Skip to main content

Full text of "Grammaire historique de la langue française"

See other formats


GG. 


<î/ô 


"-ts^ 


GRAMMAIRE  HISTORIQUE 


DE   LA 


LANGUE   FRANÇAISE 


DU   MÊME  AUTEUR 


Manuel  phonétique  du  français  parlé.  Deuxième  édition  traduite  et  re- 
maniée par  E.  Philipot,  1  vol.  in-8"  carré 4  fr. 

Qrammaire  historique  de  la  langue  française,  5  vol.  in-S». 

Tome  I.  Histoire  générale  de  la  langue  française.  Phonétique.  Deuxième 

édition  revue  et  augmentée,  1  vol 10  fr. 

Tome  II.  Morphologie,  1   vol 10  fr. 

Tome  III.  Formation  des  mots,  1  voi 10  fr. 

Tome  IV.  Sémantique,   1  vol.  {En  préparation.) 
Tome  V.  Syntaxe,  1  vol.  (En  préparation.) 

Nouveau  recueil  de  farces  françaises  des  XV^  et  XVIe  siècles.  Publié 
d'après  un  volume  unique  appartenant  à  la  Bibliothèque  Royale  de  Co- 
penhague. En  collaboration  avec  M.  É.  Picot.  Paris,  1880. 

Storia  dell*  epopea  francese  nel  medio  evo.  Prima  traduzione  dall'  ori- 
ginale danese  di  E.  Gorra.  Gon  aggiunte  e  correzioni  fornite  dall'  autore, 
con  note  del  traduttore  e  una  copiosa  bibliografia.  Opéra  premiata  con 
medaglia  d'oro  dall'  Università  di  Gopenaghen.  Firenze,  1886. 

Ordenes  Liv.  Gopenhague,  1902. 

Das  Leben  der  Wôrter.  Autorisierte  Cbersetzung  aus  dem  Dânischen  von 
Robert  Vogt.  Leipzig.  1903. 

Kortfattet  spansk  Qrammatik.  Quatrième  édition.  Gopenhague,  1908. 

Kortfattet  italiensk  Qrammatik.  Deuxième  édition.  Gopenhague,  1903. 


w.aa4# 


GRAMMAIRE  HISTORIQUE 


DE    LA 


LANGUE  FRANÇAISE 


KR.  NYROP 

PROFESSEUR  A   l'uNIVERSITÉ  DE  COPENHAGUE 


TOME  TROISIEME 


COPENHAGUE 

GYLDENDALSKE   BOGHANDEL 

NORDISK    FORLAG 

LEIPZIG  NEW  YORK  PARIS 

OTTO  HARRASSOWITZ  G.  E.  STECHERT  ALPHONSE  PICARD  ic  FILS 

1908 

Tous  droits  réservés 


^ 


^ 


^. 


YA\ 


A 


TC 

Z'IOI 

m 

t3 


IMPRIMERIE  NIELSEN  &  LYDICHE 
(AXEL  SIMMELKI^R) 


AVANT-PROPOS. 


\^e  volume  aurait  dû  comprendre  deux  parties:  une  étude  sur 
la  formation  des  mots  et  une  autre  sur  leur  signification;  cepen- 
dant comme  la  première  de  ces  études  a  demandé  bien  plus  de 
place  que  nous  n'avions  pensé,  nous  avons  dû  laisser  de  côté  la 
Sémantique  qui  occupera,  à  elle  seule,  tout  un  volume. 

C'est  en  1877  qu'Arsène  Darmesteter  a  publié  son  ouvrage  ma- 
gistral intitulé  De  la  création  actuelle  de  mots  nouveaux  dans  la 
langue  française  et  des  lois  qui  la  régissent.  Ce  livre,  peut-être  le 
plus  original  des  travaux  philologiques  de  notre  regretté  maître  et 
ami,  a  conservé  sa  pleine  valeur  jusqu'à  nos  jours.  Nous  espérons 
pourtant  que  notre  travail  ne  fera  pas  double  emploi  avec  le  sien. 
D'abord  A.  Darmesteter  n'a  pas  épuisé  le  sujet;  il  s'est  contenté 
d'examiner  les  mots  nouveaux  créés  par  l'addition  d'un  suffixe  ou 
d'un  préfixe,  en  laissant  de  côté  la  formation  régressive  et  la  for- 
mation impropre  ainsi  que  toutes  les  créations  onomatopéiques. 
Ensuite  en  étudiant  la  formation  suffixale  et  préfixale  il  a  exclu  de 
ses  recherches  plusieurs  points  qui  n'ofi'raient  aucun  intérêt  pour 
son  but  principal,  par  ex.  :  la  question  du  rapport  phonétique  entre 
le  mot  primitif  et  le  dérivé,  le  changement  ou  la  substitution  des 
suffixes,  etc.  Dans  une  grammaire  qui  aspire  à  donner  un  aperçu 
historique  de  l'ensemble  des  phases  que  présente  l'évolution  de 
la  langue,  il  serait  impossible  de  passer  sous  silence  les  questions 
indiquées,  et  nous  leur  avons  donné  la  place  que  demandait  leur 
importance.  Nous  avons  eu  en  outre  à  examiner  dans  ce  volume 
la  formation  du  genre,  que  nous  avions  exclue,  de  parti  pris,  de 
notre  Morphologie. 

Nous  avons  eu  enfin  à  tenir  compte  des  mots  nouveaux  dont 
s'est  enrichie  la  langue  depuis  la  publication  du  livre  de  Darmes- 
teter, et  à  cet  effet  nous  avons  parcouru  un  assez  grand  nombre  d'au- 
teurs contemporains  ;  nos  trouvailles  ont  été  enregistrées  en  leur 
tieu  et  place  (voir  par  ex.  bureautin,  §  89,4),  et  on  trouvera  dans 
notre  Index  plus  d'un  mot   moderne  que  ne  cite  aucun  dictionnaire. 

Ajoutons  que  nous  nous  sommes  eff'orcé  de  poursuivre,  sur  tous 
les   points,   l'évolution   de   la   langue  jusqu'à    la  phase   la  plus  ré- 


VI 

cente:  on  verra  ainsi  (|ue  nous  avons  pris  note  du  mot  automobile, 
dont  nous  avons  étudié  le  genre  (§  678)  et  la  dénomination  ono- 
niatopéique  (§  25).  Nous  n'avons  pas  restreint  nos  recherches  à 
la  langue  littéraire  ;  comme  dans  les  volumes  précédents,  nous 
avons,  dans  une  large  mesure,  tenu  compte  de  la  langue  parlée  et 
des  innovations  qui  apparaissent  dans  les  journaux,  dont  le  langage 
est  souvent  aux  prises  avec  la  grammaire  officielle;  c'est  pourquoi 
nous  avons  enregistré  l'invariabilité  de  la  locution  étant  donné  (§  623), 
les  dérivés  plus  ou  moins  argotiques  des  mots  composés  (§  44),  le 
genre  masculin  du  mot  réglisse  (§  726),  etc.,  etc.  La  langue  popu- 
laire est  une  des  sources  multiples  du  renouvellement  incessant  de 
la  langue  littéraire. 

Malgré  tous  nos  efforts,  nous  avons  un  vague  sentiment  de  ne 
pas  avoir  pu  réaliser  notre  plan  tel  que  nous  l'avions  conçu.  Le 
lecteur  en  jugera.  Je  ferai  seulement  observer  qu'à  cause  d'une 
grave  maladie  des  yeux  qui  m'empêche  depuis  plus  de  deux  ans 
de  lire  et  d'écrire,  j'ai  dû  dicter  une  grande  partie  de  ce  volume, 
ce  qui  n'a  pas  toujours  été  chose  très  facile.  Un  jeune  élève  et 
ami,  M,  C.  P.  Chhistiansex,  m'a  servi  de  secrétaire  et  je  ne  sau- 
rais assez  le  remercier  de  son  dévouement  et  de  son  obligeance. 

Pour  la  correction  des  épreuves,  différents  amis  se  sont  em- 
pressés de  m'offrir  leurs  services.  Mlle  E.  Simonsen  a  bien  voulu 
soumettre  les  feuilles  à  une  première  revision  typographique;  en 
suite  M.  V.  Madsex,  sous-bibliothécaire  à  la  Bibliothèque  Royale  de 
Copenhague,  et  mes  chers  collègues  E.  Philipot,  V,  Thomsen,  J.  Vi- 
siNG  ont  bien  voulu  relire  les  épreuves  et  les  soumettre  à  un  exa- 
men critique  ;  je  leur  dois  beaucoup  d'améliorations,  et  plusieurs 
de  leurs  observations  ont  trouvé  place  dans  les  Additions  (p.  396  ss.). 
Je  leur  témoigne  ici  ma  gratitude  très  vive  pour  leur  amabilité  et 
j'adresse  des  remerciements  tout  particuliers  à  M.  E.  Philipot  qui 
a  souvent  entrepris  pour  moi  des  recherches  bibliographiques  et 
autres  que  j'ai  été  hors  d'état  de  faire  moi-même. 

Villa  Ibstrup,  Gentofte,  22  août  1908. 


Kr.  N. 


vil 


TRANSCRIPTION    PHONETIQUE. 


(Chaque   signe   doit   se  prononcer  comme  la  ou  les  lettres  italiques  du  mot 

mis  en  regard.) 


1.  ce 

JNSONNES. 

[b]     bout 

in] 

anglais:  k'ing 

[d]    doux 

Ipl 

pouls 

[f]     fou 

[■•] 

r  apical  (I,  §  356) 

[g]    ffoiit 

[R] 

r  uvulaiie 

[h]    (I,  §  478) 

[s] 

sou 

[j]    ye»^ 

[J] 

chou 

[k]    coup 

[t) 

tout 

[1]     /oup 

[v] 

t;ous 

[X]     it.  figlio 

[w] 

ouï 

[m]  mou 

[y] 

l«i 

[n]    nous 

M 

zouave 

[p]    agneau 

[3] 

youe 

II.   VOYELLES  ORALES. 

[a]     patte  [o]     pot 

[a]     pdte  [0]     port 

[e]     pédant  [0]     peu 

[e]     père  [œ]   peur 

fa]     peler  [u]    pour 

[i]     pzïe  [yj    p«r 

III.   VOYELLES  NASALES. 

[à]     banc  [5]     bon 

[i]     bain  [œ]    brun 

après  une  voyelle  indique  qu'elle  est  longue. 


VIII 


ABRÉVIATIONS   ET   SIGNES. 


aha. 

ancien-haut-allemand 

isl. 

islandais 

ail. 

allemand 

it. 

italien 

anc. 

ancien 

lat. 

latin 

angl. 

anglais 

mball. 

moyen-bas-allemand 

ar. 

arabe 

m  ha. 

moyen-haut-allemand 

blat. 

bas-latin 

mod. 

moderne 

cat. 

catalan 

néerl. 

néerlandais 

comp. 

comparez 

norr. 

norrois 

dan. 

danois 

pers. 

persan 

dér. 

dérivé 

port. 

portugais 

dim. 

diminutif 

prov. 

provençal 

esp. 

espagnol 

roum. 

roumain 

fin. 

finnois 

suéd. 

suédois 

fr. 

français 

vén. 

vénitien 

gasc. 

gascon 

vfr. 

vieux  français 

germ. 

germanique 

vha. 

vieux-haut-allemand 

got. 

gotique 

vnorr. 

vieux  norrois 

holl. 

hollandais 

>  aboutit  à 

;zf  parallèlement  à 

<  provient  de 

:  rime  avec 

Un   astérisque  (*)    placé    devant  une  forme    indique   qu'elle  ne  se  trouve 
dans  aucun  texte  et  qu'on  ne  la  restitue  que  par  conjecture. 


QUATRIÈME  PARTIE 

FORMATION  DES  MOTS 


LIVRE  PREMIER. 

INTRODUCTION  GENERALE. 


CHAPITRE  I. 
REMARQUES  PRÉLIMINAIRES. 


I.  Le  vocabulaire  traditionnel  d'une  langue  s'enrichit  inces- 
samment. Comme  la  vie  ne  s'arrête  jamais,  comme  tout  se 
trouve  dans  un  perpétuel  devenir,  des  mots  nouveaux  sont 
toujours  nécessaires  pour  exprimer  les  changements  qui  sur- 
viennent et  les  développements  qui  s'accomplissent.  Qu'il 
s'agisse  d'une  découverte  scientifique,  d'un  progrès  industriel, 
d'une  modification  de  la  vie  sociale,  d'un  nuancement  de  la 
pensée,  d'une  manière  nouvelle  de  sentir  ou  de  comprendre, 
d'un  enrichissement  du  domaine  moral,  le  néologisme  est  im- 
périeusement demandé,  et  tout  le  monde  crée  des  mots  nou- 
veaux, le  savant  aussi  bien  que  l'ignorant,  le  travailleur  comme 
le  fainéant,  le  théoricien  comme  le  praticien.  Dans  les  pages 
qui  suivent  nous  allons  examiner  quelques-unes  des  différentes 
questions  générales  qui  se  rattachent  à  cette  création  inces- 
sante de  mots  nouveaux. 

Remarque.  Pour  créer  des  mots  nouveaux,  on  ne  se  réunit  pas  en  con- 
seil académique.  Comme  nous  venons  de  le  dire,  tout  le  monde  sans  dis- 
tinction aucune  de  classes,  en  crée  et  a  naturellement  le  droit  d'en  créer; 
ce  n'est  pas  un  privilège  réservé  ù  quelques  élus,  comme  on  l'a  cru  autrefois. 
En  parlant  de  débrutaliser  (voir  §  7),  mot  créé  par  la  marquise  de  Ram- 
bouillet, Vaugelas  observe  qu'il  »a  esté  fait  par  une  personne,  qui  a  droit  de 
faire  des  mots,  et  d'imposer  des  noms,  s'il  est  vray  ce  que  les  Philosophes 
enseignent,  qu'il  n'appartient  qu'aux  sages  d'éminente  sagesse  d'auoir  ce 
privilège»  {Remarques,  II,  229).  Le  développement  d'un  phonème  nouveau  se 


fait  toujours  d'une  manière  inconsciente  (I,  §  109);  la  création  d'un  mot 
nouveau  s'opère  souvent  de  la  même  sorte,  mais  ordinairement  l'individu 
parlant  qui  crée  un  néologisme  en  a  pleine  conscience. 


A.    PROCÉDÉS  DE  FORMATION. 

2.  Les  mots  nouveaux  sont  ou  des  emprunts  ou  des  créa- 
tions nouvelles.  Dès  les  plus  anciens  textes  nous  constatons 
l'existence  en  français  de  mots  empruntés,  soit  aux  langues 
étrangères,  soit  au  latin,  soit  aux  dialectes,  patois  ou  argots 
gallo-romans.  Ces  emprunts  ont  été  signalés  et  examinés  dans 
le  premier  volume,  et  nous  n'avons  pas  à  y  revenir.  Nous  nous 
occuperons  ici  seulement  des  créations  nouvelles  qui  se  di- 
visent en  deux  groupes  principaux:  la  création  primitive  qui 
recourt  à  des  éléments  absolument  nouveaux,  et  la  création 
conventionnelle  qui  emploie  des  éléments  déjà  existants  et  suit 
des  procédés  connus. 

3.  Création  primitive.  Ce  procédé,  qu'on  appelle  Urschôpfung 
en  allemand,  est  pour  ainsi  dire  une  création  ab  ovo.  Il  con- 
siste à  créer  des  mots  entièrement  nouveaux,  sans  aucune  re- 
lation étymologique  avec  les  mots  déjà  existants;  tout  en  se 
servant  des  phonèmes  ordinaires,  on  évite  les  modes  de  for- 
mation connues. 

Ce  procédé  est  extrêmement  peu  employé  en  français  comme 
dans  toutes  les  autres  langues.  M.  Remy  de  Gourmont  cite 
comme  exemple  aba,  mot  inventé  par  M.  Antoine  d'Abbadie 
pour  un  nouveau  théodolite  qu'il  avait  imaginé  (Bulletin  de  la 
Société  de  Géographie,  sept.  1878),  et  le  savant  essayiste  ajoute 
que  ce  mot  a  »  l'avantage  d'être  court  et  sans  étymologie«  (Es- 
thétique de  la  langue  française.  Paris,  1905.  P.  25).  Cependant 
on  se  demande  si  le  nom  de  l'inventeur  n'est  pas  pour  quelque 
chose  dans  cet  aba;  en  ce  cas  nous  serions  tout  simplement 
en  présence  d'une  sorte  de  dérivation  régressive  irrégulière 
(comp.  §  532  ss.).  Selon  nous,  il  faut  presque  toujours  se  mé- 
fier des  créations  ab  ovo;  les  exemples  qu'on  en  cite  sont  assez 
rares,  et,  à  l'exception  du  mot  anglais  moderne  kodak,  et  de 
quelques  autres  termes  industriels,  ils  nous  paraissent  aussi 
très  peu  sûrs.  Quoiqu'il  en  soit,  il  semble  excessivement  dif- 
ficile  de   créer  un    mot  nouveau  sans  aucune  relation  étymo- 


logique  avec  les  mots  déjà  existants.  Même  gaz,  dû  au  physi- 
cien Van  Helmont  (1577—1644),  et  qui  est  toujours  relevé 
comme  l'exemple  par  excellence  d'une  création  ex  nihilo,  pa- 
raît avoir  été  modelé  sur  le  flamand  geest,  et  ellagique,  dû  au 
chimiste  Braconnet  (1818),  a  été  fait  avec  le  mot  galle  dont  les 
lettres  ont  été  renversées  arbitrairement  pour  créer  un  mot 
original  pouvant  servir  à  désigner  l'acide  nouvellement  dé- 
couvert qui  accompagne  le  dépôt  de  l'acide  gallique. 

Remarque.  Comme  mots  provenant  d'une  création  primitive,  on  peut  dans 
une  certaine  mesure  citer  les  onomatopées;  elles  seront  traitées  dans  un 
chapitre  spécial  (§  13  ss.). 

4.  Création  conventionnelle.  Nous  comprenons  sous  ce 
nom  les  procédés  suivis  régulièrement  dans  la  formation  des 
mots  nouveaux;  ils  se  réduisent  aux  groupes  suivants: 

P  On  forme  des  mots  nouveaux  en  combinant  des  mots 
déjà  existants:  vinaigre,  chou- fleur ^  plafond,  toujours.  Ce  pro- 
cédé s'appelle  composition.  Voir  §  554  ss. 

2^  On  forme  des  mots  nouveaux  par  l'addition  de  termi- 
naisons spéciales:  veine — veinard,  pédale — pédaler,  chanter  — 
chantage,  tousser  —  toussoter.  C'est  la  formation  par  suffixes 
(formation  suffixale)  ou  dérivation.  Voir  §  34  ss. 

3^  On  forme  des  mots  nouveaux  par  l'addition  de  syllabes 
initiales:  veine  —  déveine,  militariste  —  antimilitariste,  voir — entre- 
voir. C'est  la  formation  par  préfixes;  elle  est  à  regarder  tantôt 
comme  une  dérivation,  tantôt  comme  une  composition. 

4^  A  ces  trois  groupes  principaux  il  faut  en  joindre  un  quatri- 
ème, la  dérivation  impropre.  Par  ce  procédé  on  ne  crée  pas 
des  mots  nouveaux  proprement  dits,  mais  on  donne  aux  mots 
déjà  existants  un  emploi  ou  une  fonction  nouvelle,  sans  que 
ce  changement  soit  accompagné  d'aucune  modification  de  la 
forme  :  ainsi  de  l'infinitif  être  on  tire  le  substantif  un  être.  Voir 
pour  les  détails  §  638  ss. 

5^  On  crée  enfin  des  mots  nouveaux  par  la  soustraction 
d'une  syllabe;  ainsi  de  aristocratie  on  a  tiré  aristocrate.  Ce  pro- 
cédé s'appelle  dérivation  régressive  (voir  §  532  ss.).  Nous  avons 
là  la  contre-partie  de  la  dérivation  ordinaire,  qui  a  toujours 
pour  résultat  un  allongement  du  mot. 

Il  n'est  pas  toujours  facile  de  distinguer  entre  les  trois  pre- 
miers groupes  indiqués,  certaines  formations  rentrant  difficile- 


6 

ment  dans  les  cadres  fixes  et  artificiels  que  créent  les  gram- 
mairiens. En  fait,  il  n'y  a  pas  de  limites  sûres  entre  la  com- 
position et  la  dérivation.  La  dérivation  n'est  souvent  qu'une 
étape  récente  de  la  composition.  La  grammaire  moderne  ana- 
lyse par  ex.  vivement  comme  un  dérivé  de  vif,  formé  à  l'aide 
du  suffixe  -ment  ajouté  à  la  forme  féminine  de  l'adjectif;  mais 
si  nous  nous  reportons  à  l'époque  où  se  formait  le  mot,  nous 
voyons  qu'il  n'est  qu'une  composition,  une  fusion  de  deux 
mots  indépendants,  un  adjectif  et  un  substantif  féminin  vive 
ment  (viva  mente);  voir  §  604.  Dans  les  langues  germa- 
niques on  trouve  également  des  suffixes  qui  sont  à  l'origine 
des  mots  indépendants.  Quant  à  la  formation  par  préfixe,  il 
est  évident  que  des  mots  tels  que  déveine,  ressauter,  découcher 
sont  des  dérivés  des  mots  simples  veine,  sauter,  coucher^  tout 
comme  veinard,  sauteler,  couchoter.  Que  la  syllabe  dérivative 
se  joigne  au  commencement  ou  à  la  fin  du  mot,  peu  importe, 
la  place  ne  change  rien  au  caractère  du  procédé.  Mais  dans 
les  combinaisons  telles  que  malpropre,  bienheureux,  biscuit,  où 
entre  une  particule  qui  existe  aussi  à  l'état  indépendant,  le 
procédé  a  plutôt  le  caractère  d'une  composition.  On  peut  choi- 
sir, à  discrétion,  entre  l'une  ou  l'autre  de  ces  dénominations; 
c'est  un  choix  qui  présente  un  intérêt  minime. 

5.  Sporadiquement  des  mots  nouveaux  peuvent  se  former 
de  plusieurs  autres  manières.  Nous  examinerons  ici,  mais  très 
sommairement,  l'abréviation;  nous  en  avons  déjà  parlé  dans 
la  Phonétique,  nous  en  reparlerons  dans  la  Sémantique.  Il  faut 
distinguer  les  trois  groupes  suivants  : 

1^  On  abrège  souvent  le  commencement  d'une  chanson,  d'un 
cantique,  d'une  prière,  d'une  formule,  d'un  livre,  et  l'abrévia- 
tion sert  à  désigner  l'ensemble.  Ainsi,  de  la  première  ligne  du 
psaume  latin  bien  connu  »Te  Deum  laudamus«  on  tire  le 
mot  nouveau:  un  Te  Deum.  C'est  un  procédé  qui  sera  examiné 
dans  la  Sémantique,  quand  nous  traiterons  du  changement  de 
sens,  exprimé  dans  la  formule  »pars  pro  toto«.  Voici  main- 
tenant quelques  autres  exemples  de  mots  nouveaux,  dus  à  une 
pareille  abréviation.  Toute  la  série  des  lettres  s'appelle  alpha- 
bet, un  livre  qui  sert  à  apprendre  toutes  les  lettres  s'appelle 
abécé  ou  abécédé.  Angélus,  ave,  bénédicité,  magnificat,  miserere, 
pater,  patenôtre,  stabat  Mater  proviennent   du   vers   initial  des 


prières  ou  des  cantiques  en  question.  L'origine  des  dénomina- 
tions confiteor,  credo,  conjungo,  gaude,  gaudeamus,  et  des  termes 
juridiques  commitlimus ,  committitur,  s'expliquent  de  la  même 
manière. 

Rappelons  enfin  que  messe  tire  son  origine  de  mis  sa  (se. 
est  concio)  et  que  cancan  (antérieurement  quanquan),  dont 
le  sens  primitif  est:  harangue  universitaire,  est  une  altération 
de  quamquam,  mot  par  lequel  commençaient  généralement 
ces  harangues.  En  latin  vulgaire  une  assemblée  publique  s'ap- 
pelait placitum,  d'où  le  français  plaid,  parce  que  les  édits 
qui  la  convoquaient  portaient  quia  est  nostram  placitum. 

Remarque.  Les  bulles  pontificales  tiraient  leur  nom  officiel  des  premiers 
mots.  La  bulle  fameuse  du  pape  Boniface,  dirigée  contre  Philippe  le  Bel,  s'in- 
titule Unam  Sanctam  ;  et  le  décret  ecclésiastique,  formulé  par  le  concile  de 
Vejle  sous  les  auspices  de  l'archevêque  Jacob  Erlandsen  contre  le  roi  danois, 
est  connu  sous  le  nom  de  Cum  Ecclesia  Daciana. 

2°  Pour  des  raisons  pratiques  on  peut  réduire  à  leurs  ini- 
tiales les  mots  dont  se  compose  le  titre  d'une  société  ou  d'une 
réunion,  et  de  ces  initiales  réunies  former  un  mot  nouveau. 
Ce  phénomène  est  relativement  rare  en  français.  En  voici  un 
exemple,  tiré  d'un  roman  moderne:  »I1  s'agissait  de  l'U.  T., 
dit  la  jeune  fille.  Comme  on  voit,  elle  employait  la  sorte  d'a- 
bréviation, empruntée  aux  habitudes  anglo-saxonnes  et  qui 
trahirait  seule  l'origine  étrangère  et  artificielle  de  ces  groupe- 
ments périlleux«  (Bourget,  L'Étape,  p.  80).  Sur  quelques  abré- 
viations euphémistiques  parallèles,  voir  I,  §  523.  Pour  d'autres 
détails,  nous  renvoyons  aux  Additions. 

Remarque.  Le  procédé  est  en  effet  assez  répandu  dans  l'anglais  moderne. 
Notons  p.  ex.  qu'on  prend  son  thé  dans  un  a-b-c-shop  [eibijsijjop]  (c.  à.  d. 
Aerated  Bread  Company),  et  qu'on  est  membre  d'une  société  intitulée  The 
s-p-c-a  [ôi  espijsijei]  (Society  for  the  Prévention  of  Cruelty  to  Animais).  Les 
autres  langues  germaniques  offrent  aussi,  mais  moins  souvent,  des  exemples 
de  ce  procédé.  Citons  le  nom  de  Hakatistes,  donné  aux  membres  de  la  > So- 
ciété allemande  pour  les  provinces  orientales*  (Ostmarkenverein)  d'après  les 
initiales  de  ses  fondateurs:  Hanemann,  Kenemann  et  Tiedemann. 

3^  Citons  aussi  les  raccourcissements  parfois  très  violents 
que  peuvent  subir  les  mots,  surtout  dans  les  différents  argots; 
nous  les  avons  déjà  examinés  (I,  §  519  ss.). 

6.  Rappelons  en  dernier  lieu  les  autres  procédés  suivis  pour 
former  des  mots  nouveaux.  Ils  n'ont  qu'une  importance  secon- 


8 

daire  et  comme  nous  les  avons  déjà  examinés  dans  la  Phoné- 
tique, nous  nous  contenterons  ici  d'une  simple  indication. 

1^  On  crée  parfois  un  mot  nouveau  par  la  contamina- 
tion de  deux  mots  déjà  existants;  ainsi  éclabousser  provient 
d'une  fusion  de  éclater  avec  vfr.  esbousser.  Pour  les  détails  voir 
I  §  524  ss.,  124. 

2^  On  crée  un  mot  nouveau  par  une  simple  réduplica- 
tion d'un  mot  ou  d'une  partie  d'un  mot:  bonbon,  dodo;  ce 
procédé  est  surtout  propre  à  la  langue  enfantine  et  hypo- 
coristique;  comp.  I,  §  121,  509. 

3^  Un  mot  nouveau  est  créé  par  la  substitution  d'un  mot 
à  un  autre.  Ce  phénomène  est  surtout  propre  au  langage  eu- 
phémistique;  rappelons  babouche  pour  bégueule,  dont  nous  avons 
déjà  parlé  (I,  §  120).  On  s'en  sert  aussi  dans  le  langage  plai- 
sant; citons  les  formes  badines,  malagauche  pour  maladroit, 
paradouze  pour  paradis  (ce  procédé  pas  trop  spirituel  ne  mé- 
nage rien;  il  y  en  a  qui  ne  reculent  pas  devant  Père  Fauteuil 
pour  Père  Lachaise). 

B.    DATE  DES  MOTS. 

7.  Pour  un  petit  nombre  de  mots  il  est  possible  de  donner 
la  date  exacte  de  leur  création,  et  même  le  nom  de  leur  au- 
teur. Exemples: 

Absinthisme,  créé  vers  1860  par  le  médecin  et  littérateur 
A.  Lunel. 

Aigre-doux.  Du  Bellay  remarque  dans  sa  Deffence  et  Illus- 
tration de  la  Langue  françoyse  (I,  §  35)  que  Lazare  de  Baïf 
a  introduit  épigramme  et  élégie  »avec  ce  beau  mot  composé 
aigre-doux  afin  qu'on  n'attribue  l'honneur  de  ces  choses  à 
quelque  autre«.  J.  du  Bellay  s'est  trompé;  voir  aux  Additions. 

Altruisme.  Ce  mot  est  dû  à  Auguste  Comte  qui  s'en  sert  dans 
sa  Philosophie  positive  (1830—42). 

Bureaucratie  est  dû  à  l'économiste  Gournay  (1712 — 1759);  il 
a  aussi  créé  bureaumanie  qui  n'est  pas  resté. 

Burlesque.  Ménage  dit:  «Monsieur  Sarasin  se  vantoit  d'avoir 
le  premier  employé  le  mot  de  burlesques  (Observations,  p.  341). 

Débrutaliser  a  été  créé  par  la  marquise  de  Rambouillet  (comp. 
I,  §  55);  le  mot,  fortement  recommandé  par  Vaugelas  (Re- 
marques^ II,  229),  n'a  pas  fait  fortune. 


9 

Féministe,  employé  pour  la  première  fois  en  1872  par  A.  Du- 
mas fils. 

Microbe,  créé  par  le  docteur  Sédillot,  et  produit  pour  la 
première  fois  en  public  à  l'une  des  séances  de  l'Académie  des 
Sciences  de  février  1878. 

Potassium,  dérivé  de  potasse,  dû  au  chimiste  Davy  (1807). 

Prosateur,  dû  à  Ménage  qui  l'emploie  dans  son  édition  de 
Malherbe  (1666).  Il  dit  lui-même  dans  ses  Observations  (p.  342): 
»J'ay  fait  Prosateur,  à  l'imitation  de  l'Italien  Prosatore,  pour 
dire,  un  homme  qui  écrit  en  prose.  On  disoit  auparavant 
Orateur.  « 

Timbre-quittance,  créé  en  1872  à  la  suite  de  la  loi  qui  a  im- 
posé les  factures  de  commerce. 

Urée,  dû  à  Fourcroy  (1755 — 1809),  qui  l'a  tiré  du  grec  ov- 
Qov^  urine. 

Vandalisme,  créé  à  la  fin  du  XVIIP  siècle  par  l'abbé  Gré- 
goire. 

8.  Les  mots  dont  on  peut  indiquer  la  date  exacte  de  leur 
introduction  dans  la  langue,  sont  peu  nombreux.  Ordinaire- 
ment il  faut  se  contenter  d'un  à  peu  près,  et  il  ne  faut  pas 
oublier  que  la  première  apparition  d'un  mot  dans  un  livre 
n'est  pas  toujours  la  date  de  sa  naissance.  Souvent  les  mots 
surgissent  et  meurent  pour  reparaître  plus  tard  dans  des  con- 
ditions plus  favorables.  Il  est  évident  qu'il  ne  suffit  pas  de 
créer  un  mot,  il  faut  aussi  le  faire  vivre.  Tel  néologisme  ris- 
qué par  un  auteur  du  XVP  siècle  peut  rester  oublié  et  perdu, 
enseveli  dans  le  fatras  savant  d'un  grand  in-folio  que  personne 
n'ouvre.  Un  siècle  plus  tard,  un  autre  auteur  reprend  le  mot 
et  réussit  à  le  faire  entrer  dans  la  langue  courante.  C'est  ce 
dernier  qui  est  le  vrai  père  du  mot.  Voici  quelques  exemples 
de  ces  réapparitions  du  même  mot: 

Archaïsme  a  été  attribué  à  Mercier  (Néologie,  1801),  mais  il 
existe  au  moins  dès  le  XVIP  siècle:  on  le  trouve  dans  Ménage. 

Bienfaisance  est  généralement  attribué  à  l'abbé  de  St.-Pierre; 
il  remonte  pourtant  au  XIV®  siècle. 

Généralissime  a  été  attribué  par  Victor  Hugo  à  Richelieu. 
Il  écrit:  ^Plusieurs  ont  créé  des  mots  dans  la  langue,  Vauge- 
las  a  fait  pudeur,  Corneille  invaincu,  Richelieu  généralissime^ 
{Littérature  et  Philosophie  mêlées,  Paris,  Charpentier,  1842,  p.  163). 


10 

Autant  d'assertions,  autant  d'erreurs.  Généralissime  se  trouve 
déjà  dans  d'Aubigné;  pudeur  n'a  pas  été  inventé  par  Vaugelas, 
qui,  au  contraire,  en  attribue  la  création  à  Desportes  (à  tort;  le 
mot  se  trouve  déjà  chez  Montaigne);  invaincu,  qui  n'a  été  ad- 
mis par  l'Académie  qu'en  1798,  s'employait  déjà  au  XIV*'  siècle. 

Moderniste  a  été  cité  comme  un  néologisme  du  XIX^  siècle 
dû  à  F.  Champsaur;  J.-J.  Rousseau  l'avait  déjà  employé  dans 
une  lettre  de  1769. 

Ode.  Ménage  remarque:  Ronsard  est  le  premier  qui  s'est 
servi  du  mot  d'Ode;  comme  il  le  dit  lui-mesme  en  son  Epître 
au  Lecteur  dans  la  première  impression  de  ses  Odes:  »Et 
osay  le  premier  des  nostres  enrichir  ma  langue  de  ce  nom 
0(/e«  {Observations^  p.  339).  Cependant,  en  dépit  de  cette  asser- 
tion formelle,  ode  se  trouve  déjà  dans  Jean  le  Maire. 

Offenseur.  L'Académie  a  noté  ce  mot  comme  un  néologisme 
dans  le  Cid.  Cependant  il  est  bien  plus  ancien  que  cette  pièce  ; 
Honoré  d'Urfé  l'avait  déjà  employé  dans  VAstrée,  comme  l'ob- 
serve Littré;  et,  depuis,  on  l'a  trouvé  dans  des  textes  remon- 
tant au  XV^  siècle. 

Patrie;  voir  sur  ce  mot  I  §  38,  Rem. 

Religiosité.  Dans  son  Discours  de  réception  à  l'Académie 
(17  janvier  1850),  de  Saint-Priest  dit:  ».  .  .  si  j'osais  hasarder  un 
néologisme  devant  l'Académie  Française,  cette  religiosité  qu'on 
a  si  souvent  étalée  de  nos  jours  .  .  . .«  Mais  ce  néologisme  re- 
monte assez  haut;  on  en  a  cité  des  exemples  du  XV^  et  du 
XVP  siècles. 

Vulgarité.  Ce  mot  est  généralement  attribué  à  madame  de 
Staël  (voir  par  ex.  Deschanel,  Les  déformations  de  la  langue  fran- 
çaise, p.  191).  Cependant  Littré  a  montré  que  vulgarité  se  trouve 
dans  un  auteur  du  XVP  siècle,  et  le  Dictionnaire  général  cite 
même  un  exemple  du  XIV«  siècle  (cf.  R.  Ph.  F.  P.  XVII,  299, 
302). 

C.    SORT  DES  MOTS  NOUVEAUX. 

9.  Les  mots  nouveaux  attirent  ordinairement  la  critique  et 
commencent  souvent  par  exciter  l'hilarité;  sous  ce  rapport  ils 
partagent  le  sort  de  tout  ce  qui  est  nouveau.  Un  néologisme, 
qu'il  soit  bon  ou  mauvais,  a  toujours  le  privilège  d'irriter  les 
laudatores  temporis  acti  par  le   seul  fait  d'être  une  nouveauté, 


11 

et  il  est  impitoyablement  raillé  comme  prétentieux,  superflu, 
ridicule,  etc.  Vaugelas,  qui  continue  la  tradition  de  Malherbe, 
conda/nne  toute  hardiesse  néologique  (I,  §  58),  et  pendant  plus 
d'un  siècle  ses  théories  ont  pesé  comme  un  cauchemar  sur  le 
langage  poétique.  Même  les  hommes  de  la  Révolution  n'osaient 
pas  rompre  le  joug  imposé  par  les  traditions  du  grand  siècle. 
Il  fallait  un  géant  tel  que  Victor  Hugo  pour  rompre  avec  les 
préjugés  hérités  et  mettre  »un  bonnet  rouge  au  vieux  diction- 
naire«  (I,  §  74).  Pourtant  la  peur  ou  la  haine  des  néologismes 
existent  toujours,  comme  il  existera  toujours  des  puristes  pé- 
dants qui  vous  mettront  en  garde  contre  les  termes  nouveaux 
et  déclareront  que  la  langue  actuelle  se  corrompt  et  court  à 
sa  perdition.  La  chanson  de  Saint-Alexis,  qui  date  du  XI^  siècle, 
commence  par  la  plainte  éternelle: 

Bons  fut  li  siècles  al  tens  ancienor 
Quer  feit  i  ert  e  justise  et  amor. 

Cette  plainte  se  répète  toujours,  aussi  pour  la  langue.  Le  Dic- 
tionnaire néologique  (1756)  de  l'abbé  Desfontaines  est  précédé 
d'une  lettre  de  Jean  Baptiste  Rousseau,  très  curieuse.  La  voici  : 
»I1  règne  aujourd'hui  dans  le  Langage  une  affectation  si  pué- 
rile, que  le  Jargon  des  Précieuses  de  Molière  n'en  a  jamais 
approché.  Le  stile  frivole  &  recherché  passe  des  Gaffez  jusqu'- 
aux Tribunaux  les  plus  graves;  &  si  Dieu  n'y  met  la  main,  la 
Chaire  des  Prédicateurs  sera  bientôt  infectée  de  la  même  con- 
tagion. Rien  ne  peut  mieux  réussir  à  en  préserver  le  Public, 
que  quelque  Ouvrage  qui  en  fasse  sentir  le  ridicule:  &  pour 
cela  il  n'y  a  autre  chose  à  faire  que  de  lui  présenter,  dans  un 
Extrait  fidèle,  toutes  ces  phrases  vuides  &  alambiquées,  dont 
les  nouveaux  Scuderis  de  notre  tems  ont  farci  leurs  Ouvrages, 
même  les  sérieux,  etc.« 

Cent  ans  plus  tard  Emile  Deschanel  s'écrie:  »La  langue 
française  à  présent  est  comme  saccagée.  On  dirait  un  excellent 
instrument  de  musique  gâté  par  des  sauvages  qui  n'en  con- 
naîtraient ni  l'usage  ni  le  prix  ....  il  semble  que  jamais  les 
bizarreries  et  les  déformations  ou  lésions  ne  se  sont  multi- 
pliées autant  que  de  nos  jours  ....  Depuis  que  Lamartine  dé- 
plorait la  corruption  du  langage  français,  cette  corruption  n'a 
fait  que  s'aggraver.  Que  dirait-il  à  présent  ?«  (Les  déformations 
de  la  langue  française.  Paris,  1898.  P.  206  ss.).  Voici  quelques- 


12 

uns  des  mots  nouveaux  contre  lesquels  Deschanel  proteste: 
agissements  ascensionner,  baser,  bénéficier,  différencier,  épater, 
majorité,  pourcentage,  socialiser,  terroriser,  etc.  On  pourrait  s'ir- 
riter pour  moins:  plusieurs  des  mots  critiqués  sont  déjà  entrés 
dans  le  langage  courant. 

10.  On  est  parfois  tenté  de  demander:  à  quoi  sert  la  fureur 
toujours  renaissante  des  grammairiens  contre  les  mots  nou- 
veaux? les  résultats  de  leurs  »agissements«  sont  ordinairement 
minces  ou  plus  que  minces.  Et  à  quoi  servent  toutes  les  pres- 
criptions qui  tendent  à  restreindre  le  nombre  des  néologismes, 
à  les  autoriser  dans  certains  cas  et  à  les  condamner  dans 
d'autres?  Ce  ne  sont  que  des  efforts  inutiles,  des  coups  qui  ne 
portent  pas  —  et  qui  ne  peuvent  pas  porter.  Voici  quelques 
réflexions  de  F.  Brunetière: 

»Les  mots  nouveaux  doivent  correspondre  à  des  »  réalités* 
nouvelles;  et,  par  exemple,  si  l'on  possède  celui  de  fonder  on 
n'a  pas  besoin  du  mot  baser  pour  ne  signifier  rien  d'autre  ni 
de  plus.  Aussi  bien,  la  plupart  du  temps,  beaucoup  de  mots 
nouveaux  ne  sont-ils  que  le  produit  d'une  espèce  d'embarras, 
d'impuissance  où  nous  sommes  de  dire,  avec  les  mots  de  l'u- 
sage, tout  ce  que  nous  voudrions  dire.  Et,  pour  ceux  qui  s'en- 
gendrent du  désir  ou  de  l'affectation  de  n'être  pas  entendus 
de  tout  le  monde,  ils  vont  précisément  à  l'encontre  de  l'objet 
même  du  langage.  «    (Revue  des  Deux  Mondes,  1901,  VI,  p.  575). 

C'est  le  purisme  pur  que  prêche  ici  l'illustre  et  regretté  aca- 
démicien. Un  Vaugelas  ressuscité  n'aurait  pas  pu  mieux  dire. 
D'abord,  pourquoi  faut-il  que  les  néologismes  correspondent 
toujours  à  des  *réalités«  nouvelles?  Les  mots  s'usent;  par 
l'usage  constant  ils  perdent  de  leur  force  et  de  leur  fraîcheur. 
Qui  pourrait  contester  aux  auteurs  leur  droit  de  remplacer 
les  mots  qu'ils  trouveraient  obscurcis,  fanés  ou  banalisés,  par 
des  synonymes  plus  frais,  que  ce  soit  des  dérivés  nouveaux, 
des  emprunts  à  quelque  patois  ou  argot  ou  même  des  inven- 
tions arbitraires?  Ensuite,  pourquoi  faut-il  que  tous  les  mots 
soient  toujours  absolument  clairs  et  intelligibles  à  tout  le 
monde?  Les  poètes  lyriques  par  exemple,  aiment  à  rêver;  ils 
aiment  aussi  à  faire  rêver  leurs  lecteurs,  et  tout  comme  le 
crépuscule   nous   charme   par    l'effacement   des  contours  fixes, 


13 

de  même  dans  la  poésie  la  demi-clarté  des  mots  peut  parfois 
être  une  beauté  de  plus: 

Rien  de  plus  cher  que  la  chanson  grise 
Où  l'Indécis  au  Précis  se  joint. 

(P.  Verlaine,  Art  poétique). 

Il  est  évident  que  le  vocabulaire  d'un  Albert  Samain  ne  peut 
pas  toujours  être  le  même  que  celui  dont  se  sert  Sully  Prud- 
homme.  Pourquoi  vouloir  morigéner  un  poète  quand  il  em- 
ploie des  mots  rares,  anciens,  mj^stérieux  même,  s'il  croit  par 
là  pouvoir  mieux  exprimer  ses  sentiments  et  mieux  les  com- 
muniquer à  ses  lecteurs?  Au  bout  du  compte,  c'est  une  ques- 
tion d'art  dont  la  solution  dépend  du  génie  et  du  tact  du  poète, 
non  pas  du  bon  plaisir  d'un  grammairien. 

Selon  nous,  les  néologismes  sont  les  résultats  nécessaires  et 
les  marques  infaillibles  de  la  vitalité  forte  et  saine  de  la  langue, 
ou,  pour  parler  plus  correctement,  ils  témoignent  d'une  ima- 
gination poétique  et  plastique  toujours  en  éveil,  d'efforts  con- 
tinuels pour  rendre  l'expression  plus  variée,  plus  nuancée, 
plus  pittoresque.  Il  ne  faut  pas  tenter  d'endiguer  le  flot  des 
néologismes:  il  saura  bien  se  régulariser  lui-même;  les  mots 
mort-nés  ne  tarderont  pas  à  disparaître  sous  la  surface  de 
l'eau,  les  viables  entreront  vite  dans  le  grand  courant  de  la 
langue  parlée,  qui,  grâce  à  ce  surcroît  constant,  se  rajeunira, 
s'embellira  et  sera  de  plus  en  plus  apte  à  exprimer  les  nuances 
infinies  de  la  pensée  humaine. 

II.  Nous  ferons  voir  maintenant  à  quel  point  les  critiques 
sont  parfois  mauvais  prophètes  quand  il  s'agit  de  néologismes. 
Les  mots  suivants,  qui  maintenant  appartiennent  tous  à  la 
langue  courante,  ont  été  l'objet,  à  leur  apparition,  de  critiques 
et  de  railleries  plus  ou  moins  vives. 

Altruisme.  Dans  sa  réponse  au  discours  de  réception  de  Lit- 
tré  à  l'Académie  française  le  5  juin  1873  De  Champagny  re- 
marqua: »Un  certain  jour,  vous  avez  adopté  un  mot  que  notre 
Dictionnaire  n'accepte  pas:  comme  philologues,  nous  l'aimons 
peu;  comme  moralistes,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de 
l'aimer.  C'est  le  mot  d'altruisme,  opposé  au  mot  (ïégoïsme,  et 
que  du  reste  on  peut  traduire  par  les  mots  de  dévouement  et 
de  charité.* 


14 

Ambitionner.  Vaugelas  remarque:  sll  y  a  long-temps  que  l'on 
vse  de  ce  mot,  mais  ce  n'est  pas  dans  le  bel  vsage;  ceux  qui 
font  profession  de  parler  et  d'escrire  purement,  l'ont  tousjours 
condamné,  et  quoy  que  l'on  ayt  fait  pour  l'introduire,  c'a  esté 
auec  si  peu  de  succez,  qu'il  y  a  peu  d'apparence  qu'il  s'es- 
tablisse  à  l'auenir*  (Remarques,  II,  33).  Contre  cette  condam- 
nation de  Vaugelas  l'Académie  protestait:  »M.  de  Vaugelas  n'a 
pas  bien  jugé  de  ce  mot,  quand  il  a  dit  qu'il  n'y  avoit  pas 
d'apparence  qu'il  deust  s'establir.  On  peut  l'employer  avec 
grâce.  « 

Démodé  remonte  au  commencement  du  XIX^  siècle.  A  pro- 
pos d'un  roman  de  Kératry  où  il  avait  employé  le  mot,  un 
critique  du  Journal  des  Débats  (17  avril,  1828)  demande: 
»M.  Kératry  tient-il  beaucoup  à  sa  création  du  mot  démodé? 
Le   croit-il   nécessaire  à  sa  langue?«  (Cf.  RPhFP,  XVII,  293). 

Exactitude.  A  propos  de  ce  mot  Vaugelas  donne  une  re- 
marque curieuse:  »Pour  exactitude,  c'est  vn  mot  que  j'ay  veu 
naistre  comme  vn  monstre,  contre  qui  tout  le  monde  s'escrioit, 
mais  en  fin  on  s'y  est  appriuoisé,  et  dez-lors  j'en  fis  ce  juge- 
ment, qui  se  peut  faire  de  mesme  de  beaucoup  d'autres  mots, 
qu'à  cause  qu'on  en  auoit  besoin,  et  qu'il  estoit  commode,  il 
ne  manqueroit  pas  de  s'establir«  (Remarques,  I,  377).  On  ne 
saurait  mieux  dire. 

Insidieux.  Selon  Vaugelas  (Remarques,  I,  107),  ce  mot  a  été 
hasardé  pour  la  première  fois  par  Malherbe.  L'Académie  a 
longtemps  hésité  à  l'admettre.  Patru  dit  que  le  mot  ne  vaut 
rien,  et  Chapelain  le  trouve  »desagreable  et  degoustant.« 

Progresser.  Stendhal  s'est  moqué  de  ce  mot;  il  écrit  dans 
une  lettre  du  21  déc.  1834:  ». .  .  .  M.  Magnin ,  quoiqu'il  dise: 
Le  siècle  progresse!  Quel  joli  mot  qui  rime  avec  graisse!  . .  . 
demandez-lui  pourquoi  il  invente  progresser  (Cf.  RPhFP,  XVII, 
297). 

Savoir-faire.  Le  Père  Bouhours  est  très  sévère  pour  ce  terme 
qui  de  son  temps  était  tout  nouveau:  »I1  n'y  a  pas  d'ap- 
parence qu'il  subsiste  et  je  ne  sais  même  s^il  n'est  point  déjà 
passé;  aussi  est  il  très  irrégulier  et  même  contre  le  génie  de 
notre  langue  qui  n'a  point  de  pareil  substantif.* 

12.  Mots  de  circonstance.  On  crée  constamment  des  mots 
nouveaux.  On  peut  les  observer  dans  les  livres,  comme  dans  le 


15 

parler  de  tous  les  jours.  Une  grande  partie  de  ces  néologismes 
passent  des  livres  dans  la  langue  parlée,  ou  de  la  langue  par- 
lée dans  les  livres,  et  ils  montrent  ainsi  leur  vitalité;  mais 
une  autre  partie,  peut-être  encore  plus  grande,  disparaît  vite: 
ce  sont  des  éphémères  qui  meurent  aussitôt  éclos.  Surtout  le 
vocabulaire  de  différents  argots  se  renouvelle,  au  moins  dans 
certains  domaines,  avec  une  rapidité  vertigineuse.  Rappelons, 
comme  seul  exemple,  les  différentes  expressions  par  lesquelles 
on  a  désigné,  pendant  les  derniers  cent  ans,  le  fashionable 
qui,  lui,  se  trouve  charmant,  et  que  le  public,  avec  son  gros 
bon  sens,  trouve  ridicule:  petit-maître,  muscadin^  incroyable, 
merveilleux  (I,  §  122),  freluquet,  dandy,  lion,  fashionable,  gan- 
din, petit-crevé,  gommeux.  D'autres  néologismes  sont  des  créa- 
tions de  circonstance  qui  ne  tardent  pas  à  disparaître,  ne 
trouvant  pas  d'emploi  hors  de  la  situation  toute  spéciale  qui 
les  a  provoqués: 

Avant-dîner.  Littré,  qui  ne  donne  pas  ce  mot  dans  son  dic- 
tionnaire, l'a  cité  dans  sa  charmante  causerie,  Comment  fai 
fait  mon  dictionnaire:  »Le  chancelier  d'Aguesseau  m'avait  ap- 
pris à  ne  pas  dédaigner  des  moments  qui  paraissent  sans 
emploi,  lui  que  sa  femme  inexacte  faisait  toujours  attendre 
pour  le  dîner,  et  qui,  lui  présentant  un  livre,  lui  dit:  Voilà 
l'œuvre  des  avant-dîners.  « 

Chatois,  voir  §  280,2. 

Contre-puff.  »Ah  !  l'on  trouve  ici  des  complots  ....  me  voilà 
prévenu!  et  c'est  à  moi,  à  mon  tour,  par  quelque  contre-mine, 
quelque  contre-puff  .  .  .!  (E.  Scribe,  Le  Puff,  III,  se.  7). 

Désocculter.  M.  Jules  Bois  emploie  ce  mot  dans  un  article 
sur  l'occultisme  (Revue  bleue,  1902,  I,  22). 

S'embourgeoiser,  employé  par  P.  Bourget  (L Étape,  p.  175). 

Enversailler,  employé  par  H.  Lavedan  (S/re,  p.  136). 

Hiérarchiser,  employé  par  P.  Bourget  (L'Étape,  p.  126). 

Homme-danse.  »Chicard,  le  grand  Chicard,  ï homme-danse 
(Privât  d'Anglemont,  Paris  anecdote.  Paris,  1885.  P.  216). 

Rateusement,  mot  créé  par  Clément  Marot  pour  faire  pendant 
à  une  autre  formation  à  lui  lyonneusement ;  les  deux  mots  se 
trouvent  dans  sa  fable  Le  lion  et  le  rat. 


16 

Regardeur.  J'ai  toujours  plus  ou  moins  besoin  d'un  regar- 
deur  (Bourget,  Pastels,  p.  40). 

Rubiconner,  employé  par  P.  Bourget:  Il  nous  a  rubiconnés 
(Un  homme  d'affaires,  p.  89). 

Sur-héroder.  »  Shakespeare  condamne,  comme  Molière  con- 
damnait les  comédiens  de  l'hôtel  de  Bourgogne,  les  acteurs  de 
son  temps  qui  siir-hérodaient  Hérode«  (Jusserand,  Histoire  litté- 
raire du  peuple  anglais^  I,  500). 


CHAPITRE  II. 

ONOMATOPÉES. 


13.  Les  onomatopées  sont  des  mots  imitatifs,  c.  à  d.  des  mots 
qui  prétendent  imiter  par  les  phonèmes  dont  ils  se  composent 
certains  bruits  tels  *  que  le  cri  ou  le  chant  des  animaux,  le  son 
des  instruments  de  musique,  le  vacarme  des  machines,  le 
bruit  que  produisent  certains  mouvements  ou  certaines  actions, 
le  bruit  qui  accompagne  les  phénomènes  de  la  nature,  etc. 
L'onomatopée  est  toujours  une  approximation,  jamais  une  re- 
production exacte,  et  il  n'en  peut  pas  être  autrement.  Les 
phonèmes  de  la  voix  humaine  diffèrent  dans  leur  timbre  et 
autres  qualités  des  bruits  de  la  nature  qu'ils  veulent  imiter. 
Donc,  il  n'y  aura  toujours  qu'une  sorte  de  traduction  plus  ou 
moins  exacte  et  plus  ou  moins  conventionnelle.  Dans  plusieurs 
cas  cette  traduction  est  assez  mauvaise,  parfois  elle  est  tout  à 
fait  à  côté.  Le  plus  ou  le  moins  d'exactitude  dépend  de  la 
difficulté  que  présente  le  bruit  à  imiter.  Certaines  voix  d'ani- 
maux s'imitent  facilement  par  la  voix  humaine.  Dans  presque 
toutes  les  langues  la  brebis  dit  beh  ou  meh  [me:],  le  chat  miaou 
ou  gnao^  nao  (italien),  nau  (finnois),  et  ces  onomatopées  sont 
très  satisfaisantes. 

Elles  présentent,  pour  les  voyelles,  une  correspondance  assez 
parfaite,  et  le  désaccord  qu'offrent  les  consonnes  est  insigni- 
fiant. En  voici  quelques  autres  exemples:  les  chiens  disent 
tantôt  voo  vov  (danois),  tantôt  hau  hau  (finnois),  tantôt  bow- 
wow  (anglais),  etc.,  et  les  cochons,  dont  le  grognement  se  rend 
ordinairement  par  ô/,  disent  ôh  [œx]  en  Finlande;  —  il  est 
vrai  que  le  finlandais  ne  connaît  pas  le  /",  mais  ce  petit  trait 
montre  suffisamment  combien  il  faut  se  méfier  de  la  correc- 
tion des  onomatopées. 

2 


18 

14.  Le  plus  souvent  les  onomatopées  diffèrent  beaucoup  d'un 
pays  à  un  autre.  Voyons,  par  exemple,  ce  que  dit  le  canard 
dans  les  différents  pays.  Je  citerai  d'abord  un  souvenir  per- 
sonnel. 

Un  jour,  je  me  promenais  à  la  campagne  avec  un  ami 
français,  et  nous  passions  devant  un  petit  lac  où  il  y  avait 
des  canards.  »Voilà  des  rap  rap,«  lui  disais-je,  en  imitant  le 
parler  des  enfants  danois.  »Des  quoi?«  s'écria-t-il,  »des  rap 
rap?  Mais  ce  sont  des  canards,  et  les  canards  disent  couin 
couin.  Écoutez  bien,  et  vous  entendrez  qu'ils  produisent  un 
son  nasal.  Jamais  un  canard  qui  sait  parler  n'a  dit  rap  rap.^ 

Qui  se  douterait  que  ce  fût  le  même  animal  qu'on  désignât 
par  des  onomatopées  tellement  différentes?  Ajoutons  qu'à  côté 
de  couin  couin,  on  trouve  couan  couan  et  cancan.  Pour  Mon- 
targis,  E.  Rolland  cite  une  onomatopée  sans  voyelle  nasale  mouac 
mouac.  Cette  forme  avec  son  a  oral  pur  rappelle  un  peu  le 
danois  rap  rap,  mais  elle  se  rapproche  surtout  des  formes  alle- 
mandes qui  finissent  toutes  par  -ack:  gack  gack,  gick  gack  (gigaj, 
pack  pack,  quack  quack.  Comp.  roum.  mac  mac,  it.  qua  qua, 
russe  kriak,  angl.  quack,  cat.  mech  mech.  Voici  encore  quelques 
remarques  sur  les  mots  imitant  les  voix  de  quelques  autres 
animaux  : 

L'agneau  s'exprime,  comme  nous  venons  de  le  dire,  de  la 
même  manière  dans  presque  toutes  les  langues:  grec  /î^;  roum. 
he  he  he;  it.  bé  bé;  esp.  beée  beée  ou  ba-a  ba-a  ;  cat.  bee  bee; 
angl.  baa;  dan.  bœh  ou  mœh. 

Le  chien  paraît  avoir  dit  bau  bau  dans  les  langues  classiques 
(comp.  les  verbes:  ^avÇeiv  et  baubare).  Voici  maintenant 
quelques  formes  que  nous  offrent  les  langues  modernes:  roum. 
ham  ham;  it.  bu  bu;  esp.  guau  guau;  cat.  bup  bup ;  port,  béu 
béu  ;  angl.  bow  wow;  dan.  vov  vov. 

Le  coq:  roum.  cucurigu;  it.  chicchirichi ;  esp.  kikiriki;  cat. 
quiquiriqui  cocoroci;  port,  co-que-ro-co  ou  cô-crô-cô;  angl.  cock 
a  doodle  doo;  dan.  kykiliky ;    suéd.  kukeliku;  fin.  kukkukiekuu. 

La  corneille  (ou  le  corbeau):  roum.  car;  it.  gra  gra;  esp. 
gra  gra;  russe  kark ;  dan.  kra  kra;  angl.  caw.  Selon  Tennyson 
les  corneilles  disent  maud,  et  il  a  employé  ce  mot  comme 
titre  d'une  de  ses  poésies. 


19 

La  grenouille:  grec  x6a§;  roum.  oacaca;  it.  gra  gra  ou 
brè  brè. 

La  vache  paraît  avoir  dit  mu  chez  les  anciens  (comp.  les 
verbes  juvxâod^at  et  mugire).  La  même  onomatopée  se  ren- 
contre fréquemment  dans  les  langues  modernes:  roum.  mu; 
esp.  muû;  cat.  muûu.  Parfois  la  consonne  initiale  est  changée 
contre  un  b;  on  trouve  en  anglais  boo  moo;  le  danois  emploie 
buh  et  bôh;  fin.  môô.  L'italien  est  isolé  avec  mah  mah. 

15.  Nous  constatons  ainsi  que  les  onomatopées,  pour  une 
grande  partie,  diffèrent  de  langue  à  langue,  de  parler  à  parler, 
et  ce  fait,  qu'on  a  souvent  négligé,  suffit  pour  prouver  combien 
elles  sont  conventionnelles.  Souvent  on  n'arrive  pas  à  les  dé- 
chiffrer si  on  n'a  pas  d'avance  le  mot  de  l'énigme.  Ainsi,  qui 
serait  capable  de  dire  au  juste  quelle  est  la  voix  que  les  Mi- 
lanais ont  voulu  imiter  par  qua  quai  On  peut  émettre  des 
suppositions  plus  ou  moins  probables.  Mais  il  est  absolument 
impossible  de  donner  à  priori  une  réponse  certaine.  Les  Mi- 
lanais savent  par  tradition  que  qua  qua  imite  non  seulement 
le  coassement  des  grenouilles,  mais  aussi  le  croassement  des 
corbeaux.  Ordinairement  ces  deux  voix  ne  se  confondent  pas 
dans  une  seule  dénomination;  en  Suède,  par  exemple,  les  gre- 
nouilles disent  kvak  kvak,  les  corneilles  krax  krax.  Comme 
nous  connaissons  toutes  ces  onomatopées  dès  la  tendre  en- 
fance, elles  sont  si  intimement  liées  aux  animaux  dont  elles 
sont  censées  imiter  la  voix  et  dont  elles  évoquent  immédiate- 
ment l'image  qu'elles  n'éveillent  jamais  la  critique.  Nous  les 
avons  acceptées  presque  inconsciemment,  et  la  question  de 
leur  conformité  avec  le  substratum  naturel  ne  se  présente  pas. 

16.  On  ne  comprend  pas,  d'ordinaire,  à  quel  point  nous 
sommes  dupes  de  la  tradition  et  esclaves  de  l'habitude:  nous 
n'observons  pas  nous-mêmes,  nous  entendons  ce  que  nous 
nous  attendons  à  entendre  pour  y  être  préparés  dès  le  temps 
où  nous  commencions  à  parler.  M.  M.  Grammont  a  excellem- 
ment mis  en  lumière  cette  étrange  paresse  de  l'esprit.  Voici 
une  de  ses  expériences: 

»Un  soir  que  j'entendais  un  coucou  répéter  son  chant  mono- 
tone, je  priai  un   de  mes  amis  de  l'écouter  avec  attention  et 

2» 


20 

de  me  dire  si  c'était  bien  coucou  qu'il  entendait  ou  quelque 
autre  son.  »Alors,  me  dit-il,  tu  voudrais  que  le  coucou  ne 
fasse  pas  coucoul<^  —  »Je  ne  veux  rien  du  tout;  écoute  et  dis- 
moi  ce  que  tu  entends.*  Au  bout  d'un  instant,  il  me  répondit 
qu'il  entendait  bien  coucou  »à  n'en  pas  douter«  et  qu'il  trou- 
vait d'ailleurs  ma  question  assez  saugrenue.  »  Saugrenue  tant 
que  tu  voudras;  je  prétends  que  tu  n'entends  que  ou  ou, 
c'est-à-dire  la  même  voyelle  ou  répétée  deux  fois  avec  une 
légère  différence  d'intonation,  mais  aucune  occlusive,  aucun 
c  devant  elle.«  Après  quelques  minutes  il  était  convaincu  que 
j'avais  raison. «  —  Pour  ma  part,  je  suis  aussi  convaincu  que 
le  cri  n'est  pas  cou  cou;  mais  je  me  demande  s'il  est  vrai- 
ment ou  ou,  je  distingue  dans  le  cri  deux  sons  qui  me 
semblent  assez  différents.  Passons  maintenant  à  reproduire 
une  autre  expérience,  entreprise  également  par  M.  M.  Gram- 
mont:  »Si  l'on  se  met  en  face  d'un  balancier  et  qu'on  l'écoute 
en  commençant  au  moment  où  il  bat  à  gauche,  on  entend  tic 
tac,  tic  tac;  si  l'on  cesse  d'écouter,  et  que  l'on  recommence  au 
moment  où  il  bat  à  droite,  il  semble  que  l'on  doive  entendre 
tac  tic,  tac  tic.  Il  n'en  est  rien:  le  balancier  fait  toujours  tic 
tac,  tic  tac,  ce  qui  montre  bien  que  par  ce  mot  tic  tac  nous 
ne  reproduisons  pas  exactement  le  bruit  du  balancier;  nous 
croyons  entendre  tic  tac  parce  que  c'est  là  ce  que  nous  nous 
attendons  à  entendre,  et  si  nous  essayons  de  changer  l'ordre 
pour  entendre  tac  tic,  nous  entendons  encore  tic  tac  parce 
que  la  force  de  l'habitude  domine  les  impressions  de  notre 
oreille.  « 

17.  Phonétique.  Les  onomatopées  se  composent  de  une,  de 
deux  ou  de  plusieurs  syllabes.  Dans  les  onomatopées  poly- 
syllabes on  observe  une  certaine  harmonie  phonétique  pro- 
cédant de  la  répétition  rhytmique  des  phonèmes.  Les  con- 
sonnes comme  les  voyelles  se  répètent  de  syllabe  en  syllabe: 
cri  cri,  crin  crin,  cou  cou,  gtou  glou,  ronron,  etc.  A  côté  de 
la  répétition  simple,  on  observe  aussi,  pour  les  voyelles,  une 
certaine  altération  harmonique:  bredi  breda,  cahin  caha,  cric 
crac,  cric  croc,  pif  paf  pouf.  La  modulation  vocalique  est  sou- 
mise à  certaines  règles  harmoniques  qui  ont  fixé  invariable- 
ment l'ordre  des  voyelles;  on  dit  flic  flac,  jamais  flac  flic. 
Si   l'onomatopée   se   compose   de   deux   parties  on  a  i-a,   rare- 


21 

ment   i-ou;    si   elle  se   compose   de  trois   parties,   on   a  i-a-ou. 
Exemples: 

1^  I — A:  clic  clac,  cric  crac,  flic  flac,  fric  frac,  tic  tac,  hredi 
hreda. 

2^  I— O:  cric  croc,  flic  floc. 
3^  I — A — OU  :  him  bam  boum,  pif  paf  pouf. 
Nous  verrons  que  dans  les  refrains  on  a  souvent  une  alter- 
nance vocalique  différente. 

Remarque  1.  En  parlant  de  la  phonétique  des  onomatopées,  il  faut  con- 
stater le  fait  curieux  et  pourtant  très  naturel  que  ces  mots  se  soustraient 
à  tout  développement  phonétique  (comp.  I  §  109  ss.);  il  persiste  pendant  des 
siècles  sans  aucun  changement.  Cela  tient  à  ce  fait  qu'ils  se  créent  con- 
stamment de  nouveau,  et  en  se  renouvelant  toujours,  ils  ne  se  renouvellent 
jamais;  il  faut  maintenir  l'exactitude  des  onomatopées,  toute  imaginaire 
qu'elle  soit,  et  c'est  pourquoi  on  les  conserve  pieusement  et  sans  aucun 
changement.  Une  évolution  phonétique  régulière  finirait  par  les  rendre  mé- 
connaissables et  hors  d'état  de  remplir  leur  rôle. 

Remarque  2.  Grimm  (Deutsche  Grammatik,  F,  562)  et  après  lui  Diez 
voient  dans  l'alternance  vocalique  i — a  le  résultat  d'une  influence  des  langues 
germaniques.  Cette  hypothèse  nous  paraît  impossible.  Il  est  vrai  que  l'al- 
ternance entre  i  et  a  dans  les  formules  onomatopéiques  est  très  générale 
en  allemand  et  dans  les  langues  Scandinaves  (comp.  dan.  bim  bam ,  kling 
klang,  misk  mask,  vis  vas,  slidder  sladder,  etc.),  mais  il  est  impossible  de 
prouver  que  les  Gallo-Romains,  en  se  servant  de  ce  procédé,  ont  imité  les 
Francs.  L'hypothèse  nous  paraît  aussi  superflue;  la  création  onomatopéique 
à  alternance  vocalique  est,  semble-t-il,  un  phénomène  linguistique  si  naturel 
qu'il  peut  se  produire  spontanément  partout.  Ajoutons  que  notre  phéno- 
mène se  retrouve  dans  d'autres  langues  romanes  où  l'influence  germanique 
est  sensiblement  moins  grande  qu'en  français:  prov.  drin-dran,  flist  e  flast, 
frist  e  frast,  gnic  e  gnac,  trin-tran\  esp.  chis-chas,  zis-zas,  tris-tras,  nifi-nafe, 
rifi-rafe;  ii. ninna-nanna,  liffe-taffe,  tric-lrac,  chiccheri  e  chiaccheri,  et  une  foule 
d'autres  exemples  dans  les  dialectes.  Ce  fait  suffira  presque  seul  pour  dé- 
montrer le  peu  de  probabilité  de  l'hypothèse  émise. 

18.  Le  trait  caractéristique  des  onomatopées,  la  répétition 
à  courte  distance  des  mêmes  phonèmes,  parfois  accompagnée 
d'une  modulation  vocalique,  se  retrouve  dans  beaucoup  de 
formations  qui,  sans  être  proprement  des  onomatopées,  sont 
créées  à  leur  modèle;  citons  comme  exemples  méli  mélo,  mie 
mac.  Nous  constatons  l'existence  des  mêmes  particularités 
phonétiques  dans  le  langage  des  enfants  et  le  langage  hypo- 
coristique  (voir  I,  §§  121,  509,  i):  bobo,  dada,  toutou,  etc. 


22 

19.  La  sensation  eurythmique  provoquée  par  les  phonèmes 
répétés  est  souvent  mise  à  profit  par  les  poètes.  Ils  recourent, 
pour  produire  certains  effets,  à  la  répétition  de  la  consonne 
ou  de  la  syllabe  initiale  (I,  §  510);  au  besoin,  ils  ont  même 
parfois  altéré  arbitrairement  la  forme  du  mot  (I,  §  509, 2). 
Dans  d'autres  cas  ils  répètent  la  phrase  avec  quelques  varia- 
tions artistiquement  choisies  pour  produire  une  harmonie  imi- 
tative.  Voici  deux  refrains  qui  peignent  le  souffle  du  vent: 

C'est  le  vent  qui  vole,  qui  frivole, 
C'est  le  vent  qui  va  frivolant. 

(Rolland,  Chansons  populaires,  1,  252.) 

C'est  le  vent  qui  va  frétillant, 
C'est  le  vent  qui  va,  qui  frétille, 
C'est  le  vent  qui  va  frétillant. 

(Bujeaud  I,  135.) 

Remarque.  Nous  observons  le  même  procédé  dans  le  langage  enfantin  ou 
plaisant.  Exemple:  Tout  le  monde  m'appelait  une  rapporton  et  l'on  chan- 
tait à  mes  oreilles:  ^Rapporti  rapporta,  Va  t'en  dire  à  notre  chat  Qu'il  te 
garde  une  place  Pour  le  jour  de  ton  trépas*  (L.  Perey,  Histoire  d'une  grande 
dame.  Paris,  1903.  Vol.  I,  38).  Citons  aussi  une  chanson  de  vignerons  qui  se 
chante  dans  le  Hainaut.  Elle  commence  ainsi  : 

De  terre  en  vigne    — 
La  voici  la  jolie  vigne! 
Vignî,  vigna,  vignons  le  vin  — 
La  voici  la  jolie  vigne  à  vin. 

De  vigne  en  branche  — 

La  voici  la  jolie  branche! 

Branchi,  brancha,  branchons  le  vin  — 

La  voici  la  jolie  branche  à  vin. 

20  Fonction.  Sur  l'emploi  de  la  fonction  des  onomatopées 
il  faut  noter  les  points  suivants: 

1^  L'onomatopée  devient  souvent  un  pur  substantif  et  s'em- 
ploie comme  désignation  de  l'animal  ou  de  l'objet  en  ques- 
tion:  Un  bribri,  un  coucou,  un  coq,  un  teuf-teuf;  voir  §  31. 

2^  L'onomatopée  sert  souvent  à  former  des  verbes:  bou- 
bouler,  cacarder,  chuinter,  froufrouter,  miauler,  roucouler,  etc.; 
voir  §  32. 

3^  L'onomatopée  peut  s'employer  comme  interjection:  chut, 
couic,  crac,  han,  hue. 


23 

4^  L'onomatopée  s'emploie  souvent  comme  refrain,  surtout 
des  chansons  populaires  ;  voir  §  28  ss. 

5^  L'onomatopée  joue  un  rôle  assez  considérable  dans  le 
langage  enfantin. 

21.  Animaux.  Dès  l'antiquité  on  a  fait  des  essais  nombreux 
pour  imiter  les  voix  des  animaux,  et  les  essais  se  répètent  de 
génération  à  génération.  On  imite  surtout  la  voix  des  ani- 
maux domestiques  et  des  oiseaux  chanteurs,  mais  tout  ani- 
mal, pourvu  qu'il  possède  une  voix  expressive  et  particulière, 
excite  le  besoin  d'imitation  de  l'homme.  On  peut  dire  que  les 
voix  d'animaux  constituent  le  domaine  où  la  formation  ono- 
matopéique  joue  le  plus  grand  rôle.  Ajoutons  qu'il  paraît 
tellement  naturel  de  désigner  un  animal  par  une  imitation  de 
son  cri  ou  de  son  chant,  que  dans  beaucoup  de  cas  l'animal 
n'a  pas  d'autre  nom.  Citons  bribri,  coucou,  courlis,  cricri,  frou- 
frou, tritri,  furlut,  etc.  ;  il  en  est  de  même  de  plusieurs  animaux 
étrangers  couagga,  gecko,  guit-guit,  ouistiti. 

22.  Examinons  maintenant  quelques-unes  des  formations 
onomatopéiques  qui  se  rattachent  aux  animaux;  nous  donne- 
rons à  côté  de  l'onomatopée  pure  les  différents  dérivés  aux- 
quels elle  a  donné  lieu. 

Agneau  (voir  brebis). 

Alouette.  —  Tirelire.  Son  cri  est  aussi  désigné  par  le  verbe 
grisoler  qui  est  probablement  de  nature  onomatopéique. 

Ane.  —  Hi  hi  hi,  han  han  han  (Testament  de  Vâne,  Bujeaud 
I,  63;  cf.  Mélusine  II,  300);  on  trouve  aussi  hi-han,  hin-han: 
comp.  La  prose  de  VAne  (XIII*  siècle). 

Bec-figue.  —  Tri-tri.  Le  cri  désigne  aussi  Toiseau:  un 
tri-tri. 

Brebis.  —  Français  moderne  bêh.  Brunetto  Latini  remarque 
que  les  brebis  noires  disent  meh,  les  autres  beh  (Trésors, 
p.  254).  De  bee  on  a  tiré  le  verbe  beeler,  devenu  bêler,  bêler. 

Bruant  des  haies.  —  Bribri;  l'onomatopée  désigne  aussi 
l'oiseau. 

Caille.  —  Son  cri  est  désigné  par  le  verbe  courcailler,  d'où 
le  substantif  courcaillet. 

Canard  (voir  §  14),  —  Couin  couin.  On  trouve  aussi  quand 
quand  (p.  ex.  dans  le  conte  fantastique  Bout  de  Canard). 


24 

Chat.  —  Miaou^  d'où  miauler,  et  ronron,  d'où  ronronner. 

Chien.  —  Vow\  vow.  —  Hou,  hou,  hou,  je  garde  la  porte 
(Chanson).  Un  cri  retentit:  Ouap!  C'est  le  petit  chien  Toto  . . . 
(A.  France:  Pierre  Nozière  p.  49).  Dans  Cyrano  de  Bergerac  (I, 
Se.  4,  p.  34)  M.  Rostand  fait  pousser  au  public  les  cris  sui- 
vants: Hihan!  Bêê!  Ouah,  ouah  !  Cocorico.  Dans  un  texte  du 
XVP  siècle  on  trouve  une  forme  nasalisée  ouan,  ouan  (voir 
Moyen  de  parvenir,  chap.  XC). 

Chouette.  —  Son  cri  est  exprimé  par  le  verbe  chuinter. 

Colombe.  —  Roucou,  d'où  roucouler  (l'explication  de  G.  Don- 
cieux  dans  la  Romania  1899,  p.  437  me  paraît  inacceptable)  ; 
on  trouve  dans  la  vieille  langue  rouconner,  rencouller. 

Coq,  nom  dû  à  une  imitation  du  chant  de  l'oiseau.  Comme 
onomatopée  on  emploie  ordinairement  coquericot  ou  cocorico. 
Dans  l'ancienne  langue  on  trouve  aussi  coquelicot  (appliqué 
maintenant  à  un  pavot  dont  la  fleur  rouge  rappelle  la  crête 
du  coq). 

Corbeau.  —  Croa,  croa,  d'où  croasser;  on  dit  aussi,  moins 
fréquemment,  croailler,  crailler. 

Corneille.  —  Son  cri  est  désigné  par  le  verbe  croailler. 

Courlis  ou  courlieu,  noms  dus  à  l'imitation  du  chant 
de  l'oiseau  ;  comme  onomatopées  on  trouve  aussi  courleri, 
courleret,  courleru.  L'oiseau  s'appelle  aussi  turlut. 

Dindon.  —  Glouglou,  d'où  glouglouter.  Dans  Le  mission- 
naire de  Montrouge,  Béranger  imite  la  voix  du  dindon  dans 
le  refrain:  »Glous!  glous!  glous!  glous!  Reconnaissez  la  voix 
d'Ignace:  Pleurez  et  convertissez-vous. « 

Farlouse.  —   Turlut;  est  aussi  devenu  le  nom  de  l'oiseau. 

Grenouille.  —  Coax!  coax!  ou  coi!  Le  verbe  correspon- 
dant est  coasser;  A.  Paré  donne  coaxer  (comp.  le  latin  coa- 
xare).  Quelques  auteurs  ont  employé  croasser,  qui  désigne 
ordinairement  le  cri  du  corbeau.  —  Dans  Le  rossignol  et  la 
grenouille.  J. -B.  Rousseau  emploie  le  refrain:  Brrke  ke  ke 
kex  koax  koax  (sans  doute  d'après  Aristophane). 

Grillon.  —  Cri  cri  (on  écrit  aussi  cricri).  L'onomatopée 
désigne  aussi  l'insecte:  un  cri-cri. 

Hibou.  —  Son  cri  est  imité  de  plusieurs  manières  diffé- 
rentes: boubou,  houhou,  hourougou,  hourouhou,  ugou,  dugou, 
dugo,  ho  ho,  etc.  De  boubou  on  a  tiré  bouhouler ;  de  ho,  hôler. 


25 

Loup.  —  Hou  hou,  faisait  le  loup  (Daudet,  La  chèvre  de 
M.  Seguin). 

Moineau.  —  Guilleri 

Mouche.  —  Zon  zon  (G.  Grandmougin,  La  chanson  des 
mouches). 

Oie.  —  Son  cri  est  exprimé  par  le  verbe  cacarder. 

Oiseau-mouche.  —  Frou  frou.  Désigne  aussi  l'animal. 

Poule.  —  Son  gloussement  au  moment  de  pondre  est  ex- 
primé par  caqueter  ou  creteler. 

Ramage  des  oiseaux.  Cui!  cui!  Tiou!  Ré!  Toti!  Cui!  Oui, 
oui!  (P.  et  V.  Margueritte,  Zette,  p.  104). 

Rossignol.  —  Au  moyen  âge  on  imite  le  chant  mélodieux 
et  mélancolique  du  rossignol  par  oci  (ou  occï):  Quant  j'oi 
chanter  à  mes  oreilles  Le  roussignol  oci,  oci  (Meraugis).  Pour 
d'autres  exemples,  voir  Godefroy.  Cette  onomatopée  très  dure 
et  très  peu  satisfaisante  ne  se  trouve  pas  après  la  Renaissance. 
Dans  une  chanson  moderne  on  trouve  ii  ou  ti  ti  ou  d  ti  ou 
ti  ti. 

Serinette,  s'appelle  aussi  turlutaine,  dérivé  de  l'onomato- 
pée turlut. 

Souris.  —  Son  cri  est  désigné  par  le  verbe  guiorer. 

Vache.  —  Meuh;  cette  onomatopée  se  retrouve  probable- 
ment dans  le  verbe  meugler,  altération  de  beugler;  on  trouve 
aussi  moû! 

Dans  Le  Déluge,  Xanrof  (I,  §  81)  a  réuni  un  certain  nombre 
de  voix  d'animaux: 

Et  tous  les  animaux  ravis 

Poussaient  de  grands  cris  ahuris: 

Hi-han,  miaou,  cocorico, 

Ouaf-ouaf,  meii-meu,  bé-bé,  couin-couin. 

N'y  avait  que  les  poissons 

Qui  ne  disaient  rien. 

23.  On  interprète  souvent  le  chant  des  oiseaux  de  diffé- 
rentes manières;  on  croit  y  entendre  des  mots  intelligibles, 
même  des  phrases  entières  qu'on  transpose  en  des  dictons 
populaires,  et  les  oiseaux  arrivent  ainsi  à  donner  aux  hommes 
des  conseils  de  conduite,  de  morale,  d'économie,  etc.  Voici 
quelques  faits  recueillis  par  M.  P.  Sébillot:    »En  Wallonie  on 


26 

interprète  de  la  même  manière  le  chant  de  la  mésange  char- 
bonnière: Si  si  deu  (bis),  Pây  tè  dèt'  Si  tu  deii.  Dans  le  Midi 
l'alouette  dit:  Que  te  fa  fali  (fais-lui  ce  qu'il  te  fait).  Le  cor- 
beau qui  est  carnassier,  exprime  cyniquement  sa  voracité; 
plusieurs  formulettes  méridionales  se  rapprochent  de  celle-ci 
usitée  en  Auvergne:  Couac!  couac!  couac!  Vole  de  la  car! 
Couac!  couac!  (je  veux  de  la  chair);  aux  environs  de  Rennes, 
il  répète:  Cadavre!  cadavre!  (Folklore  de  la  France.  Paris, 
1906,  p.  260).  Sur  les  grenouilles  M.  Sébillot  (z/?.,  p.  260)  ob- 
serve: »0n  sait  qu'un  chœur  de  grenouilles  figure  dans  la 
comédie  athénienne  qui  porte  leur  nom;  il  est  fort  possible 
que  l'idée  en  ait  été  suggérée  à  Aristophane  par  une  inter- 
prétation populaire  de  leur  coassement,  apparentée  à  celles 
qui  sont  usitées  en  plusieurs  pays.  Parfois  c'est  une  petite 
saynète  où  le  dialogue  s'engage  entre  un  coryphée  et  une 
sorte  de  chœur.  Dans  le  pays  fougerais,  la  première  grenouille 
qu'on  entend  le  soir  est  la  reine  et  elle  dit  aux  autres: 

Qu'est-ce  qui  lavera 
L'écuelle  du  roi? 

Alors  toutes  de  répondre: 

Ça  n'est  pas  ma, 
Ni  ma,  ni  ma,  etc. 

Jusqu'à  ce  quelles  soient  endormies  l'une  après  l'autre,  alors 
leur  prière  est  finie.  A  Genève,  on  traduit  ainsi  leur  coasse- 
ment: 

Le  roi 
est  allé  — 
Où!  Où! 
A  Cognac!^ 

24.  Instruments  de  musique,  armes,  etc.  Dans  ce  domaine 
les  onomatopées  sont  moins  nombreuses.  Comme  les  bruits 
et  les  sons  dont  il  s'agit  ici  sont  ordinairement  plus  difficiles 
à  imiter  que  les  voix  d'animaux,  on  se  contente  généralement 
d'approximations  assez  peu  satisfaisantes. 

Canon.  —  Poum  poum.  On  trouve  dans  la  vieille  littéra- 
ture petouf  (Farce  des  trois  Galants  v.  96). 

Clarinette.  —  Trum  (Th.  de  Banville,  Odes  funambu- 
lesques, p.  99). 


27 

Cloche.  —  Bim  ham  boum.  Din  dom,  din  dom  ou  din  don, 
din  don.  Rappelons  un  vers  de  Béranger:  Digue,  digue,  dig, 
din,  dig,  din,  don  (Le  carillonneur). 

Cor  de  chasse.  —  Trantran  ou  traintrain.  Au  XVP  siècle 
on  avait  le  verbe  trantraner. 

Fusil.  —  Pan  pan!  Pif  paf.  Le  pif  paf  pouf  des  balles 
(Scribe,  Les  Huguenots). 

Sonnette  ou  timbre.  —  Bing  bing.  Exemple:  Il  n'y  a  que 
lui  pour  faire  vibrer  le  timbre  de  sa  porte,  —  bing  .  .  .  bing, 
deux  coups  rapides  (G.  Droz,  Entre  nous,  p.  242).  Drelin  drelin, 
d'oii  derliner  (comp.  I,  §  518):  La  cloche  derlinait  à  toute 
volée  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  75).  Drelin  dindin.  Tin- 
tin  (ib.,  p.  89).  E.  Pasquier  parle  du  tintin  de  la  cloche  que 
les  enfants  appellent  dindan  (Recherches  de  la  France,  VIII, 
chap.  6). 

Tambour.  —  Rataplan,  rataplan,  ou  planplan.  Un  petit 
tambour  qui  fait  planplan  (Chanson  enfantine).  On  trouve 
aussi  ran  tan  plan  (Nisard,  Chansons  populaires  II,  168)  ou 
ran  plan  plan  (Daudet,  Nostalgie  de  caserne);  tarare  et  boum- 
boum.  E.  Pasquier  cite  le  palalalalan  des  tambours  (Recherches 
de  la  France,  VIII,  chap.  6). 

Triangle.  —  Ktsin  (Th.  de  Banville,  Odes  funambulesques, 
p.  96). 

Trompette.  —  Ratata!  ratata  ou  tatarata.  Tarata!  (Dau- 
det, Tartarin  de  Tarascon).  Une  belle  petite  trompi-trompette 
qui  fait  trara  déri  dérette  (Chanson  enfantine). 

Violon.  —  Les  sons  du  violon  sont  reproduits  de  beau- 
coup de  manières  très  différentes.  On  trouve  crin  crin,  d'où: 
un  crincrin  pour  un  mauvais  violon,  flon  flon,  zon  zon,  zig  zig. 
Voici  un  exemple  de  cette  dernière  onomatopée  qui  se  trouve 
dans  le  texte  de  H.  Cazalis  pour  la  Danse  macabre  de   Saint- 

Saëns : 

Zig  et  Zig  et  Zig,  la  Mort  en  cadence 
Frappant  une  tombe  avec  un  talon, 
La  mort  à  minuit  joue  un  air  de  danse, 
Zig  et  Zig  et  Zig,  sur  un  violon,  etc. 

Violoncelle.  —  Vzrumz  (Th.  de  Banville,  Odes  funambu- 
lesques, p.  97). 


28 

Voici  pour  finir  le  premier  couplet  d'un  vieux  noël  lyon- 
nais où  sont  représentés  et  imités  les  sons  de  plusieurs  in- 
struments: 

La  musette  quine, 
Hautbois  font  nana, 
Tarantant  la  buccine 
La  viole  zon  za, 
Fan  fan  la  trompette, 
Frin  frin  le  rebec; 
Tiirlu  dit  la  flûte, 
Toutou  le  cornet. 

25.  Nous  donnerons  ici  par  ordre  [alphabétique  diverses 
autres  imitations. 

eu  cla  clo  clou  imite  le  gazouillement  de  l'eau  d'un  petit 
ruisseau  passant  sur  des  cailloux. 

Clic  clac.  Exemple:  Le  clic-clac  de  ses  gifles  (Huysmans, 
Les  sœurs  Vatard,  p.  140). 

Crac  exprime  le  bruit  sec  que  font  les  corps  durs  se  rom- 
pant ou  s'entrechoquant.  Dérivés:  craquer,  craqueler,  craqueter. 

Cric  exprime  le  bruit  d'une  chose  qu'on  déchire. 

Cric  crac  peint  le  bruit  sec  d'une  chose  qui  se  rompt  ou  se 
déchire. 

Croc  exprime  le  bruit  que  fait  une  chose  qui  se  brise  sous 
la  dent,  sous  le  pied. 

Flic  flac  exprime  le  claquement  d'un  fouet  et  le  bruit  de 
soufflets  donnés. 

Fric  frac  imite  le  bruit  d'une  chose  qui  se  déchire.  S'em- 
ploie aussi  dans  quelques  locutions  :  ne  trouver  ni  fric  ni  frac 
(rien  à  manger).  Il  n'y  a  ni  fric  ni  frac.  Dans  l'argot  des 
cambrioleurs  fric  frac  désigne  l'art  d'ouvrir  les  portes. 

Frinc  frinc  imite  le  son  que  produit  un  trousseau  de  clefs 
qu'on  agite.  Exemple:  »M.  Viot  ne  prononça  pas  de  discours, 
mais  ses  clefs,  frinc  frinc  frinc,  parlèrent  pour  lui  d'une  façon 
si  terrible,  frinc  frinc  frinc,  si  menaçante  que  toutes  les  têtes  se 
cachèrent«,  etc.  (Daudet,  Le  petit  Chose,  p.  61). 

Frou  frou  exprime  le  froissement  des  feuilles  et  surtout  de 
la  soie.  Halévy  a  personnifié  cette  onomatopée  dans  une  pièce 
très  connue,  Froufrou  (1869). 

Glou   glou   imite   le   bruit  que  produit  le  vin  sortant  du  col 


29 

d'une  bouteille.  On  se  rappelle  les  vers  du  Médecin  malgré  lui 

(I,  se.  6): 

Qu'ils  sont  doux, 
Bouteille  jolie, 
Qu'ils  sont  doux 
Vos  petits  glous-gloiis. 

Pan  pan  exprime  soit  le  bruit  occasionné  par  un  corps  qui 
tombe  subitement  ou  frappe  sur  un  autre  corps,  soit  le  bruit 
de  quelque  chose  qui  éclate.  On  frappe  à  la  porte:  pan  pan; 
on  tire  un  coup  de  fusil  :  pan  pan  ;  on  débouche  une  bouteille 
de  Champagne,  et  le  bouchon  fait  pan  pan. 

Pim  peint  le  bruit  d'un  marteau  frappant  sur  l'enclume. 

Plie  ploc  plac  imite  le  bruit  de  la  pluie.  Exemple:  Il  tomb' 
de  l'eau,  plic^  ploc,  plac,  Il  tomb'  de  l'eau  plein  mon  sac. 
(Richepin,  Chanson  des  gueux,  p.  22). 

Tac  imite  le  bruit  du  fer  qui  vient  choquer  le  fer.  S'em- 
ploie comme  substantif:  Parade  du  tac,  riposter  du  tac  au  tac. 

Tac  tac  imite  la  répétition  uniforme  d'un  bruit  sec:  le  tac 
tac  d'un  moulin;  d'où  taqueter.  J'entends  le  moulin  tique  tique 
taque  J'entends  le  moulin  taqueter.  (Rolland,  Chansons  popu- 
laires, I,  79.) 

Teuf  teuf  —  le  bruit  que  fait  une  automobile,  d'où  le  subs- 
tantif: un  teuf-teuf. 

Tic  tac  imite  le  bruit  d'une  horloge  ou  d'un  moulin. 

Toc  toc  exprime  un  bruit,  un  choc  sourd;  on  frappe  à  la 
porte:  toc  toc. 

Trictrac  exprime  le  bruit  des  choses  qui  se  heurtent. 

26.  Interjections.  Beaucoup  d'interjections,  surtout  celles 
qui  expriment  la  douleur,  la  surprise,  le  dégoût,  sont  d'origine 
onomatopéique;  elles  reproduisent  souvent  assez  fidèlement 
le  bruit  naturel  qui  accompagne  la  sensation  en  question 
(comp.  §  631—632): 

Aïe  exprime  la  douleur;  nous  retrouvons  probablement  cette 
interjection  dans  le  substantif  aï,  nom  d'une  maladie. 

Bouf,  forme  originaire  probable  de  bouffer. 

Brrou.  Exemple:  Désirée  avait  des  frissons  dans  le  dos, 
brrou!  ça  devait  être -froid  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard, 
p.  86). 


30 

Couic.  —  Dès  que  le  rat  a  goûté  l'exquise  substance  [la 
mort  aux  rats]:  couic!  (P.  et  V.  Margueritte,  Zette.  p.  144). 

Cric  crac.  —  Les  situations  s'engagent,  se  dégagent,  se  ren- 
gagent, cric^  crac,  sans  que  les  personnages  aient  pu  seule- 
ment prendre  le  temps  de  s'asseoir.  (P.  Hervieu,  Peints  par 
eux-mêmes,  p.  116). 

Han,  cri  des  gens  qui  font  effort. 

Haro,  exclamation  pour  appeler  à  l'aide.  Tel  est  l'emploi 
primitif  de  ce  mot  dont  la  langue  moderne  fait  un  autre 
usage. 

Hi  hi  imite  les  pleurnichements  et  les  ricanements  des  en- 
fants; appartient  surtout  au  langage  familier. 

Houp,  cri  pour  appeler  ou  exciter  un  chien,  un  cheval;  d'où 
houper. 

Ouich.  Exemple:  J'étais  passée  dans  sa  chambre  à  coucher, 
comptant  bien  qu'il  me  suivrait  pour  m'aider,  ah!  bien  ouich! 
(Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  149). 

Patati  patata  exprime  un  babil  insignifiant  et  ennuyeux:  Il 
entre  et  soudain  dit:  Prêchi!  prêcha!  —  Et  patati,  et  patata. 
Prêtons  bien  l'oreille  à  ce  discours-là.  (Déranger,  Le  juge  de 
Charenton). 

Patatras,  peint  le  bruit  que  fait  un  corps  qui  tombe. 

Plouf.  —  Se  sentir  mourir,  et  ressusciter  soudain,  à  la  der- 
nière seconde,  quand,  plouf!  l'air  brusquement  vous  rentre 
dans  le  corps  (P.  et  V.  Margueritte,  Zette,  p.  238). 

Tproupt.  —  Si  ne  pot  pas  atemprer  s'ire,  Ainz  dist  al  mes- 
sagier  :  ^Tproupt,  sirei«  (Ambroise,  Guerre  sainte,  v.  1466). 
Cette  exclamation  d'injure  et  de  mépris  est  qualifiée  dans  le 
poème  cité  (v.  1471)  de  »mot  huntus«. 

Vlop.  —  Turc,  lui,  est  sociable,  trop  familier  même,  quand 
il  avale,  vlop!  d'un  coup  de  gueule  le  morceau  de  pain  qu'on 
lui  offre  (P.  et  V.  Margueritte,  Zette,  p.  134). 

Zest,  zeste  ou  zist  s'emploie  pour  marquer  que  quelque  chose 
s'est  fait  lestement  ou  pour  rejeter  ce  dont  il  est  question: 
zest,  me  voilà  rendu;  il  se  vante  de  cela,  zest. 

Zut.  Exemple  :  Ah  zut  pour  leur  bière  au  vinaigre  et  vive  le 
vinl  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  162). 

27.  Cris  de  chasse.  La  langue  des  chasseurs  offre  beaucoup 
d'interjections  qui  sont  souvent  difficiles  à  expliquer;  plusieurs 


31 

d'entre  elles  sont  indubitablement  d'origine  onomatopéique. 
Exemples: 

Ça-va  la-haut,  cri  par  lequel  on  excite  les  chiens. 

Hallali,   cri   que  pousse  le  chasseur  pour  exciter  les  chiens. 

Hourvari. 

Hoye,  cri  destiné  à  poursuivre  le  héron  (Eust.  Deschamps, 
Œuvres,  IV,  320). 

Taïaut,  cri  pour  lancer  les  chiens  après  la  bête.  C'est  par 
ce  cri  que  fut  accueilli  le  convoi  funèbre  de  Louis  XV  (Mau- 
gras,  Le  duc  de  Lauzun,  p.  433). 

Velci  aller,  mot  adressé  au  chien  pour  l'obliger  à  suivre  les 
voies  d'une  bête. 

Velci-revasi  (voi-le-ci,  revas-y),  se  crie  quand  un  cerf  ruse  et 
revient  dans  ses  mêmes  voies. 

28  Refrains.  Des  réunions  arbitraires  de  syllabes  présentant 
le  plus  souvent  un  caractère  onomatopéique  s'emploient  beau- 
coup dans  les  refrains.  Ces  refrains  sont  tantôt  vides  de  sens, 
tantôt  imitatifs. 

Remarque.  Dans  plusieurs  cas  le  refrain  peut  devenir  un  substantif  et 
prendre  le  sens  de  > refrain*.  Tel  est  le  cas  de  faridondaine,  flonflon,  lan- 
turelu,  turelure,  virelai  (de  vireli,  sous  l'influence  de  lai).  On  trouve  de  même 
dans  la  vieille  langue  un  dorenlot  Citons  enfin  mirliton  qui  parait  aussi  être 
un  ancien  refrain. 

29.  Refrains  vides  de  sens.  —  Ces  refrains  ont  tous  un 
caractère  euphonique  très  prononcé;  grâce  à  la  répétition  har- 
monique des  sons,  ils  sont  faciles  à  chanter  et  faciles  à  re- 
tenir. Plusieurs  d'entre  eux  reviennent  dans  toutes  les  langues. 
Ils  s'emploient  surtout  dans  la  poésie  populaire. 

Exemples  :  La  la.  Tra  la  la.  Tra  déri  déra.  Laire  la,  laire  lan 
laire;  laire  la;  laire  lan  la;  Ion  Ion  laire,  Ion  Ion  la.  Landeri- 
rette  lande riri.  Lon  lan  la  derirette  Ion  la  deriri.  O  gué  Ion  la 
lanière.  0  reguingué  o  lon  lan  la.  Et  ron  ron  ron  petipatapon. 
Palatin  patatan,  tarabin  taraban.  La  farira  dondaine,  la  farira 
dondé.  Mirliton,  mirlitaine. 

30.  Refrains  imitatifs.  Ces  refrains  sont  très  employés 
dans   la   poésie   lyrique   bachique   et  burlesque.   On   crée  des 


32 

refrains  qui  imitent  les  instruments  de  musique,  le  chant  des 
oiseaux  et  les  bruits  qui  accompagnent  une  bacchanale. 

P  Instruments  de  musique.  Les  refrains  qui  imitent  le 
son  des  instruments  sont  très  employés.  En  voici  quelques 
exemples: 

Biniou.  —  Bohino  pinpin.  Pin  bobino  bino  bino  binai  (Rol- 
land, I,  64). 

Cor  de  chasse  (cf.  §  24).  —  La  tridenne  dondenne.  La  tri- 
denne  dondon  (Bartsch,  II,  30).  Tra  vadelaritandenne.  Tra  vate- 
laritondon  {ib.,  II,  44). 

Ces  imitations  sont  médiévales;  en  voici  une  plus  moderne: 
Du  cor  n'entends-tu  pas  le  son?  Tonton,  tonton,  tontaine,  ion- 
ton  (Béranger,  La  double  chasse). 

Musette.  —  Civalala  duri  duriaus.  Civalala  durette. 

Violon  (cf.  §  24).  —  Flon  flon  flon,  tarira  dondaine,  Flon 
flon,  tarira  dondon.  On  emploie  aussi  zig  avec  des  variations: 

En  revenant  de  Bordeaux 

La  belle  zigue,  zigue, 

La  belle  zigue  zon, 
De  Bordeaux  à  la  Rochelle 

Zigue,  zon  zaine,  etc. 

Voici  pour  finir  quelques  refrains  prétendant  imiter  le  bruit 
de  tout  un  orchestre. 

Boum!  malaizim!  malatzim  malatzim!  zim!  ... 

Ta  ra  ta  ta  pan  !  ta  pan  !  ta  pan  ! 
Boum  malatzim!  malatzim  malatzim!  zim! 

Ta  ra  ta  pan  ta  prum  !  ta  prum  !  ta  prum! 

(Sai'repont,  Cliansons  militaires  de  la  France,  p.  71). 

Sonnez,  trompette,  en  avant  la  musique, 
Dzing  boum  boum, 
Dzing  boum  boum, 
Dzing  malatapoum. 

Remarque.  On  crée  parfois  des  refrains  en  transformant  le  nom  de  l'ins- 
trument en  question.  En  voici  un  exemple  tiré  d'une  chanson  napolitaine 
moderne  de  Paris  (Paroles  et  musique  de  Marinier). 

Sous  ton  balcon,  ô  ma  divine, 
Je  viens  te  chanter  en  passant 
Aux  accords  de  ma  mandoline 
La  joyeuse  chanson  de  mon  amour  naissant. 
Refrain:     Mandoli,  mandoli,  mandata, 
etc. 


33 

2^  Voix  d'animaux.  Des  refrains  formés  sur  les  voix  d'ani- 
maux sont  fréquents  dans  la  vieille  poésie  lyrique.  En  voici 
un  exemple  tiré  des  poésies  de  Froissart.  Le  poète  demande 
pourquoi  on  aime  tant  le  chant  du  rossignol  et  il  répond: 

Pour  ce  qu'il  est  jolis  et  amoureus, 

Et  dist:  Oci,  oci,  joieus,  joieus, 

Fui  de  ci,  fui!  Tout  mi  est  bon,  dur  et  mol. 

Une  chanson  populaire  très  répandue,  L'alouette  et  le  pinson, 
a  pour  refrain  : 

L'alouette  fit:  Falurette, 
Le  pinson  fit:  Faluron. 

(Puymaigre,   Chansons  populaires,  II,  79). 

La  poésie   moderne   emploie   de   ces   refrains   surtout  dans  le 
genre  comique  : 

Mia-mia-ou!  Que  veut  Minette? 
Mia-mia-ou!  c'est  un  matou. 

(Béranger,  La  chatte.) 

Co,  co,  coquérico. 
France,  remets  ton  shako. 
Coquérico,  coquérico. 

(Béranger,  Notre  coq.) 

3^  Chansons  à  boire.  Dans  les  refrains  qui  accompagnent 
ces  chansons,  on  cherche  souvent  à  imiter  le  bruit  qui  se  pro- 
duit quand  on  débouche  une  bouteille,  quand  on  verse  le  vin 
et  qu'on  le  boit,  quand  on  choque  les  verres  et  les  cruches, 
etc.  Exemples:  Tru,  tru,  trut.  Dihhedibhedon.  Cli  clo  cla  clou, 
eu  clo  cla  la  tirette  la  liron.  Glou  glou  (§  25).  Pon  pon  pon. 
Pan  pan  pan.  Tin  tin.  Trinquons,  et  toc,  et  tin,  tin,  tin! 
Jean,  tu  bois  depuis  le  matin  (Béranger,  L'ivrogne  et  sa 
femme). 

31.  Noms.  A  côté  des  onomatopées  substantifiées  telles  que 
cricri,  crincrin,  coucou,  mirliton,  turelure,  etc.,  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  il  faut  nommer  les  suivantes:  Du  bric-à-brac,  du 
brouhaha,  un  cliquetis,  un  ou  plutôt  une  gnangnan,  un  haha, 
une  haha,  un  méli-mélo,  un  mic-mac,  un  patapouf,  un  patatras, 
un  trantran,  un  zigzag,  etc. 

Rappelons  aussi  le  mot  you-you,  dont  voici  un  exemple  de 
Guy  de  Maupassant.  Il  écrit:  Le  yacht  s'incline  portant  toute 
sa   toile   et   court  suivi  toujours  du  you-you  dont  l'amarre  est 

3 


34 

tendue  (Sur  l'eau,  p.  26).  Ainsi  ijou-ijou  signifie  ,yole^  et  imite 
probablement  par  ces  phonèmes  le  clapotis  de  l'eau  contre 
les  bords  du  bateau. 

32.  Verbes.  Aux  exemples  déjà  cités,  tels  que  croasser,  der- 
liner,  hôîer,  roucouler,  etc.  il  faut  ajouter  les  suivants:  bahillery 
barboter^  caqueter,  chuchoter,  claquer  y  vfr.  cliquer,  cliqueter,  cra- 
quer, croquer,  criquer,  crisser,  flaquer,  frétiller,  gargouiller,  hale- 
ter, hennir,  Imcher,  japper,  papoter,  ronfler,  tinter,  zézayer. 

33.  Particules.  Un  petit  nombre  de  formations  onomato- 
péiques  s'emploient  comme  adverbes  ou  interjections.  Ex- 
emples: 

Bredi-breda.  —  Raconter  quelque  chose  bredi-breda,  c.  à  d. 
en  embrouillant  tout  par  trop  de  précipitation. 

Buf-baf.  Si  je  dy  nuf  elle  dit  naf,  Si  je  dy  buf  elle  dit  baf 
(Montaiglon,  Recueil  de  poésies  françaises,  II,  189). 

Cahin-caha,  tant  bien  que  mal,  avec  peine.  —  Il  se  porte 
cahin-caha.  L'affaire  va  cahin-caha.  Un  fiacre  allait  trottinant 
Cahin-caha,  Hudia,  hopla!  (Xanrof,  Chansons  sans  gêne,  p.  61). 
L'étymologie  proposée  par  le  Dictionnaire  Général  (qua  hinc, 
qua  hac)  est  inacceptable. 

Couci-couci,  comme-ci,  comme-ça,  entre  les  deux;  emprunté 
de  rit.  cosî  cosî.  On  trouve  aussi  une  forme  populaire  avec 
alternance  vocalique:  couci-couça. 

Dare  dare,  en  grande  hâte  —  venir  dare  dare,  faire  quelque 
chose  dare  dare. 

Ric-à-rac.  —  Payer  ric-à-rac,  c.  à  d.  avec  une  exactitude 
scrupuleuse.  Cette  formule  est  une  variation  moderne  de  ric- 
à-ric,  comme  on  disait  au  moyen  âge. 

Remarque.  Pour  les  exemples  cités  dans  les  paragraphes  précédents,  nous 
nous  sommes  tenu,  en  règle  générale,  à  la  langue  littéraire.  Un  examen 
méthodique  et  détaillé  des  patois  et  des  argots  donnerait  une  moisson  bien 
plus  riche.  C'est  surtout  dans  le  parler  populaire  que  se  développent  libre- 
ment les  créations  onomatopéiques,  qui,  grâce  à  leurs  qualités  phonétiques, 
prêtent  à  la  langue  une  certaine  grâce  alerte  et  une  sonorité  pittoresque. 


LIVRE  DEUXIÈME. 

DÉRIVATION  SUFFIXALE. 


CHAPITRE  I. 
REMARQUES  PRÉLIMINAIRES. 


34.  La  dérivation  propre  se  fait  à  l'aide  de  suffixes.  Les 
suffixes  sont  des  syllabes  spéciales  qu'on  peut  détacher  des 
mots  dans  lesquels  ils  se  trouvent,  pour  les  joindre  à  d'autres 
mots.  C'est  ainsi  qu'à  l'aide  de  la  terminaison  de  artiste,  évan- 
géliste,  juriste,  etc.  on  a  créé  les  mots  nouveaux  bouquiniste, 
dreyfusiste,  kneippiste,  verlainiste,  automobiliste. 

Remarque.  Nous  appellerons  suffixe,  non  seulement  toute  terminaison 
détachable  et  capable  de  se  joindre  à  un  autre  mot,  mais  aussi  toute  ter- 
minaison qui  se  modèle  sur  un  vrai  suffixe  étymologique;  nous  plaçons 
ainsi  boyard  sous  -ard  (§  352)  et  sérail  sous  -ail  (§  154),  bien  qu'il  ne  soit 
pas  possible  de  décomposer  aucun  de  ces  mots  en  un  radical  et  un  suffixe. 

35.  Soudure.  Généralement  les  suffixes  n'ont  pas  d'existence 
propre;  ils  ne  vivent  que  joints  à  un  mot.  Dans  quelques  cas 
extrêmement  rares  le  suffixe  peut  pourtant  s'affranchir  et 
devenir  un  nom  commun.  Ce  phénomène  n'est  représenté  en 
français  que  par  le  seule  suffixe  -ana;  on  peut  dire:  un  ana, 
un  recueil  danas  (comp.  en  italien:  quanto  siete  accio;  on  peut 
même  fortifier  ce  substantif-suffixe:  egli  è  acciaccio). 

Haplologie.  Ce  phénomène  ne  s'observe  qu'avec  -ième;  on 
peut  dire  :  la  langue  des  douze  et  treizième  siècles.  Nous  avons 
déjà  étudié  ce  phénomène  II,  §  495,  Rem. 

3* 


36 

36.  Emploi.  Le  suffixe  s'ajoute  à  un  radical  nominal  ou 
verbal  pour  en  modifier  la  signification  par  l'idée  secondaire 
qui  lui  est  propre  (A.  Darmesteter).  Exemples: 

Rose  —  rosette,  rosier^  roseraie,  rosir  (§  430); 
siffler  —  sifflable,  sifflement,  sifflet,  siffleur,  siffloter; 
rouler — roulade,   roulement,   roulette,   routeur,   routier,   rouloir, 
roulon,  roulure. 

Remarque.  Dans  notre  exposé  des  suffixes  nous  partons  du  français,  non 
du  latin.  C'est  pourquoi  nous  donnons  des  suffixes  comme  -able,  -iment, 
-itude,  etc.  au  lieu  de  -ble,  -ment,  -tude,  comme  l'exigerait  le  latin  et  comme 
le  donnent  plusieurs  grammaires. 

37.  Vie.  Les  suffixes  qu'on  rencontre  dans  la  langue  actuelle 
sont  vivants  ou  morts. 

1^  Les  suffixes  vivants  sont  seuls  en  état  de  produire  des 
mots  nouveaux;  des  créations  modernes  comme  boycottage, 
communard,  rosserie  nous  montrent  que  -âge,  -ard,  -erie  sont 
des  suffixes  vivants. 

2^  Les  suffixes  morts  sont  ceux  qui  ne  sont  plus  en  état  de 
produire  des  mots  nouveaux.  Maladie  a  été  tiré  de  malade, 
mais  -ie  n'est  plus  détachable,  un  dérivé  comme  cocassie  est 
impossible,  de  cocasse  on  ne  peut  tirer  que  cocasserie. 

38.  Suffixes  vivants.  Pour  qu'un  suffixe  soit  vivant  et  pro- 
ductif il  faut  surtout  qu'il  présente  une  idée  nette  à  l'esprit. 
Mais,  comme  nous  verrons,  cette  condition  ne  suffit  pas.  Un 
suffixe  peut  être  parfaitement  reconnaissable  sans  être  pro- 
ductif. La  question  est  parfois  assez  compliquée  comme  le 
montrera  l'exposé  suivant  : 

P  Dans  discutable,  le  radical  et  le  suffixe  se  détachent  assez 
clairement;  le  mot  se  présente  pour  tout  le  monde  comme  un 
dérivé  suffîxal:  discut(er)  -}-  able.  La  terminaison  ajoutée  au 
radical  provoque  l'idée  d'une  possibilité  passive  (ce  qui  peut 
être  discuté)  ;  donc  -able  est  senti  comme  un  élément  essentiel 
et  significatif  du  mot;  c'est  un  suffixe  vivant. 

Remarque.  La  dérivation  suffixale  est  pléonastique  dans  quelques  mots 
qui  contiennent  en  eux-mêmes,  à  l'état  simple,  la  même  idée  qu'exprime  le 
suffixe.  Citons  comme  exemples  les  vieilles  formes  hontage  et  tenebrour  où 
l'emploi  des  suffixes  est  superflu:  ils  servent  tout  au  plus  à  renforcer  le 
sens  abstrait  déjà  contenu  dans  honte  et  ténèbre.  C'est  l'analogie  de  mots 
tels  que  corage,  claror,  etc.  qui  s'est  fait  valoir. 


37 

2^  Un  suffixe  peut  très  bien  être  vivant  dans  un  mot  sans 
être  productif.  Dans  feuillage  et  plumage  tout  le  monde  recon- 
naît le  suffixe  -âge,  comme  dans  passage,  lavage,  tirage;  cepen- 
dant le  -âge  des  premiers  mots,  qui  a  un  sens  collectif,  n'est 
plus  productif:  on  ne  forme  plus  de  mots  nouveaux  en  ajou- 
tant -âge  à  des  substantifs;  il  ne  s'ajoute  dans  la  langue  mo- 
derne qu'à  des  verbes.  Donc  le  type  de  dérivation  représenté 
par  feuille— feuillage  est  mort  (il  serait  absolument  impossible 
de  tirer  un  fleurage  de  fleur),  mais  celui  de  passer — passage 
est  resté  vivant  et  productif:  boycotter  —  boycottage,  lyncher 
— lynchage.  Le  néologisme  cuivrage  a  le  sens  de  ,action  de 
cuivrer';  s'il  eût  été  formé  au  moyen  âge  il  aurait  pu  signi- 
fier ,un  tas  de  cuivre*  (comp.  branchage,  réunion  de  branches). 

39.  Suffixes  morts.  P  Ordinairement  les  suffixes  morts  ne 
présentent  pas  d'idée  nette  à  l'esprit.  Dans  Champagne,  par 
exemple,  il  y  a  unité  d'image:  le  mot  quoique  dérivé  est  re- 
gardé comme  un  mot  simple;  aucun  sens  spécial  ne  s'attache 
à  -agne,  qui  est  un  élément  pétrifié. 

2^  Un  suffixe  peut  être  parfaitement  reconnaissable  et  pré- 
senter une  idée  nette  à  l'esprit  sans  être  productif  Rappelons 
par  exemple  -ain  dans  des  mots  tels  que  romain,  avignonain, 
toulousain;  nul  doute  sur  l'origine  de  ces  mots,  sur  leur  rap- 
port avec  les  noms  des  villes  en  question,  ni  sur  leur  valeur 
comme  gentilices  grâce  au  suffixe  -ain;  et  pourtant,  malgré 
tout,  ce  suffixe  n'est  plus  capable  de  produire,  il  a  été  sup- 
planté par  -ien  (-ais,  ois);  de  Transvaal  on  ne  tirera  que  trans- 
vaalien. 

3^  Un  suffixe  peut  très  bien  être  mort  dans  un  mot  et  vi- 
vant dans  un  autre.  Dans  renardeau,  serpenteau,  éléphanteau, 
le  suffixe  diminutif  -eau  est  facilement  reconnaissable;  il  s'est 
évanoui  dans  corbeau,  taureau  dont  les  primitifs  corp,  tor  ont 
disparu. 

40.  Division.  Les  suffixes  se  divisent  en  deux  grands  groupes 
selon  qu'ils  désignent  des  noms  ou  des  verbes. 

P  Suffixes  nominaux.  Ces  suffixes  sont  les  plus  nombreux. 
Citons  comme  exemples  quelques  dérivés  de  feuille  et  de 
feuiller:  feuill-age,  feuill-aison ,  feuill-ard,  feuill-ée,  feuill-eret^ 
feuill-et,  feuill-ette,  feuill-u,  feuill-ure. 


38 

2^  Suffixes  verbaux.  La  dérivation  verbale  ne  présente  pas 
beaucoup  de  variété;  citons  feuille — feuill-er,  larme — larm-oyer, 
fendre — fend-iller,  vivre — viv-oter,  blanc  -  blanch-ir,  rose — ros-ir, 
etc. 

41.  Mots  composés.  Les  suffixes  s'ajoutent  généralement  à 
un  mot  simple.  A  côlé  ôejourn  (jour)  on  avait  au  moyen  âge 
journe,  journée,  journel,  journelle,  journet,  journeus,  journoyer, 
etc.;  mais  dès  les  plus  anciens  textes  on  trouve  des  exemples 
qui  montrent  qu'on  a  ajouté  des  suftixes  à  des  groupes  de 
mots,  le  pain  quotidien  s'appelait  ainsi  le  pain  chaskejournal. 
Ce  procédé  peu  commun  dans  l'ancienne  langue  comme  dans 
la  langue  littéraire  de  nos  jours,  est  devenu  assez  général  dans 
l'argot  et  le  parler  populaire  moderne. 

42.  Exemples  de  dérivés  de  noms  composés  appartenant  à 
l'ancien  français: 

De  bon  aire  (disposition).  —  Debonairie,  debonaireté,  debon- 
airement,  adebonairir. 

De  put  aire.  —  Deputaireté,  deputairement. 

Fai  tart  (devenu  fêtard).  —  Fetardie  (nonchalance),  fetardise, 
fetardité,  fetarder. 

Mal  aise.  —  Malaisance,  malaiseté,  malaisible,  malaisif  mal- 
aisier. 

Mal  engin.  —  Malengeigneux. 

Mil  sous.  —  Milsoudier. 

Pelle  mesle.  —  Pellemeslange,  pellemesler. 

Pot  d'estain.  —  Potdestainier. 

Prin  saut.  —  Prinsautier. 

Sanc  mesler.  —  Sancmesleure,  sancmeslison. 

43.  Les  exemples  de  dérivés  de  noms  composés  qu'offre  le 
français  moderne  sont  aussi  peu  nombreux.  En  voici  quelques- 
uns: 

Basse-courier — basse- courière,  homme,  femme  chargée  du  soin 
de  la  basse-cour. 

Blancheœuvrier,  dérivé  de  blancheœuvre,  nom  donné  autrefois 
aux  outils  tranchants. 

Charcutier,  pour  charcuitier  ou  chaircuitier,  dérivé  de  char 
(chair)  cuite. 


39 

Court- bouillonné,  dérivé  de  court-bouillon. 
Demi'Ceintier,  dérivé  de  demi-ceint. 
Garde-robier,  dérivé  de  garde-robe. 
Grand-ducal,  dérivé  de  grand  duc. 
Pain-d'épicier,  dérivé  de  pain  d'épices. 
Pourcentage,  dérivé  de  pour-cent. 

Tire-bouchonner  (P.  et  V.  Margueritte,  Zette,  p.  12),  tirebouchon- 
nesque,  dérivés  de  tire-bouchon. 

Remarque  1.  Dans  quelques  cas  isolés  on  ajoute  le  suffixe  au  prenniier 
terme  du  mot  composé;  ainsi  de  conseil  général,  conseil  municipal  on  forme 
conseiller  général,  conseiller  municipal,  en  tirant  du  substantif  le  dérivé  qui 
lui  est  propre.  Une  formation  comme  conseil-généralier  n'existe  pas  et  serait 
intolérable. 

Remarque  2.  Dans  les  mots  composés  où  entre  un  adjectif  au  féminin,  le 
changement  de  sens  qu'amène  l'addition  du  suffixe,  peut  parfois  amener  un 
changement  du  genre  de  l'adjectif.  Exemples  :  Basse  justice,  d'où  basjusticier 
(comp.  basse-courier)  ;  fausse-monnaie,  d'oh  faux-monnayeur;  Franche- Comté, 
d'où  franc-comtois;  tout-puissant,  d'où  toute-puissance. 

Remarque  3.  Pour  la  flexion  des  dérivés  des  mots  composés,  il  faut  re- 
marquer que  la  première  partie  du  mot  est  ordinairement  laissée  invariable: 
Des  propriétés  grand-ducales  (II,  §  334,  Cas  isolés),  des  courte-pointiers  (II, 
§  329,  Rem.),  etc. 

44.  Nous  allons  donner  par  ordre  alphabétique  un  certain 
nombre  de  dérivés  de  noms  composés  dont  la  plupart  ap- 
partiennent au  langage  plus  ou  moins  argotique  des  journalistes 
ou  des  politiques;  plusieurs  des  mots  cités  n'ont  eu  qu'une 
existence  éphémère;  d'autres  au  contraire,  plus  viables,  fini- 
ront par  entrer  dans  la  langue  littéraire  ou  sont  déjà  en  train 
d'y  prendre  pied: 

Arc-en-cielé  (Daudet,  Numa  Roumestan,  p.  263).  Basbleuisme. 
Beaupérisme,  mot  inventé  à  l'occasion  du  président  Grévy  et 
de  son  gendre.  Bonbockeur.  Bondieusard,  bondieuserie,  bondieu- 
tisme.  Bongarçonnisme.  Centre-droitier.  Centre-gaucher.  Champ- 
de-marsiste.  Chatnoiresque,  chatnoirisme,  chatnoiriste ,  dérivés  de 
Chat  noir.,  nom  d'un  fameux  café  artistique  de  Montmartre. 
Compte-renduer  {Revue  critique,  1903,  II,  p.  451).  Dix-septième- 
siècliste  {ib.,  1903,  I,  p.  194).  Eaubénitier ;  seaubéniter,  employé 
par  Scarron  dans  le  Virgile  travesti.  Enfanttrouver.  Engrandeuillé 
(cf.  Revue  critique,  1905,  I,  303).  Entr'actiste.  État-majoriste.  Ex- 
trême-oriental. Fait-diversier,  fait-diversiste.  Feu-d'artificer.  Fond- 
secrétier  (O.  Mirbeau,  Le  jardin  des  supplices,  p.  40).  Fortengueul- 


40 

isme.  Gar dénationaliser.  Gendelettrerie.  Gransiécliser  (J.  Vallès). 
Henriqiiinquiste.  Jemenfichisme.  Jemenmoquiste.  Jourdelanesque. 
Jusquauboutien.  Dans  l'ordre  du  jour  qu'adressait  Mac-Mahon 
à  l'armée,  le  9  juillet  1877,  se  trouvait  la  phrase:  J'irai  jusqu'au 
bout.  Les  journaux  qui  soutenaient  la  politique  du  maréchal 
s'appelaient  ironiquement  jusquau-boutiens.  Libre- échangiste. 
Librepenser.  Longcourier  (G.  de  Maupassant,  Pierre  et  Jean, 
p.  10).  Louisquatorzesque.  Moyenâgeux.  Nature-mortier^  nature- 
mortiste.  Nimportequisme.  Ordredujourier.  Ordremoralien  (un 
journal  o.,  c.  à  d.  conservateur).  Piedplatisme  (J.  Barbey  d'Aure- 
villy). Pleinairiste.  Pourcentage.  Quatre-vingt-neuviste  (Mercier, 
Néologie,  1801).  Rive-gaucher  (Donos,  Paul  Verlaine  intime, 
p.  160).  Rudanier.  Sacrécœurer:  Mais  on  était  chouette  en 
c'temps-là.  On  n'sacrécœurait  pas  sur  la  Butt'  déserte  (Bruant, 
Dans  la  rue,  p.  169).  Seize-mayeux,  sobriquet  donné  aux  fonc- 
tionnaires nommés  après  le  16  mai,  aux  partisans  de  la  poli- 
tique réactionnaire  du  16  mai  1877,  qui  amena  un  mois  après 
la  dissolution  de  la  Chambre.  Terreneuvien.  Toureiffelien.  Vers- 
libriste.   Vert-de-grisé. 

Remarque.  Pour  des  raisons  pratiques,  nous  avons  suivi  l'ordre  alpha- 
bétique, le  classement  méthodique  des  dérivés  cités  offrant  beaucoup  de 
difficultés.  On  pourrait  peut-être  proposer  les  quatre  classes  suivantes: 
1"  Termes  archaïques,  comme  rudanier,  employé  encore  au  XYII^  siècle. 
2°  Créations  individuelles,  non-viable  comme  arc-en-cielé.  S*'  Créations  éphé- 
mères, nées  de  circonstances  politiques  ou  littéraires,  et  qui  n'ont  de  chance 
de  reparaître  que  si  des  circonstances  semblables  se  représentent:  beau- 
périsme,  jusquauboutien,  chatnoirisme.  4®  Mots  viables  et  couramment  em- 
ployés: extrême-oriental,  moyennageux  (ou  moyenâgeux). 


CHAPITRE  II. 
SORT  DU  MOT  PRIMITIF. 


45.  Les  suffixes  s'ajoutent  au  mot  primitif  sans  que  celui-ci 
change:  fainéant — fainéantise,  journal— journalisme:  mais  il  ar- 
rive aussi  que  le  mot  primitif  subisse  différents  changements; 
ils  affectent: 

1^  La  voyelle  radicale  du  primitif,  qui  peut  se  changer:  poil 
— pelage^  panier — panerée,  etc.  ;  voir  §  46  ss. 

2^  La  voyelle  finale,  qui  peut  tomber:  Sahara— saharien; 
voir  §  64  ss. 

3^  La  consonne  finale,  qui  peut  se  changer:  arc — archet; 
voir  §  69  ss. 

4*  La  terminaison,  qui  peut  disparaître  :  marmot — marmaille^ 
ou  être  confondue  avec  une  autre:  tabac —tabatière;  voir  §  78  ss. 
et  §  84  ss. 

5^  L'orthographe:  arc — arquet,  dalle — dalot,  etc.;  voir  §  105. 

Remarque.  Nous  faisons  observer  une  fois  pour  toutes  que  dans  les  mots 
que  nous  allons  mettre  en  regard  comme  primitifs  et  dérivés  il  ne  s'agit 
pas  toujours  d'une  dérivation  directe,  mais  bien  de  deux  mots  du  même 
radical  qui  sont  dans  un  rapport  quelconque  de  dérivation.  On  trouvera 
dans  les  pages  suivantes  des  groupes  tels  que  journal— journalisme,  poil — 
pelage,  vfr.  chasiel  -  chastelains ;  chacun  de  ces  trois  groupes  demande  en  effet 
une  explication  particulière.  Journalisme  est  tiré  directement  de  journal, 
c'est  le  cas  le  plus  simple.  Pelage  ne  vient  pas  de  poil  mais  bien  d'une 
forme  vulgaire  *pilaticum  tiré  de  pilum,  d'où  poil.  Enfin,  chastelains  est 
probablement  tiré  directement  de  chasiel,  mais  il  peut  aussi  remonter  à 
castellanus.  Il  faut  également  comprendre  beaucoup  des  autres  indications 
suivantes  »cum  grano  salis«.  Ordinairement  nous  ne  donnons  qu'une  seule 
explication  des  phénomènes  étudiés,  mais  nous  faisons  remarquer  ici  qu'assez 
souvent  ils  en  comportent  plusieurs.  Ainsi,  pour  expliquer  lendemaintiste 
(§  89,  i)  nous  rappelons   que  les  dérivés  des  mots  en  [ — ej  présentent  sou- 


42 

vent  un  /;  saint — sainte,  sainteté;  mais  il  est  clair  que  la  forme  s'explique 
aussi  à  l'aide  de  groupes  tels  que  dent— dentiste,  flûte — flûtiste,  art — artiste, 
et  que  nous  sommes  en  présence  d'un  simple  emploi  du  suffixe  élargi 
— tisie. 


A.    APOPHONIE. 

46.  Ce  phénomène,  dont  nous  avons  déjà  parlé  (I,  §  297 
— 302)  dépend  du  déplacement  de  l'accent.  Nous  allons  cons- 
tater pour  la  dérivation,  comme  nous  l'avons  constaté  pour 
la  conjugaison  (II,  §  22 — 31),  que  l'apophonie  tend  à  dis- 
paraître, au  moins  dans  certains  cas,  et  que  la  voyelle  du 
primitif  s'introduit  par  analogie  dans  le  dérivé:  au  lieu  de 
soir — serée,  comme  on  disait  autrefois,  on  dit  maintenant  soir 
-soirée.  Sur  un  cas  de  développement  contraire,  voir  §  53, 
Rem. 

Remarque.  Les  dérivés  des  noms  propres  ne  se  conforment  pas,  en  règle 
générale,  aux  lois  de  l'apophonie;  de  Baudelaire  on  tire  baudelairiste,  sans 
changement  d'ai  en  a,  comme  dans  militaire — militariste  (§  48).  Cependant 
quelques  dérivés  de  Pasteur  (§  57)  et  de  Babeuf  (§  58)  font  exception;  comp. 
aussi  §  54,  59. 

47.  A — E.  —  Ce  changement  s'observe  dans  les  exemples 
suivants:  vfr.  hanap — hanepel;  vfr.  vassal — vasselage;  savate — 
savetier,  etc.  Comp.  vfr.  antan — antenois. 

48.  Aï— A  (cf.  I,  §  298, 2).  —  Ce  changement  s'observe  dans 
les  cas  suivants  : 

P  Mots  en  -ain  (-aim)  et  leurs  dérivés:  Américain  —  améri- 
caniser, américanisme;  mondain  —  mondanité;  puritain — puri- 
tanisme; républicain  —  républicanisme,  etc.  Comp.  vfr.  raim — 
ramure. 

2^  Mots  en  -aire  (I,  §  298, 3)  et  leurs  dérivés  :  Commissaire 
—  commissariat;  doctrinaire —  doctrinarisme  ;  fonctionnaire  — 
fonctionnarisme;  honoraire  —  honorariat ;  humanitaire  —  humani- 
tarisme; populaire — popularisme,  populariser;  militaire — milita- 
risme, militariste;  salaire — salariat;  secrétaire — secrétariat;  sémi- 
naire—séminariste; vicaire — vicariat,  etc. 

Formes  analogiques.  Sous  l'influence  du  mot  primitif,  ai 
pénètre  parfois  dans  le  dérivé.  On  trouve  ainsi  autoritairisme, 
unitairisme,    utilitairisme,    volontairiat,    à   côté   de  autoritarisme, 


43 

unitarisme,  utilitarisme,  volontariat.  Littré  blâme  la  forme  auto- 
ritairisme.  De  glaciaire  on  a  tiré  glaciairiste. 

Remarque.  Le  changement  de  ai  en  a  n'a  pas  lieu  dans  les  noms  propres: 
Baudelaire — baudelairisme ;  on  a  pourtant  autrefois  de  Saint- Acaire  tiré  aqua- 
rin  (pris  de  folie)  et  acariâtre. 

3^  Mots  en  -ail  (-aille)  et  leurs  dérivés.  Rappelons  les  formes 
anciennes  éventaliste,  médaliste,  remplacées  maintenant  par  éven- 
tailliste,  médailliste.  Une  formation  récente  est  peintre-hataliste, 
pour  »peintre  de  bataille*  relevée  par  Chuquet  (Revue  critique, 
1886,  458,  note). 

49.  AI — E  (voir  I,  §  298,2,  Cas  isolés).  Exemples:  certain — 
vfr.  acertener;  fontaine — fontenier ;  grain- grenaille,  grener,  gre- 
nette,  grenu,  égrener;  main — menotte;  vilain — vfr.  vilenaille,  vile- 
ner,  vilenesse,  vileneus,  vilenie,  etc. 

Forme  analogique.  A  côté  de  fontenier  on  trouve  fon- 
tainier. 

50.  E— A  (voir  I,  §  298,  i,  et  II,  §  25).  —  Clef— clavier;  nez 
--nasard;  sel — salière,  salin.  Comp.  actuel— actualité. 

51.  È,  Ê  [ej  —  É  [e]  (voir  sur  ce  changement  notre  Manuel 
phonétique,  §  97).  —  Crème — crémerie,  écrémer;  ébène — ébéniste; 
fièvre — fiévreux;  grève — gréviste;  nègre — négrillon;  Norvège — nor- 
végien; pépinière — pépiniériste;  règle — réglet,  etc. 

52.  E  [e]— E  [a]  (comp.  II,  §  19,  26).  —  Chèvre  —  chevrette, 
chevrier,  chevron;  cuiller— cuillerée  ;  gazette— g  azetier  ;  gorgère — 
gorgerette,  modèle — modeler. 

Remarque.  Le  même  changement  de  è  en  e  féminin  se  retrouve  dans  les 
dérivés  des  mots  en  -el,  maintenant  -eau  (voir  II,  §  310  ss.):  batel  (bateau) 
— batelée,  batelier;  chapel — chapelier;  charnel — chamelier;  mantel — mantelet; 
oisel — oiselier,  etc. 

53.  E[9] — E[8].  Chancelier— chancellerie;  chapelier — chapellerie; 
hôtelier — hôtellerie  ;  oiselier — oisellerie. 

Remarque.  Au  lieu  de  [Japalje]  (chapelier)  nous  avons  entendu  prononcer 
[Japelje];  il  y  a  là  sans  doute  une  influence  du  dérivé  sur  le  primitif. 

54.  El— E.  Cette  apophonie  paraît  assez  rare;  nous  ne  sau- 
rons citer  que  Corneille — cornélien  (lat.  cornelianus). 


44 

55.  El — I.  Celte  apophonie  se  trouve  peut-être  dans  corneille 
—cornillat,  cornillon  ;  corbeille — corbillon;  le  cas  est  peu  sûr,  il  se 
peut  que,  dans  les  mots  cités,  nous  ayons  affaire  à  des  suf- 
fixes composés.  Rappelons  aussi  feigne — tignasse. 

56.  EU — E  [9].  Ce  changement  paraît  assez  rare;  il  se  trouve 
dans  douceur — doucereux;  voleur — volereau;  on  serait  tenté  de 
citer  aussi  aoûteron  et  forgeron,  mais  ils  viennent  probable- 
ment de  aoûter,  forger,  et  non  de  aoûteur,  forgeur. 

57.  EU — O.  Exemples:  Liqueur — liquorisfe  (emprunté  de  l'it. 
1  i  q  u  o  r  i  s  t  a)  ;  nerveux — nervosité  ;  pasteur — pastoral;  précepteur 
— préceptorat  ;  tubéreux — tubérosité;  vapeur — vaporiser,  etc.  C'est 
conformément  à  ces  exemples  qu'on  a  tiré  pastorien  de  Pas- 
teur; Mirbeau  parle  d'» Instituts  pastoriens«  (L'épidémie,  p.  38); 
comme  dérivé  verbal  on  a  créé  pasteuriser  avec  maintien  de 
la  voyelle  du  primitif. 

58.  EU— OU  (comp.  I,  §  301  ;  II,  §  30).  --  Bœuf— bouvier, 
bouvillon,  bouveau,  bouvreuil;  gueule  —  goulée,  goulet,  goulot, 
goulu;  queue — couard,  couette.  Dans  les  dérivés  modernes, 
cette  apophonie  n'est  plus  observée;  de  gueule  on  tire  main- 
tenant gueulée,  gueuler,  engueuler  (comp.  l'ancien  regouler),  de 
manœuvre,  manœuvrier  (comp.  le  doublet  manouvrier),  etc. 
Pourtant,  de  Babeuf  (exécuté  en  1797)  on  a  tiré  babouvisme, 
babouviste. 

59.  IE(ié,  iè)-E(e,  é);  comp,  I,  §  299, 1  ;  II,  §  27, 1.  —  Ex- 
emples: Bijoutier — bijouterie;  chevalier — chevalerie;  osier — oseraie; 
panier — panerée;  papier — paperasse;  quartier  —  quarteron  ;  ramier 
ramereau.  De  Mercier  on  a  tiré  Merceriana.  —  Bannière — banne- 
ret;  lièvre  —  levreau,  levrette;  salière — saleron.  —  Bandière  —  ban- 
derole, lièvre — lévrier  (aussi  lévrier). 

Formes  analogiques,  La  diphtongue  pénètre  de  bonne  heure 
dans  les  dérivés;  de  fier  on  tire  au  moyen  âge  fieresse,  fieret, 
fierot,  fierour,  fiertage,  fiertise;  de  miel,  mielleux;  de  tierz,  tier- 
çain,  etc.  L'analogie  change  beaucoup  des  formes  primitives; 
ainsi  ferlé,  fevreux,  pecette,  perraille  sont  remplacés  par  fierté, 
fiévreux,   piécette,   pierraille.    L'apophonie   n'agit   plus   dans  les 


45 

dérivés  modernes;  arriérer,  chiennet,  fleroty  flévrotte,  poussiéreux, 
(Siennois  comp.  it.  se  nés  e),  etc. 
Doublet.  Perrot — Pierrot. 

60.  01— E  (voir  I,  §  300,2;  II,  §  26).  —  Loir—lérot;  poil- 
pelage,  pelouse,  peluche. 

Formes  analogiques.  Dans  les  dérivés  on  hésite  déjà  au 
moyen  âge  entre  e  et  oi;  à  côté  de  voir  (verum)  on  trouve 
verour  et  voirour,  verable  et  voirable.  Les  formes  primitives 
peleus,  pelu,  perier,  pevrer,  serée,  telier  ont  été  remplacées  par 
poileux,  poilu  (mais  patte-pelu),  poirier,  poivrer,  soirée,  ioilier. 
Le  changement  de  oi  en  e  n'est  pas  observé  dans  les  dérivés 
récents  noiraud,  poivrade,  voilier. 

61.  01 — O  (comp.  I,  §  301,3).  —  Exemples:  Histoire — histo- 
rial,  historien,  historier,  historiette;  notoire — notoriété;  patrimoine 
— patrimonial  ;  territoire — territorial,  etc.  Artois — arbosien.  Rap- 
pelons aussi  coing — cognasse,  poing — po(i)gnard  (comp.  Manuel 
phonétique,  §  219,  ss). 

Formes  analogiques.  Déjà  au  moyen  âge  oi  pénètre  dans  le 
mot  dérivé;  à  côté  de  ivoire  on  trouve  ivorin  et  ivoirin.  Sur 
éloigner,  soigner,  témoigner,  etc.  pour  élogner,  sogner,  témogner, 
etc.,  voir  I,  §  229, 5,  Cas  isolés. 


B.   VOYELLES  FINALES. 

62.  Les  voyelles  finales  peuvent  être  atones  (chèvre)  ou  ac- 
centuées. Les  voyelles  accentuées  peuvent  être  orales  (Chari- 
vari, Figaro,  Sahara)  ou  nasales  (charbon,  voisin).  Il  faut  exa- 
miner ces  différents  cas  à  part. 

63.  Voyelle  atone.  Comme  voyelle  atone  finale  le  français 
ne  possède  que  \'e  féminin.  Cette  voyelle,  ordinairement  muette 
dans  la  langue  moderne,  disparaît  toujours  devant  le  suffixe: 
chèvre— chevron,  maître — maîtrise,  paysage — paysagiste,  etc.  Il 
disparaît  également  quand  il  est  suivi  de  s  (comp.  I,  §  283; 
II,  §  52,  279):  Cervantes — cervantiste,  cervantisme.  Ingres — in- 
griste.  Ardennes — ardennois.  Nantes — nantais.  Rennes — rennais. 
Tarbes — tarbéen.   Troyes—troyen.   Vincennes — vincennois. 


46 

Remarque.  L'e  se  conserve  graphiquement  dans  certains  cas  après  g: 
orange — orangeade,  orge — orgeat,  rouge—rougeaud,  etc. 

64.  Voyelles  accentuées  orales.  Pour  les  mots  qui  finissent 
par  une  voyelle  accentuée  orale,  il  y  a  trois  possibilités: 

P  La  voyelle  peut  tomber.  Ce  phénomène  s'observe  surtout 
dans  la  langue  moderne  avec  les  mots  d'emprunt:  Panama— 
panamiste;  voir  §  65  ss. 

2^  La  voyelle  reste,  et  il  se  produit  un  hiatus:  bleu— bleu- 
âtre, hardi — hardiesse,  joli — joliet;  café — caféine,  revue — revuiste, 
etc.  Henri — henriade. 

3^  La  voyelle  peut  rester,  et  le  suffixe  est  élargi  d'une  con. 
sonne:  tableau — tableautin,  etc.  Voir  §  87  ss. 

Remarque.  Il  n'est  pas  toujours  facile  de  voir  pourquoi  on  a  choisi  l'une 
des  manières  de  dérivation  indiquées  plutôt  qu'une  autre,  pourquoi  de  Chevé 
on  a  tiré  cheviste,  mais  de  Hervé,  hervéisme;  de  jingo,  jingoïsme,  mais  de 
espéranto,  espérantiste,  etc.  Le  procédé  choisi  paraît  souvent  tout  à  fait  arbi- 
traire, et  les  cas  d'analogie  suivis  assez  vagues. 

65.  Chute  de  la  voyelle  finale.  Examinons  d'abord  les  cas 
où  la  voyelle  finale  du  radical  est  différente  de  la  voyelle  ini- 
tiale du  suffixe.  Les  voyelles  exposées  à  tomber  sont  a,  e,  i,  o. 

V  A.  —  Exemples:  Alhambra  —  alhambresque.  Bamboula — 
bamboulesque.  Blida  —  blidien.  Canada — canadien.  Diva — diviste 
(Villalte).  Gambetta — gambettiste,  gambettiser.  Golgatha — golgather 
(Villatte).  Himalaya  —  himalayen  (O.  Mirbeau,  Le  jardin  des 
supplices,  p.  202).  Panama— panaméen,  panamiste.  Polka — polker. 
Saba — sabéen.  Sahara— saharien.  Spinoza — spinozisme.  Venezuela 
— vénézuélien.  Zola — zolisme,  zoliste. 

Cas  isolés.  Dans  quelques  rares  mots  on  garde  l'a.  Volta — 
voltaïque.  Zolatesque,  de  Zola,  a  été  modelé  sur  soldatesque. 

Doublets.  On  a  hésité  entre  bouddhaïsme,  bouddhaïste  et 
bouddhisme,  bouddhiste. 

2^  É.  —  Exemples:  café  —  cafier.  Chevé — cheviste.  Delcassé — 
delcassisme.   Charité  —  charitable;  nécessité  —  nécessiteux. 

Cas  isolés.  Dans  les  dérivés  de  café  la  langue  actuelle  con- 
serve Vé:  caféier  (qui  a  remplacé  cafier),  caféière,  caféine;  comp. 
cafetier  avec  une  consonne  analogique.  De  thé  on  a  tiré  théière 
et  anciennement  thétière. 

3"  I  (Y).  —  Exemples:  Charivari  —  charivaresque ;  Garibaldi 
— garibaldesque ;  Nancy— nancéen,  etc. 


47 

4^  O.  —  Exemples:  Espéranto —espérantiste.  Gigolo— gigolette 
(II,  §  431).  Figaro— figaresque,  figariste,  figariser. 

Cas  isolés.  On  conserve  l'o  et  on  admet  l'hiatus  dans  jïn^o 
—jingoïsme,  zemstvo—zemstvoïste.  De  Hugo  on  a  tiré  hugolâtre, 
hugolesque,  hugotique. 

66.  Nous  citerons  à  part  les  quelques  exemples  qui  pré- 
sentent la  rencontre  de  deux  voyelles  identiques.  Si  la  voyelle 
finale  du  radical  est  la  même  que  la  voyelle  initiale  du  suf- 
fixe il  y  a  fusion  des  deux  voyelles  (voir  I,  §  287). 

P  a  -j-  a}  a:  abracadabra  +  ant  )  abracadabrant;  Zola  -f  âtre 
y  Zolâtre. 

2^  é  -|-  é  >  é:  lycée  [-  -éen  >  lycéen;  Quimperlé  —  quimper- 
léen. 

3^  i-\-iyi:  charivari  —  charivarique,  samedi — samediste.  Gas- 
sendi— gassendiste.  Tahiti — tahitien.  Ajoutons  Bovary — bovarysme; 
dandy  —  dandysme  (ou  dandisme). 

4^  o  -{-  0^  o:  Hugo — hugolâtre. 

5^  u  +  "  >  "•■  courbatu  —  courbature;  nerf  féru  —  nerf- férure ; 
vermoulu — vermoulure. 

Remarque.  Ce  même  phénomène  s'observe  aussi  en  espagnol  dans  le  mot 
aguardiente  et  dans  des  superlatifs  comme  limpfsimo,  ampUsimo,  etc.  (mais 
piisimo,  agriisimo). 

67.  Voyelles  accentuées  nasales.  Les  voyelles  nasales  [â], 
[5],  [œ]  perdent  leur  nasalité  et  redeviennent  orales  (comp.  II, 
§  448, 2).  Ce  changement  n'est  pas  noté  par  l'orthographe. 

1^  [à]  devient  [an]  :  charlatan — charlatanisme;  paysan — pay- 
sannerie; 

2^  [on]  devient  [on]  :  bonbon — bonbonnière;  charbon — charbon- 
nage, charbonnier;  patron — patronner,  etc.; 

3^  [œ]  devient  [yn]:  brun— brunâtre^  brunet;  opportun  —  op- 
portunisme, opportuniste,  etc. 

68.  Le  sort  de  la  voyelle  nasale  [e]  est  plus  compliqué. 
Voici  les  différents  cas  qui  se  présentent: 

P  [è]  (aimjy  [am]:  faim — affamé,   vfr.  raim — ramée,  ramure; 
2^  [s]  (ain)  y  [an]:  mondain — mondanité; 

3^  [g]  fain)y[en]:  souverain — souveraineté; 
4^  [è]  (ain)  )  [an]  :  grain — grenier; 


48 


5^  [i]  (ein)  >  [en]  :  frein — effréné. 

6<^  [è]  (in)  y  [in]:    bouquin  —  bouquiner,  bouquiniste;   coquin 
coquinerie  ;  voisin — voisinage. 


G.    CONSONNES  FINALES. 

69.  C.  Théoriquement  les  dérivés  des  mots  en  c  devraient 
présenter  c  [k],  ch  [J],  c  [s],  selon  que  le  suffixe  en  gallo- roman 
commençait  par  o  (uj,  a  ou  e  (i).  En  efîet,  on  trouve  à  côté 
de  arc  les  vieilles  formes  étymologiques  archier  (-a  ri  us), 
archié  (-a  tu  m)  et  arcel  (-ellum),  arceler,  mais  cet  état  de 
choses  n'est  pas  général  à  cause  de  l'influence  troublante  de 
l'analogie  qui  agit  de  plusieurs  manières: 

P  Grâce  à  l'emploi  plus  fréquent  de  ch,  qui  figure  aussi  au 
féminin  (II,  §  417),  ce  son  s'est  ordinairement  généralisé  aux 
dépens  de  c;  de  là  des  formes  comme  archet  (-ittus),  vfr. 
archeier  (-izare),  etc. 

2^  Sous  rinfluence  du  primitif,  l'explosive  finale  peut  rester 
sans  changement:  arc—arquet.  La  plupart  de  ces  dérivés* sont 
relativement  récents. 

3^  Enfin  sur  le  modèle  de  arc — arceau,  l'explosive  est  parfois 
dans  les  dérivés  récents  remplacée  par  c  [s]  :  jonc — joncer. 

Doublets.  A  côté  de  eunuque  on  trouve  eunuchisme  (tiré  du 
lat.  eunuchismus)  et  eunucisme. 

70.  Voici  maintenant  quelques  exemples  des  différents  traite- 
ments du  c  final: 

1^  Passage  (analogique)  de  c  k  ch:  Bac  —  bachot.  Blanc — 
Manchet,  Manchette,  blancheur,  blanchir,  vfr.  blanchoier,  etc. 
(comp.  les  formes  régulières  blanchaille,  blanchard,  blanchâtre). 
Coq — Cochet.  Croc — crochet,  crochu.  Duc,  duché,  duchesse.  Jonc 
— jonchaie,  jonchet  (comp.  joncher,  jonchée,  jonchère).  Roc — 
rochet.  Sac—sachée,  sachet.  Sec — vfr.  sechece.   Tronc — tronchet. 

2"  Maintien  de  l'explosive  :  Bec  —  bécard,  bécasse,  béquette, 
béqueter,  béquille  et  béquer,  béquée,  béquet  (qui  ont  remplacé 
bechier,  bechiée,  bechiet).  Blanc — blanquet,  blanquette,  blanquier. 
Roc — rocaille  (autrefois  rochaille).  Roc  (persan  rokh)  —  roquer. 
Comp.  Bismarck — bismarckien,  Lubeck  —  lubeckois.  Maroc — ma- 
rocain, etc.  Offenbach — offenbachie,  offenbachisie,  offenbachiser. 


49 

3^  Passage  de  c  [k]  à  c  [s]  :  Balzac  —  balzacien^  Condillac  — 
condillacien.  Comp.  musique — musicien.  De  jonc,  J.-K.  Huys- 
mans  a  tiré  se  joncer. 

40  Passage  de  c  à  ^  [g]:  zinc — zingage,  zingueur. 

5^  Échange  entre  c  et  ^  [5].  A  côté  de  clerc  on  avait  clergie, 
clergié,  clergise,  clerjois,  clergil;  sur  l'origine  du  g,  voir  I,  §  401,2. 
Comp.  hauherc  (haubert)— haubergeon. 

71.  F.  Sur  le  sort  de  cette  spirante  sourde  il  faut  remarquer: 
P  Dans  tous  les  dérivés  anciens  le  f  final  est  régulièrement 

remplacé  par  un  v  (comp.  I,  §  449;  et  II,  §  408).  Exemples: 
bœuf — bouvet,  bouvier,  bouvillon;  canif — canivet;  chef  — 
achever;  chétif — vfr.  chetiveté;  vfr.  ef — avette;  exclusif — ex- 
clusivisme; juif—juiverie;  naïf — naïveté;  neuf— neuvième;  oisif- 
oisiveté,  etc. 

2^  Depuis  longtemps  la  sourde  du  mot  primitif  s'introduit, 
sporadiquement,  dans  le  dérivé.  A  côté  de  neuvième  et  suavet 
on  trouve  ainsi  neufîeme  (Noël  du  Fail,  II,  239,  279)  et  suafet, 
qui  gardent  la  finale  des  primitifs  neuf  et  suef  (su  ave  m); 
comp.  I,  §  450, 2. 

3^  Les  dérivés  tout  récents  conservent  la  sourde:  bœuf — 
bœufer;  chef—chefferie;  soif  ^soiffard,  soiffer;  suif— suiff eux. 

Doublets.  Dans  un  seul  cas,  on  garde  l'ancienne  forme 
à  côté  de  la  moderne.  De  suif  on  a  tiré  suiver,  employé  en- 
core dans  l'argot  des  marins  (voir  les  poésies  de  Jean  Riche- 
pin),  et  plus  récemment  (Acad.  1835)  suiffer. 

72.  G.  L'explosive  a  été  introduite  dans  les  dérivés  popu- 
laires de  long  (comp.  II,  §  418):  longaille,  longuet,  longueur. 
On  trouve  la  chuintante  [3]  dans  longer.  Comp.  Cherbourg  — 
cher  bourgeois,  Hambourg  —  hambourgeois,  Pétersbourg  —  péters- 
bourgeois,  etc.;  nous  avons  trouvé  slesvigeois  à  côté  de  sles- 
vicois. 

73.  GN.  La  nasale  mouillée  [ji]  est  remplacée  par  la  nasale 
dentale  [nj  dans  Boulogne — boulon(n)ais,  Cologne— colonais. 

74.  L  est  remplacé  par  u  devant  une  consonne  (I,  §  342): 
cheval  —  chevaucher;  féal  —  féauté;  loyal  —  loyauté;  principal — 
principauté,  etc. 

4 


5a 

Remarque.  Un  pareil  balancement  entre  [o]  et  [al]  se  trouve  dans  bureau 
— buraliste,  fourneau— four nalisie  (ouvrier-pâtissier).  Comment  expliquer  ces 
dérivés  curieux?  Est-ce  que  fournaliste  (de  fourneau)  se  serait  modelé  sur 
journaliste  (à  côté  de  journaux)^ 

75.  N.  Un  m  analogique  s'est  introduit  dans  quelques  dé- 
rivés de  mots  en  -ain  et  -in. 

P  Sur  le  modèle  de  faim — affamé  se  sont  réglés  étain—éta- 
mer  (la  forme  correcte  serait  étagner)  et  plain  (pour  pelain) 
— plamée,  plamer. 

2^  De  latin  on  avait  tiré  en  ancien  français  latimier;  il  faut 
probablement  admettre  une  influence  de  mots  tels  que  venin 
(pour  venim,  de  *venimen,  altération  de  venenum)  —  veni- 
meux, envenimer;  sain  (vfr.  saïn,  saïm)  — ensimer,  essimer. 

76.  P.  Au  p  (orthographique)  de  loup  correspond  un  v  dans 
les  dérivés:  louvard,  louval,  louvet,  louveteau,  louvetier,  etc. 

77.  T.  Le  t  final  de  enfant  est  remplacé  par  c  dans  l'an- 
cien diminutif  enfançon;  donc,  ce  mot  n'est  pas  une  forma- 
tion française,  il  doit  remonter  à  un  *infantionem. 


D.    CHUTE  DE  LA  TERMINAISON. 

78.  Le  suffixe  peut  s'ajouter  au  radical  dépouillé  de  sa  ter- 
minaison. Les  terminaisons  dont  on  constate  le  plus  souvent 
la  chute  sont  -as,  -eau,  -er,  -et,  -ie,  -ier,  -is,  -on,  -ot.  Pour 
former  un  dérivé  nouveau  on  a  commencé  par  éliminer  ces 
syllabes  qu'on  a  regardées,  à  tort  ou  à  raison,  comme  des  suf- 
fixes. De  cette  manière  on  a  pu  tirer  marmaille  de  marmot, 
quoiqu'il  n'y  ait  pas  de  forme  radicale  marme,  tout  comme  on 
a  créé  en  latin  vulgaire  *rancura  de  rancor,  et  en  français 
moderne  frimaire  à  côté  de  frimas.  Ces  cas  nous  présentent  le 
phénomène  curieux  d'une  décomposition  suivie  d'une  com- 
position. 

79.  Voici  une  série  d'exemples  montrant  l'apocope  de  la 
terminaison. 

-ard:  bocard — bocage  (ce  qui  est  écrasé  avec  le  bocard). 


51 

-as:   Thomas — thomiste,  la  Revue  thomiste. 

-ay:  Faraday— faradique  (Darmesteter,  Création  de  mots  nou- 
veaux, p.  187). 

-eau  :  ciseau  —  cisailles  ;  corbeau  —  corhillot;  couteau  —  coutille  ; 
oiseau— oison,  oisillon;  sureau — surard.  Le  même  phénomène 
s'observe  dans  les  dérivés  de  quelques  noms  propres;  de 
Chevreau  on  a  tiré  Chevréana;  de  Clemenceau,  clémenciste  (Ga- 
zette de  France),  mais  le  Courrier  de  Vaugelas  (X,  11)  rejette 
cette  forme  et  demande  clémenceliste(!J.  Les  habitants  de  Lan- 
derneau  s'appellent  Landerniens. 

-ée:  dragée — drageoir,  dragiste. 

-er:  dîner — dînette  (le  substantif  dîner  a  été  traité  comme  le 
verbe). 

-et:  cadet — cadichon;  fouet  ^  fouailler ;  violet — violâtre,  violir ; 
de  Floquet  on  a  tiré  le  verbe  floquer ;  de  Musset,  Mussaillon, 
de  Peyronnet,  Peyronéide ;  de  Turcaret,  turcarien. 

-eux:  vfr.  oiseus  (otiosus)  a  été  remplacé  par  oisif;  on 
avait  dans  la  vieille  langue  aisance,  oiserie. 

-ie:  bougie — bougeoir;  Marie — marotte.  Chimie — chimique;  fée- 
rie— féerique;  fantaisie— fantaisiste;  ironie— ironisme,  etc.;  comp. 
ci-dessus,  §  66. 

-ier  :  bâtonnier  —  bâtonnat;  lévrier  —  levron  ;  officier  —  officiât  ; 
vfr.  pautonnier—pautonnaille. 

-in:  lapin — lapereau. 

-on:  aigron  (forme  dialectale  de  héron)  —  aigrette;  garnison 
—garnisaire  (l'a  emporté  sur  garnisonnaire);  million — milliasse; 
pennon— panneton  (pour  penneton). 

-ond:  pudibond  —  pudibard,  faussement  pudibond  (L.  Lar- 
chey). 

-ot:  javelot— javeline;  marmot — marmaille. 

80.  Nous  citerons  à  part  les  quelques  exemples  où  il  y  a 
rencontre  de  deux  syllabes  homophones.  Dans  ce  cas,  qui  pa- 
raît assez  rare,  il  y  a  suppression  de  l'une  des  syllabes  (I, 
514): 

analyse  +  iste  >  analyste  (voir  A.  Tobler,  Beitrâge,  III,  p.  144). 

décrépit  -\-  itude  (forme  élargie  de  -tude,  employée  dans  ex- 
actitude, etc.)  >  décrépitude. 

Delyannis  +  iste  >  delyanniste  (Le  Courrier  européen,  30  juin 
1905,  p.  13). 

4* 


52 

81.  Dans  les  noms  propres  dérivés,  la  chute  d'une  ou  de 
plusieurs  syllabes  finales  est  un  phénomène  assez  ordinaire; 
ce  qui  s'explique  par  le  caractère  hypocoristique  de  plusieurs 
de  ces  dérivés  (I,  §  121).  Exemples:  Auberi — Auberon.  Catherine 
— Catin,  Cato.  Madeleine — Madelon.  Marguerite  — Margot.   Michel 

—  Michon.   Musset  —  M ussaillon  (employé  par  G.  Sand).    Nicolas 

—  Nicolin,   Colin.   Pierrot  —  Pierrette.   Robert — Robin.    Suzanne — 
Suzette,  Suzon. 

82.  Rappelons  en  dernier  lieu  les  dérivés  formés  à  l'aide 
du  suffixe  argotique  -o  (§  414)  devant  lequel  toute  terminai- 
son tombe:  camarade  —  camaro^  invalide — invalo,  propriétaire — 
proprio,  etc. 

83.  Verbes.  Pour  les  dérivés  verbaux  il  faut  remarquer  que 
le  suffixe  ne  s'ajoute  jamais  à  la  forme  pleine  de  l'infinitif, 
mais  au  thème  tel  qu'il  se  présente  au  participe  présent  (ou 
à  l'infinitif  des  verbes  comme  parler,  sentir): 

Tir  (-er,  -ant)  —  tirage,  tirasse,  tireau,  tireur,  tirailler. 
Dorm  (-ir,  -ant)  —  dormeur.,  dor mailler,  dor masser. 
Blanchiss  (-ant)  —  blanchissage,  blanchisseur,  blanchisserie. 
Buv  (-ant)  —  buvable,  buvard,  buverie,  buveur,  buvoter. 


E.    CONFUSION  DE  TERMINAISONS. 

84.  Un  certain  nombre  de  dérivés  présentent,  soit  l'addition 
d'une  consonne  (bazar — bazarder),  soit  le  changement  d'une 
consonne  (tabac  —  tabatière),  soit  enfin  la  suppression  d'une 
consonne  (plafond — plafonner).  Ces  phénomènes,  très  fréquents 
dans  la  langue  moderne,  sont  ordinairement  dus  à  une  ana- 
logie proportionnelle  (I,  §  118, 2),  amenée  par  l'amuïssement  de 
la  consonne  finale  ou  par  d'autres  développements  phoné- 
tiques, grâce  auxquels  des  terminaisons  primitivement  dis- 
tinctes ont  fini  par  devenir  homophones.  En  effet,  il  n'y  a 
plus,  quant  à  la  finale,  aucune  différence  entre  fardeau,  lour- 
daud, linot,  prévôt,  enclos,  entre  contraint,  empreint,  parrain, 
serein,  marin,  entre  bavard,  rare,  bizarre,  etc.  etc.  La  con- 
fusion des  finales  amène  constamment  des  incertitudes  et  des 
hésitations  dans  les  dérivés.  Nous  en  avons  déjà  cité  un  cer- 


53 

tain  nombre  d'exemples  dans  les  tomes  précédents  (I,  §  315,5, 
Rem.;  II,  §  413,  416);  nous  nous  proposons  d'étudier  ici  la 
question  dans  son  ensemble. 

85.  Avant  d'entrer  dans  les  détails  nous  présenterons  quelques 
remarques  générales  sur  les  trois  phénomènes  d'analogie  que 
nous  allons  étudier. 

P  Addition  d'une  consonne.  De  bazar  on  tire  bazarder  sur 
le  modèle  de  hasard — hasarder.  Gomp.  tard  —  tarde,  bavard — 
bavarde  qui  amènent  dans  le  parler  vulgaire  avare— avarde 
(II,  416, 2). 

2^  Changement  d'une  consonne.  De  tabac  on  a  tiré  taba- 
tière sur  le  modèle  de  chocolat — chocolatière.  Ce  phénomène 
est  au  fond  le  même  que  le  précédent:  il  suppose  l'amuïsse- 
ment  de  la  consonne  finale  du  primitif  (quand  on  prononçait 
[tabak]  on  avait  le  dérivé  régulier  tabaquière)  ;  nous  traiterons 
dans  la  suite  du  changement  des  consonnes  sous  la  même 
rubrique  que  l'addition  d'une  consonne. 

3^  Suppression  d'une  consonne.  De  plafond  on  tire  plafon- 
ner sur  le  modèle  de  raison — raisonner.  Ce  phénomène  qui 
suppose  également  l'amuïssement  de  la  consonne  finale  du 
radical  sera,  pour  des  raisons  pratiques,  traité  à  part  dans  l'ex- 
posé suivant. 

86.  Pour  les  exemples  remontant  au-delà  de  la  Renaissance 
il  faut  ordinairement  chercher  une  explication  un  peu  diffé- 
rente de  celle  que  nous  avons  donnée.  On  avait  au  moyen 
âge  brebion  à  côté  de  brebis,  comme  on  a  maintenant  taudion 
à  côté  de  taudis;  ces  exemples,  qui  paraissent  identiques,  ne 
le  sont  pourtant  pas,  et  ils  s'expliquent  différemment.  Taudis 
se  prononce  maintenant  [todi],  et  le  dérivé  moderne  taudion 
a  été  tiré  de  la  forme  prononcée,  comme  plafonner  de  pla- 
fon(d).  Quant  à  brebis  au  contraire  il  se  prononçait  [brabits] 
ou  [brabis]  à  l'époque  où  on  a  formé  brebion,  et  puisque  la 
sifflante  appartenait  au  thème  (berbice)  on  aurait  donc  dû 
la  conserver  dans  les  dérivés.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier 
que,  grâce  au  mécanisme  grammatical,  les  indéclinables  se 
règlent  parfois  sur  les  déclinables  (cf.  II,  §  264,  Rem.),  et  l'in- 
fluence de  mots  tels  que  amis  —  ami  amenait  brebis  —  brebi. 
C'est  de  cette  dernière  forme  analogique  que  proviennent  bre- 
bion, brebiage,  brebiail,  brebiete. 


54 


I.    ADDITION  D'UNE  CONSONNE. 

87.  L'addition  d'une  consonne  est  un  phénomène  assez  fré- 
quent; il  a  fait  naître  de  nouveaux  suffixes  ou,  plutôt,  donner 
une  nouvelle  forme  collatérale  aux  anciens  suffixes;  sur  bi- 
goterie (de  bigot),  on  a  formé  ergoterie  (de  ergo),  indigoterie 
(de  indigo),  etc.,  et  de  cette  manière  a  été  créée  la  forme  -terie 
(§  418),  doublet  de  -erie.  Les  consonnes  analogiques  dont 
nous  allons  nous  occuper  sont  d,  t,  s  [z],  l,  m,  n. 

88.  D.  Un  d  analogique  s'est  développé  dans  les  cas  sui- 
vants : 

1^  AND.  Sur  le  modèle  de  dérivation  représenté  par  grand 
— grande,  grandement,  grandeur,  grandir,  etc.,  un  d  adventice 
s'est  introduit  dans  quelques  dérivés  de  mots  en  -an  et  en 
-ant: 

Brelan  —  brelander,  brelandier,  brelandiner.  On  trouve  au 
XIV'^  siècle,  à  côté  de  berlandier,  la  forme  bellengier  (voir 
Godefroy)    qui  remonte   à   berlenc,   forme   primitive  de  brelan. 

Dinant  -  dinandier,  dinanderie;  ces  formes  remontent  au  moyen 
âge.  Quelques  modernes  écrivent  dinantier,  dinanterie. 

Faisan  (emprunté  du  lat.  phasianum) — faisande,  faisan- 
deau, faisander,  faisanderie,  faisandier.  On  a  longtemps  hésité 
entre  ces  formes  et  les  dérivés  réguliers  sans  d.  Faisanneau  et 
faisannier  s'employaient  au  XVP  siècle  et  encore  au  XVIP.  Mé- 
nage remarque:  »Nicod  a  dit  faisanneaux,  et  quelques-uns  le 
disent  encore  présentement.  C'est  en  effet  comme  il  faudroit  dire 
selon  l'analogie;  car  ce  mot  est  un  diminutif  de  faisan.  Mais 
l'usage  est  pour  faisandeaux.  C'est  donc  comme  il  faut  parler. 
Et  il  y  a  mesme  déjà  longtemps  qu'on  parle  de  la  sorte  .  .  . 
Du  mesme  mot  faisand,  on  a  fait  aussi  le  mot  faisander. 
Ainsi  on  dit,  La  volaille  qui  vit  dans  le  bois  se  faisande,  et  non 
pas,  se  faisanne.«  (Observations,  p.  51).  On  hésite  dans  la  langue 
moderne  entre  une  poule  faisane  et  une  poule  faisande. 

Galant — galande,  (voir  II,  §  416,  i). 

Hareng — harendière;  cette  forme  s'employait  au  XVP  siècle 
(Livet,  la  Grammaire  française,  p.  112)  à  côté  de  harengère. 

Lieutenant — lieutenande,  lieutenanderie,  lieutenandise. 

Paysan — paysande,  paysandallle.  Un  dérivé  plus  moderne  est 
paysannerie,  conforme  au  féminin  paysanne. 


55 

2^  ARD.  Sur  le  modèle  de  bavard  —  bavarde,  bavarder,  ba- 
vardage, etc.,  un  cf  a  été  introduit  dans  quelques  dérivés  de 
mots  en  -ar,  -are,  -art: 

Avare — avarde,  féminin  vulgaire.  Darmesteter  remarque:  »Les 
gens  du  peuple  disent  .  .  .  un  avard — une  avarde. « 

Bazar  —  bazarder,  se  défaire  d'un  objet,  bazardier;  termes 
d'argot. 

Bizarre — bizarde,  féminin  vulgaire,  employé  par  Labiche 
{Théâtre,  IX,  175). 

Cauchemar  —  cauchemarder,  ennuyer,  cauchemardant,  per- 
sonne importune;  termes  d'argot  (voir  Rigaud). 

Escobar — escobarder,  escobarderie. 

Ignare — ignarde,  féminin  vulgaire  (voir  Darmesteter). 

Putiphar — putipharder,  putiphardiser  (voir  Sachs). 

Rempart — rempardière.  Il  faut  remarquer  qu'à  côté  de  rem- 
part on  trouve  aussi  rempard,  et  que  ces  deux  formes  sont 
analogiques:  comme  le  mot  est  tiré  de  remparer,  on  devrait 
écrire  rempar. 

3^  AUD.  L'analogie  de  chaud  —  chaude,  échafaud — écha- 
faudage, etc.  a  déterminé  la  création  de  plusieurs  dérivés  avec 
un  d  adventice  : 

Bedeau — bedeaude,  bedeaudaille. 

Boyau — boyaudier,  boyauderie;  ces  formes  datent  du  XVIIP 
siècle;  Furetière  (1690)  ne  connaît  que  boyautier. 

Carreau— car reauder,  carreaudage. 

Chaux— échauder. 

Marivaux — marivaudage. 

4^  ORD.  L'analogie  de  bord — border,  accord — accorder,  etc. 
a  amené: 

Butor — butorde,  butorderie. 

89.  T.  Un  /  analogique  s'est  développé  dans  les  dérivés  des 
mots  qui  finissent  par  une  voyelle. 

P  AINT,  EINT.  Sur  le  modèle  de  saint— sainte ,  sainteté, 
teint — teinte,  teinter,  teinture,  etc.,  on  a  créé: 

Lendemain  —  lendemaintiste  (voir  Sachs,  Supplément);  on 
trouve  aussi  lendemainiste. 

Plein— pleinte.  Ce  féminin  dialectal  s'emploie  en  wallon  mo- 
derne. 


56 

Rein—éreinter.  Cette  forme,  qui  a  remplacé  le  dérivé  régulier 
esrener,  érener,  date  de  la  fin  du  XVI P  siècle.  On  lit  dans 
Furetière  (1690):  ^Esrener  .  ,  .  quelques  uns  disent  esreinler.<^ 
L'Académie  donne  les  deux  formes  dans  la  première  édition 
de  son  Dictionnaire  (1694).  L'ancienne  forme  érener  vit  encore 
dans  le  terme  technique  aréner. 

