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IRADCUFFE COUJCE UBRAKY(
WOMEN'S ARCHIVES
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HARVARD œLUECE UBRARY
LIBRARY
GRAND DICTIONNAIRE
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CUISINE
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GRAND DICTIONNAIRE
CUISINE
ALEXANDRE DUMAS
PARIS
ALPHONSE L E M E R R E , É D 11' E U R
27-39, PASSAGE CHOISEUL, 37-29
H DCCC LXXIIl
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FEB. 19, t»t5.
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Alexandre Dumas
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GRAND DICTIONNAIRE Dt CUISINE
Alexandre Dumas
K T L K
GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE
N pourrait citer plus d'un grand esprit qui,
interrompant ses travaux d'imagination ou
de science, n'a pas dédaigné d'écrire sur
l'art de manger. Nous ne voulons pas par-
ler ici des médecins ou des chimistes, dont les travaux
sur la cuisine, considérée au point de vue hygiénique,
se comptent par centaines, mais d'hommes tels qu'Api-
cius, personnage consulaire, ou Brillât -Savarin, grave
magistrat, qu'une voluptueuse délicatesse poussa à médi-
ter sur l'organe du goût et la nature des aliments,
Charles Baudelaire a écrit sur la cuisine quelques
pages qui témoignent, comme tout ce qu'a laissé l'auteur
des Fleurs du mal, des réflexions longues et continues.
Il expose des idées très-personnelles touchant l'excel-
lence des «viandes qui saignent et des vins qui charrient
IV ALEXANDRE DUMAS
Tivresse. * » Selon lui la question des sauces, ragoûts et
assaisonnements, « demanderait un chapitre grave comme
un feuilleton de science » . Il appelle « toute la pharmacie
de la nature au secours de la cuisine. » Bel aperçu jeté
par un poëte sur les besoins journaliers de la vie et
qui fait du cuisinier idéal un poëte, un savant et un
voluptueux , connaissant les propriétés chimiques des
matières!
Alexandre Dumas avait des vues plus pratiques et
d'une utilité plus immédiate quand il composa son
Grand Dictionnaire de cuisine : c'est un livre usuel qu'il
voulut faire, et Ton sait qu'il réussissait tout ce qu'il
tentait. Mais le caractère pratique du livre est rehaussé
par cette délicatesse du goût et cette originalité que
possèdent seules les organisations supérieures.
Telle était évidemment celle d'Alexandre Dumas;
telles sont les qualités caractéristiques de son Grand
Dictionnaire de cuisine.
Nous ne dirons pas ici le plan que l'illustre auteur a
adopté : ce plan est exposé par l'auteur lui-même dans
la Préface qu'on trouvera à la suite de ces quelques
réflexions. Nous indiquerons seulement en deux mots
comment ce livre fut fait.
Alexandre Dumas était un beau mangeur, comme il
était un beau conteur. Cette nature puissante, que
iM. Michelet a si bien appelée « une force de la nature » ,
I. La Fanfarlo. p. 421 et suivantes de rédition des œuvres.
ET LE GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
produisant beaucoup y dépensait beaucoup. Jamais homme
ne voyagea, ne combina, n'écrivit davantage ; jamais plus
solide charpente ne supporta cerveau plus fécond. Un
tel homme dut instinctivement songer à ce qu'un excel-
lent écrivain appelle « le système d'alimentation néces-
saire aux créatures d'élite ». On peut se convaincre, en
lisant les Mémoires d'Alexandre Dumas et les Impressions
de voj^age, qu'il acquit de bonne heure l'entente de la
table. Ses promenades en Europe le familiarisèrent avec
les préparations exotiques. 11 n'est pas surprenant qu'il
ait songé à réunir, pour le profit du public, des notions
acquises dans le cours de sa vie si active, si brillante et
si fêtée.
Il y songea longten^ps. Cette idée prit une forme
précise dans les dernières année» de sa verte vieillesse.
« Je veux clore, disait-il souvent, mon œuvre litté-
raire de cinq cents volumfs par un livre de cuisine. »
C'est dans le cours de l'année 1869 ^'^^ écrivit le
Grand Dictionnaire de cuisine* Le manuscrit fut livré à
son éditeur et ami, Alphonse Lemerre, au mois de
mars 1870.
Ce manuscrit avait été porté à l'imprimerie, et déjà
plusieurs feuilles étaient composées, quand les graves et
tristes événements au milieu desquels Alexandre Dumas
s'éteignit, vinrent suspendre la publication qui, reprise
avec la paix, fut conduite soigneusement par d'anciens
amis du célèbre auteur.
En lisant cette dernière œuvre du maître, on retrou-
L
VI
ALEXANDRE DUMAS, ETC.
vera cet amour de la vie des vivants, ce don de plaire,
ce besoin de conter, cette bonne humeur, cette netteté
d^esprit, ce parfait bon sens, toutes ces belles qualités
qui font le charme de ses Hvres, mises cette fois au ser-
vice d^un art utile à tout le monde, et duquel dépendent
la santé, Thumeur et la durée de la vie
L. T.
A M. V.-J. VUILLEMOT.
Cher Monsieur,
Puisque Alexandre Dumas n est plus là pour dire tout
ce que vous ave^ fourni à son (jrand Dictionnaire de cui-
sine, tant en recettes originales qu'en conseils d'habile pra-
ticien, je crois devoir payer pour lui une dette quil eût
acquittée avec joie, et vous remercier en son nom.
J'ai asse^ connu Alexandre Dumas pour savoir quil
estimait votre habileté et vous était fort attaché, Cest un
témoignage que je veux vous vendre; mais ce qu*il importe
surtout que je constate ici, c'est le ^èle amical avec lequel
vous ave^ bien voulu ^ après la mort de l'homme illustre que
vous affectionniez, corriger les épreuves de son livre, et,
par ces derniers soins, rendre le Grand Dictionnaire de
cuisine digne en tout point de son auteur et de vous.
Je vous remercie, pour ma part, et vous serre affec-
iueusement la main,
.4, LE Al ERRE.
2 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
c'est à la fois la grande préoccupation de Thomme sauvage et de
rhomme civilisé. Seulement, sauvage, il mange par besoin.
Civilisé, il mange par gourmandise.
C'est pour Thomme civilisé que nous écrivons" ce livre ; sau-
vage, il n'a pas besoin d'être excité à l'appétit.
il y a trois sortes d'appétits :
1° Celui que l'on éprouve à jeun, sensation impérieuse qui
ne chicane pas sur les mets et qu'au besoin on apaiserait avec
un morceau de chair crue aussi bien qu'avec un faisan ou un
coq de bruyère rôti ;
2*^ Celui que l'on ressent lorsque, s'étant mis à table sans
faim, on a déjà goûté d'un plat succulent qui a consacré le pro-
verbe : L'appétit vient en mangeant.
Le troisième appétit est celui qu'excite, après le mets suc-
culent venu au milieu du dîner, un mets délicieux qui paraît à
la fin du repas, lorsque le convive sobre allait quitter sans regrets
la table, où le retient cette dernière tentation de la sensualité.
Deux femmes nous ont donné les premiers exemples de la
gourmandise :
Eve, en mangeant une pomme dans le Paradis;
Proserpine , en mangeant une grenade en enfer.
Proserpine ne fit de tort qu'à elle. Enlevée par Pluton, pen-
dant qu'elle cueillait des fleurs sur les bords de la Cyanée , et
transportée en enfer, à ses réclamations pour remonter sur la
terre le Destin répondit :
« Oui , si tu n'as rien mangé depuis que tu es en enfer. »
La i^urmande avait mangé sept grains de^ grenade.
Jupiter, imploré par la mère de Proserpine, Cérès, revit l'arrêt
du Destin et décida que, pour satisfaire à la fois la mère et l'époux,
Proserpine resterait six mois sur la terre et six mois dessous.
Quanta Eve, sa punition fut plus grave, et elle s'étendit
jusqu'à nous, qui n'en pouvons mais.
Au reste, de même qu'il y a trois sortes d'appétits, il y a
trois sortes de gourmandises.
Il y a la gourmandise que les théologiens ont placée au rang
des sept péchés capitaux, celle que Montaigne appelle la science
de la gueule.
QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
C'est la gourmandise des Trimalcion et des Vitellius.
Elle a un superlatif, qui est la gloutonnerie.
Le plus grand exemple de gloutonnerie que nous donne
l'antiquité est celui de Saturne dévorant ses enfants, de peur d'être
détrôné par eux, et avalant, à la place de Jupiter, un pavé
emmaillotté, sans s'apercevoir que c'était un pavé.
Nous lui pardonnons pour avoir fourni à Vergniaud cette
belle comparaison :
<c La Révolution est comme Saturne : elle dévore ses enfants. »
A côté de cette gourmandise, qui est celle des estomacs
robustes, il y a celle que nous pourrions nommer la gour-
mandise des esprits délicats : c'est celle que chante Horace et
que pratique Lucullus; c'est le besoin qu'éprouvent certains
amphitryons de réunir chez eux quelques amis, jamais moins
nombreux que les Grâces, jamais plus nombreux que les Muses,
amis dont ils s'efforcent de satisfaire les goûts et de distraire les
préoccupations.
C'est, parmi les modernes, celle des Grimod de la Reynière
et des Brillât-Savarin.
De même que l'autre gourmandise a un augmentatif, glou--
tannerie^ celle-ci a un diminutif, friandise.
Ce diminutif s'applique également aux personnes qui aiment
les choses délicates et recherchées et à ces choses elles-mêmes.
Le gourmand exige la quantité, — le friand, la qualité.
Nos pères , qui avaient le verbe friander que nous avons
perdu, disaient, en voyant certaines physionomies gueulardes^
autre mot perdu, dans ce sens du moins :
Voilà un homme qui a le ne:( tourné à la friandise.
Ceux qui tenaient à être exacts ajoutaient :
Comme saint Jacques de V Hôpital.
D'où venait cet axiome, qui au premier abord parait passa-
blement incongrue
Nous allons vous le dire.
n y avait une image de saint Jacques de l'Hôpital peinte
sur la porte de l'édifice de ce nom, près de la rue aux Oies,
devenue depuis, par corruption, la rue aux Ours, rue dans
laquelle se trouvaient les premiers rôtisseurs de Paris.
QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
Or, comme le visage du saint regardait cette rue, on disait
qu'il avait le nez tourné à la friandise.
C'est ainsi que Ton dit de la statue de la reine Anne, à Lon-
dres, reine passablement friande, de vin de Champagne surtout :
C'est comme la reine oânne, qui tourne le dos à l'église et
qui regarde le marchand de vin.
Et, en effet, soit hasard de la pose, soit malice du statuaire,
la reine Anne commet cette inconvenance, qui peut passer pour
une critique de sa vie, de tourner le dos à Saint-Paul et de
garder son sourire royal pour le grand marchand de vin qui fait
le coin de la rue.
Brillât-Savarin, le La Bruyère de cette seconde catégorie des
gourmands , a dit :
L'animal se repaît, Vhomme mange, l'homme d'esprit seul
sait manger.
La troisième gourmandise, pour laquelle je n'ai que des
lamentations , est celle des malheureux atteints de la boulimie,
maladie qui attaqua Bru tus après la mort de César; ceux-là ne
sont ni des gourmands, ni des gourmets, ce sont des martyrs.
Ce fiit sans doute dans un accès de cette fatale maladie
qu'Esaii vendit à Jacob son droit d'aînesse pour un plat de
lentilles.
Or c'était un droit d'une grande importance que ce droit
d'aînesse chez les Hébreux, puisqu'il remettait entre les mains
du premier-né la possession des biens et un pouvoir absolu sur
toute la famille.
Cependant Esati avait pris son parti de ce premier marché
passablement indélicat de la part d'un frère , lorsque Isaac lui
dit : « Prends ton arc et tes flèches et apporte-moi le fruit de
ta chasse, puis tu l'apprêteras de tes propres mains, car je veux
te donner ma bénédiction avant de mourir. »
Rébecca entendit ces paroles, tua deux chevreaux; et,
comme elle avait un faible pour Jacob , tandis qu'Esaii , son arc
à la main, exécutait le commandement d'Isaac, elle assaisonna
les chevreaux, couvrit de leurs peaux les mains de Jacob, et, à
l'aide de ce stratagème, lui fit donner la bénédiction paternelle
par Isaac. C'était la seconde fois qu'Esaii était volé ; mais cette
QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
seconde fois, il n'accepta pas la chose aussi doucement que la
première : il reprit son arc et ses flèches à l'effet de tuer Jacob ,
lequel se sauva en Mésopotamie, chez son oncle Laban.
Ce ne fut qu'au bout de vingt ans que Jacob revint au pays
natal. Encore eut-il la prudence de s*y faire précéder par deux
cents chevaux, vingt-deux boucs, vingt béliers, trente chamelles
avec leurs petits, quatre-vingts vaches, trois taureaux, vingt
ànesses et dix ânons.
C'était le complément de son plat de lentilles, plat que
Jacob, en y réfléchissant, avait trouvé bien usuraire.
L'Olympe antique, avec lequel nous avons fini, n'est pas
très-gourmand; il ne mange que de l'ambroisie et ne boit que
du nectar.
Ce sont les hommes qui , sous ce rapport, donnent le mauvais
exemple aux dieux.
On ne dit point des festins de Jupiter, des festins de Nep-
tune, des festins de Pluton. Il parait même que Ton mangeait
fort mal chez Pluton , puisque le Destin supposait qu'après six
mois passés dans le royaume de son époux, Proserpine pouvait
èttte encore à jeun.
On dit des festins de Sardanapale, des festins de Baltha^ar.
Nous pouvons même ajouter que ces locutions sont passées
en proverbe.
Sardanapale est populaire en France. La poésie, la peinture
et la musique se sont chargées de le réhabiliter. Assis sur son
trône, près de Myrrha, entouré de ses chevaux, de ses esclaves,
que l'on égorge, transparaissant avec un sourire de volupté à
travers la fumée et la flamme de son bûcher, il se transfigure
et ressemble à ces dieux d'Orient, Hercule ou Bacchus, montant
au ciel sur des chars de feu.
Alors toute cette vie de débauches, de luxe, de paresse,
de lâcheté, se rachète par le courage des deux dernières
années et par la sérénité de Tagonie. Et, en efièt, à travers
les brèches 4^ Ninive assiégée, on voit d'un côté le Tigre
QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
débordé , dont les flots s'avancent comme une sombre marée ,
et de Tautre les révoltés conduits par Arbace et Bélésés, qui
viennent lui enlever cette vie qu'il se sera lui-même pompeuse-
ment ôtée avant leur arrivée. Alors on oublie que cet homme,
qui va mourir et qui est resté le maître de sa mort, est le même
qui a rendu cette loi :
Une récompense de mille pièces d*or est accordée à celui qui
inventera un plat nouveau.
Byron a fait de Sardanapale le héros d'une de sts tragédies ;
de la tragédie de Byron, MM. Henri Becque et Victorin Jon-
cières ont fait un opéra.
Nous avons cherché vainement une carte d'un de ces fameux
festins qui ont été baptisés du nom de Sardanapale.
Balthazar a , comme son prédécesseur, l'avantage de servir
de point de comparaison entre les gourmands antiques et les
gourmands modernes : seulement il eut le malheur d'avoir affaire
à un dieu qui ne tolérait pas le mélange de la gourmandise à
l'impiété.
Si Balthazar n'eût été que gourmand , Jéhovah ne s'en fût
pas mêlé.
Gourmand et impie, la chose parut intolérable.
Voici, au reste, le drame :
Pendant que Balthazar était assiégé dans Babylone par
Cyaxare et Cyrus, il donna, pour se distraire, un grand dîner à
SQS courtisans et à ses concubines.
Les choses allaient à merveille jusque-là; par malheur, tout
à coup il lui \dnt à l'idée de se faire apporter les vases sacrés
d'or et d'argent que Nabonat^ar avait enlevés au temple de
Jérusalem. A peine eurent-ils été profanés par le contact des
lèvres impies, qu'un grand coup de tonnerre se fit entendre, que
le palais fut ébranlé jusque dans ses fondements, et que ces trois
mots qui, depuis plus de vingt siècles, font l'épouvante des rois^,
apparurent en lettres de feu tracées sur les murailles :
« Mané, Thécel ^ Phares. »
La terreur fut grande, à cette vue; et, de même que, lorsque
la maladie devient grave, on envoie chercher le médecin dont on
s'est moqué la veille, on envoya chercher un jeune homme qui
QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
prophétisait dans ses moments perdus, et dont les prophéties
faisaient rire, en attendant qu'elles fissent trembler.
Ce jeune homme, c'était Daniel.
Elevé à la cour du roi, il étudiait pour être mage.
A peine eut-il lu les trois mots, qu'il les expliqua, comme
si la langue que Jéhovah parlait à Balthazar était sa langue
maternelle.
Mané voulait dire compté ;
Thécel j pesé;
Et Phares, divisé.
Mané : Dieu a compté les jours de ton règne et en a marqué
l'accomplissement ;
Thécel : Tu as été pesé dans la balance , et tu as été trouvé
trop léger ;
Phares : Ton royaume a été divisé et il a été donné aux
Mèdes et aux Perses.
Cette explication fut suivie d'une admonestation de Daniel
à Balthazar sur son sacrilège et son impiété, et se termina par la
prédiction de sa mort prochaine.
En effet, dans la nuit, Cyaxare et Cyrus s'emparèrent de
Babylone et mirent à mort Balthazar.
C'est à la même époque qu'il faut faire remonter ce terrible
mangeur que l'on appelait Milon de Crotone. Mais celui-là, au
lieu de faire écrouler les palais comme Balthazar, les soutenait.
Il était de la petite ville de Crotone, voisine et rivale de
Sybaris.
Un jour, les deux voisines se brouillèrent. Milon jeta sur
ses épaules une peau de lion, prit une massue, se mit à la tête
de ses compatriotes, et, dans une seule bataille, écrasa l'élite
de ces beaux jeunes gens que le pli d'une feuille de rose
empêchait de dormir et qui avaient fait tuer, à une lieue à la
ronde de Sybaris, tous les coqs, qui, en chantant, les empêchaient
de reposer.
Six fois Milon remporta la victoire aux jeux Pythiques, et
sept fois aux jeux Olympiques. Il montait sur un disque que
l'on avait huilé pour le rendre glissant, et les plus vigoureux ne
pouvaient, non-seulement le faire descendre, mais Téhranler par
8 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
les plus fortes secousses. Il nouait une corde de la grosseur du
doigt autour de sa tête et la faisait éclater en enflant les muscles
de son front. Il prenait une grenade dans sa main, et, sans la
serrer assez fort pour la briser, il défiait ses rivaux de lui faire
bouger un seul doigt. — Un jour qu'il assistait aux leçons de
Pythagore, son compatriote, les colonnes de la salle menaçant
tout à coup de se rompre, il avait soutenu la voûte de ses deux
mains, donnant aux auditeurs le temps de s'éloigner. — Un autre
jour, aux jeux Olympiques, et c'est par là qu'il rentre dans
notre domaine, il chargea sur ses épaules un jeune taureau, le
porta pendant l'espace de cent vingt pas , l'assomma d'un coup
de poing, le fit rôtir, et le mangea tout entier le même jour. —
En général, il absorbait à son dîner dix-huit livres de viande,
vingt livres de pain, quinze litres de vin.
Un de ses amis avait fait couler en bronze sa statue. Comme
on était embarrassé de la conduire au lieu où elle devait être
placée, il la prit sur ses épaules et la déposa sur son piédestal.
On sait comment il mourut.
Vieux, il se promenait dans une forêt; il trouva un tronc
d'arbre qu'un bûcheron avait essayé de fendre. Il introduisit ses
deux mains dans l'ouverture et tira en sens opposés; mais le tronc
fit ressort, se referma; et Milon eut les mains prises sans pouvoir
les retirer.
Il fut, dans cette position, déchiré par les loups.
A Milon finissent les temps fabuleux et commencent les
temps héroïques.
Ce qui nous empêche de croire que l'histoire de Milon fut
une fable, c'est la belle statue de Puget, qui orne le musée du
Louvre et qui représente cette mort. Aux loups dévorants, le
statuaire a substitué un lion, autorisé à cette substitution par
une variante de la légende.
L'homme doit manger assis.
Il a fallu tout le luxe et toute la corruption de l'antiquité
pour amener les Grecs, puis les Romains, à manger couchés.
QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
Chez Homère, — et ses héros ont bon appétit, — les Grecs
et les Troyens mangent assis et sur des sièges séparés.
Quand Ulysse arrive au palais d'AlcinoUs, le prince lui £tit
apporter une chaise magnifique et ordonne à son -fils Laodamas
de lui faire place.
Les Egyptiens, dit Apollodore dans Athénée, s'asseyaient à
table pour manger.
Enfin, à Rome, Ton s'assit à table jusqu'à la fin de la seconde
guerre punique, qui se termina deux cent deux ans avant Jésus-
Christ.
Ce furent les Grecs qui donnèrent l'exemple de ce luxe
incommode. Ils faisaient, de temps immémorial, de splendides
festins, couchés sur des lits magnifiques.
Hérodote décrit un de ces festins, qui lui a été raconté par
Thersandre, un des convives. Ce festin est celui qui fut donné par
le Thébain Ortagène, quelques jours avant la bataille de Platée.
n y eut ceci de remarquable, qu'il y invita le général perse
Mardonius et les principaux d'entre les Perses, jusqu'au nombre
de cinquante.
A ce repas, cinquante lits tinrent dans la même chambre,
et sur chacun de ces lits étaient couchés un Grec et un Perse.
Or, la bataille de Platée a eu lieu quatre cent soixante-dix-
neuf ans avant Jésus-Christ.
La mode des lits était donc en vogue chez les Grecs deux
cent soixante-dix-sept ans au moins avant de l'être chez les
Romains.
Varon, le savant bibliothécaire, nous apprend que les con-
\îves étaient d'habitude trois ou neuf chez les Romains. Autant
que les Grâces, pas plus que les Muses.
Chez les Grecs, les convives étaient quelquefois sept, en
l'honneur de Pallas.
Ce chiffre sept^ stérile dans la supputation, était consacré à
la déesse de la Sagesse, comme le symbole de la virginité.
Mais c'était surtout le nombre dix que les Grecs aimaient,
parce qu'il était rond.
Platon était pour le nombre vingt-huit, en faveur de Phœbé,
qui accomplit son cours en vingt-huit jours.
lo QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
L'empereur Varus voulait à sa table douze convives, en
l'honneur de Jupiter, qui met douze aps à faire sa révolution
autour du Soleil.
Auguste,* sous le règne duquel la femme commence à prendre
place dans la société romaine, avait habituellement douze
hommes et douze femmes, en souvenir des douze Dieux et des
douze Déesses.
En France, tous les nombres sont bons, hors le nombre
treize.
Lorsque Hortensius fut nommé augure, il donna un grand
dîner. Ce fut à ce dîner que Ton servit, pour la première fois, un
paon avec toutes ses plumes.
Dans les repas de cérémonie, il y avait toujours un plat
composé de cent petits oiseaux, ortolans, becfigues, rouges-
gorges et alouettes.
Plus tard on fit mieux. On ne servit plus que des langues
d'oiseaux qui avaient parlé ou chanté.
Dans les repas invités, chaque convive apportait sa serviette.
De ces serviettes, quelques-unes étaient de toile d'or.
Moins fastueux, Alexandre Sévère avait des serviettes de
toile rayée, qu'on faisait pour lui seul.
Trimalcion, le célèbre gourmand chanté par Pétrone, avait
des serviettes de toile, mais des essuie-mains de laine.
Héliogabale en avait de toile peinte.
Trébellius PoUion nous apprend que Gallia ne se servait
que de nappes et de serviettes de drap d'or.
Les Romains mangeaient à peu près les mêmes viandes que
nous : le bœuf, le mouton, le veau, le cabri, le porc et l'agneau,
la volaille de basse-cour, poulets, poulardes, canards, chapons,
paons, oies, phénicoptères, poules, coqs, pigeons, en bien plus
grande quantité qu'aujourd'hui, moins le dindon qui, quoique
connu sous le nom de méléagride, était une curiosité plutôt
qu'un aliment.
On se rappelle que ce sont les oies qui, l'an 390 avant Jésus-
Christ, sauvèrent le Capitole.
LucuUus rapporta du Phase à ses compatriotes le faisan ,
la cerise et la pèche.
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. ii
Le francolin était Toiseau de leur préférence, et ceux qa'ils
préféraient entre les francolins venaient d'Ionie et de Phrygie.
Ils mangeaient avec délices nos grives et nos merles, mais
seulement dans la saison du genièvre.
Tous les gibiers leur étaient connus : Tours, le sanglier, le
chevreuil, le daim, le lapin, le lièvre, la perdrix et même le
loir.
Tous les poissons qui font encore aujourd'hui la richesse de
la Méditerranée leur étaient connus. Des Romains riches avaient
des relais d'esclaves depuis la mer jusqu'à Rome.
Ces relais apportaient les poissons vivants, dans des baquets
d'eau qu'ils tenaient sur la tête.
Le grand luxe des amphitryons était de présenter vivants à
leurs convives les poissons qu'ils allaient manger.
Ceux de belle couleur, comme la dorade et le rouget, étaient
déposés sur des tables de marbre où on les regardait mourir en
suivant avec volupté la dégradation des couleurs amenée par
leur agonie.
Les riches Romains avaient dans leurs viviers d'eau douce et
de pleine mer des poissons privés, qui venaient à leur voix et qui
mangeaient à la main.
On se rappelle cette anecdote fort exagérée de Pollion, frère
du protecteur de Virgile, qui, ayant Auguste à dîner chez lui,
voulut faire jeter aux murènes un esclave qui avait cassé un vase
de verre.
Le verre bien fabriqué était encore fort rare du temps d'Au-
guste.
L'esclave s'échappa des mains de ceux qui l'entraînaient
vers le vivier et vint se jeter aux pieds de l'empereur.
Auguste, furieux que Ion estimât la vie d'un homme, fût-
ce celle d'un esclave, au-dessous d'une carafe, ordonna de briser
tous les vases de verre que l'on trouverait chez Pollion, afin que
les esclaves ne courussent plus risque d'être jetés aux murènes
pour les avoir cassés.
L'esturgeon, qui leur venait de la mer Caspienne, était aussi
fort estimé des Romains.
On sait l'histoire de ce magnifique turbot, sur la sauce du-
12 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
qujtt l'empereur Domitien consulta le sénat, et qui fut, à l'una-
nimité, mis à la sauce piquante.
Enfin, Athénée nous apprend que ce que Ton recherchait
le plus dans un repas, c'étaient les lamproies de Sicile, le ventre
des thons pris sur le promontoire de Raquinium, les chevreaux
de l'île de Mélos, les mulets de Symète, les clovis et les prayres
de Pélase, les harengs de Lyparie, les radis de Mantinée, les
navets de Thèbes et les betteraves d'Asie.
Maintenant, on peut se figurer quels caprices culinaires pas-
saient par la tête d'hommes tels que Xerxès, Darius, Alexandre,
Marc- Antoine, Héliogabale, lorsqu'ils se voyaient maîtres du
monde et ignoraient eux-mêmes leurs richesses.
Quand Xerxès demeurait un jour dans une ville, qu'il y
dînait et qu'il y soupait, les habitants appauvris s'en ressentaient
un an ou deux, comme s'il y eût eu stérilité dans la province.
Darius , pour prendre ses repas dans telle ou telle ville
réputée pour sa bonne chère , se faisait parfois accompagner de
douze ou quinze mille hommes. Il en résultait qu'un dîner ou
un souper de Darius coûtait près d'un million à la ville qui
avait l'honneur de le recevoir.
Alexandre, assez sobre jusqu'à son arrivée dans l'Inde, vou-
lut dépasser, une fois qu'il y fut, les rois qu'il avait vaincus.
Il proposait des combats de bouteilles avec des prix pour
le vainqueur; et,- quoiqu'on ne combattît qu'à coups de verre,
dans un de ces combats trente-six convives moururent asphyxiés.
Nous avons nommé Marc- Antoine ; grâce à Plutarque, ses
festins d'Alexandrie sont devenus classiques. Cléopàtre, dont il
était rhôte, désespérant d'atteindre une pareille magnificence,
fit dissoudre dans du citron une des perles pendues à ses oreilles
et l'avala. Cette perle, qui pesait vingt-quatre carats, était estimée
à six millions de sesterces. Elle allait faire fondre l'autre, lors-
qu'elle en fut empêchée par Antoine lui-même.
Héliogabale, cet empereur venu de Syrie, qui entra dans
Rome sur un char traîné par des femmes nues, avait un historio-
graphe, rien que pour décrire ses repas. N'avait-il pas raison,
puisqu'il n'en fit jamais un qui coûtât moins de soixante marcs
d'or, c'est-à-dire cinquante mille francs de notre monnaie?
QUELQUES xMOTS AU LECTEUR. 13
Il se faisait faire des pâtés de langues de paons, de rossi-
gnols, de corneilles, de faisans et de perroquets.
Ayant entendu dire qu'il existait en Lydie un oiseau unique,
le phénixy il voulait le manger, et promettait deux cents marcs
d'or à celui qui le lui apporterait.
Il nourrissait ses chiens, ses tigres et ses lions avec des fai-
sans, des paons et des perdrix.
Il ne buvait jamais deux fois dîins le même vase; et cepen-
dant tous les vases de sa maison étaient d'or et d'argent pur.
Enfin, il brûlait du baume de Judée et d'Arabie au lieu de
cire et d'huile.
Sa folie allait plus loin encore.
Il donnait des repas où il conviait huit bossus, huit boiteux,
huit chauves, huit goutteux, huit sourds, huit noirs, huit blancs,
huit maigres, huit gras. Puis, du haut d'une galerie, entouré de
ses courtisans, il regardait cette étrange assemblée.
Il est à remarquer que tous ces grands prodigues sont morts
jeunes et de mort tragique.
Xerxès fut tué par le capitaine de ses gardes, Artaban.
Darius fut assassiné par Bessus, satrape de la Bactriane.
Alexandre fut empoisonné par Antipater.
Marc- Antoine se passa une épée au travers du corps.
Cléopàtre se fit piquer par un aspic.
Et enfin Héliogabale, qui avait tout préparé pour sa mort,
s'attendant bien à périr dans quelque émeute, Héliogabale qui
avait fait paver une cour de porphyre pour s'y précipiter du haut
de son palais, qui avait fait creuser une émeraude pour y ren-
fermer du poison , qui avait fait emmancher un poignard d'acier
dans une poignée d'or ciselée et toute garnie de diamants pour se
poignarder, qui avait fait tisser une corde d'or et de soie pour
s'étrangler, Héliogabale, surpris par ses assassins dans les latrines,
s'étouffa avec l'éponge dont, dit Montaigne dans son langage
naïf, les Romains se torchoyoient le derrière.
Et ces rois si riches rencontraient parfois des sujets aussi
riches qu'eux. L'histoire nous a conservé le nom d'un certain
Pithius qui , n'étant ni roi ni prince, n'ayant aucun titre ni au-
cune dignité, donna à manger à toute l'armée de Xerxès, fils
14 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
de Darius, laquelle armée était de sept cent quatre-vingt mille
hommes. Et comme le grand roi, apprenant cela, s'étonnait d'a-
voir un hôte si riche, Pithius offrit au roi, suivant Pline etBudée,
de soudoyer et de nourrir son armée pendant cinq mois.
* *
Nous avons dit que les premiers grands et beaux dîners
furent donnés par les Grecs. Les fêtes religieuses en fournirent
l'occasion.
En effet, où devaient-ils naître, si ce n'est chez un peuple
gai, d'un esprit charmant, complètement inoccupé ou occupé
d'œuvres d'art, laissant à ses esclaves le soin de prévoir les né-
cessités matérielles de la vie?
On dînait sur des tables ciselées avec ce goût élevé des
artistes grecs.
Les lits destinés aux repas étaient ornés d'écaillés de tortue,
d'ivoire et de bronze ; dans quelques-uns même étaient incrustées
des perles et des pierreries.
Les matelas étaient de pourpre, brochés d'or.
Les coupes, les tasses, les gobelets de toutes espèces, les vases
de toutes formes étaient travaillés par les artistes les plus re-
nommés.
Les plus beaux étaient de Thériclès.
Les échansons, qui remplissaient auprès des Grecs l'office de
Ganymède et d'Hébé près des dieux, étaient de jeunes garçons
ou de belles jeunes filles qui avaient l'ordre de ne rien refuser
aux convives. Ils avaient le visage peint et fardé, les cheveux
coupés en cercle. Leurs tuniques d'étoffe transparente, ceintes au
milieu du corps par un ruban, étaient taillées pour tomber jus-
qu'aux pieds; mais, en la tirant par le haut, ils la relevaient jus-
qu'aux genoux.
Ce fut dans ces élégants dîners que se forma la conversation
grecque, cette conversation qui fut copiée depuis par tous les
peuples, et dont la nôtre était, assure-t-on, avant l'introduction
du cigare, une des plus vives et des plus rapides copies.
De là le mot sel attique.
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 15
Les vins de Corinthe, les vins de Samos, les vins de Chios
et de Ténédos arrosèrent cet art naissant de la conversation.
Ces vins sucrés grisaient délicieusement les Grecs, et, au
dessert, les entraînaient vers ce monde dont Cnide, Paphos et
Cythère étaient les capitales.
C'est à cet entraînement, c'est à ces beaux et à ces belles
esclaves, à qui il était défendu de rien refuser aux convives^ que
Ton doit, selon toute probabilité du moins, la substitution du
lit aux chaises et aux bancs.
D'ailleurs, d'autres que ces esclaves assistaient encore à ces
festins. Tout au contraire des Anglais, qui font sortir les femmes
au dessert, c'était au dessert qu'entraient en souveraines, à Athènes
et à Corinthe, ces belles courtisanes : Aspasie, Laïs, Phryné.
A Corinthe, elles étaient si riches, qu'après la destruction de
la ville elles offrirent, sous certaines conditions, de la rebâtir à
leurs frais.
Polybe parle d'un citoyen d'Athènes, Archétraste, que le mar-
qnis de Cussy compare au grand artiste en cuisine contempo-
raine que l'on nomme Carême.
Archétraste fit non-seulement beaucoup de théorie culinaire,
mais il appliqua son génie à l'exécution.
Il avait parcouru à pied les contrées les plus fertiles du
inonde, pour voir de près les produits des différentes latitudes.
Il en avait rapporté à Athènes toutes les possibilités culi-
naires du temps.
La nature l'avait doué d'un appétit d'enfer, d'un estomac
d'acier et d'un inépuisable esprit.
Il mangeait énormément et digérait vite.
Et cependant il demeura si maigre, que, au dire toujours de
Polybe^ on voyait une lumière au travers de son corps.
4t 1»
L'histoire nomme quelque» élus et même quelques élues
qui jouissaient du même privilège, grâce à leur maladie, la bou-
limie.
La comédienne Aglais, il y a environ deux mille trois cents
i6 QUELQUES MOTTS AU LECTEUR.
ans, mangeait à son souper dix livres de viande, douze pains
d'une livre chacun, et arrosait le tout de six bouteilles de
vin.
Une autre femme grecque , du nom d'Alis , provoquait les
hommes à des défis de table, et, pas une fois, elle ne fiit battue
par les plus grands mangeurs du temps.
Théodoret raconte qu'une femme de Syrie, pays où Ton ne
vit guère que de poules, mangeait tous les jours trente poules
et vingt pains, sans pouvoir se rassasier.
Le comédien Thangon mangea, devant l'empereur Aurélien,
un sanglier, un mouton, un jeune porc et un cochon de lait; il
mangea de plus cent pains et but une barrique de vin pouvant
contenir cent bouteilles de notre époque.
L'empereur Claudius Albinus mangea, un jour, à son dé-
jeuner, cinq cents figues, cent pêches, dix melons, cent becfigues,
quatre douzaines d'huîtres et dix livres de raisin.
L'empereur Maximin mangeait, chaque jour, quarante livres
de viande, buvait quatre-vingts pintes de vin. Il avait huit pieds
de haut, il est vrai, et était gros à l'avenant : les bracelets de sa
femme lui servaient de bagues, et sa ceinture de bracelet.
*
Athènes, avec ses vins sucrés, ses fruits, ses fleurs, ses
pâtisseries, ses desserts, qui étouflàient le dîner, n'eut jamais ce
que les Romains appelèrent la grande cuisine.
Rome mangea mieux, et surtout plus substantiellement
qu'Athènes : ce qui ne l'empêcha pas, chose bizarre, d'avoir autant
d'esprit qu'elle.
Ses premiers cuisiniers furent grecs ; mais, vers la fin de la
République, aux temps de Sylla, de Pompée, de LucuUus et de
César, la cuisine romaine prit son développement, et surtout
atteignit toute sa délicatesse.
Tous ces ravageurs du monde, qui allaient porter le nom et
les fers de Rome au nord , au midi , à l'orieiit et à l'occident,
emmenaient avec eux leurs cuisiniers; et ceux-ci rapportaient
I
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 17
de tous les pays à Rome les plats qu'ils avaient jugés dignes
d'une table romaine.
De même que Rome eut un Panthéon pour tous les dieux,
elle eut un temple pour toutes les cuisines.
Antoine, saïisfait un jour plus que de coutume de son cui-
sinier, le fit venir au dessert et lui donna une ville de trente-cinq
mille habitants.
Ce sont les Romains qui inventèrent les écuyers tranchants.
Ceux de LucuUus recevaient jusqu'à vingt mille francs par an.
Chaque mangeur avait ses parfums et ses esclaves.
Les fleurs étaient renouvelées à chaque service.
£>e moment en moment, les parfums étaient ranimés.
Des hérauts proclamaient à haute voix la qualité des vins
servis.
Des officiers de bouche avaient des secrets pour ranimer les
appétits.
Carthage, que l'on avait constamment refusé de rebâtir, fut
renouvelée sous Auguste avec le nom de Seconde Carthage, et
rétablie uniquement, dit Érasme, à cause de sa cuisine ancienne
et du goût exquis qu'avaient montré ses artistes dans le travail
des pièces ciselées en or et en argent.
Un jour, l'empereur Claude appela ses porteurs, monta
dans sa litière et se fit porter tout courant au sénat, comme
s'il avait une communication importante à faire aux pères con-
scrits.
« Pères conscrits, s'écria-t-il en entrant, dites-moi : serait-il
possible de vivrç, si l'on n'avait pas le petit salé ? »
Le sénat, étonné, commença par réfléchir, puis déclara, à
l'unanimité, qu'en effet la vie serait privée de ses premières
délices si elle n'avait pas le petit salé.
Un autre jour, il était sur son tribunal; car, on le sait,
Claude aimait à rendre la justice, juste ou non.
On plaidait devant lui une cause des plus importantes;
aussi, le coude sur la table, le menton dans la main, parut-il
tomber dans une rêverie profonde.
Tout à coup, il fit signe qu'il voulait parler. L'avocat se tut.
I^s plaideurs écoutèrent.
i8 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
« Oh ! mes amis, dit Tempereur, rexcellente chose que les
petits pâtés! Nous en mangerons à dîner, n'est-ce pas? »
Dieu fit la grâce à ce digne empereur de mourir comme il
avait vécu, en glouton, d'une indigestion de champignons. Il
est vrai que , pour lui faciliter le vomissement , on lui frotta le
gosier avec les barbes d'une plume empoisonnée.
Il y eut à Rome, on le sait, trois Apicius :
L'un, qui vivait sous la République, du temps deSylla;
Le second, sous Auguste et Tibère;
Le troisji^e, sous Trajan.
C'est du second, c'est-à-dire de Marcus-Gabius, que parlent
Sénèque, Pline, Juvénal et Martial.
C'était à lui que Tibère envoyait de Caprée les turbots qu'il
n'était pas assez riche pour acheter.
Il passa presque dieu pour avoir trouvé le moyen de con-
server les huîtres fraîches.
Riche à deux cent millions de sesterces, cinquante millions
de francs, il en dépensa plus de quarante pour sa table seule.
Un beau jour, la fatale idée lui vint de faire ses comptes.
Il appela son intendant. Il n'avait plus que dix millions de
sesterces, deux millions et demi de notre monnaie. Il se trouva
tellement ruiné avec deux millions et demi, qu'il ne voulut pas
vivre un jour de plus. Il se mit dans un bain et se fit ouvrir les
veines.
Il reste de lui un souvenir, si ce n'est un fait.
Ce souvenir est un traité de cuisine intitulé De re culinaria ;
mais la paternité de ce livre lui est contestée. Il serait, disent
des savants, d'un nommé Cœlius, qui, par admiration , se serait
fait nommer Apicius.
J'habitais, à Naples, le petit palais Chiatamone. J'étais juste
sur l'emplacement du palais de LucuUus, à qui appartenait toute
cette plage occupée aujourd'hui par le château de l'Œuf.
A la marée basse je voyais encore sur les rochers la trace
des conduits qui amenaient l'eau au vivier de LucuUus.
C'est là qu'il se reposa de ses fameuses campagnes contre
Mithridate et contre Tigrane, qui firent de lui le plus riche des
Romains.
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 19
►
11 avait, sur le golfe de Naples, deux palais, celui que je
viens d'indiquer, et un autre au-dessus de Mergellina, puis un
troisième à Tile de Nisida, où sont aujourd'hui le Lazaret et le
palais de la reine Jeanne.
Pour communiquer de l'un de ces palais à l'autre, il lui
fallait faire une demi-lieue en contournant la montagne. Il trouva
plus court de la faire percer.
Il allait ainsi en quelques minutes et fraîchement de sa villa
de Mergellina à sa villa de Nisida.
C'est à sa villa du château de l'Œuf que Cicéron et Pompée
résolurent un jour de venir lui demander à dîner, mais sans lui
permettre de faire pour eux aucun extra.
Ils arrivèrent chez lui à Timproviste, lui déclarèrent leur
intention, et ne le laissèrent donner aucun ordre, excepté celui
de mettre deux couverts de plus.
LucuUus fit venir son majordome et ne lui dit que ces
paroles :
« Deux couverts de plus dans le salon d'Apollon. »
Or, le majordome savait que dans le salon d'Apollon la
dépense était pour chaque convive de vingt-cinq mille sesterces,
six mille francs.
Ils n'eurent donc que ce que LucuUus appelait un petit
diner, dîner de six mille francs par tête.
Un autre jour, par un hasard incroyable, LucuUus n'avait
invité personne à s'asseoir à sa table.
Son cuisinier vint lui demander ses ordres.
a Je suis seul , » dit LucuUus.
Le cuisinier, pensant qu'un dîner de dix ou douze mille
sesterces, deux mille cinq cents francs, pourrait suffire, agit en
conséquence.
Le dîner fini, LucuUus le fît venir, et le gronda vigoureuse-
ment.
Le cuisinier s'excusa, lui disant
« Mais, seigneur, vous étiez seul.
— C'est justement les jours où je suis seul à table, dit
LucuUus, qu'il faut soigner mon dîner : car, ce jour-là, LucuUus
dîne chez LucuUus. »
ao QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
•
* 1
Ce luxe alla toujours en augmentant jusqu'à la un du
IV* siècle.
Ce fut alors qu'on entendit un grand bruit au fond des con-
trées inconnues : au nord, à l'orient, au midi, avec un grand
fracas se levaient des hordes innombrables de barbares qui rou-
laient à travers le monde.
Les un» à pied, les autres à cheval, ceux-là sur des cha-
meaux, ceux-ci sur des chars traînés par des cerfs. Les fleuves
les charriaient sur leurs boucliers, la mer les apportait sur des
barques. Ils chassaient devant eux les populations avec le fer des
épées, ainsi que les bergers poussent les troupeaux avec le bois
de la houlette. Ils renversaient nations sur nations, comme si
la voix de Dieu avait dit : a Je mêlerai les peuples du monde
comme Touragan mêle la poussière. »
C'étaient des convives inconnus et insatiables, qui venaient |
s'asseoir aux grands repas où les Romains dévoraient le |
monde.
C'est d'abord Alaric, à la tête des Goths, s'avançant au milieu
de l'Italie, emporté par le souffle de Jéhovah, comme un vaisseau
par celui de la tempête.
(( Il va ! »
Ce n'est pas sa volonté qui le conduit, c'est un bras qui le
pousse.
« Il va ! » .j
Vainement un moine se jette sur son chemin et tente de
l'arrêter :
« Ce que tu me demandes n'est point en mon pouvoir, lui
répond le barbare ; quelque chose me presse d'aller renverser
Rome. »
Trois fois il enveloppe la Ville éternelle du flot de ses soldats ; j
trois fois il recule comme une marée qui redescend. •
Les ambassadeurs vont à lui, l'engageant à lever le siège.
Ils lui disent qu'il lui faudra combattre une multitude trois
fois aussi nombreuse que son armée.
,
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 21
« Tant mieux, leur répond le moissonneur d'hommes, plus
l'herbe est serrée, mieux elle se fauche. »
Enfin, il se laisse persuader et promet de se retirer, si on lui
donne tout Tor, tout Fargent, toutes les pierreries, tous le$
esclaves barbares qui se trouvent dans la ville.
n Et que restera-t-il donc aux habitants ?
— La vie, » répond Alaric.
On lui apporta cinq mille livres d'or, trente mille livres
d'argent, quatre mille tuniques de soie, trois mille peaux écar-
lates et trois mille livres de poivre.
Les Romains, pour se racheter, avaient fondu jusqu'à la
statue d'or du Courage.
Puis, c'est Genseric, à la tête des Vandales, traversant
l'Afrique et marchant vers Carthage, où se sont réfugiés les
débris de Rome ;
Vers Carthage la prostituée! où les hommes se couronnent
de fleurs, s'habillent comme des femmes, et, la tête voilée, cour-
tisanes étranges, arrêtent les passants pour leur offrir leurs
monstrueuses faveurs.
Il arrive devant la ville. Pendant que l'armée monte sur
les remparts, le peuple descend au Cirque. Au dehors, le fracas
des armes; au dedans, le bruit des jeux. Ici, la voix des chan-
teurs; là bas, le cri des mourants. Au pied des murailles, la
malédiction de ceux qui glissent dans le sang et qui meurent;
sur les gradins de l'amphithéâtre, les chants des comédiens et le
son des flûtes qui les accompagnent. Enfin, la ville est prise.
Genseric vient lui-même ordonner aux gardiens d'ouvrir les
portes du Cirque.
« A qui ? demandent-ils.
— Au roi de la terre et de la mer, » répond le vainqueur.
Mais bientôt il éprouve le besoin de porter ailleurs le fer
et la flamme. Il ne sait pas, le barbare, quels peuples couvrent
la surface du globe et il veut les détruire. Il se rend au port,
enAarque son armée, monte le dernier sur ses vaisseaux.
« Où allons-nous, maître } dit le pilote.
— Où Dieu me poussera !
— A quelle nation allonsHious faire la guerre >
aa QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
— A celle que Dieu veut punir, n
C'est eniin Attila : que sa mission appelle dans les Gaules;
dont le camp» chaque fois qu'il s'arrête, couvre un espace de trois
milles ; qui fait veiller un roi captif à la porte de chacun de ses
généraux et un de ses généraux à sa tente; qui, dédaigneux des
vases d'or et d'argent de la Grèce, mange des chairs saignantes
dans des assiettes de bois.
Il s'avance et couvre de son armée les pacages du Danube.
Une biche lui montre le chemin à travers les Palus Méotides
et disparaît. Il passe comme un torrent sur l'empire d'Orient,
enjambe avec dédain Rome déjà ruinée par Alaric, puis enfin
met le pied sur cette terre qui est aujourd'hui la France : et
deux villes seulement, Troyes et Paris, restent debout.
Chaque jour le sang rougit la terre, chaque nuit Tincendie
rougit le ciel. Les enfants sont suspendus aux arbres par le nerf
de la cuisse et abandonnés aux oiseaux de proie. Les jeunes
filles sont étendues en travers des ornières, et des chariots chargés
passent sur elles ; les vieillards sont attachés au cou des che-
vaux, et les chevaux aiguillonnés les emportent avec eux. Cinq
cents villes brûlées marquent le passage du roi des Huns à tra-
vers le monde; le désert s'étend à sa suite, comme son tribu-
taire ; l'herbe même ne croît plus, dit l'exterminateur, partout
où a passé le cheval d'Attila.
Tout est extraordinaire dans les envoyés de ces vengeances
célestes : naissance, vie et mort.
Alaric, prêt à s'embasquer pour la Sicile, meurt à Cosenza.
Alors ses soldats, à l'aide d'une troupe de captifs, détournent le
cours du Buzento, leur font creuser une fosse pour leur chef au
milieu de son lit desséché, y jettent sous lui, autour de lui, sur
lui, de l'or, des pierreries, des étoffes précieuses ; puis, quand la
fosse est comblée, ils ramènent les eaux du Buzento dans leur
lit ; le fleuve passe sur le tombeau ; et, sur les bords du fleuve, ils
égorgent jusqu'au dernier des esclaves qui ont servi à l'œuvre
funéraire, afin que le mystère de la tombe reste un secret entre
eux et les morts.
Quinze cents ans après cet événement, je traversais la Cala-
bre au milieu du tremblement de terre qui venait de la secouer
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 23
de fond en comble; le Buzento avait disparu tout entier dans
une immense gerçure de la terre, le lit était à sec de nouveau;
je m'arrêtai à une auberge qu'on appelait le Repos d'oâlaric^ et de
la fenêtre je voyais toute une multitude remuant la terre mise à
nu, pour retrouver cette tombe d'Alaric^ qui contenait un cadavre
enseveli dans des richesses suffisantes pour enrichir un peuple.
Quant à Attila, il expire entre les bras de sa nouvelle épouse
Ildico ; et les Huns se font avec la pointe de leurs épées des inci-
sions au-dessous des yeux, afin de ne pas pleurer leur roi avec
des larmes dé femme, mais avec du sang d'homme. L'élite de ses
cavaliers tourne autour de son corps, tout le jour, en chantant des
chants guerriers ; puis, quand la nuit est venue, le cadavre enfermé
dans trois cercueils, le premier d*or, le second d'argent, le troi-
sième de fer, est mystérieusement déposé dans la tombe sur un
lit de drapeaux, d'armes et de pierreries ; et, afin que nulle cupi-
dité humaine ne vienne profaner tant de richesses funéraires, les
ensevelisseurs sont poussés dans la tombe et enterrés avec l'en-
seveli.
Ainsi passèrent, au milieu de l'orgie romaine qu'ils éteigni-
rent dans le sang, ces hommes qui, instruits de leur mission par
un instinct sauvage, devancèrent le jugement du monde en s'inti-
tulant le marteau de l'univers ou le fléau de Dieu *.
Puis, quand le vent eut emporté la poussière qu'avait sou-
levée la marche de tant d'armées ; quand la fumée de tant de
villes incendiées fut remontée au ciel ; quand les vapeurs qui s'éle-
vaient de tant de champs de bataille furent retombées sur la terre
en rosée fécondatrice ; quand l'œil, enfin, put distinguer quelque
chose au milieu de cet immense chaos, il aperçut des peuples
jeunes et renouvelés se pressant autour de quelques vieillards
qui tenaient d'une main l'Évangile et de l'autre la croix.
h^ vieillards, c'étaient les Pères de l'Eglise.
Ainsi mourut, au commencement du v* siècle, au temps de
saint Chrysostome, cette civilisation qui avait donné tant de beaux
jours à l'empire romain. L'odeur des festins de Trimalcion, de
I. Voir Chateaobrund, Essais historiques, dont tout ce passage n'est qa'une pâle
imitation.
L
24 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
Lucullus, de Domirien, d'Héliogabale, qui avait éveillé l'appétit
des barbares, tout fut perdu.
Les incursions des nations fauves, qui durèrent pendant près
de trois siècles, jetèrent sur la civilisation antique une nuit pro-
fonde.
« Lorsqu'il n'y eut plus de cuisine dans le monde, il n'y eut
plus de littérature, d'intelligence élevée et rapide, il n'y eut plus
d'inspiration, il n'y eut plus d'idée sociale, » dit Carême.
Heureusement que des parcelles de la grande recette géné-
rale s'étaient éparpillées sur le monde. Le vent en jeta des
fragments dans les cloîtres. C'est là que le feu de l'intelligence se
réveilla. Les moines l'attisèrent et éveillèrent de nouveaux phares.
Ceux-ci jetèrent toute leur lumière sur la société nouvelle et la
fécondèrent.
Gênes, Venise, Florence, Milan, Paris enfin, qui héritent
des nobles passions de l'art, deviennent des cités opulentes et
ressuscitent la gastronomie.
C'était là qu'elle s'était éteinte, c'était là qu'elle devait
renaître.
Rome, privilégiée entre toutes les villes, eut deux civilisa-
tions, toutes les deux brillantes : sa civilisation guerrière, sa civi-
lisation chrétienne.
Après le luxe de ses généraux et de ses empereurs, elle eut
celui de ses cardinaux et de ses papes.
L'Italie regagnait par le commerce les richesses qu'autrefois
elle avait conquises par les armes. Comme elle avait eu ses gour-
mands païens, ses Lucullus, ses Hortensius, ses Apicius, ses
Antoine, ses Pollion, elle a ses gourmands chrétiens, son Léonard
de Vinci, son Tintoret, son Titien, son Paul Véronèse, son
Raphaël, son Baccio Bandinelli, son Guido Reni; si bien qu'elle
n'est bientôt plus assez grande pour contenir cette civilisation
nouvelle et qu'elle déborde sur la Francis.
La France était fort arriérée à l'endroit de la cuisine. Seuls,
nos excellents vins, quoique n'étant point arrivés au degré de
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 25
perfection qu'ils ont atteint aujourd'hui, étaient supérieurs aux
vins de la vieille Rome et de la nouvelle Italie.
Mais par bonheur, au milieu de-cette dispersion des peuples,
au milieu de cette inondation de barbares, les couvents étaient
restés comme des lieux de refuge où s'étaient cachés les sciences,
les arts et les traditions de la cuisine. Seulement la cuisine, de
païenne qu'elle était, s'était faite chrétienne et avait subi sa divi-
sion en gras et en maigre.
Ce l^ixe de table que nous trouvons dans les tableaux de
Paul Véronèse, particulièrement dans celui des Noces de Cana,
passa en France avec Catherine de Médicis, et alla toujours
augmentant sous les règnes de François II, de Charles IX et
de Henri III.
Le linge, surtout le beau linge, ne fit que très-tard son
apparition en France. La propreté est le résultat et non le pré-
sage de la civilisation. Nos belles dames du xiii® et du xiv* siècle,
aux pieds desquelles s'agenouillèrent les Galaor, les Amadis et
les Lancelot du Lac, il faut bien l'avouer, non-seulement n'avaient
pas de chemises la plupart du temps, mais ne les connaissaient
point. Les nappes, déjà employées du temps d'Auguste, avaient
disparu, et n'étendirent sur nos tables leur blanche surface que
vers le xiii* siècle, et encore seulement chez les princes et
chez les rois.
Alors s'établit en France un usage singulier, celui de cou-
per la nappe devant ceux qu'on voulait défier ou à qui on voulait
faire un reproche de bassesse ou de lâcheté.
Charles VI, le jour de l'Epiphanie, avair à sa table plusieurs
convives illustres, parmi lesquels se trouvait Guillaume de Hai-
nault, courte d'Ostrevant. Tout à coup un héraut vint trancher la
nappe devant le comte, en lui disant qu'un prince qui ne portait
pas- d'armes n'était pas digne de manger à la table du roi.
Guillaume répondit que, comme les autres seigneurs, il
portait l'écu, la lance et Tépée.
« Non, sire, reprit le héraut, cela est impossible ; car votre
oncle a été tué par les Frisons, et jusqu'à ce jour cependant sa
mort est restée impunie ; certes, si vous possédiez des armes, il y
a longtemps qu'il serait vengé. »
26 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
Les serviettes ne furent en usage que quarante ans après
et sous le règne suivant.
Les Celtes, nos premiers.ancêtres, essuyaient leurs doigts aux
bottes de foin qui leur servaient de sièges. Les Spartiates mettaient
à côté de chaque convive un morceau de mie de pain destiné au
même usage. Avant les premières serviettes de toile, qui furent
faites à Reims, on s'essuyait les doigts avec des tissus de laine
qui n'étaient ni neufs, ni blanchis de la veille.
En 1793, lors des voyages de lord Macartney, 1^ Chinois
ne se servaient encore que de deux petits morceaux de bois pour
envoyer la nourriture dans leur bouche. La cuiller et la fourchette
furent à peu près bannies de France jusqu'au xvi* siècle, et leur
usage ne devint commun qu'au siècle dernier.
Saint Pierre Damien raconte avec horreur que la sœur de
Romain Argile, épouse d'un des fils de Pierre Orseléolo, doge de
Venise, au lieu de manger avec ses doigts, employait des four-
chettes et des cuillers dorées pour porter à sa bouche les. aliments,
ce qu'il regarde comme l'effet d'un luxe insensé qui appela le
courroux céleste sur sa tête -et sur celle de son époux. Tous deux
en effet moururent de la peste.
Les couteaux avaient de longtemps précédé les fourchettes,
dans la nécessité où. l'on était de dépecer les viandes que l'on ne
pouvait déchirer avec les doigts.
Quant aux verres , ils étaient connus des Romains , comme
le prouve l'histoire de PoUion que nous venons de rapporter.
Aujourd'hui les curieux et les voyageurs qui visitent Pompéi
peuvent s'assurer que l'emploi du verre était même assez commun
chez eux. Mais, après l'invasion des barbares, il -ne fut plus
connu que par tradition.
Vers le x*' ou xi« siècle avant Jésus-Christ , plusieurs mar-
chands de nitre traversant la Phénicie voulurent faire cruire leur
dîner au bord du fleuve Bellus ; ne trouvant pas de pierres à
leur portée , ils les remplacèrent par des morceaux de nitre ; la
matière s'embrasa, se fondit avec le sable, et forma de petits
ruisseaux d'une liqueur transparente qui , s'étant figée à quelques
pas de là, indiqua la manière de faire le verre.
Quelques auteurs prétendent qu'il fut inventé sous le règne
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 37
de Satil , et assurent que Salomon avait des verres à boire.
Du temps de Phèdre et d'Arîstote, quatre siècles à peu près
avant Jésus-Christ, le vin se conservait dans des amphores de
terre cuite contenant vingt-huit litres à peu près, ou dans des
peaux de bouc où le vin se de.sséchait tellement qu'on était obligé
de les racler, et de faire dissoudre, pour le boire, ce liquide
coagulé.
En Espagne il se conserve encore ainsi; ce qui lui donne
un goût aibominable que les Espagnols prétendent être un fumet
aussi appétissant que celui de notre bourgogne et de notre bor-
deaux. En France d'ailleurs, il n'est aucunement question de
bouteilles avant le xiv* siècle.
Quant aux épices, qui forment aujourd'hui le condiment
principal de toutes les sauces, elles commencèrent à devenir un
peu plus communes en France lorsque Christophe Colomb eut
découvert l'Amérique, et Vasco de Gama la route du Cap.
Mais, en 1263, ^^^^^ étaient encore si rares et si précieuses,
que l'abbé de Saint-Gilles en Languedoc, ayant une grande
faveur à demander au roi Louis le Jeune , ne crut pouvoir, mieux
le séduire qu'en faisant accompagner son placet par des cornets
d'épices.
On appelait épices, et cette locution $'e$t conservée, les
cadeaux qu'on faisait aux juges.
Dans un pays pr^que entouré par la mer, comme la
France, le sel eiKrft fout d'abord, et de tout^ antiquité, dans
lassaisonnement de la viande et des légumes.
Le poivre, au contraire, n'est connu que depuis cent quinze
ou cent vingt ans : M. Poivre, natif de Lyon, le transporta de
nie de F^-ance à la Cochinchine. Avant cette conquête, il se ven-
dait au poids de l'or; et les épiciers qui étaient assez heureux
pour en posséder quelques onces inscrivaient sur le devant de leur
magasin : Épicier^ Poivrier.
Il parait que le .poivre n'était pas si rare chez les anciens
Romains, puisque dans le tribut qu'Alaric leva sur Rome il y
en avait trois mille livres.
Les facultés intellectuelles parurent s'élever, par l'impulsion
des^ices, à une plus longue surexcitation. Est-ce aux épices que
28 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
nous devons TArioste, le Tasse, le Boccace? Est-ce aux épices
que nous devons les chefs-d'œuvre du Titien? Je suis tenté de le
croire : j'ai déjà dit que Léonard de Vinci, le Tintoret, Paul
Véronèse, Baccio Bandinelli, Raphaël et Guido Reni étaient des
gourmands distingués.
Ce fut surtout sous Henri III que les élégantes délicatesses
des tables florentines et romaines fleurirent en France : la nappe
était plissée et frisée comme une collerette depuis François I**".
Déjà, sous la troisième race, le luxe de l'argenterie avait dépassé
toutes les bornes, et il avait fallu qu'une ordonnance de Philippe
le Bel vînt le refréner ; sous ses successeurs d'autres ordonnances
tentèrent de le limiter, mais ne réussirent pas.
Au commencement du xvi* siècle, sous Louis XII et Fran-
çois I®^, on dînait à dix heures du matin; à quatre heures on
soupait; le reste de la journée était occupé par les soirées ou
les promenades. Dans le xvii® siècle, on dînait à midi, on sou-
pait à sept heures; et si l'on veut sous ce rapport voir quelque
chose de curieux et connaître une foule de plats oubliés ou
perdus, on peut lire les Mémoires du médecin Hérouard,
chargé d'enregistrer les déjeuners et les dîners du roi Louis XIII.
Au XVII* siècle , c'est-à-dire à Tépoqtre où l'on dînait à
midi, Iç cor, dans les grandes maisons, annonçait le moment
du dîner. De là une locution perdue; on disait : Corne^ le
dîner.
Des pages, et parfois la maîtresse de la maison et ses fllles,
présentaient aux convives des bassins d'argent qui servaient à
se laver les mains; cela fait, on prenait place à table, et en se
retirant on allait de nouveau se laver les mains dans une salle
voisine. Si le maître tenait à honorer particulièrement un con-
vive, il lui faisait passer sa propre coupe pleine. En Espagne,
encore aujourd'hui , la maîtresse de la maison , quand elle veut
vous faire une faveur , trempe ses lèvres dans son verre et vous
l'envoie pour que vous le buviez à sa santé.
Nos pères disaient que , pour se bien porter , il fallait s'eni-
vrer au moins une fois par mois.
Le commerce, en s'établissant le long des côtes depuis le
golfe du Bengale jusqu'à Dunkerque, changea complétenyent
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 29
Titinéraire des épices, qui nous arrivèrent de Tlnde, tandis que
celles qui nous venaient d'Amérique traversaient l'Atlantique.
Le commerce de l'Italie languit alors et disparut peu à peu ;
les découvertes scientifiques et surtout culinaires ne nous vinrent
plus des Vénitiens, des Génois, des Florentins, mais des Por-
tugais, des Allemands et des Espagnols. Bayonne, Mayence et
Francfort nous envoyèrent leurs jambons; Strasbourg fit fumer
ses saucisses et son lard, et nous en approvisionna; Amsterdam
nous expédia ses petits harengs, Hambourg son bœuf.
Ce fut au milieu de cette diffusion du bien-être matériel
que l'aristocratie féodale s'afikiblit et fit eau. Alors on jeta les
yeux, et des yeux avides, sur les biens , les jouissances qui rem-
plissaient l'existence des grands seigneurs. Mais, tout en pliant
sous la main des rois, l'aristocratie sut conserver son rang et
continua de tout effacer, à la cour et dans la société, par le luxe
de sa vie , de ses vêtements et de sa représentation. Elle accrut
sa dépense, remplit ses coffres avec l'argent de la bourgeoisie,
et se doubla d'une aristocratie d'argent et de hasard, qui rivalisa
avec l'aristocratie de naissance et de privilège.
Sur ces entrefaites, le café parut en France.
Un prêtre musulman avait remarqué que les chèvres de
l'Yénaen qui mangeaient des baies d'une planté croissant dans
cette contrée étaient plus joyeuses, plus vives et plus gaies que
les autres ; il torréfia ces baies, les moulut, en fit une infusion,
et découvrit le café tel que nous le prenons.
Malgré la prophétie de M"*" de Sévigné, le café continua à
être le diamant du dessert sous le règne de Louis XIV.
Les cabarets, qui furent les cafés primitifs et qui existaient
depuis longtemps, avaient commencé à assouplir nos mœurs. En
mangeant dans la même chaoabre , souvent à la même table , les
Français apprirent à vivre en frères et en amis.
La cuisine du siècle de Louis XIV fut soignée, somptueuse,
assez belle; et l'on commença de soupçonner le degré de délica-
tesse auquel elle pouvait arriver, à la table des Condé.
Le suicide de Vatel indique plutôt Thomme de l'étiquette
que Thommé du dévouement : laisser manquer le poisson dans
une saison où, grâce à la fraîcheur de l'atmosphère et à la glace
30 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
sur laquelle on Tétend, on peut conserver le poisson trois ou
quatre jours , c'est d'un homme imprévoyant qui ne va pas au-
devant, par rimagination , des accidents dont peut Técraser la
mauvaise fortune.
Ce fut sous le régent Philippe d'Orléans , c'est à ses petits
soupers, c'est aux cuisiniers qu'il forma, qu'il paya et traita si
royalement et si poliment, que nous devons l'excellente cuisine
du xviii* siècle. Cette cuisine, tout à la fois savante et simple, que
nous possédons aujourd'hui perfectionnée et complète, eut un
développement immense , rapide , inespéré. Loin d'obscurcir
l'intelligence , cette cuisine , pleine de verve , éveilla l'esprit en
le fouettant; et la conversation française, ce modèle des conver-
sations européennes, trouva, de minuit à une heure du matin,
entre la poire et le fromage , sa perfection à table.
Les grandes questions sociales qui se présentèrent alors éten-
dirent le cercle de la conversation jusqu'aux grandes questions
sociales qui avaient été renauées dans les siècles précédents et
furent reprises à table avec plus de raison , de lumière et de
profondeur par les Montesquieu, les Voltaire, les Diderot, les
Helvétius, les d'Alembert, tandis que les finesses de la cuisine
passaient aux Condé , aux Soubise , aux Richelieu , aux Talley-
rand, et que, 6 progrès immense! on pouvait, chez un bon
restaurateur, dîner pour douze francs aussi bien que chez M. de
Talleyrand et mieux que chez Cambacérès.
Disons un mot de ces utiles établissements, dont parfois les
chefs rivalisèrent avec les Beauvilliers et les Carême.
A Paris, ils ne comptent pas plus de quatre-vingt-dix à
cent ans. Ils ne peuvent donc pas invoquer leur antiquité à
l'appui de leur noblesse.
Les restaurateurs descendent en droite ligne des cabaretiers-
taverniers, et de tout temps il y a eu des boutiques oii Ton
vendait du vin , et d'autres où l'on donnait à manger. Celles où
l'on vendait du vin s'appelaient cabarets ; celles où l'on vendait
à manger s'appelaient tavernes.
La profession des marchands de vin est une des plus anciennes
qui subsistent dans la capitale. Boileau leur donne des statuts
dès 1264, mais ils ne furent érigés en corps de communauté que
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 31
trois cent trente-cinq ans après. Alors on les divisa en quatre
classes : hôteliers ^ cab arêtiers , taverniers ^ marchands de vin
à pot. Les marchands de vin à pot étaient ceux qui vendaient
le vin en détail, sans cependant tenir taverne. On ne pouvait
boire chez eux celui qu'on y achetait, il fallait l'emporter. A la
grille extérieure de la boutique était pratiquée une ouverture
par laquelle l'acheteur passait son pot vide et le reprenait lors-
qu'il était plein. De cet usage il n'existe plus que les grilles que
Ion voit encore faire partie de la devanture des marchands
de vin.
Les cabaretiers avaient le droit de donner à boire chez eux
et d'y donner à manger , mais il leur était expressément défendu
de fournir du vin en bouteille; il devait être dans des pintes
étalonnées. Au xi*' siècle , les seigneurs , les moines et les rois
n'ont pas cru déroger en 'vendant soit au pot, soit en détail,
les vins qu'ils récoltaient. Afin d'avoir un prompt débit, ils
abusaient de leur autorité absolue, en ordonnant de fermer toutes
les tavernes de la ville jusqu'à ce que leurs vins fussent vendus.
On demandait un jour à Bautru la définition d'un cabaret :
« C'est, répondit-il, un lieu où l'on vend la folie à la bou-
teille. »
On voit à Pompéi dans les ruines de la ville, et on voit à
Florence dans les plus beaux palais , à Pompéi, la petite fenêtre
par laquelle on vendait autrefois , à Florence , la petite fenêtre
par laquelle on vend encore aujourd'hui le vin du propriétaire
du palais. C'est le concierge qui est chargé de ce soin.
En 1599, les cabaretiers furent établis par Henri IV en com-
munauté, avec te titre maîtres-queux, cuisiniers et porte-chapes.
Vers le milieu du siècle dernier, un nommé Boulanger éta-
blit à Paris, rue des Poulies, le premier restaurant. On lisait
cette devise sur sa porte :
« Venite omnes^ qui stomacho labordtis, et ego restaurabo
m. n
0 VeMg tous, qui travaillez de l'estomac, et je vous res-
taurerai.*"
Ce fut un grand progrès que l'établissement des restaurants
k Paris. Avant qu'ils fussent créés, les étrangers étaient forcés
32 QUELQUES MOTS AU LECTEUR.
d'avoir recours à la cuisine des aubergistes, qui généralement était
mauvaise. Il existait bien quelques hôtels avec table d'hôte; mais
ces hôtels, à peu d'exceptions près, n'offraient que le strict néces-
saire. On avait bien la ressource des traiteurs; mais ils ne livraient
que des pièces entières ; et celui qui voulait se régaler avec un
ami était obligé d'acheter, soit un gigot, soit un dindon, soit un
filet de bœuf.
Enfin, un homme de génie se trouva, qui, jugeant de l'oppor-
tunité d'une création nouvelle, comprit que, si un dîneur s'était
présenté pour manger une aile de poulet, un autre ne pouvait
manquer de se présenter pour manger la cuisse. La variété des
mets, la fixité des prix, le soin donné au service, amèneraient la
vogue chez celui qui commencerait avec ces trois qualités.
La Révolution, qui démolit tant de choses, créa de nouveaux
restaurateurs : les maîtres d'hôtel ' et les cuisiniers des grands
seigneurs, se voyant sans place par l'émigration de leurs maîtres,
devinrent philanthropes et imaginèrent, ne sachant à quel saint
se vouer, de faire participer tout le monde à leur science culi-
naire.
A la première restauration bourbonnienne, en 1814, le res-
taurateur fit un grand pas. Beauvilliers apparut dans ses salons,
en habit à la française et l'épée au côté.
Au milieu des premiers restaurateurs qui prirent le sceptre
de la cuisine, il faut compter un nommé Méot. Il vendait des
bouillons au consommé, des volailles au gros sel et des œufs
frais, le tout servi sur des petites tables de marbre, comme dans
les cafés aujourd'hui. J'ai encore entendu parler dans ma jeunesse
des succulents dîners que l'on faisait chez Méot, de l'air avenant
et sémillant de sa femme qui trônait au comptoir. Méot était
l'ancien chef de cuisine du prince de Condé, c'est-à-dire le suc-
cesseur de Vatel.
La ville qui, après Paris, compte le plus de restaurateurs^
est San-Francisco ; elle a des restaurateurs de tous les pays et
même des restaurateurs chinois. Un de nos amis, qui a dîné dans '
un rœtaurant chinois, en a rapporté la carte et a bien ftn^^
nous la communiquer. La voici :
QUELQUES MOTS AU LECTEUR. 33
Soupe au chien. . . . ^ » fr. 50 c.
Côtelettes de chat i »,
Rôti de chien » 75
Pâté de chien » 20
Rats braisés » ao
La carte est signée et porte le cachet du restaurateur, afin
qu'on ne dise pas que c'est une carte faite à plaisir.
Entre les traiteurs et les restaurateurs, il y a aujourdj^ui
peu de différence, et la mode a été longtemps, à la fin du
dernier siècle et au commencement de celui-ci, d'aller manger
les huîtres et les matelotes au cabaret, c'est-à-dire chez des
traiteurs; et c'était raison, car souvent on dîne mieux chez Maire,
chez Philippe ou chez Magny, que chez les premiers restaurateurs
de Paris.
Voici les noms des restaurateurs dont les gourmands du
dernier siècle et ceux du commencement de celui-ci ont gardé
le souvenir avec le plus de reconnaissance :
Beauvilliers, Méot, Robert, Rose, Borel, Legac, les frères
Véry, Neveux et Baleine.
Ceux d'aujourd'hui sont : Verdier, de la Maison-d'Or,
Bignon, Brébant, Riche, le Café Anglais, Péters, Véfour, les Frères
Provençaux.
Si je passe quelques célébrités, qu'elles me le pardonnent :
c'est un oubli.
ALEXANDRE DUMAS.
3
V
UNE CUISINE MODÈLE
J'ai vu à Sainte-Menehould, raconte Victor Hugo, une belle
chose, c'est la cuisine de l'hôtel de Met^.
C'est là une vraie cuisine. Une salle immense, un des murs
occupé par les cuivres, l'autre par les faïences. Au milieu, en
face des fenêtres, la cheminée, énorme caverne qu'emplit un feu
splendide. Au plafond, un noir réseau de poutres magnifique-
ment enfumées, auxquelles pendent toutes sortes de choses
joyeuses, des paniers, des lampes, un garde-manger, et au centre
une large nasse à claire-voie où s'étalent de vastes trapèzes de
lard. Sous la cheminée, outre le tourne-broche, la crémaillère
et la chaudière, reluit et pétille un trousseau éblouissant d'une
douzaine de pelles et de pincettes de toutes formes et de toutes
grandeurs. L'àtre flamboyant envoie des rayons dans tous les
coins, découpe de grandes ombres sur le plafond, jette une fraîche
teinte rose sur les faïences bleues, et fait resplendir l'édifice fan-
tastique des casseroles comme une muraille de braise. Si j'étais
Homère ou Rabelais, je dirais :
« Cette cuisine est un monde, dont cette cheminée est le
soleil. »
C'est un monde en effet. Un monde où se meut toute une
république dTlommes, de femmes et d'animaux. Des garçons,
des servantes, des marmitons, des rouliers attablés sur des poêles,
sur des réchauds, des marmites qui gloussent, des fritures qui
glapissent, des pipes, des cartes, des enfents qui jouent, et des
chats, et des chiens, et le maître qui surveille. Mens agitât
molem.
Dans un angle, une grande horloge à gaîne et à poids dît
gravement l'heure à tous ces gens occupés.
UNE CUISINE MODELE.
35
Parmi les choses innombrables qui pendent au plafond, j'en
ai admiré une surtout, le soir de mon arrivée, c'est une petite
cage où dormait un petit oiseau. Cet oiseau m'a paru être le
plus admirable emblème de la confiance. Cet antre, cette forge
à indigestion, cette cuisine effrayante est jour et nuit pleine de
vacarme, l'oiseau dort. On a beau faire rage autour ^e lui, les
hommes jurent, les femmes querellent, les enfants crient, les
chiens aboient, les chats miaulent, l'horloge sonne, le couperet
cogne, la lèchefrite piaille, le tourne-broche grince, la fontaine
pleure, les bouteilles sanglotent, les vitres frissonnent, les dili-
gences passent sous la voûte comme le tonnerre ; la petite boule
de plume ne bouge pas. — Dieu est adorable, il donne la foi
aux petits oiseaux.
A JULES JANIN
Mon cher Janin,
Je cherchais une entrée en matière pour faire une causerie
rapide sur le nx*, le xviii* et même le xvii* siècle.
Tout à coup je m'écrie comme Archimède :
« J'ai trouvé! »
Et, en effet, ce que j'ai trouvé, mon vieil ami, c'est un joli
portrait de vous, avec une lettre adressée à vous par M. Fayot;
je ne puis reproduire le portrait, mais je puis reproduire cette
dédicace, que j'ai le regfet de ne pas avoir écrite, tant elle dit
bien de vous ce que j'aurais voulu en dire.
Le livre où se trouvent ces deux précieux documents — l'un
sur votre physique, le portrait; l'autre sur votre moral, la dédi-
cace — est intitulé : Les Classiques de la table.
Voici la lettre :
A MONSIEUR JULES JANIN.
Monsieur^
Ne soye^ pas étonné si nous mettons votre nom au frontispice
de ce volume^ qui contient mieux que Vâme du'licencié Gil Pérès.
Vous aime\ trop votre poëte Horace, qui donnait de si bons petits
dîners à Mécène, pour ne pas être naturellement l'ami et le com-
pagnon de tant de charmants professeurs dans cette heureuse et
féconde science de la table et de la bonne humeur. Cette science,
que Ton pourrait à bon droit appeler l2ig2Lie science^ a soumis l'Eu-
rope à la France tout autant pour le moins que nos modes ^ notre
théâtre, nos romans et nos poésies. Brillât-Savarin est le prof es-
A JULES JANiN 37
seur le plus écouté de ce monde ; ses préceptes sont des lois sans
appel. Carême est peut-être la seule gloire de son siècle qui n'ait
pas été contestée. Enfin^ M. le prince de Talleyrand^ dont les
bons mots sont autant de chapitres de Vhistoire contemporaine,
n'a pas été, dans sa longue vie, plus populaire par cet esprit qui
éblouissait V Europe, que par sa grande renommée, bien méritée,
Savoir été, même en comptant S. M. Louis XVIII, la première
fourchette de son temps.
Nous savons bien. Monsieur, que vos prétentions ne vont pas si
loin. Feu M. le marquis de Cussy, de friande mémoire, disait de
vous que vous faisiez trop d'esprit à table pour savoir jamais bien
dîner. Il prétendait que che^ vous la forme emportait le fond.
Puis, comme il ne voulait décourager personne : « Qui sait?
disait-il, il deviendra peut-être célèbre, quoiqu'il soit bien mala-
droit, un couteau à la main ! » Carême lui-même, peu de temps
avant sa mort, affirmait qu'il eût fait quelque chose de vous s'il
vous eût connu au beau temps de ses inspirations toutes royales.
Brave et digne homme! Si vous ne Vave^ pas compris tout à fait,
vous Vave^ deviné. Vous ave^fait comme ces gens ^élés qui savent
à peine la langue d'Homère, et qui, pour le seul enchantement de
l'oreille^ se lisent à eux-mêmes les plus beaux vers de /'Iliade. Ils
s'amusent du son, ils rêvent le reste. q4 la tête des gastronomes
nous vous plaçons, Monsieur, sinon pour votre gourmandise encore
peu éclairée, du moins pour votre volonté, pour votre {èle, pour
votre honnête envie défaire quelque jour, quand vous aure\ asseif
de loisirs, de notables progrès dans cette grande science du bien-
vivre, qui est, à bien prendre, la science mignonne de tous les
hommes distingués de Vunivers.
Voilà pourquoi cette Encyclopédie des bons viveurs paraîtra
ious vos auspices. Plaise au dieu tout-puissant de Désaugiers et
de Pétrone que ce livre porte d'heureux fruits. Hélas ! nous avons
besoin de frapper un grand coup, qui rende aux utiles plaisirs de
la table leur popularité d'autrefois, qui réveille l'appétit presque
aussi blasé que l'esprit même de nos contemporains.
Il faut l'avouer, quoi qi^il nous en coûte, les gourmands s'en
vont plus encore que les grands poètes. Les meilleures tables ont
été renversées par la mort ou par les révolutions, pires que la
38 LETTRE
mort. De nos jours, 6 profanation ! nous avons assisté à la vente
en détail des plus célèbres caves parisiennes. Ceux mêmes qui les
avaient fondés y ces précieux entrepôts de la gaieté, de la verve,
de r esprit — disons-le — de V amour des hommes, ceux-là mêmes
faisaient entrer dans leurs caves déshonorées Vhuissier-priseur,
ce triste convive qui déguste les vins sans les boire et tout simple-
ment pour savoir l'argent qu'il en faut demander. Les bons vins,
la liqueur divine destinée aux amis, aux poëtes, aux belles per-
sonnes, aux douces joies du foyer domestique, le propriétaire
avare les faisait vendre pour en avoir de l'argent! De l'argent
pour remplacer tant de sourires, tant de vivats, tant d'aimables
regards, tant d'espérances presque accomplies, tant de lèvres
amoureuses doucement humectées ! Tirées de leur obscurité et de
leur paix profonde, ces dives bouteilles, encore toutes couvertes
de leur manteau diaphane, filé par l'araignée ou par les fées de
Bordeaux, de Mâcon et de la Côte-Rotie, avaient l'air de se dire :
Où allons- nous ^ Spectacle affligeant! triste décadence! Bas-
Empire de la cuisine ! Encore une fois, il est ten^ps que les adeptes
remettent en honneur les vraies traditions.
Puisse ce livre rappeler à la France ce grand art qui se perd,
l'art qui contient toutes les élégances, toutes les courtoisies, sans
lesquelles tous les autres sont inutiles et perdus; l'art hospitalier
par excellence, qui emploie avec un égal succès tous les produits
les plus excellents de l'air, des eaux, de la terre : le bœuf de la
prairie et l'alouette du ch^mp de blé; la glace et le feu; le faisan
doré et la pomme de terre; le fruit et la fleur; l'or, la porcelaine
et les plus suaves peintures; l'art des quatre saisons de l'année,
des quatre âges de la vie de l'homme; la seule passion, heureuse
entre toutes, qui ne laisse après elle ni le chagrin ni le remords.
Chaque matin elle renaît plus brillante et plus vive; elle a besoin
de la paix et de l'abondance; elle se plaît dans les maisons sages,
heureuses, bien ordonnées, bienveillantes; aimable passion, -qui
peut remplacer toutes les autres, elle est la joie du foyer domes-
tique; elle se plie à toutes les nécessités de la ville, à toutes les
exigences de la campagne. Dans le voyage, elle est la consola^-
tion; dans la santé, la force; dans la maladie, l'espérance; comme
toutes les sciences heureuses, innocentes, bien faites, cette science
A JULES JANIN.
39
favorite des rois et des poètes, des belles personnes de trente ans
et des hommes politiques inoffensifs; cette yertu, qui manquait à
Napoléon et que ne dédaignait pas le grand Condé. a produit
des chefs-d'œuvre tout remplis de l'esprit le plus rare, de la
gaieté la plus charmante, d'un style plein de grâce, de bon sens,
de suc, de philosophie, d'urbanité. — De tous ces chefs-d'œuvre,
çà et là épars comme autant de couplets de la même chanson,
nous avons fait un livre unique, et, s'il fallait une épigraphe à ce
livre, nous prendrions la devise de votre poète et la vôtre : — Se
laisser être heureux. — Indulgere genio !
Puissie^-vous mettre longtemps en pratique cet art heureux,
tout à fait digne du brillant et aimable esprit que nous aimons
tant, pour sa bienveillance, sa bonne grâce et son abandon.
Sans aucun doute. Monsieur, comme vous le dites souvent, il
est difficile de bien écrire, mais il est cent fois plus difficile de
savoir bien dîner.
Paris, le 10 octobre i8jj.
Votre ami.
LE SECRETAIRE DE FEU CAREME.
Vous le voyez, cher ami, il y a trente-quatre ou trente-six
ans que ces lignes ont été écrites ; nous étions au plus vigoureux
temps de notre verte jeunesse, mais nous n'étions ni l'un ni l'autre
des gourmands. Pourquoi ne Tétiez-vous pas, vous, g^rmand>
M. de Cussy me paraît l'avoir deviné. Pourquoi ne l'étais-je pas,
moi> Je ne l'ai jamais bien su moi-même. Et cependant c^était
encore l'époque des soupers, époque tout à fait perdue aujour-
d'hui.
Nous soupions assez régulièrement, s'il vous en souvient, chez
les deux reines du théâtre de l'époque. Nous allions manger,
après Henri III, de la soupe aux amandes chez la reine de la
comédie, M"* Mars , qui demeurait alors rue de la Tcmr-des-
Dames.
Nous allions, après les représentations de Christine à TOdéon,
manger des truffes en salade avec force poivre et force piment chez
-' l'impératrice de la tragédie. M"* Georges, rue de l'Ouest.
40 LETTRE
Je trouve que la soupe aux amandes rappelle assez M"* Mars.
Je trouve que la«salade aux truffes caractérise assez heureuse-
ment M"* Georges.
Ah ! cher ami, le bon temps ! avons-nous ri à ces soupers!
Quand M"* Georges était déshabillée, et selon l'habitude des
grandes actrices elle se déshabillait devant nous, nous quittions
sa loge, et, ouvrant une grille du Luxembourg dont elle avait la
clef, nous rentrions chez elle, rue de TOuest, à travers le jar-
din, par une autre grille qui donnait dans son jardin môme.
De loin, à travers le feuillage, ou plutôt à travers les branches
dépouillées de feuillage, car c'était l'hiver, nous voyions étinceler
les vitres de la salle à manger ardemment éclairée.
A peine étions-nous entrés dans la maison qu'un air tiède et
parfumé venait au-devant de nous.
Nous entrions dans'la salle à manger, où nous attendait un
énorme plat de truffes, de quatre à cinq livres.
On s'asseyait aussitôt à table, et Georges, qui avait fait sa
toilette, comme j'ai dit, dans sa loge, attirait à elle le saladier, le
répandait sur une nappe étincelante de blancheur, et, de ses
belles mains royales, à l'aide d'un couteau d'argent, se mettait à
éplucher les truffes avec une adresse et une délicatesse infinies.
Les convives :
Lockroy , un esprit fin et railleur, qui caressait même en
attaquant ;
Gentil, rédacteur de je ne sais quelle revue, esprit brutal,
prime-sautier, inattendu ; il se vantait d'avoir dit le premier que
Racine était un polisson ;
Harel, le prétendu maître de la maison; mais en réalité Tes-
clave de Georges; esprit rapide, charmant, se faisant des mots
que Ton attribuait à M. de Talleyrand et qui sont restés pro-
verbes ;
• Vous, mon ami, le chroniqueur infatigable, qui avez tenu
pendant trente ou trente-cinq ans la critique d'un des premiers
journaux littéraires de France, et qui aviez, au milieu de tous les
esprits, celui de rire, et joyeusement, à l'esprit des autres;
Et moi, enfin, qui, arrivant de ma province, me formais au
récit et au dialogue au milieu de ce charmant babillage, qui
A JULES JANÏN. 41
n'avait ni interruprion ni lassitude pendant les deux ou trois
heures que durait notre souper.
C'était autre chose chez M"* Mars. Malgré son âge, qui était
du reste à peu près celui de M"' Georges, elle avait conservé,
sinon une grande jeunesse, du moins une grande apparence et un
grand besoin de jeunesse.
Elle était de 1778, et ne cachait nullement son âge à ses
amis.
Un petit meuble, donné par la reine à sa mère, accouchée de
M'** Mars le jour même où Marie-Antoinette était accouchée de
la Dauphine, portait la date de 1778.
M"* Mars avait en elle deux femmes très-différentes : la femme
du théâtre, il vous en souvient, n'est-ce pas? et la femme de la
vie privée.
La fetame du théâtre, avec son œil caressant, sa voix sympa-
thique, une grâce infinie dans tous ses mouvements ; la femme de
la vie privée, avec son œil dur, sa voix rauque, ses gestes brusques,
aussitôt qu'elle éprouvait quelque contrariété, de quelque part
que la chose vînt.
Elle avait auprès d'elle une pauvre Marton de province,
qu elle avait ramenée de Bordeaux pour lui servir de dame de
compagnie, de lectrice, de souffre-douleur.
Cette compagne s'appelait Julienne, avait infiniment d'esprit,
m'aimait beaucoup et faisait de moi son confident.
Un jour qu'elle me racontait une scène, dans laquelle elle
avait eu le courage de ne pas répondre aux apostrophes de Céli-
mène, et que je l'en félicitais, elle me dit :
a Mon cher Dumas, vous qui savez tout faire, même des
comédies, inventez-moi donc une occupation quelconque où je
puisse écouter, les yeux baissés, toutes les injures qu'elle me dit,
et où mon impatience puisse se faire jour sans paraître.
— Ma chère Julienne, lui dîs-je, amusez-vous à faire du
paysage.
— Mais je ne sais pas peindre? me dit la pauvre fille.
— Bon, lui dis-je, pour faire du paysage, il n'y a pas besoin
de savoir peindre; il s'agit seulement de faire des lignes droites
qui représentent des troncs d'arbres, et une espèce de barbouillage
LETTRE
vert avec des nuances qui représente le feuillage. Tenez, tenez :
moi, qui n'ai jamais manié un pinceau, je vous apporterai de-
main une boite à couleurs, une toile de trente-six et une litho-
graphie coloriée représentant une forêt, et je vous donnerai votre
première leçon. Les jours où vous aurez eu du beau temps, c'est-
à-dire où Célimène aura été aimable, vous ferez les troncs d'arbres,
c'est-à-dire que vous tirerez les lignes droites; mais les jours
d'orage, les jours où Célimène aura grondé, vous ferez le feuillage,
c'est-à-dire que vous laisserez à votre main tremblante de colère
son mouvement fébrile. Si elle s'en aperçoit et qu'elle demande
ce que vous faites, vous lui répondrez que ce sont les feuilles
d'un chêne; elle n'aura rien à dire; vous jurerez tout bas; et
votre colère passera sur la toile. »
Le lendemain, je tins parole à Julienne, je lui apportai tout
ce qu'il fallait pour peindre. Julienne s'y mit; et, grâce à mes
conseils, elle commença une des plus belles forêts vierges que
j'aie jamais vues.
Quand j'arrivais chez M"* Mars, la première chose que je
faisais, c'était d'aller à la toile de Julienne retournée contre le
mur.
c( Ah ! ah ! » disais-je, si les troncs des arbres s'étaient aug-
mentés, (( il paraît que la journée a été calme et que nous avons
cultivé la ligne droite; » mais, au contraire, si le feuillage
s'était épaissi, si les branches, qui n'appartenaient à aucune
famille d'arbres, s élançaient vers le ciel ou retombaient brisées
vers la terre :
(( Ouf I ma bonne Julienne, lui disais-je, il paraît qu'il y
a eu tempête aujourd'hui? »
Et Julienne me racontait ses chagrins.
Nos convives ordinaires chez M"* Mars étaient Vatout et
Béquet.
Vatout était premier bibliothécaire du duc d'Orléans. On le
disait parent du côté gauche du prince, qui le traitait, en eflèt,
avec une bonté toute particulière; de son côté, Vatout faisait
tout ce qu'il pouvait pour le faire croire.
Vatout, que M"' Desbordes-Valmore avait appelé un papillon
en bottes fortes, était assez bien peint par cette épigramme; sa
A JULES JANIN. 43
grande prétention était de passer pour un homme de lettres; il
avait fait une mauvaise compilation, qu'il avait appelée La Con-
spiration de Cellamare^ et un mauvais roman, qu'il avait intitulé
Vidée fixe.
Mais sa réputation, et il en avait une grande dans les salons,
reposait particulièrement sur deux chansons fort connues, Tune
intitulée VÉcu de France et l'autre Le Maire d*Eu.
Il racontait avec beaucoup de grâce qu'un jour, pour rac-
courcir le chemin, cet- honorable maire avait fait prendre au
roi Louis-Philippe, en villégiature à sa bonne ville d'Eu, une
ruelle fort étroite, plus visitée le soir que le matin; des traces
visibles étaient restées de ces visites; et l'excellent homme, la
rougeur de la honte au front, tout en écartant le roi des endroits
dangereux, se tuait de dire :
« J'avais pourtant ordonné qu'on les enlevât.
— Vous n'en aviez pas le droit, monsieur le maire, répondit
Vatout qui suivait le roi, ils ont leurs papiers. »>
Vous vous rappelez Béquet, mon cher Janin; Béquet, qui,
de même qu'Antée trouvait des forces en touchant la terre, trou-
vait de l'esprit au fond de chaque verre de vin qu'il buvait ; Bé-
quet, impie à toutes les choses sacrées, paternité ou divinité.
*
« Malheureux, lui disait un jour son père, ne cesserez-vous
donc jamais de faire des dettes }
— Moi? répondait BégH^t d'un air innocent et la main sur
son cœur.
— Oui , vous devez à Dieu et au diable.
— Vous venez justement, répondit Béquet, de nommer les
deux seules personnes à qui je ne doive rien. »
Ses relations avec son père n'étaient qu'une longue dis-
pute.
Un jour le père Béquet reprochait à son fils les vices qui ,
disait-il, devaient le conduire au tombeau.
c( J'ai trente ans plus que vous, eh bien ! vous serez mort
avant moi.
— En vérité, monsieur, répondit Béquet d'un ton larmoyant,
vous avez toujours des choses désagréables à me dire. ».
Le jour où son père mourut, il alla comme d'habitude dîner
44 LETTRE
au café de Paris; puis, comme il tenait sans doute à suivre l'éti-
quette mortuaire :
« Pierre, demanda-t-il au garçon, le vin de Bordeaux est-il
de deuil > »
Il faut rendre cette justice à Béquet, qu'il mourut comme
il avait vécu, le verre à la main.
Notre convive le plus charmant, mais malheureusement pas
le plus assidu, était Charles de Mornay; c'était un reste de la
vieille race gentilhommière, comme d'Orsay, avec lequel il avait
beaucoup de ressemblance. Il était tout à la fois beau, spirituel
et ministre du roi à la cour de Suède.
Nul ne racontait mieux que lui les choses qui ne peuvent
pas se raconter.
C'était un descendant du fameux Duplessis-Mornay, ministre
de Henri IV. A l'époque de la République, il donna sa démis-
sion, et, quoique sans fortune, résolut de ne plus servir.
Romieu aussi venait souper de temps en temps, et luttait
d'esprit bohème avec l'esprit aristocratique de Mornay.
Nous, mon cher Janin, nous soutenions de notre mieux
l'école moderne, que M"* Georges avait abordée franchement, et
M"® Mars à contre-cœur.
Puis, de temps en temps, on voyait apparaître quelque repré-
sentant de la vieille école, comme Alexandre Du val, qui nous
perçait de ses flèches de plomb, et Dupaty, qui nous criblait de
ses flèches dorées.
Les soupers de M"' Mars, sans être des modèles de table,
étaient bons et délicats; ils avaient un fumet de bourgeoisie, que
n'avait pas le brûlot incendiaire de M"* Georges.
J'allais en outre, de temps en temps, dîner chez un illustre
gourmand, qui avait renversé de vrais rois et de vraies reines, et
qui avait été, lui cinquième, roi de France, au Luxembourg, chez
Barras.
Nous sommes nés sur les limites des deux siècles, à deux
ans, je crois, de différence : moi en 1802, vous en 1804. ou
1805.
Il en résulte que nCus avons pu connaître, sur la fin dfe leur
réputation, c'est vrai, — mais, d'une réputation méritée, il
A JULES JANJN. . 45
reste toujours quelque chose, — les plus fameux gastronomes de
l'autre siècle.
La société se modèle en général sur le chef de TÉtat. Napo-
léon n'était pas gourmand , mais il voulait que tout grand fonc-
tionnaire de TEmpire le fût. a Ayez bonne table, disait-il,
dépensez plus que vos appointements; faites des dettes, je les
payerai. »
Et, en effet, il les payait.
Ce qui empêcha peut-être Bonaparte de devenir gourmand,
ce fut ridée qui le poursuivit constamment, que vers trente-cinq
ou quarante ans il deviendrait obèse.
« Voyez, Bourrienne, combien je suis sobre et mince,
disait-il; eh bien! on ne m'ôtera pas de l'idée que je deviendrai
gros mangeur et que je prendrai beaucoup d'embonpoint; je
prévois que ma constitution changera , et pourtant je fais assez
d'exercice; mais que voulez-vous? c'est un pressentiment, cela ne
peut manquer d'arriver. »
Loin qu'il^it enrichi le répertoire gastronomique, on ne doit
à toutes ses victoires qu'un plat, c'est le poulet à la Marengo.
Bonaparte buvait peu de vin, toujours du vin de Bordeaux
ou du bourgogne; cependant il préférait ce dernier. Après son
déjeuner comme après son diner, il prenait une tasse de café.
Il était irrégulier dans ses repas, mangeait vite et mal ; mais
là se retrouvait cette volonté absolue qu'il mettait à tout : dès
que Tappétit se faisait sentir, il fallait qu'il fût satisfait; et
son service était monté de manière qu'en tous lieux et à toute
heure on pouvait lui présenter de la volaille , des côtelettes et
du café.
Son plus grand plaisir, c'est-à-dire celui qu'il laissait le plus
paraître, c'était, après une longue et pénible dictée, de sauter
sur un cheval, de lui lâcher la bride et de s'élancer à fond de
train.
Il déjeunait dans sra chambre, à dix heures, invitant presque
toujours les personnes qui se trouvaient près de lui.
Bourrienne, son secrétaire, pendant les quatre ou cinq ans
qu'il a passés avec lui, ne l'a jamais vu toucher à plus de deux
plats.
46 LETTRE
Un jour, l'Empereur demanda pourquoi on ne servait jamais
sur sa table des crépinettes de cochon.
Dunand — le maître d'hôtel de TEmpereur s'appelait
Dunand — resta un instant ébahi de la question, et ré-
pondit :
« Sire, ce qui est indigeste n'est pas gastronomique. »
Un officier qui était présent ajouta :
n Votre Majesté ne pourrait pas manger de crépinettes et
travalBer aussitôt.
— Bahf bidi! ce sont des contes, je travaillerai malgré ça.
— Sire, dit alors Dmnand, Votre Majesté sera obéie demain
à déjeuner. »
Et, le lendeniain, le premier maître d'hôtel des Tuileries
servit le plat demandé; seulement les crépinettes étaient en chair
de perdreaux, ce qui était différent.
L'Empereur en mangea avec délices.
« Votre plat est excellent, lui dit -il, je vous en fais mon
compliment. »
Un mois après, c'était vers l'époque de la rupture avec la
cour de Prusse, Dunand inscrivit des crépinettes sur le menu et
les présenta au déjeuner.
Ce jour-là. Murât et Bessière devaient déjeuner au palais;
mais des affaires instantes les avaient éloignés de Paris.
Le déjeuner se composait de six assiettes, sur lesquelles se
trouvaient des côtelettes de veau, du poisson, de la volaille, du
gibier, un entremets, des légumes et des œufs à la coque.
L'Empereur venait d'avaler à sa manière et en une seconde
quelques cuillerées de potage, quand, déclochant vivement la
première assiette, il aperçut son plat favori; sa figure se con-
tracta; il se leva, repoussa la table et la renversa, avec tout ce
qui était dessus, sur un magnifique tapis d'Ispahan ; il s'éloigna
en agitant les bras, en élevant la voix et en jetant les unes sur
les autres les portes de son cabinet.
M. Dunand se crut foudroyé et resta sur le plancher, immo-
bile et brisé comme les belles porcelaines de service : quel souffle
avait donc traversé le palais? Les écuyers tranchants étaient
tremblants, les valets de pied effarés s'étaient enfuis, le maître
A JULES JANIN. 47
d'hôtel éperdu s'était rendu chez le grand maréchal du palais
pour invoquer ses conseils et en appeler à ses bontés.
Duroc, dans sa parfaite tenue, paraissait froid et fier; mais
il n était ni Tua ni Tautre au fond; il écouta dûac le récit de
la scène. Quand îT la connut, il sourit et dit à Dunand :
« Vous ne connaissez pas l'Empereur; si vous voulez m'en
croire, vous irez sur-le-chlmp faire recommencer son déjeuner
et le plat de crépinettes; vous n'êtes pour rien dans cet éclat;
les affaires seules en sont cause. Quand l'Empereur aura fini, il
vous demandera son déjeuner. »
Le pauvre maître d'hôtel ne se fit pas prier, et courut faire
exécuter ce second déjeuner; Dunand le porta jusqu'à l'appar-
tement, et Roustan le présenta. Ne voyant pas à ses côtés son
affectionné serviteur. Napoléon demanda avec douceur et vivacité
où il était et pourquoi il ne le servait pas.
On l'appela.
Il reparut, la figure encore toute pâle, portant dans ses
mains tremblantes un magnifique poulet rôti.
L'Empereur lui sourit gracieusement et mangea une aile
de ce poulet et un peu de crépinettes, ensuite il fit l'éloge du
déjeuner; puis, faisant signe à Dunand d'approcher, il lui tou*
cha la joue à plusieurs reprises, en lui disant d'un accent ému :
ft Monsieur Dunand, vous êtes plus heureux d'être mon
maître d'hôtel que je ne le suis d'être le roi de ce pays. »
Et il acheva son déjeuner en silence, les traits profondé-
ment affectés.
Quand Napoléon était en campagne , souvent il montait à
cheval le matin et n'en descendait pas de la journée. On avait
soin alors de mettre dans l'une de ses fontes du pain, du vin ,
et dans l'autre un poulet rôti.
En général, il partageait ses provisions avec un de ses offi-
ciers encore plus mal approvisionné que lui.
L'influence de son premier protecteur, Barras, qui, dans
quelque circonstance que ce fût, mangeait toujours longuement
et tranquillement, ne se fit point ressentir chez lui.
J'ai dîné deux fois chez Barras. Il y a trop longtemps , et.
j'attachais trop peu d'importance au menu d'un dîner, pour me
48 LETTRE
rappeler, même superficiellement, de quels mets ces deux dînent
se composaient. Tout ce dont je me souviens, c'est que chaque
convive avait derrière sa chaise un laquais debout, veillant à ce
que jamais il n'attendît.
Je vis à l'un de ces dîners M"* la princesse de Chimay,
née Thérésia Cabarrus, et à l'autre cet intrigant royaliste nommé
Fauche-Borel , qui avait pris une part si active à la rentrée des
Bourbons.
Barras , cet ancien gourmand, en était réduit à manger d'un
seul plat : on émiettait, avec une râpe, plein une assiette de pain;
on coupait un gigot à peine cuit au-dessus de ce pain, que l'on
inondait de jus.
C'était le dîner de Barras.
La table la plus renommée du temps était celle de M. de
Talleyrand.
Bouché, ou Bouche -sèche, qui sortait de la maison de
Condé, et qu'on citait pour la succulence et l'onction de sa bonne
chère, fut chargé de monter la cuisine du prince de Talley-
rand ; c'est lui qui a fait ces grands dîners des Aflkires étrangères,
qui sont devenus classiques, et que l'on imitera éternellement.
Le prince de Talleyrand avait toute confiance dans M. Bouché ;
il le laissait libre dans ses dépenses, et acceptait pour bon tout
ce qu'il faisait. Bouché est mort au service du prince; il avait
débuté dans la maison de la princesse de Lamballe. Pendant
longtemps ce fut lui qui choisit les cuisiniers des grandes maisons
de l'étranger.
Carême lui a dédié son Pâtissier royal, c'est-à-dire un de
ses meilleurs livres.
On a beaucoup parlé de la table de M. de Talleyrand ; mais
beaucoup des choses qu'on en a dites n'ont pas le mérite d'être
exactes.
Des premiers, M. de Talleyrand a pensé qu'une cuisine
saine et méditée devait fortifier la santé et empêcher de graves
maladies. Et, en effet, sa santé, pendant les quarante dernières
années de sa vie, est un argument puissant en faveur de cette
opinion.
Toute l'Europe illustre, politique, savante, artistique, grands
A JULES JANIN. 49
généraux, grands ministres, grands diplomates, grands poètes,
sont venus s'asseoir à cette table, et pas un qui n'ait reconnu que
c'était là où se pratiquait la plus large hospitalité. On y trouvait
d'habitude M. de Fontanes, M. Joubert, M. Desrenaudes, le
comte d'Auterive, et M. de Montron, cet homme d'esprit que le
XVIII* siècle nous a légué assez jeune encore pour que le xix* pût
l'apprécier.
La Révolution avait tué les grands seigneurs, les grandes
tables, les grandes manières : M. de Talleyrand rétablit tout
cela ; et, grâce à lui, la réputation de la France fît de nouveau
le tour du monde comme réputation de faste et d'hospitalité.
M. de Talleyrand, à quatre--vingts ans, passait tous les
matins une heure avec son cuisinier, et discutait avec lui tous les
plats de son diner, seul repas qu'il fît, car le matin il ne prenait,
avant de se mettre au travail, que deux ou trois tasses de camo-
mille.
Tous les ans le prince allait prendre les eaux de Bourbon-
TArchambault , qui avaient une excellente influence sur sa
santé ; il se rendait de là dans son magnifique château de Valen-
çay, dont la table était ouverte à tous les hommes distingués de
l'Europe.
A Paris, le prince dînait à huit heures; à la campagne, à
cinq; quand le temps était beau, une promenade succédait au
dîner.
En rentrant on se mettait à la table de jeu, et le silen-
cieux whist avait son tour ; le jeu fini, M. de Talleyrand se
retirait dans son cabinet de travail ; là il s'assoupissait ; ses flat-
teurs disaient : u Le prince réfléchit ! »
Ceux qui ne voyaient pas la nécessité de flatter disaient tout
simplement : « Monseigneur dotC. »
L'Empereur, nous l'avons dit, n'était ni mangeur ni con-
naisseur; mais il savait gré à M. de Talleyrand de son train
de vie.
Voici l'opinion de l'illustre cuisinier Carême sur la cuisine
de Cambacérès, que l'on nous a si souvent vantée à tort, à ce
qu'il parait :
a J'ai écrit plusieurs fois — c'est Carême qui parle — que
4
n
50 LETTRE
»
la cuisine de Cambacérès n'avait jamais mérité sa grande répu-
tation. Je vais reprendre à cet égard certains détails, en citer
quelques autres, et préciser le tableau de cette vilaine maison.
« M. Grand'Manche, le chef des cuisines de Tarchichan-
celier, était un praticien instruit, un homme honorable, que nous
estimons tous. Ayant été appelé par lui dans les fètes de la
maison du prince, j'ai pu souvent apprécier son travail ; je puis,
par conséquent, en dire quelques mots. Le prince s'occupait, le
matin, avec un soin minutieux, de sa table ; mais seulement pour
en discuter et en resserrer les dépenses. On remarquait chez lui,
au plus haut degré, ce souci et cette inquiétude des détails qui
signalent les avares. A chaque service, il notait les entrées qui
n'avaient pas été touchées ou qui l'étaient peu, et, le lendemain,
il composait son menu avec cette vile desserte. Quel dîner, juste
ciel ! Je ne veux pas dire que la desserte ne puisse être utilisée,
je veux dire qu'elle ne peut pas donner un dîner de prince et de
gastronome éminent. C'est un point délicat que celui-ci ; le
maître n'a rien à dire , rien à voir ; l'habileté et la probité du
cuisinier doivent seules connaître des faits. La desserte ne doit
être employée qu'avec précaution, habileté et surtout en silence.
« La maison du prince de Talleyrand, la première de l'Eu-
rope, du monde et de l'histoire, agit d'après ces principes; ces
principes sont ceux du goût; c'étaient ceux de tous les grands
gentilshommes que j'ai servis : Castlereagh, Georges IV, l'empe-
reur Alexandre, etc.
« L'archichancelier recevait des départements des cadeaux
sans nombre en comestibles et les plus belles volailles. Tout cela
allait s'enfouir dans un vaste garde-manger dont le prince avait
la clef. Il prenait note des provisions, de la date des arrivages,
et donnait seul l'ordre d'employer les pièces. Fréquemment,
quand il le donnait, les provisions étaient gâtées ; les aliments
ne paraissaient jamais sur sa table qu'après avoir perdu leur
fraîcheur.
« Cambacérès n'a jamais été gouritfand dans l'acception
savante du mot; il était né fort gros mangeur et même vorace.
Pourrait-on croire qu'il préférait à tous les mets le pâté chaud
aux boulettes, plat lourd, fade et bête! Un jour, que le bon
A JULES JANIN. 51
Grand'Manche voulut remplacer les boulettes par des quenelles
de volaille, de crêtes et de rognons, le croiriez-vous? le prince se
fâcha tout rouge et exigea ses boulettes de godiveau à l'ancienne,
qui étaient dures à casser les dents : lui les trouvait délicieuses.
Pour hors-d'œuvre, on lui donnait fréquemment un morceau de
croûte de pâté réchauffée sur le gril, et on portait sur sa table le
combien d'un jambon qui avait souvent servi toute la semaine. Et
son habile cuisinier, qui n'avait jamais les grandes sauces I ni les
sous-chefs ou aides, la bouteille de bordeaux ! Quelle parcimonie !
quelle pitié ! quelle maison !
« Qu'elle était différente, la digne et grande demeure du
prince de Bénévent! confiance entière et complètement justifiée
dans le chef de la ciiisine, l'un des plus illustres praticiens de nos
jours, ITionnète M. Bouché. On n'y employait que les produc-
tions les plus saines et les plus fines. Là tout était habileté,
ordre, splendeur ; là le talent était heureux et haut placé. Le
cuisinier gouvernait l'estomac; qui sait? il influait peut-être sur
la charmante, ou active, ou grande pensée du ministre. Des dîners
de quarante-huit entrées étaient donnés dans les galeries de la
rue de Varennes. Je les ai vu servir et je les ai dessinés. Quel
homme était ce M. Bouché! quels tableaux n'offraient pas ces
réunions! Tout y décelait la plus grande des nations. Qui n'a pas
vu cela n'a rien vu !
a Ni M. Cambacérès, ni M. Brillât-Savarin n'ont jamais su
manger. Ils aimaient tous deux les choses fortes et vulgaires, et
remplissaient tout simplement leur estomac; c'est à la lettre.
M. de Savarin était gros mangeur, et causait fort peu et sans
fecilité, ce me semble ; il avait Tair lourd et ressemblait à un
curé. A la fin du repas, sa digestion l'absorbait; je l'ai vu
dormir. »
Achevons le portrait. Brillât-Savarin n'était ni un gastro-
nome ni uli gourmet, mfcis tout simplement un vigoureux man-
geur. Il était de l'intimité de M"" Récamier; de grande taille,
sa démarche lourde, son air vulgaire, avec son costume de dix
ou douze ans en retard sur la mode, le faisaient appeler le tam-
bour-major de la Cour de cassation.
Tout à coup, et une douzaine d'années après sa mort, nous
52 LETTRE
avons hérité d'un des plus charmants livres de gastronomie qu'on
puisse rêver, de la Physiologie du goût.
Grimod de la Reynière était un des héros de cette époque.
Très-jeune, un accident terrible l'avait privé de ses mains ; à force
de combinaisons, il était parvenu à faire des débris qui lui
restaient des moyens aussi souples qu'auraient pu l'être ses mains
mêmes. Fort élégant dans sa jeunesse, il avait été présenté à
Ferney et avait vu Voltaire. Sa santé était solide, son estomac
inébranlable ; il est mort à quatre-vingts ans, ce qui a permis à
son neveu, M. le comte d'Orsay, de me présenter à lui. Il nous
retint à dîner, et nous donna un des meilleurs dîners que je me
rappelle avoir mangés.
C'était vers 1834 ou 1835.
Le père de Grimod de la Reynière était d'autant plus fier de
sa noblesse, qu'il l'avait achetée au garde des sceaux de France
en personne.
Quant au fils, dont la réputation comme gourmand et
comme homme d'esprit était connue, il se souvint toujours, et
peut-être un peu trop, qu'il était le fils d'un fermier général,
lequel était lui-même fils d'un honnête charcutier.
Fils peu respectueux, frondeur impitoyable, il ne cessait en
toute occasion d'humilier ses parents, en leur rappelant
l'humble origine de leur fortune et l'antique roture de leur
famille.
Un jour il invita à dîner, pendant l'absence de son père
et de sa mère, une nombreuse compagnie, composée de con-
vives choisis dans toutes les espèces de corps d'état, tailleurs,
bouchers, etc.
Les billets d'invitation portaient que du côté de l'huile et
du cochon les convives n'auraienf rien à désirer.
Et de fait, tout un service se trouva uniquement com-
posé de charcuterie, et avait-il grand soin de dire :*
« C'est un de mes parents resté dans l'état qui me fournit
ces viandes. »
Les gens de service étaient des Savoyards pris au coin de la
rue et bizarrement travestis en hérauts d'armes du moyen âge.
Aux quatre coins de la salle à manger, se tenaient des enfknts
A JULES JANIN. 53
de chœur en surplis blanc et un encensoir à la main, qui, à un
signal donné, se tournaient vers l'amphitryon et l'enveloppaient
d'un nuage d'encens.
a C'est, disait alors Grimod de la Reynière fils, pour vous
éviter d'encenser le maître de la maison^ ainsi qu'avaient l'habi-
tude de le faire les convives de monsieur mon père. »
Au milieu de cette scène rentrèrent M. et M™* Grimod de
la Reynière.
On peut juger de leur colère et de leur humiliation, en se
voyant ainsi bafoués par leur fils.
Une lettre de cachet leur en fit raison, et exila le mauvais
plaisant en Lorraine.
Mais il n'y était pas depuis six mois que son père mourut,
forcé, à son grand regret, de lui laisser son immense fortune.
Ce fut alors qu'il résolut, pour s'amuser, de publier l'c^/-
manach des Gourmands^ dont, pendant huit ans, il soutint la
publication et la vogue à lui tout seul.
Vous vous rappelez certainement un des hommes les plus
agréables de figure et de manières que nous ayons connus, M- le
marquis de Cussy. Celui-là était un de tes apôtres auxquels il ne
manque rien pour faire des prosélytes : sa religion portait avec
une égale reconnaissance, affectueuse et pleine de* respect, sur
les bien&its qu'il avait reçus de Marie-Antoinette, et sur l'affec-
tion que lui témoignait Napoléon. Un des types les plus élé-
gants de la gastronomie de l'époque, il en a été le dernier. C'était
un véritable gentilhomme, qui avait d'abord dépensé une immense
fortune patrimoniale et de magnifiques émoluments : il croyait
à la durée de l'empire napoléonien. Lorsque le dieu fut ren-
versé, quoiqu'il n'eût ni rentes ni économies, il ne chercha
point d'autre autel, et il fut chargé de reconduire Marie-Louise
à Vienne.
Marie-Louise l'aimait beaucoup, charmée par ses belles
manières; mais lui, lorsqu'il s'aperçut qu'elle n'aimait point
Napoléon, qu'elle paraissait même ravie de la façon dont les
choses avaient tourné, il demanda, malgré les instances qu'on
lui faisait pour rester à Parme, la permission de revenir à
Paris.
54 LETTRE
Il y arriva le 20 mars, le même jour que Napoléon. 11 avait
été préfet du palais. Le 21, Napoléon le retrouva à son poste.
On sait que ce dernier règne de Napoléon ne dura que
trois mois. Après Waterloo, M. de Cussy se trouva plus com-
promis que jamais; par M. de Lauriston il obtint une petite
place.
Louis XVIII, sachant que M. de Cussy avait été préfet du
palais sous l'empire, refusait à M. de Lauriston; mais lorsqu'il
sut que c'était M. de Cussy qui, le premier, avait trouvé le
mélange de la fraise, de la crème et du vin de Champagne, toutes
les difficultés furent aplanies , et il écrivit de sa main royale au-
dessous de la demande : Q4ccordée.
Nous le vîmes alors atteindre à la vieillesse sans que rien
parût dérangé dans sa fortune, car ni la sérénité de son front,
ni la limpidité de son caractère n'avaient changé.
L'estomac ni Tesprit de M. de Cussy n'ont jamais bronchât,
personne ne causait mieux que lui de tout ce qu'il avait vu, de
tout ce qu'il avait entendu, de tout ce qu'il avait appris.
Les autres gastronomes de l'époque, ceux avec lesquels et
dans lesquels s'éteignit f)eu à peu la gastronomie, étaient le
comte d'Aigrefeuille , M. de Cobentzel, longtemps ambassadeur
à Paris, inventeur d'un entremets nommé le Koukoff Camerani,
le savant médecin Gastaldi , le musicien Paer et le banquier
Hoope.
La gastronomie était déjà tellement malade à cette époque,
que le retour au trône d'un roi gastronome ne put faire grand'-
chose pour elle. Louis XVIII revint, et si Ton veut se faire une
idée de la différence qu'il y avait de sa table avec celle de son
prédécesseur, à qui six plats suffisaient, nous mettrons sous les
yeux de nos lecteurs le menu du premier diner qui lui fut donné
à son arrivée à Compiègne.
A JULES JANIN.
55
EN MAIGRE :
QUATRE POTAGES.
Potage de poisson à la provençale.
Nouilles à Tessence de racines.
Potage à la d'Artois à l'essence de
racines.
Filets de lottes aux écre visses.
QUATRE RELEVÉS DE POISSON.
Croquettes de brochets à la Béchamel.
Vol-au-vent garni de brandade de
morae aux truffes.
Filets de soles à la Dauphine.
Orly de filets de carrelets.
QUATRE GROSSES PIÈCES.
Turbot au beurre d'anchois.
Grosse anguille à la régence.
Bar à la vénitienne.
Saumon sauce aux huîtres.
TRENTE-DEUX ENTRÉES.
Lts croquittes de brochets.
Raie bouclée à la hollandaise.
Bayonnaise de filets de soles.
Quenelles de poisson à l'italienne.
Grondins grillés, sauce au beurre.
La brandade de morue.
Plies à la poulette.
Pâté chaud de lamproies.
Pluviers de mer en entrée de broche.
Brème à la maître d'hôtel.
Les filets de soles à la Dauphine.
Perches au vin de Champagne.
Darne d'esturgeon au beurre de Mont-
pellier.
Turban de filets de merlans à la
Conty.
Escalopes de morue à la provençale.
La orly de filets de carrelets.
Caisse d'huîtres aux fines herbes.
Escalopes de barbue en croustade.
Filets de poules d'eau à la bourgui-
gnonne.
Éperlans à l'anglaise.
Turbot au beurre d'anchois.
Escalopes de truites aux fines herbes.
Sauté de filets de plongeons au su-
prême.
Vol-au-vent de poisson à la Nesle.
Petites caisses de foies de lottes.
La grosse anguille à la régence.
Blanquette de turbot à la Béchamel.
Pain de carpes au beurre d 'écre visses.
Salade de filets de brochets aux lai-
tues.
Filets d'aloses à l'oseille.
Le bar à la vénitienne.
Papillotes de surmulets à la d'Uxel-
les.
Boudins de poisson à la Richelieu.
Vives froides à la provençale.
Sauté de lottes aux truffes.
Saumon j sauce aux huîtres.
Rougets à la hollandaise.
Filets de sarcelles à la bigarade.
Timbale de macaroni garnie de lai-
tances.
Emincés de turbotins gratinés.
quatre grosses pièces
d'entremets.
L'ermitage indien.
Le pavillon rustique.
Le pavillon hollandais.
L'ermitage russe.
56
LETTRE
QUATRE PLATS DE ROTS POUR
LES CONTRE-FLANCS.
Aiguillettes de goujons.
Poules de mer.
Sarcelles au citron.
Petites truites au bleu.
TRENTE-DEUX ENTREMETS.
L'ermitage indien.
Laitues au jus de racines.
Blanc-manger à la crème.
Buisson de homards.
Gâteaux glacés à la Condé.
Le pavillon rustique.
Céleri à Tessence maigre.
Gelée de punch.
(Eufs brouillés aux truffes.
Petits nougats de pommes.
Le pavillon hollandais.
Concombres au velouté.
Gelée de café moka.
(Eufs pochés aux épinards.
Génoises en croissant perlées.
L'ermitage russe.
Cardes au jus d'esturgeon.
Pommes au riz glacées.
TrufiFes à la serviette.
Petits gâteaux à la Pithiviers.
Les aiguillettes de goujons.
Gâteau renversé au gros sucre.
Truffes a Titalienne.
Pudding au vin de Malvoisie.
Choux-fleurs au parmesan.
Les poules de mer.
Petits soufflés de fécule.
(Eufs pochés à U ravigote.
Gelée de citrons moulée.
Champignons à l'espagnole.
Les sarcelles au citron.
Gâteaux glacés aux pistaches.
Crevettes en hérisson.
Fromage bavarois aux abricots.
Pommes de terre à la hollandaise.
Les petites truites au hleu.
Panachées en diadème au gros sucre.
Petites omelettes à la purée de cham-
pignons.
Géiée des quatre fruits.
Salsifis à la ravigote.
POUR EXTRA , DIX ASSIETTES
DE PETITS SOUFFLÉS EN CROUS-
TADES.
Soufflés aux macarons amers.
Soufflés à Torange.
DESSERT.
8 corbeilles et lo corbi lions,
la assiettes montées,
lo compotiers.
24 assiettes et 6 jattes.
On racontait que Louis XVIII, dans ses. dîners, et même
dans ses dîners en tête-à-tête avec M. d'Avaray, épuisait les
mystères du luxe le plus recherché.
Les côtelettes ne se cuisaient pas simplement sur le gril,
mais entre deux autres côtelettes; on laissait au mangeur le
soin d'ouvrir lui-même cette merveilleuse cassolette , d'où
s'échappaient tout à la fois le jus et le parfum le plus délicat.
A JULES JANIN. $7
Des ortolans étaient cuits dans le ventre de perdreaux
capitonnés de truffes, de sorte que Sa Majesté hésitait parfois
pendant quelques minutes entre Toiseau délicat et le légume
parfumé.
Il y avait un jury dégustateur pour les fruits qui devaient
être servis sur la table royale, et M. Petit-Radel, bibliothécaire
de rinstitut, était dégustateur des pèches.
Un jour, un jardinier de Montreuil, ayant obtenu par des
greffes artistement combinées des pêches de la plus belle espèce,
voulut en faire hommage à Louis XVIII; mais il fallait passer
par le dégustateur juré. Il se présenta donc à la bibliothèque de
rinstitut, demanda M. Petit-Radel, tenant à la main une assiettée
de quatre magnifiques pêches.
On lui fit quelques difficultés : M. le bibliothécaire travail-
lait à un ouvrage excessivement pressé. Le jardinier insista,
demandant seulement qji'on lui laissât passer l'assiette, les
pêches et Tavant-bras en travers de la porte.
Au bruit que fit cette opération, M. Petit-Radel rouvrit ses
yeux, qui s'étaient béatiquement fermés sur un manuscrit go-
thique.
A la vue de ces pêches qui semblaient venir à lui toutes
seules, il poussa un cri de joie et répéta deux fois :
« Entrez ! entrez ! »
Notre jardinier annonça le but de sa visite, et la jubilation
du gastronome reparut sur les traits du savant qui, s'allongeant
dans son fauteuil, les jambes croisées, les mains jointes, se
prépara dans un doux recueillement, par un mouvement sensuel
d'épaules, au jugement important qu'on réclamait de lui.
Notre jsirdinier demanda un couteau d'argent ; il coupa en
quatre au hasard une des pêches, en piqua une tranche à la
pointe du couteau, et la présenta gaiement à la bouche de
M. Petit-Radel, en lui disant :
« Goûtei Veau. »
Les yeux fermés, le front impassible, tout plein de l'impor-
tance de ses fonctions, M. Petit-Radel goûte l'eau sans mot dire.
L'anxiété se peignait dans les yeux du jardinier, quand ^
après deux ou trois minutes, ceux du juge s'entr'ouvrirent.
1
58 LETTRE
« Bien ! très-bien ! mon ami, » furent les seules paroles
qu'il put prononcer.
Aussitôt la seconde tranche est présentée .comme la pre-
mière; seulement le jardinier dit d'un ton plus assuré :
<c Goûte\ la chair. »
Même silence, même gravité de la part du docte gour-
mand ; mais cette fois le mouvement de la bouche était plus
sensible, car il mâchait.
Enfin, après une inclination de tète :
, a Ah! très-bien! très-bien! » dit-il.
Vous croyez peut-être que la supériorité de la pêche était
constatée et que tout était dit? Point.
« Goûte{ l'arôme^ » dit le jardinier.
L'arôme fut trouvé digne de la chair et de l'eau. Alors le
jardinier, qui était passé peu à peu de l'attitude de suppliant à
celle de triomphateur, présenta le dernier morceau, et avec une
teinte d'orgueil et de satisfaction qu'il ne dissimulait plus :
« Maintenant, dit-il, goûte:^ le tout. »
Inutile de dire que ce dernier morceau eut le même succès
que les autres. M. Petit-Radel, alors, s'avança près du jardi-
nier, les yeux humides d'émotion, le sourire sur les lèvres, et lui
prenant les mains avec la même effusion qu'il eût fait pour un
artiste :
« Ah ! mon ami, lui dit-il, c'est parfait, je vous fais mon
compliment bien sincère, et dès demain vos pêches seront servies
sur la table du roi. »
Louis XVIII ne s'illusionnait pas, il voyait avec douleur la
gourmandise s'éloigner.
<( Docteur, disait-il un jour à Corvisart, la gastronomie
s'en va, et avec elle les derniers restes de la vieille civilisation.
Ce sont les corps organisés, comme les médecins, qui devraient
faire tous leurs efforts pour empêcher la société de se dissoudre.
Autrefois, la France était couverte de gastronomes, parce qu'elle
était couverte de corporations dont les membres ont été anéantis
ou dispersés. Plus de fermiers généraux, plus d'abbés, plus de
moines blancs : tout le corps des gastronomes réside en vous
autres médecins qui êtes gourmands par prédestination ; soutenez
A JULES JANIN. $g
avec plus de fermeté le poids dont la destinée vous charge.
Puissiez-vous essuyer le sort des Spartiates au passage des
Thermopyles. »
Louis XVIII , fin mangeur , méprisait profondément
Louis XVI^ son frère, grossier mangeur, qui, en mangeant, ac-
complissait, non pas un acte intellectuel et raisonné, mais tout
brutal.
Quand Louis XVI avait faim, il fallait qu'il mangeât.
Le jour du zo août, lorsqu'il alla demander un asile à la
Convention, on le mit dans la loge, je ne dirai pas du sténo-
graphe, il n'y avait pas encore de sténographe à cette époque,
mais de l'homme chargé de rendre compte de la séance.
A peine y fut-il, que la faim le prit, et qu'il demanda
instamment à manger.
La reine insista, afin qu'il ne donnât pas cet étrange exemple
d'insouciance et de gloutonnerie; il n'y eut pas moyen de lui
faire entendre raison : on lui apporta un poulet rôti dans lequel
il mordit à même, sans paraître s'inquiéter de la grave discussion
de vie et de mort qui s'élevait sur lui. Que lui importait? il vivait.
« Je pense, donc je vis, » disait Descartes.
« Je vis, puisque je mange, » disait Louis XVI.
.Le repas dura jusqu'à ce qu'il ne restât plus ni une bribe
du poulet, ni une miette du pain.
On connaissait si bien chez lui cette tendance à la boulimie,
que Camille Desmoulins, calomnie odieuse dans un semblable
moment, annonça qu'il avait été arrêté parce qu'il n'avait pas
voulu traverser Sainte-Menehould sans manger des fameux pieds
de cochon de cette ville. Or, tout le monde sait que ce n'est
point à Sainte-Menehould que Louis XVI a été arrêté, mais à
Varennes, et que les pieds de cochon ne sont pour rien absolu-
ment dans cette arrestation.
Les plus grandes plaintes de Louis XVI et des gens de son
service au Temple portent sur la façon dont on- avait restreint
ses repas.
Nous avons parlé de Barras comme d'un gastronome dis-
tingué. .
Barras, qu^on appelait le beau Barras, avait, dans les dîners
^
60 LETTRE
■
qu'il donnait, un soin tout particulier des femmes ; sur un millier
de menus que nous avons devant les yeux, il y en a un signé
Barras, dans lequel nous trouvons cette note curieuse écrite de sa
propre main :
CARTE DINATOIRE
POUR LA TABLE DU CITOYEN DIRECTEUR ET GENERAL BARRAS
LE DE'cADI 30 FLOREAL.
Dou[e personnes.
I potage. a plats de rôt.
I relevé. 6 entremets.
6 entrées. i salade.
24 plats de dessert.
Le potage aux petits oignons à la ci-devant minime.
Le relevé, un tronçon d'esturgeon à la broche.
LES SIX ENTREES :
I d'un sauté de filets de turbot à l'homme de confiance, ci-devant maître
d'hdtel.
I d'anguilles à la tartare.
I de concombres farcis à la moelle.
I vol-au-vent de blanc de volaille à la Béchamel.
I d'un ci-devant Saint-Pierre sauce aux câpres.
I de filets de perdrix en anneaux.
LES DEUX PLATS DE RÔT :
1 de goujons du département.
1 d'une carpe au court-bouillon.
LES SIX ENTREMETS :
I d'œufs à la neige.
I de betteraves blanches sautées au jambon.
I d'une gelée au vin de Madère.
T de beignets de crème à la fleur d'oranger.
I de lentilles à la ci-devant reine à la crème au blond de veau.
I de culs d'artichauts à la ravigote.
I salade céleri en rémoulade.
Trop de poisson. Ote^ les goujons. Le reste est bien. Qu'on
n'oublie pas encore de mettre des coussins sur les sièges pour
les citoyennes Tallien^ Talma, Beauharnais , Hainguerlot et
Mirande. Et pour cinq heures précises .
Signé : Barras.
Faites venir des glaces de Veloni ^ je n'en veux pas d'autres.
A JULES JANIN. 6i
La galanterie de Barras a-t-elle rejailli sur sa réputation >
Les femmes l'ont pris sous leur protection, et, du directeur et du
général, est resté Télégant, le beau Barras. De sacorruprion, des
millions qu'il a soutirés à la France, il n'en a point été question.
Que d'absolutions il y a de cachées sous ces mots :
a Mettez des coussins sous les sièges des citoyennes Tallien,
Talma, Beauharnais, Hainguerlot et Mirande. »
M"* Contât se fit une réputation de maison élégante, en
ordonnant de servir les plats chauds dans des assiettes chaudes.
Le long règne de Louis XV fut monotone comme cuisine.
M. de Richelieu jeta seul quelques variétés sur ces parfums, sur
ces fleurs, sur ces fruits toujours les mêmes; il inventa les bou-
• dins à la Richelieu, les bayonnaises, que nos restaurateurs
s'obstinent à appeler des mahonnaises, sous prétexte qu'elles ont
été exécutées la veille ou le lendemain de la prise de Mahon.
Il est vrai que nous avons eu à côté de cela la sauce Bécha-
mel et les côtelettes Soubise.
Cela parut d'autant plus long, que l'on sortait de cette spi-
rituelle époque présidée par le régent, où tout le monde était
jeune, avait de l'esprit et un bon estomac.
La régence fut l'époque charmante de la France : pendant
sept ou huit ans, on vécut pour boire , aimer, manger ; puis un
beau soir que le régent causait avec M"* de Falaris, son petit
corbeau, comme il l'appelait, le régent, se sentant la tête lourde,
la posa sur l'épaule de la belle courtisane en lui disant :
« Croyez-vous aller en enfer, ma belle amie ?
— Si j'y vais, j'espère bien vous y retrouver, » dit-elle.
Le régent ne répondit pas.
Il y était !
Le régent mort, M. le prince lui succéda : c'était un vilain
borpie, venant du mauvais côté de la maison de Condé; il avait
^;.î€çu de la nature cette somme de vertus qui empêche les.
^pinces d'être pendus, non point parce qu'ils sont honnêtes gens,
4^ds parce qu'ils sont princes. Lui et sa maîtresse, la fille du
nfeiC)^ Pléneuf, mirent à peu près un an à manger ce qui res-
tait d'argent dans les coffres de la France ; puis, comme l'argent
manquait^ ils se mirent à manger la France elle-même.
62 LETTRE
On mangea donc beaucoup sous la régence de M. le prince;
mais on ne mangea pas bien.
Un homme d'esprit, médecin homœopathe, me disait un jour
qu'on trouve dans les variations de la nourriture des peuples les
différentes phases médicales.
Ainsi, sous Louis XIV, époque pendant laquelle la France
se nourrit d'une manière incrassante, où le café n'est pas encore
en usage, où le thé n'est pas à la mode, où le chocolat est à
peine inventé, on engraisse, et toute maladie, disent les médecins,
vient des humeurs.
Alors arrive la médecine de M. Fagon.
Inutile de dire que le Fagon de Louis XIV et le Purgon
de Molière, c'est le même homme : saigner, purger, clysterium
donare.
Louis XIV se purgeait deux fois par mois, ce qui lui débar-
rassait en même temps l'estomac et la tête, et le rendait de si
belle humeur, que c'était le 15 et le 30, au sortir de ses water-
closets, que les solliciteurs l'attendaient avec leurs placets.
Cette médecine dura tant bien que mal une centaine d'années.
Puis vint un homme de génie, qui fit à la fois la gloire et le
malheur de la France.
Napoléon I".
Il tomba : cinquante mille officiers se répandirent alors sur
la surface de la France, n'ayant plus d'avenir que celui des con-
spirations, le sang brûlé par la haine, et s'occupant à renverser le
gouvernement tout en buvant du café, de l'eau-de-vie et du
punch.
Alors parut Broussais, homme de génie s'il en fut, qui, de
même que Fagon avait dit : tout est dans les humeurs, pur-
geons; dit : tout est dans le sang, saignons.
Et il saigna, et pendant toute une période on saign% ces
conspirateurs au sang brûlé par la haine, par le punch et le
café ; on saigna non - seulement avec la lancette, mais avec le
poignard, mais avec le fer de l'échafaud.
Au règne de Louis XVIII, la Chambre introuvable fut pre^
que une période de la Terreur. Seulement on l'appela la Terreur
blanche.
A JULES JANIN. 63
Ensuite vinrent le règne d'un instant de Charles X, et la
Révolution de 1830. La République pointa, comme les épis en
avril.
Mais les esprits étaient tournés à la spéculation; et au
milieu des derniers disciples du dieu Gaster, qui allaient tous les
jours se disciplinant dans les salles à manger des ministres,
naquirent les adeptes de la Bourse, qui firent succéder les inquié-
tudes de la hausse et de la baisse aux terribles transes des
conspirations.
Ceux qui perdaient — et ceux qui perdent paraissent tou-
jours plus nombreux que ceux qui gagnent — rentraient chez
eux avec des frémissements nerveux qui se fixaient dans les yeux,
sur le front ou dans la bouche ; leurs femmes et leurs filles, en
voyant sans cesse des gens ennuyés et souffrants, bâillaient à se
démonter la mâchoire.
On leur demandait ce qu'elles avaient, elles n'osaient ré-
pondre : mon père, ou mon mari, est assommant; elles répon-
daient : j'ai mes nerfs.
A ce moment, le médecin homœopathe allemand Hahnemann
fit son entrée dans cette société voltaisée, et de même que Fagon
avait dit : tout est dans les humeurs, purgeons ; que Broussais
avait dit: tout est dans le sang, saignons; Hahnemann dit : tout,
est dans les nerfs, calmons ; et Thomœopathie fit ses premiers pas
dans la carrière lente, calme et invisible, qu'elle est appelée à
parcourir.
Nous arrivâmes en même temps qu'elle, et nous eûmes
rhonneur d'être ses contemporains. Contemporains assez embar-
rassés quant à nos opinions politiques, nous ne pouvions être
napoléoniens , Napoléon étant deux fois tombé du trône a«
milieu des malédictions de nos mères ; nous ne pouvions être
Bourbonniens , Louis XVIII étant mort avec la réputation d'un
homme sans cœur qui n'avait jamais pardonné et Charles X ayant
été chassé avec la réputation d'un roi fainéant et imbécile. Nous
ne savions pas beaucoup d'histoire de France, mais nous savions
0^)endant que les rois, par la fainéantise et Timbécillité, remon-
taient à leur source.
On venait de nous en confectionner un qui devait être le
# -^
64 LETTRE
modèle des rois, ayant été fait par ce qu'il y avait de plus riche
et de plus intelligent en France. Nous ne pouvions pas encore
être fanatiques de celui-là , attendu qu'il n'avait pas fait ses
preuves.
Il nous restait donc deux choses à aimer : la liberté et Tart.
Nous nous jetâmes dans cette religion nouvelle qui nous sédui-
sait par deux mots inconnus jusque-là.
Il n'y avait presque pas eu d'art, mais il n'y avait pas eu de
liberté du tout.
On sentait l'intelligence de la patrie menacée : il y eut,
comme en pa, des enrôlements volontaires.
Aucun de ces nouveaux soldats de l'art et de la liberté
n'était riche; quelques-uns avaient des places de i,ooo à
1,500 francs.
Cent louis étaient un de ces résultats que les plus hautes
ambitions n'osaient espérer. Mes appointements les plus élevés
ont monté, et montaient, lorsque je donnai ma démission le
8 août 1830, à 166 fr. 66 c. par mois.
Combien gagniez-vous, mon cher ami? vous ne deviez pas
être bien riche non plus.
Le moyen, avec 4 ou 5 francs par jour, de penser à la gas-
tronomie } non ! il fallut penser au plus pressé, il fallut penser à
vivre avant de penser à manger.
Chacun de nous se trouva alors comme un homme qui se
serait endormi dans une plaine inconnue.
Au jour naissant, il s'éveillait et se trouvait dans un air plein
de brouillards qui s'effaçaient peu à peu, et qui laissaient distin-
guer à chacun la route qu'il devait suivre.
Un an après on disait :
Que fait Lamartine ? — Ses Nouvelles Méditations.
Que fait Hugo ? — Marion Détonne.
Que fait Méry? — La Villéliade.
Que fait de Vigny? — La Maréchale d'oâncre.
Que fait Barbier? — Ses ïambes.
Que fait de Musset? — S^s Contes d'Espagne et d'Italie.
Que fait R(^er de Beauvoir ? — V Écolier de Clunjr.
Que fait Janin ? — Barnave,
A JULES JANIN, 6$
Que fait Dumas? — Il répète Henri III.
Et c'est ainsi que chacun de nous avait trouvé la route qu'il
devait poursuivre.
Quelques-uns cependant avaient des tendances vers la gas-
tronomie. Ce n'étaient pas les travailleurs : c'étaient des gens
d'esprit, c'était Véron, c'était Nestor Roqueplan, c'était Vieil-
Castel, c'était Roger, c'était Romieu, c'était Rousseau.
Un seul était assez riche ou gagnait assez d'argent, ce qui
revient à peu près au même, pour se faire beau mangeur d'an-
cienne roche, c'est-à-dire gastronome; les autres prirent le milieu,
et, n'étant pas assez riches pour se livrer à la gastronomie, se
firent gourmets ou gourmands; enfin ceux qui gagnaient de
l'argent par secousses, selon qu'un vaudeville réussissait ou qu'ils
entamaient une série d'articles à un journal, se firent viveurs.
Véron vécut constamment au café de Paris, donnant de
grands dîners, au fur et à mesure que sa fortune grandissait,
mais les donnant chez lui.
Romieu, de Vieil-Castel, Roger de Beauvoir, mangeaient sur
le boulevard, indifféremment au café Anglais, à la Maisdn-d'Or,
chez Vachette, chez Grignon, etc. ; les autres, où ils pouvaient.
Ceux-là, d'ailleurs, étaient plutôt des buveurs que des mangeurs ;
ils poursuivaient plutôt la ligne des ivrognes que celle des
gourmands. Mais tous, il faut le dire, étaient de charmants es-
prits, qui fondèrent la société de 1830 à 1850.
Tout Paris a connu les hommes que je viens de nommer;
et puisqu'ils ont été connus de tout Paris, ils ont été connus du
monde entier.
Eh bien, l'habitude des dîners et des soupers, la seule que je
regrette, était tellement perdue chez nous, que pas une seule fois
tous ces hommes d'un esprit si élevé, si charmant, si cultivé,
n'eurent l'idée de se réunir dans un dîner, et je ne crois pas
qu'une seule fois ils se trouvèrent tous ensemble.
Désaugiers, en mourant, avait emporté avec lui, dans sa
tombe, la clef du dernier Caveau.
Je me rappelle cependant une anecdote qui prouve qu'il
restait parmi nous de dignes successeurs des Grimod et des
Cussy.
66 LETTRE
Le vicomte de Vieil-Cas tel, frère du comte Horace de Vieil-
Castel, Tun des plus fins gourmets de France, hasarda un jour,
dans une réunion moitié artiste, moitié gens dû monde, cette
proposition :
(( Un homme seul peut manger un dîner de cinq cents
francs. »
On se récria :
« Impossible!
— Il est bien entendu, reprit le viconite, que dans le mot
manger est sous-entendu le mot boire.
— Parbleu ! firent les assistants.
— Eh bien ! je dis qu'un homme, quand je dis un homme,
je ne parle pas d'un charretier, n'est-ce pas? je sous-entends un
gourmet, un élève de Montron ou de Courchamps ; eh bien, je
dis qu'un gourmet, un élève de Montron ou de Courchamps peut
manger un dîner de cinq cents francs.
— Vous, par exemple >
— Moi ou tout autre.
— Pourriez-vous?
— Parfaitement.
— Je tiens les cinq cents francs, dit un des assistants. Voyons,
établissons bien les faits.
— Rien de plus simple à établir : je dîne au café de Paris,
je fais ma carte comme je l'entends, et je mange pour cinq cents
francs à mon dîner.
— Sans rien laisser sur les plats ni dans les assiettes?
— Si fait, je laisse les os.
— Oh ! c'est trop juste.
— Et quand le pari aura-t-il lieu?
— Demain, si vous voulez.
— Alors vous ne déjeunez pas ? demanda un des assistants.
— Je déjeunerai comme à mon ordinaire.
— Soit. Demain à sept heures, au café de Paris. »
Le même jour, le vicomte alla dîner comme de coutume au
restaurant fashionable; puis après le dîner, pour ne pas être
influencé par des tiraillements d'estomac, le vicomte se mit en
devoir de dresser sa carte du lendemain.
A JULES JANIN. 67
On fit venir le maître d'hôtel. C'était en plein hiver : le
vicomte indiqua force fruits et primeurs. La chasse était fermée :
il voulut du gibier.
Le maître d'hôtel demanda huit jours.
Le dîner fut remis à huit jours. A la droite et à la gauche
de la table du vicomte devaient dîner les juges du camp.
Le vicomte avait deux heures pour dîner : de 7 à 9.
Il pouvait à son choix parler ou ne point parler.
A l'heure fixée, le vicomte entra, salua les juges du camp
et se mit à table.
La carte était un mystère pour les adversaires ; ils devaient
avoir le plaisir de la surprise. Le vicomte s'assit. On lui apporta
douze douzaines d'huîtres d'Ostende, avec une demi-bouteille
dé Johannisberg.
Le vicomte était en' appétit : il redemanda douze autres
douzaines d'huîtres d'Ostende et une autre demi-bouteille du
même cru.
Puis vint un potage aux nids d'hirondelles, que le vicomte
versa dans un bol et but comme un bouillon.
tt Ma foi, messieurs, dit-il, je me sens en train aujourd'hui,
et j'ai bien envie de me passer une fantaisie.
— Faites, pardieu, vous en êtes bien le maître.
— J'adore les biftecks aux pommes.
— Messieurs, pas de conseils, s'il vous plaît, dît une voix.
— Bah ! garçon, dit le vicomte, un bifïeck aux pcmmes. »
Le gar^n, étonné, regardu le vicomte.
(f Eh bien! dit celui-ci, vous ne comprenez pas?
— Si fait, mais je croyais que monsieur le vicomte avait fait
sa carte?
— C'est vrai, mais c'est un extra que je me passe ; je le
payerai à part. »
Les juges du camp se regardaient. On apporta le bifteck
aux pommes, que le vicomte dévora jusqu'à la dernière rissole.
« Voyons ! le poisson maintenant ! »
On apporta le poisson.
« Messieurs, dit le vicomte, c'est une ferra du lac de Ge-
nève ; ce poisson ne se trouve que là ; mais cependant on peut
68 LETTRE
s'en procurer. On me Ta montré ce matin pendant que je dé-
jeunais ; il était encore vivant , on Ta transporté de Genève à
Paris dans l'eau du lac. Je vous recommande la ferra, c'est un
manger délicieux. »
Cinq minutes après, il n'y avait plus sur l'assiette que les
arêtes de la ferra.
« Le faisan, garçon! dit le vicomte. »
On apporta un faisan truiFé.
« Une seconde bouteille de Bordeaux, même cru. »
On apporta la seconde bouteille.
Le faisan fut troussé en dix minutes.
(( Monsieur, dit le garçon, je crois que vous avez fait erreur
en demandant le faisan truffe avant le salmis d'ortolans.
— Ah ! c'est pardieu vrai 1 Par bonheur, il n'est pas dit dans
quel ordre les ortolans seront mangés, sans quoi j'avais perdu.
Le salmis d'ortolans I garçon. »
On apporta le salmis d'ortolans.
Il y avait dix ortolans, le vicomte en fit dix bouchées.
a Messieurs, dit le vicome, ma carte est bien simple. Main-
tenant des asperges, des petits pois, un ananas et des fraises.
En vin : une demi-bouteille de Constance, une demi-bouteille de
Xérès retour de l'Inde. Puis le café et les liqueurs, bien en-
tendu. »
Chaque chose vint à son tour : légumes et fruits, tout fut
mangé consciencieusement; vins et liqueurs, tout fut bu jusqu'à
la dernière goutte.
Le vicomte avait mis une heure (quatorze minutes à faire
son dîner.
« Messieurs, dit-il, les choses se sont-elles passées loyalement?»
Les juges du camp attestèrent.
(f Garçon, la carte ! »
On ne disait pas encore V addition à cette époque.*
Le vicomte jeta un coup d'œil sur le total, et passa la carte
aux juges du camp.
Voici cette carte :
0
A JULES JANIN. 69
1^
fr. c.
Huîtres d'Ostende, vingt-quatre douzaines. . 30 »
Soupe aux nids d'hirondelles 150 »
Bifteck aux pommes 2 n
Ferra du lac de Genève 40 »
Faisan truffé 40 »
Salmis d'ortolans 50 n
Asperges 15 »
Petits pois 12 »
Ananas 24 »
Fraises 20 »
VINS.
Johannisberg, une bouteille 24 »
Bordeaux, grands crus, deux bouteilles. ... 50 »
Constance , une demi-bouteille 40 »
Xérès retour de l'Inde, une demi-bouteille. . 50 »
Café, liqueurs i 50
Total 548 50
On vérifia l'addition, elle était exacte.
On porta la carte à l'adversaire du vicomte, qui dînait dans
le cabinet du fond.
Il parut au bout de cinq minutes, salua le vicomte, tira de
sa poche six billets de mille francs et les lui présenta.
C'était le montant du pari.
« Oh 1 Monsieur, dit le vicomte, cela ne pressait pas ; peut-
être, d'ailleurs, eussiez-vous désiré votre revanche.
— Vous me l'eussiez donnée >
— Sans doute.
— Quand cela ?
— Tout de suite. »
Vovs rappelez-vous notre pauvre Roger, je ne dirai pas le
plus spirituel de nous tous — là où vous étiez, cher ami, là où était
Méry, il n'y avait pas plus spirituel que les maîtres en esprit que
je viens de nommer, — mais un des plus spirituels et à coup
sûr le plus bruyant de nous tous.
J'ai fait sur lui une observation que je donne comme avis
aux amateurs : depuis le cominencement jusqu'à la fin du dîner,
L
70 LETTRE
il ne buvait en général que du vin de Champagne glacé; aussi
dans le commencement des repas, quand les autres ne s'occu-
paient que de satisfaire leur appétit, lui s'occupait de les amuser
par ses contes sans fin et ses anecdotes insensées; au fur et à
mesure que le dîner s'avançait et que les autres convives commen-
çaient à s'animer, lui devenait sérieux, taciturne, quelquefois
morose ; je l'ai vu s'endormir.
Est-ce que le vin de Champagne, qui est excitant dans ses
premiers eâ^ets, serait stupéfiant dans ceux qui suivent^ Ce serait
un mauvais tour que rendrait le gaz acide carbonique qu'il
contient.
Pourquoi, tout au contraire, l'esprit de Méry, qui ne buvait
que du vin de Bordeaux, et en assez petite quantité, allait-il
croissant pendant tout le repas et s'aiguisait-il à mesure qu'il en
buvait ?
Vous avez peu connu, je crois, ces deux viveurs fraternels
— Romieu et Rousseau — qui ont commencé comme Damon
et Pythias , et qui ont fini comme Étéocle et Polynice.
Encore un crime de la politique : une sous-préfecture était
passée entre eux.
Pendant dix ans, Paris retentit des exploits rivaux de Rous-
seau et de Romieu ; tous les matins c'était une histoire nouvelle
que l'on racontait, et qui était le résultat de leur imagination
gastronomique.
La veille au soir, Romieu était entré chez un marchand
épicier, il avait demandé une livre de chandelles, les avait fait
couper par morceaux de dix centimètres, en avait fait affiner les
bouts, les avait placés sur le comptoir, avait demandé une allu-
mette et y avait mis le feu.
L'épicier l'avait regardé faire avec autant de curiosité que
d'étonnement.
Puis il prit son chapeau qu'il avait déposé sur le comptoir :
« Eh bien. Monsieur? lui demanda l'épicier.
— Quoi? dit Romieu.
— Vous vous en allez ?
— Sans doute, je m'en vais.
— Sans payer >
A JULES JANIN. 71
— OÙ serait la farce si je payais. »
L'épicier voulait courir après lui ; mais il fallait passer par-
dessus le comptoir, et Romieu courait bien.
Un autre jour on disait :
« Vous ne savez pas ce qu'a fait Rousseau cette nuit>
— Non ; qu'a-t-il fait ?
— Il se présente au magasin des Deux-Magots, et demande
à parler au maître de l'établissement.
« Le maître est couché.
« N'importe! la chose est si grave, qu'il faut l'introduire
dans sa chambre, afin qu'il puisse lui dire deux mots sans témoins ;
les commis se consultent; l'un d'eux prend sur lui d'entrer dans
la chambre à coucher ; un instant après il sort : le Monsieur peut
entrer.
c( Rousseau entre et trouve le commerçant dans le costume
de l'emploi, c'est-à-dire les yeux bridés et en bonnet de coton :
<c Monsieur, dit Rousseau au négociant qui le regarde avec
stupéfaction, j'ai une communication de la plus haute importance
à faire à votre associé.
« — Mais, Monsieur, répond le négociant, je n'ai pas
d'associé.
« — Mais, Monsieur, dit Rousseau, alors on ne prend pas
pour enseigne q4ux Deux-Magots^ c'est tromper le public.
« Et, se retirant avec la même politesse qu'il était entré, îl
laisse le digne négociant tout abasourdi, ne sachant pas s'il dort
ou s'il rêve. »
Un soir, la garde ramasse Rousseau ivre-mort au coin d'une
borne, la tête appuyée à la muraille ; un lampion, brûlait à son côté .
Il avait soupe avec Romieu, tous deux étaient sortis du
«abaret fort étourdis ; l'air ayant plus de prise sur Rousseau que
sur Romieu, le premier avait fait trois ou quatre faux pas.
Romieu, qui vit qu'en sa qualité de moins ivre des deux,
il allait être forcé de reconduire Rousseau jusque chez lui, avait
résolu de s'épargner cette peine.
n acheta un lampion, qu'il paya cette fois, chez un épicier,
coucha Rousseau au coin d'une borne, alluma le lampion, qu'il
posa sur la borne, et s'éloigna en disant :
L
7» LETTRE
- . — ■
« Maintenant, dors, fils d'Épicure, ils ne t'écraseront pas. »
C'est dans cette situation que la patrouille l'avait retrouvé
avec quatre ou cinq sous dans la main.
De bonnes âmes, qui l'avaient pris pour un pauvre honteux,
lui avaient fait l'aumône.
Eh bien, ce fut sur ces entrefaites, qu'au milieu des quinze
ou seize changements de gouvernement auxquels j'ai assisté
depuis ma naissance , un gouvernement, qui probablement avait
de la sympathie pour les viveurs, donna une sous-préfecture à
Romieu.
La promesse lui en avait été faite ; mais Romieu n'en avait
parlé à personne, il n'espérait pas qu'il y eût un gouvernement
qui osât faire de lui un magistrat.
Un beau matin, Rousseau lit dans son journal que Romieu
est sous-préfet.
Depuis longtemps, Rousseau voulait se ranger, et cherchait
une place. Il bondit de joie, court chez Romieu, le trouve
assis sur son lit, le journal à la main : •
« Eh bien! lui crie Rousseau, tu es donc sous-préfet?
— Mon cher, ne m'en parle pas, dit Romieu, il faut bien
que ce soit, puisque je le lis dans le journal.
— Ah ! tant mieux !
— Pourquoi tant mieux >
— Mais parce que nous allons être les gens les plus heureux
de la terre : je te suis , tu me fais ton secrétaire, et avec nos
appointements nous vivons comme des rois dans notre petite ville
de province.
— Comment ! dit Romieu de l'air le plus touchant du
monde, tu te sacrifierais pour moi }
— Je le crois bien !
— Tu me suivrais en exil ?
— Trop heureux !
— Eh bien, reviens me voir demain matin, afin que je tire
tout cela au clair, et nous verrons. »
Et, les larmes aux yeux, comme s'il était touché du dévoue-
ment de Rousseau , il lui tend les bras. Rousseau s'y jette, et les
deux amis s'embrassent.
A JULES JANIN. 73
Le lendemain, dès le matin, Rousseau arrive :
« Eh bien? demande-t-il.
— Eh bien, mon cher Rousseau ! répond Romieu d'une voix
larmoyante.
— Quoi ?
— On m'a dit une chose aflreuse^ qui va empêcher tous nos
beaux projets de s'accomplir.
— Laquelle >
— On m'a dit que tu buvais. »
Rousseau le r^arda avec stupéfaction, jeta un cri, et sortit
presque épouvanté.
L'un des abîmes du cœur humain, l'hypocrisie, venait d'être
ouvert à ses yeux dans sa plus horrible profondeur.
Voilà comment finit la société des gastronomes et des buveurs,
qui succéda à celle de la Restauration.
Aujourd'hui, de tout ce monde-là, mon cher Janin, il ne
reste plus guère que nous deux, qui n'avons jamais été ni de vrais
buveurs ni de vrais mangeurs; les autres sont morts : Roger de
Beauvoir est mort , Méry est mort , Vieil-Castel est mort , Ro-
mieu est mort, Rousseau est mort, de Musset est mort, de
Vigny est mort. La joyeuse nappe de 1830 est devenue en 1869
un drap mortuaire.
On mangera toujours, mais on ne dînera plus, et surtout on
ne soupera plus.
Vers 1844 ou 1845, il me prit un remords de laisser s'en aller
ainsi ces bons soupers où l'on avait tant d'esprit et d'entrain,
sans chercher à les retenir.
J'avais pour amis à peu près tous les gens d'esprit de
l'époque : peintres de talent, musiciens en vogue, chanteurs
aimés du public. Je me fis une table de quinze couverts, j'invitai
une fois pour toutes quinze amis à se réunir tous les mercredis,
de onze heures à minuit, chez moi, les priant, lorsqu'ils ne
pourraient pas venir, de me prévenir trois ou quatre jours
d'avance, afin que les absents pussent être remplacés.
Pourquoi avais-je choisi des soupers au lieu de dîners?
Pourquoi avai$-*je indiqué minuit au lieu de sept heures du soir?
D'abord parce que la plupart de mes convives, appartenant
74 LETTRE
au théâtre, n'étaient pas libres de leur soirée; ensuite parce que
j'ai remarqué que le souper, étant aussi éloigné des affaires de
la veille que des affaires du lendemain, laissait à l'esprit toute
son indépendance ; parce qu'enfin il y a bien peu de choses qui,
ayant pu se faire à minuit, ne puissent se faire à deux heures
du matin.
Ces soupers se composaient en général tl'un pâté de gibier,
d'un rôti, d'un poisson et d'une salade.
Remarquez que j'aurais dû mettre le poisson avant le rôti.
A cette époque où je chassais encore, quatre ou cinq per-
dreaux, un lièvre et deux lapins faisaient les frais du pâté. Julien
le confectionnait avec un art qui ne s'est jamais démenti.
J'avais inventé pour les poissons à l'huile une sauce qui
avait le plus grand succès.
Duval me fournissait des rosbeefF qui étaient de véritables
quartiers de bœuf.
Enfin je confectionnais une salade qui satisfaisait tellement
me& convives, que quand Ronconi, un de mes plus assidus sou-
peurs, ne pouvait venir, il envoyait chercher sa part de salade,
qu'on lui rapportait, quand il pleuvait, abritée sous un énorme
parapluie, pour qu'aucun corps étranger ne s'y mêlât.
« Comment, » me direz-vous, mon cher Janin, vous qui
êtes si faible en pratique, mais si fort en théorie, « comment
pouviez-vous fiiire d'une salade un des plats importants de votre
souper? n
C'est que ma salade n'était point une salade comme toutes
les salades.
Malheureusement, dans un livre comme celui que je viens
de mettre sous les yeux du public, on ne peut pas soigner ^;a-
lement tous les détails; et je me reproche d'avoir un peu aban>
donné l'article salade, et de ne pas lui avoir donné toute l'impor-
tance qu'il mérite.
Revenons sur lui, et parlons d'abord de la salade en général,
avant d'attaquer les différents genres de salades en particulier ; et
quand je dis attaquer, comprenez bien que je me sers d'un mot
adopté, voulant dire passer en revue, mais non faire acte d'hos-
tilité.
A JULES JANIN. 75
Dieu me garde de faire acte d'hostilité contre un genre de
salades quelconque. En matière de cuisine, comme en littérature,
je suis éclectique; comme je suis panthéiste en matière de
religion.
Cependant, comme Sainte-PI^, qui' ne pouvait s'empêcher
de dire qu'une bavaroise était un fichu souper, je ne puis m'em-
pècher de dire que la salade n'est point une nourriture naturelle
à Thomme, tout omnivore qu'il soit; il n'y a que les ruminants
qai soient nés pour brouter l'herbe crue ; or, la salade, réduite
à sa plus simple expression, n'est que de l'herbe crue. La preuve,
c'est que notre estomac ne digère point la salade, attendu que
l'estomac ne sécrète que des acides, et que l'herbe crue n'est
dissoute t[ue par les alcalins , comme presque tous les aliments
respirateurs, qui traversent l'estomac sans s'inquiéter des sucs
gastriques ou plutôt sans que les sucs gastriques s'occupent d'eux,
et qui vont se recommander, une fois l'estomac traversé; au pan-
créas et au foie.
L'homme, à qui Dieu, dit Ovide, a donné un visage sublimç,
os sublime, l'homme n'est pas fait pour ^brouter l'herbe, mais
pour regarder le ciel, toujours au dire du même Ovide.
Il est vrai que si l'homme passait sa vie à regarder le ciel ,
cela le nourrirait encore moins que de manger de l'herbe.
C'est d'abord le proverbe qui dit d'un imbécile : « Il est bête
à manger du foin. » Puis ensuite c'est la conformation de ses
intestins, qui est la même, il faut bien l'avouer, chez les imbé-
ciles que chez les gens d'esprit.
En fait de cerveau, c'est très-différent, ce qui nous prouve
que le cerveau est fait pour autre chose que pour digérer.
Ainsi, à propos du cerveau, voici les dernières découvertes
de la science :
Le gorille, c'est-à-dire le quadrumane, en a de 450 à
(00 grammes ;
L'idiot en a 1,100 grammes;
Le naturel de la Nouvelle-Zélande, c'est-à-dire l'homme
qui se rapproche le plus du singe, en a 1,200;
L'Européen baptisé du nom de philistin par l'étudiant
d'Heidelberg, et du titre de bourgeois par le gamin de Paris, et
76 LETTRE
qui occupe le degré de Téchelle de Tintelligence qui suit immé-
diatement celui du naturel de la Nouvelle-Zélande, en a 1,300;
Buffon en avait 1,800;
Napoléon et Cuvier, 2,000;
La cervelle d'un académÉlen varie de 1,300 à 1,800, c'est-
à-dire du philistin à Buffon; on pourrait croire, que cela dépend
de la lettre par laquelle le nom commence.
Il n'en est rien : les noms de MM. Villemain et de Viennet
commencent tous les deux par un V. Eh bien, il 7 a un de ces
deux messieurs, je ne veux pas dire lequel, qui a certainement
200 ou 300 grammes de cervelle de plus que l'autre; mais tous
deux n'ont que 35 à 36 pieds d'intestins grêles : attendu que ni
l'un ni l'autre ne sont prédestinés à manger de l'herbe crue.
Ce sont les bœufs qui sont destinés à manger de l'herbe et à
concourir pour le Bœuf gras; aussi ont-ils quatre estomacs et
135 à 14Ô pieds d'intestins grêles, et encore est-on obligé, pour
les pousser à 1,300 kilogrammes, de leur faire boire jusqu'à
dp litres d'eau par jour, non pas que l'eau engraisse positive-
ment — n'accréditons pas cette erreur — mais, en délayant les
aliments, elle donne aux organes de la digestion la &culté d'en
extraire et d'en absorber les parties nutritives.
Le lion et le tigre, qui ne mangent pas d'herbe crue, mais
de la chair vivante, n'ont que quinze pieds d'intestins grêles, et,
comme ils ne boivent pas même un litre d'eau par jour, ils ne
seront jamais gras.
Peut-être me tromperais-je de quelques centimètres sur la
longueur de ce viscère chez les félins ; mais je dois vous avouer
qu'il ne m'est jamais venu à l'idée d'aller mesurer les intestins
grêles d'un tigre ou d'un lion.
J'en parle par ouï-dire.
Toute cette digression a pour but de prouver que l'homme
n'est pas né pour manger de la salade, et que c'est l'excès de la
civilisation qui nous a conduits là.
Et ce qui vient à l'appui de mon opinion, c'est que dans
beaucoup de maisons, on fait de la salade un appendice du
rôti.
Mangez donc de la salade avec un cuissot de chevreuil bien
A JULES JANIN. 77
mariné, avec des faisans attendus à point, avec des bécasses cou-
chées sur leurs rôties !
C'est tout simplement une hérésie culinaire.
Un mets gâte Tautre.
Tous les gibiers de haut goût doivent se manger seuls, avec
la sauce qui ressort logiquement de leur essence.
Mais ce qui est une bien autre hérésie, disons le vrai mot,
ce qui est une impiété culinaire^ et remarquez bien que cette
habitude a prévalu sur les meilleures, non, je me trompe, sur
les plus grandes tables, c'est de faire faire la salade par un
domestique !
Quand il faudrait pour cette œuvre complexe un médecin,
ou tout au moins un chimiste !
Aussi quelles tristes salades ! Rappelez vos souvenirs : avez-
vous mangé, dans vos grands dîners en ville, des salades dans
lesquelles un drôle à gants tricotés vous met deux pincées de sel,
une pincée de poivre, une cuillerée de vinaigre et deux cuillerées
. d'huile? les plus raffinés y ajoutent une cuillerée de mou-
tarde.
Et Ton vous sert ce mets insipide, à quel moment }
Au moment où, votre faim aux trois quarts calmée, vous avez
besoin d'un apéritif pour vous rendre l'appétit perdu.
C'est donc au maître ou à la maîtresse de la maison, s'ils
sont dignes de ce sacerdoce, qu'appartient l'assaisonnement de ce
mets rebelle.
Et l'œuvre doit être accomplie une heure avant que Ton
attaque le saladier.
Pendant cette heure, elle doit être retournée trois ou quatre
fois.
Mais, avant d'entrer dans la salade pour n'en pbis sortir,
lançons l'anathème sur le service à la Russe, service qui consiste
à vous montrer le plat que vous allez manger, et par le plat
j'entends ce qu'il contient, puis à le faire découper loin de la
table par un domestique, et à vous faire glisser par le susdit do-
mestique sur votre assiette, non pas le morceau qu'il vous plairait
de manger, mal|^e morceau qu'il lui plaît de vous servir.
Je sais que, sur un dîner de quatre centi francs, cette ma-
I
78 LETTRE
nière de servir fait cent francs d'économie ; mais on ne donne pas
à dîner pour faire des économies.
On croit que si dans un grand dîner on laissait chs^cun se
servir dans un poulet, les premiers qui se serviraient prendraient
les ailes. On se trompe. Dans les poulets rôtis, à ma façon sur-
tout, il y a des parties plus savoureuses que les ailes ; il est vrai
qu'elles ne seraient réservées qu'aux fourchettes savantes.
Terminons avec la salade.
Voici la définition que donne de la salade ou plutôt des
salades le Dictionnaire de la Cuisine française^ c'est-à-dire le
meilleur livre que je connaisse sur ce grave sujet :
« SALADES.
(( Les salades se composent de plantes potagères auxquelles on
ajoute quelques herbacées aromatiques, et qu'on assaisonne avec
du sel, du poivre blanc, de l'huile, du vinaigre, et quelquefois
avec de la moutarde et du Soya. »
Le Dictionnaire de la Cuisine française continue :
« Les salades varient selon les saisons. On commence à manger
les chicorées vers la fin de l'automne et l'on ne mêle habituelle-
ment à cette espèce de salade aucune herbe de fourniture ; on se
contente de mettre au fond du saladier une petite croûte de pain
rassis frottée d'ail, ce qui suffit à l'assaisonnement de cette
salade. »
J'ai souligné, comme vous pouvez le voir, ces trois mots,
aucune herbe de fourniture ; en effet, un manuel moins exact
et moins savant aurait mis aucune fourniture ^ car il eût probable-
ment ignore que les herbes se divisent en trois catégories, ainsi
que nous l'avons déjà dit à l'article Herbes :
Herbes potagères;
Herbes d'assaisonnement;
Herbes de fourniture.
Les herbes potagères sont au nombre de six :
L'oseille^ la laitue, la poirée, l'arroche, l'épinard et le
pourpier vert.
On en fait des soupes, des farces maigres et des tisanes.
Notre avis est de les employer surtout en tisanes.
A JULES JANIN. 79
Les herbes d'assaisonnement sont au nombre 'de dix, sans
compter le laurier, qui, étant un arbre, ne peut être classé
parmi les herbes :
Le persil, Testragon, le cerfeuil, la cive, la ciboule, la sar-
riette, le fenouil, le th3rm, le basilic et la tanaisie.
Les herbes de fourniture, au nombre de douze :
Le cresson alenois, le cresson de fontaine, le cerfeuil, Tes-
tragon, la pimprenelle, le perce-pierre, la corne de cerf, le petit
basilic, le pourpier, les cordioles, le jeune baume et la cibou-
lette.
Quatre de ces herbes sont à la fois, comme on le voit, herbes
potagères et herbes d'assaisonnement ou de fourniture, c'est-à-
dire que, comme nos hommes d'Etat, elles cumulent — non pas
peut manger, mais pour être mangées.
On a vu que le Dictionnaire de la Cuisine recommande de
mettre au fond du saladier où l'on assaisonne la chicorée un petit
croûton de pain rassis frotté d'ail.
C'est ce petit morceau de pain qu'on désigne sous le nom de
chapon. D'où lui vient ce nom? Les plus profondes recherches
étymologiques ne m'ont rien appris à cet endroit. J'ai donc été
obligé de me jeter dans les probabilités.
Or, voici ce que les probabilités donnent :
Le chapon volaille est originaire du pays de Caux ou de la
province du Maine, tandis que le chapon croûte de pain frottée
d'ail est originaire de Gascogne.
Or, le Gascon étant naturellement pauvre et vaniteux, il
sera venu à l'idée de quelque Gascon, à celle de D'Artagnan
peut-être, d'appeler chapon une croûte de pain frottée d'ail,
pour avoir le droit de dire en se rengorgeant à ceux qui lui de-
mandaient : « Avez-vous bien dîné ?
— Superbement, j'ai dîné avec un chapon et une salade. »
)• Ce qui en effet, pris au pied de la lettre, fait un assez bon
dîner pour un Gascon.
j Quant à moi, j'aime fort la cuisine provençale, dont j'ai fait,
des plats de ménage surtout, une étude toute particulière; et
malgré la défense faite à Rome d'entrer dans le temple de Cy-
bèle quand on avait mangé de l'ail, malgré la haine de l'odorat
^
80 LETTRE
contre Tail, malgré Tarticle du roi Alphonse de Castille qui dé-
fendait aux chevaliers de Tordre créé par lui en 1368 de manger
de Tail , nous sommes, médicalement de Tavis de Raspail, et
culinairement de Tavis de Durand, qui recommandent tous deux
remploi de l'ail comme substance sapide et saine.
Vous connaissez toutes les salades, n'est-ce pas? depuis
Fescarole jusqu'à la laitue romaine ; seulement, dans le cas assez
extraordinaire où vous aimeriez cette espèce d'Eudine intitulée
Barbe de capucin^ je vous donnerais un conseil qui vous pa-
• raîtra peut-être un peu bizarre d'abord, mais dont vous recon-
naîtrez plus tard l'excellence : c'est d'y mêler des fleurs de vio-
lettes et d*y jeter deux ou trois pincées de cet iris de Florence
que l'on met dans un sachet pour parfumer le linge.
Revenons à la salade que Ton mangeait à la maison et
dont Ronconi avait grand soin de manger ou de faire prSidre
sa part. C'était une salade de haute fantaisie, ordre composite,
formée de cinq ingrédients principaux :
De rouelles de betteraves, de tranches de céleri, d'émincés
de truffes, de raiponces avec leur panache, et de pommes de
terre cuites à l'eau.
Avant d'aller plus loin, disons que c'est une erreur géné-
ralement répandue de croire que le sel et le poivre se dis-
solvent dans le vinaigre, et de commencer l'assaisonnement de
la salade en l'arrosant d'une ou deux cuillerées de vinaigre
salé et poivré.
M. Chaptal, le premier en France — nous disons en
France, parce qu'il a emprunté cette innovation au nord de
l'Europe — M. Chaptal, le premier en France, eut l'idée de sa-
turer la salade d'huile, de sel et de poivre, avant d'y introduire
le vinaigre. On trouve à cette méthode, que nous adoptons et
recommandons pour les salades sans façon, le double avantage
de répartir plus également le sel et le poivre et de réunir au |
fond du saladier l'excédant du vinaigre qui s'y précipite de son
propre poids.
M. Chaptal, qui avait déjà été récompensé des services
précédemment rendus à la France, pendant son édilité, par le
titre de baron, a été récompensé du service rendu à la table
A JULES JANIN. 8i
par cette locution passée dans la langue culinaire : salade assai-
sonnée à la ChaptàL
Sans que j'ambitionne une si précieuse récompense, je
vais vous dire comment j'assaisonne la mienne.
D^abord je pose un plat sur le saladier, je le retourne et
je place à côté de moi mon plat plein, et devant moi mon sala-
dier vide.
Je mets dans mon saladier un jaune d'œuf dur par deux
personnes ; six jaunes d'œufs pour douze convives.
Je les broie dans l'huile pour en faire une pâte.
A cette pâte j'ajoute :
Du cerfeuil, du thon écrasé, des anchois piles, de la mou-
tarde de Maille, une grande cuillerée de soya, des cornichons
hachés et le blanc des œufs haché.
Je délaye le tout avec le meilleur vinaigre que je puisse
trouver.
Enfin, je remets la salade dans le saladier ; je la fais retour-
ner par mon domestique; et, sur la salade retournée, je laisse
tomber de haut une pincée de paprico, poivre rouge de Hongrie.
Et vous avez la salade qui avait tant émerveillé le pauvre
Ronconi.
Ces soupers durèrent un an à peu près; ce fut vers cette
époque que parurent les Mousquetaires dans le Siècle.
On se rappelle le succès qu'obtint ce roman; à peine fut-il
fini, que le directeur de l'Ambigu me demanda d'en faire un
drame. Comme il y avait deux parties bien distinctes , nous le
priâmes de choisir celle qui lui conviendrait.
Il choisit la seconde.
Le succès du drame fut non moins grand que celui du
roman.
P M. le duc de Montpensier assistait à la représentation ; il
me fit prier, entre Tavant-dernier et le dernier tableau, de passer
dans sa loge.
Il avait l'avant-scène à gauche des spectateurs.
Quoique la pièce fût montée avec beaucoup de soin, elle était
loin d'atteindre la perfection où le Théâtre historique porta
depuis la mise en scène.
' 6
8a LETTRE
Il déplora que j'eusse donné, dans un théâtre si petit, une
pièce pour laquelle, disait-il, l'Opéra serait à peine assez grand;
et il me demanda la raison du choix de l'Ambigu.
Je lui répondis que ce n'était pas nous qui avions le choix
des salles où Ton représentait nos pièces , que les directeurs nous
les demandaient, et que nous les donnions là où on nous les
avait demandées.
« Mais, ajoutai-je, si par exemple Votre Altesse veut
m'ofFrir un privilège, je ferai bâtir une salle, et je lui mon-
trerai de quelle façon une œuvre théâtrale doit être repré-
sentée.
— Eh bien, dit-il, ne laissons pas tomber cela dans l'eau.
Je ferai tout mon possible pour satisfaire à votre désir. »
Je secouai la tête.
<( Pourquoi donc? demanda le duc.
— Oh! je ne dis pas que Votre Altesse ne fera pas tout ce
qu'elle pourra; mais le roi ne permettra pas qu'un privilège me
soit donné.
— Pourquoi cela?
— Mais parce qu'il me considère comme un démagogue en
littérature et en politique.
— Cela ne regarde pas le roi, mais M. Duchatel : au pre-
mier bal de la cour, je ferai danser M*"^ Duchatel deux fois, et
j'arrangerai cela avec elle. »
Et comme la sonnette du théâtre annonçait le dernier
tableau :
« Monseigneur, lui dis -je, je charge mon ami Pasquier
de me rappeler au souvenir de Votre Altesse. »
Je le saluai; je sortis de la loge, que je rouvris une seconde
après pour lui crier :
« Remember!
— Oui! oui! oui! s'écria-t-il, je me souviendrai, soyez
tranquille. »
Au moment où la toile baissait et où on allait nommer l'au-
teur, Pasquier entra dans ma loge et me dit :
« Votre affaire va à merveille : le prince a enfourché votre
idée, et quand il veut une chose, il la veut bien, »
A JULES JANIN. 83
Quinze jours ou trois semaines après, je reçus une lettre
de M. Duchatel qui m'invitait à passer au ministère.
Nous causâmes plus d'une grande demi-heure de mon pro-
jet, de la manière dont je le comprenais. Je vis que M. Duchatel
ne le comprenait pas du tout, et je pus m'apercevoir que si M. le
duc de Montpensier réussissait, il aurait plus d'un mauvais vou-
loir à combattre.
Je ne pouvais ni ne voulais être directeur.
C'était M. Hostein qui était cause de la représentation des
Mousquetaires à l'Ambigu; il m'avait paru intelligent en ma-
tière de théâtre : je jetai les yeux sur lui pour en faire notre
directeur.
Un jour j'appris par un petit mot du duc de Montpensier
que le privilège était signé. Je courus remercier M. Duchatel,
qui me demanda d'un ton goguenard où nous comptions bâtir
notre théâtre.
Je lui répondis, ce qui était vrai, que j'avais acheté sous
condition l'hôtel Foulon six cent mille francs, et que j'avais
donné quarante mille francs d'arrhes.
Il me demanda où nous trouverions l'aident pour bâtir.
Je lui répondis que nous l'avions trouvé, et je lui nommai
le banquier chez lequel nous avions quatorze cent mille francs
de déposés.
« Alors, répliqua M. Duchatel, on commencera les travaux!
quand P
— Demain , monsieur.
— Et nous aurons le plaisir de voir votre première pièce ?
— D'aujourd'hui en un an, selon toute probabilité.
— Cette pièce s'appellera >
— La ^Bs^ne Margot, »
Ce qu'il y eut de curieux, c'est que les choses s'accomplirent
exactement comme je l'avais dit, et qu'un an après l'hôtel Fou-
lon, démoli et rebâti en théâtre, ouvrait sa salle au public jour
pour jour à l'heure indiquée.
On sait si je tins parole, si les succès du Théâtre historique
ne luttèrent point avec les plus grands succès de l'époque, et si
la mise en scène de mes pièces ne fît pas oublier toutes les mises
1
84 LETTRE
en scène, luttant même quelquefois avec avantage contre celle de
rOpéra.
Cependant de fâcheux pressentiments passaient dans Tair :
ces événements scandaleux, ces assassinats inouïs, ces catastrophes
sanglantes qui précèdent la chute des trônes, et dont Virgile
faisait des avertissements divins, épouvantaient les partisans de
la branche cadette, qui semblait recevoir en riant ces fatidiques
présages.
Un beau jour, comme il arrive pour les trônes mal écha-
faudés, tout craqua ; et la jeune dynastie disparut en trois jours,
comme avait disparu l'ancienne.
Si rhistoire daignait consigner ces choses-là, je raconterais
que le théâtre ne fiit point étranger à cette grande catastrophe.
Par suite des troubles, toutes les affaires furent suspendues,
presque tous les théâtres fermés. Je m'étais fait un grand nombre
d'ennemis par mes succès de librairie et par mes succès de théâtre :
par un jugement, resté incompréhensible aux avocats et aux
juges eux-mêmes , je fus condamné à payer 400,000 francs de
dettes pour le Théâtre historique.
Les 400,000 FRANCS ONT ÉTÉ PAYÉS EN QUINZE ANS.
Dans mon traité avec M. Michel Lévy, je m'étais réservé le
droit de faire et de vendre à qui me plairait un livre de cuisine.
Brisé par ce travail de forçat, qui depuis quinze ans ne porte pas
ma production à moins de trois volumes par mois, l'imagination
énervée, la tête endolorie, complètement ruiné, mais sans dettes,
je résolus de chercher un repos momentané dans l'exécution de
ce livre, que j'avais regardé comme un amusement.
Hélas! mon ami, quand on veut faire autrement que les
autres, souvent sans faire mieux que les autres, rien n'est
amusement, tout est travail.
Depuis un an et demi, atteint de défaillances physiques, que
soutient seule la puissance morale, je suis obligé de demander à
des repos momentanés, à des aspirations d'air marin, les forces
qui me manquent.
J'ai été successivement : il y a dix-huit mois, à Fécamp ; il y
a un an, au Havre; il y a six mois, à Maisons-Lafiitte ; enfin
j'arrive maintenant de Roscoff, où je comptais achever l'ouvrage
A JULES JANIN. 85
que je croyais faire avec de simples souvenirs, et que je n'ai pu
faire qu'à force de recherches et de travaux fatigants.
Pourquoi avais-je choisi ^oscofF, le point le plus avancé
dans la mer du Finistère ?
C'est parce que j'espérais y trouver à la fois solitude, bon
marché à vivre et tranquillité.
D'ailleurs, je n'allais pas précisément à RoscofF, j'allais droit
devant moi : on m'avait dit que je trouverais, à cette extrémité de
la Bretagne, des retraites charmantes et des nids de feuillage
jusque dans la mer.
Je m'arrêtai tout d'abord à Saint -Brieuc; mais, comme
Saint-Brieuc ne me convenait pas, je pris une voiture et je me
mis à chercher quelque petite crique, comme on m'en avait tant
promis et comme je n'en avais pas encore vu.
Vers la fin de la journée, après avoir fait sept ou huit lieues
en zigzaigs^ nous arrivâmes à un petit village nommé Binic ; la
marée y arrivait en même temps que nous ; nous fûmes séduits
par cette coïncidence, qui nous parut une politesse, et nous nous
informâmes si nous ne pourrions pas louer une maison bien en
vue de la mer.
Les paysans tinrent conseil, et, d'un commun accord» nous
indiquèrent la maison de Nicolas Luc, située au plus haut du
village : on était loin de la mer, ce qui me contrariait un peu ;
mais on avait un panorama magnifique, ce qui raccommodait
tout.
Comme nous gravissions la pente pour nous rendre à cette
maison, nous rencontrâmes son propriétaire ; nous liâmes conver-
sation; c'était bien ce qu'il nous fallait : quatre chambres à cou-
cher, un salon, une salle à manger, une cuisine.
Nous continuâmes de monter, et nous n'avions plus qu^une
centaine de pas à faire, lorsque j'eus l'idée de lui dire :
a En supposant que la maison nous convienne, nous pour-
rons descendre tout de suite chez vous et envoyer chercher nos
efièts !
— Ah! dit Nicolas Luc, j'ai oublié de vous dire qu'elle
n'était à louer qu'à la Saint-Michel, l'année prochaine. »
Je regardai Nicolas Luc pour voir s'il nous avait fait poser
86 LETTRE
avec intenrion ; mais je dois dire que le brave homme y était allé
naïvement, de sorte qu'il n'y avait pas autre chose à faire qu'à^
rire ; seulement il y a des rires de toutes couleurs.
Nous fîmes retourner la voiture, et, sans ajouter un mot,
nous revînmes tout courant à Saint-Brieuc , puis nous montâmes
en wagon en criant : Morlaix !
Quatre heures après, nous y étions. Il faisait nuit close.
« Où Éiut-il conduire monsieur et sa société? demanda
Tomnibus.
— Au meilleur hôtel de la ville. »
Et l'on nous descendit chez Brossier , hôtel de Pro-
vence.
Je ne pus m'empécher de dire à mon hôte que c'était une
singulière idée de fonder un hôtel de Provence à l'extrémité de
la Bretagne.
a C'est \'rai. Monsieur; mais nous y fsiisons nos affaires. »
Monsieur Brossier fait ses affaires à Thôtel de Provence. C'est
la réponse à toutes les questions de ce genre.
Nous nous informâmes, et nous apprîmes qu'il y avait tout
autour de Morlaix une multitude de petits villages correspondant
à mes désirs.
Au nombre de ces petits villages, on me nomma Roscoff", et
Ton me dit en même temps que j'y trouverais un ancien ami à
moi, nonuné Edouard Corbière.
Ce nom fit vibrer un de mes premiers souvenirs de jeunesse:
il y avait quarante ans que je l'avais trouvé rédigeant le premier
journal du Havre; j'avais gardé un excellent souvenir de lui. JLe
désir de revoir ce vieux compagnon me décida; je m'informai : il
avait vendu son journal ; il avait acheté le bateau à vapeur de
Morlaix au Havre; il avait fait fortune; il passait les six mois
d'été à Roscoff, et les six mois d'hiver à Morlaix ; enfin, il était
resté charmant compagnon et homme d'esprit.
Je lui écrivis de tâcher de me trouver une petite maison au
bord de la mer, lui exprimant tout le bonheur que j'aurais à
renouveler connaissance avec lui; et j'attendis patiemment sa
réponse.
Ce qui me fit attendre patiemment, c'est que mon compa-
A JULES JANIN. 87
gnon de chambre, en ouvrant mes deux fenêtres pour inviter le
soleil à entrer chez moi, me fît voir par Tune le viaduc de Mor-
laii à Brest, et par Fautre un merveilleux fouillis de maisons
avec des balcons, des arbres poussant dans les gerçures de la
muraille, des ravenelles se balançant au-dessus d'une mare où
venaient baigner les chevaux. Il était impossible de plonger,
des deux fenêtres d'une même chambre, sur deux points de vue
plus opposés.
Je descendis. On savait déjà que j'étais arrivé, et mon arrivée
avait fait son effet dans la ville.
Contre toutes les habitudes des aubergistes bretons ou nor-
mands, M. Brossier se mit à nous chercher du cidre et de la
bière ; on trouva l'un et Tautre : le cidre exécrable, la bière assez
bonne. J'en suis encore à me demander comment, par Bordeaux,
on n'arrive point à avoir, dans tous ces petits ports de la Bre-
tagne, du vin potable.
Il est inouï que, depuis Saint-Malo jusqu'à Paimbœuf^ il ne
se débouche pas une bouteille de vin qui ne soit bonne à jeter
à la mer.
Je reçus enfin la réponse de M. Corbière : il nous avait
trouvé un logement à vingt-cinq pas du port.
Nous primes une voiture dès le lendemain, et nous nous
mîmes en route.
Le chemin de Morlaix à Roscoff n'est qu'une suite de vagues
solides; on monte et on descend éternellement; ces montées et
ces descentes sont assez rapides pour que dans les premières on
soit obligé de marcher à pied, et dans les secondes de mettre le
sabot; le paysage est joli, sans qu'il y ait de grands partis pris :
des ajoncs, des lentisques, des bruyères, et de temps en temps un
de ces grands ormes tourmentés qui se tordent en montant déses-
pérément en l'air.
Enfin on aperçoit les trois clochers de Saint-Pol, et presque
en même temps, à droite, la mer.
L'un des trois clochers, celui du collège, est une merveille :
il porte à moitié de sa hauteur un renflement découpé avec la
délicatesse d'un bijou chinois.
De Saint-Pol à Roscoff, la route s'étend unie comme un
[•
88 LETTRE
tapis de billard^ quoiqu'il y ait une déclivité sensible vers Ros-
coff; de Roscoff à Saint-Pol, la plaine tout entière est plantée
d'artichauts et d'oignons, qui suffisent à un commerce éternel
entre RoscofF et l'Angleterre. »
Enfin on arrive à Roscoff par une espèce de forêt. C'est la
propriété du maire du pays, dont le jardin renferme un figuier
phénoménal : on peut mettre cent cinquante personnes à couvert
sous son ombre, et ses branches sont soutenues par cinquante
piliers de granit.
Comme nous ne savions pas où était le logement arrêté
pour nous par M. Corbière, nous allâmes le relancer chez
lui.
Il y était; et il accourut au seuil de sa porte.
M. Corbière, avec ses soixante-quatorze ans, était encore,
comparativement à moi, un jeune homme; il me reconnut à
l'instant même — ce qu'il m'eût été impossible de faire à son
égard — il ne voulut ni monter, ni nous permettre de descendre,
mais il nous conduisit de son pas de vingt-cinq ans.
Enfin nous arrivâmes chez maître Mironet, boulanger, habi-
tant une rue qui n'a pas de nom ; il n'y a du reste que deux rues
dans le pays, et comme l'une s'appelle la rue de la Perle, on n'a
*
pas vu la nécessité de chercher un nom à l'autre.
Nous n'étions qu'à trente pas du port, c'est vrai; mais un
jardin touffu comme le figuier du maire faisait un magnifique
rideau entre la mer et nous, de sorte que nous ne voyions pas
d'eau de la grandeur d'un miroir d'enfant.
M. Mironet consentait à nous céder cinq chambres et une
cuisine, moyennant cent cinquante francs par mois. Elles n'étaient
pas belles, elles étaient désagréables , d'aucune d'elles on ne
voyait la mer; mais enfin nous étions si ennuyés de chercher
sans trouver, que je tirai sept louis et demi de ma poche et
qu'avec un soupir de soulagement je criai :
« Déchargez les voitures. »
Nous avions avec nous une cuisinière nommée Marie;
Vasily me l'avait donnée pour aller, trois mois auparavant, à
Maisons-Laffi tte .
Marie avait paru se trouver si bien avec nous, elle nous
A JULES JANIN. 89
avait pris en une si vive amitié, disait-elle, qu'elle ne pouvait
plus se passer de nous^
Mais l'aspect de RoscofF parut bien vite calmer cette grande
ardeur.
 peine y étions-nous arrivés, qu'elle se laissait aller avec
découragement sur un fauteuil, en disant :
0 Je préviens monsieur qu'il ne trouvera absolument rien
à manger ici.
— Oh que si, Marie.
— Monsieur verra.
— Comment font les gens du pays?
— Je ne sais pas.
— Eh bien , Marie , nous ferons comme eux ; d'abord
nous ne mourrons pas de faim, nous sommes chez un bou-
langer. »
Ce court dialogue avec Marie ne s'était pas terminé sans
me laisser quelques inquiétudes.
Je m'informai. Corbière m'indiqua les trois premiers pê-
cheurs du pays, m'annonça qu'il y avait deux 'marchés par
semaine à Saint-Pol, et que, si ma cuisinière voulait profiter de
sa voiture, qui allait deux fois par semaine aux provisions, sa
voiture était à la disposition de M"* Marie ; sa cuisinière à lui
la conduirait partout où elle s'approvisionnait elle-même.
Toutes ces avances furent reçues froidement par Marie, et
lorsque je lui demandai, à cinq heures :
« Eh bien, Marie, dînons-nous ? »
Elle me répondit tranquillement :
« Je ne sais pas, monsieur.
— C'est pourtant à vous de le savoir, il me semble.
— Ah! monsieur, dit-elle en secouant la tête, c'est un
pays où nous ne pourrons pas rester.
— Il est possible que vous n'y restiez pas, Marie; mais à
coup siir, moi, j'y resterai. »
Sur ces entrefaites, j'avais demandé un homme pour me
ûdre la barbe.
Uhcnnme vint : il était porteur d'une de ces bonnes figures
qui annoncent la disposition du porteur à vous être agréable.
♦
90 LETTRE
« Comment vous appelez-vous, lui demandai-je , mon
bon ami>
— Robineau, monsieur, pour vous servir, dit-il en tirant ses
rasoirs de sa poche.
— Robineau, mon bon ami, il y a quelque chose de plus
pressé aujourd'hui que de me faire la barbe.
— Elle a pourtant bien besoin d'être faite, monsieur.
— C'est vrai, depuis quatre jours elle est en souffrance ;
mais elle me dit à une oreille qu'elle peut attendre encore
un jour, tançlis que mon estomac me dit à l'autre qu'il ne peut
plus attendre du tout. Robineau, mon ami, je mets ma vie et
celle de mes trois compagnons entre vos mains, faites-nous
dîner, pour l'amour de Dieu ! »
Un quart d'heure après, Robineau revenait avec un poisson
de six ou huit livres, six artichauts, un morceau de veau rôti et
un vol-au-vent.
« Voyez , Marie , dis-je à la cuisinière , que le proverbe,
Q^ide-toi et le ciel f aidera^ n'est pas un mensonge. Aidez-
nous en mettant le couvert; moi je me charge de la cui-
sine. »
Le poisson était un aiglefin magnifique. J'en demandai le
prix à Robineau, qui me dit en haussant les épaules :
« Ah I monsieur, ça n'est pas la peine, ça viendra avec autre
chose. »
J'insistai pour le poisson et pour les artichauts : les six
artichauts, gros comme des têtes d'enfants, coûtaient quatre
sous les six, le poisson vingt sous; le vol-au-vent était un don
de M. Corbière; le morceau de veau était l'hommage d'un bien-
faiteur inconnu. Il en résultait qu'après avoir craint de mourir
de faim nous étions dans la position, assez embarrassante, d'être
nourris par la commune de RoscoC
Après le dîner, tout le monde s'envola pour aller se pro-
mener près de la mer.
Je restai seul , comptant recevoir la visite de M. Corbière.
Vers huit heures, il arriva en effet.
J'avais, comme je l'ai dit, entre moi et la mer un jardin,
puis une maison, puis un autre jardin.
A JULES JANIN. 91
M. Corbière venait, au nom de M. Bagot, propriétaire du
second jardin, tout aussi beau, tout aussi vert, tout aussi fleuri
que le premier, m'offrir ce jardin pour y passer mes heures de
récréation et même de travail.
J'acceptai, promettant d'aller dès le lendemain faire une
visite au digne homme qui m'oârait ainsi son ombre, son soleil
et ses fleurs.
Mais Corbière me dit que, pour plus grande facilité à moi
et à lui, j'allasse droit au jardin de M. Bagot; il viendrait m'y
rejoindre, sa maison, qu'il faisait réparer, étant sens dessus sens
dessous.
Je promis de suivre les instructions qui m'étaient données.
Le lendemain, comme je passais de ma chambre à coucher
dans un petit cabinet de travail, je trouvai Marie qui m'at-
tendait.
a Mon Dieu, monsieur, qu'est-ce que Ton va faire de tout
cela }
— De tout quoi }
— Mais de tout ce qu'on a apporté pour vous ; venez voir
dans la cuisine, c'est comme une halle au poisson. »
Je descendis, et en effet, je trouvai deux maquereaux, une
sole, un homard et une raie grande comme un parapluie.
« £t qu'est^e qu'ont dit les gens qui vous ont apporté cela?
— Tous la même chose, monsieur. On eût dit qu'ils s'étaient
donné le mot. Ils ont dit qu'hier ils avaient appris que vous
aviez manqué mourir de faim, et, comme ils ne voulaient pas
qu'un pareil malheur vous arrivât à Roscoff, chacun vous appor-
tait ce qu'il avait pu se procurer.
— Pour aujourd'hui, vous allez mettre la raie au beurre
noir et la sole aux fines herbes ; mais demain vous ne re-
cevrez rien sans le nom de la personne qui envoie.
— Mais, monsieur, si la personne ne veut pas le donner, son
nom?
— Vous refuserez de recevoir, voilà tout. »
Marie se prépara à nous faire le déjeuner.
Sur ces entrefaites, la carriole et la cuisinière de M. Cor-
bière s'arrêtèrent devant la porte, partant pour Saint-Pol.
1
93 LETTRE
Marie refusa de raccompagner, déclarant que nous avions
à manger pour huit jours. Je priai en conséquence la cuisinière
de Corbière de nous acheter un bon pot-au-feu et une paire de
poulets.
Entre neuf et dix heures, Corbière arriva et me révéla tous
les secrets de la cuisine.
La raie venait de mon fidèle Robineau; le homard, de
M. Drouet, sculpteur français, en villégiature à Roscoff; la
sole, d'un peintre nommé Bouquet, qui passe ses six mois d'été
à RoscofFet ses six mois d'hiver à Paris; les deux maquereaux,
du commissaire de la marine.
J'écrivis aussitôt à chacun d'eux, et leur fis porter mes lettres.
Avant cinq heures du soir, j'avais reçu la visite de tout le
monde, et j'avais fait connaissance avec mes pourvoyeurs.
Tous mes hommes, quel que fût l'état qu'ils exerçassent,
depuis Robinesu, mon coiffeur, jusqu'au commissaire de la ma-
rine, étaient des pêcheurs enragés. Pendant les grandes marées,
ils faisaient leurs pêches les plus brillantes : on était aux époques
des grandes marées, voilà pourquoi le poisson abondait.
Dans la journée, j'avais été m'asseoir dans le jardin dé mon
voisin.
Pour que l'on comprenne la mise en scène , je dirai que sa
maison faisait face à la mer et était bâtie du côté de la rue qui en
était le plus éloigné; mais, sur la façade, il n'avait qu'une petite
grille et ce jardin plein de fleurs, embaumé de résédas , où il
m'invitait à aller faire mes haltes de paresse.
A peine y fus-je installé, que j[e le vis arriver avec une bou-
teille de Xérès et des petits verres sur un plateau.
Nous fîmes donc connaissance le verre à la main, excellente
manière de faire connaissance ! et nous trinquâmes à notre bonne
santé.
Que Dieu la conserve à cet excellent homme, une des meil-
leures, des plus franches, des plus excellentes natures que je
connaisse : toujours embarrassé pour vous rendre un service ou
vous offrir un fruit ; mais si bon, si franc, si naïf, que fruit ou
service, peu ou beaucoup, il vous faut toujours accepter ce qu'il
vous offre.
A JULES JANIN.
93
Je passai une partie de la journée dans ce jardin, je ne
m'étais pas encore remis sérieusement au travail, et je profitai
de ce reste de repos pour m'élargir Tàme par les yeux.
Plus tard on sut que j'allais au jardin vers quatre heures.
Alors mes visiteurs abondèrent, et il y eut cercle. La vue de la
mer est la plus propre à mettre tout le monde à son aise : son
immensité porte avec elle une telle étendue de pensées, qu'on n'a
jamais l'idée de tirer de sa rêverie un homme qui rêve en face
de rOcéan.
Nous restions là jusqu'à ce que le jour tombât; alors nous
rentrions chez moi; presque toujours Drouet y avait fait apporter
son diner, jusqu^à ce que sontrère, qui venait de la Cochinchine,
étant arrivé, nous fîmes avec eux table commune.
Avec notre abondance de poisson, nous manquions à peu près
de tout le reste. Des artichauts durs comme des boulets, des
haricots verts pleins d'eau, absence complète de beurre frais,
voilà les singuliers éléments sur lesquels il fallait s'appuyer pour
écrire un livre de cuisine.
Je n'en travaillai pas moins comme si j'eusse été au milieu
de la plus savoureuse abondance.
Tout cela eût été très-tolérable, si nous n'avions pas eu de-
vant les yeux la figure renfrognée de notre cuisinière, furieuse
que nous eussions trouvé un moyen de vivre et de manger là
où elle espérait nous voir mourir de faim.
Enfin, un beau jour elle éclata, injuria tout le monde, et
demanda son compte.
Le surlendemain, elle partait pour Paris, où je ne demande
qu'une chose, c'est de ne jamais manger de sa cuisine.
Avez-vous remarqué, cher ami, que, toutes les fois qu'on
se rend au désir d'un inférieur, on paye d'une façon ou d'une
autre la rançon de sa bonté >
Voilà une fille qui se trouvait bien à Maisons-Laffitte, où
elle était logée comme une maîtresse ; nous parlons d'un voyajgfe
à l'extrémité de la France; à force de càlineries, elle nous fait
croire qu'elle nous est si attachée qu'il lui s€||pt impossible de
nous quitter.
On se laisse toujours prendre aux paroles de gens qui vous
94 LETTRE
disent qu'ils vous aiment, fût-ce de ces mercenaires qui n'aiment
personne.
Nous crûmes à (^Ue-Ià : je la gardai deux mois à Paris
sans rien faire; je lui payai ses gages sans qu'elle eût travaillé;
je l'emmenai avec nous. Quinze jours après, espérant me mettre
dans l'embarras, elle me demandait son compte.
Le lendemain de son départ , j'avais quatre cuisinières au
lieu d'une. Alors, dans ce pays où l'on ne trouvait rien en réalité,
mais où la bonne volonté suppléait à tout, nous eûmes tous les
jours un dîner tantôt chez l'un, tantôt chez l'autre, où cette
saine gaieté du cœur eût rappelé les jours de ma jeunesse, si
quelque chose les pouvait rappeler.*
C'est là que je vis jusqu'où pouvaient aller les ressources
d'une bienveillante amitié.
Dans ce pays, manquant de tout à mon arrivée, sem-
blèrent se donïier rendez-vous les choses comestibles les plus
délicates, les poulets de grain, le beurre frais, les pêches les plus
fines, des figues comparables à celles de Marseille et de Naples.
Je crois que nous eûmes un jour une poularde du Mans et
un pâté de Chartres.
Il y avait pour moi, dans cet empressement à me fêter,
quelque chose qui me faisait venir les larmes aux yeux; puis de
petits détails charmants, que nous autres artistes remarquons
seuls.
n y a à RoscofF un pauvre chien sans msutre, qui vit de la
charité publique; tous les ans, un des baigneurs qui viennent
passer la saison le prend sous sa protection et lui donne le cou-
cher et la nourriture.
On l'appelle Bobinot.
C'était Drouet qui, l'an de grâce 1869, s'était fait le pro-
tecteur de Bobinot.
Tant que Drouet resta chez lui , Bobinot vécut de sa vie
habituelle, mangeant, rue de la Perle, chez Drouet.
Il y avait plus de difficultés pour le coucher, à cause de trois
ou quatre chiens ^i, sous prétexte d'antériorité, se rçgardaient
comme les propriétaires de la maison.
Quand nous réunîmes nos dîners et que Drouet vint manger
s
A JULES JANIN.
95
chez moi, il se fit une espèce de trouble dans la vie de Bobinot :
allait-il continuer de manger là où mangerait Drouet? n'allait-il
pas se produire pour son diner les mêmes difficultés qui s'étaient
produites pour son coucher ?
Bobinot est plein d'humilité, d'abord parce qu'il est pauvre:
ses repas sans suite et sans ressemblance le lui ont appris; ensuite
il est laid, et il a le bon esprit de le savoir.
Cependant, une chose le rassurait, c'était que plusieurs fois
déjà il était venu diner avec Drouet, et que chaque fois il avait
été bien reçu.
Lorsque Drouet vint pour en prendre l'habitude, Bobinot
s'arrêta à la porte, et, comme Drouet n osa pas prendre sur lui
de le faire entrer, il y serait resté, d'autant plus que la cuisi-
nière, qui n'avait de sympathie pour personne, avait Bobinot en
horreur; mais, sur mon invitation, Drouet appela Bobinot, qui
se glissa sous la table et qui ne bougea pas plus que s'il était
empaillé.
Cette conduite lui réussit à merveille : chacun lui donna son
reste de soupe, son os de poulet, son pain trempé dans la sauce;
etBobinol fît un excellent dîner.
Le lendemain, il ne jugea pas à propros d'attendre Drouet,
il le précéda, s'assit à l'endroit le plus apparent de la rue, les
yeux fixés sur mes fenêtres, et balayant le pavé avec sa queue
chaque fois que je paraissais.
Cependant toutes mes invitations furent insuffisantes à faire
monter Bobinot; chaque fois que je l'appelais, il regardait rue
de la Perle, et, ne voyant pas venir Drouet, son véritable intro-
ducteur, il secouait la tête, semblant dire : — Je suis un chien
comme il faut, je connais les manières du monde, et je ne ren-
trerai chez vous que conduit par la personne qui m'y a amené
la première fois.
Et, en effets jusqu'au jour où j'ai quitté Roscoff, Bobinot
est toujours arrivé un quart d'heure ou une demi-heure avant
Drouet, et n'est jamais entré sans Drouet.
Un autre de mes amis, un des plus humbles, mais non pas
un des moins utiles, était mon barbier Robineau, celui qui, dans
les prenotiers jours, allait pêcher la nuit pour me nourrir le jour.
\
96 LETTRE
Après un mois de soins apportés par lui à ma barbification,
je lui demandai combien je lui devais.
Je ne sais pas jusqu^à quel point cela vous intéresse, mon
cher ami : je donne quinze francs par mois à mon barbier de
Paris.
« Monsieur, » me répondit-il tout tremblant, car il sentait
qu'une question importante allait se décider dans sa vie, et je
savais d'avance que le pauvre garçon n'était pas riche, « monsieur,
je n'ai pas de prix; chacun me donne selon sa générosité : les uns
vingt sous, les autres quarante sous, les plus généreux quel-
quefois trois francs.
— Ms^intenant, lui demandai-je, combien vous dois-je pour
le produit de vos pêches nocturnes?
— Oh ! monsieur, me dit Robineau, vous ne me ferez pas
l'injure de m'offrir de l'argent pour trois malheureux poissons
que je vous ai donnés.
— Soit, mon cher Robineau, je comprends cette délicatesse
de votre part ; seulement vous me permettrez de vous traiter
comme mon barbier de Paris, et de vous payer votre mois
quinze francs. »
Et je glissai sur la table, à la portée de la main de Robi-
neau, trois pièces de cinq francs.
Mais Robineau se leva et fit un bond en arrière.
« Oh! non, monsieur, dit-il, non, jamais je n'accepterai ce
prix-là; mais, pensez-y donc, je ne suis qu'un pauvre barbier de
village.
— Mon cher Robineau, je ne fais de différence qu'entre les
barbiers qui me coupent et les barbiers qui ne me coupent pas ;
vous ne m'avez pas coupé, je vous traite en barbier de premier
ordre : prenez ces quinze francs, et entamons notre second mois.
— Monsieur, permettez-moi d'attendre un autre moment,
j'ai la main trop tremblante dans ce moment-ci pour entre-
prendre de vous faire la barbe. »
Robineau s'élança hors de la chambre.
Huit jours après je partais pour Paris, départ inattendu, où
chacun me donnait de son mieux des preuves de son amitié : le
chien me léchait la main, Robineau pleurait à sanglots.
A JULES JANIN. 97
H Ah ! si j'étais riche, mon pauvre Robineau, je vous enverrais
une paire de rasoirs en or massif. »
Pourquoi en ce moment ai-je pensé à vous, mon cher Janin ?
Pourquoi vous ai-;e embrassé de ccBur>
C'est qu'il y a des couchers de soleil qui ressemblent aux
plus belles aurores.
Tout à vous,
Alexandre DUMAS.
CALENDRIER GASTRONOMIQUE
PAR
GRIMOD DE LA REYNIERE,
JANVIER.
Ce mois commence glorieusement Tannée. Il est signalé par
l'extinction des haines, le rapprochement des familles; c'est un
temps d'amnistie et de jubilation; il partage avec l'automne
l'avantage de rassembler les productions les plus faites pour
exciter et pour satisfaire notre gourmande sensualité.
Dans ce mois, on voit arriver en foule à Paris les bœufs
magnifiques de l'Auvergne et du Cotentin, chargés d'une graisse
succulente. Leurs flancs recèlent ces aloyaux divins dont l'appétit
se lasse moins vite que des mets les plus recherchés ; la culotte,
et plus particulièrement la pointe, produisent d'admirables
bouillis.
Le bœuf offre des ressources inépuisables pour varier les
entrées et même les hors-d'œuvre d'une table bien servie ; il est
une mine inépuisable entre les mains d'un artiste habile; c'est
vraiment le roi de la cuisine. Sans lui, point de potage, point de
jus; son absence seule suffirait pour affamer et attrister toute une
ville. Heureux Parisiens ! félicitez-vous, car, s'il faut en croire
les voyageurs les plus gourmands, vous mangez dans vos murs le
bœuf le plus délectable de l'univers. L'Auvergne et la Normandie
CALENDRIER GASTRONOMIQUE. 99
fournissent les meilleurs; mais dans le lieu de leur naissance, ils
ne sont pas comparables à ce qu'ils deviennent à Paris; ils ont
besoin du voyage : dans ce long voyage, leur graisse se fond,
et s'identifie Va vec leur chair.
FEVRIER.
Ce mois est le crescendo de son prédécesseur, c'est le temps
du carnaval, des indigestions, ou, pour parler plus poliment,
des fausses digestions. Que les consciences timorées se rassurent
* alors, le péché de gourmandise, quoique rangé parmi les capi-
taux de tous, les charge le moins. De toutes les espèces d'intem-
pérances, c'est celle dont l'Église accorde le plus aisément l'ab-
solution : elle en connaît mieux que personne l'entraînante
séduction.
La viande de boucherie et la charcuterie sont aussi recher-
chées que dans le mois de janvier; le gibier, plus rare, ne manque
pas encore. Les vagons plient sous le poids des dindes aux truffes,
des pâtés de foie gras, des terrines qui, du Nord, du Midi, accou-
rent vers la capitale pour devancer le carême. Nérac, • Strasbourg,
Troyes, Lyon, Cahors, Périgueux, rivalisent de zèle et d'activité
pour nous combler de délices. Du Périgord à Paris, les truffes
embaument de leur succulent parfum le train tout entier. Le
carnaval étant la saison d'étiquette des déjeuners, ces trésors les
enrichissent à l'envi ; ils se répandent encore à profusion dans
les dîners somptueux dont les noces d'avant carême sont le
prétexte futile; de là un enchaînement d'indigestions qui ne
laissent pas le temps de respirer.
A l'approche des jours gras, la gloire de la volaille est au
comble, c'est alors son plus beau triomphe. Depuis le plus pauvre
ouvrier, le plus étique rentier, jusqu'au financier opulent, tous
veulent atteindre à la plume ; cette concurrence fait monter la
volaille à des prix dont elle-même est étonnée.
MARS.
Nous avons remis à parler dans ce mois des poissons de mer
loo CALENDRIER GASTRONOMIQUE.
et d'eau douce ; ils appartiennent aussi aux deux mois précédents.
Mais, pendant celui-ci, la marée est dans toute sa gloire, elle
abonde à la halle. On y voit arriver en foule Testurgeon, le sau-
mon, le cabillaud, la barbue, le turbot, le turbotin, les soles, les
carrelets, les limandes, les truites de mer, les huîtres vertes et
blanches de Dieppe et du Cancale.
Dans les préparations sans nombre que subit le poisson, les
études d'un cuisinier habile apparaissent avec tout leur éclat;
c'est la gloire des maîtres animés du feu du génie, c'est l'écueil
des cuisiniers vulgaires. Arrière donc les simples cuiseurs d'ali-
ments, dignes tout au plus du nom de gâte-sauce !
AVRIL.
Ce mois, sans être des plus stériles pour la bonne chère, ne
soutient pas, à beaucoup près, la réputation de ses trois aînés,
et Ton peut répéter avec un auteur célèbre : Si cette partie de
Tannée est la plus agréable, elle est aussi la plus ingrate en
volaille, gibier, légumes et fruits.
MAI.
Béni soit cet heureux mois qui ouvre la porte aux maque-
reaux, aux petits pois et aux aimables pigeonneaux! C'est un mois
cher aux gourmands aussi bien qu'aux amoureux, avec cette diffé-
rence pourtant qu'il n'est qu'une saison courte pour l'amour, et
que la vie entière est l'heureux domaine de la gourmandise.
JUIN.
A chaque pas que nous faisons vers Tété, le cercle de nos
jouissances alimentaires se rétrécit; celui de nos jouissances solides
s'étend, car les jouissances végétales sont au contraire fort mul-
tipliées danç cette saison. Peut-être serait-il sage de suivre les
indications de la Providence; mais l'estomac civilisé reste sourd
à cette voix.
La viande de boucherie continue d'être la base du régime;
le bœuf est moins bon. Le mois nous offre les jeunes poulets, la
CALENDRIER GASTRONOMIQUE. loi
poularde nouvelle, le dindonneau, le caneton de Rouen, les coqs-
vierges et les pigeons.
JUILLET.
Le gourmand fait son temps d'épreuves et de pénitence dans
ce mois ; peu touché de la végétation des potagers et des vergers,
dont les trésors ne sont pour lui que des moyens de se récurer les
dents et de se rafraîchir la bouche, il se soutient en voyant la
croissance rapide des lapereaux, des perdreaux, des levrauts et
d'autres succulents gibiers.
La finesse excellente du veau de Pontoise en ce temps ne le
laisse pas sans émotion, les cailles et les cailleteaux lui font par-
fois sentir les joies d'un autre temps.
AOUT.
La bonne chère languit encore; les riches sont aux champs,
les tables de Paris renversées et les parasites à la diète. Cepen-
dant les gourmands pressés de vivre pourront déjà, dans ce mois,
manger les lapereaux en terrine et à Teau-de-vie; les levrauts
à la suisse, à la czarienne, etc. , les perdreaux en papillote , en
tourte, et aussi les tourtereaux /les ramerots. Ces conseils une
fois donnés, je proteste contre une telle impatience, je condamne
ces infanticides et change de matière.
SEPTEMBRE.
Malgré le proverbe connu, nous ne conseillerons à personne
de manger les huîtres avant le mois de décembre. Le gibier est
déjà bon ; mais il sera meilleur dans les mois suivants.
OCTOBRE.
Nos jouissances alimentaires commencent à redevenir abon-
dantes et vives ; le gibier et la volaille y contribuent à l'envi. Le
bœuf a passé Tété à s'engraisser ; nous nous en apercevons à cette
époque. Le mouton est aussi plus succulent ; le veau, moins déli-
loa CALENDRIER GASTRONOMIQUE.
cat qu'au printemps, n'est cependaut pas à dédaigner. La marée
ne redoute plus les chaleurs.
NOVEMBRE.
•
Les campagnes se dépeuplent, et, dès la Saint-Martin, tout
ce qui appartient à la classe respectable des gourmands se trouve
réuni à la ville. Grand saint Martin ! patron de la Halle et sur-
tout de la Vallée, l'appétit se réveille à votre approche; les
hommes bien portants se préparent à célébrer votre fête par un
jeûne de trois jours ! Une dinde de Tannée, attendue suffisam-
ment, cuite à point, rouvre la carrière glorieuse des indigestions ;
ses abatis sont le principe d'une entrée qu'on diversifie d'un
grand nombre de manières. Elle-même est si sûre de son mérite
qu'elle se prête à toutes sortes de métamorphoses, sans crainte de
compromettre sa réputation. Mais il faut qu'elle soit jeune, car
les honneurs de la daube sont réservés aux douairières.
Ce serait nous répéter que de rappeler ici tout ce qui con-
stitue la bonne chère dans le mois de novembre. Le seul avis
que nous devions aux amateurs friands a pour objet de leur
annoncer l'arrivée à Paris des harengs frais à laitances. La ma-
nière la plus ordinaire de les servir, c'est cuit sur le gril, accom-
. pagnes d'une sauce au beurre, aiguisée de moutarde fine.
DECEMBRE.
En tout digne du mois qui le précède et de celui qui le
suit, se recommande par sts fines matelotes. La Râpée a le mo-
nopole des matelotes excellentes; il faut aller faire une station
dans ces guinguettes, où, chose singulière, le simple fricotier
s'élève de beaucoup au-dessus de nos artistes pour cette spé-
cialité.
La viande de boucherie, le gibier, le poisson et la volaille
ont en décembre le même degré de bonté que dans les deux
mois suivants. Mais la fin de Tannée et les obligations qu'elle
entraine rendent les réunions gourmandes assez rares encore.
Il faut se préparer aux jouissances qui viendront par les visites
CALENDRIER GASTRONOMIQUE. lo^
^ites avec discernement, surtout par le soin de disposer son cœur
comme il doit l'être pour nos amphitryons.
Ce serait un crime de lèse-gourmandise que de rester sans
émotion et sans sympathie pour l'homme généreux qui vous
offre une chère excellente et vous abreuve de ses meilleurs vins.
Au point où nous en sommes parvenus, l'année gourmande
a parcouru ses phases diverses. Mais, dira-t-on, nous n'avons
parlé ni du dessert, ni des crèmes, ni des pâtisseries. C'est avec
intention que nous avons ainsi fait, notre premier soin était pour
les gourmands. Eh bien! pour les véritables gourmands, ce ne
sont là que bagatelles, adirés àe friandise, ils les abandonnent
aux dames. Dans un dîner bien entendu, le gourmand se repose
après le rôti. Les entremets solides ne sont pour lui qu'un amu-
sement et les autres une superfluité. Quant au dessert, il n'y
prise guère que le fromage e( les marrons, en leur qualité d'al-
térants.
ENCORE UN MOT AU PUBLIC
Lorsque feus pris la décision d'écrire ce volume et d'en
faire, pour ainsi dire, dans un moment de délassement^ le cou-
ronnement d'une œuvre littéraire de quatre ou cinq cents volumes,
je me trouvai, je Vavoue^ asse^ embarrassé, non pas sur le fond,
mais sur là forme à donner à mon ouvragée.
De quelque manière que je m'y prisse, on attendrait de moi
plus que je ne pourrais donner.
Si j'en faisais un livre de fantaisie et d'esprit comme la Phy-
siologie du Goût de Brillat-Savarin, les gens du métier, cuisi-
niers et cuisinières, ne lui accorderaient aucune attention.
Si j'en faisais un livre pratique , comme la Cuisinière bour- '
geoîse , les gens du monde diraient : C'était bien la peine d'avoir
fait dire à Michelet qu'il était le plus habile constructeur drama-
tique qui eût jamais existé depuis Shakespeare, et à Ourliac que
non-seulement il avait l'esprit français , mais encore l'esprit
gascon, pour venir nous apprendre dans un livre de 800 pages
que le lapin aime à être dépouillé vif, mais que le lièvre préfère
attendre.
Ce n'était pas mon but : je voulais être lu par les gens du
monde et pratiqué par les gens de l'art.
Grimod de la Reynière, au commencement de ce siècle, avait
publié avec un certain succès TAlmanach des Gourmands, mais
c'était un simple livre de gastronomie et non pas un livre de re-
cettes culinaires.
ENCORE UN MOT AU PUBLIC. 105
Ce qui me tentait surtout . moi ^ c'était au contraire ^ voya-
geur infatigable, ayant traversé V Italie et V Espagne . pays où
ton mange mal, le Caucase et Vo^frique, pays oti l'on ne mange
pas du tout, d'indiquer tous les moyens de manger mieux dans
les pays oii l'on mange mal, et de manger tant bien que mal dans
les pays où F on ne mange pas du tout; bien entendu que, pour
arriver à ce résultat, il faut être chasseur de sa personne.
Q4près une longue délibération avec moi-même, voici ce à
quoi je m'arrêtai:
Prendre dans les livres classiques de la cuisine tombés dans
le domaine public , comme le Dictionnaire de l'auteur des Mé-
moires deM"* de Créqui, ^aw^TArtdu Cmsmitr de Beauvilliers ,
le dernier praticien, dans le père Durand, de Nîmes, dans les
grands dispensaires du temps de Louis XIV et de Louis XV,
toutes les recettes culinaires qui ont acquis droit de cité sur les
meilleures tables. Emprunter à Carême, cet apôtre des gastro-
nomes, ce que MM. Garnier, ses éditeurs, me permettront de lui
prendre; revoir les écrits si spirituels du marquis de Cussy et
m'approprier ses meilleures inventions, relire Eliéar-Bla\, et.
joignant mes instincts de chasseur aux siens, tâcher d'inventer
quelque chose de nouveau sur la cuisson des cailles et des orto-
lans; ajouter à cela des plats inconnus, recueillis dans tous les
pays du monde, les anecdotes les plus inédites et les plus spiri-
tuelles sur la cuisine des peuples et sur les peuples eux-mêmes;
faire la physiologie de tous les animaux et de toutes les plantes
comestibles qui en vaudraient la peine.
