ard (§ 352). Elle s'emploie
dans le féminin des noms en ard: richard — richarde, paillard
— paillarde, bâtard — bâtarde, etc. Elle sert aussi à former des
substantifs: bombarde, moutarde, nasarde, poissarde, poularde.
Ajoutons bouffarde (petite pipe), employé pour la première
fois par Labiche dans la comédie intitulée Deux papas très bien
(1844): Poupardin. Bouffarde! Qu'entendez-vous par ce substan-
tif? Tourterot. Sa bouffarde? . . . c'est Dagobert, sa pipe favo-
rite, ainsi nommée parce qu'elle est culottée.
357. AUD ou AUT, autrefois ALT (cf. I, § 343) remonte à
-wald (de waldan, gouverner) qu'on trouve dans certains
noms propres: Answald, Grimwald, Herwald; il sert d'abord
169
à former des noms de personnes avec des radicaux germa-
niques (Giiiraud, Regnaud), puis aussi avec des radicaux la-
tins (Clairalt, Clairaiit, Clairaud) ; il passe ensuite aux noms
communs et forme des substantifs avec des radicaux germa-
niques (ribalt, ribaud), et des adjectifs avec des radicaux latins
(rustaud, noiraud). Il n'a jamais été très productif, et paraît
mort dans la langue actuelle.
Orthographe. La forme la plus employée est -aud (comp.
II, § 415). Dans quelques substantifs on trouve -aut (boucaut,
héraut; artichaut) qui se retrouve également dans quelques
noms propres (Clairaut, Féraut, etc.); enfin les noms propres
présentent aussi -ault: Brunault , Perrault, etc.; cf. I, § 97,5).
Formes élargies. A côté de -aud, on trouve -icaud, dans
moricaud (de More), ei -igaud, dans salig aud (de sale) ; l'origine
des deux formes est obscure.
358. Voici un relevé des mots les plus importants qui pré-
sentent le suffixe aud (-aut):
1^ Noms de personnes: Aillaud, Arnaud, Arthaud, Andrault,
Barrault, Bellaud, Bonnaud, Brossàud, Brunault, Clairaut, Fé-
raud, Ferrault, Huraut, Michaud, Madaud, Pinault, Regnault,
Vergniaud, etc.
2^ Noms communs: Brifaud (glouton) du verbe brifer; gri-
maud, dérivé du radical de grimoire{l); héraut, dér. de l'aha.
haren, crier (?); maraud; vfr. marpaut (goinfre, voleur); ni-
gaud; ribaud; taraud, dér. de tarele, cf. § 78. Il faut ajouter
quelques noms d'animaux: Boucaut, dér. de bouc, crapaud,
pataud (dér. de patte).
3^ Adjectifs. Courtaud, finaud, lourdaud, noiraud, richaud,
rougeaud, rustaud (dér. de ruste, ancienne forme de rustre;
voir I, § 504, s), salaud, sourdaud. Ajoutons quelques mots
d'origine incertaine: faraud, penaud, quinaud.
359. Formations analogiques.
1^ Dans plusieurs mots -aud (-aut) ne représente qu'un ar-
rangement orthographique d'une terminaison étrangère :
Artichaut, emprunté de l'it. articiocco. Ronsard {Odes, II
18) écrit des artichos.
Badaud, emprunté du prov. badau.
Cabillaud, emprunté du holl. kabeljau.
170
Échafaud, de *catafalcum, est pour échafauc (comp. cata-
falque, et prov. escadafalc).
Epraulty orthographe fautive pour '■^'épereaii (Romania, XXVIII,
182).
Mareschaiit s'employait dans la vieille langue concurremment
avec mareschal(c) ; on en avait tiré le féminin mareschaude.
2® Dans quelques cas -aud a été confondu avec -eau; voir
§ 384, Cas isolés.
360. Signification. Le suffixe -aud s'emploie le plus sou-
vent avec un sens péjoratif: ribaud, grimaud, maraud, nigaud.
Dans les adjectifs il marque surtout l'exagération en mal d'une
qualité: lourdaud, rougeaud, sourdaud. Comment notre suf-
fixe est-il arrivé à prendre cette valeur? Elle n'existe pas dans
des mots comme boucaud, taraud, ni dans les noms de per-
sonnes.
361. ENC (LENC) remonte au germanique -ing (-ling), qui
a aussi pénétré en italien (-ingo), en hispano-portugais (-engoj
et en provençal (-enc). Au Nord de la France, on ne le trouve
que dans la plus ancienne période de la langue; il se confond
de bonne heure avec d'autres suffixes, qui finissent par le
supplanter tout à fait. Ce suffixe, qui indique ordinairement
une origine ou une parenté, se trouve dans les mots germa-
niques suivants:
Brelenc, berlenc (aha. bretlenc, proprement petite planche),
employé encore au commencement du XV^ siècle; remplacé
par brelan ou berlan: on hésitait entre ces deux formes jusque
dans le XVIP siècle (I, § 518, i). Sur les dérivés de brelenc,
voir § 88, 1.
Chambrelenc ou chamberlenc (aha. camarlinc; cf. prov.
camarlenc) d'où chambellenc et enfin chambellan. Le doublet
camerlingue est emprunté de l'ital. camarlingo.
Esperlenc (aha. spierling), changé en éperlan.
Flamenc du néerl. VI œ m in g (comp. it. Flammingo, esp.
Flamenco, prov. Flamenc); on trouve dans la vieille langue le
féminin flamenge et les dérivés flamangaille, flamengel, flamen-
gerie. La forme primitive disparaît déjà au moyen âge; elle
est remplacée par les deux formes analogiques flamain qui
n'a qu'une courte vie, et flamand conservé jusqu'à nos jours.
171
Flooveiic (de Hlodovinc, fils ou descendant de Hlodowech)
se change en Flooven, Floovent, Flouent, surnom d'un héros de
l'ancienne épopée française derrière lequel se cache le roi
mérovingien Dagobert.
Loherenc (aha. Lotharing); à côté de cette forme on trouve
de bonne heure au moyen âge loherain et lorrain.
362. Notre suffixe a été aussi ajouté à des mots de forma-
tion française:
Balcenc (tiré de balteus; cf. Romania, XXIV, 586), plus
tard baucenc, haucent, bauçain, etc. Le mot signifie blanc et
noir, ou cheval pie; il n'a pas survécu au moyen âge.
Bonnenc, estomac, d'origine inconnue.
'^Boulenc (de boule?), primitif supposé de boulanger.
'^Estevenenc (de Estèvene < Stephanum; cf. I, § 259, Rem.),
primitif probable du vieux mot estevenant, nom d'une mon-
naie frappée à l'effigie de St. Etienne.
Ferrenc (de fer < fer ru m), forme primitive probable de fer-
rant (gris de fer, cheval gris de fer).
Gardenc (de garde), devient garden, et par changement de
suffixe gardien.
Jaserenc (du nom de la ville d'Alger, en arabe al-Djezair),
remplacé par jaseranc, jaserant, jaseran.
Marenc (tiré de mare, mer): c'est probablement cet adjectif
qui se retrouve dans cormoran, autrefois cormorant (forme
conservée en anglais), cormarant, lequel, selon M. A. Thomas,
représente un plus ancien corp marenc (corbeau de mer).
*Merlenc (de merle), primitif probable de merlanc, merlan.
Païsenc (de pais), primitif probable de paysan; on trouve
aussi, dans la vieille langue, paysant (II, § 271, i) et paysand
(§ 88).
'^Tisserenc (du vfr. lissier, tisseur), primitif probable de tisse-
rand; comp. le nom propre Teisserenc de Sort.
363. Les exemples cités nous montrent que enc a été rem-
placé par -an, -and, -ant, -ain. Dans plusieurs cas la forme
actuelle ne s'est fixée qu'après une certaine hésitation entre
les suffixes de remplacement.
172
1^ Dans la langue moderne -enc est généralement remplacé
par -an: Boiigran, brelan, chambellan, cormoran (pour corma-
ran), éperlan, jaseran, merlan, paysan, peigneran, salleran.
2^ And a été adopté dans flamand, tisserand, batterand. Rabe-
lais écrit breland pour brelan, et la langue actuelle connaît le
dérivé brelander.
3° Ain a été adopté dans lorrain; au moyen âge on trouve
aussi Chamberlain, flamain.
B. SUFFIXES D'ORIGINE MERIDIONALE.
364. A DE est emprunté aux idiomes méridionaux: prov.
-ata (-ado); it. -aia; esp. -ada ; la forme populaire française
est -ée (§ 199). Des mots d'emprunt en -ade se trouvent déjà
au moyen âge: ballade, p. ex., passe la Loire au XIIP siècle
(I, § 17); mais ce n'est qu'au XV^ et surtout au XVP siècle
qu'ils deviennent nombreux, et ils ont continué leur invasion
jusqu'à nos jours. Un exemple tout récent est le mot argo-
tique balade (doublet de ballade), emprunté au mot patois ba-
lado, qui signifie proprement 'une fête patronale où l'on danse'.
Formations analogiques. Quelques mots en -ade doivent
leur terminaison à une altération quelconque:
Alcade vient de l'esp. al cal de.
Pastenade (panais), pour * pastenague, est une altération du
prov. pastenaga.
Troubade (jeune soldat) est abrégé de troubadour (cf. I, § 522).
Remarque. Ce suffixe -ade n'a rien à faire avec celui qu'on trouve dans
les deux mots Franciade et Henriade qui sont créés à l'aide du suffixe grec
-âg, -ââog.
365. Voici quelques exemples de mots d'emprunt en -ade,
sous l'influence desquels ce suffixe a pris droit de cité en
français :
P Mots provençaux: Accolade, aiguade, aiguillade, aubade, ba-
lade, ballade, bigarade, brancade, cagade, estrade, panade, péta-
rade, etc.
2^ Mots italiens: Bambochade, barricade, bourgade, bravade,
brigade, cacade, camisade, cantonade, carbonnade, cavalcade,
chamade, escapade, façade, mascarade, pommade, rémoulade,
salade (casque), etc.
173
3^ Mots espagnols: Algarade, bastonnade, camarade, capilo-
tade, fanfaronnade, marmelade, parade, etc.
4^ Mots portugais: Pintade, travade.
366. Dès le XVP siècle on commence en France à imiter
les mots d'emprunt en -ade en appliquant ce suffixe à des
substantifs (noms communs et noms propres) et à des verbes.
En voici quelques exemples:
P Noms communs: Arquebusade, canonnade, carabinade, cas-
sonade, colonnade, fusillade, gasconnade, gaulade, limonade, mi-
traillade, mousquetade, œillade, orangeade, persillade, poivrade,
rasade, sanglade.
2^ Dérivés de noms propres: Arlequinade, berquinade, édi-
sonade, jérémiade, pantalonnade, pasquinade, rigolbochade (L. Ri-
gaud), rocambollade (Villatte), rodomontade, tissotade, turlupi-
na de.
3^ Verbes: Bousculade, boutade, croisade, débandade, enfûade,
galopade, glissade, gourmade, grillade, palissade, parade, pariade,
peuplade, promenade, reculade, revirade, roulade, ruade, souffle-
tade, tirade.
4*^ Le suffixe -ade est encore très vivant; les auteurs qui
aiment les mots nouveaux s'en servent à tout moment. Cha-
teaubriand a créé effarade, et Flaubert brûlade, couillonnade,
enfonçade, gueulade, rebiffade. Dans l'argot de Paris on trouve
cognade, folichonnade, foirade, gobichonnade, rigolade, etc.
367. Doublets. A côté des formes en -ade on trouve parfois
des doublets en -ée.
1^ Dans quelques cas l'ancien mot populaire est conservé à
côté du nouveau en -ade: Carbonnade — charbonnée; cavalcade
— chevauchée; croisade — croisée; escapade — échappée; étouffade —
étouffée; gaulade — gaulée; onglade — onglée, pommade— pommée ;
risade — risée.
2^ Dans d'autres cas, la nouvelle forme remplace l'ancienne.
Ainsi avant de dire accolade, bastonnade, boutade, peuplade, on
a dit acolée, bastonnée, boutée, peuplée.
368. Signification. Le suffixe -ade désigne:
P Une réunion d'objets de même espèce: balustrade, colon-
nade, souffletade.
174
2^ Un produit du primitif: Citronnade, limonade, orgeade,
pommade. Arquebnsade, canonnade, bastonnade, œillade. Arle-
quinade, gasconnade, turlupinade.
3^ Une action verbale, le résultat de cette action ou le lieu
où l'action se passe : Bousculade, galopade, glissade, parade,
promenade.
4^ Rappelons aussi que les mots en -ade ont parfois un
caractère péjoratif: Bravade, gasconnade. Handrey et Loris ont
publié en 1908 un recueil de vers intitulé Les Sultanades.
369. ADO(S), doublet de -é (§ 190) et de -at (§ 307), em-
prunté de l'esp. -ado qui remonte au latin -atus. Il ne s'em-
ploie que dans l'argot de Paris, où il sert à désigner les mau-
vais cigares: cinq ceniimados, fraternellados (cigares à trois
sous les deux), crapulados, infectados; la forme élargie -tado se
trouve dans soutado, dérivé de sou, et voyoutado, dér. de voyou
(§ 89). Ces mots ont été faits sur le modèle de Colorado.
AN, voir § 304.
370. ASQUE reproduit le suffixe italien -asco; il ne s'em-
ploie que dans les dérivés des noms de lieux italiens : berga-
masque, comasque, crémasque, monégasque (monagasque).
AT, voir § 307.
371. ESQUE est emprunté à l'italien (rarement à l'espagnol)
-esco, qui remonte au latin -iscus (comp. § 351). Les mots
d'emprunt italiens en -esque pénètrent en français dès le
XVP siècle et l'invasion s'est continuée jusqu'à nos jours. Ex-
emples : Arabesque, barbaresque, burlesque, carnavalesque, pédan-
tesque, pittoresque, soldatesque, tudesque. Ajoutons l'espagnol
picaresque.
Formés élargies. A côté de -esque, on trouve les formes
-lesque, dans hugolesque (comp. § 92), et -tesque dans zolatesque
(p^ soldatesque) et vlantesque (^ gigantesque).
372. Sur le modèle des mots cités on a créé un certain
nombre de dérivés français. Le suffixe -esque, qui est encore
assez vivant, s'ajoute surtout aux substantifs.
1^ Dérivés de noms communs: Cardinalesque (Th. Gautier),
caricatur esque, charivaresque, chevaleresque (remplace l'ancien
175
chevalereux), farcesqiie^ funambulesque, livresque, noctambulesque,
paysanesque, romanesque, simiesque, prudhommesque, troubadou-
resque (Flaubert), vaudevillesque.
2^ Dérivés de noms propres: Aristophanesque, don-juanesque,
don-quichottesque, figaresque, garibaldesque, ingresque, louis-
quatorzesque (Gyp, Joies d'amour, p. 86), michel-ange(le)sque,
moliéresque, sardanapalesque. On trouve plus rarement des dé-
rivés de noms de lieux: alhambresque.
Cas isolés. Charlemanesque, de Charlemagne (§ 73); chateau-
brianesque; rembranesque. Sur hugolesque et zolatesque, voir
§ 371.
3^ Dérivé d'adjectif: sauvagesque (Flaubert).
4^ Dérivé d'interjection : vlantesque. .
373. Signification.
P Le suffixe -esque sert ordinairement à créer des adjectifs:
burlesque, romanesque, dantesque. Pourtant grotesque et solda-
tesque sont en même temps des adjectifs et des substantifs,
arabesque est depuis longtemps exclusivement substantif.
2^ Il indique le plus souvent la manière, la ressemblance et
l'origine: chevaleresque, rembranesque, barbaresque.
3^ Il présente dans quelques cas un sens péjoratif et co-
mique: soldatesque, tudesque, livresque, chatnoir esque.
374. IGHE est, dans quelques mots, une altération de l'it.
-iccio ou -ice: corniche < it. cor ni ce, pastiche < it. p as-
ti ce io, postiche < it. posticcio. Comp. encore derviche (per-
san dervisch), fétiche (port, feitiço) et les mots grecs
acrostiche, hémistiche. On ne voit pas bien comment on a pu
tirer de ces mots un suffixe indépendant; aussi citerons-nous
sous toutes réserves, les quelques mots français qui paraissent
créés à l'aide de -iche: Barbiche (ou babiche; I, §362), tiré de
barbe. Caniche, tiré de cane, parce que le barbet va volontiers
à l'eau. Corniche, dérivé de corne. Potiche, tiré de pot. Pouliche
est une forme normanno-picarde pour poulisse, tiré de poulain.
Une création récente propre au langage familier et comique
est bonniche (petite bonne, petite servante). Rappelons aussi
godiche.
OCHE, voir § 423,5, Cas isolés.
17()
C. SUFFIXES DIVERS.
375. OL est d'origine arabe dans alcool (écrit autrefois al-
cohol, alkohol), de al qohl. Sur le modèle de ce mot et de
vilriol (emprunté du bas-latin vitriolum), on a créé dans la
langue moderne beaucoup d'expressions techniques telles que
amidol, aristol, créosol, eucalyptol, formol, goménol, ichthyol,
menthol^ thymol.
376. SKOFF est un suffixe argotique peu employé; il est dû
à un désir de russifier les mots, ce qui a été à la mode à
différentes époques. Notre suffixe ne se trouve que dans quelques
mots d'argot tels que bobinskoff, entreteneur sérieux, celui qui
tient la bobine de la destinée d'une femme. Béguinskoff, celui
qui est objet d'un caprice (béguin). Machinscoff, le premier venu
(machin); II, § 380. Il est difficile de savoir quels sont les
mots russes (ou polonais) qui ont pu servir de modèle. La
terminaison -off (écrit -ou) est assez générale en russe, mais
-skoff paraît se présenter rarement. On pourrait se demander
si le suffixe -skoff serait une contamination : il vient peut-être
du polonais -ski plus le russe -off.
CHAPITRE IX.
SUFFIXES
DE FORMATION FRANÇAISE.
377. Nous appelons suffixes de formation française ceux qui
ne dérivent pas directement de tel ou tel suffixe latin ou
étranger. Pour bien comprendre la nature de ces suffixes, il
faut comparer les deux séries suivantes:
maladie
diablerie
aunaie
pineraie
royal
mondial
fratricide
raiicide
richard
banlieusard
plumage
cailloutage
sucrier
cafetier
Dans la première de ces séries nous trouvons les suffixes
suivants: -ze, -aie, -al, -cide, -ard, -âge, -ier dont l'explication
n'offre aucune difficulté; ce sont les formes françaises mo-
dernes des suffixes latins ou étrangers, populaires ou savants:
-ia, -eta, -alis, -cida, -hart, -aticus, -arius. On pour-
rait appeler tous ces suffixes primaires. En décomposant les
mots de la deuxième série on trouve les suffixes -me, -eraie, -ial,
'icide, -sard, -tage, -tier. Ce sont, comme on le voit, des formes
élargies des suffixes primaires que nous venons de citer; dans
la dernière partie de -eraie se cache -eta, mais pour la forme
entière il est impossible d'indiquer comme point de départ
quelque suffixe latin. En d'autres termes, l'étymologie directe
de -eraie n'est pas à chercher dans le latin; il a été tiré de
12
178
quelques mots français. Les suffixes de formation française
pourraient aussi s'appeler secondaires.
Remarque. Nous venons de voir que les suffixes de formation française
sont des formes élargies des suffixes primaires; il faut pourtant citer comme
seule exception le suffixe argotique moderne -o, dont l'origine s'explique tout
autrement (§ 414).
378. Les suffixes secondaires proviennent souvent d'une
fausse analj^se. Si -eraie et -erie existent à côté de -aie et -ie,
c'est qu'à côté de aunaie, chênaie, sapinaie et jalousie, maladie,
sotie, on a eu oliveraie, pommeraie et chevalerie, sellerie. Ces
derniers mots sont des dérivés réguliers de olivier, pommier,
chevalier, sellier; mais ou les a rapprochés directement de
oUve, pomme, cheval, selle, d'oii la décomposition fautive oliv-
eraie, pomm-eraie, cheval-erie, sell-erie; sur ces modèles on crée
de nouveaux dérivés tels que pineraie, de pin, et diablerie, de
diable, etc. L'analyse inétymologique et peu correcte des mots
dérivés cités aboutit ainsi à la création de deux suffixes nou-
veaux -eraie et -erie. Une explication pareille s'applique à plu-
sieurs autres suffixes secondaires (I, § 118,2). Parfois c'est une
fausse analogie proportionnelle qui est en jeu. Fruit — fruitier,
gant — gantier amènent café— cafetier, fer-blanc — ferblantier, etc.
Remarque. Des créations analogiques comme les dernières que nous
venons de citer, sont nombreuses ; il s'en produit à tout moment, mais beau-
coup d'entre elles ont une vie éphémère. Rappelons comme exemple la forme
enfantine cochonceté (tiré de cochon, comme méchanceté de méchant). Dans
Zouzou et Jaquette (p. 117), Gyp fait dire à Zouzou (8 ans): »0n croirait que
je fais des cochoncetés en mangeant. «
379. Examinons maintenant de quelles manières diverses
on a élargi les suffixes primaires:
P Addition d'une consonne. Les consonnes ajoutées sont s
ou /; elles se trouvent dans -sard, -série et -tage, -terie, -leur,
-teux, -lier, -tière, -tin, -tisme, -tume. Ce n'est que sporadique-
ment que le suffixe est élargi à l'aide d'un d (§ 88) ou d'un
/ (§ 92).
Remarque. Aujourd'hui les mots qui finissent par une voyelle accentuée
ne prennent, en règle générale, que des suffixes commençant par une con-
sonne: bleu — bleuter, bureau — bureautin, silo — ensiloter. On évite ainsi l'hia-
tus que ne craignait pas la langue d'autrefois; au lieu de abrier, cailloueux,
clouière, moruier, sagouier, tahier, on dit maintenant abriter, caillouteuxy
179
cloutière, morutier, sagoiiiier, taluter. Il y a eu parfois des hésitations sur
la consonne; si l'on a dit déroiser et déroiter, taluser et taluter, etc., c'est
que différents cas d'analogie se sont présentés à l'esprit avec une force égale.
La langue moderne a trié ces doublets pour se contenter d'une seule forme.
L'hiatus, si soigneusement évité dans la plupart des cas, n'est accepté que
dans quelques mots isolés: caféier, caféine, revuiste, etc.; notez que thétière
a été remplacé par théière.
2^ Addition d'une voyelle simple. Les voyelles ajoutées sont
c, i, o, u; elles se trouvent dans -été, -ial, -icide, -icule, -iel,
-iment, -omane, -omanie, -ueux.
3^ Addition d'un groupe de phonèmes. Les groupes ajoutés
sont: -aill-, -and-, -au-, -er-, -ich-, -ill-, -in-, -ol-; ils s'emploient
dans les suffixes suivants: -aillon, -andier, -auté, -eraie, -eran,
■ereau, -eresse, -eret, -erie, -erole, -eron, -ichon, -illat, -illon, -illot,
-ineux, -olâtre.
4^ Ajoutons les suffixes composés. Les suffixes auxquels on
peut en joindre d'autres sont -el et -et, d'où les formes suivantes:
-elet, -elin, -elot; -eteau, -etel, -eton.
5^ Nous laissons de côté les suffixes dont femploi est res-
treint à un ou deux mots, comme par ex. -stère dans le terme
récent familistère, modelé sur phalanstère, contamination arbi-
traire de phalange et monastère (I, § 526). Nous regardons fa-
milistère comme une formation analogique isolée.
380. AILLON est un suffixe peu employé dont le point de
départ se trouve peut-être dans écrivaillon, forme renforcée de
écrivailleur (dér. de écrivailler). En voici quelques autres ex-
emples: Bavaillon (apprenti buveur), terme d'argot. Juivaillon
(L'Européen, 10 juin 1905, p. 14). Moussaillon (mauvais mousse).
Peintraillon, poétaillon (Gyp, M. de Folleuil^ p. 195) ou poétrail-
lon (Rigaud), mauvais poète. A. de Musset écrit à G. Sand:
Explique-toi là-dessus, si la tranquillité de ton pauvre Mus-
saillon est quelque chose pour toi (Correspondance de G. Sand
et d'A. de Musset, p. p. Decori. Bruxelles, 1904. P. 37).
381. ANDIER. Ce suffixe moderne et peu employé a été tiré
de mots tels que buandier, lavandier, taillandier, regardés comme
des dérivés de huer, laver, tailler. On cite deux créations fran-
çaises :
Battandier (celui qui exploite un moulin à battre le chanvre),
écrit fautivement battendier dans le Supplément de Littré.
12*
180
Dessinandier (ouvrier dessinateur sur toile), employé surtout
dans les manufactures de l'Ouest, à Indret.
382. AUTÉ. Ce suffixe peu employé a été déduit de mots
tels que papauté, royauté qu'on a considérés comme des dé-
rivés de pape et de roi bien qu'ils dérivent de papal, royal. A
l'aide de -auté on a créé primauté (de primus), principauté
(de principe), privauté (de privé); on avait dans la vieille
langue prinçauté.
DIER, voir § 88.
383. ELET (au féminin ELETTE) est un suffixe composé
de -el (§ 192) et de -et (§ 220). On trouve dans la vieille
langue: drap — drapel — drapelet; mont — montel — montelet; mors
— morsel — morselet; plat — platel — platelet; roi — roitel — roitelet ;
fauve — fauvel — fauvelet; friant — friandel — friandelet; ront—rondel
— rondelet; rous — roussel — rousselet. Grâce à ces formes et à une
fausse analyse de mots tels que agnelet, cervelet, mantelet,
ruisselet, où -el appartient au radical français, -elet devient un
suffixe indépendant; on a ainsi gant — gantelet, vers — verselet,
pièce — piecelette, pinte— pintelette, crespe — crespelet, petit — petitelet,
rade^radelet (vif), tant — tantelet, etc. sans forme intermédiaire
en -el.
384. Le suffixe -elet (-elette) sert à former des adjectifs et
des substantifs.
1^ Adjectifs : aigrelet, grandelet, jaunelet, mingrelet, tendrelet;
au XVIP siècle on trouve pauvrelet, grosselet.
2^ Substantifs masculins: barbelet, bracelet, dentelet, gantelet,
osselet.
3^ Substantifs féminins: bottelette, côtelette, femmelette, goutte-
lette, odelette, tartelette.
Cas isolés. Crapelet est un dérivé irrégulier de crapaud; on
pourrait l'expliquer selon le § 79, mais il vaut mieux le re-
garder comme le résultat d'un rapprochement avec le type
bateau — batelet. Noulet paraît une forme syncopée de nouelet
(cf. I, § 271, 5s). Tendelet est emprunté de l'it. tendaletto;
on trouve au moyen âge tentelete.
I
181
385. Le suffixe -elet (-elette) a un sens diminutif très pro-
noncé. Il était d'un emploi assez général dans la vieille langue
et c'est le suffixe diminutif préféré des poètes de la Renais-
sance; rappelons quelques formes maintenant inusitées: arce-
lety corselet, homelet, sachelet, saqueîet, herheleite, etc. Le suffixe
est encore productif. Th. Gautier a tiré bubelette de bube;
comp. vaguelette (P. et V. Marguerite, Zette, p. 70).
386. ELIN, forme élargie de -in (§ 260), employé dans le
mot argotique gosselin (enfant au maillot), diminutif de gosse.
Au XVP siècle on disait maigrelin (ZRPh, XXIX, 72).
387. ELOT est un suffixe composé des deux terminaisons
diminutives -el (§ 192) et -ot (§ 287). Il se trouve surtout
dans la vieille langue, où il était du reste d'un emploi res-
treint. Exemples: ange — angelot, biche — bichelot, bourse — bourse-
lot, rous — rousselot. Des mots en -elot la langue moderne a
gardé rousselot comme nom propre et angelot; ce dernier mot,
vieilli aux différents sens que donne le Dictionnaire Général,
est encore très vivant dans plusieurs provinces où il désigne
les petits enfants déguisés en anges qui fonctionnent dans
toutes les processions de la Fête-Dieu et dont le rôle est de
jeter à commandement des poignées de pétales de fleurs sur
la rue, devant le saint sacrement.
388. Le suffixe -elot peut être regardé maintenant comme
presque mort; en tout cas, nous ne saurions citer comme
créations modernes que le mot un peu vulgaire vicelot (Ros-
signol). Camelot, pour chamelot, est un dérivé de charnel, l'an-
cienne forme de chameau. Pour l'explication de matelot, voir I,
§ 46, 2. L'origine de javelot est inconnue.
389. ERAIE, autrefois -eroie, -ereie (I, § 159), forme élargie
de -aie (§ 152), est un suffixe secondaire dû à une fausse ana-
lyse de mots tels que figuereie, olivereie, pommereie qu'on a rap-
prochés de figue, olive, pomme tandis qu'ils remontent en fait
à figuier, olivier, pommier. Un des plus anciens exemples de
notre suffixe est probablement yarcfzneroze, ensemble de jardins,
qu'on trouve dans Ambroise {La Guerre sainte, v. 6942). Rap-
pelons aussi, pour le moyen âge, milleroie, champ semé de
182
millel. Dans la langue moderne il est représenté par pineraie,
lieu planté de pins, et ronceraie, lieu rempli de ronces.
390. ERAN paraît tiré de mots comme tisserand, batterand
(§ 362); il sert à désigner des êtres vivants. On l'a employé
dans les deux mots peigneran (pour peignier, en usage à
Amiens selon le Dictionnaire de Trévoux) et salleran (dér. de
salle). L'habitant du Faucigny s'appelle faucigneran.
391. EREAU, autrefois EREL (au féminin ERELLE), forme
allongée de -eau, -el (-elle).
P Dérivés de noms: Banqnereaii (de banc); hobereau (du vfr.
hobe, oiseau de proie); lapereau (de lapin; § 79); poétereau;
portereau, palis de bois (de porte). A l'ancienne langue appar-
tiennent friandereau (gourmand), fustereau, gendarmereau, hache-
reau (hachette).
2^ Dérivés de verbes: Passerelle; portereau, sorte de levier;
sautereau, sauterelle; tombereau. On appelait au moyen âge
plaidereau celui qui aimait à plaider.
Remarque. Ramereaii dérive de ramier (§ 59), volereaii de voleur (§ 56).
392. ERESSE, forme élargie de -esse, servait autrefois comme
terminaison féminine: vfr. mire (medicus), au féminin mi-
reresse. Pour les détails, voir II, § 428.
393. ERIE est tiré de mots tels que chevalerie^ sellerie, tré-
sorerie, tuilerie. Ces mots sont en effet dérivés de chevalier,
sellier, trésorier, tuilier (sur le changement de ie en e, voir
§ 59) à l'aide du suffixe -ie, mais on les a rapprochés directe-
ment de cheval, selle, trésor, tuile; et de cette analyse fautive
résulte un nouveau suffixe extrêmement productif et qui est
encore vivant. Dès le XIP siècle on peut regarder -erie comme
un suffixe absolument indépendant. Il s'attache aux noms et
aux verbes.
1^ Dérivés de noms communs: bougrerie (sodomie), coquar-
derie, diablerie, druerie, imagerie (image), juierie, musarderie
(étourderie), novellerie (nouveauté), prestrerie, puterie (débauche),
sergenterie (troupe de sergents), etc.
2° Dérivés de noms propres: escosseric, armée d'Ecossais
(Sone de Nansai, v. 4159), mahomerie (temple mahomélan).
183
3^ Dérivés de verbes: baignerie (salle de bains), haiserie (bai-
ser), chanterie (art de faire des chansons), chasserie (chasse),
ciiiderie (présomption), danserie (danse), desverie (folie), forse-
nerie (sentiment de forcené, assemblée de forcenés), janglerie
(bavardage).
Formes élargies. A côté de -me, on trouve aussi par dé-
rivation analogique -derie, -série, -terie: Butor — butorderie (§ 88,4),
bon Dieu — bondieuserie (§ 91, 1), bijou — bijouterie, marlou — mar-
louterie (§ 89, 12), ferblanc — ferblanterie.
Remarque. Du français le suffixe -erie a passé en allemand et dans les
langues Scandinaves, où il est encore très productif. En danois, par ex., on
forme tous les jours des mots nouveaux à l'aide de -eri qui s'ajoute aux
verbes et aux noms (drikke — drikkeri, lions — henseri, dansk — danskeri).
394. Erie devient dès son apparition un rude concurrent de
-zV (§ 241); de musart on tire d'abord musardie, ensuite mu-
sarderie; de tels doublets sont assez nombreux dans la vieille
langue, en voici quelques exemples: clergie — clergerie, coquardie
• — coquarderie, diablie — diablerie, gloutonie — gloutonerie, maho-
mie — mahomerie, orfevrie — orfèvrerie, vavassorie — vavassorerie.
Ces formes s'emploient longtemps simultanément, mais peu
à peu -erie l'emporte sur -ie, et diablie, orfevrie disparaissent
devant diablerie, orfèvrerie. A partir du XVP siècle, -ie est un
suffixe mort (en dehors de la formation savante), et pour
toutes les formations nouvelles on se sert exclusivement de
-erie; les groupes soi— sotie, jaloux — jalousie, n'ont plus de
force d'analogie. De drôle, fourbe, etc. on tire drôlerie, fourbe-
rie, et non pas, comme on aurait fait au moyen âge, drôlie,
fourbie. Veulerie, de veule, est une création toute moderne; on
disait autrefois veulie; de même factorerie a remplacé fadorie
et bonhommerie se trouve à côté de bonhomie. Dans la langue
vulgaire jalousie et mairie disparaissent devant jalouserie et
mairerie.
395. Dans la langue moderne -erie est un suffixe extrême-
ment productif. En voici quelques exemples:
P Dérivés d'adjectifs: Bizarrerie, brusquerie, lourderie, muti-
nerie, sauvagerie, sensiblerie, vieillerie, etc. Créations plus ré-
centes : bonasserie, cocasserie, crânerie, furibonderie, pudibonderie,
tnrquerie (Concourt, Manette Salomon, p. 321).
184
2° Dérivés de noms communs: Anerie, charlatanerie, crémerie^
laiterie, lingerie, polissonnerie, robinetterie, singerie, etc. Créations
toutes récentes: canaillerie, clownerie, cocoterie, fripouillerie, fu-
misterie, mufflerie, patrioterie, pocharderie, rosserie, rouerie, sno-
berie.
3^ Dérivés de noms de personnes: Labicherie (Daudet, Petite
paroisse, p. 318); pierroterie (Reime bleue, 1900, II, 317).
4^ Dérivés de verbes : Bavarderie, blanchisserie, brasserie, brû-
lerie, cajolerie, crierie, flatterie, griserie, imprimerie, moquerie, rê-
verie, rêvasserie, sonnerie, soufflerie.
Remarque. Il est facile de citer des séries de mots en -erie que n'en-
registrent pas les dictionnaires. On trouve dans Flaubert charognerie, fémi-
notteries, goujaterie, janoterie, jeanfoulrerie, michelctteries (théories de Miche-
let), quinetteries (théories de Quinet), pignouferie. A. Daudet a formé ourse-
rie, polichinellerie, villageoiserie, etc. Comp. : 11 n'y aura pas de rupture entre
nous à peine une quitterie (Daudet, Sapho, p. 226).
396. Signification. Le suffixe -erie exprime:
1^ Une qualité, surtout défavorable, et un acte résultant de
cette qualité: coquinerie désigne en même temps et le carac-
tère d'un coquin (sa coquinerie est bien connue), et l'acte qui
marque ce caractère (il a fait une coquinerie). Il en est de
même de ânerie, cagoterie, coquetterie, fourberie, poltronnerie,
pruderie, etc.
2^ Une action et son résultat ou le lieu où il s'exerce : Ba-
dinerie, causerie, flatterie, plaisanterie, rêverie, tricherie. Brasserie,
brûlerie, imprimerie, raffinerie, tannerie.
3^ Une idée collective: Argenterie, cocoterie (le monde des
cocottes), maçonnerie, charbonnerie, boiserie, verrerie.
4^ Des industries et des commerces et les locaux où sont
établis ces industries et ces commerces: beurrerie, biscuiterie,
chemiserie, crémerie, conflturerie, imprimerie, laiterie, lampisterie,
lunetterie, œufrerie, mégisserie, verrerie.
Remarque. Parfois le même mot comprend plusieurs des significations in-
diquées. Ainsi volerie désignait autrefois non seulement l'action de ï>voler«,
la chasse au vol, mais aussi un ensemble d'oiseaux (voir Eust. Deschamps).
397. EROLE (ou EROLLE) est tiré de mots comme vfr.
bannerole (dér. de bannière), vfr. faverole (dér. de fabaria),
fougerolle (de fougère), primerole (primariolus), barquerolle
(vén. barcaruola), casserole (it. cazzaruola), muserole (it.
185
museruola). On a rapproche bannerole de ban, fauerole de
fave (fève), primerole de prime, barquerolle de barque, casserole
de casse, etc., d'où est né le nouveau suffixe -erole, forme al-
longée de -oie (§ 346). Ce suffixe, très peu productif, existe
dès la fin du moyen âge et s'emploie dans : BecqueroUe (de bec) ;
bouterolle (de bouter) ; caterole (de se catir) ; èverole dér. de eue,
eau; I, § 199); ftammerolle (de flamme)', lignerole (de ligne);
moucherole (de mouche); rousserolle, fauvette (de roux).
398. ERON est tiré probablement des dérivés des mots en
-ier. Quarteron, qui représente en effet la fusion de quartier et
-on (§ 282), a été décomposé en quart et -eron. Comp. encore
vfr. bergier — bergeron, vachier — vacheron. Dès le XIP siècle,
-eron existe comme suffixe indépendant à côté de -on. Il n'a
jamais été d'un usage très répandu, et de nos jours les nou-
velles créations se font de plus en plus rares; il s'attache aux
noms et aux verbes:
1^ Dérivé d'adjectifs: laideron.
2^ Dérivés de substantifs (noms communs) : Aileron, avène-
ron (de aveine, forme primitive d'avoine; cf. I, § 55, 216), chape-
ron, cotteron, laiteron, lamperon, liseron, mancheron, mècheron,
moucheron, mousseron, napperon, paleron (de pale, pelle), puce-
ron, quarteron, tâcheron, tierceron, vigneron.
3^ Dérivés de noms géographiques: augeron (de Auge), beau-
ceron (de Beauce), percheron (de Perche).
4^ Dérivés de verbes: Bûcheron, flotteron, forgeron, fumeron,
gagneron, terme patois pour laboureur, journalier, moucheron,
bout de mèche qui brûle. Ajoutons biberon, ivrogne, dérivé du
radical de b ibère.
Cas isolé. Quarteron (enfant d'un blanc et d'une mulâtresse
on d'un mulâtre et d'une femme blanche) est emprunté de
l'espagnol cuarteron.
399. Signification.
P Le suffixe -eron a primitivement la même valeur diminu-
tive que -on (§ 284): cotteron, petite cotte, moucheron, petite
mouche, napperon, petite nappe, puceron, petite puce, etc.; à
l'idée de petitesse s'unit parfois une idée péjorative: avèneron,
folle avoine, liseron, proprement: petit lis mauvais, etc. Souvent
186
et surtout dans les dérivés modernes aucune de ces idées ne
subsiste: chaperon, d'abord petite chape, est devenu le nom
d'une sorte de capuchon.
2° Le suffixe -eron désigne soit des objets: aileron, cotteron,
flotteron, lamperon, et surtout des plantes: laiteron, liseron,
mousseron, soit des personnes: bûcheron, vfr. fruiteron (mar-
chand de fruits), laideron, gagneron, parfois les habitants d'une
contrée: beauceron, percheron.
400. ÉTÉ, forme collatérale de -té (§ 292) est un suffixe de
formation française tiré de mots tels que aspreté (de aspre),
fermeté (refait sur ferme), nobleté, povreté (pour poverté; refait
sur povre), richeté, etc. Il a été assez productif et s'est ajouté
aux adjectifs pour former des noms abstraits. Exemples:
brièveté, chasteté, chauveté, débonnaireté, mauvaiseté, naïveté, oi-
siveté, etc. ; ajoutons pour la vieille langue : certaineté, chetiveté,
escharceté, foleté, joliveté, largeté, neireté, etc. Il a aussi été intro-
duit par analogie dans quelques mots qui se terminaient étymo-
logiquement en -té: dureté, pureté, sûreté. Le suffixe -été n'est
plus productif; on ne cite que quelques rares néologismes tels
que citoyenneté (Beaumarchais), rétiveté, affreuseté.
401. ETEAU, autrefois ETEL, suffixe diminutif qui ne pa-
raît pas beaucoup employé. Notons pour la vieille langue
aigleteau (aiglon), buretel (crible), buretele (pochette). Dans la
langue moderne on ne trouve que le seul mot chêneteau. Comp.
le suffixe -elet (§ 383) qui présente les mêmes éléments que
-eteau, mais en ordre inverse.
402. ETON est probablement dû à des mots tels que banne-
ion, caneton, molleton qu'on a ramenés directement à banne,
cane, mol^ bien qu'ils dérivent de bannette, canette, mollet. No-
tons aussi un mot tel que valleton qui a pu contribuer pour
sa part à la création du nouveau suffixe. Les formations nou-
velles ne sont pas nombreuses:
1^ Dérivés de mots français: culeton, gueuleton, panneton
(autrefois penneton, dér. de pennon, § 78).
2^ Dérivés de mots étrangers: hanneton (de l'ail. Hahn),
singleton (de l'angl. single).
187
403. lAL, forme collatérale de -al (§ 300) tirée probable-
ment de mots savants tels que filial, jovial, proverbial, provin-
cial, etc. Elle a été employée dès la période moyenne dans
seigneurial (à cause de seigneurie). Citons comme dérivés tout
récents démonial (employé par J.-K. Huysmans), et mondial.
lANA, voir § 306.
lANISME, voir § 327. %
lAT, voir § 307.
404. ICHON. Ce suffixe est une forme élargie de -on (§ 282);
il s'ajoute aux adjectifs: Drôle — drôlichon, fol — folichon, maigre
— maigrichon; aux noms communs: cadet — cadichon (§ 79),
corne — cornichon, merle — merlichon (A. de Musset), vfr. gone —
gonichon; à quelques noms de lieux: Berry — berrichon. Bour-
bonnais— bourbonnichon, Nevers — nivernichon.
405. ICIDE, forme élargie de -cide, a été tiré de mots tels
que tyrannicide (qui reproduit tyrannicida, tyrannicidium).
Il s'emploie dans quelques créations modernes. Au temps de
la Révolution on avait des députicides, des liberticides, des po-
pulicides. Notre temps a nécessité la création de mots tels que:
insecticide, larvicide, microbicide, ministricide, raticide. On trouve
dans George Sand innocenticide.
406. ICULE, forme élargie de -ule (§ 349) a été tiré de mots
tels que appendicule (appendicula), canicule (canicula),
ventricule (ventricula). Les formations françaises, qui sont
toutes modernes, ne sont pas nombreuses; elles sont tirées
soit d'un radical français soit d'un radical latin. Exemples:
arbricule (Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 186), cornicule, prin-
cipicule (de principe), théâtricule, touristicule (Tôppfer, Voy-
ages). Ajoutons le seul adjectif folatricule, employé (créé?) par
H. Lavedan: C'est déjà pas très folatricule (Les beaux di-
manches, p. 202).
Forme élargie. On peut renforcer -icule par l'addition de -et,
comme dans Parnassiculet (recueil de vers publié en 1872).
407. lEL, forme collatérale de et (§ 205), tiré d'adjectifs
savants comme fiduciel, ministériel, officiel, qui remontent à des
substantifs en -ia. Le suffixe -iel a été peu emploj'é; il se
188
trouve surtout dans des dérivés de mots en -ent: présidentiel,
torrentiel, et en -ance, -ence: circonstanciel, concordantiel, concur-
rentiel, protubéranciel. Ajoutons l'obsolète intelliyentiel; dans une
lettre du 11 août 1835, Balzac écrit à Mme Hanska: Je pense
à nous faire appeler le parti des intelligentiels, nom qui prête
peu à la plaisanterie et qui constituerait un parti auquel on
serait fier d'appartenir {Lettres à l'Étrangère, p. 270). Comp. le
suffixe -iot, § 423, 3.
408. ILLAT, forme élargie de -at (§ 185), ne se trouve que
dans cornillat, petit de la corneille, et corbillat, petit du cor-
beau. Ces deux diminutifs paraissent formés du mot simple
par l'apocope de la terminaison (§ 78). Pour cornillat, on pour-
rait aussi y voir le simple suffixe -af, vu qu'on trouve dans
la vieille langue la forme cornille (E. Deschamps).
409. ILLON. Ce suffixe est une forme élargie de -on (§ 282).
Il s'ajoute aux adjectifs: tard — tardillon, et surtout aux substan-
tifs: barhe — barbillon, bœuf — bouvillon, cotte — cotillon, cendre —
cendrillon, nègre— négrillon, etc.; rarement aux thèmes verbaux:
bouger— bougillon, tâter — tatillon. Il est encore productif comme
le montrent les mots populaires bourgeoisillon, modillon, ap-
prentie modiste.
Cas isolé. Notons que écoutillon est d'origine espagnole.
410. Signification. Le suffixe -illon a une valeur diminutive
très prononcée. Il forme:
P Des noms de personnes: boquillon^ bougillon, cendrillon,
chambrillon, moinillon, négrillon, postillon, tardillon, tatillon.
2^ Des noms d'animaux: bouvillon, carpillon, cornillon, oi-
sillon.
3^ Des noms de choses: ardillon, barbillon, corbillon, croi-
sillon, goupillon, grappillon, raidillon, trompillon, uerrillon.
411. ILLOT, forme élargie de -ot (§287); on l'emploie dans
maigrillot, dérivé que n'admettent pas les dictionnaires, mais
qui se trouve dans les auteurs modernes: La première qui en-
tra fut une brune maigrillotte (Courteline, Le train de 8 h 4^7.
P. 228).
189
412. IMENT est un suffixe d'origine diverse et de création
relativement récente.
1^ Dans quelques mots il remplace l'ancien -ement (§ 209);
ainsi la forme médiévale sentement se change en sentiment
sous l'influence de sentir, senti (et de l'italien sentimento?). De
la même manière s'expliquent dissentiment, ressentiment, fourni-
ment dont les vieilles formes sont dissentement, ressentement,
fournement; remercîment est pour remerciement (I, § 271,2).
2^ Sous l'influence de ces mots, des dérivés en -iment ont
été tirés directement des verbes en -//*. On trouve dans la
vieille langue: amortiment, baniment, blandiment, escopiment,
encheriment, fmiment, muniment, etc. La langue a abandonné
la plupart de ces dérivés; parmi ceux qu'on a conservés, ci-
tons assortiment, blanchiment, pressentiment.
Remarque. On ne trouve que très peu de mots en -iment appartenant
à des verbes inchoatifs: blanchiment (de blanchir) fait disparate avec fré-
missement qui présente la dérivation régulière (voir § 210). Aussi a-t-on par-
fois des doublets en -issement; on trouve ainsi assortissement (Cotgrave, Ou-
din), fournissement.
3^ La terminaison -iment se trouve aussi dans des mots
d'emprunt: condiment (lat. condimentum), compartiment (it.
compartimento), fmiment (it. finimento), poliment (it.
pulimento).
413. INEUX, forme élargie de -eux (§ 232), est employé dans
un petit nombre de mots: bitumineux (comp. le lat. bitumi-
neus), légumineux, vertigineux. G. Flaubert a tiré crassineux
de crasse. Ajoutons le mot d'argot pharamineux (épatant).
LESQUE, voir § 371.
414. O est un suffixe populaire de création récente. Il s'em-
ploie surtout dans la langue vulgaire et doit son origine soit
à des formes abrégées telles que aristo, cabrio, chromo, mé-
lanco, mélo, photo, topo, typo, etc. (voir I, § 522), soit aux
mots qui, sous les graphies traditionnelles -o, -ot, -eau pré-
sentent une terminaison [o] étymologique: domino, numéro, turco,
cachot, matelot, tripot, chameau, chapeau, etc. Le suffixe -o se
substitue souvent à une autre terminaison: camarade > camaro,
invalide > invalo, etc. (cf. § 78). Anarcho (anarchiste), bacho(t)
(bachelier, baccalauréat), camaro (camarade), cassico, cato (câ-
lin), chéro, chicardo(t) (très poli), excusa, frisco, garno (hôtel
190
garni), gigolo, hosto (prison, altération de hôpital), invalo (in-
valide), mohlo(t) (garde mobile), Monlparno (Montparnasse),
pipo(t), prolo (prolétaire), proprio (propriétaire), Saint- Lago
(Saint-Lazare), sergo (sergent), socialo (socialiste), tringlo (sol-
dat du train), irigo.
Remarque. La terminaison argotique -o est souvent affublée d'un t final,
grâce à une assimilation à -ot (§ 287); on trouve ainsi baclw et bachot (cf.
hachoiier, § 89). Mme An(jo est depuis longtemps devenu Mme Angot.
415. OLATRE est tiré probablement du mot idolâtre (sl-
ôwh)?.dTQ7ig). On le trouve dans quelques créations toutes ré-
centes :
Hispanolâtre.
Hugolâtre, admirateur aveugle de V. Hugo.
Scribolâtre, admirateur passionné de Scribe.
Tsarolâtre. Ex. : Les grandes gazettes berlinoises, tsarolâtres
et coloniales par ordre (IJ Européen, 16 juillet 1904, p. 9).
Wagnerolâtre (Th. de Wyzewa, Nos maîtres. Paris, 1895. P. 91).
416. OMANE et OMANIE, suffixes peu employés, tirés de
mots comme anglomane, bibliomane et anglomanie, hibliomanie.
C'est sur leur patron qu'on a formé blasonomane (Bourget,
Complications sentimentales, p. 40), éthéromane, morphinomane,
opiomane, et jourdainomanie (L'Européen, 1904, janvier).
SARD, voir § 352.
417. TAGE, forme élargie de -âge (§ 147), est tiré de mots
comme affûtage, fag otage, héritage, radotage, tripotage; il s'ap-
plique aux mots qui se terminent par une voyelle: agiotage,
bamboutage, biseautage, cabotage, cailloutage, fûoutage, foliotage,
numérotage, maquereautage, pinceautage. Comp. § 89.
418. TERIE est une forme allongée de -erie (§ 393), tirée de
mots tels que bigoterie, cagoterie, laiterie, galanterie, à côté de
bigo(t), cago(t), lai(t), galan(t) ; comp. aussi clouterie, de clou-
tier, à côté de clou. Ce suffixe, doublement secondaire, s'em-
ploie dès le XVP siècle dans les mots terminés par une voyelle
accentuée: Bijouterie, dominoterie, ergoterie, ferblanterie, fdoute-
rie, indigoterie, marlouterie, rococoterie, voyouterie. Comp. § 89.
TESQUE, voir § 371.
191
419. TEUR, forme élargie de -eur (§ 230), tiré de mots tels
que écouteur, radoteur, prêteur, porteur, promoteur. Il s'attache
surtout à des mots en -o, -eau et -ou: Agioteur, caboteur, cail-
louteur, ergoteur, folioteur, indigoteur (Flaubert), numéroteur,
panneauteur, éreinteur (§ 89, i).
420. TEUX, forme élargie de -eux (§ 232), est tiré de mots
tels que boiteux, capiteux, honteux, vaniteux; il s'applique aux
mots terminés par une voyelle accentuée: caillouteux, grisou-
teux; sur juteux, voir § 89, is.
421. TIER, forme élargie de -ier, est tiré de mots tels que
bénitier, fruitier, tripotier, gantier. Le suffixe -tier s'attache aux
mots qui se terminent par une voyelle accentuée: Bamboutier,
bigarreautier, bijoutier, biseautier, cabotier, cafetier, cloutier, coco-
tier, dominotier, échotier, ferblantier, feutier, fdoutier, indigotier,
sagoutier, tableautier, tissutier, tuyautier.
Cas isolés. Les formes cafetier, papetier, tabatière, thétière ont
été examinées au § 89.
TIN, voir § 260.
TISME, voir § 327.
422. UEUX a été tiré de mots tels que défectueux, fastueux,
flatueux, fructueux, voluptueux, etc., dont la terminaison repro-
duit -uosus. Il est devenu un suffixe indépendant qui s'attache
à des radicaux latins: délictueux (de de lie tus), et à des mots
français: luxueux, précipitueux, talentueux (P. Hervieu, Peints
par eux-mêmes, p. 45), torrentueux. On a créé difficultueux et
majestueux à côté de difficulté et majesté, comme on avait vo-
luptueux de volupté.
CHAPITRE X.
SUFFIXES D'ORIGINE DOUTEUSE,
423. Nous allons rassembler ici un petit nombre de suffixes
dont l'origine paraît peu clair. Ils sont tous d'un emploi assez
restreint. Comme dans les chapitres précédents nous suivons
l'ordre alphabétique.
1^ ICAUT s'emploie dans boursicaut (hoarsicot), dér. de
bourse.
2^ IGAUD s'emploie dans saligaud, dér. de sale.
3^ lOT, suffixe moderne et peu employé; du moins, nous
ne l'avons trouvé que dans trois mots: maigriot (Huysmans,
Marthe, p. 50), morviot (voir Sachs, Supplément), peintriot (Con-
court, Manette Salomon, p. 22). Quant à l'origine, -iot est pro-
bablement une orthographe simplifiée pour -illot.
4^ ITRE est un suffixe populaire; il est peut-être formé sur
le modèle de âtre avec changement de voyelle (comp. -ittus,
-ottus, -attus et -icus, -ôccus, -ucus). Le domaine de -itre
est restreint aux patois de l'Ouest où il sert à former des substan-
tifs et des adjectifs. En voici quelques exemples: Placitre (de
place), terrain vague entourant une église, une fontaine, etc. ; em-
ployé comme nom de lieu: Le P/aczïre (Finistère, Manche). Planitre
(de pi an u m), esplanade, plate-forme; employé comme nom de
lieu (Deux-Sèvres, Calvados). Halitre (de hâte), gerçure aux
lèvres. Chenitre (de chien), ladre comme un chien, avare à
l'excès.
5^ OCHE paraît remonter à un suffixe -occa, inconnu au
latin classique. En français -oche s'ajoute aux noms; il n'a
guère été productif et paraît mort depuis le moyen âge. On
trouve notre suffixe dans épinoche, filoche, mailloche, mioche.
193
Cas isolés. Oche se trouve aussi dans quelques mots d'em-
prunt italiens où il reproduit -occio (I, § 116,5) qui remonte
au suffixe *oceus lequel a dû exister en latin vulgaire à côté
de -aceus, -icius, -uceus. Exemples: bamboche (bamboc-
cio), fantoche (fa n toc ci o), sacoche (s ace oc ci a). Le même
suffixe se cache aussi sous les terminaisons -ouche et oiisse
dans cartouche (c art occio) et dans la forme altérée gargousse.
424. Dans l'argot proprement dit (I, § 33, 81) l'emploi de
suffixes est très général; on y trouve par exemple: -go, -iergue,
-lem, -mar, -muche, -ongue, etc. Ces suffixes, dont l'origine pa-
raît impénétrable, s'ajoutent non seulement aux mots d'argot,
mais aussi aux mots appartenant à la langue littéraire (la-
bago, mendigot, magistramuche, habitongue). Cependant, comme
aucun de ces suffixes n'est arrivé à s'imposer hors du lan-
gage argotique, nous les laissons de côté ici.
i
13
CHAPITRE XI.
SUFFIXES VERBAUX.
425. La dérivation verbale se modèle exclusivement sur le
type de la première conjugaison: mur — murer, ou de la deu-
xième: lot — lotir. Ajoutons que pour les verbes du premier
groupe, la dérivation peut être immédiate comme dans l'ex-
emple cité ou médiate comme dans poète — poétiser, fumer —
fumoter. On oe trouve aucune formation française créée sur
le modèle des verbes en -oir ou en -re (comp. II, § 75, 79, 80).
A. DÉRIVATION IMMÉDIATE.
426. ER. Dès les plus vieux textes nous trouvons des dé-
rivations nouvelles faites sur le modèle des verbes de la pre-
mière conjugaison. Ce sont surtout des dérivés tirés de substan-
tifs ou d'adjectifs; nous en avons déjà cité un certain nombre
d'exemples (II, § 63); nous allons les compléter ici, et nous
les diviserons en deux groupes selon qu'ils sont simples (clou
— clouer) ou parasj'nthétiques (valise — dévaliser); sur ces der-
nières formations, voir plus loin § 453.
1^ Dérivés de substantifs. — a) Dérivés simples: avantager,
complimenter, crayonner, éperonner, fêter, loger, ménager, meu-
bler, nuancer, outrager, peiner, voyager, etc. On a dit autrefois:
arbrer, féer, fueillier, fuster, gracier, mercier, osteler, paiser, etc.
b) Dérivés parasynthétiques : acculer, achever, agenouiller, ajour-
195
ner, déchaîner, dépayser, désosser, dévaliser, embaumer, encaisser,
enrôler, etc. Mot vieilli : avesprer.
2° Dérivés d'adjectifs. — a) Dérivés simples: bavarder, éga-
ler, fausser, grever, griser, jalouser, mater, niaiser, sécher, etc.
On ne dit plus chetiver, coarder, doloser, goloser, horribler, jo-
liver, vilainer, etc. b) Dérivés parasynthétiques : apprêter, asso-
ler, assurer, aviver, éhorgner, déniaiser, écourter, empirer, enivrer,
enjoliver, épurer, raffiner, rasséréner, etc.
Remarque. Le latin vulgaire a dû posséder beaucoup de verbes dérivés
dadjectifs. A côté de la terminaison ordinaire -are il a dû exister un cer-
tain nombre de verbes en -iare formés sur le modèle de acutus— acu-
trare, d'oti vfr. aguisier (II, § 73,2), il. agiizzare, esp. aguzar. Le verbe
médiéval engrangier ne dérive pas directement de grand; il doit remonter
à l'époque gallo-romane et reproduire une formation parasynthétique telle que
*ingrandiare (comp. § 77).
427. La dérivation en -er est toujours vivante; témoin les
verbes modernes bocker, bonimenter, caboiiner, émotionner, im-
pressionner, pédaler, rosser, sauvegarder, téléphoner, tictaquer, zig-
zaguer, etc., etc.; on en forme tous les jours. Notons encore
les dérivés des mots d'emprunt tels que boxer, cluber, high-
lifer, interviewer, luncher, pique-niquer, polker, scottischer, spor-
ter, toaster. Rappelons enfin qu'on trouve depuis fort longtemps
de nombreuses formations individuelles. Robert Garnier em-
ploie dans ses tragédies: amertumer, malheurer, montagner,
oreiller, etc. Dans les auteurs modernes les exemples four-
millent. Gustave Flaubert: cadoter (pour cadeauter), entiérer,
mamelonner, marmitonner. J.-K. Huysmans: compagnonner, dé-
dicacer, fétider, géhenner, houler, hussarder, larmer, etc. H. La-
vedan : se pantalonner, véhiculer (Le vieux marcheur, p. 38, 47).
Aussi dans la poésie populaire on rencontre souvent des créa-
tions très originales. Rappelons quelques vers de la belle
chanson des Transformations: Si tu t'y rendais rate dans le
grenier. Je m'y renderais chat pour t'y rater Si tu te
rends étoile dedans le temps, Je m'y rendrais brouillard pour
t'y brouiller.
428. Formes élargies. A côté de -er on trouve -der et -ter.
Sur l'origine de la consonne adventice, voir § 87 ss.
1^ DER s'emploie dans bazarder (§ 88, 2). et échauder.
13*
196
2^ TER s'emploie dans les dérivés de mots en -eau, -o, -ou:
agioter, biseauter, hlaireauter, caboter, chapeauter, clouter, délico-
ter, dépiauter, échoter, ergoter, filouter, folioter, fourneauter, frou-
frouter, glouglouter, joujouter, maquereauter, monacoter, numéro-
ter, panneauter, pianoter, pinceautcr, rateauter, voyouter.
429. IR. La dérivation en -ir était assez générale au moyen
âge (comp. Il, § 66); mais depuis cette époque elle a constam-
ment perdu du terrain. Déjà au XVP siècle les créations nou-
velles en -ir commencent à se faire rares, et dans la langue
actuelle elles ont presque cessé de se produire. Tous les verbes
dérivés en -ir suivent la conjugaison inchoative (II, § 67).
P Dérivés de substantifs. — a) Dérivés simples : brandir,
crépir, croupir, garantir, lotir, meurtrir, nantir, etc. On a dit
autrefois chevir, orgueillir, pourprir, etc. — b) Dérivés para-
synthétiques: abêtir, aboutir, s'accroupir, aguerrir, anéantir,
s'enorgueillir, racornir, etc. On n'emploie plus asserir (devenir
soir), afelonir, aombrir, avesprir, encolorir.
2^ Dérivés d'adjectifs. — a) Dérivés simples: aigrir, blan-
chir, bleuir, blondir, brunir, faiblir, fraîchir, froidir, franchir,
grandir, grossir, louchir, maigrir, matir, mûrir, noircir (§ 431),
raidir, rougir, roussir, tiédir, vieillir, etc. On disait autrefois
asprir, fermir, saintir, etc. — b) Dérivés parasynthétiques :
amoindrir, amuïr (tiré du vfr. mu < mutum), aplatir, ap-
pauvrir, assainir, assombrir, enrichir, empuantir, embellir, ra-
jeunir, rafraîchir, etc. On n'emploie plus abelir, acoardir, acor-
tir (raccourcir), ameldrir (améliorer), amaladir, encouardir, s'es-
baldir.
430. La dérivation en -ir est presque éteinte aujourdhui; on
ne forme plus guère que des verbes en -er ou -iser. De sport
on ne peut tirer que sporter ; sportir serait aussi impossible
que sportoir. Voici un relevé des rares créations nouvelles
en -ir:
1^ Dérivés simples. A côté de blondir (tiré de blond) et de
tripolir (de tripoli, sous l'influence de polir), on ne saurait ci-
ter que des verbes comme orfévrir, rosir, chers aux poètes
symbolistes. Ajoutons violir: Le crépuscule violit vaguement le
parc (Rostand, Les Romanesques, III, p. 64).
197
2^ Dérivés parasynthétiques : Abeausir (se mettre au beau en
parlant du temps), terme de marin; agourmandir (Daudet, Port-
Tarascon, p. 270; Zola, V Assommoir, p. 248); anonchalir, de
nonchalant (Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 85, 193); aveulir
(Daudet, Jack).
431, Forme élargie. A côté de -ir on trouve -cir employé
dans quelques dérivés d'adjectifs: noir — noircir, obscur — obscur-
cir. Cette terminaison paraît tirée de mots tels que éclaircir
(de *exclaricire), en forcir (a remplacé enforcier, de *in for-
tiare) qu'on a rapprochés directement de clair et fort.
432. Concurrence de formes. Dans la vieille langue on a
souvent tiré du même mot des dérivés en -er et -ir. Voici
quelques exemples de ces doublets:
1^ Dérivés simples: charper — charpir, escrimer — escremir, fron-
der— froncir (renifler), huer — huir (crier), laider — laidir (outra-
ger), papelarder — papelardir, sechier — sechir.
2^ Dérivés parasynthétiques: amater — amatir, ameillorer —
ameillorir, assoler — assotir, atterrer — atterrir, engrossier — engrossir,
esleecier — esleecir, espaorer — espaorir. Ajoutons enforcir et étrécir,
tiré des vieilles formes enforcier (de *infortiare), conservé
dans renforcer, et eslrecier (de strie tiare).
En tant que la langue moderne a conservé les mots cités,
c'est à la forme en -er qu'on a donné la préférence: escrimer,
huer, sécher. On n'a gardé les formes doubles que dans mater
— matir.
B. DÉRIVATION MEDIATE.
433. Les suffixes qui représentent la dérivation médiate ap-
partiennent tous à la première conjugaison. Ils proviennent
d'un suffixe verbal latin (ou grec) comme -fier de -ficare,
-iser ou -oyer de -izare, ou sont créés sur le modèle de
(juelque suffixe nominal; c'est ainsi qu'on a eu -asser, -eter,
-onner à côté de -as, -et, -on. Dans quelques cas, comme pour
-ailler, les deux explications sont possibles.
198
434. Les suffixes appartenant à la dérivation médiate pré-
sentent ordinairement une nuance diminutive, péjorative ou
méprisante et s'ajoutent soit aux noms: -eter, fier, -ouiller
(bec — hequeter, os — ossifier, ventre — ventrouiller), soit aux verbes:
-asser, -iner, -ocher, -onner (dormir — dormasser, trotter — trot-
tiner, flâner — flanocher, chanter— chantonner), soit enfin indiffé-
remment aux noms et aux verbes : -ailler, -eler, -iller, -iser,
-oter, -oyer (crier — criailler, fer — ferrailler, etc.).
435. AILLER reproduit le latin -aculare. Il exprime la
répétition fréquente et rapide d'une action et s'ajoute aux
thèmes verbaux, rarement aux noms.
P Dérivés de verbes: Courailler, criailler, dessinailler (Gon-
court), disputailler, dormailler, écrivailler, philosophailler, politi-
quailler (Gyp, La fée Surprise, p. 87), répétailler, rimailler, rô-
dailler (Daudet, La petite paroisse, p. 344), tirailler, tournailler,
toussailler, traînailler (Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 51), tri-
potailler.
2^ Dérivés de noms: Brétailler, ferrailler, fouailler (de fouet,
§ 78).
436. ASSER (cf. -as, -asse, § 178) est un suffixe augmenta-
tif et péjoratif assez employé. Il s'ajoute presque exclusive-
ment aux thèmes verbaux: dormasser, écrivasser, répétasser, rê-
vasser, rimasser, traînasser, tracasser. Le dérivé d'un nom se
présente peut-être dans jacasser (de Jacques, nom donné à la
pie?). Notons aussi croasser (au moyen âge croaillier).
Formations analogiques. On peut en citer avocasser (de
avocat) et prélasser (de prélat). Sur la confusion entre -as et
-at, comp. § 309.
AYER, voir OYER (§ 449).
437. EILLER, qui remonte à -ïculare, ne se trouve actuelle-
ment que dans le seul mot herbeiller. Dans l'ancienne langue
on avait aussi foueillier, devenu fouiller, et toueillier (de tudï-
culare), devenu touiller,
438. ELER reproduit probablement le suffixe diminutif
-illare qui se trouve dans cantillare, titillare, vacilla re.
199
Il est d'un emploi restreint* en français où il se joint aux
verbes et aux noms.
P Dérivés de verbes : craqueler, épinceler, harceler (de her-
ser, cf. I, § 245), sauteler. On a dit autrefois pointeler.
2^ Dérivés de noms: bosseler, cuveler, denteler, greneler, pante-
ler (de pantois; cf. § 78). On a dit autrefois ondeler (R. Gar-
nier).
ERONNER, voir ONNER (§ 446).
439. ETER (cf. -et, § 220) est un suffixe diminutif; il s'at-
tache surtout aux noms: béqueter, caneter, coqueter, feuilleter,
rarement aux thèmes verbaux: marqueter, voleter. On trouve
dans la vieille langue culeter, jambeter. Chucheter, cligneter ont
été remplacés par chuchoter, clignoter.
EYER, voir OYER (§ 449).
440. FIER (ou IFIER) est un suffixe savant qui reproduit
-(i)ficare. On le trouve dans de nombreux mots d'emprunt:
amplifier, béatifier, certifier, clarifier, déifier, diversifier, dulcifier,
édifier, falsifier, justifier, modifier, mortifier, pacifier, qualifier,
ratifier, sacrifier, vérifier, vivifier, etc. Dans quelques cas -fier
remplace la terminaison inchoative: Liquéfier, putréfier, raré-
fier, stupéfier, tuméfier. Ajoutons crucifier de crucifigere. Les
créations nouvelles, presque toutes d'origine relativement ré-
cente, sont tirées de substantifs, rarement d'adjectifs: unifier
(Courteline, La conversion d'Alceste, p. 19), barbifier, baronifier
(H. de Balzac), bonifier, rendre meilleur (de bon), bonifier,
donner à titre de boni (de boni), cocufier, codifier, doctorifier
(remonte au XIV^ siècle), gazéifier, lubrifier, momifier, mystifier
(du radical de mystère, mystique?), noblifier, ossifier, personni-
fier, pétrifier (XV P siècle), prussifier, russifier, terrifier, vitrifier.
Comme on le voit, les créations tout individuelles ne font pas
défaut. Ajoutons-en quelques autres: on trouve dans la corres-
pondance de Flaubert dolcifier, s'oursifier, stupidifier. Les jour-
nalistes de nos jours ont inventé statufier.
Remarque. Pour -//ler, on trouve dans la vieille langue -efier. Exemples:
acerlefier, certefier, magnefier, sene/ier. La restauration de Vi est due à une
influence savante. Les verbes liquéfier, raréfier, torréfier etc. n'ont rien à faire,
au point de vue étymologique, avec -(i)ficare; c'est une analogie erronée
qui les a rapprochés de cette terminaison.
200
441. ILLER remonte au latin -iculare ou a été tiré de -ille
(§ 257). Il présente surtout une valeur diminutive et s'ajoute
aux verbes et aux noms.
P Dérivés de verbes: brandiller, fendiller, mordiller, pointiller
(parsemer de petits points), sautiller, tourniller, etc. Th. Gautier
a formé égorgiller.
2^ Dérivés de substantifs: boursiller, bousiller, brasiller (de
braise; cf. § 48), grappiller, nasiller, vermiller (de ver; cf. I,
§ 324).
Formation analogique. Fourmiller est une graphie fautive
pour fourmier (cf. I, § 351,2).
442. INER reproduit le latin -inare dans farcinare, s car-
pin are, ou a été tiré de mots en -in (§260). Il n'a guère été
productif en français où il s'attache aux thèmes verbaux:
bruisiner (du vfr. bruisier, forme primitive de briser), couliner
(de coulera); vfr. gratiner (de gratter), conservé dans égratigner,
altération d'égratiner; trottiner. On ne trouve qu'un seul mot dé-
rivé d'un nom : piétiner, tiré de pied. Les créations modernes
paraissent très rares; J.-K. Huysmans a employé baladiner et
galopiner.
443. ISER est un suffixe de forme savante qui reproduit
la terminaison -izare (dont la forme populaire est -oyer;
§ 449). Il se trouve dans beaucoup de mots d'emprunt: ago-
n izare > agoniser, baptizare ) baptiser, etc. et dans un très
grand nombre de créations françaises. Il s'ajoute aux noms,
surtout aux adjectifs, et s'adapte aux radicaux français aussi
bien qu'aux radicaux latins ou autres.
1^ Dérivés d'adjectifs français: américaniser, banaliser, bruta-
liser, centraliser, égaliser, espagnoliser, fertiliser, galantiser, mili-
tariser, orientaliser, stériliser, tranquilliser, utiliser, vulgariser, etc.
On en forme toujours; un dérivé récent est mesquiniser, souvent
employé par Bourget: Toutes les vertus que l'on m'avait prê-
chées durant mon enfance s'appauvrirent, se mesquiniser ent
{Le disciple, p. 126).
2^ Dérivés de substantifs français: anecdotiser, crétiniser, fos-
siliser, monopoliser, moraliser, poétiser, vaporiser, etc.
I
201
3° Dérivés de noms propres. On tire des dérivés en -iser
surtout de noms de poètes et d'artistes: héaudelairiser, hora-
ciser, pétrarquiser, pindariser, ronsardiser, rembraniser (Concourt,
Manette Salomon, p. 306). Notons aussi galvaniser, macada-
miser.
4^ Dérivés de radicaux latins: actualiser, botaniser, dramati-
ser, hypnotiser, neutraliser, pulvériser, spiritualiser, etc.
5*^ Dérivés de mots anglais : Plusieurs auteurs modernes ont
employé : se gentlemaniser, quakeriser, revolveriser. On trouve
même dans P. Bourget struggleforlifiser {L'étape, p. 93).
444. Concurrence de formes. Le suffixe -iser empiète no-
tablement sur le terrain de -er. Non seulement on le préfère
dans beaucoup de créations modernes: de municipal on tire
municipaliser et non municipaler ; mais on l'introduit aussi
dans les vieux dérivés en -er : ainsi déchristianer, harmonier, so-
lemner ont été remplacés par déchristianiser, harmoniser, so-
lemniser.
Remarque. Le suffixe a passé en allemand et, de là, dans les langues Scan-
dinaves où il a eu un très grand succès et un emploi encore plus étendu
qu'en français. On dit ainsi en danois akklimatisere, inficere, desinfîcere, in-
spicere, krîtisere, prakiisere, etc. tandis que les formes françaises sont: accli-
mater, infecter, désinfecter, inspecter, critiquer, pratiquer, etc.
445. OCHER, suffixe d'origine inconnue. Il s'ajoute aux
thèmes verbaux: bavocher, effdocher, flanocher. Une création ré-
cente est fanocher: Le feuillage des arbres plutôt fanoché que
fané (P. Bourget, Pastels, p. 21).
446. ONNER (cf. -on, § 282) qui présente un sens diminu-
tif ou itératif, s'ajoute aux thèmes verbaux: chantonner, grif-
fonner, mâchonner, mordillonner (Flaubert, Correspondance, II,
p. 26), nasillonner.
Formes élargies. A côté de -onner, on trouve -eronner (cf.
-eron, § 398) et -ichonner (cf. -ichon, § 404) employés dans
des mots comme chanteronner (Balzac), bavardichonner (Con-
court, Renée Mauperin, p. 5).
202
447. OTER (ou OTTER) a été créé sur le suffixe nominal
-ot (§ 287). Il présente une valeur diminutive ou fréquentative
et s'attache surtout aux thèmes verhaux, rarement aux noms.
P Dérivés de verbes: baisoter, buvoter^ frisoter, grignoter, su-
çoter, tapoter, vivoter, etc. A côté de ces dérivés qui se trouvent
dans tous les dictionnaires, il existe un grand nombre de dé-
rivés non enregistrés appartenant au parler vulgaire, populaire
ou familier. Exemples: Alloter (Rolland, Recueil de cimnsons
populaires, II, 223), samusoter (H. Lavedan, Le vieux mar-
cheur, p. 12), couchoter (Zola, V Assommoir, p. 319), flânoter
(Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 211), fumoter, lichoter, boire
(Huysmans, Marthe, p. 219), nageoter (Daudet, La petite paroisse,
p. 309), pensoter, ronflotter (Huysmans, Les sœurs Vatard, p. 73),
siffloter, toussoter.
2^ Dérivés de noms: boulotter, chipoter (du vfr. chipe, lam-
beau), chevroter.
448. OUILLER, qui dérive peut-être de -uculare, se trouve
dans quelques mots d'origine obscure: barbouiller, bredouiller
(a remplacé l'ancien bredeler)^ chatouiller (autrefois aussi cha-
taillier, chateillier), gazouiller. Il est peu employé et ne paraît
s'attacher qu'aux noms: patrouiller pour patouiller (de patte;
cf. I, § 504, .5), ventrouiller.
449. OYER reproduit la terminaison grecque -izare (-IÇslv)
qui fut très employé dans le latin vulgaire à l'époque chré-
tienne. Exemples: agonizare, anathematizare, bapti-
zare, barba r izare, cliristianizare, dsemonizare, evan-
gelizare, eunuchizare, exorcizare, martyrizare, pul-
ver izare, scandalizare, etc. La terminaison -izare de-
yient -idjare, d'où -ijare, -eUer, -oiier, -oyer: baptizare >
vfr. hatoiier. Au même résultat aboutissent aussi les terminai-
sons -ëcare, -égare, -ëcare (-ïcare), -ïgare: *nëcare )
noyer, n égare ) vfr. noiier, plïcare ) ployer, 1 égare > vfr.
loiier. Ainsi la terminaison française -oyer provient de sources
différentes qu'il peut être très malaisé de distinguer.
1® Dérivés de substantifs: bordoyer, charroyer, chatoyer, cô-
toyer, coudoyer, festoyer, flamboyer, foudroyer, guerroyer, lar-
moyer, ondoyer, plaidoyer, etc. On trouve dans la vieille langue:
203
armoyer, fabloyer (conter des fables), manoyer (tâter), ostoyer
(guerroyer), paumoyer (brandir), pueployer (peupler), etc.
2° Dérivés d'adjectifs: blanchoyer, hlondoyer, bornoyer (pour
borgnoyer, de borgne), nettoyer, rudoyer, verdoyer, etc. On a dit
autrefois asproyer, febloyer, amaigroyer.
Formes collatérales. A côté de -oyer, on trouve aussi
-ayer dans bégayer (de bègue) et cartayer (pour carretayer, de
carrette), et -eyer dans grasseyer.
ï
LIVRE TROISIÈME.
PREFIXES.
CHAPITRE I.
REMARQUES GÉNÉRALES.
450. Origine. A l'exception de for- (§ 528) qui vient du ger-
manique, et de ca- (§ 526) qui vient probablement du fla-
mand, tous les préfixes sont d'origine latine. Sur le sort des
-préfixes latins en français il faut remarquer les points sui-
vants:
1^ Préfixes conservés: ad- (a-), bis-, contra-, de-, dis-,
ex- (e-), in-, inter-, per-, prse-, pro-, re-, trans-, ultra-.
Remarque. Parfois le préfixe s'est fondu avec le radical et n'est plus re-
connaissable: le mot est devenu simple. Exemples: adjutare > aider, im-
pie re > emplir, retorta > riorte.
2^ Préfixes morts: ab-, ante-, cum-, ob-, post-, se-,
sub-.
Remarque. Plusieurs des préfixes morts se retrouvent dans des mots com-
posés: ancêtre (antecessor), antaii (ante annum), coudre (consuere),
puîné (post -|- natum), sevrer (separare).
3^ Les pertes ont été réparées par l'emploi d'adverbes comme
préfixes: foris, inde, minus, non, par des créations nou-
velles: abante, et par des emprunts soit aux langues étran-
gères, soit, dans la période moderne, au latin classique
(§ 502 ss.).
451, Doublets. Le même préfixe se présente parfois sous
deux formes différentes, selon qu'il se trouve dans un mot
205
héréditaire ou dans un mot savant: a-—ad-^ dé(s) — dis-, é —
ex-, en — in-, pour — pro-, re — ré-, sur — super-. La phonétique
syntaxique (I, § 112) ainsi que les exigences de l'orthographe
donnent aussi naissance à des doublets. Voici les cas prin-
cipaux:
P Le s final s'amuït devant une consonne (I, § 460) et
reste devant une voyelle; de là les doublets suivants: dé
dés-, mé mes-, bi — bis-, di dis-, tri — tris-, sou sous-.
Exemples: déraison — désavantage; méprise — mésaventure; bi-
den té — bisaïeul; souten ir — sousentendre.
2^ Le / final se vocalise devant une consonne (I, § 342) et
reste devant une voyelle ; de là mau à côté de mal. Exemples :
maugréer — malavisé.
3^ La consonne finale du préfixe peut être assimilée à la
consonne initiale du mot principal; de là con — com, circon —
circom, in — im, in — il. Exemples: contenir — comprendre; cir-
conscrire— circompolaire ; indu — imbu; intolérant, inestimable —
illégal, illettré.
452. Emploi. Les préfixes se combinent avec des verbes ou
des noms, formant ainsi respectivement de nouveaux verbes ou
de nouveaux noms.
1^ Préfixe + verbe. Les préfixes qui s'ajoutent aux verbes
sont: a-, ad-, bes-, bien-, co-, con-, contre-, des-, dis-, é-, en-,
entre-, ex-, for-, (in-), inter-, mé-, (mi-), mal-, outre-, par-, pour-,
pré-, pro-, re-, ré-, sous-, sur-, trans-, très-. Exemples: mettre —
admettre, commettre, démettre, émettre, permettre, promettre, sou-
mettre, etc.
2^ Préfixe + nom. Les préfixes qui s'ajoutent aux noms
sont: ante-, anti-, archi-, avant-, bien- bis-, circon-, cis-, co-,
con-, contre-, des-, dis-, e-, entre-, ex-, extra-, (for-), in-, inter-,
mal-, mé-, mi-, non-, outre-, par-, plus-, re-, ré-, sous-, sub-,
super-, sur-, sus-, trans-, ultra-, vice-.
Remarque. D'ans la plupart des cas le préfixe est à regarder comme un
simple adverbe: avant-coureur, contredire, malheureux, etc. Il peut aussi être
préposition: contrepoison (comp. § 572). Quelques préfixes fonctionnent al-
ternativement comme adverbe ou préposition; ce sont avant- (§ 465), contre
(§ 468), entre (§ 475), par (§ 482), sus (§ 499).
206
453. Formations parasynthétiques. Parfois on tire d'un
nom un mot nouveau en ajoutant en même temps que le pré-
fixe un suffixe verbal ou nominal. C'est le même procédé qui
existait en latin: calx — decalcare, cor — accord are, cor-
tex— excorticare, quietus — inquietare, etc.