Vilain  —  vilainte.  Ce  féminin  dialectal  se  trouve  dans  Mo- 
lière: T'es  une  vilainte,  toi,  d'endurer  qu'on  te  cajole  (Don 
Juan,  II,  se.  3). 

2^  ANT.  Au  modèle  de  dérivation  représenté  par  chant — 
chanter,  chanteur;  amant — amante;  lent — lente  se  sont  confor- 
més quelques  mots  en  -an,  -am,  -anc,  -and: 

Fer- blanc — ferblantier,  ferblanterie. 

Gland — englanté;  la  forme  régulière  englandé  était  en  usage 
au  XVII^  siècle  (voir  Dictionnaire  Général).  Comp.  glandée, 
glandage,  glandaire. 

Partisan — partisante.  On  trouve  un  exemple  unique  de  ce 
féminin  curieux  dans  les  Lettres  de  Ninon  de  Lenclos  (voir 
Littré). 

Quidam  —  guidante.  Ce  féminin  est  assurément  très  rare; 
voici  le  seul  exemple  que  j'en  connaisse:  »La  fierté  et  la  vi- 
vacité d'Alexandre,  frère  de  la  guidante,  détruisirent  en  un 
moment  ces  belles  espérances  «  (Perret,  Héros  subalternes,  1749, 
5^  partie,  p.  25).  Le  féminin  ordinaire  est  guidane. 

3^  AT.  L'analogie  de  chocolat — chocolatière,  soldai— soldatesgue 
amène: 

Tabac — tabatière.  L'ancienne  forme  était  tabaguière,  dérivé 
régulier  de  tabac,  prononcé  [tabak];  mais  après  l'amuïssement 
du  c  final,  l'hésitation  commence.  Ménage  observe:  »I1  faut 
dire  tabakière  et  non  pas  tabatière. «  En  1694,  l'Académie  ad- 
met les  deux  formes  dans  son  Dictionnaire,  mais  de  la  Touche 
objecte:  >Je  croi  pourtant  que  tabatière  est  le  plus  usité  de 
beaucoup. «  A  partir  de  1718,  l'Ac.  ne  donne  que  cette  forme. 

Taffetas— taffetatier  (Rousseau,  Confessions). 

Zola — zolatesgue. 

4^  AUT.  Sur  le  modèle  de  saut— saute,  sautage,  sauter,  sau- 
teur, etc.  on  a  créé  un  grand  nombre  de  dérivés  analogiques 
de  mots  en  -au  et  -eau: 

Bigarreau — bigarreautier.    • 


67 

Biseau — biseauter,  biseautage. 

Blaireau — blaireauter  (voir  Littré,  Supplément);  citons  aussi 
le  ternie  d'argot  blaireauteau  (voir  Rigaud). 

Bureau — bureautin,  pupille  du  bureau  de  TAssistance  publique, 
placée  dans  les  familles,  chez  des  nourriciers. 

Chapeau — chapeauter  (voir  A.  Daudet,  Rose  et  Ninon,  p.  105). 

Fourneau — fourneauter. 

Maquereau — maquereauter,  maquereautage,  maquereautin  (voir 
Sachs);  on  trouve  aussi  un  féminin  lorrain  maquereaute. 

Panneau— panneauter,  panneauteur,  termes  de  chasse. 

Peau — dépiauter. 

Pinceau—  pinceauter,  pinceautage,  pinceauteuse  (Littré  et  Sachs). 

Râteau — rateauter,  néologisme  populaire. 

Tableau — tableautin. 

Tuyau — tuyauter. 

5^  ET.  Par  assimilation  aux  mots  en  -et,  quelques  mots  en 
-ey,  -ais  présentent  un  t  adventice  dans  leurs  dérivés: 

Jockey— jockey  te  (cf.  II,  §  413,3). 

Poney — poneyte  ou  ponette  (cf.  II,  §  431). 

Rabelais— rabelaitique.  Ce  dérivé  a  été  employé  par  Henri 
Estienne:  Des  mots  de  gueux  ou  des  traits  Rabelaitiques  (H. 
Estienne,  Apologie  pour  Hérodote,  p.  p.  Ristelhuber.  Paris,  1879. 
I,  p.  XII). 

6^  ET  (ou  lET).  Quelques  dérivés  de  mots  en  -é,  -ier(s) 
présentent  un  t  analogique: 

Café  —  cafetier,  cafetière,  cafèterie.  On  trouve  aussi  des  dé- 
rivés sans  t:  cafier  ou  caféier,  arbre  qui  produit  le  café,  ca- 
féière,  caféine. 

Épée — épétier,  employé  au  XVIIP  sicèle  (Mercier). 

Papier — papetier,  papeterie;  pour  le  changement  de  la  diph- 
tongue, comp.  épicier^épicerie,  etc.  (§  59).  La  consonne  finale 
du  radical  a  été  conservée  dans  paperasse. 

Thé — thétière  disparu  devant  théière. 

Verviers  —  verviéto  is. 

1^  EUT.  Quelques  dérivés  de  mots  en  -eu,  -eue  présentent 
un  t  adventice,  qui  doit  s'expliquer  par  l'analogie  de  la  plu- 
part des  autres  mots  finissant  par  une  voyelle  accentuée  : 

Bleu  — bleuté,  qui  a  une  teinte  bleue;  on  dit  du  drap  gris- 
bleuté,  des  cheveux  bleutés  (voir  Littré,  Supplément)  ;  on  trouve 


58 

aussi  un  verbe  bleuter,  passer  du  linge  au  bleu  ;  c'est  un  néo- 
logisme (voir  Sachs,  Supplément).  Les  autres  dérivés,  plus  an- 
ciens, ne  présentent  pas  de  /:  bleuir,  bleueur,  bleuâtre,  etc. 

Bon  Dieu  —  bondieutisme ,  pratique  religieuse  intermittente 
(voir  Rigaud). 

Feu — feutier  (voir  Littré;  manque   au  Dictionnaire  Général). 

Queue— queuter,  terme  de  jeu  de  billard. 

8^  IT.  L'analogie  de  petit — petite,  habit — habiter,  etc.  a  amené 
quelques  dérivés  irréguliers  des  mots  en  -/,  -ifci),  -i(f): 

Abri— abriter.  Cette  forme  est  un  dérivé  relativement  récent; 
elle  a  remplacé  l'ancien  verbe  abrier,  primitif  du  substantif 
verbal  abri. 

Chétif — chetite,  chetitement,  formes  patoises  (II,  §  450). 

Gentil — gentite,  forme  patoise. 

Nid — nitée. 

On  trouve  dans  les  patois  et  parlers  vulgaires  un  grand 
nombre  de  participes  passés  faibles  en  -i  dont  le  féminin  se 
termine  par  -ite:  finite,  assite,  remplite,  etc.  (cf.  II,  §  89,  Rem.). 

9^  OIT.  Sur  le  modèle  de  droit  —  droite,  droitement,  on  a 
formé: 

Coi — coite;  on  disait  autrefois  coi — coie  (voir  II,  §  413, 5). 

Miroir — miroiter,  miroitement,  miroitier,  miroiterie.  Au  moyen 
âge  on  trouve  miroirier  ou  miroitier  (voir  Godefroy).  La  forme 
miroitier  apparaît  au  XVP  siècle  dans  le  Dictionnaire  de  J. 
Thierry  (1564). 

Roi—déroiter  (Cahiers  de  1789  cités  par  Beugnot). 

10^  ONT.  Sur  le  modèle  de  mont  —  monter,  front — affronter 
on  a  formé: 

Phaéton — phaétonté;  cette  forme  s'employait  au  XVP  siècle 
(voir  ZRPh,  XXIX,  93).  On  avait  un  autre  dérivé  sans  t: 
phaétonniser. 

IP  OT.  Les  mots  en  -o  (opj  ont  été  assimilés  à  ceux  en 
-ot  (jabot— jaboter)  et  présentent  régulièrement  un  t  adventice 
dans  toutes  les  formes  dérivées: 

Agio — agioter,  agiotage,  agioteur. 

Bacho  (I,  §  522,  2)  —  bachotier  (Rigaud). 

Cabo  (mot  espagnol,  employé  en  français  au  XVP  siècle) 
—  caboter,  cabotier,  caboteur,  cabotage. 

Chicago — chicagotien.  Coco — cocotier. 

Domino —  dominotier,  dominoterie. 


59 

Écho—échoter,  échotier.  Exemple:  Les  échotiers  s'emparèrent 
aussitôt  de  ce  fait  divers  (Donos,  Verlaine  intime,  p.  230). 

Ergo — ergoter. 

Hugo — Imgotesque  (Clair  Tisseur). 

Folio— folioter,  foliotage,  folioteur. 

Indigo— indigotier,  indigoterie,  indigoteur,  teinturier  (employé 
par  Flaubert). 

Lico(l) — délicoter,  débarrasser  du  licou. 

Monaco— monacoter. 

Numéro  — numéroter,  numérotage,  numéroteur. 

Piano — pianoter. 

Rigolo— rigolote  (O.  Mirbeau,  Journal  d'une  femme  de  chambre, 
p.  346). 

Rococo  —  rococoter  (Concourt,  Renée  Mauperin,  p.  180),  ro- 
cocoterie  (Concourt,  Manette  Salomon,  p.  101). 

Silo—ensiloter,  ensilotage  (comp.  Littré). 

Sirop — siroter.  On  trouve  au  XVIP  siècle  siroper,  au  sens  de 
»traiter  avec  des  sirops«  (voir  Dictionnaire  Cénéral). 

Typo — typote,  compositrice  d'imprimerie  ;  termes  d'argot  (voir 
Rigaud). 

12^  OUT.  Les  dérivés  des  mots  en  -ou  (-ouc)  se  sont  ré- 
gulièrement conformés  au  modèle  des  mots  en  -out:  bout — 
bouter,  tout— toute,  égout — égoutier: 

Bambou— bamboutage,  bamboutier. 

Bijou — bijoutier,  bijouterie. 

Caillou— caillouter,  caillouteur,  cailloutage,  caillouteux,  caillou- 
tis.  A  côté  de  caillouteux  on  trouve  aussi  cailloueux  dans  Vin- 
vantaire  de  Monet  (1635). 

Caoutchouc — caoutchouter.  Ex.  :  Des  roues  caoutchoutées  (P.  et 
V.  Margueritte,  Les  deux  vies,  p.  151). 

Clou — clouter,  clouterie,  cloutière.  On  a  aussi  des  dérivés  sans 
/:  clouer  et  clouière;  cette  dernière  forme,  qui  s'employait  en- 
core au  XVII^  siècle  (voir  Dictionnaire  Cénéral),  est  vieillie 
maintenant.  Quant  à  cloutier,  c'est  sans  doute  une  contraction 
de  clouetier,  dér.  de  clouet. 

Filou — filouter,  fdoutier,  fdouterie,  fdoutage. 

Frou-frou — froufrouter,  froufroutant  (voir  Sachs,  Supplément). 

Glouglou — glouglouter. 

Grisou — grisouteux. 

Joujou — joujouter. 


60 

Loulou — Louloute. 

Marlou—marlouterie,  termes  d'argot. 

Sagou — sagoutier;  on  trouve  aussi  la  forme  sagouier,  mais 
elle  est  rare. 

Sou — soutado  (§  369);  demi-soutier,  avare  qui  coupe  les  sous 
en  deux  {Bulletin  critique,  1896,  p.  191,  note).  Les  dérivés  pri- 
mitifs sont  en  d:  soudoyer,  millesoudier  (§  42). 

Voyou — voyoute  (II,  §  413,  e),  voyoutado,  voyouterie,  voyoutisme. 

Velous  (forme  primitive  de  velours;  I,  §  504,  4)  —  velouté. 

13^  UT.  Quelques  dérivés  de  mots  en  -«,  -ue,  -us  se  sont 
réglés  sur  le  modèle  des  mots  en  -ut:  début— débuter,  affût — 
affûter,  affûtage: 

Jus— juter,  juteux. 

Morue — morutier  (J.  Richepin,  La  Mer,  p.  138),  fait  sur  cha- 
lut— chalutier.  On  trouve  aussi  la  forme  moruyer  que  préfère 
Littré. 

Recrue — recruter. 

Talus  (mauvaise  orthographe  pour  talu)  —  taluter;  on  a  dit 
autrefois  taluer  et  taluser. 

Tissu — tissutier. 

Verjus — ver  juter. 

90.  S  [s].  Le  développement  d'un  s  sourd  est  un  phénomène 
rare.  Il  ne  paraît  avoir  lieu  que  dans  deux  mots: 

Autour — autoursier,  autourserie ;  au  XIIP  siècle  on  avait  la 
forme  régulière  ostorier. 

Peau — peaussier;  c'est  le  type  faux — faussaire,  fausseté,  etc. 
qui  paraît  avoir  servi  de  modèle. 

Ajoutons  trisser  tiré  du  lat.  tri-  sur  le  modèle  de  bisser. 

91.  S  [z].  Un  s  sonore  s'est  développé  dans  les  cas  suivants: 
P  EUX.  Par  une  assimilation  à  gueux—  gueusard,  gueuserie, 

quelques  dérivés  de  mots  en  -ieu  ou  -ieue  présentent  un  s 
sonore  adventice: 

Banlieue— banlieusard,  terme  d'argot. 

Bon  Dieu—bondieusard,  marchand  d'objets  de  dévotion,  bon- 
dieusarderie ,  bondieuserie,  métier  du  bondieusard,  commerce 
d'objets  de  sainteté  (voir  Rigaud). 

2*^  OIS.  Sur  le  modèle  de  bois — déboiser,  on  a  dit  autrefois 
*roi—déroiser. 


61 

3^  OUX.  Sur  le  modèle  de  jaloux— jalouser  on  dit  dans  l'ar- 
got de  Paris: 

Atout — atouser,  donner  de  r»atout«,  du  courage,  encourager 
(Lorédan  Larchey). 

Voyou— voyouse,  se  voyouser,  s'encanailler. 

92.  L.  Le  développement  d'un  /  analogique  est  rare.  A  côté 
de  coucou  on  trouve  les  dérivés  coucouer  et  coucouler  (voir 
Littré);  cette  dernière  forme  est  peut-être  due  à  une  analogie 
tirée  de  soûl — soûler.  Rappelons  aussi  roucouler,  probablement 
tiré  de  roucou  (§  22). 

93.  M.  Le  développement  d'un  m  analogique  se  présente 
dans  les  dérivés  de  quelques  mots  en  -ain  qui  se  sont  réglés 
sur  faim — affamer,  et  dans  quelques  dérivés  de  mots  en  -in; 
pour  les  détails,  voir  §  75. 

94.  N»  A  côté  de  tour  (turris),  on  a  les  deux  diminutifs 
tourelle,  dérivé  régulier,  et  tournelle,  dérivé  irrégulier.  L'addi- 
tion de  n  est  due  à  l'analogie  des  groupes  tour  (tu  r  nu  m) — 
tourner,  jour — journée,  etc. 


II.    SUPPRESSION  D'UNE  CONSONNE. 

95.  Ce  phénomène  est  moins  fréquent  que  celui  que  nous 
venons  d'étudier.  Dans  la  lutte  entre  deux  types  tels  que  tard 
[ta:r]  —  tarde  [tard)  et  rare  [ra:r]  —  rare  [ra:r],  c'est  ordinairement 
le  premier  qui  l'emporte  (II,  §  450);  nous  allons  examiner 
maintenant  quelques  exemples   de  la  victoire  du  dernier  type. 

96.  AN.  Quelques  dérivés  de  mots  en  -and,  -ant  (-andt), 
-ans,  -ent,  -emps  se  sont  réglés  sur  les  mots  en  -an:  Jean — 
Jeanne,  paysan — paysanne: 

Allemand  —  allemanisme  (comp.  l'adj.  allemanique  ou  alle- 
mandique);  on  trouve  aussi  le  dérivé  régulier  allemandisme 
(comp.  le  fém.  allemande).  Ajoutons  que  dans  allemand,  la 
terminaison  -and  est  due  à  un  changement  de  suffixe  (§  174); 
la  forme  primitive  est  a/(^/>ema/ï  <  Alaman  num. 

Anglo-normand — anglo-normannisme  (comp.  l'adj.  norman- 
nique);  on   trouve  aussi  anglo-normandisme  (comp.  le  féminin 


62 

anglo-normande).  La  terminaison  de  normand  est  analogique, 
la  forme  primitive  a  dû  être  norman. 

Chateaubriand— chateauhrianesque. 

Chat-huant — chat-huané. 

Géant— géan(n)e.  De  la  Touche  remarque:  »La  plupart  des 
dames  qui  parlent  bien  disent  géanne,  qui  est  plus  doux  que 
géante.  Néanmoins  ...  géanne  n'est  pas  encore  établi. «  Ce  fé- 
minin qu'on  retrouve  dans  Buffon  n'est  plus  employé;  il  n'au- 
rait jamais  dû  l'être,  observe  Littré. 

Normand — normanisme;  on  trouve  aussi  normandisme  (voir 
Sachs). 

Orléans — orléanisme,  orléaniste. 

Ornement — ornemaniste.  Littré  remarque:  »Ce  mot,  tout  à  fait 
barbare,  est  un  néologisme  contemporain.  On  devrait  dire 
ornementiste.«  Notons  pourtant  que  le  mot  se  trouve  déjà 
dans  Boiste  (1800)  et  que  l'Académie  l'admet  dans  sa  6^  édi- 
tion (1835).  Les  autres  dérivés  d'ornemen/ sont  réguliers  :  orne- 
mental, ornementer. 

Printemps — printanier.  Ce  dérivé  remonte  au  moins  au  XVP 
siècle;  on  le  trouve  dans  Ronsard. 

Rembrandt — rembranesque. 

97.  ARE.  Les  mots  en  -are  influencent  ceux  en  -ard  : 

Jard—jareux  (comp.  catarrhe — catarrheux);  on  disait  autre- 
fois jardeux  (voir  Godefroy  et  Dictionnaire  Général). 

98.  ERE.  Sur  le  modèle  de  fer — ferré,  pierre — pierrée,  etc.  on 
a  créé  Pivert — piverré  (voir  Godefroy). 

99.  L  Les  dérivés  de  quelques  mots  en  -zs,  -it  montrent  la 
suppression  de  la  consonne  finale: 

Brebis — brebiage,  brebiette.  Ces  formes  remontent  au  moyen 
âge,  qui  offre  aussi  brebiail,  brebiaille,  brebiole,  brebion  (voir 
Godefroy).  A  côté  de  brebiette  on  avait  brebisette;  comp.  bre- 
bisière,  gardeuse  de  brebis.  Comp.  §  86. 

Mauvis — mauviette,  dérivé  récent. 

Petit— petiot.  Petitot  s'emploie  comme  nom  propre. 

Souris — souriette  (E.  Deschamps). 

Taudis — taudion,  dérivé  récent. 


63 

100.  1ÈRE.  Un  mot  en    iers  s'est  réglé  sur  Molière— moliérisme: 
Thiers — thiérisme  (voir  Wahlund),  thiériste  (voir  Sachs). 

101.  ON.  Le  type  patron — patronner  détermine  parfois  la  forme 
des  dérivés  des  mots  en  -ond.  Exemples: 

Plafond — plafonner,  plafonneur,  plafonnage. 

Quart-de-rond — quarderonner. 

Vagabond — vag abonner  ;  c'est  la  seule  forme  que  donne  le 
Dictionnaire  de  Trévoux  (I,  §  60),  et  l'Académie  l'admet.  On 
dit  maintenant  vagabonder. 

102.  OUR,  OURRE.  Quelques  dérivés  des  mots  en  -ourt  ou 
-ourg  se  sont  conformés  au  modèle  de  tour — touriste,  bourre — 
bourrade,  bourrer,  etc.  : 

Dancourt — dancourade. 

Faubourg — faubourien. 

Concourt — goncouriste,  goncourisme  (voir  Sachs,  Supplément); 
on  trouve  aussi  goncourtiste  et  goncourtisme.  En  parlant  d'orne- 
maniste M.  Remy  de  Gourmont  remarque:  »Des  professeurs 
eussent  forgé  ornementiste,  comme  ils  ont  forgé  goncourtiste 
qu'ils  opposent  à  goncouriste ,  forme  vraie  puisqu'elle  est  la 
seule  qui  ne  déforme  pas  la  sonorité  du  radical  «  (Esthétique 
de  la  langue  française,  p.  128). 


III.    CHANGEMENT  DE  LA  VOYELLE. 

103.  Nous  avons  déjà  examiné  les  changements  réguliers  que 
subissent  les  voyelles  nasales  finales  (§  67,  68).  Rappelons 
ici  un  changement  irrégulier  dû  à  une  confusion  entre  -ain  et 
-in:  fusain — fusiniste  (^  bouquin — bouquiniste.  Comp.  II,  §  399). 


F.   CHANGEMENTS  ORTHOGRAPHIQUES. 

104.  L'addition  du  suffixe  au  primitif  amène  parfois  des 
changements  orthographiques.  De  ces  changements  quelques- 
uns  sont  constants  et  nécessaires  (c  )  qu,  g  )  gu,  devant  e  et  i, 
etc.),  d'autres  sont  tout  à  fait  arbitraires  (n}  nn,  tytt,  etc.); 
comp.  I,  95,  4. 


64 

105.  Voici  une  série  d'exemples  des  changements  ortho- 
graphiques les  plus  importants: 

1^  C  (Q)  >  QU  (devant  e  et  z):  alambic  ~  alambiquer ;  bec  — 
béquet,  béquille;  bivouac — bivouaquer;  échec — échiquier;  vfr.  loc 
—  loquet;  truc — truquer;  turc — turquerie,  etc.  Cinq— cinquième; 
coq — coquet. 

2^  G  >  GU  (devant  e  et  z)  :  long — longuet,  longueur. 

3^  L  >  LL.  11  faut  distinguer  plusieurs  cas:  a)  col — collet,  collier; 
fol  —  follet  (mais  folie,  folâtre)  ;  mol  —  mollet,  mollasse;  b)  chan- 
celier —  chancellerie;  chapelier  —  chapellerie  ;  oiselier  —  oisellerie 
(comp.  II,  §  19);  c)  gentil — gentillâtre;  œil— œillade;  péril — pé- 
rilleux ;  vieil —  vieillesse. 

4^  LL>L:  Dalle— dalot;  salle— salon. 

5<*  N  >  NN.  Le  redoublement  de  n  a  lieu  d'une  manière  très 
arbitraire  (comp.  II,  §  398).  De  baron  on  tire  baronnage,  ba- 
ronnie,  baronne;  de  canon,  canonnade,  canonnier;  de  patron, 
patronner,  patronnesse,  patronnet,  mais  on  écrit  patronage  et 
patronal  avec  un  seul  /?;  et  à  côté  de  baronnie,  canonnade, 
canonnier,  on  a  félonie,  citronade,  timonier.  Comp.  I,  §  95,  4. 

6^  QU  >  C  (devant  a,  ou  à  la  finale):  Obélisque  —  obéliscal; 
république—  républicain;  truquer — trucage.  Choquer— choc. 

70  R  >  RR  (comp.  I,  §  365):  Char  —  charrette ,  charrier, 
charron;  fer — ferraille,  ferrer,  fer  r  et. 

8^  S  >  SS  (comp.  II,  §  411):  Bas  —  bassesse,  basset;  bras — 
brassard,  brassée,  embrasser;  congrès — congressiste;  gros — gros- 
sesse, grosseur,  grossier,  etc. 

9°  T  >  TT.  Le  redoublement  du  t  n'est  sujet  à  aucune  règle 
fixe  (comp.  I,  §  388).  A  côté  de  chat — chatterie  on  a  bigot — 
bigoterie;  comp.  encore  grelot— grelotter,  et  gigot — gigoter, 

IQO  'pj  y  j.  Calotte  —  calotin;  cotte — cotillon;  gazette  —  gaze- 
tier;  patte — pataud. 


CHAPITRE  III. 

SUFFIXES   NOMINAUX, 


106.  Origine.  Les  suffixes  nominaux  français  se  divisent  en 
trois  groupes  principaux: 

P  Suffixes  d'origine  latine.  La  plupart  des  suffixes  re- 
montent au  latin.  Au  point  de  vue  historique  et  phonétique  il 
faut  distinguer  entre  ceux  qui  sont  héréditaires  (ou  de  forma- 
tion populaire)  et  ceux  qui  ont  été  introduits  par  voie  sa- 
vante (voir  §  298  ss.). 

2^  Suffixes  d'origine  étrangère.  Les  suffixes  étrangers  viennent 
surtout  du  germanique  ou  des  langues  méridionales  (§  350  ss.). 

3^  Suffixes  de  création  française  (§  377  ss.). 

107.  Emploi.  Les  suffixes  nominaux  s'ajoutent  soit  aux  noms 
soit  aux  verbes. 

1®  Suffixes  qui  s'ajoutent  de  préférence  aux  substantifs:  -aie, 
-ain,  -aire,  -al,  -at,  -âtre,  -é,  -ée,  -éen,  -el,  -esque,  -eux,  -ie,  -ien, 
-ier,  -ière,  -ille,  -in,  -ine,  -ique,  -ise,  -isme,  -iste,  -ite,  '-ot,  -otte,  -u, 
-are.  Exemples:  œil  — œillade,  aune  —  aunaie,  poing — poignée^ 
gant — gantier,  etc. 

2^  Suffixes  qui  s'ajoutent  de  préférence  aux  adjectifs:  -ain, 
-âtre,  -and,  -esse,  -eur,  -ie,  -ise,  -isme,  -iste,  -ot,  -té,  -ure.  Ex- 
emples :    noir  —  noirâtre ,   grand  —  grandeur,   vert — verdure,  etc. 

3°  Suffixes  qui  s'ajoutent  de  préférence  aux  radicaux  des 
verbes:  -able,  -âge,  -ail,  -ement,  -eur,  -ihle,  -iment,'Oir,  -ot,  -otte. 
Exemples:  blâmer  —  blâmable,  passer  —  passage,  vanter— van- 
terie,  tromper — trompeur,  mirer — miroir,  etc. 

5 


66 

4^  Plusieurs  suffixes  s'ajoutent  indifféremment  à  des  radi- 
caux nominaux  et  verbaux:  -ade,  -aille,  -ard,  -eau,  -eret,  -erie, 
-et,  -ette,  -eux,  -if,  -in,  -is,  -on,  -ot,  -ure.  Exemples:  valet — valetaille, 
trouver — trouvaille,  riche — richard,  grogner  —  grognard,  drap  — 
drapeau,  traîner — traîneau,  etc. 

5*^  Dans  quelques  cas  on  a  changé  de  procédé  au  cours  des 
temps.  Ainsi  -able  et  -eur  ne  s'ajoutaient  primitivement  qu'aux 
verbes  (blâmer — blâmable,  glaner — glaneur);  peu  à  peu  ils  ar- 
rivent à  s'ajouter  à  des  noms  (dommage — dommageable,  farce 
— farceur). 

108.  Composition.  La  dérivation  suffixale  se  fait  ordinaire- 
ment par  l'addition  d'un  seul  suffixe;  cependant,  si  l'on  veut 
souligner  la  nuance  exprimée  par  le  suffixe,  on  peut  en  com- 
biner plusieurs  offrant  le  même  sens  et  les  ajouter  au  mot 
primitif.  Cet  enchaînement  de  suffixes  existait  déjà  en  latin 
(agn-ic-ell-ulus),  et  il  est  assez  général  en  italien  (libro — 
libretto,  librettuccio,  librettucciaccio) ,  en  roumain,  en  espagnol 
et  en  portugais,  et  on  le  retrouve  également  en  français  ;  on  a 
dans  la  vieille  langue  ront — rondel,  rondelet.  Voici  quelques  ob- 
servations de  H.  Estienne:  »Notre  langue  est  tellement  ploy- 
able  à  toutes  sortes  de  mignardises,  que  nous  en  faisons  tout 
ce  que  nous  voulons  adjoustans  souvent  diminution  sur  di- 
minution, comme  arc,  archet,  archelet;  tendre,  tendret,  tendrelet; 

quand   nous   disons   aussi   homme,    hommet,  hommelet 

Ce  qui  fait  que  nous  avons  plusieurs  diminutifs  de  ceste  sorte, 
c'est  que  pouvons  nous  aider  d'une  autre  sorte  de  terminai- 
son, asçavoir  en  -illon,  comme  oiseau,  oiselet,  oisillon;  pareille- 
ment carpe,  carpeau,  carpillon.  Et  quelquefois  ceste  terminaison 
en  -illon  ne  sert  qu'à  la  diminution  et  venons  à  une  autre 
pour  trouver  la  superdiminution;  comme  quand  nous  disons 
cotte,  cottillon,  cottillonnet.  Aucuns  font  le  mesme  en  une  autre 
sorte  de  terminaison,  qui  est  en  -son  ou  -con  (prononceant  le 
c  comme  s),  comme  enfant,  enfançon,  enfançonnet«  {Précellance 
du  langage  françois,  p.  97). 

109.  Signification.  A  l'aide  des  suffixes  nominaux  on  crée 
des  adjectifs  ou  des  substantifs. 

P  Suffixes  formant  des  substantifs:  -ade,  -aie,  -ail,  -aille, 
-aine,  -ana,  -ance,  -ard,  -as,  -at,  -auté,  -eau,  -eé,  -ée,  -elle,  -ement. 


67 

-ence,  -eraie,  -ereau,  -eret,  -erie,  -eron,  -esse,  -e/é,  -eton,  -ette,  eur, 
-ie,  -ière,  -ille,  -illon,  -iment,  -ine,  ise,  -isme,  -ite,  -oir,  -oire,  -on, 
-ose,  -otte,  -té,  -ure. 

2^  Suffixes  formant  des  adjectifs:  -able,  -al,  -éen,  -el,  -esque, 
-eux,    ible,  -ique,  -u. 

3^  Suffixes  formant  des  substantifs  et  des  adjectifs:  -ain, 
-aire,  -an,  -ant,  -âtre,  -aud^  -é,  -elet,  -et,  -ien,  -ier,  -in.  -iste,  -ot. 

4°  Quelques  suffixes  ont  changé  de  signification.  De  nos 
jours  -âge  ne  sert  qu'à  former  des  substantifs;  au  moyen  âge, 
il  formait  aussi  des  adjectifs. 

110.  A  l'aide  des  suffixes  on  peut  exprimer  beaucoup  de  no- 
tions très  différentes.  De  parler  on  a  tiré  parleur,  parloir,  par- 
lote, parlerie,  partage,  vfr.  parlëure,  pour  indiquer  celui  qui  parle, 
le  lieu  oii  l'on  parle,  l'action  de  parler  et  son  résultat.  Par  un 
suffixe  on  peut  aussi  ajouter  à  un  mot  une  nuance  caressante 
et  tendre  ou  défavorable  et  grossière:  sœur — sœurette;  frère  — 
frérot;  beau  —  bellot,  bellâtre;  fille  —  fillasse;  poète  —  poétraillon. 
Les  adjectifs  surtout  sont  susceptibles  de  beaucoup  de  nuance- 
ments;  de  maigre  on  a  tiré  maigret,  maigrelet,  maigrelin,  mai- 
grichon, maigriot  (maigrillot).  Nous  allons  maintenant  examiner 
et  grouper  les  suffixes  les  plus  importants  selon  leur  signi- 
fication. 

111.  Noms  abstraits.  Pour  exprimer  une  qualité  psychique  ou 
d'autres  notions  abstraites  on  emploie  surtout  les  suffixes  -âge, 
-ance,  -ement,  -esse,  -eur,  -(e)té,  -ie,  -ise,  -ure.  Exemples:  passage, 
croyance,  emportement,  noblesse,  rougeur,  pauvreté,  folie,  froidure. 

L'emploi  de  ces  suffixes  est  réglé  définitivement  dans  la 
langue  actuelle;  on  dit  âpreté,  laideur,  et  non  pas  âpreur, 
laideté,  ni  âpresse,  laidesse.  L'usage  moderne  ne  s'est  établi 
qu'après  beaucoup  d'hésitations;  les  suffixes  cités  s'employ- 
aient presque  indistinctement  dans  la  vieille  langue.  Pour  dé- 
signer l'action  de  parler  ou  le  langage  on  disait  partance,  par- 
lation,  parlement,  parlerie,  parlëure.  En  voici  quelques  autres 
exemples: 

Aigreur  —  vfr.   aigror,  aigresse,  aigreté. 

Apreté  —  vfr.   aspreté,  aspresse,  aspror. 

Fermeté         —  vfr.   fermeté,  fer  messe. 

6* 


68 

Fierté  —  vfr.  flertéy  fierecc,  fieror. 

Folie  —  vfr.  folie,  folage,  folor. 

Hauteur  —  vfr.  hautor,  hautece,  hauture. 

Lâcheté  —  vfr.  lascheté,  laschesse,  laschement,  laschance. 

Laideur  —  vfr.  laidor,  laidece,  laideté,  laidure. 

Maigreur  —  vfr.  maigror,  maigrece,  maigreté. 

Naissance  —  vfr.  naissance,  naissement. . 

Noblesse  —  vfr.  noblece,  nobleté. 

Passage  —  vfr.  passage,  passement,  passëure. 

Pensée  —  vfr»  pensée,  pensement,  pensage. 

Prud'homie  —  vfr.  preudomie,  preudommage,  preudomement, 

preudometé. 

Vengeance  —  vfr.  vengeance,  vengemeni,  vengeure,  vengison. 

112.  Noms  de  lieux.  Pour  indiquer  le  lieu  qui  contient  un 
objet  déterminé,  ou  dans  lequel  s'accomplit  une  action,  on  em- 
ploie -aie,  -ier,  -ière,  -oir.  Exemples:  ormaie,  encrier,  dattier,  re- 
nardière, sapinière,  abattoir. 

H3.  Noms  d'instruments.  L'idée  d'un  outil,  d'une  machine, 
d'un  instrument  quelconque  est  exprimée  par  les  suffixes  -et, 
■ette,  -euse,  -oir.  Exemples  :  jouet,  écumette,  écrémeuse,  arrosoir. 

114.  Noms  de  personnes.  On  forme  des  »nomina  agentis« 
surtout  à  l'aide  des  suffixes  -eur,  -ien,  -iste,  -ier.  Exemples: 
danseur,  luthérien,  jardinier,  paysagiste.  Ajoutons  les  mots  en 
-ant,  -isant:  fabricant,  slavisant.  Sur  l'hésitation  actuelle  dans 
l'emploi  de  ces  suffixes,  voir  §  337. 

115.  Collectifs.  L'idée  d'une  réunion  ou  d'une  abondance 
d'objets  de  même  sorte  est  exprimée  par  les  suffixes  -ade, 
-âge,  -aille,  -ée,  -erie,  -ie,  -is.  Exemples:  colonnade,  branchage, 
ferraille,  ramée,  argenterie,  bourgeoisie,  cailloutis.  Ajoutons  que 
dans  la  langue  actuelle  -âge  ne  forme  plus  de  collectifs 
(§  150)  et  que  -aille  a  pris  un  sens  péjoratif  (§  159). 

116.  Diminutifs.  Pour  former  des  diminutifs  on  emploie  les 
suffixes  -at,  -et  (-eau),  -elle,  -et,  -ette,  -ille,  -on  et  -elet,  -elot,  -eteau, 
-illon,  -eron.  Exemples:  loup —louvat,  louveteau;  renard — renar- 
deau, aigle  —  aiglon,  rue  —  ruelle,  chambre  —  chambr ette ,  fibre — 


69 

fibrille;  gant  —  gantelet,  ange — angelot,  mouche  —  moucheron, 
nègre  —  négrillon,  etc.  Les  diminutifs  abaissent  à  un  degré 
inférieur  le  sens  du  mot  dont  ils  dérivent;  c'est  pourquoi  ils 
s'emploient  beaucoup  dans  le  langage  enfantin  et  dans  toutes 
les  expressions  tendres,  caressantes  et  câlines.  Cependant,  en 
désignant  ce  qui  est  petit  et  mignon,  ils  arrivent  aussi  à  dé- 
signer ce  qui  est  frêle  et  faible  et  revêtent  ainsi  facilement  une 
nuance  de  dédain.  Chez  toutes  les  nations  romanes  on  cons- 
tate une  forte  prédilection  pour  les  termes  diminutifs.  C'est  une 
particularité  qui  remonte  assez  haut,  et  nous  savons  que  dans 
le  latin  vulgaire  beaucoup  des  mots  simples  du  latin  classique 
avaient  été  remplacés  par  des  dérivés  diminutifs,  qui  seuls 
ont  survécu  en  français.  Citons  comme  exemples  auris,  avis, 
crates,  genu,  ovis,  sol,  qui  tous  disparaissent  en  gallo- 
roman  devant  auricula,  avica,  avicellus,  craticula, 
genuculum,  ovicula,  soliculus,  d'où  les  formes  fran- 
çaises oreille,  oie  (I,  §  415,  i),  oiseau,  grille,  genou,  ouaille  (§  127), 
soleil.  Comp.  §  197. 

Remarque.  Nous  avons  vu  que  les  suffixes  diminutifs  s'emploient  pour 
désigner  le  petit  d'un  animal,  ce  qui  est  bien  naturel;  ajoutons  ici  qu'ils 
servent  aussi  à  désigner  le  mâle,  ce  qui  peut  paraître  surprenant,  attendu  que 
le  mâle  des  animaux  domestiques  est  toujours  plus  grand  et  plus  fort  que  la 
femelle;  mais  il  faut  considérer  que  l'animal  reproducteur  est  ordinairement 
bien  plus  précieux  que  la  femelle  et  demande  des  égards  particuliers  de  la 
part  des  cultivateurs.  Ainsi  taureau,  mulet,  verrat,  cochon,  dindon  sont  ori- 
ginairement des  diminutifs;  les  trois  premiers  mots  sont  tirés  des  masculins 
primitifs  tor,  mul,  ver,  disparus  maintenant;  les  deux  derniers  sont  tirés  des 
féminins  coche  et  dinde. 

117.  L'emploi  des  diminutifs  dans  la  poésie  a  beaucoup  va- 
rié selon  les  époques.  Au  moyen  âge  il  était  assez  étendu. 
On  sait  que  par  ex.  l'auteur  d'Aucassin  et  Nicolete  en  a  fait 
parfois  un  véritable  abus.  Voici  comme  spécimen  la  fin  de  la 
strophe  21: 

Li  uns  dist:  ,Bel  conpaignet, 
Dix  ait  Aucasinet, 
Voire  a  foi!  le  bel  vallet, 
Et  le  mescine  au  corset 
Qui  avoit  le  poil  blondet, 
Cler  le  vis  et  l'oeul  vairet, 
Ki  nos  dona  denerés, 
Dont  acatrons  gastelés, 


70 

Gaïnes  et  coutelés, 
Flaûsteles  et  cornés, 
Macuëles  et  pipés. 

Dix  le  garisse!' 

Au  temps  de  la  Renaissance  l'école  de  la  Pléiade  réintroduit 
les  diminutifs.  Rémi  Belleau  dans  sa  Bergerie  chante  le  gentil 
rossignolet  doucelet,  la  vigne  tendrette,  les  brebis  camusettes,  les 
herbes  nouveleites,  les  pillardes  avettes  qui  »  mussent*  (cachent) 
des  parfums  de  fleurs  dans  leurs  caissettes,  et  il  se  sert  volon- 
tiers de  verbes  comme  voleter,  sauteler,  brouteler,  etc.  —  Ronsard, 
dans  ses  églogues,  appelle  Henri  II,  Henriot;  Charles  IX,  Car- 
lin; Catherine  de  Médicis,  Catin.  Il  emploie  aussi  les  noms  de 
Guillot,  Pierrot,  Michau,  Marion,  etc.  (Brossette).  Daunou  fait 
observer  que  ces  noms  n'avaient  rien  de  ridicule,  et  que  les 
diminutifs  se  prenaient  en  bonne  part.  Les  imitateurs  des  Ita- 
liens abusent  également  des  diminutifs.  Les  lignes  suivantes 
de  M.  F.  Brunot  nous  donneront  une  idée  de  ce  qu'était  cet 
abus:  »0n  n'a  dans  ce  pays-là  que  des  cœurs  mignardelets, 
que  de  tendrelets  enfançons.  L'onde,  plus  que  clairette,  devient 
argentelette,  par  la  vertu  de  la  rime,  et  il  ferait  beau  voir  que 
l'émeraude  ne  fût  pas  verdelette,  ni  la  rose  vermeillette.  Quant 
à  Lycoris,  comment  lui  résister?  Elle  a  pour  nous  affriander 
une  bouchelette  sucrine,  et  pour  nous  attendrir  des  larmelettes.« 
(Doctrines  de  Malherbe.  Paris,  189L  P.  287). 

Cet  emploi  abusif  des  diminutifs,  sévèrement  blâmé  par 
Malherbe  (I,  §  52,3),  disparaît  avec  les  »italianiseurs«,  et  il 
est  resté  banni  de  la  poésie  lyrique  jusqu'à  nos  jours.  Parmi 
les  poètes  modernes,  Henri  de  Régnier  a  montré  dans  ses 
poésies  rustiques,  notamment  les  odelettes,  une  certaine  pré- 
dilection pour  les  diminutifs. 

118.  Dans  la  poésie  populaire  les  diminutifs  sont  d'un  em- 
ploi très  général.  On  trouve  à  tout  moment:  œillet,  gorgerette, 
gorgeron,  ceinturette,  pochette,  chaînette,  corhillon,  jardinet,  her- 
bette,  nocette,  sœurette,  etc.  La  bergère  aimée  est  désignée  comme 
Vamiette,  la  mignonnette ;  le  jour  elle  mène  paître  les  brebiettes 
et  les  vachettes;  la  nuit  elle  dort  dans  une  maisonnette  où  elle 
a  une  chambrette;  le  dimanche  elle  se  repose  dans  son  jar- 
dinet, où  elle  file  la  quenouillette  en  écoutant  le  roucoulement 
de    la    colombette,    le   chant   du   rossignolet  ou   d'autres   oiselets 


71 

(oisillons,  oisillonnets).  Son  pied  est  petitet,  sa  bouche  vermeillette, 
son  cœur  jeunet  et  tendret,  elle  se  sent  seulette  et  ses  yeux 
joliets  pleurent,  etc. 

119.  PÉJORATIFS.  Quelques  suffixes  expriment  une  dépréciation, 
un  mépris;  en  voici  les  plus  importants:  -aille,  -aillon,  -asse, 
-ard,  -eux,  -on,  -ot.  Exemples  :  antiquaille,  peintraillon,  fûlasse,  com- 
munard, bonaparteux,  Marion,  bellot.  Plusieurs  de  ces  suffixes 
sont  primitivement  des  augmentatifs  (-aille,  -asse)  ou  des  di- 
minutifs (-on,  -ot)  ;  c'est  donc  en  partant  de  l'idée  du  trop 
gros,  du  grossier  ou  du  trop  petit,  du  peu  solide,  du  faible, 
qu'on  est  arrivé  à  celle  de  l'incapable,  du  méprisable. 

120.  TopONYMiQUES.  Des  noms  de  races,  de  peuples,  d'habi- 
tants sont  tirés  de  noms  de  lieux  à  l'aide  des  suffixes  suivants  : 
-ain,  -ais,  -asque,  éen,  -ien,  -ichon,  -in,  -ois.  Exemples:  toulou- 
sain, bergamasque,  vendéen,  parisien. 


CHAPITRE  IV. 

CHANGEMENTS   DE   SUFFIXES. 


121.  Les  suffixes  peuvent  se  substituer  les  uns  aux  autres. 
Pour  qu'une  substitution  ait  lieu  il  faut  que  les  deux  suf- 
fixes soient  voisins  de  son  ou  de  sens.  Nous  avons  déjà  vu 
que,  pour  les  noms  abstraits,  on  hésitait  au  moyen  âge  entre 
différentes  terminaisons;  on  disait  indifféremment  laideur,  lai- 
desse,  laideté,  laidare  (§  111);  la  langue  actuelle  présente  pour 
les  noms  d'agent  une  pareille  hésitation  (§  337).  Parfois  aussi 
la  forme  savante  d'un  suffixe  se  substitue  à  la  forme  popu- 
laire: ainsi  -aison  cède  la  place  à  -ation  (§  311),  ou  à  une 
forme  empruntée:  ainsi  -ée  a  été  supplanté  par  -ade  (§  364). 

122.  Voici  maintenant  quelques  exemples  de  suffixes  offrant 
une  forte  ressemblance  au  point  de  vue  phonétique,  et  qui  se 
sont  remplacés  les  uns  les  autres. 

-al,  -at,  -ard.  Ex.  :  poignal  >  poignard;  hrocat  >  brocard  (§  354). 
-é,  -et.  Ex.  :  fûé  >  filet  (§  222). 
-eille,  -aille.  Ex.:  oueille }  ouaille  (§  158). 
-enc,   -an,   -and.    Ex.:    brelenc  >  brelan,    tisserenc  >  tisserand 
(§  174). 

-ique,  -isque.  Ex.  :  odalique  >  odalisque. 
-iste,  -ite.  Ex.:  jésuiste) jésuite  (§  335). 

123.  Les  substitutions  de  suffixes  qui  s'observent  dans  les 
périodes  classique  et  moderne  se  réduisent  souvent  à  des 
confusions  orthographiques. 

-ain  =  -in,  de  là  hautain  (§  163)  pour  hautin  et  alevin  pour 
alevain  (§  263). 


73 

_as  =  -at,  de  là  cadenas  pour  cadenat,  cervelas  pour  cervelat 
(§  180). 

.au(t)  =  -eau  =  -ot,  de  là  daleau  pour  dalot,  cheneau  pour 
chenau,  champ'eaux  pour  champaux, 

124.  Un  changement  de  suffixe  doit  parfois  être  jugé  diffé- 
remment selon  l'époque  où  il  se  produit.  On  trouve  au  moyen 
âge  hautin  pour  hautain  (§  263)  ;  il  y  a  ici  une  véritable  subs- 
titution d'un  suffixe  à  un  autre  qui  offrait  un  sens  analogue, 
mais  une  prononciation  différente  (comp.  I,  §  213).  Inverse- 
ment on  trouve  dans  la  langue  moderne  hautain  pour  hautin 
(vigne,  échalas):  il  y  a  ici  tout  simplement  une  confusion 
orthographique,  les  deux  mots  étant  absolument  homophones. 

Remarque.  Sur  la  substitution  de  suffixes  homophones  ayant  pour  résul- 
tat un  changement  de  genre,  voir  §  694  et  passim. 

125.  La  vitalité  d'un  suffixe  dépend  surtout  de  la  fréquence 
de  son  emploi. 

P  Plus  un  suffixe  est  employé,  plus  il  est  capable  d'exten- 
sions analogiques.  Nous  avons  déjà  constaté  (II,  §  65)  que  plu- 
sieurs formes  de  la  première  conjugaison  ont  changé  celles 
des  autres  conjugaisons  moins  employées;  ainsi  -ans  a  rem- 
placé -en s  et  -iens.  Nous  constatons  également  pour  les  suf- 
fixes la  prépondérance  des  formes  qui  présentent  un  a;  ainsi 
-abilis  remplace  -ibilis  (§  140),  de  même  -amentum 
l'emporte  sur  -imentum  (§209).  Ajoutons  que  -alis  peut  se 
substituer  à  -élis,  -anus  à  -aneus  et  -ïnus,  -ïcia  à  -ici a, 
-ïcula  à  -ïcula  etc.  Cette  victoire  constante  du  suffixe  le 
plus  employé  s'observe  dès  le  latin  vulgaire  jusqu'à  nos  jours. 
Dans  la  langue  moderne  -erie  attaque  les  derniers  survivants 
en  -ie,  d'où  la  forme  vulgaire  mairerie  pour  mairie  (§  394). 

2^  Plus  un  suffixe  est  rare,  plus  il  est  exposé  à  être  trans- 
formé sur  le  modèle  d'autres  suffixes.  De  cette  manière  s'ex- 
plique la  disparition  de  -eil,  remplacé  par  -el;  de  -enc,  rem- 
placé par  -an,  -and,  -ain  (§361);  de  -er,  remplacé  par  -ier,  de 
-iet,  remplacé  par  -ier  (§  250),  etc.  Rappelons  aussi  que  -ison 
et  -oison  cèdent  la  place  à  -aison  (§  167). 

126.  Un  changement  de  suffixe  est  souvent  l'efifet  d'une  ana- 
logie proportionnelle  (comp.  I,  §  118, 2),  deux  suffixes  s'influen- 


74 

çant  à  cause  d'une  forme  commune.  Ce  phénomène  s'observe 
souvent  dans  la  vieille  langue,  où  un  suffixe  (déclinable  ou 
indéclinable)  se  change  sous  l'influence  d'un  autre  suffixe 
(déclinable  ou  indéclinable)  qui  présentait  la  même  forme  que 
le  premier  au  cas  sujet  singulier  et  au  cas  régime  pluriel. 

P  Suffixe  indéclinable  changé  sous  l'influence  d'un  suffixe 
déclinable.  Les  indéclinables  en  -(erjez  (-erèsj  et  -iz  (-is)  tels 
que  bannerez,  chevez,  massiz  se  sont  assimilés  aux  mots  comme 
arbrez — arbret,  vis — vif,  d'où  les  formes  analogiques  banneret, 
chevet,  massif.  Il  y  a  parfois  concurrence  entre  plusieurs  in- 
fluences ;  à  côté  de  apprentiz — apprentice,  on  trouve  apprenti f — 
apprentive  et  apprenti — apprentie  (II,  §  288, 2,  408). 

2^  Suffixe  déclinable  changé  sous  l'influence  d'un  suffixe 
indéclinable.  L'adjectif  crueus — cruel  a  été  assimilé  aux  ad- 
jectifs en  -eus  (-osus),  d'où  le  féminin  crueuse  (et  l'adverbe 
crueusement)  ;  comp.  pour  d'autres  détails  II,  §  308. 

3^  Suffixe  déclinable  changé  sous  l'influence  d'un  autre  suf- 
fixe, également  déclinable.  Ce  phénomène  dont  nous  avons 
déjà  parlé  dans  la  Morphologie,  amène  par  ex.  la  confusion 
entre  -al  et  -ail;   voir  II,  §  305. 

-al  et  -aut;  le  type  hiraus — hiraut  amène  amiraus — amiraut 
(forme  très  ordinaire  au  moyen  âge)  au  lieu  de  amiral. 

-an  et  -ant;  voir  II,  §  271. 

-eul  et  -euil;  voir  II,  §  32L 

-i,  -if,  -il,  -it;  il  y  a  eu  divers  croisements  entre  les  types 
hardis — hardi,  vis— vif,  soutis  (subtilis) — soutil,  affliz  —  afflit, 
d'où  des  formes  analogiques  telles  que  joli  pour  jolif,  soutif 
pour  soutil,  mendif  pour  mendi. 

-cl  et  -ot;  sur  le  modèle  de  angloz  —  anglot,  on  a  parfois 
donné  au  nominatif  rossignos  un  cas  régime  rossignol,  au  lieu 
de  rossignol. 

4^  Deux  suffixes  s'influencent  également  à  cause  d'une  forme 
commune  au  masculin  ou  au  féminin.  Le  groupe  daneis — 
danesche  a  été  reformé  sur  le  type  de  cartels — corteise  d'où  le 
nouveau  féminin  daneise  (voir  II,  §  417).  D'une  manière  pa- 
reille s'explique  le  féminin  en  -euse  des  mots  en  -eur  (II,  §  406). 

127.  Un  changement  de  suffixe  peut  aussi  être  l'effet  d'une 
analogie  simple.  Exemples: 


» 


75 

Vfr.  escargol  (emprunté  du  prov.  escargol)  se  change  en 
escargot  sous  l'influence  de  escarbot. 

Vfr.  oueille  devient  ouaille  (^  aumaille). 

Vfr.  plurel  (emprunté  du  lat.  pluralis)  s'est  changé  en  p/u- 
rier  sous  l'influence  de  singulier;  la  forme  moderne  pluriel  re- 
présente un  retour  au  primitif  latin. 

128.  Dans  quelques  cas  le  changement  de  suffixe  paraît  dû 
à  un  acte  volontaire  :  à  un  suffixe  un  peu  incolore  on  a  voulu 
substituer  un  suffixe  plus  énergique  et  expressif;  de  cette  ma- 
nière s'expliquent  écolâtre  et  mulâtre  pour  *écolât  et  mulat.  Nous 
avons  la  contre-partie  (ie  ce  phénomène  dans  ïa  forme  Savoi- 
sien  pour  Savoyard  (§  355). 

129.  Rappelons  en  dernier  lieu  que  la  terminaison  des  mots 
d'emprunt,  surtout  si  elle  est  insolite,  est  souvent  changée  sur 
le  modèle  de  quelque  suffixe  français.  Ce  changement  peut 
être  phonétique  (prov.  p  a  s  t  e  n  a  g  a  >  pas/enade)  ou  purement 
orthographique  (russe  boyar  >  boyard).  En  voici  quelques 
autres  exemples:  Alcade  (esp.  al  cal  de);  artichaut  (it.  arti- 
ciocco);  boulevard  (hoW.  h olwerk);  falot  (it.  falô);  maréchal 
(aha.  marahskalk);  paletot  (holl.  paltrok);  reliquat  (lat. 
r cliqua);  sérail  (turc,  seraï). 


CHAPITRE  V. 

SUFFIXES   LATINS. 
OBSERVATIONS  GENERALES. 


130.  Accentuation.  Les  suffixes  latins  étaient  accentués  :  gal- 
lin|aceus,  mort|alis,  montjanus,  claud|aster,  oliv|e- 
tum,  civ|ilis,  equ|inus,  ras|orium,  etc.,  etc.,  ou  inaccen- 
tués: angust|ïa,  clement|ïa,  colleg|ïum,  aur|ëus,  ign|- 
ëus,  patr|ïus,  bell|ïcus,  civ|ïcus,  frig|ïdus,  frag|ïlis, 
ut|ïlis,  hort|ûlus,  serv|ùlus,  mater|cùla,  guberna|cù- 
lum,  etc.,  etc.  Seuls  les  suffixes  du  premier  groupe  ont  pu 
continuer  leur  vie  en  roman:  -aceus  >  -az,   -a lis  >  -e/;  -anus 

>  -ain,  -aster  >  -astre,  - e t  u  m  >  -eie,  -oie,  -aie,  - î  1  i  s  >  -il,  -  i  n  u  s 

>  -in,  -orium  >  -oir,  etc. 

131.  Suffixes  inaccentués.  Grâce  à  l'évolution  phonétique, 
les  suffixes  inaccentués  sont  réduits  ou  changés  d'une  telle 
façon  qu'ils  ne  peuvent  plus  se  faire  valoir  comme  suffixes; 
que  l'on  compare  par  ex.  angustïa  et  angoisse,  aurëus  et  vfr. 
oire,  frigïdum  et  vfr.  freit,  fragïlis  et  vfr.  fraile,  utilis  et 
vfr.  utle,  et  l'on  comprendra  immédiatement  pourquoi  les. suf- 
fixes inaccentués  se  fondant  avec  le  corps  du  mot  n'ont  pu  se 
maintenir.  Le  français  n'a  donc  pas  de  suffixes  correspondant 
à  -ïa,  -ïum,  -eus,  -ïcus,  -ïlis,  -ïdus,  -ùlus,  etc.,  etc. 

132.  Il  est  cependant  intéressant  de  constater  que  les  suf- 
fixes inaccentués  ne  cessent  pas  d'être  productifs  dans  le  latin 
vulgaire  après  la  période  classique.  A  l'aide  des  langues  ro- 
manes on  peut  constater  qu'on  a  créé  dans  une  période  anté- 


77 

rieure  au  IX^  siècle,  un  certain  nombre  de  dérivés  inconnus 
au  vocabulaire  classique  et  formés  par  l'addition  des  suffixes 
-ïa,  -lus,  -eus. 

133.  lA.  Ce  suffixe  s'ajoutait  surtout  aux  adjectifs:  angu- 
stus  —  angustia,  molestus  —  molestia,  etc.,  etc.  Voici 
quelques  exemples  de  créations  nouvelles  propres  à  la  période 
antéromane  : 

P  Dérivés  d'adjectifs: 
*Claria  )  glaire. 

*Crassïa  >  graisse  (comp.  I,  §  399,  Cas  isolés). 
*Curbïa  (pour  *curvïa;  cf.  I,  §445,2,  Cas  isolés)  >  courge 
(bâton  en  arc). 
*Districtïa  >  détresse. 
*  F  o  r  t  i  a  )  force. 
*Grossïa  )  vfr.  groisse. 
*Latïa  >  laize. 

*Spissïa  >  vfr.  espoisse;  comp.  Romania  XXXI,  634. 
*Strictïa  )  vfr.  estrece. 

2^  On  a  aussi  quelques  dérivés  de  substantifs: 
Granïa  (de  granum)  >  grange.  Voir  aux  Additions. 
*J  un  ici  a  (de  junix)  )  génisse. 
*Metallïa  (de  metallum)  >  maille  (I,  §  265). 

3^  Notre  suffixe  se  rencontre  aussi  dans  les  noms  de  pays: 
Italïa,  Hispanïa,  etc.  On  retrouve  en  français  plusieurs  des 
formes  classiques:  Apulïa  >  Fouille  (I,  §  261,  i),  Britannïa 
)  Bretagne,  Hispanïa  )  Espagne,  Venetïa  >  Venise,  et,  ce  qui 
est  plus  intéressant,  plusieurs  formations  analogiques  d'une 
date  postérieure:  Alamannïa  )  Allemagne;  Burgundïa  > 
Bourgogne;  Francïa  >  France  (I,  §  6,  Rem.);  Frisïa  >  Frise; 
Marcomannïa  >  Marmagne;  Saxonïa  >  vfr.  Sassoigne; 
Wasconïa  >  Gascogne.  Ces  créations  ne  dépassent  pas  le 
VIII^  siècle.  Quand  il  faut  un  mot  pour  désigner  le  pays  des 
Normands,  on  n'a  plus  recours  au  suffixe  inaccentué  -ïa, 
mais  à  -îa;  on  ne  crée  pas  Normandïa,  mais  Normandîa, 
d'où  Normandie. 

Remarque  1.  Le  suffixe  -ïa  a  été  employé  par  les  botanistes  pour  des 
noms  de  plantes  qui  ont  passé  tels  quels  en  français  comme  dans  les  autres 
langues:  camélia,  dahlia,  hortensia,  magnolia,  etc.;  comp.  §  704,  Rem. 


I 


78 

Remarque  2.  La  forme  neutre  -ium  a  été  employée  dans  la  terminologie 
chimique  pour  désigner  des  métaux.  On  la  joint  à  des  mots  grecs:  ammo- 
nium, cadmium;  à  des  mots  latins:  aluminium,  calcium;  à  des  mots  fran- 
çais ou  étrangers:  potassium,  sodium. 

134.  EUS,  lus.  Après  la  période  classique  on  constate  la 
création  de  quelques  adjectifs  en  -eus,  -ius.  En  voici  quelques 
exemples  qui  se  retrouvent  comme  substantifs  en  français. 

P  Dérivés  de  substantifs:  *Camusius  (de  l'anc.  haut  ail. 
gamuz),  d'où  chamois.  *Limacius  (de  limax),  d'où  vfr. 
limaz. 

20  Dérivés  d'adjectifs:  Le  vins  (de  le  vis),  d'où  liège.  No- 
bilius  (de  nobilis),  d'où  le  vfr.  nobilie.  Rapidius  (de  ra- 
pidus),  d'où  le  vfr.  ravoi,  ravine,  torrent. 

135.  Ajoutons  encore  les  remarques  suivantes  sur  le  sort  des 
suffixes  inaccentués: 

P  Changement  d'accent.  Le  suffixe  -ïa  a  été  supplanté  par 
-îa  (§  241).  Rappelons  aussi  le  passage  de  -ïolus  à  -iolus 
(I,  §  137,  i).  La  langue  savante  utilise  les  suffixes  inaccentués 
en  les  accentuant:  -ïcus  >  -ique,  -ïlis  >  -ile. 

2^  Substitution.  Le  diminutif  -ùlus  a  été  remplacé  par 
-ellus.  Pour  annulus,  catulus  on  dit  dans  le  latin  vulgaire 
annellus,  catellus. 

3^  Élargissement.  Les  suffixes  -bïlis  et  -eu lu  s  se  re- 
trouvent en  français,  augmentés  de  la  voyelle  précédente: 
-abilis  )  -able,  -aculus  )  -ail. 

136.  Suffixes  accentués.  Un  certain  nombre  des  suffixes  ac- 
centués que  possédait  le  latin  classique,  ont  disparu;  citons 
-ëla,  -ullus,  -en us,  -un us,  -an eus,  -ineus,  -on eus,  -ïcus, 
-îicus,  -bundus,  -lentus,  etc.;  rappelons  que  quelques-uns 
de  ces  suffixes  se  retrouvent  dans  des  mots  isolés  (candela 
y  vfr.  chandeile,  serenum  }  serein,  etc.),  mais  ils  ne  sont  pas 
devenus  producteurs.  Ces  pertes  sont,  à  tout  prendre,  peu  con- 
sidérables, et  elles  ont  été  largement  réparées,  surtout  par  des 
emprunts  et  de  nouvelles  créations  françaises.  On  ne  peut  guère 
citer    comme    formations    nouvelles    latines    que    -attus    et 


I 


79 


-ottus,    créées   probablement    comme    formes  collatérales   de 
-ittus  (§  220). 

137.  Les  suffixes  français  d'origine  latine  se  présentent,  soit 
sous  une  forme  populaire,  soit  sous  une  forme  savante  (comp. 
I,  §  140).  Sont  de  formation  populaire:  -az7/e,  -ain,  -ance,  -as, 
-eau,  -el,  eux,  etc.;  sont  de  formation  savante:  -al,  -an,  -ible, 
-isme,  -iste,  -ose,  etc.  Parfois  le  même  suffixe  se  présente  sous 
une  forme  double:  -ain  et  -an,  -el  et  -al,  -é  et  -at,  -eux  et  -ose; 
parfois  le  même  suffixe  s'emploie  dans  la  formation  populaire 
et  dans  la   formation   savante  sans  changement  de  forme:  -in. 


138.  Voici  un  relevé  des 
français;  s'il  y  a  plusieurs 
forme  populaire,  ensuite  la 
la  forme  empruntée: 

-(a)bilis  >  -ahle; 

-ace a  )  -ace,  -asse; 

-a  ce  us  >  -az,  -as; 

-aculum  )  -ail; 

-alla  >  -aille; 

-alis  )  -el,    al; 

-amen  >  -ain; 

-(a)mentum  >  -ement; 

-anea  >  -agne; 

-ans,  -antis  >  -ant; 

-antia  >  -ance; 

-anus  )  -ain,  -an; 

-a  ri  ci  us  )  -erez; 

-aris  )  -er; 

-a  ri  us  )  -ier,  -aire; 

-aster  )  -âtre; 

-a ta  )  -ée,  -ade. 

-aticus  )  -âge,  -atique; 

-atio,    -ationis    >    -aison, 

-ation; 
-atorius  >  -oir,  -atoire; 
-atum  )  -é,  -at; 
-atus   >  -é,  -at,  -ado; 


suffixes  latins  qu'on  retrouve  en 
formes  nous  donnons  d'abord  la 
forme  savante,   et  en  dernier  lieu 


-attus  >  -at; 
-cellus  >  -ceau 


Lius   /   -ceau; 
ellus  >  -el,  -eau,  -iau 
en  si  s  >  -ois,  -ais; 


-entia  )  -ence 
-ëta  >  -eie,  -oie,  -aie; 
-etum  )  -ei,  -oi; 
-ia  )  -ie,  -ia; 
-ianus  >  -ien; 
-ibilis  )  -ible; 
-ï  eu  lus  )    eil; 
-ïculus  )  -il; 
-ici us,  voir  -aricius; 
-Icius  )  -iz,  -is; 
-icus  >  -ic,  -ique; 
-ile  >  -il; 

olus  )  -eul,    euil; 

nus  >  -in; 

se  us  )  -eis,  -ois,  -ais; 

s  m  us  )  -isme; 
-issa  )  -esse,  -isse; 
-ista  >  -iste; 
-ita,  -itis  )  -ite: 


80 


itia  >  -ece,  -ise,  -oise,  -ice; 

itio,  -itionis  } -ison, -ition 

ittus  >  -et; 

itus  >  -i; 

ivus  )  -if; 

o,  -onis  >  -07?; 

or,  -oris  >  -eur; 

oria  >  -oire; 

orium  >  -oir; 


-os us  >  -eux,  -ose; 

-otio,  -otionis  >  -oison; 

-ottus  >  -ot; 

-tas,  -tatis  )  -té; 

-udo,  -udinis  >  -urne,   -une; 

-umen  )  -un; 

-ura  )  -ure; 

-utus  )  -u. 


CHAPITRE  VI. 

SUFFIXES   LATINS 
DE  FORMATION  POPULAIRE. 


139.  Voici  un  relevé  des  suffixes  que  nous  allons  étudier 
dans  ce  chapitre:  -able,  -âge,  -agne,  -aie,  -ail,  -aille,  -ain,  -ais, 
•aison,  -ance,  -and,  -ange,  -ant,  -as,  -asse  (-ace),  at, -âtre, -ceau, 
-é,  -eau,  -eé,  -ée,  -eil,  -eille,  -eise,  -el,  -elle,  -ement,  -er,  -eresse, 
-eret,  -esse,  -et,  -ette,  -euil,  -eul,  -eur,  -eux,  -euse,  -i,  -iau,  -ice,  -ie, 
-ien,  -ier,  -ière,  -if,  -il,  -ille,  -in,  -ine,  -is,  -ise,  -ison,  -oir,  -oire,  -ois, 
-oison,  -on,  -ot,  -ote  (-otte),  -té,  -u,  -urne,  -un,  -une,  -ure. 

140.  ABLE  remonte  au  lat.  -abilis.  Ex.:  amabilem  >  vfr. 
amable,  d'où  aimable  (I,  §  298,2);  rationabilem  >  vfr.  rais- 
nable,  remplacé  par  raisonnable  (refait  sur  raison).  L'emploi 
de  -able  s'est  beaucoup  étendu  en  gallo-roman  où  il  peut  se 
joindre  à  n'importe  quel  verbe.  Ajoutons  qu'il  remplace  -ibi- 
lis  (§  319)  et  -ubilis: 

Credibilis  (  >  it.  credibile),  remplacé  en  vfr.  par  creable 
qui  devient  croyable.  On  avait  autrefois  le  doublet  savant  cré- 
dible. 

Vendibilis  (>it.  vendibile,  esp.  vendible)  est  remplacé  en 
fr.  par  vendable. 

Visibilis  est  remplacé  en  vfr.  par  feaWe,  voijable,  qui  cède 
la  place  au  mot  d'emprunt  visible,  dont  on  trouve  des  exemples 
dès  le  XIP  siècle. 

Remarque.  La  vraie  forme  du  suffixe  latin  est  -bïiis;  la  voyelle  pré- 
cédente appartient  au  thème:  ama-bilis,  credi-hilis.  En  français  le  suf- 
fixe est  devenu  -able:  louer — loii-able,  et  il  est  peu  correct  et  assez  pédant 
de  donner,  comme  font  plusieurs  grammairiens,  une  forme  française  -Me. 


82 

141.  Le  suffixe  -able  a  joué  un  rôle  important  en  français, 
et  il  est  resté  fécond  juscju'à  nos  jours.  Il  se  joint  ordinaire- 
ment au  thème  du  participe  présent,  rarement  aux  thèmes 
nominaux. 

P  Dérivés  de  verbes:  Adorable,  blâmable,  désirable,  vfr.  meri- 
lable;  amortissable,  bannissable,  chérissable,  guérissable,  haïssable, 
punissable;  croyable,  prenable,  buvable,  recevable,  reconnaissable ; 
secourable,  serviable,  sortable,  tenable.  Les  créations  modernes 
sont  nombreuses:  abattable,  abolissable.  abrogeable,  assurable, 
brevetable,  capitalisable,  civilisable^  dirigeable,  discutable,  formu- 
lable,  impressionnable,  organisable,  simplifiable,  etc. 

2^  Dérivés  de  substantifs:  Charitable,  carrossable,  corvéable, 
dommageable,  équitable,  mainmortable,  pitoyable,  véritable,  viable. 
La  langue  moderne  attache  rarement  -able  à  un  thème  nomi- 
nal; notons  les  créations  isolées  clubbable  (Rigaud),  cyclable 
véhiculable.  On  trouve  au  moyen  âge  :  amistable,  angoissable, 
bontable,  charnable  (charnel),  enginable  (plein  de  talent),  lion- 
table  (ayant  honte),  mensongeable  (menteur),  piteable  (plein  de 
pitié),  soufraitable  (malheureux),  toiirmentable  (plein  de  tour- 
ments), tristable  (triste),  vertuable  (valeureux). 

Remarque.  Il  est  parfois  difficile  de  décider  si  un  mot  en  -able  est  formé 
d'un  thème  verbal  ou  nominal.  Ainsi  l'ancien  merveillable,  dont  se  sert  en- 
core Robert  Garnier,  et  qui  voulait  dire  'merveilleux',  'étonnant',  peut  être 
tiré  aussi  bien  du  substantif  merveille  que  du  verbe  merveillier. 

142.  Signification.  Dans  la  langue  moderne  le  suffixe  -able 
a  le  plus  souvent  un  sens  passif  (désirable,  qui  mérite  d'être 
désiré),  rarement  un  sens  actif  (dommageable,  qui  fait  du  mal; 
secourable,  qui  secourt).  Quant  aux  dérivés  nouveaux,  le  sens 
passif  y  règne  seul:  discutable  signifie  ce  qui  peut  être  discuté, 
et  il  serait  impossible  de  lui  prêter  le  sens  de:  qui  discute. 
Il  en  était  autrement  dans  la  vieille  langue,  où  -able  expri- 
mait une  possibilité  active,  tout  aussi  bien  qu'une  possibilité 
passive. 

143.  Sens  actif.  Le  sens  actif  se  trouve  régulièrement  et 
nécessairement  dans  les  dérivés  des  verbes  intransitifs  et,  en 
outre,  dans  les  dérivés  des  verbes  transitifs,  surtout  dans  la 
vieille  langue. 

1^   Dérivés  de   verbes   intransitifs:   convenable,  courable,  du- 


83 

rable,  périssable,  semblable,  sortable,  valable,  etc.  La  vieille 
langue  avait  encore  consentable  (complice),  decheable  (caduc), 
mourable  (R.  Garnier),  pechable  (enclin  à  pécher).  On  ne  forme 
plus  dans  la  langue  moderne  de  dérivés  en  -able  de  verbes 
intransitifs. 

2^  Dérivés  de  verbes  transitifs.  Dans  la  vieille  langue,  ces 
dérivés  présentaient  souvent  le  sens  actif;  en  voici  quelques 
exemples: 

Acomplissable,  qui  accomplit. 

Aidable,  qui  aide,  qui  est  prêt  à  aider;  ce  sens  est  général 
encore  au  XVP  siècle. 

Arrosable,  qui  arrose.  Rustebuef  (éd.  Jubinal  II,  97)  parle 
d'une  arrousable  fontaine. 

Buvable  (beuvable),  qui  boit,  buveur  (voir  Godefroy). 

Decevable,  qui  déçoit,  trompeur.  Dans  un  vieux  glossaire, 
ce  mot  traduit  le  latin  fallax.  Les  anciens  poètes  regrettaient 
souvent  la  fortune  decevable. 

Deduisable,  qui  déduit,  charmant:  des  jardins  deduisables. 

Despendable,  qui  »despent«  (dépense),  prodigue;  c'était  le 
contraire  de  eschars. 

Empeschable,  qui  empêche  ou  gêne;  on  trouve  dans  la  farce 
de  Patelin:  Tels  gens  qui  sont  si  empeschables  (v.  651). 

Espargnable,  qui  épargne,  économe,  ménager:  Ceuls  qui 
furent  espargnable  (Deschamps,  Œuvres  complètes,  VI,  165). 

Muable,  qui  change,  changeant,  éphémère. 

Parlable,  qui  parle;  puis  porte-parole,  négociateur. 

Pechable,  qui  pêche.  On  disait  autrefois  ons  pechables  pour 
un  'pécheur'. 

Punissable,  qui  punit,  punisseur:  Justice  est  la  fort  dure  et 
pugnissable  (E.  Deschamps,  Œuvres  complètes,  VII,  79). 

Ravissable,  qui  ravit,  ravissant,  violent. 

144.  On  ne  forme  plus  de  dérivés  en  -able  avec  une  signi- 
lication  active.  Quant  aux  dérivés  anciens,  la  langue  moderne, 
en  tant  qu'elle  les  conserve,  leur  prête  ordinairement  un  sens 
passif:  aidable,  qui  peut  être  aidé;  arrosable,  qui  peut  être 
arrosé;  buvable,  qui  peut  être  bu;  decevable,  qui  peut  être 
trompé,  etc.  Le  sens  actif  a  été  conservé  dans  comptable,  con- 
tribuable, effroijable,  épouvantable,  pitoyable,  redevable,  secourable, 
ser  viable. 

6* 


84 

Remarquk.  Le  sens  actif  se  trouve  aussi  dans  quelques  mots  de  forma- 
tion savante:   délectable,  re.s/)onsa/)/e,  solvahle. 

145.  Sens  passif.  Dans  la  langue  moderne,  le  sens  passif  se 
trouve  régulièrement  dans  les  dérivés  des  verbes  transitifs: 
accusable,  adorable,  hastonnahîe,  hrisable,  chevaiichable,  déchif- 
frable, éviiable,  exploitable^  guérissable,  multipliable,  recomman- 
dable,  supportable,  etc.  Ajoutons  quelques  mots  qui  n'ont  pas 
survécu  au  moyen  Age:  guer(re)donable  (digne  d'être  récom- 
pensé); veable  ou  voyable,  remplacé  par  visible. 

146.  La  vieille  langue  présente  un  certain  nombre  d'adjec- 
tifs qui  avaient  en  même  temps  le  sens  actif  et  le  sens  passif; 
en  voici  quelques  exemples: 

Acomplissable.  P  Qui  accomplit:  Tes  fins  Artus  . .  .  sera  ac- 
complissables  de  la  table  reonde  que  tu  as  fondée  (Merlin,  l, 
131).  2^  Ce  qui  doit  être  accompli  (voir  Godefroy). 

Agréable.  P  Qui  agrée  ou  consent;  on  disait  par  ex.  être 
agréable  d'un  fait.  2^  Qui  est  agréé. 

Défendable.  P  Qui  défend,  défensif  :  armes  défendables  (Join- 
ville,  §  94).  2^  Qui  peut  être  défendu:  uns  chastiaus  défendables. 

Defensable.  Mêmes  significations  que  le  mot  précédent.  On 
parlait  de  gent  defensable  (R.  de  Glary),  armure  defensable, 
guerre  defensable  et  de  murs  defensables,   villes  defensables,  etc. 

Entendable.  1^  Qui  entend,  comprend;  intelligent:  une  beste 
entendable  (Ph.  de  Thaun,  Bestiaire,  v.  693),  uns  enfes  enten- 
dables,  etc.  2^  Qui  est  entendu,  qui  peut  être  compris;  intelli- 
gible: une  rime  entendable,  une  parole  entendable. 

Gémissable.  P  Qui  gémit;  gémissant  (voir  Godefroy).  2^  Qui 
mérite  d'être  déploré;  déplorable:  Gémissable  Porcie  (R.  Gar- 
nier,  Porcie,  v.  1820). 

Sachable.  1^  Qui  sait:  un  homme  sachable.  2^  Qui  peut  être 
su,  qu'on  peut  connaître  (=  scibilis;  voir  Godefroy). 

Tenable.  P  Qui  tient,  solide,  ferme;  qui  possède:  une  mé- 
moire tenable,  estre  tenable  de  la  vile.  2^  Qui  peut  être  tenu, 
défendu  :  la  ville  n  estait  mie  tenable  contre  une  telle  puissance 
(Froissart). 

La  langue  moderne  n'a  pas  conservé  cette  signification  à 
double  entente;  c'est  le  sens  passif  qui  l'emporte.  Notons 
pourtant  les  deux  adjectifs  suivants: 


85 

Flottable.  1«  Qui  flolle,  qui  peut  flotter:  du  bois  flottable. 
2^  Qui  peut  être  flotté,  où  on  peut  faire  flotter  du  bois:  une 
rivière  flottable. 

Pitoyable.  P  Qui  a  de  la  pitié:  un  regard  pitoyable.  2^  Qui 
est  digne  de  pitié:  quels  pitoyables  vers!  (Boileau,  Épître  X.) 

ACE,  voir  §  178. 
ACHE,  voir  §  182,  Rem. 

147.  AGE  remoiile  à -aticus  ou  -aticum:  silvaticus  }  sau- 
vage, lunaticus  >  vfr.  lunage,  vi aticum  >  voyage,  sequa- 
ticus  >  vfr.  evage,  etc.  On  forme  beaucoup  de  nouveaux  dé- 
rivés en  latin  vulgaire:  for  m  aticus  >  formage  >  fromage, 
aetaticum  >  eage,  âge,    -^baron aticum  >  vfr.  barnage. 

Formes  élargies.  A  côté  de  -âge,  on  trouve  -dage  dans 
marivaudage,  de  Marivaux  (voir  §  88),  et  -tage  dans  agiotage, 
numérotage  (voir  §  417). 

Cas  isolés.  Plusieurs  mots  présentent  une  terminaison  -âge 
qui  n'a  rien  à  faire  avec  le  suffixe  -âge;  notons  image  <  vfr. 
imàgene  (I,  §  327,2)  <  imagine  m. 

148.  Le  suffixe  -âge  a  élé  très  productif  en  français.  Dans 
l'ancienne  langue  il  se  joignait  aux  noms  (substantifs  et  adjec- 
tifs) et  quelquefois  aux  verbes:  Honte  —  hontage,  ombre  —  om- 
brage, vis  —  visage;  chetif — chetivage,  mal — malage ;  marier  — 
mariage,  etc.  Dans  la  langue  moderne  -âge  ne  s'ajoute  qu'aux 
thèmes  verbaux:  Bavardage,  bouquinage,  brunissage,  entoilage, 
numérotage,  réglage,  remorquage,  remplissage  ;  blackboulage,  boy- 
cottage, drainage,  flirtage,  reportage,  skatinage,  etc. 

Remarque.  Dans  quelques  cas,  les  créations  modernes  en  -ayc  ne  re- 
montent pas  à  un  thème  verbal  mais  sont  dues  à  une  sorte  d'analogie  pro- 
portionnelle. Factage  ne  vient  pas  de  facter,  un  tel  verbe  n'e.xiste  pas; 
mais  comme  on  avait  laveur — lavage,  loueur — louage,  etc.,  l'analogie  a  créé 
/'adage  à  côté  de  facteur.  D'une  manière  pareille  s'explique  pourcentage.  Ma- 
rivaudage paraît  provenir  directement  de  Marivaux  (§  88);  le  verbe  mari- 
vauder est  une  formation  postérieure. 

149.  Emploi.  A  l'origine  -âge  formait  des  adjectifs  et  des 
substantifs. 

P  Adjectifs  en  -âge.  On  disait  au  moyen  âge:  chant  ramage, 
endroit  ombrage,  poisson  marage,  rat  evage,  tens  yvernage  (Am- 


8(> 

broise,  La  guerre  sainte,  v.  3508),  etc.  La  langue  moderne  n'a 
conservé  que  deux  adjectifs  en  -âge:  sauvage  et  volage,  qui 
tous  les  deux  remontent  au  latin;  les  autres  ont  disparu  ou 
sont  devenus  des  substantifs. 

2^  Substantifs  en  -âge.  Au  moyen  âge  on  désignait  à  l'aide 
de  -âge  et  des  personnes  et  des  choses  (-aticum);  le  message 
était  aussi  bien  l'homme  envoyé  (missaticus)  que  la  chose 
envoyée  (missaticum);  depuis  longtemps  -âge  ne  désigne 
que  des  choses. 

150.  Signification.  Le  suffixe  -aticus  exprime  surtout  une 
idée  d'appartenance:  silvaticus,  ce  qui  est  propre  (appartient) 
aux  forêts.  Cette  idée  a  évolué  de  plusieurs  manières  en  fran- 
çais, mais  elle  se  retrouve  au  fond  des  différentes  significa- 
tions qu'on  attribue  maintenant  à  -âge.  Dans  la  langue  mo- 
derne, ce  suffixe  désigne: 

1^  Une  collection  d'objets  de  même  espèce  :  branchage, 
feuillage,  herbage,  nuage,  pelage,  plumage,  etc.  Le  sens  collec- 
tif se  retrouve  aussi  dans  courage,  langage,  personnage,  visage, 
où  -âge  exprime  l'ensemble  des  qualités  qui  constituent  et 
caractérisent  le  nom. 

2^  Un  état:  apprentissage,  esclavage,  servage,  veuvage:  vfr. 
nialage. 

Remarque.  Il  est  curieux  d'examiner  un  mot  tel  que  l'ancien  barnage 
(remplacé  par  la  forme  refaite  baronnagé).  II  signifie  ,1e  corps  des  barons', 
une  assemblée  de  barons,  ou  l'état  (la  dignité,  la  puissance)  du  baron;  il 
réunit  ainsi  les  deux  premières  significations. 

3^  Une  action  ou  le  résultat  (le  produit)  de  cette  action: 
blanchissage,  bouquinage,  brigandage,  factage,  monnayage,  pèle- 
rinage, raccommodage.  Cette  signification  est  propre  à  tous  les 
dérivés  modernes,  qui,  nous  l'avons  déjà  dit,  remontent  ex- 
clusivement à  des  thèmes  verbaux. 

151.  AGNE  reproduit  le  latin  -anea,  neutre  pluriel  de  -an  eu  s: 
interanea  >  vfr.  entragne,  camp  anea  >  Champagne,  mon- 
ta ne  a  >  montagne;  pedanea  )  vfr.  peagne.  Ce  suffixe,  mort 
maintenant,  n'était  guère  productif  dans  la  vieille  langue; 
comme  formation  nouvelle  on  ne  saurait  citer  que  ovragne 
(ouvrage).  Sur  le  rapport  entre  -agne  et  -aigne,  voir  I,  §  229,4, 
Rem. 


87 

152.  AIE  remonte  au  latin  -eta,  pluriel  de  -etum,  qui  dé- 
signe une  collection  de  végétaux,  une  plantation:  arbore- 
tum,  olive  tu  m,  cannetum,  pal  me  tu  m,  etc.  La  terminai- 
son -eta  donne  en  français  -eie,  d'où  régulièrement  -oie,  con- 
servé dans  charmoie  et  ormoie;  dans  tous  les  autres  mots  -oie 
passe  à  -aie  (I,  §  159). 

Forme  élargie.  A  côté  de  -aie  on  trouve  -eraie  (§  388). 

Remarque.  A  côté  de  -eie,  -oie,  on  avait  au  moyen  âge  -ei,  -oi,  qui  re- 
monte au  singulier  -etum:  alisoi,  alnoi,  aiibroi,  chaumoi,  erboi,  espinoi,  fan- 
goi,  gravai,  perroi,  rosoi,  sablonoi  (terre  couverte  de  sable),  sapinoi.  Cette 
terminaison  masculine,  remplacée  dans  les  dérivés  des  noms  d'arbres  par 
-oie,  -aie,  n'existe  de  nos  jours  que  dans  écofroi  ou  écofrai  (de  écofier)  et 
gravois,  mauvaise  graphie  pour  gravoi;  rappelons  aussi  les  noms  de  lieu 
Fontenoy,  Aiilna^,  Châtenag. 

153.  Voici  les  exemples  les  plus  importants  du  suffixe  -aie: 
Aiinaie  (autrefois  aulnaie),  vfr.  boulaie  (dér.  de  boni,  primitif 
de  bouleau;  cf.  I,  §  4),  cannaie,  châtaigneraie^  chênaie,  épinaie, 
fougeraie,  foutelaie  (dér.  de  fouteau),  frênaie,  futaie,  houssaie 
(dér.  de  houx),  jonchaie,  ormaie,  oseraie,  roseraie,  saulaie,  saus- 
saie (dér.  de  saux,  saule),  tremblaie. 

Cas  isolés.  Pour  les  arbres  fruitiers,  il  y  a  hésitation;  -aie 
s'ajoute  tantôt  au  nom  du  fruit,  tantôt  au  nom  de  l'arbre.  On 
trouve  d'un  côté  cerisaie,  olivaie,  poiraie,  et  de  l'autre  châ- 
taigneraie, pommeraie  et  au  moyen  âge  figueroie  (remplacé 
maintenant  par  figuerie).  On  hésite  entre  prunaie  et  prunelaie 
(pour  pruneraie).  Quant  à  coudraie,  il  dérive  de  coudre,  qui 
s'employait  autrefois  pour  coudrier. 

154.  AIL  est  un  suffixe  populaire  qui  remonte  à  -aculum 
(ou  à  -alium):  gubernaculum  >  gouvernail;  *berbica- 
lium  )  bergeail,  remplacé  par  bercail  (I,  §  68).  Il  était  assez 
productif  au  moyen  âge  et  formait  de  nombreux  dérivés  de 
thèmes  verbaux,  rarement  de  thèmes  nominaux  :  afermail  (fer- 
moir), afichail  (agrafe),  afublail  (vêtement),  aiguail  (rosée),  alu- 
mail  (mèche),  amorsail  (amorce),  atachail  (attache),  bersail 
(cible),  cordait  (corde),  mirait  (miroir),  terrait  (retranchement 
de  terre).  La  langue  actuelle  possède  aiguail,  aspirait,  attirail, 
bâtait,  bercail,  épouvantait,  éventail,  fermait,  plumait,  soupirail, 
vantait. 


88 

155.  Formations  analogiques. 

P  Ail  n'est  pas  étymologique  dans  corail,  émail,  frontail, 
mélail,  poitrail,  portail,  où  il  remplace  -al;  voir  sur  ce  cas  II, 
§  305, 1. 

2^  Il  faut  encore  noter: 

Biirail,  emprunté  de  l'it.  buratto;  au  XVI'' siècle  on  trouve 
burat  et  hiirail. 

Camail,  emprunté  du  prov.  capmalh. 

Sérail,  emprunté  du  turc  serai. 

3^  Sur  quelques  mots,  où  -ail  a  été  remplacé  sporadique- 
ment par  -al,  voir  II,  §  305, 2. 

156.  AILLE  remonte  généralement  à  la  terminaison  latine 
-alia  (neutre  pluriel  de  -alis),  qu'on  trouve  dans  carnalia, 
genitalia,  inguinalia,  Lupercalia,  etc.  On  a  conservé 
en  français  anima  lia  >  aumaille  (cf.  I,  §  330,2),  sponsalia 
)  épousailles;  vie  tua  lia  >  vfr.  vitaille.  Dans  quelques  mots 
-aille  reproduit  l'italien  -aglia:  anticaglia  >  antiquaille, 
canaglia  )  canaille  (remplace  l'ancien  chienaille). 

Mots  savants.  La  forme  -aille  pénètre  aussi  dans  les  mois 
savants:  funeralia  >  funérailles. 

Forme  élargie.  A  côté  de  -aille  on  trouve  -daille  dans  be- 
deaudaille  de  bedeau  (cf.  §  88).  Crépodaille  (sorte  de  crépon 
fort  mince)  est  probablement  pour  créponaille,  dér.  de  crépon; 
l'altération    paraît    due    à    l'influence    de    crapaudaille    (cf.    I, 

§118,5). 

157.  Sur  le  modèle  des  mots  cités  on  a  de  bonne  heure 
formé  des  dérivés  nouveaux.  Citons  les  formes  vulgaires  bat- 
talia  (pour  battu  alia,  de  battu  ère),  d'où  le  français  ba- 
taille, et  intralia  (glossaire  de  Reichenau,  n°  1153),  d'où  en- 
trailles (prov.  intralias).  Les  créations  françaises  sont  assez 
nombreuses;  elles  sont  tirées  des  noms  et  des  verbes 

P  Dérivés  de  substantifs:  Biocaille  (de  bloc),  bordaille  (de 
bord),  broussaille  (autrefois  brossaille,  de  brosse),  cisaille  (de 
ciseau,  cf.  §  79),  coquinaille,  ferraille,  fonçaille  (pour  fonsaille), 
futaille,  grenaille,  gueusaille,  maraudaille ,  marmaille  (de  mar- 
mot), merdaille,  mitraille  (vfr.  mitaille;  I,  §  504,  5),  moinaille, 
moutonnante,  muraille,  pédantaille,  pierraille,  poissonnaille,  prê- 
traille,  racaille,  ribaudaide,  rimaille,  rocaille,  tripaille,  truandaille, 


89 

valetaille.  On  n'emploie  plus  baronnaille,  chienaille  (remplacé 
par  canaille),  coraille,  frapaille  (gens  de  rien),  de  frap,  multi- 
tude, garçonaille  (valetaille),  escuiraille  (réunion  d'écuyers), 
mortaille  (mort,  funérailles),  noçailles  (noces),  peautraille  (ca- 
naille), peschaille  (poissons  pêches),  piétaille  (infanterie),  pieto- 
naille  (gens  à  pied),  putaille  (racaille),  repostaille  (lieu  caché), 
etc.,  etc. 

2"  Dérivés  d'adjectifs:  Grisaille,  longaille,  meniiaille.  Povraille, 
vilenaille  (Patelin,  v.  416)  sont  maintenant  hors  d'usage. 

3^  Dérivés  de  verbes:  Accordailles ,  fiançailles,  limaille,  man- 
geaille,  relevailles,  semaille,  trouvaille.  On  n'emploie  plus  as- 
semhlaille  (union),  commençaille  (commencement),  devinaille 
(divination),  esposaille  (anneau  nuptial),  repentaille  (regret), 
braçaille  (action  de  brasser),  etc. 

158.  Formations  analogiques.  Par  substitution  de  suflixe,  on 
trouve  -aille  pour  -eille  ou  -ille  dans  : 

Ouaille  <  vfr.  oueille  (conip.  prov.  ovelha,  esp.  oveja);  in- 
lluence  probable  de  aumaille. 

Volaille  <  vfr.  volille  (de  vola  t il i a?  on  ne  trouve  pas  la 
forme  voleïlle). 

Une  substitution  momentanée  de  -aille  à  -eille  se  trouve  dans 
la  Farce  du  Munijer,  qui  dans  une  rime  emploie  boutaille 
(Jacob,  Recueil  de  farces,  p.  259).  Comp.  I,  §  207, 3,  Rem. 

159.  Signification. 

1"  Le  suffixe  -aille  signifie,  selon  son  origine,  une  pluralité; 
il  a  pris  déjà  en  latin  un  sens  collectif  qui  a  passé  en  fran- 
çais. Par  baronnaille  on  désignait  au  moyen  âge  l'ensemble 
des  barons:  Li  rois  de  France,  il  et  sa  baronnaille  {Les  Nar- 
bonnais,  v.  7709).  Comp.  escuieraille  (une  foule  de  serviteurs), 
piétaille  (les  soldats  à  pied),  fustaille  (réunion  de  fûts,  barriques), 
pierraille,  etc. 

2^  Au  sens  collectif  s'unit  facilement  une  idée  dépréciative: 
Ferraille,  d'abord  un  amas  de  fer,  se  dit  très  naturellement 
du  fer  qui  ne  peut  plus  servir,  et  finit  par  désigner  exclusive- 
ment les  vieux  fers  ou  débris  de  fer  mis  au  rebut.  De  cette 
manière  -aille  prend  peu  à  peu  une  valeur  péjorative  qui  vient 
à  dominer  dans  la  plupart  des  créations  nouvelles,  et  à  chan- 
ger la  signification  des  anciens  mots.  Au  moyen  Age  baronnaille 


90 

désignait  une  réunion  de  barons  et  était  un  terme  tout  neutre; 
le  mot  récent  prêtraille  est  un  terme  de  mépris  et  d'injure. 
Antiquaille  était  au  XVI*  siècle  un  terme  noble  pour  l'antiquité 
ou  l'ensemble  des  œuvres  antiques;  Régnier  s'en  est  servi: 
Les  Latins,  les  Hébreux  et  toute  l'antiquaille  (Satire  IX);  mais 
déjà  dans  Corneille  le  mot  se  prend  »in  malam  partem«  et 
s'emploie  de  choses  surannées  et  de  peu  de  valeur:  Tous  ces 
vieux  ornements,  traitez-les  d'antiquailles  (Poésies  diverses). 

3^  Les  mots  en  -aille  qui  dérivent  de  verbes  désignent  sur- 
tout une  action  et  l'objet  ou  le  résultat  de  cette  action:  vfr. 
commençaille,  commencement;  trouvaille,  ce  qu'on  trouve;  li- 
maille, produit  du  limage. 

160.  AIN  remonte  à  -anus:  humanum  >  humain,  mun- 
danum  >  mondain.  Il  a  été  très  productif  en  roman,  où  il 
s'attache  non  seulement  aux  substantifs,  comme  en  latin 
classique,  mais  aussi  aux  adjectifs  (et  aux  adverbes).  Voici 
quelques  formations  appartenant  au  latin  vulgaire:  *  Vil  la- 
nus  (de  villa)  >  vilain;  *altanus  (de  altus)  >  hautain; 
*certanus  (de  certus)  >  certain;  -'alibanus  (de  alibi)  > 
albain,  aubain;  -^ongitanus  (de  longiter)  >  lointain.  Il 
faut  encore  remarquer  que  dans  quelques  cas,  -anus  se 
substitue  à  -aneus:  Foraneus  >  *foranus  > /bz-az/î;  subi- 
taneus  >  ^'subitanus  >  soudain;  subterraneus  >  ^=sub- 
terranus  >  souterrain.  Il  se  substitue  à  -inus  dans  pulli- 
nus  (esp.  pollino,  prov.  polin)  >  *pullanus  >  poulain.  Sur 
le  sort  du  pluriel  -an a,  voir  §  306. 

Cas  isolé.  Après  une  palatale  -anus  devient  -ien  (I,  §  415,2): 
decanus  >  deiien  >  doyen. 

161.  En  français,  l'emploi  de  -ain  a  été  considérable.  Il  s'est 
attaché  aux  adjectifs,  aux  adverbes,  et  aux  substantifs,  et  il 
a  été  employé  dans  les  mots  d'emprunt.  Dans  la  langue  mo- 
derne -ain  n'est  presque  plus  productif;  il  a  été  dépossédé  sur- 
tout par  -ien. 

P  Dérivés  d'adjectifs  (ou  d'adverbes).  On  trouve  au  moyen 
âge  aubain  (cheval  blanc),  derrain  (dernier),  grevain  (de  grief), 
prochain,  purain  (de  pur),  etc.  ;  de  ces  mots  la  langue  moderne 
n'a  retenu  que  prochain.  Sur  les  dérivés  des  noms  de  nombres, 
voir  §  162, 2. 


91 

2^  Dérivés  de  substantifs:  Acérain,  chapelain,  châtelain,  dio- 
césain, vfr.  hostelain,  etc.;  avignonain,  toulousain,  etc. 

3^  Mots  d'emprunt.  On  l'emploie  dans  les  mots  savants: 
urbain,  publicain,  sylvain,  etc.  et  dans  les  mots  pris  aux 
langues  modernes  :  napolitain  (it.  napolitano),  puritain  {angl. 
puritan). 

162.  Signification.  Le  suffixe  -ain  sert  à  former  des  adjectifs 
et  des  substantifs.  Il  désigne  surtout: 

P  Des  personnes:  chapelain,  châtelain,  franciscain,  puritain, 
républicain,  etc.  Notons  aussi  les  dérivés  des  noms  de  lieux  et 
de  pays:  américain,  avignonain,  chartrain,  montpelliérain,  na- 
politain, toulousain,  etc.  Un  dérivé  tout  récent  est  formosain 
(L'Européen,  1905,  4  nov.,  p.  6). 

2^  Des  noms  de  nombres  collectifs.  Dans  la  langue  moderne 
-ain  et  -aine  ont  eu  chacun  leur  emploi  particulier.  Les  mots 
en  -ain  sont  surtout  des  termes  de  prosodie  indiquant  des 
strophes  d'un  nombre  déterminé  de  vers:  quatrain,  sixain, 
huitain,  dizain,  tandis  que  ceux  en  -aine  indiquent  surtout  une 
quantité  approximative  et  les  unités  d'un  certain  ordre:  dou- 
zaine, vingtaine,  trentaine,  centaine,  neuvaine.  Cette  distinction 
est  relativement  moderne;  autrefois  on  employait  indifférem- 
ment -ain  et  -aine  pour  exprimer  une  réunion  d'objets  quel- 
conques :  Le  dixain  des  fruiz  (voir  Godefroy)  ;  deux  trentains  de 
vin  (ib.),  etc.  On  trouve  encore  dizain  pour  un  paquet  de  dix 
jeux  de  cartes,  un  trentain  pour  trente  messes;  et  douzain  est 
conservé  dans  plusieurs  patois;  voici  une  observation  d'H.  de 
Balzac:  »Le  douzain  est  un  antique  usage  encore  en  vigueur 
et  saintement  conservé  dans  quelques  pays  situés  au  centre  de 
la  France.  En  Berry,  en  Anjou,  quand  une  jeune  fille  se  ma- 
rie, sa  l"amille  ou  celle  de  l'époux  doit  lui  donner  une  bourse 
où  se  trouvent,  suivant  les  fortunes,  douze  pièces  ou  douze 
douzaines  de  pièces  ou  douze  cents  pièces  d'argent  ou  d'or. 
La  plus  pauvre  des  bergères  ne  se  marierait  pas  sans  son 
douzain,  ne  fût-il  composé  que  de  gros  sous«  (Eugénie  Grandet, 
p.  32). 

Remarque.  Ain  s'emploie  aussi  dans  quelques  mots  curieux  de  la  langue 
technique  moderne:  dix-hnitain,  vingt-deuxain,  vingt-quatrain,  vingt-sixain, 
tungt-hiiitain.    On   appelle  ainsi   des  draps   dont  la  trame  est  composée  de 


92 

1800,   2200,   2400,   2()00   ou   2800  fils.  (A.  Thomas,   Essais  de  philologie  fntn- 
eaise.  Paris,  1897.  P.  55,  04). 

163.  Formations  analogiques.  Ain  a  remplacé  -in  ou  -enc 
dans  les  mots  suivants: 

Acérain  ^  forme  récente,  qui  remplace  l'ancien  acerin  (de 
acier). 

Hautain,  doublet  de  hautin  (vigne  cultivée  en  hauteur),  dû  à 
une  confusion  avec  l'adj.  hautain. 

Lorrain  a  remplacé  lorrenc  (§  361). 

164.  AIN  remonte  à  -amen:  œramen  )  airain,  ^loramen 
(de  lorum)  >  vfr.  lorain,  =materiamen  (de  m  a  te  ri  a)  ) 
mairain  ou  merrain.  Il  paraît  que  c'est  ce  suffixe  que  nous 
trouvons  dans  douvain  (de  douve),  ridain  (de  ride),  couvain  (de 
couver),  levain  (de  lever),  pelain  (de  peler)  et  dans  quelques 
autres  mots,   qui  s'écrivent  maintenant  par  -in  (voir  §  165, 2). 

165.  Formations  analogiques.  Il  y  a  eu  échange  entre  -ain 
et  -in, 

1^  On  trouve  -ain  pour  -in  dans  nourrain  <(  vfr.  "^nourrin  { 
nu  trïmen. 

2^  Ain  a  été  remplacé  par  -in  dans  alevin,  cavin,  funin  et 
peut-être  dans  graissin. 

166.  Aïs,  forme  collatérale  de  -ois  (§  279),  remonte  à  -ensis, 
devenu  -ëse  (I,  §  318,  3),  d'où  -eis,  -ois  et  enfin  -ais  (I, 
§  159).  Nous  le  trouvons  exclusivement  dans  des  dérivés  de 
noms  de  lieux  et  de  pays:  Avignonais,  béarnais,  bordelais, 
bourbonnais,  dijonnais,  lyonnais,  marseillais,  etc.,  etc.  Ecossais, 
hollandais,  irlandais,  islandais,  etc.  Ce  suffixe  est  toujours  vi- 
vant comme  le  montre  basquais  (employé  par  M.  É.  Reclus  pour 
basque),  new-yorkais,  soudanais. 

167.  AISON  reproduit  le  lat.  -ationem  dans  orationem  > 
oraison,  venationem  )  venaison,  etc.  A  l'aide  de  cette  ter- 
minaison on  a  créé  un  grand  nombre  de  mots  nouveaux  mar- 
quant ordinairement  l'action  ;  ce  sont  surtout  des  dérivés  de 
verbes  de  la  V^  conjugaison,  mais  comme  ces  verbes  sont  les 
plus   nombreux,   -aison   a   aussi   été   introduit  dans  les  dérivés 


93 

de  la  2^  et  de  la  3^'  conjugaison  et  remplace  ainsi  -ison  (§  274) 
et  -oison  (§  281). 

168.  Le  domaine  de  -aison  s'est  peu  à  peu  restreint.  Dans 
la  langue  moderne  il  n'est  presque  plus  productif,  et  c'est  sur- 
tout la  forme  savante  -ation  qui  le  remplace.  Voici  les  quelques 
restes  conservés. 

P  Dérivés  de  la  V^  conjugaison:  Combinaison,  comparaison, 
crevaison,  échauffaison,  exhalaison,  fauchaison,  fenaison,  inclinai- 
son, liaison,  livraison,  etc. 

2^  Dérivé  de  la  2^  conjugaison  :  cueillaison. 

3^  Dérivés  de  la  3'^  conjugaison  :  pendaison,  tondaison. 

4^  Dérivés  de  substantifs:  cervaison,  fleuraison,  lunaison,  oli- 
vaison, porchaison,  tomaison. 

169.  ANGE  correspond  au  lat.  -antia.  C'est  un  suffixe  qui 
se  rattache,  comme  en  latin,  au  radical  du  participe  présent 
(il  est  en  effet  tiré  du  part.  prés,  à  l'aide  de  -ia;  ignoran- 
tia  représente  ignorant  +  ia,  non  pas  ignor  +  antia): 
Alliance,  assistance,  confiance,  défiance,  oubliance,  outrecuidance^ 
vengeance;  appartenance,  obéissance,  réjouissance,  souffrance,  sou- 
venance; bienséance,  descendance,  méconnaissance,  puissance.  Ci- 
tons à  part  finance  et  nuance,  dont  les  verbes  radicaux  sont 
morts  ou  vieillis.  L'origine  de  manigance  est  inconnue. 

170.  Il  est  curieux  de  constater  que  le  suffixe  -ance  ne  pa- 
raît se  trouver  dans  aucun  nom  commun  de  formation  popu- 
laire et  remontant  directement  à  un  mot  latin  en  -antia.  Les 
mots  tels  que  constance,  ignorance,  qui  remontent  très  haut, 
ne  sont  pourtant  pas  des  mots  héréditaires,  ils  sont  emprun- 
tés; la  forme  vraiment  populaire  de  constance  se  trouve  dans 
le  nom  de  ville  Coutance.  Mais  nous  trouvons  -ance  dans 
quelques  mots  de  formation  populaire,  dont  les  correspon- 
dants latins  finissent  en  -entia;  comparez,  par  exemple, 
croissance,  naissance,  plaisance  et  cresc entia,  nascentia, 
placentia.  Les  formes  françaises  pourront  s'expliquer  comme 
remontant  aux  mots  latins,  mais  il  faut  en  ce  cas  supposer 
un  changement  de  suffixe,  une  généralisation  de  -antia  aux 
dépens  de  -entia   (résultat  nécessaire  de  la  généralisation  de 


94 

-ans;  voir  II,  §  65,  i);  elles  pourront  aussi  s'expliquer  comme 
des  créations  françaises  remontant  à  croissant,  naissant,  plai- 
sant. 

171.  Les  dérivés  en  -ance,  qui  marquent  l'action  ou  le  ré- 
sultat de  l'action,  abondaient  dans  la  vieille  langue.  Exemples: 
Acordance  (accord),  avilance  (avilissement),  delaissance,  démo- 
rance  (retard),  descordance  (désaccord),  demonstrance,  doutance 
(doute),  esmaiance  (frayeur),  [aisance.,  oiance,  partance.  Depuis 
le  moyen  âge,  l'emploi  de  -ance  est  allé  en  diminuant,  grâce 
surtout  à  la  forte  concurrence  de  la  forme  savante  -ence 
(§  317).  Pour  le  XIX^  siècle,  on  peut  citer  quelques  rares 
créations  nouvelles  comme  ambulance,  transhumance.  Cepen- 
dant, il  faut  ajouter  que  les  symbolistes  aiment  beaucoup 
notre  suffixe,  et  on  trouve  dans  leur  poésie  attirance^  f^lÇI^^^ 
rance,  luisance,  unisonance,  etc. 

Remarque.  Plusieurs  mots  en  -ance  inusités  maintenant  en  français,  s'em- 
ploient encore  en  belge;  tels  sont  par  ex.  doutance.,  héritance. 

172.  ANCE  et  ENCE.  Sur  la  concurrence  entre  ces  deux 
formes,  il  faut  remarquer; 

P  Dans  quelques  cas  rares,  -ance  a  pris  la  place  de  -ence 
dans  les  mots  savants.  Avant  d'écrire  résistance  on  a  écrit  ré- 
sistence. 

2^  Dans  d'autres  cas  plus  nombreux,  des  mots  savants  en 
-ence  ont  remplacé  des  mots  populaires  en  -ance.  On  disait 
au  moyen  âge  astenance,  oiance,  peneance;  on  dit  maintenant 
abstinence,  audience,  pénitence. 

3^  On  a  parfois  gardé  la  forme  populaire  à  côté  de  la  forme 
savante.  Voici  quelques  exemples  de  ces  doublets:  contenance 
— continence ,  croyance  —  crédence ,  déchéance — décadence ,  pour- 
voyance — providence,  préséance— présidence. 

173.  AND  est  une  orthographe  relativement  moderne,  qui 
dans  certains  mots  a  remplacé  l'ancienne  forme  -ant:  grand, 
gourmand,  truand  s'écrivaient  au  moyen  âge  grant,  gourmant, 
truant  (cf.  I,  §  395,2);  le  changement  graphique  du  f  en  oT 
est  dû  à  l'influence  des  féminins  grande,  gourmande,  truande 
et  des  autres  dérivés  tels  que  grandeur,  grandir,  où  il  y  avait 
un  d  étymologique. 


95 

174.  Formations  analogiques.  En  dehors  des  mots  où  -and 
est  une  graphie  postérieure  et  étymologique  (comp.  grand  et 
grandis),  notre  suffixe  s'est  introduit  par  substitution  dans 
un  certain  nombre  d'autres  mois  que  nous  allons  indiquer. 
On  verra  qu'il  remplace  -an,  -ant,  -enc: 

Allemand  <  vfr.  aleman  (ou  alenmnt;  cf.  II,  §  271)  <  Alla- 
mannus.  Sur  les  hésitations  dans  les  dérivés  modernes,  voir 
§  88. 

Brigand  <  it.  b  r  i  g  a  n  te. 

Chaland  <  vfr.  chalant,  part.  prés,  de  chaloir  (c a  1ère). 

Flamand  <  vfr.  flamenc  (§  361). 

Friand  <  vfr.  friant,  part.  prés,  de  frire. 

Goéland  <  bas-breton  g w élan. 

Marchand  <  vfr.  marchëant  <  mercatantem. 

Normand  <  vfr.  norman  (ou  normant;  cf.  II,  §  271)  <  Nor- 
man nus.  Sur  les  hésitations  dans  les  dérivés,  voir  §  88. 

Tisserand  <  tisserenc  (§  361);  on  trouve  déjà  au  XIV^  siècle 
le  dérivé  tisserandet. 

175.  ANGE,  primitivement  ENGE.  L'origine  de  ce  suffixe  est 
peu  claire.  On  a  cité  comme  points  de  départ  les  deux  mots 
vendange,  vfr.  vendenge,  de  vindemia,  et  vfr.  blastenge  de 
'^'b  las  te  mi  a  pour  blasphemia;  pourtant  on  ne  voit  pas 
bien  comment  on  a  pu  tirer  un  suffixe  de  ces  mots  qui  ne 
se  laissent  pas  décomposer.  Les  quelques  exemples  que  nous 
avons  de  formations  nouvelles  à  l'aide  de  -ange,  nous  montrent 
ce  suffixe  joint  à  des  noms  et  à  des  verbes. 

P  Dérivés  de  noms.  Vfr.  laidenge  (injure,  insulte),  losenge 
(flatterie).  Ces  mots  ont  disparu  depuis  longtemps. 

2^  Dérivés  de  verbes.  Vfr.  costenge,  haenge  (haine),  louenge, 
meslenge,  vuidenge.  La  langue  actuelle  a  conservé  louange,  mé- 
lange, vidange. 

Remarque.  Nous  ne  laisserons  pas  de  rappeler  que  tout  récemment 
M.  Baist  a  revendiqué  une  origine  germanique  pour  -ange  en  le  rattachant 
au  suffixe  -ingo.  Comme  l'impression  de  notre  livre  était  commencée  quand 
nous  avons  eu  connaissance  de  la  note  en  question,  nous  n'avons  pas  pu  en 
tenir  compte. 

176.  ANT  vient  du  lat.  -antem:  infantem  >  enfant,  Gan- 
tante m  >  chantant,  collocantem  >  couchant,  etc.  Cette  ter- 


96 

minaison  a  été  appliquée  aux  participes  présents  de  toutes 
les  conjugaisons  (voir  II,  §  81)  :  dormant,  buvant,  faisant,  etc.? 
etc.  Ces  participes  présents  s'emploient  souvent  comme  des 
adjectifs:  Imitant,  charmant,  gênant,  obligeant,  etc.;  c'est  sur 
leur  modèle  qu'on  a  créé  abracadabrant,  tiré  de  abracadabra, 
et  croustillant,  de  croustille. 

177.  Formations  analogiques.  1^  La  terminaison  -ant  se 
substituait  souvent  au  moyen  Age  à  -an  (comp.  II,  §  271).  On 
trouve  ainsi  dans  les  vieux  auteurs  alemant,  aufricant,  cor- 
douant,  drughemant,  estnrmant,  faisant,  normant,  persant,  sou- 
dant, iyrant,  etc.  à  côté  de  aleman  (Allamann  um),  aufrican 
(Africanum),  cordouan,  drugheman  (cf.  it.  dragomanno),  es- 
turman  (hoU.  stuurman),  faisan  (phasianum),  norman 
(Normannum),  persan  (Persanum),  Soudan,  tyran  (tyran- 
nu  m),  etc.  Le  français  n'a  gardé  que  les  formes  en  -an;  deux 
de  celles  en  -ant  ont  passé  en  anglais:  pheasant,  tyrant.  Ajou- 
tons que  -ant  se  substituait  aussi  souvent  à  -enc,  d'où  les 
vieilles  formes  bauçant,  bouquerant,  chambellant,  ferrant,  jase- 
ront, marant,  paysant,  etc.  De  ces  formes,  paysant  est  la  seule 
qu'on  trouve  encore  au  XVP  siècle:  Laissons  là  ce  païsant 
avecq  sa  païsante  (Heptaméron,  n°  29). 

2^  Ant  a  été  remplacé  par  -an  dans  cadran,  encan  (§  305,  i); 
par  -and  dans  brigand,  chaland,  friand,  marchand  (§  174). 

178.  AS  et  ASSE  (ou  ACE).  Il  faut  examiner  ces  suffixes 
séparément. 

1^  As,  en  vfr.  -az,  dérive  du  lat.  -aceus:  setaceum  [cri- 
brum]  )  vfr.  sëaz,  sëas,  d'où  sas  (I,  §  265),  cf.  esp.  sedazo. 
La  terminaison  -as  n'a  guère  été  productive  en  français;  elle 
a  servi  à  former  quelques  noms  et  paraît  morte  main- 
tenant. 

2^  Asse,  ou  -ace,  qui  est  la  forme  primitive  et  régulière  (I, 
§  476),  dérive  du  lat.  -acea:  foc  a  ce  a  >  fouace  (cf.  esp.  ho- 
gaza);  *filacea  )  fîlace  >  fdasse  (cf.  esp.  hilaza).  Cette  termi- 
naison a  été  bien  plus  productive  que  -as;  on  s'en  est  servi 
pour  former  des  noms  et  des  adjectifs,  et  elle  est  encore 
vivante. 


97 

179.  Noms  en  -as.  Les  formations  nouvelles  en  -as  ne  sont 
guère  nombreuses;  elles  sont  tirées  ou  de  substantifs  ou  de 
verbes. 

1^  Dérivés  de  ^substantifs  :  bourras  (de  bourre),  vfr.  brumas 
(de  brume),  frimas  (du  germ.  hrim),  plâtras  (déplâtre).  Ajou- 
tons l'ancien  adjectif  paonaz  (bleu-violet),  dér.  de  paon. 

2^  Dérivés  de  verbes:   vfr.  brouillas   (de  brouiller),  fatras  (">). 

Remarque.  Embarras  et  tracas  sont  des  substantifs  verbaux,  tirés  de  em- 
barrasser et  tracasser. 

180.  Formations  analogiques. 

Dans  un  certain  nombre  de  mots  -as  s'est  substitué  à 
d'autres  terminaisons,  surtout  à  -at,  et  à  l'it.  -accio,  -asso: 

Cadenas,  emprunté  du  prov.  cadenat. 

Cannelas,  au  XVIP  siècle  cannelat  (Acad.  1694),  emprunté 
du  prov.  cannelat. 

Canevas,  emprunté  de  Fit.  cane v accio. 

Cervelas,  au  XVP  siècle  cervelat,  de  l'it.  cervellato. 

Cornillas,  orthographe  fautive  (maintenue  par  l'Académie) 
pour  cornillat. 

Coutelas,  emprunté  de  Fit.  coltellaccio. 

Galetas,  de  Gala  ta  à  Constantinople. 

Lilas;  sur  cette  forme,  voir  II,  §  365. 

Matelas,  emprunté  de  Fit.  materasso. 

Taffetas,  emprunté  de  l'it.  taffetà. 

Verglas,  est  pour  verglaz,  postverbal  tiré  de  l'ancien  verbe 
ver  glacier. 

Pour  plusieurs  substantifs  on  a  hésité  entre  -as  et  -asse 
(ace);  on  trouve  coutelas  et  coutelace  (R.  Garnier),  populas  et 
populace  (cf.  Estienne,  Deux  dialogues,  p.  p.  Ristelhuber  I,  198). 

181.  Substantifs  en  -asse  (-ace).  Les  formations  nouvelles  sont 
tirées  de  noms  ou  de  verbes. 

P  Dérivés  de  noms:  bannasse  (de  banne);  bécasse  (de  bec); 
brumasse  (de  brume);  cognasse  (de  coing;  cf.  I,  §  229, . 5)  ;  cu- 
lasse; grimace  (?);  militasse  (de  million;  cf.  §  79);  paperasse 
(de  papier;  cf.  §  59);  pinace  ou  pinasse  (de  pin);  *plumace  (de 
plume),  primitif  hypothétique  de  plumasseau;  rosace  (de  rose); 
terrasse    (de    terre);    tétasse    (de   telle);    tignasse    (de    teigne;    cf. 

7 


98 

§  55);  villace  (de  ville);  vinasse  (de  vin).  Ajoutons  l'ancien 
paonace  (étolTe  d'une  certaine  couleur  violelle,  dér.  de  paon). 

2"  Dérivés  de  verbes:  chiassc^  crevasse^  lavasse^  liasse,  tirasse. 
Brouillasse  est  un  postverbal  (§  548). 

S*^  Ajoutons  quelques  mots  propres  à  l'argot,  où  -as.se  est 
resté  productif:  cannasse  (prostituée),  couturasse  (couturière), 
/illasse,  jupasse  (couturière  qui  fait  les  jupes  des  robes,  jupière), 
iripasse  (femme  d'un  embonpoint  excessif),  verrasse. 

182.  Les  autres  mots  en  -asse  (-ace)  sont  d'origine  étrangère: 
Bagasse  (esp,  bagazo),  bagasse  (prov.  bagassa);  bancasse 
(prov.  bancasso),  barcasse,  bestiasse  (it.  bestiaccia),  cale- 
basse, carcasse  (it.  carcassa),  paillasse  (it.  pagliaccio),  po- 
pulace (it.  populaccio),  etc. 

Remarque.  A  côté  de  -asse,  on  trouve  -ache  qui  est  de  provenance  ita- 
lienne ou  espagnole  et  reproduit  surtout  les  terminaisons  -accio,  -acchio,  -aïo: 
bravache  (it.  br a v acchio),  ganache  (it.  ganascia),  mordache  (esp.  mor- 
daza),  moustache  (it.  mostacchio),  panache  (it.  pennachio),  rondache 
(it.  rondaccio),  etc. 

183.  Adjectifs  en -asse.  Exemples:  Blondasse,  bonasse,  fadasse, 
Iwmmasse,  laidasse,  mollasse,  savantasse,  etc.  Ajoutons  l'ancien 
riace  (Patelin,  v.  765)  et  le  tout  récent  cocasse.  Comment  ex- 
pliquer l'emploi  au  masculin  de  la  terminaison  féminine  -asse"! 
Il  faut  probablement  supposer  que  les  plus  anciens  de  ces 
mots  ne  s'employaient  d'abord  qu'avec  des  substantifs  fémi- 
nins: la  mer  bonasse^  une  femme  hommasse^  et  qu'ensuite  la 
terminaison  -asse  s'est  pour  ainsi  dire  pétrifiée  et  a  été  étendue 
aussi  au  masculin:  un  garçon  hommasse,  un  trait  hommasse. 
On  pourrait  peut-être  aussi  penser  que  des  mots  tels  que  hom- 
masse, riace  ont  été  primitivement  des  substantifs  féminins 
qu'on  avait  employés  sans  changement  comme  attributs:  une 
hommasse  (A.  d'Aubigné,  Misères,  v.  1175)  —  une  femme  hom- 
masse —  un  garçon  hommasse;  cette  combinaison  s'explique- 
rait ainsi  comme  une  femme  médecin  (comp.  §  641). 

Remarque.  Rappelons  qu'on  a  essayé  de  réagir  contre  l'emploi  de  -asse 
au  masculin  en  créant  une  forme  en  -as.  A.  d'Aubigné  emploie,  dans  le  Ba- 
ron de  Fœneste,  fadas  et  savantas  sans  doute  à  l'imitation  des  formes  méri- 
dionales (comp.  prov.  sabentas).  Molière  et  la  Bruyère  se  servent  encore  de 
savantas.  Cf.  II,  §  394. 


184.  Signification.  Notre  suffixe  exprimait  en  latin  une 
abondance:  capillaceus,  ce  qui  est  couvert  de  (plein  de) 
capilli,  poilu.  L'idée  d'abondance  comprend  aussi  celle  de 
grandeur,  qui  finit  par  amener  celle  de  grossièreté  et  de  dif- 
formité. En  français,  le  suffixe  est  ainsi  en  même  temps  aug- 
mentatif, dépréciatif  et  péjoratif. 

P  Le  sens  augmentatif  se  trouve  dans  hannasse,  culasse,  la- 
vasse, milliasse,  rosace,  fripasse. 

2^  Le  sens  péjoratif  et  dépréciatif  se  trouve  dans  fillasse, 
paperasse,  tignasse,  fripasse,  villace,  vinasse;  hommasse,  fadasse, 
etc.;  cf.  cognasse  (coing  sauvage). 

Remarque.  A  cause  du  sens  méprisant  attaché  au  mot  populace,  Mercier 
demanda  en  1801  qu'il  fût  remplacé  par  plèbe.  On  a  adopté  plèbe  sans  pour- 
tant renoncer  à  populace,  et  les  deux  mots  ont  une  valeur  également  dé- 
daigneuse. 

3^  Dans  quelques  mots  le  sens  primitif  paraît  absolument 
obscurci:  brumasse,  petite  brume. 

185.  AT  remonte  au  latin  vulgaire -attus,  variante  de  -ittus 
(§  220).  On  l'a  surtout  appliqué  à  des  noms  d'animaux: 
Aiglaf,  petit  de  l'aigle  (maintenant  remplacé  par  aiglon).  Vfr. 
cervaf,  corbaf.  Louvaf,  jeune  loup;  on  dit  aussi  louvard  (§  3à4) 
et  louvefeau  (§  401).  Verraf,  dér.  de  l'ancien  ver  «  ver  rem); 
par  la  mort  du  simple,  verraf  a  perdu  sa  signification  dimi- 
nutive.  Sur  la  forme  allongée  -illaf,  voir  §  408. 

186.  ATRE,  au  moyen  âge  -asfre,  remonte  à  la  terminaison 
-aster,  qui  s'employait  surtout  dans  la  langue  populaire.  En 
français  il  n'a  joué  qu'un  rôle  modeste;  on  retrouve  peu  des 
mots  latins  en  -aster  et  les  dérivations  nouvelles  ne  sont  pas 
nombreuses.  On  a  appliqué  -âtre  à  quelques  rares  substantifs 
et  à  des  adjectifs  désignant  surtout  des  couleurs. 

P  Substantifs.  On  avait  en  vieux  français  parasfre,  maras- 
tre,  fillastre,  frerasfre,  sorasfre,  clergeasfre,  genfillastre.  De  ces 
mots,  la  langue  moderne  n'a  conservé  que  marâtre  et  gen- 
tillâfre. 

2^  Adjectifs  :  Bellâtre,  blanchâtre,  bleuâtre,  blondâfre,  brunâtre, 
(louçâtre,    fauvâtrc,   foliaire,   fmâtre,  grisâtre,  jaunâtre,   noirâtre, 

7* 


100 

olivâtre,  rosaire,  rougeâtre^  roussâtre,  verdâtre.  Ajoutons  acari- 
âtre, dont  l'origine  est  douteuse;  il  faut  peut-être  y  voir  un 
dérivé  de  Acaire,  nom  d'un  saint  qui  guérissait  les  fous,  sous 
l'influence  de  follastre  (comp.  Romania,  X,  302).  Opiniâtre  est 
un  dérivé  à  moitié  savant  du  lat.  opinio. 

187.  Formations  analogiques. 

Écolâtre  est  emprunté  au  latin  scholasticus  (pour  le  r, 
comp.  I,  §  504, 3)  ;  on  pourrait  aussi  partir  d'une  forme  latine 
vulgaire  scholaster. 

Mulâtre  provient  de  l'esp.  mulato;  Furetière  (1690)  admet 
les  trois  formes  mulat,  mulâtre  ou  mulate. 

Ajoutons  que  iconolâtre  (eîxovoldTQi^g),  et  idolâtre  doivent  leur 
a  allongé  à  l'influence  de  -âtre. 

188.  Signification.  Le  suffixe  -aster  exprimait  une  qualité 
approchante:  surdaster  (=  subsurdus),  un  peu  sourd;  cal- 
V  as  ter,  un  peu  chauve;  claudaster,  un  peu  boiteux;  ful- 
vaster,  un  peu  jaune  ;  nigraster,  un  peu  noir;  mentàstrum, 
menthe  sauvage;  oleaster,  olivier  sauvage;  patr  a  s  ter,  beau- 
père,  etc.  De  cette  signification  se  dégage  facilement  une  idée 
dépréciative  et  péjorative:  poetaster  désignant  celui  qui  est 
un  peu  poète,  devient  synonyme  de  petit  poète,  mauvais  poète; 
comp.  encore  palliastrum,  mauvais  pallium,  fui  vin  aster, 
imitateur  de  Fulvinius,  filiaster  (CIL,  XIII,  n°  2073),  enfant 
naturel,  etc.  Notre  suffixe  forme,  comme  on  voit,  des  substan- 
tifs aussi  bien  que  des  adjectifs.  Il  en  est  de  même  en  fran- 
çais, où  il  garde  également  les  nuances  indiquées.  Atre  marque 
donc  l'approximation  (surtout  dans  les  dérivés  des  adjectifs 
désignant  une  couleur):  blanchâtre,  qui  tire  sur  le  blanc;  la 
diminution:  douçâtre,  d'une  douceur  fade;  la  dépréciation: 
marâtre,  belle-mère,  mère  dénaturée,  geniillâtre,  petit  gentil- 
homme dont  on  fait  peu  de  cas. 

189.  CEAU,  autrefois  CEL  (II,  §  312)  remonte  au  latin 
-cellus.  Comme  -ëllus  remplace  -ùlus  (§  193),  -cellus  rem- 
place -culus.  Exemples:  juveneûlum  )  *juvencellum  > 
jouvencel,  jouvenceau  ;  leoncùlum>*leoncellum  >  vfr.  lioncel, 
lionceau;   monticùlum  >  *monticëllum  >  monceau;  pon- 


101 

ticûlum  )  *ponticëllum  )  ponceau.  La  forme  féminine  est 
-celle:  particûla  >  *particella  )  parcelle, 

La  langue  du  moyen  âge  présente  plusieurs  dérivés  nou- 
veaux :  avironcel,  bastoncel,  flourcelle,  garçoncel,  larroncel,  moche- 
roncel,  penoncel;  ils  ont  tous  disparu. 

Orthographe.  Si  le  suffixe  était  précédé  en  latin  d'un  s, 
on  écrit  -sseau  (sselle),  au  lieu  de  -ceau  (-celle):  arboriscel- 
lum  )  arbrisseau,  rivuscellum  >  ruisseau,  vermiscellum 
)  vermisseau;  vasculum  )  *vascellum  >  vaisseau;  vas- 
cella  )  vaisselle. 

Cas  isolés.  Quand  le  c  latin  est  intervocalique,  la  sifflante 
devient  sonore  en  français  (I,  §  416):  •''dominicellum  > 
damoiseau,  *avicellum  >  oiseau. 

190,  É  (terminaison  de  substantif)  reproduit  -atus  employé 
dans  consulatus,  ducatus,  etc.  (sur  la  forme  savante  -a/, 
voir  §  307).  Ce  suffixe  qui  désigne  des  dignités  ou  des  em- 
plois, se  trouve  dans  comté,  duché  (cf.  §  70,  i),  évêché,  archevê- 
ché, archiprêtré,  vicomte,  vidamé.  La  langue  du  moyen  âge  con- 
naissait encore  harné,  de  baron  (réunion  de  barons,  qualité  de 
barons);  prince;  régné,  de  règne  (royaume,  fief),  conservé  dans- 
le  nom  de  lieu  Régné;  visné,  voisiné,  vesiné  (voisinage).  Sur  le 
rapport  entre  -é  et  -eé  (duché — ducheé),  voir  §  198. 

191.  É  (terminaison  adjectivale)  remonte  au  latin  -atus.  C'est 
proprement  la  terminaison  du  participe  passé;  elle  s'ajoutait 
déjà  en  latin  aux  noms:  barba  —  barbatus,  et  ces  dérivés 
sont  très  communs  en  latin  vulgaire.  Les  créations  nouvelles 
en  é  sont  très  nombreuses  dans  la  langue  moderne;  elles  sont 
toutes  tirées  de  substantifs.  Exemples:  Accidenté,  armoire,  azuré, 
barbé,  barbelé,  camphré,  cendré,  chevelé,  chocolaté,  cuivré,  four- 
ché, givré,  imagé,  membre,  mitre,  mouvementé,  patte,  perlé,  phgl- 
loxéré,  pourpré,  vanillé,  etc.  Voici  quelques  autres  exemples 
trouvés  dans  Le  jardin  des  supplices  d'O.  Mirbeau;  ce  sont  pour 
la  plupart  des  formations  individuelles:  Un  ciel  flammé  de  rose 
(p.  80).  Des  enclos  treillages  de  bambou  (p.  146).  Des  toits  ra- 
mages d'or  (p.  193).  Une  palpitation  nacrée  (p.  194).  Des  queues 
orfévrées  (p.  271).  La  pente  gazonnée  (p.  289).  Lame  angoissée 
(p.  308). 


102 

Concurrence  de  formes.  A  côté  des  dérivés  en  -é  on  trouve 
souvent  des  formes  collatérales  en  -ii\  feuille — feuillu,  mafflé — 
mafflu,  membre — memhru,  râblé — râblu.  Les  formes  en  -u  im- 
pliquent plus  d'abondance,  de  force  et  souvent  aussi  de  vul- 
garité, que  les  mots  en  -é. 

Remarque.  Les  formes  en  -é  ne  supposent  pas  l'existence  d'un  verbe  cor- 
respondant. On  parle  d'un  terrain  accidenté,  mais  on  n'a  pas  d'infinitif  ac- 
cidenter. Parfois,  à  côté  d'un  pur  adjectif  en  -é  tiré  directement  d'un  subs- 
tantif, on  a  un  participe  passé  de  forme  identique,  appartenant  à  un  verbe 
en  -er,  tiré  du  même  substantif.  Dans  la  ligne  ardoisée  des  toits  du  château 
(P.  Bourget,  Le  Disciple,  p.  254),  nous  avons  affaire  à  un  tout  autre  mot  que 
dans  un  toit  ardoisé.  Littré  fait  de  imagé  le  participe  passé  de  imager,  mais 
ce  verbe  est  un  néologisme  et  a  été  créé  sur  imagé,  comme  prématnrer 
(RPhF,  XIX,  67)  a  été  créé  sur  prématuré. 

192.  EAU,  autrefois  -el  (voir  II,  §  312),  remonte  à  èllum: 
agnellum  )  agnel  )  agneau;  castellum  }  chastel  }  château  ; 
gemellum  }  jumel  )  jumeau.  La  forme  en  -el  se  retrouve 
dans  les  dérivés:  agnelet,  annelet,  cervelet,  mantelet^  rondelet,  oi- 
selet, etc.  Sur  le  féminin  -elle,  voir  §  208. 

Formes  élargies.  A  côté  du  simple  -eau  on  trouve  -ceau: 
lion — lionceau  (§  189),  -ereau:  poète — poètereau  (§391),  -eteau: 
chêne — chêneteau,  diable — diableteau  (§  401)  ou  diabloteau  (cf.  dia- 
blotin), et  enfin  -reau  dans  sureau,  dérivé  du  vfr.  sëu.  Sur  -deau 
dans  faisan — faisandeau,  voir  §  88, 

193.  Le  suffixe  -ellum,  qui  se  retrouve  dans  toutes  les 
langues  romanes,  a  pris  une  assez  grande  extension  en  latin 
vulgaire.  Il  remplace  souvent  -ùlus:  martulum  >  *mar- 
tellum  >  martel,  marteau;  prunùlum  >  *pr  un  ellum  > 
prunel,  pruneau;  ramulum  >  *ramellum  )  ramel,  rameau; 
taurulum  )  *taur ellum  >  *torel,  taureau.  Il  peut  aussi  rem- 
placer -illus  (-illum):  paxïllum  )  *paxellum  }  paissel. 
paisseau;  penicïllum  )  *penicellum  )  pincel,  pinceau: 
sigïllum  >  *sigëllum  >  seel  }  sceau. 

194.  En  français  -eau  s'attache  aux  noms  et  aux  verbes. 

P  Dérivés  de  substantifs:  chevreau,  drapeau,  fourneau^  lar- 
ronneau,  sapineau,  tyranneau. 

2^  Dérivés  d'adjectifs:  rondeau.  On  trouve  dans  la  vieille 
langue:  blondel,  fauvel,  rouget,  noirel,  roussel. 


103 

3^  Dérivés  de  verbes:  aideau,  chemineau,  doleaii,  grattean, 
ouvreaii,  traîneau. 

195.  Formes  analogiques. 

Dans  la  vieille  langue,  -èl  remplace  parfois  -él  (II,  §  307) 
et  -euil  ;  dans  la  langue  moderne,  où  -èl  a  été  supplanté  par 
-eau,  cette  forme  remplace  parfois  -au  ou  -ot.  Exemples: 

Berceau  ordinairement  au  moyen  âge  berçueil,  dér.  de  bers. 

Chameau  <  charnel,  primitivement  chameil  <  camelum  (I, 
§  155). 

Champeaux  est  pour  champaux  (voir  II,  §  292,2,  Rem.). 

Daleau,  mauvaise  orthographe  pour  dalot. 

Fronteau,  doublet  de  frontal,  dont  on  avait  aussi  dans  la 
vieille  langue  la  forme  frontel  (comp.  §  303). 

Landeau  pour  landau,  se  rencontre  parfois  dans  les  auteurs 
modernes  (voir  p.  ex.  P.  Bourget,  La  terre  promise,  p.  109,  119). 

Linteau  a  remplacé  l'ancien  lintel  de  *limitale. 

Réseau,  doublet  de  réseuil  de  retiolum  (dér.  de  retem). 

196.  Signification.  Notre  suffixe  avait  en  latin  une  valeur 
diminutive,  qui  s'est  conservée  assez  bien  dans  la  vieille 
langue,  où  l'on  a  fait  un  très  large  emploi  de  -el  et  surtout 
de  elle.  Dans  la  langue  moderne,  la  valeur  diminutive  de  ces 
suffixes  ne  s'est  conservée  que  dans  quelques  cas. 

P  Noms  d'animaux:  Baleineau,  bécasseau,  carpeau,  chevreau, 
dindonneau,  éléphanteau,  faisandeau  (§  88),  outardeau,  paon- 
neau,  pigeonneau,  ramereau,  renardeau,  saumoneau,  serpenteau, 
souriceau,  vipereau.  Colombelle,  tourterelle.  On  disait  autrefois 
leopardel  (jeune  léopard),  louvel  (louveteau;  encore  Garnier  se 
sert  de  louveau),  lionnel  (lionceau). 

2^  Noms  de  personnes:  Bonhommeau  (La  Fontaine),  tyran- 
neau. 

3^  Noms  d'arbres:  chêneau,  ormeau,  sapineau. 

4^  Quelques  mots  isolés:  Caveau,  citerneau,  cordeau,  enclu- 
meau,  jambonneau,  rondeau,  soliveau,  tonneau.  Cordelle,  nuellc, 
ruelle. 

197.  Les  autres  mots  en  -eau  tels  que  anneau,  bureau,  cha- 
peau, couteau,  etc.  ne  gardent  aucune  trace  de  la  valeur  di- 
minutive. 


104 

1^  La  valeur  diminulive  s'est  éteinte  surtout  grâce  à  la  dis- 
parition du  mot  primitif,  dont  le  dérivé  est  venu  prendre  la 
place  déjà  dans  la  période  gallo-romane.  On  ne  trouve  dans 
les  textes  français  aucune  trace  du  primitif  des  mots  agneau, 
oiseau,  pourceau. 

2^  Dans  d'autres  cas,  le  mot  primitif  existait  encore  dans  le 
plus  vieux  français.  C'est  ainsi  que  bouleau,  corbeau,  rameau, 
taureau,  ont  remplacé  boul,  corp,  raim,  tor.  L'assimilation  du 
sens  du  dérivé  à  celui  du  mot  simple  s'observe  encore;  ainsi 
ormeau,  proprement  'jeune  orme',  est  venu  à  s'employer  pour 
orme,  et  Delille,  dans  une  de  ses  poésies,  chante  un  antique 
ormeau.  Mais  Littré  blâme  cette  expression  et  qualifie  l'épi- 
thète  de  contradictoire. 

3^  Enfin  pour  beaucoup  de  mots  le  simple  subsiste  à  côté 
du  dérivé,  mais  il  y  a  eu  une  forte  différenciation  du  sens. 
I^xemples  :  Bande — bandeau,  bure — bureau,  cercle — cerceau,  chape 
— chapeau,  drap — drapeau,  four — fourneau,  moine — moineau,  plat 
— plateau,  plume— plumeau,  pomme — pommeau,  tombe — tombeau. 
Dent — dentelle,  ombre — ombrelle. 

ECE,  voir  ESSE  (§  218). 

198.  EÉ,  suffixe  médiéval,  qui  remonte  à  -ïtatem:  sancti- 
tatem  >  sainteé.  Il  a  servi  à  créer  un  petit  nombre  de  subs- 
tantifs nouveaux  tels  que  chasteé,  netteé,  quiteé,  et  conteé,  du- 
cheé,  princeé.  Toutes  ces  formes  ont  disparu:  chasteé  et  netteé 
ont  été  remplacés  par  chasteté  et  netteté  (cf.  §  400);  conteé  et 
ducheé  coïncident,  par  l'amuïssement  de  l'e  féminin  (I,  §  266), 
avec  conté  et  duché,  dont  ils  influencent  le  genre  (§  687); 
princeé  a  été  remplacé  par  principauté. 

199.  ÉE  remonte  au  latin  -ata  (comp.  le  doublet  -ade,  §  364). 
C'est  proprement  le  féminin  de  la  terminaison  du  participe 
passé;  elle  s'ajoute  comme  le  masculin  à  des  noms,  et  elle  a 
produit  un  très  grand  nombre  de  dérivés.  La  force  créatrice 
de  -ée  est  toujours  vivante,  mais  elle  paraît  un  peu  moins  fer- 
tile aujourd'hui  qu'autrefois.  Le  dérivé  le  plus  récent  que  nous 
ayons  rencontré,  est  félibrée  (E.  Lefèvre,  Vannée  félibréenne, 
p.  6)  pour  désigner  une  réunion  ou  une  fête  des  félibres  (cf. 
I,  §  80,  Rem.  i). 


105 

200.  Signification.  Le  suffixe  -ée  désigne: 

1^  Une  abondance:  fumée,  gerbée,  jonchée,  nuée,  ondée,  ra- 
mée, risée.  Cette  même  signification  se  retrouve  plus  ou  moins 
clairement  au  fond  de  celles  que  nous  allons  indiquer  dans 
les  numéros  suivants. 

2^  La  quantité  contenue  dans  le  primitif:  Airée,  assiettée, 
batelée,  bouchée,  chambrée,  brassée,  charretée,  chaudronnée,  cuille- 
rée, gorgée,  gueulée,  hottée,  lippée,  litée,  maisonnée,  nitée  {§  89,8), 
panerée,  peignée,  pelletée,  pincée,  platée,  poêlée,  poêlonnée,  poignée, 
râtelée,  ruchée,  tablée,  terrinée,  ventrée,  verrée.  Voici  une  for- 
mation propre  à  la  vieille  langue:  devantée  (Ambroise,  Guerre 
sainte,  v.  1064),  ce  que  contient  le  giron,  le  devant  d'une 
robe. 

8^  Une  mesure:  vfr.  arbalest(r)ée  (distance  d'un  trait  d'ar- 
balète, portée  d'arbalète),  brassée,  vfr.  lieuée  (espace  d'une  lieue), 
vfr.  tesée  (longueur  d'une  toise),  vfr.  vergiée  (étendue  d'une 
verge  carrée).  Comp.  vfr.  chamelée  (charge  d'un  chameau). 

4^  Une  durée:  année,  journée,  matinée,  nuitée,  soirée,  veillée, 
vfr.  vesprée. 

5^  Une  valeur:  vfr.  livrée,  valeur  d'une  livre;  vfr.  maillée, 
valeur  d'une  maille. 

6^  Un  produit  du  primitif  :  Ara/^/îée,  maintenant  'arachnide', 
mais  au  moyen  âge  'toile  d'araignée',  toile  produite  par  Va- 
raigne;  comp.:  Que  coûte-t-il  d'ôter  toutes  ces  araignées?  (La 
Fontaine,  Fables,  IV,  21.)  Dentée,  coup  de  dent,  que  le  chien 
donne  au  gibier.  Vfr.  palmée,  coup  avec  la  paume. 

7^  Une  action  sur  le  primitif:  fessée,  onglée.  A  la  langue  du 
moyen  Age  ou  de  la  Renaissance  appartiennent  canée  (coup 
sur  la  mâchoire,  la  cane,  la  dent);  cotée  (coup  sur  le  col,  la 
nuque);  dentée  (coup  sur  les  dents);  groigniée  {Chev.  au  lion, 
V.  6145;  coup  sur  le  groin,  un  soufflet);  jouée  (un  soufflet); 
oreilliée,  oreillie  (coup  sur  l'oreille). 

201.  Formations  analogiques.  Le  suffixe  -ée  ne  s'est  pas 
substitué  à  d'autres  suffixes.  Il  se  trouve  irrégulièrement  dans 
abattée,  tiré  de  abattre.  Il  a  cédé  la  place  à  -ie  dans  oublie, 
dont  la  vieille  forme  est  oublée  (lat.  ecclés.  obi  a  ta). 

202.  EIL  est  une  terminaison  qui  remonte  au  suffixe  di- 
minutif ïculus;   il  se  trouve  dans  des  adjectifs:    pariculum 


106 

>  pareil,  vermiculum  >  vermeil,  et  des  substantifs:  arti- 
culum  (Ij  §  5)  >  orteil,  soliculum  >  so/ez7.  Cette  terminaison 
n'a  pas  été  productive  en  français. 

203.  EILLE.  Cette  terminaison,  qui  remonte  au  lat.  -ïc(u)la, 
sert  de  féminin  à  -eil  et  se  trouve  dans  les  substantifs  sui- 
vants: *butticula  (dim.  de  buttem)  >  bouteille,  corbicula 

>  corbeille,  au  ri  eu  la  >  oreille.  Il  y  a  eu  changement  de  suf- 
fixe dans  cornicula  devenu  cornïcula,  d'où  corneille.  No- 
tons encore  abeille,  du  prov.  a  bel  ha  (I,  §  32);  merveille  de 
mirabilia  (I,  §  151);  treille  de  trïchila.  La  terminaison 
-eille  n'a  pas  été  productive  en  français. 

204.  EISE  (OISE),  suffixe  populaire,  propre  à  la  vieille 
langue,  remonte  à  -ïtia.  Il  ne  se  trouve  pas  après  le  XI IP 
siècle,  et  dans  la  période  antérieure  il  n'est  représenté  que 
par  quelques  exemples  isolés:  proeise,  richeise  (voir  §  218). 

205.  EL  remonte  au  latin  -a!is:  carnalem  )  charnel,  mor- 
talem  >  mortel,  nasale  m  )  vfr.  nasel,  natale  m  >  noël, 
pectorale  >  vfr.  poitrel,  etc.  Il  y  a  eu  substitution  en  gallo- 
roman  de  -alis  à  -élis  dans  crudelem  )  -'crudalem  ) 
vfr.  cruel. 

Forme  élargie.  A  côté  de  -el  on  se  sert  de  -iel;  voir  §  407. 

206.  Sur  le  modèle  des  mots  cités,  on  a  fait  un  large  em- 
ploi de  -el  comme  suffixe.  Il  a  été  introduit  dans  les  mots 
d'emprunt  et  il  a  servi  à  former  des  dérivés  de  mots  fran- 
çais. 

P  Mots  d'emprunt:  Corporel  (corporalem),  criminel  (cri- 
minalem),  essentiel  (e  ssentialem),  graduel  (g  va.  du  aie  m), 
immortel  (im  mortalem),  originel  (o  ri  gin  a  le  m),  personnel 
(personalem),  rationnel  (rat  ion  aie  m),  temporel  (tempo- 
ralem),  etc.  Ajoutons  les  dérivés  de  thèmes  latins:  fraternel 
(cf.  fraternus),  maternel  (cf.  maternus),  paternel  (cf.  pa- 
ternus),  continuel  (cf.  continu  us),   assiduel  (cf.  assiduus). 

2^  Dérivés  français:  accidentel,  additionnel,  vfr.  champel,  cons- 
titutionnel, individuel,  intentionnel.  Le  suffixe  -el  est  encore  vi- 
vant, quoique  moins  employé  que  -al;   voici  quelques  dérivés 


107 

tout  récents:   alluvionnel,   convictionnel,   exceptionnel^  flexionnel, 
fonctionnel^  insurrectionnel,  passionnel,  professionnel,  sériel. 

207.  Formations  analogiques. 

1°  EL  est  d'origine  analogique  dans  autel,  vfr.  altel,  dont  la 
forme  primitive  est  aller  (<  lat.  altare)  qui  s'emploie  jusque 
dans  le  XIIP  siècle. 

2^  EL  a  été  remplacé  dans  certains  mots  par  d'autres  ter- 
minaisons. Il  y  a  eu  confusion  avec  -èl,  -eau  (§  192)  dans  fron- 
tel  >  fronteau,  lintel  )  linteau  (§  195),  avec  -eux  dans  matinel 
y  matineux  (§  234);  il  y  a  eu  substitution  de  suffixe  dans 
ménestrel  >  ménétrier  (§  250)  et  dans  le  vieux  français  plurel 
(pluralis),  qui  devient  plurer,  plurier,  sous  l'influence  de 
singuler,  singulier,  et  finalement  pluriel  par  un  rapprochement 
récent  du  primitif  latin. 

208.  ELLE,  forme  féminine  de  l'ancien  -el  (§  192  ss.),  dé- 
rive du  lat.  -ëlla:  n  a  vice  lia  >  nacelle;  par  changement  de 
suffixe  il  remonte  aussi  à  -illa:  axilla  )  *axëlla  )  aisselle. 
En  français,  il  s'attache  aux  substantifs,  plus  rarement  aux 
adjectifs. 

1^  Dérivés  de  substantifs:  Barbette,  margelle,  prunelle,  rouelle, 
ruelle. 

2^  Dérivé  d'adjectifs  :  rondelle. 

Le  suffixe  -elle  est  encore  productif  comme  le  montrent  les 
créations  modernes  embryonnelle,  nuelle,  nucelle,  vitelle.  Sur  la 
signification  de  -elle,  voir  §  196,  197. 

209.  EMENT  remonte  à  -amentum  :  ornamentum  )  o/*/7e- 
ment.  Cette  terminaison  n'appartient  primitivement  qu'aux 
verbes  en  -are;  mais  grâce  à  la  suprématie  de  cette  con- 
jugaison (II,  §  65),  -amentum,  dont  on  a  considéré  la  pre- 
mière voyelle  comme  appartenant  au  suffixe,  a  été  appliqué 
à  tous  les  verbes.  Cette  généralisation  a  eu  lieu  à  une  époque 
antérieure  aux  plus  vieux  textes  français:  que  le  latin  clas- 
sique présente  -ïmentum  ou  -ïmentum,  on  a  toujours 
-ement  en  vieux  français;  comp.  *unguimentum  et  unguc- 
ment  (Passion,  v.  346),  impedimentum  et  impedement  (S^^ 
Kulalie,  v.  16),  movimentum  et  mouvement,  sentimen- 
lum    et    seulement,    veslimentum    et    vestement,    etc.     Les 


108 

formes  françaises  supposent  des  formes  vulgaires  en  -amen- 
tuni,  dont  le  glossaire  de  Reichenau  (I,  §  12,  i)  nous  présente 
probablement  un  exemple  dans  d  e  fend  amen  ta  ,  pour  de- 
fendimenta,  qui  explique  tutamenta  (n°  190). 

210.  Le  suffixe  -ement  s'ajoute  au  thème  du  participe  pré- 
sent des  diverses  conjugaisons: 

P  Abaissement,  avancement,  bêlement,  commencement,  emporte- 
ment, froissement,  logement,  sifflement,  etc.,  etc.  On  trouve  dans 
la  vieille  langue  acesmement,  acointement  (liaison),  acordement 
(réconciliation),  acreantement,  espousement,  joustement  (joute), 
mandement,  mariement,  passement  (passage),  pensement  (pensée), 
retournement,  sauvement,  terminement  (fin),  vengement,  etc. 

2^  Avènement,  consentement,  recueillement,  revêtement,  tressaille- 
ment, tènement,  vêtement.  On  trouve  dans  la  vieille  langue  as- 
sentement,  département,  detenement,  faillement,  parlement,  repente- 
ment,  seulement,  soustenement,  etc.  Sur  le  changement  de  -ement 
en  -iment,  voir  §  412. 

3^  Abrutissement,  accomplissement,  adoucissement,  affadissement, 
arrondissement,  dégourdissement ,  dévêtissement ,  élargissement, 
établissement,  fmissement,  frémissement,  etc.  On  trouve  dans  la 
vieille  langue  blandissement,  enheudissement,  garissement,  glatisse- 
ment,  regehissement,  etc. 

Remarque.  A  côté  de  -issement  quelques  mots  présentent  aussi  une  forme 
en  -ement.  On  trouve  ainsi  dans  la  vieille  langue  les  doublets  giiarnissement 
et  giiarnement,  marissement,  chagrin,  et  marement  (St.  Alexis,  v.  136).  Bos- 
suet  s'est  servi  de  revêtissement  pour  revêtement. 

4^  Abattement,  accroissement,  battement,  bruissement,  entende- 
ment, éteignement,  pendement,  rabattement,  rebattement,  etc.  On 
trouve  dans  la  vieille  langue  :  attendement,  con fondement,  con- 
naissement, corrumpement,  defendement,  espandement,  mordement, 
naissement,  etc. 

211.  Le  suffixe  -ement  a  de  tout  temps  été  très  productif;  il 
est  encore  dans  la  langue  actuelle  d'une  singulière  richesse. 
On  trouve  dans  presque  tous  les  auteurs  modernes  des  mots 
nouveaux  en  -ement  exprimant,  soit  l'action  verbale  abstraite 
indiquée  par  le  radical,  soit  l'état,  soit  l'objet  qui  résulte  de 
cette  action.  Victor  Hugo  surtout  témoigne  une  prédilection  pour 
ces  mots;  on  trouve  dans  »  La  Légende  des  siècles  «:  assainissement, 


109 

hlanchissement ,    blêmissement,   verdissement,  creusement,  échevele- 
ment,  rejaillissement,  etc. 

212.  ER.  Ce  suffixe  propre  à  la  vieille  langue  remonte  soit 
au  lat.  -are,  soit  au  lat.  -aris.  Exemples:  al  tare  >  vfr.  aller, 
collare  >  vfr.  coller,  pilare  >  vfr.  piler,  etc.;  singularem 
>  vfr.  sengler,  scolarem  >  vfr.  escoler,  etc.;  notons  aussi  les 
mots  savants:  vfr.  réguler  (régula rem),  vfr.  singuler  (singu- 
larem), etc.  Le  suffixe  -er  se  confond  de  bonne  heure  au 
moyen  âge  avec  -ier  qui  finit  par  le  remplacer  tout  à  fait.  Au 
lieu  de  bacheler,  boucler,  chandeler,  coller,  escoler,  irreguler,  par- 
ticuler,  piler,  réguler,  sengler,  seculer,  singuler,  soler,  on  a  depuis 
la  fin  du  moyen  âge  des  formes  en  -ier  (§  248).  Aller  est  de- 
venu autel. 

213.  ERESSE,  autrefois  ERECE,  est  surtout  le  féminin  de 
l'ancien  suffixe  -erez  (§  214).  Il  se  trouve,  comme  celui-ci,  dans 
des  dérivés  de  thèmes  nominaux  et  de  thèmes  verbaux. 

1^  Dérivés  de  noms:  Bergerece  (bergerie),  costerece,  forterece, 
meiteerece,  porcherece  (porcherie),  secherece,  tercerece,  vacherece 
(vacherie),  etc.  Dans  la  langue  actuelle  notre  suffixe  se  re- 
trouve dans  forteresse  (comp.  le  prov.  fortareza,  fortalezd), 
panneresse,  sécheresse,  et  dans  un  certain  nombre  de  noms  de 
lieux:  Faveresse  ou  Favresse,  Porcherece,  Vacheresse. 

2^  Dérivés  de  verbes:  Avalerece,  baterece,  boterece,  bruierece, 
chaplerece,  colerece,  cremerece,  crierece  (action  de  crier),  escu- 
merece  (écumoire),  guinderece,  retenterece  (retentissement),  etc. 
On  a  conservé  dans  la  langue  moderne  avaleresse,  guinderesse 
et  quelques  noms  de  lieux:  Batresse  ou  Baptresse,  La  Boute- 
resse. 

Remarque.  Il  ne  faut  pas  confondre  -eresse  de  -erece  avec  la  terminaison 
-eresse  dont  nous  avons  parlé  au  t.  II,  §  428.  Chasseresse  est  le  féminin  de 
chasseur  dans  une  déesse  chasseresse  (qui  se  livre  à  la  chasse);  il  est  le  fé- 
minin de  chacerez  dans  l'ancienne  expression  une  corde  chasseresse  (qui  sert 
à  chasser). 

214.  ERET,  autrefois  EREZ,  paraît  remonter  à  -aricius,  com- 
posé de  -aris  et  -ici us  (it.  -eccio,  roum.  -et);  on  le  trouve 
par  ex.  dans  sigillaricius.  La  forme  -eret  remplace  -erez 
grâce  à  une  assimilation  à  des  mots  tels  que  cervelez— cervelet, 


110 

mantelez—mantelet  (comp.  §  126);  elle  se  montre  dès  le  com- 
mencemenl  du  XIV*"  siècle  et  devient  bientôt  générale.  Elle 
provoque  la  création  d'un  nouveau  féminin  en  -erette,  au  lieu 
de  -erece  (§213);  chaumerette,  dans  l'expression  dialectale  pierre 
chaiimerette  (caillou  qu'on  ramasse  à  la  surface  des  chaumes; 
Jaubert)  est  pour  chaiimeresse,  dont  la  forme  médiévale  serait 
chalmerece,  fém.  régulier  de  chalmerez. 

215.  Le  suffixe  -erez  s'ajoutait  aux  thèmes  nominaux  et  aux 
thèmes  verbaux;  il  formait  des  adjectifs  et  des  substantifs. 

1^  Dérivés  de  noms:  Ablerez  (filet  pour  pêcher  des  ablettes), 
asnerez  (relatif  aux  ânes),  banerez,  bataillerez  (propre  à  la  ba- 
taille), chaperez  (drap  pour  faire  des  chapes),  chevalerez  (fait 
pour  un  cheval),  chevrerez  (qui  nourrit  des  chèvres),  costerez, 
coiteret,  damerez,  dimancheret  (endimanché),  encerez  (dérivé  de 
ence,  cheville),  fûleret  (formé  par  G.  Bouchet,  sur  dameret), 
jamberez  (qu'on  fixe  à  la  jambe),  lacerez  (dér.  de  lace,  cuiller), 
paroisserez  (attaché  à  la  paroisse),  paierez  (qui  sert  à  un  pot), 
tavernerez  (qui  hante  la  taverne),  torberez  (où  il  y  a  de  la 
tourbe).  De  ces  mots  la  langue  actuelle  a  conservé  ableret, 
banneret,  catret,  dameret,  esseret  (pour  eusseret),  laceret  ou  lasse- 
ret  (pour  laceret).  Osseret  (dér.  de  as)  et  pailleret  paraissent  des 
formations  modernes. 

2^  Dérivés  de  verbes:  Baignerez  (qui  sert  à  baigner),  bâterez 
(qui  sert  à  battre),  berserez,  chacerez  (qui  sert  à  chasser), 
chevaucherez  (dont  on  se  sert  pour  chevaucher),  esposerez  (dont 
on  se  sert  pour  épouser),  fenderez  (outil  pour  fendre),  fumerez, 
guilerez,  nagerez,  parlerez,  penderez,  pescherez,  porterez,  rollerez, 
taillerez,  etc.,  etc.  On  trouve  dans  la  langue  actuelle  caupe- 
ret,  feuilleret,  guilleret,  porteret  (portrait),  ramèneret,  refenderet, 
traceret. 

216.  Formation  analogique. 

P  Dans  chardonneret  il  paraît  qu'il  y  a  eu  un  changement 
de  suffixe;  on  disait  au  moyen  âge  chardonnereul  ou  char- 
donnerel. 

2^  Notre  suffixe  a  été  remplacé  par  une  autre  terminaison 
presque  homophone  dans  l'ancienne  expression  colombe  roche- 
raie,  altération  de  radierez  (qui  vit  dans  les  roches),  et  dans 
le  nom  de  lieu  Faverois,  pour  Paverez,  lieu  où  il  y  a  des  fèves. 


111 

217.  ESSE  remonte  à  -issa,  emprunté  au  grec  -loaa  à  l'é- 
poque chrétienne.  Il  sert  à  former  des  féminins:  abbas  — 
abbatissa  >  abeesse  >  abbesse.  Nous  en  avons  parlé  dans  la 
morphologie  (II,  §  423  ss.). 

218.  ESSE,  au  moyen  âge  ECE,  remonte  à  -itia,  dont  le 
développement  phonétique  est  peu  clair.  Régulièrement  il  au- 
rait dû  aboutir  à  -eise  (-oise)  et,  après  une  palatale  (I,  §  191), 
à  -ise:  ces  deux  formes  se  trouvent  en  français,  mais  -eise 
(§  204)  est  extrêmement  rare,  et  -ise  n'est  pas  restreint  aux 
cas  demandés  par  la  phonétique;  enfin  la  forme  -ece  repré- 
sente un  troisième  développement  de  -itia.  Voici  quelques 
détails  : 

P  Eise,  qui  devrait  être  le  représentant  principal  de  -ïtia, 
ne  se  trouve  que  dans  deux  mots:  prooise  (^proditia)  et 
richoise.  Dans  cette  dernière  forme,  qui  alterne  avec  richece, 
-oise  est  sûrement  d'origine  analogique;  *francïtia  aurait 
abouti  à  francise,  et  franchoise  doit  être  regardé  comme  une 
formation  française. 

2^  Ise  qui  ne  devrait  s'employer  étymologiquement  qu'après 
une  palatale,  se  trouve  dès  les  plus  anciens  textes  après  toutes 
les  consonnes.  Comment  expliquer  ce  fait?  Y  a-t-il  là  une 
simple  extension  analogique  ou  faut-il  admettre  un  change- 
ment de  -ïtia  en  -itia?  Les  deux  raisons  ont  pu  agir  (comp. 
I,  §  196,  Rem.). 

3^  Ece  ne  peut  pas  remonter  directement  à  -itia;  il  sup- 
pose probablement  comme  point  de  départ  -ici a,  dont  on 
n'est  pas  arrivé  à  expliquer  ni  l'origine  ni  la  raison.  Nous 
citerons  comme  exemple  pigrïtia  >  =^pigrïcia  >  perece  > 
parece  >  paresse. 

219.  Le  suffixe  -esse  (-ece)  a  été  très  productif  en  français. 
Il  sert  exclusivement  à  former  des  substantifs  tirés  d'adjec- 
tifs. Exemples:  délicatesse,  faiblesse,  finesse,  grossesse,  hardiesse, 
ivresse,  jeunesse,  mollesse,  noblesse,  richesse,  rudesse,  sagesse,  sou- 
plesse, tristesse,  vieillesse,  etc.  Beaucoup  des  anciens  dérivés  sont 
morts  maintenant:  aigrece,  druece,  grandece,  genvrece,  haltece, 
humblece,  laidece,  largece,  laschece,  leece,  maigrece,  radece  (vi- 
tesse), simplece,  sobrece,  sourdece,  etc.  Dans  la  langue  moderne 


112 

-esse  est  encore  vivant  sans  être  productif;   on  ne  trouve  que 
très  peu  de  créations  nouvelles:  robustesse. 

220.  ET  remonte  au  suffixe  -îttus,  dont  les  inscriptions  ro- 
maines de  l'époque  impériale  nous  montrent  les  premières 
traces  dans  des  noms  propres  féminins  tels  que  Bonitta, 
Caritta,  Julitta,  Lucitta,  Senecitta,  Suavitta,  etc. 
Cette  terminaison,  qui  probablement  a  eu  un  sens  caressant 
et  diminutif,  s'est  vite  étendu,  et  on  l'a  appliquée  aussi  aux 
noms  communs  et  aux  adjectifs;  en  même  temps  on  a  essayé 
de  la  varier,  en  en  variant  la  voyelle,  et  c'est  ainsi  qu'à  côté 
de  -ïttus,  on  a  créé  -ïttus,  -attus,  -ottus  qui  tous  se  re- 
trouvent en  français. 

Formes  élargies.  Notre  suffixe  entre  dans  plusieurs  formes 
composées  où  il  figure  tantôt  comme  le  premier,  tantôt  comme 
le  dernier  élément.  On  a  ainsi  -etel,  -eteau  (§  401),  -eton  (§  402), 
et  de  l'autre  côté  -elet  (§  383),  -iculet  (§  406),  -iquet  (dans  tour- 
niquet), -onnet,  -onnelte  (dans  bergeronnette).  Sur  -eret  voir  §  214. 

221.  Le  suffixe  -et  a  joué  un  rôle  important  en  français,  où 
il  est  devenu  le  suffixe  diminutif  par  excellence  (sous  la  forme 
simple  ou  sous  une  forme  élargie)  et  l'a  emporté  même  sur 
'Cau  (§  192);  il  est  encore  productif  comme  le  montre  le  terme 
récent  wagonnet.  Il  s'adapte  aux  thèmes  nominaux,  comme 
aux  thèmes  verbaux. 

P  Dérivés  d'adjectifs:  Basset,  blondet,  brunet,  doucet,  grosset, 
jaunet,  jeunet,  maigret,  mollet,  petltet,  propret,  rouget,  rousset, 
verdet,  etc.  Au  moyen  âge  on  avait  aussi  espesset,  longuet,  re- 
ondet,  soavet,  etc. 

2^  Dérivés  de  noms  communs:  Archet,  baronnet,  béquet, 
cervelet,  cachet,  coquet  (§  70),  cordonnet,  dosseret,  feuillet,  livret, 
loquet  (de  l'anc.  franc,  toc),  mulet  (de  l'anc.  franc,  mul),  maillet, 
mantelet,  navet  (dér.  du  vfr.  nef  <^  napum),  œillet,  oignonet,  oise- 
let, onglet,  patronnet  (A.  France,  Le  livre  de  mon  ami,  p.  169), 
plumet,  réglet,  signet,  sommet,  verset,  etc.  On  n'emploie  plus: 
anelet,  arbret,  cœuret,  enfantet,  matinet  (l'aube  du  jour),  muret, 
uisset. 

30  Dérivés  de  noms  propres:  Adenet  (de  Adam),  Deniset, 
Jeannet,  Paulet,  Perret  et  Pierret,  Simonnet.  Rappelons  aussi 
robinet  qui  est  primitivement  Robinet,  dim.  de  Robin. 


113 

4^  Dérivés  de  verbes:  Claquet,  fauchet,  foret,  fumet,  jouet, 
nichet,  nouet,  rivet,  savouret,  sifflet,  soufflet,  tranchet,  volet. 

222.  Formations  analogiques. 

1^  ET  remplace  surtout  -é,  -er,  -ez.  Exemples: 

Banneret  <  vfr.  bannerez. 

Chevet  <,  vfr.  chevez. 

Civet  a  remplacé  civé  (ou  sive)  comme  on  écrivait  encore  au 
XVIP  siècle. 

Claret  <  vfr.  claré;  il  y  a  eu  confusion  avec  cla(i)ret. 

Cotret  <  vfr.  costerez  (§  215,  i). 

Couvet,  même  mot  que  couvoir  ;  l'altération  s'explique  par 
l'ancienne  prononciation  de  couvoir  comme  couvoi  [kuvwe]  (voir 
I,  §  364, 5,  158). 

Creuset  est  pour  creuseul;  Oudin  (1643)  donne  les  deux 
formes.  La  plus  vieille  forme  française  est  croisuel  (dérivé  de 
croix);  elle  a  subi  l'influence  de  creux. 

Filet  (tissu  de  mailles)  s'écrivait  autrefois  filé;  il  y  a  eu  con- 
fusion avec  filet  (petit  fil).  Nicot  distingue  encore  filé  ou  rets 
d'avec  filet. 

Gilet  est  probablement  pour  *^z7ec  qui  remonte  au  turc  ye- 
lek  (comp.  it.  giulecco,  esp.  jileco,  jaleco,  chaleco). 

Pannequet,  de  l'angl.  pan  cake. 

Pichet  <  vfr.  pichier,  picher  ;  comp.  l'angl.  pitcher. 

Soiichet  est  probablement  pour  *souchef,  subst.  verbal  de 
souche  ver. 

2^  ET  a  disparu  des  mots  suivants: 

Chaudelait,  altération  par  étymologie  populaire  de  chaudelet, 
dim.  de  chaudel,  chaiideau. 

Davier  <  daviet;  R.  Estienne  (1549)  donne  davier  y  mais  da- 
viet  se  trouve  encore  dans  Rabelais,  et,  selon  Ménage,  les 
menuisiers  disaient  david  au  XVIP  siècle. 

223.  ETTE  (autrefois  ETE)  remonte  à  -itta  et  est  ainsi  la 
forme  féminine  de  -et  (§  220).  Il  s'emploie  dans  le  féminin 
des  adjectifs  et  des  noms  de  personnes  (§  221);  il  s'attache  et 
aux  noms  communs  et  aux  verbes: 

1°  Dérivés  de  noms  communs:  Aiguillette,  ailette,  alouette  (de 
l'anc.  fr.  aloue),  amourette,  brochette,  burette,  canette,  chevrette, 
colonnette,  facette,  fillette,  fourchette,  formulette,   machinette,   mai- 

8 


114 

sonnette,  manchette,  nouette^  palmette,  passionnette,  réglette,  rosette, 
serinette,  serpette,  voitiirette.  On  n'emploie  plus  amiette,  bestete 
(Ph.  de  Thann,  Bestiaire,  v.  1217),  mustelete  (il).,  v.  1218),  etc. 
2^  Dérivés  de  verbes:  Allumette^  amusette,  bavette,  causette, 
claquette,  comprenette  (Villalte),  couchette,  devinette,  écumette, 
époussetie,  lorgnette,  moquette,  mouchette,  mouillette,  oubliette,  pas- 
setfe,  serfouette,  serviette,  sonnette,  sornette,  suette,  tapette,  tenette, 
tournette. 

224.  Signification. 

P  Et  (-elle)  est  devenu  le  suffixe  diminutif  par  excellence; 
il  l'emporte  même  sur  eau  (§  196).  Il  était  très  employé  déjà 
au  moj'en  âge;  rappelons  comme  exemple  la  strophe  d'Aiz- 
cassin  et  Nicolete,  citée  au  §  117.  Encore  au  temps  de  la  Re- 
naissance les  formes  en  -et,  -ette  étaient  très  répandues,  et  la 
poésie  populaire  en  fait  toujours  un  large  emploi.  Voici  pour 
finir  quelques  exemples  montrant  l'emploi  que  fait  la  langue 
littéraire  moderne  des  diminutifs  en  -et:  Demain  matin,  dès 
laubette,  les  rédifs  . . .  feront  tapages  (P.  Loti,  Aziyadé,  p.  167). 
Une  leçon  de  danse  donnée  par  un  maître  en  redingote  à  sept 
à  huit  fillettes  ou  jeunes  filles  de  dix  à  seize  ans  et  à  tout  au- 
tant de  garçonnets  ou  de  jeunes  gens  du  même  âge  (P.  Bour- 
get,  Pastels,  p.  238).  Sœurette,  sœurette,  vous  n'êtes  pas  sage 
(P.  Bourget,  Pastels,  p.  155).  J'étais  notaire  à  Rouen,  et  un  peu 
gêné,  non  pas  pauvre,  mais  pauvret  (G.  de  Maupassant,  Le 
Rosier  de  Mme  Husson,  p.  228).  Enfin,  elle  protégeait,  elle,  la 
solide,  la  robuste,  cet  être,  faible  de  corps,  presque  chétif  et 
si  simplet,  comme  elle  disait,  qu'un  enfant  de  dix  ans  l'aurait 
dupé  ...  (P.  Bourget,  Le  disciple,  p.  313). 