Q/iinsi mon livre, par la science et par l'esprit qu'il contien-
dra, n effrayera pas trop les praticiens, et méritera peut-être la
lecture des hommes sérieux et même des femmes légères dont les
doigts ne craindront pas de se fatiguer en soulevant des pages
dont quelques-unes tiendront de M. de Maistre et d'autres de
Sterne.
Ceci posé, je commence tout naturellement par la lettre q4.
P. S. N'oublions pas de dire, car ce serait une ingratitude,
que nous avons consulté pour certaines recettes à part les grands
io6 ENCORE UN MOT AU PUBLIC.
restaurateurs de Paris et même de la province, tels que du café
c/lnglais, Verdier, Brébant , Magny, les Frères-Provençaux,
Pascal, Grignon, Peter'», Véfour. Véry et surtout mon vieil ami
Vuillemot.
Partout où ils ont eu la bonté de se mettre à notre disposi-
tion, on trouvera leur nom : qu'ils reçoivent ici nos remerci-
ments.
A. D.
A
L'homme ne vit pas de ce qu'il mange,
mais de ce qu'il digère.
ABAISSE. — Ne pas confondre avec bouillabaisse ^ nom
d'un potage connu dans le Midi. V abaisse est une pâtisserie qui
occupe le fond d'une tourte ou d'un vol-au-vent. La manière de
confectionner l'abaisse se trouvera à l'article Pâtisserie.
ABATIS. — On appelle abatis les crêtes et les rognons de
coq, les ailerons de poularde, les moelles épinières, les ailerons,
lès pattes, le gésier et le cou du dindon, ris et cervelle de veau,
langues de mouton, etc.
Les crêtes et les rognons de coq s'emploient pour la garni-
ture de tous les grands ragoûts comme aussi pour celle des pâtes
chaudes et des vol-au-vent; mais quand on veut en faire un plat
à part, il faut les faire cuire dans une casserole avec du bouillon,
où Ton ajoutera de la moelle de bœuf à laquelle on adjoindra
des champignons, des tranches de fonds d'artichaux aux truffes,
ou des rouelles de céleri, selon la saison. On leur fait prendre
au moment de servir une liaison composée de quatre jaunes
d œufs et du jus de la moitié d'un citron ; ne laissez pas épaissir
la sauce, la substance de ce ragoût étant déjà très-mucilagi-
neuse; il est d'habitude de le servir dans une casserole au riz
ou dans un vol-au-vent, c'est un plat de famille dont on n'use
guère poun les grands repas. Le véritable abatis populaire est
Tabatis de dinde, et c'est un des meilleurs plats de la cuisine
bourgeoise.
Flambez, et épluchez une douzaine d'ailerons de jeunes
io8 ABATLS.
dindes, ajoutez-y le cou, les pattes et le gésier; prenez une cas-
serole, coupez-y de gros lardons de jambon, faites-les roussir
de belle couleur; à ce point retirez-rles et jetez dans cette graisse
vos ailerons, que vous faites revenir également jusqu'à ce qu'ils
soient bien blonds; puis assaisonnez de sel, de poivre, de mus-
cade ; coupez quelques gros oignons ; et lorsque le tout sera bien
revenu et que vous aurez obtenu une certaine cuisson, ajoutez
quelques cuillerées de farine à laquelle vous faites également
prendre couleur ; arrivé à ce point égouttez vos abatis de leur
graisse, ajoutez un bouquet garni et mouillez avec quelques
cuillerées de consommé jusqu'au niveau de votre abatis; couvrez
d'un papier beurré, passez au four, et à défaut de four faites
cuire feu dessus feu dessous, et laissez mijoter jusqu'aux trois
quarts de leur cuisson. Pendant ce temps vous aurez épluché des
navets bien tendres, vous les taillerez en grosses gousses d'ail,
jetez-les dans un plat à sauter, faites-leur bien prendre couleur,
distribuez-leur le sel et le poivre, que le poivre domine ; un
bouquet de persil ; une pointe de sucre ; lorsqu'ils seront bien
glacés et à une certaine cuisson, égouttez-les de leur beurre, pas-
sez la cuisson de vos abatis qui doit être arrivée à la cuisson
d'une demi-glace, ajoutez vos navets à votre abatis, dégraissez
bien votre cuisson, passez dessus vos ailerons et laissez sur un feu
doux jusqu'à complet achèvement de cuire. (Recette de Verdier,
Maison-d'Or.)
Odbatis populaires. — Parez proprement les ailerons, le
gésier, les pattes et le cou, dont vous aurez soin d'ôter la
tête ; mettez dans une grande casserole et sur un grand feu de
charbon un bon morceau de beurre manié de fleur de farine,
lorsqu'il est en plein roux faites-y revenir et sauter votre abatis
pendant sept à huit minutes ; ajoutez-y du bouillon chaud, ayez
soin de ne pas le mêler à votre roux tout à la fois ni brusque-
ment; mettez-y un bouquet de persil, thym, laurier, basilic
et sauge (F. Bouquet), joignez à votre bouquet deux oignons pi-
qués d'un clou de girofle, et vous laisserez bouillir un quart
d'heure et puis vous ajouterez six navets de Preneuse, quatre
fortes rouelles de carottes, six pommes de terre violettes, un
topinambour et un pied de céleri dans son entier, ne tournez pas
A BLE. 109
VOS légumes, il est suffisant de les ratisser, et la moindre appa-
rence de recherche jurait l'inconvénient de fiiire perdre à ce
vieux ragoût son air de simplicité bourgeoise et sa grâce natu-
relle; dégraissez bien exacteinent après une heure et demie de
cuisson mijotée, dressez proprement vos légumes autour de
labatis, que vous recouvrirez des ailerons comme les morceaux
d'honneur ; puis, comme il est bon qu'elle reste onctueuse à cause
des pommes de terre, passez votre sauce .au simple tamis de
crin. {Recette du marquis de Courchamps.)
Q/ibatis de dinde aux navets. — Prenez les abatis de deux
dindes, blanchissez-les, prenez 135 grammes de lard, coupez-le
en carrés, faites-le blanchir également pour enlever le sel ; faites
un roux bien blond , passez vos lardons dedans ; rissolez -les ,
ajoutez. vos membres coupés, faites revenir également avec un
bouquet de thym, laurier, persil ; mouillez le tout à Teau chaude,
ajoutez-y une demi-bouteille de vin blanc.
Laissez cuire doucement; prenez un peu de beurre, passez
à la poêle les oignons et les navets comme garniture avec un
peu de sel et de sucre en poudre; faites blondiner les légumes,
jetez le tout dans le ragoût, ajoutez quelques pommes de terre,
tournez, dégraissez à fond et servez chaud. {Recette Villemot.)
ABAVO. — Maintenant que la facilité des communications
nous entraîne à faire la guerre en Crimée, en Chine, en Cochin-
chine, au Mexique, en Ethiopie ; il est bon que chacun sache
quand les vivres manquent quelles sont les ressources que Ton'
trouve dans chaque pays; de' cette façon, quelque part que Ton
soit on n'aura qu'à étendre la main et à cueillir.
On appelle abavo un grand arbre que Ton trouve en Ethio-
pie et qui produit un fruit bon à manger, ressemblant à la ci-
trouille et avec lequel on peut faire de la soupe à peu près
semblable à la soupe au Potiron.
ABDEL AVIS. — Melon d'Egypte dont la chair est sucrée
et rafraîchissante, fort estimé à cause des quarante degrés de
chaleur sous lesquels il pousse ; après avoir mangé sa chair on
fait avec sa graine des boissons qui sont calmantes et qui tem-
pèrent la soif.
ABLE. — Espèce de saumon que l'on trouve dans les
no ABRICOT.
mers de Suède, il a les propriétés du saumon et s'accommode
comme lui. (V, Saumoiî.)
ABLETTE. — Petit poisson de rivière et de lac, plat et
mince, long de trois à six pouces, 'couvert d*écailles qui servent
à donner aux fausses perles Téclat des véritables; sa chair est
molle et fade et ne se mange que frite comme celle du goujon^
dont elle est loin d'atteindre la saveur.
ABRICOT. — L'arbre qui porte ce fruit est venu aux Ro-
mains de IWrménie; aussi l'appelaient-ils prunus armeniaca; on
ne connaissait d'abord que deux espèces d'abricots, on a obtenu
plusieurs variétés ; c'est un fruit à noyau , la peau et la chair
tirent sur le chamois, il est odorant, de bon goût, tient de la
pêche et de la prune, et est si hâtif qu'il y a peu de printemps où
l'on n'entende dire :
« Il n'y aura pas d'abricots cette année, ils ont tous été gelés.»
Outre les diverses espèces d'abricots que nous récoltons en
France, Chardin, dans son voyage en Perse, a mangé d'excellents
abricots dont la chair est rouge, la saveur délicieuse et que l'on
appelle tocmchamSy c'est-à-dire œufs du soleil. C'est à Damas,
en Syrie, que Ton mange les meilleurs abricots, les habitants en
font d'excellentes confitures et des gâteaux qu'ils mangent avec
du pain.
Parmi les différentes variétés d'abricots n'oublions pas l'abri-
cot de Saint-Domingue et des Iles Françaises; l'arbre qui le porte
est un très-bel arbre qui parvient à la hauteur de soixante à
soixante-dix pieds, ses feuilles sont ovales, sa cime ample, touffue
et pyramidale, ses fleurs sont blanches et d'un pouce et demi de
diamètre, exhalant une excellente odeur; son fruit aussi gros que
la tête ressemble à l'abricot, son écorce épaisse renferme une
pulpe plus charnue avec une grosse amande, sa saveur est douce,
aromatique et fort agréable; on le sert après l'avoir coupé en
tranches et l'avoir fait macérer dans du vin sucré. On a soin
d'enlever les deux premières écorces fort amères , ainsi que la
pulpe qui touche le noyau ; comme de l'abricot de France on en
fait des marmelades et des confitures qu'on envoie même en Eu-
rope, ce fruit est lourd et reste longtemps sur l'estomac. L'esprit
de vin distillé sur les fleurs de l'arbre uni au sucre forme une
ABRICOT. lit
liqueur aromatique connue dans le pays sous le nom d'eau de
créole *.
Maintenant empruntons, pour les préparations que réclame
labricot, les recettes que donne lauteur des Mémoires de la
marquise de Créqui, Ce charmant gastronome, rival des Brillât-
Savarin et des Cussy avec lesquels il a été souvent en guerre,
pour des «questions gastronomiques de la plus haute importance.
Bercé des traditions culinaires de la moitié du dernier siècle et
de la première partie de celui-ci, il est T homme qu'il faut sur-
tout consulter dans les questions des entremets sucrés et de tous
les plats que les femmes ont si justement appelés chatteries.
L'abricot, dit-il , est un des éléments le plus usuellement
et le plus agréablement employés dans la confection des entremets
sucrés, ainsi que pour nos desserts de l'automne et de Tarrière-
saison.
Au moyen de cet excellent fruit on parfume délicieusement
des sorbets, des glaces; on fait d'excellents gâteaux, des bei-
gnets, des tourtes, des flans, des crèmes, des compotes et des
conserves, appelées vulgairement confitures sèches ou liquides.
Parmi les recettes qui peuvent s'appliquer à l'emploi culinaire
de l'abricot, nous mentionnerons celles de ces prescriptions qui
sont le mieux garanties.
ENTREMETS.
Flan d'abricots à la Metternich. — Foncez l'abaisse d'une
tourte en pâte brisée ( V. Pâtisserie ) avec douze abricots
hâtifs dont vous aurez enlevé la peau et les noyaux et que
vous aurez séparés par moitié. Joignez-y quarante cerises tar-
dives ou soixante merises dont vous aurez fait sortir les noyaux
et qui doivent être également crues, succulentes et soigneuse-
ment choisies. Vous entremêlez ces deux espèces de fruits de
I. Nous empruntons ces détails au Dictionnaire des Aliments et des Boissons ,
de M. Aalagnier, membre de l'Académie de médecine ; cet excellent livre, moins
connu des praticiens qu'il ne mérite de l'être, nous fournira les plus précieux détails
sur les fruits de toutes les parties du monde, et surtout des colonies.
lia ABRICOT.
manière à ce que chacun de vos morceaux d'abricot se trouve
séparé par quatre cerises, vous saupoudrez le tout avec du sucre
en poudre, en suffisante quantité, d'après le plus ou le moins de
maturité des fruits et vous faites cuire au four d'office ou bien au
four de campagne ( V, Tourtière). Vous aurez eu le soin de
réserver les noyaux de vos fruits rouges auxquels vous joindrez la
moitié des amandes de vos abricots, que vous pilerez ou ferez
piler ensemble au mortier de marbre et sous pilon de métal
autant que possible, attendu que le pilon de bois reste toujours
empreint de quelque goût antérieurement contracté. Vous sucrez
ce mélange et puis vous y délayez de la crème bien fraîche, de
manière à ce qu'il ait la consistance d'une sauce aux jaunes
d'œufa après cuisson. Vous le versez sur le flan lorsqu'il est
sorti du four, en ayant soin qu'il ne déborde pas sur les rebords
ou muraille de la tourte, et vous attendez qu'elle soit à moitié
refroidie pour la servir.
Crème aux abricots. — Faites cuire douze abricots avec
135 grammes de beau sucre, passez-les au tamis et laissez-
les refroidir. Ajoutez ensuite un petit verre de ratafia des quatre
fruits ou de ratafia de noyau (V. Ratafia), délayez-y huit jaunes
d'oeufs, passez ce mélange à l'étamine, afin qu'il n'y reste rien
des germes, ajoutez-y le sucre nécessaire et faites cuire au bain-
marie dans la même jatte, ou dans le moule, ou dans les petits
pots que vous désirez servir sur table, en conduisant votre opé-
ration comme celle des autres crèmes analogues. On peut rem-
placer le ratafia par un demi-verre de vin blanc ; mais il ne faut
pas que ce soit un vin trop savoureux ou trop parfumé, parce
qu'il aurait l'inconvénient de masquer le goût du fruit. La recette
de cette excellente crème est tirée d'un dispensaire manuscrit du
temps de Louis XIV.
Beignets d'abricots. — , Faites macérer des moitiés d'abri-
cots qui ne soient pas trop mûrs, avec du sucre pilé et un verre
de bonne eau-de-vie. Au bout d'une heure et demie , égouttez
vos fruits et plongez-les dans la pâte {V. Pâte a friture), en
ayant soin de les faire frire au plus grand feu. Vous les saupou-
drez de sucre bien pilé, après les avoir égouttés de la friture et
yous les glacerez au caramel avec la pelle rouge. Quelques per-
ABRICOT. 113
sonnes recherchées font ajouter une petite rouelle d'angélique
confite ail milieu des beignets, ce qu'il est aisé d'opérer en les
mettant dans la pâte et s'y prenant avec attention. Dans quelques
hautes cuisines on ajoute au cœur des beignets, au lieu d'angé-
lique, une sorte de noyau &ctice qui se compose de crème sucrée,
de jaune d'œuf et d'amandes amères pilées, dont on fait une bou-
lette ou quenelle assortie pour le volume à la grosseur de chaque
beignet. On en trouve la recette dans les anciens dispensaires de
la Régence, et nous n'omettrons pas de la reproduire, attendu
qu'on peut l'employer également pour les beignets de pêches et
de brugnons. {V. Crème d'amandes.)
Pudding aux abricots. — Faites éverdumer des abricots
musqués ou des abricots- pêches à moitié mûrs, dans un sirop
011 vous ajouterez un peu d'eau -de -vie; égouttez vos fruits
dont vous ôterez les noyaux, que vous ferez concasser pour en
garder les amandes. Prenez ensuite une casserole d'argent ou une
terrine qui puisse paraître sur la table ; foncez-la de tranches de
mie de pain légèrement beurrées (il faut que ce soit du meilleur
beurre, le plus frais et qu'il ne soit pas salé), saupoudrez ladite
abaisse avec du sucre et mettez une couche de vos abricots, que
vous alternerez avec une autre couche de tranches de mie de pain
beurrées jusqu'à plénitude du vase. Vous aurez soin de semer
les moitiés d'amandes de vos noyaux entre les couches du pud-
ding, où vous ajouterez la valeur d'un plein gobelet de jus de
groseille légèrement framboise, et. qu'il faudra distribuer exac-
tement par cuillerées entre chaque assise de votre pudding.
Faites cuire au four et découvert après avoir doré d'un jaune
d'œuf les tranches de pain qui doivent former la dernière assise,
et dont il faut tourner la partie beurrée en dedans, c'est-à-dire à
l'intérieur et du côté des fruits. — h^ pudding au prince régent
se conduit de la même manière, mais il se compose de riz à demi
cuit et assaisonné d'un peu de moelle fondue.
Tourte ou gâteau fourré d'abricots à la bonne femme, —
Ayant ouvert et pelé des abricots, faites-les cuire au petit sucre
et laissez refroidir cette compote. Dressez-les ensuite par moitiés
sur une abaisse en feuilletage, recouvrez ce gâteau d'une autre
lame de pâte feuilletée qui devra être tailladée ou découpée, de
8
114 ABRICOT.
peur qu'elle ne se boursoufle et ne se déjette en cuisant. Dorez
la calotte et le crénail de la tourte avec un jaune d'œuf, et faites
cuire au four de campagne. Le mélange de quelques cerises
avec des abricots produit un excellent effet, et cette combinaison
moderne est généralement adoptée dans les premières cuisines
de Paris.
QÂbricots à la Condé. — Q4bricots à la Genevoise. — oâbricots
à Vorge perlé. [V. Brugnons et Pêches.)
Poupelure de Sagou aux abricots, dite à la d'Escars. —
Faites bouillir huit abricots de moyenne grosseur dans un demi-
litre d*eau de rivière ou de fontaine, avec 250 grammes de sucre
candi bien pilé; passez à l'étamine après cuisson, de manière à
ce que votre eau d'abricots soit aussi purement translucide qu'elle
sera colorée et parfumée^ faites-y cuire 125 grammes du plus
beau sagou, bien émondé, bien lavé, comme de coutume, et lors-
que votre gelée sera parfaitement cuite et transparente, retirez-
la du feu pour y délayer trois verres de liqueur des îles, au
noyau. Immédiatement avant de servir, vous y mettrez douze
moitiés d'abricots confits au sec à mi-sucre, et vous éviterez de
les déformer en les manipulant. Cette préparation , qui compose
un de nos entremets les plus modernes et les plus distingués,
doit être servie chaudement et en casserole.
DESSERTS.
Compote d'abricots à la minute. — Faites un sirop où vous
ferez bouillir vos abricots fendus, aussitôt qu'il aura pris assez
de consistance; au bout de trois minutes, écumez cette compote,
ajoutez-y le jus d'une orange et fnettez-la refroidir.
Compote d'abricots grillés à la Breteuil. — Fendez quel-
ques beaux abricots bien mûrs, saupoudrez-les de sucre candi,
et faites - les griller sur une braise ardente. Il faut toujours
éviter que ce soit de la braise de charbon sur laquelle on fasse
griller les fruits, parce que leur égouttement et la vapeur qui
s'ensuivrait pourrait leur communiquer un goût nauséabond. Il
en est ainsi pour les compotes de poires ou de pommes à la
Portugaise . et l'on se souviendra de ne jamais employer en
ABRICOT. _ iij
pareille occasion que de la braise. Lorsque vos quartiers
de fruits sont grillés suffisamment, vous les dressez dans un
compotier, et vous les arroserez d'un sirop où vous aurez fait
consommer des tranches d'abricots accompagnées de quelques
framboises. Le même sirop doit être passé au tamis de sole, et
vous aurez eu soin de Tavoir remis sur le feu, pour le verser
bouillant sur les abricots dont il pénètre les chairs et dont il
perfectionne la cuisson. Les abricots, apprêtés de cette manière,
ne sauraient fatiguer les estomacs les plus susceptibles.
Compote <V abricots verts ^ dite compote au vert pré. —
Pour obtenir l'emploi de cette immense quantité d'abricots dont
on est obligé, presque tous les ans, de décharger les arbres avant
qu'ils n'approchent de la maturité, pelez soigneusement une
vingtaine de ces fruits verts, que vous mettrez au fur et à mesure
dans de l'eau froide. Vous les ferez ensuite dégorger tous en-
semble dans de Teau tiède, où vous aurez ajouté deux poignées
de feuilles d'oseille. Vous les couvrirez et les mettrez ensuite sur
un bon feu de charbon, et vous les ferez bouillir jusqu'à ce
qu'ils vous paraissent d'une belle couleur verte ; alors vous les
retirerez du feu et les mettrez dans une jatte à refroidir avec
leur cuisson. Vous les égoutterez et les roulerez dans du sucre
candi, vous achèverez de les faire cuire dans une grande poêle
(V, Sirop), et au moment de la retirer du feu, vous y joindrez
deux cuillerées de suc d'épinards avec une cinquantaine de pis-
taches bien vertes, afin de leur assurer cette franche couleur
d'un beau vert qui doit justifier le nom de la même compote.
Confiture d'abricots verts. — Si l'on habitait une localité où
les bons fruits fussent rares, ou si la température de l'année fai-
sait craindre la disette des fruits, on pourrait utiliser ses abricots
verts en les employant en conserve, et se conformant à la pres-
cription suivante : Prenez 3 kilogr. de ces fruits avant que le
bois du noyau soit à l'état solide. Vous les éverdumerez dans de
l'eau froide où vous aurez ajouté 186 grammes de tartre, et vous
les y frotterez avec un linge, afin d'en détacher la bourre à l'ex-
térieur. Vous mettrez ensuite dans une poêle à confitures 3 kilog.
de beau sucre que vous aurez fait réduire à la petite plume
avant d'y faire cuire vos fruits. Une demi-heure de bon feu doit
ii6 ABRICOT.
suffire pour en déterminer la parfaite cuisson. Cette confiture
bien faite est beaucoup plus savoureuse qu'on ne le suppose-
rait dans nos climats tempérés, fertiles en productions escu-
lentes.
Confiture d'abricots entiers ou par quartiers. — Commencez
par faire blanchir vos fruits à l'eau bouillante, levez-les ensuite
à reçu moire, et mettez-les sur un tamis de crin pour égoutter.
En supposant que vous ayez disposé 3 kilogr. de fruits, prenez
3 kilogr. de sucre que vous ferez cuire à la petite plume; vous y
mettrez successivement vos abricots entiers ou coupés, à qui
vous ferez prendre seulement deux ou trois bouillons; après
quoi vous les mettrez à refroidir, afin qu'ils dégorgent et qu'ils
prennent sucre. Vous ferez ensuite revenir votre sirop à la même
cuisson de la petite plume, et vous y remettrez les fruits que
vous laisserez bouillir cinq à six minutes, après quoi vous les
placerez dans leurs pots de conserve, et les couvrirez de leur
sirop, sans les fermer, jusqu'à ce qu'ils soient totalement re-
froidis.
Q4bricots secs à la Provençale, — Lorsque les fruits auront
été préparés comme il est indiqué ci-dessus, vous les égoutterez
et les placerez sur des ardoises ou des lames de grès, suivant la
commodité du lieu ; quand ils commenceront à sécher, vous les
saupoudrerez de sucre au travers d'un tamis de soie, vous les
mettrez à l'étuve ou bien dans un four après la sortie du bain.
II est suffisant, pour les conserver, de les tenir dans un lieu bien
sec, enveloppés dans du papier gris, qu'on aura soin de changer
si l'humidité s'y manifeste.
éMarmelade d'abricots à la royale, — Choisissez les abricots
les plus mûrs et les plus sains, faites-les blanchir à l'eau bouil-
lante et les mettez à égoutter sur un tamis pour qu'ils jettent le
superflu de leur aquosité. Pour 500 grammes de fruits, prenez
500 grammes de sucre royal que vous aurez fait cuire à la petite
plume, et puis laissez tiédir votre sirop* Vous y jetterez ensuite
les abricots que vous remuerez avec la spatule, afin de les ré-
duire en marmelade, et vous remettrez un moment sur le feu
pour en parachever l'incorporation. Deux ou trois bouillons suf-
fisent. On y peut ajouter des pistaches, au lieu du noyau des
ABRICOT. 117
fruits; c'est la plus parfaite et la meilleure marmelade dont on
puisse se servir pour garnir les compotiers.
Marmelade d'abricots à la ménagère. — Pour confectionner
les tourtes et les gâteaux, pour garnir les omelettes au sucre et
pour illustrer les charlottes, il est bon de se trouver pourvu
d'une confiture d'abricots moins dispendieuse et moins recher-
chée, quoiqu'elle soit d'une qualité fort estimable. Pour faire de
la bonne marmelade de ménage, il faudra donc prendre i kilogr.
de sucre pour 1 kilogr. 500 gr. de fruits; on y joindra un plein
verre d'eau de rivière ou de fontaine, et Ton fera bouillir le tout
ensemble en ayant soin de bien écumer cette mixtion et de la
triturer de manière à ce qu'il n'y reste aucune partie du fruit en
grumeaux. Comme on profite en y laissant les peaux du fruit, on
est obligé de les faire bien cuire afin qu'elles se dissolvent. On y
joint ordinairement les amandes des abricots que l'on sépare en
deux et qu'on mêle dans la confiture après qu'elle est parfaite-
ment cuite; il faut les avoir fait bouillir à part de la marmelade
avec un peu de sucre , car , sans cette précaution , l'efferves-
cence naturelle à ces noyaux ferait tourner la confiture en fer-
mentant et ne manquerait pas de chancir avec àcreté. C'est une
observation sur laquelle on se néglige, ainsi que les personnes
délicates ont souvent l'occasion de le remarquer. Pour garnir des
gâteaux et des tourtes, il est d'un bon effet de mêler à la mar-
melade d'abricots la chair de quelques pommes cuites (au cuit*
pomme et non pas en compote) ; on ne saurait dire combien cet
appendice est d'un bon résultat pour y donner plus de consis-
tance dans le comestible et plus de finesse dans la saveur.
Pâte d'Q4uvergne d'abricots. — Choisissez des abricots
de plein vent, les plus mûrs et les plus chaudement colorés.
Otez-en les peaux et les noyaux, faites-les dessécher sur de la
cendre chaude et dans une terrine toute neuve, en les remuant
souvent avec une spatule de buis bien échaudée de bonne lessive.
Quand la dessiccation sera presque totale, et que la pâte aura
pris une consistance assez solide, vous la jetterez dans une poêle
à confitures où vous aurez fait monter du sucre à la cuisson de
la grande plume. Vous la mêlerez fortement, vous la ferez
chauffer sans bouillir, et puis vous la dresserez par cuill eré
ii8 ABRICOT.
sur des lames d'ardoises , afin de la faire étuver à grand feu.
Fromage à la crème aux abricots glacés. — Moudez et
pilez soigneusement douze abricots-pêches, et passez-en la chair
au gros tamis de crin. Délayez-y le jus de 30 grammes de fram-
boises, et que ce soit des blanches, s'il est possible; ajoutez-y le
suc de deux oranges de Malte ou de Portugal, avec 250 grammes
de sucre bien pilé. Tenez ce mélange à la glace, et joignez-y un
demi-litre de la meilleure crème, la plus fraîche et la plus con-
sistante; il faut qu'elle soit à moitié glacée d'avance, afin que
l'acidité des fruits ne la fasse pas cailler, et la mixtion doit en
être faite avec promptitude. Mettez le tout dans une sorbetière
avec salpêtre et gros sel, ainsi qu'il est usité pour les glaces et
les sorbets.
Si nous ne donnons ici aucune recette pour confectionner
les abricots à Veau-de-vie. c'est que cette préparation vulgaire
et surannée n'est plus d'aucun usage, excepté dans les cafés et
les restaurants de province. Il est universellement convenu que
les seules conserves de fruits à l'eau-de-vie qui ne sont pas indi-
gnes de considération ne sont que les prunes de reine-Claude,
les merises, les azeroles et les petits citrons nommés chinois par
les Provençaux. Les abricots, les brugnons, les pêches et les
autres gros fruits préparés à l'eau-de-vie ne paraissent jamais à
Paris sur une bonne table, et, quant à l'instruction gastrono-
mique, ou plutôt à la direction industrielle de messieurs les con-
fiseurs ou limonadiers, on doit supposer qu'ils ont des livres
élémentaires avec des recettes traditionnelles qui suppléeront à
cette omission de notre part, omission que la meilleure partie de
nos lecteurs n'aura pas à nous reprocher, puisque c'est le bon
goût qui l'a prescrite.
Pour compléter cette nomenclature, nous' croyons devoir
ajouter ici la prescription d'une tisane aux abricots, qui est fort
usitée dans l'Asie Mineure, et qu'on dit souveraine en cas d'en-
flammation de l'estomac et des entrailles. En voici la recette,
ainsi qu'elle est formulée dans le quatre-vingt-dix-neuvième
numéro du Spectateur ottoman :
*i Tu feras cuire et vivement bouillir des abricots, cinq gros
ou six moyens, ou bien dix à douze petits qui soient dépouillés de
ABSINTHE. 119
leurs robes tigrées, et vidés de leurs cœurs de bois. Ce sera dans
une mesure d*eau purifiée, par le moyen que tu Tauras fait
bouillir d'avance avec quelques feuilles d'oseille. Tu n'omettras
pas d'y joindre une poignée d'orge, avec sept grains de maïs, et
trois pincées de fine graine de lin d'Europe. Après une demi-
heure de cuisson, tu la retireras de son marc, et tu la feras boire
en y délayant du miel clarifié. Peu de miel, et bonne espérance
avec pleine confiance! »
C'est cet arbrisseau qui fournit les graines rouges marquées
d'un point noir, que vendent les marchands de curiosités, et avec
lesquelles on fait des colliers et des chapelets aux enfants.
ABRUS. — Petit arbre qui croît en Amérique et dans l'Inde.
Sa racine, qui fait une. partie de la nourriture des Indous, a une
saveur sucrée : elle est nutritive et adoucissante.
Elle se mange crue.
ABSINTHE. — Plante vivace, dont les feuilles sont fort
amères; on la trouve dans toute l'Europe; dans le Nord, on en
fait un vin appelé vermouth.
Il y a deux sortes d'absinthe : la grande absinthe, appelée
absinthe romaine , la petite, appelée absinthe pontique ou petite
absinthe; on connaît aussi cette plante sous le nom dabsinthe
marine, on mange avec plaisir celle qui vient sur le bord de
la mer et sur les montagnes , et c'est à cette dernière surtout,
que la chair des animaux doit ce goût si estimé des gourmands
connu sous le nom de pré-salé.
Quoique tous les dispensaires vantent l'absinthe comme
fortifiant Testomac et aidant la digestion, quoique l'école de
Salerne recommande l'absinthe comme un préservatif du mal de
mer, il est impossible de ne pas déplorer les ravages que l'ab-
sinthe a faits depuis quarante ans, parmi nos soldats, et parmi
nos poètes, et il n'y a pas un chirurgien de régiment qui ne nous
dise que l'absinthe a tué plus de Français en Afrique que la
flitta, \e yatagan, ou le fusil des Carabes.
L'absinthe, parmi nos poëtes bohèmes, a reçu le nom de
muse verte; plusieurs qui n'étaient pas des derniers, par mal- Y
heur, sont morts des embrassements empoisonnés de cette muse.
Hégésippe Moreau, Amédée Roland, Alfred de Musset, notre
lao ACALOT.
plus grand poëte, après Hugo et Lamartine, ont succombé au
désastreux effet de cette liqueur.
Cette fatale passion de de Musset pour 1 absinthe, qui peut-
être d'ailleurs a donné à ses vers une si amère saveur, a fait
descendre la grave Académie au calembour par approximation;
en effet, de Musset manquait beaucoup de séances académiques,
ne se reconnaissant point en état d'y assister.
« En vérité^ dit un jour à M. Villemain un des qua-
rante, ne trouvez-vous point qu'Alfred de Musset s'absente un
peu trop?
— Vous voulez dire s' absinthe un peu trop. »
Mais Tabsinthe a pour elle un défenseur compétent, c'est
l'auteur des Mémoires de la marquise de Créqui, lequel prétend
qu'un petit verre d'absinthe au candi ne peut qu'aider à la diges-
tion. Voici la recette qu'il donne :
Crème d'absinthe au candi. — Prenez eau-de-vie, 8 litres;
sommités d'absinthe rectifiée, 500 grammes; zestes de 4 citrons
ou oranges; eau de rivière, 4 litres; sucre, 3 kilogrammes
500 grammes.
Vous distillez au bain-marie l'eau-de-vie, l'absinthe et les
zestes, pour retirer quatre litres de liqueur; lorsque le sucre est
fondu, vous opérez le mélange que vous filtrez.
L'absinthe est défendue maintenant dans toutes les cantines
militaires.
ACACIE A FRUITS SUCRÉS. — A Saint-Domingue, on
donne le nom de pois sucrin à des fruits longs et cannelés, con-
tenant une pulpe spongieuse blanche et sucrée qu'on mange avec
plaisir; c'est un grand arbre qui la produit.
oAcacie du Sénégal. — L'arbre fournit une glande très-
nourrissante et qui rafraîchit en même temps. Les Maures et les
Arabes la mangent surtout dans les grandes chaleurs. Cette
gomme est plus estimée que celle que l'on nomme gomme
arabique.
ACALOT ou CORBEAU AQUATIQUE, espèce de courlis.
— On lui donne ce nom de corbeau aquatique, à cause de la
ressemblance qu'il a avec le corbeau ordinaire; il a environ trois
pieds de longueur, ses nuances donnent en général des reflets
ACARNÉ. lai
verts et pourprés sur un fond sombre et approchant du noir, il ne
vit que de poissons, et habite le long des lacs.
C'est un oiseau triste et sombre qui porte malheur, dit-on;
sa chair a une odeur acre et marécageuse, qui la rend fort désa-
gréable au goût; quoi qu'il en soit, les Mexicains qui en mangent
quelquefois la trouvent assez bonne.
ACANTHE. — Plante fort célèbre dans l'histoire des
Beaux- Arts; et dont les feuilles très-grandes, lisses, agréable-
ment découpées, servaient à couronner les colonnes corinthiennes
à.cause de leur beauté et de leur agrément.
Vitruve raconte de la manière suivante l'origine de l'intro-
duction de3 feuilles d'acanthe comme ornement dans V ordre
corinthien : « Une jeune Corinthienne étant morte peu de jours
avant un heureux mariage, sa nourrice désolée mit dans une
corbeille divers objets que la jeune fille avait aimés, la plaça sur
son tombeau, et la couvrit d'une large tuile pour préserver ce
qu'elle contenait des injures du temps. Le hasard voulut qu'un
pied d'acanthe se trouvât sous la corbeille. Au printemps sui-
vant, l'acanthe poussa, ses larges feuilles entourèrent la cor-
beille, mais arrêtées par les rebords de la tuile, elles se cour-
bèrent et s'arrondirent vers leurs extrémités. Callimaque passant
près de là, admira cette décoration champêtre, et résolut
d'ajouter à la colonne corinthienne la belle forme que le hasard
lui offrait. »
L'acanthe est assez commune en Grèce, en Italie, en Espa-
gne, et dans la France méridionale, mais il n'y a guère qu'en
Grèce*et en Arabie, que l'on mange crues les feuilles de cette
plante.
ACAPALTI. — C'est cette espèce de poivre long, arrondi-
et de couleur rouge qui croît dans la nouvelle Espagne, et que
\^ Espagnols mêlent à tous leurs ragoûts. Sa propriété excitante
qui ^sX moindre que celle du poivre long ordinaire se rapproche
du papricao hongrois ; on le fait sécher au soleil pour le conser-
ver et l'envoyer en Europe.
ACARNE. — Poisson du genre de la dorade, écailleux et
de couleur blanche, mais lui ressemblant tellement qu'à Rome
on le vend sous ce. nom. La chair en est tendre, de bon goût et
}
122 ACHARDS.
de digestion facile. Suivre pour la manière de le servir toutes les
. prescriptions de la dorade.
ACCIOCA. — Herbe qui remplace le thé du Paraguay au
Pérou et qui se prépare comme lui.
ACCOLA. — Poisson plus petit que le thon. On le pêche
surtout aux environs de l'île de Malte, la chair en est fort
blanche et fort délicate. On en mange beaucoup dans cette île-
(Voir pour les préparations culinaires le mot Thon.)
ACELINE. — Poisson qui ressemble à la perche et qui
demande les mêmes préparations culinaires. {V. Perche.)
ACETO-DOLCE. — Conserve de certains fruits et de petits
légumes. On les fait confire au vinaigre comme les cornichons,
puis on y ajoute un résidu de vin nouveau et cuit qu'on a fait
bouillir jusqu'à réduction à la consistance de sirop.
Le meilleur acéto-dolcé se confectionne avec des quartiers
de coings et du moult de raisin muscat ou du miel de Narbonne,
le miel de Corse vaut mieux, mais il est un peu plus amer.
ACHANACA. — Cactus qui n'a encore été décrit que par
le professeur Aulagnier. Il pousse dans la province de Potoxi au
Pérou ; sa racine épaisse et charnue, de forme conique, est égale-
ment bonne cuite et crue ; on la trouve sur tous les marchés.
ACHARDS. — Composition bien connue qui nous vient des
Indes orientales et qui porte le nom de son inventeur.
Les meilleurs achards se tirent de l'île Bourbon. Il ne s'agît
donc que d'émincer finement des tranches de courge et des lames
de cardes poirées, vous y ajouterez des oignons blancs, des cham-
pignons, des choux palmistes, des choux-fleurs, du maïs au tiers
de sa maturité, etc. ; on colore le tout avec du safran, et l'on
fait confire au sel et au vinaigre d'Orléans, en salant, en poi-
vrant et en conduisant ce mélange à la manière des cornichons.
Vous le compléterez avec de la racine de gingembre et quelques
piments rouges.
On mange les achards de trois façons, en les tirant tout sim-
plenaent de leur bocal, en les coupant par morceaux, et en les
mêlant à toute sorte de viande rôtie ou bouillie.
En les faisant égoutter, en les étanchant à la serviette, et en
les imprégnant ensuite de bonne huile verte.
ADANE. 133
Enfin, en les accommodant au lieu d'huile verte avec de la
double crème de lait de chèvre, c'est ce qu'on appelle dans les
colonies à la cucoco; cette dernière recette a été communiquée
aux gastronomes européens, par M. le marquis de Sercey, vice-
amiral et ancien gouverneur des Indes françaises, auquel nous
devons l'aya-pana qu'il a apportée le premier en France. {V. Aya-
■
PANA.^
ACHIAR. — Espèce de confiture au vinaigre, faite avec des
rejetons' de bambous encore verts ; les Hollandais qui en font un
très-grand usage pour assaisonner leurs mets, l'apportent des
Indes orientales où elle se fabrique dans des urnes de terre. Ce
condiment est très-âcre, très-échaufFant, et ne peut convenir
qu'aux tempéraments phlegmatiques et aux vieillards.
ACOHO. — Petit coq de Madagascar, dont la chair ainsi
que celle de la poule est assez bonne à manger, et approche
comme goût de celle du canard sauvage. Les œufs de la f>oule ne
sont pas bons à manger, mais ils sont tellement petits qu'elle peut
en couver une trentaine à la fois.
ACTINIE. — Vulgairement appelée ortie de mer. anémone
de mer^ à cause de sa ressemblance avec l'ortie et l'anémone.
Elle se compose d'une masse charnue très-contractile, couronnée
à son sommet par un grand nombre de tentacules ; au centre
est une ouverture qui sert à la fois de bouche et d'anus. L'actinie
se fixe par la base, soit sur le sable, soit aux rochers qui bordent
les côtes à une faible profondeur, et son adhérence y est si forte
qu'on la déchire plutôt que de l'arracher. Les actinies sont très-
nombreuses sur les rivages de France où leurs brillantes couleurs
variées les font prendre souvent pour des fleurs.
L'odeur et la saveur de l'actinie approchent de celles des
crabes et des crevettes dont elle a les propriétés, et les habitants
des côtes du midi de la France la recherchent et en mangent
avec délices.
ADANE. — Poisson monstrueux et ressemblant beaucoup à
l'esturgeon. On en a péché qui pesaient plus de 500 kilogrammes.
Ce poisson ne vit que dans le Pô, et Pline dit que l'oisiveté l'en-
graisse. Sa chair ne vaut pas celle de l'esturgeon ; elle a un assez
bon goût, quoique molle, et est en outre de fort difficile digestion.
124 AGAMI.
yEGLEFIN.^ — Espèce de poisson du genre des gades qui
ressemble à la morue ; il fréquente nos côtes où on le pêche de
la même manière que la morue. Sa chair varie selon son âge,
selon le parage où on le pêche, selon son sexe, et selon Tépoque
de Tannée. Il est ordinairement de 6 à 7 mètres de long et du
poids de 5 à 7 kilogr. Il fraye en mer, et on le trouve à certaines
époques en nombre si considérable, que, dans l'espace* d'un mille
d'Angleterre, trois pêcheurs peuvent en remplir leurs barques
deux fois par jour.
AGAMI. — Genre d'oiseau de Tordre des échassiers. On le
trouve sur les montagnes arides et dans les hautes forêts; à Tétat
sauvage, cet oiseau vit en troupes nombreuses dans les forêts de
la Guyane, mais on le réduit facilement à la domesticité, et
alors son intelligence, ses qualités, lui assignent le premier rang
parmi les oiseaux de basse-cour.
Daubenton dit que « TAgami est le plus intéressant de
tous les oiseaux par les éloges que Ton en &it : on le compare
au chien pour l'intelligence et la fidélité; on lui donne une
troupe de volailles et même un troupeau de moutons à garder, et
1 il se fait obéir, quoiqu'il ne soit guère plus gros qu'une poule.
L'agami est aussi curieux qu'utile ; il mérite de trouver place
dans toutes les basses-cours. »
L'agami, en effet, n'a pas plus de six décimètres environ de
hauteur et sept décimètres de longueur; son bec conique est d'un
vert sale, ses yeux, dont Tiris est jaune brun, sont entourés d'un
cercle nu et rougeâtre, des plumes courtes et frisées lui recou-
vrent la tête et les deux tiers supérieurs du cou, dont le tiers
inférieur est garni de plumes plus grandes, non frisées et d'un
violet noir. La gorge et le haut de la poitrine présentent une
sorte de plastron brillant des plus riches reflets métalliques,- le
reste de la poitrine, le ventre, les flancs et les cuisses sont noirs
ainsi que la queue et les ailes.
Me trouvant un jour à dîner chez un de mes amis à la cam-
pagne, nous vîmes entrer peu après que la cloche annonçant
l'heure du dîner avait sonné , un de ces oiseaux qui, à peine
entré dans la salle à manger, se mit à en chasser les chiens et
chats, en les poursuivant à coups de bec sans que ni chiens ni
AGARIC.
135
chats osassent lui résister; cela fait, il vint à chacun de nous,
nous regarda, et satisfait sans doute de son examen il se dirigea
vers le maître de la maison et lui présenta sa tête et son cou que
le maître s'empressa de gratter.
Peu habitués à voir un oiseau, gros tout au plus comme un
canard, agir de cette façon, avec les chiens et les chats, et dési-
reux d'apprendre quel était ce curieux animal, nous priâmes
notre ami de nous donner quelques renseignements à cet
égard.
Il nous raconta alors que pendant qu'il voyageait dans la
Guyane française, ilj avait remarqué à Cayenne plusieurs de ces
oiseaux précédant ou suivant des colons avec des marques de
profonde satisfaction ; puis il en avait remarqué d'autres condui-
sant et gardant des troupes de canards et de dindons, faisant
rentrer à l'heure habituelle les oiseaux qui leur étaient confiés,
et allant ensuite se percher sur le toit ou sur quelque arbre voi-
sin. Alors la curiosité l'avait pris , et désirant s'attacher deux
de ces précieux animaux, il avait prié un de ses amis de les lui
céder, il les avait ramenés en France après avoir craint pour
eux une traversée toujours dangereuse, et arrivé dans sa cam-
pagne, il avait été tout étonné de voir que ses nourrissons lui
étaient déjà très-fortement attachés et le suivaient partout. Il les
avait fait mettre dans la basse-cour avec les autres volailles où
ils n'avaient pas tardé à régner en maîtres. Puis tous les soirs au
moment où la cloche du dîner sonnait, on voyait arriver les deux
agamis qui poursuivaient impitoyablement les chiens jusque dans
leur chenil , et revenaient ensuite se faire gratter la tête et le
cou par leur maître, caresse à laquelle ils sont très-sensibles.
Notre ami finit en nous disant d'une façon très-triste qu'il
avait perdu, il y avait quelques jours à peine, un de ses agamis
qui s'était cassé les reins en tombant du toit, et qu'il avait eu la
gourmandise de goûter à sa chair ; il l'avait trouvée délicieuse
et bien certainement préférable à celle de la plupart de nos
poulets.
La chair de l'agami est en effet très-délicate et très-recher-
chée.
AGARIC. — Genre de plante appartenant à la famille des
126 AGARIC.
champignons ; il y en a de différentes espèces, et il faut bien se
garder de confondre avec les vénéneux ceux dont on se sert pour
assaisonner les sauces.
Parmi les espèces d'agarics les plus recherchées comme ali-
ment, nous citerons : U agaric comestible^ champignon de
couche^ dont le pédicule est blanc, court et charnu ; il soutient
un chapeau de couleur fauve, couvert d'une pellicule qui s'en-
lève facilement. Ses lames sont rougeàtres à la naissance, puis
pourpres ou noires , sa chair ferme et cassante ; c'est la seule
espèce qu'il soit permis de vendre sur le marché de Paris.
L'agaric mousseron est d'un blanc jaunâtre à sa surface,
son chapeau est presque sphérique et large de quatre centi-
mètres. Il est très-commun au printemps et pendant une partie
de l'été dans les bois découverts, les friches, les prés secs. On le
préfère jeune et frais ; il entre dans les ragoûts comme assaison-
nement. Pour le conserver, on l'enfile par le pied et ofl le laisse
dessécher. Jusqu'à présent, on a essayé inutilement de le
cultiver.
U agaric faux mousseron se reconnaît à sa couleur d'un
jaune pâle, tirant sur le roux, à son pédicule très-grêle, à son
chapeau convexe mamelonné au centre, large de quatre à cinq
centimètres. Sa chair est dure, mais assez savoureuse, et d'une
odeur agréable.
V oronge est d'une odeur et d'un goût très-agréables ; mal-
heureusement, on peut très-facilement la confondre avec V agaric
moucheté ou fausse oronge qui est extrêmement vénéneux. En
Allemagne ce dernier sert à tuer les mouches.
VagdLric du houx qui croît en été sous les buissons de
houx est, suivant Persoon, un de nos meilleurs champignons.
V agaric élevé est l'espèce la plus haute du genre; son
pédicule est très-long, son chapeau roussâtre un peu panaché ; il
croît en été dans les bois et les champs sablonneux; on le mange
en beaucoup d'endroits.
Il y a encore une quantité considérable d'agarics, servant à
la nourriture de l'homme, mais il est préférable de s'en tenir à
ceux que nous venons d'indiquer, les autres étant peu savoureux
ou très-difficiles à distinguer des mauvaises espèces.
AGAVE.
lay
Parmi les agarics vénéneux, on distingue : Vagaric meur-
trier; il en découle un suc laiteux^ acre et caustique. Dans le
cas d'empoisonnement, le remède le plus usité est Thuile d'olive,
prise en lavement et en boisson ; on administre aussi le vinaigre
comme antidote; Vagaric caustique^ qui croît dans les bois; sa
couleur est d'un jaune livide terreux; Vagaric acre , blanc, à
lames jaunâtres et rougeâtres, distillant un suc laiteux très-acre,
ce qui n'empêche pas qu'il soit souvent rongé par les lièvres et
les lapins, etc., etc.
On a distingué parmi les agarics un groupe assez remar-
quable par la propriété de se fondre en une eau noire à Tépoque
de sa destruction. La plupart de ces champignons croissent dans
des lieux infects, sur les substances putrides; leur existence est
d'ordinaire de courte durée : par exemple, Vagaric éphémère^ qui
ne dure qu'un jour.
Il existe encore des agarics caractérisés par des qualités par-
ticulières. Vagaric styp tique ^ lorsqu'on le mâche, produit, au
bout de quelques instants, un étranglement analogue à celui
du vitriol. La saveur de Vagaric fétide est poivrée.
Nous avons, enfin, Vagaric laciniatus qui croît sur le tronc
des palmistes qui pourrissent en terre et qui, selon Commerson,
donne un goût de morille aux aliments.
L'agaric hépatique^ substance molle, superficie gluante
rouge brun, un peu velue, pores d'un blanc sale tirant sur le
jaune ; il a la forme d'un foie de bœuf, on le trouve au pied des
arbres; il est très-vénéneux et susceptible de se gonfler dans
Testomac.
U agaric du peuplier de bois, qui ressemble beaucoup à la
truffe visqueuse quoique plus charnu, plus sec et plus relevé.
A peine est-il cueilli ou même en pleine maturité, que le dessus
de son écusson devient d'un blanc sale. Si on le casse, sa chair
prend une couleur blanche à laquelle succède bientôt une teinte
bleue. Si on exprime le suc aqueux, à l'instant il prend une
teinte bleuâtre qui colore la toile. Cet agaric est très-recherché
en Russie, où l'on mange impunément les plus pernicieux.
AGAVE. — Genre de plante à feuilles épaisses, allongées,
àl)ords épineux, et qu'on a longtemps confondu avec Taloès.
a8 AGNEAU.
Cette plante est très-abondante à Cuba et au Mexique, et
ses tiges contiennent une sève sucrée avec laquelle on prépare un
vin qu'on nomme pulque^ dont les propriétés sont toniques et
restaurantes, mais dont le goût est peu agréable et donne une
odeur fétide à Thaleine de ceux qui en boivent immodérément.
Les peuples de Cuba et du Mexique aiment si fort cette espèce
de vin, qu'ils s'en procurent aux dépens de leurs subsistances et
même de leurs vêtements.
Les fibres des feuilles de l'agave sont longues, fortes et
déliées; on en fabrique des cordes, des filets de pêcheurs, des
tapis, des toiles d'emballage, des pantoufles , du papier et divers
autres ouvrages. On dégage les fibres en faisant rouir les feuilles,
comme du chanvre , dans une eau stagnante ou dans du fumier ;
on les écrase entre deux cylindres ; on les lave , on les bat et on
les peigne à plusieurs reprises pour les nettoyer et leur donner
de la souplesse.
On retire encore des feuilles de l'agave par la trituration, un
suc que l'on passe à la chaux et que l'on fait épaissir par l'éva-
poration après y avoir ajouté une certaine quantité de cendres.
C'est une sorte de savon qu'on emploie pour laver le linge.
On se sert aussi des feuilles de Tagave pour couvrir les
toits.
AGNEAU. — C'est du mois de décembre au mois d'avril
que la chair d'agneau est bonne; il faut que l'agneau ait au
moins cinq mois et qu'il n'ait été nourri que de lait.
On donne au nom de cette charmante petite bête une ori-
gine toute poétique : selon les étymologistes bucoliques , il vien-
drait du verbe agnoscere^ reconnaître, parce que, tout petit, il
reconnaît sa mère.
En effet, à peine peut-il marcher qu'il la suit en chancelant
et en bêlant. Inutile de dire que c'est le petit de la brebis et du
bélier.
L'agneau de toute antiquité et aujourd'hui encore a été et
est le mets le plus recherché d'Orient. Les Grecs l'estimaient fort,
et ils donnaient peu de festins sans qu'un agneau rôti en fût le
plat le plus important. L'abus de cette chair était l'un des excès
gourmands qu'un prophète reprocha aux Samaritains. Sa chair
AGNEAU. 129
est blanche, mais muqueuse, et dans la suite cette chair fut
défendue aux Athéniens.
Dans les temps primitifs, alors que les échanges commer-
ciaux servaient souvent de monnaie, Abraham donna sept agneaux
au roi Abimeleck, en témoigne de son alliance. Jacob, pour un
champ qu'il acheta aux enfants d'Hémor, leur en donna deux
cents.
Qâgneau à la Hongroise. — Coupez une douzaine de gros
oignons d'Espagne en rouelles, joignez-y un morceau de beurre
en rapport avec la masse des oignons; faites un roux avec un peu
de farine, votre beurre et vos oignons. Ayez soin que les oignons
roussissent, mais ne brûlent pas; mettez-y un bouquet assorti,
salez et poivrez, ajoutez-y une bonne pincée de poivre rouge
hongrois , à défaut duquel vous mettrez quelques atomes de
poivre de Cayenne; pendant ce temps vous avez taillé votre poi-
trine d'agneau en morceaux grands comme des tablettes de cho-
colat et vous Tavez fait revenir dans du beurre frais. Quand vous
le jugez bien revenu, vous versez sur votre agneau et sur votre
beurre frais le contenu de la casserole où vous avez fait votre
roux d'oignons avec votre bouquet assorti. Puis , comme les
oignons ne cuisent que mouillés d'eau ou de bouillon et dans le
beurre, ne feraient que rissoler, vous versez, de quart d'heure en
quart d'heure, un quart de verre à boire de bon consommé, laissez
mijoter cinq quarts d'heure et servez.
C'est un des meilleurs plats que j'aie mangés en Hongrie.
Tascaline d'agneau à la royale. — L'habitude de servir
un agneau entier le jour de Pâques, s'est conservée en France
jusque sous Louis XIV et même sous Louis XV. Voici comment
on confectionnait ce plat qui nous venait directement des agapes
des premiers chrétiens.
On désossait le collet d'un agneau de six mois; on brisait la
poitrine dans laquelle on ajustait les épaules bridées avec des
ficelles; on brisait les deux manches des gigots qu'on assujetis-
sait de même. On lie remplissait d'une farce composée de chair
d'agneau pilée, de jaunes d'œufs durs, de mie de pain rassis et de
fines herbes hachées et assaisonnées des quatre épices. On lardait
finement la chair de l'agneau , on le faisait rôtir à grand feu et
9
Y
ijo AGNEAU.
on le servait tout entier pour gros plat, en relevé de potage, soit
sur une sauce verte avec des pistaches, soit sur un ragoût de
truffes, au coulis de jambon. L'usage de servir cet ancien plat
pour les dîners^ royaux du jour de Pâques s'est, comme nous
Tavons dit, perpétué longtemps à la cour de France et est encore
suivi dans les grandes maisons qui ont conservé les traditions
aristocratiques et religieuses du xviii* siècle.
Grosse pièce d'agneau aux tomates farcies. — Prenez la
moitié d'un agneau, la partie inférieure, retroussez-là, et enve-
loppez-là de papier beurré, faites rôtir à point, débrochez,
dressez et glacez, mettez des papillotes au manche du gigot,
garnissez votre moitié d'agneau de tomates farcies et servez à
part une sauce à la Uxelles.
Ce qui a valu à M. le maréchal d'Uxelles l'honneur de
donner son nom à une sauce, ce n'est pas d'avoir perdu la bataille
de Rosbach comme M. de Soubise, ou d'avoir gagné la bataille
de Fontenoy comme M. de Richelieu, c'est tout simplement une
anecdote racontée je crois par Saint-iSimon.
M"® Choin, maîtresse du grand Dauphin, avait un petit
chien qu'elle adorait, et qui estimait tout particulièrement les
têtes de lapins rôties; tous les jours M"" Choin recevait de M. le
maréchal d'Uxelles une visite, à la fin de laquelle il tirait de sa
poche un mouchoir de batiste d'une blancheur éclatante dans
lequel étaient renfermées deux têtes de lapins rôties.
La bonne M^'® Choin était on ne peut plus sensible à cette
marque d'attention, et elle n'avait pas peu servi à remettre
M. le maréchal d'Uxelles en faveur, après la reddition de la
ville de Mayence.
Un beau jour, le grand Dauphin mourut; le lendemain,
le surlendemain et les jours suivants, elle attendit vainement le
maréchal : elle ne revit jamais ni le marquis d'Uxelles, ni ses
mouchoirs de batiste, ni ses têtes de lapin. Ce n'était point
au chien de M"* Choin qu'il les apportait, mais au grand
Dauphin.
Oigneau entier, sauce poivrade. — Troussez un agneau
entier, embrochez-le, enveloppez-le de feuilles de papier beurré,
quelques instants avant de servir retirez le papier pour lui laisser
AGNEAU. 131
prendre une jolie couleur, débrochez-le, dressez-le sur son plat,
et mettez deux papillotes au manche du gigot.
Épigramme d'agneau aux pointes d'asperges. — Achetez
un quartier de devant d'agneau , détachez-en l'épaule que vous
ferez rôtir. Lorsqu'elle sera cuite, faites cuire la poitrine dans
une braise, puis mettez-la à la presse entre deux couvercles de
casserole avec un poids pour l'aplatir, retirez tous les os et réser-
vez seulement ceux qui vous seront nécessaires pour faire 'des
manches à vos côtelettes, taillez les côtelettes et les parez ; dis-
posez-les dans un sautoir, saupoudrez-les d'un peu de sel, saucez-
les légèrement avec du beurre fondu ou, ce qui vaudrait mieux,
avec de l'allemande réduite. Votre poitrine d'agneau découpée
de manière à imiter des côtelettes, trempez-les dans une panure
composée de mie de pain, d'huile et de pain rassis que vous aure?
passé à travers le tamis de laiton, assaisonnez. '
Passez les côtelettes dans le beurre clarifié, rangez-les dans
le plat à sauter, faites frire les poitrines et égouttez-les.
Mettez dans chaque bout de poitrine la moitié d'un os taillé
en pointe, de manière à former un manche à vos fausses côtelettes.
Dressez autour d'une croustade poitrine frite et côtelettes
sautées en alternant, garnissez la croustade de pointes d'asperges
et servez à part une légère béchamel.
Vous pouvez, en suivant le même procédé et en servant tou-
jours votre béchamel ou votre demi-glace ou enfin votre sauce à
part, garnir la croustade de petits pois, d'une macédoine de
légumes, de haricots verts, d'une purée de cardons, etc.
Veloutez à part le tout réduit avec essence de champignons
ou, enfin, avec une garniture de concombres.
L'allemande doit être servie à part. ,
Selle d'agneau rôtie à V anglaise, — Les doubles filets réunis
sont la meilleure partie de l'agneau. On la rôtit ^ on la sert en
relevé de potage ou en flanc de table.
On l'accompagne d'une sauce à l'anglaise très-goûtée de
ceux des gourmets parisiens à qui nos deux cent dix-sept ans de
guerre avec l'Angleterre n'ont point inspiré une horreur invin-
cible pour tout ce qui vient de l'autre côté de la Manche.
Mettez un quart de litre de consommé dans une casserole.
132 AGNtAU.
N
avec une pincée de sauge verte hachée, faites bouillir cinq
minutes, ajoutez-y deux échalotes pilées, deux ou trois cuillerées
de vinaigre d'Orléans , 60 grammes de sucre et un peu de poivre
noir; salez, passez à Tétamine et servez à part dans une saucière.
L'auteur des Mémoires de la marquise de Créquy, de qui
nous tenons cette recette, saisit cette occasion de tomber sur ces
gourmands exclusifs qui, par patriotisme, ne veulent pas sur la
table française l'introduction des cuisines étrangères. « On trouve
encore, dit-il dans un mouvement d'indignation, de prétendus
^ gourmets qui déclament contre l'emploi du sucre en mélange
avec des acides ou des chairs salées, mélange infiniment agréable
en certains cas. Rien n'est encore aussi commun que de rencon-
trer des retardataires obstinés dans la marche du progrès culi-
naire, tandis que ce progrès ne pourrait s'établir que si chaque
peuple abjurait ses préjugés nationaux dans un sentiment de
cosmopolitisme. »
Après cette invitation à l'éclectisme, l'auteur des Mémoires
de madame la marquise de Créquy, en véritable gastronome aris-
tocrate qu'il est^ s'indigne contre le préfet du palais, M. le comte
de Bausset, qui fait servir, au château des Tuileries, pour le dîner
de l'empereur, un gigot d'agneau .comme plat de rôti au second
service.
« Tout le monde a vu, dit-il, avec surprise, dans la première
édition des Mémoires de M. le comte de Bausset, préfet du pa-
lais et chambellan de l'empereur Napoléon, deux tableaux d'un
menu, d'où il résulte que ce fonctionnaire impérial faisait servir
aux Tuileries, pour le dîner de son maître, un gigot d'agneau
au second service et comme plat de rôti. Voilà ce qu'un maître
d'hôtel du troisième ordre n'aurait eu garde de souffrir de l'autre
côté de la rivière de Seine ou dans le faubourg Saint-Honoré,
qui n'est pas moins bien habité que le quartier Saint-Germain.
Il est à noter que le reste et l'ensemble de cet étrange menu
publié par M. le comte de Bausset, est tellement vulgaire et si
dépourvu d'aucun usage du beau monde , que les habitudes de
cette famille impériale et le savoir-vivre de ses principaux offi-
ciers en ont beaucoup souffert dans l'estime et la considération
publique. La divulgation, très-indiscrète et tout à fait inutile.
AGNEAU. 133
avait produit un étonnement si général et eut un effet Jtellenient
fâcheux, que M. le préfet du palais impérial a cru devoir retran-
cher ce document dans la dernière édition de ses Mémoires,
et c'est en vérité ce qu'il y avait de mieux à faire pour la répu-
tation d'un si grand homme, ainsi que pour l'honneur de ses
employés du palais.
Courchamps était un homme de l'ancienne cour qui ne plai-
santait avec aucune étiquette et surtout avec l'étiquette culinaire.
Quartier d^ agneau rôti à la maître d'hôtel. — Tirez votre
quartier d'agneau de la broche, soulevez-en les côtes et intro-
duisez dans la gerçure une boule froide du mélange appelé
maître d'hôtel , dont voici , à ce que nous croyons, !a meilleure
recette :
Prenez 125 grammes d'excellent beurre, ajoutez-y du sel en
quantité suffisante, une demi pincée de muscade râpée, trois
fortes pincées de fines herbes, savoir : un quart de cerfeuil , une
moitié de persil, un quart de cresson alénois, un quart de pim-
prenelle et deux ou trois feuilles d'estragon. Mettez toutes ces
herbes finement hachées* avec le beurre froid, en les triturant et
en les mélangeant avec le jus d'un fort citron et le jaune cru
d'un œuf frais. Tenez cette sauce froide en réserve, à la cave,
et servez-vous en selon vos besoins.
Gigot d'agneau. — Faites rôtir, et présentez en entrée de
broche sur une purée d'oseille, sur une sauce aux tomates ou sur
une ravigote verte, appelée communément sauce au vert-pré.
Issue d'agneau. — Depuis que chaque partie des abatis
d'agneau a été annexée aux principale^ portions de la tète, on
les a reconnues susceptibles de recevoir un assaisonnement spécial
et un apprêt particulier; cependant, comme certains gourmets
ont une religion particulière pour les plats de nos aïeux, l'issue
d'agneau se composait autrefois de la tète, du cœur, du mou, des
riz, du foie et des pieds de l'agneau que Ton faisait étuver,
ensemble, dans un blanc (V. le mot Blanc), et que l'on servait
avec une liaison de jaunes d'œufs crus et de jus de citron dans
le même pot à oille, en façon de potage et quelquefois d'entrée.
C'était un ancien ragoût très-salutaire dans certains cas d'inflam-
mation des entrailles et de l'estomac.
134 AGNEAU.
"Poitrine d'agneau aux groseilles vertes. — Prenez deux
poitrines d'agneau que vous braisez avec quelques tranches de
maigre de veau et de jambon cru; au bout d'unfe heure et demie
de cuisson, vous les retirez, vous les déficelez, vous les mettez
refroidir entre deux couvercles , puis vous les trempez dans du
beurre tiède et vous les pannez. Vous les faites griller à petit
feu et les colorez à l'aide d'un four de campagne ; puis vous
servez cette entrée sur un ragoût de groseilles vertes, assaisonné
de muscat et de verjus. {Recette de Chevrioî^ cuisinier du roi
Stanislas Leck:{inski,)
Galantine d'agneau. — Désossez un agneau entier, prenez
une partie des chairs de gigot, autant de panne de cochon, de la
mie de pain trempée dans du lait et bien égouttée; hachez et
pilez le tout pour en faire une farce, dans laquelle vous mettrez
deux œufs, poivre, sel, un peu de quatre épices. La galantine
d'agneau demande au moins une bonne heure pour la cuisson.
•
Tendrons d'agneau aux pointes d'asperges. — Coupez et
parez les tendrons de deux poitrines d'agneau, couchez- les dans
un sautoir, avec un peu de consommé , faites-les mijoter jusqu'à
ce qu'ils se glacent; ayez des asperges aux petits pois les plus
tendres, blanchissez-les à l'eau bouillante, légèrement salée,
écumez, laissez bouillir un quart d'heure, mettez dans l'eau
froide, égouttez-les sur un tamis, apprêtez à la poulette ou au
consommé lié de jaunes d'œufs , où vous ferez fondre une demi-
cuillerée de sucre, vous verserez ce ragoût d'asperges au milieu
du plat et vous dresserez à l'entour les tendrons glacés au feu.
Tendrons d'agneau aux petits pois. — Opérez comme ci-
dessus, mais ne blanchissez ni ne rafraîchissez. Vous ajouterez à
ce ragoût quelques feuilles de sarriette, dont le goût s'allie bien
à celui des pois verts.
Filets d'agneau à la Condé. — Parez des filets d'agneau
depuis les carrés jusqu'au collet, après les avoir piqués d'an-
chois, de truffes et de cornichons; faites-les mariner dans du
beurre mêlé de bonne huile , et assaisonnez avec champignons,
ciboule, échalotes, câpres, hachez le plus fin possible, ajoutez-y
sel, poivre, quatre épices , basilic en poudre, chapelure, deux
jaunes d'œufs durs. Des morceaux de crépine vous serviront à
AGOUTI. 13J
envelopper les morceaux de filets sous une couche de cette farce.
Mettez-les à la broche avec des attelets et enveloppés d'un
papier huilé. Lorsqu'ils seront cuits, retirez-les, passez-les et
versez sur le tout une 5auce au blond de veau avec tranches de
citron et muscade râpée. Cette sauce devra prendre sur le feu
une consistance suffisante.
Tranches d'agneau à la Landgrave. — Coupez un filet
d'agneau par tranches, salez, mettez des quatre épices et un peu
de papricao, faites-les frire, puis les maintenez chaudes, versez
dans une casserole 125 grammes de bouillon où vous avez jeté
une demi-cuillerée de farine de seigle, ajoutez-y un peu de
saumure de noix et un peu de catchup, essence de champignons,
joignez-y 30 grammes de beurre frais , faites bouillir le tout en
remuant avec assiduité, mettez-y alors vos tranches d'agneau que
vous servirez après avoir passé la sauce.
Cromesquis d'agneau [Ragoût polonais). — Parez de la
chair d'agneau à moitié rôtie et refroidie, coupez-la par petits
morceaux carrés, coupez de la même manière des champignons
cuits au blanc et de la tétine de veau , mettez dans une casserole
gros comme un œuf de pigeon de glace de viande avec un peu
de consommé, faites chauffer, ajoutez-y gingembre et gros poivre,
liez avec des jaunes d'oeufs et puis mettez dedans la tétine ainsi
que les champignons et la chair d'agneau , le tout étant refroidi,
divisez par petites parties, moulées comme pour des croquettes;
après quoi vous enveloppez chacune de ces petites parties dans
des bardes de tétine de veau; trempez-les dans une pâte cro-
quante et jetez-les dans la poêle; quand elles seront bien colorées,
vous les servirez sur sauce piquante ou avec persil frit.
AGOUTI. — Genre de mammifères rongeurs. Cet animal
est de la grosseur d'un lièvre; il a la rudesse de poil, le grogne-
ment et la voracité du cochon.
L'agouti se rencontre dans les Antilles et les parties chaudes
de l'Amérique. C'est un équivalent de nos lapins. Les chasseurs le
.poursuivent constamment et, dès 1789, l'espèce en était déjà
détruite à Saint-Domingue. Il s'apprivoise très-aisément et il est
très-facile à élever, car il est omnivore, pourvu qu'on le mette
à l'abri du froid.
1^6 AIL.
La chair des agoutis gras et bien nourris est assez bonne à
manger, quoiqu'elle ait un peu le goût sauvage; on la prépare
comme celle du cochon de lait, dont elle a les propriétés alimen-
taires.
AIGLE. — La grandeur, la noblesse et la fierté du roi des
oiseaux ne lui donnent pas pour cela une chair tendre et délicate,
car tout le monde sait qu'elle est dure, fibreuse et de mauvais
goût , et fut défendue aux Hébreux.
Laissons-le donc planer et défier le soleil , mais ne le man-
geons pas.
AIGRE DE CÈDRE ou Aigre au Cédrat. — Fort à la
mode sous le règne de Louis XIII , fort abandonné depuis, mais
que les Mémoires de Tallemant des Réaux viennent de remettre
à la mode. Orangeade aiguisée de citron vert, édulcorée de miel
épuré de Narbonne, au suc de mûres blanches, et puis légère-
ment aromatisée avec de Técorce de cédrat rouge. Le cardinal
Richelieu faisait le plus grand cas de l'aigre de cèdre et il en
consommait , pendant les deux mois caniculaires , au moins trois
à quatre litres par jour.
(Tirée du Thresor des receptes au lit des malades, ouvrage
de M"® Fouquet, mère du surintendant.)
AIGUILLAT. — Espèce de poisson appelé vulgairement
chien de mer. Il a la forme d'un congre; on le trouve sur les
côtes de TOcéan, où on en a péché qui pesaient plus de lo kil.
Sa chair est filamenteuse," dure et d'une saveur peu agréable.
Lorsque j'étais encore à RoscofF, mon secrétaire étant allé
un matin à la pèche avec mon barbier, ils trouvèrent dans le
filet, qui avait été tendu la veille, quarante-deux de ces poissons
dont le plus léger pesait plus de 5 kil., et deux ou trois rou-
gets à moitié mangés par leurs voraces compagnons de capti-
vité ; cette pêche , qui au premier abord paraît assez bonne, ne
servit cependant à rien, puisque, ne sachant que faire de ces
poissons et ne pouvant les manger, on fut obligé de les porter
au vivier où ils firent les délices des quinze ou dix-huit mille
homards qui l'habitent.
AIL au singulier, Aulx au pluriel. — Plante potagère bul-
beuse dont les gousses sont employées comme assaisonnement.
A I L fik 1 37
Tout le inonde connaît Tail, et surtout les conscrits, qui
remploient à se faire réformer. Son bulbe contient un suc acre
et volatil qui attire les larmes aux yeux. Appliqué sur la peau,
il la rougit et l'escorie même.
Tout le monde connaît l'odeur de Tail, excepté celui qui
en a mangé et qui ne se doute pas pourquoi chacun se détourne
à son approche. Athénée raconte que ceux qui mangeaient .de
Tail n'entraient point dans les temples consacrés à Cybèle. Vir-
gile en parle comme d'une plante utile aux moissonneurs pour
augmenter leurs forces dans les grandes chaleurs, et le poè'te
Macer, pour les empêcher de s'endormir dans la crainte des ser-
pents. Les Égyptiens l'adoraient , les Grecs, au contraire , le dé-
testaient, les Romains en mangeaient avec plaisir. Horace qui,
le jour même de son arrivée à Rome, avait pris une indigestion
d'une tête de mouton à l'ail , l'avait en horreur.
Alphonse, roi de Castille, l'avait en si grande aversion,
qu'en 1330 il institua un ordre dont les statuts portaient que
ceux des chevaliers qui auraient mangé de l'ail ou de l'oignon
ne pourraient paraître à la cour ni communiquer avec les
autres chevaliers, au moins pendant un mois.
La cuisine provençale est basée sur l'ail. L'air, en Provence,
est imprégné d'un parfum d'ail qui le rend très-sain à respirer;
il entre pour principal condiment dans la bouillabaisse et dans
les principales sauces. On en fait, écrasé avec de l'huile, une
espèce de mayonnaise que l'on mange avec du poisson et des
escargots. Le déjeuner des Provençaux des classes inférieures,
se compose souvent d'un croûton de pain, arrosé d'huile et frotté
d'ail.
AILE. — C'est le nom que porte la partie, nous ne dirons
pas précisément la plus sapide, mais la plus honorable de l'oi-
seau. C'est l'aile du poulet, du faisan, du perdreau, que l'on
offre en général aux femmes et aux convives à qui l'on veut faire
honneur. Cette portion commence au haut de l'estomac et, en se
déchirant sous le couteau, s'étend presque sous les cuisses. Il y
a trois morceaux dans l'aile des gros oiseaux, comme le dindon
ou l'oie : le haut, le bas et le bout. L'aile des jeunes oiseaux
bien nourris est délicate et nourrissante , et elle convient à tous
/
13» ALBATROS,
les estomacs. L'aile des vieux, au contraire, est comme le reste
du corps, maigre, sèche, dure, peu substantielle et peu estimée.
AIRELLE. — L'airelle veinée et Tairelle myrtile. Les
feuilles de Tairelle veinée sont ovales et veinées ; son fruit est
savoureux, surtout en Amérique, dont elle semble originaire.
On mange ce fruit fraîchement cueilli ou on le sert avec du
petit lait ou de la crème aromatisée.
L'airelle myrtile est un arbrisseau des bois, donnant de
petits fruits rouges d'abord, puis tournant au bleu foncé en
mûrissant; leur goût est agréable. Les Suédois les emploient
pour assaisonner certains aliments; les marchands de vins s'en
servent pour colorer les vins blancs. On fait, avec le fruit, du
sirop et une espèce de conserves agréables à boire et à manger.
AJAQUE (d'après M. Olagnier). — A Siam, on donne ce
nom à un fruit beaucoup plus gros que le durion. Il est couvert
d'une peau chagrinée; l'arbre qui le produit est fort élevé et
d'un port majestueux. On extrait de ses feuilles un lait abon-
dant. Le fruit ne sort que des grosses branches ou du corps de
l'arbre. Plus l'ajaque vient près du tronc, plus il est gros. On
le dépouille de sa peau épineuse, on le coupe par morceaux
qu'on fait cuire en fricassée. Avec sa chair et du sucre, on fait
aussi une marmelade, qu'on peut conserver toute l'année. Quand
ce fruit est parvenu à sa maturité, on trouve sous son bois mince
et poli cinquante châtaignes renfermées dans un sac de chair
jaune, très-sucrées et d'une odeur très- forte. Ces châtaignes
grillées ou bouillies, ont à peu près le goût de nos marrons,
mais elles sont plus petites ; elles sont venteuses.
ALALUNGA. — Poisson qui se trouve sur les côtes de la
Méditerranée; à Malte on l'appelle thon blanc; il pèse de
6 à 8 kilogrammes. Sa chair est agréable, mais de difficile
digestion.
ALBACORE. — Poisson des mers occidentales, baptisé ainsi
par les Portugais, à cause de sa blancheur. C'est une bonite
gigantesque atteignant le poids de 30, 40 et même 45 kilogr.
ALBATROS. — De tous les oiseaux d'eau, les albatros
sont les plus grands et les plus massifs; l'envergure de leurs
ailes est de trois à quatre mètres; le plumage est d'un beau
ALBRAN. 139
blanc, le dos et l'extrémité des ailes sont gris; sa voix est, dît-
on, aussi forte que celle de Tâne; il fait un nid de terre élevé
et pond des œufs nombreux bons à manger.
Les diverses espèces de ce genre habitent les mers australes
et vivent de poissons volants, de frai de poisson et de mollusques.
Malgré leur grande taille et leur force, ils sont très-lâches, se
laissent battre par les goélands et les mouettes, et leur aban-
donnent alors leur proie.
La chair de Talbatros est bardée d'une graisse excellente
dont on se sert comme aliment; mais cette chair est dure,
coriace, de difficile digestion. Chez les jeunes, au contraire, elle
est aussi tendre que celle de l'agneau.
ALBEREN. — En Suisse, où on le pêche, surtout aux en-
virons de Genève, on le nomme lavaret. C'est une espèce de
saumon dont la chair est excellente et que les étrangers ne man-
quent jamais de demander lorsqu'ils arrivent à Genève, Lausanne
et Chambéry. (Voyez, pour Tassaisonnement du lavaret, celui du
saumon et des truites.)
ALBERGE. — Espèce de pèche qu'on prépare en Touraine
et dont la chair jaune et très-compacte est légèrement acidulée.
Je me rappelle avoir lu dans les Lettres de Paul-Louis Courier
. qui faisait peu de cas de ce fruit, que sa femme était devenue
réche et coriace comme une alberge.
Si le lecteur n^est pas dégoûté de l'alberge par la compa-
raison qu'en fait le célèbre pamphlétaire^ il pourra employer
les conserves d'albergç en les coupant en petits morceaux de
forme carrée et en garnissant le fond d'un plum pudding à la
moelle et aux tranches de citrons confits. '
ALBRAN. — Le jeune canard qui se chasse à la tin d'août,
s'appelle albran. En septembre, il devient canardeau et passe
définitivement canard au mois d'octobre. Les albrans, qui sont
au canard ordinaire ce que la perdrix est à la poule, se cuisent
à la broche et se servent couchés sur des rôties onctueuse-
ment imbibées de leur jus, auquel l'on ajoute un suc d'oranges
amères, avec un peu de soya des Indes et des grains de mignon-
nette. C'est un plat de rôt délicat et distingué. Aussi est-il honoré
de cette note de l'auteur des Mémoires de la marquise de Créquy :
I40 ALCOOL.
« Quand les chasseurs ou les pourvoyeurs en fournissent en
grand nombre à la campagne, et quand on veut en faire une
entrée, on peut les mettre en salmis ou les servir sur un ragoût
d'olives, aussi bien que sur une béchamel de mousserons. Nous
n'admettons pas qu'on puisse les faire cuire aux navets^ ainsi
qu'il est conseillé dans Voâlmanach des gourmands. C'est un
apprêt trop vulgaire, pour être appliqué convenablement à des
albrans, des canardeaux, et même à des canards sauvages, il ne
convient que pour des canards de ferme et pour leurs canetons.
Nous suivons ici le précepte et la décision de M. Brillât-Savarin,
notre illustre devancier :
« L adjonction d'un pareil légume à ce noble gibier serait
pour les albrans un procédé malséant et même injurieux , une
alliance monstrueuse ^ une dégradation flétrissante. »
ALCOOL. — Mot arabe qui désigne une substance solide
ou liquide volatil. On ne donne aujourd'hui vulgairement ce
nom qu'au produit volatile et inflammable de la liqueur fer-
mentée appelée esprit-de-vin.
Sa découverte remonte au xiv* siècle. Elle est due à un
célèbre alchimiste de Montpellier, Arnault de Villeneuve.
Elle est le produit des substances sucrées. On peut la tirer
du vin, de la bière, du cidre, du riz, du sucre et généralement
des fruits, grains ou résines qui contiennent du sucre.
Faible, l'alcool s'appelle eau-de-vie; fort, c'est l'esprit-de-
vin inflammable, de saveur vigoureuse, causant l'ivresse et affai-
blissant les facultés intellectuelles. Cette saveur est d'autant
plus forte que l'alcool a été plus rectifié ou privé d'eau. Il se
dissout parfaitement» dans l'eau avec laquelle il s'unit, et forme
Teau-de-vie.
Il y a un tel rapport entre ces deux liquides, que nous
dirons tout de suite, à propos de l'alcool, ce que nous avons à
dire de l'eau-de-vie.
L'eau-de-vie, liqueur alcoolique très-aqueuse, contient un
peu d'acide acétique; on l'obtient par la distillation du vin, des
grains, des pommes de terre, des marcs de raisin , du poivre, du
cidre, de la mélasse, de la lie de vin, du riz, des cerises, des
prunes, des carottes , des groseilles , du lait des dattes, du coco,
ALCYON. 141
du genièvre, des pois, des haricots, des betteraves et de l'érable.
C'est toujours à Arnault de Villeneuve, médecin -alchimiste à
Montpellier, qu'on doit les premiers essais réguliers sur la dis-
tillation du vin pour en obtenir de Teau-de-vie, qui est la base
de toutes lès liqueurs de table et qui même en fait partie.
C'est un liquide limpide, incolore, transparent, volatil,
de saveur forte, de densité variable, suivant la quantité d'eau
qu'il contient; inflammable, en raison directe de sa densité,
ayant la propriété de dissoudre les résines et les principes aro-
matiques; enfin de préserver de la putréfaction les substances
végétales et animales. {Dictionnaire des Boissons y par M. F.
Olagnier.)
ALCYON. — Peu de personnes savent que cet oiseau , au
doux nom qui rappelle les malheureuses amours de Ceïx et
Alcyon, n'est autre qu^ l'hirondelle des rivages de la Cochin-
chine, que l'on nomme Salangane, et dont les Chinois mangent
les nids avec tant de volupté. On en trouve la première variété
aux îles de France et de Bourbon , aux Moluques et aux Philip-
pines ; elles produisent des nids gélatineux de la forme d'un petit
bénitier; ces nids sont composés d'une substance blanche demi-
transparente , dure comme la corne et mêlée intérieurement de
légères couches de coton. A l'extérieur, cette substance ressemble à /
une gélatine très-blanche, desséchée par filaments soigneuse-
ment accolés. Cet oiseau, qui s'appelait en grec Alcyon, s'appelle
Chim au Tong-King et Salangane aux îles Manille, qu'il enri-
chit avec la seule vente de son nid. Ces nids se composent
d'une résine inconnue en Europe et qu'on appelle Calambac.
Cette résine, qui est le Timbach des Indiens, est une substance
qui s'écrase sous les dents et dont la saveur est délicieuse. En
Chine, on la vend au poids de l'or à cause de son parfum ; on la
brûle sur des charbons dans les plus fameuses pagodes , dans les
occasions solennelles et chez les grands du Céleste-Empire. Le
prix de ces nids est extrêmement élevé ; on les appelle SacaU
pouka. On sait aujourd'hui que plusieurs espèces d'hirondelles
produisent de ces nids gélatineux; les blancs sont les plus
recherchés, parce qu'ils sont glanés. Sumatra en expédie à
Canton de nombreuses pacotilles, dont les Chinois sont enthou-
14a ALE.
siastes. On les trouve entre les anfractuosités des montagnes,
pris à de petites coupes attachées le long des murailles. On en
fait deux récoltes par an ; les hirondelles mettent plus d'un
mois à les construire.
On a cru longtemps que ces nids n'étaient autre chose que
récume de la mer mêlée au frai du poisson. J'ai vu beaucoup
de ces nids, je dois dire que j'en ai même mangé plus qu'aucun
Français, peut-être, étant lié avec le beau-fils du gouverneur de
Java, qui en recevait tous les ans des caisses entières. Il les faisait
récolter dans une caverne creusée, non loin de Java, parmi les
rochers battus par la mer. La substance dont ils étaient com-
posés, et que nous essayâmes d'analyser, ressemblait à de la colle .
forte à demi délayée; ils avaient deux ou trois pouces de dia-
mètre, quelques-uns contenaient encore des œufs qui y avaient
été déposés; ils ne pesaient pas plus de 10 grammes. Ils coûtent
là-bas huit à dix piastres le demi kilo.
Voici comment, sur la recette qui nous était envoyée de
Java, nous les faisions cuire : Après les avoir nettoyés, nous les
laissions tremper, pour en ramollir les filaments qui se séparent.
On les met ensuite sous une volaille rôtie dont ils absorbent le
jus, ou bien on les fait cuire avec un chapon pendant vingt-
quatre heures, et à petit feu, dans un pot de terre hermétique-
ment fermé. Nous en faisions aussi des bouillons, des soupes et
des ragoûts très-sapides et très-nourrissants.
AGAL ou Alhagi. — Mot arabe servant à désigner une
espèce de manne qu'on recueille sur une. variété de sainfoin, qui
pousse abondamment en Syrie, en Mésopotamie et en Perse ; elle
est onctueuse pendant le jour, mais se condense pendant la nuit.
Son goût est le même que celui de la manne de Calabre; on croit*
que c'est elle qui alimenta les Israélites qui traversèrent le désert
avec Moïse. ^ ^
ALE. — Ce mot anglais, qui veut dire tout^ désigne, pour
les Anglais, une boisson qui, selon eux, peut remplacer toutes
les autres. C'est une liqueur qu'on obtient par l'infusion du
moult et qui ne diffère de la bière qu'en ce que le houblon n*y
entre qu'en petite quantité. Cette boisson est agréable, mais eni-
vrante; bue à dose raisonnable, elle rafraîchit.
ALIMENT. 143
ALÉNOIS (Cresson). — Plante potagère la plus saine des
fines herbes. Elle se trouve rarement sur les marchés des grandes
villes, attendu qu'elle se fane aussitôt qu'elle est cueillie, et que
d'ailleurs, sur la couche, elle monte en graine trop rapidement.
Les enfants et les vieilles filles s'amusent à faire pousser ce joli
gramen sur du coton mouillé.
ALIMENT. — Qu'entend-on par aliment?
Réponse populaire, — L'aliment est tout ce qui nous nourrit.
Réponse scientifique. — On entend par aliment les sub-
stances qui, soumises à l'estomac, sont assimilables par la diges-
tion et propres à réparer les pertes que fait le corps humain.
Donc la première qualité de l'aliment est d'être aisément
digestif. De là l'épigraphe de notre livre :
« On ne vit pas de ce que Ton mange , mais de ce que l'on
digère. »
Les trois règnes de la nature concourent à Talimentation de
l'homme : le règne animal et le règne végétal, plus abondam-
ment que le troisième, le règne minéral , qui ne fournit que des
assaisonnements et des remèdes. L'air même porte avec lui un
principe plus ou moins nourrissant, selon qu'il est plus chaud ou
plus froid.
On croit généralement que l'humanité est originaire de
rinde, tant l'air indou est chargé de principes nutritifs. On
attribue la fraîcheur des bouchers et des bouchères aux émana-
tions des viandes fraîches dont ils sont continuellement en-
veloppés.
Démocrite vécut trois jours sans manger, et cependant sans
ressentir la faim, en respirant la vapeur du pain chaud.
Viterby, Corse condamné à mort par le jury de Bastia, ré-
solut de se laisser mourir de faim , mais , soutenu par l'air nour-
ricier de son pays, il ne mourut que le quarante-huitième jour.
Il tsX vrUi que le quarante- troisième , ne pouvant résister à
l'étranglement de la soif, il avait bu un demi-verre d'eau.
Le régime végétal convient aux pays chauds , le régime
animal aux pays froids, où l'homme a besoin de faire beaucoup
de carbone. Les nations les plus guerrières et les plus cruelles
sont les nations essentiellement carnivores. Comparez le pacifique
/
144 ALOES.
Indou vivant de racines et de fruits avec le farouche Tatare qui
boit le sang de son cheval et mange sa chair crue.
ALIZIER. — Arbre de la famille des poiriers et des néfliers,
fort répandu dans les bois de la Haute-Marne , du Jura et des
Hautes- Alpes. Son fruit se rapproche de la nèfle; il est de la
grosseur d'une petite poire rouge et se mange, quoique acerbe,
quand on a pris le soin, comme on fait pour les nèfles, de le
laisser quelque temps sur la paille, où il parvient à un état
intermédiaire entre la pourriture et la maturité, état qu on
appelle hlet.
Ce fruit est fort agréable quand il est mûr, et on en fait dans
certains payis une espèce de cidre qui rafraîchit.
ALKERMESSE DE FLORENCE. — Une des liqueurs
les plus pâteuses et les plus affadissantes qui existent, quoique
jouissant d'une assez bonne réputation. Elle est faite par les
mains des dames de Santa Maria la Noella, qui joignent à ce
commerce celui de la pharmacie. C'est un intéressant établisse-
ment que ne manquent pas de visiter les touristes qui s'ar-
rêtent à Florence.
«
ALOES. — Plante du genre des Liliacées. On compte un
grand nombre de variétés dans l'aloès , remarquables en général
par l'épaisseur charnue de leurs feuilles , par la forme singu-
lière de quelques-unes d'entre elles et surtout par la beauté de
leurs épis de fleurs dont les couleurs, différemment nuancées,
produisent le plus bel effet dans un jardin.
Les aloès sont originaires de l'Afrique et de l'Inde, et ne se
plaisent que dans les lieux chauds^ secs, et sur les rochers. Les
habitants de la Cochinchine retirent de l'aloès perfolié une fécule
agréable au goût, qu'ils mangent avec du sucre ou avec des
viandes. Pour l'obtenir, ils font macérer les feuilles d'abord
dans une eau alumineuse et ensuite dans l'eau froide.
On donne aussi le nom d'aloès à une préparation faite avec
le suc épaissi ou l'extrait des plantes de ce nom. On emploie
différents procédés pour cette préparation.
Dans l'un, on exprime tout le suc de la plante après l'avoir
pilée; on le laisse déposer dans un vase pendant une nuit, puis
on le décante. On expose ensuite la portion décantée au soleil
ALOSE. 145
dans des espèces d'assiettes , et on la réduit ainsi à consistance
d'extrait; le sédiment du premier vase est desséché à part et
regardé comme un aloès de qualité inférieure ; il n'est employé
que dans la médecine vétérinaire ; on l'appelle aloès caballin.
D'après un autre procédé, on coupe la pointe des feuilles de la
plante qu'on suspend sens dessus dessous et le suc s'écoule spon-
tanément peu à peu dans des vases disposés à cet effet. Ce suc
est filtré et évaporé ensuite à une douce chaleur et il devient
peu à peu si dur, qu'on peut le réduire en poudre; celui-ci est
la première qualité d'aloès ou aloès succotrin.
L'aloès est tonique , échauffant , fortifiant et purgatif.
ALOSE. — L'alose est un excellent poisson de mer qui
remonte les rivières à une certaine époque de l'année; c'est pen-
dant ce voyage qu'il perd sa trop forte salaison et s'engraisse.
On les emploie pour rôts ou pour entrées. Si on les emploie
pour rôtis, on ne les écaille pas, on les fait cuire dans le court-
bouillon comme le saumon et la carpe du Rhin ; on les sert alors
sur une assiette garnie de persil vert et de raifort râpé. Si on
s'en sert comme entrée, on les écaille et on les sert à différentes
sauces : à l'oseille, aux tomates, aux câpres. La meilleure ma-
nière de les préparer est celle que nous allons mettre sous les
yeux du lecteur :
<yllose à l'oseille. — Ecaillez, videz, lavez votre alose, en-
veloppez-la dans un papier beurré, après l'avoir garnie de fines
herbes, faites cuire sur le gril et servez sur une farce d'oseille
ou sur une copieuse maître-d'hôtel.
Qâlose à la broche, — Si vous péchez ou si vous trouvez à
acheter une alose de forte taille, ce qui arrive souvent à la fin
de Tété, il est mieux de la mettre à la broche que sur le gril, où
elle cuit plus facilement et plus également. Il faut Tinciser et la
faire mariner dans l'huile avec du sel fin, du persil en branche
et quelques ciboules coupées. Incisez-la sur le dos légèrement et
en biais, retournez-la plusieurs fois dans son assaisonnement,
mettez-la à la broche, arrosez -la soigneusement et servez-la
comme plat de rôti pour être mangé à l'huile ou au vinaigre,
ainsi que les grands poissons cuits au bleu.
Q/ilose à la marinière: — Maniez 135 grammes de beurre
10
146 ALOUETTE.
et une pincée de fécule, trempez avec du consommé, faites cuire
quelques aloses coupées en tranches avec de petits oignons, et
masquez avec une sauce tamisée, garnissez de sardines fraîches
bouillies pendant trois minutes.
Filets d'alose sautés. — Lavez et coupez les filets de Talose,
mettez-les sur un sautoir avec du beurre clarifié, salez, mettez
le beurre sur un feu ardent. Retournez les filets, ne les laissez
cuire que peu d'instants, égouttez, dressez en couronne et servez
avec une sauce à votre gré.
Qâlose à la hollandaise. — N'écaillez pas, videz par les
ouïes, faites bouillir deux ou trois fois avec de Teau salée,
retirez; mettez pendant une demi-heure sur un feu doux, de
façon à maintenir chaud sans laisser bouillir; servez sur une
serviette avec des pommes de terre et la sauce à part.
ALOUETTE. — Les alouettes ont le double avantage d'être
aimées par les gourmands et chantées par les poètes. Juliette dit
à Roméo, qui veut la quitter avant le jour :
— Ne t en vas pas encor, reste, mon Roméo :
C'était le rossignol et non pas Talouette
Dont le chant a frappé ton oreille inquiète;
Caché dans les rameaux d'un grenadier en fleurs,
A la nuit qui l'écoute il chante ses douleurs :
C'était le rossignol , crois-en ta Juliette !
ROMÉO.
Non! c'est bien le matin et c'est bien l'alouette.
Regarde , mon amour, à l'horizon rougi
Monter de pourpre et d'or ce rayon élargi ;
Ce nuage qui s'ouvre et laisse passer l'aube.
C'est Taurore levant un des plis de sa robe.
Tandis que, repoussée à l'occident obscur,
Phœbé fuit éteignant ses flambeaux dans l'azur.
Vois-tu le gai matin^ éclairant nos campagnes,
Poser son pied joyeux sur le front des montagnes }
Vois-tu comme un torrent la lumière accourir?
Il faut partir et vivre, ou rester et mourir.
JULIETTE.
Tu te trompes, ami, non ce n'est pas l'aurore^
C'est quelque éclair fiirtif, c'est quelque météore
Que le soleil, touché de notre amour si beau^
ALOUETTE. 147
Place sur ton chemin comme un porte-flambeau.
Reste donc, du départ ce n'est pas encor l'heure;
Demeure, 6 Roméo ! je t'aime tant, demeure !
ROMÉO.
Veux-tu que Ton me trouve et qu'on me tue ici?
Oh ! moi, je suis content si tu le veux aussi.
Avec toi je dirai : Ce n'est pas la lumière
Que verse le nudn en ouvrant sa paupière :
C'est le pâle reflet de la sœur d*Apollon
Dont le char argenté glisse sur le vallon.
Ce chant qui dans le ciel éclate sur ma tète ,
Non ce n'est pas ton chant, matinale alouette !
Oh ! moi, je ne fais pas de l'amour un remord,
Juliette le veut, je reste. — Viens, 6 mort !
Je t'attends dans ses bras, 6 sublime inconnue.
Pâle sœur du sommeil, mort, sois la bienvenue !
JULIETTE.
Oh ! non, je me trompais, Roméo ! c'est le jour !
Pas un instant à perdre. Oh ! fuis ! fuis ! mon amour.
C'était bien l'alouette aux notes discordantes
Dont le chant menaçait nos amours imprudentes ;
C'était bien le soleil, brûlant vainqueur des nuits,
Qui montait sur son char; fuis! mon Roméo! fuis!
Les alouettes étaient recherchées sur les tables des Athé-
niens; elles étaient sacrées à Lemnos, parce qu'elles avaient
délivré rîle des sauterelles. L'alouette est fort délicate et estimée
pour son goût. Elle n'est réellement bonne qu'au mois de no-
vembre et les mois qui suivent jusqu'à février. Elle s'engraisse
par le brouillard avec une rapidité surprenante; elle a cela de /^
commun, du reste, avec ses fournisseurs, mais elle maigrit plus
promptement qu'eux.
Rôties et bardées , les alouettes sont très-agréables , mais à
la suite d'un dîner solide. L'avis de Grimod de la Reynière est
que l'alouette la plus grosse, ainsi que le meilleur rouge-gorge,
ne sont, sous les doigts d'un homme de bon appétit, qu'un petit
paquet de cure-dents, plus propres à nettoyer la bouche qu'à la
remplir.
L'illustre gourmet ajoute :
« Les pâtés d'alouettes de Pithiviers sont l'un des plus dé-
148 ALOYAU.
licieux mangers qiie puisse vergeter le palais d'un galant homme;
la croûte en est excellente et l'assaisonnement inimitable. »
Plumée, dressée, troussée, prête à mettre à la broche, enfin,
Talouette change de nom et s'appelle mauviette.
Lister, médecin gourmand d'une reine gourmande , établit
comme un principe que si douze mauviettes ne pèsent pas
30 grammes chacune, elles ne sont pas mangeables ; que si elles
pèsent ce poids, elles sont passables; mais que si elles pèsent
ensemble 400 grammes ou plus, elles sont excellentes.
Ayez donc soin de faire peser vos mauviettes avant de les
mettre à la broche.
dAlouettes à la casserole, — Prenez une ou deux douzaines
d'alouettes, cela dépend du nombre de vos convives, plumez-les
(vos alouettes et non pas vos convives), videz -les, flambez-les.
Ensuite vous les mettrez dans la casserole avec un peu de beurre
et vous les ferez cuire à moitié. Quand ce sera fini retirez vos
oiseaux du feu pour les égoutter, videz-les et ôtez les gésiers
que vous jetterez. Pilez tout le reste ensemble en y ajoutant
quelques foies de volailles ou des foies gras et quelques truffes;
faites-en une farce bien fine que vous assaisonnerez convenable-
ment avec sel, poivre, muscades, etc.; bourrez l'abdomen de
vos alouettes avec cette farce. Garnissez-en le fond d'un plat
d'argent, enterrez-y vos oiseaux de manière qu'on les aperçoive
à peine, et couvrez-les d'une barde de lard et d'un papier beurré.
Mettez votre plat sur les cendres chaudes, placez un four de
campagne au-dessus et laissez cuire pendant une demi-heure.
Au moment de servir, ôtez le papier et le lard, égouttez le plat,
saupoudrez-le de chapelure bien fine et soyez tranquille sur les
résultats.
Ce mets divin peut se manger avec une sauce quelconque.
Je m'en suis souvent régalé avec de la gelée de groseille, en
avalant à chaque fois une demi-bouchée de l'un et de l'autre.
(Méthode d'Éléai^ar Bla:{e.)
ALOYAU. — Pièce de bœuf prise le long des vertèbres
supérieurs du dos. Il se divise en trois morceaux. Le premier
est le plus estimé, comme contenant une plus grande partie du
filet. On le cuit à la broche quand il est gras et tendre. Parez-le
ALOYAU. 149
en supprimant la graisse et les peaux, faites-le mariner au moins
douze heures dans de bonne huile, avec sel, poivre, laurier et
tranches d oignons, embrochez-le et faites- le cuire une heure
ou deux si sa grosseur le nécessite. On le sert dans son jus avec
une sauce faite de ce jus, filet de vinaigre, échalotes, sel et
poivre; servez dans une saucière une sauce préparée ainsi, ou
faites un petit roux que vous mouillez de bouillon ou d'eau et
jus, ajoutez poivre, sel, échalotes, cornichons, persil, le tout
haché très-fin, et filet de vinaigre.
Vous pouvez encore servir Taloyau garni de petits pâtés ou
bien entouré de raifort ou sur du céleri, des concombres ou des
laitues farcies. Servi au premier service il peut tenir lieu de
gros plat. Servez en fricandeau, à la Godard, à la braise, à Talle-
mande.
Q4lojrau à la Godard. — Empruntons la recette à celui-là
même qui Ta trouvée. Otez le dos de Téchine à votre aloyau
sans le désosser tout à fait; lardez-le de gros lardons bien
assaisonnés, ficelez-le de manière à \\x\ donner une belle forme;
mettez-le dans une braisière avec un bouquet garni de fines
herbes, oignons et carottes en suffisante quantité; mouillez-le
avec du bon bouillon et une bouteille de vin de Madère; mettez-
y sel et gros poivre, faites-le cuire à petit feu et de manière que
son fond soit réduit presque en glace , retirez-le de sa braise et
ser\'ez-le avec le ragoût énoncé ci après : — Mettez quatre cuil-
lerées à dégraisser de glace de viande dans une casserole;
ajoutez-y la cuisson de votre aloyau, que vous aurez fait passer
et dégraisser; coupez quelques ris de veau en tranches, des
champignons tournés, des fonds d'artichauts en quartiers, des
petits œufs ; dégraissez le ragoût avant de servir et saucez votre
aloyau avec ce ragoût.
Q/ilojrau rôti (d'après la prescription de M. Beauvilliers,
ancien cuisinier de Monsieur, frère du roi). — Ayez un aloyau
de première ou de seconde pièce; ôtez-en Tarête, sans endom-
mager ses filets; mettez-le sur un plat, saupoudrez-le d'un peu
de sel fin, arrosez-le d'un peu d'excellente huile d'olive, en y
joignant quelques tranches d'oignons et de feuilles de laurier;
laissez-le mortifier deux ou trois jours, si le temps le permet.
I50 ALOYAU.
et ayez soin de le retourner deux ou trois fois par jour; lorsque
vous voudrez le faire cuire, embrochez-le ou couchez-le sur fer,
de la manière suivante : Passez votre broche dans le gros filet
en suivant l'arête ou les os de l'échiné; gardez-vous, dirai-je
encore, d'endommager le filet mignon ; attachez-y, du côté du
gros filets un attelet, ou petite broche en fer, liez-le avec de la
ficelle fortement des deux bouts, afin que votre aloyau ne tourne
pas sur la broche; roulez le flanc en dessous, pour mieux pré-
senter le filet mignon et la graisse de votre aloyau que vous
dégraissez légèrement; assujettissez ce flanc avec des petits
attelets, en les passant d'outre en outre dans le gros filet; enve-
loppez de papier fort cet aloyau et mettez-le à un feu vif, afin
qu'il concentre son jus.
Filet d'aloyau braisé à la royale. (D'après la tradition de
Vincent de la Chapelle, premier cuisinier du roi Louis XV,
reproduite par l'auteur des Mémoires de la marquise deCréquy).
On lève le filet d'un aloyau dont on tire toute la graisse; on
aura soin de le ficeler pour lui donner la forme qu'on jugera la
plus convenable, car il est bon de calculer si l'on aura besoin de
le servir comme relevé sur un grand plat ovale, ou comme entrée
sur un moyen plat rond. Dans tous les cas, on mettra au fond
d'une braisière des bardes de lard et des tranches de veau, cinq
ou six oignons, deux clous de girofle avec un bouquet garni. On
place ensuite le filet dans la braisière , on le couvre de lard, et
l'on y verse 750 grammes d'excellent bouillon où l'on ajoute un
peu de sel; on commence par faire bouillir la braise sur un four-
neau bien ardent et on la met ensuite cuire à petit feu pendant
six heures. Au bout de ce temps, on prend le fond du ragoût
que l'on fait réduire et clarifier; on le dégraisse exactement et
l'on en forme une demi-glace bien claire que l'on sert sous le
même filet de bœuf, après lui avoir donné une belle couleur. Si
l'on veut que le filet de bœuf ait encore une plus belle appa-
rence, on doit le laisser refroidir pour le parer avec plus de goût;
on le fait réchauflêr dans une partie du mouillement oïl il a été
cuit. On pourrait également le servir à la gelée, en ayant eu soin
d'ajouter dans la braisière un pied de veau, avec 30 grammes de
corne de cerf.
AMANDES. ICI
Après ces grandes façons de préparer et de servir l'aloyau,
nous en citerons quelques-unes qui ne sont pas moins bonnes
pour être plus simples.
Filet d'aloyau à la bourgeoise. — Lardez fortement un
tilet d'aloyau ; mettez votre filet à la casserole sur un fond de
parures, avec oignons, carottes et céleri, fonds d'artichauts,
bouquet garni et 250 grammes de bouillon sans graisse.
Filet d'aloyau aux concombres. — Parez votre filet, piquez,'
iaites rôtir avec concombres farcis à la chair de volaille et à la
moelle de bœuf.
Filet d'aloyau aux oignons glacés ou aux laitues farcies.
— Parez et faites cuire ; comme ci-dessus dégraissez et entourez
de laitues farcies et d'oignons glacés.
Filet d'aloyau aux conserves. — Parez comme pour un
aloyau braisé, lardez et faites rôtir ; mettez filets de cornichons,
rouelles de betterave confite, oignons, choux-fleurs, guignes, cas-
sis, alises, mirabelles, etc., avec quelques cuillerées à dégraisser de
glace de viande et une de vinaigre, le tout dans la casserole,
faites chauffer sans bouillir et servez très-chaud sous le bœuf.
Filet d'aloyau aux cornichons à la bonne-femme. — Modi-
fication du précédent, qui consiste à remplacer la glace de
viande par un roux léger ; mouillez avec du consommé dans
lequel nageront des cornichons coupés en tranches.
Filet d'aloyau au vin de Malaga. — Même parure que
pour l'aloyau rôti ; lardez fortement; garnissez la casserole d'un
lit de bardes de lard, d'une tranche de noix de veau, d'une
tranche de jambon cru, de carottes, d'oignons, mousserons, fonds
d'artichauts, bouquet garni; mettez l'aloyau sur le tout; mouil
lez de deux verres de malaga, coupez de deux ou trois cuil-
lerées à pot de bouillon réduit; laissez cuire sur un feu léger
pendant un peu plus de deux heures et tamisez afin de glacer
avec consistance et transparence. Plat recommandable.
Filet d'aloyau au vin de Madère^ à la bourgeoise. — Mettre
à la broche, arroser de son propre jus et d'une demi-bouteille
de madère, avec rocambole pilée et mignonnette.
AMANDES DOUCES, AMANDES AMÈRES. — On
donne le nom d'amande à la semence de tous les arbres à noyaux
153 AMANDES.
renfermée dans une écorce dure. On dit une amande d'abricot,
une amande de pêche, etc. ; mais il est ici particulièrement ques-
tion du fruit de Tamandier qui croît en Italie, en Provence, en
Languedoc, en Touraine et en Afrique; Thuile qu'il renferme
s'altère vite et contient de Tâcreté ; les amandes sont en elles-
mêmes adoucissantes, rafraîchissantes, nourrissantes et calment
la toux ; les mauvais estomacs seulement ne doivent pas se don-
ner le travail difficile de les digérer en grande quantité. La peau
de Tamande en vieillissant se recouvre au contraire d'une pous-
sière acre qui irrite la gorge, excite la toux et rend l'amande
plus indigeste. L'amande amère n'entre pas dans l'alimentation,
elle contient un acide connu sous le nom d'acide prussique ou
hydrocyanique ; c'est le poison le plus rapide et le plus violent.
Une goutte d'acide prussique posée sur la langue ou sur l'œil
d'un bœuf le tue à l'instant même. C'est surtout avec les
amandes de la pêche qu'on le prépare. S'il y a empoisonnement
par acide prussique et que, soit par l'évaporation, soit par toute
autre cause, cet empoisonnement n'a pas lieu avec une rapidité
foudroyante, il faut faire prendre au malade une préparation
de fer. Dans les indispositions à la suite de l'absorption d'une
trop grande quantité d'amandes amères, il faut répéter cette
expérience. Avec les amandes douces, on peut faire les prépara-
tions suivantes :
Crème d'amandes, — Pilez et émondez 460 grammes
d'amandes douces, mêlez-y trois amandes amères seulement,
passez cette composition à l'étamine après Pavoir délayée avec
de la crème bouillante, ajoutez des jaunes d'œufs ainsi que
de l'eau double de fleur d'orange, et faites prendre cette crème
au bain-marie. On peut garnir ce plat d'amandes pralinées.
Consignons ici en passant que c'est à Bourges qu'on fait les
meilleures amandes pralinées.
Q/lmandes pralinées, — Ce nom leur vient de la maréchale
de Praslin dont le chef d'office avait inventé cette friandise. Vous
mettez dans une poêle 500 grammes d'amandes, 500 grammes
de sucre, un verre d'eau distillée, vous faites bouillir le tout
jusqu'au pétillement des amandes : retirez du feu et remuez
jusqu'à ce que le sucre n'adhère plus aux amandes. Enlevez
AMANDES. 15}
une partie du sucre , remettez l'autre sur le feu ; remuez
jusqu'à nouvelle adhérence du sucre et des amandes, et mettez
les pralines au sec. Les pistaches pralinées, les avelines pra-
linées, se préparent comme les amandes, et, comme elles, ^ con-
servent dans un endroit sec.
Gâteau d'amandes, — Prenez un demi litre de farine;
mettez dedans environ 50 grammes de beurre, deux œufs com-
plets, un peu de sel, 63 grammes de sucre blanc, 90 grammes
d amandes douces pilées, pétrissez le tout, faites cuire comme
un gâteau ordinaire et glacez avec sucre et pelle rouge.
Gâteau d'amandes massif. — Prenez un kilogr. d'amandes
douces mondées, lavées, pilées, mêlées à 1 5 grammes d'amandes
amères. Ajoutez-y des épidermes de citrons confits, de l'angé-
lique, de la fleur d'orange pralinée, un peu de sel, i kilogri de
sucre, dix-sept jaunes et seulement cinq blancs d'œufs; mélangez,
beurrez votre moule, mettez-y le tout garni de papier beurré, et
cuisez à four doucement chauffé.
M. de Courchamps donne le conseil, et je ne puis qu'inviter
le lecteur à le suivre, de mettre à proximité de cet entremets
une crème liquide aux jaunes d'œufs, dans laquelle vous aurez
versé du lait d'amandes au lieu de lait ordinaire et que vous
aurez fait cuire au bain-marie.
Compotes d'amandes vertes, — Préparez comme une com-
pote d'abricots verts, mais versez avant le refroidissement une
petite cuillerée de kirsch.
*Petits gâteaux d'amandes. — Mondez 250 grammes
d'amandes douces et deux ou trois amandes amères; pilez-les;
mettez un blanc d œuf; ajoutez-y 500 grammes de sucre, un peu
de fleur d'orange pralinée, et de crème; abaissez du feuilletage
à l'épaisseur de cinq millimètres. Coupez cette pâte ainsi que
pour des petits pâtés ; garnissez chaque morceau de feuilletage
avec votre préparation d'amandes; faites-les cuire à un four
chaud et poudrez-les de sucre blanc.
Gâteau d'amandes à la manière dite de Pithiviers. —
Opérez comme ci-dessus, sinon que le gâteau doit être recouvert
d'une lame de pâte feuilletée.
Macarons d'amandes amères. — Écossez les amandes moujil-
154 AMBRE.
lées ; pilez avec quatre blancs d'œufs pour 500 grammes
d'amandes, et mettez dans une terrine ; jetez-y i k. 500 grammes
de sucre en poudre ; si la pâte était trop sèche, on y ajouterait
des blancs d œufs; dressez la pâte sur des feuilles de papier par
petites portions, et faites cuire à un feu doux et bien clos.
Macarons d'amandes douces. — Procédez ainsi que pour les
autres macarons, seulement mettez i kilog. de sucre par
500 grammes d'amandes.
Biscuits d'amandes. — Prenez 250 gr. d'amandes douces,
30 grammes d'amandes amères, 60 grammes de farine et i kilog.
de sucre en poudre, cassez une douzaine d'oeufs; mettez les
blancs dans une tasse, les jaunes dans une autre, mondez les
amandes, pilez-les en y ajoutant deux blancs d'œufs, battez le
reste en neige, battez les jaunes à part avec la moitié du sucre,
mélangez tous ces jaunes et tous ces blancs avec vos amandes
pilées de manière à en former une pâte, incorporez-y le reste
du sucre avec de la farine; préparez des caisses de papier,
emplissez-les de votre pâte, et glacez-les avec votre mélange de
sucre et de farine que vous aurez étendu sur un tamis et que
vous agiterez au-dessus de vos caisses pour en faire tomber une
pluie fine, faites cuire ces biscuits dans un four médiocrement
chaud.
Biscuits aux avelines, biscuits aux pistaches, biscuits au
chocolat, biscuits aux marrons glacés , biscuits au rhum, bis-
cuits à l'orange, au citron, à l'ananas, enfin biscuits à la crème
salée, se préparent de la même manière. {Méthode de M. de Cour-
champs.)
Lait d'amandes. — Prenez 250 grammes d'amandes douces,
un litre d'eau chaude, 15 grammes de fleur d'oranger, 180 grammes
de sucre; mondez, pilez les amandes, trempez-les de temps à
autre d'un peu d'eau; lorsque la pâte est devenue fine, délayez-
la dans l'eau chaude et passez le tout au travers d'un linge, et
faites bouillir jusqu'à réduction de moitié. Tamisez et laissez
refroidir.
AMBRE. (Son origine, ses qualités, par M. A. F. Olagnier.)
— Nous allons laisser parler le célèbre professeur, puis, bon gré,
mal gré, nous le forcerons de passer la main à un autre professeur
AMBRE. 155
non moins illustre que lui, à M. Brillât-Savarin. Nous rappelle-
rons seulement qu'on trouve l'ambre sur le bord des rivières ou
sur le rivage de la mer, mais qu'on ignore encore comment il se
trouve là plutôt qu'ailleurs.
« Ambre; substance cireuse ou huile concrète, tenace, molle,
fusible, très-aromatique, légère, surnageant sur l'eau, de couleur
cendrée, opaque, tachetée ordinairement de points noirs ou blancs,
se ramollissant et se fondant à la chaleur, insipide et adhérente
aux dents quand on la mâche.
« En 1783, le docteur Swediaur, mon ami, publia dans les
transactions philosophiques, un mémoire dans lequel il établit
par des inductions et par des faits , que l'ambre gris n'est autre
chose que l'excrément durci du cachalot à grosse tête ou de l'ani-
mal qui produit le blanc de baleine. Les pêcheurs en trouvent /
dans le ventre de ces cétacés depuis 100 grammes jusqu'à 50 kilos;
cette substance est placée dans un sac qu'on croit être l'intestin
cœcum. Les baleines à ambre sont maigres, engourdies et lan-
guissantes, il est probable que cette matière est une cause de
maladie.
« M. Dandrada, de Lisbonne^ prétendit que l'ambre n'étaitpas
un excrément^ parce qu'on l'avait assuré qu'on en avait retiré de
l'estomac des baleines. Quoi qu'il en soit il est considéré comme
une substance animale, à cause de son odeur urineuse lorsqu'il
est fraîchement rejeté sur le rivage, et de l'avidité avec laquelle
le recherchent les oiseaux de mer qui ne vivent que de poissons.
Aujourd'hui l'opinion de Swediaur paraît être généralement
adoptée.
tt II y a deux sortes d'ambre, le cendré et le noir. Le meilleur
est le cendré ou gris. Il doit être propre, odoriférant et léger. Le
noir est peu estimé. Les Orientaux usent beaucoup de l'ambre
comme d'un aphrodisiaque. Il est plus certain qu'il fortifie et
qu'il ranime l'esprit ; les femmes hystériques n'en supportent pas
l'odeur. Il sert aussi comme parfum. La plus odorante de ses pré-
parations est sa dissolution dans l'alcool, et selon Berzélius, c'est
sous cette forme qu'on doit l'employer.
« L'ambre, est composé, selon le même chimiste, d'ambéine,
d'un extrait alcoolique rougissant le tournesol et de saveur dou-
156 AMBRE.
ceâtre, d'ui\ extrait aqueux avec acide benzoïque et de chlorure
sodique.
« Pour savoir s'il est falsifié, il faut le percer avec une aiguille
chauffée, et s'il en sort un suc gras et odoriférant, il est naturel.
Jeté sur des charbons ardents, il exhale une odeur très-pénétrante
et agréable, enfin il surnage sur leau et n'adhère point au fer
chaud.
« L'ambre frotté fortement a la propriété de Taimant.
« Les huiles d'olive, de colza, celle de térébenthine à chaud
le dissolvent. L'éther le dissout à froid. » (Q/i. F. Olagnier,)
Passons maintenant à Brillât-Savarin. Nous laissons la parole
à l'illustre professeur, pour ne rien ôter ni ajouter à son style :
« Il est bien que tout le monde sache que si l'ambre, consi-
déré comme parfum, peut être nuisible aux profanes qui ont les
nerfs délicats, pris intérieurement il ^sX souverainement tonique
\ et exhilarant; nos aïeux en faisaient grand usage dans leur cuisine
et ne s'en portaient pas plus mal.
(( J'ai su que le maréchal de Richelieu, de glorieuse mémoire,
mâchait habituellement des pastilles ambrées, et pour moi, quand
je me trouve dans quelqu'un de ces jours où le poids de l'âge se
fait sentir, où l'on pense avec peine et où l'on se sent opprimé
par une puissance inconnue, je mêle avec une forte tasse de cho-
colat, gros comme une fève d'ambre pilé avec du sucre, et je m'en
suis toujours trouvé à merveille. Au moyen de ce tonique, l'ac-
tion de la vie devient aisée, la pensée se dégage avec facilité et
je n'éprouve pas l'insomnie qui serait la suite infaillible d'une
tasse de café à l'eau prise avec l'intention de produire le même
effet.
« J'allai un jour faire une visite à un de mes meilleurs amis
(M. Rubat); on me dit qu'il était malade et effectivement je le
trouvai en robe de chambre auprès de son feu, et en attitude
d'affaissement.
« Sa physionomie m'effraya ; il avait le visage pâle, les yeux
brillants et sa lèvre tombait de manière à laisser voir les dents
de la mâchoire inférieure, ce qui avait quelque chose de hideux,
« Je m'enquis avec intérêt de la cause de ce changement
subit; il hésita, je le pressai et après quelque résistance : « Mon
AMBRE. 157
« ami, dit-il en rougissant, tu sais que ma femme est jalouse et
a que cette manie m'a fait passer bien des mauvais moments.
« Depuis quelques jours, il lui en a pris une crise effroyable et
a c'est en voulant lui prouver qu'elle n'a rien perdu de mon affec-
(t [ion et qu'il ne se fait à son préjudice aucune dérivation du
« tribut conjugal que je me suis mis en cet état. — Tu as donc
a oublié, lui dis-je, et que tu as quarante-cinq ans, et que la
« jalousie est un mal sans remède? Ne sais tu pa.s/urens quid
vifœmina possit? » Je tins encore quelques autres propos peu
galants, car j'étais en colère.
« Voyons, au surplus, continuai-je : ton pouls est petit, dur,
« concentré; que va tu faire? — Le docteur, me dit-il, sort d'ici,
« il a pensé que j'avais une fièvre nerveuse, et a ordonné une
« saignée pour laquelle il doit incessamment m'envoyer le chirur-
« gien. — Le chirurgien! m'écriai-je, garde t'en bien, ou tu es
« mort; chasse-le comme un meurtrier, et dis-lui que je me suis
0 emparé de toi, corps et âme. Au surplus, ton médecin connaît-il
« la cause occasionnelle de ton mal? — Hélas! non, une mau-
« vaise honte m'a empêché de lui faire une confession entière,
a — Eh bien! il faut le prier de passer chez toi. Je vais te faire
a une potion appropriée à ton état; en attendant prends ceci. »
Je lui présentai un verre d'eau saturée de sucre qu'il avala avec
la confiance d'Alexandre et la foi du charbonnier.
« Alors je le quittai et courus chez moi pour y mixtionncr,
fonctionner et élaborer un magistère préparateur qu'on trouvera
dans les Variétés avec les divers modes que j'adoptai pour me
hâter; car, en pareil cas, quelques heures de retard peuvent
donner lieu à des accidents irréparables.
« Je revins bientôt armé de ma potion et déjà je trouvai du
mieux, la couleur reparaissait aux joues, l'œil était détendu, mais
la lèvre pendait toujours avec une effrayante difformité.
« Le médecin ne tarda pas à reparaître ; je l'instruisis de ce
que j'avais fait et le malade fit ses aveux. Son front doctoral prit
d'abord un aspect sévère; mais bientôt, nous regardant avec un
air où il y avait un peu d'ironie : — « Vous ne devez pas être
« étonné, dit-il à mon ami, que je n'aie pas deviné une maladie
a qui ne convient ni à votre âge, ni à votre état, et il y a de votre
158 AMBRE.
« part trop de modestie à en cacher la cause, qui ne pouvait que
« vous faire honneur. J'ai encore à vous gronder de ce que vous
« m'avez exposé à une erreur qui aurait pu vous être funeste.
« Au surplus, mon confrère, ajouta-t-il en me faisant un salut
« que je lui rendis avec usure, vous a indiqué la bonne route;
« prenez son potage, quel que soit le nom qu'il y donne, et si la
« fièvre vous quitte, comme je le crois, déjeunez demain avec
« une tasse de chocolat dans laquelle vous ferez délayer deux
c( jaunes d'œufs frais. »
« A ces mots, il prit sa canne, son chapeau, et nous quitta,
nous laissant fort tentés de nous égayer à ses dépens.
« Bientôt je fis prendre à mon malade une forfê tasse de mon
élixir de vie, il le but avec avidité et voulait renouveler, mais
j'exigeai un ajournement de deux heures, et lui servis une seconde
dose avant de me retirer.
« Le lendemain, il était sans fièvre et presque bien portant; il
déjeuna suivant l'ordonnance, continua la potion et put vaquer
dès le surlendemain à ses occupations ordinaires, mais la lèvre
rebelle ne se releva qu'après le troisième jour.
« Peu de temps après l'affaire transpira, et toutes les dames
en chuchotaient entre elles.
« Quelques-unes admiraient mon ami, presque toutes le
plaignaient et le professeur gastronome fut glorifié.
« Voici la recette de cet élixir qu'il serait dommage ne ne pas
livrer à la postérité :
« Prenez six gros oignons, trois racines de carottes, une poi-
gnée de persil, hachez le tout et le jetez dans une casserole, où
vous le ferez chauffer et roussir au moven d'un morceau de bon
beurre frais.
« Quand ce mélange est bien à point, jetez-y 180 grammes
de sucre candi, i gramme d'ambre pilé, avec une croûte de pain
grillée et 3 litres d'eau, que vous ferez bouillir pendant trois
quarts d'heure en y ajoutant de nouvelle eau pour compenser la
perte qui se fait par l'ébuUition, de manière qu'il y ait toujours
3 litres de liquide.
« Pendant que ces choses se passent, tuez, plumez et videz
un vieux coq, que vous pilerez, chair et os dans un mortier,
AMBRE. 159
avec le pilon de fer; hachez également i kilogramme de chair
de bœuf bien choisie.
« Cela fait, on mêle ensemble ces deux chairs, auxquelles
on ajoute suffisante quantité de sel et de poivre.
« On les met dans une casserole, sur un feu bien vif, de
manière à les pénétrer de calorique, et on y jette de temps en
temps un peu de beurre frais, afin de pouvoir bien sauter ce
mélange sans qu'il s'attache.
« Quant on voit qu'il a roussi, c est-à-dire que 1 osmazôme
est rissolée, on passe le bouillon qui est dans la première casse-
role. On en mouille peu à peu la seconde et quand tout y est
entré, on fait bouillir à grandes vagues pendant trois quarts
d'heure en ayant toujours soin d'ajouter de Teau chaude pour
conserver la même quantité de liquide.
« Au bout de ce temps, l'opération est finie, et on a une
potion dont TefFet est certain toutes les fois que le malade quoi-
que épuisé par quelqu'une des causes que nous avons indiquées,
a cependant conservé un estomac faisant ses fonctions. -
« Pour en faire usage, on en donne le premier jour, une tasse
toutes les trois heures jusqu'à Theure du sommeil de la nuit; les
jours suivants, une forte tasse seulement le matin, pareille quan-
tité le soir , jusqu'à l'épuisement de trois bouteilles. On tient
le malade à un régime diététique léger, mais cependant nour-
rissant, comme des cuisses de volaille, du poisson, des fruits
doux, des confitures; il n'arrive presque jamais qu'on soit obligé
de recommencer une nouvelle confection, vers le quatrième jour,
il peut reprendre ses occupations ordinaires et doit s'efforcer
d'être sage à l'avenir, s'il est possible.
c( En supprimant l'ambre et le sucre candi, on peut par cette
méthode improviser un potage de haut goût et digne de figurer
à un dîner de connaisseur ; on peut remplacer le vieux coq par
quatre vieilles perdrix et le bœuf par un morceau de gigot de
mouton, la préparation n'en sera ni moins efficace, ni moins
agréable.
a La méthode de hacher la viande et de la roussir avant que
de la mouiller peut être généralisée pour tous les cas où l'on est
pressé; elle est fondée sur ce que les viandes traitées ainsi se
i6o ANACARDE.
chargent de beaucoup plus de calorique que quand elles sont
dans l'eau; on s'en pourra donc servir toutes les fois qu'on aura
besoin d'un bon potage gras, sans être obligé de l'attendre cinq
ou six heures, ce qui peut arriver très-souvent surtout à la cam-
pagne. Bien entendu que ceux qui s'en serviront glorifieront le
professeur. » (Brillât-Savarin.)
AMIE. — Poisson de mer qu'on trouve généralement dans
la Méditerranée et qui remonte les rivières pendant l'été. Sa chair,
que Gallien a placée parmi celles qui sont tendres et bonnes, bien
condimentée est assez agréable quoique peu recherchée, mais
nourrit peu.
«
AMMEDE. — Genre d'oseille qui croît dans les déserts de
l'Arabie et en Grèce. On mange cette plante comme l'oseille
dont elle a l'acidité et dont les propriétés sont les mêmes.
AMOURETTE. — Moelle épinière de certains quadrupèdes
et de certains poissons qui servent à la nourriture de l'homme.
Ce fut un vieux seigneur nommé le commandeur , de Froullay,
pourvu d'une grande gourmandise et d'un fort appétit, qui à
propos probablement des fonctions de la moelle épinière dans le
genre humain, la baptisa en gastronomie du nom d'amourette.
Il ny a guère qu'en Russie où l'on fait de la moelle épinière des
esturgeons, des pâtés, que cette moelle épinière s'emploie en
manière de plat; sur les bords de la mer Caspienne, où l'on
arrache avec cette moelle le dernier soupir des esturgeons, elle
porte le nom de vi^iga comme les œufs portent le nom de caviars.
Dans tout le nord de l'Europe, viziga et caviars ont une grande
célébrité près des gourmands.
ANACARDE OU NOIX D'ACAJOU. — La vieille dro-
guerie employait fréquemment ce fruit qui provient d'un grand
arbre nommé anacardiutn qui croît sur les bords des fleuves dans
l'Inde et en Amérique; on en mange les jeunes pousses qui ont
une saveur approchant de celle de la pistache ; les habitants les
font rôtir pour leur enlever l'àcreté et les confisent aussi au sucre,
elles sont nutritives, mais fort échauffantes.
M. le docteur Virey dit qu'autrefois on regardait l'amande
orientale ou la fève de Malac comme utile pour stimuler ou
rappeler la mémoire, et M. Hoflinann raconte l'histoire d'un
ANCHOIS i6i
homme stupide, incapable d'instrucrion, qui, après avoir fait usage
de Tanacarde, devint professeur en droit; mais ensuite le vin
altéra sa santé et il mourut d'une manière misérable.
On se servit pendant longtemps, en Sicile, d'un miel ana-
Cardin composé pour le même objet, mais comme on reconnut
que ceux qui s'en servaient n'étaient ni moins bêtes, ni plus
instruits, on abandonna ce philtre d'un nouveau genre.
ANANAS. — Fruit originaire du Pérou ; sa couleur en
maturité tire sur le bleu, son odeur ressemble à celle de la
framboise ; sa saveur est douce, le suc approche du goût de vin de
Malvoisie. Pour manger Tananas, on le coupe par tranches, on
lui fait perdre son àcreté, en le laissant tremper dans l'eau, et
on le met dans le vin en y ajoutant du sucre. Dans Tlnde, on
fait du suc d'ananas mêlé avec Teau une boisson rafraîchissante
préférable à la limonade. Au Brésil, on récolte une immense
quantité d'ananas sauvages. Ils sont gros, juteux, aromatiques;
on en tire de l'eau-de-vie, qui ressemble au Meskal. L'ananas
sauvage atteint soixante centimètres de hauteur, ses feuilles sont
creuses et renferment une eau claire souveraine pour Tétanche-
mentde la soif; quoique exposé aux rayons du soleil, cette eau
reste toujours fraîche.
ANCHOIS. — Poisson de mer plus petit que le doigt,
sans écailles et qui a la tête grosse , les yeux larges et noirs, la
gueule très-grande, le corps argenté et le dos rond. On le trouve
abondamment sur les côtes de Provence, et c'est de là qu'il nous
arrive confit ou mariné. La chair d'anchois a une saveur délicate,
on la fait griller et elle est de facile digestion. On la confit aussi
avec du vinaigre et du sel, ce qui forme une saumure dans
laquelle on le conserve. L'anchois conservé ne figure sur nos
tables que pour hors^d'œuvre, ou il ne s'emploie que comme
assaisonnement. Il doit à sa nature -et à sa préparation une pro-
priété excitante qui facilite la digestion quand on en use modé-
rément. C'est avec les anchois qu'on farcit les olives, il entrait
dans la préparation du garum des Romains. On pêche pendant
la nuit ce poisson sur les côtes occidentales de l'Italie, de la France
et de l'Espagne.
Q4nchois en salade verte. — Lavez des anchois dans du vin,
XI
i62 ANDOUILLES.
levez par filets et faites-en une salade avec du cerfeuil et de la
laitue.
Beurre d'anchois. — Pilez des filets d'anchois dessalés,
avec de la crème, tamisez, mélangez avec 125 grammes de
beurre et servez comme hors-d'œuvre.
Rôties d'anchois. — Faites frire dans Thuile des tranches
de pain longues et minces, préparez-les dans un plat en versant
par dessus une sauce faite avec de l'huile vierge, du jus de
citron, du gros poivre, du persil, de la ciboule et de la rocam-
bole hachée. Couvrez à moitié les rôties avec des filets d'anchois
que vous aurez lavés avec du vin blanc.
Q4nchois farcis. — Les anchois seront entiers ; nettoyez-les
en les faisant glisser de toute leur longueur dans une serviette,
fendez -les en deux, ôtez-en l'arête, mettez à la place une
petite farce de chair de poisson, bien liée avec des œufs, trem-
pez-les dans une pâte à beignets, et faites-les frire.
Canapé d'anchois. — Taillez une mince rondelle de pain,
faites-la frire à Thuile et placez-la sur un fond de fromage
parmesan; arrangez sur la rondelle de pain deux douzaines
d'anchois trempés dans du lait, arrosez d'huile de Provence,
couvrez de parmesan, mettez au four, et faites servir.
•Q4nchois à la parisienne, — Levez par filets des anchois
dessalés, hachez des œufs durs avec du cerfeuil et de la pimpre-
nelle, disposez vos filets d'anchois en les entre-croisant en losanges
sur le fond d'une assiette, de manière à laisser un peu de vide
entre chaque losange. Remplissez les intervalles et remplissez
le tour de votre assiette, avec votre hachis de jaunes d'œufs, de
vos fines herbes et de vos blancs d'œufs que vous placerez en les
alternant, de manière que leurs couleurs ne puissent se con-
fondre; battez ensuite de l'huile surfine, du verjus, de la
mignonnette avec quelques gouttes de soya de la Chine que vous
verserez sur le fond de votre plat, afin qu'ils s'incorporent avec
l'assaisonnement.
ANDOUILLES DE COCHON. — Tirez des boyaux de
cochon propres à faire des andouilles, coupez-les de la grandeur
et de la grosseur de celles que vous voulez faire ; nettoyez-les
bien pour leur ôter le goût de charcuterie, faites-les tremper
ANDOUILLES. 163
dans un peu de vin blanc, pendant cinq à six heures, avec thym,
basilic et deux gousses d'ail ; ensuite coupez en filets du porc
frais, de la panne et des boyaux ; mêlez le tout, assaisonnez-le
de sel fin, d'épices fines, d'un peu d'anis pilé, remplissez-en
vos boyaux, prenez garde qu'ils ne le soient trop (ce qui les ferait
crever) ; ficelez-les et mettez-les cuire dans un vase juste à leur
longueur, avec moitié lait et moitié eau, un bouq[uet de persil
et ciboules, une gousse d'ail, thym, basilic, laurier, sel, poivre,
panne : vos andouilles cuites, laissez-les refroidir dans leur
assaisonnement; retirez-les, essuyez-les bien, ciselez un peu,
faites-les griller et servez-les.
Q4ndouilles de couenne. — Coupez en filets de la couenne
de jeune cochon, des boyaux et de la panne ; mêlez le tout et
procédez, pour assaisonner et finir vos andouilles, comme il est
énoncé à Tarticle des Q4ndouilles de cochon.
Qândouilles à la béchamelle. — Mettez un morceau de
beurre dans une casserole avec un tranche de jambon, trois
échalottes, du persil et de la ciboule, une gousse d'ail , thym,
basilic et laurier; posez votre casserole sur un feu doux et laissez
suer pendant environ un quart d'heure ; mouillez-la avec un
demi-litre de lait ; faites-la bouillir et réduire à moitié ; passez-
la au tamis, mettez-y une bonne poignée de mie de pain, et
faires-la bouillir de nouveau, jusqu'à ce que le pain ait bu le
lait, ensuite coupez en filets de la poitrine de porc frais, de la
panne, du petit lard et une fraise de veau, mêlez ces filets avec
votre mie de pain et six jaunes d'œufs crus, des épices et du sel,
remplissez des boyaux de cette composition ; et, ayant fermé vos
andouilles, faites-les cuire avec moitié lait et moitié bouillon
gras, du sel, du poivre, un bouquet de persil, des ciboules ; ser-
vez comme à l'article précédent,
Qândouilles de bœuf. — Prenez chez le charcutier des
robes d'andouilles ; faites-leur passer le goût de boyaux, comme
il est expliqué pour celles du cochon ; faites cuire aux trois quarts
dans de l'eau du gras-double et des palais de bœuf; ensuite cou-
pez-les en filets, ainsi que de la tétine de veau et du petit lard ;
joignez à ces filets de l'oignon coupé de même et que vous aurez
fait presque cuire dans du beurre ou du lard; mêlez le tout
i64 ANDOUILLES.
ensemble, en y ajoutant quatre jaunes d'œufs crus, des épices
fines et du sel, entourez cet appareil dans vos boyaux, ficelez-en
les deux bouts, et vos andouilles faites, mettez-les cuire dans
du bouillon gras où vous aurez mis un demi-litre de vin blanc,
un bouquet de persil et ciboules, une gousse d'ail, du laurier, du
thym, du basilic, trois clous de girofle, sel, poivre, carottes et
oignons. Vos andouilles cuites, laissez-les refroidir dans leur
assaisonnement ; et, pour les servir, procédez comme il est dit
pour les andouilles de cochon.
Vous pouvez vous servir de langues en place de palais de
bœuf.
oAndouilles de veau. — Ayez une fraise et une tétine de
veau ; faites-les blanchir un grand quart d'heure et coupez-les
en filets; joignez-y 500 grammes de petit lard coupé de même;
maniez le tout dans une terrine, avec sel, épices fines, quelques
échalotes hachées, quatre cuillerées à dégraisser de crème double
et quatre jaunes d'œufs : procédez ensuite en employant des
boyaux de cochon pour faire vos andouilles, comme il est énoncé
à l'article Qândouilles de cochon; faites-les cuire avec du bouil-
lon, un demi-litre de vin blanc, une gousse d'ail, du thym, du
basilic, du laurier et un bouquet de persil et ciboules, laissez-les
refroidir dans leur assaisonnement, retirez-les, essuyez-les, et,
après les avoir un peu ciselées, faites- les griller et servez.
Q/indouilles de fraise de veau. — Prenez une fraise de
veau ; faites-la blanchir et cuire ; ensuite laissez-la refroidir : ayez
une tétine ou deux selon leur grosseur, faites-les cuire comme la
fraise, émincez le tout ; mettez-le dans une terrine, hachez des
champignons , des échalotes , du persil et des truffes, si c'est la
saison, mettez ces fines herbes dans une casserole avec du beurre,
passez-les et mouillez-les avec un verre de vin de Malvoisie ou
de Madère :• lorsque cela sera réduit à moitié, mettez-y quatre
ou cinq cuillerées d'espagnole; faites -le réduire de nouveau
comme pour une sauce aux échalotes ; de là mettez*-y votre fraise
de veau, votre térine et six jaunes d'œufs, le tout assaisonné de
sel, poivre et épices fines; assurez-vous si cet appareil est de bon
goût; dans ce cas, mettez-le dans les boyaux que vous avez pré-
parés à cet effet, ayant toujours soin qu'ils ne soient pas trop
ANE. 165
pleins ; liez-les par les deux bouts ; mettez-les deux minutes dans
de l'eau bouillante pour leur faire prendre leur forme, retirez-les,
ensuite laissez-les refroidir; mettez dans une casserole des lames
de veau et de jambon, carottes et oignons, arrangez dessus vos
andouilles; couvrez-les de bardes de lard, mouillez-les avec du
vin blanc et un peu de bouillon ; faites-les cuire une heure et
doucement, pour qu'elles ne crèvent pas ; laissez-les refroidir
dans leur assaisonnement pour qu'elles prennent du goût ; après
retirez-les, parez-les et faites-les griller à la façon des andouilles.
Oândouilles de sanglier. — Elles se font de la même façon ^
que les andouilles de cochon. Seulement, elles sont plus rares et
plus recherchées. C'est un mets de haute saveur, surtout quand
elles ont été fumées dans l'âtre, avec du bois de genévrier, pen-
dant soixante- dou:fe heures de suite. Alors on les coupe en
rouelle et on les £àix griller pour les servir sur une purée de pois
verts, ou de marrons; c'est un plat d'entrée et non pas de hors-
d'œuvre.
Qândouilles de lapin. — Désossez un bon lapin, coupez-le
en filets, ainsi qu'une fraise d'agneau et de la tétine de veau de
Pontoise. Mêlez avec tous ces filets de l'oignon haché; cuisez;
moitié cuit, assaisonnez le tout avec du sel, fines épices, persil,
ciboules , échalotes hachées , muscades, basilic ; mettez le tout
dans des boyaux préparés à cet effet; faites-les cuire dans un
consommé avec trois flûtes de Champagne et des fines herbes,
laissez refroidir dans la cuisson pour les paner et les faire griller.
Servez-les pour hors d'oeuvre. Les andouilles de faisan et de
perdrix que Ton sert d'ordinaire sur une purée de même gibier
se préparent d'une façon semblable.
ANDOUILLETTES. — Les meilleures andouillettes que .
j'ai mangées, et je n'en excepte pas les andouillettes de Troyes,
sont les andouillettes de Villers-Cotterets. Le charcutier qui les
fiibrique se nomme Lemerré, et demeure en ûice de la fontaine.
ANE. — Les goûts changent. Nous avons vu dernièrement
le cheval sur le point de détrôner le bœuf, c'eût été toute justice, /
car le bœuf avait détrôné l'âne. Mécène fut le premier chez les
Romains qui mit en usage la chair de l'âne domestique ; il y a en
Numidie et en Perse quantité d'ânes sauvages qui, dans Tanti-
i66 ANE.
quité, portaient le nom d'onagres et qu'on appelle aujourd'hui
zèbres. Ils sont d'un gris de souris clair, les épaules et le dos sont
rayés de noir, leur tète est grosse, leur démarche beaucoup plus
légère que celle des autres ânes, et leur caractère encore plus
têtu. Les Persans mangent cette chair qu'ils préfèrent à celle de
la gazelle. C'était aussi le goût de leurs ancêtres; le docteur Ola-
gnier dit, d'après Oléarius, que dans un grand festin donné par
Schah Abbas aux ambassadeurs, on tua et mangea trente-deux
ânes sauvages, que leur viande, qu'ordinairement on réservait
pour la table du monarque était exquise. On raconte encore que
le roi de Perse se plaisait énormément à cette chasse et qu'il
envoyait à la cuisine de sa cour ceux qu'il avait tués. Le lait
d'ânesse, on le sait, rend* de grands services aux médecins dans le
traitement des maladies de poitrine et particulièrement dans la
phthisie pulmonaire. Il est essentiel que l'ânesse soit jeune^
saine, bien en chair, bien nourrie et privée de son ànon depuis
peu. On ne doit pas non plus laisser refroidir ce lait et ne pas
l'exposer trop longtemps à l'air qui l'altère aussitôt.
On sait par les vers de Juvénal et par la prose de Suétone
que Poppée, femme de Néron, menait à sa suite cinq cents
ànesses, et se baignait dans leur lait. En outre si on se rappelait
que ce fut une ânesse qui transporta la Sainte Famille lors de sa
fuite en Egypte et que ce fut aussi sur un animal de cette
espèce que Jésus-Christ fit son entrée triomphante dans Jéru-
salem, cela suffirait pour diviniser la pauvre bête, que nos
paysans au contraire accablent de coups et de mauvais trai-
tements.
Cependant quel animal après le cheval est plus utile que ,
l'âne, il est sobre, patient, dur à la fatigue, et dans les iles de
Malte et de Sardaigne où on en a conservé et élevé avec soin
des races pures , il est souvent le rival heureux du cheval qu'il
remplace avantageusement dans certaines localités à cause de
son pied plus sûr, et de sa vue, de son ouïe, de son odorat plus
développés.
Quant à la qualité de sa chair, il est vrai de dire que celle de
l'âne n'est pas très recherchée, mais celle del'ânon, au dire de tous
ceux qui en ont mangé et qui l'ont trouvée excellente, vaudrait
ANETH. 167
certainement mieux que celle du cheval la plus tendre et la plus
savoureuse.
M. Isouard de Malte rapporte que, par suite du blocus de
rile de Malte par les Anglais et les Napolitains, les habitants
furent réduits à manger tous les chevaux, chiens, chats, ânes et
rats; a cette circonstance, dit-il, a fait découvrir que la chair
des ânes était très-bonne; elle Test en effet, au point que les
gourmands de la cité Valette l'ont préférée à la viande des
meilleurs bœufs et même des veaux ; aussi, lorsqu'on tuait un
àne, c'était à qui pourrait en avoir. En bouilli, en rôti et en
daube surtout, le goût en est exquis. Cette chair est noirâtre et
la graisse tirant sur le jaune; il faut cependant que Tâne n*ait
que trois à quatre ans et qu'il soit gras. J'observe que )e ne con-
state que la particularité des ânes de Malte, nourris avec de la
paille et de l'orge, ignorant si la chair des ânes étrangers aurait
la même qualité. »
Mécène, ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut, fut le
premier qui, chez les Romains, mit la chair de cet animal en
usage, il régalait ses convives avec de l'ânon mariné.
Depuis, en France, au xvi* siècle, le chancelier Duprat^
grand amateur, faisait élever et engraisser des ânons pour le
service de sa table, et, s'il faut en croire les écrivains du temps,
tous ses convives en feisaient leurs délices; il faut croire que
cette chair fnt trouvée délicieuse puisqu'elle fiit en usage pen-
dant quelque temps.
Quant aux ânesses, on sait de quelle utilité elles sont, et
combien leur lait est recherché pour différentes maladies de poi-
trine. Il faut voir ces humbles bêtes se promenant le matin dans
Paris, s'arrêtant aux portes et attendant patiemment qu'on vienne
les traire; puis elles repartent sans même se soucier du service
qu'elles viennent de rendre et vont porter ailleurs sinon la santé,
du moins un adoucissement aux douleurs humaines.
J'ai mangé en Kalmoukie de la chair d'ànon qui m'a paru
tenir le milieu entre le bœuf et le veau, et être excellente.'
ANETH. — Espèce de céleri sauvage ou ache. On en
distingue deux sortes ; Voâneth ordinaire dont la racine ^$t
grêle, unique, blanche; les feuilles plus petites que celles du
i68 ANGUILLE.
^ /
fenouil, verdàtres et d'une odeur forte ; ses fleurs sont roses, ses
graines d'un jaune pâle, la saveur en est douce, quoique aroma-
tique. On la croit originaire d'Allemagne ou d'Italie ; dans le
premier de ces pays on en assaisonne les aliments ; en Italie, on
mange ses jeunes feuilles en salade comme le céleri.
Voâneth odorant, originaire, dit-on d'Espagne ou d'Italie,
a la tige un peu rameuse , ses feuilles sont finement découpées,
ses fleurs jaunes et petites; on cultive cette plante dans les jar-
dins. Son odeur est suave quoique forte, et sa saveur aromatique;
elle communique au poisson un goût fort agréable.
Les Romains se couronnaient dans leurs festins avec des
feuilles d'aneth à cause de la bonne odeur de cette plante, et les
gladiateurs en mettaient dans leurs aliments pour les rendre plus
toniques.
ANGÉLIQUE. — Plante aromatique, originaire de Syrie,
et qui croit en général le long des rivières qui avoisinent les
montagnes. Cette plante est un grand régal pour les Lapons ; ils
en mangent les feuilles et les racines bouillies dans du lait ; c'est
en la mâchant et en mangeant les baies qu'ils trouvent sous la
neige qu'ils complètent leur dessert. La meilleure angélique se
fabrique à Niort, où l'on a pieusement gardé la tradition et les
formules employées par les religieuses de la Visitation de Sainte-
Marie pour la confection de cette excellente conserve.
ANGELOT. — Excellent petit fromage que l'on fabrique
en Normandie et en Lorraine.
ANGLET. • — Vin blanc fort estimé qui se fabrique à
Anglet, département des Basses-Pyrénées.
ANGOBERT. — Grosse poire ressemblant au beurré ;
elle se conserve pendant l'hiver; sa chair est ferme, douce,
excellente à manger en compote.
ANGUILLE. — Les Egyptiens avaient mis les anguilles
au rang des dieux; ils leur rendaient un culte religieux, les
élevaient dans des viviers où des prêtres étaient chargés de leur
apporter tous les jours du fromage et des entrailles d'animaux.
Ils apprivoisaient ces anguilles sacrées et les décoraient de
bijoux en forme de colliers. Athénée appelle l'anguille la fille
de Jupiter. On cherche vainement comment a pu conquérir cette
ANGUILLE. 169
célèbre généalogie un animal qui vit constamment dans la vase,
où il respire des gaz infects qui le rendent parfois venimeux.
Elle a les mêmes inclinations que le serpent, s' efforce de mordre,
et, lorsqu'elle est de force, mord quelquefois cruellement. Son
corps est froid, visqueux et glissant, sans écailles, mais seulement
revêtu d'une peau dont on la dépouille facilement ; sa vie est si
tenace que, coupée en dix ou douze tronçons, chacun de ces tron-
çons coupés s'agite encore ; elle parvient à une grandeur énorme;
en Italie et surtout dans les marais de Comacchio, on en a vu de
plus de deux mètres de long, pesant jusqu'à dix kilogrammes.
En Albanie, leur grosseur égale parfois celle de la cuisse d'un
homme.
L'anguille, sur la génération de laquelle la science ne nous
arien appris, est encore un mystère. On prétend que les anguilles,
dont, selon Pisanelli, on ne peut distinguer le sexe, vont se faire
féconder à la mer, et qu'il en passe près des rives de la basse
Seine, et particulièrement à Lécon, près d'Elbeuf, des quantités
si nombreuses qu'on peut en remplir des baquets. Mais les pays
où elles atteignent la plus grande taille, c'est la Pologne et
l'Ecosse; le peuple les regarde comme des serpents et n'en mange
point; les Juifs s'en abstiennent par scrupule religieux. On
en trouva une, en Ecosse, qui avait 6 mètres de long sur 65 cen-
timètres de circonférence; les matelots qui l'avaient pêchée la
mangèrent et la. trouvèrent d'une saveur très-délicate. Les
anguilles de rivière sont les meilleures et les plus recherchées
par conséquent. Elles ont le dos brun mêlé de bleu, le ventre
d'un blanc argenté vif et pur, tandis que les anguilles d'étang,
de marc ou de fossé, sont toujours d'une couleur terreuse.
Chacun sait que ces animaux ont une telle affection pour la
vase, que, lorsqu'on vide les étangs, on n'arrive à les faire sortir
de la boue qu'en tirant des coups de fîisil, pour les épouvanter,
sur le bord de ces étangs. Celles qu'on fait sortir ainsi de leur
domicile sentent la vase ; c'est un inconvénient auquel il est facile
déporter remède, d'abord en achetant les anguilles vivantes et
en les faisant dégorger, pendant trois jours et trois nuits, dans un
filet d'eau courante ou simplement dans un baquet rempli d'eau
de source, où on leur jettera quelques morceaux de grains d'orge
I70 ANGUILLE.
imbibés de vin rouge et de sel fondu. On peut en £eiire autant
pourries carpes et leur enlever ainsi le goût et Todeur de la vase.
En général, nos cuisiniers et nos cuisinières font autour du cou
de l'anguille une incision circulaire, et tireiit la peau à eux;
mieux vaut, pour dépouiller l'anguille, l'exposer d'abord à un
brasier de charbon, sur lequel sa peau se plisse et se boursoufle;
alors on fait couler cette peau grillée en la tirant de la tête à la
queue avec un torchon ; cette manière de faire perdre à l'anguille
son huile épidermatique la rend d'un meilleur goût et plus
facile à digérer.
Oânguille à la broche. — Ayez une belle anguille, dépouillez-
la , limonez-la ; à cet effet, mettez-la sur des charbons ardents,
retournez-la de manière qu'elle se grille partout; essuyez-la
avec un torchon, grattez-la avec votre couteau, supprimez-en les
nageoires dorsales et celles de dessous le ventre, ôtez-lui toute
la peau, coupez-lui la tète et le bord de la queue ; pour la vider,
ouvrez-lui le haut de la gorge et un peu le bas du nombril ;
introduisez-lui parle nombril une lardoire, du côté du gros bout,
et que vous ferez sortir par le haut, ce qui emportera les intes-
tins; faites qu'il ne lui reste rien dans le corps; lavez-la,
tournez- la en rond comme une gimblette ; passez au travers des
petits hàtelets d'argent (faute de ces hàtelets, servez-vous de
brochettes de bois), flxez- la ainsi avec de la ficelle; mettez-la
dans une casserole, versez dessus une bonne nnrepois (F. Mire-
pois et façon de la faire, article Sauces), faites cuire à moitié
votre anguille, égouttez-la, mettez-la sur la broche, emballez-la;
faites-la cuire, déballez-la; faites-la un peu sécher, glacez-la,
dressez-la sur votre plat , ôtez-en les hàtelets , et servez dessous
une italienne rousse ou une ravigote (F. l'article Sauces).
Q4nguille à la Sainte-Menehould. — Préparez cette anguille
comme la précédente sous tous les rapports , excepté qu'au lieu
de la mettre à la broche, vous la poserez sur une tourtière;
couvrez toutes les parties de cette anguille d'une Sainte-Mene-
hould (V. Sauce Sainte-Menehould) ; panez-la, mettez-la au
four ou sous un four de campagne pour achever de la cuire et
lui faire prendre une belle couleur; ces deux objets remplis,
dressez-la sur votre plat ; ôtez-en les hàtelets ou les brochettes
ANGUILLE. 171
et la iicelle ; servez dans son puits une italienne blanche, bien
corsée, ou une ravigote blanche.
Q4nguille à la poulette. — Prenez une anguille, dépouillez-
la, limonez-la comme les précédentes ; supprimez-en la tète et
le bout de la queue; coupez-la par tronçons égaux; lavez-la et
laissez-la dégorger; ôtez bien le sang qui se trouve proche Tarête,
et grattez-la ; mettez dahs une casserole un morceau de beurre»
ainsi que votre anguille et des champignons tournés , passez-la
un instant sur le feu, singez-la avec de la farine passée au tamis,
mouillez-la avec du bouillon gras ou maigre et une demi-bou-
teille de vin blanc ; ayez soin de la remuer avec une cuiller de
bois jusqu'à ce qu'elle bouille ; une fois partie, mettez-y un bou-
quet de persil et ciboules, garni d'une demi-feuille de laurier,
d'un clou de girofle, avec sel et poivre: ajoutez-y, si vous le
voulez, une trentaine de petits oignons; laissez cuire et réduire
votre ragoût ; dégraissez-le , ôtez-en le bouquet , et liez-le avec
deux ou trois jaunes d'œufs; délayez avec de la sauce de votre
anguille et un jus de citron; dressez-la sur votre plat, et mas-
quez-la de sa garniture.
Oinguille à la Tartare. — Ayez une anguille, dépouillez-la,
limonez-la, videz-la, comme il est dit ci-dessus; coupez-la par
tronçons de 15 à ao centimètres; 6xtz le sang qui se trouve près
de Tarète; lavez-la, mettez-la dans une casserole, avec tranches
d'oignons, zeste do^ carottes, quelques branches de persil, deux
ou trois ciboules coupées en deux, du vin blanc, du sel, une
feuille de laurier, un ou deux clous de girofle et un peu de
thym; mettez au feu vos tronçons, faites-les cuire, et, leur cuisson
faite, gouttez-les, roulez-les dans de la mie de pain, trempez-les
dans une anglaise (V. Anglaise, article Côtelettes de pigeon);
repanez-les; un quart d'heure avant de servir, faites-les griller,
retournez-les sur les quatre faces, pour qu'ils soient d'une belle
couleur ; mettez dans votre plat une sauce à la Tartare, dressez-
les dessus et servez.
Matelote d'anguille marinière. — Prenez une carpe de
Seine, une anguille, une tanche, une perche; coupez-les par
morceaux. Préparez un chaudron d'airain, recurez le fond légè-
rement, coupez deux gros oignons en rouelles, mettez vos tètes
172 ANGUILLE.
de poissons par-dessus, et ainsi de suite, en ayant soin d'assaisonner
de gros sel et poivre , un bon bouquet garni et quelques pointes
d'ail ; mouillez le tout avec deux bouteilles de vin de Narbonne,
faites partir sur un grand feu de cheminée ; aussitôt l'ébuUition,
ajoutez un verre de cognac, faites flamber, préparez vingt ou
trente petits oignons, que vous passez à la poêle avec un peu de
beurre, rissolez-les, jetez-les dans la matelote; faites, avec un quart
de beurre mêlé à deux cuillerées de farine, de petites boulettes,
parsemez-en le poisson et agitez l'anse du chaudron pour lier le
tout ensemble; dressez votre matelote, garnissez avec vos croû-
tons et douze écrevisses cuites au vin du Rhin, et servez chaud.
{Recette Vuillemot.)
Qénguille en matelote aux œufs ou aux laitances de carpes.
— J'ai toujours remarqué la préoccupation des gastronomes qui
mangent une matelote faite avec du barbillon, de la carpe, de la
perche et de la tanche; cette préoccupation est la crainte de
s'étrangler; on n'ose pas tremper son pain dans cette sauce, si
excellente, que c'est elle, la plupart du temps, qui fait passer le
poisson. On a peur qu'une arête ne s'y dérobe et ne se révèle tout
à coup à votre œsophage. Je vais vous offrir un moyen bien
simple : c'est de faire votre matelote avec des objets dans les-
quels il n'entre point d'arêtes , c'est-à-dire avec l'anguille dont
les arêtes sont impalpables, et avec des laitances et des œufs où
les arêtes sont absentes ; les préparations sont les mêmes, l'as-
saisonnement est le même, l'adjonction des vingt ou trente petits
oignons est aussi importante que dans la matelote ordinaire;
seulement vous pouvez faire frire, l'un après l'autre, quatre ou
cinq œufs à qui la capacité de la poêle permette de prendre
toute leur extension, puis vous garnirez le fond de votre plat de
vos quatre ou cinq œufs, vous déposerez dessus, avec la pointe
d'une fourchette , vos tronçons d'anguille ainsi que vos œufis ou
vos laites, vous verserez sur le tout votre sauce, sur laquelle vous
épancherez un petit verre de rhum ou d'eau-de-vie, auquel vous
mettrez le feu et que vous servirez chaud.
oAccolade d'anguille à la broche. — L'accolade d'anguille
était un des grands plats que Ton servait toujours à la reine
Anne d'Autriche, à ses diners du samedi. Pour faire un beau
ANGUILLE. 173
plat de relevé, il faut avoir de fortes anguilles, d'égale grosseur,
à qui l'on coupera la tète et le bout de la queue ; on les ficellera
dos à dos sur un hâtelet de fer, en contrariant leur accolade,
c'est-à-dire en mettant la queue de Tune à la tête de l'autre, afin
que le volume en soit égal aux deux extrémités ; ensuite on les
mettra dans une poissonnière avec un bon jus de racine , mêlé
d'un demi-litre de vin d'Espagne, et on les fera cuire au four pen-
dant une demi-heure; au bout de ce temps, il faut les retirer pour
les paner»et les mettre à la broche, toujours bien attachées sur
leur hâtelet, ayant soin de les entourer d'un fort papier beurré ;
vingt minutes suffiront pour achever la cuisson. On servira cette
accolade rôtie, sur un grand plat ovale, avec une sauce composée
de jus des quatre racines réduites en glace, un quart de litre de
vin de Paqueret sec ou de vieux xérès , après avoir épicé ladite
sauce avec du poivre blanc, de la fieur de muscade et de la
coriandre. Nous avons suiv^ l'ancienne formule textuellement,
mais on peut remplacer les deux vins indiqués par du vin de
Madère.
Q4nguille à la minute, — Dépouillez une anguille, coupez-
la par morceaux, faites-la cuire à gros sel pendant dix ou quinze
minutes, selon sa grosseur, et servez-la dressée sur un plat, avec
une sauce maître d'hôtel chaude, aiguisée avec du verjus ou du
citron ; entourez le plat d'un cordon de pommes de terre bouillies
ou frites, et servez pour entrée au déjeuner.
Q4nguilîe à la Suffren. — Prenez une anguille , piquez-la
avec des filets d'anohois et de cornichons, roulez-la en cercle avec
une ficelle beurrée, mettez-la ensuite sur un sautoir, avec une
marinade cuite, et puis sur le four de campagne. Une fois cuite,
versez une sauce aux tomates relevée de poivre rouge.
Oânguille aux montants de laitues romaines, — Coupez
votre anguille, faites-«-la cuire en fricassée de poulet; quand elle
est presque cuite , épluchez des montants de laitues romaines,
cuites à l'eau, salées et beurrées, mettez-les égoutter, faites-leur
prendre goût avec l'anguille, vous liez avec trois jaunes d'œufis
et le jus d'un citron, sur le feu, et servez entouré de croûtes
frites.
Qénguille au soleil. — Quand vous aurez coupé une anguille
174
ANGUILLE.
par tronçons, faites-^la cuire dans une marinade, laissez-la
refroidir et ëgoutter, trempez-la dans des œufs battus, assai*
sonnez de sel et de poivre , roulez-la dans de la mie de pain et
mettez-*la dans de la friture bien chaude; lorsqu'elle est arrivée
à une belle couleur dorée, entourez-la d'olives farcies sur une
ravigote verte.
Pâté d'anguille. — Dressez une caisse de pâtes, garnissez-
en le fond d'un peu de quenelles de carpe , de champignons, de
culs d'artichauts et de tronçons d'anguille, que vous aurez fait
cuire dans un bon assaisonnement (F. ci-dessus); achevez de
remplir votre pâté de quenelles de carpe, que vous aurez roulées
dans de la farine et desquelles vous aurez formé des andouillettes ;
couvrez votre pâté, mettez-lui un faux couvercle; faites-le cuire,
et, aux trois quarts de sa cuisson, cernez le couvercle; lorsque
votre pâté sera cuit, découvrez-le, saucez-le d'une bonite espa-
gnole maigre et réduite, dans laquelle vous aurez mis quelques
laitances de carpe.
Bastion d'anguille. — Prendre une belle anguille de Seine,
la dépouiller , la désosser , préparer une farce fine de poisson,
composée de merlans, carpes; pilez les chairs dans un mortier,
assaisonnez de sel , poivre , muscades , épices ; faites tremper un
peu de mie de pain dans un consommé, laissez-le sécher sur le
feu, joignez-y quatre jaunes d'œufs crus, un peu de beurre,
assaisonnez le tout. Garnissez votre anguille avec un peu de
truffes hachées dans la farce, mettez la galantine d'anguille dans
un torchon beurré, faites-la cuire dans une mirepois, ajoutez-y
vin blanc, aromates, bouillon ; laissez cuire une heure et refroi-
dir. Faites une infusion de cerfeuil, estragon, cornichons, un
demi-verre de vinaigre, un peu de gelée de viande; passez le
tout après infusion, ajoutez du beurre frais, faites avec quelques
feuilles d'épinards un peu de vert que vous passez au torchon,
laissez prendre sur le feu, passez de nouveau et versez avec votre
beurre. Coupez votre anguille par tronçons, cinq d'égale hauteur,
mettez sur un plat froid du beurre de Montpellier, dressez-les
droit sur le plat, masquez-les de beurre, faites quatre autres
morceaux d'anguille , que vous superposez sur les autres plus
petits, masquez-les également. Prenez de la bonne gelée de
ANSERINE.
*75
viande bien clarifiée, coupez-la par petits croûtons, garnissez
votre plat de ces croûtons , hachez de la gelée que vous mettez
par-dessus vos morceaux d'anguille, et servez bien froid.
ANIS. — Plante aromatique, de la famille naturelle des
ombellifères ; elle est abondante dans toute l'Europe, en Egypte
et en Syrie, en Italie et à Rome surtout; elle fait le désespoir des
étrangers, quL ne peuvent fuir ni son goût ni son odeur ; on en
met dans la pâtisserie, dans le pain; les Napolitains en mettent
dans tout. En Allemagne, elle est le principal condiment de ce
pain, que Ton trouve en compagnie des figues et des poires tapées,
et qui a conservé le nom depompernicky qui lui vient de Texclama-
tion de ce cavalier qui, en ayant goûté une bouchée, porta immé-
diatement le reste à son cheval nommé Nick, en disant : n Bon
pour Nick », c'est-à-dire, avec l'accent allemand, Pompernick.
ANISETTE. — Malgré notre amour-jH-opre national, nous
sommes forcés d'avouer que la première anisette du monde vient
de chez Fokung, à Amsterdam ; celle de Bordeaux ne vient qu'après
et longtemps après. Il faut boire Tanisette de Fokung après le
café, et employer l'anisette de Bordeaux pour des entremets.
ANON. — Petit poisson ressemblant beaucoup au merlan,
et très-abondant dans la Manche en janvier et en février. La
chair est blanche, ferme, feuilletée, de bon goût et de facile
digestion. 11 aies mêmes propriétés alimentaires que le merlan, et
les pécheurs des côtes en font un très-grand cas; on l'apprête
comme le merlan, soit rôti sur le gril soit frit dans le beurre.
ANSERINE. — Vulgairement appelée patte d'oie à cause de
ses feuilles palmées, qui, en effet, ont une grande ressemblance
avec une patte d'oie. Plante annuelle de la famille de l'oseille et
de Tarroche, cultivée soigneusement au Chili et au Pérou.
Il y a plusieurs sortes d'ansérines : Vansérine bon-Henri^
encore appelée toute-bonne , épinard sauvage, est une grande
plante potagère, qui croit dans les lieux incultes, le long des
murs et des chemins ; dans plusieurs pays on mange ses jeunes
pousses comme des asperges, et ses feuilles en guise d'épinards;
elle passe pour émoUiente, résolutive et détersive.
Vansérine polysperme, ainsi nommée à cause de la grande
quantité de graines qu'elle produit ; Vansérine à balais, appelée
176 APOS.
vulgairement belvédère, et dont les tiges grêles, chargées de
rameaux dressés, servent en Italie à faire des petits balais; Vansé-
rine botride, Vansérine ambroisie, Vansérine vermifuge, Vansérine
hybride, Vansérine fétide, qui servent à des préparations phar-
maceutiques; et, enfin, Vansérine quinoa, qui est Tespèce la
plus digne de toutes ; elle abonde sur les plateaux élevés des Cor-
dillères et est pour le Pérou un objet considérable de culture et
de consommation : en potage, en gâteaux, hachée comme les épi-
nards, associée à d'autres mets; cette ansérine est un aliment
très-sain et de facile digestion ; fermentée avec le millet, on en
obtient une espèce de bière très-bonne et très-rafraîchissante.
La volaille recherche la graine de la variété blanche, et le quinoa
produit encore un fourrage vert excellent pour les vaches.
Les essais faits en France et en Angleterre pour sa naturali-
sation ont parfaitement réussi.
APAR. — Petit animal du Brésil dont la chair est aussi
blanche, aussi bonne et aussi nourrissante que celle du cochon
de lait; ses propriétés alimentaires sont aussi les mêmes, et on
l'apprête de la même manière.
APHYE. — On l'appelle aussi loche de mer; c'est un poisson
de la Méditerranée que Ton trouve aussi dans les mers de Nice
et jusque dans le Nil. Ce poisson était très-estimé des anciens;
cependant sa chair est de difficile digestion, surtout quand on en
mange avec excès.
API. — Petites pommes dont un des côtés exposé au soleil
devient très-rouge, tandis que lautre reste blanc; la peau en est
fine ; la chair, quoique sucrée, est dure, ce qui la rend pesante et
indigeste.
APOGON. — C'est le roi des rougets; sa chair est exquise
et fort recherchée ; on le trouve dans les environs de la mer de
Malte.
APOS. — Oiseau plus gros que l'hirondelle, mais ayant
beaucoup de ressemblance avec elle. L'apos n'a pas de pattes;
aussi est-il obligé de voler continuellement et de se nourrir
d'insectes qui sont dans l'air. Cet oiseau est fort recherché et se
vend très-cher en Italie, et surtout à Bologne, à cause de la
bonne saveur de sa chair qui nourrit bien et se digère facilement.
APPLE s CAKE. 177
APPÉTIT. — Il y a trois sortes d'appétit : le premier, celui
que Ton éprouve à jeun, sensation impérieuse qui ne chicane pas
avec les mets et qui nous fait venir Teau à la bouche à l'aspect
d'un bon ragoût ; le second, celui que l'on ressent lorsque s'étant
mis à table sans faim on a déjà goûté d'un plat succulent, et qui
consacre le proverbe : « l'appétit vient en mangeant; » le troi-
sième appétit est celui qu'excite un mets délicieux qui parait à la
iîn d'un repas, lorsque, l'estomac satisfait, les convives sans regret
allaient quitter la table.
Le peuple de Paris, les fruitiers et les maraîchers de la ban-
lieue donnent aussi le nom d'appétit à la tige verte de la ciboule
et de l'oignon nain, qui font toujours le principal assaisonnement
des ragoûts et des salades populaires.
APPLE'S CAKE. — Ayez des pommes de Locart (franche
reinette) ou d'autres également rouges et très-acides. Après avoir
retiré les cœurs de ces fruits, faites-les fondre sur le feu avec
90 grammes de moelle, pour six pommes environ. Ajoutez un
bâton de cannelle, et tamisez. Mettez-les alors dans une bassine,
avec deux cuillerées de poudre de Salep et d'arrow-root, sub-
stances orientales que Ton pourra remplacer par une forte cuil-
lerée de fécule. Joignez-y 375 grammes de beau sucre et faites
bouillir à petit feu pendant sept à huit minutes, retirez alors de
la bassine et laissez refroidir cette marmelade. Quand elle sera
froide, vous y mêlerez six jaunes d'œufs et deux autres œufs avec
leurs blancs; placez-la dans un moule graissé de moelle, et faites
cuire au bain-marie pendant quarante minutes. Vous renverserez
ce gâteau dans un plat d'entremets, assez profond pour pouvoir
contenir un chaudeau dont voici la formule :
Délayez quatre jaunes d'œufs frais avec de l'eau distillée,
sucrez suffisamment avec du sucre candi pulvérisé; joignez-y une
cuillerée de fine liqueur des iles à la cannelle, faites cuire au
bain-marie, en remuant sans relâche et sans laisser durcir, jus-
qu'à ce que cette crème soit bien liée et qu'elle ait acquis une
juste épaisseur.
Autre Q4pples Cake dit de la reine Qdnne. — Faites une
marmelade de belles pommes que vous passerez deux fois au
tamis et que vous mettrez à refroidir; mêlez-y pour lors le sucre
12
178 ARACHIDE.
nécessaire, en y joignant des zestes de citron confits, -roulés et
pralinés. Ayez six blancs d'œufs que vous battrez jusqu'à ce qu'ils
soient en neige ; mélangez peu à peu votre purée de fruits avec
ces blancs d*œufs battus, et continuez à fouetter ce mélange jus-
qu'à lui donner toute la légèreté possible. Dressez cette mousse
en forme de rocher, sur un plat d'entremets qui sera foncé d'une
gelée transparente au ratafia d'écorces de citron. Il ne faudra
pas donner à cette gelée beaucoup de consistance.
Il est à noter que ces deux jolis entremets ont été perdus de
vue chez nous, et qu'ils n'en sont pas moins d origine française;
car on trouve exactement ces deux mêmes recettes dans nos
dispensaires du xvii* siècle et notamment dans le Menu royal
des dîners de Marly. Les Anglais n'ont fait autre chose que d'en
conserver la tradition et de leur imposer le nom qu'ils portent.
(Dictionnaire de la cuisine française, de M. de Courchamps.)
. APRON. — Poisson d'eau douce dont la chair est agréable
et de bon goût; on le pêche dans le Rhône et dans quelques
autres rivières de France et d'Allemagne.
Ce poisson ressemble beaucoup au goujon, mais il a la tête
plus large et se terminant en pointe; on le fait frire comme ce
dernier.
ARACHIDE. — Appelée aussi Pistache de terre , parce
qu'elle présente une singularité très-remarquable : à mesure que
les gousses succèdent aux fleurs, elles se courbent vers la terre et
y entrent pour y achever leur maturité.
Cette plante est originaire du Mexique. Apportée dans leur
pays par les Espagnols, elle y donne aujourd'hui de très-grands
produits. Elle fut introduite en 1802 dans le département des
Landes et y réussit parfaitement; mais le défaut d'écoulement de
ses produits fît bientôt tomber complètement cette culture, tout
à fait abandonnée aujourd'hui.
L'arachide produit un fruit qui n'est pas plus gros qu'une
noisette, et ressemble à la pistache ; son amande, à la fois alimen-
taire et oléagineuse, se mange crue ou cuite; elle fournit la
moitié de son poids d'une excellente huile comestible, saine,
économique, et que ses propriétés siccatives permettent d'em-
ployer utilement dans les arts. La tige de cette plante est
ARBRE A PAIN. 179
très-agréable au bétail, et ses racines ont un goût de réglisse»
Les Américains appellent ce fruit Mani; ils en font des pra-
lines, des tartes au sucre, et ils trouvent sa saveur plus délicate
et plus agréable que celle de la pistache.
L'arachide mangée crue occasionne, paraît-il, des maux de
tête et de gorge violents; la cuisson et Ta torréfaction lui ôtent
ces propriétés malfaisante^.
Les Espagnols lui donnent le nom de Cacohuette, parce
qu'elle a le goût du cacao, et la font entrer, en la mêlant avec
un peu de cacao, dans la confection d'un chocolat pour les
pauvres, dont l'usage n'est pas malsain.
ARBENNE. — Oiseau appelé aussi Perdrix blanche^ quoique
ce ne soit qu'une gelinotte ; il est de la grosseur d'une perdrix et
a les plumes très-blanches, excepté celles de la queue qui sont
en général noires ; on le tjrouve en Savoie. Les Romains estimaient
fort sa chair, dont la saveur et les propriétés sont les mêmes que
celles de la gelinotte ; elle s'apprête de même.
ARBOUSIER. — Appelé aussi Q4rbre à fraises ou Fraisiers
en arbres, est fort répandu dans l'Europe australe, les îles Cana-
ries, l'Amérique boréale, le Mexique et le Chili. C'est un arbre
toujours vert- dont les fruits sont sphériques, charnus, d'un beau
rouge dans leur maturité, de la grosseur d'une cerise et de la
forme d'une fraise; ils ont une saveur aigrelette très-agréable.
On en cultive aussi dans le Languedoc, et leurs fleurs
blanches et rosées, disposées en grappes terminales paniculées,
font un très-bel effet dans les jardins.
ARBRE A PAIN. — Cet arbre, qui croît spontanément aux
Moluques, aux îles de la Sonde et aux archipels de la Polynésie,
est ainsi nommé à cause du fruit qu'il produit et que Ton appelle
fruit à pain.
La hauteur de cet arbre atteint de 13 à 17 mètres; son
tronc est très-gros, sa cime est ample, arrondie et composée de
branches rameuses. Le fruit qu'il produit est jaune verdâtre à
l'extérieur et blanc en dedans, il est plus ou moins gros, suivant
l'espèce à laquelle il appartient, mais son diamètre excède rare-
ment 2 1 centimètres ; il contient une pulpe qui d'abord est très-
blanche, comme farineuse et un peu fibreuse, mais qui dans la
i8o ARBRE DE LA VACHE.
maturité devient jaunâtre et succulente ou d'une consistance
gélatineuse. Lorsque ce fruit est mûr, toute la préparation qu'on
lui donne consiste à le faire rôtir ou griller sur des charbons
ardents, ou bien à le faire cuire en entier au four ou dans l'eau.
On le ratisse alors et on mange le dedans, qui est blanc et tendre
comme de la mie de pain frais et qui constitue un aliment très-
agréable et très-sain. Sa saveur approche de celle du pain de
farine de blé, avec un léger goût d'artichaut ou de topinam-
bour, et il peut conserver sa fraîcheur pendant sept ou huit
mois consécutifs.
On assure que deux ou trois de ces arbres remarquables suf-
fisent à la nourriture d'un homme pendant une année entière.
Quant à sa culture, elle exige peu de soins, et les Français, puis
ensuite les Anglais Tont introduit à l'île de France, à la Guade-
loupe, à la Jamaïque, où les habitants se nourrissent de son
fruit, se fabriquent des vêtements avec la seconde écorce de
l'arbre et enveloppent leurs aliments avec ses feuilles, qui
atteignent quelquefois jusqu'à i mètre de longueur et 40 à 50 cen-
timètres de largeur.
L'équipage de l'amiral Anson, se trouvant relâché dans une
anse des îles Mariannes et complètement dépourvu de vivres,
ramassa une cinquantaine de ces fruits qui étaient tombés à terre,
et vécut avec pendant quelques jours. Il s'en trouva très-bien, et
ces fruits amassés là par la main de la Providence vinrent à pro-
pos le sauver des horreurs de la faim.
On prépare avec le fruit de l'arbre à pain différents mets
dont les habitants pauvres de l'île de France et de la Gua-
deloupe se nourrissent; ils en font une très- grande consom-
mation, i
Le célèbre voyageur anglais , capitaine Cook, ne tarit pas
sur les éloges qu'il donne à l'arbre à pain; il dit qu'il lui fut
d'un très-grand secours, surtout dans les cas de maladies, et
prétend qu'il guérissait tous ses malades avec le fruit de cet
arbre.
ARBRE DE LA VACHE. — Nom donné à un arbre
originaire de l'Amérique méridionale qui fournit abondamment
un suc laiteux et qui a rapport par ses propriétés avec le^lait
AREC. i8i
des animaux et surtout celui de la vache ; on remploie du reste
au même usage.
Les parties constituantes sont la cire, la fibrine, un peu de
sucre, un sel magnésien, de Teau et point de caséum.
Le premier de ces arbres qu'on ait connu fut nommé par
Içs Espagnols palo-de-vaca et fut décrit par M. de Humboldt
sous le nom de galactodendron utile. C'est un grand et fort bel
arbre dont les feuilles oblongues et pointues atteignent jusqu'à
3 mètres de longueur. Dès qu'on entaille cet arbre, on en
voit aussitôt s'écouler abondamment un lait d'une belle couleur
qui se trouve entre Técorce grisâtre et le bois de cet arbre. Ce
lait, d'une saveur agréable, d'une odeur balsamique et qui n'a
d'autre inconvénient que d'être, un peu gluant, sert à la consom-
mation des gens du pays. On les voit venir le matin, sous l'arbre,
boire une tasse de lait et même en faire un déjeuner plus com-
plet en y émiettant des morceaux de cassure ou des arepas^ sorte
de galette de maïs.
On retire aussi de cet arbre une cire très-blanche et très-
«
bonne à brûler.
ARCHE DE NOÉ. — Petit coquillage de la mer Rouge
qui sert à l'alimentation des Arabes pendant l'hiver ; on le
mange indifféremment cru ou frit.
ARCHE BARBUE. — Coquillage de la Méditerranée qui
se mange comme le précédent.
AREC. — Nous ne parlerons ici que de Varec-cachou qui
mêlé avec d'autres substances sert à faire le bétel. {V. Bétel.)
L'arec, genre de la famille des palmiers, croît principale-
ment aux Moluques et à Ceylan ; son fruit, connu sous le nom
de noix d'arec, est de la grosseur d'un œuf de poule et jaune
doré à l'intérieur, l'amande ressemble à la noix muscade, elle
est dure, blanche, variée de pourpre; on la fait sécher pour la
manger, mais elle conserve toujours une saveur acre et désa-
gréable.
Il y a aussi l'arec d'Amérique qui est un des arbres les plus
élégants du nouveau monde, présentant au centre de son feuil-
lage une espèce de bourgeon auquel on a donné le nom de chou
palmiste dont les Américains des Antilles se montrent très-
^
i8a ARGENTINE.
friands, et qui se mange accommodé de différentes manières.
ARENG. — Genre de palmier fort commun aux Moluques.
Les fruits de cet arbre, cueillis avant leur maturité et confits au
sucre, sont très - estimés en Cochinchine et se servent sur les
tables des gens riches; sa moelle donne une espèce de sagou,
dont les habitants des Célèbes font un grand usage dans leur nour-
riture ; enfin on tire de sa sève, par le moyen de la fermentation,
du sucre et une liqueur très-agréable.
On prétend que le suc de ces fruits, lorsqu'ils sont mûrs,
cause des démangeaisons insupportables, en sorte qu'il faut bien
faire attention de n'y point porter les lèvres sans les avoir préa-
lablement dépouillés de Tenveloppe charnue dans laquelle est
contenue ce suc, si on ne veut point avoir les lèvres enflées.
On rapporte que les habitants des Moluques, connaissant
cette propriété démangeante ^ se défendirent victorieusement en
jetant du haut des murailles sur les assiégeants des baquets
d eau dans laquelle ils avaient fait tremper la chair de ces
fruits.
Nous recommandons ce système aux futurs habitants des
futures villes assiégées; ils verront bientôt leurs ennemis jeter
leurs armes et fuir en se grattant à qui mieux mieux.
ARES AH. — Excellent fruit des Indes, très-sain et très-
rafraîchissant, d'un goût un peu piquant, mais trèa-agréable et
bon pour les convalescents. Ce fruit est de la grosseur des
guignes et a la forme des poires-Catherine.
ARGALI. — Espèce de bélier sauvage, vivant dans les
haies des montagnes et aux steppes de la Sibérie. La taille de
cet animal est celle du daim dont il a la légèreté et la force, son
corps est couvert de poils courts, son pelage est d'un gris fauve,
traversé au milieu du dos par une raie jaunâtre.
Sa chair a les mêmes propriétés alimentaires et le même
goût que celle du chevreuil ; elle est très-recherchée des habitants
à cause de la difficulté qu'ils éprouvent à s'en procurer.
ARGENTINE. — Plante ayant la saveur et les propriétés
du panais; les Anglais en mangent la racine en hiver à la place
de ce légume et composent avec le suc une liqueur qu'ils mêlent
au vin d'Espagne, y font infuser du blé en herbe, y délayent des
ARROCHE. 183
jaunes d'œufs et assaisonnent le tout avec du sucre et de la noix
muscade.
ARMADILLE. — Petit animal tenant du cochon de lait
par sa forme et de la tortue par la carapace qui le recouvre
entièrement et le met à couvert des insultes des autres animaux
plus gros qui seraient tentés de lui faire des misères ; il vit dans
des trous profonds qu'il creuse avec ses ongles.
Cet animal a la chair très-tendre et délicate, mais elle ne
plait guère à cause de son odeur musquée; les Indiens cependant
l'aiment beaucoup.
ARONDELLE DE MER. — Petit poisson ainsi nommé
parce qu'il ressemble un peu à l'hirondelle et qu'il s'élance hors
de Teau pour éviter d'être la proie des autres poissons plus gros.
La chair est dure, sèche et de difficile digestion.
AROW-ROOT. — Fécule que Ton retire de la racine du
maranta indica râpée dans l'eau. On s'en sert pour faire des
bouillies, et on en fait aussi des crèmes, dont les Anglais sont
friands.
ARRACACHA. — Plante légumineuse de la famille des
ombellifères, ressemblant à l'ache et très-probablement originaire
de la Nouvelle-Grenade, où sa culture est très-répandue et où
elle est cultivée comme plante alimentaire.
Cette plante présente la plupart des avantages reconnus
dans les pommes de terre, et se développe dans les mêmes con-
ditions de terrain et de climat. Les insulaires de la Jamaïque
la préfèrent même aux pommes de terre et l'apprêtent de
même.
Râpée et macérée dans l'eau, elle dépose une fécule qui
fournit un aliment substantiel, léger, et que l'on peut donner
même aux convalescents.
ARROCHE. — Plante potagère connue aussi sous le nom
de belle-dame, bonne-dame et follette.
Les feuilles de l'arroche, mêlées à des plantes d'une saveur
prononcée, telles que la menthe, le cresson, la marjolaine, etc.,
composaient autre^is des salades dont on faisait un grand usage
en France et qui sont encore aujourd'hui recherchées par les
autres peuples de l'Europe. Elles constituent avec l'oseille et
i84 ARTICHAUT.
répinard le mélange connu sous le nom d'herbe cuite et entrent
aussi dans la composition du bouillon aux herbes.
L'arroche nourrit fort peu, elle est rafraîchissante et un peu
laxative, mais ne convient pas aux estomacs froids, à moins qu'on
ne l'assaisonne avec sel, poivre et vinaigre, c'est-à-dire en salade,
comme il est dit plus haut.
ARTICHAUT. — Plante potagère dont les feuilles sont
longues, larges, découpées, sans uniformité, de couleur verte ou
blanchâtre ; de leur milieu s'élève une tige cannelée, cotonneuse,
moelleuse en dedans, d'où sortent plusieurs rameaux qui sou-
tiennent un calice renfermant les organes de la floraison et de la
fructification. Autrefois cette plante ne poussait qu'en Italie.
Aujourd'hui nos jardiniers l'ont acclimatée, et nous avons des
artichauts blancs, verts, violets, rouges et sucrés. Le blanc, le
violet et le vert sont pleins de saveur ; les petits, nommés arti-
chauts à la poivrade, se mangent crus.
On peut conserver les artichauts de la manière suivante
pour l'hiver :
On les fait cuire à demi, on en sépare les feuilles et le foin
pour n'en avoir que le fond. On les jette dans l'eau froide lors-
qu'ils sont encore chauds, on les met ensuite sur des claies pour
les essuyer; enfin on les enfourne jusqu'à quatre fois lorsqu'on
a retiré le pain ; ces parties deviennent minces, dures et transpa-
rentes, mais elles reprennent leur forme lorsqu'on les remet
dans l'eau chaude et qu'on veut les employer à des assaison-
nements.
Q4rtichauts à la barigoule au maigre. — Coupez les
feuilles à moitié, ôtez le foin et nettoyez-le. Hachez menu écha-
lottes , ail, persil; mélangez avec une grosse mie de pain
émiettée. Faites fondre du beurre, faites-y revenir les herbes et
la mie de pain. Mettez sur chaque artichaut un bon morceau de
beurre ; garnissez-en aussi le fond de la tourtière, mettez la farce
dans les artichauts, sur le fond et entre les feuilles, couvrez avec
un four de campagne, feu dessus et dessous. Arrosez de temps
en temps jusqu'à ce qu'ils soient cuits.
Oârtichauts à la barigoule au gras, — Prenez des arti-
chauts de moyenne grosseur bien tendres, parez, ôtez le foin.
ARTICHAUT. 185
faites blanchir, hachez persil, parez avec ia5 gr. de beurre
et 125 gr. de lard pour quatre artichauts environ. Garnissez-en
rintérieur de l'artichaut et fixez le tout pour que rien ne se
déforme. Mettez dans une tourtière entre deux bardes; faites
cuire lentement, feu dessus feu dessous ; huilez légèrement; faites
réduire un verre de vin blanc dans une sauce italienne, et servez
sur cette sauce.
Q4rtichauts à la Duxelle. — Prenez des champignons hachés,
passez au torchon pour en enlever la partie aqueuse; ajoutez
jéchalottes hachées, persil, pointe d'ail, au maigre du beurre, au
gras du lard râpé. Ayez bien soin, après avoir paré la tète de
Tartichaut, d'en enlever le foin, et faites rissoler la tête des
feuilles dans la friture ; préparez une mie de pain, faites-les revenir
dans une casserole avec lard dessus et papier beurré, mouillez
avec consommé et vin blanc, braisez comme le fricandeau, jetez
votre fond dans votre sauce italienne. Dressez et servez.
Qâriichauts frits. — Enlevez les trois ou quatre premières
rangées de feuilles d'artichaut; faites dix ou douze morceaux
de chacun; enlevez le foin, rognez le bout des feuilles, sautez-
les dans une marinade d'huile, de sel, de poivre, avec un filet de
vinaigre; composez la pâte suivante, qui vous servira pour toutes
sortes de friture :
Mettez de la farine dans une terrine, faites un trou, versez-y
un ou deux jaunes d'œufs, une cuillerée d'huile, un ou deux
verres d'eau-de-vie, du sel; remuez d'une main en tournant
toujours dans le même sens et en versant de l'eau peu à peu,
pour donner une bonne épaisseur; au moment de vous en servir,
ajoutez et mêlez le blanc de vos œufs battus en neige; mais
faites attention que ce blanc la rendra trop claire, si votre sauce
n'est pas trop épaisse; si vous voulez que votre pâte soit plus
légère, faites-la la veille. Si c'est pour friture sucrée, telle que
beignets, mettez-y très-peu de sel et ajoutez de Teau de fleur
d'oranger. Revenons à notre pâte. Lorsqu'elle est faite, mettez-y
vos artichauts et mêlez le tout ensemble, votre friture étant bien
chaude, prenez avec votre ecumoire des artichauts que vous
laisserez tomber morceau par morceau dans cette friture, tant
qu'elle en pourra contenir; remuez-les, détachez ceux qui se
i86 ARTICHAUT.
collent les uns contre les autres, lorsqu'ils sont d'une belle cou-
leur blonde, retirez-les de la friture sur une passoire, jetez
une bonne poignée de persil en branche dans la friture, et,
lorsque la friture cessera de faire du bruit, sortez-le et égouttez-
le sur un linge; saupoudrez-le d'un peu de sel, dressez vos
artichauts en pyramide, et couronnez-les de persil frit,
Q4rtichauts à la sauce, — Coupez les bouts des feuilles,
la queue, les feuilles dures ou filandreuses de dessous, placez-
les au fond d'un chaudron, dans de Teau bouillante qui les
couvre aux trois quarts ; salez, faites cuire, de trois quarts
d'heure à une heure, tirez une feuille ; si elle se détache faci-
lement, vos artichauts sont cuits; retirez-les de Teau, mettez-les
égoutter sens dessus dessous ; si vous voulez qu'ils se conservent
verts , mettez gros comme un œuf de cendre de bois dans un
petit sac de toile ou de calicot ; versez sur cette cendre l'eau
qui doit servir à les faire cuire. Ce moyen s'applique aussi aux
haricots chauds ; les artichauts cuits de la façon que nous
venons de dire se mangent à la sauce blanche, à la sauce blonde
ou à la sauce hollandaise.
Qdrtichauts sautés. — Coupez en quatre des artichauts
moyens et tendres, ôtez le foin et parez-les en leur laissant à
chacun trois feuilles, lavez et essuyez. Mettez du beurre dans
une casserole où vous arrangerez vos artichauts et les mettez sur
un feu doux seulement vingt minutes avant de servir. Dressez
sur le plat en turban, mettez une cuillerée de chapelure dans le
beurre, autant de persil haché et un jus de citron, un peu de sel; .
servez cette sauce dans le milieu des artichauts. Il ne faut pas les .
faire blanchir.
Q4rtichauts à la provençale. Entremets. — Prenez des arti-
chauts que vous appropriez dessus et dessous; faites-les cuire
dans l'eau assez pour pouvoir enlever le foin ; mettez-les sur une
tourtière avec huile, gousses d'ail, sel, poivre. Faites cuire sur
la cendre chaude avec bon feu dessus; quand ils sont cuits, ôtez
les gousses d'ail, et servez à sec avec un juâ de citron.
Q4rtichaut s farcis , demi-barigoule. Entremets. — Préparez
comme ci-dessus; le foin enlevé, farcissez-les de hachis de
viande ou de mie de pain assaisonné de fines herbes et champi-
ARTICHAUT. 187
gnons. Mettez dans une casserole un fort morceau de beurre ou
de graisse, et faites-les revenir; ôtez-les, faites un roux que vous
mouillez de bouillon ; ou d'eau faute de bouillon, remettez les
artichauts achever de cuire, feu dessus et dessous, en les arrosant
de temps en temps avec leur cuisson. Servez sur cette cuisson
pour sauce.
Q4rtichauts farcis à la vraie barigoule, — Parez trois arti-
chauts, coupez droit les feuilles du dessus, faites blanchir assez
pour retirer le foin après les avoir rafraîchis à l'eau froide. Rem-
placez le foin par une farce de lard gras, champignons, persil,
échalottes, le tout haché fin, poivré ; liez-les en croix avec du fil.
Faites chauffer un peu d'huile d'olive dans une poêle et rissoler
les artichauts dessus et dessous; placez-les dans une casserole
sur une tranche de lard dessalé ^ ou de veau, ou du beurre et un
verre de bouillon ou d'eau ; faites cuire, feu dessus et dessous.
Servez sans les tranches et sur une sauce faite du fond de la
cuisson liée de farine.
Oirtichauts à l'huile et à la poivrade. — Les gros se servent
cuits à l'eau, refroidis et accompagnés de la sauce suivante dans
une saucière. Les petits se servent crus avec la même sauce, ou
simplement du sel, en hors-d'œuvre.
04rtichauts sauce à l'huile et au vinaigre, — Ecrasez un
jaune d'oeuf dur dans une saucière et le délayez avec une cuil-
lerée de vinaigre, sel, poivre, fourniture de salade hachée très -
menu, ou avec une échalotte aussi hachée menu; ajoutez deux
cuillerées d'huile, délayez et servez.
Odrtichauts au gras. — Coupez en deux de gros artichauts,
ôtez-en le foin et les parez, faites-les blanchir à l'eau et sel,
mettez dans une casserole des tranches de lard gras, deux
oignons, une carotte, un clou de girofle, une petite branche de
thym ; arrangez les artichauts sur des bardes de veau, mettez-les
sur un feu doux; quand le veau a pris couleur, mettez un peu
d'eau, faites mijoter; servez les artichauts en turban et la sauce
que vous avez liée de fécule au milieu.
Q/lrtichauts à la lyonnaise. — Coupez-les en six morceaux,
faites blanchir, ôtez le foin ainsi que le dessous, et ne laissez que
trois feuilles à chaque partie; mettez-les dans une casserole
i88 ASPERGE.
avec du beurre étendu au fond, saupoudrez-les de sel fin, fkites-les
cuire feu dessus feu dessous, faites roussir dans une autre cas-
serole de l'oignon haché, et saucez-y vos artichauts au moment
de servir.
Q4rtichaut s farcis, — Faites cuire à demi dans Teau, puis
farcissez de viande, de persil, de ciboule; achevez la cuisson;
servez avec fines herbes, huile et jus de citron.
Q4rtichauts à la Grimod de la Reynière. — Coupez de
l'oignon en gros dés, passez-les au beurre jusqu'à ce qu'ils soient
bien colorés, assaisonnez de sel et d'épices, et laissez refroidir
dans le beurre, mais dans une assiette à part, hors de la casse-
role; faites cuire des fonds d'artichauts séparés de leurs feuilles;
après les avoir fait égoutter, remplissez-les avec l'oignon, couvrez
avec de la mie de pain et du fromage râpé, faites prendre couleur
au four de campagne, et servez à sec.
Ce nouveau plat, inventé par l'auteur de Voâlmanach des
gourmands^ nous arrive avec une apostille de l'auteur des
Mémoires de M"* de Créqui; deux recommandations valent mieux
qu'une.
oArtichauts à Vitalienne. — Coupez trois artichauts en six
morceaux pareils, dépouillez -les de leur foin, parez-en les
feuilles, lavez-les ; mettez-les dans une casserole avec un peu de
beurre; assaisonnez de jus de citron, d'un verre de vin blanc,
d'un demi-verre de bouillon. Faites cuire, égouttez, dressez et
faites, pour les saucer^ une sauce blanche à l'italienne.
ARUM. — Plante de la famille des aroïdées. Il y a diffé-
rentes espèces d'arums, mais nous n'avons à signaler que celle
qui sert à l'alimentation des Indiens, qui mangent ses feuilles
comme celles des choux.
L'arum est d'une grande ressource pour les peuples des
Canaries, des Açores et même du Brésil, qui la mangent en guise
de pain ; il en est dont c'est la seule nourriture. On en fait des
pâtés, des gâteaux, du pain, en en mêlant la farine à celle du
froment.
ASPERGE. — Il est inutile de décrire cette plante que tout
le monde connaît. Il y a la blanche, la violette et la verte. La
blanche est la plus hâtive, sa saveur douce est agréable, mais elle
ASPERGE. 189
contient peu de substance ; celles de Marchiennes, de la Belgique
et de la Hollande ont eu beaucoup de renommée. La violette est
la plus grosse et la plus substantielle, c'est Tasperge par excel-
lence d'Ulm et de Pologne. La verte est moins grosse, mais on
la mange presque toute ; elle a une bonne saveur. En Italie, où
les goûts sont plus étranges que raffinés, on préfère Tasperge
sauvage. Les animaux carnivores, les chats, les chiens aiment
beaucoup ce légume. La meilleure manière aujourd'hui de pré-
parer les asperges, c'est de les faire cuire à la vapeur. Il y avait
un proverbe à Rome relatif aux asperges ; quand on voulait que
quelque chose se fit vite : u Faites-la, disait-on, en moins de
temps qu'il n'en faudrait pour faire cuire des asperges. » Les
blanches sont celles qui appartiennent plus particulièrement à
la France.
Après les avoir lavées, ratissées et coupées de même lon-
gueur, liez-les par bottillons, faites-les cuire croquantes dans
l'eau et le sel, et les servez toutes chaudes sur une serviette pliée
qui égoutte leur eau.
On mange Tasperge au beurre ou à l'huile. Nous allons
raconter à ce propos une anecdote sur Fontenelle.
Fontenelle aimait beaucoup les asperges, surtout accommo-
dées à l'huile; l'abbé Terrasson, qui au contraire aimait les
manger au beurre, étant venu un jour lui demander à dîner,
Fontenelle lui dit qu'il lui faisait un grand sacrifice en lui cédant
la moitié de son plat d'asperges, et ordonna qu'on mît cette
moitié au beurre.
Peu de temps avant de se mettre à table, l'abbé se trouva
mal et tomba bientôt en apoplexie. Fontenelle alors se lève pré-
cipitamment, court vers la cuisine et crie :
« Tout à l'huile, maintenant; tout à l'huile!... »
Q4sperges à l'huile. — On les fait cuire comme pour la
sauce blanche. Elles se mangent froides avec la sauce à l'huile
indiquée pour les artichauts.
Oâsperges au beurre, — Mettez dans une casserole deux
cuillerées de farine, un peu d'eau , assaisonnez de sel, gros
poivre, muscade ; faites cuire la farine, mouillez avec le bouillon
d'asperges. Préparez quatre jaunes d'œufs, 125 grammes de
190
ASPERGE.
beurre fin, liez votre sauce, en ayant soin que le jaune d'œuf
soit cuit. Passez votre sauce à Tétamine; un jus de citron, et
servez.
Q4sperges cuites à la Qâudot, — Cuites à Teau, trempez-les
pour toute sauce dans le jus d'un quasi de veau cuit dans son jus
et un peu dégraissé.
Qâsperges en petits pois. — On emploie les plus petites et
on coupe tout ce qui est tendre par petits morceaux. Faites-les
cuire croquantes dans l'eau et sel, égouttez-les promptement sur
une passoire, faites-les sauter dans une casserole avec beurre,
sel, poivre et fines herbes, ou bien mettez-les dans la casserole
saupoudrées d'un peu de farine et d'un peu de sucre, ajoutez un
peu de bouillon ou d'eau, sautez-les un moment et servez.
Pointes d'asperges au jus. — Coupez des pointes d'asperges,
faites fondre du lard, faites-y sauter vos pointes d'asperges,
ajoutez persil, cerfeuil haché, sel, poivre blanc, muscade, faites
fondre le tout à petit feu dans du consommé, dégraissez ensuite,
servez chaud et arrosé de jus de mouton.
Q/isperges frites. — Enlevez la partie dure, faites-les blan-
chir à l'eau et au sel, retirez-les de leau pour les remettre dans
de l'eau fraîche, ce qui conserve leur verdeur; retirez-les de cette
eau fraîche, farinez-les, liez-les avec du fil par petites bottes de
six ou sept, passez-les dans de l'œuf battu, et faites frire.
Q4sperges à la Monselet. — Faites blanchir comme ci-dessus
la partie tendre, achevez de cuire dans un jus clair de veau et
de jambon, puis liez avec un morceau de beurre manié de farine. ^
Ragoût de pointes d'asperges. — Coupez le vert des asperges
que vous avez fait blanchir, mettez-lés en casserole avec coulis
de veau, cuisez à petit feu jusqu'à réduction de la sauce à
laquelle vous ajouterez un peu de beurre et de farine, et liez en
remuant. Un peu de jus de citron donnera une pointe d'acide.
oAsperges au jus. — Ayez du jus de mouton rôti, de gigot,
par exemple; tranchez des asperges et n'en prenez que les
pointes; sautez -les avec du lard fondu; ajoutez-y persil, cerfeuil
haché, sel, poivre blanc et muscade; faites mitonner le tout à
petit feu dans du consommé, dégraissez ensuite et servez chaud
en y mêlant votre jus de mouton rôti.
>|
!
ASPIC. 191
Œufs brouillés aux pointes d'asperges. — Profitez d'un jour
où vous aurez du bouillon de poulet ; salez et poivrez vos œufs
battus avec les pointes d'asperges; mêlez-y, pour six œuts un
demi-verre, pour douze œufs un verre entier de ce bouillon. Puis
achevez la cuisson de vos œufs comme d'habitude, et vous recon-
naîtrez que l'adjonction de ce verre ou de ce demi-verre de
bouillon donne à vos œufs un velouté extraordinaire.
Qâsperges à la Pompadour, — M. de Jarente, ministre d'État
pendant la faveur de M"* de Pompadour, a laissé à notre célèbre
gourmand Grimod de la Reynière, digne neveu de son oncle, la
prescription suivante :
Choisissez trois bottes des plus belles asperges du gros plant
de Hollande, c'est-à-dire blanches avec le bout violet; feites
parer, laver et cuire en les plongeant comme à l'ordinaire, c'est-
à-dire dans de Teau bouillante ; franchez-les ensuite en les cou-
pant en biais du côté de la pointe, à la longueur du petit doigt.
Ne vous occupez que des morceaux de choix, et laissez de côté le
reste de leurs tiges. Mettez cesdits morceaux dans une serviette
chaude, afin de les égoutter en les maintenant chaudement, pen-
dant que vous confectionnerez leur sauce.. Videz un moyen pot
de beurre de Vanvre ou de la Prévalais, en prenant le contenu
par cuillerées et le mettant dans une casserole d'argent; joignez-y
quelques grains de sel avec une forte pincée de macis en poudre,
une forte cuillerée de fleur de farine d'épeautre, et de plus deux
jaunes d'œufs frais bien délayés avec quatre cuillerées de suc de
verjus muscat. Faites cuire ladite sauce au bain-marie, en évi-
tant de Talourdir en lui laissant prendre trop d'épaisseur ; mettez
vos morceaux d'asperges tranchés dans ladite sauce, et servez le
tout ensemble en casserole couverte et en extra, pour que cet
excellent entremets ne languisse point sur la table et puisse être
apprécié dans toute sa perfection.
ASPIC. — C'est ainsi que Ton nomme les filets de volaille,
de gibier ou de poisson , qui sont enfermés avec des truffes , des
œufs durs et des tranches de champignons dans une masse de gelée
transparente et solidifiée au moule. L'aspic est une entrée froide,
mais les grands maîtres dans l'art de cuisine nient qu'il existe des
entrées froides ; aussi recommande-t-on de servir les aspics avec
193 ASSA-FCETIDA.
le rôti. Il ne £iut jamais les laisser paraître à table qu'au second
service et destinés à relever le rôti. Un gastronome de l'ancien
régime nous apprend qu'au palais Bourbon on les présentait à la
ronde entre les deux services, et puis on les déposait sur le buffet
des en-cas, avec les soupes à la russe et autres préparations
exotiques.
L'auteur du Dictionnaire général de la cuisine^ qui n'accorde
pas qu'il puisse y avoir des entrées froides, donne le nom d'aspic
chaud à la préparation suivante :
Oâspic chaud. — « Empotez dans une marmite environ deux
jarrets de veau, une vieille perdrix, une poule et deux ou trois
lames de jambon ; ficelez le tout, joignez-y deux carottes et deux
oignons, avec un bouquet bien combiné, mouillez d'un peu de
consommé; faites légèrement suer; quand la préparation tombera
en consistance de glace et prendra une teinte colorée, mouillez
avec du bouillon (ou avec de l'eau), en observant alors de laisser
réduire davantage; faites repartir, écumez et mettez le sel néces-
saire ; laissez cuire encore trois heures, et au bout de ce temps
passez à travers une serviette mouillée et laissez refroidir ; cassez
deux œufs, avec blancs, jaunes et coquilles ; fouettez-les en mouil-
lant un peu de votre bouillon ; mettez-y une cuillerée à bouche
de vinaigre d'estragon, ainsi qu'un verre de bon vin blanc, et
versez le tout dans votre aspic, que vous remettez sur le feu;
agitez-le avec un fouet de buis , et, quand il commencera à
repartir, retirez-le sur le bord du fourneau, afin qu'il ne fasse
que frémir légèrement ; couvrez-le et mettez du feu sur son cou-
vercle. Quand vous verrez que l'aspic est bien clair , passez-le
une seconde fois au travers d'une serviette mouillée et tordue que
vous attacherez aux quatre pieds d'un tabouret; quand il sera
passé , servez-vous-en pour les grands et petits ragoûts, où cette
préparation doit être employée. »
ASSA-FOETIDA. — Gomme-résine, roussâtre, obtenue par
l'incision de la tige et du collet de la racine de cette plante
ombellifère.
L'assa-fœtida, puissant antispasmodique, a une odeur repous-
sante, qui affecte beaucoup les Européens ; les Asiatiques, au con-
traire, la mangent avec plaisii: et en font un si grand usage , que
ASSAISONNEMENT. 193
parfois Tair qu'on respire, dans un endroit où il s'en est con-
sommé, en est infecté.
Les anciens s'en servaient pour relever le goût de certains
mets, et encore aujourd'hui en Orient, et malgré son odeur fétide,
Tassa-foetida est un condiment des plus recherchés.
ASSAISONNEMENT. — Nous croyons que c est le moment
de placer ici l'histoire du chevalier d'Albignac, qui a fait sa for-
tune à Londres en assaisonnant de la salade. Nous empruntons
ce récit à l'illustre philosophe auteur de la Physiologie du
goût :
ce M. d'Albignac était émigré et s'était retiré à Londres.
Quoique sa pitance fût fortement restreinte par le mauvais état
de ses finances, il n'en était pas moins un jour invité à diner
dans une des plus fameuses tavernes de Londres ; il était de ceux
qui ont ce système qu'on peut bien dîner avec un seul plat,
pourvu que ce plat soit excellent. Tandis qu'il achevait un excel-
lent roastbeef , cinq ou six jeunes gens, des premières familles de
Londres, se régalaient à une table voisine, et l'un d'eux, s'étant.
levé, s'approcha et lui dit d'un ton poli :
« Monsieur le Français, on dit que votre nation excelle
« dans Fart de faire la salade ; voudriez-vous nous favoriser et
a en accommoder une pour nous. »
« D' Albignac y consentit après quelques hésitations, demanda
tout ce qu'il crut nécessaire pour faire le chef-d'œuvre attendu,
y mit tous ses soins, et eut le bonheur d'y réussir.
CI Pendant qu'il étudiait ses doses, il répondait avec franchise
aux questions qu'on lui faisait sur sa situation actuelle; il dit
qu'il était émigré , et avoua, non sans rougir un peu, qu'il rece-
vait les secours du gouvernement anglais, circonstance qui auto-
risa sans doute un des jeunes gens à lui glisser dans la main un
billet de cinq livres sterling, qu'il accepta après une molle
résistance.
« Il avait donné son adresse ; et, à quelque temps de là, il ne
fut pas médiocrement surpris de recevoir une lettre par laquelle
on le priait, dans les termes les plus honnêtes, de venir accommoder
une salade dans un des plus beaux hôtels de Grosvenor-square.
« D'Albignac, commençant à prévoir quelque avantage
13
\
194 ASSAISONNEMENT.
durable, ne balança pas un instant, et arriva ponctuellement,
après s'être muni de quelques assaisonnements nouveaux, qu'il
jugea convenables pour donner à son ouvrage un plus haut degré
de perfection.
« Il avait eu le temps de songer à la besogne qu'il avait à
faire; il eut donc le bonheur de réussir encore, et reçut, pour
cette fois, une gratification telle qu'il n'eût pas pu la refuser sans
se nuire.
« Les premiers jeunes gens pour qui il avait opéré avaient,
comme on peut le présumer, vanté jusqu'à l'exagération le mérite
de la salade qu'il avait assaisonnée pour eux. La seconde compa-
gnie fit encore plus de bruit, de sorte que la réputation de d'Al-
bignac s'étendit promptement : on le désigna sous la qualification
defashionabîe salad-maker ; et, dans ce pays avide de nouveautés,
tout ce qu'il y avait de plus élégant dans la capitale des trois
royaumes se mourait pour une salade de la façon du gentleman
français : / die for it, c'est l'expression consacrée.
•
« Désir de nonne est un feu qui dévore,
<r Désir d'Anglaise est cent fois pire encore.
« D'Albignac profita en homme d'esprit de l'engouement dont
il était Tobjet; bientôt il eut un carrick pour se transporter plus
vite dans les divers endroits où il était appelé, et un domestique
portant, dans un nécessaire d'acajou, tous les ingrédients dont il
avait enrichi son répertoire, tels que des vinaigres à différents
parfums, des huiles avec ou sans goût de fruit, du soya, du
caviar, des truffes, des anchois, du catchup, du jus de viande,
et même des jaunes d'œufs, qui sont le caractère distinctif de la
mayonnaise.
« Plus tard, il fit fabriquer des nécessaires pareils, qu'il garnit
complètement et qu'il Vendit par centaines.
« Enfin, en suivant avec exactitude et sagesse sa ligne d'opé-
ration, il vint à bout de réaliser une fortune de plus de quatre-
vingt mille francs, qu'il transporta en France quand les temps
furent devenus meilleurs.
ATINGA. 195
(( Rentré dans sa patrie, il ne s'amusa point à briller sur le
pavé de Paris , mais s'occupa de son avenir. Il plaça soixante
mille francs dans les fonds publics, qui pour lors étaient à cin-
quante pour cent, et acheta, pour vingt mille francs , une petite
gentilhommière située en Limousin, où probablement il vit
encore, content et heureux, puisqu'il sait borner ses désirs.»
ASSIETTE. — Les assiettes sont ainsi nommées parce qu'elles
marquent les places où l'on doit s'asseoir à table.
Leur usage n'est pas très-ancien en France. Autrefois, des
tranches de pain coupées en rond servaient d'assiettes ; et Vir-
gile les dépeint ainsi dans le repas des compagnons d'Énée. On
parle encore de cette pratique dans le cérémonial du sacre de
Louis XII.
Après le repas, on donnait ce pain aux pauvres.
ASTRAGALUS BCETICUS. — Nom d'une graine ressem-
blant au café et que l'on peut mêler à ce dernier.
ATCHAR Dfl L'INDE. — On donne ce nom à plusieurs
espèces de sommités de végétaux et de fruits confits dans la sève
des palmiers, qui, d'abord sucrée, devient bientôt un vinaigre
fort limpide qui remplace, dans l'Inde, le vinaigre de vin encore
inconnu.
Les atchars tiennent chez les Indiens le même rang que les
cornichons et les câpres parmi nous; ils les emploient aussi
pour relever la saveur de certains aliments,
4THERINE ou BANDE D'ARGENT.— Espèce d'anchois
de la taille de 20 à 25 centimètres, ayant une raie large et argen-
tée de chaque côté du corps.
Les atherines sont de petits poissons d'un goût délicat;
lorsqu'ils sont jeunes, ils se tiennent longtemps en troupes ser-
rées. On les mange sur les côtes de la Méditerranée. Leur chair
est très- savoureuse, et leurs propriétés alimentaires sont ana-
logues à celles de l'anchois; on les mange de même.
ATINGA. — Poisson qui vit dans les mers du Brésil et du
cap de Bonne-Espérance; il a 48 centimètres de long et peut
acquérir plus de grosseur en se boursouflant comme un ballon;
il se nourrit de petits poissons, de crustacés et de coquillages.
La chair de ce poisson est dure et coriace; on la mange
196 AUBERGINE.
cependant, après avoir pris soin d*en séparer le fiel, qui est un
poison violent.
ATTE. — Fruit de Tanone squammeuse, abondante entre
les deux tropiques. La chair de ce fruit est de saveur agréable et
semblable à de la crème sucrée; elle renferme une grande quan-
tité de pépins noirs qu'on prendrait pour des noyaux, tant leur
peau est dure.
ATTELET, ou mieux HATELET. — Petite lame métal-
lique terminée en pointe et qui fixe les grosses pièces à la broche.
On s'en sert également pour réunir de petits oiseaux rôtis qu'on
sert ainsi enfilés, ainsi que les petits poissons qu'on enfile par
les ouïes. Nous expliquerons plus tard comment, pour les petits
oiseaux, mieux vaut encore s'en passer, en les faisant cuire soit
à la ficelle, soit à la laisse.
ATTEREAU A LA BRETONNE. — Au fond d'une ter-
rine placez une sorte de claie formée par de petites branches
d'osier, établissez sur cette claie une poitrine "de veau salée et
poivrée; placez sur cette pièce de veau un carré de porc frais qui
n'ait que deux jours de sel; placez au four et laissez pour le
cuire aussi longtemps que vous le feriez pour un gros pain de
ménage. Faites rissoler le porc pour que la partie supérieure ne
se dissolve pas.
AUBERGINE. — Fruit d'une espèce de solanée. Ce fruit a
la forme d'un gros œuf. Les blanches et les violettes sont les
meilleures. On peut les manger en salade ou cuites, et voici les
meilleures manières de les apprêter :
Q4ubergine à la languedocienne. — Fendez en long vos
aubergines, ôtez-en la graine et découpez-en la chair; salez,
poivrez, mettez de la muscade, grillez-les à petit feu et arrosez
d'huile fine.
Salade d^ aubergine à la provençale, — Pelez les aubergines,
émincez-les, faites-en macérer les tranches pendant deux heures
avec vinaigre, saumure de noix, sel gris, poivre noir et un peu
d'ail; puis étanchez-les en les pressant pour en extraire l'eau;
ensuite faites-en salade avec du cresson de fontaine et des rai-
ponces, des œufs durs, des olives farcies et quelques filets de
thon.
AVELINES. Î97
Q4ubergine à la parisienne. — Enlevez les chairs de quatre
aubergines violettes, mais en respectant la peau; hachez avec
blanc de volaille ou chair d'agneau rôti , ou maigre de cochon de
lait, ou toute autre viande blanche et bien cuite; mettez dans ce
hachis i8o grammes de moelle, ou, si vous le préférez, assaison-
nez le tout avec une pincée de muscades, i8o grammes de gras
de lard, un peu de sel. Faites entrer dans votre hachis de la mie
de pain rassis, délayez avec quatre jaunes d'oeufs, remplissez vos
moitiés d'aubergines avec cette farce, et faites-les cuire sur la
tourtière, en les arrosant avec de la moelle ou du lard fondu.
AUTRUCHE. — Comme oiseau, c'est le plus grand et
c'est aussi un des plus célèbres et des plus anciennement connus
sous le rapport alimentaire, puisqu'il en est question dans
Vo^ncien Testament, en particulier dans le Deutéronome, où
Moïse interdit aux Hébreux de manger sa chair, qui devint fort
en usage chez les Romains. On rapporte qu'Héliogabale se fit
servir dans un repas les tètes de six cents autruches pour en
manger les cervelles.
La chair de Tautruche n'est pas très-bonne; elle est dure
et sans aucun goût ; cependant Taile, qui en est la partie la plus
tendre, et les filets bien assaisonnés peuvent encore se manger.
Les œufs de Tautruche sont très -gros; on en a vu qui
pesaient autant que trente œufs de poule, et quelques voyageurs
qui ont mangé de ces œufs les ont trouvés très-bons; on fait
au cap de Bonne-Espérance un commerce considérable de ces
œufs ; on en prépare même des omelettes gigantesques ; on les
accommode encore avec de la graisse; enfin on les emploie à cla-
rifier le café.
Les Arabes de nos jours, comme les Hébreux d'autrefois,
s'abstiennent de manger la chair de l'autruche, mais ils recher-
chent beaucoup la graisse de cet oiseau dont ils se servent pour
apprêter leurs mets, et aussi pour se frictionner le corps dans les
cas de rhumatismes et autres maladies. On vend cette graisse
fort cher, peut-être à cause de sa rareté.
AVELINES. — Sorte de grosse noisette pourprée. On dit
que la meilleure espèce d'aveline est celle qui nous vient du pays
de Foix et du Roussillon, mais je serais tenté de croire que c'est
>
j
198 AYA-PANA.
celle qui \'ient d'Avellines et qui a donné son nom à Tespèce.
Les avelines poussent sans culture dans les ravins et dans les
ruines qui environnent Avellines. Victor Hugo enfant a failli se
tuer en tombant dans un de ces ravins en cueillant des avelines.'
AVOINE. — Genre de la famille des graminées.
La semence torréfiée de Tavoine réduite en farine prend le
nom de gruau de Bretagne et a un goût qui se rapproche dç
celui du café.
AWABI. — Coquillage des mers du Japon et qui est un
symbole pour les habitants de ce pays, qui, lorsqu'ils donnent
un repas, font toujours servir un plat de ce mets, afin, disent-
ils, de se rappeler que ce fut la nourriture ordinaire de leurs
ancêtres pauvres. C'est aussi un usage parmi ce peuple de
joindre à tous les présents qu'ils font un morceau de la chair
de ce coquillage, comme étant de bon augure.
AXIS. — Espèce du genre cerf qui se reconnaît à son
pelage, et se distingue surtout par la forme svelte de ses bois; cet
animal change] deux fois par an de poil sans changer de couleur.
Au Bengale, Taxis est élevé dans une demi-domesticité, et
on l'engraisse pour la table. Sa chair est excellente et supé-
rieure à celle du chevreuil, non-seulement pour le goût, mais
aussi parce qu'elle peut être consommée aussitôt que l'animal
a été abattu.
On L'apprête de même que le chevreuil. (V, Chevreuil.)
AXONGE. -- {V. Graisse.)
AYA-PANA. — Plante du genre des eupatoires, originaire
des îles de France et de Bourbon; ses feuilles contiennent un
arôme infiniment suave et souverainement fortifiant par diffu-
sion, elles sont stomachiques, apéritives et sudorifiques ; c'est
M. l'amiral de Sercey qui l'a introduite en France. Son infusion
se fait comme celle du thé; mais, comme son arôme est très-
puissant, douze ou treize feuilles suffisent pour une théière de
six tasses. La meilleure façon d'employer ce nouvel aromate est
d'abord de le prendre comme on prend le thé, et ensuite d'en
parfumer des soufflés, des moufles et des glaces à la crème.
L'aya-pana s'allie admirablement avec les jaunes d'oeufs et la
crème.
.AZEROLE, 199
M. de Courchamps nous apprend qu'on a payé l'aya-pana
près de 300 francs les trente grammes, et cela dans l'invasion
du choléra, pour lequel il était un excellent topique; à présent,
on paye le demi-kilt^r. 80 ou 90 francs.
AZEROLE. — Espèce de nèfle des pays chauds où on
V Appelle pommette; ses feuilles ressemblent à celle de l'aubépine,
quoique plus grandes ; les fleurs sont en grappes de couleur
verte; c'est le zazor des Arabes ; le fruit est rond, charnu, rouge
lorsqu'il est mûr, de saveur aigrelette, agréable et recherché
surtout par les femmes enceintes.
Sa pulpe contient (rois osselets de semence fort durs ;
l'azerole est astringente, on la mange crue ou confite. L'azero-
lier de Virginie mérite d'être cultivé à cause de ses fleurs bril-
lantes et de son fruit éclatant.