P Préfixe + nom + suffixe verbal. Cette formation est ex-
trêmement riche et se modèle sur les verbes en -er ou en -ir
(voir § 426, 429): balle — déballer, emballer; chaîne — enchaîner;
cul — acculer, reculer, éculer; front — affronter; ivre — enivrer; laid
— enlaidir; terre — atterrer, enterrer, atterrir; tête — entêter, etc.
Notez qu'on ne dit pas haller, chaîner, culer, etc.
2^ Préfixe + nom + suffixe nominal. Cette formation est
peu développée. Comme substantifs on peut citer: encablure,
encoignure, encolure, envergure, entrecolonnement , etc. Comme
adjectifs: antifébrile, souterrain.
454. Soudure. Les préfixes sont bien plus indépendants que
les suffixes, ce qui s'explique aisément par le fait que très
souvent les préfixes proviennent d'adverbes ou de prépositions.
On peut les diviser en deux groupes selon qu'ils n'ont pas
d'existence propre (mé- dans méconnaître), ou qu'ils fonc-
tionnent aussi comme des mots indépendants (entre dans entre-
tenir); nous appellerons les premiers inséparables, les autres
séparables.
P Préfixes inséparables: bes-, ca-, dé-, dés-, é-, for-, in-, mé-,
mes-, mi-, pré-, re-, tre-, vi-, vice-.
2^ Préfixes séparables: à, avant, bien, contre, en, entre, mal,
moins^ non, par, plus, pour, sous, sur, sus
455. Il n'y a pas de limite absolue entre les deux groupes;
les préfixes peuvent passer de l'un à l'autre. Voici quelques
remarques sur ce phénomène:
1^ Les prsepositiones inseparabiles du latin sont or-
dinairement restées inséparables en français à l'exception de
par; on disait en latin perhorridus est, mais en vfr. par
est fiers.
2^ Le phénomène appelé »tmesis« et qui était surtout propre
au langage poétique — on trouve p. ex. dans Virgile in que
ligatus, pour illigatusque — est inconnu au français.
Rappelons pourtant une curieuse construction du même genre
207
qui s'observe dans un texte du XIIP siècle où l'on trouve il
re s'en alèrent pour z7 s'en râlèrent (voir § 494).
3^ Dans quelques cas on peut observer la lente soudure de
la particule au mot principal ; ainsi s'en fuir est devenu peu
à peu s'enfuir; voir § 474, voir aussi nos remarques sur entre
(§ 475, i) et re (§ 494).
4^ Dans d'autres cas on peut observer le détachement du
préfixe qui peut finir par s'employer d'une manière absolu-
ment indépendante comme substantif: un extra^ un ultra.
456. Haplologie. Ce phénomène peu commun est surtout
propre à la vieille langue (comp. I, § 515); on l'observe avec
entre-, mi-, re-.
P Haplologie de entre-. Exemples : Car au venir sentro-
cioient et navraient et trébuchaient (Escanor^ v. 4907 — 8). Si
s' entrebaisent et saluent {Erec, v. 2351). Qui s'entretolent et guer-
reient (Besant, v. 769).
2^ Haplologie de mi-. Littré remarque qu'au lieu de: une
étoffe mi-fil, mi-coton, on peut dire mi-fil et coton, et il cite un
passage de Bonnet où il y a le tissu mi-soie et poils.
3^ Haplologie de re-. Exemples: Uns valles vint ci avant ier
Por recoudre et por afetier M'ot aporté un suen sçrcot (Auberee,
V. 582). Or se rebaudist et enhaite Li pèlerins (L'Escoufle,
V. 6252). Nel pot apeler, Tant ot lo piz et lo cuer enserré De son
seignor replaindre et doloser (Mort Aymeri, v. 169). Le bras li
ont reloié et bendé (Enfances Ogier, v. 6721).
Remarque, Cette brachylogie est le contraire de celle qu'on trouve dans
la phrase juridique burlesque: Les ap et dépendances de Vimmeuble comme
il se suit et se comporte (Deschanel, Les déformations de la langue française,
p. 199).
457. Changement de préfixe. Ce phénomène est bien moins
fréquent que le changement de suffixe (§121 ss.). Il faut noter
les points suivants:
1^ Dans quelques mots on trouve en français et déjà dans
la vieille langue un autre préfixe qu'en latin classique; le
changement doit donc avoir eu lieu déjà en latin vulgaire.
Exemples: absconsus — vfr. esco/?s, concorda re — accorder,
dedignare — vfr. desdaignier, illuminare — allumer, ob-
d u r a r e — vfr. adiirer.
208
2^ Dans quelques rares cas le français moderne offre un
autre préfixe que la vieille langue : vfr. esrachier — arracher,
vfr. profîlure — parfilure, vfr. pourceintre— préceinte.
3^ Un préfixe peut remplacer une syllabe initiale regardée
à tort comme un préfixe; comme dans espan (ail. Spanne)
devenu empan; citons aussi vfr. engal pour égal (aequalis),
vfr. engrot pour égrot (aegrotus), vfr. enspir pour espir (spi-
ritus), vfr. parfont de profundus.
4^ Au moyen âge il y avait parfois hésitation entre deux
préfixes. On trouve acoragier — encoragier, adamagier — endama-
gier, aragier—enragier ; la langue actuelle n'a conservé que les
formes avec en-.
458. Recomposition.
En latin on observe dans les mots combinés avec un pré-
fixe certaines modifications de la voyelle du radical: facere
— conficere, perficere, reficere; frangere — refrin-
gere; placere — displicere; spargere — exspergere; lé-
gère— eligere; tenere — continere, retinere; claudere
— excludere, etc. Ces modifications sont dues à une accen-
tuation propre au vieux latin. A l'époque impériale cette ac-
centuation n'existe plus, et la voyelle du radical ne change
pas : mandare — demandare, patior — compatior, pla-
cere— complacere, tangere — contangere, pausare —
repausare, damna re — prsedamnare, etc.
459. Sur le développement phonétique et le sort des mots
combinés avec un préfixe, il faut remarquer:
P Le français, comme les autres langues romanes, ne
garde que rarement les vieilles formes classiques qui pré-
sentent l'altération de la voyelle thématique: concludere >
conclure (it. conchiudere), conficere ) confire, concipere >
concevoir et quelques autres.
2^ Ordinairement les formes à voyelle altérée sont rempla-
cées par des formes qui présentent la voyelle thématique in-
tacte : attingo > blat. attango > vfr. atain, etc.; voir I,
§139,3.
3^ On peut hésiter parfois sur la question de savoir si la
nouvelle forme représente une recomposition ou si c'est une
création absolument nouvelle. Ainsi refrange re représente-t-il
209
un développement analogique de refringere changé sous
l'influence de frangere, comme par exemple serée est dey enu
soirée sous l'action de soir? ou faut-il admettre que refrin-
gere soit mort et que re frangere ne soit qu'une combinai-
son nouvelle de re et frangere?
4^ L'ictus passe du préfixe sur la voyelle du thème radical:
recipit > *recipit > receit, reçoit, etc.; voir I, § 139,3.
460. Exemples de formes recomposées attestées par des
textes latins. On trouve dans les inscriptions consacrare,
contenere, retenere, possedere, etc. (voir pour les ex-
emples: Schuchardt, I, 259 ss., Seelmann, p. 58 ss.). Le latin de
Grégoire de Tours offre reclaudere, obaudire, detrac-
tare, adquserere, resedere, obséder e, contenere, col-
legere, etc. Le glossaire de Reichenau (I, § 12) explique in-
frin gèrent par in frangèrent, et dans un autre glossaire
du VHP siècle on trouve la glose: reprobat: rejactat.
461. Exemples de formes recomposées attestées par les
langues romanes:
•■^Assalire (pour assit ire) > fr. assaillir.
■^Attangere (pour attingere) ) vfr. ataindre (écrit fautive-
ment atteindre dans la langue moderne), prov. atanher.
Condamnare (pour condemnare) ) fr. condamner.
Conquœrere (pour conquirere) > vfr. conquerre (II, § 49, 2).
Consacrare (pour consecrare), d'où le mot savant con-
sacrer.
Contenere (pour c ont in ère) ) fr. contenir.
Displacere (pour displicere) > vfr. desplaire, it. spiacere,
esp. displacer.
Exclaudere (pour excludere) ) vfr. esclore, prov. esclaurc.
Exlegere (pour eligere) > élire, it. eleggere; esp. elegir.
Perfacere (pour perficere) > h. parfaire; à côté de la nou-
velle création perfactus, d'où parfait, on a conservé comme
adjectif perfectus, d'où le vfr. parfit.
Refacere (pour reficere) ) fr. refaire.
Refrangere (pour refringere) > vfr. refraindre, prov. re-
franher; it. ri frangere.
14
I
210
462. La recomposition peut atteindre aussi le préfixe et lui
restituer sa forme primitive. Ainsi e-, de-, sub- peuvent être
remplacés par ex-, dis-, subtus. Exemples:
eligere ) exlegere ) vfr. eslire;
elevare > exlevare > vfr. eslever ;
de fi ce re ) desfacere ) vfr. desfaire;
submittere ) subtusmitlere > vfr. sosmettre.
CHAPITRE II.
PRÉFIXES LATINS D'ORIGINE POPULAIRE.
463. Nous allons passer en revue les préfixes suivants: a-,
avant-, bes-, bien-, contre, dés-, é-, en- (in-), en- (in de-), entre-,
for-, mal-, mes-, mi-, non-, outre-, par-, plus-, pour-, pre-, re-,
sans-, sous'f sur-, sus-, très-, vi-.
464. A ou AD (lat. ad et par assimilation ac, af, a g, etc.)
se trouve dans beaucoup de composés passés en français;
dans ces mots on a souvent refait l'orthographe médiévale
soit en ajoutant un d (qui finit par entrer dans la prononcia-
tion; cf. I, § 119), soit en redoublant la consonne initiale sui-
vant l'a: a dj un gère > \h. ajoindre } adjoindre ; adjudicare
) vfr. ajugier > adjuger; administrare > vfr. amenistrer )
administrer; apportare > vfr. aporter ) apporter, etc. En fran-
çais a- se combine avec des verbes et des noms.
1^ A -j- verbe: abattre, abaisser, affaiblir, apercevoir, apposer,
attirer, etc.; sont propres au vieux français: acomenier, aconter,
acoveter, acravanter, aemplir, adevenir, agrever, atargier, etc. Le
préfixe ajoute au simple une idée de direction vers un lieu
ou vers un but déterminé (attirer); dans la vieille langue le
préfixe avait parfois une valeur augmentative (aemplir, emplir
jusqu'au bord), parfois il n'ajoutait rien à l'idée du simple
(aconter = conter).
2^ A + substantif: about, acompte, affût, aloi, aplomb, appoint.
3° Formations parasynthétiques : aborder, achever, acculer,
affronter, agenouiller, etc.; aboutir, atterrir, aveulir.
14*
212
465. AVANT vient de ab ante. Il se combine surtout avec
des substantifs, et il est tantôt adverbe, tantôt préposition.
1° Avant (adverbe) + substantif: avant-cour, avant-coureur,
avant-garde, avant-mur, avant-poste, avant-propos.
2^ Avant (préposition) + substantif: avant-main (partie anté-
rieure du cheval, celle qui est en avant de la main du cava-
lier), avant-scène, avant-veille. Notons aussi avant-hier.
3° Avant (préposition) -(- adjectif: avant-dernier.
466. BES, préfixe propre surtout à la vieille langue, vient
du latin bis. Il se combinait avec des noms et des yerbes:
Bes + substantif: besaive (bisaïeul), hesaieul, besaieule, besante
(grand'tante), beslei (injustice, perfidie). — Bes + adjectif: be-
saigue; bescuit; besistre (-sextus), jour bissextil, désastre;
beslong, oblong; beslourd, grossier, lourdaud. — Bes + verbe
bescuire, cuire deux fois, cuire tout à fait; besjugier, juger in
justement; besleiier, traiter injustement; besorder, souiller, bes
lancier, disputer; bestondre, tondre mal; bestordre, réprimer (?)
bestorner, tourner à l'envers, altérer, corrompre. Sur l'emploi
de cette particule dans la langue moderne il faut remarquer
P Bes se trouve dans besaigre (emprunté au provençal?),
besaiguë, besas; ajoutons bévue (pour besvue) et brouette pour
berouette < '^besrouette'?).
2^ Bes se retrouve sous les formes altérées ber ou bar dans
berlue, autrefois barlue, proprement mauvaise lumière, dans
barlong, autrefois berlong, beslonc, et peut-être dans barbouquet,
bouton aux lèvres (de bouquet, petite bouche). Une autre alté-
ration se présente peut-être aussi dans balourd, balafre, balèvre.
3^ Dans quelques mots bes a cédé la place à la forme sa-
vante bis. Ainsi besaieul, bescuit, bestourner.
467 BIEN (lat. bene) se combine avec des adjectifs: bien-
aimé, bien-disant, bienheureux, bienséant, bienveillant, bienvenu,
birnvoulu ; moins souvent avec des verbes : bien-dire, bien-faire.
l^'infinitif est substantivé dans le bien-dire, le bien-être, le bien-
mourir.
468. CONTRE (lat. contra) se trouve dans des mots la-
tins comme contredire (con tradicere), contrevenir (co nt ra-
ve n ire), et dans des mots d'emprunt comme contrebande (it.
213
contrabbando), contredanse (angl. coun try-dance). Il
était d'un emploi rare en latin; en français il est assez pro-
ductif et se combine avec des verbes et des noms.
l^' Contre + verbe. Exemples: contre-balancer^ contre- hacher^
contremander, contresigner.
2^ Contre (adverbe) + nom : contre-allée, contre-amiral, contre-
coup, contredanse (danse oii les groupes se font vis-à-vis; à
distinguer de contredanse, altération de l'angl. country-
dan ce, ancienne danse rustique), contrefaçon , contremaîtrey
contremarque, contre-ordre, contre-scel.
3^ Contre (préposition) -|- nom: contre-jour, à contre mesure,
à contre- poil, contrepoison, contresens, contretemps, contrevent,
contre-vérité.
469. DÉS ou DE (devant une consonne) vient du latin dis.
Il a eu une valeur privative et se combine avec des verbes
et des noms.
1^ Dé + verbe : débâcler, débander, débaptiser, débarbouiller^
déblanchir, débloquer, déboiser, débotter, déboutonner, décacheter,
desceller, décentraliser, découvrir, dédaigner, dédire, défaire, dés-
habiller, déshériter. On forme de ces verbes tous les jours.
Exemples: Ils sont défiancés (E. Rostand, Les Romanesques,
p. 53). Aussi donc, j'ai pris mon parti de ne plus dérager
jusqu'à dimanche (P. Hervieu, Peints par eux-mêmes, p. 117).
Désassembler (P. Verlaine, Œuvres complètes, l, 353). Décolérer.
2^ Dé + substantif: déraison, désavantage, déshonneur, dés-
ordre.
3^ Dé ~{- adjectif: déloyal, désagréable, déshonnête, désobligeant.
4^ Dérivés parasynthéliques: débâcher, déballer, débarder, dé-
barquer, déborder, débourgeoiser, débourser, débrutir, déchaîner,
etc. Formations toutes récentes: démarquiser, déprêtr ailler, dé-
prêtriser, déroiser, décolérer, déragér, etc.
Doublets : Dépenser — dispenser.
470. É, autrefois ES, vient du latin ex; il se combine avec
des verbes, moins souvent avec des substantifs.
P É -j- substantif: échantignole, échenal.
2° É + verbe : ébattre, ébranler, échanger, échauffer, émouvoir,
éprouver.
214
3^ Combinaisons parasynthéliques: éborgner, éboiier, ébour-
geonner, ébouler, ébrancher, ébruiter, échanvrer, écorner, égrener,
époumoner.
Doublets. Effeuiller — exfolier, éployer — expliquer, épreindre—
exprimer.
471. EN, ou EM devant une labiale, vient du latin in- (im-):
enceindre (incingere), enflammer (i n fia mm are), employer
(implicare). En français il se joint aux verbes et aux noms:
1^ En + verbe: encommencer, encourir, endormir, enfermer,
enfumer, engeler, enlacer, enrouler, entailler, embattre, etc.
2^ En (préposition) -j- nom : encaisse, enfin, enjeu, entrain.
3^ Formations parasynthétiques : encadrer, encanailler, en-
caver, encourager, endetter, engager, enivrer, emmurer, emper-
ler, etc.
Doublets. Employer — impliquer, empreindre — imprimer, en-
croûter— incruster, endurer — indurer, entendant — intendant, etc.
472. EN, ou EM devant une labiale, dérive du latin inde
(§ 592). Il ne se combine qu'avec des verbes désignant un
mouvement: s'enfuir, s'enlever, s'ensuivre, entraîner, s'envoler,
emmener, emporter. La soudure de la particule est relativement
récente. Dans s'en aller elle ne s'est pas encore accomplie, ni
dans la langue littéraire ni dans l'orthographe.
473. Dans la vieille langue les verbes de mouvement étaient
souvent accompagnés de en qui exprimait d'une façon vague
et indéterminée le point de départ de l'action. On trouve ainsi
en aller, en entrer, en fuir, en issir, en lever, en mener, en par-
tir, en repairier, en revertir, en saillir, en tourner, en venir, etc.
Exemples: J'en vois au roi Artus, beau sire (Beroul, Tristan,
V. 3361). Les chevals broichent , chascuns d'ans c'en avance
(Raoul de Cambrai, v. 2810). Cil en entra chiés un pestor (Be-
roul, Tristan, v. 675). Fors de la chanbre en est issuz (ib..
V. 723). Levez s'en est li chapelains (ib., v. 2549). En ses deduiz
Yseut en meine (ib., v. 4271). Au matinet s'en part Tristrans (ib.,
V. 1423). Cil s'en repaidrent a Rome la citet (Saint Alexis, v. 126).
Par vos m'en estuet revertir (Beroul, Tristan, v. 936). Errant
s'en rest moût tost salliz (ib., v. 746). Iseut s'en tome, il la ra-
pele (ib., v. 197). Par mi les rues en vienent si granz torbes (Saint
215
Alexis, V. 513). Tant a erré voie et sentier — Qu'a la herberge
au forestier — En est venu celeement (Beroul, Tristan, \. 3017
—3019).
Remarque. La soudure d'en avec le verbe peut amener un dédoublement
curieux de la particule. A côté de la construction primitive i7 s'en est fui et
de la construction postérieure i7 s'est enfui, on trouve il s'en est enfui, qui
probablement est à regarder comme une contamination des deux premières
expressions. L'emploi pléonastique d'en n'a été reconnu par la langue litté-
raire que dans un seul cas: il s'en est ensuivi. Pour les détails, voir le para-
graphe suivant.
474. Nous allons maintenant examiner quelques-uns des
verbes cités pour déterminer quand la soudure s'est faite.
En aller (s'). La particule est restée séparable jusqu'à nos
jours dans la langue littéraire; toutes les grammaires en-
seignent qu'il faut dire je m'en suis allé. Dans la langue parlée,
au contraire, il y a une forte tendance à unir les deux élé-
ments et à dire je me suis en allé. Cette tendance, qui com-
mence à prendre pied aussi dans la langue littéraire de nos
jours, remonte au moins au XVIP siècle. Ménage proteste
contre il s en est enallé et il s'est enallé; il les appelle »des fa-
çons de parler vicieuses «, et ajoute qu'il faut dire simplement
il s'en est allé {Observations, p. 384). Pour le XVIIP siècle, nous
n'avons trouvé qu'un seul exemple: J'ai mis la main sur la
grande lettre, & je me suis en allé avec (Dorvigny, Les fausses
confidences. Paris, 1781. P. 18). Au siècle suivant les exemples
fourmillent: Dieu, comme il se sera brusquement en allé (Vic-
tor Hugo, Le roi s'amuse). Quand s'est-il en allé? (Musset, Thé-
âtre, p. 103). Et s'il s'était en allé, que ferions-nous? (Scribe,
Héloïse et Abailard, I, se. 1). Cette dernière s'était en allée (Bour-
get. Mensonges, p. 312). La petite fille paraissait s'être en allée
loin de cette salle (Id., La terre promise, p. 159). Quand ma
femme et moi, les vieux, nous nous serons en allés (P. Her-
vieu. Le Dédale, I, se. 1).
L'emploi du participe passé en allé comme adjectif nous
fournit encore une preuve de la soudure réelle de la particule
au verbe. Surtout les poètes lyriques ont une prédilection pour
cet emploi: Que nous veut ce piège D'être présents bien
qu'exilés, Encore que loin en allés (P. Verlaine, Œuvres com-
plètes, I, 162). Une âme en allée (ib., I, 312). Et l'adoration à
216
l'infini s'étire En des récitatifs lentement en-allés (ib., II, 387).
O sœur des heures en allées (St. Merrill, Poèmes. Paris, 1897.
P. 134). Comme un soupir furtif de femmes en allées {ih. Pa-
ris, 1897. P. 67). Les prosateurs aussi se servent de en allé:
Tant d'amis pour toujours en allés (Bourget, Voyageuses, p. 90).
Sa fille en allée pour toujours (zc/., Complications sentimentales,
p. 278).
Encourir (s'). Ce verbe n'est plus guère usité, mais Liltré
remarque qu'on écrit aussi s'en courir, et le Dictionnaire Gé-
néral dit que la particule est séparable. Je n'ai jamais ren-
contré ni z7 s'est encouru ni z7 s'en est couru.
Enfuir (s*). La particule était séparable encore au XVIP
siècle: Quant il ço sourent qued il foïz s'en eret (St. Alexis,
V. 103). Fuir s'en voelt (Roland, v. 600). Je ne pensai faire tel
perte — Ne foïr m^en a tel poverte ! (Beroul, Tristan, v. 240).
Es landes de Bordele s'en est li dus fuis (Aiol, v. 49). Voici
maintenant quelques exemples du grand siècle: Les Barbares
s'en étaient fuis (Vaugelas, Quinte- Cur ce). Il s'en est fui de chez
moi (MoHère, M. de Pourceaugnac, II, se. 2). Vite, fuis-t'en (La
Fontaine, Contes, IV, 12). Littré remarque: » Aujourd'hui cet
archaïsme est hors d'usage et considéré comme une faute; il
faudrait dire: Enfuis-toi, ils se sont enfuis; mais d'aucune façon
on ne dira ils s'en sont enfuis, c'est une grosse faute. «
Ensauver (s'). Ce verbe inconnu aux dictionnaires existe dans
la langue parlée et apparaît quelquefois dans la littérature :
Elle s'est ensauvée avec son enfant (Frédéric Soulié, Closerie
des genêts, V, 3). La fille ensauvée d'un concierge (Zola, l'Ar-
gent, p. 85).
Ensuivre (s*). La soudure s'est effectuée de bonne heure au
moyen âge. On trouve déjà au XV^ siècle s'en ensuivre: C'est
un haut bien qui de ce fait s'en ensuivra (Cent nouvelles nou-
velles, n° 14). Quels inconvénients auraient pu s'en ensuivre!
(Molière, Amphitryon, II, se. 3). Les grammairiens actuels de-
mandent rigoureusement cette construction. Littré donne comme
exemple: » Voilà le principe: la conséquence s'en ensuivra<^, et
il ajoute: »I1 ne faudrait pas croire que l'on pût écrire s'en
suivre, en deux mots, pour signifier: découler de là; car se
suivre ne se dit pas dans ce sens.« Pourtant beaucoup d'au-
teurs cherchent évidemment à éviter la répétition de la parti-
cule et réduisent il s'en ensuit à il s'en suit. En voici quelques
217
exemples: Elle se reprochait la fin prématurée de sa char-
mante nièce et la perte de sa mère qui s'en étoit suivie (Bernar-
din de St. Pierre, Paul et Virginie). Le hasard nous les a fait
rencontrer; il s'en est suivi quelques propos un peu vifs
(Cinq-Mars, ch. XIV). Les journaux et revues fourniraient des
exemples correspondants nombreux. On trouve couramment:
Un échange de témoins s'en est suivi.
Envoler (s*). La particule était séparable durant tout le
moyen âge: Et les très douces acolees Qui s'en ierent si tost
volées (R. de la Rose, v. 13070). Li jones contes de Flandres
s'en estait volés en France (Froissart, ch. 250). Au XVP siècle
la soudure s'est faite et on. peut même ajouter un nouvel en.
Malherbe ne veut pas qu'on dise s'est envolé, mais s'en est en-
volé (Œuvres, IV, p. 259).
475. ENTRE vient du latin inter. Il se combine en fran-
çais surtout avec des verbes, moins souvent avec des noms.
1^ Entre + verbe. Ces combinaisons se divisent en trois
groupes selon le sens: — a) Verbes réciproques: s' en tr' accuser,
s' entr' aider , s'entr'aimer, s' entrebaiser, s' entredétruire. — b) Verbes
actifs dans lesquels entre signifie 'par le milieu': entrecouper,
entrecroiser, entrelacer, entrelarder, entremêler. — c) Verbes ac-
tifs dans lesquels entre signifie 'à demi' : entre-bâiller, entreclore,
entr'ouvrir, entrevoir.
Soudure. L'origine d'une combinaison telle que s'entr'aimer
est à chercher dans le latin inter se a m are devenu se in-
ter a mare. Pour le vieux français il faut remarquer que la
soudure d'entre au verbe ne s'était pas encore effectuée, et qu'il
pouvait se combiner avec le verbe auxiliaire: S'entre sont Féru
{Méraugis, v. 3012). S"" entre sont damagié (Chev. as deus espees,
V. 823). On trouve encore au XVP siècle dans R. Garnier: Et
s'entresont tuez (Antigone, v. 1005).
Remarque. M. Thurneysen a souligné l'emploi étendu que fait le gallo-
roman de inter joint à un verbe pour exprimer la réciprocité. Gomme un
procédé analogue s'observe en celtique, il suppose que sur ce point, le latin
de la Gaule a été influencé par le gaulois. C'est une hypothèse qui'il est aussi
impossible d'infirmer que de prouver.
2^ Entre -{- nom. Dans ces combinaisons entre peut être ad-
verbe ou préposition. — a) Entre est adverbe dans: entre-bande,
entrebat, entrecours. — b) Entre est préposition dans: entr' acte,
218
entre- colonne, entrecuisse, entredeux, entrefesse, entre-ligne, entre-
mets, entresol, entre-sourcils, entre-voie, etc. On avait en vfr.
entrecor {Romania, XXXIII, 414), entrueil.
476. FOR, autrefois FORS, vient du latin foris. A côté de
for(s) on trouve aussi four-, faux- et hors-. Le latin classique
ne connaissait foris que comme adverbe: foris ferre; l'ita-
lien et le gallo-roman le connaissent aussi comme particule de
composition. En français il a fourni au moyen âge un certain
nombre de formations; dans la langue moderne for- s'est
éteint. For- se combine surtout avec des verbes, rarement avec
des noms.
P Fors + verbe: for clore, forhuer, for jeter, forlancer, forlonger.
L'ancienne langue connaissait en outre: forschacier, forschargier,
forsgeter, forsmarier (d'où formariage), forsmetre, forsostagier,
forspaisier, forspaistre, forspasser, forsporter, forsprendre, etc. —
For- paraît aussi se trouver, sous une forme altérée, dans fau-
filer, faux-fuyant, faux-marcher (cf. I, § 529).
2^ Fors + substantif: forban (celui qui est hors du ban,
qui agit sans autorisation).
3^ Fors -f- adjectif. On ne saurait citer que l'adverbe hormis,
combinaison moderne de hors et du participe mis.
4^ Formations parasynthétiques: forcener (pour forsener), for-
ligner, formuer, forpayser, fortitrer, fourvoyer.
477. MAL, du latin maie, se trouve dans un certain nombre
de juxtaposés; il se combine surtout avec des adjectifs, moins
souvent avec des verbes.
1^ Mal -\- adjectif: maladroit, malaisé, malappris, malavisé,
malcontent, maldisant, malentendu, malgracieux, malhabile, mal-
honnête, malpropre, malsonnant.
2^ Mal 4" verbe : maldonner, malfaire, maltraiter, malverser.
Remarque. Plusieurs des mots cités sont des recompositions; devant une
consonne on avait autrefois maii au lieu de mal: maiicontent, maiigracieiix
(I, § 342, Rem.); on dit encore maupiteux, maussade.
478. MES, devenu MÉ devant une consonne, dérive du la-
tin minus (dont la forme accentuée est moins). Il s'ajoute sur-
tout aux verbes, moins souvent aux noms.
219
1° Mé + substantif: méchef, méplat, mésaise, mésaventure, més-
intelligence.
2^ Mé + adjectif: mécontent. La particule n'est plus recon-
naissable dans méchant, autrefois mescheant.
3^ Mé -f- verbe : mécompter^ méconnaître, mécontenter, mécroire,
médire, méprendre, mépriser, mésarriuer, mésestimer, etc.; on di-
sait en vfr. mesamer, mesconseillier, mesmener, etc.
479. MI, originairement un adjectif (lat. médium) qui variait
de genre, est devenu un vrai préfixe qui ne s'emploie jamais
seul. Il se combine, ordinairement à l'aide d'un tiret, avec des
substantifs, rarement avec des adjectifs et des verbes.
P Mi -\- substantif: la mi-carême, la mi-été, la mi-février, la mi-
Juin, etc. (sur le genre, voir § 712), le mi-fort de Vépée; une étoffe
mi-fil et mi-coton ou par brachylogie mi-fil et coton. Il se trouve
surtout dans des combinaisons précédées de la préposition à: à
mi-chemin, à mi-corps, à mi-côte, à mi-fruit, à mi-montagne, à
mi-sucre, à mi-terme, à mi-voix, etc. En dehors de ces cas qui
nous présentent des combinaisons toutes faites, mi peut spo-
radiquement se joindre à n'importe quel substantif. Rappelons
une ballade de Paul Verlaine où il décrit son jardin mi-
potager et mi-verger.
2^ Mi + adjectif: mi-bis, mi-mort.
3^ Mi -\- verbe : mipartir.
480. NON, particule séparable, se combine surtout avec des
substantifs (et des infinitifs pris substantivement), moins sou-
vent avec des adjectifs. Dans les combinaisons nouvelles —
on en forme tous les jours surtout dans le langage scientifique
— le trait d'union est de rigueur.
1^ Non + substantif: non-activité, nonchaloir, non-conformiste,
non-disponibilité, non-intervention, non-jouissance, non-lieu, non-
prix, non-réussite, non-sens, etc. Les combinaisons non-être, non-
moi sont calquées sur les termes philosophiques allemands
nicht-sein et nicht-ich, qui jouent un rôle important dans la
terminologie scientifique de Fichte et de Hegel.
2^ Non + adjectifs: nonchalant, nonobstant, non pair, non-
pareil.
220
481. OUTRE, du latin ultra, se combine avec des adjectifs
et des verbes: outreciiider (d'où outrecuidant, outrecuidance)^
outrepasser (d'où outrepasse), et des noms: outre-mer^ outre-
tombe.
482. PAR vient du latin per: parcourir (percurrere), par-
jurer (perjurare), parvenir (pervenire), etc. En français
il se combine surtout avec des verbes, moins souvent avec
des noms. Il a une valeur augmentative; dans les verbes il
désigne un achèvement: parfaire = faire jusqu'au bout, comme
percantare = ad finem cantare. Dans les adjectifs il dé-
signe un superlatif absolu: perhorridus veut dire 'horrible
tout au travers'. Des expressions analogues se trouvent dans
les langues germaniques et Scandinaves; comp. ail. durchaus
schlechty dan. gennemmusikaîsk, suéd. genomusel.
P Par -j- verbe: Ces combinaisons étaient très générales dans
la vieille langue: parabatre (détruire entièrement), paraccomplir^
paraller, paramer (aimer passionnément), parassommer (termi-
ner complètement), parauesprir (être tout à fait arrivé au soir),
parbouter, (pousser vivement), parcheoir (tomber entièrement),
par condamner^ parconter, parcouper, parcroistre, parcuire, par-
disner (achever de dîner), pardurer, etc. De ces formations la
langue actuelle n'a retenu que parachever, parfaire, parfondre,
parfournir, parfumer, parsemer.
2^ Par -\- adjectif: paradmirable (très admirable), paradvisé
(bien avisé), paraigu (très aigu), pardifficile, pardurable, par-
égal, parftn, parhorrible.
3^ Par (adverbe) -|- substantif: parfin, parsomme (somme
complète).
4^ Par (préposition) -f- substantif: pardessus, par fond, par-
terre.
Formations analogiques. Profundus était devenu parfont
en ancien français; la forme moderne profond est savante.
Parfdure a remplacé porfûure.
Soudure. En latin per était inséparable: perfundere, per-
facere, perhorridus, perfacilis, per magnus, etc.; en
français par est devenu séparable. Il se détache en ancien
français du verbe principal pour se joindre au verbe auxiliaire :
Com par fui avoglez (St. Alexis, v. 394). Li doze per i parfurent
221
ocis (Mort Aymeri, v. 2665). Tu nos par as toz esperduz (Évan-
gile de Nicodème, B, v. 811).
483. PLUS (lat. plus) se trouve dans les quelques com-
binaisons suivantes: plus-pétition, plus-value, et plupart, autre-
fois pluspart.
484. POUR, du latin pro, se combine surtout avec des
verbes: pourchasser, pourfendre, pourlécher, pourparler, pour-
penser, poursuivre, pourvoir. De telles combinaisons étaient bien
plus fréquentes au moyen âge où on trouve : poraler, porardeir,
porchanter, porfornir, porgarantir^ porgarder, porpoindre, por-
prendre, porsaillir, portraire, etc. Dans tous ces mots pour a un
sens augmentatif: jDorarc/ez>, brûler entièrement; porbattre, battre
de toutes ses forces, comme pourlécher (une des dernières com-
binaisons avec pour), lécher tout autour. L'union de pour et
un substantif est très rare; on ne saurait citer que pourcent,
485. PRÉ (lat. prœ) se trouve dans quelques mots d'em-
prunt: précéder (prgeced ère), précaution (p rsecautio), pré-
destiner (praedestinare), etc. et dans un assez grand nombre
de formations nouvelles. Il se combine surtout avec des verbes:
précompter, prédécéder, prédéterminer, prédisposer, prédominer, pré-
établir, préjuger, etc. Rarement avec des noms: pré-achat, pré-
legs. Formation parasynthétique: préhistorique.
Formation analogique. Préceinte est une altération de l'an-
cien français pourceinte de pourceindre, entourer.
486. Rfc^ provient de lat. re-, dont la forme savante est ré-
(§ 517). On le trouve dans des mots populaires tels que re-
brasser (*rebrachiare), recevoir (recipere), recueillir (II,
§ 66, 3), recouvrer (recuperare), et dans un très grand nombre
de créations françaises.
Redoublement. On peut redoubler ce préfixe. La com-
binaison rere- est surtout employée dans le langage un peu
familier. Elle se présente rarement dans la littérature. Ex-
emples: 11 s'assied, emplit son verre et boit. — Il reboit. —
Il rereboit. On grimpe, on descend, on regrimpe, on redescend,
on reregrimpe (V. Hugo, La dernière gerbe). Il faut bien comp-
222
ter trois mois pour relire, faire copier, re-recorriger la copie et
faire imprimer (Flaubert, Correspondance, III, 216).
•Remarque. Re- a été introduit, par analoj^ie, dans plusieurs mots savants:
relaps, relater, relatif, relaxer, reléguer, reliquat, relique, remède, etc. On
hésite entre reviser et réviser, revision et révision, réclusion et réclusion. On
a hésité autrefois entre réfréner et refréner; c'est la dernière forme qui l'a
emporté: sur revendication, voir II, § 233,2.
487. Particularités de forme. La combinaison de re- avec
un mot amène certaines particularités orthographiques et pho-
nétiques.
P Re devant une consonne. Rien à remarquer que pour les
mots qui commencent par un s. Re -\- dire devient redire, et
on a de même refaire, reprendre, etc., etc., tandis que re + sen-
tir devient ressentir [rasâti:r]; comme un s simple intervoca-
lique se prononce [z], on a voulu éviter la graphie resentir, et
on a redoublé la consonne, mais on perd autant que l'on
gagne par ce procédé qui indique très mal la prononciation
de Ye. Voici quelques exemples du redoublement de s: res-
saigner, ressaisir, ressasser, ressaut, ressauter, ressembler, ressentir,
resserrer, ressortir, ressouder, ressource, ressouvenir, ressuer.
2^ Dans les compositions modernes, en tant qu'elles sortent
trop de la langue officiellement reconnue, re- s'attache volon-
tiers au verbe à l'aide d'un tiret, évidemment pour désigner,
par une orthographe particulière, le nouveau mot comme une
création absolument individuelle. En voici quelques exemples,
tous tirés de la Correspondance de Flaubert: Je re-suis à flot
(IV, 93). Ma mère se re-mourait (ib., p. 103). Un re-four (ib.,
p. 90). Une re-promenade {ib., p. 63).
3* Re devant une voyelle. Régulièrement re perd son e sans
que l'amuïssement soit indiqué par une apostrophe: racheter,
ranimer, rappeler, rhabiller, récrire, remplir, rouvrir, etc.
4^ Dans les compositions nouvelles on peut garder la voyelle
ou l'élider. Si l'on garde la voyelle, re- est remplacé par ré-.
Ainsi pour dire 'organiser de nouveau' on préfère réorganiser
à rorganiser (voir §518); ce n'est qu'exceptionnellement qu'on
emploie re-: J'ai reécrit la préface (Flaubert, Correspondance).
Dans ce dernier cas nous avons affaire à une sorte de re-
composition (comp. § 4:58). Si l'on ne garde pas la voyelle,
son élision est le plus souvent indiquée par une apostrophe.
223
Nous empruntons les exemples suivants à l'étude de M. Mei-
nicke: Évidemment, elle se demandait comment deux êtres
qui avaient été sur le point de se quitter pour la vie, pou-
vaient subitement redevenir unis et se »r' aimera. Tel est son
mot. Elle me dit sérieusement, pour indiquer une date: » De-
puis que papa vous r'aime, maman . . .« (M. Prévost, L'heu-
reux ménage, p. 262). Hâtivement, à l'aveuglette, elle refait sa
toilette, rarrange ses cheveux (Toudouze, La Fleur Bleue, p. 201).
D'abord, tu voulais faire un roman, puis c'a été un voyage.
Puis, ce rest un roman (Flaubert, Correspondance, III, 192).
488. Re -j- verbe. Cette combinaison est extrêmement géné-
rale : reboutonner, recourber, redire, refaire, reprendre, revenir,
revoir, etc., etc. Sporadiquement re- se joint à n'importe quel
verbe pour marquer la répétition: mourir — remourir, etc. Rap-
pelons que ravoir, qui était autrefois d'un usage plus général,
n'est guère usité qu'à l'infinitif; on l'emploie cependant fami-
lièrement au futur et au conditionnel: Je veux ravoir mon
livre et le raurai. Je le raurais si je voulais.
Doublets. A côté des mots en re- on trouve parfois des
doublets en ré-. Il faut distinguer trois groupes principaux:
P Le même mot latin a passé en français sous une forme
populaire (re-J et sous une forme savante (ré-J. Exemples :
recolligere > recueillir — récolliger, récupéra re > recouvrer
— récupérer. Notez que de relax (ic)are on a relâcher et relaxer.
2^ A côté d'une composition française en re- on trouve un
doublet en ré- emprunté au latin: recréer — récréer (recreare),
reformer — réformer (r e f o r m a r e), reparer — réparer (r e p a r a r e),
reprouver — réprouver (reprobare), resigner — résigner (r e -
signare), Comp. repondre — répondre (r es pond ère).
3^ A côté d'une création française en re- on trouve un
doublet impropre en ré- dont l'é appartient au verbe: rechauf-
fer (re + chauffer) — réchauffer (re -\- échauffer), recrier (re -\- crier)
—récrier (re + écrier), remoudre — rémoudre, reteindre — réteindre,
retendre — rétendre,
489. Re -\- substantif. Ces combinaisons sont constantes ou
sporadiques.
P L'union fixe de re- avec un substantif se trouve dans
rebord, recoin, reflux, repic et en outre dans beaucoup de mots
224
en -tion : recomposition, reconstitution, reconstruction, reconvention.
On trouve dans la vieille langue: reaoust (double récolte), re-
tiras (bord retroussé, repli), recoup (second coup, contre-coup),
redon (don fait en retour d'un autre don), à redos (dos à dos),
regort (eau profonde, baie), etc.
2^ Re- peut se joindre sporadiquement à n'importe quel
substantif pour indiquer la répétition. La Correspondance de
Plaubert en offre des exemples curieux: En fait de nouvelle,
il y a du re-calme (III, 349). Le bon Offenbach a eu un re-
four à rOpsra-Gomique (IV, 90). J'étais brute et étourdi; mais
ce soir (j'ai fait diète toute la journée) la revigueur m'est re-
venue (II, 217). Tu serais bien aimable de m'envoyer une re-
Comtesse de Chalis, pour la répandre. La mienne est déjà
éreintée (III, 353). Me revoilà à Croisset pour deux mois et
dans le re-Saint Antoine (III, 43). Des processions — c'était à
la brasserie — de bocks et de rebocks (P. Hervieu, Peints par
eux-mêmes, p. 189). Cet emploi de re- appartient surtout au
langage un peu familier. On se rappelle les vives critiques du
rebonsoir de Un caprice. En parlant de cette pièce Mme Arvède
Barine remarque: » Personne, ou à peu près, ne savait d'où
cela sortait. Et puis, c'était mal écrit: >yRebonsoir, chère! En
quelle langue est cela?« disait Samson suffoqué. Le lendemain
de la première, revirement complet« (Musset, p. 148).
490. Re -\~ adjectif. La combinaison de re- avec un adjectif
était assez ordinaire en latin: recurvus, reduncus, renu-
dus, etc. Elle est presque inconnue au français; rebours et
recoi ne sont pas des créations nouvelles, ils reproduisent pro-
bablement des combinaisons latines.
491. Re + pronom. Combinaison qui paraît extrêmement
rare. Je n'en connais qu'un seul exemple: C'est remoi, tante
Josette (Gyp, Mr. le duc, p. 217).
492. Re + nom de nombre. On trouve sporadiquement ré-
uni à un nom de nombre cardinal. Ex.: Bientôt, la bataille
recommença, et on n'entendit plus que des voix grêles et po-
tinières, avec le refrain des joueurs et le cliquetis des domi-
nos, sur la table de marbre. — A vous, la pose. — J'ai le
patard. — Du quatre, — Et du re-quatre (Dubut de Laforest,
225
Morphine, p. 4). Dans la vieille langue re- se combinait avec
des noms de nombres ordinaux pour former des substantifs:
redisme (seconde dîme, le dixième du dixième), requart (quart
de la quatrième partie), requint (la cinquième partie du cin-
quième), retiers (le tiers du troisième).
493. Re -{- particule. Re se joint à voici et surtout à voilà.
Ex.: Me revoici. Revoilà le chien qui hurle (G. de Maupassant,
Petite Roque, p. 158). Et nous revoilà partis, Dieu sait pour où
(Soirées de Médan, p. 123). On trouve aussi dans la vieille
langue res, contraction de re et es (§ 592). En dehors de ces
cas, re- s'unit à bravo, d'où rebravo. Une formation indivi-
duelle curieuse se trouve dans l'exemple suivant: — Et les
imitant, elle continua: «L'histoire de France tout entière???
— Ah!!! — Et la syntaxe??? — Oh!!! — En troisième à
treize ans??? — reoh!!!« (Gyp, Petit bleu, p. 67).
494. Soudure. Quant à la place de re- on observe une dif-
férence fondamentale entre le vieux français et le français
moderne dans les cas où il s'agit d'une combinaison où
entrent un verbe principal et un verbe auxiliaire ou modal.
Actuellement re- accompagne toujours le verbe principal (ils
sont revenus, il peut le refaire); au moyen âge il s'attachait au
verbe auxiliaire (il resont venu) ou modal (repuet le faire).
Exemples :
P Re -{- avoir: Et l'empereres rot assemblées ses genz (Ville-
hardouin, § 451). Et autressi Fromons li parjurez — Ra touz ses
homes rengiez et aunez (Jourdains de Blaivies, v. 3927—3928).
2^ Re + estre: Nicholes rest venuz arrière (Guillaume de Dole,
V. 1501). Et en mains leus refurent les eschieles des nés si
aprochies (Villehardouin, § 237). Là refu li trésors si très granz
trovez (ib., § 250). Et des borjois se rest chascuns armez (Jour-
dains de Blaivies, v. 3926). A lor voye mis se ressont (Richars
li biaus, v, 4002).
3° Re + aller: Et li traîtres /-eyazï ceuls envaïr (Jourdains de
Blaivies, v. 4001).
4° Re -f- cuidier: Plusour de nos gens recuidierent passer à
nou (à la nage; Joinville, § 235).
5^ Re + deveir: Des Alemenz vos redevom conter (Narbon-
nais, V. 2465). Redoit conquerre Aijmer le baron (ib., v. 2853).
15
226
El bien le redevoient faire (Péan Gastinel, Vie de saint Martin,
V. 4649).
6^ Re + faire: Le tierz refait contre terre chaïr (Jourdains
de Blaivies, v. 4008).
7^ Re -\- poeir: Et se ne me repuis tenir — Que jou ne cant
(Màtzner, Altfranzôsische Lieder, 38, 5). Or repiiet cil à l'uis
huchier (Dolopathos, v. 11176).
8^ Re + voleir: D'iceste onour nem revueil encombrer (St.
Alexis, V. 188). Revolez vos a Troie aler (Enéas, v. 5684).
Cas isolé. Il faut enfin observer que re- peut se séparer en-
tièrement du verbe et précéder les pronoms le, la, lor, se et les
adverbes pronominaux en, y. Cette particularité est propre à
la Vie de Saint Martin, écrite en Touraine par Péan Gastinel,
vers 1200. Lonc tens fut la terre essilee, — Tant que Dex
reVot aveiee (v. 7879 — 7880). Puis a de l'eve des fons prise —
Et re Va derechief enquise — Que savoit (v. 5775 — 5777). Et
sainz Martins relor ajue (v. 4722). Grant pièce einsi se demen-
terent, — Tant que vers Tors res'adrecerent (v. 10075 — 10076).
L'empereriz et l'emperieres — Et l'arcevesque res' assistrent
(v. 846 — 847). Et mainte d'els res'enfoïrent (v. 7665). Et puis
res'en alerent (v. 8786). R'en vint uns autres ensement (v. 4428).
Cist r'en fist maintes aveier (v. 4613). De Pauluau r'i fut venue
(v. 9201). Uns fi vint qui ravoit perie (v. 5573). Et fondé
r'z a mainte église (v. 9836). Ri viennent et por els esbatre
(v. 9421). Comme l'a fait voir M. E. Herzog, le même phéno-
mène se trouve aussi mais très rarement dans quelques autres
textes : Blanche color fi ot {Macé de la Charité, v. 4355). Mais
ce re /n'esmaie (Cligés, ms. T., v. 4442).
495. Signification. L'emploi de re- présente un grand nombre
de nuances sémantiques extrêmement fines pour lesquelles nous
renvoyons à l'élude détaillée et consciencieuse de M. Max Mei-
nicke, en nous bornant ici à une indication sommaire de
quelques groupes principaux.
P Re indique la simple répétition d'une action: redire, dire
une seconde fois; comp. refaire, revoir. Rebâtissez le temple,
amis; faites renaître — Un culte somptueux, — (Rostand, La
Samaritaine, p. 14). Il peut aussi indiquer une répétition mul-
tiple: une question rebattue, un chemin rebattu. Ce sont les
227
seules significations qui soient restées vivantes et productives
dans la langue moderne.
2^ Re indique la répétition d'une action par rapport à un
autre sujet; il prend ainsi le sens de 'de mon côté', 'de ton
côté', etc. ou de 'quant à moi', 'quant à toi', etc. Cet emploi est
propre à la vieille langue où il est très répandu. Exemples:
La femele est foillue — Cum foille de laitue, Li masles foilluz
rest — Si cume la [bete] est (Philippe de Thaûn, Bestiaire,
V. 1577). Na encor pas XXV ans passé Que je re/uz an estrange
régné {Narbonnais, v. 2965 — 6). Et l'en chaïrent as piez mult
plorant, et il lor rechiet as piez, et dit que il le fera mult vo-
lentiers (Villehardouin, § 43). Et quant cil les virent venir, si
corurent à lor armes; que il cuiderent que cil fuissent Grieu,
et cil recuiderent altressi d'aus {id., § 383). Ele ot paor que,
s'ele i entroit, qu'eles ne l'ocesiscent, si se repensa que s'on le
trovoit iluec, c'on le remenroit en le vile (Aucassin et Nicolete,
16, 31). Et tu me redevroies dire Queus hon tu ies et que tu
quiers (Cheval, au lion, v. 356—357). Et d'autre part mes sire
Yvains Ne restait mie trestoz sains (ib., v. 4561 — 62).
3^ Re indique un rétablissement dans le premier état: re-
gagner sa place, regagner la confiance de son maître.
4^ Re indique une rétrogradation: retourner dans son exil;
au lieu d'agir il recule. Re se rapporte souvent à un temps
passé: Sa lettre m'a ramené à cinquante ans en arrière. Je me
reportais au souvenir de mon enfance. Il faut remonter un peu
plus loin.
5^ Re indique une opposition, une réaction: Nous citerons
comme exemples les verbes se rebiffer et se rebéquer.
6^ Re indique la réciprocité, l'échange.
7^ Re peut avoir une valeur augmentative, l'idée d'une ré-
pétition conduisant facilement à celle d'une augmentation.
Roublier signifie d'abord oublier de nouveau, puis oublier tout
à fait: Va coquin: va, sanglant paillard; Tu me refais trop le
gaillard (Patelin, v. 949). Si ne sçavoient en quelle manière
ilz le dévoient remercier ne regracier le bien et l'honneur qu'il
leur avoit fait (Jehan de Paris, p. 16). La valeur augmentative
de re est encore appréciable dans rechercher, recoin, relent, re-
luire, raffoler, ressentir.
15*
228
8° Souvent le sens de re- est tout à fait effacé, de sorte que
le dérivé exprime la même idée que le simple. Ce phénomène
est surtout fréquent dans la langue populaire qui abuse de
re-. Darmesteter cite les exemples suivants: rappeler en justice
pour appeler en justice; remplir son verre pour emplir son verre;
remonter sa montre pour monter sa montre; rétamer, récurer,
rappropier^ rassortir, renforcer pour étamer, etc.; une resserre
pour une serre. Des exemples correspondants se rencontrent
aussi hors de la langue populaire. Re a perdu sa valeur dans les
cas où le verbe simple a disparu: ainsi remercier a tout à fait
remplacé l'ancien verbe mercier resté en usage jusqu'au XVP
siècle; de la même manière, raconter a remplacé aconter. Hors
de ces cas particuliers re- sl perdu sa valeur dans receler, ren-
fermer et quelques autres.
Remarque. Dans le parler belge actuel re- a beaucoup perdu de sa valeur
primitive, tout comme dans l'argot de Paris. M. Gustave Cohen remarque: »0n
entend couramment cette phrase: Ça ne sait pas rentrer dedans, pour: Cela
ne peut pas y entrer. On préfère récurer à écurer, relaver à laver, rallonge à
allonge^ (Le parler belge, dans Skandinavisk Mânadsrevy. 1906, p. 166).
496. SANS vient de sine; il est toujours préposition et ne
s'unit qu'aux substantifs. Exemples : un sans-cœur, un sans-
culotte, une sans-dent, un sans-façon, une (pomme) sans-fleur, un
sans-gêne, une (poire) sans-peau, un sans-souci. Dans la langue
d'aujourd'hui on trouve plusieurs combinaisons nouvelles: La-
bosse n'est pas un sans-patrie (Lavedan, Vieux marcheur, p. 5).
Je ne serais plus un homme, je serais l'irresponsable, le sans
jugement et le sans volonté (Dujardin, Les lauriers sont coupés,
p. 28). Tous ces mots sont des substantifs; on leur donne très
rarement une fonction adjectivale, comme dans l'exemple sui-
vant : L'anglais ... est devenu le plus rapide et le plus sans-
gêne des idiomes (M. Bréal dans La Revue de Paris, 1901, IV,
237).
497. SOU ou SOUS vient de subtus. Cette particule s'unit
avec les verbes et les noms; on emploie sou dans les com-
binaisons anciennes: soulever, et sous principalement dans les
combinaisons nouvelles: sous-archiviste, sous-bois, sous- amender .
On hésite entre soubarbe, sougarde, sougorge, soupied et sous-
barbe, sous-garde, sous-gorge, sous-pied (comp. I, § 463, 3).
229
P Sous + verbe: soulever, souligner, soumettre, sourire, sou-
tenir, soutirer, souvenir, sous-affermer, sous-amender, sous-entendre,
sous-freter, sous-louer, etc. Parmi les composés morts, rappelons
sou-pleurer (Perret, Les héros subalternes, 6, p. 54).
2^ Sous + substantif: soucoupe, sous-aide, sous-bail, sous-
jupe, etc.
Remarque. Dans plusieurs cas il y a eu hésitation entre sons et sub. A
côté de sous-entendre on trouve au XVle siècle sub-entendre, qui n'a pas ré-
ussi; d'un autre côté sous-diviser a été remplacé par sub-diviser.
498. SUR dérive du latin super; il se combine avec des
verbes et des noms.
1^ Sur + verbe: surabonder, suracheter, surajouter, surchar-
ger, surchauffer, surexciter, surestimer, surmener, surpasser, sur-
prendre, etc. On trouve aussi beaucoup de formations indivi-
duelles, Flaubert écrit: Adieu, pauvre tante adorée; je t'em-
brasse, et je te surembrasse (Correspondance, I, 293). Je me
suis surembêté ces jours-ci d'une façon truculente (ib., I, 293).
2^ Sur -\- substantif. Dans ce cas sur- peut être adverbe
comme dans surarbitre, surenchère, suroffre, survaleur, etc. ou
préposition: surlendemain, surtout. On ne trouve pas de com-
posé nouveau où sur soit préposition.
3^ Sur -\- adjectif: surabondant, suraigu, surcomposé, surfin,
surhumain, surnaturel.
499. SUS, du latin susum pour sur su m, se combine en
français avec des noms; il est adverbe ou préposition.
1^ Sus, adverbe: susdénommé, susdit, susénoncé, susmentionné,
susnommé, susrelaté.
2^ Sus employé comme préposition se trouve dans quelques
parasynthétiques appartenant à la langue savante: sus-hépa-
tique, sus-nasale, sus-pubien.
500. TRES (ou TRÉ, TRÈ) du latin trans, devenu tras
(I, § 318,3). Il se combine surtout avec les verbes: tresaller,
trébucher (de bue, tronc du corps, et très, indiquant le déplace-
ment), trépasser (d'où trépas, trépassement), tressaillir, tressauter.
On trouve dans la vieille langue tresbatre, tresboivre, très-
230
changier^ trescolper, très frémir, tresjeler, treslancier, tresmuer, tres-
poindre (d'où trépointe), etc. Il se combine rarement avec des
noms comme dans tréfonds.
501. VI, suffixe à demi-populaire, reproduit le latin vice.
On le trouve dans vicomte (< vfr. visconte < vice comité m),
d'où vicomte, vicomtesse, et vidame (<vfr. visdame < vice-
dominus), d'où vidamé, vidamesse.
CHAPITRE III.
PRÉFIXES LATINS D'ORIGINE SAVANTE.
502. Les préfixes savants que nous allons étudier sont : ab-,
anté-, anti-, archi-, bis-, circon-, cis-, co- (con-, com-), dis-, ex-,
extra-, in- (im-), inter-, pro-, ré-, sub-, super-, trans-, ultra-, vice-.
A l'exception de ré-, ils ne jouent qu'un rôle relativement
modeste dans la langue moderne. Plusieurs d'entre eux appar-
tiennent presque exclusivement à la langue savante, d'autres
au contraire ont été adoptés dans la langue courante (extra-),
et même dans la langue vulgaire (archi-).
503. AB (lat. ab-) se trouve dans beaucoup de mots sa-
vants: abdiquer, absorber, abstinence, abstraction, etc. Comme
formation nouvelle on ne saurait citer que abducteur et ab-
duction, tirés du lat. abducere.
Remarque. Le 5 a été restauré par réaction savante dans plusieurs mots
tels que absoudre, abstenir (comp. I, § 119).
504. ANTÉ reproduit ante. On le trouve dails des mots
empruntés: antécesseur (a n te ce s so rem), anté fixe (antefixa)
et dans quelques formations nouvelles:
1^ Anté- + adjectif: antédiluvien, anténuptial, antéhistorique.
2^ Anté- + substantif: anté-version, anté-occupation.
Cas isolé. Anthélix est une combinaison de ante et hélix
(cf. § 66).
Formation analogique. Dans antéchrist il y a confusion entre
ante- et dvxi- (§ 505); le bas-latin antechristus est pour
antichristus < grec dvrixQiOxog. Rabelais écrivait antichrist.
232
505. ANTI est emprunté du grec dwl. Il marque une op-
position et se combine avec des substantifs et des adjectifs.
Nous le trouvons dans des mots d'emprunt: antidote (ccrtl-
ôoTog)^ antUogie (dvTikoyla), antipathie (dvTCTiad^ia), etc. et dans
des formations nouvelles nombreuses; on en crée à tout mo-
ment: J'ai cessé d'être anti-mondain, aussi bien q\i' anti-concierge
ou anti-bicycliste. Je ne suis plus particulièrement anti-rien, à
force sans doute d'être devenu anti-tout (P. Hervieu, Peints par
eux-mêmes, p. 178). Voici quelques-unes des formations que
donnent les dictionnaires:
1^ Anti- + substantif: antiarislocrate, antichristianisme, anti-
crépuscule, antidogmatisme, anti-nature, anti-pape, antipartenaire.
2^ Anti- + adjectif: anti-apoplectique, anti-chrétien, anti-divin,
anti-dramatique, anti-fébrile, anti-militaire, anti- rationnel, anti-répu-
blicain, anti-social, etc.
Cas isolés. Anti- remplace anté- dans antichambre, formé
d'après l'ital. anticamera (Pasquier préférait az;a/7/-c/ia/776re),
et antidate; ajoutons les deux termes techniques anticabinet
(pièce qui précède un cabinet), et antipied (pied ou patte de
devant d'un mammifère). Inversement anti- a été supplanté
par anté- dans antéchrist (voir § 504, 2).
506. ARCHI est emprunté de dçxL H se trouve dans des
mots d'emprunt: archidiacre {dqxiÔLduovog), archiépiscopal, archi-
triclin et dans plusieurs combinaisons nouvelles : archichancelier,
archiduc. Dans le langage familier il est devenu d'un emploi
assez étendu; il exprime l'idée du superlatif et se construit
avec des substantifs, des adjectifs et des participes passés;
pour les exemples, voir II, § 472, 2.
507. BIS ou BI, en latin bis- ou bi-, indique un redouble-
ment: bissextil (bissextilis). Le sens étymologique se re-
trouve dans les formations françaises. Dans quelques cas où
bis- a remplacé bes- (§ 466), elles présentent le sens péjoratif
propre à cette forme.
1^ Bis- se combine avec des substantifs: bissac (doublet de
besace), bissecteur, bissection, bissoc; avec des adjectifs: bisannuel,
biscuit, bissexuel; avec des verbes: bistourner. Il a le sens péjo-
ratif dans biscornu, bistourner.
233
2^ Bi- s'emploie dans quelques mots savants et techniques:
bicarbonate, bidenté, bipède, bivalve.
508. CIRCON (ou CIRCOM devant une labiale) reproduit
le latin circum-; on trouve aussi dans des mots plus récents
la pure forme latine CIRCUM (cf. I, § 318, i). Cette particule
se trouve dans des mots d'emprunt: circonflexe (circum-
flexus), circonlocution (circumlocutio), circonvenir (cir-
cumvenire), circumnavigation (circumnavigatio) et dans
quelques combinaisons nouvelles : circompolaire, circumméridien,
circumzénithal, circumnavigateur.
509. CIS (lat. cis-) s'emploie dans quelques combinaisons
appartenant à la nomenclature géographique : cisalpin, cisjuran,
cismoniain, cisleiihan, cispadan, cisrhénan.
510. CO, CON, COM, formes collatérales du même mot;
elles indiquent réunion, adjonction.
P CO reproduit le latin co- employé dans coemere, co-
ire, coemptio, cohabitator, etc. Il se combine avec les
noms et les verbes : Co -\- substantif: coacquéreur, coaccusé, co-
associé, codébiteur, codemandeur, codétenu, coefficient, coétat, co-
héritier, coïntéressé, cojouissance, coreligionnaire, cosignataire, etc.
— Co -{- verbe : coexister.
2^ CON ou COM devant une labiale est le latin cum-. Il se
trouve dans beaucoup de mots d'emprunt: concéder, concorder,
concourir, conférer, combattre, commettre, complaindre; confiance,
commisération; condigne. Les formations françaises sont peu
nombreuses. Le préfixe se combine surtout avec des substan-
tifs: concitoyen, condisciple, confrère, commère, compatriote,
compère; rarement avec des verbes: controuver. Notons aussi
quelques formations parasynthétiques: concentrer, confronter.
511. DIS est le latin dis-, dont la forme populaire est dé-
(§ 469). Il se trouve dans des mots savants tels que discerner,
discorde, dissimuler, etc.; dans des mots d'emprunt venant sur-
tout de l'italien: discompte (disconto), discrédit (discredito),
disgrâce (disgrazia); dans quelques mots faits sur des mo-
dèles étrangers: discourtois (it. discortese), disqualifier (angl.
disqualify). Les formations françaises ne sont pas nom-
234
breuses: discontinuité, dissymétrie (G. Paris, Discours de récep-
tion, p. 29), dissemblable.
Remarque. Dans plusieurs cas dis- s'est substitué par réaction savante et
étymologique à des-; ainsi on a dit desconvenance, descordance, desculper,
avant de dire disconvenance, discordance, disculper.
512. EX, en latin ex-, se trouve dans des mots d'emprunt:
excéder (excéder e), exciter (excitare), exclamer (excla-
mare), exclure (excludere), etc. En français il se joint par
un trait d'union à un nom désignant l'état, la profession de
quelqu'un pour exprimer que la personne n'est plus dans cet
état, dans cette profession: ex-député, ex-laquais, ex-ministre,
ex-préfet, ex-roi, etc.; on trouve même des combinaisons comme
ex-femme, ex-hôtesse, ex-protecteur, etc. Cet emploi de ex-, qui
date de la Révolution, a pénétré profondément dans la langue.
513. EXTRA (en latin extra-) se trouve dans des mots d'em-
prunt tels que extraordinaire (extraordinarius) et dans des
formations nouvelles; il se combine avec des noms soit comme
adverbe, soit comme préposition.
P Comme adverbe extra- se combine avec des adjectifs
auxquels il donne un sens superlatif: extra-blanc, extra-bon^
extra- fin, extra- fort.
2^ Comme préposition extra- se combine surtout dans la
langue savante avec des adjectifs: extra-judiciaire, extra- naturel,
extra-personnel, extra-statutaire, extra-utérin.
3^ Combinaison parasynthétique : extravaser.
514. IN reproduit in-: inhabile (inhabilis), injuste (in-
justus), inquiet (inquietus), etc. On écrit im- devant une
labiale : immobile (i m m o b i 1 i s), impair (i m p a r), implacable
(im plaça bi lis), et il y a assimilation devant / et r: illégal
(i 1 1 e g a 1 i s), illégitime (i 1 1 e g i t i m u s), irrégulier (irregulari s),
irréparable (irreparabilis). Les mêmes changements s'ob-
servent dans les nouvelles créations: imbuvable, impliable^ im-
productif, illisible, illogique, irréductible, irrespect, etc. L'assimila-
tion, qu'elle soit orthographique ou phonétique, est de rigueur.
On trouve pourtant inreprochable (XY^ siècle) pour irréprochable,
et on a dit inlisible à côté de illisible. Le préfixe in- est très
235
employé surtout depuis le XVIP siècle ; il se combine avec les
adjectifs et les participes, rarement avec les verbes.
P In- + substantif: inaltération, incandeur, inconscience, in-
continuité, inconviction, inharmonie, ininterruption, insuccès, ir-
respect. Au temps de la Révolution on poursuivait les im-
patriotes.
2^ In- + adjectif: improfitable, improtégé, inassorti, inautorisé,
inchrétien, incivilisable, inconsolé, inépuisé, inexploré, infumable,
inglorieux (A. France, Le mannequin d'osier, p. 243), inintelli-
gent, inofficiel, inversable, invrai (Goncourt, Manette Salomon,
p. 368).
3^ In- + verbe : indigérer.
Remarque. Il faut remarquer qu'à côté des combinaisons avec in- on ne
trouve pas toujours une forme simple sans in-. Tandis que incroyable dérive
de croyable, inusable ne dérive pas d'iisable: c'est une formation négative
tirée directement du verbe user.
515. INTER (lat. inter-) se trouve dans quelques mots sa-
vants: intercéder (intercedere), interdiction (interdictio) et
dans un certain nombre de créations françaises; il se combine
surtout avec des adjectifs, moins souvent avec des verbes:
P Inter- + adjectif: intercontinental, interocéanique, intermaxil-
laire, interparlementaire, interplanétaire.
2^ Inter- -f- substantif: intercommunication, intercourse, inter-
dépendance, interligne.
3^ Inter- + verbe: interjeter, interposer; ajoutons le para-
synthétique interfolier.
Doublets. Dans plusieurs mots il y a eu hésitation entre
inter- et la forme populaire entre; on a dit autrefois entrevenir,
entredit, etc. ; c'est la forme savante qui l'emporte. 'Dans la
langue moderne on note les doublets entreposer — interposer,
entrevue — interview.
516. PRO (lat. pro) se trouve dans des mots empruntés:
procéder, proclamer, procréer, produire, proéminent, etc. et dans
quelques rares créations françaises: projeter, proposer (à l'imi-
tation de projicere, proponere).
Formations analogiques. Par réaction savante, pro- a rem-
placé pour- dans promener, en vfr. pormener, et profil (de l'it.
proffilo) qui se prononçait pour fil aux XVP et XVIP siècles.
236
517. RÉ remonte au lalin re-: régénérer (regenerare), ré-
génération (regeneralio), réparer (reparare), répéter (re-
petere), réserver (reservare), révolution (révolu tio), etc.
Tandis que re- est ordinairement réservé aux mots populaires
(§ 486), ré- est surtout propre aux mots savants: récidive, ré-
ciproque, rédacteur, réfraction, régulier, répertoire, réserve, rétro-
grade, révérence, etc., etc.; comp. réception — recevoir, récogni-
tion— reconnaître. Dans quelques mots il reproduit l'italien ri-:
réussir (ri us cire).
518. Dans les formations françaises, ré- ne s'ajoute qu'aux
mots commençant par une voyelle: action — réaction, agir —
réagir, etc. (mais gagner — regagner, coin — recoin, etc.). Le point
de départ de ces formes se trouve dans des mots d'emprunt
comme réintégrer (réintégra re), réitérer (reiterare), qui re-
montent au moyen âge. Sur leur modèle on créa réadrecier,
réaler, réalier, réamener, réestorer, etc., et plus nous nous ap-
prochons des temps modernes, plus ces formations deviennent
fréquentes. De nos jours, ré- peut s'unir à tout verbe com-
mençant par une voyelle, moins souvent à un nom.
1^ /?é + verbe: réagir, réajourner, réapparaître, réappeler, ré-
argenter, réassurer, réédifier, rééditer, réélire, réhabiliter, réhabi-
tuer, réimposer, réimprimer, réoccuper, réorchestrer, réorganiser.
2^ /?é + substantif: réaction, réapparition, réappel, réapposition,
réassignation, réélection, réinstallation, réordination, réouverture.
3^ Ré- + adjectif: réactif, rééligible,
519. Concurrence de formes. Sur l'emploi de r(e)- ou ré-
devant une voyelle, il faut noter les points suivants:
P Parfois les vieilles formes contractées ont été remplacées
par des recompositions: vfr. rarmer, maintenant réarmer; vfr.
râteler — réatteler.
2^ Souvent on a créé à côté des vieilles formes contractées
des recompositions nouvelles offrant le même sens: raccorder
— réaccorder, raccrocher — réaccrocher, racquérir — réacquérir, rac-
commoder —réaccommoder, rajuster — réajuster, rapprendre— réap-
prendre, rapprovisionner — réapprovisionner, remballer — réemballer,
rembarquer — réembarquer, rhabituer— réhabituer.
3^ Dans quelques cas isolés, les doublets en ré- offrent un
sens nouveau: rappeler — réappeler, rassurer — réassurer.
237
520. SUB (lat. sub-) se trouve dans plusieurs mots d'em-
prunt: subalterne (subalternus), subdivision (subdivisio),
subordination (s u b o r d i n a t i o), submerger (s u b m e r g e r e), etc.
et dans quelques combinaisons nouvelles: subdéléguer, subdivi-
ser, subordonner. Il forme surtout des adjectifs parasynthé-
tiques: sub-alpin, sub-brachien, sub-lunaire, sub-tropical, etc.
521. SUPER (lat. super-) se trouve dans quelques mots em-
pruntés: superflu, superposition, etc. et dans un petit nombre
de formations françaises: superflu, superposer.
522. TRANS, forme savante de très- (§ 500), se trouve dans
des mots d'emprunt: transaction (transactio), transflgurer
(transfigurare), etc. et dans quelques créations nouvelles.
Il se combine surtout avec des adjectifs : transatlantique, trans-
continental, transdanubien, et moins souvent avec des verbes:
transpercer, transposer, transsuder, transvider.
Remarque. Quelques-uns des mots savants commençant par trans ont rem-
placé d'anciennes formes avec très: avant de dire transformer, transplanter,
on a dit tresformer, tresplanter.
523. ULTRA, doublet savant de outre (§ 481), a pris un dé-
veloppement marqué dans la langue moderne. Il se combine
ordinairement avec des adjectifs: ultra- libéral, ultra- montain,
ultra-radical, ultra- royaliste, ultra-violet. On trouve aussi ultra-
montanisme, ultra-montaniser. Comp. § 455, 4.
524. VICE reproduit le latin vice- (sur le doublet vi-, voir
§ 501). Il se combine avec des substantifs: vice-amiral, vice-
amirauté, vice- chancelier, vice-consul, vice-président, vice-présidence,
vice-roi, etc.
CHAPITRE IV.
PRÉFIXES D'ORIGINE ETRANGERE.
525. Comme nous l'avons dit, les préfixes d'origine étran-
gère sont très peu nombreux, et leur emploi est assez restreint.
On ne saurait citer que ca-, qui vient du néerlandais, for- qui
reproduit trois préfixes étrangers, l'ail, ver-, l'ail, vor-, l'angl.
for-, et para-, emprunté de l'italien.
526. CA, qui se présente aussi sous les formes cha-, ga-,
cal-, cale-, cali-, car-, gai-, gale-, gali-, gare-, apparaît dès le
XIIP siècle et semble originairement propre à la langue vul-
gaire. Comme point de départ probable se présente le flamand
ka- (qui alterne avec kla-, kra-, kar-, ko-) employé dans ka-
booten (battre à coups redoublés), kaduUen (taquiner), kasjouwen
(travailler dur), kaguile (mauvais cheval), kabouter, klaboiiter
(gnome), karbeulen, krabeulen (travailler dur), etc. Ce préfixe
a comme le français une signification augmentative et péjo-
rative.
527. La plupart des mots où on croit trouver notre parti-
cule, sont difficiles à expliquer; ils appartiennent souvent à
l'argot, au parler vulgaire ou aux patois, et leur histoire est
peu claire et peu documentée. Citons p. ex.:
Caborgne, caliborgne, caliborgnon, expressions dialectales pour
borgne; on trouve également calouche pour louche.
Cabosser, déformer par des bosses.
Califourchon (variantes anciennes: calfourchon, cafourchon,
galifourchon); le radical est fourche, qu'on a muni de la ter-
minaison adverbiale -on.
239
Colimaçon^ pour calimaçon comme on trouve dans plusieurs
dialectes, est une combinaison de cal -\- limaçon.
On cite aussi cafard^ cahoter, cajoler, cagot, cahute, calem-
bour, calembredaine, camouflet, chamailler, crapaud, galima-
frée, etc.
A. Darmesteter estime que la particule ca- garde encore un
reste de vie. Il dit : C'est le sentiment de l'idée péjorative
qu'elle renferme qui inspire à nos vaudevillistes les noms
propres tels que Galuchard, Galuchot, Galumard, Calino. Cepen-
dant elle ne forme plus de composés {Formation de mots com-
posés, 2^ éd., p. 133).
528. FOR remonte au germanique fir- (ail. mod. ver-); on
trouve dans les documents mérovingiens ferbanniti et même
firbanniti, ferbatudo, fermortui; ce fer- est bientôt
remplacé par for-, probablement sous l'influence du préfixe
latin fors- (§ 476), qui finit par l'absorber. En français il est
assez malaisé de distinguer les deux for-. Cependant on peut
présumer l'existence du for- germanique dans les mots dont
on trouve un équivalent en allemand commençant par ver-
(ce sont surtout des termes juridiques): comp. vfr. forbatre et
uerslahen, vfr. forconseillier et mha. verrâten. Le sens peut aussi
nous guider; le for germanique a une valeur surtout péjora-
tive ou augmentative: forconter (mal compter), forcrier, etc. et
il se distingue par là du for- latin qui signifie 'hors' ou 'dehors' :
forsmetre (mettre dehors), etc. Pourtant dans quelques cas on
constate aussi une confusion sémantique; en tout cas il paraît
impossible de décider auquel des deux for- appartiennent for-
jugier (bannir, priver, dépouiller, condamner à tort) et for-
mener (enlever, retirer, détourner, maltraiter, etc.). Probable-
ment nous avons ici une contamination de deux verbes dif-
férents: forjugier (condamner à tort; comp. mha. verdamnen)
-\- forsjugier (bannir); formener (détourner; comp. ail. verfiihren)
et forsmener (enlever).
529. Voici maintenant un relevé des mots qui paraissent
présenter le germanique for-; ils appartiennent presque tous à
l'ancienne langue: forbannie, forbatre (comp. mha. uerslahen),
forbarrer (barrer), forboire (boire avec excès), d'où forbu, fourbu,
forconseillier (donner de mauvais conseils), forconter (mal comp-
240
1er), forcrier (crier plus fort que quelqu'un), fordoter (redouter),
forfaire (faire du mal, enfreindre, violer), forjoïr (se réjouir
outre mesure), forjurer (jurer d'abandonner; comp. en ail.
verschwôren), formordre (attaquer illégalement), forroher (dé-
rober), forsainnier (perdre du sang; comp. en ail. sich verblaten),
forsaler (marcher mal), fortailler (mal tailler).
Remarque. On serait tenté de retrouver le for- germanique dans forvêtu,
dont le sens correspond très bien à l'ail, verkleidet. Cependant l'ancienne
langue ne paraît pas connaître de forvestir.
530. FOR, du germanique vor- (angl. et dan. for-), se cache
dans faubourg, autrefois écrit fauxbourg, forsbourg^ altérations
de forborc, emprunté du moyen bas-ail. vorburg. On serait
tenté de voir le même préfixe dans vfr. forjouster (être le pre-
mier dans un tournoi, remporter le prix). Forstaller (acheter les
denrées en chemin avant leur arrivée au marché; comp. vor-
kaufen) est probablement emprunté à l'anglais fores tall.
531. PARA. Ce préfixe a été tiré du commencement des
mots italiens parasol (parasole) et parapet (parapetto).
Sur le modèle de ces mots on a créé paraballe, parachute,
paracrotte, paradas, parafoudre, paraglace, paragraisse, paragrêle,
parajour, parapluie, paratonnerre, paravent.
LIVRE QUATRIEME.
DÉRIVATION RÉGRESSIVE.
532. La dérivation propre que nous venons d'étudier s'ef-
fectue par l'addition d'un préfixe ou d'un suffixe et elle a or-
dinairement pour résultat l'allongement du mot primitif: crier
— décrier, recrier, crierie, criailler. Nous allons maintenant exa-
miner une autre manière de créer des mots nouveaux, la dé-
rivation régressive, qui procède d'une façon toute contraire par
la soustraction d'une syllabe finale ou initiale. Cette dérivation
qui a toujours pour résultat la diminution du mot, comprend
deux groupes principaux, la décomposition et la formation
postverbale.
CHAPITRE I.
DÉCOMPOSITION.
533. Sous ce titre nous comprenons les cas où l'on dépouille
un mot, regardé, à tort ou non, comme un dérivé (ou un com-
posé), d'une syllabe initiale ou finale et où on lui crée de cette
manière un primitif qui n'a aucune raison d'être étymologique.
Ainsi le rapport historique entre aristocrate et aristocratie est
tout à fait différent de celui qui existe entre acrobate et acro-
batie. Tandis que acrobatie a été formé de acrobate (dxQÔfiaTog)
par l'addition du suffixe -ie (§ 241), aristocrate procède de
aristocratie (dQtGTOXQaTià) par la soustraction de -ie. Com-
parons aussi les deux groupes quelque — quelqu'un, chaque —
16
242
chacun, qui sont à expliquer de deux manières différentes.
Dans le premier, quelque est le mot primitif et quelqu'un re-
présente quelque -\- un ; dans le deuxième au contraire, c'est
l'inverse qui a eu lieu : chacun est le primitif, et chaque s'ana-
lyse comme chacun -f- un (comp. II, § 578, i). Nous avons
déjà mentionné les cas où la terminaison d'un mot disparaît
devant le suffixe (§ 78 ss.) et qui reposent en effet sur une
sorte de décomposition; nous examinerons ici les mots où
l'on s'arrête au primitif dégagé de sa terminaison sans pro-
céder à une nouvelle composition. Ces mots, qu'on désigne en
anglais par le nom expressif de »back-formations«, pourraient
s'appeler en français des postnominaux ou des postverbaux.
Remarque. La décomposition, dont on ne trouve que peu d'exemples en
français, comme dans les langues romanes en général, est un procédé assez
commun dans les langues germaniques; M. O. Jespersen leur a consacré une
étude spéciale très nourrie de faits.
A. ÉLIMINATION D'UN PRÉFIXE.
534. Nous avons déjà examiné plusieurs cas où le com-
mencement d'un mot a été éliminé à cause d'analogies diverses;
la chute d'un a peut ainsi être occasionné par une confusion
avec l'article: vfr. Vasprele} la prêle (voir I, § 261); rappelons
aussi la décomposition populaire de losange en losange, d'où
un osange (I, § 339, Rem.) et celle du vfr. labaustre en la
baustre, d'où une baustre (I, § 521). Par pe procédé on crée à
un mot une forme nouvelle; nous allons maintenant examiner
la soustraction d'une syllabe initiale employée comme procédé
de dérivation pour créer des mots nouveaux.
535. DÉ. A l'aide de ce préfixe on forme un grand nombre
de mots qui offrent le sens opposé du primitif: botter — dé-
botter, boucher — déboucher, chausser — déchausser, couvrir — dé-
couvrir, etc., etc. (cf. § 469). Par contre-coup on crée parfois
un primitif nouveau en éliminant dé- d'un mot commençant
par cette syllabe. Exemples :
Chaux, tiré de déchaux par Leconte de Liste: Moines blancs,
gris ou bruns, barbus ou ras. Chaux ou déchaux (Poèmes tra-
giques, p. 51). Comnie on avait chaussé h côté de déchaussé
i
243
on a eu chaux à côté de déchaux. L'ancienne langue connais-
sait, outre deschaus, aussi sorchaus (Beroul, Tristan, v. 3731 ss.).
Fouiller, qui s'emploie dans plusieurs patois au sens de re-
vêtir (cf. A. Thomas, Nouveaux essais, p. 320), est un dérivé
récent de dépouiller « despoliare). On trouve dans la vieille
langue empouiller (ensemencer) et empouille, qui appartiennent
peut-être au même radical.
B. ELIMINATION D'UN SUFFIXE.
536. Ce procédé s'observe déjà dans le latin vulgaire; en
voici deux exemples:
^ov^ojv, d'où en latin bubon, a été regardé comme un mot
formé à l'aide du suffixe -on et on lui a créé un primitif fic-
tif buba qui a passé dans presque toutes les langues ro-
manes: roum. bubà, vén. boba, fr. bube, esp. buba, port, bouba.
Sappinus a été décomposé en sappus + -inus; le pri-
mitif sa p pu s a été employé surtout en gallo-roman: prov.
vfr. sap.
537. Voici maintenant un relevé des suffixes éliminés par
dérivation régressive:
P AGE. Les mots en -âge sont souvent tirés de verbes en
■er: marier — mariage (§ 148); nous avons la contre-partie de
ce procédé dans l'ancien verbe vainpasturer (voir Godefroy),
tiré de vainpasturage (terre qui n'est point chargée de fruits).