2^  La  signification  diminutive  a  disparu  dans  les  cas  où  le 
primitif  est  mort:  alouette,  loquet,  sommet  signifient  dans  la 
langue  moderne  exactement  ce  qu'on  appelait  aloue,  toc,  som 
au  moyen  âge. 

3^  Dans  plusieurs  cas  le  dérivé  a  pris  un  sens  spécial  qui 
procède  du  sens  diminutif  primitif:  Double  —  doublet,  livre  — 
livret,  œil — œillet,  casque— casquette,  oreille — oreillette. 

4"^  Les  dérivés  de  thèmes  verbaux  désignent  généralement 
Tobjeti  finstrument  avec  lequel  l'action  s'accomplit:  Claquet, 
fauchet,  foret,  jouet,  sifflet,  soufflet,  claquette,  écumette,  époussetie, 
lorgnette,  mouillette,  mouchettes,  passette,  tournette. 


115 

Remarque.  Parfois  un  mot  présente  des  sens  différents  selon  qu'il  dérive 
d  un  verbe  ou  d'un  nom.  Ainsi,  à  côté  de  moiichettes,  sorte  de  ciseaux  (dér. 
de  moucher),  et  soufflet,  instrument  qui  sert  à  souffler,  on  avait  autrefois 
moucheté,  petite  mouche,  souftet,  petit  souffle. 


225.  EUIL  remonte  au  latin  -olium  ou  -oculum.  Exemples: 
caerefolium  >  cerfeuil,  caprifolium  >  chèvrefeuil,  scopu- 
lum>*scoculum(I,  §  369,  i)  >  écueil  Ajoutons  orgueil,  em- 
prunté de  Taha.  *urguoli  (tiré  de  urguol)  et  les  substantifs 
verbaux  accueil  et  recueil.  Notre  terminaison  n'a  guère  été  pro- 
ductive; des  rares  formations  nouvelles  citons  bouvreuil  (de 
bouvier).  Sur  les  mots  oii  -euil  a  été  introduit  par  analogie  en 
remplaçant  une  autre  terminaison,  voir  le  paragraphe  suivant. 

226.  Formations  analogiques.  Dans  un  petit  nombre  de 
mots,  -euil  n'est  pas  étymologique.  Euil  remplace  -eul  (§  227) 
dans  chevreuil,  écureuil,  linceuil,  réseuil,  dont  les  anciennes 
formes  sont  chevreul,  écureul,  linceul,  reseul;  pour  les  détails, 
voir  II,  §  318.  On  a  dit  aussi  autrefois  berceuil,  filleuil,  ligneuil, 
tilleuil,  pour  berceul,  filleul,  ligneul,  tigneul  (§  227),  mais  ces 
formes  n'ont  pas  persisté;  -euil  n'a  été  gardé  que  dans  les  mots 
dont  le  radical  ne  se  terminait  pas  par  un  son  mouillé  ou  un 
(j].  Rappelons  aussi  fauteuil,  pour  fauteul,  vfr.  faldestuel  (du 
germ.  faldastuol)  et  le  substantif  postverbal  deuil  (de  dou- 
loir)  dont  la  forme  primitive  est  duel;  on  avait  aussi  autrefois 
formé  veuil  à  côté  de  vuel  (de  vouloir).  Euil  remplace  -eu  dans 
cercueil;  voir  II,  §  320. 

227.  EUL  remonte  au  suffixe  latin  -iolum  (voir  I,  §  137,  i); 
c'est  une  terminaison  qui  s'est  pétrifiée  de  bonne  heure:  on 
la  trouve  presque  exclusivement  dans  des  mots  transmis  di- 
rectement du  latin.  Exemples:  Aïeul  de  aviolum  (de  a  vus), 
haiseul  (cf.  baisol;  Passion,  v.  150)  de  basiolum  (de  ba- 
sium);  vfr.  champigneul,  (cf.  it.  campignuolo)  de  campigneo- 
lum;  épagneul  de  hispaniolum;  /illeul  de  filiolum;  glaïeul 
de  gl  ad  iolum;  ligneul  de  *lineolum  (de  Une  a);  linceul 
de  linteolum;  tilleul  de  til iolum.  Cette  terminaison  a  été 
très  peu  productive;  on  ne  la  trouve  que  dans  un  petit  nombre 
de  mots  nouveaux  qui  n'ont  pas  survécu  au  moyen  âge:  ber- 
ceul, forme  collatérale  de  berceau,  tiré  de  bers  (II,  §  364);  frieul, 

8* 


116 

poêle   à    frire   (dér.  de  frire);   langeai,   pièce  de  laine  (dér.  de 
lange);  poigneul,  sorte  de  mesure  (dér.  de  poigne). 

228.  Dans  plusieurs  mots,  -eul  a  parfois  cédé  la  place  à 
d'autres  terminaisons. 

1^  Eul  a  été  supplanté  par  -euil;  voir  §  226. 

2^  Eul  a  été  supplanté  par  -et  dans  creuseul  devenu  creuset 
(§  222). 

3^  Eul  s'est  réduit  en  -eu  dans  moyeul,  devenu  moyeu,  pro- 
bablement sous  l'influence  du  pluriel  moyeux  (II,  §  316). 

229.  EUR,  autrefois  OUR  (I,  §  183),  terminaison  qui  indique 
des  noms  abstraits,  remonte  au  lat.  -orem:  calorem  )  cha- 
leur ^  dolorem  )  douleur,  lento  rem  >  lenteur,  etc.  Ce  suffixe 
a  été  très  productif.  On  trouve  des  formations  nouvelles  déjà 
dans  le  latin  vulgaire  (lucorem  )  lueur);  elles  sont  nom- 
breuses en  français,  où  elles  ont  ordinairement  pour  base  un 
adjectif. 

P  Exemples  propres  au  vieux  français:  Baldour  (hardiesse), 
frerour,  folour,  irour,  radour,  tristour,  verour  ou  voirour  (vérité). 

2^  Exemples  de  la  langue  moderne:  Ampleur,  blancheur,  dou- 
ceur, épaisseur,  froideur,  grandeur,  grosseur,  laideur,  maigreur, 
minceur,  pesanteur,  puanteur,  sombreur,  tiédeur. 

Cas  isolé.  Noirceur  est  tiré  de  noir,  sous  l'influence  de  noir- 
cir. 

230.  EUR  (terminaison  des  noms  d'agent),  autrefois  -eur  ou 
-ëeur  (I,  §  268)  et  plus  anciennement  -our  ou  -eour,  provient 
du  lat.  -orem  ou  -atorem  :  Seniorem  )  seignour  )  seigneur; 
peccatorem  )  pecheour  )  pecheeur  >  pécheur;  salvatorem 
>  salveor  )  sauveeur  )  sauveur.  La  terminaison  -eur  a  aussi 
été  introduite  dans  les  mots  savants:  acteur,  directeur,  facteur, 
lecteur,  etc. 

Formations  analogiques.  La  terminaison  anglaise  -er  a  été 
assimilée  à  -eur:  trapper  >  trappeur.  Parfois  l'assimilation 
n'atteint  que    la  prononciation:    steamer  )  steamer  [stimœ:r]. 

231.  Le  suffixe  -eur  a  été  extrêmement  productif;  c'est  main- 
tenant le  suffixe   général   des  noms  d'agent.    Originairement  il 


117 

ne  s'ajoutait  qu'aux  thèmes  verbaux;  mais,  dès  la  fin  du 
moyen  âge,  il  s'ajoutait  aussi  aux  noms. 

P  Dérivés  de  verbes:  Accoucheur,  allumeur,  baigneur,  bou- 
quineur,  chercheur^  coiffeur,  glaneur,  etc.  Amincisseur,  bénisseur, 
blanchisseur,  convertisseur,  enchérisseur,  fournisseur,  polisseur,  ra- 
visseur, etc.  Acquéreur,  coureur,  couvreur,  entreteneur,  menteur, 
ouvreur,  souteneur,  etc.  Buveur,  confiseur,  connaisseur,  entendeur, 
entremetteur,  faiseur,  prometteur,  vainqueur,  etc. 

2^  Dérivés  de  substantifs:  Chroniqueur,  enquêteur,  farceur, 
torpilleur. 

3^  Des  mots  nouveaux  en  -eur  se  rencontrent  à  tout  mo- 
ment dans  les  auteurs  modernes.  Exemples:  déjeuneur  (A. 
P'rance,  Histoire  comique,  p.  228),  high-lifeur,  phraseur  (Mau- 
passant.  Fort  comme  la  mort,  p.  42),  pique-niqueur .  Des  dérivés 
en  -eur  sont  aussi  extrêmement  fréquents  dans  l'argot:  bockeur, 
cascadeur,  chapardeur,  chippeur,  engueuleur,  étouffeur,  flancheur, 
fricoteur,  gambilleur,  gobelotteur,  luncheur,  etc. 

232.  EUX,  pour  -eus  (I,  §  464),  plus  anciennement  -ous  (I, 
§  183),  remonte  au  lat.  -osus  ;  il  a  été  très  productif  en  fran- 
çais où  il  s'attache  surtout  aux  noms,  moins  fréquemment  aux 
verbes  ;  il  a  aussi  été  introduit  dans  les  mots  savants. 

P  Dérivés  de  substantifs:  Avantageux,  boueux,  chanceux, 
courageux,  dangereux,  douloureux  (§  58),  fiévreux  (cf.  §  59),  hai- 
neux, heureux,  joyeux,  merveilleux,  etc. 

2^  Dérivés  d'adjectifs.  On  disait  au  moyen  âge  chaitivos, 
celestios,  plantivos. 

3^  Dérivés  de  verbes  :  Boiteux,  chatouilleux,  convoiteux,  fâ- 
cheux. 

4^  Mots  savants:  Belliqueux,  calamiteux,  défectueux,  fraudu- 
leux. 

Formés  élargies.  A  côté  de  -eux,  on  emploie  aussi  -ineux 
(§  413)  et  -ueux  (§  422). 

233.  Dans  toutes  les  périodes  de  la  langue  on  a  créé  des 
mots  à  l'aide  du  suffixe  -eux.  C'est  pourtant  au  XVP  siècle 
qu'il  était  le  plus  en  faveur.  Voici  quelques  exemples  cu- 
rieux de  formations  nouvelles  employées  par  les  poètes  de  la 
Pléiade:  Animeux,  chagrineux,  crimineux,  encombreux,  esclan- 
dreux,    estoileux,    froidureux,    gemmeux,    massacreux,   perleux, 


118 

peupIeiiXy  roidureiix.  Elles  sont  mortes  maintenant  ainsi  que 
beaucoup  de  dérivés  médiévaux:  mensongeiix,  rioteus,  ver- 
goyneiis^  etc.  Des  dérivés  nouveaux  à  l'aide  de  -eux  s'observent 
jusqu'à  nos  temps.  Restif  de  la  Bretonne  a  créé  loisireiix,  spec- 
taciileuXy  tempéramenteux,  tempêteux.  On  trouve  dans  Flaubert: 
crasseux,  mamelon neux,  portenteiix,  râpeux,  tétonneuse,  etc.  Les 
formations  nouvelles  sont  surtout  fréquentes  dans  le  parler 
populaire  et  l'argot:  argenteux  (Gyp,  Professional  lover,  p.  23), 
cercleux,  communeux  (Rictus,  Les  Soliloques  du  Pauvre,  p.  63), 
genreux,  miséreux,  moyenâgeux,  talenteux,  théâtreux,  soireux,  etc. 

234.  Formations  analogiques. 

1^  Dans  la  vieille  langue  -eus  (-os us)  se  substituait  parfois 
à  -eus,  de  -els;  on  trouve  ainsi  le  biforme  crueus — crueuse  pour 
l'uniforme  crueus  (crudelis),  cruel  (crudelem),  etc.;  voir 
II,  §  308). 

2^  Pour  la  langue  moderne,  -eux  s'est  substitué  à  -eur  dans 
faucheux  (araignée),  fileux,  gâteux,  hasardeux,  partageux,  piqueux, 
violoneux;  voir  II,  §  407. 

235.  Signification.  Le  suffixe  -eux  indique  ordinairement 
soit  une  qualité:  courageux,  chatouilleux,  lumineux,  soit  une 
abondance:  boueux,  laiteux,  mielleux^  tétonneuse.  Dans  le  parler 
vulgaire  actuel,  -eux  a  souvent  une  valeur  dépréciative  :  seize- 
mayeux  est  un  sobriquet  donné  aux  partisans  de  la  politique 
réactionnaire  du  16  mai  1877;  bonaparteux  s'emploie  dans  le 
jargon  des  adversaires  politiques  des  bonapartistes;  commu- 
neux s'est  dit  avant  communard;  partageux  est  le  terme  iro- 
nique dont  on  a  désigné  pendant  longtemps  les  socialistes. 

236.  EUSE,  forme  féminine  de  -eur  (§  230)  et  de  -eux 
(§232),  est  utilisé  comme  suffixe  pour  désigner  des  machines: 
batteuse,  balayeuse,  écrémeuse,  taqueuse,  moissonneuse. 

237.  I  remonte  à  -itus.  Cependant,  on  ne  retrouve  en  fran- 
çais aucun  des  adjectifs  latins  auritus,  crinitus,  pellitus, 
etc.;  on  a  au  contraire  conservé  -atus  (§  191)  et  -utus 
(§  293).  I  ne  s'emploie  régulièrement  que  dans  les  participes 
passés  (voir  II,  §  89). 


119 

238.  Formations  analogiques.  Grâce  à  une  analogie  pro- 
portionnelle, -i  peut  remplacer  -if,  -iz.  On  trouve  dans  la  vieille 
langue  chaiti,  joli,  naï,  tardi,  etc.  pour  chaitif,  jolif,  naïf,  tardif, 
etc.  et  apprenti,  arabi,  volti,  etc.  pour  apprentiz,  arabiz,  vottiz, 
etc.  De  ces  formes  nouvelles  on  crée  parfois  un  féminin  ana- 
logique :  naïe,  voltie  sont  tirés  de  naï,  volti.  Voici  quelques  dé- 
tails : 

Apprenti.  On  trouve  au  moyen  âge  apprentiz,  apprentis  et  au 
féminin  apprentice,  appreniisse  (comp.  apprentissage);  ces  formes, 
qui  supposent  un  dérivé  formé  à  l'aide  du  suffixe  -ici us, 
sont  probablement  les  primitives  (comp.  prov.  apprentitz,  esp. 
aprendiz).  A  côté  d'elles  on  rencontre  aussi  apprentif,  au  fé- 
minin apprentive,  dû  à  une  substitution  de  suffixe  (comp. 
§  254).  Le  masculin  apprentis  disparaît  au  moyen  âge;  au 
XVP  siècle  on  ne  trouve  que  apprenti  ou  apprentif;  l'hésita- 
tion entre  ces  deux  formes  subsiste  au  grand  siècle.  Pour  le 
féminin,  apprentisse  se  conserve  jusque  dans  le  XVIIP  siècle; 
Richelet  (1680)  donne  apprenti — apprentisse;  Furetière  (1690) 
donne  apprentif— apprentice.  Au  siècle  suivant  l'Académie  dans 
son  édition  de  1762  n'a  plus  que  apprenti — apprentie;  ce  der- 
nier féminin  se  trouve  déjà  dans  Boileau  (Satire  X,  v.  464). 

Bailli,  primitivement  baillif  La  forme  sans  f  s'emploie  dès 
le  XIII^  siècle;  le  féminin  analogique  baillie,  qu'on  trouve  déjà 
dans  Rustebuef,  n'a  jamais  pu  supplanter  bailliue  (cf.  Il, 
§  408). 

Joli.  Les  formes  primitives  sont  jolif— jolive ;  elles  ont  été 
remplacées  par  joli — jolie.  La  disparition  de  la  labiale  remonte 
au  moyen  âge.  Quant  aux  dérivés,  on  trouve  dans  la  vieille 
langue  jolivet  et  joliet,  joliveté  et  jolieté,  jolivement  et  joliement, 
joliver  et  jolier,  ajoliver  et  ajolier,  etc.  La  langue  moderne  a 
garôé  joliveté  et  enjoliver  qui  contrastent  avec  joliet,  joliment. 

239.  lAU,  qui  remonte  au  latin  .ellum,  est  une  forme  dia- 
lectale (I,  §  239,  Rem.)  de  -eaa  (§  192).  Nous  le  trouvons  dans 
un  tout  petit  nombre  de  mots: 

Affûtiau,  terme  patois  pour  affCiteau. 

Aiglian,  proprement:  petit  de  l'aigle,  maintenant  usité  comme 
terme  de  blason. 

Bouterian,  forme  dialectale  pour  boutereau;  quelques- un'i 
écrivent  à  tort  boiitriot. 


120 

Fabliau,  mot  littéraire  repris  à  la  langue  du  moyen  âge  (I, 
§83). 

Morvandiau.  Ex.:  Un  langage  barbare  de  bûcherons  mor- 
vandiaux  (Daudet,  Sapho,  p.  198).  On  écrit  plus  souvent  mor- 
vandiot.  Une  forme  morvandeau  existe  aussi. 

Morviau,  terme  d'argot  signifiant:   morve  ou  petit  morveux. 

Nobliau  (manque  à  Littré  et  au  Dict.  Gén.).  Ex.  :  Un  nobliau 
de  province  (P.  Bourget,  Complications  sentimentales,  p.  6). 

240.  IGE  ou  ISSE  remonte  au  latin  -ïcia:  nutrîcia  > 
nourrice.  A  cet  exemple  il  faut  ajouter  ceux  où  -ïcia  est  d'ori- 
gine analogique  et  remplace  -ïcia,  comme  dans  galbinïcia 
y  *galbinicia  }  jalnice  }  jaunisse;  peUïcia  >  *pellîcia  ) 
pelice  )  pelisse.  Quelques  mots  en  -isse  sont  les  féminins  des 
mots  en  -is  (-ici us),  étudiés  au  §  268,  coulisse,  jetisse,  métisse. 

241.  lE  est  un  suffixe  d'origine  gréco-latine  qui  se  trouve 
dans  la  formation  populaire  et  la  formation  savante.  Il  re- 
monte au  latin  -'ia  (cf.  §  133)  devenu  -ïa  sous  l'influence  du 
grec  -la.  Il  était  d'un  emploi  très  étendu  dans  la  langue  latine 
vulgaire,  et  il  se  retrouve  dans  toutes  les  langues  romanes. 

Remarque.  Le  suffixe  grec  -t'a  peut  aussi  se  modeler  sur  -ïa  comme  dans 
h/.y.Xiiaîa  >  ecclesïa  >  *eclësïa  >  église  (esp.  iglesia,  it.  chiesa).  Ce  phéno- 
mène assez  rare  s'observe  surtout  en  espagnol:  avjLapwvîa  >  zampona;  il  se 
trouve  aussi  dans  les  mots  savants  academia,  prosodia,  tragedia. 

242.  Le  suffixe  -ie  ne  s'ajoute  qu'aux  noms: 

1°  Dérivés  d'adjectifs:  courtoisie,  félonie,  folie,  jalousie,  ma- 
ladie, sotie.  On  n'emploie  plus:  briconie,  coardie,  estoutie,  fri- 
andie,  manantie,  etc. 

2^  Dérivés  de  noms  communs:  baronnie,  bourgeoisie,  cha- 
pellerie, châtellenie,  compagnie,  librairie,  mairie,  seigneurie,  ty- 
rannie. On  n'emploie  plus:  ancesserie,  bougrerie,  marchandie, 
mestrie,  paiennie,  prodomie,  renardie,  ribaudie,  etc. 

3^  Dérivés  de  noms  propres:  Normandie,  Picardie;  Lombar- 
die,  Germanie,  Russie,  Moscovie,  Bosnie,  Bulgarie,  Moldavie. 

243.  De  nos  jours  le  suffixe  -ie  est  à  regarder  comme  mort; 
il  a  été  supplanté  par  -erie  (§  393).  Le  groupe  malade— maladie 
n'a  plus   de  force   analogique;    de  rosse   on  ne  peut  tirer  que 


121 

rosserie,  jamais  rossie.  Cependant  il  est  possible  de  citer  quelques 
formations  isolées  créées  au  XIX^  siècle: 

Acrobatie,  tiré  à' acrobate  (dxQo^arog),  sur  le  modèle  de  aristo- 
crate— aristocratie,  démocrate — démocratie. 

Histrionie,  tiré  de  histrion;  ce  mot,  qui  est  dû  à  M.É.  Montégut, 
a  un  caractère  marqué  d'archaïsme. 

Offenbachie,  tiré  d'Offenbach;  la  forme  en  -ie  a  été  préférée 
probablement  pour  éviter  ce  qu'un  mot  tel  que  offenbacherie 
aurait  de  méprisant. 

Formations  analogiques. 

1^  JE  est  d'origine  analogique  dans  oublie,  altération  de 
l'ancien  oublée  qui  dérive  du  lat.  ecclés.  oblata,  proprement 
'chose  offerte'.  Poulie,  altération  de  l'ancien  poulée  (voir  Ro- 
mania,  XXVII,  485). 

2^  IE  a  été  supplanté  surtout  par  -erie  (§  394):  diablie  > 
diablerie,  rarement  par  -ise  (§  272):  marchandie  (encore  con- 
servé dans  les  parlers  locaux)  )  marchandise. 

244.  Signification. 

P  IE  s'emploie  d'abord  dans  la  dérivation  adjective,  surtout 
des  noms  abstraits,  et  désigne  la  manière  d'être,  la  qualité  du 
sujet:  courtoisie,  folie;  bonhomie,  maladie;  vfr.  estoutie  (bra- 
voure), renardie  (ruse  de  renard,  tromperie). 

2^  IE  adopte  ensuite  un  sens  collectif:  bourgeoisie,  com- 
pagnie, vfr.  ancesserie  (l'ensemble  des  ancêtres). 

Remarque.  Parfois  le  même  mot  réunit  les  deux  sens  indiqués.  Baronie 
désignait  1°  les  qualités  d'un  baron:  le  courage,  la  vaillance,  la  prodigalité, 
et  ensuite:  la  dignité,  seigneurie  et  terre  d'un  baron;  2®  l'ensemble  des  ba- 
rons: La  grant  baronie  Qui  iert  arivée  en  Sulie  (Ambroise,  La  Guerre  sainte, 
V.  3821  ;  cf.  V.  3063). 

3^  IE  désigne  enfin  des  pays:  Normandie,  Arabie,  etc.  No- 
tons, pour  la  vieille  langue:  paienie  (encore  dans  Rabelais), 
terre  des  païens. 

245.  lEME  est  un  suffixe  d'origine  obscure  qui  s'ajoute  aux 
nombres  cardinaux  pour  en  faire  des  nombres  ordinaux:  deux 
— deuxième,  etc.;  pour  les  détails,  voir  II,  §  493 — 494.  Par  ana- 
logie on  a  aussi  formé  quantième,  et  dans  le  parler  de  Frie- 
drichsdorf  (I,  §  86, 55,  Rem.)  on  trouve  lequelième  et  le  combien- 
tième. Sur  l'emploi  haplologi(|ue  de  -ième,  voir  §  35. 


122 

246.  lEN  est  une  forme  collatérale  de  -ain  (§  160)  qui  re- 
monte régulièrement  à  -anus  précédé  d'une  palatale:  deca- 
num  >  vfr.  deiien,  paganuni  >  vfr.  paiien,  *antianum  > 
ancien,  etc.  len  reproduit  aussi  -ianus  dans  les  mots  d'em- 
prunt :  1 1 a  1  i  a  n  u  s  >  italien,  etc. 

Orthoghaphh.  a  côté  de  -ien  on  trouve  -yen  après  une 
voyelle:  citoyen,  doyen,  moyen,  biscayen  (de  la  Biscaye),  troyen 
(de  Troyes),  etc. 

Formes  élargies.  A  côté  du  simple  -ien  on  trouve  -lien  dans 
Hugo — hugolien  (comp.  hugolâtre,  §  415,  et  hngolesque)  et  -sien 
dans  Savoisien. 

Formation  analogique.  Le  suffixe  -ien  a  remplacé  -enc 
(§  362)  dans  gardien,  originairement  gardenc.  Il  a  été  rem- 
placé par  -ain  dans  merrain  <  vfr.  merrien  (de  materiamen, 
tiré  de  m  a  te  ri  a). 

247.  Des  formations  nouvelles  en  -ien  se  rencontrent  dès  le 
moyen  âge;  citons  naturien  (savant,  naturaliste),  terrien  (ter- 
restre), tragédien  (poète  tragique),  victorien  (victorieux).  Pour- 
tant c'est  surtout  dans  la  période  moderne  qu'on  a  fait  un 
emploi  plus  étendu  de  ce  suffixe  qui  est  encore  productif. 

1*^  Dérivés  de  noms  communs:  collégien,  comédien,  faubou- 
rien (§  102),  grammairien,  historien,  monarchien,  paroissien, 
pharmacien,  théologien,  thermidorien,  tragédien,  tsarien  (»le  péril 
tsarien«),  etc.  Il  s'attache  surtout  aux  thèmes  des  adjectifs  la- 
tins en  -icus  désignant  des  personnes:  Académicien,  arith- 
méticien, dialecticien,  logicien,  mathématicien,  musicien,  platoni- 
cien, polytechnicien,  rhétoricien.  A  l'argot  de  Paris  appartiennent 
saumurien,  ulstérien. 

2^  Dérivés  de  noms  de  personne  :  Balzacien,  baudelairien,  bis- 
marckien,  byronien,  cartésien,  condillacien,  épicurien,  darwinien, 
garibaldien,  hégélien,  kantien,  lamartinien,  mac-mahonien,  napo- 
léonien, pétrarquien,  rabelaisien,  sarceyen,  shakspearien ,  wag- 
nérien.  On  parlait,  il  y  a  quelques  années,  du  régime  pléhwien. 

3^  Dérivés  de  noms  géographiques:  Algérien,  alsacien,  arté- 
sien, assyrien,  athénien,  autrichien,  babylonien,  bohémien,  cam- 
brésien,  forézien,  languedocien,  londonien,  norvégien,  nubien, 
olympien ,  parisien ,  prussien ,  savoisien  (cf.  §  128) ,  transva- 
alien,  etc. 


123 

248.  1ER  remonte  soit  à  -arium:  apiarium  >  vfr.  achier, 
columbarium  >  colombier,  virid(i) arium  >  vfr.  vergier; 
soit  à  la  terminaison  adjectivale  -arius:  adversarius  >  vfr. 
aversiers,  prim arius  >  vfr.  premiers.  Le  passage  de  -ario  à 
-ier  est  obscur.  On  suppose  que  -ario  a  subi  l'influence  du  suf- 
fixe germanique  -a ri  qui  offrait  une  forme  et  une  signification 
analogue:  grâce  à  r»umlaut«  -a ri  est  devenu  -er,  ce  qui  aurait 
amené  un  changement  pareil  du  suffixe  latin.  Telle  est  l'hypo- 
thèse ingénieuse,  mais  peu  probable,  de  MM.  Vising  et  Tho- 
mas sur  ce  que  ce  dernier  appelle  »un  court-circuit  entre  la 
phonétique  germanique  et  la  phonétique  romane*.  La  substitu- 
tion de  -er  à  -ario  remonte  au  moins  au  VHP  siècle;  c'est 
de  cette  époque  que  datent  les  formes  sorcerus  (pour  sor- 
ti arius)  dans  le  glossaire  de  Reichenau  (n°  385),  paner  à 
côté  de  pan  ario  dans  le  même  document  (n°  1094),  et  pome- 
rius  dans  les  gloses  du  ms.  latin  912  de  Saint-Gall. 

Orthographe.  Il  faut  observer  les  deux  points  suivants: 
P  Au  lieu  de  -ier  on  écrit  -yer  après  une  voyelle:  écuyer  < 
vfr.  escmer(s)  <  scutarius.  2^  Vers  la  fin  du  moyen  âge  -ier 
se  réduit  à  -er  après  c/i,  g  et  les  deux  liquides  mouillées  (I, 
§  193):  vfr.  archier  >  archer,  vfr.  hiichier  )  hucher,  vfr.  por- 
chier  )  porcher,  vfr.  vergier  )  verger,  vfr.  estrangier  )  étranger, 
vfr.  paillier  )  pailler,  etc.  On  écrit  potirtant  -ier  après  -ill-  dans 
aiguillier,  grosseillier,  joaillier,  marguillier,  médaillier,  quincaillier; 
-ier  se  réintroduit  aussi  après  ch  et  g,  grâce  à  une  sorte  de  re- 
composition: sergier  a  remplacé  serger  (vfr.  sergier),  et  J.-M. 
de  Hérédia  emploie  huchier  pour  hucher  (vfr.  huchier)  dans 
Les  Trophées  (voir  le  sonnet:  »Le  huchier  de  Nazareth«). 
Rappelons  aussi  pistachier  et  épongier  (créé  par  La  P'ontaine). 

P^ORMES  ÉLARGIES.  A  côté  du  simple  -ier  on  trouve  -dier  dans 
boyau — boyaudier  (§  88),  et  -tier  dans  bijou — bijoutier  (§  89). 

249.  Le  suffixe  -ier  (-er)  a  été  très  productif  en  français.  Il 
sert  à  former  des  adjectifs  et  des  substantifs.  Dans  la  langue 
moderne,  il  ne  s'attache  qu'aux  noms,  dans  l'ancienne  langue 
il  s'attachait  aussi  aux  verbes: 

1^  Dérivés  d'adjectifs:  grossier,  journalier,  plénier. 
2^  Dérivés   de   substantifs:   abricotier,   audiencier,   banquerou- 
tier,  banquier,  boursier,  bouvier,  braconnier,  brandevinier,  briga- 


124 

dier,  caissier,  chamelier,  chaudronnier,  envier,  damier,  etc.  Les 
formations  de  ce  genre  sont  extrêmement  nombreuses,  et  on 
en  crée  incessamment.  En  voici  quelques  exemples  récents: 
Animalier,  baissier,  boulevardier,  boursicotier,  centrier,  conféren- 
cier, coupletier,  échoiier,  haussier,  outrancier  (partisan  de  la 
guerre  à  outrance;  créé  pendant  la  guerre  de  1870 — 1871). 

Cas  isolé.  Tombelier  est  un  dérivé  de  tombereau;  on  écrivait 
au  XVP  siècle  tombellier  qui  paraît  être  une  forme  assimilée 
de  '-'tomberlier  (sur  ri  )  //,  voir  I,  §  362),  contraction  de  tom- 
berelier. 

3^  Dérivés  de  verbes.  On  trouve  dans  la  vieille  langue  des- 
tourbier  (trouble),  devancier,  encombrier  (embarras),  recovrier 
(remède).  La  langue  moderne  n'en  a  conservé  que  devancier. 

250.  Formations  analogiques. 

1^  1ER  a  remplacé  -er  (§  212)  dans  bachelier,  bouclier,  chan- 
delier, collier,  écolier,  irrégulier,  pilier,  régulier,  sanglier,  séculier, 
soulier,  singulier.  Il  est  aussi  d'origine  analogique  dans  les  mots 
suivants: 

Baudrier,  altération  de  baudrei  <(  aha.  balderich. 

Daintier,  mauvaise  orthographe  pour  daintié  <  vfr.  deintié 
(dignitatem). 

Davier,  altération  de  daviet,  dim.  de  david  (David);  cette 
dernière  forme  était  encore  usitée  au  XVI P  siècle  (voir  Roma- 
nia,  XXXIII,  344). 

Écubier,  altération  de  l'esp.  escoben;  on  trouve  escouve  au 
XVP  siècle,  équibien  dans  Nicot  (1606)  et  enfin  écubier  à  la  fin 
du  XVIP  siècle. 

Étrier  a  remplacé  l'ancien  estrieu  (estreu),  mot  d'origine  ger- 
manique. La  forme  étymologique  s'est  conservée  dans  le  mot 
technique  étrieu,  étai  transversal  entre  deux  maisons. 

Flibustier  <  holl.  vrijbuiter. 

Ménétrier,  autrefois  menestrier  (Joinville,  §  284),  altération  de 
ménestrel  qui  remonte  au  bas-lat.  minister(i)alis  (dont  la 
forme  savante  est  ministériel). 

Pourpier  <  lat.  pullipedem  (voir  I,  §342,529;  II,  §  232,i). 

2^  1ER  a  été  supplanté  par  -et  dans  pichet,  autrefois  pichier. 
L'encensoir  s'appelait  au  moyen  âge  encensier. 


125 

251.  Signification.  On  forme  à  l'aide  de  -ier  soit  des  substan- 
tifs, soit  des  adjectifs. 

1^  1er  (<  -arius)  désigne  une  personne  agissante  qui  pro- 
duit, fabrique,  soigne  l'objet  indiqué  par  le  radical,  ou  qui  a 
avec  lui  un  autre  rapport  quelconque:  sellier,  chocolatier,  che- 
misier, gantier,  chapelier,  argentier,  bijoutier,  préfacier,  fermier, 
jardinier,  barbier,  animalier,  greffier,  geôlier,  prisonnier,  rentier, 
etc.  Au  moyen  âge,  un  portefaix  s'appelait  collier,  proprement: 
un  homme  qui  porte  un  fardeau  sur  le  col. 

Remarque.  Les  exemples  cités  montrent  que  les  sens  de  -ier  sont  très  variés. 
Voiturier  est  celui  qui  conduit  une  voiture,  carrossier  est  celui  qui  fabrique 
des  cai rosses;  armurier  est  celui  qui  forge  ou  vend  des  armures,  tandis  que 
cuirassier  est  celui  qui  porte  la  cuirasse.  Dans  ces  cas,  comme  l'a  dit  M.  Mi- 
chel Bréal,  l'esprit  devine  ou  sait  par  tradition  des  rapports  qui  ne  sont 
nullement  exprimés  par  les  mots,  et  notre  entendement  achève  ce  qui  est 
seulement  indiqué  par  le  langage.  Nous  voyons  parfois  -ier  prêter  aux  dé- 
rivés des  sens  tout  contraires;  ainsi  prisonnier  est  un  homme  détenu  en 
prison,  mais  geôlier  un  homme  qui  garde  les  détenus.  Parfois  le  même  mot 
présente  des  sens  contraires.  Ainsi  au  moyen  âge  almosniers  signifiait  celui 
qui  recevait  l'aumône,  aussi  bien  que  celui  qui  la  distribuait,  le  mendiant 
et  le  bienfaiteur.  Exemples:  Damz  Alexis  en  lodet  Deu  del  ciel  D'icez  sons 
sers  cui  il  est  almosniers  {St.  Alexis,  v.  123).  Li  roys  fu  si  larges  aumosnier, 
que  partout  la  ou  il  aloit  en  son  royaume,  il  fesait  donner  aus  povres 
églises,  a  maladeries,  etc.  (Joinville,  §  690).  La  langue  moderne  n'a  gardé  de 
ce  mot  que  le  sens  actif,  celui  qui  fait  l'aumône.  L'ancien  provendier  pré- 
sente un  parallèle  curieux.  Le  plus  souvent  il  désigne  celui  à  qui  on  four- 
nit sa  »provende«  (II,  §  2,  Rem.),  sa  nourriture,  mais  on  le  trouve  aussi  au 
sens  contraire;  Comp.  le  doublet  savant,  prébendier,  celui  qui  jouit  d'une 
prébende. 

2^  1er  «  -arium)  désigne  le  réceptacle,  le  lieu  où  est  con- 
tenu le  primitif:  bourbier,  chéquier,  colombier,  encrier,  grenier, 
guêpier,  herbier,  huilier,  œufrier,  plumier,  poivrier,  sablier,  sala- 
dier, sucrier,  etc.  Le  mot  almosnier  dont  nous  avons  signalé 
ci-dessus  deux  significations  dans  la  vieille  langue  en  avait 
encore  une  troisième;  il  s'employait  aussi  pour  désigner  un 
vase  destiné  à  recueillir  les  aumônes;  on  dit  maintenant  aumô- 
nière  (§  252). 

8^  Ier  forme  des  adjectifs  désignant  des  qualités:  buissonnier, 
chicanier,  coutumier,  dépensier,  façonnier,  hospitalier,  fruitier, 
moutonnier,  ordurier,  princier,  printanier,  routier,  viager,  etc. 
Plusieurs    de   ces   adjectifs   peuvent  aussi   fonctionner  comme 


12() 

(les  substantifs:  chicanier,  dépensier,  fruitier,  routier.  L'emploi 
difYérent  est  parfois  accompagné  d'une  signification  différente: 
perruquier  veut  dire  maintenant  fabricant  de  perruques,  et, 
par  extension,  coiffeur;  au  XVP  siècle,  Apollon  est  appelé  le 
Dieu  perruquier  (R.  Garnier,  Hippolyte,  v.  151),  c.  à  d.  aux 
cheveux  bouclés.  Le  groupe  suivant  se  compose  d'adjectifs 
devenus  substantifs. 

Remarque.  Dans  la  vieille  langue  on  avait  aussi  des  dérivés  en  -ier  tirés 
de  substantifs  abstraits  désignant  des  qualités,  des  faits  moraux;  on  disait 
au  moyen  âge  droiturier  (juste,  légitime),  loseiigier  (flatteur),  mensongier 
(menteur),  etc.    Cette  manière   de  former  des  qualificatifs  a  été  abandonnée. 

4^  1er  (-a  ri  us)  désigne  un  arbre,  surtout  un  arbre  fruitier: 
Abricotier,  amandier,  arbousier,  bananier,  cerisier,  citronnier,  co- 
cotier, cognassier,  dattier,  fraisier,  framboisier,  merisier,  mûrier, 
noisetier,  palmier,  pêcher,  poirier,  pommier,  prunier,  rosier,  sa- 
goutier,  etc.  Ajoutons  le  mot  fablier  appliqué  par  madame  de 
Bouillon  à  La  Fontaine;  par  cette  expression  elle  donnait  à 
entendre  que  le  poète  produisait  naturellement  ses  fables 
comme  le  pommier  ses  pommes. 

Remarque.  On  peut  signaler  des  mots  qui  rentrent  dans  toutes  les  caté- 
gories citées.  Fruitier  désigne  celui  qui  fait  commerce  de  fruits,  le  local  où 
l'on  garde  le  fruit  et  le  lieu  qui  est  planté  d'arbres  à  fruits;  c'est  aussi  un 
adjectif  (»qui  produit  du  fruit»):  un  arbre  fruitier,  un  jardin  fruitier,  et 
autrefois  on  l'a  employé  substantivement  pour  arbre  fruitier.  Charbonnier 
désigne  celui  qui  fait  le  charbon  et  celui  qui  le  vend,  en  outre  le  coin  de 
la  maison  où  l'on  met  le  charbon,  et  le  bâtiment  qui  le  transporte  pour  le 
ravitaillement  des  navires.  Poulailler  est  un  marchand  de  volailles  et  l'en- 
droit où  l'on  élève  de  la  volaille;  autrefois  il  désignait  l'homme  qui  a  le 
soin  de  la  volaille  ou  un  rôtisseur  et  la  voiture  du  marchand  d'ceufs. 

252.  1ÈRE,  forme  féminine  de  -ier  (§  248):  premier — pre- 
mière, fruitier — fruitière.  Elle  sert  aussi  à  former  des  dérivés 
nouveaux,  des  noms  de  choses,  désignant  ordinairement  le 
lieu  où  est  contenu  le  primitif.  On  peut  distinguer  les  groupes 
suivants  : 

1^  Un  réceptacle  :  aumonière,  cafetière,  grenadière,  sablonnière, 
sabUère,  salière,  salpétrière,  saucière,  soupière,  tabatière,  théière, 
etc.  Ajoutons  à  part  des  mots  comme  croupière,  genouillère, 
jarretière,  jambière,  têtière,  etc. 

2^  Un  lieu  habité:  capucinière,  fourmilière,  gentilhommière, 
grenouillière,  jésuitière,  renardière,  taissonnière,  etc. 


127 

3^  Un  lieu  semé  et  planté:  chenevière,  houhtonnière,  luzer- 
nière,  melonnière,  pépinière,  rizière,  sapinière,  etc.  On  a  dit  autre- 
fois linière  (plantation  de  lin)  et  vessière. 

4^  Des  ustensiles  divers:  brassière,  canardière,  chatière^  corde- 
lière, souricière,  tourtière. 

253.  IF  remonte  au  latin  -ivus:  nativum  >  naïf,  capti- 
vum  >  chétif.  Les  dérivés  nouveaux  ne  sont  pas  très  nom- 
breux; -if  s'attache  en  français  —  comme  -ivus  en  latin  — 
aux  thèmes  verbaux  et  aussi  aux  thèmes  nominaux. 

P  Dérivés  de  thèmes  verbaux:  pensif,  poussif,  rétif,  tardif, 
etc.  Sont  obsolètes':  aidif  (secourable),  boisif  (trompeur),  meslif 
(querelleur),  trenchif  (décidé),  etc. 

2^  Dérivés  de  noms:  craintif,  fautif,  hâtif,  maladif,  sportif, 
etc.  A  la  vieille  langue  appartiennent:  aisif,  bontif,  fustif  (de 
bois),  lentif,  plenteïf  (fertile),  poesteïf  (puissant),  volentif,  etc. 

La  langue  savante  qui  possède  -ivus  sous  la  même  forme 
que  la  langue  populaire:  captivum  >  captif,  activum  }  ac- 
tif, collectivum  >  collectif,  etc.,  se  sert  assez  souvent  de  ce 
suffixe  dans  les  formations  nouvelles:  ampli ficatif ,  annulatif, 
contractif,  coopératif,  dispersif,  exportatif,  extensif,  liquidatif,  nor- 
matif, etc. 

Cas  isolés.  Suggestif  vient  de  l'anglais  suggestive.  L'ori- 
gine de  bélif  (ou  bélic)  est  inconnue. 

254.  Formations  analogiques. 

1"  Dans  plusieurs  mots,  -if  n'est  pas  d'origine  étymologique. 
Il  remplace  surtout  -is. 

Adventif  remplace  l'ancien  adventiz,  adventis  (de  adventi- 
cius,  §  268);  ce  mot,  qui  aurait  dû  rester  indécHnable,  a  de 
bonne  heure  été  ramené  au  type  vis— vif  (voir  II,  §  266,1,2); 
on  trouve  adventif  déjà  au  XI IP  siècle  (Horn,  v.  2434),  mais 
Peiresc  emploie  encore  l'ancienne  forme:  bien  adventis. 

Juif,  pour  jui(e)u,  a  été  tiré  du  féminin  juive  (II,  §  381). 
De  la  même  manière  s'explique  l'ancienne  forme  antif,  tiré  de 
antive  (an tiqua). 

Massif  remplace  l'ancien  massiz,  massis;  comp.  adventif. 

Métif,  doublet  de  métis,   s'explique  comme  adventif  (la  con- 


128 

servation  et  la  prononciation  irrégulière  de  métis  paraissent 
dues  à  l'influence  de  l'esp.  mestizo).  Notons  aussi  les  doublets 
gélif  et  gélis,  tirés  de  geler  (pourtant  leur  é  étonne);  pour  pon- 
cif  Richelet  (1680)  donne  poncis. 

Oisif,  doublet  de  oiseux  (otiosum),  qui  présente  un  change- 
ment de  suffixe  curieux.  A  côté  de  oisif  (huisif)  on  trouve  au 
moyen  âge  oisdif  (huisdif). 

Plumitif  autrefois  plumetis  (encore  dans  Cotgrave),  dér.  de 
l'ancien  verbe  plumeter. 

2^  Dans  quelques  mots  -if  a  disparu  :  apprentif  (encore  dans 
Furetière)  )  apprenti  (déjà  dans  R.  Estienne,  1539),  baillif  > 
bailli;  brandif  >  brandi;  jolif  )  joli  (comp.  §  238). 

255.  IL  remonte  au  neutre  latin  -ile,  qui  désigne  un  lieu 
de  séjour  (pour  les  animaux)  ou  un  dépôt.  Nous  trouvons  ce 
suffixe  dans  foenile  )  fenil  et  dans  quelques  formations  pos- 
térieures :  *  c  a  n  i  1  e  >  chenil,  •''  cohortile  >  courtil,  "^  m  a  n  s  i  o- 
nile  >  maisnil  )  ménil,  "^  verve  ci  le  )  bercil.  Comme  création 
française  on  ne  saurait  citer  que  fournil,  tiré  du  vfr.  forn 
(four). 

256.  IL  (autrefois  prononcé  [iJi\)  remonte  au  latin  -icuius, 
-iculum;  *coniculus  >  vfr.  conil,  periculum  )  péril,  ou  à 
-ilium:  lat.  pop.  *usetilium  (tiré  de  -^u  s  et  ile,  altération  de 
ut  en  si  le)  )  vfr.  ostil  >  outil.  Ce  suffixe,  auquel  il  faut  attri- 
buer une  signification  diminutive,  est  peu  représenté  en  fran- 
çais; aussi  les  dérivations  nouvelles  sont-elles  très  rares:  cou- 
td,  de  coûte  (autre  forme  de  couette;  cf.  I,  §  158,  i,  Rem.); 
doisil  (ou  dousil,  douzil),  du  vfr.  dois,  source;  grésil,  de  grès. 

257.  ILLE.  Sur  l'origine  et  le  développement  de  ce  suffixe 
il  faut  remarquer  les  points  suivants: 

P  Le  suffixe  -ille  dérive  du  latin  -ïcula:  canicula  >  che- 
nille, clavicula  )  cheville,  cratïcula  )  grille.  Il  remplace 
souvent  -îcula  en  latin  vulgaire:  anatïcula  )  ■•'anatïcula 
)  aneïlle  )  anille;  falcïcula  >  *falcîcula  )  faucille;  lenti- 
cula  >  *lenticula  )  lentille;  vitïcula  >  viticula  >  vrille 
(I,  §  504,  i).  Dans  quelques  cas,  -ille  remonte  à  -ilia:  vola- 
til i  a   >  vfr.  voleïlle. 


129 

20  II  se  trouve  par  analogie  dans  un  certain  nombre  de 
mots  étrangers  empruntés  au  latin,  à  l'italien,  à  l'espagnol,  au 
provençal.  Mots  latins:  anguille  (anguilla);  armille  (ar- 
milla),  camomille  (camomiUa),  pastille  (pastillus).  Mots 
espagnols:  cédille  (cedilla),  cochenille  (coch  en  il  la),  coro/îzV/e 
(coronilla),  écoutille  (escotiUa),  estampille  (estampilla), 
grenadille  (g  r  e  n  a  d  i  1 1  a),  jonquille  (j  u  n  q  u  i  1 1  o),  mantille  (m  a  n- 
tilla),  peccadille  (peccadillo),  quadrille  (quadrilla,  cuar- 
tillo.  cuadrillo),  résille  (I,  §  525,4),  vanille  (va initia),  vé- 
tille (vetilla?).  Mots  italiens:  cannetille  (cannettiglia), 
pointillé  (puntiglio),  torpille  (torpilla).  Mot  provençal:  crous- 
tille (croustilho). 

258.  Les  mots  français  créés  à  l'aide  du  suffixe  -ille  sont 
assez  nombreux.  Ils  présentent  souvent  un  sens  diminutif  et 
sont  généralement  tirés  de  substantifs,  rarement  d'adjectifs  ou 
de  verbes:  Barbille,  héatilles,  béquille  (de  bec),  brandille  (de 
brandir),  brindille  (de  brin),  broutille,  bûchille,  bulbille,  char- 
mille, chenille  (de  chien),  coudrille,  croisille,  effondrilles  (pour 
fondrilles,  de  fondre),  fibrille,  flotille,  jantille,  larmille,  ormille, 
pacotille  (de  paquet?). 

259.  Formes  analogiques. 

1^  Aux  formes  adaptées  citées  ci-dessus  §  257,  2  il  faut  en- 
core ajouter  les  suivantes: 

Bastille,  orthographe  fautive  pour  bastie  (I,  §  351,  2). 

Coquille  de  conchylium;  le  suffixe  -ille  remplace  dès  les 
plus  anciens  textes  la  terminaison  latine;  comp.  aussi  I,  §  329. 

Mandille  de  l'esp.  m  and  il. 

Souquenille,  orthographe  fautive  pour  souquenie  (I,  §  20, 4, 
351,2). 

2^  Ille  a  été  remplacé  par  -aille  dans  volaille  dont  la  plus 
vieille  forme  est  voleïlle  <  volatilia. 

260.  IN,  suffixe  commun  à  la  langue  populaire  et  à  la 
langue  savante,  remonte  à  -inus:  divinus  >  devin,  divin  (cf. 
I,  §  151,  Rem.);  nous  le  retrouvons  aussi  dans  les  substantifs 
consobrinus  >  cousin  (cf.  I,  §  519,  1);  coxinus  >  vfr.  cois- 
sin  >  coussin;  *mansuetinus  (de  mansuetus)  >  mâtin; 
molinum   >  moulin;    *punicinum    (pour    pullicenum)  > 

9 


130 

poucin,  poussin.  Dans  d'autres  mots,  -in  remonte  indirectement 
au  latin  -inus  par  la  terminaison  italienne  -ino:  biscottino  > 
biscottin,  cappucino  y  capucin;  fiorino  >  florin^  fort  ino  > 
fortin,  etc. 

Formes  élargies.  A  côté  du  simple  -in,  on  trouve  -elin  dans 
gosse — gosselin  et  -tin  dans  bureau — bureautin  ;  maquereau — ma- 
quereautin,  écrit  macrotin ;  tableau  —  tableautin;  Soute — souletin 
(Loti,  Figures  et  choses,  p.  136)  ;  comp.  §  89.  Diablotin  est  un 
dérivé  de  diablot  (§  287). 

261.  Le  suffixe  -in,  qui  autrefois  a  été  assez  peu  productif, 
est  devenu  plus  employé  dans  la  langue  moderne.  Il  s'attache 
surtout  aux  thèmes  nominaux  (enfantin,  blondin),  rarement  aux 
thèmes  verbaux  (brassin,  craquelin,  galopin,  gratin,  trottin);  il 
donne  naissance  à  des  adjectifs  et  à  des  substantifs: 

1^  Adjectifs:  Azurin,  chevalin,  crépusculin,  cristallin,  diaman- 
tin,  serpentin,  zéphyrin,  etc.  Les  poètes  modernes,  qui  aiment 
beaucoup  les  adjectifs  en  -in,  en  ont  créé  plusieurs  comme 
p.  ex.  aprilin  (Vielé-Griffin,  Poèmes  et  poésies,  p.  111).  Ajoutons 
l'expression  :  un  ton  galantin. 

2^  Substantifs.  Dérivés  de  noms:  agassin,  ballotin,  casaquin, 
calotin,  chevrotin  (dér.  de  chèvre'^),  diablotin,  galantin,  gorgerin 
(dér.  de  gorgère),  harpin,  ignorantin,  oursin,  plaisantin,  picotin 
(dér.  de  l'anc.  fr.  picot),  rondin,  turbotin,  etc. 

262.  Signification.  Dans  la  langue  latine  vulgaire  notre  suf- 
fixe présentait  surtout  un  sens  diminutif.  Exemples:  Jacet 
sub  hoc  signino  dulcissima  Secundilla  (G.  L  L.  XII,  874). 
Ce  sens  s'est  conservé  surtout  en  italien:  signorino,  donnina, 
tavolino,  carino,  etc.  Il  s'est  presque  perdu  en  français;  les 
mots  de  la  langue  moderne  qui  ont  une  valeur  diminutive, 
sont  presque  tous  empruntés  de  l'italien.  Rappelons  pourtant 
qu'au  moyen  âge,  -in  avait  conservé  des  restes  de  sa  valeur 
primitive;  on  trouve  par  exemple  poy m/?  (Saint  Alexis,  v.  100). 
Voici  maintenant  quelques  remarques  sur  la  signification  qu'on 
attache  de  nos  jours  à  -in. 

1^  Dans  les  adjectifs  il  désigne  a)  la  manière:  aquilin,  en- 
fantin, poupin,  sauvagin,  serpentin;  b)  la  matière:  aimantin, 
argentin,  sucrin ;  c)  origine:  angevin,  limousin,  messin,  péri- 
gourdin,  poitevin,   alpin,  flandrin,  florentin.    On  trouve  encore 


131 

dans  la  vieille  langue,  acerin,  alabastrin  (R.  Garnier),  ferrin, 
fraisnin,  fustin,  ivoirin,  martrin,  orin,  pomprin,  sorin,  enterin,  etc. 

2^  Il  désigne  des  êtres  vivants,  surtout  des  personnes:  ga- 
lopin, cabotin,  grondin,  rapin,  trottin;  ajoutons  aussi  rampin  et 
quelques  noms  propres:  Antonin,  Baptistin,  Bernardin,  Catin, 
Colin,  Grondin,  Jeannin,  Joséphin,  Pescalin,  Paulin,  Perrin,  Per- 
rotin,  Renaudin,  Roussin,  Simonin. 

S^  Il  désigne  des  objets:  casaquin,  gorgerin,  harpin,  rondin, 
coussin,  moulin.  Étoupin  et  gourdin  sont  italiens;  grappin  est 
probablement  provençal. 

4^  Il  a  une  valeur  diminutive  dans  ballotin,  blondin,  bureau- 
tin  (§  89,  4),  chevrotin,  diablotin,  fûin,  maquereautin  ou  macro- 
tin  (apprenti  souteneur),  oursin,  routin,  titin,  turbotin.  Notons 
aussi  biscotin  (emprunté  de  l'it.  biscottino)  et  gazetin  (dér. 
de  gazette,  à  l'imitation  de  l'it.  gaz  et  ti  no). 

5^  Il  a  une  valeur  péjorative:  ignorantin,  calotin,  galantin, 
plaisantin,  régentin. 

263.  Changement  de  suffixes. 

P  Dans  plusieurs  mots,  -in  n'est  pas  étymologique.  Il  rem- 
place -un  dans  aubin,  égrin,  autrefois  aubun  (albumen), 
aigrun  (comp.  it.  agrume)  et  -ain  dans  alevin,  cavin,  funin,  vfr. 
*alevain,  cavain,  funain  (funamen);  comp.  provin  pour  pro- 
vain (propaginem). 

2^  D'un  autre  côté  -in  a  été  supplanté  par  -ain  dans  acé- 
rain,  hautain,  nourrain,  autrefois  acerin,  hautin,  nourrin  (voir 
§  163). 

3^  Quelques  mots  présentent  simultanément  deux  formes; 
on  trouve  en  vfr.  parrain  et  parrin,  marraine  et  marrine,  pou- 
lain et  poulin.  Voici  quelques  remarques  de  détails: 

Marrine  (esp.,  it.  madrina,  prov.  mairina  <(  lat.  matrina) — 
marraine  (<  lat.  *matrana).  Les  deux  formes  s'employaient 
sans  distinction  au  moyen  âge;  marrine  qui  disparaît  dans  la 
langue  littéraire  devant  marraine,  existe  encore  dans  les  patois. 
Un  chant  de  quête  du  pays  de  Caux  commence  ainsi:  Ha- 
guignette  à  ma  marrine,  Donnez  des  œufs  et  de  la  frine  {Al- 
manach  des  traditions  populaires,  II,  90). 

Parrin  (it.  patrino,  esp.  padrino,  prov.  pairin  <  lat.  patri- 
nu s)— parrain  «  lat.  *patranus).  Au  moyen  âge  on  se  ser- 
vait  indistinctement  des  deux   formes,   parfois  dans  le  même 

9* 


132 

texte  {Amis  et  Amiles,  v.  24  et  v.  2499);  après  le  XVP  siècle,  on 
n'emploie  plus  que  parrain.  Pour  les  dérivés,  parrinage  dis- 
paraît devant  parrainage  (par rénage). 

Poulain;  à  côté  de  cette  forme  on  a  créé  (au  XVP  siècle?) 
poulin,  d'où  pouliner,  poulinière  et  autrefois  poulinage,  pouline- 
ment  (cf.  I,  §  213;  II,  §  399). 

4^  Une  certaine  hésitation  entre  -in  et  -ain  s'observe  aussi 
dans  les  adjectifs;  on  trouve  parfois  au  moyen  âge  à  côté  de 
hautain,  sousterrain,  hautin  {Auberi  de  Bourg oin,  201,9)  et  sous- 
terrin  (Ogier  le  Danois,  v.  7758;  Aucassin  et  Nicolete,  11,  e). 
Dans  la  langue  moderne  plusieurs  dérivés  toponymiques  pré- 
sentent des  formes  doubles  en  -ain  et  -in:  bayeusain  -in, 
belfortain  -in,  médocain  -quin,  mussipontain  -in. 

264.  INE  remonte  au  latin  -ina:  vie  in  a  >  voisine,  co- 
quina  >  cuisine  (I,  §  411,4),  collina  >  colline,  radicina  > 
racine,  etc.  Le  latin  vulgaire  offre  plusieurs  créations  nou- 
velles: *narina  (de  narem)  )  narine,  *pectorina  (de  pec- 
tore)  >  poitrine,  etc.  En  français,  le  domaine  de  -ine  tout  en 
s'élargissant  reste  pourtant  assez  restreint.  Ce  n'est  que  de  nos 
jours  qu'il  a  pris  une  extension  plus  grande. 

Cas  isolés.  Dans  plusieurs  mots,  -ine  est  d'origine  italienne  : 
cantina  >  cantine,  mandolina  )  mandoline,  mussolina  > 
mousseline,  sur d ina  )  sourdine. 

Remarque.  Dans  la  vieille  langue  on  trouve  un  certain  nombre  de  mots 
en  -ine  dérivés  de  radicaux  germaniques;  ce  sont  surtout  des  noms  abstraits: 
aatine  (défi,  querelle),  giierpine  (délaissement),  haïne  (devenu  haine;  I,  §  275), 
plevine  (garantie),  saisine,  et  dans  ces  mots  -ine  s'est  peut-être  substitué  à 
une  terminaison  germanique  (-eins).  Dans  bahine,  bruine,  gnaudine  au  con- 
traire, où  -ine  a  sa  signification  ordinaire,  il  est  sans  doute  d'origine  latine. 

265.  La  terminaison  -ine  sert  de  féminin  aux  mots  en  -in 
(cf.  Il,  §  399).  C'est  aussi  un  suffixe  indépendant  qui  s'unit 
aux  noms. 

P  Dérivés  de  noms  communs:  archine,  bâtine,  bécassine,  bot- 
tine, capucine,  chopine,  javeline  (de  javelot;  cf.  §  78),  routine, 
vermine,  etc. 

Remarque.  Chaumine  et  terrine  sont  primitivement  des  adjectifs;  on  a  dit 
autrefois  une  maison  chaumine  et  peut-être  une  marmite  terrine  (on  trouve 
au  moyen  âge  un  terrin  =  un  pot  de  terre). 


133 

2^   Dérivés  de  noms  de  personnes: 
Tontine,  dér.  de  Tond  (son  brevet  est  de  1653). 
Turgotine,   dér.  de  Turgot;   nom  des  voitures  établies  par  le 
célèbre  ministre. 

Remarque.  Berline  est  un  dérivé  du  nom  de  ville  Berlin.  —  Praline  est 
un  dérivé  du  nom  du  maréchal  du  Plessis-Praslin,  dont  le  cuisinier  inventa 
ce  bonbon. 

3^  Dérivés  de  noms  géographiques:  Alpes — Alpines  (au  Midi 
de  la  France  on  les  appelle  Alpilles;  voir  G.  Paris,  Penseurs  et 
poètes,  p.  65). 

266.  La  langue  mi-savante  de  l'industrie  fait  de  nos  jours 
un  large  emploi  de  -ine  qui  s'unit  non  seulement  aux  mots 
populaires  mais  aussi  aux  mots  savants,  grecs  et  latins,  et 
aux  mots  étrangers.  Dans  la  terminologie  technique  -ine  dé- 
signe: 

P  Des  produits  chimiques  :  Albumine,  abricotine,  amygdaline, 
aniline,  atropine,  benzine,  caféine,  camphorine,  caséine,  dextrine, 
gélatine,  glycérine,  lactine,  lanoline,  margarine,  morphine,  narco- 
tine,  nicotine,  stéarine,  strychnine,  vanilline,  vaseline,  etc.  Ces 
mots  ont  été  formés  sur  résine,  térébenthine,  etc. 

2^  Des  parfumeries:  amandine,  bandoline,  brillantine,  corne- 
line,  onguline,  poncine,  violettine. 

Remarque.  Nestor  Roqueplan  a  créé  le  mot  parisine. 

3^  Des  étoffes  :  Castorine,  crinoline,  crépeline,  molesquine,  taffe- 
taline,  tartaline,  veloutine.  Ces  mots  ont  été  formés  sur  mousse- 
line, lustrine,  percaline. 

4^  Des  appareils:  La  machine  à  écrire  munie  de  signes 
phonétiques  a  été  nommée  la  sonoscribine. 

267.  Formation  analogique.  Il  y  a  eu  échange  entre  -aine 
et  -ine  dans  aveline  <  vfr.  avelaine  <  lat.  nucem  abellanam. 
Sur  marrine  pour  marraine,  voir  §  263. 

268.  IS,  au  moyen  âge  IZ,  remonte  au  latin  -icius:  facti- 
cius  >  vfr.  faitiz  >  faitis;  mesticius  >  vfr.  mestiz  >  mes- 
tis  >  métis;  tracticius  >  vfr.  traitiz.  A  côté  de  -iz  on  trouve 
dans  la  vieille  langue  -eïz  employé  d'abord  dans  les  dérivés 
de  la  première  conjugaison:  leveïz  (comp.  prov.  levadiz,  esp. 
levadizo,  it.  levaticcio),  puis,  par  extension,  dans  les  autres  dé- 


134 

rivés:  fereïz  (de  ferir),  abateiz  (de  abatre),  etc.;  -efz  devient -e/s, 
d'où  régulièrement  -is  (I,  §  267):  leveïz  >  leveïs  >  levis;  abateïs 
>  abatis;  logeïs  >  logis. 

269.  Le  suffixe  latin  -ici us  s'ajoutait  au  radical  des  parti- 
cipes; en  français  -is  s'ajoute  également  aux  thèmes  verbaux, 
mais  on   trouve   aussi  quelques  dérivés  de  thèmes  nominaux: 

P  Dérivés  de  thèmes  verbaux:  Abatis,  arrachis,  coulis,  crique- 
tis,  croquis,  culbutis,  doublis,  élongis,  éboulis,  fondis,  fouillis, 
gâchis,  galis,  gazouillis,  glacis,  hachis,  lancis,  roulis,  viandis,  etc. 
A  la  langue  du  moyen  âge  appartiennent  foulis,  tortiz  (cierges 
réunis  en  faisceau). 

2^  Dérivés  de  thèmes  nominaux:  caillebotis,  champis,  châssis, 
gaulis,  grènetis  (de  grenelle;  a  remplacé  l'ancien  greneïs,  de  grain), 
lattis.    A  la  langue  du  moyen  âge  appartient  herbis  (herbage). 

La  force  créatrice  de  ce  suffixe  n'est  pas  encore  éteinte;  ci- 
tons comme  formations  récentes  cailloutis,  de  caillou  (§  89, 12) 
et  chuchotis,  enlacis,  frôlis  (souvent  employés  par  les  poètes 
modernes;  voir  p.  ex.  St.  Merrill,  Poèmes,  1887—1897,  p.  75); 
on  trouve  dans  J.-K.  Huysmans  grouillis—grouillos  (Les  sœurs 
Vatard,  p.  131). 

270.  Signification.  En  latin  -ici us  formait  des  adjectifs;  en 
français  -iz,  -is  forme  des  adjectifs  et  surtout  des  substantifs. 
La  langue  moderne  ne  connaît  que  quelques  adjectifs  isolés 
en  -is:  vent  coulis,  pont-levis,  bois  taillis  (et  œuf  couvi,  autrefois 
couvis);  en  dehors  de  ces  cas,  les  mots  en  -is  sont  toujours 
des  substantifs. 

1^  Dès  les  plus  anciens  textes,  notre  suffixe  sert  à  former 
des  noms  abstraits  à  thème  verbal:  abateïz,  l'action  d'abattre; 
vfr.  fereïz,  l'action  de  férir;  vfr.  ploreïz,  l'action  de  pleurer, 
etc.  Ce  même  sens  se  retrouve  encore  dans  abatis,  arrachis, 
roulis. 

2^  Du  sens  abstrait  on  passe  facilement  à  l'idée  d'un  dés- 
ordre, ou  d'une  multitude:  vfr.  poigneïz,  mêlée;  vfr.  ploreïz, 
pleurs.  Le  sens  collectif  est  assez  prononcé  dans  abatis, 
cailloutis,  éboulis,  froncis,  vfr.  herbis  (herbage),  lacis,  lattis 
(ouvrage  fait  en  lattes),  palis  (suite  de  pieux  ;  dér.  de  pel, 
pal). 

3^  Notre  suffixe,   surtout  uni  au  thème  d'un  verbe  transitif, 


135 

arrive  aussi  tout  naturellement  à  désigner  le  résultat  ou  le 
produit  de  l'action  (soit  une  chose,  soit  un  état)  ou  ce  qui  a 
été  l'objet  de  l'action.  Fouillis  est  d'abord  l'action  de  fouiller 
ou  creuser  la  terre:  E.  Deschamps  parle  du  fouillis  des  pour- 
ceaux (Œuvres  complètes,  VI,  7);  il  se  dit  ensuite  d'objets  qui 
ont  été  fouillés  ou  remués:  un  fouillis  de  papiers,  et  de  l'état 
produit:  quel  fouillis  dans  ce  tiroir!  De  la  même  manière  s'ex- 
pliquent chablis,  arbre  chablé,  culbutis,  pêle-mêle  de  choses  et 
de  personnes  culbutées;  gâchis,  ce  qui  a  été  gâché,  le  mortier; 
ensuite  boue  et  désordre;  gobetis;  hachis,  etc.  Notons  aussi 
chamaillis,  cliquetis,  criquetis,  gazouillis. 

40  Is  désigne  l'endroit  où  a  Heu  l'action:  patrouillis,  endroit 
fangeux  où  l'on  patrouille. 

271.  Formations  analogiques. 

P  Is  n'est  pas  étymologique  dans  coloris  qui  vient  de  l'ita- 
lien colorito. 

2^  Is  a  été  remplacé  par  -if  dans  adventif,  massif,  métif,  plu- 
mitif, voir  §  254.  Il  a  été  réduit  à  -/  dans  couvi,  autrefois  cou- 
vis^  de  coveïz  (comp.  it.  covaticcio).  G.  Sand  écrit  champi  pour 
champis. 

272.  ISE  remonte  peut-être  à  -ïtia,  pour  -ïtia.  Il  s'ajoute 
aux  noms  et,  moins  souvent,  aux  verbes. 

1^  Dérivés  d'adjectifs:  feintise,  franchise. 

2^  Dérivés  de  substantifs  :  bâtardise,  bêtise,  chalandise,  gaillar- 
dise, gourmandise,  maîtrise,  marchandise,  prêtrise,  traîtrise. 

3^  Dérivés  de  verbes:  convoitise,  hantise.  A  la  vieille  langue 
appartiennent  cointise,  comandise,  galantise  (R.  Garnier),  jaelise. 

Ce  suftixe  est  encore  vivant  comme  le  montrent  les  créa- 
tions récentes  roublardise,  vantardise. 

273.  Signification.  Le  suffixe  -ise  désigne: 

1*^  Des  qualités  morales:  convoitise,  franchise,  gourmandise, 
sottise. 

2^  Des  états  ou  des  di^^nités:  bâtardise,  maîtrise,  prêtrise. 
3^  Des  objets  matériels:  marchandise. 

274.  ISON  reproduit  le  latin  -itionem.  On  s'est  servi  de  ce 
suffixe   pour  former  des   noms  abstraits  tirés  de  verbes  de  la 


136 

'l""  conjugaison.  Voici  quelques-uns  des  nombreux  exemples 
qu'offre  la  vieille  langue:  coiwrison,  depariison,  eiivaïson,  escar- 
nison,  guarantison^  fournison,  honison,  languison,  marrison.  Le 
suffixe  -ison  empiète  même  sur  le  domaine  de  la  l""*  et  de  la 
3^  conjugaison  (surtout,  paraît-il,  dans  les  textes  picards): 
acordison,  arrestison,  araisnison,  atargison,  demorison,  espargni- 
son,  herbergison,  plorison,  vengison,  etc.  ;  atendison,  batison,  con- 
fondison,  tondison,  etc.  De  toute  cette  richesse  la  langue  ac- 
tuelle n'a  gardé  que  trois  dérivés  se  rapportant  à  des  verbes 
de  la  2"^  conjugaison:  garnison,  guérison,  trahison. 

275.  01 R  remonte  à  -orium:  dormitorium  )  dortoir,  ra- 
sorium  >  rasoir.  En  vieux  français  on  trouve  aussi  la  forme 
allongée  -eoir  qui,  reproduisant  -atorium,  est  primitivement 
propre  aux  dérivés  de  verbes  de  la  première  conjugaison: 
ouvreoir,  parleoir. 

Remarque.  Dans  quelques  mots  techniques  on  trouve  -oi(s)  pour  -oir: 
bouioi,  cochois,  rivois,  tentoi;  voir  I,  §  364,5. 

276.  Le  suffixe  -oir  s'ajoute  surtout  aux  thèmes  verbaux,  et 
il  est  resté  productif  jusqu'à  nos  jours.  Dans  quelques  cas 
isolés  il  s'ajoute  à  des  thèmes  nominaux. 

P  Dérivés  de  verbes:  Abreuvoir,  arrosoir,  battoir,  boudoir, 
comptoir,  grattoir,  miroir,  mouchoir,  semoir,  tiroir,  etc.  On  en 
crée  toujours:  aiguisoir,  découpoir,  glanoir,  etc.  Voici  quelques 
formations  récentes  et  individuelles:  C'est  elle  qui  viendra 
dans  ma  garçonnière,  dans  mon  aimoir  comme  disait  ton  ami 
Larcher  (P.  Bourget,  La  duchesse  bleue,  p.  138).  Elle  n'est 
qu'une  bouche,  un  suçoir  (P.  et  V.  Margueritte,  Zette,  p.  2). 

2^  Dérivés  de  noms:  Bougeoir  (de  bougie),  drageoir  (de  dra- 
gée), peignoir,  trousse  (de  peigne). 

277.  Le  suffixe  -oir  désigne  généralement: 

P  L'endroit  où  se  passe  l'action  :  abattoir,  abreuvoir,  bou- 
doir, comptoir,  crachoir,  parloir,  séchoir,  tiroir,  trottoir. 

2^  L'instrument  qui  sert  à  accompagner  l'action:  arrosoir, 
assommoir,  découpoir,  miroir,  mouchoir,  sarcloir,  semoir. 

278.  OIRE,  forme  féminine  de  -oir  (§  275)  remonte  à  -cria. 
Son    emploi    est  assez   restreint;    il   ne  sert  qu'à  désigner  des 


137 

noms  d'instruments:   affiloire,  aitrapoire,  baignoire,  balançoire, 
bassinoire,  écumoire,  nageoire,  rôtissoire. 

Remarque.  A  côté  de  -oire,  la  vieille  langue  offre  aussi  la  forme  -eoire: 
mangeoire,  passeoire.  On  avait  de  même  -eoir  pour  -oir;  voir  §  275. 

279.  OIS  remonte  à  -ensis,  devenu  -ese  (I,  §  318,3),  d'où 
-eis,  et  ensuite  -ois  ou  dans  d'autres  cas  -ais  (I,  §  159).  Les 
mots  en  -eis  (-ois),  qui  devraient  rester  invariables  présentent 
dès  les  plus  anciens  textes  un  féminin  analogique:  corteis — 
corteise  (II,  §384,3,  Rem.);  ce  féminin  finit  par  s'étendre  aux 
autres  mots  en  -eis  qui  remontent  au  germ.  -isc  (§  351):  da- 
neis — daneise,  pour  daneische  (cf.  II,  §  417,  Cas  isolés). 

Cas  isolés.  Après  une  palatale  -en sis  aboutit  régulièrement 
à  -is  (I,  §  191).  Cependant  ce  développement  peut  être  en- 
travé par  l'analogie  comme  dans  burgensis  qui  ne  devient 
pas  bourgis,  mais  bourgeois. 

Formes  analogiques.  La  terminaison  -ois  est  d'origine  ana- 
logique dans  anchois  qui  vient  de  l'esp.  anchoa,  et  dans  g^ra- 
vois,  qui  est  pour  gravai;  §  152,  Rem. 

280.  Le  suffixe  -ois  s'attache  comme  le  latin  -en sis  à  des 
noms  de  villes  et  de  pays  pour  désigner  leurs  habitants.  Nous 
le  trouvons  aussi,  mais  rarement,  attaché  à  des  noms  com- 
muns. 

P  Dérivés  de  noms  de  lieux:  Ardennois,  champenois,  cler- 
montois,  dauphinois,  dieppois,  Hllois,  niçois,  rémois,  vosgeois,  etc. 
Bavarois,  danois,  gallois,  hongrois,  norois,  suédois.  Bernois,  Cre- 
tois, génois,  etc.  Il  est  toujours  productif,  comme  le  montrent 
montmartrois,  anversois,  hambourgeois,  pékinois,  pétersbourgeois, 
copenhaguois,  etc.  Notre  suffixe  peut  même  s'ajouter  à  des 
noms  de  peuple.  Cet  emploi  pléonastique  s'observe  dans  tur- 
quois,  encore  dans  Edmond  Rostand:  Ce  turquois  ne  peut  vous 
comprendre  (La  princesse  lointaine,  II,  se.  3);  cf.  turquoise. 

2^  Dérivés  de  noms  communs.  On  trouve  dans  le  latin  pos- 
térieur pa  g  en  sis;  c'est  peut-être  sur  ce  modèle  ou  sur  un  mo- 
dèle semblable  qu'on  a  formé  burgensis,  d'où  bourgeois  (voir 
ci-dessus)  et  curtensis,  d'où  courtois  (cf.  it.  cortese).  En  fait 
de  créations  françaises  on  trouve  dans  la  vieille  langue  des 
formes  telles  que  aidois,  champois,  clergeois,  fontenois,  islois, 
marbrois,   marchois,   molois,  etc.;   elles  ont  toutes  disparu.    La 


138 

langue  moderne  connaît  villageois,  matois  (de  mate,  terme  d'ar- 
got qui  désignait  le  lieu  de  rendez-vous  des  filous  de  Paris), 
les  substantifs  minois  (de  mine),  putois  (du  vfr.  put)  et  l'ad- 
verbe en  tapinois  (du  vfr.  en  tapin),  d'où  a  été  tiré  le  substan- 
tif tapinois.  On  doit  à  La  Fontaine  l'adjectif  souriquois,  tiré 
plaisamment  de  souris,  et  l'abbé  Galiani  parle  de  la  langue 
chatoise  (voir  Jusserand,  Shakespeare  en  France,  p.  222). 

281.  OISON  remonte  à  -otionem.  Il  servait,  dans  l'ancienne 
langue,  à  former  des  dérivés  à  signification  abstraite  des 
verbes  de  la  3^  conjugaison:  batoison,  confondoison.  II  empiète 
aussi  sur  le  domaine  de  -aison  (§  167)  et  se  joint  aux  verbes 
de  la  l""^  conjugaison:  ahitoison,  acordoison,  arestoison,  chaçoi- 
son,  chaploison,  coltivoison,  crioison,  donoison,  getoison,  livraison, 
mangeoison,  etc.  De  toutes  ces  formations  la  langue  actuelle 
n'a  gardé  que  pâmoison. 

282.  ON  remonte  au  lat.  -onem:  carbonem  )  charbon, 
falconem  )  faucon,  latronem  )  larron,  saponem  /savon, 
etc.  Il  a  été  assez  productif  en  français,  mais  paraît  peu  vi- 
vant dans  la  langue  moderne. 

Cas  isolés.  Les  mots  en  c  et  ^  présentent  des  dérivés  en 
-çon:  arc — arçon,  tronc — tronçon,  enfant  —  vfr.  enfançon,  plante 
—  vfr.  plançon,  point  —  poinçon.  Ces  formes  présupposent  des 
dérivés  vulgaires  en  -ionem  (comp.  §  77). 

Formation  analogique.  Le  suffixe  -on  a  remplacé  -un  dans 
tendron  (voir  §  295). 

Formes  élargies.  A  côté  du  simple  -on,  on  trouve  -aillon 
(§  380),  -asson  (de  *  a  ci  onem)  dans  chevasson,  paillasson, 
mollasson  (Soirées  de  Médan,  p.  225);  -eron  (§  398);  -eton: 
gueule — gueuleton  (§  402),  -ichon:  drôle — drôlichon  (§  404); 
-illon:  cotte— cotillon  (§  409). 

283.  En  français,  -on  s'attache  et  aux  thèmes  nominaux  et 
aux  thèmes  verbaux.  Exemples: 

1^  Dérivés  d'adjectifs  :  molleton,  sauvageon,  tendron,  vairon. 
Dans  les  parlers  locaux  on  trouve  petiton  (Rolland,  Chansons 
populaires,  V,  52). 

2^   Dérivés   de  noms   communs:   aiglon,   aiguillon,  ceinturon, 


139 

cruchon,  dindon.   A  l'ancienne   langue   appartiennent  basiardon 
(petit  bâtard),  bergeron,  etc. 

3^  Dérivés  de  noms  propres:  Benoîton,  Toinon. 

4^  Dérivés  de  verbes  :  Avorton,  bâillon,  coupon,  frotton,  jeton, 
juron,  louchon,  plongeon,  réveillon,  salisson,  souillon,  torchon, 
etc.  Notons  pour  la  vieille  langue  changeon  (enfant  substitué; 
Romania,  XXXII,  452),  viron  (conservé  dans  environner),  tro- 
ton  (celui  qui  fait  les  courses). 

284.  Signification.  Le  suffixe  latin  -o,  -onis  désignait  or- 
dinairement des  êtres  vivants,  parfois  aussi  des  noms  de 
choses.  Le  suffixe  français  -on  présente  ces  mêmes  emplois: 

1^  Noms  de  personnes:  baron,  brouillon,  charreton  (ou  char- 
ton;  cf.  I,  §  292),  charron,  espion,  fripon,  louchon,  souillon, 
tendron,  etc.  On  n'emploie  plus  changeon,  clergeon,  guion,  soçon 
(tiré  de  socius). 

2^  Noms  d'animaux:  ânon,  barbichon,  chaton,  étalon,  griffon, 
goujon,  liron,  mouton^  plongeon,  etc.,  etc. 

3^  Noms  de  choses  :  bouchon,  brouillon,  coupon,  chaînon,  gla- 
çon, manchon,  oreillon,  etc.,  etc.  C'est  pour  les  noms  de  choses 
que  notre  suffixe  a  été  le  plus  productif. 

285.  Le  suffixe  -on  présente  souvent  une  valeur  diminutive; 
elle  est  surtout  prévalente  dans  les  noms  d'animaux,  où  -on 
désigne  les  petits  (comp.  -at;  §  185)  dans  les  noms  de  per- 
sonnes et,  moins  souvent,  dans  les  noms  de  choses. 

1®  Noms  d'animaux:  aiglon,  ânon,  baleinon,  bécasson,  chaton, 
faon,  grillon,  levron,  oisillon,  ourson,  raton. 

Cas  isolés.  Cochon  (II,  §  403)  désigne  d'abord  le  cochon  de 
lait.  Dindon,  dér.  de  dinde  (II,  §  431),  s'employait  primitive- 
ment au  sens  de  dindonneau  ;  le  dindon  s'appelait  autrefois 
dindart.  Étalon  vient  du  bas-lat.  stallonem  (tiré  du  germ. 
stall),  le  cheval  qui  reste  à  l'écurie,  qui  ne  travaille  pas. 
Hérisson,  du  lat.  pop.  *hericionem,  tiré  de  hericius. 

2^  Noms  de  personnes  :  Benoîton,  Fanchon,  Jeanneton,  Lison, 
Madelon,  Marion,  Margoton,  Nanon,  Suzon,  Toinon. 

Remarque.  Dans  les  noms  propres,  -on  prend  souvent  une  valeur  dé- 
préciative  : 


140 

Pauvre  fille,   i\  quinze  ans,  ses  sens  dormaient  encore, 
Son  nom  était  Marie,  et  non  pas  Marion. 

(Musset,  Nouvelles  poésies,  p.  14.) 

Je  n'aimerai  plus  Madeleine. 
Mieux  vaut  courir  les  Madelons. 

(Kichepin,  La  mer,  p.  259.) 

Partout  on  vous  rencontre  avec  des  Jeannetons. 

(V.  Hugo,  Ruy  Blas,  I,  se.  2.) 

3*^  Noms  communs  désignant  des  personnes  du  sexe  fémi- 
nin: un(ej  louchon,  un(e)  salisson,  un  tendron.  Pour  le  genre 
de  ces  mots,  voir  §  666. 

4^  La  signification  est  devenue  péjorative  dans:  brouillon, 
fanfaron,  grognon,  fripon^  marmiton,  souillon. 

5^  Noms  de  choses  :  Fleuron,  goujon,  mamelon,  vallon,  veston, 

286.  En  italien  et  en  espagnol,  le  suffixe  correspondant  a  une 
valeur  augmentative :  it.  animale — animalone  (grand  animal); 
esp.  bestia — bestiôn,  etc.  Cette  valeur  se  trouve  dans  plusieurs 
mots  français  dus  généralement  à  une  imitation  étrangère: 

Ballon  (grosse  balle),  dér.  de  balle,  sous  l'influence  de  l'it. 
ballone. 

Barbon,  de  l'it.  barbone,  proprement  grande  barbe,  puis 
homme  vieux  (comp.  §  710). 

Caisson,  autrefois  casson^  de  l'it.  cassone,  grande  caisse. 

Carafon,  emprunté  de  l'it.  caraffo ne,  signifiait  au  XVIP 
siècle  'grosse  carafe';  il  veut  dire  aujourd'hui  'petite  carafe'. 

Médaillon  (grosse  médaille),  emprunté  de  l'it.  medaglione. 

Million  paraît  créé  sous  l'influence  de  l'it.  miglione,  propre- 
ment 'un  grand  mille'. 

Mousqueton,  tiré  de  mousquet  à  l'imitation  de  l'it.  moschet- 
tone;  il  désignait  autrefois  une  arme  de  plus  gros  calibre  que 
le  mousquet. 

Perron,  dérivé  de  pierre. 

Toron  (gros  tore,  moulure  ronde),  de  l'it.  torone. 

Téton  (mamelle),  dér.  de  tette  (bout  de  la  mamelle). 

287.  OT  remonte  au  latin  vulgaire  -ottus  (cf.  en  italien 
otto),   variante    de    -ittus.    Il   a   été   assez   productif  en    fran- 


141 

çais,  surtout  dans  les  périodes  précédentes;  mais  il  est  encore 
capable  de  fournir  des  dérivés  nouveaux. 

Forme  élargie.  A  côté  de  -ot  on  trouve  -elot  (§  387). 

288.  Le  suffixe  -ot  s'attache  aux  noms  et  aux  thèmes  ver- 
baux. En  voici  quelques  exemples: 

l*'  Dérivés  d'adjectifs:  Bellot,  brunot,  manchot  (dér.  de  l'anc. 
fr.  manc  (^  m  an  eus),  pâlot^  sécot,  vieillot,  etc.  On  trouve  cons- 
tamment des  créations  nouvelles  non  enregistrées  par  les  dic- 
tionnaires: Elle  est  faiblotte  (Concourt,  Renée  Mauperin,  p.  141). 
Une  fille  parut,  roussotte,  louchon  (A.  France,  Le  Mannequin 
d'osier,  p.  43).  Citons  aussi  flnot  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard, 
p.  290)  qui  est  peut-être  une  mauvaise  graphie  pour  finaud 
(§  358,2).  Littré  dit  »synonyme  inusité  de  finaud <,  explication 
peu  heureuse.  Rappelons  qu'on  trouve  finoterie  au  XVIP  siècle. 

Cas  isolé.  Petiot,  de  petit;  cf.  §  99. 

2^  Dérivés  de  substantifs:  Bachot,  ballot,  barrot,  billot,  bécot, 
boulot,  calot,  cuivrot,  cuissot,  délot  (de  l'ancien  deel,  del,  main- 
tenant dé;  cf.  I,  §  266),  diablot,  frérot,  goulot,  îlot,  linot,  minot, 
mulot  (dér.  de  mut),  pérot,  pouliot.  On  n'emploie  plus  aillot, 
ancelot,  anglot,  bichot  (petit  d'une  biche),  courserot  (un  petit 
coursier;  voir  H.  Estienne,  Deux  dialogues,  I,  95). 

Cas  isolés.  Berlingot  (voiture),  dérivé  de  berlingue,  autre 
forme  pour  berline,  employée  au  XVIIP  siècle.  Bousingot,  dé- 
rivé populaire  de  bousin  (cabaret,  désordre).  Camelot,  forme 
plutôt  provençale,  a  remplacé  l'ancien  chamelot,  dér.  de  cha- 
meau. 

3^  Des  noms  propres:  Bernardot,  Chariot,  Denisot,  Henriot, 
Georgeot,  Jacquot,  Jeannot,  Margot  (§  78),  Paulot,  Perrot,  Pierrot, 
Renaudot,  Robertot,   Vacherot,  etc. 

Cas  isolés.  La  célèbre  Mme  Angot  s'écrivait  à  l'origine 
Ango  (§  414);  telle  est  l'orthogiaphe  de  Vadé.  Miquelot  est  une 
forme  normanno-picarde  pour  michelot,  dér.  de  Michel. 

4®  Dérivés  de  verbes:  Brûlot,  cachot. 

289.  OTTE  ou  OTE  (cf.  II,  §  414,  s),  forme  féminine  de 
-ot  (§  287).  Elle  s'emploie  dans  le  féminin  des  adjectifs:  pâlot 
—pâlotte,  manchot  ^manchote,  et  des  substantifs  linot — linotte, 
Chariot — Charlotte.  Elle  sert  aussi  à  former  des  dérivés  nou- 
veaux de  noms  et  de  verbes. 


142 

P  Dérivés  de  substantifs:  Baillotte  (de  baille),  calotte  (de  cale, 
sorte  de  bonnet),  capote,  chènevotte  (dér.  de  l'ancienne  forme 
cheneve,  de  cannabis),  culotte,  fiévrotte,  gelinotte,  linotte,  me- 
notte (de  main). 

Cas  isolé.  Marotte  est  un  dérivé  hypocoristique  de  Marie; 
papillotte,  morceau  de  papier  dont  on  enveloppe  les  cheveux, 
est  peut-être  un  dérivé  irrégulier  de  papier.  Papillotte,  paillette 
d'or  ou  d'argent,  est  un  post-verbal  de  papilloter  (§  540). 

2^  Dérivés  de  verbes:  Bouillotte,  jugeotte,  parlotte. 

290.  Signification. 

1^  Le  suffixe  -ot  a  primitivement  une  valeur  diminutive  et 
souvent  caressante.  Nous  la  retrouvons  encore  dans  beaucoup 
de  cas:  îlot,  petite  île;  frérot,  petit  frère;  pâlot,  un  peu  pâle; 
Georgeot,  mon  cher  petit  Georges,  etc.  Ce  suffixe  sert  encore 
dans  le  parler  câlin  et  caressant:  Bêtote,  c'est  fini,  fit  M.  Mau- 
perin  (Concourt,  Renée  Mauperin,  p.  322).  Par  une  extension 
commune  -ot  peut  aussi  être  dépréciatif,  comme  dans  bellot  et 
vieillot. 

2^  Dans  la  langue  moderne  la  signification  diminutive  a 
disparu  complètement  dans  plusieurs  dérivés:  fagot,  goulot. 

3^  Les  dérivés  de  thèmes  verbaux  expriment  plusieurs  idées 
différentes,  surtout  celle  d'un  instrument:  brûlot,  chariot,  déri- 
votte. 

291,  Formations  analogiques.  Ot  a  pris  la  place  de  -o,  -oc, 
-oe,  -og(l),  -ol,  -out  dans  les  mots  suivants: 

Abricot,  emprunté  du  port,  albricoque. 

Berlingot  (bonbon  au  caramel),  emprunté  de  l'it.  berlin- 
gozzo. 

Canot,  au  XVIP  siècle  canoë,  emprunté  de  l'esp.  canoa,  mot 
d'origine  caraïbe  (se  trouve  déjà  dans  le  Dictionnaire  de  Ne- 
brija,  1493). 

Coquelicot,  altération  de  coquericoq  (employé  encore  au  XVP 
siècle).  C'est  une  onomatopée  imitant  le  chant  du  coq;  elle 
s'appliquait  d'abord  au  coq  lui-même;  puis,  par  assimilation, 
au  petit  pavot  aux  fleurs  rouges. 

Échalote,  plus  anciennement  échalotte,  est  tiré,  par  substi- 
tution de  suffixe,  de  l'anc.  fr.  eschalogne,  du  lat.  ascalonia, 
proprement  'ail  d'Ascalon'. 


143 

Écharbot  (cf.  le  doublet  escarbot),  en  vfr.  escharbot,  est  tiré 
du  lat.  scarabaeus  (cf.  la  forme  savante  scarabée)  avec  change- 
ment du  suffixe;  un  développement  régulier  aurait  amené  une 
terminaison  -ieu. 

Escargot,  emprunté  du  prov.  es  car  (a)  g  ol;  on  trouve  au  XIV® 
siècle  la  forme  escargole. 

Falot,  emprunté  de  l'it.  falô. 

Loriot,  au  moyen  âge  loriot  et  Voriol  (I,  §  489,  i). 

Magot  (gros  singe),  probablement  altération  de  Ma  go  g. 

Maillot,  au  moyen  âge  maillot,  probablement  dérivé  de  maille. 

Paletot,  altération  de  paletoc  ou  paletoke  (XIV®  siècle),  em- 
prunté du  holl.  paltrok. 

Pavot,  au  moyen  âge  pava,  du  lat.  vulgaire  *papavum  qui 
remplace  papa  ver. 

Pouliot,   pour  pouliol  ou  poulieul  qui  remonte  à  pulegium. 

Sanglot  est  pour  sanglout  ou  sengloiit  de  *singluttum,  al- 
tération de  singultum  (sous  l'influence  de  gluttum?). 

Sarrot,  doublet  orthographique  peu  usité  de  sarrau. 

Tarot,  emprunté  de  l'it.  tarocco;  Rabelais  écrit  tarau. 

292.  TÉ  remonte  au  lat.  -itatem:  bonitatem  >  bonté, 
veritatem  >  vfr.  verte,  dur  itatem  >  vfr.  durté,  etc.  Il  a  servi 
au  moyen  âge  à  former  des  noms  abstraits  tirés  d'adjectifs: 
amerté,  averté,  cherté,  fierté,  honerableté,  loyalté,  nobleté,  richeié, 
simpleté.  Depuis  le  moyen  âge,  -té  est  mort  comme  suffixe,  et 
la  langue  moderne  n'a  gardé  qu'un  petit  nombre  des  formes 
primitives  en  -té:  cherté,  fierté.  Dans  les  autres  il  a  été  rem- 
placé soit  par  -été  (§  400):  vfr.  durté  >  dureté,  vfr.  purté  > 
pureté,  vfr.  sëurté  )  sûreté,  soit  par  la  terminaison  savante  -ité: 
vfr.    verte  )  vérité  (sur  veritas). 

293.  U  remonte  au  lat.  -utus  (dans  canutus,  cornutus 
n  a  su  tu  s,  etc.);  il  s'attache,  comme  celui-ci,  exclusivement 
aux  substantifs,  et  forme  des  adjectifs  exprimant  un  développe- 
ment particulier  d'une  qualité  exprimée  par  le  radical.  Les 
formations  nouvelles  sont  nombreuses:  barbu,  bossu,  bourru, 
brancha,  charnu  (du  vfr.  charn;  cf.  I,  §  327,2,  Rem.),  chevelu, 
crochu  (de  croc;  cf.  §  70),  feuillu,  fourchu,  goulu  (de  gueule; 
cf.  §  58),  grenu  (de  grain;  cf.  §  49),  joufflu,  lippu,  membru, 
moustachu,  pattu,  poilu,  pointu,  têtu,  ventru,   etc.    A  l'ancienne 


144 

langue    appartiennent    bouchii,    corsa,    crenu,    crespelu,    dentu, 
mamelu,  pommelu,  ramu,  veina,  etc. 

Cas  isolés.  Fea  était  au  moyen  âge  fëa  (1,  §  276)  qui  re- 
monte à  *fatutus,  dérivé  populaire  de  fatum. 

294.  UME  ou  UNE.  Ces  suffixes  peu  employés  paraissent 
avoir  la  même  origine. 

1^  La  forme  -ame  remonte  probablement  à  un  type  -umi- 
nem,  qui  a  dû  remplacer  -udinem.  La  cause  du  change- 
ment n'est  pas  claire.  Ex.:  consuetudinem  )  coatame, 
ama  rit  udinem  }  ainertame.  Notons  quelques  créations  nou- 
velles propres  à  la  vieille  langue:  espessetame,  pesantame,  sua- 
tame. 

Forme  ANALOGIQUE.  Apostume,  emprunté  de  apostema. 

2^  La  forme  -une  remonte  au  latin  -udinem:  amaritudi- 
nem  )  vfr.  amertane.  Les  autres  exemples  de  notre  suffixe 
qu'offre  la  langue  du  moyen  âge,  sont  des  créations  françaises  : 
pesantane^  rancune  (forme  collatérale  de  rancure  et  rancor), 
sembletune,  servitune  (doublet  de  servitude),  servune  (de  serf), 
vieillune.  De  ces  formes  on  n'a  conservé  que  rancune. 

295.  UN.  Ce  suffixe  peu  employé  remonte  à  -umen;  il  ne 
se  trouve  que  dans  la  vieille  langue;  les  quelques  mots  qui 
se  terminaient  autrefois  par  -un,  sont  morts  ou  ont  échangé 
leur  suffixe  contre  un  autre.  Voici  d'abord  deux  exemples  re- 
montant au  latin  classique:  Albumen  )  vfr.  auè«/7,  remplacé 
par  aubin  (§  263,  i);  le  g  umen  )  vfr.  lëun ,  remplacé  par 
légume.  On  peut  encore  citer  quelques  autres  mots  en  -umen 
de  formation  postérieure:  acrumen  )  vfr.  aigrun  (comp.  it. 
agrume),  remplacé  par  aigrin  et  égrain  (voir  Littré);  calidu- 
men  )  vfr.  chaudun,  tripes  (it.  caldume),  tene rumen  )  vfr. 
tendrun  (it.  tenerume),  supplanté  par  tendron. 

296.  URE  vient  du  lat.  -ura:  morsura  >  morsure,  pic- 
tura  )  *pinctura  >  peinture,  scriptura  )  écriture,  junc- 
tura  y  jointure;  ajoutons  blat.  rancura  (pour  rancor))  vfr. 
rancure.  On  voit  que  -ura  s'ajoutait  surtout  aux  participes 
passés;  comp.  les  nouvelles  formations  tenture  (*tentura,  de 
tentus),  penture  (*penditura,  de  *penditus;  II,  §  108,2), 
couverture  (de  couvert),  confiture  (de  confit),  friture  (de  frit),  etc. 


145 

A  côté  de  -ure,  on  trouve  dans  la  vieille  langue  -ëure  tiré  des 
dérivés  de  la  première  conjugaison:  armatura  )  armëure; 
cette  forme  s'est  employée  par  analogie  dans  chaussëure  (de 
chaussier)^  envoisëure  (de  envoisié,  gai),  batëure  (de  batre),  ner- 
vëure  (de  nerf)^  ramëure  (de  raim),  etc.,  etc.  Après  le  moyen 
âge,  -ëure,  par  l'amuïssement  régulier  de  la  première  voyelle 
(I,  §  269),  s'est  confondu  avec  -ure;  la  suppression  de  l'e  fé- 
minin est  marquée  par  un  accent  circonflexe  dans  le  seul  mot 
piqûre,  autrefois  piqueure. 

Formations  analogiques.  La  vieille  forme  saumuire  est  de- 
venue saumure.  Dans  le  parler  vulgaire  de  nos  jours,  verrue 
s'altère  en  verrure. 

297.  Le  suffixe  -ure  a  été  assez  productif  en  français,  et  il 
est  encore  vivant;  il  s'adapte  aux  noms  et  aux  verbes.  Ex- 
emples: 

P  Dérivés  de  substantifs  :  Cadrannure,  carature,  chevelure, 
denture,  ferrure,  feuillure,  forfaiture,  mâture,  membrure,  nacrure. 

Cas  isolé.  Fermeture,  doublet  de  fermure,  paraît  modelé  sur 
ouverture. 

2^  Dérivés  d'adjectifs:  Droiture,  froidure,  ordure,  verdure.  On 
avait  dans  la  vieille  langue:  blanchure,  hauture,  laidure,  rous- 
sure,  etc. 

Cas  isolé.  Courbature  a  été  tiré  de  courbatu  (cf.  §  66). 

3°  Dérivés  de  verbes:  a)  Balaijure,  blessure,  brochure,  brûlure, 
coiffure,  coupure,  dorure,  éclaboussure,  égratignure,  engelure,  fou- 
lure, gageure  (cf.  I,  §  119),  hachure,  limure,  piqûre,  plissure, 
serrure,  b)  Bouffissure,  brunissure,  élargissure,  flétrissure,  fourbis- 
sure,  meurtrissure,  moisissure,  noircissure,  ternissure,  etc.  c)  Bat- 
ture.  Notons  aussi,  pour  la  langue  vulgaire,  revoyure,  employé 
surtout  dans  la  formule  à  la  revoyure  (Daudet,  Sapho,  p.  116; 
J.  Rictus,  Les  soliloques  du  Pauvre,  p.  119). 


10 


CHAPITRE  VII. 

SUFFIXES   LATINS 
DE  FORMATION  SAVANTE. 


298.  Sur  les  suffixes  de  formation  savante,  il  faut  remar- 
quer: 

1^  Ordinairement  le  suffixe  est  accommodé  à  la  française  : 
-ation,  -aire,  -isie;  dans  quelques  cas  très  rares  le  suffixe  passe 
tel  quel  en  français:  -ana. 

2^  Les  suffixes  savants  s'attachent  non  seulement  aux  mots 
français  (action — actionnaire)  mais  aussi  à  des  thèmes  latins. 
Il  arrive  ainsi  très  souvent  qu'à  côté  d'un  mot  français  de 
formation  populaire  on  trouve  un  dérivé  de  formation  savante. 
Cette  particularité  est  digne  d'intérêt.  Comme  il  existe  un  cer- 
tain nombre  de  substantifs  de  forme  populaire,  dont  il  est 
impossible  de  tirer  des  dérivés,  on  est  obligé,  pour  créer  un 
adjectif  correspondant,  de  recourir  au  latin.  En  voici  quelques 
exemples:  Aisselle — axillaire,  ancêtre — ancestral,  dimanche — do- 
minical^ dos — dorsal,  enfer — infernal,  évêque — épiscopal,  genre — 
générique,  goût — gustuel,  île — insulaire,  moelle — médullaire,  moine 
— monacal,  nez — nasal,  oreille — auriculaire,  palais — palatal,  pou — 
pédiculaire,  pluie — pluvial,  pluvieux,  voyelle — vocalique. 

3^  Les  suffixes  savants,  qui  remontent  moins  haut  dans  la 
langue  que  les  suffixes  populaires,  finissent  parfois  par  les 
remplacer;  ainsi  -ation  est  sur  le  point  de  supplanter  -aison 
(§  168),  et  -ence  est  bien  plus  productif  que  -ance  (§  172). 
Comp.  aussi  le  rapport  entre  -al  et  -et  (§  303),  entre  -at  et  -é 
(§  190),  entre  -ose  et  -eux  (§  232);  et  notez  la  très  grande  ex- 
tension qu'a  prise  -ique  (§  325). 


147 

299.  AIRE,  doublet  savant  de  -ier  (§  248)  et  de  -er  (§  212), 
reproduit  -arius  et  -aris.  Il  se  trouve  dans  des  mots  em- 
pruntés: contra  ri  us  >  contraire,  adversarius  >  adversaire 
(la  forme  populaire  aversier  a  disparu),  primarius  }  primaire 
(forme  pop.  premier)  vulgaris  >  vulgaire  etc.  et  dans  de 
nombreuses  formations  nouvelles.  Il  s'ajoute  non  seulement 
aux  radicaux  latins:  alvéolaire,  annuaire,  folliaire,  lapidaire, 
patibulaire,  mais  aussi  et  surtout  aux  radicaux  français:  ac- 
tionnaire, commissionnaire,  égalitaire,  humanitaire,  mousquetaire, 
millionnaire,  milliardaire,  pensionnaire. 

300.  AL  remonte  au  latin  -alis  (-aie)  dont  la  forme  popu- 
laire est  -el  (§  205),  Des  mots  d'emprunt  en  -al  se  trouvent 
dès  le  XP  siècle  :  enfernal,  essential,  estival,  final,  historial,  im- 
périal, oriental,  pastoral,  personal,  etc.  ;  on  a  continué  à  en 
introduire  jusqu'à  nos  jours  :  brutal,  capital,  causal,  central, 
conjugal,  diurnal,  dorsal,  fatal,  frugal,  génital,  matutinal,  rural, 
sépulcral,  temporal,  théâtral,  triomphal,  verbal,  vital,  etc.,  etc. 

Remarque.  Rappelons  que  dans  le  Sud-Ouest  et  moins  régulièrement  dans 
l'Ouest  et  en  anglo-normand,  -al  représente  le  développement  populaire  de 
-alem.  Dans  les  domaines  cités  hospitalem  devient  ostal;  dans  le  reste 
de  la  France  du  Nord  ostel. 

301.  Sur  le  modèle  de  ces  mots,  on  s'est  servi  de  -al  comme 
suffixe,  dès  le  moyen  âge.  On  l'ajoutait  et  à  des  mots  fran- 
çais et  à  des  thèmes  latins. 

P  Dérivés  de  mots  français  :  amial,  banal,  besognai,  costal, 
fenestral,  grevai,  hivernal,  lunal,  poignal,  prestral,  etc.  Colossal, 
colonial,  instrumental,  musical,  papal,  phénoménal,  sentimen- 
tal, etc. 

2^  Dérivés  de  thèmes  latins:  Vfr.  angelical,  apostolat,  autum- 
nal,  evangelical,  médicinal,  simonial,  etc.  Buccal,  caudal,  céré- 
bral, doctoral,  électoral,  floréal,  germinal,  guttural,  infinitésimal, 
lacrymal,  latitudinal,  lingual,  longitudinal,  ombilical,  stomacal, 
vaginal,  vertébral,  etc. 

3^  Dans  quelques  cas  on  trouve  des  doublets:  loyal — légal, 
chenal — canal. 

4**  Le  suffixe  -al  est  toujours  vivant;  voici  quelques  dérivés 
récents  :  architectural,  auroral,  caricatural  (Bourget,  Voyageuses, 

10* 


148 

p.  60),  fantômal  (Zola,  Lourdes,  p.  218),  gouvernemental,  obé- 
liscal,  pyramidal,  spectral.  Flaubert  a  employé  aromal,  sidéral^ 
tombal 

302.  Formations  analogiques. 

P  AL  est  d'origine  analogique  dans: 

Maréchal,  vfr.  mareschalc,  du  germ.  mar[a]hskalk. 

Orig(i)nal,  altération  de  orignac,  emprunté  du  basque  o ré- 
gna c  (pluriel  de  oregna,  cerf). 

Sénéchal,  vfr.  senescalc,  du  germ.  siniskalk. 

2^  AL  a  été  remplacé  par  -ail  dans  corail,  frontail,  poitrail, 
portail  (voir  II,  §  305,  i),  par  -ard  dans  brancard  et  poi- 
gnard (§  354).  Rappelons  qu'on  a  dit  bocar,  locar  au  lieu  de 
bocal,  local,  et,  inversement,  brassai,  cavial,  réalgal  au  lieu  de 
brassard,  caviar,  réalgar.  Enfin  -al  a  été  sporadiquement  rem- 
placé par  -ac  dans  arsenal  qu'on  prononçait  arsenac  au  XVIP 
siècle  (voir  Vaugelas,  Remarques,  II,  206). 

303.  Il  y  avait  jusqu'au  XVII'^  siècle,  dans  beaucoup  d'ad- 
jectifs et  dans  quelques  substantifs,  une  certaine  hésitation 
entre  -al  et  le  suffixe  populaire  correspondant  et  synonyme  -et 
(§  205).  A  côté  de  la  forme  purement  savante  personal,  on 
trouve  aussi  personel,  et  à  côté  de  la  forme  populaire  charnel, 
on  trouve  charnal.  Voici  quelques  exemples  de  ces  doublets: 
Accidentel  -al,  champel  -al,  charnel  -al,  communel  -al^  continuel 
-al,  corporel  -al,  cruel  -al,  espirituel  -al,  essentiel  -al,  graduel  -al, 
individuel  -al,  journel  -al,  loyel  -al,  matinel  -al,  mortel  -al,  na- 
sel  -al,  naturel  -al,  ostel  -al,  personnel  -al,  poitrel  -al,  principel 
-al,  royel  -al,  temporel  -al,  virginel  -al,  etc.  Le  même  auteur 
se  sert  souvent  des  deux  formes  sans  distinction;  dans  le 
Tristan  de  Beroul  on  trouve  p.  ex.  ostel:  sel  (v.  1297 — 98)  et 
ostal:  governal  (v.  3581  —82).  Sur  le  sort  de  ces  doublets  il 
faut  remarquer: 

1^  EL  l'a  emporté  dans  accidentel,  charnel,  continuel,  corpo- 
rel, cruel,  essentiel,  graduel,  hôtel,  individuel,  mortel,  naturel,  per- 
sonnel, spirituel,  temporel. 

2^  AL  l'a  emporté  dans  communal,  journal,  loyal,  matinal, 
poitral,  principal,  royal,  virginal. 

3^  Dans  quelques  cas  on  a  conservé  les  deux  formes:  officiel 
— officiai,  originel— original,  partiel — partial,  pénitentiel — péniten- 


149 

tial;   à  la  différence  des  doublets   médiévaux,   ceux-ci   ne  sont 
pas  synonymes. 

4^  Signalons  en  dernier  lieu  quelques  autres  traces  de  l'an- 
cienne hésitation:  Cruel — cruauté  (vfr.  crualté,  de  crual),  jour- 
nal— journellement.  A  côté  de  matériel  et  universel  on  a  les  plu- 
riels matériaux  et  universaux. 

304.  AN  est  une  terminaison  d'origine  assez  diverse. 

P  Elle  reproduit  régulièrement  le  latin  -ann-:  tyrannum 
)  tyran. 

2^  Elle  reproduit  dans  les  mots  d'emprunt  le  latin  -anus, 
dont  les  formes  populaires  sont  -ain  (§  160)  et  -ien  (§  246): 
anglican  (anglican us),  faisan  (phasianus),  pélican  (péli- 
can u  s),  joersa/î  (persanus),  vétéran  (veteranus). 

3^  La  terminaison  italienne  et  espagnole  -ano  et  le  proven- 
çal -an:  artisan  (it.  artigiano),  courtisan  (it.  cortigiano), 
partisan  (it.  partigiano),  toscan  (it.  toscano),  castillan  (esp. 
castellano),  capelan  (prov.  capelan). 

4^  Nous  trouvons  aussi  -an  dans  un  certain  nombre  de 
mots  orientaux:  drogman,  musulman,  ottoman,  sultan,  etc. 

305.  Formations  analogiques. 

1^  Dans  un  certain  nombre  de  mots  -an  a  été  substitué  à 
-ant  et  -enc:  Brelan  <  vfr.  brelenc  (§361).  Cadran  <  quadran- 
tem.  Chambellan  <  vfr.  chamberlenc.  Cormoran  <  vfr.  cor  ma- 
renc.  Encan  <  encant  (Oudin,  1642)  <  in  quantum.  Éperlan 
<  vfr.  esperlenc  <  aha.  spierling.  Floran  est  probablement 
pour  florant,  dérivé  de  fleur.  Halbran  <  germ.  halberent. 
Jaser  an  <  vfr.  '^  jaser  enc,  dérivé  du  nom  de  la  ville  d'Alger  (en 
arabe  al-Djezair),  d'oii  venaient  beaucoup  de  cottes  de 
mailles.  Merlan  <  vfr.  merlenc.  Paysan  <  vfr.  paysenc.  Peigneran, 
pour  peigner  and  (§  173). 

2^  AN  a  été  remplacé  par  -and  dans  allemand  et  normand 
(comp.  §  88,  173). 

306.  AN  A  (ou  plutôt  lANA),  pluriel  neutre  de  -anus 
(-ianus),  est  un  suffixe  savant  qui  s'applique  à  des  noms 
propres:  Huetiana,  Ménagiana,  Perroniana.  Ana  s'attache  aussi, 
mais  assez  rarement,  à  des  noms  communs;  on  a  ainsi  publié 


150 

des  Cricriana    ou    recueil    des    Halles    (Paris,    1805)    qui    font 
suite  à  des  Grivoisiana  et  à  des  Merdiana. 

307.  AT  est  emprunté  au  latin  ou  aux  langues  romanes 
méridionales.  Il  reproduit: 

P  Le  latin  -atus  (dont  la  forme  populaire  est  -é;  §  190): 
Apostolat  (apostolatus),  canonicat  (ca  no  nie  a  tus),  cardina- 
lat (csir  dînai  âius),  consulat  (consul atus),  diaconat  (dia- 
conat us),  épiscopat  (episcopatus),  magistrat  (magistra- 
tus),  patriarcat  (patriarcatus);  avocat  (advocatus),  candi- 
dat (candidatus);  scélérat  (sceleratus);  sur  la  forme  -iat, 
voir  §  318. 

2^  Le  latin -atum :  cérat  (ceratum),  /lïanc/af  (m and atu m). 

3^  Le  provençal  -at:  comtat,  goujat,  muscat. 

40  L'italien  -ato:  brocat  (§  309,2),  carat,  cervelat,  ducat. 

50  L'espagnol  -ato:  mulat  (§  187). 

Doublets.  Les  doublets  populaires  des  mots  en  -at  se  ter- 
minent en  -é:  avocat— avoué,  comtat — comté,  épiscopat — évêché. 
Pour  scélérat,  on  trouve  au  XV^  et  au  XVP  siècle  sceleré; 
R.  Garnier  s'en  sert  encore:  Et  souuent  les  grands  Dieux 
gardent  expressément  Les  hommes  scelerez  pour  nostre  châti- 
ment (Cornélie,  v.  894).  A  côté  de  orgeat,  on  avait  autrefois 
orgeade,  d'après  l'ital.  orzata,  et  orgée. 

308.  Sur  le  sort  qu'a  joué  -at  dans  la  formation  de  mots 
français,  il  faut  remarquer: 

\^  At  (=  -atus)  a  été  relativement  productif.  On  l'a  ajouté 
à  des  thèmes  latins:  électoral,  professorat,  rectorat,  et  à  des 
mots  français  indigènes  ou  empruntés  :  acolytat,  califat,  exar- 
chat, généralat,  marquisat,  syndicat.  La  création  de  mots  nou- 
veaux en  -at  continue  toujours;  en  voici  quelques  exemples 
récents:  anonymat,  bambinat  (Fourrier),  bâtonnat,  externat, 
hospodorat,  internat,  inspectorat,  macmahonat  (Villatte),  manda- 
rinat, officiât,  orphelinat,  séniorat,  septennat  (date  de  1872),  etc. 

2®  At  (=  -atum),  qui  s'ajoute  surtout  aux  verbes,  a  été 
bien  moins  productif;  on  le  trouve  dans  alternat,  assassinat, 
assignat,  crachat,  orgeat,  pissat. 


151 

309.  Formations  analogiques. 

P  AT  n'est  pas  étymologique  dans  reliquat,  qui  est  pour 
reliqua  (lat.  reliqua);  encore  en  1694,  l'Académie  écrit  le  mot 
sans  t,  tout  en  ajoutant  que  »quelques-uns  escrivent  reliquat*. 

2®  AT  a  été  remplacé  par  -as  dans  cadenas  <  cadenat  (prov. 
cadenat),  cervelas  (^  cervelat  (it.  cervellato);  par -âtre,  dans 
mulâtre  (§  186)  <  mulat  (esp.  mulato);  par  -ard  (-art)  dans 
brocard  <  brocat  (it.  broccato),  escarbillard  (^  escarbillat  (gasc. 
escarrabilhat),  surard  <  surat  (dérivé  de  sureau,  §  78);  on 
hésite  entre  louvat  et  louvard.  Au  XVI P  siècle,  on  disait  rosar, 
violar,  soldar,  pour  rosat,  violât,  soldat. 

310.  ATEUR,  dont  la  forme  populaire  est  -ëor,  -eur  (§  230), 
reproduit  le  latin  -atorem:  On  le  trouve  dans  les  mots  d'em- 
prunt: administrateur,  admirateur,  adorateur,  collaborateur,  con- 
solateur, explorateur,  etc.  Les  créations  françaises,  qui  appa- 
raissent surtout  dans  la  langue  moderne,  sont  nombreuses; 
elles  sont  toutes  tirées  de  verbes.  Exemples:  accélérateur,  ac- 
clamateur,  annonciateur,  colonisateur,  épurateur,  extirpateur,  fûa- 
teur,  régulateur,  vulgarisateur,  etc. 

311.  ATION  reproduit  le  latin  -ationem.  On  le  trouve  dans 
beaucoup  de  mots  d'emprunt  :  abdication,  aberration,  adoration, 
adulation,  circulation,  considération,  flagellation.  C'est  sur  le  mo- 
dèle de  ces  mots  d'emprunt  qu'on  a  tiré  de  thèmes  verbaux 
des  dérivés  nouveaux  marquant  l'action:  association,  autorisa- 
tion, bifurcation,  canonisation,  centralisation,  cautérisation,  dé- 
moralisation, localisation,  unification,  vaccination,  etc.  Notre 
suffixe  peut  aussi  s'ajouter  à  des  thèmes  latins:  aviation,  claus- 
tration, majoration.  L'emploi  toujours  croissant  de  -ation  a  fini 
par  tuer  -aison  (§  168).  Notons  aussi  que  les  anciennes  formes 
dérivaison,  sevraison  ont  été  remplacées  par  dérivation,  sépara- 
tion. 

312.  ATIQUE  remonte  à  -aticus;  il  a  été  tiré  de  mots  tels 
que  aromatique,  diplomatique,  dogmatique,  énigmatique,  flegma- 
tique, etc.  Il  a  peu  servi  à  créer  des  mots  nouveaux;  citons 
emblématique  (tiré  de  emblème  probablement  sur  le  modèle  de 
problématique). 


152 

313.  ATOIRE.  Ce  suffixe,  qui  reproduit  le  latin  -atorius,  a 
été  tiré  de  mots  d'emprunt  tels  que  adjutatoire,  ambulatoire^ 
conservatoire,  consolatoire,  etc.  Voici  quelques  formations  fran- 
çaises: accusatoire^  dînatoire,  soiipatoire  (Brillât-Savarin). 

314.  ATURE  remonte  au  latin  -atura,  dont  la  forme  popu- 
laire est  -ëure,  -are  (§  296).  On  le  trouve  dans  des  mots  d'em- 
prunt latins  comme  armature,  dictature,  littérature,  nomencla- 
ture, quadrature,  température,  etc.  et  dans  quelques  mots  d'ori- 
gine italienne:  caricature,  miniature,  etc.  Quant  aux  créations 
nouvelles,  elles  sont  peu  nombreuses.  Comme  -ure,  -ature  s'at- 
tache et  aux  verbes  (français  ou  latins):  fdature,  judicature, 
maculature,  signature,  et  aux  noms  (français  ou  latins):  arca- 
ture,  climature,  musculature  (de  musculus),  ossature,  sacrifica- 
ture,  tablature  (de  tabula;  cf.  Fit.  tavolatura).  Ces  exemples 
montrent  que  -ature  sert  ordinairement  à  désigner  l'ensemble 
des  caractères  qu'exprime  le  radical. 

Doublets.  Le  mot  populaire  armure  existe  à  côté  du  mot 
savant  armature.  La  vieille  forme  populaire  temprëure  a  dis- 
paru devant  température. 

315.  ÉEN  est  une  forme  collatérale  de  -zen  (§  246).  Il  s'em- 
ploie surtout  pour  traduire  les  mots  latins  en  -sens  (-eus): 
Chaldéen  (Chaldseus),  Européen  (Europaeus),  Héracléen  (He- 
racleus),  Néméen  (Nemaeus),  Phocéen  (Phocseus),  céruléen 
(cseruleus),  éburnéen  (eburneus),  hyménéen  (hymen  sens), 
marmoréen  (marmoreus). 

Remarque.  A  côté  de  -éen  on  trouve  aussi,  bien  que  rarement,  'éan. 
R.  Garnier  dit  ainsi  les  voix  hyménéanes  {Cornélie,  v.  256). 

316.  Le  suffixe  -éen  se  trouve  aussi  dans  un  petit  nombre 
de  dérivés  français;  il  s'attache  surtout  aux  mots  terminés 
par  -é,  -ée,  -ey,  -ay,  -i,  -y: 

1^  Dérivés  de  noms  communs:  alizéen  (de  alizé),  fuséen,  ly- 
céen. 

2^  Dérivés  de  noms  de  lieux  :  condéen.  Quadeloupéen,  nan- 
céen  (de  Nancy),  nouméen  (de  Nouméa),  panaméen,  pyrénéen, 
quimperléen  (de  Quimperlé),  sabéen  (de  Saba),  tarbéen  (de 
Tarbes),  vendéen,  vitréen  (de  Vitré). 


I 


153 

S^  Dérivés  de  noms  de  personnes  :  Goethe— goethéen  (RPhFP, 
XVII,  149). 

317.  ENCE,  doublet  de  -ance  (§  172),  reproduit  le  latin 
-etitia:  absence  (ab  senti  a),  abstinence  (abstinentia),  con- 
fidence (c  o  n  f  i  d  e  n  t  i  a),  éloquence  (e  1  o  q  u  e  n  t  i  a),  évidence  (e  v  i- 
dentia),  intelligence  (intelligen tia),  etc.  C'est  sur  le  modèle 
des  mots  d'emprunt  en  -ence,  dont  on  trouve  des  exemples  dès 
les  plus  anciens  textes,  qu'on  a  créé  des  mots  nouveaux  en 
-ence  tirés  d'adjectifs  en  -ent:  adhérence,  exigence,  intermittence, 
insurgence,  permanence,  résidence. 

Cas  isolé.  Jouvence,  qui  remonte  au  moins  au  XVP  siècle, 
paraît  être  une  altération  du  vfr.  jouvente  (de  *ju venta  pour 
juventus);  le  changement  est  probablement  dû  à  l'influence 
du  suffixe  -ence  et  du  diminutif  jouvencel. 

318.  lAT,  forme  collatérale  de  -at  (§  307),  s'emploie  pour 
former  des  dérivés  de  mots  latins  en  -ius:  noviciat  (de  no- 
v  ici  us),  vicariat  (de  vi  cari  us).  C'est  donc  la  forme  ordi- 
naire des  dérivés  de  mots  en  -aire:  antiquariat,  commissariat, 
honorariat,  prolétariat,  salariat,  secrétariat,  volontariat.  Il  s'em- 
ploie par  analogie  dans  margraviat. 

319.  IBLE  est  emprunté  du  latin  -ibilis.  Il  se  trouve  dès  le 
moyen  âge  dans  les  mots  d'emprunt:  contemptibilis  ) 
contemptible,  conversibilis  )  conversible  (Furetière),  con- 
vertibilis  )  convertible,  corruptibili  s  >  corruptible,  cre- 
dibilis  >  crédible,  divisibilis  >  divisible,  flexibilis  > 
flexible,  horribilis  >  horrible,  intelligibilis  >  intelligible, 
risibilis  >  risible,  etc.  Le  latin  ecclésiastique  et  scolastique 
a  fourni  plusieurs  formations  nouvelles:  comprehensibilis 
)  compréhensible,  concupiscibilis  )  concupiscible,  disponi- 
bilis  )  disponible,  imperceptibilis  >  imperceptible,  etc. 

320.  Sur  le  modèle  des  mots  cités  on  a  créé  un  petit  nombre 
de  dérivés  nouveaux.  Ils  sont  tirés  soit  de  verbes  latins,  soit 
de  verbes  français,  très  rarement  de  noms  français. 

P  Radicaux  de  verbes  latins:  accessible,  admissible,  amovible, 
comestible,  compatible,  compressible,  éligible,  fusible,  indicible,  etc. 


154 

Ce  mode  de  formation  est  encore  vivant,  comme  le  montrent 
les  mots  nouveaux  conceptible,  explosible,  impressible,  etc. 

2°  Radicaux  de  verbes  français:  corrigible,  exigible,  lisible, 
loisible,  nuisible,  etc.    Dérivé  nouveau:   répétible  (Littré,  Suppl.). 

3^  Dérivés  de  noms  français:  paisible,  pénible. 

Dans  quelques  cas  il  y  a  eu  concurrence  entre  -ible  et  -able. 
Avant  de  dire  nuisible  on  a  dit  nuisable;  Cotgrave  (1611)  donne 
lisable  à  côté  de  lisible;  la  langue  moderne  admet  faisable  et 
faisible;  on  a  eu  autrefois  pénable  à  côté  de  pénible. 

321.  ICE  reproduit  les  terminaisons  suivantes: 

P  Le  latin  -îcium:  novice. 

2^  Le  latin  -îcium  :  artifice,  auspice,  bénéfice,  cilice,  délice,  édi- 
fice, office,  sacrifice. 

3^  Le  latin  -itia,  -ities:  avarice,  immondices,  justice,  malice, 
milice,  prémices. 

4^  Le  latin  -itia:  blandices. 

5^  Le  latin  -îtium:  précipice,  propice,  service. 

6^  Le  latin  -ix,  -icis:  appendice,  calice,  cicatrice. 

7^  Le  latin  -ex,  -icis:  auspice,  complice. 

8^  L'italien  -iccio:  caprice. 

Le  suffixe  -ice  ne  paraît  pas  avoir  été  productif  en  français. 

322.  IME  reproduit  le  suffixe  inaccentué  -îmus:  decimus 
)  décime.  Sur  le  modèle  de  ce  mot  on  a  formé  centime,  mil- 
lime. 

323.  ION,  suffixe  peu  employé  qui  doit  probablement  son 
origine  aux  mots  d'emprunt  en  -ion.  On  le  trouve  surtout  dans 
des  dérivés  nominaux,  rarement  dans  des  dérivés  verbaux: 

P  Dérivés  nominaux:  champion,  cornion,  croupion,  fanion 
(du  radical  de  fanon;  cf.  §  78),  gavion  (de  l'ancien  gave,  go- 
sier). On  trouve  au  XVI*=  siècle  bestion,  petite  bête  (Voyage  de 
Charles-Quint). 

2^  Dérivés  verbaux:  tordion  (de  tordre),  trayon  (de  traire). 

324.  IQUE  reproduit  le  latin  -ïcus,  confondu  avec  le  grec 
'Lxog;    il   se   trouve   dans   beaucoup  de  mots  d'emprunt:   asia- 


» 


155 

tique,  authentique,  dalmatique,  fantastique,  liomérique,  mytliique, 
platonique,  saptiique,  sceptique,  typique,  etc. 

Remarque.  De  la  terminaison  uniforme  -ique  on  a  tiré  une  forme  mascu- 
line -/c;  ainsi  l'ancien  publique  a  été  remplacé  par  public — publique;  voir 
II,  §  388. 

325.  Le  suffixe  -ique  a  eu  un  très  grand  développement  en 
français,  où  il  est  devenu  le  suffixe  le  plus  usuel  dans  la  for- 
mation des  adjectifs.  Il  s'emploie  surtout  dans  la  terminologie 
scientifique  et  s'ajoute  non  seulement  aux  mots  français  (fée- 
rie— féerique),  mais  aussi  au  type  latin  reconstitué  (voyelle — 
vocalique,  d'après  vocalis). 

P  Dérivés  de  noms  communs:  Académique,  charivarique, 
chimique,  chronologique,  édénique,  héraldique  (dér.  de  héraut, 
d'après  la  forme  latinisée  herald  us),  monarchique,  nostal- 
gique, périodique,  photographique,  salicylique,  somnambulique, 
squelettique,  syllabique,  typographique,  volcanique. 

2^  Dérivés  de  noms  de  personnes:  Don-juanique,  galvanique, 
holbachique,  hoffmannique,  hugotique,  machiavélique,  méphisto- 
phélique, mesmérique,  marotique,  offenbachique,  ossianique,  pan- 
tagruélique, voltaïque,  villonique  (Tiersot,  Romancero  populaire, 
p.  XVIII). 

3^  Dérivés  de  noms  géographiques  et  de  noms  de  nationa- 
lités: Ballcanique,  carpathique,  hunnique,  islamique,  jurassique, 
javanique,  lombardique,  pyrénaïques,  sarracénique,  westphalique. 

326.  Substitution. 

P  La  langue  populaire  substitue  parfois  -ique  à  -isque;  on 
entend  dans  l'argot  de  Paris  astérique  et  obélique  pour  astérisque 
et  obélisque. 

Remarque.  Inversement  -isque  se  substitue  à  -ique.  Odalisque  est  pour 
odalique.  La  forme  primitive  est  odalik  qui  reproduit  fidèlement  le  turc 
odalik  (odalyk).  Elle  a  été  employée  par  Antoine  Bauderon  de  Sénecé 
(mort  en  1737)  qui  écrit  dans  un  de  ses  contes:  Je  veux  d'abord,  dit-il, 
épouser  quatre  femmes,  avoir  deux  cent  chevaus,  au  moins  trente  odaliks, 
cent  valets,  six  sérails,  dix  ou  douze  chiffiks  [altération  du  turc  tchiftlik, 
ferme,  métairie],  le  reste  à  l'avenant  {Œuvres  choisies,  Paris,  1855.  P.  126 — 
127).  La  forme  analogique  odalisque  a  été  employée  déjà  par  Fermanel  dans 
ses  Voyages  du  Levant  (1664). 


156 

2°  Il  y  a  parfois  hésitation  entre  -ique,  -esque,  -ien,  -an.  Ci- 
tons: aristophanique —  aristophanesque;  don-juanique —  don-jua- 
nesqiie;  monarchique — nwn ar chien  ;  mahoméiique  (Garnier,  Bra- 
damante,  v.  34)  —  mahométan. 

327.  ISME  remonte  au  latin  -ismus  (gr.  -lOfuog).  Les  mots 
d'emprunt  en  -isme  se  montrent  déjà  au  moyen  âge:  Apho- 
risme, barbarisme,  catéchisme,  christianisme,  emboiisme,  exor- 
cisme, paienisme,  etc.;  et  on  a  continué  à  en  adopter  jusqu'à 
nos  jours:  archaïsme,  atticisme,  cynisme,  idiotisme,  paganisme 
(qui  remplace  paienisme),  etc. 

Formes  élargies.  A  côté  de  -isme,  on  trouve  quelques  formes 
élargies:  -tisme  dans  bondieutisme ,  voijoutisme  (§  89);  -icisme 
(tiré  de  anglicisme,  gallicisme,  classicisme)  dans  celticisme,  pla- 
tonicisme,  romanticisme,  russicisme  (§  330,5);  -ianisme  (tiré  de 
cartésianisme,  voltair ianisme)  dans  baudelairianisme ,  bohémia- 
nisme,  parnassianisme,  victorianisme,  etc.  (§  330, 7)  et  quelques 
autres. 

Orthographe  Si  le  mot  primitif  se  termine  par  -g,  on  écrit 
-ysme  pour -zsme;  Bovary — bovarysme;  dandy— dandysme.  Après 
le  succès  d'Antony,  le  fameux  drame  werthérisant  d'A.  Dumas 
père  (1831),  on  créa  le  mot  antonysme. 

328.  Sur  le  modèle  des  mots  d'emprunt  cités  on  a  créé 
un  très  grand  nombre  de  dérivés  français  en  -isme.  Ces 
formations  nouvelles  datent  surtout  de  la  Renaissance,  où 
elles  fourmillent  dans  les  auteurs  savants;  c'est  au  XVP  siècle 
qu'on  a  créé  calvinisme,  épicurisme,  francisme,  gallicisme,  gas- 
conisme,  grécisme,  hébraïsme,  Imguenotisme,  italianisme,  jésu- 
isme,  pédantisme.  La  création  de  mots  en  -isme  continue  dans 
la  période  classique;  au  XVIP  siècle  appartiennent  anachro- 
nisme, cromwellisme ,  déisme,  héroïsme,  péripatétisme ,  philo- 
sophisme; au  XVIIP,  anglicisme,  atomisme,  civisme,  éléatisme, 
fédéralisme,  fétichisme,  leibnitzianisme. 

329.  Les  dérivés  modernes  en  -isme  sont  fort  nombreux,  et 
leur  nombre  augmente  tous  les  jours.  On  applique  notre  suf- 
fixe, également  apprécié  dans  la  langue  savante  et  dans  la 
langue  vulgaire,  aux  noms  communs  simples  et  composés,  aux 
noms  propres  et  aux  adjectifs  : 


» 


157 

P  Dérivés  de  noms  communs:  Absinthisme^  alcoolisme,  al- 
truisme (A.  Comte),  amateurisme,  animalisme,  archaïsme,  ata- 
visme, athéisme,  athlétisme,  automobilisme,  banditisme,  barbarisme, 
bouquinisme,  bromisme,  cabotinisme,  capitalisme,  chéquardisme, 
crétinisme,  despotisme,  étymologisme,  fonctionnarisme  (Bourget), 
gourmetisme,  impressionnisme,  inouîsme,  ironisme,  jingoïsme,  jour- 
nalisme, laquaiïsme,  lorettisme,  maniérisme,  monosyllabisme,  muf- 
lisme  (Flaubert),  naturisme,  nihilisme,  obscurantisme,  panamisme, 
panmuflisme  (Flaubert),  papisme,  parnassisme,  pétrolisme,  pignou- 
flisme  (Flaubert),  rastaquouérisme,  reporterisme,  sanscritisme,  sa- 
tanisme, sublimisme,   symbolisme,   troubadourisme,  vaudevillisme. 

2^  Dérivés  de  noms  propres:  Alphonsisme  (Bourget,  Pastels, 
p.  78),  bonapartisme,  bouddhisme,  césarisme,  chauvinisme,  crom- 
wellisme,  darwinisme,  donjuanisme,  don  quichottisme,  fourriérisme, 
mahométisme  (coin p.  §  330),  ossianisme,  platonisme,  spinozisme, 
trissotinisme,  etc.  Ajoutons  quelques  formations  récentes:  Bou- 
langisme,  déroulédisme,  dreyfusisme,  ibsénisme,  panurgisme,  zo- 
lisme,  wagnérisme. 

3^  Dérivés  d'adjectifs  :  Bilinguisme,  cagotisme,  cléricalisme,  ex- 
clusivisme, fatalisme,  libéralisme,  militarisme,  puérilisme,  purisme, 
sentimentalisme,  servilisme,  sincérisme. 

4:^  Dérivés  de  mots  composés  et  de  phrases  (comp.  §  41): 
Autrechosisme,  basbleuisme,  beaupérisme,  bondieutisme,  bongar- 
çonnisme,  chatnoirisme,  fortengueulisme,  mauvaissujeitisme,  pied- 
platisme  (Barbey  d'Aurevilly),  jemenfichisme  (atténuation  eu- 
phémistique  pour  jemenfoutisme). 

330.  Doublets.  Beaucoup  de  mots  en  -isme  se  présentent 
sous  une  double  forme;  dans  quelques  cas  isolés  l'usage  a 
donné  à  ces  doublets  des  acceptions  différentes  (allemandisme 
— allemanisme,  russisme — russicismej,  mais  ordinairement  ils 
présentent  absolument  le  même  sens.  Rappelons  à  ce  sujet 
quelques  vers  de  Musset: 

C'est  le  point  capital  du  mahométanisme. 

Diable!  j'ai  du  malheur,  —  encore  un  barbarisme! 
On  dit  mahométisme,  et  j'en  suis  bien  fâché. 

(Namouna,  I,  str.  73.) 

P  Allemandisme  —  allemanisme,  normandisme  —  normanisme 
(§  96),  goncourtisme — goncourisme  (§  102). 


158 

2*  Eumichisme  (eunuchismus;  sur  c/i,  voir  I,  §  119)  — 
euniicisme,  grécisme — gréquisme,  pétrarquisme — pétrarchisme. 

3°  Autoritarisme — aiitoritairisme  (§  48,  2). 

4°  Égoïsme  —  égotisme  (emprunté  de  l'anglais),  loyalisme — lé- 
galisme; vfr.  paienisme,  remplacé  par  paganisme. 

5^  Celtisme — celticisme,  électisme — électicisme,  helvétisme — helvé^ 
ticisme,  platonisme — platonicisme,  romantisme  —  romanticisme. 

6^  Cosmopolisme — cosmopolitisme,  jésuisme  (employé  au  XVP 
siècle)— jésuitisme,  préraphaélisme — préraphaélitisme^  Iiybrisme — 
hybridisme. 

7°  Antinomisme — antinomianisme ,  kantisme  —  kantianisme^ 
lockisme — lockianisme,  newtonisme —  newtonianisme,  parisisme — 
parisianisme,  parnassisme — parnassianisme ,  victorisme — Victoria- 
nisme. 

8^  Décadisme  — décadentisme ,  décentralisme  —  décentralisation- 
nisme,  mandaïsme  —  mandéïsme,  sabaïsme  —  sabéïsme. 

331.  Signification.  Le  suffixe  -isme  désigne: 

1®  Des  notions  abstraites:  archaïsme,  barbarisme,  héroïsme^ 
pédantisme,  etc. 

2^  Des  doctrines  philosophiques,  politiques,  religieuses,  ar- 
tistiques: calvinisme,  darwinisme,  jansénisme,  wagnérisme,  bou- 
langisme. 

3^  Une  tournure  propre  à  une  langue:  Florentisme,  galli- 
cisme, latinisme,  picardisme,  serbisme,  suécisme,  toscanisme,  wal- 
lonisme. 

332.  ISTE  reproduit  le  latin  -ista  (du  grec  -lotr^g),  qui  dé- 
signe des  personnes  agissantes.  Il  fut  très  employé  dans  la 
langue  de  l'époque  chrétienne:  baptista,  evangelista,  le- 
gista,  psalmista,  etc.,  et  son  emploi  est  toujours  allé  en 
augmentant;  il  est  de  nos  jours  plus  productif  que  jamais. 

Cas  isolés.  Dans  quelques  mots  -iste  reproduit  l'italien  -ista: 
duel  lista  )  duelliste,  et  l'anglais  -ist:  conformist  )  con- 
formiste, essayist  )  essayiste,  humorist  )  h umoriste. 

Formes  élargies.  A  côté  de  -iste  on  trouve  les  formes  élar- 
gies  -iniste  dans   irvinguiniste   de  Irving   (comp.  plautiniste,   de 


159 

plautinus,  à  côté  de  Plante)  et  -liste  dans  alinéaliste  (^  jour- 
naliste, criminaliste) . 

Orthographe.  Si  le  mot  primitif  se  termine  par  -y  on  écrit 
généralement  -y ste  pour  -iste.  Exemples:  Fortuny  —  fortunyste; 
Grévy—grévyste;  Ferry — ferryste,  etc.  On  trouve  pourtant  champ- 
fleuriste,  cluniste  (comp.  §  327). 

Remarque.  Au  lieu  de  -iste  on  trouve  parfois  en  ancien  français  -istre 
avec  un  r  adventice  (cf.  I,  §  504,  s)  :  alchemistre,  batistre,  choristre,  evange- 
listre,  legistre,  salmistre,  etc. 

333.  Les  mots  d'emprunt  en  -iste  remontent  au  moyen  âge;  ci- 
tons comme  exemples  archemiste,  decretaliste,  choriste,  evangeliste, 
juriste,  légiste,  organiste,  psalmiste.  D'introduction  plus  récente 
sont  antagoniste,  anabaptiste,  catéchiste,  épigrammatiste,  exorciste, 
panégyriste. 

A  côté  des  mots  empruntés  directement  au  latin  ou  au  grec, 
on  trouve  un  très  grand  nombre  de  créations  françaises  en 
-iste.  Au  moyen  âge  et  au  XVP  siècle  appartiennent  anatomiste, 
annaliste,  artiste,  cabaliste,  calviniste,  canoniste,  casuiste,  déiste, 
droguiste,  herboriste,  humaniste,  humoriste,  jésuiste  (§  330,  e), 
luthériste,  machiavéliste,  oculiste,  papiste,  rabbiniste,  sorboniste, 
etc.  Des  XV ÏP  et  XVIIP  siècles  datent  académistes,  anarchiste, 
apanagiste,  apologiste,  archiviste,  botaniste,  bouquiniste,  buraliste 
(§  74,  Rem.),  capitaliste,  chimiste,  congréganiste,  ébéniste,  fata- 
liste, fleuriste,  janséniste,  journaliste,  humoriste,  machiniste,  monar- 
chiste, moraliste,  nouvelliste,  optimiste,  parodiste,  publiciste,  quié- 
tiste,  royaliste,  séminariste,  etc.,  etc. 

334.  Au  XIX^  siècle,  le  nombre  des  dérivés  en  -iste  a  con- 
sidérablement augmenté,  et  de  nos  jours  on  en  voit  surgir  de 
tous  côtés,  le  suffixe  -iste  jouissant  d'une  très  grande  popula- 
rité. On  l'adapte  surtout  aux  noms,  rarement  aux  verbes. 

P  Dérivés  de  noms  communs  (français  et  latins):  Absten- 
tionniste, aquarelliste,  autographiste,  automobiliste,  bouquiniste, 
buriniste,  caricaturiste,  communiste,  congressiste,  couriériste,  cy- 
cliste, dragiste  (qui  fabrique  des  dragées),  décembriste,  équilibriste, 
essayiste,  étalagiste,  étatiste,  excursionniste,  fantaisiste,  féministe 
(créé  par  A.  Dumas  fils  en  1852  dans  VHomme-Femme  p.  91), 
gréviste,  hautboïste,  impressionniste,  ironiste,  légumiste,  lundiste, 
motocycliste,    opiumiste,    ornemaniste  (§  96),  pastelliste,   portrai- 


160 

turiste,  prosaïste  (V.  Hugo),  samediste  {Revue  critique,  1900,  II, 
355),  soiriste,  tsariste,  turfiste,  utopiste,  vaudevilliste. 

2^  Dérivés  de  noms  propres:  Boulangiste,  darwiniste,  drey- 
fusiste,  figariste,  gambettiste,  gréviste,  héhertiste,  irwinginiste,  in- 
griste,  kneippiste,  méliniste ,  panamiste,  moliériste,  rolandiste, 
ropsiste,  verlainiste,  wilsoniste. 

3°  Dérivés  d'adjectifs:  Centraliste,  futuriste,  frivoliste,  impéria- 
liste, légitimiste,  nationaliste^  positiviste,  rougiste,  socialiste,  uni- 
tariste. 

4^  Dérivés  de  mots  composés,  de  phrases  et  d'adverbes: 
Aujourdhuiste,  chdmp-de-marsiste,  entr' actiste,  état-majoriste,  fait- 
diversiste,  nature  mortiste,  plein  airiste,  quatre-vingt-neuviste,  vers- 
libriste,  jemen fichiste. 

5^  Dérivés  de  verbes  :  arriviste,  engagiste. 

335.  Formations  analogiques.  Le  suffixe  -iste  a  été  remplacé 
par  -ite  (§  340,  3)  dans  jésuiste  )  jésuite.  L'ancien  spiritiste  a  été 
remplacé  par  l'anglais  spirite. 

336.  On  trouve  un  petit  nombre  de  synonymes  en  -iste,  dus 
ou  à  des  emprunts  aux  langues  étrangères  ou  à  des  procédés 
de  dérivation  particuliers.  Les  voici  par  ordre  alphabétique: 
Chambriste — camériste  (emprunté  de  l'esp.  camarista).  Dé- 
cadiste — décadentiste.  Éventaliste  (Furetière),  remplacé  par  éven- 
tailliste.  Lendemainiste  —  lendemaintiste  (§  89).  Médaliste  (XV IP 
siècle),  remplacé  par  médailliste.  Moyenâgiste  (usité  de  1840 — 
1850),  remplacé  par  médiéviste.  Vériste  —  vérétiste.  Rappelons 
aussi  bayliste  et  beyliste.  On  évite  généralement  dantiste  à  cause 
de  l'odieux  calembour  avec  dentiste. 

337.  Concurrence  de  formes.  Comme  les  suffixes  -eur,  -eux, 
-ien,  -ier,  -isant  peuvent  avoir  le  même  sens  que  -iste,  on  trouve 
souvent  plusieurs  formes  du  même  mot  présentant  tantôt  l'un, 
tantôt  l'autre  de  ces  suffixes.  Nous  allons  citer  un  certain 
nombre  de  ces  doublets  qui  sont,  le  plus  souvent,  absolument 
synonymes;  dans  quelques  cas  seulement  ils  présentent  une 
différenciation  de  sens. 

1^  Bourdonniste — bourdonneur;  cornemusiste — cornemuseur 
(cornemuseux) ;  détailliste  —  détailleur;   dialoguiste  —  dialogueur; 


161 

médailliste — médailleur  ;  monologuisie —  monologueur;  portraitiste 
— portra iteur  ;  polkiste—polkeur  ;  treitlagiste — treillageur. 

2^  Académiste — académicien;  bacornste — baconien;  dantoniste — 
dantonien;  landerniste — landernien;  ludoviciste  (élève  du  lycée 
St.  Louis) — ludovicien  (partisan  de  Louis  Bonaparte);  nietzschiste 
— nietzschéen;  normaliste — normalien.  Nie.  Oresme,  dans  sa  tra- 
duction d'Aristote,  dit  doriste,  frigiste,  îydiste,  pour  dorien^  phry- 
gien, lydien;  on  a  dit  de  même  luthériste,  pour  luthérien;  par 
contre  chronologien  a  été  remplacé  par  chronologiste.  Comp.  en- 
fin machiniste  et  mécanicien. 

3°  Bulletiniste — bulletinier ;  éventailliste — éventaillier ;  fait-diver- 
siste — fait-diversier ;  jardiniste  — jardinier;  marronniste — marron- 
nier; nature-mor liste — nature-mortier  ;  prébendiste — prébendier. 

4^  Arabiste — arabisant;  celtiste — celtisant;  germaniste — germani- 
sant; hispaniste — hispanisant;  slaviste — slavisant,  etc.;  tous  ces 
mots  sont  synonymes.  Gréciste  et  latiniste  présentent  une  autre 
signification  que  grécisant  et  latinisant. 

338.  Signification.  Le  suffixe  -iste  désigne  ordinairement  un 
homme  qui,  de  quelque  manière,  s'occupe  de  l'objet  indiqué 
par  le  radical,  en  le  vendant,  le  fabriquant,  le  produisant,  le 
professant,  le  cultivant,  etc.,  etc.:  Bandagiste,  bouquiniste,  ca- 
lembouriste,  médailliste,  aqua-fortiste,  archiviste,  journaliste,  roya- 
liste, bonapartiste,  darwiniste,  etc.,  etc. 

Remarque.  Comme  terminaison  des  »nomina  agentis«  -ier  (§  251)  est  à  peu 
près  synonyme  de  -iste.  Pourtant  ce  dernier  suffixe  indique  parfois  une  posi- 
tion sociale  plus  élevée  que  le  premier;  comp.  la  différence  entre  jardiniste 
et  jardinier. 

339.  ITE.  Ce  suffixe  savant,  d'un  emploi  assez  varié,  tire 
son  origine  de  différentes  terminaisons  grecques  ou  gréco- 
latines.  Il  reproduit  le  grec  -hr^g:  alfiaTlTT]g  )  hématite,  (.lala- 
X^'^^S  y  malachite,  etc.,  le  grec  -ÎTtg:  ccçd^çÎTig  )  arthrite,  vecpQÎ- 
Tig  >  néphrite,  etc.,  le  gréco-latin  -ita  employé  dans  le  latin 
ecclésiastique:  cenobita  >  cénobite,  sodomita  >  sodomite. 

340.  Le  suffixe  -ite  a  été  utilisé  dans  de  nombreuses  créa- 
tions nouvelles  appartenant  surtout  au  langage  technique. 

1*^  Ite  (de  -hrjg)  sert  dans  la  nomenclature  minéralogique  et 
chimique:    anthracite,  azurite,   chalcite,  chlorite,  franklinite,  fui- 

11 


162 

gurite,  graphite,  humholdtite,  lyddite,  mélanite,  uvanite,  etc.  Une 
des  dernières  créations  est  sorbiérite,  sucre  extrait  des  baies  du 
sorbier. 

2^  Ite  (de  -mg)  est  très  employé  dans  le  langage  médical 
où  il  forme  des  substantifs  féminins  désignant  l'inflammation 
des  parties  du  corps  indiquées  par  le  radical  :  appendicite, 
bronchite,  colite,  conjonctivite,  cystite,  entérite,  hépatite,  laryngite, 
méningite,  péritonite,  etc. 

3^  Ite  (de  -ita)  s'attache  aux  noms  propres  et  désigne  un 
partisan  de  la  personne  en  question  :  Adamite,  barnabite,  hus- 
site,  jacobite,  jésuite  (a  remplacé  jésuiste,  employé  jusque  dans 
le  XVIP  siècle),  etc.  Cet  emploi  est  encore  vivant,  comme  le 
montrent  boulangite  (Villatte)  et  ibsénite,  quoiqu'on  se  serve 
ordinairement  du  suffixe  -iste. 

341.  ITE  reproduit  le  latin  -itas  (-ita  te  m).  On  le  trouve 
dans  beaucoup  de  mots  d'emprunt:  absurdité,  activité,  agilité, 
aménité,  animosité,  antiquité,  atrocité,  calamité,  civilité,  dignité, 
éternité,  félicité,  fidélité,  etc.  et  dans  un  très  grand  nombre  de 
créations  françaises  tirées  exclusivement  d'adjectifs.  Notons 
que  la  terminaison  de  quelques-uns  de  ces  adjectifs  subit  di- 
vers    changements:     -able abilité    (inviolable — inviolabilité), 

-ible ibilité  (aperceptible  —  aperceptibilité),  -ique icité  (catho- 
lique— catholicité);  enfin  la  forme  populaire  -et  est  échangée 
contre  -al  (actuel— actualité),  et  -ain  est  remplacé  par  -an  (mon- 
< la  in — monda n  ité) . 

342.  ITION.  Ce  suffixe  se  trouve  dans  un  certain  nombre 
de  mots  d'emprunt:  audition  (auditio),  perdition  (perditio), 
pétition  (p  e  t  i  t  i  o) ,  répétition  (r  e  p  e  t  i  t  i  o) ,  sédition  (s  e  (  1  i  t  i  o) , 
vendilion  (venditio),  etc.  Les  formations  nouvelles  ne  sont 
pas  très  nombreuses;  nous  ne  saurions  citer  que  endormilion 
(L.  Bocquet,  Albert  Samain,  p.  117)  et  futurition. 

343.  ITUDE  reproduit  la  terminaison  latine  -(i)tudo.  Nous 
le  trouvons  dans  beaucoup  de  mots  d'emprunt:  aptitude,  certi- 
tude, habitude,  latitude,  rectitude,  etc.  Les  créations  françaises 
ne  sont  pas  nombreuses.  Les  voici:  Décrépitude,  tiré  de  décré- 
pit avec  haplologie  de  -it-  (voir  §  80),  remonte  au  XIV^  siècle. 
Esclavitude.    Exactitude  remplace,    malgré  Vaugelas    (I,   §  69), 


\ 


163 

exacteté  et  exactesse.  Platitude  remonie  au  XVIP  siècle.   Vastitude 
est  dû  à  Chateaubriand.  Sur  foultitude,  voir  I,  §  527, 2. 

344.  ITURE  reproduit  le  latin  -itura  (dans  la  formation 
populaire,  celte  terminaison  a  été  remplacée  par  -atura  > 
-ëure  )  -ure;  §  296).  Les  créations  françaises  oii  se  trouve 
-iture  ne  sont  pas  très  nombreuses;  on  ne  saurait  guère  citer 
que  confiture,  fourniture,  garniture,  investiture,  pourriture. 

345.  OL  et  OLE  (ou  OLLE)  sont  des  suffixes  de  significa- 
tion et  d'origine  différentes  selon  les  mots  où  ils  se  trouvent. 

■    Sur  la  forme  allongée  -erol(t)e,  voir  §  397. 

1^  01  (au  féminin  -oie)  était  au  moyen  âge  une  forme  col- 
latérale de  -uel,  -eut  (§  227);  à  côté  de  aïeul  -e,  chevreul,  fil- 
leul -e,  lorieul,  on  trouve  aïol,  chevrol,  fillol  -e,  loriot.  Ces  formes 
savantes  ou  dialectales  n'ont  pas  duré;  remarquez  pourtant 
qu'on  a  dit  fillol  jusque  dans  le  XVIP  siècle  (I,  §  177).  Le 
suffixe  -ol  (-oie)  était  très  peu  productif;  on  peut  citer  comme 
créations  françaises  vfr.  bannerole  (de  bannière),  remplacé  par 
banderole  (de  bandière),  vfr.  maillol  (de  maille),  vfr.  fuirole  ) 
furole  (de  fuir),  vfr.  faverole  )  fèverolle  (de  fa  bar  i  a),  paillote, 
menue  paille  (L'Escoufle,  v.  5231). 

Formations  analogiques.  Le  suffixe  -ol  a  été  remplacé  par 
-ot  dans  loriot  et  maillot,  dont  les  anciennes  formes  sont  loriot 
et  maillol  (cf.  §  291). 

2^  01  est  d'origine  méridionale  dans  campagnol  (it.  cam- 
pagnuolo),  romagnol  (it.  romagnuolo),  espagnol  (esp.  es- 
panol);  sur  le  modèle  de  ces  mots,  où  -ol  marque  la  pro- 
venance, on  a  formé  cévenol  (de  Cévennes).  Rappelons  aussi 
rossignol. 

346.  Ole  (-olle)  se  trouve  dans  un  certain  nombre  dé  mots 
d'emprunt;  il  a  été  peu  productif  en  français. 

P  Mois  d'origine  méridionale,  surtout  ilalienne:  barcarolle 
(it.  barcarola),  barquerolle  (vén.  barcaruola),  cabriole  (it. 
capriola),  casserole  (it.  cazzarola),  escarole  ou  scar(iJole  (it. 
scariola),  étudiole  (it.  studiolo),  fumerole  (it.  fumarola), 
fusarolle  (it.  fusaruola),  girandole  (\i.  girandola),  girole 
(prov.  giroulo),  gondole  (it.  gondola),  luciole  (it.  lucciola), 
rabiote  (prov.  rabiolo). 

11* 


164 

2*^  Mots  savanls:  Alvéole  (alveolus),  aréole  (areola),  auré- 
ole (auréola),  bractéole  (bracteola),  cornéole  (corneola), 
/ascb/e  (fa  s  eol  us),  glaréole  (gl  arec  la),  lancéolé  (la  n  ce  o  la), 
lauréole  (laureola),  malléole  (m  ail  eol  us),  vérole  (variola), 
etc.  Bestiole  (bestiola),  fasciole  (fa  s  ci  ol  a),  foliole  (folio- 
lum),  gloriole  (gloriola),  gratiole  (gratiola),  pétiole  (pe- 
tiolus),  variole  (variola),  etc. 

3^  Mots  français.  On  ne  peut  signaler  qu'un  nombre  res- 
treint de  mots  nouveaux  formés  à  l'aide  de  -oie  (-éole,  -iole) 
et  tirés  de  mots  français  ou  de  thèmes  latins;  ils  appartiennent 
tous,  comme  le  montrent  les  exemples  suivants,  à  la  langue  sa- 
vante: Aranéole  (de  aranea),  astériole  (de  asteria),  flavéole 
(de  fia  vus),  nivéole  (de  niveus).  Absidiole  (de  abside),  arté- 
riole  (de  artère),  coqueluchiole,  gaudriole  (dér.  plaisamment  de 
gaudir),  herniole  (de  hernie),  roséole  (de  rose),  rougeole  (de 
rouge). 

347.  OSE  reproduit  soit  le  grec  -woig:  al/ndzwGtg  )  hématose, 
d/iiavQcoGig  >  amaurose,  èyxvfnwGig  )  enchymose,  etc.,  soit  le  latin 
-osus  (dont  la  forme  populaire  est  -eux;  §  232):  morosus  > 
morose,  nivosus  )  nivôse,  pluviosus  )  pluviôse,  ventosus 
)  ventôse,  soit  l'it.  -oso:  grandioso  )  grandiose,  virtuoso  > 
virtuose. 

348.  Le  suffixe  -ose  est  devenu  d'un  emploi  étendu  dans  la 
nomenclature  technique. 

1^  Ose  (de  -woig)  sert  dans  la  nomenclature  de  la  médecine 
oiî  il  désigne  les  affections  qui  peuvent  atteindre  la  partie 
du  corps  indiquée  par  le  radical:  Dermatose,  gastrose,  névrose; 
chlorose. 

2^  Ose  (de  -osus)  sert  dans  le  langage  chimique:  Cellulose, 
glucose,  ichthyose,  maltose. 

349.  ULE  remonte  au  latin  -ulus,  -ula,  -ulum.  Il  se  trouve 
dans  beaucoup  de  mots  d'emprunt:  formule  (formula),  libel- 
lule (libellula).  Dans  les  créations  françaises,  peu  nombreuses, 
-ule  s'ajoute  tantôt  à  un  radical  latin:  florule  (de  flore),  ovule 
(de  ovum),  tantôt  à  un  radical  français:  antennule,  criticule 
(Goncourt),  veinule  (O.  Mirbeau). 

Forme  élargie:  -icule  (voir  §  406). 


CHAPITRE  VIII. 

SUFFIXES   D'ORIGINE  ETRANGERE. 


350.  Le  français  a  emprunté  un  petit  nombre  de  suffixes 
aux  langues  étrangères.  On  trouve  dans  les  plus  vieux  textes 
quatre  ou  cinq  suffixes  d'origine  germanique:  -ais,  -ait,  -art, 
-enc  (cf.  I,  §  8);  sur  -enge,  voir  §  175,  Rem.  Après  la  Renais- 
sance l'influence  méridional  amène  -ade,  -asque,  -esque.  Les 
autres  suffixes  empruntés  dont  on  constate  l'emploi,  n'ont 
aucune  importance. 

Remarque.  Dans  les  paragraphes  précédents  nous  avons  à  plusieurs  re- 
prises signalé  des  suffixes  d'origine  étrangère  sur  lesquels  nous  ne  revien- 
drons pas  ici;  ainsi  -an,  -at,  -ol  figurent  en  même  temps  dans  des  mots  sa- 
vants et  dans  des  mots  empruntés  aux  autres  langues  romanes. 


A.    SUFFIXES  D'ORIGINE  GERMANIQUE. 

351.  AIS  ou  OIS,  primitivement  EIS,  remonte  au  germ.  -isk 
(croisé  avec  le  gréco-latin  -iscus):  frankisk  )  franciscus 
)  franceis  >  françois  >  français;  thiudisk  >  thiudiscus  > 
tieis,  tiois.  Que  nous  n'ayons  pas  ici  des  dérivés  de  -ensis 
(§  166),  c'est  ce  qui  est  rendu  probable  par  les  vieux  féminins 
français:  francesche  (voir  ZRPh,  XVI,  247),  tiesche,  et  par  les 
formes  des  autres  langues  romanes:  \i.^  francesco,  tedesco,  esp. 
tudesco,  prov.  francesc.  On  trouve  -eis,  -esche  dans  plusieurs 
formations  nouvelles:  anglais  —  anglesche,  daneis  —  danesche, 
grieis  —  griesche,  galeis  —  galesche,  saracineis  —  saracinesche,  etc. 
(comp.  en  prov.  espanesc,  grezesc,  preensalesc,  sarracinesc).  Dans 
les   mots   français  cités  le  féminin  étymologique  disparaît  peu 


166 

à  peu  devant  un  féminin  analogique:  il  y  a  assimilation  du 
type  daneis  —  danesclie  au  type  corteis  —  corteise^  d'où  la  forme 
nouvelle  daneise  (comp.  II,  §  417). 

352.  ARD.  Ce  suffixe,  qui  ne  se  retrouve  qu'en  français  et 
en  italien,  provient  de  la  terminaison  -hart,  employée  dans 
des  noms  de  personnes  composés:  Adalhart,  Bernhard,  Eber-_ 
hart,  Eginhart,  Reginhart,  etc.  Beaucoup  de  ces  noms  passent 
en  français:  Alard,  Aymard,  Bernard,  Evrard^  Guiard,  Guichard, 
Renard,  Richard,  etc.  Des  noms  propres,  le  suffixe  -ard  passe 
aux  noms  communs  (substantifs  et  adjectifs),  comme  le  montrent 
bâtard,  couard,  gaillard,  richard,  vieillard,  qui  remontent  tous 
à  l'époque  gallo-romane.  Plus  tard,  il  s'adapte  aussi  aux  thèmes 
verbaux:  vfr.  baillart,  frappart  (bourreau),  huart.  L'emploi  de 
ce  suffixe  est  toujours  allé  en  augmentant,  et  il  est  de  nos 
jours  plus  vivant  et  plus  productif  que  jamais. 

Orthographe.  L'ancienne  forme  française  était  -art;  elle  est 
devenue  -ard  sous  l'influence  du  féminin  -arde;  il  faut  pro- 
bablement ici  admettre  l'influence  d'un  mot  tel  que  tart,  au 
féminin  tarde  (comp.  II,  §  415).  Notons  qu'on  écrit  -art  pour 
-ard  dans  boulevart,  orthographe  de  l'Académie,  à  côté  de  boule- 
vard, et  brocart  (étoffe  de  soie)  pour  éviter  la  confusion  avec 
brocard;  on  hésite  entre  soudart  et  soudard. 

Formes  élargies.  A  côté  de  -ard,  on  trouve  -sard  dans  bon- 
dieusard  (§  91,  i)  et  banlieusard  (Donos,  Verlaine  intime,  p.  195). 
Ces  mots  paraissent  formés  sur  gueusard.  Comment  expliquer 
goguenard,  de  goguel 

353.  Voici  un  choix  d'exemples  de  formations  françaises  à 
l'aide  de  -ard: 

P  Dérivés  d'adjectifs:  Blanchard,  richard,  vieillard.  Ajoutons 
sotard,  employé  par  Jodelle  {Eugène  I,  se.  1),  friponard  (XVP 
siècle),  fadard  employé  par  Labiche  {Deux  papas  très  bien: 
1844). 

2^  Dérivés  de  noms  communs:  Campagnard,  canard  (II, 
§  431),  communard  (1871),  cuissard,  frocard,  gueusard,  mon- 
tagnard, paillard,  oreillard,  têtard,  soudard,  etc. 

3^  Dérivés  de  noms  propres:  Colard  (de  Nicolas),  Charlard, 
Denisard  (abrégé:  Nisard),  Jacquard,  Philippard,  Pierrard.  Rap- 
pelons aussi  dreyfusard. 


167 

4^  Dérivés  de  verbes:  Babillard,  brocard,  criard,  cumulardy 
fuyard,  grognard,  gueulard,  jasard  (R.  Garnier),  nasillard,  peu- 
dard,  piaûlard,  pleurard,  pochard,  rigolard  (H.  Lavedan,  Les 
beaux  dimanches,  p.  263),  soûlard,  trichard,  traînard,  vidard. 

354.  Formations  analogiques. 

Dans  plusieurs  cas  -ard  a  été  substitué  à  une  autre  termi- 
naison; il  remplace  surtout  -ar,  -are,  -arc  et  -al,  -at.  Ex- 
emples: Baillard  (I,  §  528,  Rem.)  était  au  moyen  âge  baillarc, 
ce  qui  a  fait  proposer  comme  point  de  départ  (bord  eu  m) 
Baliaricum  (A.  Tbomas,  Mélanges  d'étymologie,  p.  27);  on  a 
aussi  une  forme  féminine  baillarge  qui  paraît  appuyer  cette 
étymologie.  Bézoard,  du  port,  bezuar.  Blafard  <  aha.  bleih- 
varo.  Boulevard  <  boll.  BoUwerk.  Boyard  <  russe  boïar. 
Brancard  <(  prov.  mod.  bran  cal.  Brocard,  altération  de  bro- 
cat  (encore  dans  Furetière,  1690)  <  it.  broccato.  Brouillard, 
altération  de  brouillas  (§  179,  2).  Épinard,  autrefois  espinar(d), 
emprunté  de  Tesp.  espinaca.  Escarbillard,  doublet  de  escar- 
billat  <  gascon  escarrabilhat.  Homard,  autrefois  homar  <( 
vnor.  humarr.  Hussard  <  hongrois  huszâr.  Jumart  <  prov. 
mod.  gemerre  (ou  gemarre).  Louvard,  doublet  de  louval 
(§  185).  Milliard  <  esp.  millar.  Poignard,  au  moyen  âge 
peignai  Surard,  autrefois  seura/ (Cotgrave,  1611).  Ajoutons  en- 
core les  noms  de  lieux  Pommard  «  Polmarcum)  et  Couard 
(  <  Cùcubarrum). 

Remarque.  Sur  les  féminins  tels  que  avarde,  voir  II,  §  416,  2,  et  ci-dessus 

§  «8. 

355.  Signification.  La  signification  primitive  de  -ard  s'est 
effacée  de  bonne  heure,  peut-être  déjà  en  germanique. 

P  En  français,  -ard  désigne,  presque  exclusivement,  des 
êtres  vivants;  on  le  trouve,  comme  nous  avons  vu,  dans  les 
noms  propres:  Richard,  Colard,  et  dans  les  noms  communs: 
bâtard,  campagnard,  canard,  renard,  chevrillard. 

2^  Dans  quelques  cas  isolés,  -ard  désigne  aussi  des  objets: 
béchard,  billard,  bocard,  bousard,  brassard,  buvard,  corbillard, 
cuissard,  étendard,  faucard,  fauchard,  flambard,  pétard,  placard, 
poignard,  puisard. 

3^  Comme  -ard  sert  souvent  à  souligner  la  présence  d'une 
qualité:  bocard,  nasard,   vieillard,  il  adopte  facilement  un  sens 


168 

augmentatif:   bécard^   brocard,   chicard,  dagard,  gaillard,  vei- 
nard. 

Remarque.  Chicard  désigne  proprement  celui  qui  possède  le  comble  du 
chic.  Pendant  la  période  de  1830  à  1850,  c'était  le  surnom  d'une  célébrité 
chorégraphique  et  du  costume  carnavalesque  qu'il  mit  à  la  mode.  On  se 
servait  aussi  des  formes  superlatives  chicandar(d),  chicocandar(d). 

4^  Au  sens  augmentatif  se  joint  facilement  une  nuance  pé- 
jorative: richard,  gueusard,  frocard.  Dans  la  langue  moderne, 
le  sens  défavorable  l'a  emporté,  comme  le  montreront  les  ex- 
emples-suivants: Badouillard,  balochard,  bondieusard,  capitu- 
lard,  chançard,  chicard,  chéquard  (créé  en  l'hiver  de  1892), 
choucroutard,  coupolard,  communard,  débrouillard,  déchard,  dé- 
cembraillard,  dreyfusard,  dynamitard,  faiblard,  fêtard,  fiémard, 
flingard,  flottard,  gueulard,  légitimard,  lignard,  médaillard,  om- 
nibusard,  pantouflard,  patriotard,  pauurard,  porte feuillard,  revan- 
chard, soiffard,  etc. 

Remarque.  A  cause  de  la  valeur  dénigrante  de  notre  suffixe,  les  Niçards 
et  les  Savoyards  aiment  à  se  déguiser  en  Niciens  et  Savoyens  ou  Savoisiens 
(modelé  sur  parisien).  Ajoutons  pourtant'  que  le  mot  Savoyard  a  été  dé- 
précié non  seulement  par  suite  de  sa  terminaison,  mais  parce  que  les  Sa- 
voyards, gens  pauvres,  étaient  surtout  représentés  en  France  par  des  ra- 
moneurs. 

5^  Notons  en  dernier  lieu  que  -ard,  ajouté  à  des  noms  d'a- 
nimaux, peut  avoir  un  sens  diminutif:  vfr.  bichard  (petit  de 
la  biche),  louvard  (jeune  loup).  Faut-il  ici  admettre  une  in- 
fluence du  suffixe  -a/? 

356.  ARDE,  forme  féminine  de  -ard  (§  352).  Elle  s'emploie 
dans  le  féminin  des  noms  en  ard:  richard — richarde,  paillard 
—  paillarde,  bâtard  —  bâtarde,  etc.  Elle  sert  aussi  à  former  des 
substantifs:  bombarde,  moutarde,  nasarde,  poissarde,  poularde. 
Ajoutons  bouffarde  (petite  pipe),  employé  pour  la  première 
fois  par  Labiche  dans  la  comédie  intitulée  Deux  papas  très  bien 
(1844):  Poupardin.  Bouffarde!  Qu'entendez-vous  par  ce  substan- 
tif? Tourterot.  Sa  bouffarde?  . . .  c'est  Dagobert,  sa  pipe  favo- 
rite, ainsi  nommée  parce  qu'elle  est  culottée. 

357.  AUD  ou  AUT,  autrefois  ALT  (cf.  I,  §  343)  remonte  à 
-wald  (de  waldan,  gouverner)  qu'on  trouve  dans  certains 
noms   propres:    Answald,    Grimwald,    Herwald;  il    sert  d'abord 


169 

à  former  des  noms  de  personnes  avec  des  radicaux  germa- 
niques (Giiiraud,  Regnaud),  puis  aussi  avec  des  radicaux  la- 
tins (Clairalt,  Clairaiit,  Clairaud)  ;  il  passe  ensuite  aux  noms 
communs  et  forme  des  substantifs  avec  des  radicaux  germa- 
niques (ribalt,  ribaud),  et  des  adjectifs  avec  des  radicaux  latins 
(rustaud,  noiraud).  Il  n'a  jamais  été  très  productif,  et  paraît 
mort  dans  la  langue  actuelle. 

Orthographe.  La  forme  la  plus  employée  est  -aud  (comp. 
II,  §  415).  Dans  quelques  substantifs  on  trouve  -aut  (boucaut, 
héraut;  artichaut)  qui  se  retrouve  également  dans  quelques 
noms  propres  (Clairaut,  Féraut,  etc.);  enfin  les  noms  propres 
présentent  aussi  -ault:  Brunault ,  Perrault,  etc.;  cf.  I,  §  97,5). 

Formes  élargies.  A  côté  de  -aud,  on  trouve  -icaud,  dans 
moricaud  (de  More),  ei -igaud,  dans  salig aud  (de  sale)  ;  l'origine 
des  deux  formes  est  obscure. 