B
BABA. — « Le baba est un gâteau d'origine polonaise,
qui doit toujours présenter assez de volume pour être servi
comme grosse pièce et entremets, et pour pouvoir figurer pen-
dant plusieurs jours sur lesbufFets à*en-cds. Réunissez 1,500 gr.
de la plus belle farine que vous pourrez trouver, 45 grammes
de levure de bière, 30 grammes de sel fin, 120 grammes de
sucre, 180 grammes de raisin de Corrnthe, 180 grammes de
raisin muscat de Malaga, 30 grammes de cédrat confit, 30 gr.
d'angélique confite, 3 grammes et demi de safran ; un verre de
crème, un verre de vin de Malaga, vingt-deux œufs et i kilogr.
du beurre le plus fin. Quand votre farine sera tamisée, prenez-
en le quart pour le levain, et, après avoir préparé cette farine en
fontaine, vous verserez au milieu un verre d'eau tiède avec la
levure, puis vous détremperez votre levain, en y apportant tous
les soins que la fermentation réclame. Ensuite vous faites une
fontaine avec le reste de la farine, vous versez au milieu 30 gr.
de sel fin, 120 grammes de sucre en poudre, un verre de crème,
vingt à vingt-deux œufs, i kilogramme de beurre d'Isigny, manié
en hiver; faites votre détrempe, et, après avoir mêlé le levain qui
• doit être levé à point, vous battez bien cette pâte que vous
élargissez un peu; faites un creux au milieu, dans lequel vous
versez un verre de vin de Malaga et IMnfusion de votre safran
que vous aurez fait bouillir quelques minutes dans le quart
d'un verre d'eau, puis vous jetez sur la pâte 180 grammes de
raisin de Corinthe, 180 grammes de muscat dont vous aurez
BABA. aoi
àté les pépins en séparant chaque grain en deux parties ; ces
raisins doivent être préparés d'avance; puis 30 grammes de
cédrat confit, coupé en petits filets ainsi que de la conserve
d'angélique; remuez bien ce mélange, afin que le raisin soit bien
mêlé dans toutes les parties de la masse entière; vous séparez
ensuite un huitième de la pâte que vous rendez lisse par-dessus,
vous en ôtez les plus gros raisins qui se trouvent à la surface,
et vous la posez de ce côté dans un moule beurré.
« En plaçant la détrempe dans le moule, retirez-en les
gros grains de raisin, parce que le sucre qu'ils contiennent les
attacherait au moule pendant la cuisson.
0 Pour la fermentation, vous aurez les mêmes attentions
que pour le gâteau de Compiègne (V. Gâteau de Compiègne),
et pour la cuisson vous y donnerez une heure et demie ;;la vraie
couleur du -baba doit être rougeâtre, c'est la cuisson mâle,
mais elle n'est pas facile à saisir, parce que le safran, par sa
teinte jaunâtre, porte à la couleur, et que le sucre et le vin
d'Espagne y contribuent pour le moins autant de leur côté;
c'est par ces raisons que cette cuisson réclame beaucoup de
soins ; un quart d'heure de trop suffirait pour changer cette
belle nuance pourprée en une teinte indécise et rembrunie.
« Il parait, quant à l'origine de ces gâteaux, que c'est réel-
lement le roi Stanislas Leczinski , beau-père de Louis XV, qui
les a fait connaître en France. Chez les augustes descendants de
ce bon roi (ce n'est pas moi qui parle, c'est Carême), on fait
toujours accompagner ce service des babas par celui d'une sau-
cière où Ton tient mélangés du vin de Malaga sucré avec une
sixième partie d'eau distillée de Tanésie. On a su par M"* la
comtesse Risleff, née comtesse Potoka et parente des Leczinski,
que le véritable baba polonais devait se faire avec de la farine
de seigle et du vin de Hongrie.
« On voit quelquefois à Paris de petits babas qui ont été
formés dans de petits moules, mais alors ils se dessèchent trop
aisément pour que l'on puisse approuver cette méthode écono-
mique, qui n'est usitée du reste que par les marchands pâtis-
siers.
« Avec des tranches de baba bien imbibées de vin de
202 BABJROUSSA.
Madère et trempées dans de la pâte à friture , on fait un plat
de beignets très-confortable et très-bien accueilli dans un déjeu-
ner de garçons. »
(D'après les traditions de la cour de Lunéville et suivant
la méthode de M. Carême, auteur du Cuisinier pittoresque.)
Si vous voulez confectionner un baba dans de plus petites
proportions, et qui suive de moins près les traditions de la cour
de Lunéville, dont ne pouvaient s'écarter un pâtissier comme
Carême et un gastronome comme M. de Courchamps, prenez
cette recette au livre de pâtisserie d'Audot ; servez-vous du
même levain que pour la brioche et des mêmes proportions
pour la pâte, en la tenant un peu plus claire; le mélange étant
fait, on assemble la pâte, on fait un trou où Ton ajoute 15 gr.
de sucre en poudre, 30 grammes de \ân de Madère, Malaga ou
rhum, 45 grammes de raisin muscat égrenés et coupés en deux,
autant de raisin de Corinthe, 8 grammes de cédrat confit coupé
en petits filets et un peu de safran en poudre; ce mélange doit
avoir la même consistance qu'avait le levain, soit en y ajoutant
un œuf ou de la crème ; mettez cette pâte dans un moule beurré
deux ou trois fois plus grand que le contenu de la pâte, faites
en sorte que le raisin ne touche pas aux parois du moule
où il se collerait, laissez reposer en lieu chaud jusqu'à ce qu'il
soit bien gonflé, faites cuire une heure et demie à une chaleur
très-douce, et le baba est parfait quand il prend une couleur
rougeâtre. On sert chaud de préférence.
BABEURRE (Lait de beurre). — Liqueur séreuse et
blanche que laisse le lait quand on Ta battu.
Cette liqueur forme un aliment très-estimé en Hollande,
au point que les domestiques, dans leurs engagements avec leurs
maîtres, mettent pour condition qu'on leur en donnera .une ou
deux fois par semaine. On se sert aussi du babeurre pour faire
du potage; il est nourrissant et rafraîchissant, et cependant
l'usage n'en convient point à tous les estomacs.
BABIROUSSA. — Espèce de sanglier avec lequel TEurope
vient de faire connaissance et que les curieux trouveront au
Jardin des plantes. Pline a dit de lui : « Aux Indes, il y a une
espèce de sanglier qui a sur son front deux cornes comme celles
d'un veau et des défenses comme celles d'un sanglier commun » :
Elien en fait aussi mention sous le nom de Quatre^comes.
« Ah! mon Dieu, mon ami, demandait une dame à son
mari, qu est-ce donc que cet animal qui, au lieu de deux cornes,
en a quatre ?
— Madame, dit un passant, c'est un veuf remarié; » et il
continua son chemin.
La couleur du babiroussa est cendrée ou sale, ses poils sont
laineux et courts, ses oreilles peu étendues, son train de derrière
plus élevé que celui de devant ; sa peau est mince et ne contient
pas de lard, sa chair a un goût fort agréable. On le mange
comme le sanglier.
Lorsqu'on chasse l'animal, il se jette à la mer, et, comme les
îles de l'archipel de Tlnde sont très-rapprochées, il passe de Tune
dans l'autre. Celui qui est au Jardin des plantes et qui vient
manger dans la main prouve que cet animal peut s'apprivoiser.
BACILE. — Plante du genre des ombellifères. Cette plante
croît sur les bords de la mer, au milieu des jrochers ; j'en ai
cueilli sur toutes les côtes de la Normandie; les tiges sont dures,
vertes, garnies de feuilles charnues, les folioles sont étroites,
les fleurs blanches, la saveur salée, piquante, aromatique, mais
avec tout cela très -agréable, on confit les tiges dans le vinaigre
et on les mange comme les cornichons et comme les achards.
BAGASSIER. — Arbre de la famille des artocarpies, origi-
naire de la Guyane. U produit un fruit de la grosseur de l'orange
moyenne, de couleur jaunâtre et recouvert d'une peau grenue ;
sa chair est ferme, succulente, de bon goût, et rafraîchit. Les
créoles et les indigènes la mangent avec plaisir.
BAIN-MARIE. — Manière de faire prendre certaines
sauces qui, posées directement sur le feu, se coaguleraient trop
vite. Le procédé est si connu que nous jugeons inutile d'en
donner l'explication.
BAKU. — Poisson du Japon, recherché à cause de la déli-
catesse de sa chair ; les habitants en jettent la tète, les intestins,
les os, le lavent et le nettoient avec beaucoup de soin, et, malgré
ces précautions, plusieurs personnes en meurent empoisonnées*
Lorsqu'un Japonais est dégoûté de l'existence, il se sert de ce
X
ao4 BALEINE.
poisson de préférence à tout autre moyen de destruction.
Scheutzer, dans son Histoire du Japon, dit que cinq personnes de
Nangasaka, ayant mangé un plat de baku, s'évanouirent, furent
prises de convulsions, de délire et d'un vomissement de sang
tellement violent, qu'elles en moururent en peu d'heures. Malgré
cela, les Japonais ne veulent pas s'abstenir d'un aliment qu'ils
trouvent très-délicat. Un édit de l'empereur défend expressément
aux soldats et aux employés de l'empire d'en manger ; ce poisson
se vend beaucoup plus cher que les autres.
BALACHAN. — Le balachan est une pâte qui se fait à Siam
et à Tonquin, avec des crevettes; on les pile avec du sel pour en
former une espèce de saumure épaisse, qu'on fait cuire au soleil
pendant plusieurs jours; on a soin de la remuer de temps en
temps, ce qui répand au loin une odeur affreuse. Cette pâte sup-
plée au beurre, fortifie l'estomac, excite l'appétit. A Tonquin on
lui donne le nom de nuxman^ on la mange avec le riz et on en
assaisonne aussi les viandes.
BALAOU. — Poisson de la forme et de la longueur de la
sardine ; sa mâchoire inférieure a un bec assez fort, mince et
pointu comme une aiguille. La chair de balaou est ferme, déli-
cate, de bon goût et de facile digestion. Ce poisson est abondant
à la Martinique, où on le pêche aux flambeaux.
BALEINE. — La baleine est le plus grand des mammifères;
il y a des baleines qui ont jusqu'à 65 mètres de longueur; l'in-
térieur de son corps ressemble à celui des animaux terrestres;
son sang est chaud; elle respire par le moyen des poumons, ce
qui fait qu'elle ne peut rester plus d'un quart d'heure sous l'eau ;
elle saccouple comme les vivipares, et elle nourrit son caffre de
lait. Caffre est le .nom que les baleiniers donnent au petit de la
7\ 4 baleine. La baleine n'a qu'une mamelle, placée juste au milieu
de la poitrine. On ne sait comment le caffre fait pour boire.
Nage-t-il sur le dos et boit-il en faisant la planche? Le procédé
dont il se sert est bien plus simple que ça, il pousse la mamelle
de sa mère d'un violent coup de museau, la mamelle laisse alors
sortir un long jet de lait, il se précipite sur ce lait, l'avale avec
l'eau à laquelle il est mêlé, puis rend immédiatement l'eau par
les ouies ou par les évents et ne garde que le lait. Il est assez
BANANIER. aof
curieux que la baleine, le plus pesant des poissons, voyage aussi
rapidement que le pigeon , T.un des QÎseaux les plus légers : tous
deux font soixante-quatre kilomètres à l'heure.
C'est une baleine qui a résolu ce problème difficile de
savoir sMl y avait au-dessous de Tisthme de Panama un passage
de l'Atlantique au Pacifique. Une baleine, frappée d'un coup
mortel dans le golfe du Mexique, était trouvée deux heures
après morte dans l'océan Pacifique. Comme elle n'avait eu le
temps de passer ni par le cap Horn, ni par le détroit de Lemaire,
ni par celui de Magellan, attendu qu'il lui eût fallu faire près
de trois mille lieues, on fut bien obligé de convenir qu'elle avait
dû trouver un passage sous-marin. On put reconnaître le moment
où elle avait été blessée, par l'inspection du harpon qui l'avait
frappée à mort et qui était demeuré fixé dans la plaie. Ce harpon,
comme tous les harpons de baleinier, portait son numéro, et, sur
le registre de bord, on put voir quel jour et à quelle heure il
avait été lancé; le harpon avait été lancé dans le golfe du Mexique,
et vingt-quatre heures plus tard la baleine était trouvée morte
dans le Pacifique.
La peau de la plupart des baleines est noire, la chair est
rouge et ressemble à celle du bœuf. Cette chair et surtout celle
du cébillot , la plus grosse de toutes les baleines , est tellement
bonne et saine que les pêcheurs et le commun peuple maritime
lui attribuent la santé parfaite dont ils jouissent.
BALISTE (le caper de Pline). Poisson cartilagineux dont
les couleurs sont vives et brillantes; il fait, quand on le prend, un
bruit semblable au grognement du porc ; sa chair est excellente,
ce poisson était à Athènes d'un prix exorbitant.
BAMBOU. — Grand roseau indien dont on fait des cannes.
Il contient un suc dont les Indiens sont friands ; c'est de chacun
de ses nœuds que découle une liqueur saccharine, qui par l'action
de la chaleur solaire se convertit en larmes de sucre. Les anciens
ne connurent que le sucre de canne et le sucre de bambou. Les
jeunes rejetons du bambou forment une espèce de composition
au vinaigre et à la moutarde, qui a pris le nom de son inventeur,
Achar.
BANANIER. — Plante des Indes orientales et occidentales.
\
2o6 BARAQUILLE.
En Orient, la banane passe pour être le fruit défendu dans
lequel mordit notre grand'mère Eve. Elle rend aux pauvres gens
le même service que chez nous la pomme de terre aux ouvriers.
Aux Antilles et à Cayenite on en fait un vin, qui porte le nom de,
vin de bananes.
BANQUE. -T- Chanvre des Indes, qu'Adanson croit être le
népenthès des anciens et qu'il est le haschisch des modernes.
BAR. — Poisson de mer qui ressemble à notre mulet; très-
délicat lorsqu'il ne dépasse pas le poids de deux à trois kilos, il
devient dur et désagréable à manger lorsqu'il atteint le poids de
quinze à vingt kilos. J'ai péché à Trouville un bar qui pesait
vingt-trois kilos ; il était coriace et avait perdu presque toute sa
sapidité.
Il n'y a guère qu'une façon de manger ce poisson; c'est de
l'apprêter avec un court-bouillon, composé de 125 grammes de
beurre salé, de cinq ou six grandes tiges de persil auxquelles on
aura laissé leurs racines, et on le mangera avec une sauce
hollandaise.
BARAGOUIN. — Beaucoup de nos lecteurs vont Vétonner
de trouver ce mot dans notre dictionnaire de cuisine; mais, quand
ils auront lu l'anecdote qui suit, ils comprendront et nous par-
donneront sûrement d'y avoir intercalé le mot baragouin.
Deux Bretons, qui voyageaient, se trouvèrent dans une
ville où l'on ne parlait que français. Pressés par la faim, ils s'éver-
tuaient à crier dans leur vieille langue celtique bara-guin sans
que personne les comprît ; enfin, ils firent tant de gestes qu'on
finit par deviner qu'ils avaient faim et soif, et on s'empressa de
les nourrir. 1
Et voilà comment le mot français baragouin^ qui signifie
langage incompréhensible, a été formé, de bara qui veut dire
pain, et de guin qui veut dire vin en langue bretonne.
BARAQUILLE. — Espèce de pâtisserie, composée d'une farce
faite avec des filets de perdrix, de poulardes, des ris de veau, des
champignons, des truffes vertes, hachés ensemble, et dans laquelle
on ajoute un bon morceau de beurre bien frais et des fines herbes;
on enferme le tout dans une pâte de feuilletage très-légère ;
c'est un hors-d'œuvre de pâtisserie de la nature des rissoles.
BARBEAU, BARBILLON. 207
BARBE DE BOUC. — Clavaire coralloïde de Linné, plante
ressemblant au salsilis et se mangeant cuite à Teau ou frite,
comme ce dernier.
Il y a une autre espèce de barbe dé bouc, plus petite, dont
on mange les jeunes pousses comme les asperges. On dit que
c'est avec cette racine que Jules César nourrit son armée lors-
qu'elle se trouva dénuée de vivres et entourée de toutes parts par
celle de Pompée.
BARBE DE CAPUCIN. — Chicorée sauvage, variété de
l'endive, dont on mange les feuilles en salade.
La barbe de capucin est upe des salades les plus estimées,
très-saine, et l'une des plus nourrissantes, la meilleure peut-être
de toutes, quoique légèrement amère ; c'est la seule que les méde-
cins permettent quelquefois aux malades convalescents.
On la mange le plus ordinairement avec des rouelles de
betteraves et assaisonnée de sel, poivre, huile, vinaigre, et sans
herbes.
BARBE DE CHÈVRE. — Fleur en rose, espèce de cham-
pignons que l'on trouve au pied des arbres; il a différentes cou-
leurs, rouge ou violet, ou grenat, et n'est pas vénéneux, quoique en
général un peu coriace et par conséquent de diffîcile digestion.
On les emploie comme les champignons ordinaires dans les
sauces ; les barbes de^chèvre se confisent aussi au \4naigf e, après
les avoir passées à Teau bouillante.
BARBEAU, BARBILLON. — Poisson doué de deux noms,
mais qui ne fait qu'un ; il est oblong, de grandeur moyenne, couvert
de légères écailles, et doit son nom à quelques filaments de chair
qui lui servent de moustaches. Ses œufs sont un purgatif assez
violent; il n'y a donc pas de mal à les lui titrer du corps avant de le
faire cuire, car leur seule présence dans l'animal pourrait amener
des inconvénients. Prenez un barbillon de moyenne grandeur,
où il y ait à manger pour quatre personnes, videz, écaillez, et
essuyez avec soin ; mettez-le dans un plat de terre, ajoutez quatre
cuillerées à bouche d'huile, trois pincées de sel et trois prises de
poivre; une demi-heure après, faites-le griller à feu modère;
mettez-le sur le plat, couvrez-le avec un hecto de maître-d'hôtel,
arrosez de citron, et servez.
ao8 BARBOTE.
Vous pouvez manger le barbillon en matelote en l'ajoutant àla
carpe et à Tanguille; il est indispensable à la matelote marinière.
Barbillon à Vétuvée. — Après avoir écaillé et vidé les bar-
billons, faites cuire au vin rouge, le bourgogne est le meilleur,
avec sel, poivre, girofle, bouquet garni, et un gros morceau de
beurre; quand ils sont cuits, liez la sauce avec un peu de beurre
manié de farine ou de farine de riz.
Barbillon au court- bouillon. — Prenez le plus beau bar-
billon que vous pourrez trouver, videz; n'écaillez pas, mettez
dans un grand plat , avec sel et poivre , et arrosez de vinaigre
bouillant, puis faites partir à grand feu, dans une poissonnière,
vin, verjus, sel, poivre, clous de girofle, laurier, oignons blancs,
zeste de citron et bouquet garni ; après ébuUition, faitescuire dans
la poissonnière jusqu'à suffisante réduction du bouillon. Écaillez,
dressez sur une serviette et garnissez de cresson.
A part la quantité d'arêtes dont sa chair est hérissée , c'est
alors un excellent plat.
Barbeau sur le gril. — Videz, écaillez, incisez sur le dos
le poisson, frottez avec beurre et sel fin, et grillez. La chose faite,
dressez avec une sauce aux anchois. On peut y ajouter des huîtres
marinées. Toutes les sauces, d'ailleurs, vont à ce poisson d'excel-
lent caractère.
Sauce verte (avec des anchois et une pointe (l'ail ) , sauce
hollandaise , sauce blanche avec des câpres et des olives tour-
nées.
BARBOTE. — Poisson de rivière et de lac. Les barbotes
qui vivent dans un lac sont moins délicates que celles que Ton
pèche dans la rivière, attendu que leur chair sent la vase et se
digère difficilement. Le foie, au contraire, a une saveur très-
agréable; il est fort gros relativement au volume du poisson ;
quelques gourmands prétendent même qu'il n'y a que le foie de
bon à manger.
Limonez votre barbote à l'eau bouillante pour la nettoyer,
videz-la et jetez les œufs ; faites votre court-bouillon d'avance ,
parce qu'il ne leur faut qu'une vague de bouillon pour cuire.
Petites, les barbotes entrent comme garniture de matelote, bouille-
à-baisse, bouride et autres ragoûts de poisson; elles font d'excel-
BARBUE. 209
lentes fritures, et leur foie, dont j'ai déjà parlé, se compare
comme finesse à celui de la lotte.
Barbote à la royale. — Videz, écaillez, farinez, faites frire
les barbotes ; faites pendant ce temps un roux dans une casserole
avec des anchois fendus, sel, poivre, muscade, jus d'oranges
amères, rf:àpres, grains de verjus; faites cuire doucement, entou-
rez de persil et écorces de citron, si vous n'avez pas de biga-
rades.
Barbote à la casserole. — Apprêtez comme à la royale;
mettez le foie à la casserole avec du beurre et une demi-cuillerée
de farine; mettez-y vos poissons, arrosez-les devin blanc, salez,
poivrez, laissez tomber un bouquet de fines herbes, un peu de
citron vert, des champignons; cuisez à point, garnissez de cham-
pignons et entourez-les de croûtons frits. Ajoutez-en d autres
cuits de la même façon si vous jugez à propos; pressez un citron
vert et entourez vos barbotes de leur foie, que vous alternerez
avec des croûtons passés à la friture.
BARBUE. — La forme de ce poisson est rhomboïde; sa peau
est revêtue d'écaillés ovales et unies; le côté gauche est marbré
de jaune, de brun et de rouge. A Paris, on donne souvent à la
barbue le nom de carrelet; elle est fort abondante dans la Médi-
terranée, sur les côtes de Sardaigne, ainsi qu'autour des îles
Açores; elle pèse parfois jusqu'à 10 kilogr. Sa chair est ferme et
exquise : les amateurs la préfèrent à celle du turbot; on ne doit
cependant pas en faire excès, étant d'assez difficile digestion.
Dans le fleuve Saint- Louis de la Louisiane, on trouve deux
espèces de barbue, la grande et la petite ; la première a presque
I mètre à i",3o de long; sa tête est très-grosse, son corps se ter-
mine en pointe; elle n'a d'écaillés que celles du milieu. Sa chair
ressemble à celle de la morue fraîche du pays , qui est excel-
lente ; on la sale aussi. La petite est d'une longueur de 60 à
70 centimètres; sa tête est large, son corps n'est pas aussi rond
que celui de la première^ et ne se termine pas en pointe, mais la
chair en est encore plus délicate.
Videz, lavez, nettoyez l'intérieur de votre barbue; faites une
incision du côté droit jusqu'au milieu du dos, relevez les chairs
des deux côtés et enlevez un morceau d'arêtes de trois joints ou
14
aïo BARBUE.
nœuds, ce qui donnera de la souplesse et empêchera qu'il ne se
fende; mettez de Teau dans un chaudron en assez grande quan-
tité pour que cette eau, versée du chaudron dans la turbotière,
enveloppe entièrement votre barbue; joignez -y une poignée de
-gros sel, deux feuilles de laurier, du thym, du persil, six à dix
oignons coupés par tranches; faites bouillir le tout tn quart
d'heure, passez au tamis et laissez reposer ; versez sur la barbue
que vous aurez placée le ventre en dessus, et dont vous aurez
frotté le ventre avec du sel et du jus de citron, versez le court-
bouillon bien éclairci et laissez-lui donner quelques vagues; laissez
mijoter une heure sans bouillir, plus si le poisson est très-gros.
En été, il faut le faire partir à feu vif, car à feu doux il pourrait
se corrompre; couvrez-le pendant la cuisson d'une serviette ou
d'un papier pour empêcher de noircir; quand il fléchit sous le
doigt, il est cuit. La cuisson fisiite , vous le retirez cinq minutes
avant de servir, vous le laissez égoutter; vous le parez sur un
plat, le ventre en dessus; vous coupez les extrémités des barbes
et le bout de la queue; masquez les déchirures, s'il y en a, avec
le persil dont vous l'entourez ; servez dans une saucière une sauce
aux câpres, une autre à l'huile, et une autre, si vous voulez, à la
hollandaise; on peut le mettre cuire dans l'eau avec 500 gr.
de sel blanc^ un litre de lait et une pointe de citron ; s'il n'est
pas très-frais, mettez-le dans l'eau salée bouillante, et laissez
mijoter une heure pour le raffermir.
Barbue marinée à la tomate ou à Voseille, — Après l'avoir
vidée , l'avoir incisée sur le dos pour lui faire prendre la mari-
nade pendant deux heures, avec sel, poivre, verjus, ciboule, citron,
poudrez-la de mie de pain et de fine chapelure, faites cuire au
four dans une tourtière , et servez sur une purée de tomates ou
d'oseille.
Barbue à là béchamel. — Faites bouillir votre court-bouillon
à part pendant vingt minutes , tamisez , frottez de citron votre
barbue, versez sur elle et dans la turbotière le court-bouillon
composé avec moitié lait, moitié eau, avec des oignons coupés en
tranches, du sel, des ciboules, du thym, du laurier, du persil, de
l'ail, du girofle et du gros poivre. Faites cuire sans gros bouil-
lons et couvrez d'une béchamel au maigre. (F. Béchamel.)
BARTAVELLE. an
Barbue à la parmesane. — Levez les chairs d'une barbue
après qu'on Ta desservie , faites-les chauffer dans une béchamel
épaisse, arrangez le tout sur un plat en unissant bien le dessus,
panez, saupoudrez de parmesan, faites prendre couleur sous un
four de campagne ou avec une pelle rougie; beurre fondu et mie
de pain par-dessus.
Barbue à la provençale. — Marinez et faites frire une barbue,
levez la chair en filets, et servez avec une sauce aux anchois et
des olives.
On sert les petits turbots et les petites barbues au gratin,
comme on fait pour les merlans et les limandes.
BARDANE. — Genre de la famille des flosculeuses, plante
ressemblant au chardon, dont elle se distingue par son involucre
presque globuleux, formé d'écaillés allongées et droites, termi-
nées à leur sommet par une pointe recourbée en crochet.
Les jeunes pousses de la bardane, cueillies au printemps,
offrent une saveur assez agréable, ressemblant à celle de l'arti-
chaut et sont quelquefois recherchées, par les habitants des cam-
pagnes, comme aliment.
En Ecosse, les jeunes pousses, et même la racine écorcée,
servent à l'alimentation ; on l'accommode comme les cardons ou
bien on mange sq% feuilles en salade.
Cet aliment est sain, de saveur agréable, mais il nourrit peu.
BARDES. — Tranches de lard très-minces dont on couvre
une pièce qu'on met rôtir. On garnit aussi souvent de bardes le
fond des casseroles.
Barder. — Envelopper de bardes de lard : « On barde une
volaille, mais on fonce une casserole, » — Courchamps.
BARGE. — Oiseau aquatique, ressemblant au courlis, il est
fort commun en Egypte, où il est fort estimé à cause de l'excel-
lente saveur de sa chair, qui nourrit et se digère bien.
On trouve aussi des barges sur les bords des mers du Nord.
BARNACHE. — Espèce d'oie de passage, qui habite géné-
ralement les côtes de la mer. Sa chair est assez bonne à manger,
quoique de difficile digestion.
Elle ne convient dond pas aux estomacs fatigués ou affaiblis.
BARTAVELLE. — : Un des noms de la perdrix grecque.
2ia BAUDROIE.
Cet oiseau est plus gros que la perdrix rouge , à laquelle il res-
semble beaucoup; le dos est d'un gris roussâtre, la poitrine est
grise, le ventre est roux ; cet oiseau, répandu dans tout TOrient,
ainsi qu'en Sicile et à Naples, ne descend jamais dans la plaine;
sa chair est blanche, fort estimée, quoique d'une saveur résineuse
un peu amère, on la trouve principalement dans les Alpes, quel-
quefois dans les vallées du Grésivaudan, du Viennois et du Valen-
tinois. Elle est d'origine attique; c'est le bon roi René d'Anjou
qui a doté sa chère province de ce fin gibier. Un des Scaliger
ajoute que la bartavelle est originaire du mont Olympe et qu'elle
a conservé le sentiment de sa grandeur, vu qu'elle ne se plaît que
dans les hauts lieux, pour y régner en souveraine. Le père Poiré
a dit qu'il y avait la même distance entre les bartavelles et les
perdrix qu'entre les pêches et les châtaignes; Cyrano de Bergerac
estime que les bartavelles sont aux perdreaux ce que les cardi-
naux sont aux simples moines mendiants. Enfin, M. de la Rey-
nière a dit que les bartavelles méritaient un si profond respect,
qu'on ne devrait les manger qu'à genoux; l'auteur des Mémo/re^
de madame de Créqui conseille de les piquer de lardons très-
fins, ou encore de les barder, s'ils sont très-jeunes, et de les servir
en ïuperbe plat de rôti. Mais M. Vuillemot a posé ce principe,
qu'il ne fallait jamais piquer le gibier, et nous nous inclinons
devant cette autorité.
BATONS ROYAUX. — Nous citons ce mets, qui remonte à
Charles VII, plutôt à cause de son antiquité que comme hors-
d'œuvre culinaire. C'est une farce très-fine, faite avec de la chair
de volaille et du gibier. Vous roulez ce hachis, vous l'enveloppez
dans des abaisses de pâte fine et vous les faites frire. On les enfile
souvent avec des hâtelets, et on les emploie à garnir une pièce de
bœuf.
BAUDROIE. — Poisson fort commun sur les côtes de Gênes,
dans la Manche et dans l'Océan; il ressemble au têtard et est
très-habile à la pêche des autres poissons plus petits, ce qui l'a
fait surnommer grenouille pêcheuse.
Sa chair est blanche et bonne comme celle de la gre-
nouille ; les habitants du Languedoc le mangent, comme cette
dernière.
BECASSE. an
BAVAROISE. — Boisson chaude , qui se fait avec du sirop
de capillaire, délayé dans une infusion de thé ; selon la substance
avec laquelle elle se confectionne, on l'appelle bavaroise à Teau,
bavaroise au thé, bavaroise au chocolat. Boisson adoucissante et
soporifique.
BÉCASSE, BÉCASSINE et BÉCASSEAU. —C'est le premier
des oiseaux noirs et la reine des marais. Pour son fumet déli-
cieux, la volatilité de ses principes et la finesse de sa chair, elle
est recherchée par les gourmets de toutes les classes. Ce n'est,
hélas ! qu'un oiseau de passage. Mais on en mange pendant plus
de trois mois de Tannée. Les bécasses à la broche sont, après le
faisan, le rôti le plus distingué. On vénère tellement ce précieux
oiseau , qu'on lui rend les mêmes honneurs qu'au grand lama ;
des rôties mouillées d'un bon jus de citron, reçoivent ses déjec-
tions et sont mangées avec respect par les fervents amateurs.
Eléazar Blaze, grand chasseur et en même temps grand cui-
sinier, donnait en ces termes son opinion sur la bécasse : a La
bécasse est un excellent gibier lorsqu'elle est grasse; elle est tou- ^
jours meilleure pendant les gelées; on ne la vide jamais. En
pilant les bécasses dans un mortier, on fait une purée délicieuse ;
si l'on met sur cette purée des ailes de perdrix piquées, on obtient
le plus haut résultat de la science culinaire. Autrefois , quand
les dieux descendaient sur la terre, ils ne se nourrissaient pas
autrement. Il ne faut pas manger la bécasse trop tôt, son arôme
ne serait pas assez développé, vous auriez une chair sans goût et
sans saveur ; apprêtée en salmis , son parfum se marie très-bien
avec celui des truffes. Mise en broche avec une cuirasse de lard,
elle doit être surveillée par l'oeil du chasseur; une bécasse trop
cuite rie vaut rien. Mais une bécasse cuite à point, placée sur sa
rôtie dorée et onctueuse, est un des morceaux les plus délicats et
les plus savoureux qu'un galant homme puisse manger; et lors-
qu'il a la précaution de l'arroser d'excellent vin de Bourgogne, il
peut se flatter d'être un excellent logicien.
« Un président du tribunal d'Avignon , avait dîné chez le
préfet. En sa double qualité de gourmand distingué, de chasseur
intrépide, il officiait toujours en conscience. Après avoir pris sa
tasse de café pour faciliter la digestioiï,. il en était à son troisième
214 ' BECASSE.
petit verre pour faciliter le passage du café, lorsque son amphi-
tryon l'aborde et lui demande s'il a bieji dîné. — Mais... oui...
— Cette réponse semble accompagnée de restrictions. — J'ai
assez bien dîné. — Assez bien ne signifie pas bien. — Si, si, j'ai
bien dîné. — Je vous devine monsieur le président, vous regrettez
ces deux belles bécasses qui n'ont pas été découpées. — Ma foi,
j'en aurais bien mangé ma part. — Attendez un instant, on va
vous les servir. — Après le café?... après la liqueur?.., c'est
impossible. — Rien n'est impossible aux estomacs comme le
vôtre.
« Le préfet donna l'ordre, une petite table est dressée dans
le cabinet voisin, on sert les deux bécasses et le bienheureux pré-
sident les mange. »
On croit que les anciens n'ont pas connu la bécasse ; elle est
de la grosseur de la perdrix, le bec est fort long, le plumage agréa-
blement varié, l'oeil fort large. La bécasse est répandue dans tout
l'ancien continent, on la trouve aussi en Amérique. En été, elle
va en Suisse, en Savoie, sur les Pyrénées et les Alpes; on en
prend le matin sur la lisière des bois, son vol est soutenu, elle
vole très-vite , elle est stupide et ne voit, dit-on, rien qu'au cré-
puscule. La chair de cet oiseau aux pattes noires est excellente
comme celle des oiseaux sauvages, elle n'est cependant pas du
goût de tout le monde, elle ne convient ni aux mauvais estomacs,
ni aux bilieux, ni aux mélancoliques, mais à ceux qui font de
l'exercice. Elle est meilleure en automne. On dit que dans la
bécasse tout est bon ; c'est le gibier dont les chasseurs font le
plus de cas, l'odeur et la saveur de cet oiseau déplaisent aux
chiens auxquels on a beaucoup de peine à faire rapporter une
bécasse.
Bécasse y Bécasseau ou Bécassine à la broche. — Prenez
quatre bécasses, flambez-les, épluchez-les et retirez la peau de la
tète, retroussez les pattes et percez-les avec leur propre bec.
Piquez les maigres, bardez les grasses, traversez-les d'un hâtelet
fixé des deux bouts. Disposez sous la broche des rôties de pain,
qui recevront la graisse et devront être assaisonnées avec mignon-
nette, huile verte et citron. La cuisson des bécasses sera d'une
demi-heure. Les bécasses seront dressées sur les rôties.
BECASSE. 21$
Q4utre manière de ^es servir à la broche. — Videz-les entière-
ment par le dos et remplissez-les à moitié de lard râpé, avec
persil , échalotes , ciboule, gros poivre et sel ; farcissez ainsi vos
bécasses, recousez-les; le reste comme ci-dessus. Si c'est pour les
Anglais, servez-les avec une sauce au pain.
Salmis de bécasses. — Embrochez trois bécasses, levez-en les
membres, procédez pour ce salmis comme pour celui de perdreaux,
c'est-à-dire finissez-le un quart d'heure avant de servir, mettez
les membres de votre gibier à part, ajoutez à votre sauce une
cuillerée à dégraisser de gelée d'aspic, posez-le à plat sur la glace
ou sur l'eau sortant du puits, remuez bien cette sauce jusqu'à ce
qu'elle prenne ; une fois à son degré trempez-y les membres des
bécasses, les uns après les autres, dressez-les sur votre plat de
service, couvrez-les du reste de la sauce, garnissez votre entrée
de croûtons passés dans du beurre, décorez-la tout autour avec
de la gelée taillée à facettes.
Salmis de bécasses à la royale. — « Préparez trois bécasses,
lardez-les, faites-les cuire à la broche, laissez-les refroidir,
levez-en les membres, ôtez-en la peau, parez-les, rangez-les
dans une casserole avec un peu de consommé, posez-les sur une
cendre chaude et faites en sorte qu'elles ne bouillent pas. Coupez
six échalotes, un peu de zeste de citron, mettez-les dans une
autre casserole avec du vin de Champagne, faites bouillir, con-
cassez vos carcasses de bécasses, mettez-les dans votre casserole,
ajoutez-y quatre cuillerées de consommé réduit ou de glace de
viande, faites réduire le tout à moitié, passez cette sauce à Téta-
mine, mettez entre ses membres des croûtons de pain passés
dans du beurre, ajoutez à la sauce un jus de citron. » (Méthode
de M. de Courchamps.)
Salmis de bécasses de table à l'esprit-de-vin. — Faites rôtir
vos bécasses, dépecez-les; mettez-les dans un plat sur un réchaud.
Salez, poivrez, ajoutez un peu d'échalote, un verre de vin blanc,
du citron, du beurre, panez avec de la chapelure et laissez mijo-
ter dix minutes.
Salmis de bécasses au chasseur. — Vos bécasses sorties de la
broche, vous les dépecez, vous les mettez à la casserole avec
l'intérieur et le foie haché, de la ciboule, des échalotes, du vin
ai6 BECASSE.
blanc, du sel, du poivre fin; vous faites bouillir deux ou trois
fois et vous servez sur des croûtons.
Ct4 M. oilexandre Dumas ^ à Paris.
« Cher maître,
« A propos de votre grand ouvrage sur Voârt culinaire, vous
me demandez si je pourrais vous enseigner quelques recettes
originales de la cuisine de mon pays? Que pourrais- je vous
apprendre, à vous le grand savant qui possédez depuis bien long-
temps le peu de science que ma jeunesse m'a permis d'acqué-
rir?... Rien!... Ce que mon inexpérience remarque n'attire seu-
lement pas votre attention.
« Cependant, voici un plat fort apprécié chez moi et que je
n'ai vu figurer sur aucune carte de restaurant, ce qui ne veut pas
dire qu'il ne soit pas dans un recueil complet de cuisine bour-
geoise. Enfin, je vous le fais connaître à tout hasard, dans l'espoir
de pouvoir vous être agréable :
« Bécasses brûlées au rhum à la Bacquaise, — Les bécasses,
après avoir été dressées comme il convient, embrochées sous les
ailes afin de ne pas léser les instestins, sont placées devant un feu
assez vif. La viande de ces oiseaux, de même que celle des
palombes, a besoin d'être saisie si l'on veut qu'elle conserve son
fumet.
« Dans la lèchefrite qui doit recevoir le jus, vous placez une
rôtie de pain fortement frottée d'ail ; cette rôtie, manière d'épongé,
boit les déjections et le jus de Tanimal.
« Les bécasses cuites à point, la chair doit être légèrement
rouge, on les livre au dépeceur qui, après avoir enlevé délicate-
ment les quatre membres, retire avec une petite cuiller tout l'in-
térieur; il cherche soigneusement le fiel afin de l'ôter, et, ayant
écrasé avec le dos d'une fourchette les intestins dans un plat
creux, il les étend sur la rôtie, poivre, sale, et vide sur le tout un
bon verre de vieux rhum. Aussitôt la liqueur enflammée, pendant
que l'opérateur, ordinairement le plus vieux chasseur, agite
d'une main le rhum avec la cuiller afin d'augmenter la violence
BECASSE. 217
de la flamme, de l'autre main, armée de la fourchette, il prend
et promène chaque morceau de gibier sur la flamme bleuâtre.
(c Le sacrifice accompli. . ., la rôtie divisée, placée sous chaque
quartier, est aussitôt passée aux gourmets qui se disputent les
dernières gouttes de cette sauce merveilleuse.
Cl L'accessoire dans ce plat vaut mieux que le principal.
C'est d'ailleurs un mets on ne peut plus délicat et savoureux. »
B. S.
Bécasses aux truffes. — Prenez des bécasses^ flambez-les,
videz-les par le dos, ôtez-en les intestins. Vous aurez eu le soin
d'éplucher d'avance des truffes selon la quantité de bécasses que
vous aurez. Ayez soin de faire cuire ces truffes dans du lard râpé
avec sel, poivre, fines épices, ciboule et persil hachés; laissez
bien refroidir aux trois quarts^ hachez les intestins, mêlez-les
avec vos truffes, remplissez de ce hachis le corps de vos bécasses,
cousez-leur le dos, retroussez-les, bardez-les, mettez-les à la
broche ou dans une casserole et faites cuire feu dessus et
dessous.
Bécasses à la minute. — Vous les flambez et parez, vous les
mettez dans une casserole avec un gros morceau de beurre sur
un feu ardent, des échalotes hachées, de la muscade râpée, du
sel et du gros poivre, puis, quand vous les aurez fait sauter
pendant huit ou dix minutes, vous y mettrez le jus d'un citron,
un demi-verre de vin blanc, un peu de chapelure de pain. Vous
les laissez cuire jusqu'à ce qu'elles aient jeté un ou deux bouil-
lons et vous servez.
Bécasses à la Périgueux. — Bridez trois bécasses pour
entrée, mettez-les dans une casserole , couvrez-les d'une barde
de lard, puis mouillez-les avec deux décilitres de vin de Madère
et quatre décilitres de Mirepoix; faites cuire les bécasses, égout-
tez-les et débridez-les. Dressez-les en triangle sur le plat et
saucez-les avec une sauce de Périgueux à Tessence de bécasse.
(Recette de Jules Gouffé.)
Hachis de bécasses en croustades. — Faites cuire trois
bécasses à la broche; lorsqu'elles sont froides, levez-en les
chairs, hachez le plus fin possible après avoir supprimé les
ai8 BECASSE.
peaux, ôtez le gésier du corps de vos bécasses, pilez-en les débris
ainsi que les intestine, versez dans une casserole un bon verre de
vin de Champagne avec trois ou quatre échalotes coupées.
Lorsque ce vin aura jeté un bouillon ou deux, mêlez-y quatre cuil-
lerées à dégraisser pleines d'espagnole réduite; faites bouillir,
retirez vos carcasses du mortier, mettez-les dans votre sauce et
délayez-les sans les faire bouillir ; passez-les à Tétamine à force
de bras, ramassez le tout. Mettez dans une casserole votre purée,
tenez-la chaudement au bain-marie. Faites d'égale grosseur et
longueur sept ou neuf croûtons en cœur ou en rond, le tout de
l'épaisseur de trois travers de doigts; faites-les frire dans du
beurre, qu'ils soient d'une couleur agréable, vous leur aurez fait
du côté où vous voudrez les servir une petite incision convenable
à leur forme; videz-les comme vous feriez d'un pâté chaud,
mettez votre hachis dans votre sauce, incorporez bien le tout
ensemble, ajoutez-y un pain de beurre, goûtez si ce hachis est
d'un bon goût, remplissez-en vos croustades, dressez-les, mettez
sur chacune un œuf frais poché et servez.
Sauté de filets de bécasses. — Prenez quatre, six ou huit
bécasses, selon le nombre de vos convives, levez leurs filets, met-
tez-les sur un sautoir avec du beurre à demi fondu, du sel, du
gros poivre et du romarin en poudre. Au moment de servir, faites
passer sur un feu ardent; égouttez, dressez en couronne, séparez
par un croûton chaque morceau. Mettez un verre de vin blanc
pour huit bécasses, une feuille de laurier, un clou de girofle;
laissez réduire. Cela fait, ajoutez un demi-verre de vin blanc,
une Xd.ssQ de bouillon, tamisez et versez sur vos filets.
Terrine de bécasses à V ancienne mode, — « Piquez de gros
lard, sans les vider, mais après avoir ôté le gésier, quatre
bécasses; garnissez le fond d'une braisière de bardes de lard et de
tranches de bœuf battues, ajoutez-y sel, poivre, bouquet garni,
oignons coupés par tranches, carottes, panais, ciboules entières
et persil haché, un peu de basilic et d'épices; couchez-y les
bécasses lestement dessous; assaisonnez sur le dos comme vous
avez fait sur l'estomac; ajoutez des tranches de bœuf ou de veau
et des bardes de lard. Couvrez la braisière de charbon et faites
cuire feu dessus et dessous. Mettez dans une casserole un peu de
BECASSE. ai9
jambon et de lard coupé en dé. Laissez roussir un peu, ajoutez
persil, ciboules, champignons hachés; passez le tout ensemble,
mouillez avec du jus, ou à défaut avec du bon bouillon, et,
lorsque tout est cuit, liez la sauce en y ajoutant un peu de coulis
de veau et de jambon, ou du beurre d'anchois manié de farine
et une demi- cuillerée de câpres. Quand les bécasses sont cuites,
retirez-les de la braisière, égouttez-les, dressez-les dans la terrine
et versez par-dessus la sauce ci -dessus; c'est ce qu'on nomme
sauce hachée. C'est, à un détail près, la méthode de l'auteur des
Mémoires de la marquise de Créquy.
Salmis de bécassines des Bernardins, — « On prend quatre
bécassines (on se réglera quant aux doses sur le nombre et la
grosseur des pièces) rôties à la broche mais peu cuites; on les
divise selon les règles de l'art, ensuite on coupe en deux les ailes,
les cuisses, l'estomac et le croupion ; on range à mesure ces mor-
ceaux sur une assiette.
(( Dans le plat sur lequel on a fait la dissection, et qui doit
être d'argent, on écrase les foies et les déjections des oiseaux et
Ton exprime le jus de quatre citrons bien en chair et les zestes
coupés très-minces d'un seul. On dresse ensuite sur ce plat les
membres découpés qu'on avait mis à part; on les assaisonne avec
quelques pincées de sel blanc et de poudre d'épices fines (à défaut
de cette poudre on mettra du poivre fin et de la muscade), deux
cuillerées de l'excellente moutarde de Maille et Aclocque ou de
Bordin et un demi-verre de très-bon vin blanc. On met ensuite
le plat sur un réchaud à l'esprit-de-vin et Ton remue pour que
chaque morceau se pénètre de l'assaisonnement et qu'aucun ne
s'attache.
« On a grand soin d'empêcher le ragoût de bouillir; mais,
lorsqu'il approche de ce degré de chaleur, on l'arrose de
quelques filets d'excellente huile vierge. On diminue le feu
et l'on continue de remuer pendant quelques instants. Ensuite
OH descend le plat et l'on sert de suite et à la ronde, sans céré-
monie, ce salmis devant être mangé très-chaud.
« Il est essentiel de se. servir de sa fourchette en cette occa-
sion, dans la crainte de se dévorer les doigts, s'ils avaient touché
à la sauce. » (oAlmanach des gourmands, année 1806.)
aao BEC-FIGUE.
BEC- FIGUE. — Les anciens l'appelaient olvis Cypria.
oiseau dé Chypre, parce que, en Grèce et à Rome, on le faisait
venir de Chypre, confît dans la saumure,
« Le bec-figue, comme la caille et Tortholan, cuit dans du
papier beurré, sous la cendre, ne laisse rien à désirer pour la
saveur. » (Vuillemot.)
Brillât-Savarin, qui possède pour le bec-fîgue une grande
affection, dit :
« Parmi les petits oiseaux, le premier, par ordre d'excellence,
est sans contredit le bec-figue.
« Il s'engraisse au moins autant que le rouge-gorge et l'or-
tolan; la nature lui a donné, en outre, une amertume légère et
un parfum unique si exquis qu'ils engagent, remplissent et béa-
tifient toutes les puissances digestives. Si un bec-fîgue était de la
grosseur d'un faisan, on le payerait certainement à l'égal d'un
arpent de terre.
a C'est grand dommage que cet oiseau privilégié se voie si
rarement à Paris, où il en arrive quelques-uns; mais il leur
manque la graisse qui fait tout leur mérite, et Ton peut dire
qu'ils ressemblent à peine à ceux qu'on voit dans les départements
de l'Est et du Midi de la France. »
J'ai entendu parler à Belley, dans ma jeunesse, du Jésuite
Faby, né dans ce diocèse, et du goût particulier qu'il avait pour
les bec-figues. Dès qu'on entendait crier : « Aux bec-figues! aux
bec-figues! » — le bec-figue est, comme on sait, un oiseau de
passage, — on disait : « Le père Faby va arriver. »
Le premier janvier, sans faute, il paraissait avec un ami et
venait s'en régaler pendant tout le passage; chacun se faisait un
plaisir de les inviter.
Ils partaient vers le vingt-cinq, quand les bec-figues étaient
partis, bien entendu.
Tant que le père Faby resta en France, il ne manqua pas
une seule fois son voyage gastronomique. Par malheur, il fut
envoyé à Rome où il mourut grand pénitencier.
Sa plus grande pénitence, à lui, fut bien certainement de ne
plus pouvoir manger de nos bec-figues de Provence.
Peu de gens savent manger de petits oiseaux : ortolans, bec-
BEC-FIGUE. MI
figues, fauvettes, rouges-gorges ; en voici la recette, telle qu'elle
m'a été confidentiellement transmise par le chanoine Charcot,
gourmand par état, puisqu'il était chanoine , mais qui, à force
d'études, s'était élevé de la gourmandise jusqu'à la gastro-
nomie.
Recette du chanoine Charcot, transcrite par Brillât-Savarin
pour nianger des ortolans, fauvettes, bec-figues et rouges-
gorges :
a Commencez par ôter le gésier, puis, prenez par le bec
un petit oiseau bien gras, saupoudrez-le d'un peu de sel et de
poivre; enfoncez -le adroitement dans votre bouche, sans le
toucher des lèvres ni des dents, tranchez tout près de vos doigts
et mâchez vivement. Il en résulte un suc assez abondant pour
envelopper tout l'organe et dans cette mastication, vous goûterez
un plaisir inconnu du vulgaire. »
Le roi Ferdinand de Naples, grand chasseur et grand gour-
mand, ayant reconnu que, à leur passage sur l'antique Parthé-
nope, les bec-figues s'abattaient particulièrement sur la cqlline
de Capodimonte, il y fit bâtir un château qui lui coûta cinq
millions.
L'ordre était donné, lorsqu'un vol de bec-figues s'abattrait
à Capodimonte, de venir chercher le roi partout où il était,
même au conseil.
Le jour où fut portée au conseil la question de la guerre
contre la France, guerre que la reine voulait, mais que le roi ne
voulait pas , le roi se rendit au conseil avec la ferme résolu-
tion de s'opposer à cette triste fanfaronnade par un vigoureux
veto.
Mais, à peine la question était-elle engagée, que l'on vint
prévenir le roi qu'un magnifique vol de bec-figues venait de
s'abattre à Capodimonte.
Le roi essaya de tenir ferme contre lui-même, mais ne
pouvant y réussir, il se leva et sortit de la salle du conseil en
criant :
<c Faites ce que vous voulez et allez au diable ! »
La guerre fut décrétée et les bec-figues qui avaient déjà
coûté au roi cinq millions, faillirent lui coûter encore son trône.
>
222 BECUNE.
BEC-CROCHE. — Nom vulgaire du jeune ibis ou courlis
rouge. Oiseau de la grosseur du chapon, et dont la chair a le
goût de celle de Técrevisse.
Son nom lui vient de la forme de son bec. Ce bec lui sert à
prendre les écrevisses dont il se nourrit, et qui donnent à sa chair
un goût caractéristique.
Cet oiseau est originaire de la Louisiane.
BEC-CROISÉ ORDINAIRE. — Genre d'oiseau de l'ordre
des passereaux et de la grosseur du bouvreuil et du dur-bec.
Cet oiseau a le bec comprimé et les deux mandibules recourbées
de manière que leurs pointes se croisent tantôt d'un côté, tantôt
de l'autre, selon les individus. Il se sert de ce bec si extraor-
dinaire pour grimper, chercher, ouvrir et fendre les pommes de
sapin et tous les fruits des arbres conifères, même les pommes
et les poires d'où il retire les pépins , les semences et amandes
dont il est très-friand.
Cet oiseau habite le nord de l'Europe, sa chair a une saveur
aronlatique agréable ressemblant à la térébenthine comme odeur
et est très-bonne à manger.
BECHARU. — Oiseau de la famille des palmipèdes ; de la
taille de l'oie, il habite le Midi, les côtes d'Espagne et fréquente
les rivages de la Méditerranée, il s'apprivoise facilement quoique
sauvage.
La chair du bécharu était très-estimée des anciens ; on la
servait même assez souvent sur les tables, et on rapporte
qu'Héliogabale en fit chercher et s'en régala.
Les nègres considèrent cet oiseau comme sacré.
BECUNE. — Espèce de brochet de mer, très-vorace et
très-gourmand ; ce poisson, que sa voracité porte à tout avaler,
mange quelquefois jusqu'à des pommes de mancenillier, poison
caustique et violent, ce qui rend l'usage de sa chair assez
dangereux.
Autrement, la chair du bécune est blanche, ferme, assez
grasse et possède les mêmes propriétés alimentaires que celle du
brochet ; mais il faut avoir bien soin de s'assurer avant de
l'apprêter s'il a les dents bien blanches et le foie très-sain, afin
de ne pas risquer d'en être empoisonné*
BEEF-STEAK. 223
BEEF- STEAK ou BIFTECK à l'anglaise. — Je me
rappelle avoir vu, après la campagne de 181 5 où les Anglais res-
tèrent deux ou trois ans à Paris, naître le bifteck en France;
jusque-là, notre cuisine avait été aussi séparée que nos opinions.
Ce ne fut donc* pas sans une certaine crainte que Ton vit le
bifteck essayer de s'introduire sournoisement dans nos cuisines ;
cependant, comme nous sommes un peuple éclectique et sans
.préjugés, à peine nous ftlmes-nous aperçus que, quoique venant
des Grecs le présent n'était point empoisonné^ nous tendîmes nos
assiettes et nous donnâmes au bifteck son certificat de citoyen-
neté. Pourtant, il y a toujours quelque chose qui sépare le
bifteck anglais du bifteck fi-ançais. Nous faisons notre bifteck
avec un morceau de filet d'aloyau, tandis que nos voisins pren-
nent pour leurs biftecks ce que nous appelons la sous-noix du
bœuf, c'est-à-dire le rump-steak; mais chez eux cette partie du
bœuf est toujours plus tendre qu'elle ne serait chez nous, parce
qu'ils nourrissent mieux leurs bœufs que nous et qu'ils les
tuent plus jeunes que nous ne les tuons en France. Ils prennent
donc cette partie du bœuf et la coupent par lames épaisses d'un
demi-pouce , l'aplatissent un peu, la font cuire sur une plaque
de fonte faite exprès et la font cuire avec du charbon de terre
au lieu d'employer le charbon de bois. Le bifteck vrai filet doit
se mettre sur un gril bien chaud avec une braise ardente, ne le
retourner qu'une fois, afin de conserver son bon jus qui se lie
avec la maître-d'hôtel.
Cette partie du bœuf anglais (et, pour m'en rendre compte,
toutes les fois que je vais en Angleterre, j'en mange avec un
nouveau plaisir) est infiniment plus savoureuse que la partie avec
laquelle nous faisons nos biftecks ; il faut la manger aux tavernes
anglaises, sautée au vin de Madère ou au beurre d'anchois, ou
sur une litière de cresson bien vinaigrée. Je conseillerais de la
manger aux cornichons, s'il y avait un seul peuple au monde
qui sût faire les cornichons. Quant au -bifteck français, la sauce
à la maîtrô-d'hôtel est la meilleure parce qu'on y sent dominer
la saveur des fines herbes et du citron ; mais il y a une observa-
tion que je me permettrai de faire : Je vois nos cuisiniers
aplatir leurs biftecks sur la table de cuisine, à coups de plat de
224 BEGONE.
couperet ; je crois que c'est une profonde hérésie qu'ils com-
mettent et qu'ils font ainsi jaillir hors de la viande certains prin-
cipes nutritifs qui joueraient très-bien leur rôle dans la scène
de la mastication. En général les animaux ruminants sont meil-
leurs en Angleterre qu'en France , parce qu'ils y sont traités
vivants avec un soin tout particulier. Rien n'est pareil à ces
quartiers de bœuf cuits tout entiers, et que l'on roule sur une
petite voiture dans les chemins de fer qui séparent les uns des
autres les habitués des tavernes anglaises; ces morceaux de bœuf
veinés de gras et de maigre, que l'on coupe soi-même comme
on l'entend, sur une portion de l'animal pesant cent livres, n'ont
rien de pareil, comme excitation à l'appétit. On arrive à faire
des bœufs si gras qu'ils ont l'air de ne plus avoir d'articulations
aux jambes et de marcher sur leur ventre. Les éleveurs, les
engraisseurs d'animaux arrivent pour engraisser un bœuf jusqu'à
lui faire boire 80 litres d'eau par jour. Quant aux moutons,
nourris d'herbe plus fraîche que la nôtre, ils ont des saveurs
qui nous sont inconnues.
06 la cuisine fait, complètement défaut aux Anglais, c'est
à l'endroit des sauces, mais les gros poissons, mais la viande de
boucherie est infiniment plus belle à Londres qu'à Paris.
BEFROI. — Nom de deux espèces de grives ainsi nom-
mées parce que leur cri ressemble au son d'une cloche qui
sonne l'alarme.
On les trouve à la Guyanne, leur chair a le même goût et
jouit des mêmes propriétés alimentaires que la grive ; elles
s'apprêtent de même.
BÉGONE. — Plante de la famille des bégoniacées, appelée
aussi oseille sauvage dans les colonies françaises^ à cause de sa
ressemblance avec cette herbe.
Elle est très-rafraîchissante et on la mange à cause de son
acidité agréable.
Pendant que nous en sommes aux mets étrangers, qu'on
me permette, puisque nous voilà arrivés à la lettre B, d'emprun-
ter à la cuisine allemande un mets populaire qu'on appelle
beilche en Westphalie, et qui n'avait pas échappé à l'érudition
culinaire de M. de Courchamps et dont voici la recette.
BEIGNETS. a25
BEILCHË. — a On prend une sous-noix de bœuf assez
mortifiée pour être bien tendre, on en enlève toute la graisse,
on la coupe à distance égale en sept ou huit morceaux sans
détacher les tranches qui continuent de tenir à un centre com-
mun, on les en tr 'ouvre seulement de manière à introduire dans
chacune d'elles une bonne pincée de sel mélangée de poivre
fin ; puis on place ladite sous-noix découpée et assaisonnée
comme il est dit, dans une grosse terrine à couvercle; on y met
immédiatement sur la viande, douze ou quinze pommes de terre
crues qu'on a pelées comme on pèle des pommes et qu'on a légè-
rement saupoudrées de sel blanc ; il est important de se procurer
pour que rien ne manque à ce plat, des pommes de terre
d'Irlande à pulpe farineuse, à forme ronde et de couleur jaune
paille. On recouvre la terrine, on en calfeutre le couvercle avec
de la pâte, et Ton établit cet appareil dans un coin de che- .
minée sur un monceau de cendre chaude, sur lequel on entre-
tient pendant quatre heures un grand feu de charbon ardent. »
Les Westphaliens ont presque tous pour cet usage un grand pot
en vieille argenterie et qui s'appelle, le plat aux beilches. Il
faut avoir goûté ce vieux mets teutonique pour savoir combien
il mériterait dans tous les pays du monde la réputation qu'il n'a
qu'en Westphalie.
BEIGNETS. — D'un mot celte qui signifie enflure ou
tumeur. C'est aux croisades que nous avons fait la connaissance
des beignets. Le sire de Joinville nous apprend qu'en rendant la
liberté à saint Louis, les Sarrasins lui présentèrent des beignets.
Le beignet t%X une sorte de pâte frite à la poêle et qui enve-
loppe ordinairement une tranche de quelque fruit. Nous emprun-
tons à Carême la manière de faire cette pâte :
Pâte à frire à la Carême. — « Mettez dans une petite ter-
rine 360 grammes de farine tamisée que vous délayez avec de l'eau
à peine tiède, où vous aurez fait fondre 60 grammes de beurre
fin ; vous inclinez la casserole et vous soufflez sur l'eau afin de
verser le beurre le premier. Vous versez assez d'eau de suite
pour délayer la pâte de consistance mollette et sans grumeaux;
autrement lorsqu'on la rassemble trop ferme, la pâte se corde
et fait toujours mauvais effet à la poêle : elle est grise et com-
226 BEIGNETS.
pacte ; ensuite vous ajoutez assez d*eau tiède pour que la pâte
devienne coulante et déliée, quoique pourtant, elle doive mas-
quer les objets susceptibles d'y être* trempés. Enfin, elle doit
quitter la cuiller sans effort. Vous y mêlez une pincée de sel
fin, deux blancs d'œufs fouettés bien ferme et l'employez tout de
suite. »
m
Comme pendant à la pâte dont nous venons de donner la
recette, voici la pâte à la provençale.
Tâte à la provençale. — Prenez 360 grammes de farine,
deux jaunes d'oeufs, quatre cuillerées d'huile d'Aix; délayez avec
de l'eau froide; joignez-y deux blancs fouettés et employez.
Beignets de brioche. — Trempez des tranches de brioche
dans du lait sucré, farinez et faites-les frire.
Beignets de crème. — Prenez un litre de lait, faites-le réduire
à près de moitié, laissez -le refroidir, délayez-y cinq macarons
dont un amer, six jaunes d'oeufs, une cuillerée de fleur d'orange,
deux cuillerées de fleur de farine et 125 grammes de sucre en
poudre. Ajoutez à cette pâte épaissie de l'écorce de citron râpée^
Beignets de pommes. — Vos pommes une fois pelées et cou-
pées en tranches, macérez-les deux heures dans de Teau-de-vie ,
du sucre et de la cannelle, égouttez, mettez-les dans une friture
modérée. Lorsque les pommes seront cuites, sucrez-les et gla-
cez-les. (Même recette pour les beignets de poires, de pêches,
d'abricots et de brugnons.)
Beignets à la Chantilly. — Prenez trois petits fromages à la
crème très-frais, cassez dans le même vase trois œufs et joignez-y
60 grammes de moelle de bœuf hachée et pilée; ajoutez 500 gr.
de fleur de farine, détrempez et mêlez la pâte avec du vin blanc,
salez, sucrez avec 30 grammes de sucre râpé, et condensez comme
les beignets à la crème.
Beignets aux confitures. — Prenez des pains à chanter de
4 à 5 centimètres de diamètre , ou même découpez-en de plus
grands, étendez sur chacun de la marmelade d'abricots ou de
prunes; couvrez avec un autre pain à chanter et colle:^ les bords ;
incorporez dans une pâte à frire au vin blanc trois blancs d'œufs
à la neige; trempez-y les beignets, faites frire, égouttez, poudrez-
les de sel fin et glacez-les.
BEIGNETS. 237
Beignets soufflés à la bonne femme, — Mettez dans une cas-
serole 30 grammes de beuire, 125 grammes de sucre, un citron
vert râpé , un verre d'eau , faites bouillir et délayez en pâte
épaisse; remuez jusqu'à ce qu'elle s'attache à la casserole; alors
mettez-la dans une autre, et cassez-y successivement des œufs en
remuant toujours pour les bien mêler avec la pâte, jusqu'à ce
qu'elle devienne molle ; mettez-la sur un plat et étendez-la de
l'épaisseur d'un doigt; faites chauffer de la friture, et- quand
elle est médiocrement chaude, trempez-y le manche d'une cuil-
ler, et avec ce manche enlevez gros comme une noix de pâte que
vous Élites tomber dans la friture en la poussant avec le doigt ;
continuez jusqu'à ce qu'il y en ait assez dans la poêle, faites frire
à petit feu en remuant sans cesse ; quand les beignets sont bien
montés et de belle couleur, retirez-les pour les égoutter et sau-
poudrez-les de sucre fin. Ce mets, dont la recette ne nous
appartient pas, est peu en usage aujourd'hui.
Qéutre crème faite au caramel et à la fleur d'orange. —
Mettez 30 grammes de sucre en poudre et une cuillerée à bouch
de fleur d'oranger pralinée dans un petit poêlon d'office, tournez
jusqu'à ce que le sucre soit devenu brun, mettez-y un demi-
décilitre d'eau pour dissoudre le caramel, beurrez huit moules
à darioles, mettez dans une terrine des jaunes d'oeufs, 125 gram.
de sucre en poudre et le caramel; ajoutez une quantité dé
lait que vous mesurerez en remplissant six fois *iin des moules
à darioles ; passez à l'étamine après avoir mêlé parfaitement ,
remplissez les moules à darioles avec l'appareil, faites pocher au
bain-marie à doux feu dessus et dessous, retirez les crèmes du
feu, laissez-les refroidir et démoulez-les; coupez chaque crème
par le travers en trois parties égales, trempez chaque morceau
dans la pâte à frire, faites frire, égouttez et saupoudrez de
sucre.
Beignets aux abricots ^ dits à la Dauphine. — Faite
500 grammes de pâte à brioche en y mettant 225 grammes de
beurre; mouillez avec œuf et lait par parties égales, laissez
revenir la pâte pendant trois heures, rompez-la, et repliez-la
sur elle-même en plusieurs fois; mettez sur la plaque dans un
endroit froid, et lorsque la pâte sera raffermie, faites une abaisse
228 BEIGNETS.
d*un demi-centimètre d'épaisseur ; coupez rabaisse avec un
coupe-pâte rond de 6 centimètres, mouillez les bords et mettez
au milieu gros comme une noix de marmelade d'abricots ; cou-
vrez avec une autre abaisse comme pour les petits pâtés, faites
frire à friture modérée, égouttez et saupoudrez de sucre en
poudre. Dressez les beignets en rocher sur une serviette et
servez.
Beignets de céleri. — Épluchez des pieds de céleri cou-
pés à 8 ou I G centimètres de la racine, faites-les blanchir un
quart d'heure, mettez rafraîchir à l'eau froide, égouttez, ficelez
par quatre entiers et achevez de cuire dans une casserole foncée
de lard avec bouquet de persil, un peu de sel, bouillon; couvrez
d'un rond de papier, égouttez, pressez; mettez mariner avec
sucre et eau-de-vie, trempez dans la pâte dont la recette suit ,
faites frire, saupoudrez de sucre et servez.
Tâte pour toute sorte de fritures. — Mettez de la farine
dans une terrine, faites un trou et versez-y un ou deux jaunes
d'œufs, une cuillerée d'huile et une ou deux d'eau-de-vie, plus
du sel, remuez d'une main en tournant toujours dans le même
sens, et en versant de Teau peu à peu pour donner une bonne
épaisseur. Au moment de vous en servir, ajoutez et mêlez le
blanc d'œufs battu en neige, mais ce blanc la rendrait trop
claire ; faite d'avance et même la veille, elle devient plus
légère.
Si c'est pour friture sucrée, telle que beignets, on met
très-peu de sel et on ajoute de l'eau de fleur d'oranger.
Beignets de fruits à la Royale. — Cueillez douze petites
pêches de vigne bien mûres et de bonne qualité , séparez-les par
moitié, ôtez-en la pelure, sautez-les dans une terrine avec du
sucre en poudre et une cuillerée de liqueur de noyaux; deux
heures après vous les égouttez, les trempez tour à tour dans la
pâte ordinaire, les faites frire de belle couleur et les glacez dans
I20 grammes de sucre cuit au caramel ; à mesure que vous les
glacez, vous semez dessus une pincée de gros sucre cristallisé.
Les beignets de brugnons et d'abricots se préparent de même.
Vous pouvez glacer seulement au sucre en poudre et à la pelle
rouge , les beignets décrits ci-dessus; on en fait aussi de prunes
BEIGNETS. a39
de mirabelle et de reine-Claude, au moyen du même procédé.
{Courchamps).
Beignets garnis de fraises à la Dauphine. — Faites votre
pâte à brioche, superposez trois belles fraises roulées dans du
sucre en poudre, mouillez la pâte autour des fruits et détaillez
comme précédemment. Même observation pour les beignets de
framboises.
Beignets d'ananas. — Faites macérer vos tranches d'ananas
pendant deux heures dans du vin d'Alicante et opérez comme
ci-dessus.
Beignets garnis de raisin de Corinthe, à la Dauphtne, —
Prenez 60 grammes de raisin de Corinthe, épluchez et lavez;
faites cuire deux minutes dans 60 grammes de sucre; vous versez
le quart d'une cuillerée sur un fond de pâte à brioche et pro-
cédez comme ci-dessus.
Beignets d'oranges de Malte^ à la Régence. — Divisez vos
oranges par quartiers, jetez-les dans 120 grammes de sucre
pour six oranges, laissez mijoter, égouttez, baignez dans la pâte
ordinaire, colorez et glacez.
Beignets garnis de pommes d'api^ à la d'Orléans. —
Tournez des pommes d'api, masquez-les par moitié et les faites
cuire dans un sirop ; laissez refroidir, trempez chaque moitié
de pomme dans une abaisse de pâte à brioche; faites frire ^
finissez et servez selon la règle.
Beignets de fruits à Veau- de-vie ^ à la Chartres. — Vous
égouttez vos abricots confits à Teau-de-vie, vous les coupez par
moitié, vous les masquez de pain à chanter, vous les faites frire
dans la pâte et vous les saupoudrez de sucre fin.
Beignets de pêches et de prunes. — Procéder de la même
façon .
Beignets soufflés à la Vanille. — « Mettez une- gousse de
vanille dans trois verres de lait bouillant que vous laissez réduire
de moitié, vous ôtez ensuite la vanille et ajoutez au lait pogram.
de beurre d'Isigny. Faites bouillir; mêlez-y assez de farine
tamisée pour former une pâte molle que vous desséchez pendant
quelques minutes ; changez de casserole et délayez votre pâte
avec 90 grammes de sucre fin, six jaunes d'œuf et un peu de sel ;
230 BELETTE.
fouettez trois blancs d'œufs bien fermes et mêlez-les dans l'appa-
reil avec une cuillerée de crème fouettée, ce qui doit vous don-
ner une pâte consistante, presque molle; roulez-la alors sur le
tour, saupoudrez légèrement de farine, de la grosseur d'une noix
verte en la plaçant à mesure sur un couvercle de casserole. La
pâte étant ainsi détaillée et roulée, vous la versez dans la friture
peu chaude afin qu'elle boursoufle bien, et vous rendez le feu
plus ardent vers la fin de sa cuisson; 'dès qu'elle est colorée de
belle couleur, vous Tégouttez sur une serviette, vous la saupou-
drez de sucre fin et vous servez de suite.
<e» Vous variez les formes de cette pâte en croissants, en
carrés long et en gimbelettes. » [Grimaud de là Reynière).
Beignets de blanc-manger-gimblettes. — Même procédé
pour la crème. Vous la coupez quand elle est bien froide. avec un
coupe-pâte et vous en formez des gimblettes, en coupant le
milieu avec un coupe-pâte plus petit. Vous conservez les petits
ronds que vous retirez des gimblettes et vous les masquez de mie
de pain très-fine; vous les trempez ensuite dans quatre œufs
battus, vous les égouttez et les roulez de nouveau sur la mie de
pain. Les ronds doivent être préparés de la même manière, en
plaçant le tout sur des couvercles, et au moment de les servir,
vous les faites frire de belle couleur et les saupoudrez de sucre
fin.
Beignets de blanc -manger en gimblettes au caramel. —
Procédez comme ci-dessus, seulement vos beignets étant colorés
d'un beau blond, vous les égouttez parfaitement et les glacez
avec du caramel, vous pouvez, à mesure que vous les retirez de
la friture, les semer de gros sucre avec des pistaches.
BELETTE. — Ce petit mammifère de l'ordre des carnas-
siers, n'a guère que 15 à 25 centimètres dû museau à l'origine de
la queue ; Texiguïté de sa taille lui permet de pénétrer partout,
même dans les plus petits trous, aussi fait-il une guerre acharnée
aux jeunes poulets et aux pigeons; il entre dans les poulaillers
et dans les pigeonniers, et ouvre le crâne des oiseaux qui les
habitent, afin d'en humer la substance cérébrale, dont il paraît
être très-Iriand:
Dans les champs, la belette vit de mulots, de souris et
y'
BENOITE.
231
d'œufs d'oiseaux, qu'elle va prendre au nid , et malgré le léger
service qu'elle rend à l'agriculteur , en le débarrassant des rats
qu'elle peut poursuivre jusqu'au fond de leur trou, elle n'en est
pas moins un objet de haine pour celui-ci, qui ne manque pas
de la tuer chaque fois qu'il la rencontre.
Sa chair salée a, paraît-il, le goût du lièvre et pourrait
servir à l'alimentation, mais dans les cas de nécessité seulement,
car elle n'est ni tendre, ni agréable;
Les peuples du Mexique mangent la belette, et Fernand
Lopez, dans son histoire de l'Inde, rapporte que des soldats pre-
naient beaucoup de belettes, qu'ils faisaient cuire à la broche
et qu'ils mangeaient avec plaisir.
J'aime mieux un bon train de derrière de lièvre, cuit à la
broche, et vous.?...
BELIER. — La chair du bélier, n'a pas grande valeur en
cuisine et est considérée pour l'alimentation, comme la plus mau-
vaise après celle du bouc ; elle est de difficile digestion , ne
nourrit pas et a une odeur fétide très-désagréable.
Il est donc préférable de le manger jeune, c'est-à-dire
quand il n'est encore qu'agneau, ou bien de le faire châtrer,
afin de l'avoir mouton; du moins pour l'alimentation.
BÉNAFOULI. — Riz du Bengale, qui répand, lorsqu'il est
cuit, une odeur très-agréable.
Ses propriétés alimentaires sont les mêmes que le riz, il est
plus léger que ce dernier.
BÉNARI. — Espèce d'ortolan, passager en Languedoc; il
devient très-gras, aussi est-il servi sur les meilleures tables.
BENOITE. — Plante de la famille des rosacées, dont le nom
signifie herbe bénite et vient des vertus médicinales et des pro-
priétés merveilleuses qu'on lui attribue.
Elle passe pour vulnéraire, sudorifique et un peu astrin-
gente; ses racines fraîches sont recommandées dans les cas de
catharres chroniques ; sèches, on les emploie contre les hémor-
rhagies et les fièvres intermittentes. Elle pourrait, paraît-il,
remplacer au besoin le quinquina dans certains cas.
En Norwége, on emploie cette plante pour empêcher la
bière, de devenir acre; une très-petite quantité, ajoutée au
aia BERNARD L'ERMITE.
houblon, suffit pour arriver à ce résultat et donner à la bière un
parfum fort agréable.-
BENNI. — Espèce de barbeau, du Nil, possédant les
mêmes qualités que le barbeau ordinaire.
BERCE. — Genre de plante de la famille des ombellifères,
dont l'espèce la plus répandue et la plus connue est la fausse
branche ursine. Cette plante est vivace, elle croît dans les prés
de l'Europe et est surtout très-commune dans le Nord.
Cette plante n'a d'autres qualités que de servir à faire une
espèce de bière, très-forte et très-enivrante, nommée Raffle^
qu'on obtient par la fermentation. Les Russes, les Polonais et les
Lithuaniens boivent, paraît-il, beaucoup de cette liqueur qui
occasionne la mélancolie; l'ivresse qu'elle produit dure quelque-
fois vingt-quatre heures.
BERGFORELLE. — Ce poisson, dont la chair molle et
tendre, devient légèrement rouge en cuisant, est très-estimé dans
le comté de Galles.
BERNARD L'ERMITE. — Espèce de cancre dont la chair
est regardée comme un mets très-friand; on le fait le plus ordi-
nairement griller dans sa coquille avant de le manger.
Rien de plus drôle que ce petit crustacé; la nature l'a fait
armé jusqu'à la ceinture, cuirassé, gants et masque de fer, de
ce côté il a tout; de la ceinture à l'autre extrémité, rien, pas
même de chemise; il en résulte que le bernard l'ermite fourre
cette extrémité où il peut.
Le créateur, qui avait commencé à l'habiller en homard, a
été dérangé ou distrait au milieu de la besogne et l'a terminé en
limace.
Cette partie, si mal défendue et si tentante pour l'ennemi,
est sa grande préoccupation; à un moment donné, cette préoccu-
pation le rend féroce. S'il voit une coquille qui lui convienne, il
mange le propriétaire de la coquille et prend sa placé toute
chaude, c'est l'histoire du monde au microscope. Mais comme au
bout du compte la maison n'est pas faite pour lui, au lieu d'avoir
l'allure grave et honnête du colimaçon, il trébuche comme un
homme ivre, et, autant que possible ne sort que le soir de peur
d'être reconnu.
BETEL. a33
BETEL. — Plante grimpante des Indes, qui fait le prin-
cipe du masticatoire de ce nom. Des masticatoires en usage dans
les pays chauds, le bétel est le plus énergique. Quatre substances
le composent ordinairement : premièrement, la feuille brûlante
du poivrier-bétel, qui donne son nom à cette composition. Quel-
quefois aussi on se sert du fruit jaune de la plante, ou d'une assez
forte quantité de feuilles de tabac, ou de chaux ^îve, beaucoup
plus caustique que la nôtre, ainsi que Vauclin s'en est assuré.
Le père Papin indique qu'il y a des individus qui prennent
de cette chaux gros comme un œuf par jour.
La noix Dariquier, qui forme à elle seule plus de la moitié
du poids du bétel, est encore plus active parce qu'elle contient
une très-forte proportion d'acide gallique, ce que Ton reconnaît à
la grande astriction qu'elle produit dans tout l'intérieur de la
bouche et de la gorge ; l'action en est d'autant plus forte qu'elle
est mêlée à des substances également irritantes. En effet, toutes
les dents en sont corrodées, dissoutes même, au point qu'il est ^
rare de voir chez les peuples màcheurs de bétel des jeunes gens
en avoir encore. Elles ne tombent point, elles sont usées jus-
qu'au bord des gencives. Et celles-ci sont bientôt horriblement
tuméfiées.
De tous les astringents connus, le bétel paraît être le plus
énergique, le plus fort, le plus propre à soutenir l'estomac dans
un degré de force et de ton nécessaire dans un pays où les sueurs
excessives occasionnent des maladies redoutables ; il stimule for-
tement les glandes salivaires et les organes digestifs ; il diminue
la sueur et prévient la faiblesse qui en résulte; enfin, il doit pro-
duire au dedans l'effet salutaire que les bains froids, les frictions
huileuses déterminent au dehors.
L'instinct et l'expérience ont pu seuls suggérer à ces nations
brûlantes le courage de mâcher le bétel ; aussi, malgré la des-
truction totale de leurs dents, est-il d'usage général dans tous les
climats chauds depuis les Moluques jusqu'au rivage du fleuve
Jaune, et depuis ceux de l'Indus et du Gange jusqu'au bord de
la mer Noire.
Une autre preuve de l'utilité de cet usage, c'est la néces-
sité où se trouveijt les Européens fixés dans ces climats d'avoir
234 BETTERAVE.
recours à ce moyen, ou à d'autres approchant de celui-ci, pour
se préserver de l'influence délétère du climat et de sa tempé-
rature,
Dans rinde, on offre le bétel à tous ceux qui font visite; ce
serait faire un affront si on n'offrait pas aux visiteurs la boîte
même qui le contient. Dans le royaume de Siam, l'accordé le
présente à son accordée, ainsi qu'à tous les assistants, comme
symbole de la fidélité que les nouveaux époux se promettent Tun
à l'autre, et de la bonne intelligence qui doit toujours exister
entre les deux familles.
Le bétel de Tonquin est, dit-on, celui que l'on préfère à
tous les autres; c'est lorsqu'il est jeune, vert et tendre, qu'on en
fait le plus de cas, parce qu'il est alors juteux. Dans les autres
pays on l'emploie sec.
BETTERAVE. — Espèce de bette ou poirée. Sa racine est
couleur de sang au dedans et au dehors, les feuilles surtout; les
pétioles sont d'un rouge foncé. La plante contient une plus
grande quantité de matière sucrée que toutes les autres, ce qui
fit venir, à l'époque du blocus continental, l'idée aux chimistes
de substituer le sucre de betterave au sucre de canne. Je me rap-
pelle avoir vu, en 1812, une caricature représentant le petit roi
de Rome et sa nourrice : l'enfant pleurait et la nourrice lui pré-
sentait une betterave en lui disant : a Suce, mon enfant, ton papa
dit que c'est du sucre. » Comme de toutes les grandes décou-
vertes, on avait commencé par rire de celle-là qui nous affran-
chissait des colonies.
Il y a cinq espèces de betteraves : la grosse rouge, la petite
rouge, la jaune, la blanche et la veinée; c'est celle-là que Ton
connaît aujourd'hui sous le nom de betterave champêtre. Le
• peuple, si longtemps fanatique de Napoléon à cause de ses victoires,
qui ont coûté à la France le tiers de son sang et le sixième de son
territoire, ne songe pas qu'il lui est redevable d'un aliment
devenu aujourd'hui d'un usage général. On mêle ses feuilles à
celles de l'oseille, pour en adoucir la grande acidité; on estime
ses feuilles larges et blanches, que l'on nomme cardons et que
l'on mange avec plaisir. En hiver, il y pousse de petites feuilles,
qui se mangent en salade. On cuit la betterave au four ou dans
BETTERAVE. ^35
k cendre, puis on la conserve dans du vinaigre après l'avoir fait
cuire. Les Allemands la mangent avec le potage; dans le Nord,
on la fait fermenter et on s'en sert comme préservatif du scorbut.
Lorsqu'on fait cuire les betteraves au four, et c'est la meil-
leure manière de les faire cuire, il faut d'abord les laver avec de
l'eau-de-vie commune; placez-les ensuite dans le four sur des
grils de cuisine, afin que par aucun point elles ne touchent à là
brique. Il faut que le four soit chauffé comme pour un gros pain
de pâte ferme. Laissez-les dans le four jusqu'à ce qu'elles y refroi-
dissent, et le lendemain faites-les cuire de la même façon et au
même degré de chaleur, La betterave n'est véritablement cuite,
ou plutôt bien cuite, que lorsque sa peau est presque charbonnée.
Betteraves à la Chartreuse. — Coupez des rondelles de bjet-
terave jaune, veillez à ce qu'elle soit bien cuite dans les condi-
tions que nous venons de dire, mettez sur chacune de ces ron-
delles une rouelle d'oignon cru dont vous aurez enlevé le cœur
dans la circonférence d'une pièce d'un franc, joignez-y de la
pimprenelle, du cerfeuil, de la muscade et du sel blanc, couvrez-
les par une nouvelle tranche de betterave de la même grandeur
que la première ; forcez oignons et betteraves d'adhérer par la
pression, conduisez-la comme toute autre friture et servez-la
garnie de persil frit.
La betterave se mange souvent en salade, avec la mâche, le
céleri, la raiponce, mais la meilleure salade de betterave se fait
avec de petits oignons glacés, des tranches de pommes de terre
violettes, des tronçons de fonds d'artichauts, des haricots de Sois-
sons cuits à la vapeur; on y met des fleurs de capucines^ du cres-
son, ce qui constitue une salade que l'on peut opposer comme
sapidité à la salade russe.
La betterave se peut Servir encore comme hors-d'œuvre,
avec les olives et les sardines, 'avec une sauce de vinaigre à l'es-
tragon, de fines échalotes, de sel et de poivre, avec un cordon de
jaunes et de blancs d'œufs hachés. Dans ce cas ajoutez un peu
d'huile à l'assaisonnement de la betterave.
Betteraves à la Poitevine. — Faites cuire des oignons hachés
avec un bon morceau de beurre manié de farine que vous con-
duisez jusqu'au roux brun, joignez-y une pincée des quatre
336 BEURRE.
\
/
épices, faites-y réchauffer des tranches de betterave assez épaisses,
et mettez-y au moment de servir une demi-cuillerée de fort
vinaigre d'Orléans.
Betteraves à Ih crème, — Coupez votre betterave en tranches
très-minces, faites-les mijoter dans une Béchameil (V. sauce
Béchameil) où Ton aura soin d'ajouter un peu de coriandre et
un peu de muscade.
Betteraves à la casserole. — Mettez des tranches de betterave
dans une casserole avec du beurre, persil, ciboule hachée, un peu
d'ail et de farine, du vinaigre, sel, poivre; faites-les bouillir un
quart d'heure. On les sert encore à la sauce blanche.
BEURRE. — C'est une substance grasse, onctueuse qui se
forme de la crème de lait épaissie à force d'être battue. Tous
les laits donnent du beurre, le plus gras et le plus riche vient
du lait de brebis. Ce furent les Scythes et les Paeoniens qui
l'introduisirent en Grèce; Hippocrate ne parle que de celui des
Scythes ; Horace et Virgile parlent de fromage, mais ne parlent
pas de beurre ; Werther a rendu le beurre poétique ; c'est en
voyant Charlotte faire des tartines pour les enfants qu'il prend
cet amour fatal, qui se termine par un coup de pistolet. Goethe
a raison : les enfants n'aiment rien tant que les tartines de beurre,
si ce n'est les tartines de confitures. Dans quelque pays que j'aie
voyagé, j'ai toujours eu du beurre frais du jour même. Je donne
ma recette aux voyageurs, elle est bien simple et en même temps
inmanquable.
Partout oii je pouvais me procurer du lait soit de vache,
soit de chamelle, soit de jument, soit de brebis, et particulière-
ment de brebis, je m'en procurais, j'en emplissais une bouteille
.aux trois quarts, je la bouchais, je la suspendais au cou de mon
cheval, et je laissais mon cheval faire le reste ; en arrivant le soir,
je cassais le goulot et je trouvais à l'intérieur un morceau de
beurre gros comme le poing qui s'était fait tout seul. En Afrique,
au Caucase, en Sicile, en Espagne, cette méthode m'a toujours
réussi.
Plusieurs arbres fournissent une matière qui remplace le
beurre chez les peuples où la fabrication du beurre est inconnue.
Beurre de Bambuk. — Les Maures et les nègres se servent
BIBLIMBING. 237
dans ralimentation d'un extrait de la graisse végétale que
produit le fruit du bambuk. L'arbre est de médiocre grosseur,
ses feuilles sont petites et rudes, rendent un suc huileux quand
on les presse, le fruit est de la grosseur d'une noix, rond et
recouvert d'une coque de couleur blanche, tirant sur le rouge et
d'odeur aromatique.
Beurre de cacao. — On donne le nom de beurre aux huiles
végétales lorsqu'elles sont concrètes. On extrait ce beurre, dont il
est question ici^ de l'amande du cacao, surtout de celui des îles,
légèrement torréfié et chauffé dans l'eau bouillante. La chaleur
de l'eau fond cette huile qui se sépare de l'amande et ^rnage à
la surface du liquide. Cette huile se fige par le refroidissement
et on purifie ce beurre par deux refontes successives.
Beurre de coco. — Le coco fournit aussi une substance
onctueuse, grasse et concrète, qu'on a nommée beurre de coco ;
il est doux, agréable et sert comme l'autre à l'assaisonnement de
certains mets.
Beurre de Galant. — C'est le produit d'un arbre appelé
shéa qui croît en Afrique. Il ressemble au chêne américain ; on
en retire un beurre aussi savoureux que le meilleur qu'on puisse
extraire du lait animal ; mais l'avantage qu'il a sur tous les autres
beurres, c'est de se conserver toute une année sans qu'il soit
besoin de le saler.
Beurre rôti à la Landaise. — Salez d'abord la bille de
beurre, cassez quatre œufs entiers, battez-les en omelette, pré-
parez de la mie de pain blanche bien séchée, ajoutez un peu de
sel fin, roulez votre bille de beurre dans vos œufs et soupoudrez
de mie de pain, recommencez l'opération jusqu'à l'absorption des
œufs; mettez xptre beurre en broche; à la cuisson, la croûte
devient ferme et vous en formez une croustade que vous servez
en place de pain pour les huitres. Buvez du vieux Barsac, mais
n'arrosez pas avec. (Formule de M. Vuillemot).
BIBE. — Poisson des mers d'Europe dont la chair est
excellente et de facile digestion.
Il ressemble au merlan et s'apprête comme lui.
BIBLIMBING. — Fruit originaire de l'île de Java dont
l'aigreur est tellement forte qu'on ne peut le manger seul ; aussi
ne s'en sert-on que pour mettre par tranches dans les soupes
ajS BIERE.
pour donner du goût ou bien encore pour en faire avec du sucre
une boisson rafraichissante.
BIÈRE. — La bière est une des boissons les plus anciennes
et les* plus répandues; les Egyptiens passent pour Tavoir connue
les premiers.
C'est certainement après le vin la meilleure liqueur fermentée,
X elle est infiniment plus répandue que ce dernier et se fabrique
/ dans tout l'univers.
On la prépare avec de Torge germée et séchée, du houblon
sans lequel la liqueur s'altérerait promptement et de Teau ; dans
quelques pays, on la fait avec du froment, ou du seigle, ou du
maïs ou bien encore du millet, mais la plus estimée est celle qui
est préparée avec de l'orge qu'on a fait germer pour y développer
un principe sucré, et torréfier afin de lui donner de l'amertume et
de la couleur.
Plus on fait bouillir la bière et plus elle se conserve; le
houblon, qui y entre pour une grande partie, la rend par son
amertume plus savoureuse et l'empêche de s'aigrir.
Nous avons dit qu'il fallait employer de l'orge germée;
trois conditions sont nécessaires pour que la germination ait lieu :
de l'humidité, une certaine température et la présence de l'air.
Pour cela, on fait tremper nne certaine quantité d'orge dans un
grand bassin en pierre ou en bois dans lequel on a mis de l'eau
suffisamment pour recouvrir entièrement l'orge qu'on veut faire
tremper jusqu'à ce que les grains s'écrasent entre les doigts. On
renouvelle deux ou trois fois l'eau du bassin pendant le cours de
l'opération qui dure environ quarante heures, et quand les grains
sont arrivés au point convenable de gonflement, on soutire l'eau
et on en passe une dernière pour les laver ; on laisse égoutter les
grains qui lentement continuent à se gonfler, et au bout de huit
heures en été et de quinze en hiver on retire l'orge que Ion
réunit en tas dans lesquels il se développe bientôt de la chaleur
et on voit peu de temps après de petits points blancs se former
à l'extrémité du grain, ce qui dénote la germination ; on remue
ce tas de temps en temps pour bien exposer toutes les parties à
l'air, puis lorsque le grain est bien sec on le met dans un endroit
également sec, où il se trouve exposé à une température suffisante
BIERE.
^39
pour le torréfier légèrement; on passe ensuite lorge dans des cribles
pour en« séparer tous les germes desséchés et on la broie ensuite
sous des meules de façon à obtenir une espèce de farine que Ton
place dans des cuves en bois faites exprès, on fait arriver dans
ces cuves de leau chaude à 40*^ en remuant bien toute la masse
afin que Torge se mêle avec Teau , puis on laisse reposer un peu
et on ajoute encore de Teau plus chaude, de façon à faire mon-
ter la chaleur à 50**, on continue d'agiter, on jette à la surface une
certaine quantité de farine de malt très-fine, on couvre bien la
cuve et on abandonne la liqueur à elle-même pendant quelques
heures, puis on la retire et on la verse dans une chaudière en y
jetant du houblon à mesure que le moût de bière y arrive, on
porte ainsi la liqueur jusqu'à Tébullition, puis on la fait refroidir
dans des bacs en prenant bien soin que le moût ne s'aigrisse pas,
et pour cela noUs conseillons de faire passer la liqueur dans un
appareil où elle se trouve refiroidie à mesure par un courant
d'eau froide qui circule dans une double enveloppe en sens
inverse du moût, ce qui le fait refroidir très-promptement et
l'empêche de s'aigrir.
Le moût de bière abaissé à une température convenable, on
y ajoute de la levure ; bientôt une fermentation s'y développe
plus ou moins rapidement, selon la température ; alors on soutire
la bière dans les tonneaux où la fermentation s'achève après
qu'une écume épaisse formée par la levure s'est déversée au
dehors; arrivée à ce point, il suffit pour que la bière puisse
être bue, de la clarifier avec de la colle de poisson et de la tirer
en bouteilles.
Les bières les plus estimées aujourd'hui à Paris, sont celles
du Nord, de Lyon, de Strasbourg, et depuis l'exposition, la
fameuse bière de Vienne, fabriquée par M. Dreher. Nous citerons
aussi le porter de Londres, l'aie d'Edimbourg, la bière rouge
d'Amsterdam et de Rotterdam, la bière brune de Cologne, le
faro de Bruxelles, la bière de Louvain, celle de Morlaix, etc.
La bière est une boisson qui demande à être tirée avec
beaucoup de soins ; il ne faut pas manquer de bien rincer
chaque fois les bouteilles, de n'employer que des bouchons neufs,
de coucher les bouteilles au bout de trois jours et de les laisser
240 BIGARADE.
ainsi sept à huit jours, moyennant cela, votre bière se conservera
longtemps.
Dans tout le nord de l'Europe, on fait avec la bière une
soupe très-substantielle et plus saine que la plupart des aliments
usités chez les paysans, et tout le monde sait que le potage
indigène et nationale de la Russie est cette fameuse soupe à la
bière que Carême, alors qu^il était maître d'hôtel de l'empereur
Alexandre, lui fit servir à tous les repas, lors de son séjour à
Paris.
Voir pour ce potage l'article {Soupe à la bière à la berli-
noise),
La bière, suivant le grain qu'on a employé pour la faire et
le degré de fermentation où elle qsX arrivée, est plus ou moins
bonne à la santé. La bière est en général nourrissante et rafraî-
chissante, mais elle cause quelquefois des viscosités, de la diffi-
culté de respirer, des obstructions et des embarras dans les
reins; au reste cela dépend des tempéraments et beaucoup de
personnes qui font un usage fréquent de la bière, s'en trouvent
très-bien.
Finissons par une petite anecdote qui nous a été racontée
par un ennemi acharné de la bière.
Un malheureux condamné à mort se sent sur l'échafaud
,K^ saisi d'une soif terrible et demande de quoi se rafraîchir. On lui
présente alors un verre de bière qu'il repousse en disant :
— Non, pas de bière, elle engendre la gravelle!...
Avis aux condamnés à mort qui ont soif.
BIGARADE. — Sorte de citron trop amer pour être mangé
cru. On en fait des confitures agréables; -son suc, comme celui
du verjus, sert à assaisonner une foule de mets.
Bigarade (en compote). — Aplatissez, dans un compotier,
mais sans les écraser tout à fait, 250 grammes de marrons glacés,
exprimez le jus de quatre bigarades grillées et mêlez-y un peu
de sucre en poudre, avec une demi-cuillerée de curaçao, tournez,
faites chauffer au bain-marie et versez sur les marrons, faites
refroidir cette préparation, mais il faut toujours que le sirop
soit bouillant quand on le transvase, afin que les marrons s'en
laissent imprégner.
BISCUITS. 341
BIGARREAU. — Espèce de cerise bigarrée de rouge et de
blanc; sa chair est ferme, et quoique mûre elle reste croquante.
Le bigarreau donne dès la mi-juillet, et se mange à demi rouge.
Il n*est d'ailleurs d'aucun usage culinaire.
BISCOTIN. — Pour opérer ce vieux mets de religieuse, on
prendra en proportion du sucre cuit à la plume, on y mêle une
pâte saupoudrée de sucre, pilée dans un mortier avec blanc
d'œufs, eau de fleur d'oranger et un peu d'ambre; le tout étant
bien incorporé se roule en petites boules qu'on jette dans une
poêle d'eau bouillante ; on les égoutte et on les cuit à feu ouvert.
BISCOTTES. — Faites des brioches en couronnes plates,
coupées par tranches minces et faites dessécher au four à petit
feu, forcez un peu la levure et servez-les beurrées et sucrées avec
le thé.
BISCUITS. — Pâtisseries fines et légères , composées
d'œufs, dont les blancs doivent être battus jusqu'à lassitude de
poignet, avec du sucre, de la fleur de farine ou de fécule de
pommes de terre, et de quelques aromates ou d'autres substances
que l'on incorpore dans la pâte.
Biscuit de Savoie. — Prenez douze œufs frais, séparez les
jaunes des blancs en ayant soin d'enlever tout le germe de l'œuf,
.c'est-à-dire le blanc (ce qui vous donne sur douze œufs beau-
coup de neige), mettez les jaunes dans une terrine, ajoutez
500 grammes de sucre pilé bien sec, mettez votre essence vanille
ou citron zeste; prenez deux spatules, battez bien vos jaunes
jusqu'à ce qu'ils blanchissent et que la pâte se boursoufle; après
cette manipulation, ajoutez 200 grammes de farine de gruau,
loo grammes de fécule de pommes de terre, faites bien sécher
le tout ensemble ; passez au tamis de soie, amalgamez farine et
fécule. dans vos jaunes et lissez la pâte.
Prenez vos blancs dans un bassin d'oflîce; à Taide d'un
fouet en buis, fouettez doucement pour commencer, et lorsque
vos blancs sont bien fermes, à l'état de neige, ajoutez-les aux
jaunes d'œufs, ayant soin, avec une simple spatule, de manier
la pâte légèrement et de la rendre maléable à entonner dans une
bouteille; faites clarifier un peu de beurre; à l'aide d'un pin-
ceau, beurrez bien toutes les parties du moule, laissez refroidir,
16
342 BISCUITS.
saupoudrez avec de la glace de sucre bien sèche Tintérieur du
moule, incorporez votre pâte dedans, à deux centimètres de la
hauteur du moule en le frappant sur votre genou pour que la
pâte tienne bien au moule, mettez à four doux; deux heures de
cuisson suffisent, démoulez^, et la glace de votre sucre fera sortir
du moule un biscuit bien glacé et d'un jaune mat.
C'est ainsi que nous procédions avec MM. AUain et Chrétien,
deux pâtissiers émérites, attachés à la maison du feu roi Charles X.
Tous deux m'ont donné les principes de la pâtisserie. (Vuillemot.)
Biscuit manqué. — Le biscuit manqué se fait à seize œufs
au lieu de douze; même procédé que ci -dessus, seulement
ajoutez, après une manipulation légère, 250 grammes de bon
beurre d'Isigny fondu dans la pâte, remuez le tout ensemble et
beurrez une caisse carrée de quatre centimètres de hauteur,
renversez votre pâte dedans, mettez à four doux; après cuisson,
prenez des amandes hachées, sucrez-les, ajoutez deux blancs
d'œufs, faites-en une pâte, mouillez le dessus du biscuit avec de
l'œuf battu sur la surface, étendez votre appareil dessus d'égale
épaisseur, laissez praliner au four doux, — découpez et détaillez
par petits gâteaux carrés ou ovales et dressez sur une serviette.
Cet entremets de pâtisserie est très-bon.
On prétend que ce gâteau a pris le nom de manqué, de^
ce que un apprenti ayant pris du beurre fondu pour de la
génoise, mit ce beurre dans la pâte à biscuit, distraction de gâte-
sauce qui devint une innovation culinaire. La part du hasard
est grande dans les inventions humaines. (Vuillemot.)
Biscuit aux pistaches. — Prenez 250 grammes de pistaches
bien fraîches, treize blancs d'œufs, neuf jaunes, 50 grammes de
farine séchée et passée au tamis, enfin 50 grammes du plus beau
sucre que vous pourrez trouver, battez à part les jaunes avec le
sucre, fouettez les blancs en neige, mêlez les blancs et les jaunes,
répandez la farine sur le tout, ajoutez la pâte de pistaches et
peignez ce mélange avec du vert d'épinards ; on verse dans des
caisses de papier et on en glace le dessus au sucre et à la farine,
on fait cuire dans un four peu chaud ou sous un four de campagne.
Biscuit aux amandes. — Les biscuits aux amandes, avelines,
noisettes, se font par la même méthode, sinon qu'il faut
BISCUITS. 243
y ajouter un peu de fleur d'oranger pralinée en poudre ou
de la râpure de citron vert, en retrancher le suc d'épinards.
Biscuits à la cuiller. — Faites une pâte plus légère que
pour le biscuit de Savoie , seize œufs au lieu de douze ,
500 grammes sucre, maniez légèrement la pâte et couchez sur le
papier avec une chausse. Glacez les biscuits et four doux pour
laisser grêler le sucre dessus, attendez deux minutes avant de
mettre au four.
Biscuit au chocolat, — Prenez douze œufs, 300 grammes de
farine, 650 grammes de sucre, po grammes de chocolat fin à la
vanille, le tout en poudre, battez les jaunes avec le chocolat et
le sucre, ajoutez-y les blancs battus en neige, incorporez-y la
farine, en remuant sans cesse, mettez la pâte en moule et glacez
comme ci-dessus.
Biscuits à couper. — Quand vous aurez battu dix jaunes
d'œufs dans une terrine avec 500 gr. de sucre pulvérisé, un peu de
sel, de fleur d'oranger et de zeste de citron, vous les mêlerez
avec les blancs bien fouettés, passez dessus, en maniant- légère-
ment^ 60 grammes de farine sèche dans un tamis de crin, dressez
vos biscuits dans une caisse de papier, glacez-les et mettez-les
dans le four à feu doux pendant une heure au moins, retirez-les
et quand ils seront froids coupez-les ; puis si vous voulez en faire
des biscuits à la bigarade, au cédrat, à l'orange, frottez votre
fruit sur un morceau de sucre en pain pour qu'il prenne le zeste;
mettez ce parfum dans la glace et glacez-en vos biscuits avant de
les mettre à l'étuve ; on peut encore les glacer à la fraise, à la
framboise, à la groseille, en mêlant dans la glace les chairs de ces
fruits écrasées et tamisées.
Biscuits soufflés à la fleur d'oranger. — En mêlant du sucre
en poudre passé au tamis avec un blanc d'œuf frais séparé du
jaune, faites une glace de suffisante consistance. Quand elle sera
à point, mêlez-y trois ou quatre grammes de fleur d'oranger^
pralinée; remplissez de cette préparation de très-petits caissons de
papier, faites cuire à feu doux et retirez quand ils auront acquis
de la consistance.
Petits biscuits soufflés aux amandes. — Faites praliner 350
grammes d'amandes douces coupées en petits dés, mêlez-les avec
244
BISET.
une pincée de fleur d'oranger pralinée, dans une glace royale,
faite avec deux blancs d œufs bien frais, encaissez et faites cuire
vos biscuits comme ci-dessus. Les petits biscuits. soufflés au rhum,
au vin d'alicante, aux liqueurs des îles, à la crème, se préparent
de la même manière, c'est=-à-dire au moyen de la même pâte.
Biscuits à la génoise. — C'est un biscuit croquant et le type
de tous les autres. Prenez 500 grammes de farine, 120 grammes
de sucre, de la coriandre et de Tanis en poudre, ajoutez quatre
œufs et quantité suffisante d'eau tiède, pour faire une pâte levée;
faites cuire dans la tourtière, coupez ensuite en tranches et faites
biscuire.
Biscuits à la mère Jeanne. — Faites une pâte de médiocre
consistance avec deux blancs d'œufs, quatre cuillerées de sucre en
poudre, deux cuillerées de farine et 30 grammes de fleur
d'oranger pralinée en poudre.
On prend de cette pâte plein une cuiller à café, et on la
couche sur des feuilles de papier en formant des ronds de la
grandeur d'une pièce de cinq francs.
On les met au four, et on les retire lorsque les biscuits ont
pris une belle couleur ; pour les détacher du papier, on mouille
la feuille par derrière avec une éponge ; on dépose les biscuits
sur un tamis pour les faire sécher et on les conserve dans des
bocaux.
Biscuits à Vursuline. — Prenez seize blancs d'œufs, six
jaunes, la râpure d'un citron, i8o grammes de farine de riz, 300
grammes de sucre en poudre, 60 grammes de marmelade de
pomme, 60 gramînes d'abricots, 60 grammes de fleur d'oranger
pralinée.
Pilez dans un mortier les marmelades et la fleur d'oranger,
ajoutez-les ensuite aux blancs d'œufs fouettés en neige, battez les
jaunes avec le sucre pendant un quart d'heure, mélangez le tout
et battez encore. Lorsque le mélange est parfait, ajoutez la farine
et la râpure de citron, dressez dans des caisses et faites cuire à un
feu très-modéré.
Avant de mettre les biscuits au four, saupoudrez-les de sucre
passé au tamis de soie. Et faites servir.
BISET. — Espèce commune de pigeon que l'on voit tour-
BISON. ?45
billonner par masses au-dessus des colombiers des fermes et
s'abattre dans la plaine si serrés les uns contre les autres, qu'ils
semblent fairç des tapis bariolés ; le biset mangé jeune est beau-
coup plus tendre que le ramier et plus succulent que la grosse
espèce appelée pigeon de pied. On le mange à la crapaudine,
rôti, aux pois, de la même façon enfin que Ton mange les autres
pigeons. A la broche, il est important de Tenvelopper d'un triple
rang de feuilles de vigne recouvert de bardes de lard.
BISHOP. — Liqueur dont les Anglais réclament l'invention
et qu'ils ont appelés bishop, c'est-à-dire évêque. On appelle
ainsi l'infusion de suc d'orange et de sucre dans un vin léger ;
c'est une boisson fort en usage en Allemagne.
Un Allemand a dit de ce mélange, quand on le fait avec du
vin de Bordeaux ou de Bourgogne, c'est une liqueur d' évêque.
Si on le fait avec du vin ueux du Rhin, c'est une liqueur
de cardinal.
Si on le fait avec du vin de Tokai, c'est une liqueur de
pape. (e^.-F. Q4ulagnier. Dictionnaire des aliments et boissons.)
BISON. — Le bison, ou bœuf sauvage, habite dans toutes
les parties tempérées de l'Amérique septentrionale et produit
avec nos vaches.
Ce qui distingue le bison du bœuf est d'abord cette bosse
qui s'élève sur ses épaules et qui, comme celle du zébu, n'est
formée que d'une masse graisseuse, et varie suivant la grandeur
ou l'embonpoint de l'animal ; il a aussi une longue barbe de
crin et un toupet pareil qui pend échevelé entre ses deux cornes,
presque sur ses yeux, ce qui lui donne un air sauvage et féroce, A
quoiqu'il soit fort doux et tout à fait inoffensif. Son poitrail est
large, sa croupe effilée, sa queue épaisse et courte, ses jambes
grosses et tournées en dehors, son poil roussâtre et long s'élève
sur ses épaules, et le reste du corps est couvert d'une laine que
les Indiennes tissent pour en faire des vêtements, des sacs à blé
et des couvertures.
Les bisons sont si nombreux dans les steppes du Missouri,
que leurs troupes mettent quelquefois plusieurs jours à défiler
quand ils émigrent, leur marche fait trembler la terre et on en
entend le bruit à plusieurs milles de distance.
>
246 BISQUE.
Les Indiens ont une danse, la danse du bison qui vient de ce
que pour faire la cour à sa génisse, cet animal danse tout autour
en galopant en rond. Immobile au milieu du cercle que décrit
son futur mari, la génisse mugit doucement, semblant encourager
de cette manière les avances que lui fait le bison.
La viande du bison, coupée en larges et minces tranches, se
fait sécher au soleil, à la fumée, et devient alors très-savoureuse,
elle se sale et se conserve plusieurs années, comme celle du
jambon. Elle a la même saveur que celle du bœuf avec un petit
goût acre et sauvage qui la rapproche de celle du cerf; dans les
vaches, ce sont la bosse et les langues que Ton estime le plus,
elles sont très -bonnes à manger fraîches, soit bouillies soit
rôties.
Cet animal qsX très-utile aux Indiens; il les nourrit de sa
chair, les vêt de sa peau et de sa laine, et sa fiente même, brû-
lée, donne une braise ardente dont ils se servent pour se chauffer
dans les savanes où le manque de bois ne leur laisse que cette
seule ressource.
Le bison et le sauvage, a dit Chateaubriand, placés sur le
même sol, sont le taureau et l'homme dans l'état de nature ; ils
ont Tair de n'attendre tous les deux qu'un sillon, l'un pour
devenir domestique, l'autre pour se civiliser.
BISQUE. — S'il était nécessaire de rappeler à nos lecteurs
bien appris, dit l'auteur des Mémoires de M"** de Créquy, quelles
sont toutes les qualités et toutes les illustrations de la bisque
nous commencerions par citer, en guise d'épigraphe, ces \en
gaulojs du vieux chapelain de François i*', Meslin de Saint-
Gelais :
Quand on est fébricitant
Ma dame on se trouve en risque,
Et pour un assez long temps.
De ne jouer à la brisque
Et de mal disner, partant,
De ne point manger de bisque,
Si rude et si Fascheux risque,
Que je bisque en y songeant!
Nous passerions ensuite à ce contemporain de l'austère Boi-
leau, à cet heureux gourmand :
BISQUE. 247
» ' ' — -m
dont la mine fleurie
Semblait d'ortolans seuls et de bisque nourrie.
Vincent de la Chapelle a déclaré que la bisque au bon cou-
lis était le plus royal des mets royaux; et M. de la Reynière nous
dit fièrement que c'est un aliment princier ou financier. Brillat-
Sa\'arin, conseiller à la cour de cassation et commandeur de la
Légion d'honneur, a dit dans sa physiologie du goiit/que s'il
restait dans ce monde une ombre de justice, on rendrait publi-
quement aux écrevisses cuttes, un culte de Latrie.
Bisque d'écrevisses (potage). — Lavez cinquante écrevisses :
jetez-les dans une casserole^ ajoutez une mirepoix composée de ca-
rottes émincées, oignons en rouelle, un bouquet garni, assaisonnez
de sel, poivre, un peu de piment en poudre; mouillez avec une
grande cuiller à pot de consommé et un verre de madère, après
cuisson, retirez la chair des queues, coupez-les en dés et mettez-
les à part. Faites blanchir 125 grammes de riz, faites-le crever
au consommé, ajoutez-le aux carapaces d'écrevisses et à la mire-
poix; pilez le tout dans un mortier, mouillez et passez le tout à
rétamine; ajoutez à votre purée le bouillon de vos écrevisses,
tournez-la sur le fourneau avec une cuillier de bois, retirez-la
avant son ébullition et enlevez la pulpe de votre purée; ajoutez
un morceau de beurre frais, mettez-le avant de le servir au
bain-marîe, ajoutez avec vos queues d'écrevisses des petits croû-
tons en dés passés au beurre, mettez le tout dans une soupière,
versez le potage dessus et servez bien chaud. (Vuillemot.)
Bisque à la normande (ou potage aux pouparts). — Faites
cuire vingt minutes, avec de l'oignon, du persil et des tranches
de carottes, deux douzaines de petits crabes dans une eau salée,
laisez refroidir dans leur cuisson, égouttez sans les éplucher,
pilez-les dans un mortier en y joignant gros comme un œuf de
mie de pain tendre ou deux cuillerées de riz cuit à la vapeur;
mouillez cette pâte avec du consommé si c'est au gras, avec des
quatre racines si c'est au maigre ; faites-la passer à Tétamine,
puis, faites-la bien chauffer au bain-marie en y ajoutant votre
bouillon gras ou maigre. Ces crustacés doivent être de ceux qu'on
appelle pouparts sur la côte de Normandie , ils contiennent plus
248 BLANC-MANGER
d'œufs et de laitance que tous les autres petits crabes connus sous
d'autres noms.
. BISTORTE. — Espèce de renouée, ainsi nommée parce
que ses racines sont tortues et repliées en forme d'S.
La bistorte quoique n'ayant pas du tout une apparence
farineuse, est très-nourrissante et pourrait, dans un cas de disette,
servir à l'alimentation : on ne ferait en cela que suivre l'exemple
des Samoyèdes qui la mangent en place de pain.
BLANC. — On appelle ainsi une composition dont l'usage
est souvent ordonné dans les formules culinaires : faites bouillir
dans une petite quantité d'eau du lard râpé, des tranches de
carottes, autant d'oignons, une feuille de laurier, du persil en
branche, et un nouet de toile fine où vous aurez mis du poivre
en grain et quelques clous de girofle; il faut laisser bouillir le
tout en le tournant sans cesse jusqu'à ce que l'eau soit entière-
ment évaporée, mouillez alors avec une plus grande quantité
d'eau, faites bouillir de nouveau, écumez avec soin et conservez
cette préparation dans une terrine pour vous en servir suivant la
formule.
BLANC-MANGER (suivant l'ancienne recette). — On voit
dans les lettres de M"** de Maintenon , que Fagon ordonnait cet
aliment dans les cas d'aâ^ections ou dispositions inflammatoires.
Pilez 125 grammes d'amandes mondées en y joignant un peu
d'eau, pour empêcher la séparation d'huile, ajoutez-y un litre
de consommé fait sans légumes et complètement dégraissé; à la
place des légumes on met, dans le pot où se fait le consommé,
deux clous de girofle, un bâton de cannelle et un peu de sel;
quand le bouillon est bien mêlé avec les amandes on y ajoute
60 grammes de blanc de volaille rôtie , hachée et pilée , après
qu'on en aura ôté la peau, les tendons et les os; au lieu de
volaille on peut se servir de veau rôti , on peut ajouter aussi
gros -comme un œuf de mie de pain mollet , ce qui rendra le
blanc-manger plus épais. Le tout bien mêlé, on étamine en
tordant, et on reverse ce qui a passé sur le marc en tordant
encore pour en extraire tout ce qui peut en être extrait; on verse
ce qui a passé dans un poêlon en y ajoutant le jus d'une orange
et 125 grammes de sucre; on met le poêlon sur un feu vif, on
BLANC-MANGER. 349
remue d'abord pour que le blanc-manger, s'épaississe , et on le
laisse un peu reposer, ensuite on le remue de temps en temps
avec une cuiller, il est cuit quand il est pris.
(( Blanc-manger (suivant la recette de M . Beauvilliers) . — Ayez
deux pieds de veau ; fendez-les en deux, afin d'en ôter les gros os;
faites-les dégorger et blanchir; rafraîchissez-les; mettez-les dans
une marmite, avec une pinte et demie d'eau; faites-les partir;
écumez-les ; laissez-les cuire deux ou trois heures, dégraissez et
passez leur bouillon au travers d'une serviette mouillée; faites
blanchir et émondez un quarteron d'amandes douces avec six
amères, pilez-les, réduisez-les en pâte; ayez soin de les mouiller
de temps en temps avec un peu d'eau pour qu'elles ne tournent
point en huile ; mettez dans une casserole un demi-setier d'eau ,
un quarteron et demi de sucre , le zeste de la moitié d'un citron
et une bonne pincée de coriandre; laissez infuser le tout une
demi-heure; retirez-en la coriandre et le citron, versez cette
infusion sur vos amandes ; passez-la plusieurs fois à travers une
serviette; ajoutez-y autant de gelée de pieds de veau qu'il en
faut pour que votre blanc-manger soit délicat, et qu'il puisse
prendre suffisamment, ce dont vous vous assurerez en en faisant
l'essai. Parvenu à son degré et d'un bon goût, versez-le soit dans
de petits pots, soit dans un moule et faites-le prendre à la glace
comme les autres gelées. Vous pouvez faire ce blanc-manger,
ainsi que toutes les gelées possibles, avec de la colle de poisson,
de la corne de cerf ou de la mousse d'Islande. »
La recette de M. Beauvilliers est excellente ; elle défie les
innovations, on aurait tort de ne la point suivre.
Blanc-manger frit. — Prenez une casserole avec un demi-
litre de crème, un quart de farine de riz, des zestes de citron
hachés et un peu de sel, laissez sur le feu trois heures en
remuant par intervalles. Quand votre préparation sera presque
cuite, ajoutez-y du sucre, quatre massepains et six macarons
écrasés: achevez de faire cuire, cassez et incorporez avec elle
trois œufs l'un après l'autre, faites lier cette pâte, étalez-la sur
un couvercle fariné, poudrez de farine, et laissez-la refroidir.
Divisez-la en petits carrés, faites-en de petites boules, faites
chauffer la friture dans une poêle, et au moment de servir, met-
2$o BLOND DE VEAU.
tez-la dans une passoire dans laquelle vous aurez versé vos pâtes
remuez souvent la passoire et dès que vos boules auront une
belle couleur, retirez-les, goûtez-les, dressez-les et saupoudrez
de sucre. On peut hacher des blancs de volaille rôtie et les incor-
porer dans cette préparation.
BLOND DE VEAU. — Voltaire, qui était toujours non-
seulement quelque part, mais chez quelqu'un, et qui quelque
part qu'il fût, écrivait des lettres pour être imprimées, écrivait de
Cirey à son ami Saint-Lambert : « Venez à Cirey ou M'"* Ducha-
telet ne vous laissera pas empoisonner; il n'y a plus une cuille-
rée de jus dans la cuisine, tout s'y fait au blond de veau, nous
vivrons cent ans, et nous ne mourrons plus jamais. » Or la recette
de ce blond de veau avait été donnée à M"*® Duchatelet par le
célèbre Tronchin, dont le cours d'hygiène était renfermé dans
ces trois recommandations : a tenez-vous la tête froide, les pieds
chauds et le ventre libre. » Voici donc la recette de M"*' Ducha-
telet.
Blond de veau à la Duchatelet, — « Garnissez le fond d'une
casserole avec des tranches de veau, ajoutez-y des abatis de
volaille avec un peu de beurre ou du lard fondu, des oignons,
des carottes et un bouquet garni; mouillez avec une cuillerée de
bouillon, laissez réduire sans laisser attacher, mouillez encore
avec du bouillon en suf&sante quantité pour que tout soit cou-
vert, faites bouillir et écumez, ensuite amortissez le feu et faites
recuire doucement pendant deux heures.
« Faites séparémentun roux blanc, passez-y des champignons
pendant quelques minutes, et versez-y le jus de la viande en
remuant toujours, pour que le roux se mélange intimement, faites
bouillir et écumer, et tenez la casserole sur un feu doux pen-
dant une bonne heure, passez à l'étamine après avoir dégraissé.»
Blond de veau à la parisienne, — Prenez deux casis et deux
jarrets de veau, mettez-les dans une casserole avec quatre oignons
que vous mouillez avec deux cuillerées de bon bouillon. Vous
posez le tout sur un fourneau tout allumé, quand le bouil-
Ion qui est dans la casserole est réduit, vous transportez la casse-
role sur un feu doux, où votre veau devra suer sans que la
glace ait le temps de s'attacher. Quand la glace du fond de la
BCEUF. 351
casserole est de belle couleur, vous la remplissez de bouillon soi-
gneusement écume et surtout- n'assaisonnez pas.
Blond de veau à la Beauvilliers , — « Beurrez le fond d'une
casserole, mettez-y quelques lames de jambon, deux à trois kilos
de veau de bonne qualité, deux ou trois carottes tournées, autant
d'oignons, mouillez le tout avec une cuillerée de grand bouillon,
faites-le suer sur un feu doux, et réduire jusqu'à consistance
de glace; quand elle sera d'une belle teinte jaune, retirez-la du
feu, piquez les chairs avec la pointe d'un couteau pour en faire
sortir le reste du jus, cou\Tez votre blond de veau, laissez-le
suer ainsi un quart d'heure, et mouillez-le de grand bouillon,
selon la quantité de vos viandes, mettez-y un bouquet de persil
et ciboule, assaisonné de la moitié d'une gousse d'ail et piqué
d'un clou de girofle, faites bouillir ce blond de veau, écumez-
le, mettez-le mijoter sur le bord d'un fourneau ; vos viandes
cuites, dégraissez-le, passez-le comme il est dit à l'arlicle pré-
cédent, et servez-vous comme de Vempotage^ pour le riz, le
vermicelle et même vos sauces. » [Recette de M. Beauvillief-s,)
Non-seulement avec cette recette on peut faire d'excellents •
potages, mais un bon velouté et une bonne espagnole {voir
Sauces).
BAOBAB. — Arbre qui produit un fruit connu au Séné-
gal sous le nom de pain de singe, parce que cet animal s'en nour-
rit beaucoup; on ne s'en sert guère que pour faire une boisson
rafraîchissante en exprimant son suc et le mêlant avec du sucre.
BODIAN. — Poisson dont il existe plusieurs variétés étran-
gères, sa chair est excellente.
BŒUF. — On se plaint de la décadence de la cuisine;
cette décadence est bien plutôt l'œuvre des maîtres que des servi-
teurs. Autrefois les grands gastronomes, comme le maréchal de
Richelieu, le duc de Nivernais et le comte d'Escur, faisaient une ^
fois au moins par semaine venir leur maître d'hôtel, pour lui
demander où on en était des découvertes culinaires ; les conver-
sations savantes entre le maître et le serviteur faisaient avancer à
grands pas la science gastronomique, en mettant le maître en face
de la grande pratique et le cuisinier en face de la grande théorie.
Quand M. le duc de Nivernais était obligé de changer ses chefs
X
353 BCEUF.
de cuisine ou qu'ils avaient appris quelques nouveautés qui lui
paraissaient admissibles , il avait la patience et la conscience de
s'en faire servir et d'y goûter huit jours de suite afin de conduire
et de faire aboutir la chose au point de sa perfection. Il avait le
palais tellement bien exercé qu'il pouvait distinguer si le blanc
d'une aile de volaille provenait du côté du fiel. Quant à M. de
Richelieu, c'était le côté pratique surtout qu'il connaissait mieux
que le meilleur maître d'hôtel. Une anecdote est parfois plus
probante qu'une règle de trois.
C'était à la guerre de Hanovre, où le pays se trouvait dévasté
tout autour de l'armée française à plus de quatre-vingts kilomètres
à la ronde, on avait fait prisonnier tous les princes et toutes les
princesses d'Ostfrise, au nombre de vingt-cinq personnes, aux-
quelles il est bon d'ajouter une assez raisonnable suite de filles
d'honneur et de chambellans. Le maréchal de Richelieu avait
résolu de leur donner la clef des champs, mais avant de lâcher
prise, il imagina de leur offrir à souper, ce qui mit ses ofiîciers
de bouche au désespoir.
Mais quand M. de Richelieu avait résolu quelque chose, il
fallait que la chose s'exécutât. Il réunit tous ses officiers de bouche.
« Qu'avez-vous à la cantine, messieurs, leur demanda-t-il?
— Monseigneur, il n'y a rien.
— Comment rien?
— Rien du tout.
— Mais pas plus tard qu'hier, j'ai vu deux cornes passer
par la fenêtre.
— C'est vrai, monseigneur, il y a un bœuf et quelques
racines, mais que voulez- vous faire de cela?
— Ce que j'en veux faire, mais pardieu j'en veux faire le
plus beau souper du monde.
— Mais, monseigneur, on ne pourra jamais.
— Allons donc, on ne pourra jamais. Rudière, écrivez le
menu que je vais vous dicter, pour mâcher la besogne à ces
ahuris de Chaillot. Savez-vous comment on écrit le tableau d'un
menu , Rudière ?
— Mais, monseigneur, j'avoue...
— Rendez-moi votre place et votre plume.»
BŒUF.
2^3
Et voilà le généralissime qui s'assied à la place de son
secrétaire et qui improvise un souper classique, un menu qui a
été recueilli dans la collection de M. de la Poupelmière,
et voici comment il est inscrit dans les nouvelles à la main.
MENU D'UN EXCELLENT DINER TOUT EN BŒUF.
DORMANT.
L€ grand plateau de vermeil avec la figure équestre du Roi;
Les statues de Duguesclin^ de Dunois^ de Bayard et de Turenru;
Ma vaisselle de vermeil avec les armes en relief écaillé.
PREMIER SERVICE.
Une oille à la garbure gratinée au consommé de bœuf.
QUATRE HORS-d'œUVRE.
Palais de notre bœuf à la Sainte-
Menehould.
Petits pâtés de hachis de filet de bœuf
à la ciboulette.
Les rognons de ce bœuf à Toignon
frit.
Gras-double à la poulette au jus de
citron.
RELEVÉ DE POTAGE.
La culote de bœuf garnie de racines au jus.
(Tourne^ grotesquement vos racines^ à cause des Allemands.)
SIX ENTRÉES.
La queue du bœuf à la purée de mar-
rons.
Sa langue en civet {à la bourgui-
gnonne) .
Les paupières du bœuf à Testafoulade
aux capucines confites.
La noix de notre bœuf b raisée au cèle ri .
Rissolés de bœuf à la purée de noi-
settes.
Croûtes rôties à la moelle de notre
bœuf. (Le pain de munition vaudra
l'autre.)
SECOND SERVICE.
L'aloyau rôti {Vous l'arrosere{ de moelle fondue) .
Salade de chicorée à la langue de bœuf.
Bœuf à la mode à la gelée blonde mêlée de pistache.
Gâteau froid de bœuf au sang et au vin de Juranson {ne vous y
trompe^ pas).
254
BŒUF.
SIX ENTREMETS.
Navets glacés au suc de bœuf
rôti.
Tourte de moelle de bœuf à la mie
de pain et au sucre candi.
Aspic au jus de bœuf et aux zestes de
citron pralinés.
Purée de culs d'artichauts au jus et
au lait d'amandes.
Beignets de cervelle de bœuf marinée
au jus de bigarades.
Gelée de bœuf au vin d'Alicante et
aux mirabelles de Verdun.
Et puis tout ce qui me reste de confitures ou conserves.
Sij par un malheureux hasard ^ ce repas n! était pas très-bon ^ Je ferai retenir sur
Us gaçes de Maret et de RouqueUre une amende de loo pistoles. AlU^^ et ne
doute^ plus,
Richelieu.
«
M. Vuillemot, qui raconte volontiers cette anecdote, ne
manque jamais de raccompagner de savants commentaires.
Selon cet habile opérateur, la tourte à la moelle, denàandée par
le galant maréchal, est un mets hérétique; le pied de bœuf à la
poulette est oublié à tort sur le menu; les beignets de cervelle
sont un hors-d'œuvre et ne sauraient devenir , même de par le
vouloir de Firrésistible duc, un entremets. M. Vuillemot fait
observer que, pour le malheur du menu bovin, le gras-double
à la mode de Caen était inconnu au xviii* siècle.
Sans le bœuf, dit BufFon, on aurait beaucoup de peine à
vivre ; la terre demeurerait inculte, les champs et même les
jardins seraient secs et stériles ; il est le domestique de la ferme,
le soutien du ménage champêtre ; il fait toute la force de l'agri-
culture ; et aussi les anciens regardaient-ils comme un crime de
se nourrir de sa chair. Pline rapporte qu'un citoyen fut banni pour
avoir tué un bœuf. Valère-Maxime dit la même chose. Les
Grecs modernes n'en mangeaient point, par respect pour l'animal
laboureur. Dans les villages indous, celui qui mange de sa chair
est regardé comme infâme. Les Égyptiens consultaient le bœuf
Apis comme un oracle. C'est peut-être par un reste de cette
vénération qu'à Paris on promène chaque année le bœuf gras.
Cet animal change de nom d'après son âge, il est d'abord veau,
puis bouvillon et enfin bœuf. Il y en a de plusieurs espèces, de
plusieurs grandeurs et grosseurs, et ceux d'Egypte, par exemple,
sont plus gros que ceux de la Grèce; de même qu'en France, nos
BCEUF. 2$$
meilleurs bœufs sont fournis par l'Auvergne et la Normandie.
Lors de la découverte de TAmérique, on n'y trouva pas le bœuf;
mais importé par les Espagnols, il s'y multiplia considérable-
ment, et est devenu depuis un des mets favoris des Américains,
qui, comme les Anglais, proclament en tout et pour tout la
supériorité du bœuf sur les^ autres viandes. Sa chair est celle
qu'on emploie le plus généralement, elle nourrit bien et la
digestion s'en fait facilement quand çlle est de bonne qualité,
Elle n'est cependant pas aussi bonne dans tous les pays, elle
diffère aussi d'après les pâturages. La viande est excellente
quand l'animal est jeune et gras, et convient, en général, à
tout te monde, mais plus encore à ceux qui ont un bon esto-
mac , qui font beaucoup d'exercice et qui ont besoin d'être
bien nourris. Les personnes sédentaires, les convalescents, les
estomacs faibles ne doivent en faire usage qu'après avoir consulté
leurs forces. La viande de bœuf est aussi celle qui donne le meil-
leur bouillon.
Nous allons indiquer maintenant quelques-unes des nom-
breuses manières d'accommoder le bœuf et de le manger.
Les parties les plus recherchées sont la culotte, l'aloyau, la
noix, les entre-côtes, les côtes et la poitrine ; l'épaule, que les
bouchers nomment paleron, ^st inférieure aux parties élancées,
le flanchet, le collier et la tête sont les parties les moins estimées
comme le filet mignon est ce qu'il y a de plus délicat ; laissons de
côté la cervelle qui est rarement bonne chez le bœuf, attendu l'habi-
tude qu'on a en France de les assommer. On fait de la langue et du
palais sous divers ibrmes des mets assez délicats, les rognons sont
ce qu'il y a de plus grossier dans le bœuf, quoique ce soit souvent
avec eux que l'on fasse des rognons au vin de Champagne;
comme il semble que la destination naturelle du bœuf soit de
faire du bouillon, commençons l'énumération des plats qu'il
fournit par celle de bœuf bouilli.
Le bœuf bouilli est fort méprisé des gastronomes, qui
l'appellent de la viande sans jus ; mais il est la providence des
pauvres gens et des petits ménages, à qiii il fournit, non-seule-
ment le diner du jour, mais le déjeuner du lendemain.
Nous dirons plus tard^ à l'article bouillon, la manière de
256 BCEUF.
faire le bouillon le meilleur possible; ici nous ne nous occupons-
que du bœuf.
La manière la plus habituelle de servir le bœuf et hâtons-
nous de dire que, dans ce cas, le morceau qui offre le plus de
sapidité est la pointe de culotte, la manière, disons-nous, la plus
habituelle de servir le bœuf, est, après l'avoir fait égoutter, de le
servir sur un plat entouré soit de persil, soit de pommes de terre
frites, soit d'une sauce tomate, soit d'oignons glacés ; vous trou-
verez tous ces accompagnateurs fidèles du bœuf, chacun à sa
lettre.
Bœuf garni aux choux . — Prenez deux ou trois choux,
coupez-les par quartiers, lavez-les, faites-les blanchir ; lorsqu'ils
seront blanchis, rafraîchissez-les, fîcelez-les, mettez-les dans une
marmite, mouillez-les avec du bouillon, si vous avez une braise
ou quelques bons fonds servez-vous-en, ajoutez-y quelques
carottes, deux ou trois oignons, dont un piqué de trois clous de
girofle, une gousse d'ail, du laurier et du thym ; de plus, pour
que vos choux soient bien nourris, ajoutez-y. le derrière de votre
marmite, laissez-mijoter trois ou quatre heures, égouttez vos
choux sur un linge blanc, pressez-les pour en faire sortir la
graisse en leur donnant la forme d'un rouleau à pâte, dressez-
les autour de votre pièce, masquez-4a, ainsi que vos choux, avec
une espagnole réduite et servez.
Pièce de bœuf au pain perdu. — Si vous n'avez pas une
culotte de bœuf, prenez un aloyau ou seulement une partie,
levez le filet mignon, il vous servira pour faire une entrée, dres-
sez le reste, ficelez-le, roulez-le en manchon, marquez-le comme
une pièce de bœuf ordinaire et faites-le cuire, coupez des lames
de pain mollet en queue de paon ou en cœur, cassez trois œufs,
battez-les comme une omelette, assaisonnez d'un peu de sel et
de crème, trempez-y vos lames de pain, faites -les frire dans du
beurre, ayez soin de les retourner les unes après les autres lors-
qu'elles seront d'une belle couleur, égouttez-les sur un linge blanc,
la cuisson de votre pièce de bœuf ou d'aloyau étant achevée
égouttez-la, après l'avoir déficelée, vous la poserez sur le plat,
vous rangerez autour d'elle vos lames de pain, faites sautez le tout,
soit avec une espagnole, soit avec une sauce hachée, et servez.
BŒUF. 257
Pièce de bœuf à Vécarlate. — Prenez tout ou partie d'une
culotte de bœuf, laissez-la se mortifier trois jours ou plus,
désossez, lardez, avec assaisonnement : persil, ciboules, poivre et
épices, frottez de sel très-sec tamisé avec 30 ou 60 grammes de
salpêtre purifié, mettez votre pièce dans une terrine d'office, avec
genièvre, thym, basilic, ciboule, ail, clou de girofle et
oignon, enveloppez d'un linge et couvrez-la d'un vase, laissez-
la ainsi huit jours, retournez-la et recouvrez-la avec le même
soin, et laissez-la encore trois ou quatre jours, ensuite retirez-la
et faites-la égoutter, mettez dans une marmite de l'eau, assai-
sonnée de carottes, oignons et d'un bouquet, faites-la partir, et
lorsque votre eau sera au grand bouillon, mettez-y votre culotte,
après l'avoir enveloppée d'un linge blanc, que vous ficellerez,
faites-la cuire ainsi pendant quatre heures sans interruption,
après retirez-la pour la placer dans une terrine de sa forme,
jetez dessus l'assaisonnement dans lequel elle a cuit, et laissez-la
refroidir, servez-la sur une serviette comme un jambon, avec du
persil vert autour..
Si vous la voulez servir chaude, mettez-la sur un plat
comme une pièce de bœuf, avec un bon jus de bœuf corsé, et
autour du raifort ou du cran râpé.
Culotte de bœuf à la gelée ou à la royale. — Prenez une
culotte ou une partie, choisissez-la de bonne qualité et qu'elle
soit bien couverte, dressez-la, lardez-la de gros lard, comme la
culotte à l'écarlate, et assaisonnnez ces lardons de même,
enveloppez-la dans un linge blanc, ficelez-la, mettez-la dans
une braisière, au fond de laquelle vous aurez mis les os de
votre culotte, cinq ou six carottes, quatre oignons, deux gousses
d'ail, un bouquet de persil et de ciboules, deux feuilles de
laurier, un jarret de veau, un verre de vin blanc, du sel ce qu'il
en faut pour qu'elle soit d'un bon goût, deux ou trois cuillerées
à pot de bouillon ; faites-la partir sur un bon feu, couvrez-la de
trois épaisseurs de papier beurré, couvrez votre braisière avec
son couvercle, faites-la aller doucement avec feu dessus feu
dessous environ quatre heures ; lorsque votre culotte sera cuite,
retirez-lgi, laissez-la refroidir dans le linge, passez son fond à
travers une serviette que vous aurez eu soin de mouiller afin que
17
2$% BŒUF.
s
la graisse ne passe pas avec, laissez-la refroidir, fouettez avec
une fourchette deux blancs d*œufs avec un peu d'eau, jetez-les
dans votre fond encore tiède, remuez-le, mettez-le sur le feu
jusqu'à ce qu'il commence à bouillir, retirez-le, couvrez-le avec
un couvercle sur lequel vous mettrez quelques charbons
ardents, laissez dans cet état votre fond près d'un quart d'heure,
levez le couvercle, si votre fond est limpide, passez-le de nouveau
à travers un linge mouillé et tordu, faites refroidir votre gelée
pour voir si elle est trop forte ou trop légère. Dans le premier
cas, mettez-y un peu de bouillon ; dans le second, faites-la cuire
de nouveau avec un jarret de veau et clarifiez-la encore, ainsi
qu'il est dit plus haut.
« Si elle n'était pas assez ambrée, vous pourriez y mettre un
peu de jus de bœuf; si vous voulez décorer votre pièce de diffé-
rentes couleurs, telles que rouge et vert, vous pouvez, pour la
première, employer un peu de cochenille, après l'avoir fait infuser
sur un feu doux, et en mettre seulement quelques gouttes,
jusqu'à ce que vous ayez atteint le rouge que vous désirez : le
mieux est que la couleur ne domine pas. Si vous la désirez verte,
prenez un peu de jus d'épinards à cru, mcttez-ca également fort
peu, afin de conserver la limpidité de votre gelée. Si vous n'aviez
pas de cochenille et que ce fût en hiver, vous la remplaceriez
aisément en substituant un peu de jus de betteraves rouges, pilées
à cru, et en agissant comme pour la cochenille ; vous coulez
toutes ces gelées dans des vases disposés de manière à pouvoir
couper vos gelées de l'épaisseur d'un pouce ou moins, et de
diverses façons, pour en décorer à volonté la pièce à servir,
comme si c'était des rubis ou émeraudes ; ensuite déballez votre
pièce, parez-la sur tous les sens, ôtez légèrement la peau de la
première graisse qui la couvre, mettez-la sur un plat, qu'elle
soit d'aplomb, garnissez-la de gelée , faites une bordure de cou-
leurs, en les plaçant alternativement, l'une rouge et l'autre verte,
comme le sont les diamants d'une couronne, et servez. » (Recette
originale et manuscrite de V. de la Chapelle, à la Bibliothèque
impériale. )
Rosbifs rond-bif ou corne-bif. — Prenez un morceau gras
de cuisse de bœuf, coupez au-dessus de la culotte, de façon que
BŒUF 259
le gros os se trouve au milieu, sciez cet os, faites sécher et piler
I à 2 kilos de sel, tamisez ce sel, mêlez-y un peu d'épices fines et
d'aromates en poudre, frottez-en toutes les parties de votre bœuf,
mettez-le dans une grande terrine de grès avec le restant de
votre assaisonnement; couvrez-le d'abord d'un linge, fixez ce
linge avec de la ficelle autour de la terrine et couvrez-le bien,
mettez-la au frais trois ou quatre jours; après, retournez dans son
assaisonnement votre pièce de bœuf, faites-en de même tous les
deux jours, durant huit ou neuf jours. Lorsque vous voudrez
vous en servir, retirez-la, laissez-la égoutter et ficelez-la, mettez
de l'eau dans une casserole ronde, avec navets, carottes, oignons,
quatre clous de girofle, quatre feuilles de laurier ; faites bouillir
cet assaisonnement et mettez-y votre pièce de bœuf, posez-la sur une
feuille de turbotière, afin de pouvoir l'enlever sa cuisson faite,
sans la casser, faites-la bouillir durant trois heures, retirez-la,
dressez-la sur votre plat, garnissez-la des légumes avec lesquels
elle aura cuit, et servez-la avec deux saucières, une de sauce au
beurre etl'autre de jus de bœuf. Surtout n'oubliez pas deux pieds
de veau désossés pour gélatine.
Bœuf à la mode, à la bourgeoise, — Prenez de préférence
le milieu de la culotte ou tranche grasse, lardez-la de gros lard,
mettez-la dans une terrine avec deux carottes, quatre oignons
dont un piqué de deux clous de girofle, ail, thym, laurier, sel et
poivre, vous verserez sur le tout un grand verre d'eau, un demi-
verre de vin blanc ou une cuillerée d'eau-de-vie, faites cuire
jusqu'à ce que votre viande soit très-tendre, ensuite dégraissez,
passez votre jus au tamis, et servez ; il faut cinq ou six heures
pour faire un bon bœuf à la mode.
Langue de bœuf sauce hachée. — Il faut la mettre pendant
vingt-quatre heures dégorger à l'eau fraîche en la changeant
plusieurs fois d'eau, plongez-la plusieurs fois dans l'eau bouil-
lante pour la blanchir, râ tissez-la pour enlever la peau et la
parer, piquez-la de gros lardons, assaisonnez-les de poivre, de
sel, de muscade, persil, échalotes hachées, faites-la cuire cinq
heures dans une braise.
Composition de la braise. Garnissez une braisière ou une
daubière de bardes de lard, d'un pied de veau découpé, pour
26o BŒUF.
rendre la sauce gélatineuse, à défaut de pied de veau, prenez un
bon morceau de couenne de lard salé, mettez sel, poivre, bouquet
de persil, ciboule, thym, laurier, clous de girofle, oignons et
carottes, mettez sur cet assaisonnement votre langue de bœuf,
ajoutez un verre de vin blanc, un demi-verre d'eau-de-vie, un
verre d'eau ou de bouillon, couvrez d'un papier beurré, recou-
vrez bien hermétiquement votre casserole avec un couvercle afin
qu'il n'y ait point d'évaporation, faites cuire à petit feu
pendant plusieurs heures, puis retirez votre langue, fendez-la
en long sans la séparer, dressez-la sur un plat, dégraissez la
cuisson, passez -la, mouillez-en un- roux, faites réduire, joignez-
y un peu d'échalotes, de persil, de champignons, de cornichons
hachés fin, poivrez, faites bouillir pendant cinq minutes et
servez.
Langue de bœuf piquée rôtie. — Préparez votre langue
comme pour une braise, faites-la cuire avec deux cuillerées de
bouillon, tranches de lard, bouquet garni, deux oignons dont
un piqué de deux clous de girofle; lorsqu'elle sera aux trois
quarts cuite, retirez-la, faites-la refroidir, piquez-la de gros lard
dans l'intérieur et de fin par-dessus, mettez-la ensuite à la
broche pendant une heure, servez ensuite une sauce piquante
dans une saucière.
Langue de bœuf au gratin. — Coupez en tranches très-
minces une langue de bœuf cuite à la broche ou à la braise,
prenez le plat dans lequel vous comptez la servir sur la table,
mettez dans le fond un peu de bouillon, un filet de vinaigre,
des cornichons, persil, ciboules, échalotes, un peu de cerfeuil, le
tout haché très-fin, sel, gros poivre, chapelure de pain. Couchez en
dessus cette préparation les tranches de votre langue, assaison-
nez-la dessus comme vous avez fait dessous, finissez par la
chapelure, mettez le plat sur un fourneau à petit feu, faites
bouillir jusqu'à ce qu'il se gratine, et en le servant délayez-le
d'un peu de bouillon.
Les restes de langue cuite à la braise ou à la broche peuvent
être coupés par tranches, panés à la Sainte-Menehould, servis sur
une sauce à volonté en papillottes comme les côtelettes de veau.
Biftecks (cuits selon la méthode de M. Gogué). — Les
BŒUF. 261
biftecks doivent être pris soit dans les côtes, soit dans le filet du
bœuf; après avoir choisi le morceau qui vous convient, vous le
parez en ayant soin de ne laisser aucune partie nerveuse, puis
vous le coupez en portions de la même épaisseur (deux ou trois
centimètres) et vous aplatissez légèrement chacun des morceaux,
auxquels vous donnez la forme ronde. Trempez les biftecks dans
de rhuile d'olive, si vous voulez les rendre plus tendre, ou bien
dans du beurre fin, que vous aurez fait fondre et dans lequel
vous aurez mis une pincée de sel.
Ayez alors une bonne braise, claire, ardente, sans fumerons
et sans autres corps étrangers qui puissent produire de la fumée.
Placez sur cette braise le gril bien nettoyé, et sur le gril les
biftecks préparés, ainsi quHl a été dit. Surveillez-les, mais n'y
touchez plus, jusqu'à ce que le moftient de les retourner soit
arrivé, ce moment vous est indiqué par des bulles qui se forment
à la partie supérieure de la viande. Une fois retournés, ils ne
doivent plus être maniés que pour être dressés sur le plat. C est
du bout du doigt qu'il faut les interroger, et on reconnaît à une
certaine résistance que la cuisson est arrivée à point. Dressez-
les alors en couronnes sur le plat^ assaisonnez de poivre et de sel,
et mettez dessous une sauce maître-d'hôtel qui est tout simple-
ment un morceau de beurre frais manié avec un peu de persil
haché et un jus de citron. Faites frire des pommes de terre
taillées en petits bâtons carrés de la longueur d'un doigt,
légèrement assaisonnés de sel, garnissez-en les biftecks et servez
chaud.
Les biftecks au beurre d'anchois ou à la tomate, se préparent
de la même manière que ci-dessus, à l'exception de la maître-
d'hôtel, que vous remplacez par un beurre d'anchois ou par
une sauce tomate. On peut également remplacer, si on veut, les
pommes de terre, soit par du cresson que l'on assaisonne d'un
peu de sel et de vinaigre, soit par de gros cornichons coupés en
lames.
7(emarque. — Il faut bien se garder d'assaisonner les
biftecks pendant leur cuisson, c'est une grave erreur dont nous
devons faire connaître les conséquences. Le sel, qui sur le feu devient
un dissolvant, fait saigner les viandes et leur enlève ainsi le suc.
a6a BŒUF.
qui Qst leur qualité la plus précieuse. Vous remarquerez alors
que la braise, sur laquelle cuisent les viandes, se trouve toute
arrosée de leur cuisson, et c'est ce qui a donné Tidée, pour
remédier à cet inconvénient, d'établir des grils inclinés, avec
réservoir, destiné à recevoir le jus et la graisse provenant de la
cuisson ; cette invention peut être un moyen d'éviter la fumée,
mais elle n'a aucun effet pour la cuisson, qui doit être pratiquée
comme nous l'avons dit.
Gardez-vous bien aussi, une fois que les biftecks sont sur le
gril, de les tourner et retourner plusieurs fois. Il suffit d'avoir
un peu d'expérience et de bon sens pour s'abstenir d'un procédé
routinier, dont le résultat est de compromettre la bonne cuisson.
Suivez à cet égard la méthode que nous avons indiquée.
Filet de bœuf sauté, — Coupez par tranches de quatre ou
cinq doigts d'épaisseur votre filet de bœuf que vous aplatissez
légèrement, en lui donnant une forme ronde. Placez les tranches
sur du ieurre que vous aurez fait fondre dans un plat à sauter,
saupoudrez de sel et de poivre, mettez-les à un feu un peu
ardent, quand ils ont pris une belle couleur d'un côté, retournez-
les, faites-leur prendre couleur de l'autre, dressez-les en cou-
ronne sur le plat, égouttez le beurre du sautoir, mettez-y un peu
de jus pour détacher la glace qui s'est formée au fond par la
cuisson des iilets, ajoutez une cuillerée d'espagnole; faites
réduire et se^-vez avec un jus de citron.
Le filet de bœuf sauté dans sa glace, le filet sauté au
madère, le lîlet sauté aux olives, le filet sauté aux truffes, aux
champignons, le filet sauté aux écrevisses ou au beurre
d'anchois, se préparent de la même façon, si ce n'est qu'au filet
sauté dans sa glace on ajoute un peu de glace de veau et de jus
pour détacher celle du sautoir.
Le filet sauté au madère en mettant au lieu de jus un verre
de madère et une cuillerée à bouche d'espagnole.
Le filet sauté aux olives en ajoutant lorsque le plat est dressé
un ragoût d'olives au milieu.
Le filet sauté aux truffes et aux champignons en ajoutant à
l'espagnole des champignons sautés au beurre ou des truffes.
Le filet sauté au beurre d'écrevisse ou au beurre d'anchois
BŒUF. 263
en ajoutant à l'espagnole l'un ou l'autre de ces beurres, mais
alors on ne remet plus le filet au feu ; enfin tous les filets se
préparent et se font sauter de la même manière, seulement les
titres changent selon le légume dont on les garnit.
Filet de bœuf à la broche. — V. Aloyau.
Toume-dos. — S'il vous reste une moitié ou un quart de
filet de bœuf coupez-le par tranches, faites chauffer ces tranches
sans les faire bouillir, faites tailler des tranches de pain de même
grandeur, auxquelles vous faites prendre couleur en les sautant
dans le beurre, dressez en couronne sur un plat, mettez alterna-
tivement un filet et un croûton, et versez au milieu une ravigote
de sauce piquante ou une poivrade.
Cote de bœuf à la vieille mode. — Étant parée et piquée de
moyens lardons bien assaisonnés, faites-la sauter dans le beurre
et, lorsqu'elle sera à moitié cuite, vous couvrirez la casserole et
vous mettrez du feu sur le couvercle. Dressez et versez dessus le
liquide dégraissé contenu dans la casserole.
Côte de bœuf aux épinards, — Mettez une côte de bœuf à
la broche, ôtez-la lorsqu'elle est cuite à l'anglaise, c'est-à-dire
un peu saignante et dressez-la isur des épinards au jus.
Cote de bœuf à la Provençale. — Parez, piquez votre côte
de bœuf, faites-la sauter dans l'huile à grand feu et jusqu'à
moitié de la cuisson, puis, couvrez la casserole en mettant du
feu sur le couvercle en diminuant celui du fourneau : ces deux
feux pourraient arriver à tarir la sauce et à faire brûler la côte
de bœuf; d'autre part, faites frire dans l'huile des oignons cou-
pés par tranches minces, et lorsqu'ils seront bien jaunis vous
ajouterez à l'huile dans laquelle ils auront cuit, du sel et du
poivre, un peu de bouillon et un filet de vinaigre.
Côte de bœuf au vin de Malaga. — Parez une côte de
bœuf bien épaisse, piquez-la avec des lardons de moyenne gros-
seur; quand vous l'aurez bien assaisonnée de sel, de poivre, de
fines herbes, vous verserez pour la faire cuire la valeur d'une
demi- bouteille de vin de Malaga et la valeur d'une demi-bouteille
de bouillon, après cela vous passerez le mouillement au tamis
de soie, ayez soin qu'il n'y ait point de graisse, et faites réduire
tout ce mouillement de manière qu'il n'en reste qu'un verre
204 BOEUF.
pour mettre sur la côte, et surtout ayez soin de ne pas trop
saler votre mouillement.
Côte de bœuf à la Milanaise. — Parez, piquez avec lardons,
poivrez, salez votre côte de bœuf, faites cuire dans deux verres
de vin de Madère avec sel, gros poivre, bouquet garni, carottes
et oignons. La côte cuite, passez, dégraissez et faites réduire le
fond de cuisson, faites sauter dans ce fond du macaroni que vous
aurez fait cuire dans du bouillon, ajoutez un peu de beurre, de
fromage de Parme râpé , faites mijoter le macaroni ainsi assai-
sonné, dressez la côte, glacez et servez chaud.
Côte de bœuf aux concombres. — Préparez, cuisez une cote
comme braisée, surmontez-la et entourez-la de concombres en
morceaux, glacez et dressez. Vous pouvez servir de même sur un
ragoût de laitues farcies ou sur une litière de choux rouges à la
flamande.
Côte de bœuf aux oignons glacés. — Nous avons dit tout à
rheure comment il fallait parer et braiser une côte de bœuf,
quand elle sera cuite, vous la déficellerez, vous l'égoutterez, vous
la dresserez entière sur un plat, vous mettrez des oignons glacés
à Tentour, et vous la servirez sur une sauce claire, que vous
aurez travaillée avec un peu de mouillement de ce ragoût.
Côtes de bœuf couvertes aux racines, — Prenez les côtes
couvertes, lardez-les de gros lard comme la noix de bœuf, assai-
sonnez-les et braisez-les de même, tournez des carottes avec
votre couteau ou emporte-pièce, une quantité suffisante pour
masquer vos côtes ; faites-les blanchir, mettez-les cuire dans une
casserole avec une partie de l'assaisonnement de vos côtes, ou du
bouillon, faites-le tomber à glace, cela fait, prenez la valeur
d'une cuillerée à bouche de farine, un peu de beurre, faites un
petit roux, mouillez-le, quand il sera bien blond avec les res-
tants de l'assaisonnement de vos côtes faites cuire votre sauce,
dégraissez-la, tordez-la dans une étamine sur vos carottes,
remettez le tout sur le feu, afin que votre sauce et vos carottes
prennent du goût; mettez-y gros de sucre comme la moitié d'une
noix, pour en ôter l'acreté, et un pain de beurre; sautez bien le
tout jusqu'à ce que le beurre soit parfaitement fondu et incor-
poré, masquez vos côtes et servez.
BŒUF. 26f
Queue de bœuf à la hoche-pot. — Prenez une queue de
bœuf, coupez-la par tronçons de point en point, faites-la dégorger
et blanchir, foncez une casserole de viande de boucherie, placez
dessus vos tronçons, ajoutez-y sel, oignons, carottes, un bouquet
assaisonné d'une feuille de laurier, d'une gousse d'ail, de thym,
de basilic et piqué de deux clous de girofle, mouillez le tout
avec du bouillon de manière que vos tronçons ne fassent que
tremper, couvrez-les de bardes de lard, faites-les partir, met-
tez-y un rond de papier, et les posant sur un feu modéré, cou-
vrez-les avec un couvercle, avec feu dessus, laissez-les cuire
quatre à cinq heures. Vous pourrez juger si votre queue est cuite,
lorsque l'ayant pressée entre vos doigts, la chair quittera presque
les os, alors égouttez-la, et servez-la avec le ragoût de racines.
(Voyez l'article côtes de bœuf aux racines.)
Queue de bœuf à la Sainte -Menehould. — Faites cuire
d'abord votre queue de bœuf en hoche-pot, comme il est dit
ci-dessus, assaisonnez-la de sel, de gros poivre, trempez-la dans
du beurre tiède et mettez-la dans de la mie de pain, panez-la
deux fois, et faites-lui prendre couleur au four ou sur le gril,
vous pouvez dès lors la servir comme vous voudrez, soit sur des
choux rouges, soit sur une purée de haricots blancs, soit sur une
soubise, soit enfin sur une sauce piquante et hachée à Titalienne.
Langue de bœuf à V italienne et au parmesan. — Prenez
une langue de bœuf, coupez-en le cornet, mettez-la dégorger
deux ou trois heures et plus, retirez-la de l'eau, râtissez-la bien
avec votre couteau pour en ôter la malpropreté, faites-la blan-
chir dans un chaudron ou dans une grande marmite, retirez-la
sur un linge blanc, ôtez-en la peau, lardez-la de gros lard que
vous aurez assaisonné avec sel, poivre fin, épices fines, persil et
ciboule, mettez-la cuire dans une marmite avec oignons et
carottes, mouillez-la avec un verre de vin blanc ou du bon bouil-
lon, retirez-la, laissez-la refroidir dans son assaisonnement,
coupez-la par lames très-minces, mettez du parmesan dans le
fond d'un plat creux, couvrez votre parmesan de vos tranches de
langue, ainsi de suite, faites trois ou quatre lits de langue et de
fromage, arrosez chaque lit d'un peu du fond dans lequel aura
cuit la langue dont il s'agit, et finissez par un lit de fromage que
a66 B(EUF.
VOUS arroserez avec un peu de beurre fondu, mettez le plat au
four ordinaire ou de campagne, donnez à votre parmesan une
belle couleur et servez. « Il est fâcheux que Ton fasse rarement
cette entrée, car étant bien soignée et telle que l'indique la
recette ci-dessus, elle est délicieuse. Chez MM. Véry, du Palais-
Royal; Grignon, du passage Vivienne; Borel, rue Montorgueil,
au rocher de Cancal; dans les grands dîners de 1825 à 1835,
cette entrée était très-recherchée, je tiens à mentionner cela. Les
Langlet, les Michel, les Lennevaux, tous bons cuisiniers, ne
sont plus. J'ai eu l'idée de recueillir leurs bons principes et je
m'en suis bien trouvé. » {Note de M, Vuillemot.)
Palais de bœuf au gratin. — Procurez- vous trois ou quatre
palais de bœuf que vous mettrez sur un gril du côté de la peau
et sur de la cendre rouge; faites-les griller de façon que vous
puissiez facilement enlever la peau avec le couteau, grattez la
partie blanche qui se trouve sous cette peau afin qu'il n'en reste
aucun vestige, supprimez le bout du mufle et celui du côté de la
gorge, ainsi que la partie noire qui se trouve au milieu, sans
trop l'altérer, faites-les dégorger et blanchir, mettez-les cuire
dans un blanc, ainsi que vous verrez à l'article ( Tête de veau en
tortue) pendant trois ou quatre heures, égouttez-les, faites-les
refroidir à moitié, séparez-les en deux avec votre couteau comme
si vous leviez une barde de lard, garnissez-les d'une farce cuite;
pour cela, étendez vos morceaux de palais, mettez avec la lame
d'un couteau de cette farce dessus, à peu près de l'épaisseur des-
dits morceaux, roulez-les sur eux-mêmes, parez-les des deux
bouts, égalisez-les, mettez au fond de votre plat à peu près
l'épaisseur d'un travers de doigt de la farce ci- dessus, rangez vos
petits cannelons debout sur votre fond de farce, en laissant un
puits dans le milieu, garnissez de farce au dedans et au dehors
les intervalles de vos cannelons, il faut que votre entrée ait la
base d'une tour, garnissez ce puits de bardes de lard bien fines
et remplissez la capacité d'un morceau de mie de pain, de façon
à maintenir les cannelons dans la position que vous leur aurez
donnée; faites fondre du beurre, dorez-les avec un doroir, met-
tez-les sous un four de campagne avec feu dessus et dessous,
faites cuire et prendre belle couleur, ôtez votre bouchon de pain
BOEUF. 267
et les bardes de lard, égouttez le beurre, saucez dans le puits
avec une italienne et servez.
Palais de bœuf à r italienne. — Même préparation que les
précédents; faites-les cuire de même, égouttez-les , coupez-les
en escalopes ou en petits carrés, coupez-les ensuite en ronds de
la grandeur d'une pièce de 5 francs, mettez dans une casserole
cinq cuillerées à dégraisser d'italienne . rousse que vous ferez
réduire au deux tiers de son volume, jetez vos palais dedans,
laissez-les mijoter un peu, sautez-les, mettez un jus de citron et
servez.
Palais de bœuf à la poulette, — Préparez comme ci-dessus,
coupez vos palais en ronds ou en filets, mettez-les dans une
casserole avec trois cuillerées à dégraisser de velouté, laissez-les
mijoter, faites une liaison de deux jaunes d'œuf, délayez-la
avec un peu de lait ou de crème, retirez vos palais du feu, liez-
les avec vos œufs, remettez-les sur le feu en agitant toujours
aiin de bien faire cuire votre liaison, mettez un demi-pain de
beurre, un filet de verjus ou un jus de citron, un peu de persil
haché et servez-les. Si vous voulez faire une bordure à votre plat,
mettez des croûtes de pain tournées en bouchons et frites dans du
beurre.
Les palais de bœuf à la ravigote se font de la même
manière, on les fait seulement sauter dans une sauce ravigote
froide ou chaude.
Croquettes de palais de bœuf, — Faites cuire dans un blanc
trois palais de bœuf, laissez-les refroidir, coupez-les en petits
dés avec des champignons et des truffes si c'est la saison ; faites
réduire quatre cuillerées d'espagnole ou de velouté à demi glacé,
jetez dedans tous vos petits dés avec un peu de persil haché;
relirez votre casserole .du feu, liez votre salpicon avec deux jaunes
d'œuf et du beurre gros comme une noix, versez le tput sur un
plat, étendez-le avec la lame d'un couteau, en lui conservant
une bonne épaisseur, laissez-le refroidir; lorsque votre salpicon
sera froid, coupez-le par carrés égaux et donnez-lui la forme
qu'il vous plaira : soit en côtelettes, soit en cannelons, soit en
petites boules. Cassez trois œufs que vous battrez comme une
omelette mettez-y un peu de sel fin, trempez vos morceaux Tun
a68 BGF.UF.
après l'autre dans cette omelette, mettez*Ies dans de la mie de
pain en maintenant la forme que vous leur avez donnée et mettez-
les sur un plat au feu et à mesure que vous les aurez passés ;
repassez votre mie de pain au travers d'une passoire, trempez
une seconde fois vos croquettes dans l'omelette, passez-les de
nouveau. Saupoudrez votre plat de mie de pain, rangez-les des-
sus et couvrez-les avec le reste de la mie de pain pour qu'elles
ne sèchent point; au moment de servir, retirez-les de cette mie
de pain, posez-les sur un couvercle, mettez votre friture sur le
feu, faites-la bien chauffer sans la brûler; glissez toutes vos cro-
quettes à la fois, afin qu'elles aient toutes la même couleur, reti-
rez-les, faites-les égoutter un moment; rangez-les sur votre plat
et servez avec un bouquet de persil frit dont vous couronnerez
vos croquettes.
Palais de bœuf en cracovie. — Préparez trois palais de bœuf
comme les précédents, laissez-les refroidir, coupez-les en quatre,
fendez chaque morceau en deux comme si vous leviez une barde
de lard, ce qui vous donnera vingt-quatre morceaux. Faites blan-
chir dans l'eau ou cuire dans la marmite une tétine de veau,
coupez-la comme vos palais, faites également un salpicon
comme celui des croquettes ci-dessus, étendez-en gros comme le
pouce sur chaque morceau de vos palais, roulez-les, enveloppez-
les avec votre morceau de tétine, passez-les comme les croquettes,
ou trempez-les dans une pâte à frire, faites-les frire comme les
croquettes, dressez-les de même et servez.
Talais de bœuf à la lyonnaise. — Faites cuire cinq ou six
palais dans un blanc, ainsi qu'il est indiqué à l'article précédent,
coupez cinq ou six oignons en tranches, passez-les dans le beurre,
qu'ils soient d'une belle couleur; lorsqu'ils seront cuits, mouillez-
les avec une cuillerée ou deux d'espagnole, si vous n'en avez pas,
singez-les et mouillez-les avec un peu de bouillon, faites cuire
le tout, coupez vos palais en carrés ou en filets, jetez-les dans
votre sauce, mettez-y un peu de sel, de gros poivre et finissez
avec un peu de moutarde.
Gras-double. — Prenez la partie la plus épaisse du gras-
double, mettez-la dans de l'eau tiède, râtissez-la bien, enlevez avec
soin la partie spongieuse, remettez-la dans l'eau beaucoup plus
BOEUF. 369
chaude, faites-lui jeter un bouillon et nettoyez-la de nouveau,
frottez-la avec du citron, faites qu'elle soit aussi blanche que
possible, mettez cuire ce gras-double, dans un blanc, sept à huit
heures ; sa cuisson faite, coupez-le en losanges ou en filets. Si
vous voulez le servir à la poulette, voyez l'article Palais de
bœuf à la poulette; si vous le voulez à V italienne , voyez aussi
cet article.
Gras double à la mode de Caen. — Prenez une panse de
bœuf avec sa mulette et sa caillette, faites-la blanchir, après
qu'elle a été bien nettoyée, jetez-la dans l'eau fraîche pendant
une heure, — coupez le tout par morceaux, assaisonnez avec sel
et poivre, quatre épices; coupez en gros dés du lard maigre
et mettez 'le tout ensemble. Prenez une grande jatte en terre,
foncez-la avec carottes et oignons coupés, un bouquet garni à
pointes d'ail, mettez .par-dessus douze pieds de mouton blanchis,
un pied de veau désossé, mettez votre gras-double par-dessus,
ajoutez deux carottes coupées, un pied de céleri et douze poi-
reaux entiers, ce qui sert à tenir toujours durant la cuisson du
gras-double l'humidité convenable pour ne pas le sécher, —
ajoutez une bouteille de vin blanc, un bon verre de cognac,
deux litres d'eau et trois cents |;rammes de moelle de bœuf,
couvrez le tout avec une feuille de papier beurré, puis, fermez
le tout avec une pâte de farine et eau, — faites partir sur le feu
et laissez mijoter, entourez la jatte de braise, et douze heures
après, sondez la cuisson et servez bien chaud en ayant soin d'en-
lever les ingrédients du dessus. (Vuillemot.)
Cervelles de bœuf. — Elles se préparent exactement de la
même façon que les cervelles de veau (V. Veau). Cependant
nous l'avons déjà fait observer, comme on foudroie le bœuf d'un
coup de masse, il y a presque toujours dans la cervelle un épan-
chement de sang qui la rend moins délicate.
Crépinettes de palais de bœuf. — Faites revenir dans du
beurre des oignons coupés en petits carrés, mettez-y un peu de
muscade, d'ail, de laurier, du sel et du poivre. Les oignons
étant cuits, vous verserez dessus de bon jus que vous aurez battu
avec des jaunes d'œufs, jetez dans cette préparation des palais de
bœuf bien cuits, et coupez en morceaux carrés longs ; laissez
ayo BŒUF.
refroidir le tout, chaque morceau de palais se trouvant enduit de
cette pâte, vous les envelopperez, chacun à part, de crépinette
de cochon, puis vous les ferez griller au feu doux sur un gril, ou
vous les mettrez sous un four de campagne, et vous les servirez
sur une purée de tomates ou sur une soubise.
Émincé de palais de bœuf. — Coupez des oignons en tran-
ches aussi minces que possible, faites-les revenir dans le beurre
jusqu'à ce qu'ils soient bien dorés, versez dessus un demi-verre
de consommé, autant de sauce espagnole, faites mijoter le tout,
ajoutez-y un peu de beurre bien frais et trois ou quatre pincées
de sucre, d'autre part vous aurez émincé les palais de bœuf, vous
les mettrez dans cette préparation, après quoi vous ferez encore
mijoter le tout pendant deux ou trois minutes, puis vou^ dresserez
votre émincé, vous ferez autour de lui un cordon de croûtons
bien jaunes, vous pouvez aussi, arrivé là, faire votre émincé de
palais de bœuf aux champignons, il s'agit pour cela de substituer
des champignons aux oignons et la sauce allemande à la sauce
espagnole.
Le pied de bœuf poulette. — Faites blanchir un pied de
bœuf comme un pied de veau ; laissez-le dégorger vingt-quatre
heures à l'eau froide, prenez dpux mètres de bord de fil (lavez-
le pour lui enlever son goût d'apprêt), ficelez votre pied comme
une mpmie, mettez-le dans une marmite avec grande eau, sel,
gros poivre, bouquet garni, carottes et oignons avec clous de
girofle et laissez bouillir le tout doucement, jusqu'à ce que le
nerf du pied se brise, relâchez ensuite votre bord de fil jusqu'à
ce que le pied , par son gonflement, devienne émoUient.
Préparez une bonne allemande (voir aux sauces), ajoutez
des champignons tournés et persil hachés, citronnez la sauce et,
avec un bon morceau de beurre frais, liez-la bien. Mettez votre
pied bien chaud sur un plat et saucez dessus ; ce plat par son
confortable, est très-recherché.
Un pied de bœuf poulette suffit à six personnes ayant bon
appétit. Voilà un plat que le bon praticien, M. de Richelieu,
n'a probablement pas pu indiquer à ses officiers de bouche.
(VUILLEMOT.)
Pièce de bœuf à l'anglaise. — Prenez une culotte de bœuf
BŒUF. ayi
- - - - — — - * - ■■■ ■ ■■ ■ - ■ ■^■^■■i^^
de quatre kilog., assaisonnez-la de sel et poivre, prenez une ser-
viette, beurrez-la ; eneloppez votre pièce de bœuf dedans, —
prenez une marmite, emplissez-la d'eau que vous faites bouillir,
une bonne poignée de gros sel, huit navets, six gros oignons
dont un clouté de deux clous de girofle, une pointe d'ail, quand
votre eau sera en pleine ébullition^ plongez votre pièce de bœuf
dedans, fermez hermétiquement la marmite; pour 4 kilog. de
bœuf, il faut deux heures de cuisson, soit, pour 500 grammes,
un quart d'heure, après ce temps, retirez vos légumes, passez-
les au tamis à quenottes, mettez-les dans une casserole avec un
bon morceau de beurre frais, assaisonnez sel et poivre, mettez
cette purée dans un légumier, retirez votre pièce de bœuf de la
marmite, dressez-la sur un plat garni de persil et servez. Ce
relevé de potage en vaut bien un autre. (Vuillemot.)
Roolpins. (Article traduit du Hollandais par M. de Cour-
champs.) — « Prenez 3 kilos de viande de bœuf, celle des côtes
découvertes est la meilleure ; ayez soin qu'elle soit bien marbrée,
faites en sorte qu'il y ait autant de gras que de maigre ; hachez
le tout ensemble, à peu près comme une farce à pâtés; assaisonnez
de sel, poivre, épices, muscade.
Vous vous serez procuré de la panse de bœuf bien nettoyée,
coupez-la en morceaux carrés, de la grandeur de vingt centimètres
ou à peu près ; remplissez-en l'intérieur de votre farce ; rappro-
chez les extrémités de Fenveloppe et cousez-les avec une grosse
aiguille.
Tous vos morceaux préparés ainsi, ayez un chaudron bien
étamé, faites bouillir de l'eau avec une bonne poignée de sel et
un litre de vinaigre ; faites bouillir ces morceaux pendant une
heure (vous aurez un grand pot en grès) ; égouttez vos morceaux
sur un* linge blanc, versez du vinaigre, ce qu'il en faut pour les
couvrir, ne couvrez votre pot que lorsque le tout sera refroidi ;
vous pourrez vous en servir au bout de quinze jours. Si vous n'en
faites pas l'emploi en totalité, laissez-les dans le vinaigre, seule-
ment après ce temps il faut les mettre dans de l'eau tiède une
heure, afin que le vinaigre soit absorbé.
Cuisson de roolpins. — Prenez ce qu'il vous faut de mor-
ceaux, coupez-les en tranches, telles que des biftecks ; posez-les
272
BONITE.
dans un plat à sauter où vous aurez mis du beurre, donnez cinq
minutes de cuisson à feu vif, en ayant soin de les retourner de
temps en temps ; vous aurez préparé autant de tranches de
belles pommes de reinette, faites-les frire comme les morceaux
ci-des&us ; dressez ce hors-d'œuvre en couronne, en posant alter-
nativement un morceau de chaque sorte ; servez le plus chaud
possible.
BOLET. — Genre de la famille des champignons dont
le chapeau est conique et la surface inférieure garnie de pores ou
tubes arrondis.
Le bolet comestible^ le seul de cette espèce que Ton puisse
manger, se trouve par toute la France, dans les bois et les lieux
couverts. Il a un pédicule assez gros, cylindrique et quelquefois
ventru, blanchâtre ou jaune avec des lignes en réseau ; son cha-
peau est large, voûté, d'une couleur ferrugineuse tirant
sur le bleu, quelquefois d'un rouge de brique rembruni ou bien
d'un rouge cendré, ou bien encore blanc et jaunâtre, souvent
d'une teinte vineuse sous la peau ; les tubes sont d'abord blancs,
ensuite jaunâtres et verdâtres.
M. Dennezil, à qui nous empruntons cette désignation, ajoute
que les bœufs, les cerfs, les porcs, le mangent avec avidité, et il
est très-recherché comme aliment et comme assaisonnement dans
le midi de la France ; mais on n'en fait pas usage à Paris, quoi-
qu'il se trouve communément aux environs de cette ville,
principalement dans les bois de Ville-d'Avray et de Meudon. On
le connait dans le Midi sous le nom de ceps^ cep^ girole^
giroule^ bruguet. En Lorraine on le mange sous le nom de
champignon polonais^ parce que ce sont des Polonais de la suite
du roi Stanislas Leczinski qui montrèrent qu'on en pouvait
manger sans danger.
BONITE. — Poisson de la famille des maquereaux, mais
plus gros que ces derniers ; il ressemble beaucoup au thon, et se
nourrit comme lui de poissons et d'algues, mais sa chair est plus
délicate, et les gourmets l'estiment autant que celle du maquereau.
Le nom qu'il porte indique d'ailleurs suffisamment quel genre
de mérite on leur a reconnu et prouve assez la bonté de sa chair.
Ce poisson vit dans la Méditerranée, on en trouve aussi sur
BONNET DE TURQUIE. 373
les côtes de«France et d'Espagne ; mais il abonde entre les tropi-
ques, et se plaît, dit-on, à suivre les vaisseaux.
Ces poissons vivent à la surface de Teau et s'élancent même
dans Tair pour y saisir les poissons volants qui constituent leur
principale nourriture, il est donc facile de les pêcher, et voici le
moyen qu'on emploie :
On se sert d'une ligne volante à laquelle on attache deux
plumes blanches près du hameçon, afin de simuler le poisson
volant, puis on laisse pendre cette ligne en l'agitant de
temps en temps à quelques pouces au-dessus de l'eau, la
bonite se précipite alors pour saisir sa proie et se trouve saisie
elle-même.
Ce qui donne une certaine importance à la pêche de ce
poisson, c'est qu'on le sale comme le thon et qu'on l'expédie
comme tel dans , des barriques, dans tous les pays du monde ;
bien souvent quand on croit se régaler de thon, on ne mange que
de la bonite, qui du reste est tout aussi bonne.
BONITOL. — Fils de la précédente; il est presque de la
grosseur du maquereau, sa chair est d'un excellent goût.
BONNET DE TURQUIE. — Espèce de pâtisserie ancienne,
faite dans un moifle ayant la forme d'un bonnet turc, avec
des côtes. On le fait de pâte de gâteau de Savoie ou de gâteau
d'amande, on peut aussi le faire de pâte croquante.
On fait une grande abaisse de cette pâte, dont on fonce le
moule en en marquant bien le dessus ; puis on le met au four,
après l'avoir piqué avec la pointe d'un couteau, afin qu'il ne
cloche point. On peut faire la pâte plus fine et même la foncer
de pâte de massepains blanche, faite avec des amandes douces
bien pilées ensemble ; on met le tout sur le feu dans une casserole
avec une poignée de sucre, et on remue constamment avec
la spatule ; quand la pâte est cuite, on en fait une abaisse
comme pour une croquante, et on la met cuire d'une belle
couleur. Lorsque ce gâteau est cuit, on y met des confitures de
plusieurs sortes de couleurs ; on fait une côte d'une couleur, une
autre côte d'une autre couleur, et cela fait un fort bel effet ; on
le met ensuite sur un fond garni de confiture, on l'enjolive le
plus qu'il est possible, et on le sert comme entremets.
18
274 BONNET DE TURQUIE.
Bonnet de Turquie à la Triboulet. — Mettez 500 grammes
de pistaches pilées avec 250 grammes de sucre fin, un peu de
citron vert haché, quinze jaunes d'oeufs, afin que la pâte ne soit
pas trop liquide ; battez le tout ensemble comme les biscuits,
fouettez les blancs d œuf en neige et mêlez-les avec le reste,
joignez-y 350 grammes de farine passée au tamis, et remuez le
tout légèrement; beurrez votre moule en bonnet turc avec
du beurre fin, mettez-y votre biscuit, et faites cuire au four à
feu doux, et légèrement saupoudré de sucre. Au bout de deux
heures il est cuit, alors retïrez-le du feu, glacez une bande
blanche avec une glace blanche et une bande rougeâtre avec de
la glace faite avec de la cochenille.
Bonnet de Turquie coloré, — Échaudez et pilez 250
grammes de pistaches, quand elles seront bien pilées, mettez-y
375 gi'^inmes de sucre fin, du citron confit aussi pilé, un peu de
citron vert haché très-fin, et douze jaunes d'œufs ; battez bien
le tout ensemble avec deux cuillers de bois, puis fouettez les
douze blancs en neige en les faisant bien monter, et mêlez-les
avec le reste; ajoutez-y aussi 250 grammes de farine très-fine,
mélangez bien le tout ensemble avec les verges ; vous beurrez
ensuite avec du beurre fin votre bonnet turc, vous mettez votre
pâte dedans, vous faites cuire au four pendant trois heures,
puis, lorsqu'il est bien cuit, vous le couvrez d'une couche épaisse
de confitures de quatre couleurs : vous faites un quart avec de
la glace blanche, un deuxième avec la confiture de groseilles,
un troisième avec de la marmelade d'abricots, puis un quatrième
avec du verjus confit ou des pistaches pilées.
Vous servirez ensuite cet entremets qui fait très-bien sur
la table.
Bonnet de Turquie en surprise, — Vous prenez de la pâte
d'amandes, que vous avez faite avec des amandes douces pilées,
arrosées d'un peu de blanc d'oeuf fouetté avec un peu d'eau de
fleurs d'oranger et réduites en pâte avec du sucre en poudre ;
vous pilez cette pâte d'amandes dans un mortier avec du bon
beurre frais, de l'écorce de citron vert hachée, quelques confi-
tures, du sucre, quatre ou cinq jaunes d'oeufs; puis beurrez le
moule avec du beurre très-fin, mettez au fond et autour de la
j
BOUC. 375
pâte d'amandes préparée comme il est dit ci-dessus, et faites
cuire au four, vous le laissez trois heures, puis quand le
gâteau est cuit, vous le levez, le mettez sur un plat, le couvrez
de confitures de différentes couleurs comme ci-dessus, et servez.
BORA. — Poisson des mers du Japon, ressemblant au
brochet, sa chair est blanche et délicieuse et a les mêmes pro-
priétés alimentaires que celle du brochet, c'est-à-dire de bon
goût et de facile digestion.
On marine et on fume la chair du bora comme celle du
brochet, et cette chair marinée et fumée est l'objet d'un très-
grand commerce pour les Hollandais et lès Chinois qui la trans-
portent dans toutes les parties de l'empire.
BORDELIÈRE. — Poisson de rivière et de lac, ressemblant
à la brème ; son nom lui vient de ce qu'il se trouve toujours au
bord des fleuves.
La chair de ce poisson est du goût de celle de la carpe, elle
s'apprête de même.
BORQUIEN. — Poisson de l'océan Atlantique, il est très-
vorace et saisit avec avidité tout ce qu'on lui jette, sa chair est
bonne, mais peu recherchée.
BOUC. — Le bouc est le mâle de la chèvre; jeune il se
nomme chevreau ou cabri, et doit être mangé, pour que sa chair
soit tendre et délicate, avant six mois; mais après ce temps,
c'est-à-dire lorsqu'il est devenu bouc, elle a un goût désagréable
et porte une odeur très-forte.
Le bouc a été de tout temps sacrifié; il n'y a que les
Egyptiens et d'autres peuplades de TAsie qui, par respect pour
le dieu Pan, ses pieds fourchus et ses cornes, aient laissé le bouc
paître en paix et courtiser sa femelle; mais il est universellement
condamné en Europe ; et tout cuisinier qui se respecte, méprise
profondément cet animal : qui pue, dit-il, et qui n'est bon tout
au plus qu'à faire le chevreau.
Les Grecs immolaient un bouc sur les autels de Bacchus,
parce que les ravages commis dans les vignobles par cet animal
excitaient le courroux du dieu des buveurs ; c'est sans doute
en mémoire de cela que dans les fètes de Bacchus, en Grèce, on
préludait toujours par le sacrifice d'un bouc, aux chants joyeux,
276 BOUCHER, BOUCHERIE.
aux mascarades et aux autres divertissements auxquels on se
livrait aux champs comme à la ville, divertissements qui furent,
comme on le sait, l'origine très-peu reconnaissable de la tragédie.
Enfin, le Lévi tique donne la description de la céréponie
du bouc émissaire, en ces termes u : Dieu parla à Moïse et
lui dit :
(( Puis Aaron jettera un sort sur les deux boucs : un sort
« pour l'Eternel et un sort pour le bouc qui doit être Has^aiel...
(( Et Aaron, posant ses deux mains sur la tête du bouc vivant,
u confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d'Israël et
« toutes leurs fautes, selon tous leurs péchés, et il les mettra sur
« la tête du bouc, et l'enverra au désert par un homme exprès...
<c Et le bouc portera sur soi toutes leurs iniquités dans une terre
tt inhabitable; puis cet homme laissera aller le bouc dans le
« désert. »
Pauvre bouc, va ! heureusement qu'il a bon dos, heureu-
sement aussi qu'il n'est pas resté dans le désôrt; que seraient
devenues nos chèvres?...
BOUCAGE. — Plante de la famille des ombellifères, ainsi
nommée, à cause de la forte odeur de bouc qu'elle exhale. Il s'en
fait un commerce considérable, cardon s'en sert pour la compo-
sition de certains ratafias et de quelques pâtisseries. Les confi-
seurs s'en servent en place d'anis pour mettre dans des dragées,
et l'on en retire encore une huile essentielle bleue, qui sert dans
quelques contrées, à Francfort, par exemple, pour teindre l'eau-
de-vie en cette couleur, mais ce mélange lui donne une acre té
désagréable.
Les semences du boucage ont les mêmes propriétés que celles
de l'anis; elles sont stomachiques, facilitent la digestion et
chassent les vents.
BOUCHER, BOUCHERIE. — Autrefois, le privilège de
vendre la viande dite de boucherie, comprenait aussi celle du
porc; mais quelques rôtisseurs et quelques aubergistes s'étant
avisés de vendre du porc cuit et des saucisses, on leur donna le
nom de charcutier venant de chair cuite, et s'étant institués en
communauté, les bouchers leur cédèrent cette branche de leur
commerce. (V. Charcutier.)
BOUCHER, BOUCHERIE, 277
L'institution de la boucherie et par conséquent des bou-
chers, remonte à la plus haute antiquité : dès qu'on put faire de
la viande du bétail une alimentation constante et régulière, on
forma des établissements, appelés étaux ou boucheries, pour
vendre au public la viande fraîche et aussi pour servir d'abat-
toirs avant que des établissements de ce dernier genre fussent
fondés.
Les Romains avaient leurs abattoirs nommés lanionia et leurs
étaux ou boucheries nommés macella^ ces établissements furent
d'abord épars dans différents quartiers, puis ils finirent par se
réunir en société, et on leur affecta un quartier tout entier qui
prit la dénomination de macellum magnum après qu'on y eut
transporté aussi les marchés où se vendaient les autres substances
comestibles. L'accroissement de la population romaine nécessita
bientôt la construction de deux autres grandes boucheries qui ,
par leur magnificence, ne le cédaient en rien aux bains, aux
cirques, aux amphithéâtres, etc. Les Romains avaient aussi une
police spécialement affectée à l'examen des viandes fraîches qui
entraient au marché, cette police empêchait les marchands, sous
peine d'une forte amende , de vendre de la viande qui eût été
tuée depuis plus de quarante huit heures en hiver et de vingt
quatre heures en été.
Dès les premiers temps de l'histoire de France, nous
retrouvons à Paris, des boucheries établies sur le modèle de
celles des Romains. La corporation des bouchers existait déjà
sous la haute surveillance d'un chef nommé par eux; ce chef
devait vider tous les diff^érends qui pouvaient exister dans la
corporation et ne relevait que du prévôt de Paris, en ce qui
concernait le métier et l'administration des biens de ses socié-
taires. La possession de ces biens était commune à tous les
membres, à l'exclusion des filles, et les familles qui ne laissaient
pas d'héritiers mâles cessant d'appartenir à la communauté,
celle-ci profitait des héritages.
Il n'y eut pendant longtemps qu'une seule boucherie à
Paris, dont la tour Saint-Jacques-la-Boucherie seule nous indi-
que aujourd'hui l'emplacement; puis on en institua une seconde :
la boucherie du Parvis; mais elle fut abandonnée, en 112a, par
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Â
278 BOUCHER, BOUCHERIE.
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Philippe-Auguste à Tévêque de Paris; enfin les Templiers, sur
une charte de Philippe le Hardi, établirent aussi une boucherie
dans le voisinage de leur maison ; la vieille corporation et
la grande boucherie, gardèrent leurs antiques usages et conser-
vèrent seules le privilège de délivrer des patentes à ceux qui vou-
laient ouvrir d'autres étaux.
Par une ordonnance de Charles VI, datée de 1481, tout
boucher qui se faisait recevoir, maître à Paris, était obligé de'
donner un aboivrement et un past, c'est-à-dire un déjeuner et
un festin. Or, pour Taboivrement, le nouveau maître devait au
chef de la communauté, un cierge de 750 grammes et un gâteau
pétri aux œufs ; à la femme de celui-ci, quatre pièces de viande
à prendre dans chaque plat; au prévôt de Paris, un demi-litre
de vin et quatre gâteaux; au voyer de Paris, au prévôt du Fort-
l'Évêque, aux célerier et concierge du Parlement, un quart de
litre de vin pour chacun et deux gâteaux.
Pour le past ou festin, il devait au chef de la communauté :
un cierge de 500 grammes, une bougie roulée, deux pains, un
demi-chapon et 15 kilog. i/a de viande; à la femme duchef,
douze pains, un litre de vin et quatre pièces à prendre dans
chaque plat; au prévôt, un demi-litre de vin, quatre gâteaux,
un chapon et,3o kilog. 1/2 de viande, tant en porc qu'en bœuf
(car à cette époque les bouchers vendaient encore la viande de
porc, ce ne fut qu'au xvi* siècle que les charcutiers s'emparèrent
de cette vente); enfin, au voyer de Paris, au prévôt du Fort-
TEvêque, au célerier et au concierge du Parlement, un demi-
chapon pour chacun, deux gâteaux et 15 kilog. 1/2 de viande de
bœuf, plus 60 grammes de porc.
• Les différentes personnes qui avaient droit à ces rétributions
étaient obligées, quand elles les envoyaient prendre, de payer
un ou deux deniers au ménétrier qui jouait des instruments
dans la salle.
Cela n'était pas cher se nourrir.
Quelques bouchers devenus riches, ayant mis des locataires
dans leurs étaux à des prix exagérés, le Parlement décida qu'un
conseiller de la cour, présiderait chaque année à leur adjudica-
tion. Puis enfin, Henri III, par lettres patentes du mois de février
BOUCHER, BOUCHERIE. 279
1587, réunit en une seule et unique communauté tous les bou-
chers de la ville, qu'il érigea en corps de métier juré et leur
donna des statuts.
La révolution de 1789, époque à laquelle il y avait environ à
Paris 310 boucheries, vint apporter un grand trouble dans ce
corps de métier ; la perturbation étant générale, une foule de
gens se mirent à vendre de la viande de boucherie fraîche ou
non, partout où ils se trouvaient et jusque dans les caves, et il en
résulta les abus les plus pernicieux pour la santé publique ; enfin
le désordre et le gaspillage devinrent tels que l'autorité se vit
obligée de prendre des mesures pour réprimer cet état de choses.
Un arrêté du 9 germinal an VIII porta que a nul ne pourrait
exercer la profession de boucher sans être commissionné par le
préfet de police;» puis le 8 vendémiaire an XI, un décret rétablit
en corporation la boucherie parisienne, institua un syndicat, et
exigea de tout boucher, indépendamment de Tautorisation du
préfet de police, le versement d'un cautionnement qui variait de
1,000, 2,000, à 3,000 francs, selon l'importance des établissements.
Le décret impérial du 8 février 181 1 fut plus restrictif encore : il
réduisit à trois cents le nombre des boucheries de la capitale,
affecta au rachat des étaux dépassant ce nombre, les intérêts des
cautionnements dont le capital alimentait la caisse de Poissy et
réorganisa sur des bases nouvelles cette caisse, sorte de banque
chargée déjà depuis plusieurs années de servir d'intermédiaire
entre les bouchers et les marchands de bestiaux et de faire à ceux-
ci l'avance des payements jusqu'à concurrence du cautionnement
des acheteurs.
Depuis cinquante ans la boucherie a fait d'immenses pro-
grès ; d'abord il s'est fondé des abattoirs qui ont fait disparaître
toutes les tueries des boucheries, effrayants foyers d'infection,
que l'usage avait jusque-là tolérées, aux dépens de la salubrité
publique, dans les rues étroites du centre de Paris; on en insti-
tua trois principaux : l'abattoir Montmartre , l'abattoir Popin-
court et l'abattoir du Roule, qui se fondirent en un seul établi
il y a un ou deux ans à la Villette ; c'est là maintenant, dans
cet immense et magnifique établissement que viennent s'appro-
visionner tous les bouchers qui vendent ensuite aux consomma-
a8o BOUCHER, BOUCHERIE.
teurs, à des prix limités, la viande nécessaire à leur usage jour-
nalier ; cette vente augmente tous les jours d'importance, et il se
vend quotidiennement à Paris plus de 400,000 kilogrammes de
viande de bœuf, de veau ou de mouton.
Le nombre des bouchers a aussi considérablement augmenté,
et Ton n'en compte pas moins de 300 disséminés dans tous les
quartiers de Paris, et qui, cbaque matin, se trouvent presque
tous réunis à Tabattoir de la Villette, où la viande du bétail tué
pendant la nuit, leur est débitée; d'autres ont leur voiture qui, à
deux ou trois heures du matin et bien avant que la clientèle soit
éveillée, apporte la viande fraîchement dépecée; c'es^ presque
sinistre, de voir la nuit ces voitures voyageant avec rapidité, afin
de livrer leur marchandise le plus promptement possible, et por-
tant ces corps sanguinolents, entourés de linges sanglants et lais-
sant après eux une longue traînée de sang, l'imagination se
livre alors aux plus lugubres réflexions.
Depuis quelques années, il s'était aussi établi à Paris quel-
ques boucheries de viande de cheval, quelques amateurs hippo-
phages avaient essayé de faire passer cet aliment dans la corfsom-
mation : des banquets furent donnés dont les comptes rendus
furent publiés dans les journaux, puis des prospectus furent
distribués, o^ant aux consommateurs bon marché et bonne
qualité ; mais rien n'y fit et Ion vit peu à peu ces boucheries dis-
paraître; c'est à peine aujourd'hui s'il en reste deux ou trois
établies dans les quartiers les plus pauvres de Paris et dont le
bon marché soutient seul l'existence.
La viande de cheval, du reste, n'est pas précisément mau-
vaise, mais elle a besoin d'être fortement assaisonnée; et surtout
d'être mangée sans préjugés.
Rappelons qu'à Rome, les bouchers avaient des boutiques dans
toutes les rues jusqu'au moment oii ces boutiques furent réunies
dans un seul quartier qui s'appela, comme nous l'avons dit : Macel-
lum magnum. Il y en avait surtout au Forum, cette grande exhi-
bition quotidienne des produits de Rome et des ses environs.
Il y avait un étal de boucher en face du tribunal des Décem-
virs puisque c'est à un étal de boucher que Virginius arracha le
couteau avec lequel il tua sa fille.
BOUCHER, BOUCHERIE. a8i
Peut-être s*étonnera-t-on que Virginius,qui était centurion,
par conséquent capitaine dans l'armée romaine, prit un ignoble
couteau de boucher pour tuer la jeune et belle enfant dont Appius
était amoureux et qu'il voulait lui enlever.
D'abord, il y a des moments où l'histoire fait du pittoresque
mieux que les romanciers; l'histoire en faisant plonger dans le
cœur de cette gracieuse créature l'immonde couteau qui servait
à égorger les derniers animaux, faisait une splendide opposition
des formes les plus élégantes avec l'arme la plus basse.
Puis il fallait bien que ce fut ainsi, puisqu'à cause des dis-
putes qui avaient lieu à tous moments, il était défendu à tous
les citoyens, même aux soldats, d'entrer au Forum avec leurs
armes.
Virginius, quoique centurion, avait donc dû subir la loi géné-
rale et, venant plaider pour sa fille, y plaider désarmé.
Voilà ce qu'ignorait Alfîeri qui fait tuer Virginie d'un
coup d'épée, attendu, dit-il, que l'épée est une arme plus noble
qu'un couteau.
L'arme est plus noble, c'est vrai ; mais à notre avis, elle est
moins dramatique; puis elle indique chez l'auteur une ignorance
des mœurs et des lois du temps qu'il n'est pas permis à un auteur
d'avouer. ^
On sait que c'est à la suite de l'émeute qui accompagna la
mort de Virginie que le tribunal des Décemvirs fut renversé.
On lui doit la loi des dou^^e tables^ qui fut longtemps le code
Romain.
Les bouchers, du reste, semblaient destinés à être illustrés
par des événements dans le genre de celui que nous venons ci-
dessus de raconter et à s'illustrer eux-mêmes, mais toujours dans
de sanglantes circonstances ; ne sont-ils pas hommes de sang, et
par conséquent aimant le sang?
On sait quelle part active les bouchers prirent sous
Charles VI à la querelle sanglante des Armagnacs et des Bour-
guignons. On sait que Caboche, un des leurs, leur chef, devint
aussi le chef du peuple parisien. Les Armagnacs victorieux firent
démolir la grande boucherie et celle du Parvis et abolirent tous
leurs privilèges; mais leurs adversaires s'étant à leur tour retrou-
a8a BOUILLANTS.
vés les plus Forts, les rétablirent et relevèrent les ruines des
étaux du Châtelet.
BOUCLIER. — Poisson vivant sur les côtes de l'Islande et
en Danemark, la chair du mâle, trouvée excellente par les habi-
tants, se mange fraîche, cuite sur le gril et quelquefois dans un
potage de petit lait; c'est, paraît-il, une nourriture saine et
agréable; on sèche aussi la chair, on la sale et on la mange dans
le pays, comme nous mangeons les harengs-saurs.
BOUGON. — Espèce de ragoût de veau.
Pour faire ce ragoût, vous prenez de petites tranches de
rouelle de veau, un peu longues et minces, vous les aplatissez
sur une table, vous rangez Tun après Tautre sur ces tranches un
gros lardon de lard cru et un de jambon ;* poudrez le tout d'un
peu de persil et de ciboules; assaisonnez de fines épices et de
fines herbes. Puis vos tranches ainsi garnies, vous les roulez
proprement comme des filets mignons et les mettez dans un pot
pour les cuire à la braise. Quand elles sont bien cuites, vous les
égouttez et les servez avec un bon coulis et ragoût de champi-
gnons, truffes et autres garnitures.
BOUDELIÈRE. — C'est un des meilleurs poissons d'eau
douce, sa chair nourrit et se digère facilement.
BOUILi^ANTS. — Ancien pâté d'entremets qui se sert
encore aujourd'hui sur les meilleures tables.
Pour faire des bouillants, prenez l'estomac de poulets ou cha-
pons rôtis, avec un peu de moelle, gros comme un œuf de tétine
de veau blanchie, autant de lard et un peu de fines herbes, ha-
chez et assaisonnez bien le tout et mettez-le sur une assiette.
Faites un morceau de pâte fine, tirez-en deux abaisses,
minces comme du papier, mouillez-en une légèrement avec de
l'eau, mettez de votre farce dessus par petits tas un peu éloignés
les uns des autres. Couvrez-les ensuite avec Tautre abaisse en
l'étendant avec le bout de vos doigts; enfermez chaque mor-
ceau bien hermétiquement entre les deux pâtes*, coupez -les
avec un fer propre à cela, dressez-les ensuite proprement sur un
plat comme des petits pâtés et faites-les cuire au four ; quand
ils sont de belle couleur, vous les servez chaudement pour hors-
d'œuvre ou garnitures d'entrées.
BOUILLI. 283
Cela ressemble beaucoup à ce que nous appelons vol-au-
vent à la financière.
BOUILLI. — On entend par bouilli toute pièce de viande
cuite dans Teau.
Le président Hénault, raconte un homme d'esprit du temps
de la restauration, dînant chez madame du Deffant, disait d'une
poularde trop bouillie, qu'elle était comme un rayon de miel où
il ne restait que de la cire, et madame du Deffant, chez laquelle
on dînait, trouva que le président avait raison ; le bouilli n'est
que de la viande cuite, moins son jus, disait M"* de Créquy. Il y y
avait une chose à répondre à ces illustres gourmands : Avez-vous
goûté du bœuf ou des poulets de la marmite éternelle?
— Non!
— Eh bien, goûtez- en et vous reviendrez sur votre opi-
nion.
— Qu'est-ce que la marmite éternelle?
La marmite éternelle est ou plutôt était, attendu que cette
illustre institution gastronomique a cessé de fonctionner depuis
longtemps, la marmite éternelle était un récipient qui, ni jour ni
nuit ne quittait le feu, dans laquelle on mettait un poulet dès
qu'on en retirait un poulet ; un morceau de bœuf dès qu'on en
tirait un morceau de bœuf; et un verre d'eau dès qu'on en tirait
une tasse de bouillon; toute espèce de viande qui cuisait dans ce
bouillon gagnait en sapidité plutôt que d'y perdre, car elle
héritait des sucs qu'avaient laissés dans ce bouillon où elle venait
à son tour laisser une partie des siens, les sucs des viandes qui )<(^
avaient cuit avant elle; il ne fallait laisser dans k marmite
éternelle le morceau de viande qu'on y faisait cuire que le temps
absolument nécessaire à sa cuisson ; il ne perdait aucune de ses
qualités.
Maintenant que la marmite éternelle nous manque, il
faudra se contenter de faire un grand bouilli.
Pour faire un beau plat de relevé, achetez une culotte de
bœuf de 12 à 15 kilog., faites-la désosser, ficelez-la de manière
à ce que votre relevé de potage ait la forme d'un carré long,
bombé; faites-la cuire dans un bouillon que vous aurez fait
la veille, et dans lequel vous aurez rais tous les restes des rôtis
a84 BOUILLI.
de la veille, poulet rôti, dinde rôtie, lapin rôti, etc., etc. Mettez
autour de votre pièce de bœuf une garniture à la Chambord ou à
la Godard, décorez-la d'une quantité d'hàtelets garnis de ris-
soUes, et iîchés dans les chairs en manière de porc-épic; si la
garniture de votre bouilli n'est ni à la Chambord ni à la Godard,
garnissez-le de petits pâtés d'oignons glacés, de choucroute, de
nouilles ou de légumes à la flamande.
Bouilli froid. — Faites avec le bouilli froid des tartines au
beurre et aux fines herbes, ou mangez-le en salade. Mais comme
notre goût peut n'être pas celui de tout le monde, nous allons
dire tout le parti qu'on en peut tirer.
Poitrine de bœuf encharbonnée. — Coupez- la froide en
longs morceaux; panez-la, faites-la griller lestement et servez-la
sur une purée de tomates ou sur une sauce piquante aux écha-
lotes et aux cornichons.
Miroton Saint-Honoré. — Versez sur un plat qui aille sur
le feu de bon bouillon gras avec persil, estragon, ciboules, cer-
feuil et câpres; couchez sur cet assaisonnement votre bœuf
coupé en tranches les plus minces possible, assaisonnez comme
dessus, couvrez le plat, et laissez cuire doucement trente ou,
quarante minutes.
Miroton à la mode de Vile Saint-Louis. — Coupez le bœuf
en tranches minces, en travers, hachez des oignons, faites-les
roussir à la graisse de bœuf, ajoutez fariae, bouillon, sel, poivre
et vinaigre, laissez bouillir un quart d'heure, versez sur votre
bœuf disposé dans un plat; laissez mijoter pendant trente ou
quarante minutes..
Chapelurez et faites prendre couleur au four, s'il vous
convient.
Bouilli au pauvre homme. — Coupez votre bouilli en
tranches, couchez ces tranches sur un plat, semez par-dessus
du sel, du poivre, du persil, de la ciboule hachée, un peu de
graisse du pot, une pointe d'ail, versez un verre de bouillon,
un peu de chapelure de pain; faites-le mitonner sur de la cendre
chaude pendant un quart d'heure.
Quand on était plus de huit jours sans^donner à Louis XV son
bœuf au pauvre homme, il était le premier à le redemander.
BOUILLI. ^$
Hachis de bœuf à la ménagère. — Vous hachez des
pignons avec du persil, des ciboules et un peu de thym, passez-
les au beurre jusqu'à ce qu'ils soient bien cuits; vous y ajou-
terez un peu de ferine et vous tournerez jusqu'à ce qu'elle ait
pris couleur ; vous la mouillerez avec du bouillon et un demi-
verre de vin blanc. Assaisonnez de sel, de poivre, et quand l'oi-
gnon sera cuit, la sauce réduite, mettez-y le bœuf haché et
laissez-le mitonner sur un feu très-doux pendant une demi-
heure.
Bouilli en persillade. — Mettez au fond d'un plat de la
graisse de rôti ou du beurre étendu, semez dessus du persil
très-fin et des champignons hachés, saupoudrez le tout de cha-
pelure, superposez des tranches de bœuf cuit dans le pot-au-feu,
graisse, persil, champignons, et alternez; mouillez de bouillon,
faites bouillir quarante-cinq minutes, ayez soin de rafraîchir de
temps en temps, puis, lorsque le tout a bouilli, dégraissez-le et,
servez-le avec un cordon de pommes de terre sautées.
Bouilli en quenelles. — Hachez du bœuf bouilli avec des
pommes de terre cuites dans la cendre, ajoutez-y du beurre ou
de la graisse de potage et quelques œufs entiers, maniez bien le
tout et faites-en des boulettes que vous passerez au beurre dans
une casserole, servez avec une sauce à la ravigote ou une sauce
piquante.
Bouilli en matelote et à la bourgeoise. — Mettez des petits
oignons dans une poêle avec un peu de beurre, faites-les roussir
sur un feu doux, mettez-y une cuillerée à bouche de farine ; lors-
que la sauce aura pris une certaine couleur, mettez un verre de
vin rouge, un demi-verre de bouillon, faites-ysauter vos oignons,
quelques champignons, du sel, du poivre, une feuille de laurier,
un peu de thym ; lorsque le ragoût sera cuit, vous le verserez sur
les tranches de bouilli que vous aurez mises sur un plat, faites-le
mijoter une demi-heure afin que le bouilli se pénètre de la sauce
et servez.
Bouilli à la poulette et à la bourgeoise. — ^ Mettez un mor-
ceau de beurre avec du persil et de la ciboule hacliée dans une
casserole, faites-les revenir, mettez une cuillerée de farine, agitez
le tout ensemble, versez un verre de bouillon, ajoutez sel, poivre,
286 BOUILLON.
et muscade; faites bouillir cinq ou six minutes, mettez-y votre
bœuf que vous aurez taillé en petites tranches ; sautez-le dans
votre sauce et liez avec trois jaunes d'œuf.
BOUILLIE. — Espèce de potage, composé de farine, de
blé ou de fécule que Ton fait cuire dans du lait, ou dans du bouil-
lon, ou dans une émulsion d'amandes; c'est la première nourri-
ture que Ton donne auxenfantsqui quittent le sein ; la bouillie la
plus légère^ se fait avec la fécule de pommes de terre ; c'est celle
également qui a besoin de rester le moins longtemps sur le feu
pour arriver à son entière cuisson. Pour rendre la farine de fro-
ment plus alimentaire que celle de fécule il &ut qu'elle soit
séchée au four jusqu'à être légèrement roussie. La bouillie au
reste se fait avec toutes sortes de farines; avec la fiairinedesagou,
de salep, de tapioca, d'arrow-root, d'orge et d'épeautre, la
bouillie de farine d'avoine, se nomme gruau, la bouillie de mie
«de pain, s'appelle panade.
Nota. Pour cette dernière sorte de bouillie, observe M. Vuil-
lemot, ayez grand soin de ne mettre le beurre qu'au moment de
la liaison, pour lui conserver toute sa suavité.
BOUILLON. — Il n'y a pas de bonne cuisine sans bon
bouillon ; la cuisine française, la première de toutes les cuisines,
doit sa supériorité à l'excellence du bouillon français; cette
excellence résulte d'une espèce d'intuition donnée je ne dirai pas
à nos cuisinières, mais à nos femmes du peuple.
Rivarol disait à des gourmands de Lubeck et d'Hambourg en
laissant son assiette de potage aux trois quarts pleine :
« Messieurs, il n'y a pas en France une garde-malade ni une
portière, qui ne sachefaire du meilleur bouillon que le plushabile
cuisinier de vos trois villes hanséatiques. »
Dans ma jeunesse j'habitais ma ville natale, Villers-Cotte-
rets ; elle est entourée d'une magnifique forêt où le duc de Bourbon
venait faire de très-belles chasses au sanglier, mon cousin était
inspecteur de la forêt ; ayant entendu un jour le duc de Bourbon
me dire chez lui :
« Monsieur Dumas, votre père et moi avons échangé quel-
ques bons coups de sabre dans notre jeunesse, » il m'invita désor-
mais à dîner chez lui toutes les fois que le duc de Bourbon y
BOUILLON. 287
dînait c'est-à-dire toutes les fois qu'il venait chasser à Villers-
Cotterets.
Un jour le prince racontait qu'en sortant de France en 89,
il était allé demander l'hospitalité au prince-évêque de Pas-
sau ; ce dernier la lui avait donnée avec la fastueuse hospitalité
des prélats souverains, au premier dîner le prince de Condé
s'écria :
« Ah par ma foi voilà de bonne soupe, passez-moi encore
quelques cuillerées.
— Monseigneur, répondît le prince-évêque, je ferai ordon-
ner que pendant tout le temps que vous passerez chez moi, on
y soigne beaucoup les potages ; la nation française est une nation
soupière.
— Et bouillonnante, monseigneur, répondit le vieil émigré,
et de son dernier bouillon elle m'a flanqué à la porte.»
Nous allons donc en recueillant toutes les autorités, dire
quels sont les principesde la viande auxquels le bouillon emprunte
sa sapidité; ces principes sont la^irme^ Xz. gélatine ^ Vosma^ôme^
la graisse, et Y albumine,
La fibrine, — La fibrine est insoluble, la fibre est ce qui
compose le tissu de la chair et ce qui se présente à Toeil après
la cuisson; la fibre résiste à l'eau bouillante, et conserve sa forme
quoique dépouillée d'une partie de ses enveloppes ; quand un
morceau de viande a longtemps bouilli dans un grand volume
d'eau, ce qui en reste est à peu près de la fibrine pure.
La gélatine diminue à mesure qu'on avance en âge, à 90
ans les os ne sont plus qu'une espèce de marbre imparfait; c'est ce
qui les rend si cassants, et fait une loi de prudence aux vieillards
d'éviter toute occasion de chutes. Les os sont principalement
composés de gélatine et de phosphate de chaux.
Uosmaiôme est cette partie éminemment sapide de viande
qui est soluble à l'eau froide et qui se distingue de la partie
extractive en ce Tjue cette dernière n'est soluble que dans l'eau
bouillante ; c'est l'osmazôme qui fait la valeur des bons potages,
c'est lui qui en se caramélisant forme le roux des viandes, c'est
par lui que se forme le rissolé des rôtis, enfin c'est par lui que
sort le fumet de la venaison et du gibier.
x'
a88 BOUILLON.
L'osmazôme se tire surtout des animaux adultes à chair noire
qu'on est convenu d'appeler chair faite; on n'en trouve point ou
presque point dans lagneau, le cochon de lait, les poulets, et
même dans le Manc des plus grosses volailles; c'est la présence
de l'osmazôme, dit Brillât-Savarin, qui a fait chasser tant de cui-
siniers convaincus de distraire le bouillon, c'est elle qui a fait
adopter les croûtes au pot comme confortatif dans le bain et qui
a fait inventer au chanoine Chevrierdes marmites fermant à clef ;
c'est le même à qui on ne servait jamais des épinards le vendredi
qu'autant qu'ils avaient été cuits le dimanche et remis chaque
jour sur le feu avec une nouvelle addition de beurre frais. Enfin
c'est pour ménager cette substance, quoique encore inconnue, que
s'est introduite la maxime que pour faire de bon bouillon, la
marmite ne devait que sourire.
L albumine, — Se trouve dans la chair et dans le sang, elle
ressemble au blanc de Tœuf, elle se coagule à une chaleur au-
dessous de 40 degrés, c'est ce que l'on rejette du pot au feu, sous
le nom d'écume. .
La graisse est une huile insoluble dans reau,elle se forme
dans les interstices du tissu cellulaire, et s'agglomère quelque-
fois en masse dans les animaux prédisposés, comme les cochons,
les volailles, les ortolans, et les becfigues; si dans un pot-au-feu,
on ne voulait tirer que le bouillon, on pourrait tout simplement
la hacher, la manier dans l'eau froide et la faire chauffer lente-
ment jusqu'à ébuUition; par là on dépouillerait la viande de tous
ses principes solubles, et on obtiendrait en moins d'une demi-heure
un véritable consommé; c'est ce que nous invitons à faire les
personnes chez lesquelles il arrive des comîves inattendus, et qui
veulent donner un potage à ces convives.
C'est une erreur de croire que les volailles ajoutent, à moins
qu'elles ne soient très-vieilles ou très-grasses, quelque chose à l'os-
mazôme du bouillon. Le pigeon lorsqu'il est vieux, la perdrix et
les lapins rôtis d'avance, le corbeau, en novembre et décembre,
ajoutent beaucoup à la sapidité et à l'arôme du bouillon. En
général la chair de ces animaux contient tout leur sang, et
c'est ce qui fait qu'elles ajoutent à la sapidité et à l'arôme du
bouillon dans lequel on la met.
BOUILLON. a89
Maintenant comme on ne met pas seulement le pot au feu
pour avoir du bouillon, mais pour avoir de la viande man-
geable qui non -seulement peut le premier jour se servir
bouillie, mais le lendemain reparaître sous un autre aspect,
nous allons indiquer la marche à suivre pour avoir toujours du
bon bouillon sans épuiser la viande.
Prenez toujours le plus fort morceau de viande que comporte
votre consommation habituelle, plus le morceau sera fort, frais
et épais, plus le bouillon se ressentira de ces trois qualités sans
compter l'économie de temps et de combustible. Ne lavez pas la
viande, ce qui la dépouillerait d'une partie de ses sucs, ficelez-
la après en avoir séparé les os, afin qu'elle ne se déforme pas, et
mettez dans la marmite un litre d'eau par cinq cents grammes
de viande.
Faites chauiFer la marmite avec lenteur, il en résultera que
l'albumine se dissoudra d'abord, se coagulera ensuite, et comme
dans ce premier état elle est plus légère que le liquide, elle s'élè-
vera à la surface en enlevant les impuretés que votre viande peut
contenir; Talbumine coagulée, ce sont les blancs d'œufs que l'on
, emploie pour clarifier les autres substances. L'écume a été d'au-
tant plus abondante que Tébullition a été plus lente. Il doit
s'écouler une heure entre le moment où la marmite a été mise
sur le feu et celui oh l'écume se rassemble à sa surface.
L'écume bien fournie, il faut l'enlever à l'instant même,
rébuUition de la marmite précipiterait l'écume, ce qui trouble-
rait la transparence du bouillon; si le feu est bien conduit, on
n'a pas besoin de rafraîchir la marmite pour faire monter une
nouvelle écume ; lorsque la marmite est bien écumée et qu'elle
jette ses premières vagues, on y met les légumes qui consistent
en trois carottes, deux panais, trois navets, un bouquet de poi-
reaux et de céleri ficelés ensemble; n'oubliez pas d'y ajouter
trois gros oignons piqués, l'un d'une demi-gousse d'ail et les
deux autres d'un clou de girofle; dans la cuisine de second
ordre, mais de second ordre seulement, on donne la couleur au
bouillon, avec la moitié d'un oignon brûlé, une boule de cara-
mel ou une carotte desséchée; n'oubliez pas de briser avçc un
couperet les os qui prennent part à U composition de votre
19
390
BOUILLON.
bouillon, qu'ils soient achetés en même temps que le bœuf, ou
qu'ils soient des restes du rôti de la veille; plus ils sont brisés
en nombreux fragments, plus ils rendent de gélatine.
Il faut sept 'heures d'ébuUition lente et toujours soutenue
pour donner au bouillon les qualités requises ; devant un feu de
cheminée, régler cette ébuUition est une chose presque impos-
sible, mais on y parvient facilement au contraire en employant
un fourneau qui doit chauffer constamment le dos de la mar-
mite; pour diminuer autant que possible Tévaporation, il faut
que la marmite reste couverte ; il faut regarder deux fois à la
remplir, même lorsqu'on en retire du bouillon, cependant si la
viande était à découvert, il faudrait y verser de Teau bouillante
jusqu'à ce que la viande soit baignée, le bouilli en sortant du
pot au feu a perdu la moitié de son poids.
Nous comprenons, dit Brillât-Savarin, sous quatre caté-
gories les personnes qui mangent du bouilli.
I® — Les personnes qui en mangent parce que leurs
parents en mangeaient, et qui suivant cette pratique avec une
soumission implicite espèrent bien aussi être imités par leurs
enfants.
20 — Les impatients qui abhorrent l'inactivité à table et ont
contracté l'habitude de se jeter avidement sur la première
matière qui se présente.
3** — Les inattentifs qui, n'ayant pas reçu du ciel le feu
sacré, regardent les repas comme les œuvres d'un travail obligé,
mettent sur le même niveau tout ce qui peut les nourrir et sont
à table comme l'huître sur son banc.
Enfin, les dévorants qui, doués d'un appétit dont ils cher-
chent à dissimuler l'étendue, se hâtent de jeter dans leur esto-
mac une première 'victime pour apaiser le feu gastrique qui les
dévore et servir de base aux divers envois qu'ils se proposent
d'acheminer vers la même destination.
Passons maintenant aux différentes variétés de bouillon.
Bouillon consommé à la régence. — Prenez à nouveau un
morceau de bœuf, un morceau de poitrine de mouton, passez-les
dans* une casserole et fiiites-les suer, mouillez avec du bouillon,
mettez le tout dans la marmite avec des râbles de lapin, une
BOUILLON. açi
vieille poule, une ou deux perdrix, achevez de remplir votre
marmite avec du bouillon, écumez et faites mijoter pendant
quelques heures.
Bouillon consommé à l'ancienne mode ( qui peut, réduit à
moitié, remplacer le jus dans toutes les sauces.) — Dégraissez
une épaule de mouton, faites-là cuire k moitié à la broche,
mettez-la dans la marmite aVec un bon morceau de bœuf, un
vieux chapon bien en chair, quelques carottes, oignons, navets,
un panais et un pied de céleri, mouillez avec du bouillon de la
veille.
Bouillon consommé à la moderne. — Mettez à la marmite
un morceau de tranche de bœuf, un jarret de veau, une poule,
un vieux coq, un lapin de garenne ou une vieille perdrix,
mouillez le tout avec un peu de bouillon, faites bouillir encore
ce consommé, écumez-le, rafraîchissez-le de temps en temps,
mettez des légumes : carottes, oignons, céleri, 'persil, ciboules,
ail et clous de girofle; faites bouillir cinq heures à feu doux.
Tamisez dans un linge fin.
Grand bouillon. — Si vous avez un grand dîner, il vous
faut avoir du bouillon en assez grande quantité pour mouiller vos
sauces et confectionner vos potages ; mettez alors dans une grande
marmite une pièce de bœuf, culotte ou poitrine, joignez-y les
débris ou parures de toutes vos viandes de boucherie, bœuf, veau,
mouton, tous les abatis, carcasses, cou, volaille et gibier dont
vous aurez levé les chairs pour faire des entrées; mettez sur un
feu modéré cette marmite qui doit être aux trois quarts seule-
ment remplie d'eau, écumez-la doucement, rafraîchissez - la
chaque fois que vous enlèverez l'écume, jusqu'à ce que le bouil-
Ion soit parfaitement limpide; mettez-y sel, navets, carottes,
oignons , trois clous de girofle , poireaux ,^ conduisez-le aussi
lentement que possible, et passez dans un linge fin.
Bouillon conservé. — Faites bouillir votre bouillon soir et
matin dans les plus fortes chaleurs, et le bouillon se conser-
vera. — Faites bouillir avec adjonction d'un morceau de charbon
de bois, qui empêchera le consommé de surir. {Note de éM. Vuil-
lemot.)
Tout bouillon dans lequel il n'entre pas de viande n'est
292
BOUILLON.
pour nous qu'un potage. Nous renvoyons donc tous les bouil-
lons maigres et tous les bouillons de santé au mot Potage.
Bouillon. {Cuisine italienne.) — Nous avons dit que tous
les peuples, excepté le peuple français, ignoraient l'art de faire
du bouillon; les Italiens, nos plus proches voisins, vont nous
donner la preuve de ce que nous avons avancé; nulle part on ne
mange de plus mauvais potage ^u'en Italie, mais cependant
comme nous nous sommes engagés à donner des spécimens de
toutes les cuisines^ donnons quelques recettes sur la manière de
faire ce bouillon en Italie.
Le but que Ton doit se proposer lorsqu'on veut faire de bon
bouillon est d'abord de se procurer trois choses qui sont néces-
saires à sa confection, une chair saine et entremêlée de gras et
de maigre, un feu ménagé pour toujours faire marcher le pot au
feu d'un mouvement pareil, enfin, de ne jamais allonger avec
de l'eau le bouillon que l'on confectionne. Quand le bouillon est
bon, il doit être de couleur blonde dorée, il faut en enlever la
graisse, passer le reste par l'étamine et avec ce bouillon tremper
la soupe.
Vous voyez que le cuisinier milanais ne vous fatigue pas de
détails; les diverses parties alimentaires que fournit la viande
et la quantité qu'elle en fournit, il n'en est pas même question.
Maintenant, quelle est la viande que recommande d'abord
ce cuisinier pour faire de bon potage? c'est la viande de veau.
Prenons donc et offrons à nos lecteurs le bouillon de veau
qui ne sert chez nous qu'aux malades.
Prenez un morceau de veau, mettez-le dans une casserole
avec un morceau de lard, et laissez-le une demi-heure sur les
charbons ardents, ayant soin de le tourner sur tous les côtés, au
point qu'il ait pris une couleur d'or, pour l'aider à prendre
cette couleur, accompagnez-le d'un morceau de lard, après quoi
préparez le pot au feu plein d'eau bouillante, jetez-y votre veau
roussissant, adjoignez-y des carottes, des oignons, un morceau
de bœuf pour donner une certaine puissance au bouillon et
faites-le frissonner lentement.
Quand le bouillon sera destiné à des malades, n'y mettez
pas de lard, mais du beurre.
BOUILLON. 293
Bouillon de poulet. — Prenez la carcasse d'un poulet
maigre, brisez-en les os, jfkites-le bouillir dans un vase avec
une quantité d'eau , une pincée de sel ; le bouillonnement ne
durera pas plus d'une heure et vous aurez un bouillon rafraî-
chissant qui raffermira un estomac débilité.
Bouillon pectoral. — Prenez un poulet, nettoyez-le, mettez
dans l'intérieur de celui-ci 31 grammes de semences de melon
et de citrouille, 1 5 grammes d orge mondé, autant de riz et de
sucre, faites bouillir le tout dans deux litres d'eau, prolongez
le bouillonnement jusqu'à ce que les deux litres soient réduits à
un, faites-le passer par l'étamine, ce bouillon produira des
effets excellents sur tous ceux qui sont atteints de faiblesse d'es-
tomac et d'étisie.
Bouillon à la minute. — Il est quelquefois nécessaire, en se
trouvant à la campagne, de se procurer immédiatement du
bouillon; voilà une recette pour en faire d'excellent en une
demi-heure.
Prenez 600 grammmes de viande de bœuf, coupez-la en
trois morceaux, ajoutez-y une carotte de demi -grosseur, un
oignon, du céleri, des clous de girofle, et mêlez le tout à la
viande que vous hacherez en petits morceaux, mettez le tout
dans une casserole, versez dessus de l'eau salée^ faites bouillir
pendant une demi-heure, enlevez l'écume, faites passer dans une
étamine, et avec ce bouillon vous pouvez faire un potage au riz
de la plus grande sapidité.