2^ ANT et ENT. Le rapport entre éclater — éclatanty tolérer —
tolérant, exceller — excellent, négliger — négligent, etc. amène par
contre-coup la création de quelques verbes en -er tirés de
noms en -ant ou surtout -ent:
Arc-bouter, tiré de arc-boutant.
Indifférer, tiré d'indifférent (emprunté du lat. indifferens,
-entis); le mot était d'abord propre à l'argot (voir Villatte),
il s'emploie maintenant dans la langue littéraire : C'était prou-
ver que tous sujets leur indifféraient (Th. de Wyzewa, Nos
maîtres. Paris, 1895. P. 93). On en trouve un autre exemple
chez P. Bourget dans L'Étape (p. 90).
Puruler, tiré de purulent (purulentus) ou de purulence
(purulentia). Il a été employé par Huysmans: La cha-
16*
244
rogne du riche puruîe autant que celle du pauvre (En route,
p. 25).
Somnoler, tiré de somnolent (so mn oient us) ; ce verbe est
maintenant d'un emploi courant.
3^ lE. De quelques mots abstraits en -atie et -manie on a
tiré des noms d'agent en -ate et -mane sur le modèle de acro-
bate (acrobatie y acrobatique), autocrate (autocratie), automate
(automatique, automatisme), *croate (Croatie), etc.
Aristocrate, tiré de aristocratie (emprunté du grec (xqloto-
xQazla).
Bureaucrate, tiré de bureaucratie (composé avec le fr. bureau
et le grec xQazeïv, commander; mot dû à l'économiste Gour-
nay, 1712—1759).
Démocrate, tiré de démocratie (emprunté du grec ÔT^fucxçaTia).
Diplomate, tiré de diplomatie, de diplomatique (diplomati-
cus, de diploma).
Mélomane, tiré de mélomanie.
Monomane, tiré de monomanie.
4^ 1ER. A côté des dérivés en -ier on trouve parfois des
infinitifs en -er: jardinier— jardiner. C'est sur ce modèle qu'on
a créé les verbes charcuter et flibuster à côté de charcutier et
flibustier.
5^ IQUE. Des adjectifs en -ique sont souvent tirés de substan-
tifs en ie: chimie — chimique, chronologie — chronologique, typo-
graphie— typographique, etc. (voir § 324). Par contre-coup on
crée parfois des substantifs en -ie d'adjectifs en -ique: diploma-
tie, de diplomatique ; enharmonie, de enharmonique.
6° ON. Sur le modèle de couples comme chaîne — chaînon,
cruche — cruchon, manche — manchon, etc. on a créé à plusieurs
mots en -on des primitifs non-étymologiques. Exemples:
Capuche, dérivé récent de capuchon (emprunté de l'it. ca-
puccio).
Goitre, tiré du vfr. goitron (lat. pop. guttrionem) ou de
l'adj. goitreux emprunté du prov. goitros.
Guigne (mauvais sort), dérivé récent de guignon (tiré de
guigner).
Litre, tiré au XVIIP siècle de litron dont l'origine est obs-
cure.
7^ URE. La plupart des mots en -ure sont tirés de thèmes
verbaux: blesser ~ blessure, couper — coupure, etc. (§ 296). Par
245
contre-coup on crée à côté des mots en -ure dont l'origine est
différente, des verbes en -er: nerférer, tiré de nerférure; uer-
mouler, tiré de vermoulure.
C. ÉLIMINATION D'UN E FÉMININ FINAL.
538. Dans la Morphologie nous avons examiné plusieurs
cas de formations rétrogrades, et nous avons montré comment
on crée parfois un masculin nouveau par la soustraction d'un
e féminin final balourde— balourd (voir II, § 388, 394), tout
comme on crée, par ex., un nouveau singulier par la sous-
traction d'un s final: andalous ) andalou (II, § 364). Cepen-
dant dans les cas cités il s'agit exclusivement de flexion; ba-
lourd n'est qu'une variante de balourde, une nouvelle forme
grammaticale, mais le sens reste le même. Nous allons mon-
trer maintenant qu'en dehors de la flexion nominale l'élimina-
tion d'un e féminin final est employée comme procédé dériva-
tif pour créer des mots nouveaux.
539. Exemples de mots nouveaux créés par une dérivation
régressive s'effectuant par l'élimination d'un e féminin final.
Le mot dérivé est toujours de masculin.
Béguin (coiffe) a été tiré de béguine, dérivé de Lambert Le
Bègue (fondateur, au XIP siècle, du premier couvent de bé-
guines).
Carrier, celui qui exploite une carrière, a été tiré de ce der-
nier mot.
Châtain, tiré de châtaigne (cf. II, § 380); cet adjectif » post-
nominal* a été longtemps invariable; plusieurs auteurs mo-
dernes le font varier de genre et de nombre (cf. II, § 442).
Garde national, tiré de garde nationale (cf. § 710).
Grivois, soldat; paraît avoir été tiré de grzyozse (ancienne ta-
batière portée surtout par les soldats).
Médecin, tiré de médecine (medicina); le mot date duXIV^
siècle et finit par remplacer m zVe (medicus); sur le nouveau
féminin médecine au sens de femme du médecin, voir II, § 438.
Tribun. Je cite l'observation de M. Darmesteter sur ce mot:
»On a récemment donné le nom de tribun à l'employé qui,
246
dans certaines maisons de commerce, siège à la tribune ou
estrade. Ici le masculin dérive du féminin, et ce tribun n'a
plus qu'un rapport éloigné de parenté avec le tribun du peuple.
Dans certains magasins, l'employé qui tient les livres à la tri-
bune est une femme; bientôt à côté du tribun on aura aussi
la trihiineii {La création actuelle de mots nouveaux, p. 46).
Violet, tiré de violette; on a créé, par analogie, le féminin
violette à l'adjectif postnominal.
CHAPITRE II.
FORMATION POSTVERBALE.
540. Origine. On peut tirer d'un verbe un nom sans l'aide
d'aucun suffixe. Les mots nouveaux formés de cette manière
sont ordinairement des substantifs: galoper — galop, oublier —
oubli, troubler — trouble, visiter — visite; très rarement des adjec-
tifs: déchausser — déchaux. Ces formations curieuses qui jouent
un très grand rôle en français, peuvent être désignés comme
postverbales ou déverbales; on les appelle souvent » substantifs
verbaux«, ce qui est une dénomination peu heureuse. Voici
maintenant quelques remarques sur leur origine. On avait par-
fois en latin des substantifs participiaux exprimant l'action
verbale à côté de verbes fréquentatifs correspondants : cantus
— cantare, saltus — saitare. Primitivement il n'y a entre
ces mots aucune relation directe, cantus et saltus appar-
tiennent à canere et salire. Cependant grâce à la dispari-
tion des verbes simples et à leur remplacement par des formes
fréquentatives, il s'établit entre ces dernières et les substantifs
un certain rapport, qui â pour résultat que cantus et sal-
tus sont regardés faussement comme tirés du thème de can-
tare et saitare par l'adjonction de -us. On considère de la
même manière j a et are — jactus, cursare — cursus, usare
— usus et sur ces modèles on crée computare — compu-
tus, costare — costus, gustare — gustus, et des féminins
correspondants probare — proba, captiare — *captia. Ce
genre de dérivation devient de plus en plus général dans la
langue vulgaire, sans que pourtant il soit possible de suivre
son développement; commun à toutes les langues romanes, il
est devenu en français excessivement fertile.
248
541. Genre. Les substantifs verbaux peuvent être masculins
ou féminins; pour beaucoup de mots on a des doublets.
P Les substantifs verbaux masculins présentent générale-
ment le radical du verbe tout pur: appui^ cri, galop, récit, ré-
veil, etc.
Remarque. On trouve un e féminin final dans les mots où un groupe de
consonnes rend nécessaire une voyelle d'appui (cf. I, § 249) : branle, échange,
souffle.
2^ Les substantifs verbaux féminins se terminent toujours
par un e féminin : baisse, charge, chasse, claque, chicane.
3^ Au moyen âge la formation masculine était prépondérante.
Sur les 27 substantifs postverbaux que contiennent les plus
anciens textes, 23 sont masculins, et 4 féminins. Ce n'est que
petit à petit que la formation féminine gagne du terrain. Dans
les périodes modernes son emploi est devenu tellement géné-
ral que de nos jours elle paraît être sur le point de remplacer
la formation masculine. Voici quelques créations toutes ré-
centes: boxe, casse, cavale, cogne (la gendarmerie), colle (si-
mulacre d'examen), épate, flâne, pousse (la police), etc.; les for-
mations masculines modernes sont moins nombreuses et n'ap-
partiennent pas à la langue populaire: bou (dans des bous de
sucre, du sucre qui a bouilli), déblai, remblai, déport, report;
on voit que ce sont des termes techniques et nullement popu-
; ires.
542. Substantifs verbaux masculins.
1^ Dérivés de verbes en -er: aboi(s), accord, accroc (§ 70),
achat (§ 547), aguet, amas, appareil, appeau (II, § 313), appel,
appui, arrêt, aveu, babil, bal, branle, calcul, cintre, coût, cri, dé-
but, dédain, défi, dégel, destin, détail, écart, échange, effroi (I,
§ 159), embarras, entrechat (I, § 99), envoi, flair, galop, labour,
mépris, oubli, pardon, pleurs, pli, propos, recul, reflet, refus, re-
gret, repos, reproche, retard, retour, réveil, rot, séjour, souci, sou-
hait, soupir, transport, trépas, tricot, troc, trot, trouble, viol,
vol, etc. Sont propres à la vieille langue: acost, acul, adorn ou
adour (ornement), adoub, afeu (affouage), agart (inspection,
inspecteur), aleu (location), apreci, baail (bâillement), chaple
(coup violent), clain (cri), despuel (dépouillement), dessoivre
(séparation), esbanoi (amusement), escri (cri), esme (apprécia-
249
tion), frap (coup), gazoïiil, livre (livraison), pri, ronfle, ruef
(demande), tast (toucher), etc.
2^ Dérivés de verbes en -ir: accueil, bond, choix, départ,
entretien, maintien, offre, recueil, ressort, rôt. A l'ancienne langue
appartiennent assent (assentiment), consent, cueil, desvest (dé-
vêtissement), glap, glat (aboiement), ment, etc.
3° Dérivés de verbes en -re: abat, bat, combat, débat, dé-
fend(s), ébat, mord, rabat, rebat, refend, refrain (I, § 305, 7), re-
vif A l'ancienne langue appartiennent: contrebat (difficulté),
destort (détournement), entrebat (interruption), sourt (source), etc.
543. Changements phonétiques. L'apocope de la terminai-
son est souvent accompagnée de différents changements pho-
nétiques du radical. A cause de la concordance qui existe
entre les substantifs verbaux et les formes rhizotoniques du
présent de l'indicatif: crier — je cri(e) — un cri, offrir — f offre
— un offre, les particularités phonétiques propres aux formes
verbales sont aussi introduites dans les substantifs: soutenir
^— je soutien(s) — un soutien, etc.
Remarque. Les changements phonétiques ne se trouvent que dans les
substantifs verbaux masculins, jamais dans les féminins; de cZamer on avait
tiré au moyen âge clain et clame, de relever, relief et relevé.
544. Voyelles. Les voyelles inaccentuées de l'infinitif en
devenant accentuées se changent de différentes manières, dont
voici les principales:
P a > ai (cf. II, § 24): vfr. clamer — clain, vfr. manoir —
main.
20 a > e (cf. § 47) : vfr. abaer—abé.
3° e ) ie (§ 59): maintenir — maintien, soutenir — soutien, re-
lever— relief; on trouve au moyen âge aussi grever- — grief, lever
— lief tenir — tien.
40 e > oi (§ 60): vfr. agréer — agroi, d'oii agrès (§ 547), vfr.
conreer — conroi, maintenant corroi; enteser — entois (action de
tenir son arc tendu); vfr. esfreer — esfroi, effroi; espérer — espoir;
vfr. sevrer — soivre.
50 oi > i (voir II, § 28): vfr. denoiier — déni; vfr. noiier —
ni; vfr. ploiier — pli; vfr. proiier—pri; vfr. renoiier — reni, etc. ; on
trouve aussi des tormes analogiques avec oi: denoi, ploi, etc.
250
6® o(u) > eu (cf. § 58): avouer— aveu; à la vieille langue ap-
partiennent afouer—afeu (affouage), aloer—aleu (location), en-
foer — enfeUj plorer— pleur. Pour les créations nouvelles, le pas-
sage à -eu ne s'observe plus: labourer — labour.
1^ o(u) > ue (cf. I, § 301); ce changement est propre à la
vieille langue: mouvoir } muef (§ 546,9), rouver > ruef (de-
mande), trouver > truef (épave), vouloir > vueil (volonté).
8^ Devant une consonne nasale devenue finale, la voyelle
se nasalise: vfr. clamer — clain, gagner — gain, etc.
546. Consonnes. Les consonnes qui précèdent la terminai-
son de l'infinitif subissent différents changements en devenant
finales: les sonores b, d, v deviennent les sourdes p, t, f (I,
§ 314,2), le n mouillé perd son mouillement, le /i dental peut
tomber, etc.; voici quelques détails:
P b > p (voir I, § 379,2): vfr. gaber > gap; l'analogie peut
amener la conservation du b\ on trouve ainsi gab, comme
adoub (de adouber) et radoub.
2^ c [ts] (voir I, § 307, 3) se conservait dans la vieille langue:
esforcier — esforz, eslancier — eslanz, entercier — enterz, esclicier —
escliz, recomencier — recomenz, etc. De ces mots la langue mo-
derne a gardé eslanz et esforz sous les formes altérées élan et
effort
3^ ch est parfois remplacé par c (cf. § 69): accrocher — ac-
croc, déjucher — déjuc; raccrocher — raccroc, tricher — vfr. trie.
Dans d'autres cas on conserve la chuintante: relâcher — relâche,
reprocher — reproche (comp. charger — charge, échanger — échangé).
4^ d > t (voir I, § 395, 2). Ce changement est propre à la
vieille langue: accorder — accort, comander — comant, mander —
mant, etc. Dans la langue moderne acort a été remplacé par
accord. ,
5^ gn ) (i)n (voir I, § 336, 1): vfr. bargaignier — bargain;
vfr. desdaignier — desdain, dédain; vfr. desseignier — dessein; vfr.
gaignier — gain ; vfr. meshaignier — meshain, etc.
60 1 > [Ji] (cf. II, § 121): vfr. doloir — dueil, vfr. valoir — vail,
vfr. voloir — vueil.
70 1 ) u, devant une consonne (I, § 342). De appeler on a
tiré appel qu'on munit de la marque du nominatif, d'où ajo-
peaus (I, § 238); la langue moderne présente les doublets ap-
peau et appel (voir II, § 313).
251
- 8^ n, après un r, disparaît (cf. I, § 327, Rem.) : détourner-
détour, retourner — retour, séjourner — séjour; vfr. escharnir —
eschar.
9^ V > f (voir I, § 449): élever — élef; relever— relief ; on trouve
dans la vieille langue lever — lief, mouvoir — muef, trouver —
truef.
547. Cas particuliers. Quelques formes demandent des ex-
plications spéciales :
Achat a été tiré de l'ancienne forme achater (voir I, § 169);
il l'a emporté sur achet, dérivé plus récent, tiré de acheter,
après beaucoup d'hésitations. Nicot ne connaît que achet; Cot-
grave (1611) renvoie d'achat à achet; Monet (1635) donne les
deux formes, Duez (1639) ne cite qu'achapt.
Agrès est pour agrais, agrois (I, § 159), pluriel du vfr. agroi
(armure, équipage), tiré de agréer.
Amers est peut-être pour amercs, pluriel de amerc, tiré du
vfr. amerquer (marquer).
Appeau, doublet de appel; voir II, § 313.
Bagou; on dit en picard bagout, ce qui paraît indiquer un
dérivé de bagouler (conservé dans déhagouler).
Bascule est une altération de bacule, tiré de l'ancien verbe
baculer (I, § 529).
Croît; la forme régulière serait crois qu'on trouve dans la
vieille langue; le t, qui ne s'introduit qu'au XVP siècle, est dû
à l'influence du t adventice de croître. De la même manière
s'expliquent accroît, décroît^ surcroît.
Décalque, tiré de décalquer sous l'influence de calque.
Dessein, tiré de l'ancien verbe desseignier.
Dessin, variante orthographique de dessein, créée au XVIP
siècle sous l'influence de l'infinitif dessiner. Richelet (1680)
remarque: » Quelques modernes écrivent le mot de dessein
étant terme de peinture, sans e après les deux s, mais on ne
les doit imiter en cela.«
Effort a remplacé esforz, dérivé régulier de esforcier. L'alté-
ration est due à une assimilation aux mots déclinables en
-orz.
Élan a remplacé élans (encoriB dans Trévoux) qui remonte
à eslanz, dérivé de eslancier.
252
Entrechat s'écrivait primitivement entrechas, dérivé de entre-
chasser.
Go (dans tout de go)y autrefois gob, de gober.
Legs, forme fautive due à une étymologie populaire (I,
§ 119), est pour lais, de laisser.
Rachat remonte à Fancienne forme rachater; comp. achat.
Raconte (récit), vieille forme dérivée de raconter, sous lïn-
fluence de conte.
Réchaud, probablement dérivé de réchauffer, sous l'influence
de chaud.
Redan, graphie fautive pour redent, de redenter.
Rehaut, tiré de rehausser, sous l'influence de haut.
Relais (chevaux frais pour remplacer les chevaux fatigués),
pluriel de relai tiré de relayer; comp. II, § 365.
Rempart, graphie fautive pour rempar, de remparer.
Renfort a remplacé renfors, renforz, de renforcier.
Revient, graphie fautive pour revien (cf. soutien, maintien),
de revenir.
Taux, pour taus, de l'ancien verbe tausser.
Transfert, de transférer; le t est peut-être dû au latin trans-
fert.
548. Formations féminines.
1^ Dérivés de verbes en -er: abaisse, accroche, adresse, af-
fiche, affourche, agrafe, allonge, amarre, amende, approche, at-
tache, attaque, attrape, avance, baisse, boulange, boxe, brouille,
chasse, cherche, chicane, conserve, consigne, couche, coupe, craque,
culbute, danse, débauche, décharge, demande, démarche, dépêche,
dérive, dispense, ébauche, entaille, enveloppe, épouvante, fatigue,
fiche, fouille, frappe, gare, hausse, joute, marche, nage, neige,
passe, paye, pêche, pose, purge, rallonge, rampe, recherche, ré-
clame, récompense, réforme, remarque, renverse, réplique, supplique,
tape, trace, tranche, trampe, visite, vogue, voltige, etc. On a dit
autrefois abonde (abondance), acuse (accusation), ajourne (point
du jour), babille, clame (réclamations), crie, dénonce, descolpe,
destorbe (trouble), empesche, entre, hurle, jappe, liève, moque,
pille, raille, etc.
2^ Dérivés de verbes en -ir: cueille, enchère, transe. Dans la
vieille langue les exemples étaient plus nombreux: assaille,
assente (consentement), bonde, consente, défaille (manque), fourne
253
(protection), laide (injure), mente (mensonge), roste (rôti), serve
(servitude).
3^ Dérivés de verbes en -re: batte. Dans l'ancienne langue
on trouve abatte (abattage), crieme (crainte), estende (étendue),
mole (mouture), etc.
4^ Dérivés de verbes en -oir: dèche. A l'ancienne langue
appartiennent meschaille (malheur), mouve (mouvement), vaille
(valoir).
549. Nous avons déjà signalé la prépondérance presque com-
plète de la formation féminine dans la langue moderne (§ 541, 3).
Ce phénomène est difficile à expliquer. On pourrait renvoyer à
l'existence de nombreux substantifs en -aison, -ance, -erie qui
ont la même signification que les substantifs postverbaux et
dont le genre a pu favoriser la formation de postverbaux fé-
minins. Cependant une telle explication paraît assez peu satis-
faisante. M. G. Lené, qui a spécialement étudié la dérivation
postverbale, remarque avec beaucoup de raison: »Ce qui nous
paraît être le facteur le plus important, .... c'est la nature
même de ce mode de formation. Il consiste, comme on l'a vu,
à substantiver le radical verbal allongé d'un e féminin. La
consonne finale du radical est par conséquent gardée intacte
et n'est pas exposée, comme dans la formation masculine,
aux altérations phonétiques nécessitées par sa position à la
fin du mot ou devant Vs de flexion. Tandis que le postverbal
masculin s'éloignait ainsi davantage du verbe dont il était
dérivé, le rapport était gardé bien plus intime et plus visible,
quand le postverbal était de la formation féminine. Il nous
semble que c'est là un fait qui est assez important et qui peut
expliquer, dans une certaine mesure, le développement dont
nous parlons^ {Les substantifs postverbaux, p. 106).
550. Doublets. Dans beaucoup de cas on a tiré du même
verbe deux substantifs de genre différent. La langue moderne
a gardé très peu de ces doublets. Ordinairement la forme fé-
minine disparaît devant la forme masculine; mais l'inverse
peut aussi avoir lieu, et enfin toutes les deux formes peuvent
disparaître (conjur — conjure, déport — déporte, pens — pense, etc.).
P La forme masculine a été conservée des doublets sui-
vants: accord — accorde, affust — affuste, amas — amasse, arrest —
254
arreste, babil — babille, cri — crie, délai — délaie, destin — destine, dé-
tour—détourne, écart— écarte, éclair — éclaire, éclat — éclate, emprunt
— emprunte, heurt — heurte, oubli — oublie, plor — plore, regard —
regarde, repos— repose, etc.
2^ La forme féminine a été conservée des doublets suivants:
comant — comande, demant — demande, excus — excuse.
3^ Conservation des deux formes: débit — débite (vente des
papiers timbrés), gain — gagne (action de gagner), galop — galope
(employé surtout dans la locution à la galope).
551. Changement de genre. Un petit nombre de mots pré-
sentent des irrégularités dans le genre. Quelques masculins
sont devenus féminins grâce à un changement de sens: garde,
guide (§ 710); ou de terminaison: apostille (§ 694); ou enfin
grâce à l'influence de l'e final: délivre, encombre, encontre, erre,
offre, relâche, rencontre (§ 701), et sporadiquement reproche.
Quelques féminins passent au masculin sans qu'on voie bien
pourquoi: doute, jeûne.
Apostille, tiré de apostdler. On disait d'abord un apostil; puis,
l'influence de postille amène un changement de forme: un
apostille, et ensuite un changement de genre: une apostille.
Délivre est primitivement masculin et ce genre s'est main-
tenu jusqu'à nos jours malgré beaucoup d'hésitations. Plu-
sieurs grammairiens comme Nicot, Cotgrave, Furetière, Th.
Corneille lui ont attribué le genre féminin, probablement à
cause de Ve final.
Doute. Les mots correspondants des autres langues romanes
(it. dotta, esp. duda, port, duvida) sont féminins, et il faut
supposer que tel a été le genre primitif aussi en français, bien
qu'il ne ressorte pas clairement des plus anciens exemples.
Au XIV^ siècle on dit indubitablement la doute; au XV^ siècle
on commence à hésiter entre le doute et la doute, et cette hési-
tation dure jusque dans le XVIP siècle. Vaugelas décide qu'il
faut toujours dire le doute {Remarques, I, 407).
Écoute. On a dû dire primitivement une écoute pour désigner
l'action d'écouter et la personne qui écoute; ce dernier emploi
a amené sporadiquement un changement de genre.
.Encombre, dont Ve final est une voyelle d'appui, est origi-
nairement masculin et il l'est resté jusqu'à nos jours malgré
quelques hésitations.
255
Encontre. Comme le précédent ce mot est originairement du
masculin (voir Godefroy), mais le genre féminin apparaît déjà
au XIIP siècle dans la locution hone encontre (voir Littré) qui
finit par remplacer bon encontre.
Erre (vfr.) ou eire, oire, vient du verbe errer (i te rare);
on a dit d'abord un erre; au cours du moyen âge on trouve
aussi sporadiquement une erre et le genre féminin l'emporte.
Bel erre, bon erre devient belle erre, bonne erre, tandis que grant
erre reste sans changement.
Garde, voir § 710.
Guide, voir § 710.
Jeûne. Ce mot était au moyen âge des deux genres, sans
qu'il soit possible de décider lequel des deux est le primitif;
mais il paraît probable qu'on a dit d'abord la jeûne. Depuis
1500 environ on ne dit plus que le jeûne.
Manque est ordinairement du masculin, ce qui peut s'expli-
quer par l'influence de l'it. manco. Le genre régulier serait le
féminin, et la manque se dit en effet comme terme militaire
et argotique et dans quelques patois.
Offre était masculin au moyen âge et on le trouve encore
dans Racine {Bajazet, III, se. 7).) et quelques auteurs du XVIP
siècle avec ce genre. Vers la fin du XV^ siècle on commence
à hésiter entre un offre et une offre; Palsgrave donne les deux
genres. Vaugelas (1648) décide: ^ Offre est toujours féminin,
une belle offre, et non pas un bel offre<{. (Remarques, II, § 416).
Relâche est sans doute originairement un masculin ; Vaugelas
critique les auteurs qui en font un féminin (Remarques, I, 97).
Cependant c'est le genre féminin qui l'a emporté dans la
langue moderne; il est vrai que les dictionnaires attribuent à
notre mot les deux genres, mais M. L. Clédat observe: »Le
mot relâche, en dehors de la langue maritime, s'emploie rare-
ment avec l'article, si bien que son genre n'apparaît pas. Mais,
quoi qu'en disent les dictionnaires, on dirait plutôt sans aucune
relâche que sans aucun relâche. Ce mot doit être classé, sans
exception, parmi les féminins* (Grammaire raisonnée, § 230).
Rencontre était masculin au moyen âge, il est féminin main-
tenant; le genre féminin apparaît au XVP siècle, et on hésite
longtemps entre un rencontre et une rencontre. Vaugelas dé-
cide: »En quelque sens qu'on l'employé, il est toujours fémi-
nin « (Remarques, I,.p. 74).
256
Reproche est resté masculin malgré quelques hésitations;
Malherbe écrit à plusieurs reprises une reproche, mais c'est
surtout au pluriel qu'on l'a fait féminin. Vaugelas remarque:
^On dit toutesfois au pluriel, à belles reproches, de sanglantes
reproches, et en ce nombre il est certain qu'on le fait plus
souuent féminin que masculin. Mais quand on le fera par tout
masculin, on ne peut faillir. « (Remarques, l, 97).
Reste était régulièrement féminin au moyen âge; on disait
à toute reste ou à toutes restes encore au XVI I^ siècle. Le change-
ment de genre est peut-être le résultat d'une confusion avec
la forme verbale reste employée comme substantif (cf. § 657).
552. Signification. Les substantifs verbaux sont des »nomina
actionis«, des »nomina instrumenti« ou des »nomina agentis«.
Garde est d'abord Vaction de garder (un enfant mis sous bonne
garde); il désigne ensuite ce qui sert à garder, que ce soit une
chose (la garde d^uneépée) ou une réunion de personnes (la
garde passe), et enfin celui ou celle qui garde (un garde royal,
une garde négligente).
1^ Ordinairement les substantifs verbaux sont des noms abs-
traits exprimant l'action verbale toute pure chasse, échange,
effort, hausse, frappe, nage, etc.; ou le résultat de l'action ver-
bale: aveu, babil, cri, exploit; un état d'âme: dégoût, effroi,
mépris; ou une situation: embarras.
2^ Les substantifs verbaux peuvent devenir des »nomina
instrumenti« : le nom de l'action est transporté à l'instrument
à l'aide duquel on fait l'action: batte, biffe, époussette, épuise,
étire, fraise, gratte, perce, pince, presse, sonde, etc.; ce sont
presque tous des termes techniques et de création récente.
3^ Dans quelques cas les substantifs verbaux deviennent
des »nomina agentis* : le nom de l'action est transporté à
celui qui accomplit l'action. En voici quelques exemples pris
à la vieille langue: avise (avertissement, jugement; vedette),
cerche (recherche ; patrouille, espion) ; crie (cri ; crieur) ; escoute
(attention, surveillance; surveillant). Pour d'autres mots nous
ne trouvons que la signification de personne : guie (conducteur),
huche (crieur), regarde (gardien), veille (veilleur).
La langue moderne en offre peu d'exemples: garde, guide;
remarquez que dans ces derniers mots le changement de sens
est accompagné d'un changement de genre (comp. § 707 ss.).
257
553. Concurrence de formes. Nous allons donner quelques
exemples qui montreront la dérivation régressive aux prises
avec la dérivation suffixale. C'est ordinairemeet la dernière
qui l'emporte.
P Beaucoup de substantifs postverbaux ont disparu devant
des formes dérivées à l'aide d'un suffixe. Les suffixes vain-
queurs sont -ement^ -erie et surtout -ation. Des dérivés en
-ation ont remplacé acuse, apreci^ compense, consulte, dénonce,
diffame, exhorte, interroge, lamente, objurgue, proclame, prononce,
proteste, restor, tente. Des dérivés en -ement ont remplacé de-
pouil, empesche, entrelace, eslonge, renseigne. Des dérivés en -erie
ont remplacé mocque, raille, triche, trompe.
2^ Le phénomène contraire est excessivement rare. Citons
dispute qui a remplacé les anciennes formes disputaison, dis-
putation. •
17
LIVRE CINQUIÈME.
MOTS COMPOSÉS.
CHAPITRE I.
REMARQUES GENERALES.
554. Les mots composés se divisent en deux groupes prin-
cipaux selon le rapport qui existe entre les éléments com-
posants.
1^ Les éléments composants sont dans un rapport de co-
ordination comme dans helle-fille, vinaigre, chou-fleur, contre-
appel, arrière-boutique, etc.
2^ Les éléments composants sont dans un rapport de sub-
ordination comme dans hôtel-Dieu, chef-d'œuvre, perce-neige,
contrepoison, etc.
Remarque. Comme base de notre division des mots composés nous avons
choisi le rapport syntaxique qui existe entre les éléments composants. Cette
division nous paraît justifiable au point de vue théorique et pratique: vin-
aigre, chou-fleur, contre-appel s'analysent d'une tout autre manière que hôtel-
Dieu, perce-neige, contrepoison. Les deux groupes se comportent aussi diffé-
remment pour le pluriel (II, § 327 ss.) et pour le genre.
555. A. Darmesteter distingue entre la composition apparente
ou juxtaposition et la composition propre ou composition el-
liptique. Et il explique: »La juxtaposition consiste dans la
réunion de deux ou plusieurs termes groupés d'après les lois
ordinaires de la langue sans violence faite à la syntaxe, sans
ellipse, et qui, par suite d'un usage fréquent, à la longue, ont
fini par effacer les images de leurs déterminés et déterminants
r
259
dans l'unité d'une image simple: pomme de terre, arc-en-ciel,
gendarme, vinaigre, ferhlanc. La composition propre, au con-
traire, est une union intime de mots dont le rapprochement
a sa raison d'être dans l'ellipse : hôtel-Dieu, timbre-poste, bateau-
mouche, chou-fleur, arrière-cour, porte-feuille, etc.« Cette manière
de voir nous satisfait médiocrement, et voici pourquoi:
P Sans nier l'existence d'une composition elliptique, nous
croyons que A. Darmesteter a exagéré l'importance de l'ellipse
et qu'il en a abusé. Dans l'introduction au Dictionnaire Gé-
néral nous lisons: »Dans les composés du type arrière-cour,
l'ellipse est très apparente; le composé arrière-cour s^analyse
en cour qui est arrière ou cour darrière« (§ 202). C'est la même
théorie qu'il avait soutenue dans la Formation des mots. Mais
dans le Cours de grammaire historique il dit: »Dans arrière-
cour on n'est point parti de cour qui est en arrière, mais on a
rapproché les deux images cour et arrière et on les a fon-
dues aussitôt dans une expression unique : arrière-cour (III,
41 — 42). Cette manière de voir nous paraît bien plus juste
ou, pour mieux dire, la seule juste. L'explication d'arrière-
cour par cour (qui est en) arrière ne nous renseigne pas sur
l'origine du composé; ce n'est qu'une explication grammatical
après-coup. On pourrait aussi bien expliquer barque à Caron
par barque (qui appartient) à Caron. Il n'y a naturellement
aucune ellipse dans ce terme; il n'y en a pas non plus dans
arrière-boutique^ c'est une composition directe, une combinai-
son qui présente le même caractère que surpoids, sous ferme,
recoin, etc.
2^ Selon Darmesteter nous aurions dans vinaigre, bonhomme,
petits- enfants une composition d'une nature très différente de
celle que nous trouvons dans chou-fleur, bateau-mouche, café-
concert. C'est peu admissible. Nous avons dans les premiers
exemples comme dans les derniers tout simplement une com-
binaison de deux mots coordonnés, un déterminé suivi d'un
déterminant: vinaigre est à l'origine du vin qui est aigre,
comme chou-fleur est un chou qui en même temps est fleur.
Le déterminant peut indifféremment être un adjectif ou un
substantif; cela ne change rien au caractère de la combinai-
son. Et d'ailleurs, où serait dans chou-fleur la violence faite à
la syntaxe? Les substantifs s'emploient couramment comme
déterminants d'un autre substantif: un ton canaille, une aven-
17*
260
tare farce, une ville moyen âge, etc., etc. (comp. § 641). Ces
expressions sont aussi claires que correctes ; elles ne con-
tiennent pas d'ellipse et pas de faute contre la grammaire.
3° Quant au sens des mots composés Darmesteter remarque:
»Dans la juxtaposition le nom composé n'offre pas plus d'i-
dées à l'analyse que chacun des termes qui le composent,
dans la composition elliptique il offre une idée nouvelle que
l'on ne pourrait retrouver dans les éléments pris à part.« Com-
ment concilier ces assertions avec les faits? Vinaigre n'est plus
du vin aigre mais un produit de la fermentation acide du vin;
bonhomme n'est plus un homme bon, mais un homme âgé ou
simple d'esprit; donc, ces deux composés présentent bien une
idée que n'indiquent pas les termes composants. Et comme
bateau-mouche est tout simplement un bateau qualifié de
mouche, où est donc l'idée nouvelle qui ne se retrouve pas
dans les éléments pris à part?
556. Soudure. Quant à la forme extérieure sous laquelle
se présentent les mots composés, ils se divisent en trois
groupes :
1^ Dans quelques mots, ordinairement de date ancienne,
les éléments composants se sont soudés complètement; le mot
composé se présente ainsi sous l'aspect d'un mot simple. Ex-
emples: aubépine, bonheur, bonhomme, bonjour, bonsoir, entre-
sol, ferblanc, gentilhomme, hautbois, malheur, passeport, sain-
doux, vinaigre. Parfois la soudure a amené différents change-
ments graphiques et phonétiques du premier élément. Ex-
emples: Bavolet (pour basvolet; cf. I, § 463,3); béjaune (pour
bec jaune); chaqueue (pour chat queue); chégros (pour chef
gros); faufil (pour faux fil); gendarme (pour gens d'arme); li-
cou (pour lie cou; I, § 271,2); maltôte (pour maie tôte; cf. I,
§ 342) ; morfd (pour mort fil) ; pivert (pour pic vert) ; verjus
(pour vert jus).
Remarque. Il est parfois curieux d'observer comment un mot simple peut
être remplacé par un mot composé dont les éléments se soudent de sorte
que le mot composé devient simple à son tour. Le latin meridies qui se
présente comme un mot simple, est en fait un mot composé, une combi-
naison d'un adiectif avec un substantif: meridies < medi die s. Le mot
n'a été conservé qu'en italien: merigge, meriggio. Dans les autres langues
romanes il a été remplacé par une nouvelle combinaison qui le décompose
pour ainsi dire. Dans le glossaire de Reichenau meridiem est remplacé
»
261
par diem médium qui se retrouve en français avec un autre ordre des
deux éléments: mi di, d'où midi, qui est maintenant regardé comme un mot
simple.
2^ Ordinairement les éléments composants s'unissent à l'aide
d'un tiret: arc-en-ciel, bas-relief, chauve-souris, chef-d'œuvre, lieu-
tenant-colonel, prête-nom, tête-à-tête.
3^ Enfin on a aussi des mots composés dont les éléments
ne sont pas graphiquement unis: aide de camp, bas bleu, bon
mot, chemin de fer, hôtel de ville, moyen âge, petit pois, pomme
de terre, etc. Sur l'emploi arbitraire du tiret dans les mots
composés, Yoir I, § 108.
CHAPITRE II.
COORDINATION.
557. Dans les composés par coordination entrent des subs-
tantifs, des adjectifs, des pronoms et des adverbes. Nous allons
examiner les combinaisons suivantes: Substantif-)- substantif,
substantif -f- adjectif, adjectif -f substantif, pronom -\~ substan-
tif, adverbe 4- substantif, adjectif + adjectif.
558. Substantif -f substantif. Ces composés se divisent en
deux groupes selon la place du déterminant; ordinairement
il suit le déterminé; il ne le précède que dans quelques cas
exceptionnels.
P Le déterminant suit: Bateau-mouche, café-concert, carte-
lettre, cerf-cochon, chou- fleur, commis-voyageur, fille-mère, laurier-
rose, papier-tenture, etc.
2^ Le déterminant précède: aide-bourreau, aide-chirurgien,
chef-lieu, coq-héron, maître-autel (comp. II, § 425), mère branche,
mère patrie, etc. Sur la formation du pluriel de ces mots, voir
II, § 330.
3^ Dans quelques cas assez rares les deux substantifs ont
absolument la même valeur et aucun d'eux ne peut être dé-
signé comme le déterminant de l'autre. Les éléments de ces
composés sont ordinairement abrégés. Le langage chimique
en offre plusieurs exemples que nous avons étudiés dans la
Phonétique (I, § 527, i). Ajoutons le mot maillechort, composé
fait arbitrairement avec les premières syllabes de Maillot et
Chorier, noms de deux ouvriers lyonnais qui imaginèrent cet
alliage.
263
4^ Des composés tautologiques se présentent dans quelques
cas où un substantif français se combine avec un substantif
synonyme étranger. On peut entendre un valet-groom, une loge-
box. Cominge, sous Louis XIV, appelait une rue »rue Rose
Street<.< (Jusserand, Shakespeare en France, p. 96).
559. Les composés par apposition sont extrêmement nom-
breux dans la langue moderne : article-réclame, bicyclette-tandem,
canne-parapluie, couteau-revolver, guide-interprète, mot-idée, per-
ruquier-coiffeur, sabre-baïonnette, voiture- annonce, voiture-lit, etc.
Victor Hugo aimait à accoupler ainsi des noms dont le second
sert d'épithète au premier. On trouve dans ses poésies un
homme-chèvre, une maison-tanière, un temple-sépulcre, un pontife-
bourreau, un prêtre-monarque, un palais-prison, un astre-roi, un
rocher-hydre, etc. Beaucoup d'auteurs ont suivi son exemple.
On trouve dans Flaubert des âmes-cyprès, un homme-parole, un
homme-plume. Bourget emploie un millionnaire manœuvre (Voya-
geuses, p. 68), un homme-dollar (ib., p. 299); A. France, un
homme-bouc (Le puits de Sainie- Claire, p. 18).
560. Adjectif + substantif. Dans cette combinaison l'ad-
jectif peut précéder le substantif ou le suivre.
P L'adjectif précède le déterminé: basse-cour, beaux-arts,
belle-fille, bonhomme, bonheur, chauve-souris, demi-monde, faux-
fuyant, franc-archer, gentilhomme, haute-cour, libre-penseur, mal-
heur, milieu, minuit (autrefois mie nuit; voir I, § 271, 2), moyen
âge, petit-maître, petits- fours, plafond, tiers état, vif-argent, etc.
Ajoutons similor, où un adjectif latin (similis) est combiné
avec un substantif français.
2^ L'adjectif suit le déterminé: amour-propre, chat-huant,
coffre-fort, eau-bénite, eau-forte, état-civil, fait divers (comp. II,
§ 363), feu follet, huis clos, mainmorte, saindoux, sang froid,
vinaigre. Ajoutons cfz/n a ne/? e (dies domenica), outarde (avis
tarda), vimaire (vis major).
561. Pronom + substantif. L'adjectif possessif est le seul
pronom qui puisse faire corps avec le substantif. Dans ces
combinaisons, assez peu nombreuses, on perd vite la notion
de l'existence propre des deux éléments; elles arrivent à for-
mer des entités et on peut les faire précéder par un article
264
ou un pronom, même un pronom possessif. Voici les mots
qui présentent la combinaison d'un pronom possessif avec un
substantif: Monsieur, madame, mademoiselle, monseigneur,
messire, Notre-Dame, Notre-Seigneur. Nous avons déjà examiné
le pluriel de ces mots (II, § 328); nous nous contenterons ici
d'ajouter quelques remarques sur leur emploi au singulier:
Monsieur. Pour ce mot la soudure est complète: un monsieur,
ce cher monsieur, mon bon monsieur, son monsieur Trissotin, etc.
Madame. — Pour ce mot et le suivant la soudure est moins
complète. On dit bien chère madame, même ma chère ma-
dame, et Paul Hervieu écrit: Les hommes n'ont pas voulu
nous dire comment s'appelait sa madame (Peints par eux-
mêmes, p. 86). Mais on hésite devant une belle madame qui
appartient plutôt au parler badin.
Mademoiselle. — On dit chère mademoiselle, mais ma chère
demoiselle.
Notre-Dame. — Il y a trois déesses de la tristesse; elles sont
nos Notre-Dame des Tristesses (Ste-Beuve, Charles Baudelaire,
p. 69). Voici ma Notre-Dame à moi (Hernani, III, se. 3).
Remarque 1. Il faut encore citer les mots curieux ma mie (pour m'amié)
et m'amour, où se trouve l'ancien féminin du pronom possessif; nous les
avons étudiés dans la Morphologie (II, § 547).
Remarque 2. Dans les parlers locaux on rencontre plusieurs autres cas
de soudure. En patois lillois on dit notre monfré, pour notre frère, et une
petite chanson belge commence ainsi: »I1 m'a emmenée chez sa matante^ (comp.
E. Deschanel, Les déformations de la langue française, p. 51). Cette soudure
du pronom possessif avec le substantif est assez répandu dans le belge actuel,
où l'on entend dire une matante, ma matante, ta matante, mon mononcle et
une masœur (dans le sens de religieuse).
562. Adverbe -f nom.
1^ Les adverbes qui entrent en composition avec un subs-
tantif sont: arrière, avant, contre, entre, sous, sur. Exemples:
Arrière-boutique, arrière-cour, arrière-goût, arrière-neveu^ arrière-
pensée, avant-bras, avant-cour, avant-mur, avant-poste, avant-
propos, avant- scène, avant- veille, contre-amiral, contre-appel,
contre-basse, contre-maître, contre-ordre, entrecours, entre faite,
entre-pas, entre-pied, sous-bail, sous-lieutenant, sur-arbitre, sur-
poids, etc. Des composés nouveaux se produisent à tout mo-
ment; rappelons contre-éducation employé par H. Taine (Philo-
265
Sophie de Vart en Italie, p. 69). Sur le pluriel de ces mots, Yoir
II, § 339; nous parlerons de leur genre au § 721.
2^ Les adverbes qui entrent en composition avec un adjec-
tif sont entre et sus: entre fin, entrelarge; susdit, susénoncé, sus-
orbitaire.
Remarque. Rappelons aussi la combinaison trop plein qui s'emploie subs-
tantivement: Je ne peux pas vous expliquer avec des mots l'espèce de trop-
plein d'émotion qui nous enveloppait (P. Bourget, Pastels, p. 304).
563. Adjectif + adjectif. On peut diviser ces combinaisons
en deux groupes selon que le dernier adjectif, qui est ordi-
nairement le déterminé, est un adjectif pur ou un participe.
Le premier adjectif, qui est le plus souvent un déterminant,
peut avoir la valeur d'un adverbe.
P Aigre-doux, clair-obscur, grand-ducal, gris-brun.
2^ Bas-percé, blanc-poudré, clairsemé, courbatu (pour court-
batu), court-jointé, court-monté, court-vêtu, dernier-né, frais-éclos,
gras-cuit, gras-fondu, gris-pommelé, haut-perché, haut-placé, ivre-
mort, long-jointé, mort-né, nouveau-né, etc. — Clairvoyant, tout-
puissant, etc.; on trouve dans la vieille langue doux-coulant.
Ajoutons haché-menu, où le participe précède l'adjectif.
CHAPITRE III.
SUBORDINATION.
564. Dans les composés par subordination entrent des subs-
tantifs, des prépositions, des verbes. Le mot subordonné
peut être le régime d'une préposition ou d'un verbe. Dans
quelques cas le rapport de subordination n'est pas indiqué
par la préposition. Voici les combinaisons que nous allons
passer en revue : Substantif -|- substantif, substantif + préposi-
tion -(- substantif, préposition + substantif, substantif + verbe.
Nous renvoyons au chapitre suivant (§ 573 ss.) l'examen des
mots composés avec un impératif et un nom.
565. Substantif + substantif. Les mots composés de deux
substantifs non coordonnés se divisent en trois groupes, selon
qu'ils remontent au latin (orfèvre < auri faber), au moyen
âge (hôtel-Dieu)^ ou qu'ils sont des produits relativement mo-
dernes (timbre-poste). Ajoutons tout de suite qu'il n'y a pas
et qu'il ne peut pas y avoir de limites fixes et sûres entre
ces groupes: ils se confondent souvent.
566. Nous commencerons par citer un certain nombre de
composés remontant à l'époque latine. Tous les exemples sui-
vants, qui sont devenus des mots simples dont on ne sent
plus la composition, sont dus à l'union intime de deux mots
isolés dont l'un était au génitif: Connétable <comes stabuli;
jeudi < Jovis dies; joubarbe < Jovis barba; lundi < lunse
dies; mardi < Martis dies; mercredi < Mercurii dies;
orfèvre < auri faber; orpiment, emprunté du lat. auripig-
mentum; pourpier (^ pullipedem; samedi < sabbati dies;
267
vendredi < Veneris die s. Ajoutons chèvre-pied fait sur le mo-
dèle de cap ripe s, dont la forme savante est capripède
(A. France, Le puits de Sainte-Claire, p. 17).
Remarque. La soudure des éléments composants des mots cités est in-
dissoluble dans la langue moderne. Au moyen âge, les noms des jours de
la semaine ne formaient pas un ensemble phonétique fixe, le substantif di
pouvant précéder le génitif aussi bien que le suivre; on trouve ainsi diluns,
dimars, dimercre, divenres à côté des formes ordinaires conservées jusqu'à
nos jours.
567. Au moyen âge, le rapport de génitif s'exprimait, en cer-
tains cas, à l'aide du cas régime sans emploi aucun de pré-
position ; on disait li fiz le roi, H fiz Dieu, etc. La langue fran-
çaise moderne a conservé, dans les mots composés, quelques
restes de cette particularité syntaxique médiévale. Exemples:
Bain-Marie, terme chimique.
Blanc-madame, variété de raisin.
Chaqueue (nom vulgaire de la prêle), pour chatqueue (cf. I,
§ 387, 2) = queue de chat. On dit cacoue en normand et quoue
de chaitte dans les Vosges (comp. l'ail. Katzenschwanz).
Chiendent, nom de plante.
Corps Dieu, juron. Le mot Dieu (cas régime) s'est conservé
dans plusieurs autres jurons, tels que mort Dieu, sang Dieu,
ventre Dieu, vertu Dieu, etc.; dans le parler ordinaire ces ex-
pressions sont altérées de différentes manières (I, § 120).
Fête-Dieu, fête du saint-sacrement.
Filles-Dieu, sœurs hospitalières.
Feu Saint- Antoine, maladie (érysipèle) qui a fait de grands
ravages en France au moyen âge.
Hôtel-Dieu, le principal hôpital d'une localité.
Queue leu leu (jouer à la), c. à d.: queue le loup (I, § 182).
Sang Dieu, interjection, souvent altérée en sambleu, palsam-
hleu.
Sang-dragon, nom de plante; on dit aussi maintenant sang-
de-dragon.
Trou-madame, sorte de jeu.
Un certain nombre de noms de lieux présentent le même
reste de l'ancienne syntaxe: Châteaubriant , Château-Renard,
Châteauroux (I, § 100). La Ferté-Milon, Montfaucon, Pré-Noiron,
Vaugirard, eic. Bourg -V Ahhé, Bourg-la-Reine,Ville-V Évcque, Choisy-
le-Roi, etc.
268
568. La composition spéciale représentée par un mot tel
que hôtel-Dieu a été peu imitée en français; elle est extrême-
ment répandue dans les langues Scandinaves et germaniques,
mais ne paraît guère s'accorder avec le génie roman. Dans la
langue moderne pourtant, elle paraît commencer à se dé-
velopper, peut-être sous l'influence des langues étrangères en-
vironnantes. Quant à l'ordre des éléments composants, le dé-
terminant suit ordinairement le déterminé dans les formations
modernes; pour les anciennes, la place du déterminé était
facultative.
P Le déterminant précède le déterminé. Les exemples sui-
vants se composent de deux noms dont le premier est sub-
ordonné au second: banlieue, hanvin, chanlatte (latte de chant),
chaufour (four à chaux), cocrête, coque-plumet, terre-noix. Quar-
tier-maître est calqué sur l'allemand Quartiermeister.
2^ Le déterminant suit le déterminé. Cet ordre de mots se
trouve dans quelques créations modernes: cas régime, cas su-
jet, malle-poste, timbre-poste, timbre-quittance, train-poste.
569. Nom + verbe. Les composés avec un nom et un verbe
se divisent en deux groupes, selon le rapport syntaxique entre
les deux mots.
P Le nom est le régime direct du verbe. Cette sorte de
composition est très rare, elle s'observe dans lieutenant et dans
l'ancien terme foimenti, parjure (proprement: qui a menti foi,
manqué de foi). Rappelons aussi des composés tels que sa-
voir-faire, savoir-vivre, où le dernier infinitif est à regarder
comme un nom régi par le premier.
2^ Le nom est le complément indirect du verbe. Ces com-
posés sont peu nombreux; leur construction est plutôt latine
que française, ils continuent des combinaisons telles que
crucifigere, manumittere, auroclavatus, etc., où le
veïbe est accompagné d'un ablatif de manière ou d'instru-
ment (comp. § 568). Quelques créations nouvelles de ce type
se trouvent en gallo-roman où l'on disait par ex. mente-
habere d'où le vfr. mentevoir, surtout employé dans les com-
positions amentevoir, ramentevoir, rementevoir. On en forme
d'autres dans la langue d'oïl, et encore au XVIP siècle sur-
gissent quelques rares composés analogues. Voici une liste
sommaire des exemples les plus importants:
269
Billeharrer, barrer avec des billes ; formation du XVP siècle.
Blanc-poudré, poudré à blanc; remonte au XVIII^ siècle.
Bouleverser, verser en boule, comme une boule; date du
XVP siècle.
Chantourner, tourner de chant (cantus), de côté.
Cailleboter, coaguler, propremenf: bouter, mettre en caille,
radical de caillé; formation dialectale du moyen âge.
Vfr. cloufichier ou cloufire, synonyme de crucifier^ propre-
ment fixer avec des clous. Le mot se trouve déjà dans la Vie
de saint Alexis; c'est probablement une formation gallo-
romane.
Colporter, porter sur le col (cou), sur le dos; remonte au
XVP siècle.
Culbuter, faire la culbute, proprement buter (bouter) sur le
cul; remonte au XVP siècle.
Vfr. ferarmer, armer de fer, revêtir d'une armure de fer;
c'est probablement une formation gallo-romane comme les
trois mots suivants:
Vfr. ferlier, lier de fer, enchaîner fortement.
Vfr. fernoer, nouer de fer, attacher avec du fer.
Vfr. fervestir, vêtir de fer.
Maintenir, proprement tenir par la main ; remonte au moyen
âgeT
Morfondre, proprement fondre par suite de la morve, rendre
catarrheux, pénétrer de froid; date du XIV^ siècle.
Saupoudrer, poudrer avec du sel; date du moyen âge.
Vermoulu, moulu de vers; remonte au moyen âge.
570. Nom + préposition + régime. Cette manière de former
des mots nouveaux est très générale; c'est pour ainsi dire la
composition française par excellence. Les prépositions em-
ployées sont à, de, en, sur.
P Préposition à: Arme à feu, boîte aux lettres, chambre à
coucher, char-à-bancs, fil- à-plomb, justaucorps, machine à coudre,
machine à vapeur, moulin à vent, pain à cacheter, pot à fleurs,
pot-au-feu, propre-à-rien, salle à manger, ver-à-soie.
2^ Préposition de: aide-de-camp, blanc de céruse, chef-d'œuvre,
chemin de fer, ciel de lit, corps de logis, eau-de-vie, gendarme,
haut-de- chausse, hôtel de ville, lettre de change, mont-de-piété,
pain dépices, pomme de terre, vaudeville (I, § 529).
270
3^ Préposition en: arc-en-ciel, croc-en-jambes; bachelier es
lettres, docteur es lettres (sur es, voir II, § 502, si).
4° Rappelons aussi les prépositions lez (la tus) et sur, qui
ne s'emploient plus que dans quelques noms de lieux: Plessis-
lez-Tours, Chalons-sur-Marne, Pontsur-Oise.
571. Il n'est pas rare qu'on abrège ces composés en élimi-
nant le déterminé. Tout comme une ville capitale se réduit à
une capitale (§ 647), un bateau à vapeur se réduit à un va-
peur. C'est le déterminant qui contient la désignation la plus
caractéristique et c'est pourquoi il peut servir, à lui seul, à
désigner l'objet en question. Ce procédé brachylogique est
parfois accompagné d'un changement de genre; nous en parle-
rons au § 715 ss. Voici maintenant quelques exemples de noms
qu'on pourrait appeler elliptiques parce qu'ils proviennent
d'une abréviation de composé.
Bonnet est pour chapeau de bonnet (ce mot désigne primi-
tivement une sorte d'étoffe).
Dinde; cet oiseau s'appelait autrefois coq d'Inde ou poule
d'Inde (voir II, § 431).
Douve, au sens de renoncule vénéneuse qui croît dans les
fossés remplis d'eau, est une abréviation de herbe de douve
(lat. pop. do g a, conduit d'eau).
Doyenné est une poire d'automne fondante; on a dit d'a-
bord poire de doyenné.
Fresque s'emploie pour peinture à fresque (le mot est em-
prunté de rit. fresco, frais).
Fusil est pour mousquet à fusil (ce mot, qui signifie primi-
tivement 'amorce', est emprunté de l'it. fucile).
Mai se dit elliptiquement pour arbre de mai.
Pendule, au féminin, est une abréviation de horloge à pen-
dule.
Pur sang se dit dans le langage sportif actuel pour cheval
de pur sang. On dit au pluriel des pur sang.
Remise, au masculin, s'entend à Paris pour fiacre de remise.
Toilette s'emploie pour table de toilette.
Vermicelle se dit dans les restaurants pour potage au vermi-
celle.
On pourrait encore citer des cas comme la (fête de) Saint-
Jean, (église de) Notre Dame, (hôpital de) la Charité, le (pays
271
de) Languedoc, (almanach) Bottin, etc. ; pourtant il faut se gar-
der de trop étendre le domaine de la brachylogie : une valence
n'est probablement pas une abréviation de une orange de Va-
lence, comme le veulent plusieurs grammairiens, c'est une
simple métonymie. Nous reviendrons sur ce point dans la Sé-
mantique.
Remarque. Des mots elliptiques comme ceux que nous venons d'étudier
se produisent à tous moments dans le parler de tous les jours. En voici
un exemple amusant: Quel respect on inspire .... quand on a été seule-
ment présenté à Galles, c'est ainsi .que s'expriment les superchics (G. de
Maupassant, Sur Veau, p. 34).
572. Préposition + régime. Les mots composés d'une pré-
position et de son régime, ordinairement un substantif, sont
assez nombreux. Ils fonctionnent comme substantifs, adjectifs
et adverbes.
1^ Substantifs: Acompte, avenir^ après-midi, contrepoison, em-
honpomt, enjeu, en-tout-cas, entregent, parterre, sous-barbe, surtout,
etc. Sur le pluriel de ces mots, voir II, § 339. A côté de ces
composés tout faits on trouve souvent des créations indivi-
duelles; rappelons pour le XV® siècle un hors du sens, un for-
cené, une sans si, une femme parfaite (voir G. Paris, Chansons
du XV^ siècle, p. 23, 43), et pour le dix-neuvième siècle un
sans-patrie (§ 496).
2^ Adjectifs. Pour la langue moderne on ne saurait citer
que débonnaire, primitivement de bon aire (disposition); autre-
fois on a dit aussi demalaires, deputaires, et ces combinaisons
s'employaient également comme adjectifs. Comp. § 42. L'ita-
lien connaît une expression telle que un uomo dabbene.
3^ Adverbes: Davantage, debout, de suite, enfin, environ, par-
tout, sur le champ, surtout, etc. Sur empreu, voir II, § 481, i,
Rem.
>
CHAPITRE IV.
COMPOSITION PAR PHRASES.
573. Des phrases entières, pas trop longues, se soudent de
manière à pouvoir s'employer comme des mots simples; elles
fonctionnent ordinairement comme des substantifs et parfois
comme des particules. On peut diviser ces composés en deux
groupes. Le premier comprend les compositions ordinaires
faites sur le modèle de perce-neige, de laissez-passer, etc. et
quelques locutions verbales figées telles que naguère, cepen-
dant; l'autre comprend les phrases de toute sorte employées
accidentellement comme des substantifs. On sait que tout mot
simple peut s'employer comme substantif: un pourquoi, un mais,
un moi, etc., et il en est de même de beaucoup de phrases;
qu'en dira-t-on devient facilement synonyme de » l'opinion pu-
blique*: de là une tournure telle que je m'en fiche du qu'en
dira-t-on. Ce dernier exemple ne nous offre ni un vrai com-
posé, ni une locution verbale figée, mais seulement un emploi
substantif fortuit. Il faut pourtant remarquer qu'il n'y a pas
entre les trois étapes indiquées de limites fixes et sûres; elles
se confondent imperceptiblement.
Remarque. On peut employer comme des substantifs non seulement des
phrases entières, mais aussi des bouts de phrases, des combinaisons for-
tuites de mots, des expressions toutes faites, des fragments quelconques.
Ainsi tous les jours se prend substantivement pour désigner ce qui se fait
tous les jours. Sainte-Beuve écrit: Leur conversation ne portait pas au-delà
d'un cercle borné; leur tous les jours était assez ordinaire {Port-Royal, VI,
267). Voici un autre exemple où la locution autour Ze jour est substantivée:
Son œuvre est un au jour le jour captivant en perpétuelle trémulation
(Emile Magne, Scarron et son milieu. Paris, 1905. P. 15).
273
574. IMPÉRA.TIF -}- RÉGIME DIRECT. Le vcrbe peut être au sin-
gulier, ce qui est l'ordinaire, ou au pluriel.
P Verbe au singulier: Abat-jour, bouche-trou, brise-glace,
brûle-gueule, cache-nez, coupe-bourse, coupe-gorge, crève-cœur,
cure-dent, fainéant (cf. II, § 153, i), garde-manger, gâte-sauce,
gratte-papier, licol (cf. I, § 271,2), passeport, perce-neige, perce-
oreille, pèse-lettres, porte-plume, pousse-café, prête-nom, serre-
papier, tire-bouchon, trouble-fête, etc. Ajoutons tocsin emprunté
du prov. toca senh, proprement: touche la cloche (signum).
2^ Verbe au pluriel: Lâchez-tout, regardez-moi, rendez-vous.
575. On a émis plusieurs opinions sur la forme du verbe
employé dans des composés tels que perce-neige, porte-feuille,
abat-jour, cités au paragraphe précédent. Après les démonstra-
tions lumineuses d'Arsène Darmesteter, tout le monde, ou à
peu près, est maintenant d'accord pour y voir un impératif
primitif. Il faut pourtant ajouter que de nos jours on n'a
plus une idée bien nette de la forme employée, le sens de
l'impératif s'étant effacé peu à peu. Pour un Français de nos
jours, un porte-plume est tout simplement un instrument qui
porte la plume et non pas un instrument auquel on dit: porte
(la) plume; l'ancienne désignation si vivante et si pittoresque a
ainsi absolument changé de caractère, et la nouvelle manière
de voir a influencé l'orthographe qui, dans les cas où l'im-
pératif diffère du présent de l'indicatif, admet celle du dernier
temps: abat-jour. Nous citerons maintenant quelques considé-
rations qui plaident en faveur de l'hypothèse de l'impératif:
1^ On avait au moyen âge une conception très nette de la
forme verbale employée; qu'on s'accordât à y voir un impéra-
tif, c'est ce que montre la traduction latine de plusieurs noms
propres français que nous trouvons dans les documents juri-
diques. On y rencontre par exemple: Tenegaudia, Pende-
lupum, Beroldus Firma hostium, Johannes Gayta
podium, Haymericus Fac malum, Silvester Pela vi-
cinum.
2^ Dans la vieille langue on trouve des composés qui pré-
sentent un impératif indubitable. Exemples: Boi Vauwe, Mar-
tin clo mes oeulz, Uguignon fai mi boire, Poincheval, Martin
Boivin, Robert Fieramort, Garin TorcuL Les verbes qui entrent
18
274
dans ces composés se terminent à la troisième pers. sing. du
présent de l'indicatif par un t.
3° Plusieurs expressions d'une date plus récente contiennent
également un impératif indubitable. Nous citerons d'abord les
compositions où le verbe est un pluriel: un rendez-vous, un
îaissez-passer, etc. ; puis quelques mots où le verbe est au sin-
gulier, mais où il est impossible de se méprendre sur la forme
employée: Trousse-ta-queue (ancien nom propre); le sire de Fiche-
ton-camp; un ouvrage fait à la va vite, à la va-te- faire- fiche. De
telles formations sont fréquentes dans l'argot et les patois. Les
paysans du Jura donnent le nom de tiens-toi-bien aux petits
chariots où l'enfant apprend à marcher.
4^ Nous ajoutons enfin quelques formations analogues avec
impératif et vocatif, que fournissent les autres langues ro-
manes. On dit en espagnol: un Hazmereïr (un »fais-moi rire«,
bouffon), Tentemozo (un »tiens-toi garçon«, appui); en italien:
un bevilacqua (un »boi l'eau «, buveur d'eau), un rompicapo
(un »romps la tête«, trouble-fête); en roumain: frige-linte (un
»frit lentilles «, mauvais cuisinier, un homme de peu de va-
leur), perde-véra (un »perd printemps «, qui ne fait rien dans
la saison du travail), stramba-lemne (un »tord bûches «, homme
très fort); des mots correspondants se trouvent en rhéto-roman.
5^ Cette manière de formation n'est pas non plus inconnue
aux langues germaniques et Scandinaves. Exemples anglais:
hreakfast, draw-back, look-out, pick-pocket, picMooth (ou tooth-
pick); Hackwood, Makepeace. Exemples allemands: Kehraus,
Kehrum, Kehr-dich-nicht-dran, Reissaus, Rûhrmichnichtan, Stell-
dichein, Thunichtgut. Exemples danois: Rivihjel, Pasop, Sluk-
efter, Korom, Ole Lukôje, Tagfat.
6^ A l'imitation des composés avec un impératif on a créé
en latin les mots tels que fac-similé, fac totum, noli me
tangere, nota bene, vade mecum.
576. Après cette petite excursion explicative nous revenons
à nos composés sur l'emploi desquels il faut encore dire un
mot.
1^ Au moyen âge ils s'employaient souvent comme noms
propres: Hochecome, Labourebien, Chasseleu (II, § 377, Rem.),
Perce-forest, etc. Plusieurs de ces noms sont conservés jusqu'à
nos jours: Boileau, Pisseleu.
275
2^ Au temps de la Renaissance ils fourmillent chez les
poètes de la Pléiade, comme chez Rabelais; les poètes em-
ploient ordinairement nos composés verbaux comme épi-
thètes. Ronsard chante le sommeil ocieux, chasse-souci, l'amour
porte-brandon, le vent chasse-nue , ou ébranle-rocher, etc. Voici
quelques remarques plus détaillées tirées de l'étude approfon-
die d'Arsène Darmesteter sur les mots composés (p. 217):
Dans Du Bartas on recueille à pleines mains des composés
avec l'impératif: le sommeil abrège-nuits, chasse-soins, chasse-
ennui; la guerre aime-pleurs, brusle-hostel, casse-loix, casse-mœurs,
rase-forts, fauche-ennemis, verse-sang, etc.; l'amour domte-orgueil,
emble-cœur, traîne - peuple ; le Christ domte- enfer, domte-péché,
domte-mort; le printemps porte-fleurs; Abraham domte-ennui,
guide-espoir, sèche-pleurs; le ciel porte- flambeaux ; le pin baise-
nue, le contre fend-guéret, etc.; »Le feu donne-clarté, porte-chaud,
jette-flamme, source de mouvement, chasse- ordure, donne-âme
(Semaine, II); Phébus aux cheveux d'or, Apollon donne-hon-
neurs, donne- âme, porte -jour, soutien des grands seigneurs,
Aime-sucs, aime-vers, tes routes sont bornées . . . .« (id., IV);
»Herme guide-navire, Mercure échelle-ciel, invente-art, aime-lyre^
(id., ibid.J, »et Phœbe verse-froid, verse-humeur, borne-mois^ (id.,
ibid.); »son ventre (à l'araignée) engend/e-estain, crache-fil, porte-
laine« (id., VII).
577. Impératif + vocatif. Dans quelques cas le nom qui
suit le verbe n'est pas à regarder comme le régime direct.
Tandis que tire-bouchon est un instrument qui sert à tirer le
bouchon d'une bouteille, et qui doit son nom à l'exhortation
directe : tire-moi le bouchon, le mot dialectal gobe-mouton (nom
d'une pâture donnée au mouton) doit se décomposer d'une toute
autre manière: mouton n'est pas un régime de gobe, mais un
complément ajouté pour indiquer à qui l'ordre s'adresse; gobe-
mouton veut ainsi dire: Gobe-moi ça, mouton. Les exemples de
celte composition ne sont pas nombreux, et ils appartiennent
presque tous au parler provincial:
Broute-biquette, nom du chèvrefeuille dans le Maine.
Gratte-boesse, espèce de pinceau dont se servent les doreurs;
boesse est une forme dialectale de brosse.
Morgeline, nom d'une plante aimée des poules; geline est le
latin gallina.
18*
276
Pique-poule^ nom d'un raisin aimé des poules.
Porte-chaise, ancien nom de la chaise à porteur (ne pas con-
fondre avec porte-chaise, porteur de chaise).
578. Pour finir, nous citerons un certain nombre d'autres
composés où entre un impératif, suivi de quelque complément
qui n'est ni un régime direct ni un vocatif:
P L'impératif peut être accompagné d'un complément ad-
verbial ou d'un régime indirect: boute- en -train, chie-en-lit,
croquembouche , meurt -de -faim, pince -sans -rire, pissenlit, re-
venez-y, touche- à-tout, tourne-à-gauche (outil de charpentier).
2^ L'impératif peut être suivi d'un infinitif: un laissez-passer.
3^ L'impératif peut être suivi d'un autre impératif. On di-
sait dans la vieille langue chante-fable (récit mêlé de chan-
sons, ouvrage où l'on chante et fable), dorveille ou dormeveille,
état d'assoupissement, plore-chante (titre d'un petit poème
moral). Rappelons pour la langue moderne chassez - croisez,
chassez -déchassez (pas de danse), tire-laisse, tournevire, va-et-
vient.
Remarque. Nous ne citons pas ici chante-pleure. Les dictionnaires disent
que cet instrument est ainsi nommé parce que le liquide en coulant chante
et pleure; au point de vue historique le mot devrait donc s'analyser comme
un composé de deux impératifs. Il est cependant probable que chante-pleure
doit sa forme à une étymologie populaire (comp. I, § 528) et n'a rien à faire
avec chanter et pleurer; la forme primitive paraît être chatte-pelleuse, nom
dialectal de la chenille à laquelle on a comparé pittoresquement le tuyau
de l'entonnoir; chatte-pelleuse est devenu chante-pelleuse (Palsgrave) ou chatte-
pelleure (I, § 360), d'où enfin chante-pleure.
4" Citons à part les quelques mots où l'impératif est re-
doublé: cache- cache, passe-passe, vire-vire.
579. Des propositions entières peuvent devenir des substan-
tifs qui expriment l'idée que la proposition contenait dans son
ensemble (L. Lindberg). Ces propositions peuvent être des ex-
clamations, des questions, des souhaits, des commandements
ou de simples phrases énonciatives. Elles fonctionnent ou comme
substantifs ou comme adverbes.
P Substantifs:
Quantès est pour quand est-ce; ce mot est employé dans la
locution payer son quantès et désigne ordinairement le vin que
277
doit payer l'ouvrier nouvellement embauché à ses camarades.
C'est donc proprement une interrogation: quand est-ce qu'un
tel paiera sa bienvenue?
Simagrée, probablement pour si m'agrée (cela me plaît ainsi).
Sot-V y-laisse, morceau délicat de la volaille, qui se trouve de
chaque côté au-dessus du croupion.
Vademanque, déficit.
Vasistas^ petit carreau de fenêtre; emprunté de l'ail, was
ist das.
Remarque. Il faut aussi citer adieu qui est une abréviation de la locu-
tion à Dieu soyez, ancien salut de rencontre ou de congé: A Dieu soyez, ma
popine (G. Paris, Chansons du XV^ siècle, p. 9).
2^ Adverbes. Dans quelques cas isolés, on a attribué à une
phrase, directe ou absolue, la fonction d'un adverbe. Exemples:
Cependant, pour ce pendant.
Naguère, pour /l'a guère, vieille construction française; on
dit maintenant il n^y a guère (de temps).
Nonobstant, pour non obstant; comp. le latin non obstante.
Peut-être; au moyen âge on disait plutôt puet cel estre, cela
peut être; comp. en danois kanske, màske.
Pièça, pour pièce a, il y a une pièce de temps.
Tel heure est; cette phrase s'employait au moyen âge au sens
de souvent.
Remarque. Une phrase figée ne s'emploie presque jamais en français comme
adjectif. Il en est autrement de l'anglais, comme le montrent les exemples sui-
vants: With an I-turn-the-crank-of-the-universe air (Lowell). A Utile man
with a say-nothing-to-me sort of countenance (Dickens). A she-won't sort of
Utile person (Meredith). Comp. O. Jespersen, Groivth and structure of the En-
glish Language.
580. Nous citerons en suite une série d'exemples montrant
l'emploi accidentel d'une phrase comme substantif:
A quoi bon? — Déjà Và-quoibon désabusé des fatalistes vient
à ses lèvres (L. Bocquet, Albert Samain, p. 50).
Ce que je m'en fiche. — Ta force, mon cruel chéri, elle est
justement dans ton dédain, dans ton: ce que je m'en fiche
(Lavedan, Vieux marcheur, p. 92).
Cest selon. — Il y a du c'est selon.
Comme il faut. — Il respecte toujours le comme il faut.
Un homme comme il faut. Une opinion comme il faut.
278
Faire le faut. — Comme c'étoit un faire le faut, nous prîmes
bien-tôt notre résolution (F. Léguât, Voyage, 1721. Vol. II, 12).
Je ne sais quoi. — Elle n'est pas belle mais elle a un je ne
sais quoi qui plaît et qui attire. Cette tournure qui est encore
très employée a eu sa grande vogue au XVIP siècle. Corneille
l'aimait et elle revient souvent dans ses œuvres:
Il est des nœuds secrets, il est des sympathies
Dont par le doux rapport les âmes assorties
S'attachent l'une à l'autre, et se laissent piquer
Par ces je ne sais quoi qu'on ne peut expliquer.
{Rodogune, v. 359).
Ces vers ont servi de point de départ au V^ des Entretiens
dCAriste et (V Eugène, du Père Bouhours, intitulé »Le je ne sais
quoi«. Un discours prononcé en 1635 par un académicien
portait le même titre.
Je suis à toi. — L'éternel »je suis à toi<i< de l'amour (Saba-
tier, François d^ Assise, p. 296).
On dit. — Des on dit faisaient croire qu'il s'était échappé.
D'après les on dit. Cela n'est que des on dit.
Qu'en dira-t-on? — Elle se souciait peu du qu*en dira-t-on.
Le qu'en dira-t-on. Le qu^en dira-t-on qu'il soit imprimé ou
transmis de bouche en bouche, demeure le plus infime de ses
soucis.
Qui-va-là. — C'est un homme qui a toujours réponse à qui-
va-là.
Qui vive? — Cet homme est toujours sur le qui vive. Les
deux troupes en vinrent au qui vive.
Sauve qui peut. — Ce fut un sauve qui peut général. *
Va te faire fiche. — Il le trouvera trop débraillé . . . trop
original . . . trop va te faire fiche (Gyp, Joies d'amour., p. 144).
581. De telles formations sont assez générales dans l'argot
parisien de nos jours. Exemples: Décrochez-moi-ça, chapeau
d'occasion pour femme (ne pas confondre avec un décroche-moi
ça, marchand fripier).
Grattez-moi dans le dos, corset à baleine.
Pincez-moi ça, nœud au bas de la taille, dans le dos, avec
de longs rubans qui retombent.
279
Suivez-moi jeune homme, double ruban descendant du chignon
le long du dos.
Va te faire panser, ou un va te laver, un soufflet.
582. Nous avons vu dans les derniers paragraphes avec
quelle facilité une phrase entière est transformée en substantif.
Ce phénomène, dont nous n'avons cité jusqu'à présent que
des exemples modernes, remonte au moyen âge qui l'employait
surtout pour former des noms de personnes caractéristiques.
Exemples :
Fol Vy laisse. — Puis lèvera le collier que aucuns appellent
foUilaisse; c'est une char qui est demouree entre la hampe et
les épaules et vient tout entour par dessus l'os du long de la
hampe sus le jargel (Chasse de Gaston PhébusJ. Comp. sotVy
laisse, § 579.
Fol s'y bee. — Mais on le doit clamer par rayson : »Fousi-
bee« (Bastart de Bouillon).
Fol s y fie. — Ci a felonesse espouse. Sa chamberiere a non
»Rousee«, Et ses chambellenz: »Faussifie« (Rustebuef, La voie
de Paradis).
Fol s'y prend, nom d'une des suivantes d'AnphéUse dans
»Foucon de Candie*.
Mal me sert.
Prou face! — Le prouface de son élection, voir Godefroy,
VI, p. 398.
Sert de Veau. — Chappelains et clers de chapelle, Et sert de
l'eau, chacuns m'appelle (Eust. Deschamps, Œuvres, VII, p. 182).
Va lui dire, entremetteur; employé surtout dans les contes
des XV« et XVP siècles.
LIVRE SIXIEME.
FORMATION DES PARTICULES,
CHAPITRE I.
REMARQUES GÉNÉRALES.
i
583. Un très grand nombre des particules latines ont dis-
paru, mais les pertes ont été largement réparées, et le français
possède un nombre considérable de particules nouvelles pour
la formation desquelles on a eu recours soit à des mots
simples (sauf, chez, prou, tôt, trop, guère) soit à des mots com-
posés. Les principes de formation des particules se réduisent
à quatre:
1^ Combinaisons de particules. Généralement c'est une pré-
position qui s'ajoute à un adverbe. On trouve déjà dans le
latin classique de super, ex ante, in ante, per inde, sub
inde, etc. Le latin populaire offre beaucoup de combinaisons
semblables: de post (Vulg., Loi Sal.), de intus, de contra,
de sursum (Anthimus), de foras, etc. Dans le Glossaire de
Placidus on lit: »Ante me fugit dicimus, non abante me
fugit; nam prœpositio praepositioni adjungitur imprudenter,
quia ante et ab sunt duse prsepositiones«. Nous verrons que
le français offre de nombreux exemples de combinaisons sem-
blables:: assez < ad satis, avant < ab ante, dans < de in-
tus, dedans, par contre, etc.
2^ Combinaisons d'une préposition et d'un nom. Types la-
tins: obvia m, admodum, invice m, posthac. Ce procédé
très employé en français a dû l'être aussi en latin vulgaire,
281
bien qu'on n'en trouve que peu d'exemples; cf. e contrario
(Grégoire de Tours), de proximo (Hégésippe). Exemples
français: antan < ante annum, demain < de m a ne, enfin <
in fine, parmi, pourtant, amont, aval, etc.
3*^ Combinaisons d'un adjectif avec un substantif: beaucoup,
longtemps, toujours, etc. ; on emploie aussi un pronom, ainsi le
vfr. ouan remonte à hoc anno.
4^ Phrases ou propositions prises absolument: naguère, cf.
§579,2.
584. Doublets. Beaucoup de particules se présentaient
dans la vieille langue sous deux formes dont l'une se termi-
nait par une consonne, l'autre par un e féminin. Exemples:
avec — avecque, com — comme, donc — doncque, encor— encore, illec
— illecque, mar — mare^ onc—oncque, or — ore, sour — soure, etc. La
langue moderne n'a pas gardé ces doublets; elle a adopté
tantôt la forme masculine : avec, donc, or, sur, tantôt la forme
féminine: comme, encore. Les poètes seuls ont gardé encor et
la poésie populaire se sert toujours couramment de avecque.
585. L'origine de ces doublets est assez obscure. Dans
quelques cas c'est la forme brève qui est étymologique: avec,
donc, illec; dans d'autres c'est la forme longue: encore, mare,
oncque. Mais comment expliquer avecque, doncque, illecque et
encor, mar, onc9 Où est le point de départ de ces formes
analogiques? Une seule des particules citées paraît posséder
primitivement deux formes différentes, sour et soure, qui re-
produisent vraisemblablement super et supra. Mais il est
difficile d'admettre que cette préposition ait pu servir de mo-
dèle à tous les autres mots. Nous sommes plus enclins à
croire que la phonétique syntaxique (I, § 112) est la cause
principale de la formation des doublets. A côté de or a
(contraction populaire de hac h or a) qui a produit ore, on a
pu avoir une forme atone or, d'où or. Cette explication s'ap-
pliquerait aussi à encore, lores, et ces formes d'un emploi si
général auraient facilement pu entraîner toutes les autres et
créer par une analogie proportionnelle doncque à côté de donc
et mar à côté de mare.
282
586. S ADVERBIAL. Beaucoup des particules se terminent par
un s, que ne justifie pas leur étymologie. Ce s paragogique
était d'un emploi très étendu dans la vieille langue et a laissé
beaucoup de traces dans la langue moderne. Il faut noter les
deux points suivants:
P Le s adverbial a été introduit définitivement dans les
mots suivants: jadis (jamdiu + s), sans (sine + s), tandis
(tamdiu -{- s), vfr. veaus (vel + s).
2^ Le s adverbial s'emploie sporadiquement dans un grand
nombre de particules qui se terminent par un e féminin; on
trouve ainsi alques, avecques, certes, doncques, encores, guères,
jusques, oncques, ores, primes, sempres, etc. à côté de alque
(aliquid), avecque ou avec, certe, donque ou donc, encore,
guère, jusque, oncque ou onc, ore ou or, prime, sempre (sem-
per). Après le moyen âge l'emploi de s s'est peu à peu perdu.
Au XVII® siècle on en trouve très peu de traces. Corneille
emploie mêmes pour même, mais seulement à la rime (Poly-
eucte, V. 838), et Vaugelas qui proteste contre avecques, admet
donques (Remarques, II, 110). La langue moderne a conservé
certes, mais le doublet certe dont on trouve des exemples dans
Marot, La Fontaine (Contes, I, p. 227) et Molière (Tartuffe,
IV, se. 5), n'est pas inconnu aux auteurs du XIX^ siècle.
V. Hugo s'en est servi dans les Orientales (n° 35). Rostand l'em-
ploie aussi: Non, certe, et c'est pourquoi j'étais prudent d'abord
(La Samaritaine, p. 24). Dans la même pièce, Rostand fait
rimer certe avec inerte (p. 13). A côté de guère et jusque on
a conservé guères et jusques, mais seulement dans le langage
poétique, pour avoir une syllabe de plus:
Tout le pays d'ici jusques à Montpellier.
(Victor Hugo, La légende des siècles, I, p. 74.)
Remarque. Dans la vieille langue on pouvait même ajouter s à que. En
voici un exemple: Si quez là demora ly hermitez membrus {Hugues Capet,
p. 210).
3^ Le S adverbial s'ajoutait sporadiquement aussi à quelques
mots qui se terminaient par une consonne ou par une voyelle
accentuée; on trouve ainsi au moyen â^e veirs (Roland, v. 381)
à côté de veir (verum). Rappelons aussi les formes curieuses
de nuits (Chevalier as deus espees, v. 1253) pour de nuit et lieus
(Aiol, V. 377), sur le lieu, aussitôt.