358.  Voici  un  relevé  des  mots  les  plus  importants  qui  pré- 
sentent le  suffixe  aud  (-aut): 

1^  Noms  de  personnes:  Aillaud,  Arnaud,  Arthaud,  Andrault, 
Barrault,  Bellaud,  Bonnaud,  Brossàud,  Brunault,  Clairaut,  Fé- 
raud,  Ferrault,  Huraut,  Michaud,  Madaud,  Pinault,  Regnault, 
Vergniaud,  etc. 

2^  Noms  communs:  Brifaud  (glouton)  du  verbe  brifer;  gri- 
maud,  dérivé  du  radical  de  grimoire{l);  héraut,  dér.  de  l'aha. 
haren,  crier  (?);  maraud;  vfr.  marpaut  (goinfre,  voleur);  ni- 
gaud; ribaud;  taraud,  dér.  de  tarele,  cf.  §  78.  Il  faut  ajouter 
quelques  noms  d'animaux:  Boucaut,  dér.  de  bouc,  crapaud, 
pataud  (dér.  de  patte). 

3^  Adjectifs.  Courtaud,  finaud,  lourdaud,  noiraud,  richaud, 
rougeaud,  rustaud  (dér.  de  ruste,  ancienne  forme  de  rustre; 
voir  I,  §  504,  s),  salaud,  sourdaud.  Ajoutons  quelques  mots 
d'origine  incertaine:  faraud,  penaud,  quinaud. 

359.  Formations  analogiques. 

1^  Dans  plusieurs  mots  -aud  (-aut)  ne  représente  qu'un  ar- 
rangement orthographique  d'une  terminaison  étrangère  : 

Artichaut,  emprunté  de  l'it.  articiocco.  Ronsard  {Odes,  II 
18)  écrit  des  artichos. 

Badaud,  emprunté  du  prov.  badau. 

Cabillaud,  emprunté  du  holl.  kabeljau. 


170 

Échafaud,  de  *catafalcum,  est  pour  échafauc  (comp.  cata- 
falque, et  prov.  escadafalc). 

Epraulty  orthographe  fautive  pour  '■^'épereaii  (Romania,  XXVIII, 
182). 

Mareschaiit  s'employait  dans  la  vieille  langue  concurremment 
avec  mareschal(c)  ;  on  en  avait  tiré  le  féminin  mareschaude. 

2®  Dans  quelques  cas  -aud  a  été  confondu  avec  -eau;  voir 
§  384,  Cas  isolés. 

360.  Signification.  Le  suffixe  -aud  s'emploie  le  plus  sou- 
vent avec  un  sens  péjoratif:  ribaud,  grimaud,  maraud,  nigaud. 
Dans  les  adjectifs  il  marque  surtout  l'exagération  en  mal  d'une 
qualité:  lourdaud,  rougeaud,  sourdaud.  Comment  notre  suf- 
fixe est-il  arrivé  à  prendre  cette  valeur?  Elle  n'existe  pas  dans 
des  mots  comme  boucaud,  taraud,  ni  dans  les  noms  de  per- 
sonnes. 

361.  ENC  (LENC)  remonte  au  germanique  -ing  (-ling),   qui 

a  aussi  pénétré  en  italien  (-ingo),  en  hispano-portugais  (-engoj 
et  en  provençal  (-enc).  Au  Nord  de  la  France,  on  ne  le  trouve 
que  dans  la  plus  ancienne  période  de  la  langue;  il  se  confond 
de  bonne  heure  avec  d'autres  suffixes,  qui  finissent  par  le 
supplanter  tout  à  fait.  Ce  suffixe,  qui  indique  ordinairement 
une  origine  ou  une  parenté,  se  trouve  dans  les  mots  germa- 
niques suivants: 

Brelenc,  berlenc  (aha.  bretlenc,  proprement  petite  planche), 
employé  encore  au  commencement  du  XV^  siècle;  remplacé 
par  brelan  ou  berlan:  on  hésitait  entre  ces  deux  formes  jusque 
dans  le  XVIP  siècle  (I,  §  518,  i).  Sur  les  dérivés  de  brelenc, 
voir  §  88, 1. 

Chambrelenc  ou  chamberlenc  (aha.  camarlinc;  cf.  prov. 
camarlenc)  d'où  chambellenc  et  enfin  chambellan.  Le  doublet 
camerlingue  est  emprunté  de  l'ital.  camarlingo. 

Esperlenc  (aha.  spierling),  changé  en  éperlan. 

Flamenc  du  néerl.  VI  œ  m  in  g  (comp.  it.  Flammingo,  esp. 
Flamenco,  prov.  Flamenc);  on  trouve  dans  la  vieille  langue  le 
féminin  flamenge  et  les  dérivés  flamangaille,  flamengel,  flamen- 
gerie.  La  forme  primitive  disparaît  déjà  au  moyen  âge;  elle 
est  remplacée  par  les  deux  formes  analogiques  flamain  qui 
n'a  qu'une  courte  vie,  et  flamand  conservé  jusqu'à  nos  jours. 


171 

Flooveiic  (de  Hlodovinc,  fils  ou  descendant  de  Hlodowech) 
se  change  en  Flooven,  Floovent,  Flouent,  surnom  d'un  héros  de 
l'ancienne  épopée  française  derrière  lequel  se  cache  le  roi 
mérovingien  Dagobert. 

Loherenc  (aha.  Lotharing);  à  côté  de  cette  forme  on  trouve 
de  bonne  heure  au  moyen  âge  loherain  et  lorrain. 

362.  Notre  suffixe  a  été  aussi  ajouté  à  des  mots  de  forma- 
tion française: 

Balcenc  (tiré  de  balteus;  cf.  Romania,  XXIV,  586),  plus 
tard  baucenc,  haucent,  bauçain,  etc.  Le  mot  signifie  blanc  et 
noir,  ou  cheval  pie;  il  n'a  pas  survécu  au  moyen  âge. 

Bonnenc,  estomac,  d'origine  inconnue. 

'^Boulenc  (de  boule?),  primitif  supposé  de  boulanger. 

'^Estevenenc  (de  Estèvene  <  Stephanum;  cf.  I,  §  259,  Rem.), 
primitif  probable  du  vieux  mot  estevenant,  nom  d'une  mon- 
naie frappée  à  l'effigie  de  St.  Etienne. 

Ferrenc  (de  fer  <  fer  ru  m),  forme  primitive  probable  de  fer- 
rant (gris  de  fer,  cheval  gris  de  fer). 

Gardenc  (de  garde),  devient  garden,  et  par  changement  de 
suffixe  gardien. 

Jaserenc  (du  nom  de  la  ville  d'Alger,  en  arabe  al-Djezair), 
remplacé  par  jaseranc,  jaserant,  jaseran. 

Marenc  (tiré  de  mare,  mer):  c'est  probablement  cet  adjectif 
qui  se  retrouve  dans  cormoran,  autrefois  cormorant  (forme 
conservée  en  anglais),  cormarant,  lequel,  selon  M.  A.  Thomas, 
représente  un  plus  ancien  corp  marenc  (corbeau  de  mer). 

*Merlenc  (de  merle),  primitif  probable  de  merlanc,  merlan. 

Païsenc  (de  pais),  primitif  probable  de  paysan;  on  trouve 
aussi,  dans  la  vieille  langue,  paysant  (II,  §  271,  i)  et  paysand 
(§  88). 

'^Tisserenc  (du  vfr.  lissier,  tisseur),  primitif  probable  de  tisse- 
rand; comp.  le  nom  propre   Teisserenc  de  Sort. 

363.  Les  exemples  cités  nous  montrent  que  enc  a  été  rem- 
placé par  -an,  -and,  -ant,  -ain.  Dans  plusieurs  cas  la  forme 
actuelle  ne  s'est  fixée  qu'après  une  certaine  hésitation  entre 
les  suffixes  de  remplacement. 


172 

1^  Dans  la  langue  moderne  -enc  est  généralement  remplacé 
par  -an:  Boiigran,  brelan,  chambellan,  cormoran  (pour  corma- 
ran),  éperlan,  jaseran,  merlan,  paysan,  peigneran,  salleran. 

2^  And  a  été  adopté  dans  flamand,  tisserand,  batterand.  Rabe- 
lais écrit  breland  pour  brelan,  et  la  langue  actuelle  connaît  le 
dérivé  brelander. 

3°  Ain  a  été  adopté  dans  lorrain;  au  moyen  âge  on  trouve 
aussi  Chamberlain,  flamain. 


B.   SUFFIXES  D'ORIGINE  MERIDIONALE. 

364.  A  DE  est  emprunté  aux  idiomes  méridionaux:  prov. 
-ata  (-ado);  it.  -aia;  esp.  -ada  ;  la  forme  populaire  française 
est  -ée  (§  199).  Des  mots  d'emprunt  en  -ade  se  trouvent  déjà 
au  moyen  âge:  ballade,  p.  ex.,  passe  la  Loire  au  XIIP  siècle 
(I,  §  17);  mais  ce  n'est  qu'au  XV^  et  surtout  au  XVP  siècle 
qu'ils  deviennent  nombreux,  et  ils  ont  continué  leur  invasion 
jusqu'à  nos  jours.  Un  exemple  tout  récent  est  le  mot  argo- 
tique balade  (doublet  de  ballade),  emprunté  au  mot  patois  ba- 
lado,  qui  signifie  proprement  'une  fête  patronale  où  l'on  danse'. 

Formations  analogiques.  Quelques  mots  en  -ade  doivent 
leur  terminaison  à  une  altération  quelconque: 

Alcade  vient  de  l'esp.  al  cal  de. 

Pastenade  (panais),  pour  * pastenague,  est  une  altération  du 
prov.  pastenaga. 

Troubade  (jeune  soldat)  est  abrégé  de  troubadour  (cf.  I,  §  522). 

Remarque.  Ce  suffixe  -ade  n'a  rien  à  faire  avec  celui  qu'on  trouve  dans 
les  deux  mots  Franciade  et  Henriade  qui  sont  créés  à  l'aide  du  suffixe  grec 

-âg,   -ââog. 

365.  Voici  quelques  exemples  de  mots  d'emprunt  en  -ade, 
sous  l'influence  desquels  ce  suffixe  a  pris  droit  de  cité  en 
français  : 

P  Mots  provençaux:  Accolade,  aiguade,  aiguillade,  aubade,  ba- 
lade, ballade,  bigarade,  brancade,  cagade,  estrade,  panade,  péta- 
rade, etc. 

2^  Mots  italiens:  Bambochade,  barricade,  bourgade,  bravade, 
brigade,  cacade,  camisade,  cantonade,  carbonnade,  cavalcade, 
chamade,  escapade,  façade,  mascarade,  pommade,  rémoulade, 
salade  (casque),  etc. 


173 

3^  Mots  espagnols:   Algarade,   bastonnade,   camarade,   capilo- 
tade, fanfaronnade,  marmelade,  parade,  etc. 
4^  Mots  portugais:  Pintade,  travade. 

366.  Dès  le  XVP  siècle  on  commence  en  France  à  imiter 
les  mots  d'emprunt  en  -ade  en  appliquant  ce  suffixe  à  des 
substantifs  (noms  communs  et  noms  propres)  et  à  des  verbes. 
En  voici  quelques  exemples: 

P  Noms  communs:  Arquebusade,  canonnade,  carabinade,  cas- 
sonade, colonnade,  fusillade,  gasconnade,  gaulade,  limonade,  mi- 
traillade, mousquetade,  œillade,  orangeade,  persillade,  poivrade, 
rasade,  sanglade. 

2^  Dérivés  de  noms  propres:  Arlequinade,  berquinade,  édi- 
sonade,  jérémiade,  pantalonnade,  pasquinade,  rigolbochade  (L.  Ri- 
gaud),  rocambollade  (Villatte),  rodomontade,  tissotade,  turlupi- 
na de. 

3^  Verbes:  Bousculade,  boutade,  croisade,  débandade,  enfûade, 
galopade,  glissade,  gourmade,  grillade,  palissade,  parade,  pariade, 
peuplade,  promenade,  reculade,  revirade,  roulade,  ruade,  souffle- 
tade,  tirade. 

4*^  Le  suffixe  -ade  est  encore  très  vivant;  les  auteurs  qui 
aiment  les  mots  nouveaux  s'en  servent  à  tout  moment.  Cha- 
teaubriand a  créé  effarade,  et  Flaubert  brûlade,  couillonnade, 
enfonçade,  gueulade,  rebiffade.  Dans  l'argot  de  Paris  on  trouve 
cognade,  folichonnade,  foirade,  gobichonnade,  rigolade,  etc. 

367.  Doublets.  A  côté  des  formes  en  -ade  on  trouve  parfois 
des  doublets  en  -ée. 

1^  Dans  quelques  cas  l'ancien  mot  populaire  est  conservé  à 
côté  du  nouveau  en  -ade:  Carbonnade — charbonnée;  cavalcade 
— chevauchée;  croisade — croisée;  escapade — échappée;  étouffade — 
étouffée;  gaulade — gaulée;  onglade — onglée,  pommade— pommée  ; 
risade — risée. 

2^  Dans  d'autres  cas,  la  nouvelle  forme  remplace  l'ancienne. 
Ainsi  avant  de  dire  accolade,  bastonnade,  boutade,  peuplade,  on 
a  dit  acolée,  bastonnée,  boutée,  peuplée. 

368.  Signification.  Le  suffixe  -ade  désigne: 

P  Une  réunion  d'objets  de  même  espèce:  balustrade,  colon- 
nade, souffletade. 


174 

2^  Un  produit  du  primitif:  Citronnade,  limonade,  orgeade, 
pommade.  Arquebnsade,  canonnade,  bastonnade,  œillade.  Arle- 
quinade,  gasconnade,  turlupinade. 

3^  Une  action  verbale,  le  résultat  de  cette  action  ou  le  lieu 
où  l'action  se  passe  :  Bousculade,  galopade,  glissade,  parade, 
promenade. 

4^  Rappelons  aussi  que  les  mots  en  -ade  ont  parfois  un 
caractère  péjoratif:  Bravade,  gasconnade.  Handrey  et  Loris  ont 
publié  en  1908  un  recueil  de  vers  intitulé  Les  Sultanades. 

369.  ADO(S),  doublet  de  -é  (§  190)  et  de  -at  (§  307),  em- 
prunté de  l'esp.  -ado  qui  remonte  au  latin  -atus.  Il  ne  s'em- 
ploie que  dans  l'argot  de  Paris,  où  il  sert  à  désigner  les  mau- 
vais cigares:  cinq  ceniimados,  fraternellados  (cigares  à  trois 
sous  les  deux),  crapulados,  infectados;  la  forme  élargie  -tado  se 
trouve  dans  soutado,  dérivé  de  sou,  et  voyoutado,  dér.  de  voyou 
(§  89).  Ces  mots  ont  été  faits  sur  le  modèle  de  Colorado. 

AN,  voir  §  304. 

370.  ASQUE  reproduit  le  suffixe  italien  -asco;  il  ne  s'em- 
ploie que  dans  les  dérivés  des  noms  de  lieux  italiens  :  berga- 
masque,  comasque,  crémasque,  monégasque  (monagasque). 

AT,  voir  §  307. 

371.  ESQUE  est  emprunté  à  l'italien  (rarement  à  l'espagnol) 
-esco,  qui  remonte  au  latin  -iscus  (comp.  §  351).  Les  mots 
d'emprunt  italiens  en  -esque  pénètrent  en  français  dès  le 
XVP  siècle  et  l'invasion  s'est  continuée  jusqu'à  nos  jours.  Ex- 
emples :  Arabesque,  barbaresque,  burlesque,  carnavalesque,  pédan- 
tesque,  pittoresque,  soldatesque,  tudesque.  Ajoutons  l'espagnol 
picaresque. 

Formés  élargies.  A  côté  de  -esque,  on  trouve  les  formes 
-lesque,  dans  hugolesque  (comp.  §  92),  et  -tesque  dans  zolatesque 
(p^  soldatesque)  et  vlantesque  (^  gigantesque). 

372.  Sur  le  modèle  des  mots  cités  on  a  créé  un  certain 
nombre  de  dérivés  français.  Le  suffixe  -esque,  qui  est  encore 
assez  vivant,  s'ajoute  surtout  aux  substantifs. 

1^  Dérivés  de  noms  communs:  Cardinalesque  (Th.  Gautier), 
caricatur esque,    charivaresque,  chevaleresque    (remplace    l'ancien 


175 

chevalereux),  farcesqiie^  funambulesque,  livresque,  noctambulesque, 
paysanesque,  romanesque,  simiesque,  prudhommesque,  troubadou- 
resque  (Flaubert),  vaudevillesque. 

2^  Dérivés  de  noms  propres:  Aristophanesque,  don-juanesque, 
don-quichottesque,  figaresque,  garibaldesque,  ingresque,  louis- 
quatorzesque  (Gyp,  Joies  d'amour,  p.  86),  michel-ange(le)sque, 
moliéresque,  sardanapalesque.  On  trouve  plus  rarement  des  dé- 
rivés de  noms  de  lieux:  alhambresque. 

Cas  isolés.  Charlemanesque,  de  Charlemagne  (§  73);  chateau- 
brianesque;  rembranesque.  Sur  hugolesque  et  zolatesque,  voir 
§  371. 

3^  Dérivé  d'adjectif:  sauvagesque  (Flaubert). 

4^  Dérivé  d'interjection  :  vlantesque.  . 

373.  Signification. 

P  Le  suffixe  -esque  sert  ordinairement  à  créer  des  adjectifs: 
burlesque,  romanesque,  dantesque.  Pourtant  grotesque  et  solda- 
tesque sont  en  même  temps  des  adjectifs  et  des  substantifs, 
arabesque  est  depuis  longtemps  exclusivement  substantif. 

2^  Il  indique  le  plus  souvent  la  manière,  la  ressemblance  et 
l'origine:  chevaleresque,  rembranesque,  barbaresque. 

3^  Il  présente  dans  quelques  cas  un  sens  péjoratif  et  co- 
mique: soldatesque,  tudesque,  livresque,  chatnoir esque. 

374.  IGHE  est,  dans  quelques  mots,  une  altération  de  l'it. 
-iccio  ou  -ice:  corniche  <  it.  cor  ni  ce,  pastiche  <  it.  p  as- 
ti ce  io,  postiche  <  it.  posticcio.  Comp.  encore  derviche  (per- 
san dervisch),  fétiche  (port,  feitiço)  et  les  mots  grecs 
acrostiche,  hémistiche.  On  ne  voit  pas  bien  comment  on  a  pu 
tirer  de  ces  mots  un  suffixe  indépendant;  aussi  citerons-nous 
sous  toutes  réserves,  les  quelques  mots  français  qui  paraissent 
créés  à  l'aide  de  -iche:  Barbiche  (ou  babiche;  I,  §362),  tiré  de 
barbe.  Caniche,  tiré  de  cane,  parce  que  le  barbet  va  volontiers 
à  l'eau.  Corniche,  dérivé  de  corne.  Potiche,  tiré  de  pot.  Pouliche 
est  une  forme  normanno-picarde  pour  poulisse,  tiré  de  poulain. 
Une  création  récente  propre  au  langage  familier  et  comique 
est  bonniche  (petite  bonne,  petite  servante).  Rappelons  aussi 
godiche. 

OCHE,  voir  §  423,5,  Cas  isolés. 


17() 


C.    SUFFIXES  DIVERS. 

375.  OL  est  d'origine  arabe  dans  alcool  (écrit  autrefois  al- 
cohol,  alkohol),  de  al  qohl.  Sur  le  modèle  de  ce  mot  et  de 
vilriol  (emprunté  du  bas-latin  vitriolum),  on  a  créé  dans  la 
langue  moderne  beaucoup  d'expressions  techniques  telles  que 
amidol,  aristol,  créosol,  eucalyptol,  formol,  goménol,  ichthyol, 
menthol^  thymol. 

376.  SKOFF  est  un  suffixe  argotique  peu  employé;  il  est  dû 
à  un  désir  de  russifier  les  mots,  ce  qui  a  été  à  la  mode  à 
différentes  époques.  Notre  suffixe  ne  se  trouve  que  dans  quelques 
mots  d'argot  tels  que  bobinskoff,  entreteneur  sérieux,  celui  qui 
tient  la  bobine  de  la  destinée  d'une  femme.  Béguinskoff,  celui 
qui  est  objet  d'un  caprice  (béguin).  Machinscoff,  le  premier  venu 
(machin);  II,  §  380.  Il  est  difficile  de  savoir  quels  sont  les 
mots  russes  (ou  polonais)  qui  ont  pu  servir  de  modèle.  La 
terminaison  -off  (écrit  -ou)  est  assez  générale  en  russe,  mais 
-skoff  paraît  se  présenter  rarement.  On  pourrait  se  demander 
si  le  suffixe  -skoff  serait  une  contamination  :  il  vient  peut-être 
du  polonais  -ski  plus  le  russe  -off. 


CHAPITRE  IX. 

SUFFIXES 
DE  FORMATION  FRANÇAISE. 


377.  Nous  appelons  suffixes  de  formation  française  ceux  qui 
ne  dérivent  pas  directement  de  tel  ou  tel  suffixe  latin  ou 
étranger.  Pour  bien  comprendre  la  nature  de  ces  suffixes,  il 
faut  comparer  les  deux  séries  suivantes: 


maladie 

diablerie 

aunaie 

pineraie 

royal 

mondial 

fratricide 

raiicide 

richard 

banlieusard 

plumage 

cailloutage 

sucrier 

cafetier 

Dans  la  première  de  ces  séries  nous  trouvons  les  suffixes 
suivants:  -ze,  -aie,  -al,  -cide,  -ard,  -âge,  -ier  dont  l'explication 
n'offre  aucune  difficulté;  ce  sont  les  formes  françaises  mo- 
dernes des  suffixes  latins  ou  étrangers,  populaires  ou  savants: 
-ia,  -eta,  -alis,  -cida,  -hart,  -aticus,  -arius.  On  pour- 
rait appeler  tous  ces  suffixes  primaires.  En  décomposant  les 
mots  de  la  deuxième  série  on  trouve  les  suffixes  -me,  -eraie,  -ial, 
'icide,  -sard,  -tage,  -tier.  Ce  sont,  comme  on  le  voit,  des  formes 
élargies  des  suffixes  primaires  que  nous  venons  de  citer;  dans 
la  dernière  partie  de  -eraie  se  cache  -eta,  mais  pour  la  forme 
entière  il  est  impossible  d'indiquer  comme  point  de  départ 
quelque  suffixe  latin.  En  d'autres  termes,  l'étymologie  directe 
de  -eraie  n'est   pas  à  chercher   dans   le   latin;   il  a  été  tiré  de 

12 


178 

quelques   mots   français.    Les   suffixes   de  formation  française 
pourraient  aussi  s'appeler  secondaires. 

Remarque.  Nous  venons  de  voir  que  les  suffixes  de  formation  française 
sont  des  formes  élargies  des  suffixes  primaires;  il  faut  pourtant  citer  comme 
seule  exception  le  suffixe  argotique  moderne  -o,  dont  l'origine  s'explique  tout 
autrement  (§  414). 

378.  Les  suffixes  secondaires  proviennent  souvent  d'une 
fausse  analj^se.  Si  -eraie  et  -erie  existent  à  côté  de  -aie  et  -ie, 
c'est  qu'à  côté  de  aunaie,  chênaie,  sapinaie  et  jalousie,  maladie, 
sotie,  on  a  eu  oliveraie,  pommeraie  et  chevalerie,  sellerie.  Ces 
derniers  mots  sont  des  dérivés  réguliers  de  olivier,  pommier, 
chevalier,  sellier;  mais  ou  les  a  rapprochés  directement  de 
oUve,  pomme,  cheval,  selle,  d'oii  la  décomposition  fautive  oliv- 
eraie, pomm-eraie,  cheval-erie,  sell-erie;  sur  ces  modèles  on  crée 
de  nouveaux  dérivés  tels  que  pineraie,  de  pin,  et  diablerie,  de 
diable,  etc.  L'analyse  inétymologique  et  peu  correcte  des  mots 
dérivés  cités  aboutit  ainsi  à  la  création  de  deux  suffixes  nou- 
veaux -eraie  et  -erie.  Une  explication  pareille  s'applique  à  plu- 
sieurs autres  suffixes  secondaires  (I,  §  118,2).  Parfois  c'est  une 
fausse  analogie  proportionnelle  qui  est  en  jeu.  Fruit — fruitier, 
gant — gantier   amènent  café— cafetier,  fer-blanc — ferblantier,  etc. 

Remarque.  Des  créations  analogiques  comme  les  dernières  que  nous 
venons  de  citer,  sont  nombreuses  ;  il  s'en  produit  à  tout  moment,  mais  beau- 
coup d'entre  elles  ont  une  vie  éphémère.  Rappelons  comme  exemple  la  forme 
enfantine  cochonceté  (tiré  de  cochon,  comme  méchanceté  de  méchant).  Dans 
Zouzou  et  Jaquette  (p.  117),  Gyp  fait  dire  à  Zouzou  (8  ans):  »0n  croirait  que 
je  fais  des  cochoncetés  en  mangeant. « 

379.  Examinons  maintenant  de  quelles  manières  diverses 
on  a  élargi  les  suffixes  primaires: 

P  Addition  d'une  consonne.  Les  consonnes  ajoutées  sont  s 
ou  /;  elles  se  trouvent  dans  -sard,  -série  et  -tage,  -terie,  -leur, 
-teux,  -lier,  -tière,  -tin,  -tisme,  -tume.  Ce  n'est  que  sporadique- 
ment que  le  suffixe  est  élargi  à  l'aide  d'un  d  (§  88)  ou  d'un 
/  (§  92). 

Remarque.  Aujourd'hui  les  mots  qui  finissent  par  une  voyelle  accentuée 
ne  prennent,  en  règle  générale,  que  des  suffixes  commençant  par  une  con- 
sonne: bleu — bleuter,  bureau — bureautin,  silo — ensiloter.  On  évite  ainsi  l'hia- 
tus que  ne  craignait  pas  la  langue  d'autrefois;  au  lieu  de  abrier,  cailloueux, 
clouière,    moruier,    sagouier,   tahier,    on    dit    maintenant  abriter,    caillouteuxy 


179 

cloutière,  morutier,  sagoiiiier,  taluter.  Il  y  a  eu  parfois  des  hésitations  sur 
la  consonne;  si  l'on  a  dit  déroiser  et  déroiter,  taluser  et  taluter,  etc.,  c'est 
que  différents  cas  d'analogie  se  sont  présentés  à  l'esprit  avec  une  force  égale. 
La  langue  moderne  a  trié  ces  doublets  pour  se  contenter  d'une  seule  forme. 
L'hiatus,  si  soigneusement  évité  dans  la  plupart  des  cas,  n'est  accepté  que 
dans  quelques  mots  isolés:  caféier,  caféine,  revuiste,  etc.;  notez  que  thétière 
a  été  remplacé  par  théière. 

2^  Addition  d'une  voyelle  simple.  Les  voyelles  ajoutées  sont 
c,  i,  o,  u;  elles  se  trouvent  dans  -été,  -ial,  -icide,  -icule,  -iel, 
-iment,  -omane,  -omanie,  -ueux. 

3^  Addition  d'un  groupe  de  phonèmes.  Les  groupes  ajoutés 
sont:  -aill-,  -and-,  -au-,  -er-,  -ich-,  -ill-,  -in-,  -ol-;  ils  s'emploient 
dans  les  suffixes  suivants:  -aillon,  -andier,  -auté,  -eraie,  -eran, 
■ereau,  -eresse,  -eret,  -erie,  -erole,  -eron,  -ichon,  -illat,  -illon,  -illot, 
-ineux,  -olâtre. 

4^  Ajoutons  les  suffixes  composés.  Les  suffixes  auxquels  on 
peut  en  joindre  d'autres  sont  -el  et  -et,  d'où  les  formes  suivantes: 
-elet,  -elin,  -elot;  -eteau,  -etel,  -eton. 

5^  Nous  laissons  de  côté  les  suffixes  dont  femploi  est  res- 
treint à  un  ou  deux  mots,  comme  par  ex.  -stère  dans  le  terme 
récent  familistère,  modelé  sur  phalanstère,  contamination  arbi- 
traire de  phalange  et  monastère  (I,  §  526).  Nous  regardons  fa- 
milistère comme  une  formation  analogique  isolée. 

380.  AILLON  est  un  suffixe  peu  employé  dont  le  point  de 
départ  se  trouve  peut-être  dans  écrivaillon,  forme  renforcée  de 
écrivailleur  (dér.  de  écrivailler).  En  voici  quelques  autres  ex- 
emples: Bavaillon  (apprenti  buveur),  terme  d'argot.  Juivaillon 
(L'Européen,  10  juin  1905,  p.  14).  Moussaillon  (mauvais  mousse). 
Peintraillon,  poétaillon  (Gyp,  M.  de  Folleuil^  p.  195)  ou  poétrail- 
lon  (Rigaud),  mauvais  poète.  A.  de  Musset  écrit  à  G.  Sand: 
Explique-toi  là-dessus,  si  la  tranquillité  de  ton  pauvre  Mus- 
saillon  est  quelque  chose  pour  toi  (Correspondance  de  G.  Sand 
et  d'A.  de  Musset,  p.  p.  Decori.  Bruxelles,  1904.  P.  37). 

381.  ANDIER.  Ce  suffixe  moderne  et  peu  employé  a  été  tiré 
de  mots  tels  que  buandier,  lavandier,  taillandier,  regardés  comme 
des  dérivés  de  huer,  laver,  tailler.  On  cite  deux  créations  fran- 
çaises : 

Battandier  (celui  qui  exploite  un  moulin  à  battre  le  chanvre), 
écrit  fautivement  battendier  dans  le  Supplément  de  Littré. 

12* 


180 

Dessinandier  (ouvrier  dessinateur  sur  toile),  employé  surtout 
dans  les  manufactures  de  l'Ouest,  à  Indret. 

382.  AUTÉ.  Ce  suffixe  peu  employé  a  été  déduit  de  mots 
tels  que  papauté,  royauté  qu'on  a  considérés  comme  des  dé- 
rivés de  pape  et  de  roi  bien  qu'ils  dérivent  de  papal,  royal.  A 
l'aide  de  -auté  on  a  créé  primauté  (de  primus),  principauté 
(de  principe),  privauté  (de  privé);  on  avait  dans  la  vieille 
langue  prinçauté. 

DIER,  voir  §  88. 

383.  ELET  (au  féminin  ELETTE)  est  un  suffixe  composé 
de  -el  (§  192)  et  de  -et  (§  220).  On  trouve  dans  la  vieille 
langue:  drap — drapel — drapelet;  mont — montel — montelet;  mors 
—  morsel —  morselet;  plat  —  platel — platelet;  roi — roitel — roitelet  ; 
fauve — fauvel — fauvelet;  friant — friandel — friandelet;  ront—rondel 
— rondelet;  rous — roussel — rousselet.  Grâce  à  ces  formes  et  à  une 
fausse  analyse  de  mots  tels  que  agnelet,  cervelet,  mantelet, 
ruisselet,  où  -el  appartient  au  radical  français,  -elet  devient  un 
suffixe  indépendant;  on  a  ainsi  gant — gantelet,  vers — verselet, 
pièce — piecelette,  pinte— pintelette,  crespe — crespelet,  petit — petitelet, 
rade^radelet  (vif),  tant — tantelet,  etc.  sans  forme  intermédiaire 
en  -el. 

384.  Le  suffixe  -elet  (-elette)  sert  à  former  des  adjectifs  et 
des  substantifs. 

1^  Adjectifs  :  aigrelet,  grandelet,  jaunelet,  mingrelet,  tendrelet; 
au  XVIP  siècle  on  trouve  pauvrelet,  grosselet. 

2^  Substantifs  masculins:  barbelet,  bracelet,  dentelet,  gantelet, 
osselet. 

3^  Substantifs  féminins:  bottelette,  côtelette,  femmelette,  goutte- 
lette, odelette,  tartelette. 

Cas  isolés.  Crapelet  est  un  dérivé  irrégulier  de  crapaud;  on 
pourrait  l'expliquer  selon  le  §  79,  mais  il  vaut  mieux  le  re- 
garder comme  le  résultat  d'un  rapprochement  avec  le  type 
bateau — batelet.  Noulet  paraît  une  forme  syncopée  de  nouelet 
(cf.  I,  §  271, 5s).  Tendelet  est  emprunté  de  l'it.  tendaletto; 
on  trouve  au  moyen  âge  tentelete. 


I 


181 

385.  Le  suffixe  -elet  (-elette)  a  un  sens  diminutif  très  pro- 
noncé. Il  était  d'un  emploi  assez  général  dans  la  vieille  langue 
et  c'est  le  suffixe  diminutif  préféré  des  poètes  de  la  Renais- 
sance; rappelons  quelques  formes  maintenant  inusitées:  arce- 
lety  corselet,  homelet,  sachelet,  saqueîet,  herheleite,  etc.  Le  suffixe 
est  encore  productif.  Th.  Gautier  a  tiré  bubelette  de  bube; 
comp.  vaguelette  (P.  et  V.  Marguerite,  Zette,  p.  70). 

386.  ELIN,  forme  élargie  de  -in  (§  260),  employé  dans  le 
mot  argotique  gosselin  (enfant  au  maillot),  diminutif  de  gosse. 
Au  XVP  siècle  on  disait  maigrelin  (ZRPh,  XXIX,  72). 

387.  ELOT  est  un  suffixe  composé  des  deux  terminaisons 
diminutives  -el  (§  192)  et  -ot  (§  287).  Il  se  trouve  surtout 
dans  la  vieille  langue,  où  il  était  du  reste  d'un  emploi  res- 
treint. Exemples:  ange — angelot,  biche — bichelot,  bourse — bourse- 
lot,  rous — rousselot.  Des  mots  en  -elot  la  langue  moderne  a 
gardé  rousselot  comme  nom  propre  et  angelot;  ce  dernier  mot, 
vieilli  aux  différents  sens  que  donne  le  Dictionnaire  Général, 
est  encore  très  vivant  dans  plusieurs  provinces  où  il  désigne 
les  petits  enfants  déguisés  en  anges  qui  fonctionnent  dans 
toutes  les  processions  de  la  Fête-Dieu  et  dont  le  rôle  est  de 
jeter  à  commandement  des  poignées  de  pétales  de  fleurs  sur 
la   rue,   devant  le   saint  sacrement. 

388.  Le  suffixe  -elot  peut  être  regardé  maintenant  comme 
presque  mort;  en  tout  cas,  nous  ne  saurions  citer  comme 
créations  modernes  que  le  mot  un  peu  vulgaire  vicelot  (Ros- 
signol). Camelot,  pour  chamelot,  est  un  dérivé  de  charnel,  l'an- 
cienne forme  de  chameau.  Pour  l'explication  de  matelot,  voir  I, 
§  46, 2.  L'origine  de  javelot  est  inconnue. 

389.  ERAIE,  autrefois  -eroie,  -ereie  (I,  §  159),  forme  élargie 
de  -aie  (§  152),  est  un  suffixe  secondaire  dû  à  une  fausse  ana- 
lyse de  mots  tels  que  figuereie,  olivereie,  pommereie  qu'on  a  rap- 
prochés de  figue,  olive,  pomme  tandis  qu'ils  remontent  en  fait 
à  figuier,  olivier,  pommier.  Un  des  plus  anciens  exemples  de 
notre  suffixe  est  probablement  yarcfzneroze,  ensemble  de  jardins, 
qu'on  trouve  dans  Ambroise  {La  Guerre  sainte,  v.  6942).  Rap- 
pelons  aussi,    pour   le   moyen   âge,   milleroie,   champ  semé  de 


182 

millel.   Dans  la  langue  moderne  il  est  représenté  par  pineraie, 
lieu  planté  de  pins,  et  ronceraie,  lieu  rempli  de  ronces. 

390.  ERAN  paraît  tiré  de  mots  comme  tisserand,  batterand 
(§  362);  il  sert  à  désigner  des  êtres  vivants.  On  l'a  employé 
dans  les  deux  mots  peigneran  (pour  peignier,  en  usage  à 
Amiens  selon  le  Dictionnaire  de  Trévoux)  et  salleran  (dér.  de 
salle).  L'habitant  du  Faucigny  s'appelle  faucigneran. 

391.  EREAU,  autrefois  EREL  (au  féminin  ERELLE),  forme 
allongée  de  -eau,  -el  (-elle). 

P  Dérivés  de  noms:  Banqnereaii  (de  banc);  hobereau  (du  vfr. 
hobe,  oiseau  de  proie);  lapereau  (de  lapin;  §  79);  poétereau; 
portereau,  palis  de  bois  (de  porte).  A  l'ancienne  langue  appar- 
tiennent friandereau  (gourmand),  fustereau,  gendarmereau,  hache- 
reau  (hachette). 

2^  Dérivés  de  verbes:  Passerelle;  portereau,  sorte  de  levier; 
sautereau,  sauterelle;  tombereau.  On  appelait  au  moyen  âge 
plaidereau  celui  qui  aimait  à  plaider. 

Remarque.  Ramereaii  dérive  de  ramier  (§  59),  volereaii  de  voleur  (§  56). 

392.  ERESSE,  forme  élargie  de  -esse,  servait  autrefois  comme 
terminaison  féminine:  vfr.  mire  (medicus),  au  féminin  mi- 
reresse.  Pour  les  détails,  voir  II,  §  428. 

393.  ERIE  est  tiré  de  mots  tels  que  chevalerie^  sellerie,  tré- 
sorerie, tuilerie.  Ces  mots  sont  en  effet  dérivés  de  chevalier, 
sellier,  trésorier,  tuilier  (sur  le  changement  de  ie  en  e,  voir 
§  59)  à  l'aide  du  suffixe  -ie,  mais  on  les  a  rapprochés  directe- 
ment de  cheval,  selle,  trésor,  tuile;  et  de  cette  analyse  fautive 
résulte  un  nouveau  suffixe  extrêmement  productif  et  qui  est 
encore  vivant.  Dès  le  XIP  siècle  on  peut  regarder  -erie  comme 
un  suffixe  absolument  indépendant.  Il  s'attache  aux  noms  et 
aux  verbes. 

1^  Dérivés  de  noms  communs:  bougrerie  (sodomie),  coquar- 
derie,  diablerie,  druerie,  imagerie  (image),  juierie,  musarderie 
(étourderie),  novellerie  (nouveauté),  prestrerie,  puterie  (débauche), 
sergenterie  (troupe  de  sergents),  etc. 

2°  Dérivés  de  noms  propres:  escosseric,  armée  d'Ecossais 
(Sone  de  Nansai,  v.  4159),  mahomerie  (temple  mahomélan). 


183 

3^  Dérivés  de  verbes:  baignerie  (salle  de  bains),  haiserie  (bai- 
ser), chanterie  (art  de  faire  des  chansons),  chasserie  (chasse), 
ciiiderie  (présomption),  danserie  (danse),  desverie  (folie),  forse- 
nerie  (sentiment  de  forcené,  assemblée  de  forcenés),  janglerie 
(bavardage). 

Formes  élargies.  A  côté  de  -me,  on  trouve  aussi  par  dé- 
rivation analogique  -derie,  -série,  -terie:  Butor — butorderie  (§  88,4), 
bon  Dieu — bondieuserie  (§  91, 1),  bijou — bijouterie,  marlou — mar- 
louterie  (§  89, 12),  ferblanc — ferblanterie. 

Remarque.  Du  français  le  suffixe  -erie  a  passé  en  allemand  et  dans  les 
langues  Scandinaves,  où  il  est  encore  très  productif.  En  danois,  par  ex.,  on 
forme  tous  les  jours  des  mots  nouveaux  à  l'aide  de  -eri  qui  s'ajoute  aux 
verbes  et  aux  noms  (drikke — drikkeri,  lions — henseri,  dansk — danskeri). 

394.  Erie  devient  dès  son  apparition  un  rude  concurrent  de 
-zV  (§  241);  de  musart  on  tire  d'abord  musardie,  ensuite  mu- 
sarderie;  de  tels  doublets  sont  assez  nombreux  dans  la  vieille 
langue,  en  voici  quelques  exemples:  clergie — clergerie,  coquardie 
• — coquarderie,  diablie  —  diablerie,  gloutonie  —  gloutonerie,  maho- 
mie  —  mahomerie,  orfevrie  —  orfèvrerie,  vavassorie  —  vavassorerie. 
Ces  formes  s'emploient  longtemps  simultanément,  mais  peu 
à  peu  -erie  l'emporte  sur  -ie,  et  diablie,  orfevrie  disparaissent 
devant  diablerie,  orfèvrerie.  A  partir  du  XVP  siècle,  -ie  est  un 
suffixe  mort  (en  dehors  de  la  formation  savante),  et  pour 
toutes  les  formations  nouvelles  on  se  sert  exclusivement  de 
-erie;  les  groupes  soi— sotie,  jaloux — jalousie,  n'ont  plus  de 
force  d'analogie.  De  drôle,  fourbe,  etc.  on  tire  drôlerie,  fourbe- 
rie, et  non  pas,  comme  on  aurait  fait  au  moyen  âge,  drôlie, 
fourbie.  Veulerie,  de  veule,  est  une  création  toute  moderne;  on 
disait  autrefois  veulie;  de  même  factorerie  a  remplacé  fadorie 
et  bonhommerie  se  trouve  à  côté  de  bonhomie.  Dans  la  langue 
vulgaire  jalousie  et  mairie  disparaissent  devant  jalouserie  et 
mairerie. 

395.  Dans  la  langue  moderne  -erie  est  un  suffixe  extrême- 
ment productif.  En  voici  quelques  exemples: 

P  Dérivés  d'adjectifs:  Bizarrerie,  brusquerie,  lourderie,  muti- 
nerie, sauvagerie,  sensiblerie,  vieillerie,  etc.  Créations  plus  ré- 
centes :  bonasserie,  cocasserie,  crânerie,  furibonderie,  pudibonderie, 
tnrquerie  (Concourt,  Manette  Salomon,  p.  321). 


184 

2°  Dérivés  de  noms  communs:  Anerie,  charlatanerie,  crémerie^ 
laiterie,  lingerie,  polissonnerie,  robinetterie,  singerie,  etc.  Créations 
toutes  récentes:  canaillerie,  clownerie,  cocoterie,  fripouillerie,  fu- 
misterie, mufflerie,  patrioterie,  pocharderie,  rosserie,  rouerie,  sno- 
berie. 

3^  Dérivés  de  noms  de  personnes:  Labicherie  (Daudet,  Petite 
paroisse,  p.  318);  pierroterie  (Reime  bleue,  1900,  II,  317). 

4^  Dérivés  de  verbes  :  Bavarderie,  blanchisserie,  brasserie,  brû- 
lerie, cajolerie,  crierie,  flatterie,  griserie,  imprimerie,  moquerie,  rê- 
verie, rêvasserie,  sonnerie,  soufflerie. 

Remarque.  Il  est  facile  de  citer  des  séries  de  mots  en  -erie  que  n'en- 
registrent pas  les  dictionnaires.  On  trouve  dans  Flaubert  charognerie,  fémi- 
notteries,  goujaterie,  janoterie,  jeanfoulrerie,  michelctteries  (théories  de  Miche- 
let),  quinetteries  (théories  de  Quinet),  pignouferie.  A.  Daudet  a  formé  ourse- 
rie,  polichinellerie,  villageoiserie,  etc.  Comp.  :  11  n'y  aura  pas  de  rupture  entre 
nous  à  peine  une  quitterie  (Daudet,  Sapho,  p.  226). 

396.  Signification.  Le  suffixe  -erie  exprime: 

1^  Une  qualité,  surtout  défavorable,  et  un  acte  résultant  de 
cette  qualité:  coquinerie  désigne  en  même  temps  et  le  carac- 
tère d'un  coquin  (sa  coquinerie  est  bien  connue),  et  l'acte  qui 
marque  ce  caractère  (il  a  fait  une  coquinerie).  Il  en  est  de 
même  de  ânerie,  cagoterie,  coquetterie,  fourberie,  poltronnerie, 
pruderie,  etc. 

2^  Une  action  et  son  résultat  ou  le  lieu  où  il  s'exerce  :  Ba- 
dinerie,  causerie,  flatterie,  plaisanterie,  rêverie,  tricherie.  Brasserie, 
brûlerie,  imprimerie,  raffinerie,  tannerie. 

3^  Une  idée  collective:  Argenterie,  cocoterie  (le  monde  des 
cocottes),  maçonnerie,  charbonnerie,  boiserie,  verrerie. 

4^  Des  industries  et  des  commerces  et  les  locaux  où  sont 
établis  ces  industries  et  ces  commerces:  beurrerie,  biscuiterie, 
chemiserie,  crémerie,  conflturerie,  imprimerie,  laiterie,  lampisterie, 
lunetterie,  œufrerie,  mégisserie,  verrerie. 

Remarque.  Parfois  le  même  mot  comprend  plusieurs  des  significations  in- 
diquées. Ainsi  volerie  désignait  autrefois  non  seulement  l'action  de  ï>voler«, 
la  chasse  au  vol,  mais  aussi  un  ensemble  d'oiseaux  (voir  Eust.  Deschamps). 

397.  EROLE  (ou  EROLLE)  est  tiré  de  mots  comme  vfr. 
bannerole  (dér.  de  bannière),  vfr.  faverole  (dér.  de  fabaria), 
fougerolle  (de  fougère),  primerole  (primariolus),  barquerolle 
(vén.  barcaruola),   casserole  (it.  cazzaruola),  muserole    (it. 


185 

museruola).  On  a  rapproche  bannerole  de  ban,  fauerole  de 
fave  (fève),  primerole  de  prime,  barquerolle  de  barque,  casserole 
de  casse,  etc.,  d'où  est  né  le  nouveau  suffixe  -erole,  forme  al- 
longée de  -oie  (§  346).  Ce  suffixe,  très  peu  productif,  existe 
dès  la  fin  du  moyen  âge  et  s'emploie  dans  :  BecqueroUe  (de  bec)  ; 
bouterolle  (de  bouter)  ;  caterole  (de  se  catir)  ;  èverole  dér.  de  eue, 
eau;  I,  §  199);  ftammerolle  (de  flamme)',  lignerole  (de  ligne); 
moucherole  (de  mouche);  rousserolle,  fauvette  (de  roux). 

398.  ERON  est  tiré  probablement  des  dérivés  des  mots  en 
-ier.  Quarteron,  qui  représente  en  effet  la  fusion  de  quartier  et 
-on  (§  282),  a  été  décomposé  en  quart  et  -eron.  Comp.  encore 
vfr.  bergier  —  bergeron,  vachier — vacheron.  Dès  le  XIP  siècle, 
-eron  existe  comme  suffixe  indépendant  à  côté  de  -on.  Il  n'a 
jamais  été  d'un  usage  très  répandu,  et  de  nos  jours  les  nou- 
velles créations  se  font  de  plus  en  plus  rares;  il  s'attache  aux 
noms  et  aux  verbes: 

1^  Dérivé  d'adjectifs:  laideron. 

2^  Dérivés  de  substantifs  (noms  communs)  :  Aileron,  avène- 
ron  (de  aveine,  forme  primitive  d'avoine;  cf.  I,  §  55,  216),  chape- 
ron, cotteron,  laiteron,  lamperon,  liseron,  mancheron,  mècheron, 
moucheron,  mousseron,  napperon,  paleron  (de  pale,  pelle),  puce- 
ron, quarteron,  tâcheron,  tierceron,  vigneron. 

3^  Dérivés  de  noms  géographiques:  augeron  (de  Auge),  beau- 
ceron (de  Beauce),  percheron  (de  Perche). 

4^  Dérivés  de  verbes:  Bûcheron,  flotteron,  forgeron,  fumeron, 
gagneron,  terme  patois  pour  laboureur,  journalier,  moucheron, 
bout  de  mèche  qui  brûle.  Ajoutons  biberon,  ivrogne,  dérivé  du 
radical  de  b ibère. 

Cas  isolé.  Quarteron  (enfant  d'un  blanc  et  d'une  mulâtresse 
on  d'un  mulâtre  et  d'une  femme  blanche)  est  emprunté  de 
l'espagnol  cuarteron. 

399.  Signification. 

P  Le  suffixe  -eron  a  primitivement  la  même  valeur  diminu- 
tive  que  -on  (§  284):  cotteron,  petite  cotte,  moucheron,  petite 
mouche,  napperon,  petite  nappe,  puceron,  petite  puce,  etc.;  à 
l'idée  de  petitesse  s'unit  parfois  une  idée  péjorative:  avèneron, 
folle  avoine,  liseron,  proprement:  petit  lis  mauvais,  etc.  Souvent 


186 

et  surtout  dans  les  dérivés  modernes  aucune  de  ces  idées  ne 
subsiste:  chaperon,  d'abord  petite  chape,  est  devenu  le  nom 
d'une  sorte  de  capuchon. 

2°  Le  suffixe  -eron  désigne  soit  des  objets:  aileron,  cotteron, 
flotteron,  lamperon,  et  surtout  des  plantes:  laiteron,  liseron, 
mousseron,  soit  des  personnes:  bûcheron,  vfr.  fruiteron  (mar- 
chand de  fruits),  laideron,  gagneron,  parfois  les  habitants  d'une 
contrée:  beauceron,  percheron. 

400.  ÉTÉ,  forme  collatérale  de  -té  (§  292)  est  un  suffixe  de 
formation  française  tiré  de  mots  tels  que  aspreté  (de  aspre), 
fermeté  (refait  sur  ferme),  nobleté,  povreté  (pour  poverté;  refait 
sur  povre),  richeté,  etc.  Il  a  été  assez  productif  et  s'est  ajouté 
aux  adjectifs  pour  former  des  noms  abstraits.  Exemples: 
brièveté,  chasteté,  chauveté,  débonnaireté,  mauvaiseté,  naïveté,  oi- 
siveté, etc.  ;  ajoutons  pour  la  vieille  langue  :  certaineté,  chetiveté, 
escharceté,  foleté,  joliveté,  largeté,  neireté,  etc.  Il  a  aussi  été  intro- 
duit par  analogie  dans  quelques  mots  qui  se  terminaient  étymo- 
logiquement  en  -té:  dureté,  pureté,  sûreté.  Le  suffixe  -été  n'est 
plus  productif;  on  ne  cite  que  quelques  rares  néologismes  tels 
que  citoyenneté  (Beaumarchais),  rétiveté,  affreuseté. 

401.  ETEAU,  autrefois  ETEL,  suffixe  diminutif  qui  ne  pa- 
raît pas  beaucoup  employé.  Notons  pour  la  vieille  langue 
aigleteau  (aiglon),  buretel  (crible),  buretele  (pochette).  Dans  la 
langue  moderne  on  ne  trouve  que  le  seul  mot  chêneteau.  Comp. 
le  suffixe  -elet  (§  383)  qui  présente  les  mêmes  éléments  que 
-eteau,  mais  en  ordre  inverse. 

402.  ETON  est  probablement  dû  à  des  mots  tels  que  banne- 
ion,  caneton,  molleton  qu'on  a  ramenés  directement  à  banne, 
cane,  mol^  bien  qu'ils  dérivent  de  bannette,  canette,  mollet.  No- 
tons aussi  un  mot  tel  que  valleton  qui  a  pu  contribuer  pour 
sa  part  à  la  création  du  nouveau  suffixe.  Les  formations  nou- 
velles ne  sont  pas  nombreuses: 

1^  Dérivés  de  mots  français:  culeton,  gueuleton,  panneton 
(autrefois  penneton,  dér.  de  pennon,  §  78). 

2^  Dérivés  de  mots  étrangers:  hanneton  (de  l'ail.  Hahn), 
singleton  (de  l'angl.  single). 


187 

403.  lAL,  forme  collatérale  de  -al  (§  300)  tirée  probable- 
ment de  mots  savants  tels  que  filial,  jovial,  proverbial,  provin- 
cial, etc.  Elle  a  été  employée  dès  la  période  moyenne  dans 
seigneurial  (à  cause  de  seigneurie).  Citons  comme  dérivés  tout 
récents  démonial  (employé  par  J.-K.  Huysmans),  et  mondial. 

lANA,  voir  §  306. 
lANISME,  voir  §  327.       % 
lAT,  voir  §  307. 

404.  ICHON.  Ce  suffixe  est  une  forme  élargie  de  -on  (§  282); 
il  s'ajoute  aux  adjectifs:  Drôle — drôlichon,  fol — folichon,  maigre 
— maigrichon;  aux  noms  communs:  cadet — cadichon  (§  79), 
corne — cornichon,  merle — merlichon  (A.  de  Musset),  vfr.  gone — 
gonichon;  à  quelques  noms  de  lieux:  Berry — berrichon.  Bour- 
bonnais— bourbonnichon,  Nevers — nivernichon. 

405.  ICIDE,  forme  élargie  de  -cide,  a  été  tiré  de  mots  tels 
que  tyrannicide  (qui  reproduit  tyrannicida,  tyrannicidium). 
Il  s'emploie  dans  quelques  créations  modernes.  Au  temps  de 
la  Révolution  on  avait  des  députicides,  des  liberticides,  des  po- 
pulicides.  Notre  temps  a  nécessité  la  création  de  mots  tels  que: 
insecticide,  larvicide,  microbicide,  ministricide,  raticide.  On  trouve 
dans  George  Sand  innocenticide. 

406.  ICULE,  forme  élargie  de  -ule  (§  349)  a  été  tiré  de  mots 
tels  que  appendicule  (appendicula),  canicule  (canicula), 
ventricule  (ventricula).  Les  formations  françaises,  qui  sont 
toutes  modernes,  ne  sont  pas  nombreuses;  elles  sont  tirées 
soit  d'un  radical  français  soit  d'un  radical  latin.  Exemples: 
arbricule  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  186),  cornicule,  prin- 
cipicule  (de  principe),  théâtricule,  touristicule  (Tôppfer,  Voy- 
ages). Ajoutons  le  seul  adjectif  folatricule,  employé  (créé?)  par 
H.  Lavedan:  C'est  déjà  pas  très  folatricule  (Les  beaux  di- 
manches, p.  202). 

Forme  élargie.  On  peut  renforcer  -icule  par  l'addition  de  -et, 
comme  dans  Parnassiculet  (recueil  de  vers  publié  en  1872). 

407.  lEL,  forme  collatérale  de  et  (§  205),  tiré  d'adjectifs 
savants  comme  fiduciel,  ministériel,  officiel,  qui  remontent  à  des 
substantifs  en   -ia.    Le   suffixe  -iel  a   été   peu   emploj'é;    il  se 


188 

trouve  surtout  dans  des  dérivés  de  mots  en  -ent:  présidentiel, 
torrentiel,  et  en  -ance,  -ence:  circonstanciel,  concordantiel,  concur- 
rentiel, protubéranciel.  Ajoutons  l'obsolète  intelliyentiel;  dans  une 
lettre  du  11  août  1835,  Balzac  écrit  à  Mme  Hanska:  Je  pense 
à  nous  faire  appeler  le  parti  des  intelligentiels,  nom  qui  prête 
peu  à  la  plaisanterie  et  qui  constituerait  un  parti  auquel  on 
serait  fier  d'appartenir  {Lettres  à  l'Étrangère,  p.  270).  Comp.  le 
suffixe  -iot,  §  423, 3. 

408.  ILLAT,  forme  élargie  de  -at  (§  185),  ne  se  trouve  que 
dans  cornillat,  petit  de  la  corneille,  et  corbillat,  petit  du  cor- 
beau. Ces  deux  diminutifs  paraissent  formés  du  mot  simple 
par  l'apocope  de  la  terminaison  (§  78).  Pour  cornillat,  on  pour- 
rait aussi  y  voir  le  simple  suffixe  -af,  vu  qu'on  trouve  dans 
la  vieille  langue  la  forme  cornille  (E.  Deschamps). 

409.  ILLON.  Ce  suffixe  est  une  forme  élargie  de  -on  (§  282). 
Il  s'ajoute  aux  adjectifs:  tard — tardillon,  et  surtout  aux  substan- 
tifs: barhe — barbillon,  bœuf — bouvillon,  cotte — cotillon,  cendre — 
cendrillon,  nègre— négrillon,  etc.;  rarement  aux  thèmes  verbaux: 
bouger— bougillon,  tâter — tatillon.  Il  est  encore  productif  comme 
le  montrent  les  mots  populaires  bourgeoisillon,  modillon,  ap- 
prentie modiste. 

Cas  isolé.  Notons  que  écoutillon  est  d'origine  espagnole. 

410.  Signification.  Le  suffixe  -illon  a  une  valeur  diminutive 
très  prononcée.  Il  forme: 

P  Des  noms  de  personnes:  boquillon^  bougillon,  cendrillon, 
chambrillon,  moinillon,  négrillon,  postillon,  tardillon,  tatillon. 

2^  Des  noms  d'animaux:  bouvillon,  carpillon,  cornillon,  oi- 
sillon. 

3^  Des  noms  de  choses:  ardillon,  barbillon,  corbillon,  croi- 
sillon, goupillon,  grappillon,  raidillon,  trompillon,  uerrillon. 

411.  ILLOT,  forme  élargie  de  -ot  (§287);  on  l'emploie  dans 
maigrillot,  dérivé  que  n'admettent  pas  les  dictionnaires,  mais 
qui  se  trouve  dans  les  auteurs  modernes:  La  première  qui  en- 
tra fut  une  brune  maigrillotte  (Courteline,  Le  train  de  8  h  4^7. 
P.  228). 


189 

412.  IMENT  est  un  suffixe  d'origine  diverse  et  de  création 
relativement  récente. 

1^  Dans  quelques  mots  il  remplace  l'ancien  -ement  (§  209); 
ainsi  la  forme  médiévale  sentement  se  change  en  sentiment 
sous  l'influence  de  sentir,  senti  (et  de  l'italien  sentimento?).  De 
la  même  manière  s'expliquent  dissentiment,  ressentiment,  fourni- 
ment dont  les  vieilles  formes  sont  dissentement,  ressentement, 
fournement;  remercîment  est  pour  remerciement  (I,  §  271,2). 

2^  Sous  l'influence  de  ces  mots,  des  dérivés  en  -iment  ont 
été  tirés  directement  des  verbes  en  -//*.  On  trouve  dans  la 
vieille  langue:  amortiment,  baniment,  blandiment,  escopiment, 
encheriment,  fmiment,  muniment,  etc.  La  langue  a  abandonné 
la  plupart  de  ces  dérivés;  parmi  ceux  qu'on  a  conservés,  ci- 
tons assortiment,  blanchiment,  pressentiment. 

Remarque.  On  ne  trouve  que  très  peu  de  mots  en  -iment  appartenant 
à  des  verbes  inchoatifs:  blanchiment  (de  blanchir)  fait  disparate  avec  fré- 
missement qui  présente  la  dérivation  régulière  (voir  §  210).  Aussi  a-t-on  par- 
fois des  doublets  en  -issement;  on  trouve  ainsi  assortissement  (Cotgrave,  Ou- 
din),  fournissement. 

3^  La  terminaison  -iment  se  trouve  aussi  dans  des  mots 
d'emprunt:  condiment  (lat.  condimentum),  compartiment  (it. 
compartimento),  fmiment  (it.  finimento),  poliment  (it. 
pulimento). 

413.  INEUX,  forme  élargie  de  -eux  (§  232),  est  employé  dans 
un  petit  nombre  de  mots:  bitumineux  (comp.  le  lat.  bitumi- 
neus),  légumineux,  vertigineux.  G.  Flaubert  a  tiré  crassineux 
de  crasse.  Ajoutons  le  mot  d'argot  pharamineux  (épatant). 

LESQUE,  voir  §  371. 

414.  O  est  un  suffixe  populaire  de  création  récente.  Il  s'em- 
ploie surtout  dans  la  langue  vulgaire  et  doit  son  origine  soit 
à  des  formes  abrégées  telles  que  aristo,  cabrio,  chromo,  mé- 
lanco,  mélo,  photo,  topo,  typo,  etc.  (voir  I,  §  522),  soit  aux 
mots  qui,  sous  les  graphies  traditionnelles  -o,  -ot,  -eau  pré- 
sentent une  terminaison  [o]  étymologique:  domino,  numéro,  turco, 
cachot,  matelot,  tripot,  chameau,  chapeau,  etc.  Le  suffixe  -o  se 
substitue  souvent  à  une  autre  terminaison:  camarade  >  camaro, 
invalide  >  invalo,  etc.  (cf.  §  78).  Anarcho  (anarchiste),  bacho(t) 
(bachelier,  baccalauréat),  camaro  (camarade),  cassico,  cato  (câ- 
lin), chéro,  chicardo(t)  (très  poli),  excusa,   frisco,  garno  (hôtel 


190 

garni),  gigolo,  hosto  (prison,  altération  de  hôpital),  invalo  (in- 
valide), mohlo(t)  (garde  mobile),  Monlparno  (Montparnasse), 
pipo(t),  prolo  (prolétaire),  proprio  (propriétaire),  Saint- Lago 
(Saint-Lazare),  sergo  (sergent),  socialo  (socialiste),  tringlo  (sol- 
dat du  train),  irigo. 

Remarque.  La  terminaison  argotique  -o  est  souvent  affublée  d'un  t  final, 
grâce  à  une  assimilation  à  -ot  (§  287);  on  trouve  ainsi  baclw  et  bachot  (cf. 
hachoiier,  §  89).  Mme  An(jo  est  depuis  longtemps  devenu  Mme  Angot. 

415.  OLATRE  est  tiré  probablement  du  mot  idolâtre  (sl- 
ôwh)?.dTQ7ig).  On  le  trouve  dans  quelques  créations  toutes  ré- 
centes : 

Hispanolâtre. 

Hugolâtre,  admirateur  aveugle  de  V.  Hugo. 
Scribolâtre,  admirateur  passionné  de  Scribe. 
Tsarolâtre.    Ex.  :   Les  grandes  gazettes  berlinoises,   tsarolâtres 
et  coloniales  par  ordre  (IJ Européen,  16  juillet  1904,  p.  9). 
Wagnerolâtre  (Th.  de  Wyzewa,  Nos  maîtres.  Paris,  1895.  P.  91). 

416.  OMANE  et  OMANIE,  suffixes  peu  employés,  tirés  de 
mots  comme  anglomane,  bibliomane  et  anglomanie,  hibliomanie. 
C'est  sur  leur  patron  qu'on  a  formé  blasonomane  (Bourget, 
Complications  sentimentales,  p.  40),  éthéromane,  morphinomane, 
opiomane,  et  jourdainomanie  (L'Européen,  1904,  janvier). 

SARD,  voir  §  352. 

417.  TAGE,  forme  élargie  de  -âge  (§  147),  est  tiré  de  mots 
comme  affûtage,  fag otage,  héritage,  radotage,  tripotage;  il  s'ap- 
plique aux  mots  qui  se  terminent  par  une  voyelle:  agiotage, 
bamboutage,  biseautage,  cabotage,  cailloutage,  fûoutage,  foliotage, 
numérotage,  maquereautage,  pinceautage.  Comp.  §  89. 

418.  TERIE  est  une  forme  allongée  de  -erie  (§  393),  tirée  de 
mots  tels  que  bigoterie,  cagoterie,  laiterie,  galanterie,  à  côté  de 
bigo(t),  cago(t),  lai(t),  galan(t)  ;  comp.  aussi  clouterie,  de  clou- 
tier,  à  côté  de  clou.  Ce  suffixe,  doublement  secondaire,  s'em- 
ploie dès  le  XVP  siècle  dans  les  mots  terminés  par  une  voyelle 
accentuée:  Bijouterie,  dominoterie,  ergoterie,  ferblanterie,  fdoute- 
rie,  indigoterie,  marlouterie,  rococoterie,  voyouterie.  Comp.  §  89. 

TESQUE,  voir  §  371. 


191 

419.  TEUR,  forme  élargie  de  -eur  (§  230),  tiré  de  mots  tels 
que  écouteur,  radoteur,  prêteur,  porteur,  promoteur.  Il  s'attache 
surtout  à  des  mots  en  -o,  -eau  et  -ou:  Agioteur,  caboteur,  cail- 
louteur,  ergoteur,  folioteur,  indigoteur  (Flaubert),  numéroteur, 
panneauteur,  éreinteur  (§  89,  i). 

420.  TEUX,  forme  élargie  de  -eux  (§  232),  est  tiré  de  mots 
tels  que  boiteux,  capiteux,  honteux,  vaniteux;  il  s'applique  aux 
mots  terminés  par  une  voyelle  accentuée:  caillouteux,  grisou- 
teux;  sur  juteux,  voir  §  89,  is. 

421.  TIER,  forme  élargie  de  -ier,  est  tiré  de  mots  tels  que 
bénitier,  fruitier,  tripotier,  gantier.  Le  suffixe  -tier  s'attache  aux 
mots  qui  se  terminent  par  une  voyelle  accentuée:  Bamboutier, 
bigarreautier,  bijoutier,  biseautier,  cabotier,  cafetier,  cloutier,  coco- 
tier, dominotier,  échotier,  ferblantier,  feutier,  fdoutier,  indigotier, 
sagoutier,  tableautier,  tissutier,  tuyautier. 

Cas  isolés.  Les  formes  cafetier,  papetier,  tabatière,  thétière  ont 
été  examinées  au  §  89. 
TIN,  voir  §  260. 
TISME,  voir  §  327. 

422.  UEUX  a  été  tiré  de  mots  tels  que  défectueux,  fastueux, 
flatueux,  fructueux,  voluptueux,  etc.,  dont  la  terminaison  repro- 
duit -uosus.  Il  est  devenu  un  suffixe  indépendant  qui  s'attache 
à  des  radicaux  latins:  délictueux  (de  de  lie  tus),  et  à  des  mots 
français:  luxueux,  précipitueux,  talentueux  (P.  Hervieu,  Peints 
par  eux-mêmes,  p.  45),  torrentueux.  On  a  créé  difficultueux  et 
majestueux  à  côté  de  difficulté  et  majesté,  comme  on  avait  vo- 
luptueux de  volupté. 


CHAPITRE  X. 

SUFFIXES    D'ORIGINE   DOUTEUSE, 


423.  Nous  allons  rassembler  ici  un  petit  nombre  de  suffixes 
dont  l'origine  paraît  peu  clair.  Ils  sont  tous  d'un  emploi  assez 
restreint.  Comme  dans  les  chapitres  précédents  nous  suivons 
l'ordre  alphabétique. 

1^  ICAUT  s'emploie  dans  boursicaut  (hoarsicot),  dér.  de 
bourse. 

2^  IGAUD  s'emploie  dans  saligaud,  dér.  de  sale. 

3^  lOT,  suffixe  moderne  et  peu  employé;  du  moins,  nous 
ne  l'avons  trouvé  que  dans  trois  mots:  maigriot  (Huysmans, 
Marthe,  p.  50),  morviot  (voir  Sachs,  Supplément),  peintriot  (Con- 
court, Manette  Salomon,  p.  22).  Quant  à  l'origine,  -iot  est  pro- 
bablement une  orthographe  simplifiée  pour  -illot. 

4^  ITRE  est  un  suffixe  populaire;  il  est  peut-être  formé  sur 
le  modèle  de  âtre  avec  changement  de  voyelle  (comp.  -ittus, 
-ottus,  -attus  et  -icus,  -ôccus,  -ucus).  Le  domaine  de  -itre 
est  restreint  aux  patois  de  l'Ouest  où  il  sert  à  former  des  substan- 
tifs et  des  adjectifs.  En  voici  quelques  exemples:  Placitre  (de 
place),  terrain  vague  entourant  une  église,  une  fontaine,  etc.  ;  em- 
ployé comme  nom  de  lieu:  Le P/aczïre (Finistère, Manche).  Planitre 
(de  pi  an  u  m),  esplanade,  plate-forme;  employé  comme  nom  de 
lieu  (Deux-Sèvres,  Calvados).  Halitre  (de  hâte),  gerçure  aux 
lèvres.  Chenitre  (de  chien),  ladre  comme  un  chien,  avare  à 
l'excès. 

5^  OCHE  paraît  remonter  à  un  suffixe  -occa,  inconnu  au 
latin  classique.  En  français  -oche  s'ajoute  aux  noms;  il  n'a 
guère  été  productif  et  paraît  mort  depuis  le  moyen  âge.  On 
trouve  notre  suffixe  dans  épinoche,  filoche,  mailloche,  mioche. 


193 

Cas  isolés.  Oche  se  trouve  aussi  dans  quelques  mots  d'em- 
prunt italiens  où  il  reproduit  -occio  (I,  §  116,5)  qui  remonte 
au  suffixe  *oceus  lequel  a  dû  exister  en  latin  vulgaire  à  côté 
de  -aceus,  -icius,  -uceus.  Exemples:  bamboche  (bamboc- 
cio),  fantoche  (fa  n  toc  ci  o),  sacoche  (s  ace  oc  ci  a).  Le  même 
suffixe  se  cache  aussi  sous  les  terminaisons  -ouche  et  oiisse 
dans  cartouche  (c  art  occio)  et  dans  la  forme  altérée  gargousse. 

424.  Dans  l'argot  proprement  dit  (I,  §  33,  81)  l'emploi  de 
suffixes  est  très  général;  on  y  trouve  par  exemple:  -go,  -iergue, 
-lem,  -mar,  -muche,  -ongue,  etc.  Ces  suffixes,  dont  l'origine  pa- 
raît impénétrable,  s'ajoutent  non  seulement  aux  mots  d'argot, 
mais  aussi  aux  mots  appartenant  à  la  langue  littéraire  (la- 
bago,  mendigot,  magistramuche,  habitongue).  Cependant,  comme 
aucun  de  ces  suffixes  n'est  arrivé  à  s'imposer  hors  du  lan- 
gage argotique,  nous  les  laissons  de  côté  ici. 


i 


13 


CHAPITRE  XI. 

SUFFIXES   VERBAUX. 


425.  La  dérivation  verbale  se  modèle  exclusivement  sur  le 
type  de  la  première  conjugaison:  mur — murer,  ou  de  la  deu- 
xième: lot — lotir.  Ajoutons  que  pour  les  verbes  du  premier 
groupe,  la  dérivation  peut  être  immédiate  comme  dans  l'ex- 
emple cité  ou  médiate  comme  dans  poète — poétiser,  fumer — 
fumoter.  On  oe  trouve  aucune  formation  française  créée  sur 
le  modèle  des  verbes  en  -oir  ou  en  -re  (comp.  II,  §  75,  79,  80). 


A.    DÉRIVATION  IMMÉDIATE. 

426.  ER.  Dès  les  plus  vieux  textes  nous  trouvons  des  dé- 
rivations nouvelles  faites  sur  le  modèle  des  verbes  de  la  pre- 
mière conjugaison.  Ce  sont  surtout  des  dérivés  tirés  de  substan- 
tifs ou  d'adjectifs;  nous  en  avons  déjà  cité  un  certain  nombre 
d'exemples  (II,  §  63);  nous  allons  les  compléter  ici,  et  nous 
les  diviserons  en  deux  groupes  selon  qu'ils  sont  simples  (clou 
— clouer)  ou  parasj'nthétiques  (valise — dévaliser);  sur  ces  der- 
nières formations,  voir  plus  loin  §  453. 

1^  Dérivés  de  substantifs.  —  a)  Dérivés  simples:  avantager, 
complimenter,  crayonner,  éperonner,  fêter,  loger,  ménager,  meu- 
bler, nuancer,  outrager,  peiner,  voyager,  etc.  On  a  dit  autrefois: 
arbrer,  féer,  fueillier,  fuster,  gracier,  mercier,  osteler,  paiser,  etc. 
b)  Dérivés  parasynthétiques  :  acculer,  achever,  agenouiller,  ajour- 


195 

ner,  déchaîner,  dépayser,  désosser,  dévaliser,  embaumer,  encaisser, 
enrôler,  etc.     Mot  vieilli  :  avesprer. 

2°  Dérivés  d'adjectifs.  —  a)  Dérivés  simples:  bavarder,  éga- 
ler, fausser,  grever,  griser,  jalouser,  mater,  niaiser,  sécher,  etc. 
On  ne  dit  plus  chetiver,  coarder,  doloser,  goloser,  horribler,  jo- 
liver,  vilainer,  etc.  b)  Dérivés  parasynthétiques  :  apprêter,  asso- 
ler, assurer,  aviver,  éhorgner,  déniaiser,  écourter,  empirer,  enivrer, 
enjoliver,  épurer,  raffiner,  rasséréner,  etc. 

Remarque.  Le  latin  vulgaire  a  dû  posséder  beaucoup  de  verbes  dérivés 
dadjectifs.  A  côté  de  la  terminaison  ordinaire  -are  il  a  dû  exister  un  cer- 
tain nombre  de  verbes  en  -iare  formés  sur  le  modèle  de  acutus— acu- 
trare,  d'oti  vfr.  aguisier  (II,  §  73,2),  il.  agiizzare,  esp.  aguzar.  Le  verbe 
médiéval  engrangier  ne  dérive  pas  directement  de  grand;  il  doit  remonter 
à  l'époque  gallo-romane  et  reproduire  une  formation  parasynthétique  telle  que 
*ingrandiare  (comp.  §  77). 

427.  La  dérivation  en  -er  est  toujours  vivante;  témoin  les 
verbes  modernes  bocker,  bonimenter,  caboiiner,  émotionner,  im- 
pressionner, pédaler,  rosser,  sauvegarder,  téléphoner,  tictaquer,  zig- 
zaguer, etc.,  etc.;  on  en  forme  tous  les  jours.  Notons  encore 
les  dérivés  des  mots  d'emprunt  tels  que  boxer,  cluber,  high- 
lifer,  interviewer,  luncher,  pique-niquer,  polker,  scottischer,  spor- 
ter,  toaster.  Rappelons  enfin  qu'on  trouve  depuis  fort  longtemps 
de  nombreuses  formations  individuelles.  Robert  Garnier  em- 
ploie dans  ses  tragédies:  amertumer,  malheurer,  montagner, 
oreiller,  etc.  Dans  les  auteurs  modernes  les  exemples  four- 
millent. Gustave  Flaubert:  cadoter  (pour  cadeauter),  entiérer, 
mamelonner,  marmitonner.  J.-K.  Huysmans:  compagnonner,  dé- 
dicacer, fétider,  géhenner,  houler,  hussarder,  larmer,  etc.  H.  La- 
vedan  :  se  pantalonner,  véhiculer  (Le  vieux  marcheur,  p.  38,  47). 
Aussi  dans  la  poésie  populaire  on  rencontre  souvent  des  créa- 
tions très  originales.  Rappelons  quelques  vers  de  la  belle 
chanson   des   Transformations:    Si   tu   t'y   rendais  rate  dans  le 

grenier.  Je   m'y   renderais   chat  pour   t'y  rater Si  tu  te 

rends  étoile  dedans  le  temps,  Je  m'y  rendrais  brouillard  pour 
t'y  brouiller. 

428.  Formes  élargies.  A  côté  de  -er  on  trouve  -der  et  -ter. 
Sur  l'origine  de  la  consonne  adventice,  voir  §  87  ss. 

1^  DER  s'emploie  dans  bazarder  (§  88, 2). et  échauder. 

13* 


196 

2^  TER  s'emploie  dans  les  dérivés  de  mots  en  -eau,  -o,  -ou: 
agioter,  biseauter,  hlaireauter,  caboter,  chapeauter,  clouter,  délico- 
ter,  dépiauter,  échoter,  ergoter,  filouter,  folioter,  fourneauter,  frou- 
frouter, glouglouter,  joujouter,  maquereauter,  monacoter,  numéro- 
ter, panneauter,  pianoter,  pinceautcr,  rateauter,  voyouter. 

429.  IR.  La  dérivation  en  -ir  était  assez  générale  au  moyen 
âge  (comp.  Il,  §  66);  mais  depuis  cette  époque  elle  a  constam- 
ment perdu  du  terrain.  Déjà  au  XVP  siècle  les  créations  nou- 
velles en  -ir  commencent  à  se  faire  rares,  et  dans  la  langue 
actuelle  elles  ont  presque  cessé  de  se  produire.  Tous  les  verbes 
dérivés  en  -ir  suivent  la  conjugaison  inchoative  (II,  §  67). 

P  Dérivés  de  substantifs.  —  a)  Dérivés  simples  :  brandir, 
crépir,  croupir,  garantir,  lotir,  meurtrir,  nantir,  etc.  On  a  dit 
autrefois  chevir,  orgueillir,  pourprir,  etc.  —  b)  Dérivés  para- 
synthétiques:  abêtir,  aboutir,  s'accroupir,  aguerrir,  anéantir, 
s'enorgueillir,  racornir,  etc.  On  n'emploie  plus  asserir  (devenir 
soir),  afelonir,  aombrir,  avesprir,  encolorir. 

2^  Dérivés  d'adjectifs.  —  a)  Dérivés  simples:  aigrir,  blan- 
chir, bleuir,  blondir,  brunir,  faiblir,  fraîchir,  froidir,  franchir, 
grandir,  grossir,  louchir,  maigrir,  matir,  mûrir,  noircir  (§  431), 
raidir,  rougir,  roussir,  tiédir,  vieillir,  etc.  On  disait  autrefois 
asprir,  fermir,  saintir,  etc.  —  b)  Dérivés  parasynthétiques  : 
amoindrir,  amuïr  (tiré  du  vfr.  mu  <  mutum),  aplatir,  ap- 
pauvrir, assainir,  assombrir,  enrichir,  empuantir,  embellir,  ra- 
jeunir, rafraîchir,  etc.  On  n'emploie  plus  abelir,  acoardir,  acor- 
tir  (raccourcir),  ameldrir  (améliorer),  amaladir,  encouardir,  s'es- 
baldir. 

430.  La  dérivation  en  -ir  est  presque  éteinte  aujourdhui;  on 
ne  forme  plus  guère  que  des  verbes  en  -er  ou  -iser.  De  sport 
on  ne  peut  tirer  que  sporter  ;  sportir  serait  aussi  impossible 
que  sportoir.  Voici  un  relevé  des  rares  créations  nouvelles 
en  -ir: 

1^  Dérivés  simples.  A  côté  de  blondir  (tiré  de  blond)  et  de 
tripolir  (de  tripoli,  sous  l'influence  de  polir),  on  ne  saurait  ci- 
ter que  des  verbes  comme  orfévrir,  rosir,  chers  aux  poètes 
symbolistes.  Ajoutons  violir:  Le  crépuscule  violit  vaguement  le 
parc  (Rostand,  Les  Romanesques,  III,  p.  64). 


197 

2^  Dérivés  parasynthétiques  :  Abeausir  (se  mettre  au  beau  en 
parlant  du  temps),  terme  de  marin;  agourmandir  (Daudet,  Port- 
Tarascon,  p.  270;  Zola,  V Assommoir,  p.  248);  anonchalir,  de 
nonchalant  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  85,  193);  aveulir 
(Daudet,  Jack). 

431,  Forme  élargie.  A  côté  de  -ir  on  trouve  -cir  employé 
dans  quelques  dérivés  d'adjectifs:  noir — noircir,  obscur — obscur- 
cir. Cette  terminaison  paraît  tirée  de  mots  tels  que  éclaircir 
(de  *exclaricire),  en  forcir  (a  remplacé  enforcier,  de  *in  for- 
tiare)  qu'on  a  rapprochés  directement  de  clair  et  fort. 

432.  Concurrence  de  formes.  Dans  la  vieille  langue  on  a 
souvent  tiré  du  même  mot  des  dérivés  en  -er  et  -ir.  Voici 
quelques  exemples  de  ces  doublets: 

1^  Dérivés  simples:  charper — charpir,  escrimer — escremir,  fron- 
der— froncir  (renifler),  huer — huir  (crier),  laider — laidir  (outra- 
ger), papelarder — papelardir,  sechier — sechir. 

2^  Dérivés  parasynthétiques:  amater  —  amatir,  ameillorer — 
ameillorir,  assoler — assotir,  atterrer — atterrir,  engrossier — engrossir, 
esleecier — esleecir,  espaorer — espaorir.  Ajoutons  enforcir  et  étrécir, 
tiré  des  vieilles  formes  enforcier  (de  *infortiare),  conservé 
dans  renforcer,  et  eslrecier  (de  strie  tiare). 

En  tant  que  la  langue  moderne  a  conservé  les  mots  cités, 
c'est  à  la  forme  en  -er  qu'on  a  donné  la  préférence:  escrimer, 
huer,  sécher.  On  n'a  gardé  les  formes  doubles  que  dans  mater 
— matir. 


B.    DÉRIVATION  MEDIATE. 

433.  Les  suffixes  qui  représentent  la  dérivation  médiate  ap- 
partiennent  tous  à  la  première  conjugaison.  Ils  proviennent 
d'un  suffixe  verbal  latin  (ou  grec)  comme  -fier  de  -ficare, 
-iser  ou  -oyer  de  -izare,  ou  sont  créés  sur  le  modèle  de 
(juelque  suffixe  nominal;  c'est  ainsi  qu'on  a  eu  -asser,  -eter, 
-onner  à  côté  de  -as,  -et,  -on.  Dans  quelques  cas,  comme  pour 
-ailler,  les  deux  explications  sont  possibles. 


198 

434.  Les  suffixes  appartenant  à  la  dérivation  médiate  pré- 
sentent ordinairement  une  nuance  diminutive,  péjorative  ou 
méprisante  et  s'ajoutent  soit  aux  noms:  -eter,  fier,  -ouiller 
(bec — hequeter,  os — ossifier,  ventre — ventrouiller),  soit  aux  verbes: 
-asser,  -iner,  -ocher,  -onner  (dormir  —  dormasser,  trotter  —  trot- 
tiner, flâner — flanocher,  chanter—  chantonner),  soit  enfin  indiffé- 
remment aux  noms  et  aux  verbes  :  -ailler,  -eler,  -iller,  -iser, 
-oter,  -oyer  (crier — criailler,  fer — ferrailler,  etc.). 

435.  AILLER  reproduit  le  latin  -aculare.  Il  exprime  la 
répétition  fréquente  et  rapide  d'une  action  et  s'ajoute  aux 
thèmes  verbaux,  rarement  aux  noms. 

P  Dérivés  de  verbes:  Courailler,  criailler,  dessinailler  (Gon- 
court),  disputailler,  dormailler,  écrivailler,  philosophailler,  politi- 
quailler  (Gyp,  La  fée  Surprise,  p.  87),  répétailler,  rimailler,  rô- 
dailler  (Daudet,  La  petite  paroisse,  p.  344),  tirailler,  tournailler, 
toussailler,  traînailler  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  51),  tri- 
potailler. 

2^  Dérivés  de  noms:  Brétailler,  ferrailler,  fouailler  (de  fouet, 
§  78). 

436.  ASSER  (cf.  -as,  -asse,  §  178)  est  un  suffixe  augmenta- 
tif et  péjoratif  assez  employé.  Il  s'ajoute  presque  exclusive- 
ment aux  thèmes  verbaux:  dormasser,  écrivasser,  répétasser,  rê- 
vasser, rimasser,  traînasser,  tracasser.  Le  dérivé  d'un  nom  se 
présente  peut-être  dans  jacasser  (de  Jacques,  nom  donné  à  la 
pie?).  Notons  aussi  croasser  (au  moyen  âge  croaillier). 

Formations  analogiques.  On  peut  en  citer  avocasser  (de 
avocat)  et  prélasser  (de  prélat).  Sur  la  confusion  entre  -as  et 
-at,  comp.  §  309. 

AYER,  voir  OYER  (§  449). 

437.  EILLER,  qui  remonte  à  -ïculare,  ne  se  trouve  actuelle- 
ment que  dans  le  seul  mot  herbeiller.  Dans  l'ancienne  langue 
on  avait  aussi  foueillier,  devenu  fouiller,  et  toueillier  (de  tudï- 
culare),  devenu  touiller, 

438.  ELER  reproduit  probablement  le  suffixe  diminutif 
-illare  qui  se  trouve  dans  cantillare,  titillare,  vacilla re. 


199 

Il  est  d'un  emploi  restreint*  en  français  où  il  se  joint  aux 
verbes  et  aux  noms. 

P  Dérivés  de  verbes  :  craqueler,  épinceler,  harceler  (de  her- 
ser, cf.  I,  §  245),  sauteler.  On  a  dit  autrefois  pointeler. 

2^  Dérivés  de  noms:  bosseler,  cuveler,  denteler,  greneler,  pante- 
ler  (de  pantois;  cf.  §  78).  On  a  dit  autrefois  ondeler  (R.  Gar- 
nier). 

ERONNER,  voir  ONNER  (§  446). 

439.  ETER  (cf.  -et,  §  220)  est  un  suffixe  diminutif;  il  s'at- 
tache surtout  aux  noms:  béqueter,  caneter,  coqueter,  feuilleter, 
rarement  aux  thèmes  verbaux:  marqueter,  voleter.  On  trouve 
dans  la  vieille  langue  culeter,  jambeter.  Chucheter,  cligneter  ont 
été  remplacés  par  chuchoter,  clignoter. 

EYER,  voir  OYER  (§  449). 

440.  FIER  (ou  IFIER)  est  un  suffixe  savant  qui  reproduit 
-(i)ficare.  On  le  trouve  dans  de  nombreux  mots  d'emprunt: 
amplifier,  béatifier,  certifier,  clarifier,  déifier,  diversifier,  dulcifier, 
édifier,  falsifier,  justifier,  modifier,  mortifier,  pacifier,  qualifier, 
ratifier,  sacrifier,  vérifier,  vivifier,  etc.  Dans  quelques  cas  -fier 
remplace  la  terminaison  inchoative:  Liquéfier,  putréfier,  raré- 
fier, stupéfier,  tuméfier.  Ajoutons  crucifier  de  crucifigere.  Les 
créations  nouvelles,  presque  toutes  d'origine  relativement  ré- 
cente, sont  tirées  de  substantifs,  rarement  d'adjectifs:  unifier 
(Courteline,  La  conversion  d'Alceste,  p.  19),  barbifier,  baronifier 
(H.  de  Balzac),  bonifier,  rendre  meilleur  (de  bon),  bonifier, 
donner  à  titre  de  boni  (de  boni),  cocufier,  codifier,  doctorifier 
(remonte  au  XIV^  siècle),  gazéifier,  lubrifier,  momifier,  mystifier 
(du  radical  de  mystère,  mystique?),  noblifier,  ossifier,  personni- 
fier, pétrifier  (XV P  siècle),  prussifier,  russifier,  terrifier,  vitrifier. 
Comme  on  le  voit,  les  créations  tout  individuelles  ne  font  pas 
défaut.  Ajoutons-en  quelques  autres:  on  trouve  dans  la  corres- 
pondance de  Flaubert  dolcifier,  s'oursifier,  stupidifier.  Les  jour- 
nalistes de  nos  jours  ont  inventé  statufier. 

Remarque.  Pour  -//ler,  on  trouve  dans  la  vieille  langue  -efier.  Exemples: 
acerlefier,  certefier,  magnefier,  sene/ier.  La  restauration  de  Vi  est  due  à  une 
influence  savante.  Les  verbes  liquéfier,  raréfier,  torréfier  etc.  n'ont  rien  à  faire, 
au  point  de  vue  étymologique,  avec  -(i)ficare;  c'est  une  analogie  erronée 
qui  les  a  rapprochés  de  cette  terminaison. 


200 

441.  ILLER  remonte  au  latin  -iculare  ou  a  été  tiré  de  -ille 
(§  257).  Il  présente  surtout  une  valeur  diminutive  et  s'ajoute 
aux  verbes  et  aux  noms. 

P  Dérivés  de  verbes:  brandiller,  fendiller,  mordiller,  pointiller 
(parsemer  de  petits  points),  sautiller,  tourniller,  etc.  Th.  Gautier 
a  formé  égorgiller. 

2^  Dérivés  de  substantifs:  boursiller,  bousiller,  brasiller  (de 
braise;  cf.  §  48),  grappiller,  nasiller,  vermiller  (de  ver;  cf.  I, 
§  324). 

Formation  analogique.  Fourmiller  est  une  graphie  fautive 
pour  fourmier  (cf.  I,  §  351,2). 

442.  INER  reproduit  le  latin  -inare  dans  farcinare,  s  car- 
pin  are,  ou  a  été  tiré  de  mots  en  -in  (§260).  Il  n'a  guère  été 
productif  en  français  où  il  s'attache  aux  thèmes  verbaux: 
bruisiner  (du  vfr.  bruisier,  forme  primitive  de  briser),  couliner 
(de  coulera);  vfr.  gratiner  (de  gratter),  conservé  dans  égratigner, 
altération  d'égratiner;  trottiner.  On  ne  trouve  qu'un  seul  mot  dé- 
rivé d'un  nom  :  piétiner,  tiré  de  pied.  Les  créations  modernes 
paraissent  très  rares;  J.-K.  Huysmans  a  employé  baladiner  et 
galopiner. 

443.  ISER  est  un  suffixe  de  forme  savante  qui  reproduit 
la  terminaison  -izare  (dont  la  forme  populaire  est  -oyer; 
§  449).  Il  se  trouve  dans  beaucoup  de  mots  d'emprunt:  ago- 
n izare  >  agoniser,  baptizare  )  baptiser,  etc.  et  dans  un  très 
grand  nombre  de  créations  françaises.  Il  s'ajoute  aux  noms, 
surtout  aux  adjectifs,  et  s'adapte  aux  radicaux  français  aussi 
bien  qu'aux  radicaux  latins  ou  autres. 

1^  Dérivés  d'adjectifs  français:  américaniser,  banaliser,  bruta- 
liser, centraliser,  égaliser,  espagnoliser,  fertiliser,  galantiser,  mili- 
tariser, orientaliser,  stériliser,  tranquilliser,  utiliser,  vulgariser,  etc. 
On  en  forme  toujours;  un  dérivé  récent  est  mesquiniser,  souvent 
employé  par  Bourget:  Toutes  les  vertus  que  l'on  m'avait  prê- 
chées  durant  mon  enfance  s'appauvrirent,  se  mesquiniser ent 
{Le  disciple,  p.  126). 

2^  Dérivés  de  substantifs  français:  anecdotiser,  crétiniser,  fos- 
siliser, monopoliser,  moraliser,  poétiser,  vaporiser,  etc. 


I 


201 

3°  Dérivés  de  noms  propres.  On  tire  des  dérivés  en  -iser 
surtout  de  noms  de  poètes  et  d'artistes:  héaudelairiser,  hora- 
ciser,  pétrarquiser,  pindariser,  ronsardiser,  rembraniser  (Concourt, 
Manette  Salomon,  p.  306).  Notons  aussi  galvaniser,  macada- 
miser. 

4^  Dérivés  de  radicaux  latins:  actualiser,  botaniser,  dramati- 
ser, hypnotiser,  neutraliser,  pulvériser,  spiritualiser,  etc. 

5*^  Dérivés  de  mots  anglais  :  Plusieurs  auteurs  modernes  ont 
employé  :  se  gentlemaniser,  quakeriser,  revolveriser.  On  trouve 
même  dans  P.  Bourget  struggleforlifiser  {L'étape,  p.  93). 

444.  Concurrence  de  formes.  Le  suffixe  -iser  empiète  no- 
tablement sur  le  terrain  de  -er.  Non  seulement  on  le  préfère 
dans  beaucoup  de  créations  modernes:  de  municipal  on  tire 
municipaliser  et  non  municipaler ;  mais  on  l'introduit  aussi 
dans  les  vieux  dérivés  en  -er  :  ainsi  déchristianer,  harmonier,  so- 
lemner  ont  été  remplacés  par  déchristianiser,  harmoniser,  so- 
lemniser. 

Remarque.  Le  suffixe  a  passé  en  allemand  et,  de  là,  dans  les  langues  Scan- 
dinaves où  il  a  eu  un  très  grand  succès  et  un  emploi  encore  plus  étendu 
qu'en  français.  On  dit  ainsi  en  danois  akklimatisere,  inficere,  desinfîcere,  in- 
spicere,  krîtisere,  prakiisere,  etc.  tandis  que  les  formes  françaises  sont:  accli- 
mater, infecter,  désinfecter,  inspecter,  critiquer,  pratiquer,  etc. 

445.  OCHER,  suffixe  d'origine  inconnue.  Il  s'ajoute  aux 
thèmes  verbaux:  bavocher,  effdocher,  flanocher.  Une  création  ré- 
cente est  fanocher:  Le  feuillage  des  arbres  plutôt  fanoché  que 
fané  (P.  Bourget,  Pastels,  p.  21). 

446.  ONNER  (cf.  -on,  §  282)  qui  présente  un  sens  diminu- 
tif ou  itératif,  s'ajoute  aux  thèmes  verbaux:  chantonner,  grif- 
fonner, mâchonner,  mordillonner  (Flaubert,  Correspondance,  II, 
p.  26),  nasillonner. 

Formes  élargies.  A  côté  de  -onner,  on  trouve  -eronner  (cf. 
-eron,  §  398)  et  -ichonner  (cf.  -ichon,  §  404)  employés  dans 
des  mots  comme  chanteronner  (Balzac),  bavardichonner  (Con- 
court, Renée  Mauperin,  p.  5). 


202 

447.  OTER  (ou  OTTER)  a  été  créé  sur  le  suffixe  nominal 
-ot  (§  287).  Il  présente  une  valeur  diminutive  ou  fréquentative 
et  s'attache  surtout  aux  thèmes  verhaux,  rarement  aux  noms. 

P  Dérivés  de  verbes:  baisoter,  buvoter^  frisoter,  grignoter,  su- 
çoter, tapoter,  vivoter,  etc.  A  côté  de  ces  dérivés  qui  se  trouvent 
dans  tous  les  dictionnaires,  il  existe  un  grand  nombre  de  dé- 
rivés non  enregistrés  appartenant  au  parler  vulgaire,  populaire 
ou  familier.  Exemples:  Alloter  (Rolland,  Recueil  de  cimnsons 
populaires,  II,  223),  samusoter  (H.  Lavedan,  Le  vieux  mar- 
cheur, p.  12),  couchoter  (Zola,  V Assommoir,  p.  319),  flânoter 
(Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  211),  fumoter,  lichoter,  boire 
(Huysmans,  Marthe,  p.  219),  nageoter  (Daudet,  La  petite  paroisse, 
p.  309),  pensoter,  ronflotter  (Huysmans,  Les  sœurs  Vatard,  p.  73), 
siffloter,  toussoter. 

2^  Dérivés  de  noms:  boulotter,  chipoter  (du  vfr.  chipe,  lam- 
beau), chevroter. 

448.  OUILLER,  qui  dérive  peut-être  de  -uculare,  se  trouve 
dans  quelques  mots  d'origine  obscure:  barbouiller,  bredouiller 
(a  remplacé  l'ancien  bredeler)^  chatouiller  (autrefois  aussi  cha- 
taillier,  chateillier),  gazouiller.  Il  est  peu  employé  et  ne  paraît 
s'attacher  qu'aux  noms:  patrouiller  pour  patouiller  (de  patte; 
cf.  I,  §  504,  .5),  ventrouiller. 

449.  OYER  reproduit  la  terminaison  grecque  -izare  (-IÇslv) 
qui  fut  très  employé  dans  le  latin  vulgaire  à  l'époque  chré- 
tienne. Exemples:  agonizare,  anathematizare,  bapti- 
zare,  barba r izare,  cliristianizare,  dsemonizare,  evan- 
gelizare,  eunuchizare,  exorcizare,  martyrizare,  pul- 
ver izare,  scandalizare,  etc.  La  terminaison  -izare  de- 
yient  -idjare,  d'où  -ijare,  -eUer,  -oiier,  -oyer:  baptizare  > 
vfr.  hatoiier.  Au  même  résultat  aboutissent  aussi  les  terminai- 
sons -ëcare,  -égare,  -ëcare  (-ïcare),  -ïgare:  *nëcare  ) 
noyer,  n égare  )  vfr.  noiier,  plïcare  )  ployer,  1  égare  >  vfr. 
loiier.  Ainsi  la  terminaison  française  -oyer  provient  de  sources 
différentes  qu'il  peut  être  très  malaisé  de  distinguer. 

1®  Dérivés  de  substantifs:  bordoyer,  charroyer,  chatoyer,  cô- 
toyer, coudoyer,  festoyer,  flamboyer,  foudroyer,  guerroyer,  lar- 
moyer, ondoyer,  plaidoyer,  etc.  On  trouve  dans  la  vieille  langue: 


203 

armoyer,  fabloyer  (conter  des  fables),   manoyer  (tâter),   ostoyer 
(guerroyer),  paumoyer  (brandir),  pueployer  (peupler),  etc. 

2°  Dérivés  d'adjectifs:  blanchoyer,  hlondoyer,  bornoyer  (pour 
borgnoyer,  de  borgne),  nettoyer,  rudoyer,  verdoyer,  etc.  On  a  dit 
autrefois  asproyer,  febloyer,  amaigroyer. 

Formes  collatérales.  A  côté  de  -oyer,  on  trouve  aussi 
-ayer  dans  bégayer  (de  bègue)  et  cartayer  (pour  carretayer,  de 
carrette),  et  -eyer  dans  grasseyer. 


ï 


LIVRE   TROISIÈME. 

PREFIXES. 


CHAPITRE  I. 
REMARQUES   GÉNÉRALES. 


450.  Origine.  A  l'exception  de  for-  (§  528)  qui  vient  du  ger- 
manique, et  de  ca-  (§  526)  qui  vient  probablement  du  fla- 
mand,  tous   les   préfixes  sont  d'origine  latine.   Sur  le  sort  des 

-préfixes    latins    en   français   il   faut  remarquer  les   points  sui- 
vants: 

1^  Préfixes  conservés:  ad-  (a-),  bis-,  contra-,  de-,  dis-, 
ex-  (e-),  in-,  inter-,  per-,  prse-,  pro-,  re-,  trans-,  ultra-. 

Remarque.  Parfois  le  préfixe  s'est  fondu  avec  le  radical  et  n'est  plus  re- 
connaissable:  le  mot  est  devenu  simple.  Exemples:  adjutare  >  aider,  im- 
pie re  >  emplir,  retorta  >  riorte. 

2^  Préfixes  morts:  ab-,  ante-,  cum-,  ob-,  post-,  se-, 
sub-. 

Remarque.  Plusieurs  des  préfixes  morts  se  retrouvent  dans  des  mots  com- 
posés: ancêtre  (antecessor),  antaii  (ante  annum),  coudre  (consuere), 
puîné  (post  -|-  natum),  sevrer  (separare). 

3^  Les  pertes  ont  été  réparées  par  l'emploi  d'adverbes  comme 
préfixes:  foris,  inde,  minus,  non,  par  des  créations  nou- 
velles: abante,  et  par  des  emprunts  soit  aux  langues  étran- 
gères, soit,  dans  la  période  moderne,  au  latin  classique 
(§  502  ss.). 

451,  Doublets.  Le  même  préfixe  se  présente  parfois  sous 
deux  formes   différentes,    selon   qu'il   se   trouve   dans  un   mot 


205 

héréditaire  ou  dans  un  mot  savant:  a-—ad-^  dé(s) — dis-,  é — 
ex-,  en — in-,  pour — pro-,  re — ré-,  sur — super-.  La  phonétique 
syntaxique  (I,  §  112)  ainsi  que  les  exigences  de  l'orthographe 
donnent  aussi  naissance  à  des  doublets.  Voici  les  cas  prin- 
cipaux: 

P    Le  s   final   s'amuït    devant    une    consonne   (I,  §  460)  et 

reste  devant  une  voyelle;   de   là   les  doublets   suivants:    dé 

dés-,    mé mes-,    bi — bis-,    di dis-,     tri — tris-,    sou sous-. 

Exemples:  déraison — désavantage;  méprise — mésaventure;  bi- 
den té — bisaïeul;  souten ir — sousentendre. 

2^  Le  /  final  se  vocalise  devant  une  consonne  (I,  §  342)  et 
reste  devant  une  voyelle  ;  de  là  mau  à  côté  de  mal.  Exemples  : 
maugréer — malavisé. 

3^  La  consonne  finale  du  préfixe  peut  être  assimilée  à  la 
consonne  initiale  du  mot  principal;  de  là  con — com,  circon — 
circom,  in  —  im,  in  —  il.  Exemples:  contenir  —  comprendre;  cir- 
conscrire—  circompolaire ;  indu  —  imbu;  intolérant,  inestimable  — 
illégal,  illettré. 

452.  Emploi.  Les  préfixes  se  combinent  avec  des  verbes  ou 
des  noms,  formant  ainsi  respectivement  de  nouveaux  verbes  ou 
de  nouveaux  noms. 

1^  Préfixe  +  verbe.  Les  préfixes  qui  s'ajoutent  aux  verbes 
sont:  a-,  ad-,  bes-,  bien-,  co-,  con-,  contre-,  des-,  dis-,  é-,  en-, 
entre-,  ex-,  for-,  (in-),  inter-,  mé-,  (mi-),  mal-,  outre-,  par-,  pour-, 
pré-,  pro-,  re-,  ré-,  sous-,  sur-,  trans-,  très-.  Exemples:  mettre — 
admettre,  commettre,  démettre,  émettre,  permettre,  promettre,  sou- 
mettre, etc. 

2^  Préfixe  +  nom.  Les  préfixes  qui  s'ajoutent  aux  noms 
sont:  ante-,  anti-,  archi-,  avant-,  bien-  bis-,  circon-,  cis-,  co-, 
con-,  contre-,  des-,  dis-,  e-,  entre-,  ex-,  extra-,  (for-),  in-,  inter-, 
mal-,  mé-,  mi-,  non-,  outre-,  par-,  plus-,  re-,  ré-,  sous-,  sub-, 
super-,  sur-,  sus-,  trans-,  ultra-,  vice-. 

Remarque.  D'ans  la  plupart  des  cas  le  préfixe  est  à  regarder  comme  un 
simple  adverbe:  avant-coureur,  contredire,  malheureux,  etc.  Il  peut  aussi  être 
préposition:  contrepoison  (comp.  §  572).  Quelques  préfixes  fonctionnent  al- 
ternativement comme  adverbe  ou  préposition;  ce  sont  avant-  (§  465),  contre 
(§  468),  entre  (§  475),  par  (§  482),  sus  (§  499). 


206 

453.  Formations  parasynthétiques.  Parfois  on  tire  d'un 
nom  un  mot  nouveau  en  ajoutant  en  même  temps  que  le  pré- 
fixe un  suffixe  verbal  ou  nominal.  C'est  le  même  procédé  qui 
existait  en  latin:  calx  —  decalcare,  cor — accord  are,  cor- 
tex—  excorticare,  quietus  —  inquietare,  etc. 

P  Préfixe  +  nom  +  suffixe  verbal.  Cette  formation  est  ex- 
trêmement riche  et  se  modèle  sur  les  verbes  en  -er  ou  en  -ir 
(voir  §  426,  429):  balle — déballer,  emballer;  chaîne — enchaîner; 
cul — acculer,  reculer,  éculer;  front — affronter;  ivre — enivrer;  laid 
—  enlaidir;  terre  —  atterrer,  enterrer,  atterrir;  tête — entêter,  etc. 
Notez  qu'on  ne  dit  pas  haller,  chaîner,  culer,  etc. 

2^  Préfixe  +  nom  +  suffixe  nominal.  Cette  formation  est 
peu  développée.  Comme  substantifs  on  peut  citer:  encablure, 
encoignure,  encolure,  envergure,  entrecolonnement ,  etc.  Comme 
adjectifs:  antifébrile,  souterrain. 

454.  Soudure.  Les  préfixes  sont  bien  plus  indépendants  que 
les  suffixes,  ce  qui  s'explique  aisément  par  le  fait  que  très 
souvent  les  préfixes  proviennent  d'adverbes  ou  de  prépositions. 
On  peut  les  diviser  en  deux  groupes  selon  qu'ils  n'ont  pas 
d'existence  propre  (mé-  dans  méconnaître),  ou  qu'ils  fonc- 
tionnent aussi  comme  des  mots  indépendants  (entre  dans  entre- 
tenir); nous  appellerons  les  premiers  inséparables,  les  autres 
séparables. 

P  Préfixes  inséparables:  bes-,  ca-,  dé-,  dés-,  é-,  for-,  in-,  mé-, 
mes-,  mi-,  pré-,  re-,  tre-,  vi-,  vice-. 

2^  Préfixes  séparables:  à,  avant,  bien,  contre,  en,  entre,  mal, 
moins^  non,  par,  plus,  pour,  sous,  sur,  sus 

455.  Il  n'y  a  pas  de  limite  absolue  entre  les  deux  groupes; 
les  préfixes  peuvent  passer  de  l'un  à  l'autre.  Voici  quelques 
remarques  sur  ce  phénomène: 

1^  Les  prsepositiones  inseparabiles  du  latin  sont  or- 
dinairement restées  inséparables  en  français  à  l'exception  de 
par;  on  disait  en  latin  perhorridus  est,  mais  en  vfr.  par 
est  fiers. 

2^  Le  phénomène  appelé  »tmesis«  et  qui  était  surtout  propre 
au  langage  poétique  —  on  trouve  p.  ex.  dans  Virgile  in  que 
ligatus,  pour  illigatusque  —  est  inconnu  au  français. 
Rappelons  pourtant  une  curieuse  construction  du  même  genre 


207 

qui  s'observe  dans  un  texte  du  XIIP  siècle  où  l'on  trouve  il 
re  s'en  alèrent  pour  z7  s'en  râlèrent  (voir  §  494). 

3^  Dans  quelques  cas  on  peut  observer  la  lente  soudure  de 
la  particule  au  mot  principal  ;  ainsi  s'en  fuir  est  devenu  peu 
à  peu  s'enfuir;  voir  §  474,  voir  aussi  nos  remarques  sur  entre 
(§  475,  i)  et  re  (§  494). 

4^  Dans  d'autres  cas  on  peut  observer  le  détachement  du 
préfixe  qui  peut  finir  par  s'employer  d'une  manière  absolu- 
ment indépendante  comme  substantif:  un  extra^  un  ultra. 

456.  Haplologie.  Ce  phénomène  peu  commun  est  surtout 
propre  à  la  vieille  langue  (comp.  I,  §  515);  on  l'observe  avec 
entre-,  mi-,  re-. 

P  Haplologie  de  entre-.  Exemples  :  Car  au  venir  sentro- 
cioient  et  navraient  et  trébuchaient  (Escanor^  v.  4907 — 8).  Si 
s' entrebaisent  et  saluent  {Erec,  v.  2351).  Qui  s'entretolent  et  guer- 
reient  (Besant,  v.  769). 

2^  Haplologie  de  mi-.  Littré  remarque  qu'au  lieu  de:  une 
étoffe  mi-fil,  mi-coton,  on  peut  dire  mi-fil  et  coton,  et  il  cite  un 
passage  de  Bonnet  où  il  y  a  le  tissu  mi-soie  et  poils. 

3^  Haplologie  de  re-.  Exemples:  Uns  valles  vint  ci  avant  ier 
Por  recoudre  et  por  afetier  M'ot  aporté  un  suen  sçrcot  (Auberee, 
V.  582).  Or  se  rebaudist  et  enhaite  Li  pèlerins  (L'Escoufle, 
V.  6252).  Nel  pot  apeler,  Tant  ot  lo  piz  et  lo  cuer  enserré  De  son 
seignor  replaindre  et  doloser  (Mort  Aymeri,  v.  169).  Le  bras  li 
ont  reloié  et  bendé  (Enfances  Ogier,  v.  6721). 

Remarque,  Cette  brachylogie  est  le  contraire  de  celle  qu'on  trouve  dans 
la  phrase  juridique  burlesque:  Les  ap  et  dépendances  de  Vimmeuble  comme 
il  se  suit  et  se  comporte  (Deschanel,  Les  déformations  de  la  langue  française, 
p.  199). 

457.  Changement  de  préfixe.  Ce  phénomène  est  bien  moins 
fréquent  que  le  changement  de  suffixe  (§121  ss.).  Il  faut  noter 
les  points  suivants: 

1^  Dans  quelques  mots  on  trouve  en  français  et  déjà  dans 
la  vieille  langue  un  autre  préfixe  qu'en  latin  classique;  le 
changement  doit  donc  avoir  eu  lieu  déjà  en  latin  vulgaire. 
Exemples:  absconsus  —  vfr.  esco/?s,  concorda  re — accorder, 
dedignare —  vfr.  desdaignier,  illuminare  —  allumer,  ob- 
d  u  r  a  r  e  —  vfr.  adiirer. 


208 

2^  Dans  quelques  rares  cas  le  français  moderne  offre  un 
autre  préfixe  que  la  vieille  langue  :  vfr.  esrachier  —  arracher, 
vfr.  profîlure — parfilure,  vfr.  pourceintre— préceinte. 

3^  Un  préfixe  peut  remplacer  une  syllabe  initiale  regardée 
à  tort  comme  un  préfixe;  comme  dans  espan  (ail.  Spanne) 
devenu  empan;  citons  aussi  vfr.  engal  pour  égal  (aequalis), 
vfr.  engrot  pour  égrot  (aegrotus),  vfr.  enspir  pour  espir  (spi- 
ritus),  vfr.  parfont  de  profundus. 

4^  Au  moyen  âge  il  y  avait  parfois  hésitation  entre  deux 
préfixes.  On  trouve  acoragier — encoragier,  adamagier — endama- 
gier,  aragier—enragier ;  la  langue  actuelle  n'a  conservé  que  les 
formes  avec  en-. 

458.  Recomposition. 

En  latin  on  observe  dans  les  mots  combinés  avec  un  pré- 
fixe  certaines  modifications  de  la  voyelle  du  radical:    facere 

—  conficere,  perficere,  reficere;  frangere  —  refrin- 
gere;  placere  —  displicere;  spargere — exspergere;  lé- 
gère—  eligere;  tenere  —  continere,  retinere;  claudere 

—  excludere,  etc.  Ces  modifications  sont  dues  à  une  accen- 
tuation propre  au  vieux  latin.  A  l'époque  impériale  cette  ac- 
centuation n'existe  plus,  et  la  voyelle  du  radical  ne  change 
pas  :  mandare  —  demandare,  patior  —  compatior,  pla- 
cere—  complacere,  tangere  —  contangere,  pausare  — 
repausare,  damna re  —  prsedamnare,  etc. 

459.  Sur  le  développement  phonétique  et  le  sort  des  mots 
combinés  avec  un  préfixe,  il  faut  remarquer: 

P  Le  français,  comme  les  autres  langues  romanes,  ne 
garde  que  rarement  les  vieilles  formes  classiques  qui  pré- 
sentent l'altération  de  la  voyelle  thématique:  concludere  > 
conclure  (it.  conchiudere),  conficere  )  confire,  concipere  > 
concevoir  et  quelques  autres. 

2^  Ordinairement  les  formes  à  voyelle  altérée  sont  rempla- 
cées par  des  formes  qui  présentent  la  voyelle  thématique  in- 
tacte :  attingo  >  blat.  attango  >  vfr.  atain,  etc.;  voir  I, 
§139,3. 

3^  On  peut  hésiter  parfois  sur  la  question  de  savoir  si  la 
nouvelle  forme  représente  une  recomposition  ou  si  c'est  une 
création  absolument  nouvelle.  Ainsi  refrange  re  représente-t-il 


209 

un  développement  analogique  de  refringere  changé  sous 
l'influence  de  frangere,  comme  par  exemple  serée  est  dey enu 
soirée  sous  l'action  de  soir?  ou  faut-il  admettre  que  refrin- 
gere soit  mort  et  que  re  frangere  ne  soit  qu'une  combinai- 
son nouvelle  de  re  et  frangere? 

4^  L'ictus  passe  du  préfixe  sur  la  voyelle  du  thème  radical: 
recipit  >  *recipit  >  receit,  reçoit,  etc.;  voir  I,  §  139,3. 

460.  Exemples  de  formes  recomposées  attestées  par  des 
textes  latins.  On  trouve  dans  les  inscriptions  consacrare, 
contenere,  retenere,  possedere,  etc.  (voir  pour  les  ex- 
emples: Schuchardt,  I,  259  ss.,  Seelmann,  p.  58  ss.).  Le  latin  de 
Grégoire  de  Tours  offre  reclaudere,  obaudire,  detrac- 
tare,  adquserere,  resedere,  obséder e,  contenere,  col- 
legere,  etc.  Le  glossaire  de  Reichenau  (I,  §  12)  explique  in- 
frin  gèrent  par  in  frangèrent,  et  dans  un  autre  glossaire 
du  VHP  siècle  on  trouve  la  glose:  reprobat:  rejactat. 

461.  Exemples  de  formes  recomposées  attestées  par  les 
langues  romanes: 

•■^Assalire  (pour  assit  ire)  >  fr.  assaillir. 

■^Attangere  (pour  attingere)  )  vfr.  ataindre  (écrit  fautive- 
ment atteindre  dans  la  langue  moderne),  prov.  atanher. 

Condamnare  (pour  condemnare)  )  fr.  condamner. 

Conquœrere  (pour  conquirere)  >  vfr.  conquerre  (II,  §  49, 2). 

Consacrare  (pour  consecrare),  d'où  le  mot  savant  con- 
sacrer. 

Contenere  (pour  c  ont  in  ère)  )  fr.  contenir. 

Displacere  (pour  displicere)  >  vfr.  desplaire,  it.  spiacere, 
esp.  displacer. 

Exclaudere   (pour  excludere)  )  vfr.  esclore,  prov.  esclaurc. 

Exlegere  (pour  eligere)  >  élire,  it.  eleggere;  esp.  elegir. 

Perfacere  (pour  perficere)  >  h.  parfaire;  à  côté  de  la  nou- 
velle création  perfactus,  d'où  parfait,  on  a  conservé  comme 
adjectif  perfectus,  d'où  le  vfr.  parfit. 

Refacere  (pour  reficere)  )  fr.  refaire. 

Refrangere  (pour  refringere)  >  vfr.  refraindre,  prov.  re- 
franher;  it.  ri  frangere. 

14 


I 


210 

462.  La  recomposition  peut  atteindre  aussi  le  préfixe  et  lui 
restituer  sa  forme  primitive.  Ainsi  e-,  de-,  sub-  peuvent  être 
remplacés  par  ex-,  dis-,  subtus.  Exemples: 

eligere  )  exlegere  )  vfr.  eslire; 

elevare  >  exlevare  >  vfr.  eslever ; 

de  fi  ce  re  )  desfacere  )  vfr.  desfaire; 

submittere  )  subtusmitlere  >  vfr.  sosmettre. 


CHAPITRE  II. 

PRÉFIXES  LATINS  D'ORIGINE  POPULAIRE. 


463.  Nous  allons  passer  en  revue  les  préfixes  suivants:  a-, 
avant-,  bes-,  bien-,  contre,  dés-,  é-,  en-  (in-),  en-  (in de-),  entre-, 
for-,  mal-,  mes-,  mi-,  non-,  outre-,  par-,  plus-,  pour-,  pre-,  re-, 
sans-,  sous'f  sur-,  sus-,  très-,  vi-. 

464.  A  ou  AD  (lat.  ad  et  par  assimilation  ac,  af,  a  g,  etc.) 
se  trouve  dans  beaucoup  de  composés  passés  en  français; 
dans  ces  mots  on  a  souvent  refait  l'orthographe  médiévale 
soit  en  ajoutant  un  d  (qui  finit  par  entrer  dans  la  prononcia- 
tion; cf.  I,  §  119),  soit  en  redoublant  la  consonne  initiale  sui- 
vant l'a:  a  dj  un  gère  >  \h.  ajoindre  }  adjoindre  ;  adjudicare 
)  vfr.  ajugier  >  adjuger;  administrare  >  vfr.  amenistrer  ) 
administrer;  apportare  >  vfr.  aporter  )  apporter,  etc.  En  fran- 
çais a-  se  combine  avec  des  verbes  et  des  noms. 

1^  A -j- verbe:  abattre,  abaisser,  affaiblir,  apercevoir,  apposer, 
attirer,  etc.;  sont  propres  au  vieux  français:  acomenier,  aconter, 
acoveter,  acravanter,  aemplir,  adevenir,  agrever,  atargier,  etc.  Le 
préfixe  ajoute  au  simple  une  idée  de  direction  vers  un  lieu 
ou  vers  un  but  déterminé  (attirer);  dans  la  vieille  langue  le 
préfixe  avait  parfois  une  valeur  augmentative  (aemplir,  emplir 
jusqu'au  bord),  parfois  il  n'ajoutait  rien  à  l'idée  du  simple 
(aconter  =  conter). 

2^  A  +  substantif:  about,  acompte,  affût,  aloi,  aplomb,  appoint. 

3°  Formations  parasynthétiques  :  aborder,  achever,  acculer, 
affronter,  agenouiller,  etc.;  aboutir,  atterrir,  aveulir. 

14* 


212 

465.  AVANT  vient  de  ab  ante.  Il  se  combine  surtout  avec 
des  substantifs,  et  il  est  tantôt  adverbe,  tantôt  préposition. 

1°  Avant  (adverbe)  +  substantif:  avant-cour,  avant-coureur, 
avant-garde,  avant-mur,  avant-poste,  avant-propos. 

2^  Avant  (préposition)  +  substantif:  avant-main  (partie  anté- 
rieure du  cheval,  celle  qui  est  en  avant  de  la  main  du  cava- 
lier), avant-scène,  avant-veille.  Notons  aussi  avant-hier. 

3°  Avant  (préposition)  -(-  adjectif:  avant-dernier. 

466.  BES,   préfixe  propre  surtout  à  la  vieille  langue,   vient 
du  latin  bis.    Il   se   combinait   avec   des   noms   et   des  yerbes: 
Bes  +  substantif:    besaive   (bisaïeul),  hesaieul,  besaieule,  besante 
(grand'tante),  beslei  (injustice,  perfidie).  —  Bes  +  adjectif:    be- 
saigue;    bescuit;    besistre    (-sextus),   jour    bissextil,    désastre; 
beslong,   oblong;   beslourd,  grossier,  lourdaud.  —  Bes  +  verbe 
bescuire,  cuire  deux  fois,  cuire  tout  à  fait;   besjugier,  juger  in 
justement;    besleiier,   traiter  injustement;   besorder,  souiller,  bes 
lancier,  disputer;  bestondre,  tondre  mal;  bestordre,  réprimer  (?) 
bestorner,  tourner  à  l'envers,    altérer,   corrompre.    Sur   l'emploi 
de  cette  particule   dans  la  langue  moderne  il  faut  remarquer 

P  Bes  se  trouve  dans  besaigre  (emprunté  au  provençal?), 
besaiguë,  besas;  ajoutons  bévue  (pour  besvue)  et  brouette  pour 
berouette  <  '^besrouette'?). 

2^  Bes  se  retrouve  sous  les  formes  altérées  ber  ou  bar  dans 
berlue,  autrefois  barlue,  proprement  mauvaise  lumière,  dans 
barlong,  autrefois  berlong,  beslonc,  et  peut-être  dans  barbouquet, 
bouton  aux  lèvres  (de  bouquet,  petite  bouche).  Une  autre  alté- 
ration se  présente  peut-être  aussi  dans  balourd,  balafre,  balèvre. 

3^  Dans  quelques  mots  bes  a  cédé  la  place  à  la  forme  sa- 
vante bis.  Ainsi  besaieul,  bescuit,  bestourner. 

467  BIEN  (lat.  bene)  se  combine  avec  des  adjectifs:  bien- 
aimé,  bien-disant,  bienheureux,  bienséant,  bienveillant,  bienvenu, 
birnvoulu  ;  moins  souvent  avec  des  verbes  :  bien-dire,  bien-faire. 
l^'infinitif  est  substantivé  dans  le  bien-dire,  le  bien-être,  le  bien- 
mourir. 

468.  CONTRE  (lat.  contra)  se  trouve  dans  des  mots  la- 
tins comme  contredire  (con  tradicere),  contrevenir  (co  nt  ra- 
ve n  ire),   et  dans  des  mots  d'emprunt  comme  contrebande  (it. 


213 

contrabbando),  contredanse  (angl.  coun  try-dance).  Il 
était  d'un  emploi  rare  en  latin;  en  français  il  est  assez  pro- 
ductif et  se  combine  avec  des  verbes  et  des  noms. 

l^'  Contre  +  verbe.  Exemples:  contre-balancer^  contre- hacher^ 
contremander,  contresigner. 

2^  Contre  (adverbe)  +  nom  :  contre-allée,  contre-amiral,  contre- 
coup, contredanse  (danse  oii  les  groupes  se  font  vis-à-vis;  à 
distinguer  de  contredanse,  altération  de  l'angl.  country- 
dan  ce,  ancienne  danse  rustique),  contrefaçon ,  contremaîtrey 
contremarque,  contre-ordre,  contre-scel. 

3^  Contre  (préposition)  -|-  nom:  contre-jour,  à  contre  mesure, 
à  contre- poil,  contrepoison,  contresens,  contretemps,  contrevent, 
contre-vérité. 

469.  DÉS  ou  DE  (devant  une  consonne)  vient  du  latin  dis. 
Il  a  eu  une  valeur  privative  et  se  combine  avec  des  verbes 
et  des  noms. 

1^  Dé  +  verbe  :  débâcler,  débander,  débaptiser,  débarbouiller^ 
déblanchir,  débloquer,  déboiser,  débotter,  déboutonner,  décacheter, 
desceller,  décentraliser,  découvrir,  dédaigner,  dédire,  défaire,  dés- 
habiller, déshériter.  On  forme  de  ces  verbes  tous  les  jours. 
Exemples:  Ils  sont  défiancés  (E.  Rostand,  Les  Romanesques, 
p.  53).  Aussi  donc,  j'ai  pris  mon  parti  de  ne  plus  dérager 
jusqu'à  dimanche  (P.  Hervieu,  Peints  par  eux-mêmes,  p.  117). 
Désassembler  (P.  Verlaine,  Œuvres  complètes,  l,  353).  Décolérer. 

2^  Dé  +  substantif:  déraison,  désavantage,  déshonneur,  dés- 
ordre. 

3^  Dé  ~{-  adjectif:  déloyal,  désagréable,  déshonnête,  désobligeant. 

4^  Dérivés  parasynthéliques:  débâcher,  déballer,  débarder,  dé- 
barquer, déborder,  débourgeoiser,  débourser,  débrutir,  déchaîner, 
etc.  Formations  toutes  récentes:  démarquiser,  déprêtr ailler,  dé- 
prêtriser,  déroiser,  décolérer,  déragér,  etc. 

Doublets  :  Dépenser — dispenser. 

470.  É,  autrefois  ES,  vient  du  latin  ex;  il  se  combine  avec 
des  verbes,  moins  souvent  avec  des  substantifs. 

P  É  -j-  substantif:  échantignole,  échenal. 

2°  É  +  verbe  :  ébattre,  ébranler,  échanger,  échauffer,  émouvoir, 
éprouver. 


214 

3^  Combinaisons  parasynthéliques:  éborgner,  éboiier,  ébour- 
geonner,  ébouler,  ébrancher,  ébruiter,  échanvrer,  écorner,  égrener, 
époumoner. 

Doublets.  Effeuiller  —  exfolier,  éployer — expliquer,  épreindre— 
exprimer. 

471.  EN,  ou  EM  devant  une  labiale,  vient  du  latin  in-  (im-): 
enceindre  (incingere),  enflammer  (i  n  fia  mm  are),  employer 
(implicare).  En  français  il  se  joint  aux  verbes  et  aux  noms: 

1^  En  +  verbe:  encommencer,  encourir,  endormir,  enfermer, 
enfumer,  engeler,  enlacer,  enrouler,  entailler,  embattre,  etc. 

2^  En  (préposition)  -j-  nom  :  encaisse,  enfin,  enjeu,  entrain. 

3^  Formations  parasynthétiques  :  encadrer,  encanailler,  en- 
caver,  encourager,  endetter,  engager,  enivrer,  emmurer,  emper- 
ler,  etc. 

Doublets.  Employer — impliquer,  empreindre  —  imprimer,  en- 
croûter— incruster,  endurer — indurer,  entendant — intendant,  etc. 

472.  EN,  ou  EM  devant  une  labiale,  dérive  du  latin  inde 
(§  592).  Il  ne  se  combine  qu'avec  des  verbes  désignant  un 
mouvement:  s'enfuir,  s'enlever,  s'ensuivre,  entraîner,  s'envoler, 
emmener,  emporter.  La  soudure  de  la  particule  est  relativement 
récente.  Dans  s'en  aller  elle  ne  s'est  pas  encore  accomplie,  ni 
dans  la  langue  littéraire  ni  dans  l'orthographe. 

473.  Dans  la  vieille  langue  les  verbes  de  mouvement  étaient 
souvent  accompagnés  de  en  qui  exprimait  d'une  façon  vague 
et  indéterminée  le  point  de  départ  de  l'action.  On  trouve  ainsi 
en  aller,  en  entrer,  en  fuir,  en  issir,  en  lever,  en  mener,  en  par- 
tir, en  repairier,  en  revertir,  en  saillir,  en  tourner,  en  venir,  etc. 
Exemples:  J'en  vois  au  roi  Artus,  beau  sire  (Beroul,  Tristan, 
V.  3361).  Les  chevals  broichent ,  chascuns  d'ans  c'en  avance 
(Raoul  de  Cambrai,  v.  2810).  Cil  en  entra  chiés  un  pestor  (Be- 
roul, Tristan,  v.  675).  Fors  de  la  chanbre  en  est  issuz  (ib.. 
V.  723).  Levez  s'en  est  li  chapelains  (ib.,  v.  2549).  En  ses  deduiz 
Yseut  en  meine  (ib.,  v.  4271).  Au  matinet  s'en  part  Tristrans  (ib., 
V.  1423).  Cil  s'en  repaidrent  a  Rome  la  citet  (Saint  Alexis,  v.  126). 
Par  vos  m'en  estuet  revertir  (Beroul,  Tristan,  v.  936).  Errant 
s'en  rest  moût  tost  salliz  (ib.,  v.  746).  Iseut  s'en  tome,  il  la  ra- 
pele  (ib.,  v.  197).  Par  mi  les  rues  en  vienent  si  granz  torbes  (Saint 


215 

Alexis,  V.  513).  Tant  a  erré  voie  et  sentier  —  Qu'a  la  herberge 
au  forestier  —  En  est  venu  celeement  (Beroul,  Tristan,  \.  3017 
—3019). 

Remarque.  La  soudure  d'en  avec  le  verbe  peut  amener  un  dédoublement 
curieux  de  la  particule.  A  côté  de  la  construction  primitive  i7  s'en  est  fui  et 
de  la  construction  postérieure  i7  s'est  enfui,  on  trouve  il  s'en  est  enfui,  qui 
probablement  est  à  regarder  comme  une  contamination  des  deux  premières 
expressions.  L'emploi  pléonastique  d'en  n'a  été  reconnu  par  la  langue  litté- 
raire que  dans  un  seul  cas:  il  s'en  est  ensuivi.  Pour  les  détails,  voir  le  para- 
graphe suivant. 

474.  Nous  allons  maintenant  examiner  quelques-uns  des 
verbes  cités  pour  déterminer  quand  la  soudure  s'est  faite. 

En  aller  (s').  La  particule  est  restée  séparable  jusqu'à  nos 
jours  dans  la  langue  littéraire;  toutes  les  grammaires  en- 
seignent qu'il  faut  dire  je  m'en  suis  allé.  Dans  la  langue  parlée, 
au  contraire,  il  y  a  une  forte  tendance  à  unir  les  deux  élé- 
ments et  à  dire  je  me  suis  en  allé.  Cette  tendance,  qui  com- 
mence à  prendre  pied  aussi  dans  la  langue  littéraire  de  nos 
jours,  remonte  au  moins  au  XVIP  siècle.  Ménage  proteste 
contre  il  s  en  est  enallé  et  il  s'est  enallé;  il  les  appelle  »des  fa- 
çons de  parler  vicieuses «,  et  ajoute  qu'il  faut  dire  simplement 
il  s'en  est  allé  {Observations,  p.  384).  Pour  le  XVIIP  siècle,  nous 
n'avons  trouvé  qu'un  seul  exemple:  J'ai  mis  la  main  sur  la 
grande  lettre,  &  je  me  suis  en  allé  avec  (Dorvigny,  Les  fausses 
confidences.  Paris,  1781.  P.  18).  Au  siècle  suivant  les  exemples 
fourmillent:  Dieu,  comme  il  se  sera  brusquement  en  allé  (Vic- 
tor Hugo,  Le  roi  s'amuse).  Quand  s'est-il  en  allé?  (Musset,  Thé- 
âtre, p.  103).  Et  s'il  s'était  en  allé,  que  ferions-nous?  (Scribe, 
Héloïse  et  Abailard,  I,  se.  1).  Cette  dernière  s'était  en  allée  (Bour- 
get.  Mensonges,  p.  312).  La  petite  fille  paraissait  s'être  en  allée 
loin  de  cette  salle  (Id.,  La  terre  promise,  p.  159).  Quand  ma 
femme  et  moi,  les  vieux,  nous  nous  serons  en  allés  (P.  Her- 
vieu.  Le  Dédale,  I,  se.  1). 

L'emploi  du  participe  passé  en  allé  comme  adjectif  nous 
fournit  encore  une  preuve  de  la  soudure  réelle  de  la  particule 
au  verbe.  Surtout  les  poètes  lyriques  ont  une  prédilection  pour 
cet  emploi:  Que  nous  veut  ce  piège  D'être  présents  bien 
qu'exilés,  Encore  que  loin  en  allés  (P.  Verlaine,  Œuvres  com- 
plètes, I,  162).    Une  âme  en  allée  (ib.,  I,  312).   Et  l'adoration  à 


216 

l'infini  s'étire  En  des  récitatifs  lentement  en-allés  (ib.,  II,  387). 
O  sœur  des  heures  en  allées  (St.  Merrill,  Poèmes.  Paris,  1897. 
P.  134).  Comme  un  soupir  furtif  de  femmes  en  allées  {ih.  Pa- 
ris, 1897.  P.  67).  Les  prosateurs  aussi  se  servent  de  en  allé: 
Tant  d'amis  pour  toujours  en  allés  (Bourget,  Voyageuses,  p.  90). 
Sa  fille  en  allée  pour  toujours  (zc/.,  Complications  sentimentales, 
p.  278). 

Encourir  (s').  Ce  verbe  n'est  plus  guère  usité,  mais  Liltré 
remarque  qu'on  écrit  aussi  s'en  courir,  et  le  Dictionnaire  Gé- 
néral dit  que  la  particule  est  séparable.  Je  n'ai  jamais  ren- 
contré ni  z7  s'est  encouru  ni  z7  s'en  est  couru. 

Enfuir  (s*).  La  particule  était  séparable  encore  au  XVIP 
siècle:  Quant  il  ço  sourent  qued  il  foïz  s'en  eret  (St.  Alexis, 
V.  103).  Fuir  s'en  voelt  (Roland,  v.  600).  Je  ne  pensai  faire  tel 
perte  —  Ne  foïr  m^en  a  tel  poverte  !  (Beroul,  Tristan,  v.  240). 
Es  landes  de  Bordele  s'en  est  li  dus  fuis  (Aiol,  v.  49).  Voici 
maintenant  quelques  exemples  du  grand  siècle:  Les  Barbares 
s'en  étaient  fuis  (Vaugelas,  Quinte- Cur ce).  Il  s'en  est  fui  de  chez 
moi  (MoHère,  M.  de  Pourceaugnac,  II,  se.  2).  Vite,  fuis-t'en  (La 
Fontaine,  Contes,  IV,  12).  Littré  remarque:  »  Aujourd'hui  cet 
archaïsme  est  hors  d'usage  et  considéré  comme  une  faute;  il 
faudrait  dire:  Enfuis-toi,  ils  se  sont  enfuis;  mais  d'aucune  façon 
on  ne  dira  ils  s'en  sont  enfuis,  c'est  une  grosse  faute.  « 

Ensauver  (s').  Ce  verbe  inconnu  aux  dictionnaires  existe  dans 
la  langue  parlée  et  apparaît  quelquefois  dans  la  littérature  : 
Elle  s'est  ensauvée  avec  son  enfant  (Frédéric  Soulié,  Closerie 
des  genêts,  V,  3).  La  fille  ensauvée  d'un  concierge  (Zola,  l'Ar- 
gent, p.  85). 

Ensuivre  (s*).  La  soudure  s'est  effectuée  de  bonne  heure  au 
moyen  âge.  On  trouve  déjà  au  XV^  siècle  s'en  ensuivre:  C'est 
un  haut  bien  qui  de  ce  fait  s'en  ensuivra  (Cent  nouvelles  nou- 
velles, n°  14).  Quels  inconvénients  auraient  pu  s'en  ensuivre! 
(Molière,  Amphitryon,  II,  se.  3).  Les  grammairiens  actuels  de- 
mandent rigoureusement  cette  construction.  Littré  donne  comme 
exemple:  »  Voilà  le  principe:  la  conséquence  s'en  ensuivra<^,  et 
il  ajoute:  »I1  ne  faudrait  pas  croire  que  l'on  pût  écrire  s'en 
suivre,  en  deux  mots,  pour  signifier:  découler  de  là;  car  se 
suivre  ne  se  dit  pas  dans  ce  sens.«  Pourtant  beaucoup  d'au- 
teurs cherchent  évidemment  à  éviter  la  répétition  de  la  parti- 
cule et  réduisent  il  s'en  ensuit  à  il  s'en  suit.  En  voici  quelques 


217 

exemples:  Elle  se  reprochait  la  fin  prématurée  de  sa  char- 
mante nièce  et  la  perte  de  sa  mère  qui  s'en  étoit  suivie  (Bernar- 
din de  St.  Pierre,  Paul  et  Virginie).  Le  hasard  nous  les  a  fait 
rencontrer;  il  s'en  est  suivi  quelques  propos  un  peu  vifs 
(Cinq-Mars,  ch.  XIV).  Les  journaux  et  revues  fourniraient  des 
exemples  correspondants  nombreux.  On  trouve  couramment: 
Un  échange  de  témoins  s'en  est  suivi. 

Envoler  (s*).  La  particule  était  séparable  durant  tout  le 
moyen  âge:  Et  les  très  douces  acolees  Qui  s'en  ierent  si  tost 
volées  (R.  de  la  Rose,  v.  13070).  Li  jones  contes  de  Flandres 
s'en  estait  volés  en  France  (Froissart,  ch.  250).  Au  XVP  siècle 
la  soudure  s'est  faite  et  on.  peut  même  ajouter  un  nouvel  en. 
Malherbe  ne  veut  pas  qu'on  dise  s'est  envolé,  mais  s'en  est  en- 
volé (Œuvres,  IV,  p.  259). 

475.  ENTRE  vient  du  latin  inter.  Il  se  combine  en  fran- 
çais surtout  avec  des  verbes,  moins  souvent  avec  des  noms. 

1^  Entre  +  verbe.  Ces  combinaisons  se  divisent  en  trois 
groupes  selon  le  sens:  —  a)  Verbes  réciproques:  s' en tr' accuser, 
s' entr' aider ,  s'entr'aimer,  s' entrebaiser,  s' entredétruire.  —  b)  Verbes 
actifs  dans  lesquels  entre  signifie  'par  le  milieu':  entrecouper, 
entrecroiser,  entrelacer,  entrelarder,  entremêler.  —  c)  Verbes  ac- 
tifs dans  lesquels  entre  signifie  'à  demi'  :  entre-bâiller,  entreclore, 
entr'ouvrir,  entrevoir. 

Soudure.  L'origine  d'une  combinaison  telle  que  s'entr'aimer 
est  à  chercher  dans  le  latin  inter  se  a  m  are  devenu  se  in- 
ter a  mare.  Pour  le  vieux  français  il  faut  remarquer  que  la 
soudure  d'entre  au  verbe  ne  s'était  pas  encore  effectuée,  et  qu'il 
pouvait  se  combiner  avec  le  verbe  auxiliaire:  S'entre  sont  Féru 
{Méraugis,  v.  3012).  S"" entre  sont  damagié  (Chev.  as  deus  espees, 
V.  823).  On  trouve  encore  au  XVP  siècle  dans  R.  Garnier:  Et 
s'entresont  tuez  (Antigone,  v.  1005). 

Remarque.  M.  Thurneysen  a  souligné  l'emploi  étendu  que  fait  le  gallo- 
roman  de  inter  joint  à  un  verbe  pour  exprimer  la  réciprocité.  Gomme  un 
procédé  analogue  s'observe  en  celtique,  il  suppose  que  sur  ce  point,  le  latin 
de  la  Gaule  a  été  influencé  par  le  gaulois.  C'est  une  hypothèse  qui'il  est  aussi 
impossible  d'infirmer  que  de  prouver. 

2^  Entre  -{-  nom.  Dans  ces  combinaisons  entre  peut  être  ad- 
verbe ou  préposition.  —  a)  Entre  est  adverbe  dans:  entre-bande, 
entrebat,  entrecours.  —  b)  Entre  est  préposition  dans:  entr' acte, 


218 

entre- colonne,  entrecuisse,  entredeux,  entrefesse,  entre-ligne,  entre- 
mets, entresol,  entre-sourcils,  entre-voie,  etc.  On  avait  en  vfr. 
entrecor  {Romania,  XXXIII,  414),   entrueil. 

476.  FOR,  autrefois  FORS,  vient  du  latin  foris.  A  côté  de 
for(s)  on  trouve  aussi  four-,  faux-  et  hors-.  Le  latin  classique 
ne  connaissait  foris  que  comme  adverbe:  foris  ferre;  l'ita- 
lien et  le  gallo-roman  le  connaissent  aussi  comme  particule  de 
composition.  En  français  il  a  fourni  au  moyen  âge  un  certain 
nombre  de  formations;  dans  la  langue  moderne  for-  s'est 
éteint.  For-  se  combine  surtout  avec  des  verbes,  rarement  avec 
des  noms. 

P  Fors  +  verbe:  for  clore,  forhuer,  for  jeter,  forlancer,  forlonger. 
L'ancienne  langue  connaissait  en  outre:  forschacier,  forschargier, 
forsgeter,  forsmarier  (d'où  formariage),  forsmetre,  forsostagier, 
forspaisier,  forspaistre,  forspasser,  forsporter,  forsprendre,  etc.  — 
For-  paraît  aussi  se  trouver,  sous  une  forme  altérée,  dans  fau- 
filer,  faux-fuyant,  faux-marcher  (cf.  I,  §  529). 

2^  Fors  +  substantif:  forban  (celui  qui  est  hors  du  ban, 
qui  agit  sans  autorisation). 

3^  Fors  -f-  adjectif.  On  ne  saurait  citer  que  l'adverbe  hormis, 
combinaison  moderne  de  hors  et  du  participe  mis. 

4^  Formations  parasynthétiques:  forcener  (pour  forsener),  for- 
ligner,  formuer,  forpayser,  fortitrer,  fourvoyer. 

477.  MAL,  du  latin  maie,  se  trouve  dans  un  certain  nombre 
de  juxtaposés;  il  se  combine  surtout  avec  des  adjectifs,  moins 
souvent  avec  des  verbes. 

1^  Mal  -\-  adjectif:  maladroit,  malaisé,  malappris,  malavisé, 
malcontent,  maldisant,  malentendu,  malgracieux,  malhabile,  mal- 
honnête,  malpropre,  malsonnant. 

2^  Mal  4"  verbe  :  maldonner,  malfaire,  maltraiter,  malverser. 

Remarque.  Plusieurs  des  mots  cités  sont  des  recompositions;  devant  une 
consonne  on  avait  autrefois  maii  au  lieu  de  mal:  maiicontent,  maiigracieiix 
(I,  §  342,  Rem.);  on  dit  encore  maupiteux,  maussade. 

478.  MES,  devenu  MÉ  devant  une  consonne,  dérive  du  la- 
tin minus  (dont  la  forme  accentuée  est  moins).  Il  s'ajoute  sur- 
tout aux  verbes,  moins  souvent  aux  noms. 


219 

1°  Mé  +  substantif:  méchef,  méplat,  mésaise,  mésaventure,  més- 
intelligence. 

2^  Mé  +  adjectif:  mécontent.  La  particule  n'est  plus  recon- 
naissable  dans  méchant,  autrefois  mescheant. 

3^  Mé  -f-  verbe  :  mécompter^  méconnaître,  mécontenter,  mécroire, 
médire,  méprendre,  mépriser,  mésarriuer,  mésestimer,  etc.;  on  di- 
sait en  vfr.  mesamer,  mesconseillier,  mesmener,  etc. 

479.  MI,  originairement  un  adjectif  (lat.  médium)  qui  variait 
de  genre,  est  devenu  un  vrai  préfixe  qui  ne  s'emploie  jamais 
seul.  Il  se  combine,  ordinairement  à  l'aide  d'un  tiret,  avec  des 
substantifs,  rarement  avec  des  adjectifs  et  des  verbes. 

P  Mi  -\-  substantif:  la  mi-carême,  la  mi-été,  la  mi-février,  la  mi- 
Juin,  etc.  (sur  le  genre,  voir  §  712),  le  mi-fort  de  Vépée;  une  étoffe 
mi-fil  et  mi-coton  ou  par  brachylogie  mi-fil  et  coton.  Il  se  trouve 
surtout  dans  des  combinaisons  précédées  de  la  préposition  à:  à 
mi-chemin,  à  mi-corps,  à  mi-côte,  à  mi-fruit,  à  mi-montagne,  à 
mi-sucre,  à  mi-terme,  à  mi-voix,  etc.  En  dehors  de  ces  cas  qui 
nous  présentent  des  combinaisons  toutes  faites,  mi  peut  spo- 
radiquement se  joindre  à  n'importe  quel  substantif.  Rappelons 
une  ballade  de  Paul  Verlaine  où  il  décrit  son  jardin  mi- 
potager  et  mi-verger. 

2^  Mi  +  adjectif:  mi-bis,  mi-mort. 

3^  Mi  -\-  verbe  :  mipartir. 

480.  NON,  particule  séparable,  se  combine  surtout  avec  des 
substantifs  (et  des  infinitifs  pris  substantivement),  moins  sou- 
vent avec  des  adjectifs.  Dans  les  combinaisons  nouvelles  — 
on  en  forme  tous  les  jours  surtout  dans  le  langage  scientifique 
—  le  trait  d'union  est  de  rigueur. 

1^  Non  +  substantif:  non-activité,  nonchaloir,  non-conformiste, 
non-disponibilité,  non-intervention,  non-jouissance,  non-lieu,  non- 
prix,  non-réussite,  non-sens,  etc.  Les  combinaisons  non-être,  non- 
moi  sont  calquées  sur  les  termes  philosophiques  allemands 
nicht-sein  et  nicht-ich,  qui  jouent  un  rôle  important  dans  la 
terminologie  scientifique  de  Fichte  et  de  Hegel. 

2^  Non  +  adjectifs:  nonchalant,  nonobstant,  non  pair,  non- 
pareil. 


220 

481.  OUTRE,  du  latin  ultra,  se  combine  avec  des  adjectifs 
et  des  verbes:  outreciiider  (d'où  outrecuidant,  outrecuidance)^ 
outrepasser  (d'où  outrepasse),  et  des  noms:  outre-mer^  outre- 
tombe. 

482.  PAR  vient  du  latin  per:  parcourir  (percurrere),  par- 
jurer (perjurare),  parvenir  (pervenire),  etc.  En  français 
il  se  combine  surtout  avec  des  verbes,  moins  souvent  avec 
des  noms.  Il  a  une  valeur  augmentative;  dans  les  verbes  il 
désigne  un  achèvement:  parfaire  =  faire  jusqu'au  bout,  comme 
percantare  =  ad  finem  cantare.  Dans  les  adjectifs  il  dé- 
signe un  superlatif  absolu:  perhorridus  veut  dire  'horrible 
tout  au  travers'.  Des  expressions  analogues  se  trouvent  dans 
les  langues  germaniques  et  Scandinaves;  comp.  ail.  durchaus 
schlechty  dan.  gennemmusikaîsk,  suéd.  genomusel. 

P  Par  -j-  verbe:  Ces  combinaisons  étaient  très  générales  dans 
la  vieille  langue:  parabatre  (détruire  entièrement),  paraccomplir^ 
paraller,  paramer  (aimer  passionnément),  parassommer  (termi- 
ner complètement),  parauesprir  (être  tout  à  fait  arrivé  au  soir), 
parbouter,  (pousser  vivement),  parcheoir  (tomber  entièrement), 
par  condamner^  parconter,  parcouper,  parcroistre,  parcuire,  par- 
disner  (achever  de  dîner),  pardurer,  etc.  De  ces  formations  la 
langue  actuelle  n'a  retenu  que  parachever,  parfaire,  parfondre, 
parfournir,  parfumer,  parsemer. 

2^  Par  -\-  adjectif:  paradmirable  (très  admirable),  paradvisé 
(bien  avisé),  paraigu  (très  aigu),  pardifficile,  pardurable,  par- 
égal,  parftn,  parhorrible. 

3^  Par  (adverbe)  -|-  substantif:  parfin,  parsomme  (somme 
complète). 

4^  Par  (préposition)  -f-  substantif:  pardessus,  par  fond,  par- 
terre. 

Formations  analogiques.  Profundus  était  devenu  parfont 
en  ancien  français;  la  forme  moderne  profond  est  savante. 
Parfdure  a  remplacé  porfûure. 

Soudure.  En  latin  per  était  inséparable:  perfundere,  per- 
facere,  perhorridus,  perfacilis,  per  magnus,  etc.;  en 
français  par  est  devenu  séparable.  Il  se  détache  en  ancien 
français  du  verbe  principal  pour  se  joindre  au  verbe  auxiliaire  : 
Com  par  fui  avoglez  (St.  Alexis,  v.  394).  Li  doze  per  i  parfurent 


221 

ocis  (Mort  Aymeri,  v.  2665).   Tu  nos  par  as  toz  esperduz  (Évan- 
gile de  Nicodème,  B,  v.  811). 

483.  PLUS  (lat.  plus)  se  trouve  dans  les  quelques  com- 
binaisons suivantes:  plus-pétition,  plus-value,  et  plupart,  autre- 
fois pluspart. 

484.  POUR,  du  latin  pro,  se  combine  surtout  avec  des 
verbes:  pourchasser,  pourfendre,  pourlécher,  pourparler,  pour- 
penser,  poursuivre,  pourvoir.  De  telles  combinaisons  étaient  bien 
plus  fréquentes  au  moyen  âge  où  on  trouve  :  poraler,  porardeir, 
porchanter,  porfornir,  porgarantir^  porgarder,  porpoindre,  por- 
prendre,  porsaillir,  portraire,  etc.  Dans  tous  ces  mots  pour  a  un 
sens  augmentatif:  jDorarc/ez>,  brûler  entièrement;  porbattre,  battre 
de  toutes  ses  forces,  comme  pourlécher  (une  des  dernières  com- 
binaisons avec  pour),  lécher  tout  autour.  L'union  de  pour  et 
un  substantif  est  très  rare;  on  ne  saurait  citer  que  pourcent, 

485.  PRÉ  (lat.  prœ)  se  trouve  dans  quelques  mots  d'em- 
prunt: précéder  (prgeced  ère),  précaution  (p  rsecautio),  pré- 
destiner (praedestinare),  etc.  et  dans  un  assez  grand  nombre 
de  formations  nouvelles.  Il  se  combine  surtout  avec  des  verbes: 
précompter,  prédécéder,  prédéterminer,  prédisposer,  prédominer,  pré- 
établir, préjuger,  etc.  Rarement  avec  des  noms:  pré-achat,  pré- 
legs. Formation  parasynthétique:  préhistorique. 

Formation  analogique.  Préceinte  est  une  altération  de  l'an- 
cien français  pourceinte  de  pourceindre,  entourer. 

486.  Rfc^  provient  de  lat.  re-,  dont  la  forme  savante  est  ré- 
(§  517).  On  le  trouve  dans  des  mots  populaires  tels  que  re- 
brasser (*rebrachiare),  recevoir  (recipere),  recueillir  (II, 
§  66, 3),  recouvrer  (recuperare),  et  dans  un  très  grand  nombre 
de  créations  françaises. 

Redoublement.  On  peut  redoubler  ce  préfixe.  La  com- 
binaison rere-  est  surtout  employée  dans  le  langage  un  peu 
familier.  Elle  se  présente  rarement  dans  la  littérature.  Ex- 
emples: 11  s'assied,  emplit  son  verre  et  boit.  —  Il  reboit.  — 
Il  rereboit.  On  grimpe,  on  descend,  on  regrimpe,  on  redescend, 
on  reregrimpe  (V.  Hugo,  La  dernière  gerbe).  Il  faut  bien  comp- 


222 

ter  trois  mois  pour  relire,  faire  copier,  re-recorriger  la  copie  et 
faire  imprimer  (Flaubert,  Correspondance,  III,  216). 

•Remarque.  Re-  a  été  introduit,  par  analoj^ie,  dans  plusieurs  mots  savants: 
relaps,  relater,  relatif,  relaxer,  reléguer,  reliquat,  relique,  remède,  etc.  On 
hésite  entre  reviser  et  réviser,  revision  et  révision,  réclusion  et  réclusion.  On 
a  hésité  autrefois  entre  réfréner  et  refréner;  c'est  la  dernière  forme  qui  l'a 
emporté:  sur  revendication,  voir  II,  §  233,2. 

487.  Particularités  de  forme.  La  combinaison  de  re-  avec 
un  mot  amène  certaines  particularités  orthographiques  et  pho- 
nétiques. 

P  Re  devant  une  consonne.  Rien  à  remarquer  que  pour  les 
mots  qui  commencent  par  un  s.  Re  -\-  dire  devient  redire,  et 
on  a  de  même  refaire,  reprendre,  etc.,  etc.,  tandis  que  re  +  sen- 
tir devient  ressentir  [rasâti:r];  comme  un  s  simple  intervoca- 
lique  se  prononce  [z],  on  a  voulu  éviter  la  graphie  resentir,  et 
on  a  redoublé  la  consonne,  mais  on  perd  autant  que  l'on 
gagne  par  ce  procédé  qui  indique  très  mal  la  prononciation 
de  Ye.  Voici  quelques  exemples  du  redoublement  de  s:  res- 
saigner,  ressaisir,  ressasser,  ressaut,  ressauter,  ressembler,  ressentir, 
resserrer,  ressortir,  ressouder,  ressource,  ressouvenir,  ressuer. 

2^  Dans  les  compositions  modernes,  en  tant  qu'elles  sortent 
trop  de  la  langue  officiellement  reconnue,  re-  s'attache  volon- 
tiers au  verbe  à  l'aide  d'un  tiret,  évidemment  pour  désigner, 
par  une  orthographe  particulière,  le  nouveau  mot  comme  une 
création  absolument  individuelle.  En  voici  quelques  exemples, 
tous  tirés  de  la  Correspondance  de  Flaubert:  Je  re-suis  à  flot 
(IV,  93).  Ma  mère  se  re-mourait  (ib.,  p.  103).  Un  re-four  (ib., 
p.  90).  Une  re-promenade  {ib.,  p.  63). 

3*  Re  devant  une  voyelle.  Régulièrement  re  perd  son  e  sans 
que  l'amuïssement  soit  indiqué  par  une  apostrophe:  racheter, 
ranimer,  rappeler,  rhabiller,  récrire,  remplir,  rouvrir,  etc. 

4^  Dans  les  compositions  nouvelles  on  peut  garder  la  voyelle 
ou  l'élider.  Si  l'on  garde  la  voyelle,  re-  est  remplacé  par  ré-. 
Ainsi  pour  dire  'organiser  de  nouveau'  on  préfère  réorganiser 
à  rorganiser  (voir  §518);  ce  n'est  qu'exceptionnellement  qu'on 
emploie  re-:  J'ai  reécrit  la  préface  (Flaubert,  Correspondance). 
Dans  ce  dernier  cas  nous  avons  affaire  à  une  sorte  de  re- 
composition (comp.  §  4:58).  Si  l'on  ne  garde  pas  la  voyelle, 
son    élision   est  le  plus  souvent  indiquée  par  une  apostrophe. 


223 

Nous  empruntons  les  exemples  suivants  à  l'étude  de  M.  Mei- 
nicke:  Évidemment,  elle  se  demandait  comment  deux  êtres 
qui  avaient  été  sur  le  point  de  se  quitter  pour  la  vie,  pou- 
vaient subitement  redevenir  unis  et  se  »r' aimera.  Tel  est  son 
mot.  Elle  me  dit  sérieusement,  pour  indiquer  une  date:  »  De- 
puis que  papa  vous  r'aime,  maman  . . .«  (M.  Prévost,  L'heu- 
reux ménage,  p.  262).  Hâtivement,  à  l'aveuglette,  elle  refait  sa 
toilette,  rarrange  ses  cheveux  (Toudouze,  La  Fleur  Bleue,  p.  201). 
D'abord,  tu  voulais  faire  un  roman,  puis  c'a  été  un  voyage. 
Puis,  ce  rest  un  roman  (Flaubert,  Correspondance,  III,  192). 

488.  Re  -j-  verbe.  Cette  combinaison  est  extrêmement  géné- 
rale :  reboutonner,  recourber,  redire,  refaire,  reprendre,  revenir, 
revoir,  etc.,  etc.  Sporadiquement  re-  se  joint  à  n'importe  quel 
verbe  pour  marquer  la  répétition:  mourir — remourir,  etc.  Rap- 
pelons que  ravoir,  qui  était  autrefois  d'un  usage  plus  général, 
n'est  guère  usité  qu'à  l'infinitif;  on  l'emploie  cependant  fami- 
lièrement au  futur  et  au  conditionnel:  Je  veux  ravoir  mon 
livre  et  le  raurai.  Je  le  raurais  si  je  voulais. 

Doublets.  A  côté  des  mots  en  re-  on  trouve  parfois  des 
doublets  en  ré-.  Il  faut  distinguer  trois  groupes  principaux: 

P  Le  même  mot  latin  a  passé  en  français  sous  une  forme 
populaire  (re-J  et  sous  une  forme  savante  (ré-J.  Exemples  : 
recolligere  >  recueillir — récolliger,  récupéra  re  >  recouvrer 
— récupérer.  Notez  que  de  relax (ic)are  on  a  relâcher  et  relaxer. 

2^  A  côté  d'une  composition  française  en  re-  on  trouve  un 
doublet  en  ré-  emprunté  au  latin:  recréer — récréer  (recreare), 
reformer — réformer  (r  e  f  o  r  m  a  r  e),  reparer — réparer  (r  e  p  a  r  a  r  e), 
reprouver  —  réprouver  (reprobare),  resigner  —  résigner  (r  e  - 
signare),  Comp.  repondre — répondre  (r  es  pond  ère). 

3^  A  côté  d'une  création  française  en  re-  on  trouve  un 
doublet  impropre  en  ré-  dont  l'é  appartient  au  verbe:  rechauf- 
fer (re  +  chauffer) — réchauffer  (re  -\-  échauffer),  recrier  (re  -\-  crier) 
—récrier  (re  +  écrier),  remoudre — rémoudre,  reteindre — réteindre, 
retendre — rétendre, 

489.  Re  -\-  substantif.  Ces  combinaisons  sont  constantes  ou 
sporadiques. 

P  L'union  fixe  de  re-  avec  un  substantif  se  trouve  dans 
rebord,  recoin,  reflux,  repic  et  en  outre  dans  beaucoup  de  mots 


224 

en  -tion  :  recomposition,  reconstitution,  reconstruction,  reconvention. 
On  trouve  dans  la  vieille  langue:  reaoust  (double  récolte),  re- 
tiras (bord  retroussé,  repli),  recoup  (second  coup,  contre-coup), 
redon  (don  fait  en  retour  d'un  autre  don),  à  redos  (dos  à  dos), 
regort  (eau  profonde,  baie),  etc. 

2^  Re-  peut  se  joindre  sporadiquement  à  n'importe  quel 
substantif  pour  indiquer  la  répétition.  La  Correspondance  de 
Plaubert  en  offre  des  exemples  curieux:  En  fait  de  nouvelle, 
il  y  a  du  re-calme  (III,  349).  Le  bon  Offenbach  a  eu  un  re- 
four à  rOpsra-Gomique  (IV,  90).  J'étais  brute  et  étourdi;  mais 
ce  soir  (j'ai  fait  diète  toute  la  journée)  la  revigueur  m'est  re- 
venue (II,  217).  Tu  serais  bien  aimable  de  m'envoyer  une  re- 
Comtesse  de  Chalis,  pour  la  répandre.  La  mienne  est  déjà 
éreintée  (III,  353).  Me  revoilà  à  Croisset  pour  deux  mois  et 
dans  le  re-Saint  Antoine  (III,  43).  Des  processions  —  c'était  à 
la  brasserie  —  de  bocks  et  de  rebocks  (P.  Hervieu,  Peints  par 
eux-mêmes,  p.  189).  Cet  emploi  de  re-  appartient  surtout  au 
langage  un  peu  familier.  On  se  rappelle  les  vives  critiques  du 
rebonsoir  de  Un  caprice.  En  parlant  de  cette  pièce  Mme  Arvède 
Barine  remarque:  »  Personne,  ou  à  peu  près,  ne  savait  d'où 
cela  sortait.  Et  puis,  c'était  mal  écrit:  >yRebonsoir,  chère!  En 
quelle  langue  est  cela?«  disait  Samson  suffoqué.  Le  lendemain 
de  la  première,  revirement  complet«   (Musset,  p.  148). 

490.  Re  -\~  adjectif.  La  combinaison  de  re-  avec  un  adjectif 
était  assez  ordinaire  en  latin:  recurvus,  reduncus,  renu- 
dus,  etc.  Elle  est  presque  inconnue  au  français;  rebours  et 
recoi  ne  sont  pas  des  créations  nouvelles,  ils  reproduisent  pro- 
bablement des  combinaisons  latines. 

491.  Re  +  pronom.  Combinaison  qui  paraît  extrêmement 
rare.  Je  n'en  connais  qu'un  seul  exemple:  C'est  remoi,  tante 
Josette  (Gyp,  Mr.  le  duc,  p.  217). 

492.  Re  +  nom  de  nombre.  On  trouve  sporadiquement  ré- 
uni à  un  nom  de  nombre  cardinal.  Ex.:  Bientôt,  la  bataille 
recommença,  et  on  n'entendit  plus  que  des  voix  grêles  et  po- 
tinières,  avec  le  refrain  des  joueurs  et  le  cliquetis  des  domi- 
nos, sur  la  table  de  marbre.  —  A  vous,  la  pose.  —  J'ai  le 
patard.  —  Du  quatre,  —  Et  du  re-quatre  (Dubut  de  Laforest, 


225 

Morphine,  p.  4).  Dans  la  vieille  langue  re-  se  combinait  avec 
des  noms  de  nombres  ordinaux  pour  former  des  substantifs: 
redisme  (seconde  dîme,  le  dixième  du  dixième),  requart  (quart 
de  la  quatrième  partie),  requint  (la  cinquième  partie  du  cin- 
quième), retiers  (le  tiers  du  troisième). 

493.  Re  -{-  particule.  Re  se  joint  à  voici  et  surtout  à  voilà. 
Ex.:  Me  revoici.  Revoilà  le  chien  qui  hurle  (G.  de  Maupassant, 
Petite  Roque,  p.  158).  Et  nous  revoilà  partis,  Dieu  sait  pour  où 
(Soirées  de  Médan,  p.  123).  On  trouve  aussi  dans  la  vieille 
langue  res,  contraction  de  re  et  es  (§  592).  En  dehors  de  ces 
cas,  re-  s'unit  à  bravo,  d'où  rebravo.  Une  formation  indivi- 
duelle curieuse  se  trouve  dans  l'exemple  suivant:  —  Et  les 
imitant,  elle  continua:  «L'histoire  de  France  tout  entière??? 
—  Ah!!!  —  Et  la  syntaxe???  —  Oh!!!  —  En  troisième  à 
treize  ans???  —  reoh!!!«  (Gyp,  Petit  bleu,  p.  67). 

494.  Soudure.  Quant  à  la  place  de  re-  on  observe  une  dif- 
férence fondamentale  entre  le  vieux  français  et  le  français 
moderne  dans  les  cas  où  il  s'agit  d'une  combinaison  où 
entrent  un  verbe  principal  et  un  verbe  auxiliaire  ou  modal. 
Actuellement  re-  accompagne  toujours  le  verbe  principal  (ils 
sont  revenus,  il  peut  le  refaire);  au  moyen  âge  il  s'attachait  au 
verbe  auxiliaire  (il  resont  venu)  ou  modal  (repuet  le  faire). 
Exemples  : 

P  Re  -{-  avoir:  Et  l'empereres  rot  assemblées  ses  genz  (Ville- 
hardouin,  §  451).  Et  autressi  Fromons  li  parjurez  —  Ra  touz  ses 
homes  rengiez  et  aunez  (Jourdains  de  Blaivies,   v.  3927—3928). 

2^  Re  +  estre:  Nicholes  rest  venuz  arrière  (Guillaume  de  Dole, 
V.  1501).  Et  en  mains  leus  refurent  les  eschieles  des  nés  si 
aprochies  (Villehardouin,  §  237).  Là  refu  li  trésors  si  très  granz 
trovez  (ib.,  §  250).  Et  des  borjois  se  rest  chascuns  armez  (Jour- 
dains de  Blaivies,  v.  3926).  A  lor  voye  mis  se  ressont  (Richars 
li  biaus,  v,  4002). 

3°  Re  +  aller:  Et  li  traîtres  /-eyazï  ceuls  envaïr  (Jourdains  de 
Blaivies,  v.  4001). 

4°  Re  -f-  cuidier:  Plusour  de  nos  gens  recuidierent  passer  à 
nou  (à  la  nage;  Joinville,  §  235). 

5^  Re  +  deveir:  Des  Alemenz  vos  redevom  conter  (Narbon- 
nais,  V.  2465).   Redoit  conquerre  Aijmer  le  baron  (ib.,  v.  2853). 

15 


226 

El  bien  le  redevoient  faire  (Péan  Gastinel,  Vie  de  saint  Martin, 
V.  4649). 

6^  Re  +  faire:  Le  tierz  refait  contre  terre  chaïr  (Jourdains 
de  Blaivies,  v.  4008). 

7^  Re  -\-  poeir:  Et  se  ne  me  repuis  tenir  —  Que  jou  ne  cant 
(Màtzner,  Altfranzôsische  Lieder,  38, 5).  Or  repiiet  cil  à  l'uis 
huchier  (Dolopathos,  v.  11176). 

8^  Re  +  voleir:  D'iceste  onour  nem  revueil  encombrer  (St. 
Alexis,  V.  188).  Revolez  vos  a  Troie  aler  (Enéas,  v.  5684). 

Cas  isolé.  Il  faut  enfin  observer  que  re-  peut  se  séparer  en- 
tièrement du  verbe  et  précéder  les  pronoms  le,  la,  lor,  se  et  les 
adverbes  pronominaux  en,  y.  Cette  particularité  est  propre  à 
la  Vie  de  Saint  Martin,  écrite  en  Touraine  par  Péan  Gastinel, 
vers  1200.  Lonc  tens  fut  la  terre  essilee,  —  Tant  que  Dex 
reVot  aveiee  (v.  7879 — 7880).  Puis  a  de  l'eve  des  fons  prise  — 
Et  re  Va  derechief  enquise  —  Que  savoit  (v.  5775 — 5777).  Et 
sainz  Martins  relor  ajue  (v.  4722).  Grant  pièce  einsi  se  demen- 
terent,  —  Tant  que  vers  Tors  res'adrecerent  (v.  10075 — 10076). 
L'empereriz  et  l'emperieres  —  Et  l'arcevesque  res' assistrent 
(v.  846 — 847).  Et  mainte  d'els  res'enfoïrent  (v.  7665).  Et  puis 
res'en  alerent  (v.  8786).  R'en  vint  uns  autres  ensement  (v.  4428). 
Cist  r'en  fist  maintes  aveier  (v.  4613).  De  Pauluau  r'i  fut  venue 
(v.  9201).  Uns  fi  vint  qui  ravoit  perie  (v.  5573).  Et  fondé 
r'z  a  mainte  église  (v.  9836).  Ri  viennent  et  por  els  esbatre 
(v.  9421).  Comme  l'a  fait  voir  M.  E.  Herzog,  le  même  phéno- 
mène se  trouve  aussi  mais  très  rarement  dans  quelques  autres 
textes  :  Blanche  color  fi  ot  {Macé  de  la  Charité,  v.  4355).  Mais 
ce  re  /n'esmaie  (Cligés,  ms.  T.,  v.  4442). 

495.  Signification.  L'emploi  de  re-  présente  un  grand  nombre 
de  nuances  sémantiques  extrêmement  fines  pour  lesquelles  nous 
renvoyons  à  l'élude  détaillée  et  consciencieuse  de  M.  Max  Mei- 
nicke,  en  nous  bornant  ici  à  une  indication  sommaire  de 
quelques  groupes  principaux. 

P  Re  indique  la  simple  répétition  d'une  action:  redire,  dire 
une  seconde  fois;  comp.  refaire,  revoir.  Rebâtissez  le  temple, 
amis;  faites  renaître  —  Un  culte  somptueux,  —  (Rostand,  La 
Samaritaine,  p.  14).  Il  peut  aussi  indiquer  une  répétition  mul- 
tiple:   une    question   rebattue,    un   chemin   rebattu.    Ce    sont    les 


227 

seules  significations  qui  soient  restées  vivantes  et  productives 
dans  la  langue  moderne. 

2^  Re  indique  la  répétition  d'une  action  par  rapport  à  un 
autre  sujet;  il  prend  ainsi  le  sens  de  'de  mon  côté',  'de  ton 
côté',  etc.  ou  de  'quant  à  moi',  'quant  à  toi',  etc.  Cet  emploi  est 
propre  à  la  vieille  langue  où  il  est  très  répandu.  Exemples: 
La  femele  est  foillue  —  Cum  foille  de  laitue,  Li  masles  foilluz 
rest  —  Si  cume  la  [bete]  est  (Philippe  de  Thaûn,  Bestiaire, 
V.  1577).  Na  encor  pas  XXV  ans  passé  Que  je  re/uz  an  estrange 
régné  {Narbonnais,  v.  2965 — 6).  Et  l'en  chaïrent  as  piez  mult 
plorant,  et  il  lor  rechiet  as  piez,  et  dit  que  il  le  fera  mult  vo- 
lentiers  (Villehardouin,  §  43).  Et  quant  cil  les  virent  venir,  si 
corurent  à  lor  armes;  que  il  cuiderent  que  cil  fuissent  Grieu, 
et  cil  recuiderent  altressi  d'aus  {id.,  §  383).  Ele  ot  paor  que, 
s'ele  i  entroit,  qu'eles  ne  l'ocesiscent,  si  se  repensa  que  s'on  le 
trovoit  iluec,  c'on  le  remenroit  en  le  vile  (Aucassin  et  Nicolete, 
16,  31).  Et  tu  me  redevroies  dire  Queus  hon  tu  ies  et  que  tu 
quiers  (Cheval,  au  lion,  v.  356—357).  Et  d'autre  part  mes  sire 
Yvains  Ne  restait  mie  trestoz  sains  (ib.,  v.  4561 — 62). 