Bouillon consommé. — Pour faire ce genre de bouillon, il
faut beaucoup de viande, et que, lorsqu'il devient froid, il se
réduise en gélatine. Ordinairement les consommés se font avec le
reste du gibier et des autres bonnes chairs qui se préparent pour
un grand repas ; vous mettez ces restes dans un pot au feu et vous
versez dessus une quantité suffisante de bouillon commun ; puis
vous l'écumez promptement, vous mettez dans le pot au feu des
carottes, dès oignons, quelques clous de girofle, vous faites mijo-
ter votre bouillon et vous le passez à l'étamine sans y mettre de
sel.
Bouillon de lapin. — Les chairs du lapin, jeune et tendre,
contiennent toutes les qualités nécessaires pour faire de Texcel-
294 BOULANGER, BOULANGERIE.
\
lent bouillon ; dans quelques pays il est très-utile et ne le cède
en rien pour la graisse et la salubrité aux meilleurs bouillons de
volaille. Le lièvre lui-même n'offre ni la même substance, ni la
même salubrité. Le bouillon du lièvre est noir, pesant et indi-
geste.
Clarifiez le bouilloa de lapin avec un pied de veau bien
cuit. Vous obtenez ainsi une gelée claire comme un rubis.
Bouillon de perdrix. — Bouillon excellent et chaleureux
qui se peut faire avec de bonnes perdrix bouillies lentement pen-
dant trois ou quatre heures dans deux litres d'eau avec un peu de
veau pour en adoucir la saveur ; on lui adjoint alors des légumes
préparés, puis on le fait passer au tamis et Ton trempe la soupe.
Bouillon de coq, — Pour faire un bon bouillon de coq, il faut
d'abord prendre un coq jeune encore, le faire cuire lentement
dans très-peu d'eau avec la moitié d'une ppule, deux oignons
piqués, deux clous de girofle et le laisser sur le feu huit ou dix
heures jusqu'à ce que la chair commence à se détacher elle-même
des os. On achève alors d'en séparer cette chair, on la met dans
un mortier, on en exprime tout le jus au tamis, et l'on en boit
un verre chaque heure.
Ce bouillon est restaurant, mais il a le défaut d'échauffer le
sang.
Tout cela, vous le voyez, est de la cuisine de pharmacien
plutôt que de la cuisine de cuisinier.
BOULANGER, BOULANGERIE. — Il y avait trop
de simplicité chez les anciens pour qu'ils apportassent à la pré-
paration du pain un soin dont' ils ne pouvaient même avoir idée ;
aussi la profession de boulanger leur était-elle complètement
inconnue. Ils mangeaient le blé en substance comme les autres
fruits de la terre, et très-longtemps encore même après avoir
découvert le moyen de le réduire en faiâne, ce qu'ils faisaient en
broyant le blé entre deux pierres, ils se contentaient d'en faire
de la bouillie.
Plus tard, quand ils furent parvenus à en pétrir du pain et
à en faire leur nourriture principale, ils le faisaient dans chaque
ménage et seulement à l'heure du repas. C'étaient les femmes
qui étaient chargées de ce soin, et les plus grandes dames, les plus
BOULANGER, BOULANGERIE. 395
qualifiées, ne dédaignaient pas elles-mêmes de mettre la main à
la pâte.
L'Écriture nous dit, à lappui de tette vieille coutume des
peuples anciens, qu'Abraham, entrant dans sa tente, dit à Sarah :
« Pétrissez trois mesures de farine et faites cuire des pains sous
la cendre. »
Ils n'apportaient pas du reste dans la fabrication de leur
pain le raffinement que la gourmandise des peuples, augmentant
à mesure que le progrès avançait, leur fit introduire dans cette
préparation ; c'était tout simplement des espèces de galette, ou de
gâteaux dans lesquels on faisait entrer, avec la farine, du beurre,
des œufs, de la graisse, du safran et autres ingrédients. On ne les
cuisait pas non plus dans un four, mais sur Tâtre chaud, sur des
pierres, sur une sorte de gril ou dans une espèce de tourtière.
Mais le plus souvent, c'était sur des pierres plates posées sur
la cendre chaude qu'on faisait cuire ces pains dans lesquels le
sel n'entrait pas, ce condiment n'ayant pas encore été découvert.
Le plus difficile à trouver fut, on le comprend, le moyen de
convertir le blé et les autres grains en fiirine ; ce travail étant très-
pénible, attendu que la trituration du blé se fit d'abord avec des
pilons et des mortiers, ce qui était très-long et très-fatigant, fut
employé comme châtiment; on y condamnait les esclaves pour les
fautes les plus légères; puis vinrent les moulins à bras moins diffi-
ciles, mais aussi fatigants,^ et pour se faire une idée de la force
qu'exigeait ce pénible travail, on n'a qu'à se rappeler que Sam-
son, après avoir eu les cheveux coupés par Dalila qui le livra aux
Philistins et avoir eu les yeux crevés par ces derniers, fut con-
damné à tourner la meule.
Quant à la cuisson des pains dans des fours, elle vint plus
tard encore, et ce n'est qu'à partir de la découverte de ces derniers
que la boulangerie devint une profession.
Ce furent les Grecs qui les premiers eurent des moulins à
bras et des fours à côté l'un de l'autre ; c'est-à-dire des boulan-
geries organisées; ce ne fut guère que vers le vi* siècle de la
fondation de Rome que cette coutume passa chez les Romains. Ils
conservèrent à ceux qui avaient la direction de ces établissements
leur ancien nom de pinsores ou pistores^ dérivé de leur première
\
396 BOULANGER, BOULANGERIE.
occuparion, celle de piler le blé dans desinbrtiers,etils donnèrent
la dénomination de pistorix aux lieux où ils travaillaient.
Ces boulangeries, qtli s'étaient augmentées et qui étaient dis-
tribuées dans plusieurs quartiers diâerents^ étaient presque toutes
tenues par des Grecs qui étaient les seuls qui sussent faire du bon
pain. Peu à peu ils firent des apprentis qui, à leur tour, devinrent
maîtres, s'établirent, et bientôt après on s'occupa de former un
corps comme celui des bouchers, corps auquel eux et leurs enfants
furents attachés; on leur accorda plusieurs privilèges; on les mit
on possession de tous les lieux où l'on s'occupait de moudre le
blé auparavant, ainsi que des meubles, des esclaves, des animaux
et de tout ce qui appartenait aux premières boulangeries. On y
joignit des terres et des héritages, et l'on n'épargna rien de tout
ce qui pouvait contribuer à soutenir et à encourager leurs tra-
vaux et leur commerce ; pour qu'ils pussent vaquer sans relâche
à leurs fonctions et ne fussent pas obligés de laisser en suspens un
travail dont tout le monde aurait souffert, ils furent déchargés de
tutelles, curatelles et autres charges onéreuses ; il n'y eut pas de
vacances pour eux, ce qui ne leur allait pas toujours ; enfin les tri-
bunaux leur étaient ouverts en tout temps, ce qui leur permet-
tait de vider immédiatement les différends qu'ils pouvaient avoir
entre eux.
Les conditions de ces avantages étaient peut-^tre un peu
fortes, comme on va le voir, mais elles étaient formelles et expo-
saient les rebelles aux peines les plus sévères.
Ils furent soumis à certaines restrictions et obligations, telles
que celle de demeurer ensemble et de s'allier presque exclusive-
ment entre eux. Ils ne pouvaient surtout se mésallier, c'est-à-dire
marier leurs filles^ soit à des comédiens, soit à des gladiateurs,
sans s'exposer à être fustigçs, bannis et privés de leur état. Ils ne
pouvaient non plus léguer leurs biens à d'autres qu'à leurs enfants
ou à leurs neveux, qui devaient nécessairement faire partie de la
corporation des boulangers, et si un étranger, pour une cause
ou pour une autre, les acquérait, ils lui étaient de fait agrégés.
L'institution des boulangers fut à son tour introduite dans les
Gaules parles Romains; ils avaient choisi pour patron Mercure-
Artius, ainsi nommé du grec Q/lrtos, qui signifie pain, et lui
BOULANGER» BOULANGERIE. 297
avaient bâti un temple dont on voyait encore dans ces der-
niers siècles des ruines avec un pavé en marqueterie dans un
petit village nommé Qértas^ près de Grenoble, département de
risère.
Il y eut en France des boulangers dès le commencement de la
monarchie. Une ordonnance du bon roi Dagobert, celui-là même
que la chanson a illustré , datée de l'année 670, nous apprend
que les meuniers ou mouleurs de grains réunissaient à leur état
de moudre le grain celui de cuire le pain pour les particuliers
qui voudraient acheter leur farine chez eux ; on les nomma par
la suite panetiers, talmeliers et boulangers.
A leur imitation, les fourniers s'emparèrent de cette indus-
trie, se firent marchands de farine et vendirent du pain. Charle-
magne, au siècle suivant, s'occupa de la police d'une profession
qui devenait tous les jours plus importante, et il ordonna dans
ses capitulaire^ que le nombre de ces artisans si utiles pour chaque
ville, fût toujours complet et que, pour cela, a ils aient à former
des apprentis qui puissent remplacer au besoin les maîtres dans
les cas de grande nécessité ; » de plus, qu'ils tinssent avec ordre et
propreté le lieu de leur travail, que leur conduite soit irrépro-
chable, et il chargea spécialement des juges et autres officiers de
bien faire observer ce dernier et important statut.
Saint Louis fit plus encore, et, pour mieux reconnaître les
véritables services que cette institution rendait à tout le monde,
• en même temps que pour les dégager de toutes charges et rendre
leur stabilité plus grande, il exempta tout boulanger du service
militaire, et cette grâce était d'autant plus importante que, dans
ces temps de guerre, tous les sujets, à moins d'un privilège par-
ticulier, étaient obligés de se rendre à l'armée quand le seigneur
l'ordonnait.
Il y eut bientôt dans Paris quatre sortes de boulangers,
ceux des villes, ceux des faubourgs et banlieue, les privilégiés et
forains.
La maîtrise s'achetait du roi, mais, pour être reçu maître
boulanger, il se pratiquait une cérémonie bien singulière; céré«
monie dont il est fait mention dans les statuts que leur donna
saint Louis.
398 BOULANGER, BOULANGERIE.
— - — ' — ' — — — — —
L'aspirant, accompagné des anciens maîtres et jurés de sa
communauté, venait présenter au lieutenant du grand Panetier
un pot de terre neuf, rempli de noix et de nieules (fruit inconnu
aujourd'hui) ; toute l'honorable assemblée, composée de cet offi-
cier, des autres maîtres et des geindres (mitrons), sortait dans la
rue et allait casser ce pot contre la muraille ; puis tout le monde
rentrait et était tenu de payer un denier au lieutenant, lequel
devait en échange, leur fournir du feu et du vin que l'on
buvait ensemble.
Cette bizarre cérémonie était un hommage public de dépen-
dance envers les autorités préposées, signifiant qu'elles pouvaient
vous punir aussi aisément que Ton cassait ce pot, si votre gestion
était répréhensible et si vous ne vous conformiez pas aux statuts.
Cette cérémonie se modifia dans les siècles suivants. Au
commencement du XVIP siècle, le nouveau maître, à la
troisième année de sa réception, était obligé de venir, le premier
dimanche après les Rois, présenter au grand Panetier un pot neuf
rempli de pois sucrés (dragées), avec un romarin, aux branches
duquel étaient suspendus diverses sucreries, des oranges et les
fruits que comportait la saison. Cette offrande fut changée ensuite
en une rétribution d'un louis d'or.
Le grand Panetier de France avait la maîtrise des bou-
langers et talmeliers en la ville et banlieue de Paris, avec droit
de justice. Ce fut saint Louis qui donna cette juridiction sur
eux et sur leurs compagnons, à son maître panetier, pour en ,
jouir tant qu'il plairait au prince, comme on l'apprend du
recueil des usages de la police des boulangers fait par Etienne
Boileau. Cette juridiction ne fut supprimée qu'en 171 1.
Les boulangers, privilégiés deux siècles plus tard, n'étaient
plus que de deux sortes : i^les boulangers suivant la cour, établis
par Henri IV, au nombre de dix, en i6oi, et augmentés de
deux par Louis XIII; ils avaient tous demeure à Paris et avaient
mission de suivre la cour partout où elle allait ; 2^ ceux qui
habitaient en lieu de franchise. Les boulangers forains étaient
ceux qui exerçaient hors de la ville et des faubourgs, et qui
fabriquaient le pain pour la plus grande partie de la popula-
tion.
BOULANGER, BOULANGERIE. 299
A partir du vin* siècle et pendant plusieurs autres, une
maladie terrible, la lèpre, s'était répandue et multipliée en
France d'une façon effrayante. Les boulangers, leurs femmes et
leurs enfants, toujours privilégiés, avaient l'avantage d'entrer à
l'hôpital Saint-Lazare pour s'y faire soigner et guérir, ce qui
était considéré dans ce temps comme une des plus grandes
faveurs; il est vrai, que pour acquérir ce droit, chaque maître
boulanger était obligé de donner toutes les semaines un pain à
l'hôpital. Sur la fin du xvi* siècle, on substitua au pain un
denier parisis qui fut appelé le denier Saint-Lazare ou denier
Saint-Ladre.
Des boulangers faisant concurrence aux marchands de
grains, ayant acheté et revendu du blé et de la farine sous ce
dernier titre, les Romains instituèrent des lois qui défendirent
aux boulangers, sous peine des plus fortes peines, à servir en
qualité de pilotes sur les vaisseaux qui amenaient les blés à
Rome.
Plus tard, en France, on fut obligé de faire la même chose,
et un arrêt du Parlement, suivi d'autres ordonnances, défendit
également aux boulangers d'être mesureurs de grains ou meu-
niers.
Les boulangers furent d'abord nommés boulangers, talme-
liers, ainsi que nous l'avons dit plus haut, puis le premier nom
leur resta seul; il vient, dit Ducange dans son Histoire de Paris,
de ce que le pain qu'ils firent dans le commencement avait la
forme d'une boule. Cette coutume, du reste, d'arrondir le pain
existe encore aujourd'hui en France et dans tous les villages, où
les ménagères font généralement leur pain elles-mêmes, c'est la
seule forme qu'on lui donne, en l'aplatissant cependant comme
une galette et même, dans certains pays, en lui laissant cette
forme primitive de boule qui lui faisait donner, sous les pre-
miers rois de la première race, le nom de tourte ou tour-
teau.
Quant au nom de talmeliers, aujourd'hui tout à fait oublié,
c'est une corruption de celui de tamisiers; le bluteau n'étant
point encore inventé , chacun était obligé de passer sa farine au
tamis, celui qui ne voulait pas se donner cette peine ; appelait
300
BOUTARGUE.
un boulanger qui, tenu par sa profession d'avoir des tamis,
venait la passer pour une mince rétribution.
La corporation des boulangers est aujourd'hui une des
meilleures institutions et une des mieux organisées ; nul ne peut
exercer cette profession sans l'autorisation du préfet de police,
et cette autorisation ne lui est accordée qu'autant qu'il est jus-
tifié par lui qu'il est de bonne mœurs, qu'il a fait un appren-
tissage et qu'il connaît les bons procédés de son art.
En outre, chaque boulanger, une fois autorisé et reçu, ne
doit jamais manquer d'approvisionnement; il doit avoir constam-
ment en réserve, dans son magasin, une quantité suffisante de
farine pour pourvoir à la consommation journalière pendant
un mois; de plus, sa boutique doit toujours être garnie de
pains.
Depuis la liberté de la boulangerie, le nombre des boulan-
gers est considérablement augmenté dans Paris, et il se débite
quotidiennement plusieurs millions de kilogrammes de .pain
fabriqués la nuit par ces êtres étranges, presque nus, qu'on
aperçoit à travers les soupiraux des caves et dont les cris pour
ainsi dire sauvages, sortant de ces antres profonds, causent pres-
que toujours une impression pénible.
Le matin, on rencontre ces hommes pâles, encore tout
blancs de farine et portant sous le bras le pain d'un kilog. et
demi dont on les gratifie, allant se reposer et prendre des
forces pour recommencer le soir leur utile et pénible labeur.
Pour moi, j'estime beaucoup ces braves et humbles tra-
vailleurs qui fabriquent la nuit ces jolis petits pains bien tendres
et bien croustillants, ressemblant bien plutôt à des gâteaux qu'à
des pains.
BOURRUT. — On appelle vin bourrut^ et non pas bourru,
un vin qu'on a empêché de fermenter et qui a encore toute sa lie«
Prenez une décoction de froment bien chargé, mettez-en deux
litres avec un sachet de fleurs de sureau dans j hectolitres de
vin blanc, pendant qu'il fermente encore. Du temps de M"* de
Sévigné et de M™* de Grignan, c'était le régal des domes-
tiques.
BOUTARGUE. — Espèce de caviar de Surmulet qui se
BRANDADE. 301
fait en France, aux Martigues et à Terrin; et en Italie, à
Gênes et à Porto-Ferrago.
BRAISE. — Garnissez une braisière de bardes de lard,
d'un pied de veau découpé ou d'un bon morceau de couenne
de lard à demi salé pour rendre la sauce gélatineuse; joignez-y
sel, poivre, bouquet de persil, thym, laurier, clous de girofle,
oignons et carottes ; mettez sur cet assaisonnement la pièce que
vous voulez faire cuire, que ce soit un dinde ou une oie, ajoutez
un verre de vin blanc, un demi-verre d'eau-de-vïe, un verre de
bouillon, faites cuire à petit feu pendant plusieurs heures, en
couvrant Tobjet que vous faites cuire d'un papier beurré et en
couvrant également en outre votre casserole afin qu'il ne puisse
y avoir d'évaporation. (Recette de la cuisinière de la ville et de
la campagne.)
Braise à la Condé, — Enveloppez la pièce à braiser avec
des tranches minces de veau ou de mouton, et par-dessus des
bardes de lard, le fond de votre braisière aura dû être couvert
de bardes et de viandes amincies. Mouillez avec un verre de
Madère, assaisonnez, poivre, sel et 'muscade, ajoutez quel-
ques truffes coupées en tranches, cuisez lentement à feu doux.
Cette braise est excellente pour les faisans et les perdrix, préala-
blement farcis. Le vin blanc convient pour mouiller les viandes
noires.
BRANDADE. — (Recette de Grimod de la Reynière.)
a Parmi les ragoûts de Provence ou de Languedoc qui ont pris
singulièrement faveur à Paris , il faut distinguer surtout les
brandades de merluche. On sait qu'un restaurateur du Palais-
Royal a fait sa fortune par sa manière de les préparer, et qu'on
envoie journellement en chercher chez lui, parce qu'il a la répu-
tation de les faire excellentes.
Comme plus d'un de nos lecteurs serait peut-être bien aise
de faire exécuter chez lui ce ragoût méridional dont la recette ne
se trouve imprimée nulle part (au moins ne l'avons-nous trouvée
dans aucun des nombreux dispensaires qui nous ont passé entre
les mains, pas même dans le cuisinier gascon, ce qui doit
paraître assez étrange), nous pensons qu'on nous saura gré de la
publier telle qu'elle nous a été communiquée dans une ville du
3oa BRANDADE.
Languedoc, qui , sous le rapport de la bonne chère, jouit d'une
réputation éclatante et méritée.
Nous remarquerons d'abord que le nom singulier de bran-
dade donné à cette préparation, et qu'aucun dictionnaire n'a pris
le soin de recueillir ni de définir, dérive sans doute du vieux
verbe brandir^ qui signifie remuer, agiter, secouer avec force et
pendant longtemps; et cette action, presque continue, est en effet
indispensable pour que ce ragoût soit ce qu'il doit être; c'est ce
qui surtout en rend la facture difficile et ce qui l'empêchera pro-
bablement d'être adopté généralement dans nos cuisines, car
tout ce qui exige beaucoup de patience n'est pas du goût de
tous les cuisiniers. Le mouvement qu'on imprime à la casserole
dans cette circonstance est un mouvement d'un genre particu-
lier; il exige une sorte d'étude et demande beaucoup de dex-
térité. Quoi qu'il en soit, voici la recette des brandades :
Il faut prendre un morceau de belle merluche et la faire
tremper dans l'eau pendant vingt-quatre heures pour la dessaler
et la ramollir.
Ensuite vous la mettez dans un pot, sur le feu, avec de
l'eau, en observant qu'il faut la retirer quand l'eau commence à
bouillir.
Vous mettez du beurre, de l'huile, du persil, de l'ail, dans
une casserole, que vous faites fondre sur un feu doux.
Pendant ce temps, vous épluchez la merluche que vous
rompez en très-petits morceaux, puis, vous la mettez dans la
casserole, et de temps en temps vous ajoutez de l'huile, du
beurre et du lait, quand vous voyez qu'elle épaissit.
Vous remuez très-longtemps ^la casserole sur le feu, ce qui
fait que la merluche se réduit en une espèce de crème.
Si vous la voulez verte, vous pilez des épinards dont vous y
joignez le suc.
Cette recette est, comme on voit, fort simple f mais nous ne
cesserons de le répéter, la perfection des brandades dépend sur-
tout du mouvement imprimé pendant très-longtemps à la cas—
serole et qui seul opère l'extrême division de toutes les parties
du poisson , naturellement coriace , et le métamorphose en une
espèce de crème. Il ne faut donc pas se lasser de remuer, autre—
BRÉSOLLES. 303
ment vous n'auriez qu'une béchameil au lieu d'une brandade.
Au reste, une brandade bien faite est un ragoût délicieux,
et, quoique la merluche soit de sa nature fort indigeste, elle
devient, sous cette forme, aussi facile à digérer qu'une panade à
la cannelle.
BREME. — On pêche ce poisson dans les rivières et dans
les grands lacs de presque toute l'Europe; il est l'objet d'une
pèche importante, qui se fait d'habitude dans les mois glacials.
En 1749, d'un seul coup de filet, on en prit dans un lac de
Suède cinquante mille, qui ensemble pesaient plus de p,ooo kilo-
grammes. La brème a quelque ressemblance avec la carpe, seu-
lement son corps n'a pas la même épaisseur, il est plus large et
aplati latéralement; sa tète est noire, sa gueule petite, ses lèvres
grosses. Comme l'alose, dont elle n'a point la finesse, sa chair
contient beaucoup d'arêtes. On peut, en la couvrant de neige, en
lui mettant dans la gueule un morceau de pain trempé dans de
l'eau-de-vie, la transporter vivante à une grande distance. On
la mange avec une sauce piquante à l'échalote.
BRÉSOLLES. — Le valet de chambre du marquis de Bré-
soUes inventa ce ragoût, tandis que son maître faisait la guerre
de Sept ans. Voici la recette comme la reproduisent les gastro-
nomes autorisés :
Vous foncez une casserole avec une tranche de jambon, de
l'huile, d\t persil, des ciboules, des champignons, une pointe
d'ail, le tout haché fin et battu avec de l'huile ; vous mettez sur
ce fond une couche de filets de rouelle de veau coupés très-
minces, puis une seconde, puis une troisième, tant que l'huile ne
la surmonte pas; à chaque couche vous assaisonnez de poivre et
de sel; quand les brésolles sont cuites, vous en faites autant de
couches que vous voulez. Seulement il est important que chaque
couche soit arrosée avec de l'huile mêlée avec des fines herbes
comme la première; vous les levez une à une, vous les mettez
dans une casserole à part; dégraissez la sauce et liez-la avec un
peu de farine ou, ce qui vaut mieux, avec quelques marrons
cuits et piles, versez sur les brésolles cet assaisonnement et ûtites
chauffer sans bouillir. Le veau, le mouton et la chair de l'agneau
surtout peuvent être préparés en brésolles.
/
304 BRIOCHE.
BRIGNOLES (Prunes de). — Prunes que Ton- fkit sécher
au soleil et qui portent le nom de Brignoles, ville du départe-
ment du Var, où on les prépare. Ces prunes sont agréables à
l'œil et au goût, on en fait d'excellente compote, et Ton peut les
employer hachées, dans les babas.
BRIOCHE. — Le nom de brioche vient à cette pâtisserie
du fromage de Brie^ qui entrait autrefois dans sa composition.
Brioche fine ou royale. — Prenez i kilo 500 grammes de^
farine de gruau. Prenez le quart de la farine, formez-en un bas-
sin sur le tour à pâte ; déla/ez 60 grammes de bonne levure bien
sèche dans de l'^^u tiède, la quantité suffisante pour user votre
farine et en faire une pâte légère ; tournez-la, fendez-la en quatre
et laissez revenir dans une sébile à température modérée; de
la farine qui vous reste, formez un autre bassin dans lequel vous
ajoutez 30 grammes sel fin et 120 grammes sucre en poudre;
ajoutez un peu d'eau pour faire fondre le tout; maniez bien
I kilo 500 grammes de beurre fin, ajoutez-le aux 30 ou 36 œufs
frais que vous aurez jeté dans votre puits, ondulez légèrement
votre pâte afin qu'elle soit en harmonie avec votre levain,
maniez légèrement le tout ensemble; mettez le tout dans une
sébile farinée, laissez reposer la pâte, et, de temps en temps,
rompe^-la légèrement au bout de douze heures de fermentation,
en évitant de la laisser surir.
Moulez votre pâte selon la grosseur de votre brioche, met-
tez-la dans un moule cannelé en fer-blanc; dorez-la en ayant
soin de dégager la tête de la brioche, chiquetez-Ia assez large-
ment si la pâte est ferme, et mettez-la au four très-chaud. Aus-
sitôt sa couleur prise, couvrez-la d'un papier mouillé, en déga-
geant la tête de la brioche qui lui fait faire le cou de cygne.
Sondez sa cuisson et servez.
On l'appelle en terme de pâtisserie : brioche mousseline.
Nota. Si c'est une grosse brioche pour pièce de fond, faites-
la cuire dans une laisse de papier de beurre, [Recette de M. FiiiV-
lemot,)
Brioche au fromage. — Faites un quart de pâte à brioche,
et laissez-la revenir; mêlez-y alors 750 grammes de bon fro-
mage de Gruyère coupé en dés; séparez votre pâte en deux
BROCHE.
10J
parties, l'une du quart de la totalité; roulez -les toutes deux ; posez
la plus forte du côté de la moulure sur un fort papier beurré,
aplatissez-la dans le milieu avec la paume de la main, roulez
l'autre petite partie et ensuite la grosse, soudez-les ensemble en
les rapprochant et en les appuyant Tune sur Tautre, la plus petite
au-dessus ; cassez deux œufs, battez-les comme pour une ome-
lette, dorez-en la brioche, coupez du fromage de Gruyère en
lames ou en cœurs, faites-en une rosette sur la tête de cette
brioche, mettez-la à un four bien atteint, laissez-la cuire trois
heures environ, retirez-la, ôtez-en le papier, dressez-la sur une
serviette et servez-la comme grosse pièce à VentremQts. {Recette
de M. de Courchamps.)
BRIOCHINES VERTES (Entremets saxon). — Versez une
demi-bouteille de lait bouillant sur la mie de deux petits pains ;
laissez cette mie de pain environ une heure dans cet état;
mettez-y ensuite, pour lui donner un peu de saveur, du jus de
tanaisie; vous ajouterez alors du jus d'épinards pour la colorer
d'un beau vert, puis une cuillerée d'eau-de-vie; râpez-y la
moitié d'une écorce de citron, battez quatre jaunes d'œufs,
mêlez le tout ensemble et sucrez à volonté. Mettez ensuite ôette
préparation dans une casserole avec 125 grammes de beurre
frais sur un feu doux et tournez jusqu'à ce qu'elle soit épaissie.
Retirez-la du feu , laissez-la reposer deux ou trois heures et
versez-la par cuillerée dans du saindoux bouillant. Dès que vos
briochines sont faites, vous râpez du sucre dessus, et vous les
servez avec du vin blanc, du rhum bien sucré, dans une sau-
cière chaude. (Recette du baron de Millbacher.)
BROCHE. — Le spirituel auteur des Mémoires de la mar-
quise de Créquy, arrivé dans son dictionnaire à l'article Broche^
dit : a Ustensile assez connu pour que sa description soit inutile. »
On voit bien que le comte de Courchamps écrit pour des Fran-
çais; s'il eût écrit pour des Espagnols, il eût fait une longue
description de cet instrument culinaire, espérant donner aux
compatriotes de Don Quichotte le désir de f^ire connaissance
avec lui.
En effet, excepté dans le dictionnaire, je n'ai pas trouvé une
seule broche dans toutes les Espagnes ; il en résulte qu'on y fait
)o6 BROCHET.
d'exécrables rôtis, attendu qu'il n y a de vrai rôti qu'à la broche
et au feu de bois ou , à la rigueur , au feu de charbon de
terre. C'est d'autant plus fâcheux qu'on y rencontre à chaque
pas des lièvres que les Espagnols ne mangent pas , parce que ,
disent-ils , cet animal gratte la terre pour déterrer les cadavres;
et des perdrix de toutes couleurs que , fitute de broches ,
on est obligé de manger à rolla podrida, c'est-à-dire à l'huile
ponte.
Dans les anciens livres de cuisine on voit que, sous le règne
des Valois et même sous Louis XIII, toutes les broches et les bro-
chettes des cuisines royales étaient d'argent. On donnait alors le
nom de brochettes à ce que nous appelons aujourd'hui des hâte-
lets.
Les broches ef les hâtelets doivent être tenus avec une
extrême propreté, car, lorsqu'ils se rouillent, ils communiquent
aux parties qu'ils traversent une saveur ferrugineuse.
BROCHET. — On ne trouve nulle part le mot brochet ni
son équivalent dans l'antiquité; c'est le requin des eaux douces,
/ aussi rusé, aussi carnassier, aussi dévastateur que le requin de
^ mer. Dans le lac de Zirkmitz, en Carniole, il y a des brochets
' de ao et 25 kilogrammes, dans l'estomac desquels on trouve des
canards entiers. Ce poisson peut arriver, si on le laisse vivre, à
toutes les grosseurs et à tous les âges. En 1749, on en prit un, à
Kaiserslautern, long de plus de 6 mètres et pesant 175 kilo-
grammes; on conservait son squelette à Manheim. (Olagnier,
Dictionnaire des aliments et des boissons.)
La fécondité du brochet, sans être comparée à celle du
hareng et à celle de la morue, est assez grande pour que dans
une femelle d'un mètre de longueur on trouve jusqu'à 180,000
œufs.
Du temps du roi Charles IX, il y avait dans le vivier du
Louvre un brochet qui arrivait lorsqu'on l'appelait Lupul; il
sortait la tête de l'eau pour recevoir le pain qu'on lui jetait.
L'empereur Frédéric II en avait mis un dans un étang le 5 oc-
tobre 1230, il fut pris dans le même étang deux cent soixante-
sept ans après. Les brochets de Chàlons étaient ceux qui , au
xin^ siècle, jouissaient comme finesse de la meilleure réputation.
BROCHET* 'icrj
Segarder de ses œufs qui, cuisant avec sa chair, peuvent com-
muniquer à cette chair la faculté d'exciter les nausées et les
vomissements.
Quelques journaux qui s'occupent- de l'élève du poisson
protestent contre la trop grande multiplication du brochet dans
tes étangs. M. Sauvadon, dans le Bulletin de la Société ^{oologique^
est au nombre des opposants et fournit à l'appui de sa thèse des
chiffres intéressants. Chacun connaît la voracité du brochet,
c'est même cette qualité qui rend la présence de ce poisson
nécessaire dans les pièces d'eau trop abondamment peuplées,
mais on a peut-être rarement calculé par une règle de proportion
combien un brochet de six ans a dévoré de kilogrammes de fretin
et comparé son prix de vente à celui de la masse alimentaire
qu'il a dévorée. C'est ce qu'a fait M. Sauvadon, et il est arrivé au
résultat suivant :
Un brochet qui, en six ans, a absorbé 252 kilogrammes
de nourriture, revient, en ne comptant le poisson qu'à un franc
le kilogramme, à 252 francs; nous ne tenons pas compte de la
plus-value qu'aurait acquis en six ans le poisson victime, qui
aurait doublé plusieurs fois de poids dans ce laps de temps.
Admettons que le brochet pèse 100 grammes à la fin de la
première année; qu'il triple de la seconde à la quatrième et
double de la quatrième à la sixième, ce qui est en rapport avec
l'observation, car il est avéré que, quand le poisson vieillit, il
grossit moins vite que dans les premières années ; il pèsera dix
kilogrammes la sixième année. Ainsi ce poisson, qui ne se vend
en moyenne que deux francs le kilogramme, vaut en réalité à
l'éleveur vingt -cinq francs deux centimes le kilogramme, ce
que nous ne croyons pas .possible, car le brochet que nous avons
vu profiter le plus pesait 500 granmies au moment où on le mit
dans une pièce d'eau abondamment pourvue de poissons;
cinq ans après, il ne pesait que 5 kilogrammes; par contre, le
produit de la pêche fut moindre d'un tiers que les autres fois.
Nous ne demandons pas, ajoute l'auteur, qu'on supprime Tédu-*
cation de ce poisson, mais nous désirons qu'on mette une cer-
taine mesure dans sa propagation, convaincu que nous sommes
que la culture du poisson deviendrait impossible si on laissait se
3o8 BROCHET.
propager sur une trop vaste échelle un poisson qu'à juste titre
on a nommé le requin d'eau douce.
Brochet à la Chambord. — Prenez un beau brochet, échar-
dez-le, videz-le, ouvrez-lui le ventre pour qu'il n'y reste ni œufs
ni laitances, et ôtez-lui les ouïes; la peau levée sans avoir'afFecté les
chairs, levez le nerf de la queue et piquez-le en totalité avec de
l'anguille taillée en petits lardons, ou moitié avec des truffes et
des carottes coupées de même; si vous servez votre brochet au
gras, piquez-le de lard, de truffes ou de carottes, mettez-le dans
une poissonnière, mouillez-le d'une braise maigre et faites-le
cuire; mettez dans une casserole trois baquetées d'espagnole
maigre et une demi-bouteille de vin blanc de Champagne; faites
réduire votre sauce et dégraissez-la, mettez-y des champignons
retournés , des fonds 'd'artichauts, des truffes, des laitances de
carpes, de l'anguille coupée par tronçons, faites mijoter un quart
d'heure votre ragoût et finissez-le avec un beurre d'anchois;
gouttez votre brochet, pressez-le, mettez vos garnitures autour
et joignez-y des écrevisses, décorez-le, saucez-le, glacez-le et
servez. Si c'est au gras, ajoutez-y des ris de veau piqués, des
pigeons ou des cailles, si c'est la saison, puis des crêtes et des
rognons de coq.
Brochet au bleu ou au court -bouillon. — Videz votre
brochet, éventrez-le sans lui crever l'amer et sans endom-
mager ses écailles, ôtez-lui ses ouïes sans lui gâter le palais,
placez-le dans une poissonnière de capacité suffisante pour le con-
tenir, faites bouillir un quart de litre de vinaigre rouge, arrosez-
en votre brochet pour lui donner une couleur azurée, servez-
vous-en tout bouillant; mouillez -le d'une braise maigre ou
grasse, enveloppez-le dans un papier beurré, faites-le cuire à
petit feu; sa cuisson achevée, égouttez-le, dressez une ser-
viette sur votre plat, posez-le dessus, entourez-le de persil et
servez.
Brochet à la Chambord (recette de M. de Courchamps). —
Pour bien exécuter ce beau relevé qu'on sert en grosse pièce au
premier service, et qui est un des mets les plus somptu&ux de la
cuisine moderne, il faut d'abord être en possession d'un très-fort
et très-beau brochet ; d'où vient que c'est un plat dispendieux à
BROCHET. 309
Paris où un brochet de belle taille avec sa garniture à la Cham-
bord ne saurait coûter moins de quatre-vingts francs, et peut,
quelquefois, revenir au triple de la même somme. Après en
avoir ôté les écailles et enlevé toute la peau, vous le piquerez
par bandes ou raies transversales, larges chacune comme trois
doigts; savoir, une bande avec de tins lardons épicés; la seconde
avec des truffes bien noires coupées en forme de clous de girofle;
la troisième, avec des filets de carottes et la dernière avec des
filets de cornichons bien verts et pareillement coupés en forme
de clous. Vous farcissez ce gros poisson avec un hachis pour
quenelles aux truffes émincées (7. Quenelles). Cette opération
terminée, faites cuire le brochet dans une poissonnière avec un
court-bouillon dont le mouillement soit du vin de Champagne
blanc et mousseux, mais qui soit assaisonné d'épices, de racines
et d'un bouquet garni, comme pour un autre court-bouillon. Le
poisson cuit, retirez assez de son fond de cuisson pour que le
côté piqué, c'est-à-dire le dessus du brochet, s'en trouve à
découvert, et mettez-le au four afin que les sucs se concentrent
et que les parties piquées au lard y prennent une belle couleur
dorée. Procédez maintenant au ragoût qui doit former la garni-
ture de ce mets superbe.
Mettez dans une bassine ou grande casserole une demi-
bouteille de vin de Sillery, d'Aï ou autre bon vin de Cham-
pagne non mousseux, ajoutez-y un demi-litre de blond de veau
ou de consommé réduit, des quatre épices et le jus de quatre
bigarades, dans lequel vous aurez délayé deux fortes pincées de
poudre de Kari ; faites réduire et passez ensuite au tamis de
soie; remettez sur le feu et fiiites-y prendre sauce à des fonds
d'artichauts braisés, des mousserons blancs et des champignons
cuits à la moelle, de grosses truffes au vin de Bordeaux, des
laitances et des langues de carpes , des foies de lottes et des
quenelles de turbot à la crème et aux truffes, des tronçons d'an-
guilles piqués et de filets d'olives cuits au vin de Madère, des
écre visses d'Alsace au vin blanc, des ris de veau piqués et
glacés, des ris d'agneau pralinés au vert-pré, des becfigues ou
des râles de genêts et des cailles sautées, enfin des crêtes et des
rognons de coq, et, si Ton veut quelques pigeonnaux de l'espèce
310 BROCHET.
dite à la Gauthier. On terminera cet appareil splendide en y
mêlant du beurre d'anchois avec quelques cuillerées de glacis de
viande, et l'on passera ce mélange avant de le placer au fond du
plat. On arrangera le tout avec ordre et symétrie autour du
brochet, dans le corps duquel on piquera quelques longs
hàtelets d'argent, bien garnis de rissoles et autres substances
variées, telles que belles truffes noires, grandes oranges ou ceps
du Midi, jaunes d'œufs de pintade, ortolans rôtis, gros fruits
d'Italie marines au vinaigre.
Comme pour un plat d'une telle importance on ne saurait
être trop bien renseigné, nous devons équitablement ajouter à la
recette de M. de Courchamps les critiques qu'un autre maître,
M. Vuillemot, lui oppose :
« A l'article Brochet à la Chambord^ de M. de Courchamps,
j'accueille favorablement le brochet farci, les garnitures au
maigre, mais ce qui est de ses ris de veau, pigeons à la Gauthier,
je ne puis les accepter,
« Couronnez votre brochet par les quenelles de poisson,
champignons, truffes, écrevisses, queues de crevettes, huîtres,
moules et autres. Cela me représente un beau relevé maigre.
Bien croûtonné, et une bonne sauce genevoise avec beurre d'an-
chois. ))
Brochet en dauphin. — Prenez un gros brochet, écaîUez-le,
videz-le par les ouïes, retroussez-lui la queue; à cet effet,*
passez-lui un 'hâtelet dans les yeux et une ficelle dans la queue
(il faut que les deux bouts se joignent de chaque côté du
hâtelet); posez votre brochet sur le ventre et faites qu'il s'y
maintienne, mouillez-le d'une braise maigre, et si c'est au gras,
d'une bonne mirepoix; mettez-le dans un four, retirez-le de
temps en temps pour l'arroser de son assaisonnement ; sa cuisson
faite, égouttez-le et saucez-le d'une italienne rousse et grasse ou
d'une maigre. (Méthode Beauvilliers.)
Brochet à la broche. — Écaillez, incisez légèrement votre
brochet , lardez-le avec des filets d*anguille salés , poivrés;
embrochez-le et arrosez-le, en cuisant, avec du vin blanc, de
l'huile fine et du jus de citron vert. Dès qu'il est cuit, &ites
fondre des anchois dans ce qui est tombé dans la lèchefrite,
BROCHET. 311
ajoutez-y des huîtres que vous faites chauffer sans bouillir, des
câpres, du sel et du poivre, liez cette sauce avec un peu de jus
ou avec un roux, et servez.
La sauce Pluche ou verte convient très-bien à ce brochet
en raison des anchois. — Les huîtres sont très-nécessaires.
Brochet à la tartare. — Coupez votre brochet par tronçons
et faites-les mariner tout écaillés avec de Thuile, sel, gros poivre,
persil, ciboules, échalotes et champignons hachés très-iin ;
saucez-les dans la marinade et panez-les avec de la mie de pain,
mettez-les sur le gril et faites cuire en arrosant avec le reste
de la marinade, faites-les prendre belle couleur et servez à sec
avec une rémoulade dans une saucière.
M. le comte de Courchamps a payé sa dette à la marquise de
Créquy, dont il a écrit les mémoires, en donnant le nom de
Créquy à un brochet, c'était bien de l'honneur pour ce poisson ;
on sait que la devise des barons de Créquy était : Créquy haut
baron, Créquy haut renom. Voyons ce qu'il fallait que fît un
brochet ou ce qui fallait qu'on lui fît pour le conduire à un si
grand honneur.
Brochet à la Créquy. — Après avoir enlevé la peau qui
supporte les écailles d'un gros brochet, mortifié depuis quelques
jours, on le pique, jusqu'à la quatrième partie des côtes avec des
anchois, l'autre quart avec des cornichons, puis des carottes et
enfin des truffes, on le remplit avec farce au poisson, pour le
placer dans une poissonnière, de manière à laisser en dehors tout
ce qui a été piqué et qui doit être arrosé aussi souvent que
possible, avec le mouillement qui se trouve dans l'intérieur ; on
le couvre pour continuer, le feu par-dessus ; sa cuisson terminée,
on le retire et lorsqu'il est égoutté on verse dessous une sauce à
la crème et au jus de poisson bien réduit. C'est un des plus beaux
relevés maigres, dit le Cuisinier de la cour et de la ville.
Brochet à V allemande. (Recette de Beauvilliers). — Ayez
un beau brochet, faites attention qu'il ne sente pas la vase,
laissez-le mortifier deux ou trois jours et davantage, s'il fait
froid ; lorsque vous voudrez vous en servir, videz-le, ôtez-lui les
ouïes, supprimez-en les nageoires et le [petit bout de la queue,
lavez-le et nettoyez bien le dedans, faites une eau de sel, mettez
îia BROCHET.
votre brochet dans une casserole avec quelques branches de persil,
une feuille de laurier et quelques carottes coupées en lames,
mouillez-le avec moitié eau de sel et moitié eau de rivière, faites-
le cuire ; sa cuisson faite, égouttez-le, ôtez-en la peau, mettez-le
dans une casserole et versez dessus de son assaisonnement,
tenez-le chaudement, posez une serviette sur un plat, remplissez
le vide des tronçons avec du raifort râpé, dressez-les et servez
à côté une saucière remplie d'une sauce au beurre ou de toute
autre sauce.
Brochet à V allemande. (Recette de M. de Courchamps.) —
Pour le préparer de cette manière, on le choisit de grosseur
moyenne ; après l'avoir coupé en trois ou quatre parties égales ,
on le met dans une casserole avec de l'oignon, du persil, du
laurier, de la ciboule, du sel et du poivre ; on mouille avec du
vin blancs, et après une demi-heure on le retire ; après l'avoir paré
on le met dans une casserole, on verse dessus le court-bouillon
passé au tamis ; après avoir égoutté et mis sur un plat le brochet,
on prend une autre casserole avec du beurre, un peu de fécule, de
la muscade râpée, du poivre, un verre de court-bouillon, et Ton
agite, en tournant sur le feu, jusqu'à ce que le tout soit bouillant;
après avoir lié cette sauce avec les jaunes d'œufs, on continue de
tourner sans pousser à l'ébuUition, on la passe au tamis en la
versant sur le poisson.
Brochet à la genevoise. — Prenez un brochet que vous
ficellerez de distance en distance, de la largeur de deux doigts, et
mettez-le dans une poissonnière avec sel, poivre, un oignon
piqué de deux clous de girofle et un bouquet garni ; mouillez
avec un demi-litre de vin moitié blanc moitié rouge par 500 gram-
mes de poisson. Mettez votre poissonnière sur un feu très-
vif et poussez assez vivement pour que les vapeurs vineuses qui
s'élèvent s'enflamment. Quand le feu a ainsi fait son effet, mettez
250 grammes de beurre dans la poissonnière, ajoutez-y des
épices mélangées et laissez cuire doucement environ une heure.
Quand le court-bouillon sera assez réduit, jetez-y quelques
morceaux de beurre en remuant toujours la poissonnière, retirez
ensuite le poisson, égouttez-le et liez la sauce.
Brochet en fricandeau. — Après avoir écaillé, vidé et lavé
BROCHET.
3n
votre brochet, coupez-le en tronçons, piquez ces tronçons en
dessus avec du petit lard, versez dans une casserole un verre de
vin blanc, du bouillon; ajoutez-y un bouquet garni, des rouelles
de veau coupées en dés, du sel, du gros poivre, de la muscade,
et mettez vos tronçons de brochet tremper dans cet assaisonne-
ment, puis faites-les cuire ; la cuisson achevée, tamisez la sauce,
faites-la réduire presque complètement et passez-y les tronçons
de votre brochet du côté du lard pour les glacer; cette opéra-
tion deviendra plus facUe en ajoutant un peu de caramel à la
sauce.
Dressez le poisson glacé sur un plat chaud et détachez
avec un peu de bouillon ce qui reste au fond de la casserole.
Grenadins de brochet, lisez : fricandeau de brochet, — Si
vous voulez les* manger gras, piquez-les de lard; si vous voulez
les manger au maigre, piquez-les de lardons d'anguille et de
filets d*anchois, servez dessous soit une sauce tomate, soit
une purée de champignons, soit toute autre sauce ou toute autre
purée.
Côtelettes de brochet, — Apprêtez et lavez les chairs d'un
brochet , supprimez-en la peau , donnez à ces chairs , en les
coupant, la forme de côtelettes de veau ou de mouton, faites-
les cuire dans une enveloppe de papier huilé avec des fines
herbes hachées, tel que vous feriez pour des côtelettes de veau;
procédez en tout comme pour ces côtelettes, c'est-à-dire
faites-les griller en prenant garde que le papier ne brûle,
et laissez-les cuire jusqu'à ce qu'elles aient atteint une belle
couleur.
Filets de brochet à la Béchamel. — Mettez dans une bécha-
mel réduite les restes de votre brochet, dressez-les ensuite sur
un plat arrosé d'un peu de beurre fondu, entourez-le de
bouchons de pain trempés dans une omelette; mettez-les au four,
laissez-les jusqu'à ce qu'ils aient belle couleur et servez.
Salade de brochet. — Coupez votre brochet froid par
morceaux et assaisonnez-le en y ajoutant câpres, anchois et
cornichons coupés en filets, ainsi que de la fourniture hachée ;
' dressez-la sur un plat sans y comprendre les anchois, les corni-
chons et les câpres, garnissez le bord de votre plat de laitues
314 BROU.
fraîches coupées par quartiers et d'œufs durs coupés de même,
décorez votre salade de filets d'anchois et de câpres, saucez-la
avec son assaisonnement et servez.
BROCOLL — Le brocoli est une espèce de chou-fleur qui au
lieu de fleurir blanc fleurit noir, qui au lieu de se réunir en
rameaux compactes se divise en rameaux séparés ; c'est un excel-
lent légume, seulement il est mal connu en France, excepté dans
le Midi, où la chaleur est suflîsante pour le faire pousser. Nous
avons dit qu'il fleurissait noir, en Italie. il fleurit violet. On les
m
fait cuire et on les prépare comme des choux-fleurs. Le paren-
chyme en est plus léger, mais il a la saveur plus exquise. Ne pas
confondre les brocolis avec les choux de Bruxelles; C'est du
Milanais que nos jardiniers soigneux tirent la graine de cette
plante.
Ils les font venir sur des couches préparées qui rendent le
légume très-flexible à la cuison.
Apprêtez avec une bonne sauce au beurre — ou une sauce
au gratin avec parmesan.
BROU. — C'est le nom de la coque verte qui renferme
certains fruits à écale, c'est ce qui fait faire la grimace à la
guenon de la fable qui mord dans le brou au lieu d'éplucher la
noix.
Brou de noix à la Sainte-Marie. — Prenez 2 kilog. de noix
vertes, 7 grammes de cannelle, 3 grammes et demi de malcis, huit
litres d'eau-de-vie à 50 degrés, 2 litres d'eau de rivière, 2 kilogr.
de sucre; choisissez des noix aux deux tiers de leur grosseur,
assez peu formées cependant pour qu'une épingle passe encore
facilement à travers leurs coquilles ; vous les pilez au mortier de
marbre et les mettez infuser avec les aromates et dans l'eau-de-
vîe pendant un mois et demi, puis vous tamisez le tout et
recueillez la liqueur; vous faites fondre le sucre à l'eau de
rivière, vous opérez le mélange des deux liqueurs et vous les
laissez éclaircir pendant six semaines ; enfin vous décantez le
ratatia par inclinaison. Au lieu de laisser déposer votre liqueur,
on peut à la rigueur la filtrer.
Brou de noix à la Carmélite. — Prenez 150 noix vertes,
3 gram. 1/2 de muscades, 3 granu 1/2 de girofle, 2 kilogrammes
BRULURE. 315
de sucre concassé, mettez le tout dans 8 litres d'eau-de-vie,
vous choisissez les noix comme pour le brou'ci-dessus, vous les
pilez de même, vous les faites infuser deux mois dans Teau-de-
vie, vous les égoutfez dans un tamis au-dessus d'un vase, vous
faites fondre le sucre dans cette liqueur que vous renfermez de
nouveau dans un vase pendant trois autres mois, vous la décantez
ensuite et la mettez en bouteilles. Ce dernier ratafia, comme
stomachique, est encore supérieur à l'autre.
BRUGNON. — Espèce de pêche presque ronde, lisse et de
couleur rouge tirant sur le violet ; elle est moins grosse que les
autres, sa chair est ferme et comme saveur tient le milieu entre
la pêche et la prune; elle est de facile digestion. Le brugnon
violet musqué est plus estimé que lés autres, on le mange en
août et en septembre.
BRULURE. — La brûlure est un des accidents les plus
fréquents qui puissent arriver à un cuisinier consciencieux et
exerçant de sa personne; nous extrayons du Traité des prépara--
tions de M. Lorrain l'indication des remèdes reconnus comme les
plus propres à en prévenir les suites. Nous remercions d'abord
pour notre compte M. Lorrain en lui laissant à recueillir les
remercîments de ceux qu'il aura soulagés. y'
a Les plus fortes brûlures auraient presque toujours des
suites très-légères si on y appliquait aussitôt les remèdes conve-
nables; pour peu qu'on attende, l'action du feu qui, d'abord n'a
attaqué que la superficie de la peau, pénètre dans l'intérieur et
occasionne de grands désordres qu'il aurait été facile de prévenir.
a Les premiers soins à prendre doivent avoir pour but de
diminuer l'inflammation qui est toujours la suite des brûlures,
ou même de l'empêcher de naître.
« On arrosera donc la partie brûlée avec de l'eau la plus froide
possible, sans le moindre délai ; si la partie est couverte d'un
vêtement, on commencera par l'imbiber d'eau froide jusqu'à ce
qu'elle pénètre la brûlure, ou, ce qui est préférable, on plongera
tout le membre dans Teau froide; si on n'a pas d'eau froide sous
la main, on enlèvera de suite le vêtement et on appliquera sur la
brûlure un corps froid et, s'il est possible, de nature métallique.
Par ces moyens, on empêchera la continuité d'action du calorique.
/
3i6 BRULURE.
(( Lorsque la brûlure sera à nu, on la couvrira avec des
compresses trempées dans Teau la plus froide, même à la glace,
et qu'on renouvellera de minute en minute, ou qu'on arrosera
par-dessus. Si on peut se procurer de l'alun, on en fera dissoudre
dans Teau froide et on en imbibera des compresses qu'on posera sur
la brûlure. On arrosera fréquemment les compresses pendant la
première heure sans les lever, et pendant les cinq ou six heures
suivantes, on aura soin de ne pas les laisser s'échauffer et se
dessécher. Ces moyens et surtout l'emploi de l'eau d'alun suffi-
sent souvent pour prévenir les suites de brûlures très-fortes.
« Après cinq ou six heures d'arrosage, on fixe les com-
presses avec des bandelettes, et on ne fait plus rien. Il se forme
ordinairement, sous les compresses, une croûte qui prend de
l'épaisseur et de la dureté et qui se sépare d'elle-même dans
un moment plus ou moins loin. L'alun agit dans ce cas par sa
propriété astringente, aussi peut-on le remplacer par d'autres
substances qui jouissent de la même propriété, quoiqu'à un
degré moindre. Telle est, par exemple, la pulpe crue de pommes
de terre, on en recouvre la brûlure et on la renouvelle à mesure
qu'elle s'échauffe. Cette pulpe agit par le froid qu'elle apporte
et par le principe astringent qu'elle contient. Pour obtenir la
pulpe de pommes de terre, on les frotte sur une râpe ordinaire,
ou, à défaut de râpe, on les écrase avec un marteau jusqu'à ce
qu'elles soient réduites en bouillie.
« En général, la première chose à faire pour une brûlure,
c'est de refroidir le plus qu'on peut la partie affectée ; on emploie
à ce refroidissement l'eau la plus froide et même la glace; ce
refroidissement doit être continué sans interruption pendant une
heure; ensuite, et même plus tôt si on le peut, tout en continuant
à refroidir la partie brûlée et celles qui sont avoisinantes, on passe
à l'emploi des astringents, l'eau d'alun, l'eau de goulard, la pulpe
de pommes de terre, la boue ferrugineuse qu'on trouve dans
l'auget des meules à émoudre, etc. ; ou les toniques tels que
l'éther, l'alcool, l'eau-de-vie ; ces dernières substances doivent
être employées sans compresses, on en mouille de temps en temps
la partie brûlée.
a Si, malgré l'emploi des moyens ci-dessus , la plaie vient à
BUFFLE. 317
suppuration, on la panse alors avec le cérat siccatif ou avec le
baume de Geneviève. »
BUFFLE. — Animal originaire des Indes et de l'Afrique,
qui ressemble assez au taureau, mais qui est plus fort.
La chair du buffle est moins agréable à manger que celle
du bœuf, cependant elle est fort bonne et fort saine.
On fait avec le lait des femelles un fromage excellent que
Ton appelle en Italie œuf de buffle^ parce qu'on lui donne la forme
d'un œuf.
Nous devons à l'obligeance de M. Duglerez, ancien chef de
bouche de la maison Rothschild, une excellente recette pour
assaisonner le museau de buffle; nous nous empressons de la
donner à nos lecteurs.
Le museau de buffle est très -peu employé en cuisine,
cependant c'est un mets qu'un bon cuisinier peut rendre très-
délicat.
Prenez un museau de buffle, faites-le dégorger, blanchir et
rafraîchir, puis grattez et flambez pour en extraire les poils;
mettez-le après dans un bon fonds et faites cuire pendant trois
heures. Assurez- vous de temps en temps si c'est cuit, puis
égouttez-le et placez-le sur le plat imbibé d'une bonne sauce
hachée bien relevée et servez.
On peut servir ce mets de plusieurs manières :
Soit en papillotes, à la Provençale, en matelot te, à la
Lyonnaise, à la Tartare, à la sauce aux tomates et à la Villeroy.
(V. ces sauces.)
c
CABELAN ou CAPLAN. — Sorte de poisson commun dans
k Méditerranée. Sa chair est douce, tendre et de bon goût. On
en fait, à Paris, des sandwichs à la crème de Meaux, et, sur les
côtes de Bretagne, des beurrées fort appétissantes. Il sert pour
amorcer les morues sur le banc de Terre-Neuve.
CABILLAUD , plutôt CABIAU. — Nom de la morue
fraîche en Hollande; comme c'est le même poisson qui reçoit le
nom de morue quand il est salé, c'est à ce nom de Cabillaud que
nous dirons tout ce que nous avons à dire sur la morue«
Cabillaud. — Genre de poisson de la famille des ^a-
doïdes ^ différent du merlan par la présence d'un barbillon
attaché sous la symphise de la mâchoire inférieure. La fécondité
du cabillaud égale sa voracité. Dans un cabillaud de la plus
grosse taille, c'est vrai, pesant 30 à 32 kilogrammes, on a trouvé
\ huit millions et demi et jusqu'à neuf millions d'œufs. On a
calculé que si aucun accident n'arrêtait Téclosion de ces œufs et
si chaque cabillaud venait à sa grosseur, il ne faudrait que trois
ans pour que la mer fût comblée et que l'on pût traverser à pied
sec l'Atlantique sur le dos des cabillauds.
Les cabillauds frayent, en décembre, sur les côtes d'Espagne;
au printemps, sur celles d'Amérique, et alors la voracité de ces
poissons ne connaît plus d'obstacles, ils se réunissent en troupe
serrée et infligent à leurs proies, et surtout aux maquereaux,
une chasse qui les pousse par milliards sur les côtes. La résidence
CABILLAUD.
319
habituelle des cabillauds est sur les bancs de Terre-Neuve, au
cap Breton, à la Nouvelle-Ecosse, à la Nouvelle-Angleterre, à
laNorwége, aux côtes d'Islande, aux bancs de Dogger et aux Or-
cades. C'est particulièrement au printemps qu'on les voit se réunir
par bancs en forme de parallélogramme et pulluler de façon à
\
épouvanter ceux qui calculent la quantité de poissons dévorants , ■\
que contiennent ces bancs de plusieurs pieds d'épaisseur; aussi le
cabillaud est-il une des premières pèches auxquelles les nations
d'Europe se sont livrées. Nous avons des preuves certaines que
ces pèches sont organisées depuis le commencement du ix' siècle;
car vers la lin de ce siècle, nous trouvons des pêcheries établies
sur les côtes de Norwége et d'Islande.
Dès 1368, Amsterdam avait une pêcherie de morue sur les
côtes de la Suède ; au rapport d'Anderson, ce fiât en 1536 que la
France envoya au banc de Terre-Neuve son premier vaisseau
pour y pêcher. Longtemps on prétendit qu'il était monté par des
Maloins, aujourd'hui on en fait honneur aux Basques; et, en effet,
cent ans environ avant l'expédition de Christophe Colomb, les
pêcheurs basques poursuivant une baleine s'aperçurent de la
grande abondance de cabillauds qu'il- y avait à Terre-Neuve, et en
tirent la première pêche. En 1578, la France envoyait à Terre-
Neuve 1,050 navires pour la pêche, l'Espagne i lo, le Portugal 50
et l'Angleterre 30; au moment de notre première révolution, le
produit de la pêche française s'élevait à 15,731,000. La pêche de
la morue se fait ordinairement pendant le mois de février et est
plus souvent terminée en six semaines; il n'est pas rare cependant
qu'elle dure, dans les bonnes années, quatre ou cinq mois. On se
sert pour pêcher la morue de lignes, d'hameçons, de rets; un pê-
cheur ne pêche à la fois qu'un poisson , mais le cabillaud est v
abondant que chaque pêcheur peut en prendre trois cent cinquante
à quatre cents par jour. Le rendez-vous des morues et par consé-
quent des pêcheurs est au banc de Terre-Neuve, à l'île de Sable,
à celle de Saint-Pierre et au banc Vert. Les morues sont d'une
telle voracité, que tous les genres d'appâts sont bons pour les
prendre. Les pêcheurs flamands se servent particulièrement de
grenouilles, les Basques d'anchois et de sardines, les pêcheurs
de Boulogne de harengs, de maquereaux et même de vers de
\
320 CABILLAUD.
terre. En Irlande, on fait usage de moules; en Hollande, de
morceaux de lamproies.
Cabillaud (ou morue fraîche à la Hollandaise). — Choisissez
un cabillaud frais et gras, ce qu'il sera facile de reconnaître à
Tœil et en le iflairant, qu'il ait la peau blanche et tachée de
jaune, ce sont les meilleurs; videz-le, ôtez les ouïes, lavez-les à
plusieurs eaux, ficelez-lui la tète, mettez-le dans une poisson-
nière, faites-le cuire dans une bonne eau de sel que vous aurez
préparée ainsi. Mettez de l'eau dans un petit chaudron, propor-
tionnez-y le sel à la quantité de l'eau, jetez-y quelques ciboules
entières, du persil en branches, une gousse d'ail, deux ou Trois
oignons coupés en tranches, du zeste de carotte, du thym, du
laurier, du basilic, deux clous de. girofle; faites bouillir trois
quarts d'heure, écumez votre eau, descendez-la du feu, couvrez-
la d'un linge blanc, laissez-la reposer une demi-Keure ou trois
quarts d'heure, passez-la au travers d'un tamis de soie, servez-
vous-en pour faire cuire votre poisson et, en général, tout ce qui
doit^ être cuit à l'eau de sel. La cuisson de votre cabillaud
achevée, sans l'avoir laissé bouillir, cinq minutes avant de le
servir, retirez-le de l'eau, laissez-le s'égoutter sur la feuille,
glissez-le sur le plat où il doit paraître sur la table, servez-le
avec des pommes de terre cuites à l'eau et épluchées, et avec
une saucière remplie de beurre fondu. Vous pouvez le servir
aussi avec une sauce aux huîtres, une sauce blanche aux câpres,
ou une sauce à la bonne morue. {Recette Beauvilliers,)
Cabillaud à la Sainte-Ménehould. — Choisissez avec soin
votre cabillaud, c'est-à-dire frais et gras ; introduisez-lui dans le
corps une farce cuite. Si c'est en maigre, ,que la farce soit en
poisson ; dressez-le immédiatement sur le plat où vous devez le
servir; mouillez votre cabillaud d'une braise grasse ou maigre,
selon que sera grasse ou maigre la farce que vous lui aurez intro-
duite dans le ventre; mettez-le au four, et, sa cuisson faite,
égouttez-le sans l'enlever de dessus son plat; saucez-le d'une
Sainte-Ménehould, passez-le avec de la mie de pain et du fromage
de Parmesan, arrosez-le de beurre fondu, faites-lui prendre une
belle couleur, égouttez-le de nouveau, nettoyez votre plat, et
mettez-y une italienne blanche. (V. italienne blanche.)
CABILLAUD. 331
Cabillaud à la hambourgeoise. (Recette traduite de l'allé-
mand par Fauteur du Dictionnaire de cuisine.) — Prenez à cet
effet un cabillaud bien frais et bien charnu ; lorsque vous Taurez
bien nettoyé (en ayant soin de ne pas faire une trop grande
ouverture pour lui retirer les intestins), faites-le égoutter et
essuyez-le bien en dedans et en dehors. Faites blanchir six
douzaines d'huîtres, égouttez-les sur un tamis; laissez reposer
l'eau des huîtres, que vous aurez eu soin de conserver; faites une
béchamel mouillée avec cette eau et moitié crème; faites réduire
cette sauce jusqu'à ce qu'elle tienne à la cuiller; assaisonnez
d'un peu de sel, poivre et muscade; mèlez-y les huîtres et rem-
plissez-en l'intérieur de ce cabillaud; posez-le ensuite sur un
plat ou une plaque bien étamée, ciselez légèrement la surface
de votre poisson; prenez six jaunes d'œufs crus, 125 grammes de
beurre fondu, sel et muscade; battez le tout, prenez un pinceau,
enduisez bien toute la surface du poisson, semez de la mie de
pain (cette dpé/ation doit se faire vivement) , arrosez ensuite de
beurre fondu toute cette panure (une heure suffit pour la
cuisson, qui doit être à un four un peu chaud). Si c'est sur une
plaque que vous avez posé votre poisson , enlevez-le avec deux
couvercles de casserole. Pour sa sauce, ayez un gros homard
cuit; retirez-en les chairs, pilez les coquilles avec ses œufs et
intestins; ajoutez 180 grammes de beurre, relevez le tout dans
une casserole, exposez-le sur un fourneau, remuez cette prépa-
ration avec une cuiller de bois, et quand le beurre sera bien
fondu, versez- y une cuillerée de bon bouillon, faites bien
chauffer; au premier bouillon, versez le tout dans une étamine,
tordez fortement sur une terrine préparée à cet effet et laissez
monter le beurre, ensuite enlevez-le avec une cuiller ; servez-
vous de ce qui reste dans la terrine pour faire votre sauce, en
y ajoutant de la bonne crème en quantité égale à votre fond.
Vous aurez coupé en dés vos chairs de homard que vous incor-
porez dans la sauce au moment de servir, ainsi que votre beurre
rouge; goûtez si la sauce est de bon goût; lorsque vous mettez
votre poisson au four, versez sur un plat un bon verre de vin
blanc. Ce relevé fait le meilleur effet possible quand il est bien
soigné.
21
^22 CABILLAUD.
Cabillaud à Vitalienne. — Choisissez avec soin un beau
cabillaud, tâchez qu'il soit d'Ostende ou des côtes de la Manche,
faites une farce avec des merlans et des anchois piles , rem-
plissez-en la cavité du cabillaud, dressez votre poisson sur
un plat creux avec du beurre et du persil haché, mouillez le
tout avec une bouteille de vin blanc, mettez-le au four après
l'avoir pané et saupoudré de mie de pain mêlée de fromage de
Parmesan râpé, arrosez de beurre fondu, et faites-lui prendre
couleur sous le four de campagne ; vous pouvez le saucer alors
avec telle sauce que vous voudrez.
Cabillaud aux fines herbes. — Même préparation que
ci-dessus; quand il sera resté une heure dans son eau salée,
servez avec fines herbes, beurre, sel, poivre, muscade, aro-
mates et chapelure; mouillez-le d'une bouteille de vin blanc,
mettez-le au four et arrosez plusieurs fois.
Morue à la maître d'hôtel, — Vous choisissez une belle
crête de morue dune peau blanche piquée de jaune; pour vous
assurer qu'elle est tendre, pincez-en la chair, goûtez aussi si elle
est d'un bon sel et, dans le cas où elle serait trop salée, mettez-la
dans l'eau avec moitié lait, et elle se dessalera promptement;
trempez-la dans l'eau chaude, ôtez les écailles en la grattant avec
un couteau, mettez de l'eau fraîche dans une casserole avec
votre morue, faites-la cuire ; dès qu'elle aura bouilli, retirez-la
pour récumer, couvrez-la un instant, puis égouttez-la, dressez-la
et saucez-la d'une sauce à la maître d'hôtel forcée d'un peu de
citron ou de verjus {V. sauce a la maître d'hôtel); vous
pouvez aussi supprimer la peau, la défaire par feuillets, la sauter
dans une maître d'hôtel en y ajoutant un filet de verjus ou un jus
de citron, la dresser et la servir aussitôt.
Brandade de morue, — Faites cuire votre morue' comme
ci-dessus, supprimez-en les peaux, égouttez-la, puis divisez-la par
petites feuilles, mettez de l'huile d olive dans une casserole et
jetez-y votre morue avec deux gousses d'ail écrasées, remuez
fortement le tout, en faisant tourner et retourner votre morue
jusqu'à ce qu'elle soit bien mêlée avec l'huile, ajoutez du gros
poivre, un jus de citron, dressez-la en rocher et servez.
Morue au beurre noir. — Préparez et faites cuire votre
CABILLAUD. 323
morue de la même manière que les prëcédeates, égouttez-la.
faites un beurre noir en procédant ainsi : mettez du beurre dans
une poêle et faites-le fondre et cuire au point de noircir sans
qu'il soit brûlé, mettez ensuite du persil en branche pour frire,
ajoutez à votre sauce du vinaigre en suffisante quantité, ne mettez
pas de sel, dressez votre morue, saucez-la et servez.
Morue à la crème ^ ou bonne morue, — La même préparation
et la même cuisson que ci-dessus, égouttez-la, dressez-la et
saucez-la d'une sauce bonne morue que vous faites en mettant
dans une casserole 120 grammes de beurre, une cuillerée de
farine, une bonne pincée de persil et une de ciboule hachée,
poivre, sel, muscade râpée, un verre de crème ou de lait; mettez
sur le feu, tournez et faites bouillir un quart d'heure, versez sur
votre poisson et servez.
Cabillaud ou morue à la Hollandaise. — Prenez uncabillaud
ou une morue bien fraîche, ce que vous pouvez reconnaître en
flairant; les meilleurs sont ceux qui ont la peau blanche et tachée
de jaune; videz-le, ôtez les ouïes, lavez-le à plusieurs eaux,
ficelez-lui la tête et mettez-le dans une poissonnière, faites-le
cuire dans une bonne eau de sel sans le laisser bouillir ; il faut
un peu de lait dans la cuisson; quand il sera cuit, et cinq minutes
avant de le servir, retirez -le de Teau, laissez-le s'égoutter sur
la feuille, glissez-le avec sur le plat que vous devez servir, met-
tez au four des pommes de terre cuites à Teau et épluchées et
du beurre fondu dans une saucière. Vous pouvez servir ce pois-
son avec une sauce aux huîtres ou une sauce blanche aux câpres
ou encore une sauce à la bonne morue.
Cabillaud ou morue au gratin. — Si vous avez du cabillaud
de desserte, épluchez-le, ôtez les peaux, et les arêtes et faites une
béchamel (F. cette sauce); assurez-vous que votre sauce n'est
pas trop longue, mettez-y votre cabillaud et faites-le chauffer
sans bouillir, dressez-le sur un plat en l'étendant avec la lame
de votre couteau, vous le panez ensuite avec de la mie de pain
et vous y ajoutez, si vous le jugez nécessaire, un peu de fromage
de Parmesan; arrosez-le de beurre comme pour le cabillaud
à la Sainte-Ménehpuld, garnissez avec des bouchons de pain le
tour de votre plat, mettez-le au four, faites-lui prendre belle
324 CABILLAUD.
couleur, retirez-le, ôtez les bouchons, mettez en d'autres passés au
beurre et servez.
Morue à la bourguignote* — Coupez cinq ou six oignons en
rouelles et mettez-les avec un bon morceau de beurre dans une
casserole où vous les ferez cuire et roussir ; leur cuisson achevée,
faites un beurre roux que vous tirez au clair et que vous mettez
sur .vos oignons, avec sel, poivre et un fort filet de vinaigre; vous
ferez cuire votre poisson comme il est indiqué pour la morue à la
maître dhôtel ; égouttez-la ensuite, dressez-la sur votre plat,
saucez avec vos oignons au beurre roux et servez.
Queues de morue à Vanglaise, — Vous ferez cuire des
queues de morue comme ci-dessus, que vous égoutterez bien ;
faites une sauce avec la chair de deux citrons coupés en dés,
filets d'anchois, persil et ciboules hachés, échalote, une pincée de
gros poivre, une pointe d'ail ; ajoutez-y un morceau de beurre
et un peu d'huile, faites chauffer cette sauce à petit feu en la
remuant bien, mettez-en la moitié dans le fond de votre plat,
dressez-y votre morue, garnissez-la de croûtons frits dans le
beurre, jetez sur votre morue le reste de votre sauce, panez-la
avec de la chapelure, laissez-la mijoter un bon quart d'heure
sous un four de campagne, nettoyez le bord de votre plat et
servez.
Cabillaud ou morue à la norn^égienne. — Procurez-vous
une petite morue fraîche que vous couperez en quatre ou cinq
morceaux, désossez, marinez avec beurre chaud, jus de citron,
persil haché, échalotes et fines herbes; servez avec marinade
dessus et dessous, panez, arrosez avec beurre chaud, faites cuire
au four, servez avec sauce au vin blanc, jaunes d'œufs et
muscade.
Cabillauds grillés à la crème et aux huîtres. ( La recom-
mandation reste toujours la même pour votre cabillaud.) —
Mettez-lui dans le corps une farce maigre ou grasse, au poisson
si c'est au maigre, à la viande si c'est au gras. Vous suivez en
tous points les mêmes instructions que pour le cabillaud à la
Sainte-Ménehould, seulement en le retirant du four vous le
couvrez d'une sauce à la crème et aux huîtres.
Cabillaud pané. — Coupez votre cabillaud en cinq ou six
CACAO. 325
— ■ — — — ^— ^^— -^^^^^— ^
morceaux, marinez avec sel, poivre, persil, échalotes, ail, thym,
laurier, ciboules, basilic; le tout haché, le jus de deux citrons
et du beurre fondu ; dressez-les, servez avec la marinade, panez
et faites cuire sous un four de campagne.
CACAO. — Graine de la grosseur d'une petite fève, nichée
dans une pulpe butyracée du fruit du cacaoyer ou cacaotier. Cet
arbre croît abondamment en Amérique, produit des cosses
cannelées et rayées, d'environ trois lignes d'épaisseur, renfermant
trente ou trente-cinq amandes assez semblables à nos pistaches,
mais plus grandes, plus grosses, arrondies et couvertes d'une
pellicule sèche ; la substance de ces amandes est d'un goût amer
et légèrement acerbe.
Il y a différentes sortes de cacao : le cacao de Cayenne, celui
de Caracas, de l'île Sainte-Madeleine, de Berbice et de Saint-
Domingue; ils diffèrent entre eux par la grosseur et la saveur
des amandes. Le gros Caraque, dont l'amande un peu plate
ressemble assez à nos grosses fèves par son volume et sa figure,
est le plus estimé de tous ; après lui viennent ceux de Sainte-
Madeleine et de Berbicé, dont l'amande est moins aplatie que
celle du Caraque, et sa pellicule est couverte d'une poussière de
couleur cendrée très-fine. Les autres ne sont bons qu'à faire du
beurre de cacao à cause de leur âcreté et de l'huile qu'ils
contiennent. La différence qui existe entre nos amandes et le
cacao, c'est que son germe est placé au gros bout de l'amande,
au lieu que dans nos amandes européennes il est placé à l'autre
bout.
Pour obtenir un chocolat de première qualité, il faut allier
par parties égales les cacaos Caraque, de Sainte-Madeleine et de
Berbice; cela lui donne la dose d'onctueux et d'oléagineux qu'il
doit avoir ; le chocolat fait avec le seul Caraque serait trop sec,
et celui qui ne contiendrait que du cacao des îles deviendrait
trop gras et trop acre. On terre le cacao, afin de lui faire perdre
son âcreté, et il faut avoir bien soin, avant de l'employer, de le
dépouiller de cette enveloppe de terre qui le rend un peu moisi,
ce qui n'empêche pas le Caraque, le seul qu'on soumette à cet
enterrement préparatoire, de produire le meilleur des chocolats
connus ; toutefois il est nécessaire, comme nous l'avons déjà dit.
326 CACAO.
d'y mêler d'autres sortes pour en corriger la fadeur par une
certaine âpreté qui nVst pas déplaisante. Ces cacaos sont légère-
ment torréfiés ; étant refroidi ce cacao s'écrase pour en séparer les
enveloppes ou écorces qui se rejettent. En Suisse et en Allemagne
cependant on les conserve pour faire dans l'eau bouillante une
infusion que les habitants mélangent avec le lait et boivent en
place du vrai chocolat. En Orient, les arilles ou enveloppes du
café s'emploient de la même manière pour le café à la Sultane.
On attend pour recueillir le cacao que les fruits, parfaite-
ment mûrs, résonnent en les agitant par le choc intérieur des
semences ; alors on en fait des tas que l'on laisse sécher pendant
trois ou quatre jours, afin de briser le fruit et de le débarrasser
de la pulpe qui l'environne.
Torréfaction et pâte de cacao, — Vous écossez les amandes
de cacao, vous en mettez environ cinquante centimètres d'épais-
seur dans une poêle de fer que vous placez sur un feu de charbon
pour brûler légèrement l'écorce ligneuse du cacao que vous
remuez avec une grande et large spatule de bois. Cette torréfac-
tion, qui fait perdre au cacao son odeur de moisi, doit être faite
avec ménagement, sinon le cacao trop chauffé amène un commen-
cement de décomposition et ne produit plus qu'un chocolat brun
ou noir qui est plus acre et qui, loin de posséder les vertus de
celui qui serait torréfié avec précaution, ne peut donner que de
mauvais résultats. Lorsque l'écorce se sépare de l'amande sans
difficulté en appuyant avec les deux doigts, le cacao est arrivé au
degré de torréfaction nécessaire; vous retirez alors votre poêle
du feu et vous le versez dans un tonneau, vous le mettez ensuite
dans un crible assez serré pour que le moindre grain ne puisse
passer sans être brisé ; vous prenez un morceau de brique que
vous appuyez sur votre cacao qui en se brisant se sépare de son
enveloppe ; il est préférable, pour cette dernière opération, de
prendre un moulin qui a l'avantage d'abréger ce travail et de le
rendre plus perfectionné ; vous passez ensuite la première et la
seconde grosseur du cacao dans des cribles de diverses grandeurs,
et vous le mettez dans un "petit van, afin de le remuer pour en
séparer les écorces ; quand la première grosseur est vannée, vous
passez à la seconde, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'il ne reste plus
CACA O. 1 27
aucune ordure. Vous éviterez, en faisant cette opération avec soin,
la perte de temps que vous éprouveriez si vous étiez obligé
d'éplucher grain à grain votre cacao pour en séparer les enve-
loppes qui resteraient avec les petits morceaux, si vous n'aviez
pris la précaution de le passer plusieurs fois dans les différents
cribles.
Votre cacao bien nettoyé, vous en pesez, par exemple, dix
livres que vous torréfiez de nouveau en le remuant sans discon-
tinuer avec une stapule de bois très-large pour le bien faire
chauffer jusqu'au centre sans le griller, et vous le retirerez quand
il commencera à devenir luisant. Vous le passez légèrement dans
le van pour en extraire les dernières parcelles d'écorce brûlée.
Il faut bien se pénétrer que la torréfaction est indispensable pour
enlever l'âcreté du cacao en faisant évaporer sa première huile
et servir à le broyer plus facilement.
Après le second vannage, vous remplirez un mortier de fer
de charbons ardents, afin de le bien faire chauffer ; vous l'essuyez,
puis vous mettez votre cacao que vous pilez promptement avec
un pilon de fer jusqu'à ce qu'il soit réduit en pâte et en huile et
que le pilon puisse s'enfoncer par sa seule masse au fond du
mortier.
Chocolat à la vanille (façon de Paris). — Prenez, par
exemple, 5 kilogrammes de pâte de cacao, 60 grammes de vanille
et 5 kilogrammes de sucre. Vous incorporez 4 kilog. i/a de sucre
avec la pâte de cacao, vous les mettez en deux fois dans le mortier
pendant qu'il est encore chaud , vous mélangez bien le tout en
le pilant et vous retirez cette pâte quand elle est bien mêlée pour
la mettre dans une terrine à la réserve de 500 grammes, que
vous broyez sur une pierre à chocolat. Cette pierre doit être
unie, de 43 à 48 centimètres de large sur 81 de long et 8 centi-
mètres d'épaisseur. Vous l'affermissez sur un châssis de bois en
forme de buffet garni de tôle à l'intérieur et disposé de manière
à recevoir une petite poêle de braise bien allumée, suffisamment
couverte de cendres pour conserver à la pâte une chaleur douce;
vous mettez à côté de ce feu la terrine dans laquelle est le sur-
plus de votre pâte; puis vous broyez celle qui est dessus avec un
cylindre de fer poli. Lorsque votre pâte est sufiîsamment broyée.
328 CACAO.
VOUS la transvidez dans une autre terrine que vous mettez de
même à côté du feu pour la conserver fluide, vous en remettez
de nouveau sur la pierre et vous procédez ainsi jusqu'à ce que
votre pâte ait entièrement passé par cette opération. Vous aurez
soin pendant ce travail de toujours entretenir le feu sous votre
pierre, qui doit conserver le degré de chaleur convenable, c'est-à-
dire assez chaude pour qu'on ne puisse y laisser le dos de la
main qu'un instant. Vous ajoutez à votre mélange suffisamment
broyé la vanille pulvérisée avec 500 grammes de sucre et
tamisée. Remettez votre pâte sur la pierre, retirez-la prompte-
ment et roulez-la sur une feuille de parchemin, afin de lustrer
votre chocolat; coupez-le par morceaux, mettez-les dans des
moules frappés le plus droit possible pour que le chocolat
devienne uni et luisant, et, dans le cas où il se formerait dessus
des petites bulles produites par l'effet de l'air, piquez ces bulles
avec une épingle, et votre tablette devient parfaitement unie.
Laissez refroidir votre chocolat dans le moule, afin qu'il dur-
cisse; quand il s'est solidifié, il se sépare des moules facilement, il
suffit pour cela de les renverser ou de les presser légèrement par
les deux bouts, comme si on voulait les tordre; de cette façon,
les tablettes qui seraient attachées par quelque côté se retirent
très-facilement sans courir le risque de se brisera Si votre chocolat
est mis trop chaud dans les moules, il se forme dessus des taches;
s'il est trop liquide, jetez deux ou trois cuillerées d'eau sur une
quantité de 10 kilogrammes et remuez-le jusqu'à ce qu'il soit
devenu plus épais, ce qui donne plus de facilité pour le mettre
dans les moules.
Pour obtenir un chocolat qui flatte le goût, vous ajoutez au
lieu de vanille 45 grammes de cannelle et 3 gr. 1/2 de macis que
vous mélangez et pulvérisez avec le sucre; si vous désirez un
chocolat plus fin, retranchez i kilogramme de sucre sur la quan-
tité indiquée ci-dessus. Vous enveloppez vos tablettes dans du
papier blanc et vous le conservez dans un endroit bien sec, la
moindre humidité le ferait moisir.
La vanille contenant une matière résineuse et balsamique
et étant dans un état de mollesse perpétuelle, il est indispensable
de la piler avec le sucre et autant que possible par un temps
CACAO. 3^9
sec, parce que le sucre passe difficilement à travers le tamis par
les temps humides; il est important aussi que la vanille soit
choisie fraîche et de bonne qualité.
La dose que nous prescrivons ci -dessus n'est que comme
exemple ; on emploie les différentes substances qui entrent dans
la composition du chocolat à volonté et dans les proportions
convenables à la quantité que Ion veut faire.
Chocolat à la manière de Bayonne et d'Espagne. — Ce
chocolat diffère seulement de celui ci -dessus par la main-
d'œuvre; les substances qui entrent dans sa composition sont les
mêmes.
Ayez une pierre des Pyrénées, <}e 60 centimètres de largeur
sur 80 de longueur, avec un rouleau du même grain ; ménagez
une pente à cette pierre et posez-la sur une table à la hauteur
delà ceinture; faites faire quatre auges de bois mince, mettez-
les sur la pierre de façon que l'ouvrier en ait une devant lui et
une de chaque côté, la quatrième servira pour remplacer lorsque
le cacao sera broyé ; cette pierre vous dispensera de broyer le
cacao dans le mortier de fonte, car vous le mettez dessus lors-
qu'il est torréfié et vous le broyez avec le rouleau en procédant
comme pour le chocolat de Paris, et jusqu'à l'entier broyage de
votre pâte. Quand toute votre venue qsX broyée, vous retirez
l'auge dans laquelle est tombé le cacao broyé et vous la rem-
placez par une autre dans laquelle vous mettez le sucre, vous
broyez de nouveau la pâte et vous serrez avec le rouleau de
manière à ce qu'il n'y ait que l'huile qui tombe dans l'auge sur
le sucre.
Cela fait, vous formez une pâte avec votre huile et votre
sucre mêlés; vous repassez une dernière fois cette pâte sur la
pierre en y ajoutant les aromates, et vous mettez votre chocolat
dans les moules.
Si vous voulez le faire sans sucre, lorsque le cacao est en
huile dans les auges, vous le mettez dans des moules en fer-blanc,
comme cela se pratique à Bayonne, où ce chocolat est excellent
et du plus grand débit.
Chocolat à la façon de Milan ou d'Italie, — Il se fait de la
même manière que le précédent; la différence existe seulement
330 CACHOU.
dans la forme de la pierre qui est cintrée et cannelée. Une seule
espèce de pierre est propice à ce travail ; elle se travaille aux
environs de Milan, et se vend avec les deux rouleaux du même
grain 300 fr. dans le pays. Le chocolat qui se fait sur cette pierre
est de qualité supérieure, parce que le cacao s'y trouve mieux
broyé qu'il ne saurait l'être dans un mortier de fonte qui, très-
chaud, ne manquerait pas d'en absorber l'huile. Aussi les ouvriers
italiens apportent-ils cette pierre à Paris, et leur chocolat fabriqué
avec est-il trouvé meilleur.
Vacaca Chinorum, — Prenez du cacao bien torréfié et vanné
et broyez-le avec soin, mêlez-y 120 grammes d'amandes de cacao,
30 grammes de vanille, 30 grammes de cannelle fine, 2 gr. 1/2
d'ambre gris et 30 grammes de sucre en poudre; formez-en une
pâte que vous renfermez dans une boite en fer-blanc; si vous
voulez aromatiser agréablement votre chocolat, mettez dedans
dix à douze grains de cette composition, qui est excellente et
bonne à réparer les forces perdues par épuisement. Les Chinois
font un très -grand usage de cette pâte et s'en trouvent très-
bien.
Boisson de chocolat. — Mettez dans une chocolatière une
tasse de lait ou d'eau par 30 grammes de chocolat, vous faites
bouillir et vous ajoutez du chocolat râpé, vous remuez ce
mélange. Quand le chocolat est fondu et incorporé avec le lait
ou l'eau, vous le laissez reposer dans un endroit chaud pendant
environ un quart d'heure; remuez fortement votre boisson et
versez-la dans des tasses lorsqu'elle est bien mousseuse.
Falsification du chocolat. — Les falsificateurs de chocolat
emploient pour le faire du petit cacao commun, duquel ils ont tiré
la plus grande partie du beurre, ils y ajoutent une grande quantité
d'amandes pilées, de la cassonade au lieu de sucre et du storax
commun en place de vanille. Il est impossible, pour les personnes
qui s'y connaissent, de confondre le bon et le mauvais chocolat;
on le falsifie également avec du beurre, de la fécule de pommes
de terre ou de l'amidon.
CACHOU. — Mélange de sucs provenant des gousses
fraîches de la partie centrale du bois de l'acacîa-catchen.
C'est une substance sèche, cassante, qui fond dans la bouche.
CAFE.
33"
et dont on se sert pour parfumer Thaleine ou du moins neutra*
liser les mauvaises exhalaisons. Il est de quelque usage pour
le fumeur.
Pastilles de cachou. — Pilez i8o grammes de cachou que
vous passerez au tamis de soie et délayerez dans i kilogramme
de sucre et de Teau, pour en former une pâte bien ferme que
vous roulez par très-petites parties. Vous retirez vos pastilles de
dessus les plaques une ou deux heures après, et vous les mettez
à rétuve environ vingt-quatre heures; vous les renfermez ensuite
dans des boites. Ces pastilles sont stomachiques et astringentes.
On peut s'en servir en boisson, en mettant 30 grammes dans
un litre d'eau bouillante qui prend, en remuant avec une cuil-
ler, une teinte rougeâtre d'une saveur douce et fort agréable.
Cette eau convient aux personnes qui ont de la répugnance pour
les tisanes; elle fait cesser les diarrhées, elle convient dans les
maladies bilieuses, et elle est salutaire dans les maux de gorge;
elle arrête les vomissements et convient dans les dyssenteries. On
peut parfumer ces pastilles de diverses manières, en ajoutant dans
la pâte quelques gouttes d'essence de cédrat, de bergamote,
d'angélique, d'iris, etc. (M. de Courchamps.)
CAFÉ. — La plante qui le produit est un petit arbrisseau
fort tas qui porte des fleurs odorantes. Le café est originaire de
TYémen, dans T Arabie- Heureuse; on le cultive aujourd'hui
dans plusieurs pays. L'historien arabe, Ahmet-EfFendî, croit que
c'est à un derviche qu'est due la découverte du café, vers le
xv« siècle ou l'an 650 de THégire. Le premier Européen qui ait
parlé de cet arbre est Prosper Alpin, de Padoue. En 1580, il \
suivit, en Egypte, un consul de la république de Venise; l'ou- /
vrage où il en est question, écrit en langue latine, fut adressé à
Jean Morazini. J'ai vu au Caire cet arbre dans les jardins
d'Ali-Bey, on l'appelle bon ou boun; les Égyptiens, avec le grain
qu'il produit, préparent une boisson que les Arabes nomment
Kawa. Le goût pour le café fut porté si loin, à Constantinople,
que les Imans se plaignirent que les mosquées étaient désertes
tandis que les cafés étaient toujours pleins. Amurat III permit
alors que l'on en prît dans les maisons particulières, pourvu que
les portes en fussent fermées. Le premier pied de café qui.
/
^12 CAFÉ.
en 1714, fut planté dans les jardins du Roi, à Paris, y périt; il
avait été apporté par M. de Resson, lieutenant général d'artil-
lerie. M. Brancastre, bourgmestre d'Amsterdam, en envoya un
pied à Louis XIV, qui le fit mettre dans son jardin de Marly.
Le café ne fut connu, en France, qu'en 1657 ; ce furent les
Vénitiens qui l'apportèrent les premiers en Europe, et ce fut par
Marseille qu'il fut introduit en France. Son usage devint uni-
versel; les médecins s'en alarmèrent, leurs prédictions sinistres
furent traitées de rêveries; il en résulta que, malgré ces disputes,
les cafés n'en furent pas moins fréquentés.
En 1669, l'ambassadeur de Mahomet II en apporta une
grande quantité en France ; on assure que le café se vendit, à
\ Paris, jusqu'à 40 écus la livre.
Posée-Obfé, dans son Histoire des plantes de la Guyane^
sous le règne de Louis XIII, dit qu'on vendait à Paris, sous le
petit Chàtelet, la décoction de café nommée cahuet. En 1676, un
Arménien, nommé Pascale, établit un café à la foire de Saint-
Germain, qu'il transporta ensuite quai de l'École ; il fit une assez
belle fortune. Mais ce ne fut qu'au commencement du siècle
suivant qu'un Sicilien, nommé Procope, rétablit la foire des cafés;
il Y attira la meilleure compagnie de Paris, parce qu'il ne
fournit que de bonnes marchandises ; après la foire Saint-Ger-
main, il vint s'établir dans une salle, en face de la Comédie-
Française, qui devint le rendez-vous des amateurs de spectacles
et le champ de bataille des disputes littéraires; c'est dans ce café
que Voltaire passait deux heures tous les jours. Il s'établit à
Londres, à la même époque, plus de trois mille cafés; M"* de
Sévigné lutta le plus qu'elle put contre cette mode et prédit
que Racine et le café passeraient en même temps l'un que
l'autre.
Il y a dans le commerce cinq principales sortes de café,
sans compter la chicorée, que nos cuisinières s'entêtent à y mêler.
Le meilleur vient de Moka dans TArabie-Heureuse ; on le divise
lui-même en trois variétés : la première nommée baouri qu'on
réserve pour les grands seigneurs, le saki et le salabi.
Le café de Bourbon est bien coté dans le commerce; cepen-
dant on y préfère celui de la Martinique ou de la Guadeloupe.
Le Saint-Dominique, qui comprend aussi celui de Portorico et
d'autres îles Sous-le-Vent, est d'une qualité inférieure.
Le café était devenu en France d un usage général ;
lorsqu'en 1 808 Napoléon publia son décret du système continental,
c'était priver la France, à la fois, de sucre et de café ; on suppléa
au sucre de canne par le sucre de betterave, et Ton allongea le
café en y mêlant moitié chicorée, ce qui fut tout bénéfice pour
les épiciers et pour les cuisinières qui adoptèrent la chicorée
avec fureur; elles soutinrent que le café mêlé de chicorée avait
meilleur goût et était plus sain ; le malheur est, aujourd'hui,
que le décret continental est tombé en désuétude ; les cuisinières
l'ont enregistré à leur avoir et continuent toujours, spusle prétexte
de rafraîchir leurs maîtres, à mêler au café qu'elles achètent
tout moulu une certaine quantité de chicorée. Les maîtres ont
ordonné alors d'acheter du café en grain, mais, dans des moules
feits exprès, on a donné, à de la pâte de chicorée, la forme du
café, et bon gré mal gré la chicorée lui est restée fidèle. Voltaire
et Delisle ont fait abus du café, qui, loin d'être un poison,
comme on l'a dit d'abord, est un antidote pour tous les poisons
stupéfiants; il opère rapidement sur l'opium, sur la belladone,
etc. Il faut alors le prendre très-fort et une cuillerée à café
toutes les cinq minutes.
Nous croyons donner un excellent avis à nos lecteurs en
leur enseignant l'essence de café de Trablit, pharmacien, rue
Jean-Jacques-Rousseau ; quelques gouttes du café Trablit suffi-
sent à donner au lait une couleur et un arôme que jamais on
n'obtiendra avec du café ordinaire.
Le café doit être torréfié (brûlé) en le remuant sans cesse
dans un appareil quelconque en tôle, mais plutôt dans un
brûloir dont le récipient, qui contient le café, est arrondi en tous
sens, de manière à présenter le café partout également à la
surface chauffante, en commençant par un feu très-doux de façon
à le faire renfler d'abord sans le saisir, pour qu'il se torréfie en
même temps à l'intérieur du grain comme à sa superficie et
devienne d'un beau roux brun. Il faut trois quarts d'heure pour
le brûler, on le retire alors du feu quand il est près d'être à son
point et qu'il répand une agréable odeur, mais on le laisse dans
334 CAFF..
le brûloir pour achever de se faire; vous retendez ensuite sur un
torchon pour refroidir et vous le serrez dans une boite de fer-
blanc hermétiquement fermée; ayez soin de ne le moudre qu'au
fur et à mesure des besoins, afin qu'il ne puisse perdre son aroroe;
il en faut à peu près une dimi-cuillerée par tasse. Le café moka,
ayant plus de parfum et de force que les autres, on le mélange
ordinairement avec moitié Bourbon. Le Martinique ne convient
guère qu'avec du lait, à cause da son àcreté.
On sert ordinairement après le repas, avec le café à l'eau,
un petit pot de lait non bouilli ou de crème, que Ton ajoute à
son café, si on le juge convenable.
Pulvérisation du café. — Dans le Levant on pile le café, en
Europe on le moud, et comme plus une substance est divisée, plus
on extrait de ses principes, en la soumettant à l'infusion, la
méthode orientale est infiniment préférable, mais le café levantin
est trouble et épais.
Infusion du café. — Tout le monde sait aujourd'hui comment
se fait cette infusion, et l'usage de la cafetière est trop répandu
pour qu'il soit nécessaire d'en donner la description.
Nous donnerons seulement à nos lecteurs le conseil de ne
pas laisser séjourner trop longtemps le café dans des vases de fer-
blanc; il contient une substance qui attaque le fer et cela lui
donne une saveur désagréable.
Le café se fait en Orient comme il se faisait autrefois chez
nous, seulement on ne le passe point à la chausse, on le laisse
trouble, et les Orientaux le prennent trouble ; cependant, quand
on veut précipiter le nuage qui ôte à votre café sa transparence,
on n'a qu'à laisser tomber deux ou trois gouttes d'eau froide dans
la tasse et le café se précipite.
Les Orientaux font bouillir le sucre avec le café, ils vous le
versent tout mousseux dans des petites tasses du Japx)n mainte-
nues par des coquilles en filigranes d'argent, que l'on nomme
fit^yanes.
Le café bu de cette façon est loin de produire l'excitation
nerveuse du café fait à la Dubelloy, qui est au reste la meilleure
manière de le faire pour le prendre selon notre système; le grand
avantage des cafetières à la Dubelloy, avantage qui se retrouve
CAILLES 33J
dans toutes celles où Teau bouillante est obligée de traverser le
café en poudre, c'est de donner immédiatement du café clair,
qu'on est dispensé de faire clarifier par le repos, afin de le faire
chauffer une seconde fois, ce qui altère toujours sa qualité, ou
par celle de colle de poisson qui en précipite un des principes
les plus essentiels.
Café à la crème frappé dj glace. — Vous faites une infusion
assez forte de café Moka ou de café Bourbon, vous la mettez
dans un bol de porcelaine, vous la sucrez convenablement et
vous y ajoutez une égale quantité de lait bouilli ou le tiers
d'une crème onctueuse. Vous entourez ensuite le bol de glace
pilée.
Le blocus continental, dont nous avons parlé plus haut,
étant dans toute sa vigueur, l'empereur Napoléon l" passa dans
un village où s'exhalait un parfum de café en torréfaction.
Curieux de savoir d'où venait ce parfum, il s'avança près du
presbytère et aperçut le curé tournant tout tranquillement un
brûle-café.
« Ah ! ah ! je vous y prends, monsieur le curé, dit l'empe-
reur, dites-moi, s'il vous plaît, ce que vous faites là?
. — Mais vous le voyez, sire, répondit* l'impassible curé
sans se déconcerter et tout en continuant à tourner son café,
je fais comme Votre Majesté, je brûle les denrées coloniales. »
Fontenelle aimait beaucoup le café et en prenait à tous ses
repas ; un jour qu'un médecin de ses amis lui disait que le café
était un poison lent et qui finissait toujours par exercer une
influence mauvaise sur la santé :
(( Docteur , répondit l'académicien , je le crois comme
vous, il y a quatre-vingts ans* que j'en prends, il faut qu'il
soit bien lent en effet pour que je ne sois pas encore mort. »
CAILLES. — La caille tient un rang distingué parmi les
mets les plus excellents; c'est un animal voyageur qui se reproduit
dans les pays tempérés, mais qui y reste rarement. Longtemps
on a cherché par quel moyen la caille, qui n'a aucune des
qualités des oiseaux au long vol, pouvait passer par-dessus les plus
hautes montagnes et traverser les mers, car tout le monde sait
que la caille un peu grasse est forcée à son troisième vol et que le
X
chasseur la prend soit à la main, soit au chapeau, sous le nez de
son chien ; aussi la question fut-elle longtemps pendante pour
savoir comment la caille et l'hirondelle, qui ont si peu de ressem-
blance des ailes et de la queue, peuvent opérer d'aussi longs
trajets l'une que l'autre ; le problème est resté insoluble, mats
les termes en furent nettement posés par la présence de deux ou
trois mille cailles dans une lie où il n'y en avait pas une seule
la veille.
Dans mes longues na\'igations dans la Méditerranée, j'ai
été témoin de cette espèce de prodige, et dans mon jardin,
j'en ai fait lever, où il n'y avait pas ,une caille la veille, j'en
ai tué cinq ou six. Les passages, très-sensibles à Naples, sont au
mois d'avril et au mois d'octobre. En avril, elles viennent du
sud ; on octobre, elles y retournent; seulement en avril, où elles
viennent de traverser la grande mer d'Afrique, n'ayant pour se
reposer que la Sicile et les îles Lipari et Caprée, elles arrivent
épuisées au cap Misène et au cap Campanella ; épuisées à
ce point qu'au jour naissant ou par un beau clair de lune, on les
voit s'abattre, et qu'on peut aller les ramasser sans qu'elles iàssent
la moindre tentative pour fuir. La caille est, parmi le gibier
proprement dit, ce qu'il y a de plus mignon et de plus aimable.
Une caille bien grasse plaît également par son goût, sa forme et
sa couleur. On fait acte d'ignorance culinaire toutes les fois
qu'on la sert autrement que rôtie et en papillote, parce que son
parfum est très-fugace et que, toutes -les fois que l'animal est en
contact liquide, son parfiim se dissout, s'évapore et se perd. Nous
n'en donnerons pas moins les différentes manières de préparer
les cailles, tout en insistant pour qu'on les mange rôties.
Cailles à la broche. — Plumez, épluchez et videz six ou
huit cailles bien grasses, flambez-les, troussez-les, enveloppez-les
d'une feuille de vigne, mettez une barde de lard dessus afin
qu'elles n'aient que la moitié des pattes à découvert, embrochez-
les dans un hâtelet, posez-les sur une broche, faites revenir et
servez. Mais n'oublions pas les croûtes et leur bon jus naturel.
Cailles au laurier. — Épluchez, videz et flambez; hachez
le foie avec lard, ciboule, laurier, sel, poivre et farcissez; embro-
chez vos cailles sur un hâfelei en les enveloppant de bardes de
CAILLES.
137
lard et île papier afin qu'elles continuent à être enveloppées de
leur jus, puis vous les servirez avec une sauce ainsi composée :
Coupez deux ou trois lames de jambon, mettez-les suer dans
une casserole; lorsqu'elles commenceront à s'attacher, mouillez
avec un verre de vin blanc, deux cuillerées à dégraisser de con-
sommé et autant d'espagnole réduite; mettez-y une demi-gousse
d'ail et deux feuilles de laurier, faites bouillir et réduire le tout
à la consistance de sauce, passez cette sauce à l'étamine ; pendant
la cuisson de vos cailles, faites blanchir huit grandes feuilles de
laurier, la cuisson achevée supprimez-en le lard, couchez chacune
d'elles dans une feuille de laurier, ajoutez à votre sauce le jus
d'un citron, du gros poivre et un peu de beurre, saucez et servez.
Cailles auX petits pois. — Prenez un certain nombre de
cailles, videz-les, flambez-les, troussez-les, foncez votre casserole
d'une lame de veau et de jambon, joignez-y une carotte, un
oignon et un bouquet assaisonné ; couvrez-les de bardes de lard
et d'un rond de papier de la largeur de la casserole, faites
partir et cuire avec feu dessus et dessous; la cuisson achevée,
égouttez-les et masquez-les d'un ragoût de pois au lard ou au
jambon.
Qu'on nous permette de regarder personnellement comme
une hérésie ce ragoût d'un mets aussi distingué que l'est la caille,
avec un ragoût aussi vulgaire que les pois au lard ou au jambon.
Dans tous les cas, selon l'observation de M. Vuillemot, les cailles
revenues avec le petit lard, faire cuire les pois avec est plus
logique. Le ragoût n'a pas la même saveur quand il n'est pas
cuit dans son objet.
Cailles au gratin. (Méthode Beauvillier.) — Flambez et
désossez neuf cailles ; faites un bouchon de la mie d'un pain du
diamètre d'environ trois pouces et demi et de deux et demi de
hauteur; entourez-le d'une barde de lard, posez-le au milieu de
votre plat, garnissez le tour jle ce bouchon de pain d'un gratin
que vous tiendrez en talus (v. l'article Gratin), c'est-à-dire que
ce gratin soit presque de la hauteur du pain vers le milieu du
plat, et qu'il aille en diminuant vers le bords de ce plat, à peu
près de l'épaisseur d'un demi-pouce; remplissez vos cailles de ce
même gratin, donnez-leur la forme primitive, dressez-les sur
338 CAILLES.
votre gratin, les pattes en dehors, que ces pattes ne déborç}ent pas
le pain; remplissez de gratin les intervalles de vos cailles de
manière qu'on en voie l'estomac , unissez*bien votre gratin sans
couvrir les estomacs de vos cailles que vous couvrirez de bardes
de lard, mettez-les dans un four avec un petit âtre dessous ou
sous un four de campagne avec feu modéré dessus et dessous,
faites qu'elles aient une belle couleur. Leur cuisson faite, 6tez
toutes les bardes de lard, ainsi que la mie de pain; égouttez-les,
versez au milieu une bonne italienne rousse, glacez les estomacs
de vos cailles, si vous le voulez; ajoutez des croûtons coupés en
forme de crêtes et passés au beurre entre chaque caille, et servez.
Cailles aux laitues. — Troussez et flambez quatre ou six
ou huit cailles, foncez une casserole d'une barde de lard et d'une
lame de jambon, rangez vos cailles dans cette casserole, coupez
un morceau de rouelle de veau en dé, ajoutez un oignon, piquez-
le d'un clou de girofle, joignez une demi-feuille de laurier, une
carotte tournée, un petit bouquet de persil et de ciboules; mouillez
cela d'un verre de consommé et d'un demi-verre de vin blanc,
couvrez vos cailles de bardes de lard et d'un rond de papier. Une
demi-heure avant de servir, faites-les partir et cuire; aussitôt la
cuisson faite, égouttez-les, dressez-les en les entremêlant de laitues. .
Si vous le voulez, ajoutez entre vos cailles et vos laitues des
croûtes de pain passées dans du beurre, qui doivent être d'une
belle couleur. Avant de placer ces crêtes, saucez vos cailles et
vos laitues avec une bonne espagnole réduite dans laquelle vous
aurez mis gros comme le pouce de glace, et servez.
Cailles en croustades. — Désossez six cailles^ remplissez-les
d'un gratin fait avec leur foie et quelques foies de volailles, cousez
vos cailles et procédez pour leur cuisson comme il est dit à l'ar-
ticle précédent; faites autant de croustades que vous avez de
cailles; vos cailles cuites, égouttez-les en défaisant les fils, niettez
les cailles dans vos croustades, dressez-les, saucez-les avec une
bonne italienne dans laquelle vous aurez mis des truffes hachées
et passées au beurre, puis servez.
Cailles à V anglaise. — Ayez huit cailles, troussez-les comme
des poules, flambez-les, marquez dans une casserole, entre quel-
ques bardes de lard avec une cervelle de veau séparée en deux
CAILL£S.
339
avec une douzaine de saucisses à la chipolata, un bouquet de
persil et de ciboules, du sel et du poivre ; mouillez le tout avec
une tasse de bouillon et un verre de vin de Champagne, couvrez
vos cailles de bardes de lard et d'un rond de papier , faites-les
cuire; leur cuisson achevée, égouttez-les ainsi que les cervelles,
ôtez la peau de vos saucisses, rangez-les au milieu du plat,
mettez vos cailles autour, posez vos cervelles sur vos saucisses,
marquez le tout d'une financière au blanc.
Cailles aux truffes. — Videz par la poche neuf cailles,
flambez-les légèrement, épluchez neuf belles truffes , coupez-les
en dé, donnez-leur la forme de petites truffes, hachez toute
leur parure très-fin avec des foies de cailles , assaisonnez de* sel
et de mignonnettes, mettez le tout sur un morceau de beurre,
faites cuire légèrement, laissez-le refroidir et remplissez-en vos
cailles, marquez-les dans une casserole comme celles aux laitues.
Leur cuisson faite, égouttez-les, dressez-les, servez-les avec une
sauce à la Périgueux.
Cailles à la poêle. — Fendez vos cailles un peu sur le dos ,
faites une farce avec du lard ratissé et un peu de jambon, une
truffe, quelques foies gras, un jaune d'œuf cru, le tout haché
ensemble pilé et assaisonné de sel, poivre, muscades et fines
herbes; farcissez-en vos cailles. Mettez au fond d'une casserole
des bardes de lard, rangez vos cailles dessus, l'estomac en dessous,
avec sel, poivre, fines herbes dessus et dessous, couvrez-les de
tranches de veau et de jambon et de bardes de lard , fermez
ensuite votre casserole avec une assiette en sorte qu'elle touche la
viande, mettez un linge autour de l'assiette et une autre couver-
ture par-dessus, laissez votre casserole pendant deux heures sur
des cendres chaudes, et au moment de servir ôtez les tranches de
veau, de jambon et de lard; remettez-les cuire sur le fourneau,
et quand elles ont pris belle couleur et que le jus est attaché à la
casserole, tirez les cailles, arrangez-les sur le plat, ôtez la graisse
qui est dans la casserole, mouillez ce qui est attaché de bouillon
et de JUS pour le détacher, mettez-y un peu de poivre concassé
et un jus de citron, passez ce jus au tamis, jetez-le sur vos
cailles et servez chaudement.
Cailles à la cendre aux écrevisses. — Flambez vos cailles ,
34x> CAILLES.
videz-les, laissez-leur les pattes en leur ôtant les ei^ots, videz-les
par la poche et refaites-les légèremeut , foncez une casserole de
tranches de veau et de jambon , passez des truffes et des champi-
gnons hachés dans du lard fondu, mettez-les sur le veau et
arrangez les cailles dessus, Testomac en dessous. Mettez autant
d'écrevisses que de cailles après les avoir passées dans du lard
fondu, et arrangez-les entre les cailles; couvrez de bardes de lard
et faites cuire à la braise pendant une heure; ôtez ensuite les
écrevisses et laissez les cailles. Quand elles sont cuites, vous les
dégraissez et les finissez comme ci-dessus, puis vous remettez
chauffer les écrevisses dans la sauce après avoir ôté les petites
pattes, et vous servez un jus de citron.
Cailles sous la cendre. — Videz, flambez et troussez vos
cailles, assaisonnez-les de sel, bande de lard dessus et dessous.
Prenez du gros papier de beurre, beurrez-le, enveloppez vos
cailles dedans sous la cendre chaude comme pour les pommes de
terre. Au bout d'une demi-heure retirez et servez : c'est délicieux.
Vous laissez à Tintérieur de la caille le foie avec un peii de
beurre assaisonné. {Méthode de M. Vuillemot.)
Cailles au laurier. — Prenez des oailles, flambez-les, videz-
les, farcissez-les d'une farce faite avec leurs foies, lard râpé, persil,
ciboules, champignons hachés, assaisonnez de sel, poivre, liez
de deux jaunes d'œufs, coulez vos cailles quand elles seront
farcies , faites-les refaire dans de la graisse et faites-les cuire à
la broche, enveloppées de bardes de lard et de feuilles de papier.
Prenez ensuite des feuilles de laurier, faites-les blanchir,
mettez-les dans une essence, faites un bouillon, et servez dessus
les cailles.
Cailleteaux au salpicon. — Prenez six cailleteaux, flambez-
les, refaites-les sur un fourneau, laissez-leur les pattes en entier,
foncez une casserole de tranches de veau et de jambon avec léger
assaisonnement, mettez-y du lard fondu, arrangez ensuite vos
cailleteaux, Testomac en dessus, couvrez de bardes de lard et faites
cuire à la braise à petit feu. Quand ils sont cuits, dressez-les sur
un plat, après les avoir bien essuyés de leur graisse et servez en
salpicon par-dessus.
Pour faire le salpicon, prenez des champignons, des ris de
CAILLES. 341
veau blanchis que vous coupez en petits dés et un bouquet, vous
passez le tout avec un morceau de beurre, une tranche de jambon;
mouillez-les de bon bouillon, faites-les cuire et degraissez-les;
quand le salpicon sera presque cuit ajoutez-y du coulis, quelques
fonds d'artichauts coupés en dés et de petits œufs blanchis; met-
tez^les dans un plat et servez vos cailleteaux dessus.
Cailles en compote. — Habillez les cailles, troussez les
pattes dans le corps, passez une brochette pour les tenir en état,
faites-les revenir un peu dans la casserole avec du beurre, retirez-
les ensuite et passez-les sur le feu avec un ris de veau blanchi
coupé en quatre, des truffes, des champignons, une tranche de
jambon, un morceau de beurre, un bouquet de toutes sortes
de fines herbes,. mettez-y une pincée de farine mouillée avec du
bouillon, un peu de réduction, un verre devin de Champagne; faites
cuire le tout ensemble à petit feu , dégraissez le ragoût. Quand
les cailles sont cuites, mettez-y un peu de coulis, ôtez le jambon
et le bouquet, pressez un jus de citron dans la sauce, dressez les
cailles au milieu et la garniture autour.
Poupeton de Cailles, — Prenez de la cuisse de veau, moelle de
bœuf, lard blanchi, le tout bien hachéavec champignons, ciboules,
persil, mie de pain trempée dans du jus et deux œufs crus. Cela
fait, formez votre poupeton, c'est-à-dire prenez une tourtière,
garnissez le fond de bardes de lard et par-dessus mettez votre
hachis, couvrez votre tourtière, mettez du feu dessus et dessous
et faites-les cuire. Votre poupeton étant cuit, vous le tirez adroi-
tement sans le crever, le renversant dans un plat sens dessus
dessous.
Cailles au basilic. — Échaudez vos cailles et faites-les
blanchir, faites-leur sur le dos une petite fente pour pouvoir y
mettre la farce suivante :
Prenez du lard cru, basilic, persil, sel, poivre, hachez le
tout ensemble, farcissez-en vos cailles, faites-les cuire ensuite
dans un pot avec de bon bouillon et assaisonnement. Quand elles
seront cuites, retirez-les, dorez-les avec des œufs battus, poudrez-
les de mie de pain, ensuite faites-les frire dans le saindoux
jusqu'à ce qu'elles aient pris une belle couleur et servez-les chau-
dement pour entrée.
34a CAILLES.
Bisques de Cailles. — Vos" cailles troussées proprement,
passez-les au roux comme des poulets, empotez-les dans un petit
pôt avec de bon bouillon, bardes de lard, un bouquet de fines
herbes, clous et autres assaisonnements avec une tranche de
bœuf battu, une autre de lard maigre et du citron vert. Faites
cuire à petit feu, garnissez votre bisque comme la bisque de
poularde (v. poularde), de ris de veau , de fonds d'artichauts,
champignons, truffes, fricandeaux, crêtes, dont vous faites un
cordon avec les plus belles, mettez un petit coulis de veau clair
par-dessus et servez.
Potage de Cailles. — Faites cuire vos cailles blanchies et
bien troussées dans du bon bouillon gras, avec fines herbes,
quelques bardes de lard dans la marmite, faites un coulis de
blanc de volaille 'rôtie, mettez-le dans une petite marmite bien
couverte, trempez-en votre potage qui doit être de croûtes de pain
mitonnées avec du bon bouillon clair, mettez ensuite vos cailles
dessus, arrosez-les de bon jus et avant de servir pressez un jus de
citron dans le coulis et le mettez dessus, puis servez ce potage
garni de crêtes de coq farcies, de ris de veau piqués et rôtis.
Potage de Cailles aux racines, — Faites du bon bouillon,
passez-le dans une marmite, empotez-)' vos cailles avec des
racines de persil, panais et petites ciboules entières; le tout
étant cuit ensemble, mitonnez votre potage , mettez vos cailles
dessus, garnissez de panais et de petites ciboules, arrosez avec de
bon jus de veau et servez.
Potage de Cailles en manière d'oil. — Faites blanchir à
Teau vos cailles et les empotez avec de bon jus. Mettez-y un paquet
de poireaux coupés par morceaux, quelques ciboules et bouquet
de fines herbes, un de céleri, un autre de navets et un paquet
d'autres racines.
Le tout étant cuit, faites mitonner votre potage du même
bouillon, rangez vos cailles dessus, faites un cordon de vos
racines, jetez un bon jus par-dessus et servez.
Potage de Cailles farcies, — Faites une farce de blanc de
chapon, moelle de bœuf, jaunes d'œufs crus, assaisonnée de sel,
muscade et un peu de poivre blanc, farcissez-en vos cailles,
faites-les cuire dans un pot avec bon bouillon et bouquet de
CAILLES. 343
fines herbes. Quand elles sont cuites^ entretenez-les sur la cendre
chaude puis faites un coulis.
Prenez un kilogramme de veau, un morceau de jambon,
coupez-les par tranches, garnissez-en le fond d'une casserole
avec un oignon coupé en tranches, carottes et panais et le laissez
cuire. Quand il sera attaché comme un jus de veau , mouillez-le
de bouillon et de jus, moitié Tun, moitié l'autre, mettez-y quel-
ques croûtes de pain, champignons, truffes hachées, un peu de
persil, de ciboule et de basilic, deux ou trois clous de girofles
et faites cuire ensemble.
Pilez dans un mortier deux ou trois cailles cuites à la broche
ou bien un perdreau ; le coulis étant cuit , ôtez les tranches de
veau de la casserole, délayez dedans les cailles qui sont pilées
passez-les à Tétamine, videz votre coulis dans une marmite que
vous tiendrez chaudement sur des cendres, mitonnez vos croûtes
d'un bon bouillon, dressez vos cailles sur le potage tout autour,
mettez au milieu un petit pain farci, jetez votre coulis par-dessus
et servez chaudement.
Potage au roux de CailLs sans les farcir. — Faites-les
cuire comme on vient de le dire, faites un ragoût de trufiesou de
petits champignons, mitonnez des croûtes d'un bon bouillon,
dressez les cailles sur votre potage, mettez ce ragoût tout autour,
jetez par-dessus le coulis de cailles, comme on Ta dit dans l'article
précédent et servez chaudement.
On fait un potage de croûtes attachées avec un coulis de
cailles par-dessus et on le sert chaudement.
Potage de Cailles en profitrolles. — Faites cuire des cailles
à la braise, passez crêtes, ris de veau, fonds d'artichauts, champi-
gnons et truffes dans une casserole avec un peu de lard fondu,
mouillez-le d'un jus de veau et dégraissez-le bien, liez-le d'un
coulis de perdrix. Tirez ensuite les cailles cuites à la braise,
laissez-les égoutter et mettez-les dans le ragoût. Videz vos petits
pains, mettez dans chacun une caille avec un peu de ragoût,
faites-les mitonner ensuite tant soit peu dans un jus de veau,
mitonnez des croûtes dans un plat, moitié jus de veau et moitié
bouillon, dressez le gros pain dans le milieu et les petits autour ^
avec les fonds d'artichauts entre deux. Garnissez le tour de votre
344 CAILLES.
potage de crêtes et de ris de veau ou bien d'une bordure de petits
champignons farcis. Quand le ragoût et le coulis sont d'un bon
goût, jetez-les par-dessus et servez chaudement.
Pâté chaud de Cailles. — Videz et retroussez proprement
vos cailles, gardez-en les foies, battez-les sur Testomac avec un
rouleau, piquez-les de gros lard et jambon, assaisonnez de
poivre, sel, fines herbes et fines épices, fendez vos cailles par le
dos ; faites une farce avec les foies de vos cailles, du lard râpé,
champignons, truffes, ciboules, persil, sel, poivre, fines herbes,
fines épices, le tout haché menu et pilé, farcissez-en le corps de
vos cailles.
Hachez encore et pilez du lard^ faites une pâte composée
d'un œuf, de bon beurre-, de farine et un peu de sel, formez-en
deux abaisses, mettez-en une sur du papier beurré, prenez du
lard pilé dans le mortier, étendez-le proprement sur l'abaisse,
assaisonnez vos cailles et les rangez avec soin sur votre lard après
leur avoir cassé les os.
Ajoutez champignons, truffes, feuilles de laurier, le tout
bien couvert de bardes de lard, couvrez-le de votre seconde
abaisse, fermez les bords tout autour, dorez votre pâté et mettez-
le au four. *-
Dès qu'il sera cuit, ôtez le papier de dessous, ôtez le
couvercle du pâté, levez toutes les bardes de lard et dégraissez-
le bien; ayez ensuite un bon coulis de perdrix, quelques ris de
veau , champignons et truffes. Jetez ce ragoût dedans avec un
jus de citron, couvrez votre pâté et servez chaudement pour
entrée.
Tourte de Cailles, — Ayant bien nettoyé et troussé vos
cailles, vous les dressez sur une abaisse de pâte fine, assaisonnez
de sel et de poivre, paquet de fines herbes, ajoutez-y ris de
veau, champignons et truffes par morceaux, lard pilé ou fondu
au-dessus de vos cailles et moelle de bœuf, couvrez votre tourte
faites-la cuire et servez-la chaudement.
oAutre tourte de Cailles, — Prenez les foies de vos cailles,
ôtez-en l'amer, mettez-les sur une table avec des champignons,
un peu de jambon et de lard, de la ciboule et du persil haché;
assaisonnez de poivre, sel, fines herbes, hachez bien le tout
CALAPE. 345
ensemble, pilez-les dans un mortier avec deux jaunes d'œufs, le
tout bien pilé ; farcissez-en vos cailles, farinez une tourtière,
faites une abaisse de pâte brisée qui ne soit ni trop épaisse, ni
trop mince, faites un petit lit de lard ratissé, assaisonné de sel,
poivre, un peu de muscade, arrangez les cailles avec quelques
ris de veau, crêtes, petits champignons, et mousserons, assai-
sonnez-les dessus comme dessous, mettez un bouquet dans le
milieu, couvrez-les de tranches de veau, de bardes de lard et
d'une abaisse de même pâte, frottez votre tourte d'un œuf battu
et mettez-la au four; lorsqu'elle est cuite, dressez-la sur un plat,
découvrez-la, ôtez-en les tranches de veau et de lard, jetez
dedans une essence de jambon, recouvrez-la et servez.
CAKE ou KAKE (gâteau anglais). — Lorsqu'en Angleterre
on marie ses enfants, on fait, comme on peut le voir dans Dic^
kenis, un énorme gâteau dont on distribue un morceau à chacun
des conviés. Voici de quelle façon se fait ce gâteau. Vous prenez
2 kilogrammes de belle farine^ a kilc^. de beurre frais, i kilog.
de sucre passé fin , 7 grammes de muscade ; pour chaque livre de
farine, il faut 8 œufs; lavez et triez a kilog. de raisins de
Corinthe que vous faites sécher devant le feu; vous prenez
500 grammes d'amandes douces que vous faites blanchir, dont
vous àtez la peau et que vous coupez en morceaux très-minces;
ajoutez-y 500 grammes de citrons Confits, 500 grammes d'oranges
confites, un demi -litre d'eau- de- vie, écrasez entre vos mains le
beurre et battez-le avec le sucre pendant un quart d'heure, bat-
tez les blancs de vos œufs , mêlez - les avec votre beurre et votre
sucre, mettez ensuite votre farine et la muscade et battez le tout
ensemble en y mêlant bien les raisins et les amandes ; faites trois
couches en alternant avec oranges et citrons que vous mettez dans
un moule et que vous placez au four, couvrez -le d'un papier et
laissez-le dans le four jusqu'à parfaite cuisson.
CALAPE. — Ragoût que quelques praticiens confondent
avec canapé; calape est un mot américain qui désigne un ragoût
composé de la partie d'une tortue qu'on fait griller dans son
écaille; ce ragoût, qui faisait les délices de mon équipage quand
nous voguions entre la Sicile et l'Afrique , ne m'a jamais
paru digne de paraître sur une table qui se respecte; voici
346 CÂLAPE.
/
comment on prenait les tortues, et comment on les préparait.
Lorsqu'arrivaient les mois de j uin et de j uillet, mois de calme ,
-4— on mettait un homme en vigie, sur la flèche de la grande voile,
qui, dès qu'il apercevait une tortue dormant sur Teau, criait :
Tortue, tortue!
Aussitôt on mettait le you-you à la mer, on approchait sans
bruit, le plus près possible, de la tortue qui surnageait, quoi*
qu'elle pesât parfois soixante ou quatre-vingts livres.
Alors notre pilote Podimata, c'était lui qui d'habitude était
chargé de cette expédition , se laissait glisser à la mer et nageait
dans le sillage de la tortue; il s'approchait d'elle sans qu'elle
s'aperçut de son voisinage, puis il la prenait par les deux pattes
de derrière et la retournait sur le dos; dans cet état, quelques
efforts qu'elle fît, elle ne pouvait ni plonger ni se retourner. Seu-
lement, comme elle agitait sa tète qui sortait de l'écaillé , il lui
passait une corde au cou, remontait à bord, reprenait un des
deux avirons et revenait le plus vite possible. Arrivée à bord, on
la suspendait par les pattes de derrière à un des étais , on tirait
la corde qui lui tenait le cou, et on le lui coupait d'un coup de
sabre, elle dégorgeait alors une grande quantité de sang; nous
la laissions pendue douze heures, puis une seconde fois on la
renversait sur le dos, on introduisait un fort couteau entre
l'écailIe du ventre et l'écaillé dorsale en faisant attention de ne
pas abîmer les intestins et de ne pas crever le fiel , ce qui arrive-
rait si vous introduisiez votre couteau trop avant; enlevez le côté
plat de la carapace, videz-la comme nous faisions , gardez le foie
seulement; l'aliment transparent que l'on trouve dedans n'est
bon à rien. Vous trouverez à l'intérieur deux lobes de chair que
l'on peut comparer à deux noix de veau , tant pour le goût que
pour la blancheur. Parfois nous leur trouvions dans le ventre dix
ou douze œufs sans coquille , comme ceux que l'on trouve dans
le ventre des poules , et qui doivent venir successivement à leur
tour.
Alors nous coupions par morceaux de la grosseur d'une noix
une quantité suffisante de chairs de tortue, nous les mettions,après
les avoir fait dégorger, dans du bon consommé avec poivre,
girofle, sel, thym, carottes et laurier; nous faisions cuire le tout
CANARD. 347
pendant trois ou quatre heures sur un feu doux; préparez pen-
dant ce temps des quenelles de volaille que' vous assaisonnerez
de sel, persil, ciboules et d'anchois; faites pocher ces quenelles
dans du consommé, égoutez-les, versez sur votre tortue votre
consommé, dans lequel vous aurez mis quelques instants aupa-
ravant trois ou quatre verres de vin de Madère sec. Puis, au lieu
de faire un plat séparé, vous le versez dans Técaille et vous le
servez à cinquante convives, et il y aura à coup sûr à dîner pour
les cinquante personnes.
Quanta nous, tout notre équipage s'en régalait, à l'exception
de deux Grecs à qui j'avais donné l'hospitalité du passage, et qui
allaient à Chypre pour retrouver un trésor perdu.
CANARD. — Il y a quarante -deux variétés de canards,
parmi lesquels on distingue le canard musqué dont la chair est
très-délicate, mais il faut avoir soin de couper le croupion avant
de le faire cuire; sans cette précaution il prend une odeur de
musc si fortejpi!il est pr^^^q»** impoasiblede le mangen On
estime particulièrement la chair de 1 estomac que l'on appelle
vulgairement les aiguillettes. Les sarcelles petites et grasses
sont mises au rang des canards sauvages, elles sont plus déli-
cates. L'empereur Paul [•' accorda la grâce à un Polonais qui
trouvait le moyen de lui envoyer de Toulouse chaque semaine "^/
un pâté de foie gras de canard dont le trajet n'altérait aucune-
ment la fraîcheur. Le célèbre Vaucanson, entre autres chefs-
d'œuvre mécaniques, fit, en 1741, deux canards qui nageaient,
barbottaient, mangeaient et semblaient digérer.
Le canard est de tous les oiseaux celui qui approche le plus
de l'oie, il est le plus délicat et le plus facile à la digestion; il
en est du canard comme de l'oie , il y en a de sauvages et de
domestiques, ces derniers sont les plus gros. Nous avons des
variétés d^ns ces espèces, par exemple celle de Barbarie, qui est
la plus grosse, moins délicate et plus sujette à sentir le musc;
mais si on croise cette espèce avec les autres , il en provient des
mulets qui n'ont pas le désavantage d'avoir le mauvais goût de
ceux de Barbarie. C'est avec cette espèce de mulet qu'on ^it les
canetons de Rouen , si estimés pour leur grosseur et leur qua-
lité. Le canard sauvage se mange presque toujours à la broche ;
^ CANARD.
cependant on en fait des entrées que je vais tâcher de fkire con-
naître.
Canards sauvages à ta broche. — Avant d'acheter votre
canard, étudiez-le, voyez s'il a les pattes fines d'une belle cou-
leur et non desséchées; pour juger s'il est vieux tué, ouvrez-lui
le bec et flairez pour savoir s'il n'émane pas une mauvaise odeur,
tàtez-lui le croupion et le ventre; s'ils sont fermes et que l'ani-
mal soit pesant, c'est une preuve qu'il est gras et frais; s'il a
toutes ces qualités, prenez- le. J'ai remarqué que les femelles
étaient plus délicates que les mâles, quoique en général les
mâles se vendent plus cher.
Plumez ces canards, ôtez-en le duvet, coupez-en les ailes
bien près du corps, supprimez-en les cous, videz-les, flambez-
les, épluchez-les, retroussez -en les pattes, bridez-les et frottez-
les avec leur foie, mettez-les à la broche, faites-les cuire verts,
débrochez-les, dressez-les et servez-les avec deux citrons entiers.
Filets de canards sauvages à Vorange, — Prenez trois
canards, levez les filets, ciselez du côté de la peau, faites mariner
avec ciboules, persil, gros poivre, etc.; au moment de servir,
versez deux cuillerées d'huile dans une sauteuse, mettez-y vos
filets, retournez, égouttez, dressez, servez avec sauce à l'orange
(Voyez sauce à l'orange).
Salmis de canards sauvages. — Prenez deux ou trois canards
que vous faites cuire à la broche et dont vous coupez les esto-
macs en aiguillettes; levez-en les cuisses, séparez la carcasse en
plusieurs morceaux, mettez-y sel et gros poivre, arrosez-les de
quatre cuillerées à bouche d'huile d'olive et d'un demi -verre de
vin de Bordeaux, exprimez dessus le jus de deux citrons et remuez
bien le tout ensemble.
Escalopes de filets de canards sauvages, — Levez les filets
de trois canards, retirez -en les peaux, coupez- les en escalopes,
battez-les avec le manche d'un couteau, parez-les en rond et
placez-les sur un sautoir, avec sel, poivre, quatre cuillerées
d'huile d'olive , et mettez un papier huilé dessus ; faites sauter
vos escalopes au moment de servir, et quand elles sont roidies
d'un côté, égouttez l'huile, retournez -les, mettez-les dans une
bonne poivrade réduite de façon à masquer le canard avec la
CANARD. 349
sauce, ajoutez-y un peu de citron et d'huile et dressez avec des
croûtons.
Cannetons à la Rouennaise. — Nous intercalons ici la recette
d'un cuisinier poète :
Je le dénonce tout d'abord ,
Mon CANARD e8C un volatile;
Il n'a, messieurs, aucun rapport
Avec ces écrits, qu'en leur style.
De trop spirituels loustics
Dénomment des « canards publics. »
Or, donc , sans ceux du journaliste ,
Dont j'excepte les vérité.
Le canard compte, dans sa liste.
Quarante -deux variétés!
Détournez les yeux de la boue ,
Dans laquelle il fait son festin ;
N'écoutez sa voix qui s'enroue ,
A ff cancaner » soir et matin ;
Et lorsque l'oiseau palmipède
Sera devenu gras et gros.
Faites -en des daubes ^ des rots;
A ses qualités , gourmet cède :
En luij non, plus rien de mauvais :
A sa forte odeur, quel remède ,
Qt^iuu sauce aux tendres navets y
— Où, pour qui les aime, aux olives!*..
Salut au fin gibier des rives,
Canard sauvage, oui, tu nous plais!
Et quelle que soit ton espèce.
Qu'on te rôtisse ^ et te dépèce,
Pour ne manger que te^ filets ,
— • Chair savoureuse et cuite rose ,
Que le Jus d^un citron t'arrose !,..
J. Rouyer.
Voici la formule moins lyrique mais plus précise des canne-
tons à la rouennaise :
Ayez un beau canneton bien blanc et bien gras; flambez-le
légèrement sans lui roidir la peau. Coupez les petits bouts des
pattes et refaites-les ; retournez-les lui en dehors et rentrez lui
le croupion ; coupez-en les ailes près du corps, supprimez-en le
350 CANARD.
cou, videz, flambez, épluchez, bridez pattes retroussées, frottez-
les avec leur foie, mettez à la broche ; laissez cuire et servez avec
deux citrons.
Canard au verjus. — Comme le précédent. Mais, ayez du
verjus dont vous ôtez les queues et que vous faites blanchir et
égoutter; mettez trois cuillerées d'espagnole réduite dans une
casserole avec vos grains de verjus, faites réduire votre ragoût,
dégraissez-le, masquez-en vos canards et servez.
Canard aux olives, — Comme ci-dessus , en y ajoutant de
belles olives confites dont vous aurez enlevé les noyaux et que
vous aurez fait blanchir à Teau bouillante, afin de leur ôter leur
àcreté; vous achevez leur cuisson dans du bouillon, vous les* pla-
cez sur un feu vif, assaisonnez de bon goût et versez sur votre
canard.
Canards à la choucroute. — Cuisez dans du bouillon de la
choucroute avec des saucissons, des cervelas et du petit lard
tranché par morceaux. Votre choucroute à moitié cuite, ôtez cette
garniture que vous remplacez par votre canard retroussé et paré.
Le tout étant cuit, vous dressez le canard, vous l'entourez de
choucroute et vous arrangez sur cette dernière les cervelas, les
saucisses et le lard tenus au chaud.
Canards aux navets à la bourgeoise, — Videz un ou deux
canards, retroussez-les en poule avec les pattes en dedans, puis
mettez du beurre dans une casserole, faites-y revenir vos canards.
Apprêtez une quantité suffisante de petits navets coupés d'égale
grosseur, faites-les roussir dans le beurre de vos canards , égout-
tez-les, faites un roux que vous délayerez avec du bouillon ou de
Teau et prenez garde que votre sauce ne soit grumeleuse, ajoutez-y
sel, poivre, un bouquet de persil et ciboules, assaisonné d'une
demi-gousse d'ail et d'une feuille de laurier. Mettez cuire les
canards dans cette sauce; à moitié de leur cuisson mettez-y les
navets mijoter, ayezi soin de retourner les canards sans écraser
les navets; une fois la cuisson terminée, dégraissez votre ragoût
et servez.
Canards aux petits pois. — (V. Pigeons.)
Les canards et canetons peuvent encore être employés de diffé-
rentes manières : en galantine, en pâté froid, en daube, à la
CANEPETIERE. 351
macédoine, en hoche-pot, en haricot vierge, à la purée verte, aux
petits oignons, aux concombres, au beurre d'écre visses et au
vert-pré; mais comme ces sauces sont formulées pour certaines
substances auxquelles on les applique habituellement avec plus
d'aptitude qu'à ce volatile, la simple énumération sufRt.
CANEPETIERE. — La veille du jour où je devais quitter
TAstrakan je reçus la visite du prince Tumen, chef des Kal-
moucks. J'étais assez embarrassé sur la manière dont j'allais vivre
en traversant les steppes des Tatares Nogaïs; je savais qu'ils
contenaient pour tout gibier des canepetières et des oies sauvages,
mais que ces animaux très-déiiants partaient à une telle distance
du chasseur qu'il était presque impossible de les tuer au fusil.
Le prince, dont j'aurai occasion de parler plus d'une fois, à
propos de l'hospitalité qu'il nous a donnée et des objets quelque
peu bizarres qu'il nous a fait manger, me dit alors de ne pas
m'inquiéter et qu'il se chargeait de ma nourriture pendant tout
le temps que durerait notre voyage. Il me demanda seulement si
je croyais que le pain nous fût absolument indispensable, et dans
ce cas, il nous invitait à nous procurer deux ou trois pains de la
plus grande dimension et de la plus forte épaisseur. Quant au
vin, nous avions à notre disposition toute la cave de notre hôte,
une des mieux garnies avec lesquelles j'eusse encore fait con-
naissance.
Nous devions partir le lendemain soir vers six heures; le
prince s'informa de tous ces détails , calcula les heures sur ses
doigts et nous dit :
« Ne vous inquiétez pas, la viande ne vous manquera pas. »
J'avoue que cette assurance me réjouit fort. Un bon repas
est un des moments agréables d'un voyage long et fatigant; or,
nous voyagions jour et nuit, faisant en tarentasse une cinquantaine
de lieues toutes les vingt-quatre heures, et la tarentasse est une
voiture, non suspendue, passant partout, à travers tout, ne se
dérangeant ni pour les ravins, ni pour les ruisseaux, ni même
pour les petites rivières.
Nous partîmes à l'heure convenue sans avoir vu reparaître
aucun messager du prince Tumen, ce qui ne laissa pas que de nous
inquiéter; mais confiant dans sa parole, nous nous contentâmes
/■
35^
CANEPETIERE.
d'attendre quelques minutes après avoir franchi le Volga qui, à
Astrakan, a près d'une lieue de large; mais ne voyant aucun
Kalmouck ni près ni loin, nous crûmes que le prince avait oublié,
nous criâmes à notre cocher :
« Pascare »), c'est-à-dire allom vite, et nous partîmes.
La nuit fut assez bonne, les steppes à travers lesquels on
roule sur une couche de bruyère, sont un assez agréable che-
min, nous eûmes bien deux ou trois violentes secousses, mais
c est que nous traversions alors des ravins qui eussent mis en capi-
lotade une voiture d'Europe. Nous vîmes de loin une espèce de
déménagement à chameau : c'était une famille kalmoucke qui,
mécontente du lieu qu'elle avait choisi pour y établir sa tente,
allait en chercher un autre.
Je commençais à avoir une certaine inquiétude, non pas pour
notre pain, mais pour ce que nous aurions à mettre dessus,
lorsque j'aperçus un lac salin dont les rives étaient couvertes d'oies
sauvages et de canepetières. Je savais la difficulté que j'aurais à
approcher de ces deux esplêces d'oiseaux les deux plus défiants de
toute la race ornithologique, et j'ordonnai à mon cocher de se
déranger du chemin et de s'avancer avec la voiture vers les rives
du lac qui resplendissait comme un bassin d'argent.
C'était un lac de sel dans lequel les oiseaux au long cou pâtu-
raient au milieu de plantes rouges à tètes argentées; mais au
premier mouvement que je fis au fond de ma voiture, une cane
poussa un cri d'éveil et toute ma bande trompettante s'éleva avec
le bruit que fait en chargeant un régiment de cavalerie.
Tout à coup au milieu de ces cris, que je reconnus parfaite-
ment pour des cris d'oies sauvages et de canepetières, j'entendis
des cris de chasseur et je vis s'élancer au milieu du tourbillon de
ces oiseaux affolés, deux oiseaux qui, au milieu des premiers,
semblaient gros comme des hirondelles.
C'étaient deux nobles faucons que, fidèle à sa promesse, le
prince Tumen m'envoyait avec leurs fauconniers.
C'étaient enfin mes pourvoyeurs.
Au même instant, nous vîmes passer près de notre tarentasse
nos deux Kalmoucks à cheval qui rappelaient leurs faucons en
leur montrant de la viande crue. Chacun des faucons avait déjà
CANEPETIERE. 353
choisi sa proie et s'était attaqué à une canepetière qu'il avait
abattue.
Nous sautâmes en bas de la tarentasse, et en quelques instants
nous fûmes avec les cavaliers au lieu où se livrait le combat. Il
n'y avait plus de combat, au reste, les deux outardes, car la cane-
petière est une espèce d'outarde, s'étaient rendues secourues ou
non secourues.
Nous refîmes connaissance avec nos Kalmoucks, car je me
rappelai bien vite les avoir vus à la chasse au cygne et au héron
que nous avions faite quelques jours auparavant. Eux aussi nous
reconnurent, burent une goutte d'eau-de-vie à nos gourdes, et
nousnnvitèrent à reprendre place dans notre tarentasse.
Je demandai à faire l'examen de notre prise, car je n'avais
jamais vu de près la petite outarde. Un jour, seulement, en tra-
versant le Guadalquivir j'en avais tué une grande, mais entraîné
par le bateau à vapeur, je n'avais pas pu aller la ramasser.
La canepetière est un joli oiseau, ayant une tète charmante
qui tient de la perdrix, un très-beau plumage blanc sur le ventre
et des couleurs variées sur le dos; j'essayai de leur arracher
quelques plumes, mais à la façon dont elles tenaient à la peau,
je commençai quelque peu à craindre pour nos dents si solides
qu'elles fussent.
Sur Ces entrefaites, nous arrivâmes à une maison de poste.
Le prince nous avait dit de ne pas nous inquiéter et de nous en
rapporter à nos hommes.
En effet, un quart d'heure après, nos deux outardes enfilées
à des bâtons et correctement battues le long du mur, nous oâraient
du rôti, sinon tendre, du moins mangeable.
J'avais remarqué aussi autre chose qui m'avait donné une
certaine satisfaction; nous n'avions, pendant les vingt lieues de
steppes déjà faites, encore rencontré ni un hochequeue ni une
alouette. En approchant de la maison de poste, je vis un nuage
s'élever au-dessus du toit avec des cris dans lesquels je reconnus
ceux de ces estimables oiseaux à qui nous avons donné le nom
passablement vulgaire de pierrot.
C'étaient en effet des nuées immenses de pierrots qui s'éle-
vaient au-dessus de la maison de poste. Ces pauvres oiseaux ne
3J4 CANETONS.
trouvant rien à manger dans toute la plaine que des détritus de
blé, d'avoine et de crottin qui abondaient autour de ces haltes,
s'étaient fixés là où se fixaient les hommes, ces grands partageurs
de la nature, et vivaient de leur superflu.
Au moment où une de ces bandes passait au-dessus de ma
tête, je tirai au plein travers et j'en abattis une vingtaine. Il fut
convenu que ce serait le petit plat du diner.
La route fut occupée tout entière à plumer notre gibier
qui, malheureusement, ne changeait pas de nom comme les
alouettes, lesquelles au fur et à mesure qu'elles perdent leurs
plumes, prennent le nom de mauviettes.
Nous repartîmes après le déjeuner, et nous assistâmes à une
nouvelle chasse dont une superbe oie sauvage fit les frais.
Tout notre passage à travers les steppes fut assaisonné de
cette triple variété : oies sauvages, canepetières et petits oiseaux
à gros bec; voilà comment, grâce au prince et à ses deux faucon-
niers, nous traversâmes près de deux cents lieues de steppes sans
mourir de faim, et en faisant connaissance avec un nouveau
gibier.
CANETONS en bâtons. — Prenez un caneton, flambez-le,
fendez-le en deux ; désossez chaque moitié et étendez sur cha-
cune une farce faite avec de la volaille cuite, graisse de bœuf,
lard blanchi, persil, ciboules, champignons, pointe d'ail, sel et
poivre, liez de quatre jaunes d'oeufs, puis roulez chaque mor-
ceau, enveloppez-le de morceaux . d'étamine, et ficelez par les
deux bouts ; faites cuire ensuite dans une bonne braise, retirez,
essuyez et servez avec un jus de citron.
Canetons au chausson. — Désossez un caneton sans le
fendre en commençant du côté de la poche et renversez-le à
mesure que vous ôtez les os, puis remettez-le comme il était,
remplissez-le d'une bonne farce, recousez-le, faites-le cuire dans
une bonne braise, retirez-le, dégraissez-le et servez.
Canetons aux fines herbes. — Blanchissez et aplatissez un
caneton sur l'estomac, refaites-le dans de la graisse ; foncez une
casserole de veau, de jambon, persil, champignons hachés et
lard fondu, mettez le caneton dessus, l'estomac dessous, couvrez-
le de bardes de lard et faites cuire à la braise, retirez-le lors-
CANETONS. 3JJ
qu'il est cuit, dégrai$sez-le, ajoutez-y du coulis, passez la sauce
au tamis, assaisonnez-le de bon goût et servez avec un jus
d'orange.
Canetons aux paupiettes. — Flambez des canetons et
coupez-les en quatre, aplatissez chaque morceau avec le couperet'
et étendez dessus une farce faite avec de la poularde, mie de
pain desséchée et trempée dans la crème, graisse de bœuf, lard
blanchi, persil, ciboules hachés, une pointe d'ail, le tout lié de
cinq jaunes d'œufs, sel et poivre, roulez chaque morceau, enve-
loppez-le de bardes de lard, réunissez les deux bouts avec un
couteau trempé dans l'œuf battu, passez-le de mie de pain,
embrochez-le dans un hàtelet enveloppé de bardes de lard et de
papier, faites cuire à la broche, retirez-le de ses bardes, dégrais-
sez-le et servez chaud.
Canetons de Rouen à Véchalote, Prenez le caneton le plus
blanc que vous trouverez, faites-le cuire à la broche à petit feu,
enveloppé de papier, hachez très-fin des échalottes, mettez-les
dans une bonne essence et versez sur votre caneton avec un jus
d'orange.
Canetons de Rouen glacés, — Flambez un caneton, videz-
le, piquez de petit lard, faites-le blanchir, et faites cuire avec du
bouillon, un bouquet, une tranche de jambon. La cuisson faite,
glacez-le comme un fricandeau, iinissez-le de même (v. frican-
deau) et servez avec un jus d'orange.
Canetons à V orange, — Prenez deux canetons , troussez-les
en entrée de broche. Foncez une casserole d'une bonne mirepois^
ajoutez-y les canetons, couvrez-les d'une feuille de papier beurré,
faites subir un suage, mouillez avec une demi -bouteille de
Champagne, une cuillerée à pot de bon consommé, laissez mijo-
ter le tout jusqu'à sa parfaite cuisson. Prenez le zeste de deux
oranges, ciselez-le bien fin, blanchissez à l'eau bouillante, sépa-
rez les quartiers des oranges en enlevant la peau et blanchis-
sez-les également. Passez le fond des canetons à la serviette,
dégraissez-le bien, clarifiez le tout avec deux blancs d'œuf et un
peu de mignonnette, passez à la serviette et mettez le tout au bain-
marie. Ajoutez un jus de citron, gros comme une noisette de
glace de viande et un peu de mignonnette. Ajoutez lescanetons et
356 CANNELLE.
N
\
>
/
dressez-les, mettez autour les quartiers d'orange, couchez le jus
sur les canetons et laissez le zeste dessus. {Recette Vuillemot.)
J*avoue mon goût prononcé pour ce mets, surtout préparé
par l'excellent opérateur à qui j'en emprunte la formule.
CANETTES. — Qâux pointes d'asperges. — Prenez des
canettes , troussez-les en poulets, flambez-les et faites-les blan-
chir, ficelez et faites cuire dans une bonne braise. Prenez des
asperges, coupez-en les pointes, faites blanchir et achevez de les
faire cuire dans du bouillon, retirez-les, mettez -les sur une
essence de bon goût et servez-les sur vos canettes.
Canettes aux pois. — Flambez, troussez, blanchissez vos
canettes et faites-les cuire dans la braise, comme ci-dessus.
Mettez vos pois dans une casserole avec un morceau de beurre,
singez-les légèrement, mouillez-les moitié jus, moitié bouillon,
liez-les d'un coulis et servez7les sur les canettes.
Vous pouvez encore faire cuire vos canettes avec les pois,
elles en sont meilleures, mais elles n'ont pas si bonne mine.
CANNELLE. — L'arbre qui produit la cannelle est très-
commun dans rile de Ceylan, d'où il paraît être originaire.
C'est la seconde écorce d'un petit arbre nommé canneliier ; son
tronc est assez élevé, ses feuilles ont de l'analogie avec celles du
laurier, elles sont pointues et ont la même saveur que l'écorce,
la cannelle de Ceylan est la plus estimée, et à Ceylan, on appelle
kérandu l'arbre qui la produit. La cannelle de Tonquin serait un
objet de commerce considérable pour une nation plus intelligente;
les forêts en sont remplies, on la cultive dansjes forêts du roi et
dans les temples seulement.
Eau de cannelle. — Infusez, une semaine, cannelle fine dans
eau et eau-de-vie avec zeste de citron et bois de réglisse; distillez,
mélangez avec dissolution de sucre et passez.
Proportions : deux litres d'eau-de-vie, un quart de litre
d'eau, un zeste de citron, quinze grammes de bois de réglisse,
enfin cinq cents grammes de sucre dans un litre d'eau par trente
grammes de cannelle.
Huile de cannelle. — Concassez cent-vingt grammes de
cannelle, sept grammes de macis et trente grammes de bois de
réglisse battu ; faites infuser le tout dans six litres d'eau-de-vie peu*-
CANNELLON. 3J7
dant quelques jours et distillez après, faites fondre dans trois litres
et demi d'eau deux kilogrammes de sucre et mélangez.
Pastilles à la cannelle. — Délayez dans de Teau un kilo-
gramme cinq cents grammes de sucre, faites-en une pâte très^
solide, que vous parfumez avec quelques gouttes d'essence de
cannelle et coulez.
CANNELLON. — On appelle ainsi, de la forme de leurs
moules, certaines compositions de pâtes ânes.
Cannellons à la d'Escars ou Canapés aux abricots (recette
de M. de Courchamps). — Abaissez un demi-litron de feuilletage
à dix tours ; donnez à cette abaisse dix-huit pouces carrés, et
détaillez en vingt- quatre petites bandes de neuf lignes de lar-
geur, ayez à portée de vous vingt-quatre colonnettes de bois de
hêtre tourné, de six pouces de longueur sur six lignes de dia-
mètre, et qu'ils perdent une ligne de fût d'un bout à l'autre,
afin que le bout le plus petit quitte plus facilement la pâte
quand elle sera cuite. Beurrez ensuite légèrement ces petites
colonnes, et, après avoir humecté six bandes de feuilletage seu-
lement, vous commencerez avec le bout d'une bande à masquer
le bout le plus mince d'une colonne en tournant la colonne de
manière que vous formiez une espèce de vis à quatre pouces de
longueur; vous suivez le même procédé pour le reste des colonnes,
que vous placez sur deux plaques à deux pouces de distance entre
elles. Dorez légèrement le dessus, et mettez au four chaud. Lorsque
ces cannellons sont cuits, de belle couleur, vous les saupoudrez de
sucre fin et les glacez au four à la flamme selon la règle; aussitôt
qu'ils sont sortis du four, vous ôtez les colonnes, et placez au fur
et à mesure les cannellons sur un plafond froid. Au moment du
service, vous les garnissez de gelée de pommes et de marmelades
de framboises ou d'abricots.
Cannellons (recette de M.Beauvillier). — Abaissez du feuil-
letage, coupez ce feuilletage en rubans de la largeur de treize
millimètres ; ayez des petits bâtons tournés, posez votre ruban de
pâte sur un des bouts du bâton ; tournez ce ruban sur lui-même
en en couvrant la moitié jusqu'à l'autre extrémité de ce bâton,
où vous fixerez votre ruban; vos cannellons ainsi préparés, posez-
les sur un plafond, dorez-les et faites-les cuire, leur cuisson
358 CARDONS.
presque achevée, retirez-en les bâtons, approchez-les l'un contre
l'autre, saupoudrez-les de sucre fin, faiies-les glacer au four,
remplissez leurs vides avec des confitures, dressez et servez.
CAPILOTADE. — Espèce de ragoût fait avec des reliefs de
volailles, de gibier, etc.
Mettez du beurre dans une casserole avec de la viande cuite
coupée en morceaux, sel, poivre, écorce d'orange, de la ciboule
hachée menu, des croûtons de pain avec un peu de persil et des
câpres, mouillez avec du bouillon, faites cuire jusqu'à ce que la
sauce soit suffisamment réduite, ajoutez une pointe de vinaigre
ou de verjus et de la chapelure de pain. Quand la capilotade
est faite avec des viandes noires, on peut mouiller moitié bouillon
et moitié vin et huilez légèrement.
CAPRES. — Boutons ou fleurs qui croissent aux sommités
du câprier, arbuste originaire d'Asie. Quand ces boutons ont
acquis une certaine grosseur, on les cueille et on les confit avec
de l'eau et du sel. Les câpres contiennent beaucoup de sel
essentiel et un peu d'huile, elles conviennent dans un temps froid,
aux vieillards et aux personnes d'un tempérament flegmatique et
mélancolique.
Les câpres bien confites servent beaucoup dans les ragoûts,
plutôt pour exciter l'appétit que comme aliments. Elles ont
donné leur nom à une sauce qui n'est autre qu'une sauce blanche
dans laquelle elles remplacent le verjus et le vinaigre.
CAPUCINES. — Les graines vertes se confisent au vinaigre
et conservent la même saveur que ses fleurs, qui, épanouies,
servent à garnir les salades.
CARAMEL. — Sucre brûlé, prenez sucre en poudre ou
cassonade, faites chauffer à sec, remuear, retirez bruni et délayez
avec de l'eau.
CARDONS. — Il y a deux espèces de cardons : le cardon
d'Espagne qui est très-épineux et le plus estimé à cause de ses
côtes plus épaisses et plus charnues"; et le cardon ordinaire,
peu épineux et qui se rapproche beaucoup de l'artichaut
commun.
Cardons d'Espagne à la moelle. — Coupez les côtes de
deux ou trois cardes près du pied, les blanches, non les creuses ;
CAREME. 359
coupez celles qui sont pleines, parez, faites blanchir, retirez et
mettez dans Teau fraîche, limonnez, mettez dans la marmite,
mouillez d'un blanc citronné (v. blanc). Faites partir ; couvrez
d'un papier beurré, laissez mijoter environ trois ou quatre heures,
une fois cuits, égouttez, parez, mettez dans la casserole en arrosant
de consommé, faites tomber presque à glace, puis dressez sur
un plat avec espagnole réduite, ajoutez croûtons à la moelle.
Cardons au parmesan. — Sur un lit de fromage au fond de
votre plat, mettez un lit de cardes saupoudré de parmesan
arrosé de beurre et colorez vos cardes.
Cardons au coulis de jambon. — Blanc comme ci-dessus,
mijotez dans du consommé que vous faites réduire et tomber à
glace. Dressez-les, masquez d'une sauce à l'essence de jambon
avec deux jaunes d'œufs.
Ragoût de cardon. — Épluchez vos cardons et mettez-les
cuire dans une eau blanche, quand ils sont cuits, faites une
sauce :
Prenez un morceau de beurre frais 'que vous mettez dans
une casserole avec une pincée de farine, sel, poivre, un peu de
muscade; mouillez avec un peu de vinaigre et un peu d'eau,
mettez-y une demi-cuillerée à potage de coulis d'écrevisses, si
c'est au maigre, et d'un peu de coulis de veau ou de jambon
si c'est au gras, tirez les cardes de la marmite, égouttez-les et
mettez-les dans la casserole oîi est la sauce, remuez de tettaps en
temps jusqu'à ce que tout soit soit bien lié, dressez-les sur le plat
et servez chaudement.
CARÊME. — Nous avons à choisir, en écrivant carême,
entre le nom d'une époque qui représente le jeûne et le nom
d'un homme qui représente l'art culinaire arrivé à sa perfection.
Commençons par la prescription religieuse qui d'ailleurs a un
droit chronologique.
On appelle Carême le jeûne annuel en usage dans l'Église
catholique et. qui commence le mercredi des cendres, et finit à
Pâques, excepté dans l'Église de Milan, où il ne part que du
dimanche de la Quadragésime et chez les Grecs, qui le commen-
çant le même jour, s'abstiennent de viande le lundi d'après la
Quinquagésime, jusqu'au dimanche suivant, sans jeûner toutefois,
36o CAREME.
mais en observant un Carême plus rigoureux, puisqu'ils se
privent non -seulement de laitages et d'œufs, mais encore de
poisson et de viande. On n'est point d'accord sur l'époque de
l'institution du Carême, quelques-uns l'attribuent à Moïse,
d'autres prétendent qu'il était observé en Egypte longtemps
avant Moïse et que ce fut l'un des usages que les Israélites rap-
portèrent de ce pays; toutes les nations qui ont des lois ont
aussi leur carême. On doit en conclure que ce n'est point uni-
quement pour plaire à Dieu que le Carême fut institué, mais
aussi pour la santé en prévenant la transition des saisons, tou-
jours funeste aux tempéraments non préparés par un r^me
convenable.
Dans l'enfance des nations, les peuples ignorants n'eussent
point suivi un conseil d'hygiène, on en fit un précepte religieux,
la superstition l'adopta.
La rigueur du Carême, aussi bien que sa durée, a varié
selon les pays; dans l'Église d'Occident, on ne faisait qu'un
repas vers le soir, et on ne mangeait que des légumes et des
fruits; le laitage, les œufs, les viandes et le vin étaient défendus;
le poisson était permis, mais la plupart des fidèles s'en abste-
naient; il paraît que le jeûne était encore plus rigoureux en
Orient, où presque tous les chrétiens ne vivaient que de pain et
d'eau et de quelques légumes; les Latins, au rapport de Bède,
avaient d'autres carêmes, celui de Noël et celui de la Pentecôte,
et tous deux, comme celui de Pâques, étaient de quarante jours.
Les Grecs ont encore quatre carêmes outre celui de Pâques; ce
sont ceux de Noël, des Apôtres, de la Transfiguration et de l'As-
somption, mais ils ne sont que de sept jours chacun.
La France est peut-être aujourd'hui le pays du monde où le
Carême est le moins observé ; il n'en était pas de même autre-
fois. Quand le clergé fut devenu riche et puissant, son influence
fit rendre sur l'abstinence des lois les plus rigoureuses , et tandis
qu'il contentait sa sensualité en rompant l'uniformité des viandes
par les poissons les plus exquis, que son insatiable cupidité entas-
sai t l'or en vendant des dispenses aux riches, le misérable qui
n'avait pas d'or pour racheter son malheureux péché, était pendu
pour avoir mangé de la viande une fois en Carême; le boucher
CAREME. 361
qui en avait vendu était fouetté et mis au carcan ; on lit dans les
Capitulaires (année 780) que Charlemagne, voulant forcer les
Saxons d'adopter le christianisme , déclara que les Saxons qui ne
voudraient pas se faire baptiser et qui mangeraient de la viande
en Carême seraient punis de mort.
En 1522, on fouetta par sentence du prévôt de Sens, et Ton
condamna à l'amende honorable, devant la porte de l'église cathé*
drale le nommé Passeigne pour avoir mangé en Carême des hari-
cots au lard. Sous Henri III, la peine de mort fut abolie, mais
celle du fouet fut maintenue contre les délinquants. Voltaire
rapporte un fait à Tappui des précédents, arrivé près de Saint-
Claude. L'an de grâce 1729, le 28 juillet, eut lieu l'exécution
d'un nommé Claude Guillon, qui eut la tète tranchée pour avoir,
étant dans la plus aâreuse misère, et pressé d'une Ikim dévo-
rante, emporté, fait cuire et mangé de la viande d'un cheval tué
et abandonné dans un pré, et cela le 3 1 mars.
Voici textuellement le prononcé de la sentence du juge :
« Nous, etc., après avoir vu les pièces du procès, et ouï
l'avis des docteurs en droit, déclarons le dit Claude Guillon
dûment atteint et convaincu d'avoir emporté de la viande d'un
cheval tué dans les prés de cette ville ; d'avoir fait cuire ladite
viande le 3 1 mars, jour du samedi, et d'en avoir mangé, etc. »
A quels déplorables et ridicules excès ne poussait pas l'en-
geance monacale si nombreuse et si influente dans ces siècles de
ténèbres, lorsque nous voyons encore, en 1791, à Rava en Po-
logne, des juges condamner et faire brûler par la main du bour-
reau, une poupée coupable de sacrilège, parce que les enfants
d'une luthérienne lui avaient attaché au cou l'image de la Vierge.
Et la même année, en Espagne, furent jugés et condamnés à
périr au milieu des flammes, comme atteints et convaincus
d'hérésie et de blasphème, un perroquet et un singe ^ apparte-
nant à un Français. Le perroquet pour avoir crié : a Au feu le
bref Margot! » et le singe, parce qu'il semblait applaudir par
ses sauts et s^s gambades. Ces deux grands criminels furent
renfermés et brûlés dans une cage de fer, sur laquelle étaient
deux écriteaux; l'un portait : Blasphémateur, impie, sacrilège,
traître à Dieu et à N. S. P. le pape; et l'autre : Complice de
36a CAREME.
sacrilège par gestes, signes et autres preuves non équivoques.
Un autre fait rapporté par M. B. Saint- Edme, dans son
Traité de législation historique du sacrilège^ che^ tous les peu--
pies du monde , est bien plus récent. L'an 1823, un samedi ^
quatre individus de la communde de Saint-Laurent de Cerdans,
arrondissement de Céret, département des Pyrénées, vinrent pour
leurs affaires à Céret; ils entrèrent dans une auberge pour dîner
et se firent servir des côtelettes. Cette auberge étant située sur
la place, ils furent aperçus faisant gras; rapport au maire; cita-
tion devant le procureur du roi ; et condamnation , comme pré-
venus du délit d'outrage à la morale religieuse, à une année
d'emprisonnement et 300 fr. d'amende. Bien leur en prit d'en
rappeler, car le jugement fut cassé le p juillet par le tribunal
de Perpignan. A la même époque, un boucher de Rome fut
arrêté, conduit sur la place Fontana di Travi, et marqué par le
bourreau; un écriteau annonçait son crime, qui était d'avoir
mangé de la viande un vendredi dans une auberge, avec quel-
ques-uns de ses amis.
CAREME {Marie-c4ntoine). — Voilà un nom qui n'était
certes pas destiné à acquérir la célébrité gastronomique à laquelle
il est parvenu. Depuis la mort de Carême, arrivée le la jan-
vier 1833, ^*^^ ^^^ princes ont perdu leur principauté, bien des
rois sont descendus de leur trône. Carême, roi de la cuisine par
le génie, est resté debout, et aucune gloire rivale n'est venue
obscurcir la sienne. Comme tous les fondateurs d'empires, comme
Thésée, comme Romulus, Carême est une espèce d'enfant perdu.
Il naquit à Paris le 7 juin 1784, dans un chantier de la rue du
Bac, où travaillait son père; celui-ci, chargé de quinze enfants
et ne sachant où trouver de quoi les. nourrir, emmena un soir le
petit Marie-Antoine, âgé de n ans, dîner à la barrière. Puis, le
laissant là au milieu du pavé, il lui dit :
« Va, petit, il y a de bons métiers dans ce monde, laisse-
nous languir, la misère est notre lot, nous devons y mourir. Ce
temps est celui des belles fortunes, il suffit d'avoir de l'esprit
pour en faire une, et tu n'en manques pas; va, petit, ce soir ou
demain quelque bonne maison s'ouvrira peut-être pour toi. Va
avec ce que le bon Dieu t'a donné et ce que j'y ajoute. » Et
J
CAREME. 363
Texcellent homme y ajouta sa bénédiction. A partir de ce soir-là,
Marie-Antoine ne re\it plus ni son père, ni sa mère, qui mou-
rurent jeunes; ni ses frères, ni ses sœurs, qui se dispersèrent dans
le monde.
Cependant la nuit était venue.
L'enfant vit une fenêtre qui brillait, il alla y frapper; c'était
l'ofBcine d'un gargotier dont l'histoire n'a pas conservé le nom;
celui-ci le recueillit et le lendemain l'enfant était à son service.
A seize ans, il quittait ce cabaret borgne pour travailler en
qualité d'aide chez un restaurateur en pied ; ses progrès y furent
rapides, l'adolescent annonçait déjà ce qu'il serait un jour; admis
chez Bailly, pâtissier en renom de la rue Vivienne, qui excellait
dans les tourtes à la crème et fournissait la maison du prince de
Talleyrand ; à partir de ce moment, il vit clair dans son avenir
et découvrit sa vocation,
« A dix-sept ans, ditMarie-Antoine dans ses mémoires, j'étais
premier tourtier chez M. Bailly. Ce bon maître s'intéressait à
moi; il me facilita des sorties pour aller dessiner au cabinet des
estampes ; il me confia la direction de plusieurs pièces montées ,
destinées à la table du premier consul. J'employais au service de
M. Bailly mes dessins, mes nuits, et ses bontés payaient large-
ment mes peines. Chez lui je me tis inventeur. Alors florissait
dans la pâtisserie l'illustre Avice. Son œuvre m'enthousiasma,
la connaissance de ses procédés me donna du cœur; je ^s tout
pour le suivre sans l'imiter, et devenu capable d'exécuter toutes
les parties de l'état, je confectionnai seul des extraordinaires
uniques. Mais pour en arriver là, jeunes gens, que de nuits
passées sans sommeil ! Je ne pouvais m'occuper de mes dessins et
de mes calculs qu'après neuf ou dix heures, et je travaillais les
trois quarts de la nuit.
Les larmes aux yeux je quittai mon bon M. Bailly; j'entrai
chez le successeur de M. Gendron ; je lui fis mes conditions ; j'ob-
tins que lorsque je serais appelé pour un extra^ j'aurais le loisir
de me faire remplacer. Quelques mois après, je sortais des grandes
maisons pâtissières pour suivre mes seuls grands dîners : c'était
bien assez, je m'élevais de plus en plus, et je gagnais beaucoup
d'argent. Les envieux me jalousaient, pauvre enfant du travail.
364 CAREME.
et depuis je me suis vu en butte aux attaques de bien des petits
pâtissiers qui auront fort à faire pour arriver où je suis.
Au milieu des prodigalités du directoire, Carême avait pré-
paré le luxe délicat et Texquise sensualité de l'empire. La table
du prince de Talleyrand était servie, dit Carême, avec sagesse et
grandeur, donnait Texemple et rappelait aux bons principes les
gens comme il faut.
Cette maison était dirigée culinairement parlant par M. Bou-
chée ou Bouchesec qui sortait de la maison de Condé, citée pour
sa succulence et sa bonne chère. Ainsi la cuisine de M. de Tal-
leyrand n'était que la cuisine de la maison de Condé continuée.
M. Bouchée avait débuté par la maison de la princesse de Lam*
balle, et pendant longtemps ce fut lui qui choisit les cuisiniers
des grandes maisons de l'étranger. Carême lui a dédié son Pâtis-
sier royal. Ce fut là qu'il fit aussi la connaissance de Laguipière,
le cuisinier de l'empereur, qui mourut dans la retraite de Mos-
cou, n'ayant pu supporter la transition des 35 degrés de chaleur
de sa cuisine aux 35 degrés de froid de la plaine de la Moscowa.
Jusque-là Carême avait appris à suivre son art; à partir de Lagui-
pière, il apprit à l'improviser. Mais la pratique ne lui suffisait
plus, il voulait approfondir la théorie, copier des dessins, lire,
analyser des livres de science, suivre des cours analogues à sa
profession ; il écrivit et illustra une Histoire de la table romaine;
malheureusement copie et dessins ont été perdus. Carême était
un poëte; il mettait son art à la hauteur de tous les autres, et il
avait raison ;^car, arrivé où il en était, il n'y a plus de taille.
a Je contemplais, dit-il, de derrière mes fourneaux, les cui-
sines de l'Inde, de la Chine, de l'Egypte, de la Grèce, de la Tur-
quie, de l'Italie, de l'Allemagne et de la Suisse, je sentais crouler
sous mes coups l'ignoble fabrication de la routine. »
Carême avait grandi avec l'empire; qu'on juge de sa dou-
leur en le voyant s'écrouler ; il fallut le forcer à exécuter, dans la
plaine des Vertus, le gigantesque banquet royal de 1814. L'année
suivante, le prince régent l'appelait à Brighton comme chef de
cuisine; il resta auprès du régent d'Angleterre deiuc ans, chaque
matin il rédigeait le menu sous les yeux de son altesse, gourmand
blasé; c'est pendant ces tête-à-tête, qu'il lui faisait un cours de
CAROTTE. 365
gastronomie hygiénique qui, s'il était imprimé, serait regardé
comme un des livres classiques de la cuisine.
Ennuyé du vilain ciel gris d'Angleterre, il revint à Paris;
mais le prince régent devenu roi, le rappela en 1821.
De Londres, Carême alla à Saint-Pétersbourg remplir les
fonctions vacantes de l'un des chefs de cuisine de l'empereur
Alexandre, puis il revint à Vienne exécuter quelques grands dîners
de l'empereur d'Autriche. Attaché à lord Stuart, ambassadeur
d'Angleterre^ il revint avec lui à Londres, mais il le quitta pour
revenir à Paris écrire et publier. Les congrès qui se multipliaient,
les souverains qui tous voulaient l'avoir, l'arrachaient à chaque
instant à la théorie; Carême était devenu l'homme indispensable
des réunions politiques. Mais les grands travaux abrègent l'exis-
tence. « Le charbon nous tue, disait-il, mais qu'importe, moins
d'années, plus de gloire. » Il mourut, tué en réalité par son
génie^ le la janvier 1833 avant d'avoir accompli sa cinquantième
année, laissant des élèves dignes de lui, entre autres l'excellent
Vuillemot.
CAROTTE. — Plante potagère de la famille des ombelli-
fères dont la racine est fort en usage dans les cuisines à cause de
son goût qui est fort agréable ; elle est sudorifique et apéritive,
et purifie la masse du sang. La carotte est saine et ne produit
d'incommodité que par son usage immodéré , elle contient beau-
coup d'huile et de sel essentiel et convient à tout âge et à tout
tempérament. On s'en sert ordinairement pour mettre dans toutes
sortes de potages, pour braises, pour coulis, on s'en sert aussi
pour des entrées de viandes en terrines qu'on appelle hochepot.
(V. Hochepot.) On doit les choisir longues, grosses, charnues,
jaunes ou d'un blanc pâle, se rompant aisément et d'un goût
tirant sur le doux.
Ragoût de carottes ou carottes à la ménagère. — Coupez
vos carottes de la longueur de deux doigts et tournez-les en rond,
faites-les cuire dans l'eau un quart d'heure et mettez-les dans
une casserole avec du bon bouillon, un verre de vin blanc, un
bouquet de fines herbes, un peu de sel. Quand elles sont cuites,
ajoutez-y un peu de coulis pour lier la sauce, et servez avec ce
que vous voulez.
/
/
r
366 CARPE.
Carottes à la flamande, — Faites Blanchir vos tranches de
carottes, faites-les revenir dans le beurre , mouillez de bouillon
avec sel, poivre et sucre; faites réduire à glace. Remettez du
beurre, un peu de sauce tournée et des fines herbes, faites
bouillir encore un instant, ajoutez croûtons et servez.
Potage aux carottes. — Mettez dans un pot assez d'eau pour
faire un grand plat de potage, et. quand elle sera bouillante,
ajoutez-y 250 grammes de bon beurre et du sel, puis un demi*
litron de pois secs, trois ou quatre carottes bien nettes coupées
par morceaux, faites cuire, et une heure avant de dresser, mettez
des herbes douces telles que cerfeuil, oseille, etc., de la chi-
corée blanche, un peu de racine de persil, ciboule, oignon, faites
cuire le tout ensemble, dressez et servez.
Gâteau de carottes, — Faites cuire de belles carottes avec du
sel, broyez-les et passez-les au tamis avant de les faire dessécher
dans une casserole, ajoutez-y de la crème, de la fécule, un peu
de fleurs d'oranger pralinées, du sucre, des œufs (plus de jaunes
que de blancs), puis du beurre; mélangez le tout. Mettez-le dans
un moule, faites-le cuire et renversez-le sur un plat d'entre-
mets que vous ferez accompagner d'une saucière de sabayon.
(V. Sabayon.) {M. de Cour champs.)
Carottes au sucre. — Cuisez à l'eau, faites sécher, pulvérisez,
aromatisez, édulcorez avec sucre en poudre, œufs battus, beurre;
cuisez sous four de campagne, renversez sur plat creux et servez
chaud, saupoudré de sucre.
CARPE. — Poisson d'eau douce de rivière et d'étang dont
il n'est pas fait mention par les Grecs ni par les Latins. Dans le
Rhône on trouve des carpes de 40 à 50 livres dont la chair est
délicieuse. Ce poisson vit plusieurs siècles ainsi qu'on a pu s'en
assurer par les carpes mises de la main de François I^^au vivier de
Fontainebleau ; la carpe grossit moins dans le Nord qu'à l'Ouest et
au Midi. Dans une carpe femelle de 18 pouces de long, le docteur
Petit a trouvé 342,000 œufs. Dans l'Orient les Juifs, à qui on
défend le caviar d'esturgeon, font du caviar avec des œufs de
carpe. La plus grosse carpe qu'on ait vue, fut prise en 171 1; elle
pesait 70 livres.
Me trouvant à Poti, à l'embouchure du fleuve Rioni, le
CARPE. 367
Phase des anciens, m'ennuyant de ne manger que du bélier, j'ex-
primais le désir de changer de nourriture. Vasiln, alors depuis
trois jours à mon service, me proposa d'aller faire une pêche dans
le l^c de Poti; forcé d'attendre le bateau d'Odessa, je ne deman-
dais pas mieux que d'occuper un jour à un exercice amusant.
Nous fîmes à peu près une lieue à travers la forêt et nous nous
trouvâmes sur le bord du lac où nous montâmes dans une barque
de pêcheur.
Il fut convenu qu'au moyen de deux roubles, c'est-à-dire
huit francs, elle pécherait à forfait pour nous. Au bout de deux
heures, nous avions pris trois ou quatre cents livres de poissons.
Nous choisîmes les plus beaux, nous laissâmes les autres à
nos pêcheurs et nous revînmes à l'hôtel de maître Jacob.
La plus grosse pièce était une carpe pesant 40 livres et un
soudak en pesant 35; nous ouvrîmes la carpe, elle renfermait
13 livres d'œufs, une de ses écailles suffisait pour couvrir entiè-
rement une pièce de 5 francs. Il fallut 12 bouteilles de vin pour
la cuire. C'est le plus gros poisson de cette espèce que j'aie
jamais vu; comme elle avait été pêchée dans un lac de 8 lieues
de tour communiquant avec la mer, elle ne sentait pas la vase
et était sous ce rapport aussi pure qu'une carpe de rivière.
Le second jour nous en fîmes cadeau à l'hôtelier qui en
nourrit tout son monde.
Puisque nous venons de parler de carpes sentant la vase,
indiquons tout de suite le moyen de faire passer ce goût aux
poissons qui en sont atteints :
Faites avaler au poisson qui vient d'être pêche, un verre de
fort vinaigre, et à l'instant même vous verrez s'établir sur tout
son corps une sorte de transpiration épaisse que vous enlèverez
en l'écaillant. Quand il est mort, sa chair se raffermit et est
d'aussi bon goût que s'il avait été péché dans une eau vive.
Carpe frite. — Écaillez une carpe, fendez-la en deux mor-
ceaux par le dos, videz-la, ôtez-en la laite ou les œufs. Faites-la
mariner une ou deux heures avec sel, poivre, oignon, thym, lau-
rier, persil, demi-cuillerée de vinaigre; passez-la dans la farine
et mettez-la dans une friture bien chaude. Votre carpe à moitié
cuite, vous la farinez à part et vous ajoutez dans la friture la
368 CARPE.
laite ou les œufs ; faites cuire et servez garni de persil frit et
saupoudré de sel.
Carpe grillée. — Échardez ou écaillez une carpe, coupez-en
les nageoires et le petit bout de la queue, ôtez-en les ouïes, videz-
la sans trop lui ouvrir le ventre, et prenez garde d'en crever
l'amer; ciselez-la, passez la laitance dans du beurre et des fines
herbes, telles que persil et ciboules hachées; assaisonnez de sel,
poivre, remettez-la dans le ventre de votre carpe, cousez-la,
mettez-bc sur un plat, marinez avec un peu d'huile, des
branches de persil et de ciboule hachées, un peu de sel fin, puis
faites-la griller, ôtez-en les fils, et servez -la avec une sauce
blanche et des câpres ou une maître-d'hôtel chaude. (V. Sauces.)
Carpe aux champignons. — Prenez une belle carpe, faites-
la cuire avec de l'eau, un peu de vin, sel et poivre; quand elle
est cuite à propos, dressez-la dans un plat à sec et avant de la
servir, jetez par-dessus un ragoût de champignons, laitances, fonds
d'artichauts, bon beurre, le tout bien assaisonné de sel, poivre,
fines herbes en paquet, et servez garni de croûtons frits.
Carpe à la Chambord. — Ayez une belle carpe du Rhin,
échardez- la, levez-en la peau, videz-la sans lui ouvrir le ventre
en totalité, ôtez lui les ouïes sans endommager la langue, levez
ensuite le nerf de la queue, piquez votre carpe entièrement avec
de l'anguille taillée en petits lardons, ou moitié avec des truâês
et des carottes coupées de même; si vous servez cette carpe au
gras, piquez-la de lard, de truffes ou de carottes, mettez-la dans
une poissonnière, mouillez-la d'une braise maigre et faites cuire,
^mettez ensuite dans une casserole trois tasses d'espagnole
maigre et une demi-bouteille de vin blanc de Champagne, faites
réduire votre sauce, dégraissez-la, mettez des champignons
tournés, des truffes, des laitances de carpes, des quenelles, de
l'anguille coupée par tronçons, faites-mijoter un quart-d'heure
votre ragoût et finissez-le avec du beurre d'anchois, égouttez
votre carpe, dressez-la, mettez vos garnitures autour, joignez-y
des écrevisses, décorez-en votre carpe, saucez-la, glacez-la et
servez. Si c'est au gras, ajoutez-y des ris de veau piqués, dés
pigeons à la Gautier ou des cailles, si c'est la saison, des crêtes
et des rognons de coq.
CARPL. ^69
Carpe à la daube.. — Faites une farce avec la chair de
deux soles et d'un brochet désossés, hachez bien cette chair avec
un peu de ciboule et fines épices, sel, poivre^ muscade, beurre
frais et un peu de mie de pain trempée dans de la crème; liez
votre farce avec des jaunes d'oeufs, emplissez une belle carpe de
cette farce, et faites-la cuire à petit feu avec du vin blanc, assai-
sonnez de sel, poivre, clous de girofle, citron vert, un bouquet
de fines herbes et bon beurre frais.
Faites un ragoût de champignons, morilles, truffes, mousse-
rons, fonds d'artichauts, laitances de carpes, queues d'écrevisses,
passé à rétamine après avoir bouilli deux ou trois tours dans une
casserole avec un peu de coulis ou de bouillon de poisson, vous
faites mitonner vos filets dans cette sauce bien assaisonnée de
champignons, sel, poivre, fines herbes et servez.
Vous les faites aussi aux concombres en liant vos con-
combres marines et cuits dans une casserole avec bon beurre et
bouillon de poisson, avec un bon coulis^ vous faites mitonner
vos filets dans cette liaison et vous les servez chaudement pour
entrée.
Laitances de carpes frites, — Vous supprimez les boyaux
de 15 à 18 laitances de carpes, puis vous les mettez dégorger dans
l'eau en les changeant plusieurs fois afin qu'elles soient bien
blanches ; vous mettez dans une casserole de l'eau, un filet de
vinaigre et une pincée de s^l, mettez-y vos laitances, quand vous
la voyez bouillir, faites^leur jeter un bouillon, trempez-les dans
une pâte légère, faites-les frire d'une belle couleur et servez-les
avec du persil frit.
Carpe à la hussarde. — Prenez-une belle carpe, ouvrez-la
le moins que vous pourrez pour la vider, mettez dans le corps du
beurre manié avec des fines herbes hachées et assaisonnées de bon
goût ; faites mariner votre carpe avec fines herbes, huile fine,
thym, basilic; quand elle aura bien pris le goût de sa marinade,
faites-la griller et servez avec une sauce rémoulade. (V. Sauce
Kemoulade.)
Carpe en poupeton. — Dépouillez une anguille et une
carpe, gardez-en les peaux et hachez^en les chairs; mettez celle
de la carpe avec de la mie de pain passée sur le feu et avec de la
«4
370 CARPE.
crème f ajoutez-y un morceau de beurre, persil, ciboule, sel,
poivre et liez le tout avec $ix jaunes d'œufs.
Prenez ensuite Tanguille que vous coupez par filets et passez*
la au beurre, avec champignons, truffes, un bouquet garni, une
pincée de farine, un peu de jus maigre et un demi-verre de vin
de Champagne : faites cuire ce ragoût avec bon assaisonnement,
et quand la sauce est bien réduite^ mettez-la refroidir. .
Mettezdans le tond d'une poupe tonnière, une feuille de papier
beurré. Mettez dessus les peaux de la carpe et de Tanguille
entremêlées, le côté de l'écaillé en dessous, garnissez bien le tour
et le fond de votre poupetonnière, mettez ensuite de la farce de
carpe partout sur les peaux de l'épaisseur d'un doigt et le ragoût
froid de Tanguille au milieu, recouvrez-le avec la tarce et les
peaux de carpe,, mettez dessus une feuille de papier et faites
cuire au four. Quand votre poupeton sera cuit, dressez-le sur
un plat, ôtez- en le papier et la graisse et servez par-dessus une
sauce hachée avec un jus de citron.
Matelotes de carpes et d'anguilles. — (V. Matelote
d'anguilles.)
Hachis de carpes. — Écaillez, videz et écorchez vos carpes
prenez-en la chair que vous hacherez avec sel, poivre, fines
herbes, champignons, laitances et fonds d'artichauts. Votre hachis
fait, passez-le en casserole au blanc, ajoutez un peu de bouillon
de poisson ou de la purée claire, laissez-le bien mitonner, tirez-le
et servez pour entrée avec un jus de citron garni de champignons
frits ou câpres ou andouillettes de poisson.
Q4utre hachis de carpes. — La chair de votre carpe étant
bien hachée, comme on- vieiït de le dire, mettez-la dans une
casserole sur le feu, remuez avec une cuiller pour la faire un
peu dessécher. Videz-la ensuite sur une table, mettez-y
beurre frais, persil, ciboule, champignons, hachez le tout
ensemble, faites ensuite un roux dans une casserole avec un
morceau de beurre et une pincée de farine, mettez-y votre
hachis avec sel, poivre, une tranche de citron, remuez toujours
afin qu'il ne s'attache pas, mouillez d'un peu de bouillon de
poissoji et servez chaudement; mettez, si vous en avez, trois ou
quatre cuillerées de coulis de poisson.
CARPE. 371
Fricandeau de carpes. -— Après avoir enlevé la peau de
votre carpe, levez-en les chairs et ne laisse* que la colonne verté-
brale ; si c'est au gras, piquez vos chairs de menu lard, coupez-
les par grenadins et marquez-les de même (v.Grenadins de veau);
si c'est au maigre vous les piquez de lardons d'anguilles, foncez
votre casserole avec du beurre, ajoutez-y tranches d'oignons,
lames de carottes, vin blanc et bouillon de poisson maigre, posez
votre poisson sur ce tond, couvrez-le d'un papier beurré et
faites-le cuire feu dessus et dessous comme un fricandeau. Quand
il est cuit, égouttez-le et tirez par les gros bouts les côtes de
votre carpe en prenant bien soin qu'il n'en reste aucune, vous
glacez ensuite vos fricandeaux et les servez sur une purée de
champignons, d'oseille ou d'oignons.
Filets de carpes, — Vous coupez votre carpe en filets
que vous mettez mariner et que vous trempez ensuite dans
une pâte claire ou poudrés seulement de farine, vous les faites
frire au beurre affiné et servez garnis de persil frit.]
Vous pouvez aussi manger ces filets à la sauce blanche que
vous faites avec une liaison de carpe et de mie de pain, le tout
passé auparavant à la casserole, avec beurre frais et assaisonné de
bon goût. Mettez dedans un bon coulis d'écrevîsses.
Votre carpe cuite, dressez-la sur un plat ovale, versez votre
ragoût par-dessus et servez.
Carpe farcie, — Levez les chairs, décarcassez en majeure
partie, conservez tête et queue avec trois doigts d'arêtes. De ces
chairs et de celles d'une ou deux autres petites carpes faites une
farce (comme à l'article Quenelles de carpes)^ étendez de cette farce
dans le fond d'un plat, mettez aux deux bouts la tête et la queue;
faites un salpicon maigre ou gras, avec lequel vous remplacerez
le ventre de votre carpe, ou un ragoût de laitances de carpes, le
tout à froid, couvrez ce salpicon de votre farce, donnez-lui la forme
d'une carpe, unissez-bien votre farce avec votre couteau trempé
dans l'œuf, dorez-la avec deux œufs entiers et battus, ayez une
cuiller à bouche, trempez-la dans le reste de votre dorure et
formez avec la pointe les écailles de votre carpe; enveloppez la
tête et la queue d'un papier beurré ; une heure avant de servir,
mettez votre carpe daus un four moyennement chaud, donnez-
37»
CARPE.
lui une belle couleur, ôtez le papier, nettoyez les bords de votre
plat, saucez-la, soit d'une bonne espagnole réduite, maigre ou
grasse, soit d'un ragoût de laitances^ de fonds d'artichauts et de
champignons et servez (méthode de M. Beauvilliers).
Q4utre carpe farcie. — Fendez votre carpe le long de
répine du dos, séparez la peau d'avec la chair, y laissant la tète
et la queue, faites une farce, avec de la chair d'anguille, assai-
sonnée de sel, poivre, bon beurre frais, fines herbes, champignons,
clous de girofle, muscade, thym, le tout haché bien menu, mêlez-
y des laitances de carpe et faites votre farce.
Votre farce faite, garnissez-en la peau de votre carpe comme
ci-dessus, cousez-la, et mettez cuire votre carpe au four ou dans
une casserole avec bon beurre, bouillon de poisson ou purée
claire, bon assaisonnement et farine frite pour liaison, quand
elle est cuite, servez-la sur un plat, la sauce dessus et entourée
de la garniture qu'il vous plaira.
Carpe au bleu -ou au court bouillon. — Ayez une carpe que
vous aurez soin de vider sans trop lui ouvrir le ventre, sans lui
crever l'amer et sans endommager ses écailles; 6ttz ses ouïes avec
ménagement afin de ne pas gâter la langue, faites bouillir un
demi-setier de vinaigre rouge avec lequel vous arroserez votre
carpe placée dans une poissonnière de sa dimension ; mouillez-la
ensuite d'une braise grasse ou maigre, couvrez-la d'un papier
beurré et faites-la cuire à petit feu, égouttez-la quand elle sera
cuite, posez-la sur une serviette étendue sur le plat, entourez-la
de persil et servez.
Carpe à la piémontaise. — Prenez une belle carpe, videz-
la et ôtez-en les ouïes, ciselez-la des deux côtés, faites-la mariner
avec de l'huile, sel, poivre, persil, ciboules entières, tranches
d'oignons, ail, échalotes en tranches, thym, basilic, laurier et
laissez-la dans la marinade pendant deux heures.
Faites-la ensuite griller en l'arrosant de temps en temps
avec sa marinade, passez des truffes et des champignons avec un
morceau de beurre, un bouquet garni, une pincée de farine,
mouillez avec du bon jus, ajoutez-y des fonds d'artichauts blanchis
à moitié cuits, de petits oignons blancs et un demi-verre de vin
de Champagne.
CARPE. 373
Quand votre ragoût est cuit, la sauce réduite , liez avec
trois jaunes d'oeufs et de la crème, pressez-y un jus de citron, et
dressez votre carpe dans un plat avec le ragoût autour.
Carpe à la flamande. — Habillez proprement votre carpe,
coupez une anguille en lardons bien assaisonnés de fines herbes
hachées, sel, fines épices, lardez-en la carpe, mettez dans une
casserole champignons, truffes, petits oignons blanchis avec un
morceau de beurre, un bouquet de toutes sortes de fines herbes,
une pincée de farine; mouillez votre ragoût avec du jus maigre
et une demi-bouteille de vin de Champagne. Quand il est à
moitié cuit mettez-y la carpe pour achever de cuire ; si la sauce
n'est pas encore assez réduite, poussez-la à grand feu, mettez-y
des câpres et servez la carpe au milieu, le ragoût autour.
Carpe à la bière ou à la moscovite. — Coupez votre carpe
en trois morceaux, après Tayoir proprement arrangée, mettez-la
dans une casserole avec une bouteille de bonne bière, un verre
d'eau-de-vie, un morceau de beurre fin manié avec un peu de
fiirine, un bouquet de persil, ciboules, ail, clous de girofle, thym,
laurier, basilic, oignons coupé» en filets, sel, poivre, faites cuire
à grand feu et servez quand la sauce est bien réduite et après
avoir ôté le bouquet.
Carpe à la bourguignonne. — Après avoir habillé une
grosse carpe, dont vous conservez le sang dans une casserole,
vous la lavez en dedans avec un peu de bon vin rouge que vous
faites ensuite tomber dans la casserole ou est le sang. Mettez
ensuite la carpe dans un plat et piquez-la partout, afin d'y faire
pénétrer le sel fin, laissez-la deux heures dans son sel, puis mettez-
la dans une poissonnière avec quelques tranches d'oignons dans
le fond, un bouquet garni et une bouteille de vin de Bourgogne.
Faites cuire à petit feu.
Quand elle est cuite, passez son court bouillon dans un tamis
et versez-le dans la casserole où est le sang, en y joignant un bon
morceau de beurre manié de farine, et vous faites bouillir à grand
feu, jusqu'à forte réduction; ajoutez-y un anchois haché, muscade
râpée et câpres entières. Dressez ensuite votre carpe sur un plat
et masquez-la de cette sauce.
Carpe à la Chambord garnie de volaille* et de truffes. —
374 CARPE.
Choisissez une belle carpe, écaillez-la, 6rez les ouïes, prenez
garde de gâter la langue, ouvrez-la sur le côté, ôtez-en Tamer^
dépouillez-la le plus légèrement que vous pourrez du càté où
elle n'est pas ouverte , piquez-la ensuite de lard le plus dru que
vous pourrez, remplissez-la d'un ragoût de riz de veau, foies
gras, truffes, liez d'une bonne essence. Cousez-la bien pour
empêcher le ragoût de s'échapper et laissez passer un bout de
ficelle par la tête.
Foncez une grande poissonnière de veau et de jambon,
assaisonnez de sel, poivre, clous de girofle, bouquet garni;
racines et oignons ; mettez la carpe sur une feuille de papier
beurré, couvrez-la de bardes de lard et faites cuire sur la braise,
mouillez-la ensuite d'une bouteille de vin de Champagne, un peu
de bouillon et faites cuire à petit feu pendant trois ou quatre
heures.
Quand elle est cuite, laissez-la refroidir et glacez-la avec
une cuiller de bois que vous trempez de temps en temps dans la
glace et que vous promenez ainsi partout. Quand elle est bien
glacée et égouttée, dressez-la surfin très-grand plat. Garnissez-
la alors de six petits poulets glacés, de quatre perdreaux* farcis
de leurs foies et cuits à la broche , de douze pigeons naissants
cuits dans un blanc et achevez de la faire cuire dans une bonne
essence où vous aurez cuit huit belles truffes entières. Entre-
mêlez les pigeons, les poulets, les perdreaux et les truffes, versez
par-dessus une grande essence de bon goût avec le jus de deux
oranges et servez.
Carpe piquée aux crêtes. — Prenez une carpe d'une bonne
grosseur, piquez-la, glacez-la et servez autouf un ragoût de
crêtes. Vous prenez des crêtes, vous les passez et les faites cuire
à moitié dans un blanc que vous faites en prenant une cuillerée à
bouche de farine que vous délayez avec du bouillon ; mettez-y la
moitié d'un citron en tranches , du sel , retirez-les quand elles
sont à moitié cuites, achevez de les cuire dans une bonne essence
et servez avec un jus de citron.
Carpe piquée entière glacée^ garnie de truffes, — Écaillez, videz
une grosse carpe par le côté , faites-la piquer de l'autre et faites-
la cuire dans un*bon bouillon, un demi-setier de vin blanc, un
CARPE. 375
bouquet garni et glacez-la comme un fricandeau ; quand elle est
bien glacée, vous la dressez et servez tout auto.ur un ragoût
de truffes que vous faites en prenant des truffes que vous coupez
par tranches et que vous faites cuire dans de bon bouillon avec
un bouquet. Quand elles sont cuites, vous y ajoutez du coulis
pour que la sauce soit de bon goût et servez avec un jus de
citron.
Carpe rôtie à la broche. — Choisissez une belle carpe
laitée, habillez-la à l'ordinaire, faites une farce avec la laitance,
chair d'anguille, anchois, champignons, marrons, chapelure de
pain, oignons, oseille, persil, thym, poivre, clous de girofle et
bon beurre frais ; farcissez-en votre carpe , recousez l'ouverture ,
piquez-la de clous de girofle et de feuilles de laurier, enve-
loppez-la de papier beurré, embrochez- la. et arrosez -la en
cuisant de beurre délayé avec du verjus ou mieux encore avec
du lait chaud et du vin blanc; servez-la quand elle est cuite
et jetez dessus un ragoût de champignons, laitances, truffes,
morilles et autres choses semblables, le tout assaisonné de bon
goût.
Casserole de carpes. — Ayez un hachis préparé comme celui
dont nous avons parlé au hacf\jis de carpe ^ remplissez-en une
belle carpe proprement habillée , mettez-la cuire dans une
casserole avec du vin blanc, sel, poivre, clous de girofle, citron
vert et paquet de fines herbes.
Quand elle est cuite, dressez-la à sec dans un plat, mettez
dessus un ragoût fait avec champignons, truffes, morilles, fonds
d'artichauts , laitances , le tout passé à la casserole avec beurre
frais et bien assaisonné, et servez votre carpe pour grande entrée
avec laitances frites ou morceaux d'anguille marinée et tranches
de citron.
Pâté de carpes. — Habillez-vos carpes, lardez-les de lardons
d'anguille, assaisonnez-les de bon beurre, sel, poivre, clous de
girofle, laurier, muscade; faites une abaisse de pâte fine de la
longueur de vos carpes que vous dresserez dessus, couvrez-les d'une
autre abaisse et faites cuire à petit feu ; versez un \trr^ de vin
blanc quand votre pâté sera à moitié cuit.
Vous pouvez aussi farcir vos carpes. Comme il est dit à
376 CARRELET.
Tarticle : Carpes farcies, et le pâté étant cuit, y jeter un ragoût
d'huîtres bien dégraissé. (V. Huîtres.)
Tourte de carpes. — Choisissez une bonne carpe, écaillez-
la, 6tez-en les ouïes et fendez-la, coupez-la par tranches, faites
une abaisse d'un demi-feuilletage et foncez-en une tourtière;
faites un godiveau d'anguille, dans le fond, assaisonnez de sel,
poivre, fines épices, un peu de fines herbes, mettez votre carpe
dessus avec le même assaisonnement et un peu de beurre frais;
couvrez d'une abaisse de même pâte avec une bordure, frottez-la
d'un œuf battu et mettez cuire au four ou sous un couvercle,
feu dessus et dessous. Quand votre tourte est cuite, découvrez-la
dégraissez-la bien, jetez-y un ragoût de laitance, recouvrez et
servez chaudement.
Sauté de filets de carpes. — Tirez filets, dépouillez, coupez
en carrés , arrangez sur sautoir, faites chauffer à feu vif, retour-
nez, égouttez, dressez en miroton avec purée ou poivrade et
servez.
Langues et laitances de carpes. — Mettez dans une casserole
du beurre, des champignons, une tranche de jambon,- un bou-
quet de fines herbes et le jus d'un citron, laissez mijoter ce
ragoût quelque temps et à petit feu , joignez-y un peu de farine,
vos langues et vos laitances de carpes et un peu de bon bouillon ;
laissez bouillir le tout environ un quart d'heure, assaisonnez avec
du poivre et du sel. La cuisson faite, vous l'épaississez avec une
liaison de deux ou trois jaunes d'oeufs , d'un peu de crème et de
persil blanchi.
Quenelles de carpes. — Épluchez, préparez et hachez
anguille et carpeaux, faites-en des quenelles, avec anchois, eî
ser^'ez avec une béchamel. (V. Quenelles),
Q4spic de laitances de carpes., — Préparez votre aspic comme
il est indiqué pour les crêtes et rognons de coqs , et servez-vous
pour le remplir de laitances de carpes cuites dans un bon assai-
sonnement.
CARRELET. — Poisson de mer appelé ainsi parce que
plutôt qu'un autre il approche de la forme d'un losange dont les
angles seraient arrondis ; les yeux sont placés sur la partie gauche
de sa tête, l'ouverture de sa gueule est très-ample, le côté gauche
CARRELET. yjn
du corps est couleur cendré mêlé de noir, le côté droit est blanc;
la chair est blanche, molle, fort humide et délicate, préférable à
celle de la limande , mais s'altérant facilement par le transport.
Carrelets à la bonne eau, — Faites bouillir pendant un
quart d'heure dans trois litres d'eau salée, à la hollandaise, *
c^est-à-dire à Teau de racines de persil, servez dans un plat
creux, dans une partie de son mouillement, parez-le avec des
branches de persil blanchies ; placez près de lui une sauce hollan-
daise.
Carrelets au gratin, — Ce poisson aqueux et peu consistant
n'est vraiment bon qu'au gratin.
Mettez sur un plat un morceau de beurre frais, des fines
herbes hachées, des quatre épices ; appliquez dessus votre poisson
arrosé de vin blanc et masqué de chapelure, puis faites cuire sous
un four de campagne.
Carrelets matelote normande, — Mettez sur un plat foncé
de beurre frais, avec persil et oignons, un carrelet limoné du
dos. Versez une bouteille de cidre, ajoutez-y une ou deux
douzaines d'huîtres, une. douzaine de moules, des crevettes, et
faites cuire à feu doux. Arrosez de son jus.
N. B. Ne craignez pas, si vous voulez faire une véritable
matelote normande, de substituer le cidre mousseux au vin
blanc; c'est cette substitution qui lui donne tout son cachet.
Carrelet comme on le sert en Hollande. — Coupez un
carrelet dans sa longueur ; puis ces deux moitiés en six ou huit
parties dans le sens opposé; faites cuire à l'eau de sel avec,
persil , et dressez sur un plat foncé d'une serviette.
Passons à sa sauce, que vous servirez pour conserver sa .
couleur locale, non pas dans une grande saucière d'argent, mais
dans un bol du Japon, ou dans une jatte de la Chine.
Épluchez de l'oseille , et ne gardez que les feuilles ; mettez-
les dans une passoire que vous plongerez deux fois dans l'eau
bouillante, et vous ferez ajouterez ces feuilles blanchies à
2ÇO grammes de beurre frais que vous ferez fondre au bain-marie.
Filets de carrelets à la Orly. — Levez les filets de quatre
petits carrelets, faites mariner dans du jus de citron, avec sel et
gros poivre; de leurs arêtes et de leurs débris, tirez un bon
378 CASSEROLE.
consommé fait avec du vin blanc, farinez et faites frire vos
carrelets jusqu'à ce qu'ils soient d'une belle couleur , arrosez du
consommé que vous aurez tiré des arêtes, et qui, clarifié, servira
de sauce.
Carrelets grillés, — Videz, lavez, huilez, salez, poivrez,
grillez sur chalumeau, dressez et masquez de sauce blanche aux
câpres ou de sauce brune au jus de racines avec boutons de capu-
cines au vinaigre. Enfin chapelurez afin de lier ladite sauce.
CASSEROLE. — Que serait l'art culinaire sans la casserole,
qui en est d'abord le principal ornement ? Ce qu'il était du temps
des patriarches, où la broche suffisait pour faire rôtir les viandes,
et la marmite pour les faire bouillir; mais la casserole est sans
contredit l'arme favorite, le talisman, la bonne fortune d'un cui-
sinier. Les splendides repas des Verres, des Lucullus, des Néron,
des Vitellius, des Domitien, des Apicius, ne se faisaient certes
pas sans casserole, car on ne peut penser que ces grands gour-
mands ne vivaient que de viandes rôties ou grillées et de légumes
bouillis.
En France la casserole tsX plus en honneur que partout
ailleurs; on sait que les Espagnols ne vivent que de chocolat, de
garbanços ^X de lard rance ; les Italiens de macaroni ; les Anglais
de roast beef et de pudding; les Hollandais de viande cuite au
four, dé pommes de terre et de fromage ; les Allemands de chou-
croute et de lard fumé; aussi la casserole a-t-elle fait chez nous
la réputation de plusieurs de ceux qui l'ont mise en œuvre avec
le plus de talent : les Mignot, les Robert, les Miot, les Beau-
villiers, les Véry, les Carême, etc.; et de ceux qui l'ont célébrée,
tels que les Grimod de la Reynière, les Berchoux, les Brillât-
Savarin, dont les œuvres resteront à la postérité.
Il est inutile de recommander à tout cuisinier de tenir tou-
jours bien proprement ses casseroles; la moindre détérioration
suffirait pour gâter ou affecter d'un mauvais goût les aliments
qui doivent y cuire. Les casseroles de cuivre sont les plus géné-
ralement employées dans les cuisines, à cause de leur solidité;
mais si vous ne les entretenez continuellement ou si vous y laissez
refroidir des viandes ou de la graisse, vous vous exposez au
danger d'être empoisonné.
CASSEROLE. AU RIZ 379
On donne aussi le nom de casseroles à plusieurs préparations
culinaires dont nous allons indiquer les principales.
CASSEROLE AU RIZ A LA BOURGEOISE. — Braisez
un morceau de viande cuit, égoutté, dressez-le, couvrez-le de
riz croquant avec bouillon arrosé de lard, formez une masse
demi*ronde et mettez au four afin que la croûte soit bien formée,
et servez à sec.
Casserole au ri^ à la reine. — Hachez les blancs de deux
poulardes avec champignons, cuisez^ pilez, délayez ; vous passez
cette purée avec de la béchamel travaillée de consommé de
volaille à l'essence de champignons, à Tétamine blanche, et la
mettez au bain-marie afin qu'elle devienne presque 'bouillante
sans ébullition; versez-la ensuite dans votre casserole au riz;
placez dessus en couronne, et pour servir de couvercle, six œufs
frais pochés à leau bouillante avec sel et un demi-litre de vinaigre,
placez en travers sur chaque œuf un filet mignon de poulets à
la Conti, Masquez le milieu des œufs avec un peu de béchamel,
glacez légèrement et servez.
Casserole de ri\ garnie d'un ananas formé de pommes. —
Nous empruntons à l'excellent livre de M. de Courchamps la pré-
paration de cet aliment. Vous faites cuire 360 grammes de riz de la
Caroline avec de l'eau, du beurre et du sel; le riz étant prêt, vous
le séparez en deux parties : de Tune vous formez un dôme plat
du dessus et cannelé autour, puis de l'autre partie vous formez
un second dôme, le bord évasé, afin de former la coupe. Vous
faites cuire ces deux petites casseroles au riz à four chaud et
leur donnez une belle couleur blonde; vous les videz parfaite-
ment, mais par-dessous, alors vous remplissez le dôme cannelé
avec du riz (180 grammes préparés selon la règle), et vous
mettez au milieu des pommes coupées en quartier; vous retournez
le moule sens dessus dessous sur son plat d'entremets, vous pla-
cez alors par-dessus, la coupe ; avec la pointe d'un couteau vous
ôtez le fond des deux casseroles au riz qui se trouvent Tune sur
l'autre et vous garnissez ensuite le fond et les parois de la coupe
de manière qu'elle figure un vase oîr vous placez le reste du riz
en forme d'ananas en groupant à l'entour de ce riz des quartiers
de pommes cuites dans du sucre au caramel afin de les colorer
38o CAVAILLON.
en )aune. Quand vous les aurez coupées en forme de tètes de
clous, de manière qu'ils imitent un corps d'ananas sur lequel
•vous placerez une couronne de longues tiges d'angélîque, gar-
nissez le pourtour avec des feuilles de biscuits aux pistaches. Au
moment du service, vous masquez légèrement la surface de la
croûte de la casserole au riz avec de la marmelade d'abricots bien
transparente, de même couleur que Tananas. On peut servir ce
bel entremets froid ou chaud.
CASSONADE. — Sucre non encore purifié; ce nom lui
vient de ce que les Portugais du Brésil qui la livraient au com-
merce, l'apportaient dans des caisses qu'ils appelaient casses. La
cassonade ne diffère du sucre en poudre que par son état pulvé-
rulent et sa moins grande pureté, elle contient une certaine quan-
tité de mélasse qui la rend oléagineuse; la cassonade, quoique
contenant moins de sucre pur que le sucre en pain, a une saveur
plus sucrée, cette saveur vient de sa dissolubilité qui permet
à toutes ses molécules d'agir à la fois sur Torgane. du goût; le
sucre, et surtout le sucre pur étant moins soluble, n'a qu'une
action successive qui paraît moins intense. II est important de
l'avoir aussi pur que possible, car l'usage de la cassonade trop
impure cause des dévoiements qu'on ne sait souvent à quelle
cause attribuer.
CAVAILLON. — A vingt-cinq kilomètres sud-est d'Avignon.
Restes d'un arc de triomphe. Melons d'hiver renommés.
On présume que la ville de Cavaillon n'est citée ici ni pour
sa position sur la Durance, ni pour son voisinage d'Avignon, ni
pour son arc de triomphe, mais pour ses melons, non pas d'hiver,
mais verts, renommés.
Un jour je reçus une lettre du conseil municipal de Cavail-
lon, lequel me dit que, fondant une bibliothèque et désirant la
composer des meilleurs livres qu'il pourrait se procurer, il me
priait de lui envoyer deux ou trois de mes romans qui, dans mon
esprit, tiendraient la première place. J'ai un fils et une fille, je
crois les aimer également; j'ai cinq ou six cents volumes, je crois
éprouver pour eux tous une sympathie à peu près égale; je
répondis à la ville de Cavaillon que ce n'était pas un auteur qu'il
fallait faire juge du mérite de ses livres; que je trouvais tous mes
CAVE. î8i
livres bons, mais que je trouvais les mdons de CavaiUon excel*
lents ; que, par conséquent, j'allais envoyer à la ville de Cavaillon
une collection complète de mes œuvres, c'est*à«-dire quatre ou cinq
cents volumes, si le conseil municipal voulait me voter une rente
viagère de douze melons verts.
Le conseil municipal de Cavaillon, je dois le dire, me
répondit poste pour poste que ma demande avait été accueillie à
l'unanimité et que je me trouvais avoir une rente viagère, la
seule selon toute probabilité q\ie j'aurai jamais.
Il y a une douzaine d'année que je jouis de cette rente, et,
je dois le dire, elle n'a jamais manqué une fois d'arriver à l'époque
où les melons verts, un peu en retard sur les autres, entrent dans
leur maturité; or je ne sais pas si le conseil municipal de Cavail-
lon a l'obligeance de ^aire un choix parmi ses melons et de
m'envoyer ceux qu'il croit les meilleurs, mais je répète que je
n'ai jamais rien mangé de plus frais, de plus savoureux et de
plus sapide que les melons de ma rente. Je n'ai donc qu'un désir
à émettre, c'est que mes livres aient toujours pour les Cavaillon-
nais le même charme que leurs melons ont pour moi ; c'est à la
fois une occasion qui se présente d'exprimer à mes bons amis de
Cavaillon toute ma recoimaissance, et de désigner à toute l'Eu-
rope leurs melons comme les meilleurs que je connaisse.
CAVE. — Une cave soigneusement organisée doit être à la
fois sèche et fraîche, l'air ne doit y pénétrer que par de faibles
issues, le soleil, dont les rayons méritent notre hommage au dehors,
le soleil, qui a d'abord été adoré par les peuples comme le Dieu de
l'univers parce qu'il faisait naître et mûrir tous les dons de
la nature, est funeste pour la cave. Un gourmand expérimenté
ne fait point grâce à ses rayons, il les condamne à un éternel
exil.
On trouve ces préceptes déjà suivis dans l'antiquité ; on doit
au célèbre architecte Mazois la description de la maison de
Scaurus.
Voici ce qu'il dit de la cave :
« Du côté du nord sont les cellce vinariœ où l'on conserve
les vins de toute espèce qui, selon certains plaisants, comptent
plus de consulats que les ancêtres de Scaurus n'en ont vu à eux
382 CAVE.
tous. Ces caves tirent leilr jour du côté du septentrion et du levant
équinoxial; cette exposition est choisie de préférence afin que les
rayons solaires ne puissent, en échaufFant le vin, le troubler et
l'affaiblir. On a soin qu'il n'y ait près de cet endroit ni fumier, ni
racines d'arbres, ni aucune chose fétide. On en éloigne aussi les
bains, les fours, les égouts, les citernes, les réservoirs, dans la
crainte que leur voisinage n'altère le goût du vin en lui commu-
niquant une mauvaise odeur. Scaurus, qui a plus de soin de sa
cave que de sa réputation, fréquente volontiers les hommes les
plus corrompus de Rome; mais il ne souffrirait pas que rien de
ce qui peut corrompre son vin approchât des murs de son cellier;
il pensa une fois faire divorce avec sa femme parce qu'elle avait
visité cet endroit dans un moment où elle était indisposée comme
les femmes ont coutume de l'être; ce qui pouvait, selon lui, faire
aigrir ses vins précieux. Il porte si loin l'attention à cet égard,
qu'il fait parfumer avec de la myrrhe, non-seulement les vases
pour donner bon goût au vin, mais même le local tout entier.
« La cave de Scaurus est renommée, il est parvenu à y ras-
sembler trois cent mille amphores de presque toutes les sortes
de vins connues; il en a de cent quatre-vingt-quinze espèces
différentes qu'il soigne d'une manière particulière; rien n'est
négligé, la forme des vases a été soumise à certaines observa-
tions, et les amphores trop ventrues y sont proscrites.
« Au-dessus des caves, ou plutôt des celliers, sont les maga-
sins pour les provisions, recevant aussi la lumière du septentrion,
afin que le soleil ne puisse, en y pénétrant, faire éclore les
insectes qui dévorent les grains. »
Après avoir vu comment était aménagée la cave d'un gour-
mand antique, voyons comment doit s'aménager la cave d'un
gourmand moderne.
Le nombre des espèces de vins que doit contenir la cave d'un
amateur n'est pas limité, mais une sage prévoyance, la science
de l'âge auquel le vin doit être bu, doivent allier le luxe à
l'économie; il n'y a que quelques espèces qui doivent être amon-
celées en grande quantité, beaucoup d'autres ne doivent figurer
qu'en nombre suffisant pour la consommation de quelques années.
Malheur au buveur ignorant qui entasse dans sa cave les ton-
CAVE.
î83
neaux de bourgogne et de Champagne; ces vins qui n'ont que
peu d'années à vivre, doivent être bus aussitôt qu'ils ont atteint
leur maturité; leur dégénérescence est rapide, le bourgogne
aigrit, le Champagne graisse. En général, les vins blancs sont
d'une conservation difficile, on ne doit s'approvisionner qu'au
fur et à mesure des besoins, mais le bordeaux, les vins méridio-
naux et les vins d'Espagne peuvent et doivent être conservés
longtemps, parce que la vieillesse est leur principal mérite; ceux-
là doivent s'élever en tas énormes, les espèces encore trop jeunes
seront cachées sous les piles d'autres vins, afin qu'elles ne repa-
raissent que lorsqu'elles auront été longtemps oubliées; alors
elles se produiront sur la table dans des bouteilles murées d'une
triple couche de tartre, et si l'amphitryon, poussé par un noble
orgueil, s'écrie comme Horace : « Voilà du vin de l'époque de
ma naissance, Mummius étant consul , » un rire sardonique ne
circulera pas parmi les convives, et Ton ne prendra pas ces
paroles pour une gasconnade.
Voici la liste des vins dont la cave d'un amphitryon de nos
jours doit être garnie :
Aï.
Carbonnieux.
Coulanges.
Alicaiite.
Chablis.
Esparron-Lazerme.
Anjou.
Chambertin.
Falerne.
Arbois.
ChamboUe.
Fley.
Aubigny.
Champagne rouge.
Florence.
Auxerre.
Champagne blanc ti-
Frontignan.
Avallon.
sane.
Grave.
Barzac.
Chassagne.
Grenache.
Beaugency.
Château-Grille.
Guigne.
Beaune.
Chàteau-Margaux .
Haut-Brion.
Bellay.
Château-Neuf.
Haut-Villiers.
Benicarlo.
Chio.
Hermitage.
Bordeaux.
Chypre.
Irancy.
Bougy.
Clos-Vougeot.
Joigny.
Brue.
CoUioure.
Julna.
Bucella.
Constance.
Jurançon rouge
Cavello.
Condrieu.
blanc.
Cahors.
Cortone.
Lachainette.
Calabre.
Coteaux de Saumur.
Lacryma-Christi.
Calon-Ségur.
Côte -Rôtie rouge et
La Ciotat.
Canaries.
blanc.
I.aflfîte-Mouton.
Cap de Bonne-Espérance
Côte Saint-Jacques.
I.aflfîte-Sëgur.
ou
384
CAVE.
La Gaude.
La Malgue.
La Neïthe.
Langon.
Lunel.
MâcoQ.
Madère.
Malaga.
Malvoisie de Madère.
Malvoisie de Sitges.
Malvoisie de Tënériffe.
Mëdoc.
Mercurey.
Meursaulc.
Miés.
Monte-Fiascone .
Monte-Pulciano .
Mondlla.
Moutrachet.
Moulin-à-Vent.
Muscat de Frontignan.
Muscat de Rivesaltes.
Nuits de Rivesaltes.
(Eil-de-perdhx.
(Eras.
Orléans.
Pajaret.
Paille.
Paphos.
Pedro Xi menés.
Perpignan.
Picoli.
Picrry.
Piquepouille.
Pomard.
Porto.
Pouilly-Fuisse.
Rancio.
Reuilly.
Richebourg.
Rivesaltes.
Romanée-Conti.
Romanée.
Rosée.
Rota.
Roussillon.
Sancerre Fuisse.
Samos.
Saint-Amour.
Saint-Emilion.
Saint-Estève.
Saint-Georges.
Saint-Julien.
Saint- Julien du Sault.
Saint-Martin.
Saint-Péray.
Savigny.
Schiras.
Sercial.
Sétural.
Sillery.
Syracuse.
Sauterne.
Stancho.
Terrats.
Tavel.
Thorins.
Tokai.
Tonnerre.
Torremilla.
Val de Pégnas.
Vauvert.
Vermanton.
Vermouth.
Verzi-Verzenay.
Volnay.
Vosne.
Vougeot.
Vouvray blanc.
Xérès.
On sait au reste que les anciens ne préparaient pas leurs
vins de la même façon que nous ; ils ignoraient Fart de la fer-
mentation, et faisaient cuire leurs vins avec du sucre. Cela les
conservait, mais leur donnait une apparence de sirop qui devait
bien vite émousser la soif; ils ne connaissaient au reste en vins
romains que le Falerne, le Massique et le Cœcube ; en vins grecs,
ils connaissaient le Chypre, le Samos, le Santorin et le Ténédos;
mais sans doute, dès cette époque, le gâtaient-ils comme ils font
aujourd'hui, en mettant dans leurs amphores des pommes de
pins, sous prétexte que cet arbre avait fourni le thyrse de
Bacchus.
Les Grecs modernes ont malheureusement conservé cette
habitude, ce qui rend leurs vins impossibles à boire à tout autre
qu'à des Grecs.
On trouve quelque chose d'analogue en Espagne, 06 le vin
CAVIAR. 385
serait excellent, si on ne renfermait pas dans des peaux de boucs
qui lui communiquent une odeur à laquelle les étrangers ne
peuvent s'habituer.
CAVIAR (sorte d'esturgeon). — J'ai assisté pendant un mois
à la pêche du caviar sur les bords de la mer Caspienne, dans toute
la longueur de son rivage, qui s'étend de l'Oural au Volga. Rien
de plus curieux que cette pèche , où Ton détruit en six semaines
ou deux mois des milliers de poissons du poids de 300 livres, et
de la taille de douze à quinze pieds; on en trouve dans le Danube
qui ont jusqu'à vingt pieds de long; ils viennent de la mer Noire,
et remontent pour frayer jusqu'à Bade. La chair du caviar a une
saveur délicate, qualité fort rare dans les poissons cartilagineux ;
il est. facile de la faire prendre pour de la chair de veau ; mais nous
devons avouer que les nations modernes n'ont pas pour cette chair
l'enthousiasme qu'avaient les peuples anciens, qui non-seulement
couronnaient ce poisson de fleurs , mais encore ceux qui le ser-
vaient, et qui l'apportaient sur la table au son des flûtes. Au
rapport d'Athénée, on regardait en Grèce l'esturgeon comme le
meilleur plat du festin. Ovide a dit de lui :
Esturgeon, pèlerin des plus illustres ondes.
On le trouve dans l'Océan , dans la Méditerranée , dans la
mer Rouge, dans tous les grands fleuves. Au xvi' siècle, il était
si commun en Provence, qu'il ne valait qu'un sou la livre. L'es-
turgeon grandit et s'engraisse dans les fleuves , où il trouve la
tranquillité, la température et les aliments qui lui conviennent.
En Russie, où on en fait les pêches les plus nombreuses, on les
prend au moment où ils essayent de remonter le Volga et
r Oural.
D'après la manière dont on prend ce poisson, on peut se faire
une haute idée de son intelligence : on ferme les fleuves avec des
barricades , ce qui est d'autant plus facile que les fleuves n'ont
pas de profondeur. Les esturgeons viennent par troupe de mille
ou deux mille pour remonter les fleuves; ne pouvant y réussir,
ils se promènent de long en large devant l'embouchure , où l'on
a tendu des espèces de gros hameçons suspendus à des traverses
386 CAVIAR.
et flottant à deux pieds, trois pieds, quatre pieds sous l'eau.