283
587. Le s adverbial paragogique est probablement dû à l'ana-
logie. Plusieurs adverbes offrent un s étymologique: mais
(m agis), moins (minus), plus (plus), et ces mots ont pu en-
traîner sans, lors, etc. Pour les mots qui présentent une syl-
labe finale atone, quelques-uns se terminaient étymologique-
ment par un e féminin: sempre (semper), d'autres par -es;
certes (certas; § 597). On peut donc admettre qu'on a dit
sempres (Roland, v. 1055) sur le modèle de certes, et l'existence
des doubles formes sempre — sempres et d'autres de la même
sorte a pu amener avecques, donques, etc.
Remarque. L'espagnol connaît aussi un s adverbial dont l'origine est
également analogique. Des formes telles que: antes, entonces, mientras, quizâs,
etc. doivent probablement leur s final à l'influence de atras, despiies, mas,
menas.
588. Orthographe. La représentation graphique des parti-
cules composées que possède le français moderne, est très
arbitraire: tantôt les différentes parties du mot se sont sou-
dées, tantôt non. Comp. par exemple:
alentour
à Venvi
quelquefois
quelque part
davantage
d'abord
autrefois
autre part
amont
à part
puisque
après que
enfin
en face
parce que
sur ce que
autour de
au lieu
de
là-dessus
là dedans
589. Flexion. Les particules sont invariables. Plusieurs
d'entre elles se présentent, comme nous avons vu, sous deux,
parfois même sous trois formes: or, ore, ores, mais elles ne
se déclinent pas et ne se conjuguent pas. Il faut pourtant
faire les observations suivantes:
1° Flexion nominale. Dans la langue du moyen âge nous
voyons dans quelques cas assez rares que l'adverbe s'accorde
avec le nom qui détermine. On trouve ainsi // devanz diz. Un
adverbe peut même se changer tout à fait en adjectif; on di-
sait par ex. soventez foiz. Ce phénomène, dont nous parlerons
au § 659, était peu général. On en trouve d'autres exemples
au midi de la France, où plus et mais se déclinent dans plu-
sieurs dialectes. Exemple: Pouorto de perosf — N'y o pas pussos
(Apporte des poires! — Il n'y en a plus). C'est par une as-
284
siniilation pareille qu'on dit en espagnol moderne: Una poca
de pimienta, unos pocos de garbanzos.
Remarque. Un nom devenant particule perd peu à peu toute flexion; voir
nos remarques sur hélas (§ 634), sauf (§ 619), atout (§619) et les participes
passés (§ 621).
2^ Flexion verbale. Dans un seul cas on a muni une parti-
cule d'une terminaison verbale. Le mot qui présente cette
particularité est le vfr. es (lat. ecce). Il était souvent suivi
médiatement ou immédiatement du pronom vous (rarement
toi) employé comme explétif: Es vos l'essample par trestot le
païs {St. Alexis, v. 182). As vus Rollant sur sun cheval pasmet
{Roland, v. 1989). Eis vus le pueple triste e dolent {Roman de
Rou, I, p. 433). A tant es vos le roi Artus (Béroul, Tristan,
V. 3706). Franceis se taisent: as les vus aqueisiez {Roland^
V. 263). Quant li anfant l'entendent, es les vous esfrees (Gui
de Bourgogne, v. 256). Ez le vos pris et mal bailli {Dolo-
pathos, V. .5631). L'union constante d'un pronom personnel
avec es avait un résultat curieux; on a regardé l'adverbe
comme un verbe et l'a traité à l'avenant en le munissant
d'une terminaison verbale. Exemples: Estes vous venu un mes-
sage (R. de Montauban, v. 1828). Estes vos le mesage {Orson de
Beauvais, v. 2489). Estes les vos dedans Nerbone antrez {Nar-
honnais, v. 910). A tant estes vos Pirinis (Béroul, Tristan,
V. 3397). Estes vous un asnier passer {Miracles de N. D. n° 16,
V. 1758).
590. Division. Les particules se divisent en quatre groupes:
Adverbes, prépositions, conjonctions, interjections. Il n'y a pas,
surtout entre les trois premiers groupes, de limites bien fixes
et stables, les mots passant facilement d'une fonction à une
autre; c'est pourquoi il peut être difficile de décider à quel
groupe appartient principalement telle ou telle particule, s'il
faut ranger avec sous les prépositions ou sous les adverbes;
dans les cas douteux nous préférons donner les mots sous tout
groupe auquel il peut appartenir. Quant aux interjections nous
en avons restreint le domaine; il nous paraît que plusieurs
grammairiens l'ont élargi démesurément.
I
CHAPITRE II.
ADVERBES.
591. Un grand nombre d'adverbes latins ont péri. Ainsi il
n'y a en français aucune trace de circa, cras, denique,
haud, hue, illuc, interdum, nuper, nusquam, quon-
dam, saepe, ubique, valde, etc. etc. On a de même aban-
donné les adverbes en -im, -itus, -iter: olim, paulatim,
gregatim, funditus, radicitus, graviter, acriter, bre-
viter, etc., et presque tous ceux en -e ou -o: modeste, probe,
libère, raro, falso, etc. Ces pertes considérables ont été
réparées de différentes manières. On a créé de nouvelles
formes composées; ainsi satis a été supplanté par ad -f- sa-
tis ) assez; de même rétro par ad + rétro ) arrière, main-
tenant en arrière; ho die > vfr. hui, de nos jours remplacé
par aujourd'hui et dans le parler vulgaire au jour d'aujour-
d'hui; comp. encore paulatim et peu à peu, quondam et
autrefois, denique et enfin. On a eu recours à des terminai-
sons dérivatives comme dans vfr. à genouillons ; citons aussi
les formes telles que brièvement, nouvellement, sévèrement qui
ont remplacé breviter, nuper, severe. Parfois aussi on a
formé de nouveaux adverbes simplement avec des cas: hoc
kanno > vfr. ouan, ou on a donné aux adjectifs la fonction
d'adverbe: chanter faux, entendre dur, etc. Il faut enfin signaler
l'emploi adverbial de quelques mots étrangers (trop, guère).
592. Adverbes latins conservés. Examinons brièvement
les adverbes latins qui se sont conservés en français, leur dé-
veloppement et leur emploi dans la composition:
286
Aliorsum > ailleurs (sur la forme, voir I, § 181); notez
aussi le composé d'ailleurs.
An te a été remplacé par quelque forme vulgaire peu sûre,
d'où s'est développé le vfr. ainz, ains. Le mot se trouve en-
core dans les satires de Régnier, mais Malherbe le condamne
(I, § 52, i); on avait aussi dans la vieille langue la forme élargie
ainçois, bientôt ou avant. Le mot se retrouve dans aîné, autre-
fois aisné, ainsné.
Bene > bien.
Deorsum, en passant par *deusum, est devenu vfr. jus
(I, § 118,4), à bas, en bas, par terre, le contraire de sus. Le
mot, disparu depuis longtemps de la langue, se retrouve dans
le dérivé jusant, la marée qui baisse. Il est difficile de voir si
jus se retrouve dans l'ancien adverbe laïs (Romania, XXVIII,
113).
Diu n'a pas été conservé comme mot simple; mais nous le
trouvons dans quelques composés: jam diu } jadis; tam diu
) tandis; la vieille langue connaissait aussi quandis, tant que,
aussi longtemps que.
Ecce > vfr. es, voici, voilà; sur la forme estes, voir § 589,2.
Heri ) hier; notez le composé avant-hier. Sur la prononcia-
tion de ces mots, voir I, § 296, i et notre Manuel phonétique,
§51, 164,5, Rem.
Ho die > hui, conservé dans aujourd'hui; on avait dans la
vieille langue les combinaisons ancui, et huimais.
Ibi > y.
Illac > là.
Inde ) vfr. ent, d'où la forme actuelle en. Le t a été con-
servé dans le composé sub in de ) souvent.
Intus > vfr. enz, ens. Ce mot mort depuis longtemps se re-
trouve dans dans, mauvaise orthographe pour dens (comp. I,
§ 215, 2) qui représente de + ens.
Jam > ja. Ce mot, encore employé par Régnier (Macette,
V. 19), disparaît au commencement du XVIP siècle; il se re-
trouve dans les combinaisons déjà, jadis, jamais.
Longe > vfr. loinz, loins, d'où loin.
M agi s > mais; comp. les combinaisons jamais, désormais
dans la vieille langue on avait aussi maishui, aujourd'hui, dès
maintenant, et maisouan, maintenant.
Maie > mal; sur la forme collatérale mau voir I, § 346, 347
287
Mane > vfr. main, conservé dans demain.
Melius > mieux; sur l'emploi de ce mot pour former les
comparatifs, voir 11/ § 455, 2.
Minus > moins.
Multum ) vfr. moult. Ce mot a depuis longtemps été rem-
placé par beaucoup, ce que regrettait déjà La Bruyère.
Non s'est développé de plusieurs manières différentes (I,
§ 224). A côté de la forme tonique non, on trouve les formes
atones nen, conservée dans nenni (l, § 211,2, Rem.), et ne, qui
s'abrège en n' devant une voyelle (I, § 281, 1).
Nunquam > vfr. nonque ou nonques.
Pejus y pis (I, § 197).
Per > par (I, § 245).
Plus > plus; sur l'emploi de ce mot dans la comparaison,
voir II, § 455 ss.
Porro ) vfr. por, puer.
Post > puis; la forme vulgaire intermédiaire entre ces deux
mots est peu sûre.
Prope > vfr. pruef, prof.
Quando > vfr. quant, changé en quand.
Rétro > vfr. riere; ce mot, très employé dans la vieille
langue, a été remplacé par arrière et derrière.
Satis ) vfr. sez, remplacé par assez.
Semper > vfr. sempre ou sempres, aussitôt.
Sic ) si; notez les combinaisons ainsi (le premier élément
de ce mot est inexplicable), aussi (aliud sic), vfr. altresi (al-
terum sic).
Sinistrorsum ) vh. senestror, gauche.
Supra ou super ) vfr. soure, sour, d'où seur et enfin sur,
voir I, § 302, 369, 2.
Sursum, en passant par susum. (I, § 362), est devenu sus.
Tantum > tant; notez les combinaisons autant (aliud
tantum), pourtant, vfr. altretent (alterum tantum). A côté
de tant on avait dans la vieille langue itant; sur l'explication
de cette forme, voir I, § 502, 3.
Tarde > vfr. tart, devenu tard.
Trans en passant par tras (I, § 318,3) est devenu très.
Tune paraît avoir été contaminé avec du m, d'où donc; au
moyen âge on avait les formes collatérales doncque et donques,
et la combinaison adonc; idonc s'explique selon I, § 502, s.
288
Ubi > oïL
Unde > vfr. on/, conservé dans dont, qui est pour (i'o/î/ (de
un de).
Unquam > vfr. oncque ou oncques.
Voluntarie > volontiers.
Remarque. A côté des adverbes transmis directement du latin, signalons
quelques autres mots simples auxquels on a donné une fonction adverbiale:
Loco > vfr. lues; tempère > tempre; paucum > peu; vera > vfr. voire,
voir; pro > prou; tostum > tôt (cf. bientôt, tantôt); germ. |)orp > trop
(forme masculine de troupe).
593. Nouvelles créations. A côté des adverbes latins con-
servés on trouve un très grand nombre de nouvelles créations.
Nous allons indiquer brièvement les procédés suivis pour les
former. On a eu recours tantôt à la composition, tantôt à la
dérivation; on a combiné des particules ou des noms, on a
prêté un sens adverbial à un mot simple, substantif ou ad-
jectif, ou à des phrases figées. Les procédés sont en effet
multiples et ils ont produit une grande richesse d'adverbes et
de locutions adverbiales. Rappelons enfin que la langue mo-
derne emploie adverbialement beaucoup d'adjectifs au neutre,
comme bas, bon, chaud, cher, clair, court, creux, double, doux,
droit, dru, dur, faux, ferme, fort, frais, froid, franc, gros, haut,
juste, long, menu, net, raide, rouge, sec.
Remarque. Le français présente plusieurs adverbes simples dont l'origine
est absolument inconnue. Citons l'ancienne particule interrogative dunne tra-
duisant le latin »numqvid» ou »nonne«, et l'affirmative enne (assurément)
qui s'employait aussi d'une manière interrogative. La langue moderne a
abandonné ces deux adverbes, mais elle a gardé mon, dont l'origine est
également restée introuvable.
A. COMPOSITION.
594. Combinaisons de particules. Nous avons déjà vu au
§ 592 que plusieurs des adverbes latins se sont combinés avec
d'autres particules (si— ainsi, aussi) ce qui, parfois, a eu pour
résultat la disparition de Padverbe simple (ja-déjà). Voici les
principales combinaisons:
1^ Adverbe -f- adverbe. Exemples: Ecce hic > ici, ci; ecce
hac > ça; jam diu > jadis; tam diu > tandis; dum in-
289
terim ) vfr. dementre(s) . Rappelons aussi jamais, là-dedans ^
là-dessous, là-dessas, ci-dessous, ci-dessus, ci-devant, ici-près, etc.
Céans vient du vfr. çaians, composé de çai, variante de ça, et
ens (intus); le terme correspondant leans a disparu main-
tenant; on avait encore dans la vieille langue les combinai-
sons ça avant, ça devant, ça jus, etc.
2^ Préposition + adverbe. Exemples: ab ante > avant; ad
rétro > arrière; ad satis > assez; de intus > vfr. denz, dens,
d'où dans; de rétro ) derrière; de unde ) dont; de foris )
dehors; de mane > demain; in simul ) ensemble. Déforma-
tion plus récente sont les composés suivants: dedans, dessous,
dessus, depuis, deçà, delà, dorénavant, d^ici, d'ailleurs, d'où, de
près, désormais, dès lors, dès à présent, en avant, en arrière, en
dedans, en dehors, en derrière, par ici, par là, après demain,
avant hier, depuis quand, à jamais, pour jamais,
3^ L'adverbe devenu substantif se fait précéder d'une pré-
position et de cette manière on a de nouveaux adverbes com-
posés : au dedans, au dehors, au-devant, au-dessous, au-dessus, au-
paravant, etc.
595. Substantif + adjectif ou pronom. Autrefois, quelque-
fois, toutefois, autre part, nulle part, quelque part, longtemps, tou-
jours, beaucoup; bon marché, bon gré, etc. En vfr. on trouve
encore toutes voies, celé part, nul lieu, tote jor (§ 712), toudis,
grand coup, plein cours, chalt pas, isnel pas, etc. Notez aussi
ouan (<( hoc anno), buer «bona hora?), mare, mar « mala
h or a).
596. Préposition + SUBSTANTIF. L'emploi adverbial d'une telle
combinaison est assez général. Rappelons d'abord quelques for-
mations qui remontent au latin vulgaire: Ad noctem > vfr.
anuit, enuit; ante annum > vfr. antan (dér. antenois). Don-
nons ensuite une série d'exemples appartenant à la langue
moderne et à la vieille langue: Amont, aval, vfr. adens, à aban-
don (vfr. à bandon), à côté, tout à coup, à genoux, à merveille,
à part, à peine, à plomb, à regret, à temps, à tort, à la fin, à
la fois, à Vavance, à Vavenir, à Vécart, à l'instant, au reste, au-
tour, alentour (vfr. à Ventour), \fr. aslhure (à cette heure);
contre- mont, contreval; debout, de côté, de force, de jour, de
nuit, de suite, tout de suite, d'abord, d'accord, d'avance, davan-
19
I
290
tage, derechef, de bonne heure, de bon gré, de plein gré, du reste,
en effet, en homme (cf. huma ne), en roi (cf. régie), en face,
en croix, enfin, ensuite, entour, environ, entre-temps (I, § 99),
parfois, par hasard, sans doute, sur-le-champ.
597. Préposition + adjectif. Cette combinaison a fourni les
adverbes suivants: A bas, à couvert, à découvert, tout à fait, à
présent, à V amiable, à V ordinaire, au moins, au plus, au sur-
plus, de même, de nouveau, d'ordinaire, de plus, du moins, du
tout, en aveugle, en bas, en général, en haut, en plus, en vain,
partout, pour sûr, pourtant, surtout (vfr. ensorquetot), etc. Déjà
le latin vulgaire connaissait de telles combinaisons: in con-
tinenti > vfr. en contenant, plus tard incontinent. Au moyen
âge les adverbes composés de de et d'un adjectif faisaient
concurrence aux dérivés en -ment, on disait sans différence
legierement et de legier (Ambroise, v. 1966; encore dans Régnier,
Macette, v. 37), novelement et de novel (Philippe de Thaûn, Bes-
tiaire, V. 1072). Parfois l'adjectif revêt la forme féminine à cause
d'un nom féminin sous-entendu: à droite, à gauche, à la dé-
robée, à la française, à la légère, etc. Il faut enfin remarquer
que dans la vieille langue l'adjectif était souvent mis au fé>
minin et au pluriel: à certes, à longes, de primes, etc. De pa-
jeilles formations s'emploient aussi en espagnol: a ciegas, à
oscuras, à solas, de veras.
598. Pronoms. On combine les pronoms avec un substantif,
un pronom, une préposition ou un adverbe.
1^ Pronom + substantif. On trouve cette combinaison dans
hoc anno > vfr. ouan.
2^ Pronom -f- pronom : Hoc ille > vfr. oïl, d'où oui (comp.
I, § 14, Rem.).
3^ Préposition + pronom. Exemples: Apudhoc) vfr. avuec
d'où avec (comp. § 616, 662); pro hoc > vfr. poruec, pruec
(comp. Romania, VI, 588; VII, 631); sine hoc > vfr. senoec,
sans cela; ad ipsum (?) > vfr. ades, maintenant (comp. l'it.
adesso); trans totum > vfr. trestout
4^ Adverbe + pronom. Aliud sic > alsi, aussi, alterum
sic ) vfr. altresi, autresi, ne ipse > vfr. neïs, nis, pas même,
pas du tout.
L
291
599. Locutions adverbiales. Il y en a un très grand nombre,
d'origine et de composition très diverses. Nous en citerons les
types principaux:
P Combinaisons de deux noms à l'aide d'une préposition:
Côte à côte; tête à tête; face à face; nez à nez; vis à vis; peu à
peu; mot à mot.
2^ Combinaisons d'un impératif et de son complément régis
par une préposition: A cloche-pied; à dépêche-compagnon; à
écorche-cul ; à V emporte-pièce; à lèche-doigts ; à tue- tête; d' arrache-
pied; à la va- te- faire- fiche.
3^ Phrases soudées: Naguère (pour n*a guère = il n'y a
guère, il n'y a pas longtemps), pièça (pour pièce a = il y a
pièce, il y a un moment), peut-être, peu s'' en faut. Rappelons
aussi les propositions absolues: Nonobstant (hoc non ob-
stante), cependant, maintenant (manu tenens).
B. DÉRIVATION.
600. Les terminaisons adverbiales latines telles que -e, -z'/er,
-im ont disparu en français, mais deux nouvelles se sont pro-
duites: -ons et -ment, desquelles la première est peu employée
tandis que l'autre est d'un usage très répandu. Nous allons
examiner en détail leur origine et leur emploi.
601. ONS. Dans la langue moderne ce suffixe ne se trouve
que dans deux expressions : à reculons, à tâtons. Dans la vieille
langue il était plus employé; en voici quelques exemples:
A bouchon, la bouche contre terre.
A boucheton, employé dans l'expression se mettre à bouche-
ton, s'appuyer les mains contre les genoux. Boucheton est un
dérivé de bouchet, petit bouc.
A chatons, comme un chat, avec précaution, à quatre pattes.
Exemple: Quant est petiz vait à chatons (Roman de Thèbes, l,.
V. 2974).
A chevauchons, à cheval, jambe de ça, jambe de là; encore
employé par Montaigne.
A cropeton, dans une situation accroupie. Villon s'est servi
de cette expression dans les » Regrets de la belle Heaulmière.«
19*
292
A genoiiillonSy à genoux, les deux genoux plies.
A ventrillonsy sur le ventre, à plat ventre.
Plusieurs de ces expressions vivent encore dans les patois
et parlers locaux; on dit ainsi à boucheton, coucher sur le
ventre en s'appuyant sur les coudes et sur les genoux (Bour-
gogne, Champagne); tomber à bouchon et se coucher à bouchon
(Lyonnais, Forez et Beaujolais); à caton, a quatre pattes (Nor-
mandie); ai genouillon (Besançon); à ventrillons (Normandie).
602. Les exemples cités montrent que -ons indique le plus
souvent une position particulière du corps et qu'il s'ajoute
indifféremment aux noms et aux verbes. Il en est de même
en italien qui connaît aussi notre terminaison sous la forme
-oni; on dit bocconi (de bocca), ciondoloni (de ciondolare), gi-
nocchioni (de ginocchio)^ penzoloni (de penzolare), etc. L'origine
de ce suffixe adverbial, qui paraît inconnu hors des terri-
toires gallo-romans et italo-romans, n'est pas encore éclaircie.
603. MENT. Les adverbes en -ment tels que bonnement^
heureusement, vivement, sont extrêmement nombreux et s'em-
ploient dès les plus anciens temps. Ils nous apparaissent main-
tenant comme des dérivés, mais, originairement, nous avons
là des composés, formés d'un adjectif et du substantif mente,
ablatif de mens. Bonnement est pour bonne ment, qui repré-
sente bona mente. Ce procédé de formation, qui se retrouve
dans toutes les langues romanes excepté le roumain, a son
point de départ dans des expressions telles que: Insistam forti
mente (Ovide). Bona mente factum, ideo palam; mala,
ideo ex insidiis (Quintilien). Qui religionem devota mente
suscepit (Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, n° 436).
Goncupiscit iniqua mente (Grégoire de Tours). Sur le mo-
dèle de ces formules, où mente signifie toujours »esprit«, on
a créé de nombreuses formations analogiques comme brevi
mente, rapida mente, etc.; ici la signification s'est effacée,
et l'idée plus vague de manière s'y est substituée. G'est ainsi
que peu à peu ce mot a été réduit à jouer le rôle d'un simple
suffixe qu'on a pu accoler à toutes sortes de radicaux: récem-
ment, nouvellement, dernièrement. Le plus ancien exemple d'une
formation adverbiale effectuée à l'aide du substantif mente
réduit à l'état d'un suffixe, se trouve dans le glossaire de
293
Reichenau (I, § 12, i), où »singolariter« a été traduit en langue
vulgaire par solamente.
Remarque. A côté de mente on a sporadiquement formé des adverbes à
l'aide du substantif germanique wisa; on trouve ainsi en vieil espagnol
fiera giiisa. Un procédé pareil s'observe en anglais (otherwise) , en allemand
(folgenderweise) et dans les langues Scandinaves.
604, Soudure. En hispano-roman notre suffixe a encore
une assez grande indépendance; on dit ainsi en espagnol
Clara, concisa y correctamenie ; il en était de même en vieil ita-
lien et en provençal. Dans la vieille langue française la sépa-
ration des deux éléments ne se trouve que dans quelques cas
douteux: Humle et doucement (Roland, v. 1163). Dure et aspre-
ment (Macaire, p. 352). Mainte et comunalment (Aiol, v. 4734).
Bel et courtoisement (Floouant, v. 2220). Ces exemples sont trop
isolés et trop douteux pour nous fournir des renseignements
sur la question du temps où la soudure a eu lieu. Mais ils
nous laissent supposer que -ment possédait une certaine in-
dépendance, quelque restreinte qu'elle fût. Il est peut-être per-
mis de tirer la même conclusion de la forme tièdement qu'offre
la Vie de saint Alexis (v. 262); elle remonte à laeta mente,
prononcé avec deux ictus (comp. I, § 135), et non pas Iseta-
mente, dont la première voyelle n'aurait pas été diphtonguée.
Pourtant il ne faut pas perdre de vue qu'une influence ana-
logique de l'adjectif isolé a pu se faire valoir et changer lede-
ment en liedement.
605. Nous allons examiner maintenant le développement his-
torique des adverbes en -ment. Ils se divisent en deux grands
groupes, selon que l'adjectif était biforme ou uniforme (comp.
II, § 383 ss.), et leur évolution est à étudier à part.
Remarque 1. Primitivement -ment ne s'ajoute qu'à des adjectifs au posi-
tif; pour la langue moderne nous avons trouvé un exemple où il s'ajoute
à un comparatif: moindrement (Gyp, La fée Surprise, p. 181). Nous verrons
dans la suite que -ment peut se combiner avec des substantifs (§ 612), des
pronoms (§ 613), et des adverbes (§ 614).
Remarque 2. Ordinairement la terminaison adverbiale ne s'ajoute qu'à des
mots simples; on trouve cependant quelques exemples isolés montrant l'ad-
dition de -ment à un groupe de mots. Citons pour le moyen âge ainsi faite-
ment, cum faitement (§ 614), et pour la langue moderne la formation plai-
sante mille-et-une-nuitamment (§ 612, Rem.).
294
606. Adjectifs biformes. La forme féminine de ces adjec-
tifs se terminait par un -e féminin, qui se retrouve nécessaire-
ment dans les formes primitives des adverbes correspondants.
Exemples: bonement, heureusement, purement, vivement; due-
ment, forcéement, gaiement, hardiemeni, joliement, vraiement, etc.
Sur le sort de ces formes il faut remarquer:
P La langue moderne n'a conservé intactes que les formes
où Ve féminin est précédé d'une consonne: bonnement, vive-
ment, etc.
2° Au contraire, l'e féminin a disparu des mots où il était
précédé d'une voyelle: duement > dûment, forcéement > forcé-
ment, joliement ) joliment, vraiement ) vraiment, etc. C'est pour-
quoi tous les adverbes nouveaux tirés d'adjectifs qui se ter-
minent par une voyelle accentuée, présentent toujours la forme
masculine de l'adjectif; ainsi de désiré A. Daudet a formé dé-
sirément (Saptio, p. 217).
3^ Ordinairement l'amuïssement de l'e féminin n'est pas
indiqué dans l'orthographe. On emploie pourtant l'accent
circonflexe (I, § 104) dans les mots suivants: assidûment, con-
tinûment, crûment, dûment, goulûment, nûment, gaîment. A côté
des deux dernières formes on trouve aussi nuement, gaiement.
607. L'amuïssement de l'e féminin (I, § 271) a eu lieu pro-
bablement au cours du XV^ siècle. Dans le Roman du Petit
Jehan de Saintré on trouve vrayment et hardiment à côté de
vrayement et hardiement. Et la farce de Maître Pierre Patelin
nous montre que selon le besoin du vers on pouvait faculta-
tivement garder Ve ou l'élider: Je m'en garderay vrayement
(v. 1178). Dictes hardiment que j'affolle (v. 1186). L'ortho-
graphe resta longtemps flottante. Encore au XVP siècle on
trouve couramment aiséement, absoluement, vraiement, etc. A
propos de ces formes H. Estienne remarque dans ses Hypo-
mneses: »Nonnulli vocalem banc minime ingeminant, sed ei
accentum acutum superponunt.« Ainsi, ajoute-t-il plus loin,
pouvait-on distinguer certains adverbes de certains substantifs,
aveuglément p. ex. de aveuglement, etc.; mais au XVIP siècle
l'e a généralement disparu de l'orthographe. Pourtant à pro-
pos de esperdument et ingénument, Vaugelas observe expressé-
ment: »I1 faut dire et escrire ainsi, et non pas esperduement.
295
ingenuement, comme l'escrivoient les Anciens, et encore au-
jourd'huy quelques uns de nos Autheurs« {Remarques, II,
168).
608. Il faut examiner à part l'amuïssement de Ve féminin dans
un cas particulier. Les adverbes en -éement se terminent main-
tenant régulièrement en -ément: aiséement est devenu aisément,
et le même développement a eu lieu dans assurément, aveuglé-
ment, conformément, expressément, forcément, insensément, isolé-
ment, obstinément, opiniâtrement, outrément, précisément, sensé-
ment, séparément, serrement, etc. Il paraît que le grand nombre
de ces adverbes a amené la création de plusieurs formes ana-
logiques, présentant -ément au lieu de -ement. Les voici : Commodé-
ment, communément, confusément, diffusément, énormément, expres-
sément, immensément, impunément, incommodément, obscurément,
opportunément, précisément, profondément, profusément, uniformé-
ment. La création de ces formes peut aussi être due à d'autres
causes qu'une influence analogique des adverbes où -ément est
pour -éement; ainsi impunément pourrait devoir son é à la pro-
nonciation scolaire de l'adverbe latin impune.
Remarque. Rappelons que, selon M. A. Tobler, communément est pour
communeument, qui proviendrait de communelment.
609. Les grammairiens n*ont pas toujours été d'accord sur
la distribution de -ément, et la langue parlée offre des exemples
d'hésitation entre les deux formes. Vaugelas veut qu'on dise
extrêmement, et Ménage le lui reproche, en même temps qu'il
défend profondément contre M. de Girac (Observations, p. 4).
Dans une note sur l'Épître à M. de Saint-Lambert (de 1769),
Voltaire a fait l'observation suivante: »0n ne manque jamais
de dire et d'imprimer intimement, unanimement; il faut ôter
l'accent et dire unanimement, intimement, parce que ces ad-
verbes viennent d'unanime, intime, et non d'unanime, intimé.^
Citons pour finir une observation récente de M. Th. Rosset:
» L'usage populaire semble bien avoir tendance à employer
comme suffixe adverbial la forme -ément; j'ai entendu, le
26 août dernier (1903), un Bourguignon illettré, habitant Pa-
ris, prononcer à plusieurs reprises: rondément« {Mélanges
Brunot, p. 440).
296
610. Adjectifs uniformes. Ces adjectifs n'avaient pas de
féminin dans la vieille langue; les adverbes qui en sont tirés
ne présentaient donc ordinairement aucun e féminin devant
le suffixe. On disait au moyen âge: fortment, graniment ou
gramment, loyalment ou loyaument, mortelmeni. Le développe-
ment d'une forme féminine particulière dans les adjectifs
amène des formes adverbiales correspondantes: fortement,
grandement, loyalement, qui peu à peu remplacent les autres.
Au XIV^ siècle on trouve généralement , grandement, mortelle-
ment, naturellement, présentement à côté de jornelment, commu-
naument, forment, generaument, griefment, loyaiiment, etc. Au
XV^ siècle les formes sans e sont en minorité; on ne trouve
guère que hriefment, gramment, loyaument, qui sont à regarder
comme des formes figées; les auteurs du XVP siècle s'en
servent encore, mais après ce temps les formes modernes se
sont imposées partout. Après la Renaissance on garde les traces
isolées suivantes de l'ancien état de choses:
P Les dérivés des adjectifs en -ant et -ent: brillant — brillam-
ment, malgré le féminin brillante. Pour les détails, voir le
paragraphe suivant.
2^ Le mot isolé gentiment qui est pour gentilment ; il y a
peut-être là influence d'un mot tel que joliment.
611. La plupart des adjectifs en -ant et -ent sont originaire-
ment uniformes; c'est pourquoi les adverbes qu'on en tirait
ne présentaient pas de féminin: grant — grantment, qui, par
l'amuïssement du / interconsonantique et par une assimila-
tion régressive devient gramment. De la même manière s'ex-
pliquent des formes telles que élégamment, éloquemment, pru-
demment, savamment, etc., qui se sont conservées jusqu'à nos
jours. Sur leur histoire il faut remarquer:
1^ Le féminin analogique en e influence dès son apparition
les adverbes; on trouve aux XV^ et XVP siècles : diligentement,
excellentement, meschantement, prudentement, vaillantement, vio-
lentement, etc. Mais ces formes n'ont pas trouvé grâce devant
les grammairiens. Malherbe blâme Desportes qui se sert de
ardentement. Pourtant Robert Garnier emploie encore ardente-
ment, innocentement, meschantement, mais de telles formes sont
bannies de la langue classique.
297
2^ Il y a eu confusion entre les adjectifs biformes et les
adjectifs uniformes en -ent. L'analogie des adjectifs uniformes
a ainsi amené: opulemment, succulemment, turbulemment, vio-
lemment pour opulentement^ succulentement, uiolentement ; les ad-
jectifs latins correspondants sont opulentus, succulentus,
violentus. L'analogie a laissé lentement (lenta mente) in-
tact. Au groupe d'adverbes, tirés d'adjectifs biformes, se sont
joints présentement, véhémentement ; on ne trouve jamais pour
ces mots une forme en -emment que demanderait Tétymo-
logie.
3^ Les adverbes en -amment, -emment subissaient parfois
dans la vieille langue l'influence de ceux en -aument. Sur le
modèle de generaument, loyaument, royaument, etc. on a créé
ardaument, incessaument, soufisaument; ces formes s'emploient
encore au XV^ siècle; on en trouve des exemples dans les
Cent nouvelles nouvelles.
612. Substantif + ment. Par une extension curieuse mais
bien naturelle, -ment s'ajoute parfois aux substantifs, surtout
à ceux qui s'emploient aussi comme des adjectifs ou des
interjections.
1^ Voici d'abord quelques exemples modernes de ces ad-
verbes curieux:
Bêtement.
Bougrement, souvent atténué en bigrement (comp. I, § 120).
Canaillement (Soirées de Médan, p. 178).
Chattement, employé par A. Theuriet dans Le Journal,
n° du 27 juillet 1900.
Chiennement se trouve dans L. Bloy, La femme pauvre. Pa-
ris, 1897.
Cochonnement.
Diablement.
Dimanchement, créé par Francis Jammes.
Fichtrement, employé par A. France, Crainquehille , Putois,
Riquet, p. 191.
Goujatement, employé par L. Bloy, La femme pauvre, p. 42.
2^ Dans la vieille langue on trouve les créations suivantes:
Bourellement. Exemple: Ils l'ont pourtant occis, et dans son
sang humide Bourellement lavé leur dextre parricide (R. Gar-
nier, Porcie, v. 931).
298
Gloiitement. Exemple : Et sa sanglante chair gloutement dé-
vorée (R. Garnier, La Troade, v. 1260).
Merdement^ lâchement; voir Godefroy.
Nuitrement, nuitamment; voir Godefroy.
Pucellement ; un exemple de 1585 se lit dans Revue des Études
rabelaisiennes, III, 188.
Sacrilègement se trouve dans les dictionnaires de J. Thierry,
1564, et de Cotgave, 1611.
Traistrement a été employé au XVP siècle par Le Caron,
Magny, Baïf et d'autres.
Vasalment: Franceis sunt bons et ferrunt vassalment {Chan-
son de Roland, v. 1080).
Viergement; M. Vaganay en cite un exemple du XVP siècle.
Remarque. L'ancien nuitrement a été remplacé par nuitamment qui est
peut-être à regarder comme un composé de nuit et -amment; en tout cas
il n'y a pas d'adjectif nuitant, mais on avait au moyen âge l'adverbe nui-
tantre lat. noctanter, qui a pu contribuer à la formation de nuitamment.
Relevons par curiosité un emploi surprenant qu'a fait Paul Verlaine de ce
mot; il écrit: »La Scarpe se parait de toute une végétation sous l'eau qui
devenait fantastique, orientalement, mille-et-une-nuitamment belle, quand le
soleil y pénétrait» {Confessions, p. 155).
613. Pronoms + ment. Cette combinaison paraît extrême-
ment rare; nous ne saurions citer que les quatre exemples
suivants:
Mesmement (surtout) s'employait durant tout le moyen âge
et jusque dans le XVP siècle (Marguerite de Navarre); il est
vieilli maintenant.
Quellement (comment, combien), s'employait au XV^ siècle.
Exemple: »Chier fils, j'ayme tant et tellement Que je mons-
tray bien quellement, Quant je soufFry mort aspre et dure«
(J. Lefèvre, Matheolus).
Quelqnement (en quelque manière, un peu). Exemple: Je
vous avois quelquement par jeunesse Bien offencé (Ancien thé-
âtre français, III, 90).
Tellement s'emploie encore dans la langue moderne.
614. Adverbe + ment. Notre suffixe s'est aussi ajouté à
quelques adverbes, probablement comme une sorte de ren-
299
forcement. On trouve dans la vieille langue ainsiment, arrière-
ment, aussiment, ensemblement, temp rement ; ajoutons les dérivés
curieux ainsifaitement, cumfaitement. Comment, tiré de comme,
s'est conservé jusqu'à nos jours; la langue moderne connaît en
outre quasiment.
Remarque. L'union d'un adverbe avec -ment était connue aussi en vieil
italien où l'on trouve insiememente, soventemente, comunquemente.
CHAPITRE III.
PRÉPOSITIONS.
615. La plupart des prépositions latines ont passé en fran-
çais; il n'y a que adversus, circa, coram, cum, ob, pê-
nes, praeter, propter, tenus et quelques autres d'un em-
ploi restreint qui aient péri. Les nombreuses nouvelles pré-
positions que possède la langue actuelle proviennent d'an-
ciens adverbes (sous < subtus), de substantifs (c/iez < casa),
d'adjectifs (sauf < salvum), de formes verbales (excepté, pen-
dant) ou de la juxtaposition de plusieurs particules (envers,
hors de); rappelons aussi les locutions prépositionnelles telles
que en face de, par rapport à.
616. Prépositions latines conservées. Voici un relevé des
prépositions latines conservées en français soit à l'état simple,
soit dans une combinaison quelconque:
Ab a disparu comme mot simple; il a été conservé dans le
composé ab an te > avant
Ad ) à; on trouve ad dans la Prose de sainte Eulalie: Ad
une spede li roveret tolir lo chief.
An te, perdu sous sa forme classique; il a été remplacé par
un dérivé, sur la forme duquel on n'est pas encore fixé: peut-
être an tels, d'où dans la vieille langue ainz, ains (comp.
§592). Notez ante annum > vfr. antan et ab ante ) avant.
Apud > vfr. ot, od, o; ce mot s'employait encore au XV^
siècle: Ne fera rien de XV jours, sinon parler o ses commères
et cousines (Quinze joyes de mariage, p. 123). De nos jours il
se retrouve dans plusieurs patois et il s'emploie fréquemment
301
dans les chansons populaires: Je vois les moutons dans la
plaine o des bergères à les garder (Ulrich, Franzôsische Volks-
lieder, 75, v. 13). Dans la langue commune il a été supplanté
par avec < vfr. avuec < apud hoc; le doublet af;ecq'«e (§ 584)
se trouve encore dans Corneille: Affaiblir ma douleur avecque
mon amour (Polyeucte, v. 532). De nos jours il ne s'emploie
que dans la poésie populaire ou argotique:
En m'en revenant de Rennes
avecque mes sabots,
dondaine!
(Chanson populaire.)
Vois ce nez rouge et camard:
Quel homard!
Compare-le donc avecque
Le tendre et clair demi-ton
Du piton
Habillé comme un évêque.
(Richepin, La chanson des gueux, p. 194.)
Contra > contre; comp. § 468.
De > de.
E X ; disparu comme mot simple, conservé dans d e e x >
dès.
Extra ) vfr. estre, hors de, outre.
In y en; sur son emploi comme préfixe, voir § 471.
Inter > entre; sur son emploi comme préfixe, voir § 475.
Juxta ) vfr. joste, le long de, auprès de, proche.
Per > par (comp. I, § 247); dans les Serments de Strasbourg
on trouve per qui paraît être un latinisme.
Post a été remplacé dans la langue vulgaire par quelque
forme altérée, d'où en français pois ou puis; dans la Prose de
sainte Eulalie on trouve post (v. 28), qui est à regarder comme
un latinisme. Puis ne s'emploie plus que comme adverbe;
comme préposition il a été remplacé par après. Notez le com-
posé depuis.
Pro > por^ pour (comp. I, § 518,3); la forme pro dans les
Serments de Strasbourg est un latinisme. Notez le vieux com-
posé empor.
Sine > sens, sans (comp. I, § 215,2). Le s adverbial (§586)
ne se trouve pas dans le composé sine hoc > \{r. senoec.
Super, supra, confondus, vfr. soure, sour, d'oii sur (§ 585).
302
Trans > vfr. très, derrière, ne s'emploie plus que comme
adverbe.
Ultra > outre.
Versus > vers. Notez les composés devers, envers.
Remarque. Ajoutons à ce groupe les quelques adverbes suivants: foris
> fors, hors (I, § 439, i); intus > vfr. ens (comp. dans); subtus > soz, sos,
sons.
617. Combinaisons de particules. On combine des préposi-
tions et des adverbes. Exemples: Ab ante )afan/; ad prope
> vfr. apriiefy après; adversus ) vfr. avers, en comparaison
de, à côté de, à travers; de ex ) dès; de intus ) vfr. denz,
d'où dans; de usque } jusque; de rétro > derrière; in ver-
sus > envers, etc. On avait encore dans la vieille langue de-
josie, desur, detrès, empor, emprès, encontre, ensemble. Pour la
langue moderne notons d'après, d'auprès, d'avec, de çà, de chez,
dedans, d'entre, dehors, delà, de par (I, § 99), depuis, dessous,
dessus, devant, devers; de dessous, de dessus, de devant. Ajoutons
quelques combinaisons où de est postposé: hors de, loin de,
près de, proche de, etc.
Les exemples cités montrent la tendance générale à faire
remplacer une forme simple par une forme composée; cette
tendance se fait valoir encore dans la langue moderne et il
est intéressant d'en suivre le développement historique. La
forme classique usque disparaît devant de usque } jusque,
encore conservé comme préposition dans jusqu'où et jusqu'ici,
mais hors de ces combinaisons figées il a été remplacé par
jusqu'à. Dans la langue actuelle on observe une forte tendance
à substituer en outre de au simple outre.
618. Substantifs. Parfois des substantifs simples adoptent
la fonction d'une préposition; ils peuvent aussi se combiner
avec à, de ou en. Exemples:
Casa > chez (I, § 252); notez les combinaisons de chez et
vfr. en chies.
La tus > lez; on avait en vfr. delez.
Médium ) mi, dans parmi et vfr. enmi.
Partem se retrouve dans de par, originairement départ (I,
§ 99).
Notons encore amont, aval, contremont, contreval, decoste, en-
303
coste, endroit, entour, environ qui tous s'employaient comme
prépositions dans la vieille langue.
619. Adjectifs. On emploie des adjectifs seuls ou accom-
pagnés d'une préposition dans les cas suivants.
Gratum > gré se trouve dans malgré, autrefois maugré (I,
§ 346). Le juron maugrebleu est pour malgré Dieu (I, § 120).
Longum > lonc, le long de; c'est probablement le même
mot que nous avons dans selon, autrefois selonc < sub lun-
gum.
Proprius, comparatif de prope > proche.
Salvum > sauf. A l'origine ce mot subissait la flexion;
Rabelais écrit encore: saulve V honneur de toute la compaignie.
Tout se trouve dans le composé atout (avec), qui s'employait
encore au XVP siècle (Montaigne, Amyot); en vfr. tout était
variable; Villehardouin écrit a tote sa feme (§ 300), à toz dis
mile homes (§ 93), à totes l(Mir armes (§ 135), mais on trouve
aussi dans le même auteur atot cinquante chevaliers (§ 411);
corap. atot lor proies et à toz lors chars (§ 446). Encore au
XIV^ siècle atout pouvait s'accorder avec le nom suivant.
620. Participes présents. Plusieurs participes présents s'em-
ploient avec fonction prépositionnelle; il y en a deux groupes:
P Participes actifs tels que concernant, joignant, moyennant,
suivant, touchant, dont le complément est le régime verbal:
Une loi concernant (c. à d. qui concerne) les tarifs douaniers.
20 Participes intransitifs tels que durant, moyennant, non-
obstant, pendant, dont le complément est à l'origine le sujet
d'une construction absolue: Pendant Vorage (c. à d. l'orage
étant suspendu au-dessus de nous); comp. pendente tem-
pe s tate; dans les formules: Sa vie durant, ce moyennant,
l'ordre des mots indique encore la construction absolue.
Remarque. Un parallèle intéressant est offert par la construction absente
nobis, praesente omnibus qui se trouve dans plusieurs auteurs anciens
(Térence, Pomponius, Varro, etc.). On constate la même invariabilité cu-
rieuse en français: Présent plusieurs barons {Roman de Jehan de Paris, p. 20,
92). Présent leur fille {ih., p. 121).
621. Participes passés. Voici un relevé des participes les plus im-
portants employés comme prépositions: Pressum > près; comp.
304
après et vlV. emprès; rasum > rez. De formation plus récente
sont: attendu^ y compris^ non compris, considéré, conté, entendu,
excepté, hormis, passé, réservé, supposé, vu. A l'origine tous ces
mots subissaient la flexion; on disait la reine exceptée ou ex-
ceptée la reine, c'était une espèce de construction absolue. Peu
à peu le participe préposé perd sa pure signification verbale
et prend avec la fonction l'invariabilité d'une préposition; les
formules exceptée la reine ou hors mise la reine se comprenant
comme sans la reine, deviennent nécessairement excepté la reine,
hors mis (plus tard hormis) la reine; mais, quand les parti-
cipes sont mis après les substantifs, ils gardent leur flexion:
La reine exceptée.
622. Voici maintenant une série d'exemples élucidant la
question de la concordance des participes passés cités avec le
substantif:
Attendu. — Attendu la dignité (Petit Jehan de Saintré,
p. 256).
Considéré. — Considérez mes amis tous (Picot et Nyrop,
Recueil de farces, p. 126, v. 160). Considéré sa maladie (Eus-
tache Deschamps, IX, v. 3704). Considéré ma povreté et vostre
grant estât (Sept Sages, p. p. G. Paris, p. 153).
Excepté. — Exceptées les forteresses (Froissart). Exceptez
Spadassin, Merdaille et Menuail (Rabelais). Excepté les siens
(Petit Jehan de Saintré, p. 128). Excepté les différences (Voyage
d'Anglure, p. 174). Il est intéressant de constater que déjà en
latin vulgaire excepto s'employait comme préposition in-
variable: Excepto opéras et mercedes medici (Edictum
Rothari, § 78). Excepto illos (ib., § 360). Excepto tec-
toras (Liutprandi leges, § 92).
Hormis. — Hors mise la clameur de propriété (Livre des
mestiers, 9).
Passé. — Passée la mer Picrocholine (Rabelais). Passez deux
cents quatorze ans (id.).
Réservé. — Réservé leurs armures, chevaulx, charroy et
sommiers (Bartsch, Chrestomathie^, p. 427, 40). Réservé tous
vrais habillemens de guerre (Cent nouv. nouv., I, 74). Réservé
ces bons religieux (ih., II, 92).
Vu. — Veue la grande diligence (Cent nouv. nouv.). Vue la
dispute qu'il prétendoit (Malherbe, III, 436). Veuz les moiens
1
305
(E. Deschamps, IX, p. 352), veu la grant diligence (Cent nouu.
nouu., I, 64). Veu la grant perte (Gilion de Trasignyes, p. 112).
Veu les ennemis (Ph. de Gommines, p. 61).
Remarque Ajoutons le participe passé ouï; sans pouvoir être regardé
comme une préposition, il offre cela de commun avec les formes citées qu'il
restait parfois invariable placé devant le substantif: Ouy les medicins (Ja-
cob, Recueil de farces, p. 434); ouï les témoins; ouï les parties, etc., mais
aussi: le jugement fut rendu parties ouïes.
623. Nous ajoutons quelques remarques sur la locution étant
donné dans la langue moderne. Elle est presque passée à l'é-
tat de préposition et on la trouve souvent invariable surtout
dans les journaux, mais les romanciers, eux aussi négligent
parfois de la faire accorder. Voici d'abord une question posée
récemment dans un journal, dont nous avons oublié de noter
le titre: M. Paul Bourget, dans la très intéressante thèse sou-
tenue par lui dans le roman: Un divorce, qu'il vient de publier
dans la Revue des deux Mondes, écrit à la page 735 (15 juin
1901): »... étant donné ses idées sur la moralité de Mlle Pla-
nât . . .« Le participe doit-il rester invariable? Ne faudrait-il
pas: étant données'>« — Oui, c'est là la forme historiquement
demandée, et que beaucoup emploient encore. Nous en cite-
rons deux exemples, pris dans un journal: Elles m'affligèrent
beaucoup, étant données les hauteurs où je planais en ce beau
jour. Étant données ces mœurs, il est bien naturel que nombre
de jeunes filles ... — Mais nous venons de voir que des parti-
cipes passés se dégagent facilement de leur fonction primi-
tive, en adoptant celle d'une préposition, et ce changement
d'emploi et de signification amène peu à peu la disparition
de la flexion. Ici comme ailleurs dans la langue il ne s'agit
pas de savoir ce qu'on devrait dire et écrire, mais il s'agit de
savoir ce qu'on dit et écrit et de constater la manière dont
on comprend les mots. A tout moment on a occasion d'ob-
server que ce qui était juste et idiomatique autrefois ne l'est
plus aujourd'hui, et vice- versa, beaucoup des règles canoni-
sées par la grammaire moderne ne sont à l'origine que des
fautes. Dans l'évolution linguistique plus qu'ailleurs vaut l'an-
cien dicton »Communis error facit jus«. C'est pourquoi il serait
absolument pédantesque de critiquer les exemples suivants trou-
vés dans les journaux: Étant donné l'importance de la somme
20
306
inscrite en regard de cette mention (Le Temps, P"^ juin, 1904).
Étant donné la très grande décentralisation de la presse ....
Étant donné l'intensité si actuelle et si palpitante des pré-
occupations féministes (L'Univers, 10 décembre, 1904).
624. Des locutions prépositives sont formées à l'aide de
substantifs, d'adjectifs, d'adverbes et de prépositions. Ex-
emples: Faute de, grâce à; à cause de, à côté de, à force de,
au lieu de, au milieu de, au moyen de, au prix de, autour de,
à la faveur de, à l'égard de, à l'aide de, de crainte de, de peur
de, en dépit de, en face de, en vertu de, par rapport à. — Au
deçà de, au dedans de, au dehors de, au delà de, au-dessous de,
au-dessus de, au-devant de, auprès de, au travers de, en deçà
de, en dedans de, en dehors de. — Au bas de, du haut de, le
long de.
625. Conjonctions. Il est très rare qu'une conjonction puisse
fonctionner comme préposition. Nous n'en saurons citer que
deux exemples. Au XVP siècle quant et s'employait dans la
signification de »avec«, comme le montre le passage suivant
d'Amyot: Ils ont achevé leurs jours quant et la liberté de leur
païs. Voici comment Arsène Darmesteter (Le XVP siècle, I,
§ 240) rend compte de l'origine de la nouvelle préposition:
> Cette locution, encore usitée dans quelques provinces, s'ex-
plique facilement: Je suis sorti quand et lui, veut dire: Je
suis sorti quand lui aussi (et) est sorti; autrement dit, nous
sommes sortis en même temps, ensemble. De cette expression
dérive cette autre: quand et quand (ou quant et quant), em-
ployée comme préposition au sens de 'également'. En voici un
exemple de Montaigne (II, 5): Elle (la peine) naist en l'ins-
tant et quant et quant le pesché (à l'instant oiî, alors que naît
le péché). « Pour la langue moderne il faut remarquer que
quoique s'emploie parfois au sens de »malgré« ; O. Mirbeau
écrit ainsi quoique ça (Journal d'une femme de chambre, p. 24).
Remarque. Un phénomène parallèle s'observe en espagnol, comme le
montrent les exemples suivants pris dans des auteurs modernes: La risa
nerviosa que tuvo cuando el ataque. Dicen que cuando nina era muy bonita.
Esos panuelos serân para cuando la boda de la chica.
CHAPITRE IV.
CONJONCTIONS.
I
626. Un très grand nombre des conjonctions latines ont
péri. Exemples: at, atque, autem, donec, dummodo,
enim, etiam, nam, nempe, nisi, quamquam, quia,
quoniam, scilicet, sed, seu, tamen, ut, verum, etc. Le
français n'a conservé qu'un tout petit nombre de conjonctions
latines, mais en échange il a attribué à plusieurs adverbes les
fonctions des conjonctions.
P Conjonctions latines conservées: Aut ) vfr. od, o, d'oii
ou. Et ) et; le t ne se prononce jamais et dans la vieille
langue on trouve souvent l'orthographe e. Nec ) vfr. ne, par-
fois devant une voyelle ned (comp. I, § 289, 3) ; la vieille forme
ne a été remplacée au XVP siècle par ni. Quando > vfr. quant,
remplacé par quand. Quod (et qvam) > que. Si > vfr. se,
remplacé par si (I, § 284, 1).
2^ Adverbes latins: M agi s > mais (comp. II, § 455, 1).
Quare > car; le doublet quer a disparu. Quomodo ) comme;
l'ancien doublet com (§ 584) a disparu. Tune +dum > donc.
A côté de ces conjonctions, toutes transmises du latin on
trouve un très grand nombre de formations nouvelles que nous
allons étudier.
627. Conjonctions coordonnantes. Voici quelques exemples
des nouvelles formations françaises: ainsi que, aussi bien que,
savoir^ sinon, soit; c'est pourquoi, c'est-à-dire, etc. Disons
quelques mots sur l'histoire de sinon: il remonte à senon, dont
les éléments à l'origine étaient séparables. Ex.: Ja n'en istrai
si par mort nun (Marie de France, Yonec, v. 74). Les deux
éléments se rapprochent au XV* siècle.
20*
308
628. Conjonctions subordonnantes. La plupart des nou-
velles conjonctions subordonnantes se composent de que pré-
cédé d'une autre particule simple ou accompagné d'un nom.
1* Adverbe + que. Ainsi que, alors que, aussitôt que, bien que,
cependant que (vieilli), encore que, loin que, lors que, non (non
pas, non point) que, sitôt que, tandis que, tant que. La vieille
langue employait aussi ains que, ainçois que, combien que (en-
core dans Corneille), comment que, dementre que, jusque, lues
que, mais que, etc. Au langage d'autrefois appartient aussi
cependant que; pourtant plusieurs auteurs modernes s'en
servent; en voici un exemple de J. Richepin : Cependant que
les cinq aiguilles dans le bas Font comme un cliquetis de
petites épées (Mes Parades, p. 275).
2^ Préposition -f- QUE. Dans la vieille langue que était sou-
vent précédé du démonstratif ce: avant ce que, avec ce que,
devant ce que, dès ce que, par ce que, pendant ce que, pour ce
que, sans ce que, très ce que, etc. Ajoutons in o quid des Ser-
ments de Strasbourg. Dans la langue actuelle ce ne se trouve
que dans à ce que, de ce que, en ce que, jusqu'à ce que, par ce
que, sur ce que. Comparez : d'après que, avant que, depuis que,
dès que, malgré que, outre que, pendant que, pour que, puisque,
sans que, sauf que, selon que.
3^ Préposition + substantif + QUE. A cause que, à condition
que, à dessein que, afin que, à seule fln que (I, § 529), à mesure
que, à proportion que, à la charge que, au cas que, au lieu que,
au point que; dans le cas que, de crainte que, de façon que, de
manière que, de peur que, de sorte que, en cas que, sous pré-
texte que, sur le point que.
4^ Rappelons encore les locutions suivantes : à moins que,
de même que, pour peu que, incontinent que, quoique.
629. Formes verbales 4- que. Dans plusieurs conjonctions
que est régi par un verbe. Voici les cas principaux:
P Participes présents: En attendant que, pendant que, en
supposant que, suivant que.
2^ Participes passés: Attendu que, excepté que, hormis que,
posé que, pourvu que, supposé que, vu que. On trouve dans la
vieille langue veu ce que.
3^ Phrases: Cest que, si ce n'est que; \ïr. jasoit que.
t
»
CHAPITRE V.
INTERJECTIONS.
I
630. Les interjections sont d'origine très diverse; tantôt ce
sont des onomatopées, tantôt des noms, des adverbes ou des
formes verbales; on peut même employer des phrases entières
qui sont pour ainsi dire figées. Nous allons examiner chacun
de ces groupes.
Remarque. Les jurons erotiques, si abondants en espagnol et en rou-
main, sont relativement peu employés en français; comp. I, § 120, Dans la
langue moderne on a emprunté le juron provençal bagasse (proprement:
femme de mauvaise vie); rappelons aussi viedaze (vectis asini), également
emprunté au provençal.
631. Onomatopées. Les interjections les plus simples et les
plus primitives sont des cris plus ou moins articulés, que la
langue littéraire reproduit souvent d'une manière assez peu
satisfaisante. Elles se divisent en plusieurs groupes selon les
éléments composants.
1° Les interjections de nature onomatopéique se composent
d'une ou de plusieurs voyelles, accompagnées ou non d'une
aspiration. Exemples: Ah, eh, euh, ih, oh (ô), ha, hé, ho, hoUy
hue, hem, hein, hom, aie (ahi, aye, haïe), ohé, oho, hihi, ouais.
2^ Les voyelles peuvent être accompagnées d'une consonne
quelconque. Exemples: Ouiche, ouf, pouf, bah, ah bah, fi, hop,
pouah, chut, zest, allô, holà. Pour d'autres formations, voir
§26.
3*^ Dans quelques cas isolés l'interjection onomatopéique se
compose seulement de consonnes; tel est le cas de pst (voir
notre Manuel phonétique, § 108).
310
4^ Nous avons enfin un groupe d'interjections composées
de deux syllabes soumises à une certaine alternance vocalique
(comp. § 17). Exemples:
Si je dis nuf, elle dit nauf,
Si je dis biif, elle dit bauf.
(Montaiglon, Recueil de poésies françaises, II, 202.)
Qui me dit sap, je luy dy soup;
Qui me dit torche, je dis serre.
(Farce de VAdventureux et Guermouset, v. 474.)
Un exemple de buf baf a été cité au § 33.
632. Nous allons étudier maintenant quelques interjections
qui demandent un examen spécial:
Aoi; ces trois lettres terminent les »laisses« de la Chanson
de Roland; tout le monde est d'accord pour y voir une excla-
mation du chanteur, mais quant à l'explication étymologique
les opinions diffèrent beaucoup, et aucune de celles qu'on a
émises n'est admisible. Nous pensons que aoi est une simple
onomatopée; comp. l'anglais ahoy, le danois o hôj.
Aîmi, exclamation de douleur, souvent employée dans la litté-
rature du moyen âge. On écrivait aussi hai mi, hémi, emi.
Chaele, exclamation de surprise; on trouve aussi chaeles,
chaieles^ cheles, etc. Comme étymologie on a proposé cavilla
ou quid velles. Aucune de ces explications n'est satis-
faisante.
Dia, cri de charretier pour faire aller le cheval à gauche.
Origine inconnue.
Guai (ou wai) exprimait autrefois la douleur. Exemple: Wai
a vos, riche gent, qui aveiz vostre soleiz (Sermon de Bern-
hard). Cette interjection est peut-être d'origine germanique;
comp. l'allemand wai, le danois ve.
Hara, cri de détresse et d'alarme. Exemple: Hara, hara, le
grant meschief, monseigneur est tout dévoyé (Froissart).
Hari ou hary, cri d'encouragement: allons, allons. Dans la
Bourgogne, le Beaujolais et la Suisse romande, on dit encore
hari aux bœufs et aux vaches pour les faire marcher.
Haro, cri d'appel et de tristesse; figure actuellement dans
la locution crier haro sur quelqu'un, exprimer de l'indignation
pour ses actes. Origine inconnue. On a voulu y voir à Rou,
311
ancien duc de Normandie; mais cette explication est par trop
invraisemblable.
Hez, ancien cri pour faire avancer les ânes ou les chevaux:
El bore entra, ses asnes maine
Devant lui chaçoit à grant paine,
Souvent li estuet dire: »//ez«.
(Montaiglon et Raynaud, Recueil de fabliaux, V, 40.)
S'en ot li prestres molt grant joie
Qui à II piez est sus montez:
»Dieus,« fait-il, »qui or diroit hez!<i.
(ib., IV, 54.)
Hoye, ancien cri destiné à poursuivre le héron. Exemples:
Au hairon se faut tourmenter.
Et chascun si crier c'on l'oye
Courir après sanz séjourner
Et toujours braire: ^Hoye, hoye!«
(Eust. Deschamps, IV, 320.)
Hue, cri de charretier pour faire avancer les chevaux ou,
plus rarement, les faire aller à droite.
Huhaut (ou hurhaut), cri de charretier pour faire aller le
cheval à droite.
Hui, cri de guerre ou de chasse. Exemple: Se ja levout sor
toi le hui (Tristan de Béroul, v. 1036).
Huz, cri de guerre et de chasse. Exemple:
De luien puet l'en oïr les huz
De ceus qui solle la paluz.
(Tristan, de Béroul, v. 3703.)
Nif, attrape, en parlant d'un coup sur le nez. L'exemple
suivant est une réplique de Satan:
Avant a la terre l'adente.
Fiers de la, je ferray de ça.
Hu, ha, buf, nif, tien: pren cela.
C'est a estraine.
(Miracle de N. D., II, 44.)
Taïaut, cri des chasseurs pour lancer des chiens après la
bête (§ 27):
Taïaut les chiens, taïaut les hommes.
(Victor Hugo, Ballades, no 11.)
312
633. Substantifs. On emploie souvent des substantifs comme
interjections; ils figurent tantôt seuls, tantôt accompagnés d'un
délerminatif, tantôt régis par une préposition. Exemples: At-
tention, chouette, flûte, foin, grâce, miséricorde, paix, peste, si-
lence. Dieu, grand Dieu, mon Dieu, bonté divine. Ciel, juste Ciel.
Ma foi. Diable, nom du diable, mille noms d'un diable. Mille
bombes. Par exemple, à la bonne heure, etc. Il faut examiner
à part les mois suivants:
Dame, du latin domina, est une abréviation de Notre-Dame
et est ainsi primitivement une invocation à la sainte Vierge;
on avait autrefois la forme apocopée Tredame (I, § 520, s).
Vfr. dehait est une contraction de dehé ait, c. à d. dehé {de
< deum, hé, postverbal de haïr), haine de Dieu, malédiction.
Motus est probablement une formation macaronique.
Remarque, Par des raisons euphémistiques, beaucoup des mots qui fonc-
tionnent comme interjections ont été défigurés de différentes manières; ainsi
Dieu est devenu hieu, diable a été remplacé par diantre. Sur ces altérations,
voir I, § 120.
634. Adjectifs. Les adjectifs peuvent fonctionner comme
interjections ou seuls ou accompagnés d'un adverbe. Exemples:
Bon, bravo, tout beau, tout doux. Il faut examiner à part:
Hélas, composé de hé et de las (la s su s), malheureux.
Dans la vieille langue l'adjectif s'employait souvent seul et
subissait la flexion quand il y avait lieu; un homme disait:
Hé las; une femme: Hé lasse. Exemples: Lasse, je vois le
chevalier {Jeu de Robin et Marion, v. 327). Hé! lasse, amis,
moût me merveil {Romania, XXI, 188, v. 772). On disait aussi
ha las, halas (Joinville, § 619) qui se retrouve en anglais
(alasj et qui existe encore dans les patois. G. Sand s'en est
servie: Alas! mon Dieu, dit la femme (La petite Fadette). En-
core au XVP siècle le mot était déclinable: 0/ lasse, dit-elle,
je suis diffamée (Bonaventure des Périers, Nouvelles récréations,
16); et il s'employait sans hé encore au XVIP siècle: Mais,
las! ils se verront, et c'est beaucoup pour eux (Corneille, Poly-
eucte, V. 756).
635. Adverbes. Plusieurs adverbes simples ou composés,
s'emploient comme interjections. Exemples: Bien, eh bien, bis,
çà, ha çà, or çà, comment, fi donc, enfin, en avant, en arrière,
313
la la, sus, sus donc, etc. ; rappelons la vieille exclamation emy,
qui est pour hé! mi! hélas à moi (Miracles de N. D.J. Les ad-
verbes s'ajoutent souvent à des formes verbales: Allons donc,
voici voilà. Sur es (ecce), voir § 592.
636. Formes verbales. C'est l'impératif dont on se sert le
plus souvent, mais on peut aussi signaler l'emploi d'autres
formes verbales comme interjections.
1® Impératif. Exemples: Allons, baste (emprunté de Fit.
bas ta) gare, halte (emprunté de l'ail, hait), tenez, tiens, va,
voici, voilà (comp. II, § 153, i). Ajoutons quelques formes dont
on ne se sert plus: Aga, de agare (II, § 154); avoi, probable-
ment combinaison de ah et voi (vide); diva, aussi écrit cfz t>a,
peut-être composé des deux impératifs die et va de; diva est
devenu dia ou dea d'oii da. Esgar, de esgarde (II, § 154).
2^ A côté de l'impératif, on trouve le présent de l'indicatif:
suffit, le présent du subjonctif: soit, l'infinitif: foutre, ordinaire-
ment atténué en fichtre.
637. Phrases entières. Dans les paragraphes précédents
nous avons cité plusieurs exemples d'interjections provenant
de phrases dont les éléments se sont soudés. La vieille excla-
mation dehait (§ 633) est à l'origine une imprécation très vio-
lente; dans les formes modernes voici et voilà se cachent un
impératif et un adverbe, et les éléments étaient autrefois sé-
parables; on disait voi me ci, voi te la. La langue moderne
présente un assez grand nombre de phrases qui peuvent s'em-
ployer comme interjections; elles appartiennent surtout au lan-
gage familier ou vulgaire, et il en surgit de nouvelles tous les
jours. Exemples:
Fouette cocher. — Nous montâmes en voiture, et puis, fouette,
cocher!
Va comme je te pousse. — Tout est réglé, l'affaire est en
train, et maintenant, va comme je te pousse.
Va-fen voir s^ils viennent. — Il comptait sur leur promesses,
mais va-t'en voir s'ils viennent.
LIVRE SEPTIÈME.
DÉRIVATION IMPROPRE,
638. Nous appelons dérivation impropre le procédé par le-
quel on tire d'un mot existant un autre mot en lui attribuant
simplement une fonction nouvelle, sans avoir recours aux
moyens dont se sert ordinairement la dérivation et que nous
avons étudiés dans les paragraphes précédents. Grâce à la dé-
rivation impropre les différentes parties du discours peuvent
fournir des substantifs, des adjectifs, des pronoms et des parti-
cules, et on voit ici mieux qu'ailleurs avec quelle facilité un
mot passe d'une catégorie à une autre et combien sont fac-
tices, en beaucoup de cas, les limites établies par les gram-
mairiens entre les différents groupes de mots. Comme la dé-
rivation impropre ne change pas la forme des mots et qu'elle
repose exclusivement sur la nouvelle fonction attribuée à un
mot déjà existant, elle ressort peut-être plutôt de la séman-
tique. C'est pour des raisons purement pratiques que nous en
traitons dans ce volume de notre Grammaire.
639. La dérivation impropre est un procédé dont on se sert
à tout moment. On peut ainsi substantiver presque tout mot.
Prenons par exemple les pronoms quelqu'un et quelque chose,
et nous verrons comment on peut en tirer des substantifs.
P. Bourget écrit: Tout a contribué à faire de ma pauvre per-
sonne «77 demi-quelqu'un ou quelque chose (Pastels, p. 70). Cette
attribution sporadique et individuelle d'une fonction nouvelle
315
à un mot est un fait assez fréquent; nous le laisserons de
côté dans l'exposé suivant qui ne s'occupera que des cas ré-
guliers et constants.
CHAPITRE I.
SUBSTANTIFS.
640. Les substantifs forment très souvent des adjectifs,
rarement des pronoms et des particules. Il n'y a pas de li-
mites fixes et certaines entre les substantifs et les adjectifs.
Beaucoup de substantifs s'emploient adjectivement. On dit:
Un adultère — une femme adultère; une bête — un homme bête;
une colère — un homme colère; une maîtresse — une maîtresse
chèvre; un parjure — un témoin parjure; un sacrilège — un prêtre
sacrilège, etc. Cette particularité est de vieille date; nous la trou
vous déjà dans l'ancienne langue: Une maistre pierre (Raoul de
Cambray, v. 3151); mon palais ancestre (Aiol, v. 6504). On peut
également employer un substantif comme prédicat neutre: Qu'il
a bien découvert son âme mercenaire, Et que peu philosophe
est ce qu'il vient de faire (Femmes savantes, V, se. 4). Que
voilà qui est scélérat^ Que cela est Judas (Bourgeois Gentilhom.me,
III, se. 10). Dans les paragraphes suivants nous allons étu-
dier en détail l'emploi des substantifs comme adjectifs.
Remarque. Les substantifs employés en apposition suivent toujours le
déterminé: une aventure farce; il n'y a que maîtresse qui peut le précéder.
641. Apposition.
Un substantif est souvent employé comme déterminant d'un
autre substantif. Th. Banville écrit: Mais ce mot sorcier, ce mot
fée, ce mot magique, où le trouver? (Petit traité de poésie fran-
çaise, p. 49). Nous voyons ici les deux substantifs fée et sorcier
employés en apposition, et grâce à cet emploi ils en viennent
à fonctionner à peu près comme l'adjectif magique. Voici
quelques autres exemples de ce phénomène: N'est-ce pas que
ça vous a un air Watteau, Pompadour et fête galante (P. Bour-
get, La duchesse bleue, p. 15). Ah! en fait d'amour veux-tu
mes impressions femmes ici? (Concourt, Manette Salomon,
316
p. 46). Une réserve vraiment femme (Daudet, Sapho^ p. 21). Cet
air un peu garçon, propre aux filles d'artistes (E. Daudet).
D'autres visiteurs presque tous simples et peuple (M. Prévost,
Frédérique, p. 380). Les frimousses peuple de ses trois petites pu-
pilles {ib., p. 411). Victor Hugo a parfois presque abusé de ce
procédé; on trouve dans ses poésies un rocher-hydre, un
torrent- reptile , un temple- sépulcre, une maison -tanière, etc.
(comp. § 559). Dans ces exemples l'emploi adjectif des subs-
tantifs est à regarder comme une particularité stilistique,
comme un tour original et assez individuel. La particularité
signalée ne se trouve pas seulement dans le langage soigné et
quelque peu raffiné; elle est aussi et surtout caractéristique
du parler vulgaire et argotique: Un aplomb bœuf un succès
bœuf, un ton canaille, un homme cochon, une façon cruche, une
aventure farce, un air gamin.
642. L'emploi d'un substantif en apposition est devenu
général dans la désignation des couleurs. En voici une série
d'exemples:
Acajou. — Des cheveux acajou.
Brique. — Un teint brique.
Cerise. — Des étoffes cerise.
Feu. — Une chienne au pelage feu.
Garance. — Une jaquette d'un bleu noir avec col et pare-
ments garance.
Groseille. — Peluche groseille.
Marron. — Une robe marron foncé.
Or. — Les cheveux jaunâtres et grisonnants étaient blanc
et or (Balzac, Eugénie Grandet, p. 17).
Paille. — Des gants paille.
Puce. — Un gilet de velours à raies alternativement jaunes
et puce (Balzac, Eugénie Grandet, p. 18).
Saumon. — La revue saumon.
Remarque. Les exemples cités nous permettent de suivre comment un
mot se développe dans certaines conditions de substantif en adjectif. Plu-
sieurs des substantifs mentionnés sont employés elliptiquement: au lieu de
cerise, paille, puce on peut encore employer les expressions complètes rouge
cerise, jaune paille, brun puce. On a dit d'abord un ruban brun puce; puis
par abréviation un ruban puce; dans cette combinaison il y a, si l'on veut,
juxtaposition de deux substantifs, mais il est hors de doute que le détermi-
nant fonctionne souvent à peu près comme un adjectif, et pour le mot rose
I
317
le passage à la nouvelle fonction s'est effectué définitivement. Dans un ru-
ban rose, ce dernier mot indique la couleur et rien que cela; il n'éveille au-
cune idée de la fleur. Les indications de couleur qui ne se sont pas encore
affranchies de leur sens étymologique, sont ordinairement laissées invariables.
On dit une robe marron, des gants paille, des rubans cerise, etc., mais rose
est devenu un pur adjectif: des rubans roses. Il faut encore remarquer
qu'on a tiré de châtaigne et de violette les deux adjectifs châtain et violet
(il, § 380), dont le premier est souvent invariable (II, § 442).
643. Le phénomène que nous venons d'étudier dans les
substantifs simples s'observe aussi dans les substantifs com-
posés et dans les locutions figées. Exemples:
Ancien régime. — C'est très ancien régime (Bourget, Voya-
geuses, p. 103).
Bon enfant. — Cette petite bourgeoise bohème et bon en-
fant (G. de Maupassant, Bel Ami, p. 250). Des airs bon enfant
(Bourget, Complications sentimentales, p. 37). — Quand bon en-
fant détermine un substantif féminin il y a parfois concor-
dance: Une taquinerie bonne enfant (ib., p. 52). Une brutalité
bonne enfant (Zola, VŒuure, p. 164).
Brave homme. — Des exhortations brave-homme (Lavedan,
Vieux marcheur, p. 319).
Collet monté. — Des gens collet-monté.
Eau-de-rose. — Un socialisme très eau-de-rose (Bourget, Com-
plications sentimentales, p. 58).
Faubourg Saint-Denis. — Le monde élégant faubourg Saint
Denis (A. Dumas, L'étrangère, p. 6).
Moyen âge. — Dans cette ville moyen âge et renaissance
(M. Prévost, Frédérique, p. 369).
Petite ville. — On est si petite ville à l'Opéra (Mérimée,
Double méprise, p. 257).
Poivre et sel. — Ses long favoris poivre et sel.
Pot-au-feu. — J'ai toujours été bien pot-au-feu, dans le fond,
bien papa (Lavedan, Vieux marcheur, p. 159).
Premier choix. — Une révérence premier choix.
Pur sang. — Un méridional pur sang (G. de Maupassant,
Petite Roque, p. 231). Des chevaux pur sang (ou seulement:
des pur sang).
Terre à terre. — Une conscience terre à terre. L'âpreté terre
à terre des revendications (M. Prévost, Frédérique, p. 279).
Vieux-jeu. — Une femme vieux-jeu.
318
Remarque. Les mots composés employés par apposition sont laissés in-
variables: Une robe vert de mer-, des rubans vert de mer; des principes collet
monté, etc. Nous avons vu ci-dessus que bon enfant peut faire exception.
644. Substantif > particule. L'emploi d'un substantif comme
particule est un phénomène relativement rare. Rappelons seule-
ment que plusieurs substantifs sont devenus interjections:
Dame, flûte, peste^ etc. (§ 633) et dans la phrase se lever matin
le substantif est devenu adverbe.
I
CHAPITRE II.
ADJECTIFS.
645 Ellipse. Par l'ellipse du substantif déterminé les ad-
jectifs passent souvent à l'état de substantifs. Comme exemple
de ce procédé, citons la phrase suivante: Les bibelots jolis du
Dix-huitième (Lavedan, Sire, p. 49). Il serait absolument super-
flu d'ajouter le déterminé. C'est le mot déterminant qui est
l'essentiel, et cette expression incomplète, tout individuelle
qu'elle soit, est' aussi facilement compréhensible que par ex.
la locution courante: coucher sur la dure; les mots siècle et terre
se dégagent naturellement des phrases. Voici deux autres ex-
emples remontant au moyen âge: Et neporquant de s'aventure
Li a conté tote la pure {Tyolet, v. 550). Le neveu Charle, qui
des bones fîst tant (Les Narbonnais, v. 2334). Dans d'autres
cas il peut être assez difficile de déterminer quel est le subs-
tantif sous-entendu; parfois il faut des recherches historiques
pour le découvrir ; ainsi ce n'est qu'en apprenant que rendre
la pareille est un terme emprunté au jeu de paume qu'on
comprend que le mot omis doit être balle.
646. Le changement d'un adjectif en substantif grâce à une
ellipse est d'ancienne date, comme nous l'avons vu. En voici
maintenant quelques exemples remontant au latin; les subs-
tantifs cités n'ont jamais été adjectifs en français:
Aube < vfr. albe < alba, pour dies alba.
Chaussée < vfr. chalciee < blat. *calciata, pour via cal-
ciata.
Cuivre < blat. coprin m, du latin classique cupreum pour
aes cupreum, métal de Chypre.
320
Date, emprunlé du latin du moyen âge data, sous-entendu
littera, premier mot de la formule qui indiquait l'époque où
un acte avait été rédigé.
Etres < vfr. estres < exteras (I, § 460,6) pour ex ter as
partes.
Écluse < vfr. escluse < exclusa, pour aqua exclusa. Le
mot a passé en bas allemand: holl. sluis, mball. slûse (d'où
danois sluse); aW. schleusè.
Foze remonte à ficatum pourjecur ficatum, proprement
foie d'oie engraissée de figues. Sur l'altération qu'a subie fi-
catum sous l'influence du mot grec ovxmtÔv voir la brillante
étude de G. Paris dans Miscellanea linguistica in onore di Grazia-
dio Ascoli (Torino, 1901).
Fromage, autrefois formage (I, § 518, i) < formaticum,
pour caseum formaticum.
Hiver < vfr. ivern (I, § 331) < hibernum pour tempus
hibernum.
Lévrier < leporarius pour canis leporarius.
Pêche < vfr. pesche <( persica, pour arbor persica.
Route < rupta, pour via rupta.
Sanglier < vfr. sengler (§ 212) < singularis, pour porcus
singularis.
Remarque. Dans plusieurs cas nous voyons un adjectif remplacer un
substantif sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'hypothèse d'une ellipse;
en tout cas il serait très difficile de dire au juste quel serait le déterminé
omis. Voici quelques substantifs dérivés d'adjectifs latins: Ivoire (ebo-
rcum; os?), jour (diurnum; tempus?), liège (levium), linge (lin eu m),
mâtin (mansuetinum), montagne (montanea), velours (villosum), etc.
Ajoutons quelques mots qui sont primitivement des comparatifs: maire (ma-
jor), pneur (priorem), seigneur (seniorem).
647. Exemples français d'adjectifs substantivés grâce à une
ellipse:
Anglaise, pour écriture anglaise.
Bâtarde, pour écriture bâtarde.
Bouclier, pour écu bouclier, vfr. escus boclers (comp. § 212).
Capitale, pour lettre capitale.
Capitale, pour ville capitale.
Centrale, terme d'étudiant pour École centrale.
Circulaire, pour lettre circulaire.
Complet, pour vêtement complet.
321
Constituante, pour Assemblée constituante.
Continue, pour fièvre continue.
Méditerranée, pour mer méditerranée.
Première, pour première représentation.
Quarte, pour parade quarte.
Ramier, pour pigeon ramier, pigeon sauvage qui niche sur
les arbres, sur les rameaux.
Rapide, pour train rapide.
Rapière, pour épée rapière; l'origine du mot est inconnue.
Ronde, pour écriture ronde.
Veuve, pour femme veuve, vfr. feme veve (II, § 380).
Ce procédé est très employé dans le langage technique. Re-
levons les termes mathématiques: la diagonale, V oblique, la
perpendiculaire (sous-entendu ligne); les termes musicaux: une
blanche, une noire, une ronde (sous-entendu note), etc.
648. La chute du déterminé est un phénomène qui se re-
produit fréquemment et dont le parler vulgaire offre un grand
nombre d'exemples. On parle du dirigeable et du captif, on
boit de la fine, et on est membre de la Fraternelle. Un individu
se promène en haut-de-forme avec sa légitime, va voir dans un
garni un camarade qui revient de la Nouvelle, etc.
649. Des adjectifs qualificatifs s'emploient très souvent
comme substantifs pour désigner des êtres vivants, des hommes
ou des animaux. Il s'agit surtout d'adjectifs qui indiquent une
qualité morale ou physique.
1° Hommes. — Les grands, les petits, les jeunes, les vieux, les
mauvais, les malheureux, un avare, un aveugle, un fou, un mé-
chant, un muet, un sourd, un pauvre, un riche, un saint, un
immortel, un malade.
2^ Animaux. — Baudet, diminutif de l'ancien adjectif baud^
vif, fier; belette, diminutif de beau, primitivement un nom hypo-
corislique de l'animal. Dans l'ancienne langue beaucoup d'ad-
jectifs désignant des couleurs ont été transformés en substan-
stantifs et sont devenus des dénominations de chevaux: baucent
(blanc et noir, tacheté), blanc, fauve, fauvel, ferrant (grison-
nant, gris de fer), liard (grisâtre), roux, saur, sauret., etc.
21
322
650. Il y a plusieurs autres cas où un adjectif devient
substantif; nous en examinerons les trois suivants:
1® Noms de choses. Considérons pour commencer le mot
creux; c'est primitivement un pur adjectif, dont le sens est
bien déterminé: un arbre creux^ une dent creuse, etc. Comme
la plupart des adjectifs il peut s'employer d'une manière
neutre: graver en creux, et il devient par là facilement un
substantif; à côté de la combinaison un arbre creux on crée
le creux d'un arbre. De cette manière creux adopte le sens de
'trou' ou de 'partie concave de quelque chose': poser les pieds
dans les creux (Guy de Maupassant, Sur l'eau, p. 26), le creux
de la main, se sentir un creux dans l'estomac, etc.; il finit par
désigner des objets creux; dans le langage des potiers, le creux
se dit pour les pièces de poterie creuses par opposition à la
platerie, les pièces plates. Une telle évolution se constate sou-
vent; elle est si naturelle qu'elle n'a pas besoin d'être expli-
quée et commentée dans tous les détails. En voici quelques
autres exemples: Biscuit, vfr. bescuit (comp. I, §39, Rem.), du
pain deux fois cuit; crêpe, vfr. crespe, crépu; journal; pelouse,
forme dialectale pour peleuse (I, § 182), proprement: couvert
de poil; persienne. Des adjectifs de couleurs s'employaient dans
la vieille langue pour désigner différentes sortes de draps et de
fourrures; on dit encore du gris et du vair.