3^  Re  indique  un  rétablissement  dans  le  premier  état:  re- 
gagner sa  place,  regagner  la  confiance  de  son  maître. 

4^  Re  indique  une  rétrogradation:  retourner  dans  son  exil; 
au  lieu  d'agir  il  recule.  Re  se  rapporte  souvent  à  un  temps 
passé:  Sa  lettre  m'a  ramené  à  cinquante  ans  en  arrière.  Je  me 
reportais  au  souvenir  de  mon  enfance.  Il  faut  remonter  un  peu 
plus  loin. 

5^  Re  indique  une  opposition,  une  réaction:  Nous  citerons 
comme  exemples  les  verbes  se  rebiffer  et  se  rebéquer. 

6^  Re  indique  la  réciprocité,  l'échange. 

7^  Re  peut  avoir  une  valeur  augmentative,  l'idée  d'une  ré- 
pétition conduisant  facilement  à  celle  d'une  augmentation. 
Roublier  signifie  d'abord  oublier  de  nouveau,  puis  oublier  tout 
à  fait:  Va  coquin:  va,  sanglant  paillard;  Tu  me  refais  trop  le 
gaillard  (Patelin,  v.  949).  Si  ne  sçavoient  en  quelle  manière 
ilz  le  dévoient  remercier  ne  regracier  le  bien  et  l'honneur  qu'il 
leur  avoit  fait  (Jehan  de  Paris,  p.  16).  La  valeur  augmentative 
de  re  est  encore  appréciable  dans  rechercher,  recoin,  relent,  re- 
luire, raffoler,  ressentir. 

15* 


228 

8°  Souvent  le  sens  de  re-  est  tout  à  fait  effacé,  de  sorte  que 
le  dérivé  exprime  la  même  idée  que  le  simple.  Ce  phénomène 
est  surtout  fréquent  dans  la  langue  populaire  qui  abuse  de 
re-.  Darmesteter  cite  les  exemples  suivants:  rappeler  en  justice 
pour  appeler  en  justice;  remplir  son  verre  pour  emplir  son  verre; 
remonter  sa  montre  pour  monter  sa  montre;  rétamer,  récurer, 
rappropier^  rassortir,  renforcer  pour  étamer,  etc.;  une  resserre 
pour  une  serre.  Des  exemples  correspondants  se  rencontrent 
aussi  hors  de  la  langue  populaire.  Re  a  perdu  sa  valeur  dans  les 
cas  où  le  verbe  simple  a  disparu:  ainsi  remercier  a  tout  à  fait 
remplacé  l'ancien  verbe  mercier  resté  en  usage  jusqu'au  XVP 
siècle;  de  la  même  manière,  raconter  a  remplacé  aconter.  Hors 
de  ces  cas  particuliers  re-  sl  perdu  sa  valeur  dans  receler,  ren- 
fermer et  quelques  autres. 

Remarque.  Dans  le  parler  belge  actuel  re-  a  beaucoup  perdu  de  sa  valeur 
primitive,  tout  comme  dans  l'argot  de  Paris.  M.  Gustave  Cohen  remarque:  »0n 
entend  couramment  cette  phrase:  Ça  ne  sait  pas  rentrer  dedans,  pour:  Cela 
ne  peut  pas  y  entrer.  On  préfère  récurer  à  écurer,  relaver  à  laver,  rallonge  à 
allonge^  (Le  parler  belge,  dans  Skandinavisk  Mânadsrevy.  1906,  p.  166). 

496.  SANS  vient  de  sine;  il  est  toujours  préposition  et  ne 
s'unit  qu'aux  substantifs.  Exemples  :  un  sans-cœur,  un  sans- 
culotte,  une  sans-dent,  un  sans-façon,  une  (pomme)  sans-fleur,  un 
sans-gêne,  une  (poire)  sans-peau,  un  sans-souci.  Dans  la  langue 
d'aujourd'hui  on  trouve  plusieurs  combinaisons  nouvelles:  La- 
bosse  n'est  pas  un  sans-patrie  (Lavedan,  Vieux  marcheur,  p.  5). 
Je  ne  serais  plus  un  homme,  je  serais  l'irresponsable,  le  sans 
jugement  et  le  sans  volonté  (Dujardin,  Les  lauriers  sont  coupés, 
p.  28).  Tous  ces  mots  sont  des  substantifs;  on  leur  donne  très 
rarement  une  fonction  adjectivale,  comme  dans  l'exemple  sui- 
vant :  L'anglais  ...  est  devenu  le  plus  rapide  et  le  plus  sans- 
gêne  des  idiomes  (M.  Bréal  dans  La  Revue  de  Paris,  1901,  IV, 
237). 

497.  SOU  ou  SOUS  vient  de  subtus.  Cette  particule  s'unit 
avec  les  verbes  et  les  noms;  on  emploie  sou  dans  les  com- 
binaisons anciennes:  soulever,  et  sous  principalement  dans  les 
combinaisons  nouvelles:  sous-archiviste,  sous-bois,  sous- amender . 
On  hésite  entre  soubarbe,  sougarde,  sougorge,  soupied  et  sous- 
barbe,  sous-garde,  sous-gorge,  sous-pied  (comp.  I,  §  463, 3). 


229 

P  Sous  +  verbe:  soulever,  souligner,  soumettre,  sourire,  sou- 
tenir, soutirer,  souvenir,  sous-affermer,  sous-amender,  sous-entendre, 
sous-freter,  sous-louer,  etc.  Parmi  les  composés  morts,  rappelons 
sou-pleurer  (Perret,  Les  héros  subalternes,  6,  p.  54). 

2^  Sous  +  substantif:  soucoupe,  sous-aide,  sous-bail,  sous- 
jupe,  etc. 

Remarque.  Dans  plusieurs  cas  il  y  a  eu  hésitation  entre  sons  et  sub.  A 
côté  de  sous-entendre  on  trouve  au  XVle  siècle  sub-entendre,  qui  n'a  pas  ré- 
ussi; d'un  autre  côté  sous-diviser  a  été  remplacé  par  sub-diviser. 

498.  SUR  dérive  du  latin  super;  il  se  combine  avec  des 
verbes  et  des  noms. 

1^  Sur  +  verbe:  surabonder,  suracheter,  surajouter,  surchar- 
ger, surchauffer,  surexciter,  surestimer,  surmener,  surpasser,  sur- 
prendre, etc.  On  trouve  aussi  beaucoup  de  formations  indivi- 
duelles, Flaubert  écrit:  Adieu,  pauvre  tante  adorée;  je  t'em- 
brasse, et  je  te  surembrasse  (Correspondance,  I,  293).  Je  me 
suis  surembêté  ces  jours-ci  d'une  façon  truculente  (ib.,  I,  293). 

2^  Sur  -\-  substantif.  Dans  ce  cas  sur-  peut  être  adverbe 
comme  dans  surarbitre,  surenchère,  suroffre,  survaleur,  etc.  ou 
préposition:  surlendemain,  surtout.  On  ne  trouve  pas  de  com- 
posé nouveau  où  sur  soit  préposition. 

3^  Sur  -\-  adjectif:  surabondant,  suraigu,  surcomposé,  surfin, 
surhumain,  surnaturel. 

499.  SUS,  du  latin  susum  pour  sur  su  m,  se  combine  en 
français  avec  des  noms;  il  est  adverbe  ou  préposition. 

1^  Sus,  adverbe:  susdénommé,  susdit,  susénoncé,  susmentionné, 
susnommé,  susrelaté. 

2^  Sus  employé  comme  préposition  se  trouve  dans  quelques 
parasynthétiques  appartenant  à  la  langue  savante:  sus-hépa- 
tique, sus-nasale,  sus-pubien. 

500.  TRES  (ou  TRÉ,  TRÈ)  du  latin  trans,  devenu  tras 
(I,  §  318,3).  Il  se  combine  surtout  avec  les  verbes:  tresaller, 
trébucher  (de  bue,  tronc  du  corps,  et  très,  indiquant  le  déplace- 
ment), trépasser  (d'où  trépas,  trépassement),  tressaillir,  tressauter. 
On    trouve    dans    la    vieille    langue    tresbatre,    tresboivre,    très- 


230 

changier^  trescolper,  très  frémir,  tresjeler,  treslancier,  tresmuer,  tres- 
poindre  (d'où  trépointe),  etc.  Il  se  combine  rarement  avec  des 
noms  comme  dans  tréfonds. 

501.  VI,  suffixe  à  demi-populaire,  reproduit  le  latin  vice. 
On  le  trouve  dans  vicomte  (<  vfr.  visconte  <  vice  comité  m), 
d'où  vicomte,  vicomtesse,  et  vidame  (<vfr.  visdame  <  vice- 
dominus),  d'où  vidamé,  vidamesse. 


CHAPITRE  III. 

PRÉFIXES  LATINS  D'ORIGINE  SAVANTE. 


502.  Les  préfixes  savants  que  nous  allons  étudier  sont  :  ab-, 
anté-,  anti-,  archi-,  bis-,  circon-,  cis-,  co-  (con-,  com-),  dis-,  ex-, 
extra-,  in-  (im-),  inter-,  pro-,  ré-,  sub-,  super-,  trans-,  ultra-,  vice-. 
A  l'exception  de  ré-,  ils  ne  jouent  qu'un  rôle  relativement 
modeste  dans  la  langue  moderne.  Plusieurs  d'entre  eux  appar- 
tiennent presque  exclusivement  à  la  langue  savante,  d'autres 
au  contraire  ont  été  adoptés  dans  la  langue  courante  (extra-), 
et  même  dans  la  langue  vulgaire  (archi-). 

503.  AB  (lat.  ab-)  se  trouve  dans  beaucoup  de  mots  sa- 
vants: abdiquer,  absorber,  abstinence,  abstraction,  etc.  Comme 
formation  nouvelle  on  ne  saurait  citer  que  abducteur  et  ab- 
duction, tirés  du  lat.  abducere. 

Remarque.  Le  5  a  été  restauré  par  réaction  savante  dans  plusieurs  mots 
tels  que  absoudre,  abstenir  (comp.  I,  §  119). 

504.  ANTÉ  reproduit  ante.  On  le  trouve  dails  des  mots 
empruntés:  antécesseur  (a  n  te  ce  s  so  rem),  anté  fixe  (antefixa) 
et  dans  quelques  formations  nouvelles: 

1^  Anté-  +  adjectif:  antédiluvien,  anténuptial,  antéhistorique. 
2^  Anté-  +  substantif:  anté-version,  anté-occupation. 

Cas  isolé.  Anthélix  est  une  combinaison  de  ante  et  hélix 
(cf.  §  66). 

Formation  analogique.  Dans  antéchrist  il  y  a  confusion  entre 
ante-  et  dvxi-  (§  505);  le  bas-latin  antechristus  est  pour 
antichristus  <  grec  dvrixQiOxog.    Rabelais  écrivait  antichrist. 


232 

505.  ANTI  est  emprunté  du  grec  dwl.  Il  marque  une  op- 
position et  se  combine  avec  des  substantifs  et  des  adjectifs. 
Nous  le  trouvons  dans  des  mots  d'emprunt:  antidote  (ccrtl- 
ôoTog)^  antUogie  (dvTikoyla),  antipathie  (dvTCTiad^ia),  etc.  et  dans 
des  formations  nouvelles  nombreuses;  on  en  crée  à  tout  mo- 
ment: J'ai  cessé  d'être  anti-mondain,  aussi  bien  q\i' anti-concierge 
ou  anti-bicycliste.  Je  ne  suis  plus  particulièrement  anti-rien,  à 
force  sans  doute  d'être  devenu  anti-tout  (P.  Hervieu,  Peints  par 
eux-mêmes,  p.  178).  Voici  quelques-unes  des  formations  que 
donnent  les  dictionnaires: 

1^  Anti-  +  substantif:  antiarislocrate,  antichristianisme,  anti- 
crépuscule, antidogmatisme,  anti-nature,  anti-pape,  antipartenaire. 

2^  Anti-  +  adjectif:  anti-apoplectique,  anti-chrétien,  anti-divin, 
anti-dramatique,  anti-fébrile,  anti-militaire,  anti- rationnel,  anti-répu- 
blicain, anti-social,  etc. 

Cas  isolés.  Anti-  remplace  anté-  dans  antichambre,  formé 
d'après  l'ital.  anticamera  (Pasquier  préférait  az;a/7/-c/ia/776re), 
et  antidate;  ajoutons  les  deux  termes  techniques  anticabinet 
(pièce  qui  précède  un  cabinet),  et  antipied  (pied  ou  patte  de 
devant  d'un  mammifère).  Inversement  anti-  a  été  supplanté 
par  anté-  dans  antéchrist  (voir  §  504, 2). 

506.  ARCHI  est  emprunté  de  dçxL  H  se  trouve  dans  des 
mots  d'emprunt:  archidiacre  {dqxiÔLduovog),  archiépiscopal,  archi- 
triclin  et  dans  plusieurs  combinaisons  nouvelles  :  archichancelier, 
archiduc.  Dans  le  langage  familier  il  est  devenu  d'un  emploi 
assez  étendu;  il  exprime  l'idée  du  superlatif  et  se  construit 
avec  des  substantifs,  des  adjectifs  et  des  participes  passés; 
pour  les  exemples,  voir  II,  §  472, 2. 

507.  BIS  ou  BI,  en  latin  bis-  ou  bi-,  indique  un  redouble- 
ment: bissextil  (bissextilis).  Le  sens  étymologique  se  re- 
trouve dans  les  formations  françaises.  Dans  quelques  cas  où 
bis-  a  remplacé  bes-  (§  466),  elles  présentent  le  sens  péjoratif 
propre  à  cette  forme. 

1^  Bis-  se  combine  avec  des  substantifs:  bissac  (doublet  de 
besace),  bissecteur,  bissection,  bissoc;  avec  des  adjectifs:  bisannuel, 
biscuit,  bissexuel;  avec  des  verbes:  bistourner.  Il  a  le  sens  péjo- 
ratif dans  biscornu,  bistourner. 


233 

2^  Bi-  s'emploie  dans  quelques  mots  savants  et  techniques: 
bicarbonate,  bidenté,  bipède,  bivalve. 

508.  CIRCON  (ou  CIRCOM  devant  une  labiale)  reproduit 
le  latin  circum-;  on  trouve  aussi  dans  des  mots  plus  récents 
la  pure  forme  latine  CIRCUM  (cf.  I,  §  318,  i).  Cette  particule 
se  trouve  dans  des  mots  d'emprunt:  circonflexe  (circum- 
flexus),  circonlocution  (circumlocutio),  circonvenir  (cir- 
cumvenire),  circumnavigation  (circumnavigatio)  et  dans 
quelques  combinaisons  nouvelles  :  circompolaire,  circumméridien, 
circumzénithal,  circumnavigateur. 

509.  CIS  (lat.  cis-)  s'emploie  dans  quelques  combinaisons 
appartenant  à  la  nomenclature  géographique  :  cisalpin,  cisjuran, 
cismoniain,  cisleiihan,  cispadan,  cisrhénan. 

510.  CO,  CON,  COM,  formes  collatérales  du  même  mot; 
elles  indiquent  réunion,  adjonction. 

P  CO  reproduit  le  latin  co-  employé  dans  coemere,  co- 
ire,  coemptio,  cohabitator,  etc.  Il  se  combine  avec  les 
noms  et  les  verbes  :  Co  -\-  substantif:  coacquéreur,  coaccusé,  co- 
associé, codébiteur,  codemandeur,  codétenu,  coefficient,  coétat,  co- 
héritier, coïntéressé,  cojouissance,  coreligionnaire,  cosignataire,  etc. 
—  Co  -{-  verbe  :  coexister. 

2^  CON  ou  COM  devant  une  labiale  est  le  latin  cum-.  Il  se 
trouve  dans  beaucoup  de  mots  d'emprunt:  concéder,  concorder, 
concourir,  conférer,  combattre,  commettre,  complaindre;  confiance, 
commisération;  condigne.  Les  formations  françaises  sont  peu 
nombreuses.  Le  préfixe  se  combine  surtout  avec  des  substan- 
tifs: concitoyen,  condisciple,  confrère,  commère,  compatriote, 
compère;  rarement  avec  des  verbes:  controuver.  Notons  aussi 
quelques  formations  parasynthétiques:  concentrer,  confronter. 

511.  DIS  est  le  latin  dis-,  dont  la  forme  populaire  est  dé- 
(§  469).  Il  se  trouve  dans  des  mots  savants  tels  que  discerner, 
discorde,  dissimuler,  etc.;  dans  des  mots  d'emprunt  venant  sur- 
tout de  l'italien:  discompte  (disconto),  discrédit  (discredito), 
disgrâce  (disgrazia);  dans  quelques  mots  faits  sur  des  mo- 
dèles étrangers:  discourtois  (it.  discortese),  disqualifier  (angl. 
disqualify).    Les    formations    françaises    ne    sont   pas  nom- 


234 

breuses:   discontinuité,  dissymétrie  (G.  Paris,   Discours  de  récep- 
tion, p.  29),  dissemblable. 

Remarque.  Dans  plusieurs  cas  dis-  s'est  substitué  par  réaction  savante  et 
étymologique  à  des-;  ainsi  on  a  dit  desconvenance,  descordance,  desculper, 
avant  de  dire  disconvenance,  discordance,  disculper. 

512.  EX,  en  latin  ex-,  se  trouve  dans  des  mots  d'emprunt: 
excéder  (excéder e),  exciter  (excitare),  exclamer  (excla- 
mare),  exclure  (excludere),  etc.  En  français  il  se  joint  par 
un  trait  d'union  à  un  nom  désignant  l'état,  la  profession  de 
quelqu'un  pour  exprimer  que  la  personne  n'est  plus  dans  cet 
état,  dans  cette  profession:  ex-député,  ex-laquais,  ex-ministre, 
ex-préfet,  ex-roi,  etc.;  on  trouve  même  des  combinaisons  comme 
ex-femme,  ex-hôtesse,  ex-protecteur,  etc.  Cet  emploi  de  ex-,  qui 
date  de  la  Révolution,  a  pénétré  profondément  dans  la  langue. 

513.  EXTRA  (en  latin  extra-)  se  trouve  dans  des  mots  d'em- 
prunt tels  que  extraordinaire  (extraordinarius)  et  dans  des 
formations  nouvelles;  il  se  combine  avec  des  noms  soit  comme 
adverbe,  soit  comme  préposition. 

P  Comme  adverbe  extra-  se  combine  avec  des  adjectifs 
auxquels  il  donne  un  sens  superlatif:  extra-blanc,  extra-bon^ 
extra- fin,  extra- fort. 

2^  Comme  préposition  extra-  se  combine  surtout  dans  la 
langue  savante  avec  des  adjectifs:  extra-judiciaire,  extra- naturel, 
extra-personnel,  extra-statutaire,  extra-utérin. 

3^  Combinaison  parasynthétique  :  extravaser. 

514.  IN  reproduit  in-:  inhabile  (inhabilis),  injuste  (in- 
justus),  inquiet  (inquietus),  etc.  On  écrit  im-  devant  une 
labiale  :  immobile  (i  m  m  o  b  i  1  i  s),  impair  (i  m  p  a  r),  implacable 
(im  plaça bi lis),  et  il  y  a  assimilation  devant  /  et  r:  illégal 
(i  1 1  e  g  a  1  i  s),  illégitime  (i  1 1  e  g  i  t  i  m  u  s),  irrégulier  (irregulari  s), 
irréparable  (irreparabilis).  Les  mêmes  changements  s'ob- 
servent dans  les  nouvelles  créations:  imbuvable,  impliable^  im- 
productif, illisible,  illogique,  irréductible,  irrespect,  etc.  L'assimila- 
tion, qu'elle  soit  orthographique  ou  phonétique,  est  de  rigueur. 
On  trouve  pourtant  inreprochable  (XY^  siècle)  pour  irréprochable, 
et   on   a  dit   inlisible  à  côté  de  illisible.    Le  préfixe  in-  est  très 


235 

employé  surtout  depuis  le  XVIP  siècle  ;  il  se  combine  avec  les 
adjectifs  et  les  participes,  rarement  avec  les  verbes. 

P  In-  +  substantif:  inaltération,  incandeur,  inconscience,  in- 
continuité,  inconviction,  inharmonie,  ininterruption,  insuccès,  ir- 
respect. Au  temps  de  la  Révolution  on  poursuivait  les  im- 
patriotes. 

2^  In-  +  adjectif:  improfitable,  improtégé,  inassorti,  inautorisé, 
inchrétien,  incivilisable,  inconsolé,  inépuisé,  inexploré,  infumable, 
inglorieux  (A.  France,  Le  mannequin  d'osier,  p.  243),  inintelli- 
gent, inofficiel,  inversable,  invrai  (Goncourt,  Manette  Salomon, 
p.  368). 

3^  In-  +  verbe  :  indigérer. 

Remarque.  Il  faut  remarquer  qu'à  côté  des  combinaisons  avec  in-  on  ne 
trouve  pas  toujours  une  forme  simple  sans  in-.  Tandis  que  incroyable  dérive 
de  croyable,  inusable  ne  dérive  pas  d'iisable:  c'est  une  formation  négative 
tirée  directement  du  verbe  user. 

515.  INTER  (lat.  inter-)  se  trouve  dans  quelques  mots  sa- 
vants: intercéder  (intercedere),  interdiction  (interdictio)  et 
dans  un  certain  nombre  de  créations  françaises;  il  se  combine 
surtout  avec  des  adjectifs,  moins  souvent  avec  des  verbes: 

P  Inter-  +  adjectif:  intercontinental,  interocéanique,  intermaxil- 
laire, interparlementaire,  interplanétaire. 

2^  Inter-  -f-  substantif:  intercommunication,  intercourse,  inter- 
dépendance, interligne. 

3^  Inter-  +  verbe:  interjeter,  interposer;  ajoutons  le  para- 
synthétique  interfolier. 

Doublets.  Dans  plusieurs  mots  il  y  a  eu  hésitation  entre 
inter-  et  la  forme  populaire  entre;  on  a  dit  autrefois  entrevenir, 
entredit,  etc.  ;  c'est  la  forme  savante  qui  l'emporte.  'Dans  la 
langue  moderne  on  note  les  doublets  entreposer  —  interposer, 
entrevue — interview. 

516.  PRO  (lat.  pro)  se  trouve  dans  des  mots  empruntés: 
procéder,  proclamer,  procréer,  produire,  proéminent,  etc.  et  dans 
quelques  rares  créations  françaises:  projeter,  proposer  (à  l'imi- 
tation de  projicere,  proponere). 

Formations  analogiques.  Par  réaction  savante,  pro-  a  rem- 
placé pour-  dans  promener,  en  vfr.  pormener,  et  profil  (de  l'it. 
proffilo)  qui  se  prononçait  pour  fil  aux  XVP  et  XVIP  siècles. 


236 

517.  RÉ  remonte  au  lalin  re-:  régénérer  (regenerare),  ré- 
génération (regeneralio),  réparer  (reparare),  répéter  (re- 
petere),  réserver  (reservare),  révolution  (révolu tio),  etc. 
Tandis  que  re-  est  ordinairement  réservé  aux  mots  populaires 
(§  486),  ré-  est  surtout  propre  aux  mots  savants:  récidive,  ré- 
ciproque, rédacteur,  réfraction,  régulier,  répertoire,  réserve,  rétro- 
grade, révérence,  etc.,  etc.;  comp.  réception  —  recevoir,  récogni- 
tion— reconnaître.  Dans  quelques  mots  il  reproduit  l'italien  ri-: 
réussir  (ri  us  cire). 

518.  Dans  les  formations  françaises,  ré-  ne  s'ajoute  qu'aux 
mots  commençant  par  une  voyelle:  action  —  réaction,  agir  — 
réagir,  etc.  (mais  gagner — regagner,  coin — recoin,  etc.).  Le  point 
de  départ  de  ces  formes  se  trouve  dans  des  mots  d'emprunt 
comme  réintégrer  (réintégra re),  réitérer  (reiterare),  qui  re- 
montent au  moyen  âge.  Sur  leur  modèle  on  créa  réadrecier, 
réaler,  réalier,  réamener,  réestorer,  etc.,  et  plus  nous  nous  ap- 
prochons des  temps  modernes,  plus  ces  formations  deviennent 
fréquentes.  De  nos  jours,  ré-  peut  s'unir  à  tout  verbe  com- 
mençant par  une  voyelle,  moins  souvent  à  un  nom. 

1^  /?é  + verbe:  réagir,  réajourner,  réapparaître,  réappeler,  ré- 
argenter,  réassurer,  réédifier,  rééditer,  réélire,  réhabiliter,  réhabi- 
tuer, réimposer,  réimprimer,  réoccuper,  réorchestrer,  réorganiser. 

2^  /?é  + substantif:  réaction,  réapparition,  réappel,  réapposition, 
réassignation,   réélection,  réinstallation,  réordination,  réouverture. 

3^  Ré-  +  adjectif:  réactif,  rééligible, 

519.  Concurrence  de  formes.  Sur  l'emploi  de  r(e)-  ou  ré- 
devant une  voyelle,  il  faut  noter  les  points  suivants: 

P  Parfois  les  vieilles  formes  contractées  ont  été  remplacées 
par  des  recompositions:  vfr.  rarmer,  maintenant  réarmer;  vfr. 
râteler — réatteler. 

2^  Souvent  on  a  créé  à  côté  des  vieilles  formes  contractées 
des  recompositions  nouvelles  offrant  le  même  sens:  raccorder 
— réaccorder,  raccrocher — réaccrocher,  racquérir — réacquérir,  rac- 
commoder —réaccommoder,  rajuster — réajuster,  rapprendre—  réap- 
prendre, rapprovisionner — réapprovisionner,  remballer — réemballer, 
rembarquer — réembarquer,  rhabituer—  réhabituer. 

3^  Dans  quelques  cas  isolés,  les  doublets  en  ré-  offrent  un 
sens  nouveau:  rappeler — réappeler,  rassurer — réassurer. 


237 

520.  SUB  (lat.  sub-)  se  trouve  dans  plusieurs  mots  d'em- 
prunt: subalterne  (subalternus),  subdivision  (subdivisio), 
subordination  (s  u  b  o  r  d  i  n  a  t  i  o),  submerger  (s  u  b  m  e  r  g  e  r  e),  etc. 
et  dans  quelques  combinaisons  nouvelles:  subdéléguer,  subdivi- 
ser, subordonner.  Il  forme  surtout  des  adjectifs  parasynthé- 
tiques:  sub-alpin,  sub-brachien,  sub-lunaire,  sub-tropical,  etc. 

521.  SUPER  (lat.  super-)  se  trouve  dans  quelques  mots  em- 
pruntés: superflu,  superposition,  etc.  et  dans  un  petit  nombre 
de  formations  françaises:  superflu,  superposer. 

522.  TRANS,  forme  savante  de  très-  (§  500),  se  trouve  dans 
des  mots  d'emprunt:  transaction  (transactio),  transflgurer 
(transfigurare),  etc.  et  dans  quelques  créations  nouvelles. 
Il  se  combine  surtout  avec  des  adjectifs  :  transatlantique,  trans- 
continental, transdanubien,  et  moins  souvent  avec  des  verbes: 
transpercer,  transposer,  transsuder,  transvider. 

Remarque.  Quelques-uns  des  mots  savants  commençant  par  trans  ont  rem- 
placé d'anciennes  formes  avec  très:  avant  de  dire  transformer,  transplanter, 
on  a  dit  tresformer,  tresplanter. 

523.  ULTRA,  doublet  savant  de  outre  (§  481),  a  pris  un  dé- 
veloppement marqué  dans  la  langue  moderne.  Il  se  combine 
ordinairement  avec  des  adjectifs:  ultra- libéral,  ultra- montain, 
ultra-radical,  ultra- royaliste,  ultra-violet.  On  trouve  aussi  ultra- 
montanisme,  ultra-montaniser.  Comp.  §  455,  4. 

524.  VICE  reproduit  le  latin  vice-  (sur  le  doublet  vi-,  voir 
§  501).  Il  se  combine  avec  des  substantifs:  vice-amiral,  vice- 
amirauté,  vice- chancelier,  vice-consul,  vice-président,  vice-présidence, 
vice-roi,  etc. 


CHAPITRE  IV. 

PRÉFIXES    D'ORIGINE  ETRANGERE. 


525.  Comme  nous  l'avons  dit,  les  préfixes  d'origine  étran- 
gère sont  très  peu  nombreux,  et  leur  emploi  est  assez  restreint. 
On  ne  saurait  citer  que  ca-,  qui  vient  du  néerlandais,  for-  qui 
reproduit  trois  préfixes  étrangers,  l'ail,  ver-,  l'ail,  vor-,  l'angl. 
for-,  et  para-,  emprunté  de  l'italien. 

526.  CA,  qui  se  présente  aussi  sous  les  formes  cha-,  ga-, 
cal-,  cale-,  cali-,  car-,  gai-,  gale-,  gali-,  gare-,  apparaît  dès  le 
XIIP  siècle  et  semble  originairement  propre  à  la  langue  vul- 
gaire. Comme  point  de  départ  probable  se  présente  le  flamand 
ka-  (qui  alterne  avec  kla-,  kra-,  kar-,  ko-)  employé  dans  ka- 
booten  (battre  à  coups  redoublés),  kaduUen  (taquiner),  kasjouwen 
(travailler  dur),  kaguile  (mauvais  cheval),  kabouter,  klaboiiter 
(gnome),  karbeulen,  krabeulen  (travailler  dur),  etc.  Ce  préfixe 
a  comme  le  français  une  signification  augmentative  et  péjo- 
rative. 

527.  La  plupart  des  mots  où  on  croit  trouver  notre  parti- 
cule, sont  difficiles  à  expliquer;  ils  appartiennent  souvent  à 
l'argot,  au  parler  vulgaire  ou  aux  patois,  et  leur  histoire  est 
peu  claire  et  peu  documentée.  Citons  p.  ex.: 

Caborgne,  caliborgne,  caliborgnon,  expressions  dialectales  pour 
borgne;  on  trouve  également  calouche  pour  louche. 

Cabosser,  déformer  par  des  bosses. 

Califourchon  (variantes  anciennes:  calfourchon,  cafourchon, 
galifourchon);  le  radical  est  fourche,  qu'on  a  muni  de  la  ter- 
minaison adverbiale  -on. 


239 

Colimaçon^  pour  calimaçon  comme  on  trouve  dans  plusieurs 
dialectes,  est  une  combinaison  de  cal -\- limaçon. 

On  cite  aussi  cafard^  cahoter,  cajoler,  cagot,  cahute,  calem- 
bour, calembredaine,  camouflet,  chamailler,  crapaud,  galima- 
frée,  etc. 

A.  Darmesteter  estime  que  la  particule  ca-  garde  encore  un 
reste  de  vie.  Il  dit  :  C'est  le  sentiment  de  l'idée  péjorative 
qu'elle  renferme  qui  inspire  à  nos  vaudevillistes  les  noms 
propres  tels  que  Galuchard,  Galuchot,  Galumard,  Calino.  Cepen- 
dant elle  ne  forme  plus  de  composés  {Formation  de  mots  com- 
posés, 2^  éd.,  p.  133). 

528.  FOR  remonte  au  germanique  fir-  (ail.  mod.  ver-);  on 
trouve  dans  les  documents  mérovingiens  ferbanniti  et  même 
firbanniti,  ferbatudo,  fermortui;  ce  fer-  est  bientôt 
remplacé  par  for-,  probablement  sous  l'influence  du  préfixe 
latin  fors-  (§  476),  qui  finit  par  l'absorber.  En  français  il  est 
assez  malaisé  de  distinguer  les  deux  for-.  Cependant  on  peut 
présumer  l'existence  du  for-  germanique  dans  les  mots  dont 
on  trouve  un  équivalent  en  allemand  commençant  par  ver- 
(ce  sont  surtout  des  termes  juridiques):  comp.  vfr.  forbatre  et 
uerslahen,  vfr.  forconseillier  et  mha.  verrâten.  Le  sens  peut  aussi 
nous  guider;  le  for  germanique  a  une  valeur  surtout  péjora- 
tive ou  augmentative:  forconter  (mal  compter),  forcrier,  etc.  et 
il  se  distingue  par  là  du  for-  latin  qui  signifie  'hors'  ou  'dehors'  : 
forsmetre  (mettre  dehors),  etc.  Pourtant  dans  quelques  cas  on 
constate  aussi  une  confusion  sémantique;  en  tout  cas  il  paraît 
impossible  de  décider  auquel  des  deux  for-  appartiennent  for- 
jugier  (bannir,  priver,  dépouiller,  condamner  à  tort)  et  for- 
mener  (enlever,  retirer,  détourner,  maltraiter,  etc.).  Probable- 
ment nous  avons  ici  une  contamination  de  deux  verbes  dif- 
férents: forjugier  (condamner  à  tort;  comp.  mha.  verdamnen) 
-\-  forsjugier  (bannir);  formener  (détourner;  comp.  ail.  verfiihren) 
et  forsmener  (enlever). 

529.  Voici  maintenant  un  relevé  des  mots  qui  paraissent 
présenter  le  germanique  for-;  ils  appartiennent  presque  tous  à 
l'ancienne  langue:  forbannie,  forbatre  (comp.  mha.  uerslahen), 
forbarrer  (barrer),  forboire  (boire  avec  excès),  d'où  forbu,  fourbu, 
forconseillier  (donner  de  mauvais  conseils),  forconter  (mal  comp- 


240 

1er),  forcrier  (crier  plus  fort  que  quelqu'un),  fordoter  (redouter), 
forfaire  (faire  du  mal,  enfreindre,  violer),  forjoïr  (se  réjouir 
outre  mesure),  forjurer  (jurer  d'abandonner;  comp.  en  ail. 
verschwôren),  formordre  (attaquer  illégalement),  forroher  (dé- 
rober), forsainnier  (perdre  du  sang;  comp.  en  ail.  sich  verblaten), 
forsaler  (marcher  mal),  fortailler  (mal  tailler). 

Remarque.  On  serait  tenté  de  retrouver  le  for-  germanique  dans  forvêtu, 
dont  le  sens  correspond  très  bien  à  l'ail,  verkleidet.  Cependant  l'ancienne 
langue  ne  paraît  pas  connaître  de  forvestir. 

530.  FOR,  du  germanique  vor-  (angl.  et  dan.  for-),  se  cache 
dans  faubourg,  autrefois  écrit  fauxbourg,  forsbourg^  altérations 
de  forborc,  emprunté  du  moyen  bas-ail.  vorburg.  On  serait 
tenté  de  voir  le  même  préfixe  dans  vfr.  forjouster  (être  le  pre- 
mier dans  un  tournoi,  remporter  le  prix).  Forstaller  (acheter  les 
denrées  en  chemin  avant  leur  arrivée  au  marché;  comp.  vor- 
kaufen)  est  probablement  emprunté  à  l'anglais  fores tall. 

531.  PARA.  Ce  préfixe  a  été  tiré  du  commencement  des 
mots  italiens  parasol  (parasole)  et  parapet  (parapetto). 
Sur  le  modèle  de  ces  mots  on  a  créé  paraballe,  parachute, 
paracrotte,  paradas,  parafoudre,  paraglace,  paragraisse,  paragrêle, 
parajour,  parapluie,  paratonnerre,  paravent. 


LIVRE  QUATRIEME. 

DÉRIVATION  RÉGRESSIVE. 


532.  La  dérivation  propre  que  nous  venons  d'étudier  s'ef- 
fectue par  l'addition  d'un  préfixe  ou  d'un  suffixe  et  elle  a  or- 
dinairement pour  résultat  l'allongement  du  mot  primitif:  crier 
— décrier,  recrier,  crierie,  criailler.  Nous  allons  maintenant  exa- 
miner une  autre  manière  de  créer  des  mots  nouveaux,  la  dé- 
rivation régressive,  qui  procède  d'une  façon  toute  contraire  par 
la  soustraction  d'une  syllabe  finale  ou  initiale.  Cette  dérivation 
qui  a  toujours  pour  résultat  la  diminution  du  mot,  comprend 
deux  groupes  principaux,  la  décomposition  et  la  formation 
postverbale. 


CHAPITRE  I. 

DÉCOMPOSITION. 


533.  Sous  ce  titre  nous  comprenons  les  cas  où  l'on  dépouille 
un  mot,  regardé,  à  tort  ou  non,  comme  un  dérivé  (ou  un  com- 
posé), d'une  syllabe  initiale  ou  finale  et  où  on  lui  crée  de  cette 
manière  un  primitif  qui  n'a  aucune  raison  d'être  étymologique. 
Ainsi  le  rapport  historique  entre  aristocrate  et  aristocratie  est 
tout  à  fait  différent  de  celui  qui  existe  entre  acrobate  et  acro- 
batie. Tandis  que  acrobatie  a  été  formé  de  acrobate  (dxQÔfiaTog) 
par  l'addition  du  suffixe  -ie  (§  241),  aristocrate  procède  de 
aristocratie  (dQtGTOXQaTià)  par  la  soustraction  de  -ie.  Com- 
parons  aussi  les   deux  groupes  quelque  —  quelqu'un,  chaque  — 

16 


242 

chacun,  qui  sont  à  expliquer  de  deux  manières  différentes. 
Dans  le  premier,  quelque  est  le  mot  primitif  et  quelqu'un  re- 
présente quelque -\- un  ;  dans  le  deuxième  au  contraire,  c'est 
l'inverse  qui  a  eu  lieu  :  chacun  est  le  primitif,  et  chaque  s'ana- 
lyse comme  chacun  -f-  un  (comp.  II,  §  578,  i).  Nous  avons 
déjà  mentionné  les  cas  où  la  terminaison  d'un  mot  disparaît 
devant  le  suffixe  (§  78  ss.)  et  qui  reposent  en  effet  sur  une 
sorte  de  décomposition;  nous  examinerons  ici  les  mots  où 
l'on  s'arrête  au  primitif  dégagé  de  sa  terminaison  sans  pro- 
céder à  une  nouvelle  composition.  Ces  mots,  qu'on  désigne  en 
anglais  par  le  nom  expressif  de  »back-formations«,  pourraient 
s'appeler  en  français  des  postnominaux   ou   des   postverbaux. 

Remarque.  La  décomposition,  dont  on  ne  trouve  que  peu  d'exemples  en 
français,  comme  dans  les  langues  romanes  en  général,  est  un  procédé  assez 
commun  dans  les  langues  germaniques;  M.  O.  Jespersen  leur  a  consacré  une 
étude  spéciale  très  nourrie  de  faits. 


A.    ÉLIMINATION  D'UN  PRÉFIXE. 

534.  Nous  avons  déjà  examiné  plusieurs  cas  où  le  com- 
mencement d'un  mot  a  été  éliminé  à  cause  d'analogies  diverses; 
la  chute  d'un  a  peut  ainsi  être  occasionné  par  une  confusion 
avec  l'article:  vfr.  Vasprele}  la  prêle  (voir  I,  §  261);  rappelons 
aussi  la  décomposition  populaire  de  losange  en  losange,  d'où 
un  osange  (I,  §  339,  Rem.)  et  celle  du  vfr.  labaustre  en  la 
baustre,  d'où  une  baustre  (I,  §  521).  Par  pe  procédé  on  crée  à 
un  mot  une  forme  nouvelle;  nous  allons  maintenant  examiner 
la  soustraction  d'une  syllabe  initiale  employée  comme  procédé 
de  dérivation  pour  créer  des  mots  nouveaux. 

535.  DÉ.  A  l'aide  de  ce  préfixe  on  forme  un  grand  nombre 
de  mots  qui  offrent  le  sens  opposé  du  primitif:  botter — dé- 
botter, boucher —  déboucher,  chausser — déchausser,  couvrir — dé- 
couvrir, etc.,  etc.  (cf.  §  469).  Par  contre-coup  on  crée  parfois 
un  primitif  nouveau  en  éliminant  dé-  d'un  mot  commençant 
par  cette  syllabe.  Exemples  : 

Chaux,  tiré  de  déchaux  par  Leconte  de  Liste:  Moines  blancs, 
gris  ou  bruns,  barbus  ou  ras.  Chaux  ou  déchaux  (Poèmes  tra- 
giques,  p.  51).    Comnie   on   avait  chaussé  h  côté  de  déchaussé 


i 


243 

on  a  eu  chaux  à  côté  de  déchaux.  L'ancienne  langue  connais- 
sait, outre  deschaus,  aussi  sorchaus  (Beroul,  Tristan,  v.  3731  ss.). 
Fouiller,  qui  s'emploie  dans  plusieurs  patois  au  sens  de  re- 
vêtir (cf.  A.  Thomas,  Nouveaux  essais,  p.  320),  est  un  dérivé 
récent  de  dépouiller  «  despoliare).  On  trouve  dans  la  vieille 
langue  empouiller  (ensemencer)  et  empouille,  qui  appartiennent 
peut-être  au  même  radical. 


B.    ELIMINATION  D'UN  SUFFIXE. 

536.  Ce  procédé  s'observe  déjà  dans  le  latin  vulgaire;  en 
voici  deux  exemples: 

^ov^ojv,  d'où  en  latin  bubon,  a  été  regardé  comme  un  mot 
formé  à  l'aide  du  suffixe  -on  et  on  lui  a  créé  un  primitif  fic- 
tif buba  qui  a  passé  dans  presque  toutes  les  langues  ro- 
manes: roum.  bubà,  vén.  boba,  fr.  bube,  esp.  buba,  port,  bouba. 

Sappinus  a  été  décomposé  en  sappus  +  -inus;  le  pri- 
mitif sa  p  pu  s  a  été  employé  surtout  en  gallo-roman:  prov. 
vfr.  sap. 

537.  Voici  maintenant  un  relevé  des  suffixes  éliminés  par 
dérivation  régressive: 

P  AGE.  Les  mots  en  -âge  sont  souvent  tirés  de  verbes  en 
■er:  marier  —  mariage  (§  148);  nous  avons  la  contre-partie  de 
ce  procédé  dans  l'ancien  verbe  vainpasturer  (voir  Godefroy), 
tiré  de  vainpasturage  (terre  qui  n'est  point  chargée  de  fruits). 

2^  ANT  et  ENT.  Le  rapport  entre  éclater — éclatanty  tolérer — 
tolérant,  exceller  —  excellent,  négliger — négligent,  etc.  amène  par 
contre-coup  la  création  de  quelques  verbes  en  -er  tirés  de 
noms  en  -ant  ou  surtout  -ent: 

Arc-bouter,  tiré  de  arc-boutant. 

Indifférer,  tiré  d'indifférent  (emprunté  du  lat.  indifferens, 
-entis);  le  mot  était  d'abord  propre  à  l'argot  (voir  Villatte), 
il  s'emploie  maintenant  dans  la  langue  littéraire  :  C'était  prou- 
ver que  tous  sujets  leur  indifféraient  (Th.  de  Wyzewa,  Nos 
maîtres.  Paris,  1895.  P.  93).  On  en  trouve  un  autre  exemple 
chez  P.  Bourget  dans  L'Étape  (p.  90). 

Puruler,  tiré  de  purulent  (purulentus)  ou  de  purulence 
(purulentia).    Il    a    été    employé    par    Huysmans:    La    cha- 

16* 


244 

rogne  du  riche  puruîe  autant  que  celle  du  pauvre  (En  route, 
p.  25). 

Somnoler,  tiré  de  somnolent  (so  mn  oient  us)  ;  ce  verbe  est 
maintenant  d'un  emploi  courant. 

3^  lE.  De  quelques  mots  abstraits  en  -atie  et  -manie  on  a 
tiré  des  noms  d'agent  en  -ate  et  -mane  sur  le  modèle  de  acro- 
bate (acrobatie y  acrobatique),  autocrate  (autocratie),  automate 
(automatique,  automatisme),  *croate  (Croatie),  etc. 

Aristocrate,  tiré  de  aristocratie  (emprunté  du  grec  (xqloto- 
xQazla). 

Bureaucrate,  tiré  de  bureaucratie  (composé  avec  le  fr.  bureau 
et  le  grec  xQazeïv,  commander;  mot  dû  à  l'économiste  Gour- 
nay,  1712—1759). 

Démocrate,  tiré  de  démocratie  (emprunté  du  grec  ÔT^fucxçaTia). 

Diplomate,  tiré  de  diplomatie,  de  diplomatique  (diplomati- 
cus,  de  diploma). 

Mélomane,  tiré  de  mélomanie. 

Monomane,  tiré  de  monomanie. 

4^  1ER.  A  côté  des  dérivés  en  -ier  on  trouve  parfois  des 
infinitifs  en  -er:  jardinier— jardiner.  C'est  sur  ce  modèle  qu'on 
a  créé  les  verbes  charcuter  et  flibuster  à  côté  de  charcutier  et 
flibustier. 

5^  IQUE.  Des  adjectifs  en  -ique  sont  souvent  tirés  de  substan- 
tifs en  ie:  chimie  —  chimique,  chronologie  —  chronologique,  typo- 
graphie—  typographique,  etc.  (voir  §  324).  Par  contre-coup  on 
crée  parfois  des  substantifs  en  -ie  d'adjectifs  en  -ique:  diploma- 
tie, de  diplomatique  ;  enharmonie,  de  enharmonique. 

6°  ON.  Sur  le  modèle  de  couples  comme  chaîne  —  chaînon, 
cruche — cruchon,  manche — manchon,  etc.  on  a  créé  à  plusieurs 
mots  en  -on  des  primitifs  non-étymologiques.  Exemples: 

Capuche,  dérivé  récent  de  capuchon  (emprunté  de  l'it.  ca- 
puccio). 

Goitre,  tiré  du  vfr.  goitron  (lat.  pop.  guttrionem)  ou  de 
l'adj.  goitreux  emprunté  du  prov.  goitros. 

Guigne  (mauvais  sort),  dérivé  récent  de  guignon  (tiré  de 
guigner). 

Litre,  tiré  au  XVIIP  siècle  de  litron  dont  l'origine  est  obs- 
cure. 

7^  URE.  La  plupart  des  mots  en  -ure  sont  tirés  de  thèmes 
verbaux:    blesser ~ blessure,   couper  —  coupure,  etc.  (§  296).    Par 


245 

contre-coup  on  crée  à  côté  des  mots  en  -ure  dont  l'origine  est 
différente,  des  verbes  en  -er:  nerférer,  tiré  de  nerférure;  uer- 
mouler,  tiré  de  vermoulure. 


C.  ÉLIMINATION  D'UN  E  FÉMININ  FINAL. 

538.  Dans  la  Morphologie  nous  avons  examiné  plusieurs 
cas  de  formations  rétrogrades,  et  nous  avons  montré  comment 
on  crée  parfois  un  masculin  nouveau  par  la  soustraction  d'un 
e  féminin  final  balourde— balourd  (voir  II,  §  388,  394),  tout 
comme  on  crée,  par  ex.,  un  nouveau  singulier  par  la  sous- 
traction d'un  s  final:  andalous  )  andalou  (II,  §  364).  Cepen- 
dant dans  les  cas  cités  il  s'agit  exclusivement  de  flexion;  ba- 
lourd n'est  qu'une  variante  de  balourde,  une  nouvelle  forme 
grammaticale,  mais  le  sens  reste  le  même.  Nous  allons  mon- 
trer maintenant  qu'en  dehors  de  la  flexion  nominale  l'élimina- 
tion d'un  e  féminin  final  est  employée  comme  procédé  dériva- 
tif pour  créer  des  mots  nouveaux. 

539.  Exemples  de  mots  nouveaux  créés  par  une  dérivation 
régressive  s'effectuant  par  l'élimination  d'un  e  féminin  final. 
Le  mot  dérivé  est  toujours  de  masculin. 

Béguin  (coiffe)  a  été  tiré  de  béguine,  dérivé  de  Lambert  Le 
Bègue  (fondateur,  au  XIP  siècle,  du  premier  couvent  de  bé- 
guines). 

Carrier,  celui  qui  exploite  une  carrière,  a  été  tiré  de  ce  der- 
nier mot. 

Châtain,  tiré  de  châtaigne  (cf.  II,  §  380);  cet  adjectif  »  post- 
nominal* a  été  longtemps  invariable;  plusieurs  auteurs  mo- 
dernes le  font  varier  de  genre  et  de  nombre  (cf.  II,  §  442). 

Garde  national,  tiré  de  garde  nationale  (cf.  §  710). 

Grivois,  soldat;  paraît  avoir  été  tiré  de  grzyozse  (ancienne  ta- 
batière portée  surtout  par  les  soldats). 

Médecin,  tiré  de  médecine  (medicina);  le  mot  date  duXIV^ 
siècle  et  finit  par  remplacer  m zVe  (medicus);  sur  le  nouveau 
féminin  médecine  au  sens  de  femme  du  médecin,  voir  II,  §  438. 

Tribun.  Je  cite  l'observation  de  M.  Darmesteter  sur  ce  mot: 
»On   a  récemment  donné  le   nom  de   tribun  à  l'employé  qui, 


246 

dans  certaines  maisons  de  commerce,  siège  à  la  tribune  ou 
estrade.  Ici  le  masculin  dérive  du  féminin,  et  ce  tribun  n'a 
plus  qu'un  rapport  éloigné  de  parenté  avec  le  tribun  du  peuple. 
Dans  certains  magasins,  l'employé  qui  tient  les  livres  à  la  tri- 
bune est  une  femme;  bientôt  à  côté  du  tribun  on  aura  aussi 
la  trihiineii  {La  création  actuelle  de  mots  nouveaux,  p.  46). 

Violet,   tiré  de  violette;  on  a  créé,  par   analogie,  le   féminin 
violette  à  l'adjectif  postnominal. 


CHAPITRE  II. 

FORMATION   POSTVERBALE. 


540.  Origine.  On  peut  tirer  d'un  verbe  un  nom  sans  l'aide 
d'aucun  suffixe.  Les  mots  nouveaux  formés  de  cette  manière 
sont  ordinairement  des  substantifs:  galoper  —  galop,  oublier — 
oubli,  troubler — trouble,  visiter — visite;  très  rarement  des  adjec- 
tifs: déchausser — déchaux.  Ces  formations  curieuses  qui  jouent 
un  très  grand  rôle  en  français,  peuvent  être  désignés  comme 
postverbales  ou  déverbales;  on  les  appelle  souvent  »  substantifs 
verbaux«,  ce  qui  est  une  dénomination  peu  heureuse.  Voici 
maintenant  quelques  remarques  sur  leur  origine.  On  avait  par- 
fois en  latin  des  substantifs  participiaux  exprimant  l'action 
verbale  à  côté  de  verbes  fréquentatifs  correspondants  :  cantus 

—  cantare,  saltus  —  saitare.  Primitivement  il  n'y  a  entre 
ces  mots  aucune  relation  directe,  cantus  et  saltus  appar- 
tiennent à  canere  et  salire.  Cependant  grâce  à  la  dispari- 
tion des  verbes  simples  et  à  leur  remplacement  par  des  formes 
fréquentatives,  il  s'établit  entre  ces  dernières  et  les  substantifs 
un  certain  rapport,  qui  â  pour  résultat  que  cantus  et  sal- 
tus sont  regardés  faussement  comme  tirés  du  thème  de  can- 
tare et  saitare  par  l'adjonction  de  -us.  On  considère  de  la 
même  manière  j  a  et  are — jactus,  cursare — cursus,  usare 

—  usus  et  sur  ces  modèles  on  crée  computare  —  compu- 
tus,  costare  —  costus,  gustare  —  gustus,  et  des  féminins 
correspondants  probare  —  proba,  captiare  —  *captia.  Ce 
genre  de  dérivation  devient  de  plus  en  plus  général  dans  la 
langue  vulgaire,  sans  que  pourtant  il  soit  possible  de  suivre 
son  développement;  commun  à  toutes  les  langues  romanes,  il 
est  devenu  en  français  excessivement  fertile. 


248 

541.  Genre.  Les  substantifs  verbaux  peuvent  être  masculins 
ou  féminins;  pour  beaucoup  de  mots  on  a  des  doublets. 

P  Les  substantifs  verbaux  masculins  présentent  générale- 
ment le  radical  du  verbe  tout  pur:  appui^  cri,  galop,  récit,  ré- 
veil, etc. 

Remarque.  On  trouve  un  e  féminin  final  dans  les  mots  où  un  groupe  de 
consonnes  rend  nécessaire  une  voyelle  d'appui  (cf.  I,  §  249)  :  branle,  échange, 
souffle. 

2^  Les  substantifs  verbaux  féminins  se  terminent  toujours 
par  un  e  féminin  :  baisse,  charge,  chasse,  claque,  chicane. 

3^  Au  moyen  âge  la  formation  masculine  était  prépondérante. 
Sur  les  27  substantifs  postverbaux  que  contiennent  les  plus 
anciens  textes,  23  sont  masculins,  et  4  féminins.  Ce  n'est  que 
petit  à  petit  que  la  formation  féminine  gagne  du  terrain.  Dans 
les  périodes  modernes  son  emploi  est  devenu  tellement  géné- 
ral que  de  nos  jours  elle  paraît  être  sur  le  point  de  remplacer 
la  formation  masculine.  Voici  quelques  créations  toutes  ré- 
centes: boxe,  casse,  cavale,  cogne  (la  gendarmerie),  colle  (si- 
mulacre d'examen),  épate,  flâne,  pousse  (la  police),  etc.;  les  for- 
mations masculines  modernes  sont  moins  nombreuses  et  n'ap- 
partiennent pas  à  la  langue  populaire:  bou  (dans  des  bous  de 
sucre,  du  sucre  qui  a  bouilli),  déblai,  remblai,  déport,  report; 
on  voit  que  ce  sont  des  termes  techniques  et  nullement  popu- 
;  ires. 

542.  Substantifs  verbaux  masculins. 

1^  Dérivés  de  verbes  en  -er:  aboi(s),  accord,  accroc  (§  70), 
achat  (§  547),  aguet,  amas,  appareil,  appeau  (II,  §  313),  appel, 
appui,  arrêt,  aveu,  babil,  bal,  branle,  calcul,  cintre,  coût,  cri,  dé- 
but, dédain,  défi,  dégel,  destin,  détail,  écart,  échange,  effroi  (I, 
§  159),  embarras,  entrechat  (I,  §  99),  envoi,  flair,  galop,  labour, 
mépris,  oubli,  pardon,  pleurs,  pli,  propos,  recul,  reflet,  refus,  re- 
gret, repos,  reproche,  retard,  retour,  réveil,  rot,  séjour,  souci,  sou- 
hait, soupir,  transport,  trépas,  tricot,  troc,  trot,  trouble,  viol, 
vol,  etc.  Sont  propres  à  la  vieille  langue:  acost,  acul,  adorn  ou 
adour  (ornement),  adoub,  afeu  (affouage),  agart  (inspection, 
inspecteur),  aleu  (location),  apreci,  baail  (bâillement),  chaple 
(coup  violent),  clain  (cri),  despuel  (dépouillement),  dessoivre 
(séparation),  esbanoi  (amusement),  escri  (cri),  esme  (apprécia- 


249 

tion),  frap  (coup),  gazoïiil,  livre  (livraison),  pri,  ronfle,  ruef 
(demande),  tast  (toucher),  etc. 

2^  Dérivés  de  verbes  en  -ir:  accueil,  bond,  choix,  départ, 
entretien,  maintien,  offre,  recueil,  ressort,  rôt.  A  l'ancienne  langue 
appartiennent  assent  (assentiment),  consent,  cueil,  desvest  (dé- 
vêtissement),  glap,  glat  (aboiement),  ment,  etc. 

3°  Dérivés  de  verbes  en  -re:  abat,  bat,  combat,  débat,  dé- 
fend(s),  ébat,  mord,  rabat,  rebat,  refend,  refrain  (I,  §  305, 7),  re- 
vif  A  l'ancienne  langue  appartiennent:  contrebat  (difficulté), 
destort  (détournement),  entrebat  (interruption),  sourt  (source),  etc. 

543.  Changements  phonétiques.  L'apocope  de  la  terminai- 
son est  souvent  accompagnée  de  différents  changements  pho- 
nétiques du  radical.  A  cause  de  la  concordance  qui  existe 
entre  les  substantifs  verbaux  et  les  formes  rhizotoniques  du 
présent  de  l'indicatif:  crier — je  cri(e) — un  cri,  offrir — f offre 
—  un  offre,  les  particularités  phonétiques  propres  aux  formes 
verbales  sont  aussi  introduites  dans  les  substantifs:  soutenir 
^—  je  soutien(s)  —  un  soutien,  etc. 

Remarque.  Les  changements  phonétiques  ne  se  trouvent  que  dans  les 
substantifs  verbaux  masculins,  jamais  dans  les  féminins;  de  cZamer  on  avait 
tiré  au  moyen  âge  clain  et  clame,  de  relever,  relief  et  relevé. 

544.  Voyelles.  Les  voyelles  inaccentuées  de  l'infinitif  en 
devenant  accentuées  se  changent  de  différentes  manières,  dont 
voici  les  principales: 

P  a  >  ai  (cf.  II,  §  24):  vfr.  clamer  —  clain,  vfr.  manoir  — 
main. 

20  a  >  e  (cf.  §  47)  :  vfr.  abaer—abé. 

3°  e  )  ie  (§  59):  maintenir — maintien,  soutenir — soutien,  re- 
lever— relief;  on  trouve  au  moyen  âge  aussi  grever- — grief,  lever 
— lief  tenir — tien. 

40  e  >  oi  (§  60):  vfr.  agréer — agroi,  d'oii  agrès  (§  547),  vfr. 
conreer — conroi,  maintenant  corroi;  enteser  —  entois  (action  de 
tenir  son  arc  tendu);  vfr.  esfreer — esfroi,  effroi;  espérer — espoir; 
vfr.  sevrer — soivre. 

50  oi  >  i  (voir  II,  §  28):  vfr.  denoiier  —  déni;  vfr.  noiier  — 
ni;  vfr.  ploiier — pli;  vfr.  proiier—pri;  vfr.  renoiier — reni,  etc.  ;  on 
trouve  aussi  des  tormes  analogiques  avec  oi:  denoi,  ploi,  etc. 


250 

6®  o(u)  >  eu  (cf.  §  58):  avouer— aveu;  à  la  vieille  langue  ap- 
partiennent afouer—afeu  (affouage),  aloer—aleu  (location),  en- 
foer — enfeUj  plorer— pleur.  Pour  les  créations  nouvelles,  le  pas- 
sage à  -eu  ne  s'observe  plus:  labourer — labour. 

1^  o(u)  >  ue  (cf.  I,  §  301);  ce  changement  est  propre  à  la 
vieille  langue:  mouvoir  }  muef  (§  546,9),  rouver  >  ruef  (de- 
mande), trouver  >  truef  (épave),  vouloir  >  vueil  (volonté). 

8^  Devant  une  consonne  nasale  devenue  finale,  la  voyelle 
se  nasalise:  vfr.  clamer — clain,  gagner — gain,  etc. 

546.  Consonnes.  Les  consonnes  qui  précèdent  la  terminai- 
son de  l'infinitif  subissent  différents  changements  en  devenant 
finales:  les  sonores  b,  d,  v  deviennent  les  sourdes  p,  t,  f  (I, 
§  314,2),  le  n  mouillé  perd  son  mouillement,  le  /i  dental  peut 
tomber,  etc.;  voici  quelques  détails: 

P  b  >  p  (voir  I,  §  379,2):  vfr.  gaber  >  gap;  l'analogie  peut 
amener  la  conservation  du  b\  on  trouve  ainsi  gab,  comme 
adoub  (de  adouber)  et  radoub. 

2^  c  [ts]  (voir  I,  §  307, 3)  se  conservait  dans  la  vieille  langue: 
esforcier — esforz,  eslancier  —  eslanz,  entercier  —  enterz,  esclicier  — 
escliz,  recomencier — recomenz,  etc.  De  ces  mots  la  langue  mo- 
derne a  gardé  eslanz  et  esforz  sous  les  formes  altérées  élan  et 
effort 

3^  ch  est  parfois  remplacé  par  c  (cf.  §  69):  accrocher  —  ac- 
croc, déjucher  —  déjuc;  raccrocher  —  raccroc,  tricher  —  vfr.  trie. 
Dans  d'autres  cas  on  conserve  la  chuintante:  relâcher — relâche, 
reprocher — reproche  (comp.  charger — charge,  échanger — échangé). 

4^  d  >  t  (voir  I,  §  395,  2).  Ce  changement  est  propre  à  la 
vieille  langue:  accorder — accort,  comander  —  comant,  mander — 
mant,  etc.  Dans  la  langue  moderne  acort  a  été  remplacé  par 
accord.  , 

5^  gn  )  (i)n  (voir  I,  §  336, 1):  vfr.  bargaignier — bargain; 
vfr.  desdaignier  —  desdain,  dédain;  vfr.  desseignier — dessein;  vfr. 
gaignier — gain  ;  vfr.  meshaignier — meshain,  etc. 

60  1  >  [Ji]  (cf.  II,  §  121):  vfr.  doloir — dueil,  vfr.  valoir  — vail, 
vfr.  voloir — vueil. 

70  1  )  u,  devant  une  consonne  (I,  §  342).  De  appeler  on  a 
tiré  appel  qu'on  munit  de  la  marque  du  nominatif,  d'où  ajo- 
peaus  (I,  §  238);  la  langue  moderne  présente  les  doublets  ap- 
peau et  appel  (voir  II,  §  313). 


251 

-  8^  n,  après  un  r,  disparaît  (cf.  I,  §  327,  Rem.)  :  détourner- 
détour,  retourner  —  retour,  séjourner  —  séjour;  vfr.  escharnir  — 
eschar. 

9^  V  >  f  (voir  I,  §  449):  élever — élef;  relever— relief  ;  on  trouve 
dans  la  vieille  langue  lever  —  lief,  mouvoir  —  muef,  trouver  — 
truef. 

547.  Cas  particuliers.  Quelques  formes  demandent  des  ex- 
plications spéciales  : 

Achat  a  été  tiré  de  l'ancienne  forme  achater  (voir  I,  §  169); 
il  l'a  emporté  sur  achet,  dérivé  plus  récent,  tiré  de  acheter, 
après  beaucoup  d'hésitations.  Nicot  ne  connaît  que  achet;  Cot- 
grave  (1611)  renvoie  d'achat  à  achet;  Monet  (1635)  donne  les 
deux  formes,  Duez  (1639)  ne  cite  qu'achapt. 

Agrès  est  pour  agrais,  agrois  (I,  §  159),  pluriel  du  vfr.  agroi 
(armure,  équipage),  tiré  de  agréer. 

Amers  est  peut-être  pour  amercs,  pluriel  de  amerc,  tiré  du 
vfr.  amerquer  (marquer). 

Appeau,  doublet  de  appel;  voir  II,  §  313. 

Bagou;  on  dit  en  picard  bagout,  ce  qui  paraît  indiquer  un 
dérivé  de  bagouler  (conservé  dans  déhagouler). 

Bascule  est  une  altération  de  bacule,  tiré  de  l'ancien  verbe 
baculer  (I,  §  529). 

Croît;  la  forme  régulière  serait  crois  qu'on  trouve  dans  la 
vieille  langue;  le  t,  qui  ne  s'introduit  qu'au  XVP  siècle,  est  dû 
à  l'influence  du  t  adventice  de  croître.  De  la  même  manière 
s'expliquent  accroît,  décroît^  surcroît. 

Décalque,  tiré  de  décalquer  sous  l'influence  de  calque. 

Dessein,  tiré  de  l'ancien  verbe  desseignier. 

Dessin,  variante  orthographique  de  dessein,  créée  au  XVIP 
siècle  sous  l'influence  de  l'infinitif  dessiner.  Richelet  (1680) 
remarque:  »  Quelques  modernes  écrivent  le  mot  de  dessein 
étant  terme  de  peinture,  sans  e  après  les  deux  s,  mais  on  ne 
les  doit  imiter  en  cela.« 

Effort  a  remplacé  esforz,  dérivé  régulier  de  esforcier.  L'alté- 
ration est  due  à  une  assimilation  aux  mots  déclinables  en 
-orz. 

Élan  a  remplacé  élans  (encoriB  dans  Trévoux)  qui  remonte 
à  eslanz,  dérivé  de  eslancier. 


252 

Entrechat  s'écrivait  primitivement  entrechas,  dérivé  de  entre- 
chasser. 

Go  (dans  tout  de  go)y  autrefois  gob,  de  gober. 

Legs,  forme  fautive  due  à  une  étymologie  populaire  (I, 
§  119),  est  pour  lais,  de  laisser. 

Rachat  remonte  à  Fancienne  forme  rachater;  comp.  achat. 

Raconte  (récit),  vieille  forme  dérivée  de  raconter,  sous  lïn- 
fluence  de  conte. 

Réchaud,  probablement  dérivé  de  réchauffer,  sous  l'influence 
de  chaud. 

Redan,  graphie  fautive  pour  redent,  de  redenter. 

Rehaut,  tiré  de  rehausser,  sous  l'influence  de  haut. 

Relais  (chevaux  frais  pour  remplacer  les  chevaux  fatigués), 
pluriel  de  relai  tiré  de  relayer;  comp.  II,  §  365. 

Rempart,  graphie  fautive  pour  rempar,  de  remparer. 

Renfort  a  remplacé  renfors,  renforz,  de  renforcier. 

Revient,  graphie  fautive  pour  revien  (cf.  soutien,  maintien), 
de  revenir. 

Taux,  pour  taus,  de  l'ancien  verbe  tausser. 

Transfert,  de  transférer;  le  t  est  peut-être  dû  au  latin  trans- 
fert. 

548.  Formations  féminines. 

1^  Dérivés  de  verbes  en  -er:  abaisse,  accroche,  adresse,  af- 
fiche, affourche,  agrafe,  allonge,  amarre,  amende,  approche,  at- 
tache, attaque,  attrape,  avance,  baisse,  boulange,  boxe,  brouille, 
chasse,  cherche,  chicane,  conserve,  consigne,  couche,  coupe,  craque, 
culbute,  danse,  débauche,  décharge,  demande,  démarche,  dépêche, 
dérive,  dispense,  ébauche,  entaille,  enveloppe,  épouvante,  fatigue, 
fiche,  fouille,  frappe,  gare,  hausse,  joute,  marche,  nage,  neige, 
passe,  paye,  pêche,  pose,  purge,  rallonge,  rampe,  recherche,  ré- 
clame, récompense,  réforme,  remarque,  renverse,  réplique,  supplique, 
tape,  trace,  tranche,  trampe,  visite,  vogue,  voltige,  etc.  On  a  dit 
autrefois  abonde  (abondance),  acuse  (accusation),  ajourne  (point 
du  jour),  babille,  clame  (réclamations),  crie,  dénonce,  descolpe, 
destorbe  (trouble),  empesche,  entre,  hurle,  jappe,  liève,  moque, 
pille,  raille,  etc. 

2^  Dérivés  de  verbes  en  -ir:  cueille,  enchère,  transe.  Dans  la 
vieille  langue  les  exemples  étaient  plus  nombreux:  assaille, 
assente  (consentement),  bonde,  consente,  défaille  (manque),  fourne 


253 

(protection),  laide  (injure),  mente  (mensonge),  roste  (rôti),  serve 
(servitude). 

3^  Dérivés  de  verbes  en  -re:  batte.  Dans  l'ancienne  langue 
on  trouve  abatte  (abattage),  crieme  (crainte),  estende  (étendue), 
mole  (mouture),  etc. 

4^  Dérivés  de  verbes  en  -oir:  dèche.  A  l'ancienne  langue 
appartiennent  meschaille  (malheur),  mouve  (mouvement),  vaille 
(valoir). 

549.  Nous  avons  déjà  signalé  la  prépondérance  presque  com- 
plète de  la  formation  féminine  dans  la  langue  moderne  (§  541, 3). 
Ce  phénomène  est  difficile  à  expliquer.  On  pourrait  renvoyer  à 
l'existence  de  nombreux  substantifs  en  -aison,  -ance,  -erie  qui 
ont  la  même  signification  que  les  substantifs  postverbaux  et 
dont  le  genre  a  pu  favoriser  la  formation  de  postverbaux  fé- 
minins. Cependant  une  telle  explication  paraît  assez  peu  satis- 
faisante. M.  G.  Lené,  qui  a  spécialement  étudié  la  dérivation 
postverbale,  remarque  avec  beaucoup  de  raison:  »Ce  qui  nous 
paraît  être  le  facteur  le  plus  important,  ....  c'est  la  nature 
même  de  ce  mode  de  formation.  Il  consiste,  comme  on  l'a  vu, 
à  substantiver  le  radical  verbal  allongé  d'un  e  féminin.  La 
consonne  finale  du  radical  est  par  conséquent  gardée  intacte 
et  n'est  pas  exposée,  comme  dans  la  formation  masculine, 
aux  altérations  phonétiques  nécessitées  par  sa  position  à  la 
fin  du  mot  ou  devant  Vs  de  flexion.  Tandis  que  le  postverbal 
masculin  s'éloignait  ainsi  davantage  du  verbe  dont  il  était 
dérivé,  le  rapport  était  gardé  bien  plus  intime  et  plus  visible, 
quand  le  postverbal  était  de  la  formation  féminine.  Il  nous 
semble  que  c'est  là  un  fait  qui  est  assez  important  et  qui  peut 
expliquer,  dans  une  certaine  mesure,  le  développement  dont 
nous  parlons^   {Les  substantifs  postverbaux,  p.  106). 

550.  Doublets.  Dans  beaucoup  de  cas  on  a  tiré  du  même 
verbe  deux  substantifs  de  genre  différent.  La  langue  moderne 
a  gardé  très  peu  de  ces  doublets.  Ordinairement  la  forme  fé- 
minine disparaît  devant  la  forme  masculine;  mais  l'inverse 
peut  aussi  avoir  lieu,  et  enfin  toutes  les  deux  formes  peuvent 
disparaître  (conjur — conjure,  déport — déporte,  pens — pense,  etc.). 

P  La  forme  masculine  a  été  conservée  des  doublets  sui- 
vants:   accord — accorde,  affust — affuste,   amas — amasse,  arrest — 


254 

arreste,  babil — babille,  cri — crie,  délai — délaie,  destin — destine,  dé- 
tour—détourne, écart— écarte,  éclair — éclaire,  éclat — éclate,  emprunt 
— emprunte,  heurt — heurte,  oubli — oublie,  plor — plore,  regard — 
regarde,  repos— repose,  etc. 

2^  La  forme  féminine  a  été  conservée  des  doublets  suivants: 
comant — comande,  demant — demande,  excus — excuse. 

3^  Conservation  des  deux  formes:  débit — débite  (vente  des 
papiers  timbrés),  gain — gagne  (action  de  gagner),  galop — galope 
(employé  surtout  dans  la  locution  à  la  galope). 

551.  Changement  de  genre.  Un  petit  nombre  de  mots  pré- 
sentent des  irrégularités  dans  le  genre.  Quelques  masculins 
sont  devenus  féminins  grâce  à  un  changement  de  sens:  garde, 
guide  (§  710);  ou  de  terminaison:  apostille  (§  694);  ou  enfin 
grâce  à  l'influence  de  l'e  final:  délivre,  encombre,  encontre,  erre, 
offre,  relâche,  rencontre  (§  701),  et  sporadiquement  reproche. 
Quelques  féminins  passent  au  masculin  sans  qu'on  voie  bien 
pourquoi:  doute,  jeûne. 

Apostille,  tiré  de  apostdler.  On  disait  d'abord  un  apostil;  puis, 
l'influence  de  postille  amène  un  changement  de  forme:  un 
apostille,  et  ensuite  un  changement  de  genre:  une  apostille. 

Délivre  est  primitivement  masculin  et  ce  genre  s'est  main- 
tenu jusqu'à  nos  jours  malgré  beaucoup  d'hésitations.  Plu- 
sieurs grammairiens  comme  Nicot,  Cotgrave,  Furetière,  Th. 
Corneille  lui  ont  attribué  le  genre  féminin,  probablement  à 
cause  de  Ve  final. 

Doute.  Les  mots  correspondants  des  autres  langues  romanes 
(it.  dotta,  esp.  duda,  port,  duvida)  sont  féminins,  et  il  faut 
supposer  que  tel  a  été  le  genre  primitif  aussi  en  français,  bien 
qu'il  ne  ressorte  pas  clairement  des  plus  anciens  exemples. 
Au  XIV^  siècle  on  dit  indubitablement  la  doute;  au  XV^  siècle 
on  commence  à  hésiter  entre  le  doute  et  la  doute,  et  cette  hési- 
tation dure  jusque  dans  le  XVIP  siècle.  Vaugelas  décide  qu'il 
faut  toujours  dire  le  doute  {Remarques,  I,  407). 

Écoute.  On  a  dû  dire  primitivement  une  écoute  pour  désigner 
l'action  d'écouter  et  la  personne  qui  écoute;  ce  dernier  emploi 
a  amené  sporadiquement  un  changement  de  genre. 
.Encombre,  dont  Ve  final  est  une  voyelle  d'appui,  est  origi- 
nairement masculin  et  il  l'est  resté  jusqu'à  nos  jours  malgré 
quelques  hésitations. 


255 

Encontre.  Comme  le  précédent  ce  mot  est  originairement  du 
masculin  (voir  Godefroy),  mais  le  genre  féminin  apparaît  déjà 
au  XIIP  siècle  dans  la  locution  hone  encontre  (voir  Littré)  qui 
finit  par  remplacer  bon  encontre. 

Erre  (vfr.)  ou  eire,  oire,  vient  du  verbe  errer  (i  te  rare); 
on  a  dit  d'abord  un  erre;  au  cours  du  moyen  âge  on  trouve 
aussi  sporadiquement  une  erre  et  le  genre  féminin  l'emporte. 
Bel  erre,  bon  erre  devient  belle  erre,  bonne  erre,  tandis  que  grant 
erre  reste  sans  changement. 

Garde,  voir  §  710. 

Guide,  voir  §  710. 

Jeûne.  Ce  mot  était  au  moyen  âge  des  deux  genres,  sans 
qu'il  soit  possible  de  décider  lequel  des  deux  est  le  primitif; 
mais  il  paraît  probable  qu'on  a  dit  d'abord  la  jeûne.  Depuis 
1500  environ  on  ne  dit  plus  que  le  jeûne. 

Manque  est  ordinairement  du  masculin,  ce  qui  peut  s'expli- 
quer par  l'influence  de  l'it.  manco.  Le  genre  régulier  serait  le 
féminin,  et  la  manque  se  dit  en  effet  comme  terme  militaire 
et  argotique  et  dans  quelques  patois. 

Offre  était  masculin  au  moyen  âge  et  on  le  trouve  encore 
dans  Racine  {Bajazet,  III,  se.  7).)  et  quelques  auteurs  du  XVIP 
siècle  avec  ce  genre.  Vers  la  fin  du  XV^  siècle  on  commence 
à  hésiter  entre  un  offre  et  une  offre;  Palsgrave  donne  les  deux 
genres.  Vaugelas  (1648)  décide:  ^ Offre  est  toujours  féminin, 
une  belle  offre,  et  non  pas  un  bel  offre<{.  (Remarques,  II,  §  416). 

Relâche  est  sans  doute  originairement  un  masculin  ;  Vaugelas 
critique  les  auteurs  qui  en  font  un  féminin  (Remarques,  I,  97). 
Cependant  c'est  le  genre  féminin  qui  l'a  emporté  dans  la 
langue  moderne;  il  est  vrai  que  les  dictionnaires  attribuent  à 
notre  mot  les  deux  genres,  mais  M.  L.  Clédat  observe:  »Le 
mot  relâche,  en  dehors  de  la  langue  maritime,  s'emploie  rare- 
ment avec  l'article,  si  bien  que  son  genre  n'apparaît  pas.  Mais, 
quoi  qu'en  disent  les  dictionnaires,  on  dirait  plutôt  sans  aucune 
relâche  que  sans  aucun  relâche.  Ce  mot  doit  être  classé,  sans 
exception,  parmi  les  féminins*  (Grammaire  raisonnée,  §  230). 

Rencontre  était  masculin  au  moyen  âge,  il  est  féminin  main- 
tenant; le  genre  féminin  apparaît  au  XVP  siècle,  et  on  hésite 
longtemps  entre  un  rencontre  et  une  rencontre.  Vaugelas  dé- 
cide: »En  quelque  sens  qu'on  l'employé,  il  est  toujours  fémi- 
nin «  (Remarques,  I,.p.  74). 


256 

Reproche  est  resté  masculin  malgré  quelques  hésitations; 
Malherbe  écrit  à  plusieurs  reprises  une  reproche,  mais  c'est 
surtout  au  pluriel  qu'on  l'a  fait  féminin.  Vaugelas  remarque: 
^On  dit  toutesfois  au  pluriel,  à  belles  reproches,  de  sanglantes 
reproches,  et  en  ce  nombre  il  est  certain  qu'on  le  fait  plus 
souuent  féminin  que  masculin.  Mais  quand  on  le  fera  par  tout 
masculin,  on  ne  peut  faillir. «  (Remarques,  l,  97). 

Reste  était  régulièrement  féminin  au  moyen  âge;  on  disait 
à  toute  reste  ou  à  toutes  restes  encore  au  XVI I^  siècle.  Le  change- 
ment de  genre  est  peut-être  le  résultat  d'une  confusion  avec 
la  forme  verbale  reste  employée  comme  substantif  (cf.  §  657). 

552.  Signification.  Les  substantifs  verbaux  sont  des  »nomina 
actionis«,  des  »nomina  instrumenti«  ou  des  »nomina  agentis«. 
Garde  est  d'abord  Vaction  de  garder  (un  enfant  mis  sous  bonne 
garde);  il  désigne  ensuite  ce  qui  sert  à  garder,  que  ce  soit  une 
chose  (la  garde  d^uneépée)  ou  une  réunion  de  personnes  (la 
garde  passe),  et  enfin  celui  ou  celle  qui  garde  (un  garde  royal, 
une  garde  négligente). 

1^  Ordinairement  les  substantifs  verbaux  sont  des  noms  abs- 
traits exprimant  l'action  verbale  toute  pure  chasse,  échange, 
effort,  hausse,  frappe,  nage,  etc.;  ou  le  résultat  de  l'action  ver- 
bale: aveu,  babil,  cri,  exploit;  un  état  d'âme:  dégoût,  effroi, 
mépris;  ou  une  situation:  embarras. 

2^  Les  substantifs  verbaux  peuvent  devenir  des  »nomina 
instrumenti«  :  le  nom  de  l'action  est  transporté  à  l'instrument 
à  l'aide  duquel  on  fait  l'action:  batte,  biffe,  époussette,  épuise, 
étire,  fraise,  gratte,  perce,  pince,  presse,  sonde,  etc.;  ce  sont 
presque  tous  des  termes  techniques  et  de  création  récente. 

3^  Dans  quelques  cas  les  substantifs  verbaux  deviennent 
des  »nomina  agentis*  :  le  nom  de  l'action  est  transporté  à 
celui  qui  accomplit  l'action.  En  voici  quelques  exemples  pris 
à  la  vieille  langue:  avise  (avertissement,  jugement;  vedette), 
cerche  (recherche  ;  patrouille,  espion)  ;  crie  (cri  ;  crieur)  ;  escoute 
(attention,  surveillance;  surveillant).  Pour  d'autres  mots  nous 
ne  trouvons  que  la  signification  de  personne  :  guie  (conducteur), 
huche  (crieur),  regarde  (gardien),  veille  (veilleur). 

La  langue  moderne  en  offre  peu  d'exemples:  garde,  guide; 
remarquez  que  dans  ces  derniers  mots  le  changement  de  sens 
est  accompagné  d'un  changement  de  genre  (comp.  §  707  ss.). 


257 

553.  Concurrence  de  formes.  Nous  allons  donner  quelques 
exemples  qui  montreront  la  dérivation  régressive  aux  prises 
avec  la  dérivation  suffixale.  C'est  ordinairemeet  la  dernière 
qui  l'emporte. 

P  Beaucoup  de  substantifs  postverbaux  ont  disparu  devant 
des  formes  dérivées  à  l'aide  d'un  suffixe.  Les  suffixes  vain- 
queurs sont  -ement^  -erie  et  surtout  -ation.  Des  dérivés  en 
-ation  ont  remplacé  acuse,  apreci^  compense,  consulte,  dénonce, 
diffame,  exhorte,  interroge,  lamente,  objurgue,  proclame,  prononce, 
proteste,  restor,  tente.  Des  dérivés  en  -ement  ont  remplacé  de- 
pouil,  empesche,  entrelace,  eslonge,  renseigne.  Des  dérivés  en  -erie 
ont  remplacé  mocque,  raille,  triche,  trompe. 

2^  Le  phénomène  contraire  est  excessivement  rare.  Citons 
dispute  qui  a  remplacé  les  anciennes  formes  disputaison,  dis- 
putation.  • 


17 


LIVRE  CINQUIÈME. 

MOTS  COMPOSÉS. 


CHAPITRE  I. 

REMARQUES   GENERALES. 


554.  Les  mots  composés  se  divisent  en  deux  groupes  prin- 
cipaux selon  le  rapport  qui  existe  entre  les  éléments  com- 
posants. 

1^  Les  éléments  composants  sont  dans  un  rapport  de  co- 
ordination comme  dans  helle-fille,  vinaigre,  chou-fleur,  contre- 
appel,  arrière-boutique,  etc. 

2^  Les  éléments  composants  sont  dans  un  rapport  de  sub- 
ordination comme  dans  hôtel-Dieu,  chef-d'œuvre,  perce-neige, 
contrepoison,  etc. 

Remarque.  Comme  base  de  notre  division  des  mots  composés  nous  avons 
choisi  le  rapport  syntaxique  qui  existe  entre  les  éléments  composants.  Cette 
division  nous  paraît  justifiable  au  point  de  vue  théorique  et  pratique:  vin- 
aigre, chou-fleur,  contre-appel  s'analysent  d'une  tout  autre  manière  que  hôtel- 
Dieu,  perce-neige,  contrepoison.  Les  deux  groupes  se  comportent  aussi  diffé- 
remment pour  le  pluriel  (II,  §  327  ss.)  et  pour  le  genre. 

555.  A.  Darmesteter  distingue  entre  la  composition  apparente 
ou  juxtaposition  et  la  composition  propre  ou  composition  el- 
liptique. Et  il  explique:  »La  juxtaposition  consiste  dans  la 
réunion  de  deux  ou  plusieurs  termes  groupés  d'après  les  lois 
ordinaires  de  la  langue  sans  violence  faite  à  la  syntaxe,  sans 
ellipse,  et  qui,  par  suite  d'un  usage  fréquent,  à  la  longue,  ont 
fini  par  effacer  les  images  de  leurs  déterminés  et  déterminants 


r 


259 

dans  l'unité  d'une  image  simple:  pomme  de  terre,  arc-en-ciel, 
gendarme,  vinaigre,  ferhlanc.  La  composition  propre,  au  con- 
traire, est  une  union  intime  de  mots  dont  le  rapprochement 
a  sa  raison  d'être  dans  l'ellipse  :  hôtel-Dieu,  timbre-poste,  bateau- 
mouche,  chou-fleur,  arrière-cour,  porte-feuille,  etc.«  Cette  manière 
de  voir  nous  satisfait  médiocrement,  et  voici  pourquoi: 

P  Sans  nier  l'existence  d'une  composition  elliptique,  nous 
croyons  que  A.  Darmesteter  a  exagéré  l'importance  de  l'ellipse 
et  qu'il  en  a  abusé.  Dans  l'introduction  au  Dictionnaire  Gé- 
néral nous  lisons:  »Dans  les  composés  du  type  arrière-cour, 
l'ellipse  est  très  apparente;  le  composé  arrière-cour  s^analyse 
en  cour  qui  est  arrière  ou  cour  darrière«  (§  202).  C'est  la  même 
théorie  qu'il  avait  soutenue  dans  la  Formation  des  mots.  Mais 
dans  le  Cours  de  grammaire  historique  il  dit:  »Dans  arrière- 
cour  on  n'est  point  parti  de  cour  qui  est  en  arrière,  mais  on  a 
rapproché  les  deux  images  cour  et  arrière  et  on  les  a  fon- 
dues aussitôt  dans  une  expression  unique  :  arrière-cour  (III, 
41 — 42).  Cette  manière  de  voir  nous  paraît  bien  plus  juste 
ou,  pour  mieux  dire,  la  seule  juste.  L'explication  d'arrière- 
cour  par  cour  (qui  est  en)  arrière  ne  nous  renseigne  pas  sur 
l'origine  du  composé;  ce  n'est  qu'une  explication  grammatical 
après-coup.  On  pourrait  aussi  bien  expliquer  barque  à  Caron 
par  barque  (qui  appartient)  à  Caron.  Il  n'y  a  naturellement 
aucune  ellipse  dans  ce  terme;  il  n'y  en  a  pas  non  plus  dans 
arrière-boutique^  c'est  une  composition  directe,  une  combinai- 
son qui  présente  le  même  caractère  que  surpoids,  sous  ferme, 
recoin,  etc. 

2^  Selon  Darmesteter  nous  aurions  dans  vinaigre,  bonhomme, 
petits- enfants  une  composition  d'une  nature  très  différente  de 
celle  que  nous  trouvons  dans  chou-fleur,  bateau-mouche,  café- 
concert.  C'est  peu  admissible.  Nous  avons  dans  les  premiers 
exemples  comme  dans  les  derniers  tout  simplement  une  com- 
binaison de  deux  mots  coordonnés,  un  déterminé  suivi  d'un 
déterminant:  vinaigre  est  à  l'origine  du  vin  qui  est  aigre, 
comme  chou-fleur  est  un  chou  qui  en  même  temps  est  fleur. 
Le  déterminant  peut  indifféremment  être  un  adjectif  ou  un 
substantif;  cela  ne  change  rien  au  caractère  de  la  combinai- 
son. Et  d'ailleurs,  où  serait  dans  chou-fleur  la  violence  faite  à 
la  syntaxe?  Les  substantifs  s'emploient  couramment  comme 
déterminants  d'un  autre  substantif:  un  ton  canaille,  une  aven- 

17* 


260 

tare  farce,  une  ville  moyen  âge,  etc.,  etc.  (comp.  §  641).  Ces 
expressions  sont  aussi  claires  que  correctes  ;  elles  ne  con- 
tiennent pas  d'ellipse  et  pas  de  faute  contre  la  grammaire. 

3°  Quant  au  sens  des  mots  composés  Darmesteter  remarque: 
»Dans  la  juxtaposition  le  nom  composé  n'offre  pas  plus  d'i- 
dées à  l'analyse  que  chacun  des  termes  qui  le  composent, 
dans  la  composition  elliptique  il  offre  une  idée  nouvelle  que 
l'on  ne  pourrait  retrouver  dans  les  éléments  pris  à  part.«  Com- 
ment concilier  ces  assertions  avec  les  faits?  Vinaigre  n'est  plus 
du  vin  aigre  mais  un  produit  de  la  fermentation  acide  du  vin; 
bonhomme  n'est  plus  un  homme  bon,  mais  un  homme  âgé  ou 
simple  d'esprit;  donc,  ces  deux  composés  présentent  bien  une 
idée  que  n'indiquent  pas  les  termes  composants.  Et  comme 
bateau-mouche  est  tout  simplement  un  bateau  qualifié  de 
mouche,  où  est  donc  l'idée  nouvelle  qui  ne  se  retrouve  pas 
dans  les  éléments  pris  à  part? 

556.  Soudure.  Quant  à  la  forme  extérieure  sous  laquelle 
se  présentent  les  mots  composés,  ils  se  divisent  en  trois 
groupes  : 

1^  Dans  quelques  mots,  ordinairement  de  date  ancienne, 
les  éléments  composants  se  sont  soudés  complètement;  le  mot 
composé  se  présente  ainsi  sous  l'aspect  d'un  mot  simple.  Ex- 
emples: aubépine,  bonheur,  bonhomme,  bonjour,  bonsoir,  entre- 
sol, ferblanc,  gentilhomme,  hautbois,  malheur,  passeport,  sain- 
doux, vinaigre.  Parfois  la  soudure  a  amené  différents  change- 
ments graphiques  et  phonétiques  du  premier  élément.  Ex- 
emples: Bavolet  (pour  basvolet;  cf.  I,  §  463,3);  béjaune  (pour 
bec  jaune);  chaqueue  (pour  chat  queue);  chégros  (pour  chef 
gros);  faufil  (pour  faux  fil);  gendarme  (pour  gens  d'arme);  li- 
cou (pour  lie  cou;  I,  §  271,2);  maltôte  (pour  maie  tôte;  cf.  I, 
§  342)  ;  morfd  (pour  mort  fil)  ;  pivert  (pour  pic  vert)  ;  verjus 
(pour  vert  jus). 

Remarque.  Il  est  parfois  curieux  d'observer  comment  un  mot  simple  peut 
être  remplacé  par  un  mot  composé  dont  les  éléments  se  soudent  de  sorte 
que  le  mot  composé  devient  simple  à  son  tour.  Le  latin  meridies  qui  se 
présente  comme  un  mot  simple,  est  en  fait  un  mot  composé,  une  combi- 
naison d'un  adiectif  avec  un  substantif:  meridies  <  medi  die  s.  Le  mot 
n'a  été  conservé  qu'en  italien:  merigge,  meriggio.  Dans  les  autres  langues 
romanes  il  a  été  remplacé  par  une  nouvelle  combinaison  qui  le  décompose 
pour  ainsi  dire.    Dans   le   glossaire   de   Reichenau   meridiem    est  remplacé 


» 


261 

par  diem  médium  qui  se  retrouve  en  français  avec  un  autre  ordre  des 
deux  éléments:  mi  di,  d'où  midi,  qui  est  maintenant  regardé  comme  un  mot 
simple. 

2^  Ordinairement  les  éléments  composants  s'unissent  à  l'aide 
d'un  tiret:  arc-en-ciel,  bas-relief,  chauve-souris,  chef-d'œuvre,  lieu- 
tenant-colonel, prête-nom,  tête-à-tête. 

3^  Enfin  on  a  aussi  des  mots  composés  dont  les  éléments 
ne  sont  pas  graphiquement  unis:  aide  de  camp,  bas  bleu,  bon 
mot,  chemin  de  fer,  hôtel  de  ville,  moyen  âge,  petit  pois,  pomme 
de  terre,  etc.  Sur  l'emploi  arbitraire  du  tiret  dans  les  mots 
composés,  Yoir  I,  §  108. 


CHAPITRE  II. 

COORDINATION. 


557.  Dans  les  composés  par  coordination  entrent  des  subs- 
tantifs, des  adjectifs,  des  pronoms  et  des  adverbes.  Nous  allons 
examiner  les  combinaisons  suivantes:  Substantif-)-  substantif, 
substantif  -f-  adjectif,  adjectif  -f  substantif,  pronom  -\~  substan- 
tif, adverbe  4-  substantif,  adjectif  +  adjectif. 

558.  Substantif  -f  substantif.  Ces  composés  se  divisent  en 
deux  groupes  selon  la  place  du  déterminant;  ordinairement 
il  suit  le  déterminé;  il  ne  le  précède  que  dans  quelques  cas 
exceptionnels. 

P  Le  déterminant  suit:  Bateau-mouche,  café-concert,  carte- 
lettre,  cerf-cochon,  chou- fleur,  commis-voyageur,  fille-mère,  laurier- 
rose,  papier-tenture,  etc. 

2^  Le  déterminant  précède:  aide-bourreau,  aide-chirurgien, 
chef-lieu,  coq-héron,  maître-autel  (comp.  II,  §  425),  mère  branche, 
mère  patrie,  etc.  Sur  la  formation  du  pluriel  de  ces  mots,  voir 
II,  §  330. 

3^  Dans  quelques  cas  assez  rares  les  deux  substantifs  ont 
absolument  la  même  valeur  et  aucun  d'eux  ne  peut  être  dé- 
signé comme  le  déterminant  de  l'autre.  Les  éléments  de  ces 
composés  sont  ordinairement  abrégés.  Le  langage  chimique 
en  offre  plusieurs  exemples  que  nous  avons  étudiés  dans  la 
Phonétique  (I,  §  527,  i).  Ajoutons  le  mot  maillechort,  composé 
fait  arbitrairement  avec  les  premières  syllabes  de  Maillot  et 
Chorier,  noms  de  deux  ouvriers  lyonnais  qui  imaginèrent  cet 
alliage. 


263 

4^  Des  composés  tautologiques  se  présentent  dans  quelques 
cas  où  un  substantif  français  se  combine  avec  un  substantif 
synonyme  étranger.  On  peut  entendre  un  valet-groom,  une  loge- 
box.  Cominge,  sous  Louis  XIV,  appelait  une  rue  »rue  Rose 
Street<.<  (Jusserand,  Shakespeare  en  France,  p.  96). 

559.  Les  composés  par  apposition  sont  extrêmement  nom- 
breux dans  la  langue  moderne  :  article-réclame,  bicyclette-tandem, 
canne-parapluie,  couteau-revolver,  guide-interprète,  mot-idée,  per- 
ruquier-coiffeur, sabre-baïonnette,  voiture- annonce,  voiture-lit,  etc. 
Victor  Hugo  aimait  à  accoupler  ainsi  des  noms  dont  le  second 
sert  d'épithète  au  premier.  On  trouve  dans  ses  poésies  un 
homme-chèvre,  une  maison-tanière,  un  temple-sépulcre,  un  pontife- 
bourreau,  un  prêtre-monarque,  un  palais-prison,  un  astre-roi,  un 
rocher-hydre,  etc.  Beaucoup  d'auteurs  ont  suivi  son  exemple. 
On  trouve  dans  Flaubert  des  âmes-cyprès,  un  homme-parole,  un 
homme-plume.  Bourget  emploie  un  millionnaire  manœuvre  (Voya- 
geuses, p.  68),  un  homme-dollar  (ib.,  p.  299);  A.  France,  un 
homme-bouc  (Le  puits  de  Sainie- Claire,  p.  18). 

560.  Adjectif  +  substantif.  Dans  cette  combinaison  l'ad- 
jectif peut  précéder  le  substantif  ou  le  suivre. 

P  L'adjectif  précède  le  déterminé:  basse-cour,  beaux-arts, 
belle-fille,  bonhomme,  bonheur,  chauve-souris,  demi-monde,  faux- 
fuyant,  franc-archer,  gentilhomme,  haute-cour,  libre-penseur,  mal- 
heur, milieu,  minuit  (autrefois  mie  nuit;  voir  I,  §  271, 2),  moyen 
âge,  petit-maître,  petits- fours,  plafond,  tiers  état,  vif-argent,  etc. 
Ajoutons  similor,  où  un  adjectif  latin  (similis)  est  combiné 
avec  un  substantif  français. 

2^  L'adjectif  suit  le  déterminé:  amour-propre,  chat-huant, 
coffre-fort,  eau-bénite,  eau-forte,  état-civil,  fait  divers  (comp.  II, 
§  363),  feu  follet,  huis  clos,  mainmorte,  saindoux,  sang  froid, 
vinaigre.  Ajoutons  cfz/n  a  ne/?  e  (dies  domenica),  outarde  (avis 
tarda),  vimaire  (vis  major). 

561.  Pronom  +  substantif.  L'adjectif  possessif  est  le  seul 
pronom  qui  puisse  faire  corps  avec  le  substantif.  Dans  ces 
combinaisons,  assez  peu  nombreuses,  on  perd  vite  la  notion 
de  l'existence  propre  des  deux  éléments;  elles  arrivent  à  for- 
mer  des   entités   et  on   peut  les  faire  précéder  par  un  article 


264 

ou  un  pronom,  même  un  pronom  possessif.  Voici  les  mots 
qui  présentent  la  combinaison  d'un  pronom  possessif  avec  un 
substantif:  Monsieur,  madame,  mademoiselle,  monseigneur, 
messire,  Notre-Dame,  Notre-Seigneur.  Nous  avons  déjà  examiné 
le  pluriel  de  ces  mots  (II,  §  328);  nous  nous  contenterons  ici 
d'ajouter  quelques  remarques  sur  leur  emploi  au  singulier: 

Monsieur.  Pour  ce  mot  la  soudure  est  complète:  un  monsieur, 
ce  cher  monsieur,  mon  bon  monsieur,  son  monsieur  Trissotin,  etc. 

Madame.  —  Pour  ce  mot  et  le  suivant  la  soudure  est  moins 
complète.  On  dit  bien  chère  madame,  même  ma  chère  ma- 
dame, et  Paul  Hervieu  écrit:  Les  hommes  n'ont  pas  voulu 
nous  dire  comment  s'appelait  sa  madame  (Peints  par  eux- 
mêmes,  p.  86).  Mais  on  hésite  devant  une  belle  madame  qui 
appartient  plutôt  au  parler  badin. 

Mademoiselle.  —  On  dit  chère  mademoiselle,  mais  ma  chère 
demoiselle. 

Notre-Dame.  —  Il  y  a  trois  déesses  de  la  tristesse;  elles  sont 
nos  Notre-Dame  des  Tristesses  (Ste-Beuve,  Charles  Baudelaire, 
p.  69).  Voici  ma  Notre-Dame  à  moi  (Hernani,  III,  se.  3). 

Remarque  1.  Il  faut  encore  citer  les  mots  curieux  ma  mie  (pour  m'amié) 
et  m'amour,  où  se  trouve  l'ancien  féminin  du  pronom  possessif;  nous  les 
avons  étudiés  dans  la  Morphologie  (II,  §  547). 

Remarque  2.  Dans  les  parlers  locaux  on  rencontre  plusieurs  autres  cas 
de  soudure.  En  patois  lillois  on  dit  notre  monfré,  pour  notre  frère,  et  une 
petite  chanson  belge  commence  ainsi:  »I1  m'a  emmenée  chez  sa  matante^  (comp. 
E.  Deschanel,  Les  déformations  de  la  langue  française,  p.  51).  Cette  soudure 
du  pronom  possessif  avec  le  substantif  est  assez  répandu  dans  le  belge  actuel, 
où  l'on  entend  dire  une  matante,  ma  matante,  ta  matante,  mon  mononcle  et 
une  masœur  (dans  le  sens  de  religieuse). 

562.  Adverbe  -f  nom. 

1^  Les  adverbes  qui  entrent  en  composition  avec  un  subs- 
tantif sont:  arrière,  avant,  contre,  entre,  sous,  sur.  Exemples: 
Arrière-boutique,  arrière-cour,  arrière-goût,  arrière-neveu^  arrière- 
pensée,  avant-bras,  avant-cour,  avant-mur,  avant-poste,  avant- 
propos,  avant- scène,  avant- veille,  contre-amiral,  contre-appel, 
contre-basse,  contre-maître,  contre-ordre,  entrecours,  entre  faite, 
entre-pas,  entre-pied,  sous-bail,  sous-lieutenant,  sur-arbitre,  sur- 
poids, etc.  Des  composés  nouveaux  se  produisent  à  tout  mo- 
ment; rappelons  contre-éducation  employé  par  H.  Taine  (Philo- 


265 

Sophie  de  Vart  en  Italie,  p.  69).  Sur  le  pluriel  de  ces  mots,  Yoir 
II,  §  339;   nous  parlerons  de  leur  genre  au  §  721. 

2^  Les  adverbes  qui  entrent  en  composition  avec  un  adjec- 
tif sont  entre  et  sus:  entre  fin,  entrelarge;  susdit,  susénoncé,  sus- 
orbitaire. 

Remarque.  Rappelons  aussi  la  combinaison  trop  plein  qui  s'emploie  subs- 
tantivement: Je  ne  peux  pas  vous  expliquer  avec  des  mots  l'espèce  de  trop- 
plein  d'émotion  qui  nous  enveloppait  (P.  Bourget,  Pastels,  p.  304). 

563.  Adjectif  +  adjectif.  On  peut  diviser  ces  combinaisons 
en  deux  groupes  selon  que  le  dernier  adjectif,  qui  est  ordi- 
nairement le  déterminé,  est  un  adjectif  pur  ou  un  participe. 
Le  premier  adjectif,  qui  est  le  plus  souvent  un  déterminant, 
peut  avoir  la  valeur  d'un  adverbe. 

P  Aigre-doux,  clair-obscur,  grand-ducal,  gris-brun. 

2^  Bas-percé,  blanc-poudré,  clairsemé,  courbatu  (pour  court- 
batu),  court-jointé,  court-monté,  court-vêtu,  dernier-né,  frais-éclos, 
gras-cuit,  gras-fondu,  gris-pommelé,  haut-perché,  haut-placé,  ivre- 
mort,  long-jointé,  mort-né,  nouveau-né,  etc.  —  Clairvoyant,  tout- 
puissant,  etc.;  on  trouve  dans  la  vieille  langue  doux-coulant. 
Ajoutons  haché-menu,  où  le  participe  précède  l'adjectif. 


CHAPITRE  III. 

SUBORDINATION. 


564.  Dans  les  composés  par  subordination  entrent  des  subs- 
tantifs, des  prépositions,  des  verbes.  Le  mot  subordonné 
peut  être  le  régime  d'une  préposition  ou  d'un  verbe.  Dans 
quelques  cas  le  rapport  de  subordination  n'est  pas  indiqué 
par  la  préposition.  Voici  les  combinaisons  que  nous  allons 
passer  en  revue  :  Substantif  -|-  substantif,  substantif  +  préposi- 
tion -(-  substantif,  préposition  +  substantif,  substantif  +  verbe. 
Nous  renvoyons  au  chapitre  suivant  (§  573  ss.)  l'examen  des 
mots  composés  avec  un  impératif  et  un  nom. 

565.  Substantif  +  substantif.  Les  mots  composés  de  deux 
substantifs  non  coordonnés  se  divisent  en  trois  groupes,  selon 
qu'ils  remontent  au  latin  (orfèvre  <  auri  faber),  au  moyen 
âge  (hôtel-Dieu)^  ou  qu'ils  sont  des  produits  relativement  mo- 
dernes (timbre-poste).  Ajoutons  tout  de  suite  qu'il  n'y  a  pas 
et  qu'il  ne  peut  pas  y  avoir  de  limites  fixes  et  sûres  entre 
ces  groupes:  ils  se  confondent  souvent. 

566.  Nous  commencerons  par  citer  un  certain  nombre  de 
composés  remontant  à  l'époque  latine.  Tous  les  exemples  sui- 
vants, qui  sont  devenus  des  mots  simples  dont  on  ne  sent 
plus  la  composition,  sont  dus  à  l'union  intime  de  deux  mots 
isolés  dont  l'un  était  au  génitif:  Connétable  <comes  stabuli; 
jeudi  <  Jovis  dies;  joubarbe  <  Jovis  barba;  lundi  <  lunse 
dies;  mardi  <  Martis  dies;  mercredi  <  Mercurii  dies; 
orfèvre  <  auri  faber;  orpiment,  emprunté  du  lat.  auripig- 
mentum;  pourpier  (^  pullipedem;  samedi  <  sabbati  dies; 


267 

vendredi  <  Veneris  die  s.  Ajoutons  chèvre-pied  fait  sur  le  mo- 
dèle de  cap  ripe  s,  dont  la  forme  savante  est  capripède 
(A.  France,  Le  puits  de  Sainte-Claire,  p.  17). 

Remarque.  La  soudure  des  éléments  composants  des  mots  cités  est  in- 
dissoluble dans  la  langue  moderne.  Au  moyen  âge,  les  noms  des  jours  de 
la  semaine  ne  formaient  pas  un  ensemble  phonétique  fixe,  le  substantif  di 
pouvant  précéder  le  génitif  aussi  bien  que  le  suivre;  on  trouve  ainsi  diluns, 
dimars,  dimercre,  divenres  à  côté  des  formes  ordinaires  conservées  jusqu'à 
nos  jours. 

567.  Au  moyen  âge,  le  rapport  de  génitif  s'exprimait,  en  cer- 
tains cas,  à  l'aide  du  cas  régime  sans  emploi  aucun  de  pré- 
position ;  on  disait  li  fiz  le  roi,  H  fiz  Dieu,  etc.  La  langue  fran- 
çaise moderne  a  conservé,  dans  les  mots  composés,  quelques 
restes  de  cette   particularité   syntaxique  médiévale.    Exemples: 

Bain-Marie,  terme  chimique. 

Blanc-madame,  variété  de  raisin. 

Chaqueue  (nom  vulgaire  de  la  prêle),  pour  chatqueue  (cf.  I, 
§  387, 2)  =  queue  de  chat.  On  dit  cacoue  en  normand  et  quoue 
de  chaitte  dans  les  Vosges  (comp.  l'ail.  Katzenschwanz). 

Chiendent,  nom  de  plante. 

Corps  Dieu,  juron.  Le  mot  Dieu  (cas  régime)  s'est  conservé 
dans  plusieurs  autres  jurons,  tels  que  mort  Dieu,  sang  Dieu, 
ventre  Dieu,  vertu  Dieu,  etc.;  dans  le  parler  ordinaire  ces  ex- 
pressions sont  altérées  de  différentes  manières  (I,  §  120). 

Fête-Dieu,  fête  du  saint-sacrement. 

Filles-Dieu,  sœurs  hospitalières. 

Feu  Saint- Antoine,  maladie  (érysipèle)  qui  a  fait  de  grands 
ravages  en  France  au  moyen  âge. 

Hôtel-Dieu,  le  principal  hôpital  d'une  localité. 

Queue  leu  leu  (jouer  à  la),   c.  à  d.:  queue  le  loup  (I,  §  182). 

Sang  Dieu,  interjection,  souvent  altérée  en  sambleu,  palsam- 
hleu. 

Sang-dragon,  nom  de  plante;  on  dit  aussi  maintenant  sang- 
de-dragon. 

Trou-madame,  sorte  de  jeu. 

Un  certain  nombre  de  noms  de  lieux  présentent  le  même 
reste  de  l'ancienne  syntaxe:  Châteaubriant ,  Château-Renard, 
Châteauroux  (I,  §  100).  La  Ferté-Milon,  Montfaucon,  Pré-Noiron, 
Vaugirard,  eic.  Bourg -V Ahhé,  Bourg-la-Reine,Ville-V Évcque,  Choisy- 
le-Roi,  etc. 


268 

568.  La  composition  spéciale  représentée  par  un  mot  tel 
que  hôtel-Dieu  a  été  peu  imitée  en  français;  elle  est  extrême- 
ment répandue  dans  les  langues  Scandinaves  et  germaniques, 
mais  ne  paraît  guère  s'accorder  avec  le  génie  roman.  Dans  la 
langue  moderne  pourtant,  elle  paraît  commencer  à  se  dé- 
velopper, peut-être  sous  l'influence  des  langues  étrangères  en- 
vironnantes. Quant  à  l'ordre  des  éléments  composants,  le  dé- 
terminant suit  ordinairement  le  déterminé  dans  les  formations 
modernes;  pour  les  anciennes,  la  place  du  déterminé  était 
facultative. 

P  Le  déterminant  précède  le  déterminé.  Les  exemples  sui- 
vants se  composent  de  deux  noms  dont  le  premier  est  sub- 
ordonné au  second:  banlieue,  hanvin,  chanlatte  (latte  de  chant), 
chaufour  (four  à  chaux),  cocrête,  coque-plumet,  terre-noix.  Quar- 
tier-maître est  calqué  sur  l'allemand  Quartiermeister. 

2^  Le  déterminant  suit  le  déterminé.  Cet  ordre  de  mots  se 
trouve  dans  quelques  créations  modernes:  cas  régime,  cas  su- 
jet, malle-poste,  timbre-poste,  timbre-quittance,  train-poste. 

569.  Nom  +  verbe.  Les  composés  avec  un  nom  et  un  verbe 
se  divisent  en  deux  groupes,  selon  le  rapport  syntaxique  entre 
les  deux  mots. 

P  Le  nom  est  le  régime  direct  du  verbe.  Cette  sorte  de 
composition  est  très  rare,  elle  s'observe  dans  lieutenant  et  dans 
l'ancien  terme  foimenti,  parjure  (proprement:  qui  a  menti  foi, 
manqué  de  foi).  Rappelons  aussi  des  composés  tels  que  sa- 
voir-faire, savoir-vivre,  où  le  dernier  infinitif  est  à  regarder 
comme  un  nom  régi  par  le  premier. 

2^  Le  nom  est  le  complément  indirect  du  verbe.  Ces  com- 
posés sont  peu  nombreux;  leur  construction  est  plutôt  latine 
que  française,  ils  continuent  des  combinaisons  telles  que 
crucifigere,  manumittere,  auroclavatus,  etc.,  où  le 
veïbe  est  accompagné  d'un  ablatif  de  manière  ou  d'instru- 
ment (comp.  §  568).  Quelques  créations  nouvelles  de  ce  type 
se  trouvent  en  gallo-roman  où  l'on  disait  par  ex.  mente- 
habere  d'où  le  vfr.  mentevoir,  surtout  employé  dans  les  com- 
positions amentevoir,  ramentevoir,  rementevoir.  On  en  forme 
d'autres  dans  la  langue  d'oïl,  et  encore  au  XVIP  siècle  sur- 
gissent quelques  rares  composés  analogues.  Voici  une  liste 
sommaire  des  exemples  les  plus  importants: 


269 

Billeharrer,  barrer  avec  des  billes  ;  formation  du  XVP  siècle. 

Blanc-poudré,  poudré  à  blanc;  remonte  au  XVIII^  siècle. 

Bouleverser,  verser  en  boule,  comme  une  boule;  date  du 
XVP  siècle. 

Chantourner,  tourner  de  chant  (cantus),  de  côté. 

Cailleboter,  coaguler,  propremenf:  bouter,  mettre  en  caille, 
radical  de  caillé;  formation  dialectale  du  moyen  âge. 

Vfr.  cloufichier  ou  cloufire,  synonyme  de  crucifier^  propre- 
ment fixer  avec  des  clous.  Le  mot  se  trouve  déjà  dans  la  Vie 
de  saint  Alexis;  c'est  probablement  une  formation  gallo- 
romane. 

Colporter,  porter  sur  le  col  (cou),  sur  le  dos;  remonte  au 
XVP  siècle. 

Culbuter,  faire  la  culbute,  proprement  buter  (bouter)  sur  le 
cul;  remonte  au  XVP  siècle. 

Vfr.  ferarmer,  armer  de  fer,  revêtir  d'une  armure  de  fer; 
c'est  probablement  une  formation  gallo-romane  comme  les 
trois  mots  suivants: 

Vfr.  ferlier,  lier  de  fer,  enchaîner  fortement. 

Vfr.  fernoer,  nouer  de  fer,  attacher  avec  du  fer. 

Vfr.  fervestir,  vêtir  de  fer. 

Maintenir,  proprement  tenir  par  la  main  ;  remonte  au  moyen 
âgeT 

Morfondre,  proprement  fondre  par  suite  de  la  morve,  rendre 
catarrheux,  pénétrer  de  froid;  date  du  XIV^  siècle. 

Saupoudrer,  poudrer  avec  du  sel;  date  du  moyen  âge. 

Vermoulu,  moulu  de  vers;  remonte  au  moyen  âge. 

570.  Nom  +  préposition  +  régime.  Cette  manière  de  former 
des  mots  nouveaux  est  très  générale;  c'est  pour  ainsi  dire  la 
composition  française  par  excellence.  Les  prépositions  em- 
ployées sont  à,  de,  en,  sur. 

P  Préposition  à:  Arme  à  feu,  boîte  aux  lettres,  chambre  à 
coucher,  char-à-bancs,  fil- à-plomb,  justaucorps,  machine  à  coudre, 
machine  à  vapeur,  moulin  à  vent,  pain  à  cacheter,  pot  à  fleurs, 
pot-au-feu,  propre-à-rien,  salle  à  manger,  ver-à-soie. 

2^  Préposition  de:  aide-de-camp,  blanc  de  céruse,  chef-d'œuvre, 
chemin  de  fer,  ciel  de  lit,  corps  de  logis,  eau-de-vie,  gendarme, 
haut-de- chausse,  hôtel  de  ville,  lettre  de  change,  mont-de-piété, 
pain  dépices,  pomme  de  terre,  vaudeville  (I,  §  529). 


270 

3^  Préposition  en:  arc-en-ciel,  croc-en-jambes;  bachelier  es 
lettres,  docteur  es  lettres  (sur  es,  voir  II,  §  502,  si). 

4°  Rappelons  aussi  les  prépositions  lez  (la tus)  et  sur,  qui 
ne  s'emploient  plus  que  dans  quelques  noms  de  lieux:  Plessis- 
lez-Tours,  Chalons-sur-Marne,  Pontsur-Oise. 

571.  Il  n'est  pas  rare  qu'on  abrège  ces  composés  en  élimi- 
nant le  déterminé.  Tout  comme  une  ville  capitale  se  réduit  à 
une  capitale  (§  647),  un  bateau  à  vapeur  se  réduit  à  un  va- 
peur. C'est  le  déterminant  qui  contient  la  désignation  la  plus 
caractéristique  et  c'est  pourquoi  il  peut  servir,  à  lui  seul,  à 
désigner  l'objet  en  question.  Ce  procédé  brachylogique  est 
parfois  accompagné  d'un  changement  de  genre;  nous  en  parle- 
rons au  §  715  ss.  Voici  maintenant  quelques  exemples  de  noms 
qu'on  pourrait  appeler  elliptiques  parce  qu'ils  proviennent 
d'une  abréviation  de  composé. 

Bonnet  est  pour  chapeau  de  bonnet  (ce  mot  désigne  primi- 
tivement une  sorte  d'étoffe). 

Dinde;  cet  oiseau  s'appelait  autrefois  coq  d'Inde  ou  poule 
d'Inde  (voir  II,  §  431). 

Douve,  au  sens  de  renoncule  vénéneuse  qui  croît  dans  les 
fossés  remplis  d'eau,  est  une  abréviation  de  herbe  de  douve 
(lat.  pop.  do  g  a,  conduit  d'eau). 

Doyenné  est  une  poire  d'automne  fondante;  on  a  dit  d'a- 
bord poire  de  doyenné. 

Fresque  s'emploie  pour  peinture  à  fresque  (le  mot  est  em- 
prunté de  rit.  fresco,  frais). 

Fusil  est  pour  mousquet  à  fusil  (ce  mot,  qui  signifie  primi- 
tivement 'amorce',  est  emprunté  de  l'it.  fucile). 

Mai  se  dit  elliptiquement  pour  arbre  de  mai. 

Pendule,  au  féminin,  est  une  abréviation  de  horloge  à  pen- 
dule. 

Pur  sang  se  dit  dans  le  langage  sportif  actuel  pour  cheval 
de  pur  sang.  On  dit  au  pluriel  des  pur  sang. 

Remise,  au  masculin,  s'entend  à  Paris  pour  fiacre  de  remise. 

Toilette  s'emploie  pour  table  de  toilette. 

Vermicelle  se  dit  dans  les  restaurants  pour  potage  au  vermi- 
celle. 

On  pourrait  encore  citer  des  cas  comme  la  (fête  de)  Saint- 
Jean,    (église  de)   Notre  Dame,    (hôpital  de)  la  Charité,   le  (pays 


271 

de)  Languedoc,  (almanach)  Bottin,  etc.  ;  pourtant  il  faut  se  gar- 
der de  trop  étendre  le  domaine  de  la  brachylogie  :  une  valence 
n'est  probablement  pas  une  abréviation  de  une  orange  de  Va- 
lence, comme  le  veulent  plusieurs  grammairiens,  c'est  une 
simple  métonymie.  Nous  reviendrons  sur  ce  point  dans  la  Sé- 
mantique. 

Remarque.  Des  mots  elliptiques  comme  ceux  que  nous  venons  d'étudier 
se  produisent  à  tous  moments  dans  le  parler  de  tous  les  jours.  En  voici 
un  exemple  amusant:  Quel  respect  on  inspire  ....  quand  on  a  été  seule- 
ment présenté  à  Galles,  c'est  ainsi  .que  s'expriment  les  superchics  (G.  de 
Maupassant,  Sur  Veau,  p.  34). 

572.  Préposition  +  régime.  Les  mots  composés  d'une  pré- 
position et  de  son  régime,  ordinairement  un  substantif,  sont 
assez  nombreux.  Ils  fonctionnent  comme  substantifs,  adjectifs 
et  adverbes. 

1^  Substantifs:  Acompte,  avenir^  après-midi,  contrepoison,  em- 
honpomt,  enjeu,  en-tout-cas,  entregent,  parterre,  sous-barbe,  surtout, 
etc.  Sur  le  pluriel  de  ces  mots,  voir  II,  §  339.  A  côté  de  ces 
composés  tout  faits  on  trouve  souvent  des  créations  indivi- 
duelles; rappelons  pour  le  XV®  siècle  un  hors  du  sens,  un  for- 
cené, une  sans  si,  une  femme  parfaite  (voir  G.  Paris,  Chansons 
du  XV^  siècle,  p.  23,  43),  et  pour  le  dix-neuvième  siècle  un 
sans-patrie  (§  496). 

2^  Adjectifs.  Pour  la  langue  moderne  on  ne  saurait  citer 
que  débonnaire,  primitivement  de  bon  aire  (disposition);  autre- 
fois on  a  dit  aussi  demalaires,  deputaires,  et  ces  combinaisons 
s'employaient  également  comme  adjectifs.  Comp.  §  42.  L'ita- 
lien connaît  une  expression  telle  que  un  uomo  dabbene. 

3^  Adverbes:  Davantage,  debout,  de  suite,  enfin,  environ,  par- 
tout, sur  le  champ,  surtout,  etc.  Sur  empreu,  voir  II,  §  481,  i, 
Rem. 


> 


CHAPITRE  IV. 

COMPOSITION    PAR    PHRASES. 


573.  Des  phrases  entières,  pas  trop  longues,  se  soudent  de 
manière  à  pouvoir  s'employer  comme  des  mots  simples;  elles 
fonctionnent  ordinairement  comme  des  substantifs  et  parfois 
comme  des  particules.  On  peut  diviser  ces  composés  en  deux 
groupes.  Le  premier  comprend  les  compositions  ordinaires 
faites  sur  le  modèle  de  perce-neige,  de  laissez-passer,  etc.  et 
quelques  locutions  verbales  figées  telles  que  naguère,  cepen- 
dant; l'autre  comprend  les  phrases  de  toute  sorte  employées 
accidentellement  comme  des  substantifs.  On  sait  que  tout  mot 
simple  peut  s'employer  comme  substantif:  un  pourquoi,  un  mais, 
un  moi,  etc.,  et  il  en  est  de  même  de  beaucoup  de  phrases; 
qu'en  dira-t-on  devient  facilement  synonyme  de  »  l'opinion  pu- 
blique*: de  là  une  tournure  telle  que  je  m'en  fiche  du  qu'en 
dira-t-on.  Ce  dernier  exemple  ne  nous  offre  ni  un  vrai  com- 
posé, ni  une  locution  verbale  figée,  mais  seulement  un  emploi 
substantif  fortuit.  Il  faut  pourtant  remarquer  qu'il  n'y  a  pas 
entre  les  trois  étapes  indiquées  de  limites  fixes  et  sûres;  elles 
se  confondent  imperceptiblement. 

Remarque.  On  peut  employer  comme  des  substantifs  non  seulement  des 
phrases  entières,  mais  aussi  des  bouts  de  phrases,  des  combinaisons  for- 
tuites de  mots,  des  expressions  toutes  faites,  des  fragments  quelconques. 
Ainsi  tous  les  jours  se  prend  substantivement  pour  désigner  ce  qui  se  fait 
tous  les  jours.  Sainte-Beuve  écrit:  Leur  conversation  ne  portait  pas  au-delà 
d'un  cercle  borné;  leur  tous  les  jours  était  assez  ordinaire  {Port-Royal,  VI, 
267).  Voici  un  autre  exemple  où  la  locution  autour  Ze  jour  est  substantivée: 
Son  œuvre  est  un  au  jour  le  jour  captivant  en  perpétuelle  trémulation 
(Emile  Magne,  Scarron  et  son  milieu.  Paris,  1905.  P.  15). 


273 

574.  IMPÉRA.TIF  -}-  RÉGIME  DIRECT.  Le  vcrbe  peut  être  au  sin- 
gulier, ce  qui  est  l'ordinaire,  ou  au  pluriel. 

P  Verbe  au  singulier:  Abat-jour,  bouche-trou,  brise-glace, 
brûle-gueule,  cache-nez,  coupe-bourse,  coupe-gorge,  crève-cœur, 
cure-dent,  fainéant  (cf.  II,  §  153,  i),  garde-manger,  gâte-sauce, 
gratte-papier,  licol  (cf.  I,  §  271,2),  passeport,  perce-neige,  perce- 
oreille,  pèse-lettres,  porte-plume,  pousse-café,  prête-nom,  serre- 
papier,  tire-bouchon,  trouble-fête,  etc.  Ajoutons  tocsin  emprunté 
du  prov.  toca  senh,  proprement:  touche  la  cloche  (signum). 

2^  Verbe  au  pluriel:  Lâchez-tout,  regardez-moi,  rendez-vous. 

575.  On  a  émis  plusieurs  opinions  sur  la  forme  du  verbe 
employé  dans  des  composés  tels  que  perce-neige,  porte-feuille, 
abat-jour,  cités  au  paragraphe  précédent.  Après  les  démonstra- 
tions lumineuses  d'Arsène  Darmesteter,  tout  le  monde,  ou  à 
peu  près,  est  maintenant  d'accord  pour  y  voir  un  impératif 
primitif.  Il  faut  pourtant  ajouter  que  de  nos  jours  on  n'a 
plus  une  idée  bien  nette  de  la  forme  employée,  le  sens  de 
l'impératif  s'étant  effacé  peu  à  peu.  Pour  un  Français  de  nos 
jours,  un  porte-plume  est  tout  simplement  un  instrument  qui 
porte  la  plume  et  non  pas  un  instrument  auquel  on  dit:  porte 
(la)  plume;  l'ancienne  désignation  si  vivante  et  si  pittoresque  a 
ainsi  absolument  changé  de  caractère,  et  la  nouvelle  manière 
de  voir  a  influencé  l'orthographe  qui,  dans  les  cas  où  l'im- 
pératif diffère  du  présent  de  l'indicatif,  admet  celle  du  dernier 
temps:  abat-jour.  Nous  citerons  maintenant  quelques  considé- 
rations qui  plaident  en  faveur  de  l'hypothèse  de  l'impératif: 

1^  On  avait  au  moyen  âge  une  conception  très  nette  de  la 
forme  verbale  employée;  qu'on  s'accordât  à  y  voir  un  impéra- 
tif, c'est  ce  que  montre  la  traduction  latine  de  plusieurs  noms 
propres  français  que  nous  trouvons  dans  les  documents  juri- 
diques. On  y  rencontre  par  exemple:  Tenegaudia,  Pende- 
lupum,  Beroldus  Firma  hostium,  Johannes  Gayta 
podium,  Haymericus  Fac  malum,  Silvester  Pela  vi- 
cinum. 

2^  Dans  la  vieille  langue  on  trouve  des  composés  qui  pré- 
sentent un  impératif  indubitable.  Exemples:  Boi  Vauwe,  Mar- 
tin clo  mes  oeulz,  Uguignon  fai  mi  boire,  Poincheval,  Martin 
Boivin,  Robert  Fieramort,  Garin  TorcuL  Les  verbes  qui  entrent 

18 


274 

dans  ces  composés  se  terminent  à  la  troisième  pers.  sing.  du 
présent  de  l'indicatif  par  un  t. 

3°  Plusieurs  expressions  d'une  date  plus  récente  contiennent 
également  un  impératif  indubitable.  Nous  citerons  d'abord  les 
compositions  où  le  verbe  est  un  pluriel:  un  rendez-vous,  un 
îaissez-passer,  etc.  ;  puis  quelques  mots  où  le  verbe  est  au  sin- 
gulier, mais  où  il  est  impossible  de  se  méprendre  sur  la  forme 
employée:  Trousse-ta-queue  (ancien  nom  propre);  le  sire  de  Fiche- 
ton-camp;  un  ouvrage  fait  à  la  va  vite,  à  la  va-te- faire- fiche.  De 
telles  formations  sont  fréquentes  dans  l'argot  et  les  patois.  Les 
paysans  du  Jura  donnent  le  nom  de  tiens-toi-bien  aux  petits 
chariots  où  l'enfant  apprend  à  marcher. 

4^  Nous  ajoutons  enfin  quelques  formations  analogues  avec 
impératif  et  vocatif,  que  fournissent  les  autres  langues  ro- 
manes. On  dit  en  espagnol:  un  Hazmereïr  (un  »fais-moi  rire«, 
bouffon),  Tentemozo  (un  »tiens-toi  garçon«,  appui);  en  italien: 
un  bevilacqua  (un  »boi  l'eau «,  buveur  d'eau),  un  rompicapo 
(un  »romps  la  tête«,  trouble-fête);  en  roumain:  frige-linte  (un 
»frit  lentilles «,  mauvais  cuisinier,  un  homme  de  peu  de  va- 
leur), perde-véra  (un  »perd  printemps «,  qui  ne  fait  rien  dans 
la  saison  du  travail),  stramba-lemne  (un  »tord  bûches «,  homme 
très  fort);  des  mots  correspondants  se  trouvent  en  rhéto-roman. 
5^  Cette  manière  de  formation  n'est  pas  non  plus  inconnue 
aux  langues  germaniques  et  Scandinaves.  Exemples  anglais: 
hreakfast,  draw-back,  look-out,  pick-pocket,  picMooth  (ou  tooth- 
pick);  Hackwood,  Makepeace.  Exemples  allemands:  Kehraus, 
Kehrum,  Kehr-dich-nicht-dran,  Reissaus,  Rûhrmichnichtan,  Stell- 
dichein,  Thunichtgut.  Exemples  danois:  Rivihjel,  Pasop,  Sluk- 
efter,  Korom,  Ole  Lukôje,   Tagfat. 

6^  A  l'imitation  des  composés  avec  un  impératif  on  a  créé 
en  latin  les  mots  tels  que  fac-similé,  fac  totum,  noli  me 
tangere,  nota  bene,  vade  mecum. 

576.  Après  cette  petite  excursion  explicative  nous  revenons 
à  nos  composés  sur  l'emploi  desquels  il  faut  encore  dire  un 
mot. 

1^  Au  moyen  âge  ils  s'employaient  souvent  comme  noms 
propres:  Hochecome,  Labourebien,  Chasseleu  (II,  §  377,  Rem.), 
Perce-forest,  etc.  Plusieurs  de  ces  noms  sont  conservés  jusqu'à 
nos  jours:  Boileau,  Pisseleu. 


275 

2^  Au  temps  de  la  Renaissance  ils  fourmillent  chez  les 
poètes  de  la  Pléiade,  comme  chez  Rabelais;  les  poètes  em- 
ploient ordinairement  nos  composés  verbaux  comme  épi- 
thètes.  Ronsard  chante  le  sommeil  ocieux,  chasse-souci,  l'amour 
porte-brandon,  le  vent  chasse-nue ,  ou  ébranle-rocher,  etc.  Voici 
quelques  remarques  plus  détaillées  tirées  de  l'étude  approfon- 
die d'Arsène  Darmesteter  sur  les  mots  composés  (p.  217): 
Dans  Du  Bartas  on  recueille  à  pleines  mains  des  composés 
avec  l'impératif:  le  sommeil  abrège-nuits,  chasse-soins,  chasse- 
ennui;  la  guerre  aime-pleurs,  brusle-hostel,  casse-loix,  casse-mœurs, 
rase-forts,  fauche-ennemis,  verse-sang,  etc.;  l'amour  domte-orgueil, 
emble-cœur,  traîne  -  peuple  ;  le  Christ  domte- enfer,  domte-péché, 
domte-mort;  le  printemps  porte-fleurs;  Abraham  domte-ennui, 
guide-espoir,  sèche-pleurs;  le  ciel  porte- flambeaux  ;  le  pin  baise- 
nue,  le  contre  fend-guéret,  etc.;  »Le  feu  donne-clarté,  porte-chaud, 
jette-flamme,  source  de  mouvement,  chasse- ordure,  donne-âme 
(Semaine,  II);  Phébus  aux  cheveux  d'or,  Apollon  donne-hon- 
neurs, donne- âme,  porte -jour,  soutien  des  grands  seigneurs, 
Aime-sucs,  aime-vers,  tes  routes  sont  bornées  .  .  . .«  (id.,  IV); 
»Herme  guide-navire,  Mercure  échelle-ciel,  invente-art,  aime-lyre^ 
(id.,  ibid.J,  »et  Phœbe  verse-froid,  verse-humeur,  borne-mois^  (id., 
ibid.);  »son  ventre  (à  l'araignée)  engend/e-estain,  crache-fil,  porte- 
laine«  (id.,  VII). 

577.  Impératif  +  vocatif.  Dans  quelques  cas  le  nom  qui 
suit  le  verbe  n'est  pas  à  regarder  comme  le  régime  direct. 
Tandis  que  tire-bouchon  est  un  instrument  qui  sert  à  tirer  le 
bouchon  d'une  bouteille,  et  qui  doit  son  nom  à  l'exhortation 
directe  :  tire-moi  le  bouchon,  le  mot  dialectal  gobe-mouton  (nom 
d'une  pâture  donnée  au  mouton)  doit  se  décomposer  d'une  toute 
autre  manière:  mouton  n'est  pas  un  régime  de  gobe,  mais  un 
complément  ajouté  pour  indiquer  à  qui  l'ordre  s'adresse;  gobe- 
mouton  veut  ainsi  dire:  Gobe-moi  ça,  mouton.  Les  exemples  de 
celte  composition  ne  sont  pas  nombreux,  et  ils  appartiennent 
presque  tous  au  parler  provincial: 

Broute-biquette,  nom  du  chèvrefeuille  dans  le  Maine. 

Gratte-boesse,  espèce  de  pinceau  dont  se  servent  les  doreurs; 
boesse  est  une  forme  dialectale  de  brosse. 

Morgeline,  nom  d'une  plante  aimée  des  poules;  geline  est  le 
latin  gallina. 

18* 


276 

Pique-poule^  nom  d'un  raisin  aimé  des  poules. 
Porte-chaise,  ancien  nom  de  la  chaise  à  porteur  (ne  pas  con- 
fondre avec  porte-chaise,  porteur  de  chaise). 

578.  Pour  finir,  nous  citerons  un  certain  nombre  d'autres 
composés  où  entre  un  impératif,  suivi  de  quelque  complément 
qui  n'est  ni  un  régime  direct  ni  un  vocatif: 

P  L'impératif  peut  être  accompagné  d'un  complément  ad- 
verbial ou  d'un  régime  indirect:  boute- en -train,  chie-en-lit, 
croquembouche ,  meurt -de -faim,  pince -sans -rire,  pissenlit,  re- 
venez-y, touche- à-tout,  tourne-à-gauche  (outil  de  charpentier). 

2^  L'impératif  peut  être  suivi  d'un  infinitif:  un  laissez-passer. 

3^  L'impératif  peut  être  suivi  d'un  autre  impératif.  On  di- 
sait dans  la  vieille  langue  chante-fable  (récit  mêlé  de  chan- 
sons, ouvrage  où  l'on  chante  et  fable),  dorveille  ou  dormeveille, 
état  d'assoupissement,  plore-chante  (titre  d'un  petit  poème 
moral).  Rappelons  pour  la  langue  moderne  chassez  -  croisez, 
chassez -déchassez  (pas  de  danse),  tire-laisse,  tournevire,  va-et- 
vient. 

Remarque.  Nous  ne  citons  pas  ici  chante-pleure.  Les  dictionnaires  disent 
que  cet  instrument  est  ainsi  nommé  parce  que  le  liquide  en  coulant  chante 
et  pleure;  au  point  de  vue  historique  le  mot  devrait  donc  s'analyser  comme 
un  composé  de  deux  impératifs.  Il  est  cependant  probable  que  chante-pleure 
doit  sa  forme  à  une  étymologie  populaire  (comp.  I,  §  528)  et  n'a  rien  à  faire 
avec  chanter  et  pleurer;  la  forme  primitive  paraît  être  chatte-pelleuse,  nom 
dialectal  de  la  chenille  à  laquelle  on  a  comparé  pittoresquement  le  tuyau 
de  l'entonnoir;  chatte-pelleuse  est  devenu  chante-pelleuse  (Palsgrave)  ou  chatte- 
pelleure  (I,  §  360),  d'où  enfin  chante-pleure. 

4"  Citons  à  part  les  quelques  mots  où  l'impératif  est  re- 
doublé: cache- cache,  passe-passe,  vire-vire. 

579.  Des  propositions  entières  peuvent  devenir  des  substan- 
tifs qui  expriment  l'idée  que  la  proposition  contenait  dans  son 
ensemble  (L.  Lindberg).  Ces  propositions  peuvent  être  des  ex- 
clamations, des  questions,  des  souhaits,  des  commandements 
ou  de  simples  phrases  énonciatives.  Elles  fonctionnent  ou  comme 
substantifs  ou  comme  adverbes. 

P  Substantifs: 

Quantès  est  pour  quand  est-ce;  ce  mot  est  employé  dans  la 
locution  payer  son  quantès  et  désigne  ordinairement  le  vin  que 


277 

doit  payer  l'ouvrier  nouvellement  embauché  à  ses  camarades. 
C'est  donc  proprement  une  interrogation:  quand  est-ce  qu'un 
tel  paiera  sa  bienvenue? 

Simagrée,  probablement  pour  si  m'agrée  (cela  me  plaît  ainsi). 

Sot-V y-laisse,  morceau  délicat  de  la  volaille,  qui  se  trouve  de 
chaque  côté  au-dessus  du  croupion. 

Vademanque,  déficit. 

Vasistas^  petit  carreau  de  fenêtre;  emprunté  de  l'ail,  was 
ist  das. 

Remarque.  Il  faut  aussi  citer  adieu  qui  est  une  abréviation  de  la  locu- 
tion à  Dieu  soyez,  ancien  salut  de  rencontre  ou  de  congé:  A  Dieu  soyez,  ma 
popine  (G.  Paris,  Chansons  du  XV^    siècle,  p.  9). 

2^  Adverbes.  Dans  quelques  cas  isolés,  on  a  attribué  à  une 
phrase,  directe  ou  absolue,  la  fonction  d'un  adverbe.  Exemples: 

Cependant,  pour  ce  pendant. 

Naguère,  pour  /l'a  guère,  vieille  construction  française;  on 
dit  maintenant  il  n^y  a  guère  (de  temps). 

Nonobstant,  pour  non  obstant;  comp.  le  latin  non  obstante. 

Peut-être;  au  moyen  âge  on  disait  plutôt  puet  cel  estre,  cela 
peut  être;  comp.  en  danois  kanske,  màske. 

Pièça,  pour  pièce  a,  il  y  a  une  pièce  de  temps. 

Tel  heure  est;  cette  phrase  s'employait  au  moyen  âge  au  sens 
de  souvent. 

Remarque.  Une  phrase  figée  ne  s'emploie  presque  jamais  en  français  comme 
adjectif.  Il  en  est  autrement  de  l'anglais,  comme  le  montrent  les  exemples  sui- 
vants: With  an  I-turn-the-crank-of-the-universe  air  (Lowell).  A  Utile  man 
with  a  say-nothing-to-me  sort  of  countenance  (Dickens).  A  she-won't  sort  of 
Utile  person  (Meredith).  Comp.  O.  Jespersen,  Groivth  and  structure  of  the  En- 
glish  Language. 

580.  Nous  citerons  en  suite  une  série  d'exemples  montrant 
l'emploi  accidentel  d'une  phrase  comme  substantif: 

A  quoi  bon? —  Déjà  Và-quoibon  désabusé  des  fatalistes  vient 
à  ses  lèvres  (L.  Bocquet,  Albert  Samain,  p.  50). 

Ce  que  je  m'en  fiche.  —  Ta  force,  mon  cruel  chéri,  elle  est 
justement  dans  ton  dédain,  dans  ton:  ce  que  je  m'en  fiche 
(Lavedan,  Vieux  marcheur,  p.  92). 

Cest  selon.  —  Il  y  a  du  c'est  selon. 

Comme  il  faut.  —  Il  respecte  toujours  le  comme  il  faut. 
Un  homme  comme  il  faut.  Une  opinion  comme  il  faut. 


278 

Faire  le  faut.  —  Comme  c'étoit  un  faire  le  faut,  nous  prîmes 
bien-tôt  notre  résolution  (F.  Léguât,  Voyage,  1721.  Vol.  II,  12). 

Je  ne  sais  quoi.  —  Elle  n'est  pas  belle  mais  elle  a  un  je  ne 
sais  quoi  qui  plaît  et  qui  attire.  Cette  tournure  qui  est  encore 
très  employée  a  eu  sa  grande  vogue  au  XVIP  siècle.  Corneille 
l'aimait  et  elle  revient  souvent  dans  ses  œuvres: 

Il  est  des  nœuds  secrets,  il  est  des  sympathies 
Dont  par  le  doux  rapport  les  âmes  assorties 
S'attachent  l'une  à  l'autre,  et  se  laissent  piquer 
Par  ces  je  ne  sais  quoi  qu'on  ne  peut  expliquer. 

{Rodogune,  v.  359). 

Ces  vers  ont  servi  de  point  de  départ  au  V^  des  Entretiens 
dCAriste  et  (V Eugène,  du  Père  Bouhours,  intitulé  »Le  je  ne  sais 
quoi«.  Un  discours  prononcé  en  1635  par  un  académicien 
portait  le  même  titre. 

Je  suis  à  toi.  —  L'éternel  »je  suis  à  toi<i<  de  l'amour  (Saba- 
tier,  François  d^ Assise,  p.  296). 

On  dit.  —  Des  on  dit  faisaient  croire  qu'il  s'était  échappé. 
D'après  les  on  dit.  Cela  n'est  que  des  on  dit. 

Qu'en  dira-t-on?  —  Elle  se  souciait  peu  du  qu*en  dira-t-on. 
Le  qu'en  dira-t-on.  Le  qu^en  dira-t-on  qu'il  soit  imprimé  ou 
transmis  de  bouche  en  bouche,  demeure  le  plus  infime  de  ses 
soucis. 

Qui-va-là.  —  C'est  un  homme  qui  a  toujours  réponse  à  qui- 
va-là. 

Qui  vive?  —  Cet  homme  est  toujours  sur  le  qui  vive.  Les 
deux  troupes  en  vinrent  au  qui  vive. 

Sauve  qui  peut.  —  Ce  fut  un  sauve  qui  peut  général.    * 

Va  te  faire  fiche.  —  Il  le  trouvera  trop  débraillé  . .  .  trop 
original  . . .  trop  va  te  faire  fiche  (Gyp,  Joies  d'amour.,  p.  144). 

581.  De  telles  formations  sont  assez  générales  dans  l'argot 
parisien  de  nos  jours.  Exemples:  Décrochez-moi-ça,  chapeau 
d'occasion  pour  femme  (ne  pas  confondre  avec  un  décroche-moi 
ça,  marchand  fripier). 

Grattez-moi  dans  le  dos,  corset  à  baleine. 

Pincez-moi  ça,  nœud  au  bas  de  la  taille,  dans  le  dos,  avec 
de  longs  rubans  qui  retombent. 


279 

Suivez-moi  jeune  homme,  double  ruban  descendant  du  chignon 
le  long  du  dos. 

Va  te  faire  panser,  ou  un  va  te  laver,  un  soufflet. 

582.  Nous  avons  vu  dans  les  derniers  paragraphes  avec 
quelle  facilité  une  phrase  entière  est  transformée  en  substantif. 
Ce  phénomène,  dont  nous  n'avons  cité  jusqu'à  présent  que 
des  exemples  modernes,  remonte  au  moyen  âge  qui  l'employait 
surtout  pour  former  des  noms  de  personnes  caractéristiques. 
Exemples  : 

Fol  Vy  laisse.  —  Puis  lèvera  le  collier  que  aucuns  appellent 
foUilaisse;  c'est  une  char  qui  est  demouree  entre  la  hampe  et 
les  épaules  et  vient  tout  entour  par  dessus  l'os  du  long  de  la 
hampe  sus  le  jargel  (Chasse  de  Gaston  PhébusJ.  Comp.  sotVy 
laisse,  §  579. 

Fol  s'y  bee.  —  Mais  on  le  doit  clamer  par  rayson  :  »Fousi- 
bee«  (Bastart  de  Bouillon). 

Fol  s  y  fie.  —  Ci  a  felonesse  espouse.  Sa  chamberiere  a  non 
»Rousee«,  Et  ses  chambellenz:  »Faussifie«  (Rustebuef,  La  voie 
de  Paradis). 

Fol  s'y  prend,  nom  d'une  des  suivantes  d'AnphéUse  dans 
»Foucon  de  Candie*. 

Mal  me  sert. 

Prou  face!  —  Le  prouface  de  son  élection,  voir  Godefroy, 
VI,  p.  398. 

Sert  de  Veau.  —  Chappelains  et  clers  de  chapelle,  Et  sert  de 
l'eau,  chacuns  m'appelle  (Eust.  Deschamps,  Œuvres,  VII,  p.  182). 

Va  lui  dire,  entremetteur;  employé  surtout  dans  les  contes 
des  XV«  et  XVP  siècles. 


LIVRE  SIXIEME. 

FORMATION   DES  PARTICULES, 


CHAPITRE  I. 
REMARQUES   GÉNÉRALES. 


i 


583.  Un  très  grand  nombre  des  particules  latines  ont  dis- 
paru, mais  les  pertes  ont  été  largement  réparées,  et  le  français 
possède  un  nombre  considérable  de  particules  nouvelles  pour 
la  formation  desquelles  on  a  eu  recours  soit  à  des  mots 
simples  (sauf,  chez,  prou,  tôt,  trop,  guère)  soit  à  des  mots  com- 
posés. Les  principes  de  formation  des  particules  se  réduisent 
à  quatre: 

1^  Combinaisons  de  particules.  Généralement  c'est  une  pré- 
position qui  s'ajoute  à  un  adverbe.  On  trouve  déjà  dans  le 
latin  classique  de  super,  ex  ante,  in  ante,  per  inde,  sub 
inde,  etc.  Le  latin  populaire  offre  beaucoup  de  combinaisons 
semblables:  de  post  (Vulg.,  Loi  Sal.),  de  intus,  de  contra, 
de  sursum  (Anthimus),  de  foras,  etc.  Dans  le  Glossaire  de 
Placidus  on  lit:  »Ante  me  fugit  dicimus,  non  abante  me 
fugit;  nam  prœpositio  praepositioni  adjungitur  imprudenter, 
quia  ante  et  ab  sunt  duse  prsepositiones«.  Nous  verrons  que 
le  français  offre  de  nombreux  exemples  de  combinaisons  sem- 
blables:: assez  <  ad  satis,  avant  <  ab  ante,  dans  <  de  in- 
tus, dedans,  par  contre,  etc. 

2^  Combinaisons  d'une  préposition  et  d'un  nom.  Types  la- 
tins: obvia  m,  admodum,  invice  m,  posthac.  Ce  procédé 
très   employé  en   français   a   dû  l'être  aussi  en  latin  vulgaire, 


281 

bien  qu'on  n'en  trouve  que  peu  d'exemples;  cf.  e  contrario 
(Grégoire  de  Tours),  de  proximo  (Hégésippe).  Exemples 
français:  antan  <  ante  annum,  demain  <  de  m  a  ne,  enfin  < 
in  fine,  parmi,  pourtant,  amont,  aval,  etc. 

3*^  Combinaisons  d'un  adjectif  avec  un  substantif:  beaucoup, 
longtemps,  toujours,  etc.  ;  on  emploie  aussi  un  pronom,  ainsi  le 
vfr.  ouan  remonte  à  hoc  anno. 

4^  Phrases  ou  propositions  prises  absolument:  naguère,  cf. 
§579,2. 

584.  Doublets.  Beaucoup  de  particules  se  présentaient 
dans  la  vieille  langue  sous  deux  formes  dont  l'une  se  termi- 
nait par  une  consonne,  l'autre  par  un  e  féminin.  Exemples: 
avec — avecque,  com — comme,  donc — doncque,  encor— encore,  illec 
— illecque,  mar — mare^  onc—oncque,  or — ore,  sour — soure,  etc.  La 
langue  moderne  n'a  pas  gardé  ces  doublets;  elle  a  adopté 
tantôt  la  forme  masculine  :  avec,  donc,  or,  sur,  tantôt  la  forme 
féminine:  comme,  encore.  Les  poètes  seuls  ont  gardé  encor  et 
la  poésie   populaire   se  sert  toujours   couramment  de  avecque. 

585.  L'origine  de  ces  doublets  est  assez  obscure.  Dans 
quelques  cas  c'est  la  forme  brève  qui  est  étymologique:  avec, 
donc,  illec;  dans  d'autres  c'est  la  forme  longue:  encore,  mare, 
oncque.  Mais  comment  expliquer  avecque,  doncque,  illecque  et 
encor,  mar,  onc9  Où  est  le  point  de  départ  de  ces  formes 
analogiques?  Une  seule  des  particules  citées  paraît  posséder 
primitivement  deux  formes  différentes,  sour  et  soure,  qui  re- 
produisent vraisemblablement  super  et  supra.  Mais  il  est 
difficile  d'admettre  que  cette  préposition  ait  pu  servir  de  mo- 
dèle à  tous  les  autres  mots.  Nous  sommes  plus  enclins  à 
croire  que  la  phonétique  syntaxique  (I,  §  112)  est  la  cause 
principale  de  la  formation  des  doublets.  A  côté  de  or  a 
(contraction  populaire  de  hac  h  or  a)  qui  a  produit  ore,  on  a 
pu  avoir  une  forme  atone  or,  d'où  or.  Cette  explication  s'ap- 
pliquerait aussi  à  encore,  lores,  et  ces  formes  d'un  emploi  si 
général  auraient  facilement  pu  entraîner  toutes  les  autres  et 
créer  par  une  analogie  proportionnelle  doncque  à  côté  de  donc 
et  mar  à  côté  de  mare. 


282 

586.  S  ADVERBIAL.  Beaucoup  des  particules  se  terminent  par 
un  s,  que  ne  justifie  pas  leur  étymologie.  Ce  s  paragogique 
était  d'un  emploi  très  étendu  dans  la  vieille  langue  et  a  laissé 
beaucoup  de  traces  dans  la  langue  moderne.  Il  faut  noter  les 
deux  points  suivants: 

P  Le  s  adverbial  a  été  introduit  définitivement  dans  les 
mots  suivants:  jadis  (jamdiu  +  s),  sans  (sine  +  s),  tandis 
(tamdiu  -{-  s),  vfr.  veaus  (vel  +  s). 

2^  Le  s  adverbial  s'emploie  sporadiquement  dans  un  grand 
nombre  de  particules  qui  se  terminent  par  un  e  féminin;  on 
trouve  ainsi  alques,  avecques,  certes,  doncques,  encores,  guères, 
jusques,  oncques,  ores,  primes,  sempres,  etc.  à  côté  de  alque 
(aliquid),  avecque  ou  avec,  certe,  donque  ou  donc,  encore, 
guère,  jusque,  oncque  ou  onc,  ore  ou  or,  prime,  sempre  (sem- 
per).  Après  le  moyen  âge  l'emploi  de  s  s'est  peu  à  peu  perdu. 
Au  XVII®  siècle  on  en  trouve  très  peu  de  traces.  Corneille 
emploie  mêmes  pour  même,  mais  seulement  à  la  rime  (Poly- 
eucte,  V.  838),  et  Vaugelas  qui  proteste  contre  avecques,  admet 
donques  (Remarques,  II,  110).  La  langue  moderne  a  conservé 
certes,  mais  le  doublet  certe  dont  on  trouve  des  exemples  dans 
Marot,    La    Fontaine    (Contes,   I,   p.  227)   et  Molière  (Tartuffe, 

IV,  se.   5),    n'est   pas    inconnu    aux   auteurs    du   XIX^  siècle. 

V.  Hugo  s'en  est  servi  dans  les  Orientales  (n°  35).  Rostand  l'em- 
ploie aussi:  Non,  certe,  et  c'est  pourquoi  j'étais  prudent  d'abord 
(La  Samaritaine,  p.  24).  Dans  la  même  pièce,  Rostand  fait 
rimer  certe  avec  inerte  (p.  13).  A  côté  de  guère  et  jusque  on 
a  conservé  guères  et  jusques,  mais  seulement  dans  le  langage 
poétique,  pour  avoir  une  syllabe  de  plus: 

Tout  le  pays  d'ici  jusques  à  Montpellier. 

(Victor  Hugo,  La  légende  des  siècles,  I,  p.  74.) 

Remarque.  Dans  la  vieille  langue  on  pouvait  même  ajouter  s  à  que.  En 
voici  un  exemple:  Si  quez  là  demora  ly  hermitez  membrus  {Hugues  Capet, 
p.  210). 

3^  Le  S  adverbial  s'ajoutait  sporadiquement  aussi  à  quelques 
mots  qui  se  terminaient  par  une  consonne  ou  par  une  voyelle 
accentuée;  on  trouve  ainsi  au  moyen  â^e  veirs  (Roland,  v.  381) 
à  côté  de  veir  (verum).  Rappelons  aussi  les  formes  curieuses 
de  nuits  (Chevalier  as  deus  espees,  v.  1253)  pour  de  nuit  et  lieus 
(Aiol,  V.  377),  sur  le  lieu,  aussitôt. 


283 

587.  Le  s  adverbial  paragogique  est  probablement  dû  à  l'ana- 
logie. Plusieurs  adverbes  offrent  un  s  étymologique:  mais 
(m agis),  moins  (minus),  plus  (plus),  et  ces  mots  ont  pu  en- 
traîner sans,  lors,  etc.  Pour  les  mots  qui  présentent  une  syl- 
labe finale  atone,  quelques-uns  se  terminaient  étymologique- 
ment  par  un  e  féminin:  sempre  (semper),  d'autres  par  -es; 
certes  (certas;  §  597).  On  peut  donc  admettre  qu'on  a  dit 
sempres  (Roland,  v.  1055)  sur  le  modèle  de  certes,  et  l'existence 
des  doubles  formes  sempre — sempres  et  d'autres  de  la  même 
sorte  a  pu  amener  avecques,  donques,  etc. 

Remarque.  L'espagnol  connaît  aussi  un  s  adverbial  dont  l'origine  est 
également  analogique.  Des  formes  telles  que:  antes,  entonces,  mientras,  quizâs, 
etc.  doivent  probablement  leur  s  final  à  l'influence  de  atras,  despiies,  mas, 
menas. 

588.  Orthographe.  La  représentation  graphique  des  parti- 
cules composées  que  possède  le  français  moderne,  est  très 
arbitraire:  tantôt  les  différentes  parties  du  mot  se  sont  sou- 
dées, tantôt  non.  Comp.  par  exemple: 


alentour 

à  Venvi 

quelquefois 

quelque  part 

davantage 

d'abord 

autrefois 

autre  part 

amont 

à  part 

puisque 

après  que 

enfin 

en  face 

parce  que 

sur  ce  que 

autour  de 

au  lieu 

de 

là-dessus 

là  dedans 

589.  Flexion.  Les  particules  sont  invariables.  Plusieurs 
d'entre  elles  se  présentent,  comme  nous  avons  vu,  sous  deux, 
parfois  même  sous  trois  formes:  or,  ore,  ores,  mais  elles  ne 
se  déclinent  pas  et  ne  se  conjuguent  pas.  Il  faut  pourtant 
faire  les  observations  suivantes: 

1°  Flexion  nominale.  Dans  la  langue  du  moyen  âge  nous 
voyons  dans  quelques  cas  assez  rares  que  l'adverbe  s'accorde 
avec  le  nom  qui  détermine.  On  trouve  ainsi  //  devanz  diz.  Un 
adverbe  peut  même  se  changer  tout  à  fait  en  adjectif;  on  di- 
sait par  ex.  soventez  foiz.  Ce  phénomène,  dont  nous  parlerons 
au  §  659,  était  peu  général.  On  en  trouve  d'autres  exemples 
au  midi  de  la  France,  où  plus  et  mais  se  déclinent  dans  plu- 
sieurs dialectes.  Exemple:  Pouorto  de  perosf  —  N'y  o  pas  pussos 
(Apporte  des  poires!  —  Il  n'y  en  a  plus).    C'est  par  une  as- 


284 

siniilation   pareille  qu'on  dit  en  espagnol  moderne:    Una  poca 
de  pimienta,  unos  pocos  de  garbanzos. 

Remarque.  Un  nom  devenant  particule  perd  peu  à  peu  toute  flexion;  voir 
nos  remarques  sur  hélas  (§  634),  sauf  (§  619),  atout  (§619)  et  les  participes 
passés  (§  621). 

2^  Flexion  verbale.  Dans  un  seul  cas  on  a  muni  une  parti- 
cule d'une  terminaison  verbale.  Le  mot  qui  présente  cette 
particularité  est  le  vfr.  es  (lat.  ecce).  Il  était  souvent  suivi 
médiatement  ou  immédiatement  du  pronom  vous  (rarement 
toi)  employé  comme  explétif:  Es  vos  l'essample  par  trestot  le 
païs  {St.  Alexis,  v.  182).  As  vus  Rollant  sur  sun  cheval  pasmet 
{Roland,  v.  1989).  Eis  vus  le  pueple  triste  e  dolent  {Roman  de 
Rou,  I,  p.  433).  A  tant  es  vos  le  roi  Artus  (Béroul,  Tristan, 
V.  3706).  Franceis  se  taisent:  as  les  vus  aqueisiez  {Roland^ 
V.  263).  Quant  li  anfant  l'entendent,  es  les  vous  esfrees  (Gui 
de  Bourgogne,  v.  256).  Ez  le  vos  pris  et  mal  bailli  {Dolo- 
pathos,  V.  .5631).  L'union  constante  d'un  pronom  personnel 
avec  es  avait  un  résultat  curieux;  on  a  regardé  l'adverbe 
comme  un  verbe  et  l'a  traité  à  l'avenant  en  le  munissant 
d'une  terminaison  verbale.  Exemples:  Estes  vous  venu  un  mes- 
sage (R.  de  Montauban,  v.  1828).  Estes  vos  le  mesage  {Orson  de 
Beauvais,  v.  2489).  Estes  les  vos  dedans  Nerbone  antrez  {Nar- 
honnais,  v.  910).  A  tant  estes  vos  Pirinis  (Béroul,  Tristan, 
V.  3397).  Estes  vous  un  asnier  passer  {Miracles  de  N.  D.  n°  16, 
V.  1758). 

590.  Division.  Les  particules  se  divisent  en  quatre  groupes: 
Adverbes,  prépositions,  conjonctions,  interjections.  Il  n'y  a  pas, 
surtout  entre  les  trois  premiers  groupes,  de  limites  bien  fixes 
et  stables,  les  mots  passant  facilement  d'une  fonction  à  une 
autre;  c'est  pourquoi  il  peut  être  difficile  de  décider  à  quel 
groupe  appartient  principalement  telle  ou  telle  particule,  s'il 
faut  ranger  avec  sous  les  prépositions  ou  sous  les  adverbes; 
dans  les  cas  douteux  nous  préférons  donner  les  mots  sous  tout 
groupe  auquel  il  peut  appartenir.  Quant  aux  interjections  nous 
en  avons  restreint  le  domaine;  il  nous  paraît  que  plusieurs 
grammairiens  l'ont  élargi  démesurément. 


I 


CHAPITRE  II. 

ADVERBES. 


591.  Un  grand  nombre  d'adverbes  latins  ont  péri.  Ainsi  il 
n'y  a  en  français  aucune  trace  de  circa,  cras,  denique, 
haud,  hue,  illuc,  interdum,  nuper,  nusquam,  quon- 
dam,  saepe,  ubique,  valde,  etc.  etc.  On  a  de  même  aban- 
donné les  adverbes  en  -im,  -itus,  -iter:  olim,  paulatim, 
gregatim,  funditus,  radicitus,  graviter,  acriter,  bre- 
viter,  etc.,  et  presque  tous  ceux  en  -e  ou  -o:  modeste,  probe, 
libère,  raro,  falso,  etc.  Ces  pertes  considérables  ont  été 
réparées  de  différentes  manières.  On  a  créé  de  nouvelles 
formes  composées;  ainsi  satis  a  été  supplanté  par  ad  -f-  sa- 
tis  )  assez;  de  même  rétro  par  ad  +  rétro  )  arrière,  main- 
tenant en  arrière;  ho  die  >  vfr.  hui,  de  nos  jours  remplacé 
par  aujourd'hui  et  dans  le  parler  vulgaire  au  jour  d'aujour- 
d'hui; comp.  encore  paulatim  et  peu  à  peu,  quondam  et 
autrefois,  denique  et  enfin.  On  a  eu  recours  à  des  terminai- 
sons dérivatives  comme  dans  vfr.  à  genouillons ;  citons  aussi 
les  formes  telles  que  brièvement,  nouvellement,  sévèrement  qui 
ont  remplacé  breviter,  nuper,  severe.  Parfois  aussi  on  a 
formé  de  nouveaux  adverbes   simplement  avec   des  cas:   hoc 

kanno  >  vfr.  ouan,  ou  on  a  donné  aux  adjectifs  la  fonction 
d'adverbe:  chanter  faux,  entendre  dur,  etc.  Il  faut  enfin  signaler 
l'emploi  adverbial  de  quelques  mots  étrangers  (trop,  guère). 

592.  Adverbes  latins  conservés.  Examinons  brièvement 
les  adverbes  latins  qui  se  sont  conservés  en  français,  leur  dé- 
veloppement et  leur  emploi  dans  la  composition: 


286 

Aliorsum  >  ailleurs  (sur  la  forme,  voir  I,  §  181);  notez 
aussi  le  composé  d'ailleurs. 

An  te  a  été  remplacé  par  quelque  forme  vulgaire  peu  sûre, 
d'où  s'est  développé  le  vfr.  ainz,  ains.  Le  mot  se  trouve  en- 
core dans  les  satires  de  Régnier,  mais  Malherbe  le  condamne 
(I,  §  52,  i);  on  avait  aussi  dans  la  vieille  langue  la  forme  élargie 
ainçois,  bientôt  ou  avant.  Le  mot  se  retrouve  dans  aîné,  autre- 
fois aisné,  ainsné. 

Bene  >  bien. 

Deorsum,  en  passant  par  *deusum,  est  devenu  vfr.  jus 
(I,  §  118,4),  à  bas,  en  bas,  par  terre,  le  contraire  de  sus.  Le 
mot,  disparu  depuis  longtemps  de  la  langue,  se  retrouve  dans 
le  dérivé  jusant,  la  marée  qui  baisse.  Il  est  difficile  de  voir  si 
jus  se  retrouve  dans  l'ancien  adverbe  laïs  (Romania,  XXVIII, 
113). 

Diu  n'a  pas  été  conservé  comme  mot  simple;  mais  nous  le 
trouvons  dans  quelques  composés:  jam  diu  }  jadis;  tam  diu 
)  tandis;  la  vieille  langue  connaissait  aussi  quandis,  tant  que, 
aussi  longtemps  que. 

Ecce  >  vfr.  es,  voici,  voilà;  sur  la  forme  estes,  voir  §  589,2. 

Heri  )  hier;  notez  le  composé  avant-hier.  Sur  la  prononcia- 
tion de  ces  mots,  voir  I,  §  296,  i  et  notre  Manuel  phonétique, 
§51,  164,5,  Rem. 

Ho  die  >  hui,  conservé  dans  aujourd'hui;  on  avait  dans  la 
vieille  langue  les  combinaisons  ancui,  et  huimais. 

Ibi  >  y. 

Illac  >  là. 

Inde  )  vfr.  ent,  d'où  la  forme  actuelle  en.  Le  t  a  été  con- 
servé dans  le  composé  sub  in  de  )  souvent. 

Intus  >  vfr.  enz,  ens.  Ce  mot  mort  depuis  longtemps  se  re- 
trouve dans  dans,  mauvaise  orthographe  pour  dens  (comp.  I, 
§  215, 2)  qui  représente  de  +  ens. 

Jam  >  ja.  Ce  mot,  encore  employé  par  Régnier  (Macette, 
V.  19),  disparaît  au  commencement  du  XVIP  siècle;  il  se  re- 
trouve dans  les  combinaisons  déjà,  jadis,  jamais. 

Longe  >  vfr.  loinz,  loins,  d'où  loin. 

M  agi  s  >  mais;  comp.  les   combinaisons  jamais,   désormais 
dans  la  vieille  langue  on  avait  aussi  maishui,  aujourd'hui,  dès 
maintenant,  et  maisouan,  maintenant. 

Maie  >  mal;  sur  la  forme  collatérale  mau  voir  I,  §  346,  347 


287 

Mane  >  vfr.  main,  conservé  dans  demain. 

Melius  >  mieux;  sur  l'emploi  de  ce  mot  pour  former  les 
comparatifs,  voir  11/  §  455, 2. 

Minus  >  moins. 

Multum  )  vfr.  moult.  Ce  mot  a  depuis  longtemps  été  rem- 
placé par  beaucoup,  ce  que  regrettait  déjà  La  Bruyère. 

Non  s'est  développé  de  plusieurs  manières  différentes  (I, 
§  224).  A  côté  de  la  forme  tonique  non,  on  trouve  les  formes 
atones  nen,  conservée  dans  nenni  (l,  §  211,2,  Rem.),  et  ne,  qui 
s'abrège  en  n'  devant  une  voyelle  (I,  §  281, 1). 

Nunquam  >  vfr.  nonque  ou  nonques. 

Pejus  y  pis  (I,  §  197). 

Per  >  par  (I,  §  245). 

Plus  >  plus;  sur  l'emploi  de  ce  mot  dans  la  comparaison, 
voir  II,  §  455  ss. 

Porro  )  vfr.  por,  puer. 

Post  >  puis;  la  forme  vulgaire  intermédiaire  entre  ces  deux 
mots  est  peu  sûre. 

Prope  >  vfr.  pruef,  prof. 

Quando  >  vfr.  quant,  changé  en  quand. 

Rétro  >  vfr.  riere;  ce  mot,  très  employé  dans  la  vieille 
langue,  a  été  remplacé  par  arrière  et  derrière. 

Satis  )  vfr.  sez,  remplacé  par  assez. 

Semper  >  vfr.  sempre  ou  sempres,  aussitôt. 

Sic  )  si;  notez  les  combinaisons  ainsi  (le  premier  élément 
de  ce  mot  est  inexplicable),  aussi  (aliud  sic),  vfr.  altresi  (al- 
terum  sic). 

Sinistrorsum  )  vh.  senestror,  gauche. 

Supra  ou  super  )  vfr.  soure,  sour,  d'où  seur  et  enfin  sur, 
voir  I,  §  302,  369, 2. 

Sursum,  en  passant  par  susum.  (I,  §  362),  est  devenu  sus. 

Tantum  >  tant;  notez  les  combinaisons  autant  (aliud 
tantum),  pourtant,  vfr.  altretent  (alterum  tantum).  A  côté 
de  tant  on  avait  dans  la  vieille  langue  itant;  sur  l'explication 
de  cette  forme,  voir  I,  §  502, 3. 

Tarde  >  vfr.  tart,  devenu  tard. 

Trans  en  passant  par  tras  (I,  §  318,3)  est  devenu  très. 

Tune  paraît  avoir  été  contaminé  avec  du  m,  d'où  donc;  au 
moyen  âge  on  avait  les  formes  collatérales  doncque  et  donques, 
et  la  combinaison  adonc;  idonc  s'explique  selon  I,  §  502,  s. 


288 

Ubi  >  oïL 

Unde  >  vfr.  on/,  conservé  dans  dont,  qui  est  pour  (i'o/î/  (de 
un  de). 

Unquam  >  vfr.  oncque  ou  oncques. 
Voluntarie  >  volontiers. 

Remarque.  A  côté  des  adverbes  transmis  directement  du  latin,  signalons 
quelques  autres  mots  simples  auxquels  on  a  donné  une  fonction  adverbiale: 
Loco  >  vfr.  lues;  tempère  >  tempre;  paucum  >  peu;  vera  >  vfr.  voire, 
voir;  pro  >  prou;  tostum  >  tôt  (cf.  bientôt,  tantôt);  germ.  |)orp  >  trop 
(forme  masculine  de  troupe). 

593.  Nouvelles  créations.  A  côté  des  adverbes  latins  con- 
servés on  trouve  un  très  grand  nombre  de  nouvelles  créations. 
Nous  allons  indiquer  brièvement  les  procédés  suivis  pour  les 
former.  On  a  eu  recours  tantôt  à  la  composition,  tantôt  à  la 
dérivation;  on  a  combiné  des  particules  ou  des  noms,  on  a 
prêté  un  sens  adverbial  à  un  mot  simple,  substantif  ou  ad- 
jectif, ou  à  des  phrases  figées.  Les  procédés  sont  en  effet 
multiples  et  ils  ont  produit  une  grande  richesse  d'adverbes  et 
de  locutions  adverbiales.  Rappelons  enfin  que  la  langue  mo- 
derne emploie  adverbialement  beaucoup  d'adjectifs  au  neutre, 
comme  bas,  bon,  chaud,  cher,  clair,  court,  creux,  double,  doux, 
droit,  dru,  dur,  faux,  ferme,  fort,  frais,  froid,  franc,  gros,  haut, 
juste,  long,  menu,  net,  raide,  rouge,  sec. 

Remarque.  Le  français  présente  plusieurs  adverbes  simples  dont  l'origine 
est  absolument  inconnue.  Citons  l'ancienne  particule  interrogative  dunne  tra- 
duisant le  latin  »numqvid»  ou  »nonne«,  et  l'affirmative  enne  (assurément) 
qui  s'employait  aussi  d'une  manière  interrogative.  La  langue  moderne  a 
abandonné  ces  deux  adverbes,  mais  elle  a  gardé  mon,  dont  l'origine  est 
également  restée  introuvable. 


A.  COMPOSITION. 

594.  Combinaisons  de  particules.  Nous  avons  déjà  vu  au 
§  592  que  plusieurs  des  adverbes  latins  se  sont  combinés  avec 
d'autres  particules  (si— ainsi,  aussi)  ce  qui,  parfois,  a  eu  pour 
résultat  la  disparition  de  Padverbe  simple  (ja-déjà).  Voici  les 
principales  combinaisons: 

1^  Adverbe  -f-  adverbe.  Exemples:  Ecce  hic  >  ici,  ci;  ecce 
hac  >  ça;   jam  diu   >  jadis;    tam   diu  >  tandis;    dum   in- 


289 

terim  )  vfr.  dementre(s) .  Rappelons  aussi  jamais,  là-dedans ^ 
là-dessous,  là-dessas,  ci-dessous,  ci-dessus,  ci-devant,  ici-près,  etc. 
Céans  vient  du  vfr.  çaians,  composé  de  çai,  variante  de  ça,  et 
ens  (intus);  le  terme  correspondant  leans  a  disparu  main- 
tenant; on  avait  encore  dans  la  vieille  langue  les  combinai- 
sons ça  avant,  ça  devant,  ça  jus,  etc. 