Quelques-uns de ces hameçons sont amorcés, mais cela ne m'a
jamais paru nécessaire; les esturgeons, en allant et en venant,
s'accrochent à un obstacle qu'ils veulent forcer, Tobstacle leur
entre dans la chair et ils sont pris. Des hommes qui se promènent
en bateau entre les sillons que forment les poutres placées trans-
versalement sur le fleuve, recueillent les esturgeons qui sont
pris. Quand la barque est pleine, on la conduit à l'abattoir, véri-
table abattoir, où l'on assomme à coups de marteau , à coups de
masse, deux ou trois mille esturgeons par jour. L'animal, quoi-
que très-fort et pouvant renverser d'un coup de queue l'homme
le plus robuste, ne fait aucune résistance; il pousse seulement
un cri lorsqu'on lui arrache la moelle épinière; il fait un .bond
de quatre ou cinq pieds de haut et retombe mort. Avec cette
moelle épinière, que l'on appelle visigha, on fait des pâtés fort
estimés. Mais ce qui est plus estimé que le pâté à la moelle épi-
nière , ce sont les milliers d'œufs que l'on recueille pour faire le
caviar (car on appelle particulièrement caviar une préparation
d'œufs d'esturgeon); privés d'air, les œufs se conservent quelque
temps dans leur fraîcheur. Outre ceux-là, que l'on expédie le
jour même où ils ont été enfermés dans des barils pareils à nos
barils de poudre de huit, de quinze et vingt livres, il y en a
encore qu'on prépare à demi-sel et à sel entier, qu'on envoie à
leur heure.
Les esturgeons arrivent à un développement énorme. En
1769 on pécha un de ces poissons qui avait 20 mètres de long, qui
pesait 1^155 kilogrammes, et Ton en tira 3,030 kilogrammes
d'œufs; le calcul fait, on suppose qu'il y en avait 30,412,860.
Henri Cloquet dit qu'on en pêche souvent du poids de 1,400 kilo-
grammes et peuvent atteindre une longueur de 13 mètres.
La pêche d'hiver a lieu en janvier, et se fait avec un grand
cérémonial; c'est celle-là que j'ai vue; le jour en est fixé à l'as-
semblée publique. Des lettres de convocation sont adressées, on
se réunit sur la place avant le jour; on nomme un chef qui,
avant le départ, passe les pêcheurs en revue^ ainsi que leur arme-
ment, qui consiste en un crochet d'acier fixé à une longue per-
che; au lever du soleil, deux coups de canon donnent le signal
CÉLERI. 387
de se mettre en route, c'est à qui arrivera le premier à la meil-
leure place ; une décharge de mousqueterie annonce le commen-
cement de la pèche. Mais, à notre grand étonnement et à celui
des pêcheurs, nous ne trouvâmes, en arrivant au rivage, ni le
Volga ni la mer Caspienne pris; mais au contraire toutes les
préparations de la pèche d'été, qui avait continué, quand on avait
vu que le froid ne prenait pas. C'est donc une pèche d'été que
j'ai racontée, parce que c'est une pèche d'été que j'ai vue.
CÉLERI. — Le céleri est la plante dont les anciens se cou-
ronnaient dans leurs repas, pour neutraliser la puissance du vin;
les anciens l'appelaient ache; la langue italienne s'en est empa-
rée et de ache a fait céleri. « Remplissons les coupes de ce vin
de Massique qui ûdt oublier les maux, dit Horace, tirons les
parfums de ces larges pompes, et qu'on se hâte de nous faire des
couronnes d'ache et de myrte. »
Salade de céleri. — Le céleri plein , tendre et frais , mangé
en salade et assaisonné avec du vinaigre aromatique, avec de
l'huile de Provence et un peu de moutarde fine, est vraiment
délicieux; il réveille l'action de l'estomac, donne de l'appétit et
une sorte d'alacrité qui se prolonge pendant quelques heures.
Ragoût de céleri. — Vous faites cuire du céleri haché comme
de la chicorée ou des épinards, vous l'assaisonnez de sel, de
poivre, de muscade et de bon bouillon, vous le servez avec des
croûtons dorés ; vous pouvez même , si vous êtes un peu friand ,
placer sur un lit bien douillet quelques ortolans ou quelques
filets de perdreaux rouges; essayez de ce plat, vous en serez peut-
être satisfait. (Dictionnaire des plantes usuelles du docteur
Roques. )
Céleri au Jus, à la bonne femme. — Nettoyez des pieds de
céleri en enlevant toutes les feuilles dures et vertes , coupez les
pieds d'égale longueur, faites blanchir; roux léger ; passez-y le
céleri, mouillez de bouillon. Sel, gros poivre, musca4e râpée.
Le céleri cuit, liez la sauce avec du jus ou du beurre.
Céleri frit à la bourgeoise. — Après avoir épluché et blan-
chi votre céleri (surtout choisissez pour le faire frire du céleri
bien plein ) , rognez les feuilles très-près de la racine , et fendez
les pieds.
388 . CEPHALOPODE.
Céleri à la crème. — Épluchez du céleri, coupez-le comme
il est dit à Tarticle : Qâsperges aux petits pois. Faites blanchir
et égouttez dans une passoire; passez-le dans la casserole avec
un morceau de beurre; saupoudrez d'une pincée de fécule,
mouillez avec du consommé; cuit, réduit, liez de jaunes d'œufs
délayés dans la crème, avec muscade, et servez garni de croû-
tons.
Céleri au velouté. — Epluchez, lavez, coupez, faites blan-
chir, salez et beurrez; après cuisson, faites rafraîchir, coupez
votre céleri à dix centimètres de long, mettez au feu avec beurre,
sel, poivre, muscade; mouillez avec du velouté du bouillon,
faites réduire et servez avec croûtons glacés.
9
CEPHALOPODE. — Les céphalopodes sont des mollus-
ques du plus haut rang. Empruntons les détails qui le con-
cernent à Texcellent livre de M. Meunier : Les grandes pêches.
Figurez-vous un sac musculeux, épais, mollasse, visqueux,
sphérique chez les uns, cylindrique ou en fuseau chez les autres,
et de couleurs changeantes comme le caméléon.
Renfermez-y des organes de respiration aquatiques, un appa-
reil circulatoire , un tube digestif, y compris un estomac compa-
\ rable au gésier des oiseaux.
Surmontez ce sac d'une tête ronde, munie de deux gros yeux
situés, latéralement, entre lesquels débouchera un petit tube
représentant non pas un nez, mais Tanus ( au milieu du visage ! )
Sur le sommet et au milieu de cette tête, placez une bouche
formée d'une lèvre circulaire, armée de deux mâchoires verticales
cornées ( un véritable bec de perroquet) et garnie à l'intérieur
d'une langue hérissée de pointes. Enfin, tout autour de cette
bouche, implantez une couronne d'appendices charnus, souples,
vigoureux, rétractiles, quelquefois beaucoup plus longs que le
corps, et le plus souvent armés à leur face externe de deux rangs
de ventouses.
Vous avez une idée approximative des céphalopodes, ainsi
nommés depuis Cuvier, parce qu'ils ont les pieds sur la tête, car
les appendices que nous venons de décrire sont des pieds ou des
bras, comme on voudra, vu qu'ils servent indifféremment à la
préhension et à la locomotion.
CÉPHALOPODE. 389
Ces céphalopodes, comptent parmi les plus anciens habitants
de la mer ; les masses nerveuses groupées autour du tube digestif
dans leur tête percée verticalement, tendent à se réunir en une
seule masse, ce qui est un trait de ressemblance avec les animaux
vertébrés; leur infime cerveau est protégé par un cartilage, rudi-
ment de squelette sur lequel s'insèrent les principaux muscles; la
circulation a du rapport avec celle des poissons; chez quelques-
uns les yeux sont presque des yeux de vertébrés. Ces caractères
leur assignent le premier rang parmi les mollusques, et la noblesse
d'une antique origine ne leur manque pas davantage, ils datent
des temps antédiluviens. Tous sont marins et carnassiers, les
uns habitent la haute mer, les autres ne s'écartent point des
côtes ; celles de la Méditerranée, celles de la Grèce surtout en
sont infestées ; ils font un grand massacre de crustacés et de pois-
sons ; leur domicile se reconnaît aux débris d'êtres vivants qui
en jonchent les approches ; ils nuisent doublement aux pêcheurs,
d'abord en leur faisant concurrence, ensuite en faisant fuir les
animaux pour qui leur voisinage est malsain. Les pêcheurs se
vengent d'eux en les mangeant, vengeance en général d'assez
mauvais goût, culinairement parlant.
Voulez-vous vous représenter les céphalopodes, rampant,
nageant ou saisissant leur proie, renversez l'image qu'a offerte à
votre esprit la description qui précède ; la bouche redressée verti-
calement, la tête en bas, les bras étendus, vous donnent le poulpe
(les calmars et les seiches se tiennent horizontalement). Tous
rampent en appliquant sur le sol leurs bras armés de ventouses;
c'est de la même façon qu'ils saisissent leur proie, leur étreinte
est irrésistible; la victime enlacée et comme aspirée, a bientôt
senti la morsure du redoutable bec de perroquet dont ces longs
appendices sont les pourvoyeurs. Il y a des exemples d'hommes
morts de ce supplice.
L'abondance des poulpes sur certains points du littoral de la
Grèce, en rend la fréquentation dangereuse pour les baigneurs;
dans les îles de la Polynésie, ils sont l'effroi des plongeurs. C'est
que leur taille est souvent très-grande; le poulpe commun de la
Méditerranée est long d'environ o",64 cent, et il en existe une
espèce trois fois aussi grande jdans l'océan Pacifique.
390 CEPHALOPODE.
Aristofe parle d'un calmar long de 5 coudées (2'',7i). Pline va
plus loin et décrit un poulpe dont les bras avaient jo pieds de
long. Un auteur moderne renchérit et raconte le cas d'un cépha-
lopode qui, s'étant jeté sur un nanre, manque de le feire sombrer.
A partir de ce moment, le poulpe géant fut mis par les natura-
listes de niveau avec le serpent de mer.
Des découvertes récentes les ont cependant convaincus qu'il
existe des céphalopodes dont la taille dépasse de beaucoup celle
que les Traités de zoologie assignent aux animaux de cette classe.
Ainsi Péron a rencontré dans les parages de la Tasmanie un
calmar dont les bras avaient 6 à 8 pouces de diamètre et ti à 7
pieds de long. MM. Quoy erGaymard ont recueilli dans l'océan
Atlantique, près de l'équateur, les débris d'un mollusque de la
même famille dont ils évaluent le poids à plus de 100 kilo-
grammes. Dans les mêmes eaux, Rang en a rencontré un de
couleur rouge qui était de lagrosseur d'un tonneau. M. Streens-
trup (de Copenhague) a publié d'intéressantes observations sur
un céphalopode auquel il a donné le nom i'cérckiteuthis
dux et qui fut rejeté en 1853 sur le rivage du Jutland; le corps,
dépecé par les pêcheurs pour servir d'amorce à leurs lignes,
fournit la charge de plusieurs brouettes; le pharynx, qui a été
conservé, a le volume d'une tête d'enfant, un tronçon de bras
montré à M. Duméril, a la grosseur de la cuisse. Enfin, en 1860,
M. Harting a décrit et figuré plusieurs parties d'un animal gigan-
tesque du même genre qui se trouvent dans le musée d'Utrecht.
Mais toutes ces observations le cèdent de beaucoup en intérêt à
celle qui a été communiquée àl'Académie des sciencesà la fin de
l'année 1861 et que nous allons rapporter.
Le 30 novembre de l'année susdite, à deux heures de l'après-
midi, l'aviso à vapeur \'c4lecton. commandé par M. Bouyer,
lieutenant de vaisseau, se trouvant entre Madère et TénérifFe, à
40 lieues dans le nord-est de cette dernière île, fit la rencontre
d'un poulpe monstrueux qui nageait à la surface de l'eau.
Cet animal mesurait de ; à iS mètres, sans compter huit bras
formidables, longs de i'°,8o environ et couverts de ventouses,
qui couronnaient sa tête. Sa couleur était d'un rouge brique, ses
yeux à fleur de tête avaient un développement prodigieux et une
/
CÉPHALOPODE. 391
excellente fixité. Sa bouche pouvait offrir o"*,5o. Son corps fusi-
forme et très-renflé vers le centre présentait une masse dont le
poids a été estimé à plus dé 2,000 kilogrammes. Ses nageoires,
situées à lextrémité postérieure, étaient arrondies en deux lobes
charnus et d'un très-grand volume.
« Me trouvant, écrit M. Bouyer, en présence d*un de ces
êtres bizarres que TOcéan extrait parfois de ses profondeurs,
comme pour porter défi à la science, je résolus de l'étudier de
plus près et de chercher à m'en emparer. »
Aussitôt, il ordonna de stopper. En toute hâte, les fusils
furent chargés, un nœud coulant disposé, les harpons préparés.
Malheureusement une forte houle qui imprimait à Vo^lectony
dès qu'elle le prenait en travers, des roulis désordonnés, gênait
les évolutions, en même temps que l'animal, presque toujours à
fleur de Teau, se déplaçait avec une sorte d'intelligence et
semblait vouloir éviter le navire; mais celui-ci le suivait tou-
jours.
Aux premières balles qu'on lui envoya, le monstre plongea,
passa sous le navire et ne tarda pas à reparaître à Tautre bord, en
agitant ses grands bras; on le frappa d'une dizaine de^balles, plu-
sieurs le traversèrent inutilement. L'une d'elles produisit plus
d effet, car il vomit aussitôt une grande quantité d'écume et de
sang mêlé à des matières gluantes qui répandirent une forte
odeur de musc.
Ce fut alors qu'on parvint à Vaccoster d'assez près pour lui
lancer un harpon avec un nœud coulant, mais la corde glissa le
long du corps élastique du mollusque, et ne s'arrêta ^que vers
l'extrémité à l'endroit des deux nageoires. On tenta de le hisser
à bord; déjà la plus grande partie du corps se trouvait hors de
l'eau, 'quand l'énorme poids de cette masse fit pénétrer le nœud
coulant dans les chairs et sépara la partie postérieure qui, amenée
à bord, pesait une vingtaine de kilogrammes.
a Officiers et matelots me demandaient, dit le commandant
de Vo^lecton^ à fiiire amener un canot, à aller garrotter l'animal
et à l'amener le long du bord. Ils y seraient peut être parvenus,
mais je craignais que, dans cette rencontre corps à corps, le
monstre ne lançât ses longs bras garnis de ventouses, sur les bords
39a CEPHALOPODE.
du canot, ne le fît chavirer et n'étouffât peut-être quelques mate^
lots dans ses fouets redoutables.
« Je ne crus pas devoir exposer la vie de ces hommes pour
satisfaire à un sentiment de curiosité, cette curiosité eût-elle la
science pour base, et, malgré la fièvre ardente qui accompagne
une pareille chasse, je dus abandonner l'animal mutilé qui, par
une sorte d'insrinct, semblait fuir avec soin le navire, plongeait
et passait d'un bord à Tautre quand nous l'abordions de nouveau.
Cette chasse n'a pas duré moins de trois heures.
M. S. Berthelot, rapporte qu'ayant interrogé de vieux
pêcheurs canariens, ceux-ci lui ont déclaré avoir vu plusieurs fois
vers la haute mer de grands calmars rougeâtres de 2 mètres et
plus de long, dont ils n'avaient pas osé s'emparer.
Cependant malgré les dimensions respectables du poulpe
rencontré par M. Bouyer, la réalité cède ici à la fable.
« Les pêcheurs norvégiens, raconte Pontoppidan, évêque de
Berghem, affirment tous sans la moindre contradiction dans leurs
récits, que lorsqu'ils poussent au large à plusieurs milles, parti-
culièrement pendant les jours les plus chauds de l'année, la mer
semble tout à coup diminuer sous leurs barques, et s'ils jettent
la sonde, au lieu de trouver 80 ou 100 brasses de profondeur,
il arrive souvent qu'ils en trouvent à peine 30. C'est le Kraken
qui s'interpose entre les bas-fonds et l'onde supérieure. Accou-
tumés à ce phénomène, les pêcheurs disposent leurs filets, certains
que là abonde le poisson, surtout la morue et la lingue, et ils
les retirent richement chargés, mais si la profondeur de l'eau va
toujours diminuant, et si ce bas-fond accidentel et mobile remonte
les pêcheurs n'ont pas de temps à perdre, c'est le serpent qui se
réveille, qui se meut, qui vient respirer l'air et étendre ses larges
plis au soleil. Les pêcheurs font alors force de rames, et quand,
à une distance raisonnable, ils peuvent enfin se reposer avec
sécurité, ils voient en effet le monstre qui couvre un espace d'un
mille et demi de la partie supérieure de son dos. Les poissons
surpris par son ascension sautillent un moment dans les creux
humides formés par les protubérances de son enveloppe exté-
rieure, puis, de cette masse flottante sortent des espèces de
pointes ou de cornes luisantes qui se déploient et se dressent.
CÉPHALOPODE. 393
semblables à des mais armés de leurs vergues. Ce sont les bras
du Kraken, et quels bras ! Telle est leur vigueur, que s'ils saisis-
saient les cordages d'un vaisseau de ligne, ils .le feraient infailli-
blement sombrer. Après être resté quelque temps sur les flots,
le monstre redescend avec la même lenteur et le danger n'est
guère moindre pour le navire qui serait à sa portée, car en s'affaîs-
sant, il déploie un tel volume d'eau qu'il occasionne des tour-
billons et des courants aussi terribles que ceux de la ûimeuse
rivière Maie (le Maëlstrom). »
Ellen nous montre ailleurs le poulpe donnant à son corps la
couleur du rocher sur lequel il repose. Le fait du changement de
couleur est réel; c'est un des traits les plus curieux de l'histoire
de ces animaux. Il a été observé à Nice avec soin par M. Vérant
sur des individus du genre Élédone. Quand elle dort, l'élédone
est d'un gris livide en dessus, vineux en dessous avec des taches
blanches. Éveillée, mais tranquille, elle est jaunâtre, sts yeux
sont largement ouverts, sa respiration est régulière. Lorsqu'elle
marche elle est d'un gris perlé avec des taches lie de vin. Lors-
qu'elle nage^ elle est d'un jaune clair livide avec de très-petits
points rougeâtres et des taches claires. Enfin, si on l'irrite, et
rien n'est plus aisé, il suffit de la toucher même légèremçnt,
elle prend une belle couleur marron, se couvre de tubercules,
contracte les yeux, lance par son entonnoir une colonne d'eau
qui peut jaillir à un mètre de distance, en même temps sa respi-
ration s'accélère ; elle devient saccadée, irrégulière (Victor Meu-
nier).
Ce poisson que, selon les différents pays où il apparaît sur le
marché, on appelle : poulpe, pieuvre et calmar, est le régal des
Napolitains. Il se pêche avec une ligne particulière qui s'appelle
la palingolle. C'est un bout de ficelle auquel pendent de petits
morceaux de drap rouge, ce drap rouge cache des hameçons ; on
les lait danser devant les yeux du calmar, qui s'élance après eux
et les saisît avec son bec de perroquet.
Il est probable que le nom calmar leur vient de l'italien et
surtout de la liqueur noire qu'ils ont la faculté de répandre
autour d'eux au moment d'être pris. En Italie on appelle Cala-
mayo un encrier.
394 CEPES FRANCS.
Cet affreux mollusque, si hideux à voir, se mange cependant,
comme nous l'avons dit, et particulièrement à Naples ; on le fait
cuire dans l'eau avec une sauce aux tomates, mais plus souvent
encore, on le fait cuire d'abord et frire ensuite. Nous avons voulu
manger nous-même du calmar pour nous rendre compte de
cette chair qui ressemble énormément à de loreille de veau
frite.
Diogène le Cynique mourut, dit-on, pour avoir voulu manger
un calmar cru.
CÈPES FRANCS. — Champignons d'un volume considé-
rable, ayant leurs chapiteaux tombants et réguliers ; leur surface
est sèche, entr'ouverte profondément, leurs tiges fortes enflées du
bec, leur substance blanche, légère, leur parfiim suave, et
leurs qualités bonnes, dit*on, en font distinguer deux espèces
principales : le cèpe franc à la tête rousse, et le cèpe franc à
la tète noire. Le cèpe franc, tète rousse, est sec de consistance;
cependant il cède à la pression du doigt, sa chair est fine, déli-
cate, de bon goût, d'une odeur agréable; elle ne change |)as au
contact de l'air: on le trouve en septembre, en octobre dans les
beaux environs de Paris, on le conserve très-bien en le séchant ;
on le fait revenir dans l'eau chaude. En Hongrie on en fait des
sauces et des coulis. Le cèpe franc est chaud et aphrodisiaque;
on ne doit jamais oublier de couper cette plante, et si elle change
de couleur au contact de l'air, il ne faut pas en faire usage.
Le Cèpe franc tête noire est un champignon haut d'environ
quatre pouces ; le chapiteau a quatre centimètres d'épaisseur
et quatre centimètres de diamètre; sa couleur devient marron
foncé, sa substance est sèche, douce au toucher, d'un parfum
très-suave et de la saveur des bons champignons; c'est l'espèce la
plus répandue dans le nord et dans les parties tempérées de
l'Europe; il est très-recherché ; on l'apprête comme l'espèce ci-
dessus.
C'est particulièrement dans le Midi et dans les environs de
Bordeaux que se recueille cet excellent champignon ; seulement,
comme on ne le fait pas sécher comme à Gênes ou en Italie,
comme il a ou que l'on croit qu'il a d'excellente huile, on le
vend enfermé dans des boîtes de fer-blanc.
CERISE. 39^
Ne vous laissez prendre ni aux prospectus imprimés ni au
boniment oral : les cèpes de Bordeaux se gonflent dans Thuile,
deviennent de véritables éponges auxquelles il. est impossible de
rendre leur fermeté première; il en résulte que, soit sur le gril,
soit frits, de quelque façon qu'on les fasse cuire, enfin, ils devien-
nent presque impossibles à manger.
Cèpe franc tête noire. — Ce cryptogame ne se trouve pas
seulement dans les environs de Bordeaux : ceux de la forêt de
Compiègne sont pleins de saveur parce qu'ils naissent dans
Tombre des hautes futaies; c'est surtout en août qu'ils pullulent.
Voici la recette dont j'ai moi-même constaté l'excellence :
Coupez les queues, hachez-les, ajoutez persil haché, mie de
pain, échalotes, beurre frais, une pointe d'ail haché; faites un
pâté de tout, assaisonnez, sel, poivre et un peu de piment, gar-
nissez le dessous de vos cèpes, jetez un peu de mie de pain
dessus, gratinez à four chaud et servez. (Recette Vuillemot.)
On peut les faire à la provençale, sautés à l'huile d'olive,
persil, ail hachés ; faites bien rissoler, ajoutez un peu de glace
de viande et sevez bien chaud .
CERISE. — Fruit rouge à noyau du cerisier. Ce fruit est
aqueux et acide. Si on le consomme en petite quantité , il ajoute
à l'estomac un complément utile de sucs aqueux, de sels alcalins
et de matières sucrées.
Un poëte didactique, l'excellent cuisinier J. Rouyer, décrit
dans les vers suivants les différentes variétés de cet excellent
fruit :
Les gobets de Montmorency
Sont originaire» d'Asie ;
Ce fruit rouge du cerisier ^
Fut importé de Cérisonte
Par LuculJus, gourmand-guerrier,
Lequel (l'histoire le raconte),
Pour la cerise j en sa saison,
Alla combattre Mithridate,
Roi , fameux mangeur de poison ! . . .
Oui , de l'antique Rome , date
La cerise dans nos desserts :
Mais, jusqu'à nous, l'arbre-trophée
396 CERISE.
A vu chaque branche a greffée » ,
Se produire en genres divers :
A part la merise sauvage ^
Pour le kirschwasser en usage ,
Et qui reste aux importateurs ;
Nous, de la cerise -aigriotte^
Pour tourte y gelée et compote,
Nous pouvons nous dire inventeurs.
Que rapidement je désigne
Pour ratafia, cassis ^liqueur.
Cette espèce noire , la guigne.
Quant à celle en forme de cœur,
(Le bigarreau , dur, indigeste),
Elle recèle un ver... Au reste,
On vous la croque à belles dents.
Sans jamais regarder dedans!...
Soupe aux cerises, — C'est un entremets sucré, d'un bon
usage. On saute des cerises noires entières avec leurs noyaux,
dans des cubes de mie de pain , préalablement sautés au beurre.
On mouille, on sucre, on arrose de kirsch, on sert avec le sirop
et les croûtes.
Soupe aux cerises à V allemande, — Nous ne citons que pour
mémoire ce détestable plat de cerises écrasées et de noyaux piles
le tout férocement épicé , noyé de vin et servi froid.
Compote de cerises, — Faites cuire vos cerises entières, la
queue à moitié coupée, dans de l'eau sucrée ; parfumez de fram-
boise et servez avec le jus. {V, Compote.)
Cerises à Veau-de-vie. — Pour cette préparation univer-
sellement connue , écoutons encore les enseignements lyriques de
M. Rouyer :
GohetSj dont la queue est petite,
Et qu'il faut raccourcir encor.
Sont dans Veau-de-vie un trésor.
En bocal , ranger tout de suite.
Noyé de spiritueux pur j
Le fruit qu'on a choisi peu mûr.
Jusqu'à deux doigts du bord; puis, vite.
Boucher très -fortement avec
Liège, parchemin et ficelle;
Placer le bocal en lieu sec...
Après deux mois, qu'on le descelle
CERNEAUX. 397
Pour la simple opération
D'y verser du sucre en liquide ,
Afin de combler tout le vide
Qu'a fait Tévaporation ;
Et qu'encor le bocal on bouche
Pour les huit jours d'infusion ;
Surtout, qu'aucune main n'y touche
Avant la dé^station !
tt Les cerises , dit le célèbre chimiste Payen , se conservent
bien lorsqu'on peut les soumettre à une cuisson et à une évapo-
ration rapide, en contact avec 25 à 33 centièmes de leur poids
de sucre. Les préparations ainsi obtenues non -seulement sont
agréables à manger et se conservent bien, surtout dans les endroits
secs, mais encore elles sont plus nourrissantes et plus salubres en
raison du sucre qu'elles contiennent, car le sucre constitue l'un
des meilleurs aliments réparateurs, et en augmentant la masse
de substance solide, il rend d'autant moindre la proportion
d'acide, à poids égal de substance alimentaire. »
CERNEAUX. — Une chose excellente et tout à fait inconnue
hors de France, c'est les cerneaux; je dis tout à fait incpnnue
parce que les cerneaux ne sont bons qu'à la condition qu'on les
fera d'une certaine façon. Un proverbe de bonne femme dit :
a A la Madeleine, les noix sont pleines,
« A la Saint-Laurent on regarde dedans. »
Quelques jours après la Saint-Laurent, c'est à dire après
le 10 août, ou même quelques jours auparavant si l'année a été
hâtive; ouvrez les noix, si les cerneaux sont parfaitement formés,
si la liqueur qui doit les fournir est à l'état de l'amande, c'est le
moment de les détacher des noix.
Vous ouvrez les noix , vous les détachez d'un mouvement cir-
culaire du couteau ; vous les laissez tremper dans un saladier
plein d'eau, dans laquelle vous aurez mis une légère dissolution
d'alun en poudre qui conservera à la chair de vos noix sa blan-
cheur; puis, quand il y en a le nombre que vous en désirez, vous
les lavez en les passant dans un tamis ou dans une passoire
pour que l'eau puisse s'échapper, puis vous les remettez dans un
saladier.
Prenez alors. Ne jetez pas les hauts cris. Prenez alors une
398 - CERVELAS,
poignée de sel de cuisine, jetez*là sur vos cerneaux, hachez aussi
fines que possible deux échalotes, jetez-les sur vos cerneaux;
pilez dans un petit pilon ou de marbre ou de fonte une grappe
de verjus, quand elle vous aura donné un demi-verre de liqueur,
versez ce demi-verre de liqueur sur vos cerneaux, retournez-les
non pas comme on retourne la salade, c'est à dire avec une
cuiller et une fourchette; mais par un simple mouvement du
plat qui fait venir ceux qui sont dessus, dessous, et qui fait passer
ceux qui sont dessous, dessus; prenez vos cerneaux un à un,
trempez-les dans leur jus, sucez d'abord, épluchez et mangez.
Je n'ai rencontré dan$ aucun pays du monde qu'à Paris , et
encore rarement, des cerneaux assaisonnés de cette façon,
CERVELAS. — Espèce de boudin ou saucisson gros et court,
fait avec de la chair de cochon hachée, assaisonnée de sel, poivre
et une pointe de rocambole. Le cervelas de cochon a, du reste,
toutes les mauvaises qualités de la chair de cet animal, et la façon
dont on l'apprête le rend encore plus indigeste. On en fait
aussi avec de la chair de poisson; ceux-là sont moins indigestes,
mais les épices, entrant pour beaucoup dans leur composition,
ils ne sauraient être un aliment salutaire, surtout si Ton en fait
un fréquent usage.
Cervelas à la ménagère. — Dépouillez de ses nerfs et de ses
membranes de la chair de cochon, hachez-la en y mêlant une quan-
tité égale de lard, ajoutez-y persil, ciboules, thym et basilic
piles, sdi et fines épices; mêlez le tout ensemble et formez-en des
petites masses ovales que vous enveloppez avec de la crépine après
les avoir aplaties et ficelées par les deux bouts.
Les saucisses rondes se préparent de la même manière, avec
cette difi^érence qu'on les entonne dans des intestins de volaille
bien nettoyés, au lieu de les envelopper avec de la crépine.
Pendez vos cervelas à la cheminée pour les faire fumer pen-
dant trois jours, faites-les cuire ensuite dans le bouillon pendant
trois heures avec sel, une gousse d'ail, du thym, du laurier, du
basilic et un bouquet de persil et ciboules, laissez-les refroidir
et servez au besoin.
Cervelas de Milan. — 3 kilogrammes de chair dé porc maigre,
500 grammes de bon lard, 120 grammes de sel, 30 grammes de
CERVELAS. 399
poivre, hachez le tout, mèlez-le bien ensemble, ajoutez-y un litre
de vin blanc et 500 grammes de sang de porc avec 15 grammes
de cannelle et girofle piles et mêlés, et des morceaux en manière
de gros lardons que Ton fait de la tète de porc qu'il faut sau-
poudrer de ces -épices et larder dans les cervelas en les finissant;
faites cuire et servez.
Gros cervelas appelé saucisson de Lyon. — Que la chair du
cochon soit maigre et courte; ajoutez moitié de filet de bœuf et
autant de lard ; hachez le cochon et le filet et pilez-les, coupez
le lard en dé et mêlez-le de manière qu'il soit réparti également,
assaisonnez avec sel, poivre fin, poivre concassé moyen et gros
poivre entier, nitre, ail et échalotes, pétrissez le tout et laissez
reposer pendant vingt-quatre heures, prenez ensuite de gros
boyaux lavés à plusieurs eaux, emplissez-les du mélange ci-dessus,
fermez-leSet ficelez-les; mettez-les dans un saloir avec sel et sal-
pêtre pendant huit jours; faites-les sécher à la cheminée. Quand
ils sont devenus blancs, c'est-à-dire qu'ils sont assez secs, vous
resserrez les ficelles et vous les barbouillez d'une composition de
sauge, de thym et de laurier que vous avez fait bouillir avec de
la lie de vin. Secs, on les enveloppe de papier et on les conserve
dans la cendre.
Cervelas à trancher et pour garnir. — Hachez de la chair
de cochon bien tendre et entrelardée avec du persil et un peu
d'ail, assaisonnez de sel et épices mêlés; emplissez de ce mélange
des intestins de grosseur convenable, faites cuire pendant deux ou
trois heures et conservez au sec.
Cervelas mortadelles dits saucisson de Bologne. — Hachez
de la chair de porc grasse et maigre, ajoutez du sel, du poivre
entier, autant de vin blanc et de sang qu'il est nécessaire pour lier
la pâte, mêlez le tout ensemble, pétrissez-le, remplissez-en des
boyaux en serrant fortement, faites les cervelas de la longueur
que vous voulez, nouez-les aux deux bouts , faites-les sécher à
l'air ou à la fumée.
Cervelas maigres à la bénédictine. — Hachez anguilles et
carpes avec beurre frais, persil, ciboules hachées, échalotes, ail,
sel, épices fines, œufs; prenez des boyaux de poisson bien nettoyés,
emplissez-les de votre farce, faîtes-les/umer à la cheminée pen-
400 CHAMPIGNON.
dant trois jours, et mettez-les cuire dans du vin blanc avec oignons
et racines aromatiques.
Cervelas de plusieurs façons. — On procède comme ci-dessus^
on ajoute de plus des truffes, des pistaches, des échalotes hachées
ou des oignons ; on les passe sur un feu un peu ardent, on les
incorpore dans leur enveloppe et on procède comme pour \^$
autres.
CHAMPIGNON. — Nom générique d'un grand nombre de
plantes spongieuses^ cryptogames, en chapiteau, sans branches
ni feuilles. Les champignons croissent dans les lieux humides ; il
y en a beaucoup de vénéneux; les bons sont eux-mêmes capables
d'intoxiquer légèrement les personnes quij comme l'empereur
Claude ou le Trimalcion de Pétrone, seraient tentés d'en feire
abus.
Champignons à la bordelaise. — Prenez les plus gros cèpes
que vous pourrez, préférez les plus secs, les plus épais et les plus
fermes, surtout qu'ils ne soient pas vieux cueillis; laveX-les,
égouttez-les, ciselez légèrement le dessous en losange, mettez-les
dans un plat de terre, arrosez-les d'huile fine, saupoudrez-les
d'un peu de sel et de gros poivre, laissez mariner deux heures,
faites-les griller d'un côté. Leur cuisson achevée, ce dont vous
jugerez facilement s'ils sont flexibles sous les doigts, dressez-les
sur votre plat à servir, saucez-les avec la sauce suivante :
Mettez dans uiie casserole de l'huile en suffisante quantité
pour saucer vos champignons, hachez très-fin dans votre huile du
persil, de la ciboule, une pointe d'ail; faites chauffer le tout,
saucez -en vos champignons, pressez le jus de deux citrons ou
arrosez-les de verjus, ce qui vaudrait mieux.
Champignons à la bordelaise sous la tourtière. — Préparez
ces champignons comme les précédents, laissez-les mariner une
heure ou deux dans de l'huile fine, du sel, du poivre et un peu
d'ail ; hachez les queues et les parures de vos champignons, pres-
sez-les dans un linge pour en ôter l'eau, mettez-les dans une
casserole avec de l'huile, du sel, du gros poivre, du persil, de la
ciboule hachée et une pointe d'ail. Passez ces fines herbes un
instant sur le feu, posez vos champignons sens dessus dessous sur
la tourtière , mettez dans chaque une portion de ces fines herbes.
CHAMPIGNON. 401
faites cuire vos champignons ainsi préparés dans un four ou sous
un four de campagne, avec feu dessus, feu dessous. Leur cuisson
faite, dressez-les sur le plat, saucez-les avec l'assaisonnement dans
lequel ils ont cuit, exprimez dessus le jus d'un citron, arrosez*
les d'un filet de verjus et servez.
Champignons à la tourtière. — Comme ceux à la bordelaise,
posez-les sur votre tourtière, assaisonnez-les d'un peu de sel et
de gros poivre, passez vos fines herbes dans du beurre au lieu
d'huile, garnissez-en vos champignons, faites-les cuire, soit au
four, soitsous un four de campagne; leur cuisson faite, dressez-les
sur votre plat, arrosez-les de l'assaisonnement dans lequel ils ont
cuit, exprimez dessus le jus d'Un citron et servez.
Croûtes aux champignons. — Tournez, faites cuire, mettez
dans une casserole avec un morceau de beurre, un bouquet de
persil et des ciboules, posez votre casserole sur un fourneau,
sautez, singez d'une pincée de farine, mouillez au consommé-
bouillon, faites partir, laissez mijoter, assaisonnez de sel, de gros
poivre et d'un peu de muscade râpée, prenez de la croûte d'un
pain râpé, beurrez, mettez sur un gril, sur une cendre rouge,
laissez sécher ainsi, liez les champignons avec des jaunes d'œufs
délayés dans de la crème, versez un peu de sauce dans le creux
de votre croûte, dressez et servez.
Croûtes aux morilles. — Épluchez, fendez, lavez, faites
blanchir, égouttez, mettez à la casserole vos morilles avec beurre,
persil, ciboules, passez-les sur le feu, sautez, farinez, mouillez
avec consommé, faites cuire, réduisez, supprimez le bouquet,
liez avec jaunes d'œufs délayés, sucrez et servez avec garniture de
truffes noires. (Voir l'article Cèpes.)
Qévis. — J'avoue que rien ne m'effraye plus que l'apparition
de champignons sur une table, surtout lorsque je me trouve par
hasard dans une petite ville de province. Je vois cet entrefilet
dans un journal :
tt Hier M. X., sa femme et sa fille aînée ayant été se pro-
mener dans la forêt de , en ont rapporté un plat de champi-
gnons qu'ils ont mangé à leur diner; ce matin le mari et la
femme étaient mort empoisonnés , et l'on désespérait de leur
fille. I)
a6
4oa
CHAPON
Le grand malheur de rempoisonnement par les champignons,
c'est que, quand les premiers symptômes d'intoxication se font
sentir, il est déjà trop tard, Taliment vénéneux étant déjà à moitié
digéré.
Il n'existe donc pas, à proprement parler, de contre-poison
pour les champignons vénéneux ; on commencera par administrer
un vomitif, puis, si le vomitif n'agit pas suffisamment, on donnera
un purgatif doux : 30 grammes d'huile de ricin, 60 grammes de
manne, des lavements avec de la casse, 60 grammes, sulfate de
soude et de magnésie, 1 5 grammes ; on donnera en outre quelques
cuillerées d'une potion éthérée avec de l'eau de fleur d'oranger;
pendant ce temps le médecin arrivera et appréciera la situation.
CHAPELURE. — Croûte de pain râpée qui se vend chez
tous les épiciers, et qui, unie à de fines herbes, à du sel et à de
la muscade, sert à couvrir les côtelettes, les jambons, etc.
CHAPON. — Nous avons déjà dit dans notre préface que
c'était les habitants de l'île de Cos qui avaient appris aux Romains
l'art d'engraisser les volailles. Dans les lieux clos et sombres la
profusion qui s'en faisait à Rome obligea le consul Caïus Fanius
à rendre une loi qui défendait d'élever les poules dans les rues.
Que firent alors les Romains pour éluder la loi ? ils apprirent
à châtrer des coqs qu'ils élevèrent comme des poules. Ainsi
nous devons l'introduction des chapons sur les tables modernes
à la défense faite aux Romains de manger des poulardes.
Chapon au gros sel. — Ayez un chapon, videz, flambez,
épluchez, troussez les pattes en dedans, bridez, bardez et faites-le
cuire dans le consommé; égouttez, dressez, salez, saucez au jus
de bœuf réduit et servez.
Chapon au ri:(. — Préparez comme ci-dessus ; faites blan-
chir environ 375 grammes de riz, égouttez-le, mettez dans la
marmite, mouillez le tout avec deux cuillerées à pot de consommé,
faites partir et couvrez, laissez mijoter sur la paillasse, ayez soin
de remuer de temps en temps votre riz. La cuisson faite, dressez,
dégraissez votre riz, finissez d'assaisonner avec beurre, sel, gros
poivre, un peu de réduction, si vous en avez, et masquez-en votre
chapon.
Chapon aux truffes. — Préparez comme ci-dessus ; videz par
CHAPON.' 403
la poche, épluchez environ un kilogramme de bonnes truffes,
haches -en quelques-unes, coupez par dé et pilez environ
500 grammes de lard gras, mettez-le dans une casserole avec vos
truâès, du sel, du poivre, un peu de muscade râpée et des fines
épices, faites mijoter environ une demi-heure, laissez refroidir,
remplissez-en votre chapon jusqu'à la poche, et cousez-la, bridez-
le, les pattes en long, conservez-le, et si vous pouvez attendre deux
ou trois jours, bardez-le, embrochez-le après l'avoir enveloppé
d'un papier, faites-le cuire à peu près une heure et demie, débal-
lez-le si vous l'employez pour relevé, supprimez la barde, servez-
le à la peau de goret et mettez dessous une sauce aux trufiès.
(Voir l'article Sauces aux truffes.) Cette recette est honorée de
l'approbation de l'excellent Villemot.
Chapon à Vindienne ou en pilau. — Après avoir troussé un
chapon les pattes en dedans, vous le bridez ; mouillez une casse-
role avec du bon consommé , couvrez-la d'une barde de lard et
mettez-y votre chapon, joignez-y 350 grammes de riz bien lavé
quand vous verrez votre chapon aux trois quarts cuit; retirez- le
ensuite, quand vous verrez que le grain de votre riz ne se délayera
pas; égouttez votre chapon, dressez-le sur un plat, mettez autour
votre riz, safrané et pimenté.
Chapon poêle à la cavalière, — Videz, parez, bridez un
chapon, mettez-le au feu avec bouillon, oignons, carottes, céleri
et bouquet d'herbes; laissez cuire une heure, égouttez et servez
dans une purée d'écrevisses, ou purée de tomates aux anchois, ou
sauce Robert à la moutarde, ou crème à la Béchamel aux huîtres,
ou sauté de champignon, etc;, etc.
Kari de chapon à l'indienne^ — Dépecez un ou plusieurs
jeunes chapons, faites-les dégorger vingt minutes, épongez-les
bien dans un linge, assaisonnez-les, hachez quelques oignons
bien fin , beurrez grassement votre casserole ; couchez vos chapons
les membres en dedans, ajoutez un bouquet garni, faites suer
quinze minutes, jusqu'à réduction complète d'humidité, en ayant
soin toutefois de ne pas laisser prendre trop de couleur k votre
volaille; ajoutez ensuite les oignons hachés que vous avez pré-
parés , faites passer le tout à feu doux sans obtenir couleur ,
égouttez-les de leur graisse, ajoutez quelques cuillerées de
404 CHARCUTERIE.
sauce suprême ou velouté de volaille ; à défaut de cette sauce,
vous pouvez en faire une de la façon suivante : lorsque votre
chapon et vos oignons seront à revenir, ajoutez dans la casserde
quelques cuillerées de farine et du bon bouillon sans que votre
sauce soit trop consistante. Laissez cuire le tout pendant vingt
minutes ou plus suivant la tendreté de votre volaille ; quand la
cuisson sera parfaite, faites dissoudre dans un vase quelconque
deux ou trois cuillerées de poudre de Kari à Tindienne, soit avec
du consommé froid , soit avec de Teau , versez cette dissolution
dans votre fricassée et laissez cuire encore un moment afin qu'elle
s'imprègne dans toutes les parties de votre chapon et retirez vos
membres ; passez la cuisson à travers une étamine, faites réduire
jusqu'à consistance d'une bonne allemande, ajoutez-y un bon
morceau de beurre fin , afin d'en corriger l'âcreté et passez après
avoir goûté si c'est de bon goût, relevez bien le tout, et dressez
dans un grand plat d'entrée.
Pendant ces préparations, faites cuire à l'eau de sel seule-
ment 500 grammes de riz de la Caroline, à grande eau surtout;
faites-le bouillir pendant 12 ou 15 minutes sans discontinuer,
égouttez-le, mettez dans un plat un fort morceau de beurre fin,
faites sauter votre riz et mettez-le sécher à l'étuve ou au fbur
à température modérée , de façon à le bien faire goutter de
toutes les eaux que le riz contient et à le faire gonfler. Il doit
après ces opérations se détacher grain par grain, et vous le servez
avec votre kari dans un autre vase; vous pouvez aussi, si cela
vous plaît, passer votre riz au beurre noisette. (Recette de
M. Verdier, Maison d'Or.) .
CHARBONNEES. — Oa donne ce nom aux morceaux d'un
petit aloyau tiré des fkusses côtes tendres ; on les fait cuire sur le
gril après les avoir saupoudrées de chapelures et trempées dans
une marinade, vous les faites cuire à la braise en les dressant sur
une purée de haricots rouges au vin de Bourgogne eu un ragoût
des quatre racines au jus. Vous pouvez aussi les servir à la maître
d'hôtel.
On donne aussi le nom de chârbonnées à des tranches
maigres de veau, de porc et de venaison.
CHARCUTERIE. — J/art de préparer la chair de porc.
CHARLOTTE. 405
On fait à la charcuterie les honneurs d'une foire, que l'on
appelle Foire aux jambons et qui a lieu à Paris dans la semaine
sainte; son nom lui vient de ceux qui l'exercent et qu'on appela
chaircuitier (cuiseur de chair) et depuis charcutier. Les produits
qu'ils tirent du cochon, cet animal immonde, dont depuis les
pieds jusqu'à la tète tout est bon , sont immenses : jambon , sau-
cisson, saucisses, pieds, hure, hachis, oreille, langue, couenne,
fromage de cochon , fromage d'Italie , lard , boudin , petit salé ,
côtelettes , etc.
La vente du porc n'est exclusive aux charcutiers que
depuis 1475 î ^^ ^^5 ^ réunirent en communauté; par leurs
statuts, que confirma un édit du roi, la vente du porc cuit leur
fut attribuée , mais cette vente devait cesser pendant le carême,
et alors ils pouvaient la remplacer par celle du hareng salé et
du poisson de mer ; aujourd'hui on trouve chez la plupart des
charcutiers un grand nombre de mets froids dont la base est le
veau , la volaille et le gibier et dans lesquels la chair de porc
n'entre que comme accessoire.
Comme la charcuterie ne se fait qu'avec du cochon, nous
indiquerons à cet article les différentes, manières de le préparer
et de le servir.
CHARLOTTE. — Plat d'entremets à la crème et aux
fruits.
Charlotte de pommes aux confitures. — Coupez des pommes
en morceaux après les avoir pelées et en avoir retranché les
cœurs, faites-en une marmelade, après avoir ajouté du sucre à
peu près le tiers des pommes , un peu de cannelle en poudre et la
moitié d'un zeste de citron, laissez réduire cette marmelade.
Coupez des tranches de pain le plus mince possible, les
unes en carré long, les autres en triangle , trempez-les dans le
beurre tiède, couvrez le fond d'une casserole beurrée avec les
triangles et revêtissez les bords de ladite casserole avec les carrés
longs, jusqu'à la hauteur à laquelle vous voulez la remplir et
mettez au milieu de cette marmelade une forte cuillerée de gro-
seille framboisée ou de confitures d'abricots.
La casserole préparée, vous y mettez de la marmelade de
pommes , bien unie par-dessus et panée avec de la mie de pain
4o6 CHARLOTTE.
trempée dans du beurre, la casserole mise sur des cendres rouges,
vous couvrez avec un four de campagne un peu chaud ou un
couvercle sur lequel vous mettez du feu et laissez prendre une
belle couleur.
Charlotte de poires à la vanille. — Pelez des poires de
Messire Jean, àtez les cœurs, coupez-les en morceaux, et les
mettez avec un verre d'eau dans une casserole que vous couvrez,
faites-les cuire jusqu'à amollissement, écrasez, tamisez, ajoutez du
sucre, une gousse de vanille pilée sous marbre et faites cuire.
Charlotte de poires à la Condé. — Comme ci-dessus, en y
ajoutant vingt-quatre petits citrons chinois. (Façon de Provence.)
Charlotte d'abricots. — Prenez vingt-quatre abricots de plein
vent un peu rouges et pas trop mûrs; vous coupez chacun d'eux
en huit quartiers après avoir ôté la pelure, sautez-les ensuite dans
une casserole avec 120 grammes de sucre fin et 60 grammes de
beurre tiède pendant dix minutes à petit feu; foncez la Charlotte
comme celle aux pommes d'api , versez-y les abricots bouillants,
recouvrez la Charlotte et faites-la cuire jusqu'à coloration blonde,
puis glacez de marmelade d'abricots et servez.
Charlotte de pêches. — Vous opérez comme ci-dessus après
avoir coupé vingt pêches de vigne un peu fermes, que vous faites
blanchir dans un sirop ; quand elles sont égouttées, vous coupez
chaque moitié en trois quartiers d'égale grosseur et vous les
sautez dans la casserole avec 120 grammes de sucre en poudre et
60 grammes de beurre tiède. Vous versez cette marmelade dans
la charlotte que vous avez foncée comme la précédente, vous la
dressez sur le plat en la masquant dessus et autour avec le sirop
qui vous a servi à cuire le fruit et vous servez.
Procédez de même pour les charlottes de prune de reine-
Claude et de mirabelle.
Charlotte de pommes d'api. — Epluchez quatre-vingts
pommes d'api, coupez-les par petits quartiers minces, sautez- les
dans une grande casserole avec 120 grammes de sucre en poudre
et autant de beurre tiède, ajoutez le zeste d'une orange ou d'une
bigarade jaune. Placez ensuite les pommes couvertes sur un feu
modéré et sautez -les de temps en temps, afin de les cuire bien
également et le plus entières possible. Mêlez un pot de belles
CHARLOTTE. • 407
cerises égouttées de leur sirop. Pendant qu^elles cuisent, vous
coupez la mie d'un pain mollet de i kilog. avec un coupe-racine
de 18 millimètres de diamètre; trempez ces colonnes de mie dans
du beurre tiède et garnissez-en le fond et le tour de votre moule.
Versez les ponimes dans la charlotte, couvrez -les de mie de
pain trempée dans du beurre, et un peu avant de la servir, met-
tez-la au four gai ou sur des cendres rouges et entourez-la de
braises ardentes. Après une demi-heure de cuisson, vous observez
la charlotte, si elle est colorée bien blonde, vous la renversez
sur un plat, sinon, vous renouvelez le feu jusqu'à ce qu'elle soit
cuite; enlevez alors le moule, masquez légèrement la charlotte
avec un doroir imbibé de marmelade d'abricots, de gelée de
ponunes ou de groseilles rouges et donnez -lui une physionomie
brillante*
On glace le moule avec du sucre en poudre avant de s'en
servir; mais il est préférable de le beurrer, parce que le sucre
est susceptible de donner en cuisant une couleur trop foncée à
la charlotte. {Recette de M. de Courchamps,)
Charlotte russe au café. — Foncez un moule d'entremets
uni avec des biscuits à la cuiller, faites infuser 100 grammes
d'excellent café dans un litre de lait et laissez cette infusion une
heure dans un endroit chaud. Mettez 8 jaunes d'œufs et 3 hec-
togrammes de sucre en poudre dans une casserole; mettez 25 gr.
de grenetine tremper dans l'eau froide, passez la crème sur les
œufs et le sucre, mêlez parfaitement et faites lier sur le feu.
Lorsque votre crème est liée, égouttez la grenetine, mettez -la
dans le moule et remuez jusqu'à ce qu'elle soit dissoute, passez
ensuite au tamis et faites prendre sur la glace. Ajoutez 15 déci-
litres de crème fouettée ferme, emplissez votre moule, et couvrez
la charlotte d'un plafond glacé, laissez une heure dans la glace
et servez.
Charlotte russe aux amandes grillées. — Hachez des
amandes, faites fondre du sucre en poudre, mêlez vos amandes au
sucre et pralinez-les au feu. Mettez-les sur un couvercle et lais-
sez refroidir; pilez-les ensuite, passez-les dans un tamis fin pour
en ôter la crème, mélez-les dans une casserole avec des jaunes
d'œufs et du sucre, finissez et servez comme ci-dessus.
4o8 • CHARTREUSE.
Charlotte froide à la Brunoy. — Émincez des biscuits et
garnissez*en un moule uni en faisant dans Tintérieur plusieurs
compartiments , remplissez de confitures diverses , couvrez votre
charlotte avec du biscuit, renversez-la sur un plat et servez.
Charlotte à la crème ^ dite à la russe ou à la Richelieu. —
Arrangez des biscuits à lacuillerau fond et autour d'un moule que
vous remplissez de la composition suivante : délayez des jaunes
d'œufs avec de la crème, mettez-y infuser deux pincées de fleur
d oranger pralinée, ;oignez-y 125 grammes d'amandes douces et
4 amères que vous aurez bien pilées; jetez cette composition dans
la crème bouillante , mettez-y du sucre en poudre , posez le tout
sur un feu très-doux et remuez jusqu'à ce que vous la voyiez
s'épaissir, mais qu'elle ne bouille pas , cela ferait tourner les
œufs, passez-la ensuite dans une étamine ou un tamis.de soie,
laissez-la refroidir, mettez-la dans une sarbotière, faites-la gla-
cer en y adjoignant un fromage fouetté à la Chantilly et quelques
filets très-déliés d'écorces de cédrat confis et d angélique.
Charlotte aux macarons d'avelines. — Préparez d'abord la
crème aux macarons ( v. cet article ) , faites-la prendre , et quand
vous la voyez commencer à se lier et devenir coulante, vous y
amalgamez une assiettée de crème fouettée ; vous couvrez le fond
d'un moule uni avec des macarons aux avelines, vous en placez
d'autres le long du moule et vous remplissez les vides avec des
fragments de macarons. Versez de la crème dans la charlotte
pour contenir les macarons du tour, placez-en d'autres dessus,
remettez de la crème, et, votre charlotte bien garnie, vous la
glacez et la servez au bout d'une heure.
Charlotte aux gaufres de pistaches. — Coupez des gaufres
aux pistaches de la hauteur de votre moule en leur donnant
cinq centimètres et demi de largeur, roulez-les en petites
colonnes, garnissez-en le tour du moule en les plaçant droites.
Masquez le fond de votre moule avec des gaufres coupées en
carrés, allongées et pliées en cornets de façon à foncer la char-
lotte partout; garnissez-la ensuite de crème fouettée à la liqueur,
placez à la glace pendant une heure, renversez et servez.
CHARTREUSE. — M. Carême a décidé que la grande-
chartreuse était la reine des entrées modernes] mais nous allons
CHARTREUSE.
409
laisser parler cet illustre professeur, attendu que nous n'avons
pas, à beaucoup près, autant d'éloquence que lui.
« La grande-chartreuse ne doit contenir, comme on sait,
que des légumes et des racines, mais elle ne saurait être parfaite
que dans les mois de mai, juin, juillet et août, saison riante et
propice, où tout se renouvelle dans la nature et semble nous
inviter à apporter de nouveaux soins dans nos opérations, par
rapport à la tendreté de ces excellentes productions. Les détails
minutieux de la Chartreuse sont à peu près les mêmes que pour
les pâtés chauds de légumes, c'est pourquoi je passerai rapide-
ment sur la description de cette entrée. »
Chartreuse à la parisienne, en surprise, — Faites cuire huit
belles truffes bien rondes dans du vin de Champagne ou sous la
cendre; quand elles sont froides, vous les épluchez, les coupez
dans leur plus grande longueur; parez ensuite légèrement une
centaines de queues d'écrevisses dont vous formez une couronne
au fond d'un moule beurré ; vous placez vos colonnes de truffes
parées sur vos queues d'écrevisses, de façon qu'elles forment une
espèce de bordure grecque ou méandre , vous y joignez des filets
mignons de poulets que vous avez fait roidir dans le beurre et
proprement parés, et pour faire pendant à la couronne de queues
d'écrevisses qui se trouve sur le fond, vous placez sur le haut de
votre chartreuse une autre couronne de queues d'écrevisses , de
façon qu'elle s'en trouve entourée, ce qui est d'un effet char-
mant.
Hachez ensuite les parures de vos truffes, masquez-en une
première fois le fond du moule, puis masquez-le de nouveau
avec soin de quenelle de volaille un peu ferme, à la hauteur
d'un centimètre et demi , vous masquez aussi de la même façon
votre bordure grecque. Votre moule étant ainsi garni partout,
vous mettez au milieu une blanquette de ris d'agneau ou un
ragoût à la financière ou à la Toulouse, mais en ayant soin d'y
mettre ces ragoûts à froid et de ne remplir le moule qu'à 13 mil-
limètres du bord ; mettez ensuite un morceau de papier beurré
de la grandeur de votre moule afin de le couvrir, une couche de
farce d'environ 1 3 millimètres d'épaisseur et placez ce couvercle
sur la garniture qui se trouve contenue par ce moyen ; dégraissez
4IO CHARTREUSE.
et àtez ensuite ce papier au moyen d'un couvercle de casserole
chaud que yous mettez dessus pour en faire fondre le beurre
afin d'en détacher la farce , que vous liez avec la pointe d'un
couteau à celle du tour de votre moule.
La chartreuse ainsi faite, vous couvrez le dessus d'un rond
de papier beurré, puis vous la mettez pendant une heure au
bain-marie; prête à servir, vous Tôtez du moule. Vous la dressez
^ur un plat en la masquant d'une couronne de petits champi-
gnons bien blancs entourant une rosace préparée d'avance avec
huit ifilets mignons à la Conti en forme de croissant; placez au
milieu de votre croissant un beau et gros champignon ; glacez-la,
si vous voulez, et servez.
Cette entrée est d'un très-bel effet, et d'après Carême, ce
qu'il a composé de mieux en fait d'entrée de farce.
Chartreuse de pommes. — Ayez une vingtaine de belles
pommes de reinette, pelez-les, servez- vous d'un vide-pontme un
peu moins gros que le petit doigt pour en enlever les chairs tout
autour du cœur, comme vous feriez pour extraire le cœur de la
pomme ; garnissez votre moule de ces petits montants de pommes,
et faites une marmelade avec le reste des chairs; faites en sorte
que Vos montants soient tous d'égale grandeur, faites infuser une
pincée de safran en la mettant dans un verre d'eau bouillante,
faites-en une teinture , sucrez-la , mettez-y un tiers de vos mon-
tants, retirez-les, égouttez-les. Vous faites la même opération
avec le second tiers de vos montants , dans un peu de cochenille ,
et vous faites jeter un bouillon à votre troisième tiers dans du
sirop de sucre blanc. Prenez ensuite de l'angélique en quantité
égale à l'un des tiers de vos montants; garnissez votre moule de
papier blanc et faites au fond le dessin que vous voudrez avec
vos montants verts, jaunes , rouges et blancs, coupez en liards ou
autrement, et en les entremêlant, garnissez-en aussi le tour;
remplissez votre moule de marmelade et faites cuire ; au moment
de servir, renversez votre chartreuse sur un plat, ôtez le papier
et servez.
Vous pouvez aussi faire votre chartreuse toute blanche en
trempant vos petits montants dans de l'eau mêlée avec le jus
d'un citron. {D'après Carême.)
CHASSEUR 411
CHASSELAS. — Raisin blanc fort esrimé, surtout celui de
Fontainebleau. Il y en a aussi du rouge, mais il est plus rare.
CHASSEUR. — Homme aimable, jovial, bien portant,
mangeant bien, buvant encore mieux, se couchant de bonne
heure, se levant matin, dormant toute la nuit. En général les
dames n'aiment pas les chasseurs. Tel est le portrait que trace -
des chasseurs, dans son livre du Chien cParrét^ Elzéar Blaze, Tun
des plus grands chasseurs devant Dieu qui aient existé depuis V
Nemrod.
Ce n'est pas sous ce rapport que j'examinerai le chasseur.
Vous voyez de loin dans la plaine un homme armé d'un
m
fusil et accompagné d'un chien ; s'il vous évite, c'est qu'il n'a pas
de port d'arme, pas la permission de chasser sur le terroir où il
se trouve ou pas de gibier dans sa carnassière.
Il y a chasseur et braconnier.
Chasseur qui chasse pour le plaisir et la gourmandise.
Je me rappelle dans mes premières chasses avoir chassé sou-
vent avec un fermier nommé Moquet. Quand il manquait une
perdrix, il était rare qu'on ne l'entendît pas s'écrier :
(( Sapristi! elle aurait été si bonne aux choux! »
Et quand c'était un lièvre :
« Sapristi ! il eût été si bon aux petits oignons ! »
A ce chasseur, qui chasse pour le plaisir et par gastronomie,
nous allons donner quelques conseils, non pas sur la manière de
tenir son fusil, de mettre en joue, de diriger son chien, de mar-
cher à contre-vent, de chanter un petit air si on aperçoit un
lièvre au gite, mais sur la manière de placer le gibier tué dans sa
carnassière.
La carnassière, le chasseur le sait, a deux séparations, l'une
en cuir, l'autre en filet, celle en cuir est destinée à mettre dans
les petites poches qui y sont pratiquées le port d'arme, la permis-
sion de chasse, les capsules et les lièvres, mais les lièvres seule-
ment, pas d'autre gibier.
Si la carnassière du chasseur déborde , qu'il attache tout le
menu gibier, cailles, cailletots, perdreaux, faisandeaux à l'exté-
rieur avec des ficelles passées dans les mailles ; qu'il réserve le
filet pour les perdrix , les faisans et les gros oiseaux qui ne
/
412 CHATAIÛNE.
craignent pas d'être froissés les uns par les autres ; s'il fait très-
chaud, qu'il ne mette jamais le lièvre dans le compartiment de
cuir sans Tavoir fait pisser.
Qu'il ne mette jamais la perdrix ou le perdreau dans le
compartiment de filet sans lui avoir, à Taide d'une petite bran-
che, ôté le gros intestin.
Tout chasseur qui ne sait pas comment cette opération
se pratique, se la fera apprendre par un chasseur mieux ren-
seigné.
Recommandation suprême : qu'il ne tire jamais une caille
plus près que vingt ou vingt-cinq pas , la chair de la caille essen-
tiellement délicate, déchiquetée par le coup de fusil, sMl fait chaud,
n'arrivera pas mangeable à la maison ; mieux vaut manquer une
caille, que Ton retrouvera plus tard, que de la rendre impossible à
manger.
Les Italiens, sous ce rapport, sont mieux outillés que nous.
Ils ont des carnassières dont le filet, bombé en osier, laisse passer
l'air et ne presse pas le gibier ; le chasseur n'y perd rien comme
amour-propre. Les mailles d'osier laissent voir le poil et la plume
aussi bien que les mailles de fil.
CHATAIGNE. — Fruit du châtaignier, arbre de la ikmille
des hêtres^ la châtaigne s'allie très-bien à toutes les viandes et
peut être employée comme garniture de viandes cuites à la braise;
on en introduit aussi dans toutes les farces, mais dans la saison
seulement, car elles se conservent difficilement jusqu'à la fin de
l'hiver ; cependant on peut les conserver indéfiniment après les
avoir fait sécher à l'étuve, comme cela se pratique depuis long-
temps dans les provinces et plus particulièrement dans le Limousin
où les châtaignes sont une partie considérable de la nourriture.
On en fait même du pain dans les endroits où le blé est très-rare,
mais ce pain est toujours de mauvaise qualité, pesant et difficile
à digérer.
Châtaignes à l'eau ou à la ménagère. — Mettez dans une
casserole avec de l'eau, du sel et un pied de céleri, la quantité
de châtaignes que vous voulez faire cuire, laissez-les le temps
voulu et vous aurez des châtaignes excellentes et de fort bon
goût.
CHEVREAU. 413
CHAUFROID de poulets, de perdreaux oude bécasses en pain f^ # rjni j-^ U. «^«w<
dé munition. — Poulets tendres découpés, sautés au beurre, ^.JL /u^^^*: ^y/-i>..s*'^
saupoudrés de farine, mouillés avec del'eau chaude. Assaisonner ^T^^^lilll'^^,!^^
de sel, poivre, champignons, petits oignons blancs, bouquet de *'^Tf''"',j^^^^<^'j' v*
persil. Faire cuire rapidement en agitant la casserole. Lier (^/>am.?-^^)/
ensuite avec deux ou trois jaunes çl'œufs et un jus de citron, ^**^^/*^'V^->-^<^'''^
Oter le bouquet de persil, et mettre la fricassée dans un pain eA.é^JtU^ «^ia,,..»»,»^ ,/u^
rond préalablement vidé de sa mie, par une très-petite oxxytt-Tj'^^i^ dll^:lllt'fr.7^t
ture. Refermer le pain. Laisser bien refroidir avant que d'em-;:"^* 7^ f'^^
baller le chaufroid, afin que le pain reste croustillant. Rompre «uu;^k.'^^»> >«^''(>r^l '
au moment du service cette sorte de tourte par parts. {J-Kouyer.j^^^^^^Jt;^^^^
CHEVAL, — Manger du cheval est une locution prover- / s,^.,. jii^n.z
biale qui veut dire manger une viande hyperboHquement dure :
la viande du cheval est en effet plus serrée que celle du bœuf.
Elle est rouge, huileuse. Bien que très-azotée, par conséquent
très-nourrissante, il est fort douteux qu'elle entre jamais dans
la consommation journalière. M. de Saint-Hilaire a tenté vaine-
ment jusqu'ici, par ses agapes de cheval d'installer définitivement
cet animal dans les boucheries parisiennes; il est probable que
le noble animal que l'homme associe à sa gloire militaire ne lui
servira d'aliments que dans les circonstances exceptionnelles de
blocus et de famine. Tant que le cheval ne sera point élevé,
nourri, engraissé comme le bœuf, en vue uniquement de la con-
sommation, il ne devra figurer sur la table que dans des temps
difficiles. Alors, seulement alors, identifiez le cheval au bœuf
et préparez-le comme vous voudrez ou comme vous pourrez.
CHEVREAU. — A trois ou quatre mois, le chevreau est
totalement exempt de saveur bouquetine et d'odeur capriacée.
Le chevriot des roys est ainsi décrit par Jean Leclercq :
« Estant despouillé, vuidé, nestoyé emundé trez bien, je
le faits rostir tout entier, en l'arrousant d'un bon graissage et de
vin d'épices ; et du sel à deux foix par dessus, quand je le mets
à l'astre et le sors de broche. Emmi la saulce au chevriot, ne
fault obmettre ou ménaiger les herbes fort en goust, comme
le vin vieulx d'Espaigne, le fin miel et bons onguants d oultre-
mer, avec cassepière aisgre et moustarde à la royalle. Aussi
chasqu'un m'en huschoir-il et le roy le premier, quand me voyoit
414 CHEVREUIL.
en la grand'cour : a Hola doncq, hé ! maistre Jehan, maistre
« queux, tu nous veulx doncq empifrer de bombanse et faire
c( cresver, avecq tes daulphîns chevriers d^Epiphanie, tu nous
(( sauspique et nous ards tout vifs, mon brave homme! » Et
nous de rire à ces joyeusetés, comme en disoit touts jours à ceulx
du Louvre, icelluy bon prince et grand roy Françoys, que Dieu
Tabsolve et recueille en sa gloire céleste ! »
Malgré la difficulté qu'il y aurait d'accommoder un chevreau
comme l'indique Jean Leclercq, il est resté quelque chose de sa
recette, puis qu'au )our des Rois, selon la tradition, on assaisonne
encore aujourd'hui, dans certaines provinces, le chevreau avec
de la sauge et du vin blanc sucré, auxquels on ajoute des quatre
épices.
CHEVRETTE. — Femelle du chevreuil.
On appelle aussi de ce nom une espèce de crevette, moins
recherchée cependant que la crevette vulgaire et qui s'apprête et
s'emploie de la même façon. (V. Crevettes.)
CHEVREUIL. — Petite espèce du genre cerf auquel il
ressemble beaucoup, mais il a plus d'élégance et parait plus leste
et plus vif. Le chevreuil est très-sauvage, très-difficile à appri-
voiser. On a essayé d'en apprivoiser en les prenant très- jeunes,
mais leur naturel impétueux et indépendant reparaissait à la
première occasion, et ils étaient alors sujets à des caprices dange-
reux pour les personnes qu'ils avaient prises en aversion.
On distingue Tàge du chevreuil comme celui du cerf, par le
nombre d'andouillers qui sont à ses bois. Pour que sa chair soit
tendre et savoureuse, il faut le prendre de dix-huit mois à trois
ans; sa chair est alors très-bonne, quoique sa qualité dépende
aussi beaucoup des lieux qu'il habite; les meilleurs nous
viennent des Cévennes, des Ardennes, du Rouergue et du Mor-
van. Mais la meilleure est sans contredit celle du chevrotin
ou faon de chevreuil quand ils n'ont encore que neuf ou dix
mois.
Nous allons indiquer les différentes manières de préparer ce
gibier, un des plus connus et des plus recherchés par les chas-
seurs.
Quartier de chevreuil rôti. — Faites macérer votre che-
CHEVREUIL. 41Ç
vreuil avec huile fine, vin rouge, persil, épices et quelques tran-
ches d'oignons .
Enlevez ensuite la peau du filet et celle du dehors de la
cuisse, piquez-les de lard fin ; enveloppez le quartier d'un papier
beurré ; faites cuire et servez pour grosse pièce avec une poi-
vrade.
Civet de chevreuil. — Lardez de gros lard les deux parties
de la poitrine d'un chevreuil, passez-les à la casserole avec persil
et lard fondu; puis faites-le cuire avec un bouquet de fines
herbes, sel, poivre, laurier, citron vert. Quand tout est cuit à
point, faites une sauce que vous liez avec farine frite, filet de
vinaigre, poignée de câpres et quelques olives désossées, et servez
avec des croûtons.
Gigot de chevreuil rôti. — Après avoir paré un gigot de
chevreuil et l'avoir piqué de lard fin, vous le mettez mariner
quelques heures avec du sel et de l'huile d'olive, puis vous le
laissez une heure à la broche, l'arrosant avec sa marinade, et
faites une sauce avec cette marinade et du jus d'échalotes.
Côtelettes de chevreuil. — Levez, aplatissez, marinez un
jour, faites revenir dans l'huile vos côtelettes. — Cuites et d'une
belle couleur, égouttez et servez avec une sauce poivrade ou une
sauce tomates.
Épaules de chevreuil» — Levez la chair des épaules, ôtez les
peaux, piquez comme ci-dessus, faites mariner, cuisez et servez.
(Sauce au pauvre homme.)
Filets de chevreuil sautés à la minute. — Parez, piquez,
marinez, faites sauter au beurre sur un feu vif, dressez, glacez et
servez à la poivrade.
Escalopes de chevreuil. — Vous levez les chairs de deux
épaules, àtez les peaux, coupez en escalopes, faites cuire sur sau-
toir avec du beurre fondu, sel, poivre, ail, laurier, placez vos
escalopes au moment de servir sur un fourneau un peu ardent,
retournez-les, ajoutez du beurre et garnissez le plat avec du
verjus.
Crépinettes de chevreuil. — Joignez à des chairs de chevreuil
rôties, des truffes, des champignons, de la tétine de veau; faites
réduire dans une bonne sauce, laissez refroidir le tout et amal-
4i6 CHICOREE.
gamez avec du beurre pour partager en portions à peu près
égales, que vous enveloppez de crépines^ mettez ensuite vos cré-
pinettes sur un plafond beurré, faites prendre couleur, versez
dessus en les servant une ravigote d'anchois.
Hachis de chevreuil aux œufs pochés. — Hachez des chairs
de chevreuil rôti avec des fines herbes cuites, mettez le tout
avec un peu de beurre dans une poivrade bien réduite, sans le
laisser bouillir et surmontez ce hachis avec des œufs pochés.
Émincé de chevreuil aux oignons. — Faites un roux avec
des oignons coupés en rouelles, faites-y chauffer vos tranches
de chevreuil en y ajoutant du poivre blanc et le jus d'un citron.
Chevreuil en daube. — S'il a été mariné, ne le faites macé-
rer qu'un jour et faites-le cuire environ cinq heures dans une
braise; faites réduire la sauce et passez-la au tamis; ajoutez-y
quantité suffisante de corne de cerf pour en faire une gelée^
laissez refroidir, masquez-en votre pièce de chevreuil et servez.
Cervelles de chevreuil. — (V. Cervelles de veau bt
d'agneau.
CHICORÉE. — Il y a deux genres de chicorée qui servent
de types à dix-huit ou vingt sortts^ la chicorée sauvage et la chi-
corée cultivée, vulgairement tonnue sous le nom de scarole,
La chicorée sauvage appelée aussi pisse- en-lit, à cause delà
vertu qu'elle possède de pousser aux urines, ne se mange qu'en
salade, et elle doit être choisie jeune et tendre. Nous parlerons
donc seulement de Tautre espèce, en renvoyant pour celle-ci nos
lecteurs à l'article Salade.
Ragoût de chicorée à la bonne femme. — Faites blanchir à
l'eau bouillante, mettez dans l'eau froide, égouttez, divisez,
mettez dans la casserole, mouillez avec bouillon et beurre, liez
avec farine; servez avec croûtons frits.
Chicorée au grand jus. — Prenez et faites blanchir des chi-
corées et fendez-les par le milieu avant de les avoir égouttées ;
ficelez-les, mettez-les dans une casserole avec des bardes de lard,
poivre et muscade, ajoutez des morceaux de bœuf, de veau ou
de mouton, des oignons, des carottes, un bouquet bien garni;
faire cuire feu dessus et dessous pendant trois heures; pressez-
les dans un linge blanc pour bien les égoutter, dressez-les en
CHIEN. 417
couronne sur un plat et servez-les avec les entrées que vous dési-
rerez.
Chicorée au blanc ou à la crème. — Epluchez vos chico-
rées, ôtez-en tout le vert, lavez-les à plusieurs eaux, égouttez- •
les, faites-les blanchir avec une poignée de sel et mettez-les
rafraîchir dans l'eau fraîche, hachez cette chicorée, mettez-la
dans une casserole avec du beurre, faites-la cuire un quart
d'heure pour la dessécher, versez petit à petit deux verres de
crème ou de lait réduit, ajoutez muscade râpée, sel et laissez
bien cuire le tout.
Manière de la conserver. — Après avoir épluché et lavé
votre chicorée, vous la jetez dans Teau bouillante jusqu'à ce
qu'elle soit amortie et non cuite, mettez-la ensuite dans l'eau
fraîche et faites-la bien égoutter. Mettez-la dans des pots de
grès en la foulant bien, et au bout de vingt-quatre heures reti-
rez l'eau salée qu'elle a jetée ; versez ensuite dessus de la sau- •
mure bien claire et recouvrez d'huile ou de beurre fondu.
CHIEN. — Plusieurs peuples de l'Asie, de l'Afrique et de
l'Amérique mangent la chair du chien. Les nègres même la
préfèrent à celle des autres animaux et leur plus grand régal est
de manger du chien rôti. Ce même goût se retrouve chez les sau-
vages du Canada, chez les Kamtchadales et dans les îles de
rOcéanîe. Le capitaine Cook fiit sauvé d'une maladie dange-
reuse avec du bouillon de chien. Hippocrate dit que les Grecs
mangeaient du chien et que les Romains en servaient sur les
tables les plus somptueuses; Pline assure que les petits chiens
rôtis sont excellents et qu'on les jugeait dignes d'être présentés
aux Dieux. A Rome, on mangeait toujours des chiens rôtis dans
les festins que l'on donnait pour la consécration des pontifes ou
dans les réjouissances publiques.
Or voici comment Porphyre, écrivain grec du m* siècle,
raconte l'origine de la coutume de manger du chien ;
« Un jour qu'on sacrifiait un chien, certaine partie de Ja
victime (on ne dit pas laquelle) tomba par terre, le prêtre la
ramassa pour la remettre sur l'autel; mais comme elle était très-
chaude, il se brûla. Par un mouvement spontané et naturel dans
cette circonstance, il mit ses doigts dans sa bouche et il trouva
a?
4i8 CHOCOLAT.
que le jus était bon. La cérémonie terminée, il mangea la moitié .
du chien et porta le reste à sa femme; puis, à chaque sacrifice,
ils se régalaient de la victime. Bientôt le bruit en courut dans la
Tille, chacun voulut en essayer, et en peu de temps on trouva
des chiens rôtis sur les meilleures tables. On commença par faire
cuire les jeunes chiens, qui étaient naturellement plus tendres,
puis les jeunes n'y suffisant plus, on se servit des gros.
Les bulletins de la récente expédition des Anglais en Chine
nous ont donné des détails fort curieux sur la nourriture des
Chinois; entre autres, qu'ils engraissent des chiens dans des cages
comme nous faispns de nos poulets ; ils les nourrissent de sub-
stances végétales, puis ils les mangent et les trouvent excellents.
C'est, paraît-il, un des mets les plus recherchés du Céleste-Em-
pire. On le vend dans toutes les boucheries chinoises, mais c'est
«ne friandise qui, comme nos dindes truffées, n'est réservée qu'aux
heureux du siècle, et le commun des mortels est obligé de s'en
tenir à la vue seulement.
CHIPOLATA. — Ragoût d'origine italienne dont voici la
irecette :
Prenez deux douzaines de carottes, de navets, de marrons
rôtis et d'oignons, faites cuire dans du consommé sucré; procu-
rez-vous des petites saucisses appelées chipolatesy et ajoutez-les
avec quelques morceaux de lard dans votre ragoût. Mettez le
tout dans une casserole avec des champignons, des fonds d'arti-
chauts, des tranches de céleri et quelques cuillerées de blond de
veau; faites réduire, écumez; clarifiez bien et faites-y réchauffer
des volailles ou des tendrons de veau, des cervelles de des-
serte, etc., et vous en garnissez des entrées de broche ou vous
vous en servez pour mettre sous des chapons ou autres volailles.
CHOCOLAT. — Le mot chocolat vient, croit-on, de deux
mots de la langue mexicaine : choco^ son ou bruit et atUy eau,
parce que le peuple mexicain le bat dans l'eau pour le fkire
mousser. Les dames du nouveau monde aiment, parait-il, le
chocolat à la folie et en font un usage considérable. On rapporte
que, non contentes d'en prendre chez elles à tout moment de la
journée, elles s'en font quelquefois apporter à l'église, sensualité
qui leur a souvent attiré la censure et les reproches de leurs con-
CHOCOLAT. 419
fesseurs, qui ont cependant iini par en prendre leur parti, y
trouvant leur intérêt d'ailleurs, car ces dames leur faisaient la
gracieuseté de leur en offrir de temps en temps une tasse, ce
qu'ils se gardaient bien de refuser. Enfin, le révérend père Esco-
bar, dont la métaphysique était aussi subtile que sa morale accom*
modante, déclara formellement que le chocolat à Teau ne rom-
pait aucunement le jeûne, proclamant ainsi en faveur de ses
belles pénitentes Tancien adage : Liquidum non frangit jeju-
nium.
Importé en Espagne vers le xvii* siècle, l'usage du chocolat
y devint promptement populaire; les femmeg et surtout les
moines se jetèrent sur cette boisson nouvelle et aromatique avec
un grand empressement, et le chocolat fut bientôt à la mode.
Les mœurs n'ont guère changé à cet égard, et encore aujourd'hui,
dans toute la Péninsule, il est de bon goût de présenter du cho-
colat dans toutes les occasions où la politesse exige d'offrir
quelques rafraîchissements, et cela partout et dans toutes les
maisons qui se respectent.
Le chocolat passa les monts avec Anne d'Autriche, femme
de Louis XIII, qui la première l'importa en France, où toujours
à l'aide des moines français à qui leurs confrères d'Espagne en
envoyaient aussi des échantillons comme cadeaux, il devint bien-
tôt en vogue. Au commencement de la Régence, il était devenu
plus en usage que le café qui, tout nouvellement importé aussi,
était regardé comme boisson de luxe et de curiosité, tandis que
le chocolat était considéré, à juste titre du reste, comme un ali-
ment sain et agréable.
M. Brillât-Savarin, dans son excellent livre sur les Classiques
de la table, recommande le chocolat comme une substance tonique
stomachique et même digestive ; il dit que les personnes qui en
font usage jouissent d'une santé constamment égale, et il parle
du chocolat ambré comme très-bon pour les personnes fatiguées
par un travail quelconque.
Laissons parler lui-même l'illustre gastronome :
« C'est ici le vrai Heu, dit-il, de parler des propriétés du
chocolat ambré, propriétés que j'ai vérifiées par un grand nonxbre
4ao CHOCOLAT.
d expériences, et dont je suis fier d'offrir le résultat à mes lec-
teurs. •
« Or donc, que tout homme gui aura bu quelques traits de
trop à la coupe de la volupté, que tout homme qui aura passé à
travailler une portion notable du temps qu'on doit passer à dor-
mir, que tout homme d'esprit qui se sentira temporairement
devenu bête, que tout homme qui trouvera Tair humide, le temps
long et l'atmosphère difficile à porter, que tout homme qui sera
tourmenté d'une idée fixe qui lui ôtera la liberté de penser, que
tous ceux-là, dispns-nous, s'administrent un bon demi-litre de
chocolat ambré à raison de soixante à soixante-douze grains
d'ambre par . demi-kilogramme, et ils verront merveille.
(( Dans ma manière particulière de spécifier les choses, je
nomme le chocolat à l'ambre, chocolat des affligés, parce que,
dans chacun des divers états que j'ai désignés, on éprouve je ne
sais quel sentiment qui leur est commun et qui ressemble à l'ai^
fliction. »
C'est toujours M. Brillât-Savarin qui parle :
« Quant à la manière officielle de faire le chocolat, c'est-à-
dire pour le rendre propre à la consommation immédiate, on en
prend environ une once et demie pour une tasse, qu'on fait dis-
soudre doucement dans l'eau à mesure qu'elle s'^chauflè en la
remuant avec une spatule de bois; on la fait bouillir pendant un
quart d'heure pour que la solution prenne consistance, et on sert
chaudement.
(( Monsieur, me disait il y a plus de cinquante ans M^*" d' Ares-
ce trel, supérieure du couvent de la Visitation, à Belley, quand
« vous voudrez prendre du bon chocolat, faites-le faire dès la
« veille dans une cafetière de faïence et laissez là. Le repos de
({ la nuit le concentre et lui donne un velouté qui le rend bien
« meilleur. Le bon Dieu ne peut pas s'offenser de ce petit raffi-
« nement, car il est lui-même tout excellence. »
Nous avons indiqué à l'article Cacao les différentes manières
de faire le chocolat avec le cacao, et nous renvoyons pour les
emplois culinaires dont il est susceptible à chacune des prescrip-
tions suivantes. (V. Beignets, Cannelons, Crèmes, Fromages
GLACÉS, Mousses, Pastilles, Pralines et Profiterolles.)
CHOU. 431
CHOU. — Genre de la famille des crucifères.
n y a différentes espèces de choux qui presque toutes sont
originaires d'Europe, où Ton en fait du reste la plus grande con-
sommation. Dans presque toutes les provinces de la France, c'est
régal des paysans, qui la plupart du temps ne vivent que de
lelégumes, quoiqu'il nourrisse fort peu, qu'il soit venteux et
répande une mauvaise odeur. Le chou était en grande vénéra-
tion chez les anciens, ils juraient par lui, semblables en cela aux
Egyptiens qui rendaient les honneurs divins à l'oignon. L'histoire
rapporte cependant qu'Apicius ne l'aimait pas et qu'il en inspira
du dégoût à Drusus, ce dont Tibère blâma son frère.
On donne aussi le nom de chou à une sorte de pâtisserie
dont nous indiquerons plus loin la recette.
Chou blanc on vert. — Ceux de Milan sont les meilleurs;
les choux de Saint-Denis, de Bonneuil et ceux qu'on appelle le
petit pommé, le frisé hâtif sont les premiers qui paraissent et ceux
qu'on emploie généralement dans la consommation.
Chou au lard. — C'est un des excellents mets plébéiens;
vous le faites de la façon suivante : coupez un gros chou pommé
en quatre morceaux, faites-les blanchir, mettez-les ensuite dans
un pot quelconque avec du lard, des saucisses, des cervelas, du
céleri, des oignons, des grosses carottes, du laurier et du thym;
faites cuire pendant une heure et demie à petit feu; dressez
ensuite le tout sur un plat en mettant le petit salé et les cervelas
par-dessus ; retranchez les autres légumes et faites une sîCuce de
votre mouillement réduit.
Chou farci au gras. — Prenez une bonne tête de chou,
_ôtez-en le pied ou trognon et un peu dans le corps; faites-le
blanchir et tirez-le de l'eau quand il est blanchi ; étendez les
feuilles avec soin pour ne pas les briser et remplissez-le d'une
fkrce faite avec la chair de volaille, un morceau de veau, du petit
lard, de la moelle de bœuf ou de la graisse de jambon cuit,
truffes et champignons hachés, persil, ciboules, sel, poivre, mie
de pain, deux œufs entiers, deux ou trois jaunes, une pointe
d'ail; hachez le tout ensemble et pilez-le bien dans un mortier.
Après avoir rempli votre chou de cette farce, refermez-le, fice-
lez-le bien afin qu'elle ne s'échappe pas des feuilles et mettez-le
422
CHOU.
dans une casserole; faites ensuite du jus avec des tranches de
bœuf ou de veau bien battues que vous faites réduire dans une
casserole, mettez-y un peu de farine, faites prendre couleur,
mouillez-le de bon bouillon, assaisonnez de fines herbes et de
tranches d'oignon. Quand votre jus est à moitié cuit, vous mêlez
vos tranches et ledit jus avec votre chou et faites cuire le tout
ensemble.
Dressez ensuite votre chou sur un plat, mettez dessus up
ragoût de champignons ou de ris de veau bien assaisonné et de
bon goût, puis servez chaudement avec votre jus autour.
Chou farci au maigre, — Procédez comme ci-dessus en far-
cissant votre chou avec de la chair de poisson ou autres garni-
tures, ainsi qu'on le ferait pour la carpe, le brochet ou autre
poisson. (V. ces articles.)
Chou en surprise, — Vous faites blanchir et ensuite rafraî-
chir ua chou entier; ôtez le trognon, écartez les feuilles avec
soin et remplissez-le de marrons, de saucisses et de mauviettes;
arrangez les feuilles dans leur état habituel, ficelez le chou,
faites-le cuire à la braise ; laissez-le égoutter quand il sera bien
cuit et servez-le avec une sauce faite avec de la moelle fondue et
de la muscade râpée.
Chou à la petite russienne. (Méthode Rouyer.) — Exacte-
ment comme choux farcis à la française. (La farce, ici, est com-
posée de champignons, oignons, persil, hachés grossièrement et
liés en bouillie de semoule au lait; sel, poivre, muscade râpée;
longue cuisson au four.) Servir avec une sauce au beurre et crème
aigre.
Chou en garbure. (Cuisine bordelaise.) — Après avoir fait
blanchir des choux et les avoir égouttés, vous oXqz les plus grosses
côtes des feuilles; puis vous prenez une soupière pouvant aller
sur le feu ; vous placez au fond un lit de feuilles de choux, puis
un lit de tranches de fromage de Gruyère très-minces et vous les
couvrez avec des tranches de pain; vous continuez de faire des
couches en alternant toujours, chou, fromage et pain; vous assai-
sonnez ensuite, vous mouillez de bon bouillon et vous faites
mijoter et gratiner pendant une heure; puis vous servez comme
potage avec du bouillon dans un autre vase.
CHOU. 42)
Pain de chou. — Faites blanchir un chou de Milan; met-
tez-le dans de Teau, levez-en les feuilles et ôtez-en les grosses
côtes, faites mariner ensuite une noix de veau avec huile fine,
persil, ciboules, champignons, ail, échalotes, gros sel, poivre et
tranches de jambon. Étendez quelques feuilles de chou bien
égouttées, mettez dessus des tranches de veau et de jambon et ua
peu de leur marinade, et continuez ainsi les couches les unes par-
. dessus les autres, jusqu'à ce que vous ayez formé la grosseur d'uH
petit pain; faites cuire dans une braise bien nourrie^ Quand ils
sont bien cuits, vous les dégraissez et servez avec une sauce à
l'espagnole dessous.
Chou rouge piqué. — Prenez un chou gros et dur, faites-le
blanchir et enlevez-en le trognon ; piquez-le de très-gros lard-
Mettez à la place du trognon une sauce faite avec de la graisse,
du jus, poivre, sel ; enveloppez-le d'une toilette de porc et mettez
le tout dans une casserole en le renversant sens dessus dessous;
faites cuire à petit feu, retirez-le, dégraissez la sauce, faites-k
réduire et servez-la sur le chou.
Chou rouge à la hollandaise. — Nous alloas indiquer lu
manière de faire ce chou qui est un des meilleurs entremets.
Epluchez des pommes de reinette et des oignons que vous
hachez bien menu; puis vous faites blanchir des choux rouges
dont vous aurez préalablement rejeté les trognons et le bout des
feuilles. Mettez ensuite le tout cuire dans une casserole avec un
bon morceau de beurre, une cuillerée de sucre en poudre, une
pincée de sel, poivre et bouquet garni; faites cuire le tout pen-
dant cinq ou six heures; ajoutez un verre de vin de Bordeaux,
jôtez le bouquet et achevez votre préparation en faisant fondre
dedans un bon morceau de beurre.
Chou à la crème. — Faites presque cuire à l'eau bouillante,
retirez, faites égoutter et laissez rafraîchir; hachez et mettez dans
la casserole avec beurre, sel, poivre, muscade râpée et une cuil-
lerée de farine. Mouillez ensuite avec de la crème et laissez
réduire jusqu'à ce que votre chou soit bien lié avec son assaison-
nement.
Choux de Bruxelles. — Vous prenez des choux de Bruxelles
(qui, vous le savez, sont des petits choux verts de la grosseur
424 CHOU.
d'une noix et bien pommés) ; vous les faites cuire à l'eau bouil-
lante avec du sel après en avoir enlevé les premières feuilles,
puis vous les faites égoutter. Mettez ensuite un bon morceau de
beurre dans la casserole, versez vos choux dedans et faites-les
revenir avec sel, poivre et persil haché, et, pour le maigre, ajou-
tez-y une cuillerée de jus ou de crème.
Choucroute, (En allemand Sauer-kraut, c'est-à-dire choux
aigres.) — Tous les peuples du Nord et de l'Est en font un grand
usage, et les navigateurs au long cours s'en approvisionnent pour
leurs voyages.
C'est le mets par excellence des Allemands qui en raffolent;
aussi est-il passé en proverbe qu'un moyen certain de se faire
assommer, c'est : en Italie, de ne pas trouver les femmes jolies;
en Angleterre, de chicaner le peuple sur le degré de liberté dont
il jouit; et en Allemagne, de ne pas croire que la choucroute' est
un mets des dieux.
Le célèbre capitaine Cook attribue aussi en grande partie
l'excellente santé de ses matelots dans tous ses voyages à la
grande quantité de choucroute qu'il leur faisait distribuer; la
choucroute étant d'une digestion plus facile que le chou ordi-
naire, qui, d'après un proverbe grec, causait la mort au bout de
deux fois.
On conserve la choucroute de préférence dans des tonneaux
qui ont renfermé du vinaigre, du vin ou tout autre liquide con-
tenant un acide. On emploie de préférence le chou cabu blanc,
dont on enlève les feuilles pendantes et la tige; on coupe la
pomme de chou par rouelles en la rabotant sur une espèce de
colombe de tonnelier. Cette opération la divise en tranches minces
qui se développent d'elles-mêmes comme des rubans^ Vous éten-
dez au fond du tonneau un lit de sel marin, sur ce lit une couche
de vos choux coupés en rubans; vous saupoudrez par-dessus avec
une poignée de graine de genièvre ou de carvi afin de l'aroma-
tiser; puis vous continuez à mettre couches sur couches en
procédant toujours de même jusqu'à ce que le tonneau soit
plein et en foulant bien la matière et terminez par une couche
de sel.
Vous couvrez votre dernier lit de sel avec les grandes feuilles
CHOU. 425
vertes du chou sur lesquelles vous placez une grosse toile humide
et un fond de tonneau assez lourd pour empêcher par son poids
que la masse ne se soulève par la fermentation qui va avoir lieu.
Les choux ainsi entassés laissent écouler une eau fétide, acide,
boueuse, que Ton soutire par un robinet placé à la base du ton-
neau, et que Ton remplace par une saumure nouvelle qu'il fau-
dra changer encore au bout de quelques jours, jusqu'à ce qu'il
n'existe plus aucune fétidité. La choucroute dès lors achevée,
vous la mettez dans un lieu très-frais afin de la conserver et vous
en servir au besoin.
Préparation de la choucroute. — Après avoir lavé votre
choucroute à plusieurs eaux, vous Tégouttez bien et la mettez
dans une casserole avec un bon morceau de lard de poitrine
fumé, saucisses, cervelas, graisse de rôti, genièvre, vin blanc et
bouillon. Laissez-la cuire six heures à feu doux, égouttez-la,
dressez-la sur un plat avec du lard dessus entremêlé de vos sau-
cisses et de vos cervelas.
Choux-fleurs. — Nous empruntons aux dispensaires du
temps de Louis XIV la plus excellente et royale façon d'apprêter
ce légume :
a Choux-fleurs étuvés. — Prenez des hauts choux-fleurs,
lavez-les à l'eau tiède et faites-les cuire dans du consommé en y
ajoutant quelque peu de macis en poudre. Etant bien cuits et
au moment de les servir égouttez-les de leur mouillement et
remuez-les avec du beurre tout frais et tout cru; aussitôt que le
beurre sera fondu, dressez et servez sur la table. »
Choux-fleurs au beurre. — Épluchez bien les pommes de
vos choux-fleurs et ne leur laissez aucune feuille, lavez-les dans
de l'eau fraîche et faites-les cuire ensuite dans de l'eau avec sel,
poivre et un morceau de beurre manié. Quand ils sont cuits,
égouttez-les, dressez-les sur un plat avec une sauce dessous faite
avec beurre frais, sel, poivre, muscade, un filet de vinaigre et
servez.
Choux-fleurs au jus. — Comme ci-dessus. Prenez moitié
sauce blanche et moitié blond de veau, vannez, sassez, dressez,
masquez et servez chaud.
Choux-fleurs au fromage. — Cuisez, égouttez vos choux-
426 CHOU.
fleurs, foncez un plat d'une sauce que vous faites avec du coulis,
du beurre, du gros poivre; mettez au fond de votre plat du par-
mesan râpé, rangez les choux-fleurs dessus, jetez sur eux le reste
de la sauce et du parmesan, puis mettez au four avec feu dessus
■et dessous, glacez et servez.
Choux'fleurs frits. — Cuisez comme à l'ordinaire, égouttez,
laissez mariner avec sel, poivre, vinaigre, trente minutes; égout-
tez, trempez dans une pâte légère ; faites frire et servez chaud.
Choux-fleurs farcis, — Blanchissez à l'eau salée, égouttez,
bardez, farcissez dans la casserole avec rouelle de veau, graisse
de bœuf, persil, ciboule, sel, épices, champignons, œufs et con-
sommé; faites cuire à petit feu jusqu'à réduction entière. Dres-
sez, servez. Si vous avez mis vos choux-fleurs la tête en bas dans
la casserole, vous dresserez aisément en retournant vivement votre
•casserole.
Ragoût de choux-fleurs, — Faites blanchir des choux-fleurs,
mettez-les cuire avec de l'eau et de la farine, faites-les égoutter
•et, si c'est pour garnir un plat de viande, vous les dressez autour
du plat avec une bonne sauce; si c'est pour entremets, dressez-
les seuls et la sauce par-dessus.
CHOU. {Pâtisserie.) — •' Expliquons les différentes manières
de faire cet excellent petit gâteau.
Choux pâtissier (à la parisienne). — Faites bouillir un peu
■d'eau avec du beurre et du sel, mettez-y deux ou trois poignées
de farine et délayez le tout sur le feu; remuez jusqu'à ce que la
pâte se détache ; mettez-y alors du sucre en poudre, ôtez la pâte
du feu, délayez dedans des œufs, jaunes et blancs, jusqu'à ce
qu'elle soit liquide et faites cuire dans des petits moules à pâtés
que vous aurez beurrés.
Choux à la royale. — Faites bouillir du lait et du beurre
fin, ôtez-les de dessus le feu quand ils commencent à bouillir et
joignez-y de la farine tamisée; remettez la casserole sur le feu en
remuant bien le tout pour qu'il ne s'attache pas ; votre pâte bien
desséchée, vous la mêlez dans une autre casserole avec du beurre,
du parmesan râpé et des œufs; ajoutez une pincée de mignon-
nette, une cuillerée de sucre fin, un œuf et du fromage de gruyère
coupé en petits morceaux, mélangez bien le tout et joignez-y de
CIBOULE.
427
la crème fouettée ; cela doit vous donner une pâte assez sem-
blable à une pâte à beignets; vous dorez vos choux, les mettez
au four gai pendant vingt minutes et les servez de suite.
Choux aux amandes. — Comme ci-dessus; après avoir doré
vos choux, vous les couvrez de filets d'amandes légèrement trem-
pés dans du blanc d'oeuf sucré et vous faites cuire.
Choux soufflés au :[este (T orange. — Vous faites bouillir
dans une casserole du beurre d'Isigny et de la bonne crème, puis
vous le remplissez légèrement avec de la farine de crème de riz
desséchée; transvidez dans une autre casserole en y joignant du
beurre, des œufs, un grain de sel; le tout bien mêlé, vous y joi-
gnez des jaunes d'œufs, du sucre; râpez dessus la moitié d'un
zeste de citron et la moitié d'un zeste d'orange. Mélangez bien le
tout, fouettez deux blancs d'œufs et mettez-les dans la pâte avec
de la crème fouettée. Mettez ensuite vos choux dans de petites
caisses rondes ne les .remplissant qu'à moitié, couvrez-les de gros
sucre; mettez au four à une chaleur ordinaire, laissez-les cuire
un quart d'heure et servez sans les dorer.
Choux en caisse au cédrat. — Comme ci-dessus, vous les
parfumez seulement avec du cédrat haché très-fin et mêlé à la
pâte.
Choux à la Mecque. — Mêlez ensemble du beurre et de la
crème bouillis, de la pâte mollette un peu desséchée, du beurre
et un peu de lait ; faites un peu dessécher le tout et transvidez
dans une autre casserole en y ajoutant deux œufs, du sucre en
poudre, puis vous y mêlez encore des œufs, une cuillerée de
bonne crème fouettée et un grain de sel ; vous couchez vos choux
à la cuillerée en forme de navette, vous les dorez ^ les masquez
de gros sucre et les faites cuire au four, chaleur modérée. Quand
ils sont de belle couleur, vous les servez parfumés soit avec du
cédrat, de l'orange, de la bigarade ou du citron.
Petits choux à la Saint-Cloud. — Même préparation et
même cuisson que ci-dessus, seulement quand ils sont cuits, vous
les glacez à la flamme en mettant un allume à la bouche du
four et les servez chauds.
CIBOULE. — Espèce d'ail qu'on emploie pour mettre dans
tous les bouquets qui entrent dans la composition des sauces.
/
428 CIDRE.
CIBOULETTE. — Petite ciboule qui s'emploie comme la
précédente.
CIDRE ET POIRÉ. — Le cidre n'est connu en Europe
que depuis que les Maures de Biscaye l'importèrent d'Afrique;
d'Espagne, il a passé en France et les conquérants Normands
l'ont naturellement mené à leur suite en Angleterre. Le cidre a
^L été l'objet de discussions très-sérieuses. Pour le Normand , c'est
le vrai nectar des maîtres de l'Olympe, pour l'habitant des pays
vignobles, au contraire, ce n'est qu'un fade et épais breuvage.
Quoi qu'il en soit, le Normand lui est resté fidèle et le cidre a
pénétré dans d'autres contrées de la France où il est presque aussi
estimé que le vin.
Un jour, je reçus de M. Jules Oudin, propriétaire d'un
château et d'une terre appelée la Pommeraye, à cause de la
quantité de pommiers qui y poussent, la lettre suivante :
SOCIÉTÉ d'horticulture DU CENTRE DE LA NORMANDIE.
Q/l Monsieur Dumas.
« Maître,
« Vous m'avez fait l'honneur de me donner l'accolade en me
disant : « Nous nous reverrons. »
« Ce sera l'ère du bonheur de mon existence,
« J'en prends texte pour vous demander un renseignement,
qu'il vous sera probablement très-facile de me donner et qu'il me
faudrait peut-être une année pour trouver, sans votre aide.
(c — Quels sont les faits historiques les plus saillants de
l'antiquité et du moyen âge au sujet des pommes, des pommiers,
des* poiriers et du cidre }
« Je serais au désespoir de vous demander ce renseignement
s'il n'avait pour moi un but très-utile.
« Mon remercîment sera d'aller vous montrer l'usage que j'en
aurai fait.
« Pendant la saison d'été, vous viendrez, n'est-ce pas, respi-
rer les parfums des végétations exotiques et indigènes sous un
pommier. Ne me faites pas languir, je vous prie.
« Bien à vous,
« Jules Oudin. »
CIDRE 439
Je pris la plume, et poste pour poste je fis la réponse sui-
vante :
« Cher Monsieur Jules,
«.Je vais vous répondre d'abord sur ce que je sais certaine-
ment moins bien que vous sur la pomme, le pommier, le poi-
rier, l'origine du cidre et son invasion en Europe.
« Devons-nous mettre la pomme avant le pommier, ou le
pommier avant la pomme } Le pommier est-il poussé d'un pépin
jeté dans l'espace et venant d'une pomme par conséquent, ou la
pomme a-t-elle poussé sur un pommier créé en même temps que
la création }
« C'est la question de la poule et de l'œuf: la poule vient-
elle de l'œuf, ou l'œuf vient-il de la poule?
« Si nous nous en rapportons à Moïse, le premier auteur qui
parle de pommes et de pommiers, le pommier et la pomme
préexistaient à l'homme dans le Paradis terrestre, puisque les
arbres fruitiers furent créés le troisième jour et l'homme le
sixième.
tt Nous savons le commandement qui fut fait à Adam et Eve
à l'endroit de ce pommier, et comment ils désobéirent pour notre
malheur à ce commandement de Dieu.
a Le serpent présenta la pomme a Eve, Eve y mordit, Adam
l'acheva et nous fûmes tous condamnés à l'exil, au travail et à
la mort.
tt Un autre poëte, né cinq cents ans après Moïse, nous a
appris comment, dans une autre circonstance, la pomme ne fut
pas moins fatale au genre humain.
« Aux noces de Thétis et de Pelée, la Discorde, qu'on avait
oublié d'inviter, jeta pour se venger, au milieu de l'assemblée
des dieux et des déesses, une pomme portant cette inscription :
u A la plus belle! »
« Trois déesses crurent avoir droit à la pomme. Minerve,
Junon et Vénus ; elles allèrent devant Paris qui l'adjugea à
Vénus.
a II y avait encore une autre déesse qui avait des prétentions
à la beauté et qui n'avait point oublié que le jour où Vénus avait
430
CIDRE.
été proclamée la plus belle, un affront lui avait été fait. C'était
la mariée elle-même, la femme de Pelée, la mère d'Achille, la
belle Thétis ; aussi, sachant que Vénus devait, sur le rivage des
Gaules, venir chercher des perles pour se faire un collier,
ordonna- t-elle à tous les monstres de la mer de tâcher de*s'em-
parer de cette pomme pour laquelle Vénus n'avait pas craint de
se montrer nue au beau berger du mont Ida.
« Et en effet, tandis que Vénus cherchait des perles au même
endroit, sans doute, où son fils César vint pêcher celle dont il
devait payer Tamour de Servilie, un triton lui déroba sa pomme,
et alla la porter à Thétis. Thétis, aussitôt pour vulgariser le fatal
présent de la Discorde, et afin que toutes les déesses pussent
avoir la leur, prit les pépins de la pomme et les planta sur les
rivages de la Normandie.
« De là viennent, disent nos aïeux, les vieux Celtes, la mul-
titude de pommiers qui poussent du Maine à la Bretagne, et la
beauté des femmes de toute cette côte septentrionale.
« Malgré le mauvais tour joué par Thétis à Vénus, les
pommes, et surtout celles des Hespérides, étaient restées pré-
cieuses dans l'île de Scyros, puisque Atalante, la fille du roi, perdit
à la fois le prix de la course et sa liberté pour ramasser les
pommes qu'Hippomène laissait tomber sur sa route.
« La pomme avait cessé d'être un fruit rare et son prix était
rentré dans celui des autres comestibles du même genre, puisque
Solon, effrayé des sommes que coûtaient les repas de noce chez les
Athéniens, ordonna que les mariés ne mangeassent qu'une pomme
à eux deux, avant de se mettre au lit.
a Pline et Diodore de Sicile parlent des pommes comme
d'un fruit très-estimé des Romains et surtout lorsqu'elles venaient
des Gaules; mais ni l'un ni l'autre ne dit qu'on en tirât une
boisson quelconque. Saint Jérôme est le premier qui parle du
cidre et qui constate que les Hébreux en faisaient une de leurs
boissons habituelles. TertuUien, qui vivait vers la fin du deuxième
siècle à Carthage, et saint Augustin, qui vivait vers la fin du
quatrième siècle à Hippone, parlent tous deux du cidre des Afri-
cains.
« Mais la première trace que Ton trouve de l'existence de
CIDRE.
4ÎI
cette boisson en France est dans les Capitulaires de Charlemagne
où il est question des fabricants de cidre et de poiré. Mais à
cette époque, le cidre avait déjà avec les Maures traversé le
détroit de Gibraltar.
« Voici comment :
« Mahomet , l'an 609 de l'ère chrétienne publie son Coran ;
sans défendre positivement le vin aux Arabes, il le leur présente
comme une liqueur pernicieuse qu'il ne leur conseille de boire
qu'à titre de médicament. Aussi, dans toutes les villes tatares
que j'ai visitées, ai-je vu les marchands de vin intituler leur
boutique : « Ballant. » C'est-à-dire pharmacie. Du moment où
le vin se vend dans une pharmacie, ce n'est plus du vin, en
effet, c'est un médicament.
« Pour obéir à Mahomet^ les Arabes alors imitèrent les
Hébreux et du fruit des pommiers et des poiriers firent du cidre..
(( Appelés en Espagne par la trahison du comte Julien, ils y
transportèrent leur science* agriculturale sur laquelle les Espa-
gnols vivent encore aujourd'hui. Ce fut en Biscaye que se firent
les premiers essais de ce genre.
« De Biscaye, l'usage passa en France. Les Normands
l'accueillirent tout particulièrement, leur pays étant fécond en
pommiers et stérile en vignes. Guillaume le Conquérant l'im-
planta en Angleterre, en même temps que son drapeau, après la
bataille d'Hastings en io66.
a D'Angleterre, l'usage du cidre s'est répandu en .Allemagne
et même en Russie.
« Il existe, au reste, une brochure qui a recueilli sous le-
titre : De Origine Cidri^ tout ce que la science humaine a coUigé
sur cet intéressant sujet.
« Maintenant, je présume que vous êtes au courant des der-
niers travaux de Pasteur sur la fermentation du cidre, et que vous
savez que le ferment n'est autre chose que l'agglomération par
milliards de petits animalcules ou plutôt de cryptogames, moitié
animaux, moitié végétaux, qui, sous le nom de microzoaires et
de microphites opèrent ce singulier travail, de changer le sucre
en alcool, travail qui se fait chez eux simplement par la diges-
tion.
43^
CITRON.
a Voilà tout ce que je sais sur le cidre, et je m'empresse de
vous vider mon sac, pour vous prouver combien j'ai bon souvenir
de votre réception et comment je serai heureux d'aller un jour,
avec ma fille, vous demander l'hospitalité d'une demi-semaine.
« Mille compliments empressés.
« Alexandre Dumas. »
CITRON. — Fruit dont l'arbre est toujours vert comme
l'oranger; ses feuilles sont larges et longues comme celles du
laurier ; il est originaire de l'Asie, et les Hébreux fiirent les pre-
miers qui le naturalisèrent dans les belles vallées de la Palestine;
ce qui le prouve, c'est que, aujourd'hui encore, ils se présentent
le jour des Tabernacles , dans les synagogues, avec un cédrat à
la main.
Virgile a célébré le citron sous le nom de pomme de Médie.
Delille a traduit les vers que le poè'te latin a consacrés à cet
arbre. .
L'arbre égale eu beauté celui que Phœbus aime;
S*il en avait l'odeur, c'est le laurier lui-même ;
Sa feuille sans effort ne se peut arracher ;
Sa fleur résiste au doigt qui la veut détacher,
Et son suc, du vieillard qui respire avec peine.
Raffermit les poumons et rafraîchit l'haleine.
Et pour que rien ne manque à la gloire et à l'importance
de ce fruit, Aristophane qui l'appelle axioma persicum à cause
de sa saveur aigre, dit qu'autrefois on faisait avec les feuilles du
citronnier des couronnes qu'on plaçait sur la tête des dieux
immortels.
Le citron est souvent employé dans la cuisine .pour l'assai-
sonnement de plusieurs sauces ; on en fait aussi une boisson très-
rafraichissante et de fort bon goût.
Citrons confits, — Pelez^ coupez en quatre, faites blanchir
vos citrons. Lorsqu'ils sont cuits, vous les mettez d'abord dans
l'eau fraîche et ensuite au sucre clarifié; quand vous les aurez
bien égouttés, laissez-les bouillir un quart d'heure dans le sucre,
et laissez-les refroidir ensuite; étant refroidis, vous les remettez
sur le feu et les faites bouillir jusqu'à ce que le sucre soit cuit à
CITRON.
4)3
soufflé, puis vous les laissez reposer jusqu'au lendemain, et vous
liquéfiez le sirop en trempant votre poêlfln dans Teau.
Faites cuire à part du sucre à la plume, égouttez vos citrons
et jetez-les dedans et donnez-leur un bouillon couvert ; ôtez-les
du feu ; le bouillon abaissé, blanchissez votre sucre en le travail-
lant et l'amenant avec la cuiller contre le bord du poêlon.
Ce sucre étant blanchi, passez-y vos citrons, mettez-les
égoutter sur des planches, faites-les sécher et serrez-les.
Vous confisez de la même manière les oranges, cédrats,
limons, pommes, etc. (V. Orange.)
Petits citrons verts confits. — Incisez de petits citrons verts,
faites-les blanchir jusqu'à ramollissement, retirez-les du feu et
laissez-les dans leur eau jusqu'au lendemain; vous les remettez
alors sur un feu doux, vous jetez une poignée de sel dans Teau,
qui ne doit pas bouillir et vous remuez. Poussez le feu, donnez à
vos citrons quelques bouillons, puis mettez-les dans Teau fraîche
et égouttez-les. Vous faites bouillir un peu d'eau dans du sucre
clarifié et vous en donnez un bouillon couvert à vos citrons. Le
. lendemain, vous les égouttez, vous leur faites jeter trois bouillons
en ajoutant chaque fois du sucre clarifié; vous faites donner
encore un bouillon aux fruits dans du sucre cuit au perlé, vous
les mettez dans une terrine à Tétuve et vous les laissez glacer
dans le sucre cuit.
Zestes de citron confits. — Faites bouillir vos zestes dans
quatre eaux différentes et remettez-les autant de fois dans l'eau
fraîche, il faut les laisser bouillir un quart d'heure chaque fois
sur le feu.
Faites cuire d'abord du sucre clarifié et jetez-y vos zestes,
quand il commence à bouillir, faites-leur prendre une vingtaine
de bouillons et laissez-les refroidir; remettez ensuite votre poêlon
sur le feu pour cuire le sirop à lissé et glissez-y vos zestes à qui
vous faites prendre sept ou huit bouillons. Retirez votre confiture
du feu, laissez-la refroidir , égouttez les zestes, faites bien cuire
le sucre perlé, donnez-leur un bouillon couvert, tirez-les au sec
et glacez-les.
Citronats. — Ils se font avec les écorces de citrons dont
vous avez rejeté la plus grande épaisseur du tissu blanc et que
a8
434
CITRON.
VOUS avez coupés en long, faites blanchir et confire comme ci-
dessus et faites sécher.
Marmelade de citrons. — Prenez le nombre que vous voulez
de citrons à écorce très-épaisse, ôtez-en la peau, faites-les blan-
chir et mettez-les à l'eau fraîche; égouttez-les, pliez-les fortement
et passez-les dans un tamis de crin; pesez-les, mettez du sucre
en proportion (750 ou 500 gr.), et faites bouillir le tout en
remuant avec la spatule, jusqu'à ce que la marmelade soit bien
cuite, ce que vous reconnaissez en appuyant avec le bout de votre
doigt; retirez-la alors et mettez-la en pot.
Conserve de jus de citron. — Faites cuire du sucre au fort
perlé, tirez-le ensuite du feu, mettez-y votre jus de citron que
vous faites bouillir en remuant afin qu'ils se mêlent bien ensemble
et jusqu'à ce qu'ils commencent à s*épaissir et à former une
petite glace autour du poêlon, laissez refroidir votre conserve et
mettez-la dans des moules pour la garder.
Sirop de citrons. — Après avoir fait cuire du sucre au fort
boulet, vous le sablez et le mettez dans une terrine en terre ou
en grès, puis vous y versez le jus de vos citrons avec un peu d'eau
et vous le mettez au degré de cuisson qu'il doit avoir; mettez
ensuite votre terrine au bain-marie et remuez de temps en temps
afin de bien faire fondre le sucre et le bien mêler avec le jus de
citron ; quand votre sirop sera très-clair, vous le retirez et vous le
mettez en bouteille, après l'avoir laissé un peu refroidir.
Grillage de tailladins de citrons. — Mettez des zestes de
citrons découpés dans du sucre cuit à la plume, remuez, grillez
presque; poudrez de sucre blanc, dressez et servez.
Citronnelle, — Ayez six citrons zestes pour deux litres
d'eau-de-vie, à peu près; ajoutez cannelle, coriandrp, sucre fondu
(500 gr.), laissez infuser trente jours, passez et mettez dans les
flacons.
Eau distillée de citron. — Râpez l'écorce de bons citrons,
mettez la pulpe et la râpure sur la grille de la cucurbite, lavez
dans l'eau de vos citrons la râpe qui a enlevé une partie de
l'odeur, ajoutez cette eau dans la cucurbite, dressez votre appa-
reil et procédez à la distillation du petit filet.
Vinaigre au citron. — Enlevez les zestes, mettez vos citrons
CLOVIS DE SAINT-JEAN-DE-LUi. 43^
dans la cornue, versez le vinaigre et distillez jusqu'à réduction
au quart.
Biscuits de citron. — Faites cuire du sucre, ôtez-le du feu
et mettez-y un peu de raclure de citron en lui donnant telle
couleur que vous voudrez; ajoutez-y deux blancs d'œufs bien
fouettés et versez promptement votre glace dans des moules de
papier double plié en longueur ou en largeur, à proportion du
sucre que vous voulez mettre. Quand votre pâte commence à
refroidir, vous la coupez de la façon que vous voulez, et vous
faites cuire vos biscuits à l'ordinaire.
Compote de chair de citron, — Faites cuire une gelée de
pommes, pelez bien épais et proche du jus un gros citron,
coupez-le en long par la moitié et faites plusieurs tranches avec ;
jetez ces tranches dans votre gelée après en avoir ôté les pépins
et faites bouillir le tout ensemble; tirez-la ensuite du feu et
laissez-la refroidir à moitié; chargez une assiette de tranches de
citrons et couvrez-les de votre gelée.
CITROUILLE. — Variété du potiron, qui en diffère par la
forme oblongue et la grosseur de son fruit dont la couleur est
tantôt verte, tantôt jaune ou blanche. La chair de citrouille se
mange de plusieurs façons : soit en potages gras ou maigres, en
gâteaux, en crème cuite et gratinée. On en fait aussi des andouil-
lettes avec du beurre frais, jaunes d'œufs durs et frais cassés,
persil, sel, poivre, fines herbes, etc.
CIVET. — (V. aux articles Lièvre, Chevreuil, Lapin,
Outarde, Dinde, Oie sauvage, etc.)
CLARIFIER. — La clarification est la séparation, par pré-
cipitation ou par ascension, de toutes les matières liquides étran-
gères tenues jen suspension. On clarifie le plus communément
avec de la colle de poisson ou du blanc d'œuf.
CLOVIS DE SAINT-JEAN-DE-LUZ.— Appelées à Saint-
Jean-de-Luz Chirlat. à Marseille Fraises^ et à Naples Vongoli
[Conca Veneris).
Mettre sur le feu, faire sauter jusqu'à ce qu'elles rendent
toute leur eau ; les enlever de la casserole et les mettre à part;
ajouter dans le jus qu'elles ont rendu trois petites gousses d'ail
hachées bien fin ; poivrer seulement, le jus rendu par le coquillage
436 COCHON.
H
étant suffisamment salé; mettre de la mie de pain, ou mieux
encore de la chapelure, aussitôt que l'ail commence à chauffer;
remettre le coquillage dans la casserole, lui faire sauter deux ou
trois bouillons et servir chaud. (Recette donnée par François
Frères, excellent chef de Thôtel de France à Saint-Jean-de-Luz.)
COCHEVIS.— Genre d'alouette huppée. (V. Mauviettes.)
COCHON. — « C'est le roi des animaux immondes, dit
Grimod de la Reynière, dans l'éloge qu'il fait de cet animal;
c'est celui dont l'empire est le plus universel et les qualités les
moins contestées. Sans lui, point de lard, et par conséquent, point
de cuisine; sans lui, point de jambon, point de saucisson, point
d'andouilles, point de boudins noirs, et par conséquent, point
de charcutiers.
« Gras médecins, continue Grimod de la Reynière, en
s'élevant jusqu'au style lyrique, vous condamnez le cochon et
il est sous le rapport des indigestions, l'un des plus beaux fleurons
de votre couronne. »
Puis retombant au style familier : « la cochonnaille, con-
tinue-t-il, est beaucoup meilleure à Troyes et à Lyon que
partout ailleurs. Les cuisses et les épaules de cochon ont fait la
fortune de deux villes : Mayence et Bayonne. Tout est bon en
lui; par quel oubli coupable a-t-on pu faire de son nom une
injure grossière? »
Et par quel ingrat oubli M. Grimod de la Reynière ne se
souvient-il pas lui-même que c'est à la finesse de l'odorat du
cochon que nous devons les truffes ; et de quelle façon le cochon
est-il récompensé pour chaque truffe qu'il trouve, el qu'il
permet à Thomme de mettre dans son panier ? et comment n'ad-
mire-t-on pas la persistance de l'intrépide chercheur et sa pa-
tience gastronomique qui a sur lui cette bienheureuse influence
de toujours le tromper, non pas dans sa recherche, mais dans
son résultat; il persiste toujours à chercher pour être battu et
voit la truffe lui passer devant le grouin.
Au reste, au mot truffe nous nous étendrons plus longue-
ment sur ce produit que les savants ont placé entre le règne
minéral et le règne végétal, ne sachant auquel des deux l'appli-
quer.
COCHON. 437
Le cochon était la principale nourriture des Gaulois, aussi
en avaient-ils des troupeaux considérables.
Les Romains les fiiisaient cuire entiers et de différentes
manières ; une de ces manières consistait à les faire bouillir d'un
côté et rôtir de l'autre.
La seconde s'appelait à la Troyenne, par allusion au
cheval de Troie dont l'intérieur était rempli de combattants.
Celui du cochon se farcissait de becfigues, d'huîtres, de grives^
le tout arrosé de bons vins et de jus exquis; ces mets devin-
rent si chers que le sénat fit une loi somptuaire pour les
défendre.
Athénée parle d'un marcassin à demi bouilli, à demi rôti
préparé par un cuisinier qui avait eu l'art de le vider et de le
farcir sans Téventrer ; il avait fait un petit trou sous une épaule ;
l'animal lavé en dedans par du vin avait été ensuite farci par la
0
gueule. Les Egyptiens regardaient le cochon comme un animal
immonde, si quelqu'un par mégarde, avait touché à un cochon,
il devait de suite pour se purifier entrer dans le Nil avec ses
habits. Un seul jour et dans une seule circonstance, il était
permis de manger du cochon, c'était au moment de la pleine
lune : l'animal était alors immolé à Bacchus et à Phœbé. Tout le
monde sait que les Israélites regardent la chair du cochon
comme une chair immonde ; mais tout le monde sait aussi que
cette prescription est plus hygiénique que religieuse ; le pays où
les cochons acquièrent le plus haut degré de délicatesse, sans
doute par les fréquentes occasions qu'ils ont, si l'on en croit, à
tort d'ailleurs, les pères jésuites, de manger de la chair humaine
est la Chine ; aussi les Chinois font-ils du cochon la base de tous
les festins et leurs jambons ont-ils une qualité supérieure à ceux
de tous les pays.
En 1131 mourut le jeune roi Philippe, que Louis le Gros,
son père, avait associé au royaume et fait couronper à Reims. En
passant dans une rue étroite un cochon s'embarrassa dans les
jambes de son cheval, son cheval s'abattit et le jeune prince se
heurta si vivement la tête qu'il en mourut le lendemain ; il fut
alors défendu de laisser vaguer les pourceaux dans les rues ; la
crainte de déplaire à saint Antoine fit que l'on excepta de cette
^3» COCHON.
défense ceux de Tabbaye du digne saint, mais à la condition qu'ils
auraient une clochette au cou.
En 1386, par sentence du juge de Falaise, une truie fut con-
damnée à être mutilée et pendue, pour aVoir tué un enfant.
En 1394, dans la paroisse de Roumaigne, vicomtée de Mor-
raigne un porc fut condamné pour le même crime.
Humbert, Dauphin du Viennois, partant pour la croisade,
en 1345 (nous laissons aux savants à dire quelle fut cette croi-
sade), Humbert Dauphin du Viennois fit un règlement par
lequel il fixa la maison de la Dauphine, son épouse, à trente per-
sonnes; or, pour ces trente personnes il accorda un cochon par
semaine, et trente cochons salés par an; ce qui faisait trois
cochons par personnes.
Cu\ier, ennuyé d'entendre dire que l'intérieur du corps du
cochon ressemblait en tout à celui de Thomme et que les anciens
chirurgiens, qui n'avaient pas le droit d'ouvrir les morts, étu-
diaient sur les cochons une anatomie équivalente, a écrit ces
quelques lignes pour redresser Terreur dans laquelle les histo-
riens de la science médicale sont tombés.
« L'estomac de l'homme et celui du cochon n'ont aucune
ressemblance ; dans l'homme ce viscère a la forme d'une corne-
muse, dans le cochon il est glpbuleux ; dans l'homme, le foie est
divisé en trois lobes, dans le cochon il est long et plat ; dans
l'homme, le canal intestinal égale sept à huit fois la longueur du
corps, dans le cochon, il égale quinze à dix-huit fois la même
longueur. L'épiploon, c'est-à-dire cette partie qu'on appelle
vulgairement toilette, est beaucoup plus étendu et plus chargé
de graisse ; et, ce qui est très-consolant pour les âmes délicates
qui ne veulent avoir rien de commun avec le naturel du cochon,
c'est que son cœur présente des différences notables avec celui
de l'homme.
« J'ajouterai, pour la satisfaction des savants et des beaux
esprits, que le volume de son cerveau est aussi beaucoup moins
considérable ; ce qui prouve que ses facultés intellectuelles sont
fort inférieures à celles de nos académiciens. » (Cuvier.)
Le cochon est, avec le lapin, l'animal le plus prolifique qui
soit au monde. Vauban, qui était, comme on le sait, excellent
COCHON. 439
mathématicien, a fait sur les cochons un traité qu'il appelait : Ma
cochonnerie. Il "avait calculé la postérité d'une seule truie pen-
dant douze ans.
Cette postérité se montait en enfants, petits-enfants arrière-
petits-enfants, à 6,434,838 cochons.
Le cochon a été longtemps regardé, à Naples, comme un
personnage sacré; c'était le seul balayeur de rue, qui existât
dans la moderne Parthénope; il y avait peu de maisons où
un cochon nefiit attaché avec une corde assez longue pour qu'il
nettoyât un diamètre de vingt-quatre pieds. Aussi les cochons
étaient-ils , ceux qu'on laissait libres , du moins , de toutes les
fêtes.
Un des frères du roi de Naples, nommé le prince Antoine,
dont la réputation s'expliquera par un mot de son frère, disait
devant le roi, en parlant du marquis de Sal... « Nous sommes
amis comme cochons, n Et le roi lui répondait en haussant les
épaules :
tt Vous êtes encore plus cochon qu'ami. »
Le prince Antoine fut surpris dans la chambre • d'une
paysanne, par un des frères de la jeune fille armé d'un bâton ;
il voulut se sauver par la fenêtre, où était appliquée une échelle,
mais au bas de l'échelle il trouva le second frère armé d'un
second bâton ; il ne lui fallait pas passer par les verges du balai,
mais par le manche ; les deux frères s'en donnèrent si bien et
vengèrent si galamment Thonneur de leur sœur sur le dos du
prince Antoine, que celui-ci en mourut douze ou quinze jours
après ; on lui fit un enterrement en grandes pompes, qui partit
du palais du roi et s'achemina vers Sainte-Claire, l'église des
tombes royales. Mais Tétonnement fut grand lorsqu'on vit un
énorme cochon, dont personne ne réclamait la propriété, prendre
le haut du pavé et servir de conducteur au cortège ; on fit tout
ce qu'on put pour le chasser, mais rien au monde ne put parve-
nir à le faire dévier de sa route ; arrivé à l'église Sainte-Claire il
s'arrêta de lui-même, et monta les sept ou huit marches qui con-
duisent à l'intérieur de l'église. Alors on fit de nouveaux efforts
pour éloigner Tanimal immonde; mais celui-oi sembla défendre
ce qu'il paraissait regarder comme son droit ; le suisse s'avança
440 COCHON.
en le menaçant de sa hallebarde, dont il allait peut-être le percer
lorsqu'une voix dans la foule s'écria :
« Malheureux! ne voyez- vous pas que c'est T âme du prince
Antoine? »
Il ne fallut que cet éclaircissement pour faire connaître les
droits du cochon, à qui l'église fut ouverte et qui assista à toute
la cérémonie mortuaire avec la tranquillité d'une âme qui sait
qu'elle peut compter sur des prières.
Le cochon est de tous les animaux celui qui est le plus
employé dans la cuisine; car dans presque tous les mets, soit
entrées ou rôtis, on se sert de lard et de jambon ; les autres
parties de cet animal sont moins recherchées ; cependant la hure
est un mets fort distingué, quand elle est apprêtée par un homme
qui connaît bien son état ; les pieds se servent à la Sainte-Méne-
hould ou farcis de truffes; les oreilles se servent en menu de
rois, et les poitrines s'emploient dans bien des ragoûts; il faut
choisir le porc jeune et gras, mais bien prendre garde que sa
chair ne soit envahie par des parasites qu'on appelle trichines ; la
science moderne a appris que cette invasion des trichines n'était
rien autre chose que la ladrerie.
Dans cet animal, il n'y a rien à jeter : de son sang on fait
du boudin, de ses intestins des andouilles, des débris de ses
chairs des saucisses et des fromages de cochon.
Terminons par une boutade poétique et porcine du cuisinier
lyrique Rouyer :
Entre Pâques et Pentecôte,
Que de Jambons Ton mangera !
Aussi chacun, en aimable hdte,
Sur ce metSj son mot contera.
G tons la réponse naïve
Faite par un gourmand abbé,
A qui disait un gai convive :
— a Si dans la religion juive
Vous viviez...; pour vous prohibé
Ce Jambon gras^ à chair exquise!...
— Oui; pour en manger bel et bien,
(Si j'étais enfant de Moïse,)
Je me ferais vite chrétien ! » —
COCHON. 441
Bonne riposte à TEsculape
Grondant le bel esprit Beautni,
Qui fait de ses draps une nappe
Sur laquelle est un Jamhon cru :
— c Quelle qu'en soit la provenance,
Cuit ou non cuit, mon ordonnance
Vous défend, malade piteux,
Ce jambon, mauvais pour la goutte!...
— Pour ElUj oui, docteur, oui, sans doute;
Mais qu'il est bon pour le goutteux! 9
COCHON (Hure de). — Le célèbre Beauvilliers et
riUustre M. de Courchamps, donnant exactement la même
recette pour la hure de cochon ou de sanglier, nous croyons ne
pouvoir faire mieux que de nous joindre à ces deux grands
maîtres — en Tart de manger.
Coupez votre hure jusqu'à la moitié des épaules, c'est-à-
dire plus longue qu'on ne la coupe ordinairement; flambez-la,
de manière qu'il n'y reste aucune soie; nettoyez le dedans
des oreilles en y introduisant un fer presque rouge, pour en
brûler les poils qui s'y trouvent; cela fait, lavez bien cette hure,
épluchez-la de nouveau, ratissez-la et désossez-la ; prenez garde
de n'y faire aucun trou, surtout à la couenne de dessous le nez ; la
chair qui provient des parties charnues, telles que celle des
épaules, étendez-la dans les parties de votre hure, oà il n'y en a
pas, afin que les chairs soient égales partout; ensuite mettez-la
dans un grand vase de terre; faites une eau de sel, laissez-la
refroidir, tirez-la à clair et versez-la dans votre vase sur la hure,
afin qu'elle trempe entièrement; mettez-y une poignée de graines
de genièvre, quatre feuilles de laurier, cinq ou six clous de
girofle, deux ou trois gousses d'ail (coupées en deux), une demi-
once de salpêtre en poudre, du thym, du basilic et de la sauge ;
couvrez votre terrine d'un linge blanc et mettez dessus un autre
vase qui le couvre le plus possible; laissez-la mariner huit ou
dix jours; ensuite égouttez-la; faites une farce pour en garnir
votre hure. A cet effet, prenez de la chair de porc, ôtez-en la
peau et les nerfs; mettez à peu près la même quantité de lard
assaisonné de sel fin et de fines épices ; hachez le tout très-menu,
en sorte qu'on ne puisse distinguer le lard d'avec la chair ; mettez
44a COCHON.
votre farce dans un mortier, pil^-la bien ; incorporez, l'un après
l'autre, cinq ou six œufs entiers ; faites Tessai de cette farce, et
remédiez à ce qui pourrait y manquer. Votre farce achevée,
étendez votre hure sur une nappe blanche ; ôtez les ingrédients
qui ont servi à lui donner du goût. Vous aurez coupé du lard en
grands lardons que vous aurez assaisonnés avec sel, poivre, quatre
épices, des aromates piles, persil et ciboules hachés et que vous
aurez incorporés le mieux possible avec vos lardons ; arrangez de
nouveau vos chairs dans la peau de la hure ; garnissez-la de ces
lardons, posés en long de distance en distance, bien entremêlés
avec la chair et la farce, de l'épaisseur d'un pouce, mettez-y la
langue que vous aurez échaudée et épluchée ; faites un autre lit
de lardons, et entre ces lardons, placez des truffes épluchées et
coupées en long, entremêlées de pistaches que vous aurez émon-
dées; faites ainsi plusieurs lits, jusqu'à l'emploi entier de votre
farce, de vos truffes, de votre lard et des pistaches. Votre hure
remplie, cousez-la avec une aiguille à brider ; ménagez-lui bien
sa première forme; enveloppez-la dans une étamine neuve et
cousez-la ; attachez les deux bouts avec de la ficelle ; foncez une
braisière avec des parures de boucherie, surtout de veau, des
oignons, des carottes, trois feuilles de laurier, deux bouquets de
persil et ciboules, quelques clous de girofle, de l'ail et trois
bouteilles de vin rouge de Bourgogne; achevez de mouiller avec
du bouillon; il faut qu'elle trempe dans son assaisonnement;
faites-la partir; couvrez-la avec deux feuilles de fort papier
beurré ; couvrez la braisière de son couvercle ; mettez-la sur une
paillasse, avec feu dessus et dessous ; faites-la cuire cinq à six
heures, cela dépendra de la grosseur de la pièce et de la jeunesse
de l'animal dont elle provient ; pour vous assurer si elle est cuite,
sondez-la avec une lardoire; si elle entre facilement, retirez
votre braisière du feu, laissez votre hure dedans et ne la retirez
de son assaisonnement que quand elle sera presque tiède ; laissez-
la refroidir dans son étamine; après, déballez-la, retirez la
graisse qui pourrait se trouver dessus ; ôtez les ficelles, parez-la
du côté du chignon, dressez-la sur une serviette et servez.
Hure de cochon à la manière de Trojres, — Appropriez,
désossez comme ci-dessus. Seulement remplacez la farce dont
COCHON. 443
VOUS remplissiez votre hure par des truffes et des pistaches.
Jambon au naturel, — Procurez- vous un bon jambon, ceux
de Westphalie sont les meilleurs et en général plus estimés que
ceux de Bayonne; parez-le c'est-à-dire enlevez le dessus des
chairs et sur le bord du lard ce qui pourrait être jaune, ôtez
l'os du quasi, coupez le bout du jarret et mettez votre jambon
tremper, après l'avoir égoutté en enfonçant une lardoire dans la
noix ce qui vous décidera de laisser dessaler plus ou moins
longtemps; cela fait,, mettez-le dans un linge, nouez-en les
quatre bouts, arrangez-le dans une marmite ou une braisière,
pfoportionnée à sa grosseur; mouillez-le avec de Teau, mettez-y
quatre ou cinq carottes, autant d'oignons, quatre clous de
girofle, trois ou quatre feuilles de laurier, deux ou trois gousses
d'ail et un ou deux bouquets de persil, thym et basilic; faites-le
partir et cuire ensuite à petit feu, par poids de 500 gr. ; lorsque
vous soupçonnerez qu'il est cuit, sondez-le avec la lardoire : si
elle s'enfonce facilement, c'est que sa cuisson est faite; retirez-le;
dénouez et renouez le linge pour serrer davantage ; votre jambon
à moitié refroidi levez-en la couenne près du combien; parez-
le et panez avec de la chapelure passé au travers d'un tamis ;
mettez une serviette sur un plat et dressez-le dessus^
Jambon braisé. — Parez, bxez le bord du lard, coupez le
manche, désossez l'os du quasi, faites dessaler, mettez dans un
linge, liez et posez dans la braisière foncée de bœuf, veau
carottes, oignons, ciboule, persil, clous de girofle, laurier,
thym, etc. Mouillez, faites partir, arrosez mi-cuit d'une bouteille
de vin blanc (Champagne mêlé d'eau-de-vie ou préférablement
Madère pur). Ne couvrez pas, laissez réduire; égouttez, levez la
couenne, glacez avec sauce de veau réduite. Servez sur légumes,
ad libitum.
C'est, modifiée légèrement, la recette Beauvilliers.
Jambon à la broche. — Dessalez, parez, mettez dans une
terrine avec oignon, carotte, laurier, cassis, un litre de Malaga
ou Marsala(voir plus haut); fermez dans un linge, laissez mariner
un jour et une nuit ; faites cuire à la broche arrosé de sa mari-
nade. Levez la couenne, panez et 'servez sur anglaise et sur la
marinade tamisée.
444 COCHON.
Échinée de cochon, — Prenez -la comme vous feriez d'un
carré de veau, ôtez-en l'arrête jusqu'au point des côtes et deux
heures avant de la mettre à la broche, saupoudrez-la d'un peu
de sel dessus et dessous ; faites-la bien cuire, et servez-la sous
une sauce poivrade. (V. cette sauce.)
Côtelettes de cochon, sauce Robert. — Coupez, aplatissez,
parez, salez, faites griller et vous servirez avec une sauce Robert.
(V. sauce Robert.)
Oreilles de cochon, en menu de roi, — flambez, nettoyez au
fer presque rouge, ratissez, lavez, faites blanchir et cuire dans
une braisière; laissez refroidir; coupez par filets agrémentés
d'oignons en filets cuits au beurre et au blond de veau et dont
vous verserez la sauce, en servant, sur vos oreilles de cochon avec
adjonction d'un filet de vinaigre.
Oreilles de cochon à la purée, — Comme ci-dessus. Puis
braisez avec bouillon, carottes, oignons, persil, ciboules, thym,
laurier et basilic, égouttez, dressez et masquez avec purée de pois
ou de lentilles, (V. purée de pois verts.)
Queues de cochon à la purée, — Procédez à l'égard de ces
queues, comme il est dit à l'article précédent pour les oreilles.
Tieds ^e cochon à la Sainte- Ménehould, — Lorsque le
roi Louis XVI s'enfuit de Paris pour se faire arrêter à
Varenne, dix brochures parurent pour exposer les causes de
cette arrestation ; une entre autres de cet enfant terrible de
la Révolution que l'on appelait Camille Desmoulins > insinue
que le roi fugitif n'avait pu résister au désir de manger des pieds
de cochon à la Sainte-Ménehould, ceci était un mensonge qui,
dans la situation oCt il était fait, prenait les proportions d'une
calomnie. Louis XVI ne s'arrêta à Sainte-Ménehould que le
temps d'y être reconnu par le fils du maître de poste Drouet qui,
lui-même, sella son cheval et partit par des chemins de traverse,
afin d'arriver avant le roi à Varennes ; il le précéda en efitt de
quelques minutes, et le roi fut arrêté en face de l'hôtel.
Ceci posé et c'est toujours la place de poser une vérité, reve-
nons à nos pieds de cochon.
Flambez ce qu'un cochon peut avoir de pieds, c'est-à-dire
quatre, en général ; ratissez-les, lavez-les à l'eau chaude, faites
COCHON. 445
qu'ils soient bien propres, fendez-les en deux, rapprochez les
morceaux Tun contre l'autre; entortillez-les de ruban de fil,
appelé ruban à tabliers, exactement comme si un perruquier
faisait une queue ; cousez les deux bouts du ruban, faites-les
cuire dans une braise ou dans du bouillon, comme les queues à
la purée. Égouttez-les, laissez-les refroidir, ôtez-en les rubans,
séparez ces morceaux; trempez dans du beurre fondu, panez-les,
feijes-les griller , et servez à sec.
Cochon {Petit salé aux choux). — Nous pourrions évoquer
les ombres des Grecs et des Romains potir prouver que le chou a
mérité les suffrages des premiers peuples de la terre. Et par
exemple Caton, ennemi irréconciliable des médecins, médicastre
lui-même, traitait toute sa maison avec le chou, sans distinction
de maladie, et chose merveilleuse, ses gens ne s'en trouvaient pas
plus mal. — A l'exception d'Auguste, tous les empereurs,
jusqu'à Vespasien, furent gourmands. Mais il faut le dire à la
louange de ce stupide Claude, ce fut lui qui releva le chou par
l'amour qu'il portait au petit salé. « Pères conscrits, s'écria-t-il
un jour en entrant au sénat, dites-moi, je vous prie, est-il
possible de vivre sans petit salé? » Et l'honorable compagnie de
répondre aussitôt : « Oui, seigneur, plutôt mourir que de se
passer de lard, n .
Dès ce moment les sénateurs, pour faire la cour à Claude,
se régalèrent de petit salé aux choux.
Pour faire le petit salé, vous coupez dès poitrines de cochons
en morceaux; frottez-les de sel fin comme le lard, ajoutez-y un
peu de salpêtre, arrangez-les au fur et à mesure les uns après
les autres dans un pot, ayez soin de les bien fouler pour éviter
qu'elles ne prennent le goût d'évent ; bouchez les vides que
pourra laisser le sel, recouvrez le vase d'un linge blanc et fermez
le plus hermétiquement possible et servez-vous-en au bout de
huit ou dix jours pour mettre sur des choux ou sur ce que vous
voudrez.
Langues dj porc fourrées et fumées. — Prenez des langues
de porc dont vous ôtez une partie du cornet, échaudez-les pour
leur ôter la première peau, mettez-les dans un vase en les serrant
bien l'une contre l'autre, et les salant avec du sel et un peu de
446 COCHON DE l-AIT.
salpêtre; joignez-y du basilic, du thym, du laurier, du genièvre
et quelques échalotes, si vous voulez, couvrez le pot comme il est
indiqué au petit salé, mettez-le de même dans un endroit frais
pendant huit jours ; au bout de ce temps, retirez-les de la sau-
mure, faites-les égoutter, emballez-les dans des boyaux de
cochon, de bœuf ou de veau, liez-en les deux bouts, faites-les
fumer, et quand vous voudrez vous en servir mettez-les cuire
dans Teau avec un peu de vin, un bouquet de persil et ciboules,
quelques oignons, thym, laurier, basilic; laissez refroidir et
servez. •
Cervelles de cochon. — On les prépare comme les cervelles
de veau (V. cet article), en ayant soin de les faire accompagner
en les servant d'une sauce relevée soit à Testragon, soit au Kari
des Indes.
Saucissons dits de Bologne, — Les saucissons se font de la
même manière que les cervelas dits Mortadelles. (V. cet article.)
Émincé de porc frais à la minute. — Coupez des filets
mignons de porc en forme d'escalopes que vous posez dans une
poêle ou sur une tourtière après les avoir saupoudrés de mie de
pain assaisonnée de fines herbes, sel et poivre; mettez du beurre
dans une casserole et passez-y des échalotes hachées, mouillez
avec le jus des côtelettes, sel et poivre, faites lier avec du beurre
manié de farine et ajoutez une cuillerée de moutarde à votre
sauce au moment de servir.
Rôtie au lard. — Coupez les deux extrémités d'un petit
pain mollet et piquez-le d'une extrémité à l'autre avec des lan-
guettes de filets mignons de porc frais et de petit lard ; coupez
votre pain en tranches et trempez ces tranches dans des œufs bat-
tus, faites frire à petit feu et servez à sec ou à la sauce piquante.
COCHON DE LAIT. — (Article copié dans un vieux
formulaire.)
En choisissant un cochon de lait, vous devez avoir soin de le
prendre court, gras et jeune, c'est-à-dire qu'il n'ait pris pour
nourriture que le lait de sa mère et alors il doit être bon ; pré-
ferez les tonquins aux autres espèces, ils sont beaucoup plus déli-
cats. Quand vous voudrez le tuer prenez lui le corps entre vos
genoux, en lui serrant le grouin dans la main gauche et vous lui
COCHON DE LAIT. 447
enfoncez le couteau au bas de la gorge, ce qu'on appelle le petit
cœur : il est nécessaire que le couteau soit étroit de lame et
fort pointu; dirigez-le bien droit afin d'atteindre Tanimal au
>cœur. Prenez garde de Vépauler^ car alors il serait difficile à
échauder, et comme il saignerait peu, les chairs en seraient noires
et moins délicates ; vous aurez fait chauffer une chaudronnière
d'eau un peu plus que tiède, vous aurez eu la précaution d'avoir
un peu de poix-résine. Avant de tremper votre cochon dans l'eau
ayez soin de lui casser les défenses de crainte qu'elles ne vous
blessent en l'échaudant; trempez-lui la tête dans cette eau; si
le poil des oreilles commence à quitter retirez votre eau du feu
et trempez en entier votre cochon ; mettez-le sur la table et la
résine près de vous ; posez votre main à plat sur cette résine (ce
qui vous donnera l'aisance de bien approprier votre cochon)
frottez-le, trempez-le plusieurs fois dans l'eau, afin qu'il n'y
reste aucun poil, déchaussez-le, c'est-à-dire ôtez lui les sabots,
\ddez-le et prenez garde de faire l'ouverture trop grande, ôtez-
lui tout ce qu'il a dans le corps, hors les rognons, passez votre
doigt entre le quasi, ponr lui faire sortir le gros intestin, suppri-
mez-le, ciselez-lui le chignon, faites-lui quatre incisions sur la
croupe pour lui retrousser la queue entre la peau et les chairs,
passez-lui trois brochettes, une dans les cuisses pour lui assu-
jettir les pieds de derrière comme ceux d'un lièvre au gîte, une
autre à travers la poitrine pour lui trousser les pieds de devant,
et une autre auprès des rognons pour l'empêcher de faire le dos
de chameau; cela fait, mettez-le dégorger dans l'eau fraîche,
égouttez-le, laissez-le se ressuyer et mettez-le à la broche ; s'il
lui restait quelques poils, flambez-les avec du papier; lorsqu'il
aura fait trois ou quatre tours de broche, frottez-le d'huile avec
un pinceau de plumes pour que la peau soit croquante; faites
cette opération plusieurs fois pendant le temps de la cuisson,
quand il sera cuit, débrochez-le, faites-lui une incision autour
du cou, afin que la peau reste croquante et servez-le très-chau-
dement.
Cochon de lait farci à V anglaise. — La seule différence de
celui-ci d'avec le précédent est que la farce sera faite avec le foie
haché, de la mie de pain trempée dans le lait, du beurre, de la
448 COING.
tétine, des œufs, des jaunes surtout, des assaisonnements
épicéa, etc.
Cochon de lait en galantine. — Echaudez un cochon,
comme il est indiqué plus haut, faites-le dégorger, égouttez-le,
désossez-le, à la réserve des quatre pieds et prenez garde de
trouer sa peau; faites une farce cuite, de volaille ou de veau,
étendez la peau de votre cochon sur un linge blanc, mettez-y de
cette farce l'épaisseur d'un doigt, garnissez-la de gros lardons de
lard et placez entre ces lardons des filets de truffes, des filets
d'omelettes et des jaunes d'œuf entiers, des filets de pistaches,
des filets d'amandes douces et des filets de noix, de jambon cuit,
couvrez le tout d'une même épaisseur de farce et continuez ainsi
jusqu'à ce que la peau soit bien remplie sans être trop tendue;
surtout faites en sorte de conserver à la tête de l'animal ainsi
qu'à son corps, leurs premières formes; cousez-le avec une
grosse aiguille et du meilleur fil de Bretagne, fixez les quatre
pieds comme pour le mettre à la broche, frottez-le de jus de
citron, couvrez -le de bandes de lard, emballez-le dans une éta-
mine neuve que- vous coudrez en attachant les deux bouts, for-
mez une braise avec les os et les débris de ce cochon, quelques
lames de jambon cru, un jarret de veau partagé en deux, deux
gousses d'ail, deux feuilles de laurier, du sel^ carottes, oignons
et un bouquet de persil et ciboules ; posez dessus le même cochon
que vous mouillerez avec du bon bouillon et une bouteille de
vin de Grave ; faites-le partir, retirez-le sur les bords du four-
neau, faites-le . aller doucement pendant trois heures, laissez-le
refroidir dans sa cuisson, ensuite déballez -le, ôtez les bardes de
lard, dressez-le sur le plat. Vous aurez passé le fond de votre
braise au travers d'un tamis de soie, si ce fond n'est pas assez
ambréy mettez-y un peu de jus, faites-le réduire et clarifiez comme
il est indiqué à l'aspic (V. aspic) ^ faites un cordon de cette gelée
autoift- de votre plat, soit en diamant ou de toute autre manière,
et servez pour grosse pièce à l'entremets. (Recette tradition-
nelle.)
COING. — Fruit du Cognassier. On en fait un sirop de
coings qu'on administre dans les cas de diarrhées rebelles et
l'eau mucilagineuse qu'on obtient par l'immersion des pépins de
COING.
449
coings. Le coing sert à faire la bandoline, dont se servent les
coiffeurs pour lisser les cheveux.
Le coing sert aussi à fabriquer des confitures dont nous
allons indiquer les différentes recettes.
Coings au beurre. — Vous faites cuire des coings au four puis
vous les pilez et les émincez en bons morceaux, en évitant d'en rien
détacher; jetez-les encore chauds dans une bassine de faïence
dans laquelle vous aurez mis un bon morceau de beurre frais, une
pincée de sel, une bonne dose de sucre en poudre et de la cannelle,
sautez sans laisser bouillir et servez avec des croûtons frits.
Coings confits. — Prenez des coings bien odorants, coupez-les
par moitié ou par quartiers, pelez-les et ôtez-en les cœurs,
mettez-les à mesure dans l'eau fraîche, faites-en bouillir d'autre,
mettez-y vos coings et laissez-les jusqu'à ce qu'ils commencent à
s'amollir.
Cela fait, tirez-les et remettez-les dans de l'eau fraîche, faites
cuire du sucre, mettez-y vos coings et faites-les bouillir à petit
feu, couvrez-les pour leur faire prendre une couleur rouge, ôtez-
les quelquefois de dessus le feu et remettez-les après qu'ils se
seront un peu reposés, jusqu'à ce que le sirop soit cuit presque
en gelée et couvrez-les lorsqu'ils seront froids.
Faites une décoction des pelures, des trognons et de quelques
autres parties de coings, passez-les au tamis ou à travers un linge
et servez-vous-en pour cuire ceux qui sont destinés à être confits,
ajoutez-y de la cochenille préparée pour leur donner belle
couleur.
Compote de coings, — Les coings ne forment point une
substance assez compacte pour qu'on en puisse faire rien qui
vaille en compote.
Coings à la moelle. — Mettez vos coings sous la cendre dans
une robe de papier beurré. Cuits, coupez-les, sucrez en les
tenant devant le feu. Ajoutez quelques grammes de moelle par-
faitement fraîche, du ratafia de coings, de la cannelle, laissez
bouillir et dressez avec biscuits d'une pâte légère.
Gelée de coings. — Prenez et coupez par morceaux une cer-
taine quantité de coings, tirez-en la décoction en les faisant
bouillir dans l'eau, qu'ils trempent seulement sans être noyés,
^9
450 COING.
jetez-les sur un tamis, lorsqu'ils seront bien cuits, ayez du^sucre
clarifié, une cuillerée pour deux de décoction, faites-le cuire au
soufflé, ajoutez-y votre décoction et faites cuire votre gelée, reti-
rez-la, sa cuisson faite, et mettez-la en pots.
Conserve de coings^ appelée cotignac d'Orléans. — (Cette
bonne recette provient des archives de M. Grimod de la Reinière
qui la tenait du confiseur de son oncle, M. de Jarente, évèque
d'Orléans.) Prenez les plus beaux coings etôtez-en les pépins en
y laissant toute la peau des fruits, car c'est dans la peau des
coings que se trouve la plus grande partie de leur parfum et de
leur saveur particulière ; enlevez les pépins et la partie fibreuse,
vous les mettez avec de Teau dans une bassine, les retournant
de temps en temps avec une spatule jusqu'à ce qu'ils soient bien
tendres, alors vous les retirez et les jetez dans un tamis sur une
terrine ; quand ils 'sont refroidis, vous les écrasez et les réduisez
en pulpe que vous faites réduire à moitié sur le feu, vous la reti-
rez et la versez de la bassine dans un vase de terre vernissée ou
dans une terrine, précaution sur laquelle on ne peut trop
insister.
Vous clarifiez même quantité de sucre que de marmelade,
et vous le faites cuire au petit cassé ; vous y versez la marmelade
en remuant bien avec une spatule; quand le mélange est bien
fait vous remettez la bassine sur un petit feu, en remuant toujovirs
jusqu'à ce que vous découvriez facilement le fond de la bassine,
alors vous la retirez de dessus le feu.
Vous posez sur une plaque de fer-blanc ou sur des ardoises,
des moules de différentes figures, soit en rond, soit en carré,
soit en forme de cœur, vous les emplissez de votre pâte
ou marmelade, ayant soin d*en bien unir la surface avec un cou-
teau; lorsque tous les moules sont remplis, vous saupoudrez avec
du sucre et les mettez à Tétuve avec un bon feu. Le surlende-
main vous les retirez des moules, vous les posez sur des tamis
en les retournant et les saupoudrez aussi de sucre de ce côté ;
vous les laissez en cet état un jour à Tétuve et les conservez dans
des boîtes bien bouchées , en les disposant par lits et mettant
entre chacun une feuille de papier blanc.
Nous avons cru devoir mettre ces recettes au mot coing.
COMPOTE. 451
plutôt que de les indiquer aux mots compotes, conserves ou
gelées, et nous ferons de même pour les autres fruits, suscep-
tibles des mêmes préparations.
COLLAGE. — On appelle collage en terme culinaire,
Topération que Ton fait subir aux vins pour les clari-
fier.
Le collage du vin a pour but de lui donner de la limpidité, de
le dégager de la lie et des parties trop colorantes, d'opérer enfin
ce qu'on appelle la clarification. Pour obtenir ce résultat, on se
sert ordinairement de colle de poisson et de blancs d œufs ou de
poudres préparées à cet effet. On a soin d'abord de tirer de la
pièce la valeur de deux bouteilles, on prend six blancs d'œufs
que Ton bat ensemble avec une demi-bouteille de vin. On intro-
duit par la bonde un bâton fendu et Ton agite le vin en faisant
pénétrer le bâton dans tous les sens, et puis on verse les blancs
d'œufs préparés et Ton achève de remplir la pièce qui doit être
bouchée environ un quai;t d'heure après avec une bonde fraîche ;
huit jours après on peut tirer le vin sans inconvénient. Pour
opérer le collage avec de la colle de poisson ( collage qui
convient uniquement au vin blanc, retenez-le bien, tandis que
les blancs d'œufs ne sont bons que pour coller le seul vin rouge),
il faut prendre 6 grammes de colle, la couper par feuilles très-
minces, la faire dissoudre dans une demi-bouteille de Vin pen-
dant vingt-quatre heures, et agir de la même façon qu'avec les
blancs d'œufs.
Le collage de la bière se fait de la même manière.
COMPOTE. — On se sert également de ce terme pour
désigner un grand nombre de préparations culinaires.
On fait des compotes avec toutes sortes de volailles, telles
que pigeons, tourtereaux, ramiers, perdreaux, alouettes, etc.,
que l'on fait cuire avec des carrés de petit lard et dans du con-
sommé assaisonné avec des cinq racines, des sept fines herbes et
des quatre épices.
Quant aux compotes de fruits, ce sont tout simplement des
confitures qui n'ont pas assez cuit pour dénaturer la forme du
fruit qui fait leur base, et qui, par ce seul fait, conservent encore
toute leur saveur originelle, ainsi que leur fraîcheur et leur par-
4ja
COMPOTE.
fum. Les compotes doivent être mangées aussitôt leur prépara-
tion, sans quoi elles perdent toutes leurs qualités.
Nous allons indiquer les différentes espèces de compotes
en renvoyant pour leur préparation, aux fruits qui les com-
posent :
Compote de pommes dite à la paysanne
(V. Abricot).
Compote de pommes de reinette à la
gelée d'oranges.
Compote de pommes de calville rouge
à la gelée de framboises.
Compote de cœur de pigeon aux tran-
ches de cédrat.
Compote de pommes grillées à la por-
tugaise.
Compote de poires à la ménagère.
(V. Abricot.)
Compote de poires crues à la royale.
(V. Bon-chrétien.)
Compote de poires de bon- chrétien
mêlées de petits citrons confîts.
Compote de poires de Martin -sec à
la portugaise.
Compote de poires de rousselet aux
montants d'angélique.
Compote de coings. (V. CoiNG.)
Compote de pêches à la coque.
Compote de pèches royales au jus de
groseilles blanches.
Compote de pèches de vigne au vin
de Clos-Vougeot.
Compote de pèches tardives au vin
de Lunel.
Compote de brugnons à la ménagère.
Compote de brugnons glacés au candi.
Compote d'abricots.
Compote de prunes de reine-Claude
au naturel.
Compote de reine-Claude au rhum.
Compote de prunes de mirabelle mê-
lées de cerises.
Compote de prunes de Damas jaune
au ratafia de fleurs d'oranger.
Compote de framboises mêlées de gro-
seilles épipennées.
Compote de verjus au naturel.
Compote de verjus muscat au candi.
Compote des quatre fruits et de ver-
jus rouge en macédoine.
Compote de cerises hâtives à la bour-
geoise.
Compote de cerises au marasquin.
Compote de fraises ananas crues au
vin de Rivesalte.
Compote de fraises des bois cuites au
bain>marie.
Compote d'oranges au naturel.
Compote d'oranges à leur gelée.
Compote d'oranges à leurs zestes pra-
linés.
Compote de citrons doux à l'écorce de
cédrat.
Compote de limons à l'eau de va-
nille.
Compote d'ananas crus au vin gré-
geois. (V. Ananas.)
Compote de marrons au jus de biga-
rade.
Compote de marrons glacés à la li-
queur de cannelle.
Compote de groseilles vertes à la
crème fouettée.
Compote d'amandes vertes à la purée
de pistaches.
Compote de nèfles frites à la moelle
et au vin de Bordeaux sucré.
Toutes ces compotes se préparent de la même manière, les
fi'uits seuls en changent la composition.
CONCOMBRE. 453
CONCOMBRE. — Il y a différentes espèces de concombres,
mais nous n'avons à nous occuper ici que des concombres verts
dont on se sert le plus ordinairement dans la cuisine où on les
emploie de diverses manières.
Concombres farcis, — Epluchez trois ou quatre concombres,
parez-les avec soin et tournez-les; coupez-en- les pointes du côté
de la queue, prenez une grosse lardoire et videz-les après en avoir
ôté tous les pépins. Mettez-les dans l'eau avec un filet de vinaigre
rincez-les bien et faites-les blanchir au grand bouillant; rafraî-
chissez-les, laissez-les égoutter, et remplissez-les d'une farce
cuite, faite avec des blancs de volaille (V. Farce), foncez une
casserole de bardes de lard, posez-y vos concombres, assaison-
nez-les avec sel, poivre, bouquet de persil, ciboules, un verre
de vin blanc, une demi -feuille de laurier, deux clous de
girofle, joignez-y une cuillerée à pot du derrière de la marmite,
couvrez-les d'un rond de papier, faites-les partir, mettez-les
mijoter sur une cendre chaude ; leur cuisson achevée, égouttez-
les, dressez-les, glacez-les, saucez-les d'une espagnole réduite,
bien corsée et servez.
Ragoût de concombres pour garnitures, — Vous coupez vos
concombres par tranches et vous les faites mariner avec sel,
poivre, un peu de \înaigre et des oignons coupés, puis vous les
pressez dans une serviette et les passez avec du lard fondu, liez
la sauce en la mouillant avec du jus, avec du blond de veau ou
coulis de jambon.
Concombres à la poulette. — Faites blanchir vos concombres
et mettez-les, après les avoir coupés, dans une casserole avec du
beurre, singez-les d'une pincée de farine bien fine, sautez-les,
mouillez-les avec de Teau, avec sel et poivre, faites cuire et
réduire, mettez du persil haché, un peu de muscade, liez-les
avec des jaunes d'œufs et de la crème, faites cuire votre liaison
sans laisser bouillir et servez.
Concombres à la béchamel. — Préparez ces concombres
prêts à être accommodés, et mettez cuire et réduire avec de fa
béchamel grasse ou maigre dans une casserole, ajoutez au
moment de les servir du beurre et un peu de muscade râpées,
sautez-les, assurez-vous s'ils sont de bon goût et servez.
454 CONFITURES,
Concombres fricassés. — Vos concombres coupés par
tranches, vous les faites cuire entre deux plats avec sel, clous de
girofle, et uo peu de beurre, ajoutez de la croûte de pain, des
raisins de Corinthe et des champignons coupés bien menu ; quand
vos concombres sont cuits mettez-y du verjus ou des jaunes
d'oeufs délayés aVec du verjus et un peu de muscade et servez.
Salade de concombres. — Prenez un ou deux concombres,
qu'ils ne soient pas encore à leur maturité, épluchez-les, goûtez
s'ils ne sont pas amers et dans ce cas rejetez le concombre,
coupez-les en ronds bien minces, mettez-les dans un compotier
avec sel, poivre, vinaigre, oignons hachés, laissez-les confire deux
ou trois 'heures et servez avec le bœuf après avoir supprimé une
partie de leur assaisonnement.
CONFITURES. — 11 y a deux sortes de confitures, les con-
fitures sèches et les confitures liquides. Les premières sont com-
posées de fruits, de tiges, de racines, de certaines plantes et
des écorces de certains fruits. Les secondes se font avec des fruits
confits dans du liquide et leur préparation demande les plus
grands soins.
Les marmelades, les gelées et les pâtes sont aussi de la caté-
gorie des confitures, seulement les marmelades, ne s'appliquent
guère qu'aux abricots et aux prunes; quant aux gelées, elles
s'obtiennent avec des jus de fruits dans lesquels on fait dissoudre
le sucre et que Ton fait bouillir jusqu'à consistance sirupeuse.
Nous allons d'ailleurs donner, par catégories, les différentes
recettes des marmelades, gelées, pâtes, etc.
GELÉES.
Gelée de groseilles. — Il est important pour faire cette
gelée que vous preniez des groseilles qui ne soient pas trop mûres
et encore acidulées afin que votre gelée soit bien claire ; dans le
cas contraire, vous seriez obligé de la clarifier, ce qui ne saurait
se faire sans nuire à l'arôme des fruits.
Il faut ordinairement pour foire une bonne gelée 500
grammes de sucre par 500 grammes de fruits, mais cette pro-
portion n'est pas de rigueur.
CONFITURES. 45^
Prenez 2 kilos de sucre, cassez-le par inorceaux dans une
poêle d'office, ayez 5 kilos de groseilles dont un kilo de blanches
pour que votre gelée soit plus belle, égrenez-les ensemble, mettez-
les dans une autre poêle avec un dçmi-setier d'eau, pour les fondre,
mettez-les sur le feu et remuez de temps en temps afin qu'elles
ne s'attachent pas ; ajoutez-y pour donner du goût, un petit
panier de framboises bien épluchées, et faites bouillir le tout ;
passez-les après sur un tamis pour en retirer le jus que vous
yersez sur le sucre, remettez ce sucre sur le feu, pour lui faire
jeter une douzaine de bouillons et assurez-vous si elle est cuite à
point, mettez-en une pleine cuillerée à bouche sur une assiette,
laissez-la refroidir ; si elle tombe en gelée vous pourrez l'em-
porter, sinon faites-lui prendre un ou deux bouillons de plus.
Vous couvrez vos pots, d'abord avec une rondelle de papier
blanc trempé dans de Teau-de-vîe, puis vous recouvrez celte
rondelle d'un autre papier double que vous rabattez sur les
parois de votre pot et que vous attachez avec une ficelle fine.
. On ne saurait trop insister sur la couverture des pots : s'ils
sont mal couverts, l'air, en pénétrant, altère votre confiture et lui
fait perdre une grande partie du liquide qu'elle contient, ce qui
la dessèche et lui donne une consistance trop forte.
Il faut aussi employer toujours pour la couverture des pots,
du papier blanc collé : l'autre absorbe trop facilement l'air.
Je reçois à l'instant un billet d'un maître. On ne saurait
être trop renseigné. Je le transmets à mes contemporains et à la
postérité. Le voici :
(( Cher et illustre maître,
<( Voici ce que mon expérience, acquise devant les four-
neaux, me suggère sur le point où vous voulez bien me consulter.
u Pour faire de la bonne gelée de groseilles prenez le fruit
peu mûr, qui est gélatineux, égrenez-le, jettez les grains dans
une terrine, ajoutez quelques framboises également; prenez pour
deux kilos de fruits, deux kilos de sucre que vous ferez fondre
dans une bassine avec un demi-litre d eau ; à la première ébulli-
tion, cinq minutes après, jetez vos groseilles dans le sucre. — Un
quart d'heure de grande ébullition ; enlevez la pulpe, jetez votre
456 CONFITURES.
gelée de groseille sur un tamis fin ; ondulez-la deux minutes, et
versez dans vos pots. — Vous obtenez par ce ce moyen de la belle
gelée, et le goût de fruit bien prononcé. — Infaillible réussite.
« VUILLEMOT. »
Gelée de pommes à la façon de Rouen. — On emploie ordi-
nairement pour faire cette gelée, des pommes de reinette, à
cause de la plus grande quantité d'acide qu'elles contiennent, et
qui leur permet de ne pas faire une gelée trop fade malgré cela \
on Y ajoute encore généralement un jus de citron.
Pelez des pommes de reinette avec un couteau d'argent
afin d'empêcher leur jus de se colorer, lavez-les bien à Teau
chaude, égouttez-les, mettez-les dans un poêlon, avec assez d'eau
pour les baigner complètement^ faites-leur jeter un bouillon afin
qu'elles soient bien cuites mais pas écrasées, versez-les sur un
tamis, laissez *les égoutter, mettez dans votre jus que vous avez
passé, deux cuillerées de sucre clarifié et cuit au fort lissé;
versez le tout dans le poêlon et faites bouillir jusqu'à ce qu'elle
tombe en nappe, ajoutez-y de l'écorce de citron coupée en petits
filets, laissez bouillir encore une minute ou deux, enlevez les
filets de citron avec lesquels vous couvrez les pots que vous avez
remplis de gelée.
Gelée de /leurs d* oranger. — Quand votre gelée de pommes
est arrivée à son point de cuisson, vous retirez la bassine du feu
et vous laissez tomber Tébullition, alors vous versez et mêlez
rapidement de la teinture de fleurs d'oranger en faisant bien
attention que la gelée soit encore assez chaude pour faire éva-
porer l'esprit tandis que l'arôme se mélange avec le sucre.
Gelée de roses. — Se fait de la même manière que celle
d'orangers en ajoutant à votre gelée de pommes la quantité suffi-
sante d'eau double de rose, délayée avec un peu de carmin pour
donner à la gelée une teinte suave de rose pâle.
Gelée de cerises. — Écrasez des cerises dont vous ôtez les
noyaux en en conservant seulement une partie pour donner un
bon goût d'amande à votre gelée, vous y ajoutez un quart de
groseilles égrenées puis vous mettez le tout dans une casserole
avec du sucre en suffisante quantité, entretenez l'ébuUition pen-
CONFITURES, 4J7
dant un quart d'heure et passez le contenu de votre bassine sur
un tamis afin de bien extraire le jus que vous remettez dans la
bassine et que vous faites cuire jusqu'à ce qu'il ait atteint la
consistance prescrite ; alors vous retirez votre gelée et la mettez
dans les pots.
MARMELADES.
Marmelade de pêches. — Choisissez des pêches automnales
et mûres que vous pelez et coupez par morceaux, ajoutez du
sucre en quantité que vous clarifierez et ferez cuire au fort
perlé ; puis mettez vos pèches dans le sucre, ne manquez pas de
remuer continuellement, quand votre composition cuit, avec une
spatule, jusqu'à ce qu'elle soit arrivée au degré de cuisson
voulu.
Ajoutez aussi quelques amandes comme à la marmelade
d'abricots.
Marmelade de prunes mirabelles, — Prenez de la petite
espèce de mirabelles, bien mûres, ôtez les noyaux et faites macé-
rer 24 heures avec du sucre en poudre.
Faites cuire, tamisez et procédez comme pour les autres
marmelades de fruits.
Marmelade de cerises. — Prenez des cerises mûres, que les
oiseaux auront jugées telles en les piquant du bec. Otez-en les
queues et les noyaux, écrasez-les et donnez -leur un fort bouillon,
passez-les au travers d'un tamis, mettez ce qui est passé dans un
poêlon, faites-le réduire à moitié et ajoutez-y quantité égale de
sucre ; finissez comme ci-dessus.
La marmelade de groseilles se fait de même.
Marmelade de framboises . — Faites macérer vos framboises
pendant 3 ou 4 heures avec du sucre en poudre, mettez-les
ensuite dans une bassine et faites cuire à grand feu, passez-les
quand elles seront bien fondues sur un tamis très-fin, remettez-
les dans la bassine et faites chauffer jusqu'à ce que la marmelade
ait pris la consistance nécessaire, empotez-la quand la chaleur
est tombée.
Marmelade de fraises. — Comme ci-dessus.
458 CONFITURES.
Marmelade de verjus. — Choisissez du verjus presque mûr
dont vous ne prendrez que les grains, écrasez-les et mettez-les
au feu, faites-leur prendre plusieurs bouillons et passez-les au
travers d'un tamis, pour qu'il ne reste que les peaux et les pépins,
vous les remettez réduire au feu et vous y ajoutez la même
quantité de sucre ; faites cuire et finissez comme ci-dessus.
Marmelade sans nom, — Elle se fait avec des fruits d'églan-
tier cueillis après les premières gelées, elle est très-agréable et
fortement astringente, c'est un bon stomachique dont il ne faut
pas abuser.
Après avoir ôté les queues et les calices de vos fruits, vous
les fendez et enlevez toutes les graines. Mettez vos églantînes
épluchées dans une bassine avec assez d'eau pour les baigner, et
faites cuire doucement, passez-les, ajoutez leur poids de sucre,
faites réduire et faites bouillir jusqu'à ce que la marmelade ait
en refroidissant acquis plus de fermeté que les autres.
Marmelade de poires. — Pelez des poires de bonne espèce,
coupez-les par quartier et mettez-les baigner dans l'eau, faites
cuire à grand feu, retirez-les et mettez le sucre dans leur eau,
pendant que le sucre se fond, vous écrasez vos poires et vous les
passer à travers un tamis, puis vous remettez le tout dans la
bassine et vous achevez de faire cuire en finissant comme potir
les autres.
Raisiné de poires à la paysanne. — Prenez un moût de
raisins blancs ou de raisins noirs^ faites-le réduire d'un quart en
bouillant, laissez-le refroidir, versez-y du vin blanc d'Espagne
ou de la craie délayée avec de l'eau, mêlez bien la craie avec
le moût, il se fait alors une vive effervescence ; quand elle est
apaisée, vous ajoutez une nouvelle portion de craie et vous con-
tinuez jusqu'à ce que cette effervescence soit disparue. Laissez
reposer la nuit, le lendemain décantez le dépôt, passez-le à la
chausse jusqu'à ce qu'il soit bien clair ; puis remettez-le sur le
feu et faites bouillir avec quelques blancs d'œufs battus dans
Teau ; mettez alors vos poires coupées en morceaux, faites bouillir
le tout ensemble jusqu'à cuisson complète des poires et réduction
suffisante du moût.
Raisiné de coings à la dauphinoise. — 11 se fait de la même
CONFITURES. . 4^9
manière que le raisiné de poires, on y ajoute seulement des
coings coupés en morceaux et que l'on a bien brossés pour enle*
ver les poils.
PATES DE FRUITS.
Pâte de prunes, — Cuisez de la mirabelle en gelée et évapo-
rez par couches à Tétuve, même pour toutes les pâtes de fruit.
Observation générale : Sucrez fortement pour conserver le goût et
la couleur.
Pâte de pommes, — On la fait avec une belle gelée de
pommes aromatisée.
Pâte de fruits variés. — On peut convertir en pâte tous les
fruits dont on fait des gelées et des marmelades; on peut en faire
en toutes saisons, il ne s'agit que de mettre les gelées ou les
marmelades dans une bassine et de les faire amollir en les chauf-
fant doucement.
Pâte transparente d'abricots^ de prunes, etc. — Ecrasez à
froid, mettez le suc exprimé dans une bassine avec un peu de
gomme arabique, puis vous clarifiez au blanc d'œuf, en l'intro-
duisant dans le jus que vous remettez dans la bassine et que
vous mêlez bien en faisant bouillir et en ôtant les écumes à
mesure qu'elles se forment.
Cougloff à Vallemande, — On ne saurait donner une
meilleure formule que celle ci-après, recueillie par M. Carême.
Mettez dans une grande terrine vernissée une livre et demie
de beurre fin que vous avez fait tiédir, puis avec une grande
cuiller de bois (neuve ainsi que la terrine) vous mêlez ce beurre
pendant six bonnes minutes, afin qu'il devienne velouté et d'un
moelleux parfait, vous y joignez ensuite deux œufs, puis vous
remuez ce mélange pendant deux bonnes minutes, ajoutez trois
jaunes d'œufs et remuez encore deux minutes. Vous sucrez ce pro-
cédé, en mettant successivement dix autres œufs et neuf jaunes,
ce mélange de beurre et d'œufs doit vous donner une crème
extrêmement douce au toucher; alors vous y mêlez peu à peu
deux livres de belle farine tamisée, ce qui commence à donner
une pâte mollette, vous y joignez douze gros de bonne levure
46o CONSERVES.
dissoute dans un verre de lait chaud. Vous passerez ce liquide
dans le coin d*une serviette (on emploiera le même procédé pour
passer la levure liquide avant de la joindre dans les détrempes où
son addition est nécessaire), remuez bien ce liquide à la pâte en
y mettant huit onces de fkrine passée, puis faites un creux dans
la pâte, dans laquelle vous mettez une once de sel fin et quatre
onces de sucre en poudre, ensuite vous versez dessus un verre de
lait chaud et le mêlez à la masse entière en y joignant encore
huit onces de farine.
Cette pâte se travaille encore quelques minutes en y versant
de temps en temps un peu de lait chaud , afin de la rendre de
la cons'stance mollette du gâteau de Compiègne. L'addition du
lait donne plus de corps rt la rend plus lisse qu'elle n'était
d'abord.
Il est aisé, ce me semble, de voir que la manière de tra-
vailler cette détrempe contribue seule au moelleux de ce délicieux
gâteau .
Ensuite vous avez tout prêt un moule de la même grandeur
et beurré de même que pour le gâteau de Compiègne; mais avec
cette différence que dans celui-ci vous placez avec symétrie des
amandes douces séparées en deux parties, puis vous y versez la
pâte par petite partie, afin de ne pas déranger les amandes pour
la fermentation et la cuisson. C'est absolument la même manière
de procéder que pour la brioche royale ou gâteau de Compiègne.
(V. Brioche.)
« Nous sommes redevables de cette intéressante recette (dit
toujours M. Carême) à M. Eugène Wolf, chef de cuisine du
prince Schwartzemberg, et je remercie bien sincèrement cet esti-
mable et savant praticien de ce qu'il a bien voulu me rendre ce
service important, puisque aujourd'hui je peux en enrichir notre
grande pâtisserie nationale.
« M. Eugène Wolf m'a assuré que les Viennoises ont un talent
tout particulier pour bien faire ce gâteau. Elles ont la sage pré-
caution de se mettre dans un lieu chaud pour travailler, puis
elles font tiédir les œufs, le beurre, la farine et même la terrine,
ce qui fait le plus grand honneur aux femmes de Vienne. »
CONSERVES. — Les conserves sont une grande et pré-
CONSERVES, 461
cieuse ressource pour la marine et l'armée, ainsi que pour Téco-
nomie domestique.
On donne aussi ce nom à des substances végétales sèches ou
fraîches, qu'on incorpore avec une quantité suffisante de sucre
pour en faire une pâte assez consistante mais toujours molle.
La conservation des aliments paraît toujours beaucoup plus
moderne que celle des corps. La plus simple méthode, est celle
des salaisons, quoiqu'elle ne soit pas générale, et ne s'applique
qu'à un petit nombre d'aliments.
La méthode la plus générale est celle soumise par M. Appert
à rinstitut, et qui consiste à conserver toutes les substances
alimentaires dans des boites de fer-blanc et de fer battu. Avant
de renfermer une substance alimentaire quelconque, M. Appert
la fait soumettre à l'influence de la chaleur du bain-marie, qu'il
considère comme le principe unique et universel de conservation;
par ce procédé, les substances animales ne perdent riçn de leur
poids ni de leur volume; dans les substances végétales au con-
traire, le calorique en sépare l'eau de végétation qui, restant
dans les bouteilles, devient un jus excellent; il diminue d'autant
le volume de la substance conservée et en améliore la qualité.
M. Masson , jardinier en chef de la Société d'horticulture,
emploie pour la conservation des substances alimentaires végé-
tales le procédé suivant.
Ces substances sont épluchées avec soin, débarrassées des
parties dures comme pour les préparations usuelles culinaires;
on les dispose sur des claies en canevas très-clair cloué sur un
cadre en lattes; ces claies sont placées sur des rayons en lattes, et
les matières sont soumises à l'action de l'air chaud dans une
étuve chauffée à environ 40 degrés.
Cette opération prive les substances de l'eau surabondante qui
n'est pas indispensable à leur constitution et qui, pour certains
végétaux, tels que les choux et les racines s'élève à plus de 80 ou 85
pour 0/0 de leur poids à l'état frais. On les soumet ensuite à la
compression très- énergique d'une presse hydraulique, com-
pression qui réduit leur volume, augmente leur densité, la porte
à celle du bois de sapin, et facilite ainsi la conservation, l'arri-
mage et le transport de ces substances. Les légumes desséchés et
46a ^ CONSERVES.
comprimés sont habituellement livrés en tablettes de o'",2o de côté
environ, enveloppées d'une feuille mince d'étain ; 25,000 rations
ne demandent qu'un espace d'un mètre cube. Pour eiùployer les
légumes ainsi préparés, il suffit de les laisser tremper de
30 à 45 minutes dans l'eau tiède; ils reprennent alors presque
toute l'eau qui leur a été enlevée ; on les cuit ensuite pendant le
temps nécessaire et on les assaisonne à la manière ordinaires Le
procédé ci-dessus s'applique à tous les légumes verts, aux racines,
aux tubercules et même aux fruits.
Si vous voulez de bon bouillon, prenez de l'essence de chair
crue du baron Liebig, et mettez-en une cuillerée à café dans un
bol d'eau bouillante, salez-le en conséquence, et vous aurez en
cinq minutes de l'excellent consommé, où vous pouvez ajouter
des pâtes après les avoir préalablement fait cuire.
Ne nous occupons ici que des conserves de fruits, en ren-
voyant pour la préparation des conserves de viande à l'article qui
les concerne.
CONSERVES DE FRUITS ENTIERS.
Prunes confites. — On laisse le fruit tel' qu'il est, et on le
pique en divers endroits, pour qu'il puisse rendre son eau et
se bien pénétrer de sirop. On suit le même procédé que pour les
abricots (V. Abricots), mais il faut que le sirop soir* concentré
cinq ou six fois, c'est-à-dire chaque fois qu'on le verse sur
les prunes dont il absorbe une partie de l'eau qu'elles con-
tiennent.
A la dernière cuisson, on y jette les prunes et on leur fait
essuyer un gros bouillon, on laisse les prunes dans le sirop pen-
dant quarante-huit heures, en prenant bien soin que le sirop ne
refroidisse pas.
On fait ensuite sécher les prunes comme les abricots.
Conserve de citrons, — Vous zesterez un citron dans une
assiette, vous exprimerez le jus sur vos zestes et les laisserez infuser
un peu de temps, faites cuire environ une demi-livre de sucre
clarifié au fort perlé, passez votre jus de citron au travers d'un
linge ou tamis de soie pour en retirer les zestes, vous mettez votre
CONSERVES. 463
jus dans le sucre et' le travaillez avec une cuiller, jusqu'à ce qu'il
soit très*blanc, et le versez après dans vos moules.
Noix confites, — Vous enlevez Tépiderme des noix vertes, et
vous les jetez à mesure dans Teau fraîche pour les empêcher de
noircir, faites-les blanchir dans Teau bouillante, et remettez-les
ensuite dans l'eau fraîche; clarifiez et faites cuire du sucre au
lissé, laissez-le refroidir et versez-le sur vos noix. Le lendemain,
faites chauffer votre sirop sans bouillir, ajoutez du sucre pour
remplacer celui que les noix ont absorbé et versez-le sur vos
noix après l'avoir laissé un peu refroidir, répétez cinq fois cette
opération en ajoutant chaque fois assez de sucre pour que le
sirop revienne à la même consistance ; faites sécher au four sur
des assiettes saupoudrées de sucre dans lequel vous aurez roulé
les noix.
Citrons verts confits. — (V. Citrons.)
Oranges confites. — Incisez par endroits Técorce de vos
oranges, mettez-les dans un sirop bouillant, mi-eau, mi-sucre,
laissez bouillir jusqu'à ce que les oranges soient devenues très-
tendres, retirez-les alors.
Remettez du sucre dans le sirop, de manière à l'amener au
lisse, faites-le bouillir et remettez vos oranges auxquelles vous
donnerez quelques bouillons; écumez le sirop, retirez vos oranges,
mettez-les dans une terrine et versez le jus dessus.
Vous les laissez jusqu'au lendemain, vous donnez encore
quelques bouillons au sirop et vous les versez sur les mêmes
fruits.
Le troisième jour on met le sucre à la nappe et on y ajoute
les oranges auxquelles on donne un bouillon couvert.
On opère de même les deux jou;'S suivants; le dernier jour
après avoir amené le sirop au perlé, vous y mettez les oranges
auxquelles vous donnez trois ou quatre derniers bouillons, vous
les retirez, les faites égoutter et sécher à letuve.
Les cédrats et les bergamotes se préparent de la même
manière*
Marrons glacés. — Ayez de beaux marrons de Lyon, faites-
les cuire à la braise, puis faites clarifier du sucre et faites-le
cuire au cassé, pelez ensuite vos marrons, jetez -les les uns après
464 CONSERVES.
les autres dans le sucre, retirez-les aussitôt avec une cuiller et
mettez-les à mesure dans Teau fraîche ; le sucre se glacera aussitôt
autour.
Conserve de café. — Faites du café très-fort et très-clair,
prenez une livre de sucre clarifié, faites-le cuire au boulet ou au
petit cassé, retirez-le du feu et l'affaiblissez avec une tasse de café
pour le mettre à son point afin de le travailler, c'est-à-dire qu'il
faut toujours que votre conserve soit cuite au fort perlé ou au
petit soufflé pour qu'elle puisse prendre et sécher, dressez-la
ensuite comme les autres.
Conserve en forme de tranches de jambon. — Choisissez
le plus beau sucre que vous pourrez, faites-en deux parties que
vous mettez dans deux poêlons et faites cuire à soufflé dans l'un
et dans l'autre, mettez-y du jus ou de la ràpure de citron et un peu
de cinabre dans un seul, remuez-le bien avec du sucre pour lui
faire prendre couleur, faites ensuite une couche de conserve blanche
sur une feuille de papier, par-dessus une couche de conserve
rouge, et ainsi de suite en alternant jusqu'à l'épaisseur de quatre
doigts, en sorte que la dernière soit rouge; coupez le tout avec un
couteau en forme de tranche de jambon, et renversez-le à mesure
sur du papier en ajoutant chaque fois à la conserve rouge un peu
de cinabre pour rougir davantage.
Conserve de roses. — Faites cuire une demi-livre de sucre
au fort soufflé, prenez de la meilleure eau double de roses,
quand votre sucre sera cuit, faites-le cuire avec votre eau jusqu'au
fort perlé, donnez-lui de la couleur avec un peu de cochenille
préparée ou du carmin que vous travaillerez et coulerez dans
des moules.
Conserve de nougat — Mondez 500 gr. d'amandes douces et
séparez les dicotylédons, faites-les sécher et blondir sur le feu
dans une bassine, faites fondre à sec, en remuant toujours,
douze onces de sucre dans une casserole non étamée et légère-
ment beurrée; jetez vos amandes chauffées dans le sucre quand
il est fondu et blond ; mêlez-les ensemble et étalez-les en les
relevant sur les bords de la casserole, en en laissant au fond une
couche d'égale épaisseur, laissez ensuite refroidir la casserole et
moulez.
CORNICHON. 465
CONSOiMMÉ. — (V. Bouillon.)
COQ. — Le coq est à coup sûr Toiseau le plus glorieux, le
plus vigilant et le plus courageux qui existe.
Comme orgueil, il n'y a qu'à le voir marcher au milieu de
son harem de poules pour reconnaître que, sous ce rapport, il est
le rival du paon. Comme vigilance, il ne dort jamais plus de
deux heures de suite et, à partir de une heure du matin, il
arrache, par son chant aigu, l'homme au sommeil et le renvoie
à ses occupations. Comme co tirage, Levaillant rapporte dans ses
Mémoires, que son coq était le seul de tous ses animaux que ne
troublât ni l'approche ni le rugissement du lion.
Le coq fut de tous temps mêlé à la magie, et les magistrats
de Bâle, en Suisse, condamnèrent un coq à être brûlé pour avoir
j>ondu un œuf.
Il fut un instant question, sous le premier empire, de
prendre, comme emblème et comme armes, au drapeau fran-
çais, l'ancien coq gaulois. L'empereur Napoléon I" à qui Ion
soumettait cette question refusa en répondant :
u Je ne veux pas, parce que le Renard le mange, »
Et il choisit l'aigle.
Le coq ne sert dans la cuisine qu'à faire un consommé à qui
les anciens dispensaires attribuent des vertus héroïques connues
sous le nom de gelée de coq.
Le coq-vierge cependant, le célibataire de nos basses-cours,
doit à sa continence et à sa vertu, un goût et un parfum qui le
distinguent éminemment de son oncle le chapon qui, on le sait,
est non le père mais l'oncle des poulets. On le mange à la
broche et simplenient bardé, car ce serait l'outrager que de le
piquer et le déshonorer que de le mettre en ragoût.
Nous avons aussi le coq de bruyère, superbe gibier qui nous
vient principalement des Ardennes, des Vosges et des montagnes
d'Auvergne, et qui se mange comme le coq-vierge rôti ou piqué.
Le coq, en somme, est un fort bel animal, galant, intrépide,
doué d'une voix sonore, et représentant bien l'esprit français;^
mais fort peu estimé à la cuisine, où l'on préfère sa progéniture.
CORNICHON. — Ce sont de jeunes concombres que l'on
con£t ordinairement au vinaigre de la façon suivante :
30
466 COULEURS.
Prenez de très-petits cornichons, brossez-les, coupez le bout
de la queue, mettez-les dans un vase de terre avec deux poignées
de sel, retournez-les assez pour qu'ils soient tous bien imprégnés
de sel, laissez-les reposer vingt-quatre heures, égouttez-les bien,
versez du vinaigre blanc bouillant en quantité suffisante pour les
faire baigner. Couvrez le vase et laissez infuser vingt-quatre
heures, ils auront pris une couleur jaune ; retirez-en le vinaigre
que vous mettez bouillir dans un chaudron non étamé sur un
feu très-vif, jetez-y les cornichons,* remuez-les et, au moment où
ils seront près de bouillir, retirez-les du chaudron, laissez-les
refroidir, ils reprennent le vert ; mettez-les dans les vases où ils
doivent rester et couvrez-les d'assaisonnements comme passe-
pierre, estragon, piment, petits oignons, ail, remplissez les vases
de vinaigre, de manière que le tout baigne; couvrez-les avec
soin, ils sont bons huit jours après. Si vous tenez plus au goût
qu'à la verdeur j brossez-les par petites portions à mesure de la
cueille, salez-les, faites-les égoutter de leur eau, comme ci-des-
sus, et mettez-les dans le vinaigre à froid avec assaisonnements.
COTELETTES. — (V. Agneau, Chevreuil, Mouton,
Bœuf, Veau, Cochon, etc.)
Côtelettes à la gendarme :
Mais c'est pour les offrir aux gens les plus honnêtes,
Qu'ici je taille en veau de larges côtelettes :
J'assaisonne de : sel j poivre; et de heur re frais
J'enduis chaque morceau ^ puis je le roule après
Dans une chapelure. Ainsi qu'en une croûte^
La côtelette est mise toute;
Ensuite sur un gril, je fais, au feu très-doux»
Cuire, en les retournant, ces pMns aux beaux tons roux,
Qu'il faut servir sur sauce citronnée .. —
J. ROUYER.
COULEURS (ou coloration culinaire). — On se sert tou-
jours dans la préparation des pièces d'office de colorations arti-
ficielles, voici les colorations inoffensives :
Bleu. — Indigo étendu d'eau.
Jaune. — Gomme-gutte ou safran.
COURT-BOUILLON. 467
Vert. — Jus cuit au feu, tamisé, étendu d'eau et sucré, de
feuilles d'épinards ou de blé vert pilées.
Rouge. — Cochenille et alun en poudre bouillis dans de
Teau.
Pourpre. — Pollen de fleurs de carottes sauvages séché et
étendu d'eau, ou jus de sureau étendu d'eau.
Violet, — Cochenille et bleu de Prusse.
Orange. — Safran et cochenille.
La couleur verte peut se composer de bl^u et de jaune,
plus le jaune y domine, plus la nuance verte est claire.
Le violet se forme également du rouge et du bleu dont la
teinte s'assombrit en augmentant l'une ou l'autre de ces couleurs.
Avec ces diverses indications, on pourra donner aux mets
qui doivent être colorés, les couleurs que l'on jugera les plus
appropriées à leur nature.
COULIS. — Préparation faite à l'avance et réservée dans
les cuisines pour achever certains ragoûts dont le mouillement
doit être lié.
Votre coulis d'abord ne doit être ni trop épais ni trop clair
et offrir une belle couleur cannelle; mettez dans un poêlon de la
rouelle de veau, en proportion de ce que vous voulez avoir de
coulis et du lard coupé en petits morceaux, ajoutez trois ou
quatre carottes et placez le tout sur un feu doux; quand la
viande a jeté son jus, vous faites cuire à grand feu ; quand tout
est cuit, vous retirez la viande et les légumes, et vous mettez
dans la casserole du beurre et de la farine, faites un roux de belle
couleur, mouillez--le avec du bouillon chaud, jetez la viande
dedans et faites cuire deux heures à petit feu ; passez-le ensuite
à rétamine pour vous en servir au besoin.
Coulis de poisson. — Faites fondre un bon morceau de
beurre à la casserole et mettez revenir et prendre couleur des
carottes et oignons par trancheS; mouillez avec de l'eau et ajoutez
des chairs, bien nettoyées, de poisson, avec sel, poivre, muscade
et bouquet garni. Le poisson étant bien cuit, passez ce bouillon
dans une passoire et servez- vous-en pour bouillon ou sauce.
COURT-BOUILLON. — Sorte de bouillon maigre destiné
à lier certaines sauces de poissons. Faites cuire ensemble du vin
468 CREME.
blanc, du vin rouge, du beurre, des fines épices, du laurier et des
fines herbes; servez votre poisson quand il est cuit, sur une
serviette et mangez-le à la sauce à Thuile et au vinaigre.
Les courts-bouillons dits au bleu consistent en employant du
vin bouillant dans lequel on met le poisson pour lui donner une
belle couleur bleuâtre.
CRABES. — Il ya plusieurs espèces de crabes ; mais il n'y a
guère que le gros crabe de Bretagne et le crapelet de la Manche
qui puissent figurer dignement sur la table, quoique leur chair
soit toujours de difficile digestion ; leurs œufs sont meilleurs et
les nègres s'en nourrissent ; les Caraïbes ne vivent presque que
•de crabes.
On les fait cuire à l'eau de sel, ainsi que les homards et les
crevettes avec du beurre frais, du persil, un bouquet de poireaux,
vous les laissez refroidir dans leur brouet, vous en détachez
proprement les chairs blanches, et vous enlevez avec une cuiller,
la crème de laitance que vous mélangez avec les chairs épluchées
en y joignant du cresson, du gros poivre, un peu d'huile vierge
et un peu de verjus; garnissez votre plat de ces deux mordants et
servez comme rôt fort élégant, surtout en carême.
CRAPAUD. — Le crapaud n'a point dans tous les pays la
qualité malfaisante que nous lui connaissons. Quand les nègres
d'Afrique sont incommodés de migraines auxquelles l'ardeur du
soleil les rend sujets ; ils se frottent le front avec des crapauds
vivants, ce qui les soulage merveilleusement. Les crapauds des
Antilles ont la chair aussi bonne et aussi délicate que l'est celle
de nos grenouilles, et comme ils sont fort gros, deux de ces cra-
pauds suffisent pour faire un bon plat que l'on sert en fricassée
de poulet et dont les indigènes sont friands.
CRÈME. — On appelle ainsi l'espèce de peau qui s'élève
sûr le lait avant ou après son ébullition ; elle est composée de
sérum, d'un peu de fromage et de beurre à l'état d'émulsion; on
ne s'en sert guère comme aliment à cause de la grande quantité
de beurre qu'elle contient qui pèserait sur l'estpmac et donnerait
lieu à des nausées et même à des vomissements ; à Roquefort
cependant, on en fait un fromage oommé crème de Roquefort,
elle est faite avec le lait une fois caillé et avant d'être broyé ;,elle
CREME. 469
s'altère facilement, ne supporte pas le voyage et se dénature par
une fermentation très-prompte.
On donne aussi ce nom à diverses préparations culinaires
dont la base est le lait et qui se font par la cuisson.
Nous allons en indiquer quelques-unes :
Crème fouettée à la paysanne. — Vous prenez une certaine
quantité de crème que vous faites réduire à moitié, en y mettant
du sucre et une bonne pincée de gomme arabique dissoute dans
de l'eau de fleurs d'oranger.
Fouettez fortement jusqu'à ce que votre crème forme
mousse.
Si vous voulez que votre crème se conserve, mettez le vase
qui la contient sur la glace pilée ou recouvrez-le d'un autre plat
sur lequel vous mettez de la glace.
Crème frite. — Ayez un demi-litre de lait que vous faites
bouillir avec un zeste de citron, délayez deux œufs entiers avec
de la farine tant qu'ils en pourront boire, relâchez cet appareil
avec quatre œufs blancs et jaunes, mouillez avec votre lait chaud,
et supprimez le citron ; délayez cette crème de manière qu'il
ne se forme pas de grumeaux, faites cuire en tournant comme
une bouillie et au bout d'un quart d'heure de cuisson, vous ajoutez
du séi^ du sucre, un peu de beurre et quelques gouttes de fleurs
d'oranger, achevez de la faire cuire 7 ou 8 minutes, mêlez de
suite quatre jaunes d'œufs, versez-la sur un plafond que vous
aurez beurré ou fariné en l'étendant d'un doigt d'épaisseur,
laissez-la refroidir, coupez-la en losange ou en petits pâtés,
farinez-la ou panez les beignets avec de la mie de pain bien fine,
et faites frire d'une belle couleur, égouttez-les sur un linge blanc,
posez-les sur un plafond, saupoudrez de sucre fin, glacez- les,
dressez et servez. On peut faire cette crème au chocolat mais
sans macaroni.
Crème en mousse à la vanille. — Vous versez le tiers d'une
gousse de vanille que vou§ aurez fait bouillir dans du lait, sur
votre crème à fouetter après l'avoir passée au tamis.
Crème en mousse au café. — Vous mettez deux ou trois
cuillerées de café infusé dans votre crème et vous procédez
comme ci-dessus.
470 CRÈME
Crème en mousse aux liqueurs. — Vous procédez comme
ci-dessus en ajoutant les liqueurs que vous voulez.
Crème en mousse au chocolat. Fouettez fortement votre
crème dans laquelle vous aurez mis du chocolat bien fin.
Crème en mousse aux fruits. — Prenez un démi-litre de
crème bien fraîche, ajoutez-y du sucre en poudre , un peu de
gomme arabique et un moyen verre de pulpe de fraises passée au
tamis.
Fouettez bien le tout, enlevez la mousse et dressez en forme
de rocher.
On fait de cette façon les crèmes de pèches, d'abricots, de
framboises, d'amandes, de prunes, etc.
Crème au café blanc. — Prenez de la crème suivant la
quantité que vous voulez obtenir, ajoutez-y du zeste de citron
et du sucre , faites brûler deux onces de jcafé ; lorsqu'il sera de
belle couleur, jetez-le dans votre crème bouillante, et couvrez
le tout avec un couvercle ; laissez infuser votre café dans la crème,
retirez-le, mettez dans une étamine trois dedans de gésiers lavés,
séchés et presque en poudre ; passez votre crème à demi refroidie
trois fois à travers cette étamine, en bourrant un peu le gésier
avec une cuiller de bois ; remplissez promptement vos pots de
crème en ayant soin de la remuer, puis faites-la prendre au bain-
marie, et couvrez la casserole dans laquelle sont vos pots avec un
couvercle sur lequel vous mettez du feu. Quand votre crème est
prise, vous les retirez et les mettez dans de l'eau fraîche sans les
couvrir, essuyez-les, dressez-les, et servez.
Nota. La gélatine de gésier vaut mieux que le blanc d'œuf,
retenez-le bien.
Crème à la religieuse. — Mettez dans une casserole, farine,
sucre en poudre, sel, jus de citron, d'orange, ou vanille, mettei
ensuite du lait ou de la crème bouillante et faites prendre votre
crème au feu. Laissez-la ensuite refroidir et garnissez-la autour
d'une mousse , que vous aurez faite avec des jaunes d'oeufs et
durs un peu de sucre que vous aurez disposés en mousse.
Crème renversée. "— Ayez un bol assez grand pour contenir,
par exemple, un litre de lait, six œufs et une demi-livre de sucre;
faites cuire ensuite au caramel environ un quart de sucre en
CREME. ' 471
poudre, ajoutez-y un peu d'eau pour le rendre coulant, puis
versez-le dans un moule en enduisant bien les bords et le fond
de ce moule ; vous laissez refroidir et vous versez ensuite votre
crème liquide que vous aurez bien battue, c'est-à-dire, bien mêlé
votre lait, les œufs, le sucre et la substance à laquelle vous vou-
drez faire la crème; mettez le tout au bain-marie dans votre
moule avec feu dessus et dessous, jusqu'à cuisson parfaite et
belle couleur; laissez ensuite refroidir votre crème dans son moule
pendant douze heures afin qu'elle se durcisse bien, renversez
ensuite votre moule sur un plat de façon que la crème se trouve
- sens dessus dessous, dressez et servez avec le jus autour.
Crème bachique. — Elle se fait avec du vin de Champagne
rose, du sucre, de l'écorce de citron ou de la cannelle que l'on
fait bouillir ensemble ; cassez ensuite une certaine quantité d'œufs
dont vous prenez les jaunes et que vous liez bien ensemble avec
un peu de vin que vous versez peu à peu dessus et que vous
continuez de remuer sur le feu sans laisser bouillir ; puis vous la
passez et versez dans le vase qui doit la contenir.
Les crèmes au chocolat, aux pistaches, à la rose, aux oranges,
citrons, etc. se font toutes comme celle au café. (V. Crème au
CAFÉ.) Les substances seules changent et vous les mettez toujours
en proportion avec la quantité de crème que vous voulez obtenir.
Sabayon (cuisine italienne). Soit : douze jaunes d'oeufs, une
demi-bouteille de Madère ou de Malvoisie, 50 grammes de sucre
et cannelle en poudre; cuisez, remuez, faites mousser, servez
chaud dans de petits pots.
Crème au céleri. — Faites bouillir du lait ou de la crème
et ajoutez-y une racine de céleri, rave épluchée, coupée par
quartiers et lavée ; laissez infuser pour faire prendre le goût; pre-
nez ensuite des jaunes d'oeufs et liez-les avec 250 grammes de
sucre concassé, puis versez-y et liez votre crème en remuant
constamment, passez-la, versez-la dans des pots et finissez-la au
bain-marie.
Crème aux œufs en surprise. — Vous faites un trou dans un
œuf avec la pointe d'un couteau pour le vider entièrement, puis
vous mettez dans cette coquille telle crème que vous voudrez ;
posez-les ensuite sur des coquetiers ou des morceaux de navets
47a CRESSON.
taillés pour cet usage; placez-les dans une casserole où ils puis-
sent baigner dans Teau à moitié, faites-les prendre au baiû-
marie^ lavez -les et servez -les comme dès œufs à la coque;
on peut aussi les remplir de blanc -manger ou dégelée de
poissons.
Crème au fromage bavarois y aux noix fraîches. — Vous pelez
des noix vertes et vous les mouillez légèrement par intervalles,
vous les délayez ensuite avec de la crème bouillante dans laquelle
vous aurez fait dissoudre du sucre ; laissez infuser et passez à
rétamine ; ajoutez à la crème un peu de colle clarifiée tiède, et
versez le tout dans un moule quelconque que vous placez dans
de la glace pilée ; remuez-la alors jusqu'à ce qu'elle soit bien
liée, c'est-à-dire qu'elle soit très-lisse et coulante ; vous ôtez votre
moule de dedans la glace, vous mêlez à votre préparation un
peu de fromage de Chantilly bien égoutté, vous remuez parfiiite-
ment le tout et vous replacez le moule dans la glace où vous le
laissez congeler une-demi heure environ ; au bout de ce temps
vous pouvez démouler votre composition qui vous donne un
excellent fromage bavarois, d'un velouté et d'un moelleux
parfait.
Les fromages bavarois à l'essence de menthe, au thé, au cacao,
aux boutons de roses, à la fleur d'œillet, aux pêches, aux
melons, etc., se font de la même manière en les parfumant avec
ces différentes matières.
CREPES. — On les opère avec une pâte à frire faite avec
de la farine, du lait, des jaunes d'oeufs et un peu d'eau-de-vie.
Beurrez votre poêle, versez une cuillerée de pâte sur le beurre
chaud, étendez, retournez, retirez et neigez de sucre. (V. Pane-
quets. )
CRÉPINETTES. — Ragoût fait avec des viandes hachées et
qu'on place dans des morceaux de crépines ou de crépinette de
porc.
CRESSON. — Herbe crucifère antiscorbutique. Il y a le
cresson de fontaine et le cresson alénois. (V. cet article.) Le cresson
de fontaine qui est le meilleur et très-dépuratif se sert en salade
mêlé avec la laitue, la chicorée, etc., et pour assaisonnement sain
à des volailles rôties ou à des beefsteaks.
CREVETTES. 473
CRETES. — Expansions purpurines et déchiquetées que les
coqs et les poules possèdent sur la tète (V. abatis et garniture.)
CREVETTES. — Tout le monde connaît ce petit crus-
tacé qu'on voit sur toutes les tables bien servies mais qui semble
y être plutôt pour Tornement que pour l'utilité. En effet à peine
vit-il deux heures hors de son élément sans mourir et, il a besoin
d'être cuit vivant encore.
Rien n'est plus joli que de voir nager des crevettes dans un
bocal; l'animal est transparent lui-même comme le cristal dans
lequel il est enfermé ; on voit tout son organisme intérieur et
jusqu'aux battements de son cœur ; vivante, sa chair semble être
visqueuse, cuite elle est compacte et du plus beau blanc.
Les crevettes des bords de la Manche sont renommées et
celles surtout des environs du Havre qu'on appelle bouquet.
Nous inviterons les touristes qui habitent le Havre ou Etretat à
aller manger des crevettes, à Saint-Jourt, chez la belle Ernestine,
et en effet, Ernestine est une belle et sage personne de ving-huit
ans, tenant un hôtel et ayant réputation faite sur toute la côte.
Là, on mange le plus beau bouquet qui se pèche à dix lieues
à la ronde ; c'est le rendez-vous des gourmands du Havre, des
peintres et des poètes de Paris qui ont laissé les uns des dessins
les autres des vers à sa louange sur son album.
Ce sont en général les femmes qui pèchent les crevettes en
poussant devant elles un filet qui ratisse le fond de la mer et
ramasse tout ce qui s'y trouve.
Quand elle doit être mangée séance tenante, la crevette se
jette tout simplement vivante dans une casserole pleine d'eau de
mer bouillante, à laquelle on joint un filet de vinaigre ; quand
elle doit être transportée à Paris, on plonge la crevette vivante
dans un chaudron d'eau douce avec un kilogramme de sel par
quatre kilogrammes de crevettes, on la laisse bouillir cinq
minutes et on la retire, on la mouille avec de l'eau froide et non
salée qui lui donne pour le regard, une valeur égale à celle
qu'elle conserve pour le goût.
Outre la crevette servie comme on sert les écrevisses on fait
encore une foule de choses à la crevette que nous allons indiquer
ici.
474 CROQUEMBOUCHE.
On fait du potage à la crevette.
Potage à la crevette, — Prenez 6 belles tomates, 6 oignons
blancs, faites une purée, moitié tomate, moitié oignons, faites
cuire vos crevettes dans du vin blanc avec sel, poivre, un peu de
poivre de Cayenne. Vous épluchez vos queues de crevettes que
vous posez sur une assiette à part, loo à pçu près. Vous gardez
le corps que vous faites bouillir avec Tassaisonnement de vos cre-
vettes, vous le pilez, lui faites prendre un bouillon et le passez
au tamis. Vous faites trois parties égales de très-bon bouillon de
votre bisque aux crevettes et de vos tomates et oignons; vous
mêlez le tout dans trois ou quatre bouillons qui lient bien les
trois substances, vous goûtez et si le mélange est bien fait et ne
laisse rien à désirer, vous y jetez vos queues de crevette et vous
servez bouillant.
Omelette aux queues de crevette. — Vous faites cuire de
la même façon vos crevettes, vous les nettoyez de même et vous
les pilez également; vos œufs battus, salés, poivrés, vous y
mêlez votre bisque de crevettes, et vous faites Tomelette selon la
coutume*.
Il en sera de même pour les œufs brouillés aux queues de
crevettes. Si vous avez du bouillon de poulet vous le mêlerez
avec votre bisque, puis bisque, crevettes, vous )ttltTez tout dans
vos œufs battus dont vous aurez retiré un blanc sur trois, vous
tournerez et brouillerez vos œufs comme vous le feriez avec des
pointes d'asperges.
Vous pouvez aussi éplucher deUx ou trois cents crevettes,
pilez les corps dans l'huile et le vinaigre, passez au tamis et
cette bisque froide, l'étendre sur une salade salée et poivrée.
CROMESQUIS. — Ragoût polonais. Genre croquettes seu-
lement enveloppez-les avec de la toilette de porc, passez à la
maréchale, faites frire, servez sauce tomate. (Vuillemot.)
(V. Agneau.)
CROQUANTS. (V. Croquembouche).
CROQUEMBOUCHE. — On donne ce nom aux pièces
montées qui se font avec des croquignoUes, des gimblettes,
macarons, nougats et autres pâtisseries croquantes, qu'on réunit
avec du sucre cuit au cassé et qu'on dresse sur une abaisse de
CROQUEMBOUCHE. 47^
feuilletage en forme de large coupe; cette préparation n'est usitée
que dans la décoration d'un ambigu d'apparat ou pour l'orne-
ment d'un bufFet de grand bal.
Croquembouche à la Soubise. — (Recette de M. de Cour-
champ.) Après avoir tait et cuit une livre et demie de croqui-
gnolles à la reine, vous aurez le soin de les coucher le plus égale-
ment possible et d'un pouce seulement de diamètre, puis vous en
coucherez le quart plus petit de moitié. Lorsqu'elles seront cuites
et refroidies, vous moulerez ce croquembouche de cette manière :
après avoir fait cuire dans uo petit poêlon d'office huit onces de
sucre au cassé, un peu serré, vous en versez la moitié sur un
couvercle de casserole à peine beurré, puis vous masquez le feu
du fourneau de cendres rouges afin de maintenir le sucre du
poêlon assez chaud pour vous en servir et en même temps pour
l'empêcher de prendre davantage de couleur ; alors vous glacez
légèrement le dessus et l'épaisseur des croquignolles que vous
placez de suite dans un grand moule uni, parfaitement bien
essuyé, mais pour tremper vos croquignolles dans le sucre vous
devez les piquer à la pointe du petit couteau, vous les posez avec
symétrie dans la forme qui vous agrée le mieux, mais toujours
avec l'intention soutenue d'une forme régulière et pittoresque.
Lorsque le sucre du poêlon est diminué de trois quarts vous y
Joignez alors la moitié du sucre au cassé conservé et quand cette
partie se trouve employée vous ajoutez le reste du sucre, mais
dès qu'il commence à se colorer, vous le versez sur le couvercle
delà casserole où vous en avez déjà mis, ensuite vous faites cuire
comme ci-dessus huit onces de sucre dans un petit poêlon d'of-
fice bien propre, puis vous l'employez de même que le précédent
et après celui-là vous recommencez la même opération ; lorsque
le moule se trouve garni de croquembouche, vous n'aurez pas garni
le fond attendu que vous le remplacez par une abaisse de pâte
d'office, du même diamètre et que vous aurez parée bien ronde,
ainsi que deux plus petites dont une de six pouces de diamètre
et une de quatre pouces; alors vous les placez sur leur épaisseur,
c'est-à-dire tout autour, puis avec des petites croquignolles que
vous placez dans le reste du sucre, vous faites fondre dans' le
même poêlon comme les précédents, vous les placez en deux ronds
476 CROQUETTES.
Tun sur l'autre àTentour et sur le bord des deux petites abaisses,
vous collez la grande abaisse sur le croquembouche et sur cette
abaisse vous collez le plus grand socle par-dessus le second sur le-
quel vous collez un rang seulement de croquignoUes, vous collez
par-dessus une espèce de coupe que vous formez dans un moule en
dôme avec des croquignoUes glacées, et à Tentour du haut vous
ajoutez un double rang de croquignoUes glacées, et dessus, pour
servir de couronnement, vous collez des denticules formées de
croquignoUes que vous aurez parées carrément, puis au moment
de servir vous garnissez la coupe de crème fouettée à la vanille.
Croquembouche de quartiers d'oranges. — Faire sécher
des quartiers d'oranges, faire cuire le sucre au cassé et non au
caramel, les tremper dans le sucre un à un et les dresser dans un
moule huilé; renversez sur un plat et servez.
Les marrons de même. (Recette Vuillemot.)
On connaît aussi les croquembouches de feuilletage blanc;
ces préparations se trouvent en abondance chez les bons pâtis-
siers de Paris. On aura meilleur compte à les faire venir qu'à
les exécuter soi-même.
CROQUETTES. — Sortes de beignets panés et frits, foncés
de hachis de viandes rôties ou de chair de poisson ou encore
d'œufs durs et de purée de pommes de terre, etc.
On verra du reste par les recettes qui vont suivre et que
nous a transmises M. de Courchamps, quelles sont les diverses
préparations qui se rapportent à ce mets :
Croquettes de lapereau, — Après avoir fait cuire deux lape-
reaux à la broche et les avoir fait .refroidir, vovis en levez les
chairs et en supprimez la peau et les tendons, vous coupez ces
chairs en petits dés, avec des truffes, des champignons, quelques
foies gras ou demi-gras coupés de même, faites réduire ensuite
une cuillerée à pot de bloiwi de veau à la consistance de demi-
glace, ajoutez-y persil, ciboules hachées, laissez cuire cinq ou
six minutes, mettez les chairs et les truffes dans votre sauce sans
la laisser bouillir, liez-le tout avec deux jaunes d'oeufs, ayant
soin de remuer avec une cuiller de bois, versez cet appareil sur
un plafond, étendez-le avec la lame d'un couteau et laissez
refroidir. Divisez-le ensuite par parties égales grosses comme la
CROQUETTES. 477
moitié d'un œuf, formez-en des poires ou des canelons, ainsi pré-
parées, roulez-les dans la mie de pain, trempez-les dans une
omelette où vous aurez mis un peu de sel fin, roulez-les encore
une fois dans la mie de pain en leur conservant la forme qu'il
vous aura plu de leur donner, faites-les frire à friture un peu
chaude, afin qu'elles soient de belle couleur, égouttez-les,
dressez-les en dôme et servez-les avec un bouquet de persil frit.
Croquettes de volailles, — Détaillez par membres un jeune
poulet, faites le mariner deux à trois heures avec huile, un jus
de citron ou vinaigre, sel, gros poivre, ail, tranches d'oignons,
persil, égouttez, essuyez, farinez : faites frire, servez avec persil
frit ou sur une sauce à volonté.
Vous pouvez vous servir des membres de desserte, mais alors
on fait frire la pâte. On fait aussi ces croquettes comme celles de
veau (V. Veau).
Croquettes de marrons à la Dauphiné. — Faites griller cin-
quante beau;c marrons dé Lyon ou de Luc, épluchez-les et ôtez-
en toutes les parties colorées par l'âpreté du feu, ensuite choi-
sissez-en que vous partagez par moitiés bien intactes, pilez le
reste avec deux onces de beurre, et passez ensuite par le tamis
de crin ; puis vous délayez cette pâte dans une casserole avec un
verre de crème, deux onces de beurre, deux de sucre en poudre
et un grain de sel. Tournez cette crème sans la quitter sur
un feu modéré, desséchez-la deux minutes seulement, mêlez-y
6 jaunes d'œufs et remettez-la un nioment sur le feu. Alors la
crème doit se trouver un peu consistante mais non pas ferme;
versez-la sur un plafond légèrement beurré, et élargissez-la.
Couvrez-la également d'un rond de papier beurré lorsqu'elle est
froide vous prenez une de ces- moitiés de marron , que vous avez
conservée, vous la placez au milieu d'un peu de crème, le double
en grosseur d'une moitié de marron que vous enfermez en rou-
lant la crème pour en former une croquette très-ronde ; vous la
roulez ensuite sur de la mie de pain extrêmement fine ; vous
employez ainsi toutes vos moitiés de marron en les masquant
de crème. Toutes les croquettes étant formées et roulées dans la
mie de pain, vous battez. 5 œufs entiers avec un grain de sel fin
dans une petite terrine où vous trempez vos croquettes et vous
47» CROQUETTES.
les égouttez un peu, vous les roulez de nouveau sur la mie et
vous les placez ensuite, au fur et à mesure, sur un couvercle de
casserole ; enfin vous trempez tour à tour les croquettes dans l'œuf
et les roulez sur la mie de pain ; après quoi vous les versez dans
une friture très- chaude; si la poêle est grande vous y mettez
toutes les croquettes, sinon vous n'en mettez que la moitié afin
de les conserver bien rondes; vous les remuez doucement avec la
pointe d^un hâtelet et les ôtez avec Técumoire. Aussitôt qu'elles
sont colorées d'un beau blond, égouttez-les sur une serviette
double, ensuite vous les saupoudrez de sucre fin, les dressez en
pyramide et servez bouillant.
Croquettes de ri{. — Faites crever du riz, comme pour le
gâteau de riz (V. cet article), mais au lieu de le mettre dans un
moule, vous en faites des boulettes allongées que vous battez
dans de l'œuf battu et sucré, passez-les, retrempez-les, repassez-
les et faites frire.
Croquettes de pommes de terre à la vanille, — Faites
cuire dans les cendres vingt belles vitelottes, épluchez-les, parez-
les pour ôter le tour rougeâtre afin de ne vous servir que du
cœur de la pomme de terre, alors employez-en une partie que
vous pilez et dont vous faites une espèce de marmelade, que
vous faites revenir sur le feu avec des œufs, du lait, de la vanille,
de l'ail et des macarons amers ; puis laissez-la refroidir, faites^
en des boulettes, que vous tremperez dans la pâte à frire, et vous
finissez comme les beignets.
Croquettes de nouilles au citron confit. — (Très-peu usité.)
Vous détrempez et détaillez 6 onces de pâte de nouille que vous
versez peu à peu dans quatre verres de lait en ébuUition, faites
prendre quelques bouillons, joignez-y 4 onces de beurre, 4 de
sucre fin, une once de citronnât émincé, faites mijoter pendant
vingt-cinq minutes pour que les nouilles renflent et deviennent
moelleuses; alors vous mêlez trois onces de macarons amers,
6 jaunes d'œufs et un grain de sel, laissez refroidir l'appareil et
terminez l'opération en procédant comme-il est dit précédemment.
Vous procédez de la même manière pour toutes les cro-
quettes à la pâte, en changeant la substance, et en continuant
de la verser dans le lait bouillant.
CROUSTADES. 479
CROQUIGNOLLES. — Espèce de petit four qui entre dans
la composition des croquembouches (V. Croquembouche.)
Croquignolles à la Chartres. ' — Vous pelez une certaine
quantité (250 grammes environ) d'amandes douces, et une demi-
once d'amandes amères, mouillez-les ensuite avec des blancs
d'œufs et mettez-les sur un tour avec de la farine, du- sucre,
un peu de beurre, de sel et d'écorce de citron râpé, puis cassez
des œuft et pétrissez le tout ; quand votre pâte sera bien ferme,
vous la roulerez et la couperez en petits morceaux que vous pose-
rez sur un plafond beurré, vous les dorerez et les ferez cuire
dans un four bien chaud.
CROUSTADES. — On appelle ainsi des pâtes de différentes
dimensions dont la pâte est plus croquante que celle des vol-au-'
• ventj des timbales, des casseroles de ri^, etc.
Croustades à la financière. — Vous faites une pâte comme
pour les petits pâtés et vous en foncez des moules de croustades,
vous garnissez de farine et vous faites cuire, couvrez-les avec des
couvercles de feuilletage fin, posez dessus un deuxième couvercle
et faites cuire.
Préparez un ragoût financière avec des quenelles de volailles,
crêtes, truffes, champignons, coupés en dés ; vous en garnissez vos
croustades et vous les servez avec la sauce financière.
Croustades à la reine. — Vous prenez un pain rond de la
veille, vous le coupez en lames minces, vous coupez ensuite dans
la mie douze croustades sans la séparer, et vous formez le cou-
vercle en faisant du côté le plus uni de votre pain, une petite
incision à environ deux lignes du bord.
Vous prenez ensuite six de vos croustades que vous mettez
dans une casserole en les masquant avec du beurre clarifié et
vous leur faites prendre couleur, vous les égouttez ensuite et vous
procédez de même pour les six autres; vous ôtez la mie et vous
la remplacez par une cuillerée de farce fine ; vous formez ensuite
des petits ballons avec 12 cailles désossées, assaisonnées, glacées
et farcies, vous en placez une sur chaque croustade, Testomac en
dessus, et vous mettez les douze croustades sur un plafond
masqué de bardes de lard, entourez-les de bardes, et pour les
tenir, d'une bande de papier fixée avec une ficelle ; masquez vos
48o CROUTES AU POT.
cailles de bardes de lard et par-dessus deux ronds de papier
beurré ; faites cuire environ une heure et demie au four et i
chaleur modérée; ôtez les bardes, égouttez vos croustades et
saucez avec de la glace de veau.
Les croustades de mauviettes, de grives, de ramereaux ou
' autres -petits oiseaux se font de la même manière après avoir eu
bien soin de désosser le gibier.
Croustades aux truffes en surprise, — Vous faites cuire
douze belles truffes bien nettoyées dans du vin de Champagne
et vous les laissez refroidir, vous les coupez ensuite en dedans
avec un coupe-racine, de façon à ne pas percer la peau, puis
vous les videz avec soin. Quand la chair de vos truffes est entiè-
rement retirée, vous la remplacez par une purée de volaille ou
de gibier, ou uji salpicon de blancs de volaille coupés en dés,
ou bien encore de rognons de coq avec des petites truffes de la
même forme, le tout saucé à la béchamel, et vous les servez sur
une serviette.
Croustade de Carcassonne. — Vous bridez trois jeunes
pigeons, les pattes en dedans et les mettez dans une casserole
avec oignons et saindoux, sel , poivre , vous faites prendre belle
couleur, vous y joignez ensuite un peu de petit salé et saupou-
drez d'une cuillerée de fine farine, mouillez ensuite avec du
bouillon et du vin blanc. Vous faites cuire ce ragoût un quart
d'heure, avec quelques salsifis cuits coupés en morceaux, quelques
mousserons crus et une pointe de Cayenne. Vous masquez ensuite
le fond et le tour d'un plat à tarte d'uti feuilletage fin; vous
mettez votre ragoût et vous le couvrez d'une abaisse de la même
pâte que vous dorez ; vous faites cuire ensuite votre pâté dans un
four à une chaleur modérée, dès que la pâte commence à se
colorer, vous le retirez du feu et le servez sur une serviette posée
dans un plat.