2^ Notions abstraites. On dit le chaud, le froid, le beau, le
vrai, le droit, le sublime, etc. Cet emploi neutre de l'adjectif est
très répandu dans la langue moderne; on dit maintenant par ex.:
// est d'un comique . . . Vous êtes d'un sincère . . , Il y a dans
ce style du banal et du grotesque. Il y avait du piquant dans
cette affaire. Le dramatique de la situation. Victor Hugo s'est
beaucoup servi d'adjectifs pris substantivement: Quand de Vin-
accessible il fait l'inexpugnable (Le petit roi de Galice). Les cé-
lestes n'ont rien de plus que le funèbre (Le Crapaud). Le stupide
attendri sur Vaffreux se penchant (ib.).
3^ Locutions. Nous citerons ici quelques locutions toutes
faites où l'adjectif est au féminin pluriel: En apprendre de
belles; être dans ses bonnes; en écrire de bonnes; en dire de
bonnes; en voir de dures; en voir de grises
651. Adjectif > Adverbe. On distinguait en latin entre la
forme neutre de l'adjectif et l'adverbe, entre m a lu m et maie;
323
cette distinction a disparu en français par l'aniuïssement de
la finale; au moyen âge mal s'employait indifféremment comme
adjectif et comme adverbe; il en était de même de bel, menu^
petit et autres. Dans la langue moderne nous avons dans plu-
sieurs combinaisons figées des adjectifs au sens adverbial:
parler bas, chanter faux, sentir bon, etc. (comp. § 593) ; notons
la différence entre parler haut et parler hautement.
21*
CHAPITRE III.
VERBES.
652. Les formes verbales peuvent donner des substantifs,
des adjectifs, des adverbes, des interjections et des préposi-
tions. C'est surtout l'infinitif et les deux participes qui four-
nissent les mots nouveaux; on a aussi, mais bien plus rare-
ment, tiré parti de l'impératif et de quelques formes de l'in-
dicatif (le présent, le passé défini, le futur) et du subjonctif (le
présent).
653. Infinitif. Dans l'ancienne langue tout infinitif pouvait
s'employer substantivement. Cette particularité, qui distingue
encore l'espagnol de nos jours et, à un degré inférieur, l'ita-
lien, a été très restreinte dans les époques postérieures du
français. Pourtant la langue a gardé un certain nombre d'in-
finitifs formant des substantifs qui s'emploient aussi au plu-
riel : le baiser, le déjeuner, le devoir, le dîner, l'être, le goûter, le
parler, le pouvoir, le repentir, le rire, le vouloir, etc. Le loisir, le
manoir, le plaisir sont également d'anciens infinitifs. Ajou-
tons que plusieurs infinitifs ne s'emploient que sporadiquement
comme substantifs; citons comme exemple la phrase suivante:
Le faire solide et impassible de l'artiste y proclamait une civi-
lisation dure (Bourget, Vétape, p. 412). Cet emploi de l'infini-
tif est surtout propre à la langue technique. Dans une étude
physiologique on examinera par exemple le grimper c. à d. :
le mode de grimper, la manière dont les muscles concourent
à l'acte de grimper. En médecine on étudiera le palper, Comp.
encore la phrase suivante d'Anatole France {La vie littéraire,
IV, 74): Cette entente du parler, du sentir, et du vivre agrestes
325
(c. à d. de la façon dont on parle, dont on sent, dont on vit
à la campagne).
Remarque. Après l'amuïssemçnt du -r final (I, § 364), il y a confusion
entre l'infinitif et le participe passé de la première conjugaison. On hésite
entre dîner, après-dîner, au débotter et dîné, après-dîné, au débotté; on écrit
fautivement débouché, débridé, défilé, doigté. Un démenti est probablement
pour un démentir (comp. II, § 78).
654. Participe présent. Le participe présent forme des ad-
jectifs, des substantifs, des particules.
1^ Tout participe présent peut s'employer comme adjec-
tif: aimant, attrayant, chantant, enchantant, lisant, pendant, etc.
2^ Des participes présents désignant des êtres vivants de-
viennent substantifs; ils sont des deux genres: un amant —
une amante (comp. II, § 24), un débutant — une débutante, un
mendiant — une mendiante, un participant — une participante, etc.
3^ Des participes présents désignant des choses ou des no-
tions abstraites deviennent substantifs. Ils sont tantôt mascu-
lins: le couchant, le croissant, le levant, le montant, etc., tantôt
féminins : la Constituante, la courante, la dominante, la résultante,
la variante, etc.
4^ Quelques participes présents s'emploient comme préposi-
tions, voir § 620; pour les adverbes voir § 599,3.
655. Participe passé. Le participe passé forme des adjectifs,
des substantifs, des prépositions.
P Tout participe passé peut s'employer comme adjectif:
aimé, estimé, fini, vaincu, etc.
2^ Un participe passé désignant un être vivant peut devenir
substantif et présenter les deux genres: un associé — une associée,
un fiancé— une fiancée, un marié — une mariée, un révolté — une
révoltée, etc.
3^ Un participe passé désignant une chose ou une notion
abstraite devient substantif. Il est tantôt du genre masculin:
un arrêté, un cliché, un fourré, un écrit, un fait, un aperçu,
etc., tantôt du genre féminin : Une arrivée, une assemblée, une
battue, une saillie, une venue, etc. Sur les vieilles formes du
participe passé conservées comme substantifs, voir II, § 111.
4^ Plusieurs participes passés sont devenus prépositions, voir
§621.
326
656. Impératif. L'impératif peut former des substantifs et
des interjections.
P Substantifs. Formes latines: Le jubé, le récipé, le tollé, un
orémus; le premier de ces mots n'est que le commencement
d'une prière: »Jube domine, benedicere* (comp. § 5).
2^ Comme formes françaises nous ne saurions citer que
lampon qui est pour lampons (refrain d'anciens couplets sati-
riques, puis: couplet satirique), et sonnez, terme du jeu de
trictrac.
30 Interjections; voir les exemples cités au § 636.
657. Autres formes. Les autres formes du verbe ont été
peu employées pour former de nouveaux mots. Le présent de
l'indicatif et du subjonctif, le passé défini et le futur ont donné
un petit nombre de substantifs et de particules.
1^ Présent de l'indicatif. Nous citerons ici l'ancien adverbe
espoir, qui s'employait au sens de 'peut-être', et qui, mis en
tête de la phrase, demandait l'inversion du verbe. Exemples:
Je remanrai aveques lui un an ou deus ou espoir plus (Es-
coufle, V. 1534). Espoir trouveroit elle en yaus tout confort et
bonne adrece (Froissart, I, 20). Espoir est primitivement la
première personne du présent de l'indicatif; il reproduit ainsi
le latin (ut) spero; on lui attribuait parfois une fonction
verbale, et on le remplaçait même par je l'espoir.
Remarque. Rappelons encore quelques formes latines qui sont devenues des
substantifs : Le veto, l'accessit, le déficit, le facit, le placet, le satisfecit, le tacet.
2^ Présent du subjonctif. Ce temps se retrouve dans la con-
jonction soit et dans l'interjection vivat; ce dernier mot fonc-
tionne aussi comme substantif: le vivat — les vivats.
3^ Passé défini: Un peccavi, un vidimus (de ce mot on a tiré
le verbe vidimer).
4^ Futur: Un lavabo, un pâtiras (un souffre-douleur).
CHAPITRE IV.
PARTICULES.
658. Particules > substantifs. Presque toutes les particules
peuvent s'employer substantivement et sont du masculin. On
dit le oui, le non, le pourquoi, le mais, le bien, le mieux, le plus,
le pour, le contre, Vavant, le derrière, le dedans, le dessous, le
dehors, etc. Plusieurs de ces mots sont devenus de vrais subs-
tantifs tout en gardant leur fonction de particules, et ils
se sont pour ainsi dire dédoublés. Il y en a d'autres qui ne
reçoivent que sporadiquement les fonctions de substantif.
En voici quelques exemples: La vie pour beaucoup (et je fais
partie de ce beaucoup-là) ressemble souvent à un écheveau de
fil brouillé (L. Bocquet, Albert Samain, p. 31). Je n'en arrachai
que de profonds hélas (Corneille, Sophonisbe, 465).
Remarque. Sur l'emploi des onomatopées comme substantifs, voir § 20, i,
31; pour les refrains, voir § 28, Rem.
659. Adverbes > adjectifs. L'emploi d'un adverbe comme
adjectif est un phénomène que nous pouvons constater dès
les plus anciens textes, et dont nous trouvons un exemple
déjà en latin vulgaire où le prœsto du latin classique a été
remplacé par praestum. En français le mot fonctionne ex-
clusivement comme adjectif, mais il paraît parfois avoir été
invariable; ainsi dans le premier passage où figure le mot:
La nef est preste (Saint Alexis, v. 77), quelques manuscrits
donnent la forme prest. Citons aussi l'adverbe savent qui se
combine volontiers avec le substantif /bzs et subit la flexion:
soventes fois. Cette locution, très employée dans la vieille langue,
se trouve encore dans Mairet (Sophonisbe, v. 1167). Nous avons
a28
déjà observé que devant pouvait se joindre direclemeni à un
substantif avec lequel il s'accordait (§ 589, i): Li devanz diz;
mais ordinairement il suivait le substantif et restait invariable:
Les mains devant (Aiol, v. 368). Les deus poes devant (Doon de
Maience, p. 47). Des pies devant (Huon de Bordeaux, p. 55).
De la même manière se comportait derrière: Le trait deriere
(Ph. de Thaûn, Bestiaire, v. 35). La garde riere (Ambroise, La
guerre sainte, v. 1913). On dit maintenant arrière garde, et dans
ce composé comme dans tous les autres de la même espèce
(§ 562) nous sommes aussi disposé à attribuer à l'adverbe
une fonction adjectivale.
660. Voici maintenant quelques exemples modernes mon-
trant le passage d'un adverbe au rôle d'adjectif:
Debout. — Ce Paris debout et frémissant (Soirées de Médan,
p. 180).
Déjà. — Le déjà félibre (Donos, P. Verlaine, p. 39).
Mieux. — Les mieux chaises. Les mieux fourchettes. Cette
manière de dire appartient au langage familier; comp. en ita-
lien le meglio forchette.
Presque. — Leur presque solitude (Revue bleue, 1900, II, p. 336).
Son presque cousin (Gyp, La fée Surprise, p. 21). Ce presque
vieillard (O. Mirbeau, Journal d'une femme de chambre, p. 372).
Cette presque élégance des manières (id., Le jardin des supplices,
]). 47). La presque totalité.
Remarque. L'emploi d'un adverbe comme adjectif est un phénomène re-
lativement peu répandu en français ainsi que dans les autres langues romanes.
Le latin classique en offrait pourtant un certain nombre d'exemples; on di-
sait nunc homines, illa tum mutatio, rétro principes, ante mola,
sœpe leges. Dans le latin ecclésiastique et populaire on trouve souvent
semper et quondam employés comme attributs: semper virgo Maria;
per semper saecula; de quondam pâtre meo. Des exemples corres-
pondants se trouvent en espagnol : la siempre senora mia (Cervantes). Rap-
pelons pour l'anglais: the above discourse, an almost réconciliation, the ihen
ministry, his then résidence.
661. Adverbes ) prépositions. Ce passage est relativement
rare. Nous avons déjà cité vfr. enz, hors, sous qui remontent
à des adverbes latins. Ajoutons maintenant avec dont l'emploi
adverbial a persisté jusqu'à nos jours (§ 662) malgré son em-
ploi comme préposition. Pour la langue moderne, on peut ci-
ter aussitôt et sitôt. Exemples: Prendre un exercice violent
329
aussitôt le repas (Revue des Deux Mondes, 1881, sept.-oct.,
p. 938). Il était là depuis quelques jours, mort presque aussitôt
leur arrivée à Montreux (A. Daudet, Tartarin sur les Alpes,
p. 256). Sitôt le serrement de mains, elle se remit à marcher
(ib., p. 254). Sitôt ces tristes paroles elle aurait voulu les re-
tenir (id., Petite Paroisse, p. 178). S'installant à dessiner sitôt
les repas, se refusant à toute sortie avec elle (id., Sapho, p. 214).
L'emploi prépositionnel des deux adverbes est maintenant très
général; on dit couramment aussitôt son arrivée, aussitôt le
mariage, aussitôt la sortie du collège, sitôt la catastrophe, etc., et
Littré admet aussitôt le jour. Néanmoins les grammairiens pé-
dants ne laissent pas de protester contre cet usage établi de-
puis longtemps.
Conjonction > préposition, voir § 625.
662. Prépositions > adverbes. Qu'une préposition devienne
adverbe c'est un phénomène des plus généraux; on le retrouve
à tous les temps dans toutes les langues. En français on
constate pour plusieurs mots et dès les plus anciens textes
une forte hésitation entre la fonction prépositionnelle et la
fonction adverbiale. Les exemples suivants montreront l'em-
ploi sporadique comme adverbes de mots qui ordinairement
sont prépositions:
Après. — Senneterre, tu le connais bien? le grand blond
qui tient la banque ici, me court après dans les salons du
Cercle (P. Bourget, La duchesse bleue, p. 24).
Avec. — L'on assaisonne avec certains ragoûts (J.-K. Huys-
mans, La cathédrale, p. 281). Elle est mince et flexible et d'une
trempe telle Qu'on percerait, avec, un mur de citadelle! (Riche-
pin, La cavalière, I, se. 8).
Contre. — S'il vous bat, ne priez pas contre, priez pour (Ros-
tand, La Samaritaine, p. 79).
Depuis. — Mme de Bréars, depuis toujours vêtue de noir,
avait su être une admirable mère chrétienne (Paul et Victor
Margueritte, Les deux vies, p. 7).
Pour, voir contre.
Sans — Dommage si les p'tils garçons viennent pas! ....
— Ben, on s'amusera sans! .... on s'amusait bien sans les aut's
fois (Gyp, Jaquette et Zouzou, p. 65).
LIVRE HUITIÈME.
FORMATION DU GENRE.
CHAPITRE I.
REMARQUES GÉNÉRALES.
663. Tous les substantifs français, ainsi que tous les mots
employés accidentellement comme substantifs sont déterminés
quant au genre. Ils sont soit masculins soit féminins: étant
d'origine latine, la plupart d'entre eux ont conservé le genre
qu'ils avaient primitivement, avec cette seule restriction que le
neutre a été réparti entre les deux autres genres (comp. II,
§ 244). Les quelques changements survenus sont surtout dus
soit à une influence de la forme du mot, soit à une influence
du sens. Il y a une tendance permanente et assez forte, à faire
disparaître le désaccord qui, grâce au développement phoné-
tique et sémantique, peut se produire entre le genre et la ter-
minaison ou entre le genre et le sexe naturel. Les mots sa-
vants et les mots étrangers présentent, pour la formation du
genre, les mêmes particularités; leur genre s'explique soit par
des raisons étymologiques et historiques, soit par des raisons
formelles et logiques.
664. Genre et terminaison. Il y a parfois désaccord entre
la terminaison et le genre. En ce cas c'est ordinairement la
terminaison qui l'emporte et change le genre; l'inverse a aussi
lieu, mais la victoire du genre sur la terminaison paraît se
produire moins souvent.
331
1^ Les mots latins en -us sont régulièrement masculins:
murus — Ze 777«r, c ah aUu s — le cheval, etc. Quelques-uns sont
pourtant du féminin et cette discordance entre le genre et la
terminaison a été réparée de deux manières. Ou le genre s'est
changé conformément à la terminaison: fraxinus — Ze frêne
(§671,i), porticus — Ze po/cZze, etc. (on conserve pourtant
man us — Za main), ou le genre s'est maintenu en l'emportant
sur la terminaison qui est remplacée par a: amethystus —
it. amatista; smaragdus — esp. esmeralda, fr. une émeraude;
nurus — esp. /îMera; socrus — esp. sue^ra.
2^ Les mots latins en -a sont régulièrement féminins: terra
— la terre, etc.; c'est pourquoi les mots féminins prennent
volontiers celte terminaison: glacies > glacia > it. ghiaccia
(II, § 234); grus > grua > fr. grue; hirundo > iiirunda
> fr. aronde. Quelques mots en - a désignant surtout des êtres
vivant ^ sont masculins: nauta, papa, propheta; ici la ter-
minaison l'emporte sur le sexe naturel et on trouve au moyen
âge la pape, la prophète; il en était de même en vieux pro-
vençal (papo est encore féminin à Montpellier) et en vieil es-
pagnol où l'on trouve également la papa, la profeta, las patri-
arcas. Sur les noms de fleuves en -a où on observe le même
phénomène, voir § 671, 2. Le développement inverse, le change-
ment de la forme sous l'influence du sens, s'observe dans l'it.
il pirato (la t. pirata) et dans le vfr. ermit, qui paraît re-
monter à *eremitus et non pas à e remita.
Remarque. Les neutres grecs en -a ont pour une grande partie adopté
le genre de leur désinence et sont devenus féminins en français comme dans
les autres langues romanes. Le changement de genre a lieu et dans les mots
populaires et dans les mots savants: sagma (voir I, § 12,i, n^ 348) > la somme,
cyma ) la cime, apostema > une apostume (sur le changement de suffixe,
voir § 294,1), enigma > une énigme, anagramma > une anagramme (comp.
§ 706), epigramma > une épigramme (comp. § 674). Sont devenus mascu-
lins: aroma > un arôme, asthma > un asthme, rheuma > le rhume,
phantasma, devenu en lat. pop. *fantosma > le fantôme; ajoutons ana-
thème, diadème, emblème, problème, thème, qui sont également masculins.
6()5. Genre et sexe. Il y a ordinairement accord entre le
genre grammatical et le sexe naturel: homo — un homme,
pater — le père, fil i us — le fils, tau rus — vfr. le for, etc.;
f e m i n a — la femme, s o r o r — la sœur, v a ce a — la vache,
capra — la chèvre, etc. Dans quelques cas il y a désaccord; ci-
332
tons lis mots ireutres mancipium, prostibulum, scor-
tuni; comp. aussi auxilia, vigiliae. Voici maintenant
quelques détails concernant le français:
1° Un mot masculin devient féminin quand il s'applique
à un être féminin. Citons d'abord jumentum, devenu la ju-
ment dès le moment où il a abandonné le sens de 'bête de
somme' pour prendre celui de 'cavale'. Le mot composé bon-
bec, ayant été appliqué spécialement aux femmes, a changé
de genre. On a dit d'abord: c'est une Marie bonbec, puis plus
brièvement: c'est une bonbec. Salisson a subi le même dé-
veloppement; une femme sale s'appelait au XVP siècle un sa-
lisson; on dit maintenant une salisson. On a également hésité
entre un et une laideron; encore de nos jours on se demande
s'il faut dire: cette femme est un laideron ou une laideron.
C'est probablement la dernière forme qui l'emportera; on
finira par dire un et une laideron, comme on dit un et une
souillon. L'usage hésite également pour le néologisme louchon.
On lit dans Zola : Ce louchon d'Augustine (L Assommoir), mais
le Dict. Gén. admet cette petite louchon. On en viendra peut-
être quelque jour à créer pour ces mots une forme féminine
spéciale comme on l'a fait pour tatillon: dans le parler fami-
lier on entend une tatillonne, qui tend à remplacer une ta-
tillon, seule forme reconnue par la langue littéraire.
2^ Un mot féminin peut devenir masculin en s'appliquant
à un être du sexe masculin. Les noms de personnes sont sou-
vent primitivement ou des noms abstraits ou des noms de
choses. Le changement de sens peut être accompagné d'un
changement de genre; c'est de cette manière qu'on a créé à
une aide et à une trompette les formes masculines un aide et
un trompette (voir § 708). Mais tout en créant un aide on ne
crée pas un caution; on continue à se servir du féminin la
caution pour désigner celui qui prend un engagement pour un
autre.
Remarque. Les quelques exemples cités montrent suffisamment combien
il est fortuit qu'un mot change de genre pour se conformer au sexe. Nous
avons vu qu'on est arrivé à dire une bonbec; mais pourquoi garde-t-on un
bas-bleu quoique les bas-bleus, sans aucune exception, soient des femmes?
666. La lutte entre le genre, la terminaison et le sexe s'é-
lucide d'une manière frappante par l'examen du développe-
333
ment historique du mot sphinx. C'est un mot savant, emprunté
du grec 0(ply§. Comme le monstre fabuleux désigné par ce
mot était une femme, ocpty^ était du féminin et conformément
à l'étymologie on a dit d'abord en français la sphinx. Cepen-
dant on a ici accouplé un article féminin à un mot dont la
terminaison est décidément rnasculine (comp. le larynx, le
lynx). On a remédié à ce désaccord de deux manières diffé-
rentes. Ou la terminaison l'a emporté sur le genre du mot et
le sexe du monstre, d'où le sphinx, devenu général au grand
siècle et gardé jusqu'à nos jours. Ou la forme du mot a été
changée conformément aux exigences du genre et du sexe, et
la sphinx a été remplacé par la sphinge; c'est ainsi qu'écrivait
Saint-Gelais, et cette forme a été sporadiquement reprise de
nos jours, comme il ressort du passage suivant: »Je ne pré-
tends pas avoir le mot de ce sphinx, ou de celle sphynge,
comme disent ceux de nos camarades qui veulent bien prou-
ver qu'ils ne savent pas le grec. Mais à défaut du mot, j'au-
rai la sphynge en personne ou je ne serai plus Jacques Molan«
(P. Bourget, La duchesse bleue, p. 191). L'histoire de fourmi est
aussi instructive. Le latin formica se retrouve dans la vieille
langue sous la forme la fourmie (it. formica, esp. hormiga). On
avait aussi dans le latin populaire une forme collatérale for-
mi ce m d'où en vfr. la formiz; par une fausse analogie on a
créé à ce mot un cas régime la formi (II, § 264, Rem.), de-
venu masculin à cause de la terminaison. La langue moderne
présente la fourmi qui paraît une contamination de la formie
et le formi.
667. Rappelons enfin quelques cas isolés où il y a eu un
changement de genre dû à d'autres causes que celles indiquées
dans les paragraphes précédents:
P Les homonymes, qu'ils soient synonymes ou non, peuvent
s'influencer. Le mot latin sal us se retrouve en français sous
la forme régulière la salu ; à côté de ce mot on trouve aussi
le salu, substantif verbal, tiré de saluer; c'est le salu, devenu
le salut par réaction étymologique, qui finit par absorber la
salu.
2^ Un mot peut changer de genre par ellipse. On dit la
Terre-Neuve mais un terre-neuve pour un chien de Terre-Neuve
(comp. § 716).
334
3^ Un mot peut changer de genre par suite d'une combinai-
son particulière où il figure: merci est régulièrement féminin
(comme le lat. mercedem); il s'emploie dans la locution
figée: grand merci qui remonte au moyen âge où grand était
invariable de genre (comp. grand' mère; II, § 385); après la
création d'une forme féminine grande on a, par une erreur
facile à comprendre, commencé à dire le grand merci. Dans
merci employé comme masculin on pourrait aussi voir un
substantif postverbal tiré de l'ancien verbe mercier.
4^ Sur un changement de genre dû à l'analogie et se mani-
festant seulement dans un cas particulier, voir § 728.
Remarque A titre de curiosité nous rappelons que le mot désordre est
employé comme féminin dans la vieille farce: Les trois pèlerins (écrite vers
1521). Voici pourquoi ce changement de genre a eu lieu: les trois pèlerins
sont partis de leur vallée où il ne leur arrive pas grandes nouvelles du
monde, et ils s'en vont savoir un peu ce qui se passe. Ils ont appris que
de grands changements se sont faits dans les mœurs et que notamment les
femmes y ont pris l'empire en toutes choses. Rien ne va plus que par elles.
Tout devient féminin, à ce point que les mots eux-mêmes changent de
genre. Par exemple on ne dit plus le désordre mais la désordre (É. Four-
nier. Le Théâtre français avant la Renaissance, p. 406).
668. Les changements de genre ont été très nombreux.
Dans l'exposé suivant nous laisserons de côté beaucoup des
exemples cités dans les études spéciales sur la question; nous
pensons que l'intérêt que présente l'hésitation sur le genre de
quelques mots rares, est assez mince; c'est pourquoi nous
nous contenterons ordinairement d'examiner les mots d'un
emploi général. Ceux dont nous allons nous occuper s'ex-
pliquent le plus souvent selon les principes que nous venons
de formuler; il y en a cependant un assez grand nombre dont
l'explication est douteuse, ou même impossible à indiquer. En
voici quelques exemples:
Lierre, pour lierre, agglutination de l'article défini et du vfr.
iedre < lat. hedera. Le mot est resté féminin dans toutes
les langues romanes excepté en français où il se trouve
comme masculin déjà dans le Fragment de Valenciennes (I,
§ 18).
Ongle < lat. ungula; on a dit une ongle jusqu'au XVIP
siècle, et on le dit encore dans la plupart des patois; dans le
parler populaire de Paris on entend des ongles longues (comp.
335
it. unghia, esp. una). Le genre masculin qui apparaît vers 1î*
fin du moyen âge, s'explique difficilement. L'tiypothèse d'une
influence du mot un gui s paraît inacceptable.
669. On s'est souvent demandé selon quelles règles les
noms de choses ou d'idées, les noms asexués ont été répartis
entre le masculin et le féminin. Nous avons dit que pour le
français c'est une question purement historique, et les para-
graphes suivants en fourniront les preuves. Les noms en ques-
tion ont le même genre qu'ils avaient en latin ou dans les
autres langues d'où ils sont venus; les quelques irrégularités
et hésitations qu'on peut trouver, proviennent en règle géné-
rale soit d'une influence de la forme, soit d'une influence du
sens. Ce fait très simple, très naturel n'a pas contenté tout le
monde, et on s'est livré à des spéculations philosophiques ou
plutôt à des rêveries qui n'ont rien à faire avec la science.
Selon M. Raoul de la Grasserie le masculin est considéré
comme supérieur au féminin. »0n masculinisera les objets et
les êtres qui sont réputés posséder les qualités viriles et on
féminisera les autres. On donnera le masculin aux mots
qui semblent représenter l'activité, la précision, la limitation;
le féminin, à ceux dont le sens est vague ou très étendu. «
M. de la Grasserie voit là une concordance physiologique
rappelant l'agressivité du mâle, la passivité de la femelle.
Examinons maintenant les exemples qu'il donne pour appuyer
sa thèse. Espoir est masculin et espérance féminin; c'est que,
selon lui, espoir est une espérance limitée, précise. Il n'en
est rien. Espoir est masculin par la simple raison qu'il est
un substantif postverbal (§ 541, i); espérance est féminin
parce qu'il est un dérivé formé à l'aide du suffixe -ance
(§ 169) qui est féminin. Les autres exemples que cite M. de
La Grasserie ne valent guère mieux. Nous en citerons quelques-
uns à titre de curiosité. »Le mot voile est alternativement des
deux genres: au féminin, quand il signifie voile de navire,
c'est-à-dire une voile de grande étendue; il est masculin, quand
il se réduit aux dimensions petites, mais nettes, de l'étoffe qui
couvre le visage. La pendule est plus vaste que le pendule, c'est
le contenant vis-à-vis du contenu ; mais le pendule est plus im-
portant, c'est l'âme de la pendule, celui-ci est sa matière et
lui en est la partie active et mobile. Il en est ainsi du mémoire
336
\is-àvis de la mémoire. Le premier est un acte, la seconde une
faculté indéterminée. Les amours sont du féminin, parce que
l'idée est vague, générale, multiple, tandis que Vamoiir au
masculin est un amour précis, unique, distinct de la simple
faculté. Il en est de même du mot délice et de plusieurs
autres.* Il est inutile de s'arrêter à ces considérations dénuées
de valeur scientifique. La psychologie n'a rien à voir au genre
des mots cités. Nous verrons dans la suite de quelles manières
bien plus simples il faut expliquer le double genre des mots
voile (§ 726), pendule (§ 715), mémoire (§ 726), amour (§699),
délice (§ 675).
670. Mots héréditaires. Les mots latins masculins et fémi-
nins conservent leur genre en français ; les mots neutres de-
viennent soit masculins, soit féminins selon que c'est la forme
du singulier ou celle du pluriel qui a été transmise (comp. II,
§ 246, 247).
P Mots masculins: Liber — le livre, murus — le mur, lu-
pus— le loup, homo — un homme, nions — le mont, carbo
— le charbon, rex — le roi, etc.
Remarque. Sont également masculins tous les mots et tous les groupes
de mots qui s'emploient accidentellement comme substantifs: le non, le
pourquoi, le qui-vive, le qu'en dira-t-on, le revenez-y, etc.
2^ Mots féminins: libra — la livre, bucca — la bouche, ma-
nu s — la main, s i t i s — la soif, famés — la faim, l e x — la loi,
crux — la croix, bonitas — la bonté, gens — la gent, soror
— la sœur, etc.
3^ Plusieurs mots hésitaient entre les deux genres; ainsi
pulvis, varix, pu m ex, dies s'employaient tantôt comme
masculins, tantôt comme féminins. L'hésitation s'est continuée
dans les langues romanes, de telle sorte qu'on a adopté le
masculin dans quelques domaines et le féminin dans les
autres. Pour le français on a choisi tantôt le masculin: dies
— vfr. le di (§ 712), tantôt le féminin: pulvis, pulveris —
la poudre. Beaucoup de noms de personnes et d'animaux ap-
partenaient aux »communia« : civis, comes, conjux, hères,
infans, parens, etc., bos, canis, grus, perdix, tigris,
etc. Ces mots, lorsqu'ils ont été transmis en français, ont
subi un triple sort. On leur a conservé les deux genres: in-
337
fans — un enfant, une enfant (comp. II, § 433), ou on leur a
créé une forme féminine spéciale: comes — le comte, la com-
tesse (comp. II, § 379), ou enfin on a choisi l'un des deux
genres à l'exclusion de l'autre: perdix — la perdrix.
4^ Mots neutres : C 1 a u s t r u m — le cloître, d o r s u m — le dos,
pretium — le prix, vinum — le vin, corpus — le corps, cor
— le cœur, no m en — le nom, piper — le poivre, sal — le sel,
tempus — le temps. Arma — une arme, cornu a — une corne,
folia — une feuille, gaudia — une joie, grana — une graine,
1 a b r a — une lèvre, vêla — une voile, opéra — une œuvre, i e m-
p o r a — une tempe.
671. Quelques groupes de mots se soustraient à la règle
générale que nous venons de formuler:
P Les noms d'arbres en -us étaient ordinairement féminins:
Al nus, fagus, ficus, fraxinus, malus, pin us, pop u lus;
ils sont devenus masculins en français comme dans les autres
langues romanes: Alnus — un aune, fagus — nîy. le fau, fra-
xinus— le frêne, pinus — le pin. Ce changement de genre est
dû à une influence de la terminaison; -us étant ordinairement
masculin, on a régularisé les quelques cas où, par exception,
il était féminin. Il n'y a que le seul mot ma nus qui ait
gardé le genre étymologique.
Remarque. Les représentants français de corulus et de ebulus ont en
partie gardé le genre féminin. On disait dans la vieille langue la coudre et
on le dit encore dans beaucoup de patois; dans !a langue littéraire l'ana-
logie des autres noms d'arbres a amené le coudre. Hièble hésite encore entre
les deux genres. Aune, charme ont parfois été employés comme féminins au
XVIe siècle grâce à une réaction savante (§ 675).
2^ Les noms de fleuves en -a sont ordinairement masculins;
ils sont devenus féminins en français, grâce à la victoire de
la terminaison sur le genre grammatical: Sequana ) la Seine,
Garumna > la Garonne, Ma trôna > la Marne.
Remarque 1. En espagnol on dit ordinairement el Sena, el Garona; il
faut peut-être ici voir une influence du mot el r(o.
Remarque 2. Le changement du genre des noms de fleuves peut amener
un changement dans la conception artistique. Pour les Grecs et les Romains
les fleuves étaient des êtres masculins et on les représentait comme des
dieux; un artiste français représenterait les fleuves de la France comme des
déesses, en tous cas comme des femmes.
22
I
338
3° Les mots abstraits en -or qui étaient masculins en latin,
sont devenus féminins en français: cal or — la chaleur^ col or
— la couleur, error — une erreur, horror — une horreur, etc.
Le passage au féminin des mots en -or remonte assez haut;
on trouve dans Grégoire de Tours tanta splendor, magna
timor, etc. Ce changement de genre, qui se retrouve en pro-
vençal, en rhéto-roman, en roumain, doit probablement s'ex-
pliquer par des raisons psychologiques: les mots abstraits en
-or sont devenus féminins parce que la plupart des mots à
signification abstraite Tétaient déjà. Il faut supposer une in-
fluence des noms en -té, -ie, -esse et -ure; c'est surtout cette
dernière terminaison qui a pu provoquer le changement de
genre. Dans le latin vulgaire on formait des mots tels que
calura, altura, frigdura (comp. § 296); on avait pavura
à-côté de pavore, et on comprend que la froidure a pu en-
traîner la froideur.
Remarque. En anglo-normand, où le genre était hésitant, les mots en -eur
s'employaient souvent comme masculins (voir les remarques de M. Walberg
dans son édition du Bestiaire p. LXXI).
672. A côté des groupes de mots que nous venons d'exa-
miner, il faut citer un certain nombre de mots isolés qui pré-
sentent en français et dès les plus anciens textes un autre
genre qu'en latin. Dans la plupart des cas ce changement doit
remonter au latin vulgaire. Voici les mots les plus importants:
iEstas, fém., est devenu masculin en français: un été. L'ita-
lien a gardé le genre étymologique : una estate.
Arbor, fém. Ce mot est devenu masculin dans les langues
romanes: roum. arbar, it. albero, esp. ârbol, port, arvor, prov.
et fr. arbre. Ce changement de genre a probablement été amené
par les noms d'arbres devenus masculins (§ 671, i). On trouve
sporadiquement une arbre au moyen âge et au XVP siècle.
Ars, fém. Le genre féminin est gardé en italien: le belle
arti. En espagnol et en provençal le mot est des deux genres.
Il en a été de même en français; au moyen âge on trouve
maies arts (Chanson de Roland, v. 886) à côté de mauvais art
(Berte, v. 644), mais le genre masculin prend vite le dessus,
on ne sait pas bien pourquoi (comp. la part). Au XVP siècle
les savants veulent réintroduire une art (§ 675).
339
Dens, m. On dit en it. il dente, et en esp. el diente, mais
en vieux français on hésite entre le dent et la dent. Le genre
féminin qui finit par l'emporter paraît dû à l'influence de la
gent; il se peut aussi que le changement de genre remonte au
latin. Ajoutons que le dent se dit encore dans plusieurs patois
du Nord de la France.
Flos — f loris, m., est probablement devenu f loris — flo-
ris en latin vulgaire (II, § 239, i) et il a été assimilé aux
mots féminins en -is. Le français a toujours dit la fleur;
comp. roum. floarea, esp. la flor ; mais en italien on dit z7
flore.
Frons, fém. L'espagnol a gardé le genre étymologique: la
frente. En gallo-roman nous ne trouvons que le genre mascu-
lin; le front a sans doute été amené par le mont, le pont. Re-
marquez qu'en vieux latin frons était aussi du masculin.
Mare, neutre. Le mot est régulièrement masculin en italien
(il mare), en espagnol (el mar), en portugais (o mar). Il est
devenu féminin en français, et ce changement surprenant pour-
rait peut-être s'expliquer par l'influence de son opposé, la
terre.
Paries, m. Cette forme paraît avoir été remplacée en latin
vulgaire par pares — parëtis, qui est devenu féminin: la pa-
roi; comp. esp. la pared, it. la parete; dans quelques domaines
romans on constate une hésitation sur le genre.
Sorex, m., a probablement été remplacé par sorix — so-
ricem, d'où en français la souris et en prov. la soritz. Ce
changement est probablement dû à l'influence d'un mot tel
que radix — radicem (comp. ci-dessous vervex).
Sors, fém. Tandis qu'on a conservé le genre primitif en
italien et en espagnol: la sorte, la suerte, le français hésite au
moyen âge entre la sort et le sort. La victoire du genre mas-
culin est peut-être due à la forme du mot (comp. le port et
l'adjectif ort — orde); il se peut aussi qu'on ait regardé sort
comme une forme collatérale masculine de sorte (comp. II,
§ 376, Doublets).
Vervex, m., devenu berbex et enfin berbix — berbicem,
d'où la brebis. Il s'agit probablement ici d'une influence de
radix — radicem, qui a changé le genre du mot avec la
forme. Comp. prov. la berbitz.
22*
340
673. Mots savants. Les mots savants repris au latin ou au
grec se comportent généralement comme les mots héréditaires:
Fasciculus — le fascicule, vialicus — le viatique; aequator
— un équateur; augurium — un augure, examen — un exa-
men^ incendium — un incendie; mais adoratio — une adora-
tion, respublica — la république, veritas — la vérité.
Cas isolés. Papyrus, qui était féminin en latin, est devenu
masculin en français grâce à la terminaison (comp. § 664, i).
Il est difficile de voir pourquoi foca est devenu le phoque;
Cotgrave donne la phoque. Les mots en -a sont également
devenus masculins (voir § 705). Sur le sort des mots grecs
neutres en -ma, voir § 664,2, Rem.
674. Il y a eu une grande hésitation entre les deux genres pour
beaucoup de mots savants et surtout pour ceux qui ne re-
montent pas à des mots déterminés latins ou grecs mais qui
sont composés d'éléments savants. Un grand nombre de mots
qui sont masculins maintenant, ont été autrefois du féminin. On
trouve ainsi sporadiquement dans la vieille littérature une cime-
terre, une épisode, une évangile, une exercice, une horoscope, une
onyxe (La Bruyère), une stade. Inversement on trouve aussi
des mots féminins employés sporadiquement dans la vieille
langue comme masculins: le diocèse, un emblème, un épi-
gramme, un épitaphe, un fabrique, un holocauste, un ortho-
graphe. Voici des remarques détaillées sur le genre de quelques
mots savants qui offrent un intérêt particulier:
Automobile. — On lit dans le Figaro: »Doit-on dire un ou
une automobile? La question est assez sérieuse pour que le
Conseil d'État, ayant à rédiger un règlement général sur la
question des voitures sans chevaux, ait jugé à propos de la
discuter. C'est le masculin qui a prévalu. Il nous semble
cependant qu'on dit une locomobile. Quelle raison le Conseil
d'État a-t-il eue de se substituer à la commission du diction-
naire de l'Académie ?« Comp. § 678.
Équivoque est emprunté du lat. sequivocus; ce mot est
devenu masculin en italien: equivoco mais en français on dit
une équivoque. Autrefois il était des deux genres, ce que Boi-
leau constate avec regret dans sa XI I^ Satire:
341
Du langage français bizarre hermaphrodite,
De quel genre te faire, équivoque maudite,
Ou maudit.
Phalène. Nous citerons à propos de ce mot l'anecdote sui-
vante que raconte G. Paris dans sa belle étude sur la poésie
de Sully Prudhomme (Penseurs et poètes. Paris, 1896. P. 255,
note): »Les Stances et Poèmes allaient paraître quand je reçus
de Sully un billet désolé: On vient nie rappeler, disait-il, que
phalène est du féminin, et c'est vrai, d'après l'Académie. Est-ce
bien sans exception? Je ne puis refaire ma strophe, et je ne
sais que devenir. Je le tirai d'embarras, — peut-être avec trop
de complaisance, — en lui citant les vers de Victor Hugo (Si
j'avais, ô Madeleine, L'œil du nocturne phalène) et d'Alfred de
Musset (Le phalène doré, dans sa course légère, Traverse les
prés embaumés). Sully fut rassuré et laissa la strophe telle
quelle. Phalène n'en doit pas moins être du féminin. «
Remarque. Les observations suivantes de M. E. Deschanel montreront
combien il est difficile de déterminer le genre d'un mot savant et comment
les plus habiles aussi bien qu'un journaliste superficiel sont exposés à s'y
tromper: »Un orateur de la Révolution a fait mânes du féminin. Un acadé-
micien de nos jours a conféré le même sexe à fastes et dit, par inadver-
tance: les fastes romaines. Tout récemment un écrivain de talent a im-
primé de nouvelles arcanes. Un peu auparavant, à propos des représentations
données au théâtre d'Orange, deux de nos critiques les plus distingués met-
taient au masculin l'acoustique. A l'inverse, d'autres écrivains mettent au
féminin les effluves et les amulettes. . . . Sainte-Beuve, dans ses Causeries du
lundi, tome VI, page 132, parle de miscellanées brillantes. Mais c'est sans
doute une faute typographique* (Les déformations de la langue française.
Paris, 1898. P. 180).
675. Il faut enfin remarquer qu'au XVP siècle les grammai-
riens qui ont essayé de régler l'orthographe des mots français
sur celle des mots latins (I, § 89), ont aussi fixé leur atten-
tion sur le genre des noms, et dans les cas où il y avait dés-
accord entre les deux langues ils ont arbitrairement essayé
de réduire les mots français à leur genre primitif. C'est pour-
quoi ils écrivent un ardeur, un erreur, un horreur, un humeur^
un comète, et une arbre, une art, une dialecte, etc. Ces tenta-
tives ont complètement échoué, comme on pouvait s'y attendre.
Voici cependant quelques observations sur un petit nombre
de mois où la réaction savante contre le genre non-étymo-
logique a laissé des traces durables:
342
Comète, du lat. corn et a, était d'abord féminin à cause de
la terminaison; au XVP siècle on commençait à dire le comète
conforniément à l'étymologie, et on hésitait encore au XVIII*
siècle entre les deux genres. C'est le féminin qui l'a emporté.
Délice(s) est originairement féminin, conformément à l'étymo-
logie (lat. deliciae). Sous l'influence de delicium on com-
mence au XVP siècle à dire un délice, et les grammaires mo-
dernes enseignent encore que notre mot est masculin au sin-
gulier et féminin au pluriel (comme amour et orgue). Vaugelas
et Ménage protestaient énergiquement contre un délice qui
suivant eux est un barbarisme, qui ne se dit »ni dans le beau
langage ni dans le beau stile*. L'Académie au contraire le
défend, et l'Arrêté ministériel du 26 février 1901, sans le rayer
résolument, le déclare rare et un peu recherché.
Mode est emprunté du lat. niodus; il est devenu féminin
sous l'influence de ïe final (§ 701); par réaction étymologique
on crée le mode comme terme grammatical.
Œuvre vient du lat. opéra et il est originairement féminin.
Sous l'influence de opus on commence au XVI^ siècle à dire
un œuvre. La langue moderne emploie généralement le genre
féminin, mais il a gardé un œuvre pour quelques cas particu-
liers ; on dit ainsi travailler au grand œuvre, l'œuvre complet de
Mozart, etc. Ce sont pourtant là des expressions archaïques,
et la langue vivante moderne reconnaît exclusivement une
œuvre. C'est sous le joug pesant de la rime qu'A, de Musset a
écrit:
Est-ce que la commune mère,
Une fois son œuvre accompli,
Au hasard livre la matière
Comme la pensée à l'oubli?
(Sur trois marches de marbre rose.)
676. Mots d'emprunt. Nous nous occuperons ici surtout des
mots empruntés aux autres langues romanes. Ils reçoivent
ordinairement le genre qu'ils avaient dans la langue-mère:
it. balcone ) le balcon, it. bronzo ) le bronze, esp. casco
> le casque, esp. arrecife > le récif, et esp. alcoba ) une
alcôve, it. cantina > la cantine, it. medaglia > la médaille,
esp. mantilla ) la mantille, it. scaramuccia > une escar-
mouche, etc. Il y a cependant des exceptions et des hésitations
nombreuses:
343
P Mots masculins devenus féminins: it. dispaccio > la
dispache, it. mandoline ) la mandoline (§ 695), it. pun-
tiglio ) la pointillé (§ 694), it. ri st or no > la ristourne, esp.
sargazo ) la sargasse, esp. sainete ) la saynète, it. stallo
) la stalle (on a dit d'abord le stalle), esp. zapote } la sapote,
esp. zapotillo ) la sapotille.
2^ Mots féminins devenus masculins: esp. alcarrazas )
un alcarazas, esp. ni fia s ) un ninas (nom d'un cigare); gas-
con escampativos ) un escampativos.
3^ Hésitations entre les deux genres. On a hésité autrefois
entre le et la carosse (it. il carroccio, la carozza), le et la
disparate (esp. el disparate), le et la pagne (esp. el pano),
le et la pagode, le et la risque (it. risco), etc. On hésite en-
core entre un et une acaba, le et la caroube, le et la steppe.
Remarque. Comme pour les mots savants, les puristes ont essayé de ra-
mener à leur genre étymologique les mots d'emprunt qui ont changé de
genre. Ainsi romance est bien, à cause de sa terminaison, devenue en fran-
çais un mot féminin; mais on dit en espagnol, d'où le mot est venu, el ro-
mance et c'est pourquoi par ex. G. Paris a pu écrire: »J'ai longtemps hésité
entre un romance et une romance^ (Romania, I, 373).
677. Mots étrangers. Nous comprenons ici par mots étran-
gers les mots appartenant à une langue étrangère qu'on cite
occasionnellement sans les adopter et sans les transformer à
la française. Le genre qu'on leur attribue, dépend tantôt de
leur forme et de leur signification, tantôt du genre qu'ils ont
dans leur propre langue.
Mots allemands. Nous avons trouvé le Krach, le Kronprinz,
le Reichstag, le Lied, le Wôrterbuch de Diez, mais la Grammatik,
la Zeitschrift, etc.
Mots anglais. On dit le brandy, le whisky, le sandwich et
une garden-party, une interview, la selfdefence.
Mots Scandinaves. On dit le fiord, le slôjd et la vise, la
saga, Vancienne Edda. Dans VÉvangéliste A. Daudet cite plu-
sieurs mots danois; le genre qu'il leur assigne étonne par-
fois; on comprend qu'il écrive le risengrôd, bouillie de riz
(p. 36), mais pourquoi la juleaften (p. 36, 310)? Serait-ce l'in-
fluence du mot français correspondant: la veille de noël?
678. Le genre des mots est peut-être le domaine de la gram-
maire française où a régné la plus grande incertitude. Les
344
changements de genre ont été nombreux et subits. Dans les
Deux dialogues (voir sur ce livre I, § 42), Celtophile s'étonne
d'entendre dire, à son retour en France un navire au lieu de
une navire, et Philosaune lui répond: »A propos de change-
ments qui sont venus depuis vostre partement cestuy-ci en
est un qu'on a changé les genres d'aucuns mots. Et quant à
faire un masculin d'un féminin, comme on dit Un navire et
Le navire, pour Une navire et La navire: aussi Un comté, Un
duché, pour Une comté. Une duché« (Éd. Ristelhuber, II, 11).
Il s'agit ici d'anciens mots français d'origine et de formation
populaires, mais les hésitations deviennent bien plus nom-
breuses quand il s'agit de mots savants ou de mots d'emprunt,
et à partir de la Renaissance les grammairiens ont vivement
discuté les cas douteux. Les questions de cette sorte ont tou-
jours vivement préoccupé les Français. M. de Balzac dans son
Socraie Chrétien se moque plaisamment d'un vieux pédagogue
de Cour, »que l'an climaterique surprit, délibérant si erreur
et doute estoient masculins ou féminins « (Ménage, Observations,
p. 127). Quant à erreur, les discussions ont vite cessé, mais
elles se sont prolongées pour doute. Dans ces discussions on
s'en tenait généralement à ses préférences personnelles, c'est
pourquoi il était difficile de s'accorder. Vaugelas déclare que
épithalame est des deux genres, mais plutôt masculin que fé-
minin; Ménage ajoute: »je crois qu'il n'est que masculin.* In-
versement Vaugelas soutient qu'il faut dire une épithète, mais
Ménage déclare qu'on peut faire ce mot indifféremment mas-
culin et féminin. Les difficultés augmentaient par le désaccord
qui existait et existe entre la langue littéraire et les parlers
populaires et provinciaux. Ménage constate qu'on dit générale-
ment une horloge, mais il ajoute que les Gascons, les Proven-
çaux et les Normands disent un horloge. Il y a parfois aussi
désaccord entre le parler des hommes et celui des femmes.
Vaugelas revendique pour les femmes la permission de dire
une belle ouvrage, et il soutient »qu'il leur doive estre permis
de nommer comme elles veulent ce qui n'est que de leur
usage: mais que pour les hommes il ne leur est pas permis
d'en user de la sorte. « Enfin il y a aussi désaccord entre la
langue littéraire et le parler vulgaire; les hommes cultivés
disent par exemple le centime et la nacre; dans le peuple
on peut entendre la centime et le nacre. Tant qu'on emprun-
345
tera des mots ou qu'on en créera il y aura nécessairement
des doutes sur le genre à attribuer au mot nouveau. On l'as-
similera involontairement aux mots préexistants dans la langue,
et il se peut alors qu'on lui donne un autre genre que celui
qu'il avait dans la langue -mère et les philologues puristes
protesteront; c'est ainsi qu'on dit une romance^ malgré l'es-
pagnol el romance (§ 676, Rem.) et les protestations n'ont pas
manqué. Il se peut aussi qu'il se présente deux possibilités,
qu'une analogie en deux sens divers se fasse sentir; tel a été
le cas pour automobile. Fallait-il dire un automobile comme
on dit un domicile, un reptile, un ustensile, ou ne serait-il pas
mieux de régler le mot sur une locomobile, une argile, une
sébile et dire une automobile? Il a fallu, comme nous l'avons vu,
un Conseil d'État pour le décider, et il est presque superflu
d'ajouter que sa décision n'a pas tranché la question.
Remarque. Dans un curieux petit livre intitulé 2,000 locutions et fautes
corrigées (Paris, 1877) nous trouvons des remarques sur le genre d'environ
120 mots pour lesquels la langue populaire diffère de la langue littéraire
et officielle. L'auteur a trouvé nécessaire de mettre en garde contre: le crypte,
le girandole, un hypothèque, le jujube, le perce-neige, le sarbacane, et de
l'autre côté contre la balustre, la campanile, la chambranle, la concombre,
la crabe, la filigramme (forme altérée par étymologie populaire), la pétale,
la stère, la stigmate, la store, la stratagème, la trombone, la vice, etc.
CHAPITRE II.
INFLUENCE DE LA FORME.
679. Nous allons étudier une série d'exemples montrant
comment le genre d'un mot peut se changer sous l'influence
de la forme. Il faut distinguer plusieurs cas. Un mot peut
changer de genre sous l'influence d'un autre mot homonyme :
satyre — satire. Le changement peut aussi avoir lieu sous
l'influence de la terminaison quand elle se confond avec un
autre mot: escarboucle — boucle. Le plus souvent c'est la forme
du suffixe qui entraîne un changement: it. ritornello, mais la
ritournelle, à cause de -elle. Ajoutons enfin les cas assez nom-
breux où le changement est dû à l'aspect du mot, qui peut
présenter des caractères masculins ou féminins assez pronon-
cés pour qu'il se produise un désaccord avec le genre primi-
tif: affaire, écho. Le commencement du mot peut aussi jouer
un rôle dans cette question (§ 706). Examinons maintenant
en détail ces différents cas.
680. Homonymes. Les cas où des homonymes se sont in-
fluencés quant au genre sont très peu nombreux et peu sûrs.
On ne saurait citer, avec quelque certitude, que les cas sui-
vants:'Ê/res, du lat. exteras (partes) était féminin dans la
vieille langue, il est maintenant masculin sous l'influence de
l'infinitif substantivé être. Le genre féminin donné à satyre
(du lat. satyrus) au sens de pièce de théâtre où figuraient
des satyres, est dû à l'influence de satire. Le salut, pour le salu,
est un postverbal tiré de saluer (comp. it. il saluto, esp. el sa-
hido). Il signifie ainsi proprement 'salutation', mais il a aussi
347
absorbé le lat. s al us devenu la salu dans la vieille langue.
La confusion des deux mots s'est effectuée très facilement,
sala (s al us) s'employant comme exclamation, comme un sou-
hait de prospérité; c'était donc une sorte de salutation.
Remarque. Nous présenterons ici quelques observations sur certains
mots qui, sans être de vrais homonymes, coïncident à peu près complète-
ment. On a déjà vu dans un précédent chapitre (§ 672) comment dent
a été influencé par gent, et front par mont, pont. Ajoutons que ombre (lat.
umbra) était masculin dans la vieille langue, ce qui peut être dû à l'in-
fluence de nombre. Piège, du lat. pedica, était féminin au moyen âge con-
formément à l'étymologie (comp. it. pedica). On commence de bonne heure
à dire le piège et c'est cette forme qui l'emporte. Le changement de genre
paraît dû à l'influence du mot siège. On pourrait aussi regarder le piège
comme un substantif verbal de l'ancien verbe piéger.
681. Terminaison. Il arrive que la terminaison ou plutôt les
dernières syllabes d'un mot coïncident avec un autre. Dans
ce cas le premier mot peut faire l'impression d'un mot com-
posé, et son genre peut se régler sur celui du mot plus petit
regardé comme le primitif. En voici quelques exemples:
Alarme, emprunté de l'it. ail' arme, d'abord masculin
comme toutes les interjections (§ 658), puis des deux genres,
mais dès le XVIP siècle on dit seulement une alarme, et ce
changement parait dû à l'influence du mot arme (comp. une
larme).
Coudelatte, pour cou de laite. Le mot devrait être masculin
(§ 717); mais comme on a perdu la notion de l'étymologie,
le mot est devenu féminin sous l'influence du dernier des mots
composants; la latte a entraîné une coudelatte (comp. une perce-
neige pour un perce-neige; § 722).
Épiderme, emprunté du lat. epidermis. Conformément à
l'étymologie on a dit d'abord une épiderme (encore dans Mo-
lière) ; le mot est maintenant masculin: un derme a entraîné
un épiderme.
Épitome, emprunté du lat. epitome qui était féminin; le
genre masculin du mot français est probablement dû à l'in-
fluence de tome.
Escarboucle remonte au lat. carbunculus; il était des
deux genres dans la vieille langue où l'on trouve aussi la
forme escarboncle; c'est l'influence de boucle (comp. I, § 529)
qui a définitivement tixé la forme et le genre du mot.
348
Licorne, emprunté du lat. unicornis; le mot est devenu
féminin sous l'influence de corne < lat. cornu a.
Mensonge, du lat. pop. *mentitionica, dérivé de men-
titus, part, de mentire, est- originairement féminin (comp.
it. menzogna, prov. mensonga), et encore Malherbe l'emploie
comme tel, mais Vaugelas proteste et déclare que le mot est
toujours masculin {Remarques, II, 483). C'est probablement le
songe qui a amené le mensonge; les mots ont pu s'influencer
réciproquement grâce à leur signification et à leur emploi
(comp. le proverbe: Tous songes sont mensonges).
Rancœur est pour ranqueur. L'orthographe a été changée
sous l'influence du mot cœur, qui a de même, au moins spo-
radiquement, influé sur le genre. Élymologiquement il est fé-
minin, mais Ronsard dit le rancœur ce que donne aussi Cot-
grave (1611). Robert Garnier hésite entre le et la rancœur. Le
genre masculin se retrouve dans quelques patois modernes.
Rhubarbe^ emprunté du lat. rheubarbarum, paraît être
devenu féminin sous l'influence de barbe (barba).
Remarque. Ajoutons les deux mots: grandmerci et raifort qui sont devenus
masculins, quoique merci (lat. mer cède m) et rai (pour rais < vfr. raïz <
lat. radicem) soient étymologiquement féminins. Ce changement de genre
est probablement dû aux adjectifs fort et grand, qui sont d'anciens fémi-
nins (II, § 385), mais qui ont été pris pour des masculins après la création
des formes forte et grande.
682. Suffixes. De nombreux changements de genre sont dus
à l'influence des suffixes. Un suffixe peut être décidément du
masculin ou du féminin; il peut aussi hésiter entre les deux
genres. Dans les trois cas il se produit facilement pour les
mots héréditaires et pour les mots empruntés ou savants, des
abandons du genre étymologique, des incertitudes, des doutes.
Comme les mots en -our sont le plus souvent masculins et
les mots en -ine le plus souvent féminins, on finit par dire
un amour et une mandoline au lieu de une amour et un man-
doline (it. mandolino). Comme les mots en -ice hésitent
entre les deux genres et qu'on dit le service mais la justice,
on arrive à hésiter entre un office et une office. Voici un relevé
de suffixes dont nous allons étudier dans les paragraphes sui-
vants l'influence sur le genre: -ace, -ade, -âge, -ange, -é, -elle,
-ère, -ière, -ette, -eiir, -ice, -isse, -ige, -ille, -ine, -oire, -oie, -on,
-our, -ule.
349
683. ACE remonte soit à -atium: spatium > espace^ soit
à -atio ou -acia: prefatio } préface, audacia > audace.
Cette terminaison est ainsi étymologiquement des deux genres,
de là des hésitations, quoique le genre féminin soit prépon-
dérant :
Espace était autrefois souvent du féminin; Vaugelas (Re-
marques, II, 226) arrête qu'il faut dire un grand espace et pas
autre chose. Comme terme d'imprimerie il est encore du fé-
minin.
Populace < it. populaccio On trouve au XVI® siècle et
encore au XVIP le populace, conformément au genre italien.
L'emploi analogique du genre féminin, qui l'emporte, remonte
très haut; déjà Amyot disait la populace.
Préface a été du masculin aux XVP et XVII® siècles. Vau-
gelas remarque: »Preface est tousjours féminin, la préface, et
jamais le préface. Je l'ay oûy faire masculin à tant de gens
qui font profession de bien parler, que j'ay creu estre obligé
d'en faire vne remarque pour les desabuser, et pour empescher
les autres de commettre cette faute* (Remarques, I, 141).
684. ADE est une terminaison essentiellement féminine: la
cavalcade (it. cavalcata), la façade (it. facciata), la marme-
lade (esp. mermelada), la pintade (port, pintada), etc.;
c'est pourquoi l'espagnol el tornado a été rendu par la tour-
nade (ou le tournado) et le port, o travado par la travade. Sur
le changement du genre de camarade, voir § 709.
685. AGE. Les mots en -âge sont ordinairement du mascu-
lin, rarement du féminin. Sont masculins tous les dérivés for-
més à l'aide du suffixe -âge (§ 147): le feuillage, le mariage,
le passage. Les quelques mots en -âge qui sont féminins ne
dérivent pas leur terminaison de -aticum: la cage, la nage,
la page, la plage, la rage, la saxifrage, une image. Malgré le
petit nombre de mots féminins en -âge, ils ont pu contre-
balancer les mots masculins, d'où une âge, une gage, une
orage, une ouvrage; l'influence inverse s'est aussi fait sentir
comme le montrent le cartilage, le putrilage et un image. Voici
quelques détails sur ces mots:
350
Age^ en vfr. eage, du lat. pop. aetalicum; il est régulière-
ment masculin. Cependant au XVP siècle on Ta quelquefois
fait féminin. Ménage proteste contre une âge.
Cartilage, du mot latin féminin car ti la go, est devenu mas-
culin en français ; il était parfois féminin au XVP siècle.
Gage, voir plus bas sous orage.
Image, vfr. imàgene (I, § 327,2) du lat. imagine m, est
étymologiquement du féminin; pourtant durant tout le moyen
âge il est souvent du masculin, et Ronsard écrit encore nos
bons images. Le genre masculin a été conservé dans plusieurs
patois modernes (le blaisois, le normand).
Orage s'employait comme féminin au XVIP siècle. Th. Cor-
neille remarque: »La plupart des femmes ne se contentent
pas de faire ouvrage féminin, elles donnent ce mesme genre
à orage, et disent, voilà une grande orage. Celles qui parlent
bien font ces deux mots masculins, et disent, mon ouvrage est
achevé; il y a eu cette nuit un grand orage. Il y en a quelques-
unes qui font aussi gages féminin, je lui donne de grosses
gages. «
Ouvrage a remplacé l'ancien ouvragne; au XVP siècle il est
des deux genres, et l'hésitation continue au XVIP, mais les
grammairiens signalent l'emploi du féminin comme une faute.
Vaugelas demande expressément qu'on dise un long ouvrage.,
mais il ajoute: ^Les femmes parlant de leur ouvrage, le font
tousjours féminin, et disent voilà une belle ouurage; mon
ouurage n'est pas faite. Il semble qu'il leur doit estre permis
de nommer comme elles veulent ce qui n'est que de leur
vsage ; je ne crois pas pourtant, qu'il nous fust permis de
l'escrire ainsi« (Remarques, II, 170). L'Académie (1694) poursuit
les femmes qui osent dire une belle ouvrage. De nos jours
le mot est féminin dans le parler vulgaire: De la belle ouvrage
(Zola, L'Assommoir, p. 84). Y fait toute V ouvrage (J. Marni,
Fiacres, p. 17).
Passerage, voir § 722.
Putrilage^ du fém. putrilago, est devenu masculin.
686. ANGE est tantôt du masculin: Un échange, le lange,
le mélange, tantôt, et plus souvent, du féminin : La fange, la
grange, une orange, la vidange. De là des hésitations dans les
mots suivants:
i
351
Lange, du lat. laneum (sous-entendu pallium?) est étymo-
logiquement masculin; au moyen âge il était parfois féminin,
et Oudin (1660) le donne encore comme tel.
Losange est primitivement féminin; il est maintenant passé
au genre masculin.
Mélange était des deux genres au XVI ^ siècle et encore au
commencement du XVIP siècle; depuis la période classique
il n'est que du masculin.
Vidange: au XVP siècle on disait le et la vidange; c'est le
genre féminin qui l'a emporté.
687. É. Nous examinerons ici seulement les mots en -é dé-
signant des dignités, tels que comté, duché, évêché. Comme le
suffixe de ces mots remonte à -a tus (§ 190), ils sont étymo-
logiquement masculins. Cependant on avait dans la vieille
langue des formes collatérales en eé (§ 198) qui sont fémi-
nines: la comteé, la ducheé, d'où, par l'amuissement de Ve fé-
minin atone (I, § 266), la comté, la duché. La lutte entre les
deux genres dans ces mots a fini par la victoire du masculin,
malgré l'appui analogique que pouvaient prêter des mots tels
que la royauté, la bonté, la fierté, etc. Voici quelques détails:
Archevêché. Le genre féminin est encore employé par Mal-
herbe (Œuvres complètes, III, 574); il est défendu au XVIP
siècle.
Comte'. Le genre féminin, prépondérant encore au XVP siècle
(comp. § 678), n'est que toléré au XVIP. Vaugelas remarque
que quelques-uns à la cour et à Paris disent la comté, mais
»il est plus usité au masculin* (Remarques, II, 71). Le genre
féminin a été conservé jusqu'à nos jours dans deux combi-
naisons toutes faites: la Franche- Comté, la comté-pairie. C'est
probablement pour donner à sa phrase une tournure archaïque
que H. Taine a dit quelquefois la comté dans son livre L'An-
cien Régime (p. 9, 13); dans le même livre on trouve aussi
le comté. Remarquez qu'on dit en Suisse (Genève) la comté de
Neuchâtel.
Duché. Ce mot était encore au XVIP siècle des deux genres.
Vaugelas remarque qu'il est plutôt masculin que féminin, et
Ménage est de son avis, mais encore en 1694 l'Académie ad-
met les deux genres. Dans la langue moderne on ne dit que
le duché.
352
Évêché. Le genre féminin était encore en usage au XVI®
siècle. Ronsard parle d'une bonne évêché. Vaugelas déclare:
»aujourd'huy on le fait tousjours masculin « {Remarques, 11,71).
Parenté, dérivé de parent, était masculin jusque dans le XVP
siècle. Robert Estienne (1539) le donne comme féminin, et il
a gardé ce genre.
Prieuré, autrefois prioré, est masculin et paraît l'avoir été
aussi dans la vieille langue.
Vicomte n'a pas suivi le développement de comté; il était
féminin au moyen âge et il a gardé ce genre jusqu'à nos
jours.
688. ELLE est presque exclusivement du féminin : La baga-
telle, la cervelle, la chapelle, la ficelle, etc. C'est pourquoi les
mots suivants sont devenus féminins malgré leur étymologie : La
bertavelle (it. bertovello), la filoselle (it. filosello), la ky-
rielle (it. chiriello, du grec xvqis Bléi]oov), une ombrelle (it.
ombrello), la ritournelle (it. ritornello). Il y a eu hésita-
tion pour ombrelle qui était d'abord masculin; violoncelle (it.
violoncello) a gardé son genre étymologique. Ajoutons que
modèle a été assimilé aux mots en -elle au XVP siècle; Ron-
sard écrit la modelle.
889. ÈRE et 1ÈRE. Ces terminaisons sont tantôt mascu-
lines: mystère (mysterium), ulcère (ulcus, ulcéris), cime-
tière (xoLiurjTiÎQiov)^ tantôt féminines: colère (colera), mi-
sère (mise ri a), matière (materia), prière (*p recari a). Cet
état de choses a de bonne heure amené des incertitudes; on
a autrefois fait cimetière, clystère, mystère, ulcère du féminin et
colère, misère du masculin. Dans la langue moderne il y a
encore hésitation pour cratère (lat. crater) qui est régulière-
ment du masculin, et patère (lat. paiera) qui est régulière-
ment du féminin, mais Millevoye chante de profondes cratères,
et Littré remarque: » C'est une faute assez commune de faire
patère du masculin. «
690. ETTE est une terminaison féminine: une brunette, une
coquette, une bavette, une alumette, une omelette, etc. De là des
hésitations pour les mots suivants qui sont étymologiquement
du masculin:
i
353
Amulette, emprunté du lat. amuletum; l'Académie l'a fait
masculin dans les éditions de 1762 — 1835; il est maintenant
regardé comme féminin.
Caillette est primitivement le nom d'un bouffon célèbre du
XVP siècle. On a fait sur lui un poème intitulé »La vie et
trespassement de Caillette« (voir Montaiglon et Rothschild,
Poésies françaises des XV^ et XVP siècles, X, 379). Son nom a
de bonne heure été employé comme appellatif; on disait d'a-
bord un caillette (encore dans Cotgrave, 1611) ou, sous l'in-
fluence de la terminaison, une caillette; c'est le genre féminin
qui l'a emporté.
Squelette^ emprunté du grec oxélexog; il a gardé son genre
masculin jusqu'à nos jours malgré beaucoup d'hésitations.
Au XVIP siècle on disait couramment une squelette. Ménage
remarque: »M. de la Mote le Vayer l'a fait féminin avec le
petit peuple de Paris. Il est masculin* (Observations, p. 144).
Les gens du peuple disent encore une squelette (comp. § 674);
on entend aussi un esquelette (I, § 461).
691. EUR. Cette terminaison est féminine dans les noms
abstraits (§ 671,3): la couleur, la ferveur, la maigreur, la pâ-
leur, la pudeur, etc. Dans ces mots -eur remonte à -or, -oris
(§ 229). A côté de ces mots il y en a d'autres qui sont mas-
culins et qui ont une tout autre origine ; citons heur, bonheur,
malheur, où eur provient de -eur (I, §276); pleurs, substantif
tiré de pleurer; cœur (lat. cor). Entre ces deux groupes il y
a eu des influences réciproques qui ont amené des hésitations.
Rappelons aussi ce que nous avons dit ci-dessus (§ 675) sur
l'essai dû aux savants de la Renaissance de réduire les mots
abstraits en -eur à leur genre étymologique. Il faut examiner
à part les mots suivants:
Couleur est masculin dans quelques locutions toutes faites
telles que: couleur de feu, couleur de rose, couleur de chair,
couleur d'eau, couleur d'or, couleur de citron, etc. Ces combi-
naisons ont dû être regardées comme des expressions neutres;
elles s'emploient aussi adjectivement après les substantifs: Je
vous trouve les lèvres cTun couleur de feu surprenant (Molière,
Impromptu de Versailles, se. III). Des souliers couleur de rose.
Erreur. Le genre masculin que lui attribuaient volontiers les
érudits d'autrefois, s'employait encore au XVIP siècle, et juste-
23
354
ment dans le cercle des savants. Vaugelas proteste vivement
contre un erreur, mais il ajoute que si l'on reprend ceux qui
le disent, »ils vous diront aussi-tost, qu'erreur en latin est
masculin et qu'il le doit être aussi en François. De mesme
ils croiront que seruir à Dieu, soit mieux dit que seruir Dieu
parce qu'en Latin on dit seruire Deo, au datif « (Remarques,
II, 285).
Honneur, du lat. h on o rem, était féminin jusqu'au XVP
siècle; on lit encore dans Montaigne: leur honneur sauve. Le
genre masculin, qui finit par l'emporter, apparaît au XIV^
siècle; il est probablement dû à une influence du mot bon-
heur. Comme honneur se comporte déshonneur.
Humeur était régulièrement féminin au moyen âge. Le genre
masculin, si général au XVP siècle (§ 675), apparaît déjà dans
la traduction de la chirurgie d'Henry de Mondeville (1314).
Labeur, substantif tiré de labourer, est régulièrement mas-
culin (§ 541); par suite d'une influence des noms abstraits
qui remontent à -or, -oris, il était aussi souvent féminin au
moyen âge; c'est le labeur qui l'emporte.
Pleurs, postverbal de pleurer (§ 545,6); il est régulièrement
masculin (comp. esp. lloro, port, choro); mais Vaugelas fait
observer que quelques poètes l'ont fait féminin (Remarques,
I, 146), et ce genre lui est encore attribué par J.-J. Rousseau
et Lamartine; ce dernier écrit: Et de ses pleurs de fils, non
encore épuisées (Jocelyn, 3^ époque). Ce changement de genre
peut avoir une double cause; on' a assimilé les pleurs à les
fleurs, les sœurs et aux mots abstraits en -eur; ou les pleurs a
subi l'influence de les larmes.
Rancœur, voir § 681.
692. IGE ou ISSE. Cette terminaison reproduit tantôt le
latin -icium, -itium (ou -issus), tantôt le latin -icia,
-itia; elle est donc soit masculine: un indice, un narcisse, un
office, un service, un vice, soit féminine : une justice, une pelisse,
une réglisse. De là des incertitudes.
1^ Mots masculins devenant féminins:
Armistice, formation hybride modelée sur solstice; l'Académie
l'a fait féminin en 1762. Il est maintenant toujours du masculin.
Caprice, emprunté de l'italien capriccio. On trouve la ca-
price chez Ronsard.
I
355
Esquisse, emprunté de l'it. schizzo qui était masculin; on
trouve en français seulement une esquisse, jamais un esquisse.
Exercice, emprunté du latin exercitium. On trouve dans
Marot exercice amoureuse.
Office, emprunté du latin officium. Déjà au moyen âge on
hésitait entre un office et une office, et cette incertitude dure
jusqu'au XVIP siècle: Geste office (Jehan de Paris, p. 83).
Toutes offices d'amitié (Rabelais, I, 50). Office vacante (Baïf).
Vice, du lat. vitium; autrefois on a dit, mais bien rare-
ment, une vice.
2^ Mots féminins devenant masculins:
Immondice, emprunté du lat. immunditia. Au moyen âge
on trouve, mais rarement, un immondice.
Malice, emprunté du lat. malitia. Au moyen âge on trouve
plus souvent le malice que la malice; ce n'est qu'au XVP siècle
que le genre féminin a le dessus et l'emporte définitivement
sur le masculin.
Narcisse, est féminin dans le peuple.
Réglisse, du lat. liquiritia (comp. I, § 517,2); il était par-
fois masculin au moyen âge. Pour la langue moderne, voir
§ 726.
Sévices, du lat. saevitias; le français ne connaît ce mot
que comme masculin.
693. IGE. Cette terminaison est surtout masculine; on dit
le litige, le prestige, le prodige, le vestige et par analogie le ver-
tige, quoique vertigo soit féminin. En français, tige est le seul
mot en -ige qui soit féminin: au XVP siècle on a dit assez
généralement un tige.
694. ILLE est une terminaison féminine: une aiguille, une
anguille, une béquille, une cheville, etc. (comp. § 257). C'est
pourquoi les quelques mots empruntés en -ille qui grâce à
leur origine devraient être masculins, ont abandonné leur
genre étymologique; on dit ainsi une coquille (lat. conchy-
lium), une jonquille (esp. junquiUo), une pastille (lat. pa-
stillus), une pointillé (it. puntiglio). — Les mots suivants
demandent un examen particulier:
Apostille, dérivé du verbe apostiller. Voir § 551.
Myrtille (blat. myrtillus) était du masculin au moyen âge;
23*
356
il est du féminin au XVII'^ siècle (E. Rolland, La Flore popu-
laire, V, 2). Pour la langue moderne, Littré et l'Académie lui
assignent toujours le genre féminin, mais le Dict. Gén. tient
pour le masculin.
Peccadille est emprunté de Tesp. pecadillo. Marguerite
de Navarre garde le genre étymologique et écrit un peccatile
(Heptaméron, n° 72); partout ailleurs on trouve une peccadille.
Quadrille reproduit trois mots espagnols: el cuartillo, el
cuadrillo, la cuadrilla; il est masculin ou féminin selon
le sens. Le quadrille est un jeu de cartes qui se joue à quatre
persoiines (cuartillo), un losange dans le dessin d'une étoffe
(cuadrillo) et enfin un nombre pair de couples qui exécutent
des contredanses dans un bal; pour ce dernier sens il y a eu
autrefois des hésitations dans le genre. Une quadrille est une
troupe de cavaliers divisée d'ordinaire en quatre groupes, figu-
rant dans un carrousel; l'usage tend à faire ce mot masculin.
695. INE est une terminaison exclusivement féminine: aubé-
pine, bottine, cantine, colline, coquine, etc» Sur ces mots s'est
modelé mandoline, emprunté de l'it. mandolino. Platine, qui
vient de l'esp. platina, était d'abord féminin; il est main-
tenant masculin, au moins officiellement, mais le peuple con-
serve le genre primitif et dit la platine est la plus pesante des
métaux.
696. OIRE est tantôt masculin, tantôt féminin; on dit un
ciboire (ciborium), un conservatoire (conservatorium), un
consistoire (consistorium), un interrogatoire (interrogato-
rium), etc., et une histoire (historia), une victoire (Vic-
toria), une foire (feria), une poire (*pira), etc. Il paraît que
le genre féminin a été prépondérant; c'est pourquoi on dit
une armoire (armarium), une écritoire (scriptorium), et on
trouve sporadiquement une auditoire (encore au XVIP siècle),
une interrogatoire (employé par Amyot), une monitoire (employé
par Fléchier), une oratoire, mais pour ces derniers mots c'est
le genre étymologique qui l'a emporté. De même il y a eu
hésitation entre un et une écumoire, un et une ivoire; voir Vau-
gelas. Pour les mots primitivement féminins, l'analogie de la
terminaison masculine -oire s'est fait sentir dans histoire; on
357
trouve souvent au moyen âge un histoire. Sur mémoire, voir
§ 726.
697. OLE. Ce suffixe (§ 346) se trouve ordinairement dans
des mots féminins: on dit une auréole, une bestiole, une cami-
sole, une casserole, une coupole, une métropole, etc.; et le
pétrole, le protocole, le symbole. Le genre féminin a été intro-
duit par analogie dans faséole (emprunté du lat. faseolus)
et malléole (emprunté du lat. m aile o lus). Alvéole (lat. al-
veolus), qui est féminin encore chez Buffon et Bernardin de
Saint-Pierre, est revenu au genre étymologique. Le peuple con-
tinue à dire une alvéole.
698. ON. Cette terminaison est masculine dans les mots
venant de noms latins en -o, -onis: carbonem ) le char-
bon, sermonem ) le sermon, et dans les dérivés formés à
l'aide du suffixe -on (§ 282): le ballon, le coupon, le feuilleton;
elle est féminine dans les mots où elle remonte au lat. -ionem:
lectionem > la leçon, rationem > la raison; ajoutons les
mots savants : la dévotion, la direction, la religion. Il paraît que
les mots masculins sont en majorité et nous voyons plusieurs
féminins passer au masculin; quelques-uns gardent le nou-
veau genre analogique (frisson, poison, soupçon); les autres tels
que portion, raison reviennent au féminin après des hésitations.
Au moyen âge achoison, enchoison, marisson, royon étaient des
deux genres. Voici quelques détails:
Alcyon, du mot latin féminin alcyon; il est devenu mas-
culin en français.
Frisson, du lat. frictionem, était féminin encore au XVI®
siècle. Ronsard écrit: D'une frisson tout le cœur me frétille. Depuis
la Renaissance le genre masculin est le seul employé.
Poison, du latin pot ionem. Toujours féminin au moyen âge,
il hésite au XVP siècle entre le masculin et le féminin. En-
core Malherbe écrit cette lâche poison. Vaugelas (Remarques, I,
97; II, 308) n'admet que le poison. Ménage permet de dire la
poison en poésie. Thomas Corneille, qui est de l'avis de Vau-
gelas contre Ménage, fait observer que »la plupart des femmes
disent encore amer comme de la poisons. L'Académie ne re-
connaît que le genre masculin, qui s'est conservé intact jus-
qu'à nos jours, au moins dans le langage cultivé, car il est
358
encore féminin dans le parler populaire. Le passage au genre
masculin peut être dû à l'influence du mot synonyme le
venin.
Soupçon, \ir, souspeçon, du lat. suspectionem, hésitait au
moyen âge entre le masculin et le féminin. Encore Montaigne
écrit ma souspeçon, mais à partir de la fin du XVP siècle on
ne dit plus que le soupçon.
Sur les mots féminins en -on devenus masculins à cause
d'un changement de sens, voir § 709.
699. OUR. Les mots en -our sont ordinairement masculins:
un autour, le carrefour, le four, le jour, le labour, le tambour,
le tour (de tourner); mais la cour, la tour (de tu r ri s). Deux
mots demandent un examen particulier:
Amour, du lat. amorem, était régulièrement féminin dans
la vieille langue; vers la fin du moyen âge on commence à
le faire aussi masculin et durant plusieurs siècles il hésite
entre les deux genres. De nos jours, le genre masculin l'a em-
porté; pourtant on peut encore employer le genre féminin,
surtout au pluriel, très rarement au singulier, mais cet emploi
ne se rencontre que dans le langage poétique ou archaïsant:
Leurs amours carnassières (A. France, Thaïs, p. 140). Ne te
souvient-il plus de Vamour ancienne^ (De Hérédia, Les Trophées,
p. 173). On a dit autrefois: On revient toujours à ses premières
amours; on dit maintenant: On revient toujours à ses premiers
amours.
Humour est donné comme masculin par la plupart des
lexicographes; Larousse seul lui attribue les deux genres.
Dans la littérature on trouve le plus souvent un humour; une
humour, qu'écrit par ex. F. Coppée, est probablement dû à
l'influence de une humeur.
700. ULE. Les mots en -ule, presque tous savants, sont
tantôt masculins, tantôt féminins. On dit le corpuscule, le cré-
puscule, le fascicule, le scrupule, le ventricule (comp. § 406), le
vestibule, et la bascule, la capsule, la formule, la péninsule,
la pilule. Il y a eu hésitation pour appendicule et opuscule, qui
sont maintenant masculins mais qui ont été féminins au XVP
359
et au XVIP siècles; renoncule^ tiré du lat. ranunculus, est
féminin dès son apparition dans la langue et il a gardé ce
genre jusqu'à nos jours. Le peuple dit fautivement une animal-
cule, une monticule et un campanule, un molécule. Sur le rap-
port entre le pendule et la pendule, voir § 715. Remarquez que
émule et noctambule sont naturellement des deux genres.
701. E FÉMININ. Comme l'a final latin s'est affaibli en un
e féminin, cette dernière voyelle est devenue la marque carac-
téristique d'un grand nombre de formes féminines : terra >
la terre, bucca > la bouche, vicina ) la voisine, libra ) la
livre, etc. Un e féminin final se trouve aussi comme voyelle
d'appui dans des mots masculins: librum ) le livre, ma-
gistrum ) le maître, a si nu m > un âne, etc., mais les mots
féminins sont en majorité, et nous voyons qu'on a regardé
l'e féminin final comme tellement nécessaire aux mots de
genre féminin qu'on l'a parfois introduit dans les mots où il
manquait. C'est ainsi qu'on est arrivé à écrire la cuillère, la
dote, pour la cuiller, la dot. De l'autre côté l'instinct populaire
a demandé qu'il n'y eût pas d'e féminin final au masculin.