2^  Préposition  +  adverbe.  Exemples:  ab  ante  >  avant;  ad 
rétro  >  arrière;  ad  satis  >  assez;  de  intus  >  vfr.  denz,  dens, 
d'où  dans;  de  rétro  )  derrière;  de  unde  )  dont;  de  foris  ) 
dehors;  de  mane  >  demain;  in  simul  )  ensemble.  Déforma- 
tion plus  récente  sont  les  composés  suivants:  dedans,  dessous, 
dessus,  depuis,  deçà,  delà,  dorénavant,  d^ici,  d'ailleurs,  d'où,  de 
près,  désormais,  dès  lors,  dès  à  présent,  en  avant,  en  arrière,  en 
dedans,  en  dehors,  en  derrière,  par  ici,  par  là,  après  demain, 
avant  hier,  depuis  quand,  à  jamais,  pour  jamais, 

3^  L'adverbe  devenu  substantif  se  fait  précéder  d'une  pré- 
position et  de  cette  manière  on  a  de  nouveaux  adverbes  com- 
posés :  au  dedans,  au  dehors,  au-devant,  au-dessous,  au-dessus,  au- 
paravant, etc. 

595.  Substantif  +  adjectif  ou  pronom.  Autrefois,  quelque- 
fois, toutefois,  autre  part,  nulle  part,  quelque  part,  longtemps,  tou- 
jours, beaucoup;  bon  marché,  bon  gré,  etc.  En  vfr.  on  trouve 
encore  toutes  voies,  celé  part,  nul  lieu,  tote  jor  (§  712),  toudis, 
grand  coup,  plein  cours,  chalt  pas,  isnel  pas,  etc.  Notez  aussi 
ouan  (<(  hoc  anno),  buer  «bona  hora?),  mare,  mar  «  mala 
h  or  a). 

596.  Préposition  +  SUBSTANTIF.  L'emploi  adverbial  d'une  telle 
combinaison  est  assez  général.  Rappelons  d'abord  quelques  for- 
mations qui  remontent  au  latin  vulgaire:  Ad  noctem  >  vfr. 
anuit,  enuit;  ante  annum  >  vfr.  antan  (dér.  antenois).  Don- 
nons ensuite  une  série  d'exemples  appartenant  à  la  langue 
moderne  et  à  la  vieille  langue:  Amont,  aval,  vfr.  adens,  à  aban- 
don (vfr.  à  bandon),  à  côté,  tout  à  coup,  à  genoux,  à  merveille, 
à  part,  à  peine,  à  plomb,  à  regret,  à  temps,  à  tort,  à  la  fin,  à 
la  fois,  à  Vavance,  à  Vavenir,  à  Vécart,  à  l'instant,  au  reste,  au- 
tour, alentour  (vfr.  à  Ventour),  \fr.  aslhure  (à  cette  heure); 
contre- mont,  contreval;  debout,  de  côté,  de  force,  de  jour,  de 
nuit,  de  suite,  tout  de  suite,  d'abord,   d'accord,  d'avance,  davan- 

19 


I 


290 

tage,  derechef,  de  bonne  heure,  de  bon  gré,  de  plein  gré,  du  reste, 
en  effet,  en  homme  (cf.  huma  ne),  en  roi  (cf.  régie),  en  face, 
en  croix,  enfin,  ensuite,  entour,  environ,  entre-temps  (I,  §  99), 
parfois,  par  hasard,  sans  doute,  sur-le-champ. 

597.  Préposition  +  adjectif.  Cette  combinaison  a  fourni  les 
adverbes  suivants:  A  bas,  à  couvert,  à  découvert,  tout  à  fait,  à 
présent,  à  V amiable,  à  V ordinaire,  au  moins,  au  plus,  au  sur- 
plus, de  même,  de  nouveau,  d'ordinaire,  de  plus,  du  moins,  du 
tout,  en  aveugle,  en  bas,  en  général,  en  haut,  en  plus,  en  vain, 
partout,  pour  sûr,  pourtant,  surtout  (vfr.  ensorquetot),  etc.  Déjà 
le  latin  vulgaire  connaissait  de  telles  combinaisons:  in  con- 
tinenti  >  vfr.  en  contenant,  plus  tard  incontinent.  Au  moyen 
âge  les  adverbes  composés  de  de  et  d'un  adjectif  faisaient 
concurrence  aux  dérivés  en  -ment,  on  disait  sans  différence 
legierement  et  de  legier  (Ambroise,  v.  1966;  encore  dans  Régnier, 
Macette,  v.  37),  novelement  et  de  novel  (Philippe  de  Thaûn,  Bes- 
tiaire, V.  1072).  Parfois  l'adjectif  revêt  la  forme  féminine  à  cause 
d'un  nom  féminin  sous-entendu:  à  droite,  à  gauche,  à  la  dé- 
robée, à  la  française,  à  la  légère,  etc.  Il  faut  enfin  remarquer 
que  dans  la  vieille  langue  l'adjectif  était  souvent  mis  au  fé> 
minin  et  au  pluriel:  à  certes,  à  longes,  de  primes,  etc.  De  pa- 
jeilles  formations  s'emploient  aussi  en  espagnol:  a  ciegas,  à 
oscuras,  à  solas,  de  veras. 

598.  Pronoms.  On  combine  les  pronoms  avec  un  substantif, 
un  pronom,  une  préposition  ou  un  adverbe. 

1^  Pronom  +  substantif.  On  trouve  cette  combinaison  dans 
hoc  anno  >  vfr.  ouan. 

2^  Pronom -f- pronom  :  Hoc  ille  >  vfr.  oïl,  d'où  oui  (comp. 
I,  §  14,  Rem.). 

3^  Préposition  +  pronom.  Exemples:  Apudhoc)  vfr.  avuec 
d'où  avec  (comp.  §  616,  662);  pro  hoc  >  vfr.  poruec,  pruec 
(comp.  Romania,  VI,  588;  VII,  631);  sine  hoc  >  vfr.  senoec, 
sans  cela;  ad  ipsum  (?)  >  vfr.  ades,  maintenant  (comp.  l'it. 
adesso);  trans  totum  >  vfr.  trestout 

4^  Adverbe  +  pronom.  Aliud  sic  >  alsi,  aussi,  alterum 
sic  )  vfr.  altresi,  autresi,  ne  ipse  >  vfr.  neïs,  nis,  pas  même, 
pas  du  tout. 


L 


291 

599.  Locutions  adverbiales.  Il  y  en  a  un  très  grand  nombre, 
d'origine  et  de  composition  très  diverses.  Nous  en  citerons  les 
types  principaux: 

P  Combinaisons  de  deux  noms  à  l'aide  d'une  préposition: 
Côte  à  côte;  tête  à  tête;  face  à  face;  nez  à  nez;  vis  à  vis;  peu  à 
peu;  mot  à  mot. 

2^  Combinaisons  d'un  impératif  et  de  son  complément  régis 
par  une  préposition:  A  cloche-pied;  à  dépêche-compagnon;  à 
écorche-cul ;  à  V emporte-pièce;  à  lèche-doigts  ;  à  tue- tête;  d' arrache- 
pied;  à  la  va- te- faire- fiche. 

3^  Phrases  soudées:  Naguère  (pour  n*a  guère  =  il  n'y  a 
guère,  il  n'y  a  pas  longtemps),  pièça  (pour  pièce  a  =  il  y  a 
pièce,  il  y  a  un  moment),  peut-être,  peu  s'' en  faut.  Rappelons 
aussi  les  propositions  absolues:  Nonobstant  (hoc  non  ob- 
stante),  cependant,  maintenant  (manu  tenens). 


B.    DÉRIVATION. 

600.  Les  terminaisons  adverbiales  latines  telles  que  -e,  -z'/er, 
-im  ont  disparu  en  français,  mais  deux  nouvelles  se  sont  pro- 
duites: -ons  et  -ment,  desquelles  la  première  est  peu  employée 
tandis  que  l'autre  est  d'un  usage  très  répandu.  Nous  allons 
examiner  en  détail  leur  origine  et  leur  emploi. 

601.  ONS.  Dans  la  langue  moderne  ce  suffixe  ne  se  trouve 
que  dans  deux  expressions  :  à  reculons,  à  tâtons.  Dans  la  vieille 
langue  il  était  plus  employé;  en  voici  quelques  exemples: 

A  bouchon,  la  bouche  contre  terre. 

A  boucheton,  employé  dans  l'expression  se  mettre  à  bouche- 
ton,  s'appuyer  les  mains  contre  les  genoux.  Boucheton  est  un 
dérivé  de  bouchet,  petit  bouc. 

A  chatons,  comme  un  chat,  avec  précaution,  à  quatre  pattes. 
Exemple:  Quant  est  petiz  vait  à  chatons  (Roman  de  Thèbes,  l,. 
V.  2974). 

A  chevauchons,  à  cheval,  jambe  de  ça,  jambe  de  là;  encore 
employé  par  Montaigne. 

A  cropeton,  dans  une  situation  accroupie.  Villon  s'est  servi 
de  cette  expression  dans  les  »  Regrets  de  la  belle  Heaulmière.« 

19* 


292 

A  genoiiillonSy  à  genoux,  les  deux  genoux  plies. 

A  ventrillonsy  sur  le  ventre,  à  plat  ventre. 

Plusieurs  de  ces  expressions  vivent  encore  dans  les  patois 
et  parlers  locaux;  on  dit  ainsi  à  boucheton,  coucher  sur  le 
ventre  en  s'appuyant  sur  les  coudes  et  sur  les  genoux  (Bour- 
gogne, Champagne);  tomber  à  bouchon  et  se  coucher  à  bouchon 
(Lyonnais,  Forez  et  Beaujolais);  à  caton,  a  quatre  pattes  (Nor- 
mandie); ai  genouillon  (Besançon);   à  ventrillons  (Normandie). 

602.  Les  exemples  cités  montrent  que  -ons  indique  le  plus 
souvent  une  position  particulière  du  corps  et  qu'il  s'ajoute 
indifféremment  aux  noms  et  aux  verbes.  Il  en  est  de  même 
en  italien  qui  connaît  aussi  notre  terminaison  sous  la  forme 
-oni;  on  dit  bocconi  (de  bocca),  ciondoloni  (de  ciondolare),  gi- 
nocchioni  (de  ginocchio)^  penzoloni  (de  penzolare),  etc.  L'origine 
de  ce  suffixe  adverbial,  qui  paraît  inconnu  hors  des  terri- 
toires gallo-romans  et  italo-romans,  n'est  pas  encore  éclaircie. 

603.  MENT.  Les  adverbes  en  -ment  tels  que  bonnement^ 
heureusement,  vivement,  sont  extrêmement  nombreux  et  s'em- 
ploient dès  les  plus  anciens  temps.  Ils  nous  apparaissent  main- 
tenant comme  des  dérivés,  mais,  originairement,  nous  avons 
là  des  composés,  formés  d'un  adjectif  et  du  substantif  mente, 
ablatif  de  mens.  Bonnement  est  pour  bonne  ment,  qui  repré- 
sente bona  mente.  Ce  procédé  de  formation,  qui  se  retrouve 
dans  toutes  les  langues  romanes  excepté  le  roumain,  a  son 
point  de  départ  dans  des  expressions  telles  que:  Insistam  forti 
mente  (Ovide).  Bona  mente  factum,  ideo  palam;  mala, 
ideo  ex  insidiis  (Quintilien).  Qui  religionem  devota  mente 
suscepit  (Le  Blant,  Inscriptions  chrétiennes  de  la  Gaule,  n°  436). 
Goncupiscit  iniqua  mente  (Grégoire  de  Tours).  Sur  le  mo- 
dèle de  ces  formules,  où  mente  signifie  toujours  »esprit«,  on 
a  créé  de  nombreuses  formations  analogiques  comme  brevi 
mente,  rapida  mente,  etc.;  ici  la  signification  s'est  effacée, 
et  l'idée  plus  vague  de  manière  s'y  est  substituée.  G'est  ainsi 
que  peu  à  peu  ce  mot  a  été  réduit  à  jouer  le  rôle  d'un  simple 
suffixe  qu'on  a  pu  accoler  à  toutes  sortes  de  radicaux:  récem- 
ment, nouvellement,  dernièrement.  Le  plus  ancien  exemple  d'une 
formation  adverbiale  effectuée  à  l'aide  du  substantif  mente 
réduit  à  l'état    d'un    suffixe,    se    trouve   dans   le  glossaire  de 


293 

Reichenau  (I,  §  12,  i),  où  »singolariter«  a  été  traduit  en  langue 
vulgaire  par  solamente. 

Remarque.  A  côté  de  mente  on  a  sporadiquement  formé  des  adverbes  à 
l'aide  du  substantif  germanique  wisa;  on  trouve  ainsi  en  vieil  espagnol 
fiera  giiisa.  Un  procédé  pareil  s'observe  en  anglais  (otherwise) ,  en  allemand 
(folgenderweise)  et  dans  les  langues  Scandinaves. 

604,  Soudure.  En  hispano-roman  notre  suffixe  a  encore 
une  assez  grande  indépendance;  on  dit  ainsi  en  espagnol 
Clara,  concisa  y  correctamenie ;  il  en  était  de  même  en  vieil  ita- 
lien et  en  provençal.  Dans  la  vieille  langue  française  la  sépa- 
ration des  deux  éléments  ne  se  trouve  que  dans  quelques  cas 
douteux:  Humle  et  doucement  (Roland,  v.  1163).  Dure  et  aspre- 
ment  (Macaire,  p.  352).  Mainte  et  comunalment  (Aiol,  v.  4734). 
Bel  et  courtoisement  (Floouant,  v.  2220).  Ces  exemples  sont  trop 
isolés  et  trop  douteux  pour  nous  fournir  des  renseignements 
sur  la  question  du  temps  où  la  soudure  a  eu  lieu.  Mais  ils 
nous  laissent  supposer  que  -ment  possédait  une  certaine  in- 
dépendance, quelque  restreinte  qu'elle  fût.  Il  est  peut-être  per- 
mis de  tirer  la  même  conclusion  de  la  forme  tièdement  qu'offre 
la  Vie  de  saint  Alexis  (v.  262);  elle  remonte  à  laeta  mente, 
prononcé  avec  deux  ictus  (comp.  I,  §  135),  et  non  pas  Iseta- 
mente,  dont  la  première  voyelle  n'aurait  pas  été  diphtonguée. 
Pourtant  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'une  influence  ana- 
logique de  l'adjectif  isolé  a  pu  se  faire  valoir  et  changer  lede- 
ment  en  liedement. 

605.  Nous  allons  examiner  maintenant  le  développement  his- 
torique des  adverbes  en  -ment.  Ils  se  divisent  en  deux  grands 
groupes,  selon  que  l'adjectif  était  biforme  ou  uniforme  (comp. 
II,  §  383  ss.),  et  leur  évolution  est  à  étudier  à  part. 

Remarque  1.  Primitivement  -ment  ne  s'ajoute  qu'à  des  adjectifs  au  posi- 
tif; pour  la  langue  moderne  nous  avons  trouvé  un  exemple  où  il  s'ajoute 
à  un  comparatif:  moindrement  (Gyp,  La  fée  Surprise,  p.  181).  Nous  verrons 
dans  la  suite  que  -ment  peut  se  combiner  avec  des  substantifs  (§  612),  des 
pronoms  (§  613),  et  des  adverbes  (§  614). 

Remarque  2.  Ordinairement  la  terminaison  adverbiale  ne  s'ajoute  qu'à  des 
mots  simples;  on  trouve  cependant  quelques  exemples  isolés  montrant  l'ad- 
dition de  -ment  à  un  groupe  de  mots.  Citons  pour  le  moyen  âge  ainsi  faite- 
ment,  cum  faitement  (§  614),  et  pour  la  langue  moderne  la  formation  plai- 
sante mille-et-une-nuitamment  (§  612,  Rem.). 


294 

606.  Adjectifs  biformes.  La  forme  féminine  de  ces  adjec- 
tifs se  terminait  par  un  -e  féminin,  qui  se  retrouve  nécessaire- 
ment dans  les  formes  primitives  des  adverbes  correspondants. 
Exemples:  bonement,  heureusement,  purement,  vivement;  due- 
ment,  forcéement,  gaiement,  hardiemeni,  joliement,  vraiement,  etc. 
Sur  le  sort  de  ces  formes  il  faut  remarquer: 

P  La  langue  moderne  n'a  conservé  intactes  que  les  formes 
où  Ve  féminin  est  précédé  d'une  consonne:  bonnement,  vive- 
ment, etc. 

2°  Au  contraire,  l'e  féminin  a  disparu  des  mots  où  il  était 
précédé  d'une  voyelle:  duement  >  dûment,  forcéement  >  forcé- 
ment, joliement  )  joliment,  vraiement  )  vraiment,  etc.  C'est  pour- 
quoi tous  les  adverbes  nouveaux  tirés  d'adjectifs  qui  se  ter- 
minent par  une  voyelle  accentuée,  présentent  toujours  la  forme 
masculine  de  l'adjectif;  ainsi  de  désiré  A.  Daudet  a  formé  dé- 
sirément  (Saptio,  p.  217). 

3^  Ordinairement  l'amuïssement  de  l'e  féminin  n'est  pas 
indiqué  dans  l'orthographe.  On  emploie  pourtant  l'accent 
circonflexe  (I,  §  104)  dans  les  mots  suivants:  assidûment,  con- 
tinûment, crûment,  dûment,  goulûment,  nûment,  gaîment.  A  côté 
des  deux  dernières  formes  on  trouve  aussi  nuement,  gaiement. 

607.  L'amuïssement  de  l'e  féminin  (I,  §  271)  a  eu  lieu  pro- 
bablement au  cours  du  XV^  siècle.  Dans  le  Roman  du  Petit 
Jehan  de  Saintré  on  trouve  vrayment  et  hardiment  à  côté  de 
vrayement  et  hardiement.  Et  la  farce  de  Maître  Pierre  Patelin 
nous  montre  que  selon  le  besoin  du  vers  on  pouvait  faculta- 
tivement garder  Ve  ou  l'élider:  Je  m'en  garderay  vrayement 
(v.  1178).  Dictes  hardiment  que  j'affolle  (v.  1186).  L'ortho- 
graphe resta  longtemps  flottante.  Encore  au  XVP  siècle  on 
trouve  couramment  aiséement,  absoluement,  vraiement,  etc.  A 
propos  de  ces  formes  H.  Estienne  remarque  dans  ses  Hypo- 
mneses:  »Nonnulli  vocalem  banc  minime  ingeminant,  sed  ei 
accentum  acutum  superponunt.«  Ainsi,  ajoute-t-il  plus  loin, 
pouvait-on  distinguer  certains  adverbes  de  certains  substantifs, 
aveuglément  p.  ex.  de  aveuglement,  etc.;  mais  au  XVIP  siècle 
l'e  a  généralement  disparu  de  l'orthographe.  Pourtant  à  pro- 
pos de  esperdument  et  ingénument,  Vaugelas  observe  expressé- 
ment:   »I1  faut  dire   et  escrire  ainsi,  et  non  pas  esperduement. 


295 

ingenuement,  comme  l'escrivoient  les  Anciens,  et  encore  au- 
jourd'huy  quelques  uns  de  nos  Autheurs«  {Remarques,  II, 
168). 

608.  Il  faut  examiner  à  part  l'amuïssement  de  Ve  féminin  dans 
un  cas  particulier.  Les  adverbes  en  -éement  se  terminent  main- 
tenant régulièrement  en  -ément:  aiséement  est  devenu  aisément, 
et  le  même  développement  a  eu  lieu  dans  assurément,  aveuglé- 
ment, conformément,  expressément,  forcément,  insensément,  isolé- 
ment, obstinément,  opiniâtrement,  outrément,  précisément,  sensé- 
ment, séparément,  serrement,  etc.  Il  paraît  que  le  grand  nombre 
de  ces  adverbes  a  amené  la  création  de  plusieurs  formes  ana- 
logiques, présentant  -ément  au  lieu  de  -ement.  Les  voici  :  Commodé- 
ment, communément,  confusément,  diffusément,  énormément,  expres- 
sément, immensément,  impunément,  incommodément,  obscurément, 
opportunément,  précisément,  profondément,  profusément,  uniformé- 
ment. La  création  de  ces  formes  peut  aussi  être  due  à  d'autres 
causes  qu'une  influence  analogique  des  adverbes  où  -ément  est 
pour  -éement;  ainsi  impunément  pourrait  devoir  son  é  à  la  pro- 
nonciation scolaire  de  l'adverbe  latin  impune. 

Remarque.  Rappelons  que,  selon  M.  A.  Tobler,  communément  est  pour 
communeument,  qui  proviendrait  de  communelment. 

609.  Les  grammairiens  n*ont  pas  toujours  été  d'accord  sur 
la  distribution  de  -ément,  et  la  langue  parlée  offre  des  exemples 
d'hésitation  entre  les  deux  formes.  Vaugelas  veut  qu'on  dise 
extrêmement,  et  Ménage  le  lui  reproche,  en  même  temps  qu'il 
défend  profondément  contre  M.  de  Girac  (Observations,  p.  4). 
Dans  une  note  sur  l'Épître  à  M.  de  Saint-Lambert  (de  1769), 
Voltaire  a  fait  l'observation  suivante:  »0n  ne  manque  jamais 
de  dire  et  d'imprimer  intimement,  unanimement;  il  faut  ôter 
l'accent  et  dire  unanimement,  intimement,  parce  que  ces  ad- 
verbes viennent  d'unanime,  intime,  et  non  d'unanime,  intimé.^ 
Citons  pour  finir  une  observation  récente  de  M.  Th.  Rosset: 
»  L'usage  populaire  semble  bien  avoir  tendance  à  employer 
comme  suffixe  adverbial  la  forme  -ément;  j'ai  entendu,  le 
26  août  dernier  (1903),  un  Bourguignon  illettré,  habitant  Pa- 
ris, prononcer  à  plusieurs  reprises:  rondément«  {Mélanges 
Brunot,  p.  440). 


296 

610.  Adjectifs  uniformes.  Ces  adjectifs  n'avaient  pas  de 
féminin  dans  la  vieille  langue;  les  adverbes  qui  en  sont  tirés 
ne  présentaient  donc  ordinairement  aucun  e  féminin  devant 
le  suffixe.  On  disait  au  moyen  âge:  fortment,  graniment  ou 
gramment,  loyalment  ou  loyaument,  mortelmeni.  Le  développe- 
ment d'une  forme  féminine  particulière  dans  les  adjectifs 
amène  des  formes  adverbiales  correspondantes:  fortement, 
grandement,  loyalement,  qui  peu  à  peu  remplacent  les  autres. 
Au  XIV^  siècle  on  trouve  généralement ,  grandement,  mortelle- 
ment, naturellement,  présentement  à  côté  de  jornelment,  commu- 
naument,  forment,  generaument,  griefment,  loyaiiment,  etc.  Au 
XV^  siècle  les  formes  sans  e  sont  en  minorité;  on  ne  trouve 
guère  que  hriefment,  gramment,  loyaument,  qui  sont  à  regarder 
comme  des  formes  figées;  les  auteurs  du  XVP  siècle  s'en 
servent  encore,  mais  après  ce  temps  les  formes  modernes  se 
sont  imposées  partout.  Après  la  Renaissance  on  garde  les  traces 
isolées  suivantes  de  l'ancien  état  de  choses: 

P  Les  dérivés  des  adjectifs  en  -ant  et  -ent:  brillant — brillam- 
ment, malgré  le  féminin  brillante.  Pour  les  détails,  voir  le 
paragraphe  suivant. 

2^  Le  mot  isolé  gentiment  qui  est  pour  gentilment ;  il  y  a 
peut-être  là  influence  d'un  mot  tel  que  joliment. 

611.  La  plupart  des  adjectifs  en  -ant  et  -ent  sont  originaire- 
ment uniformes;  c'est  pourquoi  les  adverbes  qu'on  en  tirait 
ne  présentaient  pas  de  féminin:  grant — grantment,  qui,  par 
l'amuïssement  du  /  interconsonantique  et  par  une  assimila- 
tion régressive  devient  gramment.  De  la  même  manière  s'ex- 
pliquent des  formes  telles  que  élégamment,  éloquemment,  pru- 
demment, savamment,  etc.,  qui  se  sont  conservées  jusqu'à  nos 
jours.  Sur  leur  histoire  il  faut  remarquer: 

1^  Le  féminin  analogique  en  e  influence  dès  son  apparition 
les  adverbes;  on  trouve  aux  XV^  et  XVP  siècles  :  diligentement, 
excellentement,  meschantement,  prudentement,  vaillantement,  vio- 
lentement,  etc.  Mais  ces  formes  n'ont  pas  trouvé  grâce  devant 
les  grammairiens.  Malherbe  blâme  Desportes  qui  se  sert  de 
ardentement.  Pourtant  Robert  Garnier  emploie  encore  ardente- 
ment,  innocentement,  meschantement,  mais  de  telles  formes  sont 
bannies  de  la  langue  classique. 


297 

2^  Il  y  a  eu  confusion  entre  les  adjectifs  biformes  et  les 
adjectifs  uniformes  en  -ent.  L'analogie  des  adjectifs  uniformes 
a  ainsi  amené:  opulemment,  succulemment,  turbulemment,  vio- 
lemment pour  opulentement^  succulentement,  uiolentement ;  les  ad- 
jectifs latins  correspondants  sont  opulentus,  succulentus, 
violentus.  L'analogie  a  laissé  lentement  (lenta  mente)  in- 
tact. Au  groupe  d'adverbes,  tirés  d'adjectifs  biformes,  se  sont 
joints  présentement,  véhémentement  ;  on  ne  trouve  jamais  pour 
ces  mots  une  forme  en  -emment  que  demanderait  Tétymo- 
logie. 

3^  Les  adverbes  en  -amment,  -emment  subissaient  parfois 
dans  la  vieille  langue  l'influence  de  ceux  en  -aument.  Sur  le 
modèle  de  generaument,  loyaument,  royaument,  etc.  on  a  créé 
ardaument,  incessaument,  soufisaument;  ces  formes  s'emploient 
encore  au  XV^  siècle;  on  en  trouve  des  exemples  dans  les 
Cent  nouvelles  nouvelles. 

612.  Substantif  +  ment.  Par  une  extension  curieuse  mais 
bien  naturelle,  -ment  s'ajoute  parfois  aux  substantifs,  surtout 
à  ceux  qui  s'emploient  aussi  comme  des  adjectifs  ou  des 
interjections. 

1^  Voici  d'abord  quelques  exemples  modernes  de  ces  ad- 
verbes curieux: 

Bêtement. 

Bougrement,  souvent  atténué  en  bigrement  (comp.  I,  §  120). 

Canaillement  (Soirées  de  Médan,  p.  178). 

Chattement,  employé  par  A.  Theuriet  dans  Le  Journal, 
n°  du  27  juillet  1900. 

Chiennement  se  trouve  dans  L.  Bloy,  La  femme  pauvre.  Pa- 
ris, 1897. 

Cochonnement. 

Diablement. 

Dimanchement,  créé  par  Francis  Jammes. 

Fichtrement,  employé  par  A.  France,  Crainquehille ,  Putois, 
Riquet,  p.  191. 

Goujatement,  employé  par  L.  Bloy,  La  femme  pauvre,  p.  42. 

2^  Dans  la  vieille  langue  on  trouve  les  créations  suivantes: 

Bourellement.  Exemple:  Ils  l'ont  pourtant  occis,  et  dans  son 
sang  humide  Bourellement  lavé  leur  dextre  parricide  (R.  Gar- 
nier,  Porcie,  v.  931). 


298 

Gloiitement.  Exemple  :  Et  sa  sanglante  chair  gloutement  dé- 
vorée (R.  Garnier,  La  Troade,  v.  1260). 

Merdement^  lâchement;  voir  Godefroy. 

Nuitrement,  nuitamment;  voir  Godefroy. 

Pucellement ;  un  exemple  de  1585  se  lit  dans  Revue  des  Études 
rabelaisiennes,  III,  188. 

Sacrilègement  se  trouve  dans  les  dictionnaires  de  J.  Thierry, 
1564,  et  de  Cotgave,  1611. 

Traistrement  a  été  employé  au  XVP  siècle  par  Le  Caron, 
Magny,  Baïf  et  d'autres. 

Vasalment:  Franceis  sunt  bons  et  ferrunt  vassalment  {Chan- 
son de  Roland,  v.  1080). 

Viergement;  M.  Vaganay  en  cite  un  exemple  du  XVP  siècle. 

Remarque.  L'ancien  nuitrement  a  été  remplacé  par  nuitamment  qui  est 
peut-être  à  regarder  comme  un  composé  de  nuit  et  -amment;  en  tout  cas 
il  n'y  a  pas  d'adjectif  nuitant,  mais  on  avait  au  moyen  âge  l'adverbe  nui- 
tantre  lat.  noctanter,  qui  a  pu  contribuer  à  la  formation  de  nuitamment. 
Relevons  par  curiosité  un  emploi  surprenant  qu'a  fait  Paul  Verlaine  de  ce 
mot;  il  écrit:  »La  Scarpe  se  parait  de  toute  une  végétation  sous  l'eau  qui 
devenait  fantastique,  orientalement,  mille-et-une-nuitamment  belle,  quand  le 
soleil  y  pénétrait»  {Confessions,  p.  155). 

613.  Pronoms  +  ment.  Cette  combinaison  paraît  extrême- 
ment rare;  nous  ne  saurions  citer  que  les  quatre  exemples 
suivants: 

Mesmement  (surtout)  s'employait  durant  tout  le  moyen  âge 
et  jusque  dans  le  XVP  siècle  (Marguerite  de  Navarre);  il  est 
vieilli  maintenant. 

Quellement  (comment,  combien),  s'employait  au  XV^  siècle. 
Exemple:  »Chier  fils,  j'ayme  tant  et  tellement  Que  je  mons- 
tray  bien  quellement,  Quant  je  soufFry  mort  aspre  et  dure« 
(J.  Lefèvre,  Matheolus). 

Quelqnement  (en  quelque  manière,  un  peu).  Exemple:  Je 
vous  avois  quelquement  par  jeunesse  Bien  offencé  (Ancien  thé- 
âtre français,  III,  90). 

Tellement  s'emploie  encore  dans  la  langue  moderne. 

614.  Adverbe  +  ment.  Notre  suffixe  s'est  aussi  ajouté  à 
quelques    adverbes,    probablement    comme   une   sorte  de  ren- 


299 

forcement.  On  trouve  dans  la  vieille  langue  ainsiment,  arrière- 
ment,  aussiment,  ensemblement,  temp  rement  ;  ajoutons  les  dérivés 
curieux  ainsifaitement,  cumfaitement.  Comment,  tiré  de  comme, 
s'est  conservé  jusqu'à  nos  jours;  la  langue  moderne  connaît  en 
outre  quasiment. 

Remarque.    L'union   d'un  adverbe  avec  -ment  était  connue  aussi  en  vieil 
italien  où  l'on  trouve  insiememente,  soventemente,  comunquemente. 


CHAPITRE  III. 

PRÉPOSITIONS. 


615.  La  plupart  des  prépositions  latines  ont  passé  en  fran- 
çais; il  n'y  a  que  adversus,  circa,  coram,  cum,  ob,  pê- 
nes, praeter,  propter,  tenus  et  quelques  autres  d'un  em- 
ploi restreint  qui  aient  péri.  Les  nombreuses  nouvelles  pré- 
positions que  possède  la  langue  actuelle  proviennent  d'an- 
ciens adverbes  (sous  <  subtus),  de  substantifs  (c/iez  <  casa), 
d'adjectifs  (sauf  <  salvum),  de  formes  verbales  (excepté,  pen- 
dant) ou  de  la  juxtaposition  de  plusieurs  particules  (envers, 
hors  de);  rappelons  aussi  les  locutions  prépositionnelles  telles 
que  en  face  de,  par  rapport  à. 

616.  Prépositions  latines  conservées.  Voici  un  relevé  des 
prépositions  latines  conservées  en  français  soit  à  l'état  simple, 
soit  dans  une  combinaison  quelconque: 

Ab  a  disparu  comme  mot  simple;  il  a  été  conservé  dans  le 
composé  ab  an  te  >  avant 

Ad  )  à;  on  trouve  ad  dans  la  Prose  de  sainte  Eulalie:  Ad 
une  spede  li  roveret  tolir  lo  chief. 

An  te,  perdu  sous  sa  forme  classique;  il  a  été  remplacé  par 
un  dérivé,  sur  la  forme  duquel  on  n'est  pas  encore  fixé:  peut- 
être  an  tels,  d'où  dans  la  vieille  langue  ainz,  ains  (comp. 
§592).  Notez  ante  annum  >  vfr.  antan  et  ab  ante  )  avant. 

Apud  >  vfr.  ot,  od,  o;  ce  mot  s'employait  encore  au  XV^ 
siècle:  Ne  fera  rien  de  XV  jours,  sinon  parler  o  ses  commères 
et  cousines  (Quinze  joyes  de  mariage,  p.  123).  De  nos  jours  il 
se  retrouve  dans  plusieurs  patois  et  il  s'emploie  fréquemment 


301 

dans  les  chansons  populaires:  Je  vois  les  moutons  dans  la 
plaine  o  des  bergères  à  les  garder  (Ulrich,  Franzôsische  Volks- 
lieder,  75,  v.  13).  Dans  la  langue  commune  il  a  été  supplanté 
par  avec  <  vfr.  avuec  <  apud  hoc;  le  doublet  af;ecq'«e  (§  584) 
se  trouve  encore  dans  Corneille:  Affaiblir  ma  douleur  avecque 
mon  amour  (Polyeucte,  v.  532).  De  nos  jours  il  ne  s'emploie 
que  dans  la  poésie  populaire  ou  argotique: 

En  m'en  revenant  de  Rennes 
avecque  mes  sabots, 
dondaine! 

(Chanson  populaire.) 

Vois  ce  nez  rouge  et  camard: 

Quel  homard! 
Compare-le  donc  avecque 
Le  tendre  et  clair  demi-ton 

Du  piton 
Habillé  comme  un  évêque. 

(Richepin,  La  chanson  des  gueux,  p.  194.) 

Contra  >  contre;  comp.  §  468. 

De  >  de. 

E  X  ;  disparu  comme  mot  simple,  conservé  dans  d  e  e  x  > 
dès. 

Extra  )  vfr.  estre,  hors  de,  outre. 

In  y  en;  sur  son  emploi  comme  préfixe,  voir  §  471. 

Inter  >  entre;  sur  son  emploi  comme  préfixe,  voir  §  475. 

Juxta  )  vfr.  joste,  le  long  de,  auprès  de,  proche. 

Per  >  par  (comp.  I,  §  247);  dans  les  Serments  de  Strasbourg 
on  trouve  per  qui  paraît  être  un  latinisme. 

Post  a  été  remplacé  dans  la  langue  vulgaire  par  quelque 
forme  altérée,  d'où  en  français  pois  ou  puis;  dans  la  Prose  de 
sainte  Eulalie  on  trouve  post  (v.  28),  qui  est  à  regarder  comme 
un  latinisme.  Puis  ne  s'emploie  plus  que  comme  adverbe; 
comme  préposition  il  a  été  remplacé  par  après.  Notez  le  com- 
posé depuis. 

Pro  >  por^  pour  (comp.  I,  §  518,3);  la  forme  pro  dans  les 
Serments  de  Strasbourg  est  un  latinisme.  Notez  le  vieux  com- 
posé empor. 

Sine  >  sens,  sans  (comp.  I,  §  215,2).  Le  s  adverbial  (§586) 
ne  se  trouve  pas  dans  le  composé  sine  hoc  >  \{r.  senoec. 

Super,  supra,  confondus,  vfr.  soure,  sour,  d'oii  sur  (§  585). 


302 

Trans  >  vfr.  très,  derrière,  ne  s'emploie  plus  que  comme 
adverbe. 

Ultra  >  outre. 

Versus  >  vers.  Notez  les  composés  devers,  envers. 

Remarque.    Ajoutons    à   ce  groupe  les  quelques  adverbes  suivants:    foris 

>  fors,  hors  (I,  §  439,  i);  intus  >  vfr.  ens  (comp.  dans);  subtus  >  soz,  sos, 
sons. 

617.  Combinaisons  de  particules.  On  combine  des  préposi- 
tions et  des  adverbes.  Exemples:  Ab  ante  )afan/;  ad  prope 

>  vfr.  apriiefy  après;  adversus  )  vfr.  avers,  en  comparaison 
de,  à  côté  de,  à  travers;  de  ex  )  dès;  de  intus  )  vfr.  denz, 
d'où  dans;  de  usque  } jusque;  de  rétro  >  derrière;  in  ver- 
sus >  envers,  etc.  On  avait  encore  dans  la  vieille  langue  de- 
josie,  desur,  detrès,  empor,  emprès,  encontre,  ensemble.  Pour  la 
langue  moderne  notons  d'après,  d'auprès,  d'avec,  de  çà,  de  chez, 
dedans,  d'entre,  dehors,  delà,  de  par  (I,  §  99),  depuis,  dessous, 
dessus,  devant,  devers;  de  dessous,  de  dessus,  de  devant.  Ajoutons 
quelques  combinaisons  où  de  est  postposé:  hors  de,  loin  de, 
près  de,  proche  de,  etc. 

Les  exemples  cités  montrent  la  tendance  générale  à  faire 
remplacer  une  forme  simple  par  une  forme  composée;  cette 
tendance  se  fait  valoir  encore  dans  la  langue  moderne  et  il 
est  intéressant  d'en  suivre  le  développement  historique.  La 
forme  classique  usque  disparaît  devant  de  usque  }  jusque, 
encore  conservé  comme  préposition  dans  jusqu'où  et  jusqu'ici, 
mais  hors  de  ces  combinaisons  figées  il  a  été  remplacé  par 
jusqu'à.  Dans  la  langue  actuelle  on  observe  une  forte  tendance 
à  substituer  en  outre  de  au  simple  outre. 

618.  Substantifs.  Parfois  des  substantifs  simples  adoptent 
la  fonction  d'une  préposition;  ils  peuvent  aussi  se  combiner 
avec  à,  de  ou  en.    Exemples: 

Casa  >  chez  (I,  §  252);  notez  les  combinaisons  de  chez  et 
vfr.  en  chies. 

La  tus  >  lez;  on  avait  en  vfr.  delez. 

Médium  )  mi,  dans  parmi  et  vfr.  enmi. 

Partem  se  retrouve  dans  de  par,  originairement  départ  (I, 
§  99). 

Notons  encore  amont,  aval,  contremont,  contreval,  decoste,  en- 


303 

coste,  endroit,  entour,  environ    qui    tous    s'employaient    comme 
prépositions  dans  la  vieille  langue. 

619.  Adjectifs.  On  emploie  des  adjectifs  seuls  ou  accom- 
pagnés d'une  préposition  dans  les  cas  suivants. 

Gratum  >  gré  se  trouve  dans  malgré,  autrefois  maugré  (I, 
§  346).   Le  juron  maugrebleu  est  pour  malgré  Dieu  (I,  §  120). 

Longum  >  lonc,  le  long  de;  c'est  probablement  le  même 
mot  que  nous  avons  dans  selon,  autrefois  selonc  <  sub  lun- 
gum. 

Proprius,  comparatif  de  prope  >  proche. 

Salvum  >  sauf.  A  l'origine  ce  mot  subissait  la  flexion; 
Rabelais  écrit  encore:   saulve  V honneur  de  toute  la  compaignie. 

Tout  se  trouve  dans  le  composé  atout  (avec),  qui  s'employait 
encore  au  XVP  siècle  (Montaigne,  Amyot);  en  vfr.  tout  était 
variable;  Villehardouin  écrit  a  tote  sa  feme  (§  300),  à  toz  dis 
mile  homes  (§  93),  à  totes  l(Mir  armes  (§  135),  mais  on  trouve 
aussi  dans  le  même  auteur  atot  cinquante  chevaliers  (§  411); 
corap.  atot  lor  proies  et  à  toz  lors  chars  (§  446).  Encore  au 
XIV^  siècle  atout  pouvait  s'accorder  avec  le  nom  suivant. 

620.  Participes  présents.  Plusieurs  participes  présents  s'em- 
ploient avec  fonction  prépositionnelle;  il  y  en  a  deux  groupes: 

P  Participes  actifs  tels  que  concernant,  joignant,  moyennant, 
suivant,  touchant,  dont  le  complément  est  le  régime  verbal: 
Une  loi  concernant  (c.  à  d.  qui  concerne)  les  tarifs  douaniers. 

20  Participes  intransitifs  tels  que  durant,  moyennant,  non- 
obstant, pendant,  dont  le  complément  est  à  l'origine  le  sujet 
d'une  construction  absolue:  Pendant  Vorage  (c.  à  d.  l'orage 
étant  suspendu  au-dessus  de  nous);  comp.  pendente  tem- 
pe s  tate;  dans  les  formules:  Sa  vie  durant,  ce  moyennant, 
l'ordre  des  mots  indique  encore  la  construction  absolue. 

Remarque.  Un  parallèle  intéressant  est  offert  par  la  construction  absente 
nobis,  praesente  omnibus  qui  se  trouve  dans  plusieurs  auteurs  anciens 
(Térence,  Pomponius,  Varro,  etc.).  On  constate  la  même  invariabilité  cu- 
rieuse en  français:  Présent  plusieurs  barons  {Roman  de  Jehan  de  Paris,  p.  20, 
92).  Présent  leur  fille  {ih.,  p.  121). 

621.  Participes  passés. Voici  un  relevé  des  participes  les  plus  im- 
portants employés  comme  prépositions:  Pressum  >  près;  comp. 


304 

après  et  vlV.  emprès;  rasum  >  rez.  De  formation  plus  récente 
sont:  attendu^  y  compris^  non  compris,  considéré,  conté,  entendu, 
excepté,  hormis,  passé,  réservé,  supposé,  vu.  A  l'origine  tous  ces 
mots  subissaient  la  flexion;  on  disait  la  reine  exceptée  ou  ex- 
ceptée la  reine,  c'était  une  espèce  de  construction  absolue.  Peu 
à  peu  le  participe  préposé  perd  sa  pure  signification  verbale 
et  prend  avec  la  fonction  l'invariabilité  d'une  préposition;  les 
formules  exceptée  la  reine  ou  hors  mise  la  reine  se  comprenant 
comme  sans  la  reine,  deviennent  nécessairement  excepté  la  reine, 
hors  mis  (plus  tard  hormis)  la  reine;  mais,  quand  les  parti- 
cipes sont  mis  après  les  substantifs,  ils  gardent  leur  flexion: 
La  reine  exceptée. 

622.  Voici  maintenant  une  série  d'exemples  élucidant  la 
question  de  la  concordance  des  participes  passés  cités  avec  le 
substantif: 

Attendu.  —  Attendu  la  dignité  (Petit  Jehan  de  Saintré, 
p.  256). 

Considéré.  —  Considérez  mes  amis  tous  (Picot  et  Nyrop, 
Recueil  de  farces,  p.  126,  v.  160).  Considéré  sa  maladie  (Eus- 
tache  Deschamps,  IX,  v.  3704).  Considéré  ma  povreté  et  vostre 
grant  estât  (Sept  Sages,  p.  p.  G.  Paris,  p.  153). 

Excepté.  —  Exceptées  les  forteresses  (Froissart).  Exceptez 
Spadassin,  Merdaille  et  Menuail  (Rabelais).  Excepté  les  siens 
(Petit  Jehan  de  Saintré,  p.  128).  Excepté  les  différences  (Voyage 
d'Anglure,  p.  174).  Il  est  intéressant  de  constater  que  déjà  en 
latin  vulgaire  excepto  s'employait  comme  préposition  in- 
variable: Excepto  opéras  et  mercedes  medici  (Edictum 
Rothari,  §  78).  Excepto  illos  (ib.,  §  360).  Excepto  tec- 
toras  (Liutprandi  leges,  §  92). 

Hormis.  —  Hors  mise  la  clameur  de  propriété  (Livre  des 
mestiers,  9). 

Passé.  —  Passée  la  mer  Picrocholine  (Rabelais).  Passez  deux 
cents  quatorze  ans  (id.). 

Réservé.  —  Réservé  leurs  armures,  chevaulx,  charroy  et 
sommiers  (Bartsch,  Chrestomathie^,  p.  427,  40).  Réservé  tous 
vrais  habillemens  de  guerre  (Cent  nouv.  nouv.,  I,  74).  Réservé 
ces  bons  religieux  (ih.,  II,  92). 

Vu.  —  Veue  la  grande  diligence  (Cent  nouv.  nouv.).  Vue  la 
dispute  qu'il  prétendoit  (Malherbe,  III,  436).  Veuz  les  moiens 


1 


305 

(E.  Deschamps,  IX,  p.  352),  veu  la  grant  diligence  (Cent  nouu. 
nouu.,  I,  64).  Veu  la  grant  perte  (Gilion  de  Trasignyes,  p.  112). 
Veu  les  ennemis  (Ph.  de  Gommines,  p.  61). 

Remarque  Ajoutons  le  participe  passé  ouï;  sans  pouvoir  être  regardé 
comme  une  préposition,  il  offre  cela  de  commun  avec  les  formes  citées  qu'il 
restait  parfois  invariable  placé  devant  le  substantif:  Ouy  les  medicins  (Ja- 
cob, Recueil  de  farces,  p.  434);  ouï  les  témoins;  ouï  les  parties,  etc.,  mais 
aussi:  le  jugement  fut  rendu  parties  ouïes. 

623.  Nous  ajoutons  quelques  remarques  sur  la  locution  étant 
donné  dans  la  langue  moderne.  Elle  est  presque  passée  à  l'é- 
tat de  préposition  et  on  la  trouve  souvent  invariable  surtout 
dans  les  journaux,  mais  les  romanciers,  eux  aussi  négligent 
parfois  de  la  faire  accorder.  Voici  d'abord  une  question  posée 
récemment  dans  un  journal,  dont  nous  avons  oublié  de  noter 
le  titre:  M.  Paul  Bourget,  dans  la  très  intéressante  thèse  sou- 
tenue par  lui  dans  le  roman:  Un  divorce,  qu'il  vient  de  publier 
dans  la  Revue  des  deux  Mondes,  écrit  à  la  page  735  (15  juin 
1901):  »...  étant  donné  ses  idées  sur  la  moralité  de  Mlle  Pla- 
nât .  .  .«  Le  participe  doit-il  rester  invariable?  Ne  faudrait-il 
pas:  étant  données'>«  —  Oui,  c'est  là  la  forme  historiquement 
demandée,  et  que  beaucoup  emploient  encore.  Nous  en  cite- 
rons deux  exemples,  pris  dans  un  journal:  Elles  m'affligèrent 
beaucoup,  étant  données  les  hauteurs  où  je  planais  en  ce  beau 
jour.  Étant  données  ces  mœurs,  il  est  bien  naturel  que  nombre 
de  jeunes  filles  ...  —  Mais  nous  venons  de  voir  que  des  parti- 
cipes passés  se  dégagent  facilement  de  leur  fonction  primi- 
tive, en  adoptant  celle  d'une  préposition,  et  ce  changement 
d'emploi  et  de  signification  amène  peu  à  peu  la  disparition 
de  la  flexion.  Ici  comme  ailleurs  dans  la  langue  il  ne  s'agit 
pas  de  savoir  ce  qu'on  devrait  dire  et  écrire,  mais  il  s'agit  de 
savoir  ce  qu'on  dit  et  écrit  et  de  constater  la  manière  dont 
on  comprend  les  mots.  A  tout  moment  on  a  occasion  d'ob- 
server que  ce  qui  était  juste  et  idiomatique  autrefois  ne  l'est 
plus  aujourd'hui,  et  vice- versa,  beaucoup  des  règles  canoni- 
sées par  la  grammaire  moderne  ne  sont  à  l'origine  que  des 
fautes.  Dans  l'évolution  linguistique  plus  qu'ailleurs  vaut  l'an- 
cien dicton  »Communis  error  facit  jus«.  C'est  pourquoi  il  serait 
absolument  pédantesque  de  critiquer  les  exemples  suivants  trou- 
vés dans  les  journaux:  Étant  donné  l'importance  de  la  somme 

20 


306 

inscrite  en  regard  de  cette  mention  (Le  Temps,  P"^  juin,  1904). 
Étant  donné  la  très  grande   décentralisation  de  la  presse  .... 
Étant   donné   l'intensité    si    actuelle    et   si   palpitante  des  pré- 
occupations féministes  (L'Univers,  10  décembre,  1904). 

624.  Des  locutions  prépositives  sont  formées  à  l'aide  de 
substantifs,  d'adjectifs,  d'adverbes  et  de  prépositions.  Ex- 
emples: Faute  de,  grâce  à;  à  cause  de,  à  côté  de,  à  force  de, 
au  lieu  de,  au  milieu  de,  au  moyen  de,  au  prix  de,  autour  de, 
à  la  faveur  de,  à  l'égard  de,  à  l'aide  de,  de  crainte  de,  de  peur 
de,  en  dépit  de,  en  face  de,  en  vertu  de,  par  rapport  à.  —  Au 
deçà  de,  au  dedans  de,  au  dehors  de,  au  delà  de,  au-dessous  de, 
au-dessus  de,  au-devant  de,  auprès  de,  au  travers  de,  en  deçà 
de,  en  dedans  de,  en  dehors  de.  —  Au  bas  de,  du  haut  de,  le 
long  de. 

625.  Conjonctions.  Il  est  très  rare  qu'une  conjonction  puisse 
fonctionner  comme  préposition.  Nous  n'en  saurons  citer  que 
deux  exemples.  Au  XVP  siècle  quant  et  s'employait  dans  la 
signification  de  »avec«,  comme  le  montre  le  passage  suivant 
d'Amyot:  Ils  ont  achevé  leurs  jours  quant  et  la  liberté  de  leur 
païs.  Voici  comment  Arsène  Darmesteter  (Le  XVP  siècle,  I, 
§  240)  rend  compte  de  l'origine  de  la  nouvelle  préposition: 
>  Cette  locution,  encore  usitée  dans  quelques  provinces,  s'ex- 
plique facilement:  Je  suis  sorti  quand  et  lui,  veut  dire:  Je 
suis  sorti  quand  lui  aussi  (et)  est  sorti;  autrement  dit,  nous 
sommes  sortis  en  même  temps,  ensemble.  De  cette  expression 
dérive  cette  autre:  quand  et  quand  (ou  quant  et  quant),  em- 
ployée comme  préposition  au  sens  de  'également'.  En  voici  un 
exemple  de  Montaigne  (II,  5):  Elle  (la  peine)  naist  en  l'ins- 
tant et  quant  et  quant  le  pesché  (à  l'instant  oiî,  alors  que  naît 
le  péché). «  Pour  la  langue  moderne  il  faut  remarquer  que 
quoique  s'emploie  parfois  au  sens  de  »malgré«  ;  O.  Mirbeau 
écrit  ainsi  quoique  ça  (Journal  d'une  femme  de  chambre,  p.  24). 

Remarque.  Un  phénomène  parallèle  s'observe  en  espagnol,  comme  le 
montrent  les  exemples  suivants  pris  dans  des  auteurs  modernes:  La  risa 
nerviosa  que  tuvo  cuando  el  ataque.  Dicen  que  cuando  nina  era  muy  bonita. 
Esos  panuelos  serân  para  cuando  la  boda  de  la  chica. 


CHAPITRE  IV. 

CONJONCTIONS. 


I 


626.  Un  très  grand  nombre  des  conjonctions  latines  ont 
péri.  Exemples:  at,  atque,  autem,  donec,  dummodo, 
enim,  etiam,  nam,  nempe,  nisi,  quamquam,  quia, 
quoniam,  scilicet,  sed,  seu,  tamen,  ut,  verum,  etc.  Le 
français  n'a  conservé  qu'un  tout  petit  nombre  de  conjonctions 
latines,  mais  en  échange  il  a  attribué  à  plusieurs  adverbes  les 
fonctions  des  conjonctions. 

P  Conjonctions  latines  conservées:  Aut  )  vfr.  od,  o,  d'oii 
ou.  Et  )  et;  le  t  ne  se  prononce  jamais  et  dans  la  vieille 
langue  on  trouve  souvent  l'orthographe  e.  Nec  )  vfr.  ne,  par- 
fois devant  une  voyelle  ned  (comp.  I,  §  289,  3)  ;  la  vieille  forme 
ne  a  été  remplacée  au  XVP  siècle  par  ni.  Quando  >  vfr.  quant, 
remplacé  par  quand.  Quod  (et  qvam)  >  que.  Si  >  vfr.  se, 
remplacé  par  si  (I,  §  284, 1). 

2^  Adverbes  latins:  M  agi  s  >  mais  (comp.  II,  §  455, 1). 
Quare  >  car;  le  doublet  quer  a  disparu.  Quomodo  )  comme; 
l'ancien  doublet  com  (§  584)  a  disparu.  Tune  +dum  >  donc. 

A  côté  de  ces  conjonctions,  toutes  transmises  du  latin  on 
trouve  un  très  grand  nombre  de  formations  nouvelles  que  nous 
allons  étudier. 

627.  Conjonctions  coordonnantes.  Voici  quelques  exemples 
des  nouvelles  formations  françaises:  ainsi  que,  aussi  bien  que, 
savoir^  sinon,  soit;  c'est  pourquoi,  c'est-à-dire,  etc.  Disons 
quelques  mots  sur  l'histoire  de  sinon:  il  remonte  à  senon,  dont 
les  éléments  à  l'origine  étaient  séparables.  Ex.:  Ja  n'en  istrai 
si  par  mort  nun  (Marie  de  France,  Yonec,  v.  74).  Les  deux 
éléments  se  rapprochent  au  XV*  siècle. 

20* 


308 

628.  Conjonctions  subordonnantes.  La  plupart  des  nou- 
velles conjonctions  subordonnantes  se  composent  de  que  pré- 
cédé d'une  autre  particule  simple  ou  accompagné  d'un  nom. 

1*  Adverbe  +  que.  Ainsi  que,  alors  que,  aussitôt  que,  bien  que, 
cependant  que  (vieilli),  encore  que,  loin  que,  lors  que,  non  (non 
pas,  non  point)  que,  sitôt  que,  tandis  que,  tant  que.  La  vieille 
langue  employait  aussi  ains  que,  ainçois  que,  combien  que  (en- 
core dans  Corneille),  comment  que,  dementre  que,  jusque,  lues 
que,  mais  que,  etc.  Au  langage  d'autrefois  appartient  aussi 
cependant  que;  pourtant  plusieurs  auteurs  modernes  s'en 
servent;  en  voici  un  exemple  de  J.  Richepin  :  Cependant  que 
les  cinq  aiguilles  dans  le  bas  Font  comme  un  cliquetis  de 
petites  épées  (Mes  Parades,  p.  275). 

2^  Préposition  -f-  QUE.  Dans  la  vieille  langue  que  était  sou- 
vent précédé  du  démonstratif  ce:  avant  ce  que,  avec  ce  que, 
devant  ce  que,  dès  ce  que,  par  ce  que,  pendant  ce  que,  pour  ce 
que,  sans  ce  que,  très  ce  que,  etc.  Ajoutons  in  o  quid  des  Ser- 
ments de  Strasbourg.  Dans  la  langue  actuelle  ce  ne  se  trouve 
que  dans  à  ce  que,  de  ce  que,  en  ce  que,  jusqu'à  ce  que,  par  ce 
que,  sur  ce  que.  Comparez  :  d'après  que,  avant  que,  depuis  que, 
dès  que,  malgré  que,  outre  que,  pendant  que,  pour  que,  puisque, 
sans  que,  sauf  que,  selon  que. 

3^  Préposition  +  substantif  +  QUE.  A  cause  que,  à  condition 
que,  à  dessein  que,  afin  que,  à  seule  fln  que  (I,  §  529),  à  mesure 
que,  à  proportion  que,  à  la  charge  que,  au  cas  que,  au  lieu  que, 
au  point  que;  dans  le  cas  que,  de  crainte  que,  de  façon  que,  de 
manière  que,  de  peur  que,  de  sorte  que,  en  cas  que,  sous  pré- 
texte que,  sur  le  point  que. 

4^  Rappelons  encore  les  locutions  suivantes  :  à  moins  que, 
de  même  que,  pour  peu  que,  incontinent  que,  quoique. 

629.  Formes  verbales  4-  que.  Dans  plusieurs  conjonctions 
que  est  régi  par  un  verbe.  Voici  les  cas  principaux: 

P  Participes  présents:  En  attendant  que,  pendant  que,  en 
supposant  que,  suivant  que. 

2^  Participes  passés:  Attendu  que,  excepté  que,  hormis  que, 
posé  que,  pourvu  que,  supposé  que,  vu  que.  On  trouve  dans  la 
vieille  langue  veu  ce  que. 

3^  Phrases:   Cest  que,  si  ce  n'est  que;  \ïr.  jasoit  que. 


t 


» 


CHAPITRE  V. 

INTERJECTIONS. 


I 


630.  Les  interjections  sont  d'origine  très  diverse;  tantôt  ce 
sont  des  onomatopées,  tantôt  des  noms,  des  adverbes  ou  des 
formes  verbales;  on  peut  même  employer  des  phrases  entières 
qui  sont  pour  ainsi  dire  figées.  Nous  allons  examiner  chacun 
de  ces  groupes. 

Remarque.  Les  jurons  erotiques,  si  abondants  en  espagnol  et  en  rou- 
main, sont  relativement  peu  employés  en  français;  comp.  I,  §  120,  Dans  la 
langue  moderne  on  a  emprunté  le  juron  provençal  bagasse  (proprement: 
femme  de  mauvaise  vie);  rappelons  aussi  viedaze  (vectis  asini),  également 
emprunté  au  provençal. 

631.  Onomatopées.  Les  interjections  les  plus  simples  et  les 
plus  primitives  sont  des  cris  plus  ou  moins  articulés,  que  la 
langue  littéraire  reproduit  souvent  d'une  manière  assez  peu 
satisfaisante.  Elles  se  divisent  en  plusieurs  groupes  selon  les 
éléments  composants. 

1°  Les  interjections  de  nature  onomatopéique  se  composent 
d'une  ou  de  plusieurs  voyelles,  accompagnées  ou  non  d'une 
aspiration.  Exemples:  Ah,  eh,  euh,  ih,  oh  (ô),  ha,  hé,  ho,  hoUy 
hue,  hem,  hein,  hom,  aie  (ahi,  aye,  haïe),  ohé,  oho,  hihi,  ouais. 

2^  Les  voyelles  peuvent  être  accompagnées  d'une  consonne 
quelconque.  Exemples:  Ouiche,  ouf,  pouf,  bah,  ah  bah,  fi,  hop, 
pouah,  chut,  zest,  allô,  holà.  Pour  d'autres  formations,  voir 
§26. 

3*^  Dans  quelques  cas  isolés  l'interjection  onomatopéique  se 
compose  seulement  de  consonnes;  tel  est  le  cas  de  pst  (voir 
notre  Manuel  phonétique,  §  108). 


310 

4^  Nous  avons  enfin  un  groupe  d'interjections  composées 
de  deux  syllabes  soumises  à  une  certaine  alternance  vocalique 
(comp.  §  17).  Exemples: 

Si  je  dis  nuf,  elle  dit  nauf, 
Si  je  dis  biif,  elle  dit  bauf. 
(Montaiglon,  Recueil  de  poésies  françaises,  II,  202.) 

Qui  me  dit  sap,  je  luy  dy  soup; 
Qui  me  dit  torche,  je  dis  serre. 

(Farce  de  VAdventureux  et  Guermouset,  v.  474.) 

Un  exemple  de  buf  baf  a  été  cité  au  §  33. 

632.  Nous  allons  étudier  maintenant  quelques  interjections 
qui  demandent  un  examen  spécial: 

Aoi;  ces  trois  lettres  terminent  les  »laisses«  de  la  Chanson 
de  Roland;  tout  le  monde  est  d'accord  pour  y  voir  une  excla- 
mation du  chanteur,  mais  quant  à  l'explication  étymologique 
les  opinions  diffèrent  beaucoup,  et  aucune  de  celles  qu'on  a 
émises  n'est  admisible.  Nous  pensons  que  aoi  est  une  simple 
onomatopée;  comp.  l'anglais  ahoy,  le  danois  o  hôj. 

Aîmi,  exclamation  de  douleur,  souvent  employée  dans  la  litté- 
rature du  moyen  âge.  On  écrivait  aussi  hai  mi,  hémi,  emi. 

Chaele,  exclamation  de  surprise;  on  trouve  aussi  chaeles, 
chaieles^  cheles,  etc.  Comme  étymologie  on  a  proposé  cavilla 
ou  quid  velles.  Aucune  de  ces  explications  n'est  satis- 
faisante. 

Dia,  cri  de  charretier  pour  faire  aller  le  cheval  à  gauche. 
Origine  inconnue. 

Guai  (ou  wai)  exprimait  autrefois  la  douleur.  Exemple:  Wai 
a  vos,  riche  gent,  qui  aveiz  vostre  soleiz  (Sermon  de  Bern- 
hard).  Cette  interjection  est  peut-être  d'origine  germanique; 
comp.  l'allemand  wai,  le  danois  ve. 

Hara,  cri  de  détresse  et  d'alarme.  Exemple:  Hara,  hara,  le 
grant  meschief,  monseigneur  est  tout  dévoyé  (Froissart). 

Hari  ou  hary,  cri  d'encouragement:  allons,  allons.  Dans  la 
Bourgogne,  le  Beaujolais  et  la  Suisse  romande,  on  dit  encore 
hari  aux  bœufs  et  aux  vaches  pour  les  faire  marcher. 

Haro,  cri  d'appel  et  de  tristesse;  figure  actuellement  dans 
la  locution  crier  haro  sur  quelqu'un,  exprimer  de  l'indignation 
pour  ses  actes.    Origine  inconnue.    On  a  voulu  y  voir  à  Rou, 


311 

ancien  duc  de  Normandie;  mais  cette  explication  est  par  trop 
invraisemblable. 

Hez,  ancien  cri  pour  faire  avancer  les  ânes  ou  les  chevaux: 

El  bore  entra,  ses  asnes  maine 
Devant  lui  chaçoit  à  grant  paine, 
Souvent  li  estuet  dire:  »//ez«. 

(Montaiglon  et  Raynaud,  Recueil  de  fabliaux,  V,  40.) 

S'en  ot  li  prestres  molt  grant  joie 
Qui  à  II  piez  est  sus  montez: 
»Dieus,«  fait-il,  »qui  or  diroit  hez!<i. 

(ib.,  IV,  54.) 

Hoye,  ancien  cri  destiné  à  poursuivre  le  héron.  Exemples: 

Au  hairon  se  faut  tourmenter. 
Et  chascun  si  crier  c'on  l'oye 
Courir  après  sanz  séjourner 
Et  toujours  braire:  ^Hoye,  hoye!« 

(Eust.  Deschamps,  IV,  320.) 

Hue,  cri  de  charretier  pour  faire  avancer  les  chevaux  ou, 
plus  rarement,  les  faire  aller  à  droite. 

Huhaut  (ou  hurhaut),  cri  de  charretier  pour  faire  aller  le 
cheval  à  droite. 

Hui,  cri  de  guerre  ou  de  chasse.  Exemple:  Se  ja  levout  sor 
toi  le  hui  (Tristan  de  Béroul,  v.  1036). 

Huz,  cri  de  guerre  et  de  chasse.  Exemple: 

De  luien  puet  l'en  oïr  les  huz 
De  ceus  qui  solle  la  paluz. 

(Tristan,  de  Béroul,  v.  3703.) 

Nif,  attrape,  en  parlant  d'un  coup  sur  le  nez.  L'exemple 
suivant  est  une  réplique  de  Satan: 

Avant  a  la  terre  l'adente. 
Fiers  de  la,  je  ferray  de  ça. 
Hu,  ha,  buf,  nif,  tien:  pren  cela. 
C'est  a  estraine. 

(Miracle  de  N.  D.,  II,  44.) 

Taïaut,  cri  des  chasseurs  pour  lancer  des  chiens  après  la 
bête  (§  27): 

Taïaut  les  chiens,  taïaut  les  hommes. 

(Victor  Hugo,  Ballades,  no  11.) 


312 

633.  Substantifs.  On  emploie  souvent  des  substantifs  comme 
interjections;  ils  figurent  tantôt  seuls,  tantôt  accompagnés  d'un 
délerminatif,  tantôt  régis  par  une  préposition.  Exemples:  At- 
tention, chouette,  flûte,  foin,  grâce,  miséricorde,  paix,  peste,  si- 
lence. Dieu,  grand  Dieu,  mon  Dieu,  bonté  divine.  Ciel,  juste  Ciel. 
Ma  foi.  Diable,  nom  du  diable,  mille  noms  d'un  diable.  Mille 
bombes.  Par  exemple,  à  la  bonne  heure,  etc.  Il  faut  examiner 
à  part  les  mois  suivants: 

Dame,  du  latin  domina,  est  une  abréviation  de  Notre-Dame 
et  est  ainsi  primitivement  une  invocation  à  la  sainte  Vierge; 
on  avait  autrefois  la  forme  apocopée  Tredame  (I,  §  520,  s). 

Vfr.  dehait  est  une  contraction  de  dehé  ait,  c.  à  d.  dehé  {de 
<  deum,  hé,  postverbal  de  haïr),  haine  de  Dieu,  malédiction. 

Motus  est  probablement  une  formation  macaronique. 

Remarque,  Par  des  raisons  euphémistiques,  beaucoup  des  mots  qui  fonc- 
tionnent comme  interjections  ont  été  défigurés  de  différentes  manières;  ainsi 
Dieu  est  devenu  hieu,  diable  a  été  remplacé  par  diantre.  Sur  ces  altérations, 
voir  I,  §  120. 

634.  Adjectifs.  Les  adjectifs  peuvent  fonctionner  comme 
interjections  ou  seuls  ou  accompagnés  d'un  adverbe.  Exemples: 
Bon,  bravo,  tout  beau,  tout  doux.  Il  faut  examiner  à  part: 

Hélas,  composé  de  hé  et  de  las  (la  s  su  s),  malheureux. 
Dans  la  vieille  langue  l'adjectif  s'employait  souvent  seul  et 
subissait  la  flexion  quand  il  y  avait  lieu;  un  homme  disait: 
Hé  las;  une  femme:  Hé  lasse.  Exemples:  Lasse,  je  vois  le 
chevalier  {Jeu  de  Robin  et  Marion,  v.  327).  Hé!  lasse,  amis, 
moût  me  merveil  {Romania,  XXI,  188,  v.  772).  On  disait  aussi 
ha  las,  halas  (Joinville,  §  619)  qui  se  retrouve  en  anglais 
(alasj  et  qui  existe  encore  dans  les  patois.  G.  Sand  s'en  est 
servie:  Alas!  mon  Dieu,  dit  la  femme  (La  petite  Fadette).  En- 
core au  XVP  siècle  le  mot  était  déclinable:  0/  lasse,  dit-elle, 
je  suis  diffamée  (Bonaventure  des  Périers,  Nouvelles  récréations, 
16);  et  il  s'employait  sans  hé  encore  au  XVIP  siècle:  Mais, 
las!  ils  se  verront,  et  c'est  beaucoup  pour  eux  (Corneille,  Poly- 
eucte,  V.  756). 

635.  Adverbes.  Plusieurs  adverbes  simples  ou  composés, 
s'emploient  comme  interjections.  Exemples:  Bien,  eh  bien,  bis, 
çà,  ha  çà,   or  çà,   comment,  fi  donc,  enfin,  en  avant,  en  arrière, 


313 

la  la,  sus,  sus  donc,  etc.  ;  rappelons  la  vieille  exclamation  emy, 
qui  est  pour  hé!  mi!  hélas  à  moi  (Miracles  de  N.  D.J.  Les  ad- 
verbes s'ajoutent  souvent  à  des  formes  verbales:  Allons  donc, 
voici  voilà.  Sur  es  (ecce),  voir  §  592. 

636.  Formes  verbales.  C'est  l'impératif  dont  on  se  sert  le 
plus  souvent,  mais  on  peut  aussi  signaler  l'emploi  d'autres 
formes  verbales  comme  interjections. 

1®  Impératif.  Exemples:  Allons,  baste  (emprunté  de  Fit. 
bas  ta)  gare,  halte  (emprunté  de  l'ail,  hait),  tenez,  tiens,  va, 
voici,  voilà  (comp.  II,  §  153,  i).  Ajoutons  quelques  formes  dont 
on  ne  se  sert  plus:  Aga,  de  agare  (II,  §  154);  avoi,  probable- 
ment combinaison  de  ah  et  voi  (vide);  diva,  aussi  écrit  cfz  t>a, 
peut-être  composé  des  deux  impératifs  die  et  va  de;  diva  est 
devenu  dia  ou  dea  d'oii  da.  Esgar,  de  esgarde  (II,  §  154). 

2^  A  côté  de  l'impératif,  on  trouve  le  présent  de  l'indicatif: 
suffit,  le  présent  du  subjonctif:  soit,  l'infinitif:  foutre,  ordinaire- 
ment atténué  en  fichtre. 

637.  Phrases  entières.  Dans  les  paragraphes  précédents 
nous  avons  cité  plusieurs  exemples  d'interjections  provenant 
de  phrases  dont  les  éléments  se  sont  soudés.  La  vieille  excla- 
mation dehait  (§  633)  est  à  l'origine  une  imprécation  très  vio- 
lente; dans  les  formes  modernes  voici  et  voilà  se  cachent  un 
impératif  et  un  adverbe,  et  les  éléments  étaient  autrefois  sé- 
parables;  on  disait  voi  me  ci,  voi  te  la.  La  langue  moderne 
présente  un  assez  grand  nombre  de  phrases  qui  peuvent  s'em- 
ployer comme  interjections;  elles  appartiennent  surtout  au  lan- 
gage familier  ou  vulgaire,  et  il  en  surgit  de  nouvelles  tous  les 
jours.  Exemples: 

Fouette  cocher.  —  Nous  montâmes  en  voiture,  et  puis,  fouette, 
cocher! 

Va  comme  je  te  pousse.  —  Tout  est  réglé,  l'affaire  est  en 
train,  et  maintenant,  va  comme  je  te  pousse. 

Va-fen  voir  s^ils  viennent.  —  Il  comptait  sur  leur  promesses, 
mais  va-t'en  voir  s'ils  viennent. 


LIVRE  SEPTIÈME. 

DÉRIVATION  IMPROPRE, 


638.  Nous  appelons  dérivation  impropre  le  procédé  par  le- 
quel on  tire  d'un  mot  existant  un  autre  mot  en  lui  attribuant 
simplement  une  fonction  nouvelle,  sans  avoir  recours  aux 
moyens  dont  se  sert  ordinairement  la  dérivation  et  que  nous 
avons  étudiés  dans  les  paragraphes  précédents.  Grâce  à  la  dé- 
rivation impropre  les  différentes  parties  du  discours  peuvent 
fournir  des  substantifs,  des  adjectifs,  des  pronoms  et  des  parti- 
cules, et  on  voit  ici  mieux  qu'ailleurs  avec  quelle  facilité  un 
mot  passe  d'une  catégorie  à  une  autre  et  combien  sont  fac- 
tices, en  beaucoup  de  cas,  les  limites  établies  par  les  gram- 
mairiens entre  les  différents  groupes  de  mots.  Comme  la  dé- 
rivation impropre  ne  change  pas  la  forme  des  mots  et  qu'elle 
repose  exclusivement  sur  la  nouvelle  fonction  attribuée  à  un 
mot  déjà  existant,  elle  ressort  peut-être  plutôt  de  la  séman- 
tique. C'est  pour  des  raisons  purement  pratiques  que  nous  en 
traitons  dans  ce  volume  de  notre  Grammaire. 

639.  La  dérivation  impropre  est  un  procédé  dont  on  se  sert 
à  tout  moment.  On  peut  ainsi  substantiver  presque  tout  mot. 
Prenons  par  exemple  les  pronoms  quelqu'un  et  quelque  chose, 
et  nous  verrons  comment  on  peut  en  tirer  des  substantifs. 
P.  Bourget  écrit:  Tout  a  contribué  à  faire  de  ma  pauvre  per- 
sonne «77  demi-quelqu'un  ou  quelque  chose  (Pastels,  p.  70).  Cette 
attribution   sporadique   et  individuelle  d'une  fonction  nouvelle 


315 

à  un  mot  est  un  fait  assez  fréquent;  nous  le  laisserons  de 
côté  dans  l'exposé  suivant  qui  ne  s'occupera  que  des  cas  ré- 
guliers et  constants. 


CHAPITRE  I. 

SUBSTANTIFS. 


640.  Les  substantifs  forment  très  souvent  des  adjectifs, 
rarement  des  pronoms  et  des  particules.  Il  n'y  a  pas  de  li- 
mites fixes  et  certaines  entre  les  substantifs  et  les  adjectifs. 
Beaucoup  de  substantifs  s'emploient  adjectivement.  On  dit: 
Un  adultère  —  une  femme  adultère;  une  bête  —  un  homme  bête; 
une  colère  —  un  homme  colère;  une  maîtresse  —  une  maîtresse 
chèvre;  un  parjure  —  un  témoin  parjure;  un  sacrilège  —  un  prêtre 
sacrilège,  etc.  Cette  particularité  est  de  vieille  date;  nous  la  trou 
vous  déjà  dans  l'ancienne  langue:  Une  maistre pierre  (Raoul  de 
Cambray,  v.  3151);  mon  palais  ancestre  (Aiol,  v.  6504).  On  peut 
également  employer  un  substantif  comme  prédicat  neutre:  Qu'il 
a  bien  découvert  son  âme  mercenaire,  Et  que  peu  philosophe 
est  ce  qu'il  vient  de  faire  (Femmes  savantes,  V,  se.  4).  Que 
voilà  qui  est  scélérat^  Que  cela  est  Judas  (Bourgeois  Gentilhom.me, 
III,  se.  10).  Dans  les  paragraphes  suivants  nous  allons  étu- 
dier en  détail  l'emploi  des  substantifs  comme  adjectifs. 

Remarque.  Les  substantifs  employés  en  apposition  suivent  toujours  le 
déterminé:   une  aventure  farce;  il   n'y  a  que  maîtresse  qui  peut  le  précéder. 

641.  Apposition. 

Un  substantif  est  souvent  employé  comme  déterminant  d'un 
autre  substantif.  Th.  Banville  écrit:  Mais  ce  mot  sorcier,  ce  mot 
fée,  ce  mot  magique,  où  le  trouver?  (Petit  traité  de  poésie  fran- 
çaise, p.  49).  Nous  voyons  ici  les  deux  substantifs  fée  et  sorcier 
employés  en  apposition,  et  grâce  à  cet  emploi  ils  en  viennent 
à  fonctionner  à  peu  près  comme  l'adjectif  magique.  Voici 
quelques  autres  exemples  de  ce  phénomène:  N'est-ce  pas  que 
ça  vous  a  un  air  Watteau,  Pompadour  et  fête  galante  (P.  Bour- 
get,  La  duchesse  bleue,  p.  15).  Ah!  en  fait  d'amour  veux-tu 
mes    impressions    femmes     ici?     (Concourt,    Manette    Salomon, 


316 

p.  46).  Une  réserve  vraiment  femme  (Daudet,  Sapho^  p.  21).  Cet 
air  un  peu  garçon,  propre  aux  filles  d'artistes  (E.  Daudet). 
D'autres  visiteurs  presque  tous  simples  et  peuple  (M.  Prévost, 
Frédérique,  p.  380).  Les  frimousses  peuple  de  ses  trois  petites  pu- 
pilles {ib.,  p.  411).  Victor  Hugo  a  parfois  presque  abusé  de  ce 
procédé;  on  trouve  dans  ses  poésies  un  rocher-hydre,  un 
torrent- reptile ,  un  temple- sépulcre,  une  maison -tanière,  etc. 
(comp.  §  559).  Dans  ces  exemples  l'emploi  adjectif  des  subs- 
tantifs est  à  regarder  comme  une  particularité  stilistique, 
comme  un  tour  original  et  assez  individuel.  La  particularité 
signalée  ne  se  trouve  pas  seulement  dans  le  langage  soigné  et 
quelque  peu  raffiné;  elle  est  aussi  et  surtout  caractéristique 
du  parler  vulgaire  et  argotique:  Un  aplomb  bœuf  un  succès 
bœuf,  un  ton  canaille,  un  homme  cochon,  une  façon  cruche,  une 
aventure  farce,  un  air  gamin. 

642.  L'emploi  d'un  substantif  en  apposition  est  devenu 
général  dans  la  désignation  des  couleurs.  En  voici  une  série 
d'exemples: 

Acajou.  —  Des  cheveux  acajou. 

Brique.  —  Un  teint  brique. 

Cerise.  —  Des  étoffes  cerise. 

Feu.  —  Une  chienne  au  pelage  feu. 

Garance.  —  Une  jaquette  d'un  bleu  noir  avec  col  et  pare- 
ments garance. 

Groseille.  —  Peluche  groseille. 

Marron.  —  Une  robe  marron  foncé. 

Or.  —  Les  cheveux  jaunâtres  et  grisonnants  étaient  blanc 
et  or  (Balzac,  Eugénie  Grandet,  p.  17). 

Paille.  —  Des  gants  paille. 

Puce.  —  Un  gilet  de  velours  à  raies  alternativement  jaunes 
et  puce  (Balzac,  Eugénie  Grandet,  p.  18). 

Saumon.  —  La  revue  saumon. 

Remarque.  Les  exemples  cités  nous  permettent  de  suivre  comment  un 
mot  se  développe  dans  certaines  conditions  de  substantif  en  adjectif.  Plu- 
sieurs des  substantifs  mentionnés  sont  employés  elliptiquement:  au  lieu  de 
cerise,  paille,  puce  on  peut  encore  employer  les  expressions  complètes  rouge 
cerise,  jaune  paille,  brun  puce.  On  a  dit  d'abord  un  ruban  brun  puce;  puis 
par  abréviation  un  ruban  puce;  dans  cette  combinaison  il  y  a,  si  l'on  veut, 
juxtaposition  de  deux  substantifs,  mais  il  est  hors  de  doute  que  le  détermi- 
nant fonctionne  souvent  à  peu  près  comme  un  adjectif,  et  pour  le  mot  rose 


I 


317 

le  passage  à  la  nouvelle  fonction  s'est  effectué  définitivement.  Dans  un  ru- 
ban rose,  ce  dernier  mot  indique  la  couleur  et  rien  que  cela;  il  n'éveille  au- 
cune idée  de  la  fleur.  Les  indications  de  couleur  qui  ne  se  sont  pas  encore 
affranchies  de  leur  sens  étymologique,  sont  ordinairement  laissées  invariables. 
On  dit  une  robe  marron,  des  gants  paille,  des  rubans  cerise,  etc.,  mais  rose 
est  devenu  un  pur  adjectif:  des  rubans  roses.  Il  faut  encore  remarquer 
qu'on  a  tiré  de  châtaigne  et  de  violette  les  deux  adjectifs  châtain  et  violet 
(il,  §  380),  dont  le  premier  est  souvent  invariable  (II,  §  442). 

643.  Le  phénomène  que  nous  venons  d'étudier  dans  les 
substantifs  simples  s'observe  aussi  dans  les  substantifs  com- 
posés et  dans  les  locutions  figées.  Exemples: 

Ancien  régime.  —  C'est  très  ancien  régime  (Bourget,  Voya- 
geuses, p.  103). 

Bon  enfant.  —  Cette  petite  bourgeoise  bohème  et  bon  en- 
fant (G.  de  Maupassant,  Bel  Ami,  p.  250).  Des  airs  bon  enfant 
(Bourget,  Complications  sentimentales,  p.  37).  —  Quand  bon  en- 
fant détermine  un  substantif  féminin  il  y  a  parfois  concor- 
dance: Une  taquinerie  bonne  enfant  (ib.,  p.  52).  Une  brutalité 
bonne  enfant  (Zola,  VŒuure,  p.  164). 

Brave  homme.  —  Des  exhortations  brave-homme  (Lavedan, 
Vieux  marcheur,  p.  319). 

Collet  monté.  —  Des  gens  collet-monté. 

Eau-de-rose.  —  Un  socialisme  très  eau-de-rose  (Bourget,  Com- 
plications sentimentales,  p.  58). 

Faubourg  Saint-Denis.  —  Le  monde  élégant  faubourg  Saint 
Denis  (A.  Dumas,  L'étrangère,  p.  6). 

Moyen  âge.  —  Dans  cette  ville  moyen  âge  et  renaissance 
(M.  Prévost,  Frédérique,  p.  369). 

Petite  ville.  —  On  est  si  petite  ville  à  l'Opéra  (Mérimée, 
Double  méprise,  p.  257). 

Poivre  et  sel.  —  Ses  long  favoris  poivre  et  sel. 

Pot-au-feu.  —  J'ai  toujours  été  bien  pot-au-feu,  dans  le  fond, 
bien  papa  (Lavedan,   Vieux  marcheur,  p.  159). 

Premier  choix.  —  Une  révérence  premier  choix. 

Pur  sang.  —  Un  méridional  pur  sang  (G.  de  Maupassant, 
Petite  Roque,  p.  231).  Des  chevaux  pur  sang  (ou  seulement: 
des  pur  sang). 

Terre  à  terre.  —  Une  conscience  terre  à  terre.  L'âpreté  terre 
à  terre  des  revendications  (M.  Prévost,  Frédérique,  p.  279). 

Vieux-jeu.  —  Une  femme  vieux-jeu. 


318 

Remarque.  Les  mots  composés  employés  par  apposition  sont  laissés  in- 
variables: Une  robe  vert  de  mer-,  des  rubans  vert  de  mer;  des  principes  collet 
monté,  etc.  Nous  avons  vu  ci-dessus  que  bon  enfant  peut  faire  exception. 

644.  Substantif  >  particule.  L'emploi  d'un  substantif  comme 
particule  est  un  phénomène  relativement  rare.  Rappelons  seule- 
ment que  plusieurs  substantifs  sont  devenus  interjections: 
Dame,  flûte,  peste^  etc.  (§  633)  et  dans  la  phrase  se  lever  matin 
le  substantif  est  devenu  adverbe. 


I 


CHAPITRE  II. 

ADJECTIFS. 


645  Ellipse.  Par  l'ellipse  du  substantif  déterminé  les  ad- 
jectifs passent  souvent  à  l'état  de  substantifs.  Comme  exemple 
de  ce  procédé,  citons  la  phrase  suivante:  Les  bibelots  jolis  du 
Dix-huitième  (Lavedan,  Sire,  p.  49).  Il  serait  absolument  super- 
flu d'ajouter  le  déterminé.  C'est  le  mot  déterminant  qui  est 
l'essentiel,  et  cette  expression  incomplète,  tout  individuelle 
qu'elle  soit,  est'  aussi  facilement  compréhensible  que  par  ex. 
la  locution  courante:  coucher  sur  la  dure;  les  mots  siècle  et  terre 
se  dégagent  naturellement  des  phrases.  Voici  deux  autres  ex- 
emples remontant  au  moyen  âge:  Et  neporquant  de  s'aventure 
Li  a  conté  tote  la  pure  {Tyolet,  v.  550).  Le  neveu  Charle,  qui 
des  bones  fîst  tant  (Les  Narbonnais,  v.  2334).  Dans  d'autres 
cas  il  peut  être  assez  difficile  de  déterminer  quel  est  le  subs- 
tantif sous-entendu;  parfois  il  faut  des  recherches  historiques 
pour  le  découvrir  ;  ainsi  ce  n'est  qu'en  apprenant  que  rendre 
la  pareille  est  un  terme  emprunté  au  jeu  de  paume  qu'on 
comprend  que  le  mot  omis  doit  être  balle. 

646.  Le  changement  d'un  adjectif  en  substantif  grâce  à  une 
ellipse  est  d'ancienne  date,  comme  nous  l'avons  vu.  En  voici 
maintenant  quelques  exemples  remontant  au  latin;  les  subs- 
tantifs cités  n'ont  jamais  été  adjectifs  en  français: 

Aube  <  vfr.  albe  <  alba,  pour  dies  alba. 

Chaussée  <  vfr.  chalciee  <  blat.  *calciata,  pour  via  cal- 
ciata. 

Cuivre  <  blat.  coprin  m,  du  latin  classique  cupreum  pour 
aes  cupreum,  métal  de  Chypre. 


320 

Date,  emprunlé  du  latin  du  moyen  âge  data,  sous-entendu 
littera,  premier  mot  de  la  formule  qui  indiquait  l'époque  où 
un  acte  avait  été  rédigé. 

Etres  <  vfr.  estres  <  exteras  (I,  §  460,6)  pour  ex  ter  as 
partes. 

Écluse  <  vfr.  escluse  <  exclusa,  pour  aqua  exclusa.  Le 
mot  a  passé  en  bas  allemand:  holl.  sluis,  mball.  slûse  (d'où 
danois  sluse);  aW.  schleusè. 

Foze  remonte  à  ficatum  pourjecur  ficatum,  proprement 
foie  d'oie  engraissée  de  figues.  Sur  l'altération  qu'a  subie  fi- 
catum sous  l'influence  du  mot  grec  ovxmtÔv  voir  la  brillante 
étude  de  G.  Paris  dans  Miscellanea  linguistica  in  onore  di  Grazia- 
dio  Ascoli  (Torino,  1901). 

Fromage,  autrefois  formage  (I,  §  518,  i)  <  formaticum, 
pour  caseum  formaticum. 

Hiver  <  vfr.  ivern  (I,  §  331)  <  hibernum  pour  tempus 
hibernum. 

Lévrier  <  leporarius  pour  canis  leporarius. 

Pêche  <  vfr.  pesche  <(  persica,  pour  arbor  persica. 

Route  <  rupta,  pour  via  rupta. 

Sanglier  <  vfr.  sengler  (§  212)  <  singularis,  pour  porcus 
singularis. 

Remarque.  Dans  plusieurs  cas  nous  voyons  un  adjectif  remplacer  un 
substantif  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  recourir  à  l'hypothèse  d'une  ellipse; 
en  tout  cas  il  serait  très  difficile  de  dire  au  juste  quel  serait  le  déterminé 
omis.  Voici  quelques  substantifs  dérivés  d'adjectifs  latins:  Ivoire  (ebo- 
rcum;  os?),  jour  (diurnum;  tempus?),  liège  (levium),  linge  (lin  eu  m), 
mâtin  (mansuetinum),  montagne  (montanea),  velours  (villosum),  etc. 
Ajoutons  quelques  mots  qui  sont  primitivement  des  comparatifs:  maire  (ma- 
jor), pneur  (priorem),  seigneur  (seniorem). 

647.  Exemples  français  d'adjectifs  substantivés  grâce  à  une 
ellipse: 

Anglaise,  pour  écriture  anglaise. 

Bâtarde,  pour  écriture  bâtarde. 

Bouclier,  pour  écu  bouclier,   vfr.  escus   boclers  (comp.  §  212). 

Capitale,  pour  lettre  capitale. 

Capitale,  pour  ville  capitale. 

Centrale,  terme  d'étudiant  pour  École  centrale. 

Circulaire,  pour  lettre  circulaire. 

Complet,  pour  vêtement  complet. 


321 

Constituante,  pour  Assemblée  constituante. 
Continue,  pour  fièvre  continue. 
Méditerranée,  pour  mer  méditerranée. 
Première,  pour  première  représentation. 
Quarte,  pour  parade  quarte. 

Ramier,   pour  pigeon  ramier,    pigeon    sauvage   qui  niche  sur 
les  arbres,  sur  les  rameaux. 
Rapide,  pour  train  rapide. 

Rapière,  pour  épée  rapière;  l'origine  du  mot  est  inconnue. 
Ronde,  pour  écriture  ronde. 
Veuve,  pour  femme  veuve,  vfr.  feme  veve  (II,  §  380). 

Ce  procédé  est  très  employé  dans  le  langage  technique.  Re- 
levons les  termes  mathématiques:  la  diagonale,  V oblique,  la 
perpendiculaire  (sous-entendu  ligne);  les  termes  musicaux:  une 
blanche,  une  noire,  une  ronde  (sous-entendu  note),  etc. 

648.  La  chute  du  déterminé  est  un  phénomène  qui  se  re- 
produit fréquemment  et  dont  le  parler  vulgaire  offre  un  grand 
nombre  d'exemples.  On  parle  du  dirigeable  et  du  captif,  on 
boit  de  la  fine,  et  on  est  membre  de  la  Fraternelle.  Un  individu 
se  promène  en  haut-de-forme  avec  sa  légitime,  va  voir  dans  un 
garni  un  camarade  qui  revient  de  la  Nouvelle,  etc. 

649.  Des  adjectifs  qualificatifs  s'emploient  très  souvent 
comme  substantifs  pour  désigner  des  êtres  vivants,  des  hommes 
ou  des  animaux.  Il  s'agit  surtout  d'adjectifs  qui  indiquent  une 
qualité  morale  ou  physique. 

1°  Hommes.  —  Les  grands,  les  petits,  les  jeunes,  les  vieux,  les 
mauvais,  les  malheureux,  un  avare,  un  aveugle,  un  fou,  un  mé- 
chant, un  muet,  un  sourd,  un  pauvre,  un  riche,  un  saint,  un 
immortel,  un  malade. 

2^  Animaux.  —  Baudet,  diminutif  de  l'ancien  adjectif  baud^ 
vif,  fier;  belette,  diminutif  de  beau,  primitivement  un  nom  hypo- 
corislique  de  l'animal.  Dans  l'ancienne  langue  beaucoup  d'ad- 
jectifs désignant  des  couleurs  ont  été  transformés  en  substan- 
stantifs  et  sont  devenus  des  dénominations  de  chevaux:  baucent 
(blanc  et  noir,  tacheté),  blanc,  fauve,  fauvel,  ferrant  (grison- 
nant, gris  de  fer),  liard  (grisâtre),  roux,  saur,  sauret.,  etc. 

21 


322 

650.  Il  y  a  plusieurs  autres  cas  où  un  adjectif  devient 
substantif;  nous  en  examinerons  les  trois  suivants: 

1®  Noms  de  choses.  Considérons  pour  commencer  le  mot 
creux;  c'est  primitivement  un  pur  adjectif,  dont  le  sens  est 
bien  déterminé:  un  arbre  creux^  une  dent  creuse,  etc.  Comme 
la  plupart  des  adjectifs  il  peut  s'employer  d'une  manière 
neutre:  graver  en  creux,  et  il  devient  par  là  facilement  un 
substantif;  à  côté  de  la  combinaison  un  arbre  creux  on  crée 
le  creux  d'un  arbre.  De  cette  manière  creux  adopte  le  sens  de 
'trou'  ou  de  'partie  concave  de  quelque  chose':  poser  les  pieds 
dans  les  creux  (Guy  de  Maupassant,  Sur  l'eau,  p.  26),  le  creux 
de  la  main,  se  sentir  un  creux  dans  l'estomac,  etc.;  il  finit  par 
désigner  des  objets  creux;  dans  le  langage  des  potiers,  le  creux 
se  dit  pour  les  pièces  de  poterie  creuses  par  opposition  à  la 
platerie,  les  pièces  plates.  Une  telle  évolution  se  constate  sou- 
vent; elle  est  si  naturelle  qu'elle  n'a  pas  besoin  d'être  expli- 
quée et  commentée  dans  tous  les  détails.  En  voici  quelques 
autres  exemples:  Biscuit,  vfr.  bescuit  (comp.  I,  §39,  Rem.),  du 
pain  deux  fois  cuit;  crêpe,  vfr.  crespe,  crépu;  journal;  pelouse, 
forme  dialectale  pour  peleuse  (I,  §  182),  proprement:  couvert 
de  poil;  persienne.  Des  adjectifs  de  couleurs  s'employaient  dans 
la  vieille  langue  pour  désigner  différentes  sortes  de  draps  et  de 
fourrures;  on  dit  encore  du  gris  et  du  vair. 

2^  Notions  abstraites.  On  dit  le  chaud,  le  froid,  le  beau,  le 
vrai,  le  droit,  le  sublime,  etc.  Cet  emploi  neutre  de  l'adjectif  est 
très  répandu  dans  la  langue  moderne;  on  dit  maintenant  par  ex.: 
//  est  d'un  comique  .  .  .  Vous  êtes  d'un  sincère  .  .  ,  Il  y  a  dans 
ce  style  du  banal  et  du  grotesque.  Il  y  avait  du  piquant  dans 
cette  affaire.  Le  dramatique  de  la  situation.  Victor  Hugo  s'est 
beaucoup  servi  d'adjectifs  pris  substantivement:  Quand  de  Vin- 
accessible  il  fait  l'inexpugnable  (Le  petit  roi  de  Galice).  Les  cé- 
lestes n'ont  rien  de  plus  que  le  funèbre  (Le  Crapaud).  Le  stupide 
attendri  sur  Vaffreux  se  penchant  (ib.). 

3^  Locutions.  Nous  citerons  ici  quelques  locutions  toutes 
faites  où  l'adjectif  est  au  féminin  pluriel:  En  apprendre  de 
belles;  être  dans  ses  bonnes;  en  écrire  de  bonnes;  en  dire  de 
bonnes;  en  voir  de  dures;  en  voir  de  grises 

651.  Adjectif  >  Adverbe.  On  distinguait  en  latin  entre  la 
forme  neutre  de  l'adjectif  et  l'adverbe,  entre  m  a  lu  m  et  maie; 


323 


cette  distinction  a  disparu  en  français  par  l'aniuïssement  de 
la  finale;  au  moyen  âge  mal  s'employait  indifféremment  comme 
adjectif  et  comme  adverbe;  il  en  était  de  même  de  bel,  menu^ 
petit  et  autres.  Dans  la  langue  moderne  nous  avons  dans  plu- 
sieurs combinaisons  figées  des  adjectifs  au  sens  adverbial: 
parler  bas,  chanter  faux,  sentir  bon,  etc.  (comp.  §  593)  ;  notons 
la  différence  entre  parler  haut  et  parler  hautement. 


21* 


CHAPITRE  III. 

VERBES. 


652.  Les  formes  verbales  peuvent  donner  des  substantifs, 
des  adjectifs,  des  adverbes,  des  interjections  et  des  préposi- 
tions. C'est  surtout  l'infinitif  et  les  deux  participes  qui  four- 
nissent les  mots  nouveaux;  on  a  aussi,  mais  bien  plus  rare- 
ment, tiré  parti  de  l'impératif  et  de  quelques  formes  de  l'in- 
dicatif (le  présent,  le  passé  défini,  le  futur)  et  du  subjonctif  (le 
présent). 

653.  Infinitif.  Dans  l'ancienne  langue  tout  infinitif  pouvait 
s'employer  substantivement.  Cette  particularité,  qui  distingue 
encore  l'espagnol  de  nos  jours  et,  à  un  degré  inférieur,  l'ita- 
lien, a  été  très  restreinte  dans  les  époques  postérieures  du 
français.  Pourtant  la  langue  a  gardé  un  certain  nombre  d'in- 
finitifs formant  des  substantifs  qui  s'emploient  aussi  au  plu- 
riel :  le  baiser,  le  déjeuner,  le  devoir,  le  dîner,  l'être,  le  goûter,  le 
parler,  le  pouvoir,  le  repentir,  le  rire,  le  vouloir,  etc.  Le  loisir,  le 
manoir,  le  plaisir  sont  également  d'anciens  infinitifs.  Ajou- 
tons que  plusieurs  infinitifs  ne  s'emploient  que  sporadiquement 
comme  substantifs;  citons  comme  exemple  la  phrase  suivante: 
Le  faire  solide  et  impassible  de  l'artiste  y  proclamait  une  civi- 
lisation dure  (Bourget,  Vétape,  p.  412).  Cet  emploi  de  l'infini- 
tif est  surtout  propre  à  la  langue  technique.  Dans  une  étude 
physiologique  on  examinera  par  exemple  le  grimper  c.  à  d.  : 
le  mode  de  grimper,  la  manière  dont  les  muscles  concourent 
à  l'acte  de  grimper.  En  médecine  on  étudiera  le  palper,  Comp. 
encore  la  phrase  suivante  d'Anatole  France  {La  vie  littéraire, 
IV,  74):  Cette  entente  du  parler,  du  sentir,  et  du  vivre  agrestes 


325 

(c.  à  d.  de  la  façon  dont  on  parle,   dont  on  sent,   dont  on  vit 
à  la  campagne). 

Remarque.  Après  l'amuïssemçnt  du  -r  final  (I,  §  364),  il  y  a  confusion 
entre  l'infinitif  et  le  participe  passé  de  la  première  conjugaison.  On  hésite 
entre  dîner,  après-dîner,  au  débotter  et  dîné,  après-dîné,  au  débotté;  on  écrit 
fautivement  débouché,  débridé,  défilé,  doigté.  Un  démenti  est  probablement 
pour   un  démentir  (comp.  II,  §  78). 

654.  Participe  présent.  Le  participe  présent  forme  des  ad- 
jectifs, des  substantifs,  des  particules. 

1^  Tout  participe  présent  peut  s'employer  comme  adjec- 
tif: aimant,  attrayant,  chantant,  enchantant,  lisant,  pendant,  etc. 

2^  Des  participes  présents  désignant  des  êtres  vivants  de- 
viennent substantifs;  ils  sont  des  deux  genres:  un  amant  — 
une  amante  (comp.  II,  §  24),  un  débutant — une  débutante,  un 
mendiant — une  mendiante,   un  participant — une  participante,  etc. 

3^  Des  participes  présents  désignant  des  choses  ou  des  no- 
tions abstraites  deviennent  substantifs.  Ils  sont  tantôt  mascu- 
lins: le  couchant,  le  croissant,  le  levant,  le  montant,  etc.,  tantôt 
féminins  :  la  Constituante,  la  courante,  la  dominante,  la  résultante, 
la  variante,  etc. 

4^  Quelques  participes  présents  s'emploient  comme  préposi- 
tions, voir  §  620;  pour  les  adverbes  voir  §  599,3. 

655.  Participe  passé.  Le  participe  passé  forme  des  adjectifs, 
des  substantifs,  des  prépositions. 

P  Tout  participe  passé  peut  s'employer  comme  adjectif: 
aimé,  estimé,  fini,  vaincu,  etc. 

2^  Un  participe  passé  désignant  un  être  vivant  peut  devenir 
substantif  et  présenter  les  deux  genres:  un  associé — une  associée, 
un  fiancé— une  fiancée,  un  marié — une  mariée,  un  révolté — une 
révoltée,  etc. 

3^  Un  participe  passé  désignant  une  chose  ou  une  notion 
abstraite  devient  substantif.  Il  est  tantôt  du  genre  masculin: 
un  arrêté,  un  cliché,  un  fourré,  un  écrit,  un  fait,  un  aperçu, 
etc.,  tantôt  du  genre  féminin  :  Une  arrivée,  une  assemblée,  une 
battue,  une  saillie,  une  venue,  etc.  Sur  les  vieilles  formes  du 
participe   passé   conservées  comme  substantifs,  voir  II,  §  111. 

4^  Plusieurs  participes  passés  sont  devenus  prépositions,  voir 
§621. 


326 

656.  Impératif.  L'impératif  peut  former  des  substantifs  et 
des  interjections. 

P  Substantifs.  Formes  latines:  Le  jubé,  le  récipé,  le  tollé,  un 
orémus;  le  premier  de  ces  mots  n'est  que  le  commencement 
d'une  prière:   »Jube  domine,  benedicere*  (comp.  §  5). 

2^  Comme  formes  françaises  nous  ne  saurions  citer  que 
lampon  qui  est  pour  lampons  (refrain  d'anciens  couplets  sati- 
riques, puis:  couplet  satirique),  et  sonnez,  terme  du  jeu  de 
trictrac. 

30  Interjections;  voir  les  exemples  cités  au  §  636. 

657.  Autres  formes.  Les  autres  formes  du  verbe  ont  été 
peu  employées  pour  former  de  nouveaux  mots.  Le  présent  de 
l'indicatif  et  du  subjonctif,  le  passé  défini  et  le  futur  ont  donné 
un  petit  nombre  de  substantifs  et  de  particules. 

1^  Présent  de  l'indicatif.  Nous  citerons  ici  l'ancien  adverbe 
espoir,  qui  s'employait  au  sens  de  'peut-être',  et  qui,  mis  en 
tête  de  la  phrase,  demandait  l'inversion  du  verbe.  Exemples: 
Je  remanrai  aveques  lui  un  an  ou  deus  ou  espoir  plus  (Es- 
coufle,  V.  1534).  Espoir  trouveroit  elle  en  yaus  tout  confort  et 
bonne  adrece  (Froissart,  I,  20).  Espoir  est  primitivement  la 
première  personne  du  présent  de  l'indicatif;  il  reproduit  ainsi 
le  latin  (ut)  spero;  on  lui  attribuait  parfois  une  fonction 
verbale,  et  on  le  remplaçait  même  par  je  l'espoir. 

Remarque.  Rappelons  encore  quelques  formes  latines  qui  sont  devenues  des 
substantifs  :  Le  veto,  l'accessit,  le  déficit,  le  facit,  le  placet,  le  satisfecit,  le  tacet. 

2^  Présent  du  subjonctif.  Ce  temps  se  retrouve  dans  la  con- 
jonction soit  et  dans  l'interjection  vivat;  ce  dernier  mot  fonc- 
tionne aussi  comme  substantif:  le  vivat — les  vivats. 

3^  Passé  défini:  Un  peccavi,  un  vidimus  (de  ce  mot  on  a  tiré 
le  verbe  vidimer). 

4^  Futur:   Un  lavabo,  un  pâtiras  (un  souffre-douleur). 


CHAPITRE  IV. 

PARTICULES. 


658.  Particules  >  substantifs.  Presque  toutes  les  particules 
peuvent  s'employer  substantivement  et  sont  du  masculin.  On 
dit  le  oui,  le  non,  le  pourquoi,  le  mais,  le  bien,  le  mieux,  le  plus, 
le  pour,  le  contre,  Vavant,  le  derrière,  le  dedans,  le  dessous,  le 
dehors,  etc.  Plusieurs  de  ces  mots  sont  devenus  de  vrais  subs- 
tantifs tout  en  gardant  leur  fonction  de  particules,  et  ils 
se  sont  pour  ainsi  dire  dédoublés.  Il  y  en  a  d'autres  qui  ne 
reçoivent  que  sporadiquement  les  fonctions  de  substantif. 
En  voici  quelques  exemples:  La  vie  pour  beaucoup  (et  je  fais 
partie  de  ce  beaucoup-là)  ressemble  souvent  à  un  écheveau  de 
fil  brouillé  (L.  Bocquet,  Albert  Samain,  p.  31).  Je  n'en  arrachai 
que  de  profonds  hélas  (Corneille,  Sophonisbe,  465). 

Remarque.  Sur  l'emploi  des  onomatopées  comme  substantifs,  voir  §  20,  i, 
31;    pour  les  refrains,  voir  §  28,  Rem. 

659.  Adverbes  >  adjectifs.  L'emploi  d'un  adverbe  comme 
adjectif  est  un  phénomène  que  nous  pouvons  constater  dès 
les  plus  anciens  textes,  et  dont  nous  trouvons  un  exemple 
déjà  en  latin  vulgaire  où  le  prœsto  du  latin  classique  a  été 
remplacé  par  praestum.  En  français  le  mot  fonctionne  ex- 
clusivement comme  adjectif,  mais  il  paraît  parfois  avoir  été 
invariable;  ainsi  dans  le  premier  passage  où  figure  le  mot: 
La  nef  est  preste  (Saint  Alexis,  v.  77),  quelques  manuscrits 
donnent  la  forme  prest.  Citons  aussi  l'adverbe  savent  qui  se 
combine  volontiers  avec  le  substantif /bzs  et  subit  la  flexion: 
soventes  fois.  Cette  locution,  très  employée  dans  la  vieille  langue, 
se  trouve  encore  dans  Mairet  (Sophonisbe,  v.  1167).  Nous  avons 


a28 

déjà  observé  que  devant  pouvait  se  joindre  direclemeni  à  un 
substantif  avec  lequel  il  s'accordait  (§  589,  i):  Li  devanz  diz; 
mais  ordinairement  il  suivait  le  substantif  et  restait  invariable: 
Les  mains  devant  (Aiol,  v.  368).  Les  deus  poes  devant  (Doon  de 
Maience,  p.  47).  Des  pies  devant  (Huon  de  Bordeaux,  p.  55). 

De  la  même  manière  se  comportait  derrière:  Le  trait  deriere 
(Ph.  de  Thaûn,  Bestiaire,  v.  35).  La  garde  riere  (Ambroise,  La 
guerre  sainte,  v.  1913).  On  dit  maintenant  arrière  garde,  et  dans 
ce  composé  comme  dans  tous  les  autres  de  la  même  espèce 
(§  562)  nous  sommes  aussi  disposé  à  attribuer  à  l'adverbe 
une  fonction  adjectivale. 

660.  Voici  maintenant  quelques  exemples  modernes  mon- 
trant le  passage  d'un  adverbe  au  rôle  d'adjectif: 

Debout.  —  Ce  Paris  debout  et  frémissant  (Soirées  de  Médan, 
p.  180). 

Déjà.  —  Le  déjà  félibre  (Donos,  P.  Verlaine,  p.  39). 

Mieux.  —  Les  mieux  chaises.  Les  mieux  fourchettes.  Cette 
manière  de  dire  appartient  au  langage  familier;  comp.  en  ita- 
lien le  meglio  forchette. 

Presque.  —  Leur  presque  solitude  (Revue  bleue,  1900,  II,  p.  336). 
Son  presque  cousin  (Gyp,  La  fée  Surprise,  p.  21).  Ce  presque 
vieillard  (O.  Mirbeau,  Journal  d'une  femme  de  chambre,  p.  372). 
Cette  presque  élégance  des  manières  (id.,  Le  jardin  des  supplices, 
]).  47).  La  presque  totalité. 

Remarque.  L'emploi  d'un  adverbe  comme  adjectif  est  un  phénomène  re- 
lativement peu  répandu  en  français  ainsi  que  dans  les  autres  langues  romanes. 
Le  latin  classique  en  offrait  pourtant  un  certain  nombre  d'exemples;  on  di- 
sait nunc  homines,  illa  tum  mutatio,  rétro  principes,  ante  mola, 
sœpe  leges.  Dans  le  latin  ecclésiastique  et  populaire  on  trouve  souvent 
semper  et  quondam  employés  comme  attributs:  semper  virgo  Maria; 
per  semper  saecula;  de  quondam  pâtre  meo.  Des  exemples  corres- 
pondants se  trouvent  en  espagnol  :  la  siempre  senora  mia  (Cervantes).  Rap- 
pelons pour  l'anglais:  the  above  discourse,  an  almost  réconciliation,  the  ihen 
ministry,  his  then  résidence. 

661.  Adverbes  )  prépositions.  Ce  passage  est  relativement 
rare.  Nous  avons  déjà  cité  vfr.  enz,  hors,  sous  qui  remontent 
à  des  adverbes  latins.  Ajoutons  maintenant  avec  dont  l'emploi 
adverbial  a  persisté  jusqu'à  nos  jours  (§  662)  malgré  son  em- 
ploi comme  préposition.  Pour  la  langue  moderne,  on  peut  ci- 
ter   aussitôt   et    sitôt.    Exemples:    Prendre   un   exercice   violent 


329 

aussitôt  le  repas  (Revue  des  Deux  Mondes,  1881,  sept.-oct., 
p.  938).  Il  était  là  depuis  quelques  jours,  mort  presque  aussitôt 
leur  arrivée  à  Montreux  (A.  Daudet,  Tartarin  sur  les  Alpes, 
p.  256).  Sitôt  le  serrement  de  mains,  elle  se  remit  à  marcher 
(ib.,  p.  254).  Sitôt  ces  tristes  paroles  elle  aurait  voulu  les  re- 
tenir (id.,  Petite  Paroisse,  p.  178).  S'installant  à  dessiner  sitôt 
les  repas,  se  refusant  à  toute  sortie  avec  elle  (id.,  Sapho,  p.  214). 
L'emploi  prépositionnel  des  deux  adverbes  est  maintenant  très 
général;  on  dit  couramment  aussitôt  son  arrivée,  aussitôt  le 
mariage,  aussitôt  la  sortie  du  collège,  sitôt  la  catastrophe,  etc.,  et 
Littré  admet  aussitôt  le  jour.  Néanmoins  les  grammairiens  pé- 
dants ne  laissent  pas  de  protester  contre  cet  usage  établi  de- 
puis longtemps. 

Conjonction  >  préposition,  voir  §  625. 

662.  Prépositions  >  adverbes.  Qu'une  préposition  devienne 
adverbe  c'est  un  phénomène  des  plus  généraux;  on  le  retrouve 
à  tous  les  temps  dans  toutes  les  langues.  En  français  on 
constate  pour  plusieurs  mots  et  dès  les  plus  anciens  textes 
une  forte  hésitation  entre  la  fonction  prépositionnelle  et  la 
fonction  adverbiale.  Les  exemples  suivants  montreront  l'em- 
ploi sporadique  comme  adverbes  de  mots  qui  ordinairement 
sont  prépositions: 

Après.  —  Senneterre,  tu  le  connais  bien?  le  grand  blond 
qui  tient  la  banque  ici,  me  court  après  dans  les  salons  du 
Cercle  (P.  Bourget,  La  duchesse  bleue,  p.  24). 

Avec.  —  L'on  assaisonne  avec  certains  ragoûts  (J.-K.  Huys- 
mans,  La  cathédrale,  p.  281).  Elle  est  mince  et  flexible  et  d'une 
trempe  telle  Qu'on  percerait,  avec,  un  mur  de  citadelle!  (Riche- 
pin,  La  cavalière,  I,  se.  8). 

Contre.  —  S'il  vous  bat,  ne  priez  pas  contre,  priez  pour  (Ros- 
tand, La  Samaritaine,  p.  79). 

Depuis.  —  Mme  de  Bréars,  depuis  toujours  vêtue  de  noir, 
avait  su  être  une  admirable  mère  chrétienne  (Paul  et  Victor 
Margueritte,  Les  deux  vies,  p.  7). 

Pour,  voir  contre. 

Sans  —  Dommage  si  les  p'tils  garçons  viennent  pas!  .... 
—  Ben,  on  s'amusera  sans!  ....  on  s'amusait  bien  sans  les  aut's 
fois  (Gyp,  Jaquette  et  Zouzou,  p.  65). 


LIVRE   HUITIÈME. 

FORMATION   DU   GENRE. 


CHAPITRE  I. 
REMARQUES   GÉNÉRALES. 


663.  Tous  les  substantifs  français,  ainsi  que  tous  les  mots 
employés  accidentellement  comme  substantifs  sont  déterminés 
quant  au  genre.  Ils  sont  soit  masculins  soit  féminins:  étant 
d'origine  latine,  la  plupart  d'entre  eux  ont  conservé  le  genre 
qu'ils  avaient  primitivement,  avec  cette  seule  restriction  que  le 
neutre  a  été  réparti  entre  les  deux  autres  genres  (comp.  II, 
§  244).  Les  quelques  changements  survenus  sont  surtout  dus 
soit  à  une  influence  de  la  forme  du  mot,  soit  à  une  influence 
du  sens.  Il  y  a  une  tendance  permanente  et  assez  forte,  à  faire 
disparaître  le  désaccord  qui,  grâce  au  développement  phoné- 
tique et  sémantique,  peut  se  produire  entre  le  genre  et  la  ter- 
minaison ou  entre  le  genre  et  le  sexe  naturel.  Les  mots  sa- 
vants et  les  mots  étrangers  présentent,  pour  la  formation  du 
genre,  les  mêmes  particularités;  leur  genre  s'explique  soit  par 
des  raisons  étymologiques  et  historiques,  soit  par  des  raisons 
formelles  et  logiques. 

664.  Genre  et  terminaison.  Il  y  a  parfois  désaccord  entre 
la  terminaison  et  le  genre.  En  ce  cas  c'est  ordinairement  la 
terminaison  qui  l'emporte  et  change  le  genre;  l'inverse  a  aussi 
lieu,  mais  la  victoire  du  genre  sur  la  terminaison  paraît  se 
produire  moins  souvent. 


331 

1^  Les  mots  latins  en  -us  sont  régulièrement  masculins: 
murus  — Ze  777«r,  c ah aUu s —  le  cheval,  etc.  Quelques-uns  sont 
pourtant  du  féminin  et  cette  discordance  entre  le  genre  et  la 
terminaison  a  été  réparée  de  deux  manières.  Ou  le  genre  s'est 
changé  conformément  à  la  terminaison:  fraxinus  — Ze  frêne 
(§671,i),  porticus  —  Ze  po/cZze,  etc.  (on  conserve  pourtant 
man  us  —  Za  main),  ou  le  genre  s'est  maintenu  en  l'emportant 
sur  la  terminaison  qui  est  remplacée  par  a:  amethystus  — 
it.  amatista;  smaragdus — esp.  esmeralda,  fr.  une  émeraude; 
nurus  — esp. /îMera;  socrus  —  esp.  sue^ra. 

2^  Les  mots  latins  en  -a  sont  régulièrement  féminins:  terra 
—  la  terre,  etc.;  c'est  pourquoi  les  mots  féminins  prennent 
volontiers  celte  terminaison:  glacies  >  glacia  >  it.  ghiaccia 
(II,  §  234);  grus  >  grua  >  fr.  grue;  hirundo  >  iiirunda 
>  fr.  aronde.  Quelques  mots  en  -  a  désignant  surtout  des  êtres 
vivant ^  sont  masculins:  nauta,  papa,  propheta;  ici  la  ter- 
minaison l'emporte  sur  le  sexe  naturel  et  on  trouve  au  moyen 
âge  la  pape,  la  prophète;  il  en  était  de  même  en  vieux  pro- 
vençal (papo  est  encore  féminin  à  Montpellier)  et  en  vieil  es- 
pagnol où  l'on  trouve  également  la  papa,  la  profeta,  las  patri- 
arcas.  Sur  les  noms  de  fleuves  en  -a  où  on  observe  le  même 
phénomène,  voir  §  671, 2.  Le  développement  inverse,  le  change- 
ment de  la  forme  sous  l'influence  du  sens,  s'observe  dans  l'it. 
il  pirato  (la t.  pirata)  et  dans  le  vfr.  ermit,  qui  paraît  re- 
monter à  *eremitus  et  non  pas  à  e remita. 

Remarque.  Les  neutres  grecs  en  -a  ont  pour  une  grande  partie  adopté 
le  genre  de  leur  désinence  et  sont  devenus  féminins  en  français  comme  dans 
les  autres  langues  romanes.  Le  changement  de  genre  a  lieu  et  dans  les  mots 
populaires  et  dans  les  mots  savants:  sagma  (voir  I,  §  12,i,  n^  348)  >  la  somme, 
cyma  )  la  cime,  apostema  >  une  apostume  (sur  le  changement  de  suffixe, 
voir  §  294,1),  enigma  >  une  énigme,  anagramma  >  une  anagramme  (comp. 
§  706),  epigramma  >  une  épigramme  (comp.  §  674).  Sont  devenus  mascu- 
lins: aroma  >  un  arôme,  asthma  >  un  asthme,  rheuma  >  le  rhume, 
phantasma,  devenu  en  lat.  pop.  *fantosma  >  le  fantôme;  ajoutons  ana- 
thème,  diadème,  emblème,  problème,  thème,  qui  sont  également  masculins. 

6()5.  Genre  et  sexe.  Il  y  a  ordinairement  accord  entre  le 
genre  grammatical  et  le  sexe  naturel:  homo  —  un  homme, 
pater  —  le  père,  fil  i  us — le  fils,  tau  rus  —  vfr.  le  for,  etc.; 
f  e  m  i  n  a  —  la  femme,  s  o  r  o  r  —  la  sœur,  v  a  ce  a  —  la  vache, 
capra  —  la  chèvre,  etc.  Dans  quelques  cas  il  y  a  désaccord;  ci- 


332 

tons  lis  mots  ireutres  mancipium,  prostibulum,  scor- 
tuni;  comp.  aussi  auxilia,  vigiliae.  Voici  maintenant 
quelques  détails  concernant  le  français: 

1°  Un  mot  masculin  devient  féminin  quand  il  s'applique 
à  un  être  féminin.  Citons  d'abord  jumentum,  devenu  la  ju- 
ment dès  le  moment  où  il  a  abandonné  le  sens  de  'bête  de 
somme'  pour  prendre  celui  de  'cavale'.  Le  mot  composé  bon- 
bec,  ayant  été  appliqué  spécialement  aux  femmes,  a  changé 
de  genre.  On  a  dit  d'abord:  c'est  une  Marie  bonbec,  puis  plus 
brièvement:  c'est  une  bonbec.  Salisson  a  subi  le  même  dé- 
veloppement; une  femme  sale  s'appelait  au  XVP  siècle  un  sa- 
lisson; on  dit  maintenant  une  salisson.  On  a  également  hésité 
entre  un  et  une  laideron;  encore  de  nos  jours  on  se  demande 
s'il  faut  dire:  cette  femme  est  un  laideron  ou  une  laideron. 
C'est  probablement  la  dernière  forme  qui  l'emportera;  on 
finira  par  dire  un  et  une  laideron,  comme  on  dit  un  et  une 
souillon.  L'usage  hésite  également  pour  le  néologisme  louchon. 
On  lit  dans  Zola  :  Ce  louchon  d'Augustine  (L Assommoir),  mais 
le  Dict.  Gén.  admet  cette  petite  louchon.  On  en  viendra  peut- 
être  quelque  jour  à  créer  pour  ces  mots  une  forme  féminine 
spéciale  comme  on  l'a  fait  pour  tatillon:  dans  le  parler  fami- 
lier on  entend  une  tatillonne,  qui  tend  à  remplacer  une  ta- 
tillon, seule  forme  reconnue  par  la  langue  littéraire. 

2^  Un  mot  féminin  peut  devenir  masculin  en  s'appliquant 
à  un  être  du  sexe  masculin.  Les  noms  de  personnes  sont  sou- 
vent primitivement  ou  des  noms  abstraits  ou  des  noms  de 
choses.  Le  changement  de  sens  peut  être  accompagné  d'un 
changement  de  genre;  c'est  de  cette  manière  qu'on  a  créé  à 
une  aide  et  à  une  trompette  les  formes  masculines  un  aide  et 
un  trompette  (voir  §  708).  Mais  tout  en  créant  un  aide  on  ne 
crée  pas  un  caution;  on  continue  à  se  servir  du  féminin  la 
caution  pour  désigner  celui  qui  prend  un  engagement  pour  un 
autre. 

Remarque.  Les  quelques  exemples  cités  montrent  suffisamment  combien 
il  est  fortuit  qu'un  mot  change  de  genre  pour  se  conformer  au  sexe.  Nous 
avons  vu  qu'on  est  arrivé  à  dire  une  bonbec;  mais  pourquoi  garde-t-on  un 
bas-bleu  quoique  les  bas-bleus,  sans  aucune  exception,  soient  des  femmes? 

666.  La  lutte  entre  le  genre,  la  terminaison  et  le  sexe  s'é- 
lucide d'une   manière    frappante   par    l'examen    du   développe- 


333 

ment  historique  du  mot  sphinx.  C'est  un  mot  savant,  emprunté 
du  grec  0(ply§.  Comme  le  monstre  fabuleux  désigné  par  ce 
mot  était  une  femme,  ocpty^  était  du  féminin  et  conformément 
à  l'étymologie  on  a  dit  d'abord  en  français  la  sphinx.  Cepen- 
dant on  a  ici  accouplé  un  article  féminin  à  un  mot  dont  la 
terminaison  est  décidément  rnasculine  (comp.  le  larynx,  le 
lynx).  On  a  remédié  à  ce  désaccord  de  deux  manières  diffé- 
rentes. Ou  la  terminaison  l'a  emporté  sur  le  genre  du  mot  et 
le  sexe  du  monstre,  d'où  le  sphinx,  devenu  général  au  grand 
siècle  et  gardé  jusqu'à  nos  jours.  Ou  la  forme  du  mot  a  été 
changée  conformément  aux  exigences  du  genre  et  du  sexe,  et 
la  sphinx  a  été  remplacé  par  la  sphinge;  c'est  ainsi  qu'écrivait 
Saint-Gelais,  et  cette  forme  a  été  sporadiquement  reprise  de 
nos  jours,  comme  il  ressort  du  passage  suivant:  »Je  ne  pré- 
tends pas  avoir  le  mot  de  ce  sphinx,  ou  de  celle  sphynge, 
comme  disent  ceux  de  nos  camarades  qui  veulent  bien  prou- 
ver qu'ils  ne  savent  pas  le  grec.  Mais  à  défaut  du  mot,  j'au- 
rai la  sphynge  en  personne  ou  je  ne  serai  plus  Jacques  Molan« 
(P.  Bourget,  La  duchesse  bleue,  p.  191).  L'histoire  de  fourmi  est 
aussi  instructive.  Le  latin  formica  se  retrouve  dans  la  vieille 
langue  sous  la  forme  la  fourmie  (it.  formica,  esp.  hormiga).  On 
avait  aussi  dans  le  latin  populaire  une  forme  collatérale  for- 
mi  ce  m  d'où  en  vfr.  la  formiz;  par  une  fausse  analogie  on  a 
créé  à  ce  mot  un  cas  régime  la  formi  (II,  §  264,  Rem.),  de- 
venu masculin  à  cause  de  la  terminaison.  La  langue  moderne 
présente  la  fourmi  qui  paraît  une  contamination  de  la  formie 
et  le  formi. 

667.  Rappelons  enfin  quelques  cas  isolés  où  il  y  a  eu  un 
changement  de  genre  dû  à  d'autres  causes  que  celles  indiquées 
dans  les  paragraphes  précédents: 

P  Les  homonymes,  qu'ils  soient  synonymes  ou  non,  peuvent 
s'influencer.  Le  mot  latin  sal  us  se  retrouve  en  français  sous 
la  forme  régulière  la  salu  ;  à  côté  de  ce  mot  on  trouve  aussi 
le  salu,  substantif  verbal,  tiré  de  saluer;  c'est  le  salu,  devenu 
le  salut  par  réaction  étymologique,  qui  finit  par  absorber  la 
salu. 

2^  Un  mot  peut  changer  de  genre  par  ellipse.  On  dit  la 
Terre-Neuve  mais  un  terre-neuve  pour  un  chien  de  Terre-Neuve 
(comp.  §  716). 


334 

3^  Un  mot  peut  changer  de  genre  par  suite  d'une  combinai- 
son particulière  où  il  figure:  merci  est  régulièrement  féminin 
(comme  le  lat.  mercedem);  il  s'emploie  dans  la  locution 
figée:  grand  merci  qui  remonte  au  moyen  âge  où  grand  était 
invariable  de  genre  (comp.  grand' mère;  II,  §  385);  après  la 
création  d'une  forme  féminine  grande  on  a,  par  une  erreur 
facile  à  comprendre,  commencé  à  dire  le  grand  merci.  Dans 
merci  employé  comme  masculin  on  pourrait  aussi  voir  un 
substantif  postverbal  tiré  de  l'ancien  verbe  mercier. 

4^  Sur  un  changement  de  genre  dû  à  l'analogie  et  se  mani- 
festant seulement  dans  un  cas  particulier,  voir  §  728. 

Remarque  A  titre  de  curiosité  nous  rappelons  que  le  mot  désordre  est 
employé  comme  féminin  dans  la  vieille  farce:  Les  trois  pèlerins  (écrite  vers 
1521).  Voici  pourquoi  ce  changement  de  genre  a  eu  lieu:  les  trois  pèlerins 
sont  partis  de  leur  vallée  où  il  ne  leur  arrive  pas  grandes  nouvelles  du 
monde,  et  ils  s'en  vont  savoir  un  peu  ce  qui  se  passe.  Ils  ont  appris  que 
de  grands  changements  se  sont  faits  dans  les  mœurs  et  que  notamment  les 
femmes  y  ont  pris  l'empire  en  toutes  choses.  Rien  ne  va  plus  que  par  elles. 
Tout  devient  féminin,  à  ce  point  que  les  mots  eux-mêmes  changent  de 
genre.  Par  exemple  on  ne  dit  plus  le  désordre  mais  la  désordre  (É.  Four- 
nier.  Le  Théâtre  français  avant  la  Renaissance,  p.  406). 

668.  Les  changements  de  genre  ont  été  très  nombreux. 
Dans  l'exposé  suivant  nous  laisserons  de  côté  beaucoup  des 
exemples  cités  dans  les  études  spéciales  sur  la  question;  nous 
pensons  que  l'intérêt  que  présente  l'hésitation  sur  le  genre  de 
quelques  mots  rares,  est  assez  mince;  c'est  pourquoi  nous 
nous  contenterons  ordinairement  d'examiner  les  mots  d'un 
emploi  général.  Ceux  dont  nous  allons  nous  occuper  s'ex- 
pliquent le  plus  souvent  selon  les  principes  que  nous  venons 
de  formuler;  il  y  en  a  cependant  un  assez  grand  nombre  dont 
l'explication  est  douteuse,  ou  même  impossible  à  indiquer.  En 
voici  quelques  exemples: 

Lierre,  pour  lierre,  agglutination  de  l'article  défini  et  du  vfr. 
iedre  <  lat.  hedera.  Le  mot  est  resté  féminin  dans  toutes 
les  langues  romanes  excepté  en  français  où  il  se  trouve 
comme   masculin   déjà    dans   le  Fragment  de  Valenciennes  (I, 

§  18). 

Ongle  <  lat.  ungula;  on  a  dit  une  ongle  jusqu'au  XVIP 
siècle,  et  on  le  dit  encore  dans  la  plupart  des  patois;  dans  le 
parler  populaire  de  Paris  on  entend  des  ongles  longues  (comp. 


335 

it.  unghia,  esp.  una).  Le  genre  masculin  qui  apparaît  vers  1î* 
fin  du  moyen  âge,  s'explique  difficilement.  L'tiypothèse  d'une 
influence  du  mot  un  gui  s  paraît  inacceptable. 

669.  On  s'est  souvent  demandé  selon  quelles  règles  les 
noms  de  choses  ou  d'idées,  les  noms  asexués  ont  été  répartis 
entre  le  masculin  et  le  féminin.  Nous  avons  dit  que  pour  le 
français  c'est  une  question  purement  historique,  et  les  para- 
graphes suivants  en  fourniront  les  preuves.  Les  noms  en  ques- 
tion ont  le  même  genre  qu'ils  avaient  en  latin  ou  dans  les 
autres  langues  d'où  ils  sont  venus;  les  quelques  irrégularités 
et  hésitations  qu'on  peut  trouver,  proviennent  en  règle  géné- 
rale soit  d'une  influence  de  la  forme,  soit  d'une  influence  du 
sens.  Ce  fait  très  simple,  très  naturel  n'a  pas  contenté  tout  le 
monde,  et  on  s'est  livré  à  des  spéculations  philosophiques  ou 
plutôt  à  des  rêveries  qui  n'ont  rien  à  faire  avec  la  science. 
Selon  M.  Raoul  de  la  Grasserie  le  masculin  est  considéré 
comme  supérieur  au  féminin.  »0n  masculinisera  les  objets  et 
les  êtres  qui  sont  réputés  posséder  les  qualités  viriles  et  on 
féminisera  les  autres.  On  donnera  le  masculin  aux  mots 
qui  semblent  représenter  l'activité,  la  précision,  la  limitation; 
le  féminin,  à  ceux  dont  le  sens  est  vague  ou  très  étendu. « 
M.  de  la  Grasserie  voit  là  une  concordance  physiologique 
rappelant  l'agressivité  du  mâle,  la  passivité  de  la  femelle. 
Examinons  maintenant  les  exemples  qu'il  donne  pour  appuyer 
sa  thèse.  Espoir  est  masculin  et  espérance  féminin;  c'est  que, 
selon  lui,  espoir  est  une  espérance  limitée,  précise.  Il  n'en 
est  rien.  Espoir  est  masculin  par  la  simple  raison  qu'il  est 
un  substantif  postverbal  (§  541,  i);  espérance  est  féminin 
parce  qu'il  est  un  dérivé  formé  à  l'aide  du  suffixe  -ance 
(§  169)  qui  est  féminin.  Les  autres  exemples  que  cite  M.  de 
La  Grasserie  ne  valent  guère  mieux.  Nous  en  citerons  quelques- 
uns  à  titre  de  curiosité.  »Le  mot  voile  est  alternativement  des 
deux  genres:  au  féminin,  quand  il  signifie  voile  de  navire, 
c'est-à-dire  une  voile  de  grande  étendue;  il  est  masculin,  quand 
il  se  réduit  aux  dimensions  petites,  mais  nettes,  de  l'étoffe  qui 
couvre  le  visage.  La  pendule  est  plus  vaste  que  le  pendule,  c'est 
le  contenant  vis-à-vis  du  contenu  ;  mais  le  pendule  est  plus  im- 
portant, c'est  l'âme  de  la  pendule,  celui-ci  est  sa  matière  et 
lui  en  est  la  partie  active  et  mobile.  Il  en  est  ainsi  du  mémoire 


336 

\is-àvis  de  la  mémoire.  Le  premier  est  un  acte,  la  seconde  une 
faculté  indéterminée.  Les  amours  sont  du  féminin,  parce  que 
l'idée  est  vague,  générale,  multiple,  tandis  que  Vamoiir  au 
masculin  est  un  amour  précis,  unique,  distinct  de  la  simple 
faculté.  Il  en  est  de  même  du  mot  délice  et  de  plusieurs 
autres.*  Il  est  inutile  de  s'arrêter  à  ces  considérations  dénuées 
de  valeur  scientifique.  La  psychologie  n'a  rien  à  voir  au  genre 
des  mots  cités.  Nous  verrons  dans  la  suite  de  quelles  manières 
bien  plus  simples  il  faut  expliquer  le  double  genre  des  mots 
voile  (§  726),  pendule  (§  715),  mémoire  (§  726),  amour  (§699), 
délice  (§  675). 

670.  Mots  héréditaires.  Les  mots  latins  masculins  et  fémi- 
nins conservent  leur  genre  en  français  ;  les  mots  neutres  de- 
viennent soit  masculins,  soit  féminins  selon  que  c'est  la  forme 
du  singulier  ou  celle  du  pluriel  qui  a  été  transmise  (comp.  II, 
§  246,  247). 

P  Mots  masculins:  Liber — le  livre,  murus — le  mur,  lu- 
pus—  le  loup,   homo  —  un  homme,   nions  —  le  mont,    carbo 

—  le  charbon,  rex  —  le  roi,  etc. 

Remarque.  Sont  également  masculins  tous  les  mots  et  tous  les  groupes 
de  mots  qui  s'emploient  accidentellement  comme  substantifs:  le  non,  le 
pourquoi,  le  qui-vive,  le  qu'en  dira-t-on,  le  revenez-y,  etc. 

2^  Mots  féminins:  libra  — la  livre,  bucca  —  la  bouche,  ma- 
nu s  —  la  main,  s  i  t  i  s  — la  soif,  famés  —  la  faim,  l  e  x  —  la  loi, 
crux  —  la  croix,  bonitas  —  la  bonté,  gens  —  la  gent,  soror 

—  la  sœur,  etc. 

3^  Plusieurs  mots  hésitaient  entre  les  deux  genres;  ainsi 
pulvis,  varix,  pu  m  ex,  dies  s'employaient  tantôt  comme 
masculins,  tantôt  comme  féminins.  L'hésitation  s'est  continuée 
dans  les  langues  romanes,  de  telle  sorte  qu'on  a  adopté  le 
masculin  dans  quelques  domaines  et  le  féminin  dans  les 
autres.  Pour  le  français  on  a  choisi  tantôt  le  masculin:   dies 

—  vfr.  le  di  (§  712),  tantôt  le  féminin:  pulvis,  pulveris  — 
la  poudre.  Beaucoup  de  noms  de  personnes  et  d'animaux  ap- 
partenaient aux  »communia«  :  civis,  comes,  conjux,  hères, 
infans,  parens,  etc.,  bos,  canis,  grus,  perdix,  tigris, 
etc.  Ces  mots,  lorsqu'ils  ont  été  transmis  en  français,  ont 
subi  un  triple  sort.    On    leur  a  conservé  les  deux  genres:   in- 


337 

fans —  un  enfant,  une  enfant  (comp.  II,  §  433),  ou  on  leur  a 
créé  une  forme  féminine  spéciale:  comes  —  le  comte,  la  com- 
tesse (comp.  II,  §  379),  ou  enfin  on  a  choisi  l'un  des  deux 
genres  à  l'exclusion  de  l'autre:  perdix  —  la  perdrix. 

4^  Mots  neutres  :  C 1  a  u  s  t  r  u  m  —  le  cloître,  d  o  r  s  u  m  —  le  dos, 
pretium  —  le  prix,  vinum  —  le  vin,  corpus — le  corps,  cor 
—  le  cœur,  no  m  en  —  le  nom,  piper  —  le  poivre,  sal  —  le  sel, 
tempus  —  le  temps.  Arma  —  une  arme,  cornu  a  — une  corne, 
folia  —  une  feuille,  gaudia  — une  joie,  grana  —  une  graine, 
1  a  b  r  a  —  une  lèvre,  vêla  —  une  voile,  opéra  —  une  œuvre,  i  e  m- 
p  o  r  a  —  une  tempe. 

671.  Quelques  groupes  de  mots  se  soustraient  à  la  règle 
générale  que  nous  venons  de  formuler: 

P  Les  noms  d'arbres  en  -us  étaient  ordinairement  féminins: 
Al  nus,  fagus,  ficus,  fraxinus,  malus,  pin  us,  pop  u  lus; 
ils  sont  devenus  masculins  en  français  comme  dans  les  autres 
langues  romanes:  Alnus — un  aune,  fagus — nîy.  le  fau,  fra- 
xinus—  le  frêne,  pinus  —  le  pin.  Ce  changement  de  genre  est 
dû  à  une  influence  de  la  terminaison;  -us  étant  ordinairement 
masculin,  on  a  régularisé  les  quelques  cas  où,  par  exception, 
il  était  féminin.  Il  n'y  a  que  le  seul  mot  ma  nus  qui  ait 
gardé  le  genre  étymologique. 

Remarque.  Les  représentants  français  de  corulus  et  de  ebulus  ont  en 
partie  gardé  le  genre  féminin.  On  disait  dans  la  vieille  langue  la  coudre  et 
on  le  dit  encore  dans  beaucoup  de  patois;  dans  !a  langue  littéraire  l'ana- 
logie des  autres  noms  d'arbres  a  amené  le  coudre.  Hièble  hésite  encore  entre 
les  deux  genres.  Aune,  charme  ont  parfois  été  employés  comme  féminins  au 
XVIe  siècle  grâce  à  une  réaction  savante  (§  675). 

2^  Les  noms  de  fleuves  en  -a  sont  ordinairement  masculins; 
ils  sont  devenus  féminins  en  français,  grâce  à  la  victoire  de 
la  terminaison  sur  le  genre  grammatical:  Sequana  )  la  Seine, 
Garumna  >  la  Garonne,  Ma  trôna  >  la  Marne. 

Remarque  1.  En  espagnol  on  dit  ordinairement  el  Sena,  el  Garona;  il 
faut  peut-être  ici  voir  une  influence  du  mot  el  r(o. 

Remarque  2.  Le  changement  du  genre  des  noms  de  fleuves  peut  amener 
un  changement  dans  la  conception  artistique.  Pour  les  Grecs  et  les  Romains 
les  fleuves  étaient  des  êtres  masculins  et  on  les  représentait  comme  des 
dieux;  un  artiste  français  représenterait  les  fleuves  de  la  France  comme  des 
déesses,  en  tous  cas  comme  des  femmes. 

22 


I 


338 

3°  Les  mots  abstraits  en  -or  qui  étaient  masculins  en  latin, 
sont  devenus  féminins  en  français:  cal  or  —  la  chaleur^  col  or 
—  la  couleur,  error — une  erreur,  horror  —  une  horreur,  etc. 
Le  passage  au  féminin  des  mots  en  -or  remonte  assez  haut; 
on  trouve  dans  Grégoire  de  Tours  tanta  splendor,  magna 
timor,  etc.  Ce  changement  de  genre,  qui  se  retrouve  en  pro- 
vençal, en  rhéto-roman,  en  roumain,  doit  probablement  s'ex- 
pliquer par  des  raisons  psychologiques:  les  mots  abstraits  en 
-or  sont  devenus  féminins  parce  que  la  plupart  des  mots  à 
signification  abstraite  Tétaient  déjà.  Il  faut  supposer  une  in- 
fluence des  noms  en  -té,  -ie,  -esse  et  -ure;  c'est  surtout  cette 
dernière  terminaison  qui  a  pu  provoquer  le  changement  de 
genre.  Dans  le  latin  vulgaire  on  formait  des  mots  tels  que 
calura,  altura,  frigdura  (comp.  §  296);  on  avait  pavura 
à-côté  de  pavore,  et  on  comprend  que  la  froidure  a  pu  en- 
traîner la  froideur. 

Remarque.  En  anglo-normand,  où  le  genre  était  hésitant,  les  mots  en  -eur 
s'employaient  souvent  comme  masculins  (voir  les  remarques  de  M.  Walberg 
dans  son  édition  du  Bestiaire  p.  LXXI). 

672.  A  côté  des  groupes  de  mots  que  nous  venons  d'exa- 
miner, il  faut  citer  un  certain  nombre  de  mots  isolés  qui  pré- 
sentent en  français  et  dès  les  plus  anciens  textes  un  autre 
genre  qu'en  latin.  Dans  la  plupart  des  cas  ce  changement  doit 
remonter  au  latin  vulgaire.  Voici  les  mots  les  plus  importants: 

iEstas,  fém.,  est  devenu  masculin  en  français:  un  été.  L'ita- 
lien a  gardé  le  genre  étymologique  :  una  estate. 

Arbor,  fém.  Ce  mot  est  devenu  masculin  dans  les  langues 
romanes:  roum.  arbar,  it.  albero,  esp.  ârbol,  port,  arvor,  prov. 
et  fr.  arbre.  Ce  changement  de  genre  a  probablement  été  amené 
par  les  noms  d'arbres  devenus  masculins  (§  671,  i).  On  trouve 
sporadiquement  une  arbre  au  moyen  âge  et  au  XVP  siècle. 

Ars,  fém.  Le  genre  féminin  est  gardé  en  italien:  le  belle 
arti.  En  espagnol  et  en  provençal  le  mot  est  des  deux  genres. 
Il  en  a  été  de  même  en  français;  au  moyen  âge  on  trouve 
maies  arts  (Chanson  de  Roland,  v.  886)  à  côté  de  mauvais  art 
(Berte,  v.  644),  mais  le  genre  masculin  prend  vite  le  dessus, 
on  ne  sait  pas  bien  pourquoi  (comp.  la  part).  Au  XVP  siècle 
les  savants  veulent  réintroduire  une  art  (§  675). 


339 

Dens,  m.  On  dit  en  it.  il  dente,  et  en  esp.  el  diente,  mais 
en  vieux  français  on  hésite  entre  le  dent  et  la  dent.  Le  genre 
féminin  qui  finit  par  l'emporter  paraît  dû  à  l'influence  de  la 
gent;  il  se  peut  aussi  que  le  changement  de  genre  remonte  au 
latin.  Ajoutons  que  le  dent  se  dit  encore  dans  plusieurs  patois 
du  Nord  de  la  France. 

Flos  —  f loris,  m.,  est  probablement  devenu  f loris  —  flo- 
ris  en  latin  vulgaire  (II,  §  239,  i)  et  il  a  été  assimilé  aux 
mots  féminins  en  -is.  Le  français  a  toujours  dit  la  fleur; 
comp.  roum.  floarea,  esp.  la  flor ;  mais  en  italien  on  dit  z7 
flore. 

Frons,  fém.  L'espagnol  a  gardé  le  genre  étymologique:  la 
frente.  En  gallo-roman  nous  ne  trouvons  que  le  genre  mascu- 
lin; le  front  a  sans  doute  été  amené  par  le  mont,  le  pont.  Re- 
marquez qu'en  vieux  latin  frons  était  aussi  du  masculin. 

Mare,  neutre.  Le  mot  est  régulièrement  masculin  en  italien 
(il  mare),  en  espagnol  (el  mar),  en  portugais  (o  mar).  Il  est 
devenu  féminin  en  français,  et  ce  changement  surprenant  pour- 
rait peut-être  s'expliquer  par  l'influence  de  son  opposé,  la 
terre. 

Paries,  m.  Cette  forme  paraît  avoir  été  remplacée  en  latin 
vulgaire  par  pares — parëtis,  qui  est  devenu  féminin:  la  pa- 
roi; comp.  esp.  la  pared,  it.  la  parete;  dans  quelques  domaines 
romans  on  constate  une  hésitation  sur  le  genre. 

Sorex,  m.,  a  probablement  été  remplacé  par  sorix  —  so- 
ricem,  d'où  en  français  la  souris  et  en  prov.  la  soritz.  Ce 
changement  est  probablement  dû  à  l'influence  d'un  mot  tel 
que  radix  —  radicem  (comp.  ci-dessous  vervex). 

Sors,  fém.  Tandis  qu'on  a  conservé  le  genre  primitif  en 
italien  et  en  espagnol:  la  sorte,  la  suerte,  le  français  hésite  au 
moyen  âge  entre  la  sort  et  le  sort.  La  victoire  du  genre  mas- 
culin est  peut-être  due  à  la  forme  du  mot  (comp.  le  port  et 
l'adjectif  ort — orde);  il  se  peut  aussi  qu'on  ait  regardé  sort 
comme  une  forme  collatérale  masculine  de  sorte  (comp.  II, 
§  376,  Doublets). 

Vervex,  m.,  devenu  berbex  et  enfin  berbix — berbicem, 
d'où  la  brebis.  Il  s'agit  probablement  ici  d'une  influence  de 
radix  —  radicem,  qui  a  changé  le  genre  du  mot  avec  la 
forme.  Comp.  prov.  la  berbitz. 

22* 


340 

673.  Mots  savants.  Les  mots  savants  repris  au  latin  ou  au 
grec  se  comportent  généralement  comme  les  mots  héréditaires: 
Fasciculus  —  le  fascicule,  vialicus  —  le  viatique;  aequator 
—  un  équateur;  augurium — un  augure,  examen  —  un  exa- 
men^  incendium  —  un  incendie;  mais  adoratio  —  une  adora- 
tion, respublica  —  la  république,  veritas  —  la  vérité. 

Cas  isolés.  Papyrus,  qui  était  féminin  en  latin,  est  devenu 
masculin  en  français  grâce  à  la  terminaison  (comp.  §  664,  i). 
Il  est  difficile  de  voir  pourquoi  foca  est  devenu  le  phoque; 
Cotgrave  donne  la  phoque.  Les  mots  en  -a  sont  également 
devenus  masculins  (voir  §  705).  Sur  le  sort  des  mots  grecs 
neutres  en  -ma,  voir  §  664,2,  Rem. 

674.  Il  y  a  eu  une  grande  hésitation  entre  les  deux  genres  pour 
beaucoup  de  mots  savants  et  surtout  pour  ceux  qui  ne  re- 
montent pas  à  des  mots  déterminés  latins  ou  grecs  mais  qui 
sont  composés  d'éléments  savants.  Un  grand  nombre  de  mots 
qui  sont  masculins  maintenant,  ont  été  autrefois  du  féminin.  On 
trouve  ainsi  sporadiquement  dans  la  vieille  littérature  une  cime- 
terre, une  épisode,  une  évangile,  une  exercice,  une  horoscope,  une 
onyxe  (La  Bruyère),  une  stade.  Inversement  on  trouve  aussi 
des  mots  féminins  employés  sporadiquement  dans  la  vieille 
langue  comme  masculins:  le  diocèse,  un  emblème,  un  épi- 
gramme,  un  épitaphe,  un  fabrique,  un  holocauste,  un  ortho- 
graphe. Voici  des  remarques  détaillées  sur  le  genre  de  quelques 
mots  savants  qui  offrent  un  intérêt  particulier: 

Automobile.  —  On  lit  dans  le  Figaro:  »Doit-on  dire  un  ou 
une  automobile?  La  question  est  assez  sérieuse  pour  que  le 
Conseil  d'État,  ayant  à  rédiger  un  règlement  général  sur  la 
question  des  voitures  sans  chevaux,  ait  jugé  à  propos  de  la 
discuter.  C'est  le  masculin  qui  a  prévalu.  Il  nous  semble 
cependant  qu'on  dit  une  locomobile.  Quelle  raison  le  Conseil 
d'État  a-t-il  eue  de  se  substituer  à  la  commission  du  diction- 
naire de  l'Académie  ?«    Comp.  §  678. 

Équivoque  est  emprunté  du  lat.  sequivocus;  ce  mot  est 
devenu  masculin  en  italien:  equivoco  mais  en  français  on  dit 
une  équivoque.  Autrefois  il  était  des  deux  genres,  ce  que  Boi- 
leau  constate  avec  regret  dans  sa  XI I^  Satire: 


341 

Du  langage  français  bizarre  hermaphrodite, 
De  quel  genre  te  faire,  équivoque  maudite, 
Ou  maudit. 

Phalène.  Nous  citerons  à  propos  de  ce  mot  l'anecdote  sui- 
vante que  raconte  G.  Paris  dans  sa  belle  étude  sur  la  poésie 
de  Sully  Prudhomme  (Penseurs  et  poètes.  Paris,  1896.  P.  255, 
note):  »Les  Stances  et  Poèmes  allaient  paraître  quand  je  reçus 
de  Sully  un  billet  désolé:  On  vient  nie  rappeler,  disait-il,  que 
phalène  est  du  féminin,  et  c'est  vrai,  d'après  l'Académie.  Est-ce 
bien  sans  exception?  Je  ne  puis  refaire  ma  strophe,  et  je  ne 
sais  que  devenir.  Je  le  tirai  d'embarras,  —  peut-être  avec  trop 
de  complaisance,  —  en  lui  citant  les  vers  de  Victor  Hugo  (Si 
j'avais,  ô  Madeleine,  L'œil  du  nocturne  phalène)  et  d'Alfred  de 
Musset  (Le  phalène  doré,  dans  sa  course  légère,  Traverse  les 
prés  embaumés).  Sully  fut  rassuré  et  laissa  la  strophe  telle 
quelle.  Phalène  n'en  doit  pas  moins  être  du  féminin. « 

Remarque.  Les  observations  suivantes  de  M.  E.  Deschanel  montreront 
combien  il  est  difficile  de  déterminer  le  genre  d'un  mot  savant  et  comment 
les  plus  habiles  aussi  bien  qu'un  journaliste  superficiel  sont  exposés  à  s'y 
tromper:  »Un  orateur  de  la  Révolution  a  fait  mânes  du  féminin.  Un  acadé- 
micien de  nos  jours  a  conféré  le  même  sexe  à  fastes  et  dit,  par  inadver- 
tance: les  fastes  romaines.  Tout  récemment  un  écrivain  de  talent  a  im- 
primé de  nouvelles  arcanes.  Un  peu  auparavant,  à  propos  des  représentations 
données  au  théâtre  d'Orange,  deux  de  nos  critiques  les  plus  distingués  met- 
taient au  masculin  l'acoustique.  A  l'inverse,  d'autres  écrivains  mettent  au 
féminin  les  effluves  et  les  amulettes.  .  .  .  Sainte-Beuve,  dans  ses  Causeries  du 
lundi,  tome  VI,  page  132,  parle  de  miscellanées  brillantes.  Mais  c'est  sans 
doute  une  faute  typographique*  (Les  déformations  de  la  langue  française. 
Paris,  1898.  P.  180). 

675.  Il  faut  enfin  remarquer  qu'au  XVP  siècle  les  grammai- 
riens qui  ont  essayé  de  régler  l'orthographe  des  mots  français 
sur  celle  des  mots  latins  (I,  §  89),  ont  aussi  fixé  leur  atten- 
tion sur  le  genre  des  noms,  et  dans  les  cas  où  il  y  avait  dés- 
accord entre  les  deux  langues  ils  ont  arbitrairement  essayé 
de  réduire  les  mots  français  à  leur  genre  primitif.  C'est  pour- 
quoi ils  écrivent  un  ardeur,  un  erreur,  un  horreur,  un  humeur^ 
un  comète,  et  une  arbre,  une  art,  une  dialecte,  etc.  Ces  tenta- 
tives ont  complètement  échoué,  comme  on  pouvait  s'y  attendre. 
Voici  cependant  quelques  observations  sur  un  petit  nombre 
de  mois  où  la  réaction  savante  contre  le  genre  non-étymo- 
logique a  laissé  des  traces  durables: 


342 

Comète,  du  lat.  corn  et  a,  était  d'abord  féminin  à  cause  de 
la  terminaison;  au  XVP  siècle  on  commençait  à  dire  le  comète 
conforniément  à  l'étymologie,  et  on  hésitait  encore  au  XVIII* 
siècle  entre  les  deux  genres.  C'est  le  féminin  qui  l'a  emporté. 

Délice(s)  est  originairement  féminin,  conformément  à  l'étymo- 
logie (lat.  deliciae).  Sous  l'influence  de  delicium  on  com- 
mence au  XVP  siècle  à  dire  un  délice,  et  les  grammaires  mo- 
dernes enseignent  encore  que  notre  mot  est  masculin  au  sin- 
gulier et  féminin  au  pluriel  (comme  amour  et  orgue).  Vaugelas 
et  Ménage  protestaient  énergiquement  contre  un  délice  qui 
suivant  eux  est  un  barbarisme,  qui  ne  se  dit  »ni  dans  le  beau 
langage  ni  dans  le  beau  stile*.  L'Académie  au  contraire  le 
défend,  et  l'Arrêté  ministériel  du  26  février  1901,  sans  le  rayer 
résolument,  le  déclare  rare  et  un  peu  recherché. 

Mode  est  emprunté  du  lat.  niodus;  il  est  devenu  féminin 
sous  l'influence  de  ïe  final  (§  701);  par  réaction  étymologique 
on  crée  le  mode  comme  terme  grammatical. 

Œuvre  vient  du  lat.  opéra  et  il  est  originairement  féminin. 
Sous  l'influence  de  opus  on  commence  au  XVI^  siècle  à  dire 
un  œuvre.  La  langue  moderne  emploie  généralement  le  genre 
féminin,  mais  il  a  gardé  un  œuvre  pour  quelques  cas  particu- 
liers ;  on  dit  ainsi  travailler  au  grand  œuvre,  l'œuvre  complet  de 
Mozart,  etc.  Ce  sont  pourtant  là  des  expressions  archaïques, 
et  la  langue  vivante  moderne  reconnaît  exclusivement  une 
œuvre.  C'est  sous  le  joug  pesant  de  la  rime  qu'A,  de  Musset  a 

écrit: 

Est-ce  que  la  commune  mère, 
Une  fois  son  œuvre  accompli, 
Au  hasard  livre  la  matière 
Comme  la  pensée  à  l'oubli? 

(Sur  trois  marches  de  marbre  rose.) 

676.  Mots  d'emprunt.  Nous  nous  occuperons  ici  surtout  des 
mots  empruntés  aux  autres  langues  romanes.  Ils  reçoivent 
ordinairement  le  genre  qu'ils  avaient  dans  la  langue-mère: 
it.  balcone  )  le  balcon,  it.  bronzo  )  le  bronze,  esp.  casco 
>  le  casque,  esp.  arrecife  >  le  récif,  et  esp.  alcoba  )  une 
alcôve,  it.  cantina  >  la  cantine,  it.  medaglia  >  la  médaille, 
esp.  mantilla  )  la  mantille,  it.  scaramuccia  >  une  escar- 
mouche, etc.  Il  y  a  cependant  des  exceptions  et  des  hésitations 
nombreuses: 


343 

P  Mots  masculins  devenus  féminins:  it.  dispaccio  >  la 
dispache,  it.  mandoline  )  la  mandoline  (§  695),  it.  pun- 
tiglio  )  la  pointillé  (§  694),  it.  ri  st  or  no  >  la  ristourne,  esp. 
sargazo  )  la  sargasse,  esp.  sainete  )  la  saynète,  it.  stallo 
)  la  stalle  (on  a  dit  d'abord  le  stalle),  esp.  zapote  }  la  sapote, 
esp.  zapotillo  )  la  sapotille. 

2^  Mots  féminins  devenus  masculins:  esp.  alcarrazas  ) 
un  alcarazas,  esp.  ni  fia  s  )  un  ninas  (nom  d'un  cigare);  gas- 
con escampativos  )  un  escampativos. 

3^  Hésitations  entre  les  deux  genres.  On  a  hésité  autrefois 
entre  le  et  la  carosse  (it.  il  carroccio,  la  carozza),  le  et  la 
disparate  (esp.  el  disparate),  le  et  la  pagne  (esp.  el  pano), 
le  et  la  pagode,  le  et  la  risque  (it.  risco),  etc.  On  hésite  en- 
core entre  un  et  une  acaba,  le  et  la  caroube,  le  et  la  steppe. 

Remarque.  Comme  pour  les  mots  savants,  les  puristes  ont  essayé  de  ra- 
mener à  leur  genre  étymologique  les  mots  d'emprunt  qui  ont  changé  de 
genre.  Ainsi  romance  est  bien,  à  cause  de  sa  terminaison,  devenue  en  fran- 
çais un  mot  féminin;  mais  on  dit  en  espagnol,  d'où  le  mot  est  venu,  el  ro- 
mance et  c'est  pourquoi  par  ex.  G.  Paris  a  pu  écrire:  »J'ai  longtemps  hésité 
entre  un  romance  et  une  romance^  (Romania,  I,  373). 

677.  Mots  étrangers.  Nous  comprenons  ici  par  mots  étran- 
gers les  mots  appartenant  à  une  langue  étrangère  qu'on  cite 
occasionnellement  sans  les  adopter  et  sans  les  transformer  à 
la  française.  Le  genre  qu'on  leur  attribue,  dépend  tantôt  de 
leur  forme  et  de  leur  signification,  tantôt  du  genre  qu'ils  ont 
dans  leur  propre  langue. 

Mots  allemands.  Nous  avons  trouvé  le  Krach,  le  Kronprinz, 
le  Reichstag,  le  Lied,  le  Wôrterbuch  de  Diez,  mais  la  Grammatik, 
la  Zeitschrift,  etc. 

Mots  anglais.  On  dit  le  brandy,  le  whisky,  le  sandwich  et 
une  garden-party,  une  interview,  la  selfdefence. 

Mots  Scandinaves.  On  dit  le  fiord,  le  slôjd  et  la  vise,  la 
saga,  Vancienne  Edda.  Dans  VÉvangéliste  A.  Daudet  cite  plu- 
sieurs mots  danois;  le  genre  qu'il  leur  assigne  étonne  par- 
fois; on  comprend  qu'il  écrive  le  risengrôd,  bouillie  de  riz 
(p.  36),  mais  pourquoi  la  juleaften  (p.  36,  310)?  Serait-ce  l'in- 
fluence du  mot  français  correspondant:  la  veille  de  noël? 

678.  Le  genre  des  mots  est  peut-être  le  domaine  de  la  gram- 
maire   française    où    a   régné  la  plus  grande  incertitude.    Les 


344 

changements  de  genre  ont  été  nombreux  et  subits.  Dans  les 
Deux  dialogues  (voir  sur  ce  livre  I,  §  42),  Celtophile  s'étonne 
d'entendre  dire,  à  son  retour  en  France  un  navire  au  lieu  de 
une  navire,  et  Philosaune  lui  répond:  »A  propos  de  change- 
ments qui  sont  venus  depuis  vostre  partement  cestuy-ci  en 
est  un  qu'on  a  changé  les  genres  d'aucuns  mots.  Et  quant  à 
faire  un  masculin  d'un  féminin,  comme  on  dit  Un  navire  et 
Le  navire,  pour  Une  navire  et  La  navire:  aussi  Un  comté,  Un 
duché,  pour  Une  comté.  Une  duché«  (Éd.  Ristelhuber,  II,  11). 
Il  s'agit  ici  d'anciens  mots  français  d'origine  et  de  formation 
populaires,  mais  les  hésitations  deviennent  bien  plus  nom- 
breuses quand  il  s'agit  de  mots  savants  ou  de  mots  d'emprunt, 
et  à  partir  de  la  Renaissance  les  grammairiens  ont  vivement 
discuté  les  cas  douteux.  Les  questions  de  cette  sorte  ont  tou- 
jours vivement  préoccupé  les  Français.  M.  de  Balzac  dans  son 
Socraie  Chrétien  se  moque  plaisamment  d'un  vieux  pédagogue 
de  Cour,  »que  l'an  climaterique  surprit,  délibérant  si  erreur 
et  doute  estoient  masculins  ou  féminins  «  (Ménage,  Observations, 
p.  127).  Quant  à  erreur,  les  discussions  ont  vite  cessé,  mais 
elles  se  sont  prolongées  pour  doute.  Dans  ces  discussions  on 
s'en  tenait  généralement  à  ses  préférences  personnelles,  c'est 
pourquoi  il  était  difficile  de  s'accorder.  Vaugelas  déclare  que 
épithalame  est  des  deux  genres,  mais  plutôt  masculin  que  fé- 
minin; Ménage  ajoute:  »je  crois  qu'il  n'est  que  masculin.*  In- 
versement Vaugelas  soutient  qu'il  faut  dire  une  épithète,  mais 
Ménage  déclare  qu'on  peut  faire  ce  mot  indifféremment  mas- 
culin et  féminin.  Les  difficultés  augmentaient  par  le  désaccord 
qui  existait  et  existe  entre  la  langue  littéraire  et  les  parlers 
populaires  et  provinciaux.  Ménage  constate  qu'on  dit  générale- 
ment une  horloge,  mais  il  ajoute  que  les  Gascons,  les  Proven- 
çaux et  les  Normands  disent  un  horloge.  Il  y  a  parfois  aussi 
désaccord  entre  le  parler  des  hommes  et  celui  des  femmes. 
Vaugelas  revendique  pour  les  femmes  la  permission  de  dire 
une  belle  ouvrage,  et  il  soutient  »qu'il  leur  doive  estre  permis 
de  nommer  comme  elles  veulent  ce  qui  n'est  que  de  leur 
usage:  mais  que  pour  les  hommes  il  ne  leur  est  pas  permis 
d'en  user  de  la  sorte.  «  Enfin  il  y  a  aussi  désaccord  entre  la 
langue  littéraire  et  le  parler  vulgaire;  les  hommes  cultivés 
disent  par  exemple  le  centime  et  la  nacre;  dans  le  peuple 
on  peut  entendre  la  centime  et   le   nacre.   Tant  qu'on  emprun- 


345 

tera  des  mots  ou  qu'on  en  créera  il  y  aura  nécessairement 
des  doutes  sur  le  genre  à  attribuer  au  mot  nouveau.  On  l'as- 
similera involontairement  aux  mots  préexistants  dans  la  langue, 
et  il  se  peut  alors  qu'on  lui  donne  un  autre  genre  que  celui 
qu'il  avait  dans  la  langue -mère  et  les  philologues  puristes 
protesteront;  c'est  ainsi  qu'on  dit  une  romance^  malgré  l'es- 
pagnol el  romance  (§  676,  Rem.)  et  les  protestations  n'ont  pas 
manqué.  Il  se  peut  aussi  qu'il  se  présente  deux  possibilités, 
qu'une  analogie  en  deux  sens  divers  se  fasse  sentir;  tel  a  été 
le  cas  pour  automobile.  Fallait-il  dire  un  automobile  comme 
on  dit  un  domicile,  un  reptile,  un  ustensile,  ou  ne  serait-il  pas 
mieux  de  régler  le  mot  sur  une  locomobile,  une  argile,  une 
sébile  et  dire  une  automobile?  Il  a  fallu,  comme  nous  l'avons  vu, 
un  Conseil  d'État  pour  le  décider,  et  il  est  presque  superflu 
d'ajouter  que  sa  décision  n'a  pas  tranché  la  question. 

Remarque.  Dans  un  curieux  petit  livre  intitulé  2,000  locutions  et  fautes 
corrigées  (Paris,  1877)  nous  trouvons  des  remarques  sur  le  genre  d'environ 
120  mots  pour  lesquels  la  langue  populaire  diffère  de  la  langue  littéraire 
et  officielle.  L'auteur  a  trouvé  nécessaire  de  mettre  en  garde  contre:  le  crypte, 
le  girandole,  un  hypothèque,  le  jujube,  le  perce-neige,  le  sarbacane,  et  de 
l'autre  côté  contre  la  balustre,  la  campanile,  la  chambranle,  la  concombre, 
la  crabe,  la  filigramme  (forme  altérée  par  étymologie  populaire),  la  pétale, 
la  stère,  la  stigmate,  la  store,  la  stratagème,  la  trombone,  la  vice,  etc. 


CHAPITRE  II. 

INFLUENCE   DE   LA   FORME. 


679.  Nous  allons  étudier  une  série  d'exemples  montrant 
comment  le  genre  d'un  mot  peut  se  changer  sous  l'influence 
de  la  forme.  Il  faut  distinguer  plusieurs  cas.  Un  mot  peut 
changer  de  genre  sous  l'influence  d'un  autre  mot  homonyme  : 
satyre — satire.  Le  changement  peut  aussi  avoir  lieu  sous 
l'influence  de  la  terminaison  quand  elle  se  confond  avec  un 
autre  mot:  escarboucle — boucle.  Le  plus  souvent  c'est  la  forme 
du  suffixe  qui  entraîne  un  changement:  it.  ritornello,  mais  la 
ritournelle,  à  cause  de  -elle.  Ajoutons  enfin  les  cas  assez  nom- 
breux où  le  changement  est  dû  à  l'aspect  du  mot,  qui  peut 
présenter  des  caractères  masculins  ou  féminins  assez  pronon- 
cés pour  qu'il  se  produise  un  désaccord  avec  le  genre  primi- 
tif: affaire,  écho.  Le  commencement  du  mot  peut  aussi  jouer 
un  rôle  dans  cette  question  (§  706).  Examinons  maintenant 
en  détail  ces  différents  cas. 

680.  Homonymes.  Les  cas  où  des  homonymes  se  sont  in- 
fluencés quant  au  genre  sont  très  peu  nombreux  et  peu  sûrs. 
On  ne  saurait  citer,  avec  quelque  certitude,  que  les  cas  sui- 
vants:'Ê/res,  du  lat.  exteras  (partes)  était  féminin  dans  la 
vieille  langue,  il  est  maintenant  masculin  sous  l'influence  de 
l'infinitif  substantivé  être.  Le  genre  féminin  donné  à  satyre 
(du  lat.  satyrus)  au  sens  de  pièce  de  théâtre  où  figuraient 
des  satyres,  est  dû  à  l'influence  de  satire.  Le  salut,  pour  le  salu, 
est  un  postverbal  tiré  de  saluer  (comp.  it.  il  saluto,  esp.  el  sa- 
hido).  Il  signifie  ainsi  proprement  'salutation',  mais  il  a  aussi 


347 

absorbé  le  lat.  s  al  us  devenu  la  salu  dans  la  vieille  langue. 
La  confusion  des  deux  mots  s'est  effectuée  très  facilement, 
sala  (s  al  us)  s'employant  comme  exclamation,  comme  un  sou- 
hait de  prospérité;  c'était  donc  une  sorte  de  salutation. 

Remarque.  Nous  présenterons  ici  quelques  observations  sur  certains 
mots  qui,  sans  être  de  vrais  homonymes,  coïncident  à  peu  près  complète- 
ment. On  a  déjà  vu  dans  un  précédent  chapitre  (§  672)  comment  dent 
a  été  influencé  par  gent,  et  front  par  mont,  pont.  Ajoutons  que  ombre  (lat. 
umbra)  était  masculin  dans  la  vieille  langue,  ce  qui  peut  être  dû  à  l'in- 
fluence de  nombre.  Piège,  du  lat.  pedica,  était  féminin  au  moyen  âge  con- 
formément à  l'étymologie  (comp.  it.  pedica).  On  commence  de  bonne  heure 
à  dire  le  piège  et  c'est  cette  forme  qui  l'emporte.  Le  changement  de  genre 
paraît  dû  à  l'influence  du  mot  siège.  On  pourrait  aussi  regarder  le  piège 
comme  un  substantif  verbal  de  l'ancien  verbe  piéger. 

681.  Terminaison.  Il  arrive  que  la  terminaison  ou  plutôt  les 
dernières  syllabes  d'un  mot  coïncident  avec  un  autre.  Dans 
ce  cas  le  premier  mot  peut  faire  l'impression  d'un  mot  com- 
posé, et  son  genre  peut  se  régler  sur  celui  du  mot  plus  petit 
regardé  comme  le  primitif.  En  voici  quelques  exemples: 

Alarme,  emprunté  de  l'it.  ail'  arme,  d'abord  masculin 
comme  toutes  les  interjections  (§  658),  puis  des  deux  genres, 
mais  dès  le  XVIP  siècle  on  dit  seulement  une  alarme,  et  ce 
changement  parait  dû  à  l'influence  du  mot  arme  (comp.  une 
larme). 

Coudelatte,  pour  cou  de  laite.  Le  mot  devrait  être  masculin 
(§  717);  mais  comme  on  a  perdu  la  notion  de  l'étymologie, 
le  mot  est  devenu  féminin  sous  l'influence  du  dernier  des  mots 
composants;  la  latte  a  entraîné  une  coudelatte  (comp.  une  perce- 
neige  pour  un  perce-neige;  §  722). 

Épiderme,  emprunté  du  lat.  epidermis.  Conformément  à 
l'étymologie  on  a  dit  d'abord  une  épiderme  (encore  dans  Mo- 
lière) ;  le  mot  est  maintenant  masculin:  un  derme  a  entraîné 
un  épiderme. 

Épitome,  emprunté  du  lat.  epitome  qui  était  féminin;  le 
genre  masculin  du  mot  français  est  probablement  dû  à  l'in- 
fluence de  tome. 

Escarboucle  remonte  au  lat.  carbunculus;  il  était  des 
deux  genres  dans  la  vieille  langue  où  l'on  trouve  aussi  la 
forme  escarboncle;  c'est  l'influence  de  boucle  (comp.  I,  §  529) 
qui  a  définitivement  tixé  la  forme  et  le  genre  du  mot. 


348 

Licorne,  emprunté  du  lat.  unicornis;  le  mot  est  devenu 
féminin  sous  l'influence  de  corne  <  lat.  cornu  a. 

Mensonge,  du  lat.  pop.  *mentitionica,  dérivé  de  men- 
titus,  part,  de  mentire,  est- originairement  féminin  (comp. 
it.  menzogna,  prov.  mensonga),  et  encore  Malherbe  l'emploie 
comme  tel,  mais  Vaugelas  proteste  et  déclare  que  le  mot  est 
toujours  masculin  {Remarques,  II,  483).  C'est  probablement  le 
songe  qui  a  amené  le  mensonge;  les  mots  ont  pu  s'influencer 
réciproquement  grâce  à  leur  signification  et  à  leur  emploi 
(comp.  le  proverbe:   Tous  songes  sont  mensonges). 