CROUTES AU POT. — On donne ce nom à un potage
dans la composition duquel il entre des croûtes de pain gril-
lées.
Croûtes au pot à la bonne femme, — Prenez des croûtes de
pain bien dorées, arrosez-les de bouillon non dégraissé, qui
bouille jusqu^à entière réduction; et lorsque vos croûtes com-
CUISINE. 481
menceront à gratiner, jetez dessus du bouillon chaud-, dégraissez
et servez votre potage.
On fait aussi d'excellents potages avec des croûtes gratinées
aux laitues farcies, à la moelle , aux petits oignons glacés , à
la purée de lentilles, aux tranches de concombre, au par-
mesan , aux huîtres, à la purée de crevettes, aux œufs de
homard, etc.
CROUTONS. — Tranches de mie de pain découpées et
frites dans du beurre dont on se sert pour garnir les potages,
certains ragoûts et les purées de légumes ou d*herbes cuites.
CUILLER et FOURCHETTE. — L'usage des cuillers et
des fourchettes ne s'introduisit que fort tard en Europe. Avant
leur invention, on mangeait avec ses doigts, ou on se servait
comme cuiller d'une espèce d'écuelle en bois, grossièrement
travaillée, et comme fourchette, de deux petits morceaux de bois
avec lesquels on prenait les aliments solides pour les porter à la
bouche.
En Angleterre, en 1610, on regardait comme une des manies
du voyageur Thomas Coryate d'avoir apporté d'Italie l'usage de
meubles aussi inutiles. Cependant, en ayant reconnu plus tard
l'utilité, l'usage s'en introduisit peu à peu parmi les riches ; le
peuple, à leur imitation, se servit de cuillers et fourchettes de bois,
leur fragilité fît employer depuis le fer et l'étain.
Un jour dans un grand dîner, un prince voulant embarrasser
un médecin de ses amis, qu'il avait invité et à qui il avait défendu
qu'on servît une cuiller , lui adresse en se mettant à table ces
paroles : « C... qui ne mange pas de soupe! » Le médecin qui
vît bien que c'était une farce qu'on voulait lui jouer, prit son
pain, le creusa, mit sa fourchette dedans et s'en servit comme
d'une cuiller pour manger sa soupe; puis après s'être sorti d'em-
barras de cette manière, il voulut à son tour embarrasser le prince
et ses amis qui s'étaient déjà apprêtés à rire à ses dépens. Il prit
donc le pain qui lui avait servi de cuiller, l'avala et dit : « C...
qui ne mange pas sa cuiller ! »
Qui fut attrapée Ce fut le prince qui avoua franchement
sa défaite et rit beaucoup de l'imagination du docteur.
CUISINE, CUISINIER, CUISINIÈRE. — Nous renvoyons
31
483 CUISINE.
pour la cuisine à l'article de M. Victor Hugo qui se trouve dans
la préface de notre livre.
Cuisinier. — Monsieur de Courchamps donne dans son
Dictionnaire de la cuisine^ le titre de : Cuisinier du roi de Sidon^
à Cadmus, que nous ne connaissions que comme le fils d'Agénor,
le frère d'Europe, le fondateur de la ville de Thèbes et l'inven-
teur de récriture.
Ces titres nous semblaient suffisants pour illustrer Cadmus;
M. de Courchamps y joint celui de cuisinier, nous ne le contes-
terons pas. La fonction de cuisinier au moyen âge n'était point
incompatible avec la noblesse, et ne fût-ce que par Vatel, ils
auraient au moins droit à l'illustration ; et en effet on voit par
les annales de Saint-Denis que Thibaut de Montmorency, che-
valier de- l'ordre et seigneur de Boury, avait été grand queux,
c'est-à-dire chef de cuisine ou premier cuisinier du roi Philippe
de Valois.
Nous n'hésitons pas à donner un démenti à cette seconde
assertion de notre confrère Courchamps, attendu que Philippe
de Valois était mort depuis plus de deux cents ans lorsque l'ordre
fut fondé en 1578 par Henri III; ce qu'il y a de certain au
moins, c'est qu'il existe sous le règne de Louis XI un arrêt du
conseil d'en haut, lequel arrêt maintient dans sa noblesse et
tous les privilèges d'icelle, un ancien cuisinier de madame de
Beaujeu, nommé Cyrant de Bartas, attendu que ladite charge de
maître queux n'a jamais fait ni dû faire encourir nulle
déchéance en maison noble. Le célèbre Montesquieu descendait
de Robin, second cuisinier du connétable de Bourbon et anobli
par ce prince ; il est curieux que cet homme, nous parlons du
connétable de Bourbon, que Bayard dégradait de son titre de
noblesse, pût faire de son cuisinier un noble. Henri IV anoblit
Nicolas Fouquet, seigneur de la Varenne, et maître cuisinier de
la reine Marguerite, pour services rendus dans l'exercice dudit
office ; en outre il avait trouvé moyen d'acquérir soixante-dix
mille livres de rentes, non pas en piquant ses poulets, dit cette
bonne langue de Margot^ mais en piquant ceux du roi.
Selon Brillât-Savarin on peut devenir bon cuisinier, mais
rester mauvais rôtisseur; on naît rôtisseur comme on naît poëte.
CUISINE. 483
Carême et Beauvilliers nous prouvent péremptoirement,
Carême surtout, qu'on peut élre à la fois écrivain archéologue
et cuisinier.
Quelques gourmands, bien connus et à qui l'on ne peut dispu-
ter le titre de gastronomes, préfèrent les cuisinières aux cuisi-
niers^ ils prétendent que ces dames ont la main plus savante et
plus légère dans la distribution des éptces ; il est vrai que comme
les anciennes bacchantes de Thrace, elles sont rancunières en
diable; je me rappelle que deux vaudevillistes de beaucoup
d'esprit ont fait, il y a trente-cinq ou quarante ans, une petite
pièce qui fut jouée aux Variétés sous le titre des Cuisinières ^ et
sous les noms de Brasier et de Demersan.
Messieurs les auteurs n'avaient point gardé vis-à-vis les
artistes femelles tous les ménagements qui étaient dus à leur
talent et à leur sexe ; le lendemain les deux auteurs eurent à
régler leurs comptes avec leurs cuisinières qui les quittèrent en les
vouant à la haine de toutes les corporations. Ce ne fut pas le
tout, les cordons bleus de Paris se réunirent en une assemblée
générale ; dans cette assemblée on montra les intentions les plus
sinistres, et on fulmina les plus atroces malédictions contre les
auteurs delà pièce ; une d'elles les attendit même à la sortie du
th^tre des Variétés, et, de même que Ton dénonce la vendetta
en Corse, elle lui cria : « Garde-toi, et nous nous garderons. »
Pendant plusieurs années. Brasier et Demersan racontaient
qu'il avaient été forcés de se passer de cuisinières, d'abord parce
qu'ils n'en pouvaient pas trouver, et ensuite parce qu'ils crai-
gnaient de confier leurs jours précieux à un membre quelconque
de cette vindicative corporation ; quand ils ne dînaient pas ou ne
déjeunaient pas chez leurs amis, les deux malheureux parias
vivaient d'œufs frais et de saucisson de Lyon.
Aussi se vengèrent-ils d'elles dans un couplet de leur pro-
chain vaudeville qui se terminait par ces deux vers :
Et j'dis qu'celles qui sont les meilleures
Sont les cuisinières en fer-blanc.
Le président Hénault, paraît-il, n'avait pas non plus les
cuisinières et surtout les mauvaises cuisinières en grande odeur
L
484 CUISINE.
de sainteté, puisqu'il disait de la cuisinière de madame du
DefTant, qui était véritablement par trop bourgeoisement mau-
vaise, surtout pour un gastronome tel que lui chez lequel était
le meilleur cuisinier de l'époque : a Entre elle et la Brimil-
tiers, il n'y a de différence que dans l'intention. »
Comme c'était aimable et comme c'était rassurant !
Malherbe,.qui se piquait aussi d'être gourmand et qui sur-
tout aimait voir les cuisiniers à l'œuvre, disait qu'il Êillait, pour
qu'un dîner fût bon, qu'il ait été combiné et préparé longtemps
à l'avance.
Aussi, allant un jour dîner chez un de ses amis, il trouva à
la porte de cet ami un valet qui avait des gants aux mains;
il était midi, et on devait, suivant l'usage du temps, dîner à
une heure, a Qui êtes-vous, mon ami> demanda Malherbe au
valet.
« Monsieur, je suis le cuisinier! — Vertudieu! reprit
l'invité en s'éloignant au plus vite, je ne dîne pas chez un homme
dont le cuisinier à midi a des gants aux mains ; la cuisine doit
être bien faite, je m'en moque.
— Ce gigot est incuitj disait à son hôte un homme qui
faisait le beau parleur.
— Monsieur, répondit l'autre piqué , c'est par V insoin de
la cuisinière. »
Finissons par un mot fort spirituel du marquis de Bièvre.
Le marquis de Bièvre, regardant deux marmitons qui se
boxaient et quelqu'un lui ayant demandé ce que c'était que |ce
bruit :
« Ce n'est rien, répondit-il, ce n'est qu'une batterie [de
cuisine. »
Cuisine espagnole. — En Espagne, il n'y a qu'un plat pour
tout le monde, ce plat c'est le puchero.
Voici les ingrédients dont un puchero bien conditionné se
compose :
Viande de bœuf, une livre.
Remarquez qu'aussitôt que le bœuf est mort il devient A'ache,
et qu'au lieu de dire buey on dit vaca.
Jambon fumé, avec des os, 1/2 livre.
CUISINE. 485
Plus le jambon est vieux, meilleur il est : le meilleur est
celui de Galice.
Faire bouillir ces viandes dans quatre litres d'eau, jusqu'à
réduction à deux litres.
Garbanços, 1/4 livre.
Avant d'aller plus loin nous devons dire ce que c'est que
le garbanços.
Le garbanços est un énorme pois chiche, ce doit être le pois
chiche de Cicéron ; il tire sa valeur de la terre où il est né.
Le garbanços qui cuit en une demi-heure n'a pas de prix ;
mais s'il est né dans une mauvaise terre, il est plus dur après
une heure de cuisson qu'avant d'être mis au feu.
Sa pellicule un peu froissée et sa grosseur qui est à peu près
celle d'une balle de fusil de vingt-deux à la livre, indiquent
qu'il est de qualité supérieure. Dès la veille du jour où on veut
s'en servir, on le trempe dans l'eau salée. C'est un légume
extrêmement capricieux au physique et au moral ; si on y ajoute
une goutte d'eau froide pendant qu'il cuit, il profite de cette
erreur pour ne plus cuire ; plus press? que le haricot, il produit
dans lestomac le. bruit que le haricot produit seulement dans
les entrailles.
Si vous paraissez étonné qu'un Espagnol se livre devant vous
à cette incongruité qui chez nous paraîtrait fort excentrique, il
vous répond très-tranquillement que por un punado de aire no
se debe perder un barrenon de tripas.
C'est-à-dire que, pour une poignée d'air, il ne faut pas
perdre une marmite de tripes.
L'excuse ressemble assez à celle que donnait le maréchal
Lefèvre lorsque quelques paroles étranges échappées à la
bouche de sa femme laissaient transparaître la blanchisseuse
sous la maréchale.
Un autre proverbe dit en Espagne que el buen garbanços y
el buen ladron de Fuente-Sanco son, c'est-à-dire que le meilleur
garbanços et le meilleur voleur sont de Fuento-Sanco.
Revenons à notre puchero qui est loin d'être fini.
L'heure est arrivée de mettre le chorizo.
Le chorizo est un hachis de viande de porc et de viande de
486 CUISINE.
veau, assaisonné de piments rouges et d'autres substances vigou-
reuses.
Quand la réduction que nous avons indiquée de quatre litres
d eau en deux est faite àpetit feu, on prend une once de lard, une
once de jambon, une pincée de persil, une demi-gousse d'ail ;
on hache le tout avec une cuillerée de bouillon prise dans la
marmite, on casse ensuite deux œufs que l'on bat comme .pour
une omelette, on y émiette un petit morceau de pain, on mêle le
tout ensemble et on le fait frire en autant de cuillerées qu'il y
a de personnes à manger le puchero.
Lorsque les cuillerées sont bien frites on les ajoute au
bouillon et on retire le tout une demi-heure après.
Dans certaines parties de l'Espagne on glisse un quart de
volaille dans le puchero.
Voilà l'invariable dîner de l'Espagnol. De tout Espagnol qui
n'a pas ce dîner, on peut dire ce qu'on dit du voyageur qui n'a
pas de manteau :
Pauvre diable !
Mais que cependant on ne s'extasie pas sur la sobriété de
l'Espagnol ; cet homme, à l'heure où il mange son puchero, c'est-
à-dire à deux heures de l'après-midi, a déjà, s'il se respecte,
pris son chocolat le matin à six heures, mangé un ou deux œufs
à onze heures, et à six heures il reprendra son chocolat s'il n'a pas
quelqu'un à rafraîchir ; dans ce cas le chocolat s'augmentera de
glaces et de pâtisserie.
Puis enfin à onze heures du soir il soupera de guisado, qui,
pareil au puchero éternel, est toujours prêt à être servi dans une
maison bien réglée.
Le guisado se compose de bœuf et de veau accompagné de
pommes de terre ; il doit être mis sur le feu à l'heure du
dîner pour être mangé comme nous l'avons dit le soir à onze
heures.
La seule différence qu'il y ait entre les guisados, c'est que
dans les uns on met les pommes de terre cuire en même temps
que la viande, et que dans les autres on les ajoute au moment de
servir, après les avoir fait griller d'avance.
Ceci est l'ordinaire de la Castille, de cette bonne Castillc
CUISINE. 487
OÙ nous avons erré avec don Quichotte et Sancho Pança, de-
mandant à cor et à cri comme eux du lait et du fromage à
la pie.
En Galice l'ordinaire change, ce n*est plus le puchero qui
attend le voyageur, c'est le caldo.
D'abord au lieu du chocolat épais que vous trouvez dans les
deux Castilles vous avez le chocolat clair ; toute la différence est
que la tasse de Galice est plus grande et qu'elle contient un cho-
colat plus liquide. ,
Vous qui avez le malheur de traverser la Galice comme je
l'ai fait, gardez-vous d'une surprise.
Dans la cour de l'hôtel où descend la diligence à la gare
des chemins de fer, si, ce dont je doute, il y a maintenant des che-
mins de fer en Galice, vous trouverez comme partout des
aboyeurs qui vous inviteront à vous rendre à leur hôtel, rensei-
gnez-vous bien, ou vous tomberez dans quelque atroce posada
que Ton appelle casa de huéspedes; là ne cherchez ni le cho-
colat potable, ni caldo mangeable, ni lit praticable.
Si au contraire vous suivez le domestique d'un bon hôtel
qu'on vous aura recommandé d'avance, vous ne mangerez en Ga-
lice ni mieux ni plus mal que dans les autres parties de TEspagne.
Au reste je donnerai le conseil au touriste qui parcourra
l'Espagne de voyager d'abord en Italie, l'Italie est une heureuse
intermédiaire entre la France et l'Espagne.
En Italie, où l'on mange mal, les bons hôtels vous disent :
« Monsieur, j'ai un cuisinier français. »
En Espagne, où l'on mange abominablement, les grands
hôtels vous disent ;
« Monsieur, j'ai un cuisinier italien. »
Si en Galice vous avez la chance de tomber dans un bon
hôtel, on vous servira d'abord le caldo, espèce de soupe qui se
compose d'une grande marmitée d'eau dans laquelle on a taillé
des choux, des pommes de terre, des navets et où l'on verse des
haricots ; le cuisinier ajoute pour donner du goût au bouillon
un quart de porc frais et un quart de porc rance. Vous qui vou-
lez faire du caldo, ne confondez pas porc rance avec porc salé ;
plus le porc est rance, meilleur il paraît aux Galiciens.
488 CUISINE.
Puis viendront quelques plats de viandes et de poissons, cui-
sinés, vous dira-t-on, à la française ou à l'italienne.
Le poisson, la volaille ou le gibier seront excellents, mais
l'assaisonnement sera abominable.
La volaille, faute de broche, se mange frite à la poêle ou
rôtie à la casserole; il en sera de même du gibier. En Espagne
la broche n'est connue que comme substantif; elle est dans tous
les dictionnaires, mais on ne la rencontre dans aucune cuisine.
C'est un grand malheur, car le gibier est très-commun et,
quoiqu'à bon marché, excellent en Espagne.
Les lièvres coûtent de quinze à vingt sous ; personne n'en
mange sous prétexte qu'ils grattent la terre évidemment pour
déterrer les morts.
Les perdrix, d'excellentes perdrix rouges coûtent de huit à
dix sous ; c'est en Galice, au reste, que Ton mange le meilleur
poisson. Au centre de TEspagne, c'est-à-dire en Castille, avant
les chemins de fer, il était impossible de manger du poisson frais;
il lui fallait quatre jours pour arriver et on ne le mangeait que
salé ou pourri.
Le poisson dont on usait alors le plus habituellement dans
ces provinces éloignées de la mer était la bonite ou plutôt le
thon.
C'est à Castroréale et aux environs que se fait cette pêche ;
à l'instant même oîi on prend la bonite, les pêcheurs la vendent
à de grandes fabriques qui la font frire dans l'huile et la pré-
parent en conserves dans des barriques, lesquelles barriques sont
détaillées aux consommateurs qui les mangent de quatre façons :
Naturelle, comme elle est, avec adjonction d'huile fraîche;
Cuite avec des tomates dans la même casserole ;
En omelette;
Et enfin avec des piments enragés.
Quant au poisson frais qu'on mange en Galice, c'est parti-
culièrement la morue, c'est l'anguille, soit de mer, soit de rivière,
c'est la lamproie , et enfin le poulpe ou les pieuvres qui sont
le manger des pauvres.
C'est en Galice que vous mangerez les plus belles fraises
comme grosseur.
CUISINE. 4H9
A Madrid seulement vous pourrez leur faire concurrence
avec la fraise d'Aranjuez dont une assiettée suffit pour parfumer
un palais.
En fait de coquillages, il y a des étangs qui les conservent;
on trouve là des huîtres, comme dans les lacs de Naples, plus
grasses et plus dessalées que dans la mer.
Les coquillages ordinaires sont les prayres marseillaises ; on
les- vend deux sous le cent.
La Galice est le seul pays où Ton fasse des huîtres marinées,
qu'on expédie par petites barriques dans toute l'Europe.
Santiago, situé à une lieue et demie environ de la mer, est
le meilleur pays de la Galice pour y manger le poisson, car il
y arrive juste assez aéré pour perdre de sa pesanteur alimentaire,
et attendu à ce point qu'il jouisse de sa plus grande sapidité.
Une autre partie de l'Espagne est renommée pour ses truites
ordinaires et ses truites saumonées.
C'est la Puébla san Abria, près de laquelle est situé le Lac.
C'est le seul nom que cette immense flaque d'eau porte dans le
pays ; on y pêche des truites de vingt-cinq et trente livres.
Une petite rivière, qui passe à côté, fournit des truites infé-
rieures en grosseur, mais pas en qualité, et vient aider pour sa
part à la pèche du Lac.
La propriété dans laquelle se trouve cette petite rivière qui
appartenait à des moines a été vendue pendant la dernière révo-
lution comme propriété nationale. C'est un nommé Pérès Gallos
qui l'a achetée.
Par malheur le peu de voyageurs qui passent par cette partie
détournée de TEspagne, fait que le propriétaire ne peut tirer
aucun parti de ce Lac ni de cette rivière et qu'il se contente de
faire manger ses truites grosses et petites à ses amis, aux voya-
geurs qui vont lui demander l'hospitalité et non à un public qui
n'existe pas.
Selon le nombre de ses convives, il dit à un de ses pécheurs
de plonger et de lui rapporter une truite de douze ou quinze
livres.
Le nageur plonge, rapporte la truite et se trompe rarement
d'un quart ou d'une demi-livre.
490 CUISINE.
La légende de ce Lac est que sur son emplacement s'éle-
vait autrefois une ville qui disparut dans un tremblement
de terre et donna cette masse d'eau à la place de la masse de
pierres.
Tout cela est tellement abandonné, que4'on a laissé tomber
en morceaux la seule barque qui existât.
Les truites se mangent sur les bords du Lac par les habi-
tants du pays avec une sauce que l'on apporte.
Je dis que Ton apporte, car on fait là-bas des parties de
truites comme à Naples on fait des parties d'huîtres.
Voici la composition de cette sauce :
On prend une tasse à chocolat d'huile, une tasse pareille
d'eau, deux cuillerées de vinaigre, du persil; et de l'ail hachés,
du sel, du poivre rouge et du piment enragé ; on mêle le tout
ensemble en le battant avec une fourchette.
Arrivé au bord de l'eau, on allume du feu et on met cuire
le poisson tout frais péché et tout frétillant encore dans, cette
composition qui devient son court-bouillon et sa sauce.
Là on prépare aussi des truites pour envoyer à ses amis ;
frites d'abord, elles sont encaissées dans de petits pots où elles
font le voyage plus ou moins long qu'elles ont à faire.
Il résulte de ces diverses préparations qui se font en Espagne,
qu'il y a dans ce pays des commissionnaires en poisson.
Ces commissionnaires déposent leur poisson, en surveillent
la vente et repartent avec l'argent pour s'approvisionner de nou-
veau.
A côté de ces commissionnaires mobiles, il y a d'autres
commissionnaires qui restent stationnaires pour surveiller leur
vente; ceux-là ont des arriéros qui apportent ce poisson venant
des Asturies dans les autres villes et principalement à Rio-Secco
qui est l'endroit où il s'en fait le plus grand débit.
Il est assez curieux, je crois, de jeter un regard sur la nour-
riture de ces Arriéros et de tous les Arriéros en général.
Il y a deux espèces d' Arriéros, les Maragatos, auxquels on se
fie comme chez nous aux Auvergnats et qui font principalement
le transport des marchandises , et les Arriéros proprement dits
qui font le commerce des vins et autres denrées pour leur compte;
CUISINE. 491
leur nourriture se compose de riz et de morue qu'ils font cuire de
cette façon :
Sans dessaler la morue, ils la déchirent par morceaux, la
couchent sur des braises ou elle se dessale, enfin ils la font cuire
avec du riz, de Thuile et de l'eau.
Chacun d'eux a son sac sur lequel il couche; son dîner Ani,
il fait pour deux. sous emplir son sac de paille, c'est le seul loyer
qu'il paye ; moyennant ces deux sous, il a droit au couvert.
Si cependant l'Arriéro a fait de bonnes affaires dans son
voyage il change son modeste repas contre un extra, ôiais toujours
au riz, poule au riz, lapin au riz, perdrix au riz.
Alors la morue disparaît et se change en volaille ou en
gibier, mais le riz reste invariablement comme condiment prin-
cipal du repas. C'est Valence qui produit le meilleur riz; dans
les temps les plus chers il ne dépasse pas six sous la livre, c'est
à peine la moitié de ce qu'il coûte en France.
Ce qui me faisait, lorsque je voyageais en Espagne, entrer
dans des rages d'estomac, c'est que la vie animale pourrait y être
aussi agréable et aussi sensuelle qu'en France; le gibier y abonde,
les perdrix rouges et grises y vont par bandes, et j'ai déjà dit que
le lièvre, qui est en Espagne d'un tiers plus gros qu'en France,
s'y vendait vingt sous.
Mais les malheureux Espagnols ont si peu le sentiment de
la cuisine que lorsqu'ils tuent un lièvre, la première chose qu'ils
font, même celui qu'ils tuent pour le vendre, ils le saignent par la
carotide jusqu'à la dernière goutte de son sang ; ils ne savent pas,
les ignorants, que le sang du lièvre ne se fige point à sa mort et
reste liquide parce que le lièvre veut être assaisonné dans son
sang. -
Voici comment les Espagnols préparent le lièvre :
Ils le dépouillent, le font mariner trois jours avec une once
de piments" doux, une poignée d'origano, herbe qui n'a point
d'analogue en France, mais qui en Espagne sert à toutes les
sauces; du sel, du poivre, une pointe d'ail hachée, et l'on fait
baigner le tout pendant trois jours dans de l'eau ordinaire.
Au bout de ce temps on le retire de l'eau, on le suspend
pour égoutter, on le fait étouffer dans une casserole avec une livre
49^ CUISINE.
d'oignons, deux onces d'huile rance, deux onces de vinaigre, une
gousse d'ail entière et des épices^ on recouvre le tout d'une feuille
de papier huilé, on replace le couvercle sur la casserole, on remet
du feu sur le couvercle et on laisse cuire l'animal pendant trois
ou quatre heures.
La seconde manière de le manger est rôti dans le four avec
des oignons et des pommes de terre tout autour.
Quant aux perdrix dont on fait très-peu de cas, le maître
les donne à la cuisinière, qui, pour les plumer plus facilement, les
trempe dans l'eau bouillante sans se douter qu'elle leur ôte le
meilleur de leur goût, et les jette dans Voila podrida où elles
cuisent et d où on les tire au hasard avec une grande fourchette,
souvent plutôt qu'à leur tour.
Voici ce qu'est Voila podrida ^ mets très-peu commun en
Espagne, mais rendu très-connu en France par les romanciers
qui ne connaissent guère que celui-là, ef de nom seulement :
Une olla podrida^ c'est une immense marmite placée sur
le feu, que jamais on n'en retire, et dans laquelle on jette succes-
sivement toutes les viandes et particulièrement les viandes géla-
tineuses qui entrent dans la maison.
Ainsi les pieds de veau, les pieds de mouton, les pieds de
cochon, les museaux et les oreilles de cochon, tout cela fait par-
tie de Voila podrida.
Cela distille, comme on le comprend bien, un jus fort épais,
fort savoureux, que j'eusse trouvé excellent sans Tadjonction de
l'éternel gras-double qui lui donne un goût de tripe qui m'était
insupportable.
Il était donc bien rare que j'attendisse dans Tolla la cuisson
de mes perdrix, que je mangeais rôties devant le feu au bout d'une
ficelle.
Quant à mon lièvre, j'en faisais un civet que l'absence du
sang rendait malheureusement incomplet.
Un des embarras les plus inattendus se dresse parfois devant
les voyageurs : c'est la façon dont ils sont obligés de boire dans
certaines contrées de l'Espagne et jusque dans la Navarre et le
bas Aragon.
Je ne sais si , aujourd'hui que l'Espagne se vante de pro-
CUISINE. 493
gresser , il se trouve des verres dans cette province , mais je sais
que de mon temps il n'y en avait pas ; comme cependant il faut
boire, surtout quand on mange, on met sur la table des burettes
en verre de la capacité d'un litre ou d'un demi-litre; dans ces
burettes est contenu le vin qui doit désaltérer les convives , et
chacun d'eux est obligé de boire à la régalade pour ne pas tou-
cher le bord de la burette avec les lèvres ; ce qui est fort incom-
mode pour l'étranger qui ne s'est jamais servi de ce mode de
désaltération ; si on a le malheur de toucher des lèvres le col de
la burette, les autres convives vous arrachent la bouteille des
mains et vous en jettent le contenu au visage en vous accablant
des plus grossières injures.
Quant au coucher, il est aussi difficile de trouver un lit que
de trouver un verre : on ne rencontre ce meuble, très-nécessaire
chez nous, mais regardé comme très-superflu par les Espagnols,
que chez les gens mariés depuis peu, qui, pour une mince rétri-
bution, vous cèdent le leur.
Cela m'est arrivé à Castrejou, où j'ai été obligé de me mettre
sous la protection du maire et du maître d'école, à qui j'étais
recommandé, pour obtenir un lit qui me fut disputé le soir même
par un voyageur plus tardif que moi.
Mais il est si rare que l'on soit bien couché en Espagne que
je tins bon, et le touriste retardataire fut forcé de se rouler dans
son manteau et de passer la nuit devant le feu, ce qui me serait
arrivé bien souvent à moi-même si je n'avais été .chaudement
recommandé par don Vento d'Alvarès, le patron des étrangers
qui voyagent dans la Navarre et dans l' Aragon.
Tout ménage a sa servante.
La plus pauvre fille qui se marie, fût-elle servante elle-même,
a, le lendemain à sept heures du matin, une servante au chevet de
son lit qui lui présente son chocolat.
L'homme est déjà sorti depuis cinq heures du matin pour
aller à ses affaires ou à son travail, et il a pris dans la taverne la
plus voisine de sa maison son aguardiente.
L'aguardiente , comme l'indique son nom , est une espèce
d'eau-de-vie , eau -de-feu , comme l'ont appelée les Indiens dans
leur langage pittoresque ; elle se ft.it avec le marc du raisin, elle
494
CUISINE,
se passe dans un alambic avec de Teau et de l'anis ; il y en a
depuis dix-huit degrés jusqu'à quarante.
L'aguardiente se boit rarement pure ; on en met une dizaine
de gouttes dans un grand verre d'eau qu'elle blanchit; on avale
ce verre d'eau à jeun; il donne de l'appétit et ne brûle pas l'esto-
mac comme l'absinthe.
C'est la même chose à peu près que le sambucco que,
pendant les jours d'été, on vend à chaque coin de rue à Naples;
seulement l'aguardiente se fait , comme nous l'avons dit , avec
de l'anis, et le sambucco avec du fenouil.
L'autre eau-de-vie est tout simplement du tafia venant de
la Havane et fait avec la canne à sucre.
Aucun vin fin en Espagne n'est naturel ; ce sont en général
les pâtissiers qui font les vins d'extra; ils sont en même temps
que pâtissiers, confiseurs, fabricants de vins et fabricants de
cierges.
Le xérès , le malaga , l'alîcante , le pagarété sont fabriqués
par ces industriels et se vendent en général deux francs cinquante,
achetés chez les fabricants.
Les Français qui ont voulu soutenir la concurrence en
rhonneur de notre pays fabriquent une espèce de vin de Cham-
pagne avec des vins de Ronéda, qui sont blancs et très-capiteux.
Ces vins se boivent généralement au moment où on sert le
poisson.
Quant 9.UX salades elles se mangent presque toujours avant
le potage.
Voici les principales salades et la manière de les faire :
Salade de choux-fleurs, — On fait cuire les choux-fleurs
avec quatre œufs durs, choux-fleurs et œufs se servent en même
temps dans un plat après avoir épluché des œufs et les avoir
coupés en quatre, on l'assaisonne chaude.
Deux raisons pour que la salade soit exécrable.
La première, parce que les œufs cuits dans de l'eau de
choux-fleurs contractent un goût afireux.
La seconde, c'est que toute salade, excepté la salade au lard,
est exécrable à manger chaude.
Salade de chou, — On fait bouillir le chou avec des os
CUISINE. 495
de jambon, lorsqu'il est bien cuit on Tégoutte ^ on le fait frire
dans la poêle avec de Thuile, on présente ensuite le chou sur la
table pour y être assaisonné une seconde fois avec de Thuile, du
sel, du poivre et du vinaigre.
Les autres salades sont les mêmes qu'en France et s'assai-
sonnent de la même manière.
J'ai dit, dans mon voyage en Espagne, comment, pour
échapper à l'huile infecte des Espagnols et à leur vinaigre insi-
pide et à ses animalcules visibles à l'œil nu, je faisais de la
salade sans huile et sans vinaigre aveô des jaunes d'œufs frais et
du jus de citron.
Aujourd'hui que les chemins de fer existent, il s'est fait une
grande amélioration à ce qu'on assure parmi les victuailles, je
n'étais déjà plus en Espagne lorsqu'on m'apprit le secret d'enlever
à l'huile sa rancité.
Comme quelqu'un de mes compatriotes pourrait se trouver
en face d'une burette d'huile rance, hâtons-nous de lui dire le
moyen de rendre à l'huile sa saveur primitive.
On met l'huile dans une poêle et on la fait bouillir après
avoir eu le soin de fermer toutes les portes et toutes les fenêtres
de la cuisine, quand elle est à cent ou à cent cinquante degrés
de chaleur, vous y jetez un morceau de pain que vous laissez
littéralement brûler dans l'huile, il fume et entraine avec lui
' toute la mauvaise odeur du liquide.
C'est à asphyxier un Esquimau; on ouvre les fenêtres,
l'odeur s'en va de la maison empoisonnée, des voisins accourent
sur leur porte pour ne rien perdre de cette odeur délicieuse, et
l'huile est devenue mangeable, seulement elle a perdu sa teinte
jaune pour prendre une teinte noirâtre.
Les salades se mangent ordinairement en Espagne avant le
potage.
Le potage le plus estimé des Espagnols^ est la soupe à l'ail.
En voici la recette :
Prenez deux onces de graisse par litre d'eau, mettez chauffer
la graisse dans la poêle, prenez une gousse d'ail que vous laissez
rôtir jusqu'à ce qu'elle soit brûlée, alors vous y versez l'eau, vous
y ajoutez une bonne pincée de sel et vous faites prendre à votre
496 CUISINE.
potage trois ou quatre bouillons, puis vous coupez dans une sou-
pière du pain en tranches minces, vous cassez autant d'œufs que
vous avez de personnes et vous en couvrez le pain, et vous versez
dessus le bouillon en ébuUition.
Lorsque le repas a quelque consistance, le potage est ordi-
nairement suivi d'une langue de bœuf à Tétouffée.
On arrive à faire ce plat par les moyens suivants :
Vous prenez une langue de bœuf que vous faites mariner
trois jours dans la même marinade que celle indiquée déjà pour
le lièvre ; au bout de ce temps vous la retirez, vous Tégouttez,
vous la piquez de lard très-fin, puis vous U faites cuire à
TétoufFée comme le lièvre, avec des oignons et des pommes de
terre.
Ajoutons à la langue à TétoufFée un des mets les plus appré-
ciés des Espagnols , la Poule en pépitoria.
On coupe la poule en quatre, on la fait roussir dans la
friture bien chaude, on met ensuite le tout, poule et saindoux,
dans une casserole, on ajoute de Teau, du sel, une feuille de
laurier ; on le laisse bien cuire ; puis on pile dans un mortier
trois jaunes d'œufs durs, un peu de mie de pain, du persil, et
on mêle le tout ensemble de façon à former une sauce épaisse,
on le fait cuire avec la poule, et Ton sert le plus chaud possible.
Il est possible qu'on échappe dans un diner bourgeois donné
par des Catalans à la poule pépitoria, mais on n'échappera pas à
coup sûr au poulet aux tomates et aux piments.
m
Supposez que vous vouliez régaler vos amis de cet entremets •
exotique.
Vous faites frire le poulet dans le saindoux, comme il est dit
pour la poule en pépitoria, puis vous enlevez les morceaux quand
ils sont frits dans la poêle, puis dans la graisse bouillante vous
jetez les tomates et les piments épluchés et déjà rôtis sur les
braises, enfin vous remettez le poulet avec les piments et les
tomates et faites frire le tout ensemble jusqu'à entière cuisson.
Voici ce que Ton appelle une omelette de famille.
Vous faites cuire une douzaine de pommes de terre en robe
de chambre avec du sel, vous les épluchez et vous les pilez dans
un mortier ; puis on casse six œufs, on ajoute du sel, du poivre,
CUISINE. 4^
on les mêle bien avec les pommes de terre et on verse le tout
dans la poêle pour être cuit à petit feu afin que l'omelette ne
tienne pas au fond du récipient-
On la sert accompagnée d'une sauce au pauvre homme.
Il n'y a pas de charcutiers en Espagne ; le sang de cochon
avec lequel nous faisons le boudin se garde dans de gros intestins
bouilli avec du riz et des oignons, puis on le garde ainsi jusqu'à
ce qu'on l'utilise, soit en le coupant par tranches et en le faisant
frire, soit en le faisant bouillir dans la soupe, ou cuire sous les
cendres comme des pommes de terre.
Tout le reste du porc est salé et se vend chez des marchands
de salaison qui sont presque tous de l'Estramadure.
La charcuterie qui peut se rapprocher le plus de la charcu-
terie française se fait dans les maisons.
Une ordonnance qui défendait, par hygiène, de tuer les
cochons depuis le premier de juin jusqu'à la fin d'août est cause
de ce manque d'industrie publique en Espagne.
Toute maison un peu régulière tue un, deux et même trois
cochons au mois de décembre pour les besoins de l'année.
J'ai connu un maître de maison, à Sérisi, qui tuait à cette
époque de l'année jusqu'à dix-huit cochons pour la nourriture
de son personnel.
Un des principaux comestibles que Ton tire du cochon est
le chorizo , c'est-à-dire un certain saucisson fait de viande de
porc, de viande de veau hachée, fortement épicée , fumée, et
conservée comme le jambon.
Dans les maisons réglées, on fait autant de chorizos qu'il y
a de jours à s'écouler, et le jour de l'année suivante où on le
tuera, c'est-à-dire que Ton fait trois cent soixante-cinq chorizos
plus une cinquantaine pour les jours où Ton aura des invités.
Quant aux jambons, ceux de Bayonne peuvent nous en
donner une idée, avec cette différence que les jambons de Cata-
logne atteignent le double de leur grosseur; ces jambons se
fument et se conservent comme les nôtres.
On mange ces jambons de deux façons.
D'abord à la minute, et ils se font alors cuire ainsi :
On coupe le jambon par tranches pas trop minces, puis on
3a
498 CUISINE.
le fait frire dans le saindoux, ayant soin de ne pas trop le laisser
se dessécher dans la poêle; on jette alors dans la friture un
verre d'eau dans laquelle on a mis une ou deux cuillerées de
vinaigre suivant sa force, et deux cuillerées de sucre en poudre,
puis on fait bouillir le tout ensemble jusqu'à ce que la sauce soit
liée.
C'est, à mon avis, la meilleure manière de manger le jambon
espagnol quand on est pressé; j'invite donc les voyageurs à de-
mander du jambon à la minute et surtout à en apprécier la sauce.
Voici maintenant le jambon doux qui constitue la véritable
charcuterie particulière.
Peu de noces se passent en Espagne sans le fameux plat de
jambon doux.
On désosse le jambon, puis on le met dessaler dans Teau
bouillante pendant une heure; on le retire, on jette Peau, on
égoutte le jambon, on le fait tremper entièrement dans du vin
blanc, on laisse réduire à moitié et on ajoute une demi-livre de
sucre par litre de vin ; on laisse bouillir le tout jusqu'à ce que le
jambon soit bien cuit, on retire la viande, on jette le vin dans
dans lequel il a cuit, à moins qu'on ne Pemploie à quelque sauce;
puis vous mettez le jambon dans un moule de la forme que vous
voulez lui donner, vous le pressez ainsi pendant deux jours sous
une forte presse, cela forme une pâte compacte et très -serrée
que l'on coupe par tranches et que Ton mange comme il est.
Le mouton est très-apprécié en Espagne. — Un proverbe
dit :
Mange du mouton pour cher qu'il soit, demeure dans la
ville pour mal que tu y sois, et bois de Teau de rivière si trouble
qu'elle soit.
11 se mange rôti, en côtelettes, ou en ragoût, avec des hari-
cots, mais toujours poinçonné de beaucoup d'ail.
L'abondance des agneaux et leur bon marché sont tels
qu'un de mes amis , logeant à Carion de los Condès , après en
avoir mangé pendant tout un mois, fut obligé de quitter le pays
pour manger autre chose.
Le chevreau passe avant l'agneau, et s'accommode exacte-
ment de la même manière; il n'en est pas plus cher pour cela. •
CUISINE. 499
Uagneau, comme nous l'avons dit, est en telle défaveur que
tout berger a droit de prendre trois agneaux par mois pour sa
nourriture, pourvu qu'il rapporte les peaux à son maître.
Les autres petits bénéfices lui viennent des voleurs dont il
est presque toujours l'espion, quand il n'est pas voleur lui-
même.
CONSEIL GÉNÉRAL DONNÉ AUX VOYAGEURS,
Ne demandez jamais de renseignements aux bergers, afin
qu'ils ne sachent pas d'où vous venez et où vous allez.
Un des grands plaisirs des Espagnols , qui ne se laissent pas
mourir de faim, comme on le voit, est de goûter dans les champs
en plein air. Ce plaisir ne serait pas complet si Vépanada man-
quait.
Disons ce que c'est que l'épanada et de quelle manière elle
se fait.
Vous prenez, suivant le nombre des convives, six ou huit
livres de pâte de pain prête à être mise au four; vous l'emportez
chez vous où vous la travaillez avec du saindoux connu sous le
nom de grapo , vous en trouvez partout en Espagne ; il peut,
dans certains cas, remplacer le beurre; vous en formez un pâté
rond , creux au milieu , que Ton enduit partout avec des œufs
battus , pour que la viande qui doit y entrer ne se colle pas aux
parois. En Castille, l'épanada se fait soit avec six ou huit pigeons,
et c'est alors une épanada de pigeons; soit avec quatre ou cinq
poulets, et c'est une épanada de poulets.
On en fait avec du porc, avec du veau, ou toute autre espèce
de viande.
En Gallicie, les épanadas se font en poisson au* lieu de se
faire en viande.
La viande qui doit entrer dans la confection de l'épanada
est frite à l'avance ; les poissons seulement s'y mettent crus.
Cette viande, placée dans la cavité qui lui est ménagée, est
recouverte, comme nos pâtés, d'une couche de la même pâte,
puis on porte ce pâté chez le boulanger pour être mis au four,
avec une marque indiquant le nom du propriétaire, les boulan-
joo CUISINE.
gers ayant parfois à faire cuire en un seul jour des milliers
d'épanadas.
On laisse le pâté au four le temps suffisant pour cuire la
viande qu'il renferme, on paye la cuisson ; puis chacun part avec
son épanada pour le champ de la fête.
Arrivée sur le terrain , chaque famille se réunit au porteur
de répanada , qui est presque toujours la servante, et qui s'est
munie des couverts et ustensiles nécessaires pour le repas; elle
porte en même temps les fruits , le vin, toujours dans une peau
de bouc ; enfin tout ce qu'on ne veut pas acheter aux marchands
qui s'établissent sur le champ de la fête pour tout le temps qu'elle
dure.
C'est le jour de saint Jeidre que cette fête se passe à Madrid.
A un quart de lieue de la ville, et sur une petite côte, s'élève
la chapelle de Saint-Jeidre ; toute la rampe qui conduit à cette
chapelle est couverte de frituriers et de marchands de vin, desti-
nés à remplacer les lacunes de ceux qui n'ont pas pu faire pré-
parer répanada de circonstance.
La colline est une ruche couverte d'abeilles ; trente ou qua-
rante mille personnes se pressent à la porte de la chapelle pour
voir le saint, se bousculant, se poussant et s'engoufFrant dans la
chapelle, arrivent à voir le. saint, font une prière, et se poussent
dehors comme ils se sont poussés dedans.
De la porte de la chapelle, on domine la plaine, où deux
cent mille personnes assises, faisant leur merienda, c'est-à-dire
leur goûter, présentent le spectacle le plus curieux qui se puisse
voir, celui qui sans doute a donné à Cervantes l'idée de ses noces
de Gamache.
Cette fête semble le reste du carnaval romain qui mettait les
serviteurs et les esclaves au niveau des maîtres; les serviteurs
espagnols oublient ce jour-là leur domesticité, et peuvent se
croire autant que ceux avec lesquels ils sont assis, puisqu*ils
mangent la même nourriture et boivent le même vin à la même
table.
A mesure que le temps s'écoule, que les outres se vident, on
voit les groupes s'amuser, l'agitation devient de la confusion, la
confusion du tumulte, et il est bien rare que ces fètes se passent
CUISSON.
SOI
sans quelques jolis coups de couteau et sans que quelques con-
vives n'aient payé de leur vie le plaisir de faire la merienda en
famille.
Je donne donc au voyageur le conseil d'aller voir ce spec-
tacle fort curieux, mais non de prendre part à la fête. Qu'il tâche
surtout d'y aller et de revenir en voiture, car le pont de Tolède,
même en plein jour, est dangereux ce jour-là.
Nous serions ingrats envers la Catalogne, si nous oubliions
deux de ses plats nationaux.
Le longuet et les ragoûts aux pruneaux.
Le longuet se fait avec de petits pains longs particuliers à
la Catalogne; on les fait bouillir dans du lait, on en ôte la mie,
on la remplace par du hachis de viande, et on les met frire dans
la graisse.
La France farcit aux truffes, la Castille aux olives, la Ga-
lice aux châtaignes, et la Catalogne aux pruneaux.
Ainsi le fricandeau s'apprête comme les ragoûts ordinaires;
ils ajoutent seulement des pruneaux qu'au premier coup d'œil
les amateurs prennent pour des truffes.
Le même étonnement existe pour les poulardes et dindons ;
à travers leur peau transparente, apparaissent des taches noires
qui font venir l'eau à la bouche des gourmands ; prenez garde,
imprudents convives, ce sont des prunes sèches.
CUISSON. — Temps que demandent à cuire, avec un feu de
bois ou de charbon, les aliments. — La cuisson des viandes est
le fondement des consommés et des jus, tout aussi bien que la
cuisson du sucre à la nappe, à la plume, au caramel ou au perlé
est celui de l'art de confire.
Bœuf, pesant lo kilos, quatre heures
de cuisson.
— — 5 kilos, deux heures et
degiie.
— — 3 kilos, deux heures.
Veau, — $ kilos, trois heures et
demie.
— — 2 kilos, deux heures.
Mouton, pesant 5 kilos, deux heures.
— — 3 kilos, une heure et
demie.
Mouton, pesant 2 kilos, une heure.
Porc frais, pesant 4 kilos, quatre
heures.
— — 2 kil., une heure.
trois quarts.
Jambon, une demi-heure par livre.
Cochon de lait, deux heures et demie.
Venaison, pesant $ kilos, deux heures
et demie.
— "^ 3 kilos, une heure
et demie.
502
Curaçao.
Venaison, pesant a kilos, une heure.
Agneau, selle ou gros quartier, deux
heures.
— quartier ou gigot, une heure.
Dindon farci, deux heures.
— moyen, une heure un quart.
Dindonneau, une heure, toujours
enveloppé de papier.
Chapon, une heure.
Poularde, une heure un quart.
Poulet gras, trois quarts d'heure.
— à la reine, une demi-heure.
Coq vierge, vingt-cinq minutes.
Pintade, trois quarts d'heure .
Paonneau, une heure.
Oie grasse, une heure un quart.
Oison, trois quarts d'heure.
Canard, trois quarts d'heure.
Caneton, vingt-cinq minutes.
Albran, yitigt minutes.
Pigeon, une demi-heure.
Pigeonneau, vingt minutes.
Lièvre, une heure et demie.
Levraut, trois quarts d'heure.
Lapin, trois quarts d'heure.
Lapereau, vingt-cinq minutes.
Faisan, trois quarts d'heure.
Poule faisane, quarante minutes.
Faisandeau, vingt-cinq minutes. *
Perdreau rouge, une demi-heure.
— gris, vingt-cinq minutes.
Bartavelle, vingt-cinq minutes.
Outarde, une heure un quart.
Oie sauvage, une heure.
Coq des bois, une heure.
— de bruyère, une heure un quart.
Poule — trois quarts d'heure.
Gelinotte, une demi-heure.
Bécasse, une demi-heure.
Bécassine, vingt minutes.
Bécasseaux, un quart d'heure.
Pluvier doré, vingt minutes.
Rouge de rivière, vingt-cinq minutes.
Poule d'eau, vingt minutes.
Sarcelle, un quart d'heure.
Macreuse, vingt-cinq minutes.
Râle de genêt, une demi-heure.
Caille, vingt minutes.
: Engoulevent, vingt minutes.
] Mauviette, vingt minutes.
Grive, vingt minutes.
Ortolan, un quart d'heure
Bec-figue, un quart d'heure.
Merle de Corse, vingt minutes.
Guignard, un quart d'heure.
Bécot, dix minutes au plus.
Rouge-gorge, dix minutes.
CURAÇAO. — On nomme curaçao une espèce d'orange
dont on tire une liqueur qui porte le même nom qu'elle, et dont
les zestes desséchés nous arrivent par la Hollande; on distille
ses écorces avec de Talcool, on en mêle l'esprit avec du sirop.
Cette écorce est d'un goût amer et charmant. On la lave, on
régoutte, on la laisse infuser dans 1/4 d'eau et 3/4 d'alcool,
quinze jours. On égoutte sur tamis, on mêle à un fort sirop et
on filtre.
N.-B. — Agitez de temps à autre votre réceptacle pendant
l'infusion.
Cette opération, simple en théorie, est d'une pratique sca-
breuse. Le plus sûr est d'acheter son curaçao tout préparé.
C'est chez Foking, à Amsterdam que se vend le meilleur
curaçao ; quelque soin que l'on donne à cette liqueur, à Bor-
CYGNE. yoj
deaux, elle n'atteint pas le degré de perfection de sa rivale.
CYGNE, PÂTÉ DE CYGNE. — Les cygnes qui pour plu-
sieurs naturalistes, rentrent dans le genre canard, forment au
contraire dans la classification de Cuvier, un genre distinct de
l'ordre des Palmipèdes; de tous les oiseaux, le cygne est celui
dont le cou se compose d'un plus grand nombre de vertèbres, il
en a vingt-trois, les dorsales sont au nombre de onze, il en a
quatorze sacrales et trois codâtes.
Le cygne domestique a une élégance de forme quf ne per-
met pas de le confondre avec l'oie et le canard, qu'il touche cepen-
dant de si près; une seule anomalie signale le cygne aux yeux
ou plutôt aux oreilles des ornithologistes, c'est que les natura-
listes aient appliqué à cet animal le nom de cygnus musicus.
Or, quiconque a entendu ce fameux chant du cygne, avouera
que c'est le cri le plus désagréable qu'il ait jamais ouï. —
Le chant du cygne est une locution qu'il faut accepter à cause
de sa poésie, et non à cause de sa vérité; ce qui a maintenu le
cygne dans sa position de virtuose, c'est l'admirable rôle qu'il
joue dans tout le Lohengrin; mais au point de vue de la cuisine,
tout cela n'aurait pas pu lui constituer une position, si la chair
du jeune cygne, et surtout du cygne sauvage, n'était pas plus
tendre et plus savoureuse que celle de nos meilleures palmi-
pèdes; on en feit des pâtés à la manière des pâtés d'Amiens.
D
DAIM. — Quadrupède de Tordre des ruminants et de la
famille des cerfs. Oh regarde, avec raison, la chair de cet ani-
mal comme un excellent aliment.
Le daim est trop connu pour qu'il soit besoin de le décrire
ici. Nous ne faisons pas d'ailleurs un cours d'histoire naturelle.
Nous dirons seulement que la chair du daim, comme celle du
chevreau, est meilleure quand il a été tué étant en exercice.
Les parties du daim les plus estimées sont le train et les
pieds de derrière, parce qu'elles sont les plus charnues; la cer-
velle est aussi, d'après Redi, qui dit en avoir mangé avec du
lard, un morceau fort délicat.
On doit choisir le daim jeune, tendre, gras et bien nourri; sa
chair produit un bon suc et nourrit beaucoup. Quand il est trop
vieux, elle est dure et difficile à digérer.
Quartier de derrière du daim, (Mode anglaise.) — Lorsque
vous aurez un 'quartier de daim bien gras, c'est-à-dire couvert
de graisse, tel que peut l'être un gigot de mouton, désossez-en le
quasi, battez-le bien, saupoudrez le dessus d'un peu de sel fin,
faites une pâte avec trois litrons de farine, dans laquelle vous
mettrez une demi-once de sel, six œufs entiers et un peu d'eau
seulement pour que votre pâte soit extrêmement ferme; envelop-
pez-la dans un linge blanc et humide, laissez-la reposer une
heure ; après abaissez-la bien également en lui donnant l'épais-
seur d'une pièce de six livres, embrochez votre venaison, enve-
DARIOLE. 505
loppez-la entièrement de votre abaisse de pâte, pour cela elle
doit être d'un seul morceau, soudez-la en mouillant les bords,
et les joignant l'un sur l'autre ; enveloppez le tout de fort papier
beurré, puis faites cuire à un feu bien égal environ trois heures;
la cuisson faite, ôtez le papier, faites prendre belle couleur à la
pâte, débrochez-la, servez-la en joignant une saucière de gelée
de groseilles qu'on appelle en anglais : Corinthe gelée. (Recette
de M. Beauvilliers.)
Daim rôti à la broche. — Lardez-le de gros lard assaisonné
de sel, poivre, clous de girofle, mettez-le tremper dans le
vinaigre avec laurier, sel, tranches d'oignons et de citron,
faites-le rôtir à petit feu en l'arrosant de sa marinade. Faites
ensuite une sauce avec anchois, échalotes hachées, citron vert et
farine frite, liez le tout avec un coulis et versez sur votre quar-
tier de daim.
DALLE OU DARNE. — On donne ce nom â une tranche
de saumon, de cabillaud, de bar, etc.
DAMPINARD (fromage de). — Ces fromages d'une ferme
de l'Aisne sont faits avec du lait de chèvre en forme de boules
de 8 centimètres de diamètre. Ils sont estimés des connaisseurs.
DARIOLE. — Pâtisserie d'entremets; voici la manière de
les faire :
Faites une abaisse de pâte brisée, de l'épaisseur d'un cen-
timètre. Coupez-la avec un coupe-pâte assez grand pour que vos
abaisses débordent les moules de vos darioles, et vous leur don-
nez avec la pointe d'un couteau, la forme qu'elles doivent avoir;
posez-les dans les moules beurrés d'avance, rognez la pâte qui
déborde des moules, mettez dans une casserole pour la quantité
d^ darioles que vous voulez faire, une ou deux cuillerées à bouche
de farine, huit ou dix macarons bien écrasés, du sel, de la fleur
d'orange et des jaunes d'œufs crus, vous délayez le tout avec un
bon verre de crème, versez cette composition, après l'avoir bien
remuée dans vos moules et faites-les cuire au four; leur cuisson
achevée, retirez-les des moules^ dressez- les sur un plat, saupou-
drez-les de sucre fin et servez-les le plus chaudement possible.
Darioles à la duchesse. — Vous opérez comme ci-dessus en
ajoutant à votre pâte de la fleur d'oranger praliné, un zeste de
5o6 DEGUSTATION.
citron, une pleine cuillerée de raisins de Corinthe, une forte
pincée d'angélique hachée et quelques merises coniites au sec,
vous les mettez de même dans des moules et faites cuire comme
ci-dessus.
Barioles au Moka. — Vous faites* bouillir de la crème
double, la quantité que vous voulez et vous jetez dans cette crème
trois onces de café Moka que vous avez fait bouillir jusqu'à
légère coloration ; vous faites infuser un quart d*heure, vous
passez votre crème et«vous procédez, pour le reste, comme il est
indiqué pour les darioles ci-dessus.
Les darioles au chocolat, au rhum, au thé se font de la
même manière; celles au fromage de Brie se nomment Talmouses,
(V. Talmouses.)
DATTES. — On donne ce nom au fruit du dattier commun.
Les meilleures dattes nous viennent d'Afrique, c'est la principale
nourriture des Arabes, et en France on les voit rarement sur les
tables, et Ton ne s'en sert guère que pour faire des sirops ou con-
fitures.
Ce fruit doit être mangé bien mûr et bien frais, autrement il
occasionne des indigestions et des maladies de la peau; Pline
rapporte que plusieurs soldats d'Alexandre moururent pour
avoir mangé avec excès des dattes trop vertes. Il contient un
noyau très-dur que Ton fait broyer et macérer et que l'on donne
à manger aux chameaux et aux moutons.
DAUBE. — C'est la préparation à chaud ou à froid d'un
aliment gras et charnu, les substances les mieux appropriées
pour être mises en daube sont ordinairement : la noix de bœuf
et le filet d'aloyau, le gigot de mouton, le carré de porc frais et
les grosses volailles.
DAUPHIN. — Mammifère de Tordre des cétacés et de la
famille des souffleurs. J'ai dans mes voyages mangé du foie et de
la langue de dauphin qui est un met d'honneur. La chair a le
goût du thon et une forte odeur de marée : elle est indi-
geste.
DAUPHIN (fromage). — Fromage flamand qu'on mange
très-fait et qui excite à boire.
DÉGUSTATION. — Action d'apprécier, par le moyen de
DINDON. 507
la langue et non du palais comme on le dit à tort, la saveur
propre aux aliments. Un fin dégustateur est rare.
DEJEUNER. — A la lettre : repas qui rompt le jeûne.
C'est le repas du matin ou celui |de midi. Ce dernier doit être
servi sans nappe et sans étiquette rigoureuse.
DELESSERIA. — Genre de la famille des Algues et de
Tordre des cryptogames. Les Écossais en mangent, cuite dans du
lait ou du bouillon.
DEMI-BEC. — Genre de poisson osseux, à chair huileuse*
lourde à digérer.
DENTS. — La mâchoire humaine est meublée de trente-
deux dents ou moins. Celles de devant tranchent et celles des
côtés broient les aliments. L'absence des dents rend la digestion
difficile à cause de l'insuffisante trituration des aliments, de là
des spasmes, des crampes, etc.
.DESSERT. — Dernière partie du diner, composée d'ali-
ments légers.
Un dessert bien ordonné doit charmer les yeux autant que
le goût des convives. Soignez dont l'arrangement des assiettes et
l'harmonie générale des pièces.
DIABLOTINS. — On donne ce nom à différentes choses;
c'est d'abord un plat d'entremets qui n'est autre chose que de la
crème aux œufs qu'on a partagée, refroidie et fait frire; c'est
ensuite une sorte de petites dragées napolitaines. (V. Dragées.)
Enfin, on donne ce nom à des bonbons de chocolat enveloppés
d'une papillotte.
DIGESTION. — Fonction qui consiste dans la transforma-
tion des substances alimentaires, introduites dans l'estomac, en
matières assimilables.
DINDE. — (V. Dindon.)
DINDON. — En ornithologie on dit un dindon et une
dinde pour désigner le mâle et la femelle de ces animaux. En
cuisine on dit généralement un dinde du mâle et de la femelle.
La femelle est toujours plus petite et plus délicate que le
mâle. Les dindons étaient connus des Grecs, qui les appelaient
des MéléagrideSy parce que ce fut Méléagre, roi de Macédoine,
qui les apporta en Grèce l'an du monde 3,559.
5o8 DINDON.
Quelques savants ont contesté ce fait, et ont dit -que c'était
des pintades; mais Pline (livre 37, chap. II) décrit le dindon à
ne pouvoir s'y méprendre. Sophocle, dans une de ses tragédies
perdues, introduisait un chœur de dindons qui pleuraient sur
la mort de Méléagre.
Les Romains professaient une estime particulière pour les
dindons : ils les élevaient dans leurs métairies. Comment dispa-
rurent-ils? quelle épidémie les enleva! c'est ce que l'histoire ne
nous apprend point. Seulement ils devinrent si rares qu'on finit
par les mettre en cage, comme on y met aujourd'hui les perro-
quets.
En 1432, les vaisseaux de Jacques Cœur, qui commença par
être un des premiers négociants du monde et qui. finit par être
argentier et maître d'artillerie du roi Charles VII, en 1432, disons-
nous, les vaisseaux de Jacques Cœur rapportèrent les premiers
dindons de l'Inde. Nous ne devons donc point ce précieux -oiseau
aux jésuites, comme la croyance en est vulgairement répandue,
puisque Tordre des jésuites ne fut fondé par Ignace de Loyola
qu'en 1534 et ne fut approuvé par le pape Paul III qu'en 1540.
Cette croyance que les sectateurs de Loyola ont importé le
dindon d'Amérique, fait que quelques mauvais plaisants ont pris
l'habitude d'appeler les dindons des jésuites. Les dindons ont
exactement le même droit de se fâcher de ce changement de
nom, que l'auraient les jésuites si on les appelait des dindons.
Notre avis n'est donc pas celui de la plupart des savants qui
disent que le dindon vient d'Amérique. L'Amérique, découverte
en 1492 par Christophe Colomb, ne pouvait en 1450, c'est-à-dire
quarante-deux ans auparavant, approvisionner les vaisseaux de
Jacques Cœur, quoique la devise de celui-ci fut : — A vaillant
cœur, rien d'impossible. — Son nom de poule d'Inde, d'où dérive
le mot dindon, paraîtrait plus naturel d'ailleurs, venant de l'Inde
que venant d'Amérique, quoique l'on prît à cette époque l'habi-
tude d'appeler l'Amérique l'Inde occidentale.
Aujourd'hui on trouve en Amérique, et surtout chez les
Illinois, le dindon à l'état sauvage. Brillât-Savarin, dans sa
physiologie du goût, se fait le héros d'une chasse où il eut le
bonheur de tuer un dindon. Un chasseur canadien m'a assuré
DINDON. 509
avoir tué un de ces animaux qui pesait près de cinquante livres.
Quoique la chair du dindon, surtout froide, soit excellente,
pleine de sapidité et préférable à celle du poulet, il y a des
gourmets qui n'en mangent absolument que les sot-Vy-laisse ,
étymologie : sot qui le laisse.
Un jour Grimod de la Reynière, oncle du célèbre comte
d'Orsay, qui, pendant vingt ans a donné la mode à la France et
à l'Angleterre, un jour Grimod de la Reynière étant, dans une
tournée financière, surpris par la nuit ou par le mauvais temps,
ou par un de ces obstacles insurmontables enfin qui forcent un
épicurien à s'arrêter dans une auberge de village, demande à
l'hôte ce qu'il peut lui donner pour souper.
Celui-ci lui avoue avec honte et regret que son garde-manger
est complètement vide.
Un grand feu qui brille à travers les carreaux d'une porte
vitrée, qui n'est autre que celle de la cuisine, attire les regards
de l'illustre gourmand, qui voit avec étonnement sept dindes
tournant à la même broche.
« Comment osez-vous me dire que vous n'avez rien à me
donner à souper, exclame Grimod de la Reynière, quand je vois
à la même broche sept magnifiques dindes, arrivées à leur degré
de cuisson ?
— C'est vrai, monsieur, lui répondit l'hôte, mais elles sont
retenues par un monsieur de Paris qui est arrivé avant vous.
— Et ce monsieur est seul ?
— Tout seul.
— Mais c'est donc un géant que ce voyageur?
— Non, monsieur, il n'est guère plus grand que vous.
— Oh ! oh ! dites-moi le numéro de la chambre de ce
gaillard-là, et je serai bien maladroit, s'il ne me cède pas une de
ses sept dindes. »
Grimod de la Reynière se fait éclairer et conduire à la
chambre du voyageur, qu'il trouve près d'une table dressée, assis
devant un excellent feu et aiguisant l'un sur l'autre deux cou-
teaux à découper.
<c Et pardieu ! je ne me trompe pas, s'écrie Grimod de la
Reynière, c'est vous, monsieur mon fils !
5IO DINDON.
— Oui, mon père, répondit le jeune homme en saluant
respectueusement.
— C'est vous qui vous faites embrocher sept dindes pour
votre souper >
— Monsieur, lui répondit l'aimable jeune homme, je
comprends que vous soyez péniblement affecté de me voir mani-
fester des sentiments si vulgaires et si peu conformes à la distinc-
tion de ma naissance, mais je n'avais pas le choix des aliments,
il n'y avait que cela dans la maison.
— Pardieu ! je ne vous reproche pas de manger de la dinde,
à défaut de poulardes ou de feisan ; en voyage on est bien obligé
de manger ce qu'on trouve, mais je vous reproche de faire mettre
pour vous seul sept dindes à la broche.
— Monsieur, je vous ai toujours entendu dire à vos amis,
qu'il n'y avait réellement de bon, dans le dindon non truffé ; que
les sot-Vy-laisse.
— J'ai fait mettre sept dindes à la broche pour avoir qua-
torze sot'Vy-laisse.
— Ceci répliqua son père, obligé de rendre hommage à l'in-
telligence du jeune homme, me paraît un peu dispendieux pour
un garçon de dix-huit ans, mais je ne saurais dire que ce soit
déraisonnable. »
Avignon a été de tout temps une ville où Ion a mangé à mer-
veille, c'est une vieille tradition du temps où Avignon était ville
pontificale.
Un respectable président du tribunal de cette ville appréciait
les qualités du dindon.
Il disait un jour :
« Par ma foi, nous venons de manger un superbe dinde, il
était excellent, bourré de truffes jusqu'au bec, tendre comme une
poularde, gras comme un ortolan, parfumé comme une grive.
Nous n'en avons, ma foi, laissé que les os.
— Combien étiez-vous ? demanda un curieux.
— Nous étions deux, monsieur ! répondit-il.
— Deux?...
— Oui. Le dinde et moi. »
Louis XV voulant un jour visiter la ménagerie de Versailles,
DINDON. 511
prit le chemin de Saint-Hubert pour s'y rendre, mais il fut arrêté
en rgute par un groupe de dindons qui lui barrait le passage.
Ces dindons étaient ceux de la ménagerie qui sans doute s'étaient
échappés.
« Qui est-ce, dit le roi, qui est chargé de cette volaille?
— Sire, c'est le capitaine La Roche, lui répondit-on.
— Eh bien, allez dire au capitaine La Roche que s'il lui
arrive encore de laisser échapper ses dindons, je le casserai à la
tête de sa compagnie de volailles. »
La couleur rouge a la faculté d'exciter la colère du dindon ,
comme celle du taureau ; il s'élance alors sur celui qui la porte
et l'attaque à coups de bec. C'est ce qui fut cause de Taccident
arrivé à l'illustre Boileau.
Boileau étant encore enfant, jouait dans une cour où se
trouvait entre autres volailles un dindon ; tout à coup l'enfant
tombe, sa jaquette se retrousse et le dindon qui aperçoit la cou-
leur abhorrée, se jette dessus et, à force de coups de bec, meur-
trit le pauvre Nicolas de telle sorte que celui-ci, ne pouvant plus
jamais devenir un poëte erotique, prit par la suite le parti d'être
un poëte satirique et de médire des femmes.
Le poëte fut incommodé toute sa \ie. C'est 'là sans doute
la cause de l'aversion secrète qu'il eut toujours c!ontre les jésuites
qu'il croyait , d'après l'opinion la plus commune , les intro-
ducteurs du dindon en France.
Dinde auy truffes, — (Recette de Courchamps.) — Ayez
une jeune et belle poule d'Inde, bien grasse et bien blanche ;
épluchez-la, flambez-la, videz-la par la poche, prenez garde
d'en crever l'amer et d'en offenser les intestins ; si ce . malheur-
là vous arrivait, passez- lui de l'eau dans le corps; ayez
quatre livres de truffes, épluchez-les avec soin, supprimez celles
qui seraient musquées, et hachez une poignée des plus défec-
tueuses (pour la forme) ; pilez une livre de lard gras ; mettez-le
dans une casserole avec vos truffes hachées et celles qui sont
entières ; assaisonnez-les de sel, gros poivre, fines épices et une
feuille de laurier ; passez le tout sur un feu doux, laissez-le mijoter
pendant trois quarts d'heure et puis retirez vos truffes du {qw ;
remuez-les bien, et remplissez-en le corps de votre dinde j usqu'au
512 DINDON.
jabot; cousez-en les peaux, afin d'y faire tenir les truffes ; bridez-
la et laissez-la se parfumer pendant trois ou quatre jours, .si la
saison vous le permet; au bout de ce temps, mettez-la à la
broche, enveloppez-la de fort papier, faites-la cuire environ deux
heures, et puis déballez-la pour lui faire prendre une belle cou-
leur. Servez-la avec une sauce faite sur son jus de cuisson, où
vous ajouterez un léger hachis des mêmes truffes.
Briilat-Savarin a le malheur, ou plutôt commet la faute,
dans sa physiologie du goût, de qualifier la dinde aux truffes de
rôti. Cette hérésie culinaire exaspère M. de Courchamps, le vieil
ami des Lauraguais et des Ximenès, qui avait été des petits
soupers de Sophie Arnould et du maréchal de Richelieu. Il tance
vertement Briilat-Savarin dans les quelques lignes suivantes, où
Ton reconnaît la haine, nous dirons presque le mépris, que la
noblesse d'épée a toujours eu pour la noblesse de robe.
Aussi au-dessous de la recette que nous venons de citer, écrit-
il la note suivante :
« Nous n'avons pas besoin d'avertir qu'il ne faudra la donner
que pour les grosses' pièces, au premier service. Rien n'est si
lourdement bourgeois et si Chaussée d'Qântin que de faire sernr,
ou même de laisser paraître une dinde aux truffes en guise de
plat de rôt ! On ne comprend pas comment l'auteur de la Phy-
siologie du goût a pu se tromper sur un pareil article. De la part
de M. Briilat-Savarin, c'est l'effet d'une légèreté singulière, ou
d'une illusion prodigieuse. L'estime qu'il avait méritée sous
d'autres rapports et la considération de son ouvrage en ont beau-
coup souffert. »
Recette, de la dinde aux truffes ^ de M, le marquis de Cussy,
— Vous disposez vos truffes, vous les passez dans du lard râpé,
assaisonné de poivre, sel, quatre épices; vous laissez mijoter les
truffes pendant vingt minutes , puis vous les introduisez dans
l'intérieur de la dinde que vous venez de sacrifier et de ^ider.
Vous la laissez pendue par les pattes dans un garde- manger
frais, et, au bout de trois jours après l'avoir plumée et flambée,
vous remplacez les premières truffes par des truffes vierges,
pareillement préparées et disposées.
M. de Cussy, vous le voyez, comme Grimod de la Reynière
DINDON. 513
neveut pas qu'on plume la volaille truffée, a Faites donc atten-
tion, dit-il, qu'en ne plumant pas l'animal, tous les pores restent
fermés, et il n'y a point d'évaporation. Les truffes chaudes se
combinent avec les chairs palpitantes, et l'infiltration de leurs
parfums est plus active, plus intense, plus universelle. Mais
dans cette combinaison, les truffes perdent ce qu'elles donnent. »
Dès lors, nous avons pensé qu'il fallait les remplacer par des *
truffes vierges.
Nous reconnaissons les deux recettes pour excellentes ; mais
comme tout le monde ne peut pas dépenser 40 francs à bourrer
une dinde de truffes, nous allons donner la nôtre :
Faites un hachis de veau, de poulet, de perdrix, si vous en
avez, ajoutez-y un quart de chair à saucisses; faites cuire dans
une eau bien salée, où Vous aurez introduit une feuille de céleri,
quinze ou vingt beaux marrons de Lyon que vous pilerez et rédui-
rez en bouillie avec votre hachis. Joignez-y un bon boudin de
table, que vous hacherez avec le reste ; mettez un bouquet de
persil au centre de cette farce, que vous introduirez dans le
ventre de votre dinde; rétrécissez autant que possible l'orifice
intérieur, dans lequel vous fourrerez un morceau de beurre salé
Qt poivré ; mettez votre dinde à la broche, et ne l'en retirez que
lorsque jailliront de son corps comme d'un volcan, de petits jets
de fumée qui indiqueront qu'elle est cuite à point.
Cette dinde pourra s'appeler : Dinde des artistes.
Surtout, n'arrosez jamais vos rôtis, quels qu'ils soient, qu'avec
du beurre manié de sel et de poivre. Toute cuisiiiière ou cuisi-
nier qui met une seule goutte de bouillon dans sa lèchefrite mérite
d'être chassé à l'instant et mis au ban de la France.
Dinde en daube. ^Recette de M. Beauvilliers). — Prenez une
vieille dinde, après l'avoir flambée et épluchée, refaites-lui les
pattes, videz-la et retroussez-la en poule ; coupez de gros lardons,
assaisonnez de sel et poivre, épices fines, aromates piles, persil
et ciboules hachés, roulez bien les lardons dans tout cela, lardez-
en votre dinde en travers et en totalité, bridez-la, enveloppez-la
da.iis un morceau d'étamine, cousez-la et ficelez-la des deux
l>outs, foncez une braisière de la grandeur convenable à la gros-
ses r de votre dinde de quelques bardes de lard et de débris de
33
5H
DINDON.
veau, de quelques lames de ;ambon et du restant de vos lardons;
ajoutez encore, si vous le voulez, un jarret de veau ; posez votre
dinde sur ce fond, assaisonnez-la de sel, d'un fort bouquet de
persil et ciboules, de deux gousses d'ail et de deux feuilles de
laurier, de deux ou trois carottes, de quatre ou cinq oignons doot
un piqué de trois clous de girofle, mouillez votre dinde avec du
.bouillon et un verre de bonne eau-de-vie, faites en sorte qu'elle
baigne dans son mouillement; couvrez-la de quelques bardes de
lard et de feuilles de papier beurré, faites-la partir et couvrez
votre braisière de son couvercle; mettez-la sur la paillasse avec
feu dessus et dessous, entourez-la de cendres rouges, laissez-la
mijoter ainsi pendant quatre heures ; cependant à moitié de sa
cuisson découvrez votre dinde, retournez-la, goûtez si elle est
d'un bon sel, et ajoutez au cas contraire, ce dont elle peut avoir
besoin. Sa cuisson faite, retirez-la du feu, laissez-la presque
refroidir dans son assaisonnement, retirez-la sur un plat, ayez
soin de la laisser égoutter, passez son fond au travers d'un tamis
de soie, clarifiez-le de même que l'aspic, (V. Sauces). Laissez
refroidir votre gelée, déballez votre dinde, dressez-la et gar-
nissez-la de cette gelée. (Observez qu'on peut servir cette dinde
chaude avec partie de son fond réduit.)
Dinde grasse à la cardinale. — Prenez une petite dinde
bien grasse, flambez-la, videz-la, prenez son foie et coupez-le
avec truffes, champignons que vous mêlerez bien avec lard râpé,
sel, gros poivre ; mettez cette farce dans le corps de votre dinde,
détachez la peau de Testomac, mettez-y du beurre d'écrevisses ;
cousez la dinde, troussez les pattes en long, faites-la cuire à la
broche, enveloppée de bardes et de papier beurré, et sen'ez-Ia
avec un coulis d'écrevisses.
Dindon en ballon. — Prenez un bon gros dindon qui soit
tendre, levez-en la peau en prenant garde de la déchirer et
désossez tout le reste. Quand toute la chair est ôtée de dessus la
peau, mettez-la dans une casserole, avec du lard pilé, des fines
herbes hachées très-fin, puis dessus une couche de tous les filets
de dindon coupés très-minces ; ajoutez-y des fines herbes, un peu
d'ail, des champignons coupés en tranches, du poivre concassé,
très-peu de sel, couvrez avec une couche de tranches de jambon
DINDON. 515
coupées très-minces et continuez ainsi par couches en alternant
toujours et finissant par les fines herbes; foncez ensuite une
marmite de bardes de lard, jetez dessus le ballon avec quelques
racines, oignons, champignons, bouquet garni ; mouillez de bon
bouillon et faites cuire à la braise ; 'retirez-le, égouttez-le bien
et servez avec une bonne essence.
Vous pouvez aussi garnir le tour du ballon d'un cordon de
choux-fieurs cuits dans un blanc comme à Tordinaire et arrosés
avec la sauce de votre dindon.
Dindon à la crème, — Suivant le plat que vous voulez faire,
vous prenez un ou deux dindons que vous habillez et faites cuire
à la broche et que vous laissez refroidir. Vous faites ensuite une
farce avec un morceau de noix de veau, un morceau de lard
blanchi avec de la graisse de bœuf, une tétine de veau, quelques
champignons, persil, ciboules, fines herbes, fines épices, sel,
poivre; vous faites cuire le tout ensemble et vops le hachez en y
ajoutant Testomac des dindons ; vous mettez cette farce avec du
pain bouilli dans du lait, six jaunes d'œufs, la moitié des blancs
fouettés en neige ; le tout bien pilé : vous mettez une couche de
cette farce au fond du plat, et sur cette couche, le dindon rempli
d'une partie de la farce ci-dessus ; vous mettez au milieu du
dindon dans un trou fait à l'avance, un ragoût fait de ris de veau,
de crêtes, de champignons, vous couvrez ce ragoût et vous arron-
dissez autant que possible votre dindon que vous panez de mie
de pain très-fine et que vous mettez cuire au four ; quand il a
pris belle couleur vous le dégraissez et servez chaudement.
Salmis de dindon. — Troussez proprement un dindon, faites-
le cuire à demi à la broche, puis coupez-le en pièces et mettez-
le cuire dans une casserole avec du vin, ajoutez des truffes, des
champignons hachés, un peu d'anchois, du sel et du poivre;
lorsqu'il est cuit, vous liez la sauce avec un coulis de veau, vous
le dégraissez et servez pour entrée avec du jus d'orange.
Dindon gras à la Périgord, — Prenez deux livres de truffes
pelées, lavées et bien essuyées, maniez-les avec du lard râpé, sel
et gros poivre, farcissez-en un dindon frais tué, cousez -le ^
troussez les pattes en long, laissez-le mortifier et prendre le goût
des truffes pendant trois ou quatre jours, mettez-le ensuitç à la
jié DINDON.
broche enveloppé de lard et de papier beurré, laissez-le bien
cuire et servez avec une sauce hachée aux truffes.
Dindon en filets. — On accommode ces filets comme ceux
de poulets (V. poulets), et on les sert de même, ou bien on les
sert avec un ragoût aux concombres passés avec un coulis roux.
Dindon aux écrevisses. — Habillez proprement et videz un
dindon, détachez bien la chair de la peau, ôtez-en l'estomac et
faites avec une farce en y ajoutant du lard, de la graisse de
bœuf, un peu de jambon, ciboules, champignons, truffes, le
tout assaisonné de sel, poivre et muscade, un peu de mie de
pain trempée dans la crème et deux jaunes d'œufs crus, le tout
haché ensemble et pilé dans un mortier, vous en farcissez le
dindon et vous lui mettez dans le corps un bon ragoût d'écre-
visses ; puis vous le bouchez par les deux bouts, le cousez et le
mettez à la broche enveloppé de bardes de lard, de tranches de
veau et de jambon que vous couvrez avec un papier beurré et
vous ficelez le tout.
Votre dindon étant bien cuit, vous le dressez dans un plat,
vous mettez le ragoût par-dessus et vous servez chaudement.
Dindon aux huîtres. — Il se fait de la même manière que
celui ci-dessus, on fait seulement un ragoût aux huîtres au lieu
d'un aux écrevisses. (V. Huîtres.)
Dindon aux marrons. — Épluchez et videz un dindon,
hachez le foie avec du persil, de la ciboule, du lard râpé,
beurre, sel, poivre^, fines herbes et marrons que vous aurez
d'abord fait cuire dans la braise pour ôter la petite peau ; mettez
cette farce dans le corps du dindon et embrochez-le, enveloppé
de bardes de lard et de papier beurré et laissez-le cuire jusqu'à
ce qu'il soit bien tendre. Prenez d'autres marrons épluchés et
mettez-les cuire dans une casserole avec un peu de bouillon,
quand ils sont cuits vous ôtez le bouillon, vous mettez dans la
casserole un peu de coulis, du jus et un peu d'essence et vous
en garnissez votre dindon que vous aurez bien dégraissé et dressé
sur un plat.
Dindon en galantine. — Chaque dindon devant former une
galantine, vous en prenez la quantité que vous voulez et que vous
préparez à l'ordinaire ; fendez-le par |le dos, ôtez-en la peau le
DINDON. 517
plus proprement possible sans la casser^ prenez ensuite le blanc
de ces volailles que vous coupez en filets avec du jambon, du
lard, des pistaches également coupés en filets, et arrangez le
tout sur un plat; faites une farce avec le restant de votre chair,
une noix de veau, un morceau de jambon que vous coupez en
petits morceaux et que vous hachez ensuite avec persil, ciboules,
fines épices, fines herbes, poivre, sel et jaunes d'œufs, en ayant
bien soin que cette farce soit de fort bon goût; vous étendez
ensuite les peaux de vos dindons sur lesquelles vous mettez
d'abord un lit de farce, puis un filet du blanc du dindon, un
filet de jambon, un filet de lard, un filet de pistaches, un filet
de jaunes d'œufs durs, si vous servez de cette galantine pour
entremets froids ; ensuite un lit de farce par-dessus et vous con-
tinuez jusqu'à ce que les peaux de dindons soient remplies, vous
faites rejoindre ces peaux et vous les cousez. Vous garnissez une
marmite de bardes de lard et de tranches de veau. Vous y arran-
gez les dindons, les assaisonnez et achevez de les couvrir dessus
comme dessous ; mettez une demi-bouteille de bon vin blanc,
quelques gousses d*ail, du bouillon, et faites cuire feu dessus et
dessous, tout doucement; puis ôtez-les du feu, laissez-les refroi-
dir dans leur braise afin qu'ils prennent du goût, et servez-les
ensuite entiers ou coupés en tranches.
Dindon à la princesse. — Retroussez votre dindon, coupez-
le en deux, mettez-le à la braise comme le chapon, retirez-le,
panez-le, faites-le frire dans du saindoux jusqu'à belle couleur.
Dressez-le ensuite et servez avec une rémolade faite avec des
anchois, du persil, des câpres hachés, un peu de ciboule, un
jus de bœuf et autres bons assaisonnements.
Dindon mariné. — Vous le faites mariner pendant 8 heures
avec verjus, jus de citron, sel^ poivre, clous de girofle, ciboules et
laurier ; faites ensuite une pâte claire avec de la farine, du vin
blanc, des jaunes d'œufs, vous trempez votre dindon dans cette
pâte, vous le faites frire dans le saindoux et le servez garni de
persil frit.
Pattes de dindon à la Saint f^Ménehoult. — Prenez 18 pattes
de dindons dont vous ôtez la peau et que vous faites cuire dans
une braise blanche ou dans une Sainte-Ménehould. (V. Sauces.)
5i8 DINDON.
Quand elles sont cuites et refroidies, mettez autour une fitrce
fine, panez avec de la mie de pain après avoir uni avec de l'œuf
battu; faites ensuite frire vos pattes dans la friture bien chaude
et servez-les garnies de persil frit.
exilerons de dindons à la d^Estrées. — Procurez-vous des
peaux de poulets ou de poulardes et mettez-les sur des moules de
cuivre faits en ailerons de dindons ; remplissez ces peaux d'uae
bonne farce fine ou de filets de volaille mis dans une béchamel ;
faites cuire au four pendant un quart d'heure, ôtez-les des
moules, en ayant soin de leur conserver la forme d'ailerons, et
servez-les avec une sauce au vin de Champagne.
exilerons à la Stanislas. — Prenez des ailerons de dindons
ou de poulardes bien échaudés, panez-les avec des truffes, cham-
pignons, riz de veau, un bouquet garni et du beurre en quantité
suffisante; mouillez avec un peu de vin de Champagne, du bouil-
lon, et deux cuillerées de coulis, faites cuire le ragoût à petit feu,
dégraissez-le, assaisonnez-le de bon goût et dressez-le dans le
plat sans la sauce; coupez ensuite des cornichons ea long, faites-
les blanchir, égouttez-les sur un tamis, faites-les chauffer dans
la sauce, mettez-les autour du ragoût en cordon et servez la
sauce par-dessus.
Q/iilerons de dindons au blanc, — Prenez dix ou douze
ailerons, échaudez-les , faites-les blanchir, parez-les des bouts
et mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre, une
tranche de jambon, des champignons coupés en dés, un bouquet
garni ; passez-les, soignez-les, assaisonnez-les de bon goût et faites-
les cuire. Dégraissez-les, liez-les de crème et de jaunes d'œufe
et servez-les avec un ;us de citron.
QÂilerons de dindons aux petits pois. — Faites blanchir huit
ailerons, parez-les, mettez-les dans une casserole avec une
tranche de jambon, un bouquet de fines herbes, du bon bouillon;
faites bouillir les ailerons et à moitié de leur cuisson mettez-y
un litron de petits pois, un morceau de beurre, un peu de coulis
et un peu de jus. Quand ils sont cuits, dégraissez le ragoût,
assaisonnez-le avec un peu de sel et servez.
Q/iilerons ou quenelles de dindons frits. — Faites cuire
des ailerons dans une bonne braise bien nourrie, qu'elle soit de
DINDON. 519
haut goût, mettez-les refroidir, trempez-les dans des œufs battus,
panez-les, faites-les cuire de belle couleur et servez-les garnis
de persil frit.
Qâilerons au four aux petits oignons. — Foncez une cas-
serole de tranches de veau blanchies, mettez dessus vos ailerons
aussi blanchis, couvrez de bardes de lard, ajoutez un bouquet,
mouillez de bouillon, assaisonnez de sel et gros poivre; à moitié
de cuisson, mettez des petits oignons blanchis à Teau bouillante;
lorsque tout est cuit, retirez vos ailerons et les oignons, passez la
sauce au tamis, liez-la sur le feu avec un blond de veau et des
jaunes d'oeufs; mettez-en une partie dans un plat, de la mie de
pain , du parmesan râpé par-dessus ; ensuite vos ailerons et les
oignons; arrosez du reste de la sauce,, panez de mie de pain et
de parmesan, faites prendre couleur au four, égouttez la grabse
et servez à courte sauce.
Potage de dindonneaux aux écrevisses. — Epluchez et videz
des dindonneaux, troussez-les proprement et faites-les blanchir;
mettez-les cuire dans une marmite avec de bon bouillon, prenez
des écrevisses que vous faites cuire dans Teau, et prenez-en ce
qu'il vous feut pour faire un cordon du tour du plat de votre
potage; ôtez-en les pattes, épluchez la queue, qu'elle se tienne ait
corps de Técrevisse, mettez les queues à part et ne gardez que les
coquilles; mettez douze amandes douces dans de l'eau tiède ^
pelez-les et pilez-les avec les coquilles d'écrevisses; garnissez
ensuite le fond d'une casserole avec des rouelles de veau^ un
morceau de jambon coupé par tranches, oignons^ carottes et
panais; couvrez le tout et laissez suer sur le fourneau, mouillez-
le d'un bon bouillon, mettez quelques croûtes de pain, du persil,
de la ciboule, des fines herbes, des champignons, des truffes;
faites mitonner le tout ensemble jusqu'à ce que les tranches de
veau soient cuites, vous les retirez et vous délayez dans la casserole
le coulis d'écrevisses qui est dans le mortier et le passez à l'éta-
mine, puis videz-le dans une marmite, mettez-le sur des cendres
chaudes pour le faire chauffer sans bouillir. Faites un ragoût
avec les queues d'écrevisses que vous avez épluchées, quelques
petits champignons et truffes coupés par tranches, passez-les dans
tine casserole avec du lard fondu, mouillez-les d'un jus de veau.
520 DINER.
ajoutez-y six fonds d'artichauts et faites mitonner le tout ensemble.
Lorsque c'est cuit, vous liez le petit ragoût avec le coulis d'écre-
visses, mitonnez des croûtes dans le plat où vous voulez semr le
potage, garnissez le bord du plat des écrevisses que vous avez
épluchées, mettant le côté de la queue en dedans du plat; tirez
les dindonneaux de la marmite, déficelez-les, et servez-les pro-
prement sur le potage en dressant autour les fonds d'artichauts de
votre ragoût; jetez ensuite le ragoût et le coulis sur le potage et
servez chaudement.
Hachis de dindons à la béchamel. — Vous hachez fin les
chairs d'un dindon rôti, vous faites bouillir une béchamel peu
épaisse, vous y mettez le hachis avec sel, poivre, muscade, et
vous servez avec croûtons aux œufs pochés.
Blanquette de dindon. — Vous levez les blancs d'un dindon
rôti et refroidi et vous les coupez par morceaux bien minces, puis
vous faites réduire une béchamel avec champignons cuits dans un
blanc, vous mettez vos morceaux de dindon dans votre bécha-
mel, que vous lierez avec des jaunes d'oeufs et que vous servez
soit dans un vol-au-vent, soit dans une casserole de riz ou une
timbale de nouilles.
Capilotade de dindon. — Préparez une sauce à l'italienne
et mettez dedans un dindon cuit à la broche et refroidi que vous
aurez dépecé; faites bouillir pendant quelques instants, dressez
les morceaux de dindon , versez la sauce dessus et mettez autour
des morceaux de pain frits dans du beurre.
Hâtelets de dindon. — Vous levez les chairs blanches
d'un dindon rôti et refroidi, puis vous les coupez par mor-
ceaux carrés après en avoir ôté les peaux et les tendons; vous
coupez, de la mênie manière, du petit lard cuit, des truffes
et des champignons, vous embrochez ces diverses substances
avec des hâtelets, et en alternant les morceaux; vous arrosez
d'une sauce allemande réduite. Trempez vos hâtelets refroidis
dans de la mie de pain, des œufs battus et une seconde mie
de pain, enfin dans une friture chaude et servez avec jus de
viande.
DINER. — Action journalière et capitale qui ne peut ètni
accomplie dignement que par des gens d'esprit ; car il ne suffit
DRAGEES.
521
pas, au dîner, de manger, il faut parler avec une gaieté discrète et
sereine.
La conversation doit étinceler avec les rubis des vins d'entre-
mets, elle doit prendre une suavité délicieuse avec les sucreries
du dessert et acquérir une vraie profondeur au café.
DORADE. — Poisson qui tire son nom du reflet doré de
ses écailles. On trouve la dorade dans toutes les mers; elle
remonte périodiquement les rivières; sa chair est blanche, ferme
et d'un excellent goût. On la mange de préférence rôtie ou
cuite au court bouillon et accompag^née d'une sauce blanche
aux câpres. On peut la servir aussi frite ou avec une purée de
tomates.
DORURE. — On nomme ainsi, en pâtisserie, la compo-
sition qui est destinée à dorer les croûtes des pâtés , des vol-
au-vent ou de tout autre gâteau auquel on veut donner une
couleur.
On fait la dorure en battant, comme pour une omelette, des
jaunes et des blancs d'oeufs, puis on se sert d'un petit pinceau ou
d'une plume pour faire la coloration.
A défaut d'oeufs, on peut se servir de safran ou de fleur de
souci dans laquelle on délaye un peu de sagou jaune, afin de
donner plus de fermeté à cette composition.
DOUCETTE. — On donne ce nom à une petite espèce de
mâche. On la mange en salade comme celle-ci et ses propriétés
alimentaires sont les mêmes.
DOUM. — Arbre de la famille des palmiers. C'est un bel
arbre d'Egypte, mais qui, comme tous les végétaux de ce pays,
ne donne pas d'ombre. Ampère a dit : un arbre sans ombre est
comme une fleur sans parfum. Mais, à défaut d'ombrage, le
doum donne un fruit rafraîchissant dont j'ai pu juger par moi-
même le goût de pain d'épice. Une dame du Caire, qui voulut
jadis y fètcr ma présence, me tendit, de ses fines mains rougies
de henné, un frais sorbet de doum.
DRAGÉES. — On donne ce nom à un des produits de Tart
du confiseur; c'est une espèce de bonbon dont le noyau est formé
tantôt de grands ou de petits fruits, tantôt de morceaux d'écorce
ou de racines aromatiques, le plus communément d'amandes
532 DURION.
douces; ce noyau est recouvert d'une pâte sucrée ou de sucre
cristallisé; on en fait aussi où Ton remplace le noyau par la
liqueur qu'il vous plaît d'y mettre. On colore ces dragées soit en
rose, soit en rouge ou en telle autre couleur.
Comme cette friandise appartient plus principalement au
confiseur et qu'il y a peu de maisons d'ailleurs où l'on en fasse
pour sa consommation, préférant les acheter, nous ne nous occu-
perons pas de sa composition.
Les dragées, on le sait, sont le présent coutumier des bap-
têmes.
DUMPLING. — Cuisine étrangère, entremets anglais.
Dumplings aux pommes ou aux prunes. — Roulez votre
pâte chaude et mince, superposez pommes pelées ou prunes de
Damas, les bords de la pâte étant mouillés et fermés, faites
bouillir le tout une heure dans un linge; versez du beurre chaud,
poudrez de sucre et servez.
Dumpling ferme, — Pâte de farine et d'eau salée ; roulez
en boules grosses comme le poing, emplissez de raisins de
Corinthe, farinez, enveloppez d'un linge, faites cuire à l'eau
bouillante trente minutes, arrosez de Xérès, sucrez et servez.
Dumpling de Norfolk, — Ce mets, qui a l'honneur de
devoir son nom au duc de Norfolk, lequel l'affectionnait beau-
coup, se fait de la façon suivante :
Vous mettez dans une pâte un peu épaisse un grand verre
de lait, deux œufs et un peu de sel, faites-la cuire deux ou trois
minutes dans de l'eau bien bouillante, jetez égfoutter sur un
tamis et servez avec du beurre frais un peu salé.
DURION. — On donne ce nom au fruit d'un arbre fort
élevé, remarquable par sa grosseur et ressemblant à nos melons.
Cet arbre est originaire de l'Inde, et les Siamois aiment tellement
le durion qu'ils le conservent toute l'année; avec de la crème
fraîche, ils en font, par la cuisson, une marmelade qu'ils mettent
^t soignent dans des pots.
Le durion est enveloppé d'une peau plus dure que celle des
marrons et couverte d'épines très-pointues, l'odeur en est désa-
gréable, elle a le goût de l'oignon rôti, mais la pulpe a une
saveur exquise. Dans cette pulpe se trouve un petit noyau conte-
DUTROA. jty
nant une amande qu'on fait griller pour la manger ensuite, elle
a la saveur de nos châtaignes.
DUTROA. — ■ Plante américaine du genre datura. Ses
graines macérées dans le vin constituent une liqueur spiritueuse
qu'on estime en Portugal.
E
EAU. — Les personnes habituées à Teau deviennent aussi
bons gourmets en eau que les buveurs de vin le deviennent en
cette liqueur.
Pendant cinquante ou soixante ans de ma vie je n'ai bu que
de Feau, et jamais Grand-Laffite ou Chambertin n'a fait éprouver
à un amateur de vin les mêmes jouissances qu'à moi un verre
d'-eau .de source fraîche, dont aucun sel terreux n'avait pu
altérer la pureté.
L'eau très-froide, glacée même artificiellement, agjt sur
l'estomac comme excellent tonique, sans y exciter aucune irrita-
tion, calmant même celle qui pourrait y exister.
Mais il n'en est point ainsi des eaux de neige ou de glace,
elles sont lourdes parce qu'elles ne contiennent pas d'air, agitez-
les avant de les boire et elles perdront bientôt par l'agitation
leurs qualités nuisibles.
Autrefois, Paris tout entier se désaltérait au fleuve qui le
traverse; aujourd'hui, l'eau nous vient de Grenelle; des tuyaux
la conduisent à la montagne Sainte-Geneviève, d'où elle se
distribue dans tout Paris ; depuis cinq ou six ans, l'eau de la
Dhuys lui fait concurrence et descend du côté opposé, c'est-à-
dire de Belleville, Montmartre, la butte Chaumont.
L'eau de Seine était tant calomniée depuis si longtemps,
surtout par les provinciaux qui venaient passer quelques jours à
Paris, qu'elle s'est lassée de 'désaltérer deux millions d'ingrats;
EAU. P5
mais quand Teau de Seine était bien épurée, quand on la faisait
prendre au-dessus du Jardin des plantes et au milieu du courant,
aucune espèce d'eau n'était comparable à celle-là pour la lim-
pidité, la légèreté, la sapidité ; elle était surtout abondamment
saturée d'oxygène, se repliant sur elle-même par des sinuosités
multipliées qui, pendant près de deux cents lieues la soumettaient
à Faction de l'air atmosphérique; en outre, depuis sa source
jusqu^à Paris, elle ne coule que sur un lit de sable, ce à quoi les
gourmands attribuent la supériorité du poisson de Seine sur
celui des autres rivières.
Tout le monde sait que les moines n'ont jamais beaucoup
aimé l'eau, voici un fait qui vient encore prouver leur antipathie
pour ce fade liquide.
Un cordelier fréquentait assez assidûment la cuisine d'un
évêque qui avait recommandé à s^s gens d'avoir soin du bon frère.
Un jour que le prélat donnait un grand dîner, le moine se trouva
justement à l'évêché ; monseigneur parla du religieux et le recom-
manda à la compagnie. Quelques dames s'écrièrent aussitôt :
« Monseigneur, il faut nous amuser et jouer un tour au
moine. Faites-le venir, nous lui ferons boire un verre de belle
eau claire que nous lui présenterons comme un verre d'excellent
vin blanc.
— Mais vous n'y pensez pas, mesdames, dit Tévêque.
— Oh ! cela nous divertira, laissez-nous faire, monseigneur. »
Alors on fit venir un valet de chambre, et on lui fit apprêter
sur le champ une bouteille d'eau, bien ficelée et bien cachetée.
Puis on fait monter le quêteur.
(( Frère 9 disent les dames, il faut boire à la santé de Sa
Grandeur et à la nôtre. »
Le moine s'applaudit de sa bonne fortune et s'apprête à la
bien recevoir ; on débouche la bouteille, on lui verse rasade. Le
malin moine qui s'aperçoit aussitôt de la supercherie ne perd
point la tête et dit du ton le plus piteux et le plus humble à
l'évêque.
« Monseigneur, je ne boirai pas que vous n'ayez donné votre
sainte bénédiction sur ce nectar.
— Cela est fort inutile mon frère.
526 EAU-DE-VIE,
— Je vous en conjure, monseigneur, par tous les saints du
Paradis. »
Les dames se mettent de la partie et conjurent le prélat
d'avoir cette complaisance pour elles. L'évêque se prête enfin à
leur volonté et bénit l'eau. Le cordelier appelle alors un lacpiais
et lui dit en souriant :
« Champagne, portez cela dans l'église, un cordelier n'a
jamais bu d'eau bénite. »
Il avait bien raison, n'est-ce pas? ♦
EAU DE SELTZ. — L'eau de seltz naturelle se trouve
dans une source du duché de Nassau. C'est une eau légèrement
gazeuse agréable et digestive. On en fait partout d'artificielle
qui garde quelcjues-unes des excellentes propriétés de l'eau natu-
relle qui lui sert de type.
L'eau de seltz est bonne pour les phthisiques.
On connaît le petit poëme que lord Byron écrivit sous l'in-
fluence des fumées d'un vin du Midi, lymphatus MareoticOy dans
lequel il s'éleva à des considérations sublimes et pathétiques
touchant la destinée humaine et qu'il interrompit sans retour par
ce cri : « JTai soif! apportez-moi de Veau de selts[. »
EAU - DE - VIE. C'est le produit de la distillation du vin
opérée à feu moins vif que pour la fabrication de l'alcool. Tandis
que tous les trois-six poussés à leur plus haut degré de sublima-
tion se ressemblent, les eaux-de-vie témoignent de goûts fort
différents suivant le climat, le sol et le cépage. Les eaux-de-vie
fines ont du bouquet et de la sève ; les eaux-de-vie moyennes ont
de la sève seulement ; les eaux-de-vie communes ont du ten;oir
ou de l'empyreume, mais toutes ont conservé des principes
extractifs des vins dont elles émanent.
Parmi les eaux-de-vie fines on doit placer en première ligne
la grande Champagne, obtenue d'un vin récolté sur une partie
du territoire du département de la Charente. La petite Cham-
pagne succède, les borderies viennent en troisième ligne, les fins
bois suivent de près, les bons bois et les bois clôturent cet ordre
de mérite des eaux-de-vie des deux Charentes. Celles de Surgères,
d'Aigrefeuille et de la Rochelle ont leur valeur, mais elles sont
inférieures en finesse et en qualité aux précédentes.
EAU DE-VIE.
527
Ce n'est pas sans motif que nous avons établi entre les eaux-
de-vie des Charentes une sorte de démarcation. En effet, le
consommateur ne connaît, comme tout l'univers au reste, des
eaux-de-vie à qualités si diverses de ce pays, que le vocable typique
de Cognac.
Il n'est pas hors de propos de dire ici que. cette petite ville
a acquis, par les eaux-de-vie de son territoire, une renommée
qui atteint, si même elle ne dépasse, celle des plus importantes
capitales du monde.
Cependant, au terme cognac^ employé comme désignation
d'eau-de-vie excellente, ne répond pas l'idée d'un produit issu
nativement du cru. Cognac est un mot générique usité depuis
de longues années pour indiquer un type d'eau-de-vie composé
des deux, trois, quatre, cinq et même six crus ci-dessus indiqués.
C'est dans la proportion employée de ces divers crus, dans le bon
choix des premières sortes, dans leur heureuse combinaison qu'il
faut chercher le secret de la haute faveur dont jouissent cer-
taines marques. La coloration bien maniée^ le judicieux emploi
du sirop, la limpidité sont des conditions qui rehaussent le mérite
intrinsèque du cognac.
Donc cognac ne signifie pas eau-de-vie absolument natu-
relle, bien que préférée par certains amateurs aux fines et
directes provenances des Charentes. A l'exposition du Havre,
nous avons eu l'occasion, en suivant les travaux du jury, de faire
cette différence entre le cru réel et les diverses hybridations.
L'heureux et méritant lauréat de l'unique médaille d'or, à cette
exposition, M. Léonin Arnaud, de Cognac, avait mis à notre
disposition les Grande Champagne et fins bois Borderies, qui
venaient de lui valoir cette distinction. Il est véritablement
impossible de n'être pas frappé de ce goût exquis, de ce parfum
suave ; tout cela franc, correct, tonique et réchauffant, sans cette
acre chaleur des spiritueux. Le meilleur cognac, goûté compa-
rativement, paraissait édulcoré et dépourvu de cette essence
originelle qui caractérise les produits immaculés de haute race.
Les eaux-de-vie d'Armagnac ont une réputation méritée ;
elles sont fines, plus déliées que celles des Charentes; leur bou-
quet est tout différent de celui de ces dernières, et, il faut bien
p8 ÉCHAUDÉS.
le dire , il plaît généralement moins. Ces eaux-de-vie se fabri-
quent dans le département du Gers. Condom et Eauze sont les
plus importants marchés de l'Armagnac.
Dans la Gironde et le Lot-et-Garonne, à Marmande princi-
palement, on fabrique des eaux-de-vie un peu communes qui se
vendent sous le nom d'eaux-de-vie de pays. Elles ont de la sève
et en vieillissant elles acquièrent un certain degré de finesse.
Les eaux-de-vie de Montpellier, qu'on fabriquait sous le
nom de preuve de Hollande, n'étaient pas dépourvues de mérite.
On réduit plutôt les trois-six de vin de ce pays aujourd'hui, qu'on
ne distille des eaux-de-vie de consommation à 52 degrés centi-
grades comme autrefois.
En Bourgogne, on fabrique, avec les résidus des cuves, des
eaux-de-vie de marc, à goût plus ou moins prononcé d'empy-
reume, qui ont de très-zélés partisans.
Enfin un peu partout on prépare des eaux-de-vie avec des
alcools d'industrie, réduits au degré potable et parfumés avec des
bouquets factices.
ECHALOTES. — En latin ascalonia^ ce mot est l'indication
de son origine, elle a passé dé la Syrie en Europe avec les
Croisés.
Comme l'oignon et l'ail elle est employée dans les sauces,
mais elle y apporte une saveur tout à fait à elle, plus fine que
les deux condiments que nous venons de nommer.
Ainsi réchalote est excellente dans les sauces à l'huile et au
vinaigre avec lesquelles, chauds ou froids on mange les artichauts;
il est impossible de faire une bonne sauce piquante sans écha-
lotes.
ECHAUDES. — Sorte de gâteaux non sucrés que Ton fait
bien plus pour les oiseaux et pour les enfants que pour les
adultes.
«
Faites votre pâte sans levure. La pâte fermentera assez pen-
dant le temps qu'elle mettra à se reposer. Tenez chaud trente
minutes environ, soit 125 grammes de farine, 60 grammes de sel,
125 gramnies d'oeufs et 500 grammes de beurre ; on mêle et l'on
pétrit le tout en donnant trois tours; on y met le levain par petits
morceaux, et Ton donne encore six tours de la même façon ; on met
ECREVISSE.
529
la pâte dans une nappe ou dans une serviette jusqu'au lendemain ;
alors on taille les échaudés de la grosseur qu'on les veut pour
les mettre dans de Teau bouillante que Ton retire du feu et qui
dès lors cesse de bouillir, on a soin d'égoutter Teau et de les
retirer dans l'eau fraîche à mesure qu'ils montent ; il faut bien
les égoutter : on les fait cuire au four.
ECREVISSE. — Ce crustacé a la tête et l'estomac confondus
en une seule pièce ; il porte cinq paires de pieds, dont les pre-
miers plus gros ont la forme de pinces et sont des pinces en
effet.
Les écrevisses sont aquatiques et deviennent rouges par la
cuisson; leur carapace noire ou violette, noire tant qu'elles sont
vivantes a la propriété étant de carbonate calcaire de rougir au
feu.
On a fait à notre ami Janin ce qu'on appelle en termes
d'atelier une scie pour sa dénomination du homard qu'il aurait
en plaisantant appelé le « Cardinal de la mer. »
Janin qui, ainsi que nous le disons dans la lettre que nous
lui adressons a obtenu l'honneur d'être gravé dans les classiques
de la table, avec M. de Talleyrand, Carie Vernet, le marquis
de Cussy, Grimod de la Reynière, était un gastronome trop distin-
gué pour faire de pareilles erreurs.
Il a en outre donné de trop bons moments de distraction à
SQS contemporains pour que ses contemporains permettent qu'au-
cune atteinte soit portée à cette douce et charmante physiono-
mie épicurienne, qui complète l'illustre critique du lundi.
Nous avons vu manger Janin et nous^nous sommes trouvé
assez souvent à la même table que lui pour affirmer qu'il était
non-seulement un charmant convive comme causeur, mais encore
un savant élève, sinon professeur, dans le grand art des Brillât-
Savarin et des Carême.
Ceci posé, revenons à nos écrevisses.
Les écrevisses des eaux courantes doivent être préférées ; la
plus simple manière de les apprêter est celle indiquée par le
Dictionnaire des aliments de M. Aulagnier, auquel nous ne serons
jamais assez reconnaissant des services* qu'il nous a rendus; elle
consiste à les mettre vivantes dans un chaudron dans lequel on a
34
530 ECREVISSE.
versé du vinaigre coupé d'eau, fortement assaisonné avec sel,
poivre, thym, laurier.
Mais quoique cette recette donne des écrevisses excellentes,
nous pourrions presque dire qu'elle ne dépasse pas l'enfance
de l'art culinaire et nous allons en donner une autre qui nous a
été communiquée par notre ami Vuillemot, propriétaire du
restaurant de la Tête noire^ à Saint-Cloud.
Écrevisses (dites Vuillemot). — Prenez des écrevisses de la
Meuse, émincez un gros oignon en rouelle, une carotte bien
mince, un bouquet garni, deux pointes d'ail, jetez le tout dans
une casserole, ajoutez une demi*bouteille de vin de Chablis, un
quart dé verre d'eau-de-vie et autant de vinaigre. Laissez cuire
la mirepois , c'est-à-dire les légumes ; jetez après les écrevisses
bien lavées et dès qu'elles seront cuites, mettez-les dans une
autre casserole en faisant réduire votre jus de moitié, ajoutez-y
un peu de sauce tomate réduite et une noix de beurre ; liez le
tout ensemble, et jetez-le sur vos écrevisses ; puis vous laissez
macérer cette composition pendant une demi-heure en les faisant
sauter souvent et lorsqu'elles sont bien cuites et la sauce bien
faite, servez-les tièdes.
Écrevisses bordelaises. (Recette de M. Verdier,de la Maison-
d'Or.) — Coupez en petits dés deux ou trois carottes et autant
d'oignons, ajoutez laurier, thym, persil, maigre de jambon, le
tout coupé très-fin. Mettez dans une casserole un fort morceau
de beurre que vous faites passer un moment, vous y jetez votre
mirepois et faites cuire le tout ensemble sans prendre trop de
couleur. Nettoyez et videz bien proprement vos écrevisses et
mettez-les dans la mirepois avec une demi-bouteille de vin de
Sauterne, un morceau de glace de viande, quelques cuillerées de
bon bouillon, sel, poivre, et un demi-verre de bon cognac; cou-
vrez votre casserole et faites cuire à plein feu ; arrivées aux trois
quarts de leur cuisson, vous les retirez; vous liez la sauce avec
un bon morceau de beurre très-fin, et vous servez vos écrevissses
avec la sauce par-dessus et après l'avoir passée au tamis.
Ecrevisses au court bouillon. — Lavez vos écrevisses à plu-
sieurs eaux, retournez-les avec une écumoire, si vous ne voulez
pas qu'elles se vengent sur vos mains du sort que vous leur pré-
ELEPHANT. 531
parez; mettez-les dans une casserole avec du beurre frais, du vin
blanc, du poivre, du sel, une feuille de laurier, un peu de thym,
et un oignon coupé en tranches ; quelques clous de girofle^ un
bon morceau de beurre frais, lin; posez vos écrevisses sur un
fourneau un peu vif, ayant la précaution de les couvrir et de les
sauter de temps en temps afin que celles qui sont dessous revien-
nent dessus; au bout de vingt minutes, retirez-les du feu et
couvrez-les afin qu'elles achèvent de cuire ainsi. Si vous les aimez
chaudes, servez-les tout de suite, ou, si Theure du dîner n'est pas
arrivée, faites les réchauffer dans leur assaisonnement; si vous les
aimez froides, dressez-les en buisson, et servez-les à Theure du
dîner.
Écrevisses à la poulette. — Prenez vos écrevisses, faites-les
cuire dans une légère eau de sel; leur cuisson faite, égouttez-les,
supprimez-en les petites pattes et les coquilles de la queue, cou-
pez-leur le bout du nez et le bout des grosses pattes ; mettez dans
une casserole du velouté réduit, un peu de persil haché et lavé,
un peu d'échalotes hachées de même; faites bouillir, jetez vos
écrevisses dans cette préparation, liez-les de deux jaunes d'oeufs,
mettez un pain de beurre coupé par petits morceaux , sautez vos
écrevisses, exprimez-y un jus de citron, dressez-les, saucez-les et
servez-les.
Canapé d'écrevisses. — Les canapés d'écrevisses sont de
petites tartines de pain minces et rondes, enduites de beurre
d'anchois, et sur lesquelles sont jungées, en rosace, des queues
d'écrevisses tout épluchées. On remplit les interstices avec cerfeuil
et estragon hachés menus.
Écrevisses à l'anglaise. — Faites-les cuire dans une simple
eau de sel, arrachez les petites pattes, en laissant les grosses
terminées par des pinces, passez-les au beurre frais, champignons
et fonds d'artichauts hachés, mouillez-les d'un peu de consommé,
laissez mijoter à petit feu , liez avec deux jaunes d'oeufs délayés
avec de la crème douce et du persil haché ; au moment de servir,
jetez -y ^une cuillerée de catchup ou bien quelques gouttes de
soya.
Ecrevisses en matelotte, — Prenez une trentaine de belles
écrevisses, faites-les cuire au vin, comme pour en faire un buis-
532
EPERLAN.
son ; épluchez-les comme il est dit pour les écrevisses à la poulette,
ayez, préparés d'avance, des oignons coupés en tranches, des carottes
coupées en lames, du persil en branches, quelques ciboules, deux
gousses d'ail , une feuille de laurier, du thym , deux clous de
girofle et une pincée d'épices fines, sel, poivre, deux bouteilles
de vin blanc; jetez vos écrevisses dans cette sauce, laissez bouillir
un quart d'heure, dressez vos écrevisses et saucez -les, mettez
autour des croûtes de pain passées dans le beurre.
Écrevisses à la gasconne. — Fendez vos écrevisses en deux
dans le sens de la longueur, faites-les cuire avec persil, ciboules,
champignons, gousses d*ail, oignons, clous de girofle, feuilles de
laurier,'deux verres d'un vieux vin rouge, un demi-verre d'huile
d'olive, sel, poivre, tranches de citron, laissez réduire la sauce,
et après en avoir retiré l'oignon, le laurier et le citron, servez en
casserole, à l'entremets et pour extra,
ELEPHANT. — Que ce titre n'effraye pas le lecteur, nous
n'allons pas le condamner à manger tout entier ce monstrueux
animal, mais nous l'engagerons, si toutefois il lui tombait une
trompe ou des pieds d'éléphant sous la main , d'y goûter en les
assaisonnant de la façon que nous allons indiquer plus loin, et à
nous en dire après des nouvelles.
La Cochinchine est peut-être aujourd'hui la seule nation
qui mange la chair de l'éléphant et la regarde comme un aliment
très-délicat. Quand le roi en fait tuer un pour sa table , il en
envoie des morceaux aux grands , ce qui est une très-grande
marque de faveur ; mais les morceaux les plus estimés sont tou-
jours la trompe et les pieds.
Levaillant dit que c'est un mets exquis. « Les pieds grillés,
ajoute-t-il, sont un manger de roi; je ne concevais pas qu'un
animal aussi lourd, aussi matériel pût fournir un mets aussi dé-
licat; je dévorai sans pain le pied de mon éléphant. »
Nous allons donc indiquer, pour ceux de nos lecteurs qui
voudraient faire comme Levaillant, une recette pour les pieds
d'éléphant que nous devons encore à M. Duglerez de la maison
Rothschild.
Prenez un ou plusieurs pieds de jeunes éléphants, enlevez la
peau et les os après les avoir fait dégorger pendant quatre heures
EPINARDS. 533
à Teau tiède. Partagez-les ensuite en quatre morceaux dans la
longueur et coupez-les en deux, faites-les blanchir dans de Teau
pendant un quart d'heure, passez-les ensuite à l'eau fraîche et
égouttez-les dans une serviette.
Ayez ensuite une braisièrt qui ferme bien hermétique-
ment; placez au fond de cette braisière deux tranches de jam-
bon de Bayonne, mettez dessus vos morceaux de pieds, puis
quatre oignons , une tête d'ail , quelques aromates indiens ,
une demi-bouteille de madère et trois cuillerées de grand
bouillon.
Couvrez bien ensuite votre braisière et faites cuire à petit
feu pendant dix heures ; faites passer la cuisson bien dégraissée
à demi-glace en y ajoutant un verre de porto et 50 petits piments
que vous aurez fait blanchir à grande eau et à grand feu pour
les conser\'er très-verts.
Il est nécessaire que la sauce soit très-relevée et de bon gotkt;
veillez surtout à ce dernier point.
Les Indiens ne font pas tant de façons ; il QSt vrai qu'ils sont
moins versés que nous dans les mystères de la haute cuisine ; aussi
font-ils tout simplement cuire sous la cendre, après les avoir
préalablement enveloppés dans des feuilles serrées avec des fibres
de jonc.
Ce qui ne les empêche pas, du reste, de s'en régaler.
EMINCES. — Lames de viande rôties qu'on apprête en
ragoût. Les émincés de mouton doivent être servis sur de la
chicorée à la crème, et les émincés de chevreuil sur une purée
de champignons ; les émincés de filet de bœuf sur une sauce
piquante; les émincés de bœuf bouilli s'appellent miroton.
ENTRÉES. — Préparation chaude qui accompagne ou suit
le potage.
ENTREMETS. — Préparations servies avec le rôti , tels
que légumes, crèmes cuites et quelques pâtisseries.
ÉPEAUTRE. — Froment qui produit une farine très-légère,
et d'un goût très-savoureux, il est particulièrement cultivé dans
le Nord de l'Europe. M™* de Genlis dit que les melchpaes et
les autres pâtisseries allemandes doivent leur suprême délicatesse
à l'emploi de la farine des épeautres.
534
EPINARDS.
ÉPERLAN. — L'éperlan est un des poissons les plus
délicats que Ton puisse manger.
Éperlans frits. — Ayez une quantité suffisante d'éperlans;
videz-les, écaillez-les, essuyez-les Tun après l'autre, enfilez-les
par les yeux avec un hâtelet ouTirochette, trempez-les dans du
lait, farinez-les, faites-les frire, qu'ils soient d'une belle couleur,
mettez une serviette sur votre plat, dressez-les dessus et
servez.
Éperlans à Panglaise. — Mettez deux cuillerées d'huile
dans une casserole, du sel et du poivre, la moitié d'un citron
coupé en tranches, dont vous aurez ôté la peau et les pépins;
ajoutez-y deux verres de vin blanc, autant d'eau que devin; faites
bouillir cet assaisonnement environ un quart d'heure, mettez-y
vos éperlans, après les avoir vidés, écaillés et bien essuyés; faites-
les cuire, égouttez-le'^s, saucez-les avec la sauce ci-après
indiquée.
Faites blanchir une gousse d'ail, pilez-la avec le dos de
votre couteau, mettez-la dans une casserole avec du persil et
ciboules bien hachés, et deux verres de vin de Champagne, fiiites
bouillir votre sauce cinq minutes, ajoutez-y un pain de beurre
manié avec de la farine et un autre sans être manié, du sel er
une pincée de gros poivre, faites lier votre sauce, et, sa cuisson
faite, ajoutez-y un jus de citron, goûtez-la et servez.
EPINARDS. — Plante potagère de la famille des arroches,
et dont on ne mange les feuilles que cuites.
On a fait beaucoup de plaisanterie sur l'épinard, qui n'a,
dit-on, aucune propriété alimentaire et qui a été qualifié de
balai de l' estomac; c'est une erreur, et l'épinard est au contraire
alimentaire et plaît beaucoup à l'estomac, dont il n'est le balai,
si je puis me servir aussi de cette expression, qu'en ce sens qu'il
convient tellement à cet organe que ce dernier le digère avec
une facilité remarquable.
Il ya différentes façons d'apprêter les épinards; nous allons
indiquer celles qui nous paraissent les meilleures.
Epinard à la vieille mode. — Vos épinards blanchis et
hachés, vous les mettez dans une casserole avec beurre et muscade
râpée; quand ils sont passés ajoutez beurre manié de farine,
ESCARGOTS.
53)
sucre et lait, puis vous les servez garnis de croûtons de pain
passés au beurre.
Épinards à la maître d'hôtel. — Quand vos épinards sont
bien blanchis à Feau bouillante, vous les jetez dans l'eau froide,
vous les égouttez bien et les hachez ; mettez-les à sec dans une
casserole, soumettez-les au bain-marie avec sel, poivre, muscade
râpée , joignez-y un morceau de beurre quand ils sont chauds et
remuez.
Épinards au jus. — Quand vos épinards sont cuits et bien
passés, vous y ajoutez soit deux cuillerées de blond de veau,
soit de jus de fricandeau réduit en glace; puis, au moment de
servir, un bon morceau de beurre frais que vous laisserez, fondre,
et servez avec des croûtons frits.
Épinards à l'anglaise. — Faites bouillir dans un chaudron
de Teau dans laquelle vous aurez jeté une poignée de gros sel,
mettez-y vos épinards que vous aurez d'abord bien épluchés,
bien lavés et fait blanchir; quand ils seront cuits dans l'eau salée,
vous les hacherez et les mettrez dans une casserole avec du sel et
du poivre, remuez-les bien et ajoutez, quand il seront chauds,
un bon morceau de beurre que vous mêlerez bien avec les
épinards, et servez comme pour les épinards au jus.
Épinards au sucre. — Quand vos épinards sont cuits, vous
les assaisonnez avec un peu de sel, un morceau de sucre, un peu
d'écorce de citron et deux macarons piles, et vous les servez
entourés de quelques biscuits à la cuiller.
Crème d'épinards. — Mêlez une grande cuillerée d'épinards
cuits, une douzaine d'amandes douces pilées, un peu de citron
vert, trois ou quatre biscuits d'amandes amères, du sucre, deux
verres de crème, un verre de lait et six jaunes d'oeufs. Vous-
passez le tout à l'étamine, cuisez dessus et dessous, et servez
chaud.
Rissoles d'épinards. — Épluchez des épinards, lavez-les à
plusieurs eaux et faites-les* cuire dans une casserole avec un verre
d'eau et égouttez après; laissez-les refroidir, ajoutez-y du beurre
frais, de l'écorce de citron vert, deux biscuits d'amandes amères,
du sucre et de la fleur d'oranger; vous pilez le tout dans un
mortier. Vous faites ensuite une abaisse de pâte bien mince que
536 ESCARGOTS.
vous coupez en petits morceaux; mettez au coin de chaque
morceau un peu de la farce ci-dessus, mouillez vos rissoles ainsi
préparées et couvrez-les de pâte, parez-les tout autour avec un
couteau, faites-les frire dans une friture maigre; quand elles ont
pris une belle couleur, mettez-les égoutter, dressez-les prompte-
ment sur un plat, saupoudrez-les de sucre, glacez-les à la pelle
rouge et servez chaudement pour entremets. (Méthode de M. de
Courchamps.)
Vert d'épinards de cuisine. — Faites blanchir une poignée
d'épinards avec persil et ciboules; rafrsuchissez, pressez, pilez,
passez à Tétamine. Si le vert est trop épais mouillez avec du
bouillon.
Vert d'épinards d'office. — Lavez, pilez au mortier, pressez
au torchon vos feuilles, mettez-les dans une tourtière sur le feu,
laissez jeter deux ou trois bouillons, égouttez.
Tourte d'épinards, — Épluchez bien vos épinards, ôtez-en
les queues, lavez-les à plusieurs eaux, mettez-les dans une
casserole avec de Teau, faites-les cuire, retirez-les, égouttez-les,
laissez-les refroidir, pressez-les pour en exprimer tout le jus,
pilez-les bien dans un mortier avec de l'écorce de citron vert
confit, du sucre et un morceau de beurre frais avec un peu de
sel; foncez une tourtière d'une abaisse de pâte feuilletée, étendez
dessus les épinards le plus également que vous pourrez, faites
des façons de bandes de feuilletage et un cordon autour et mettez
la tourte cuire. Quand elle est cuite, râpez du sucre dessus,
glacez-la avec la pelle rouge, dressez-la sur un plat et servez
chaudement.
Potage d'épinards. — Mettez dans un pot des épinards
bien lavés, ajoutez-y de l'eau, du beurre, du sel, un petit
bouquet de marjolaine, du thym, un oignon piqué de quelques
clous de girofle ; faites bouillir le tout ensemble, et lorsque votre
potage est à moitié cuit, mettez de sucre ce qu'il en faut, une
poignée de raisins secs, des croûtons de pain séchés au four,
achevez de le faire cuire et dressez-le sur des soupes de pain.
ESCARGOTS. — Gros limaçon gris à coquille. La seule
différence que les gourmands font entre les limaçons dépend des
lieux où ils sont récoltés ; ceux de vigne sont les plus recher-
ESCARGOTS.
537
chés et les meilleurs. Les Romains en étaient si friands qu'ils les
engraissaient dans des viviers construits pour cet usage. On les
nourrissait avec du blé et du vin cuits, pour les rendre plus
faciles à digérer. On les assaisonne vigoureusement; en outre on
fait avec les escai^ots des bouillons très-calmants pour les poi-
trinaires ; dans plusieurs villes de France, à Nancy particulière-
ment, on les fait cuire et on les mange comme les huîtres à
Paris.
Escargots à la provençale. — Prenez trois douzaines d'es-
cargots, laissez les tremper dans un vase rempli d'eau froide
pour les brosser après cette immersion avec une brosse de
chiendent ; pendant ce temps faites bouillir dans un chaudron
assez d'eau pour qu'ils y blanchissent, faites un sachet d'une
poignée de cendre tamisée, liez-le avec une ficelle; jetez ce
sachet dans l'eau et laissez bouillir la cendre pendant un
quart d'heure. Ce temps écoulé, jetez dedans les escargots,
laissez-les jusqu'à ce qu'ils puissent facilement se retirer de leurs
coquilles ; douze ou quinze minutes après, remettez-les dans
l'eau fraîche pour les retirer de leurs carapaces, pour les rejeter
à mesure dans de l'eau tiède. Vous aurez dans une casserole
deux cuillerées de bonne huile, persil, champignons, échalotes
et la moitié d'une gousse d'ail râpée, sel et muscade râpée, enfin
un peu de piment vert. Lorsque ces fines herbes seront bien
passées, ajoutez une demi-cuillerée de farine et mouillez d'un
verre de bon vin blanc. Aussitôt que cette sauce commencera à
bouillonner, jetez dedans vos escargots bien égouttés, et laissez-
les achever leur cuisson en mijotant ; il faut que la sauce soit
tenue serréej en ce moment ajoutez-y deux, trois jaunes d'œufs
crus, et emplissez les coquilles, masquez-les de mie de pain,
arrosez-les d'huile et mettez-les pendant un quart d'heure au
four, si vous n'avez pas de four celui de campagne suffira, avec
feu dessous. Servez-les bouillants.
Matelotte d'escargots à la bordelaise. — Après avoir nettoyé
les escargots avec une brosse, passez-les au beurre sans laisser
roussir, ajoutez-y une cuillerée à bouche de farine, mouillez
d'un verre de vin blanc de Bordeaux et de consommé, sel,
poivre, muscade râpée, un bouquet garni de thym, laurier.
53» ESCARGOTS.
basilic, une gousse d'ail, piquez un oignon d'un clou de girofle,
et laissez cuire ainsi, afin que les escargots deviennent moel-
leux ; dégraissez la sauce, égouttez vos escargots, et placez-les
dans une seconde casserole avec deux morceaux de champignons
tournés et cuits auparavant ; réduisez la sauce, liez-la de trois
jaunes d'oeufs crus dans lesquels vous ajoutez gros comme une
noix de beurre cassé en petits morceaux. Passez cette sauce à
l'étamine sur les escargots que vous aurez tenus chaudement ;
ajoutez une demi-cuillerée à bouche, persil et civettes hachées
et blanchies , pressez un demi - jus de citron et servez.
Escargots à la polonaise. — Coupez vos escargots en gros
dés après les avoir préparés comme je l'ai dit, vous aurez fait
cuire d'avance dans du bouillon du raifort coupé comme une
julienne, autant de racine de persil, un oignon en dés, du beurre,
du sel, de la muscade râpée et de la mignonnette ; lorsque les
racines seront cuites, jetez vos escargots dans cette préparation,
laissez-les mijoter jusqu'à leur entière cuisson, que le fond soit
réduit, et lorsqu'ils arriveront à ce point, versez-y une cuillerée
d'allemande, pressez-y un jus de citron, emplissez aux trois quarts
les coquilles, maniez d'avance du beurre bien frais avec du persil
haché, du raifort râpé, mie de pain réduite en poussière ; finissez
d'emplir les coquilles avec ce pain, et servez-les au bout d'un
quart d'heure; à vingt minutes tout au plus.
Nous empruntons à l'excellent livre de M. Plumeret, VoArt
de la cuisine française au xix® siècle, la recette du bouillon
d'escargots^ plus complète chez lui que dans aucun dispen-
saire.
Bouillon rafraîchissant et pectoral d'escargots^. — Il faut
avoir une douzaine d'escargots que vous aurez fait dégorger la
veille; le lendemain, cassez-en les coquilles, car il ne serait
guère possible de les sortir, où il faudrait les faire blanchir, ce
qui leur ôterait toute la partie glutineuse ; mettez-les dans une
casserole avec un litre d'eau : ajoutez une laitue coupée en
1 . VArt de la cuisine française ait xix' siècle , par Plumeret, 6*, 7" et der-
nière parties de l'ouvrage de Carême. (Se trouve chez Garnier frères, libraires-
éditeurs, 6, rue des Saints-Pères et Palais-Royal, 215.)
ESPAGNOLE.
5^9-
quatre parties, quelques feuilles de cerfeuil et d'oseille, deux
dattes, quatre jujubes, très-peu de sel, seulement pour enlever
la fadeur; écumez jusqu'à ce que Tébullition se fasse. Alors passez
la casserole sur l'angle du fourneau pour que le bouillon mijote
pendant trois heures, et que, pendant sa cuisson, il réduise d'un
tiers; vous aurez fait dissoudre une once de gomme dans la moitié
d'un verre d'eau tiède; versez cette gomme dans le bouillon
d'escargots, avant de le passer à la serviette dans une jatte de
porcelaine ou de faïence pour le chauffer sans ébuUition, à mesure
que l'on vous en demandera une tasse. Quelques personnes ajou-
tent avec la gomme, pour se fondre ,un morceau de sucre candi^
mais on ne doit le mettre que lorsqu'on le demandera.
Escargots à la bourguignonne. — Prenez des escargots de
Bourgogne, terre rouge, ceux de la Franche-Comté sont plus
délicats ; passez-les à l'eau tiède pour les nettoyer extérieurement,
puis faites-les cuire dans un demi-court-bouillon, ensuite les
laisser égoutter sans les sortir de leur coquille.
Garnir ensuite l'escargot d'une couche de fromage suisse râpé
et le couvrir de beurre bien frais qui aura été préalablement
assaisonné de fines herbes et un soupçon d'ail, sel et poivre.
Les faire chauffer ensuite, soit sur un gril^ dans la poêle ou
sur la braise ; ils sont meilleurs cuits sur le gril.
Escargots et limaçons :
Les anciens Romains faisaient leurs délices
De ces Escargots (ni chairs ^ ni poissons)^
Qu'hommes de science appellent a hélices, i»
Et. qu'il ne faut pas croire Limaçons.,,
— Fi ! l'horreur I dit-on, me trouvant trop brusque
A parfaire un mets « de rampants visqueux. »
Donc, séparant Vun de Vautre mollusque,
J'en fais un un plat j — foi de Maître-Queux!
D'abord, VEscargot point ne se désigne
A notre dégoût, durant les jours froids :
Clos dans sa coquille, au pied d'une vigne.
Il s'engraisse, loin d'humides endroits...
(— Qu'en poëte, ailleurs, j'en dirais merveille l
« Mystérieux, seul, il se reproduit;
1
540 ESTURGEON.
« S'il s'accouple, il lance un trait à l'oreille
a Du semblable qui, clairvoyant^ le suit. » — )
Mais qu'à Veau bouillante il jette sa bave;
De son enveloppe extrait, on est sûr
Qu'avec bain de sel^ VEscargot se lave
De tout son limon; il est ferme et pur,.,
(Qu'au feu, sans apprêts, aux champs on le grille ;)
VEscargot^ pour nous, n'est propre qu'ainsi :
Cuit, avec Jus^ lard; puis, mis en coquille j
VWpiceSj de beurre et à* herbes farci;
Ensuite^ au four chaud, en une minute.
Qu'il rôtisse y et soit bien à point mangé!...
Quant au Limaçon ^ qu'ici j'exécute^
Il triomphe, hélas! du sot préjugé!
— Faible de poitrine ! absorbe un reptile.
Qu'on mange, en Provence, avec V Aillolis :
Sauce, faite d'oi/^ de jaunes à^etufs^ à^hidle;
Le Limaçon cru vaut tous nos coulis!.,,
J, ROUYER.
ESPAGNOLE (sauce). (Recette du Cuisinier national et non
pas économique,) — <( Mettez dans une casserole deux noix de
veau, un faisan ou quatre perdrix, la moitié d'une noix de jam-
bon, quatre ou cinq grosses carottes, cinq oignons dont un piqué
de cinq clous de girofle ; mouillez vos viandes avec une bouteille
de vin de Madère sec, plein une cuiller à pot de gelée; mettez
votre casserole sur un grand feu. Quand votre mouillement est
réduit vous le mettez sur un feu doux ; lorsque votre glace est
plus que blonde, vous retirez votre casserole du feu et la laissez
dix minutes dehors pour que la glace puisse bien se détacher,
vous aurez fait suer des sons noirs, comiTie dans la grande sauce,
et vous prendrez ce mouillement pour en mouiller votre espa-
gnole ; quand elle sera bien écumée, vous aurez un roux que vous
délayerez avec le mouillement et vous le verserez sur votre viande;
m
vous y mettrez des champignons, un bouquet de persil et ciboule,
quelques échalotes, du thym et du laurier ; quand votre sauce
bouillira, vous la mettez sur le coin du fourneau pour qu'elle
bouille tout doucement jusqu'à ce que vos viandes soient cuites.
ESTURGEON. . 541
Cette sauce doit être d'une belle couleur, c est-à-dire ni trop
pâle ni trop brune; elle doit être bien liée et pas trop épaisse. »
Voici la note que M. Vuillemot pique en marge de cette
recette :
« Je ne puis ni comprendre ni approuver ces sons noirs dans
l'espagnole. »
Espagnole travaillée (d'après la même autorité culinaire). —
Mettez dans une casserole une égale quantité de consommé et de
sauce espagnole, faites comme nous l'avons dit plus haut, ajou-
tez-y des champignons (une douzaine par litre de sauce) et faites
bouillir le tout; écumez et dégfaissez avec soin; laissez réduire
jusqu'à ce qu'elle ait acquis assez d'épaisseur, passez-la alors à
rétamine, et lorsque vous en aurez besoin faites-la chauffer au
bain-marie.
On peut aussi ajouter à cette sauce du vin blanc; dans ce
cas, il faut, non comme le dit le Cuisinier national^ mettre autant
de vin que de consommé, mais seulement un demi-verre de vin
blanc pour deux litres de consommé.
ESSENCE DE GIBIER. — Prenez 500 gr. de bœuf, deux
perdrix, deux lapins de garenne et un quasi de veau ; faites cuire
à la marmite ; mouillez avec un demi-litre de vin blanc et faites
bouillir jusqu'à réduction; remplissez ; ajoutez oignons, carottes,
thym, basilic, serpolet, clous de girofle ; écumez ; faites bouillir;
passez votre essence.
Essence de légumes, — Mettez deux kilos de bœuf, une
vieille poule et un jarret de veau dans une marmite avec deux
ou trois douzaines de carottes, oignons, navets, deux ou trois
laitues, cerfeuil, pieds de céleri, girofle; emplissez votre mar-
mite de bouillon et agissez comme pour le consommé. Les
viandes étant cuites, passez votre essence et faites réduire si
besoin en est.
Essence de jambon. — Battez des tranches de jambon cru,
garnissez-en le fond d'une casserole, faites suer jusqu'à ce que
les tranches commencent à s'attacher, ajoutez alors du beurre
fondu et un peu de farine ; remuez avec une cuiller et ajoutez
ensuite du jus ou du bouillon ; assaisonnez avec épices mêlées,
pas de sel, un bouquet garni, un jus de citron, deux clous de
^
54a ^ ESTURGEON.
girofle et une poignée de champignons hachés. Quand tout est
cuit passez à Tétamine ; liez avec croûtons mitonnes.
ESTRAGON. — Plante aronîatique, originaire de la Sibérie
-et qu'on cultive beaucoup dans les jardins, pour s'en servir
<:omme assaisonnement dans les salades ou pour confire dans le
vinaigre.
On sait combien l'usage en est fréquent dans les sauces.
J'ajouterai même qu'il n'y a pas de bon vinaigre sans estra-
gon, et j'engage le lecteur à en mettre dans son vinaigre.
ESTURGEON. — Un des plus grands poissons de rivière,
j'en ai fait à propos du caviar une description assez complète ; il
a été très-rare et très-estimé en France, il pèse jusqu'à trois et
quatre cents livres. J'ai donné, en 1833, un bal masqué, dont
quelques contemporains se souviennent, on y servit un chevreuil
rôti et un esturgeon cuit au court-bouillon ; tout entier le che-
vreuil fut dévoré jusqu'aux os; mais, quoiqu'il y eût quatre cents
personnes à souper, on ne put venir à bout de l'esturgeon.
Un jour, Tarchichancelier Cambacérès qui se disputait avec
Murât, Junot, M. de Cussy, M. de Talleyrand, la royauté de la
table, reçut le même jour, jour de grand dîner, deux esturgeons
monstrueux, l'un pesait 162 livres, l'autre 187.
Le maître d'hôtel crut devoir venir consulter Son Altesse sur
•ce cas remarquable, si on les servait tous les deux, l'un nuisait
évidemment à l'autre, si l'on n'en servait qu'un, le second était
perdu, on ne pouvait deux jours de suite donner deux poissons
de la même espèce aux convives de son Altesse.
Cambacérès s'enferma avec son maître d'hôtel, qui sortit
radieux de son cabinet au bout d'un quart d'heure.
En effet, on avait trouvé un biais qui permettait sinon de les
servir, du moins de les montrer tous les deux, et de sacrifier le
premier en l'honneur du second, et de le sacrifier de façon à faire
le plus grand honneur à la table de Son Altesse.
Voici ce qu'avaient imaginé monseigneur et son maître
d'hôtel :
L'esturgeon devait être servi en relevé de potage.
On coucha le moins énorme sur un lit de feuillages et de
fleurs ; un concerto de violons et de flûtes annonça son entrée.
ESTURGEON. 54J
Le flûtiste, en costume complet de chef, suivi des deux vio-
lons habillés comme lui, précédèrent Testurgeon qui entra accom-
pagné de quatre valets de pied portant des torches, de deux aides
de cuisine le couteau au côté, le suisse en tète, sa hallebarde à
la main.
L'esturgeon, placé sur une petite échelle de huit à dix pieds
de long, reposait à ses deux extrémités sur les épaules des deux
aides de cuisine.
Le cortège, au son des violons et de la flûte et au milieu des
cris d'admiration des convives, commença de faire le tour de la
table.
L'apparition était si inattendue que Ton oublia le respect
que Ton devait à monseigneur et que chacun monta sur sa chaise
pour voir le monstfe.
Mais le tour de la table achevé, au moment où le poisson
allait sortir pour se faire découper aux applaudissements de toute
la société, un des porteurs lit un faux pas, tomba sur un genou,
tandis que le poisson de son côté glissait de dessus son échelle et
tombait sur le parquet.
Un long cri de désespoir sortit de tous les cœurs, ou plutôt
de tous les estomacs ; il y eut un instant de trouble, pendant
lequel chacun donna son avis, mais la voix de Cambacérès
domina le tumulte, et, avec une simplicité digne d'un vieux
romain :
« Servez l'autre, » dit-il.
Et l'on vit entrer un second convoi pareil au premier; seu-
lement il avait deux flûtes, quatre violons, quatre valets de pied;
alors les applaudissements succédèrent au cri de douleur, et l'on
iit disparaître le premier poisson, qui pesait 25 livres de moins
que l'autre.
Esturgeon au court- bouillon, — Procurez-vous un estur-
geon; il est inutile qu'il soit de la taille des esturgeons de
Mf' l'archichancelier , videz-le, enlevez ses ouïes, laissez-le
s'égoutter, et couchez-le dans une poissonnière avec un court-
bouillon bien nourri, soit de lard râpé si c est au gras, soit de
beurre si c'est au maigre; assaisonnez-le plus que tout autre
poisson, en vertu de son épaisseur, d'aromates^et de sel; faites-le
544 ESTUR<ÎEON.
cuire feu dessus, feu dessous; arrosez-le souvent, égouttez-le et
servez-le avec une sauce italienne grasse ou maigre que vous
mettrez dans une saucière.
Esturgeon à la broche. — Préparez un tronçon d'esturgeon,
manchon est le véritable terme dont on se sert, à cause de sa
forme; levez-en la peau et les plaques osseuses; piquez-le comme
vous piqueriez une noix de veau, si c'est en maigre avec de l'an-
guille et des filets d'anchois ; faites une marinade (V. Mari-
nade) dans laquelle au lieu de vinaigre vous mettrez du vin
blanc et beaucoup de beurre ; arrosez-le souvent, durant sa cuis-
son, avec cette marinade que vous aurez passée au travers d'un
tamis de crin ; donnez-lui une belle couleur et servez-le avec une
sauce poivrade.
Esturgeon grillé au gras. — Coupez-Je par tranches que
vous mettez cuire dans du vin blanc, lard fondu, sel et poivre,
une feuille de laurier et un peu de lait; faites cuire doucement,
et quand il est cuit panez vos tranches et les grillez; après quoi
vo'us les servez avec une sauce de la même manière que la queue
de mouton à la Sainte-Ménehould.
On les sert aussi à sec sur une serviette blanche.
Côtelettes (f esturgeon en papillottes. — Levez la peau de
votre esturgeon et les plaques osseuses, coupez-le en côtelettes de
répaisseur d'un doigt, mettez un morceau de beurre dans une
casserole, faites-y revenir vos côtelettes ; retournez-les quand elles
commenceront à blanchir, et procédez pour ces côtelettes comme
il est énoncé pour celles de veau (V. cet article), si c'est au gras,
meltez-y des petites bardes de lard; si c'est au maigre n'en mettez
point.
Esturgeon en fricandeau. — Prenez un morceau d'estur-
geon, levez-en la peau et les plaques osseuses, battez-le légère-
ment avec le plat du couperet, piquez-le de petit lard, si c'est
au gras, foncez une casserole de lames de jambon, de tranches de
veau, de quelques carottes et d'oignons; procédez pour le tout
comme il est indiqué pour les grenadins de veau. (Voyez l'article
Grenadins de veau.) Si c'est au maigre, piquez votre esturgeon
de filet d'anguille et de filet de brochet.
Esturgeon ayx fines herbes, — Prenez un gros esturgeon
ESTURGEON. 54f
que vous coupez en tranches de Tépaisseur d'un doigt, mettez
ces tranches dans une casserole avec du lard fondu, du poivre,
du sel, des fines herbes, du persil, de la ciboule hachée et laissez
cuire et prendre goût pendant une heure ou deux; remuez-le
bien, panez-le ensuite de mie de pain bien fine ; faites-le griller
et servez-le sur une serviette avec une sauce hachée piquante ou
une sauce rémoulade.
Esturgeon aux croûtons. — Coupez-le par petites tranches,
mettez-les dans une casserole avec beurre, persil, ciboules, écha-
lotes hachées, sel, gros poivre; quand ils sont cuits d'un côté,
retournez-les de l'autre, laissez-les bien cuire, ôtez-les. Mettez
dans la casserole un morceau de beurre manié de farine, un verre
de vin rouge, faites bouillir un instant, mettez une pincée de
câpres hachées, faites chauffer sans bouillir et servez garni de
croûtons frits dans le beurre.
Esturgeon glacé. — Piquez d'un côté une belle tranche
d'esturgeon avec du petit lard, mettez-la ensuite dans une casse-
role avec une demi-bouteille de vin blanc, un bouquet de persil,
ciboules, thym^ laurier, basilic, trois clous de girofle, une gousse
d'ail, sel, poivre, deux tranches de citron, un peu de bouillon et
faites-le cuire dans cette braise ; quand il est cuit, mettez*le sur
un plat.
Ayez dans une casserole une glace faite avec tranches de veau
et de jambon coupées en dés et mouillées de bon bouillon. Quand'
le veau est cuit, passez la sauce au tamis et faites-la réduire;
quand elle est presque en caramel, mettez dedans la tranche
d'esturgeon, faites-la glacer comme un fricandeau et dressez-la
ensuite dans un plat; mettez un peu de coulis et une cuillerée
de réduction dans la casserole, détachez tout ce qui reste au
fond, passez cette sauce au tamis, pressez-y un jus de citron et
servez sous l'esturgeon.
Pâté d'esturgeon, — Prenez deux tranches d'esturgeon de
l'épaisseur de trois doigts et piquez-les d'anchois, dressez un pâté
de pâte fine, garnissez-en le fond de beurre frais, avec sel,
poivre, fines herbes, fines épices, mettez dessus vos tranches d'es-
turgeon et le même assaisonnement que dessous, couvrez-le de
beurre frais, ensuite de son abaisse et faites cuire au four.
54* ESTURGEON.
Quand le pâté est cuit, dégraissez-le, mettez-y un coulU d'écre-
visses qui soit un peu piquant et servez chaudement pour entrée.
Potage d'une hure d'esturgeon. — La hure d'esturgeon bien
nettoyée, mettez-la dans une marmite, mouillez-la d'un bouillon
de poisson, assaisonnez d'un bouquet de fines herbes et d'une
tranche de citron; faites mitonner des croûtes dans une quantité
égale de bouillon oiî a cuit l'esturgeon et de bouillon de poisson;
dressez la hure d'esturgeon sur le potage et garnissez-le d'un
cordon de ragoût de laitances fait comme il suit :
Faites blanchir vos laitances dans de l'eau, passez-les ensuite
dans une casserole avec un peu de beurre, des petits champi-
gnons, truffes coupées par tranches et mousserons. Mouillez-les
d'un peu de bouillon de poisson, mettez un bouquet de fines
herbes et les laitances de carpes, laissez mitonner à petit feu.
Quand le ragoût est cuit, dégraissez-le, liez-le d'un coulis d'écre-
visses un peu amplement, afin de pouvoir mouiller le potage,
tirez les laitances du ragoût, garnissez-en le potage; jetez le
ragoût et le coulis par-dessus et servez chaudement. (V. Kavur,
pour les œufs d'esturgeon.)
F
FAISAN. — Genre d'oiseau de Tordre des gallinacés.
Le roi Crésus, assis sur son trône tout incrusté de diamants
€t de pierres précieuses, orné de son diadème et couvert d'or et
de pourpre, demandait à Solon s'il avait jamais vu quelque chose
<le plus beau?
« Oui, lui répondit le philosophe^ j'ai vu les faisans et les
paons. »
Le faisan a été découvert et rapporté par les Argonautes des
bords du Phase, d'où il tire son nom ; de la Grèce il a passé à
Home, et de Rome dans le reste de l'Europe.
La chair du faisan est peut-être la plus délicate et la plus
sapide qui se puisse trouver; on le sert rôti, cuit à la braise, en
filet sauté, en escalopes et en salmis; quand on l'apprête à la
braise, on peut le servir sur une sauce aux truffes, à la Périgueux,
sur un ragoût d'olives tournées ou sur une litière de choucroute.
L'auteur de la Henriade a fait sur le faisan un poè'me qui vaut
mieux que son poëme sur le Béarnais.
Il n'a qu'un vers :
L'oiseau du Phase est un mets pour les dieux.
Brillât-Savarin a fait sur ce magnifique oiseau une de ses
meilleures méditations :
a Le faisan, dit-il, est une énigme dont le mot n'^st révélé
548 FAISAN.
qu'aux adeptes; eux seuls peuvent le savourer dans toute sa
bonté.
« Chaque substance a son apogée H'esculence, quelques-unes
y sont déjà parvenues avant leur entier développement, comme
les câpres, les asperges, les perdreaux gris, les pigeons à la cuil-
ler, etc.,... les autres y parviennent au moment où elles ont toute
la perfection d'existence qui leur est destinée, comme les melons,
la plupart des fruits, le mouton, le bœuf, le chevreuil, les per-
drix rouges ; d'autres, enfin, quand elles commentent à se décom-
poser, telles que les nèfles, la bécasse, et surtout le faisan.
« Ce dernier oiseau, quand il est mangé dans les trois jours
qui suivent sa mort, n'a rien qui le distingue ; il n*est ni aussi
délicat qu'une poularde^ ni aussi parfumé qu'une caille.
« Prise à point, c'est une chair tendre, sublime et de haut
goût; car elle tient à la fois de la volaille et de la venaison.
(( Ce point si désirable est celui où le faisan commence à se
décomposer; alors son arôme se développe et se joint à une
huile qui, pour s'exalter, avait besoin d'un peu de fermen-
tation, comme l'huile du café qu'on n'obtient que par la torré-
faction.
« Ce moment se manifeste aux sens des profanes par une
légère odeur, et par le changement de couleur du ventre de l'oi-
seau; mais les inspirés le devinent par une sorte d'instinct qui
agit en plusieurs occasions, et qui fait, par exemple, qu'un
rôtisseur habile décide, au premier coup d'œil, qu'il faut tirer
une volaille de la broche ou lui laisser faire encore quelques
tours.
« Quand le faisan est arrivé là, on le plume, et non plutôt,
et on le pique avec soin en choisissant le lard le plus frais et le
plus ferme.
« Il n'est point indifférent de ne pas plumer le faisan trop
tôt; des expériences très-bien faites ont appris que ceux qui sont
conservés dans la plume sont bien plus parfumés que ceux qui
sont restés longtemps nus, soit que le contact de l'air neutralise
quelques portions de l'arôme, soit qu^une partie du suc destiné à
nourrir les plumes soit résorbée et serve à relever la sapidité de
la chair.
FAISAN.
549
« L'oiseau ainsi préparé, il s'agit de Vétoffer, ce qui se fait
de la manière suivante :
c< Ayez deux bécasses, désossez-les et videz-les de manière à
en faire deux lots : le premier, de la chair, le second, des
entrailles et des foies.
« Vous prenez la chair et vous en faites une farce en la
hachant avec de la moelle de bœuf cuite à la vapeur, un peu de
lard râpé, poivre, sel, fines herbes, et la quantité de bonnes
truffes suffisant^ pour remplir la capacité intérieure du faisan.
« Vous aurez soin de fixer cette farce de manière à ce
qu'elle ne se répande pas en dehors, ce qui est quelquefois assez
difficile quand l'oiseau tst un peu avancé. Cependant on y par-
vient par divers moyens, et, entre autres, en taillant une croûte
de pain, qifon attache avec un ruban de fil, et qui fait l'office
d'obturateur.
« Préparez une tranche de pain qui dépasse de deux pouces
de chaque côté le faisan couché dans le sens de sa longueur ; pre-
nez alors les foies, les entrailles de bécasses et pilez-les avec deux
grosses truffes, un anchois, un peu de lard râpé et un morceau
convenable de bon beurre frais.
« Vous étendez avec égalité cette pâte sur la rôtie et vous la
placez sous le faisan préparé comme dessus, de manière à être
arrosée en entier de tout le jus qui en découle pendant qu'il
rôtit.
(( Quand le faisan est cuit, servez-le couché avec grâce sur
sa rôtie; environnez-le d'oranges amèrçs et soyez tranquille sur
l'événement.
c( Ce mets de haute saveur doit être arrosé, par préférence,
de vin du cru de la haute Bourgogne; j'ai dégagé cette vérité
d'une suite d'observations qui m'ont coûté plus de travail qu'une
table de logarithmes.
« Un faisan ainsi préparé serait digne d'être servi à des
anges, s'ils voyageaient encore sur la terre, comme du temps de
Loth.
« Que dis-je 1 l'expérience a été faite. Un faisan étoffé a été
exécuté, sous mes yeux, par le digne chef Picard, au château de
la Grange, chez ma charmante amie M"* de Ville-Plaine, apporté
550
FAISAN.
sur la table par le majordone Louis, marchant à pas proces-
sionnels. On Ta examiné avec autant de soin qu'un chapeau de
M** Herbault ; on Ta savouré avec attention, et pendant ce docte
travail les yeux de ces dames brillaient comme des étoiles, leurs
lèvres étaient vernissées de corail, et leur physionomie tournait à
. Textase.
« J'ai fait plus : yen ai présenté un pareil à un comité de
magistrats à la cour suprême, qui savent qu'il faut quelquefois
déposer la toge sénatoriale, et à qui j'ai démontré sans peine que
la bonne chère est une compensation naturelle des ennuis du
cabinet. Après un examen convenable, le doyen articula d'une
voix grave le mot : Excellent I Toutes les têtes se baissèrent en
signe d'acquiescement, et l'arrêt passa à l'unanimité.
« J'avais observé, pendant la délibération, que les nez de ces^
vénérables avaient été agités par des mouvements très-prononcés
d'olfaction, que leurs fronts augustes étaient épanouis par une
sérénité paisible, et que leur bouche véridique avait quelque
chose de jubilant qui ressemblait à un demi*sourire.
<( Au reste, ces effets merveilleux sont dans la nature des
choses. Traité d'après la recette précédente, le faisan, déjà dis-
tingué par lui-même, est imbibé à l'extérieur de la graisse savou-
reuse du lard qui se carbonise; il s'imprègne, à l'intérieur, des
gaz odorants qui s'échappent de la bécasse et de la truffe. La
rôtie, déjà si richement parée, reçoit encore les sucs à triple
combinaison qui découlent de Tçiseau qui rôtit.
« Ainsi, de toutes les bonnes choses qui se trouvent rassem-
blées, pas un atome n'échappe à l'appréciation; et, attendu
l'excellence de ce mets, je le crois digne des tables les plus
augustes. »
Faisan Lucullus. (Recette de M. Vuillemot, de la Tête
noircy à Saint-Cloud.) — Ayez un beau coq-faisan, bien gras
(en novembre surtout), qu'il n'ait pas été tué par le plomb,
désossez-le, mettez de côté les os, faites une mirepoix avec des
carottes, oignons émincés, bouquet garni, passez-les au beurre,
mouillez avec une bouteille de Champagne mousseux, une bou-
teille de sauteme, un demi-verre de madère et une cuillerée à pot
de bon consommé, laissez le tout cuire quatre heures; faites
FAISAN.
5J'
ensuite une bonne farce fine avec du veau, du lard gras, des pel-
licules de truffes hachées, sel, poivre, quatre épices, coupez des
lames de veau, de jambon, de lard gras; ne galantinez pas le
cotfre du faisan; ne mettez qu'un peu de farce dans Tintérieur;
flanquez deux bécasses désossées que vous galantinez dans le
cofire du faisan. Recousez le faisan et faites suer votre galantine
dans votre mirepoix avant de mouiller. N'oubliez pas les truffes
dans la galantine. Enveloppez le faisan dans une serviette beur-
rée en le serrant bien de chaque côté, puis préparez dans une
braisière une ibrte mirepoix, faites suer le tout avec un demi-
verre d'eau et mouillez avec une bouteille de Champagne, une
bouteille de sauterne, une bouteille de madère, faites revenir le
tout à grande ébuUition jusqu'à ce que ce soit réduit de moitié,
ajoutez-y le fond de votre gibier, laissez cuire encore environ
deux heures en sondant de temps en temps la galantine pour voir
\i elle est bien cuite.
Prenez alors douze ortolans que vous garnissez de la farce de
de votre faisan après les avoir désossés; nettoyez bien douze
belles truffes du Périgord, faites-les cuire, sans les éplucher, dans
la cuisson de votre faisan avec les ortolans. Passez ensuite le fond
de la galantine à travers une serviette et faites-le réduire de
moitié en y ajoutant un peu de mignonnette et un jus de citron.
Retirez le faisan du linge qui l'enveloppe et dressez-le sur
un plat d'aigent, puis coupez vos truffes comme vous le feriez
pour des œufs à la coque, et posez chaque ortolan dessus , glacez
le tout, faisans et ortolans, avec de la glace de viande. Piquez
enfin sur le faisan deux hàtelets garnis de crêtes de coq, écrevisses
et truffes, et servez chaudement en mettant le coulis dans un bol
à côté de votre plat.
Faisan à la broche, — Ayez un faisan jeune, tendre et gras,
plumez-le par tout le corps, excepté à la queue et à la tête, en
prenant garde de le déchirer; l'ayant vidé, flambé, épluché^
bridez-le, bardez-le ou piquez-le, enveloppez-lui la tête et la
queue de papier; retroussez-lui la queue le long des reins,
embrochez -le, enveloppez -le entièrement de papier beurré,
faites-le cuire, déballez-le ainsi que sa tète et sa queue et
servez-le.
5S^
FAISAN.
Faisan à la braise. — Plumez, videz et épluchez votre
faisan, coupez-lui les pattes^ mettez le bout des. cuisses dans le
•corps et piquez^le de gros lard bien assaisonné ; garnissez le fond
d'une marmite de lard et de tranches de bœuf battu avec sel,
poivre, fines épices, fines herbes, tranches d'oignons, panais et
«carottes; mettez votre faisan sur cette première couche avec le
même assaisonnement dessus que dessous, couvrez-le de trandies
de bœuf et bardes de lard, et faites cuire doucement feu dessus et
dessous. Faites ensuite un ragoût de foies gras, riz de veau,
champignons, truffes, fonds d'artichauts, pointes d'asperges ; passez
le tout avec lard fondu, mouillez de jus et laissez mitonner^
dégraissez-ie une fois cuit, liez-le d'un bon coulis de veau et de
jambon, puis vous retirez le faisan de sa braise, vous l'égouttez,
le dressez sur un plat, votre ragoût par-dessus, et servez chau-
«dement.
Faisan aux truffes ou à la Périgueux, — Plumez un jeune
faisan comme si vous vouliez le mettre à la broche, Wdez-le par
la poche en lui cassant l'os du bréchet ou de la poitrine et sortez-
lui les intestins en prenant garde de lui crever l'amer, flambez^
le légèrement, épluchez-le; brossez et épluchez quelques belles
truffes et mettez -les dans une casserole avec trois quarts de lard
pilé , faites cuire sur un feu doux avec sel, poivre, épices fines^;
.laissez-les ensuite refroidir et garnissez- en le corps de votre
faisan ; cousez-le, bardez-le, laissez-le se parfumer ainsi deux on
trois jours, puis enveloppez-le de papier, embroche;5-le, fiiites-le
cuire environ une heure et servez-le.
Faisan à l'espagnole. — Votre volaille étant bien faisandée,
vous la remplissez d'une farce faite avec son foie, persil, cibouks,
champignons hachés, lard râpé, deux jaunes d'œuis; mettea-le
ensuite à la broche, faites-le cuire et servez avec une sauce à
l'espagnole que vous ferez en garnissant le fond d'une casserole
de deux tranches de jambon et de quelques tranches de veau,
deux racines et deux oignons coupés en tranches, faites suer sur
le feu ; quand tout est attaché, mouillez avec du bon bouillon, da
coulis, une demi-bouteille de vin de Champagne, que vous aurez
fait préalablement bouillir; ajoutez une poignée de coriandre^
une gousse d'ail, un bouquet garni et deux cuillerées d'huile;
FAISAN. 553
faites bouillir cette sauce deux ou trois heures à petit feu, dé-
graîs$ez*la, faites-la réduire, passez-la au- tamis et servez avec
votre faisan.
Faisan braisé à Vangownoise. — Vous épluchez des truffes
et vous les coupez en filets; vous lardez avec ces filets toutes les
parties charnues d'un faisan; mettez dans une casserole cent
vitigt-<:inq grammes de lard râpé et autant de beurre, passez-y
des XTxxffes coupées en morceaux et les parures de celles qui ont
servi à larder le faisan après les avoir hachées et assaisonnées de
sel et de poivre ; laissez revenir le tout pendant quelques minutes,
laissez refroidir et ajoutez vingt-cinq ou trente marrons grillés,
remplissez de ce mélange le corps du faisan, enveloppez-le avec
émincés de veau et de bcnuf et bardes de lard. Ficelez et mettez
dans une braisière foncée de bardes de lard ; mouillez avec un
verre de malaga ou de vin blanc et deux cuillerées de caramel, et
faites cuire à petit feu. Cuit, déficelez-le, dégraissez la cuisson,
ajoutez-y un peu de hachis de truffes, faites bouillir quelques
instants, liez la sauce avec purée de marrons et superposez le
faisan.
Faisan à la broche aux pistaches. — Faites cuire à la bro-
che un faisan enveloppé de bardes de lard et de papier beurré,
et Êirci de son foie, avec lard râpé, persil, ciboules, champignons
hachés, trois jaunes d'œufs. Lorsqu'il est bien cuit, vous Tégouttez
€t le servez avec un ragoût de pistaches que vous faites en échau-
tlant un quarteron de pistaches et le mettant dans une bonne
essence.
Faisan aux laitances de carpes. — Farcissez un faisan de
son foie et faites-le cuire à la broche; faites blanchir des laitances
de carpes, mettez-les dans une bonne essence avec un demi-setier
lie vin de Champagne bouilli d'écume, faites cuire vos laitances
dedans, dégraissez et servez sur le faisan.
Faisandeau à la sauce de brochet à la broche. — Faites une
farce avec un riz de veau, une tétine de veau blanchie, un peu de
jambon, champignons, persil, ciboules hachée, fines herbes, sel,
poivre, fines épices, deux ou trois jaunes d'œufs crus et un peu
de mie de pain trempée dans la crème; vous hachez bien le toUt
ensemble et vous farcissez le faisandeau ; vous enveloppez des
5J4 FAISAN.
truffés d'une barde de lard et d'une feuille de papier, vous les
passez à travers une brochette que vous attachez à la broche et
vous faites cuire à petit feu.
Vous garnissez le fond d'une casserole avec des tranches de
rouelle de veau et de jambon , un oignon , des panais et carottei
coupés aussi par tranches, vous Élites suer le tout à petit feu;
quand c'est bien attaché, vous y ajoutez un peu de lard fondue!
une pincée de farine, et vous remuez le tout ensemble en lui fai-
sant donner sept ou huit tours sur le fourneau.
Videz, écaillez, lavez et coupez un brochet par morceaux^
mettez-le dans la casserole où est le coulis, faites-lui faire trois
ou quatre tours sur le fourneau, mouillez- le de jus et de bouilloû
en égale quantité, assaisonnez de sel, poivre, clous de girofle,
basilic, thym, laurier, persil, ciboules entières, champignons et
truffes coupées ; ajoutez-y la croûte d'un petit pain et deux verres
de vin de Champagne que vous aurez auparavant fait bouillir;
faites mitonner le tout ensemble, quand il est cuit et réduit à
propos, passez-le dans une étamine; si la sauce n'est posasses
liée, mettez un peu de coulis et de jambon et tenez-la sur des
cendres chaudes afin qu'elle cuise sans bouillir.
Vous tirez ensuite votre faisandeau de la broche, vous ôlec
les bardes, le dressez sur un plat, votre brochet par-dessus, et
servez pour entrée en hors-d'œuvre.
Filets de faisan à la Vopallière. — Prenez trois jeunes fai-
sans dont vous levez Ips filets, ôtez-en les mignons, levez la peau
des gros en les posant sur la table et faisant couler votre couteau
bien délicatement de façon à ne pas endommager les chairs^
battez-les ensuite légèrement avec le manche de votre couteau et
parez-les; faites fondre du beurre dans une sauteuse, vous J
trempez vos filets et les rangez après de manière à ce qu'ils ne se
touchent pas; saupoudrez-les de sel et de poivre et couvrez-le*-
d'un rond de papier. Piquez trois de vos petits filets de même
lard et décorez les trois autres de petites crêtes de truffes, met-
tez-les sur une tourtière avec un peu de beurre fondu et un graiO'
de sel, donnez-leur la forme d'un demi-cercle et couvrez-les d lu»
rond de papier; les cuisses de vos faisans cuites à la broche on
dans une casserole avec du beurre et refroidies , vous en sap*
«
I
■ 1 •
FAISAN. JJ5
primez les peaux et les nerfs, vous hachez ces chairs et les mettez
dans une casserole que vous couvrez ; vous aurez fait un fumet de
vos carcasses comme il est indiqué au fumet de lapereaux
(Voyez cet article), et S2^ cuisson faite, vous le passez au travers
d'une serviette, vous le faites réduire et y ajoutez trois cuillerées.
à dégraisser d'espagnole travaillée, faites réduire le tout à con-
sistance de demi-glace et réservez-en une partie pour glacer votre
entrée; sautez vos filets, retournez- les, assurez-vous s'ils sont
cuits, dressez*les en couronne, mettez votre hachis et vos truffes
dans votre sauce avec un morceau d'excellent beurre, remuez le
tout sans le laisser bouillir, versez-le dans le puits de vos filets,
puis faites une deuxième couronne sur cette première, avec les
petits filets que vous aurez fait sauter dans le beurre et glacés ;
glacez le tout avec ce que vous avez conservé de votre sauce et
servez.
Escalopes de faisans. — Vous levez les ailes de trois faisans
et vous leur enlevez la petite peau comme à l'article précédent,
puis vous les coupez en filets d'égale grosseur dont vous formez
des escalopes; vous faites fondre du beurre dans une sauteuse
et vous y arrangez vos escalopes les unes après les autres; sau-
poudrez-les de sel et de poivre, arrosez*les de beurre fondu,
faites un fumet du restant de vos chairs et de vos carcasses, ajou-
tez-y trois cuillerées à dégraisser d'espagnole, mettez le tout à
demi*glace, faites sauter vos escalopes, égouttez-les et mettez-les
avec leur jus dans votre réduction, sautez-les, finissez-les avec du
beurre, goûtez si elles sont de bon goût, dressez-les et servez avec
des truffes coupées en rondelles.
Salmis de faisans. — Vous laissez refroidir deux faisans
cuits à la broche, vous les dépecez et les parez proprement en
supprimant les peaux; arrangez-les dans une casserole, mouillez-
les avec du consommé et faites-les chauffer sur des cendres
chaudes. Mettez dans une casserole un bon verre de vin rouge ou
blanc, ajoutez-y trois ou quatre échalotes hachées, un zeste de
bigarade, trois cuillerées à dégraisser d'espagnole réduite, gros
comme une muscade de glace ou de réduction de veau; faites
réduire le tout, pilez les peaux et les parures de vos faisans,
mettez-les dans votre réduction, délayez-les sans les faire bouil-
4
556 FAISAN.
lir, passez-les à Tétamine comme une purée, mettez cette espèce
de purée ou sauce de salmis dans une casserole et tenez-la chau-
dement au bain-marie; au moment de servir égouttez vos mem-
bres de faisans^ dressez-les sur le plat en mettant les inférîeiurs
les premiers, conséquemment vos ailes et vos cuisses tout autour;
le tout entremêlé de croûtons en cœur, soit de mie ou de croûte
de pain, passés dans du beurre; exprimez dans votre salmis le
jus d'une ou deux bigarades, saucez et servez.
Faisan à la choucroute. — Ayez un beau faisan, plumez-le,
videz-le, flambez-le, lardez-le de gros lardons assaisonnés de sel,
poivre, fines épices, persil, ciboules, un peu d'aromates piles;
lavez et pressez de la choucroute en suffisante quantité pour en
former un bon plat, mettez-la cuire avec un morceau de petit
lard et un cervelas, nourrissez-la avec quelques fonds ou dessus
•de braises, faites-la cuire trois ou quatre heures sur un feu doux,
mettez au milieu votre faisan, faites-le cuire environ une heure
et lorsqu'il le sera, dressez-le sur le plat, prenez votre choucroute
pour régoutter avec une cuiller percée, garnissez-en votre faisan,
coupez le cervelas en tranches, ôtez-en la peau, faites-en une
bordure autour de la choucroute en l'entremêlant de petit lard
coupé en lames et de quelques saucisses et servez.
Pâté de faisan aux truffes, — Votre faisan vidé et piqué de
gros lard bien assaisonné, farcissez-en le corps avec une fàxce
mouillée au vin blanc et au madère et composée de lard râpé,
truffes vertes, persil et ciboules hachés, le tout bien mêlé
ensemble; dressez votre pâté d'une pâte commune; mettez au
fond lard râpé, sel, poivre, fines herbes, fines épicfs. Ayez soin
de faire une cheminée à votre pâte. Métrez votre faisan dans le
pâté avec même assaisonnement que dessous, couvrez-le de
tranches de veau, de lard râpé, de beurre frais, de bardes de
lard, fermez ensuite votre pâté et mettez-le au four; pendant
•qu'il cuit, prenez des truffes bien pelées et bien lavées, cou-
pez-les par tranches, mettez-les dans une casserole et mouillez-
les de jus, faites-les mitonner à petit feu, liez-les d'un coulis de
veau ou de jambon bien clair. Vous ôtez alors, quand votre pàlé
est cuit, les bardes de lard et les tranches de veau, vous le dégrais-
sez, jetez votre ragoût de truffes dedans et servez chaud ou froid.
FANCHONNETTES.
ssr
Paté de faisan sans truffes. — Troussez proprement le fai-
san et cassez lui les os, piquez-le ensuite de gros lard et de jam-
bon, assaisonnez-le de fines herbes, persil, ciboules et épices,
dressez-le sur une abaisse de pâte ordinaire avec laurier, beurre
frais, bardes de lard et lard pilé; assaisonnez de sel, poivre, fines
herbes et fines épices, couvrez et façonnez proprement votre pâté
et faites cuire deux ou trois heures.
Nota. — N'oubliez jamais d'ajouter le fumet ou lassence
du faisan dans votre pâté , par la cheminée, après qu'il est sorti
du four. (Vuillemot,)
Soufflé de faisans. -^ On procède de la même façon que pour
le soufflé de perdreaux. (Voir cet article.)
FANCHONNETTES, — Entremets de pâtisserie dont nous
empruntons les principales formules à Fauteur des Mémoires de
la marquise de Créquy^ bien sûrs que nous ne trouverions point
ailleurs un gourmet plus familier avec toutes les chatteries du
dernier siècle et toutes les friandises de celui-ci.
Fanchonnettes à la vanille. — Faites infuser une gousse de
bonne vanille dans trois verres de lait, et laissez-la mijoter sur le
coin d'un petit fi>urneau pendant un quart d'heure; passez ce
lait dans le coin d'une serviette, mettez dans une casserole quatre
jaunes d'oeufs, une once de farine tamisée et un grain de sel; ce
mélange étant bien délié, vous y joignez peu à peu l'infusion de
vanille et faites cuire cette crème sur un feu modéré en la
remuant continuellement avec une spatule pour qu'elle ne s'at-
tache pas au fond de la casserole.
Vous faites ensuite un demi-litron de feuilletage et lui don-
nez douze tours, vous l'abaissez de deux petites lignes d'épais-
seur; détaillez cette abaisse avec un coupe-pâte rond de deux
pouces de diamètre ; foncez avec une trentaine de moules à tar-
telettes comme les précédentes, ensuite garnissez légèrement les
tartelettes de crème de vanille; mettez-les au four à un feu
modéré, et lorsqu'elles seront bien ressuyées et que le feuilletage
sera de belle couleur, vous les retirerez du feu et les laisserez
refroidir.
Prenez trois blancs d'œufs bien fermes, mêlez-y quatre onces
de sucre en poudre, remuez bien ce mélange afin d'amollir le
^yg FANCHONNETTES.
blanc d'œuf et qu'il soit plus facile à tra\'aiUer ; garnissez le
milieu des fanchonnettes avec le reste de la crème à la vanille et
masquez légèrement cette crème de blancs d'œufs. Sur chaque
faiichonnette vous placez en couronne sept meringues, que yous
formez avec la pointe du petit couteau en prenant au fur et à
mesure du blanc d'oeuf que vous avez placé sur la lame du grand
couteau : lorsque vous aurez cinq ou six fanchonnettes de per-
lées,*vous les masquerez le plus élégamment possible avec du
sucre en poudre passé au tamis de soie ; puis, à mesure que vous
perlez et glacez votre entremets, vous le mettez au four, à cha-
leur douce ; lorsqu'il est d'un beau meringué rougeàtre, vous le
servez.
Fanchonnettes au lait d'amandes. — Pilez une demi-livre
d'amandes douces émondées et une once d'amères ; lorsque, vous
n'apercevrez plus aucun fragment d'amandes, vous les délayez
dans trois verres de lait presque bouillant ; pressez fortement ce
mélange dans une serviette afin d'exprimer la quintessence du lait
d'amandes. Le reste du procédé est de même que ci-dessus, avec
cette différence cependant que vous employez le lait d'amandes
en place de l'infusion de vanille.
Fanchonnettes au café moka. — Mettez dans un poêlon d'of^
fîce quatre onces de vrai café moka, torréfiez-le sur un feu
• modéré, en le sautant continuellement afin qu'il prenne couleur
égale; lorsqu'il est d'un rouge clair, vous le versez dans trois
verres de lait en ébulition ; couvrez parfaitement l'infusion afin
que Tarome du café ne s'évapore point ; après un quart d'heure
d'infusion vous passez ce liquide à la serviette, puis vous termi-
nez l'opération de la manière accoutumée.
Fanchonnettes au chocolat. — Vous faites l'appareil comme
le premier de ce chapitre, en y joignant quatre onces de chocolat
râpé à la vanille ; vous supprimez deux onces de sucre seulement,
voilà toute la différence.
Fanchonnettes au raisin de Corinthe. — Vous préparez
seulement la moitié de l'appareil ordinaire, puis vous y joignez
trois onces de bon raisin de Corinthe bien lavé; faites cuire
cette crème comme de coutume, et finissez l'opération à l'ordi-
naire.
FANCHONJVETTES.
SS9
Vos fanchonnettes étant perlées et prêtes à mettre au fpur,
vous placez entre chaque petite perle un grain de raisin de
Corinthe (vous en laverez quatre onces, dont trois dans l'appa-
reil, et vous en aurez une once pour perler), ainsi qu'un grain
-sur chaque perle; mettez au four chaleur molle, afin que les me-
ringues sèchent sans prendre couleur. Donnez des soins à cette
•cuisson pour que les perles conservent leur blancheur , ce qui
distingue cet entremets d'une manière toute particulière. •
Fanchonnettes aux pistaches. — Après avoir émondé quatre
-onces de pistaches, vous en choisissez les plus vertes (une once
à peu près), et pilez le reste avec une once de cédrat confît;
lorsqu'il est parfaitement pilé, vous joignez ce mélange dans la
moitié de la crème ordinaire et vous garnissez légèrement vos
fanchonnettes avec le reste de la crème blanche , que vous aurez
faite selon la première recette. Lorsque vos fanchonnettes sont
<:uites et froides, vous les garnissez de ^nouveau avec la crème
<de pistaches, puis vous les meringuez comme de coutume. Après
avoir été masquées de sucre en poudre, vous mettez entre cha-
que perle la moitié d'une pistache conservée, que vous coupez
en travers.
Donnez-leur la même cuisson que ci-dessus, et servez-les
chaudes ou froides.
On ne mettra pas la crème aux pistaches au four, aiin de
Jui conserver la fine saveur des pistaches et surtout leur tendre
«couleur verdâtre ; autrement cette crème^ par l'action de la cha-
leur, perdrait bientôt ces deux avantages.
Fanchonnettes aux avelines, — Après avoir pilé quatre
onces d'avelines émondées, vous les mêlez dans la moitié de
la crème décrite dans le premier paragraphe de cet article, et
vous suivrez l'opération suivant les mêmes procédés,
Fanchonnettes aux abricots, — Foncez vos fanchonnettes
-selon la règle et garnissez-les légèrement de marmelade d'abri-
cots. Lorsqu'elles sont cuites et refroidies, vous les remplissez
<le la même marmelade; vous les finirez ensuite de la manière
accoutumée.
On les fait également de marmelades de pommes, de poires,
<ie pêches, de coings et d'ananas.
56o FARINE.
FAON. — On appelle du même nom le petit de la daine et
de la biche; il reçoit absolument la même préparation que le
daim et le chevreuil; sa longe fait un fort beau rôti.
FARCE. — Chair hachée dont on se sert pour farcir.
FARCE CUITE. — Prenez la quantité de volaille dont
vous croirez avoir besoin, ou du veau faute de volaille; vous le
couperez en dés et vous le mettrez dans une casserole avec un
morce.au de beurre, un peu de fines herbes hachées, telles que
champignons, persil, ciboules; levez-en les chairs, ôtez leurs
nerfs et leur peau, hachez ces chairs et pilez-les bien; mettez
autant de panade que de chair et même de la tétine , afin que le
tout soit par tiers ; ayant pilé le tout à part, repilez ces trois por-
tions réunies; mettez-y des œufs entiers en raison du volume de
votre farce, ayez soin qu'elle ne soit pas trop liquide, assaisonnez-
la de sel, poivre, épices fines et fines herbes, passez au beurre,
faites un essai; arrivée à son degré, finissez-la avec quelque^
blancs d'œufs fouettés et servez-vous-en au besoin.
11 arrive parfois aussi que Ton a besoin de farce maigre,
c'est-à-dire de farcir le poisson; procédez alors selon la recette
suivante.
Farce de poisson. — Habillez et désossez des brochets ,
des carpes, des anguilles et autres poissons ^que vous hache-
rez bien ensemble et bien menu , joignez à ce hachis une
omelette baveuse, des champignons, des truffes, du persil, des
ciboules, une poignée de mie de pain trempée dans du lait, un
peu de beurre et des jaunes d'oeufs; on hache cette adjonction
aussi fine que la première partie, et Ton fait de toutes deux une
farce qu'on assaisonne de sel, de poivre, d'épices; on la fait cuire
pour la servir seule ou pour en farcir sur l'arête des carpes et
des soles; on en fait aussi des andouillettes, on en farcît des
choux, des croquettes et des rissoUes.
FARINE. — Poudre extraite des semences des graminées et
particulièrement du froment. On fait un emploi fréquent de la
farine de froment dans la sauce blanche, dans les roux, et enlîn
dans les préparations alimentaires; ayez la main légère quand
vous vous servez de farine; la farine cuit difficilement et afiàdit
et alourdit vos sauces; il faut donc se servir de la plus belle qua-
FERMENT. ç6i
lité et surtout de celle appelée gruau, pour faire la pâtisserie
• grosse et fine; pour les biscuits, servez- vous de la fécule de
pomme de terre.
Si vous voulez éviter une partie des inconvénients de la
farine, faites-la sécher à un four un peu chaud, jusqu'à ce
qu'elle y ait pris un faible degré de coloration : elle sera excel-
lente alors pour mélanger avec le beurre qu'on ajoute aux sauces
trop claires pour les lier.
FARO. — Petite bière en usage à Bruxelles.
FAUCON. — Oiseau de proie qu'on dressait à la chasse
avant l'invention des armes à feu .
J'ai mangé de la chair d'un faucon rôti. Elle est d'un goût
assez fort mais pas mauvais.
FECULE. — Substance qui est un principe végétal. Com-
posée chimiquement d'hydrogène, d'oxygène et de carbone, elle
est nourrissante et convient aux enfants et aux convalescents. La
fécule sert à lier les sauces. La fécule de pommes de terre est d'un
certain usage dans la pâtisserie.
Les pommes de terre contiennent de la fécule ; elle est pré-
férable à la farine de froment pour les sauces blanches; on peut
en ajouter une certaine quantité dans les sauces qui refusent de
prendre.
FENOUIL. — Plante ombellifère très-aromatique, dont les
graines ont une odeur anisée, surtout dans l'Italie méridionale.
On mange le fenouil comme le céleri ; il n'est pas rare de ren-
contrer les gens du peuple ayant leur botte de fenouil sous
leur bras, et en faisant, avec du pain, leur déjeuner ou leur
dîner.
L'odeur, qui en est agréable d'abord, devient désagréable
par l'abus qu'en font les Napolitains, qui en mettent dans tout.
FENOUILLET. — On appelle ainsi une poire qui se cueille
en novembre et que Ton peut manger fraîche et crue jusqu'en
février. Elle est bonne aussi en confiture.
m
FERMENT. — On appelle ferment la substance qui a la
propriété de faire fermenter : ainsi le levain est du ferment, et si
Ton n'ajoutait pas du ferment à la pâte, on n'obtiendrait qu'un
pain très-indigeste.
36
562 FIGUES.
La levure de bière, le jus de groseilles, la bière qui com-
mence à mousser sont aussi des ferments.
FÈVE. — Les graines de la fève sont assez digestibles tant
qu'elles sont jeunes; mais elles deviennent lourdes lorsqu'elles
approchent de leur maturité et qu'on est obligé de les débarrasser
de leur peau •
Fèves à la crème. — Prenez de petites fèves, ne les dérobez
pas, c'est-à-dire ne leur ôtez pas leur peau ; faites-les blanchir à
l'eau bouillante, jetez-les dans Teau froide, égouttez, passez au
beurre à demi roux avec sel, poivre, persil haché fin et sariette;
ajoutez du bouillon, un morceau de sucre et une pincée de farine
maniée avec du beurre. Quelque temps avant de servir, versez
dans vos fèves un verre de crème et faites jeter seulement un
bouillon; liez avec des jaunes d'œufs.
Petites fèves en macédoine. — Hachez et passez au beurre
ciboules, persil, champignons, échalotes, avec farine, bouillon,
vin blanc, bouquet garni ; faites mijoter, ajoutez des fèves blan-
chies comme ci-dessus, des fonds d'artichauts blanchis et coupés
en cubes, avec sel et poivre. Cuisez, puis ôtez le bouquet et ser-
vez réduit. •
FIGUES. — Malgré la réputation des figues d'Argenteuil,
on ne mange de bonnes figues en France que dans le Midi ; celles
de Marseille ne le cèdent qu'aux figues de Capodimonte et de
Sicile, qui ne le cèdent à aucunes.
Elles se mangent fraîches et séchées.
Le^s personnes qui ont voyagé en Italie savent que la plus
grande injure que Ton puisse faire aux Milanais est de leur mon-
trer le bout du pouce serré entre deux doigts, ce qui s'appelle
faire la figue; cette aversion pour la figue vient d'un fait que
Rabelais rapporte de la façon suivante :
« Les Milanais , s'étant révoltés contre * Frédéric , avaient
chassé de leur ville l'impératrice, son épouse, qu'ils avaient fait
monter sur une vieille mule, le visage tourné vers la queue.
« Frédéric, vainqueur à son tour, après avoir fait les rebelles
prisonniers, imagina de foire placer par le bourreau une figue
sous la queue de cette même mule, et d'exiger que chacun des
vaincus l'en tirât, la présentât au bourreau en disant ; Ecco il
FIGUES D'INDE. 563
fico! puis la remît en place; le tout sous peine d'être pendu.
« Plusieurs aimèrent mieux périr que de se soumettre à une
semblable humiliation, mais la crainte de la mort y détermina le
plus grand nombre. De là la fureur des Milanais quand on leur
fait la figue. »
C'est aussi une ligue qui décida le sénat romain à la des-
truction de Carthage. Toutes les fois que Caton donnait son avis
dans le sénat, il terminait par ces mots :
« Il faut détruire Carthage! [Delenda est Carthago!) »
Dans une séance où Ton délibérait sur la guerre avec cette
puissance, Caton montra à ses collègues une figue :
« Depuis quand, dit-il, croyez-vous que cette figue soit
cueillie? A en juger par sa fraîcheur, il y a peu de temps. Eh
bien! cette figue pendait à Tarbre il n'y a que trois jours, et elle
vient de Carthage. Jugez combien l'ennemi est près de nous ! »
La guerre fut à l'instant décidée.
Thouin, le pépiniériste du jardin des Plantes, avait chargé
' un domestique fort simple de porter à Buffon deux belles figues
de primeur. En route, le domestique se laissa tenter et mangea
un de ces fruits. BufFon, sachant qu'on devait lui en envoyer
- deux, demanda l'autre au valet, qui avoua sa faute.
« Comment donc as-tu fait? » s'écria BufFon.
Le domestique prit la figue qui restait et dit en l'avalant :
« J'ai fait comme cela !... »
FIGUES D'INDE. — Tout touriste ayant voyagé en Sicile
ou en Calabre sera reconnaissant aux figues d'Inde des services
qu'elles lui auront rendus.
La figue d'Inde est le fruit du cactus raquette. Elle est ou
jaune ou rose, elle contient une pulpe glacée quoique exposée au
soleil ; il est vrai qu'elle ^%t abritée par une peau épaisse, qu'il
faut ouvrir avec précaution à cause des épines qu'elle contient.
\Jne fois entrées dans la peau, ces épines se refusent obstinément
à en sortir ; du reste, quelque chaleur qu'il fasse, quelque quan-
tité qu'on en mange, je n'ai jamais entendu dire dans le pays que
l'on ait été indisposé d'une indigestion de figues de barbarie. C'est,
avec le cocomero, le mets éminemment national des Napolitains.
Les Napolitains ont l'habitude de dire, en vantant leur pays,
j64 FOIE.
que pour un liard de cocomero ils mangent, ils boivent et se
débarbouillent.
FILETS. — Les filets, chez les quadrupèdes, sont les par-
ties charnues qui longent l'épine dorsale ; dans l'oie et le canard,
ce sont les aiguillettes que Ton peut découper dans les muscles
des ailes et sur les estomacs; dans les poissons, on nomme filet
toute bande de chair dépourvue d'arêtes. *
FLAN DE CRÈME A LA FRANGIPANE. — Croûte en
pâtes brisées. Garnissez de frangipane à la moelle, faites cuire au
four et glacez-la avec sucre en poudre avant de servir.
Flan de fruits. — Prenez un moule qui n'ait pas plus de
cinq centimètres de hauteur, garnissez avec de la pâte à dresser,
donnez à votre pâte la forme exacte du moule ; mettez dans un
vase des brugnons, des prunes, des abricots dont vous aurez dté
les noyaux; sautez-les dans du sucre en poudre, couchez-les dans
la croûte que vous avez moulée ; arrosez de sirop et faites cuire
à four chaud.
Flan suisse, — Faites bouillir 125 grammes de beurre fin
dans un demi-litre de crème ; faites une pâte à choux à la con-
fection de laquelle vous emploierez de la farine de fécule de
pommes de terre; maniez cette pâte dans une terrine avec sel,
gros poivre, 250 grammes de beurre fondu, gruyère râpé, par-
mesan, et neufchâtel; déliez avec des jaunes d'oeufs crus; fouettez
la moitié de vos blancs d'œufs et incorporez-les dans votre pâte;
vous garnirez celle-ci d'un papier fort et beurré que vous ficel-
lerez ; vous mettrez cuire votre flan dans un four qui ne soit pas
trop chaud, et quand il sera cuit vous le dresserez.
FLÈCHES DE LARD. — Les rôtisseurs et les cuisiniers
appellent flèches de lard les morceaux de graisse ou de panne
que Ton enlève de dessus les côtes des porcs, depuis les épaules
jusqu'aux cuisses. Ils composent beaucoup de ces flèches de lard
pour barder leur viande.
FOIE. — Il n'existe en réalité que trois bonnes manières
d'apprêter le foie de veau : à la broche, à la bourgeoise et à l'ita-
lienne.
Foie de veau rôti. — Qu'il soit gros, gras, blond ; piqué de
gros lardons, assaisonné d'épices, de fines herbes, d'ail.
FOIE. 56^
On peut faire rôtir un foie de veau dans un four de cuisine,
ça se comprend, mais à la broche c'est bien différent; c'est la
question de la livre de beurre à la broche. La grande difficulté,
c'est de faire tenir le foie de veau qui n'a pas de corps sans qu'il
tourne sur la broche.
Faites chauffer sans rougir le fer de la broche au milieu,
• votre foie de veau étant préparé avec bande de lard ficelé ,
poussez-le au milieu, la chaleur du fer le saisit et il se tient
ferme jusqu'à cuisson. (Vuillemot.)
Faites rôtir à petit feu. Servez dans SDn jus dégraissé, en y
ajoutant un jus d'orange amère ou filet de verjus muscat.
Foie de veau à la bourgeoise, — Piquez votre foie de veau
de gros lard assaisonné; foncez une braisière de bardes de lard ;
mcttez-y le foie avec des carottes, un bouquet garni, des oignons,
dont un piqué de clous de girofle, de la muscade râpée, sel et
gros poivre, couvrez avec des bardes de lard, mouillez avec du
bouillon et deux verres de vin rouge; ajoutez des tranches de
citron dont vous aurez enlevé le zeste et les pépins, ou, à défaut
de tranches de citron, du verjus; et faites cuire en mijotant.
Lorsque le foie est cuit, dégraissez la cuisson, faites-la réduire
et servez-vous-en pour mouiller un roux que vous exécuterez à
part, mais pour Dieu ne mettez jamais de cornichons dans un
ragoût de foie de veau.
Foie de veau à Vitalienne. — Coupez par tranches un foie
de veau ; ayez dans une casserole de l'huile fine, du lard fondu,
du vin blanc, persil, ciboules, champignons, sel, gros poivre;
couchez sur ce fond vos tranches de foie, mettez une couche d'as-
saisonnement et continuez en alternant; faites cuire à petit feu,
dégraissez la cuisson, faites-la réduire et servez vos tranches de
fbîe dans.leur sauce; vous pouvez substituer une sauce italienne.
(V. Sauce italienne.)
Gâteau de foies de volailles. — Hachez , pilez foies de
volailles grasses avec 250 grammes de graisse de bœuf, autant de
lard avec champignons, oignons coupés en cubes, passés au
beurre, six œufs dont vous fouettez les blancs, un demi-verre
d^eau-de-vie, sel, poivre, muscade; pilez le tout; garnissez le
fond et les côtés d'une casserole avec des bardes de lard; mettez-
566 FOIE GRAS.
y tout ce hachis avec des trufFes coupées ; couvrez avec des bardes
de lard ; posez la casserole sur un fourneau étoufFé par la cendre,
et recouvrez de braise allumée.
Nous avons recommandé une casserole de terre ou de fer
parce que, pour qu'il ne se déforme pas, il faut que le gâteau
refroidisse dans la casserole. Quand le gâteau est froid, bn trempe
un instant la casserole dans l'eau bouillante, ce qui détache le
contenu du contenant ; et on renverse ce contenu sur un plat.
Foies de lottes. — On en fait des garnitures à la Chaoïbord
et à la Régence. Mets rare et délicat.
Lorsque je voyageais en Russie, je voyais toujours les pêcheurs
jeter loin d'eux avec dédain une espèce d'anguille ou de lam-
proie marbrée de vert et de blanc, appétissante et grasse, ronde
comme une grosse andouille, et qui me paraissait ressembler à
un poisson d'eau douce que j'avais reconnu en France.
Des Russes l'appelaient naïm; enfin, après une foule de
questions risquées, je demeurai convaincu que ce poisson si
méprisé des Russes n'était autre que la lotte, que j'avais si sou-
vent péché avec une fourchette dans les ruisseaux de France. Je
m'emparai d'un des premiers que je vis jeter, j'en demandai le
prix : le pêcheur haussa les épaules.
Je fis cuire une lotte, après l'avoir limonée dans du vin blanc
avec de l'oignon coupé en tranches, du persil, des ciboules,
du basilic, sel, poivre, girofle et un morceau de beurre. Quand
elle fut cuite, je la mangeai dans son court-bouillon réduit avec
des tartines de beurre frais et des fines herbes crues.
Je ne m'étais pas trompé, c'était bien une lotte.
FOIE GRAS. — On sait que le foie gras de Strasbourg est
réputé fournir le roi des pâtés. L'opération par laquelle on
obtient les foies gras consiste principalement à engraisser les
oies de manière â produire chez eux une tuméfaction de cet
organe. Le foie d'une oie soumise au traitement que leur font
subir les engraisseurs de Strasbourg arrive à être jusqu'à dix ou
douze fois plus gros que nature.
Pour en arriver là, on soumet ces animaux à des tourments
inouïs, qui n'ont pas même été déployés sur les premiers chré-
tiens : on leur cloue les pattes sur des planches pour que l'ag-ita-
FOIE GRAS.
567
tion ne nuise pas à Tobésité ; on leur crève les yeux pour que la
vue du monde extérieur ne vienne les distraire; on les bourre
avec des noix sans jamais leur donner à boire, quels que soient
les cris de souffrance que leur arrache la soif.
Aussi le comte de Courchamps, auteur des Mémoires de
if* de Créquy, et l'un des gourmands les plus érudits du com-
mencement de ce siècle, faisant taire les appétences de son esto-
mac sous les cris de sa conscience, présenta, au nom des oies de
Strasbourg, une pétition à la chambre des pairs.
Voici textuellement cette pétition qui, si juste qu'elle pût
être, ne fut, comme il en arrive d'habitude des pétitions justes,
suivie d'aucun résultat :
« Nobles pairs,
« Au mépris des lois de la nature, adoptées par les deux
chambres et garanties par le code de l'humanité, les Strasbourgeois
s'appliquent à nous faire grossir monstrueusement un viscère
composé de deux lobes inertes. C'est aux dépens du cœur, que
nous avons* sensible, de l'estomac, que l'injustice révolte, du pou-
mon, qui nous est essentiel, de la rate, qui ne peut s'épanouir;
enfin, c'est au détriment de l'honneur national que la cruauté
compromet.
u Hélas! qu'avons-nous fait, malheureux oiseaux^ On nous
aveugle, on nous étouffe, on nous torture. Que diriez-vous, nobles
pairs, si l'on vous mangeait, si l'on vous coupait ces ailes avec
lesquelles vous vous envolez si haut, si l'on vous attachait sur les
planches et qu'on vous y clouât les pattes; enfin si l'on vous
arrachait les yeux pour s'attaquer ensuite à votre foie, comme le
vautour de Prométhée?
a Ah Jupiter! diriez-vous alors, quelle injustice! Avons-
nous donc, sans le savoir, dérobé le feu sacré P Et parce qu'on ne
le trouve nulle part, est-ce vraisemblable que ce soit nous qui
l'ayons pris> Nous sommes Françaises, nobles pairs, et nous vous
conjurons de nous faire participer aux douceurs de l'orgueil
national. Nous sommes la fable des oies britanniques, un sujet
de risée pour les dindons de Lincoln; il n'y a pas jusqu'à la
volaille irlandaise qui ne prenne des airs de nous mépriser, et
568 FOIE GRAS.
la moindre cane des Trois-Royaumes est plus fière qu'un aigle
impérial. Nous sommes libres , disent-ils avec emphase, et
jamais les oies n'ont eu besoin de recourir chez nous à la chambre
des lords.
« Ah! l'Angleterre ! s'écrie la moindre volaille qui a l'hon-
neur d'appartenir à cette grande puissance, voilà le vrai pays de
la liberté et de l'égalité. On y prend des hommes qui passent dans
la rue, et, sans leur demander si c'est leur goût ou celui de leur
famille, on en fait des marins et des soldats. Quand ces soldats
ou ces marins ont manqué à leur devoir, on leur donne des coups
de fouet comme à des chiens. Quand un paysan est pris le fusil à
la main sur les terres d'un grand seigneur, on l'envoie aux
galères. Un homme qui vole un pain est pendu. Mais les bœuft,
mais les cochons, mais les veaux, mais tout animal qui se mange
enfin, ou plutôt qui est mangé, a droit à une mort uniforme,
légale, constitutionnelle. Le parlement a prescrit, en 17^6^ com-
ment il fallait tuer les bœufs et les cochons : avec douceur et
célérité. Par un bill postérieur, il est ordonné de transporter
les veaux au marché sur un filet suspendu. Il est interdit de
mettre plusieurs de ces animaux sur la même charrette. Il est
enjoint d'observer que leur position n'y soit pas contrainte et
qu'ils ne soient pas obligés d'avoir la tête pendante, ainsi
qu'on a trop souvent occasion de le remarquer sur le continent.
« Une cuisinière anglaise qui tuerait un canard, une poule
ou même un poulet, se croirait un objet d'opprobre pour Thu-
manité. Aussi l'on vous montre, à la porte des châteaux et dans
la ruelle la plus obscure des villages, une espèce de bourreau,
qui fait l'horrible métier d'étouffer les pigeons et d'égorger les
agneaux. C'est un être infâme, abhorré, semblable aux chirur-
giens de l'ancienne Egypte.
« Voilà ce que les oies prennent la liberté d'affirmer à vos
seigneuries.
Cl Nous vous supplions de proposer une loi qui défende aux
Strasbourgeois de martyriser la volaille et de tourmenter les ani-
maux, à qui, du reste, ils n'ont rien à reprocher. Qu'on leur
prescrive de n'exercer leur industrie que sur la manière de plu-
mer les pauvres oies, sans appliquer leur intelligence à déranger
FONDUE. 569
rharmonie de leurs viscères. Qu'ils prennent exemple sur les
fournisseurs et sur les usuriers, qui plument les poules sans, les
faire crier. Que si, par un abus de la force et par un texte mal
interprété de la Genèse, ils nous ôtent la vie, ils ne puissent du
moins nous ôter la vue, ce qui nous plonge dans une mélancolie
funeste. Enfin, qu'ils nous plument et nous mangent, puisqu'ils
sont pour nous des tyrans féodaux, des chefs saliques, et que dans
les basses-cours il n'y a encore ni charte, ni constitution, ni lois
d'habeas corptrs. C'est un despotisme épouvantable; la plus libre
de nous est à la merci du dernier roquet, et dans toute l'Alsace
il n'existe pas une chambre qui soit seulement comparable à celle
des députés. »
« Puissiez- vous étendre ce bienfait jusqu'aux extrémités de
Tempîre et jusque sur les canards de Toulouse, nos malheureux
cousins. »
Jusqu'à l'invention des plumes de (er par l'Anglais Parry,
ce furent les oies qui eurent le privilège de fournir le précieux
canal par lequel le chef-d'œuvre de l'esprit humain passait du
cerveau sur le papier. Beaucoup de nos grands hommes d'au-
jourd*hui ont refusé de subir la plume de fer et persistent à
employer la plume d'oie. Victor Hugo, par exemple, et Chateau-
briand se sont toujours refusés à l'emploi des plumes de métal qui
Otent à l'écriture son ampleur et toute la fierté de son caractère,
pour la transformer soit en pattes de mouches, soit en bâtons de
maître d'école ou de jeune miss.
Foie de raie. — Le foie de raie n'est pas précisément un
plat, mais une simple s^uce. Après l'avoir fait cuire en même
temps et dans le même court-bouillon que la raie, on en fait avec
ce court-bouillon une purée qui sert à masquer la raie, et qui
porte le nom, dans les dispensaires, de sauce à la noisette; la
la raie sauce noisette est donc tout simplement la raie préparée
avec son propre foie.
FONDUE. — Pesez le nombre d'œufs que vous voudrez
employer d'après le nombre présumé de vos convives.
Vous prendrez ensuite un morceau de bon fromage de
Gruyère pesant le tiers, et un morceau de beurre pesant le
sixième de ce poids.
570 FRAISE DE VEAU.
Vous casserez et battrez bien les œufs dans une casserole;
après quoi vous y mettrez le beurre et le fromage râpé ou
émincé.
Posez la casserole sur un fourneau bien allumé, et tournez
avec une spatule, jusqu'à ce que le mélange soit convenablement
épaissi et mollet; mettez-y un peu ou point de sel, suivant que
le fromage sera plus ou moins vieux, et une forte portion de
poivre, qui est un des caractères positifs de ce mets antique. Ser-
vez sur un plat légèrement échauffé; faites apporter le meilleur
vin, qu'on boira rondement, et on verra merveilles. {Recette de la
fondue^ telle qu'elle a été extraite des papiers de M. Trollet.
bailli de Mondon^ au canton de Berne.)
FOURNITURE. — On désigne sous ce nom les fines herbes
accompagnant les chicorées ou laitues faisant le corps de la
salade. Ces fournitures sont : le cresson alénois, le cerfeuil, les
ciboules, Testragon, la perce-pierre, le baume, quand il est
nouveau, la corne de cerf, la pimprenelle, les capucines fleu-
ries, les fleurs de violette, de bouillon blanc, de bourrache et de
buglosse.
FRAISES. — Fraises des bois, ananas, capron, des quatre-
saisons et de Calabre musquée,
FRAISE DE VEAU. — Ayez une fraise de veau bien blanche
et bien grasse ; faites-la dégorger et blanchir en lui faisant jeter
quelques bouillons. Rafraîchissez-la, faites-la cuire dans un
blanc. (V. Blanc) La cuisson faite, égouttez-la et servez-la
^avec la sauce au pauvre homme.
Sauce au pauvre homme. — Prenez cinq ou six échalotes,
ciselez-les et hachez-les, ajoutez une pincée de persil taillé bien
fin, mettez le tout dans une casserole, soit avec un verre de
bouillon, soit avec du jus ou de Teau en moindre quantité et une
cuillerée à dégraisser de bon vinaigre, du sel et une pincée de
gros poivre; faites bouillir vos échalotes jusqu'à ce qu'elles soient
cuites et servez.
Si vous ne voulez pas \ous donner la peine de faire un blanc
pour cuire votre fraise, contentez-vous de la passer àTeau bouil-
lante pendant dix minutes et ensuite à Teau froide, puis mettez
dans une casserole une cuillerée de farine, un demi-verre de
FRICANDEAU. 571
vinaigre, du sel, du poivre, deux oignons, dont un piqué de deux
clous de girofle, et un bouquet garni.
Fraise de veau à la Brtssac. — La cuisson achevée ainsi
qu'il est dit ci-dessus, coupez-la par morceaux égaux, me'ttez ces
morceaux dans aine italienne bien réduite et bien corsée, et
comme la fraise est fade par elle-même, relevez-la au moment
de la servir d'un )us de citron, d'un peu d'huile et d'âil
râpé.
FRAMBOISES. — Il y en a de deux espèces, les rouges et
les jaunes, les rouges sont plus communes; les amateurs de fram-
boises trouvent aux jaunes, quoiqu'elles aient à peu près le même
goût, un arôme plus fin.
FRANCOLIN. — Oiseau sauvage, mais qui vit en bandes
comme la perdrix. Je ne l'avais jamais rencontré en France,
lorsqu'en arrivant sur les bords de la mer Caspienne je levai
une bande d'oiseaux qui m'étaient inconnus; du premier coup
que je tirai, deux tombèrent; un buisson me déroba le reste.
J'ignorais le nom du gibier que j'avais tué, lorsque j'appris le
soir de M™* de Tatare que c'était un couple de francolins.
Le francolin doit s'apprêter comme la perdrix, comme le
faisan et comme la bartavelle.
FRANGIPANE. — Espèce de crème, garniture fréquente de
pâtisseries.
Ce nom lui vient de son inventeur, don César Frangipani,
qui descendait de ces fameux Frangipani qui étaient toujours
prêts à rompre le pain pour faire l'aumône \frangere panent.
Les restes de leur forteresse, qui était sur la Via-Appia, sont
encore visibles entre le tombeau de Cécilia Métella et le cirque
de Maxence.
FRICANDEAU. — Rouelle ou tranches piquées et glacées;
s'applique surtout à la viande de veau.
Fricandeau à l'ancienne. — Vieux principe qui vaut mieux
que la manière de faire actuellement. La plupart des cuisiniers
mouillent tout bonnement leur fricandeau avec du bouillon , et
allez, ça n'a pas de saveur.
Ce qui faisait dire à Beaumarchais, en un couplet :
^72 FRITURE.
Dans vos restaurants nouveaux,
^ Tous vos plats sont suprêmes^
Et pourtant les fricandeaux
Sont toujours les mêmes.
II y a fricandeau et fricandeau. La préparation suivante
vojis le démontrera.
Extraire la noix d'un cuissot de veau bien blanc, la parer, la
piquer; foncez votre casserole d'une bonne mirepoix, carottes,
gros oignons en rouelles, un bouquet garni; beurrez le fond de
la casserole, ajoutez votre noix de veau, faites-la suer afin que la
partie aqueuse du veau s'évapore, nfiouillez ensuite avec un bol
de consommé qui ne couvre pas le lard. Faites cuire doucement
feu dessous et dessus, et glacez bien votre fricandeau en l'arro-
sant de temps en temps, passez le fond, réduisez pour glacer la
noix de veau et le surplus pour corser soit l'oseille^ là chicorée
qui sert de garniture, et servez. (Vuillemot.)
Fricandeau d'esturgeon^ de brochet ou de saumon. — Cou-
pez des tranches du poisson que vous voulez glacer de la grosseur
de trois centimètres, dépouillez-les, piquez-les de lard, farinez-
les, mettez-les dans une casserole le lard en dessous avec le lard
fondu, colorez et enlevez-les du feu. Hachez des truffes, des '
champignons ou des mousserons ; dressez sur eux vos fricandeaux
dans un plat, arrosez-les du jus de jambon, couvrez-les d'un plat
et laissez cuire à feu doux une heure durant.
FRIRE. — Action de faire cuire de la viande, du poisson
ou des légumes dans du beurre, de l'huile ou du saindoux.
On sait que la cuisson est beaucoup plus rapide dans les
corps gras que dans l'eau ; l'eau en effet ne monte qu'à la cha-
leur de cent degrés, la friture atteint le double. Cette effra/ante
chaleur aurait bientôt desséché les substances que Ton soumet au
corps gras, si avant de les tremper dans la friture on ne les cui-
rassait pas habituellement d'une pâte qui les soustrait en partie
à l'action du calorique.
FRITURE. — Brillât-Savarin pouvait dire du friturier ce
qu'il a dit du rôtisseur : « On devient cuisinier, mais on naît
rôtisseur. »
FRITURE. J7J
Son friturier recevait de lui des instructions à part. Il raconte
lui-même, avec son esprit habituel, l'interrogatoire qu'il fît subir
un jour à maître Laplanche, son cuisinier. Le professeur était
assis dans son grand fauteuil à méditation, quand il fit appeler
devant lui celui à qui il avait à donner des conseils, s'il n'avait
pas à lui faire des reproches.
Le juge gastronome met dans son récit toute la solennité
qu'il mérite. Sa jambe droite était verticalement appuyée survie
parquet, la gauche en s'étendant formait une irréprochable dia-
gonale ; il avait les reins convenablement adossés, et les mains
étaient posées sur les têtes de lions qui terminent les sous-bras
du meuble vénérable sur lequel il donne ses audiences.
Son front élevé indiquait l'amour des études sévères, et sa
bouche le goût des distractions aimables. Son air était recueilli
et sa pose sculpturale et bien équilibrée.
Ainsi établi, le professeur fît appeler son préparateur en chef
et bientôt le serviteur arriva, prêt à recevoir des conseils, des
leçons ou des ordres :
Q4llocution. — « Maître Laplanche, dit le professeur, avec
cet accent grave qui pénètre jusqu'au fond des cœurs, tous ceux
qui s'asseyent à ma table vous proclament potagiste de première
classe, ce qui est fort bien, car le potage est la première conso-
lation de l'estomac besoigneux; mais je vois avec peine que vous
n'êtes encore qu'un friturier incertain.
« Je vous entendis hier gémir sur cette sole triomphale que
vous nous servîtes pâle, mollasse et décolorée. Mon ami Récamier
jeta sur vous un regard désapprobateur; M. Richerand porta à
l'ouest son nez gnomonique, et le président Séguier déplora cet
accident à l'égal d'une calamité publique.
« Ce malheur nous arriva pour avoir négligé la théorie dont
vous ne sentez pas toute l'importance. Vous êtes un peu opi-
niâtre, maître Laplanche, et j'ai de la peine à vous faire conce-
voir que les phénomènes qui se passent dans votre laboratoire ne
sont autre chpse que l'exécution des lois de la nature, et que
certaines choses que vous faites, sans attention et seulement
parce que vous les avez vu faire à d'autres, n'en dérivent pas
moins des plus hautes abstractions de la science. Ecoutez donc
^^4 FRITURE.
avec attention, et instruisez-vous pour n'avoir plus désormais à
rougir de vos œuvres.
Chimie, — « Les liquides que vous exposez à l'action du feu
ne peuvent pas tous se charger d'une égale quantité de chaleur,
la nature les y a disposés inégalement ; c'est un ordre de choses
<iont elle s'est réservé le secret et que nous appelons capacité du
calorique.
« Ainsi, vous pourriez tremper impunément votre doigt dans
Tesprit-de-vin bouillant, vous le retireriez bien vite de leau-de-
vie, plus vite encore si c'était de l'eau, et une immersion, si
rapide qu'elle soit, dans l'huile bouillante, vous ferait une bles-
sure cruelle, car l'huile peut s'échaufler au moins trois fois plus
que l'eau. C'est par une suite de cette disposition que les liquides
chauds agissent d'une manière différente sur les corps sapides qui
y sont plongés. Ceux qui sont traités à Teau se ramollissent, se
dissolvent et se réduisent en bouillie; il en provient du bouillon
ou des extraits. Ceux au contraire qui sont traités à l'huile se
resserrent, se colorent d'une manière plus ou moins foncée et
finissent par se charbonner. Dans le premier cas, Teaù dissont
et entraîne les sucs intérieurs des aliments qui y sont plongés;
dans le second , ' ces sucs sont conservés parce que l'huile ne
peut pas les dissoudre, et si ces corps se dessèchent, c'est que
la continuation de la chaleur finit par en vaporiser les parties
humides.
« Les deux méthodes ont aussi des noms différents; on
appelle frire l'action de faire bouillir dans l'huile ou la graisse
des corps destinés à être mangés. Je crois déjà vous avoir dit que
sous le rapport officinal huile ou graisse sont à peu près syno-
nymes, la graisse n'étant qu'une huile concrète, ou l'huile une
graisse liquide.
Qépplication. — « Les choses frites sont bien reçues dans les
festins, elles y introduisent une variation piquante, elles soi^t
agréables à la vue, conservent leur goût primitif et peuvent se
manger à la main, ce qui plaît toujours aux dames.
« La friture fournit encore aux cuisiniers bien des moyens
pour masquer ce qui a paru la veille et leur donne, au besoin,
des secours pour les cas imprévus, car il ne faut pas plus de temps
FRITURE. 57J
pour fiîre une carpe de quatre livres que pour cuire un œuf à la
coque.
« Tout le mérite d'une bonne friture provient de la surprise ;
c'est ainsi qu' on appelle l'invasion du liquide bouillant qui car-
bonise ou roussit, à l'instant même de l'immersion, la surface
extérieure du corps qui lui est soumis.
(( Au moyen de la surprise» il se forme une espèce de voûte
qui contient l'objet, empêche la graisse de le pénétrer et con-
centre les sucs, qui subissent ainsi une coction intérieure qui
donne à l'aliment tout le goût dont il est susceptible.
« Pour que la surprise ait lieu, il faut que le liquide bouil-
lant ait acquis assez de chaleur pour que son action soit brusque
et instantanée; nnais il n'arrive à ce point qu'après avoir été
exposé assez longtemps à un feu vif et flamboyant.
(( On connaît par le moyen suivant que la friture est chaude
au degré désiré : vous couperez un morceau de pain en forme de
mouillette, et vous le tremperez dans la poêle pendant cinq à six
secondes ; si vous le retirez ferme et coloré , opérez immédiate-
ment l'immersion ; sinon il faut pousser le feu et recommencer
l'essai.
« La surprise une fois opérée , modérez le feu afin que la
coction ne soit pas trop précipitée et que les sucs que vous avez
renfermés subissent, au moyen d'une chaleur prolongée, le chan-
gement qui les unit et en rehausse le goût.
« Vous avez sans doute observé que la surface des objets bien
frits ne peut plus dissoudre ni le sel, ni le sucre, dont ils ont
cependant besoin suivant leur nature diverse. Ainsi vous ne man-
querez pas de réduire ces deux substances en poudre très-fine,
afia qu'elles contractent une grande facilité d'adhérence, et qu'au
moyen du saupoudroir la friture puisse s'en assaisonner par
juxtaposition.
« Je ne vous parle pas du choix des huiles et des graisses ;
les dispensaires divers dont j'ai composé votre bibliothèque vous
ont donné là-dessus des lumières suffisantes.
« Cependant n'oubliez pas, quand il vous arrivera quelques-
unes de ces truites qui dépassent à peine un quart de livre, et qui
proviennent des ruisseaux d'eau vive qui murmurent loin de la
576 FROMAGE.
capitale, n'oubliez pas, dis-;e, de les frire avec ce que vous aurez
de plus fin en huile d'olive. Ce mets si simple, dûment saupoudré
et rehaussé de tranches de citron, est digne d'être offert à une
éminence.
« Traitez de même les épérlans, dont les adeptes font tant
de cas. L'éperlan est le becfigue des eaux : même petitesse,
même parfum, même supériorité.
« Ces deux prescriptions sont encore fondées sur la nature
des choses. L'expérience a appris qu'on ne doit se servir de l'huile
d'olive que pour les opérations qui peuvent s'achever en peu de
temps et qui n'exigent pas une grande chaleur, parce que Tébul-
lition prolongée y développe un goût empyreumatique et dés-
agréable qui provient de quelques parties de parenchyme dont il
est très-difficile de les débarrasser et qui se charbonnent.
« Vous avez essayé mon enfer, et, le premier, vous avez eu
la gloire d'offrir à l'univers étonné un immense turbot frit. Il y
eut ce jour-là grande jubilation parmi les élus,
« Allez ! continuez à soigner .tout ce que vous faites^ et n'ou-
bliez jamais que , du moment où les convives ont mis le pied
dans mon salon, c'est nous qui demeurons chargés du soin de leur
bonheur.
FROMAGE. — Le fromage n'est autre chose que le caillé
du lait séparé du sérum et endurci par une chaleur lente; c'est
la partie du lait la plus grossière et la plus compacte, d'où il est
aisé de conclure qu'il produit un aliment solide, mais difficile à
digérer quand on en mange avec excès.
Ce furent les Romains qui apportèrent dans les Gaules lart
de préparer le fromage; depuis, il a fait son chemin, car il y a
peu de cantons en France qui n'ait son fromage particulier^ et il
y a peu de bonnes tables où on n'en serve sous quelque forme ou
de quelque façon qu'il se présente.
On peut faire le fromage ou avec du lait dont on a aupara-
vant séparé la partie butireuse, ou avec le lait encore chargé de
cette partie. Dans ce dernier cas, le fromage a un bien meilleur
goût à cause de sa partie crémeuse qui est la portion du lait la
plus exaltée et la plus remplie de principe huileux et de sel
volatil. On fait le fromage avec le lait de plusieurs animaux,
FROMAGE. 577
mw celui dont on se sert le plus ordinairement est le lait de
vache, il est d'un goût agréable, nourrit beaucoup, mais se digère
difficilement.
Le fromage, pour être mangé, ne doit être ni trop nouveau,
ni trop vieux; trop nouveau, il est lourd, pèse sur l'estomac et
cause souvent des vents et des diarrhées; trop vieux, il échauffe
par sa grande âcreté, produit un mauvais suc, a une odeur dés-
agréable et rend le ventre paresseux, parce que la fermentation
considérable qu'il a souffert l'a privé des humidités qu'il conte-
jiait et qui a fait perdre à ses principes tout leur premier arran-
gement.
Il existe une quantité considérable de fromages : les plus esti-
més sont : le Brie, le Hollande, le Gruyère, le Livarot, le Marolles,
le Camembert, le Roquefort, le Parmesan; enfin ces délicieux
petits fromages suisses qui sont ^de véritables crèmes et au goût
et à la vue, et que les gourmands trouvent si délectables.
Nous n'indiquerons pas ici toutes les manières de faire les
différents fromages qu'il est du reste plus commode, plus facile et
moins dispendieux de se procurer chez les marchands de fro-
mages. Nous donnerons seulement les recettes de ceux qui se
font journellement à la campagne et dont la préparation est la
plus simple.
Pour faire de bons fromages généralement, il faut avoir du
bon lait et de la bonne présure.
Prenez du lait fraîchement trait, coulez-le, mettez-y de la
présure en remuant le lait avec une grande cuiller, laissez-le
reposée jusqu'à ce qu'il se coagule; une fois réduit en caillé, vous
le tirez du pot et le mettez dans des formes, vous laissez égoutter
le petit lait et vous le dressez proprement sur une assiette.
Fromages communs, — On appelle ainsi ceux qu'on met en
présure après avoir été écrémés; ces fromages se coagulent plus
promptement que les autres, parce qu'il ne sont pas si gras. Vous
les achevez de même que les précédents.
Fromages de garde, — Vous prenez du lait chaud et fraî-
chement tiré, jetez-y de la présure délayée, et quand il est pris,
dressez-le dans ses formes, égouttez-le, salez-le par-dessus et
laissez-le reposer jusqu'au lendemain afin qu'il s'afFermisse.
37
578 FROMENT.
Retournez-le pour le saler de l'autre côté, mettez-le dans
réclisse, laissez-le s'affermir, et mettez-le sécher à l'air jusqu'à
ce qu'on veuille l'affiner.
Fromage affiné. — Le fromage étant assez sec, on le trempe
dans l'eau salée, on l'enveloppe dans des feuilles d'ormes ou d'or*
lies, puis on le met dans quelque vaisseau avec d'autres afin
qu'ils se communiquent leur humidité. Les fromages s'affinent
très-bien ainsi.
FROMENT. — Voici ce que M. Aulagnier dit de cette
plante, la plus commune et la meilleure qui existe :
« Le froment, dont l'origine se perd presque dans celle du
monde, est la plus précieuse de toutes les plantes. Les Égyptiens
mirent au rang des dieux Osiris pour leur avoir enseigné Tagri-
culture, qui a produit les mêmes résultats dans toutes les contrées
de la terre. En Orient, c'est daijs la Babylonie que le blé crois-
sait naturellement, c'est aussi là qu'on croit devoir placer le ber-
ceau de la .civilisation. Aujourd'hui peu de nations se nourrissent
uniquement de fruits, eu égard au grand nombre de celles qui
cultivent les céréales. Les dattes et les figues servent bien encore
r
à la nourriture des Egyptiens, des Persans, mais c'est seulement
chez les pauvres, car le froment forme l'aliment principal. Sa
racine est composée de fibres déliées, sa tige s'élève à la hauteur
de quatre ou cinq pieds et forme des tuyaux plus ou moins gros,
garnis d'espace en espace de nœuds qui lui donnent de la force
et qui soutiennent à leur extrémité des épis longs où naissent des
fleurs composées d'étamines auxquelles succèdent des grains
ovales, mous des deux bouts, convexes d'un côté, sillonnés de
l'autre, de couleur jaune lorsqu'ils sont mûrs, remplis d'une ma-
tière blanche et farineuse composée de gluten et d'amidon, et qui
sert à faire le pain. »
La France est très-fertile en froment de toutes les espèces; la
Beauce, la Brie, l'Ille-et-Vilaine, le Vexin, en produisent surtout
de très-beaux sujets.