C'est cette même tendance qui fait parfois retrancher l'e fé-
minin final des mots masculins; la langue littéraire a adopté
le pédant pour le pédante qui est la forme primitive (II, § 394),
mais elle a rejeté le patriot. On a souvent créé d'un mot fé-
minin un doublet masculin en retranchant simplement la
voyelle finale; nous en avons déjà donné plusieurs exemples
(II, § 376). Ajoutons ici qu'on trouve sporadiquement dans la
vieille langue un caracol, un squelet, etc. Cependant l'existence
d'un e féminin final ne suffit pas pour provoquer un change-
ment de genre; il faut que toute la terminaison offre un cer-
tain aspect féminin pour qu'un changement se produise et
l'analogie d'autres mots primitivement féminins est souvent
nécessaire. Nous allons maintenant passer en revue un certain
nombre de mots devenus féminins, soit définitivement, soit
sporadiquement.
Remarque. Nous avons déjà (§ 551) cité un certain nombre de substan-
tifs postverbaux qui ont hésité entre les deux genres: apostille, délivre, doute,
écoute, encombre, encontre, erre, jeûne, manque, offre, relâche, rencontre, re-
proche, reste; nous n'y reviendrons pas ici.
360
702. Mots masculins devenus féminins:
Affaire^ composé de à et faire (comp. I, § 316, 2), était régu-
lièrement masculin au moyen âge (§ 723) ; il hésite entre les
deux genres au XVP siècle; après 1600 on ne dit plus que
une affaire. Plusieurs patois modernes ont gardé le genre mas-
culin.
Asperge, emprunté du lat. asparagus, est donné comme
masculin (comp. il. sparago) par Cotgrave (1611) et Richelet
(1680); partout ailleurs il est féminin.
Bamboche est emprunté de l'it. bamboccio; il est fémi-
nin dès son apparition (comp. une brioche, une broche, une
pioche).
Chartre, du lat. carcerem, est féminin dès son apparition
en français.
Étude est emprunté du lat. studium: il était d'abord mas-
culin, selon l'étymologie, mais vers la fin du moyen âge on
commence aussi à dire une étude, grâce à l'influence de la
terminaison Pendant quelque temps il y a hésitation entre les
deux genres et les grammairiens leur attribuent un sens dif-
férent. Malherbe dit: » Etude pour un lieu où l'on étudie, est
féminin ; étude pour travail d'étudier est masculin, qui fait au
contraire n'y entend rien.« De nos jours on ne dit plus que
une étude.
Huile, du lat. oleum; le genre féminin est prépondérant
dès les plus anciens textes; on ne trouve que très rarement
un huile. Henri de Mondeville, dans sa Chirurgie (traduction
de 1314), donne au mot les deux genres.
Impasse; ce mot a été créé par .Voltaire, qui lui donne le
genre masculin (comp. un cul-de-sac); on dit maintenant une
impasse (comp. une ruelle). Pourtant A. France écrit un impasse
noir et boueux (Le chat maigre, p. 164).
Insulte est peut-être emprunté de l'it. in suit o. On trouve
dans Corneille et Boileau un insulte, mais c'est une insulte qui
l'a emporté.
Intrigue, de l'it. intrigo; on trouve le genre étymologique
dans Corneille (Menteur, I, se. 6). Vaugelas remarque que »la
plupart font ce mot féminin « (Remarques, I, 220).
Limite, emprunté du lat. limitem qui était masculin; on
trouve au XVP siècle et encore dans Corneille le limite, mais
361
la limite le remplace (comp. la faillite, la marmite, la clématite,
la diphthérite).
Obole, emprunté du lat. obolus; on a au XVP siècle risqué
un obole mais sans succès.
Parenté, dérivé de parent. Conformément à l'étymologie on
dit le parenté jusque dans le XVP siècle; la parenté est pro-
bablement dû à Pinfluence des nombreux mots féminins en
-té tels que la bonté, la charité, la fierté, la pauvreté, etc. (comp.
§ 292, 687).
Rondache, dérivé de rond (§ 182, Rem.); on trouve dans
A. d'Aubigné le rondache; le genre masculin est probablement
dû à l'influence de mots tels que panache (§ 703).
Topaze^ emprunté du lat. topazion; on trouve rarement
dans la vieille langue le topaze, comp. it. topazio.
703. Ajoutons quelques mots masculins qui, sporadique-
ment, ont été féminins:
Abîme, du lat, pop. abissimum, superlatif de abyssus,
était parfois féminin au XVP siècle.
Article, emprunté du lat. articulus, était parfois féminin
au XV^ siècle; pour les exemples voir Anciennes poésies fran-
çaises, p. p. A. de Montaiglon et J. de Rothschild, X, 345.
Bronze, de l'it. bronzo, est régulièrement masculin; au
XVP siècle on trouve parfois la bronze, et l'Académie dit en
1694 que plusieurs le font féminin.
Cantique, du lat. canticum, est employé comme féminin
dans les Miracles de Notre Dame.
Capuce, emprunté de l'it. capuccio, a été employé comme
féminin par J.-K. Huysmans dans Là-Bas.
Centime (comp. it. centesimo). Littré remarque: »C'est une
faute très commune de faire centime du féminin. «
Chanvre, du lat. cannabem ou cannabum; il était par-
fois féminin au XVP siècle, et La Fontaine dit encore la chanvre
{Fables, I, 8). Le genre féminin se retrouve dans plusieurs
patois modernes.
Chiffre (comp. I, § 44, 2, Rem.) est devenu féminin dans plu-
sieurs patois.
Cigare a été employé comme féminin par Chateaubriand
(voir Littré).
362
Épisode^ du grec êneiacôiov, a été longtemps des deux genres;
on hésite encore au XVI P siècle, mais déjà Vaugelas (Re-
marques, II, 67) incline pour le masculin.
Espace, voir § 683.
Mérite, emprunté du lat. meritum, a été autrefois influencé
par les mots féminins en -ite, d'où la mérite qui se disait sou-
vent au moyen âge (comp. limite, § 702).
Navire, emprunté du lat. pop. navilium, flotte; on trouve
quelquefois au moyen âge une navire, et on parlait ainsi en-
core au XVP siècle. Dans Les deux dialogues, d'Henri Estienne
(I, § 42), Celtophile proteste très vivement contre le navire;
selon lui, le genre masculin s'y est introduit »en despit de
toutes règles et observations* (II, 11 — 12).
Ordre, du lat. ordinem; à côté de un ordre on trouve du-
rant tout le moyen âge une ordre. Vaugelas constate qu'on dit
encore de son temps les saintes ordres (Remarques, II, 70),
mais c'est un terme consacré qui ne tarde pas à disparaître.
Sur désordre, voir § 667, Rem.
Panache, emprunté de l'it. pennacchio; on l'a fait quelque-
fois féminin au XVP siècle sous l'influence de mots tels que
bravache, hache, moustache, rondache, vache.
Renne, emprunté de l'ail, renn; Littré remarque que plu-
sieurs naturalistes ont fait ce mot du féminin, et l'Académie
(1718—1740) donne la renne.
Rythme, emprunté du lat. rhythmus. Montaigne dit la
bonne rythme.
Silence, emprunté du lat. silentium; sous l'influence des
nombreux mots oii -ence remonte à -entia on l'a fait parfois
féminin : Si belle silence (Jehan de Paris, p. 46).
704, Mots féminins devenus masculins. Voici maintenant un
certain nombre de mots, tous féminins en latin et qui sont
devenus masculins en français grâce à leur terminaison:
Écho, emprunté du lat. écho, fém.; il est toujours mascu-
lin en français.
Orchestre, emprunté du lat. orchestra, était féminin encore
au XVII P siècle. On ne connaît maintenant que un orchestre
(comp. un bourgmestre, un semestre).
Oripeau, primitivement orie-pel (lat. auream pelle m). On
a de bonne heure perdu la notion des éléments composants
363
et le mot, regardé comme une entité, est devenu masculin
(comp. le chapeau, le copeau, le drapeau, le pipeau).
Plantain, du lat. plantaginem. Le mot est masculin dès
les plus anciens textes (comp. airain, levain, terrain, grain,
pain, châtelain, etc., tous du masculin).
Provin, pour provain (comp. § 263, i), du lat. propagine m.
Le mot est masculin dès les plus anciens textes.
Ustensile, emprunté du lat. ustensilia, était originairement
féminin (comp. asile, domicile, péristyle, reptile, tous masculins).
705. A. Les mots en -a sont tous savants ou empruntés.
Ils sont ordinairement du masculin: le cantarella, le chipolata,
le choléra, le falbala, le mimosa, un opéra, le paria, le polka, le
syringa, le sopha, le pacha, etc. Comp. mon meâ culpâ (P. Her-
vieu. Peints par eux-mêmes, p. 32), un Piêtà (R. Bazin, Les
Oberlé, p. 112). On dit même le phylloxéra vastatrix. Le genre
masculin peut être dû, au moins en partie, à l'influence de
mots tels que le coutelas, le plâtras, le matelas, etc. (§ 178).
Quelques mots en -a d'emploi tout récent sont féminins: la
douma, l'ancienne Edda, la saga, la villa, la véranda(h), la
sierra.
Remarque. Les mots en -a ont entraîné les noms de plantes en -m, créés
récemment par les naturalistes; ils devraient être féminins, et ils sont tous
masculins : le camélia, le dahlia, le fuchsia, le magnolia, etc.
706. Nous nous sommes occupés jusqu'à présent de la ter-
minaison des mots et du rôle qu'elle joue dans la formation
du genre. Voici maintenant quelques indications sur l'influence
que peut exercer parfois le commencement des mots. Il est
constaté depuis longtemps que les mots qui commencent par
une voyelle passent facilement au féminin. Déjà Vaugelas a
observé ce fait. En parlant de mots rares et de genre incer-
tain il cite anagramme, épigramme, épithalame, épitaphe, épi-
thète, et il ajoute que le commencement vocalique est cause
de l'incertitude du genre, »parce que la voyelle de l'article qui
va devant se mange et oste la connaissance du genre mascu-
lin ou féminin; car quand on prononce ou qu'on escrit Vépi-
gramme, ou une épigramme, l'oreille ne sçauroit juger du genre «
(Remarques, I, 20). Il y en a encore de nos jours qui pro-
noncent un comme une devant une voyelle ; nous avons en-
tendu dire une arbre, une œuil et aucune autre pour aucun autre
364
(comp. intolérant et inégal, brun et brunir). Si d'un côté on a
la prononciation une ouvrage et de l'autre un bel ouvrage, où
l'adjectif a la forme du féminin (comp. une belle femme et un
beau garçon), on comprend qu'on arrive facilement à dire
aussi une belle ouvrage, et cela d'autant plus facilement que
dans la combinaison cet ouvrage le pronom fait à l'oreille l'im-
pression d'un féminin. Ce phénomène s'observe encore de aos
jours. Le livre dont nous avons parlé ci-dessus (§ 678, Rem.)
souligne qu'il ne faut pas dire une amadou, une amulette, une
animalcule, une antidote, une armistice, une astérisque, une éclair,
une emblème, une émincé, une emplâtre, une entrecôte, une érysi-
pèle, une esclandre, une évangile, une hôtel, une incendie, une
ivoire, une omnibus, une organe, une ulcère, une ustensile. Pour
plusieurs de ces mots le genre féminin peut aussi avoir été
déterminé par la terminaison.
Remarque. Comme nous l'avons vu, le commencement vocalique fait pas-
ser le masculin au féminin; mais le passage très naturel de un incendie a
une incendie amène des hésitations sur le genre des mots à initiale voca-
lique, et elles ont pour résultat qu'on arrive aussi par contre-coup (I, § 115)
à dire un idole pour une idole. Les grammairiens orthoépistes mettent en
garde contre un alcôve, un amnistie, un anagramme, un annexe, un anti-
chambre, un arabesque, un atmosphère, un avalanche, un enclave, un épave,
un escarmouche, un espace, un estampille, un étable, un extase, un horloge,
un oasis, un oie. Il va sans dire que le genre fautif de ces mots a pu être
déterminé par d'autres raisons que le commencement vocalique.
707. Pour finir nous citerons quelques observations de MM.
C. Latreille et L. Vignon sur les changements de genre dus à
l'influence de la désinence qui s'observent dans le dialecte
lyonnais. Ils écrivent: Molard [auteur d'une grammaire lyon-
naise, 1792] voit bien que intervalle et parafe doivent leur
genre féminin à leur terminaison. Il aurait pu expliquer de
même les féminins fantôme, globule, indice, insecte, sable. Il
faut y joindre les expressions suivantes : une cep de vigne, une
fût (tonneau), la chasse d'une aiguille, la gril (ustensile de
cuisine), où la prononciation des consonnes finales a entraîné
le genre féminin, par confusion avec les substantifs terminés
par e. Un débâcle s'explique sans doute, comme le dit Molard,
par des mots comme miracle, tabernacle, réceptacle; et la pa-
nache par la moustache. Le hagard (la bagarre) et le passoir
(la passoire) reposent sur une confusion de suffixes dans la
prononciation {Mélanges Brunot, p. 256).
CHAPITRE III.
INFLUENCE DU SENS.
708. De même que le sens d'un mot peut en déterminer le
genre, il est aussi capable de le changer. Voici les cas prin-
cipaux :
P Quand il y a désaccord entre le sexe naturel et le genre
grammatical, celui-ci peut modifier celui-là. Ce phénomène
s'observe surtout dans les cas où des noms abstraits ou des
noms de choses s'emploient comme noms de personnes; ainsi
de une enseigne on tire un enseigne (voir § 709).
2^ Un mot employé dans certaines combinaisons qui en
modifient le sens, peut changer de genre; on dit une chose
très belle mais quelque chose plus beau que la vie (voir § 711).
3^ Le genre d'un mot peut être changé sous l'influence d'un
autre mot qui offre le même sens ou le sens inverse (voir
§ 712).
709. Changement de sens. Plusieurs mots désignant soit une
chose, soit une notion abstraite, s'emploient parfois aussi
comme noms de personnes; dans ce cas, le mot, s'il est
Féminin, peut changer de genre ou garder son genre étymo-
logique. Ainsi, à côté de une trompette on a formé un trom-
pette, pour désigner l'homme qui joue de cet instrument. Mais
pour harpe par exemple on n'a pas créé de forme masculine
correspondante. Voici d'abord quelques exemples où le nou-
vel emploi a amené un changement de genre ; nous laissons
de côté les cas où la forme du mot a été modifiée avec le
genre, comme dans un patte-pelu (voir II, § 394).
366
Aide. — Une aide, action d'aider; d'où un aide, celui qui
aide.
Barbe. — De la barbe (lat. barba) on a tiré le barbe, mot
employé chez les Vaudois pour désigner le médecin (voir les
exemples de Littré). Le même mot est employé ailleurs comme
titre de respect, la barbe étant regardée comme un signe de
sagesse et de gravité. C'est ainsi que // barba dans les dia-
lectes septentrionaux de l'Italie s'emploie pour oncle; le roi
Victor Emmanuel se signait souvent dans les lettres à ses
amis, Barba Vittorio. Cet emploi est d'ancienne date; nous le
trouvons chez Dante (Paradiso, XIX, v. 136), et déjà l'édit du
roi Rotharic prête le même sens à barba avec l'addition ex-
plicative »quod est patruus«. Le mot faisait au génitif bar-
banis (II, § 241); comp. barbano, forme collatérale, générale
au nord de l'Italie.
Camarade. — Une camarade (esp. camarada), chambrée, d'où
un camarade, proprement homme de chambrée, puis com-
pagnon, ami; le sens primitif du mot était en usage au, XVI®
siècle.
Carmagnole. — Une carmagnole, sorte de vêtement devenue
populaire pendant la première révolution, d'où un carmagnole,
révolutionnaire qui portait ce vêtement.
Chose. — Ce mot devient masculin dans le langage familier
quand il s'emploie d'une manière neutre pour désigner un
homme qu'on ne veut pas ou ne peut pas nommer; on se
rappelle le titre d'un beau roman de Daudet: Le petit Chose.
Sur chose employé comme pronom, voir § 711.
. Cornette. — Une cornette, diminutif de corne, pavillon, d'où
un cornette, celui qui porte la cornette.
Enseigne. Une enseigne (lat. in si g nia) d'où un enseigne, l'of-
ficier qui porte l'enseigne.
Garde. — Une garde, d'où un garde, celui qui garde.
Grand-croix. — Une grand-croix, d'où un grand-croix, celui
qui porte cette décoration.
Guide. — Une guide (postverbal de guider), lanière de cuir
qui sert à diriger les chevaux, d'où un guide, celui qui guide
ou accompagne. Dans ce dernier sens le mot était des deux
genres au grand siècle; dans les titres de livres il est resté
féminin encore au XVIIP siècle, et ce n'est qu'en 1835 que
l'Académie a abandonné cet usage et officiellement remplacé
367
par ex.: ^La guide des pécheurs^ (comp. Régnier, Mazette, v. 2)
par »Le guide des pécheurs<^.
Justice. — De la justice (lat. justitia) on a tiré le justice,
haut magistrat espagnol (voir Littré, s. v., n° 14).
Manœuvre. — Une manœuvre (du lat. pop. manuopera),
d'où un manœuvre, ouvrier qui fait de gros ouvrages.
Nourrisson. ~ Ce mot, dont la forme primitive est norreçon
(lat. nutritionem), est maintenant masculin, et ce genre
inétymologique est dû au changement de sens. Au moyen âge,
il était féminin et avait la signification de 'nourriture'.
Paillasse. — Une paillasse (dér. de paille; comp. § 178) d'où
un paillasse, celui qui est vêtu d'une toile à paillasse, bateleur.
Poesté. — Ce vieux mot, qui vient du lat. potestatem,
signifiait puissance. Il avait aussi le sens de 'seigneur'. On
lit dans Li Trésors de Brunetto Latini: »I1 est voirs que vos
m'avez eleu poesté et fait seignor de vos«. Il ne ressort pas de
cet exemple si le mot avait changé de genre, comme en ita-
lien où l'on dit il podestà.
Prison. — Une prison (lat. prehensionem), d'où un pri-
son, celui qui est enfermé dans la prison; ce mot, assez géné-
ral au moyen âge, a été remplacé par prisonnier. On dit en-
core le prison dans le parler vulgaire de plusieurs localités
(Mons, Roubaix).
Trompette. — Une trompette (dér. de trompe), d'où un trom-
pette, celui qui sonne de la trompette.
Ajoutons le mot italien féminin pagnotta, proprement un
petit pain rond, puis gage, payement; on dit par ex. scrivere
per la pagnotta; le mot a passé en français où il a été ap-
pliqué par dérision à des soldats d'occasion qui se louaient
pour un pain, et ce nouveau sens a amené un nouveau genre:
un pagnote.
Remarque l. Un développement pareil s'observe dans les autres langues
romanes. Rappelons pour l'italien: il camerata, il cornetta, il prigione, et
pour l'espagnol: eZ aijuda, el camarada, el corneta, el espada (toréador), el
espia (espion), el guarda, el guardia, el giifa, el justicia, el trompeta.
Remarque 2. Poinçon (punctionem) est masculin; il aurait dû être fé-
minin, mais c'est probablement le passage du sens abstrait au sens con-
cret qui a amené ce changement. En latin, unio était féminin au sens d'u-
nion, mais masculin au sens de perle ou de bulbe, ce qui explique le fran-
çais un oignon.
368
710. Dans d'autres cas le changement de sens n'est pas ac-
compagné d'un changement correspondant de genre. Ainsi
basse, caution, connaissance, dupe, flûte, liarpe^ lance, pratique,
recrue, vigie sont toujours féminins, même quand ils sont em-
ployés comme désignation d'un homme. Le même manque
d'accord entre le genre grammatical et le sexe naturel se
trouve dans estafette et sentinelle. On constate parfois des hési-
tations sur le genre. Exemples:
Une dupe, huppe; comme cet oiseau est censé très stu-
pide, on emploie aussi le mot au figuré pour désigner une
personne naïve et trompée sans changement de genre: il est
ma dupe. Pourtant La Fontaine a risqué un dupe (Fables, IX, 8).
Une peste (emprunté du lat. pestis), maladie épidémique et
homme pernicieux; dans ce dernier sens on a dit autrefois
un petit peste en parlant d'un garçon malicieux.
Une recrue, accroissance et ce qui vient compléter une troupe:
un soldat de recrue ou une recrue pour le soldat nouvellement
enrôlé. Le peuple dit parfois un recrue.
Une sentinelle (emprunté de l'it. sentinella). Les poètes
emploient parfois ce mot au masculin: Sur leurs corps et
leurs ailes Brillent des yeux sans nombre, assidus sentinelles
(Delille, Paradis perdu, XI).
711. Changement d'emploi. Les substantifs âme, chose, per-
sonne, rien sont souvent à regarder comme des neutres logiques
grâce à leur emploi comme pronoms indéfinis ou aux autres
fonctions spéciales qui leur sont attribuées. Dans ces cas leur
genre étymologique est changé contre le masculin.
Ame se combinait souvent dans la vieille langue avec au-
cun et nul et ces combinaisons prenaient le sens de nemo.
Employé de cette manière, le mot devenait masculin, on di-
sait aucun âme et nul âme; pour les exemples, voir le glossaire
des Miracles de Nostre Dame.
Chose, combiné avec quelque ou autre, s'emploie au sens de
aliquid, aliud; cet emploi neutre en a changé le genre:
Quelque chose est arrivé. Ils ont quelque chose plus beau que la
vie (Daudet, Helmont, p. 104). Quelque chose est promis, et vous
verrez qu''autre chose sera fait. Pour savoir quelque chose il faut
l'avoir appris. On dit également: Le quelque chose habillé de
blanc (Zola, Lourdes, p. 105). La combinaison quelque chose a
369
le vieux pronom alque (II, § 576,8) comme autre chose a
remplacé el (II, § 576, 3). Pour le genre on hésitait au XVII«
siècle; le féminin se trouve par ex. dans Corneille et Molière:
Je vous voulais tantôt proposer quelque chose: Mais il n'est plus
besoin que je vous la propose. Car elle est impossible (Le
Menteur, v. 961). Cela n'est-il pas merveilleux que j'aie quelque
chose dans la tête qui pense cent choses différentes en un mo-
ment et fait de mon corps tout ce qu'c//e veut (Dom Juan, III,
se. 1). Rappelons enfin les vers connus d'Aceilly:
Dis-je quelque chose assez belle?
L'antiquité tout en cervelle
Prétend l'avoir dite avant moi.
Pourtant déjà en 1647 Vaugelas avait demandé que quelque
chose fût construit avec le masculin, en observant que »ces
deux mots font comme un neutre « (Remarques, I, 354). Il est
inutile d'ajouter que chose garde son genre étymologique dans
des phrases telles que : Quelque chose que je lui aie dite, je n'ai
pu le convaincre. Quelle autre chose voulez-vous de moi? Deman-
dez-moi toute autre chose.
Personne (lat. perso na), combiné avec ne, est devenu un
pronom indéfini négatif, correspondant au latin nemo. Dans
cet emploi il est du masculin dans la langue moderne: per-
sonne n'est parfait; personne n^est venu. Pourtant si le sens le
demande, personne peut garder son genre étymologique: Per-
sonne nétait plus belle que Cléopâtre. Personne n'est plus que
moi votre obligée. Autrefois personne était toujours du féminin :
Personne n'est desprisée (Montaigne).
Rien (lat. rem) est originairement un substantif féminin, et
il garde son genre, même quand il est employé comme pro-
nom : Pour savoir se de li seroit riens retrouvée (Berte aus grans
pies, V. 2465). Depuis longtemps le mot a été regardé comme
un neutre logique et est devenu masculin. On dit dans la
langue moderne: Rien n'est arrivé; rien n'est plus beau que ce
site. Au moyen âge la combinaison nule rien, où rien gardait
son genre étymologique, était regardée comme une unité équi-
valant à »nihil« et qui demandait le neutre: Nule rien qu'il
demandent ne lor est demoret (Pèlerinage Charlemagne, v. 247).
24
370
712. Mots parallèles. Nous entendons par celte expression
des mots qui offrent un sens parallèle ou un sens contraire et
qui sont parfois unis dans des combinaisons plus ou moins
figées. Ces mots s'influencent facilement pour les phonèmes
et pour la forme (I, § 118,3,4); nous allons voir qu'ils s'em-
pruntent aussi le genre:
Après-midi est régulièrement masculin; on le fait aussi fé-
minin sous l'influence des vieilles formes après-dînée^ après-
soupée, qui ont aussi influencé le genre de après-dîner, après-
souper.
Automne, autrefois féminin (§ 726), est devenu masculin dans
la langue moderne sous l'influence des noms des autres sai-
sons (un été, un printemps, un hiver).
Cloaque, emprunté du latin cloaca; au XVI® siècle il était
des deux genres, mais le genre masculin l'emporte sous l'in-
fluence du synonyme un égout. Le genre féminin ne vit plus
que dans l'expression archéologique la grande cloaque (cloaca
m a xi ma).
Di (lat. die s) était masculin dans la vieille langue, et le
même genre est employé dans toutes les autres langues ro-
manes excepté le roumain (comp. esp. Buenos dias et roum.
hund ziuà). Le mot est encore masculin dans les combinai-
sons midi, lundi, mardi, mercredi, etc. Au moyen âge on disait
tote di ce qui est une formation analogique faite sur tote nuit
(l'allemand présente l'analogie inverse: des Nachts conformé-
ment à des Tages). Rappelons aussi qu'on trouve parfois dans
les vieux textes la graphie miedi faite sur mienuit.
Dimanche, pour diemenche (I, § 271, 2), était des deux genres
dans la vieille langue. Le genre masculin est probablement dû
à l'influence des noms des autres jours de la semaine: le
mardi, le jeudi, etc. Dans le parler actuel de Genève on dit la
dimanche.
Été, voir § 672.
Gent (du lat. gentem) est régulièrement féminin; employé
au pluriel le mot est devenu synonyme de 'hommes', ce qui
a amené un changement de genre. Exemples: Gens mortz
(Ambroise, Guerre sainte, v. 2904). Gent malement entechiez (ib.,
V. 2562). Tous ses gens sont passez (Jehan de Paris, p. 77), etc.
Dans la Syntaxe nous nous occuperons plus en détail de la
lutte, continuée jusqu'à nos jours, entre le genre propre du mot
371
et le genre de l'idée qu'il exprime. Les phrases suivantes
montreront les règles arbitraires et peu rationnelles que suit la
langue moderne : De vieilles gens. Des gens résolus. Les meilleures
gens que j'aie jamais vus. Instruits par Vexpérience les vieilles
gens sont prudents. Tous les honnêtes gens. Toutes les vieilles
gens. Tous les gens de cœur. Gens est toujours masculin quand
il désigne une profession, une qualité: Gens de lettres, gens de
guerre, gens de cour. Ces règles compliquées, dont déjà Vau-
gelas (Remarques, II, 191) s'était occupé, remontent assez haut;
en voici un exemple du XV^ siècle: Telles vieilles gens de-
viennent jalons {Quinze joies de mariage, p. 178). Selon l'Arrêté
ministériel du 26 février 1901 on tolérera maintenant l'accord
au féminin dans tous les cas avec gens; il est ainsi permis de
dire et d'écrire: Instruits ou instruites par Vexpérience, les vieilles
gens sont soupçonneux ou soupçonneuses. Cette liberté n'est guère
heureuse et va contre le génie de la langue. Aujourd'hui, gens
est évidemment à regarder comme un mot masculin, le genre
féminin se trouvant surtout dans quelques combinaisons toutes
faites où l'adjectif fait corps avec le substantif. Voici quelques
observations intéressantes de M. É. Rodhe: »Le français vi-
vant exige la tournure : Instruits par l'expérience les vieilles gens
sont soupçonneux. Sans doute de pareilles constructions sont
le résultat de l'enseignement grammatical des écoles; mais il
faut reconnaître que l'usage actuel n'a pas tout à fait tort.
Les tournures féminines comme les vieilles gens, les petites gens,
les bonnes gens, les méchantes gens, certaines gens, et quelques
autres du même genre (le nombre en est assez restreint) sont,
pour la conscience des Français actuels, des tournures stéréo-
typées, des expressions simples équivalant à : 'les vieillards, les
petits, les bons, les méchants', etc. Elles représentent des in-
dividus des deux sexes, et comme on enseigne dans les écoles
et dans les grammaires que le masculin l'emporte sur le fé-
minin, il est tout naturel qu'on dise : les vieilles gens sont soup-
çonneux de même qu'on dirait les vieilles femmes et les vieux
hommes sont soupçonneux. . . . Selon nous, au lieu de restaurer
le passé — ce que semble vouloir faire l'Arrêté, — il faudrait
marcher au contraire dans le sens des tendances actuelles de
la langue, restreindre le féminin à certains cas oii l'adjectif
est lié à son substantif, mais faire dire et écrire tous les
vieilles gens, comme on dit et écrit tous les braves gens. A plus
24*
372
forte raison faut-il de toute nécessité le masculin dans l'ex-
emple cité plus haut. Les vieilles gens sont soupçonneuses éveille-
rait inévitablement dans l'esprit de tout Français l'idée de
vieilles femmes, ce qui serait un contresens, puisqu'on veut
exprimer une collectivité* (La nouvelle réforme de r orthographe
et de la syntaxe françaises. Lund, 1900. P. 41 — 42).
Glaive, altération du lat. gladius (voir I, § 5, 525) est
ordinairement masculin. On trouve quelquefois dans la vieille
langue une glaive, où il faut probablement voir l'influence de
une épée.
Loire (Liger) est devenu féminin sous l'influence d'autres
noms de fleuves comme la Seine, la Marne, la Garonne. Il était
masculin encore au commencement du XVP siècle.
Mer, voir § 672.
Mi-août est féminin comme tous les composés de mi suivis
d'un nom de mois ou du mot carême; ont dit ainsi la mi-mai,
la mi-septembre, la mi-carême, etc. Cette particularité remonte
au moyen âge où l'on trouve par ex. la miaoust (Chevalier au
lion, V. 2679). Le genre féminin s'explique peut-être par une
influence de la mienuit.
Minuit, au moyen âge mie nuit (I, § 271, 2), est primitive-
ment féminin. On commence à dire le minuit au XVP siècle,
et il y avait hésitation entre les deux genres encore au XVI P
siècle. Vaugelas (Remarques, I, 158) défend la locution sur le
minuit contre ceux qui demandent sur la minuit. Ménage ne
connaît pour notre mot que le genre masculin. Ce change-
ment est dû à l'influence analogique de midi. La minuit s'em-
ploie encore dans la poésie populaire: Quand s'est venu sur
la minuit, La belle pleure dedans son lit (Romania, X, 365).
Noël (lat. natalis) est ordinairement masculin. Cependant
on dit aussi la noël dans la plupart des parlers populaires et
le genre féminin a même pénétré dans la littérature: La noël
de Jean Rumengol (Anatole Le Braz, Vieilles histoires du pays
breton). C'est le mot fête qui a provoqué le changement de
genre.
Pâque, emprunté du lat. pascha. Ce mot est féminin au
singulier quand il désigne la fête des Juifs: faire la Pâque. Au
pluriel il se dit de la fête chrétienne et garde le genre éty-
mologique dans les deux expressions Pâques fleuries et faire
373
de bonnes Pâques; partout ailleurs il est traité comme un mot
masculin et singulier, probablement sous l'influence de noël.
On dit ainsi : Pâques a été tardif cette année. Pâques a été beau.
Quand Pâques sera venu. On a hésité s'il fallait dire à Pâques
prochain(s), ou à Pâques prochaines; les deux tournures sont
un peu vieillies maintenant; on les évite et on les remplace
par: aux prochaines fêtes (ou vacances) de Pâques.
Patenôtre (lat. paternoster) est devenu féminin sous l'in-
fluence du mot prière. C'est cette même influence qui a fait
dire une credo au moyen âge (comp. en allemand das Vater-
unser d'après das Gebet). Ajoutons qu'on dit dans le peuple
le patenôte.
Personne (lat. persona) est régulièrement féminin. Pourtant
au sens d'individu ou d'homme on l'a fait souvent masculin :
quatre personnes diversement vestuz (Rabelais, IV, chap. 47).
Faire rire des personnes qui nous impriment le respect et ne rient
que quand ils veulent? (Molière, Impromptu de Versailles, se. 1).
Jamais je n*ai vu deux personnes être si contents Vun de Vautre
(Dom Juan, I, se. 2). On rend une personne insensible quand on
le reprend trop (Racine, Œuvres complètes, VI, 307). Cest de ces
sortes de personnes que le Seigneur a prédit qu'ils seraient sauvés
difficilement (id., Œuvres complètes, V, 390).
Pleurs, employé au féminin, peut avoir subi l'influence de
larme; voir § 691.
Poison a peut-être été influencé par venin (voir § 698).
Sorbe, du lat. sorbus, aurait dû être masculin (§ 671,i); c'est
sous l'influence de la pomme, la poire, la prune, etc. qu'on dit
la sorbe.
Val, du lat. vallem, est de bonne heure devenu masculin;
on a dit le val par analogie avec le mont. Le genre étymo-
logique a été conservé dans les noms géographiques Laval,
Lavaux, Bonneval, Vaucluse.
Remarque. Sur quelques noms d'oiseaux devenus masculins peut-être
sous l'influence du mot oiseau, voir § 719. Sur avant-scène, voir § 723.
713. Nous citerons enfin les remarques suivantes de MM. C.
Latreille et L. Vignon sur le dialecte lyonnais: »Des mots
peuvent changer de genre sous l'influence des mots de même
sens ou de sens voisin: un bête, un dupe prennent le genre
374
de homme^ ciseaux celdi de cisailles^ fibres celui de nerfs, per-
drigone celui de prune, vis celui de clou. On dit du jujube, du
reguelisse d'après jus de réglisse, suc de jujube. Un poutre doit
peut-être son genre masculin au patois ira (de trabem),
reins son genre féminin à quelque autre partie du corps. En-
fin pâté et pâtée sont confondus, et le premier s'emploie au
masculin pour le second (Mélanges Brunot, p. 257).
Remarque. Bêle est du masculin aussi dans les parlers populaires de
l'Ouest de la France. A Rennes, gros bête s'emploie comme injure.
CHAPITRE IV.
ELLIPSE.
714. Un mot peut changer de genre par ellipse ou plutôt par
sous-entendu. La fameuse aéronef qui échappait en 1907 à
l'armée française et qui n'a jamais été retrouvée, s'appelait
Patrie; en relatant Taccident, les journaux ont parlé de la
fuite du Patrie, et le genre masculin est dû probablement au
genre d'un mot explicatif sous-entendu : on a dit le Patrie pour
le ballon Patrie ou le dirigeable Patrie. Ce phénomène n'est pas
rare, mais il est souvent difficile à constater; dans plusieurs
des cas où l'explication par l'ellipse d'un mot pourrait paraître
naturelle, d'autres explications se présentent en même temps
à l'esprit, de sorte qu'on hésite sur la catégorie dans laquelle
il faut classer le mot; ainsi plusieurs des exemples que nous
étudierons dans ce chapitre pourraient aussi avoir leur place
dans le chapitre précédent. Ici comme ailleurs dans le do-
maine de la grammaire il est prudent de ne pas s'arrêter à
une explication trop restreinte, trop tranchante; il faut ad-
mettre que plusieurs causes ont pu agir à la fois, et l'analyse
la plus fine peut être incapable de nous dire laquelle d'entre
elles est la plus importante. La vie est large dans toutes ses
manifestations, et moins on est exclusif, moins on est exposé
à se tromper.
715. Voici une série de mots dont le genre a été probable-
ment déterminé par l'ellipse:
Choléra. — Ce mot est devenu masculin peut-être sous l'in-
fluence de 'morbus'; on a dit d'abord le choléra morbus. Sur
l'a tonique final, voir § 705.
376
Claque. — Ce mot est régulièrement féminin (§ 548); il est
entré dans la combinaison un chapeau claque, d'où par abré-
viation un claque.
Grimoire. — On a dit d'abord une grimoire, puis un gri-
moire pour un livre de grimoire; le mot est une altération du
lat. grammatica et est ainsi un doublet de grammaire; la
grammaire était autrefois considérée comme quelque chose
d'inintelligible et de mystérieux.
Huit- ressorts. — Ce mot emploj^é au singulier masculin pour
désigner une sorte de voiture, est une abréviation de un car-
rosse à huit ressorts. Pour la forme, comp. II, § 363, Rem.
Lévite. — Ce mot qui reproduit lévites ou levita est ori-
ginairement masculin. Comme désignation d'un certain vête-
ment il est devenu féminin et la lévite est à regarder comme
une tournure brachylogique pour la robe lévite.
Nadar. — Nom d'un photographe parisien. On a dit une
Nadar dans l'argot de Paris pour une photographie de Nadar;
on en trouve un exemple dans Lavedan, Vieux marcheur, p. 35.
Dans le même livre on trouve aussi l'expression comique ma
Krupp (p. 23) pour ma lorgnette, dont le genre a également été
déterminé par ellipse.
Omnibus. — On dit un omnibus et dans l'argot de Paris une
omnibus; ce changement est, selon A. Darmesteter (Formation
de mots nouveaux, p. 182), dû à un sous-entendu du mot voi-
ture. Peut-être avons-nous là tout simplement l'effet de l'ini-
tiale vocalique (§ 706).
Pâques, voir § 712.
Pendule. — Une pendule s'explique comme une abréviation
de une horloge à pendule; le mot pendule au sens de balancier
est masculin (lat. pendu lu s). Le peuple s'y trompe et dit /es
oscillations de la pendule, le balancier du pendule, etc.
Pivoine. — On dit une pivoine, conformément au genre latin
(pseonia), en parlant de la plante. De ce mot a été tiré un
pivoine qui est peut-être une abréviation de un oiseau pivoine
(comp. § 719). Le peuple s'y trompe et dit la pivoine perchée
sur le pivoine.
Quasimodo, le dimanche qui suit Pâques; c'est proprement
le dimanche de la messe Quasimodo; par l'ellipse du mot
messe, Quasimodo est devenu féminin; on dit après la Quasi-
377
modo, renvoyer à la Qiiasimodo, etc. Quasimodo devrait être
masculin; c'est une jonction des deux premiers mots de l'in-
troït de la messe du dimanche (comp. § 5).
Réglisse. — On a dit autrefois dans la langue littéraire du
réglisse pour du jus de réglisse, du bois de réglisse, et la langue
populaire a conservé cette manière de dire; pour les détails,
voir § 726.
Remise. — Un remise est une abréviation pour un fiacre de
remise.
Vapeur. — Ce mot, qui est emprunté du lat. vapor, est ré-
gulièrement féminin (§ 671,3); dans la langue moderne on dit
aussi le vapeur, ce qui est une expression elliptique pour le
bateau à vapeur.
Saint-Jean, Saint-Martin, Saint-Pierre, Saint-Sylvestre et tous les
autres noms de saints s'emploient au féminin pour désigner le
jour où l'on célèbre le dit saint. On dit ainsi: A la Saint-Jean,
lété de la Saint-Martin, etc., en sous-entendant fête ou veille.
Toussaint, qui est pour Toussaints (II, § 363), est devenu fé-
minin par Tellipse du mot fête: célébrer la Toussaint. En voici
un exemple remontant au moyen âge: Al siste jor de la grant
feste. De la toz seinz que chescons feste (Ambroise, Guerre
sainte, v. 7234; cf. ib. 7202).
Trente- chevaux. — Cette combinaison, où peut entrer tout
autre nom de nombre, s'emploie comme un substantif simple
auquel on donne, selon les circonstances, le genre féminin. On
dit une trente-chevaux (A. France, Crainquebille, Putois, Riquet,
p. 163), pour une automobile de trente chevaux; sur le genre
d'automobile, voir § 674.
716. Nous voyons parfois des noms de provinces changer de
genre et de féminins devenir masculins pour désigner un pro-
duit de la dite province. Ce phénomène peut s'expliquer de
différentes manières, et il est assez difficile de dire laquelle
est la meilleure. Nous reviendrons sur ce sujet dans notre
Sémantique et nous nous contenterons ici d'une simple indi-
cation. Examinons les trois mots Bourgogne, Champagne, Terre-
Neuve. Comme noms géographiques ils sont féminins, mais
comme noms communs, ils sont masculins: boire du bour-
gogne, vendre du Champagne, acheter un terre-neuve. Comment
378
s'explique ce changement de genre? On peut y voir une el-
lipse; alors du bourgogne serait pour du vin de Bourgogne,
comme un terre-neuve, pour un chien de Terre-Neuve. Mais on
peut aussi y voir le résultat de cette métonymie bien connue
qui donne le nom du lieu au nom du produit; en ce cas il
n'y aurait pas d'ellipse et le changement de genre serait à ex-
pliquer autrement.
CHAPITRE V.
MOTS COMPOSÉS.
r
717. Substantif + substantif. Le mot composé prend tou-
jours le genre du déterminé. On dit ainsi un bateau- mouche,
un chou-fleur, un laurier-rose, un sabre-baïonnette, et une canne-
parapluie, une rose-thé, une voiture-lit. Il en est de même si les
deux noms ne sont pas coordonnés : Un chèvre-pied, un timbre-
poste, un trou-madame, une fête-Dieu, etc.; un arc- de-triomphe,
un chef-d'œuvre. Sur coudelatte, voir § 681.
718. Adjectif + substantif. Le mot composé prend toujours
le genre du substantif déterminé. On dit un bas-bleu, un blanc-
bec, un coffre-fort, un franc-tireur, et une belle-fille, une chauve-
souris, une gorge-bleue, une longue-vue, une main-forte.
Cas isolés. Dans quelques mots le genre étymologique a été
changé sous l'influence du sens, de l'emploi ou de la forme;
voir nos observations sur bonbec (§ 665, i), grand-croix (§ 709),
minuit (§ 712), oripeau (§ 704), terre-neuve (§ 716).
719. On désigne souvent un objet par une seule de ses qua-
lités: plusieurs oiseaux doivent ainsi leur nom à la couleur
d'une partie de leur corps. Ce procédé, que nous étudierons
en détail dans la Sémantique (»pars pro toto«), est souvent
accompagné d'un changement de genre. L'oiseau qui a la
gorge rouge s'appelle d'abord une rouge-gorge, puis, peut-être
sous l'influence du mot oiseau, un rouge-gorge. Voici quelques
exemples de ce phénomène:
Blanche-coiffe, variété de pie; masculin selon Buffbn, Dict.
Gén. et Littré. Darmesteter (Mots composés) donne le féminin.
380
Blanche-queue, sorte d'aigle; masculin selon le Dict. Gén.; Lit-
tré et Darmesteter (L c.J donnent le féminin.
Rouge-aile, sorte de mauvis, est généralement donné comme
masculin.
Rouge-gorge ; le dictionnaire de Trévoux (1777) donne encore
la rouge-gorge.
Rouge-queue; le masculin s'emploie depuis le XVIP siècle,
mais Furetière (1690), Richelet et Trévoux donnent la rouge-
queue.
720. Nom de nombre + substantif. Ces composés sont or-
dinairement du masculin et du singulier (II, § 363, Rem.):
un trois-mâts, un trois-pieds, un trois-ponts, un mille-pieds; un
cent-garde(s). Ajoutons l'expression toute moderne un cinq-
heures qui traduit l'anglais fwe o'clock. Exemples: Au cinq
heures de Mme d'Houbly (Gyp, Professional lover, p. 93). Des
petits cinq heures.
Cas isolés. On dit une mille-feuille, une mille-fleurs, une mille-
graines; c'est ici le genre du dernier élément qui a déterminé
celui du mot entier. Sur trente- chevaux, voir § 715.
721. Adverbe + substantif. Ces composés ont toujours le
genre du déterminé. On dit: un avant-coureur, un arrière-goût,
un contre poids, un sou'^-bail, un sous-préfet, et une arrière-boutique,
une avant-cour, une avant-garde, une contre-mine, une sous-ferme,
une basse-contre, une haute-contre.
Remarque. Il ne faut pas confondre ces composés avec ceux où entre une
préposition et qui sont toujours masculins (§ 723). 11 faut ainsi distinguer
entre une arrière-main, revers de la main, et un arrière- main, train de der-
rière du cheval, une avant-main, paume, et un avant-main, partie antérieure
du cheval.
722. Verbe + régime (§ 574). Ces composés très nombreux
sont régulièrement du masculin: un abat-jour, un casse-noix,
un brise-lames, un porte-plume, un tire-bottes, etc. etc.
Cas isolés. Un petit nombre de ces composés sont du fé-
minin. L'origine de cette irrégularité est difficile à trouver. Il
faut remarquer que tous les composés en question se terminent
par un substantif féminin; c'est peut-être ce substantif qui a
produit le genre irrégulier. Voici les exemples les plus impor-
tants : Boute-roue, croque-abeille, garde-robe, happe-lourde, mouille-
I
381
bouche (espèce de poire), passerage, perce-feuille, perce-neige,
perce-pierre^ sauve-vie (petite fougère). Pour plusieurs de ces
exemples le genre irrégulier pourrait aussi s'expliquer par el-
lipse ; ainsi par ex. une perce-neige à cause de une fleur ou une
plante. Remarquez qu'on dit régulièrement le baise-main, mais
à belles baise-mains.
723. Préposition -f- substantif. Ces composés sont régulière-
ment masculins : un acompte, un contrepoison, un en-tête, un
entre-voie, un hors d^œuvre, un sous-barbe, un sous-main, etc.
Cas isolés. Un certain nombre de ces composés sont de-
venus féminins sous l'influence de la forme ou du sens. Ex-
emples: Affaire (de à -{-faire; comp. § 702) était masculin au
moyen âge. Après-midi, voir § 712. Avant-scène est primitive-
ment masculin; il est devenu féminin sous l'influence du mot
loge; quand avant-scène est employé pour traduire »proscenium«,
il est régulièrement féminin. Averse; contre-approche; contre-
lattes; entre- feuille ; sans-fleur, sorte de pomme; sans-peau, sorte
de poire; soucoupe. Remarquez qu'on dit un et une sans-cœur,
un et une sans-souci, un et une sans-dent.
Remarque. L'influence du substantif sur le genre du composé s'observe
aussi en espagnol où l'on dit la sobrecama, la sobramesa, la trastienda':
comp. el sinrazôn et la sinrazôn.
CHAPITRE VI.
SUBSTANTIFS DES DEUX GENRES,
724. Nous allons donner ici un relevé sommaire des subs-
tantifs qui sont des deux genres dans la langue moderne, en
excluant la plupart de ceux que nous avons déjà étudiés aux
paragraphes précédents. Quant à ceux qui restent, on peut les
diviser en deux groupes.
P Le premier groupe comprend les mots de même origine.
Dans quelques cas un seul des genres est étymologique, tan-
dis que l'autre est provoqué par un développement posté-
rieur: un automne (autumnus) — une automne; dans d'autres
cas les deux genres sont étymologiques: un exemple (ex-
empt um) — une exemple (exempta), le cartouche (it. car-
toccio) — la cartouche (it. cartuccia). Ajoutons les doublets
le comté — la comté (§ 687), vfr. le salu — la salu (§ 680), où
nous avons affaire à des mots primitivement distincts.
Remarque. Dans quelques cas isolés il n'y a, pour le sens, aucune
différence entre les deux mots: un automne — une automne. Ordinairement
les doublets ne sont pourtant pas synonymes. On s'est servi du changement
de genre pour exprimer une nuance de sens: un hymne — une hymne, un pé-
riode — une période. Pour les mots où le double genre est étymologique, la
différence de sens peut être considérable: le crêpe — la crêpe, le critique — la
critique.
2^ Le second groupe comprend des mots d'origine absolu-
ment diverse, rapprochés par les hasards du développement
phonétique: un aune — une aune, le coche — la coche.
725. Dans quelques cas le même mot primitif s'est développé
de deux manières différentes, et chaque forme a eu son genre.
383
en même temps qu'il y a eu une différenciation de sens. Ci-
tons comme exemple pampre et pampe. Ces deux mots dé-
rivent du lat. pampinus, devenu pampne d'où soit pampre
(comp. ordinem > ordre; I, § 327,2) soit, avec amuïssement
de la consonne, pampe (comp. I, § 361, a, Rem. 2). Le premier
de ces mots a gardé le genre latin, le second est devenu fé-
minin. Il faut ajouter que Cotgrave donne la pampre et que
Hichelet (1680) remarque: ^Quelques vignerons que j'ai vus
sur ce mot le font masculin, mais mal. Tous ceux qui parlent
bien et que j'ai consultés font sans contestation le mot de
pampre masculin. «
726. Mots apparentés ou identiques.
Aigle. — Une aigle remonte directement au lat. aquila, un
aigle paraît tiré de cette forme pour désigner le mâle. Il y a
eu longtemps hésitation entre les deux genres. Dans la langue
actuelle aigle est presque toujours du masculin; par un aigle
on désigne l'oiseau, un homme supérieur (sens ironique) et
l'insigne de certaines décorations: Vaigle noir de Prusse, etc.;
rappelons aussi le terme technique papier grand aigle. On ne
dit une aigle qu'en parlant d'une enseigne : les aigles romaines,
les aigles napoléoniennes; mais une aigle pour un aigle femelle
ou la femelle de Vaigle est absolument vieilli.
Amour, voir § 699.
Automne, est emprunté du lat. au tu m nus; il est donc
étymologiquement masculin, mais déjà au moyen âge on le
fait aussi féminin. Cette hésitation s'est continuée jusqu'à nos
jours malgré le décret de Vaugelas: » Automne est tousjours
féminin* {Remarques, II, 454). Les grammairiens modernes
ont essayé d'établir une différence entre un automne et une
automne. L'usage actuel incline décidément pour le masculin:
un bel automne, un automne pluvieux.
Cartouche. — Le cartouche, encadrement sculpté ou gravé,
emprunté de l'it. cartoccio. La cartouche, emprunté de l'it.
cartuccia.
Claque, voir § 715.
Couple. — Le couple, du latin populaire copulum. La couple
< lat. copula. L'hésitation entre les deux genres, qui existe
dès le moyen âge, a été employée depuis le XVII* siècle pour
exprimer une nuance de sens; on dit un couple heureux, un
384
couple de chiens, un couple de tourterelles, mais une couple
d'œufs, une couple d'années.
Crêpe. — Le crêpe est l'ancien adjectif crespe, crépu (lat.
crispum) employé substantivement. La crêpe est ou le fémi-
nin de l'adjectif crespe (comp. § 647) ou un postverbal tiré
de crêper (§ 548).
Critique. — Le critique, emprunté de cri tic us; la critique,
emprunté de critica.
Délice, voir § 675.
Espace, voir § 683.
Exemple. — Un exemple < exemplum. Une exemple < ex-
empla (comp. II, § 247, i, Rem.). Le genre féminin s'est con-
servé longtemps dans l'expression une exemple d'écriture; on
ne se sert plus du genre féminin.
Faune. — Le faune, emprunté du lat. fa un us. La faune,
tiré du masculin, d'après flore.
Foudre. — Ce mot est masculin selon l'étymologie (lat. ful-
gur), il est devenu féminin à cause de la terminaison. On a
longtemps dit le foudre et la foudre indistinctement. Dans la
langue moderne la foudre a prévalu ; le foudre est vieilli et ne
s'emploie qu'au sens figuré et en poésie: un foudre de guerre,
un foudre d'éloquence.
Gens, voir § 712. • .
Hymne. — Ce mot, qui est emprunté du lat. hymnus, est
régulièrement masculin; on l'a aussi fait du féminin, peut-être
à cause de Ve final (§ 701), et on a attribué à une hymne le
sens de chant d'église. L'Arrêté ministériel du 26 février 1901
dit: »0n tolérera les deux genres aussi bien pour les chants
nationaux que pour les chants religieux. « Il faut pourtant
remarquer que le mot est senti comme essentiellement mas-
culin par les Français de nos jours; un bel hymne est une
expression toute naturelle, une belle hymne est plutôt un ar-
chaïsme et on préfère dire un cantique.
Laque. — Le laque, ouvrage recouvert de vernis de la Chine,
a été tiré du féminin la laque qui désigne une matière rési-
neuse, récoltée sur divers arbres; il vient du latin du moyen
âge lacca, mot d'origine persane. Le peuple dit fautivement
du laque en bâton, et de la vraie laque de Chine.
Manche. — Le manche, du lat. pop. m a nie u m, forme mas-
cuHne tirée de manie a. La manche < lat. m a nie a.
385
Mémoire. — La mémoire reproduit memoria; le mémoire
est tiré du mot féminin, et le genre modifié peut être dû au
changement du sens; on pourrait aussi le faire remonter à
*memorium.
Mensirue. — Ce mot qui reproduit le lat. menstruum est
indifféremment masculin ou féminin, sans aucune différencia-
tion de sens.
Mode, voir § 675.
Œuvre, voir § 675.
Orge. — Ce mot était autrefois indistinctement masculin ou
féminin; peut-être a-ton transmis et hordeum et hordea
(comp. II, § 247,1, Rem.); peut-être le genre féminin est-il dû
à l'influence de la terminaison. Dans la langue actuelle le mot
est généralement féminin: de Vorge commune; pourtant l'Aca-
démie prescrit orge carré, orge mondé, orge perlé. L'Arrêté mi-
nistériel du 26 février 1901 dit: »On tolérera l'emploi du mot
orge au féminin sans exception.*
Orgue. — Un orgue ( lat. organum. Au pluriel le mot est
féminin, et cette particularité est peut-être due à la forme
organa qui a dû donner une orgue (comp. ci-dessus exemple).
On dit un bon orgue, de bonnes orgues; mais il est impossible
de dire cet orgue est un des plus beaux que j'aie vus. Pourtant
il y a maintenant une forte tendance à généraliser le genre
masculin, et l'Arrêté ministériel du 26 février 1901 suit l'usage
populaire en permettant d'écrire un des plus beaux orgues.
L'expression toute faite de grandes orgues, serait difficilement
remplacée par de grands orgues.
Période. — On dit la période conformément au genre du mot
primitif latin periodus. L'emploi simultané en français du
genre masculin est peut-être dû à l'influence de la terminai-
son latine; la langue moderne ne l'a conservé que dans la
seule expression le plus haut période (pour : le plus haut point,
le plus haut degré), qui appartient plutôt au langage soutenu.
Poste. — Le poste < it. posto. La poste < lat. posita (comp.
II, § 111).
Réglisse. — Ce mot, qui vient du lat. pop. liquiritia, du
grec y^vxvQQtÇa, est étymologiquement féminin. Aussi est-il
donné comme tel par les grammaires et les dictionnaires mo-
dernes; il est cependant incontestable qu'à côté du genre of-
ficiel on emploie aussi le masculin, et cette hésitation peut
25
386
surprendre, attendu que le mot a uti aspect essentiellement fémi-
nin. Nous avons vu que déjà au moyen âge on hésitait entre
les deux genres (§ 692) et dans les 2000 locutions et fautes cor-
rigées (Paris, 1877) on lit: »Ne dites pas du réglisse, mais de
la réglisse«. Les grandes affiches faisant de la réclame (hiver
de 1907) pour la marque de réglisse »Zan«, portent en grosses
lettres: Le meilleur réglisse. Nous avons pu constater qu'à
Rennes et à Nantes et dans plusieurs autres régions le peuple
ignore totalement le genre féminin. Comment expliquer ce fait?
Il faut peut-être y voir la généralisation d'un cas particulier
où le masculin autrefois était officiellement demandé. Au mi-
lieu du siècle précédent les grammaires enseignaient qu'en
parlant de la plante il fallait dire la réglisse, mais que s'il
s'agissait du suc extrait, c'est le réglisse qu'il fallait dire. Cette
règle, encore donnée par C. Ayer en 1862, se synthétisait dans
la phrase: Le réglisse est un extrait de la réglisse; elle a été
abandonnée depuis, mais le peuple l'a conservée en la géné-
ralisant; il faut ainsi admettre que l'emploi populaire du genre
masculin dans tous les cas est dû primitivement à une el-
lipse, et ici il faut penser non seulement à suc mais aussi et
surtout à jus et à bâton.
Relâche. — Ce mot est un substantif verbal tiré de relâcher;
on lui a donné les deux genres (comp. § 551) pour exprimer
les deux sens différents. On dit // n'a pris aucun relâche, mais
Nous avons fait une relâche à Majorque.
Solde. — Le solde est tiré du verbe solder. La solde est em-
prunté de l'it. soldo; le changement de genre est probable-
ment provoqué par la terminaison. Le langage populaire con-
fond les deux mots, et le peuple de Paris dit le solde du sol-
dat et la solde d'un compte.
Triomphe. — Le triomphe, emprunté du lat. triumphus.
La triomphe est peut-être un post verbal, tiré de triompher
(§ 548); il se peut aussi qu'il soit le même mot que le tri-
omphe avec changement de genre à cause de la terminaison
féminine. Autrefois le mot était indistinctement masculin ou
féminin sans égard à la signification.
Voile. — Le voile; le genre masculin est dû à une réaction
étymologique qui a rapproché le mot de vélum. La voile re-
monte au pluriel vêla. Le passage au genre masculin dans
une signification spéciale a eu lieu après le XVP siècle.
387
727. La liste précédente contient les exemples les plus im-
portants des mots identiques ou apparentés qui sont en même
temps masculins et féminins. Nous nous en sommes tenus
à la langue actuelle ou, plus exactement, aux mots étudiés
dans les grammaires modernes, et nous avons laissé de côté
les doublets tout à fait obsolètes; on ne distingue plus entre
un et une étude, un et une garderohe, un et une office, un et
une paroi, et il nous paraît peu intéressant et peu utile de
déterrer ces subtilités.
728. Rappelons aussi qu'un mot peut parfois adopter un
autre genre que celui qu'il a ordinairement quand il s'em-
ploie dans une locution spéciale. Les mots sang et ventre
sont régulièrement masculins; néanmoins on a juré autrefois
par la sang, par la ventre. Ce fait s'explique de la manière
suivante: on connaît les anciens jurons par la morbleu, par
la vertuhleu (comp. I, § 120), et par le corbleu, par le sangbleu;
sur l'analogie des premiers, les derniers ont été changés en
par la corbleu (Molière, Sganarelle, v. 10), par la sangbleu (Mis-
anthrope, V. 773), par la sambleu (Impromptu de Versailles, se. 5),
etc. On a fini par abréger ces exclamations et on a dit seule-
ment par la mort, par la tête, par la sang, par la ventre (Four-
beries de Scapin, II, se. 6).
729. Mots non apparentés.
Aune. — Un aune < lat. alnum (comp. § 671, i). Une aune
< germ. alina (aha. elina).
Coche. — Le coche, grand bateau, vient de l'aha. coccho;
le coche, grande voiture, est emprunté de l'ail, kutsche. La
coche, femelle du cochon ou petite entaille dans un morceau
de bois; l'origine des deux mots est inconnue.
Faux. — Le faux < lat. falsum. La faux < lat. falcem.
Forêt. — Le foret, dérivé de forer (comp. § 220). La forêt,
du latin du moyen âge fore stem de foris.
Livre. — Le livre < lat. librum. La livre < libra.
Masque. — Le masque, emprunté de l'it. maschera; le mot
est souvent féminin au XVI* siècle conformément au genre
du mot italien ; le passage au genre masculin est inexpliqué.
La masque, femme effrontée, est peut-être emprunté du pro-
vençal moderne masco, sorcière, dont l'origine est à chercher
25*
388
dans masca, qui s'emploie dans les vieilles loix lombardes
au sens de 'striga' (Edictus Rothari, § 197, 376).
Mousse. — Le mousse < esp. mozo. La mousse < ail. m os.
Page. — Le page, origine incertaine. La page < lat. pagina
(I, §327,2).
Poêle. — Le poêle, emprunté du lat. pallium. La poêle <
lat. patella.
Quadrille, voir § 694.
Somme. - — Le somme < lat. somnum. La somme < lat.
su m ma, ou < lat. sagma (I, § 12,348).
Souris. — Le souris, part, passé de sourire (II, § 89, Rem.).
La souris <( lat. soricem.
Tour. — Le tour, postverbal tiré de tourner. La tour < lat.
turrem.
Vague, — Le vague, emprunté du lat. vagus. La vague, mot
d'origine Scandinave (isl. vâgr).
Vase. — Le vase, emprunté du lat. vas. La vase, emprunté
du néerl. wase.
Remarque. Nous avons vu que le développement phonétique peut rendre
homonymes deux mots primitivement distincts; les doublets le comté — la
comté, le tour — la tour étaient autrefois le comté — ta comteé, le tourn — la
tour; ajoutons qu'il peut aussi différencier deux homonymes. On ne dis-
tingue plus entre le temple (lat. templum) et la temple (lat. tempora)
puisque ce dernier mot est devenu tempe (l, § 341, 2) dans la langue moderne.
APPENDICE.
REMARQUE SUPPLÉMENTAIRE
SUR LES DIMINUTIFS.
730. Nous avons vu (§ 117) que les poètes de la Pléiade
faisaient un large emploi de formes diminutives. Au XVI P
siècle, au contraire, elles sont bannies de la langue poétique;
Malherbe les condamne sévèrement (I § 52, 3), et les poètes
adoptent servilement ses opinions. Seule Mlle Le Jars de Gour-
nay (1566 — 1645) proteste. Dans ses écrits elle revient plusieurs
fois aux diminutifs, dont elle prend vivement la défense. Elle
émet son opinion d'une manière un peu confuse et les ex-
emples qu'elle cite se suivent d'une manière assez désordon-
née, mais ils sont nombreux et plusieurs d'entre eux sont
intéressants et suppléent aux indications fournies dans ce vo-
lume sur l'emploi de plusieurs suffixes. C'est pourquoi nous
avons jugé instructif de réimprimer un extrait de ses considé-
rations sur la langue de son temps (comp. I, § 53).
731. La fille d'alliance de Montaigne a donné trois éditions
de son »Œuvre composé de meslanges« (1626, 1634, 1641).
La citation suivante, que nous avons divisée en paragraphes
pour la plus grande commodité du lecteur, a été copiée sur
la première édition (comp. les notes bibliographiques à notre
premier volume, § 53). C'est notre ami M. Mario Schiff, pro-
fesseur à l'Université de Florence, qui a bien voulu attirer
notre attention sur le »Meslange« en question et qui a eu
l'amabilité de le copier.
390
732. Voici le texte du »Meslange« intitulé: Des diminutifs
français:
Si Xenocrates ce graue Philosophe, ne dédaigna point de
rechercher sans besoin, iusques à quel nombre de syllabes
pouuoit monter l'assemblage des lettres de l'Alphabet; pour-
quoy mépriserois-ie de nombrer les diminutifs vsitez en nostre
langue; portée d'vne nécessité de les maintenir, par le respect
de la réputation de tous nos Poètes excellents, qui les ont
chéris, respect aussi de leur quantité & de leur ancien & com-
mode vsage ; contre aucuns qui les veulent quereller auiourd-
huy : pretendans que ces façons de parler soient impertinentes,
& que ceux qui les employent ne le facent que pour trouuer
leurs mesures en la Poésie? Nostradamus cependant pourra
deuiner, si ces gens-là croyent retrancher peu de chose en cet
article, n'apperceuans pas. soubs le voile d'vne longue ac-
coustumance de prononcer les diminutifs, qu'ils occupent vn
quart du langage François: & deuiner encores, si ces per-
sonnes cognoissent leur estenduë & leur conséquence, & neant-
moins les veulent estouffer par authorité souueraine, comme
tant d'autres pièces de nostre mesme langage. De les repré-
senter tous, & faire voir combien de choses employent &
font sonner égallement le primitif & le diminutif, ce labeur
sembleroit fascheux par sa longueur: car en somme tous les
mots dont la terminaison a peu commodément porter le di-
minutif, ne l'ont point refusé. Monstrons seulement par quelque
quantité d'exemples, quelle violence & quel meurtre il faudroit
commettre en ceste langue, pour la seurer de telles façons de
parler: tandis que leur douceur bien sonnante, & leur faculté
d'abréger, obmettant pour ce coup leurs autres aduantages,
monstreront d'ailleurs, que si elles n'estoient venues il les fau-
droit aller quérir.
733. Il n'est pas besoin de reciter quelle profonde racine
ont pris ces diminutifs icy, villette, maisonnette, chambrette,
brochette, fourchette, fourchon, clochette, pochette, cordelette, bou-
lette, cassette, couchette, coffret, sachet, liuret, pistolet, iardinet,
bosquet, ruisselet, osselet, cornichon, aisleron, soyon, chambrillon,
fleuron, fleurette, chapelet (i'entends de fleurs), ruelle, parcelle:
ce bouillon ou ce temps est chaudelet est froidelet: ce vin ver-
meillet, ceste iouë vermeillette: ce garçon est bellot, ceste fille
391
hellotte: ce visage est longuet, ce musequin est ioly : sans plus
remémorer ces autres diminutifs icy, grassette, ieunette, gran-
dette, brunette, & plusieurs de ce genre, soient-ils masculins ou
féminins, que i'ay cottez par occasion au Traicté sur le lan-
gage des deux Prélats, rangé vers la fin de ce volume. On
void assez aussi que miette de pain, morcelet, crochet^ roollet,
minot, auget, musette, pincette, bougetle, eschelon, teton, poupon,
iupon, cotillon, pelotton; sont voix diminuées de mie, morceau,
croq, roolle, mine, auge, cornemuse, pince, bouge, eschelle, tetin,
poupée, iupe, cotte, pelotte: plus il est éuident, que, marmiton,
poellon, chauderon, drageon, ballon, corbillon, le sont aussi, de
marmitte, poelle, chaudière, dragée, balle, & corbeille: maillet de
mail, chaussette & chausson de chausse, oreillettes d'oreilles, gal-
lette de gasteau, poinctilles de poinctes, carton de carte,^ serpillon
de serpe, noisette de noix. Ny n'est besoin d'exprimer, que rou-
lette à coucher est diminuée de rouleau, bachot & nacelle de
barque & navire, galliotte de gallere, drapeau de drap: & que
ponceau, portereau, comtereau, sçauanteau, trichereau, sont dimi-
nutifs encores de pont, port, comte, sçauant, tricheur, & mille
autres: & outre le vinet cogneu en la Maison Rustique. Ad-
ioustons, que ces deux mauuaises bestes vn larron & vn
Diable, ont aussi trouué leur cas pour la terminaison diminu-
tiue, en larronneau & Diablotin. Au demeurant, on void des
noms propres de Rochelle, Villette, Grangette, Bosquet, Sayette,
Gardette^ Sallettes, Ventelet, Menillet, diminuez de Roche, Ville,
Grange, Bois, Garde, Salles, Vent, Mesnil, auec maints autres
de mesme espèce: adioustons celuy de la Vallette, si fameux.
Or outre que la Cour, estoile du Pôle de ces correcteurs, à ce
qu'ils prétendent, vse aussi bien que nous autres prophanes,
de tous ces mots & façons de parler, & de tous ceux et celles
qui suiuront en ce chapitre; elle nous forgea il y a quelques
années vn fanfaron de fanfare: & nous a forgé depuis trois
iours biscottins de biscuits: & vne mymy de la coiffe mignarde
des dames du Cours, par double diminutif de m'amye: ioinct
qu'elle prononce fort couramment ces nouueaux noms de Vir-
ginettes & Magdelainettes: & n'oublie pas Voyselet de Cypre à
parfumer ses cabinets. Qui plus est, les enfans de Paris ne
voudroient pas estre priuez s'ils ont froid aux doigts, de cher-
cher vn chauldei au sein de leur mère, ny de tirer d'vne tarte
vne tartelette, ny d'vne tourte vn tourteau, ny d'vn flan (nom
392
Picard) vn flanet, autrement dariole: & mangent de pain biset
si le blanc leur manque: de plus, ils fripent à déjeuner les
andouillettes de veau, le saiilcisson, les costeleites, Foeuf molet,
le pain molet, le harang noiiuellet, & Voygnonnet de salade pour
en faire la saulce: sans oublier les chiquenaudes qu'ils donnent
par fois après ces bonnes chères, au nez de maistre Pierre du
Coignet: ny leurs jeux de cligne-mussette & de la fossette.
D'ailleurs, on cognoist par tout vn colet à la gourmette^ vn
enfant en brasserolles, vn papa, vne maman, l'adresse de se
mettre à la rangette, des vergettes à nettoyer, des barbillons
d'epy, & les Capettes de Montaygu, ainsi nommez, à cause de
leurs petites capes : nom qu'Amyot par mesme raison, n'a pas
craint de donner aux Lacedemoniens: ny les Prélats ne
craignent d'appeler mantelet vne pièce de leur habit sacer-
dotal. D'autre part, tous les noms d'animaux presques ont leurs
diminutifs, i'entends tousiours, aussi communs que les primi-
tifs: poulet, poulette, cachet, chapponneau, pigeonneau, perdreau,
cailleteau, rossignolet, oyselet, ayglon, leuraut, lapereau, serpen-
teau, couleureau, vermisseau, sourisseau, regnardeaa, lionneau,
cheureau, cheurotin (tesmoins les gands qui s'en font), louue-
teau, ourson, leuron, asnon, moucheron, bouuillon, cochon, qui
vient de coche, dindon, chaton, barbichon, lamproyon, broche-
ton, carpillon, barbillon, sollette, bichot, buffetin, agnelet, bre-
biette, canette, bestion, bestiolle, garçonnet, fillette: voire hommet
& femmette, si on trouue à railler en la bassesse de leur taille :
n'oublions pas hommeau & femmelette, ainsi baptisez par vn
autre biais de mespris: & le Spartiate se plainct au Plutarque
<i'Amyot; que leur Roy espousant vne petite femme, leur vou-
loit engendrer, non des Roys, mais des Roytelets: comme du
mesme diminutif de Roy, vn oyseau s'appelle roytelet. Ayant
au reste ouy dire par fois, caualins, à gens d'écurie, petits
chiennets à ceux qui font mestier d'en nourrir, & cuyracine à
des gens d'armes, en la signification d'vne cuyrace légère. Les
arbres ne veulent pas estre obmis en cet endroict : arbrisseau,
sauuageau, aulneau, chesneau, fresneau, ormeau, coudreau:
d'autre part il est vray, que la façon d'vne fleur rapportant
au bassin caue, l'a faict nommer bassinet, & que la beauté
d'vne herbe est cause qu'on l'a baptisée du nom d'amourettes:
comme la saison de Pasques oiî elle croist, faict nommer vne
autre Heur pasquerette. Quelqu'vn encore faict il la bouche
393
sucrée, pour n'oser dire, qu'vne telle est accouchée n'aguere
du plus bel enfançon, & qu'il ayme bien son petit frérot, & sa
petite soeurette? Dire aussi, qu'vn tel garçon est le plus vray
folet ou doucet, le plus vray fretillon, folion ou foUichon, & ceste
fille de mesme? sans épargner finet & finette, simplet & sim-
plette, maigrelet ou maigrelette: ny n'allègue plus icy, seulet,
pauuret, tendrelet, ou leurs féminins, puis que ie les ay cou-
chez au discours mentionné, du langage de nos deux Prélats:
non plus que ie ne ramentois quelques autres diminutifs que
i'ay remarquez en mesme lieu, sur la considération des ex-
près & diuers besoins de leur vsage. Suiuamment, chacun
donne aux villes & aux Cours, ces diminutions de nom aux
enfans par tendresse, Madelon, Catin, Margot, lanon, Annichon,
ou Annette, Marotte, Claudine, Francine, Lysette: ouy par fois
Elon & Suson pour Hélène & Susanne: plus. Pierrot, lanot. Car-
lin, & tant d'autres: outre celuy que monsieur le cardinal du
Perron a trouué dans le nom d'Ascagne. Pour le regard de la
campagne, elle a ces mesmes diminutifs de noms, & maints
autres pour la bonne mesure. Les champestres & les polis
mondains encore par dessus, sçauent dire, si le cas y eschet,
le bergerot, la bergerette. Au reste les plus honnestes gens aussi
profèrent à tous coups, se marier par amourettes, aller aueu-
glettes, dire par épauleites, mener au tabourinet: ils n'espargnent
point vne fine-minette, vne humeur enfantine, vne camuzon, vne
menon, vne panure petiotte, \n peton, \ne menotte: nomment en
suitte, leur incarnadin & leur camelotin, aussi volontiers que
leur incarnat et leur camelot: ny les dames n'obmettent pas
aussi de leur part, le crespon, qui sonne éuidemment, crespe
léger. Ils disent frioler & friolet, issus par diminution du verbe
friander: comme ils disent encores, grignotter & buuotter, tirez
de grignon & de boire. Nous adiousterons qu'ils employent,
morsiller vne pomme, poinctiller vn homme, sauteler, sucçoter,
mâchonner, vinotter, voletter, baisotter, tasionner: verbes diminu-
tifs comme les trois précédents, & desquels on void assez les
sources : & dauantage, ils sonnent par fois babil-saulcet, &
qu'vn tel porte la mine d'vn compagnon à la tassette, quand
ils sont en humeur comique. Ils disent outre plus, qu'ils ne
s'amuseroient pas à telles & telles menues chosettes: ny moy
certes à celles cy, qu'en mon corps deffendant: quoy que Ci-
ceron & Quintilian n'ayent pas dédaigné de faire des Liures,
394
sur les diuerses particularitez de la Grammaire. D'ailleurs, il
est vray, que des plus hautes & polies Dames de la Cour,
appelloient n'agueres, leur trongnette, vne fort belle peincture
de ieune fille, logée en leur cabinet où ie me trouuay. Qui
plus est, il y a des diminutifs si fiers & si superbes, qu'ils
dédaignent tous leurs primitifs en la chose qu'ils signifient &
les démolissent: bien qu'elle soit par fois de conséquence ou
noble: comme, les Chastelets de Paris, vn corselet, vn gantelet,
vn armet; qu'on deburoit appeller afin de plaire aux docteurs
de ce temps, petits chasteaux, petit corps, petit gand, & petite
armeure: car ceste pièce de teste est appellée armet, par di-
minutif de l'armeure entière, d'autant qu'elle couure la plus
digne partie de l'homme. Consequemment, il faudroit enton-
ner, petite courbe d'vn cheual en lieu de courbette, petite lance
d'vn chirurgien pour sa lancette, petite poelle pour sa poellette,
petite rue d'vn lict, petite toille à se deshabiller, petites dents
de colets, en échange de ruelle, toillette, dentelles: & la palette
à iouër, se deburoit appeller petite paelle. Quoy plus? petits
chapeaux de table, petite cuve de salle, petite fosse de ioue,
deburoient gagner la place de chapelets, cuvette & fossette; sans
oublier les burettes de l'Eglise, qu'il faudroit nommer petites
buyes en siècle de si haute reformation. Plus, ces autres en
ce qu'ils signifient, renoncent-ils pas de leur part aux primi-
tifs, poil folet, Daimon folet, boulet d'arquebuse ou drageon,
lunettes, diminutif de lunes, à cause qu'elles esclairent nostre
obscurité? & Paris desaduoûe-t'il les enseignes du moulinet,
pourcelet, barillet, cùnettes, ny la rue encore des Canettes & de
la Huchette? dit-on pas hochet de grimace & d'enfant, pro-
uenus sans doubte du verbe hocher? buuette de luges, tirée
de boire? tournettes, diminuées d'vn tour de Religion? chais-
nette & oeillets d'vn habit, diminuez de chaisne & d'oeil? cami-
solle, diminutif de chemise? manchon de manche? allumettes
d'allumer? tablettes de tables? cheualet de cheual? Et les croi-
settes de Lorraine ayment leur filtre constamment: comme
aussi fait le sien ce vénérable lieu de Laurette. A quoy i'ad-
iousteray pour conclusion, qu'on void bien que le Roy s'est
peu soucié de prendre pareatis des nouueaux rauiseurs, quand
il a qualifié depuis n'agueres vne partie de ses gardes, mous-
quetons, nom abrégé de mousquetaires.
395 /
734. le pourrois adiouster plusieurs autres diminutifs à
chacune de ces espèces, toutesfois ie m'en abstiens pour
épargner le loisir du lecteur & le mien: ioinct que monsieur
de Noue me releue en gênerai du besoin de les estaller plus
auant, par son Dictionnaire des Rymes: personnage à qui la
qualité, l'esprit, les Lettres et l'habitude des Cours, ouuroient
autant de moyen de cognoistre & de parler la langue per-
tinemment, que ces gens dont est question en peuuent auoir.
Certes il nous vendroient à haut prix l'Almanach de leurs
fantaisies, s'ils nous priuoient des mesmes diminutifs, si na-
turels, si vsitez, si fondez de bienséance & de douceur en
toutes langues & en la nostre, ainsi que i'ay représenté. Di-
sons plus, diminutifs si plaisans en la bouche & en l'oreille
de tous ceux qui portent ces deux parties composées de
chair & de sang, non de bois : & qui véritablement ne peuuent
déplaire qu'aux esprits, qui par faute de grâce & de gentillesse,
ne les sçauroient employer, ny gouster leurs délices: ou qui
par vn excez d'orgueil, tousiours animé d'vne enuyeuse cons-
piration de ruiner les bons Liures François qui s'en sont
parez ; nous veulent montrer qu'à l'exemple des tyrans ils
ont pour refrain : Mon plaisir est la raison : ou plustost, qu'à
l'enuy des Dieux, ils peuuent faire & desfaire toutes choses
quand il leur plaist. Neantmoins qu'ils iettent feu & flamme
tout leur saoul: i'ose maintenir qu'il n'y a teste saine en
France, qui reiettast aux occasions vn seul exemple de ces
diminutifs que i'ay proposez, ou qui ne tint pour visions
fanatiques, les exceptions qu'vn autre en voudroit faire. Car
si c'est folie, comme ce l'est infailliblement, de prétendre cor-
riger toutes les folies du monde, combien plus l'est-ce, d'aspi-
rer à corriger les sagesses: & tout ce qui est authorisé d'vsage,
vtile à quelque chose, & nuisible à rien, s'appelle iustement
de ce nom.
ADDITIONS ET CORRECTIONS.
§ 5,2 (p. 6). — Sur les mots créés par la réunion des initiales
M. E. Philipot observe: »Paul Bourget est bien en retard s'il
croit que la prononciation U. T. pour les deux mots complets
constitue un signe infaillible de l'origine étrangère d'un in-
dividu. Même au moment où il écrivait l'Étape^ c'est-à-dire il
y a sept ans environ, il était en retard. Sans doute je recon-
nais que l'usage de ces abréviations est dû à l'influence an-
glaise. Il a pénétré d'abord dans les sociétés sportives, et c'est
là encore qu'il est le plus développé. Une société sportive ne
se désigne jamais que par ses initiales, qui sont souvent très
nombreuses. Mais le procédé en question est bien plus ré-
pandu que vous ne le dites en dehors de ces cas où l'intru-
sion anglo-saxonne est palpable. Depuis que je fréquente les
universités je n'ai jamais entendu appeler autrement que PCN,
le premier examen préparatoire aux études de médecine (il
comprend: Physique, Chimie, Sciences A^aturelles). Les PCN
sont les étudiants de médecine de 1^^^ année. Ce terme n'ap-
partient nullement à l'argot spécial des étudiants; il est pour
ainsi dire officiel. C'est là le cas le plus frappant que je puisse
vous citer pour le moment. De même, les Universités Popu-
laires sont très souvent appelées les UP. D'une façon générale,
toutes les associations, sportives ou non, se désignent de plus
en plus par les initiales, et le public, le grand public admet
cet usage et s'y soumet très volontiers. A Rennes, lorsque les
étudiants de l'Union Républicaine donnent un bal, on ne parle
en ville que du »bal de VU«. Les employés des » Postes, Télé-
graphes et Téléphones« sont les PTT. Il est vrai que cette
397
dernière abréviation ne me paraît pas encore bien sortie de
l'argot professionnel.*
§ 5, 3 (p. 7). — Dans les différents argots surgissent aussi
des abréviations de phrases; citons comme exemple le mot
curieux de tala, appartenant à l'argot des élèves de l'École Nor-
male et désignant un élève ou un professeur qui montre une
grande dévotion, qui professe un catholicisme sévère. Un tala
est un homme qui va-f à la messe.
§ 7 (p. 8). — Aigre-doux. L'assertion de J. du Bellay re-
pose sans doute sur une erreur. M. E. Philipot m'écrit: »Le
premier exemple & aigre-doux n'est guère antérieur à 1541. Il
a été signalé par M. Chamard dans son édition de la DeffencSy
p. 335, n. 1; il se trouve dans Marot, Histoire de Héro et Lé-
andre (éd. Jannet, III, 256):
Or sentoit jà ceste cy les secousses
Et aiguillons des amours aigres doulces.
La première édition correcte de cette œuvre a paru en 1541;
mais Marot nous dit dans sa préface qu'il avait déjà paru
antérieurement une édition fautive. Je ne sache que Marot ait
eu des relations avec Lazare de Baïf. Il serait bien extra-
ordinaire que celui ci fût l'inventeur d'aigredoux. Quant aux
autres mots signalés par J. du Bellay, Delboulle a rencontré
le mot élégie chez Jean d'Authon (vers 1500, à une époque
où Lazare de Baïf était petit enfant); il a signalé épigramme
chez Jean Le Fèvre, au XI V^ siècle. «
§ 14 (p. 19). — La grenouille. Rappelons le vers d'Ovide:
Quamvis sint sub aqua, sub aqua maledicere temptant.