Rancœur  est  pour  ranqueur.  L'orthographe  a  été  changée 
sous  l'influence  du  mot  cœur,  qui  a  de  même,  au  moins  spo- 
radiquement, influé  sur  le  genre.  Élymologiquement  il  est  fé- 
minin, mais  Ronsard  dit  le  rancœur  ce  que  donne  aussi  Cot- 
grave  (1611).  Robert  Garnier  hésite  entre  le  et  la  rancœur.  Le 
genre  masculin  se  retrouve  dans  quelques  patois  modernes. 

Rhubarbe^  emprunté  du  lat.  rheubarbarum,  paraît  être 
devenu  féminin  sous  l'influence  de  barbe  (barba). 

Remarque.  Ajoutons  les  deux  mots:  grandmerci  et  raifort  qui  sont  devenus 
masculins,  quoique  merci  (lat.  mer  cède  m)  et  rai  (pour  rais  <  vfr.  raïz  < 
lat.  radicem)  soient  étymologiquement  féminins.  Ce  changement  de  genre 
est  probablement  dû  aux  adjectifs  fort  et  grand,  qui  sont  d'anciens  fémi- 
nins (II,  §  385),  mais  qui  ont  été  pris  pour  des  masculins  après  la  création 
des  formes  forte  et  grande. 

682.  Suffixes.  De  nombreux  changements  de  genre  sont  dus 
à  l'influence  des  suffixes.  Un  suffixe  peut  être  décidément  du 
masculin  ou  du  féminin;  il  peut  aussi  hésiter  entre  les  deux 
genres.  Dans  les  trois  cas  il  se  produit  facilement  pour  les 
mots  héréditaires  et  pour  les  mots  empruntés  ou  savants,  des 
abandons  du  genre  étymologique,  des  incertitudes,  des  doutes. 
Comme  les  mots  en  -our  sont  le  plus  souvent  masculins  et 
les  mots  en  -ine  le  plus  souvent  féminins,  on  finit  par  dire 
un  amour  et  une  mandoline  au  lieu  de  une  amour  et  un  man- 
doline (it.  mandolino).  Comme  les  mots  en  -ice  hésitent 
entre  les  deux  genres  et  qu'on  dit  le  service  mais  la  justice, 
on  arrive  à  hésiter  entre  un  office  et  une  office.  Voici  un  relevé 
de  suffixes  dont  nous  allons  étudier  dans  les  paragraphes  sui- 
vants l'influence  sur  le  genre:  -ace,  -ade,  -âge,  -ange,  -é,  -elle, 
-ère,  -ière,  -ette,  -eiir,  -ice,  -isse,  -ige,  -ille,  -ine,  -oire,  -oie,  -on, 
-our,  -ule. 


349 

683.  ACE  remonte  soit  à  -atium:  spatium  >  espace^  soit 
à  -atio  ou  -acia:  prefatio  }  préface,  audacia  >  audace. 
Cette  terminaison  est  ainsi  étymologiquement  des  deux  genres, 
de  là  des  hésitations,  quoique  le  genre  féminin  soit  prépon- 
dérant : 

Espace  était  autrefois  souvent  du  féminin;  Vaugelas  (Re- 
marques, II,  226)  arrête  qu'il  faut  dire  un  grand  espace  et  pas 
autre  chose.  Comme  terme  d'imprimerie  il  est  encore  du  fé- 
minin. 

Populace  <  it.  populaccio  On  trouve  au  XVI®  siècle  et 
encore  au  XVIP  le  populace,  conformément  au  genre  italien. 
L'emploi  analogique  du  genre  féminin,  qui  l'emporte,  remonte 
très  haut;  déjà  Amyot  disait  la  populace. 

Préface  a  été  du  masculin  aux  XVP  et  XVII®  siècles.  Vau- 
gelas remarque:  »Preface  est  tousjours  féminin,  la  préface,  et 
jamais  le  préface.  Je  l'ay  oûy  faire  masculin  à  tant  de  gens 
qui  font  profession  de  bien  parler,  que  j'ay  creu  estre  obligé 
d'en  faire  vne  remarque  pour  les  desabuser,  et  pour  empescher 
les  autres  de  commettre  cette  faute*   (Remarques,  I,  141). 

684.  ADE  est  une  terminaison  essentiellement  féminine:  la 
cavalcade  (it.  cavalcata),  la  façade  (it.  facciata),  la  marme- 
lade (esp.  mermelada),  la  pintade  (port,  pintada),  etc.; 
c'est  pourquoi  l'espagnol  el  tornado  a  été  rendu  par  la  tour- 
nade  (ou  le  tournado)  et  le  port,  o  travado  par  la  travade.  Sur 
le  changement  du  genre  de  camarade,  voir  §  709. 

685.  AGE.  Les  mots  en  -âge  sont  ordinairement  du  mascu- 
lin, rarement  du  féminin.  Sont  masculins  tous  les  dérivés  for- 
més à  l'aide  du  suffixe  -âge  (§  147):  le  feuillage,  le  mariage, 
le  passage.  Les  quelques  mots  en  -âge  qui  sont  féminins  ne 
dérivent  pas  leur  terminaison  de  -aticum:  la  cage,  la  nage, 
la  page,  la  plage,  la  rage,  la  saxifrage,  une  image.  Malgré  le 
petit  nombre  de  mots  féminins  en  -âge,  ils  ont  pu  contre- 
balancer les  mots  masculins,  d'où  une  âge,  une  gage,  une 
orage,  une  ouvrage;  l'influence  inverse  s'est  aussi  fait  sentir 
comme  le  montrent  le  cartilage,  le  putrilage  et  un  image.  Voici 
quelques  détails  sur  ces  mots: 


350 

Age^  en  vfr.  eage,  du  lat.  pop.  aetalicum;  il  est  régulière- 
ment masculin.  Cependant  au  XVP  siècle  on  Ta  quelquefois 
fait  féminin.  Ménage  proteste  contre  une  âge. 

Cartilage,  du  mot  latin  féminin  car  ti  la  go,  est  devenu  mas- 
culin en  français  ;  il  était  parfois  féminin  au  XVP  siècle. 

Gage,  voir  plus  bas  sous  orage. 

Image,  vfr.  imàgene  (I,  §  327,2)  du  lat.  imagine  m,  est 
étymologiquement  du  féminin;  pourtant  durant  tout  le  moyen 
âge  il  est  souvent  du  masculin,  et  Ronsard  écrit  encore  nos 
bons  images.  Le  genre  masculin  a  été  conservé  dans  plusieurs 
patois  modernes  (le  blaisois,  le  normand). 

Orage  s'employait  comme  féminin  au  XVIP  siècle.  Th.  Cor- 
neille remarque:  »La  plupart  des  femmes  ne  se  contentent 
pas  de  faire  ouvrage  féminin,  elles  donnent  ce  mesme  genre 
à  orage,  et  disent,  voilà  une  grande  orage.  Celles  qui  parlent 
bien  font  ces  deux  mots  masculins,  et  disent,  mon  ouvrage  est 
achevé;  il  y  a  eu  cette  nuit  un  grand  orage.  Il  y  en  a  quelques- 
unes  qui  font  aussi  gages  féminin,  je  lui  donne  de  grosses 
gages.  « 

Ouvrage  a  remplacé  l'ancien  ouvragne;  au  XVP  siècle  il  est 
des  deux  genres,  et  l'hésitation  continue  au  XVIP,  mais  les 
grammairiens  signalent  l'emploi  du  féminin  comme  une  faute. 
Vaugelas  demande  expressément  qu'on  dise  un  long  ouvrage., 
mais  il  ajoute:  ^Les  femmes  parlant  de  leur  ouvrage,  le  font 
tousjours  féminin,  et  disent  voilà  une  belle  ouurage;  mon 
ouurage  n'est  pas  faite.  Il  semble  qu'il  leur  doit  estre  permis 
de  nommer  comme  elles  veulent  ce  qui  n'est  que  de  leur 
vsage  ;  je  ne  crois  pas  pourtant,  qu'il  nous  fust  permis  de 
l'escrire  ainsi«  (Remarques,  II,  170).  L'Académie  (1694)  poursuit 
les  femmes  qui  osent  dire  une  belle  ouvrage.  De  nos  jours 
le  mot  est  féminin  dans  le  parler  vulgaire:  De  la  belle  ouvrage 
(Zola,  L'Assommoir,  p.  84).  Y  fait  toute  V ouvrage  (J.  Marni, 
Fiacres,  p.  17). 

Passerage,  voir  §  722. 

Putrilage^  du  fém.  putrilago,  est  devenu  masculin. 

686.  ANGE  est  tantôt  du  masculin:  Un  échange,  le  lange, 
le  mélange,  tantôt,  et  plus  souvent,  du  féminin  :  La  fange,  la 
grange,  une  orange,  la  vidange.  De  là  des  hésitations  dans  les 
mots  suivants: 


i 


351 

Lange,  du  lat.  laneum  (sous-entendu  pallium?)  est  étymo- 
logiquement  masculin;  au  moyen  âge  il  était  parfois  féminin, 
et  Oudin  (1660)  le  donne  encore  comme  tel. 

Losange  est  primitivement  féminin;  il  est  maintenant  passé 
au  genre  masculin. 

Mélange  était  des  deux  genres  au  XVI ^  siècle  et  encore  au 
commencement  du  XVIP  siècle;  depuis  la  période  classique 
il  n'est  que  du  masculin. 

Vidange:  au  XVP  siècle  on  disait  le  et  la  vidange;  c'est  le 
genre  féminin  qui  l'a  emporté. 

687.  É.  Nous  examinerons  ici  seulement  les  mots  en  -é  dé- 
signant des  dignités,  tels  que  comté,  duché,  évêché.  Comme  le 
suffixe  de  ces  mots  remonte  à  -a tus  (§  190),  ils  sont  étymo- 
logiquement  masculins.  Cependant  on  avait  dans  la  vieille 
langue  des  formes  collatérales  en  eé  (§  198)  qui  sont  fémi- 
nines: la  comteé,  la  ducheé,  d'où,  par  l'amuissement  de  Ve  fé- 
minin atone  (I,  §  266),  la  comté,  la  duché.  La  lutte  entre  les 
deux  genres  dans  ces  mots  a  fini  par  la  victoire  du  masculin, 
malgré  l'appui  analogique  que  pouvaient  prêter  des  mots  tels 
que  la  royauté,  la  bonté,  la  fierté,  etc.    Voici   quelques   détails: 

Archevêché.  Le  genre  féminin  est  encore  employé  par  Mal- 
herbe (Œuvres  complètes,  III,  574);  il  est  défendu  au  XVIP 
siècle. 

Comte'.  Le  genre  féminin,  prépondérant  encore  au  XVP  siècle 
(comp.  §  678),  n'est  que  toléré  au  XVIP.  Vaugelas  remarque 
que  quelques-uns  à  la  cour  et  à  Paris  disent  la  comté,  mais 
»il  est  plus  usité  au  masculin*  (Remarques,  II,  71).  Le  genre 
féminin  a  été  conservé  jusqu'à  nos  jours  dans  deux  combi- 
naisons toutes  faites:  la  Franche- Comté,  la  comté-pairie.  C'est 
probablement  pour  donner  à  sa  phrase  une  tournure  archaïque 
que  H.  Taine  a  dit  quelquefois  la  comté  dans  son  livre  L'An- 
cien Régime  (p.  9,  13);  dans  le  même  livre  on  trouve  aussi 
le  comté.  Remarquez  qu'on  dit  en  Suisse  (Genève)  la  comté  de 
Neuchâtel. 

Duché.  Ce  mot  était  encore  au  XVIP  siècle  des  deux  genres. 
Vaugelas  remarque  qu'il  est  plutôt  masculin  que  féminin,  et 
Ménage  est  de  son  avis,  mais  encore  en  1694  l'Académie  ad- 
met les  deux  genres.  Dans  la  langue  moderne  on  ne  dit  que 
le  duché. 


352 

Évêché.  Le  genre  féminin  était  encore  en  usage  au  XVI® 
siècle.  Ronsard  parle  d'une  bonne  évêché.  Vaugelas  déclare: 
»aujourd'huy  on  le  fait  tousjours  masculin  «  {Remarques,  11,71). 

Parenté,  dérivé  de  parent,  était  masculin  jusque  dans  le  XVP 
siècle.  Robert  Estienne  (1539)  le  donne  comme  féminin,  et  il 
a  gardé  ce  genre. 

Prieuré,  autrefois  prioré,  est  masculin  et  paraît  l'avoir  été 
aussi  dans  la  vieille  langue. 

Vicomte  n'a  pas  suivi  le  développement  de  comté;  il  était 
féminin  au  moyen  âge  et  il  a  gardé  ce  genre  jusqu'à  nos 
jours. 

688.  ELLE  est  presque  exclusivement  du  féminin  :  La  baga- 
telle, la  cervelle,  la  chapelle,  la  ficelle,  etc.  C'est  pourquoi  les 
mots  suivants  sont  devenus  féminins  malgré  leur  étymologie  :  La 
bertavelle  (it.  bertovello),  la  filoselle  (it.  filosello),  la  ky- 
rielle (it.  chiriello,  du  grec  xvqis  Bléi]oov),  une  ombrelle  (it. 
ombrello),  la  ritournelle  (it.  ritornello).  Il  y  a  eu  hésita- 
tion pour  ombrelle  qui  était  d'abord  masculin;  violoncelle  (it. 
violoncello)  a  gardé  son  genre  étymologique.  Ajoutons  que 
modèle  a  été  assimilé  aux  mots  en  -elle  au  XVP  siècle;  Ron- 
sard écrit  la  modelle. 

889.  ÈRE  et  1ÈRE.  Ces  terminaisons  sont  tantôt  mascu- 
lines: mystère  (mysterium),  ulcère  (ulcus,  ulcéris),  cime- 
tière (xoLiurjTiÎQiov)^  tantôt  féminines:  colère  (colera),  mi- 
sère (mise  ri  a),  matière  (materia),  prière  (*p  recari  a).  Cet 
état  de  choses  a  de  bonne  heure  amené  des  incertitudes;  on 
a  autrefois  fait  cimetière,  clystère,  mystère,  ulcère  du  féminin  et 
colère,  misère  du  masculin.  Dans  la  langue  moderne  il  y  a 
encore  hésitation  pour  cratère  (lat.  crater)  qui  est  régulière- 
ment du  masculin,  et  patère  (lat.  paiera)  qui  est  régulière- 
ment du  féminin,  mais  Millevoye  chante  de  profondes  cratères, 
et  Littré  remarque:  »  C'est  une  faute  assez  commune  de  faire 
patère  du  masculin. « 

690.  ETTE  est  une  terminaison  féminine:  une  brunette,  une 
coquette,  une  bavette,  une  alumette,  une  omelette,  etc.  De  là  des 
hésitations  pour  les  mots  suivants  qui  sont  étymologiquement 
du  masculin: 


i 


353 

Amulette,  emprunté  du  lat.  amuletum;  l'Académie  l'a  fait 
masculin  dans  les  éditions  de  1762 — 1835;  il  est  maintenant 
regardé  comme  féminin. 

Caillette  est  primitivement  le  nom  d'un  bouffon  célèbre  du 
XVP  siècle.  On  a  fait  sur  lui  un  poème  intitulé  »La  vie  et 
trespassement  de  Caillette«  (voir  Montaiglon  et  Rothschild, 
Poésies  françaises  des  XV^  et  XVP  siècles,  X,  379).  Son  nom  a 
de  bonne  heure  été  employé  comme  appellatif;  on  disait  d'a- 
bord un  caillette  (encore  dans  Cotgrave,  1611)  ou,  sous  l'in- 
fluence de  la  terminaison,  une  caillette;  c'est  le  genre  féminin 
qui  l'a  emporté. 

Squelette^  emprunté  du  grec  oxélexog;  il  a  gardé  son  genre 
masculin  jusqu'à  nos  jours  malgré  beaucoup  d'hésitations. 
Au  XVIP  siècle  on  disait  couramment  une  squelette.  Ménage 
remarque:  »M.  de  la  Mote  le  Vayer  l'a  fait  féminin  avec  le 
petit  peuple  de  Paris.  Il  est  masculin*  (Observations,  p.  144). 
Les  gens  du  peuple  disent  encore  une  squelette  (comp.  §  674); 
on  entend  aussi  un  esquelette  (I,  §  461). 

691.  EUR.  Cette  terminaison  est  féminine  dans  les  noms 
abstraits  (§  671,3):  la  couleur,  la  ferveur,  la  maigreur,  la  pâ- 
leur, la  pudeur,  etc.  Dans  ces  mots  -eur  remonte  à  -or,  -oris 
(§  229).  A  côté  de  ces  mots  il  y  en  a  d'autres  qui  sont  mas- 
culins et  qui  ont  une  tout  autre  origine  ;  citons  heur,  bonheur, 
malheur,  où  eur  provient  de  -eur  (I,  §276);  pleurs,  substantif 
tiré  de  pleurer;  cœur  (lat.  cor).  Entre  ces  deux  groupes  il  y 
a  eu  des  influences  réciproques  qui  ont  amené  des  hésitations. 
Rappelons  aussi  ce  que  nous  avons  dit  ci-dessus  (§  675)  sur 
l'essai  dû  aux  savants  de  la  Renaissance  de  réduire  les  mots 
abstraits  en  -eur  à  leur  genre  étymologique.  Il  faut  examiner 
à  part  les  mots  suivants: 

Couleur  est  masculin  dans  quelques  locutions  toutes  faites 
telles  que:  couleur  de  feu,  couleur  de  rose,  couleur  de  chair, 
couleur  d'eau,  couleur  d'or,  couleur  de  citron,  etc.  Ces  combi- 
naisons ont  dû  être  regardées  comme  des  expressions  neutres; 
elles  s'emploient  aussi  adjectivement  après  les  substantifs:  Je 
vous  trouve  les  lèvres  cTun  couleur  de  feu  surprenant  (Molière, 
Impromptu  de  Versailles,  se.  III).  Des  souliers  couleur  de  rose. 

Erreur.  Le  genre  masculin  que  lui  attribuaient  volontiers  les 
érudits  d'autrefois,  s'employait  encore  au  XVIP  siècle,  et  juste- 

23 


354 

ment  dans  le  cercle  des  savants.  Vaugelas  proteste  vivement 
contre  un  erreur,  mais  il  ajoute  que  si  l'on  reprend  ceux  qui 
le  disent,  »ils  vous  diront  aussi-tost,  qu'erreur  en  latin  est 
masculin  et  qu'il  le  doit  être  aussi  en  François.  De  mesme 
ils  croiront  que  seruir  à  Dieu,  soit  mieux  dit  que  seruir  Dieu 
parce  qu'en  Latin  on  dit  seruire  Deo,  au  datif  «  (Remarques, 
II,  285). 

Honneur,  du  lat.  h  on  o  rem,  était  féminin  jusqu'au  XVP 
siècle;  on  lit  encore  dans  Montaigne:  leur  honneur  sauve.  Le 
genre  masculin,  qui  finit  par  l'emporter,  apparaît  au  XIV^ 
siècle;  il  est  probablement  dû  à  une  influence  du  mot  bon- 
heur. Comme  honneur  se  comporte  déshonneur. 

Humeur  était  régulièrement  féminin  au  moyen  âge.  Le  genre 
masculin,  si  général  au  XVP  siècle  (§  675),  apparaît  déjà  dans 
la  traduction  de  la  chirurgie  d'Henry  de  Mondeville  (1314). 

Labeur,  substantif  tiré  de  labourer,  est  régulièrement  mas- 
culin (§  541);  par  suite  d'une  influence  des  noms  abstraits 
qui  remontent  à  -or,  -oris,  il  était  aussi  souvent  féminin  au 
moyen  âge;  c'est  le  labeur  qui  l'emporte. 

Pleurs,  postverbal  de  pleurer  (§  545,6);  il  est  régulièrement 
masculin  (comp.  esp.  lloro,  port,  choro);  mais  Vaugelas  fait 
observer  que  quelques  poètes  l'ont  fait  féminin  (Remarques, 
I,  146),  et  ce  genre  lui  est  encore  attribué  par  J.-J.  Rousseau 
et  Lamartine;  ce  dernier  écrit:  Et  de  ses  pleurs  de  fils,  non 
encore  épuisées  (Jocelyn,  3^  époque).  Ce  changement  de  genre 
peut  avoir  une  double  cause;  on'  a  assimilé  les  pleurs  à  les 
fleurs,  les  sœurs  et  aux  mots  abstraits  en  -eur;  ou  les  pleurs  a 
subi  l'influence  de  les  larmes. 

Rancœur,  voir  §  681. 

692.  IGE  ou  ISSE.  Cette  terminaison  reproduit  tantôt  le 
latin  -icium,  -itium  (ou  -issus),  tantôt  le  latin  -icia, 
-itia;  elle  est  donc  soit  masculine:  un  indice,  un  narcisse,  un 
office,  un  service,  un  vice,  soit  féminine  :  une  justice,  une  pelisse, 
une  réglisse.  De  là  des  incertitudes. 

1^  Mots  masculins  devenant  féminins: 

Armistice,  formation  hybride  modelée  sur  solstice;  l'Académie 
l'a  fait  féminin  en  1762.  Il  est  maintenant  toujours  du  masculin. 

Caprice,  emprunté  de  l'italien  capriccio.  On  trouve  la  ca- 
price chez  Ronsard. 


I 


355 

Esquisse,  emprunté  de  l'it.  schizzo  qui  était  masculin;  on 
trouve  en  français   seulement  une  esquisse,  jamais  un  esquisse. 

Exercice,  emprunté  du  latin  exercitium.  On  trouve  dans 
Marot  exercice  amoureuse. 

Office,  emprunté  du  latin  officium.  Déjà  au  moyen  âge  on 
hésitait  entre  un  office  et  une  office,  et  cette  incertitude  dure 
jusqu'au  XVIP  siècle:  Geste  office  (Jehan  de  Paris,  p.  83). 
Toutes  offices  d'amitié  (Rabelais,  I,  50).  Office  vacante  (Baïf). 

Vice,  du  lat.  vitium;  autrefois  on  a  dit,  mais  bien  rare- 
ment, une  vice. 

2^  Mots  féminins  devenant  masculins: 

Immondice,  emprunté  du  lat.  immunditia.  Au  moyen  âge 
on  trouve,  mais  rarement,  un  immondice. 

Malice,  emprunté  du  lat.  malitia.  Au  moyen  âge  on  trouve 
plus  souvent  le  malice  que  la  malice;  ce  n'est  qu'au  XVP  siècle 
que  le  genre  féminin  a  le  dessus  et  l'emporte  définitivement 
sur  le  masculin. 

Narcisse,  est  féminin  dans  le  peuple. 

Réglisse,  du  lat.  liquiritia  (comp.  I,  §  517,2);  il  était  par- 
fois masculin  au  moyen  âge.  Pour  la  langue  moderne,  voir 
§  726. 

Sévices,  du  lat.  saevitias;  le  français  ne  connaît  ce  mot 
que  comme  masculin. 

693.  IGE.  Cette  terminaison  est  surtout  masculine;  on  dit 
le  litige,  le  prestige,  le  prodige,  le  vestige  et  par  analogie  le  ver- 
tige, quoique  vertigo  soit  féminin.  En  français,  tige  est  le  seul 
mot  en  -ige  qui  soit  féminin:  au  XVP  siècle  on  a  dit  assez 
généralement  un  tige. 

694.  ILLE  est  une  terminaison  féminine:  une  aiguille,  une 
anguille,  une  béquille,  une  cheville,  etc.  (comp.  §  257).  C'est 
pourquoi  les  quelques  mots  empruntés  en  -ille  qui  grâce  à 
leur  origine  devraient  être  masculins,  ont  abandonné  leur 
genre  étymologique;  on  dit  ainsi  une  coquille  (lat.  conchy- 
lium),  une  jonquille  (esp.  junquiUo),  une  pastille  (lat.  pa- 
stillus),  une  pointillé  (it.  puntiglio).  —  Les  mots  suivants 
demandent  un  examen  particulier: 

Apostille,  dérivé  du  verbe  apostiller.  Voir  §  551. 

Myrtille  (blat.  myrtillus)  était  du  masculin  au  moyen  âge; 

23* 


356 

il  est  du  féminin  au  XVII'^  siècle  (E.  Rolland,  La  Flore  popu- 
laire, V,  2).  Pour  la  langue  moderne,  Littré  et  l'Académie  lui 
assignent  toujours  le  genre  féminin,  mais  le  Dict.  Gén.  tient 
pour  le  masculin. 

Peccadille  est  emprunté  de  Tesp.  pecadillo.  Marguerite 
de  Navarre  garde  le  genre  étymologique  et  écrit  un  peccatile 
(Heptaméron,  n°  72);  partout  ailleurs  on  trouve  une  peccadille. 

Quadrille  reproduit  trois  mots  espagnols:  el  cuartillo,  el 
cuadrillo,  la  cuadrilla;  il  est  masculin  ou  féminin  selon 
le  sens.  Le  quadrille  est  un  jeu  de  cartes  qui  se  joue  à  quatre 
persoiines  (cuartillo),  un  losange  dans  le  dessin  d'une  étoffe 
(cuadrillo)  et  enfin  un  nombre  pair  de  couples  qui  exécutent 
des  contredanses  dans  un  bal;  pour  ce  dernier  sens  il  y  a  eu 
autrefois  des  hésitations  dans  le  genre.  Une  quadrille  est  une 
troupe  de  cavaliers  divisée  d'ordinaire  en  quatre  groupes,  figu- 
rant dans  un  carrousel;  l'usage  tend  à  faire  ce  mot  masculin. 

695.  INE  est  une  terminaison  exclusivement  féminine:  aubé- 
pine, bottine,  cantine,  colline,  coquine,  etc»  Sur  ces  mots  s'est 
modelé  mandoline,  emprunté  de  l'it.  mandolino.  Platine,  qui 
vient  de  l'esp.  platina,  était  d'abord  féminin;  il  est  main- 
tenant masculin,  au  moins  officiellement,  mais  le  peuple  con- 
serve le  genre  primitif  et  dit  la  platine  est  la  plus  pesante  des 
métaux. 

696.  OIRE  est  tantôt  masculin,  tantôt  féminin;  on  dit  un 
ciboire  (ciborium),  un  conservatoire  (conservatorium),  un 
consistoire  (consistorium),  un  interrogatoire  (interrogato- 
rium),  etc.,  et  une  histoire  (historia),  une  victoire  (Vic- 
toria), une  foire  (feria),  une  poire  (*pira),  etc.  Il  paraît  que 
le  genre  féminin  a  été  prépondérant;  c'est  pourquoi  on  dit 
une  armoire  (armarium),  une  écritoire  (scriptorium),  et  on 
trouve  sporadiquement  une  auditoire  (encore  au  XVIP  siècle), 
une  interrogatoire  (employé  par  Amyot),  une  monitoire  (employé 
par  Fléchier),  une  oratoire,  mais  pour  ces  derniers  mots  c'est 
le  genre  étymologique  qui  l'a  emporté.  De  même  il  y  a  eu 
hésitation  entre  un  et  une  écumoire,  un  et  une  ivoire;  voir  Vau- 
gelas.  Pour  les  mots  primitivement  féminins,  l'analogie  de  la 
terminaison    masculine   -oire  s'est  fait  sentir  dans  histoire;  on 


357 

trouve   souvent   au  moyen  âge  un  histoire.    Sur  mémoire,   voir 
§  726. 

697.  OLE.  Ce  suffixe  (§  346)  se  trouve  ordinairement  dans 
des  mots  féminins:  on  dit  une  auréole,  une  bestiole,  une  cami- 
sole, une  casserole,  une  coupole,  une  métropole,  etc.;  et  le 
pétrole,  le  protocole,  le  symbole.  Le  genre  féminin  a  été  intro- 
duit par  analogie  dans  faséole  (emprunté  du  lat.  faseolus) 
et  malléole  (emprunté  du  lat.  m  aile o lus).  Alvéole  (lat.  al- 
veolus),  qui  est  féminin  encore  chez  Buffon  et  Bernardin  de 
Saint-Pierre,  est  revenu  au  genre  étymologique.  Le  peuple  con- 
tinue à  dire  une  alvéole. 

698.  ON.  Cette  terminaison  est  masculine  dans  les  mots 
venant  de  noms  latins  en  -o,  -onis:  carbonem  )  le  char- 
bon, sermonem  )  le  sermon,  et  dans  les  dérivés  formés  à 
l'aide  du  suffixe  -on  (§  282):  le  ballon,  le  coupon,  le  feuilleton; 
elle  est  féminine  dans  les  mots  où  elle  remonte  au  lat.  -ionem: 
lectionem  >  la  leçon,  rationem  >  la  raison;  ajoutons  les 
mots  savants  :  la  dévotion,  la  direction,  la  religion.  Il  paraît  que 
les  mots  masculins  sont  en  majorité  et  nous  voyons  plusieurs 
féminins  passer  au  masculin;  quelques-uns  gardent  le  nou- 
veau genre  analogique  (frisson,  poison,  soupçon);  les  autres  tels 
que  portion,  raison  reviennent  au  féminin  après  des  hésitations. 
Au  moyen  âge  achoison,  enchoison,  marisson,  royon  étaient  des 
deux  genres.  Voici  quelques  détails: 

Alcyon,  du  mot  latin  féminin  alcyon;  il  est  devenu  mas- 
culin en  français. 

Frisson,  du  lat.  frictionem,  était  féminin  encore  au  XVI® 
siècle.  Ronsard  écrit:  D'une  frisson  tout  le  cœur  me  frétille.  Depuis 
la  Renaissance  le  genre  masculin  est  le  seul  employé. 

Poison,  du  latin  pot  ionem.  Toujours  féminin  au  moyen  âge, 
il  hésite  au  XVP  siècle  entre  le  masculin  et  le  féminin.  En- 
core Malherbe  écrit  cette  lâche  poison.  Vaugelas  (Remarques,  I, 
97;  II,  308)  n'admet  que  le  poison.  Ménage  permet  de  dire  la 
poison  en  poésie.  Thomas  Corneille,  qui  est  de  l'avis  de  Vau- 
gelas contre  Ménage,  fait  observer  que  »la  plupart  des  femmes 
disent  encore  amer  comme  de  la  poisons.  L'Académie  ne  re- 
connaît que  le  genre  masculin,  qui  s'est  conservé  intact  jus- 
qu'à nos  jours,   au   moins  dans  le  langage  cultivé,   car  il  est 


358 

encore  féminin  dans  le  parler  populaire.  Le  passage  au  genre 
masculin  peut  être  dû  à  l'influence  du  mot  synonyme  le 
venin. 

Soupçon,  \ir,  souspeçon,  du  lat.  suspectionem,  hésitait  au 
moyen  âge  entre  le  masculin  et  le  féminin.  Encore  Montaigne 
écrit  ma  souspeçon,  mais  à  partir  de  la  fin  du  XVP  siècle  on 
ne  dit  plus  que  le  soupçon. 

Sur  les  mots  féminins  en  -on  devenus  masculins  à  cause 
d'un  changement  de  sens,  voir  §  709. 

699.  OUR.  Les  mots  en  -our  sont  ordinairement  masculins: 
un  autour,  le  carrefour,  le  four,  le  jour,  le  labour,  le  tambour, 
le  tour  (de  tourner);  mais  la  cour,  la  tour  (de  tu  r  ri  s).  Deux 
mots  demandent  un  examen  particulier: 

Amour,  du  lat.  amorem,  était  régulièrement  féminin  dans 
la  vieille  langue;  vers  la  fin  du  moyen  âge  on  commence  à 
le  faire  aussi  masculin  et  durant  plusieurs  siècles  il  hésite 
entre  les  deux  genres.  De  nos  jours,  le  genre  masculin  l'a  em- 
porté; pourtant  on  peut  encore  employer  le  genre  féminin, 
surtout  au  pluriel,  très  rarement  au  singulier,  mais  cet  emploi 
ne  se  rencontre  que  dans  le  langage  poétique  ou  archaïsant: 
Leurs  amours  carnassières  (A.  France,  Thaïs,  p.  140).  Ne  te 
souvient-il  plus  de  Vamour  ancienne^  (De  Hérédia,  Les  Trophées, 
p.  173).  On  a  dit  autrefois:  On  revient  toujours  à  ses  premières 
amours;  on  dit  maintenant:  On  revient  toujours  à  ses  premiers 
amours. 

Humour  est  donné  comme  masculin  par  la  plupart  des 
lexicographes;  Larousse  seul  lui  attribue  les  deux  genres. 
Dans  la  littérature  on  trouve  le  plus  souvent  un  humour;  une 
humour,  qu'écrit  par  ex.  F.  Coppée,  est  probablement  dû  à 
l'influence  de  une  humeur. 

700.  ULE.  Les  mots  en  -ule,  presque  tous  savants,  sont 
tantôt  masculins,  tantôt  féminins.  On  dit  le  corpuscule,  le  cré- 
puscule, le  fascicule,  le  scrupule,  le  ventricule  (comp.  §  406),  le 
vestibule,  et  la  bascule,  la  capsule,  la  formule,  la  péninsule, 
la  pilule.  Il  y  a  eu  hésitation  pour  appendicule  et  opuscule,  qui 
sont  maintenant  masculins  mais  qui  ont  été  féminins  au  XVP 


359 

et  au  XVIP  siècles;  renoncule^  tiré  du  lat.  ranunculus,  est 
féminin  dès  son  apparition  dans  la  langue  et  il  a  gardé  ce 
genre  jusqu'à  nos  jours.  Le  peuple  dit  fautivement  une  animal- 
cule, une  monticule  et  un  campanule,  un  molécule.  Sur  le  rap- 
port entre  le  pendule  et  la  pendule,  voir  §  715.  Remarquez  que 
émule  et  noctambule  sont  naturellement  des  deux  genres. 

701.  E  FÉMININ.  Comme  l'a  final  latin  s'est  affaibli  en  un 
e  féminin,  cette  dernière  voyelle  est  devenue  la  marque  carac- 
téristique d'un  grand  nombre  de  formes  féminines  :  terra  > 
la  terre,  bucca  >  la  bouche,  vicina  )  la  voisine,  libra  )  la 
livre,  etc.  Un  e  féminin  final  se  trouve  aussi  comme  voyelle 
d'appui  dans  des  mots  masculins:  librum  )  le  livre,  ma- 
gistrum  )  le  maître,  a  si  nu  m  >  un  âne,  etc.,  mais  les  mots 
féminins  sont  en  majorité,  et  nous  voyons  qu'on  a  regardé 
l'e  féminin  final  comme  tellement  nécessaire  aux  mots  de 
genre  féminin  qu'on  l'a  parfois  introduit  dans  les  mots  où  il 
manquait.  C'est  ainsi  qu'on  est  arrivé  à  écrire  la  cuillère,  la 
dote,  pour  la  cuiller,  la  dot.  De  l'autre  côté  l'instinct  populaire 
a  demandé  qu'il  n'y  eût  pas  d'e  féminin  final  au  masculin. 
C'est  cette  même  tendance  qui  fait  parfois  retrancher  l'e  fé- 
minin final  des  mots  masculins;  la  langue  littéraire  a  adopté 
le  pédant  pour  le  pédante  qui  est  la  forme  primitive  (II,  §  394), 
mais  elle  a  rejeté  le  patriot.  On  a  souvent  créé  d'un  mot  fé- 
minin un  doublet  masculin  en  retranchant  simplement  la 
voyelle  finale;  nous  en  avons  déjà  donné  plusieurs  exemples 
(II,  §  376).  Ajoutons  ici  qu'on  trouve  sporadiquement  dans  la 
vieille  langue  un  caracol,  un  squelet,  etc.  Cependant  l'existence 
d'un  e  féminin  final  ne  suffit  pas  pour  provoquer  un  change- 
ment de  genre;  il  faut  que  toute  la  terminaison  offre  un  cer- 
tain aspect  féminin  pour  qu'un  changement  se  produise  et 
l'analogie  d'autres  mots  primitivement  féminins  est  souvent 
nécessaire.  Nous  allons  maintenant  passer  en  revue  un  certain 
nombre  de  mots  devenus  féminins,  soit  définitivement,  soit 
sporadiquement. 

Remarque.  Nous  avons  déjà  (§  551)  cité  un  certain  nombre  de  substan- 
tifs postverbaux  qui  ont  hésité  entre  les  deux  genres:  apostille,  délivre,  doute, 
écoute,  encombre,  encontre,  erre,  jeûne,  manque,  offre,  relâche,  rencontre,  re- 
proche, reste;  nous  n'y  reviendrons  pas  ici. 


360 

702.  Mots  masculins  devenus  féminins: 

Affaire^  composé  de  à  et  faire  (comp.  I,  §  316, 2),  était  régu- 
lièrement masculin  au  moyen  âge  (§  723)  ;  il  hésite  entre  les 
deux  genres  au  XVP  siècle;  après  1600  on  ne  dit  plus  que 
une  affaire.  Plusieurs  patois  modernes  ont  gardé  le  genre  mas- 
culin. 

Asperge,  emprunté  du  lat.  asparagus,  est  donné  comme 
masculin  (comp.  il.  sparago)  par  Cotgrave  (1611)  et  Richelet 
(1680);  partout  ailleurs  il  est  féminin. 

Bamboche  est  emprunté  de  l'it.  bamboccio;  il  est  fémi- 
nin dès  son  apparition  (comp.  une  brioche,  une  broche,  une 
pioche). 

Chartre,  du  lat.  carcerem,  est  féminin  dès  son  apparition 
en  français. 

Étude  est  emprunté  du  lat.  studium:  il  était  d'abord  mas- 
culin, selon  l'étymologie,  mais  vers  la  fin  du  moyen  âge  on 
commence  aussi  à  dire  une  étude,  grâce  à  l'influence  de  la 
terminaison  Pendant  quelque  temps  il  y  a  hésitation  entre  les 
deux  genres  et  les  grammairiens  leur  attribuent  un  sens  dif- 
férent. Malherbe  dit:  »  Etude  pour  un  lieu  où  l'on  étudie,  est 
féminin  ;  étude  pour  travail  d'étudier  est  masculin,  qui  fait  au 
contraire  n'y  entend  rien.«  De  nos  jours  on  ne  dit  plus  que 
une  étude. 

Huile,  du  lat.  oleum;  le  genre  féminin  est  prépondérant 
dès  les  plus  anciens  textes;  on  ne  trouve  que  très  rarement 
un  huile.  Henri  de  Mondeville,  dans  sa  Chirurgie  (traduction 
de  1314),  donne  au  mot  les  deux  genres. 

Impasse;  ce  mot  a  été  créé  par  .Voltaire,  qui  lui  donne  le 
genre  masculin  (comp.  un  cul-de-sac);  on  dit  maintenant  une 
impasse  (comp.  une  ruelle).  Pourtant  A.  France  écrit  un  impasse 
noir  et  boueux  (Le  chat  maigre,  p.  164). 

Insulte  est  peut-être  emprunté  de  l'it.  in  suit o.  On  trouve 
dans  Corneille  et  Boileau  un  insulte,  mais  c'est  une  insulte  qui 
l'a  emporté. 

Intrigue,  de  l'it.  intrigo;  on  trouve  le  genre  étymologique 
dans  Corneille  (Menteur,  I,  se.  6).  Vaugelas  remarque  que  »la 
plupart  font  ce  mot  féminin  «   (Remarques,  I,  220). 

Limite,  emprunté  du  lat.  limitem  qui  était  masculin;  on 
trouve  au  XVP  siècle  et  encore  dans  Corneille  le  limite,    mais 


361 

la  limite  le  remplace  (comp.  la  faillite,  la  marmite,  la  clématite, 
la  diphthérite). 

Obole,  emprunté  du  lat.  obolus;  on  a  au  XVP  siècle  risqué 
un  obole  mais  sans  succès. 

Parenté,  dérivé  de  parent.  Conformément  à  l'étymologie  on 
dit  le  parenté  jusque  dans  le  XVP  siècle;  la  parenté  est  pro- 
bablement dû  à  Pinfluence  des  nombreux  mots  féminins  en 
-té  tels  que  la  bonté,  la  charité,  la  fierté,  la  pauvreté,  etc.  (comp. 
§  292,  687). 

Rondache,  dérivé  de  rond  (§  182,  Rem.);  on  trouve  dans 
A.  d'Aubigné  le  rondache;  le  genre  masculin  est  probablement 
dû  à  l'influence  de  mots  tels  que  panache  (§  703). 

Topaze^  emprunté  du  lat.  topazion;  on  trouve  rarement 
dans  la  vieille  langue  le  topaze,  comp.  it.  topazio. 

703.  Ajoutons  quelques  mots  masculins  qui,  sporadique- 
ment, ont  été  féminins: 

Abîme,  du  lat,  pop.  abissimum,  superlatif  de  abyssus, 
était  parfois  féminin  au  XVP  siècle. 

Article,  emprunté  du  lat.  articulus,  était  parfois  féminin 
au  XV^  siècle;  pour  les  exemples  voir  Anciennes  poésies  fran- 
çaises, p.  p.  A.  de  Montaiglon  et  J.  de  Rothschild,  X,  345. 

Bronze,  de  l'it.  bronzo,  est  régulièrement  masculin;  au 
XVP  siècle  on  trouve  parfois  la  bronze,  et  l'Académie  dit  en 
1694  que  plusieurs  le  font  féminin. 

Cantique,  du  lat.  canticum,  est  employé  comme  féminin 
dans  les  Miracles  de  Notre  Dame. 

Capuce,  emprunté  de  l'it.  capuccio,  a  été  employé  comme 
féminin  par  J.-K.  Huysmans  dans  Là-Bas. 

Centime  (comp.  it.  centesimo).  Littré  remarque:  »C'est  une 
faute  très  commune  de  faire  centime  du  féminin. « 

Chanvre,  du  lat.  cannabem  ou  cannabum;  il  était  par- 
fois féminin  au  XVP  siècle,  et  La  Fontaine  dit  encore  la  chanvre 
{Fables,  I,  8).  Le  genre  féminin  se  retrouve  dans  plusieurs 
patois  modernes. 

Chiffre  (comp.  I,  §  44, 2,  Rem.)  est  devenu  féminin  dans  plu- 
sieurs patois. 

Cigare  a  été  employé  comme  féminin  par  Chateaubriand 
(voir  Littré). 


362 

Épisode^  du  grec  êneiacôiov,  a  été  longtemps  des  deux  genres; 
on  hésite  encore  au  XVI P  siècle,  mais  déjà  Vaugelas  (Re- 
marques, II,  67)  incline  pour  le  masculin. 

Espace,  voir  §  683. 

Mérite,  emprunté  du  lat.  meritum,  a  été  autrefois  influencé 
par  les  mots  féminins  en  -ite,  d'où  la  mérite  qui  se  disait  sou- 
vent au  moyen  âge  (comp.  limite,  §  702). 

Navire,  emprunté  du  lat.  pop.  navilium,  flotte;  on  trouve 
quelquefois  au  moyen  âge  une  navire,  et  on  parlait  ainsi  en- 
core au  XVP  siècle.  Dans  Les  deux  dialogues,  d'Henri  Estienne 
(I,  §  42),  Celtophile  proteste  très  vivement  contre  le  navire; 
selon  lui,  le  genre  masculin  s'y  est  introduit  »en  despit  de 
toutes  règles  et  observations*  (II,  11 — 12). 

Ordre,  du  lat.  ordinem;  à  côté  de  un  ordre  on  trouve  du- 
rant tout  le  moyen  âge  une  ordre.  Vaugelas  constate  qu'on  dit 
encore  de  son  temps  les  saintes  ordres  (Remarques,  II,  70), 
mais  c'est  un  terme  consacré  qui  ne  tarde  pas  à  disparaître. 
Sur  désordre,  voir  §  667,  Rem. 

Panache,  emprunté  de  l'it.  pennacchio;  on  l'a  fait  quelque- 
fois féminin  au  XVP  siècle  sous  l'influence  de  mots  tels  que 
bravache,  hache,  moustache,  rondache,  vache. 

Renne,  emprunté  de  l'ail,  renn;  Littré  remarque  que  plu- 
sieurs naturalistes  ont  fait  ce  mot  du  féminin,  et  l'Académie 
(1718—1740)  donne  la  renne. 

Rythme,  emprunté  du  lat.  rhythmus.  Montaigne  dit  la 
bonne  rythme. 

Silence,  emprunté  du  lat.  silentium;  sous  l'influence  des 
nombreux  mots  oii  -ence  remonte  à  -entia  on  l'a  fait  parfois 
féminin  :  Si  belle  silence  (Jehan  de  Paris,  p.  46). 

704,  Mots  féminins  devenus  masculins.  Voici  maintenant  un 
certain  nombre  de  mots,  tous  féminins  en  latin  et  qui  sont 
devenus  masculins  en  français  grâce  à  leur  terminaison: 

Écho,  emprunté  du  lat.  écho,  fém.;  il  est  toujours  mascu- 
lin en  français. 

Orchestre,  emprunté  du  lat.  orchestra,  était  féminin  encore 
au  XVII P  siècle.  On  ne  connaît  maintenant  que  un  orchestre 
(comp.  un  bourgmestre,  un  semestre). 

Oripeau,  primitivement  orie-pel  (lat.  auream  pelle  m).  On 
a  de  bonne   heure  perdu    la  notion  des  éléments  composants 


363 

et  le  mot,  regardé  comme  une  entité,  est  devenu  masculin 
(comp.  le  chapeau,  le  copeau,  le  drapeau,  le  pipeau). 

Plantain,  du  lat.  plantaginem.  Le  mot  est  masculin  dès 
les  plus  anciens  textes  (comp.  airain,  levain,  terrain,  grain, 
pain,  châtelain,  etc.,  tous  du  masculin). 

Provin,  pour  provain  (comp.  §  263,  i),  du  lat.  propagine  m. 
Le  mot  est  masculin  dès  les  plus  anciens  textes. 

Ustensile,  emprunté  du  lat.  ustensilia,  était  originairement 
féminin  (comp.  asile,  domicile,  péristyle,  reptile,  tous  masculins). 

705.  A.  Les  mots  en  -a  sont  tous  savants  ou  empruntés. 
Ils  sont  ordinairement  du  masculin:  le  cantarella,  le  chipolata, 
le  choléra,  le  falbala,  le  mimosa,  un  opéra,  le  paria,  le  polka,  le 
syringa,  le  sopha,  le  pacha,  etc.  Comp.  mon  meâ  culpâ  (P.  Her- 
vieu.  Peints  par  eux-mêmes,  p.  32),  un  Piêtà  (R.  Bazin,  Les 
Oberlé,  p.  112).  On  dit  même  le  phylloxéra  vastatrix.  Le  genre 
masculin  peut  être  dû,  au  moins  en  partie,  à  l'influence  de 
mots  tels  que  le  coutelas,  le  plâtras,  le  matelas,  etc.  (§  178). 
Quelques  mots  en  -a  d'emploi  tout  récent  sont  féminins:  la 
douma,  l'ancienne  Edda,  la  saga,  la  villa,  la  véranda(h),  la 
sierra. 

Remarque.  Les  mots  en  -a  ont  entraîné  les  noms  de  plantes  en  -m,  créés 
récemment  par  les  naturalistes;  ils  devraient  être  féminins,  et  ils  sont  tous 
masculins  :  le  camélia,  le  dahlia,  le  fuchsia,  le  magnolia,  etc. 

706.  Nous  nous  sommes  occupés  jusqu'à  présent  de  la  ter- 
minaison des  mots  et  du  rôle  qu'elle  joue  dans  la  formation 
du  genre.  Voici  maintenant  quelques  indications  sur  l'influence 
que  peut  exercer  parfois  le  commencement  des  mots.  Il  est 
constaté  depuis  longtemps  que  les  mots  qui  commencent  par 
une  voyelle  passent  facilement  au  féminin.  Déjà  Vaugelas  a 
observé  ce  fait.  En  parlant  de  mots  rares  et  de  genre  incer- 
tain il  cite  anagramme,  épigramme,  épithalame,  épitaphe,  épi- 
thète,  et  il  ajoute  que  le  commencement  vocalique  est  cause 
de  l'incertitude  du  genre,  »parce  que  la  voyelle  de  l'article  qui 
va  devant  se  mange  et  oste  la  connaissance  du  genre  mascu- 
lin ou  féminin;  car  quand  on  prononce  ou  qu'on  escrit  Vépi- 
gramme,  ou  une  épigramme,  l'oreille  ne  sçauroit  juger  du  genre  « 
(Remarques,  I,  20).  Il  y  en  a  encore  de  nos  jours  qui  pro- 
noncent un  comme  une  devant  une  voyelle  ;  nous  avons  en- 
tendu dire  une  arbre,  une  œuil  et  aucune  autre  pour  aucun  autre 


364 

(comp.  intolérant  et  inégal,  brun  et  brunir).  Si  d'un  côté  on  a 
la  prononciation  une  ouvrage  et  de  l'autre  un  bel  ouvrage,  où 
l'adjectif  a  la  forme  du  féminin  (comp.  une  belle  femme  et  un 
beau  garçon),  on  comprend  qu'on  arrive  facilement  à  dire 
aussi  une  belle  ouvrage,  et  cela  d'autant  plus  facilement  que 
dans  la  combinaison  cet  ouvrage  le  pronom  fait  à  l'oreille  l'im- 
pression d'un  féminin.  Ce  phénomène  s'observe  encore  de  aos 
jours.  Le  livre  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus  (§  678,  Rem.) 
souligne  qu'il  ne  faut  pas  dire  une  amadou,  une  amulette,  une 
animalcule,  une  antidote,  une  armistice,  une  astérisque,  une  éclair, 
une  emblème,  une  émincé,  une  emplâtre,  une  entrecôte,  une  érysi- 
pèle,  une  esclandre,  une  évangile,  une  hôtel,  une  incendie,  une 
ivoire,  une  omnibus,  une  organe,  une  ulcère,  une  ustensile.  Pour 
plusieurs  de  ces  mots  le  genre  féminin  peut  aussi  avoir  été 
déterminé  par  la  terminaison. 

Remarque.  Comme  nous  l'avons  vu,  le  commencement  vocalique  fait  pas- 
ser le  masculin  au  féminin;  mais  le  passage  très  naturel  de  un  incendie  a 
une  incendie  amène  des  hésitations  sur  le  genre  des  mots  à  initiale  voca- 
lique, et  elles  ont  pour  résultat  qu'on  arrive  aussi  par  contre-coup  (I,  §  115) 
à  dire  un  idole  pour  une  idole.  Les  grammairiens  orthoépistes  mettent  en 
garde  contre  un  alcôve,  un  amnistie,  un  anagramme,  un  annexe,  un  anti- 
chambre, un  arabesque,  un  atmosphère,  un  avalanche,  un  enclave,  un  épave, 
un  escarmouche,  un  espace,  un  estampille,  un  étable,  un  extase,  un  horloge, 
un  oasis,  un  oie.  Il  va  sans  dire  que  le  genre  fautif  de  ces  mots  a  pu  être 
déterminé  par  d'autres  raisons  que  le  commencement  vocalique. 

707.  Pour  finir  nous  citerons  quelques  observations  de  MM. 
C.  Latreille  et  L.  Vignon  sur  les  changements  de  genre  dus  à 
l'influence  de  la  désinence  qui  s'observent  dans  le  dialecte 
lyonnais.  Ils  écrivent:  Molard  [auteur  d'une  grammaire  lyon- 
naise, 1792]  voit  bien  que  intervalle  et  parafe  doivent  leur 
genre  féminin  à  leur  terminaison.  Il  aurait  pu  expliquer  de 
même  les  féminins  fantôme,  globule,  indice,  insecte,  sable.  Il 
faut  y  joindre  les  expressions  suivantes  :  une  cep  de  vigne,  une 
fût  (tonneau),  la  chasse  d'une  aiguille,  la  gril  (ustensile  de 
cuisine),  où  la  prononciation  des  consonnes  finales  a  entraîné 
le  genre  féminin,  par  confusion  avec  les  substantifs  terminés 
par  e.  Un  débâcle  s'explique  sans  doute,  comme  le  dit  Molard, 
par  des  mots  comme  miracle,  tabernacle,  réceptacle;  et  la  pa- 
nache par  la  moustache.  Le  hagard  (la  bagarre)  et  le  passoir 
(la  passoire)  reposent  sur  une  confusion  de  suffixes  dans  la 
prononciation  {Mélanges  Brunot,  p.  256). 


CHAPITRE  III. 

INFLUENCE   DU  SENS. 


708.  De  même  que  le  sens  d'un  mot  peut  en  déterminer  le 
genre,  il  est  aussi  capable  de  le  changer.  Voici  les  cas  prin- 
cipaux : 

P  Quand  il  y  a  désaccord  entre  le  sexe  naturel  et  le  genre 
grammatical,  celui-ci  peut  modifier  celui-là.  Ce  phénomène 
s'observe  surtout  dans  les  cas  où  des  noms  abstraits  ou  des 
noms  de  choses  s'emploient  comme  noms  de  personnes;  ainsi 
de  une  enseigne  on  tire  un  enseigne  (voir  §  709). 

2^  Un  mot  employé  dans  certaines  combinaisons  qui  en 
modifient  le  sens,  peut  changer  de  genre;  on  dit  une  chose 
très  belle  mais  quelque  chose  plus  beau  que  la  vie  (voir  §  711). 

3^  Le  genre  d'un  mot  peut  être  changé  sous  l'influence  d'un 
autre  mot  qui  offre  le  même  sens  ou  le  sens  inverse  (voir 
§  712). 

709.  Changement  de  sens.  Plusieurs  mots  désignant  soit  une 
chose,  soit  une  notion  abstraite,  s'emploient  parfois  aussi 
comme  noms  de  personnes;  dans  ce  cas,  le  mot,  s'il  est 
Féminin,  peut  changer  de  genre  ou  garder  son  genre  étymo- 
logique. Ainsi,  à  côté  de  une  trompette  on  a  formé  un  trom- 
pette, pour  désigner  l'homme  qui  joue  de  cet  instrument.  Mais 
pour  harpe  par  exemple  on  n'a  pas  créé  de  forme  masculine 
correspondante.  Voici  d'abord  quelques  exemples  où  le  nou- 
vel emploi  a  amené  un  changement  de  genre  ;  nous  laissons 
de  côté  les  cas  où  la  forme  du  mot  a  été  modifiée  avec  le 
genre,  comme  dans  un  patte-pelu  (voir  II,  §  394). 


366 

Aide.  —  Une  aide,  action  d'aider;  d'où  un  aide,  celui  qui 
aide. 

Barbe.  —  De  la  barbe  (lat.  barba)  on  a  tiré  le  barbe,  mot 
employé  chez  les  Vaudois  pour  désigner  le  médecin  (voir  les 
exemples  de  Littré).  Le  même  mot  est  employé  ailleurs  comme 
titre  de  respect,  la  barbe  étant  regardée  comme  un  signe  de 
sagesse  et  de  gravité.  C'est  ainsi  que  //  barba  dans  les  dia- 
lectes septentrionaux  de  l'Italie  s'emploie  pour  oncle;  le  roi 
Victor  Emmanuel  se  signait  souvent  dans  les  lettres  à  ses 
amis,  Barba  Vittorio.  Cet  emploi  est  d'ancienne  date;  nous  le 
trouvons  chez  Dante  (Paradiso,  XIX,  v.  136),  et  déjà  l'édit  du 
roi  Rotharic  prête  le  même  sens  à  barba  avec  l'addition  ex- 
plicative »quod  est  patruus«.  Le  mot  faisait  au  génitif  bar- 
banis  (II,  §  241);  comp.  barbano,  forme  collatérale,  générale 
au  nord  de  l'Italie. 

Camarade.  —  Une  camarade  (esp.  camarada),  chambrée,  d'où 
un  camarade,  proprement  homme  de  chambrée,  puis  com- 
pagnon, ami;  le  sens  primitif  du  mot  était  en  usage  au,  XVI® 
siècle. 

Carmagnole.  —  Une  carmagnole,  sorte  de  vêtement  devenue 
populaire  pendant  la  première  révolution,  d'où  un  carmagnole, 
révolutionnaire  qui  portait  ce  vêtement. 

Chose.  —  Ce  mot  devient  masculin  dans  le  langage  familier 
quand  il  s'emploie  d'une  manière  neutre  pour  désigner  un 
homme  qu'on  ne  veut  pas  ou  ne  peut  pas  nommer;  on  se 
rappelle  le  titre  d'un  beau  roman  de  Daudet:  Le  petit  Chose. 
Sur  chose  employé  comme  pronom,  voir  §  711. 
.  Cornette.  —  Une  cornette,  diminutif  de  corne,  pavillon,  d'où 
un  cornette,  celui  qui  porte  la  cornette. 

Enseigne.  Une  enseigne  (lat.  in  si  g  nia)  d'où  un  enseigne,  l'of- 
ficier qui  porte  l'enseigne. 

Garde.  —  Une  garde,  d'où  un  garde,  celui  qui  garde. 

Grand-croix.  —  Une  grand-croix,  d'où  un  grand-croix,  celui 
qui  porte  cette  décoration. 

Guide.  —  Une  guide  (postverbal  de  guider),  lanière  de  cuir 
qui  sert  à  diriger  les  chevaux,  d'où  un  guide,  celui  qui  guide 
ou  accompagne.  Dans  ce  dernier  sens  le  mot  était  des  deux 
genres  au  grand  siècle;  dans  les  titres  de  livres  il  est  resté 
féminin  encore  au  XVIIP  siècle,  et  ce  n'est  qu'en  1835  que 
l'Académie   a   abandonné   cet  usage  et  officiellement  remplacé 


367 

par  ex.:  ^La  guide  des  pécheurs^  (comp.  Régnier,  Mazette,  v.  2) 
par  »Le  guide  des  pécheurs<^. 

Justice.  —  De  la  justice  (lat.  justitia)  on  a  tiré  le  justice, 
haut  magistrat  espagnol  (voir  Littré,  s.  v.,  n°  14). 

Manœuvre.  —  Une  manœuvre  (du  lat.  pop.  manuopera), 
d'où  un  manœuvre,  ouvrier  qui  fait  de  gros  ouvrages. 

Nourrisson.  ~  Ce  mot,  dont  la  forme  primitive  est  norreçon 
(lat.  nutritionem),  est  maintenant  masculin,  et  ce  genre 
inétymologique  est  dû  au  changement  de  sens.  Au  moyen  âge, 
il  était  féminin  et  avait  la  signification  de  'nourriture'. 

Paillasse.  —  Une  paillasse  (dér.  de  paille;  comp.  §  178)  d'où 
un  paillasse,  celui  qui  est  vêtu  d'une  toile  à  paillasse,  bateleur. 

Poesté.  —  Ce  vieux  mot,  qui  vient  du  lat.  potestatem, 
signifiait  puissance.  Il  avait  aussi  le  sens  de  'seigneur'.  On 
lit  dans  Li  Trésors  de  Brunetto  Latini:  »I1  est  voirs  que  vos 
m'avez  eleu  poesté  et  fait  seignor  de  vos«.  Il  ne  ressort  pas  de 
cet  exemple  si  le  mot  avait  changé  de  genre,  comme  en  ita- 
lien où  l'on  dit  il  podestà. 

Prison.  —  Une  prison  (lat.  prehensionem),  d'où  un  pri- 
son, celui  qui  est  enfermé  dans  la  prison;  ce  mot,  assez  géné- 
ral au  moyen  âge,  a  été  remplacé  par  prisonnier.  On  dit  en- 
core le  prison  dans  le  parler  vulgaire  de  plusieurs  localités 
(Mons,  Roubaix). 

Trompette.  —  Une  trompette  (dér.  de  trompe),  d'où  un  trom- 
pette, celui  qui  sonne  de  la  trompette. 

Ajoutons  le  mot  italien  féminin  pagnotta,  proprement  un 
petit  pain  rond,  puis  gage,  payement;  on  dit  par  ex.  scrivere 
per  la  pagnotta;  le  mot  a  passé  en  français  où  il  a  été  ap- 
pliqué par  dérision  à  des  soldats  d'occasion  qui  se  louaient 
pour  un  pain,  et  ce  nouveau  sens  a  amené  un  nouveau  genre: 
un  pagnote. 

Remarque  l.  Un  développement  pareil  s'observe  dans  les  autres  langues 
romanes.  Rappelons  pour  l'italien:  il  camerata,  il  cornetta,  il  prigione,  et 
pour  l'espagnol:  eZ  aijuda,  el  camarada,  el  corneta,  el  espada  (toréador),  el 
espia  (espion),  el  guarda,  el  guardia,  el  giifa,  el  justicia,  el  trompeta. 

Remarque  2.  Poinçon  (punctionem)  est  masculin;  il  aurait  dû  être  fé- 
minin, mais  c'est  probablement  le  passage  du  sens  abstrait  au  sens  con- 
cret qui  a  amené  ce  changement.  En  latin,  unio  était  féminin  au  sens  d'u- 
nion, mais  masculin  au  sens  de  perle  ou  de  bulbe,  ce  qui  explique  le  fran- 
çais un  oignon. 


368 

710.  Dans  d'autres  cas  le  changement  de  sens  n'est  pas  ac- 
compagné d'un  changement  correspondant  de  genre.  Ainsi 
basse,  caution,  connaissance,  dupe,  flûte,  liarpe^  lance,  pratique, 
recrue,  vigie  sont  toujours  féminins,  même  quand  ils  sont  em- 
ployés comme  désignation  d'un  homme.  Le  même  manque 
d'accord  entre  le  genre  grammatical  et  le  sexe  naturel  se 
trouve  dans  estafette  et  sentinelle.  On  constate  parfois  des  hési- 
tations sur  le  genre.  Exemples: 

Une  dupe,  huppe;  comme  cet  oiseau  est  censé  très  stu- 
pide,  on  emploie  aussi  le  mot  au  figuré  pour  désigner  une 
personne  naïve  et  trompée  sans  changement  de  genre:  il  est 
ma  dupe.  Pourtant  La  Fontaine  a  risqué  un  dupe  (Fables,  IX,  8). 

Une  peste  (emprunté  du  lat.  pestis),  maladie  épidémique  et 
homme  pernicieux;  dans  ce  dernier  sens  on  a  dit  autrefois 
un  petit  peste  en  parlant  d'un  garçon  malicieux. 

Une  recrue,  accroissance  et  ce  qui  vient  compléter  une  troupe: 
un  soldat  de  recrue  ou  une  recrue  pour  le  soldat  nouvellement 
enrôlé.  Le  peuple  dit  parfois  un  recrue. 

Une  sentinelle  (emprunté  de  l'it.  sentinella).  Les  poètes 
emploient  parfois  ce  mot  au  masculin:  Sur  leurs  corps  et 
leurs  ailes  Brillent  des  yeux  sans  nombre,  assidus  sentinelles 
(Delille,  Paradis  perdu,  XI). 

711.  Changement  d'emploi.  Les  substantifs  âme,  chose,  per- 
sonne, rien  sont  souvent  à  regarder  comme  des  neutres  logiques 
grâce  à  leur  emploi  comme  pronoms  indéfinis  ou  aux  autres 
fonctions  spéciales  qui  leur  sont  attribuées.  Dans  ces  cas  leur 
genre  étymologique  est  changé  contre  le  masculin. 

Ame  se  combinait  souvent  dans  la  vieille  langue  avec  au- 
cun et  nul  et  ces  combinaisons  prenaient  le  sens  de  nemo. 
Employé  de  cette  manière,  le  mot  devenait  masculin,  on  di- 
sait aucun  âme  et  nul  âme;  pour  les  exemples,  voir  le  glossaire 
des  Miracles  de  Nostre  Dame. 

Chose,  combiné  avec  quelque  ou  autre,  s'emploie  au  sens  de 
aliquid,  aliud;  cet  emploi  neutre  en  a  changé  le  genre: 
Quelque  chose  est  arrivé.  Ils  ont  quelque  chose  plus  beau  que  la 
vie  (Daudet,  Helmont,  p.  104).  Quelque  chose  est  promis,  et  vous 
verrez  qu''autre  chose  sera  fait.  Pour  savoir  quelque  chose  il  faut 
l'avoir  appris.  On  dit  également:  Le  quelque  chose  habillé  de 
blanc  (Zola,  Lourdes,  p.  105).    La  combinaison  quelque  chose  a 


369 

le  vieux  pronom  alque  (II,  §  576,8)  comme  autre  chose  a 
remplacé  el  (II,  §  576, 3).  Pour  le  genre  on  hésitait  au  XVII« 
siècle;  le  féminin  se  trouve  par  ex.  dans  Corneille  et  Molière: 
Je  vous  voulais  tantôt  proposer  quelque  chose:  Mais  il  n'est  plus 
besoin  que  je  vous  la  propose.  Car  elle  est  impossible  (Le 
Menteur,  v.  961).  Cela  n'est-il  pas  merveilleux  que  j'aie  quelque 
chose  dans  la  tête  qui  pense  cent  choses  différentes  en  un  mo- 
ment et  fait  de  mon  corps  tout  ce  qu'c//e  veut  (Dom  Juan,  III, 
se.  1).  Rappelons  enfin  les  vers  connus  d'Aceilly: 

Dis-je  quelque  chose  assez  belle? 
L'antiquité  tout  en  cervelle 
Prétend  l'avoir  dite  avant  moi. 

Pourtant  déjà  en  1647  Vaugelas  avait  demandé  que  quelque 
chose  fût  construit  avec  le  masculin,  en  observant  que  »ces 
deux  mots  font  comme  un  neutre  «  (Remarques,  I,  354).  Il  est 
inutile  d'ajouter  que  chose  garde  son  genre  étymologique  dans 
des  phrases  telles  que  :  Quelque  chose  que  je  lui  aie  dite,  je  n'ai 
pu  le  convaincre.  Quelle  autre  chose  voulez-vous  de  moi?  Deman- 
dez-moi toute  autre  chose. 

Personne  (lat.  perso na),  combiné  avec  ne,  est  devenu  un 
pronom  indéfini  négatif,  correspondant  au  latin  nemo.  Dans 
cet  emploi  il  est  du  masculin  dans  la  langue  moderne:  per- 
sonne n'est  parfait;  personne  n^est  venu.  Pourtant  si  le  sens  le 
demande,  personne  peut  garder  son  genre  étymologique:  Per- 
sonne nétait  plus  belle  que  Cléopâtre.  Personne  n'est  plus  que 
moi  votre  obligée.  Autrefois  personne  était  toujours  du  féminin  : 
Personne  n'est  desprisée  (Montaigne). 

Rien  (lat.  rem)  est  originairement  un  substantif  féminin,  et 
il  garde  son  genre,  même  quand  il  est  employé  comme  pro- 
nom :  Pour  savoir  se  de  li  seroit  riens  retrouvée  (Berte  aus  grans 
pies,  V.  2465).  Depuis  longtemps  le  mot  a  été  regardé  comme 
un  neutre  logique  et  est  devenu  masculin.  On  dit  dans  la 
langue  moderne:  Rien  n'est  arrivé;  rien  n'est  plus  beau  que  ce 
site.  Au  moyen  âge  la  combinaison  nule  rien,  où  rien  gardait 
son  genre  étymologique,  était  regardée  comme  une  unité  équi- 
valant à  »nihil«  et  qui  demandait  le  neutre:  Nule  rien  qu'il 
demandent  ne  lor  est  demoret  (Pèlerinage  Charlemagne,   v.  247). 

24 


370 

712.  Mots  parallèles.  Nous  entendons  par  celte  expression 
des  mots  qui  offrent  un  sens  parallèle  ou  un  sens  contraire  et 
qui  sont  parfois  unis  dans  des  combinaisons  plus  ou  moins 
figées.  Ces  mots  s'influencent  facilement  pour  les  phonèmes 
et  pour  la  forme  (I,  §  118,3,4);  nous  allons  voir  qu'ils  s'em- 
pruntent aussi  le  genre: 

Après-midi  est  régulièrement  masculin;  on  le  fait  aussi  fé- 
minin sous  l'influence  des  vieilles  formes  après-dînée^  après- 
soupée,  qui  ont  aussi  influencé  le  genre  de  après-dîner,  après- 
souper. 

Automne,  autrefois  féminin  (§  726),  est  devenu  masculin  dans 
la  langue  moderne  sous  l'influence  des  noms  des  autres  sai- 
sons (un  été,  un  printemps,  un  hiver). 

Cloaque,  emprunté  du  latin  cloaca;  au  XVI®  siècle  il  était 
des  deux  genres,  mais  le  genre  masculin  l'emporte  sous  l'in- 
fluence du  synonyme  un  égout.  Le  genre  féminin  ne  vit  plus 
que  dans  l'expression  archéologique  la  grande  cloaque  (cloaca 
m  a  xi  ma). 

Di  (lat.  die  s)  était  masculin  dans  la  vieille  langue,  et  le 
même  genre  est  employé  dans  toutes  les  autres  langues  ro- 
manes excepté  le  roumain  (comp.  esp.  Buenos  dias  et  roum. 
hund  ziuà).  Le  mot  est  encore  masculin  dans  les  combinai- 
sons midi,  lundi,  mardi,  mercredi,  etc.  Au  moyen  âge  on  disait 
tote  di  ce  qui  est  une  formation  analogique  faite  sur  tote  nuit 
(l'allemand  présente  l'analogie  inverse:  des  Nachts  conformé- 
ment à  des  Tages).  Rappelons  aussi  qu'on  trouve  parfois  dans 
les  vieux  textes  la  graphie  miedi  faite  sur  mienuit. 

Dimanche,  pour  diemenche  (I,  §  271,  2),  était  des  deux  genres 
dans  la  vieille  langue.  Le  genre  masculin  est  probablement  dû 
à  l'influence  des  noms  des  autres  jours  de  la  semaine:  le 
mardi,  le  jeudi,  etc.  Dans  le  parler  actuel  de  Genève  on  dit  la 
dimanche. 

Été,  voir  §  672. 

Gent  (du  lat.  gentem)  est  régulièrement  féminin;  employé 
au  pluriel  le  mot  est  devenu  synonyme  de  'hommes',  ce  qui 
a  amené  un  changement  de  genre.  Exemples:  Gens  mortz 
(Ambroise,  Guerre  sainte,  v.  2904).  Gent  malement  entechiez  (ib., 
V.  2562).  Tous  ses  gens  sont  passez  (Jehan  de  Paris,  p.  77),  etc. 
Dans  la  Syntaxe  nous  nous  occuperons  plus  en  détail  de  la 
lutte,  continuée  jusqu'à  nos  jours,  entre  le  genre  propre  du  mot 


371 

et  le  genre  de  l'idée  qu'il  exprime.  Les  phrases  suivantes 
montreront  les  règles  arbitraires  et  peu  rationnelles  que  suit  la 
langue  moderne  :  De  vieilles  gens.  Des  gens  résolus.  Les  meilleures 
gens  que  j'aie  jamais  vus.  Instruits  par  Vexpérience  les  vieilles 
gens  sont  prudents.  Tous  les  honnêtes  gens.  Toutes  les  vieilles 
gens.  Tous  les  gens  de  cœur.  Gens  est  toujours  masculin  quand 
il  désigne  une  profession,  une  qualité:  Gens  de  lettres,  gens  de 
guerre,  gens  de  cour.  Ces  règles  compliquées,  dont  déjà  Vau- 
gelas  (Remarques,  II,  191)  s'était  occupé,  remontent  assez  haut; 
en  voici  un  exemple  du  XV^  siècle:  Telles  vieilles  gens  de- 
viennent jalons  {Quinze  joies  de  mariage,  p.  178).  Selon  l'Arrêté 
ministériel  du  26  février  1901  on  tolérera  maintenant  l'accord 
au  féminin  dans  tous  les  cas  avec  gens;  il  est  ainsi  permis  de 
dire  et  d'écrire:  Instruits  ou  instruites  par  Vexpérience,  les  vieilles 
gens  sont  soupçonneux  ou  soupçonneuses.  Cette  liberté  n'est  guère 
heureuse  et  va  contre  le  génie  de  la  langue.  Aujourd'hui,  gens 
est  évidemment  à  regarder  comme  un  mot  masculin,  le  genre 
féminin  se  trouvant  surtout  dans  quelques  combinaisons  toutes 
faites  où  l'adjectif  fait  corps  avec  le  substantif.  Voici  quelques 
observations  intéressantes  de  M.  É.  Rodhe:  »Le  français  vi- 
vant exige  la  tournure  :  Instruits  par  l'expérience  les  vieilles  gens 
sont  soupçonneux.  Sans  doute  de  pareilles  constructions  sont 
le  résultat  de  l'enseignement  grammatical  des  écoles;  mais  il 
faut  reconnaître  que  l'usage  actuel  n'a  pas  tout  à  fait  tort. 
Les  tournures  féminines  comme  les  vieilles  gens,  les  petites  gens, 
les  bonnes  gens,  les  méchantes  gens,  certaines  gens,  et  quelques 
autres  du  même  genre  (le  nombre  en  est  assez  restreint)  sont, 
pour  la  conscience  des  Français  actuels,  des  tournures  stéréo- 
typées, des  expressions  simples  équivalant  à  :  'les  vieillards,  les 
petits,  les  bons,  les  méchants',  etc.  Elles  représentent  des  in- 
dividus des  deux  sexes,  et  comme  on  enseigne  dans  les  écoles 
et  dans  les  grammaires  que  le  masculin  l'emporte  sur  le  fé- 
minin, il  est  tout  naturel  qu'on  dise  :  les  vieilles  gens  sont  soup- 
çonneux de  même  qu'on  dirait  les  vieilles  femmes  et  les  vieux 
hommes  sont  soupçonneux.  . . .  Selon  nous,  au  lieu  de  restaurer 
le  passé  —  ce  que  semble  vouloir  faire  l'Arrêté,  —  il  faudrait 
marcher  au  contraire  dans  le  sens  des  tendances  actuelles  de 
la  langue,  restreindre  le  féminin  à  certains  cas  oii  l'adjectif 
est  lié  à  son  substantif,  mais  faire  dire  et  écrire  tous  les 
vieilles  gens,  comme  on  dit  et  écrit  tous  les  braves  gens.  A  plus 

24* 


372 

forte  raison  faut-il  de  toute  nécessité  le  masculin  dans  l'ex- 
emple cité  plus  haut.  Les  vieilles  gens  sont  soupçonneuses  éveille- 
rait inévitablement  dans  l'esprit  de  tout  Français  l'idée  de 
vieilles  femmes,  ce  qui  serait  un  contresens,  puisqu'on  veut 
exprimer  une  collectivité*  (La  nouvelle  réforme  de  r orthographe 
et  de  la  syntaxe  françaises.  Lund,  1900.  P.  41 — 42). 

Glaive,  altération  du  lat.  gladius  (voir  I,  §  5,  525)  est 
ordinairement  masculin.  On  trouve  quelquefois  dans  la  vieille 
langue  une  glaive,  où  il  faut  probablement  voir  l'influence  de 
une  épée. 

Loire  (Liger)  est  devenu  féminin  sous  l'influence  d'autres 
noms  de  fleuves  comme  la  Seine,  la  Marne,  la  Garonne.  Il  était 
masculin  encore  au  commencement  du  XVP  siècle. 

Mer,  voir  §  672. 

Mi-août  est  féminin  comme  tous  les  composés  de  mi  suivis 
d'un  nom  de  mois  ou  du  mot  carême;  ont  dit  ainsi  la  mi-mai, 
la  mi-septembre,  la  mi-carême,  etc.  Cette  particularité  remonte 
au  moyen  âge  où  l'on  trouve  par  ex.  la  miaoust  (Chevalier  au 
lion,  V.  2679).  Le  genre  féminin  s'explique  peut-être  par  une 
influence  de  la  mienuit. 

Minuit,  au  moyen  âge  mie  nuit  (I,  §  271, 2),  est  primitive- 
ment féminin.  On  commence  à  dire  le  minuit  au  XVP  siècle, 
et  il  y  avait  hésitation  entre  les  deux  genres  encore  au  XVI P 
siècle.  Vaugelas  (Remarques,  I,  158)  défend  la  locution  sur  le 
minuit  contre  ceux  qui  demandent  sur  la  minuit.  Ménage  ne 
connaît  pour  notre  mot  que  le  genre  masculin.  Ce  change- 
ment est  dû  à  l'influence  analogique  de  midi.  La  minuit  s'em- 
ploie encore  dans  la  poésie  populaire:  Quand  s'est  venu  sur 
la  minuit,   La  belle   pleure   dedans  son  lit  (Romania,  X,  365). 

Noël  (lat.  natalis)  est  ordinairement  masculin.  Cependant 
on  dit  aussi  la  noël  dans  la  plupart  des  parlers  populaires  et 
le  genre  féminin  a  même  pénétré  dans  la  littérature:  La  noël 
de  Jean  Rumengol  (Anatole  Le  Braz,  Vieilles  histoires  du  pays 
breton).  C'est  le  mot  fête  qui  a  provoqué  le  changement  de 
genre. 

Pâque,  emprunté  du  lat.  pascha.  Ce  mot  est  féminin  au 
singulier  quand  il  désigne  la  fête  des  Juifs:  faire  la  Pâque.  Au 
pluriel  il  se  dit  de  la  fête  chrétienne  et  garde  le  genre  éty- 
mologique  dans   les   deux  expressions  Pâques  fleuries   et   faire 


373 

de  bonnes  Pâques;  partout  ailleurs  il  est  traité  comme  un  mot 
masculin  et  singulier,  probablement  sous  l'influence  de  noël. 
On  dit  ainsi  :  Pâques  a  été  tardif  cette  année.  Pâques  a  été  beau. 
Quand  Pâques  sera  venu.  On  a  hésité  s'il  fallait  dire  à  Pâques 
prochain(s),  ou  à  Pâques  prochaines;  les  deux  tournures  sont 
un  peu  vieillies  maintenant;  on  les  évite  et  on  les  remplace 
par:  aux  prochaines  fêtes  (ou  vacances)  de  Pâques. 

Patenôtre  (lat.  paternoster)  est  devenu  féminin  sous  l'in- 
fluence du  mot  prière.  C'est  cette  même  influence  qui  a  fait 
dire  une  credo  au  moyen  âge  (comp.  en  allemand  das  Vater- 
unser  d'après  das  Gebet).  Ajoutons  qu'on  dit  dans  le  peuple 
le  patenôte. 

Personne  (lat.  persona)  est  régulièrement  féminin.  Pourtant 
au  sens  d'individu  ou  d'homme  on  l'a  fait  souvent  masculin  : 
quatre  personnes  diversement  vestuz  (Rabelais,  IV,  chap.  47). 
Faire  rire  des  personnes  qui  nous  impriment  le  respect  et  ne  rient 
que  quand  ils  veulent?  (Molière,  Impromptu  de  Versailles,  se.  1). 
Jamais  je  n*ai  vu  deux  personnes  être  si  contents  Vun  de  Vautre 
(Dom  Juan,  I,  se.  2).  On  rend  une  personne  insensible  quand  on 
le  reprend  trop  (Racine,  Œuvres  complètes,  VI,  307).  Cest  de  ces 
sortes  de  personnes  que  le  Seigneur  a  prédit  qu'ils  seraient  sauvés 
difficilement  (id.,  Œuvres  complètes,  V,  390). 

Pleurs,  employé  au  féminin,  peut  avoir  subi  l'influence  de 
larme;  voir  §  691. 

Poison  a  peut-être  été  influencé  par  venin  (voir  §  698). 

Sorbe,  du  lat.  sorbus,  aurait  dû  être  masculin  (§  671,i);  c'est 
sous  l'influence  de  la  pomme,  la  poire,  la  prune,  etc.  qu'on  dit 
la  sorbe. 

Val,  du  lat.  vallem,  est  de  bonne  heure  devenu  masculin; 
on  a  dit  le  val  par  analogie  avec  le  mont.  Le  genre  étymo- 
logique a  été  conservé  dans  les  noms  géographiques  Laval, 
Lavaux,  Bonneval,  Vaucluse. 

Remarque.  Sur  quelques  noms  d'oiseaux  devenus  masculins  peut-être 
sous  l'influence  du  mot  oiseau,  voir  §  719.  Sur  avant-scène,  voir  §  723. 

713.  Nous  citerons  enfin  les  remarques  suivantes  de  MM.  C. 
Latreille  et  L.  Vignon  sur  le  dialecte  lyonnais:  »Des  mots 
peuvent  changer  de  genre  sous  l'influence  des  mots  de  même 
sens  ou   de   sens   voisin:   un    bête,   un  dupe  prennent  le  genre 


374 

de  homme^  ciseaux  celdi  de  cisailles^  fibres  celui  de  nerfs,  per- 
drigone  celui  de  prune,  vis  celui  de  clou.  On  dit  du  jujube,  du 
reguelisse  d'après  jus  de  réglisse,  suc  de  jujube.  Un  poutre  doit 
peut-être  son  genre  masculin  au  patois  ira  (de  trabem), 
reins  son  genre  féminin  à  quelque  autre  partie  du  corps.  En- 
fin pâté  et  pâtée  sont  confondus,  et  le  premier  s'emploie  au 
masculin  pour  le  second  (Mélanges  Brunot,  p.  257). 

Remarque.    Bêle   est    du    masculin    aussi    dans   les   parlers   populaires  de 
l'Ouest  de  la  France.  A  Rennes,  gros  bête  s'emploie  comme  injure. 


CHAPITRE  IV. 

ELLIPSE. 


714.  Un  mot  peut  changer  de  genre  par  ellipse  ou  plutôt  par 
sous-entendu.  La  fameuse  aéronef  qui  échappait  en  1907  à 
l'armée  française  et  qui  n'a  jamais  été  retrouvée,  s'appelait 
Patrie;  en  relatant  Taccident,  les  journaux  ont  parlé  de  la 
fuite  du  Patrie,  et  le  genre  masculin  est  dû  probablement  au 
genre  d'un  mot  explicatif  sous-entendu  :  on  a  dit  le  Patrie  pour 
le  ballon  Patrie  ou  le  dirigeable  Patrie.  Ce  phénomène  n'est  pas 
rare,  mais  il  est  souvent  difficile  à  constater;  dans  plusieurs 
des  cas  où  l'explication  par  l'ellipse  d'un  mot  pourrait  paraître 
naturelle,  d'autres  explications  se  présentent  en  même  temps 
à  l'esprit,  de  sorte  qu'on  hésite  sur  la  catégorie  dans  laquelle 
il  faut  classer  le  mot;  ainsi  plusieurs  des  exemples  que  nous 
étudierons  dans  ce  chapitre  pourraient  aussi  avoir  leur  place 
dans  le  chapitre  précédent.  Ici  comme  ailleurs  dans  le  do- 
maine de  la  grammaire  il  est  prudent  de  ne  pas  s'arrêter  à 
une  explication  trop  restreinte,  trop  tranchante;  il  faut  ad- 
mettre que  plusieurs  causes  ont  pu  agir  à  la  fois,  et  l'analyse 
la  plus  fine  peut  être  incapable  de  nous  dire  laquelle  d'entre 
elles  est  la  plus  importante.  La  vie  est  large  dans  toutes  ses 
manifestations,  et  moins  on  est  exclusif,  moins  on  est  exposé 
à  se  tromper. 

715.  Voici  une  série  de  mots  dont  le  genre  a  été  probable- 
ment déterminé  par  l'ellipse: 

Choléra.  —  Ce  mot  est  devenu  masculin  peut-être  sous  l'in- 
fluence de  'morbus';  on  a  dit  d'abord  le  choléra  morbus.  Sur 
l'a  tonique  final,  voir  §  705. 


376 

Claque.  —  Ce  mot  est  régulièrement  féminin  (§  548);  il  est 
entré  dans  la  combinaison  un  chapeau  claque,  d'où  par  abré- 
viation un  claque. 

Grimoire.  —  On  a  dit  d'abord  une  grimoire,  puis  un  gri- 
moire pour  un  livre  de  grimoire;  le  mot  est  une  altération  du 
lat.  grammatica  et  est  ainsi  un  doublet  de  grammaire;  la 
grammaire  était  autrefois  considérée  comme  quelque  chose 
d'inintelligible  et  de  mystérieux. 

Huit- ressorts.  —  Ce  mot  emploj^é  au  singulier  masculin  pour 
désigner  une  sorte  de  voiture,  est  une  abréviation  de  un  car- 
rosse à  huit  ressorts.  Pour  la  forme,  comp.  II,  §  363,  Rem. 

Lévite.  —  Ce  mot  qui  reproduit  lévites  ou  levita  est  ori- 
ginairement masculin.  Comme  désignation  d'un  certain  vête- 
ment il  est  devenu  féminin  et  la  lévite  est  à  regarder  comme 
une  tournure  brachylogique  pour  la  robe  lévite. 

Nadar.  —  Nom  d'un  photographe  parisien.  On  a  dit  une 
Nadar  dans  l'argot  de  Paris  pour  une  photographie  de  Nadar; 
on  en  trouve  un  exemple  dans  Lavedan,  Vieux  marcheur,  p.  35. 
Dans  le  même  livre  on  trouve  aussi  l'expression  comique  ma 
Krupp  (p.  23)  pour  ma  lorgnette,  dont  le  genre  a  également  été 
déterminé  par  ellipse. 

Omnibus.  —  On  dit  un  omnibus  et  dans  l'argot  de  Paris  une 
omnibus;  ce  changement  est,  selon  A.  Darmesteter  (Formation 
de  mots  nouveaux,  p.  182),  dû  à  un  sous-entendu  du  mot  voi- 
ture. Peut-être  avons-nous  là  tout  simplement  l'effet  de  l'ini- 
tiale vocalique  (§  706). 

Pâques,  voir  §  712. 

Pendule.  —  Une  pendule  s'explique  comme  une  abréviation 
de  une  horloge  à  pendule;  le  mot  pendule  au  sens  de  balancier 
est  masculin  (lat.  pendu  lu  s).  Le  peuple  s'y  trompe  et  dit /es 
oscillations  de  la  pendule,  le  balancier  du  pendule,  etc. 

Pivoine.  —  On  dit  une  pivoine,  conformément  au  genre  latin 
(pseonia),  en  parlant  de  la  plante.  De  ce  mot  a  été  tiré  un 
pivoine  qui  est  peut-être  une  abréviation  de  un  oiseau  pivoine 
(comp.  §  719).  Le  peuple  s'y  trompe  et  dit  la  pivoine  perchée 
sur  le  pivoine. 

Quasimodo,  le  dimanche  qui  suit  Pâques;  c'est  proprement 
le  dimanche  de  la  messe  Quasimodo;  par  l'ellipse  du  mot 
messe,   Quasimodo  est  devenu  féminin;  on  dit  après  la  Quasi- 


377 

modo,  renvoyer  à  la  Qiiasimodo,  etc.  Quasimodo  devrait  être 
masculin;  c'est  une  jonction  des  deux  premiers  mots  de  l'in- 
troït de  la  messe  du  dimanche  (comp.  §  5). 

Réglisse.  —  On  a  dit  autrefois  dans  la  langue  littéraire  du 
réglisse  pour  du  jus  de  réglisse,  du  bois  de  réglisse,  et  la  langue 
populaire  a  conservé  cette  manière  de  dire;  pour  les  détails, 
voir  §  726. 

Remise.  —  Un  remise  est  une  abréviation  pour  un  fiacre  de 
remise. 

Vapeur.  —  Ce  mot,  qui  est  emprunté  du  lat.  vapor,  est  ré- 
gulièrement féminin  (§  671,3);  dans  la  langue  moderne  on  dit 
aussi  le  vapeur,  ce  qui  est  une  expression  elliptique  pour  le 
bateau  à  vapeur. 

Saint-Jean,  Saint-Martin,  Saint-Pierre,  Saint-Sylvestre  et  tous  les 
autres  noms  de  saints  s'emploient  au  féminin  pour  désigner  le 
jour  où  l'on  célèbre  le  dit  saint.  On  dit  ainsi:  A  la  Saint-Jean, 
lété  de  la  Saint-Martin,  etc.,  en  sous-entendant  fête  ou  veille. 

Toussaint,  qui  est  pour  Toussaints  (II,  §  363),  est  devenu  fé- 
minin par  Tellipse  du  mot  fête:  célébrer  la  Toussaint.  En  voici 
un  exemple  remontant  au  moyen  âge:  Al  siste  jor  de  la  grant 
feste.  De  la  toz  seinz  que  chescons  feste  (Ambroise,  Guerre 
sainte,  v.  7234;  cf.  ib.  7202). 

Trente- chevaux.  —  Cette  combinaison,  où  peut  entrer  tout 
autre  nom  de  nombre,  s'emploie  comme  un  substantif  simple 
auquel  on  donne,  selon  les  circonstances,  le  genre  féminin.  On 
dit  une  trente-chevaux  (A.  France,  Crainquebille,  Putois,  Riquet, 
p.  163),  pour  une  automobile  de  trente  chevaux;  sur  le  genre 
d'automobile,  voir  §  674. 

716.  Nous  voyons  parfois  des  noms  de  provinces  changer  de 
genre  et  de  féminins  devenir  masculins  pour  désigner  un  pro- 
duit de  la  dite  province.  Ce  phénomène  peut  s'expliquer  de 
différentes  manières,  et  il  est  assez  difficile  de  dire  laquelle 
est  la  meilleure.  Nous  reviendrons  sur  ce  sujet  dans  notre 
Sémantique  et  nous  nous  contenterons  ici  d'une  simple  indi- 
cation. Examinons  les  trois  mots  Bourgogne,  Champagne,  Terre- 
Neuve.  Comme  noms  géographiques  ils  sont  féminins,  mais 
comme  noms  communs,  ils  sont  masculins:  boire  du  bour- 
gogne,  vendre  du  Champagne,  acheter  un  terre-neuve.  Comment 


378 

s'explique  ce  changement  de  genre?  On  peut  y  voir  une  el- 
lipse; alors  du  bourgogne  serait  pour  du  vin  de  Bourgogne, 
comme  un  terre-neuve,  pour  un  chien  de  Terre-Neuve.  Mais  on 
peut  aussi  y  voir  le  résultat  de  cette  métonymie  bien  connue 
qui  donne  le  nom  du  lieu  au  nom  du  produit;  en  ce  cas  il 
n'y  aurait  pas  d'ellipse  et  le  changement  de  genre  serait  à  ex- 
pliquer autrement. 


CHAPITRE  V. 

MOTS   COMPOSÉS. 


r 


717.  Substantif  +  substantif.  Le  mot  composé  prend  tou- 
jours le  genre  du  déterminé.  On  dit  ainsi  un  bateau- mouche, 
un  chou-fleur,  un  laurier-rose,  un  sabre-baïonnette,  et  une  canne- 
parapluie,  une  rose-thé,  une  voiture-lit.  Il  en  est  de  même  si  les 
deux  noms  ne  sont  pas  coordonnés  :  Un  chèvre-pied,  un  timbre- 
poste,  un  trou-madame,  une  fête-Dieu,  etc.;  un  arc- de-triomphe, 
un   chef-d'œuvre.  Sur  coudelatte,  voir  §  681. 

718.  Adjectif  +  substantif.  Le  mot  composé  prend  toujours 
le  genre  du  substantif  déterminé.  On  dit  un  bas-bleu,  un  blanc- 
bec,  un  coffre-fort,  un  franc-tireur,  et  une  belle-fille,  une  chauve- 
souris,  une  gorge-bleue,  une  longue-vue,  une  main-forte. 

Cas  isolés.  Dans  quelques  mots  le  genre  étymologique  a  été 
changé  sous  l'influence  du  sens,  de  l'emploi  ou  de  la  forme; 
voir  nos  observations  sur  bonbec  (§  665,  i),  grand-croix  (§  709), 
minuit  (§  712),  oripeau  (§  704),  terre-neuve  (§  716). 

719.  On  désigne  souvent  un  objet  par  une  seule  de  ses  qua- 
lités: plusieurs  oiseaux  doivent  ainsi  leur  nom  à  la  couleur 
d'une  partie  de  leur  corps.  Ce  procédé,  que  nous  étudierons 
en  détail  dans  la  Sémantique  (»pars  pro  toto«),  est  souvent 
accompagné  d'un  changement  de  genre.  L'oiseau  qui  a  la 
gorge  rouge  s'appelle  d'abord  une  rouge-gorge,  puis,  peut-être 
sous  l'influence  du  mot  oiseau,  un  rouge-gorge.  Voici  quelques 
exemples  de  ce  phénomène: 

Blanche-coiffe,  variété  de  pie;  masculin  selon  Buffbn,  Dict. 
Gén.  et  Littré.  Darmesteter  (Mots  composés)  donne  le  féminin. 


380 

Blanche-queue,  sorte  d'aigle;  masculin  selon  le  Dict.  Gén.;  Lit- 
tré  et  Darmesteter  (L  c.J  donnent  le  féminin. 

Rouge-aile,  sorte  de  mauvis,  est  généralement  donné  comme 
masculin. 

Rouge-gorge  ;  le  dictionnaire  de  Trévoux  (1777)  donne  encore 
la  rouge-gorge. 

Rouge-queue;  le  masculin  s'emploie  depuis  le  XVIP  siècle, 
mais  Furetière  (1690),  Richelet  et  Trévoux  donnent  la  rouge- 
queue. 

720.  Nom  de  nombre  +  substantif.  Ces  composés  sont  or- 
dinairement du  masculin  et  du  singulier  (II,  §  363,  Rem.): 
un  trois-mâts,  un  trois-pieds,  un  trois-ponts,  un  mille-pieds;  un 
cent-garde(s).  Ajoutons  l'expression  toute  moderne  un  cinq- 
heures  qui  traduit  l'anglais  fwe  o'clock.  Exemples:  Au  cinq 
heures  de  Mme  d'Houbly  (Gyp,  Professional  lover,  p.  93).  Des 
petits  cinq  heures. 

Cas  isolés.  On  dit  une  mille-feuille,  une  mille-fleurs,  une  mille- 
graines;  c'est  ici  le  genre  du  dernier  élément  qui  a  déterminé 
celui  du  mot  entier.  Sur  trente- chevaux,  voir  §  715. 

721.  Adverbe  +  substantif.  Ces  composés  ont  toujours  le 
genre  du  déterminé.  On  dit:  un  avant-coureur,  un  arrière-goût, 
un  contre  poids,  un  sou'^-bail,  un  sous-préfet,  et  une  arrière-boutique, 
une  avant-cour,  une  avant-garde,  une  contre-mine,  une  sous-ferme, 
une  basse-contre,  une  haute-contre. 

Remarque.  Il  ne  faut  pas  confondre  ces  composés  avec  ceux  où  entre  une 
préposition  et  qui  sont  toujours  masculins  (§  723).  11  faut  ainsi  distinguer 
entre  une  arrière-main,  revers  de  la  main,  et  un  arrière- main,  train  de  der- 
rière du  cheval,  une  avant-main,  paume,  et  un  avant-main,  partie  antérieure 
du  cheval. 

722.  Verbe  +  régime  (§  574).  Ces  composés  très  nombreux 
sont  régulièrement  du  masculin:  un  abat-jour,  un  casse-noix, 
un  brise-lames,  un  porte-plume,  un  tire-bottes,  etc.  etc. 

Cas  isolés.  Un  petit  nombre  de  ces  composés  sont  du  fé- 
minin. L'origine  de  cette  irrégularité  est  difficile  à  trouver.  Il 
faut  remarquer  que  tous  les  composés  en  question  se  terminent 
par  un  substantif  féminin;  c'est  peut-être  ce  substantif  qui  a 
produit  le  genre  irrégulier.  Voici  les  exemples  les  plus  impor- 
tants :  Boute-roue,  croque-abeille,  garde-robe,  happe-lourde,  mouille- 


I 


381 

bouche  (espèce  de  poire),  passerage,  perce-feuille,  perce-neige, 
perce-pierre^  sauve-vie  (petite  fougère).  Pour  plusieurs  de  ces 
exemples  le  genre  irrégulier  pourrait  aussi  s'expliquer  par  el- 
lipse ;  ainsi  par  ex.  une  perce-neige  à  cause  de  une  fleur  ou  une 
plante.  Remarquez  qu'on  dit  régulièrement  le  baise-main,  mais 
à  belles  baise-mains. 

723.  Préposition  -f-  substantif.  Ces  composés  sont  régulière- 
ment masculins  :  un  acompte,  un  contrepoison,  un  en-tête,  un 
entre-voie,  un  hors  d^œuvre,  un  sous-barbe,  un  sous-main,  etc. 

Cas  isolés.  Un  certain  nombre  de  ces  composés  sont  de- 
venus féminins  sous  l'influence  de  la  forme  ou  du  sens.  Ex- 
emples: Affaire  (de  à -{-faire;  comp.  §  702)  était  masculin  au 
moyen  âge.  Après-midi,  voir  §  712.  Avant-scène  est  primitive- 
ment masculin;  il  est  devenu  féminin  sous  l'influence  du  mot 
loge;  quand  avant-scène  est  employé  pour  traduire  »proscenium«, 
il  est  régulièrement  féminin.  Averse;  contre-approche;  contre- 
lattes;  entre- feuille  ;  sans-fleur,  sorte  de  pomme;  sans-peau,  sorte 
de  poire;  soucoupe.  Remarquez  qu'on  dit  un  et  une  sans-cœur, 
un  et  une  sans-souci,  un  et  une  sans-dent. 

Remarque.  L'influence  du  substantif  sur  le  genre  du  composé  s'observe 
aussi  en  espagnol  où  l'on  dit  la  sobrecama,  la  sobramesa,  la  trastienda': 
comp.  el  sinrazôn  et  la  sinrazôn. 


CHAPITRE  VI. 

SUBSTANTIFS   DES   DEUX   GENRES, 


724.  Nous  allons  donner  ici  un  relevé  sommaire  des  subs- 
tantifs qui  sont  des  deux  genres  dans  la  langue  moderne,  en 
excluant  la  plupart  de  ceux  que  nous  avons  déjà  étudiés  aux 
paragraphes  précédents.  Quant  à  ceux  qui  restent,  on  peut  les 
diviser  en  deux  groupes. 

P  Le  premier  groupe  comprend  les  mots  de  même  origine. 
Dans  quelques  cas  un  seul  des  genres  est  étymologique,  tan- 
dis que  l'autre  est  provoqué  par  un  développement  posté- 
rieur: un  automne  (autumnus)  —  une  automne;  dans  d'autres 
cas  les  deux  genres  sont  étymologiques:  un  exemple  (ex- 
empt um)  —  une  exemple  (exempta),  le  cartouche  (it.  car- 
toccio)  —  la  cartouche  (it.  cartuccia).  Ajoutons  les  doublets 
le  comté  — la  comté  (§  687),  vfr.  le  salu  —  la  salu  (§  680),  où 
nous  avons  affaire  à  des  mots  primitivement  distincts. 

Remarque.  Dans  quelques  cas  isolés  il  n'y  a,  pour  le  sens,  aucune 
différence  entre  les  deux  mots:  un  automne — une  automne.  Ordinairement 
les  doublets  ne  sont  pourtant  pas  synonymes.  On  s'est  servi  du  changement 
de  genre  pour  exprimer  une  nuance  de  sens:  un  hymne — une  hymne,  un  pé- 
riode —  une  période.  Pour  les  mots  où  le  double  genre  est  étymologique,  la 
différence  de  sens  peut  être  considérable:  le  crêpe — la  crêpe,  le  critique  —  la 
critique. 

2^  Le  second  groupe  comprend  des  mots  d'origine  absolu- 
ment diverse,  rapprochés  par  les  hasards  du  développement 
phonétique:  un  aune — une  aune,  le  coche — la  coche. 

725.  Dans  quelques  cas  le  même  mot  primitif  s'est  développé 
de  deux  manières  différentes,  et  chaque  forme  a  eu  son  genre. 


383 

en  même  temps  qu'il  y  a  eu  une  différenciation  de  sens.  Ci- 
tons comme  exemple  pampre  et  pampe.  Ces  deux  mots  dé- 
rivent du  lat.  pampinus,  devenu  pampne  d'où  soit  pampre 
(comp.  ordinem  >  ordre;  I,  §  327,2)  soit,  avec  amuïssement 
de  la  consonne,  pampe  (comp.  I,  §  361,  a,  Rem.  2).  Le  premier 
de  ces  mots  a  gardé  le  genre  latin,  le  second  est  devenu  fé- 
minin. Il  faut  ajouter  que  Cotgrave  donne  la  pampre  et  que 
Hichelet  (1680)  remarque:  ^Quelques  vignerons  que  j'ai  vus 
sur  ce  mot  le  font  masculin,  mais  mal.  Tous  ceux  qui  parlent 
bien  et  que  j'ai  consultés  font  sans  contestation  le  mot  de 
pampre  masculin.  « 

726.  Mots  apparentés  ou  identiques. 

Aigle.  —  Une  aigle  remonte  directement  au  lat.  aquila,  un 
aigle  paraît  tiré  de  cette  forme  pour  désigner  le  mâle.  Il  y  a 
eu  longtemps  hésitation  entre  les  deux  genres.  Dans  la  langue 
actuelle  aigle  est  presque  toujours  du  masculin;  par  un  aigle 
on  désigne  l'oiseau,  un  homme  supérieur  (sens  ironique)  et 
l'insigne  de  certaines  décorations:  Vaigle  noir  de  Prusse,  etc.; 
rappelons  aussi  le  terme  technique  papier  grand  aigle.  On  ne 
dit  une  aigle  qu'en  parlant  d'une  enseigne  :  les  aigles  romaines, 
les  aigles  napoléoniennes;  mais  une  aigle  pour  un  aigle  femelle 
ou  la  femelle  de  Vaigle  est  absolument  vieilli. 

Amour,  voir  §  699. 

Automne,  est  emprunté  du  lat.  au  tu  m  nus;  il  est  donc 
étymologiquement  masculin,  mais  déjà  au  moyen  âge  on  le 
fait  aussi  féminin.  Cette  hésitation  s'est  continuée  jusqu'à  nos 
jours  malgré  le  décret  de  Vaugelas:  »  Automne  est  tousjours 
féminin*  {Remarques,  II,  454).  Les  grammairiens  modernes 
ont  essayé  d'établir  une  différence  entre  un  automne  et  une 
automne.  L'usage  actuel  incline  décidément  pour  le  masculin: 
un  bel  automne,  un  automne  pluvieux. 

Cartouche.  —  Le  cartouche,  encadrement  sculpté  ou  gravé, 
emprunté  de  l'it.  cartoccio.  La  cartouche,  emprunté  de  l'it. 
cartuccia. 

Claque,  voir  §  715. 

Couple.  —  Le  couple,  du  latin  populaire  copulum.  La  couple 
<  lat.  copula.  L'hésitation  entre  les  deux  genres,  qui  existe 
dès  le  moyen  âge,  a  été  employée  depuis  le  XVII*  siècle  pour 
exprimer  une  nuance  de  sens;    on   dit   un   couple  heureux,  un 


384 

couple  de  chiens,  un  couple  de  tourterelles,  mais  une  couple 
d'œufs,  une  couple  d'années. 

Crêpe.  —  Le  crêpe  est  l'ancien  adjectif  crespe,  crépu  (lat. 
crispum)  employé  substantivement.  La  crêpe  est  ou  le  fémi- 
nin de  l'adjectif  crespe  (comp.  §  647)  ou  un  postverbal  tiré 
de  crêper  (§  548). 

Critique.  —  Le  critique,  emprunté  de  cri  tic  us;  la  critique, 
emprunté  de  critica. 

Délice,  voir  §  675. 

Espace,  voir  §  683. 

Exemple.  —  Un  exemple  <  exemplum.  Une  exemple  <  ex- 
empla  (comp.  II,  §  247,  i,  Rem.).  Le  genre  féminin  s'est  con- 
servé longtemps  dans  l'expression  une  exemple  d'écriture;  on 
ne  se  sert  plus  du  genre  féminin. 

Faune.  —  Le  faune,  emprunté  du  lat.  fa  un  us.  La  faune, 
tiré  du  masculin,  d'après  flore. 

Foudre.  —  Ce  mot  est  masculin  selon  l'étymologie  (lat.  ful- 
gur),  il  est  devenu  féminin  à  cause  de  la  terminaison.  On  a 
longtemps  dit  le  foudre  et  la  foudre  indistinctement.  Dans  la 
langue  moderne  la  foudre  a  prévalu  ;  le  foudre  est  vieilli  et  ne 
s'emploie  qu'au  sens  figuré  et  en  poésie:  un  foudre  de  guerre, 
un  foudre  d'éloquence. 

Gens,  voir  §  712.  •  . 

Hymne.  —  Ce  mot,  qui  est  emprunté  du  lat.  hymnus,  est 
régulièrement  masculin;  on  l'a  aussi  fait  du  féminin,  peut-être 
à  cause  de  Ve  final  (§  701),  et  on  a  attribué  à  une  hymne  le 
sens  de  chant  d'église.  L'Arrêté  ministériel  du  26  février  1901 
dit:  »0n  tolérera  les  deux  genres  aussi  bien  pour  les  chants 
nationaux  que  pour  les  chants  religieux.  «  Il  faut  pourtant 
remarquer  que  le  mot  est  senti  comme  essentiellement  mas- 
culin par  les  Français  de  nos  jours;  un  bel  hymne  est  une 
expression  toute  naturelle,  une  belle  hymne  est  plutôt  un  ar- 
chaïsme et  on  préfère  dire  un  cantique. 

Laque.  —  Le  laque,  ouvrage  recouvert  de  vernis  de  la  Chine, 
a  été  tiré  du  féminin  la  laque  qui  désigne  une  matière  rési- 
neuse, récoltée  sur  divers  arbres;  il  vient  du  latin  du  moyen 
âge  lacca,  mot  d'origine  persane.  Le  peuple  dit  fautivement 
du  laque  en  bâton,  et  de  la  vraie  laque  de  Chine. 

Manche.  — Le  manche,  du  lat.  pop.  m  a  nie  u  m,  forme  mas- 
cuHne  tirée  de  manie  a.  La  manche  <  lat.  m  a  nie  a. 


385 

Mémoire.  —  La  mémoire  reproduit  memoria;  le  mémoire 
est  tiré  du  mot  féminin,  et  le  genre  modifié  peut  être  dû  au 
changement  du  sens;  on  pourrait  aussi  le  faire  remonter  à 
*memorium. 

Mensirue.  —  Ce  mot  qui  reproduit  le  lat.  menstruum  est 
indifféremment  masculin  ou  féminin,  sans  aucune  différencia- 
tion de  sens. 

Mode,  voir  §  675. 

Œuvre,  voir  §  675. 

Orge.  —  Ce  mot  était  autrefois  indistinctement  masculin  ou 
féminin;  peut-être  a-ton  transmis  et  hordeum  et  hordea 
(comp.  II,  §  247,1,  Rem.);  peut-être  le  genre  féminin  est-il  dû 
à  l'influence  de  la  terminaison.  Dans  la  langue  actuelle  le  mot 
est  généralement  féminin:  de  Vorge  commune;  pourtant  l'Aca- 
démie prescrit  orge  carré,  orge  mondé,  orge  perlé.  L'Arrêté  mi- 
nistériel du  26  février  1901  dit:  »On  tolérera  l'emploi  du  mot 
orge  au  féminin  sans  exception.* 

Orgue.  —  Un  orgue  (  lat.  organum.  Au  pluriel  le  mot  est 
féminin,  et  cette  particularité  est  peut-être  due  à  la  forme 
organa  qui  a  dû  donner  une  orgue  (comp.  ci-dessus  exemple). 
On  dit  un  bon  orgue,  de  bonnes  orgues;  mais  il  est  impossible 
de  dire  cet  orgue  est  un  des  plus  beaux  que  j'aie  vus.  Pourtant 
il  y  a  maintenant  une  forte  tendance  à  généraliser  le  genre 
masculin,  et  l'Arrêté  ministériel  du  26  février  1901  suit  l'usage 
populaire  en  permettant  d'écrire  un  des  plus  beaux  orgues. 
L'expression  toute  faite  de  grandes  orgues,  serait  difficilement 
remplacée  par  de  grands  orgues. 

Période.  —  On  dit  la  période  conformément  au  genre  du  mot 
primitif  latin  periodus.  L'emploi  simultané  en  français  du 
genre  masculin  est  peut-être  dû  à  l'influence  de  la  terminai- 
son latine;  la  langue  moderne  ne  l'a  conservé  que  dans  la 
seule  expression  le  plus  haut  période  (pour  :  le  plus  haut  point, 
le  plus  haut  degré),  qui  appartient  plutôt  au  langage  soutenu. 

Poste.  —  Le  poste  <  it.  posto.  La  poste  <  lat.  posita  (comp. 

II,  §  111). 

Réglisse.  —  Ce  mot,  qui  vient  du  lat.  pop.  liquiritia,  du 
grec  y^vxvQQtÇa,  est  étymologiquement  féminin.  Aussi  est-il 
donné  comme  tel  par  les  grammaires  et  les  dictionnaires  mo- 
dernes; il  est  cependant  incontestable  qu'à  côté  du  genre  of- 
ficiel   on   emploie   aussi   le  masculin,   et  cette  hésitation  peut 

25 


386 

surprendre,  attendu  que  le  mot  a  uti  aspect  essentiellement  fémi- 
nin. Nous  avons  vu  que  déjà  au  moyen  âge  on  hésitait  entre 
les  deux  genres  (§  692)  et  dans  les  2000  locutions  et  fautes  cor- 
rigées (Paris,  1877)  on  lit:  »Ne  dites  pas  du  réglisse,  mais  de 
la  réglisse«.  Les  grandes  affiches  faisant  de  la  réclame  (hiver 
de  1907)  pour  la  marque  de  réglisse  »Zan«,  portent  en  grosses 
lettres:  Le  meilleur  réglisse.  Nous  avons  pu  constater  qu'à 
Rennes  et  à  Nantes  et  dans  plusieurs  autres  régions  le  peuple 
ignore  totalement  le  genre  féminin.  Comment  expliquer  ce  fait? 
Il  faut  peut-être  y  voir  la  généralisation  d'un  cas  particulier 
où  le  masculin  autrefois  était  officiellement  demandé.  Au  mi- 
lieu du  siècle  précédent  les  grammaires  enseignaient  qu'en 
parlant  de  la  plante  il  fallait  dire  la  réglisse,  mais  que  s'il 
s'agissait  du  suc  extrait,  c'est  le  réglisse  qu'il  fallait  dire.  Cette 
règle,  encore  donnée  par  C.  Ayer  en  1862,  se  synthétisait  dans 
la  phrase:  Le  réglisse  est  un  extrait  de  la  réglisse;  elle  a  été 
abandonnée  depuis,  mais  le  peuple  l'a  conservée  en  la  géné- 
ralisant; il  faut  ainsi  admettre  que  l'emploi  populaire  du  genre 
masculin  dans  tous  les  cas  est  dû  primitivement  à  une  el- 
lipse, et  ici  il  faut  penser  non  seulement  à  suc  mais  aussi  et 
surtout  à  jus  et  à  bâton. 

Relâche.  —  Ce  mot  est  un  substantif  verbal  tiré  de  relâcher; 
on  lui  a  donné  les  deux  genres  (comp.  §  551)  pour  exprimer 
les  deux  sens  différents.  On  dit  //  n'a  pris  aucun  relâche,  mais 
Nous  avons  fait  une  relâche  à  Majorque. 

Solde.  —  Le  solde  est  tiré  du  verbe  solder.  La  solde  est  em- 
prunté de  l'it.  soldo;  le  changement  de  genre  est  probable- 
ment provoqué  par  la  terminaison.  Le  langage  populaire  con- 
fond les  deux  mots,  et  le  peuple  de  Paris  dit  le  solde  du  sol- 
dat et  la  solde  d'un  compte. 

Triomphe.  —  Le  triomphe,  emprunté  du  lat.  triumphus. 
La  triomphe  est  peut-être  un  post verbal,  tiré  de  triompher 
(§  548);  il  se  peut  aussi  qu'il  soit  le  même  mot  que  le  tri- 
omphe avec  changement  de  genre  à  cause  de  la  terminaison 
féminine.  Autrefois  le  mot  était  indistinctement  masculin  ou 
féminin  sans  égard  à  la  signification. 

Voile.  —  Le  voile;  le  genre  masculin  est  dû  à  une  réaction 
étymologique  qui  a  rapproché  le  mot  de  vélum.  La  voile  re- 
monte au  pluriel  vêla.  Le  passage  au  genre  masculin  dans 
une  signification  spéciale  a  eu  lieu  après  le  XVP  siècle. 


387 

727.  La  liste  précédente  contient  les  exemples  les  plus  im- 
portants des  mots  identiques  ou  apparentés  qui  sont  en  même 
temps  masculins  et  féminins.  Nous  nous  en  sommes  tenus 
à  la  langue  actuelle  ou,  plus  exactement,  aux  mots  étudiés 
dans  les  grammaires  modernes,  et  nous  avons  laissé  de  côté 
les  doublets  tout  à  fait  obsolètes;  on  ne  distingue  plus  entre 
un  et  une  étude,  un  et  une  garderohe,  un  et  une  office,  un  et 
une  paroi,  et  il  nous  paraît  peu  intéressant  et  peu  utile  de 
déterrer  ces  subtilités. 

728.  Rappelons  aussi  qu'un  mot  peut  parfois  adopter  un 
autre  genre  que  celui  qu'il  a  ordinairement  quand  il  s'em- 
ploie dans  une  locution  spéciale.  Les  mots  sang  et  ventre 
sont  régulièrement  masculins;  néanmoins  on  a  juré  autrefois 
par  la  sang,  par  la  ventre.  Ce  fait  s'explique  de  la  manière 
suivante:  on  connaît  les  anciens  jurons  par  la  morbleu,  par 
la  vertuhleu  (comp.  I,  §  120),  et  par  le  corbleu,  par  le  sangbleu; 
sur  l'analogie  des  premiers,  les  derniers  ont  été  changés  en 
par  la  corbleu  (Molière,  Sganarelle,  v.  10),  par  la  sangbleu  (Mis- 
anthrope, V.  773),  par  la  sambleu  (Impromptu  de  Versailles,  se.  5), 
etc.  On  a  fini  par  abréger  ces  exclamations  et  on  a  dit  seule- 
ment par  la  mort,  par  la  tête,  par  la  sang,  par  la  ventre  (Four- 
beries de  Scapin,  II,  se.  6). 

729.  Mots  non  apparentés. 

Aune.  —  Un  aune  <  lat.  alnum  (comp.  §  671,  i).  Une  aune 
<  germ.  alina  (aha.  elina). 

Coche.  —  Le  coche,  grand  bateau,  vient  de  l'aha.  coccho; 
le  coche,  grande  voiture,  est  emprunté  de  l'ail,  kutsche.  La 
coche,  femelle  du  cochon  ou  petite  entaille  dans  un  morceau 
de  bois;  l'origine  des  deux  mots  est  inconnue. 

Faux.  —  Le  faux  <  lat.  falsum.  La  faux  <  lat.  falcem. 

Forêt.  —  Le  foret,  dérivé  de  forer  (comp.  §  220).  La  forêt, 
du  latin  du  moyen  âge  fore  stem  de  foris. 

Livre.  —  Le  livre  <  lat.  librum.  La  livre  <  libra. 

Masque.  —  Le  masque,  emprunté  de  l'it.  maschera;  le  mot 
est  souvent  féminin  au  XVI*  siècle  conformément  au  genre 
du  mot  italien  ;  le  passage  au  genre  masculin  est  inexpliqué. 
La  masque,  femme  effrontée,  est  peut-être  emprunté  du  pro- 
vençal moderne  masco,  sorcière,  dont  l'origine  est  à  chercher 

25* 


388 

dans  masca,  qui  s'emploie  dans  les  vieilles  loix  lombardes 
au  sens  de  'striga'  (Edictus  Rothari,  §  197,  376). 

Mousse.  —  Le  mousse  <  esp.  mozo.    La  mousse  <  ail.  m  os. 

Page.  —  Le  page,  origine  incertaine.  La  page  <  lat.  pagina 
(I,  §327,2). 

Poêle.  —  Le  poêle,  emprunté  du  lat.  pallium.  La  poêle  < 
lat.  patella. 

Quadrille,  voir  §  694. 

Somme.  - —  Le  somme  <  lat.  somnum.  La  somme  <  lat. 
su  m  ma,  ou  <  lat.  sagma  (I,  §  12,348). 

Souris.  —  Le  souris,  part,  passé  de  sourire  (II,  §  89,  Rem.). 
La  souris  <(  lat.  soricem. 

Tour.  —  Le  tour,  postverbal  tiré  de  tourner.  La  tour  <  lat. 
turrem. 

Vague,  —  Le  vague,  emprunté  du  lat.  vagus.  La  vague,  mot 
d'origine  Scandinave  (isl.  vâgr). 

Vase.  —  Le  vase,  emprunté  du  lat.  vas.  La  vase,  emprunté 
du  néerl.  wase. 

Remarque.  Nous  avons  vu  que  le  développement  phonétique  peut  rendre 
homonymes  deux  mots  primitivement  distincts;  les  doublets  le  comté — la 
comté,  le  tour  —  la  tour  étaient  autrefois  le  comté — ta  comteé,  le  tourn — la 
tour;  ajoutons  qu'il  peut  aussi  différencier  deux  homonymes.  On  ne  dis- 
tingue plus  entre  le  temple  (lat.  templum)  et  la  temple  (lat.  tempora) 
puisque  ce  dernier  mot  est  devenu  tempe  (l,  §  341, 2)  dans  la  langue  moderne. 


APPENDICE. 

REMARQUE  SUPPLÉMENTAIRE 
SUR  LES  DIMINUTIFS. 


730.  Nous  avons  vu  (§  117)  que  les  poètes  de  la  Pléiade 
faisaient  un  large  emploi  de  formes  diminutives.  Au  XVI P 
siècle,  au  contraire,  elles  sont  bannies  de  la  langue  poétique; 
Malherbe  les  condamne  sévèrement  (I  §  52, 3),  et  les  poètes 
adoptent  servilement  ses  opinions.  Seule  Mlle  Le  Jars  de  Gour- 
nay  (1566 — 1645)  proteste.  Dans  ses  écrits  elle  revient  plusieurs 
fois  aux  diminutifs,  dont  elle  prend  vivement  la  défense.  Elle 
émet  son  opinion  d'une  manière  un  peu  confuse  et  les  ex- 
emples qu'elle  cite  se  suivent  d'une  manière  assez  désordon- 
née, mais  ils  sont  nombreux  et  plusieurs  d'entre  eux  sont 
intéressants  et  suppléent  aux  indications  fournies  dans  ce  vo- 
lume sur  l'emploi  de  plusieurs  suffixes.  C'est  pourquoi  nous 
avons  jugé  instructif  de  réimprimer  un  extrait  de  ses  considé- 
rations sur  la  langue  de  son  temps  (comp.  I,  §  53). 

731.  La  fille  d'alliance  de  Montaigne  a  donné  trois  éditions 
de  son  »Œuvre  composé  de  meslanges«  (1626,  1634,  1641). 
La  citation  suivante,  que  nous  avons  divisée  en  paragraphes 
pour  la  plus  grande  commodité  du  lecteur,  a  été  copiée  sur 
la  première  édition  (comp.  les  notes  bibliographiques  à  notre 
premier  volume,  §  53).  C'est  notre  ami  M.  Mario  Schiff,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Florence,  qui  a  bien  voulu  attirer 
notre  attention  sur  le  »Meslange«  en  question  et  qui  a  eu 
l'amabilité  de  le  copier. 


390 

732.  Voici  le  texte  du  »Meslange«  intitulé:  Des  diminutifs 
français: 

Si  Xenocrates  ce  graue  Philosophe,  ne  dédaigna  point  de 
rechercher  sans  besoin,  iusques  à  quel  nombre  de  syllabes 
pouuoit  monter  l'assemblage  des  lettres  de  l'Alphabet;  pour- 
quoy  mépriserois-ie  de  nombrer  les  diminutifs  vsitez  en  nostre 
langue;  portée  d'vne  nécessité  de  les  maintenir,  par  le  respect 
de  la  réputation  de  tous  nos  Poètes  excellents,  qui  les  ont 
chéris,  respect  aussi  de  leur  quantité  &  de  leur  ancien  &  com- 
mode vsage  ;  contre  aucuns  qui  les  veulent  quereller  auiourd- 
huy  :  pretendans  que  ces  façons  de  parler  soient  impertinentes, 
&  que  ceux  qui  les  employent  ne  le  facent  que  pour  trouuer 
leurs  mesures  en  la  Poésie?  Nostradamus  cependant  pourra 
deuiner,  si  ces  gens-là  croyent  retrancher  peu  de  chose  en  cet 
article,  n'apperceuans  pas.  soubs  le  voile  d'vne  longue  ac- 
coustumance  de  prononcer  les  diminutifs,  qu'ils  occupent  vn 
quart  du  langage  François:  &  deuiner  encores,  si  ces  per- 
sonnes cognoissent  leur  estenduë  &  leur  conséquence,  &  neant- 
moins  les  veulent  estouffer  par  authorité  souueraine,  comme 
tant  d'autres  pièces  de  nostre  mesme  langage.  De  les  repré- 
senter tous,  &  faire  voir  combien  de  choses  employent  & 
font  sonner  égallement  le  primitif  &  le  diminutif,  ce  labeur 
sembleroit  fascheux  par  sa  longueur:  car  en  somme  tous  les 
mots  dont  la  terminaison  a  peu  commodément  porter  le  di- 
minutif, ne  l'ont  point  refusé.  Monstrons  seulement  par  quelque 
quantité  d'exemples,  quelle  violence  &  quel  meurtre  il  faudroit 
commettre  en  ceste  langue,  pour  la  seurer  de  telles  façons  de 
parler:  tandis  que  leur  douceur  bien  sonnante,  &  leur  faculté 
d'abréger,  obmettant  pour  ce  coup  leurs  autres  aduantages, 
monstreront  d'ailleurs,  que  si  elles  n'estoient  venues  il  les  fau- 
droit aller  quérir. 

733.  Il  n'est  pas  besoin  de  reciter  quelle  profonde  racine 
ont  pris  ces  diminutifs  icy,  villette,  maisonnette,  chambrette, 
brochette,  fourchette,  fourchon,  clochette,  pochette,  cordelette,  bou- 
lette, cassette,  couchette,  coffret,  sachet,  liuret,  pistolet,  iardinet, 
bosquet,  ruisselet,  osselet,  cornichon,  aisleron,  soyon,  chambrillon, 
fleuron,  fleurette,  chapelet  (i'entends  de  fleurs),  ruelle,  parcelle: 
ce  bouillon  ou  ce  temps  est  chaudelet  est  froidelet:  ce  vin  ver- 
meillet,  ceste   iouë   vermeillette:    ce   garçon  est  bellot,  ceste  fille 


391 

hellotte:  ce  visage  est  longuet,  ce  musequin  est  ioly  :  sans  plus 
remémorer  ces  autres  diminutifs  icy,  grassette,  ieunette,  gran- 
dette,  brunette,  &  plusieurs  de  ce  genre,  soient-ils  masculins  ou 
féminins,  que  i'ay  cottez  par  occasion  au  Traicté  sur  le  lan- 
gage des  deux  Prélats,  rangé  vers  la  fin  de  ce  volume.  On 
void  assez  aussi  que  miette  de  pain,  morcelet,  crochet^  roollet, 
minot,  auget,  musette,  pincette,  bougetle,  eschelon,  teton,  poupon, 
iupon,  cotillon,  pelotton;  sont  voix  diminuées  de  mie,  morceau, 
croq,  roolle,  mine,  auge,  cornemuse,  pince,  bouge,  eschelle,  tetin, 
poupée,  iupe,  cotte,  pelotte:  plus  il  est  éuident,  que,  marmiton, 
poellon,  chauderon,  drageon,  ballon,  corbillon,  le  sont  aussi,  de 
marmitte,  poelle,  chaudière,  dragée,  balle,  &  corbeille:  maillet  de 
mail,  chaussette  &  chausson  de  chausse,  oreillettes  d'oreilles,  gal- 
lette  de  gasteau,  poinctilles  de  poinctes,  carton  de  carte,^  serpillon 
de  serpe,  noisette  de  noix.  Ny  n'est  besoin  d'exprimer,  que  rou- 
lette à  coucher  est  diminuée  de  rouleau,  bachot  &  nacelle  de 
barque  &  navire,  galliotte  de  gallere,  drapeau  de  drap:  &  que 
ponceau,  portereau,  comtereau,  sçauanteau,  trichereau,  sont  dimi- 
nutifs encores  de  pont,  port,  comte,  sçauant,  tricheur,  &  mille 
autres:  &  outre  le  vinet  cogneu  en  la  Maison  Rustique.  Ad- 
ioustons,  que  ces  deux  mauuaises  bestes  vn  larron  &  vn 
Diable,  ont  aussi  trouué  leur  cas  pour  la  terminaison  diminu- 
tiue,  en  larronneau  &  Diablotin.  Au  demeurant,  on  void  des 
noms  propres  de  Rochelle,  Villette,  Grangette,  Bosquet,  Sayette, 
Gardette^  Sallettes,  Ventelet,  Menillet,  diminuez  de  Roche,  Ville, 
Grange,  Bois,  Garde,  Salles,  Vent,  Mesnil,  auec  maints  autres 
de  mesme  espèce:  adioustons  celuy  de  la  Vallette,  si  fameux. 
Or  outre  que  la  Cour,  estoile  du  Pôle  de  ces  correcteurs,  à  ce 
qu'ils  prétendent,  vse  aussi  bien  que  nous  autres  prophanes, 
de  tous  ces  mots  &  façons  de  parler,  &  de  tous  ceux  et  celles 
qui  suiuront  en  ce  chapitre;  elle  nous  forgea  il  y  a  quelques 
années  vn  fanfaron  de  fanfare:  &  nous  a  forgé  depuis  trois 
iours  biscottins  de  biscuits:  &  vne  mymy  de  la  coiffe  mignarde 
des  dames  du  Cours,  par  double  diminutif  de  m'amye:  ioinct 
qu'elle  prononce  fort  couramment  ces  nouueaux  noms  de  Vir- 
ginettes  &  Magdelainettes:  &  n'oublie  pas  Voyselet  de  Cypre  à 
parfumer  ses  cabinets.  Qui  plus  est,  les  enfans  de  Paris  ne 
voudroient  pas  estre  priuez  s'ils  ont  froid  aux  doigts,  de  cher- 
cher vn  chauldei  au  sein  de  leur  mère,  ny  de  tirer  d'vne  tarte 
vne  tartelette,   ny    d'vne   tourte  vn  tourteau,  ny  d'vn  flan  (nom 


392 

Picard)  vn  flanet,  autrement  dariole:  &  mangent  de  pain  biset 
si  le  blanc  leur  manque:  de  plus,  ils  fripent  à  déjeuner  les 
andouillettes  de  veau,  le  saiilcisson,  les  costeleites,  Foeuf  molet, 
le  pain  molet,  le  harang  noiiuellet,  &  Voygnonnet  de  salade  pour 
en  faire  la  saulce:  sans  oublier  les  chiquenaudes  qu'ils  donnent 
par  fois  après  ces  bonnes  chères,  au  nez  de  maistre  Pierre  du 
Coignet:  ny  leurs  jeux  de  cligne-mussette  &  de  la  fossette. 
D'ailleurs,  on  cognoist  par  tout  vn  colet  à  la  gourmette^  vn 
enfant  en  brasserolles,  vn  papa,  vne  maman,  l'adresse  de  se 
mettre  à  la  rangette,  des  vergettes  à  nettoyer,  des  barbillons 
d'epy,  &  les  Capettes  de  Montaygu,  ainsi  nommez,  à  cause  de 
leurs  petites  capes  :  nom  qu'Amyot  par  mesme  raison,  n'a  pas 
craint  de  donner  aux  Lacedemoniens:  ny  les  Prélats  ne 
craignent  d'appeler  mantelet  vne  pièce  de  leur  habit  sacer- 
dotal. D'autre  part,  tous  les  noms  d'animaux  presques  ont  leurs 
diminutifs,  i'entends  tousiours,  aussi  communs  que  les  primi- 
tifs: poulet,  poulette,  cachet,  chapponneau,  pigeonneau,  perdreau, 
cailleteau,  rossignolet,  oyselet,  ayglon,  leuraut,  lapereau,  serpen- 
teau, couleureau,  vermisseau,  sourisseau,  regnardeaa,  lionneau, 
cheureau,  cheurotin  (tesmoins  les  gands  qui  s'en  font),  louue- 
teau,  ourson,  leuron,  asnon,  moucheron,  bouuillon,  cochon,  qui 
vient  de  coche,  dindon,  chaton,  barbichon,  lamproyon,  broche- 
ton,  carpillon,  barbillon,  sollette,  bichot,  buffetin,  agnelet,  bre- 
biette,  canette,  bestion,  bestiolle,  garçonnet,  fillette:  voire  hommet 
&  femmette,  si  on  trouue  à  railler  en  la  bassesse  de  leur  taille  : 
n'oublions  pas  hommeau  &  femmelette,  ainsi  baptisez  par  vn 
autre  biais  de  mespris:  &  le  Spartiate  se  plainct  au  Plutarque 
<i'Amyot;  que  leur  Roy  espousant  vne  petite  femme,  leur  vou- 
loit  engendrer,  non  des  Roys,  mais  des  Roytelets:  comme  du 
mesme  diminutif  de  Roy,  vn  oyseau  s'appelle  roytelet.  Ayant 
au  reste  ouy  dire  par  fois,  caualins,  à  gens  d'écurie,  petits 
chiennets  à  ceux  qui  font  mestier  d'en  nourrir,  &  cuyracine  à 
des  gens  d'armes,  en  la  signification  d'vne  cuyrace  légère.  Les 
arbres  ne  veulent  pas  estre  obmis  en  cet  endroict  :  arbrisseau, 
sauuageau,  aulneau,  chesneau,  fresneau,  ormeau,  coudreau: 
d'autre  part  il  est  vray,  que  la  façon  d'vne  fleur  rapportant 
au  bassin  caue,  l'a  faict  nommer  bassinet,  &  que  la  beauté 
d'vne  herbe  est  cause  qu'on  l'a  baptisée  du  nom  d'amourettes: 
comme  la  saison  de  Pasques  oiî  elle  croist,  faict  nommer  vne 
autre    Heur   pasquerette.    Quelqu'vn    encore   faict   il  la   bouche 


393 

sucrée,  pour  n'oser  dire,  qu'vne  telle  est  accouchée  n'aguere 
du  plus  bel  enfançon,  &  qu'il  ayme  bien  son  petit  frérot,  &  sa 
petite  soeurette?  Dire  aussi,  qu'vn  tel  garçon  est  le  plus  vray 
folet  ou  doucet,  le  plus  vray  fretillon,  folion  ou  foUichon,  &  ceste 
fille  de  mesme?  sans  épargner  finet  &  finette,  simplet  &  sim- 
plette, maigrelet  ou  maigrelette:  ny  n'allègue  plus  icy,  seulet, 
pauuret,  tendrelet,  ou  leurs  féminins,  puis  que  ie  les  ay  cou- 
chez au  discours  mentionné,  du  langage  de  nos  deux  Prélats: 
non  plus  que  ie  ne  ramentois  quelques  autres  diminutifs  que 
i'ay  remarquez  en  mesme  lieu,  sur  la  considération  des  ex- 
près &  diuers  besoins  de  leur  vsage.  Suiuamment,  chacun 
donne  aux  villes  &  aux  Cours,  ces  diminutions  de  nom  aux 
enfans  par  tendresse,  Madelon,  Catin,  Margot,  lanon,  Annichon, 
ou  Annette,  Marotte,  Claudine,  Francine,  Lysette:  ouy  par  fois 
Elon  &  Suson  pour  Hélène  &  Susanne:  plus.  Pierrot,  lanot.  Car- 
lin, &  tant  d'autres:  outre  celuy  que  monsieur  le  cardinal  du 
Perron  a  trouué  dans  le  nom  d'Ascagne.  Pour  le  regard  de  la 
campagne,  elle  a  ces  mesmes  diminutifs  de  noms,  &  maints 
autres  pour  la  bonne  mesure.  Les  champestres  &  les  polis 
mondains  encore  par  dessus,  sçauent  dire,  si  le  cas  y  eschet, 
le  bergerot,  la  bergerette.  Au  reste  les  plus  honnestes  gens  aussi 
profèrent  à  tous  coups,  se  marier  par  amourettes,  aller  aueu- 
glettes,  dire  par  épauleites,  mener  au  tabourinet:  ils  n'espargnent 
point  vne  fine-minette,  vne  humeur  enfantine,  vne  camuzon,  vne 
menon,  vne  panure petiotte,  \n  peton,  \ne  menotte:  nomment  en 
suitte,  leur  incarnadin  &  leur  camelotin,  aussi  volontiers  que 
leur  incarnat  et  leur  camelot:  ny  les  dames  n'obmettent  pas 
aussi  de  leur  part,  le  crespon,  qui  sonne  éuidemment,  crespe 
léger.  Ils  disent  frioler  &  friolet,  issus  par  diminution  du  verbe 
friander:  comme  ils  disent  encores,  grignotter  &  buuotter,  tirez 
de  grignon  &  de  boire.  Nous  adiousterons  qu'ils  employent, 
morsiller  vne  pomme,  poinctiller  vn  homme,  sauteler,  sucçoter, 
mâchonner,  vinotter,  voletter,  baisotter,  tasionner:  verbes  diminu- 
tifs comme  les  trois  précédents,  &  desquels  on  void  assez  les 
sources  :  &  dauantage,  ils  sonnent  par  fois  babil-saulcet,  & 
qu'vn  tel  porte  la  mine  d'vn  compagnon  à  la  tassette,  quand 
ils  sont  en  humeur  comique.  Ils  disent  outre  plus,  qu'ils  ne 
s'amuseroient  pas  à  telles  &  telles  menues  chosettes:  ny  moy 
certes  à  celles  cy,  qu'en  mon  corps  deffendant:  quoy  que  Ci- 
ceron  &  Quintilian   n'ayent  pas  dédaigné  de  faire  des  Liures, 


394 

sur  les  diuerses  particularitez  de  la  Grammaire.  D'ailleurs,  il 
est  vray,  que  des  plus  hautes  &  polies  Dames  de  la  Cour, 
appelloient  n'agueres,  leur  trongnette,  vne  fort  belle  peincture 
de  ieune  fille,  logée  en  leur  cabinet  où  ie  me  trouuay.  Qui 
plus  est,  il  y  a  des  diminutifs  si  fiers  &  si  superbes,  qu'ils 
dédaignent  tous  leurs  primitifs  en  la  chose  qu'ils  signifient  & 
les  démolissent:  bien  qu'elle  soit  par  fois  de  conséquence  ou 
noble:  comme,  les  Chastelets  de  Paris,  vn  corselet,  vn  gantelet, 
vn  armet;  qu'on  deburoit  appeller  afin  de  plaire  aux  docteurs 
de  ce  temps,  petits  chasteaux,  petit  corps,  petit  gand,  &  petite 
armeure:  car  ceste  pièce  de  teste  est  appellée  armet,  par  di- 
minutif de  l'armeure  entière,  d'autant  qu'elle  couure  la  plus 
digne  partie  de  l'homme.  Consequemment,  il  faudroit  enton- 
ner, petite  courbe  d'vn  cheual  en  lieu  de  courbette,  petite  lance 
d'vn  chirurgien  pour  sa  lancette,  petite  poelle  pour  sa  poellette, 
petite  rue  d'vn  lict,  petite  toille  à  se  deshabiller,  petites  dents 
de  colets,  en  échange  de  ruelle,  toillette,  dentelles:  &  la  palette 
à  iouër,  se  deburoit  appeller  petite  paelle.  Quoy  plus?  petits 
chapeaux  de  table,  petite  cuve  de  salle,  petite  fosse  de  ioue, 
deburoient  gagner  la  place  de  chapelets,  cuvette  &  fossette;  sans 
oublier  les  burettes  de  l'Eglise,  qu'il  faudroit  nommer  petites 
buyes  en  siècle  de  si  haute  reformation.  Plus,  ces  autres  en 
ce  qu'ils  signifient,  renoncent-ils  pas  de  leur  part  aux  primi- 
tifs, poil  folet,  Daimon  folet,  boulet  d'arquebuse  ou  drageon, 
lunettes,  diminutif  de  lunes,  à  cause  qu'elles  esclairent  nostre 
obscurité?  &  Paris  desaduoûe-t'il  les  enseignes  du  moulinet, 
pourcelet,  barillet,  cùnettes,  ny  la  rue  encore  des  Canettes  &  de 
la  Huchette?  dit-on  pas  hochet  de  grimace  &  d'enfant,  pro- 
uenus  sans  doubte  du  verbe  hocher?  buuette  de  luges,  tirée 
de  boire?  tournettes,  diminuées  d'vn  tour  de  Religion?  chais- 
nette  &  oeillets  d'vn  habit,  diminuez  de  chaisne  &  d'oeil?  cami- 
solle,  diminutif  de  chemise?  manchon  de  manche?  allumettes 
d'allumer?  tablettes  de  tables?  cheualet  de  cheual?  Et  les  croi- 
settes  de  Lorraine  ayment  leur  filtre  constamment:  comme 
aussi  fait  le  sien  ce  vénérable  lieu  de  Laurette.  A  quoy  i'ad- 
iousteray  pour  conclusion,  qu'on  void  bien  que  le  Roy  s'est 
peu  soucié  de  prendre  pareatis  des  nouueaux  rauiseurs,  quand 
il  a  qualifié  depuis  n'agueres  vne  partie  de  ses  gardes,  mous- 
quetons, nom  abrégé  de  mousquetaires. 


395  / 

734.  le  pourrois  adiouster  plusieurs  autres  diminutifs  à 
chacune  de  ces  espèces,  toutesfois  ie  m'en  abstiens  pour 
épargner  le  loisir  du  lecteur  &  le  mien:  ioinct  que  monsieur 
de  Noue  me  releue  en  gênerai  du  besoin  de  les  estaller  plus 
auant,  par  son  Dictionnaire  des  Rymes:  personnage  à  qui  la 
qualité,  l'esprit,  les  Lettres  et  l'habitude  des  Cours,  ouuroient 
autant  de  moyen  de  cognoistre  &  de  parler  la  langue  per- 
tinemment, que  ces  gens  dont  est  question  en  peuuent  auoir. 
Certes  il  nous  vendroient  à  haut  prix  l'Almanach  de  leurs 
fantaisies,  s'ils  nous  priuoient  des  mesmes  diminutifs,  si  na- 
turels, si  vsitez,  si  fondez  de  bienséance  &  de  douceur  en 
toutes  langues  &  en  la  nostre,  ainsi  que  i'ay  représenté.  Di- 
sons plus,  diminutifs  si  plaisans  en  la  bouche  &  en  l'oreille 
de  tous  ceux  qui  portent  ces  deux  parties  composées  de 
chair  &  de  sang,  non  de  bois  :  &  qui  véritablement  ne  peuuent 
déplaire  qu'aux  esprits,  qui  par  faute  de  grâce  &  de  gentillesse, 
ne  les  sçauroient  employer,  ny  gouster  leurs  délices:  ou  qui 
par  vn  excez  d'orgueil,  tousiours  animé  d'vne  enuyeuse  cons- 
piration de  ruiner  les  bons  Liures  François  qui  s'en  sont 
parez  ;  nous  veulent  montrer  qu'à  l'exemple  des  tyrans  ils 
ont  pour  refrain  :  Mon  plaisir  est  la  raison  :  ou  plustost,  qu'à 
l'enuy  des  Dieux,  ils  peuuent  faire  &  desfaire  toutes  choses 
quand  il  leur  plaist.  Neantmoins  qu'ils  iettent  feu  &  flamme 
tout  leur  saoul:  i'ose  maintenir  qu'il  n'y  a  teste  saine  en 
France,  qui  reiettast  aux  occasions  vn  seul  exemple  de  ces 
diminutifs  que  i'ay  proposez,  ou  qui  ne  tint  pour  visions 
fanatiques,  les  exceptions  qu'vn  autre  en  voudroit  faire.  Car 
si  c'est  folie,  comme  ce  l'est  infailliblement,  de  prétendre  cor- 
riger toutes  les  folies  du  monde,  combien  plus  l'est-ce,  d'aspi- 
rer à  corriger  les  sagesses:  &  tout  ce  qui  est  authorisé  d'vsage, 
vtile  à  quelque  chose,  &  nuisible  à  rien,  s'appelle  iustement 
de  ce  nom. 


ADDITIONS  ET  CORRECTIONS. 


§  5,2  (p.  6).  —  Sur  les  mots  créés  par  la  réunion  des  initiales 
M.  E.  Philipot  observe:  »Paul  Bourget  est  bien  en  retard  s'il 
croit  que  la  prononciation  U.  T.  pour  les  deux  mots  complets 
constitue  un  signe  infaillible  de  l'origine  étrangère  d'un  in- 
dividu. Même  au  moment  où  il  écrivait  l'Étape^  c'est-à-dire  il 
y  a  sept  ans  environ,  il  était  en  retard.  Sans  doute  je  recon- 
nais que  l'usage  de  ces  abréviations  est  dû  à  l'influence  an- 
glaise. Il  a  pénétré  d'abord  dans  les  sociétés  sportives,  et  c'est 
là  encore  qu'il  est  le  plus  développé.  Une  société  sportive  ne 
se  désigne  jamais  que  par  ses  initiales,  qui  sont  souvent  très 
nombreuses.  Mais  le  procédé  en  question  est  bien  plus  ré- 
pandu que  vous  ne  le  dites  en  dehors  de  ces  cas  où  l'intru- 
sion anglo-saxonne  est  palpable.  Depuis  que  je  fréquente  les 
universités  je  n'ai  jamais  entendu  appeler  autrement  que  PCN, 
le  premier  examen  préparatoire  aux  études  de  médecine  (il 
comprend:  Physique,  Chimie,  Sciences  A^aturelles).  Les  PCN 
sont  les  étudiants  de  médecine  de  1^^^  année.  Ce  terme  n'ap- 
partient nullement  à  l'argot  spécial  des  étudiants;  il  est  pour 
ainsi  dire  officiel.  C'est  là  le  cas  le  plus  frappant  que  je  puisse 
vous  citer  pour  le  moment.  De  même,  les  Universités  Popu- 
laires sont  très  souvent  appelées  les  UP.  D'une  façon  générale, 
toutes  les  associations,  sportives  ou  non,  se  désignent  de  plus 
en  plus  par  les  initiales,  et  le  public,  le  grand  public  admet 
cet  usage  et  s'y  soumet  très  volontiers.  A  Rennes,  lorsque  les 
étudiants  de  l'Union  Républicaine  donnent  un  bal,  on  ne  parle 
en  ville  que  du  »bal  de  VU«.  Les  employés  des  »  Postes,  Télé- 
graphes et  Téléphones«    sont   les  PTT.    Il   est  vrai  que   cette 


397 

dernière  abréviation  ne  me  paraît  pas  encore  bien  sortie  de 
l'argot  professionnel.* 

§  5, 3  (p.  7).  —  Dans  les  différents  argots  surgissent  aussi 
des  abréviations  de  phrases;  citons  comme  exemple  le  mot 
curieux  de  tala,  appartenant  à  l'argot  des  élèves  de  l'École  Nor- 
male et  désignant  un  élève  ou  un  professeur  qui  montre  une 
grande  dévotion,  qui  professe  un  catholicisme  sévère.  Un  tala 
est  un  homme  qui  va-f  à  la  messe. 

§  7  (p.  8).  —  Aigre-doux.  L'assertion  de  J.  du  Bellay  re- 
pose sans  doute  sur  une  erreur.  M.  E.  Philipot  m'écrit:  »Le 
premier  exemple  &  aigre-doux  n'est  guère  antérieur  à  1541.  Il 
a  été  signalé  par  M.  Chamard  dans  son  édition  de  la  DeffencSy 
p.  335,  n.  1;  il  se  trouve  dans  Marot,  Histoire  de  Héro  et  Lé- 
andre  (éd.  Jannet,  III,  256): 

Or  sentoit  jà  ceste  cy  les  secousses 

Et  aiguillons  des  amours  aigres  doulces. 

La  première  édition  correcte  de  cette  œuvre  a  paru  en  1541; 
mais  Marot  nous  dit  dans  sa  préface  qu'il  avait  déjà  paru 
antérieurement  une  édition  fautive.  Je  ne  sache  que  Marot  ait 
eu  des  relations  avec  Lazare  de  Baïf.  Il  serait  bien  extra- 
ordinaire que  celui  ci  fût  l'inventeur  d'aigredoux.  Quant  aux 
autres  mots  signalés  par  J.  du  Bellay,  Delboulle  a  rencontré 
le  mot  élégie  chez  Jean  d'Authon  (vers  1500,  à  une  époque 
où  Lazare  de  Baïf  était  petit  enfant);  il  a  signalé  épigramme 
chez  Jean  Le  Fèvre,  au  XI V^  siècle.  « 

§  14  (p.  19).  —  La  grenouille.  Rappelons  le  vers  d'Ovide: 

Quamvis  sint  sub  aqua,  sub  aqua  maledicere  temptant. 

(Métamorphoses,  VI,  376.) 

§  33  (p.  34).  —  Couci-couça.  M.  E.  Philipot  me  signale 
le  curieux  exemple  suivant:  »  Attends!  Grande  comédienne,  pas 
au  théâtre.  Sur  les  planches,  couci-couça,  plus  couça  que  couci, 
faiblarde,  quoi!  En  revanche,  à  la  ville,  immense  talent  .  .  .« 
(Willy,  La  maîtresse  du  prince  Jean,  p.  13).  L'auteur  semble 
ici  attribuer  une  valeur  péjorative  à  la  nuance  en  a  par  rap- 
port à  la  nuance  en  /. 


398 

§  55  (p.  44).  —  Il  faudrait  encore  citer  orillon,  orillard, 
orillette,  dérivés  d'oreille;  ils  sont  à  regarder  maintenant  comme 
archaïques.  Un  autre  dérivé  du  même  mot  se  trouve  dans  le 
nom  propre  Lorilleux  (voir  UAssommoir  de  Zola). 

§  65,1  (p.  46  1.  17' d'en  bas)  Golgatha;  lire:   Golgotha. 

§  70,  4  (p.  49).  —  A  côté  de  zingage  on  a  aussi  zincage.  Un 
passage  à  [s]  se  trouve  dans  les  dérivés  savants  zincides,  zinci- 
fère,  zincique. 

§  71, 2  (p.  49).  —  Neuflème.  Mes  renvois  à  Noël  du  Fail  sont 
inexacts  ;  je  n'ai  pas  réussi  à  retrouver  les  citations  dans  mon 
édition. 

§  88, 3  (p.  55).  —  Aux  exemples  cités  il  faut  ajouter  bour- 
reau—bourreauder;  ce  dérivé  s'employait  au  XVIIP  siècle  (voir 
Gohin,  Les  transformations  de  la  langue  française  pendant  la 
deuxième  moitié  du  XVIII^  siècle.  Paris,  1903.  P.  249).  Moinaud 
— moinaude.  Ce  féminin  a  été  employé  par  Zola  (Fécondité). 

§  89,  2  (p.  56).  —  Aux  mots  en  -an(i)  on  peut  ajouter  ra- 
ban  (holl.  raaband),  dont  on  a  tiré  rabaner  et  rabanter;  la 
première  de  ces  formes  est  la  plus  ancienne. 

§  89,  5  (p.  57).  —  Rabelaitique.  Rappelons  à  titre  de  curiosité 
que  parmi  les  nombreuses  formes  du  nom  de  Rabelais  que 
cite  Abel  Lefranc  (Revue  des  Études  Rabelaisiennes.  1905,  p.  48), 
il  y  en  a  une  avec  un  /  final  :  Rabellet. 

§  89,6  (p.  57,  1.  11  d'en  bas):  sicèle;  lire:  siècle. 

§  91,2  (p.  60,  1.  1  d'en  bas):  *roi;  lire:  roi. 

§  96  (p.  61,  1.  10  d'en  bas):  rayer:  (-andt). 

§  108  (p.  66,  1.  6  d'en  bas):  comme;   lire:  comme. 

§  131  (p.  76).  Nous  avons  oublié  d'ajouter  que  le  français 
possède  un  seul  suffixe  inaccentué,  Ve  féminin  ;  nous  donne- 
rons ci-dessous  quelques  exemples  de  l'emploi  de  cette  voyelle 
dans  la  dérivation  (§  189  bis). 

§  133, 2  (p.  77).  —  Grange  remonte  peut-être  plutôt  à  l'ad- 
jectif granea   (sous-entendu:   casa   ou  domus).   De   même, 


399 

l'origine  de  maille  est  à  chercher  dans  la  forme  féminine  d'un 
adjectif  metalleus  (comp.  argenteus,  aureus). 

§  133,3,  Rem.  1  (p.  77  1.  1  d'en  bas):  §  704,  Rem.;  lire: 
§  705,  Rem. 

§  157, 3  (p.  89).  —  Devinaille,  désigné  comme  vieilli  par 
Littré  et  non  admis  dans  le  Dictionnaire  Général,  n'est  pour- 
tant pas  mort  dans  la  langue  moderne;  il  s'emploie  toujours, 
mais  avec  le  sens  de  devinette.  De  même  épousaille  est  encore 
vivant,  mais  seulement  au  pluriel. 

§  189,  bis  (p.  100).  E  féminin.  Notre  paragraphe  sur  le  rôle 
que  joue  cette  voyelle  dans  la  dérivation  a  été  omis  par  in- 
advertance. Dans  le  volume  précédent  nous  avons  montré 
comment  un  e  féminin  final  est  devenu  le  signe  presque  con- 
ventionnel du  féminin  (II,  §  393).  Nous  ajouterons  ici  que  cet 
e  ne  sert  pas  seulement  à  créer  une  nouvelle  forme  gram- 
maticale (un  chien,  une  chienne),  mais  qu'il  s'emploie  aussi 
dans  la  dérivation  propre  pour  former  des  mots  nouveaux; 
il  s'ajoute  surtout  à  des  noms  propres,  à  des  noms  de  per- 
sonnes ou  à  des  noms  de  lieux,  pour  désigner  une  chose  qui 
d'une  manière  quelconque  tire  son  origine  dudit  nom: 

Berline,  dér.  de  Berlin,  ville  où  cette  sorte  de  voiture  a  été 
fabriquée  pour  la  première  fois. 

Guillotine,  dér.  de  Guillotin  (1738  —  1814),  nom  d'un  médecin 
français  qui  proposa  à  la  Constituante  l'emploi  »d'un  simple 
mécanisme  à  décoller*,  dont  il  était  en  partie  l'inventeur. 

Mansarde,  tiré  du  nom  propre  Mansard,  célèbre  architecte 
français  (1598 — 1666),  inventeur  des  combles  brisés. 

Montgolfière,  dér.  de  Montgolfier,  nom  de  deux  frères,  inven- 
teurs des  aérostats  (1782). 

Paulette.  Nom  d'un  impôt  que  le  roi  faisait  lever  sur  les 
charges  de  finance  et  de  magistrature,  tiré  de  Paulet,  nom 
d'un  secrétaire  d'Henri  IV,  qui  a  donné  l'avis  de  cet  impôt, 
et  en  a  été  le  premier  fermier.  Le  même  droit  s'est  aussi 
appelé  palote,  mot  tiré  de  Pâlot  qui  prit  la  ferme  de  la  Pau- 
lette après  Paulet. 

Praline,  dér.  du  nom  du  maréchal  du  Plessis-Praslin  (1598 — 
1675),  dont  le  cuisinier  inventa  ce  bonbon. 


400 

§  194,  s  (p.  103).  —  Ajoutez  aux  exemples  cités  regardeaux 
(regardelles),  terme  provincial  dont  se  servent  quelques  auteurs 
modernes.  Exemple:  Ces  largesses  de  latin  étaient  d'ailleurs 
compensées  par  la  chicheté  de  la  table  où  l'on  se  nourrissait 
de  »regardeaux«  (Emile  Magne,  Scarron  et  son  milieu.  Paris, 
1905.  P.  13).  On  trouve  dans  Daudet  la  locution  se  nourrir  de 
regardelles. 

§  218  (p.  111).  —  M.  V.  Thomsen  envisage  le  développement 
de  -itia  d'une  autre  manière  que  celle  indiquée  dans  notre 
texte.  Il  regarde  -ece  comme  le  seul  résultat  normal  et  fait  re- 
monter -ise  à  des  dérivés  en  -itia  de  mots  dont  le  thème 
finit  par  ï  ou  par  ï  suivi  d'une  voyelle. 

§  248  (p.  123).  —  L'explication  de  MM.  Vising  et  Thomas 
se  heurte,  comme  l'observe  M.  V.  Thomsen,  à  des  difficultés 
insurmontables.  Le  changement  de  -arium  en  -erium, 
commun  à  presque  tous  les  domaines  romans  (le  roumain 
seul  fait  exception),  doit  remonter  assez  haut;  en  tout  cas  il 
semble  être  plus  ancien  que  VUmlaut  qui  change  le  germ.  -a ri 
en  -eri. 

§  261  (p.  130).  —  Nous  avons  oublié  de  dire  que  le  suffixe 
-in  jouissait  d'une  grande  faveur  auprès  des  poètes  de  la 
Pléiade;  voir  F.  Brunot,  Histoire  de  la  langue  française,  II,  192. 

§  282  (p.  130,  1.  2  d'en  bas):  origine;  lire:  Vorigine. 

§  370  (p.  174).  —  Il  faut  ajouter  fantasque.  Le  premier  ex- 
emple de  ce  mot  est  dans  Montaigne  ;  comme  cet  auteur  était 
très  imbu  d'italien,  on  pourrait  peut-être  expliquer  fantasque 
comme  une  abréviation  de  fantastique^  transformée  sous  l'in- 
fluence du  suffixe    asco. 

§  385  (p.  181,  1.  7):  Marguerite;  lire:  Margueritte. 

§  387  (p.  181).  —  Le  suffixe  -elot  se  trouve  encore  dans  les 
noms  propres  Berthelot,  Richelot.  Rappelons  aussi  bibelot,  dont 
l'origine  est  obscure,  vfr.  dorelot  (ou  dorenlot),  qui  avait  plu- 
sieurs significations  (comp.  §  28,  Rem.),  mercelot,  ancienne 
variante  de  mercerot. 


401 

§  416  bis  (p.  190).  -  OPHOBE,  OPHOBIE:  ces  suffixes 
d'origine  grecque  s'emploient  dans  les  créations  modernes 
prêtrophobe,  prêtrophobie. 

§  440  (p.  199).  —  M.  E.  Philipot  me  signale  une  autre  for- 
mation nouvelle  assez  employée  par  les  écrivains  contempo- 
rains:- bêtifier,  faire  la  bête,  et,  plus  particulièrement,  parler 
un  langage  »bébête«  avec  les  enfants  sous  prétexte  de  se 
mettre  à  leur  niveau. 

§  444,  Rem.  (p.  201).  —  Il  aurait  été  plus  correct  de  di- 
viser les  verbes  danois  cités  en  deux  groupes.  Dans  la  langue 
parlée  il  n'y  a  aucune  différence  entre  -isere  et  -icere;  mais 
c'est  seulement  la  première  terminaison  qui  correspond  étymo- 
logiquement  au  français  -iser.  La  terminaison  -icere  reproduit 
l'ail,  -izieren. 

§  455,4  (p.  207).  —  Ultra  s'emploie  aussi  comme  adjectif: 
le  parti  ultra;  comme  substantif  il  est  déclinable:  tous  les  ré- 
gimes ont  leurs  ultras. 

§  486,  Rem.  (p.  222).  —  M.  E.  Philipot  fait  l'observation 
suivante  sur  réfréner:  »Oui,  le  Dictionnaire  Général  affirme 
que  refréner  a  triomphé,  mais  je  n'en  suis  pas  sûr  du  tout. 
J'ai  toujours  prononcé  et  entendu  réfréner.  Je  crois  que  la 
tendance  actuelle  est  de  prononcer  le  préfixe  ré-  plutôt  que 
re-.  Le  préfixe  prend  ainsi  plus  de  corps.  Ainsi  la  prononcia- 
tion rechigner  est  très  employée  à  côté  de  rechigner,  forme 
officielle.  « 

§  514  (p.  234).  —  Nous  aurions  dû  tenir  compte  aussi  des 
quelques  composés  où  le  préfixe  in-  n'a  pas  une  signification 
négative  telle  que  incérir  (mêler  de  cire),  incruster  (couvrir 
d'incrustations),  infléchir,  insavaté  (qui  porte  des  savates). 

§  537, 3  (p.  244).  —  Sur  l'origine  des  terminaisons  -mane 
et  -manie  et  sur  leur  emploi  dans  la  langue  moderne  nous 
renvoyons  aux  observations  judicieuses  de  Murray  (A  new 
English  Dictionary,  VI,  120). 

§  540  (p.  247).  —  En  parlant  d'adjectifs  de  formation  post- 
verbale, nous  aurions  dû  citer  fin,  dont  nous  avons  expliqué 
l'origine  et  l'emploi  au  t.  II,  §  478,3. 

26 


402 

§  552,8  (p.  256).  —  De  la  dernière  liste  il  faut  rayer  veille, 
dont  on  trouve  aussi  le  sens  abstrait. 

§  558,  4  (p.  263).  —  Rappelons  aussi  le  composé  tautologique 
projet  de  bill  très  employé  par  les  journalistes  de  nos  jours. 

§  560  (p.  363,  1.  7  d'en  bas):  domenica;  lire:  dominica. 

§  568, 1  (p.  268).  —  Aux  exemples  cités  il  faudrait  ajouter 
quelques  noms  de  lieu  tels  que  Abbeville  et  Charleville,  dont 
nous  avons  parlé  dans  l'Introduction  (I,  §  7, 13). 

§  583,2  (p.  281).  —  Pour  e  contrario,  qui  appartient  au 
latin  postérieur,  on  trouve  ex  contrario  chez  Cicéron. 

§  585  (p.  281).  —  Pour  l'explication  des  doublets  ore  et  or 
nous  renvoyons  à  une  belle  étude  de  M.  Jules  Cornu  intitulée 
Phonétique  française  (publiée  dans  les  »  Mélanges  Chabaneau«, 
Romanische  Forschungen,  vol.  XXIII),  et  à  l'intéressant  compte 
rendu  qu'en  a  fait  M.  A.  Wallenskiôld  (Neuphilologische  Mit- 
teilungen,  1908). 

§  592  (p.  286).  —  Nous  aurions  dû  préciser  davantage  le 
développement  de  an  te  et  de  post.  Ces  deux  formes  clas- 
siques ont  disparu  devant  antea,  antia  et  poste  a,  postia 
(it.  poscia).  Après  le  changement  des  groupes  consonnantiques 
-ntj-,  -stj-,  les  deux  mots  ont  été  munis  d'une  terminaison 
comparative  -is,  -js,  prise  peut-être  au  mot  m  agis  [majs]; 
c'est  probablement  cette  même  terminaison  qui  se  retrouve 
dans  loinz. 

§  592  (p.  287,  1.  8  d'en  bas):  altretent;  lire:  altretant. 

§  659  (p.  327).  —  A  propos  des  exemples  cités  de  devant  em- 
ployé comme  adjectif,  M.  E.  Philipot  me  rappelle  un  vers 
d'»Amphitryon«  de  Molière:  Du  pas  devant  sur  moi  tu  pren- 
dras Tavantage;  Je  serai  le  cadet  et  tu  seras  l'aîné  (III,  se.  6). 
Il  cite  aussi  un  passage  curieux  d*Amyot:  ....  à  raison  de 
plusieurs  excellentes  qualités  ensemble,  qui  estoient  en  luy 
(Périclès,  chap.  VIII).  Ici  l'adverbe  ensemble  se  présente  avec 
la  valeur  d'un  adjectif;  il  se  traduirait  fort  bien  par:  réunies. 

§  660  (p.  328).  —  Quasi  a  suivi  le  développement  de  presque 
et  s'emploie  souvent  dans  la  langue  moderne  comme  adjectif: 
La  quasi-unanimité.  La  quasi-certitude. 


403 

§  677  (p.  343).  —  M.  E.  Philipot  observe  qu'il  a  toujours  en- 
tendu dire  un  garden-party.  J'ai  souvent  trouvé  une  garden- 
party  dans  les  journaux;  il  se  peut  ainsi  que,  pour  ce  mot, 
il  y  ait  désaccord  entre  la  langue  parlée  et  la  langue  écrite. 

§  699(p.  358).  — Amour.  Selon  Vaugelas  {Remarques,  II,  p.  107) 
ce  mot  est  le  plus  souvent  indifféremment  du  masculin  et  du 
féminin;  il  penche  pourtant  pour  le  féminin  »  selon  l'inclina- 
tion de  nostre  langue,  qui  se  porte  d'ordinaire  au  féminin 
plustost  qu'à  l'autre  genre.  «  Ménage  au  contraire  préfère  le 
masculin.  Dans  les  éditions  postérieures,  Corneille  a  corrigé 
plusieurs  vers  où  il  avait  d'abord  fait  amour  féminin  (voir 
par  ex.  Le  Cid,  vers  1742). 

§  706  (p.  364).  —  Il  faut  ajouter  argent  aux  exemples  cités  de 
mots  devenus  féminins  à  cause  de  leur  commencement  voca- 
lique.  M.  M.  Roques  écrit:  »Le  mot  argent  n'est  pas  féminin 
seulement  pour  le  peuple  de  Paris,  mais  pour  la  plupart  des 
patois  français,  et  il  en  est  de  même  pour  aciers  (Journal  des 
Débats,  5  février  1903). 

§  726  (p.  384).  —  Ajoutons  légume.  Ce  mot  est  généralement 
masculin  conformément  à  l'étymologie  (lat.  legumen);  il  est 
féminin  dans:  une  grosse  légume,  les  grosses  légumes,  que  tout 
le  monde  emploie  ironiquement  pour  désigner  les  gros  per- 
sonnages, les  autorités.  Signalons  aussi  qu'un  illustre  collègue 
français  vient  de  nous  écrire:  »Ce  succès  est  de  bonne  augure 
pour  la  diffusion  de  nos  études  communes*. 


26* 


BIBLIOGRAPHIE 
I 


\ 


ABRÉVIATIONS. 


ALLG.  —  Archiv  fur  lateinische  Lexikographie  und  Grammatik. 

ASNS.  —  Archiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen  und 
Litteraturen. 

CIL.  —   Corpus  inscriptionum  laiinarum. 

Dict.  Gén.  —  Dictionnaire  général  de  la  langue  française  p.  p. 
A.  Hatzfeldt,  A.  Darmesteter,  A.  Thomas.   2  vol.   Paris,   1890—1900. 

LBlGRPh.  —  Litteraturblatt  fur  germanische  und  romanische 
Philologie. 

MLN.  —  Modem  Language  Notes. 

MSIiF.   —   Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique  de  Paris. 

B,P.  —  Romanische  Forschungen. 

RLH.  —  Revue  des  langues  romanes. 

Rom.  —  Romania.  Recueil  trimestriel  consacré  à  Vétude  des 
langues  et  des  littératures  romanes. 

RPGR.  —  Revue  des  patois  gallo-romans. 

RPhFP.  —  Revue  de  philologie  française  et  provençale. 

ZFSL.  —  Zeitschrift  fiir  franzôsische  Sprache  und  Litteratur. 

ZRPh.  —  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie. 

Diss.  inaug.  —  Dissertatio  inauguralis. 
Progr.  —  Programme. 


Nous  ajoutons  à  cette  liste  le  titre  d'un  certain  nombre  d'ou- 
vrages auxquels  nous  renvoyons  souvent  dans  le  texte  par  la  seule 
citation  du  nom  de  leurs  auteurs: 

F.  GoDEFROY,  Dictionnaire  de  l'ancienne  langue  française.  Tome 
I— X.  Paris,  1881  ss. 

L.  Larchey,  Dictionnaire  historique,  étymologique  et  anecdotique 
de  V argot  français.   Paris,   1876. 

É.  LiTTRÉ,  Dictionnaire  de  la  langue  française.  Tome  I — IV,  Pa- 
ris,  1873—1874.  Supplément,   1877. 

MÉNAGE,  Observations  sur  la  langue  française.  Paris,   1672. 


408 

L.  Hir.AUD,  Dictionnaire  d'argot  moderne.  Nouvelle  édition  avec 
supplément.   Paris,   1888. 

K.  Sachs,  Encyklopâdisches  Wôrterbuch  der  franzôsischen  und 
deutschen  Sprache.  Berlin,  1877.  Supplément,  1894. 

H.  ScHUCHARDT,  Der  Vocalismus  des  Vulgârlateins.  Tome  I — III. 
Leipzig,   1866—1868. 

E.  Seelmann,  Die  Aussprache  des  Lateins.   Heilbronn,  1885. 

Vaugelas,  Remarques  sur  la  langue  française.  Nouvelle  édition 
par  A.  Chassang.  Tome  I — IL  Paris,  s.  d. 

C.  Villatte,  Parisisme.  Vierte  Auflage.  Berlin,   1895. 

C.  Wahlund,  Modernismes  en  -isme  et  en  -iste.  Cent  mots  nou- 
veaux ne  figurant  pas  dans  les  Dictionnaires  de  Langue  ou  d'Argot 
français.  Upsala,  1898.  (Tirage  à  part  de  »Studier  i  modem 
sprâkvetenskap*,  vol.  L) 


r 


LIVRE  PREMIER. 
INTRODUCTION  GÉNÉRALE. 


I.  F.  T.  CooPER,  Word  Formation  in  the  Roman  Sermo  plebeius. 
Boston  &  London,   1895. 

A.  Darmesteter,  De  la  création  actuelle  de  mots  nouveaux  dans 
la  langue  française  et  des  lois  qui  la  régissent.  Paris,   1877. 

C.  MiCHAELis,  Studien  zur  romanischen  Wortschôpfung.  Leipzig, 
1876. 

H.  Vaganay,  Deux  mille  mots  peu  connus.  Halle  a.  S.,  1905.  (Ex- 
trait de  la  »Zeitschrift  fur  romanische  Philologie«.  tomes  XXVIII 
et  XXIX.) 

5.  K.  SuNDÉN:  Contribution  to  the  study  of  elliptical  words  in  mo- 
dem English.   Upsala,   1904. 

5,  2.  E.  RoDHE,  Abkûrzungen  durch  Anfangsbuchstaben  (Moderna 
sprâk,   1907,  p.  53—59). 

13.  P.  Bhanscheid,  Die  » Paschwôrter«  der  franzôsischen  Sprache. 
Progr.   des  Gymnasiums  zu  Schleusingen,   1905. 

M.  Grammont,  Onomatopées  et  mots  expressifs  (RLR,  XLIV,  1901, 
p.  97—158). 

LoTSCH,  Ueber  Laut-  und  Schallnachahmung  in  der  franzôsischen 
Sprache.  Progr.  Elberfeld,  1906. 

Ch.  Nodier,  Dictionnaire  raisonné  des  onomatopées.  2«  éd.  Paris, 
1828. 

W.  Wackernagel,   Voces  variœ  animalium.   Basel,  1869. 

J.  WiNTELER,  Naturlaute  und  Sprache.  Ausfiihrungen  zu  W.  Wacker- 
nagels   Voces  variœ  animalium.  Aarau,   1892. 