Les anciens honoraient l'agriculture par des fStes, mais
aucune n'est comparable à celle qui, depuis un temps immé-
morial, se pratique en Chine tous les ans. L'empereur, enlourè
des princes et des grands de sa cour, ainsi que des laboureurs les
FRUITS. J79
plus recommandables , ouvre et laboure lui-même la terre, et
sème les cinq espèces de grains les plus nécessaires à la \iç qui
sont : le froment, le riz, les fè\es et deux sortes de millet. Cette
fête est célébrée chaque année à Pékin, au retour du printemps,
ainsi que dans tout l'empire; là, la profession de laboureur est
plus honorable que celle de marchand.
FRUITS. — Les fruits forment une grande partie de la
nourriture de l'homme, depuis les temps les plus reculés où il ne
vivait que de racines et de fruits, jusqu'au jourdhui où les fruits
paraissent encore sur toutes les tables.
On les mange frais et crus, cuits ou séchés. Lorsqu'ils sont
bien mûrs, on peut les manger avec sécurité, pourvu qu'on n'en
fasse pas excès et qu'on ne craigne pas qu'ils s'aigrissent dans
l'estomac, disposition qu'on peut affaiblir à un certain degré par
l'addition du sucre et d'aromates toniques. La cuisson les rend de
plus facile digestion sans altérer leurs propriétés laxatives ; par
la dessication, ils deviennent de moins facile digestion, 'mais plus
sucrés et plus nourrissants; aussi les figues desséchées faisaient-
elles autrefois en grande partie l'alimentation des athlètes. .
Les fruits sont alimentaires à différents degrés, suivant la
nature et le nombre des éléments qui les constituent. En général
ceux qui forment la base de l'alimentation chez tous les peuples
civilhés sont les fruits féculents y qui contiennent en proportions
variées du gluten, du sucre, de la fécule, de l'albumine, du muci-
lage, de la résine et du sel ; on peut classer comme les principaux,
le blé, le seigle, l'orge, l'avoine, le riz, le maïs, les haricots, les
pois, les fèves, les lentilles, les châtaignes, etc., il faut pour les
rendre alimentaires les soumettre à différentes préparations qui
sont toutesdu ressort de la cuisine et que nous indiquerons aux
articles concernant ces fruits ou graines.
Puis viennent les fruits mucoso-sucrés, la prune, l'abricot,
le raisin, la figue, la cerise, etc., qui sont beaucoup moins ali-
mentaires que les premiers et qui seuls ne pourraient pas sufiîre
à la nourriture quotidienne de l'homme; on en fait ordinairement
des marmelades, des gelées, des conserves; on les mange aussi
crus, mais il faut qu'ils soient bien frais afin de ne causer aucun
dérangement dans le système organique.
58o FUMET DE PERDRIX.
Nous avons encore les amandes, les noix, le fruit du cocotier,
les noisettes, etc., que Ton appelle fruits oléagino-féculeux ^ qm
sont d'une digestion difficile à cause de Thuile qu'ils contiennent
et qui ne peuvent être mangés qu'en petite quantité.
Enfin, les fruits acides-mucilagineux^ les moins nourrissants
de tous sont encore une grande ressource pendant les grandes
chaleurs de l'été où ils servent à faire des boissons très-rafraî-
chissantes, ainsi que des confitures, des conserves, etc.; les prin-
cipaux sont l'orange, le citron, la groseille.
Les fruits figuraient toujours en grande quantité sur les
tables des anciens ; on rapporte que .l'empereur Claudius Albinus
les aimait tellement qu'il mangea un jour à son déjeuner cinq
cents figues, cent pêches, dix melons, et quantité considérable
de raisins.
De tous les fruits précoces, la fraise des bois est celui qui
paraît le premier; tout le monde sait que c'est la meilleure et la
plus naturelle, et elle tait longtemps l'ornement utile et agréable
des tables. Puis viennent les cerises, dont les plus estimées sont celles
dites de Montmorency, plus tardives que les autres; les groseilles
à grappes, les framboises qui succMcnt aux fraises et qui passent
aussi vite pour faire place aux abricot», aux prunes, aux amandes
vertes, aux melons, aux poires, aux figues, à la pêche de Mon-
treuil, ce fruit si savoureux et si délectable, que tout gourmand
veut manger, et aux raisins de table de Fontainebleau, les meil-
leurs qu'il existe. Puis, enfin, les fruits d'hiver, la poire, la
pomme; les fruits à coquille, les noix, les noisettes, les mar-
rons, etc.
Maintenant que nous avons rendu aux fruits toute la justice
qui leur est due, nous prions nos lecteurs de se reporter pour
les diverses préparations auxquelles on les soumet, aux articles
qui les concernent.
FUMET DE PERDRIX. — Prenez une bouteille de vieux
vin blanc, deux lapins de garenne et deux vieilles perdrix coupés
en quartiers, joignez-y des oignons, des carottes, panais, un pied
de céleri, des champignons, bouquet garni des quatre épices;
mettez en casserole, faites cuire le tout ensemble, écumez, ajoutez
un demi-litre de consommé déjà réduit, laissez mijoter pendant
FUMIGATION. j8i
deux heures, tamisez, dégraissez, remettez-la sur le feu et faites
réduire en glace; ajoutez-y alors un peu d'espagnole, tenez en
réserve et serA'ez-vous-en au besoin pour l'assaisonnement de cer-
tains plats, surtout pour accompagnement d'œufs pochés ou
brouillés.
FUMIGATION. — La fumigation peut être considérée
comme un moyen de conservation des viandes, mais des viandes
fermes seulement.
Pour bien fumer une* viande, il faut une fumée graduée; si
-elle était trop forte en commençant, elle sécherait la viande à
l'extérieur et la rendrait coriace à l'intérieur, aussi faut-il l'em-
ployer faible d'abord et la forcer progressivement afin de bien
saisir le morceau que vous voulez fumer.
Il faut saler la viande d'abord, la faire sécher ensuite, puis
vous la pendez à la cheminée, assez loin du feu pour qu'il ne
puisse l'atteindre et cependant assez près de la fumée pour qu'elle
y pénètre bien ; vous la laissez plus ou moins longtemps suivant
la force de la fumée , le degré de température et la nature de la
viande.
La fumée épaisse et aromatique est celle qu'il faut préférer;
le bois de charme et les branches de chênes garnies de leurs
feuilles sont excellents pour la fumigation, tandis que le pin, le
sapin et tous les arbrisseaux de celte nature communiquent à la
viande un goût résineux fort désagréable; le genièvre aussi pro-
duit une fumée subtile et odoriférante, aussi Temploie-t-on pres-
que toujours.
Vous pouvez terminer la fumigation en brûlant des aromates
tels que le laurier, le romarin, les fèves de café, les clous de giro-
fle, le bois de réglisse, etc.; cela donne à la viande une saveur
particulière et un goût fort agréable.
Voici la manière la plus simple de soumettre diverses sub-
stances à la fumigation.
Bœuf, — Les côtes et la poitrine sont les morceaux qu'il
faut choisir de préférence; vous pjongcz le morceau que vous
avez choisi dans l'eau bouillante, à plusieurs reprises, et vous
le retirez promptement, puis vous le frottez avec un mélange
de sel et d'un peu de salpêtre, vous le laissez sécher et l'exposez
583 FUMlGATiON.
pendant un mois ou six semaines à la fumée d'un feu étouffi;.
Porc. — Vous exposez les jambons que vous voulez fumer
huit jours à l'air, vous les laissez une dizaine de jours dans la
saumure et vous les plongez dans une infusion de genièvre pilé
dans î'eau-de-vie, et vous les fumez avec des branches de geniè-
vre. Ayez soin de suspendre alternativement les jambons et les
saucisses que vous fumez par chaque bout, afin que les sucs qu'ils
contiennent ne s'écoulent pas et se maintiennent en équilibre.
Poissons. — On les sale, on les embroche et on les eipose
à la fumée du genièvre ou des feuilles de chêne, on tient les gros
entrouverts au moyen de petites traverses, et on entoure de papier
ou de toile ceux qui ont la chair délicate. On fume les harengs
vingt-quatre heures, les saumons trois semaines; les brochets et
les anguilles quatre jours au plus.
G
GALANTINE. — La galantine est un composé de plusieurs
viandes fines réunies par tranches ou par couches et cuites
ensemble.
Galantine de poularde ou de chapon. — Prenez deux pou-
lardes, désossez-les, ôtez-en proprement les peaux sans les
décharner, faites une farce avec la chair, un peu de lard, une
tétine de veau, quelques champignons et truffes, un peu de mie
de pain trempée dans la crème, et trois ou quatre jaunes d'œufs
crus avec fines herbes, fines .épices, un peu de persil et de
ciboules, poivre et sel, le tout haché et pilé dans un mortier.
Etendez ensuite la peau de vos poulardes et arrangez la
farce dessus, sur cette farce, vous étendez une première couche
de lardons bien blancs, et bien assaisonnés, puis sur cette couche
une autre de jambon cru, ensuite un autre rang de lardons,
puis un rang de pistaches bien vertes, encore un rang de lardons
et continuez ainsi jusqu'à la. fin. Enveloppez le tout dans les
peaux en les roulant, pliez-les dans un linge et ficelez-les. Gar-
nissez ensuite le fond d'une marmite de bardes de lard et de
tranches de bœuf battu avec fines herbes, fines épices, sel, poivre^
oignons, panais et carottes, mettez-y vos deux poulardes, assai-
sonnez et garnissez dessus comme dessous et faites cuire à petit
feu dessus et dessous.
Quand tout est cuit, égouttez-le bien, ôtez la ficelle et le linge
qui les enveloppe, coupez-les par tranches,garnissez-en le fond
]
584 • GALETTE.
d'un plat.et jetez par-dessus un ragoût de truffes vertes de façon
que les truffes se trouvent seulement dans les intervalles et
qu'elles ne couvrent pas la galantine, et servez chaudement.
Galantine d'une tête de veau. — Echaudez bien la tête de
veau, levez-en la peau, remplissez-la d'une farce de poularde et
garnissez-la de lardons, de lard, de jambon et de pistaches comme
les poulardes en galantine, c'est-à-dire en alternant toujours les
couches ; faites-la cuire à la braise roulée, ficelée et pliée dans
un linge comme il est dit plus haut, puis vous la coupez par
tranches et la servez avec le même ragoût que les poulardes.
Galantine de dinde. — Vous coupez les pattes et le cou de la
dinde, vous lui rentrez les cuisses en dedans, et lui désossez les
ailes sans les détacher, vous fendez aussi votre dinde par le dos
pour la désosser sans endommager sa peau, vous enlevez les chairs
de Testomac et les gros morceaux des cuissses, vous les piquez de
lard fin, et assaisonnez de sel^ poivre et épices. Vous faites une
farce avec un morceau de maigre de veau et autant de gras de
lard hachés bien fin, assaisonnez fortement de sel, poivre et
épices; vous étendez sur la peau de votre dinde une première
couphe de cette farce, puis une seconde avec des lardons, conti-
nuez alternativement et finissez comme il est indiqué à larticle
Galantine de dindon (v. dindon).
Galantine de poulets. — La galantine de poulets se fait delà
même façon que celle ci-dessus.
GALETTE. — Espèce de gâteau plat cuit au four, illustrée
par Paul de Kock qui en tait manger aux grisettes parisiennes
dans tous ses romans. On en fait de différentes manières.
Galette commune. — Pétrissez deux litrons de belle farine
avec trois quarterons de beurre frais et quantité suffisante d'eau
et de sel, pétrissez-la ferme et ajoutez de l'eau en la pétrissant
toujours jusqu'à ce qu'elle soit molasse, mettez-la alors en
boucle, aplatissez-la avec le rouleau, en ayant soin de la pou-
drer de farine afin qu'elle ne s'attache pas, dorez et mettez cuire
au four.
Galette feuilletée. — Si vous voulez que votre galette soit
feuilletée, après avoir fait la pâte comme la précédente, et bien
maniée en l'aplatissant avec le rouleau, vous la pliez en quatre,
GARBURE. 585
Taplatissez encore et la pliez de la même façon, faites cela trois
ou quatre fois, formez votre galette et mettez-la au four.
Galette aux œufs, — Après avoir préparé votre pâte comme
il est indiqué ci-dessus, et ajouté le beurre et le sel, vous y cassez
des œufs en quantité suffisante, vous détrempez et battez bien le
tout ensemble, et votre galette étant achevée vous la finissez
comme les autres en la mettant au four.
Galette galeuse. — Préparez la pâte comme pour les précé-
dentes ; toutefois, avant de la pétrir, vous y ajoutez de l'eau, du
beurre et du fromage de Gruyère bien affiné et coupé par petits
morceaux. Cette pâte étant faite, vous retendez sur la table en
la saupoudrant de farine pour qu'elle ne s*y attache pas, vous
formez votre galette, vous la garnissez par-dessus de morceaux
de fromage éparpillés et la faites cuire pendant trois quarts
d'heure.
GALIMAFRÉ. — On donne ce nom à un ragoût composé
de restes de viandes dépecées par morceaux que l'on fait cuire
dans une casserole avec eau, sel, poivre quand c'est de la viande
blanche; et si c'est de la viande noire, on y ajoute un filet de
vinaigre ou un peu de vin et une pointe d'échalote, de rocambole
ou d'ail, suivant le goût.
GARBURE. — On donne ce nom à un potage gascon à
fond gratiné.
Garbure aux oignons. — Vous couperez en deux une qua-
tantaine d'oignons et vous couperez chaque moitié en cinq ou six
parties que vous mettrez en forme de dèmi-cercle, puis vous
prendrez 250 grammes de beurre et vous ferez frire vos oignons
dedans jusqu'à ce qu'ils soient bien blonds, alors vous faites un
-lit de tranches de pain coupées très-minces, puis un lit d'oignons,
vous mettez sur chaque lit un peu de gros poivre jusqu'à ce que
votre plat soit complètement plein, vous arrosez le tout avec du
bon bouillon et faites mijoter jusqu'à ce que ça forme gratin
sans brûler, puis vous verserez votre garbure avec une jatte
pleine de bouillon à côté.
Garbure à la béarnaise. — Prenez quatre choux de moyenne
grosseur et douze laitues pommées; émincez-les, ciselez un mor-
ceau de petit lard jusqu'à la couenne, sans couper celle-ci, et
ç86 GAABURE.
mettez-le, ainsi que les choux et les laitues^ dans une braisière,
avec un saucisson sans ail, deux cuisses d*oies maxinées et un
combien de jambon dessalé. Faites cuire et mouillez le tout
avec du bon bouillon non salé, ajoutez oignons, clous de
girofle, racines, persil. Après la cuisson, égouttez vos légumes et
vos viandes, tamisez le fond, dégraissez-le, clarifiez-le ; coupez
en tranches la mie d'un pain de seigle, dressez en couronne vos
choux, vos laitues, le petit lard et la mie de pain de seigle
que vous aurez trempée dans votre dégraissis, sur un plat creux
qui puisse aller sur le feu, mettez dans le puits de cette garbure
une purée de pois verts, mettez autour du plat votre saucisson
coupé par tranches, au milieu votre combien de jambon avec vos
cuisses d*oie, gratinez sur un fourneau doux et servez avec votre
fonds clarifié et bouillant.
Garbure au hameau de Chantilly. (Recette du Vieux Cuisi-
nier royal.) — Vous mettrez dans une moyenne marmite trois
livres de tranches, un jarret de veau entier, deux perdrix et deux
pigeons de volière; vous aurez grand soin que vos viandes soient
bien ficelées pour qu*elles restent bien entières, vous remplirez
votre marmite de bon bouillon ou consommé, vous ferez écumer
votre marmite, ensuite vous la garnirez de légumes, comme
carottes, navets, oignons, poireaux, deux pieds de céleri, deux
clous de girofle. Quand vos viandes seront bien cuites, au moment
de servir, vous les dresserez sur un grand plat creux, vous mettrez
àFentour de vos viandes, des carottes, des navets, des oignons, des
poireaux par compartiments, c'est-à-dire que vos légumes ne soient
pas pêle-mêle; les carottes ensemble, les navets de même et
ainsi des autres ; vous tournerez 40 ou 50 carottes en ronds de
deux pouces de long, un peu grosses et toutes de la même lon-
gueur et de la même grosseur, autant d'oignons, de navets, de
poireaux moyens, de même grosseur et bien épluchés, c'est-à-
dire que, quand ils seront cuits, ils puissent se conserver bien
entiers; vous les faites cuire après dans un bouillon qui n'est pas
celui de votre marmite, vous ajoutez dedans, carottes, navets,
oignons età chacune des cuissons un petit morceau de sucre pour
en tempérer l'acreté ; vos légumes cuits, vous les mettez à l'en-
tour de vos viandes ; à côté^ vous servirez une jatte de bouillon
GARBURE. 587
que vous aurez passe a travers une serviette fine ou un tamis de
soie afin que votre bouillon soit bien clair. Avec ce .potage, il ne
faut pas de pain et on ne sert pas le morceau de bœuf.
Garbure â la Villerojr. — : Coupez et concassez vingt carottes,
vingt navets, douze oignons, six pieds de céleri, douze poireaux,
six laitues, une poignée de cerfeuil, puis passez vos carottes dans
du beurre; joignez-y vos poireaux, vos oignons, faites revenir et
mettez-y aussi vos herbes, que vous remuez avec tous ces légumes ;
quand elles sont fondues; vous mouillez le tout avec du bouillon,
et vous laissez bouillir vos légumes jusqu'à ce qu'ils soient cuits,
vous y ajoutez un peu de sucre, puis vous faites une couche de
pain, une couche de légumes; sur chacun vous mettez un peu de
gros poivre jusqu'à ce que votre plat soit plein, vous le mouillez
avec le bouillon de vos racines sans le dégraisser et vous laissez
mijoter jusqu'à ce qu'il soit gratiné.
Garbure à la Polignac. — Prenez trente ou quarante mar-
rons, ôtez l'écorce et mettez-les dans l'eau, retirez-les pour voir
si la peau se lève,^ épluchez-les de manière qu'il ne reste aucune
peau, mettez au fond d'une casserole des bardes de lard, des
tranchas de veau, du laurier, des clous de girofle, des carottes,
des oignons, un bouquet de feuilles vertes de céleri, puis les
marrons; assaisonnez de gros poivre, recouvrez le tout de bardes
de lard, mouillez avec du bouillon, laissez mijoter une heure
environ, jusqu'à ce qu'ils soient cuits; égouttez-les, coupez-les
•en deux, mettez dans votre plat un lit de marrons, un lit de pain,
jusqu'à ce que votre plat soit comblé; vous formez des cordons
de marrons sur votre garbure, passez le bouillon qui a servi à la
cuisson; arrosez-en la garbure et laissez-la bouillir jusqu'à ce
qu'elle soit gratinée.
Garbure aux laitues. — Faites blanchir une trentaine de
laitues entières; laissez refroidir, pressez, ficelez; mettez dans
une casserole tranches de veau, bardes de lard, puis vos laitues,
recouvertes de lard avec oignons, carottes, clous de girofle;
mouillez de bouillon, laissez mijoter une heure et demie, égout-
tez, coupez en tranches ; mettez une couche de pain émincé dans
votre plat, , une couche de laitues, j usqu'à ce qu'il soit rempli,
jetez dessus du bouillon de vos laitues sans le dégraisser, mais
L^
588 GARENNE.
0
après l'avoir tamisé; mettez votre plat sur le feu et laissez mijoter
jusqu'à couleur de gratin blond et servez en ajoutant un peu de
gros poivre.
GARDE-MANGER. — Espèce de cage à claires-voies ou
en toile, oi\ Ton conserve les viandes fraîches et les dessertes
exposées à un courant d'air; c'est l'appendice indispensable de
toute maison éloignée de la ville, ou même située dans une ville
où Ton ne peut pas s'approvisionner tous les jours, il doit être
exposé au nord ou à Test, et pendant huit mois de l'année où
les gelées ne sont pas à craindre, mieux vaut pour le garde-
manger être fermé par une toile métallique assez serrée pour que
les mouches ne puissent le traverser, que par toute autre cloison.
Pendant les quatre autres mois, grâce à la rigidité du temps, les
provisions se conserveront fraîches.
Le beurre est la substance qui s'altère le plus facilement au
contact de l'air; il faut le déposer dans un vase de grès à large
ouverture, dans des feuilles de poirée ou de betteraves, ne pas
se servir de feuilles de choux surtout, le chou communiquant son
odeur.
Il ne faut pas, l'été, introduire des poissons de meii dans
le garde-manger; la précaution, si on y en mettait, serait de
les faire cuire aux trois quarts et de n'achever la cuisson qu'au
moment de servir ; dans tous les cas, recommandez pour le
transport de les envelopper de feuilles dorties.
GARDON. — Petit poisson d'eau douce qu'on met au rang*
des poissons blancs; il se pèche comme le goujon, et s'apprête en
cuisine comme la carpe. (V. Carpe.)
GARENNE. — On entend par garenne un petit bois
taillis jeté au milieu d'une plaine ou sur le penchant d'une mon-
tagne où se réfugient les lapins à demeure fixe, ou les perdreaux
à titre de refuge momentané.
Les lapins de garenne sont ordinairement les meilleurs, sur-
tout si la garenne est exposée au levant ou au midi, parce que
le lapin, qui aime la chaleur et le soleil, hésite à se terrer au
nord; si la garenne appartient à un amateur de chasse, il doit la
planter de pruniers sauvages, de fraisiers, de mûriers, de genêts,
de groseilliers, de romarins et surtout de genévriers, les per-
GARENNE. 589
dreaux et les grives étant très-friands des fruits de ces arbris-
seaux; il ne faut s'occuper pour le lapin ni d^eau ni de logement,
le lapin fait sa maison lui-même, exècre Teau ; on peuple une
garenne en y mettant une douzaine de femelles pleines, au bout
de la première année il y aura cinq cents lapins, au bout de la
deuxième quatre ou cinq mille.
Je me rappellerai toujours, sous ce rapport, une garenne
modèle où j'ai fait mes premières armes avec un des meilleurs
hommes et des plus originaux chasseurs que j'aie jamais vus.
Il se nommait Tabbé Fortier, était vicaire et instituteur au
village de Béthisy, près Compiègne ; je l'appelais mon oncle, je
ne sais pourquoi ; souvent le dimanche ou plutôt le samedi il me
disait :
« Lève-toi demain de bonne heure, nous irons déjeuner
chez M. de Cambronne. »
Je savais ce que cela voulait dire, et à sept heures du matin
je me tenais prêt à accompagner l'abbé Fortier ; à huit heures
nous étions arrivés.
Alors labbé Fortier laissait retomber sa soutane, déposait
son fu?il dans la sacristie, y enfermait Finot et venait dire la
messe devant les illustres propriétaires du château de la Croix.
C'était moi qui avais l'honneur de servir cette messe.
Or l'église était appuyée à la colline sur laquelle s'étendait
la garenne, que nous pouvions appeler notre garde-manger,
l'abbé Fortier n'en sortant jamais que la carnassière pleine.
Un matin que l'abbé disait la messe, il s'interrompit tout à
coup, des aboiements furieux venaient du côté de la garenne.
(t Est-ce que ce n'est pas la voix de Finot que j'entends? me
demanda l'abbé.
— Si fait, mon oncle.
— Eh bien! comment s'est-il sauvé de la sacristie?
— Quelqu'un y sera entré et aura laissé la porte ouverte.
— Les imbéciles, dit-il, c'est un lapin qu'il chasse.
— Oui, mon oncle.
— Eh bien, si j'ai un conseil à lui donner, c'est de se taire
et bien vite, ou sans cela il est... flambé. »
Mon oncle se servit d'un mot plus expressif qui lui fut sans
590 GARENNE-
doute pardonné à cause de son intimité grande avec les puis-
sances célestes.
Mais c'était le jour d'ouverture qu'il fallait entendre l'abbé
Portier; dès la veille, à la messe basse, il avait adressé ce petit
discours à ses paroissiens :
(( Mes bons amis, vous savez que ma seule distraction au
milieu de vous autres imbéciles, c'^t la chasse; or si demain je
vous disais vos deux messes à l'heure ordinaire, c'est-à-dire la
première à huit heures du matin et la seconde à dix, quand je
me mettrais en chasse vers onze heures et demie ou midi, je trou-
verais le terroir complètement brûlé, attendu que vous êtes tous
des braconniers et des vagabonds ; je vous dirai donc votre pre-
mière messe à six heures du matin, et je vous invite tous à y
assister; je reconnaîtrai ceux qui n'y seront pas et ils auront
affairé à moi, donc à demain six heures du matin. »
A cinq heures et demie l'abbé Portier faisait sonner sa
messe, et la messe était à moitié dite quand à six heures les
paroissiens arrivaient; à six heures un quart, la basse messe
était dite.
Les paroissiens faisaient un mouvement pour s'en aller.
— Ta, ta, ta, disait Tabbé Portier, je vous vois venir, ou
plutôt je vous vois en aller; puisque je vous tiens, c'est pas la
peine de vous faire revenir à dix heures, je vais vous dire ma
grand'messe tout de suite.
Et l'abbé disait sa grand'messe en trois quarts d'heure.
La grand'messe dite, chacun s'apprêtait à partir.
« Ah çk! disait l'abbé, n'allez pas vous figurer que je
vais quitter la chasse au plus beau moment, c'est-à-dire à deux
heures de l'après-midi, pas si bête, nous allons en finir avec
vêpres comme nous en avons fini avec la messe basse et la
grand'messe; c'est l'a^ire d'un quart d'heure; soyez tran-
quilles. »
Et l'abbé disait en effet ses vêpres, de sorte qu'à sept heures
et demie, heure excellente pour se mettre en chasse, il avait dit
sa messe basse, sa grand'messe et ses vêpres.
Pauvre abbé. Dieu fasse paix à son âme, jamais créature
humaine n'a été meilleur homme et plus mauvais prêtre.
GARNITURE. 591
Il mourut à quatre-vingt-dix ans, et nul dans le village n'a
oublié son dernier sermon.
« Je vais vous quitter, mes enfants, dit-il; bétes, le bon
Dieu vous a donnés à moi, bêtes je vous rendrai à lui ; il n'aura
pas de reproches à me faire. »
Ce furent ses dernières paroles à ses ouailles.
GARNITURE. — Cela se dit de toute substance accompa-
gnant et garnissant un plat.
Garniture de bouilli à la bourgeoise^ — Faites blanchir et
cuire des choux comme pour le potage, faites blanchir une dizaine
de carottes, après les avoir tournées; mettez-les dans une casse-
role avec cinq ou six cuillerées de sauce brune, avec autant de
consommé ; faites cuire à petit feu, ajoutez quelques navets que
vous aurez tournés comme vos carottes; après avoir fait blanchir
du petit lard, vous le mettrez cuire avec les choux; saucez votre
pièce de bœuf avec la sauce dans laquelle vous avez fait cuire
vos légumes; versez-la dessus si elle n'est pas en glace; vous
pouvez ajouter des oignons glacés, si vous les aimez.
Garniture de tomates, — Coupez-en deux, à Tendroitde leur
plus grande rotondité, pressez-en le jus, les pépins et les mor-
ceaux du côté de la fleur, en faisant attention de ne pas les écra-
ser; on les place couchées à côté Tune de l'autre, on les garnit
de champignons hachés, d'échalotes, de persil, d ail, de chair de
jambon ; on fait cuire le tout en y ajoutant une couche de mie de
pain, de jaunes d'oeufs, sel et muscade, un peu de beurre de
piments et d'anchois, pilez le tout ensemble en y versant peu à
peu de l'huile ; passez la farce à travers un tamis à quenelles et
garnissez-en les tomates, passez-les avec de la mie de pain et un
peu de parmesan, arrosez-Jes avec de l'huile, et faites cuire à
four chaud.
Garniture de raifort, — Ayez du raifort, enlevez-en la peau,
râpez après l'avoir lavée à plusieurs eaux, et placez-la autour
des bouillis ou des rôtis.
Garniture à la flamande. — Tournez une trentaine de
carottes et de navets, faites-le§ cuire et blanchir dans un con-
sommé avec une cuillerée à soupe de sucre, ayez trente laitues
braisées, ainsi que trois cœurs de gros choux ; égouttez, pressez.
593 GATEAU.
tranchez et dressez-les autour de votre plat en couronne, en met-
tant un navet et une carotte entre chaque laitue ; au milieu du
plat resté libre, posez la viande que vous aurez préparée, rangez
trente oignons glacés sur le rebord des carottes et des laitues,
quand votre relevé ou entrée est dressé, masquez-le avec une
sauce bien réduite à la glace, allongez d'espagnole.
GATEAU. — Sorte de pâtisserie, presque toujours de forme
ronde, faite ordinairement avec de la farine, des œufs et du
beurre; on en fait aussi avec du riz. Leur nom leur vient sans
doute de la prodigalité avec laquelle on gâte les enfants en leur
distribuant des gâteaux comme récompense ou encouragement
gastronomique.
Le plus renommé de tous les gâteaux est le gâteau des Rois,
espèce de galette dans laquelle on met une fève ; cette ancienne
et patriarcale coutume est devenue universelle, et il y a peu de
familles qui ne choisissent le jour de l'Epiphanie pour se réunir
et tirer les Rois.
Dans certaines provinces, on fait toujours, outre les parts
destinées aux personnes présentes, la part du bon Dieu qui appar-
tient au premier mendiant qui passe, et qui par cori^équent
devient la part de l'indigence.
On sait que c'est toujours la personne la plus jeune de la
société qui est chargée de tirer et de distribuer les parts du
gâteau ; ce fut pour Barjac, valet de chambre du cardinal de
Fleury, l'occasion d'une spirituelle flatterie.
Un jour des Rois, il trouva moyen de réunir à la table de
son maître douze convives d'un âge si avancé que son Eminence,
qui cependant était âgée de plus de quatre-vingt-dix ans, se trou-
vant la personne la plus jeune, dut remplir les fonctions ordinai-
rement attribuées à l'enfance, ce qui la surprit' fort agréablement.
Voici maintenant quelques recettes :
Gâteau de carottes, — Prenez douze grosses carottes bien
rouges, ratissez-les, lavez-les, faites les cuire dans une marmite
avec de l'eau et du sel, supprimez-en les cœurs, égouttez-les,
passez-les à Tétamine, mettez-les dans une casserole et faites-les
dessécher sur le feu, comme une pâte royale; faites une crème
pâtissière de la valeur d'un demi-setier de lait, forcez-la un peu
GATEAU.
593
en farine, et^ la cuisson faite, incorporez-y votre purée de
carottes, une pincée de fleur d orange pralinée et hachée, trois
quarterons de sucre en poudre, quatre œufs entiers que vous
mettez l'un après Tautre, six jaunes d'œufs dont vous réservez
les blancs et un quarteron de beurre fondu; mêlez bien le tout,
fouettez vos blancs, mettez-les dans la composition, préparez une
casserole en la beurrant et la mettant sens dessus dessous, afin de
bien Tégoutter, saupoudrez-la de mie de pain , versez-y votre
gâteau, mettez-le cuire au four, dressez-le et servez chaud ou
froid.
Gâteau au ri{, — Vous faites cuire 150 grammes de riz
comme pour faire un potage au blanc; quand il est cuit et bien
épais, mettez-le dans une pâte brisée faite avec un litron de
farine, trois quarterons de beurre, quatre blancs d'œufs, un peu
de sel, ce qu'il en faut pour un gâteau ordinaire; mettez la pâte
et le riz dans un mortier, pilez le tout ensemble, dressez ensuite
votre gâteau à l'ordinaire, dorez-le, faites-le cuire au four sur
une feuille de papier beurré et servez chaud.
Le gâteau de vermicelle se fait la même chose.
• Gâteau de pistaches. — Pilez ensemble 180 grammes de
pistaches, 60 grammes d'amandes douces pelées, une côte de
citron vert confît, ajoutez-y deux blancs d'œufs, passez cette
composition au tamis, mettez autant de sucre en poudre que de
pâte, mêlez bien le tout ensemble; fouettez ensuite huit autres
blancs que vous délayerez bien avec quatre jaunes; mêlez bien
le tout, passez à travers un tamis, et mettez la pâte dans un moule
en papier beurré, faites cuire deux heures au four avec plus de
chaleur dessous que dessus, retirez-le du four, ôtez le papier et
servçz-le glacé pour entremets.
Gâteau de mille feuilles. — Faites un feuilletage brisé,
coupez-le en cinq parties dont une plus forte du double que les
autres, abaissez les quatre autres à Tépaisseur d'une pièce de
cinq francs, faites-en le corps du gâteau et servez-vous de la
cinquième pour en former le dessus, dorez-les et faites cuire au
four, glacez le couvercle si vous voulez, puis mettez sur chaque
plaque la confiture qu'il vous plaira, mettez-les unes sur les
autres après les avoir couvertes avec la confiture qui doit êtrediffé-
38
J94 GATEAU.
rente sur chaque plaque, posez sur la dernière plaque le cou-
vercle et coupez-le sur le modèle des huit pans de dessous, dorez
et faites des dessins avec des confitures différentes et servez sur
une serviette comme grosse pièce d entremets.
Gâteau à la Madeleine. — Cassez dix œufs dont vous sépa-
rez les blancs et les jaunes; battez les jaunes avec trois quarte-
rons de sucre en poudre, une pincée de citron vert haché et
un peu de sel fin, ajoutez-y une demi-livre de farine fine et
mêlez bien le tout; incorporez dans cette composition un bon
morceau de beurre fin clarifié ; ajoutez-y six blancs d'oeufs bien
fouettés et finissez votre pâte ; beurrez ensuite de petits moules
à la Madeleine, remplissez-les de cette pâte et faites-les cuire à
un four doux et servez.
Vous pouvez remplacer les moules par une grande caisse de
papier beurré, dans laquelle vous mettez la pâte ; vous faites
cuire et coupez ensuite le gâteau en losanges ou comme il vous
plaira.
Gâteau à la reine, — Emondez et pilez une livre d'amandes
douces, ajoutez y une livre de sucre et quatre blancs d*œufs que
vous mêlez au fur et à mesure, vous faites vos gâteaux avec cette
composition bien préparée, et vous les décorez de plusieurs
manières ; vous les posez sur un plafond et les faites cuire à un
four doux, masquez les comme des génoises et servez.
Gâteau d'amandes. — Faites une pâte à l'ordinaire avec du
beurre et deux ou trois jaunes d*œufs, et de la farine, bien
entendu; ajoutez du sucre, 125 grammes d'amandes pilées bien
menu, une bonne pincée de sel et un peu d'eau de fleur d'orange.
Maniez et mêlez bien le tout ensemble, faites-en une pâte con-
sistante, étendez-la avec un rouleau sur un papier beurré, dorez-
le et mettez cuire au four.
Gâteau de Pithiviers. — Préparez vos amandes comme pour
le gâteau ci-dessus, ajoutez-y 250 grammes de sucre en poudre,
un peu de zeste de citron haché et une demi-livre de bon beurre
fin; mêlez-y au fur et à mesure six œufs, et finissez comme le
gâteau d'amandes.
Petits gâteaux polonais, — Prenez du feuilletage suivant
la quantité de petits gâteaux que vous voulez faire et donnez -lui
GATEAU. 595
un tour ou deux de plus, abaissez-le à environ trois lignes
d'épaisseur, coupez cette abaisse par petits carrés, mouillez-les
dessus légèrement et ramenez-en les quatre coins au centre,
posez-les sur une plaque, dorez-les et mettez-les au four; leur
cuisson presque faite, saupoudrez-les de sucre fin, glacez-les au
four afin qu'ils soient de belle couleur. Mettez au milieu de
chacun d'eux une cerise ou un grain de verjus, dressez et servez
comme petits entremets ou en gros buisson.
Gâteaux de puits d'amour» — Faites un feuilletage que vous
étendez de l'épaisseur de deux lignes, couvrez-le d'un plat de
la grandeur que vous voulez donner à votre gâteau, coupez la
pâte tout autour, mettez cette abaisse sur un plafond; prenez un
autre plat plus petit, refaites une autre abaisse, coupez-la dans
le milieu, et enlevez-en une pièce de six pouces en rondeur,
mettez le collier sur la première abaisse^ faites avec le même
feuilletage quatre autres parties dont vous enlevez toujours le
milieu et dont vous mettez les colliers sur la première abaisse ,
de façon à former un puits ; vous dorez ce puits, et vous le
mettez au four. Sa cuisson presque faite, vous le saupoudez de
sucre fin, vous le glacez, vous en videz Tintérieur par la partie
carrée qui forme trou; vous remplissez cet intérieur de confi-
tures, et vous servez en entourant, si vous voulez, votre gâteau
d'un cordon de choux à la crème, attachés ensemble de façon à
former la chaîne.
Gâteaux en losange. — Abaissez du feuilletage et coupez-le
par bandes dont vous faites ensuite des losanges. Vous les posez
sur un plafond ou une feuille d'office, vous les dorez et les mettez
au four; leur cuisson faite, glacez-les et servez.
Gâteau au lard. — Faites une pâte brisée très-fine, dressez
un gâteau à l'ordinaire, mettez par rangées et fort près de«
lardons de petit lard de la hauteur du gâteau, égalisez bien le
tout, mettez-le cuire au four et servez-le froid. •
Il ne faut pas trop saler la pâte à cause du lard qui entre
dans la composition du gâteau.
Gâteau de Compiègne. — Passez 125 grammes de belle
farine au tamis, faites deux fontaines comme à la pâte à brioche,
prenez un peu plus que le quart de votre farine pour faire un
J96 GATEAU.
levain, mettez-y un plus de levure, et tenez votre levain moins
ferme que pour la brioche, feites-la revenir et mettez dans votre
grande fontaine une once de sel, un bon verre d'eau, une bonne
poignée de sucre fin, le zeste de deux citrons bien hachés, du
cédrat confit et coupé en petits dés. Faites votre pâte comme il
est indiqué à l'article Pâte à brioches, tenez-la plus molle;
beurrez un moule, mettez-y votre pâte, laissez-la revenir selon
la fraîcheur de la levure pas plus de une heure à deux heures,
mettez votre gâteau cuire pendant deux heures à un four bien
atteint, renversez-le du moule et servez-le froid pour grosse pièce.
Gâteau au fromage de Brie. — Prenez du fromage de Brie
bien affiné, pétrissez-le avec un litre de farine, 90 grammes de
beurre, peu de sel, ajoutez cinq ou six œufs et délayez bien votre
pâte que vous tournez avec la paume de la main, laissez-la
ensuite reposer une demi-heure , abaissez-la avec un rouleau,
formez votre gâteau comme à l'ordinaire, dorez-le, mettez-le
cuire au four et servez.
Gâteau fourré , — Vous formez avec de la pâte à feuilletage
deux gâteaux égaux, de la même épaisseur chacun, vous étendez
sur le premier une couche de confiture, en laissant un bord de
la largeur d'un doigt, vous mettez le second gâteau sur le pre-
mier et les collez bien ensemble en les maniant avec les doigts
tout autour, vous dorez ensuite votre gâteau et le mettez cuire au
four.
Quand il est bien cuit, vous passez dessus un doroir trempé
dans du beurre et vous semez partout de la petite nonpareille ou
du sucre fin que vous glacez à la pelle rouge.
Gâteau à V anglaise. — Vous délayez de la farine avec du lait et
de la crème, vous y ajoutez une demi-livre de raisins secs hachés
avec autant de graisse de bœuf, de la coriandre, de la muscade
râpée, de leau de fleur d'orange et de Teau-de-vie ; vous mêlez
bien le tout ensemble, puis vous beurrez le fond d'une casserole,
vous mettez dedans votre gâteau que vous faites cuire au four et
que vous glacez avec du sucre au moment de servir.
Gâteau royal. — Coupez une noix de veau de la largeur
d'une assiette que vous piquerez de menu lard, coupez-en une
autre de la même largeur sans la piquer pour la couvrir, garnissez
GATEAU.
5^97
une petite casserole de bardes de lard, renversez la noix piquée
dedans, le lard en dessous, faites une petite abaisse de farce liée
au fond sur la noix de veau, faites un petit bord tout autour avec
la même farce et mettez-y un ragoût de foies gras, truffes vertes,
couvrez ce ragoût d'une couche de farce fort mince et ensuite
de Tautre noix de veau, dorez le gâteau, couvrez-le de deux ou
trois bardes de lard, mettez-le cuire au four, et servez-le avec une
essence de jambon et jus de citron pour entrée.
Gâteau Frascati. — Vous faites cuire un biscuit fin à
Torange dans un moule à timbale rond ; en le sortant du four,
vous le renversez sur un plafond pour le parer droit en dessus
et le diviser transversalement en tranches d'un centimètre d'épais-
seur, vous divisez ensuite ces tranches chacune en quatre parties
pour les ranger sur le centre d'un plat les unes sur les autres et
reformer le gâteau, mais en ayant soin d'arroser à mesure chaque
tranche avec quelques cuillerées à bouche de crème anglaise
parfumée à l'orange, et en les saupoudrant chacune avec une
pincée d'écorce d'orange confite et coupée en dés très-fins.
Quand le gâteau est monté, vous l'entourez à sa base avec des
moitiés de pommes en hérisson, c'est-à-dire cuites au beurre,
bien entières, un peu fermes et glacées avec de la marmelade
d'abricots, puis piquées avec des amandes en filets et sèches
sajLipoudrées avec du sucre et glacées au four. Poser aussi une
demi-pomme sur le haut et servir le gâteau en même temps
qu'une saucière de crème anglaise. [Recette Urbain Dubois j
cuisinier de tous les pays,)
Gâteau Savarin. — Délayez ensemble un peu de levure de
bière et de crème, ajoutez trois œufs, un quart de sucre en
poudre, trois quarts de beurre frais fondu, un litron de farine et
très-peu de sel, vous pétrissez le tout ensemble avec assez de
crème pour rendre votre pâte molle. Vous beurrez en dedans un
moule fait en couronne et vous en parsemez le fond, qui deviendra
le dessus du gâteau, d'amandes émondées et hachées ; vous le
remplissez aux trois quarts de votre pâte et vous l'exposez à une
chaleur douce afin de le faire gonfler, puis vous le faites cuire
comme la brioche, vous le démoulez et vous versez dessus dou-
cement, afin de bien en imprégner le gâteau, un sirop fait avec
59» GAUFRES.
du kirsch, du sirop de sucre cuit à la grande plume, une pincée
de vanille en poudre et un peu de lait d'avelines, cela lui
donne un goût exquis, et vous le servez froid ou chaud.
GAUFRES. — Menue pièce de pâtisserie qui se fait beau-
coup dans certaines provinces, mais qui se mange fort peu à
Paris.
Voici quelques recettes :
Gaufres au sucre. — Ayez huit œufs, ajo grammes de
sucre, autant de beurre fondu, deux mesures de crème ; mêlez
bien le tout ensemble en le battant, ajoutez- y trois quarterons
de farine et délayez-la peu à peu avec les œufs et le sucre jusqu'à
ce que la pâte ait acquis un peu de consistance, goûtez- la pour
voir si elle est assez fine, sinon ajoutez-y du beurre et du sucre.
La pâte étant en bon état, vous prenez les fers à gaufre que
vous faites chauffer comme il faut, vous les frottez avec une
plume de beurre fondu et vous versez la pâte dedans; une bonne
cuillerée à bouche suffit pour chaque gaufre; vous mettez les
fers sur un feu clair, vous les retournez pour faire cuire les
gaufres des deux côtés, puis vous les retirez et les saupoudrez de
sucre.
Gaufres aux pistaches. — Vous mouillez 125 grammes de
pâte à brioches avec un verre de vin de Madère, vous y incor-
porez trois onces de sucre en poudre et deux onces de raisins de
Corinthe, vous étendez cette composition sur les fers en lui
donnant l'épaisseur d'un demi-pouce, vous faites cuire environ
un quart d'heure à four vif, vous formez vos gaufrés, les glacez
au sucre, au café, les masquez légèrement ayec des pistaches
hachées et les servez au naturel.
Gaufres à la flamande. — Vous délayez dans une terrine
30 grammes de levure de bière nouvelle avec un quart de litre
de bon lait, vous y ajoutez un demi-litre de farine pour faire
une pâte coulante et vous la mettez dans un lieu chaud pour
fermenter; joignez-y ensuite du sel, du sucre en poudre, un peu
de râpure d'écorce d'orange, deux œufs entiers et quatre jaunes,
ajoutez-y une demi-livre de beurre tiède et mêlez le tout
ensemble; vous y amalgamez quatre blancs d'œufs battus en
neige et deux cuillerées de crème fouettée; quand elle aura
GELEE. 599
atteint, par le gonflement, le double de son volume, vous ferez
chzMffer des deux côtés le gaufrier, verserez votre pâte dedans et
ferez cuire comme les précédentes.
GELÉE. — On fait les gelées avec le suc des fruits mûrs,
cuits avec du sucre à une consistance convenable.
Les gelées de fruits sont rafraîchissantes et possèdent des
avantages certains qui les recommandent soit aux malades ou
aux personnes valides; elles sont d'une très-grande ressource
dans la convalescence des malades et figurent très-convenable-
ment dans tous les desserts.
Nous renvoyons pour les gelées de fruits à Tariicle Confia
tures où nous nous sommes expliqué tout au long à ce sujet et
nous n'allons nous occuper ici que des gelées de viande.
Gelée de viande. — Les gelées de viande ont pour base la
gélatine et surtout celle fournie par la colle de poisson ou la
côme de cerf râpée. La solution de ces corps gélatineux procure
un liquide qui se prend aisément en gelée transparente ; les pieds
de veau sont communément employés pour l'obtenir. On les fait
bouillir plus ou moins de temps avec des viandes blanches, telles
que veau ou poulet, et quelquefois même du poisson ; on clarifie
le bouillon qui en résulte avec un blanc d'œuf : bientôt il
tourne en gelée et prend la forme du vase dans lequel on le
verse. La gelée de viande est d'un fréquent usage dans les con-
valescences à cause de la quantité considérable de matière alibile
qu'elle contient, produite par les sucs de viande ajoutés à la
gélatine; on l'emploie aussi dans diverses maladies chroniques,
surtout dans les affections des intestins et la diarrhée chro-
nique.
Façon de la faire. — Prenez des pieds de veau selon la
quantité de gelée que vous voulez faire et un bon coq. Après
avoir bien lavé et épluché le tout, vous le mettez dans une mar-
mite avec de l'eau en proportion, vous faites cuire ces viandes et
les écumez avec soin. Quand vous vous apercevez que votre
gelée est assez faite, vous prenez une casserole et vous la mettez
dedans après l'avoir passée à travers un linge et l'avoir bien
dégraissée; vous y mettez du sucre en proportion, de la cannelle
en bâton, deux ou trois clous de girofle et l'écorce de deux ou
6oo GENIEVRE.
trois citrons dont vous conservez le jus. Vous faites cuire votre
gelée avec tous ces ingrédients et vous y ajoutez quatre ou cinq
blancs d'oeufs battus en neige et le jus du citron ; vous remuez de
temps en temps la cuisson , puis vous la laissez reposer jusqu'à
ce que le bouillon s'élève au-dessus de la casserole, videz alors
la gelée dans une chausse, passez-la deux ou trois fois afin
qu'elle soit bien claire et servez-la.
La gelée est susceptible de plusieurs couleurs, on la mange
dans sa couleur naturelle, on la blanchit avec des amandes pilées,
on la jaunit avec des jaunes d'œuf, etc. ; voyez du reste, pour les
différentes couleurs à donner, à l'article Dorure.
GELINOTTE. — Cet oiseau est un peu plus gros que la
perdrix rouge et ressemble tellement à la poule qu'on l'appelle
vulgairement poule sauvage ou poule des bois; on la trouve par-
tout où il y a des bois et des buissons^ épineux.
Varron dit qu'elle était si rare à Rome qu'on l'apportait
dans des cages où on la nourrissait de fruits sauvages, de cha-
tons de bouleau et de baies de genévrier.
Il n'y a qu'une opinion sur le goût exquis et la délica-
,tesse de sa chair, surtout en automne et même en hiver; c'est
peut-être le gibier dont on fait le plus de cas et qui est le plus
recherché. Les Hongrois l'appellent oiseau de César pour dire
morceau de roi, et en Allemagne la gelinotte est le seul gibier
qu'il soit permis de servir deux fois de suite sur la table des
princes.
Voyez pour son apprêt à l'article Canard sauvage.
GENIEVRE. — Nom que l'on donne aux baies du genévrier
qui est un arbrisseau fort commun, dont le bois est dur, appro-
chant delà couleur rougeâtre, revêtu d'une écorce rude; il pousse
quantité de branches, ses feuilles sont étroites, toujours vertes et
garnies d'épines ; ses fleurs forment de petits chatons qui ne laissent
aucun fruit; ses baies sont rondes, sepblables à celles du lierre,
vertes d'abord, et noires quand elles mûrissent; elles renferment
trois ou quatre graines oblongues , et c'est ce que Ion appelle
genièvre.
On attribue beaucoup de propriétés à la graine de genièvre.
Elle conserve le cerveau, réconforte la vue, nettoie la poitrine,
GENOISES. 6oi
. chasse les vents et facilite la digestion ; aussi l'emploie-t-on assez
souvent en médecine.
Sirop de genièvre. — Vous faites infuser chaudement pen-
dant neuf jours des baies de genièvre fraîchement cueillies et
bien mûres ; vous les faites bouillir pendant peu de temps, vous
les écrasez et les refaites bouillir encore un peu, puis vous passez
la liqueur avec une forte expression. Vous la remettez sur le
feu avec une quantité suffisante de sucre, et faites cuire le tout
ensemble jusqu'à consistance de sirop, laissez refroidir et mettez
en bouteille.
Ratafia de Genièvre. — Vous faites infuser dans Teau-de-
vie des baies de genièvre bien grosses et bien mûres, vous y
ajoutez du sucre en proportion et vous mettez en bouteille.
Le ratafia ainsi que le sirop de genièvre sont cordiaux et
bons pour faciliter la digestion.
GÉNOISES. — Sorte de pâtisserie fort agréable au goût, et-
qui se fait généralement avec des amandes.
Génoises glacées à l'italienne. — Mettez dans un poêlon
d'office 150 grammes de sucre en poudre et cinq œufs entiers,
mèlez-les comme pour un biscuit ; joignez-y ensuite, un quar-
teron de farine et autant d'amandes douces pilées, beurrez un
plafond, mettez votre appareil dessus, é€endez-le et donnez lui
répaisseur d'une pièce de cinq francs, faites cuire à un four vif
jusqu'à belle couleur, puis coupez-le et formez-en vos génoises
soit en croissants, en ronds ou en losanges ; mettez le fond du vase
dans Teau, puis fouettez cinq blancs d'œufs, mêlez-y du sucre
clarifié et formez une glace dont vous couvrirez vos génoises;
mettez-les sécher un quart d'heure et servez-les.
Petites génoises. — Prenez de la pâte d'amandes, abaissez- ■
la et saupoudrez-la de sucre, puis coupez des petits ronds comme
pour des petits pâtés ordinaires de la grandeur d'une pièce de
deux francs à peu près, faites ensuite avec cette même pâte, une
abaisse de la grandeur du plat que vous voulez servir, ajou-
tez-y un rebord de la grandeur de vos petites génoises et
faites autant de cette -génoise que votre abaisse peut en contenir ;
mettez-les sécher et cuire en les mettant à l'entrée d'un four
doux et quand vous serez pour les servir, remplissez-les de conf»-
6o2 GKNOISES.
tures de couleurs différentes en en formant un quadrille ou tout .
autre dessin.
On peut servir les génoises comme dessert ou comme petit
entremets, à la volonté des personnes.
Génoises à F orange, — Emondez 120 gramnjes d'amandes
douces, pilez-les, et mouillez-les avec la moitié d'un blanc d'œuf;
quand elles sont pulvérisées, vous les mettez dans une terrine avec
180 grammes de farine, 130 grammes de sucre, dont 75 grammes
saturés de zestes d'orange, 6 jaunes d'oeufs, deux œufs entiers,
une cuillerée d'eau-de-vie et un peu de sel, mélangez bien le
tout ensemble, battez ensuite 1 80 grammes de beurre que vous
aurez mis ramollir devant la bouche du four et vous le mêlerez
d'abord avec un peu d'appareil, puis vous Tamalgamerez ax'ec
le reste. Vos génoises étant terminées, vous beurrez un pla-
fond à rebord, ou bien vous faites deux caisses de papier dans
lesquelles vous versez vos génoises après les avoir terminées en
y ajoutant pour les glacer 120 grammes de sucre très -fin, du
blanc d'œuf et un peu de marasquin et vous faites cuire à four
et à feu modérés.
Génoises aux pistaches. — Vous émondez des pistaches, la
quantité qu'il vous plaît et vous les pilez avec un peu de blanc
d'œuf, puis vous y joigaez une cuillerée d'essence de vert d'épi-
nards passé au tamis de soie. Quand vos génoises sont à point
vous les couvrez d'un glacé fait avec 120 gr. de sucre travaille
dans un blanc d'œuf, et la moitié d'un suc de citron afin qu'il
soit d'une blancheur parfaite, ce qui fera très-bien sur vos
génoises qui doivent être d'un vert tendre.
Génoises aux avelines. — Vous pilez parfaitement 180 gr.
d'avelines, vous en retirez un tiers et vous mêlez le reste à votre
composition que vous faites comme ci-dessus. Vos génoises cuites,
vous les coupez en petits croissants sans les faire sécher comme
d'habitude. Puis vous mêlez le tiers d'avelines conservées avec
120 grammes de sucre très-fin et le quart d'un blanc d'œuf, vous
en marquez vos génoises en leur donnant une teinte dorée.
(V. couleur).
Génoises perlées au raisin de Corinthe.. — Vous proGédetdc
fe même façon que ci-dessus, vous placez entre chaque perle
GLACE. 603
un grain de raisin de Corinthe bien lavé et en mettez un plus
petit sur chaque perle.
Vous faites vos génoises de toutes formes possibles, en carrés,
en losanges ou en ronds.
GESIER, r- Le gésier est l'estomac des oiseaux, la chair en
est dure, et complètement dépourvue de saveur.
GIBELOTTE. — Préparation faite sur des morceaux d'oi-
son ou de lapin. (V. lapin).
GIBIER. — Le mot gibier s'applique à tout ce qu'on a pris *
en chassant, et qui sert à l'alimentation du chasseur. Les san-
gliers, l'es cerfs, les daims, les chevreuils, et autres animaux
semblables sont ce qu'on appelle le gros gibier, le menu se com-
pose des animaux plus. petits tels que lièvres, lapins perdrix, etc.
Le gibier, le poisson et la volaille se conservent parfaite-
ment au moyen d'un linge fin avec lequel on les enveloppe, on
le place dans un charbonnier et on le couvre de charbon fin; ou
bien on vide le corps du gibier que Ton veut conser\er et on le
remplit de froment, on coud la pièce et on la place dans un tas
de blé de faç;on à la recouvrir entièrement.
GIGOT. — (V. AGNEAU, CHEVREUIL et MOUTON.)
GIMBLETTES. — Pâtisseries dites de menu service ou de
m
petit four. (V. croquignoles et croquembouche.)
GLACE. — L'usage de la glace dans les pays méridionaux
remonte à la plus haute antiquité; Sénèque reproche aux Romains
les soins qu'ils prenaient pour avoir des boissons glacées, et
Hippocrate parle de ses inconvénients ainsi que de ceux de la
neige. Les habitants des pays chauds, du reste, ont de tous temps
m
recherché les boissons fraîches et l'eau à la glace fait les délices
des Orientaux, des Italiens et des Espagnols qui se servent de
cruches en terre poreuse et non vernies qu'ils appellent alcara^as
pour s'en procurer.
Au XV I* siècle, on ne connaissait pas encore en France l'usage
de la glace, et lorsque François I*' eut à Nice des conférences
avec le pape Paul III et l'empereur Charles-Quint, son médecin
fut très-étonné de voir qu'on glaçait le vin avec de la glace tirée
des montagnes qui avoisinent cette ville.
Mais les glaces propi-ement dites ne furent connues en
6o4 GLACE.
France que vers 1660 où un Florentin, nommé Procope fit goûter
le premier aux sujets de Louis XIV les attrayantes douceurs de
ces friandises. Le café qu'il fonda rue de l'Ancienne-Comédie,
existe encore aujourd'hui.
Aujourd'hui les glaces sont très-répandues, et on en voit Tété
sur toutes les bonnes tables.
On appelle aussi glace en terme de confiserie, le suc épaissi
d'un fruit qu'on vient de confire et qu'on emploie comme gelée
translucide pour glacer ce fruit. (V. conserves.)
En terme d'office, la glace est la condensation d'un liquide
sucré au moyen de la congélation.
Glace de veau. — Vous coupez un cuissot de veau en quatre
• parties, vous le mettez dans la casserole et vous y ajoutez trois
poules, une bonne quantité de légumes entiers, écumez-le de
temps en temps, ajoutez dans la cuisson quelques couennes de lard
dessalées à l'avance : la gélatine du porc aide beaucoup à la cla-
rification et à la consistance de la gelée, et remplissez la casse-
role de consommé; vous faites mijoter trois ou quatre heures
sur un feu doux et vous passez votre glace à travers un6 ser-
viette afin de la rendre bien claire.
Glace de cuisson. — Tamisez le mouillement d'un ragoût
faites-le réduire jusqu'à la glace et ajoutez au moment de servir
un peu de beurre frais.
Les glaces de fruits ou glaces sucrées se font dans une sorbe-
tière ou glacière; c'est un cylindre d'environ huit à dix pouces
de hauteur que Ton met dans un seau en bois, on garnit l'inter-
valle qui existe entre les parois du seau et le cylindre de glace
pilée et de sel de salpétrier plus pur et plus actif que celui dont
on se sert pour assaisonner les aliments; vous mettez dans la
sorbetière, c'est-à-dire dans le cylindre, le liquide à glacer, vous
le couvrez et vous le faites tourner tantôt dans un sens, tantôt
dans un autre au moyen de la poignée qui doit se trouver sur le
couvercle; vous découvrez de temps en temps pour remuer le
liquide glacé en partie et ramener au centre ce qui se trouve
près des parois du cylindre, puis votre glace bien ferme, vous la
servez.
Glace de cerises. — Vous mettez dans un poêlon , et après
GLACE. 605
les avoir dépouillées de leurs queues et de leurs noyaux, i kilo-
gramme de cerises et 120 grammes de sucre, vous faites jeter un
bouillon. Vous faites infuser une poignée de noyaux broyés avec
du jus de citron et un peu d*eau, vous ajoutez cette infusion et
500 grammes de sirop clarifié à ce qui est passé des cerises, vous
mêlez bien le tout et le versez dans la sorbetière où vous procé-
dez comme il est dit ci-dessus.
Les glaces de fraises, de framboises, de groseilles se font de
la même manière, en remplaçant les cerises par celui de ces fruits
que Ton veut mêler à la glace.
Glace à V abricot, — (Méthode de M. Cohier de Lompier,
ancien chef d'office de la maison de Mesdames de France,) Prenez
des abricots de plein vent bien mûrs, pulpez-les sur un tamis ;
ajoutez pour chaque livre de sucre une livre de sirop cuit au
lissé. Pulvérisez une douzaine d'amandes des noyaux, mettez-les
infuser avec un peu d eau et le jus de deux citrons, passez cette
infusion et ajoutez-la à la pulpe, et procédez pour le reste comme
à l'ordinaire.
La glace aux pêches se fait de la même manière.
Glace à Vananas. — Coupez un ananas par tranches, cou-
vrez-les de sucre en poudre et laissez macérer pendant deux
heures ; versez alors sur le tout deux litres d'eau bouillante et
le jus de deux citrons, laissez infuser pendant deux heures,
passez au tamis et terminez comme ci-dessus.
Glace à la vanille. Vous faites bouillir un litre de crème et
vous la versez toute bouillante sur la vanille ; vous laissez infuser
le tout pendant deux heures environ et vous tamisez,
Vous délayez huit jaunes d'œufs dans cette crème et vous
mettez le tout sur le feu au bain-marie, en ayant soin de toujours
remuer jusqu'à ce que la crème ait pris une bonne consistance;
vous laissez refroidir et la terminez comme les autres glaces.
Glace à la fleur de cédrat. — (Formuje du château de Bel-
le vue.)
Prenez crème, i pinte; œufs, 8 jaunes; sucre, 3 quarterons;
fleurs de cédrat mises en poudre, 2 onces.
Mêler le tout ensemble et faites cuire au bain-marie. Passez
et laissez refroidir.
1
6o6
GLACE.
On peut aussi employer toute autre fleur en procédant
comme il est prescrit.
Glace de crème aux pistaches. — Vous pilez le plus fin
possible 250 grammes de pistaches et vous mêlez avec un peu de
crème et de zeste d'un citron.
Votre pâte étant bien faite, vous la mêlez dans un poêlon
avec huit jaunes d'oeufs et du sucre en poudre, vous y ajoutez
petit à petit un litre de crème et vous faites cuire à Tétaroine,
puis vous passez, vous laissez refroidir, vous ajoutez trois cuille-
rées de suc d'épinards pour la colorer et vous versez dans la
sorbetière.
Glace au chocolat à la crème. — Vous faites cuire au bain-
marie une composition faite avec huit jaunes d'œufs, un litre de
crème et 250 grammes de sucre en poudre que vous aurez délayés,
puis, vous mêlez à cette crème 250 grammes de chocolat fondu,
vous passez à Tétamine et glacez comme à lordinaire.
Glace au café. — Vous avez fait avec du café un peu brûlé
une forte infusion de café, vous le mêlez avec huit jaunes d'oeufs
et un litre de crème, vous délayez le tout et vous faites cuire au
bain-marie.
Fromage glacé. — Après avoir confectionné une quantité de
glace quelconque, vous en remplissez un moule que vous plon-
gez dans un mélange de glace et de sel.
Puis au moment de servir, vous plongez vivement le moule
dans de Teau chaude afin que la glace s en détache facile-
ment.
Vous pouvez former ce fromage de glaces de différentes
natures distinguées par leurs couleurs.
Pour diversifier les glaces, on n'a qu'à changer la substance
qu'on mêle à la crème. Voici les substances les plus avantageu-
sement employées.
Glace à la crème à la fraifc des bois.
Glace à la crème aux framboises blan-
ches.
Glace à la crème à Tabricot et aux
merises.
Glace à la crème aux pèches mignon-
nes.
Glace à la crème aux poires de rous-
selet.
Glace à la crème aux liqueurs des ilet.
Glace à la crème à Tesprit d'angéli-
que.
Glace à la crème à Tessence de men-
the.
GLACE.
607
GUce à Ja crème au ratafia de
noyaux.
Glace à la crème au vin de Chypre.
Glace à la crème à la malvoisie d'Ali-
cante.
Glace à la crème au melon sucrin.
Glace à la crème aux jaunes d'œufs
de pinson.
Glace à la crème cuite et au pain de
seigle.
Glace à la crème crue et au beurre
frais.
On peut panacher ces difFérentes crèmes en les disposant par
couches alternées, soit en hauteur ou en largeur. Voici les meil-
leures combinaisons de panachure, telles que les donne le Pré-
ceptoral des menus royaux pour Tannée 1822.
N** 716. — On pourra panacher à volonté les glaces de
crème blanche avec toutes celles au suc des fruits, à la réserve de
celles au citron, à la bigarrade et au verjus, non plus qu'avec
les glaces à Tépine-vinette qu on servira toujours sans mélange
ou voisinage adhérents.
N** 717. — On devra, pour opérer les panachures, avoir
égard, autant que possible, au formulaire inscrit sur le tableau
suivant, et s*il arrivait par accident qu'on ne puisse pas s'y con-
former, on servira pour ce jour-là, les fromages glacés en sorbe-
tière et sans panachures. Cette règle est également pour les
quatre premières tables et pour les trois secondes tables en cour
de France.
N° 718. — Tableau des glaces à la crème avec leurs adjonc-
tions ou panachures les plus satisfaisantes.
Crème blanche et abricot.
Crème blanche et orange.
Crème crue et fraises.
Lait d'amandes et verjus muscat.
Lait de chèvre et jus de hiûres.
Crème pistache et suc de pèches.
Crème vanille et jB'amboises.
Crème d'œufs et poires de rousselet.
Crème au thë vert et jus de cédrat.
Crème chocolat et ratafia de cassis.
Ananas et noix fraîches.
Crème
loup.
Crème
Crème
Crème
the.
Crème
Crème
Crème
Crème
Crème
à la cannelle et melon canta-
I
d'œufs et vin de Schiraz.
mousseuse et vin de Sétubal.
d'avelines et liqueur de men-
de noisettes vertes et Rossolis.
de viry et mirobolan.
de Sotteville et eau de rhum,
double et purée de merises,
de pain bis et beurre frais.
Pour faire des biscuits glacés, vous leur faites absorber à
chacun trois cuillerées de crème mêlées avec un peu de ratafia
de noyaux ; glacez-les légèrement afin de ne pas les déformer.
6o8 GLACE.
mettez-les entre deux grands plats se joignant bien, et entourez
ces plats de glace et de salpêtre, ainsi qu'il est indiqué pour la
préparation des autres glaces. Dès que vous les trouverez assez
bien glacés, couvrez-les d'une légère couche de gelée de fram-
boises ou de glace aux fruits rouges.
Les tranches de melon et les pastèques se glacent de la même
façon que les biscuits entre deux plats, on les fait seulement
macérer dans le vin de Madère, on les sucre à blanc et on les
fait congeler comme ci-dessus :
Sorbet au citron, — Vous préparez le suc du fruit comme
il est indiqué plus haut, et vous le faites prendre dans une sor-
betière sans attendre qu'il soit pris en masse ; vous détachez avec
une houlette ce qui tient aux parois du cylindre et brouillez le tout
jusqu'à ce que vous obteniez un mélange de glace solide qui doit
être flottant dans un breuvage de glace fondue.
Les sorbets à la fraise, à la merise, à la pêche, à l'ananas,
aux quatre fruits rouges, au melon verreux et à Tépine-vinette,
sont généralement les plus estimés.
On peut également en faire avec des aromates exotiques et
des fleurs indigènes dont on aura distillé les eaux; les plus distin-
gués sont ceux à l'eau d'héliotrope, à Teau de violette et à Feau
de jasmin.
Sorbet au marasquin. — Faites une préparation de glace au
jus de citron en en supprimant les zestes, glacez-la un peu plus
ferme qu'à l'ordinaire et brouillez-la bien en y ajoutant un
demi-verre de marasquin.
On peut employer à la confection de ce même sorbet,
d'autres liqueurs étrangères ou françaises, ainsi que les vins
sucrés et liquoreux de Frontignan, de Lunel et de Rivesaltes.
Sorbet au rhum, — Vous faites un sorbet au citron et
vous y ajoutez un bon verre de sirop de rhum en le glaçant plus
fortement qu'à l'ordinaire.
Boissons froides- sans être glacées. — Préparez les divers
sucs de fruits comme pour faire des glaces, passez-les à travers
une étamine serrée, clariiîez-les au blanc d'oeuf et mettez-les
dans des carafes que vous ferez refroidir dans de l'eau de puits
en les entourant de glace et sans leur laisser le temps de se trou-
GODIVEAU. 609
ver frappées^ ce qui veut dire congelées aux parois, en terme
d'office et de limonadier.
Emprunté à l'excellent livre de M. de Courchamps.
{Dictionnaire de la cuisine française,)
GODIVEAU. — On donne ce nom à un hachis de viande
dont on forme des espèces de boulettes avec lesquelles on garnit
les tourtes et les vol-au-vent.
Godiveau à la bourgeoise. — Vous retranchez les tendons
et les cartilages d'une noix de veau ou d'une rouelle et vous la
hachez avec 500 grammes de graisse de bœuf, vous les mêlez
ensemble en ajoutant du persil, ciboules hachées, sel et épîces
mêlés, et vous pilez le tout ensemble en y joignant successive-
ment des œufs entiers jusqu'à ce que la pâte soit bien liée ; vous
mettez un peu d'eau pour l'amollir et vous formez avec cette
composition des boulettes dont vous garnissez des pâtés chauds et
autres plats d'entrée.
Godiveau à la Richelieu (venant du cuisinier de M. le mare-
chai de Richelieu). — Parez une livre de noix de veau et une
livre huit onces de graisse de bœuf bien farineuse ; le veau étant
bien haché, vous y mêlez la graisse et après avoir tout haché
bien fin vous y joignez une once de sel épicé, une pointe de
muscade et quatre œufs ; hachez encore pendant quelques
minutes; ensuite pilez ce godiveau jusqu'à ce qu'aucun fragment
de graisse ni de veau ne puisse être aperçu ; alors vous le relevez
du mortier pour le placer, une couple d'heures, à la glace ou
dans un lieu frais, vous le pilez en deux parties, le mouillez peu
à peu avec des morceaux de glace lavés et gros comme des œufs,
ce qui rend le godiveau lisse et très-lié, mais vous devez faire
attention de le mouiller très-convenablement afin qu'il soit de la
consistance des farces à quenelles, ensuite vous le relevez dans
une grande terrine, et pilez le reste de la même manière ; vous
mettez ensuite le tout dans la terrine avec deux cuillerées de
velouté et une de ciboulette hachée très-fin, puis vous l'employez
de même que la farce à quenelle.
a Quand je dis de piler de la glace avec la viande, observe
le cuisinier du maréchal de Richelieu; c'est parce que la glace
aide singulièrement à donner ce corps liant au godiveau qui lui
39
6io . GOUJON
donne ce moelleux parfait et si désirable ; car lorsqu'il est tourné,
il perd en partie sa qualité, et cela arrive quelquefois en été,
parce que les grandes chaleurs empêchent que la graisse de bœuf
puisse se lier intimement avec le veau, attendu que celui-ci est
un corps humide, et Tautre un corps gras. C'est par cette raison
qu'il est de rigueur de le mouiller à la glace pendant les cha-
leurs de l'été, tandis que dans l'hiver c'est inutile. »
Godiveau de blanc de volaille aux truffes. — Vous procédez
absolument de la même manière que pour le godiveau de veau,
en employant seulement à sa place, une livre de filet de pou-
lardes ou d'autres volailles et en y mêlant quatre cuillerées de
truffes hachées très-fin à la place de ciboulette.
Godiveau de gibier aux champignons, — Vous procédez
comme ci-dessus en faisant votre godiveau avec une livre de
chair de perdreaux gris ou de lapereaux de garenne et quatre
cuillerées de- champignons bien blancs hachés et passés dans du
beurre à l'ail.
Godiveau maigre, — Vous procédez de la manière accoutu-
mée avec une livre de chair de carpe de Seine pilée et passée au
tamis et quatre onces de panade, puis quatre cuillerées de fines
herbes assaisonnées d'une pointe d'échalotes, persil, champignons
et truffes.
On en fait aussi avec de la chaîr de brochet^ de turbot et
d'anguille, toujours en y incorporant de la panade.
GOGUETTE. — Ancien mets populaire, complètement
perdu et ignoré de nos jours.
GOUJON. — Il y en a de deux espèces; le goujon de mer
qui est blanc et vert et ressemble un peu au maquereau, et le
goujon de Seine, beaucoup plus estimé que le précédent.
Goujons frits. — Vous écaillez, 'videz et essuyez des gou-
jons sans les laver, les trempez dans du lait, les saupoudrez de
farine, puis vous les embrochez 'dans des hâtelets d'argent et
les mettez dans la friture bien chaude, retirez-les et servez-les
avec du persil et un jus de citron.
Goujons à fétuvée. — Vous préparez ces goujons comme les
premiers, puis vous mettez au fond du plat dans lequel vous
devez les servir, du beurre, du persil, ciboules, champignons.
GRENOUJLLE. 6ii
des échalotes, du thym, basilic, le tout haché très-fin, sel et
poivre; vous arrangez dessus les goujons et les assaisonnez dessus
comme dessous, vous les mouillez d'un verre de vin blanc, vous
couvrez le plat et faites bouillir jusqu'à réduction presque com-
plète de la sauce.
GRAS-DOUBLE. — (V. Bœuf.)
GRENADE. — On appelle ainsi le fruit du grenadier, ce
fruit est peu recherché hors du pays où on le recueille et ne sert
qu'à garnir les corbeilles de dessert où il est d'un fort bel effet.
Voici ce qu'en dit M. Cohier de Lompier :
a 11 n'y a point de belles corbeilles de dessert sans grenades,
non plus que sans oranges, la grenade ouverte, ainsi qu'un riche
trésor de rubis ou de grenats brillants, est un des plus beaux
joyaux de nos grandes corbeilles. Quand on n'aperçoit pas quel-
ques-unes de ces grenades entr'ouvertes aux flancs d'une pyra-
mide de fruits, elles n'y sauraient être remplacées par aucun
autre^ et bien qu'on y voie éclater le vermillon des plus belles
pommes et l'émail varié de nos grosses poires, avec l'or de
l'orange et la suprême beauté de l'ananas, on dirait qu'il manque
quelque chose dans cette corbeille offerte par le dieu Vertumne à
la cour de Pomone. Mais aussi bien nous faut-il avouer qu'à
l'exception de ce beau rôle pour la décoration des tables ou buf-
fets, la grenade est un fruit qui n'équivaut seulement pas à la
groseille, elle ne vaut pas mieux que l'épine-vinette, et c'est
convenir qu'elle n'est presque bonne à rien dans les pays tempé-
rés où les quatre fruits rouges sont abondants et par excellence.
On fait avec la grenade un sirop appelé grenadinCy qui est
très-bon pour la toux sèche ou l'irritation, il se fait avec les gre-
nades dites d'épine vineuse.
Une des plus belles villes, sinon la plus belle ville de l'An-
dalousie, a tiré son nom de sa ressemblance avec une grenade
entr'ouverte. Chateaubriand a mis cette comparaison dans la
bouche de son dernier Abencérage.
GRENOUILLE. — Il y a beaucoup d'espèces de grenouilles
qui diffèrent par leur grandeur, leur couleur et le lieu qu'elles
habitent.
Les grenouilles de mer sont monstrueuses et on ne s'en sert
6i2 GRENOUILLE.
pas comme aliment, non plus que des grenouilles de terre ; les
grenouilles aquatiques seules sont bonnes à manger, elles doivent
avoir été prises dans une eau bien claire, et choisies bien nour-
ries, grasses, charnues, vertes et ayant le corps marqué de petites
taches noires.
Bien des médecins du moyen âge se font opposés à ce qu'on
mangeât cette viande qui cependant est blanche et délicate et
contient un principe gélatineux plus fluide et moins nourrissant
que celui des autres viandes. Bernard Palissy, dans son Traité des
pierres de 1580, s'exprime ainsi : « Et de mon temps, j'ai veu
qu'il se fust trousvé bien peu d'hommes qui eussent voulu manger
ni tortues ni grenouilles. »
Au seizième siècle pourtant, les grenouilles étaient servies
sur les meilleures tables, et Champier se plaignit de ce goût qu'il
regarda comme bizarre, et il y a un siècle à peu près qu'un
Auvergnat, nqmmé Simon, fit une fortune considérable avec les
grenouilles qu'on lui envoyait de son pays, qu'il engraissait et
qu'il vendait ensuite aux premières maisons de Paris où cet ali-
ment était fort à la mode.
En Italie et en Allemagne on fait une grande consommation
de ces batraciens et les marchés en sont couverts, et les Anglais qui
en ont horreur et qui, pour cela sans doute, faisaient il y a envi-
ron soixante ans des caricatures représentant des Français man-
geant des grenouilles, n'ont qu'à lire ce passage de l'histoire de
rîle de Saint-Domingue par un Anglais nommé Atwood ; a II y
a, dit-il, à la Martinique beaucoup de crapauds que l'on mange,
les Anglais et les Français les préfèrent aux poules. On les fri-
casse et on en fait des soupes. »
Les grenouilles se mangent apprêtées de plusieurs façons
différentes, on en fait surtout des potages qui sont fort sains et
dont même quelques dames usent pour entretenir la fraîcheur
de leur teint. «
Potage de grenouilles, — Prenez la quantité de grenouilles
qu'il vous faut, lavez-les bien, ôtez les os des cuisses et réservez
les plus grosses pour frire en les faisant mariner avec verjus, sel,
poivre et fines herbes; passez-les ensuite dans une pâte à friture
et faites-le^ frire de belle couleur dans du beurre fondu bien
GRIVES ET MERLES. 613
chaud, elles vous serviront pour faire un cordon autour de votre
potage. ^
Avec les autres vous faites un ragoût avec laitances, cham-
pignons et autres garnitures, le tout au blanc pour masquer votre
potage ; vous le mouillez de bon bouillon et en couvrez votre
potage que vous servez garni des grenouilles frites.
Grenouilles en fricassée de poulet. — Ecorchez vos gre-
nouilles, ne leur laissez que les deux cuisses et l'arête du dos, et
apprêtez-les ensuite en fricassée de poulet. (V, Fricassée de
POULET.)
GRIBLETTE. — En terme de cuisine, c'est une tranche de
porc frais ou de mouton rôtie sur le gril ; on les sert comme les
côtelettes, avec ou sans accompagnement.
GRILLADE. — On appelle grillades des tranches de viande
bien minces que Ton fait rôtir sur le gril. Quand on a quelque
dindon ou autre pièce pour en faire une entrée on peut prendre
les ailes, les cuisses et le croupion, les griller avec du sel et du
poivre, passer de la farine à la poêle avec du lard fondu, y mettre
des anchois, un filet de vinaigre, un peu de bouillon, sel, poivre,
faire mitonner le tout et servir chaudement.
On peut aussi les servir grillées avec une essence de jam-
bon, ou un coulis clair par-dessus, ou encore avec une sauce
Robert.
GRIOTTES. — Espèce de cerise à courte queue, grosse,
noirâtre et plus acide que les autres. On prépare avec ce fruit
de très-bon ratafia, on en faisait aussi autrefois du vin en
Hollande, mais ce vin étant trop fort et trop chargé, on préféra
avec raison par la suite les raisins étrangers.
GRIVES ET MERLES. — Les grives, les merles et beau-
coup d'autrçs oiseaux ne doivent être mangés qu'à la fin de
novembre ; engraissés d'abord dans les champs et dans les vignes,
ils vont ensuite parfumer leur chair au bord des bois avec des
graines de genièvre. Si vous êtes trop pressé de jouir, si vous les
tuez avant le temps, vous ne leur trouverez pas ce fumet, cet
aratne incisif qui est tant recherché des vrais friands.
Horace, Martial et même Gallien connaissaient toute la valeur
des grives.
6i4 GRIVES ET MERLES.
(( Nil melius turdOy » dit Horace.
Le favori d'Auguste et de Mécène en mangeait tant qu'il
voulait, non pas qu'il fût assez riche pour en acheter tous les
jours, sa médiocrité dorée n'allait pas jusque-là, mais il était fêté
partout.
Le pauvre Martial au contraire faisait souvent maigre dbètt
et lorsqu'une invitation à dîner venait le surprendre, la joie écla-
tait en s&s yeux et il se disait :
« — 11 y aura probablement des grives. »
Lucius Apicius et tous les grands gourmands de Rome en
faisaient le plus grand cas. Ils.les engraissaient dans d'immienses
volières de compte à demi avec les merles. Chacune de ces
volières en contenaient trois ou quatre mille ; dans ces volières,
les grives étaient privées de la vue des bois et des champs afin
que rien ne put les distraire de l'envie d'engraisser.
Varron cite une maison de campagne où Ion avait engraisse
cinq mille grives dans une année. On les servait sur les tables
les plus somptueuses et on les donnait aux convalescents pour
réparer leurs forces.
Pompée tomba malade et, étant entré en convalescence, son
médecin lui ordonna de manger des grives, mais Pompée n avait
pas de volière.
« Allez en demander à Lucullus, il ne vous en refusera pa$>
lui dit son médecin.
— Eh quoi! s'écria-t-il, c'est donc à dire que Pompée ne
pourrait pas vivre, si Lucullus n'était pas un gourmand ! »
En France, il y a un proverbe qui dit :
(( Quand il n'y a pas de grives on mange des merles.
Les Corses ont reto\irné ce proyerbe et disent :
« Quand il n'y a pas de merles, on mange des grives. "
C'est que les merles de Corse et de Provence sont ti»'
renommés parce qu'ils se nourrissent de graines de myrtes et oe
genièvre.
L'oncle de Napoléon, le cardinal Fesch, archevêque de
Lyon en faisait venir tout l'hiver de la Corse. On allait (UJ»ef
chez Son Éminence, pour %ts nobles manières, pour son gracieux
accueil et surtout pour ses merles.
GRIVES ET MERLES. 615
La saison des vendanges est la meilleure époque pour
prendre et manger des grives, car elles se sont nourries de raisin
et leur chair en est plus tendre et plus savoureuse.
Grives rôties. — Vous plumez vos grives et les faites refaire
sans les vider, puis vous les faites cuire à la broche et les servez
comme les mauviettes avec des rôties dessous.
Grives en ragoût, — Accommodez proprement les grives,
passez-les à la casserole avec lard fondu, un peu de farine pour
bien lier la sauce, un verre de vin blanc, sel, poivre, bouquet
garni, laissez mitonner un peu le tout et servez avec un peu de
citron.
Grives à Veau^de-vie. — Epluchez bien vos grives, écrasez-
les un peu sur Testomac, mettez-les dans une casserole avec du
lard fondu, deux petits oignons, champignons^ truffes, quelques
morceaux de ris de veau, faites-leur faire quelques tours, mouil-
le£*le$ de deux verres rf'eau-de-vie, faites-les cuire à grand feu,
allumez Teau-de-vie que vous avez versé sur vos grives, quand
il est éteint, ajoutez-y un peu de réduction et de coulis, achevez
de les faire cuire doucement, dégraissez-les et servez.
Entrée de grives au genièvre. — Vos grives étant plumées,
épluchées et retroussées, vous les couvrez de bardes de lard
et de papier beurré, puis vous les attachez sur une broche et les
faites cuire.
Mettez dans une casserole un peu de jus et de coulis, un
verre de vin blanc, faites bouillir, ajoutez un jus de citron et
une douzaine de grains de genièvre que vous aurez fait blanchir.
Vos grives étant cuites, vous ôtez les bardes de lard et le
papier et les mettez mitonner dans le coulis, puis vous les
dressez sur un plat, les dégraissez et servez chaudement pour
entrée.
Grives à la polonaise. — Épluchez vos grives, aplatissez-les
sur Testomac, passez-les quelques tours dans une casserole avec
lard fondu, truffes, champignons, cinq ou six petits oignons,
bouquet garni, un ris de veau blanchi, une tranche de jambon,
puis vous les mouillez d'un verre de vin de Champagne et d'un
peu de. réduction et de coulis, ajoutez sel et poivre, faites cuire
à petit feu, dégraissez le ragoût. Quand elles sont cuites, mettez-y
6i6 GROSEILLE.
un jus de citron, ôtez le bouquet et la tranche de jambon, et
servez à courte sauce.
Pâté chaud de grives. — Videz vos grives, gardez-en le foie,
retroussez-les et battez-les sur l'estomac avec un rouleau, piquez-
les ensuite de gros lard et de jambon, assaisonnez de sel, poivre,
fines herbes et fines épices, et fendez-les par ledos.^Pilez ensuite
les foies avec du lard râpé, champignons, truffes, ciboules, persil,
sel et poivre, fines herbes et fines épices le tout bien pilé, et far-
cissez-en le corps de vos grives.
Hachez encore et pilez du lard, faites une pâte composée
d'un œuf, de bon beurre, de farine avec un peu de sel ; formez
deux abaisses, jetez-en une sur du papier beurré, prenez du lard
pilé dans le mortier, étendez-le sur l'abaisse et rangez les grives
dessus, ajoutez quelques truffes, des champignons, une feuille de
laurier, le tout couvert de bardes de lard, couvrez avec votre
seconde abaisse, formez-en les bords, àoret votre pâté et mettez-le
au four.
Quand il est cuit, retirez-le, ôtez le papier, ayez un bon
coulis, quelques ris de veau, champignons et truffes, levez le
couvercle du pâté, ôtez les bardes de lard qui sont dessus, et
avant de servir mettez-y votre ragoût en y pressant un jus de
citron, et servez chaudement pour entrée.
Grives à r anglaise. — Epluchez et retournez vos grives sans
les vider, embrochez -les avec un hâtelet, posez cet hâtelet sur
une broche et fixez-la des deux bouts, enveloppez vos grives de
papier, faites-les cuire à moitié, ôtez-le papier, mettez un mor-
ceau de lard au bout d'un hâtelet, faites prendre le feu à votre
lard et durant qu'il brûle^ faites-le dégoutter sur vos grives,
saupoudrez-les d'un peu de sel fin et de mie de pain, donnez-leur
une belle couleur, dressez-les et^ervez à côté une sauce au pauvre
homme liée avec un morceau de beurre.
GROSEILLE. — Il y a deux espèces de groseille, la gro-
seille verte, vulgairement appelée groseille à maquereau parce
qu'on l'emploie comme verjus dans le temps des maquereaux
frais, et la groseille rouge qui sert plus particulièrement à faire
les confitures, les gelées, les compotes, etc.
Le sel acide dont les groseilles abondent est la cause des
GRUE 6ï7
principaux effets qu'elle produisent, elles excitent l'appétit parce
que ce sel picote légèrement les petites fibres de rèstomac, elles
rafraîchissent et conviennent à ceux qui ont la fièvre parce que
ce sel donne plus de consistance aux humeurs et en arrête le
mouvement trop violent et trop impétueu3f .
Tout le monde connaît l'usage et les diverses préparations
de la groseille, le suc en est rafraîchissant et mêlé à l'eau avec
du sucre ou du miel, il forme une boisson acidulée qui convient
à tout le monde et qui, dans le Nord, remplace la limonade,
on pourrait aussi en retirer de Teau-de-vie par la distillation.
Les roses ou blanches sont moins acides et plus agréables
que les rouges.
Nous avons indiqué à l'article Confitures les différentes
manières d'employer la groseille, en conserves, en gelée, en
compote, en sirop, nous y renvoyons le lecteur. (V. Confitures^.)
GRUE. — Appelé oiseau de Palamède par les poètes qui
ont prétendu que, pendant la guerre de Troie, Palamède avait
appris des grues les quatre lettres grecques if. Ç. j^. w., l'ordre
de bataille et le mot du guet.
La grue est de la famille des échassiers, elle est de la gros-
seur du dindon, son cou et ses jambes sont ^rès-longs; comme la
cigogne, elle est très-grand destructeur des reptiles, des vers,
des insectes, dont elle se nourrit, ainsi que de grenouilles et de
petits poissons. Cet oiseau est regardé par les Kalmoucks de
Koulaguena comme un des plus purs qui existent, et ils n'en
tuent jamais.
Les grues se trouvent principalement dans les climats tem-
pérés; de là leurs migrations régulières dès que le froid ou la
chaleur commence à se faire sentir d'une manière excessive dans
les régions du Nord ou de l'Orient qu'elles fréquentent; elles
se réunissent alors par troupes pour entreprendre les courses les
plus lointaines et les plus hardies et choisissent un chef pour les
conduire dont le cri les avertit de la route qu'elles doivent suivre ;
pour fendre l'air plus aisément , elles se forment en triangle, et
tnème en rond si le vent est trop violent. A terre, elles ont des
sentinelles qui veillent à la sûreté de la troupe pendant son som-
meil, et qui, pour éviter d'y succomber elles-mêmes, tiennent en
19*
6i8 GUÏGNAIID.
Tair une patte dans laquelle est une pierre dont le choc les réveil-
lerait si la fatigue venait à les endormir et à là leur faire lâcher.
Cest ce que nous appelons yb/re le pied de grueipoxxx indiquer
une longue attente sur les jambes.
Varron rapporte que les Romains élevaient et nourrissaient
avec soin des grues dans des volières, pour les manger ensuite à
cause de la délicatesse de leur chair ; aujourd'hui, encore, dans
certaines parties orientales de l'Europe où ces oiseaux sont com-
muns, leur chair est servie sur les tables. Arnaud de Villeneuve
trouvait un grand plaisir à la manger, et les Indiens s'en nour-
rissent, mais je crois qu'il ne peut être question ici que des
jeunes grues ou gruaux, car la chair des vieilles est dure, coriace,
insipide et de difficile digestion.
GUIGNE. — Espèce de cerise noire et très-sucrée.
GUIGNARD. — Espèce de pluvier que Ton trouve surtout
dans le Loiret et dans la Beauce. Il est de la grosseur du merle,
le sommet de sa tête est cendré noirâtre , le dessus de son
corps teint de vert avec des cercles rougeâtres, sa chair est très-
estimée et préférable à celle du 'pluvier; on en fait des pâtés
très-recherchés. Ceux qu'on préparait pour le célèbre Philippe
de Chartres étaient faits avec des guignards, que Collin d'Harle-
ville immortalisa dans une charmante épître, son premier ouvrage,
lequel engagea l'auteur à suivre la carrière des lettres; d'où il
résulte que c'est aux guignards que Ton doit V Inconstant et les
Châteaux en Espagne.
H
HACHIS. — Lorsqu'il vous reste, du dîner de la veille,
du veau, du bœuf, du poulet, du gibier, des débris de viande
eniin, vous n'avez qu'à hacher proprement ces restes, et il
existe des instruments pour cela, jusqu'à ce que le tout opère un
mélange complet; vous achetez alors de la chair à saucisses,
un cinquième par exemple relativement à ce que vous avez
d'autre viande, et vous la pousjez à part jusqu'à une demi-
cuisson; puis, dans la même casserole, vous versez le reste de
votre hachis, vous mettez un morceau de beurre frais, vous tour-
nez le tout sur le feu, non - seulement jusqu'à ce qu'il y ait
mélange, mais assimilation des viandes; salez et poivrez; au
fur et à mesure que le hachis épaissira par trop, ajoutez une
cuillerée ou deux de consommé, joîgnez-y une pincée de poivre
de Cayenne, goûtez-y et jugez le degré de saveur auquel vous
devez cesser de tremper votre mélange de bouillon.
HARENG. — Tout le monde connaît le hareng; je dirai
même qu'il y a peu de personnes qui ne l'aiment pas ; vivant, il
est vert sur le dos, blanc sur les côtés et le ventre; mort, le vert
du dos se change en bleu; c'est le fils du pôle; depuis le lieu de
sa naissance jusqu'au quarante-cinquième degré de latitude, on
le trouve dans toutes les mers, formant, à partir du vingt-cinq
juin où l'on commence à apercevoir en Hollande ce qu'on appelle
V éclair du hareng , des bancs longs et larges de plusieurs
lieues, si épais que les poissons qui les forment s'étouffent les
630 HARENG.
uns les autres par milliers sur les bas-fonds; parfois les filets
qu'ils remplissent, trop faibles pour soulever un tel poids, se
déchirent et laissent retomber la proie déjà moitié prise; comme
la colonne de feu et de fumée des Hébreux, on peut suivre le
jour et la nuit leur émigration : la nuit par l'éclat phosphorescent
qu'ils répandent, le jour par les bandeS d'oiseaux ichthyophages
qui les suivent, plongeant de temps en temps et remontant avec
un éclair d'argent au bec; des baleines, des requins, des mar-
souins, des bonites, des dorades les suivent, mordent à même du
banc, et en font une immense consommation.
Bloch a assuré , dit Victor Meunier, que dans une seule
localité de la Suède on en pêche annuellement plus de sept mil-
lions ; mais la fécondité de ce poisson compense toutes les causes
de destruction qui s'attachent à lui; on a compté dans une seule
femelle soixante-six mille six cent six œufs. Ajoutons que Tpn
Ion compte sept femelles pour deux mâles.
La pèche du hareng est la plus importante de toutes, tandis
que la pêche de la morue baisse; et que le Havre, qui a envoyé
jusqu'à quarante bateaux à la pêche de la morue, n'en avait
envoyé cette année qu'un seul ; on compte huit cent mille per-
sonnes que cette branche d'industrie fait vivre ; elle rapporte à
l'Europe près de quatre millions de francs.
C'est un nommé Bruckalz qui a inventé l'art de fumer les
harengs.
La plus belle et la meilleure espèce de harengs frais qu'on
mange à Paris est celle qui nous arrive des côtes de Normandie ;
nous dirons plus loin de quelle manière on peut les apprêter.
Le hareng pec et nouvellement salé doit toujours venir de
Rotterdam, de Leawarde ou d'Enkhuisen, en Hollande; on le
coupe par rouelles et on le mange tout cru , sans lui faire subir
aucun autre apprêt que celui d'une salade.
Les plus beaux harengs saurs, les plus grands, les plus
charnus, les plus dorés, les mieux fumés au genièvre sont les
saurets de Germuth, en Irlande.
Presque jamais les harengs salés ne paraissent sur la table
des maîtres ; mais ils sont^ dans les pays où ils abondent, d'une
grande utilité pour les ouvriers et les pauvres.
HARENG. 62Î
On en fait alors dans certaines provinces une fricassée très-
appétissante et confortable, en les faisant frire en petits morceaux,
sans être dessalés, dans du saindoux av6c un amas de poireaux
crus et hachés, que Ton mélange avec des pommes de terre de la
grosse espèce farineuse que Ton a fait cuire à l'eau bien salée,
avec quelques tiges de romarin.
Le hareng frais est un excellent poisson dont on ferait le
plus grand cas, s'il était cher et s'il était rare; il faut le choisir
avec des ouïes rouges, des écailles brillantes, rebondi du côté du
ventre, car alors il est plein, mais ce n'est guère qu'à la fin
d'août ou à la mi-septembre qu'on le mange dans toute sa saveur.
Il subsistait encore au xvi* siècle un usage assez bizarre
parmi les chanoines de la cathédrale de Reims. Le mercredi
saint, après les ténèbres, ils allaient processionnellement à Téglise
de Saint- Rémi, rangés sur deux files, chacun d'eux traînant
derrière soi un hareng attaché à une corde. Chaque chanoine
était occupé à marcher sur le hareng de celui qui le précédait et
à sauver le sien des surprises du suivant. Cet usage extravagant
ne put être supprimé qu'avec la procession.
La pèche du hareng est, comme on le sait, une des branches
de commerce les plus productives pour l'Angleterre qui en
exporte surtout beaucoup en Italie pour la semaine sainte. Dans
le temps que le pape Pie VII fut obligé de quitter Rome conquise
par les Français en révolution, le comité de la chambre des
communes, à Londres, s'occupant de la pèche des harengs, un
membre fit observer que le pape étant chassé de Rome, l'Italie
allait vraisemblablement se foire protestante : — (c Dieu nous en
préserve ! s'écria un autre membre. — Comment, reprit le pre-
mier, seriez-vous fâché de voir s'accroître le nombre des bons
protestants? — Non, répondit l'autre, ce n'est pas cela, mais
s'il n'y a plus de catholiques , que ferons - nous de nos
harengs >... »
Un gascon disait que, s'il était gouverneur d'une ville ou
d'une place assiégée, il tiendrait bon malgré la plus cruelle
famine. — « Je ne suis plus surpris, monsieur, lui dit son valet,
si vous tenez si longtemps table quand vous n'avez à manger
qu'un hareng saur. »
623 HARENG.
Harengs frais {sauce à la moutarde), — Prenez douze
harengs, videz-les par les ouïes, écaillez-les^ essuyez-les, mettez-
les sur un plat de faïence ou de terre , versez un peu d'Jmile
dessus, saupoudrez-les de sel fin, ajoutez quelques branches de
persil, et retournez-les dans cet assaisonnement; un quart dlieare
avant de servir, mettez-les griller, retournez-les ; leur cuisson
faite, dressez-les sur votre plat, et saucez-les d'une sauce blanche
au beurre, sauce dans laquelle vous aurez mis et délayé une
grande cuillerée à bouche de moutarde non bouillie ; vous pouvez
servir vos harengs avec une sauce grasse , et si vous les serves
froids, saucez-les avec une sauce à l'huile de telle .nature que
vous jugerez convenable.
Harengs frais au fenouil. — Fendez vos harengs par le
dos, frottez-les de beurre tiède et de sel, avec une plume ou uii
pinceau; enveloppez-les de fenouil, faites-les griller, puis servez-
les avec une sauce rousseoii vous ajouterez une poignée de fines
tiges, et de feuilles de fenouil que vous aurez fait blanchir au vifl
blanc, et hachées fin.
Caisse de laitances de harengs. — Prenez les laitances d'une
trentaine de harengs, faites-les blanchir, et égouttez-les ;' mettez
un morceau de beurre dans une casserole, avec champignons;
persil, échalotes et ciboules hachés très -fin; sel, poivre et fines
épices ; passez ces fines herbes légèrement sur le feu, ajoutez-y
vos laitances; faites-les mijoter un instant dans cet assaisonne-
ment; vous aurez fait une caisse ronde ou carrée, dans laquelle
vous aurez étendu au fond un gratin, soit gras, soit maigre, de
l'épaisseur d'un demi-travers de doigt; huilez le dessus de votre
caisse et le dehors, mettez-la sur le gril, posez ce gril sur une
cendre chaude; faites cuire ainsi ce gratin; un instant avant de
servir mettez vos laitances dans cette caisse, dégraissez-la, dres-
sez-la, saucez-la d'une espagnole réduite, dans laquelle voui
aurez exprimé le jus d'un citron et servez.
Harengs frais en matelote. — Mettez vos harengs dans une
casserole avec un morceau de beurre, persil, champig'nons,
ciboules, une pointe d'ail avec deux bons verres de vin de Bour-
gogne ou de Bordeaux^ sel, poivre, poussez-les à grand feu, ser-
vez-les à courte sauce, et garnissez de croûtons frits.
HARENG. 623
Harengs pecs pour hors-d'œuvre, — Lavez une douzaine
de harengs, coupez-leur la tète^ la queue et les nageoires,
dépouillez-les, mettez-les dessaler dans mi-lait et mi-eau ; lors-
qu'ils seront à leur point, égouttez-les, mettez-les sur une assiette
avec des tranches d'oignons et de pommes de reinette crues; ser-
vez-les enfin avec une marinade ou une vinaigrette bien battue,
et mêlez de cresson alénois.
Harengs saurs, — Prenez cinq ou six de ces harengs,
essuyez-les; coupez-leur la tête et le bout de la queue, fendez-
leur les vertèbres de la tète à la queue, ouvrez-leur le dos ;
mettez-les sur un plat de faïence, arrosez-les d'huile, laissez-les
y mariner un instant; mettez-les sur le gril, retournez-les, lais-
sez-les cinq minutes à peine sur le feu, dressez-les sur une
assiette et servez-les.
Harengs saurs à la Sainte^Ménehould. — Dessalez-les dans
la crème, faites-les cuire vingt minutes dans une sainte-méne-
hould que vous aurez composée ainsi : mettez dans une casserole
30 grammes de beurre manié de farine et de lait, du persil, de
la ciboule, de l'ail, du thym, du laurier, du basilic^ un peu de
poivre; faites bouillir et tournez toujours; mettez-y les harengs,
faites-les cuire, trempez-les dans du beurre fondu, passez-les et
faites-leur prendre couleur sous un four de campagne, dressez-
les sur une rémoulade à l'huile verte.
Préparation du .hareng saur^ pour en faire plus tard bon
emploi. ^- Faites dessaler dans du lait, et faites ensuite griller
de beaux harengs saurs d'Irlande; laissez-les refroidir, et levez-
en les filets dont vous vous servirez plus tard pour en faire des
sandwichs ou tartines au beurre frais, pour en garnir des bateaux
de hors-Hi'œuvre en les assaisonnant avec de l'huile fine et du jus
de bigarade, pour en couvrir des litières de nouilles ou de
lazagne au beurre ainsi que des purées de pommes de terre, de
marrons, de patates d'Espagne, de haricots blancs à la crème ;
pour en faire un gros hachis dont vous assaisonnerez des omelettes
à l'huile ou des œufs brouillés en y mêlant des olives picholines
tournées, de la crème de Sotteville à demi-sel, et un peu de
brou de noix ; il en résulte un plat d'entrée qui n'est dépourvu
ni de sapidité ni de distinction.
624 HARICOTS.
Recette de Tauteur des Mémoires de la marquise de
Créquy,
HARICOT DE MOUTON. — On ignore le temps auçpiel
remonte ce ragoût plébéien dont les deux éléments doivent être
des morceaux de poitrine de mouton et des haricots rouges,
ce qui nous est prouvé par une comédie de Jodelle et par un pas-
sage de Cyrano de Bergerac ; depuis, Tun des deux ingrédients a
été détrôné par les navets.
Les navets ont fait leur quatre-vingt-treize et les haricots
rouges ont eu leur vingt et un janvier. Quoi qu'il en soit, voici
comment se confectionne aujourd'hui ce plat révolutionnaire :
Coupez le mouton par morceaux, faites-le roussir avec très-
peu de farine, faites revenir dans une autre casserole navets,
pommes de terre, oignons ; versez du bouillon de manière que
le tout baigne ; faites cuire à très-petit feu ; et mettez-y de l'ail
plus ou moins, selon votre goût.
(Recette de Madame la comtesse Dash.)
Haricot de mouton Vuillemot. — Il se fait à l'eau ; laissez
suer le mouton avec deux verres d'eau ; laissez réduire ; singez
avec de la farine et assaisonnez : sel, poivre, un bouquet de persil,
deux pointes d'ail, thym., laurier; mouillez à l'eau ; laissez cuire ;
passez à la poêle, navets, oignons ; faites blondiner le tout avec
un peu de sucre et sel fin dans de la bonne graisse ; ajoutez ces
légumes à ce ragoût; joignez-y vos pommes de terre; tournez
aussitôt la cuisson faite ; dégraissez et servez bien chaud.
HARICOTS. — On mange les haricots de trois manières, et
à trois époques de leur développement. Avant leur maturité, on
les mange avec la gousse, on les appelle alors haricots verts; un
peu avant la maturité on en mange les graines encore tendres,
on les nomme alors flageolets ; enfin on fait une grande consom-
mation de leurs graines desséchées, et qui, de quelque part qu'elles
viennent, prennent impudemment le nom de haricots de Soissons.
Comme je suis du département de l'Aisne, c'est à moi de faire
valoir mes compatriotes; et en effet, jusqu'à mon dernier voyage
en Asie, j'avais déclaré que les haricots de Soissons étaient les
premiers haricots du monde; mais j'ai été forcé de reconnaître
que les haricots de Trébizonde leur étaient supérieurs.
HARICOTS. 625
Mais de Trëbîzonde ou de Soissons, les haricots ont un grave
inconvénîent ; il y a des eaux dans lesquelles ils s'obstinent à ne
pas cuire; il faut alors que la science lutte avec la nature; faites
en ce cas un petit nouet de cendre de bois neuf dans Teau de
leur cuisson, ou, mieux, un peu de carbonate de soude; le haricot
le plus réfractaîre se reconnaîtra vaincu.
Haricots verts à la crème. — Passez vos haricots au beurre
dans la casserole ou avec du lard; quand ils ont un peu bouilli,
assaisonnez-les de sel, mettez un paquet de ciboules et de persil ;
étant presque cuits, mettez-y de la crème fraîche, ou du lait
délayé avec des jaunes d'œufs, servez-les ensuite pour hors-
d'œuvre d'entremets; on peut y ajouter du sucre.
Haricots à ta bonne fermière. — Prenez des haricots fort
tendres, rompez-en les petits bouts et jetez-les, lavez les cosses,
et faites-les cuire dans de Teau; quand ils sont cuits, mettez
dans la casserole un morceau de beurre, de persil et de ciboule
hachés; quand le beurre est fondu, mettez-y les haricots après
leur avoir fait faire deux ou trois tours sur le feu; ajoutez-y une
pincée de farine, de bon bouillon et du sel; faites-les bouillir
jusqu'à ce qu'ils aient absorbé presque Joute leur sauce; quand
on est prêt à les servir, mettez-y une liaison de trois jaunes
d'oeufs délayés avec du lait, et ensuite un filet de verjus ou de
vinaigre; quand la liaison est prise, servez-les comme entre-
mets.
Haricots verts au blanc. — Otez-en les filets ; s'ils sont trop
gros, coupez-les en deux, dans leur longueur, faites-les cuire
avec de l'eau, du sel, du beurre; quand ils sont cuits, égouttez-
les; les passez avec du beurre, persil, ciboules hachées; saupou-
drez-les, et les mouillez de mitonnage, quand ils sont cuits,
liez-les avec de la crème et des jaunes d'œufs, un jus de citron
et servez.
Haricots verts au roux. — Après les avoir fait cuire dans
l'eau, mettez suer une tranche de jambon; quand elle a sué,
mettez dans la même casserole un morceau de beurre, persil,
ciboules hachées et les haricots ; passez le tout ensemble, mouil-
lez de bouillon et de coulis, assaisonnez de sel et poivre ; faites
cuire le tout une bonne heure ; il faut que la sauce ne soit pas
40
6a6 ' HARICOTS.
trop claire, servez-les comme entremets ou pour garnir quelques
entrées.
Haricots tout à fait à l'anglaise. — Blanchissez, faites cuire
vos haricots qui devront conserver un ton vert clair, passez-les,
dressez vos haricots dans le plat sur du beurre, garnissez de
persil et servez le plat chaud.
Haricots verts à la bretonne. — Meittez vos haricots à la
casserole avec des oignons coupés en petits carrés et un morceau
de beurre. Faites roussir vos oignons au fourneau, mouillez-les
avec du consommé, puis avec du bouillon quand ils seront roux.
Salez, poivrez, faites cuire et réduire; mettez-y vos haricots et
laissez mijoter un peu moins d'une demi-heure.
Haricots verts à la lyonnaise. — Coupez des oignons en
croissant, mettez-les dans une poêle avec de Thuile ; joignez vos
haricots à votre oignon roussi. Faites frire avec, saupoudrez de
persil et de ciboule; salez, poivrez, et après deux tours de poêle,
dressez avec un filet de vinaigre.
Haricots verts en salade. — Faites blanchir, cuire, et égout-
ter vos haricots; mettez-les dans un saladier; garnissez-les de
quelques filets d'anchois, de quelques oignons cuits dans la
cendre, des betteraves, des fournitures hachées; en outre, assai-
sonnez-les de sel, gros poivre, huile et vjnaigre, et servez-les.
Haricots verts et blancs à la maître d'hôtel. — Faites-les
cuire à Teau de sel, égouttez-les ; et arrosez d'un morceau de
beurre manié de fines herbes, salez, poivrez, etc., et servez.
Haricots verts et blancs à la provençale. — Faites d'abord,
dans une casserole, une préparation se composant de quelques
cuillerées d'huile avec des câpres, des filets d'anchois, une pointe
d'ail et des rocamboles piles; versez-y des haricots cuits à l'eau
de sel, assaisonnez avec persil et ciboules, sel et gros poivre,
sautez-les pendant quelques instants, versez-les dans leur plat,
et arrosez d'un filet de vinaigre qui aura bouilli dans la casse-
role des haricots.
Haricots blancs nouveaux. — Lavez et mettez dans une
marmite avec de l'eau et du beurre vos haricots fraîchement
écossés; écumez, laissez mijoter et, à moitié de leur cuisson,
versez un verre d'eau fraîche; laissez achever de cuire et, leur
HARICOTS. 6*7
cuisson terminée, mettez dans une casserole 400 grammes de
beurre avec persil et ciboules, sel et poivre ; faites égoutter vos
haricots et jetez-les dans leur assaisonnement ; sautez-les, faites
qu'ils se lient, et finissez-les avec un filet de verjus, ou le jus
d'un citron.
Haricots au lard à la villageoise. — Il est à savoir que
MM. Descars de Livry, de Cussy, d'Aigrefeuille, de la Reynière
et autres hommes d'expérience ont toujours dit à l'unisson que
c'était la meilleure manière de manger les haricots.
Commencez par avoir un bon estomac, et munissez-vous
d'un bon appétit. Quand on n'est pas malade, on n'en manque
jamais que par le défaut de continence alimentaire, ou le défaut
d'exercice. Levez-vous de bonne heure et sortez à jeun par un
beau temps : promenez-vous à cheval ou trottez à pied ; mais on
doit penser que vous vous portez assez bien, puisque vous lisez
des livres de cuisine; ainsi donc faites cuire environ deux litrons
de gros haricots blancs avec un kilo de bon petit lard; cou-
pez ce lard en tranches, et que tous les morceaux en soient éga-
lement entrelardés; n'y mettez que la quantité d'eau néces-
saire, afin de ne rien devoir ajouter ni retrancher pendant leur
cuissoq. Tout l'aqueux et tout l'onctueux de ce mouillement
doivent se trouver absorbés par ces farineux, de manière à ce
qu'ils soient infiniment cuits et parfaitement bien liés sans être
en bouillie; c'est là toute l'affaire. C4 buon corriere forte mines-
tra, dit Jean de Milsiti, {Dictionnaire général de la cuisine fran-
çaise.)
Haricots de Soissons à la moelle. — Faites cuire vos hari-
cots à l'eau de pluie filtrée, sautez-les avant de les laisser refroi-
dir avec cinq ou six onces de moelle fraîche et nouvellement
fondue; poivrez d'une forte pincée de mignonnette; et mêlez-y,
quelques moments avant de servir, des grains de verjus épepinés
et blanchis à l'eau salée.
Haricots rouges à la bourguignonne. — Prenez des haricots
rouges de l'espèce cardinale, faites-les cuire dans un bouillon de
racines avec un morceau de beurre frais, un bouquet aromatique,
oignons et girofle, qu'on retirera après vingt minutes d'ébuUi-
tion. Ajoutez un quart de litre de vin rouge avec une pincée de
i
6a8 HERBES..
poivre ; garnissez de petits oignons glacés et servez. Ou bien
encore garnissez votre plat avec des queues d'écrevisses ou des
rissoUes de poissons, des laitances de carpes ou de harengs^ des
huîtres marinées, ou des moules frites.
Haricots grains de ri^ à la crème, — Faites cuire vos hari-
cots à Teau de sel, avec un peu de beurre, et assaisonnez*les de
muscade; lorsqu'ils seront à peu près cuits, ajoutez-y de la crème
double pour les étancher; saupoudrez de croquants, de céleri
frits et égouttés et servez.
Haricots de Soissons au beurre de piment, — Cuits, et s'il
est possible avec de l'eau de pluie filtrée, vous les faites sauter
avec un morceau du meilleur beurre que vous pouvez vous pro-
curer ; du moment oti ils sont sautés, ils ne doivent plus bouillir,
attendu qu'en bouillant le beurre perdrait les trois quarts de son
bon goût de crème fraîche ; vous y joindrez quelques grains de
poivre de Cayenne en poudre.
Haricots grains de ri{ à ^intendance. — '- Faites-les crever
à l'eau de sel, mettez-y de la moelle, avec un peu de sel et de
muscade; au lieu de crème versez-y un verre de vin de Madère,
garnissez avec des croûtons grillés qu'on a trempés dans le même
vin légèrement salé et épicez de muscade râpée.
Purée de haricots blancs, — Foncez et garnissez avec cette
purée, assaisonnée au fumet, les entrées ou les hors-d'œuvre
chauds.
La purée de haricots blancs pour entremets se prépare à la
crème; on l'assaisonne de muscade, on y mêle, à l'instant de
servir, de petits filets de persil bien frits et bien croustillants.
Purée de haricots rouges. — Mêlée aux bisques et au coulis
d'écrevisses et garnissant des potages, on la prépare au bouillon
gras.
HERBES. — Les vingt-huit herbes qui servent pour la cui-
sine sont divisées en herbes potagères, en herbes d'assaisonne-
ments et en herbes de fourniture à salade.
Les herbes potagères sont au nombre de six.
C'est à savoir : l'oseille, la laitue, la poirée, Tarroche, Tépi-
nard et le pourpier vert.
Les herbes d'assaisonnement sont au nombre de dix : le persil.
.HOCCO. 639
Testragon, la cive, la ciboule, la sarriette, le fenouil, le thym, le
basilic, et la tanaisie.
Les herbes de fournitures à salade ou fines herbes sont au
nombre de douze : le cresson alénois, celui de fontaine, le cer-
feuil, Testragon, la pimprenelle, la perce-pierre, la corne de
cerf, le petit basilic, le pourpier, les cordioles de fenouil, le
thym, le jeune baume et la ciboulette.
HOCCO, — Oiseau de la grosseur d'un petit dindon et qui
vit à l'état sauvage dans les bois de l'Amérique du Sud. Les
hoccos sont d'une nature très-douce ; ils se réunissent en troupes
nombreuses dans de vastes forêts, où ils se nourrissent de fruits
et de jeunes bourgeons; cet oiseau est monogame; quand les
femelles ne sont pas appariées, elles recherchent les caresses
du premier mâle qu'elles rencontrent, et elles pondent leurs oeufs
au premier endroit venu et sans avoir même préparé un nid ; le
plus souvent le soir, quand elles sont perchées. Celles au con-
traire qui sont en puissance d'un mâle pondent toujours dans
un nid, qu'en galant époux et en père prévoyant, ce dernier a
préparé à l'avance.
Je dois ajouter, dit M. Pomme, dans une lettre adressée à
M. Geoffroy Saint-Hilaire, qu'il est rare, en France du moins,
que les femelles se livrent à l'incubation; sur toutes celles que j'ai
pu obtenir, une seule à voulu couver. Cinq seulement ont donné
des œufs. La sixième s'est accouplée pendant plusieurs années;
elle recherchait le mâle, mais jamais elle n'a donné d'œufs. Les
femelles qui arrivent restent froides et insensibles pendant la pre-
mière année de leur importation. A la seconde année, elles s'ac-
couplent, mais pondent rarement, ou bien elles donnent des
œufs sans coquilles. A la troisième, la cqquille existe, mais fra-
gile et imparfaite. Ce n'est guère qu'à la quatrième que cette
imperfection disparaît complètement. Chaque femelle fait trois
pontes par an lorsqu'elle ne couve pas ; si elle couve, elle n'en
lait qu'une vers la fin du mois d'avril ou au commencement de
mai. L'incubation dure de trente et un à trente-deux jours;
les pontes ont été chez moi de deux œufs quelquefois, mais rare-
ment de trois.
Le hocco s'apprivoise facilement ; on en trouve dans les rues
630 HOCHEPOT.
de Cayenne qui, avec leur bec, heurtent aux portes pour entrer;
ils tirent par l'habit, suivent leur maître, et si on les empêche,
ils l'attendent et lui expriment de la joie en le revoyant ; leur
démarche est fière et grave , leur vol bruyant et lourd ; ils font
entendre un cri aigu et produisent aussi quand ils marchent sans
inquiétude une espèce de bourdonnement sourd et concentré,
une sorte de ventriloquie qui consiste sans doute dans la solidité
des anneaux de la trachée artère et dans le repli qu'elle fait sur
elle-même avant d'entrer dans la poitrine.
Le général Lafayette fit venir deux de ces gallinacés,
qui s'acclimatèrent parfaitement aux environs de Paris. On les
déposa dans un grand poulailler fermé, en compagnie de poules
nombreuses, et ils prirent en peu de temps les habitudes de la
localité. On les voyait accourir aux heures où le repas était offert
aux canards, aux dindes, aux poules et aux pintades; ils se
mêlaient à ces nombreux commensaux, prenaient leur part de la
pâture, distribuaient des coups de bec aux plus proches voisins,
ou étaient bourrés eux-mêmes par quelque coq jaloux de main-
tenir les privilèges anciens de ses odalisques et furieux de voir
ces intrus non-seulement pénétrer dans son sérail, mais encore
venir partager sa nourriture. Ce qui n'empêcha pas les jeunes
hoccos de grandir et de se développer à merveille sous l'influence
des beaux jours de la saison d'été.
La chair des hoccos est blanche, tendre et savoureuse.
Quand le sujet est jeune et s'il a été bien nourri, s'il est bien
apprêté, nos fins gourmets le préfèrent au dindonneau, au jeune
paon, à la pintade; on le fait rôtir comme cette dernière, après
l'avoir vidé et bridé ; on le pique avec du lard et on le fait cuire à
la broche pendant une heure environ, en l'arrosant de temps en
temps avec du beurre ou du saindoux, puis on le sert avec le
fond de la lèchefrite, mêlé avec un peu de glace fondue et passée
au tamis.
HOCHEPOT. — Prenez une queue de bœuf, coupez-la
en morceaux de deux pouces de long sur autant de large;
faites-les dégorger et blanchir; garnissez une braisîère, avec
des tranches de bœuf; mettez-y ensuite les morceaux de
queue que vous venez de couper avec des carottes, des panais,
HOMARD. éyi
des salsifis, quelques navets, des scorsonères, des topinambours,
trois pieds de céleri, et douze pommes de terre violettes ; ajoutez
un morceau de jambon, un cervelas et enfin une douzaine d'oi-
gnons; mouillez le tout avec du bouillon, après Tavoir couvert
avec des tranches de bœuf; faites feu dessus, feu dessous ; votre
appareil étant cuit, levez la viande et les légumes, passez le
bouillon, et s'il est trop long, faites-le réduire ; faites dans une
autre casserole un roux peu chargé de £irine, ne le laissez pas
brunir, mouillez-le, avec votre fond de cuisson dégraissé et bien
assaisonné; ajoutez-y des quatre épices avec une bonne pincée
de persil haché; versez-le sur le hochepot; tenez le tout chaude-
ment, au moment de servir, dressez les morceaux de viande avec
tous ces légumes dans un grand plat creux et.s'il peut se faire
dans un vieux vase d'ancienne faïence ou de porcelaine orien-
tale.
HOMARD. — (Article où Ton traite en outre du carrelet
sauce normande, du poulet à la ficelle, etc., etc.).
O mer^ le seul amour auquel je fus fidèle.
Ce vers de Byron peut devenir ma devise, et j'aime la mer
comme une chose nécessaire au plaisir et même au bonheur de
notre existence ; quand il y a quelque temps que je n'ai vu la mer,
je suis tourmenté d'un désir irrésistible, et, sous un prétexte
quelconque, je prends le chemin de fer et j'arrive soit à Trou-
ville, soit à Dieppe, soit au Havre. Ce jour-là, je m'étais dirigé
vers Fécamp.
A peine y fus-je arrivé que l'on vint me proposer une partie
de pèche pour le lendemain.
Je connais ces parties de pèche, où on ne pèche rien, mais
où on achète le poisson qui fait le fond du diner qui succède à
la pèche.
Cette -fois, cependant, contre toutes les habitudes, nous
prîmes deux maquereaux et une pieuvre, mais nous achetâmes
un homard, un carrelet et une centaine de crevettes.
Une marchande de moules que nous rencontrâmes sur notre
chemin y joignit une centaine de ces bivalves.
6^2 HOMARD.
On avait longtemps discuté pour^savoir chez qui Ton ren-
trerait et chez qui par conséquent se ferait le dîner»
Enfin le choix s'était fixé sur un grand marchand de vins
de Fécamp qui avait mis sa cave tout entière à notre dispo-
sition.
Il nous assurait en route que sa cuisinière avait mis le pot-
au-feu et que nous trouverions chez lui matière à deux ou trois
plats dont sa cuisinière avait dû réunir les éléments pour son
dîner.
Mais sa cuisinière, tout cordon bleu qu'il la prétendit, avait
été destituée à l'unanimité et j'avais été élu à sa place. Libre à
elle de conserver le titre de vice-cuisinière, mais à la condition
qu'elle ne se permettrait aucune opposition contre le cuisinier
en chef.
Maintenant, que les maîtresses de maison veuillent bien
entrer avec moi dans la cuisine admirablement montée comme
batterie et ne plus perdre aucun détail de ce qui va se passer, si
elles veulent ajouter deux ou trois plats inconnus à leur liste
culinaire.
Comme on nous l'avait promis, nous trouvâmes un pot-au-
feu mijotant depuis dix heures du matin, ce qui lui faisait près
de huit heures de cuisson.
Avec huit heures de cuisson, un pot-au-feu atteint à sa
majorité.
La France, je l'ai déjà dit, est le seul pays qui sache faire
un pot-au-feu, et encore est-il probable que ma portière, qui n'a
rien à faire qu'à soigner le sien et à tirer le cordon, mange de
meilleure soupe que M. de Rothschild.
Pour en revenir à notre cuisinière, elle avait donc son pot-
au-feu qui mijotait, deux poulets tout plumés qui attendaient la
broche, un rognon de bœuf ignorant encore à quelle sauce il
serait mis, une botte d'asperges commençant à monter en graines,
m
puis au fond d'un panier, des tomates et des oignons blancs.
Je me fis étaler le tout sur la table de cuisine, je demandai
une plume et de l'encre, et je présentai à ^approbation de mes
convives la carte suivante :
HOMARD.
6^3
Potage aux tomates e^^aux queues de
crevettes.
Entrées,
Homard à Taméricaine.
Carrelet sauce normande.
Maquereaux à la maître d*hdtel.
Rognons sautés au vin de Champagne.
Rôts.
Deux poulets à la ficelle.
Poulpe frit.
Entremets»
Tomates à la provençale.
(Eufs brouillés au jus de rognon.
Pointes d'asperges.
Cœurs de laitue à l'espagnole ^ sans
huile ni vinaigre.
Dessert de frtiitSm
Vins.
Château -d'iquem, Corton, Pomard,
Château-Latour.
Café.
Bénédictine. Fine Champagne.
Je présentai, comme je l'ai dit, ce menu qui fut accueilli avec
un hurrah d'enthousiasme; seulement on me demanda combien
il faudrait de temps pour un pareil diner.
Je demandai une heure et demie qui me fut accordée avec
étonnement. On avait cru qu'il me faudrait trois heures.
Le grand talent du cuisinier qui veut arriver à l'heure, est
de faire préparer d'avance et d'avoir sous la main tous les acces-
soires de ses plats.
Ceci, c'est l'affaire d'un quart d'heure.
Maintenant, comme il est impossible de faire marcher avec
la plume un potage, quatre entrées, deux rôtis, deux entremets
et une salade, on me permettra de prendre et d'expliquer mon
service plat à plat.
Potage aux tomates et aux queues de crevettes, — Allumez
en même temps deux fourneaux, mettez sur le premier : eau
salée pour vos crevettes, bouquet assorti, deux tranches de citron;
faites bouillir et jetez vos crevettes dans l'eau bouillante.
Mettez sur le second douze tomates dont vous avez exprimé
l'eau, quatre gros oignons blancs coupés en rouelles, un morceau
de beurre, une gousse d'ail, un bouquet assorti.
Vos crevettes cuites, retirez-les, passez-les dans un tamis,
gardez leur eau, faites éplucher vos crevettes et mettez les queues
à part.
Vos tomates et vos oignons cuits, passez-les à une fine
passoire, remettez-les sur le feu avec un morceau de glace de
viande, une pincée de poivre rouge et laissez épaissir en purée.
Puis adjoignez le bouillon en portion égale, un demi-verre
634 HOMARD.
de Teau dans laquelle vous avez fait cuire les brevettes ; laissez le
tout se mélanger en bouillant; au troisième ou quatrième bouil-
lon, jetez-y vos queues de crevettes et votre potage est feit.
Inutile de dire que, quoique je donne la recette de chaqne
chose à part, il faut que le tout marche en même temps.
Homard à l'américaine. — Parmi les différentes méthodes
de préparer le homard à l'américaine, nous choisissons la
méthode Vuillemot.
Nous réclamons toute l'attention de nos lecteurs et surtout
de nos lectrices, le plat étant très-compliqué.
I® Préparez dans une casserole deux gros oignons coupés en
quatre, un bouquet assorti, deux pointes d'ail, mouillez le tout
avec une bouteille de bon vin blanc, un demi-verre de cognac
ordinaire, une cuillerée à pot de bon consommé, sel, mignon-
nette et quelques grains de bon piment d'Espagne. Jetez votre
homard dedans,' une demi-heure de cuisson sufEt.
Attendez ! le plus difficile reste à faire.
2® Laissez refroidir votre crustacé dans sa cuisson, si Ton
n'est pas pressé ; moins on se pressera, mieux ça vaudra. Enlevez
la chair de votre homard et coupez-la en filets avec le charnu
des pattes; mettez le tout dans un plat à sauce, mouillez avec un
peu de bouillon dans lequel a cuit votre homard, couvrez-le
d'une feuille de papier beurré dessus, et placez au chaud à
l'étuve. Attendez pour servir.
3* Prenez huit belles tomates, coupez-les en deux, exprimez-
en la partie aqueuse, que vous jetez ; beurrez une casserole et
couchez vos tomates dessus, assaisonnez avec sel, mignonnette,
un peu de piment et beurre frais ; mettez au four ; après cuisson,
laissez le tout au chaud.
4** Prenez deux gros oignons, coupez-les en dés, pressez-les
dans un torchon afin d'en extraire le gluten; faites sauter dans
une casserole avec un peu de beurre, laissez-les blondiner^
ajoutez une cuillerée à bouche de farine; mouillez avec la moitié
de votre cuisson de homard, laissez épurer votre sauce sur l'angle
de votre fourneau, réduisez cette sauce de moitié en y ajoutant
deux fortes cuillerées de tomates en purée; rédïrisez encore d'un
tiers avec de la glace de viande, ensuite passez votre sauce, ajoutez
k^
HOMARD. 63;
un peu de jus de citron, une noix de beurre frais et attendez.
5* Prenez enfin le corail du homard, les œufs s'il en a ; pilez le
tout avec un peu de beurre, passez au tamis, ajoutez un grain
de piment, prenez un plat à légumes ; dressez en couronne vos
filets de homard, vos tomates par-dessus, versez dans le puits,
formé par vos filets, votre beurre de homard, glacez avec du jus
de viande et servez.
• Ce métis étant un peu compliqué ne peut être essayé par des
praticiens novices ; il faut des cuisiniers et des cuisinières d'une
certaine force pour l'attaquer.
Le tour du carrelet est arrivé.
Le carrelet est un poisson à chair très-blanche, très-courte,
qui tient un milieu estimable entre la sole et la limande ; mais
qui s'efibrce vainement d'atteindre la saveur de la première et la
réputation de la seconde.
Carrelet à la sauce normande. — Mettez votre carrelet sur
un plat d'argent, beurrez le plat, assaisonnez le poisson avec sel,
poivre, un verre de vin blanc et mettez au four.
Mettez un morceau de beurre dans une casserole, tournez-le
jusqu'à ce qu'il blondine; un peu de ferine. Mouillez-le avec le
beurre et le vin blanc de votre carrelet à qui vous n'en laissez
que juste ce qu'il faut pour qu'il ne dessèche pas ; réduisez de
moitié.
Faites cuire une trentaine de moules, dix ou douze champi-
gnons. Jetez le jus des moules dans votre sauce; réduisez le tout
de moitié, liez avec quatre jaunes d'œufs et un demi-verre de
crème fraîche, rangez autour de votre carrelet les moules et les
champignons ; versez votre sauce dessus.
Quelques petits morceaux de beurre très-frais çà et là,
reposez le poisson deux minutes au four et servez.
Quant aux maquereaux à la maître d'hôtel et aux rognons
sautés au vin de Bourgogne, je n'ai rien à apprendre à personne
sur l'exécution de ces deux plats.
C'est l'A B C de la cuisine.
Seulement faites la sauce de vos rognons un peu longue et
mettez«en un demi-verre à part, au moment de servir, afin que la
sauce soit aussi complète que possible.
636 HOMARD.
Vous allez voir pourquoi tout à Theure.
Poulets à la Ficelle. — Jusiju'à rexécution de mes poulets à
la ficelle, j'avais subi les observations de ma vice-cuisinière; mais
arrivé à ce moment décisif, l'observation se tourna en opposition.
Comme je n'avais pas de temps à' perdre, je menaçai ma
vice-cuisinière d'un coup d'Etat qui tendrait à lui faire payer ses
gages et à la faire mettre immédiatement à la porte.
Cette menace eut son effet, elle obéit passivement et cinq
minutes après, mes deux poulets tournaient côte à côte, comme
deux fuseaux.
Mais comme j'ai du temps aujourd'hui pour vous dire mes
raisons et pour vous expliquer la supériorité du poulet à la
ficelle sur le poulet à la broche, écoutez-moi.
Tout animal a deux orifices : l'orifice supérieur et l'orifice
inférieur ; et le poulet, sous ce rapport, est l'égal de l'homme.
Diogène l'a dit deux mille quatre cents ans avant moi, le
jour où il jeta un coq plumé sur l'Agora d'Athènes en criant :
— Voilà l'homme de Platon!
Eh bien, il faut d'abord boucher un de ces orifices, le
supérieur.
Cet orifice se bouche à la manière belge, en fourrant la tète
de la volaille dans son estomac et en cousant la peau par-
dessus.
Passons au second orifice, bien plus important que le pre-
mier, à l'orifice inférieur.
Vous en avez tiré, quand je dis vous en avez tiré, j6 veux
dire votre cuisinière en a tiré les intestins et le foie, elle a jeté
les intestins, haché le foie avec des fines herbes, ciboules et persil,
elle a manié le tout avec un morceau de beurre et à la place
d'intestins, désormais non-seulement inutiles, mais nuisibles, elle
lui a restitué ce hachis destiné à le parfumer.
Maintenant quel doit être le but du cuisinier? de conserver
à l'animal qu'il fait cuire la plus grande quantité de jus pos-
sible. Or si vous lui passez une broche en long et pour le main-
tenir une brochette en large, au lieu de boucher un des deux
trous que la nature lui a faits , vous lui en imposez deux autres
par lesquels tout son jus va s'échapper.
r
HOMARD. 637
Mais si au contraire vous lui liez les pattes avec une ficelle,
que vous le suspendi^Jz verticalement avec cette ficelle, l'orifice
inférieur en Tair et Torifice supérieur bouché; si avec d'excel-
lent beurre frais, manié de sel et de poivre, vous arrosez votre
poulet, en ayant soin de verser à l'orifice inférieur avec la cuiller
à arroser, alors vous avez rempli toutes les conditions logiques
pour avoir un poulet excellent; il ne vous reste plus qu'à sur-
veiller sa cuisson et à couper la ficelle qui le soutient quand il
se fait dans la peau de petites ouvertures, d'où se dégage un jet
de fumée.
Déposez-le alors dans son plat et versez sur lui le jus de la
lèchefrite.
Que jamais surtout une goutte de bouillon ne se mêle au
beurre qui doit arroser votre poulet; toute cuisinière, je crois
déjà l'avoir dit quelque part, toute cuisinière, dis-je, qui met du
bouillon dans sa lèchefrite, mérite d'être mise à la porte ignomi-
nieusement et sans miséricorde.
Quant à la pieuvre frite, c'est simple comme le premier
poisson venu, merlan ou sole.
Pieuvre frite, — Coupez par morceaux, roulez dans la farine;
glissez dans la friture bouillante, tirez à point, et vous aurez
quelque chose de pareil à de l'oreille de veau frite, avec un
léger goût de musc.
Quant aux œufs brouillés, au jus de rognons et aux pointes
d'asperges et aux tomates farcies à la provençale, c'est l'enfance
de l'art.
Vous cassez douze œufs dans une soupière en laissant six
blancs seulement pour les douze œufs.
Vous y mettez, après les avoir battus, un morceau de beurre,
des fines herbes, un demi-verre de bouillon (de poulet si vous en
avez) consommé, votre demi-verre de jus de rognons que vous
avez conservé et vous abandonnerez le tout aux soins de la cui-
sinière qui n'a plus qu'à verser dans une casserole, mettre la
casserole sur le feu et toutner.
Recommandation essentielle : servir mollets, les œufs
brouillés continuant de cuire dans le plat. Quant aux tomates,
vous les coupez en deux, vous en faites couler l'eau et tomber
638 HOMARD.
les graines, vous les posez côte à côte dans un four de campagne,
roùs placez au centre de chacune une pyramide se composant
d'un hachis de poulet, de veau, de gibier de la veille si vous en
avez, et de champignons.
Vous versez sur le tout un verre d'huile d'olive, la meilleure
que vous pourrez trouver; puis vous parsemez le tout de sel, de
poivre, de persil et d'ail hachés ensemble; vous ajoutez une
pointe de piment; vous faites cuire entre deux feux, en arrosant
trois ou quatre fois vos pyramides de viande avec Thuile dans
laquelle cuisent vos tomates.
Quant à notre salade de cœurs de laitues, sans huile ni
vinaigre, c'est un souvenir de notre voyage en Espagne.
En Espagne, le vinaigre ne sent rien, mais en échange l'huile
infecte.
Impossible, par conséquent, de manger de la salade quand
la chaleur du ciel et la sécheresse de l'air vous donnent les appé-
tences les plus violentes vers l'herbe fraîche.
Eh bien, nous avions remédié à cela en remplaçant l'huile
par des jaunes d'œufs et le vinaigre par du citron.
Ce mélange, suffisamment soutenu de sel et de poivre, nous
donnait une salade exquise dont nous avions fini par préférer la
saveur à nos salades de France.
Au bout d'une heure et demie ^ le dîner était sur la
nappe; seulement, quatre heures après nous étions encore à
table !
Aussi quelle réputation ai-je laissée à Fécamp, et comme) y
fus reçu lorsque j'y arrivai la dernière fois que j'y allai.
Permettez-moi d'ajouter encore une recette qui pourrait
parfaitement venir après celles ci-dessus sans. y être déplacée :
celle des œufs brouillés aux queues de crevettes.
Prenez douze œufs que vous cassez et dont vous mettez dans
un saladier tous les jaunes et huit blancs seulement, les blancs trop
nombreux ôtant de la délicatesse au plat.
Faites bouillir dans une casserole à part, les corps de vos
crevettes en y versant un verre de vin de Chablis.
Faites prendre deux ou trois bouillons et versez ensuite le
tout dans un mortier pour en faire une purée que vous passez a
HOMARD. 639
1
travers un tamis fin pour en enlever le moindre morceau de cara-
pace.
Délayez cette espèce de bouillie dans vos œufs salés et poi-
vrés d'avance et légèrement guillochés de ciboules et de persil
hachés très-fin.
Joignez-y ensuite les queues de vos crevettes que vous battez
avec les œufs et versez le tout dans une poêle beurrée de bon-
beurre frais, faites cuire et versez ensuite sur un plat bien adroi-
tement.
Voici un article qui, je crois, contient beaucoup de cuisine,
mais ne parle pas beaucoup du homard ; revenons donc à cet
intéressant animal.
Homard. — Le homard est un crustacé fort employé dans
la cuisine. La langouste, moins savoureuse que le homard, est
moins prisée que lui. On en fait des mayonnaises dans lesquelles
on hache sa chair, et qui font d'excellentes sauces blanches pour
manger avec le bar et le turbot.
Il faut autant que possible, à Paris, n'acheter , que des
homards vivants; choisissez d'ailleurs le plus lourd que vous
pourrez trouver, et mettez-le cuire dans une chaudière ou casserole
avec de l'eau salée, un gros morceau de beurre frais, une botte
de persil en branches, un piment rouge et deux ou trois tiges de
poireau blanc; au bout d'un quart d'heure de cuisson, vous
ajouterez un gobelet de vin de Madère ou de Marsala, et laissez
refroidir votre poisson dans son court bouillon ; il faut alors dans
toute sa longueur, trancher les écailles de sa queue, et par
avance faire confectionner une sauce dont voici la meilleure for-
mule*
Enlevez en un seul morceau tout l'intérieur du homard
qu'on appelle touteau, détachez-en toutes les chairs blanches
avec le bec d'une plume taillée, prenez-en la farce ou la crème
de laitance, qui se trouve adhérente à la grande coquille, joignez-
y les œufs du poisson s'il est femelle, et mêlez tout ce produit
avec de l'huile verte, une pleine cuillerée de bonne moutarde,
dix ou douze gouttes de soya de la Chine, plein le creux de la
main de fines herbes hachées, deux échalotes écrasées, une assez
bonne quantité demignonnette ; et finalement un verre de liqueur
640 HUILE.
d'anisette de Bordeaux, ou simplement de ratafia d'anis; vous
battrez le tout avec une fourchette comme on bat une omelette,
et, selon la grosseur de votre homard, vous mettrez dans cette
sauce deux ou trois citrons.
Homard à la broche. — Prenez un gros homard, ou une
langouste bien vivante, attachez-les sur un hàtelet solide que vous
ficellerez lui-même sur une broche; soumettez le tout d'abord à
un feu vif, en commençant par Tarroser avec du vin de Cham-
pagne, du beurre fondu, du sel et du poivre; la coquille du
poisson deviendra très-vite friable, c'est-à-dire que pareille à delà
chaux, elle s'écrasera entre les doigts ; quand elle se détachera
du corps, 9'est qu'il sera suffisamment cuit; il faut l'arroser avec
le jus de sa lèchefrite, que vous dégraisserez convenablement, et
auquel vous ajouterez le jus d'une bigarade, et une pincée de
quatre épices :
C'est un ragoût particulier en Normandie, qui ne manque
jamais de faire son effet en paraissant sur la table. "
HOFlS-D'OEUVREr. — On appelle hors-d'œuvre, tous les
plats qui, sans être suffisants pour constituer un repas sub-
stantiel, et qui cependant servis à part et dans des assiettes d'une
forme particulière, complètent l'élégance d'un repas.
HOUBLON. — Plante grimpante à grandes feuilles dont
les fleurs et les fruits concourent à la composition de la bière; en
Belgique, où le houblon est très-commun, où la boisson ordinaire
est de la bière, on mange au printemps les jeunes pousses du
houblon, dont la saveur se rapproche énormément de celle des
asperges ; on les apprête de la même manière, et leur effet est le
même.
HUILE. — On fait de l'huile principalement avec les olives,
mais encore avec une foule de graines, comme le colza, comme
les noix, comme la faine, comme la navette.
La faine, les noix, la navette donnent une huile très suppor-.
table dans sa fraîcheur, mais qui rancit en vieillissant.
La faîne, qui est le fruit du hêtre, donne la meilleure huile
après l'olive.
Parmi les huiles d'olive, il y a un choix à faire ; à mon avis»
la plus fraîche, la plus claire, celle qui se conserve le mieux, ^^
HUITRES. 641
l'huile de Lucques; puis vient Thuile vierge, Thuile verte et
rhuile fine d^Aix, de Grasse et de Nice.
Quoique T Italie et l'Espagne soient couvertes d'oliviers, c'est
de ces deux pays que viennent les plus mauvaises huiles; les pro-
priétaires, pour faire double récolte, laissent rancir leurs olives,
et cet état avancé fait contracter à l'huile qu'on en retire une
odeur de pourriture insupportable; il en est de même de l'huile
que l'on récolte en Grèce, en Syrie et en Egypte.
HUITRES. — L'huître est un des mollusques les plus déshé-
rités de la nature.
Étant acéphale, c'est-à-dire n'ayant pas de tête, elle n'a ni
l'organe de la vue, ni l'organe de l'ouïe, ni l'organe de l'odorat;
son sang est incolore ; son corps adhère aux deux valves de sa
coquille par un muscle puissant, à l'aide duquel elle l'ouvre et
la ferme.
Elle n'a pas non plus d'organe de locomotion ; son seul exer-
cice est de dormir, et son seul plaisir est de manger; comme
l'huître ne peut aller chercher sa nourriture, sa nourriture vient
elle-même la trouver, ou lui est apportée par le mouvement des
eaux; elle se compose de matières animales en suspension dans
l'eau. En 18 16, M. Bedan a prouvé qu'on pouvait amener gra-
duellement les huîtres à vivre dans l'eau des fleuves.
Les Grecs recherchaient celles de Sestos; j'en ai mangé en
traversant le Bosphore et ne leur ai rien trouvé de particulier.
On a dit : les dieux s'en vont, et Ton a admiré cette éloquente
exclamation. Mais voilà que dernièrement un cri s'est fait enten-
dre : Les huîtres s'en vont I II n'y a certes aucun rapport entre
le mollusque hermaphrodite qui vit au fond de la mer, dans son
écaille, attaché pour l'éternité à son rocher, et les habitants de
l'olympe vénérable. Eh bien, le fameux cri de Bossuet, ce fameux
cri d'éloquence : Madame se meurt ! Madame est morte ! n'a pas
produit uns impression si terrible que cette voix gastronomique
en détresse, qui s'est écriée : Les huîtres s'en vont ! et de 60 cen-
times la douzaine, le premier effet de ce cri a été de les faire
monter à i franc 30 centimes.
La sensation a été profonde; l'huître, ce trésor des gour-
mands, a été sur le point de leur échapper; 1 huître qui, dit le
64a HUITRES.
docteur Reveillé-Paris, est la seule substance alimentaire qui ne
donne pas d'indigestion.
Aussi rhuître est-elle un mets de tous les temps et cherche-
t-on inutilement réjpoque à laquelle il a été introduit sur la tabk
des Indous, ces aïeux, et des Égyptiens, ces grands-pères de la
civilisation. Nous n'en trouvons trace que chez les Grecs, et la
première fois, je crois, à propos de la proscription d'Aristide.
« Je m'ennuie de l'entendre appeler le Juste, » disait un
prud'homme athénien; et Aristide fut proscrit à la majorité des
huîtres, chaque écaille portant une sentence et représentant un
bulletin de vote.
Les Grecs les faisaient venir de l'Hellespont ; on les péchait à
la hauteur de Sestos, endroit où Léandre se jetait à la mer pour
aller faire sa visite nocturne à Héro.
L'endroit s'appelle aujourd'hui Boralli-Calessi.
Les Romains, bien autrement gourmands que les Grecs, ren-
dirent presque des honneurs divins à l'huître. Il n'y avait pas de
bon dîner sans huîtres crues frappées de glace , ou sans huîtres
cuites assaisonnées au garunty espèce de saiimure dont Pline nous
a conservé la recette.
Les huîtres avaient chez les Romains leurs numéros d'excel-
lence. Les premières étaient celles du lac Lucrin, ensuite celles
de Tarente, ensuite celles de Circeï.
Plus tard, ils préférèrent les huîtres des côtes de la Grande-
Bretagne.
Apicius, ce gourmand célèbre, qui se coupa le cou parce
qu'il ne lui restait plus que six à huit millions de sesterces, c'est-
à-dire quinze cent mille francs ou deux millions de notre mon-
naie, avait trouvé un moyen de ccmserver les huîtres. De nos
jours, il eût pris un brevet et eût vécu de son brevet.
L'huître se pêche chez nous à la drague, et les pécheurs
avaient l'habitude, afin de ne pas épuiser les bancs, de les diviser
en plusieurs zones qui étaient livrées successivement à la pêche.
Pendant que l'une de ces zones était en exploitation, l'autre,
c'est-à-dire la partie réservée, se multipliait et atteignait la taille
marchande.
Pendant les mois de mai, juin, juillet et août, la pèche était
HUITRES. 643
interdite; les gourmands disent qu'il ne faut pas manger d'huî-
tres dans les mois où il n'y a pas d'R.
Comme compensation, ce sont les mois oit les moules sont
parfaites.
Les huîtres ne se mangent point en sortant de la mer.
Du moins un disciple de Lucullus et un apôtre de Brillât-
Savarin ne commettraient pas une pai'eille hérésie. Il faut d'abord
qu'elles soient parquées à un mètre de profondeur sur du sable
ou des galets.
Ce fut un Romain, nommé Sergius Orata, lequel vivait
deux cent cinquante ans avant Jésus-Christ, qui eut le premier
l'idée de mettre, pour les engraisser, les huîtres dans le lac
Lucrin. Il fit un commerce de ce mollusque perfectionné par ses
soins et s'enrichit.
Ce Sergius Orata était le grand-père de Sergius Catilina.
L'huître que nous mangeons est l'huître idule. L'huître
d'Ostende, l'huître verte, l'huître de Marennes, ne sont que des
variétés.
Nous avions des parcs aux huîtres à Marennes, à Tréport, à
Étretat, à Fécamp, à Dunkerque, au Havre et à Dieppe.
Nous arriverons tout à l'heure à celui de Régneville.
L'oncle de Mirabeau a dit en parlant de la mer :
« Cette plaine qui se laboure toute seule. »
Mais il n'a pas dit :
« La mer, cette .plaine qui s'ensemence toute seule. »
On a cru longtemps la mer inépuisable, mais à commencer
par la baleine on s'aperçoit qu'elle se dépeuple. Voici les baleines
qui disparaissent; voici les maquereaux qui faiblissent; voici les
huîtres qui manquent.
Eugène Noël a dit :
a On peut faire de TOcéan une fabrique immense de vivres,
un laboratoire de subsistances plus productif que la terre ; ferti-
liser tout, mers, fleuves, rivières, étangs ; on ne cultivait que la
terre, voici l'art de cultiver les eaux; entendez-vous, nations? »
Et en effet, le poisson, celui qu'on mange surtout, est entre
tous les êtres, susceptible de prendre avec très-peu de nourriture
le plus grand accroissement.
644 HUITRES.
De temps immémorial, la pisciculture est pratiquée en
Chine. Là, où il faut que vive une agglomération de quatre cents
millions d'hommes, on ne pouvait pas se fier à la terre visitée
par un hôte plein de caprices, le vent ; par un hôte plein de
colère, la tempête; la moisson de la mer, au contraire, grandit
sous le vent, multiplie sous la tempête.
Aussi au mois de mai, se tient sur le grand fleuve le marché
du frai. On vient, de tous les coins de la Chine, acheter du frai
en gros pour le revendre en détail. Chacun a son poisson dans
son vivier, on y jette les débris du ménage et tout ce peuple sous-
marin vit et engraisse.
Les Romains étaient, sous ce rapport, les maîtres des Chinois
eux-mêmes ; ils fisdsaient éclore dans Teau douce des poissons de
mer.
C'est Jacobi, en Allemagne, qui a trouvé la fécondation
artificielle pratiquée en Angleterre, puis en France, par un
pêcheur de la Bresse, nommé Rémy.
Coste et Pouchet en ont fait une science.
Ce furent toutes ces expériences, ce fut cette première
science mise à la portée de tout le monde, qui déterminèrent
M. de Chaillé et M™' Sarah-Félix à faire leur établissement
d'ostréiculture de Régneville.
Ils demandèrent et obtinrent dix hectares de côtes.
Dix hectares de côtes, c'est beaucoup à Paris sur la place de
la Concorde ou dans la rue Richelieu ; en face de l'Océan, c'est
un point dans l'immensité.
Les deux concessionnaires commencèrent par fermer de trois
côtés leur concession par une digue insubmersible. Le quatrième
côté fut la plage ; une grande vanne y introduisit l'eau de la
mer, puis on y jeta des milliers d'huîtres, et on y déposa douce-
ment des tuiles afin que les huîtres s'y attachassent.
Il s'agissait de soustraire le frai de l'huître aux divers acci-
dents qui en pleine mer le détruisent.
Pour que l'on comprenne l'entreprise de M. Chaillé et de
M"* Sarah-Félix, il est nécessaire de savoir comment l'huître se
reproduit.
L'huître, nous l'avons dit, est hermaphrodite. Ses deux sexes
HUITRES. 64^
s'épanouissent comme des fleurs au moment des amours. C'est
alors qu'elle se remplit d'une eau blanche qui fait dire que
les huîtres ne sont pas bonnes à manger parce qu'elles sont
laiteuses.
Cette eau blanche est le frai.
M. Davaine a trouvé jusqu'à i,aoo,ooo œufs dans une
huître pied de cheval ; et, comme elles font deux et même trois
pontes, on peut, en moyenne, évaluer à deux millions la quantité
d'œufs que chaque huître livre aux caprices de la mer.
Ces œufs sont invisibles ou à peu près. Leuwenhoeck a
calculé qu'il en faudrait environ un million pour former Je
volume d'une bille d'enfant. Les petites huîtres, lorsqu'elles
sortent de la coquille de la mère, ont la faculté de se mouvoir.
Cette faculté est donnée par la nature à toutes les larves d'ani-
maux fixes et leur permet de se fixer où ils veulent; seulement,
qu'ils choisissent bien leur gîte : une fois fixés, ils en ont pour
toute la vie.
Dans le parc de Régneville, ils eurent d'abord des tuiles
ordinaires et des fagots de bois ; le choix entre le fond de la mer
et la suspension entre deux eaux.
Nos pisciculteurs s'aperçurent bien vite qu'ils avaient fait
une double erreur; les branches du fagot s'enduisaient d'un
mucus qui ne permettait plus à la petite huître de se fixer.
Quant à la tuile, elle permettait au contraire à l'huître de
s'y fixer trop solidement ; l'huître trouvait commode de faire de
la tuile une de ses coquilles, et quand on l'enlevait de sa tuile
bien-aimée, ou sa coquille était trouée, ou elle restait sur sa
tuile. Sa devise devenait celle du lierre : Je meurs où je
m'attache.
Nos ostréiculteurs collèrent sur leurs tuiles de vieux jour-
naux adhérents à la tuile par les seules extrémités ; l'huître est
collée au papier, c'est vrai, mais le papier n'est collé à rien.
Maintenant, tous les journaux, à notre avis, ne sont pas bons
à cet emploi, j'en connais qui pourraient donner à ces innocents
mollusques les qualités toxicologiques que contractent les huîtres
de Venise en s' attachant aux cuivres des vaisseaux.
Quelle est la durée de la vie des huîtres^
646 HUITRES.
C'est encore un mystère ! D'abord peu d'huîtres meurent de
vieillesse.
Et celles-là meurent inconnues.
Dans un excellent livre de M. Victor Meunier, intitulé :
les Grandes pêches^ je vois que les huîtres vivent une dizaine
d'années. C'est bien assez pour un animal qui n'a ni yeux, ni
nez, ni oreilles; quant à leur développement, les pécheurs
disent qu'elles ont au bout de trois jours trois lignes de diamètre,
à trois mois la circonférence d'une pièce de trente sous, à six
mois la dimension d'un écu de trois livres, à un an celle d'un écu
de six.
L'huître se mange habituellement de la façon la plus simple
du monde; elle s'ouvre, on la détache, on exprime sur elle
quelques gouttes de citron et on la gobe.
Des gourmands les plus raffinés préparent une espèce de
sauce avec du vinaigre, du poivre et de l'échalote; on les détache,
on les trempe dans cette sauce et on les avale ; d'autres, et ce sont
les vrais amateurs, n'ajoutent rien à l'huître et la mangent crue
sans vinaigre, sans citron, sans poivre.
Maintenant accordons la lyre d'un cuisinier-poëte, et chan-
tons sur le mode ionien.
Fêtons ces a truffes de la mer, »
Qu'en son siècle exaltait Horace,
Par d'immortels vers pleins de grâce. —
L'huître, à Rome, est un mets si cher,
Qu'au dire de Pline et Macrobe,
Aux seuls |K)ntifes on en sert...
— (Notre bouche aussi bien les gobe,
Ces huitres qu'un moderne en us^
Nommait a Oreilles de Vénus, s
Pour leurs qualités excitantes...) —
On sait qu'un des Apicius
Eut, par ses notions savantes^
L'art d'en envoyer de vivantes
A Trajan, vainqueur belliqueux
Des Parthes... — Aux huîtres, chef-queux,
Me dit«on, offre-nous des fraîches.
C'est là le secret de leurs pêches :
L'huître est un hasard, un éclair
Qui passe avec les mois en R.
!
HUITRES. 647
Huîtres à la poulette. — Ouvrez des huîtres, faites-les blan-
chir dans leur eau sans les laisser bouillir, puis passez-les dans
du beurre, avec du persil, des échalotes et des champignons
hachés; une cuillerée d^huile, poivre et muscade râpée; panez-
les de mie huilée , faites prendre couleur avec une pelle rouge ;
au moment de servir exprimez dessus le jus d'un citron.
Huîtres en hachis. — Faites-les blanchir sans les laisser
bouillir, mettez-les dans l'eau fraîche et égouttez-les, séparez le
milieu des bords, hachez ceux-ci finement avec de la chair de
carpe ou de tout autre poisson cuit à Peau ou au court-bouillon;
mêlez le tout ensemble, assaisonnez de poivre et de muscade
râpée.
Mettez dans une casserole un bon morceau de beurre avec
persil, ciboules, champignons hachés; passez sur le feu; mouillez
avec moitié vin blanc, moitié bouillon gras ou maigre, ajoutez
le hachis, faites-le chauffer sans bouillir, quand le hachis a bu
presque toute la sauce, et liez avec des œufs.
Huîtres frites pour hors- d' œuvre. — Ouvrez les huîtres,
mettez-les égoutter sur un tamis; mettez-les ensuite dans un
plat, avec du vinaigre, persil, ciboules, deux feuilles de laurier,
un peu de basilic, un oignon coupé par tranches, une demi-
douzaine de clous de girofle, et le jus de deux citrons; saucez-les
de temps en temps dans cette marinade, faites une pâte à frire
légère, essuyez et trempez-y les huîtres; faites-les frire, et servez-
les avec du persil frit.
Potage d'huîtres. — Passez vos huîtres à la casserole avec
du bon beurre, mettez en même temps des champignons coupés
par morceaux et un peu de farine, faites cuire le tout avec purée
claire, sel et poivre ; faites mitonner le pain avec du bon bouillon
de poisson, versez dessus vos huîtres et vos champignons avec un
jus de champignons.
Huîtres farcies. — Vous faites une farce avec un morceau
d'anguille et une douzaine d'huîtres blanchies, un peu de persil,
ciboules, quelques champignons; assaisonnez de sel, poivre, fines
herbes, fines épices et bon beurre frais avec un peu de mie de
pain trempée dans la crème et deux jaunes d'oeuf crus, le tout
haché et pilé ensemble dans un mortier. Vous garnissez le fond
648 HYDROMEL.
de vos coquilles avec cette farce et y mettez une huître en ragoût;
couvrez votre coquille de la même farce, frottez-la d'un œuf
battu, jetez dessus un peu de beurre fondu, panez de mie de
pain bien fine et mettez-les cuire au four jusqu'à belle couleur
blonde et servez chaudement pour entremets ou garniture d'en-
trée.
Huîtres au parmesan. — Mettez égoutter vos huîtres sur un
tamis, frottez le fond d'un plat avec du beurre frais, arrangez
les huîtres dessus, poudrez -les de gros poivre et de persil haché,
arrosez-les d'un demi-verre de vin de Champagne, couvrez-les
avec du parmesan râpé, mettez le plat dans le four ou sous un
couvercle de tourtière ; quand elles sont de belle couleur et bien
glacées, retirez-les, dégraissez-les, nettoyez le bord du plat, et
servez chaudement,
Huîtres à la daube. — Ouvrez des huîtres, assaisonnez-les
de fines herbes hachées fort menu avec persil, ciboules, basilic,
sel et poivre ; mettez-en très-peu dans chaque huître, arrosez de
vin blanc, recouvrez-les de leur couvercle et mettez-les cuire sur
le gril, passez de temps en temps la pelle rouge dessus, dressez-
les quand elles sont cuites, et servez-les découvertes.
Huîtres en hâtelets. — Blanchissez les huîtres dans deux
eaux sans les faire bouillir, lavez-les bien et faites égoutter;
mettez dans une casserole, persil, ciboules, champignons hachés,
une pointe d'ail avec un quarteron de beurre, ajoutez-y vos
huîtres et faites-leur prendre deux ou trois tours sans bouillir,
liez avec des jaunes d'oeufs, enfilez-les dans des hâtelets, panez-
les, faites-les griller, et servez à sec.
Huîtres à la minute. — Mettez dans une casserole une cuil-
lerée de coulis, un verre de vin de Champagne, un bouquet garni
et faites bouillir ; faites ouvrir en même temps des huîtres que
vous faites égoutter sur un tamis et dont vous ajoutez l'eau à
votre sauce, faites-la réduire, mettez-y vos huîtres pour leur faire
prendre quelques tours,'et servez avec des croûtons frits pour gar-
niture.
HYDROMEL. — Pline dit qu'on attribue son invention à
Aristée, de Cyrène, fils du Soleil. L'hydromel simple est le
mélange d'une petite partie de miel avec beaucoup d'eau, il
HYPOCRAS. 649
est bon contre la toux et lorsque les crachats sont difficiles à
expulser, mais il n'est pas du goût de tout le monde.
L'hydromel vineux est composé d'une partie de miel et
de trois parties d'eau, il ne faut que très-peu de chaleur pour
que la fermentation s'établisse, il devient aussi fort que le vin
d'Espagne et peut se conserver longtemps. Les anciens Egyptiens
l'estimaient beaucoup.
Il est, du reste, d'un goût fort agréable et fortifie l'estomac
à la dose d'un petit verre.
Cette liqueur paraît avoir été généralement répandue chez
les peuples anciens, les Celtibères, les Taulentiens, peuples de
rillyrie; la Grèce, l'antique Egypte buvaient largement le divin
breuvage, et le douzième livre de Columelle, l'agronome, est en
grande partie consacré à l'exposition des procédés dont les
Romains faisaient usage dans la préparation de cette boisson
favorite ; aujourd'hui encore l'usage de l'hydromel est générale-
ment répandu en Russie et en Pologne, et les Abyssiniens en font
une très-grande consommation.
HYPOCRAS. — Breuvage célèbre au moyen âge; c'était un
mélange de vin et d'ingrédients doux et recherchés, et voici une
recette que Taillèrent, le maître queux de Charles VII, nous en
a laissée.
a Pour une pinte, dit-il, prenez trois tréseaux (trois gros) de
Cinnamome fine et pure, un tréseau de mesche ou deux qui
veult, demi tréseau de girofle et de sucre fin six onces, et mettez
en pouldre, et la fault tout mettre en ung coulouoir avec le vin
et le pot, dessoûlez et le passez tant qu'il soit coulé et tant plus
est passé et tant mieux vault, mais qu'il ne soit esventé. » On se
servait pour le clarifier d'un filtre qu'on appelait chausse d'hy-
pocras.
Du temps de Louis XIV, ce breuvage était encore en faveur,
on le servait sur la table des grands, et la ville de Paris devait
en fournir chaque année un certain nombre pour la table royale.
Aujourd'hui ce breuvage est tout à fait perdu et ignoré.
I
IMPERIALE. — Prune qui ne mûrit qu'au mois d'août,
elle est longue et violette ; il y en a trois autres variétés^ qui
sont : rimpériale blanche, la verte hâtive et la jaune tardive.
IRIS. — Sa racine est employée dans la pâtisserie de petits-
fours, ainsi que dans plusieurs autres compositions d'office.
Réduit à rétat de fleur de farine on en fait des biscuits très-déli-
cats, ainsi que d'excellentes frangipanes aux essences de fleurs;
la meilleure espèce d'iris est incomparablement celle de la san--
tissima trinita de Florence. On la distingue aisément à la gros-
seur et à la blancheur de ses racines, qui émanent une excellente
odeur de violette.
ISSUE. — Abatis d agneau et volailles.
ITALIENNE SAUCE HACHÉE. — Vous mettez dans une
casserole une cuillerée de persil, la moitié d'une cuillerée d'écha-
lotes, la moitié de champignons bien fins^ une demi-bouteille de
vin blanc, 30 grammes de beurre ; vous faites bouillir le tout
jusqu'à parfaite réduction, puis vous versez dans la casserole
deux cuillerées de blond de veau, une pincée d'épices, vous faites
bouillir sur un feu doux, vous écumez et dégraissez, vous retirez
du feu et vous tenez chaud au bain-marie.
J
JAMBON. — Cuisse ou épaule de porc ou de sanglier^
(V. Cochon.)
JARRET DE VEAU. — Cette partie abonde en ligaments,
tendons et membranes qui, par une ébullition prolongée, se
résolvent en gélatine ; c'est cette propriété qui fait qu'on l'ajoute
souvent aux braises pour y faire de la gelée, et c'est, du reste, à
peu près son seul usage.
JASMIN. — te jasmin n'est guère employé dans la cuisine
que pour la fabrication des sorbets et dragées. (V. ces deux
articles.)
JULIENNE. — On donne ce nom à un potage fait avec
plusieurs sortes d'herbes et de légumes, notamment de carottes
coupées menues. On est parvenu à conserver ces légumes hachés
au moyen de la dessiccation, ce qui permet de faire de la julienne
en tout temps.
On voit dans les recettes de Marc Heliot, que la julienne
d'autrefois ne se composait pas exclusivement de légumes; en
effet, elle avait pour éléments une éclanche de mouton qu'on fai-
sait à moitié rôtir et qu'on empotait dans une marmite avec une
tranche de bœuf, une rouelle de- veau, un chapon et quatre
pigeons fuyards ; on faisait cuire le tout cinq ou six heures afin
que le bouillon fût bien nourri ; on y voit aussi qu'on coupait en
morceaux, trois carottes, six navets, deux panais, trois oignons,
deux racines de persil, deux pieds de céleri, trois bottes d'asperges
6ja JUS.
vertes, quatre poignées d*oseîlle, quatre laitues blanches, une
forte pincée de cerfeuil et, si la saison le permettait, un litron de
petits pois verts que Ton faisait cuire à part de la viande et dans
le bouillon de la grande marmite où Ton faisait aussi mitonner
les croûtes de pain dont cet ancien potage était composé.
JUS. — On donne le nom de jus de viande à une décoction
concentrée de jus de veau, de mouton, de bœuf, etc., formant les
fonds de cuisine dans les grandes maisons. Ces jus de viande,
éminemment chauds et réparateurs, conviennent aux tempéra-
ments et aux estomacs fatigués qui ont besoin d'être restaurés.
Autrefois on servait toujours à sec les viandes blanches rôties,
aujourd'hui tous les plats de rôti sont généralement passés avec
un certain jus de bœuf que les cuisiniers actuels appliquent à
toutes les viandes possibles, sans distinction. C'est un usage révo-
lutionnaire qui semble avoir prévalu sur la bonne coutume d'au-
trefois.
Voir pour les différents jus les articles B<euf, Veau, Mou-
ton, etc.
K
KANGUROO. — Les kanguroos sont originaires de la
Nouvelle-Hollande et des îles environnantes; essentiellement
frugivores à l'état sauvage, ils deviennent, lorsqu'ils sont accli-
matés, très-faciles à nourrir, se décident à manger tout ce qu'on
leur présente et boivent même, dit-on, le vin et l'eau-de-vie
qu'on leur donne.
Parmi les mammifères, le kanguroo est, sans contredit, un
des animaux qu'il serait le plus utile en même temps que le plus
Êicile de multiplier en Europe, soit à l'état libre, soit à l'état
domestique. En effet, l'acclimatation du kanguroo, ainsi que
plusieurs expériences l'ont déjà prouvé, ne demande presque
aucuns soins, surtout à l'égard des plus grandes espèces qui
habitent les parties méridionales de la Nouvelle-Hollande et de
l'île de Van Diemen; le climat de ces provinces, quoiqu'en géné-
ral tempéré, est souvent très-froid et le poil abondant et chaud
dont le kanguroo est revêtu lui permettrait de supporter, sans
trop en souffi-ir, les hivers les plus rigoureux de la France.
La chair du kanguroo est excellente, surtout lorsqu'il a été
élevé à l'état sauvage , et la croissance rapide de ces animaux,
jointe à leur taille élevée, produit en peu de temps une quantité
considérable de viande ; de plus, la conformation singulière de
ces animaux en donnant à leurs membres postérieurs un volume
beaucoup plus considérable qu'aux membres antérieurs est émi-
nemment favorable à la production d'une viande de bonne qua-
^54 KANGUROO.
lité, bien préférable à celle de la vache et du mouton en ce qu'elle
est plus tendre que celle de la première et plus abondante et
nutritive que celle du second.
Les parties les plus estimées dans le kanguroo, comme chez
tous les autres mammifères, sont ce que Ton appelle les filets qui
sont chez lui bien plus volumineux et plus puissants que dans
aucune autre espèce de gibier où le développement du muscle
psoas ne dépasse pas la région lombaire, tandis qu'il s'étend chez
le kanguroo jusqu'à la moitié de la région dorsale de la colonne
vertébrale, ce qui augmente de beaucoup cette partie si recher-
chée des consommateurs.
Cet animal est timide, doux, et pas le moins du monde des-
tructeur comme l'ont prétendu plusieurs auteurs ; on peut, sous
ce rapport, le comparer au lièvre ; il est très-iacile à nourrir et
dans le Retiro de Madrid où on en élève une certaine quantité,
on leur donne à manger l'hiver de l'orge, de l'avoine et du foin
sec, et ils paissent l'herbe verte dans les saisons où elle existe.
C'est la même nourriture que celle des chèvres nourricières. La
durée de sa vie est de lo à 12 ans. Dans la dernière période de
son existence, très-souvent, il devient aveugle à cause des cata-
ractes qui se développent, alors ces malheureux, ne pouvant plus
voir leur chemin, vont parfois se précipiter et se mettre en pièces
contre les murs de leur enclos.
On fait avec la queue du kanguroo, très-musculeuse et très-
forte, une soupe qui l'emporte sur toute autre par sa saveur et sa
bonté. ■
La chair de kanguroo s'apprête comme celle du lapin de
garenne avec laquelle elle a beaucoup de rapport, mais elle est
plus aromatique, ce qui dépend sans doute de la nature des
plantes dont il fait sa nourriture et qui sont presque toutes odo-
rantes.
Filets de kanguroo sautés. — Levez les deux filets d'un
kanguroo, parez-les, assaisonnez et rangez-les dans une casse-
role plate avec du beurre fondu. Préparez un peu de jus avec
les os et les débris de l'animal , passez-le, dégraissez-le, versez-le
dans une casserole avec quatre cuillerées de vinaigre ; ajoutez un
bouquet garni , faites réduire en demi-glace de façon à obtenir
KARL 6$s
une sauce l^ère, &ites-la enire pendant quelques minutes à feu
vif, mêlez-y deux cuillerées à bouche de gelée de groseilles et un
morceau de zeste de citron, ajoutez-y, dix minutes après, une
poignée de petits raisins de Corinthe ramollis à l'eau chaude,
laissez cuire le tout ensemble environ une heure, puis pochez les
filets au moment de servir, égouttez-les, dressez-les et masquez-
les avec la sauce.
Et vous aurez un plat rare et excellent.
KARL — Sorte de préparation dont l'usage nous vient des
Indes. On l'emploie le plus souvent avec des tendons de veau, des
poulets dépecés, des membres de lapins de garenne et des tron-
çons d'anguille; et il faut avoir bien soin de servir à proximité
de ces plats du riz cuit à l'indienne, c'est-à-dire à la vapeur.
On trouve de la poudre de kari toute préparée chez les
marchands de comestibles, mais pour le cas où on voudrait la
confectionner soi-même, en voici la recette empruntée à Vlndian^s
Ccok :
La poudre de kari doit être composée de quatre onces de
piment enragé (c'est une espèce qui est moins grosse qu'une olive
et qui croît sous les tropiques, il est beaucoup plus fort que le
piment de Cayenne et que le poivre rouge de nos climats), trois
onces de curcuma ou terra mérita des Indes, une demi-once de
poivre noir, un gros de muscade et un scrupule de gingembre.
On réduit lesdites substances en poudre très-fine en les broyant
au mortier de marbre et sous pilon de métal.
On l'emploie en l'immisçant dans un ragoût composé de
champignons, de fonds d'artichauts, de truffes coupées, de que-
nelles, de jaunes d'œufs cuits durs, de tranches de ris de veau,
de crêtes et de rognons de coq, ainsi que de cervelles et de ris
d'agneau, si la saison le permet, comme pour l'emploi des
truffes.
Kari indien. — Prenez un beau poulet, coupez-le comme
pour une fricassée; mettez -en les débris dans une casse-
role avec tout ce que vous aurez de débris de viande, un bou-
quet garni et de bon bouillon, si vous en avez. Faites cuire une
demi-heure et passez (il en faut au moins une grande tasse).
Prenez 125 grammes de saindoux, faites-y jaunir trois oignons
6;6 KAVIAR.
émincés, ôtez les oignons et mettez-les à part dans un peu de
bouillon pour vous en servir plus tard. Faites sauter vos mor-
ceaux de poulet dans votre saindoux, laîssez-les bien jaunir,
ajoutez deux bonnes cuillerées de iàrine, faites revenir pour Atet
l'âcreté de la farine ; mettez alors votre tasse de bouillon et votre
bouillon d'oignons (en ôtant les oignons). Retournez votre casse-
role jusqu'à ce que cela cuise, ajoutez deux cuillerées de pou-
dre de kari (ou une bonne cuillerée à café de poudre de sa&m
de l'Inde et une toute petite pincée de poudre de piment),
retournez votre casserole et surveillez-la.
Le kari se mange avec le riz à la créole.
Rij à la créole. — Mettez une demi-livre de riz bien lavé
dans une casserole, couvrez-le d'eau salée (deux doigts plus ou
moins), faites cuire et relirez quand il s'allonge. Mettez-le dans
une passoire et versez de l'eau fraîche dessus, égouttez-le. Au
moment de servir, mettez votre riz dans une sauteuse sur un feu
vif, tournez-le toujours jusqu'à ce qu'il soit un peu desséché
sans être brûlé. Servez-le dans un plat, et le kari avec sa sauce
dans un autre plat. Quelques personnes mettent le kari an
milieu d'un grand plat, et le riz autour.
KAVIAR, œufs d'esturgeon salés. (V. Caviar.) Ajoutons
seulement ici que le kaviar ou caviar, par sa propriété de dis-
poser l'estomac à recevoir les aliments, remplace le potage pour
les amateurs. C'était du moins l'avis de l'illustre Meyerbeer.
L
LAIE, sanglier femelle. — Je pourrais presque dire comme
Hippolyte, que c'est avec les sangliers que j'ai fait mon appren-
tissage de chasseur; à douze ans, je savais relever une trace, et
pouvais dire si c'était celle d'une laie, si elle était pleine, et de
combien de mois elle Tétait. J'ai raconté plusieurs histoires assez
dramatiques de cette première partie de ma vie.
Il faut apprêter la laie comme son iils, le marcassin, quand
elle est jeune, ou comme son mâle, le sanglier, lorsqu'une fois
elle a mis bas.
Les andouillettes à la tétine de laie sont très*dignes d'estime;
on les sert presque toujours sur un hachis de truffes au jus, ou
sur une purée de marrons à la crème et au vin blanc.
LAIT. — Substance animale blanche, liquide, douce, sucrée,
qui se forme dans les mamelles des femelles des animaux, et qui
est la première nourriture de l'homme.
Le seul lait dont nous fassions usage est celui de la vache,
de la chèvre et de la brebis ; et, comme remède dans certains cas
de phthisie , celui de l'ànesse.
J'ai eu occasion de boire du lait de chamelle et du lait de
jument, et ne l'ai trouvé en rien inférieur à celui de la chèvre et
à celui de la vache.
Lait de chèvre. — Le lait de chèvre est pourvu d'une densité
plus grande que celui de la vache, il est moins gras que le lait
de brebis; il conserve même, en beurre ainsi qu'en fromage, une
4»
6^8 LAITUE.
•
saveur bouquetine se rapprochant de l'odeur de Tanimal de qui
on le tire.
Les chèvres blanches et les chèvres sans cornes fournissent
un lait moins odorant.
Petit-Lait. — C'est le nom que Ton donne à la partie
aqueuse du lait.
LAITANCES. — La laitance est la semence des poissons.
Les laitances des carpes, des harengs et des maquereaux contien-
nent beaucoup de phosphore et sont un manger fort délicat, mais
très-échauffant. Nous* avons dit presque toutes les préparations
auxquelles peut être soumis cet aliment; mais, le plus souvent,
on l'apprête en friture, en caisse, en papillotes farcies, au gratin
maigre , en garniture de ragoût, et, pour foncer les tourtes, aa
vin blanc.
Les poissons laites sont plus estimés que les femelles œuvées.
LAITUE. — Plante potagère, ainsi nommée, selon Tour-
nefort, parce qu'on lui attribuait la faculté d'augmenter le lait
des nourrices, et eunuchinus^ selon Pythagore, parce que ses
qualités réfrigérantes équivalent à la castration.
Il y en a plusieurs espèces : la pommée, la cabuse, la laitue
crépue, la romaine à feuilles droites, la romaine frisée, la laitue
à feuilles de chêne, les laitues panachées et les chicons blancs.
Les deux meilleures espèces de laitue sont la laitue impériale et
la laitue de Silésie ; elles peuvent fournir des salades pendant
toute Tannée ; en outre, on les sert en ragoûts, farcies, braisées,
à la crème, en marinade, frites, et pour garniture de toutes les
grosses pièces de relevé,
. Laitues farcies. — Épluchez, nettoyez et faites blanchir vos
laitues ; égouttez, ôtez le cœur, remplacez-le par une boule de
godiveau ou de farce à quenelle; iicelez vos laitues, faites-les
cuire à la braise avec des tranches de rouelle de veau, des bardes
de lard, des racines, un bouquet garni et un setier de bon con-
sommé.
Autrement : Otez-les de la braisière et faites-les mitonner
avec un coulis; liez avec des jaunes d'œufs; servez au blanc.
Laitues farcies à la dame Simonne. — Faites blanchir det
laitues pommées en leur faisant seulement sentir la chaleur de
LAITUE. 6^9
Teau; faites-les ensuite égoutter; prenez de la chair de poulets
ou des blancs de chapon cuits, hachez-les avec quelques mor-
ceaux de jambon cuit et quelques champignons, un peu de persil
et de ciboule, une tétine de veau et un peu de lard blanchi et
de mîe de pain trempée dans de la crème, quatre ou cinq jaunes
d'œufs crus, avec sel, poivre, fines herbes et fines éptces; le tout
bien haché, pilez-le dans un mortier; prenez ensuite vos laitues,
pressez-les bien une à une, prenez la laitue du côté du pied,
étendez feuille par feuille sans les casser jusqu'au petit cœur, que
vous ôtez ; mettez à la place un morceau de farce et relevez les
feuilles par-8essus jusqu'à la fin et ficelez-la bien : continuez
de les farcir toutes de même.
Coupez par tranches deux livres de rouelle de veau ; gar--
nissez-en le fond d'une casserole avec des bardes de lard, quelques
. tranches d'oignon, et faites suer sur un fourneau. Mettez-y un
peu de farine quand cela commence à s'attacher et remuez avec
une cuiller sur le fourneau, afin que cela roussisse un peu;
mouillez de moitié jus et moitié bouillon, assaisonnez de sel,
poivre, clous de girofle, feuilles de laurier, basilic, persil et
ciboule entière.
Arrangez vos laitues farcies au fond d'une marmite; met-
tez-y cette braise, mouillez et faites cuire; quand elles sont
cuites, et si vous voulez les servir au blanc, tirez-les de la mar-
mite, ôtez la ficelle, égouttez-les bien, et mettez-les dans une
casserole avec un coulis blanc aussi épais que pour potage ; faites
mitonner vos laitues dans le coulis, dressez-les proprement dans
un plat, et servez chaudement pour hors-d'œuvre.
Laitues farcies frites. — Nettoyez, épluchez et faites blan-
chir vos laitues, égouttez-les, battez quelques œufs en omelette,
enlevez le petit cœur, mettez à sa place une boule de godiveau
ou une farce à quenelle; trempez vos laitues une à une dans
vos œufs préparés en omelette, passez-les, faites frire au sain-
doux, et quand elles auront pris une belle couleur, servez sur
une serviette garnie de persil frit.
Laitues hachées. — Lavez-les, faites-les blanchir dans une
eau de sel, et comme vous n'aurez conservé que les parties les
plus tendres, mettez-les dans l'eau chaude, dans l'eau froide
LAMPROIE.
seront refroidies, exprimez-en l'eau, hachez-les et
ans une casserole avec 135 grammes de beurre, do
ivre; quand elles seront un peu frites, vous y ajoole-
itité de iàrine proportionnée à celle de vos laitues;
iz de bouillon ; après un quart d'heure d'ébullition,
croûtons.
à l'espagnole. — Blanchissez dans l'eau salée,
r vingt minutes; au bout de ce temps, rairaichisset
nettez dans les cœurs un peu de sel et du gros poi-
s avoir iicelées, mettez-les dans une casserole sur un
de lard, avec quelques tranches de veau, des carottes
tranches, trois oignons, deux clous de girofle, one
Lurier; couvrez-les de lard, mouillez-les avec du
lites mijoter pendant une heure; vos laitues une
gouttez-les, pressez-les, glacez, garnissez de croû- ,
.OIE. — Poisson qui ressemble à l'anguille; il se
les hautes mers, s'aventure dans les rivières au prin-
n a qui pèsent jusqu'à sept livres; sa forme est celle
vre, sa couleur d'un jaune verdâtre marquetée de
s et de points noirs ; sa peau moins foncée sur le
de Bourgogne, Philippe le Hardi, avait pour coaS»-
inicain qu'il régalait chaque année d'une lamproie,
ne pouvait s'en procurer une, il faisait payer qua-
lus d'argent.
leterre, lorsque ce poisson est rare, on le paye jus-
inée. La ville de Glocester présente chaque année,
foèl, un pâté de lamproie au roi ou à la reine.
reproche aux papes et aux seigneurs romains de
convives de lamproie , qu'ils payent jusqu'à vingt
t qu'ils font mourir en les plongeant dans du vin de
une muscade dans la bouche, et un grain de girofle
ouverture des branchies; après cette préparation,
uises dans une casserole où on les disait cuire avec
pilées et toutes sortes d'épices; ses petits, nommés
sont un mets recherché; et son frai, qu'on appelle
LANGOUSTE. 661
sept-œil, est un hors-d'œuvre d'une délicatesse extrême; on le
reçoit principalement de Rouen et de Barfleur, d'où Ton expédie
la sept-œil toute préparée dans des pichets, avec un mélange de
beurre frais, de purée d'oseille et de fines herbes.
C'est à tort qu'on a accusé les anciens Romains de nourrir
leurs lamproies avec des esclaves.
Auguste ayant fait prévenir PoUion qu'il irait dîner chez
lui, un esclave cassa un vase de verre dont il comptait se faire
honneur devant l'empereur.
Védius PoUion ordonna qu'il fut aussitôt jeté aux lamproies,
mais ce malheureux courut à Auguste et lui demanda la vie ;
non-seulement Auguste la lui accorda , mais encore il fit casser
tous les vases de verre qui se trouvaient chez son hôte et combler
tous les viviers.
Les grosses lamproies reçoivent encore aujourd'hui les
mêmes préparations qu'au) xv i® siècle ; on appelle la manière de
les préparer à l'angevine.
Lamproie à la sauce douce. — Saignez-la par la gorge et
gardez soii sang; limonez-la dans l'eau bouillante et passez-la
dans un roux; après l'avoir coupée par tronçons, vous la mouil-
lerez aussi avec du vin de Bourgogne rouge, en y ajoutant
de la cannelle, un bouquet de fines herbes où vous ajouterez une
branche de sauge, ainsi qu'une écorce de citron vert, vous éta-
blirez dans le fond du plat un large croûton de pain de seigle
ainsi qu'il est indiqué pour les matelotes à l'anguille.
Lamproie à la matelote bourguignonne. — (V. Matelote
BOURGUIGNONNE.)
Lamproie à la tartare. — Suivez exactement les mêmes
procédés pour ce poisson que pour l'anguille à la tartare, excepté
qu^il faut échauder les lamproies pour les limonner au lieu de les
écorcher.
Lamproie aux champignons, — Cuisez à la casserole des
tronçons de lamproie avec moelle de bœuf, champignons, fines
herbes, macis, piment de Cayenne et vin blanc; faites réduire le
mouillement et garnissez votre plat d'entrée avec des ceps ou des
oranges.
LANGOUSTE. — Crustacé qui diffère du homard en ce
66a LANGUE.
qu'il est d'une saveur moins fine, et qu'il est dépoufyu des grosses
pattes que les pêcheurs appellent des mordants; la langouste se
fait cuire au court-bouillon et se mange avec une rémoulade aux
câpres ou une mayonnaise au citron et à l'huile d'olive.
LANGUE. — Presque tous les praticiens qui ont écrit sur
la cuisine ont avancé que la langue était la partie de l'animal qui
dépassait les autres pour son goût excellent; ils font exception
pour la langue de bœuf, et cependant elle était tellement estimée
sous Louis XII, qu'il existait un droit féodal dans certaines par-
ties de la France par lequel toutes les langues de bœufs tués
appartenaient au seigneur du lieu.
Langue fumée. — Ayez autant de langues de bœuf que
vous le jugerez à propos, supprimez-en le gosier et faites-les
tremper trois heures dans l'eau; grattez-les, mettez-les égoutter ;
frottez-les avec du sel fin et environ deux onces de salpêtre; ayez
un pot de grès, mettez-y vos langues, et à mesure que vous les
arrangerez, joignez-y quelques feuilles de laurier, du thym, du
basilic, du genièvre, du persil, de la ciboule, quelques gousses
d'ail, des échalotes et des clous de girofle; ayez soin que vos
langues soient bien serrées les unes contre les autres, afin qu'il
n'y ait nul vide entre elles : les ayant salées convenablement,
couvrez votre pot de manière qu'elles ne prennent pas Tévent;
laissez-les au sel huit jours; après retirez-les, attachez-les par le
petit bout à un grand bâton et mettez-les fumer dans la cheminée
jusqu'à ce qu'elles soient sèches; quand vous voudrez les
employer, lavez-les, ratissez-les et faites-les cuire dans un bon
assaisonnement.
Vous pouvez faire du petit salé avec la saumure assaisonnée
de vos langues.
Langue de bœuf fourrée. — Vous ferez dégorger des lan-
gues et nettoyer des boyaux de bœuf; ayant fait tremper quel-
ques heures dans de l'eau et des herbes aromatiques ces boyaux,
mettez vos langues dedans et liez-en les extrémités; ayez une
saumure assez considérable , mettez-y du salpêtre en petite quan-
tité, macis, clous de girofle,, gingembre, poivre long, laurier,
thym, basilic, genièvre et coriandre; faites bouillir cette saumure
une demi-heure, à petit feu; passez-la au tamis; laissez-la repo-
LANGUE. 66]
ser; tirez-la au clafr; mettez-y tremper ces langues pendant
douze jours; après, retirez-les, faites-les sécher à la cheminée;
pendant qu'elles sèchent, brûlez dessous, si vous le voulez, des
herbes de senteur et faites cuire ces langues dans une braise,
telles que les langues fumées.
Langue de bœuf à la braise. — Ayez une langue de bœuf,
coupez-en le cornet; mettez-la dégorger deux ou trois heures et
plus ; retirez-la de Teau ; ratissez-la bien avec votre couteau pour
en oter la malpropreté ; faites-la blanchir dans un chaudron ou
dans une grande marmite avec oignons et carottes; mouillez-la
avec du bon bouillon et un verre de vin blanc; joignez-y quel-
ques parures de viande de boucherie, de volaille ou de gibier,
afin de lui donner du goût; faites-la partir; après, mettez-la sur
un feu modéré, couvrez-la d'un papier et d'un couvercle avec feu
dessus; laissez-la mijoter quatre heures et demie; dressez-la sur
un plat; arrangez autour des légumes avec lesquels vous Tavez
fait cuire; passez son fond à travers un tamis de soie; saucez
votre langue avec ce fond, dans lequel vous ajouterez une ou
deux cuillerées d'espagnole, et servez.
Langue de bœuf en papillote. — Faites cuire cette langue
comme la précédente, sans la larder : quand elle sera cuite, lais-
sez-la refroidir dans son assaisonnement; après, coupez-la par
lames de l'épaisseur d'un demi-pouce; ayez soin de la couper en
bec de sifflet, pour qu'elle représente à peu près la largeur d'une
côtelette de veau; parez tous les morceaux avec propreté; faites
qu'ils soient de même grandeur, et mettez-les en papillotes de la
manière suivante : hachez autant de persil que de ciboules et
deux fois plus de champignons ; en hachant ces derniers, expri-
mez dessus un jus de citron pour les maintenir blancs, mettez-les.
dans le coin d'un torchon et pressez-les; supprimez le jus;
ensuite, jetez le tout dans une casserole avec un morceau de
beurre; mettez-y sel, gros poivre et un peu de muscade râpée;,
faites cuire le tout à petit feu ; selon la quantité de vos fines,
herbes, versez-y une cuillerée ou deux d'espagnole réduite ou
de velouté; faites réduire le tout de nouveau, en sorte que l'hu-
midité ne fasse pas crever vos papillotes : taillez votre papier en
forme de cœur, en coupant un peu la pointe; étendez votre
l
664 LAPIN.
papier; huilez-le légèrement avec le doigt à Tendroit où tous
devez poser votre morceau de langue et vos fines herbes ; ensuite
mettez une petite barde de lard sur le papier, et sur ce lard la
valeur d'une cuillerée à bouche des mêmes herbes; ensuite
posez votre morceau de langue, et, dessus, faites la même opéra-
tion que dessous : vous aurez soin de rogner votre papier avec
des ciseaux, au cas où il serait trop grand pour la côtelette :
ployez-le de manière à ce que les bords se trouvent égaux; videz
la papillote tout autour le plus serré que possible, en sorte que
la partie coupée de ce papier se trouve rentrée en dedans du
bord : pour y parvenir, vous pincerez votre papier avec le pouce
et l'index et le rentrerez en dedans, comme si vous vouliez Étire
une corde : à Tégard de la pointe du haut, vous la tordez conmie
une papillote ; cela fait, huilez vos papillottes ' en dehors, soit
avec la main, soit avec un doroir; mettez-les sur un gril, avec
feu doux, environ dix minutes; avant de servir, retournez-les,
cinq minutes après les avoir posées sur le feu ; que le papier soit
d'une belle couleur; lorsque vous les verrez gonfler, c'est une
preuve qu'elles sont atteintes ; servez-les tout de suite.
Langue de bœuf à Vitalienne ou au parmesan. — Faites
cuire cette langue dans une braise, comme la précédente; lais-
sez-la refroidir de même; coupez-la par lames très-minces;
mettez du parmesan dans le fond d'un plat creux ; couvrez votre
parmesan de vos tranches de langue, ainsi de suite; faites trois
ou quatre lits de langues et de fromage ; arrosez chaque lit d'un
peu du fond dans lequel aura cuit la langue dont il s'agit, et
finissez par un lit de fromage que vous arroserez d'un peu de
beurre fondu; mettez le plat au four ordinaire ou de campagne;
donnez à votre parmesan une belle couleur, et servez,
LAPIN. — Les lapins sont originaires d'Afrique, d*où ils
passèrent en Espagne, puis en France. Pline et Varron racon-
tent qu'à Tarragone, ville d'Espagne, le nombre considérable de
lapins qui avaient creusé leurs terriers sous les maisons de cette
ville causèrent l'éboulement de vingt-cinq ou trente de ces mai-
sons. Bazilazzo, l'une des iles Lipari, fut privée de toutes ses
récoltes et réduite à la famine par le grand nombre de ces ani-
maux. Ils étaient si abondants dans les provinces méridionales
LAPIN. 66s
de la France, que Beaujeu raconte qu'en 1551 un gentilhomme
provençal étant allé à la chasse aux lapins avec quelques-uns de
ses vassaux et trois chiens, il en rapporta le soir six cents. Dans
les îles qui sont auprès d'Arles, dit-il, il / en a tant que, quand
un chasseur n'en tue pas cent dans la journée, il revient mécon-
tent. Le lapin était regardé comme un emblème de la fécondité;
elle est si prodigieuse que Ton a calculé que dix hases pou-
vaient produire dans une année jusqu'à huit ou neuf cents lapins.
Elles portent trente ou trente et un jours, et fournissent annuel-
lement au commerce de la chapellerie pour quinze à vingt millions
de peaux. L'hiver est le meilleur temps pour le manger, et, pour
le manger bon, il faut qu'il ne soit ni trop jeune ni trop vieux ;
pour distinguer le lapin du lapereau, on tàte en dehors des
pattes de devant en dessus de la jointure, et si Ton sent dans cette
partie une saillie grosse comme une lentille, c'est une preuve
que l'animal est complètement jeune. On reconnaît les lapins de
garenne à ce qu'ils ont le poil des pieds et celui qui est sous la
queue de couleur rousse; on imite cette couleur dans les lapins
de clapier en faisant roussir lé poil de ces parties au feu; on
reconnaît facilement cette fraude à l'odeur, ou bien en lavant
ces parties si elles ont été teintes ; la chair du lapereau vient
immédiatement, sous le rapport de la digestibilité, après celle
des volailles qui ne sont pas trop grasses et avant celle des
volailles qui le sont trop.
Lapereaux rôtis et servis en accolade. — Dépouillez deux
lapereaux, videz-les en leur laissant le foie, faites-les refaire sur
la braise, ensuite piquez-les de menu lard sur le dos et les
cuisses, enfin, mettez-les à la broche. On ajoute beaucoup au
fumet des lapins en leur mettant dans le ventre quelques feuilles
du prunier de Sainte-Lucie ou un bouquet de mélilot , plante
très-commune dans les prairies sèches.
Gibelotte de lapin à V ancienne mode. — Coupez un lapin
par morceaux et une moyenne anguille en tronçons, faites un
roux, et passez-y votre lapin et vos tronçons d'anguille , quand
il sera d'une belle couleur café au lait; faites-y revenir alors des
champignons et des petits oignons; quand le tout sera bien
revenu, mouillez avec un tiers de vin blanc, deux tiers de
666 LAPIN.
bouillon ; assaisonnez de sel, de poivre, de persil, de ciboules et
de thym ; ôtez les tronçons d'anguille et les oignons, faites cuire
à grand feu; lorsque le mouillement sera réduit à un tiers,
remettez les tronçons d'anguille et les oignons, finissez à feu
doux, dégraissez et servez.
Sauté ^ ou escalopes de lapereaux. — Prenez deux lapereaux,
dépouillez-les, levez-en les filets, prenez la chair et les cuisses,
ôtez les filets mignons et les rognons, supprimez les nerfs et les
peaux de ces chairs, coupez-les en petits morceaux d'égale gros*
seur, aplatissez-les avec le manche de votre couteau, que vous
tremperez dans de l'eau, parez-les; faites fondre du beurre dans
une sauteuse, arrangez-y vos escalopes les unes après les autres,
saupoudrez-les légèrement d'un peu de sel et d^ gros poivre;
mettez dessus un peu de beurre fondu, couvrez-les d'un rond de
papier et laissez-les ainsi jusqu'au moment de servir; coupez vos
carcasses de lapereaux par morceaux, mettez-les dans une petite
marmite, avec une carotte, deux oignons, dont un piqué d'un
clou de girofle, un bouquet de persil et ciboules, une feuille de
laurier, une lame de jambon et quelques débris de veau ; mouillez
tout cela avec du consommé, faites-le bouillir, écumez-le et
laissez-le cuire environ une heure ; dégraissez ce consommé et
passez au tamis; faites-le réduire aux trois quarts; ajoutez-y
deux cuillerées à dégraisser d'espagnole réduite; faites revenir
de nouveau votre sauce en la travaillant, à consistance d'une
demi-glace ; au moment de servir, sautez vos escalopes, faites-les
roidir des deux côtés, égouttez-en le beurre en conservant leur
jus, mettez-les dans votre sauce, sautez-les, dressez-les dans on
plat, et servez.
Vous pouvez, dans la saison, couper des truffes en liards»
les passer dans du beurre, les égoutter, et au moment de servir,
les sauter avec vos escalopes.
Lapereaux aux petits pois. — Faites un petit roux; coupez
vos lapereaux par membres; votre roux étant bien blond, passez-
les dedans, ajoutez-y quelques dés de jambon et mouillez le tout
avec du bouillon, faites que votre roux soit bien délayé, mettez-
y un bouquet de persil et ciboules garni d'un clou de girofle,
d'une feuille de laurier et d'une demi-gousse d'ail ; lorsque votre
LAPIN. 667
lapin sera en train de bouillir, mettez-y un litre de petits pois et
faites cuire le tout que vous assaisonnerez de sel en suffisante
quantité ; quand votre votre ragoût sera bien réduit, supprimez-
en le bouquet et servez,
iMpereaux roulés aux pistaches. — Habillez deux lapereaux
dont vous garderez les foies, désossez-les sans couper la peau,
étendez dessus une farce faite avec les foies, blanc de poularde,,
graisse, lard blanchi^ persil, ciboules, champignons, une pointe
d'ail, sel, poivre, muscade, jaunes d'œufs pour liaison, le tout
bien mêlé et pilé ensemble et de bon goût, mettez également de
cette farce partout, unissez avec un couteau trempé dans de Toeuf
battu, roulez les lapereaux, enveloppez-les de bardes de lard et
d'une étamine,. ficelez-les et faites-les cuire à la braise, puis
développez-les, dégraissez-les et servez-les avec une bonne essence
de pistaches. '
Filets de lapereaux piqués et glacés. — Ayez six lapereaux
dont vous levez les filets, parez-les, supprimez-en la peau et les
nerfs, piquez-en six des plus gros de menu lard, et faites des inci-
sions de distance en distance aux six autres; prenez des truffes,
arrondissez-les, cannelez-les, c'est-à-dire donnez-leur la forme
d'une petite crête, coupez-les de l'épaisseur d'une pièce de deux
francs, arrangez-les dans toutes les incisions de vos filets; rangez
ces filets dans une sauteuse dans laquelle vous aurez fait fondre
un peu de beurre; donnez-leur la forme que vous jugerez à
propos, saupoudrez-les de sel, arrosez-les de beurre fondu et au
moment de servir faites cuire avec feu dessus et dessous, tàtez s'ils
sont cuits, saucez-les avec un fumet réduit et servez.
Lapins en casserole. — Coupez vos lapins en quatre, gardez*
en les foies, piquez les morceaux de gros lard assaisonné et de
lardons de jambon, garnissez le fond d'une casserole de bardes
de lard et de tranches de veau avec sel, poivre, fines herbes, fines
épices, oignons, ciboules, persil, carottes et panais, arrangez les
membres de lapin dans la casserole, assaisonnez-les dessus et
dessous et faites cuir au four feu dessus et dessous.
Faites un coulis avec un morceau de veau et de jambon que
vous coupez par tranches, battez-les, garnissez -en le fond d'une
casserole, mettez-y un oignon, un morceau de carotte çt des
668 LAPIN.
panais coupés par tranches, couvrez votre casserole, mettez suer
à petit feu et ajoutez-y quand cela commence à s'attacher un
peu de lard fondu et de farine, remuez le tout ensemble, mouillez
de jus et de bouillon, moitié l'un, moitié l'autre, assaisonnez de
champignons, truffes, ciboules entières, persil, trois ou quatre
clous de girofle, ajoutez quelques croûtes de pain et faites miton-
ner le tout ensemble.
Prenez vos foies de lapin, pilez-les dans le mortier, délayez-
les avec un peu de jus de votre coulis, videz^les ensuite dans la
casserole où est ce coulis, faites-les un peu chauffer, passez ce
coulis à rétamine et mettez-le dans une autre casserole.
Puis vos lapins étant cuits, vous les retirez et les mettez dans
votre coulis; laissez mitonner un peu avant de servir, dressez-les
dans un plat, jetez votre coulis par-dessus et servez chaudement
pour entrée.
Hachis de lapereaux à la Portugaise. — Ayez trois lape-
reaux, faites-les cuire à la broche et levez-en les chairs, ôtez les
peaux et les nerfs, hachez ces chairs, mettez-les dans un vase jus-
qu'au moment de vous en servir, prenez vos carcasses de lape-
reaux, concassez-les, mettez-les dans une casserole avec cinq
cuillerées à dégraisser d'espagnole, deux de consommé et un verre
de vin blanc de Champagne; faites cuire le tout, passez cette
farce à l'étamine, faites-la réduire jusqu'à consistance de demi-
glace, mettez-y vos chairs avec un peu de gros poivre et un pain
de beurre, liez bien le tout sans le laisser bouillir et dressez votre
hachis sur un plat auquel vous aurez fait une bordure avec des
petits croûtons de pain frits; mettez sur votre hachis huit ou neuf
œufs pochés et glacés. Ce hachis doit se trouver entre les œufs
avec un peu de votre essence que vous aurez réservée à ce sujet.
Vous pouvez aussi mettre des filets mignons entre vos œufs en
sautoirs, décorés de truffes et piqués.
Lapereaux à la Saingarac. — Piquez proprement vos lape-
reaux et faites-les rôtir, ayez des tranches de jambon battues,
passez-les avec un peu de lard et de farine, meltez-y un bouquet
de fines herbes, du bon jus qui ne soit pas salé, faites cuire le
tout ensemble et mettez-y un filet de vinaigre, liez cette sauce
avec un peu de coulis et de pain ; coupez les lapereaux en quatre.
LAPIN. 669
dressez-les sur un plat, jetez fa sauce dessus avec les tranches de
jambon, dégraissez-la et servez chaudement.
Lapins aux truffes, — Faites cuire des lapins en casserole,
comme il est dit plus haut, passez les trufFes avec un peu de
beurre fondu, mouillez-les de moitié jus de veau, moitié essence
de jambon, laissez-les mitonner pendant un quart d'heure,
dégraissez-les et liez d'un coulis, retirez ensuite vos lapins,
égouttez-les, mettez-les dans le ragoût de truffes, dressez-les,
jetez le ragoût par-dessus et servez pour entrée.
Lapins en bre^ole. — Habillez, deux gros lapereaux, coupez-
les en quatre, dressez-les, levez-en la chair que vous mettrez à
part et conservez-en la peau, faites une farce avec cette chair, les
foies, de la graisse de bœuf, de veau, de lard blanchi, assaison-
nez de sel, poivre, fines herbes, fines épices, câpres hachées, pilez
le tout dans un mortier, ajoutez-y deux ou trois jaunes d'œufs
pour lier le tout ; étendez les peaux de vos lapins sur la table,
étendez de la farce dessus, roulez-les, ficelez-les, puis garnissez
une casserole de tranches de bœuf et de bardes de lard, avec sel,
poivre, fines herbes, fines épices; arrangez les brezoles dessus,
assaisonnez comme dessous, ajoutez-y un bouquet garni, carottes,
panais, oignons, laurier, coriandre; mouillez de deux cuillerées
de bouillon, couvrez la casserole et faites cuire à petit feu. Vos
brezoles étant cuites, égouttez-les dans une autre casserole,
mettez dedans une essence jambon, des mousserons hachés et
mitonnes, passez les brezoles de la casserole où elles ont cuit dans
celle où est l'essence, sans trop les remuer, laissez attacher le
jus de votre braise, mouillez encore de jus, dressez-les dans un
plat, et servez avec une échalote et jus de citron pour entrée.
Lapereaux en fricassée de poulet, — Ayez deux lapereaux
bien tendres, coupez-les en morceaux, essuyez-en le sang, met-
tez-les dans une casserole avec de Teau, quelques tranches d'oi-
gnon , une feuille de laurier, du persil en branche, quelques
ciboules et un peu de sel; faites-leur jeter un bouillon, égouttez-
les, essuyez-les et parez-les de nouveau ; mettez-les dans une autre
casserole avec un morceau de beurre, sautez-les, saupoudrez-les
légèrement de farine , mouillez-les avec l'eau dans laquelle ils
ont blanchi, en ayant soin de les reqjuer pour que la farine ne
éyo LAPIN
fasse point de grumeaux ; faites-lés bouillir, mettez des champi-
gnons, des mousserons et des morilles, laissez cuire, faites réduire
la sauce convenablement : votre ragoût cuit, liez-le avec quatre
jaunes d'œufs délayés, soit avec un peu de lait, soit avec de la
crème ou un peu de la sauce refroidie, et finissez-les en y met-
tant un jus de citron, un filet de verjus, ou bien encore un filet
de vinaigre blanc, et servez.
Lapereau au gratin, — Habillez et coupez par membres
un lapereau ; foncez une casserole de tranches de veau, bardes de
lard, cinq ou six tranches de jambon coupées bien égales; mettez
vos morceaux de lapereau dessus, presque pas de sel, couvrez de
bardes de lard et mettez cuire à la braise en y mettant un bou-
quet garni avec clous de girofle, basilic et laurier.
Hachez le foie, avec persil, ciboules, champignons, liez
avec deux jaunes d'œufs, ajoutez lard râpé, sel et poivre, mettez
de cette farce sur un plat et laissez-la gratiner sur un très-petit
feu, retirez-la ensuite et égouttez-la. Puis le lapereau étant cuit,
vous le tirez avec le jambon, vous dégraissez la sauce, la mouillez
d'un peu de coulis et de jus, vous faites prendre un bouillon;
dégraissez et passez au tamis, dressez les morceaux de lapereau
sur la farce, une tranche de jambon entre chaque morceau, vous
échauffez le plat sur un fourneau, la sauce par-dessus, et servez
chaudement.
Timbale de lapereaux. — Ayez .deux lapereaux que vous
coupez par membres, passez-les dans une casserole avec sel,
poivre, fines herbes hachées, ciboules, champignons et truffes^
épices fines et laurier ; mêlez le tout et mouillez avec un verre de
vin blanc et deux cuillerées à dégraisser d'espagnole, faites mijo-
ter, et quand vos lapereaux seront cuits, laissez-les refroidir, bx^z
la feuille de laurier, puis beurrez une casserole de grandeur
convenable, foricez-la de petites bandes de pâte roulées en com-
mençant par le milieu du fond de cette casserole et tournant la
pâte en forme de lima^n jusqu'à ce que vous arriviez au rebord
de la casserole; moulez ensuite un morceau de pâte, qui vous
servira à faire un double fond, abaissez-la, donnez-lui l'épais-
seur d'une pièce de 5 francs, pliez-la en quatre, puis mouillez
un peu les bandes avec un doroir, posez dessus votre double fond
LAPIN. 671
en appuyant légèrement afin qu'il ne reste aucun vide entre les
bandes et rabaisse, roulez du godiveau avec un peu de farine,
formez-en de petites quenelles, garnissez-en le fond de votre
timbale, mettez-en tout autour, presque jusqu'au bord, remplis-
sez-en le vide des membres de vos lapereaux, joignez-y quelques
champigQons tournés et passez dans du beurre. Faites une
'seconde abaisse pour couvrir votre timbale, mouillez-en les
bords, posez dessus votre couvercle de pâte, soudez-le et videz-le ;
mettez-la au four environ une heure et demie ; lorsqu'elle sera
<:uite de belle couleur et que vous serez prêt à servir, renver-
sez-la sur le plat, levez-en un couvercle de la grandeur que
vous voulez, mettez dans votre timbale une bonne espagnole
réduite, et servez.
Si vous n'avez pas le temps de faire ces bandes, beurrez
votre casserole, saupoudrez-la de vermicelle, mettez votre abaisse
dessus, et procédez pour le reste comme il est indiqué ci-dessus.
Lapereau piqué aux navets. — Habillez un lapereau et cou-
pez-le par membres ; piquez-le de petit lard, mettez-le ensuite
dans une casserole avec une tranche de jambon, un bouquet, du
bouillon, faites-le cuire et glacez-le; tournez des navets en
amandes, faites-les blanchir et cuire avec du bouillon, du jus et
un peu de sel. Quand ils sont cuits, vous les mettez dans une
bonne essence; mettez un peu de bouillon dans la casserole où
vous avez glacé le lapereau, détachez tout ce qui reste, passez-le
au tamis et mettez-le dans l'essence; puis vous dressez votre
lapereau avec le ragoût de navets autour.
Lapereaux en papillotes. — Prenez des lapereaux, videz-les,
coupez-les en morceaux, désossez-les, passez-les dans de fines
herbes hachées, faites-les cuire une demi-heure, et préparez-les,
du T^st^y comme les côteletes de veau. (Voir Côtelettes de
VEAU EN PAPILLOTTES.)
Marinade de lapereau. — Ayez deux lapereaux cuits à la
broche, laissez-les refroidir, coupez-les par membres, faites-les
mariner ; lorsqu'ils le seront suffisamment, égouttez-les, met-
tez-les dans une pâte à frire, faites-les frire de belle couleur, et
Salade de lapereaux. — Faites cuire un ou deux lapereaux
67a
LAPIN.
à la broche, coupez-les par membres, parez-les, dressez-les sur
un plat, décorez-les avec des filets d'anchois, des œufe durs cou-
pés par quartiers, des betteraves, — si c'est la saison, — des cœurs
de laitue, des câpres, de petits oignons cuits, de la fourniture
hachée, et servez avec un huilier.
Cuisses de lapereaux à la Mailly. — Prenez les cuisses de
deux forts lapereaux, élargissez le dedans le plus que vous pour-
rez sans percer, prenez ensuite les filets du reste des lapereaux,
que vous coupez en dés, et que vous maniez avec du persil, ciboules,
champignons, sel, gros poivre; remplissez de cette farce Tinté-
rieur des cuisses de vos lapereaux, cousez-les bien; mettez dans
une casserole des tranches de veau et des bardes de lard, arran-
gez dessus les cuisses de vos lapereaux et couvrez-les de bardes
de lard; ajoutez-y du sel, gros poivre, bouquet garni et les os
des lapereaux ; mouillez avec du bouillon et un verre de vin de
Champagne, et faites cuire à petit feu.
Quand les cuisses sont cuites à propos, dressez-les sur un
plat, passez la cuisson au tamis, dégraissez la sauce, met-
tez-y une cuillerée de coulis, et servez avec les cuisses des lape-
reaux.
Lapin cuit dans sa peau. ( Recette de M. Vuillemot de la
Tête-Noire,) — Prenez un lapin de garenne gui ait été pris au
furet afin que la peau ne soit pas perforée; faites-lui une petite
incision au bas -ventre et une semblable à la peau; écartez la
peau, enlevez avec le doigt, aussi légèrement que possible, les
intestins et le foie, sans les crever, jusqu'à la couronne; prépa-
rez ensuite une farce fine de truffes et champignons, introduisez
cette farce à la place des intestins, écartez légèrement la peau
afin de donner de Tair entre cuir et chair; recousez cette chair,
coulez entre cuir et chair une cuillerée à bouche d'huile d'olive
et recousez également la peau. Tout ceci fait, vous suspendez le
lapin pendant six heures par les pattes et autant de temps par
la tête, puis vous Tembrochez bien soigneusement et le faites
cuire à grand feu de broche sans l'arroser, en nettoyant de temps
en temps sa peau avec une petite brosse de chiendent; puis,
vous le débrochez, vous faites une incision à la queue de votre
lapin, et vous ôtez la peau, qui doit se détacher très-facilement
LARDER, 673
en soufflant dessus. Vous dressez sur un plat et servez avec une
bonne sauce à la Périgueux.
Ayez bien soin que les pattes de devant soient jointes aux
épaules.
Lapereaux en caisse. — Ayez deux ou trois jeunes lape-
reaux : préparez-les, refaites-les, posez-les à un feu nu pour les
roidir; faites une caisse de la grandeur de vos lapereaux, frot-
tez-la d'huile, posez-la sur le gril et rangez-y les lapereaux ;
passez dans du beurre des fines herbes hachées, telles que per-
sil, ciboules, champignons, ^que vous mettrez dans un linge blanc
et que vous tordrez pour en supprimer le jus, qui pourrait
ramollir votre caisse ; assaisonnez ces fines herbes de sel, poivre,
fines épices et versez-les dans la caisse; mettez-la sur un feu
doux, ayez soin d'y tourner les lapereaux, et, leur cuisson faite,
servez-les.
Mayonnaise de lapereaux. — Faites cuire deux lapereaux à
la broche, laissez-les refroidir, coupez-les par membres, parez-
les proprement, mettez-les et sautez-les dans une mayonnaise, et
servez.
LARD. — La chair de cochon tst généralement lourde et
indigeste, surtout pour les personnes qui ne font pas beaucoup
d'exercice; mais lorsque le sel Pa endurcie et qu'elle a séché à la
fumée, elle est encore plus malfaisante. Tel est le lard.
La graisse de lard, d'ailleurs, devenant ordinairement rance
et acrimonieuse , ne peut produire que de mauvais effets sur
Pestomac, et quelquefois excorier la bouche et le gosier.
On appelle lard un morceau de cochon où il y a un peu de
chair qui tient à la couenne et qu'on met au pot. Le lard des
cochons nourris de glands est plus ferme que le lard de ceux qui
ne mangent que du son, et par conséquent meilleur.
Nous avons dit à l'article du Cochon tout ce qu'il y a à dire
du lard et la manière de le faire.
LARDER. — Terme de cuisine qui exprime l'action de
passer des lardons à travers une viande avec une lardoire. Pour
larder proprement une viande, il faut que les lardons soient gros
comme la moitié du petit doigt et bien assaisonnés de sel et de
poivre ; pour larder à la surface seulement, on n'emploie que de
41
674 LENTILLE.
très-fins filets de lard, qui, dans ce cas, sont disposés avec symé-
trie, et quelquefois figurent des dessins.
LARDONS. — Petits morceaux de lard dont on se sert pour
larder.
LAURIER. — On ne se sert à la cuisine que du laurier
franCy ou àiQ4pollony dont on fait un fréquent usage. On en met
dans tous les bouquets garnis, assaisonnement obligé de tous les
ragoûts; maïs on doit l'employer avec modération, et sec de pré-
férence, afin que la saveur en soit moins forte et qu^il ait moins
d'àcreté.
LÈCHEFRITE. — Ustensile de cuisine long et plat, possé-
dant à chacune de ses extrémités un bec, ou espèce de petite
gouttière afin de recueillir plus facilement le jusqu'elle contient.
La lèchefrite est destinée à recevoir la graisse et le jus des
viandes rôties, et il est indispensable de la tenir toujours dans un
état de propreté parfaite, ce qui ne peut s'obtenir que par un
écurage au sable, dont on se dispense trop souvent dans les
cuisines.
LÉGUMES. — On entend par légumes les grains qui
viennent en gousse et qu'on cueille avec la main. On a donné à
tort ce nom à une foule de végétaux qui servent à la nourriture
de l'homme et des animaux ; on ne Ta pas seulement appliqué
aux fruits, mais à toutes les parties du végétal, racines, tiges,
feuilles, etc.
Ce nom cependant ne doit s'appliquer qu'aux seules plantes
de la famille des légumineuses; telles que les pois, les len-
tilles, les fèves, les haricots, etc.; mais parmi ces légumes,
qui tous servent à la nourriture de l'homme, les uns sont sains
et d'une digestion facile; les autres, au contraire^ d'une diges-
tion laborieuse; on ne doit donc pas en faire sa nourriture
exclusive, car cet aliment est lourd et indigeste et ne convient
guère qu'aux estomacs les plus vigoureux, aux ouvriers et
aux gens de la campagne, accoutumés à une vie laborieuse et
pénible.
Nous indiquons à chaque article particulier la façon d'ap-
prêter et de manger les différents légumes.
LENTILLE. — Les lentilles sont de deux sortes : il y a la
LEPORIDE. 67s
grosse et la fine ; celle-ci se nomme lentille à la reine, c'est la
plus estimée.
Les lentilles s'apprêtent comme les haricots; mais il faut
avoir bien soin de les choisir d'un blond clair et cuisant bien, car
il y en a qui ne peuvent cuire aisément, même dans les eaux les
plus pures.
On en fait des purées pour garnir des potages ou masquer
des viandes cuites à Pétuvée.
* _
LEPORIDE. — ^ Il y a quelque chose comme six mille ans que
l'on reproche aux savants de lutter contre Dieu sans être par-
venus à inventer le plus petit animal.
Fatigués, ils se sont mis à Tœuvre, et, en Tan de grâce 1866,
ils ont répondu en inventant le léporide.
Cette fois, non*seulement ils faisaient une niche à Dieu,
inais encore à M. de BufTon.
M. de Buffbn avait dit, en voyant lantipathie qui existe
entre les lièvres et les lapins, malgré la ressemblance qu'il y a
dans les deux espèces :
(( Jamais les individus ne se rapprocheront. »
M. de Bu.Ton se trompait.
L'antipathie qui existe entre le lièvre et le lapin n'était
point une antipathie de race, mais une simple antipathie de
caractère. Si rien ne se ressemble plus physiquement qu'un lièvre
et qu'un lapin; moralement, rien ne se ressemble moins. Le
lièvre est rêveur, ou plutôt songeur ; il a fixé sa demeure à la
surface de la terre : il ne quitte son gîte qu'avec les plus grandes
précautions, après avoir tourné dans tous les sens l'entonnoir
mobile de ses oreilles. C'est le jour plus particulièrement qu'il
fait ses expéditions, ne revenant plus à son gîte quand il en a été
chassé deux ou trois fois.
Le lapin, au contraire, va chercher le repos dans un long
souterrain creusé par lui, et dont lui seul connaît les détours. Il
en sort imprudemment, ne s'inquiétant pas du bruit qu'il fait en
en sortant, et c'est presque toujours à la tombée de la nuit qu'il
risque ses imprudentes sorties. Puis, comme il est très-friand de
trèfle, de blé vert, d'odorant serpolet, il va chercher dans la
plaine ces hors-d'œuvre élégants qui lui manquent dans la
676 LÉPORIDE.
fotèt : c'est là que le chasseur l'attend à l'affût et lui fait payer
son imprudence.
On a dit que l'antipathie des lapins et des lièvres était telle,
qu'une garenne envahie par des lapins était aussitôt abandonnée
par les lièvres, et vice versa. C'est parfaitement vrai; mais cela
tient à ce que le lapin, libertin et tapageur, dort le jour et veille
la nuit, tandis que le lièvre dort la nuit et veille le jour. Il est
évident qu'une pareille différence entre les habitudes doit rendre
impossible une même habitation pour des êtres si différents l'un
de l'autre dans leur manière de vivre.
C'est, au contraire, là-rdessus que les savants ont compté. Us
ont réuni une portée de lapins et une portée de lièvres, avant
que les uns ni les autres eussent les yeux ouverts, et ils les ont
nourris du lait d'un animal, de la vache, qui, n'ayant aucun
rapport avec eux, ne pouvait leur inculquer, par la nourriture
première, des haines préconçues.
Ils mirent ces deux portées dans une pièce sombre où,
lorsque les yeux de leurs nourrissons s'ouvrirent^ ils ne purent
remarquer la légère différence qui existait entre leurs deux
espèces.
Les animaux se crurent tous de la même famille, et, bien
nourris, n'ayant aucun motif de querelle, vécurent dans une
amitié toute fraternelle jusqu'au moment où les premiers besoins
de l'amour se firent sentir chez eux, et se substituèrent aux ten-
dresses fraternelles.
Les savants, qui se relayaient pour ne rien perdre du rap-
prochement jugé impossible par M. de Buffon, virent un jour
avec grand plaisir une hase de lapin et un bouquin de lièvre se
rapprocher dans des tendresses plus que fraternelles, puis la petite
colonie promit bientôt de s'augmenter dans des proportions qui
ne laisseraient plus aucun doute sur le croisement de ces deux
races qui ne devaient jamais se rapprocher.
Une vingtaine de petits furent le résultat de ce travail
mystérieux de la science; seulement la nature tint bon : les
lapins femelles mirent toujours bas huit ou dix petits,
tandis que les femelles de lièvre ne mirent au jour que deux
levrauts.
LEVAIN. 677
Il s'agissait de continuer l'expérience et de donner un
démenti complet à M. de Buffbn.
M. de BufFon avait dit : « Si, par suite d'une erreur, d'une
faiblesse ou d'une violence, il y avait rapprochement entre les
deux races, il en naîtrait des métis impuissants à se reproduire.))
On isola de tous autres êtres de leur espèce cette portée
anormale, et, à la grande satisfaction des savants, les enfants
suivirent l'exemple des pères et se croisèrent entre eux.
Il s'agissait de donner un nom à cette espèce nouvelle : on
l'appela léporide; et on veilla à ce que le croisement se con-
tinuât.
Aujourd'hui, nous avons des animaux complètement nou-
veaux, qui font la joie des savants leurs créateurs, qui leur ont
donné le nom de léporide. Ils tiennent à la fois du lièvre et du
lapin; seulement, ils sont plus gros que leurs générateurs et
pèsent jusqu'à treize ou quatorze livres.
Leur chair est plus blanche que celle du lièvre et moins
blanche que celle du lapin; on les met indifféremment à toutes
les sauces où l'on met les deux quadrupèdes qui ont pris part à
leur création, et l'on ne doute pas que, d'ici à deux ou trois ans,
ils ne deviennent assez communs pour prendre une place hono-
rable dans nos forêts et sur nos marchés. On m'a même assuré
que déjà plusieurs avaient ét^ vus sur les marchés du Mans et de
l'Anjou.
Un de ces animaux m'a été envoyé par la Société d'acclima-
tation, à la condition expresse que je le mangerais. Je puis affir-
mer que, soit qu'il fût le fils d'un lapin et d'une hase, ou d'une
lapine et d'un bouquin, il n'avait dégénéré ni de son père, ni de
sa mère.
LEVAIN, LEVURE. — Le levain est un morceau de pâte
aigrie ou imbibée de quelque acide qui fait lever, enfler et fer-
menter l'autre pâte avec laquelle on le mêle. Le pain ordinaire
doit sa légèreté au levain.
La levure est l'écume que forme la bière lorsqu'elle com-
mence à fermenter; on égoutte cette écume, on la presse, on la
réduit en pâte, et elle se conserve très-longtemps, On l'emploie
très-souvent dans la pâtisserie.
6y8 LIEVRE.
LEVRAUT. — Jeune lièvre. (V. Lièvre.)
LIAISON. — Se dit en cuisine des sauces épaisses ou liées
par le moyen de la farine frite, des jaunes d'œufs ou des coulis.