(Métamorphoses, VI, 376.)
§ 33 (p. 34). — Couci-couça. M. E. Philipot me signale
le curieux exemple suivant: » Attends! Grande comédienne, pas
au théâtre. Sur les planches, couci-couça, plus couça que couci,
faiblarde, quoi! En revanche, à la ville, immense talent . . .«
(Willy, La maîtresse du prince Jean, p. 13). L'auteur semble
ici attribuer une valeur péjorative à la nuance en a par rap-
port à la nuance en /.
398
§ 55 (p. 44). — Il faudrait encore citer orillon, orillard,
orillette, dérivés d'oreille; ils sont à regarder maintenant comme
archaïques. Un autre dérivé du même mot se trouve dans le
nom propre Lorilleux (voir UAssommoir de Zola).
§ 65,1 (p. 46 1. 17' d'en bas) Golgatha; lire: Golgotha.
§ 70, 4 (p. 49). — A côté de zingage on a aussi zincage. Un
passage à [s] se trouve dans les dérivés savants zincides, zinci-
fère, zincique.
§ 71, 2 (p. 49). — Neuflème. Mes renvois à Noël du Fail sont
inexacts ; je n'ai pas réussi à retrouver les citations dans mon
édition.
§ 88, 3 (p. 55). — Aux exemples cités il faut ajouter bour-
reau—bourreauder; ce dérivé s'employait au XVIIP siècle (voir
Gohin, Les transformations de la langue française pendant la
deuxième moitié du XVIII^ siècle. Paris, 1903. P. 249). Moinaud
— moinaude. Ce féminin a été employé par Zola (Fécondité).
§ 89, 2 (p. 56). — Aux mots en -an(i) on peut ajouter ra-
ban (holl. raaband), dont on a tiré rabaner et rabanter; la
première de ces formes est la plus ancienne.
§ 89, 5 (p. 57). — Rabelaitique. Rappelons à titre de curiosité
que parmi les nombreuses formes du nom de Rabelais que
cite Abel Lefranc (Revue des Études Rabelaisiennes. 1905, p. 48),
il y en a une avec un / final : Rabellet.
§ 89,6 (p. 57, 1. 11 d'en bas): sicèle; lire: siècle.
§ 91,2 (p. 60, 1. 1 d'en bas): *roi; lire: roi.
§ 96 (p. 61, 1. 10 d'en bas): rayer: (-andt).
§ 108 (p. 66, 1. 6 d'en bas): comme; lire: comme.
§ 131 (p. 76). Nous avons oublié d'ajouter que le français
possède un seul suffixe inaccentué, Ve féminin ; nous donne-
rons ci-dessous quelques exemples de l'emploi de cette voyelle
dans la dérivation (§ 189 bis).
§ 133, 2 (p. 77). — Grange remonte peut-être plutôt à l'ad-
jectif granea (sous-entendu: casa ou domus). De même,
399
l'origine de maille est à chercher dans la forme féminine d'un
adjectif metalleus (comp. argenteus, aureus).
§ 133,3, Rem. 1 (p. 77 1. 1 d'en bas): § 704, Rem.; lire:
§ 705, Rem.
§ 157, 3 (p. 89). — Devinaille, désigné comme vieilli par
Littré et non admis dans le Dictionnaire Général, n'est pour-
tant pas mort dans la langue moderne; il s'emploie toujours,
mais avec le sens de devinette. De même épousaille est encore
vivant, mais seulement au pluriel.
§ 189, bis (p. 100). E féminin. Notre paragraphe sur le rôle
que joue cette voyelle dans la dérivation a été omis par in-
advertance. Dans le volume précédent nous avons montré
comment un e féminin final est devenu le signe presque con-
ventionnel du féminin (II, § 393). Nous ajouterons ici que cet
e ne sert pas seulement à créer une nouvelle forme gram-
maticale (un chien, une chienne), mais qu'il s'emploie aussi
dans la dérivation propre pour former des mots nouveaux;
il s'ajoute surtout à des noms propres, à des noms de per-
sonnes ou à des noms de lieux, pour désigner une chose qui
d'une manière quelconque tire son origine dudit nom:
Berline, dér. de Berlin, ville où cette sorte de voiture a été
fabriquée pour la première fois.
Guillotine, dér. de Guillotin (1738 — 1814), nom d'un médecin
français qui proposa à la Constituante l'emploi »d'un simple
mécanisme à décoller*, dont il était en partie l'inventeur.
Mansarde, tiré du nom propre Mansard, célèbre architecte
français (1598 — 1666), inventeur des combles brisés.
Montgolfière, dér. de Montgolfier, nom de deux frères, inven-
teurs des aérostats (1782).
Paulette. Nom d'un impôt que le roi faisait lever sur les
charges de finance et de magistrature, tiré de Paulet, nom
d'un secrétaire d'Henri IV, qui a donné l'avis de cet impôt,
et en a été le premier fermier. Le même droit s'est aussi
appelé palote, mot tiré de Pâlot qui prit la ferme de la Pau-
lette après Paulet.
Praline, dér. du nom du maréchal du Plessis-Praslin (1598 —
1675), dont le cuisinier inventa ce bonbon.
400
§ 194, s (p. 103). — Ajoutez aux exemples cités regardeaux
(regardelles), terme provincial dont se servent quelques auteurs
modernes. Exemple: Ces largesses de latin étaient d'ailleurs
compensées par la chicheté de la table où l'on se nourrissait
de »regardeaux« (Emile Magne, Scarron et son milieu. Paris,
1905. P. 13). On trouve dans Daudet la locution se nourrir de
regardelles.
§ 218 (p. 111). — M. V. Thomsen envisage le développement
de -itia d'une autre manière que celle indiquée dans notre
texte. Il regarde -ece comme le seul résultat normal et fait re-
monter -ise à des dérivés en -itia de mots dont le thème
finit par ï ou par ï suivi d'une voyelle.
§ 248 (p. 123). — L'explication de MM. Vising et Thomas
se heurte, comme l'observe M. V. Thomsen, à des difficultés
insurmontables. Le changement de -arium en -erium,
commun à presque tous les domaines romans (le roumain
seul fait exception), doit remonter assez haut; en tout cas il
semble être plus ancien que VUmlaut qui change le germ. -a ri
en -eri.
§ 261 (p. 130). — Nous avons oublié de dire que le suffixe
-in jouissait d'une grande faveur auprès des poètes de la
Pléiade; voir F. Brunot, Histoire de la langue française, II, 192.
§ 282 (p. 130, 1. 2 d'en bas): origine; lire: Vorigine.
§ 370 (p. 174). — Il faut ajouter fantasque. Le premier ex-
emple de ce mot est dans Montaigne ; comme cet auteur était
très imbu d'italien, on pourrait peut-être expliquer fantasque
comme une abréviation de fantastique^ transformée sous l'in-
fluence du suffixe asco.
§ 385 (p. 181, 1. 7): Marguerite; lire: Margueritte.
§ 387 (p. 181). — Le suffixe -elot se trouve encore dans les
noms propres Berthelot, Richelot. Rappelons aussi bibelot, dont
l'origine est obscure, vfr. dorelot (ou dorenlot), qui avait plu-
sieurs significations (comp. § 28, Rem.), mercelot, ancienne
variante de mercerot.
401
§ 416 bis (p. 190). - OPHOBE, OPHOBIE: ces suffixes
d'origine grecque s'emploient dans les créations modernes
prêtrophobe, prêtrophobie.
§ 440 (p. 199). — M. E. Philipot me signale une autre for-
mation nouvelle assez employée par les écrivains contempo-
rains:- bêtifier, faire la bête, et, plus particulièrement, parler
un langage »bébête« avec les enfants sous prétexte de se
mettre à leur niveau.
§ 444, Rem. (p. 201). — Il aurait été plus correct de di-
viser les verbes danois cités en deux groupes. Dans la langue
parlée il n'y a aucune différence entre -isere et -icere; mais
c'est seulement la première terminaison qui correspond étymo-
logiquement au français -iser. La terminaison -icere reproduit
l'ail, -izieren.
§ 455,4 (p. 207). — Ultra s'emploie aussi comme adjectif:
le parti ultra; comme substantif il est déclinable: tous les ré-
gimes ont leurs ultras.
§ 486, Rem. (p. 222). — M. E. Philipot fait l'observation
suivante sur réfréner: »Oui, le Dictionnaire Général affirme
que refréner a triomphé, mais je n'en suis pas sûr du tout.
J'ai toujours prononcé et entendu réfréner. Je crois que la
tendance actuelle est de prononcer le préfixe ré- plutôt que
re-. Le préfixe prend ainsi plus de corps. Ainsi la prononcia-
tion rechigner est très employée à côté de rechigner, forme
officielle. «
§ 514 (p. 234). — Nous aurions dû tenir compte aussi des
quelques composés où le préfixe in- n'a pas une signification
négative telle que incérir (mêler de cire), incruster (couvrir
d'incrustations), infléchir, insavaté (qui porte des savates).
§ 537, 3 (p. 244). — Sur l'origine des terminaisons -mane
et -manie et sur leur emploi dans la langue moderne nous
renvoyons aux observations judicieuses de Murray (A new
English Dictionary, VI, 120).
§ 540 (p. 247). — En parlant d'adjectifs de formation post-
verbale, nous aurions dû citer fin, dont nous avons expliqué
l'origine et l'emploi au t. II, § 478,3.
26
402
§ 552,8 (p. 256). — De la dernière liste il faut rayer veille,
dont on trouve aussi le sens abstrait.
§ 558, 4 (p. 263). — Rappelons aussi le composé tautologique
projet de bill très employé par les journalistes de nos jours.
§ 560 (p. 363, 1. 7 d'en bas): domenica; lire: dominica.
§ 568, 1 (p. 268). — Aux exemples cités il faudrait ajouter
quelques noms de lieu tels que Abbeville et Charleville, dont
nous avons parlé dans l'Introduction (I, § 7, 13).
§ 583,2 (p. 281). — Pour e contrario, qui appartient au
latin postérieur, on trouve ex contrario chez Cicéron.
§ 585 (p. 281). — Pour l'explication des doublets ore et or
nous renvoyons à une belle étude de M. Jules Cornu intitulée
Phonétique française (publiée dans les » Mélanges Chabaneau«,
Romanische Forschungen, vol. XXIII), et à l'intéressant compte
rendu qu'en a fait M. A. Wallenskiôld (Neuphilologische Mit-
teilungen, 1908).
§ 592 (p. 286). — Nous aurions dû préciser davantage le
développement de an te et de post. Ces deux formes clas-
siques ont disparu devant antea, antia et poste a, postia
(it. poscia). Après le changement des groupes consonnantiques
-ntj-, -stj-, les deux mots ont été munis d'une terminaison
comparative -is, -js, prise peut-être au mot m agis [majs];
c'est probablement cette même terminaison qui se retrouve
dans loinz.
§ 592 (p. 287, 1. 8 d'en bas): altretent; lire: altretant.
§ 659 (p. 327). — A propos des exemples cités de devant em-
ployé comme adjectif, M. E. Philipot me rappelle un vers
d'»Amphitryon« de Molière: Du pas devant sur moi tu pren-
dras Tavantage; Je serai le cadet et tu seras l'aîné (III, se. 6).
Il cite aussi un passage curieux d*Amyot: .... à raison de
plusieurs excellentes qualités ensemble, qui estoient en luy
(Périclès, chap. VIII). Ici l'adverbe ensemble se présente avec
la valeur d'un adjectif; il se traduirait fort bien par: réunies.
§ 660 (p. 328). — Quasi a suivi le développement de presque
et s'emploie souvent dans la langue moderne comme adjectif:
La quasi-unanimité. La quasi-certitude.
403
§ 677 (p. 343). — M. E. Philipot observe qu'il a toujours en-
tendu dire un garden-party. J'ai souvent trouvé une garden-
party dans les journaux; il se peut ainsi que, pour ce mot,
il y ait désaccord entre la langue parlée et la langue écrite.
§ 699(p. 358). — Amour. Selon Vaugelas {Remarques, II, p. 107)
ce mot est le plus souvent indifféremment du masculin et du
féminin; il penche pourtant pour le féminin » selon l'inclina-
tion de nostre langue, qui se porte d'ordinaire au féminin
plustost qu'à l'autre genre. « Ménage au contraire préfère le
masculin. Dans les éditions postérieures, Corneille a corrigé
plusieurs vers où il avait d'abord fait amour féminin (voir
par ex. Le Cid, vers 1742).
§ 706 (p. 364). — Il faut ajouter argent aux exemples cités de
mots devenus féminins à cause de leur commencement voca-
lique. M. M. Roques écrit: »Le mot argent n'est pas féminin
seulement pour le peuple de Paris, mais pour la plupart des
patois français, et il en est de même pour aciers (Journal des
Débats, 5 février 1903).
§ 726 (p. 384). — Ajoutons légume. Ce mot est généralement
masculin conformément à l'étymologie (lat. legumen); il est
féminin dans: une grosse légume, les grosses légumes, que tout
le monde emploie ironiquement pour désigner les gros per-
sonnages, les autorités. Signalons aussi qu'un illustre collègue
français vient de nous écrire: »Ce succès est de bonne augure
pour la diffusion de nos études communes*.
26*
BIBLIOGRAPHIE
I
\
ABRÉVIATIONS.
ALLG. — Archiv fur lateinische Lexikographie und Grammatik.
ASNS. — Archiv fur das Studium der neueren Sprachen und
Litteraturen.
CIL. — Corpus inscriptionum laiinarum.
Dict. Gén. — Dictionnaire général de la langue française p. p.
A. Hatzfeldt, A. Darmesteter, A. Thomas. 2 vol. Paris, 1890—1900.
LBlGRPh. — Litteraturblatt fur germanische und romanische
Philologie.
MLN. — Modem Language Notes.
MSIiF. — Mémoires de la Société de Linguistique de Paris.
B,P. — Romanische Forschungen.
RLH. — Revue des langues romanes.
Rom. — Romania. Recueil trimestriel consacré à Vétude des
langues et des littératures romanes.
RPGR. — Revue des patois gallo-romans.
RPhFP. — Revue de philologie française et provençale.
ZFSL. — Zeitschrift fiir franzôsische Sprache und Litteratur.
ZRPh. — Zeitschrift fur romanische Philologie.
Diss. inaug. — Dissertatio inauguralis.
Progr. — Programme.
Nous ajoutons à cette liste le titre d'un certain nombre d'ou-
vrages auxquels nous renvoyons souvent dans le texte par la seule
citation du nom de leurs auteurs:
F. GoDEFROY, Dictionnaire de l'ancienne langue française. Tome
I— X. Paris, 1881 ss.
L. Larchey, Dictionnaire historique, étymologique et anecdotique
de V argot français. Paris, 1876.
É. LiTTRÉ, Dictionnaire de la langue française. Tome I — IV, Pa-
ris, 1873—1874. Supplément, 1877.
MÉNAGE, Observations sur la langue française. Paris, 1672.
408
L. Hir.AUD, Dictionnaire d'argot moderne. Nouvelle édition avec
supplément. Paris, 1888.
K. Sachs, Encyklopâdisches Wôrterbuch der franzôsischen und
deutschen Sprache. Berlin, 1877. Supplément, 1894.
H. ScHUCHARDT, Der Vocalismus des Vulgârlateins. Tome I — III.
Leipzig, 1866—1868.
E. Seelmann, Die Aussprache des Lateins. Heilbronn, 1885.
Vaugelas, Remarques sur la langue française. Nouvelle édition
par A. Chassang. Tome I — IL Paris, s. d.
C. Villatte, Parisisme. Vierte Auflage. Berlin, 1895.
C. Wahlund, Modernismes en -isme et en -iste. Cent mots nou-
veaux ne figurant pas dans les Dictionnaires de Langue ou d'Argot
français. Upsala, 1898. (Tirage à part de »Studier i modem
sprâkvetenskap*, vol. L)
r
LIVRE PREMIER.
INTRODUCTION GÉNÉRALE.
I. F. T. CooPER, Word Formation in the Roman Sermo plebeius.
Boston & London, 1895.
A. Darmesteter, De la création actuelle de mots nouveaux dans
la langue française et des lois qui la régissent. Paris, 1877.
C. MiCHAELis, Studien zur romanischen Wortschôpfung. Leipzig,
1876.
H. Vaganay, Deux mille mots peu connus. Halle a. S., 1905. (Ex-
trait de la »Zeitschrift fur romanische Philologie«. tomes XXVIII
et XXIX.)
5. K. SuNDÉN: Contribution to the study of elliptical words in mo-
dem English. Upsala, 1904.
5, 2. E. RoDHE, Abkûrzungen durch Anfangsbuchstaben (Moderna
sprâk, 1907, p. 53—59).
13. P. Bhanscheid, Die » Paschwôrter« der franzôsischen Sprache.
Progr. des Gymnasiums zu Schleusingen, 1905.
M. Grammont, Onomatopées et mots expressifs (RLR, XLIV, 1901,
p. 97—158).
LoTSCH, Ueber Laut- und Schallnachahmung in der franzôsischen
Sprache. Progr. Elberfeld, 1906.
Ch. Nodier, Dictionnaire raisonné des onomatopées. 2« éd. Paris,
1828.
W. Wackernagel, Voces variœ animalium. Basel, 1869.
J. WiNTELER, Naturlaute und Sprache. Ausfiihrungen zu W. Wacker-
nagels Voces variœ animalium. Aarau, 1892.
17. F. DiEZ, Gemination und Ablaut im Romanischen (Kleinere
Arbeiten. Mûnchen, 1883. P. 178—183).
21. JoHAN Erikson, Om sambandet mellan djurnamn och djur-
làten. Karlskrona, 1905.
A. PiscHiNGER, Der vogelgesang bei den griechischen dichtern des
klassischen alterlums. Eichstâtt, 1901.
28. G. Thurau, Der Refrain in der franzôsichen Chanson. Bei-
trag zur Geschichte und Charakteristik des franzôsischen Kehrreims.
Berlin, 1901.
410
LIVRE DEUXIÈME.
DÉRIVATION SUFFIXALE.
41 A. Thomas, Les noms composés et la dérivation (Essais de
philologie française. Paris, 1897. P. 50 — 74).
84. J. Zettl, Auslautverkennung in der franzôsichen Wortbildung
(Jahres-Bericht in der k. k. Staats-Oberrealschule in Eger). Eger,
1906.
106. G. KôRTiNG, Die Nominalsaffixe (Formenbau des franzôsi-
schen Nomens, p. 23 — 82).
A. HoRNiNG, Die Suffixe -ïccus,-bccas, -ûccus imFranzôsischen (ZRPh.
XIX, 170—188). Cf. Rom., XXIV, 607 et ZRPh., XX, 353.
A. HoRNiNG, Die Suffixe accus, iccus, occus, ucus (uccus) im Ro-
manischen (ZRPh. XX, 335—353). Cf. Romania XXV, 626—627
(G. Paris).
116. E. Etienne, De diminutivis intentivis, collectivis et in malam
pariem abeuntibus in francogallico sermone nominibus. Nancy, 1883.
G. Oestberg, Studier ôfver deminutiva och augmentativa Suffix i
modàrn Provençalska. Diss. inaug. Upsala, 1903.
E. Ritter, Des noms de famille français à terminaison diminu-
tive (Jahrbuch fur romanische und englische Litteratur, VII, 174
— 180).
120. J. CoLLiJN, Les suffixes toponymiques dans les langues fran-
çaises. Première partie: Développement des suffixes latins -anus,
-inus, -ensis. Diss. inaug. Upsal, 1902.
Ph. Plattner, Personal- und Gentilderivate im Neufranzôsischen
(ZFSL., XI, 105—166).
121, G. CoHN, Die Suffixverwandlungen im Vulgârlatein und im
vorlitlerarischen Franzôsisch nach ihren Spuren im Neufranzôsischen.
Halle, 1891.
J. Rothenberg, De suffixarum mutatione in lingua Francogallica.
Diss. inaug. Berlin, 1880. Cf. ZFSL. III, 558—582 (G. Willenberg).
131. A. Thomas, La dérivation à l'aide des suffixes vocaliques (Es-
sais de philologie française. Paris, 1897. P. 74 — 91).
160. J. CoLLijN, Les suffixes toponymiques dans les langues fran-
çaise et provençale. Première partie: Développement des suffixes
latins -anus, -inus, -ensis. Diss. inaug. Upsal, 1902.
175. G. Baist, Das germanische Suffix -ingo (ZRPh., XXXI, 616).
185. A. ZiMMERMANN, Wic siud dic aus dem Romanischen zu er-
schliessenden vulgàrlateinischen Suffixe -attus (a), -ottus (a) und -ita
entstanden? (ZRPh., XXVIII, 343—350).
186. Ed. Wôlfflin, Das Suffix -aster (ALLG.. XII, 419—421).
411
192. J. GiLLiÉRON, Contribution à l'étude du suffixe -ellum. (RPGR.,
I, 33—48). Comp. aussi Romania, XII, 400 — 401).
Ed. Wôlfflin, Analogiebildungen auf -ellus, -ella, -ellum (ALLG.,
XII, 301—309).
205. N. Nathan, Das lateinische Suffix -alis im Franzôsischen.
Darmstadt, 1886.
214. A. Thomas, Le suffixe -aricius (Nouveaux essais de philo-
logie française. Paris, 1905. P. 62— 110). — Cf. Romania, XXVIII,
195, 201; XXIX, 165.
220. J. Cornu, Les noms propres latins en -itta et les diminutifs
romans en -elt (Romania, VI, 247 — 248).
227. M. MiRiscH, Geschichte des Suffixes -olus in den romanischen
Sprachen mit besonderer Berûcksichtigung des Vulgàr- und Mittel-
lateins. Diss. inaug. Bonn, 1882.
232, E. Stumpff, Das lateinische Suffix -osus im Franzôsischen.
Schôneberg, 1900—1901.
249. E. Staaff, Le suffixe -arius dans les langues romanes. Thèse
pour le doctorat. Upsal, 1896.
A. Thomas, L'évolution phonétique du suffixe -arius en Gaule
(Festschrift Mussafia).
E. R. ZiMMERMANX, Dic Gcschichtc des Suffixes -arius in den ro-
manischen Sprachen. Diss. inaug. Darmstadt, 1895. Cf. Tidsskr. for
filol., 3, R. IV, 126—131 (E. Staaff). Romania, XXV, 638 (G.Paris).
251. A. Thomas, Les substantifs abstraits en -ier (Nouveaux es-
sais de philologie française. Paris, 1905. P. 110 — 119).
268. A. HoRNiNG, Die Suffixe -icius, -ïcius (ZRPh., IX, 142 —
143).
272. E. Muret, Le suffixe -ice=-itia (Rom. XIX, 592).
294. A. Thomas, Franc, rancune (Romania, XXXIV, 461).
295. A. Thomas, Exemples du suffixe -umen en français (Rom.,
XXV, 447—448).
298. Ad. Eiselein, Suffixe in Lehnwôrtern, (RF., X, 568—576).
329. C. Wahlund, Modernismes en -isme et en -isie (Cent mots
nouveaux ne figurant pas dans les Dictionnaires de langue ou d'ar-
got français (Studier i modem Sprâkvetenskap, vol. I, 1 — 36).
423, 1. Ch. Joret, Des suffixes normands -(i)co(t) et -(i)bo(t)
(Romania, XXIX, 263—265).
423, 4. A. HoRNiNG, Suffix -istre im Franzôsischen (ZRPh., XXVI,
325—326).
425. A. Chr. Thorn, Étude sur les verbes dénominatifs en fran-
çais. Lund 1907.
412
449. A. FuNCK, Die Verba auf -issare und -izare (ALLG., III,
398 — 441). Comp. les observations de Schuchardt dans LGRPh.,
1884, p. 62).
LIVRE TROISIÈME.
PRÉFIXES.
450. H. BucHEGGER, Uebep die Prâfixe in den romanischen Spra-
cheii. Diss. inaug. Bûhl, 1890.
458. Bonnet, Le latin de Grégoire de Tours. Paris, 1890. P. 486
—493.
F. Brunot, Histoire de la langue française. Paris, 1905. P. 64.
475, 1, Rem. R. Thurneysen, Zur Bezeichnung der Reciprocitàt
im yallischen Latein (ALLG., VI, 523—527).
482. K. HuLTENBERG, Le renforcement du sens des adjectifs et
des adverbes dans les langues romanes. Diss. inaug. Upsal, 1903.
486. M. Meinicke, Das Pràfîx Re- im Franzôsischen. Diss. inaug.
Weimar, 1904. — Cf. ZFSL., XXIX, 2, p. 7—11 (E. Herzog).
510. MoHL, La préposition cum et ses successeurs en gallo-roman
(Festgabe Mussafia, p. 61 — 76).
526. Salverda de Grave, Sur un préfixe français (Mélanges Kern,
Leide 1903. P. 123—126).
527. A. Le Héricher, Histoire de deux préfixes à travers le vieux
français et les patois. Avranches, 1880. — Cf. Rom., IX, 351.
528. G. Baist, Frànkisch fir- im âltesten Franzôsisch (RF. XII,
650). — Comp. Romania, XXXI, 633.
LIVRE QUATRIÈME.
DÉRIVATION RÉGRESSIVE.
540. G. Lené, Les substantifs postverbaux dans la langue fran-
çaise. Diss. inaug. Upsal, 1899. — Cf. Revue critique, 1899, II,
200—201 (E. Bourciez). Romania, XXIX, 440—445 (G. Paris).
413
LIVRE CINQUIÈME.
MOTS COMPOSÉS.
554. A. Darmesteter, Traité de la formation des mots composés
dans la langue française, comparée aux autres langues romanes et
au latin. 2« éd. Paris, 1894.
O. DiTTRiCH, Ûber Wortzusammensetzung auf Grand der neu-
franzôsischen Schriftsprache (ZRPh., XXII, 305—330, 441—464;
XXIII, 288—312; XXIV, 465-488). — Cf. ZFSL., XXII, 2, 83—
91 (K. Morgenroth).
P. GoDEFROY, Quelques observations sur les mots composés, à pro-
pos des œuvres poétiques du chanoine Loys Papon (Revue d'histoire
littéraire, VIII, 657—665).
563. Clodius, Die Funktion des Adjectifs in den neueren Spra-
chen, insbesondere im Franzôsischen, zur Bildung zusammengesetzter
Begriffe, Progr. Rastenburg, 1900.
573. L.-Fr. Mednier, Les composés qui contiennent un verbe à
un mode personnel en latin, en français et en espagnol. Paris, 1875.
582, G. G. Keidel, Note on »Folsifie« and similar expressions in
Old French Littérature (MLN., X, 146).
LIVRE SIXIEME.
FORMATION DES PARTICULES.
583. E. Plôger, Die Partikeln im Altlothringischen. Halle, 1890.
R. Schoeps, Die Partikeln in altnormannischen Texten. Diss. inaug.
Halle, 1896.
584. J. VisiNG, Quomodo in den romanischen Sprachen (Tobler-
Abhandlungen, p. 113—123). — Cf. Rom., XXIV, 453—454.
589, 1. Meyer-Lûbke, Grammaire des langues romanes, II, 94.
ZFSL., XV^^ 70,
Kr. Nyrop, Spansk Grammatik. Copenhague, 1908. § 192,8»
Rem. 2.
592. M. BiTTERHOFF, Dus lateinischs inde im Franzôsichen. Diss.
inaug. Erlangen, 1905.
OuvER M. JoHNSTON, Usc of thc Frcuch équivalents of Latin em,
en and ecce (MLN., voL XX, 131—134).
W. Meyer-Lûbke, Die lateinischen Richtungsadverbien auf -ors us
im Romanischen (ZRPh., XXIII, 411—412).
414
601. S. PiERi, // tipo avverbiale di carpone -i (Romania, XXXIII,
230—238).
S. PiERi, // tipo avverbiale di carpone -i. ZRPh., XXX, 337—339.
603. A. Darmesteter, Adverbes en -ment (Reliques scientifiques,
II, 287—294).
H. Vaganay, Deux mille adverbes en -ment de Rabelais à Mon-
taigne. Paris, 1904. (Extrait de la Revue des Études rabelaisiennes,
tomes I et II.)
604. W. FôRSTER, Altfranzôsisch maintre (ZRPh., II, 88—89).
615. DiCKHUT, Form und Gebranch der Prâposition in den âlte-
sten franzôsischen Sprachdenkmàlern. Diss. inaug. Mûnchen, 1883.
E. Gessner, Sur l'origine des prépositions françaises. Berlin, 1858.
617. A. Darmesteter, Les prépositions françaises en, enz, dedans,
dans (Reliques scientifiques, II, 177 — 187).
620. K. DziATZKO, Die Entstehung der romanischen Participial-
prâpositionen (ZRPh., VII, 125—130).
626. Emil Hartmann, Die temporalen Konjunktionen im Franzô-
sischen. Diss. inaug. Gôttingen, 1903.
J. Jeanjaquet, Recherches sur l'origine de la conjonction »que«
et des formes romanes équivalentes. Diss. inaug. Paris, 1894. Cf.
Rom., XXV, 343 (G. P.).
630. A. Ritschel, Ûber die interjectionalen Elemente der franzô-
sischen Sprache. Sonderabdruck aus dem Programm der k. k. Staats-
realschule in Elbogen fur das Jahr 1894 — 95.
K. Sachs, Franzôsische Interjektionen (Festschrift Adolf Tobler.
Braunschweig, 1905. P. 49—65).
632. R. Holbrook, Hez! hay ! hay ! avant! and other old and
middle french locutions used for driving beasts of burden (MLN.,
1905, p. 232—235).
H. Sucrier, Ausrufe mit *queh im Altfranzôsischen (ZRPh., VI,
445—446).
633. G. Paris, Dehé (Mélanges linguistiques, p. 488—491).
LIVRE SEPTIEME.
DÉRIVATION IMPROPRE.
638. O. MÛLLER, Die Substantivierung anderer Redeteile im Fran-
zôsischen. Diss. inaug. Gôttingen, 1901.
645. V. Hammarberg, Des adjectifs et des participes substantivés
en ancien français. Diss. inaug. Upsal, Stockholm,, 1903.
415
655. K. Rannow, Die im Franzôsischen sabstantivierten Participia
Perfecti Passivi lat. starker Verba. Diss. inaug. Kiel, 1904.
661. A. ToBLER, Aussitôt, sitôt, une fois (Vermischte Beitràge, III,
60—63).
LIVRE HUITIÈME.
FORMATION DU GENRE.
663. K. Armbruster, Geschlechtswandet im Franzôsischen. Mas-
culinum und Femininum. Diss. inaug. Karlsruhe, 1888. — Cf. ZFSL.,
XI, 2, 155—173.
P. Jahn, €ber das Geschlecht der Substantiva bei Froissart. Halle,
1882.
P. JôRSS, Ûber den Genuswechsel lateinischer Maskulina und Fe-
minina im Franzôsischen. Progr. Ratzeburg, 1892. — Cf. ZFSL., XV,
2, 241—249 (K. Armbruster).
Sachs, Geschlechtswechsel im Franzôsischen. Diss. inaug. Gôt-
tingen, 1886.
669. R. DE LA Grasserie, Idée de sexualité dans le langage (Re-
vue philosophique de la France et de l'Étranger, XXIX, 9 ss.).
671,3. M. Bréal, Les noms féminins français en -eur (MSLP.,
VIII, 312).
TABLES
r
27
TABLE ANALYTIQUE.
Les chiffres renvoient aux paragraphes et à leurs subdivisions. Le signe A renvoie aux Additions,
p. 396—403.)
A + A > A, 66, 1.
A— AI (apophonie), 48, 544, i.
A— E (apophonie), 47, 544,2.
-a final tombe devant le suffixe, 65, i.
a-, préfixe, 464.
à, préposition, combiné avec un nom,
570, 1.
-a, terminaison française, 705.
-a, terminaison latine féminine et
masculine, 664,2, 671,2, 673.
ab-, 503.
ab-, préfixe, 503.
Abbadie (Antoine d'), 3.
-abilis, 140.
-able, suffixe nominal, 38,i, 140—146.
Abondance (1'), exprimée à l'aide de
suffixes, 150,1 (-âge), 200,i (-ée), 235
(-eux). Voir aussi Collectifs.
Abrègement, voir Ellipse.
Abréviation, 5, 579,i, Rem., 656,i, 728.
Comp. Ellipse, Haplologie.
Abstracta; voir Noms abstraits.
Accentuation des suffixes, 130.
-accio, suffixe italien, 180, 182, Rem.;
— est séparable, 35.
-ace, suffixe nominal, 178; genre,
683.
-a ce a, 178,2.
-aceus, 178,1.
-ache, suffixe nominal, 182, Rem.;
genre, 702 (rondache), 703 (pa-
nache).
Action (r), exprimée par un suffixe:
150,8 (-âge); 159,8 (-aille); 167
(-aison) ,111 (-ance) ; 200,7 f-ee);
211 (-ement); 274 (-(son); 281 (-oi-
son); 311 (-ation); 368,3 (-ade) ;
396,2 (-erie); 552.
-aculare, 435.
-aculum, 154.
-ada, suffixe espagnol, 364, 365,8.
Addition de consonnes dans les dé-
rivés, 87—94.
-ade, suffixe nominal, 364 — 368; genre»
684.
Adjectif au féminin pluriel employé
comme adverbe, 597 ; comme subs-
tantif, 650,3.
Adjectif change de genre dans les
mots composés, 43, Rem. 2.
Adjectif devenu adverbe, 606, 651;
— devenu interjection, 634; — de-
venu préposition, 619; — devenu
substantif, 645—650; — tiré d'un
substantif, 641—643.
Adjectif savant à côté d'un substan-
tif populaire, 298,2.
Adjectifs biformes et -ment, 606 —
609; — uniformes et -ment, 610—
611.
Adjectifs dans les composés: adjectif
combiné avec un adjectif, 563; avec
un substantif, 560.
-ado, suffixe espagnol, 369.
27*
420
-ado, suffixe nominal, 369.
Adverbes. Formation par composi-
tion, 594—599; par dérivation, 600
—614. Doublets, 584—587. Flexion,
589. Employés comme adjectifs,
659, 660; comme interjections, 635;
comme prépositions, 661.
Adverbes dans les composés: adverbe
combiné avec un adverbe, 594,i;
avec -ment, 614; avec un nom,
562, 721; avec un pronom, 598,4.
-âge, 37,i, 38,2; 147—150; —éliminé,
537,1 ; — masculin et féminin, 685.
Agents, voir Noms d'agents.
-agîia, suffixe italien, 156.
-agne, 39,i, 151.
Agneau, la voix de 1', 14.
Aguesseau (le chancelier d'), 12.
AI — A (apophonie), 48, 544, i.
AI — E (apophonie), 49.
-aie, suffixe nominal, 152.
-ail, suffixe nominal, 154, 155; — et
l'apophonie, 48,3-
-aille, suffixe nominal, 156—159.
-ailler, suffixe verbal, 435.
-aillon, suffixe nominal, 380.
-ain (-amen), suffixe nominal, 164.
-ain (-anus), suffixe nominal, 160 —
163; apophonie, 48,i, 68; mort, 39,2.
AIN final dans les dérivés, 48,i, 68.
-aire, suffixe nominal, 299; — et l'apo-
phonie, 48,8.
-aïs, suffixe nominal, 166, 351.
-aison, suffixe nominal, 167, 168.
-alf suffixe nominal, 300.
-aie, 300.
-alia, 156.
-alis, 205, 300.
-alium, 154.
Allemand. Mots allemands imités en
français, 480,i, 568,i. Le genre des
mots allemands, 677,i. Comp. Ger-
manique.
Alouette, le chant de 1', 22.
Alternance vocalique dans les ono-
matopées, 17, 33 A, 631,4.
-amen, 164.
-amentum, 209.
-ammeni, 611.
AN final dans les dérivés, 67, 96.
-an, suffixe nominal, 304.
-ana, suffixe nominal, 306; s'emploie
comme substantif, 35.
-ance, suffixe nominal, 168 — 172.
-and, suffixe nominal, 173; supplante
-an, -ant, -enc, 88,i, 174.
-andier, suffixe nominal, 381.
Ane, le cri de I', 22.
-anea, 151.
-aneus, remplacé par -anus, 160.
-ange, suffixe nominal, 175; genre,
686.
Anglais. Abréviation anglaise, 5,2, 5 A.
Mots anglais passés en français,
511, 530. Syntaxe anglaise, 579,8,
Rem. Le genre des mots anglais,
677,2; suffixes anglais, 230 (-er),
332 (-ist).
Animaux. Leurs cris, 13, 14, 21—23,
30,2; leur genre, 670,3; leurs petits,
185 (-at), 196,1 (-eau), 284,2 (-on),
285.1 (-on), 410,2 (-illon) ; le mâle,
116, Rem.; leur séjour, 255.
Animaux désignés par un adjectif
qualificatif, 649,2.
-ano, suffixe italien et espagnol, 304,».
-ant, suffixe nominal, 176, 177; —
dans les adverbes, 611; — éliminé,
537.2 ; — supplante d'autres termi-
naisons, 89,2.
an te, 504.
anté-, préfixe, 504.
-antem, 176.
anti-, préfixe, 505.
-antia, 169.
-anus, 160, 246, 304,2.
Apocope de la terminaison, 79, 414,
532—553.
Apophonie, 46 — 61, 544; — n'agit plus
dans les dérivés modernes, 59, 60.
Appareils; voir Noms d'instruments.
Apposition, 557 — 563, 641.
Arbres; voir Noms d'arbres.
archi-, préfixe, 506.
-ard, suffixe nominal, 352 — 355; —
éliminé, 79; — supplante d'autres
421
terminaisons, 88,2, 354; — vivant,
37,1.
-arde, suffixe nominal, 356.
ARE final dans les dérivés, 97.
-are, 212.
Argot, 231,3 (-eur), 233 (-eux), 366,4
(-ade), 414 (-0), 424 (suffixes di-
vers), 527 (ca-).
-aricius, 214.
-aris, 212, 299.
Aristophane et les onomatopées, 23.
-arius, 248, 299
Arrière, combiné avec un nom, 562,i.
-as, suffixe nominal, 178 — 180; —
éliminé, 79.
-as, -adis, suffixe grec, 264, Rem.
-asco, suffixe italien, 370, 370 A.
-asque, suffixe nominal, 370.
-asse, suffixe nominal, 178.
-asser, suffixe verbal, 436.
Assimilation de consonnes, 451,8, 611.
-asso, suffixe italien, 180.
-assort, suffixe nominal, 282.
-aster, 186.
-at (-attus), suffixe nominal, 185.
AT final dans les dérivés, 89,3.
-at, suffixe nominal, 307.
-ata, 199.
-ata, suffixe italien et provençal, 364,
365.
-ateiir, suffixe nominal, 310.
-aticus, 147, 312.
-ation, suffixe nominal, 311, 553,i.
-ationem, 167, 311.
-atique, suffixe nominal, 312.
-ato, suffixe italien et espagnol, 307,4,6.
-atoire, suffixe nominal, 313.
-ato rem, 230, 310.
-atorius, 275, 313.
-ûtre, suffixe nominal, 186—188.
-attus, 185.
-atura, 296, 314.
-ature, suffixe nominal, 314.
-atus, 190, 191, 307, 369.
AUD final dans les dérivés, 88,8.
-aud, ou -aut, suffixe nominal, 357
—360.
Augmentatifs, suffixes, 184,i (-asse),
186 (-on), S55,i(-ard), 436 (-asser);
— préfixes, 464,i (a-), 482 (par-),
484 (pro-), 495,7 (re-), 526 (ca-),
528 (for-),
-aument, 611,8.
AUT final dans les dérivés, 89,4.
-aut, suffixe nominal, 357
-auté, suffixe nominal, 382.
Auteurs de mots nouveaux, 1, Rem., 8.
Automobile. Le bruit, 25. Le genre,
674, 678.
avant-, préfixe, 465 ; — combiné avec
un nom, 562, 1.
-ay, éliminé, 79.
-ayer, suffixe verbal, 449.
-az, suffixe nominal; voir -as.
B > P, 546,1.
Babeuf, dans la dérivation, 58.
Babil, imitation du, 26.
Backformations, 533.
Baïf (Lazare de), 7, 7 A.
Balancier, le bruit du, 16.
Balzac (J.-L.), 678.
Barbey d'Aurevilly, 44.
Bartas (du), la langue de, 576,2.
Bec-figue, le chant du, 22.
Belge. Particularités du parler belge,
171, Rem., 495, Rem., 561, Rem. 2.
ben e, 467.
bes-, préfixe, 466.
bi-, bis-, préfixes, 507.
bien-, préfixe, 467.
Biniou, le son du, 30,i.
bis- (bes-), préfixe, 466.
bis- (lat. bis), préfixe, 507.
Bois (Jules), 12.
Bouhours (le Père), 11.
Bouillon (Mme de), 251,4.
Bourget (Paul), sa langue, 12, 416,
443, 445, 5,2 A
Bouteilles, bruit de, 25.
Braconnet, 3.
Brebis, la voix de la, 22.
Bruant des haies, la voix du, 22.
Brunetière (F.), 10.
Brunot (F.), 117.
Bulles pontificales, 5,i, Rem.
422
C final, 69, 70; comp. 546,2.
ca-, préfixe, 526, 527.
Caille, la voix de la, 22.
Canard, la voix du, 14, 22.
Canon, le son du, 24.
Cantiques désignés par les premiers
mots, 5,1.
Cas régime, employé comme génitif,
567.
ce, pronom démonstratif employé
dans les conjonctions, 628,2, 629,2.
-ceau, suffixe nominal, 189.
•cel, voir -ceau.
-celle, suffixe nominal, 189.
-cellus, 189.
Celtique, influence du, 475, Rem.
CH— C, 70,1, 546,3.
Champagne. Bruit d'une bouteille de
Champagne débouchée, 25.
Champagny (de), 11.
Champsaur (F.), 8.
Changements d'accent, 135, i; — de
genre, 664 ss.; — de préfixes, 457;
— de suffixes, 121—129, 135,2.
Chansons à boire, 30,3.
Chapelain (Jean), 11.
Chasse, cris de, 27, 632.
Chat, la voix du, 13. 22.
Chateaubriand, sa langue, 343, 366,4.
Chat noir, café de Montmartre, 44.
Chevaux, désignés par la couleur,
649,2.
Chien, la voix du, 13, 14, 22.
Chouette, le cri de la, 22.
Chute de la terminaison, 78—83, 536,
537.
Cigares, noms des, 369.
-cir, suffixe verbal, 431.
circon- (cîrcom-), préfixe, 508.
circum, 508.
ci s, 509.
cis-, préfixe, 509.
Clarinette, le son de la, 24.
Clédat (L.), 551.
Clefs, imitation du bruit des, 25.
Cloche, le son de la, 24.
co-, préfixe, 510,i.
Cochon, la voix du, 13.
Collectifs, 115, 150,1 {-âge), 152 (-aie),
159,1 (-aille), 162,2 (ain, aine), 244,ï
(■ie), 270,2 (-is). 368,i (-ade), 396,8
(■erie). Comp. Abondance-
Colombe, la Voix de la, 22.
Communia, 670,3.
»Communis error facit jus«, 623.
Comparatif combiné avec -ment,
605, Rem. 1.
Composition et dérivation, 4. Comp.
Mots composés.
Comte (Auguste), 7.
con-, préfixe, 510,2-
Concordance primitive effacée, 619
(atout, sauf), 621, 622 (participes),
634 (hélas).
Concurrence de suffixes, 111 (Noms
abstraits), 172 (-ance, -ence), 191
(-e, -ie), 263 (-ain, -in), 320 (-able,
-ible), 326 (-ique, -isque, -esque, -ien,
-an), 337 (-iste, -eur, -eux, -ien, -ier,
-isant), 432 (-er, -ir), 444 (-iser, -er) ;
comp. 553.
Confusion de suffixes homophones,
124; — de terminaisons, 84-103;
— de voyelles identiques, 66.
Conjonctions. Leur formation et ori-
gine, 626 — 629. Leur emploi comme
prépositions, 625.
Consonnes ajoutées dans les dérivés,
87 — 94; — finales changées, 69 —
77; — répétées dans les onomato-
pées, 17; — supprimées dans les
dérivés, 95—102.
Contaminations, 6,i, 351, 376, 528.
con tra-, 468.
contre-, préfixe, 468; combiné avec un
nom, 562,1.
Coordination, 557 563, 641.
Coq, la voix du, 14, 22.
Cor de chasse, le son du, 24, 30,i.
Corbeau, la voix du, 14, 15, 22-
Corneille, la voix de la, 14, 22.
Corneille (Pierre), la langue de, 8, 580.
Coucou, la voix du, 16.
Couleurs (les) désignées par des subs-
tantifs, 642; comp. Chevaux, Draps,
Fourrures.
423
Courlis, le chant du, 22.
Création primitive de mots nou-
veaux, 3.
Cris d'animaux, 13, 14, 21—23.
Cris de chasse, de guerre et pour
faire marcher les animaux, 27, 632.
Croisement de suffixe, 126.
cum, 510.
D analogique, 88.
D-T, 546,4.
-dage, suffixe nominal, 88, 147.
-daille, suffixe nominal, 156.
Danois. Suffixes français passés en
danois, 393, Rem. (-en), 444, Rem.
{-isere). Genre de mots danois,
677,8.
Darmesteter (Arsène), 527, 555, 625.
Date des mots nouveaux, 7.
Daudet (Alphonse), la langue de, 395,
Rem.
David, chimiste, 7.
de, préposition, combiné avec un nom,
570,».
dé-, préfixe, 469; — éliminé, 535.
Décomposition, 78, 533 — 539.
Dépréciatifs, suffixes; voir Péjoratifs.
-der, suffixe verbal, 428,i.
Dérivation impropre, 638 — 662; —
nominale, 106 — 424;- par préfixe,
440—531 ; — régressive, 532—55»;
. — verbale, 425—449.
dés-, préfixe, 469.
Deschanel (Emile), 8, 9, 674, Rem.
Desportes, 8.
Déterminé (le), disparaît souvent;
voir Ellipse.
Déverbale, la formation, 540 — 553.
Dictons populaires tirés d'onomato-
pées, 23.
-dier, forme élargie de -ler, 248.
Dignité, suffixes exprimant une, 198
i-é), 273,1 (-ise), 687.
Diminutifs, 108, 116, 185 {-at),
196 i-eau), 220, 224 (-e«e), 256
(-i7), 258 i-ille), 262 (-in), 285
(-on), 290 (-0/), 355,6 (-ard), 385
i-elet), 399,1 {-eron), 410 (-illon), 441
( -z7Zer), 446 (-onner), 447 {-otter),
730—734.
Dindon, la voix du, 22.
Direction, indiquée par un préfixe,
494,1.
dis, 469, 511.
Doublets de particules, 584.
Doublets de postverbaux, 550,i.
Doublets de préfixes, 451, 469, 470,
471, 488, 515.
Doublets de suffixes nominaux, 137,
172 {-ance, -ence), 238, 263,*
i-in, -ain), 303 (-al, -el), 307 {-at,
-é), 314 (-ature, -ure), 320 {-able,
-ible), 367 {-ade, -ée), 394 {-erie,
-ie)^ 412,2 Rem. {-iment, -ement).
Doublets de suffixes verbaux, 432,
443.
Doublets phonétiques, 49, 58, 59, 60,
61, 65,1, 69, 71.
Draps, désignés par la couleur, 650,i.
Du Rellay (Joachim), 7.
Dumas (A.) fils, 7.
Durée (la), exprimée à l'aide d'un
suffixe, 200,4 (-ée).
E — A (apophonie), 50.
E— È (apophonie), 51, 52, 53.
E-IÉ (apophonie), 59, 544,8.
E— 01 (apophonie), 60, 544,4.
É -f É > É, 66,a.
E féminin final ajouté ou ôté aux
adverbes, 584, 585; — détermine
le genre, 701 — 703; — éliminé par
dérivation régressive, 538, 539; —
— tombe devant les suffixes, 63.
E féminin intérieur amuï dans les
adverbes, 606,8.
E féminin, suffixe inaccentué, 189
bis de A.
É final tombe devant le suffixe,
65,1.
é-, préfixe, 470.
-é, suffixe nominal, forme des adjec-
tifs, 191.
•é, suffixe nominal, forme des subs-
tantifs, 190; genre, 687.
-éan, suffixe nominal, 315, Rem.
424
Eau, le gazouillement de 1', 25.
-eau, suffixe nominal, 192—197; —
éliminé, 79; — mort, 39,$.
-ece, voir -esse.
-eé, suffixe nominal, 198.
-éc, suffixe nominal, 199—201; — éli-
miné, 79.
-éen, suffixe nominal, 315.
-efier, suffixe verbal, 440, Rem.
-éfîer, suffixe verbal, 440.
El — E (apophonie), 54.
El— I (apophonie), 55.
-eil, suffixe nominal, 202.
-eille, suffixe nominal, 203.
-ciller, suffixe verbal, 437.
EIN final dans les dérivés, 68.
-eis, suffixe nominal, 166, 351.
-eise (-itia), suffixe nominal, 218,i.
-cû, suffixe nominal, 268.
-el (-alis), suffixe nominal, 205, 206.
-el (-ellus), suffixe nominal, 192.
-eler, suffixe verbal, 438.
-elet, suffixe nominal, 383 — 385.
Élimination d'un préfixe, 534, 535;
— d'un suffixe, 78, 79, 536.
-elin, suffixe nominal, 260, 386.
-élis, remplacé par -alis, 205.
-ella, 208.
-elle, suffixe nominal , 208 ; genre,
688.
Ellipse dans les mots composés, 555;
— du déterminé, 571, 642, Rem.,
645—648; — influence le genre,
714 — 716. Comp. Abréviations.
-ellus, 192, 239.
-elot, suffixe nominal, 387—388, 387 A.
-em (lat. in), préfixe, 471.
-em (lat. in de), préfixe, 472.
-ement, suffixe nominal, 209 — 211,
553,1.
-ément, terminaison adverbiale, 608,
609.
-emment, 611.
en- (lat. in-), préfixe, 471.
en- (lat. in de), préfixe, 472.
En, préposition, combiné avec un
nom, 570,s.
-enc, suffixe nominal, 361 — 363.
-ence, suffixe nominal, 317.
-enge, suffixe nominal, 175.
-ensis, 166, 279.
-ent, dans les adverbes, 611; — éli-
miné, 537,2.
-entia, 317.
entre, préfixe, 475, 562; haplologie,
456,1.
-eoir, suffixe nominal, 275.
-eoire, suffixe nominal, 278, Rem.
-er, suffixe nominal, 212,248; — éli-
miné, 79.
-er, suffixe verbal, 426—428.
-eraie, suffixe nominal, 389.
-eran, suffixe nominal, 390.
ERE final dans les dérivés, 98.
-ère, le genre de, 689.
-ereau, suffixe nominal, 391.
-erece, -eresse, suffixe nominal, 213.
-erelle, suffixe nominal, 391.
-eresse, suffixe nominal, 213
-eret, suffixe nominal, 214 — 216.
-erez, voir -eret.
-eri, suffixe danois, 393, Rem.
-erie, suffixe nominal, 393 — 396, 553,i;
— vivant, 37,i.
•erole, suffixe nominal, 397.
-eron, suffixe nominal, 398.
-eronner, suffixe verbal, 446.
Erotiques, expressions, 630, Rem.
-esco, suffixe italien et espagnol, 371.
Espagnol. Suffixes espagnols, 257,2
i-illa), 304,8 i-ano), 307,6 (-ato), 364
i-ada), 369 {-ado\ 371 {-esco). Syn-
taxe espagnole, 625, Rem , 589,i
-esque, suffixe nominal, 371.
-esse (-issa), suffixe nominal, 217.
-esse (-itia), suffixe nominal, 218,
219.
Estienne (R.) et les diminutifs, 108.
-et, suffixe nominal, 220—224 ; — éli-
miné, 79.
ET, dans les dérivés, 89,5,6.
-eta, 152.
État, suffixes exprimant un, 150,2
i-age); 251, i (-ier); 273,8 (-ise).
-été, suffixe nominal, 400.
-eteau (-eteï), suffixe nominal, 401.
425
-eter, suffixe verbal, 439.
Étoffes, noms d', 266,3 (-me). Comp.
Draps,
-eton, suffixe nominal, 402,
-ette, suffixe nominal, 223, 224; genre,
690.
EU— E (apophonie), 56.
EU— O (apophonie), 57.
EU— OU (apophonie), 58, 544,6.
•euil, suffixe nominal, 225,
-eul, suffixe nominal, 227.
Euphémisme, 567, 633, Rem.
-eur, suffixe nominal, indiquant des
noms d'agent, 230—231,
-eur, suffixe nominal, indiquant des
notions abstraites, 229; genre, 671,8,
691.
-eiire, suffixe nominal, 296.
-eus, 134.
-euse, suffixe nominal, 236.
EUT final dans les dérivés, 89,7.
-eux, suffixe nominal, 232 — 235; —
éliminé, 79.
EUX final dans les dérivés, 91, i.
-eyer, suffixe verbal, 449.
ex-, 470, 512.
ex-, préfixe, 512.
-ex, -icis, 321,7.
Explétifs, 589,2.
extra-, préfixe, 455,4, 513.
F final, 71, 546,9.
Farlouse, la voix de la, 22.
Féminin pluriel au sens neutre, 597.
Femmes, langage des, 667, Rem., 678,
685, 698.
-ficare, 440.
-fier, suffixe verbal, 440.
Flamand, préfixe emprunté au, 526.
Flaubert (Gustave), la langue de, 233,
366,8, 372,1,3, 395, Rem., 413, 419,
427, 440, 446, 487,2, 489,2, 498,i,
559.
Fleurs, noms de, 133,8, Rem. 1, 705,
Rem.
Fleuves; leur genre, 671,2.
Flexion des particules, 588. Comp.
Concordance.
for-, préfixe, 476, 528, 530.
foris, 476.
Formes renforcées, 38,i, Rem., 614.
Formules abrégées, 5,i.
Fouet, le claquement du, 25.
Fourcroy, 7.
Fourrures, désignées par la couleur,
650,1.
France (Anatole), 559, 702.
Fréquentatifs, 435 {-ailler), 446(-onner),
447 (-oter). Comp. Répétitions.
Fusil, le bruit du, 24.
Fusion de syllabes identiques, 80; —
de voyelles identiques, 66.
Futur employé comme nom, 657,4.
G final, 72.
Galiani, créateur de mots nouveaux,
280,2.
Gautier (Théophile), sa langue, 372,i,
441.
Génitif (le), conservé dans les com-
posés, 566.
Genre (le) des arbres, 664,i; — des
fleuves, 671,2; — des mots com-
posés, 717 — 723; — des mots em-
pruntés, 676; — des mots étran-
gers, 677 ; — des mots grecs, 664,2,
Rem.; — des mots héréditaires,
670, 672 ; — des mots savants, 673,
674; — des noms abstraits, 671,3;
— des postverbaux, 541 — 551.
Genre (le), déterminé par le sens,
665, 708—713; par le sexe, 665;
par le suffixe, 682—700; par la
terminaison, 664, 679—681 ; par un
e féminin final, 701—703; par une
initiale vocalique, 706.
Genre (le) et les grammairiens, 669,
675, 678.
Germanique. Influence supposée du
germanique, 17, Rem. 2; préfixe
emprunté 528 [for-); suffixe em-
prunté, 351 — 363; formation ad-
verbiale, 603, Rem.
Gifles, imitation du bruit des, 25.
GN— IN, 546,6.
GN— N, 73.
426
-go, suffixe argotique, 424.
Goncourt (de), la langue des frères,
443,8, 446; dérivés de leurs noms,
102.
Gournay (Mlle de), 730—734.
Gournay, économiste, 7, 537,».
Grammairiens (les) veulent changer
le genre des mots, 675, 691.
Grammont (M.), 16.
Grec. Suffixes grecs, 241 (-/a), 324
{-icos\ 327 (-ismos), 332 {-ista), 339
l-itès, itis), 347 {-osis), 443, 449
(-izare). Préfixes grecs, 505 (aiiti-),
506 (archi-). Genre des mots grecs
en -ma, 664,2, Rem.
Grégoire (l'abbé), 7.
Grenouille, la voix de la, 14, 15, 22.
Grillon, la voix du. 22.
Gyp, sa langue, 372,2.
Haplologie de préfixes, 456; — de
suffixes, 35; — de syllabes, 80.
-hart, 352.
Helmont (van), 3.
Herzog (E.), 494, Cas isolé.
Hibou, la voix du, 22.
Homonymes; leur genre, 680, 724 —
729.
Horloge, le bruit de 1', 16.
Hugo (Victor); particularités de sa
langue, 8, 9, 211, 559, 641, 650,2;
dérivés de son nom, 65,4, 66, 89, n.
Huysmans (J.-K.), la langue de, 403,
427, 442, 447,1.
I, éliminé, 65,8; — final, 99.
I — 01 (apophonie), 544,6.
I-f'I > I, 66,3.
-i^ suffixe nominal, 237.
-ia, 133, 135,1, 241.
-ia, terminaison récente de noms de
plantes, 133. Rem. 1, 705, Rem.
-ial, suffixe nominal, 403.
-la/ia, suffixe nominal, 306.
-ianisme, suffixe nominal, 327, 330,7.
-ianus, 246.
-iare, 426, Rem.
-iat, suffixe nominal, 318.
-lau, suffixe nominal, 239.
-ibilis, 319.
-ible, suffixe nominal, 319.
-icaud, suffixe nominal, 357.
'icaut, suffixe nominal, 423, i.
-iccio, suffixe italien, 321,8, 374.
-ice, suffixe savant, 321; genre, 692.
-ice, voir -isse.
-icia, 240.
-ichc, suffixe nominal, 374.
-ichon, suffixe nominal, 404.
-ichonner, suffixe verbal, 446.
-icia, 240.
-icide, suffixe nominal, 405.
-icisme, suffixe nominal, 327, 330,5.
-icius, 268, 321.
-iciile, suffixe nominal, 406.
-icula, 203, 257.
-iculare, 437, 441.
-iculus, 202, 256.
-icus, 247,1, 324.
lE — E, apophonie, 56, 544,8
-ie, suffixe nominal, 241 — 245; — éli-
miné, 79, 537,3; sa lutte avec -erie,
394; sa mort, 37,2.
-iel, suffixe nominal, 407,
-ième, suffixe nominal, 245.
-ien, suffixe nominal, 160, 246, 247;
— remplace -ain, 39,2.
-ier, suffixe nominal, 248—251 ; 248 A;
— éliminé, 537,4.
-ière, suffixe nominal, 252 ; supplante
-iers, 100; genre, 689.
-iergue, suffixe argotique, 424.
-if, suffixe nominal, 253 — 254.
- ificare. 440.
-ifter, suffixe verbal, 440.
-igaiid, suffixe nominal, 357, 423.
-ige, le genre de, 693.
-il (-iculus), suffixe nominal, 256.
-il (-ile), suffixe nominal, 255.
-ile, 255.
-ilia, 257.
-ilium, 256.
-il la, remplacé par -ella, 208.
-il lare, 438.
-illat, suffixe nominal, 408.
-ille, suffixe nominal, 257; genre, 694.
427
I
-Hier, suffixe verbal, 441.
-illon, suffixe nominal, 409.
-illot, suffixe nominal, 411.
-ime, suffixe nominal, 322.
-iment, suffixe nominal, 412.
-imentum, remplacé par -amen-
tum, 209.
Impératif, combiné avec un nom, 574
—578, 599,2; — employé comme
interjection, 636,i; comme nom, 656;
le genre des composés avec 1', 722.
-imus, 322.
IN final, 68.
-in, préfixe, 471, 514.
-in, suffixe nominal, 260—263, 261 A;
— éliminé, 79.
-ina, suffixe italien, 264.
-in are, 442.
in de, 472.
-ine, suffixe nominal, 264 — 267 ; genre,
695.
-iner, suffixe verbal, 442.
-ineux, suffixe nominal, 413.
Infinitif employé comme interjection,
636,2 ; — employé comme substan-
tif, 653.
-ing, suffixe nominal, 361.
-iniste, suffixe nominal, 332.
Initiales (les), représentant le mot en-
tier, 5,2, 5,2 A.
-ino, suffixe italien, 260.
- i n u s, 260.
Instruments de musique, 24, 25, 30,i.
Gomp. Noms d'instruments.
intèr, 475, 515.
inter-, préfixe, 515.
Interjections, 26, 630—637.
Invariabilité d'un mot mis devant le
nom, 619 — 622; — d'un substantif
indiquant la couleur, 642, Rem.;
— d'un substantif composé, em-
ployé comme adjectif, 643, Rem.
-iolum, 227.
-ion, suffixe nominal, 323.
'iot, suffixe nominal, 423,8.
-ique, suffixe nominal, 324—326; éli-
miné, 537,6.
-iquet, suffixe nominal, 220.
-ir, suffixe verbal, 429—432.
-is, suffixe nominal, 268—271.
-iscus, 351, 371.
-ise, suffixe nominal, 218,2, 272, 273.
-iser suffixe verbal, 443.
-isme, suffixe nominal, 327—331.
-ismus, 327.
-ison, suffixe nominal, 274.
-issa, 217.
-isse, suffixe nominal, 240.
-issement, suffixe nominal, 210, 412,a,
Rem.
-ist, suffixe anglais, 332.
-ista, 332.
-isla, suffixe italien, 332.
-iste, suffixe nominal, 332 — 338.
-istre, pour -isie, 332, Rem.
IT final, 89,8.
-ita, 339.
Italien. Suffixes italiens, 156 (-aglia),
180 {-accio, -asso), 260 (-ino), 264
(-ina), 286 (-one). 304,3 (-ano), 307,6
(-ato), 321 (-1CC10), 332 {-ista), 345,2
i-uolo), 347 {-oso\ 464 {-ata), 370
(-asco), 371 (-esco), 374 (-iccio). Pré-
fixes italiens, 511 (dis-), 517 (ri-),
531 (para-).
-itas, -itatem, 198, 292, 341.
-ite, suffixe nominal, 339, 340; genre,
702 (limite), 703 (mérite).
-ité, suffixe nominal, 341.
Itératifs, voir Répétition.
-ïtia, 204, 218, 321,3, 218, A.
-itia, 272, 321,4.
-ition, suffixe nominal, 342.
-îtionem, 274, 342.
-itium, 321,5.
-itre, suffixe nominal, 423.4.
-ittus, 220.
-itiide, suffixe nominal, 343.
-itudo, 343.
-itura, 344.
-iture, suftixe nominal, 344.
-itus, 237.
-ium, 133,8, Rem. 2.
-ius, 134, 318.
-ivus, 253.
-ix, -icis, 321,6.
428
-12 ; voir -is.
-izare, 443, 449.
Jespersen (O.), 533, Rem., 579,2, Rem.
Jurons, 567, 630, Rem., 633, 728.
Jusserand (J.-J.), 12.
ka-, préfixe flamand, 526.
Kératry, 11.
L adventice dans les dérivés, 92; —
final, 74, 451,3; — mouillé, 546,$;
— vocalisation, 74, 451,2, 546,7.
La Fontaine, la langue de, 248, 280,2.
La Grasserie (Raoul de), 669.
Langage argotique, 231,3, 233, 366,4,
414, 424, 527; — badin, 6,8, 19;
— burlesque, 456, Rem.; — chi-
mique, 133,3, Rem. 2, 340,i, 348,2;
— enfantin, 116; — hypocoristique,
19, Rem.; —juridique, 528; — mé-
dical, 340,2, 348,1 ; — philosophique,
480,1 ; — poétique, 586,2; — scienti-
fique, 513,2 517,2,; — technique,
162, Rem., 375.
Langage de la Pléiade, 117, 233, 576,2;
— des chansons populaires, 118,
427, 616; — des chasseurs, 27, 632;
— des femmes, 667, Rem., 678, 685,
698; — des symbolistes, 171, 430,i.
Lavedan (H.), la langue de, 12, 427,
447,1.
Leconte de Lisle, la langue de, 535.
-lem, suffixe argotique, 424.
Le Maire (Jean), 8.
-lenc, suffixe nominal, 361—363.
Lené (G.), 549.
-lesqiie, suffixe nominal, 371.
lez, combiné avec un nom, 570,4.
-lien, forme élargie de -ien, 246.
Lieux, voir Noms de lieux.
-ling, suffixe nominal, 361.
-liste, suffixe nominal, 332.
Locutions adverbiales, 599.
Loup, la voix du, 22.
Lunel (A.), 7.
M remplace N, 75.
Machines, noms de, 236.
Mac-Mahon, maréchal, 44.
Magnin, 11.
mal-, préfixe, 477.
maie, 477.
Mâle (le) des animaux, 116, Rem.
Malherbe, 11.
-mar, suffixe argotique, 424.
Marot (Clément), 12.
Marteau, le bruit du, 25.
mau-, préfixe, 477, Rem.
mé-, préfixe, 478.
médium, 479.
Meinicke (Max), 495.
Ménage, créateur de mots nouveaux, 7.
-ment, terminaison adverbiale, 603 —
614.
mes-, préfixe, 478.
Mésange charbonnière, le chant de
la, 23.
Mesure exprimée à l'aide d'un suf-
fixe, 200,3 (-ée).
mi-, préfixe, 479; — omis, 456,2.
minus, 478.
Mirbeau (O.), sa langue, 191.
Moineau, le chant du, 22.
Montégut (de), créateur de mots, 243.
Mort du primitif, 169, 185, 197, 224,2;
— des suffixes, 37, 39, 495,8.
Mots composés par coordination, 557
— 563; — par subordination, 564 —
572; — de phrases, 573— 582. Leurs
dérivés, 41—44, 614; leur emploi
comme adjectifs, 643; leur genre,
717—723; leur soudure, 556.
Mots de circonstance, 12.
Mots d'emprunt, le genre des, 676,
677.
Mots héréditaires, le genre des, 670
—672.
Mots nouveaux, 1; leur date, 7, 8;
leur formation, 2—6; leur sort, 9
—12.
Mots parallèles, leur genre, 712, 713.
Mots primitifs. Leur sort dans la dé-
rivation, 45—105; leur mort, 169,
197,1, 224,2, 495,8.
Mots savants, le genre des, 673, 674.
Mouche, le bruit de la, 22.
429
I
Moulin, le bruit du, 25.
-muche, suffixe argotique, 424.
Musette, le son de la, 30,i.
Musset (A. de), 489,2, 675; dérivés de
son nom, 79.
N adventice dans les dérivés, 93; —
amuï, 546,8; — final, 75; — rem-
place gn, 73.
Noël lyonnais, où est imité le son
des instruments, 24.
Nomina agentis, voir Noms d'agents.
Noms abstraits, 111, 167 {-aison\ 218
(-esse), 229 (-eur), 241 (-le), 264,
Rem. i-ine), 270,i (-is), 274 (-ison),
281 {■ oison), 292 (-té), 296 (-ure),
311 {-ation), 331, i (-isme), 342
(-ition); — exprimés par un adjec-
tif, 650,2; — genre, 671,3.
Noms d'agents, 114; 162,i (-ain), 196,2
(■eau), 231 (-eur), 251 (-ier), 262,2
(-in), 284,1 (on), 338 (-iste), 399,2
(-eron), 410,i (-illon), 552.
Noms d'arbres, 251,4; leur genre,
664,1, 671, 672.
Noms de choses, 262,3 (-in), 273,8
(-ise), 276 (-oir), 278 (-oire), 284,3
(-on), 285,3, 355,2 (-ard), 368,i (-ade),
399,2 (-eron), 410,3 (-illon).
Noms de fleuves, 671,2.
Noms de lieux (noms communs), dé-
signés à l'aide d'un suffixe, 112,
152 (-aie), 252,2,3 (-lere), 255 (-il),
262,1 (-in), 270,4 (-is), 277,i (-oir),
280,1 (-ois).
Noms de lieux (noms propres) et
leurs dérivés, 152, Rem. (ay, -oy),
166 (-aïs), 213 (-eresse), 280,i (-ois),
325,8 (-ique), 370 (-asqiie), 372,2
(-esque), 398,8 (-eron), 404 (-ichon).
Noms de manière, 262,i (-in), 373,9
(■esque).
Noms de matière, 262,i (-in).
Noms de nombres collectifs, 162,2.
Noms de personnes dans la composi-
tion, 575,1, 576,1.
Noms de personnes dans la dériva-
tion, 221,8 (-et), 247 (-ien), 283,8,
285,2 (-on), 288,8 (-ot), 316,3 (-éen),
325 (-ique), 329,2 (-isme), 334,2 (-iste),
-340,3 (-ite), 352 (-ard), 353 (-ard),
372,2 (-esque); — perdent leur finale,
81 ; — se soustraient à l'apophonie,
46, Rem.
Noms de personnes, diminutifs de,
221,3, 283,3, 285,2, 288,3, 733.
Noms de plantes, 133,3, Rem. 1 (-ia),
193,8 (-eau), 251,* (-ier), 399,2 (-eron),
705, Rem. (-la).
Noms de saints, 48,2, Rem. (Saint
Acaire), 715.
Noms d'instruments, 113, 236 (-euse),
252,4 (-ière), 266,4 (ine), 277,2 (-oir),
278 (-Dire), 290,8 (-ot), 552.
non, préfixe, 480.
O final tombe devant le suffixe, 65,i.
O + O > O, 66,4.
O— 01 (apophonie), 61
-o, suffixe nominal, 414.
-occio, suffixe italien, 423.
-oceus, 423.
-oche, suffixe nominal, 423,5.
-ocher, suffixe verbal, 445.
-oculum, 225.
01— E (apophonie), 60, 544,4
01 — I (apophonie), 544,6.
01— O (apophonie), 61.
-01 (-oy), suffixe nominal, 152, Rem.
Oie, la voix de 1', 22.
-oi>, suffixe nominal, 275.
-oire, suffixe nominal, 278; genre,
696.
OIS final dans les dérivés, 91,2.
-OIS (-en se m), suffixe nominal, 279
—280, 351.
-Oise (-itia), suffixe nominal, 218,i.
Oiseaux; leur chant, 22; leur genre,
719.
-oison, suffixe nominal, 281.
OIT final, 89,9.
■ol, suffixe arabe, 375.
-ol, suffixe nominal, 345.
-olûtre, suffixe nominal, 415.
-oie (-olle), suffixe nominal, 345; genre,
697.
430
• olium, 225.
-omane, -omanie, suffixes nominaux,
416.
ON final dans les dérivés, 67, 101.
-on, suffixe nominal, 282—286; — éli-
miné, 79, 537,6; genre, 665, 698.
OND final dans les dérivés, 79.
-onem, 282.
-ongue, suffixe argotique, 424.
-oni, terminaison italienne, 602.
•onner, suffixe verbal, 446.
Onomatopées, 13 — 33, 631 ; leur fonc-
tion, 20; leur phonétique, 17 — 19.
-ons, terminaison adverbiale, 601 —
602.
ONT final dans les dérivés, 89,io.
•ophobe, suffixe nominal, 416 bis A.
Orchestre, le bruit d'un, 30, 33,i.
ORD final dans les dérivés, 88,4.
-orem, 229, 230; genre, 671,3.
-oria, 278.
-orium, 275.
Orthographe des dérivés, 104, 105; —
des mots composés, 556; — des
particules, 588.
•ose, suffixe nominal, 347, 348.
-oso, suffixe italien, 347.
-osus, 232, 347.
■ot, suffixe nominal, 287, 288; — éli-
miné, 79.
OT final dans les dérivés, 89,ii.
-oter (-oiter), suffixe verbal, 447.
-otionem, 281.
-otte, suffixe nominal, 289—291.
ottus, 287.
OU— EU (apophonie), 58, 544,6.
-ouche, suffixe nominal, 423.
• oiiiller, suffixe verbal, 448.
OUR final, 102.
•our, le genre de, 699.
•ousse, suffixe nominal, 423.
OUT final dans les dérivés, 89,ii.
outre-, préfixe, 481.
OUX final dans les dérivés, 91,3.
'oyer, suffixe verbal, 449.
P final, 76.
par-, préfixe, 455,i, 482.
para-, préfixe, 531.
Parasynthétique, formation, 453.
Parasynthétiques, formes, 426, 429,
430,2, 432,2, 464,8, 469,4, 470,», 471,$,
476,4, 485, 499,2, 510,2, 513,8, 515,8,
520.
Parfumerie, 266,2.
Paris (Gaston), 646, 674, 676, Rem. et
passim.
Participe passé employé comme nom,
655; comme préposition, 620.
Participe présent employé comme ad-
verbe, 599,8; — comme nom, 654;
— comme préposition, 620.
Particules. Formation, 583—637. Fle-
xion, 589. Emploi, 658—662.
Passé défini employé comme nom,
657,3.
Pasteur (L.); dérivés de son nom,
46, Rem., 57.
Patru, 11.
Pays, noms de, 133,8, 242,8, 244,8.
Péan Gastinel, la langue de, 494, Cas
isolés.
Péjoratifs, 119, 159,2 (-aille), 184,2
i-asse), 188 (-âtre), 262 {-in), 285,s
l-on), 290,1 {'Ot), 355,4 {-ard), 360
l-aud), 368,4 {-ade), 373,3 {-esque),
399,1 {-eron), 436 {-asser), 507 {bis-),
526 {ca-), 528 {for-).
per, 482.
Personnes; voir Noms de personnes.
Philipot (E.), 5,2 A, 7 A, 33 A, 440 A,
486, Rem. A.
Phonétique des mots dérivés, 45 —
105; — des onomatopées, 17—19;
— des postverbaux, 543 — ^546.
Phrases, dans la composition, 573 —
582 ; — employées comme inter-
jections, 637 ; — employées comme
conjonctions, 629,8; — soudées,
599,3.
Plantes, 133,8, Rem. 1, 193,8, 251,4.
399,2, 705, Rem.
Pléiade, la langue de la, 117, 233,
576,2, 261 A.
Pléonasme, 38, Rem., 280,i, 473, Rem.
Comp. Tautologie.
431
Pluie, le bruit de la, 25.
plus, préfixe, 483.
Poésie populaire, la langue de la
118, 427, 616.
Postnominaux, 533.
Postverbaux, 540 — 553; leur genre, j
541—551, 701, Rem.
Poule, la voix de la, 22,
pour-, préfixe, 484.
Praepositiones inseparabiles, 455.
pré-, préfixe, 485.
Préfixes. Changements, 457; élimina-
tion, 534, 535; haplologie, 456;
mort, 450,2; recomposition, 458;
soudure, 454.
Préfixes étrangers, 525 — 531 ; — in-
séparables, 454,1 ; — latins, 450,i;
— savants, 502 — 524; — séparables,
454,2.
Première conjugaison, suprématie de
la, 125,1.
Préposition dans les composés : com-
binée avec un adjectif, 597 ; — avec
un adverbe, 594,2; — avec un nom,
570, 571, 596, 723; — avec un pro-
nom. 598,3.
Prépositions. Leur emploi comme ad-
verbes, 662. Leur formation, 615 —
625.
Présent de l'indicatif employé comme
interjection, 636,2; — comme nom,
657,1.
Présent du subjonctif employé comme
interjection, 636,2; — comme nom,
657,2.
Prières désignées par les premiers
mots, 5,1.
Primitifs; voir Mots primitifs.
Privât d'Anglemont, 12.
Privatifs, préfixes, 469 {dé-, dés-).
pro-, préfixe, 484, 516.
Produit (un) exprimé à l'aide d'un
suffixe, 200,6 i-ée), 266,i (-ine), 270,8
(-is), 368,2 i-ade).
Pronoms dans les composés: com-
binés avec -ment, 613; — avec un
nom, 561, 598,i ; — avec un pronom,
598,2
Provençal. Emprunts au provençal,
630, Rem. Suffixes provençaux,
304,3, 307.3, 364 (-ata).
Qualité (une), exprimée à l'aide d'un
suffixe, 235 {-eux), 251,8 (-ier), 273,i
i-isé), 396 i-erie).
Quantité (une) exprimée par des suf-
fixes, 200,8 {-ée). Comp. Collectifs.
Rabelais, 576,2; dérivés de son nom,
89,5.
Ramage des oiseaux, 22.
Rambouillet, marquise de, 1, Rem.
re-, préfixe, 486—495; haplologie,
456,3; soudure, 455,2.
ré; préfixe, 487,4, 488, 517, 486 A.
Réaction savante contre le genre non
étymologique, 675, 676, Rem.
Réceptacle (le), désigné par un suf-
fixe, 251,2 i-ier), 252,i {-ière).
Recomposition, 458—462; 519.
Redoublement, 507; — d'un préfixe,
486; — d'une syllabe, 6,i.
Refrain, 19, 28—30.
Régnier (Henri de), 117.
Renforcement d'une forme par l'addi-
tion d'un élément en apparence
superflu, 38,1, Rem., 614.
Répétition (la) d'une action, exprimée
par re-, 495,i. Comp. Fréquentatifs.
rere-, préfixe redoublé, 486.
Restif de la Bretonne, 233.
Résultat; voir Produit.
Réunions, désignées par les initiales,
5,2, 5,2 A.
Richelieu, 8.
Rime, influence de la, 675.
Rire, imitation du, 26.
Rodhe (E.), 712.
Ronsard (Pierre), 8.
Roqueplan (Nestor), 366,8, Rem.
Rosset (Th.), 609.
Rossignol, le chant du, 22.
Rousseau (J.-B.), 9.
Rousseau (J.-J.), 8.
S adventice, 90, 91; — amul, 451,i;
— disparu, 63.
43^
-8 adverbial, 586.
Saint-Pierre (Abbé de), 8.
Saint-Priest (de), 8.
sans-, préfixe, 496.
Sand (G.), 634.
Sarrazin, 7.
•sard, suffixe nominal, 352.
Scandinaves, le genre des mots, 677,8.
Schifî (Mario), 731.
Schuchardt (H.), 460 et passim.
Scribe (E.), 12.
Sédillot (le D^), 7.
-sien, forme élargie de -ien, 246.
sine, 496.
•skoff, suffixe slave, 376.
Sociétés, désignées par les initiales,
5,2, 5,8 A.
Soie, le froissement de la, 25.
Sonnette, le son de la, 24.
sou-, préfixe, 497.
Soudure, 454—456, 473 (en-), 475
(entre-), 482 (par-), 494 (re-), 561,
566, Rem., 604.
Souris, la voix de la, 22.
sous-, préfixe, 497, 562,i.
Sousentendement d'un mot, 597;
comp. Ellipse.
■sseau, suffixe nominal, 189.
-sselle, suffixe nominal, 189.
Staël (Mme de), 8.
Stendhal, 11.
sub-, préfixe, 520.
Subordination, composés par, 564 —
572.
Substantifs composés, 558 ss.; leurs
dérivés, 41 — 44, 612, Rem.; leur
emploi comme adjectifs, 642; leur
genre, 717—723.
Substantifs dans les composés. Subs-
tantif combiné avec un adjectif,
595, 718; avec un adverbe, 562,
721; avec -ment, 612; avec une
préposition, 570, 571, 596, 723;
avec un substantif, 558, 559, 565
— 568, 717; avec un verbe, 569,
722.
Substantifs. Leur emploi comme ad-
jectifs, 640—643; — comme ad-
verbes, 644; — comme interjec-
tions, 633; — comme prépositions,
618.
Substantifs verbaux, 540—553.
Substitution de mots, 6,3; — de pré-
fixes, 457; — de suffixes, 121—129;
135,2, etc.
subtus, 497.
Suffixes arabes, 375; — argotiques,
424; — collectifs, 115; — com-
posés, 108, 379,4; — danois, 393,
Rem., 444; — diminutifs, 108, 116;
— éliminés, 78, 79, 536, 537; —
espagnols, 364, 365; — étrangers,
350—376; — germaniques, 351 —
363; — inaccentués, 131—135; —
italiens, 364; — latins (populaires),
139—297; — latins (savants), 298
—349; — morts, 37,2, 39; — nomi-
naux, 106; — péjoratifs, 119; —
primaires, 377; — provençaux, 364;
— russes, 376; — secondaires, 377;
— synonymes, voir Concurrence;
— toponymiques, 120; — verbaux,
425-449; — vivants, 37,i, 38.
Suffixes. Accentuation, 130; change-
ment, 121 — 129; division, 40; em-
ploi, 36; genre, 682—700; haplo-
logie, 35; mort, 37,2, 39; significa-
tion, 109; soudure, 35; vie, 37,i,
38.
Suisse. Particularité du parler suisse,
687, 712
Sully-Prudhomme, 674.
super-, préfixe, 521.
Superlatif, exprimé par un préfixe,
482, 506, 513.
Suppression d'une consonne dans les
dérivés, 95—102.
sur, combiné avec un nom, 562,i,
570.
sursum, 499.
SMS-, préfixe, 499, 562,2.
Symbolistes, le langage des, 171, 430,i.
Synonymie de suffixes; voir Concur-
rence de formes.
433
T adventice, 89; — final, 77, 87.
-tage, suffixe nominal, 89, 147, 417.