17.  F.  DiEZ,  Gemination  und  Ablaut  im  Romanischen  (Kleinere 
Arbeiten.  Mûnchen,   1883.   P.  178—183). 

21.  JoHAN  Erikson,  Om  sambandet  mellan  djurnamn  och  djur- 
làten.   Karlskrona,   1905. 

A.  PiscHiNGER,  Der  vogelgesang  bei  den  griechischen  dichtern  des 
klassischen  alterlums.  Eichstâtt,   1901. 

28.  G.  Thurau,  Der  Refrain  in  der  franzôsichen  Chanson.  Bei- 
trag  zur  Geschichte  und  Charakteristik  des  franzôsischen  Kehrreims. 
Berlin,   1901. 


410 

LIVRE  DEUXIÈME. 
DÉRIVATION   SUFFIXALE. 


41  A.  Thomas,  Les  noms  composés  et  la  dérivation  (Essais  de 
philologie  française.  Paris,   1897.  P.  50 — 74). 

84.  J.  Zettl,  Auslautverkennung  in  der  franzôsichen  Wortbildung 
(Jahres-Bericht  in  der  k.  k.  Staats-Oberrealschule  in  Eger).  Eger, 
1906. 

106.  G.  KôRTiNG,  Die  Nominalsaffixe  (Formenbau  des  franzôsi- 
schen   Nomens,  p.  23 — 82). 

A.  HoRNiNG,  Die  Suffixe -ïccus,-bccas, -ûccus  imFranzôsischen  (ZRPh. 
XIX,  170—188).  Cf.  Rom.,  XXIV,  607   et  ZRPh.,  XX,   353. 

A.  HoRNiNG,  Die  Suffixe  accus,  iccus,  occus,  ucus  (uccus)  im  Ro- 
manischen  (ZRPh.  XX,  335—353).  Cf.  Romania  XXV,  626—627 
(G.  Paris). 

116.  E.  Etienne,  De  diminutivis  intentivis,  collectivis  et  in  malam 
pariem  abeuntibus  in  francogallico  sermone  nominibus.  Nancy,   1883. 

G.  Oestberg,  Studier  ôfver  deminutiva  och  augmentativa  Suffix  i 
modàrn  Provençalska.   Diss.  inaug.   Upsala,   1903. 

E.  Ritter,  Des  noms  de  famille  français  à  terminaison  diminu- 
tive  (Jahrbuch  fur  romanische  und  englische  Litteratur,  VII,  174 
—  180). 

120.  J.  CoLLiJN,  Les  suffixes  toponymiques  dans  les  langues  fran- 
çaises. Première  partie:  Développement  des  suffixes  latins  -anus, 
-inus,  -ensis.   Diss.  inaug.   Upsal,   1902. 

Ph.  Plattner,  Personal-  und  Gentilderivate  im  Neufranzôsischen 
(ZFSL.,  XI,   105—166). 

121,  G.  CoHN,  Die  Suffixverwandlungen  im  Vulgârlatein  und  im 
vorlitlerarischen  Franzôsisch  nach  ihren  Spuren  im  Neufranzôsischen. 
Halle,   1891. 

J.  Rothenberg,  De  suffixarum  mutatione  in  lingua  Francogallica. 
Diss.  inaug.  Berlin,   1880.  Cf.  ZFSL.  III,  558—582  (G.  Willenberg). 

131.  A.  Thomas,  La  dérivation  à  l'aide  des  suffixes  vocaliques  (Es- 
sais de  philologie  française.   Paris,   1897.   P.  74 — 91). 

160.  J.  CoLLijN,  Les  suffixes  toponymiques  dans  les  langues  fran- 
çaise et  provençale.  Première  partie:  Développement  des  suffixes 
latins  -anus,  -inus,  -ensis.   Diss.  inaug.   Upsal,   1902. 

175.  G.  Baist,  Das  germanische  Suffix  -ingo  (ZRPh.,  XXXI,  616). 

185.  A.  ZiMMERMANN,  Wic  siud  dic  aus  dem  Romanischen  zu  er- 
schliessenden  vulgàrlateinischen  Suffixe  -attus  (a),  -ottus  (a)  und  -ita 
entstanden?  (ZRPh.,  XXVIII,  343—350). 

186.  Ed.  Wôlfflin,  Das  Suffix  -aster  (ALLG..  XII,  419—421). 


411 

192.  J.  GiLLiÉRON,  Contribution  à  l'étude  du  suffixe  -ellum.  (RPGR., 
I,  33—48).  Comp.  aussi  Romania,  XII,   400 — 401). 

Ed.  Wôlfflin,  Analogiebildungen  auf  -ellus,  -ella,  -ellum  (ALLG., 
XII,  301—309). 

205.  N.  Nathan,  Das  lateinische  Suffix  -alis  im  Franzôsischen. 
Darmstadt,   1886. 

214.  A.  Thomas,  Le  suffixe  -aricius  (Nouveaux  essais  de  philo- 
logie française.  Paris,  1905.  P.  62— 110).  —  Cf.  Romania,  XXVIII, 
195,   201;  XXIX,   165. 

220.  J.  Cornu,  Les  noms  propres  latins  en  -itta  et  les  diminutifs 
romans  en  -elt  (Romania,   VI,   247 — 248). 

227.  M.  MiRiscH,  Geschichte  des  Suffixes  -olus  in  den  romanischen 
Sprachen  mit  besonderer  Berûcksichtigung  des  Vulgàr-  und  Mittel- 
lateins.   Diss.  inaug.   Bonn,   1882. 

232,  E.  Stumpff,  Das  lateinische  Suffix  -osus  im  Franzôsischen. 
Schôneberg,   1900—1901. 

249.  E.  Staaff,  Le  suffixe  -arius  dans  les  langues  romanes.  Thèse 
pour  le  doctorat.   Upsal,   1896. 

A.  Thomas,  L'évolution  phonétique  du  suffixe  -arius  en  Gaule 
(Festschrift  Mussafia). 

E.  R.  ZiMMERMANX,  Dic  Gcschichtc  des  Suffixes  -arius  in  den  ro- 
manischen Sprachen.  Diss.  inaug.  Darmstadt,  1895.  Cf.  Tidsskr.  for 
filol.,  3,  R.  IV,  126—131   (E.  Staaff).  Romania,  XXV,  638  (G.Paris). 

251.  A.  Thomas,  Les  substantifs  abstraits  en  -ier  (Nouveaux  es- 
sais de  philologie  française.   Paris,   1905.   P.  110 — 119). 

268.  A.  HoRNiNG,  Die  Suffixe  -icius,  -ïcius  (ZRPh.,  IX,  142  — 
143). 

272.  E.  Muret,  Le  suffixe  -ice=-itia  (Rom.  XIX,  592). 

294.  A.  Thomas,  Franc,  rancune  (Romania,  XXXIV,   461). 

295.  A.  Thomas,  Exemples  du  suffixe  -umen  en  français  (Rom., 
XXV,  447—448). 

298.   Ad.  Eiselein,  Suffixe  in  Lehnwôrtern,  (RF.,  X,  568—576). 

329.  C.  Wahlund,  Modernismes  en  -isme  et  en  -isie  (Cent  mots 
nouveaux  ne  figurant  pas  dans  les  Dictionnaires  de  langue  ou  d'ar- 
got français  (Studier  i  modem  Sprâkvetenskap,  vol.  I,   1 — 36). 

423,  1.  Ch.  Joret,  Des  suffixes  normands  -(i)co(t)  et  -(i)bo(t) 
(Romania,  XXIX,  263—265). 

423,  4.  A.  HoRNiNG,  Suffix  -istre  im  Franzôsischen  (ZRPh.,  XXVI, 
325—326). 

425.  A.  Chr.  Thorn,  Étude  sur  les  verbes  dénominatifs  en  fran- 
çais.  Lund   1907. 


412 

449.  A.  FuNCK,  Die  Verba  auf  -issare  und  -izare  (ALLG.,  III, 
398 — 441).  Comp.  les  observations  de  Schuchardt  dans  LGRPh., 
1884,  p.  62). 


LIVRE  TROISIÈME. 
PRÉFIXES. 


450.  H.  BucHEGGER,   Uebep  die  Prâfixe  in  den  romanischen  Spra- 
cheii.   Diss.  inaug.   Bûhl,   1890. 

458.  Bonnet,  Le  latin  de  Grégoire  de  Tours.  Paris,  1890.   P.  486 
—493. 

F.  Brunot,   Histoire  de  la  langue  française.   Paris,   1905.   P.  64. 

475, 1,  Rem.    R.  Thurneysen,    Zur  Bezeichnung   der  Reciprocitàt 
im  yallischen  Latein  (ALLG.,  VI,   523—527). 

482.    K.   HuLTENBERG,    Le  renforcement   du   sens  des  adjectifs  et 
des  adverbes  dans  les  langues  romanes.  Diss.  inaug.   Upsal,  1903. 

486.  M.  Meinicke,  Das  Pràfîx  Re-  im  Franzôsischen.   Diss.  inaug. 
Weimar,   1904.  —  Cf.  ZFSL.,  XXIX,   2,  p.  7—11   (E.  Herzog). 

510.  MoHL,  La  préposition  cum  et  ses  successeurs  en  gallo-roman 
(Festgabe  Mussafia,  p.  61 — 76). 

526.  Salverda  de  Grave,  Sur  un  préfixe  français  (Mélanges  Kern, 
Leide  1903.   P.  123—126). 

527.  A.  Le  Héricher,  Histoire  de  deux  préfixes  à  travers  le  vieux 
français  et  les  patois.  Avranches,   1880.  —  Cf.  Rom.,  IX,  351. 

528.  G.   Baist,    Frànkisch   fir-  im    âltesten  Franzôsisch   (RF.  XII, 
650).  —  Comp.  Romania,  XXXI,   633. 


LIVRE  QUATRIÈME. 
DÉRIVATION    RÉGRESSIVE. 


540.  G.  Lené,  Les  substantifs  postverbaux  dans  la  langue  fran- 
çaise. Diss.  inaug.  Upsal,  1899.  —  Cf.  Revue  critique,  1899,  II, 
200—201    (E.  Bourciez).  Romania,  XXIX,   440—445  (G.  Paris). 


413 

LIVRE  CINQUIÈME. 
MOTS   COMPOSÉS. 


554.  A.  Darmesteter,  Traité  de  la  formation  des  mots  composés 
dans  la  langue  française,  comparée  aux  autres  langues  romanes  et 
au  latin.  2«  éd.   Paris,   1894. 

O.  DiTTRiCH,  Ûber  Wortzusammensetzung  auf  Grand  der  neu- 
franzôsischen  Schriftsprache  (ZRPh.,  XXII,  305—330,  441—464; 
XXIII,  288—312;  XXIV,  465-488).  —  Cf.  ZFSL.,  XXII,  2,  83— 
91   (K.  Morgenroth). 

P.  GoDEFROY,  Quelques  observations  sur  les  mots  composés,  à  pro- 
pos des  œuvres  poétiques  du  chanoine  Loys  Papon  (Revue  d'histoire 
littéraire,  VIII,  657—665). 

563.  Clodius,  Die  Funktion  des  Adjectifs  in  den  neueren  Spra- 
chen,  insbesondere  im  Franzôsischen,  zur  Bildung  zusammengesetzter 
Begriffe,  Progr.   Rastenburg,   1900. 

573.  L.-Fr.  Mednier,  Les  composés  qui  contiennent  un  verbe  à 
un  mode  personnel  en  latin,  en  français  et  en  espagnol.  Paris,  1875. 

582,  G.  G.  Keidel,  Note  on  »Folsifie«  and  similar  expressions  in 
Old  French  Littérature  (MLN.,  X,   146). 


LIVRE  SIXIEME. 
FORMATION   DES   PARTICULES. 


583.  E.  Plôger,  Die  Partikeln  im  Altlothringischen.  Halle,  1890. 
R.  Schoeps,  Die  Partikeln  in  altnormannischen  Texten.  Diss.  inaug. 

Halle,   1896. 

584.  J.  VisiNG,  Quomodo  in  den  romanischen  Sprachen  (Tobler- 
Abhandlungen,  p.   113—123).  —  Cf.  Rom.,  XXIV,   453—454. 

589, 1.  Meyer-Lûbke,  Grammaire  des  langues  romanes,  II,  94. 
ZFSL.,  XV^^   70, 

Kr.  Nyrop,  Spansk  Grammatik.  Copenhague,  1908.  §  192,8» 
Rem.  2. 

592.  M.  BiTTERHOFF,  Dus  lateinischs  inde  im  Franzôsichen.  Diss. 
inaug.   Erlangen,   1905. 

OuvER  M.  JoHNSTON,  Usc  of  thc  Frcuch  équivalents  of  Latin  em, 
en  and  ecce  (MLN.,  voL  XX,   131—134). 

W.  Meyer-Lûbke,  Die  lateinischen  Richtungsadverbien  auf  -ors us 
im  Romanischen  (ZRPh.,  XXIII,  411—412). 


414 

601.  S.  PiERi,  //  tipo  avverbiale  di  carpone  -i  (Romania,  XXXIII, 
230—238). 

S.  PiERi,  //  tipo  avverbiale  di  carpone  -i.  ZRPh.,  XXX,  337—339. 

603.  A.  Darmesteter,  Adverbes  en  -ment  (Reliques  scientifiques, 
II,  287—294). 

H.  Vaganay,  Deux  mille  adverbes  en  -ment  de  Rabelais  à  Mon- 
taigne. Paris,  1904.  (Extrait  de  la  Revue  des  Études  rabelaisiennes, 
tomes  I  et  II.) 

604.  W.  FôRSTER,  Altfranzôsisch  maintre  (ZRPh.,  II,  88—89). 

615.    DiCKHUT,    Form  und  Gebranch  der  Prâposition  in  den  âlte- 

sten  franzôsischen  Sprachdenkmàlern.    Diss.  inaug.    Mûnchen,   1883. 

E.  Gessner,  Sur  l'origine  des  prépositions  françaises.   Berlin,  1858. 

617.  A.  Darmesteter,  Les  prépositions  françaises  en,  enz,  dedans, 
dans  (Reliques  scientifiques,  II,  177  — 187). 

620.  K.  DziATZKO,  Die  Entstehung  der  romanischen  Participial- 
prâpositionen  (ZRPh.,  VII,   125—130). 

626.  Emil  Hartmann,  Die  temporalen  Konjunktionen  im  Franzô- 
sischen. Diss.  inaug.   Gôttingen,  1903. 

J.  Jeanjaquet,  Recherches  sur  l'origine  de  la  conjonction  »que« 
et  des  formes  romanes  équivalentes.  Diss.  inaug.  Paris,  1894.  Cf. 
Rom.,  XXV,  343  (G.  P.). 

630.  A.  Ritschel,  Ûber  die  interjectionalen  Elemente  der  franzô- 
sischen Sprache.  Sonderabdruck  aus  dem  Programm  der  k.  k.  Staats- 
realschule  in   Elbogen  fur  das  Jahr  1894 — 95. 

K.  Sachs,  Franzôsische  Interjektionen  (Festschrift  Adolf  Tobler. 
Braunschweig,   1905.   P.  49—65). 

632.  R.  Holbrook,  Hez!  hay !  hay !  avant!  and  other  old  and 
middle  french  locutions  used  for  driving  beasts  of  burden  (MLN., 
1905,  p.  232—235). 

H.  Sucrier,  Ausrufe  mit  *queh  im  Altfranzôsischen  (ZRPh.,  VI, 
445—446). 

633.  G.  Paris,  Dehé  (Mélanges  linguistiques,  p.  488—491). 


LIVRE  SEPTIEME. 
DÉRIVATION   IMPROPRE. 


638.  O.  MÛLLER,  Die  Substantivierung  anderer  Redeteile  im  Fran- 
zôsischen.  Diss.  inaug.   Gôttingen,   1901. 

645.   V.  Hammarberg,    Des  adjectifs  et  des  participes  substantivés 
en  ancien  français.   Diss.  inaug.   Upsal,  Stockholm,,   1903. 


415 

655.  K.  Rannow,  Die  im  Franzôsischen  sabstantivierten  Participia 
Perfecti  Passivi  lat.  starker  Verba.   Diss.  inaug.   Kiel,   1904. 

661.  A.  ToBLER,  Aussitôt,  sitôt,  une  fois  (Vermischte  Beitràge,  III, 
60—63). 


LIVRE  HUITIÈME. 
FORMATION    DU   GENRE. 


663.  K.  Armbruster,  Geschlechtswandet  im  Franzôsischen.  Mas- 
culinum  und  Femininum.  Diss.  inaug.  Karlsruhe,  1888.  —  Cf.  ZFSL., 
XI,  2,   155—173. 

P.  Jahn,  €ber  das  Geschlecht  der  Substantiva  bei  Froissart.  Halle, 
1882. 

P.  JôRSS,  Ûber  den  Genuswechsel  lateinischer  Maskulina  und  Fe- 
minina  im  Franzôsischen.  Progr.  Ratzeburg,  1892.  —  Cf.  ZFSL.,  XV, 
2,  241—249   (K.  Armbruster). 

Sachs,  Geschlechtswechsel  im  Franzôsischen.  Diss.  inaug.  Gôt- 
tingen,  1886. 

669.  R.  DE  LA  Grasserie,  Idée  de  sexualité  dans  le  langage  (Re- 
vue philosophique  de  la  France  et  de  l'Étranger,  XXIX,  9  ss.). 

671,3.  M.  Bréal,  Les  noms  féminins  français  en  -eur  (MSLP., 
VIII,  312). 


TABLES 


r 


27 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Les  chiffres  renvoient  aux  paragraphes  et  à  leurs  subdivisions.  Le  signe  A  renvoie  aux  Additions, 

p.  396—403.) 


A  +  A  >  A,  66, 1. 

A— AI  (apophonie),  48,  544,  i. 

A— E  (apophonie),  47,  544,2. 

-a  final  tombe  devant  le  suffixe,  65,  i. 

a-,  préfixe,  464. 

à,  préposition,  combiné  avec  un  nom, 
570, 1. 

-a,  terminaison  française,  705. 

-a,  terminaison  latine  féminine  et 
masculine,  664,2,  671,2,  673. 

ab-,  503. 

ab-,  préfixe,  503. 

Abbadie  (Antoine  d'),  3. 

-abilis,  140. 

-able,  suffixe  nominal,  38,i,  140—146. 

Abondance  (1'),  exprimée  à  l'aide  de 
suffixes,  150,1  (-âge),  200,i  (-ée),  235 
(-eux).  Voir  aussi  Collectifs. 

Abrègement,  voir  Ellipse. 

Abréviation,  5,  579,i,  Rem.,  656,i,  728. 
Comp.  Ellipse,  Haplologie. 

Abstracta;  voir  Noms  abstraits. 

Accentuation  des  suffixes,  130. 

-accio,  suffixe  italien,  180,  182,  Rem.; 
—  est  séparable,  35. 

-ace,  suffixe  nominal,  178;  genre, 
683. 

-a  ce  a,  178,2. 

-aceus,  178,1. 

-ache,  suffixe  nominal,  182,  Rem.; 
genre,  702  (rondache),  703  (pa- 
nache). 


Action  (r),  exprimée  par  un  suffixe: 
150,8  (-âge);  159,8  (-aille);  167 
(-aison)  ,111  (-ance)  ;  200,7  f-ee); 
211  (-ement);  274  (-(son);  281  (-oi- 
son); 311  (-ation);  368,3  (-ade)  ; 
396,2  (-erie);  552. 

-aculare,  435. 

-aculum,  154. 

-ada,  suffixe  espagnol,  364,  365,8. 

Addition  de  consonnes  dans  les  dé- 
rivés, 87—94. 

-ade,  suffixe  nominal,  364 — 368;  genre» 
684. 

Adjectif  au  féminin  pluriel  employé 
comme  adverbe,  597  ;  comme  subs- 
tantif, 650,3. 

Adjectif  change  de  genre  dans  les 
mots  composés,  43,  Rem.  2. 

Adjectif  devenu  adverbe,  606,  651; 
—  devenu  interjection,  634;  —  de- 
venu préposition,  619;  —  devenu 
substantif,  645—650;  —  tiré  d'un 
substantif,  641—643. 

Adjectif  savant  à  côté  d'un  substan- 
tif populaire,  298,2. 

Adjectifs  biformes  et  -ment,  606 — 
609;  —  uniformes  et  -ment,  610— 
611. 

Adjectifs  dans  les  composés:  adjectif 
combiné  avec  un  adjectif,  563;  avec 
un  substantif,  560. 

-ado,  suffixe  espagnol,  369. 
27* 


420 


-ado,  suffixe  nominal,  369. 

Adverbes.  Formation  par  composi- 
tion, 594—599;  par  dérivation,  600 
—614.  Doublets,  584—587.  Flexion, 
589.  Employés  comme  adjectifs, 
659,  660;  comme  interjections,  635; 
comme  prépositions,  661. 

Adverbes  dans  les  composés:  adverbe 
combiné  avec  un  adverbe,  594,i; 
avec  -ment,  614;  avec  un  nom, 
562,  721;  avec  un  pronom,  598,4. 

-âge,  37,i,  38,2;  147—150;  —éliminé, 
537,1  ;  —  masculin  et  féminin,  685. 

Agents,  voir  Noms  d'agents. 

-agîia,  suffixe  italien,  156. 

-agne,  39,i,  151. 

Agneau,  la  voix  de  1',  14. 

Aguesseau  (le  chancelier  d'),  12. 

AI — A  (apophonie),  48,  544, i. 

AI — E  (apophonie),  49. 

-aie,  suffixe  nominal,  152. 

-ail,  suffixe  nominal,  154,  155;  —  et 
l'apophonie,  48,3- 

-aille,  suffixe  nominal,  156—159. 

-ailler,  suffixe  verbal,  435. 

-aillon,  suffixe  nominal,  380. 

-ain  (-amen),  suffixe  nominal,  164. 

-ain  (-anus),  suffixe  nominal,  160 — 
163;  apophonie,  48,i,  68;  mort,  39,2. 

AIN  final  dans  les  dérivés,  48,i,  68. 

-aire,  suffixe  nominal,  299;  —  et  l'apo- 
phonie, 48,8. 

-aïs,  suffixe  nominal,  166,  351. 

-aison,  suffixe  nominal,  167,  168. 

-alf  suffixe  nominal,  300. 

-aie,  300. 

-alia,  156. 

-alis,  205,  300. 

-alium,  154. 

Allemand.  Mots  allemands  imités  en 
français,  480,i,  568,i.  Le  genre  des 
mots  allemands,  677,i.  Comp.  Ger- 
manique. 

Alouette,  le  chant  de  1',  22. 

Alternance  vocalique  dans  les  ono- 
matopées, 17,  33  A,  631,4. 

-amen,  164. 

-amentum,  209. 


-ammeni,  611. 

AN  final  dans  les  dérivés,  67,  96. 

-an,  suffixe  nominal,  304. 

-ana,  suffixe  nominal,  306;  s'emploie 
comme  substantif,  35. 

-ance,  suffixe  nominal,  168 — 172. 

-and,  suffixe  nominal,  173;  supplante 
-an,  -ant,  -enc,  88,i,   174. 

-andier,  suffixe  nominal,  381. 

Ane,  le  cri  de  I',  22. 

-anea,  151. 

-aneus,  remplacé  par  -anus,  160. 

-ange,  suffixe  nominal,  175;  genre, 
686. 

Anglais.  Abréviation  anglaise,  5,2,  5  A. 
Mots  anglais  passés  en  français, 
511,  530.  Syntaxe  anglaise,  579,8, 
Rem.  Le  genre  des  mots  anglais, 
677,2;  suffixes  anglais,  230  (-er), 
332  (-ist). 

Animaux.  Leurs  cris,  13,  14,  21—23, 
30,2;  leur  genre,  670,3;  leurs  petits, 
185  (-at),  196,1  (-eau),  284,2  (-on), 

285.1  (-on),  410,2  (-illon)  ;  le  mâle, 
116,  Rem.;  leur  séjour,  255. 

Animaux    désignés    par    un    adjectif 

qualificatif,  649,2. 
-ano,  suffixe  italien  et  espagnol,  304,». 
-ant,    suffixe    nominal,    176,   177;  — 

dans  les  adverbes,  611;  —  éliminé, 

537.2  ;  —  supplante  d'autres  termi- 
naisons, 89,2. 

an  te,  504. 

anté-,  préfixe,  504. 

-antem,  176. 

anti-,  préfixe,  505. 

-antia,  169. 

-anus,  160,  246,  304,2. 

Apocope   de  la  terminaison,   79,  414, 

532—553. 
Apophonie,  46 — 61, 544;  —  n'agit  plus 

dans  les  dérivés  modernes,  59,  60. 
Appareils;   voir  Noms  d'instruments. 
Apposition,  557  —  563,  641. 
Arbres;  voir  Noms  d'arbres. 
archi-,  préfixe,  506. 
-ard,    suffixe   nominal,   352 — 355;   — 

éliminé,  79;   —  supplante  d'autres 


421 


terminaisons,   88,2,   354;  —   vivant, 

37,1. 
-arde,  suffixe  nominal,  356. 
ARE  final  dans  les  dérivés,  97. 
-are,  212. 
Argot,  231,3    (-eur),  233  (-eux),  366,4 

(-ade),   414   (-0),  424  (suffixes   di- 
vers), 527  (ca-). 
-aricius,  214. 
-aris,  212,  299. 

Aristophane  et  les  onomatopées,  23. 
-arius,  248,  299 

Arrière,  combiné  avec  un  nom,  562,i. 
-as,    suffixe    nominal,    178 — 180;    — 

éliminé,  79. 
-as,  -adis,  suffixe  grec,  264,  Rem. 
-asco,  suffixe  italien,  370,  370  A. 
-asque,  suffixe  nominal,  370. 
-asse,  suffixe  nominal,  178. 
-asser,  suffixe  verbal,  436. 
Assimilation  de  consonnes,  451,8,  611. 
-asso,  suffixe  italien,  180. 
-assort,  suffixe  nominal,  282. 
-aster,  186. 

-at  (-attus),  suffixe  nominal,  185. 
AT  final  dans  les  dérivés,  89,3. 
-at,  suffixe  nominal,  307. 
-ata,  199. 
-ata,  suffixe  italien  et  provençal,  364, 

365. 
-ateiir,  suffixe  nominal,  310. 
-aticus,  147,  312. 
-ation,  suffixe  nominal,  311,  553,i. 
-ationem,  167,  311. 
-atique,  suffixe  nominal,  312. 
-ato,  suffixe  italien  et  espagnol,  307,4,6. 
-atoire,  suffixe  nominal,  313. 
-ato  rem,  230,  310. 
-atorius,  275,  313. 
-ûtre,  suffixe  nominal,  186—188. 
-attus,  185. 
-atura,  296,  314. 
-ature,  suffixe  nominal,  314. 
-atus,  190,  191,  307,  369. 
AUD  final  dans  les  dérivés,  88,8. 
-aud,    ou   -aut,  suffixe  nominal,   357 

—360. 
Augmentatifs,  suffixes,    184,i  (-asse), 


186  (-on),  S55,i(-ard),  436  (-asser); 

—  préfixes,  464,i   (a-),   482  (par-), 

484   (pro-),    495,7    (re-),   526   (ca-), 

528  (for-), 
-aument,  611,8. 

AUT  final  dans  les  dérivés,  89,4. 
-aut,  suffixe  nominal,  357 
-auté,  suffixe  nominal,  382. 
Auteurs  de  mots  nouveaux,  1,  Rem.,  8. 
Automobile.    Le  bruit,  25.    Le  genre, 

674,  678. 
avant-,  préfixe,  465  ;  —  combiné  avec 

un  nom,  562, 1. 
-ay,  éliminé,  79. 
-ayer,  suffixe  verbal,  449. 
-az,  suffixe  nominal;  voir  -as. 

B  >  P,  546,1. 

Babeuf,  dans  la  dérivation,  58. 

Babil,  imitation  du,  26. 

Backformations,  533. 

Baïf  (Lazare  de),  7,  7  A. 

Balancier,  le  bruit  du,  16. 

Balzac  (J.-L.),  678. 

Barbey  d'Aurevilly,  44. 

Bartas  (du),  la  langue  de,  576,2. 

Bec-figue,  le  chant  du,  22. 

Belge.  Particularités  du  parler  belge, 

171,  Rem.,  495,  Rem.,  561,  Rem.  2. 
ben  e,  467. 
bes-,  préfixe,  466. 
bi-,  bis-,  préfixes,  507. 
bien-,  préfixe,  467. 
Biniou,  le  son  du,  30,i. 
bis-  (bes-),  préfixe,  466. 
bis-  (lat.  bis),  préfixe,  507. 
Bois  (Jules),  12. 
Bouhours  (le  Père),  11. 
Bouillon  (Mme  de),  251,4. 
Bourget    (Paul),    sa   langue,    12,  416, 

443,  445,  5,2  A 
Bouteilles,  bruit  de,  25. 
Braconnet,  3. 
Brebis,  la  voix  de  la,  22. 
Bruant  des  haies,  la  voix  du,  22. 
Brunetière  (F.),  10. 
Brunot  (F.),  117. 
Bulles  pontificales,  5,i,  Rem. 


422 


C  final,  69,  70;  comp.  546,2. 

ca-,  préfixe,  526,  527. 

Caille,  la  voix  de  la,  22. 

Canard,  la  voix  du,  14,  22. 

Canon,  le  son  du,  24. 

Cantiques   désignés  par  les  premiers 

mots,  5,1. 
Cas  régime,   employé   comme  génitif, 

567. 
ce,     pronom     démonstratif    employé 

dans  les  conjonctions,   628,2,   629,2. 
-ceau,  suffixe  nominal,  189. 
•cel,  voir  -ceau. 
-celle,  suffixe  nominal,  189. 
-cellus,  189. 

Celtique,  influence  du,  475,  Rem. 
CH— C,  70,1,  546,3. 
Champagne.  Bruit  d'une  bouteille  de 

Champagne  débouchée,  25. 
Champagny  (de),  11. 
Champsaur  (F.),  8. 
Changements   d'accent,    135,  i;  —   de 

genre,  664  ss.;  —   de  préfixes,  457; 

—  de  suffixes,  121—129,  135,2. 
Chansons  à  boire,  30,3. 
Chapelain  (Jean),  11. 
Chasse,  cris  de,  27,  632. 
Chat,  la  voix  du,  13.  22. 
Chateaubriand,  sa  langue,  343,  366,4. 
Chat  noir,  café  de  Montmartre,   44. 
Chevaux,    désignés    par    la    couleur, 

649,2. 
Chien,  la  voix  du,  13,  14,  22. 
Chouette,  le  cri  de  la,  22. 
Chute  de  la  terminaison,  78—83,  536, 

537. 
Cigares,  noms  des,  369. 
-cir,  suffixe  verbal,  431. 
circon-  (cîrcom-),  préfixe,  508. 
circum,  508. 
ci  s,  509. 

cis-,  préfixe,  509. 
Clarinette,  le  son  de  la,  24. 
Clédat  (L.),  551. 

Clefs,  imitation  du  bruit  des,  25. 
Cloche,  le  son  de  la,  24. 
co-,  préfixe,  510,i. 
Cochon,  la  voix  du,  13. 


Collectifs,  115,  150,1  {-âge),  152  (-aie), 
159,1  (-aille),  162,2  (ain,  aine),  244,ï 
(■ie),  270,2  (-is).  368,i  (-ade),  396,8 
(■erie).  Comp.  Abondance- 
Colombe,  la  Voix  de  la,  22. 

Communia,  670,3. 

»Communis  error  facit  jus«,  623. 

Comparatif  combiné  avec  -ment, 
605,  Rem.  1. 

Composition  et  dérivation,  4.  Comp. 
Mots  composés. 

Comte  (Auguste),  7. 

con-,  préfixe,  510,2- 

Concordance  primitive  effacée,  619 
(atout,  sauf),  621,  622  (participes), 
634  (hélas). 

Concurrence  de  suffixes,  111  (Noms 
abstraits),  172  (-ance,  -ence),  191 
(-e,  -ie),  263  (-ain,  -in),  320  (-able, 
-ible),  326  (-ique,  -isque,  -esque,  -ien, 
-an),  337  (-iste,  -eur,  -eux,  -ien,  -ier, 
-isant),  432  (-er,  -ir),  444  (-iser,  -er)  ; 
comp.  553. 

Confusion  de  suffixes  homophones, 
124;  —  de  terminaisons,  84-103; 
—  de  voyelles  identiques,  66. 

Conjonctions.  Leur  formation  et  ori- 
gine, 626 — 629.  Leur  emploi  comme 
prépositions,  625. 

Consonnes  ajoutées  dans  les  dérivés, 
87 — 94;  —  finales  changées,  69 — 
77;  —  répétées  dans  les  onomato- 
pées, 17;  —  supprimées  dans  les 
dérivés,  95—102. 

Contaminations,  6,i,  351,  376,  528. 

con  tra-,  468. 

contre-,  préfixe,  468;  combiné  avec  un 
nom,  562,1. 

Coordination,  557     563,  641. 

Coq,  la  voix  du,  14,  22. 

Cor  de  chasse,  le  son  du,  24,  30,i. 

Corbeau,  la  voix  du,  14,   15,  22- 

Corneille,  la  voix  de  la,  14,  22. 

Corneille  (Pierre),  la  langue  de,  8,  580. 

Coucou,  la  voix  du,   16. 

Couleurs  (les)  désignées  par  des  subs- 
tantifs, 642;  comp.  Chevaux,  Draps, 
Fourrures. 


423 


Courlis,  le  chant  du,  22. 

Création  primitive  de  mots  nou- 
veaux, 3. 

Cris  d'animaux,  13,  14,  21—23. 

Cris  de  chasse,  de  guerre  et  pour 
faire  marcher  les  animaux,  27,  632. 

Croisement  de  suffixe,  126. 

cum,  510. 

D  analogique,  88. 

D-T,  546,4. 

-dage,  suffixe  nominal,  88,  147. 

-daille,  suffixe  nominal,  156. 

Danois.  Suffixes  français  passés  en 
danois,  393,  Rem.  (-en),  444,  Rem. 
{-isere).  Genre  de  mots  danois, 
677,8. 

Darmesteter  (Arsène),  527,  555,  625. 

Date  des  mots  nouveaux,  7. 

Daudet  (Alphonse),  la  langue  de,  395, 
Rem. 

David,  chimiste,  7. 

de,  préposition,  combiné  avec  un  nom, 
570,». 

dé-,  préfixe,  469;  —  éliminé,  535. 

Décomposition,  78,  533 — 539. 

Dépréciatifs,  suffixes;  voir  Péjoratifs. 

-der,  suffixe  verbal,  428,i. 

Dérivation  impropre,  638 — 662;  — 
nominale,  106 — 424;-  par  préfixe, 
440—531  ;   —  régressive,  532—55»; 

.    —  verbale,  425—449. 

dés-,  préfixe,  469. 

Deschanel  (Emile),  8,  9,  674,  Rem. 

Desportes,  8. 

Déterminé  (le),  disparaît  souvent; 
voir  Ellipse. 

Déverbale,  la  formation,  540 — 553. 

Dictons  populaires  tirés  d'onomato- 
pées, 23. 

-dier,  forme  élargie  de  -ler,  248. 

Dignité,  suffixes  exprimant  une,  198 
i-é),  273,1  (-ise),  687. 

Diminutifs,  108,  116,  185  {-at), 
196  i-eau),  220,  224  (-e«e),  256 
(-i7),  258  i-ille),  262  (-in),  285 
(-on),  290  (-0/),  355,6  (-ard),  385 
i-elet),  399,1  {-eron),  410  (-illon),  441 


(  -z7Zer),  446  (-onner),  447  {-otter), 
730—734. 

Dindon,  la  voix  du,  22. 

Direction,  indiquée  par  un  préfixe, 
494,1. 

dis,  469,  511. 

Doublets  de  particules,  584. 

Doublets  de  postverbaux,  550,i. 

Doublets  de  préfixes,  451,  469,  470, 
471,  488,  515. 

Doublets  de  suffixes  nominaux,  137, 
172  {-ance,  -ence),  238,  263,* 
i-in,  -ain),  303  (-al,  -el),  307  {-at, 
-é),  314  (-ature,  -ure),  320  {-able, 
-ible),  367  {-ade,  -ée),  394  {-erie, 
-ie)^  412,2  Rem.  {-iment,  -ement). 

Doublets  de  suffixes  verbaux,  432, 
443. 

Doublets  phonétiques,  49,  58,  59,  60, 
61,  65,1,  69,  71. 

Draps,  désignés  par  la  couleur,  650,i. 

Du  Rellay  (Joachim),  7. 

Dumas  (A.)  fils,  7. 

Durée  (la),  exprimée  à  l'aide  d'un 
suffixe,  200,4  (-ée). 

E — A  (apophonie),  50. 

E— È  (apophonie),  51,  52,  53. 

E-IÉ  (apophonie),  59,  544,8. 

E— 01  (apophonie),  60,  544,4. 

É  -f  É  >  É,  66,a. 

E  féminin  final  ajouté  ou  ôté  aux 
adverbes,  584,  585;  —  détermine 
le  genre,  701 — 703;  —  éliminé  par 
dérivation  régressive,  538,  539;  — 
—  tombe  devant  les  suffixes,  63. 

E  féminin  intérieur  amuï  dans  les 
adverbes,  606,8. 

E  féminin,  suffixe  inaccentué,  189 
bis  de  A. 

É  final  tombe  devant  le  suffixe, 
65,1. 

é-,  préfixe,  470. 

-é,  suffixe  nominal,  forme  des  adjec- 
tifs, 191. 

•é,  suffixe  nominal,  forme  des  subs- 
tantifs, 190;  genre,  687. 

-éan,  suffixe  nominal,  315,  Rem. 


424 


Eau,  le  gazouillement  de  1',  25. 

-eau,  suffixe  nominal,  192—197;  — 
éliminé,  79;  —  mort,  39,$. 

-ece,  voir  -esse. 

-eé,  suffixe  nominal,  198. 

-éc,  suffixe  nominal,  199—201;  —  éli- 
miné, 79. 

-éen,  suffixe  nominal,  315. 

-efier,  suffixe  verbal,  440,  Rem. 

-éfîer,  suffixe  verbal,  440. 

El — E  (apophonie),  54. 

El— I  (apophonie),  55. 

-eil,  suffixe  nominal,  202. 

-eille,  suffixe  nominal,  203. 

-ciller,  suffixe  verbal,  437. 

EIN  final  dans  les  dérivés,  68. 

-eis,  suffixe  nominal,  166,  351. 

-eise  (-itia),  suffixe  nominal,  218,i. 

-cû,  suffixe  nominal,  268. 

-el  (-alis),  suffixe  nominal,  205,  206. 

-el  (-ellus),  suffixe  nominal,  192. 

-eler,  suffixe  verbal,  438. 

-elet,  suffixe  nominal,  383 — 385. 

Élimination  d'un   préfixe,    534,    535; 

—  d'un  suffixe,  78,  79,  536. 
-elin,  suffixe  nominal,  260,  386. 
-élis,  remplacé  par  -alis,  205. 
-ella,  208. 

-elle,    suffixe    nominal ,    208  ;    genre, 

688. 
Ellipse  dans  les  mots  composés,  555; 

—  du  déterminé,  571,  642,  Rem., 
645—648;  —  influence  le  genre, 
714 — 716.  Comp.  Abréviations. 

-ellus,  192,  239. 

-elot,  suffixe  nominal,  387—388,  387  A. 

-em  (lat.  in),  préfixe,  471. 

-em  (lat.  in  de),  préfixe,  472. 

-ement,    suffixe    nominal,    209 — 211, 

553,1. 
-ément,  terminaison  adverbiale,   608, 

609. 
-emment,  611. 
en-  (lat.  in-),  préfixe,  471. 
en-  (lat.  in  de),  préfixe,  472. 
En,    préposition,    combiné    avec    un 

nom,  570,s. 
-enc,  suffixe  nominal,  361 — 363. 


-ence,  suffixe  nominal,  317. 

-enge,  suffixe  nominal,  175. 

-ensis,  166,  279. 

-ent,  dans  les  adverbes,  611;  —  éli- 
miné, 537,2. 

-entia,  317. 

entre,  préfixe,  475,  562;  haplologie, 
456,1. 

-eoir,  suffixe  nominal,  275. 

-eoire,  suffixe  nominal,  278,  Rem. 

-er,  suffixe  nominal,  212,248;  —  éli- 
miné, 79. 

-er,  suffixe  verbal,  426—428. 

-eraie,  suffixe  nominal,  389. 

-eran,  suffixe  nominal,  390. 

ERE  final  dans  les  dérivés,  98. 

-ère,  le  genre  de,  689. 

-ereau,  suffixe  nominal,  391. 

-erece,  -eresse,  suffixe  nominal,  213. 

-erelle,  suffixe  nominal,  391. 

-eresse,  suffixe  nominal,  213 

-eret,  suffixe  nominal,  214 — 216. 

-erez,  voir  -eret. 

-eri,  suffixe  danois,  393,  Rem. 

-erie,  suffixe  nominal,  393 — 396,  553,i; 
—  vivant,  37,i. 

•erole,  suffixe  nominal,  397. 

-eron,  suffixe  nominal,  398. 

-eronner,  suffixe  verbal,  446. 

Erotiques,  expressions,  630,  Rem. 

-esco,  suffixe  italien  et  espagnol,  371. 

Espagnol.  Suffixes  espagnols,  257,2 
i-illa),  304,8  i-ano),  307,6  (-ato),  364 
i-ada),  369  {-ado\  371  {-esco).  Syn- 
taxe espagnole,  625,  Rem ,  589,i 

-esque,  suffixe  nominal,  371. 

-esse  (-issa),  suffixe  nominal,  217. 

-esse  (-itia),  suffixe  nominal,  218, 
219. 

Estienne  (R.)  et  les  diminutifs,  108. 

-et,  suffixe  nominal,  220—224  ;  —  éli- 
miné, 79. 

ET,  dans  les  dérivés,  89,5,6. 

-eta,  152. 

État,  suffixes  exprimant  un,  150,2 
i-age);  251, i  (-ier);  273,8  (-ise). 

-été,  suffixe  nominal,  400. 

-eteau  (-eteï),  suffixe  nominal,  401. 


425 


-eter,  suffixe  verbal,  439. 

Étoffes,  noms  d',  266,3  (-me).    Comp. 

Draps, 
-eton,  suffixe  nominal,  402, 
-ette,  suffixe  nominal,  223,  224;  genre, 

690. 
EU— E  (apophonie),  56. 
EU— O  (apophonie),  57. 
EU— OU  (apophonie),  58,  544,6. 
•euil,  suffixe  nominal,  225, 
-eul,  suffixe  nominal,  227. 
Euphémisme,  567,  633,  Rem. 
-eur,   suffixe  nominal,    indiquant  des 

noms  d'agent,  230—231, 
-eur,   suffixe  nominal,    indiquant  des 

notions  abstraites,  229;  genre,  671,8, 

691. 
-eiire,  suffixe  nominal,  296. 
-eus,  134. 

-euse,  suffixe  nominal,  236. 
EUT  final  dans  les  dérivés,  89,7. 
-eux,   suffixe  nominal,   232 — 235;    — 

éliminé,  79. 
EUX  final  dans  les  dérivés,  91, i. 
-eyer,  suffixe  verbal,  449. 
ex-,  470,  512. 
ex-,  préfixe,  512. 
-ex,  -icis,  321,7. 
Explétifs,  589,2. 
extra-,  préfixe,  455,4,  513. 

F  final,  71,  546,9. 
Farlouse,  la  voix  de  la,  22. 
Féminin  pluriel  au  sens  neutre,  597. 
Femmes,  langage  des,  667,  Rem.,  678, 

685,  698. 
-ficare,  440. 
-fier,  suffixe  verbal,  440. 
Flamand,  préfixe  emprunté  au,  526. 
Flaubert  (Gustave),  la  langue  de,  233, 

366,8,   372,1,3,   395,  Rem.,   413,    419, 

427,    440,   446,    487,2,    489,2,    498,i, 

559. 
Fleurs,   noms  de,    133,8,  Rem.  1,  705, 

Rem. 
Fleuves;  leur  genre,  671,2. 
Flexion    des   particules,    588.    Comp. 

Concordance. 


for-,  préfixe,  476,  528,  530. 

foris,  476. 

Formes  renforcées,  38,i,  Rem.,  614. 

Formules  abrégées,  5,i. 

Fouet,  le  claquement  du,  25. 

Fourcroy,  7. 

Fourrures,    désignées   par  la  couleur, 

650,1. 
France  (Anatole),  559,  702. 
Fréquentatifs,  435  {-ailler),  446(-onner), 

447  (-oter).  Comp.  Répétitions. 
Fusil,  le  bruit  du,  24. 
Fusion  de  syllabes  identiques,  80;  — 

de  voyelles  identiques,  66. 
Futur  employé  comme  nom,  657,4. 

G  final,  72. 

Galiani,  créateur  de  mots  nouveaux, 
280,2. 

Gautier  (Théophile),  sa  langue,  372,i, 
441. 

Génitif  (le),  conservé  dans  les  com- 
posés, 566. 

Genre  (le)  des  arbres,  664,i;  —  des 
fleuves,  671,2;  —  des  mots  com- 
posés, 717 — 723;  —  des  mots  em- 
pruntés, 676;  —  des  mots  étran- 
gers, 677  ;  —  des  mots  grecs,  664,2, 
Rem.;  —  des  mots  héréditaires, 
670,  672  ;  —  des  mots  savants,  673, 
674;  —  des  noms  abstraits,  671,3; 
—  des  postverbaux,  541 — 551. 

Genre  (le),  déterminé  par  le  sens, 
665,  708—713;  par  le  sexe,  665; 
par  le  suffixe,  682—700;  par  la 
terminaison,  664,  679—681  ;  par  un 
e  féminin  final,  701—703;  par  une 
initiale  vocalique,  706. 

Genre  (le)  et  les  grammairiens,  669, 
675,  678. 

Germanique.  Influence  supposée  du 
germanique,  17,  Rem.  2;  préfixe 
emprunté  528  [for-);  suffixe  em- 
prunté, 351 — 363;  formation  ad- 
verbiale, 603,  Rem. 

Gifles,  imitation  du  bruit  des,  25. 

GN— IN,  546,6. 

GN— N,  73. 


426 


-go,  suffixe  argotique,  424. 

Goncourt  (de),  la  langue  des  frères, 
443,8,  446;  dérivés  de  leurs  noms, 
102. 

Gournay  (Mlle  de),  730—734. 

Gournay,  économiste,  7,  537,». 

Grammairiens  (les)  veulent  changer 
le  genre  des  mots,  675,  691. 

Grammont  (M.),  16. 

Grec.  Suffixes  grecs,  241  (-/a),  324 
{-icos\  327  (-ismos),  332  {-ista),  339 
l-itès,  itis),  347  {-osis),  443,  449 
(-izare).  Préfixes  grecs,  505  (aiiti-), 
506  (archi-).  Genre  des  mots  grecs 
en  -ma,  664,2,  Rem. 

Grégoire  (l'abbé),  7. 

Grenouille,  la  voix  de  la,  14,  15,  22. 

Grillon,  la  voix  du.  22. 

Gyp,  sa  langue,  372,2. 

Haplologie    de    préfixes,    456;    —   de 

suffixes,  35;  —  de  syllabes,  80. 
-hart,  352. 
Helmont  (van),  3. 
Herzog  (E.),  494,  Cas  isolé. 
Hibou,  la  voix  du,  22. 
Homonymes;   leur  genre,   680,  724 — 

729. 
Horloge,  le  bruit  de  1',  16. 
Hugo    (Victor);    particularités    de    sa 

langue,    8,    9,   211,   559,  641,  650,2; 

dérivés  de  son  nom,  65,4,  66,  89, n. 
Huysmans  (J.-K.),  la  langue  de,  403, 

427,  442,  447,1. 

I,  éliminé,  65,8;  —  final,  99. 

I — 01  (apophonie),  544,6. 

I-f'I  >  I,  66,3. 

-i^  suffixe  nominal,  237. 

-ia,  133,  135,1,  241. 

-ia,  terminaison  récente  de  noms  de 

plantes,  133.  Rem.  1,  705,  Rem. 
-ial,  suffixe  nominal,  403. 
-la/ia,  suffixe  nominal,  306. 
-ianisme,  suffixe  nominal,   327,  330,7. 
-ianus,  246. 
-iare,  426,  Rem. 
-iat,  suffixe  nominal,  318. 


-lau,  suffixe  nominal,  239. 

-ibilis,  319. 

-ible,  suffixe  nominal,  319. 

-icaud,  suffixe  nominal,  357. 

'icaut,  suffixe  nominal,  423, i. 

-iccio,  suffixe  italien,  321,8,  374. 

-ice,  suffixe  savant,  321;  genre,  692. 

-ice,  voir  -isse. 

-icia,  240. 

-ichc,  suffixe  nominal,  374. 

-ichon,  suffixe  nominal,  404. 

-ichonner,  suffixe  verbal,  446. 

-icia,  240. 

-icide,  suffixe  nominal,  405. 

-icisme,  suffixe  nominal,  327,  330,5. 

-icius,  268,  321. 

-iciile,  suffixe  nominal,  406. 

-icula,  203,  257. 

-iculare,  437,  441. 

-iculus,  202,  256. 

-icus,  247,1,  324. 

lE — E,  apophonie,  56,  544,8 

-ie,  suffixe  nominal,  241 — 245;  —  éli- 
miné, 79,  537,3;  sa  lutte  avec  -erie, 
394;  sa  mort,  37,2. 

-iel,  suffixe  nominal,  407, 

-ième,  suffixe  nominal,  245. 

-ien,   suffixe   nominal,    160,  246,  247; 

—  remplace  -ain,  39,2. 

-ier,  suffixe  nominal,  248—251  ;  248  A; 

—  éliminé,  537,4. 

-ière,  suffixe  nominal,  252  ;  supplante 

-iers,  100;  genre,  689. 
-iergue,  suffixe  argotique,  424. 
-if,  suffixe  nominal,  253 — 254. 
-  ificare.  440. 
-ifter,  suffixe  verbal,  440. 
-igaiid,  suffixe  nominal,  357,  423. 
-ige,  le  genre  de,  693. 
-il  (-iculus),  suffixe  nominal,  256. 
-il  (-ile),  suffixe  nominal,  255. 
-ile,  255. 
-ilia,  257. 
-ilium,  256. 

-il la,  remplacé  par  -ella,  208. 
-il  lare,  438. 

-illat,  suffixe  nominal,  408. 
-ille,  suffixe  nominal,  257;  genre,  694. 


427 


I 


-Hier,  suffixe  verbal,  441. 
-illon,  suffixe  nominal,  409. 
-illot,  suffixe  nominal,  411. 
-ime,  suffixe  nominal,  322. 
-iment,  suffixe  nominal,  412. 
-imentum,    remplacé   par  -amen- 

tum,  209. 
Impératif,  combiné  avec  un  nom,  574 

—578,    599,2;    —    employé    comme 

interjection,  636,i;  comme  nom,  656; 

le  genre  des  composés  avec  1',  722. 
-imus,  322. 
IN  final,  68. 
-in,  préfixe,  471,  514. 
-in,  suffixe  nominal,  260—263,  261  A; 

—  éliminé,  79. 

-ina,  suffixe  italien,  264. 

-in are,  442. 

in  de,  472. 

-ine,  suffixe  nominal,  264 — 267  ;  genre, 
695. 

-iner,  suffixe  verbal,  442. 

-ineux,  suffixe  nominal,  413. 

Infinitif  employé  comme  interjection, 
636,2  ;  —  employé  comme  substan- 
tif, 653. 

-ing,  suffixe  nominal,  361. 

-iniste,  suffixe  nominal,  332. 

Initiales  (les),  représentant  le  mot  en- 
tier, 5,2,  5,2  A. 

-ino,  suffixe  italien,  260. 

-  i  n  u  s,  260. 

Instruments  de  musique,  24,  25,  30,i. 
Gomp.  Noms  d'instruments. 

intèr,  475,  515. 

inter-,  préfixe,  515. 

Interjections,  26,  630—637. 

Invariabilité  d'un  mot  mis  devant  le 
nom,  619 — 622;  —  d'un  substantif 
indiquant    la    couleur,    642,   Rem.; 

—  d'un    substantif   composé,    em- 
ployé comme  adjectif,  643,  Rem. 

-iolum,  227. 

-ion,  suffixe  nominal,  323. 
'iot,  suffixe  nominal,  423,8. 
-ique,  suffixe  nominal,  324—326;  éli- 
miné, 537,6. 
-iquet,  suffixe  nominal,  220. 


-ir,  suffixe  verbal,  429—432. 

-is,  suffixe  nominal,  268—271. 

-iscus,  351,  371. 

-ise,  suffixe  nominal,  218,2,  272,  273. 

-iser    suffixe  verbal,  443. 

-isme,  suffixe  nominal,  327—331. 

-ismus,  327. 

-ison,  suffixe  nominal,  274. 

-issa,  217. 

-isse,  suffixe  nominal,  240. 

-issement,  suffixe  nominal,  210,  412,a, 
Rem. 

-ist,  suffixe  anglais,  332. 

-ista,  332. 

-isla,  suffixe  italien,  332. 

-iste,  suffixe  nominal,  332  —  338. 

-istre,  pour  -isie,  332,  Rem. 

IT  final,  89,8. 

-ita,  339. 

Italien.  Suffixes  italiens,  156  (-aglia), 
180  {-accio,  -asso),  260  (-ino),  264 
(-ina),  286  (-one).  304,3  (-ano),  307,6 
(-ato),  321  (-1CC10),  332  {-ista),  345,2 
i-uolo),  347  {-oso\  464  {-ata),  370 
(-asco),  371  (-esco),  374  (-iccio).  Pré- 
fixes italiens,  511  (dis-),  517  (ri-), 
531  (para-). 

-itas,  -itatem,  198,  292,  341. 

-ite,  suffixe  nominal,  339,  340;  genre, 
702  (limite),  703  (mérite). 

-ité,  suffixe  nominal,  341. 

Itératifs,  voir  Répétition. 

-ïtia,  204,  218,  321,3,  218,  A. 

-itia,  272,  321,4. 

-ition,  suffixe  nominal,  342. 

-îtionem,  274,  342. 

-itium,  321,5. 

-itre,  suffixe  nominal,  423.4. 

-ittus,  220. 

-itiide,  suffixe  nominal,  343. 

-itudo,  343. 

-itura,  344. 

-iture,  suftixe  nominal,  344. 

-itus,  237. 

-ium,  133,8,  Rem.  2. 

-ius,  134,  318. 

-ivus,  253. 

-ix,  -icis,  321,6. 


428 


-12 ;  voir  -is. 
-izare,  443,  449. 

Jespersen  (O.),  533,  Rem.,  579,2,  Rem. 
Jurons,  567,  630,  Rem.,  633,  728. 
Jusserand  (J.-J.),  12. 

ka-,  préfixe  flamand,  526. 
Kératry,  11. 

L  adventice  dans  les  dérivés,   92;  — 
final,    74,   451,3;  —  mouillé,   546,$; 

—  vocalisation,  74,  451,2,  546,7. 

La  Fontaine,  la  langue  de,  248,  280,2. 
La  Grasserie  (Raoul  de),  669. 
Langage   argotique,    231,3,    233,  366,4, 
414,    424,    527;   —  badin,    6,8,    19; 

—  burlesque,  456,  Rem.;  —  chi- 
mique,  133,3,    Rem.  2,   340,i,  348,2; 

—  enfantin,  116;  — hypocoristique, 
19,  Rem.;  —juridique,  528;  —  mé- 
dical, 340,2,  348,1  ;  —  philosophique, 
480,1  ;  —  poétique,  586,2;  —  scienti- 
fique, 513,2  517,2,;  —  technique, 
162,  Rem.,  375. 

Langage  de  la  Pléiade,  117,  233,  576,2; 

—  des  chansons  populaires,  118, 
427,  616;  —  des  chasseurs,  27,  632; 

—  des  femmes,  667,  Rem.,  678,  685, 
698;  —  des  symbolistes,  171,  430,i. 

Lavedan  (H.),   la  langue  de,   12,  427, 

447,1. 
Leconte  de  Lisle,   la  langue  de,  535. 
-lem,  suffixe  argotique,  424. 
Le  Maire  (Jean),  8. 
-lenc,  suffixe  nominal,  361—363. 
Lené  (G.),  549. 
-lesqiie,  suffixe  nominal,  371. 
lez,  combiné  avec  un  nom,  570,4. 
-lien,  forme  élargie  de  -ien,  246. 
Lieux,  voir  Noms  de  lieux. 
-ling,  suffixe  nominal,  361. 
-liste,  suffixe  nominal,  332. 
Locutions  adverbiales,  599. 
Loup,  la  voix  du,  22. 
Lunel  (A.),  7. 

M  remplace  N,  75. 
Machines,  noms  de,  236. 


Mac-Mahon,  maréchal,  44. 

Magnin,  11. 

mal-,  préfixe,  477. 

maie,  477. 

Mâle  (le)  des  animaux,  116,  Rem. 

Malherbe,  11. 

-mar,  suffixe  argotique,  424. 

Marot  (Clément),  12. 

Marteau,  le  bruit  du,  25. 

mau-,  préfixe,  477,  Rem. 

mé-,  préfixe,  478. 

médium,  479. 

Meinicke  (Max),  495. 

Ménage,  créateur  de  mots  nouveaux,  7. 

-ment,  terminaison  adverbiale,  603 — 
614. 

mes-,  préfixe,  478. 

Mésange  charbonnière,  le  chant  de 
la,  23. 

Mesure  exprimée  à  l'aide  d'un  suf- 
fixe, 200,3  (-ée). 

mi-,  préfixe,  479;  —  omis,  456,2. 

minus,  478. 

Mirbeau  (O.),  sa  langue,  191. 

Moineau,  le  chant  du,  22. 

Montégut  (de),  créateur  de  mots,  243. 

Mort  du  primitif,  169,  185,  197,  224,2; 

—  des  suffixes,  37,  39,  495,8. 
Mots  composés  par  coordination,  557 

—  563;  — par  subordination,  564 — 
572;  —  de  phrases,  573— 582.  Leurs 
dérivés,  41—44,  614;  leur  emploi 
comme  adjectifs,  643;  leur  genre, 
717—723;  leur  soudure,  556. 

Mots  de  circonstance,  12. 

Mots  d'emprunt,  le  genre  des,  676, 
677. 

Mots  héréditaires,  le  genre  des,  670 
—672. 

Mots  nouveaux,  1;  leur  date,  7,  8; 
leur  formation,  2—6;  leur  sort,  9 
—12. 

Mots  parallèles,  leur  genre,  712,  713. 

Mots  primitifs.  Leur  sort  dans  la  dé- 
rivation, 45—105;  leur  mort,  169, 
197,1,  224,2,  495,8. 

Mots  savants,  le  genre  des,  673,  674. 

Mouche,  le  bruit  de  la,  22. 


429 


I 


Moulin,  le  bruit  du,  25. 
-muche,  suffixe  argotique,  424. 
Musette,  le  son  de  la,  30,i. 
Musset  (A.  de),  489,2,  675;  dérivés  de 
son  nom,  79. 

N  adventice  dans  les  dérivés,  93;  — 
amuï,  546,8;  —  final,  75;  —  rem- 
place gn,  73. 

Noël  lyonnais,  où  est  imité  le  son 
des  instruments,  24. 

Nomina  agentis,  voir  Noms  d'agents. 

Noms  abstraits,  111,  167  {-aison\  218 
(-esse),  229  (-eur),  241  (-le),  264, 
Rem.  i-ine),  270,i  (-is),  274  (-ison), 
281  {■  oison),  292  (-té),  296  (-ure), 
311  {-ation),  331,  i  (-isme),  342 
(-ition);  —  exprimés  par  un  adjec- 
tif, 650,2;  —  genre,  671,3. 

Noms  d'agents,  114;  162,i  (-ain),  196,2 
(■eau),  231  (-eur),  251  (-ier),  262,2 
(-in),  284,1  (on),  338  (-iste),  399,2 
(-eron),  410,i  (-illon),  552. 

Noms  d'arbres,  251,4;  leur  genre, 
664,1,  671,  672. 

Noms  de  choses,  262,3  (-in),  273,8 
(-ise),  276  (-oir),  278  (-oire),  284,3 
(-on),  285,3,  355,2  (-ard),  368,i  (-ade), 
399,2  (-eron),  410,3  (-illon). 

Noms  de  fleuves,  671,2. 

Noms  de  lieux  (noms  communs),  dé- 
signés à  l'aide  d'un  suffixe,  112, 
152  (-aie),  252,2,3  (-lere),  255  (-il), 
262,1  (-in),  270,4  (-is),  277,i  (-oir), 
280,1  (-ois). 

Noms  de  lieux  (noms  propres)  et 
leurs  dérivés,  152,  Rem.  (ay,  -oy), 
166  (-aïs),  213  (-eresse),  280,i  (-ois), 
325,8  (-ique),  370  (-asqiie),  372,2 
(-esque),  398,8  (-eron),  404  (-ichon). 

Noms  de  manière,  262,i  (-in),  373,9 
(■esque). 

Noms  de  matière,  262,i  (-in). 

Noms  de  nombres  collectifs,  162,2. 

Noms  de  personnes  dans  la  composi- 
tion, 575,1,  576,1. 

Noms  de  personnes  dans  la  dériva- 
tion,   221,8  (-et),    247    (-ien),    283,8, 


285,2  (-on),   288,8  (-ot),  316,3  (-éen), 

325  (-ique),  329,2  (-isme),  334,2  (-iste), 
-340,3  (-ite),   352   (-ard),   353   (-ard), 

372,2  (-esque);  —  perdent  leur  finale, 

81  ;  —  se  soustraient  à  l'apophonie, 

46,  Rem. 
Noms    de    personnes,    diminutifs  de, 

221,3,  283,3,  285,2,  288,3,  733. 
Noms  de  plantes,  133,3,  Rem.  1  (-ia), 

193,8  (-eau),  251,*  (-ier),  399,2  (-eron), 

705,  Rem.  (-la). 
Noms    de    saints,    48,2,    Rem.    (Saint 

Acaire),  715. 
Noms  d'instruments,  113,  236  (-euse), 

252,4  (-ière),  266,4  (ine),  277,2  (-oir), 

278  (-Dire),  290,8  (-ot),  552. 
non,  préfixe,  480. 

O  final  tombe  devant  le  suffixe,  65,i. 

O  +  O  >  O,  66,4. 

O— 01  (apophonie),  61 

-o,  suffixe  nominal,  414. 

-occio,  suffixe  italien,  423. 

-oceus,  423. 

-oche,  suffixe  nominal,  423,5. 

-ocher,  suffixe  verbal,  445. 

-oculum,  225. 

01— E  (apophonie),  60,   544,4 

01 — I  (apophonie),  544,6. 

01— O  (apophonie),  61. 

-01  (-oy),  suffixe  nominal,  152,  Rem. 

Oie,  la  voix  de  1',  22. 

-oi>,  suffixe  nominal,  275. 

-oire,    suffixe    nominal,    278;    genre, 

696. 
OIS  final  dans  les  dérivés,  91,2. 
-OIS  (-en  se  m),   suffixe  nominal,   279 

—280,  351. 
-Oise  (-itia),  suffixe  nominal,  218,i. 
Oiseaux;  leur  chant,   22;   leur  genre, 

719. 
-oison,  suffixe  nominal,  281. 
OIT  final,  89,9. 
■ol,  suffixe  arabe,  375. 
-ol,  suffixe  nominal,  345. 
-olûtre,  suffixe  nominal,  415. 
-oie  (-olle),  suffixe  nominal,  345;  genre, 

697. 


430 


•  olium,  225. 

-omane,  -omanie,  suffixes  nominaux, 
416. 

ON  final  dans  les  dérivés,  67,  101. 

-on,  suffixe  nominal,  282—286;  —  éli- 
miné, 79,  537,6;  genre,  665,  698. 

OND  final  dans  les  dérivés,  79. 

-onem,  282. 

-ongue,  suffixe  argotique,  424. 

-oni,  terminaison  italienne,  602. 

•onner,  suffixe  verbal,  446. 

Onomatopées,  13 — 33,  631  ;  leur  fonc- 
tion, 20;  leur  phonétique,  17 — 19. 

-ons,  terminaison  adverbiale,  601 — 
602. 

ONT  final  dans  les  dérivés,  89,io. 

•ophobe,  suffixe  nominal,  416  bis  A. 

Orchestre,  le  bruit  d'un,  30,  33,i. 

ORD  final  dans  les  dérivés,  88,4. 

-orem,  229,  230;  genre,  671,3. 

-oria,  278. 

-orium,  275. 

Orthographe  des  dérivés,  104,  105;  — 
des  mots  composés,  556;  —  des 
particules,  588. 

•ose,  suffixe  nominal,  347,  348. 

-oso,  suffixe  italien,  347. 

-osus,  232,  347. 

■ot,  suffixe  nominal,  287,  288;  —  éli- 
miné,  79. 

OT  final  dans  les  dérivés,  89,ii. 

-oter  (-oiter),  suffixe  verbal,  447. 

-otionem,  281. 

-otte,  suffixe  nominal,  289—291. 
ottus,  287. 

OU— EU  (apophonie),  58,  544,6. 

-ouche,  suffixe  nominal,  423. 

•  oiiiller,  suffixe  verbal,  448. 
OUR  final,  102. 

•our,  le  genre  de,  699. 

•ousse,  suffixe  nominal,  423. 

OUT  final  dans  les  dérivés,  89,ii. 

outre-,  préfixe,  481. 

OUX  final  dans  les  dérivés,  91,3. 

'oyer,  suffixe  verbal,  449. 

P  final,  76. 

par-,  préfixe,  455,i,  482. 


para-,  préfixe,  531. 

Parasynthétique,  formation,  453. 

Parasynthétiques,  formes,  426,  429, 
430,2,  432,2,  464,8,  469,4,  470,»,  471,$, 
476,4,  485,  499,2,  510,2,  513,8,  515,8, 
520. 

Parfumerie,  266,2. 

Paris  (Gaston),  646,  674,  676,  Rem.  et 
passim. 

Participe  passé  employé  comme  nom, 
655;  comme  préposition,  620. 

Participe  présent  employé  comme  ad- 
verbe, 599,8;   —  comme  nom,   654; 

—  comme  préposition,  620. 
Particules.  Formation,  583—637.  Fle- 
xion, 589.  Emploi,  658—662. 

Passé    défini    employé    comme   nom, 

657,3. 
Pasteur    (L.);    dérivés    de    son   nom, 

46,  Rem.,  57. 
Patru,  11. 

Pays,  noms  de,  133,8,  242,8,  244,8. 
Péan  Gastinel,  la  langue  de,  494,  Cas 

isolés. 
Péjoratifs,    119,    159,2    (-aille),    184,2 

i-asse),   188   (-âtre),   262  {-in),  285,s 

l-on),    290,1   {'Ot),   355,4  {-ard),   360 

l-aud),    368,4   {-ade),    373,3  {-esque), 

399,1  {-eron),  436  {-asser),  507  {bis-), 

526  {ca-),  528  {for-). 
per,  482. 

Personnes;   voir  Noms  de  personnes. 
Philipot  (E.),  5,2  A,  7  A,  33  A,  440  A, 

486,  Rem.  A. 
Phonétique    des    mots   dérivés,    45 — 

105;  —  des   onomatopées,    17—19; 

—  des  postverbaux,  543 — ^546. 
Phrases,   dans   la  composition,  573 — 

582  ;  —  employées  comme  inter- 
jections, 637  ;  —  employées  comme 
conjonctions,  629,8;  —  soudées, 
599,3. 

Plantes,  133,8,  Rem.  1,  193,8,  251,4. 
399,2,  705,  Rem. 

Pléiade,  la  langue  de  la,  117,  233, 
576,2,  261  A. 

Pléonasme,  38,  Rem.,  280,i,  473,  Rem. 
Comp.  Tautologie. 


431 


Pluie,  le  bruit  de  la,  25. 

plus,  préfixe,  483. 

Poésie  populaire,  la  langue  de  la 
118,  427,  616. 

Postnominaux,  533. 

Postverbaux,    540 — 553;    leur   genre,    j 
541—551,  701,  Rem. 

Poule,  la  voix  de  la,  22, 

pour-,  préfixe,  484. 

Praepositiones  inseparabiles,  455. 

pré-,  préfixe,  485. 

Préfixes.  Changements,  457;  élimina- 
tion, 534,  535;  haplologie,  456; 
mort,  450,2;  recomposition,  458; 
soudure,  454. 

Préfixes  étrangers,  525 — 531  ;  —  in- 
séparables, 454,1  ;  —  latins,  450,i; 
—  savants,  502 — 524;  —  séparables, 
454,2. 

Première  conjugaison,  suprématie  de 
la,  125,1. 

Préposition  dans  les  composés  :  com- 
binée avec  un  adjectif,  597  ;  —  avec 
un  adverbe,  594,2;  —  avec  un  nom, 
570,  571,  596,  723;  —  avec  un  pro- 
nom. 598,3. 

Prépositions.  Leur  emploi  comme  ad- 
verbes, 662.  Leur  formation,  615 — 
625. 

Présent  de  l'indicatif  employé  comme 
interjection,  636,2;  —  comme  nom, 
657,1. 

Présent  du  subjonctif  employé  comme 
interjection,  636,2;  —  comme  nom, 
657,2. 

Prières  désignées  par  les  premiers 
mots,  5,1. 

Primitifs;  voir  Mots  primitifs. 

Privât  d'Anglemont,  12. 

Privatifs,  préfixes,  469  {dé-,  dés-). 

pro-,  préfixe,  484,  516. 

Produit  (un)  exprimé  à  l'aide  d'un 
suffixe,  200,6  i-ée),  266,i  (-ine),  270,8 
(-is),  368,2  i-ade). 

Pronoms  dans  les  composés:  com- 
binés avec  -ment,  613;  —  avec  un 
nom,  561,  598,i  ;  — avec  un  pronom, 
598,2 


Provençal.  Emprunts  au  provençal, 
630,  Rem.  Suffixes  provençaux, 
304,3,  307.3,  364  (-ata). 

Qualité  (une),  exprimée  à  l'aide  d'un 
suffixe,  235  {-eux),  251,8  (-ier),  273,i 
i-isé),  396  i-erie). 

Quantité  (une)  exprimée  par  des  suf- 
fixes, 200,8  {-ée).  Comp.  Collectifs. 

Rabelais,  576,2;  dérivés  de  son  nom, 
89,5. 

Ramage  des  oiseaux,  22. 

Rambouillet,  marquise  de,  1,  Rem. 

re-,  préfixe,  486—495;  haplologie, 
456,3;  soudure,  455,2. 

ré;  préfixe,  487,4,  488,  517,  486  A. 

Réaction  savante  contre  le  genre  non 
étymologique,  675,  676,  Rem. 

Réceptacle  (le),  désigné  par  un  suf- 
fixe, 251,2  i-ier),  252,i  {-ière). 

Recomposition,  458—462;  519. 

Redoublement,  507;  —  d'un  préfixe, 
486;  —  d'une  syllabe,  6,i. 

Refrain,  19,  28—30. 

Régnier  (Henri  de),  117. 

Renforcement  d'une  forme  par  l'addi- 
tion d'un  élément  en  apparence 
superflu,  38,1,  Rem.,  614. 

Répétition  (la)  d'une  action,  exprimée 
par  re-,  495,i.  Comp.  Fréquentatifs. 

rere-,  préfixe  redoublé,  486. 

Restif  de  la  Bretonne,  233. 

Résultat;  voir  Produit. 

Réunions,  désignées  par  les  initiales, 
5,2,  5,2  A. 

Richelieu,  8. 

Rime,  influence  de  la,  675. 

Rire,  imitation  du,  26. 

Rodhe  (E.),  712. 

Ronsard  (Pierre),  8. 

Roqueplan  (Nestor),  366,8,  Rem. 

Rosset  (Th.),  609. 

Rossignol,  le  chant  du,  22. 

Rousseau  (J.-B.),  9. 

Rousseau  (J.-J.),  8. 

S  adventice,  90,  91;  —  amul,  451,i; 
—  disparu,  63. 


43^ 


-8  adverbial,  586. 

Saint-Pierre  (Abbé  de),  8. 

Saint-Priest  (de),  8. 

sans-,  préfixe,  496. 

Sand  (G.),  634. 

Sarrazin,  7. 

•sard,  suffixe  nominal,  352. 

Scandinaves,  le  genre  des  mots,  677,8. 

Schifî  (Mario),  731. 

Schuchardt  (H.),  460  et  passim. 

Scribe  (E.),  12. 

Sédillot  (le  D^),  7. 

-sien,  forme  élargie  de  -ien,  246. 

sine,  496. 

•skoff,  suffixe  slave,  376. 

Sociétés,  désignées  par  les  initiales, 
5,2,  5,8  A. 

Soie,  le  froissement  de  la,  25. 

Sonnette,  le  son  de  la,  24. 

sou-,  préfixe,  497. 

Soudure,  454—456,  473  (en-),  475 
(entre-),  482  (par-),  494  (re-),  561, 
566,  Rem.,  604. 

Souris,  la  voix  de  la,  22. 

sous-,  préfixe,  497,  562,i. 

Sousentendement  d'un  mot,  597; 
comp.  Ellipse. 

■sseau,  suffixe  nominal,  189. 

-sselle,  suffixe  nominal,  189. 

Staël  (Mme  de),  8. 

Stendhal,  11. 

sub-,  préfixe,  520. 

Subordination,  composés  par,  564 — 
572. 

Substantifs  composés,  558  ss.;  leurs 
dérivés,  41 — 44,  612,  Rem.;  leur 
emploi  comme  adjectifs,  642;  leur 
genre,  717—723. 

Substantifs  dans  les  composés.  Subs- 
tantif combiné  avec  un  adjectif, 
595,  718;  avec  un  adverbe,  562, 
721;  avec  -ment,  612;  avec  une 
préposition,  570,  571,  596,  723; 
avec  un  substantif,  558,  559,  565 
— 568,  717;  avec  un  verbe,  569, 
722. 

Substantifs.  Leur  emploi  comme  ad- 
jectifs,   640—643;    —    comme    ad- 


verbes, 644;  —  comme  interjec- 
tions, 633;  —  comme  prépositions, 
618. 

Substantifs  verbaux,  540—553. 

Substitution  de  mots,  6,3;  —  de  pré- 
fixes, 457;  —  de  suffixes,  121—129; 
135,2,  etc. 

subtus,  497. 

Suffixes  arabes,  375;  —  argotiques, 
424;  —  collectifs,  115;  —  com- 
posés, 108,  379,4;  —  danois,  393, 
Rem.,  444;  —  diminutifs,  108,  116; 

—  éliminés,  78,  79,  536,  537;  — 
espagnols,  364,  365;  —  étrangers, 
350—376;  —  germaniques,  351  — 
363;  —  inaccentués,  131—135;  — 
italiens,  364;  —  latins  (populaires), 
139—297;  —  latins  (savants),  298 
—349;  —  morts,  37,2,  39;  —  nomi- 
naux, 106;  —  péjoratifs,  119;  — 
primaires,  377;  —  provençaux,  364; 

—  russes,  376;  —  secondaires,  377; 

—  synonymes,    voir   Concurrence; 

—  toponymiques,  120;  — verbaux, 
425-449;  —  vivants,  37,i,  38. 

Suffixes.  Accentuation,  130;  change- 
ment, 121 — 129;  division,  40;  em- 
ploi, 36;  genre,  682—700;  haplo- 
logie,  35;  mort,  37,2,  39;  significa- 
tion, 109;  soudure,  35;  vie,  37,i, 
38. 

Suisse.  Particularité  du  parler  suisse, 
687,  712 

Sully-Prudhomme,  674. 

super-,  préfixe,  521. 

Superlatif,  exprimé  par  un  préfixe, 
482,  506,  513. 

Suppression  d'une  consonne  dans  les 
dérivés,  95—102. 

sur,  combiné  avec  un  nom,  562,i, 
570. 

sursum,  499. 

SMS-,  préfixe,  499,  562,2. 

Symbolistes,  le  langage  des,  171,  430,i. 

Synonymie  de  suffixes;  voir  Concur- 
rence de  formes. 


433 


T  adventice,  89;  —  final,  77,  87. 

-tage,  suffixe  nominal,  89,  147,  417. 

Tambour,  le  son  du,  24. 

Tautologie,  558,4,  558  A. 

-té,  suffixe  nominal,  292. 

-ter,  suffixe  verbal,  427,2,  428,8. 

•terie,  suffixe  nominal,  418. 

-tesque,  suffixe  nominal,  371. 

-teur,  suffixe  nominal,  419. 

-teux,  suffixe  nominal,  420. 

Thomas  (Antoine),  162,  Rem.,  362. 

Thomsen  (V.),  218  A,  249  A. 

Thurneysen,  475,  Rem. 

-tier,  suffixe  nominal,  248,  421. 

-tin,  suffixe  nominal,  260. 

-tisme,  suffixe  nominal,  327. 

Tmesis,  455,2. 

Tobler  (A.),  608,  Rem. 

Toponymique,  120. 

Trait  d'union,  556,2. 

trans-,  préfixe,  500,  522. 

très-,  préfixe,  500. 

Triangle,  le  son  du,  24. 

Trompette,  le  son  de  la,  24. 

U  +  U  >  U,  66,5. 

'U,  suffixe  nominal,  293. 

-u  eu  lare,  448. 

-udo,  -udinis,  294,  343. 

-ueux,  suffixe  nominal,  422. 

-ule,  suffixe  nominal,  349;  genre,  700. 

ultra,  481,  523. 

ultra-,  préfixe,  455,4,  523. 

-ulus,    remplacé    par    -ellus,    193, 

349. 
-urne,  suffixe  nominal,  294. 
-umen,  295. 
UN  final,  67. 

-un,  suffixe  nominal,  295. 
-une,  suffixe  nominal,  294. 
-ura,  296. 


-ure,  suffixe  nominal,  296,  671,3;  — 
éliminé,  537,7. 

>Urschôpfung«,  3. 

-us,  terminaison  masculine  et  fémi- 
nine, 664,1,  671,1,  673. 

Ustensiles;  voir  Noms  d'instruments. 

UT  final  dans  les  dérivés,  89,i8. 

-utus,  293. 

V— F,  71,  546,9. 

Vache,  la  voix  de  la,  14,  22. 

Valeur  (la)  d'une  monnaie  exprimée 
à  l'aide  d'un  suffixe,  200,6  {-ée). 

Vaugelas,  condamne  les  mots  nou- 
•  veaux,  9,  11. 

Vent,  imitation  poétique  du,  19. 

ver-,  préfixe  allemand,  528. 

vi-,  préfixe,  501. 

vice-,  préfixe,  501,  524. 

Vie  de  Saint  Martin,  464,  Cas  isolé. 

Vin;  imitation  du  bruit  que  produit 
le  vin  versé,  25. 

Violon,  le  son  du,  24,  30,i. 

Violoncelle,  le  son  du,  24. 

Voix  d'animaux,  13,  14,  21—23,  30,2. 

Voltaire,  609. 

Voyelles.  Alternance  dans  les  ono- 
matopées, 17,  631,4.  Changement 
dans  les  dérivés,  46 — 68,  103,  544. 
Chute  dans  les  dérivés,  63—65. 
Fusion,  66. 

-wald,  suffixe  germanique,  357. 

misa,  substantif  germanique,  603 
Rem. 

-yen,  suffixe  nominal,  246. 
-yer,  suffixe  nominal,  248. 
-ysme,  suffixe  nominal,  327. 
-yste,  suffixe  nominal,  332. 

Zola   (É.);    dérivés  de  son  nom,   65,i, 


28 


INDEX  DES  MOTS. 

(Les  chiffres  renvoient  aux  paragraphes  et  à  leurs  subdivisions.  A  =  Additions,  p,  396—  403.) 


à,  616 
aba,  3 

abandon,  à,  596 
abatis,  268,  270,i 
abat-jour,  574,i,  575 
abattée,  201 
abducteur,  503 
abduction,  503 
abeausir,  430,2 
abécé,  5,1 
abécédé,  5,i 
abîme,  703 
ableret,  215,i 
abracadabrant,  66,i,  176 
abrège-nuits,  576,2 
abricot,  291 

abriter,  89,8,  379,i,  Rem. 
absinthisme,  7 
absoudre,  503 
abstenir,  503 
abstinence,  172,2 
acafta,  676,8 
acajou,  642 

acariâtre,  48,2,  Rem.,  186 
accessit,  657,i,  Rem, 
accolade,  467,2 
accomplissable,  143,2,  146 
accord,  546,4,  550, i 
accorder,  457, i 
accusation,  553,i 
acerain,  163 
acérm,  263,2 


aczer,  706  A 
acrobatie,  243 
Adenet,  221,3 
arfes,  598,3 
adieu,  579  i,  Rem. 
adjoindre,  464 
adjuger,  464 
administrer,  464 
adonc,  592 
adurer,  457, i. 
adventif,  254, i 
aemplir,  464,] 
a/fazre,  702,  723 
a/?^ïîf,  550,1 
affûtiau,  239 
âg'e,  685 
agioter,  89,ii 
agissement,  9 
agneau,  197, i 
agourmandir,  430  2 
agréable,  146 
agrès,  547 
aidable,  143,2 
azde,  665,2,  709 
aide-bourreau,  558,2 
aide-chirurgien,  558,2 
aider,  450,i,  Rem. 
aïe,  26 
azgr/e,  726 
aigliau,  239 
aigre-doux,  7,  7  A 
aigrette,  79 


aigrin,  295 

aiguiser,  426,  Rem. 

ailleurs,  592 

aime-lyre,  576,2 

aime-pleurs,  576,2 

aime-sucs,  576,2 

aime-vers,  576,2 

azmi,  632 

aimoir,  276,i 

ainçois,  592 

afn^,  592 

ainsiment,  614 

am2,  616 

airain,  164 

aisselle,  208 

alarme,  681 

aZcade,  364 

alcaraz,  676,2 

aZcooZ,  375 

alcyon,  698 

aZeym,  165,  263,i 

alhambresque,  65,i,  372,2 

Allemagne,  133,3 

allemand,  174 

allemanisme,  96 

alloter,  447,i 

allumer,  457, 1 

alouette,  224,2 

alphabet,  5,i 

Alpines,  265,3 

alques,  586,2 

aZZzer,  212 


435 


altresi,  592. 
altretant,  592 
altruisme,  7,  11 
alvéole,  697 
amas,  550,i 
ambitionner,  11 
ambulance,  171 
âme,  711 
amers,  547 
amertume,  294,i 
âmes-cyprès,  559 
amonf,  583,2,  596 
amour,  699,  699  A 
amour-propre,  560,2 
amuïr,  429,2 
amulette,  690 
amusoter  {s'),  447,i 
anagramme,  664,  Rem. 
analyste,  80. 
ancêtre,  450,2,  Rem. 
anchois,  279 
ancui,  592 
andalou,  538 
angelot,  387 
angélus,  5,i 
anglaise,  647 
anglo-normannisme,  96 
An^of,  288,3 
dni/ier,  440 
an/ZZe,  257,i 
animalcule,  700 
anonchalir,  430,2 
autan,   450,2,    Rem.,  583,2, 

596,  616 
antédiluvien,  504 
anté- occupation,  504 
anthélix,  504 
anti-bicycliste,  505 
anticabinet,  505 
antichambre,  505 
antichrist,  504 
anti-concierge,  505 
antidate,  505 
antipied,  505 
antiqiLiaille,  156,  159,2 
anti-rien,  505 
anti-tout,  505 
antonysme,  327 


a  nuit,  596 
aoi,  632 
apostille,  551. 
apostume,  664,  Rem. 
appeau,  546,7,  547 
appel,  546,7 
appendicule,  700. 
apporter,  464 
apprenti,  238 
apréciation,  553,i 
après,  616,  662 
après-dîner,  654,  Rem.,  712. 
après-midi,   572, i,  712 
après-souper,  712 
aprilin,  261,i 
apruef,  617 
aquarin,  48,2,  Rem. 
à  q'uoi  &on,  580 
araignée,  200,6 
arbre,  67^  ^ 
arbrisseau,  189 
arc-bouter,  537. 
arc-en-cielé,  44 
archaïsme,  8 
archevêché,  687 
archichancelier,  506 
arçon,  282 
ardoisé,  191,  Rem. 
aréner,  89,i 
argent,  706  A 
aristocrate,  533,  537,8 
armature,  314 
armistice,  692 
armoire,  696 
armure,  296,  314 
arôme,  664,  Rem. 
aronde,  664,2 
arracher^  457,2 
arrêf,  550,i 
arrière,  591,  592,  659 
arrière-boutique,  555,i 
arrière-main,  721,  Rem. 
arrièrement,  614 
arrosable,  143,2 
arsenal,  302,2 
ar^,  672 

artichaut,  357,  359,i 
ar/ic/e,  703 


article-réclame,  559 

as  (ecce),  589,2 

ascensionner,  9 

asperge,  702 

assaillir,  461 

assez,  583,  591 

assortiment,  412,2 

astérique,  326, i 

asthme,  664,  Rem. 

astre-roi,  559 

atouser,  91,8 

aZowf,  619 

atteindre,  461 

attendu,  622 

atterrer,  432,2 

aubain,  160 

aute,  646 

Auberon,  81 

aufcin,  263,  295 

audience,  172,2 

aujourd'hui,  501,  592 

au  jour  le  jour,  573,  Rem. 

Aulnay,  152,  Rem. 

aumaille,  156 

aumônier,  251 

aune,  729 

aussi,  592,  598 

aussiment,  614 

aussitôt,  661 

autant,  592 

aufeZ,  207,1 

automne,  712,  726 

automobile,  674,  678 

autoritairisme,  48,2 

autoursier,  90 

auZre  chose,  711 

autrefois,  591,  595  . 

auZre  parf,  595 

auaZ,  583,,,  596 

ai'onf,  584,1,  616,  617 

avant-dîner,  12 

avant-hier,  592 

avant-main,   465,»,  421,. 

Rem. 
avant-scène,  465,2,  723 
avant-veille,  465,2 
avarde,  88,2 
aue,  5,1 

28* 


436 


avec,  584,  585,  586,9,  598,8, 

616,  661,  662 
avecque,    584,    585,    586,2, 

616 
aveline,  267 
avèneron,  398,2,  399,i 
avers,  617 
averse,  723 
aveulir,  430,2 
avocasser,  436 
avocat,  307 
ayou^,  307 

Babil,  550,1,  552,i 
babiller,  32 
bobine,  264,  Rem. 
babouvisme,  58 
bachelier,  212 
bacho,  414 
bachotier,  89,ii 
badeaii,  359,i 
bagasse,  182,  630,  Rem. 
bagou,  547 
baillard,  354 
fcaiZZi,  238 
bain-Marie,  567 
baise-mains,  722 
baise-nue,  576,2 
baisse,  548,i 
fcaZade,  364 
baladiner,  442 
balafre,  466,2 
balcenc,  362 
balèvre,  466,2 
ballade,  364 
fca/Zon,  286 
balourd,  466,2,  538 
bamboche,  702 
bamboutage,  89,i2 
bancasse,  182 
banderole,  345,i 
banlieue,  568, i 
banlieusard,  91, i,  352 
banneret,  215,i,  222, i 
banvin,  568,i 
tarfce,  709 
barbiche,   374 
barbon,  286 


barboter,  32 
barbouquet,  466 
barcasse,  182 
barlong,  466,2 
barnage,  147,  150,2,  Rem. 
baronage,  147 
bar oni fier,  440 
baronnaille,  159,2 
bas-bleu,  665,  Rem. 
hasbleuisme,  44 
bascule,  547 
ftaser,  9,  10 
bas-percé,  563,2 
basse-cour,  560 
bassecourier,  43 
bastille,  259,i 
bastonnade,  367,2 
basvolet,  556,1 
bâtarde,  647 
bateau-mouche,  555,8 
bâtonnat,  79 
battaille,  157 
battandier,  381 
5aZfe,  548,3 
baudelairiser,  443.3 
baudet,  649,2 
baudrier,  250,i 
bavardichonner,  446 
bavocher,  445 
bazarder,  88,2,  428, 1 
bayeusain,  263,4 
beaucoup,   583,3,    592,  595, 

658 
beaudelairiser,  443,3 
beaupérisme,  44 
beaux-arts,  560 
bedeaudaille,  88,3,  156 
bégayer,  449 
béguin,  539 
béguinskoff,  376 
béjaune,  556,i 
têZer,  22 
fteZeZZe,  649,2 
belfortain,  263,4 
fte'ZZ/;  253 
bénédicité,  5,i 
bénéficier,  9 
Benoîton,  283,3,  285,2 


bercail,  154 
berceau,  195 
Z?erciZ,  255 
bergeronnette,  220 
fterZine,  189  bis  A,  265,» 
berlingot,  288,2,  291 
Z)erZ«e,  466,2 
bertavelle,  688 
besace,  507, 1 
besaigre,  466,i 
besaiguë,  466,i 
Z>esas,  466,1 
bestiasse,   182 
bestourner,  466,3 
ZjêZe,  710  A 
bêtement,  61 2, 1 
bêtifier,  440  A 
^eZoZe,  290 
bévue,  466,1 
bézoard,  354 
bicarbonate,  507,2 
bicyclette-tandem,  559 
Z)ien,  592 
bienfaisance^  8 
bigarreautier,  89,4 
bijoutier,  89,i2 
billebarrer,  569,2 
belle-fille,  560,i 
bisaïeul,  466,3 
biscornu,  507, 1 
biscottin,  260 
ZjZscuiÏ,  466,3,  507.1,  650,i 
biseauter,  89,4,  428.2 
bissac,  507,1 
bistourner,  507,i 
bizarde,  88,2 
ZjZa/ard,  354 
blaireauter,  89,4,  428,2 
blanche,  647 
blanche-coiffe,  719 
blanche-queue,  719 
blancheœuvrier,  43 
blanchiment,  412,2 
blanc-madame,  567 
blanc-poudré,  563,2.  569 
blasonomane,  416 
blastenge,  175 
Z>Ze«Zé,  89,7 


437 


blondir,  430, i 
bobinskoff,  376 
bocage,  79 
bocal,  302,2 
Boileau,  576,i 
bonaparteux,  235 
bonasse,  183,  184,i 
bonbec,  665, i 
bonbockeur,  44 
bondieusard,  44,  91a  352 
bondieuserie,  44 
bondieutisme,  44,  89.7 
fcon  enfant,  643 
bongarçonnisme,  44 
fron  gré,  595 
bonheur,  560, i 
bonhomie,  394 
bonhomme,  555,3,  560 
bonhommerie,  394 
bonifier,  440 
ton  marché,  595 
bonnenc,   362 
bonnet  571 
bonniche,  374 
borne-mois,  570,2 
£o«/n,  571 
tou,  541,3 
boubouler,  22 
boucaut,  357,  358,2 
bouche-trou,   574 
bouclier,  212,  647 
fcou/",  26 
bouffarde,  356 
bougeoir,  79 
bougrement,  612,i 
boulange,  548  i 
boulanger,  362 
boulangisme,  78,  329.2 
bouleau,  197,2 
boulevard,  352,  354 
bouleverser,  569 
bourgeois,  279,  280,2 
bourgeoisillon,  409 
Bourg-VAbbé,  567 
Bourg-la- Heine,  567 
Bourgogne,  133,8,  716 
bourreauder,  88,3  A 
bourrellement,  612,2 


boursicaut,  423,i 
bousingot,  288,2 
boutade,  367,2 
boute-en-train,  578,i 
bouteille,  203 
bouteriau,  239 
boutoi,  275,  Rem. 
bovarysme,  327 
ftozi;  wow,  13 
torre,  541,3 
boxer,  427 

boyard,  34,  Rem.,  354 
boyaudier,  88,3 
brancard,  302,2,  354 
brassard,  302,2 
brebiette,  99 
brebion,  86 
ftret/s,  672 
bredi-breda,  33 
bredouiller,  448 
treZan,  305,i,  363,2 
brelander,  88,1 
brelenc,  361 
tn7?rz,  20,1  21,  22 
ftrzc  à  trac,  31 
brigand,  174 
brique,  642 
brise-glace,  574,i 
brocard,  309,2,  352.  354 
bronze,  703 
brouette,  466 
brouhaha,  31 
brouillard,  354 
brouiller,  427 
brouillon,  285,8 
broute-biquette,  577 
fcrroii,  26 
bruine,  264,  Rem. 
bruisiner,  442 
brûlade,  366,4 
brûle-gueule,  574,i 
Brunault,  357 
brusle-hostel,  576,2 
/)uZ)e,  536 
bubelette,  385 
tii/--ta/",  33 
burail,  155 
buraliste,  74,  Rem. 


bureaucrate,  537,3 
bureaucratisme,  7 
bureaumanie,  7 
bureautin,  89,4,  260 
burlesque,  7 
butorde,  88,4 
buvable,  143,2 
buvaillon,  380 

Çà,  594,1 
cabillaud,  359,i 
caborgne,  527 
cabosser,  527 
caboter,  89,ii,  428,» 
cacarder,  22 
cache-cache,  578,4 
cache-nez,  574,i 
cadenas,  180,  309,2 
cadichon,  79,  404 
cadoter,  427 
cadran,  177,2,  305,i 
ca/ard,  527 
caféier,  65,2 
cafetier,  65,2 
cagrof,  527 
ca/i/n  ca/ia,  33 
cahoter,  527 
cailleboter,  567 
caillette,  690 
caillouter,  89, 12 
caillouteux,  379,i,  Rem. 
caisson,  286 
cajoler,  527 
calebasse,  182 
calemoour,  527 
calembredaine,  b'il 
califourchon,  527 
Calino,  527 
calouche,  527 
camail,  155 
camarade,  265,8,  70» 
camaro,  82,  414 
camelot,  288,2 
camouflet,  527 
campanule,  700 
canaille,  156 
canaillement,  612,i 
cancan,  5,i 


438 


canevas,  180 
caniche,  374 
cannelas,  180 
canne-parapluie,  559 
canot,  291 
cantine,  264 
cantique,  703 
caoutchouter,  89,i2 
capitale,  647 
caprice,  692 
capripède,  566 
captif,  648 
capuce,  703 
capuche,  537,6 
capucin,  260 
caqueter,  22,  32 
carafon,  286 
carbonnade,  265,2,  367,i 
carcasse,  182 
cardinalesque,  372,i 
carmagnole,  709 
carosse,  676,3 
caroube,  676,3 
carreauder,  88,8 
carrier,  539 
cartayer,  449 
cartilage,  685 
cartouche,  423,  726 
cas  régime,  568 
casse,  541,3 
casse-loix,  576,2 
casse-mœurs,  576,2 
cas  su/ef,  568,i 
Cafm,  81 
Cato,  81 

cauchemarder,  88,2 
caution,  665,2 
cavalcade,  365,2,  367,i 
ça-va-là-haut,  27 
cavale,  541,3 
caviar,  302,2 
caw/i,  165,2,  263,1 
céans,  594,i 
centime,  322,  678,  703 
centrale,  647 
centre-droitier,  44 
centre-gaucher,  44 
cependant,  579,2,  599,3 


cependant  que,  626 
ce  q'iie  7e  m'en  /ic/u',  580 
cerisaie,  153 
cerise,  642 
certain,  160 
cerfe,  586,2 
cervelas,  180,  309,2 
c'esf  se/on,  580 
cévenol,  345,2 
chacun,  533 
c/iaeZe,  632 
chaland,  174 
chamade,  365,2 
chamailler,  527 
chambellan,  305,i 
chambrelenc,  361 
chameau,  195 
Champagne,  716 
champ- de-marsiste,  44 
champeaux,  195 
champi,  271,2 
champis,  269,2 
chandelier,  212 
changeon,  283,4 
chanlatte,  568, 1 
chdnte-fable,  578,3 
chanteronner,  446 
chante-pleure,  578,  Rem. 
chantourner,  569 
chanvre,  703 
chapeauter,  89,4,  428,2 
chaperon,  399,i 
chaqueue,  556,i,  567 
charbonnée,  367, 1 
charbonnier,  251,4,  Rem. 
charcuter,  537,4 
charcu  ier,  43 
chardonneret,  216 
charité,  571 
charlemanesque,  372 
charmoie,  142 
charnu,  293 
chartre,  702 
chaske  journal,  41 
chasse-ennui,  576,2 
Chasseleu,  576, 1 
chasse-nue,  576,2 
chasse-soins,  576,2 


chasse-souci,  576,2 
cliassez'déchassez,  578,8 
chasteté,  198 
châtain,  539 
chat-huané,  96 
chat-huant,  560,2 
Chateaubriand,  567 
chateaubrianesque,  96,  372 
Château- Renard,  567 
Châteauroux,  567 
Châtenay,  152,  Rem. 
chatnoiresque,  44 
chatois,  12,  280,2 
chatouiller,   448 
chattement,  612, 1 
chaudelait^  222,2 
chaufour,  568,i 
chaumerette,  214 
chaumine,  265,i,  Rem, 
chaussée,  646 
chauve-souris,  560,i 
chaux,  535 
chégros,  555,i 
chef-lieu,  558,2 
chenille,  257,i 
chevaleresque,  372,i 
chevasson,  282 
chevauchée,  367, 1 
c/ieyef,  222,1 
cheville,  257. 1 
Chevréana,  79 
chèvre-pied,  566 
chevreuil,  226 
c/ie2,  618 
chicagotien,  89,ii 
chicard,  355,3,  Rem. 
ch/e  en  ZiY,  5 7 8,1 
chiendant,  567 
chiennement,  61 2, 1 
c/iz/fre,  703 
Choisy-le-Roi,  567 
choléra,  715 
c/iose,  709,  711 
chou-fleur,  555,2 
chuchoter,  32,  439 
chuinter,  22 
ci-dessus,  594,i 
ci- devant,  594 


439 


cigare,  703 

cime,  664,  Rem. 

cinq  ceniimados,  369 

cinq-heures,  720 

circompolaire,  508 

circulaire,  647 

cisailles,  79 

cisalpin,  509 

cisrhénan,  509 

czi;ef,  222,1 

clairsemé,  563,2 

clairvoyant,  563,2 

claque,  715 

claquer,  32 

c/aref,  222,i 

clémenciste,  79 

cZic  c/ac,  25 

cZz  cZa  c/o  cZoM,  25 

clignoter,  439 

cliquer,  32 

cliqueter,  32 

cliquetis,  31 

cloaque,  712 

cloufichier,  569 

clouter,  89,12,  428,2 

cloutier,  89,i2 
cloutière,  379,i,  Rem. 
cluber,  427 
coaccusé,  510,1 
cocasse,  183, 
coc/ie,  729 
cochois,  275,  Rem. 
cochon,  116,  Rem.,  285,i 
cochonceté,  378,  Rem. 
cochonnement,  612, i 
coexister,  510,i 
cafetier,  89,6 
coffre-fort,  560,2 
cogne,  541,3 
coiïe,  89,9 
colimaçon,  527 
coZ/e,  541,8 
coZZeZ  monZé,  643, 
coZZier,  212,  251,i 
coloris,  271,1 
colporter,  569 
combientième,  245 
comète,  675 


commande,  550,2 

comme  il  faut,  580 

comment,  614 

commère,  510,2 

committimus,  5,i 

committitur,  5,i 

communément,  608,  Rem. 

communeux,  235 

compagnonner,  427 

compensation,  553,i 

compense,  553,i 

complet,  647 

comptable,  144 

comtat,  307 

comZe,  190,  307,  678,  687 

compte-renduer,  44 
concentrer,  510,2 
concernant,  620,i 
concevoir,,  459,i 
conclure,  459, i 
condamner,  461 
condisciple,  510,2 
confire,  459,i 
confiteor,  5,i 
confronter,  510,2 
congolais,  166 
conjungo,  5,i 
connétable,  566 
conquerre,  461 
consacrer,  461 
conseiller   général,    43, 

Rem.  1 
considéré,  622 
constituante,  647 
consultation,  553,i 
conZé,  198 
contenir,  461 
continue,  647 
conZre,  616,  662 
contrebande,  468 
contredanse,  468 
contre-éducation,  562, i 
contre-latte,  723 
contrepoison,  572, i 
contre- pu  ff,  12 
contribuable,  144 
controuver,  510,2 
coq-héron,  558 


coquelicot,  22,  291 

coqueplumet,  568 

coquericot,  22 

coquille,  259,i,  694 

coraiZ,  302,2 

corbeau,  197 

corbillat,  408 

corbillot,  79 

cormoran,  305,i 

cornélien,  54 

cornette,  709 

corniche,  374 

cornillas,  180 

corps  DZeu,  567 

coZreZ,  215,i,  222,i 

couagga,  21 

couard,  354 

couchoter,  447, i 

couci-couça,  14  A 

couci-couci,  33 

cou  cou,  16,  21 

coucouler,  379 

coudelatte,  681 

coudraie,  153 

coudre,  450,2,  Rem.,  671,i, 
Rem. 

couic,  26 

couillonnade,  366,4 
couin  couin,  14,  22 
couleur,  691 
coupe-bourse^  574, i 
coupe-gorge,  574,i 
couperet,  215,2 
couple,  726 
courbatu,  563,2 
courbature,  297,2 
courcailler,  22 
courge  133,i 
courlis,  21 
courtois,  279,  280,2 
court-bouillonné,,  43 
court-jointe,  563,2 
court-monté,  563,8 
court-vêtu,  563,8 
coussi/i,  260 
coutance,  170 
couteau-revolver,  569 
coutelas,  180 


440 


coutil,  256 
contille,  79 
coutume,  294,i 
couvain,  164 
couvet,  222,1 
couvi,  271,9 
crac,  25 
cr ailler,  22 
crapaud,  358,2,  527 
crapelet,  384 
crapulado,  369 
craquer,  32 
crassineux^  413 
crafère,  689 
credo,  5,i,  712 
crêpe,  650.1,  726 
crépodaille,  156 
crételer,  22 
creusef,  222,i 
creux,  650,1 
crêve-cœur,  574,i 
cri,  550,1 
cric,  25 
cric  crac,  26 
cricri,   21,  22 
cri  criana,  306 
criquer,  32 
crisser,  32 
criticule,  349 
critique,  726     - 
croasser,  22,  32,  436 
crochu,  293 
croisade,  367,i 
croisée,  367, i 
croissance,  170 
croi%  547 
croquer,  32 
croquembouche,  578, i 
croustillant,  176 
croyable,  140 
cruauté,  303,4 
crucifier,  440 
crueZ,  205,  234,i 
cueille,  548,2 
cuisine,  264 
cuivre,  646 
culbuter,  569 
culeton,  402,1 


ciini  faitement,  614 
cure-dent,  574,i 

Da,  636,1 
d'abord,  596 
d'accord,  596 
d'ailleurs,  592 
daintier,  250,i 
daleau,  195 
dame,  633 
dameret,  215,i 
damoiseau,  189 
dancourade,  102 
dandysme,  327 
dans,  583,1,  592,  617 
dare  dare,  33 
dafe,  646 

davantage,  572,3,  596 
damier,  222,2,  250, i 
de,  616 

débauché,  653,  Rem. 
déZ;iï,  550,s 
de'5iïe,  550,3 
d^Wai,  541,8 
debonaire,  42,  572,2 
debonaireté,  42 
débotter  (au),  653,  Rem. 
debout,  572,3,  596,  660 
débridé,  653,  Rem. 
débrutaliser,  1,  Rem.,  7 
décalque,  547 
decevable,  143,9 
dèche,  548,4 
déchristianiser,  444 
décrépitude,  80,  343 
dédaigner,  457,i 
dédain,  546,5 
dédicacer,  427 
déduisable,  143,2 
de'/aire,  462 
défendable,  146 
defensable,  146 
défiancer,  469,i 
dé^Zé,  653,  Rem. 
de/iaiï,  633 
de^à,  592,  660 
déZai,  550,1 
délectable,  144 


d^Zice,  669,  675 
délicoter,  89,n,  428 
délivre,  551 
delyanniste,  80 
demain,  583,2,  592 
demande,  550,2 
démenti,  653,  Rem. 
demi-ceintier,  43 
demi-monde,  560,i 
demisoutier,  89. 12 
démocrate,  537.8 
démodé,  11 
démontai,  403 
dénonciation,  553 
denZ,  672 
de  nuits,  586,3 
de  par,  618 
dépendable,  143,2 
dépenser,  469 
dépiauter,  89,4  428,2 
déplaire,  461 
déport,  541,3 
dépouillement,  553,i 
dépouiller,  535 
déprêtrailler,  469,4 
de/)ms,  616,  662 
deputaireté,  42 
députicide,  405 
dérager,  460, 1 
derechef,  596 
dérivation,  311 
derliner,  24,  32 
dernier-né,  563,2 
déroiser,  91  2,  379,i,  Rem. 
déroiter,  89,9,  379,i,  Rem. 
derrière,  617,  659 
dès,   616,  617 
désassembler,  469 
déshonneur,  691 
désirément,  606,2 
désocculter,  12 
désordre,  667,  Rem. 
désormais,  592 
dessein,  546,5,  547 
dessin,  547 
dessinandier,  381 
destin,  550,i 
de  sui'Ze,  572.3 


441 


f 


I 


détour,  546,8,  550.i 
détresse,  133,i 
deuil,  226 
devancier,  249,3 
devant,  659 
devant  dit,  589, i 
devantée,  200,2 
devers,  616 
devinaille,  157,8  A 
di,  670,3,  712 
dza,  632 

diablement,  612,i 
diablerie,  311,  378 
diablotin,  260 
diagonale,  647 
diffamation,  553,i 
différencier,  9 
difficultueux,  422 
dimanche,  560,2,  712 
dimanchement,  612,i 
dinanderie,  88, i 
dinatoire,  313 
dinde,  571 

dindon,  116,  Rem.,  285,i 
dznée,  712 
dfner,  653,  Rem. 
dfne«e,  79 
diplomate,  537,8 
diplomatie,  537,6 
dirigeable,  648 
discontinuité,  511 
discourtois,  511 
discompte,  511 
disconvenance,  511,  Rem. 
discordance,  511,  Rem. 
discrédit,  511 
disculper,  511,  Rem. 
disgrâce,  511 
dispache,  676,i 
disparate,  676,8 
dispenser,  469 
dispute,  553,1 
disqualifier,  511 
dissemblable,  511 
dissentiment,  412,i 
dissymétrie,  511 
diDa,  636,1 
dix-septième-siècliste,  44 


dizain,  162.2 
doi^M,  653,  Rem. 
doisf/,  256 
dominotier,  89,ii 
domte-enfer,  576,2 
domte-ennui,  576,2 
domte-mort,  576,2 
domte- orgueil,  576.2 
domte-péché,  576,2 
donc,  592 

doncques,  585,  586,2  ô87 
donne-âme,  576,2 
donne-clarté,  576,2 
dorenlot,  28,  Rem. 
dormeveille,  578,3 
dorveille,  578.3 
douma,  705 
doufe,  551,  678 
douvain,  164 
douve,  571 
doux-coulant,  563,2 
douzain,  162,2 
douzaine,  162,2 
doyen,  160 
doyenné,   571 
drageoir,  79 
drelin,  24 
dwc/ië,    70,t,  190,  198,  678, 

687 
dunne,  593,  Rem. 
dupe,  710 
durant,   620,2 
dwreM,  292 

eau-bénite,  560,2 
eaubénitier,  44 
eau-forte,  560,2 
ébranle-rocher,  576,2 
^car/,  550,1 
échafaud,  359,i 
échalote,  291 
échappée    367, i 
écharboi,  291 
échauder,  88,8,  428,i 
ec/io,  704 

échoter,  89,ii,  428,2 
éclabousser,  6,i 
éc/air,  550,1 


éclair cir,  431 
dc/af,  550,1 
&Zore,  461 
^cZuse,  646 
écofroi,  152,  Rem. 
écolâtre,  187 
^co/ier,  212 
écoute,  551,  552,8 
écoutillon,  409 
écrivailler,  435, i 
écrivaillon,  380 
écrivasser,  436 
écubier,  250,i 
écumoire,  696 
écureuil,  226 
£dda,  705 
effarade,  366,4 
effeuiller,  470 
effilocher,  445 
e/forf,  546,2,  547 
effroi,  552,1 
effroyable,  144 
égaZ,  457,8 
église,  241,  Rem. 
égorgiller,  441 
égrain,  295 
égr aligner,  442 
égrin,  263, i 
eis  (ecce),  589,2 
e'/an,  546,8,  547 
éZégie,  7,  7  A 
e'Zèfe,  546,9 
élever,  462 
e7/re,  461,  462 
ellagique,  3 
élongement,  553,i 
embarras,  552 
emble-cœur,  576,2 
emblématique,  312 
embourgeoiser  {s'),  12 
émeraude,  664,i 
empan,  457,8 
empêchement,  553. i 
empeschable,  143,2 
emplir,  450,i,  Rem. 
employer,  471 
empor,  616 
empreindre,  471 


442 


emprès,  621 
emprou,  572,8 
emprunt,  550,i 
émule,  700 
emij,  635 
en,  455,8,  616 
en  aller  (s'),  474 
encablure,  453,2 
encan,  305,i 
encensoir,  250,2 
enchère,  548,2 
encoignure,  453,2 
encolure,  453,2 
encombre,  551 
encontre,  551 
encor,  585 
encores,  586,2 
encourager,  457,4 
encourir  {s'),  474 
encroûter,  471 
endommager,  457,4 
endormition,  342 
enduré,  471 
enfançon,  77,  282 
enfanftrouver,  44 
en^n,  572,8,  583,2,  591, 
enfonçade,  366,4 
enfoncir,  432,2 
en  forcir,  431,  432,2 
engendre-estain,  576,2 
englanté,  89,2 
engrandeuillé,  44 
engrangier,  426,  Rem. 
enharmonie,  537,5 
énigme,  664,  Rem. 
enne,  593,  Rem. 
en  oufre  de,  617 
enrager,  457,4 
ens,  592 

ensauver  (s'),  474 
enseigne,   709 
ensemblement,  614 
ensiloter,  89, n 
ensuivi,  473,  Rem. 
ensuivre  (s'),  474 
entendable,  146 
entendant,  471 
entiérer,  427 


cntr'actiste,  44 
entraillc,   157 
en/re,  456,i,  616 
entrechat,  547 
entrecolonnement,  453,2 
entrelacement,  553,i 
entreposer,  515 
entre-temps,  596 
entrevue,  515 
enuiï,  596 
envers,  616,  617 
enversailler,  12 
environ,  572,3,  596 
envoler  (s),  474 
épafe,  541,3 
épater,  9 
éperlan,  305,i 
épéfier,  89,6 
épidémie,  681 
épigramme,    1,    7  A,    664, 

Rem. 
épinard,  354 
épiscopat,  307 
épisode,  703 
épitaphe,   706 
596    épithète,  678,  706 
épitome,  681 
éploger,  470 
épongier,  248 
épousaille,  157,3  A 
épouvantable,  144 
éprault,  359. 
épreindre,  470 
équivoque,  674 
éreinter,  89,i 
éreinteur,  319 
erj^ofer,  89,ii,  428 
erre,  551 
erreur,  678,  691 
es  (ecce),  589,2 
escampativos,  676,2 
escapade,  365,2,  367, i 
escarbillard,  309,2,  354 
escarboucle,  681 
escargot,  291 
esclavitude,  343 
escobarder,  88,2 
escons,  457,i 


escrimer,  -ir,  432 
espace,  683 
espagnol,  345,2 
espargnable,  143,2 
espérance,  669 
esperlenc,  361 
espo/r,  657,1,  669 
espoisse,  133,i 
esquisse,  692 
esseret,  21 5,  i 
estevenenc,  362 
es/es  (ecce),  589,2 
es/re,  616 
estrece,  133,i 
e^  626,1 
étoZon,  285,1 
étamer,  75,i 
^/anf  donné,  623 
état-civil,  560,2 
état-majoriste,  44 
e'M,  672 

étouffade,  367, 1 
étouffée,  367,1 
éZres,  646,  680 
étrécir,  432,2 
éfner,  250,i 
efude,  702,  727 
eunuchisme,  69 
evage,  149,i 
éyêc/ie,  307,  687 
éventailliste,  48,3,  336 
exactitude,  11,  343 
excepté,  622 
excuse,  550,2 
ex-député,  512 
exemple,  726 
ex-femme,  512 
exfolier,  470 
exhortation,  553,i 
expliquer,  470 
exprimer,  470 
extra,  455,4 
extra-blanc,  513 
extravaser,  513,3 
extrême-oriental,  44 

Fabliau,  239 
/aWier,  251,4 


443 


facit,  657,1,  Rem. 

factage,  148,  Rem. 

factorerie,  394 

fadard,   353,i 

fadas(se)^  183,  Rem. 

faiblot,  288,1 

fainéant,  574,i 

/aire  Ze  faut,  580 

faisable,  320 

faisander,  88,i 

faisible,  320 

/ai7  divers,  560, i 

fait-diversier,  44 

/aZof,  291 

familistère,  379 

Fanchon,  285,2 

fanfaron,  285,3 

fanocher,  445 

fantasque,  370  A 

fantôme,  664,  Rem. 

faradique,  79 

faridondaine,  28,  Rem. 

faséole,  697 

faubourg,  530 

faubourien,  102 

fauche-ennemis,  576,2 

faucigneran,  390 

faucille,  257 

/a«/i/,  556,1 

faufiler,  476,i 

/au/ie,  726 

fauteuil,  226 

/aux,  729 

faux-fuyant,  476,i,  560,i 

faux-marcher,  476      '"   - 

faux-monnayeur,     43, 

Rem.  2 
Faverois,  216 
félibrée,  199 
féministe,  7 
fend-guéret,  576,2 
ferarmer^  569 
ferblantier,  89,i 
/*er//er,  569 
fermeture,  297, i 
fernoer,  569 
ferraille,  159,2 
Ferrault,  357 


ferrenc,  362 

Ferté-Milon,  567 

fervestir,  569 

félardise,  42 

fête-Dieu,  567 

/e7/c/ie,  374 

/eZirfer,  427 

/e«  (de  /eu),  293 

/eu  (focus),  642 

feud'artificer,  44 

/eu  /b/ZeZ,  560,2 

/euiZZe,  -u,  191 

feuilleret,  215,2 

/eu  Saint- Antoine,  567 

f entier,  89,7 

fèverolle,  345,i 

^c/ie  Zon  cam/>,  575,3 

fichtrement,  61 2, i 

/ïerZ^,  59 

fiévreux,  59 

figaresque,  65,4.  372,2 

figuerie,  153 
/ïZeZ,  222,1 
filles-Dieu,  567 
^ZZoZ,  345,1 
filoselle,  688 
filouter,"  89,12,  428.2 
/i/i,  540  A 
finance,  169 
/lue,  648 
//noZ,  288,1 
flamand,  361 
/Zane,  541,3 
flanocher,  445 
flanoter,  447,i 
flaquer^  32 
/Zeur,  672 
flibuster,  537,* 
flibustier,  250,i 
/7/c  /Zac,  25 
/Zon  /Zon,  28,  Rem. 
floquer,  79 
/Zoran,  305 
/Zonn,  260 
flottable,  146 
Flovent,  361 
/bie,  646 
foimenti,  569,i 


folatricule,  406 
folioter,  89,ii,  428,2 
/bZ  s'y  &ee,  582 
/bZ  s'y  /le,  582 
/bZ  Z'y  Zaïsse,  582 
/bZ  s'y  prend,  582 
fond-secrétier,  44 
fontainier,  49 
Fontenoy,  152,  Rem. 
/ora/n,  160 
forban,  476 
forbatre,  528 
/brZ?zn,  260 
/brce,  133,1 
forcener,  476,4 
forcompter,  528 
forconseiller,  528,  529,i 
forcrier,  528,  529 
/brêZ,  729 
forfaire,  529 
/br/ofr,  529 
forjouster,  530 
forjugier,  528,  529 
forjurer,  529 
formener,  528,  529 
/brs,  616 
forsmetre,  528 
forstaller,  530 
fortengueulisme,  44 
forteresse,  213,i 
foruêtu,  529,  Rem. 
fouailler^  79,  435,2 
/budre,  726 
fouiller,  437,  438 
fouillis,  270,3 
foultitude,  343 
fourbu,  529 
fourmi,  666 
fourmiller,  441 
fournaliste,  74,  Rem. 
fourneauter,  89,4,  428,2 
fournil,  255 
fourniment,  412,i 
fourniture,  344 
frais-éclos,  563,2 
franc-archer,  560,i 
franc-comtois,   43,  Rem.  2 
France,   133,$ 


444 


Franche-Comté,  (587 
Franciade,  3()4,  Hem. 
fraternenados,  3(>9 
Fraternelle,  (ît8 
frêne,  664,i 
fresque,  571 
frétiller,  32 
friand,  174 
/ric  /rac,  25 
/"rznc  /rmc,  25 
fripon,  285,3 
Frise,  133,8 
frisson,  698 
froideur,  671,8 
fromage,  147,  646 
/ron^  672 
frontail,  302 
fronteau,  195,  207,2 
/rou  /row,  25 
froufrou,  21,  22 
froufrouter,  89,ia,  428,2 
fruitier,  251,4,  Rem. 
fumerole,  346,i 
fumoter,  447,i 
/■«nin,  165,2,  263,i 
furibonderie,  395,] 
furole,  345,1 
/■«szZ,  571 
fusiniste,  103 
futurition,  342 

Gagre,  685 
gagne,  550,3 
gagneron,  399,2 
gaîment,  606,3 
g'ain,  546,5,  550,3 
galantin,  261, i 
galetas,  180 
galimafrée,  527 
GaZZes,  571,  Rem. 
galop,  550,3 
galope,  550,3 
galopiner,  442 
Galuchard.  527 
Galuchot,  527 
Galumard,  527 
galvaniser,  443,3 
gantelet,  383 


garance,  642 
garçonnet,  224,i 
(/arde,  552,  709 
garde-manger,  574,i 
garde  national,  539 
gar dénationaliser,  44 
gardenc,  362 
garde-robe,  722,  727 
garde-robier,  43 
gardien,  246,  362 
gargouiller,  32 
gargousse,  423 
garni,  648 
garnisaire,  79 
garnison,  274 
garniture,  344 
garno,  414 
Garonne,  671,2 
Gascogne^  133,3 
gâte-sauce,  574,i 
gaûde,  5,i 
gaudeamus,  5,i 
gaulade,  366, i,  367,i 
graz,  3 
géanne,  96 
gecko,  21 
géhenner,  427 
gémissable,  146 
gendarme,  556 
gendelettrerie,  47 
généralissime,  8 
génisse,   133,2 
genouillons  (à),  591 
gens,  712 

gentilhomme,  560,i 
gentillâtre,  188 
gentiment,  610,2 
gentlemaniser  (se),  443.5 
geôlier,  251, i.  Rem. 
.griZeZ,  222,i 
glaciairiste,  48,2 
glaire,  133,i 
glaive,  712 
glouglou,  25 

glouglouter,  22,  89,i2,  428,2 
gloutement,  612,2 
gnangnan,  31 
gf/iao,  13 


fl'Oi  547 
godiche,  574 
goéland,  174 
goguenard,  352 
(/ofZre,  537,6 
goncourisme,  102 
gosselin,  260,  386 
goulatement,  612 
.^omZh,  293 
graisse,   133,i 
graissin,  165,2 
grand-croix,  709 
grand-ducal,  43 
grandsiècliser,  44 
grange,  133,2,  133,2  A 
gras-cuit,  563,2 
gras-fondu,  563,2 
grasseyer,  449 
gratte-boesse,  577 
gratte-papier,  574,i 
grattez-moi    dans    le    dos 

581 
gravois,  152,  Rem. 
c/ré,  619 
grenu,  293 
grésil,  256 
yri'ZZe,  257,1 
grimoire,  715 
grisoler,  22 
grisouteux,  89,i2 
gris-pommelé,  563,3 
grivois,  539 
Grivoisiana,  306 
grognon,  285,3 
groisse,  133,i 
gros  fcéZe,  710  A 
groseille,  642 
grue,  664,2 
g' «ai,  632 

guaudine,  264,  Rem. 
guères,  586,2 
guérison,  274 
gueulade,  366,4 
gruide,  709 
guide-espoir,  576,2 
guigne,  537,6 
guilleret^  215,2 
guillotine,  189  bis  A 


445 


guiorer,  22 
guit  giiit,  21 

haché-menu,  563,2 
haha,  31 
haine^  264,  Rem. 
halbran,  305,i 
haleter,  32 
TiaZZa/ï,  27 
/jan,  26 

hanneton,  402,2 
harceler,  438, i 
harendière,  88, i 
Tiara,  632 
/lari,  632 
harmoniser,  444 
ftaro,  26,  632 
Tiau  Tiau,  13 
hautain,  160 
haut-de-forme,  648 
haute-cour,  560,i 
ha«/m,  163,  263... 
haut-perché,  563,2 
haut-placé,  563,2 
/jéZas,  634,  658 
hennir,  32 

Henriade,  364,  Rem. 
henriquinquiste,  44 
héraldique,  325,i 
Ti^rauZ,  357,  358,2 
herbeiller,  437 
hérisson,   285 
heurt,  550,1 
Tjez,  632 

/iièfr/e,  671,1,  Rem. 
/lier,  592 
hiérarchiser,  12 
highlifer,  427 
Tiz  /?/,  26 
hispanolâtre,  415 
histoire,  696 
histrionie,  243 
7i/yer,  646 
hivernage,  149,i 
hobereau,  391, i 
Hochecorne,  576,i 
/jdZer,  22,  32 
homard,  354 


hommasse,  183 
homme-bouc,  559 
homme-chèvre^  559 
homme-danse,  12 
homme-dollar,  559 
homme-parole,  559 
homme-plume,  559 
honneur,  691 
horloge,  678 
hormis,  476,3,  622 
hors,  616 
/idfeZ,  300,  Rem. 
hôtel-Dieu,  567 
TïowZer,  427 
Zioup,  26 
hourvari,  27 
Tioye,  27,  632 
hucher,  32 
huchier,  248 
Ziue,  632 
/luer,  -zr,  432,i 
hugolâtre,  65,4,  415 
hugolesque,  65,4,  371 
hugolien,  246 
hugotesque,  89, n 
hugotique,  65,4 
huhant,  632 
Zjui,  591,  592,  632 
hwiZe,  702 
huimais,   592 
Ziuis  cZos,  560,2 
huitain,  162,2 
huit-ressorts,  715 
humeur,  691 
humour,  699 
hussard,  354 
hussarder,  427 
Ziuz,  632 
hymne,  726 


ïcj,  594,1 
ici-près,  594,i 
iconolâtre,  187 
idolâtre,  187 
irfoZe,  706,  Rem. 
idonc,  592 
ignarde,  88,8 


illecque,  585 
iZZisiZjZc,  514 
image,  147,  685 
imagé,  191,  Rem. 
immondice,  692 
impasse,    702 
impair ioi,  51 4, i 
impliquer,  471 
imprimer,  471 
incendie,  706,  Rem. 
incontinant,  597 
incruster,  471 
indifférer,  537,2 
indigérer,  514,3 
indigotier,  89,ii 
induré,  471 
infectado,  369 
inglorieux,  514,2 
innocenticide,  405 
insecticide,  405 
insidieux,  11 
msuZZe,  702 
intelligentiel,  407 
intendant,  471 
intercontinental,  515, i 
interdire,  515 
interfolier,  515,3 
interparlementaire,  515,i 
interposer,  515,s 
interrogation,  553  i 
interrogatoire,  696 
intervenir,  515 
interview,  515 
interviewer,  427 
intrigue,  702 
inusable,  514,  Rem. 
invajncu,  8 
i/ii;aZo,  82,  414 
invente-art,  576 
investiture,  344 
invrai,  514,2 
irréductible,  514 
irrégulier,  212 
irréprochable,  514 
irrespect,   514 
ZZan/,  592 
ipoir,  696 
ivre-mort,  563,.' 


446 


Ja,  592 
jacasser^   436 
jadis,  592,  594,i 
Jaîoiiserie,  394 
jamais,  592,  594, i 
japper,  32- 
jardineroie,  389 
jardiniste,  338,  Rem. 
jareiix,  97 
jaseran,  305,i 
jaserenc,  362 
javeline,  79,  265,i 
Jeanneton,  285,2 
jemenfichisme,  44 
jemenmoquisie,  44 
je  ne  sa/s  guoi,  580 
je  su/s  à  foz,  580 
jesuiïe,  335 
jette-flamme,  576,2 
jeudi,  566 
jeûne,  551 
joignant,  620,i 
joZ/,  238 
jonquille,  694 
jos/e,  616 
joubarbe,  566 
joujouter,  89,i2,  428,2 
jourdainomanie,  416 
jourdelanesque,  44 
journal,  650,i 
journel,  303,4 
journellement,  303,4 
jouvence,  317 
jufcé,  656,1 
ju//;  254,: 
juivaillon,  380 
jumart,  354 
jument,  665,i 
JUS,  592 
jusant,  592 
jusquauboutien,  44 
jusque,  617 
jusques,  586,2 
justice,  709 
ju^er,  89,13 
juteux,  49,13,  420 

Kodak,  3 


/^r/ipp,  615 
kyrielle,  688 

Là,  592 
labeur,  691 
Labourrebien,  576,i 
laceret,  215,i 
lâchez-tout,  574, i 
là-dedans,  594, i 
là-dessous,  594, i 
laideron,  665,i 
/a/s,  592 
Zai>e,  133,1 
lamentation,  553, i 
tampon,  656,2 
landeau,    195 
landerniens,  79 
Zan^e,  686 
Languedoc,  571 
laniurelu,  28,  Rem. 
lapereau,  79,  391 
Zaq'ue,  726 
larmer,  427 
larvicide,  405 
latifnier,  75 
lavabo,   657,4 
leans,  594,i 
légitime,  648 
Zeg'S,  547 

légume,  295,  726  A 
lendemaintiste,    45,    Rem. 

89,1,  336 
ZenZZZZe,  257 
lequelième,  245 
levain,  164 
Zey/s,  268 
Ze'fiïe,  715 
Z^vrier,  646 
levron,  79 
Zez,  618 
liberticide,  405 
libre-échangiste,  44 
librepenser,  44 
libre-penseur,  560,i 
lichoter,  447,i 
ZicoZ,  ZZcou,  556,1,  574, i 
licorne,  681 
Zzerre,  668 


Zieus,  586,8 
lieutenanderie,  88,i 
ZZZas,  180 
/im»:Ze,  702 
linceuil,  226 
linceul,  Tll 
linteau,  195,  207,2 
liquéfier,  440 
Ziseron,  398,2,  399,i 
Zis/Z?Ze,  320 
Lison,  285,2 
Z/Zre,  537,6 
Ziure,  729 
Z/urée,  200,6 
livresque,  372, i 
ZocaZ,  302,2 
loge-box,  558,4 
Zoiu,  592 
lointain,  160 
Lozre,  712 
Zoisir,  653 
long-courier,  44 
long-jointé,  563,2 
longtemps,  583,3,  595 
ZogueZ,  224,2 
lorain,  164 
Lorilleux,  55  A 
ZonoZ,  291,  345,1 
lorrain,  163,  361 
Zors,  587 

losange,  534,  686 
louange,  175 
louchon,  665,1 
louiquatorzesque,  44 
Louloute,  89,12 
louvard,  354 
Zoui;aZ,  185,  309,2 
Zues,  592,  Rem. 
luncher,  427 
Zundi,  566 
luxueux,  422 

Macadamiser,  443,3 
macmahonat,  308,i 
machinskoff,  376 
macrotin,  260 
madame,  561 
Madelon,  81,  285.2 


447 


mademoiselle,  561 
ma f fié,  -u,  191 
magnificat,  5,i 
magot,  291 
mahométisme^  330 
mai,  571 
maigrelin,  386 
maigrichon,  404 
maigrillot,  411 
maigriot,  423,3 
ma/Z/e,  133,2,  133,2  A 
maillechort,  558,3 
maillot,  291,  345,t 
main,  664,i 
main-morte,  560,2 
maintenant,  599,3 
maintenir,  569 
mairain,  146 
mairerie,  394 
mais,  592,  626,2 
maison-tanière,  559 
maisouan,  592 
maître-autel,  558,2 
maîtresse,  640,  Rem. 
majorité,  9 
maZ,  592 
malagauche,  6,i 
malaisance,  42 
malengeigneux,  42. 
malgré,  619 
malheur,  560 
malice,  692 
malléole,  697 
malle-poste,  568,2 
/naZ  me  serZ,  582 
maltôte,  556,i 
mamelonner,  427 
ma  mie,  561,  Rem.  1 
m'amour,  561,  Rem.  1 
manche,  726 
mandille,  259,i 
mandoline,  264,  676,i,  695 
manœuvre,  709 
manoir,  653 
manque,  551 
mansarde,  189  bis  A 
maquereauter,  89,*,  428,2 
mar,  585 


marage,  149,i 
marâtre,   188 
marchand,  174 
marchandise,  243,2 
mardi,  566 
maréchal,  302,i 
marenc,  362 
mareschaut,  359,i 
margarine,  266, i 
Margot,  81 
Margoton,  28^,2 
margraviat,  318 
Marion.  285,2 
marivaudage,     88,3,     147, 

148,  Rem. 
marivauder,  148,  Rem. 
marlouterie,  89, 12 
Marmagne,  133,3 
marmaille,  79 
marmiton,  285,8 
marmitonner,  427 
Marne,  671,2 
marotte,  79,  289,i 
marraine,  263,» 
marron,  642 
marteau,  193 
masque,  729 
massif,  254,i 
masœur,  561,  Rem.  2 
matante,  561,  Rem.  2 
matelas,  180 
matériaux,  303,4 
mater,  -ir,  432 
matin,  645 
mâZin,  260 
matineux,  207,2 
matois,  280,2 
mau,  592 
maugrebleu,  619 
maupiteux^  477,  Rem, 
maussade,  477,  Rem. 
mauviette,  99 
méchant,  478,2 
médailliste,  48,8,  336 
médaillon,  286 
médecin,   539 
Méditerranée,  647 
médocain,  263,4 


mélange,  175,  686 
méZi  me'Zo,  31 
mélomane,  537,3 
membre,  -u,  191 
mêmement,  613 
mêmes,  586,2 
mémoire,  669,  726 
ménétrier,  207,2,  250,i 
ménil,  255 
mensonge,  681 
menstru,   726 
mer,  672 
merci,  667,3 
mercredi,  566 
merdement,  612,2 
Merdiana,  306 
mèrebranche,  558,2 
mèrepatrie,  558,2 
mériZe,  703 
merlan,  305,  362 
merrain,  164,  246 
merveillable,  141,  Rem. 
mesquiniser,  443,i 
message,  149,2 
messe,  5,i 
më/i/,  254,1 
méZis,  268 
meugler,  22 
meiirZ  de  /aim,  578,i 
mi,  456,2,  618 
miaou,  13,  22 
mi-août,  712 
miauler,  22 
mi-carême,  712 
Michelot,  288,8 
Michon,  81 
mic  mac,  31 
microbe,  7 
microbicide,  405 
midi,  556,1,  Rem. 
miedi,  712 
mieux,  592,  660 
milieu,  560,i 

mille-et-une-nuitamment, 
605,   Rem.  2,  612,  Rem. 
mille-feuille,  720 
mille- fleurs  720 
mille-graines,  720 


448 


mUleroie,  389 

williard,  354 

milliasse,  79,  181,i,  184,i 

milUme,  322 

million,  286 

millionnaire-manœuvre, 
559 

milsoiidier,  42 

ministricide,  405 

minois,  280,2 

mmuiï,  560,1,  712 

mireliton,  28,  Rem. 

miroiter,   89,9 

miserere,  5,i 

mocqiierie,  553,i 

mode,  675 

modelle,  688 

moderniste,  8 

modillon,  409 

moinaude,  88,3  A 

moindrement,  605,i,  Rem. 

moins,  587,  592 

molécule,  700 

mollasson,  282 

mon,  593,  Rem. 
monacoter,  89,ii,  428,2 
mondial,  403 
monitoire,  696 
monsieur,  561 
montgolfière,  189  bis  A 
Montfaucon,  567 
monticule^  700 
monomane,  537,8 
montmartrois,  280,i 
mordillonner,  446 
mor/iZ,  556,1 
morfondre,  569 
morgeline,  577 
moricaud,  357 
mort-né,  563,2 
morutier,  89,i3,  379,i,  Rem. 
morvandiau,  239 
morviau,  239 
morviot,  423,8 
mot- idée,  559 
mofus,  633 
moucliette,  224,  Rem. 
moulin,  260 


mou//,  592 
mousqueton,  286 
moussaillon,  380 
mousse,  729 
mousseline,  264 
moyen,  228,8 
moyen-âge,  560,i 
moyenâgeux,  44 
moyennant,  620,i 
muable,  143,2 
mulâtre,  187,  309,2 
mulet,  116,  Rem. 
municipaliser,  444 
mussaillon,  79,  81 
Mussepontin,  263 
mystifier,  440 

Nacre,  678 
Nadar,  715 
nage,  552 
nageoter,  447,i 
naguère,  579,2,  599,s 
naissance,  170 
Nanon,  285,2 
narcisse,   692 
narine,  264 
nature-mortier,  44 
navet,  221,2 
nauzre,  678,  703 
ne,  592,  626,i 
nenni,  592 
nerférer,  537,7 
ne//e/é,  198 
neuvaine,  162,2 
niçard,  355,4,  .Rem. 
Nicolin,  81 
n//;  632 

nimportequisme,  44 
Nisard,  353,3 
n//ée,  89,8,  200,2 
nobliau,  239 
noctambule^  700 
noe7,  712 
noirceur,  229 
noircir,  431 
noire,  647 
non,  592 
non-être,  480,i 


non-moi,  480, i 
nonobstant,    579,...     599,8, 

620,2 
nonque,  592 
normand,  174 
Normandie,  133,3 
normanisme,  96 
Notre-Dame,  561.  571 
nou/e/,  384 
nourrain,  165,i,  263,2 
nourrisson,  709 
nouveau-né,  563,8 
nouvelle,   648 
nuance,  169 
nuisible,  320 
nuitamment,  612,  Rem. 
nuitrement,  612,2 
nûment,  606,8 
numéroter,  89. 11,  428,2 

O,  616 

obélique,  326,i 

objurgation,  553, 1 

oblique,  647 

o/)o/e,  702 

obscurcir,  431 

oci  oci,  22 

ocieux,  576,2 

od,  616 

odalisque,  326,i,  Rem. 

ode,  8 

œuvre,  675 

offenbachie,  70,2,  243 
offenseur,  8 
o//ice,  692,  727 
o/^c/a/,  -e/,  303,8 
officiât,  79 
o/fre,  551 
oignon,  709 
oiseau,  189,  197,i 
o/s//;    79,  254 
oisillon,  79 
olivaie,  153 
ombrage,  149,i 
ombrelle,  688 
omnibus,  715 
onc,  585 
oncque,  592 


449 


oncques,  086,2 
on  dit,  580 
onglade,  367, 1 
ongle,  668 
onglée,  367,i 
ont,  592 
opiniâtre,  186 
opiilemment^  611,2 
opuscule,  700 
or,  642 
or,  585,  586,2 
orage,  685 
orangeade,  366, 1 
oratoire,  696 
orchestre,  704 
orrfre,  703 
ordredujourier,  44 
ordremoralien,  44 
oreiZZe,  116,  203 
or  émus,  656,i 
orfèvre,  566 
orfévrir,  430,i 
orgre,  726 
orgeade,  368,2 
orpeaf,  307 
orgue,  726 
oripeau,  704 
orléanisme,  96 
ormeau,  197,2 
ormoie,  152 
ornemaniste,  96 
original,  302,  303,3 
orpiment,  566 
osseret,  215,i 
ou,  626,1 
où,  592 
ouaille,  158 
ouan,  583,  591 
oiifc/i,  550,1 
o«5Z/e,  201,  243,1 
OHi,  598,2 
ouï,  622,  Rem. 
oujc/i,  26 
ouistiti,  21 
outarde,  560,2 
ouZi7,  256 
outrager,  426,i 
ou/re,  616 


ouvrage,  678,  685 
ouvragne,  151 

Paganisme,  327 
paj^e,  729 
pagne,  676,3 
pagnote,  709 
pagode,  676,3 
paillasse,  182,  709 
paillasson,  282 
joa/Z/e,  642 
pailleret,  215,i 
paillote,  345 
pain-d'épicier,  43 
païsenc,  362 
paisseau,  193 
palais-prison,  559 
paletot,  291 
palsembleu,  567 
pâmoison,  281 
pamp(r)e.  725 
panache,  703 
panneauter,  89,4,  428,2 
pannequet,  222,i 
panneton,  79,  402,i 
panlalonner  (se),  427 
panteler,   438 
papauté,  382 
pape,  664.2 
paperasse,  89,9 
papetier,  89,6 
papillote,  289,1 
papoter,  32 
papyrus,  673 
PâqueCs),  712 
par,  455,1,  592,  616 
parachever,  482, 1 
paracrotte,  531 
paradouze,  6,1 
parapets  531 
parasol,  531 
parente,  702 
parenté,  687 
paresse,  218,8 
parfaire,  461,  482, 1 
parfait,  461»  482,8 
parfilure,  457,a,  482 
parfois^  596 


parfondre,  482,i 
parfournir,  482,i 
parfumer,  482, 1 
parisine,  266,2,  Rem. 
portable,  143,2 
parloir,  275 
parmi,  583,2,  618 
Parnassiculet,  406 
paroZ,  672,  727 
parrain,  263,3 
parsemer,  482,i 
parsomme,  482,8 
partageux,  235 
partial  -el,  303,8 
partisante,  89,2 
partout,  572,8,  597 
passé,  622 
passe-passe,  578,4 
passe-port,   574,i 
pastenade,  364 
pastille,  694 
pastorien,   57 
patapouf,  31 
patati  patata,  26 
patatras,  26,  31 
patenôtre,  5,i,  712 
paZcr,  5,1 
paZère,  689 
pâtiras,  657,4 
PaZrie,  Ze,  714 
patrie,  8 
patrouiller,  448 
paulette,  189  bis  A 
pauvret,  224,i 
pawoZ,  291 
paysan,  305,i 
paysandaille,  88,1 
paysant,  177,i 
PCN,  5,2  A 
peaussier,  90 
peccadille,  694 
peccavi,  657,3 
pechable,  143,8 
péc/ie,  646 

peigneran,  305, 1,  390 
peintraillon,  380 
peintre-bataliste,  48,$ 
peiniriot,  423,3 
29 


450 


peinture,  296 
pela  in,  164 
pellemesler,  42 
pelouse,  650,1 
pelu,  60 
pendant,  620,2 
pendule,  571,  669,  715 
pénitence,  172,2 
pénitential  -el,  303,3 
pensoier,  447. i 
joer,  616. 
Perceforest,  576,i 
perce-neige,  574,i,  722 
perce-oreille,  574,i 
jDénZ,  256 
période,  726 
perpendiculaire,  647 
perron,  286 
perruquier,  251,3 
perruquier-coiffeur,  559 
per sienne,  650 
personne,  711.  712 
pèse-lettres,  574,i 
/)esfe,  710 
i)e«ot  288,1 
petitelet,  383 
petiton,   283,1 
petits-fours,  560,i 
petouf  24 
jjeu,  592,  Rem. 
peuplade,  367,2 
joeu  s'en  /awZ,  590,8 
peut-être,  579,2,  599,3 
Peyronéide,  79 
phaétonté,  89,io 
phalène,  674 
pianoter,  89,ii,  428,2 
picaresque,  371 
jo/cftet  222,1,  250,2 
iîieça,  299,3,  579,2 
piécette,  59 
piedplatisme,  44 
pierraille,  59 
Pierrette,  81 
piétiner,  442 
i)/7ier,  212 
J9i/n,  25 
pinceau,  193 


pinceautcr,  89,4,  428,2 
/jzTice  sans  rire,  578,i 
pincez-moi  ça,  581 
pindariser,  443,8 
pineraie,  377,  378.  389 
pintade,  365,4 
pique-niquer,  427 
pique-poule,  577 
p/(/âre,  296 
/)zs,  592 

pisse  en  Zz7,  578,i 
Pisseleu,  576,i 
pistachier,  248 
pitoyable,  144,  146 
piverré,  98 
pivert,  556,1 
pivoine,  715 
placet,  657,1,  Rem. 
Placitre,  423,4 
plafond,  560,1 
plafonner,  101 
plaid,  5,1 
plaidereau,  391,2 
plaisance,  170 
plaisir,  653 
plamée,  75,i 
plantain,  704 
plançon,  282 
platine,  695 
platitude,  343 
pleinairiste,  44 
pleinte,  89, i 
pleure-chante,  578,3 
pZenrs,  550,i,  691,  712 
p?ic  /)/oc  pZac  25 
pZou/;  26 
plumitif  254,1 
plupart,  483 
pluriel,  207,2 
pZus,  587,  592 
poêZe,  729 
poesZé,  709 
poétereau,  391. i 
poét(r)aillon,  380 
poignard,  302,2,  354 
poiZn,  60 
poinçon,  282,  709 
pointillé,  676,i,  694 


poiraie,  153 
poirier,  60 
poison,  698,  712 
poitrail,  302, a 
poitrine,  264 
poivrer,  60 
politiquailler,  435 
polker,  427 

pommade,  365,2,367,1,  368,2 
Pommard,  354 
pommée,  367,i 
pontif-bourreau,  559 
populace,  182,  184,2,  Rem., 

683 
populas,  180 
populicide,  405 
por,  592 
porche,  664, i 
portail,  302,2 
porte-brandon,  576,2 
porte-chaise,  577 
porte-chaud,  576,2 
porte- flambeaux,  576,2 
porte-fleurs,  576,2 
porte-jour,  576,2 
porte-laine,  576,î 
porte-plume,  577,i 
porter  et,  215,2 
portrait,  215,2 
poruec,  598,3 
poiZe,  726 
potassium,  7 
potdestainier,  42 
poudre,   670,3 
pouiller,  535 
poulailler,  251,4,  Rem. 
poulain,  160 
poulie,  243,1 
poulin,  263,3 
pouliot,  291 
pour,  616,  662 
pourceau,  197,i 
pourcent,  484 
pourcentage,  9,  43,  44,  148, 

Rem. 
pourlécher,  484 
pourpier,  250,i,  266 
pourriture^  344 


451 


pourtant,  583,2,  592 
pousse,  541,3 
pousse-café,  574,i 
poussin,  260 
praline,  265,2,  189  bis  A 
pré-achat,  485 
prébendier,  251,i,  Rem. 
préceinte,  457,2,  485 
précipitueux,  422 
préface,  683 
prélasser,  436 
jorêZe,  534 
prélegs,  485 
prématuré,  191,  Retn. 
première,  647 
•  Pré-Noiron,  567 
jorès,  621 

présentement,  611,2 
presque,  660 
pressentiment,  412,2 
jsréf,  659 
prête- nom,  574,i 
prêtre-monarque,  559 
prêtrophobe,  416  bis  A 
prieuré,  687 
primauté,  382 
primer,  586,2 
princeé,  198 
principauté,  198,  382 
prinsautier,  42 
printanier,  96 
prison,  709 

prisonnier,  251, i,  Rem, 
privante.  382 
proche,  619 
profond,  482 
prononciation,  553, i 
proclamation,  553. i 
pro/îZ,  516 
profond,  457,» 
progresser,  11 
projeter,  516 
promener,  516 
prooise,  218,i 
prophète,  664,2 
proposer,  516 
proprio,  82 
prosateur,  7 


protestation,  553,i 
prou,  592,  Rem. 
prou-face,  582 
prouin,  263,1,  704 
prue/;  592 
pruneau,  193 
prunelaie,  153 
psZ,  631,3 

publique,  324,  Rem. 
puce,  642 
pucellement,  612,2 
pudeur,  8 
pudibard,  79 
pudibonderie,  395,i 
puer,  592 
puîné,  450,2,  Rem. 
puis,  592,  616 
punissable,  143,2 
pureZé.  292 
puritain,  161,3 
pur  sang,  571,  643 
puruler,  537,2 
putipharder,  88,2 
puZo/s,  280,2 
putréfier,  440 
putrilage,  685 

Quand,  592 
quand  et,  625 
quandis,  592 
quantès,  579,i 
quantième,  245 
quarderonner,  101 
quarte,  647 
quarteron,  398 
quartier  maître,  568, 1 
quasi,  660  A 
quasiment,  614 
quasimodo,  715 
quatrain,  162,2 
quatre-vingt-neuviste,  44 
qfue,  586,2,  Rem.,  626,i 
quellement,  613 
quelque  chose,  711 
quelquefois,  595 
quelquement,  613 
quelqu'un,  533 
gu'en  dira-t-on,  580 


gués,  586 

queue  Zeu  Zeu  (à  Za).    567 

queuter,  89.7 

quidante,  89,2 

quiva-là,  580 

çui  uiue,  580 

quoique,  628,* 

Rabanter,  89,2  A 
rabelaitique,  89,6 
rdZ?Z^,  -u,  191 
raccommoder,  519,2 
racconter,  495,8 
raccorder,  519,2 
raccrocher,  519,2 
rachat,  547 
racine,  264 
raconte,  547 
racquérir,  519,2 
raffoler,  495,7 
raillerie,  551, 1 
rajuster,  519,2 
ramage,  149, i 
rameau,  193,  197,2 
ramèneret,  215/2 
ramereau,  59,  391,  Rem. 
ramier,  647 
rancœur,  681 
rancune,  294,2 
rapide,  647 
rapière,  647 
rappeler,  495,8,  519,s 
rapprendre,  519.2 
rapproprier,  495,8 
rapprovisionner,  519,2 
rap  rap,  14 
raréfier,  440 
rase-forts,  576,2 
rassortir,  495.8 
rassurer,  519,8 
rateauter,  89,4,  428,2 
raZer,  427 
rateusement,  12 
raticide,  405 
ravissable,  143,2 
ravoir,  488 
re,  455,2 
re,  456,8 

29* 


452 


re-\- aller,  494,3 
re-{- avoir,  494,i 
re -\- cuidier,  494,4 
r€-\-deveir,  494,6 
re  -f-  estre,  494,2 
rc  +  faire,  494,6 
re-f-poZ/r,  494,7 
re  -|-  voleir,  494,8 
réaccommoder ^  519,2 
réaccorder,  519,2 
réaccrocher,  519,2 
réacquérir,  519,2 
réactif  518,3 
réaction,  518 
réajuster,  519,2 
realgar,  302,2 
réappeler,  519,3 
réapprendre,  519,2 
réapprovisionner,  519,2 
réarmer,  51 9, i 
réassurer,  519,3 
réatteler,  51 9, i 
rebattu,  495,i 
rebiffade,  366,4 
rebonsoir,  489,2 
rebord,  489,i 
rebours,  490 
rebravo,  493 
receler,  495,8 
réception,  517 
recevoir,  517 
réchaud,  547 
réchauffer,  488,3 
rechercher,  495,7 
récipé^  656,1 
réclusion,  486,  Rem. 
récognition,  517 
recoi,  490 
recoin,  489,i,  495,7 
reçoit,  459,4 
récolliger,  488,i 
reconnaître,  517 
recouvrer,  488,i 
récréer,  488,2 
récrier,  488,3 
recrue,  710 
recruter,  89, is 
recueillir,  488, i 


reculons,  à,  601 
récupérer,  488, i 
récurer,  495,8 
redan,  547 
redevable,  144 
redire,  488 
réemballer,  519,2 
réembarquer,  519,2 
refaire,  461,  495,7 
refenderet,  215,2 
re/Zwx,  489,1 
réformer,  488,2 
refraindre,  459,3,  461 
refréner,    486,    Rem.,    486, 

Rem.  A 
regard,  550,i 
regardeaux,  194 
regardelles,  194,8  A 
regardeur,  12 
regardez-moi,  574,i 
réglisse,  692,  715,  726 
iîepne',  190 
regracier,  495,7 
régulier,  212 
réhabituer,  519,2 
rehaut,  547 
relâche,  551,  726 
relâcher,  488,i 
relais,  547 

reZaa;er,  486,  Rem.,  488  i 
relent,  495,7 
relief,  546,9 
religiosité,  8 
reliquat,  309, i 
reluire,  495,7 
remballer,  519,2 
rembarquer,  519,2 
remblai,  541,3 
rembranesque,  96,  372 
rembraniser,  443,3 
remercier,  495,7,8 
remise,  571,  715 
remonter,  495,8 
rémoudre,  488,3 
rempardière,  88,2 
rempart,  88,2,  547 
remplir,  495,8 
remoi,  591 


rencontre,  551 
rendez-vous,  574,i,  575,8 
renfermer,  495,8 
renforcer,  432,2,  495,8 
renfort,  547 
renne,  703 
renoncule,  700 
renseignement,  553,i 
reo/ï,  493 
réparer,  488,2 
répétible,  320,2 
repic,  489,1 
répondre,  488,2 
report,  541.3 
repos,  550,1 
reproche,  551 
réprouver,  488,2 
res,  493 
réseau,  195 
réservé,  622 
reseuiZ,  226 
résigner,  488,2 
résistance,  172,i 
responsable,  144 
ress-,  487,1 
ressentiment,  4l2,i 
ressentir,  487, 1,  495,7 
resserre,  495,8 
resZe,  551 
restauration,  553, 1 
rétamer,  495,8 
réteindre,  488,3 
rétendre,  488,3 
retour,  546,8 
réussir,  517 
revenez-y,  578,i 
revient,  547 
réviser,  486,  Rem. 
révision,  486,  Rem. 
revoilà,  493 
revolveriser,  443,5 
revoyure,  297 
rez,  621 

rhabituer,  519,2 
rhubarbe,  681 
rhume,  664,  Rem. 
ric-à-rac,  33 
richoise,  21 8,1 


453 


ridain,  164 
rien,  711 
riere,  592 
rigolade,  366,4 
rigolote,  89, n 
riorte,  450, i,  Rem. 
risade,  367,i,  Rem. 
r/see,  367, i 
risque,  676,$ 
ristourne,  676,i 
rive-gaucher,  44 
rivois,  275,  Rem. 
JRofci/î,  81 
robinet,  221 
robustesse,  219 
rocheraie,  216 
rocher-hydre,  559 
rococoterie,  89,ii 
romance,  678 
ronceraie,  389 
rondache,  702 
ronde,  647 
ronfler,  32 
ron flotter,  44 7, i 
ron  ron,  22 
ronsardiser,  443,3 
rosaf,  309,2 
rose,  642,  Rem. 
rosir,  430,1 
roublardise,  272 
roublier^  495,7 
roucou,  22 
roucouler,  22,  32 
rouge-aile,  719 
rouge-gorge,  719 
rouge-queue,  719 
ronsselot,  387 
roussot,  288,1 
route,  646 
royauté,  382 
rubiconner,  12 
rudanier,  44 
rustaud,  358,8 
rytme,  703 

Sabre-bayonnetle,  559 
sachable,  146 
sacrécœurer,  44 


sacrilègement,  612,2 

sagra,  705 

sagoutier,  89,i2,  379,  Rem., 

421 
saindoux,  560,8 
Saint-Jean  (la),  571,  715 
saligaud,  357,  423,2 
salisson,  665,i 
salleran,   390 
saZuf,  667,1,  680 
sambleu,  567 
samedi,  566 
sancmesler,  42 
sa/î^,  728 
sang-Dieu,  567 
sang-dragon,  567 
sangf  /ro/i/,  560,2 
sanglier,  212,  646 
sanglot,  291 
sans,  587,  662 
sanscœur,  496,  723 
sans- dent,  496,  723 
sans-façon,  496 
sans-fleur,  723 
sans-gêne,  496 
sans- jugement,  496 
sans  patrie,  496,  572,i 
sans-peau,  723 
sans-souci,  723 
sans-volonté,  496 
sa/),  536 
sapin,  536 
sapote,  676,1 
sapotille,  676,i 
sargasse,  676,i 
sarrof,  291 
Sassoigne,  133,8 
satisfecit,  657,i,  Rem. 
satyre,  680 
sau/;  619 
saumon,  642 
saumure,  296 
saupoudrer,  569 
sauvage,   147,  149,i 
sauvagesque,  372,3 
sauve  qni  peu/,  580 
savantas  (se),  183,  Rem. 
savetier,  47 


savoir-faire,  11,  569, i 

savoir-vivre,  569,i 

savoisien,  246 

savoyard,  355,4,  Rem. 

saynète,  676,i 

sceau,  193 

scélérat,  307 

scotticher,  427 

scribolâtre,  415 

sèche-pleurs,  576,2 

sécher,  -ir,  432,i 

secourable,  144 

Seine,  671,2 

seize-mayeux,  44,  235 

séjour,  546,8 

se/on,  619 

sempre,  586,2,  587,  592 

senestor,  592 

sentiment,  412 

sentinelle,  710 

séparation,  311 

septennat,  308, i 

seraiZ,  34,  Rem.,    129,    155 

sergier,  248 

sergo,  414 

serre-papier,  574,i 

serf  de  Z'eau,  582 

serviable.  144 

sévices,  692 

sevrer,  450,2,  Rem. 

SI,  626,1 

siffloter,  447,i 

silence,  703 

simagrée,  579,i 

similor,  560, i 

simplet,  224,1 

singleton,  402,8 

singulier,  212 

sinon,  627 

siroter,  89,ii 

si7df,  661 

sixain,  162,2 

socialiser,  9 

soirée,  46,  60 

soi7,  657,2 

soZda/,  309,2 

soZde,  726 

soZeiZ,  116,  202 


454 


solenniser,  444 
solvable,  144 
somme,  6G4,  Rem  ,  729 
sommet^  224,a 
somnoler^  537,2 
sonnez,  656,2 
sonoscribine,  266,* 
sorte,  712 
sort,  672 

sot-l'y-laisse,  579, i 
souchet,  222,1 
soucoupe^  723 
soudain,  160 
soudard,   352 
soufflet,  224,  Rem. 
souillon,  285,8,  665,i 
souletin,  260 
soupatoire,  313 
soupçon,  698 
souquenille,  259,i 
soiir,  585,  592 
soure,  585 
sourdine,  264 
sourietle,  99 
souriquois,  280,2 
sour/s,  672,  729 
sous,  616 

sous-barbe,  497,  572, i 
sousentendre,  497,  Rem. 
sousmettre,  462 
sousterrain,  263,4,  453,2 
soutado,  89,12,  369 
souterrain,  160 
souvent,  592.  659 
soventez  foiz,  589, i 
sphinx,  666 
s/)inY,  335 
sijorfer,  427,  430 
squelette,  690 
squelettique,  325,i 
stabat  Mater,  5,i 
staZZC;  676,1 
statufier,  440 
steamer,  230 
steppe,  676,8 
struggleforlifiser,  443,5 
stupéfier,  440 
sub-alpin,  520 


subdéléguer,  520 

sub-diviser,  497,  Rem. 

sub  lunaire,  520 

succulemment,  611,2 

suçoir,  276,1 

suggestif,  253 

suiffer,  71 

suivant,  620, i 

suiver,  71 

suivez-moi  jeune   homme, 

581 
sultanade,  368,4 
superflu,   521 
superposer,  521 
sur,  592,  616 
surard,  79,  309,2,  354 
surembêter,  498,i 
surembrasser,  498,i 
sur-héroder,  12 
sur  Ze  champ,  572,8 
surlendemain,  498 
surtout,  498,2,  572,s,  597 
SuzeZZe,  81 
Suzon,  81,  285,2 

tabatière,  89,3 

tableautin,  89,4,  260 

tac,  25 

Zacef,  657,1,  Rem. 

taffetas,  180 

taffetatier,  89,3 

ZafauZ,  27,  632 

faZa,  5,3  A 

talentueux,  422 

taluser,  379,i,  Rem. 

ZaZufer,  89,i3,  379,i,  Rem. 

taureau,    116,    Rem.,    193, 

197,2 
taux,  547 
Te  Deum,  5,i 
ZeZ  /leure  esZ,  579,2 
tellement,  613 
température,  314 
temple-sépulcre,  559, 
tempre,  592,  Rem. 
temprement,  614 
tenable,  146 
tendelet,  384 


tendron,  282,  295 
tentation,  553,i 
fento/,  275,  Rem. 
Zerre  à  Zerre,  643 
terre- neuve,  667,2,  716 
terreneuvien,  44 
terre-noix,  586,i 
terrine,  265,i,  Rem. 
terroriser,  9 
ZéZon,  286 
Zeu/  Zeu/",  25 
théâtricule,  406 
Z/c  Zac,  16,  25 
tiens-toi-bien,  575,3 
tiers-état,  560,i 
Zif^e,  693 

timbre-poste,  568,2 
timbre  quittance,  7,  568,2 
Z/nZer,  32 

tire-bouchon,  574, i 
tirebouchonner,  43 
tire-laisse,  578,3 
tisserand,  174,  362 
tissutier,  89,i3 
Z/jézère,  65,2,  379,i,  Rem. 
thiériste,  100 
thomiste,  79 
toaster,  427 
tocsin,  574,1 
Zoc  Zoc,  25 
ZoiZeZZe,  571 
To/uon,  283,3,  285,2 
ZoZZé,  656,1 
tombelier,  249,2 
tontine,  265,2 
topaze,  702 
tordion,  323,2 
Zoron,  286 
torréfier,  440,  Rem. 
torrentueux,  422 
ZdZ,  592,  Rem. 
ZoZe  dz,  712 
touchant,  620,i 
touche-à-tout.  578, i 
touiller,  437 
toujours,  583,8,  595 
Zour,  729 
toureiffelien,  44 


455 


touristicule,  406 

tournade,  684 

tourne  à  gauche,  578,i 

tournelle,  94 

tour  ne- vire,  578,8 

tourniquet,  220 

tous  les  jours,  573,  Rem. 

Toussaint,  715 

toutefois,  595 

toute-puissance,  43,  Rem.  2 

tout-puissant,  563,2 

tproupt,  26 

tracer  et,  215,2 

trahison,  274 

traîne-peuple,  576,2 

train-poste,  568,2 

traistrement,  612,2 

tandis,  592,  594,i 

tanf,  592 

tapinois  (en),  280,2 

tard,  592 

taro/,  291 

tatillon,  409,  665,i 

tatans,  601 

taudion,  86,  99 

transatlantique,  522,  Rem. 

transe,  548,2 

transfert,  547 

transformer,  522,  Rem. 

transhumance,  171 

transpercer,  522 

transplanter,  522,  Rem. 

trantraUy  31 

trantraner,  24 

trappeur^  230 

travade,  365,4,  684 

trayon,  323,2 

trébucher,  500 

tredame,   633 

trentain,  162,2 

trente-chevaux,  715 

tréfonds,   500 

fripas,  500 

trépointe,  500 

frès,  616 

trestout,  598 

fri&un,  539 

trictrac,  25 


tricherie,  553 
triomphe,  726 
tripolir,  430,i 
trisser,  90 
^riïrï,  21,  22 
tromperie,  553,i 
trompette,  665,2,  709 
tronçon,  282 
frop,  592,  Rem. 
trop-plein,  562,  Rem. 
/rotan,  283,4 
troubade,  364 
trouble-fête,  574,i 
trou-madame,  530 
trousse-ta-queue,  575,s 
tsarolâtre,  415 
tuméfier,  440 
turbulemment,  611,2 
turcarien,  79 
turelure,  28,  Rem. 
turgotine,  265,2 
tar/uf,  21 
turquerie,  395,i 
turquois,  280,i 
tuyauter,  89,4 
typote,  89,n 
/yran  (angl.),  177,i 

u/^ra,  455,4,  455,4  A 
ultra- violet,  523 
universaux,  303,4 
«r^e,  7 
ustensile,  704 

vademanque,  579,i 
va-et-vient,  578,8 
vagabonner,  101 
vague,  729 
vaguelette,  385 
vainpasturer,  537,i 
vaisseau,  189 
vaisselle,   189 
waZ,  712 
valence,  571 
valet-groom,  558,4 
wa  Zmi  dire,  482 
vandalisme,  7 
vantardise,  272 


vapeur,  715 

Vaugirard,  567 

vasalment,  612,2 

i;ase,  729 

vasistas,  579, i 

vastitude,  343 

va-te- faire- fiche      (à     la), 

575,3,  580 
t>a  Ze  /aire  panser,  581 
va-vite  (à  la),  575,s 
véhémentement,  611,2 
véhiculer,  427 
veinule,  349 
weZci  aZ/er,  27 
velci-revasi,  27 
velouté,  89,12 
vendable,  140 
vendange,  175 
vendredi,  566 
i^enZre,  728 
ventrée,  200,2 
ventrouiller,  448 
vérandah,  705 
verglas,  180 
oériZ^,  292. 
verjus,  556,1 
verjuter,  89,i8 
vermicelle,  571 
vermouler,  537,7 
vermoulu,  569 
uerrrtZ,  116,  Rem,  185 
verrue,  296 
pers,  616 
verse-froid,  576,2 
verse-humeur,  576,2 
verselet,  383 
verse-sang,  576,2 
verslibriste,  44 
vert-de-grisé,  44 
werZiye,  693 
vertigineux,  413 
verviétois,  89,6 
weZo,  657,1,  Rem. 
veulerie,  394 
veuve.  647 
uice,  692 
vice-amiral,  524 
uiccZoZ.  388 


456 


vicomte,  501 
vicomte,  190,  687 
vidame,  501 
vidange,  175,  68fi 
vidimer,  657,8 
vidimus,  657,8 
viedaze,  630,  Rem. 
viergement,  612,2 
vieux-jeu,  643 
vif-argent,  560, i 
vilain,  160 
vilainte,  89, i 
villageois,  280,2 
Ville-rÉvêque,  567 
vimaire,  560,2 
vinaigre^  555,2,  560,2 
yioZa/,  309,2 
violâtre,  79 
violemment,  611,2 
i^io/e/,  539 
i;io/ir,  79,  430,i 


violoncelle,  688 
virelai,  28,  Rem. 
vire- vire,  578,4 
viron,  283,4 
visible,  140 
vitriol,  375 
Pii>af,  657,2 
vlantesque,  371,  372,4 
y/op,  26 
poiZe,  669,  726 
yoire,  592,  Rem. 
voiture-annonce,  559 
voiture-lit,  559 
volage,  149,i 
volaille,  158,  259,2 
volereau,  56,  391,  Rem. 
volerie,  396,  Rem. 
volontiers,  592 
uop  woy,  13 
vogable,  140 
voyouser  (se),  91,3 


voyoutado,  369 
voyante,  89,i2 
voyouter,  428 
wr/ZZe,  257,1 
mi,  622 
vulgarité,  8 

WapneroZdfre,  415 

Y,  592 
you-you,  31 

Zesf,  zesZe,  26 

zézayer,  32 

zigzag,  31 

zisf,  26 

zolatesque,  65,i,  89,3,  371 

zolâtre,  66,1 

zolisme,  329,2 

zuf,  26 

0/;  13 


TABLE   DES    MATIÈRES. 


QUATRIÈME  PARTIE. 
FORMATION  DES  MOTS. 

LIVRE  PREMIER. 

INTRODUCTION   GÉNÉRALE. 

Page 

Chapitre        I.  —  Remarques  préliminaires 3 

A.  Procédés  de  formation    4 

R.  Date  des  mots 8 

G.  Sort  des  mots  nouveaux 10 

Chapitre      II.  —  Onomatopées   17 


Chapitre 
Chapitre 


I. 
II. 


Chapitre 

III. 

Chapitre 

IV. 

Chapitre 

V. 

Chapitre 

VI. 

Chapitre 

VII. 

Chapitre  VIII. 

LIVRE  DEUXIÈME. 

DÉRIVATION   SUFFIXALE. 

Remarques  préliminaires 35 

Sort  du  mot  primitif 41 

A.  Apophonie 42 

R.  Voyelles  finales  45 

C.  Consonnes  finales 48 

D.  Chute  de  la  terminaison 50 

E.  Confusion  de  terminaisons 52 

F.  Changements  orthographiques 63 

Suffixes  nominaux 05 

-  Changements  de  suffixes.  .  .    72 

-  Suffixes  latins.    Observations  générales 76 

-  Suffixes  latins  de  formation  populaire 81 

-  Suffixes  latins  de  formation  savante 140 

Suffixes  d'origine  étrangère 105 

A.  Suffixes  d'origine  germanique 105 

R.  Suffixes  d'origine  méridionale  .  .    172 

C.  Suffixes  divers 176 


458 


Chapitre:      IX.  —  Suffixes  de  formation  française 177 

Chai'ITHE       X.  —  Suffixes  d'origine  douteuse    192 

Chapitre     XI.  —  Suffixes  verbaux 194 

A.  Dérivation  immédiate 195 

B.  Dérivation  médiate 197 

LIVRE  TROISIÈME. 
PRÉFIXES. 

Chapitue        I.  —  Remarques  générales 204 

Chapitre       II.  —  Préfixes  latins  d'origine  populaire 211 

Chapitre     III.  —  Préfixes  latins  d'origine  savante 231 

Chapitre      IV.  —  Préfixes  d'origine  étrangère 238 

LIVRE  QUATRIÈME. 

DÉRIVATION   RÉGRESSIVE. 

Chapitre        I.  —  Décomposition 241 

Chapitré      II.  —  Formation  postverbale 247 

LIVRE  CINQUIÈME. 

MOTS   COMPOSÉS. 

Chapitre        I.  —  Remarques  générales 258 

Chapitre       II.  —  Coordination  .  .^ 262 

Chapitre     III.  —  Subordination 266 

Chapitre      IV.  —  Composition  par  phrases 272 

LIVRE  SIXIEME. 

FORMATION   DES   PARTICULES. 

Chapitre        I.  —   Remarques  générales 280 

Chapitre       II.  —  Adverbes 285 

A.  Composition 288 

B.  Dérivation 291 

Chapitre     III.  —  Prépositions   300 

Chapitre      IV.  —  Conjonctions 307 

Chapitre      V.  —  Interjections 309 

LIVRE  SEPTIEME. 

DERIVATION    IMPROPRE. 

Chapitre        I.  —  Substantifs 315 

Chapitre       II.  —  Adjectifs 319 

Chapitre     III.  —  Verbes 324 

Chapitre      IV.  —  Particules 327 

LIVRE  HUITIÈME. 

FORMATION    DU   GENRE. 

Chapitre        I.  —  Remarques  générales 330 

Chapitre      H,  —  Influence  de  la  forme  . , 346 


459 


Chapitre     III.  —  Influence  du  sens 365 

Chapitre     IV.  —   Ellipse 375 

Chapitre      V.  —  Mots  composés 379 

Chapitre     VI.  —  Substantifs  des  deux  genres 382 

Appendice 389 

Additions  et  corrections 396 

Bibliographie 405 

Table  analytique    419 

Index  des  mots 434 


I 


(D 


/ 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 


PC  Nyrop,   Kristoffer 

2101  Grammaire  historique 

N8  de  la  langue  française 

1899 

t.3 


^G