Tambour, le son du, 24.
Tautologie, 558,4, 558 A.
-té, suffixe nominal, 292.
-ter, suffixe verbal, 427,2, 428,8.
•terie, suffixe nominal, 418.
-tesque, suffixe nominal, 371.
-teur, suffixe nominal, 419.
-teux, suffixe nominal, 420.
Thomas (Antoine), 162, Rem., 362.
Thomsen (V.), 218 A, 249 A.
Thurneysen, 475, Rem.
-tier, suffixe nominal, 248, 421.
-tin, suffixe nominal, 260.
-tisme, suffixe nominal, 327.
Tmesis, 455,2.
Tobler (A.), 608, Rem.
Toponymique, 120.
Trait d'union, 556,2.
trans-, préfixe, 500, 522.
très-, préfixe, 500.
Triangle, le son du, 24.
Trompette, le son de la, 24.
U + U > U, 66,5.
'U, suffixe nominal, 293.
-u eu lare, 448.
-udo, -udinis, 294, 343.
-ueux, suffixe nominal, 422.
-ule, suffixe nominal, 349; genre, 700.
ultra, 481, 523.
ultra-, préfixe, 455,4, 523.
-ulus, remplacé par -ellus, 193,
349.
-urne, suffixe nominal, 294.
-umen, 295.
UN final, 67.
-un, suffixe nominal, 295.
-une, suffixe nominal, 294.
-ura, 296.
-ure, suffixe nominal, 296, 671,3; —
éliminé, 537,7.
>Urschôpfung«, 3.
-us, terminaison masculine et fémi-
nine, 664,1, 671,1, 673.
Ustensiles; voir Noms d'instruments.
UT final dans les dérivés, 89,i8.
-utus, 293.
V— F, 71, 546,9.
Vache, la voix de la, 14, 22.
Valeur (la) d'une monnaie exprimée
à l'aide d'un suffixe, 200,6 {-ée).
Vaugelas, condamne les mots nou-
• veaux, 9, 11.
Vent, imitation poétique du, 19.
ver-, préfixe allemand, 528.
vi-, préfixe, 501.
vice-, préfixe, 501, 524.
Vie de Saint Martin, 464, Cas isolé.
Vin; imitation du bruit que produit
le vin versé, 25.
Violon, le son du, 24, 30,i.
Violoncelle, le son du, 24.
Voix d'animaux, 13, 14, 21—23, 30,2.
Voltaire, 609.
Voyelles. Alternance dans les ono-
matopées, 17, 631,4. Changement
dans les dérivés, 46 — 68, 103, 544.
Chute dans les dérivés, 63—65.
Fusion, 66.
-wald, suffixe germanique, 357.
misa, substantif germanique, 603
Rem.
-yen, suffixe nominal, 246.
-yer, suffixe nominal, 248.
-ysme, suffixe nominal, 327.
-yste, suffixe nominal, 332.
Zola (É.); dérivés de son nom, 65,i,
28
INDEX DES MOTS.
(Les chiffres renvoient aux paragraphes et à leurs subdivisions. A = Additions, p, 396— 403.)
à, 616
aba, 3
abandon, à, 596
abatis, 268, 270,i
abat-jour, 574,i, 575
abattée, 201
abducteur, 503
abduction, 503
abeausir, 430,2
abécé, 5,1
abécédé, 5,i
abîme, 703
ableret, 215,i
abracadabrant, 66,i, 176
abrège-nuits, 576,2
abricot, 291
abriter, 89,8, 379,i, Rem.
absinthisme, 7
absoudre, 503
abstenir, 503
abstinence, 172,2
acafta, 676,8
acajou, 642
acariâtre, 48,2, Rem., 186
accessit, 657,i, Rem,
accolade, 467,2
accomplissable, 143,2, 146
accord, 546,4, 550, i
accorder, 457, i
accusation, 553,i
acerain, 163
acérm, 263,2
aczer, 706 A
acrobatie, 243
Adenet, 221,3
arfes, 598,3
adieu, 579 i, Rem.
adjoindre, 464
adjuger, 464
administrer, 464
adonc, 592
adurer, 457, i.
adventif, 254, i
aemplir, 464,]
a/fazre, 702, 723
a/?^ïîf, 550,1
affûtiau, 239
âg'e, 685
agioter, 89,ii
agissement, 9
agneau, 197, i
agourmandir, 430 2
agréable, 146
agrès, 547
aidable, 143,2
azde, 665,2, 709
aide-bourreau, 558,2
aide-chirurgien, 558,2
aider, 450,i, Rem.
aïe, 26
azgr/e, 726
aigliau, 239
aigre-doux, 7, 7 A
aigrette, 79
aigrin, 295
aiguiser, 426, Rem.
ailleurs, 592
aime-lyre, 576,2
aime-pleurs, 576,2
aime-sucs, 576,2
aime-vers, 576,2
azmi, 632
aimoir, 276,i
ainçois, 592
afn^, 592
ainsiment, 614
am2, 616
airain, 164
aisselle, 208
alarme, 681
aZcade, 364
alcaraz, 676,2
aZcooZ, 375
alcyon, 698
aZeym, 165, 263,i
alhambresque, 65,i, 372,2
Allemagne, 133,3
allemand, 174
allemanisme, 96
alloter, 447,i
allumer, 457, 1
alouette, 224,2
alphabet, 5,i
Alpines, 265,3
alques, 586,2
aZZzer, 212
435
altresi, 592.
altretant, 592
altruisme, 7, 11
alvéole, 697
amas, 550,i
ambitionner, 11
ambulance, 171
âme, 711
amers, 547
amertume, 294,i
âmes-cyprès, 559
amonf, 583,2, 596
amour, 699, 699 A
amour-propre, 560,2
amuïr, 429,2
amulette, 690
amusoter {s'), 447,i
anagramme, 664, Rem.
analyste, 80.
ancêtre, 450,2, Rem.
anchois, 279
ancui, 592
andalou, 538
angelot, 387
angélus, 5,i
anglaise, 647
anglo-normannisme, 96
An^of, 288,3
dni/ier, 440
an/ZZe, 257,i
animalcule, 700
anonchalir, 430,2
autan, 450,2, Rem., 583,2,
596, 616
antédiluvien, 504
anté- occupation, 504
anthélix, 504
anti-bicycliste, 505
anticabinet, 505
antichambre, 505
antichrist, 504
anti-concierge, 505
antidate, 505
antipied, 505
antiqiLiaille, 156, 159,2
anti-rien, 505
anti-tout, 505
antonysme, 327
a nuit, 596
aoi, 632
apostille, 551.
apostume, 664, Rem.
appeau, 546,7, 547
appel, 546,7
appendicule, 700.
apporter, 464
apprenti, 238
apréciation, 553,i
après, 616, 662
après-dîner, 654, Rem., 712.
après-midi, 572, i, 712
après-souper, 712
aprilin, 261,i
apruef, 617
aquarin, 48,2, Rem.
à q'uoi &on, 580
araignée, 200,6
arbre, 67^ ^
arbrisseau, 189
arc-bouter, 537.
arc-en-cielé, 44
archaïsme, 8
archevêché, 687
archichancelier, 506
arçon, 282
ardoisé, 191, Rem.
aréner, 89,i
argent, 706 A
aristocrate, 533, 537,8
armature, 314
armistice, 692
armoire, 696
armure, 296, 314
arôme, 664, Rem.
aronde, 664,2
arracher^ 457,2
arrêf, 550,i
arrière, 591, 592, 659
arrière-boutique, 555,i
arrière-main, 721, Rem.
arrièrement, 614
arrosable, 143,2
arsenal, 302,2
ar^, 672
artichaut, 357, 359,i
ar/ic/e, 703
article-réclame, 559
as (ecce), 589,2
ascensionner, 9
asperge, 702
assaillir, 461
assez, 583, 591
assortiment, 412,2
astérique, 326, i
asthme, 664, Rem.
astre-roi, 559
atouser, 91,8
aZowf, 619
atteindre, 461
attendu, 622
atterrer, 432,2
aubain, 160
aute, 646
Auberon, 81
aufcin, 263, 295
audience, 172,2
aujourd'hui, 501, 592
au jour le jour, 573, Rem.
Aulnay, 152, Rem.
aumaille, 156
aumônier, 251
aune, 729
aussi, 592, 598
aussiment, 614
aussitôt, 661
autant, 592
aufeZ, 207,1
automne, 712, 726
automobile, 674, 678
autoritairisme, 48,2
autoursier, 90
auZre chose, 711
autrefois, 591, 595 .
auZre parf, 595
auaZ, 583,,, 596
ai'onf, 584,1, 616, 617
avant-dîner, 12
avant-hier, 592
avant-main, 465,», 421,.
Rem.
avant-scène, 465,2, 723
avant-veille, 465,2
avarde, 88,2
aue, 5,1
28*
436
avec, 584, 585, 586,9, 598,8,
616, 661, 662
avecque, 584, 585, 586,2,
616
aveline, 267
avèneron, 398,2, 399,i
avers, 617
averse, 723
aveulir, 430,2
avocasser, 436
avocat, 307
ayou^, 307
Babil, 550,1, 552,i
babiller, 32
bobine, 264, Rem.
babouvisme, 58
bachelier, 212
bacho, 414
bachotier, 89,ii
badeaii, 359,i
bagasse, 182, 630, Rem.
bagou, 547
baillard, 354
fcaiZZi, 238
bain-Marie, 567
baise-mains, 722
baise-nue, 576,2
baisse, 548,i
fcaZade, 364
baladiner, 442
balafre, 466,2
balcenc, 362
balèvre, 466,2
ballade, 364
fca/Zon, 286
balourd, 466,2, 538
bamboche, 702
bamboutage, 89,i2
bancasse, 182
banderole, 345,i
banlieue, 568, i
banlieusard, 91, i, 352
banneret, 215,i, 222, i
banvin, 568,i
tarfce, 709
barbiche, 374
barbon, 286
barboter, 32
barbouquet, 466
barcasse, 182
barlong, 466,2
barnage, 147, 150,2, Rem.
baronage, 147
bar oni fier, 440
baronnaille, 159,2
bas-bleu, 665, Rem.
hasbleuisme, 44
bascule, 547
ftaser, 9, 10
bas-percé, 563,2
basse-cour, 560
bassecourier, 43
bastille, 259,i
bastonnade, 367,2
basvolet, 556,1
bâtarde, 647
bateau-mouche, 555,8
bâtonnat, 79
battaille, 157
battandier, 381
5aZfe, 548,3
baudelairiser, 443.3
baudet, 649,2
baudrier, 250,i
bavardichonner, 446
bavocher, 445
bazarder, 88,2, 428, 1
bayeusain, 263,4
beaucoup, 583,3, 592, 595,
658
beaudelairiser, 443,3
beaupérisme, 44
beaux-arts, 560
bedeaudaille, 88,3, 156
bégayer, 449
béguin, 539
béguinskoff, 376
béjaune, 556,i
têZer, 22
fteZeZZe, 649,2
belfortain, 263,4
fte'ZZ/; 253
bénédicité, 5,i
bénéficier, 9
Benoîton, 283,3, 285,2
bercail, 154
berceau, 195
Z?erciZ, 255
bergeronnette, 220
fterZine, 189 bis A, 265,»
berlingot, 288,2, 291
Z)erZ«e, 466,2
bertavelle, 688
besace, 507, 1
besaigre, 466,i
besaiguë, 466,i
Z>esas, 466,1
bestiasse, 182
bestourner, 466,3
ZjêZe, 710 A
bêtement, 61 2, 1
bêtifier, 440 A
^eZoZe, 290
bévue, 466,1
bézoard, 354
bicarbonate, 507,2
bicyclette-tandem, 559
Z)ien, 592
bienfaisance^ 8
bigarreautier, 89,4
bijoutier, 89,i2
billebarrer, 569,2
belle-fille, 560,i
bisaïeul, 466,3
biscornu, 507, 1
biscottin, 260
ZjZscuiÏ, 466,3, 507.1, 650,i
biseauter, 89,4, 428.2
bissac, 507,1
bistourner, 507,i
bizarde, 88,2
ZjZa/ard, 354
blaireauter, 89,4, 428,2
blanche, 647
blanche-coiffe, 719
blanche-queue, 719
blancheœuvrier, 43
blanchiment, 412,2
blanc-madame, 567
blanc-poudré, 563,2. 569
blasonomane, 416
blastenge, 175
Z>Ze«Zé, 89,7
437
blondir, 430, i
bobinskoff, 376
bocage, 79
bocal, 302,2
Boileau, 576,i
bonaparteux, 235
bonasse, 183, 184,i
bonbec, 665, i
bonbockeur, 44
bondieusard, 44, 91a 352
bondieuserie, 44
bondieutisme, 44, 89.7
fcon enfant, 643
bongarçonnisme, 44
fron gré, 595
bonheur, 560, i
bonhomie, 394
bonhomme, 555,3, 560
bonhommerie, 394
bonifier, 440
ton marché, 595
bonnenc, 362
bonnet 571
bonniche, 374
borne-mois, 570,2
£o«/n, 571
tou, 541,3
boubouler, 22
boucaut, 357, 358,2
bouche-trou, 574
bouclier, 212, 647
fcou/", 26
bouffarde, 356
bougeoir, 79
bougrement, 612,i
boulange, 548 i
boulanger, 362
boulangisme, 78, 329.2
bouleau, 197,2
boulevard, 352, 354
bouleverser, 569
bourgeois, 279, 280,2
bourgeoisillon, 409
Bourg-VAbbé, 567
Bourg-la- Heine, 567
Bourgogne, 133,8, 716
bourreauder, 88,3 A
bourrellement, 612,2
boursicaut, 423,i
bousingot, 288,2
boutade, 367,2
boute-en-train, 578,i
bouteille, 203
bouteriau, 239
boutoi, 275, Rem.
bovarysme, 327
ftozi; wow, 13
torre, 541,3
boxer, 427
boyard, 34, Rem., 354
boyaudier, 88,3
brancard, 302,2, 354
brassard, 302,2
brebiette, 99
brebion, 86
ftret/s, 672
bredi-breda, 33
bredouiller, 448
treZan, 305,i, 363,2
brelander, 88,1
brelenc, 361
tn7?rz, 20,1 21, 22
ftrzc à trac, 31
brigand, 174
brique, 642
brise-glace, 574,i
brocard, 309,2, 352. 354
bronze, 703
brouette, 466
brouhaha, 31
brouillard, 354
brouiller, 427
brouillon, 285,8
broute-biquette, 577
fcrroii, 26
bruine, 264, Rem.
bruisiner, 442
brûlade, 366,4
brûle-gueule, 574,i
Brunault, 357
brusle-hostel, 576,2
/)uZ)e, 536
bubelette, 385
tii/--ta/", 33
burail, 155
buraliste, 74, Rem.
bureaucrate, 537,3
bureaucratisme, 7
bureaumanie, 7
bureautin, 89,4, 260
burlesque, 7
butorde, 88,4
buvable, 143,2
buvaillon, 380
Çà, 594,1
cabillaud, 359,i
caborgne, 527
cabosser, 527
caboter, 89,ii, 428,»
cacarder, 22
cache-cache, 578,4
cache-nez, 574,i
cadenas, 180, 309,2
cadichon, 79, 404
cadoter, 427
cadran, 177,2, 305,i
ca/ard, 527
caféier, 65,2
cafetier, 65,2
cagrof, 527
ca/i/n ca/ia, 33
cahoter, 527
cailleboter, 567
caillette, 690
caillouter, 89, 12
caillouteux, 379,i, Rem.
caisson, 286
cajoler, 527
calebasse, 182
calemoour, 527
calembredaine, b'il
califourchon, 527
Calino, 527
calouche, 527
camail, 155
camarade, 265,8, 70»
camaro, 82, 414
camelot, 288,2
camouflet, 527
campanule, 700
canaille, 156
canaillement, 612,i
cancan, 5,i
438
canevas, 180
caniche, 374
cannelas, 180
canne-parapluie, 559
canot, 291
cantine, 264
cantique, 703
caoutchouter, 89,i2
capitale, 647
caprice, 692
capripède, 566
captif, 648
capuce, 703
capuche, 537,6
capucin, 260
caqueter, 22, 32
carafon, 286
carbonnade, 265,2, 367,i
carcasse, 182
cardinalesque, 372,i
carmagnole, 709
carosse, 676,3
caroube, 676,3
carreauder, 88,8
carrier, 539
cartayer, 449
cartilage, 685
cartouche, 423, 726
cas régime, 568
casse, 541,3
casse-loix, 576,2
casse-mœurs, 576,2
cas su/ef, 568,i
Cafm, 81
Cato, 81
cauchemarder, 88,2
caution, 665,2
cavalcade, 365,2, 367,i
ça-va-là-haut, 27
cavale, 541,3
caviar, 302,2
caw/i, 165,2, 263,1
céans, 594,i
centime, 322, 678, 703
centrale, 647
centre-droitier, 44
centre-gaucher, 44
cependant, 579,2, 599,3
cependant que, 626
ce q'iie 7e m'en /ic/u', 580
cerisaie, 153
cerise, 642
certain, 160
cerfe, 586,2
cervelas, 180, 309,2
c'esf se/on, 580
cévenol, 345,2
chacun, 533
c/iaeZe, 632
chaland, 174
chamade, 365,2
chamailler, 527
chambellan, 305,i
chambrelenc, 361
chameau, 195
Champagne, 716
champ- de-marsiste, 44
champeaux, 195
champi, 271,2
champis, 269,2
chandelier, 212
changeon, 283,4
chanlatte, 568, 1
chdnte-fable, 578,3
chanteronner, 446
chante-pleure, 578, Rem.
chantourner, 569
chanvre, 703
chapeauter, 89,4, 428,2
chaperon, 399,i
chaqueue, 556,i, 567
charbonnée, 367, 1
charbonnier, 251,4, Rem.
charcuter, 537,4
charcu ier, 43
chardonneret, 216
charité, 571
charlemanesque, 372
charmoie, 142
charnu, 293
chartre, 702
chaske journal, 41
chasse-ennui, 576,2
Chasseleu, 576, 1
chasse-nue, 576,2
chasse-soins, 576,2
chasse-souci, 576,2
cliassez'déchassez, 578,8
chasteté, 198
châtain, 539
chat-huané, 96
chat-huant, 560,2
Chateaubriand, 567
chateaubrianesque, 96, 372
Château- Renard, 567
Châteauroux, 567
Châtenay, 152, Rem.
chatnoiresque, 44
chatois, 12, 280,2
chatouiller, 448
chattement, 612, 1
chaudelait^ 222,2
chaufour, 568,i
chaumerette, 214
chaumine, 265,i, Rem,
chaussée, 646
chauve-souris, 560,i
chaux, 535
chégros, 555,i
chef-lieu, 558,2
chenille, 257,i
chevaleresque, 372,i
chevasson, 282
chevauchée, 367, 1
c/ieyef, 222,1
cheville, 257. 1
Chevréana, 79
chèvre-pied, 566
chevreuil, 226
c/ie2, 618
chicagotien, 89,ii
chicard, 355,3, Rem.
ch/e en ZiY, 5 7 8,1
chiendant, 567
chiennement, 61 2, 1
c/iz/fre, 703
Choisy-le-Roi, 567
choléra, 715
c/iose, 709, 711
chou-fleur, 555,2
chuchoter, 32, 439
chuinter, 22
ci-dessus, 594,i
ci- devant, 594
439
cigare, 703
cime, 664, Rem.
cinq ceniimados, 369
cinq-heures, 720
circompolaire, 508
circulaire, 647
cisailles, 79
cisalpin, 509
cisrhénan, 509
czi;ef, 222,1
clairsemé, 563,2
clairvoyant, 563,2
claque, 715
claquer, 32
c/aref, 222,i
clémenciste, 79
cZic c/ac, 25
cZz cZa c/o cZoM, 25
clignoter, 439
cliquer, 32
cliqueter, 32
cliquetis, 31
cloaque, 712
cloufichier, 569
clouter, 89,12, 428,2
cloutier, 89,i2
cloutière, 379,i, Rem.
cluber, 427
coaccusé, 510,1
cocasse, 183,
coc/ie, 729
cochois, 275, Rem.
cochon, 116, Rem., 285,i
cochonceté, 378, Rem.
cochonnement, 612, i
coexister, 510,i
cafetier, 89,6
coffre-fort, 560,2
cogne, 541,3
coiïe, 89,9
colimaçon, 527
coZ/e, 541,8
coZZeZ monZé, 643,
coZZier, 212, 251,i
coloris, 271,1
colporter, 569
combientième, 245
comète, 675
commande, 550,2
comme il faut, 580
comment, 614
commère, 510,2
committimus, 5,i
committitur, 5,i
communément, 608, Rem.
communeux, 235
compagnonner, 427
compensation, 553,i
compense, 553,i
complet, 647
comptable, 144
comtat, 307
comZe, 190, 307, 678, 687
compte-renduer, 44
concentrer, 510,2
concernant, 620,i
concevoir,, 459,i
conclure, 459, i
condamner, 461
condisciple, 510,2
confire, 459,i
confiteor, 5,i
confronter, 510,2
congolais, 166
conjungo, 5,i
connétable, 566
conquerre, 461
consacrer, 461
conseiller général, 43,
Rem. 1
considéré, 622
constituante, 647
consultation, 553,i
conZé, 198
contenir, 461
continue, 647
conZre, 616, 662
contrebande, 468
contredanse, 468
contre-éducation, 562, i
contre-latte, 723
contrepoison, 572, i
contre- pu ff, 12
contribuable, 144
controuver, 510,2
coq-héron, 558
coquelicot, 22, 291
coqueplumet, 568
coquericot, 22
coquille, 259,i, 694
coraiZ, 302,2
corbeau, 197
corbillat, 408
corbillot, 79
cormoran, 305,i
cornélien, 54
cornette, 709
corniche, 374
cornillas, 180
corps DZeu, 567
coZreZ, 215,i, 222,i
couagga, 21
couard, 354
couchoter, 447, i
couci-couça, 14 A
couci-couci, 33
cou cou, 16, 21
coucouler, 379
coudelatte, 681
coudraie, 153
coudre, 450,2, Rem., 671,i,
Rem.
couic, 26
couillonnade, 366,4
couin couin, 14, 22
couleur, 691
coupe-bourse^ 574, i
coupe-gorge, 574,i
couperet, 215,2
couple, 726
courbatu, 563,2
courbature, 297,2
courcailler, 22
courge 133,i
courlis, 21
courtois, 279, 280,2
court-bouillonné,, 43
court-jointe, 563,2
court-monté, 563,8
court-vêtu, 563,8
coussi/i, 260
coutance, 170
couteau-revolver, 569
coutelas, 180
440
coutil, 256
contille, 79
coutume, 294,i
couvain, 164
couvet, 222,1
couvi, 271,9
crac, 25
cr ailler, 22
crapaud, 358,2, 527
crapelet, 384
crapulado, 369
craquer, 32
crassineux^ 413
crafère, 689
credo, 5,i, 712
crêpe, 650.1, 726
crépodaille, 156
crételer, 22
creusef, 222,i
creux, 650,1
crêve-cœur, 574,i
cri, 550,1
cric, 25
cric crac, 26
cricri, 21, 22
cri criana, 306
criquer, 32
crisser, 32
criticule, 349
critique, 726 -
croasser, 22, 32, 436
crochu, 293
croisade, 367,i
croisée, 367, i
croissance, 170
croi% 547
croquer, 32
croquembouche, 578, i
croustillant, 176
croyable, 140
cruauté, 303,4
crucifier, 440
crueZ, 205, 234,i
cueille, 548,2
cuisine, 264
cuivre, 646
culbuter, 569
culeton, 402,1
ciini faitement, 614
cure-dent, 574,i
Da, 636,1
d'abord, 596
d'accord, 596
d'ailleurs, 592
daintier, 250,i
daleau, 195
dame, 633
dameret, 215,i
damoiseau, 189
dancourade, 102
dandysme, 327
dans, 583,1, 592, 617
dare dare, 33
dafe, 646
davantage, 572,3, 596
damier, 222,2, 250, i
de, 616
débauché, 653, Rem.
déZ;iï, 550,s
de'5iïe, 550,3
d^Wai, 541,8
debonaire, 42, 572,2
debonaireté, 42
débotter (au), 653, Rem.
debout, 572,3, 596, 660
débridé, 653, Rem.
débrutaliser, 1, Rem., 7
décalque, 547
decevable, 143,9
dèche, 548,4
déchristianiser, 444
décrépitude, 80, 343
dédaigner, 457,i
dédain, 546,5
dédicacer, 427
déduisable, 143,2
de'/aire, 462
défendable, 146
defensable, 146
défiancer, 469,i
dé^Zé, 653, Rem.
de/iaiï, 633
de^à, 592, 660
déZai, 550,1
délectable, 144
d^Zice, 669, 675
délicoter, 89,n, 428
délivre, 551
delyanniste, 80
demain, 583,2, 592
demande, 550,2
démenti, 653, Rem.
demi-ceintier, 43
demi-monde, 560,i
demisoutier, 89. 12
démocrate, 537.8
démodé, 11
démontai, 403
dénonciation, 553
denZ, 672
de nuits, 586,3
de par, 618
dépendable, 143,2
dépenser, 469
dépiauter, 89,4 428,2
déplaire, 461
déport, 541,3
dépouillement, 553,i
dépouiller, 535
déprêtrailler, 469,4
de/)ms, 616, 662
deputaireté, 42
députicide, 405
dérager, 460, 1
derechef, 596
dérivation, 311
derliner, 24, 32
dernier-né, 563,2
déroiser, 91 2, 379,i, Rem.
déroiter, 89,9, 379,i, Rem.
derrière, 617, 659
dès, 616, 617
désassembler, 469
déshonneur, 691
désirément, 606,2
désocculter, 12
désordre, 667, Rem.
désormais, 592
dessein, 546,5, 547
dessin, 547
dessinandier, 381
destin, 550,i
de sui'Ze, 572.3
441
f
I
détour, 546,8, 550.i
détresse, 133,i
deuil, 226
devancier, 249,3
devant, 659
devant dit, 589, i
devantée, 200,2
devers, 616
devinaille, 157,8 A
di, 670,3, 712
dza, 632
diablement, 612,i
diablerie, 311, 378
diablotin, 260
diagonale, 647
diffamation, 553,i
différencier, 9
difficultueux, 422
dimanche, 560,2, 712
dimanchement, 612,i
dinanderie, 88, i
dinatoire, 313
dinde, 571
dindon, 116, Rem., 285,i
dznée, 712
dfner, 653, Rem.
dfne«e, 79
diplomate, 537,8
diplomatie, 537,6
dirigeable, 648
discontinuité, 511
discourtois, 511
discompte, 511
disconvenance, 511, Rem.
discordance, 511, Rem.
discrédit, 511
disculper, 511, Rem.
disgrâce, 511
dispache, 676,i
disparate, 676,8
dispenser, 469
dispute, 553,1
disqualifier, 511
dissemblable, 511
dissentiment, 412,i
dissymétrie, 511
diDa, 636,1
dix-septième-siècliste, 44
dizain, 162.2
doi^M, 653, Rem.
doisf/, 256
dominotier, 89,ii
domte-enfer, 576,2
domte-ennui, 576,2
domte-mort, 576,2
domte- orgueil, 576.2
domte-péché, 576,2
donc, 592
doncques, 585, 586,2 ô87
donne-âme, 576,2
donne-clarté, 576,2
dorenlot, 28, Rem.
dormeveille, 578,3
dorveille, 578.3
douma, 705
doufe, 551, 678
douvain, 164
douve, 571
doux-coulant, 563,2
douzain, 162,2
douzaine, 162,2
doyen, 160
doyenné, 571
drageoir, 79
drelin, 24
dwc/ië, 70,t, 190, 198, 678,
687
dunne, 593, Rem.
dupe, 710
durant, 620,2
dwreM, 292
eau-bénite, 560,2
eaubénitier, 44
eau-forte, 560,2
ébranle-rocher, 576,2
^car/, 550,1
échafaud, 359,i
échalote, 291
échappée 367, i
écharboi, 291
échauder, 88,8, 428,i
ec/io, 704
échoter, 89,ii, 428,2
éclabousser, 6,i
éc/air, 550,1
éclair cir, 431
dc/af, 550,1
&Zore, 461
^cZuse, 646
écofroi, 152, Rem.
écolâtre, 187
^co/ier, 212
écoute, 551, 552,8
écoutillon, 409
écrivailler, 435, i
écrivaillon, 380
écrivasser, 436
écubier, 250,i
écumoire, 696
écureuil, 226
£dda, 705
effarade, 366,4
effeuiller, 470
effilocher, 445
e/forf, 546,2, 547
effroi, 552,1
effroyable, 144
égaZ, 457,8
église, 241, Rem.
égorgiller, 441
égrain, 295
égr aligner, 442
égrin, 263, i
eis (ecce), 589,2
e'/an, 546,8, 547
éZégie, 7, 7 A
e'Zèfe, 546,9
élever, 462
e7/re, 461, 462
ellagique, 3
élongement, 553,i
embarras, 552
emble-cœur, 576,2
emblématique, 312
embourgeoiser {s'), 12
émeraude, 664,i
empan, 457,8
empêchement, 553. i
empeschable, 143,2
emplir, 450,i, Rem.
employer, 471
empor, 616
empreindre, 471
442
emprès, 621
emprou, 572,8
emprunt, 550,i
émule, 700
emij, 635
en, 455,8, 616
en aller (s'), 474
encablure, 453,2
encan, 305,i
encensoir, 250,2
enchère, 548,2
encoignure, 453,2
encolure, 453,2
encombre, 551
encontre, 551
encor, 585
encores, 586,2
encourager, 457,4
encourir {s'), 474
encroûter, 471
endommager, 457,4
endormition, 342
enduré, 471
enfançon, 77, 282
enfanftrouver, 44
en^n, 572,8, 583,2, 591,
enfonçade, 366,4
enfoncir, 432,2
en forcir, 431, 432,2
engendre-estain, 576,2
englanté, 89,2
engrandeuillé, 44
engrangier, 426, Rem.
enharmonie, 537,5
énigme, 664, Rem.
enne, 593, Rem.
en oufre de, 617
enrager, 457,4
ens, 592
ensauver (s'), 474
enseigne, 709
ensemblement, 614
ensiloter, 89, n
ensuivi, 473, Rem.
ensuivre (s'), 474
entendable, 146
entendant, 471
entiérer, 427
cntr'actiste, 44
entraillc, 157
en/re, 456,i, 616
entrechat, 547
entrecolonnement, 453,2
entrelacement, 553,i
entreposer, 515
entre-temps, 596
entrevue, 515
enuiï, 596
envers, 616, 617
enversailler, 12
environ, 572,3, 596
envoler (s), 474
épafe, 541,3
épater, 9
éperlan, 305,i
épéfier, 89,6
épidémie, 681
épigramme, 1, 7 A, 664,
Rem.
épinard, 354
épiscopat, 307
épisode, 703
épitaphe, 706
596 épithète, 678, 706
épitome, 681
éploger, 470
épongier, 248
épousaille, 157,3 A
épouvantable, 144
éprault, 359.
épreindre, 470
équivoque, 674
éreinter, 89,i
éreinteur, 319
erj^ofer, 89,ii, 428
erre, 551
erreur, 678, 691
es (ecce), 589,2
escampativos, 676,2
escapade, 365,2, 367, i
escarbillard, 309,2, 354
escarboucle, 681
escargot, 291
esclavitude, 343
escobarder, 88,2
escons, 457,i
escrimer, -ir, 432
espace, 683
espagnol, 345,2
espargnable, 143,2
espérance, 669
esperlenc, 361
espo/r, 657,1, 669
espoisse, 133,i
esquisse, 692
esseret, 21 5, i
estevenenc, 362
es/es (ecce), 589,2
es/re, 616
estrece, 133,i
e^ 626,1
étoZon, 285,1
étamer, 75,i
^/anf donné, 623
état-civil, 560,2
état-majoriste, 44
e'M, 672
étouffade, 367, 1
étouffée, 367,1
éZres, 646, 680
étrécir, 432,2
éfner, 250,i
efude, 702, 727
eunuchisme, 69
evage, 149,i
éyêc/ie, 307, 687
éventailliste, 48,3, 336
exactitude, 11, 343
excepté, 622
excuse, 550,2
ex-député, 512
exemple, 726
ex-femme, 512
exfolier, 470
exhortation, 553,i
expliquer, 470
exprimer, 470
extra, 455,4
extra-blanc, 513
extravaser, 513,3
extrême-oriental, 44
Fabliau, 239
/aWier, 251,4
443
facit, 657,1, Rem.
factage, 148, Rem.
factorerie, 394
fadard, 353,i
fadas(se)^ 183, Rem.
faiblot, 288,1
fainéant, 574,i
/aire Ze faut, 580
faisable, 320
faisander, 88,i
faisible, 320
/ai7 divers, 560, i
fait-diversier, 44
/aZof, 291
familistère, 379
Fanchon, 285,2
fanfaron, 285,3
fanocher, 445
fantasque, 370 A
fantôme, 664, Rem.
faradique, 79
faridondaine, 28, Rem.
faséole, 697
faubourg, 530
faubourien, 102
fauche-ennemis, 576,2
faucigneran, 390
faucille, 257
/a«/i/, 556,1
faufiler, 476,i
/au/ie, 726
fauteuil, 226
/aux, 729
faux-fuyant, 476,i, 560,i
faux-marcher, 476 '" -
faux-monnayeur, 43,
Rem. 2
Faverois, 216
félibrée, 199
féministe, 7
fend-guéret, 576,2
ferarmer^ 569
ferblantier, 89,i
/*er//er, 569
fermeture, 297, i
fernoer, 569
ferraille, 159,2
Ferrault, 357
ferrenc, 362
Ferté-Milon, 567
fervestir, 569
félardise, 42
fête-Dieu, 567
/e7/c/ie, 374
/eZirfer, 427
/e« (de /eu), 293
/eu (focus), 642
feud'artificer, 44
/eu /b/ZeZ, 560,2
/euiZZe, -u, 191
feuilleret, 215,2
/eu Saint- Antoine, 567
f entier, 89,7
fèverolle, 345,i
^c/ie Zon cam/>, 575,3
fichtrement, 61 2, i
/ïerZ^, 59
fiévreux, 59
figaresque, 65,4. 372,2
figuerie, 153
/ïZeZ, 222,1
filles-Dieu, 567
^ZZoZ, 345,1
filoselle, 688
filouter," 89,12, 428.2
/i/i, 540 A
finance, 169
/lue, 648
//noZ, 288,1
flamand, 361
/Zane, 541,3
flanocher, 445
flanoter, 447,i
flaquer^ 32
/Zeur, 672
flibuster, 537,*
flibustier, 250,i
/7/c /Zac, 25
/Zon /Zon, 28, Rem.
floquer, 79
/Zoran, 305
/Zonn, 260
flottable, 146
Flovent, 361
/bie, 646
foimenti, 569,i
folatricule, 406
folioter, 89,ii, 428,2
/bZ s'y &ee, 582
/bZ s'y /le, 582
/bZ Z'y Zaïsse, 582
/bZ s'y prend, 582
fond-secrétier, 44
fontainier, 49
Fontenoy, 152, Rem.
/ora/n, 160
forban, 476
forbatre, 528
/brZ?zn, 260
/brce, 133,1
forcener, 476,4
forcompter, 528
forconseiller, 528, 529,i
forcrier, 528, 529
/brêZ, 729
forfaire, 529
/br/ofr, 529
forjouster, 530
forjugier, 528, 529
forjurer, 529
formener, 528, 529
/brs, 616
forsmetre, 528
forstaller, 530
fortengueulisme, 44
forteresse, 213,i
foruêtu, 529, Rem.
fouailler^ 79, 435,2
/budre, 726
fouiller, 437, 438
fouillis, 270,3
foultitude, 343
fourbu, 529
fourmi, 666
fourmiller, 441
fournaliste, 74, Rem.
fourneauter, 89,4, 428,2
fournil, 255
fourniment, 412,i
fourniture, 344
frais-éclos, 563,2
franc-archer, 560,i
franc-comtois, 43, Rem. 2
France, 133,$
444
Franche-Comté, (587
Franciade, 3()4, Hem.
fraternenados, 3(>9
Fraternelle, (ît8
frêne, 664,i
fresque, 571
frétiller, 32
friand, 174
/ric /rac, 25
/"rznc /rmc, 25
fripon, 285,3
Frise, 133,8
frisson, 698
froideur, 671,8
fromage, 147, 646
/ron^ 672
frontail, 302
fronteau, 195, 207,2
/rou /row, 25
froufrou, 21, 22
froufrouter, 89,ia, 428,2
fruitier, 251,4, Rem.
fumerole, 346,i
fumoter, 447,i
/■«nin, 165,2, 263,i
furibonderie, 395,]
furole, 345,1
/■«szZ, 571
fusiniste, 103
futurition, 342
Gagre, 685
gagne, 550,3
gagneron, 399,2
gaîment, 606,3
g'ain, 546,5, 550,3
galantin, 261, i
galetas, 180
galimafrée, 527
GaZZes, 571, Rem.
galop, 550,3
galope, 550,3
galopiner, 442
Galuchard. 527
Galuchot, 527
Galumard, 527
galvaniser, 443,3
gantelet, 383
garance, 642
garçonnet, 224,i
(/arde, 552, 709
garde-manger, 574,i
garde national, 539
gar dénationaliser, 44
gardenc, 362
garde-robe, 722, 727
garde-robier, 43
gardien, 246, 362
gargouiller, 32
gargousse, 423
garni, 648
garnisaire, 79
garnison, 274
garniture, 344
garno, 414
Garonne, 671,2
Gascogne^ 133,3
gâte-sauce, 574,i
gaûde, 5,i
gaudeamus, 5,i
gaulade, 366, i, 367,i
graz, 3
géanne, 96
gecko, 21
géhenner, 427
gémissable, 146
gendarme, 556
gendelettrerie, 47
généralissime, 8
génisse, 133,2
genouillons (à), 591
gens, 712
gentilhomme, 560,i
gentillâtre, 188
gentiment, 610,2
gentlemaniser (se), 443.5
geôlier, 251, i. Rem.
.griZeZ, 222,i
glaciairiste, 48,2
glaire, 133,i
glaive, 712
glouglou, 25
glouglouter, 22, 89,i2, 428,2
gloutement, 612,2
gnangnan, 31
gf/iao, 13
fl'Oi 547
godiche, 574
goéland, 174
goguenard, 352
(/ofZre, 537,6
goncourisme, 102
gosselin, 260, 386
goulatement, 612
.^omZh, 293
graisse, 133,i
graissin, 165,2
grand-croix, 709
grand-ducal, 43
grandsiècliser, 44
grange, 133,2, 133,2 A
gras-cuit, 563,2
gras-fondu, 563,2
grasseyer, 449
gratte-boesse, 577
gratte-papier, 574,i
grattez-moi dans le dos
581
gravois, 152, Rem.
c/ré, 619
grenu, 293
grésil, 256
yri'ZZe, 257,1
grimoire, 715
grisoler, 22
grisouteux, 89,i2
gris-pommelé, 563,3
grivois, 539
Grivoisiana, 306
grognon, 285,3
groisse, 133,i
gros fcéZe, 710 A
groseille, 642
grue, 664,2
g' «ai, 632
guaudine, 264, Rem.
guères, 586,2
guérison, 274
gueulade, 366,4
gruide, 709
guide-espoir, 576,2
guigne, 537,6
guilleret^ 215,2
guillotine, 189 bis A
445
guiorer, 22
guit giiit, 21
haché-menu, 563,2
haha, 31
haine^ 264, Rem.
halbran, 305,i
haleter, 32
TiaZZa/ï, 27
/jan, 26
hanneton, 402,2
harceler, 438, i
harendière, 88, i
Tiara, 632
/lari, 632
harmoniser, 444
ftaro, 26, 632
Tiau Tiau, 13
hautain, 160
haut-de-forme, 648
haute-cour, 560,i
ha«/m, 163, 263...
haut-perché, 563,2
haut-placé, 563,2
/jéZas, 634, 658
hennir, 32
Henriade, 364, Rem.
henriquinquiste, 44
héraldique, 325,i
Ti^rauZ, 357, 358,2
herbeiller, 437
hérisson, 285
heurt, 550,1
Tjez, 632
/iièfr/e, 671,1, Rem.
/lier, 592
hiérarchiser, 12
highlifer, 427
Tiz /?/, 26
hispanolâtre, 415
histoire, 696
histrionie, 243
7i/yer, 646
hivernage, 149,i
hobereau, 391, i
Hochecorne, 576,i
/jdZer, 22, 32
homard, 354
hommasse, 183
homme-bouc, 559
homme-chèvre^ 559
homme-danse, 12
homme-dollar, 559
homme-parole, 559
homme-plume, 559
honneur, 691
horloge, 678
hormis, 476,3, 622
hors, 616
/idfeZ, 300, Rem.
hôtel-Dieu, 567
TïowZer, 427
Zioup, 26
hourvari, 27
Tioye, 27, 632
hucher, 32
huchier, 248
Ziue, 632
/luer, -zr, 432,i
hugolâtre, 65,4, 415
hugolesque, 65,4, 371
hugolien, 246
hugotesque, 89, n
hugotique, 65,4
huhant, 632
Zjui, 591, 592, 632
hwiZe, 702
huimais, 592
Ziuis cZos, 560,2
huitain, 162,2
huit-ressorts, 715
humeur, 691
humour, 699
hussard, 354
hussarder, 427
Ziuz, 632
hymne, 726
ïcj, 594,1
ici-près, 594,i
iconolâtre, 187
idolâtre, 187
irfoZe, 706, Rem.
idonc, 592
ignarde, 88,8
illecque, 585
iZZisiZjZc, 514
image, 147, 685
imagé, 191, Rem.
immondice, 692
impasse, 702
impair ioi, 51 4, i
impliquer, 471
imprimer, 471
incendie, 706, Rem.
incontinant, 597
incruster, 471
indifférer, 537,2
indigérer, 514,3
indigotier, 89,ii
induré, 471
infectado, 369
inglorieux, 514,2
innocenticide, 405
insecticide, 405
insidieux, 11
msuZZe, 702
intelligentiel, 407
intendant, 471
intercontinental, 515, i
interdire, 515
interfolier, 515,3
interparlementaire, 515,i
interposer, 515,s
interrogation, 553 i
interrogatoire, 696
intervenir, 515
interview, 515
interviewer, 427
intrigue, 702
inusable, 514, Rem.
invajncu, 8
i/ii;aZo, 82, 414
invente-art, 576
investiture, 344
invrai, 514,2
irréductible, 514
irrégulier, 212
irréprochable, 514
irrespect, 514
ZZan/, 592
ipoir, 696
ivre-mort, 563,.'
446
Ja, 592
jacasser^ 436
jadis, 592, 594,i
Jaîoiiserie, 394
jamais, 592, 594, i
japper, 32-
jardineroie, 389
jardiniste, 338, Rem.
jareiix, 97
jaseran, 305,i
jaserenc, 362
javeline, 79, 265,i
Jeanneton, 285,2
jemenfichisme, 44
jemenmoquisie, 44
je ne sa/s guoi, 580
je su/s à foz, 580
jesuiïe, 335
jette-flamme, 576,2
jeudi, 566
jeûne, 551
joignant, 620,i
joZ/, 238
jonquille, 694
jos/e, 616
joubarbe, 566
joujouter, 89,i2, 428,2
jourdainomanie, 416
jourdelanesque, 44
journal, 650,i
journel, 303,4
journellement, 303,4
jouvence, 317
jufcé, 656,1
ju//; 254,:
juivaillon, 380
jumart, 354
jument, 665,i
JUS, 592
jusant, 592
jusquauboutien, 44
jusque, 617
jusques, 586,2
justice, 709
ju^er, 89,13
juteux, 49,13, 420
Kodak, 3
/^r/ipp, 615
kyrielle, 688
Là, 592
labeur, 691
Labourrebien, 576,i
laceret, 215,i
lâchez-tout, 574, i
là-dedans, 594, i
là-dessous, 594, i
laideron, 665,i
/a/s, 592
Zai>e, 133,1
lamentation, 553, i
tampon, 656,2
landeau, 195
landerniens, 79
Zan^e, 686
Languedoc, 571
laniurelu, 28, Rem.
lapereau, 79, 391
Zaq'ue, 726
larmer, 427
larvicide, 405
latifnier, 75
lavabo, 657,4
leans, 594,i
légitime, 648
Zeg'S, 547
légume, 295, 726 A
lendemaintiste, 45, Rem.
89,1, 336
ZenZZZZe, 257
lequelième, 245
levain, 164
Zey/s, 268
Ze'fiïe, 715
Z^vrier, 646
levron, 79
Zez, 618
liberticide, 405
libre-échangiste, 44
librepenser, 44
libre-penseur, 560,i
lichoter, 447,i
ZicoZ, ZZcou, 556,1, 574, i
licorne, 681
Zzerre, 668
Zieus, 586,8
lieutenanderie, 88,i
ZZZas, 180
/im»:Ze, 702
linceuil, 226
linceul, Tll
linteau, 195, 207,2
liquéfier, 440
Ziseron, 398,2, 399,i
Zis/Z?Ze, 320
Lison, 285,2
Z/Zre, 537,6
Ziure, 729
Z/urée, 200,6
livresque, 372, i
ZocaZ, 302,2
loge-box, 558,4
Zoiu, 592
lointain, 160
Lozre, 712
Zoisir, 653
long-courier, 44
long-jointé, 563,2
longtemps, 583,3, 595
ZogueZ, 224,2
lorain, 164
Lorilleux, 55 A
ZonoZ, 291, 345,1
lorrain, 163, 361
Zors, 587
losange, 534, 686
louange, 175
louchon, 665,1
louiquatorzesque, 44
Louloute, 89,12
louvard, 354
Zoui;aZ, 185, 309,2
Zues, 592, Rem.
luncher, 427
Zundi, 566
luxueux, 422
Macadamiser, 443,3
macmahonat, 308,i
machinskoff, 376
macrotin, 260
madame, 561
Madelon, 81, 285.2
447
mademoiselle, 561
ma f fié, -u, 191
magnificat, 5,i
magot, 291
mahométisme^ 330
mai, 571
maigrelin, 386
maigrichon, 404
maigrillot, 411
maigriot, 423,3
ma/Z/e, 133,2, 133,2 A
maillechort, 558,3
maillot, 291, 345,t
main, 664,i
main-morte, 560,2
maintenant, 599,3
maintenir, 569
mairain, 146
mairerie, 394
mais, 592, 626,2
maison-tanière, 559
maisouan, 592
maître-autel, 558,2
maîtresse, 640, Rem.
majorité, 9
maZ, 592
malagauche, 6,i
malaisance, 42
malengeigneux, 42.
malgré, 619
malheur, 560
malice, 692
malléole, 697
malle-poste, 568,2
/naZ me serZ, 582
maltôte, 556,i
mamelonner, 427
ma mie, 561, Rem. 1
m'amour, 561, Rem. 1
manche, 726
mandille, 259,i
mandoline, 264, 676,i, 695
manœuvre, 709
manoir, 653
manque, 551
mansarde, 189 bis A
maquereauter, 89,*, 428,2
mar, 585
marage, 149,i
marâtre, 188
marchand, 174
marchandise, 243,2
mardi, 566
maréchal, 302,i
marenc, 362
mareschaut, 359,i
margarine, 266, i
Margot, 81
Margoton, 28^,2
margraviat, 318
Marion. 285,2
marivaudage, 88,3, 147,
148, Rem.
marivauder, 148, Rem.
marlouterie, 89, 12
Marmagne, 133,3
marmaille, 79
marmiton, 285,8
marmitonner, 427
Marne, 671,2
marotte, 79, 289,i
marraine, 263,»
marron, 642
marteau, 193
masque, 729
massif, 254,i
masœur, 561, Rem. 2
matante, 561, Rem. 2
matelas, 180
matériaux, 303,4
mater, -ir, 432
matin, 645
mâZin, 260
matineux, 207,2
matois, 280,2
mau, 592
maugrebleu, 619
maupiteux^ 477, Rem,
maussade, 477, Rem.
mauviette, 99
méchant, 478,2
médailliste, 48,8, 336
médaillon, 286
médecin, 539
Méditerranée, 647
médocain, 263,4
mélange, 175, 686
méZi me'Zo, 31
mélomane, 537,3
membre, -u, 191
mêmement, 613
mêmes, 586,2
mémoire, 669, 726
ménétrier, 207,2, 250,i
ménil, 255
mensonge, 681
menstru, 726
mer, 672
merci, 667,3
mercredi, 566
merdement, 612,2
Merdiana, 306
mèrebranche, 558,2
mèrepatrie, 558,2
mériZe, 703
merlan, 305, 362
merrain, 164, 246
merveillable, 141, Rem.
mesquiniser, 443,i
message, 149,2
messe, 5,i
më/i/, 254,1
méZis, 268
meugler, 22
meiirZ de /aim, 578,i
mi, 456,2, 618
miaou, 13, 22
mi-août, 712
miauler, 22
mi-carême, 712
Michelot, 288,8
Michon, 81
mic mac, 31
microbe, 7
microbicide, 405
midi, 556,1, Rem.
miedi, 712
mieux, 592, 660
milieu, 560,i
mille-et-une-nuitamment,
605, Rem. 2, 612, Rem.
mille-feuille, 720
mille- fleurs 720
mille-graines, 720
448
mUleroie, 389
williard, 354
milliasse, 79, 181,i, 184,i
milUme, 322
million, 286
millionnaire-manœuvre,
559
milsoiidier, 42
ministricide, 405
minois, 280,2
mmuiï, 560,1, 712
mireliton, 28, Rem.
miroiter, 89,9
miserere, 5,i
mocqiierie, 553,i
mode, 675
modelle, 688
moderniste, 8
modillon, 409
moinaude, 88,3 A
moindrement, 605,i, Rem.
moins, 587, 592
molécule, 700
mollasson, 282
mon, 593, Rem.
monacoter, 89,ii, 428,2
mondial, 403
monitoire, 696
monsieur, 561
montgolfière, 189 bis A
Montfaucon, 567
monticule^ 700
monomane, 537,8
montmartrois, 280,i
mordillonner, 446
mor/iZ, 556,1
morfondre, 569
morgeline, 577
moricaud, 357
mort-né, 563,2
morutier, 89,i3, 379,i, Rem.
morvandiau, 239
morviau, 239
morviot, 423,8
mot- idée, 559
mofus, 633
moucliette, 224, Rem.
moulin, 260
mou//, 592
mousqueton, 286
moussaillon, 380
mousse, 729
mousseline, 264
moyen, 228,8
moyen-âge, 560,i
moyenâgeux, 44
moyennant, 620,i
muable, 143,2
mulâtre, 187, 309,2
mulet, 116, Rem.
municipaliser, 444
mussaillon, 79, 81
Mussepontin, 263
mystifier, 440
Nacre, 678
Nadar, 715
nage, 552
nageoter, 447,i
naguère, 579,2, 599,s
naissance, 170
Nanon, 285,2
narcisse, 692
narine, 264
nature-mortier, 44
navet, 221,2
nauzre, 678, 703
ne, 592, 626,i
nenni, 592
nerférer, 537,7
ne//e/é, 198
neuvaine, 162,2
niçard, 355,4, .Rem.
Nicolin, 81
n//; 632
nimportequisme, 44
Nisard, 353,3
n//ée, 89,8, 200,2
nobliau, 239
noctambule^ 700
noe7, 712
noirceur, 229
noircir, 431
noire, 647
non, 592
non-être, 480,i
non-moi, 480, i
nonobstant, 579,... 599,8,
620,2
nonque, 592
normand, 174
Normandie, 133,3
normanisme, 96
Notre-Dame, 561. 571
nou/e/, 384
nourrain, 165,i, 263,2
nourrisson, 709
nouveau-né, 563,8
nouvelle, 648
nuance, 169
nuisible, 320
nuitamment, 612, Rem.
nuitrement, 612,2
nûment, 606,8
numéroter, 89. 11, 428,2
O, 616
obélique, 326,i
objurgation, 553, 1
oblique, 647
o/)o/e, 702
obscurcir, 431
oci oci, 22
ocieux, 576,2
od, 616
odalisque, 326,i, Rem.
ode, 8
œuvre, 675
offenbachie, 70,2, 243
offenseur, 8
o//ice, 692, 727
o/^c/a/, -e/, 303,8
officiât, 79
o/fre, 551
oignon, 709
oiseau, 189, 197,i
o/s//; 79, 254
oisillon, 79
olivaie, 153
ombrage, 149,i
ombrelle, 688
omnibus, 715
onc, 585
oncque, 592
449
oncques, 086,2
on dit, 580
onglade, 367, 1
ongle, 668
onglée, 367,i
ont, 592
opiniâtre, 186
opiilemment^ 611,2
opuscule, 700
or, 642
or, 585, 586,2
orage, 685
orangeade, 366, 1
oratoire, 696
orchestre, 704
orrfre, 703
ordredujourier, 44
ordremoralien, 44
oreiZZe, 116, 203
or émus, 656,i
orfèvre, 566
orfévrir, 430,i
orgre, 726
orgeade, 368,2
orpeaf, 307
orgue, 726
oripeau, 704
orléanisme, 96
ormeau, 197,2
ormoie, 152
ornemaniste, 96
original, 302, 303,3
orpiment, 566
osseret, 215,i
ou, 626,1
où, 592
ouaille, 158
ouan, 583, 591
oiifc/i, 550,1
o«5Z/e, 201, 243,1
OHi, 598,2
ouï, 622, Rem.
oujc/i, 26
ouistiti, 21
outarde, 560,2
ouZi7, 256
outrager, 426,i
ou/re, 616
ouvrage, 678, 685
ouvragne, 151
Paganisme, 327
paj^e, 729
pagne, 676,3
pagnote, 709
pagode, 676,3
paillasse, 182, 709
paillasson, 282
joa/Z/e, 642
pailleret, 215,i
paillote, 345
pain-d'épicier, 43
païsenc, 362
paisseau, 193
palais-prison, 559
paletot, 291
palsembleu, 567
pâmoison, 281
pamp(r)e. 725
panache, 703
panneauter, 89,4, 428,2
pannequet, 222,i
panneton, 79, 402,i
panlalonner (se), 427
panteler, 438
papauté, 382
pape, 664.2
paperasse, 89,9
papetier, 89,6
papillote, 289,1
papoter, 32
papyrus, 673
PâqueCs), 712
par, 455,1, 592, 616
parachever, 482, 1
paracrotte, 531
paradouze, 6,1
parapets 531
parasol, 531
parente, 702
parenté, 687
paresse, 218,8
parfaire, 461, 482, 1
parfait, 461» 482,8
parfilure, 457,a, 482
parfois^ 596
parfondre, 482,i
parfournir, 482,i
parfumer, 482, 1
parisine, 266,2, Rem.
portable, 143,2
parloir, 275
parmi, 583,2, 618
Parnassiculet, 406
paroZ, 672, 727
parrain, 263,3
parsemer, 482,i
parsomme, 482,8
partageux, 235
partial -el, 303,8
partisante, 89,2
partout, 572,8, 597
passé, 622
passe-passe, 578,4
passe-port, 574,i
pastenade, 364
pastille, 694
pastorien, 57
patapouf, 31
patati patata, 26
patatras, 26, 31
patenôtre, 5,i, 712
paZcr, 5,1
paZère, 689
pâtiras, 657,4
PaZrie, Ze, 714
patrie, 8
patrouiller, 448
paulette, 189 bis A
pauvret, 224,i
pawoZ, 291
paysan, 305,i
paysandaille, 88,1
paysant, 177,i
PCN, 5,2 A
peaussier, 90
peccadille, 694
peccavi, 657,3
pechable, 143,8
péc/ie, 646
peigneran, 305, 1, 390
peintraillon, 380
peintre-bataliste, 48,$
peiniriot, 423,3
29
450
peinture, 296
pela in, 164
pellemesler, 42
pelouse, 650,1
pelu, 60
pendant, 620,2
pendule, 571, 669, 715
pénitence, 172,2
pénitential -el, 303,3
pensoier, 447. i
joer, 616.
Perceforest, 576,i
perce-neige, 574,i, 722
perce-oreille, 574,i
jDénZ, 256
période, 726
perpendiculaire, 647
perron, 286
perruquier, 251,3
perruquier-coiffeur, 559
per sienne, 650
personne, 711. 712
pèse-lettres, 574,i
/)esfe, 710
i)e«ot 288,1
petitelet, 383
petiton, 283,1
petits-fours, 560,i
petouf 24
jjeu, 592, Rem.
peuplade, 367,2
joeu s'en /awZ, 590,8
peut-être, 579,2, 599,3
Peyronéide, 79
phaétonté, 89,io
phalène, 674
pianoter, 89,ii, 428,2
picaresque, 371
jo/cftet 222,1, 250,2
iîieça, 299,3, 579,2
piécette, 59
piedplatisme, 44
pierraille, 59
Pierrette, 81
piétiner, 442
i)/7ier, 212
J9i/n, 25
pinceau, 193
pinceautcr, 89,4, 428,2
/jzTice sans rire, 578,i
pincez-moi ça, 581
pindariser, 443,8
pineraie, 377, 378. 389
pintade, 365,4
pique-niquer, 427
pique-poule, 577
p/(/âre, 296
/)zs, 592
pisse en Zz7, 578,i
Pisseleu, 576,i
pistachier, 248
pitoyable, 144, 146
piverré, 98
pivert, 556,1
pivoine, 715
placet, 657,1, Rem.
Placitre, 423,4
plafond, 560,1
plafonner, 101
plaid, 5,1
plaidereau, 391,2
plaisance, 170
plaisir, 653
plamée, 75,i
plantain, 704
plançon, 282
platine, 695
platitude, 343
pleinairiste, 44
pleinte, 89, i
pleure-chante, 578,3
pZenrs, 550,i, 691, 712
p?ic /)/oc pZac 25
pZou/; 26
plumitif 254,1
plupart, 483
pluriel, 207,2
pZus, 587, 592
poêZe, 729
poesZé, 709
poétereau, 391. i
poét(r)aillon, 380
poignard, 302,2, 354
poiZn, 60
poinçon, 282, 709
pointillé, 676,i, 694
poiraie, 153
poirier, 60
poison, 698, 712
poitrail, 302, a
poitrine, 264
poivrer, 60
politiquailler, 435
polker, 427
pommade, 365,2,367,1, 368,2
Pommard, 354
pommée, 367,i
pontif-bourreau, 559
populace, 182, 184,2, Rem.,
683
populas, 180
populicide, 405
por, 592
porche, 664, i
portail, 302,2
porte-brandon, 576,2
porte-chaise, 577
porte-chaud, 576,2
porte- flambeaux, 576,2
porte-fleurs, 576,2
porte-jour, 576,2
porte-laine, 576,î
porte-plume, 577,i
porter et, 215,2
portrait, 215,2
poruec, 598,3
poiZe, 726
potassium, 7
potdestainier, 42
poudre, 670,3
pouiller, 535
poulailler, 251,4, Rem.
poulain, 160
poulie, 243,1
poulin, 263,3
pouliot, 291
pour, 616, 662
pourceau, 197,i
pourcent, 484
pourcentage, 9, 43, 44, 148,
Rem.
pourlécher, 484
pourpier, 250,i, 266
pourriture^ 344
451
pourtant, 583,2, 592
pousse, 541,3
pousse-café, 574,i
poussin, 260
praline, 265,2, 189 bis A
pré-achat, 485
prébendier, 251,i, Rem.
préceinte, 457,2, 485
précipitueux, 422
préface, 683
prélasser, 436
jorêZe, 534
prélegs, 485
prématuré, 191, Retn.
première, 647
• Pré-Noiron, 567
jorès, 621
présentement, 611,2
presque, 660
pressentiment, 412,2
jsréf, 659
prête- nom, 574,i
prêtre-monarque, 559
prêtrophobe, 416 bis A
prieuré, 687
primauté, 382
primer, 586,2
princeé, 198
principauté, 198, 382
prinsautier, 42
printanier, 96
prison, 709
prisonnier, 251, i, Rem,
privante. 382
proche, 619
profond, 482
prononciation, 553, i
proclamation, 553. i
pro/îZ, 516
profond, 457,»
progresser, 11
projeter, 516
promener, 516
prooise, 218,i
prophète, 664,2
proposer, 516
proprio, 82
prosateur, 7
protestation, 553,i
prou, 592, Rem.
prou-face, 582
prouin, 263,1, 704
prue/; 592
pruneau, 193
prunelaie, 153
psZ, 631,3
publique, 324, Rem.
puce, 642
pucellement, 612,2
pudeur, 8
pudibard, 79
pudibonderie, 395,i
puer, 592
puîné, 450,2, Rem.
puis, 592, 616
punissable, 143,2
pureZé. 292
puritain, 161,3
pur sang, 571, 643
puruler, 537,2
putipharder, 88,2
puZo/s, 280,2
putréfier, 440
putrilage, 685
Quand, 592
quand et, 625
quandis, 592
quantès, 579,i
quantième, 245
quarderonner, 101
quarte, 647
quarteron, 398
quartier maître, 568, 1
quasi, 660 A
quasiment, 614
quasimodo, 715
quatrain, 162,2
quatre-vingt-neuviste, 44
qfue, 586,2, Rem., 626,i
quellement, 613
quelque chose, 711
quelquefois, 595
quelquement, 613
quelqu'un, 533
gu'en dira-t-on, 580
gués, 586
queue Zeu Zeu (à Za). 567
queuter, 89.7
quidante, 89,2
quiva-là, 580
çui uiue, 580
quoique, 628,*
Rabanter, 89,2 A
rabelaitique, 89,6
rdZ?Z^, -u, 191
raccommoder, 519,2
racconter, 495,8
raccorder, 519,2
raccrocher, 519,2
rachat, 547
racine, 264
raconte, 547
racquérir, 519,2
raffoler, 495,7
raillerie, 551, 1
rajuster, 519,2
ramage, 149, i
rameau, 193, 197,2
ramèneret, 215/2
ramereau, 59, 391, Rem.
ramier, 647
rancœur, 681
rancune, 294,2
rapide, 647
rapière, 647
rappeler, 495,8, 519,s
rapprendre, 519.2
rapproprier, 495,8
rapprovisionner, 519,2
rap rap, 14
raréfier, 440
rase-forts, 576,2
rassortir, 495.8
rassurer, 519,8
rateauter, 89,4, 428,2
raZer, 427
rateusement, 12
raticide, 405
ravissable, 143,2
ravoir, 488
re, 455,2
re, 456,8
29*
452
re-\- aller, 494,3
re-{- avoir, 494,i
re -\- cuidier, 494,4
r€-\-deveir, 494,6
re -f- estre, 494,2
rc + faire, 494,6
re-f-poZ/r, 494,7
re -|- voleir, 494,8
réaccommoder ^ 519,2
réaccorder, 519,2
réaccrocher, 519,2
réacquérir, 519,2
réactif 518,3
réaction, 518
réajuster, 519,2
realgar, 302,2
réappeler, 519,3
réapprendre, 519,2
réapprovisionner, 519,2
réarmer, 51 9, i
réassurer, 519,3
réatteler, 51 9, i
rebattu, 495,i
rebiffade, 366,4
rebonsoir, 489,2
rebord, 489,i
rebours, 490
rebravo, 493
receler, 495,8
réception, 517
recevoir, 517
réchaud, 547
réchauffer, 488,3
rechercher, 495,7
récipé^ 656,1
réclusion, 486, Rem.
récognition, 517
recoi, 490
recoin, 489,i, 495,7
reçoit, 459,4
récolliger, 488,i
reconnaître, 517
recouvrer, 488,i
récréer, 488,2
récrier, 488,3
recrue, 710
recruter, 89, is
recueillir, 488, i
reculons, à, 601
récupérer, 488, i
récurer, 495,8
redan, 547
redevable, 144
redire, 488
réemballer, 519,2
réembarquer, 519,2
refaire, 461, 495,7
refenderet, 215,2
re/Zwx, 489,1
réformer, 488,2
refraindre, 459,3, 461
refréner, 486, Rem., 486,
Rem. A
regard, 550,i
regardeaux, 194
regardelles, 194,8 A
regardeur, 12
regardez-moi, 574,i
réglisse, 692, 715, 726
iîepne', 190
regracier, 495,7
régulier, 212
réhabituer, 519,2
rehaut, 547
relâche, 551, 726
relâcher, 488,i
relais, 547
reZaa;er, 486, Rem., 488 i
relent, 495,7
relief, 546,9
religiosité, 8
reliquat, 309, i
reluire, 495,7
remballer, 519,2
rembarquer, 519,2
remblai, 541,3
rembranesque, 96, 372
rembraniser, 443,3
remercier, 495,7,8
remise, 571, 715
remonter, 495,8
rémoudre, 488,3
rempardière, 88,2
rempart, 88,2, 547
remplir, 495,8
remoi, 591
rencontre, 551
rendez-vous, 574,i, 575,8
renfermer, 495,8
renforcer, 432,2, 495,8
renfort, 547
renne, 703
renoncule, 700
renseignement, 553,i
reo/ï, 493
réparer, 488,2
répétible, 320,2
repic, 489,1
répondre, 488,2
report, 541.3
repos, 550,1
reproche, 551
réprouver, 488,2
res, 493
réseau, 195
réservé, 622
reseuiZ, 226
résigner, 488,2
résistance, 172,i
responsable, 144
ress-, 487,1
ressentiment, 4l2,i
ressentir, 487, 1, 495,7
resserre, 495,8
resZe, 551
restauration, 553, 1
rétamer, 495,8
réteindre, 488,3
rétendre, 488,3
retour, 546,8
réussir, 517
revenez-y, 578,i
revient, 547
réviser, 486, Rem.
révision, 486, Rem.
revoilà, 493
revolveriser, 443,5
revoyure, 297
rez, 621
rhabituer, 519,2
rhubarbe, 681
rhume, 664, Rem.
ric-à-rac, 33
richoise, 21 8,1
453
ridain, 164
rien, 711
riere, 592
rigolade, 366,4
rigolote, 89, n
riorte, 450, i, Rem.
risade, 367,i, Rem.
r/see, 367, i
risque, 676,$
ristourne, 676,i
rive-gaucher, 44
rivois, 275, Rem.
JRofci/î, 81
robinet, 221
robustesse, 219
rocheraie, 216
rocher-hydre, 559
rococoterie, 89,ii
romance, 678
ronceraie, 389
rondache, 702
ronde, 647
ronfler, 32
ron flotter, 44 7, i
ron ron, 22
ronsardiser, 443,3
rosaf, 309,2
rose, 642, Rem.
rosir, 430,1
roublardise, 272
roublier^ 495,7
roucou, 22
roucouler, 22, 32
rouge-aile, 719
rouge-gorge, 719
rouge-queue, 719
ronsselot, 387
roussot, 288,1
route, 646
royauté, 382
rubiconner, 12
rudanier, 44
rustaud, 358,8
rytme, 703
Sabre-bayonnetle, 559
sachable, 146
sacrécœurer, 44
sacrilègement, 612,2
sagra, 705
sagoutier, 89,i2, 379, Rem.,
421
saindoux, 560,8
Saint-Jean (la), 571, 715
saligaud, 357, 423,2
salisson, 665,i
salleran, 390
saZuf, 667,1, 680
sambleu, 567
samedi, 566
sancmesler, 42
sa/î^, 728
sang-Dieu, 567
sang-dragon, 567
sangf /ro/i/, 560,2
sanglier, 212, 646
sanglot, 291
sans, 587, 662
sanscœur, 496, 723
sans- dent, 496, 723
sans-façon, 496
sans-fleur, 723
sans-gêne, 496
sans- jugement, 496
sans patrie, 496, 572,i
sans-peau, 723
sans-souci, 723
sans-volonté, 496
sa/), 536
sapin, 536
sapote, 676,1
sapotille, 676,i
sargasse, 676,i
sarrof, 291
Sassoigne, 133,8
satisfecit, 657,i, Rem.
satyre, 680
sau/; 619
saumon, 642
saumure, 296
saupoudrer, 569
sauvage, 147, 149,i
sauvagesque, 372,3
sauve qni peu/, 580
savantas (se), 183, Rem.
savetier, 47
savoir-faire, 11, 569, i
savoir-vivre, 569,i
savoisien, 246
savoyard, 355,4, Rem.
saynète, 676,i
sceau, 193
scélérat, 307
scotticher, 427
scribolâtre, 415
sèche-pleurs, 576,2
sécher, -ir, 432,i
secourable, 144
Seine, 671,2
seize-mayeux, 44, 235
séjour, 546,8
se/on, 619
sempre, 586,2, 587, 592
senestor, 592
sentiment, 412
sentinelle, 710
séparation, 311
septennat, 308, i
seraiZ, 34, Rem., 129, 155
sergier, 248
sergo, 414
serre-papier, 574,i
serf de Z'eau, 582
serviable. 144
sévices, 692
sevrer, 450,2, Rem.
SI, 626,1
siffloter, 447,i
silence, 703
simagrée, 579,i
similor, 560, i
simplet, 224,1
singleton, 402,8
singulier, 212
sinon, 627
siroter, 89,ii
si7df, 661
sixain, 162,2
socialiser, 9
soirée, 46, 60
soi7, 657,2
soZda/, 309,2
soZde, 726
soZeiZ, 116, 202
454
solenniser, 444
solvable, 144
somme, 6G4, Rem , 729
sommet^ 224,a
somnoler^ 537,2
sonnez, 656,2
sonoscribine, 266,*
sorte, 712
sort, 672
sot-l'y-laisse, 579, i
souchet, 222,1
soucoupe^ 723
soudain, 160
soudard, 352
soufflet, 224, Rem.
souillon, 285,8, 665,i
souletin, 260
soupatoire, 313
soupçon, 698
souquenille, 259,i
soiir, 585, 592
soure, 585
sourdine, 264
sourietle, 99
souriquois, 280,2
sour/s, 672, 729
sous, 616
sous-barbe, 497, 572, i
sousentendre, 497, Rem.
sousmettre, 462
sousterrain, 263,4, 453,2
soutado, 89,12, 369
souterrain, 160
souvent, 592. 659
soventez foiz, 589, i
sphinx, 666
s/)inY, 335
sijorfer, 427, 430
squelette, 690
squelettique, 325,i
stabat Mater, 5,i
staZZC; 676,1
statufier, 440
steamer, 230
steppe, 676,8
struggleforlifiser, 443,5
stupéfier, 440
sub-alpin, 520
subdéléguer, 520
sub-diviser, 497, Rem.
sub lunaire, 520
succulemment, 611,2
suçoir, 276,1
suggestif, 253
suiffer, 71
suivant, 620, i
suiver, 71
suivez-moi jeune homme,
581
sultanade, 368,4
superflu, 521
superposer, 521
sur, 592, 616
surard, 79, 309,2, 354
surembêter, 498,i
surembrasser, 498,i
sur-héroder, 12
sur Ze champ, 572,8
surlendemain, 498
surtout, 498,2, 572,s, 597
SuzeZZe, 81
Suzon, 81, 285,2
tabatière, 89,3
tableautin, 89,4, 260
tac, 25
Zacef, 657,1, Rem.
taffetas, 180
taffetatier, 89,3
ZafauZ, 27, 632
faZa, 5,3 A
talentueux, 422
taluser, 379,i, Rem.
ZaZufer, 89,i3, 379,i, Rem.
taureau, 116, Rem., 193,
197,2
taux, 547
Te Deum, 5,i
ZeZ /leure esZ, 579,2
tellement, 613
température, 314
temple-sépulcre, 559,
tempre, 592, Rem.
temprement, 614
tenable, 146
tendelet, 384
tendron, 282, 295
tentation, 553,i
fento/, 275, Rem.
Zerre à Zerre, 643
terre- neuve, 667,2, 716
terreneuvien, 44
terre-noix, 586,i
terrine, 265,i, Rem.
terroriser, 9
ZéZon, 286
Zeu/ Zeu/", 25
théâtricule, 406
Z/c Zac, 16, 25
tiens-toi-bien, 575,3
tiers-état, 560,i
Zif^e, 693
timbre-poste, 568,2
timbre quittance, 7, 568,2
Z/nZer, 32
tire-bouchon, 574, i
tirebouchonner, 43
tire-laisse, 578,3
tisserand, 174, 362
tissutier, 89,i3
Z/jézère, 65,2, 379,i, Rem.
thiériste, 100
thomiste, 79
toaster, 427
tocsin, 574,1
Zoc Zoc, 25
ZoiZeZZe, 571
To/uon, 283,3, 285,2
ZoZZé, 656,1
tombelier, 249,2
tontine, 265,2
topaze, 702
tordion, 323,2
Zoron, 286
torréfier, 440, Rem.
torrentueux, 422
ZdZ, 592, Rem.
ZoZe dz, 712
touchant, 620,i
touche-à-tout. 578, i
touiller, 437
toujours, 583,8, 595
Zour, 729
toureiffelien, 44
455
touristicule, 406
tournade, 684
tourne à gauche, 578,i
tournelle, 94
tour ne- vire, 578,8
tourniquet, 220
tous les jours, 573, Rem.
Toussaint, 715
toutefois, 595
toute-puissance, 43, Rem. 2
tout-puissant, 563,2
tproupt, 26
tracer et, 215,2
trahison, 274
traîne-peuple, 576,2
train-poste, 568,2
traistrement, 612,2
tandis, 592, 594,i
tanf, 592
tapinois (en), 280,2
tard, 592
taro/, 291
tatillon, 409, 665,i
tatans, 601
taudion, 86, 99
transatlantique, 522, Rem.
transe, 548,2
transfert, 547
transformer, 522, Rem.
transhumance, 171
transpercer, 522
transplanter, 522, Rem.
trantraUy 31
trantraner, 24
trappeur^ 230
travade, 365,4, 684
trayon, 323,2
trébucher, 500
tredame, 633
trentain, 162,2
trente-chevaux, 715
tréfonds, 500
fripas, 500
trépointe, 500
frès, 616
trestout, 598
fri&un, 539
trictrac, 25
tricherie, 553
triomphe, 726
tripolir, 430,i
trisser, 90
^riïrï, 21, 22
tromperie, 553,i
trompette, 665,2, 709
tronçon, 282
frop, 592, Rem.
trop-plein, 562, Rem.
/rotan, 283,4
troubade, 364
trouble-fête, 574,i
trou-madame, 530
trousse-ta-queue, 575,s
tsarolâtre, 415
tuméfier, 440
turbulemment, 611,2
turcarien, 79
turelure, 28, Rem.
turgotine, 265,2
tar/uf, 21
turquerie, 395,i
turquois, 280,i
tuyauter, 89,4
typote, 89,n
/yran (angl.), 177,i
u/^ra, 455,4, 455,4 A
ultra- violet, 523
universaux, 303,4
«r^e, 7
ustensile, 704
vademanque, 579,i
va-et-vient, 578,8
vagabonner, 101
vague, 729
vaguelette, 385
vainpasturer, 537,i
vaisseau, 189
vaisselle, 189
waZ, 712
valence, 571
valet-groom, 558,4
wa Zmi dire, 482
vandalisme, 7
vantardise, 272
vapeur, 715
Vaugirard, 567
vasalment, 612,2
i;ase, 729
vasistas, 579, i
vastitude, 343
va-te- faire- fiche (à la),
575,3, 580
t>a Ze /aire panser, 581
va-vite (à la), 575,s
véhémentement, 611,2
véhiculer, 427
veinule, 349
weZci aZ/er, 27
velci-revasi, 27
velouté, 89,12
vendable, 140
vendange, 175
vendredi, 566
i^enZre, 728
ventrée, 200,2
ventrouiller, 448
vérandah, 705
verglas, 180
oériZ^, 292.
verjus, 556,1
verjuter, 89,i8
vermicelle, 571
vermouler, 537,7
vermoulu, 569
uerrrtZ, 116, Rem, 185
verrue, 296
pers, 616
verse-froid, 576,2
verse-humeur, 576,2
verselet, 383
verse-sang, 576,2
verslibriste, 44
vert-de-grisé, 44
werZiye, 693
vertigineux, 413
verviétois, 89,6
weZo, 657,1, Rem.
veulerie, 394
veuve. 647
uice, 692
vice-amiral, 524
uiccZoZ. 388
456
vicomte, 501
vicomte, 190, 687
vidame, 501
vidange, 175, 68fi
vidimer, 657,8
vidimus, 657,8
viedaze, 630, Rem.
viergement, 612,2
vieux-jeu, 643
vif-argent, 560, i
vilain, 160
vilainte, 89, i
villageois, 280,2
Ville-rÉvêque, 567
vimaire, 560,2
vinaigre^ 555,2, 560,2
yioZa/, 309,2
violâtre, 79
violemment, 611,2
i^io/e/, 539
i;io/ir, 79, 430,i
violoncelle, 688
virelai, 28, Rem.
vire- vire, 578,4
viron, 283,4
visible, 140
vitriol, 375
Pii>af, 657,2
vlantesque, 371, 372,4
y/op, 26
poiZe, 669, 726
yoire, 592, Rem.
voiture-annonce, 559
voiture-lit, 559
volage, 149,i
volaille, 158, 259,2
volereau, 56, 391, Rem.
volerie, 396, Rem.
volontiers, 592
uop woy, 13
vogable, 140
voyouser (se), 91,3
voyoutado, 369
voyante, 89,i2
voyouter, 428
wr/ZZe, 257,1
mi, 622
vulgarité, 8
WapneroZdfre, 415
Y, 592
you-you, 31
Zesf, zesZe, 26
zézayer, 32
zigzag, 31
zisf, 26
zolatesque, 65,i, 89,3, 371
zolâtre, 66,1
zolisme, 329,2
zuf, 26
0/; 13
TABLE DES MATIÈRES.
QUATRIÈME PARTIE.
FORMATION DES MOTS.
LIVRE PREMIER.
INTRODUCTION GÉNÉRALE.
Page
Chapitre I. — Remarques préliminaires 3
A. Procédés de formation 4
R. Date des mots 8
G. Sort des mots nouveaux 10
Chapitre II. — Onomatopées 17
Chapitre
Chapitre
I.
II.
Chapitre
III.
Chapitre
IV.
Chapitre
V.
Chapitre
VI.
Chapitre
VII.
Chapitre VIII.
LIVRE DEUXIÈME.
DÉRIVATION SUFFIXALE.
Remarques préliminaires 35
Sort du mot primitif 41
A. Apophonie 42
R. Voyelles finales 45
C. Consonnes finales 48
D. Chute de la terminaison 50
E. Confusion de terminaisons 52
F. Changements orthographiques 63
Suffixes nominaux 05
- Changements de suffixes. . . 72
- Suffixes latins. Observations générales 76
- Suffixes latins de formation populaire 81
- Suffixes latins de formation savante 140
Suffixes d'origine étrangère 105
A. Suffixes d'origine germanique 105
R. Suffixes d'origine méridionale . . 172
C. Suffixes divers 176
458
Chapitre: IX. — Suffixes de formation française 177
Chai'ITHE X. — Suffixes d'origine douteuse 192
Chapitre XI. — Suffixes verbaux 194
A. Dérivation immédiate 195
B. Dérivation médiate 197
LIVRE TROISIÈME.
PRÉFIXES.
Chapitue I. — Remarques générales 204
Chapitre II. — Préfixes latins d'origine populaire 211
Chapitre III. — Préfixes latins d'origine savante 231
Chapitre IV. — Préfixes d'origine étrangère 238
LIVRE QUATRIÈME.
DÉRIVATION RÉGRESSIVE.
Chapitre I. — Décomposition 241
Chapitré II. — Formation postverbale 247
LIVRE CINQUIÈME.
MOTS COMPOSÉS.
Chapitre I. — Remarques générales 258
Chapitre II. — Coordination . .^ 262
Chapitre III. — Subordination 266
Chapitre IV. — Composition par phrases 272
LIVRE SIXIEME.
FORMATION DES PARTICULES.
Chapitre I. — Remarques générales 280
Chapitre II. — Adverbes 285
A. Composition 288
B. Dérivation 291
Chapitre III. — Prépositions 300
Chapitre IV. — Conjonctions 307
Chapitre V. — Interjections 309
LIVRE SEPTIEME.
DERIVATION IMPROPRE.
Chapitre I. — Substantifs 315
Chapitre II. — Adjectifs 319
Chapitre III. — Verbes 324
Chapitre IV. — Particules 327
LIVRE HUITIÈME.
FORMATION DU GENRE.
Chapitre I. — Remarques générales 330
Chapitre H, — Influence de la forme . , 346
459
Chapitre III. — Influence du sens 365
Chapitre IV. — Ellipse 375
Chapitre V. — Mots composés 379
Chapitre VI. — Substantifs des deux genres 382
Appendice 389
Additions et corrections 396
Bibliographie 405
Table analytique 419
Index des mots 434
I
(D
/
PLEASE DO NOT REMOVE
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UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
PC Nyrop, Kristoffer
2101 Grammaire historique
N8 de la langue française
1899
t.3
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