LIEVRE. — Quadrupède trop connu pour que nous ayons
besoin de faire sa description matérielle; j'ajouterai seulement
quelques observations sur son intelligence, qui met parfois en
défaut celle des chasseurs et même des chiens.
Le lièvre se chasse au chien d'arrêt, mais surtout au chien
courant; si on le chasse au chien d'arrêt, il part devant vous :
c'est au chasseur, selon son adresse ou sa maladresse, de le tuer
ou de le manquer.
Si on le chasse au chien courant, il fait deux tours dans la
plaine ou dans la forêt, un qui dure vingt-cinq minutes à une
demi-heure, l'autre qui dure trois quarts d'heure à une heure
et demie : c'est ce que l'on appelle son petit et son grand
parti.
Par quelle fatalité le lièvre revient-il toujours à son lancer,
soit après son premier, soit après son second parti, ce qui fait
que c'est presque toujours près de l'endroit où il a pris chasse
qu'il revient se faire tuer?
Il fait assez franchement et sans ruser sa première randon^
née^ mais à la seconde il ruse, et, quoique son répertoire ne soit
pas aussi complet que celui du renard, il arrive parfois à dérou-
ter les chiens et à désappointer le chasseur.
Une de ses premières ruses est , arrivé à un endroit où de
grandes herbes ou des ronces lui offrent un refuge, qu'il trace aussi
exactement qu'avec un compas, un cercle de vingt-cinq ou trente
pas de diamètre;* fait trois ou quatre tours sur le premier tracé
4e son cercle; puis, réunissant toutes ses forces, fait un bond de
/c6té et se rase.
Les chiens, arrivés au point où il a quitté la ligne droite
pour prendre la ligne courbe, en font autant que lui et suivent
sa trace en tournant en rond; mais là, toute piste leur échappe.
Le bond prodigieux qu'a fait l'animal a interrompu la voie; les
chiens, déroutés, continuent de hurler, mais comme des animaux
qui appellent le chasseur à leur aide. Le chasseur arrive, en
^fFet; mais aussitôt que le lièvre l'entend, il repart, reposé et tout
I
LIÈVRE. 679
prêt à une course plus longue qu'aucune de celles qu*il vient
de faire.
J'ai vu un lièvre employer les mêmes ressources ; mais, au
lieu de sauter à terre et de chercher un refuge dans les ronces,
sauter sur un arbre courbé et aller se .dérober dans une touffe de
feuilles.
Ce fut mon chien d'arrêt qui le dénicha et qui, par la fixité
de son regard, me le dénonça.
Je tuai donc un lièvre branché, comme j*aurais fait d'un
faisan ou d'un gelinotte.
Levraut à V anglaise. — Dépouillez un levraut jeune et tendre
sans lui couper les pattes, et, pour qu'il reste en son entier,
échaudez-lui les oreilles comme celles d'un cochon de lait; reti-
rez-lui, par une petite ouverture, les poumons et le sang; prenez
le foie, ôtez-en l'amer, hachez-le très-menu, faites une panade
un peu desséchée avec de la crème, pilez-la avec le foie, mettez
autant de beurre qu'il y a de panade, quatre jaunes d'ceuf crus,
sel, poivre et fines épices; coupez un gros oignon en petits dés,
fkîtes-le cuire à blanc et joignez-le à votre farce, avec une pin-
cée de petite sauge que vous aurez passée au tamis; mêlez le tout
€t incorporez-y le sang du levraut; goûtez cette farce si elle est
de bon goût, remplissez-en le corps de votre levraut, cousez-le,
cassez-lui les os des cuisses et fixez-lui les pattes de derrière sous
le ventre ; donnez une attitude à la tète et aux pattes de devant,
comme s'il était au gîte; mettez-le à la broche en lui conservant
cette position ; lardez-le, enveloppez-le de papier, faites-le cuire
environ cinq quarts d'heure; avant de le retirer du feu, ôtez-lui
le papier, supprimez-en le lard, et servez-le avec une saucière
remplie de gelée de groseilles fondue au bain-marie.
Lièvres et levrauts rôtis. — Dépouillez et éventrez votre
gibier, frottez-le de son sang et faites-le refaire sur la braise ;
piquez-le ensuite de menu lard et mettez-le à la broche, faites
cuîre et servez chaudement avec une sauce douce faite avec du
sucre et de la cannelle, ou une sauce au vinaigre avec sel, poivre
et oignons piqués de clous de girofle.
Lièvre à la bourgeoise. — Prenez un lièvre dont vous cou-
pez les membres; mettez le sang à part, lardez la viande avec du
68o LIEVRE.
gros lard, faites-le cuire avec du bouillon, une chopinedevin
blanc, un bouquet de persil, ciboules, ail, clous de girofle, mus-
cade, thym, laurier, basilic, sel et gros poivre; faites cuire le
tout à petit feu. Pilez très-fin le foie du lièvre, passez-le au
tamis avec une goutte de bouillon et mêlez le sang avec. Quand
ce ragoût est cuit à propos et la sauce tout à fait réduite, mettez-y
le sang et le foie passés, faites lier la sauce sans qu'elle bouille,
ajoutez-y un peu de câpres entières, et servez.
Levrauts à la suisse. — Coupez-les par quartiers, lardez-les
de gros lard, faites-les cuire avec du bouillon, un verre de vin
blanc, sel, poivre et bouquet de fines herbes. Quand la sauce
^era assez liée, ôtez-les du feu et servez-les avec un jus d orange,
après les avoir assaisonnés d'un ragoût fait avec le foie, le sang et
un peu de farine mêlés, avec un peu de vinaigre, quelques
olives, et un peu de câpres entières.
Civet de lièvre. — Dépouillez et videz un lièvre, coupez-le
par morceaux, en ayant soin de conserver le sang dans un endroit
frais. Faites un roux avec un peu de farine et de beurre, faites
revenir dans ce roux quelques morceaux de petit salé ou de lard,
mettez-y votre lièvre et mouillez-le quand il sera chaud, avec
moitié bouillon, moitié vin rouge; ajoutez-y du sel poivre, bou-
quet garni, une gousse d'ail, un oignon piqué de deux clous de
girofle et un peu de muscade râpée. Quand le lièvre sera à moi-
tié cuit, vous y joindrez le foie et le poumon. Faites cuire à
grand feu jusqu'à réduction des trois quarts. Ayez alors deux
douzaines de petits oignons que vous glacez dans une casserole
avec un peu de beurre, un demi-verre de vin blanc, jusqu'à
belle couleur blonde; ajoutez aussi des champignons et des fonds
d'artichauts coupés en morceaux; faites aussi, en même temps,
frire à l'huile de petits croûtons de mie de pain.
Toutes ces garnitures préparées, vous liez votre civet avec le
sang que vous aviez en réserve ; dressez alors votre lièvre sur le
plat, couronnez-le avec les petits oignons glacés, versez la sauce
dessus, ajoutez les champignons, les fonds d'artichaut, le petit
salé ; garnissez le tout avec vos petits croûtons frits, et ser\'ez
chaudement.
Levraut à la broche. — Prenez un levraut bien jeune et bien
\
LIEVRE. 68i
tendre, coupez les deux pattes de devant près de la jointure.
Dépouillez-le, yidez-le, passez votre doigt entre ses quasis pour
le mieux nettoyer, crevez les diaphragmes, retirez les poumons et
le foie et mettez-les avec son sang dans un vase; coupez à moitié
les pattes de derrière, passez-en une dans le jarret de l'autre,
rompez les cuisses vers le milieu, refaites votre lièvre sur le feu,
essuyez-le, frottez-le entièrement de son sang avec votre main,
piquez-le ou lardez-le, mettez-le à la broche, faites-le cuire
environ trois quarts d'heure, retirez-le et servez-le avec une sauce
poivrade que vous lierez avec son sang, en ayant soin de ne pas
la laisser bouillir.
Levrauts au sang. — Prenez cinq pigeons en vie, tuez-les,
mettez le sang sur une assiette, avec un jus de citron pour empê-
cher qu'il ne tourne, échaudez les pigeons et troussez-les, les
pattes en dedans, faites-les blanchir et passez-les avec du beurre,
joignez-y un bouquet garni, une tranche de jambon, un ris de
veau blanchi, des champignons, truffes. Mouillez avec un peu de
réduction et de bouillon, faites cuire et assaisonnez de bon goût,
puis liez-le avec le sang, en Iç remuant sur le feu pour l'empê-
cher de tourner et sans le laisser bouillir. Laissez refroidir, pre-
nez ensuite un levraut que vous dépouillez et videz en mettant
son sang avec celui des pigeons avant que le ragoût soit lié; levez
la chair du levraut par filets, hachez-la avec un peu de jambon
cru, du persil, ciboules, champignons, ail, liez cette sauce avec
cinq jaunes d'oeufs et mêlez cette farce avec autant de petit lard
coupé en morceaux et haché; foncez ensuite une poupetonnière
de bardes de lard, mettez-y la farce, faites un trou dans le milieu
pour y mettre le ragoût de pigeons, l'estomac en dessous, recou-
vrez-le de la même farce et de bardes de lard, mettez un cou-
vercle sur la poupetonnière et fuites cuire au four; égouttez-le
de sa graisse, dressez-le dans le plat que vous devez servir, en
prenant garde de la rompre, et saucez avec un coulis au vin de
Champagne.
Levraut sauté à la minute. — Dépouillez , videz et coupez
par morceaux un jeune levraut, mettez-le dans une casserole
avec beurre, sel, poivre, épices, faites cuire à un feu vif en remuant
tous les morceaux l'un après l'autre afin qu'ils cuisent également.
689 I.IEVRE.
Lorsqu'ils sont fermes et qu'ils résistent sous la pression des
doigts^ ajoutez d'abord fines herbes, échalotes et persil hachés,
quelques champignons, puis une cuillerée à bouche de farine,
un verre de vin blanc et un peu de bouillon. Retirez votre ragoût
quand il est sur le point de bouillir, et servez.
Terrine de lièvre ou de levraut. — Dépouillez un lièvre, Atez-
en la peau et levez-en les filets, piquez-les d'un moyen lard bien
assaisonné , mettez deux ou trois bardes de lard au fond d'une
terrine, et quelques tranches de jambon, assaisonnez de sel, poivre,
ânes épices, arrangez les filets de lièvre dans la tçrrine et assai-
sonnez dessus comme dessous , ajoutez des truffes vertes et quel-
ques champignons, couvrez ces filets de tranches de bœuf bien
battues avec des bardes de lard, couvrez la terrine de son cou-
vercle, mettez de la pâte autour et faites cuire feu dessus et des-
sous, sans que le feu soit trop vif. Le tout étant cuit, vous décou-
vrez la terrine, vous àttz les tranches de bœuf et de lard, dé-
graissez la sauce, voyez si elle est d'un bon goût, jetez dedans une
essence de jambon, et servez chaudement.
Pâté de lièvre. — Désossez un lièvre par morceaux, piquez
les chairs avec des lardons assaisonnés de sel, poivre, épices, écha-
lotes et persil hachés, faites cuire à moitié avec du beurre; hachez
le foie avec une livre de lard gras, ajoutez un oignon, une écha-
lote, le quart d'une gousse d'ail, persil, thym et laurier hachés à
part, épices, poivre, sel , un petit verre d'eau-de-vie ; faites une
masse compacte d'un lit de farce d'abord, puis de jambon et
autres viandes de volailles, faites cuire deux heures ou mettez-le
en terrine à votre choix.
Pâté de levraut en fusée, — Désossez votre levraut et levez-
en tous les filets , hàchez-les très-fin , ajoutez persil , ciboules ,
champignons, une pointe d'ail, une livre de lard râpé, dix jaunes
d*œufs; faites une farce avec trois quarterons de lard coupé en
petits dés, du jambon coupé de même, une chopine de crème,
sel, fines épices mêlées, maniez le tout ensemble, dégraissez votre
pâté, mettez au fond des bardes de lard , la viande dessus, cou-
vrez de bardes de lard et d'une abaisse de même pâte et faites
cuire environ deux heures.
Côtelettes de lièvre à la Melville. — ( Recette empruntée à
LIEVRE. 68)
M. Legogué, ancien chef des cuisines de lord Melville, ministre
de la marine anglaise.) « Si ;e donne la recette de ce mets, dit
cet excellent cuisinier, ce n*est point parce que j'en suis l'inven-
teur, et que ces côtelettes portent le nom de l'honorable sei-
gneur à qui j'ai eu l'honneur de les servir plusieurs fois; amour-
propre d'autrui à part, les côtelettes de lièvre, telle que je vais
les décrire, méritent de paraître sur une bonne table et c'est à
ce titre qu'elles trouvent naturellement leur place dans ce livre.
Et qu'on ne s'imagine pas que la confection de ce mets va exiger
le sacrifice de cinq ou six lièvres, comme je lis par exemple
dans un livre de haute cuisine que, pour une blanquette de
lapereaux, il faut lever les filets de dix lapereaux; non^ il ne
nous faudra que deux moitiés de lièvre : il est vrai que ces deux
moitiés sont les parties de devant et qu'il est absolument néces-
saire de se procurer deux lièvres, mais les deux autres moitiés,
les parties de derrière ne seront point perdues , comme nous le
dirons tout à l'heure. » Revenons maintenant à nos côtelettes.
Dépouillez et videz deux lièvres dont vous conservez le sang.
Enfoncez le couteau le long de l'épine du dos jusqu'à la cuisse
et alors glissant les doigts entre les os et le filet , détachez le filet
sans cependant séparer de la cuisse la partie, c'est-à-dire le gros
bout qui Y tient; passez la pointe du couteau sous cette partie,
en appuyant le pouce sur la peau nerveuse, et faites comme si
vous tiriez à vous le filet, la peau nerveuse reste et le filet se
trouve aussi détaché et paré tout à la fois. Lorsque vous avez levé
de cette manière les quatre filets, vous les étendez sur une table
et vous les partagez chacun en trois morceaux ; vous les coupez en
biais, de telle sorte qu'ils aient un gros bout et un bout plus fin
et plus allongé; vous les aplatissez bien légèrement et vous les
parez en leur donnant la forme de côtelettes, ce qui est facile,
puisqu'ils sont coupés en biais*
Prenez alors le petit os qui se trouve dans l'aileron des pou-
lets, taillez-le en pointe par un bout et faites-le entrer dans la
côtelette. Faute d'os de poulet, servez-vous des petits os qui sont
sur les côtes du lièvre et qui imitent assez bien les véritables os
des côtelettes de mouton ou d'agneau.
Les côtelettes de lièvres étant ainsi préparées, assaisonnez-les
684 LIEVRE.
de poivre et de sel, passez légèrement sur chacune d'elles un pin*
ceau de plumes trempé dans un jaune d'œuf battu, panez-ks de
mie très-fine. Ayez du beurre fondu bien chaud ; trempez-y les
côtelettes, panez-les une seconde fois , passez légèrement dessus
la lame d'un couteau pour les lisser; mettez du beurre fonda
dans un plat à sauter ; placez-y les côtelettes de lièvre et faites-
les sauter comme des côtelettes ordinaires.
La sauce qui convient à ces côtelettes ainsi préparées se fait
de la manière suivante : Foncez une casserole avec des tranches
d'oignons et des lames de carottes; prenez les débris sur lesquels
vous avez levé les filets, divisez avec le couperet les morceaux qui
seraient trop gros, et mettez-les dans la casserole. Mouilkz d'un
verre de vin blanc et ajoutez une gousse d'ail, deux clous de
girofle et un bouquet garni ; faites suer le tout, quand il ne reste
plus de mouillement, vous y versez une cuillerée à pot de bouii*
Ion pour obtenir l'essence qui s'est formée et que vous passez à
travers un tamis après une demi-heure de cuisson, si vous avez
de l'espagnole vous la travaillez avec cette essence ; si vous n'en
avez pas, vous mouillez un peu plus les débris et vous faites un
petit roux. Au moment de servir, vous liez l'une ou l'autre sauce
avec le sang que vous avez mis en réserve.
Quant aux quatre cuisses qui nous restent de nos deux lièvres,
elles ne seront pas perdues comme nous l'avons dit ; nous en ferons
un civet ou nous les apprêterons de toute autre manière, et vous
voyez que notre plat de douze côtelettes à la Melville peut se
confectionner sans une dépense bien considérable. Or, ce que nous
voulons dans notre cuisine, c'est que tout y soit aussi bon que pos-
sible avec les moyens les plus simples et les moins dispendieux.
Filets de lièvre piqués, — (Recette du même.) Après avoir
levé les filets comme il est dit ci-dessus, vous les piquez entière-
ment, vous leur donnez une forme arrondie ou en serpenteau, et
vous les couchez dans une casserole sur des bardes de lard minces.
Vous les garnissez de lames de carottes et de tranches d'oignons
et les assaisonnez d'un peu de thym, d'une feuille de laurier, de
deux clous de girofle, de poivre et de sel. Mouillez-les avec du
bouillon , couvrez-les d'une feuille de papier beurré et faites-les
cuire doucement, feu dessus et dessous, pendant trois quarts
LIQUEUR. , 685
d'heure. Glacez-les, si c'est nécessaire, et servez dessous soit une
sauce poivrade ou piquante, soit une litière quelconque , cham-
pignons ou chicorée.
Filets de lièvre marines et sautés. — Les filets étant piqués,
mettez-les, pendant huit jours , dans une marinade faite de la
manière suivante : sel, poivre, deux feuilles de laurier, thym,
persil en branche, oignons coupés en tranches, quatre clous de
girofle, un verre de vin blanc sec et un demi-verre de vinaigre à
l'estragon. Quand vous voulez employer ces filet, égouttez-les sur
un linge blanc de manière à les sécher, et faites-les sauter comm.e
les côtelettes sautées.
LIMANDE. — Poisson plat, plus petit que la sole et le
carrelet et facile à reconnaître à sa couleur jaunâtre dessus et
blanche dessous. Sa chair est blanche et fort agréable, moins
délicate cependant que celle du carrelet.
La limande se prépare comme la sole et le carrelet.
(V. Carrelet.)
LIMON. — Genre de citron avec lequel on fait le plus sou-
vent la limonade et dont nous avons indiqué l'emploi à l'article
Citron.
Suc de limon. — Prenez un demi-cent de limons, coupez-
les en deux, pilez-les, retirez-en avec soin tous les pépins et
écrasez-en la chair dans un vase quelconque; vous laissez fer-
menter pendant vingt-quatre heures et vous exprimez le jus que
vous épurez en le passant à travers du papier brouillard ; vous le
versez dans des bouteilles avec un peu d'huile d'olive à l'orifice
et vous le mettez à la cave où il peut se conserver très-longtemps,
et vous vous en servez au besoin en ayant bien soin d'extraire
jusqu'à la moindre goutte d'huile qui pourrait encore se trouver
dans le goulot.
LIQUEUR. — On comprend en général sous cette dénomi-
nation les boissons artificiellement extraites de certains végétaux
ou de leurs produits, tels que le raisin, la cerise, etc., ou que l'on
compose en combinant l'alcool avec d'autres substances sucrées
et plus ou moins aromatiques.
Ce furent les Arabes qui, les premiers, retirèrent par la dis-
tilUtion des liqueurs fermentées, une substance inflammable à
686 LIQUEUR.
laquelle ils donnèrent le nom d'arrak, parce qu'ils commencèrent
à la retirer du riz, et que nous appelâmes alcool, qui désigne le
produit inflammable de toutes sortes de substances en fermen-
tation .
On a prétendu que les liqueurs ne dataient que de la vieil-
lesse de Louis XIV, et que Fagon, son premier médecin et en
même temps chimiste fort distingué, les avait inventées pour
reconforter et rajeunir le vieux monarque; il est avéré cependant
qu'on fabriquait, sous le règne de Louis XII, d'excellents ratafias
et que les élixirs étaient déjà connus du temps de Charles VIL
On consomme plus ou moins de liqueurs suivant le climat
ou la température du pays que l'on habite; dans le Midi, par
exemple, où une sensibilité extrême et une chaleur excessive
repoussent toute liqueur ou boisson brûlante, on n'en consomme
que de douces; dans le Nord, au contraire, les habitants cher-
chent dans les liqueurs fortes et très-spiritueuses un moyen de se
réveiller de l'engourdissement dans lequel les plonge la tempé-
rature froide de leur climat, où elles paraissent souvent faibles
et impuissantes à amener la chaleur intérieure du corps, c'est ce
qui fit dire à Montesquieu qu'il faut écorcher un Moscovite pour
exciter sa sensibilité. Cet abus presque nul dans la zone torride,
augmente à mesure qu'on s'en éloigne, et en Irlande et en Ecosse
on consomme beaucoup de liqueurs.
II était même d'usage dans ce dernier pays de donner tous les
ans, le jour de la Sainte-Cécile, un grand concert où Ton invitait
par billet les plus belles dames de la ville. Après le concert, les
souscripteurs se réunissaient dans une taverne et soupaient
ensemble; on plaçait ensuite sur la table une boîte qu'on appelait
l'enfer et dans laquelle on jetait l'un après l'autre les billets
remis aux dames en proclamant leur nom ; les billets de celles
qui ne trouvaient aucun champion prêt à boire étaient jetés dans
la boite, et celui qui buvait le plus (pourvu qu'il pût terminer
cet exploit en avalant d'un seul coup un grand verre qui portait
le nom de sainte Cécile et qui à l'ordinaire renversait ivre-mort
le buveur) était proclamé vainqueur et autorisé à aller, le len-
demain, chez celle dont il avait pris le parti, lui présenter son
billet en se glorifiant d'avoir eu l'honneur de s'enivrer pour elle.
LOTTE. 6%7
J'ai connu, dit Odier, des daines en Thonneur desquelles un dé
ces braves avait bu jusqu'à dix*sept ou dix-huit bouteilles de
punch servant à cette débauche, et elles en étaient toutes fières.
n résulte des observations faites par les savants que ceux
qui boivent avec excès des liqueurs, meurent très-jeunes ou arri-
vent à un degré d'abrutissement, d^abattement, d'inquiétude et
même de folie encore plus à redouter que la mort.
Bien que la confection des liqueurs concerne. plus particuliè-
rement la distillation et la pharmacie , nous avons donAé à leur
ordre alphabétique, des recettes de toutes celles que des parti-
culiers peuvent faire.
LOCHE. — Petit poisson de rivière de la taille d'un éper-
lan, et qui s'apprête de même.
LONGE. — On appelle ainsi la partie du veau à laquelle
le rognon adhère. (Voir à l'article Veau.)
LOTTE. — Excellent poisson d'eau douce tenant de l'an-
guille et de la lamproie. On l'apprête dans les cuisines comme
l'anguille, et plusieurs personnes les confondent avec les bar-
botes qui ne les valent point.
Lottes à la bonne femme. — Limonez des lottes et faites-
les cuire avec du vin blanc, de l'oignon coupé en tranches, persil,
ciboules, basilic et poivre, girofle et beurre. Cuites, dressez et les
servez dans leur court-bouillon.
Lottes à la Villeroi, — Limonez des lottes et videz-les sans
ôter les foies, foncez une casserole de tranches de veau et de jam-
bon, et faites-les suer trente minutes. A moitié cuites, mettez-y
vos lottes, couvrez-les de bardes de lard et arrosez-les de Cham-
pagne, avec sel, poivre, persil, ciboules, champignons, gousse
d'ail, citron, laurier, beurre; faites cuire à petit feu. Vous trem-
pez les lottes dans leur sauce, les passez et leur faites prendre
couleur au four ; passez ensuite la sauce au tamis, dégraissez-la,
mettez-y une cuillerée de coulis, faites-la réduire, dressez les
lottes dans un plat, la sauce dessus, et servez.
Lottes au vin de Champagne et aux crêtes. — Prenez dix
ou douze lottes, échaudez-les, limonez-les, videz-les et gardez-
en les foies, piquez-les d'un côté et faites-les cuire dans une
bonne braise avec du vin de Champagne ; faites une glace avec de
6M LOUISE-BONNE.
la rouelle de veau et du bouillon, glacez-eo vos lottes; ayez
ensuite une bonne essence dans laquelle vous aurez mis un verre
de via de Champagne, mèlez-y des crêtes cuites dans un blanc,
iaites-leur prendre quelques bouillons avec les foies de lottes,
dressez-les sur un plat en les entremêlant avec les crêtes, et
servez chaudement avec un jus de citron.
Lottes au lard glacées. — Limonez les lottes, laissez-leur
les foies dans le corps, piquez-les d'un cdté avec du petit lard,
coupez en petits dés une livre de rouelle de veau que vous &ites
suer dans une casserole, mouillez-la de bouillon, faites-la cuire
et passez ce bouillon au tamis ; ajoutez-y les lottes, un bouquet
garni, une tranche de jambon, ÙLUes cuire le tout ensemble,
glacez les lottes comme un fricandeau, finissez-les de même, et
sen'ez avec un jus de citron.
LOUISE-BONNE. — Belle poire d'automne qu'on grille,
qu'on met en compote ou qu'on mange crue.
M
MACARON. -^ Pâtisserie de menu service et de petit four
faite de sucre, de fiu'ine et d'amandes douces pilées, taillées en
petit pain plat et de figure ronde ou ovale.
Macarons aux noisettes avelines. (Suivant la formule de la
maison de Madame, épouse de Monsieur, frère du roi.) — Mettez
dans un grand poêlon d'office, quatre onces d'amandes d'avelines,
qu'elles sortent de la coquille et torréfiez-les sur un feu modéré
en les remuant continuellement avec une grande cuiller d'ar-
gent ; aussitôt que les avelines commencent à se colorer, que la
pellicule se détache, vous les retirez du feu pour parer aussitôt
les amandes; cette opération faite, vous recommencerez trois fois
encore la dose d'avelines afin d'en avoir une livre.
Vous commencez par piler le quart d'avelines qui a été pré-
paré le premier, elles doivent se trouver froides, sans cela, il
faudrait attendre qu'elles le fussent ; vous aurez soin de les mouil-
ler par intervalle avec un peu de blanc d'œuf pour les empêcher
de tourner à l'huile, et lorsqu'aucun fragment n'est plus aperçu,
vous retirez les amandes du mortier et vous les remplacez par un
autre quart pilé de la même manière et avec les mêmes atten-
tions que les premières. Vous recommencez la même opération
jusqu'à ce que la livre d'avelines soit entièrement et parfaitement
pilée ; vous la réunissez dans le mortier et la pilez avec une livre
de sucre et deux blancs d'œufs, pendant dix minutes, ensuite vous
y joignez deux livres de sucre, passé au tamis de soie que vous
44
égo ^ MACARON.
aurez travaillé pendant dix minutes avec six blancs d'œufs. Amal-
gamez parfaitement le tout avec une spatule et après avoir remué
cinq à six minutes^ Tappareil doit se trouver mollet; pourtant- les
macarons ne doivent pas s'élargir lorsque vous les couchez ; s'ils
se trouvent trop fermes, vous y mêlez le blanc d'œuf nécessaire
pour qu'ils s'attachent au doigt en y touchant.
Ensuite, vous mettez au four six macarons d'épreuves et
après leur cuisson, vous mouillez l'intérieur de vos mains, dans
lesquelles vous roulez une cuillerée d'appareil. Couchez les ma-
carons de la grosseur d'une noix muscade et continuez ainsi à
former vos macarons, après quoi, vous trempez vos mains dans
de l'eau et les posez légèrement sur les macarons, afin de les
rendre luisants à leur surface; vous les mettez au four que vous
fermez hermétiquement pendant trois quarts d'heure. Vous devez
les retirer de belle couleur et de bonne mine.
On doit avoir l'attention de coucher les macarons à un pouce
de distance entre eux et de les former aussi ronds que possible.
On couche également ces macarons en forme de grosses olives,
sur lesquelles on sème de gros sucre et quelquefois mêlé de pis-
taches hachées. On les garnit encore en forme de hérisson, en
piquant à leur surface des filets de pistaches.
Macarons d'amandes amères, — Prenez 500 grammes
d'amandes amères que vous moudrez et ferez sécher à l'étuve ,
puis vous les pilerez avec trois blancs d'œufs, afin qu'elles ne
tournent pas à l'huile, vous les mettez dans une terrine avec
j kilog. 500 gr. de sucre en poudre ; drçssez vos macarons comme
il est indiqué ci-dessus et mettez-les au four à un feu très-
modéré.
Macarons d'amandes douces. — Vous émondez et faites
sécher 500 gr. d'amandes douces, comme il est indiqué précé-
demment, vous les pilez de même et suivez exactement les mêmes
procédés, en y ajoutant seulement une ràpure de citron que vous
mêlez avec le sucre et l'amande, vous dressez et faites cuire de
même.
Macarons soufflés aux noix vertes* — Vous épluchez et cou-
pez par filets 500 gr. de noix vertes que vous mêlez avec 75 gr.
de sucre et un peu de blanc d'œuf que vous ùdteé sécher au four.
MACARONI. 691
Laissez -les refroidir; préparez la glace avec deux blancs
d'œufs et i kilog. de sucre très-fin ; joignez-y les noix vertes et
terminez Topératien comme de coutume.
Tourons d'amandes. — Emondez une quantité quelconque
d'amandes douces en y ajoutant des pistaches et quelques avelines
émondées de même, vous pralinez le tout dans 250 gr. de sucre.
Refroidies, ajoutez- y trois blancs d'œufs, une pincée de fleur
d'orange et du sucre en poudre ; remuez jusqu'à liaison complète.
Dressez comme les macarons et cuisez à four modéré.
Massepains de Turin» — Faites une pâte maniable et ferme
avec douze cuillerées de fleur de farine, six de sucre en poudre,
deux œufs, la râpure d'un citron et environ 25 gr. de beurre
bien frais ; mêlez le tout ensemble, et dans le cas où deux œufs
ne sufGraieht pas, ajoutez-en un troisième. Votre pâte étant bien
faite, ni trop liquide, ni trop épaisse, vous retendez sur une
table et la maniez jusqu'à ce que vous puissiez la rouler fecile-
ment avec la main; vous en formez alors de petits dessins ou de
petits pains très- minces que vous arrangez à mesure sur une
feuille de papier beurré; vous dorez les massepains avec deux
jaunes d'œufs et vous les mettez à un four assez vif.
MACARONI. — Le macaroni a été apporté en France par
les Florentins, probablement à l'époque où Catherine de Médi-
cis vint épouser Henri II. Mais la mode n'en flt pas fureur, tout
le monde connaît ces longs tuyaux de pâte semblables à de gros
vermicelles creux et dont le nom indique assez l'origine.
L'Italie, Naples surtout est la patrie du macaroni, où là,
comme chez nous les pommes de terre, préparé de mille manières
différentes, en potage, au gratin, toujours accompagné de par-
mesan râpé, il figure sur toutes les tables, celles des riches comme
celles des pauvres : les lazzaroni napolitains ne vivent guère que
de macaroni, de figues, d'ail et d'eau glacée. Toutes les espèces
de farine avec lesquelles on fait le pain, peuvent servir également
à faire le macaroni; mais on emploie de préférence le blé à petits
grains serrés qui vient d'Odessa, réduit en semoule; cette
semoule convertie en pâte, pilée et écrasée, est mise dans un
cylindre métallique enveloppé d'un réchaud, au fond duquel
se trouve un crible percé de petites fentes de la largeur qu'on
693 MACARONI.
veut donner aux lamelles du macaroni ; au moyen d'une pression
la pâte est chassée de ce moule, et sort en lanières dont on rap-
proche ensuite les bords qui se collent et forment ainsi les tubes
livrés à la consommation. Les véritables gourmands introduisent
dans ces tubes, à Taide d'une petite seringue, un jus de poisson ou
de viande.
Maintenant, passons à la manière dont se préparent ces
tubes de pâtes.
Il ne faut pas choisir ces tubes trop gros, mais de la gros-
seur d'un gros fétu de paille , on les met dans l'eau et le sel ou
plutôt dans le bouillon , on les fait cuire aux trois quarts, de
manière à ce qu'ils grossissent dans le corps, ché cresca in corpo.
Vous avez fait d'avance râper trois quarts de fromage de parmesan
qui attendent le jus de bœuf dont ils doivent être arrosés.
Voici comment se prépare ce jus de bœuf:
Vous mettez trois livres de pointe de culotte dans une grande
casserole avec six tomates et six oignons blancs d'Espagne, vous
mouillez votre bœuf, vos oignons et vos tomates avec un con-
sommé fait de la veille ; vous laissez bouillir trois heures , vous
passez votre bouillon à travers une passoire ; vous faites au fond
d'une soupière un fond de macaroni, sur ce fond de macaroni
vous étendez en le semant avec la main, un jfbnd de fromage de
parmesan, sur ce fond de parmesan vous étendez avec une cuil-
ler à pot une couche de bouillon mêlé de tomates et d'oignons
blancs, dans lequel vous aurez mis sel, poivre, gousse d'ail, et
un peu de piment rouge ; vous recommencez à étendre une couche
de macaroni , sur la couche de macaroni une couche de parme*
san râpé, enfin une couche de bouillon aux tomates, au jus de
bœuf et aux oignons; vous continuez jusqu'à ce que votre sou-
pière soit pleine, et vous versez le reste de votre casserole sur le
haut de votre potage. N'oubliez pas surtout de foncer la casse-
role de jambon de Mayence qui, cuit et réduit lui-même en
bouillie, passera pressé avec un tampon à travers les trous de
votre passoire , servira à lier votre bouillon de bœuf de tomates
et d'oignons.
Servez en guise de potage, avec un verre d'eau glacée par-
dessus.
MACARONI. 693
' A Naples, le verre d'eau glacée est de rigueur. (Recette de
M"* Ristori.)
Que Ton ne se figure pas que les lazzaroni se donnent toute
cette peine pour faire leur macaroni, ils se contentent de faire
bouillir leurs pommes d'or avec de l'eau, du sel, du poivre et un
peu de piment, s'ils en ont.
Macaroni à la ménagère. — Vous faites bouillir pendant
trois quarts d'heure dans l'eau une livre de macaroni avec un
morceau de beurre, du sel et un oignon piqué de girofle; vous
le faites ensuite bien égoutter et vous le mettez dans une casse-
role avec un peu de beurre, un quart de fromage de gruyère râpé
et autant de parmesan, également râpé, un peu de muscade, de
gros poivre, quelques cuillerées de crème, et vous faites sauter
le tout ensemble; quand votre macaroni filera, dressez- le et
servez.
Macaroni au gratin. — Votre macaroni étant préparé comme
il est dit ci-dessus, vous le saupoudrez de mie de pain et de
fromage râpé, et vous le faites gratiner sous un four de cam-
pagne.
Timbale de macaroni. — Vous faites une abaisse un peu
mince avec de la pâte brisée, et vous la coupez par petites bandes
que vous roulez de manière à en faire de petites cordes ; vous
beurrez ces cordes l'une après l'autre et les déposez dans un
moule en le garnissant entièrement ; vous remplissez ce moule
de macaroni, sur lequel vous semez moitié parmesan râpé et
moitié mie de pain, et vous mettez votre timbale à un four
chaud ; vous la laissez cuire trois quarts d'heure, et vous la
servez.
Macaroni à la napolitaine. — Cuisez dans l'eau de sel ,
dressez-le dans la soupière, en alternant les couches de maca-
roni et de parmesan, arrosez avec du jus et versez sur la der-
nière couche du beurre fondu dans la proportion d'une demi-
livre de beurre pour deux livres de macaroni, et faites cuire le
tout ensemble.
Les timbales de lazagnes, de nouilles et de macaroni se pré-
parent comme le macaroni à la napolitaine, seulement on y
ajoute une garniture composée de truffes, champignons , crêtes
694 MACREUSE.
âe coq, carrés de jambon maigre et tranches de langue à Técar-
late; le tout marié avec de bon beurre frais, on garnit la tim-
bale de pâte, comme il est dit ci-dessus, et on la met cuire au
four de campagne.
MACEDOINE. — Qn donne ce nom à un mélange de
comestibles dont nous avons déjà parlé à Tarticle Chartreuse.
Macédoine de légumes printaniers. — Il faut toujours choi-
sir des légumes de première qualité : carottes, navets, pointes
d'asperges vertes, haricots verts, petits pois, petits haricots blancs
commençant à grossir; on peut y joindre aussi quelques petites
fèves de marais, des fonds d'artichauts et des concombres; vous
tournez les carottes et les navets et leur donnez des formes
variées et gracieuses, vous coupez les haricots verts en losanges
et les asperges vertes en petits bâtonnets; vous faites blanchir
tous ces légumes, puis vous les égouttez ; faites fondre dans une
casserole un .bon niorceau de beurre frais, et, quand il sera
fondu, jetez-y vos légumes, en y ajoutant un peu de sucre en
poudre; remuez doucement sur le feu; finissez la macédoine
avec quelques cuillerées de béchamel et dressez-la en pyramide
sur le plat.
Cet entremets de légumes printaniers forme un des mets les
plus agréables et des pluts excellents à manger.
Macédoine de fruits transparente. — (V. articles Fruits
et Glace.)
MACHE. — Herbe potagère que Ton mange en salade en
Tassociant avec la betterave, le céleri, la chicorée blanche et les
endives de conserve. Cette salade, très-tendre et très-savoureuse,
est la première du printemps.
MACIS. — C'est l'enveloppe intérieure membraneuse du
brou de la muscade. On l'emploie fréquemment comme aromate
dans la bonne cuisine; on s'en sert aussi quelquefois dans les
compositions de l'office.
MACREUSE. — On peut appeler cet oiseau gibier de
carême, car tout le monde sait qu'il est classé parmi les aliments
maigres, comme la sarcelle et le bécharut.
La macreuse participe du poisson ; elle a l'apparence du
canard et demeure presque toujours sur la mer, où elle plonge
MACREUSE. 695
jusqu'au fond de Teau pour aller chercher dans le sable les
petits coquillages dont elle se nourrit; elle vit aussi d'insectes,
de plantes marines et de petits poissons, ce qui contribue beau-
coup à donner à sa chair la saveur et le parfum qu'elle possède :
la meilleure est la macreuse noire ; la grise, qui est la femelle,
et que les mariniers appellent bi^ettej tsi pourvue d'un certain
goût sauvage et marin qu'aucun assaisonnement ne saurait domi-
ner. Le savoir des plus habiles cuisiniers n'a jamais pu triompher
dans cette entreprise, et la macreuse au chocolat, qui est le
chef-d'œuvre de l'art, a trouvé peu d'appréciateurs.
Macreuse rôtie. — Après avoir plumé, vidé et fait revenir
votre macreuse , vous la mettez à la broche et l'arrosez en cui-
sant avec du beurre, du poivre, du sel et du vinaigre, puis ser-
vez-la, quand elle es tcuite, avec une sauce Robert, ou bien un
ragoût fait avec le foie haché bien menu, des champignons ou
des mousserons, sel, poivre et muscade; faites cuire le tout
ensemble, ajoutez-y un jus d'orange, et servez chaudement.
Macreuse en ragoût au chocolat. — Ayant plumé , vidé,
lavé votre macreuse, vous la faites blanchir, puis vous l'empo-
tez, avec sel, poivre, laurier, un bouquet de fines herbes ; jetez
dedans un peu de chocolat que vous aurez préparé comme si
c'était pour boire. Préparez en même temps un ragoût avec des
foies, champignons, morilles, truffes, mousserons, marrons, ou
tel autre ragoût que vous voudrez, et lorsque votre macreuse est
cuite, vous la dressez dans un plat, le ragoût par-dessus, et vous
servez avec telle garniture que vous jugerez à propos.
Macreuse à Vanguille. — Plumez et videz votre macreuse,
troussez-la comme un canard, faites-la refaire, lardez-la de
gros lardons d'anguille, assaisonnez de sel, poivre, persil,
ciboules, champignons, ail, le tout haché bien menu; mettez
deux noix dans le corps de votre macreuse ainsi lardée, ficelez-la
et faites-la cuire dans une bonne braise avec un morceau de
beurre, une demi-bouteille de vin blanc, oignons, un bouquet
de persil, ciboules, ail, thym, laurier, basilic, sel, gros poivre ;
quand elle est cuite, à petit feu, retirez-la de la braise, essuyez-la
avec. un linge, et servez avec une sauce piquante assaisonnée de
bon goût.
696 MADELEINE.
Terrines de macreuses en maigre, *— Vos macreuses plu*
mées et épluchées, videz4es; gardez-ea les foies, détachez la
chair de Testomac sans Tabimer; ôtez--en Testomac; faites une
farce avec les foies, champignons, truffes, sel, poivre, un peu de
fines épices, un morceau de beurre frais, deux ou trois jaunes
d'œufs et un peu de farine ; remplissez de cette farce le corps de
vos macreuses, cousez-les par les deux bouts, mettez un peu de
beurre affiné dans une casserole sur le feu; quand il est chaud,
farinez vos macreuses et mettez-les dedans; retournez-les, reti-
rez-les ensuite et arrangez-les dans une marmite.
Mettez un petit morceau de bon beurre dans une casserole;
quand il est fondu, mettez-y de la farine; étant roux, mouillez-le
de bouillon de poisson et videz-le dans la marmite avec un demi-
setier de vin blanc, sel , poivre, un oignon piqué de clous, un
peu de basilic et persil haché, couvrez la marmite et faites cuire
à petit feu. Quand elles sont cuites, faites-les égoutter, dres-
sez-les dans la terrine, jetez-les dans un ragoût de laitances, de
queues d'écrevisses, de truffes, champignons et mousserons, et
servez chaudement.
Potage de macreuses aux navets. — Faites cuire les
macreuses à moitié, à la broche, et ensuite dans une casserole
avec un bon morceau de beurre; ratissez des navets, coupez-les
en dés ou en ronds, &rinez-les et faites-les frire dans du beurre
affiné. Lorsqu'ils ont une belle couleur, retirez-les, égouttez-les,
mettez-les cuire dans une marmite avec du bouillon de poisson ;
mitonnez des croûtes de bouillon de poisson, tirez les macreuses,
égouttez-les. Garnissez le potage d'un cordon de navets, dressez
dessus les macreuses, arrosez-les avec le bouillon de navets, et
servez chaudement.
Potage de macreuses. — Faites bouillir les macreuses dans
du bouillon de poisson ; quand elles sont cuites, faites mitonner
votre potage du même bouillon ; mettez ensuite un bon hachis
de poisson sur vos macreuses quand vous les aurez rangées sur
votre soupe et qu'elle sera suffisamment nûtonnée, et servez avec
une bonne garniture d'écrevisses.
MADELEINE. — Nom d'une sorte de poire estivale.
On donne aussi ce nom à une excellente espèce de pêche
MADELEINE. 6^
autrement nommée paysanne et double de Troyes. Deux parti-
cularités la distinguent, elle est sujette à devenir jumelle, et les
fourmis en sont très-friandes.
Madeleine. — Quant à l'excellent gâteau qu'on appelle aussi
madeleine et qui mérite bien la grande réputation dont il jouit,
il est arrivé à un de nos amis une petite aventure que nous allons
raconter.
Il y a quelques années, un de nos amis se rendait à Stras-
bourg, et comme il voyageait en touriste , il s'arrêtait volontiers
dans les villes et les villages qu'il traversait pour s'y reposer
d'abord, ensuite pour observer les différentes mœurs et cou-
tumes des habitants.
Un jour il s'était remis en route un peu tard, croyant gagner
avant la nuit la prochaine ville où il devait se reposer, mais il
avait beau se hâter, il n'apercevait aucune trace indiquant une
habitation quelconque; enfin, vers onze heures, il aperçut au clair
de la lune, la flèche sombre et élancée d'une église.
Tout était noir et silencieux, aucune lumière ne brillait
plus, et notre voyageur était assez embarrassé de savoir où il trou-
verait une bonne table pour réconforter son estomac et un bon
lit pour reposer ses membres engourdis par la fatigue..
Tout à coup il aperçut dans la nuit une lueur qui semblait
sortir du sol, il s'approcha de ce rayon de lumière, le seul qu'il
vit, qui représentait pour lui le salut. Il frappa à une porte qui
se trouvait à côté de lui et sous laquelle glissait cette lueur qui
lui avait fait battre le cœur; un grognement lui répondit d'abord«
Il frappa une seconde fois, mais plus fort, et entendit alors
une voix étrange et qui semblait souterraine demander.
— Qui est là et que voulez-vous ?
— Je suis un voyageur harassé de fatigue et mourant de
faim, répondit le voyageur, ouvrez-moi au nom de Dieu, vous ne
vous en repentirez pas.
Puis il entendit des pas s'approcher de la porte, on tira une
énorme barre de fer, la porte s'ouvrit et il vit apparaître un
homme à figure farouche et toute barbouillée de farine et dont
les cheveux et la barbe hérissés contribuaient encore à rendre
Taspect effrayant; cet homme était nu jusqu'à la ceinture.
698 MADELEINE.
— Allons, entrez et dépèchez-vous, dit-il au voyageur de sa
même voix caverneuse.
Notre ami ne se sentait pas du tout rassuré, et un moment il
eut Tenvie de retourner en arrière et d'aller frapper à unç autre
porte, mais Thomme avait remis la barre de fer, il n'y avait pas
moyen de reculer, il en prit donc bravement son parti et entra
dans une grande chambre où se trouvait un immense four allumé
qui suffisait à Féclairer tout entière.
— Pardon, monsieur, dit le voyageur très-poliment, je viens
de faire seize ou dix-huit lieues, à peu près sans manger, pouvez-
vous me procurer, moyennant de l'argent bien entendu, de quoi
apaiser ma faim et reposer mon corps?
— Je n'ai que mon lit, répondit l'homme de sa voix rude;
quant à manger, nous n'en manquons pas ici , reste à savoir si
ça vous plaira.
— Tout me plaira pourvu que je mange; voyons, qu'avez-
vous à me donner ?
L'homme alla vers une armoire, l'ouvrit et en tira une petite
corbeille où se trouvait environ une douzaine de gâteaux de forme
ovale et d'une belle couleur dorée.
— Tenez, dit-il au voyageur, goûtez- moi ça et vous m'en
direz des nouvelles.
Il mit la corbeille sur une table près du voyageur, et posant
ses mains sur ses hanches il le regarda.
Notre ami prit un gâteau et mordit à pleines dents; en une
seconde il l'eut avalé tout entier; il en prit un deuxième, puis un
troisième , puis un quatrième et à chaque gâteau qu'il avalait
ainsi, Thomme qui le regardait toujours souriait avec satis-
faction.
Ëniin, quand il n'en resta plus dans la corbeille, il lui
dit :
— Eh bien, que dites-vous de mes madeleines?
— A boire d'abord, fit le voyageur d'une voix étranglée.
L'homme se dirigea de nouveau vers son armoire et en tira
une bouteille couverte d'une vénérable couche de poussière, il la
déboucha, puis, prenant deux verres, il les remplit, en tendit un
à l'étranger.
MADELEINE. 699
— Buvez, lui dit-il, je ne voudrais pas vous voir étrangler
par mes amours de gâteaux.
L'ëtranger but d'un seul trait, c'était de Texcellent vin de
Bordeaux, puis tendant une seconde fois son verre.
— A votre santé, mon brave, vous venez de me faire faire
un des plus délicieux repas que j'aie faits de ma vie. Mais, dites-
moi, comment appelez-vous ces succulents gâteaux?
— Comment, vous ne connaissez pas les madeleines de Com-
mercy?
— Je suis donc à Commercy?
— Oui, et vous venez, sans vous en douter, de manger les
meilleurs gâteaux du monde.
Sans partager entièrement l'enthousiasme du brave homme
pour ses gâteaux , le voyageur fut forcé d'avouer qu'ils étaient
excellents, et que, le besoin aidant, il avait fort bien soupe.
L'homme lui offrit alors son propre lit en disant que lui se
contenterait d'un matelas; le voyageur fit bien quelques diffi-
cultés, mais enfin il accepta; il alla donc se coucher, dormit d'une
seule traite, et fit le lendemain en se réveillant un déjeuner plus
solide que son souper de la veille, ce qui ne l'empêcha pas de se
munir en partant d'une certaine quantité de madeleines que le
bonhomme le força d'accepter en souvenir de la peur qu'il lui
avait d'abord faite et de la mauvaise nuit qu'il avait passée.
Les madeleines de Commercy ont en effet une grande renom-
mée. On croit que leur réputation fut faite par le roi Stanislas
Leczinski lorsqu'il vînt en France.
Voici maintenant une recette qui vient de Madeleine Pau^
mier^ pensionnaire et ancienne cuisinière de M"*' Perrotin de Bar-
mond.
Râpez sur un morceau de sucre le zeste de deux petits cédrats
(ou de deux citrons ou bigarades), écrasez ce sucre très-fin, mêlez-
le avec du sucre en poudre, pesez-en neuf onces que vous mettez
dans une casserole, avec huit onces de farine tamisée, quatre
jaunes et six œufs entiers ; deux cuillerées d'eau-de-vie d'Andaye
et un peu de sel ; remuez ce mélange avec une spatule. Lorsque
la pâte est liée , vous la travaillez encore une minute seulement.
Cette observation est de rigueur, si Ton veut avoir de belles
700 MAIGRE.
madeleines; autrement, le mélange étant plus travaillé, il fait
beaucoup trop d'effet à la cuisson, et cela dispose les madeleines
à être compactes, à s'attacher aux moules, à être plucheuses ou
à se ratatiner, ce qui rendrait cet entremets de bien pauvre mine.
Faites ensuite clarifier dans une petite casserole dix onzes de
beurre d'Isigny ; au fur et à mesure que le lait monte dessus, vous
avez le soin de Técumer; lorsqu'il ne pétille plus, cela indique
qu'il est clarifié ; alors vous le tirez à clair dans une autre casse-
role, lorsqu'il est un peu refroidi, vous en remplissez un moule à
madeleines; vous verserez ce beurre dans un autre moule et ainsi
de suite jusqu'au nombre de huit;' après quor vous reversez le
beurre dans la casserole ; vous garnissez ensuite de nouveau un
moule de beurre chaud et le versez tour à tour dans huit autres
moules ; enfin vous recommencerez deux fois cette opération, ce
qui vous donnera trente-deux moules beurrés. Il ne faut pas
renverser les moules après les avoir beurrés, attendu qu'ils
doivent conserver le peu de beurre qui s'égoutte au fond de
chacun d'eux.
Après vous mêlez le reste du beurre dans le mélange et puis
vous les placez sur un fourneau très-doux, vous remuez légè^
rement ce mélange afin qu'il ne s'attache pas à la casserole, et
aussitôt qu'il commence à devenir liquide, vous la retirez de des-
sus le feu pour qu'elle n'ait pas le temps de tiédir, ensuite vous
garnisse? les moules avec une cuillerée de cet appareil et vous les
mettez au four, à une chaleur modérée.
MAIGRE. — On a donné le nom d'aliments maigres à ceux
dont il est permis d'user pendant les jours de jeûne, en oppo-
sition des aliments gras dont l'usage est interdit pendant cette
période.
Plusieurs personnes ont prétendu que l'abstinence de la
viande était incompatible avec la santé; c'est une erreur, et il a
été prouvé que ce régime n'avait rien de contraire à la nature de
nos corps, pourvu toutefois qu'on apporte quelque attention dans
le choix des aliments que l'on désire manger et qu'on n'en per-
vertisse point la qualité par l'abus des assaisonnements, qui très-
souvent est la cause de la mauvaise influence des aliments
maigres sur l'organisme humain.
MAIGRE. 701
C*est une erreur aussi de prétendre que Tusage des aliments
maigres est plus salutaire que celui de la viande, parce qu'ils se
digèrent mieux et sont plus nourrissants, qu'ils engraissent et for*
tifient davantage ; qu'ils produisent un sang plus gras, plus lai-
teux, plus abondant, et donnent par conséquent plus d'embon-
point ; mais tout cela dépend du plus ou moins de fermeté ou de
âiblesse des estomacs.
A ce point de vue, l'aliment le plus parfait sera celui dont
les parties auront plus de disposition à se tourner en notre
substance : non en cette substance superflue qui ne tend souvent
qu'à grossir inutilement le volume du corps, et qui, loin d'aug-
menter ou d'entretenir les forces, ne sert qu'à les accabler, mais
en cette humeur balsamique qui fait le soutien de la vie et d'où
les sucs qui nous composent tirent toute leur vertu.
Un aliment, pour être propre à réparer en nous le baume
de la vie, ne doit être ni trop solide ni trop aqueux : s'il est
trop solide, il ne saurait fournir aux dissolvants de notre corps
des parties assez souples pour pouvoir être mises en œuvre ; s'il
est trop aqueux, il n'en saurait donner qui aient assez de con-
sistance pour recevoir les impressions nécessaires.
Il ne doit pas non plus avoir des principes trop actifs, autre-
ment il agit lui-même sur les principes qui le doivent changer ;
il ne passe en notre nature qu'après l'avoir considérablement
altérée.
Quoi qu'il en soit, il ne peut exister aucun rapport entre le
r^me maigre et la maigreur du corps, et la preuve, c'est que
Ton voit des hommes très-décharnés dévorer beaucoup de viande
sans acquérir de l'embonpoint, tandis que les femmes molles et
langoureuses subsistent grasses malgré la nourriture végétale la
plus légère, ce qui vient à l'appui de ce que nous disions plus
haut, que les aliments maigres amènent presque toujours, quand
les effets n'en sont pas combattus par une vie agitée et affairée,
une obésité précoce et gênante.
On ne nie point cependant que la plupart des aliments
maigres, et surtout le poisson, ne soient de bons aliments, mais
il ne s'ensuit pas de là qu'ils soient meilleurs que la viande et
qu'ils nourrissent davantage : le savant Nonnius, qui a fait un
7oa
MAIGRE.
traite exprès pour justifier le poisson, convient pourtant que la
viande est Taliment le plus sain et celui qui produit le meilleur
sang, parce que, dit-il, elle a plus de rapports avec les principes
de notre corps, et que les principes qui la composent sont plus
analogues aux nôtres; les hommes, ajoute-t-il, n'ont abandonné
les herbes et les fruits, que parce qu'ils ont trouvé par expé-
rience que la chair des animaux les soutenait davantage.
Quant aux aliments dont il est permis d'user aux repas de
collation les jours dé jeûne, il y en a tant et ils changent telle-
ment, suivant les climats et les habitudes, que nous ne saurions
les indiquer tous ici, et TÉglise accorde si facilement des dis-
penses, que nous y renvoyons nos lecteurs gourmands.
Dans le département de la Seine, l'usage du beurre, du lat-
tage et de ses produits était généralement interdit :
« — Vous ne laisserez servir devant moi, disait Louis XVIII,
en 1815, vous ne laisserez servir, pour les collations et les déjeu-
ners de carême, au château, ni chairs, ni poissons, ni résidus de
chair ou de poisson, ni œufs, ni lait, ni beurre, ni fromage mou,
cuit ou fondu, monsieur le contrôleur, et du reste on nous fera
manger tout ce qu'on voudra. »
Mais aujourd'hui, l'archevêque de Paris a bien voulu auto-
riser l'usage du laitage et des œufs pour les repas de carême, et
c'est devenu une très -grande ressource pour les pauvres gens,
qui n'ayant pas les moyens de s'offrir du poisson très-cher pen-
dant tout le carême, se voyaient forcés de manger gras, et par
cela même se trouvaient menacés de la colère du ciel.
Il est une autre décision qui s'applique à l'abstinence ou
continence des breuvages. On nous l'a donnée comme provenant
de la Grande- Pénitencerie romaine; nous la reproduisons ici :
« Pour ce qui tient à l'abstinence de boire, afin de ne point
rompre son jeûne, on n'y saurait être obligé que pour le jeûne
sacramentel en bonne santé, pourvu néanmoins que le malaise
enduré par suite de l'altération puisse occasionner une préoccu-
pation qui gêne consécutivement durant plus de dix minutes.
C'est à cette règle d'hygiène à déterminer cette relâche péniten-
cielle. Il n'est permis d'user alors que de boissons purement
désaltérantes et nullement nourrissantes, à raison de ce qu'il ne
MANIOC.
703
s'agît que de se préserver d'une inflammation d'intérieur. L'em-
ploi du sucre ou du miel est tolérable pour cet effet, mais non
celui du vin ou du lait, de la cervoise ou bière, et autres
boissons fermentées, sinon dans tous les cas d'incommodités
sérieuses, où nulle abstinence n'est de précepte, ainsi qu'il est
assez connu. »
MAIS. — Sorte de grain, autrement appelé blé de Turquie;
il contient beaucoup d'huile et de sel essentiels ; on en fait du
pain, qui se digère difficilement, qui pèse sur l'estomac, et qui
ne convient qu'aux personnes d'un tempérament fort et robuste.
On fait avec de la farine de maïs, du sucre et du lait, une
bouillie qu'on appelle gaudes. Cet aliment est très -populaire en
Bresse et en Franche-Comté. Lorsque les gaudes sont refroidies,
il est bon de les couper en tranches, que Ton fait griller et que
Ton saupoudre avec du sucre. On peut introduire dans cette
bouillie de la moelle de bœuf ou du beurre frais, ce qui la rend
plus savoureuse, et quand on y joint des raisins de Corinthe ou
de l'écorce de cédrats coniits, on en fait un entremets assez
agréable à manger.
Quiches au mats pour garnitures, — Vous faites cuire de
la farine de maïs avec du lait, du sel, du beurre et de la mus-
cade râpée ; cette bouillie une fois cuite, vous y ajouterez quel-
ques jaunes d'œufs, que vous ferez lier sans bouillir. Dressez
alors de ce mélange à l'épaisseur d'un travers de doigt, éten-
dez-le sur une abaisse de feuilletage et faites cuire le tout sous
un four de campagne ; vous retirerez ensuite ledit appareil afin
de le couper en morceaux carrés de la' même grandeur que la
moitié d'une carte, et vous vous en servez pour garnir différents
plats, tels qu'aloyaux rôtis, civets de lièvre et sautés de chevreuil,
matelotes d'anguilles, etc.
MAITRE-D'HOTEL (Sauce à la). — (V. Sauce et Aba-
TIS.)
MALVOISIE. — Ce nom est applicable à plusieurs sortes
de vins sucrés; on prise surtout la malvoisie de Chypre et de
Candie. (V. Vins étrangers.)
MANIOC. — Plante des tropiques. Son suc est laiteux et
très-vénéneux. Mais de la racine, ratissée, lavée et râpée, on
704 MAQUEREAU.
retire une fécule nourrissante. Le tapioca se retire de la fécule
décantée.
MAQUEREAU. — Un des plus beaux et un des plus cou-
rageux poissons qui existent. Lorsqu'il passe vivant de la ligne
à la barque, il semble fait d'azur, d'argent et d'or.
Souvent le maquereau s'attaque à des poissons beaucoup
plus forts que lui et même à l'homme.
Un historien de la Norwége raconte qu'un matelot qui se
baignait disparut tout à coup, et, lorsqu'on le repêcha, dix
minutes après, il était déjà dévoré en grande partie par des ma-
quereaux.
Ces poissons se rassemblent annuellement pour faire de
grands voyages; vers le printemps, ils côtoient l'Islande, le Hitt-
land, l'Ecosse et l'Irlande, et se jettent dans l'océan Atlantique,
où une colonne, en passant par devant le Portugal et l'Espagne,
va se rendre dans la Méditerranée, pendant qu'une autre colonne
entre dans la Manche, en avril et en mai, et passe de là, en juin,
devant la Hollande et la Frise. On les trouve dans toutes les
mers en quantités innombrables ; ils passent l'hiver dans la mer
Glaciale, la tête enfoncée dans la vase et les fucus; voilà ce qu'on
croyait autrefois du moins ; mais Bloch, Noël, Lacépède et d'au-
tres pensent qu'il en est de l'émigration des maquereaux comme
de celle des thons et des harengs, et que ceux-là comme ceux-ci se
retirent simplement dans la profondeur des eaux, à la surface
desquelles on les voit reparaître au printemps.
Maquereau à la maître^d' hôtel. — Que vos maquereaux soient
bien frais; choisissez-les d'égale grosseur, afin que les uns ne
soient pas plus cuits que les autres; coupez-leur le bout du bec
et le bout de la queue ; mettez-les sur un plat de faïence ou de
terre, saupoudrez-les d'un peu de sel fin, arrosez-les d'huile,
avec du persil, des ciboules, et retournez-les dans cette marinade
une bonne demi-heure avant de servir, ou davantage s'ils sont
très-gros, et de crainte que leur ventre ne vienne à s'ouvrir, cou-
vrez-les d'une feuille de romaine ; cette précaution est pour évi-
ter qu'ils ne perdent leur laite; retournez-les; pour achever leur
cuisson, posez-les sur le dos; leur cuissop achevée, dressez-les
avec une cuiller de bois, mettez-leur une maître-d'hôtel froide
MAQUEREAU. yo$
dans le dos, forcée de citron, et saucez-les d'une maître-d'hôtel
liée, et servez. (Voir les articles de ces deux sauces.)
Maquereaux à V anglaise. — Prenez trois ou quatre maque-
reaux de la plus grande fraîcheur, videz-les par l'ouïe, tirez-leur
le boyau, ficelez-leur la tête, coupez le petit bout de la queue,
et ne leur fendez point le dos. Mettez une bonne poignée de
fenouil vert dans une poissonnière qui ait sa feuille, et vos
maquereaux dessus; mouillez-les d'une légère eau de sel, faites-
les cuire à petit feu. Leur cuisson faite, tirez votre feuille, égout-
tez-les, dressez-les sur votre plat, saucez-les d'une sauce de
fenouil, ou de celle dite à groseilles à maquereau. (Voyez les
articles de ces sauces.)
Maquereaux à la flamande. — Préparez vos maquereaux
comme ceux à l'anglaise, sans leur fendre le dos; maniez un
morceau de beurre, avec échalotes, persil et ciboules hachées,
du sel et un jus de citron; remplissez-en le centre de ces maque-
reaux, roulez-les chacun dans une feuille de papier d'office
beurrée, liez-la par les deux bouts avec de la ficelle; mettez
griller vos maquereaux sur un feu doux et égal, environ trois
quarts d'heure. Leur cuisson faite, ôtez-les du papier, dressez-les
sur votre plat, et servez.
Maquereaux à l'italienne. — Préparez et faites cuire trois
ou quatre maquereaux, comme les vives à l'italienne; leur cuis-
son achevée, saucez-les d'une italienne blanche, dans laquelle
vous incorporerez un morceau de bon beurre. (Voyez l'article
Italienne blanche.)
Filets de maquereaux à la mattre-d' hôtel. — Levez les filets
de trois maquereaux ; coupez ces filets en deux, parez- les ; faites
fondre du beurre dans une sauteuse, et posez -y vos filets du côté
de la peau; saupoudrez-les d'un peu de sel, recouvrez- les légè-
rement de beurre fondu, couvrez-les d'un rond de papier, met-
tez-les au frais, jusqu'à l'instant de vous en servir, et préparez la
sauce suivante :
Mettez deux cuillerées de velouté réduit dans une casserole,
persil et échalotes hachés et lavés; faites bouillir votre sauce,
ajoutez-y la valeur de trois petits pains d'excellent beurre et un
fort jus de citron ; prenez vos laitances, faites-les dégorger, blan-
45
7o6 MARCASSIN.
chir et cuire avec un grain de sel ; au moment de servir, mettez
vos filets sur le feu, faites-les roidir, retournez-les. Leur cuisson
faite, égouttez-les, en épanchant une partie du beurre; dressez
vos filets en couronne sur un plat auquel vous aurez fait une
bordure de petits croûtons frits dans du beurre ou de Fhuile ;
passez votre sauce, et servez.
Maquereaux au beurre noir. — Préparez ces ma^fuereauz
comme ceux à la maitre-d'hôtel ; faites*les cuire de même. Leur
cuisson faite, saucez-les d'un beurre noir où vous aurez mis sel,
vinaigre et persil frit.
MARCASSIN. — Jeune sanglier connu en vénerie sous le
nom de bète rousse. Le marcassin est excellent à toutes les sauces
où l'on met le sanglier, c'est-à-dire à la broche, sur le gril aux
oignons ; les anciens ne les mangeaient point, mais les châtraient
et les lâchaient ensuite dans la forêt; ainsi perfectionnés, c'est le
nom que Ton donne aux chanteurs de la chapelle Sixtine, ils
deviennent plus gros, plus délicats et moins sauvages.
Hure de marcassin^ sauce berlinoise. — C'est à Tâge de
quinze ou dix-huit mois qu'il faut manger les jeunes sangliers,
qui jusqu'à cet âge peuvent être considérés comme des marcas-
sins ; comme ce sont généralement les chairs musculeuses du cou
qui sont recherchées par les amateurs, il faut faire couper la
hure avec le cou, un peu long et arrivant jusqu'à la hauteur des
épaules. Il est vrai qu'il reste celle des bajoues, peu volumineuse,
mais cependant très-délicate.
Flambez la hure, pour en gratter les soies.
Quand la hure est flambée, la faire dégorger pendant une
heure, l'égoutter ensuite, fendre la peau du crâne depuis le haut
du front jusqu'à la hauteur des yeux, et juste sur le milieu; afin
de prévenir le déchirement de la peau, dégager les chairs du bout
du museau; scier transversalement sur celui-ci un morceau
d'os de trois à quatre centimètres de long, et emballer la hure
dans un linge, en la ficelant, mais en ayant soin de ficeler les
oreilles en relief, afin de les maintenir droites ; masquez le fond
d'une casserole longue avec des carottes, des oignons et des racines
de céleri grossièrement émincés; passez la hure sur cette couche,
la mouiller à hauteur avec moitié eau, moitié vinaigre, ajouter
MARCASSIN. ycy;
du sel, des grosses épices, th)rtn, laurier, marjolaine, coriandre et
genièvre; faire bouillir le liquide, et cuire la hure à feu modéré
pendant trois heures, si Tanimal est jeune; dans tous les cas,
faisons obser>'er que la hure doit être bien cuite, car, en refroi-
dissant, les chairs musculeuses tendent à se raffermir.
Aussitôt que la hure est atteinte au point voulu, la laisser
refroidir hors du feu, et dans sa cuisson, la déballer ensuite,
parer droit les chairs du cou, vernir la peau sur toutes les sur-
faces, avec du saindoux coloré à l'aide de caramel bien noir;
poser la hure sur un plat long, masquer la déchirure du crâne
avec une plaque de beurre, et décorer avec des truffes, du blanc
d'oeuf cuit et de la gelée; de chaque côté du museau, imiter une
défense en beurre ; poser alors la hure sur un pain vert^ de forme
ovale, et masquer de graisse blanche, l'entourer à sa base avec
une couronne de feuilles de chêne ou d'oranger, et garnir le tout
avec des croûtons de gelée.
Cette pièce est dressée pour figurer sur la table; pour la
servir, il faut couper les chairs du cou en tranches minces, les
garnir avec de la gelée et faire présenter aux convives la sauce
suivante :
Avec trois jaunes d'œuf et la valeur de deux verres d'huile,
préparer une sauce mayonnaise froide, en procédant selon la
méthode ordinaire, la finir avec deux ou trois cuillerées à bouche
de moutarde anglaise et du bon vinaigre; lui incorporer ensuite
un peu plus que son volume de gelée de groseilles très-ferme et
coupée en petits dés ; mêler la gelée sans l'écraser et verser la
sauce dans une saucière. Cette sauce n'est pas belle à la vue ;
mais, pour un amateur, elle a certainement un grand prix.
Quartier de marcassin, sauce aux cerises. — Choisir un
quartier de marcassin tendre, frais et sans couenne, enlever l'os
du quasi et couper droit le bout du manche, saler le quartier, le
mettre dans une terrine, l'arroser avec la valeur d'un litre de
marinade cuite et à moitié refroidie, le faire macérer pendant
deux ou trois jours, l'égoutter, l'éponger sur un linge et le pla-
cer dans un plafond creux avec du saindoux, le couvrir avec du
papier graissé et le faire cuire pendant trois quarts d'heure, en
l'arrosant souvent avec la graisse ; lui additionner alors quelques
7o8 MASTIC.
cuillerées de sa marinade, et le faire cuire encore pendant une
demi-heure, en Tarrosant toujours avec son fond. Quand il est
bien atteint, retirer le plafond du four, égoutter le quartier et en
masquer la surface avec une couche épaisse de mie de pain noir
râpée, séchée, pilée, passée et mêlée avec un peu de sucre et de
la cannelle, puis humectée avec du bon vin rouge, mais seule-
ment ce qui est nécessaire pour la lier; saupoudrer cette couche
avec de la mie de pain non humectée, Tarroser avec la graisse du
plafond et remettre le quartier dans celui-ci, pour le tenir à la
bouche du four pendant une demi-heure. Au moment de servir,
le sortir, papillotter le manche, le dresser sur un plat, et envoyer
à part la sauce suivante :
Sauce aux cerises. — Faire ramollir deux poignées de cerises
noires et sèches, comme on en vend communément en Alle-
magne, c'est-à-dire avec les noyaux, les faire ramollir, les piler
au mortier, les délayer avec un verre de vin rouge, et verser l'ap-
pareil dans un poêlon non étamé, ajouter un morceau de
cannelle, deux clous de girofle^ un grain de sel et un morceau de
zeste de citron; faire bouillir le liquide pendant deux minutes et
le lier avec un peu de fécule délayée ; retirer la casserole sur le
côté du feu, la couvrir, la tenir ainsi pendant un quart d'heure,
la passer ensuite au tamis.
Recette de M. Urbai;i Dubois, cuisinier de Leurs Majestés
Royales de Prusse.
MASTIC. — Le mastic est à la fois, en Grèce, une liqueur
et une confiture ; c'est une des productions les plus importantes
et les plus précieuses de Tîle de Chio. Il est donné par le len-
tisque, à qui on fait, pour l'obtenir, de légères mais nombreuses
incisions au tronc et aux principales branches. Cette opération se
fait depuis le 15 jusqu'au 20 juillet. Pendant ces cinq jours, il
découle de ces incisions un suc liquide qui s'épaissit insensible-
ment, et qui se forme et se recueille en larmes. Vingt et un vil-
lages, situés au midi de la ville, donnent cette résine; la plus
belle qualité est envoyée à Constantinople, pour le Grand Sei-
gneur; la seconde au Caire, pour le pacha d'Egypte.
Le mastic se ramollit dans la bouche, parfume l'haleine,
raffermit les gencives, contribue à conserver la blancheur des
MERISIER.
709
dents, donne du ton à Testomac et porte à la poitrine des émana-
tions balsamiques gui suffisent à vaincre la phthisie pulmonaire
prête à se déclarer.
La liqueur du mastic, qui se boit comme toutes les liqueurs,
est très-agréable au goût et très-digestive.
MELON. — Plante annuelle et rampante, de la famille
des concombres. Selon les espèces, le fruit est gros comme une
pomme ou comme un potiron. Celui de Honfleur pèse par-
fois jusqu'à vingt-quatre livres ; on dit qu'il croît spontanément
chez les Kalmoucks : j'y suis resté pendant les mois d'octobre
et de novembre, et n'ai jamais vu un seul melon, quoiqu'à
cinquante lieues de là on les récoltât au bord de la mer Cas-
pienne par milliers, et que les plus gros et les meilleurs coûtas-
sent quatre sous.
Il est probable qu'il est originaire d'Afrique ; il est sûr qu'il
est né dans les pays chauds et qu'il n'est bon que caressé par les
rayons du soleil. Le meilleur melon est le cantalou, rapporté de
l'Arménie par les Romains ; il fut ainsi nommé du village de Can-
talou po, où on le cultiva. Dans tout le midi de la France, nous
avons le melon d'eau ou le melon vert, qui, pour quelques gas-
tronomes, égale le cantalou. Naples a son melon national, que
Ton appelle cocoméro, et qui est la nourriture presque exclusive,
avec le macaroni, du lazzarone. Sa chair est rouge, avec des
amandes noires ; mais, en réalité, elle n'a aucune consistance, et
c'est de l'eau figée.
Pour rendre le melon digestible, il faut, disent quelques
gastronomes, le manger avec du poivre et du sel, et boire par-
dessus un demi-verre de Madère, ou plutôt de Marsala, puisque
le Madère a disparu.
Il n'y a pas d'autre manière de le manger que de le couper
par tranches et de le servir entre le potage et le bœuf ou entre le
fromage et le dessert.
MERISIER. — C'est le prunier des oiseaux; sans être
greffé, il porte un petit fruit noir appelé merise. On greffe sur
lui la cerise, la guigne, le bigaro; c'est avec le fruit du merisier
qu'on fait le kirschenwasser, alcool marquant jusqu'à vingt-six
degrés, aussi transparent que l'eau la plus limpide. C'est surtout
7IO • MERLAN.
en Alsace, en Franche-Comté, en Suisse et en Souabe que l'on
distille le meilleur kirsch.
MERLAN. — On ignore Tétymologie de ce nom, tandis
qu'on s'explique facilement pourquoi, dans le dernier siècle, on
appelait les perruquiers des merlans ; c'est qu'ils étaient constam-
nient couverts de poudre, comme sont couverts de farine les mer-
lans qu'on va faire frire. Il appartient à la famille des morues, il
se pêche en décembre, janvier et février. Il est alors gras et
ferme, et commence à avoir des œufs et de la laite vers la fin
d'octobre. Il n'y a pas de chair plus saine que celle du merlan;
elle est friable, tendre et légère. On la prescrit même aux conva-
lescents. Le meilleur se pêche dans la Méditerranée.
Merlans frits. — Ayez plusieurs merlans, écaillez-les, ou
plutôt essuyez-les en les pressant légèrement avec la serviette ; les
écailles viendront toutes seules; coupez le bout de la queue et les
nageoires, videz-les, lavez-les, remettez-leur les foies dans le
corps, ciselez-les des deux côtés, farinez-les, faites-les frire jus-
qu'à ce qu'ils soient fermes et d'une belle couleur ; égouttez-les,
saupoudrez-les d'un peu de sel fin, mettez une serviette sur le
plat qui doit les recevoir, dressez-les dessus, et servez.
Merlans à la hollandaise^ à la flamande ou sur le plat, —
(Voyez les Soles sous la même désignation.)
Merlans grillés. — Préparez vos merlans comme il est dit
aux merlans frits, ciselez-les, farinez-les, mettez-les sur le gril,
faites-les cuire sur un feu doux, et retournez-les; à cet effet,
servez-vous d'un couvercle de casserole que vous poserez sur vos
merlans et alors vous renverserez votre gril sens dessus dessous ;
achevez de les faire cuire; servez- vous encore du couvercle,
comme il est dit plus haut, pour les ôter du gril sans les casser;
coulez-les sur votre plat et servez dessus une sauce blanche au
beurre avec câpres.
Merlans aux fines herbes. — Écaillez vos merlans comme
il est indiqué aux merlans frits; appropriez-les de même, mettez-
les dans un vase creux dans lequel vous aurez étendu du beurre
avec persil, ciboules, sel, muscade; arrangez-les tête-bêche; arro-
sez'les de beurre fondu; mouillez-les avec vin blanc et bouillon.
Cuits des deux côtés, versez leur mouillement dans une casserole,
MERLAN. 711
sans les ôter de leur plat; ajoutez-y un peu de beurre manié
avec de la farine, faites cuire et liez votre sauce dans laquelle
vous exprimerez un jus de citron; mettez une pincée de gros
poivre, saucez vos merlans et servez-les.
Filets de merlans en turban. — Ayez quinze ou dix-huit
merlans, levez-en les filets; prenez les douze inférieurs, levez-
en les peaux, pilez-en les chairs, faites-en une farce à quenelle
(V. l'art. Farce à quenelle de merlans.) ; votre farce achevée,
faites un fort bouchon de pain, posez le bout le plus étroit sur
votre plat; entourez ce bouchon de bardes de lard et dressez
autour votre farce en talus; posez-y vos filets, donnez-leur la
forme d'une bande de mousseline qui enveloppe un turban : si
c'est la saison, garnissez le haut de petites truffes que vous aurez
tournées de la forme de grosses perles ; humectez vos filets avec
un peu de beurre fondu ; couvrez le tout de bardes de lard très-
minces et par-dessus un papier beurré; faites cuire votre turban
au four, avec une légère paillasse dessous ; sa cuisson faite, sup-
primez le bouchon de pain et toutes les bardes de lard ; égouttez
le beurre de ce turban; versez dans son puits une bonne ita-
lienne, et servez. On peut y mettre un ragoût.
Filets de merlans au gratin. — Levez des filets de merlans,
étendez-les sur la table les uns après les autres; garnissez-les
d'une farce cuite et roulez-les; foncez votre plat d'une assise
de votre farce, mettez-y vos filets, couvrez-les de cette farce
sur toutes les faces, unissez le tout avec la lame de votre couteau
trempée dans de l'eau tiède; donnez à votre gratin une forme
régulière, panez-le, arrosez-le avec un pinceau trempé dans du
beurre fondu, mettez-le au four, ou sous un four de campagne,
avec feu dessus, feu dessous; laissez-les se colorer et arrosez d'une
italienne rousse.
Merlans à la Sjrlvio- Pellico. (Recette de Ferdinando
Grandi.) — Prenez un gros merlan, préparez-le pour le farcir
en laissant la tête attachée aux filets ; mettez-le mariner dans du
vin blanc pendant six heures, et farcissez-le ensuite avec une
farce de poisson que vous mettrez dans une terrine après l'avoir
passé et lui avoir donné le meilleur goût possible ; ajoutez-y un
oignon moyen que vous aurez lavé et passé au beurre à blanc,
712 MERLAN.
donnez un léger goût d'ail et mettez une bonne quantité de fines
herbes blanchies ; reformez votre merlan sur une grille à pois-
sonnière, faites-lui sur le dos une raie de queue d'écrevisse éplu-
chée et finissez de le garnir sur les côtés en travers d'un rang
d'écrevisses et d'un rang d'huîtres, et ainsi de suite de la tête à
la queue. Vous enfoncerez bien cette garniture dans la farce
pour qu'elle ne se détache pas; faites cuire le merlan dans la
poissonnière avec le liquide de son marinage que vous aurez
passé, et vous ajouterez un morceau de beurre frais et un bou-
quet garni; quand vous l'aurez dressé sur le plat, vous l'entou-
rerez de petites timbales faites avec la même farce dans des
moules à darioles dont vous aurez décoré le fond avec des truffes
et de la langue en forme de grillage. Ensuite vous garnirez le
moule, au fond et à l'entrée de ladite farce que vous remplissez
avec des truffes et des champignons masqués avec une sauce. Ceci
terminé, recouvrez le moule avec de la farce que vous ferez
pocher un quart d'heure avant de servir; vous mettrez dans cha-
que timbale une belle écrevisse, vous servirez une sauce veloutée
où vous mettrez une printanière de légumes que vous aurez
passés au beurre et fini de cuire avec du bouillon de volaille;
servez le plat avec une demi-glace très-claire, garnissez la tête
d'un hâtelet avec trois quenelles que vous ferez blanche, verte et
rouge.
Merlans frits à la Provençale, ( Recette de M. Urbain
Dubois, chef de cuisine de S. M. le roi de Prusse.) — C'est
un mets très-populaire en Provence et qu'on sert surtout la
veille de Noël. Verser quatre à cinq cuillerées à bouche de
bonne huile dans une poêle pour la chauffer, lui mêler deux
cuillerées de farine, cuire celle-ci tout doucement en la tournant
à la cuiller jusqu'à ce qu'elle soit de couleur légèrement foncée;
lui mêler alors deux cuillerées à bouche d'oignon haché, cuire
celui-ci pendant quelques secondes, retirer la poêle du feu et
mouiller le roux peu à peu avec de l'eau chaude et du \in ;
tourner la sauce jusqu'à l'ébullition, la tenir légère et la cuire
pendant dix minutes sur le côté du feu^ lui additionner un bou-
quet de persil et une feuille de laurier, l'assaisonner et la faire
réduire en la tournant jusqu'à ce qu'elle soit liée à point; en
MERLE. 713
dernier lieu, la finir avec deux cuillerées à bouche de Madère et
la passer au tamis dans une casserole plate.
D'autre part, couper cinq à six tranches de merlan frais, les
saler, les fariner et les faire frire à Thuile. Quand elles sont de
belle couleur, les égoutter et les mettre dans la sauce pour les faire
mijoter à feu très doux pendant dix minutes. En dernier lieu,
saupoudrer le ragoût avec une pincée de persil haché et deux
cuillerées à bouche de câpres entières.
Dresser les tranches de merlan sur un plat chaud et les mas-
quer avec la sauce.
Queue de merlan à la mode de Cherbourg. (Recette du
même.) — Prendre la queue d'un gros merlan, c'est-à-dire la
moitié du poisson, l'écailler, lui couper les nageoires, le laver
vivement, l'éponger avec un linge et le distribuer en tranches
épaisses. Beurrer grassement le fond d'une casserole plate, sau-
poudrer le beurre avec deux poignées de parures de champi-
gnons, sur celles-ci ranger les tranches de merlan en les serrant
l'une contre l'autre, les saler légèrement, leur adjoindre un bou-
quet de persil garni, les mouiller juste à couvert avec du vin
blanc, le jus de deux citrons et la cuisson de trois douzaines de
grosses huîtres; couvrir la casserole, la poser sur feu vif et cuire
le poisson pendant huit à dix minutes ; quand il est à point, le
fond doit être réduit de moitié; dresser alors les tranches de
merlan sur un plat, retirer le bouquet et faire réduire le fond ;
s'il était trop long, le lier avec un morceau de beurre manié de
farine , donner quelques bouillons à la sauce, la passer à l'éta-
mine et la finir en lui incorporant 100 grammes de beurre fin
divisé en petites parties; lui mêler alors les huîtres et avec elles
masquer le poisson.
MERLE. — Dans toute la France il y a un proverbe qui
dit : « Faute de grives, on mange des merles » ; la Corse seule,
après avoir lutté inutilement pour sa nationalité politique, a lutté
avec plus de bonheur pour sa nationalité culinaire , et parmi nos
départements, il est le seul qui continue de dire : « Quand on n'a
pas de merles, on mange des grives. »
C'est que les merles de Corse ont une saveur toute particu-
lière qu'ils doivent aux baies de genévrier, de lierre, de myrte.
714 MORILLES.
de nerprun, aux graines de gui, aux fruits de l'alisier, de l'éj
tier. Aussi la Corse ne se contente-t-elle pas de manger ses mer-
les, elle en envoie de pleines terrines dans toutes les parties du
monde; il suffit, pour les conserver, de verser dans un vase de
grès du saindoux fondu et de jeter dans ce saindoux des merles
plumés dont on a enlevé les gésiers ; le saindoux se prend sur
eux, les enveloppe d'une couche de graisse que l'air essaye inuti-
lement de percer, et qui les conserve pendant des années.
M. le cardinal Fesch donnait de fort bons dîners dont les
merles de Corse disaient le principal attrait gastronomique.
Il est bon de tirer de cette graisse autant de merles qu'on en
veut manger, de les passer à l'eau chaude pour leur enlever leur
enduit huileux, après quoi on les assaisonne comme les ortolans,
comme les becfigues, et enfin comme tous les petits pieds.
Quant aux merles frais, ils subissent tous les modes de
cuisson qui s'appliquent aux grives.
MIEL. — C'est la substance sirupeuse et sucrée que les
abeilles récoltent sur les fleurs, qu'elles élaborent, et déposent
ensuite dans les alvéoles de leurs ruches pour s'en nourrir pen-
dant l'hiver. Le miel se trouve dans presque toutes les contrées
de l'Europe, car presque partout il y a des fleurs et des abeilles;
dans l'antiquité, c'était sur le mont Hymette que l'on recueillait
le plus estimé; aujourd'hui c'est à Narbonne que Ton récolte le
meilleur.
Pythagore, suivant le rapport de Laërce, ne vivait que de
pain et de miel; il vécut jusqu'à l'âge de quatre-vingt-dix ans et
mourut en invitant ceux qui voudraient vivre longtemps à se
nourrir des mêmes aliments que lui. Le miel a tenu lieu de sucre
pendant très-longtemps aux Gaulois nos ancêtres, et aux Fran-
çais nos aïeux. Le sucre n'était connu, à cette époque, que sous
le nom de miel de roseau : il n'était alors d'usage qu'en
médecine.
Le miel a pris sa place chez les apothicaires, et le sucre a
remplacé le miel sur nos tables.
MORILLES. — C'est une espèce de champignon printa-
nier, qui ne diffère du champignon ordinaire qu'en ce qu'elle est
percée de plusieurs trous, au lieu que le champignon est feuil-
MORUE.
715
leté; nous ne sachons pas qu'il soit jamais arrivé d'accidents
pour avoir mangé des morilles. Elles excitent 1 appétit, fortifient
et restaurent l'estomac, et sont d'un grand usage dans les sauces.
Les morilles ont précédé de beaucoup les champignons chez les
chrétiens, que l'exemple de Claude avait épouvantés.
Une certaine anecdote, dont nous ne garantissons pas l'au-
thenticité, quoique nous la lisions dans la vie de saint Pardoux,
vient à l'appui de notre assertion et raconte qu'un jour, un cer-
tain paysan, ayant trouvé des morilles, voulait, par respect pour
le saint, lui en ftire présent. Dans sa route, il fut rencontré par
un grand seigneur nommé Raynacaire, qui les lui arracha, et se
les fit servir à dîner; mais, par une punition divine, dit le légen-
daire, elles lui donnèrent des coliques affreuses dont il ne fut
guéri qu'avec de l'huile qu'on lui fît avaler et que saint Pardoux
avait bénie.
MORUE. — Nous avons déjà dit, en parlant du cabillaud, à
peu près tout ce que nous avions à dire sur la morue. Cepen-
dant il nous reste quelques détails à donner sur elle et sur la
manière dont elle s'apprête.
Je ne saurais, dit Anderson, m'empêcher de remarquer ici
en passant que ce poisson insatiable a reçu de la nature un avan-
tage singulier, que beaucoup de nos gourmands souhaiteraient
pouvoir partager avec lui. C'est que, toutes les fois que son avi-
dité lui a fait avaler un morceau de bois ou quelque autre chose
indigeste, il vomit son estomac, le retourne devant sa bouche, et,
après l'avoir vidé et bien rincé à l'eau de la mer, il le retire à sa
place et se remet à manger.
Parmi les choses que nous avons cru devoir omettre à l'ar-
ticle Cabillaud, voici une brandade de morue que nous extrayons
de la cuisine de tous les pays par Urbain Dubois.
Brandade de morue à la mode de Montpellier, — Prendre la
moitié d'une morue salée, épaisse et ramollie à point, la diviser
en carrés, mettre ceux-ci dans une casserole avec de l'eau froide,
poser la casserole sur le feu et amener le liquide à Tébullition;
au premier bouillon, le retirer. Un quart d'heure après, égoutter
la morue sur un tamis, en supprimer aussitôt toutes les arêtes,
déposer les chairs et la peau dans une terrine en les brisant.
7i6 MOUTON.
Faire revenir à Thuile deux cuillerées à bouche d'oignon
haché et une gousse d'ail ; quand l'oignon est de couleur blonde,
retirer la gousse d'ail et mêler la morue à l'oignon dans la casse-
role, pour la chauffer; la verser aussitôt dans un mortier pour
la piler; quand elle est convertie en pâte, la remettre dans la
casserole et la travailler fortement avec une cuiller, en lui incor-
porant peu à peu une demi-bouteille d'huile d'olives; quand
cette huile est absorbée, travailler l'appareil encore quelques
minutes, lui mêler le jus d'un citron et lui incorporer également
la valeur d'un verre d'huile peu à peu. A ce point, l'appareil
doit être bien lié et crémeux. S'il était trop léger, lui mêler deux
cuillerées à bouche de béchamel un peu serré; dans le cas con-
traire, quelques cuillerées de bonne crème crue sussent. Assai-
sonner l'appareil avec du poivre et muscade, un peu de sel, si
c'est nécessaire, une pincée de persil haché; le travailler encore
pendant deux minutes et le finir avec le jus d'un citron : il doit
alors se trouver consistant, mais délicat, lisse et de bon goût. Le
chauffer très-légèrement, sans cesser de le travailler, et le dresser
en dôme sur le centre d'un plat long, entre deux croustades en
pain taillées à trois quarts de rondeur et collées aux deux bouts
du plat. Saupoudrer l'appareil avec quelques lames de truffes,
poser sur le haut deux écrevisses entières et une truffe ronde entre
les deux; emplir les croustades avec des huîtres frites, piquer
deux hâtelets sur ces croustades, les entourer à leur base avec
des escalopes de poisson et de truffes, en les alternant, remplir le
vide du centre avec un buisson de petites bouchées aux huîtres.
Ce mets peut être servi comme relevé de poisson dans un dîner.
MOUTON. — Il existe dans les montagnes de la Grèce,
dans les îles de Chypre, de Sardaigne, de Corse, une race de mou-
tons devenue excessivement rare sous le plomb des chasseurs, et
que Ton croit être la race primitive de l'espèce actuelle ; elle est
de la grandeur du daim, et porte des cornes immenses; les mou-
tons du Cap de Bonne-Espérance, ceux de la mer Caspienne,
ceux d'Astrakan ont la queue si grosse qu'elle pèse jusqu'à vingt
livres, quelques-uns traînent après eux une petite brouette sur
laquelle' leur queue repose pour que la laine ne soit pas gâtée
en traînant à terre.
MOUTON.
717
Ce fut à Don Pèdre, roi de Castille, que l'Espagne fut rede-
vable de rintroduction dans ce pays des moutons de Barbarie, qui
ont donné tant de renommée aux laines de Castille; les profits
que rapportèrent ces précieux animaux engagèrent les nobles
espagnols, à Tinstar de leur roi, de visiter et d'élever leurs trou-
peaux; les jours de la tonte étaient célébrés par des fêtes. Ce fut
pour cette cause que les moutons, qui rapportaient à TEspagne
trente millions de rente, étaient appelés les joyaux de la cou-
ronne; un bélier de première race n'avait point de prix, et on en
vit payer jusqu'à 500 piastres.
Au XV* siècle, Edouard IV, roi d'Angleterre, obtint de la
munificence du roi d'Espagne trois mille animaux de cette belle
race de moutons , seulement le changement de climat rendit la
laine beaucoup plus longue et moins fine; mais le soin extrême
que les Anglais ont de leurs troupeaux, et l'extermination entière
des loups, leur permirent de les tenir constamment en plein air.
Les laines anglaises furent dès lors généralement recherchées;
c'est afin de rappeler sans cesse à la nation de quelle importance
est ce commerce pour elle, que dans la chambre des lords un
sac de laine servait autrefois, et je crois sert encore aujourd'hui,
de siège à leur chancelier.
Ce fut encore l'Espagne qui fournit à la France l'espèce
nommée mérinos, qui se propagea de plus en plus chez nous,
concurremment avec la grande espèce dite des moutons flandrins.
M. Moorcoft dit avoir trouvé, en 1822, en pénétrant dans la
Tartarie par les possessions anglaises de l'Inde, une espèce de
mouton qui doit être enviée par l'Europe. C'est un animal domes-
tique comme le chien, vivant dans la cour ou sous les toits de
son mdtre, se nourrissant de tout, et partout s'engraissant des
restes de la cuisine, mangeant jusqu'aux os qu'on lui jette; il est
de petite taille, mais ses particularités, la bonté de sa chair, la
finesse, le poids de sa toison, le mettent de niveau avec les races
supérieures. Il donne deux agneaux et autant de tontes, qui rap-
portent trois livres de laine.
En France, les moutons dont la chair est la plus estimée,
sont ceux des Ardennes, de Langres, de Lacrau et de Pré-salé ;
jeune, le mouton se nomme agneau; sa chair est très-tendre,
7x8 MOUTON.
mais moins succulente ; plus tard, s'il n'a pas subi la castration,
sa chair est moins estimée que celle de la brebis.
Le mouton est une grande ressource dans tous les pays, mais
particulièrement dans ceux où on ne trouve ni auberges, ni cui*
sines; je veux parler de TEspagne, des bords du Nil et de l'Arabie.
Lorsque Ton traverse des parties de désert, avec quatre ou six
Arabes, on convient d'avance, et cela influe sur le prix, ou
qu'on les nourrira, ou qu'ils se nourriront eux-mêmes.
Quand on convient qu'on les nourrira, ils ont toujours faim,
et il est impossible de les rassasier ; quand on convient qu'on ne
les nourrira pas, ils déjeunent avec une datte, dînent avec deux^
serrent leur ceinture d'un cran après chaque repas, et tout est dit.
En 1833 j'allais de Tunis à un amphithéâtre romain
enfoncé de douze à quinze lieues dans le désert ; je fis ^larché
avec quatre Arabes pour qu'ils me conduisissent à Djem-Djem;
c'est le nom de cette ruine. Les Arabes s'étaient chargés de me
fournir ma monture, c'est-à-dire un chameau et de se nourrir
eux-mêmes; j'avais emporté dans une espèce de valise en fer-
blanc un morceau de viande rôtie, des dattes, du vin, de Teau et
de l'eau-de-vie. Arrivé à la première halte où nous devions cou-
cher, nous nous installâmes pour dîner, et à mon grand éton-
nement, je vis mes Arabes dîner avec quelques dattes et une
banane; j'eus honte de faire relativement à eux un si somptueux
dîner quand ils avaient mangé à peine ; je leur donnai les trois
quarts de mon pain, toute ma viande rôtie, la moitié de mon
fruit, et ne gardai que mon vin et mon eau; je leur annonçai
alors que le lendemain nous déjeunerions tous ensemble avec un
mouton , qu'ils eussent donc à s'en procurer un, ce qui me parais-
sait chose facile, ayant vu paître, cinq par cinq ou six par six,
des bandes de moutons dans tous les endroits où il y avait de
l'herbe.
On se tromperait en croyant que le désert commence au
rivage de la mer ; ce n'est que douze ou quinze lieues plus loin
que l'on trouve la solitude, la famine et la soif.
Le lendemain, je fus réveillé par le bêlement d'un mouton;
un de mes hommes s'était détaché pendant la nuit et, moyennant
cinq francs, avait fait l'acquisition d'un bel agneau d'une cin-
MOUTON.
719
quantaine de livres; deux heures après, nous étions à Djem-
Djem, où il était convenu que Ton déjeunerait.
J'avais beaucoup entendu parler de la façon de préparer le
mouton au désert, je ne voulus donc rien perdre de ces prépa-
ratifs ; comme il ne devait être cuit que deux heures après, qu'il
ne fallait pas plus de deux heures pour visiter l'amphithéâtre,
j'assistai à tous les détails de la cuisson.
Les Arabes commencèrent par égorger Tagneau avec tous les
détails religieux recommandés par le Koran, puis ils lui ouvri-
rent le ventre, jetèrent les intestins, conservèrent le cœur, le foie
et le poumon, puis ils fouillèrent dans le sac aux provisions, lui
remplirent le ventre avec des dattes, des figues, du raisin sec, du
miel, du sel et du poivre ; après quoi le ventre fut recousu avec
le plus grand soin; pendant ce temps, les deux Arabes qui
n'étaient pas occupés après l'agneau creusaient avec leur sabre
une fosse de deux pieds de profondeur, l'emplissaient de bois sec,
auquel ils mettaient le feu , après avoir préparé une autre brassée
de bois sec près de celui qui se réduisait en braise ; puis ils cou-
chèrent sur ce lit de charbon ardent le mouton avec sa peau, le
recouvrant de la brassée de bois qu'ils avaient préparée d'avance
et qui prit feu aussitôt; lorsque cette brassée de bois fut brûlée,
le mouton se trouva enterré comme une châtaigne sous les cen-
dres; les Arabes alors rejetèrent sur lui une partie de la terre
qu'on avait tirée de la fosse o^ il cuisait; puis ils me dirent
d'aller voir l'amphithéâtre tout à mon aise et que, dans une
heure et demie, le mouton serait cuit; au bout d'une heure et
demie je revins, car j'avais grand* faim et surtout grande envie de
goûter à la cuisine de mes guides; sans doute en avaient-ils aussi
grande envie que moi , car à peine me virent-ils avec celui des
Arabes qui parlait un peu l'italien et que j'avais emmené avec
moi, qu'ils se mirent à fouiller leur feu souterrain, et qu'ils en
tirèrent le mouton.
Il était rôti comme une pomme de terre dont la peau est
brûlée; en le grattant avec un poignard, sa peau prit la belle
couleur dorée d'un rôti rissolé dont la cuisson est arrivée à son
point; la laine brûlée disparaissait tout à fait, et l'on devinait
derrière cette peau, dont pas une gerçure n'avait laissé échapper
7^0 MOUTON.
la graisse, une chair succulente et pleine de sapidité « Je ne
savais comment dépecer ce mouton, et je fis signe au chef de
notre escorte de l'attaquer le premier.
Celui-ci ne se fit pas prier ; il réunit le pouce et l'index, et,
de même qu'un vautour eût donné un coup de bec, il lança sa
main en avant, il pinça et arracha un ruban de chair ; les autres
en firent immédiatement autant, et comme je vis que si je ne me
pressais pas le mouton serait disparu quand j'en demanderais ma
part, je fis signe que je désirais qu'on me laissât faire à mon
tour.
Alors je détachai avec mon poignard une épaule de devant,
et, peu jaloux de prendre ma part de cette curée à pleines mains,
je déposai mon éclanche sur un des plats de mon nécessaire, et
comme un enfant en pénitence, je fis mon repas à part; mon
Arabe m'avait tenu parole et m'avait rendu mon bidon plein
d'eau fraîche.
Je dois dire que j'ai mangé du mouton dans quelques-unes
des cuisines les plus renommées d'Europe, mais jamais je n'ai
mangé viande plus savoureuse que celle de mon mouton cuit
sous les cendres, que je recommande à tous les voyageurs en
Orient.
Rosbif de mouton à la broche» — Coupez l'arrière-train
d'un mouton, brisez les os des cuisses; battez les deux gigots
avec le couperet; faites entrer les jarrets l'un dans l'autre,
rompez les côtes du côté du fianchet, roulez les deux flancs et
passez un hàtelet dans chaque; dégraissez peu les rognons,
enfoncez un petit hâtelet dans la moelle allongée; couchez vot/e
rosbif sur fer; attachez bien le petit hâtelet d'un bout et les deux
jarrets de Tautre; passez un hâtelet dans les deux noix des gigots,
mettez un autre grand hâtelet qui se croise sur celui qui est passé
entre les deux noix, attachez-le fortement, enveloppez- le de
papier huilé ; faites-le cuire une heure et demie ou deux heures,
puis servez-le avec du jus dessous ou des haricots à la bre-
tonne.
Gigot de mouton à la broche. — Battez un gigot mortifié,
passez la broche dans le jarret sans toucher la noix, faites-le
cuire une heure et demie; puis coupez l'extrémité du jarret,
MOUTON. 7aî
faites au bout de l'os un manche en papier et servez votre gigot
avec du jus ou son propre jus.
Gigot à la braise. — Désossez un gigot d'une chair noire et
d'une graisse blanche, mais respectez le manche ; lardez-le de
gros lardons, avec fines épices, sel, basilic, poivre, persil, ciboules,
ficelez-le et donnez-lui sa première forme; cela fait, foncez une
iîraisière avec quelques parures de viande de boucherie, cinq ou
six oignons et carottes; superposez votre gigot, arrosez- le de con-
sommé et d'un peu d'eau-de-vie, avec feuilles de laurier, clous
de girofle, gousse d'ail et thym; faites-le partir; couvrez-le d'un
papier; faites-le aller doucement avec feu dessous et dessus; lais-
sez-le cuire quatre à cinq heures, égouttez-le, glacez-le, et ser-
vez-le sur de la chicorée, ou avec son jus, ou tous autres ragoûts
qu'il vous plaira.
Gigot de mouton à Vanglaise, — Ayez un gigot comme le
précédent; coupez-en le bout du jarret et le nerf du genou;
battez-le; couvrez-en la superficie de farine; enveloppez-le dans
un linge noué aux quatre bouts; ayez une marmite ou une brai-
sière pleine d'eau, faites bouillir cette eau, et mettez-y votre gigot
avec du sel et une botte de navets coupés en tranches; maintenez
rébullition, retournez le gigot, faites cuire pendant une heure et
demie; pendant la cuisson, retirez les navets et faites-en une
purée, desséchée et beurrée, salée, poivrée, etc. ; mouillez-les
peu à peu avec de la crème, ou du lait que vous aurez fitît
réduire ; il faut leur donner assez de consistance pour les dres-
ser comme en pyramide; dressez-les; égouttez votre gigot,
posez-le sur le plat, masquez-le avec une sauce au beurre, sur
laquelle vous sèmerez des câpres, et servez-le. Joignez votre plat
de navets et une saucière, o\x vous aurez mis une sauce aux
câpres blanche. {Recette Vuillemot.)
Gigot à Veau, — Ayez un gigot comme ci-dessus; mettez-le
dans une braisière d'eau bouillante, assaisonnez-le de carottes,
oignons, persil et ciboules, deux clous de girofle, laurier, thym,
basilic, deux gousses d'ail ; faites-le cuire deux heures ; égout-
tez-le, glacez-le, et servez-le avec une sauce espagnole.
Gigot à la gasconne. — Ayez un gigot comme le précédent,
lardez-le d'une douzaine de gousses d'ail et d'une douzaine
46
7^2
MOUTON.
d'anchoîs en filets, mettez*le à la broche ; sa cuisson faite, ser-
vez-le avec de l'ail blanchi, cuit, ;eté dans leau fraîche, cgoutté,
dégraissé avec de l'espagnole réduite et jus de bœuf.
Selle Je mouton à la broche. — Coupez votre selle de mou-
ton au défaut des hanches, des gigots, et à la deuxième ou troi-
sième côte; braisez les côtes, roulez-en les flancs et maintenez
avec des hâtelets; couchez sur fer, comme il est indiqué au rosbif.
Faites cuire environ une heure et demie et servez avec un jus
clair.
Gigot en chevreuil. — Battez un gigot mortifié, levez la
première peau, piquez-le comme une noix de veau; mettez-le
dans un vase de terre avec une poignée de graines de genièvre et
une pincée de mélilot; versez dessus une forte marinade dans
laquelle vous aurez mis du vinaigre rouge en assez grande quan-
tité; laissez mariner votre gigot cinq ou six jours, égouttez-le,
mettez-le à la broche et servez-le à la poivrade.
Selle de mouton à la Sainte-Ménehould. — Prenez et faites
cuire cette selle comme la selle à l'anglaise que vous verrez plus
bas; après en avoir levé les peaux, étendez dessus une Sainte-
Ménehould, ensuite passez-la avec mie de pain et parmesan
râpé, couvrez de beurre, égouttez, mettez au four. Faites pren-
dre couleur, et servez avec un jus clair.
Selle de mouton panée à V anglaise. — Ayez une selle de
mouton et apprètez-la comme la selle de mouton à la broche:
désossez les grandes côtes, roulez les flancs, garnissez-les de quel-
ques parures de mouton sans os, retenez-les avec des brochettes
de bois au lieu d'hâtelets, ficelez votre selle, foncez une braisière
de quelques parures de viande de boucherie, cinq ou six carottes,
autant d'oignons, deux ou trois clous de girofle, deux feuilles de
laurier, deux gousses d'ail, un peu de basilic et de thym, posez
sur ce fond votre selle, mouillez-la avec du bon bouillon, faites-
la partir, laissez-la cuire feu dessous et dessus environ trois
heures, égouttez-la, mettez-la sur un plafond, ttez les brochettes
de bois, prenez quatre ou cinq jaunes d'œufs, faites fondre une
demi-livre de beurre et délayez-la avec vos jaunes d'œufs. Mettez-
y un peu de sel, levez la peau de votre selle dans son entier,
dorez-la avec votre anglaise et passez-la bien également; faites
MOUTON. 7a3
fondre de nouveau un peu de beurre, arrosez-la, faites-lui pren-
dre belle couleur au four, dressez-la après avoir enlevé le pla-
fond avec deux couvercles de casserole, posez-la sur votre plat,
mettez dessous un jus clair et servez. (Recette de M. de Cour-
champs.)
Petites selles de moutons en carbonnades, — Coupez trois
carrés de mouton, depuis la hanche jusqu'aux côtes (ce qu'on
appelle le iilet), de ces trois parties faites six morceaux égaux,
donnez-leur la forme d'un cœur allongé, ce qui se nomme queue
de paon, ôtez les nerfs et les peaux de vos filets, piquez-les, mar-
quez«>les comme la selle de mouton à la Sainte-Ménehould et
faites cuire; égouttez-les ensuite, séchez-les en passant au-dessus
une pelle rouge, glacez-les et servez-les sous un ragoût de petites
racines ou sur de la chicorée, de la purée d'oseille ou une sauce
tomate.
Rouchis de mouton. — Prenez le quartier de devant d'un
mouton et dressez-le; levez les côtes du côté de la poitrine;
désossez-les jusqu'à l'échiné que vous supprimez ainsi que le
collet, en épargnant les os de l'épaule ; soutenez avec des hàtelets
dans le filet, embrochez comme une épaule de mouton; faites
cuire environ une heure et servez sur un ragoût à la bretonne.
Épaule de mouton en ballon. — Désossez une épaule de
mouton, coupez de grands lardons, assaisonnez de sel, poivre,
fines épices, persil et ciboules hachés et aromates passés au tamis,
roulez vos lardons dans cet assaisonnement, lardez les chairs de
votre épaule sans en percer la peau ; passez avec une aiguille à
brider une ficelle tout autour de la peau de l'épaule, donnez-lui
la forme d'un ballon, foncez une casserole avec des carottes,
des oignons, une feuille de laurier, du thym, du basilic et les os
cassés de l'épaule, posez-la sur ce fond du côté de la ficelle,
mouillez-la de bouillon, couvrez-la de bardes de lard et d'un
rond de papier, faites-la partir; mettez-la cuire deux ou trois
heures sur la paillasse avec feu dessus et dessous; égouttez-la,
glacez-la; dressez-la sur une purée d'oseille ou de chicorée blan-
chie, ou bien encore un ragoût de petites racines, et servez.
Côtelettes de mouton au naturel. — Vous coupez dans un
carré de mouton des côtelettes d'égale grosseur, de deux côtes en
724 MOUTON.
deux côtes ; si ce carré est trop fort, vous en supprimez une ; 6tez
1 os de réchine, posez vôtre côtelette et levez la peau qui la
couvre du côté du filet; aplatissez -la légèrement, parez-la,
grattez le dedans de la côte ; coupez le bout de l'os de la longueur
de trois pouces, suivant la grosseur du mouton; supprimez les
chairs de la pointe de Tes, râtissez-le ; faites fondre du beurre,
trempez-y vos côtelettes, metfez-les sur le gril, faites-les cuire
en ne les retournant qu'une fois, sans quoi vous perdez votre jus
de viande, et servez-les avec un jus clair.
Côtelettes de mouton panéeâ: — Comme les précédentes, et
panez avant la cuisson.
Côtelettes de mouton à la Soubise. ' — "Coupez vos côtelettes
un peu grosses, parez-les, aplaiissez*les légèrement, lardez-ks
de lard et de jambon, autant de l'un que de l'autre, foncez une
casserole avec les parures de ces côtelettes, ajoutez-y trois ou
quatre oignons, deux carottes, un bouquet de persil et ciboules,
bien assaisonnés, rangez vos côtelettes dessus, mouillez-les lar-
gement avec du consommé, couvrez-les de bardes de lard et d'un
fort papier beurré, faites-les partir, couvrez votre casserole, met-
tez-la sur la paillasse avec feu dessus et dessous, égouttez-les
quand elles sont cuites, laissez-les refroidir, parez-les de nou-
veau en égalisant la superficie des chairs et supprimant ce qui
dépasse des lardons, passez le fond de la cuisson au travers d'un
tamis de soie et faites-le réduire jusqu'à consistance de glace;
remettez vos côteletes dans ce fond, retournez-les afin de les gla-
cer des deux côtés ; dressez-les, versez dans le rond formé par
elles une bonne purée d'oignons au blanc, et faîtes autour de
vos côtelettes une garniture de petits oignons égarés, blanchis et
cuits dans du consommé, posez-les de manière à pouvoir planter
dans la queue de ces oignons une petite branche de persil , et
ervez.
Côtelettes de mouton à la minute. — Coupez et parez douze
<:ôtelettes comme il fest dit ci-dessus, mettez-les dans une sau-
teuse avec du beurre fondu et mettez cette sauteuse sur le four-
neau; faîtes cuire vos côtelettes en les retournant souvent, égouttez
le beurre qui se trouve dans la sauteuse et remplacez-le par un
peu de glace ou réduction de veau, une cuillerée à dégraisser de
MOUTON. 725
bouillon, mettez-y vos côtelettes, en les remuant, afin qu'elles
s'imprègneat bien de cette réduction; quand elles sont parfaite-
ment glacées, vous les dressez en cordon autour du plat et vous
les arrosez avec la glace qi;e vous aurez }iée avec une seconde
cuillerée de consommé et un peu d'excellent beurre.
Côtelettes de mouton à la jardinière. — Après avoir préparé
vos côtelettes et les avoir dressées comme il est indiqué ci-dessus,
vous faites un ragoût de toutes sortes de légumes tournés, tels que
petites carottes, petits navets champignons, haricots, petits pois
verts cuits dans du consommé et que vous mettez dans une cas-
serole avec trois ou quatre cuillerées à dégraisser d'espagnole ;
vous faites mijoter et réduire en ragoût^ le dégraissez et le finis-
sez avec un petit morceau de beurre et une pincée de sucre en
poudre, puis vous jetez ce ragoût dans le fond formé par les
côtelettes et arrangez dessus une tête de chou-fleur.
Côtelettes de mouton à la chicorée. — Préparez une côte-
lette et dressez-la de même que celles à la minute, puis mettez
dans le rond une bonne chicorée réduite, soit au blanc, soit au
roux.
Carrés de mouton à la servante, — Supprimez Téchine de
deux carrés de mouton, piquez-les comme les carbonnades^ un
de lard et Tautre de persil vert en branche, passez un hâtelet au
travers, posez-les sur la broche et faites-les cuire trois quarts
d'heure en ayant soin de les arroser, puis vous servez sur un plat,
les filets en dehors, avec un jus clair.
Carré de mouton en fricandeau, — Parez et piquez de lard
fin un carré de mouton, comme celui à la servante; foncez une
casserole des débris de votre carré et de quelques parures de
viande de boucherie, posez votre carré dessus et joignez-y deux
carottes, deux oignons et un bouquet assaisonné; mouillez le
d'une cuillerée à pot de bouillon, couvrez-le d'un papier beurré
et faites cuire comme les grenadins de veau ; sa cuisson faite,
égouttez-le, levez la peau qui couvre les côtés, glacez le filet, ou
la totalité du carré, servez-^le sur une bonne purée d'oçeille ou
un ragoût de chicorée.
Émincé de filets de mouton aux concombres. — Otez les
peaux et la graisse de la noix d'un gigot froid rôti, coupez-la
7a6 MOUTON.
par filets, que vous émincerez et mêlerez sans ébullition avec
émincé de concombres réduits et bouillants ou avec de la chi-
corée*
Filets mignons de mouton, — Levez les filets mignons de
douze carrés de mouton, parez-les, piquez-les, marquez-les
tels que les carbonnades ; leur cuisson faite, glacez-les et dres-
sez-les sur un ragoût de concombres au jus, et servez.
Hachis de mouton à la portugaise. — Levez la noix et la
sous-noix d'un gigot rôti de desserte; supprimez nerfs, graisse et
peaux; hachez menu; mettez de l'espagnole réduite dans une
casserole et faites-la réduire à demi-glace; mettez-y vos chairs
hachées, remuez-les sur le feu sans les laisser bouillir, mettez-y
un pain de beurre et un peu de gros poivre, et, dans le cas où
votre hachis ne serait pas assez corsé, ajoutez-y un peu de glace
de viande, dressez-le sur un plat auquel vous aurez fait une bor-
dure, arrosez légèrement avec une espagnole réduite, posez des-
sus six ou huit œufs pochés, et servez.
Haricot de mouton. — (V, Haricot.)
Toitrine de mouton. — Parez deux poitrines de mouton et
coupez-en le bout du flanchet et Tos rouge de la poitrine, fice-
lez-les et faites-les cuire dans une grandie marmite après les
avoir assaisonnées de bon goût; quand elles sont cuites, vous en
levez la première peau, les parez de nouveau, les arrondissez du
côté du flanchet, les passez en les saupoudrant avec de la mie de
pain, assaisonnez de sel et de poivre, faites-les griller ensuite, et
servez avec une sauce au pauvre homme.
Collets de mouton à la Sainte-Ménehould, — Parez les
bouts saigneux de deux collets de mouton, blanchissez-les, fice-
lez-les et marquez-les dans une braise faite avec des parures
de viande, des bardes de lard, trois carottes, autant d'oignons,
dont un piqué de deux clous de girofle, deux feuilles de laurier,
du thym, du basilic, deux gousses d'ail, un bouquet de persil et
ciboules et du sel ; mouillez ces collets avec du bouillon ou avec
de l'eau, couvrez-les d'un papier, faites -les partir et cuire ensuite
deux ou trois heures feu dessus et dessous; égouttez-les, posez-
les sur un plafond, parez-les, couvrez-les d'une Sainte-Mé-
nehould, panez-les avec de la mie de pain mêlée de parmesan,
I
MOUTON, -prj
arrosez-les de nouveau, faites-leur prendre couleur dans un four
ordinaire, dressez-les et saucez*les avec une bonne italienne
rousse.
Collets de mouton grillés. — Ayez trois collets de mouton,
ôtez*en les bouts saigneux, faites blanchir et cuire ces collets
dans la marmite, panez-les ensuite, faites-les griller de belle
couleur, et servez-les avec une sauce poivrade ou une sauce au
pauvre homme.
Queues de mouton glacées à la chicorée. — Mettez dans
l'eau tiède cinq grasses queues de mouton; blanchissez; Élites
cuire comme ci-dessus; une fois cuites, égouttez, essuyez, cise-
lez, séchez avec une pelle rouge, puis glacez, et servez sur chi-
corée, purée d'oseille ou tout autre ragoût.
Queues de moutons en hoche-pot. — Faites blanchir six
queues de moutons et mettez-les cuire dans une braise avec
250 grammes de lard coupé en gros dés, auxquels vous aurez
laissé la couenne; faites blanchir quelques carottes, navets,
racines de céleri, oignons, et faites-les cuire à part dans du con-
sommé jusqu'à ce que le mouillement soit tombé à glace; jetez
ensuite ces légumes dans une casserole où vous aurez mis une
quantité suffisante d'espagnole réduite, joignez-y votre petit lard
retiré de la braisière et faites cuire le tout ensemble avec une
demi-bouteille de vin blanc; dégraissez vos légumes, faites réduire
à courte sauce, égouttez les queues, glacez-les comme il est indi-
qué plus haut, puis dressez vos légumes dans le plat, arrangez
les queues dessus, masquez-les avec le ragoût et servez.
Queues de moutons au soleil. — Vos queues de moutons
cuites dans une braise, vous faites une sauce aux hàtelets (V. cette
sauce), laissez refroidir le tout et en garnissez vos queues en
ayant soin de leur conserver leur forme; roulez-les dans la mie
de pain, faites une petite omelette assaisonnée de sel, trempez*y
vos queues, panez-les, faites-les frire, dressez-les sur du persil
frit, la pointe en haut, et servez.
Terrine de queues de moutons. — Braisez six queues de
moutons, joignez-y 500 grammes de petit lard de poitrine, ayez
six ou huit ailerons de dindons, échaudez-les, désossez-les à
moitié; flambez -les, épluchez -les et poêlez -les. (V. Poêle.)
7*8 MOUTON.
Prenez un cent de marrons pelés, mettez-les dans une casserole
avec un peu de beurre, sautez-les sur le feu jusqu'à ce qu'ils
aient quitté leur seconde peau, faites-les cuire dans une casserole
avec du consommé, puis prenez tous ceux qui sont défectueux ;
vos queues de moutons étant cuites, passez au tamis de soie une
partie de leur braise dont vous vous servirer pour mouiller votre
purée de marrons en la passant à Tétamine, puis faites-la réduire
en y ajoutant une bonne cuillerée d'espagnole, dégraissez-la,
égouttez vos queues ainsi que vos ailerons, dressez-les dans la
terrine avec votre petit lard coupé en gros dés, ainsi que vos mar-
rons entiers, finissez votre purée avec un pain de beurre, goûtez
si elle est de bon goût, versez-la dans votre terrine et servez.
Vous pouvez employer, au lieu de marrons, selon la saison,
des lentilles ou des pois.
Rognons de moutons à la brochette, — Fendez douze rognons
de moutons pelés, passez-les dans une brochette de bois, faites-
les griller en les retournant de temps en temps, puis retirez-les
des brochettes ; dressez-les sur un plat, mettez dans chaque un
peu de maître d'hôtel froide, faîtes chauffer le plat et servez après
avoir exprimé dessus le jus d'un citron.
lipgnons de moutons au vin de Champagne ou à V italienne,
— Pelez quinze rognons, émincez-les, faites cuire à la casserole
avec du beurre, faites aller à grand feu, égouttez, mettez dans
une italienne arrosée d'un verre de Champagne et réduite à glace,
achevez de les faire cuire en les remuant dans cette sauce sans
ébuUition, et servez avec jus de citron.
Q/înimelles de moutons. — Ayez deux paires d'animelles dont
vous supprimez les peaux, puis vous les coupez en âlets de la
largeur du petit doigt en ne leur donnant que la moi né de l'épais-
seur; marinez-les dans du citron, sel, poivre, quelques branches
de persil et quelques ciboules, égouttez-les quand vous aurez à
vous en servir, farinez-lès, faites-les frire de façon à ce qu'elles
soient croquantes et servez-les.
Q/imourettes de moutons. — Comme celles de vea'ux.
Cervelles de moutons. — Elles s'apprêtent de même que
celles de veau!x, mais elles sont moins délicates.
Langues de moutons en papillotes. — Nettoyez douze de
MOUTON. 729
ces langues, iaites-les dégorger, blanchissez d'un quart d'heure,
rafraîchissez, ëgouttez, pelez, marquez dans une casserole avec
bardçs de lard, oignons, <:arottes, bouquet de persil, ciboules,
ail, feuille de laurier; mouillez avec du bouillon, faites partir et
cuire trois heures, laissez refroidir, retirez sur un plat et faites
autant de cornets de papier que vous avez de langues ; hachez des
parures de champignons, du persil et des ciboules, mettez le tout
dans une casserole avec 550 grammes de beurre, sel, poivre,
épices fines, 75 grammes de lard râpé, passez ces fines herbes,
faites-les aller à petit feu, remuez-les, ajoutez-y à la fin de la
cuisson deux cuillerées à dégraisser d'espagnole ou de velouté,
faites mijoter le tout, liez-le avec trois jaunes d'oeufs et versez
cette sauce sur vos langues, laissez-les refroidir, mettez-en une
daiis chaque cornet que vous avez préparé en ayant soin de huiler
le dehors, remplissez ces cornets de fines herbes, fermez-les et
mettez-les griller sur un feu doux; faites prendre couleur et
servez.
Langues de moutons au gratin, — Prenez et faites cuire dans
une braise, comme ci-dessus, des langues de moutons, laissez-les
refroidir aussi pour qu'elles prennent du goût, prenez de la farce
cuite, garnissez de gratin le fond d'un plat, ouvrez les langues
en deux sans les séparer afin qu'elles forment chacune un cœur et
posez- les sur ce plat garni, couvrez-les de la même farce en
leur laissant leur forme; garnissez-les de gratin tout autour,
unissez-lesj passez-les, arrosez-les légèrement de beurre fondu;
ayez des bouchons de pain que vous tremperez dans ce beurre et
dont vous ferez une zone au bord du plat, afin que le gratin con-
serve sa forme ; mettez-le cuire dans un grand four feu dessus et
dessous, pour bien le faire gratiner, ayez bien soin qu'il ne brûle
pas et qu'il prenne une belle couleur; au moment de servir, ôtez
les bouchons de pain et mettez-en d'autres passés dans du beurre
et qui soient d'une belle couleur, saucez d'une belle italienne
rousse et servez.
Langues de moutons au parmesan. — Faites cuire vos lan-
gues dans une braise, peu salée, laissez-les refroidir dans cette
braise, fendez-les en deux, mettez dans le fond d'un plat de l'es-
pagnole ou du velouté, saupoudrez le dessus de parmesan râpé ;
7^0 MOUTON.
arrangez les langues sur ce parmesan, arrosez-les de votre espa-
gnole, couvrez-les de parmesan, joint à de la mie de pain à peu
près la quantité saupoudrée sur le fond du plat dont il est parlé
plus haut, arrosez-les d'un peu de beurre, mettez-les au four
avec feu dessus et dessous, faites prendre belle couleur et
servez.
Pieds de moutons à la poulette. — Ayez une ou deux bottes
de pieds de moutons suivant la quantité que vous voulez faire;
prenez-les Tun après Tautre, supprimez-en le bout des ergots,
fendez le pied jusqu'à la jointure de l'os, ôtez-en Tentre-four-
chon, où il se trouve une petite pelote de laine appelée vulgai-
rement le ver; parez le haut du pied, flambez-le, épluchez-le,
supprimez-en le gros os, ensuite faites blanchir ces pieds, essuyez-
les avec un linge, mettez-les dans une braisière, mouillez-les
avec un blanc, laissez-les cuire cinq ou six heures, égouttez-les,
mettez-les dans une casserole avec une cuiller à pot de velouté,
faites-les mijoter, assaisonnez de sel, gros poivre, persil blanchi ;
au moment de les servir, liez-les avec trois jaunes d'œufs environ;
finissez-les avec un filet de verjus, de vinaigre ou d'un jus de
citron, et servez.
Dans le cas où vous n'auriez pas de velouté, faites un petit
roux blanc.
Pieds de moutons à la sauce Robert. — Préparez ces pieds
comme ceux à la poulette, et leur cuisson achevée, mettez-les
dans une sauce Robert, faites-les mijoter, assaisonnez-les, finis-
sez-les avec un peu de moutarde, qu'ils soient de bon goût^ et
servez.
Pieds de moutons à la ravigote. — Préparez ces pieds de
moutons comme ci-dessus, faites-les cuire dans un blanc, sautez^
les dans une ravigote froide, dressez-les et servez.
Hachis de mouton à la mousquetaire. — Hachez la viande;
faites sauter dans le beurre des champignons, également hachés,
jusqu'à ce que le beurre soit tourné en huile; on y ajoute alors
quelques cuillerées de consommé, autant de sauce espagnole, et
on fait réduire le tout à moitié; on verse cette sauce sur le hachis,
on mêle le tout, et on le dresse avec des croûtons à l'entour. A
défaut de sauce espagnole, on jette un peu de farine sur les
MURE. 731
champignons; ajoutez bouillon, sel, poivre, laurier, et on fait
réduire.
MULET. — Petit poisson qui se trouve dans les étangs et
dans les rivières. ( Voir pour sa préparation l'article : Sur-
mulet.)
MURE. — Fruit du mûrier.
Il y a deux espèces de mûriers : le mûrier blanc^ dont les
fruits sont utilisés pour la nourriture des oiseaux de basse-cour,
qui les mangent avec plaisir, et dont nous n'avons pas à nous
occuper ici , et le mûrier noir, qui porte de gros fruits suaves
appelés mûres, dont le parfum et la saveur sucrée charment les
gourmets. On le croit originaire de la Perse ou de la Chine;
mais depuis longtemps il s'était propagé en Orient, d'où il passa
sans doute en Italie.
Les poë'tes anciens ont chanté ce végétal, dont le feuillage
les aura séduits : Ovide, dans la fable de Pyrame et Thisbé^ fait
périr ces deux infortunés sous un de ces arbres, et la fiction dit
que leur sang, en arrosant ses racines, communiqua une teinte
pourpre noire aux fruits, qui précédemment étaient blancs, et
qu'à la prière de Thisbé, les dieux leur conservèrent cette cou-
leur sinistre pour rappeler la catastrophe des deux amants. Vir-
gile s'est plu à peindre dans une de ses églogues une naïade
barbouillant la face de Silène avec le suc empourpré des mûres.
Horace, dans ses vers, donne pour précepte de manger des mûres
à la fin du repas, afin de se bien porter pendant les jours brû-
lants de Tété. Pline, au contraire, les dit malsaines à ce moment
du repas, et rapporte que le mûrier est appelé le plus sage des
arbres, parce qu'il ne végète que quand le froid est passé, et
qu'alors son expansion a lieu avec bruit et s'exécute dans l'espace
d'une nuit.
Les fruits du mûrier sont alimentaires, rafraîchissants, laxa-
tifs. Les Romains en faisaient un médicament qui s'administrait
pour tous les maux. Aujourd'hui, on en fait le sirop de mûres,
que les médecins conseillent en général dans les maladies inflam-
matoires, et dont nous allons donner la recette.
Sirop de mûres. — Prenez un panier de mûres pour en reti-
rer à peu près un litre de jus; mettez-les sur le feu dans un poè-
73a MUSCAT.
Ion avec un litre d'eau environ, et faites-leur prendre plusieurs
bouillons jusqu^à ce que les trois demi-setiers soient réduits à
une chopine; égouttez les mûres sur un tamis; clarifiet trois
livres de sucre que vous ferez cuire au boulet; jetez-y votre jus
de mûres, faites-lui donner un bouillon et écumez-le; vous pren-
drez la cuisson qui est la même que pour les autres sirops, au
petit perlé, en y ajoutant un peu d'eau si elle était trop forte,
afin qu'elle se trouve au degré qu'elle doit avoir, videz ensuite
votre sirop dans une terrine, laissez -le refroidir et mettez-le en
bouteilles.
MUSCADE. — On appelle noix muscade, ou simplement
muscade, le noyau ou partie centrale du fruit du muscadier aro-
matique.
On obtient de la noix muscade deux huiles : une huile con-
crète, que Ton appelle beurre de muscade, et que Ion retire des
muscades en les faisant bouillir dans l'eau, et une huile volatile,
quelquefois prescrite dans certains médicaments.
On emploie de préférence dans les compositions sucrées de
la cuisine te macis, espèce de brou qui enveloppe la noix mus-
cade, dont la saveur est plus délicate.
MUSCAT. — Espèce de raisin dont le suc et la pellicule
ont un arôme violent. Les meilleures espèces de muscats sont
ceux de la Provence et du Languedoc, c'est-à-dire de Frontignan,
de Rivesaltes, de Lunel et de la Ciotat. Il en existe plusieurs
variétés qui croissent dans les jardins et dans les vignes.
On donne aussi ce nom à plusieurs espèces de poires.
Compote de raisin muscat. — Otez les pépins et les peaux,
et faites prendre deux bouillons dans un sirop cuit à la grande
plume.
Vous colorez la compote suivant la couleur du fruit que vous
avez employé ; si c'est du muscat Touge ou violet, vous mettez
dans votre sirop une demi-cuillerée de teinture de cochenille; si'
c'est du muscat vert, vous employez du suc d?épinards cuit et
blanchi, afin de donner à votre composition une belle couleur
vert tendre.
Muscat confit au liquide. — Vous prenez du muscat encore
un peu vert, vous en ôtez les peaux et les pépins, et vous le met-
MUSCAT.
733
tez reverdir dans un peu d'eau sur de la ceudre chaude; au bout
d'une heure, vous le passez au sucre cuit à la plume, et vous
faites bouillir à grand feu pendant sept à huit minutes, puis
vous le laissez refroidir et le versez dans les tasses où vous devez
le conserver.
Muscat confit au sec en grappes. — Vous faites cuire du
sucre à la grande plume et vous y rangez le fruit; faites-lui '
prendre quelques bouillons couvçrts, écumez-le bien, et, votre
sucre étant venu au perlé, tire/ le fruit, égouttez-le, dressez-le
sur des feuilles d'office et laissez-le sécher à Tétuvée.
Muscat confit à r eau-de-vie. — Vous faites tremper huit
jours dans Teau-de-vie du raisin sec dé Damas; vous mettez
trois quarts de cette eau-de-vie sur un quart de sirop ordinaire,
passez ce mélange à la chausse, et le versez sur votre raisin.
Ratafia de muscat. — Ecrasez de ce raisin bien mûr, pres-
sez-en le jus dans un linge fort et bien net, passez-le à la chausse,
mettez-y fondre du sucre, ajoutez autant d'eau-de-vie que de
jus de fruit, et, pour Tassaisonner, un peu d'esprit de macis et
de muscade distillé; laissez infuser ce mélange avant de le cla-
rifier, et joignez-y, pour le parfumer, un grain d'ambre.
Gelée de raisin muscat. — Exprimez-en le jus, tamisez-le,
coulez-le dans du sucre cuit ou cassé, faites-lui prendre quelques
bouillons, et votre gelée sera faite quand vous la verrez tomber
en nappes de Técumoire.
Conserve de muscat. — Ecrasez le raisin, passez-en le jus
au tamis, faites-le dessécher, et délayez-le avec du sucre cuit à
la grande plume. Il faut une livre de sucre pour une livre de
fruits.
Glace au raisin muscat. (V. Glaces et Sorbets.)
N
NAVETS. — Les légumes eux-mêmes ont leur aristocratie
et leurs privilèges : il est reconnu que les trois meilleures espèces
de navets qu'on peut cultiver sont ceux de Cressy, de Belle-Isle-
en-Mer et de Meaux; mais, soit intrigues, soit adresse, ce sont
les navets de Preneuse et de Vaugirard qui fournissent aujour-
d'hui à la consommation de Paris.
La première recette qui nous tombe sous la main est celle
des navets à la d*Esclignac* Qui a pu valoir à M. d'Esclignac
l'honneur de donner son nom à un plat de navets >
Il n'y a rien de plus curieux à étudier, sous ce rapport, que
les livres des cuisiniers et les étranges fantaisies qu'il leur prend
de saucer, de mettre sur le gril et de faire rôtir nos grands
hommes.
Voilà ce que nous trouvons dans un seul, à l'article
Potage :
Potage à la DemidofF.
— à la John Russell.
— • à rAbd-el-Kader
— à la ville de Berlin.
— à la Cialdini.
— au 15 septembre 1864.
— au héros de Palestro.
— à la Lucullus.
Potage à la Guillaume Tell.
— au mont Blanc,
— à la Magenta et à la Solfènno.
— aux Dardanelles.
— à la Dumas.
— à la Thérësa.
— à la mère TOie.
— à la Rothschild.
NAVETS.
73J
Si nous passons du potage aux hors-d'œuvre, nous trouvons,
sans nous rendre compte du motif :
Fritures sibériennes.
Petits souffles au Caire.
Petits pâtés à la Turbigo.
Petits pâtés Inkermann.
Filets de merlans à la Durando.
Petites timbales à la Garibaldi.
Friture au prince impérial.
— à la Louisiane.
— à la Capodimonte.
— à l'Africaine.
Friture au nouveau monde.
— à la fleuriste florentine.
Petites timbales à la Titus.
Soufflés à la Marc-Aurèle.
Pâtés Omer-Pacha.
Petites bouchées aux vrais amis.
Bâtons à la Palmerston.
Petits soufflés à la Cellini.
Petits soufflés au désir.
Relevés,
Turbot à la lord Byron.
Esturgeon à TArioste.
Truite à Tunion universelle.
Matelote à la botanique.
Filet de turbot au prince Humbert.
Esturgeon aux flottes réunies.
Culotte de bœuf à la Dante Ali-
ghieri.
— à la Napoléon I*'.
Pièce de bœuf à la Napoléon III.
Gigot de mouton à la Jean- Jacques
Rousseau.
Poularde à la Dame aux camélias.
Dindonneau à la paix européenne.
Oie à la don Carlos.
Cochon de lait à la Washington.
Jambon à la reine Victoria.
Filet de bœuf à la Jules César.
Poulet aux cinq journées de Milan.
Bécasse au quadrilatère vénitien.
Pyramide à la rentrée des armées.
Poularde aux Florentins du 27 sep-
tembre 1859.
Filets de volaille au grand poëte.
Tor.ue à la Saïd-Pacha.
Poulet nouveau à la Nélaton.
Tète de veau à la Girardin.
Filets de faisan à l'impératrice Eu-
génie.
Rognons de chapon à l'amitié.
Filets mignons de dindonneau au
souvenir.
Entrées chaudes.
Suprême de volaille à la Lucullus.
Poularde à la Scipion l'Africain.
Caille à l'aigle romaine.
Ortolan à l'indépendance.
Poularde au prince Albert.
Bécasse au prince de Galles.
Lièvre à la Dante de Castiglione.
Perdrix rouge à la maréchale Ney.
Croustade de gibier aux Trois mous-
quetaires.
Mauviettes aux frètes Bandiera.
Saumon à la don Juan.
Poularde au premier soldat de l'indé-
pendance italienne.
Perdreau à la Cimarosa.
Côtelette de veau au doge de Venise.
Froides,
Galantine de dindonneau au roi de
Perse.
Pain de canneton à la Michel-Ange.
Pâté de gibier au grand Frédéric.
736
NAVETS.
Cochon de lait de Gemma ^
Chaud-froid de caille à la Charles-
Albert.
Timbale d'huîtres à la Raphaël.
Filet de turbot à la lettore Fiera-
mosca.
Mayonnaise de homard à la Nicolo
dei Lapi.
Mayonnaise de thon ù la Vespucci.
Chaud-froid de ris d'agneau à l^Bru-
nellesco.
Homard à la Borgia.
Mayonnaise de poisson aux quatre
ports de mer.
Galantine de chapon à la Persano ^.
Hure de sanglier à la Machiavel.
Rots.
Oie à la Nelson.
Dindonneau à la Tibère.
' Ortolan à la sultane.
Poulet au roi de Rome.
Nous pourrions pousser plus loin la liste de ce cuisinier
historique, qui est en même temps un excellent cuisinier, auquel
nous ne nous priverons pas, en le citant, bien entendu, d'em-
prunter quelques-unes de ses étranges recettes.
Revenons à nos navets.
Navets glacés au jus. — Choisissez des navets égaux de
taille et propres à être tailles en poires, faites-les blanchir,
égouttez-les, et beurrez le fond d'une casserole qui puisse les
contenir les uns à côté des autres; arrangez-y ces navets, faites-
les blondiner au beurre et au sucre, mouillez -les d'excellent
bouillon, saupoudrez -les de sucre écrasé, mettez-y un grain
de sel et un peu de cannelle en bois, faites-les partir, couvrez-
les d'un fond de papier beurré, posez-les sur le bord du four-
neau avec du feu dessous, mettez sur votre casserole son cou-
vercle avec du feu sur le couvercle, et, la cuisson de vos navets
achevée, découvrez -les, faites -les tomber à glace , dressez-les
sur votre plat, versez un peu de bon bouillon dans votre cas-
serole pour en détacher la glace; retirez-en la cannelle et sau-
cez vos navets de cette glace, comme si c'était une compote.
Je m'aperçois que. j'ai eu l'injustice de sauter par-dessus les
navets à la d'Esclignac, qui ont été la cause de la longue paren-
thèse à laquelle nous nous sommes livrés, mais je m'empresse de
réparer cette injustice.
1. Gemma de Vergy, à qui son mari jaloux fit manger le cœur de son
amant.
2. L'amiral Persano est celui qui fut battu à la bataille de Lyssa.
NAVETS.
737
Navets à la d'Esclignac. — Ayez des navets longs de quatre
ou cinq pouces, coupez-en les deux bouts, fendez-les en deux et
tournez chaque moitié pour lui donner la forme d'une corde,
taillez avec le bout du couteau deux petites rainures telles qu'il
en ^st à ces dernières, faites-lesblanchir, mettez-les dans une cas-
serole comme les précédentes, assaisonnez-les et faites-les cuire
de la même manière ; seulement, n'y mettez pas de cannelle.
Leur cuisson terminée, mettez un peu d'espagnole dans votre
casserole pour en détacher la glace, joignez-y un peu de beurre
et saucez vos navets.
Navets à la picarde, — Tournez des navets dans la forme
que vous voudrez, mettez-les dans une casserole avec des oignons,
du sel et un morceau de beurre, faites-les cuire, égouttez-les,
confectionnez une bonne sauce blanche, liez-la de farine de
manioc ou de tapioca, mettez-y une pincée de muscade râpée,
ainsi qu'une demi-cuillerée de fine moutarde, et faites prendre
sauce à vos navets.
Ragoûts de navets pour litière ou garniture. — Après avoir
coupé régulièrement et proprement des navets, faites-leur faire
un bouillon dans de l'eau, mettez-les cuire ensuite avec du bouil-
lon ou du coulis et un bouquet de fines herbes ; quand ils sont
cuits, assaisonnez de bon goût et dégraissez votre ragoût.
On sert assez souvent des navets avec des viandes cuites à la
braise; mais une façon plus simple est celle^i : quand la viande
est à moitié cuite, on y met des navets pour faire cuire le tout
ensemble, et quand on a bien assaisonné le ragoût, on le
dégraisse avant de le servir.
Navets en ragoût vierge, — Tournez trente ou quarante
navets en boules de la même grosseur, faites-les blanchir dans
l'eau bouillante et légèrement salée; après les avoir rafraîchis,
vous les ferez cuire dans un consommé de volaille avec de la
moelle et du sucre, après quoi vous ajouterez un morceau de
beurre bien frais, et vous achèverez ce ragoût en le liant avec des
jaunes d'œufs au bain-marie.
Purée de navets pour garnir les potages. — Mettez un
quart de bœuf dans une casserole, avec une douzaine de gros
navets coupés par morceaux; placez votre appareil sur un feu
47
7)8 NITRE.
— » — — — -^ — . — —
très-vif, ea ayant soin de le mampulier fréquenuBent; lorsque
les navets corameficent à feixlxe, vous y mettvez dn blond de
veau, vous ferez réddre k tout à consistance de parée, vous
passerez à Tétamine et rous vous en servirez d'après Tind»-^
cation.
Bouillon, pectoral aux navets. -^ Faites faouittir l kilo-
granune de jarret, ayec i kil. çoo graamnes. de mou de veaa^
dans quatre setiers d'eau de pluie bien filtrée, joignez-y une
denii*onœ d'amandes douces ameassées; laissez réduire à Hioi-
tié. Pendant ce temps-là, vous aurez fait cuire vingt-^cf^afic
navets dans les cendres rouges, après les avoir enveloppés dans
une triple feuille de papier d'office, et lorsque les navets auront
formé leur sirop, vous les tirerez de leur enveloppe, afin de
les mettre dans le bouUlon, où vous les laisserez se conadinmcr
jusqu'à réduction d'un quart. Joignez-y 2 gros de sucre candi^
3 gros de gomme arabique en poudre; mélangez le tout jusqu'à
solution parfaite, et maintenez ce bouillon tiède au bain-^marie
pour être administré par tasses ou bien par cuillerées, suivant le
cas. (M. de Courcbamps.)
NEFLE. — Fruit du néflier; la meilleure espèce de nèfle
est ceUe qu'on appelle la nèfle de Saint-Lucas^ parce qu'on doit
la cueillir à la Sainti--Luc. C'est un fruit que l'on ne saurait
manger que lorsqu'il a bletti sur la paille ; on en Eut des com-
potes, et vojci la manière de procéder à celte ancienne prépa-
ration :
Otez la couronne et les ailes des nèfles ; faites fondre du
beurre frais, et lorsqu'il est roux, mettez-y vos nèies, et laissez-
les bouillir. Cuites, arrosez d'un quart de litre de vin rouge, et
faites consommer le tout en sirop ; retirez les nèfles, dressez dans
un compotier, saupoudrez de sucre blanc et servez.
NEROLI. — Huile des fleurs de l'oranger; on l'emploie
dans la fabrication des dragées et dans la préparation des liqueurs
fines; le meilleur neroli est celui qui se febrique à Rome.
NITRE et SALPÊTRE. — Deux noms qu'on applique à
la même substance ; cependant par nitre on entend plus parti-
culièrement le sel purifié, tandis que le salpêtre est toujours
mélangé de sel marin ; le nitre rougit les ^dandes qu'il sale ; eC
NOUGAT. j^^
c'est pour cela qu'on Tempbifi dans la salaison des nok de
boeufs, des langues et des jambons^
NIVERNAISE. — Sorte de ragoût qui consiste à faire cuive
dans du consommé cks morceaux de carotte» tonm^ en forme
d'olive, jusqu'à ce que ce mouîllement soir épaissi,.
NIVETTES. — Nom d'une espèce de pèche qui succède
immédiatement à la. pèche Admirable ;. la chair en est molle, mais
savoureuse. Elle cmt mal.
NOISETTE. — Fruit du coudrier que Ton cueille en
automne et dont ii existe trois: yariéDés dont la meilleure est
Tayeline rouge.
NOIX. — Lorsque les semence& du nojer sont desséchées,
elles ne peuvent être employées pour la cuisine; cependant
on leur rend une certaine fraîcheur en les Élisant tremper
dans du lait tiède où on. les laisse refroklir. (Pour les noix
vertes, V. Cerneaux.)
NONPAREILLES. — On nomme nonpareiiles de petites
dragées de la grosseur d'une tète d'épingle, dont on couvre cer-
taines pièces de pâtisserie fine; ces dragées ne sont pas sans
quelque danger, il faut s'informer des substances qui ont servi à
les teindre, surtout les vertes,
NOUGAT. — Le nougat blanc, dit de Marseille, est un
composé de iiiets d'amandes douces et de pistaches mondées que
Ton fait cnire avec du miel de Narbonne; le nougat blanc se
sert et se mange au dessert. Le nougat brun avec lequel on bâtit
des temples, des dômes, des portiques, se compose de la manière
suivante : vous mondez , vous lavez, vous faites égoutter sur un
linge blanc 500 grammes d'amandes douces. Coupez chacune de
ces amandes en filets, que vous ferez jaunir à un four très-doux;
faites fondre sur un fourneau, dans un poêlon, 75 grammes de
sucre pulvérisé; quand il sera bien fondu, jetez-y vos amandes
chaudes, et mêlez bien le tout; après avoir retiré votre poêlon
du feu, mettez vos amandes dans, un moule essuyé et huilé;
montez-les autour du moule à Faide d'un citron que vous
appuierez sur vos amandes, | elles resteraient collées à vos doigts
si vous vous en serviez; montez-le le plus mince possible, démou-
lez-le, dressez-le, et servez.
740 NOYAU.
NOUILLES. — Pâte d'origine allemande. Espèce de ver-
micelle extrêmement délié dont on garnit quelquefois les vol-
au-vent.
Lorsque vous voudrez faire des nouilles au lieu de les ache-
ter toutes faites, vous prendrez un demi-litre de farine, vous y
ajouterez quatre ou cinq jaunes d'œufs, un peu de sel et un peu
d*eau; vous ferez du tout une pâte bien mêlée et un peu ferme,
vous rétendrez avec un rouleau jusqu'à l'épaisseur de cinq
millimètres; coupez-la alors en filets que vous saupoudrez de
farine, pour que vos nouilles ne s'attachent pas les unes aux
autres ; jetez cette pâte dans du bouillon bouillant, vous laisserez
cuire pendant un quart d'heure et vous colorerez avec une cuil-
lerée de jus ou un peu de caramel; si vous craignez que la pâte
ne se dissolve en cuisant, employez les œufs entiers au lieu de
ne procéder qu'avec les jaunes. Ajoutez un peu de safran infusé
dans la pâte.
Potage aux nouilles à Vallemande, — Délayez un demi-
litre de farine avec trois jaunes d'oeufs et deux œufs entiers;
ajoutez du sel et versez assez de bouillon pour que la pâte liquide
passe à travers une écumoire creuse comme une cuiller à pot,
assaisonnez avec muscade et gros poivre ; passez dans du bouillon
brûlant, surtout que le feu soit vif.
Pour apprêter des nouilles à la maître d'hôtel, au parmesan,
au coulis de jambon, au jus maigre, faites-les cuire comme
nous venons de l'indiquer.
NOYAU. — Graine solide de certains fruits renfermée dans
une partie charnue solide et aromatique; on fait différentes
liqueurs et ratafias avec les différents noyaux.
o
OEUFS. — Corps organique que pondent les femelles des
oiseaux et qui renferme les développements d'un germe.
Ce sont les œufs de poule qui s'emploient le plus souvent
pour la nourriture de Thomme.
« Il est évident, dit M. Payen, que cette substance alimen-
taire contient tous les principes 'indispensables à la formation
des tissus des animaux, puisqu'elle suffit, sans autre aliment
externe, à révolution du germe, qui par degrés se transforme
en un petit animal composé de muscles, de tendons, d'os, de
peau, etc. »>
On trouve, en effet, dans Toeuf des substances azotées, des
matières grasses et sucrées, du soufre, du phosphore et des sels
minéraux. .
Le blanc est formé d'albumine.
Les œufs sont un des aliments qu'on a le plus de peine à se
procurer frais l'hiver ; or tout le monde sait qu'il n'y a pas de
goût plus désagréable que celui d'un œuf qui n'est pas irais.
Presque tous les livres de cuisine vous conseilleront de faire votre
provision d'œufs entre les deux Notre-Dame, c'est-à-dire entre
le 15 août et la mi-septembre. La meilleure manière de les con-
server alors est de les enterrer dans des cendres de bois neuf
auxquelles on a mêlé des branches de genévrier, de laurier et
d'autres bois aromatiques; il est bon de mélanger avec cette
cendre du sable très-sec et très-fin.
742 ŒUFS.
Au reste, il y a une façon très-simple de sa^noir si Tœuf est
encore bon : posez-le dans une tasse pleine d'eau, s*il se soulève
d'un des côtés et tend à se tenir debout, c'est que Tœuf est au
tiers vide, et par conséquent n'est pas mangeable; s'il pose
d'aplomb sur son milieu, c'est qu'il est frais.
Quand l'œuf est frais, nous ne dirons pas que la seule
manière de le manger, mais que la meilleure manière de le
manger est à la coque ; il ne perd rien alors de sa finesse; son
jaune est savoureux, son blanc est en lait, et si Ton a eu le
sybaritisme de le faire cuire dans du bouillon, qu'il ne soit ni
trop ni pas assez cuit , vous mangerez votre œuf dans la per-
fection.
Il y a des personnes pour lesquelles un œuf est un œuf;
c'est une erreur ; deux œufs pondus à la même heure, l'un d'une
poule qui court par les jardins, l'autre d'une poule qui mange
de la paille dans une basse-cour, peuvent présenter une grande
différence dans le goût et dans la sapidité.
Je suis de ceux qui veulent que l'œuf soit mis dans l'eau
froide et cuise dans l'eau, échauffé peu à peu ; de cette façon,
tout dans l'œuf est cuit au même point. Tout au contraire, si
vous laissez tomber votre œuf dans de l'eau bouillante, il est rare
qu'il ne se casse pas, puis il pourrait arriver que le blanc soit
dur et que le jaune ne fût pas cuit.
Lorsque les œufs sont frais, on éprouve une grande diffi-
culté à les écailler, il faut alors les fendre en deux avec un cou-
teau et les enlever avec le dos d'une fourchette ; souvent il arrive
qu'on vous apporte des œufs à la coque trop cuits, employez ce
moyen : broyez vos œufs dans votre assiette avec du sel et du
poivre, un morceau de beurre, saupoudrez-les de quelques-unes
de ces ciboulettes qu'on appelle appétits, et si vous n'avez pas le
temps de faire cuire d'autres œufs , vous n'aurez pas trop perdu
an change.
Œufs pochés. — Voici la recette du Cuisinier impérial
de 1808, et du Cuisinier royal de 183g. Libre à vous de
l'adopter :
Ayez quinze œuft pochés, tirés de l'eau et attendant sur un
plat, vous avez douze canards à la broche ; lorsqu'ils seront cuits
ŒUFS. 743
verts, c'est-à-^ke presque cuits, vous les retirerez de la broche ;
vous cisèlerez jusqu'aux os, vous prendrez l<e jus, l'assaisonnerez
de sel et de gros poivre et, sans le faire bouillir, vous le verserez
sur vos quinze œufs pochés.
Douze canards pour quinze œu& !
Qu'en dites-vous ?
Œu/s pochés sans jus de canard. — Faites bouillir de l'eau
salée et vinaigrée, évitez Tévaporation trop grande; cassez les
œufs sur la casserole et versez-les doucement sans rompre le
jaune; quand ils seront cuits et qu'ils vous paraîtront assez con-
sistants, parez-les en enlevant la portion de blanc qui peut sètre
étalée; il n'y a que les oeufs très-frais qui puissent se pocher
facilement. On sert les œufs pochés avec du jus au fond de leur
plat.
Œu/s brouillés. — Faites fondre du beurre dans une casse-
role, cassez-y des œufs, et assaisonnez-les avec sel, poivre, mus-
cade râpée; remuez; au moment de servir, ajoutez un peu de
verjus, ou de jus de citron.
Les œufs brouillés aux pointes d'asperges se font de la même
façon; on ajoute des pointes d'asperges cuites, lorsque les œufs
sont déjà mêlés avec le beurre.
Pour les œufs brouillés au jus, ajoutez jus ou bouillon.
Si, par hasard, vous aviez fait pour le même dîner ou le
même déjeuner, des rognons sautés au vin de Champagne, les
rognons cuits, enlevez quatre ou cinq cuillerées de leur sauce,
et mêlez-les à ^'os œufs brouillés.
Si vous avez^ par hasard, du bouillon de poulet, mêlez à
vos œufs moitié de cette sauce au vin de Champagne et de bouil-
lon de poulet; vous aurez alors des œufs qui atteindront tout à
la fois le degré de délicatesse et de sapidité auquel ils peuvent
arriver.
Œufs frits. -^ On emploie, pour faire frire les œufs, le
beurre, le saindoux ou l'huile; préférez le beurre : l'huile frite
a. toujours un goût désagréable.
Faites frire du beurre jusqu'à ce qu'il roussisse, cassez vos
cinq, six ou huit œufs, tous ensemble daas un plat ; quand vous
verrez que votre beurre pétille, versez dans la poêle, en prenant
744 (KUFS.
garde de briser les jaunes, vos œufs; salez et poivrez, avec quel-
ques petits appétits; laissez-les frire, jusqu'à ce qu'ils soient
d'une belle couleur, versez-les de la poêle dans leur plat, faites
frire du vinaigre à Testragon ; jetez-y une poignée de persil, et
versez votre vinaigre et votre persil sur vos œufs.
Œufs au gratin. — Mêlez de la mie de pain, du beurre, un
anchois haché , persil , ciboules , échalotes, trois jaunes d'œufs,
sel, gros poivre et muscade; mettez dans un plat qui aille au
feu une couche de muscade au fond; faites attacher sur un petit
feu, cassez sur le gratin la quantité d'œufs que vous voulez ser-
vir; faites cuire doucement, promenez au-dessus du plat une
pelle rouge, pour faire prendre les blancs; lorsqu'ils sont cuits,
saupoudrez-lesde sel, poivre et muscade.
Œufs à la tripe, — Passez au beurre des oignons coupés en
tranches ; ne faites pas roussir, mêlez une demi-cuillerée de
farine avec les oignons, et ajoutez un grand verre de crème, sel,
poivre et muscade; quand le tout est un peu réduit, mettez-y des
œufs durs coupés en tranches et faites chauffer sans ébullition.
Œufs au beurre noir, — Cassez sur un plat douze œufs,
salez, poivrez, et mettez dans une poêle à courte queue
75 grammes de beurre; faites-le noircir sans brûler, écumez-leet
tirez-le au clair dans un autre vase; remettez le beurre dans la
poêle et faites-le chauffer de nouveau; arrosez-en vos œufs, cou-
lez-les dans la poêle, mettez-les sur de la cendre rouge, et ser-
vez-vous d'une pelle ardente pour les faire prendre par-
dessus; leur cuisson achevée, coulez-les sur votre plat, faites
chauff^er dans la poêle un peu de vinaigre; lorsqu'il sera bouil-
lant, versez-le sur vos œufs, et servez sans donner le temps de
refroidir.
Œufs sur le plat dits au miroir. — Etendez de beurre avec
sel votre plat, cassez* vos œufs et posez-les sur ce plat à côté l'un
de l'autre, de manière à n'en pas crever les jaunes. Arrosez-les de
quatre ou cinq cuillerées de crème, mettez-y çà et là quelques
petits morceaux de beurre, saupoudrez-les d'un peu de sel fin,
de gros poivre, de muscade râpée; posez votre plat sur une
cendre chaude, faites-les prendre à la pelle rouge, afin que les
jaunes ne durcissent pas.
(KL'FS.
745
Œufs à Vaurore. — Faites durcir et refroidir douze œufs,
enlevez-les de leur coquille, par la méthode que j'ai indiquée,
séparez-en les jaunes des blancs, mettez les jaunes dans un mor-
tier; ajoutez-y 75 grammes de beurre fin, sel, muscade, fines
épices, jaunes d*œufs crus, pilez le tout, émincez vos blancs,
mettez-les dans une béchamel réduite et chaude, soit grasse ou
maigre, peu importe ; sautez-y vos œufs sans les laisser bouillir;
faites qu'ils aient une certaine consistance, dressez sur le plat
que vous devez servir, retirez vos jaunes du 'mortier, mettez-les
sur le fond d'un grand tamis, posez ce tamis au-dessus de votre
plat, faites-les passer également sur l'appareil, qui est dressé sur
ce plat; servez-vous d'une cuiller de bois, garnissL^z le bord de
votre plat avec des bouchons de pain, trempés dans une omelette
battue, mettez vos œufs sous un four de campagne, et faites-leur
prendre une belle couleur.
Œnfs à la polonaise, (Recette de M. de la Reynière. ) —
Faites durcir un quarteron d'œufs, fendez-les en deux, séparez
les jaunes des blancs, pilez les jaunes dans un mortier; ajoutez-y
gros comme deux œufs de beurre, du sel, de fines épices, un
peu de muscade râpée et cinq à six jaunes d'œufs crus. Lorsque
votre farce sera bien mêlée sans grumelots, saupoudrez-la de
persil haché très-fin, mèlez-y deux ou trois blancs d'œufs fouet-
tés; prenez votre plat, garnissez-en le fond de votre farce à peu
près de l'épaisseur de trois ou quatre lignes, remplissez vos moi-
tiés d'œufs de cette préparation, en leur donnant la forme d'un
œuf entier; dressez-les, dorez-les, mettez-les sous un four de
campagne, avec feu dessus, feu dessous. Faites qu'ils aient une
belle couleur, nettoyez le bord de votre plat, et servez.
Œufs à la provençale. — Versez un verre d'huile dans une
petite poêle, vous la mettez au feu ; quand l'huile est bien
chaude, cassez un œuf dans un vase à part, mettez-y du sel, du
poivre, versez-le dans l'huile, affaissez avec une cuiller votre
blanc qui bouillonne; vous le retournez, et, lorsqu'il a une belle
couleur des deux côtés, vous l'égouttez avec un tamis de crin,
vous répétez la même opération autant de fois que vous avez
d'œufs; vous les parez, vous les dressez en couronne, vous mettez
un croûton glacé entre deux œufs, vous versez dessous une
746 OEUFS.
espagnole réduite dans laquelle vous mettez un zeste de citron.
Œufs en filets. — Délayez sur un plat huit jaunes d'geu&^
avec une cuillerée d'eau-de-vie, ajoutez un peu de sel^ étant
cuit et fix)id, coupez-le en filets pour tremper dans une pâte à
frire légère; faites frire et servez avec du persil frit.
Œufs farcis, — Vous faites durcir dix ou douze œufs, fen-
dez-les par le milieu de la longueur, enlevez les jaunes et met-
tez-les à part dans un mortier pour les piler; vous les passez
ensuite au tamis à q\ienelle, laissez tremper une mie de pain dans
du lait, vous la presserez bien pour en extraire le lait jusqu'à la
dernière goutte ; vous la pilerez et vous la passerez an tamis,
ainsi que les œufs; vous ferez piler autant de beurre que so^^
aurez de jaunes piles; vous mettrez portion égale de mie, de
beurre et de jaune d*œufs; vous broierez le tout ensemble, et
quand votre farce sera bien pilée et confondue, vous 7 mettrez un
peu de ciboules et de persil haché bien fin et lavé; vous y ajou-
terez du sel, du gros poivre, de la muscade râpée; vous pilerez
de nouveau votre farce, vous y ajouterez trois jaunes d'œufs
entiers, vous conserverez la iarce maniable en y mettant de Tœuf
à mesure; lorsqu'elle sera finie, vous la mettrez dans un vase;
vous ajouterez épais d'un doigt dans le fond du plat, vous larci-
rez vos moitiés d'œuft, vous tremperez la lame d'un couteau dans
du blanc d'œuf pour unir le dessus, vous mettrez les œufs avec
ordre sur la farce qui est dans le plat, vous poserez le plat sur
la cendre rouge avec un four de campagne par-dessus. Vous la
servirez ayant de la couleur, arrosée de jus de veau mêlé de
crème double.
Œufs à la Béchamel. — Mettez dans une casserole quatre
ou cinq cuillerées de béchamel grasse ou maigre, coupez quinze
œufs durs comme il est dit ci-dessus, mettez-les dans votre bécha-
mel très-chaude , sans les laisser bouillir ; finissez avec du beurre
et de la muscade; dressez-les et entourez-les de croûtons.
Œufs à la sauce Robert. — Épluchez six gros oignons, ente-
vez-en les cœurs, coupez-les en rouelles, mettez-les dans une
casserole avec un morceau de beurre, posez votre casserole sur
un feu vif, faites roussir vos oignons, mouillez-les avec du bouil-
lon gras ou maigre, salez, poivrez, laissez cuire et liez votre
(KUFS. 747
sauce ; au moment de servir, coupez en rouelle douze œufs durs,
mêlez-les bien avec elle; ajoutez-y, pour les achever, une cuil-
lerée à bouche de moutarde.
Œufs à la pauvre femme. — Cassez douze œufs sur du
beurre tiède, et vous les mettrez sous la cendre chaude; coupez
alors de la mîe de pain en petits dés, vous la passerez au beurre
quand elle est bien chaude, bien blonde ; vous Tégoutterez et
vous la sèmerez sur vos œufs; mettez un four de campagne chaud
par-dessus; lorsque les œufis seront cuits, versez sur eux une
sauce espagnole réduite. Ajoutez aux œufs du jambon bien
tendre ou du rognon.
Œufs au blanc de perdrix, — Prenez une perdrix qui ait du
fumet, videz, bardez et faites cuîre à la broche; étant cuite, pilez-
la dans un mortier, mettez dans une casserole une demi-cuillerée
À pot de coulis clair, de veau et de jambon, et une autre demi-
cuillerée de veau, avec un peu de sel, de poivre et de muscade;
faites chauffer un peu, délayez-y un peu la perdrix pilée, six
jaunes d'œufs frais; passez le tout à Tétamine; mettez un plat
sur les cendres chaudes, videz les œufs dedans, couvrez-les d'un
couvercle, qu'il y ait du feu sur le couvercle; lorsqu'ils sont pris,
ser\'ez-Ies chaudement.
Œufs au blanc de poularde et au blanc de faisan. — Faites
ces œufs de la même manière que ceux au blanc ; le fond change,
mais la façon reste la même,
Œufi aux amandes ou à la demoiselle, — Prenez des bis-
cuits d'amandes, des macarons, un peu de citron confit; pilez le
tout ensemble, arrosez le tout avec un peu d'eau de fleur d'oran-
ger, mettez-y un morceau de sucre; quand tout est pilé, mettez-y
une petite pincée de farine, quatre œufs frais, une mesure de
crème, passez le tout à Tétamine et faites cuire au bain-marie.
Œufs au basilic, — Faites durcir douze œufs, fendez-les en
deux, ôtez-en les jaunes, pilez-les avec persil, ciboules, cham-
pignons, une pointe d'ail , un peu de basilic, le tout haché avec
de la mie de pain desséchée dans de la crème; un bon morceau
diC beurre assaisonné de sel, poivre et lié avec six jaunes d'œufs
crus; mettez de cette farce au fond du plat que vous devez ser-
vir, remplissez de farce tous les blancs d'œufs cuils, emplissez-
74^ (D-'-UFS.
les comme s'ils étaient entiers; arrangez-les sur la farce et passez
par-dessus avec de la mie de pain; mettez-les cuire au four ou
sous un couvercle de tourtière; qu'ils soient de belle couleur;
quand ils seront cuits, égouttez-les de leur beurre, essuyez le
bord du plat et servez.
Œufs brouillés à la chicorée. — Faites blanchir de la chico-
rée, pressez-la et la coupez en quatre; passez-la avec un mor-
ceau de beurre, deux oignons coupes en petits dés ; singez cette
chicorée et la mouillez ; assaisonnez-la de bon goût, et la lais-
sez cuire jusqu'à ce qu'il ne reste plus de sauce; quand elle est
cuite, prenez dix œufs, cassez-les dans une casserole et les assai-
sonnez de bon goût; mettez la chicorée dedans avec un mor-
ceau de beurre, brouillez-les sur le feu et les servez garnis de
mie de pain autour.
Œufs à la chicorée en gras. — Pochez à l'eau des œufs frais*
servez dessous un ragoût de chicorée; prenez quatre ou cinq
pieds de chicorée, suivant qu'ils sont gros; faites-les blanchir et
mettez-les cuire dans une braise; quand ils sont cuits, égouttez-
les de leur graisse, coupez-les en trois, mettez-les faire un
bouillon dans une essence; quand vous qXcs près de servir, met-
tez Téchalote hachée dans le ragoût, et servez dessous les œufs.
Œufs aux champignons, — Pochez huit œufs frais à Teau ;
prenez des champignons, ce qu'il en faut pour faire un ragoût ;
épluchez, lavez, coupez en dés et les mettez cuire avec de l'eau,
un bouquet, un morceau de beurre manié de farine, un peu de
sel; quand ils seront cuits et toute la sauce réduite, liez-les de
quatre jaunes d'œufs et avec de la crème; mettez-y un jus de
citron et servez autour des œufs. On peut faire de même des œufs
aux mousserons et aux morilles.
Œufs au céleri, — Prenez trois ou quatre pieds de céleri ;
faites-les cuire dans une eau blanche, qui se fait avec de l'eau,
de la farine, du beurre et du sel; étant cuits, retirez-les et les
mettez égoutter ; coupez -les par morceaux, mettez-les d^ns une
casserole avec un peu de coulis clair de poisson, faites mitonner
pendant une demi-heure; achevez de le lier avec un coulis
d'écrevisse et un petit morceau de beurre gros comme une noix,
en le remuant toujours sur le feu.
OEUFS. ' 749
Si cette préparation GSt de bon goût, mettez-y un peu de
vinaigre, dressez dans un plat, et mettez-y les œufs pochés par-
dessus, et les servez chaudement pour entrée ou hors-d'œuvre.
Lorsqu'on ne veut pas se servir d'oeufs pochés, on peut se servir
d'œufs durs, qu'on coupe par moitié; en ce cas, servez le ragoût
de légumes au fond du plat, et garnissez le tour du plat de vos
œufs durs coupés par moitié.
Œu/s aux écrevisses. — Faites un ragoût de queues d'écre-
visses, avec des truffes, des champignons, quelques fonds d'arti-
chauts coupés par morceaux ; passez-les dans une casserole avec
un peu de beurre et le mouillez d'un peu de bouillon de pois-
son ; assaisonnez de poivre et de sel, d'un bouquet de tines
herbes; étant cuit, dégraissez- le bien et liez d'un coulis d'écre-
visses ; pochez des œufs frais à l'eau bouillante et les parez bien ;
dressez- les dans un plat proprement, et si votre ragoût est de
bon sel, jetez-le sur les œufs, et servez-le chaudement pour
entrée.
Œufs au pain d'écrevisses, — Prenez un demi-cent d'écre-
visses, faites-les blanchir, ou plutôt rougir; épluchez-les, gar-
dez-en les queues, pilez toutes les coquilles, tirez une essence
avec du veau et du )ambon, mouillez-la, moitié jus, moitié
bouillon; quand elle est faite, délayez-la avec des écrevisses bien
pilées et les passez à l'étamine, comme un autre coulis d'écre-
visses; vous aurez un petit pain rond d'une demi-livre; qu'il soit
chapelé ; ôtez la mie de dedans sans rompre la croûte, passez sur
le feu, avec du beurre, dans une casserole; égouttez-le et le
remplissez d'un ragoût de ris de veau, de champignons, et le liez
de[]coulis à l'ordinaire ; pochez huit œufs frais à l'eau, faites
chauffer le pain rempli de ragoût, avec du jus et un peu de cou-
lis d'écrevissès ; quand il est chaud, dressez-le sur un plat rond,
les œufs autour, les queues d'écrevîsse entre les œufs et au-des-
sus du pain; versez le reste de votre coulis d'écrcvisscs, le tout
assaisonné de bon goût.
Œufs aux truffes, — Faites un ragoût de truffes vertes de
cette façon :
Pelez les truffes, coupez-les par tranches, passez-les dans
une casserole avec un peu de beurre; mouillez -les d'un peu de
7P
(EUFS.
bouillon de poisson^ laissez-les mitonner un quart d'heure à
petit fea^ dégraissez-les et les liez d'un coulis de poisson ; les
œufs étant pochés au beurre roux, nettoyez-les proprement tout
aatour ; dressez-les dans un plat, jetez votre ragoût de truffes
par-dessus, et servez chaudement vos œufs aux tru&s pour
entrées ou hors-d'œuvre.
Œufs à V estragon, — Faites blanchir de Testragoo,
hachez-le très- fin, cassez les œufs dans une casserole, mettez de
l'estragon blanchi, sel et poivre; battez les œufs, mèlez-f un
verre de crème ; faites trois petites omelettes, que vous roulerez,
et dressez-les dans le plat où vous devez les servir ; s'il n'y a
point de coulis maigre, faites un petit roux de farine avec du
beurre, mouillez avec de bon bouillon, un verre de vin; dégrais-
sez la sauce, faites-la cuire à petit feu ; quand elle est euite et
assaisonnée de bon goût, passez-la au tamis et servez vos œuis
dessus.
Œufs au larda la Coignjr. — Prenez huit œufs frais et les
pochez un à un dans du saindoux; qu'Us soient de belle cou-
leur ; faites autant de petits croûtons de la grandeur d'un écu ;
prenez du petit lard que vous couperez en dés; quand les œu&
seront frits, faites aussi frire des croûtons de pain et le petit lard;
prenez le plat que vous devez servir, mettez les croûtons de
pain dessus, les œufs sur les croûtons et le petit lard sur les
œufs ; ayez une essence ou simplement un tilet de vinaigre, et
servez chaud.
Œufs au parmesan, — Mettez ce que vous voudrez d'œu&
dans une casserole, avec du parmesan, un peu de poivre, point
de sel; battez vos œufs avec un fouet comme une omelette;
faites-en cinq petites omelettes; à mesure qu'elles sont faites,
étendez-les sur un couvercle, saupoudrez-les ensuite de parme-
san râpé; roulez Tomelette et la mettez dans le plat que vous
voulez servir ; arrangez ces cinq omelettes, et jetez par-dessus un
peu de parmesan, essuyez le plat, et le mettez au four ou sous
un couvercle; il ne faut qu'un bon quart d'heure pour glacer et
cuire le parmesan; mais surtout il faut le servir chaudement.
Œufs frits à la sauce Robert, — Prenez une friture; pochez -y
des œufs un à un sur un fourneau ; servez dessous une sauce
(EUFS.
751
Robert, prenez des càgnoos coudés es iés^ passez au beurre,
metlez^x la moitié de la cuisson, nne pincée de farine, faites-la
roussir ea tournant toujours, mouillez de bouilbn et d'un verre
de vin blanc; si on a de la sauce à rétavée, on doit en mettre un
peu; faites cuire la sauce, et quand tout est prêt à servir, met-
tez-y de la moutarde et servez dessous les œufs.
Œufs en timbales* -^ Prenez huit œufs, 6tez les blancs de
quatre, passez-les à Tétaniine avec un peu de jus et de coulis;
assaisonaez-les de sel. et de poivre, beurrez les timbaJes avec du
beurre affiné; mettez les œu& dedans jusqu'à moitié des timbales
et mettez les timbales dans une casserole avec de Teau, qu'il n'y
en ak que jusqu'à moitié des timbales; faites ainsi cuire au bain-
marie; quand ils sont cuits, retirez-les sans les rompre, dressez-
les et servez avec un peu de jus dessousw
Œiifs à la Philippsbourg, — Si c'est en maigre, prenez de la
farce maigre qui soit faite d'un poisson cuit; mettez-en dans le
fond du plat que vous voulez servir, cassez des œufs dessus cette
farce comme si vous vouliez faire des œufs au miroir; il n'y faut
point de sel; ayez du parmesan râpé, mettez-en dessus les œufs.
Pendant que les œufs cuisent sur un fourneau, passez une pelle
rouge dessus le parmesan pour le glacer ; prenez garde que les
œufs ne durcissent.
Si c'est en gras, prenez une farce grasse, que la viande en
soit cuite, et les faites de môme.
Œufs à la duchesse. — Mettez dans une casserole un quar-
teron de sucre, un demi-setier d'eau , des zestes de citron , un
morceau de cannelle; faites bouillir le tout ensemble jusqu'à ce
que le sucre soit réduit en sirop; retirez les zestes de citron et
la cannelle, mettez-y un peu d'eau de fleur d'oranger ; prenez
douze ou quinze jaunes d'œufs, passez-les au tamis avec une
chopine de crème, mettez les œufs et la crème dans la casserole
au sirop avec un peu de sel; faites cuire ces œufs en les tournant
toujours. Quand ils sont pris comme une crème, mettez-y un peu
de jus de citron et servez.
Œufs à la Robert, — Prenez deux ou trois gros oignons,
coupez-les en dés, et passez sur le feu avec un morceau de
beurre, mettez-y une pincée de farine et mouillez avec du jus.
752 (EUFS.
un verre de vin de Champagne, faites-les cuire à petit feu. Quand
ils seront cuits, faites durcir une douzaine d'œufs, pelezJeset les
coupez en quatre comme pour des œufs à la tripe; faites-leur
faire quelques bouillons avec des oignons, assaisonnez le tout de
sel et de poivre, et, quand on est prêt à servir, mettez-y de la
moutarde.
Œufs en filets. — Prenez deux champignons, deux oignons;
coupez-les en filets, passez-les avec un morceau de beurre,
mettez-y une pincée de farine, mouillez avec un verre de vin de
Champagne, du bouillon et du coulis; faites cuire à petit feu,
prenez ensuite une douzaine d'œufs durcis, séparez les blancs
d'avec les jaunes, laissez les jaunes entiers, coupez les blancs en
Alets, mettez-les faire quelques bouillons avec le ragoût, assai-
sonnez avec sel, gros poivre. Quand vous êtes prêt à servir, mettez
les jaunes entiers dans le ragoût pour les faire chauffer, et servez
à courte sauce.
Œufs au père Douillet. — Cassez dans une casserole sept
œufs frais, mêlez-les avec une cuillerée de coulis, une de réduc-
tion, autant de jus de veau, sel et poivre; passez ces œufs dans
une étamine un quart d'heure avant de servir ; prenez le plat
que vous devez servir, mettez-le sur un feu modéré ; quand il est
chaud, mettez les œufs, passez par- dessus une pelle rouge à
mesure qu'ils cuisent, servez-les d'abord qu'ils sont cuits et
encore tremblants.
Œufs à la bonne femme, — Coupez quatre gros oignons en
dés, passez-les sur le feu jusqu'à ce qu'ils soient cuits avec un
morceau de beurre; faites-les cuire à petit feu et les remuez sou-
vent pour qu'ils ne se colorent point. Quand ils sont cuits, mettez-
y une bonne pincée de farine, mouillez avec de la crème double;
assaisonnez de sel, gros poivre et muscade ; tenez le ragoût bien lié.
Prenez ensuite deux œufs, fouettez-en les blancs, mettez les
jaunes avec le ragoût, mêlez les blancs avec tout le reste, battez
bien le tout ensemble ; mettez dans le fond d'une petite casserole
deux morceaux de papier blanc, frottez partout de beurre, versez
les œufs dedans et les faites cuire au four; quand ils sont cuits,
versez-les sens dessus dessous dans le plat, ôtez le papier, mettez
dessus ces œufs une bonne essence claire, et servez.
(EUFS.
753
Œufs à la carpe, sauce à la persillade. — Écaillez et videz
une petite carpe, levez-en la peau , hachez la chair très-fin ,
mettez-la dans une casserole avec un morceau de beurre, persil,
ciboules, champignons, une pointe d'ail ; le tout haché très-fin ;
passez la carpe et les fines herbes sur le feu, mettez-y une pincée
de farine , mouillez avec deux verres de vin de Champagne, un
peu de bouillon; assaisonnez de sel, poivre; faites cuire le hachis;
quand il est cuit et la sauce réduite, mettez-y quelques jaunes
d'œufs pour le bien lier ; mettez dans une casserole quinze œufs,
sel, fines épices, une cuillerée de crème; battez bien les œufs,
prenez-en la moitié pour faire une omelette, étendez-la sur un
plat, mettez-y la moitié du hachis, roulez-la et la coupez en
trois; faites-en autant de l'autre moitié, arrosez les six morceaux
avec du beurre, panez-les moitié mie de pain et moitié par-
mesan, tocttez-les sur une tourtière pour leur faire prendre cou-
leur au four, ou sous un couvercle de tourtière ; mettez-les dans
le plat que vous devez servir et mettez dessous une sauce à la per-
sillade. (V. Sauce à la persillade.)
Œufs en surtout. — Prenez quatre œufs, mettez les blancs
à part, hachez une pincée de câpres, deux anchois, persil,
ciboules; le tout haché très-fin ; mêlez-les avec les jaunes d'œufs;
mettez dans le plat que vous devez servir du beurre bien étendu,
cassez dessus six œufs; fouettez les quatre blancs d'œufs que vous
avez mis à part, mettez-y les jaunes d'œufs délayés avec les
câpres et les anchois, fouettez bien le tout ensemble, mettez-y
un peu de sel, gros poivre et muscade; mettez ces œufs sur les
autres qui sont dans le plat, faites-les cuire feu dessus et des-
sous; ces œufs ne doivent par durcir, il ne faut qu'un moment
pour leur cuisson.
Œufs à la Monime. — Cassez quinze œufs dans une casse-
role, mettez-y une cuillerée de crème, persil, ciboules, sel, fines
épices; battez bien les œufs pour en faire des omelettes. Prenez
de la viande cuite à la broche et refroidie, soit volaille ou gibier;
faites un hachis de cette viande. Quand le hachis est fini et assai-
sonné de bon goût, mettez-y quelques jaunes d'œufs, pourvu que
le hachis soit bien lié; prenez ensuite la moitié des œufs battus,
faites-en une omelette; étant cuite, étendez-la sur un plat;
48
754
(EUFS.
mettez par-dessus la moitié du hachis. Roulez lomelette et la
coupez en trois, en figure de paupiette; arrosez le dessus avec du
beurre et panez de mie de pain; faites-en autant de ce qui reste
d'oeufs et de hachis. Mettez ces six morceaux d'œufs sur une tour-
tière, faites-les cuire au four sous un couvercle de tourtière pour
leur faire prendre couleur; ayez une bonne sauce à la Monime,
mettez-la dans le fond du plat que vous devez servir, dressez les
morceaux d'œufs dessus. (V. Sauce à la Monime,)
Œufs à ma commère, — Cassez dix œufs dans une casserole,
mettez un peu de sel fin, du sucre en poudre, quelques pistaches
en filets, deux biscuits d'amandes amères écrasées, de la fleur
d'oranger grillée, hachée, du citron confit haché, un peu de can-
nelle en poudre, du beurre frais fondu ; battez bien le tout ensem-
ble. Prenez le plat que vous devez servir , mettez-le sur un feu
modéré, versez vos œufs dedans, couvrez-les avec un couvercle
de tourtière et du feu dessous. Quand ils sont cuits à moitié,
glacez-les avec du sucre et la pelle, et les servez un peu trem-
blants.
Œufs à la paysanne. — Mettez dans un plat un demi-setier
de crème double; quand elle a bouilli, cassez-y huit œufs frais;
assaisonnez-les de sel, gros poivre; à mesure qu'ils cuisent, passez
la pelle rouge par-dessus. Prenez garde que les jaunes ne dur-
cissent et servez-les dans le moment.
Œujs au sang. — Mettez tout chaud le sang de dix pigeons
dans une casserole avec le jus d'un 'citron. De crainte qu'il ne
tourne, passez le sang au travers d'un tamis, mettez-le avec
douze œufs, les blancs fouettés, sel, poivre, une cuillerée de
crème, des petits morceaux de beurre. Battez bien vos œufs;
mettez un quarteron de bon beurre dans une poêle, faites-en une
omelette; quand elle est cuite, roulez-la dans le plat que vous
devez servir.
Œufs au foie, — Otez l'amer de tel foie que vous voudrez,
volaille ou gibier; lavez et hachez ces foies; passez-les sur le feu
avec un morceau de beurre, persil, ciboules, champignons, pointe
d'ail, le tout haché très- fin ; quand les foies sont passés et refroi-
dis, cAssez-y une douzaine d'œufs assaisonnés avec sel, fines épi-
ces, une cuillerée de crème, battez bien le tout ensemble; mettez
ŒUFS.
7SS
un quarteron de bon beurre diins une poêle; faites une omelette
avec les œufs, et servez.
Œu/s à la Périgord. — Pelez trois truffes , coupez-les en
petits dés et du jambon par tranches; passez l'un et lautre avec
un peu de beurre, mouillez avec un verre de vin de Champagne,
deux cuillerées de coulis; mettez-y un bouquet de fines herbes,
du gros poivre, dégraissez le ragoût; faites-le cuire à petit feu;
quand il est cuit et bien lié, prenez sept œufs frais, faites-les
frire un à un dans du saindoux, prenez garde que les œufs ne
durcissent. Mettez-les égoutter de leur graisse, piquez-les par-
dessous avec la pointe du couteau pour en faire sortir le jaune,
remplissez le dedans des œufs avec le ragoût de truffes et de jam-
bon; dressez-les dans le plat que vous devez servir, de façon
qu'ils paraissent dans leur naturel. Faites-les chauffer entre
deux plats sur la cendre chaude ; quand on est prêt à servir,
mettez par-dessus une sauce de vin de Champagne.
Œufs à la moelle. — Échaudez des amandes douces, pilez-
les et les arrosez de temps en temps avec de la moelle de bœuf,
du citron confit haché, de la fleur d'orange grillée et hachée,
deux abricots confits ou secs; pilez le tout ensemble, mettez-y
un peu de sel et de sucre. Prenez douze jaunes d'œufs, mettez-
les aussi dans un mortier avec un demi-setier de crème. Quand
le tout est bien mêlé, fouettez les douze blancs à la neige^ et les
mettez avec tout le reste. Frottez une poupetonnière de beurre,
mettez-y dedans les œufs, faites-les cuire au four. Quand ils sont
cuits^ renversez-les dans le plat que vous devez servir, glacez
avec du sucre et la pelle rouge, et s^ry^z.
Œufs à la sicilienne. — Pochez les œufs frais à l'eau bouil-
lante, un peu plus fermes que pour les manger au jus; les ayant
mis dans l'eau fraîche, coupez-les proprement tout au tour et
en long par le milieu, de manière qu'il y ait un côté plus pro-
fond que l'autre, ôtez-en le jaune et lavez les blancs dans de
Teau tiède; rem plissez -les ensuite d'une crème de pistaches
cuites, trempez légèrement dans l'œuf battu la moindre moitié
et la collez sur l'autre ; arrangez-les dans le plat où ils doivent
être servis, le petit côté en dessous, et les tenez chaudement.
Faites un sirop avec du vin de Champagne, sucre et cannelle.
756 (EUFS,
Quand le sirop est fait, versez-le sur les œufs et y jetez
ensuite de la nonpareille, et servez pour entremets.
Quand ces œufs sont remplis de crème, on peut les mettre
sur une tranche de biscuit, faire cuire du sucre au caramel, et
avec une fourchette trempée dedans, faire sur les œufs de
petits filets de caramel en secouant la fourchette dessus. On y
poudre ensuite de la nonpareille, on les dresse dans un plat, et
on sert à sec pour entremets.
Œufs à la régence, — Coupez en petits dés, gros comme
deux doigts de petit lard; à défaut de petit lard faites suer du
jambon dans une casserole, mettez-y de petits carrés d'oignons et
de champignons de la grosseur du petit lard coupé ; mouillez
cela d'une cuillerée de bon jus pour les faire cuire; étant cuits,
liez cette sauce avec une essence de jambon; cassez huit œufs
frais dans le plat où vous aurez mis du lard fondu auparavant,
mettez le plat sur le fourneau avec un peu de feu dessous. Faites
chauffer d'autre lard fondu bien chaud, que vous jetterez sur les
œufs, réitérez plusieurs fois jusqu'à ce que les œufs soient cuits
dessus et dessous; étant cuits, égouttez tout le lard fondu, essuyez
proprement le plat, jetez la sauce dessus. Mettez un filet de
vinaigre qui pique, servez pour entremets.
Tourte d*œufs, — Faites durcir une douzaine d'œufs; étant
durs , pelez-les et les mettez dans de Teau fraîche, retirez-les et
les mettez essuyer entre deux linges. Coupez-les par la moitié
et en ôtez les jaunes. Prenez les blancs et les mettez sur une table
avec un peu de persil, hachez-les bien ensemble. Foncez une
tourtière d'une abaisse de pâte feuilletée. Mettez au fond un peu
de beurre frais, arrangez -y les jaunes d'œufs et y mettez de
récorce de citron vert confite hachée entre deux. Mettez-y par-
dessus les blancs d'œufs hachés; assaisonnez d'un peu de sel,
mettez du sucre en poudre dessus à proportion de ce qu'il en
faut, et du beurre frais. Couvrez la tourte d'une abaisse de feuil-
letage. Faites un bord autour, dorez-la d'un œuf battu et la
mettez cuire; dressez-la dans un plat, et la servez chaudement.
Œufs en rocher. — Faites un sirop de sucre et de vin
blanc; mettez-y des jaunes d'œufs autant que vous souhaiterez
en accommoder ainsi; laissez-les cuire jusqu a ce qu'ils quittent le
ŒUFS.
757
poêlon. Étant cuits, mettez-y un peu d'eau de fleurs d oranger,
un jus de citron ; passez-les à Tëtamine sur un plat, et les servez
en rocher, avec des morceaux d'écorce de citron conlite.
Œufs en toute saison. — Ayez quelques ris de veau blan-
chis, des foies gras, des truffes vertes, des crêtes à moitié cuites,
des petits champignons, un demi-quarteron de pistaches des plus
belles; passez le tout ensemble dans une casserole avec lard
fondu; étant passé, mouillez-le de jus de veau et le laissez
mitonner trois quarts d'heure; étant cuit, liez-le dans une essence
de jambon pour faire de petits œufs; faites durcir une douzaine
d'œufs frais ; quand ils sont durs, pressez les jaunes et les pilez
dans un mortier, et les assaisonnez de sel, poivre, muscade et
blanc de ciboules hachés, un peu de lait et de crème douce, de
la mie de pain bien blanche ; pilez bien le tout ensemble, formez
vos petits œufs en les roulant dans la main, de différentes gros-
seurs, et les mettez cuire dans un bon assaisonnement ou dans
de l'eau bouillante. Lorsqu'ils sont cuits, mettez-les égoutter
dans une passoire ou sur un tamis, vous les rangerez dans un
plat et jeterez votre ragoût dessus.
Œufs à V huile au vert. — Pochez des œufs à l'huile les
uns après les autres. Étant frits, dressez-les dans leur plat; ayez
une sauce verte au persil, jetez dessus et servez. On en fait de
verts qu'on poche dans une eau verte faite exprès, et une sauce
blanche à la crème dessous, et l'on sert.
Œufs au soleil. — Faites frire huit œufs au saindoux,
faites ensuite une pâte à beignets, mettez-y du petit lard coupé
en dés à demi-passés ; trempez les œufs dans cette pâte ; prenez
du lard avec les œufs et les faites frire de belle couleur, et servez
avec persil frit.
Œufs au fromage fondu. — Mettez un 'plat sur un four-
neau de feu modéré, où il y aura une demi-livre de fromage de
Gruyère râpé, un demi-verre de vin de Champagne, persil,
ciboule, gros poivre, un peu de muscade, du bon beurre;
remuez le tout ensemble sur le feu. Quand le fromage est fondu,
mettez-y trois œufs ; quand les œufs sont cuits, faites un cordon
de mouillettes de pain ; passez au beurre et servez.
Œufs en panade. — Prenez des mies de pain, arrondissez-
75» OIE.
les de la grandeur d'un liard ; faites-en une trentaine, passez-les
sur le feu avec du bon beurre, mettez dans une casserole quinze
œufs, les croûtons de pain, persil, ciboules, deux cuillerées de
bonne crème, des petits morceaux de beurre, sel, gros poivre.
Battez vos œufs, faites>en une omelette avec de bon beurre;
quand elle est cuite, roulez-la dans le plat et la servez.
OIE. — Les oies furent longtemps sacrées à Rome, parce
que, pendant que les chiens dormaient, une oie, qui était restée
éveillée, l'histoire ne dit pas pourquoi, entendit le bruit que fai-
saient les Gaulois en escaladant le Capitole. Elle réveilla ses
amies, qui, tout effarées, se mirent à crier si haut et si bien, qu'à
leur tour elles éveillèrent Manlius. Lafosse, qui a fait une tragé-
die du Capitole sauvé, a eu l'ingratitude de ne pas dire un mot
des oies dans les deux mille alexandrins qui composent cette
tragédie.
Qui n'a pas vu et entendu Talma dire ces deux vers :
C'est moi qui , détruisant leur attente frivole ,
Renversai les Gaulois du haut du Capitole ,
n'a point idée des hauteurs où peut tonner la parole d'un
tragédien.
Mais au moment où Jules César eut conquis les Gaules, on
commença de manger des oies dans l'armée romaine, à l'exemple
des Gaulois, qui n'avaient aucune raison de respecter les alliés de
Manlius, cause de leur défaite.
Bientôt le bruit se répandit, même à Rome, que les oies de
Picardie étaient un délicieux manger, et Ton vit dès lors le Picard,
né naturellement commerçant, conduire pédestrement à Rome
des troupeaux d'oies qui dévoraient tout sur leur route.
Les anciens Égyptiens regardaient Toie comme un mets des
plus délicats. Le roi de Lycie, Rhadamante, leur portait tant
d'estime, qu'il ordonna que partout, dans ses États, on cessât de
jurer par les dieux, pour jurer par les oies. C'était aussi le ser-
ment habituel en Angleterre, lorsque Jules César en fit la
conquête.
C'est un consul romain, nommé Métellus Scipion, qui
OIÊ.
759
inventa, selon Pline, Tart d'engraisser les oies et de rendre leur
foie délicat.
Le médecin Jules César Scaliger, célèbre érudit, a pour
les oies une tendresse toute particulière : il les admire non-seu-
lement au physique, mais encore au moral.
Nous ne pouvons mieux faire que de copier ce qu'il dit
de loie :
« L'oie, dit-il, est le plus bel emblème de la prudence; les
oies baissent la tête pour passer sous un pont, si élevées que
soient ses arches; elles sont pudiques et raisonnables à ce point,
qu'elles se purgent elles-mêmes sans médecin lorsqu'elles sont
malades.
« Elles sont si prévoyantes que, lorsqu'elles passent sur le
montTaurus, qui est rempli d'aigles, elles ont soin, connaissant
leur humeur bavarde, de prendre chacune une pierre dans leur
bec, pour éviter, en se gênant ainsi, de former des sons qui les
feraient découvrir de leurs ennemis. »
Les oies sont susceptibles d'une certaine éducation. Le chi-
miste Mémery a vu une oie tournant une broche où rôtissait un
dindon. Elle tenait l'extrémité de la broche par le bec, et son
cou, en s'allongeant et en se rétrécissant, faisait l'effet d'un bras.
De temps en temps seulement on avait soin de lui donner à
boire.
Oie à la chipolata. — Prenez un bel oison d'une graisse bien
blanche, videz-le, retournez-lui les pattes en dedans, flambez-le
légèrement, épluchez-le, bridez-le, bardez et ficelez-le; foncez
une braisière de bardes de lard, mettez dans le fond une mire-
poix et quelques débris de viande de boucherie, deux lames de
jambon, les abatis de votre oison, un bouquet de persil et
ciboules, trois carottes tournées, deux ou trois oignons, dont un
piqué de clous de girofle; une gousse d'ail, du thym, du laurier,
un peu de basilic et du sel. Posez votre oie sur ce fond, mouil-
lez-la avec un bon verre de vin de Madère, une bouteille de vin
blanc, cognac, une cuillerée à pot de bon consommé de volaille ;
mettez-la sur le fourneau, faites suer la braise de votre oie,
faites-la cuire environ une heure, égouttez-la, dressez-la et mas-
quez-la avec une chipolata, et servez, (V. Chipolata.)
760 OIE.
Oie rôtie (de la Saint-Martin). — Désossez et farcissez une
belle oie grasse de Normandie avec une purée d'oignons cuits à
la graisse de lèchefrite, ajoutez à cette farce d'oignons le foie de
votre volaille haché, douze chipolates et quarante ou cinquante
marrons grillés ou rôtis, bien épluchés et assaisonnés de sel et de
quatre épices ; servez-la sur une longue et large rôtie, bien
imbibée de son rôtissage et légèrement assaisonnée de gros poi\Te
et de citron.
Oison à la broche. — Ayez un oison dont la graisse soit bien
blanche et la chair bien tendre, supprimez-en les ailes, éplu-
chez-le, flambez-le, refaites- lui les pattes et coupez-lui les
ongles, essuyez-les avec un linge blanc, bridez votre oison, lais-
sez-lui les pattes en long, mettez-le à la broche; faites-le cuire
vert, de façon à ce que le jus en sorte en le piquant ; citronnez
autour et servez. (Avec" le canard, jamais de cresson.)
Oie à l'anglaise. — Préparez un oison comme ci-dessus,
hachez-en le foie, épluchez trois gros oignons, coupez-les en
petits dés, faites-les cuire à blond dans du beurre, ajoutez-y une
pincée de sauge hachée, ainsi que le foie de l'oison, du sel et du
poivre fin. Mêlez bien le tout et emplissez-en Toie; cousez-la,
embrochez-la et faites-la cuire comme ci-dessus et servez-la avec
un jus de viande.
M. Vuillemot fait judicieusement observer que les viandes
creuses doivent être citronnées sortant de la broche.
Oie à la choucroute. — Vous faites cuire une oie à la
broche, vous lavez la quantité de choucroute nécessaire, que vous
faites cuire dans une casserole avec des tranches de petit lard,
du cervelas et dés saucisses, mouillez avec du bouillon et la
graisse de Foie; faites cuire à petit feu pendant deux heures,
dressez la choucroute bien égouttée autour de l'oie avec les sau-
cisses et le cervelas dépouillé de sa peau et coupé par lames, et
glacez avec une glace de viande.
Q4iles et cuisses d'oie à la façon de Bayonne. — Levez les
ailes et les cuisses de plusieurs oies^ désossez ces cuisses, frot-
tez-les, ainsi que les ailes, de sel mêlé avec 15 grammes de sal-
pêtre pilé. Rangez toutes vos ailes et vos cuisses dans une terrine.
Interposez laurier, thym, basilic, couvrez-les d'un linge blanc.
^■■11
OIGNON. 761
macérez-les vingt- quatre heures dans leur assaisonnement, reti-
rez-les, laissez-les égoutter, dégraissez entièrement, faites-les
cuire à un feu modéré. Lorsque vos membres sont cuits, vous les
égouttez, les laissez refroidir et les arrangez aussi serrés que pos-
sible dans des pots ; vous y. coulez votre saindoux aux trois quarts
refroidi, et, au bout d'un jour, vous couvrez hermétiquement les
pots avec du papier ou du parchemin ; vous les mettez dans un
endroit frais, mais non humide, et vous vous en servez au
besoin.
Cuisses ou quartiers d'oie à la lyonnaise. — Faites chauffer
et un peu frire, dans leur saindoux, quatre quartiers d'oie, cou-
pez six gros oignons en anneaux, faites-les frire dans une partie
du saindoux, dans lequel auront chaufté ces cuisses ; quand ils
sont cuits et de belle couleur, égouttez-les, ainsi que les quar-
tiers d'oie, dressez-les, mettez vos oignons frits par- dessus et
servez avec une sauce quelconque.
Cuisses d'oie à la purée, — C'est une entrée. Vous prépa-
rez et faites chauffer ces cuisses comme les précédentes, puis vous
les dressez et les masquez d'une purée de pois verts ou de mar-
rons que vous aurez finie avec un pain de beurre.
Oie sauvage, — Les oies sauvages s'accommodent de la
même manière que les albrans, les canardeaux et les canards
sauvages. On peut aussi en faire des boudins, des civets à Tan-
cienne mode et des escalopes au sang.
Leur passage dure environ deux mois, à moins que l'hiver
ne soit très-doux, et dans ce cas elles prolongent leur séjour jus-
qu'à trois mois.
Q4iguillettes, d'oie sauvage. — Vous faites cuire trois oies à
la broche. Au moment de servir, vous levez en filets, vous faites
réduire de l'espagnole jusqu'à ce qu'elle soit très-épaisse, et vous
y versez le jus des oies; ajoutez un peu de zeste de citron ou
d'orange, et un peu de gros poivre sur la sauce chaude, non en
ébullition.
Petite oie, — Faites cuire en hochepot.
Foie gras, — Nous avons parlé des pâtés de foie gras à l'ar-
ticle Foie, Nous y renvoyons nos lecteurs.
OIGNON. — Si pour bien parler d'un sujet, il faut avoir ce
762 OIGNON.
sujet SOUS les yeux, c'est providentiellement que j'ai été conduit
à RoscofFau moment où le mot oignon allait se présenter sous ma
plume.
En effet, plus que l'ancienne Egypte, cette pointe de TArmo-
rique donne à croire que, lors de la guerre des dieux contre
Jupiter, les vaincus, poursuivis jusqu'au bout du continent,
voyant que la terre leur manquait pour aller plus loin, se sont
changés en oignons pour fuir la colère de Jupiter; dans aucune
localité de la France, ce bulbe, si vanté de l'antiquité, que les
poètes ont chanté, et auquel les Egyptiens ont rendu les hon-
neurs divins, ne se trouve réuni en pareille quantité.
Il y a des années où Roscoft envoie jusqu'à trente ou qua-
rante vaisseaux chargés d'oignons en Angleterre.
Ce fut un homme du pays qui eut le premier l'idée de feire
cette spéculation; mais, pour acclimater du premier coup
l'oignon français en Angleterre et affirmer sa supériorité sur le
bulbe britannique, il fallait un coup d'audace qui eut du reten-
tissement.
Ce Roscovite vint un jour trouver M. Corbière, auteur de
plusieurs romans maritimes et officier au long cours, demeurant
à Roscoff, et lui demanda comment on disait en anglais :
L'oignon anglais n^est pas bon.
Celui à qui l'on venait de demander ce renseignement répon-
dit : The English onion is not good.
— Soyez assez bon pour me mettre cela sur un papier, mon-
sieur, demanda le Roscovite.
M. Corbière prit une plume et écrivit la phrase réclamée.
Le Roscovite remercia.
Trois jours après on le vit partir pour Londres avec un sloop
chargé d'oignons.
Arrivé dans la capitale de l'Angleterre, il alla droit au mar-
ché le plus fréquenté, déploya une pancarte sur laquelle était
écrite en grosses lettres la maxime suivante : The English onion
is not good. Et puis, au-dessous de sa pancarte, il amena une
petite charrette pleine d'oignons français.
On connaît les Anglais ; ils n'étaient point hommes à sup-
porter un pareil affront. L'un d'eux s'approcha et adressa la
OIGNON. 763
parole au marchand étranger; celui-ci, qui ne savait pas un mot
d'anglais, se contenta de répondre :
The English onion is not good.
Cette réponse exaspéra l'Anglais; il s'approcha du Rosco-
vite en étendant vers lui ses deux poings.
Le Roscovite ne savait pas ce que l'Anglais voulait dire,
mais voyait bien qu'il était menacé. Il prit l'Anglais par le coude,
et, lui imprimant le mouvement d'une toupie, lui fit faire trois
tours sur lui-même; au bout du troisième tour, l'Anglais tomba;
il se releva furieux, et revint sur son adversaire, toujours en
garde.
Le Roscovite avait près de six pieds ; il était vigoureux
comme son dieu Teulatès; il le prit à bras le corps, l'enleva
entre ses bras, et le jeta à plat ventre.
C'était contre toutes les règles de la lutte ; il faut que les
épaules touchent la terre pour que Tun des combattants soit
déclaré vaincu.
Aussi le Roscovite reconnut-il qu'il avait eu tort.
— C^est vrai, c'est vrai, dit-il, en faisant signe de la tête
qu'il s'était trompé ; et il se remit en garde, à peu près comme
avait fait l'Anglais.
L'Anglais revint sur lui, et, cette fois, le marchand d'oi-
gnons le prit par le col de sa chemise et par la peau du ventre,
le coucha doucement à terre, de manière à ce que non-seu-
lement une épaule, mais les deux épaules, touchassent bien
carrément le sol; il répéta plusieurs fois le mouvement, en
redoublant de violence chaque fois, jusqu'à ce que l'Anglais etlt
crié :
Assez! assez!
Alors les cris, les hourras, les bravos éclatèrent; les Anglais
sont, sous le rapport de la force, les plus justes appréciateurs du
mérite qu'il y ait au monde; ils voulurent porter le marchand
d'oignons en triomphe.
^ — Non pas ! non pas ! s'écria celui-ci en se mettant en
défense, pendant que vous me porteriez en triomphe, vous me
voleriez mes oignons.
Il y avait du vrai dans ce que disait le pauvre diable ; aussi
764 OIGNON.
lui acheta-t-on le même jour tous ses oignons, et le soir fut-il
tout entier employé à le porter en triomphe,
A partir de ce moment, les oignons français eurent conquis
leur droit de bourgeoisie en Angleterre.
Ragoût d'oignons. — Faites cuire des oignons sous la braise,
dans des cendres chaudes; quand ils sont cuits, pelez-les propre-
ment, mettez-les dans une casserole et les mouillez d'un coulis
clair de veau et de jambon, laissez mitonner; quand ils sont
mitonnes, liez-les d'un peu de coulis. Vous pouvez y mettre un
peu de moutarde, si vous voulez ; servez-vous de ce ragoût pour
toutes sortes d'entrées aux oignons.
Potage à r oignon Vuillemot. — Prenez quatre oignons
blancs, pelez-les, coupez la queue et la tête de l'oignon; coupez
en deux parties Toignon, en rouelles; séparez les filaments de
Toignon, faites fondre, bien chaud, du beurre dans une casse-
role, faites revenir vos filaments^ que vous faites blondiner dans
votre beurre ; singez légèrement de farine vos oignons et rissolez
le tout; mouillez au bouillon de haricots blancs, de consommé
ou d'eau, à défaut des deux autres objets ; assaisonnez de sel et
de poivre fin, faites partir votre potage sur le feu, en ayant soin
que lorsqu'il blanchira vous n'ayez, sans le faire bouillir^ quk
verser le bouillon dans une soupière sur le pain destiné à cet effet,
sur lequel doivent être couchées de petites lames de beurre. Râpez
du fromage de Gruyère, et servez-le à part, dans une soucoupe,
pour les amateurs.
Soupe à Voignon à la Stanislas. — Dans un de ses voyages
de Lunéville à Versailles, où il allait tous les ans visiter la reine
sa fille, l'ex-roi de Pologne, Stanislas, s'arrêta dans une auberge
de Châlons où on lui servit une soupe à l'oignon si délicate et si
soignée, qu'il ne voulut pas continuer sa route sans avoir appris
à en préparer une semblable.
Enveloppé de sa robe de chambre, Sa Majesté descendit à
la cuisine et voulut absolument que le chef opérât sous ses yeux.
Ni la fumée ni l'odeur de l'oignon, qui lui arrachait de grosses
larmes, ne purent le distraire de son attention. Il observa tout, en
prit note et ne remonta en voiture qu'après être certain de pos-
séder l'art de faire une excellente soupe à l'oignon.
OIGNON. 765
Voici la recette de la soupe à Toignon à la Stanislas :
On enlève la croûte du dessus d'un pain, on la casse en mor-
ceaux que Ton présente au feu des deux côtés; quand ces croûtes
sont chaudes, on les frotte de beurre frais' et on les présente de
nouveau au feu jusqu'à ce qu'elles soient un peu grillées. On les
pose alors sur une assiette tandis qu'on fait feire les oignpns dans
le beurre frais. On en met ordinairement 10 grammes, trois gros,
coupés en petits dés, on les laisse ensuite sur le feu jusqu'à ce
qu'ils soient devenus d'un beau blond un peu foncé, teinte qu'on
n'obtient qu'en les remuant presque continuellement ; on y ajoute
ensuite les croûtes en remuant toujours jusqu'à ce que l'oignon
brunisse. Quand il a suffisamment pris de la couleur, pour déta-
cher de la casserole, on mouille avec de l'eau bouillante, on met
l'assaisonnement nécessaire, puis on laisse mitonner au moins un
quart d'heure avant de servir.
C'est à tort que l'on croirait rendre cette soupe meilleure en
la mouillant avec du bouillon; cette addition, au contraire, en la
rendant trop nutritive, altérerait. sa délicatesse.
Potage de santé aux oignons. — Prenez chapon ou pou-
larde, poulet ou jarret de veau , lavez-le dans cinq ou six eaux
tièdes, laissez-le tremper et faites-le blanchir; retirez-le et le
mettez dans de l'eau froide; essuyez-le entre deux linges, pliez-
le dans une barde de lard, ficelez-le et le mettez cuire dans une
marmite avec de bon bouillon.
Pelez des oignons blancs, la quantité qu'il en faut pour faire
le cordon de votre potage, faites-les blanchir et retirez-les;
mettez-les cuire dans une petite marmite avec de bon bouillon.
Mitonnez des croûtes de bon bouillon dans un plat, tirez votre
chapon, ôtez la ficelle et la barde, dressez-le sur le potage; gar-
nissez d'une bordure d'oignons dont vous ôterez la première
peau, afin qu'ils soient plus blancs; passez un peu de bouillon
d'oignons dans un tamis et le jetez par-dessus avec un jus de
veau, et servez chaudement.
Purée d'oignons aux tanches. — Coupez en tronçons deux
tanches de moyenne grosseur, mettez-les dans une casserole avec
quelques légumes émincés, un bouquet de persil, un peu de sel,
une demi -bouteille de vin blanc et 3 litres d'eau; cuisez le
766 OIGNON.
poisson pendant dix à douze minutes, égouttez*le ensuite et
passez le bouillon au tamis ; émincez quatre à cinq gros oignons,
faites-les blanchir, mettez*les dans une casserole avec 200 gram-
mes de beurre, un peu de sel et une pincée de sucre ; faites-les
revenir en les tournant jusqu'à ce qu'ils soient de couleur blonde,
saupoudrez*les avec une petite poignée de farine et les mouillez
avec le bouillon du poisson préparé; amenez le liquide à Tébul-
lition, retirez-le sur le coté du feu, faites-le bouillir pendant
une demi-heure, passez-le, faites-le encore bouillir; liez avec
trois jaunes d'œufs et lui mêlez les filets de tanches sans peaux ni
arêtes.
Potage d'oignons au blanc, en maigre. — Pelez deux ou
trois douzaines d'oignons d'une moyenne grosseur, faites-les
blanchir dans l'eau bouillante; tirez-les ensuite, et après les avoir
égouttés, mettez-les cuire dans une petite marmite avec du
bouillon de santé. Faites un coulis blanc^ prenez deux onces
d'amandes douces, pelez-les et pilez-les dans un mortier en les
arrosant de temps en temps avec du lait; ajoutez-y trois ou qua-
tre jaunes d'oeufs durs, un peu de mie de pain trempée dans le
bouillon; pilez bien le tout, passez-le à l'étamine avec deux ou
trois cuillerées de bouillon de santé et conservez ce coulis chaud
dans une petite marmite.
Mitonnez des croûtes, du bouillon où ont cuit les oignons,
garnissez le plat d'un cordon d'oignons; mettez un petit pain dans
le milieu, jetez le coulis blanc par-dessus et servez chaudement.
Q4utre potage d'oignons, au gras. — Rangez au fond d'une
marmite deux ou trois tranches de bœuf un peu épaisses, mettez*
les suer sur un fourneau , quand elles sont attachées, mouillez-
les de bouillon de mitonnage; retirez ensuite les tranches de
bœuf, liez-les en paquet, remettez-les dans la marmite avec
champignons entiers, deux navets, un paquet de carottes et des
panais, et un bouquet. Faites cuire tout cela ensemble.
Pelez de petits oignons blancs d'égale grosseur, faites-les
blanchir à l'eau bouillante; faites-les cuire ensuite à part dans
une petite marmite avec du bouillon de mitonnage et un bou-
quet où il y ait un peu de basilic.
Quand ils sont cuits, mitonnez les croûtes du bouillon ci-
OIGNON. 767
dessus et les arrosez d'un peu de bouillon d oignons; faites
ensuite un cordon d'oignons autour du plat et servez chau-
dement.
Totage au maigre à V oignon, — Pelez, coupez par tran-
ches une douzaine d'oignons, passez-les dans une casserole avec
un morceau de beurre ; quand ils sont roux, poudrez-les d un
peu de farine et les mouillez d'une purée claire ou bien d'eau;
assaisonnez de sel et d'un peu de poivre. Laissez bouillir le tout
ensemble pendant une demi-heure. Quand les oignons sont cuits,
mettez-y une pointe de vinaigre.
Mitonnez des croûtes ou des tranches de pain du même
bouillon ; jetez du bouillon par-dessus avec les oignons, et servez
chaudement.
Potage à l'oignon^ au lait. — Remarquons d'abord que l'im-
portant est d'ajouter de la crème au potage bouillant. Hachez
menu douze ou quinze gros oignons, faites-les revenir pour leur
ôter leur amertume première dans de l'eau bouillante, puis au
bout de quelques minutes, mettez-les dans la poêle avec un gros
morceau de beurre frais ; faites colorer d'un beau roux ; si l'oi-
gnon restait seul avec le beurre, il roussirait, noircirait, mais ne
cuirait pas ; si vous êtes sûr de votre lait et que vous ne craigniez
point qu'il tourne, vous pouvez le verser au fur et à mesure que
l'oignon roussit; laissez bouillir Toignon dans le lait pendant un
quart d'heure et le versez dans un tamis de crin, à travers lequel
il passera en l'aidant avec le dos d'une cuiller à pot. Lorsqu'il
est passé, laissez bouillir un quart d'heure pour donner à l'oignon
le temps de s'épaissir; gouttez-le, salez et poivrez; bien sucré, si
vous ne mangez pas votre potage au sel et au poivre, et versez-le
sur des croûtons de pain que vous aurez fait rôtir et mis au fond
de leur soupière.
Si vous craignez que votre lait ne tourne, ce qui empêche-
rait votre soupe à l'oignon de réussir, vous mettriez assez d'eau
dans les oignons et le beurre pour que les oignons cuisent ; puis,
lorsqu'ils sont cuits, vous versez sur eux dans la passoire ou sur
le tamis votre lait bouillant ; mieux vaut cependant, s'il est pos-
sible, que vos oignons cuisent dans le lait, la soupe en est plus
onctueuse et le bouillon plus sapide.
^68 OILLE.
OILLE (olla podridd). — Potage ou ragoût d'origine espa-
gnole. On distingue trois sortes. doilles, ou plutôt trois variétés
dans la préparation de ce grand mets.
i« L'ancien potage à la française, qui se trouve appelé grand
ouille, par les cuisiniers du temps de Louis XIII, et qui est
toille au pot des lettres de Mme de Maintenon .
2° La véritable olla podrida, suivant sa formule étrangère.
C'est un mets tellement compliqué, que les cuisiniers français ne
mettent aucun empressement à le proposer sur leurs menus, et
c'est un plat assez dispendieux pour qu'on ne le serve jamais
indifféremment ni fréquemment. Il est à savoir que, chez les
ambassadeurs d'Espagne, ce ragoût fait partie de la représenta-
tion diplomatique et du cérémonial officiel. Il paraît que c'est un
protocole obligé pour le dîner d'un grand d'Espagne ou d'un
titulado de Castille.
3* Voille moderne à la française. Excellent plat de relevé,
mais dont la somptuosité n'a rien d'effrayant ni d'inac-
cessible.
Oille en potage à Vancienne mode. — Ayez une poularde
et deux beaux pigeons, parez-les, videz-les et remplissez-les
d'une farce composée de mie de pain trempée dans du bouillon
réduit où vous aurez délayé huit jaunes d'oeufs, et puis d'un
oignon blanc cuit sous la cendre et de trois fonds d'artichauts
hachés; assaisonnez cette farce de quelques feuilles de cerfeuil et
d'une pincée de muscade en poudre; cousez le ventre des volailles
afin qu'elles ne se vident pas de la farce dont elles sont remplies,
ficelez les membres et placez-les dans une marmite de terre au
fond de laquelle vous aurez mis sept ou huit livres de grand
bœuf. Coupez par tranches un peu minces un jarret de veau de
Pontoise en quatre morceaux, trois oignons, un panais^ deux
carottes et autant de navets, deux poireaux blancs ficelés avec
des tiges de pourpier, d'arroche et de belle poirée; faites d'abord
chauffer le dessous sur un grand feu de charbon, puis mettez la
marmite devant un feu plus modéré et laissez-la se consommer
doucement. Au bout de cinq heures de cuisson, vous coupez des
croûtes du dessus d'un pain très-tendre ; vous les arrangez dans
un pot à oille ou autre plat d'argent, vous les mouillez dudit
OILLE 769
bouillon et faites mitonner jusqu'à ce que le fond s'attache au
plat; vous dressez sur le pain gratiné la poularde escortée des
deux pigeons seulement, vous les déficelez, en retirez les fils de
couture, tamisez le surplus du bouillon pour le dégraisser et le
versez sur votre oille.
Olla podrida. — Vous vous procurez des chiro^os et des
garbansos '^ vous prenez ensuite dix livres de pointe de culotte de
bœuf; vous parez et ficelez proprement cette grosse pièce; après
l'avoir coupée carrément, vous Tempotez dans une marmite avec
six pintes de bon bouillon, et vous y joignez un carré de mou-
ton entier, trois livres de tendrons de veau, une forte rouelle de
jambon dessalé d'avance, un poulet normand, deux pigeons, un
canard, deux vieilles perdix, deux cailles, une livre de petit lard,
huit chirozos et deux livres de garbansos que vous aurez fait trem-
per vingt-quatre heures dans l'eau chaude, en la renouvelant,
afin d'attendrir ces farineux; vous mettez et ficelez dans un petit
linge fin trois piments, six clous de girofle, une pincée de brou
et macis et un morceau de muscade, et vous mettez ce linge dans
votre appareil et laissez cuire, ou laissez podrir Voila, pour vous
occuper de la préparation de vos légumes.
Ayez quatre laitues pommées, vingt carottes, autant de
navets, que vous couperez et tournerez aussi également que pos-
sible, faites-les blanchir et mouillôz-les avec le dégraissis de
votre olla, laissez bouillir le tout et préparez d'un autre côté
douze fonds d'artichauts bien nettoyés et faites cuire avec vingt-
quatre petits oignons, bien pelés dans un autre vase, en ajoutant
un demi-setier de votre bouillon de l'oUa et un peu de sucre.
Prenez ensuite un demi-litre de haricots verts coupés en losanges,
de petites fèves de marais, de filets de concombres, de pointes
d'asperges et de petits pois verts, que vous ferez étuver avec le
bouillon de ToUa, et vous ferez cuire chaque légume en particu-
lier dans une petite casserole.
Le tout cuit à point et soigneusement préparé, vous égouttez
vos viandes et vos légumes, en ayant soin de les couvrir pour les
I. On en trouve toujours à THôcel des Américains ou chez Corcelet,
au Palais-Royal; qui les fait venir des frontières d'Espagne.
49
^o OISEAUX.
tenir chaudement; passez le bouillon de votre marmite; dégrais-
sez-le, clarifiez-le avec des blancs d'oeufs, passez-le à la serviene
fine et tenez-le bouillant sur un coin du fourneau.
Vous placez alors vos choux et vos laitues sur un grand plat
dans Tordre suivant : un quartier de chou, une carotte, une lai-
tue, un navet, et ainsi de suite, toujours en alternant jusqu'à ce
que vous ayez formé une espèce de couronne autour de votre
plat, et c'est dans le puits du milieu que vous mettrez alors les
garbansos. Dressez vos viandes au-dessus et faites avec les fonds
d'artichauts et les oignons un second cordon qui devra couvrir le
premier. Glacez tout, viandes et légumes, avec un coulis fait de
votre bouillon réduit, et servez le consommé de l'olla dans un
vaste bol de porcelaine, à proximité de votre plat.
Oille à la française, — Vous faites cuire, ainsi qu'il est indi-
qué ci-dessus, un chapon, deux filets de moutons de pré-salé,
deux perdrix et deux cervelas; ajoutez en fait de légumes un
choux de milan coupé par moitié, deux pieds de céleri, six petits
oignons, deux carottes coupées et deux panais; faites cuire une
heure et ajoutez-y un litre et demi de garbansos ; finissez ToUa
en y mêlant une forte pincée de quatre épices délayée dans une
demi-bouteille de vin de Xérès ou de Pacaret, avec un peu de
piment de Cayenne et de poudre de Kari; vous dressez les viandes
en dôme au milieu des légumes, et vous servez également le con-
sommé de l'oille à proximité du plat.
Oille gratinée à la navarraise, — Vous mettez dans un
poêlon une éclanche de mouton, deux pigeons, trois cervelas, un
kilo de petit lard et deux quartiers d'oies confits à la graisse;
ajoutez comme légumes un chou coupé en quatre, une botte de
poireaux, une gousse d'ail, un piment rouge et deux litres de
garbansos ; faites cuire le tout dans une forte quantité d'eau que
vous laissez réduire d'un tiers, vous en mouillez des tranches de
pain bien minces et vous les faites gratiner sur des cendres rouges,
puis vous l'arrosez avec le bouillon suffisamment réduit.
Utilisez à votre gré le surplus de l'oille.
OISEAUX (Petits). — Nous avons indiqué à leur article
particulier les différents genres de petits oiseaux et les diverses
manières de les apprêter et de les manger. Nous rappellerons
OLIVES. 771
seulement ici qu'on les enveloppe généralement, après les avoir
bien nettoyés, avec des lames de tétine ou des bardes de lard, et
qu'on les enfile au nombre de huit ou dix dans des petits hàtelets ;
on les fait cuire à la broche et on en garnit les plats de gibier
rôti, soit en les défilant pour en former une ceinture autour du
plat, soit en piquant ces hàtelets dans la grosse pièce en forme de
hérisson.
On peut aussi les griller en caisse sur un gratin de farce à
quenelles ou les sauter dans de la moelle avec des fines herbes,
du jus de bigarade et de la chapelure de pain bis.
OLIVES. — Telles qu'on les cueille sur l'arbre, les olives
sont d'une acreté et d'un goût désagréable, même à l'époque de
leur maturité complète; il est donc nécessaire de les conserver
dans l'huile et la saumure pour leur faire perdre cette amertume
naturelle et les faire devenir un aliment agréable, en ne leur
conservant qu'une légère âcreté adoucie par le mélange naturel
de leur huile et par l'effet de la saumure.
Les Grecs, qui attribuaient à l'olivier une origine divine, le
vénéraient tellement que pendant longtemps ils n'employèrent
que des femmes vierges et des hommes purs pour la culture de
cet arbrisseau; ils exigeaient aussi un serment de chasteté de
ceux qui étaient chargés de faire la récolte.
Les olives ajoutées à des ragoûts et qui, par cela même ont
subi une cuisson plus ou moins avancée, sont toujours meilleures
et plus digestibles que crues.
Ragoût d'olives. — Vous passez un peu de persil et de
ciboule hachés dans du beurre, vous y ajoutez deux cuillerées de
jus ou de cuisson d'une braise, ou bien encore de bouillon réduit
à moitié et un verre de vin blanc, des câpres, un anchois et des
olives tournées; joignez-y encore un peu d'huile d'olives, un bou-
quet de fines herbes; faites jeter un bouillon et liez la sauce avec
purée de marrons.
Le ragoût d'olives ne s'appliquant qu'aux viandes crues
telles que le canard, vous n'avez qu'à tourner quelques olives,
les blanchir à l'eau, les jeter dans une espagnole réduite avec le
fond du canard ; liez le tout avec une cuiller à bouche d'une
bonne huile d'olive, un jus de citron, et servez. Cette simplicité,
77^
OMELETTE.
croyez-en mon expérience, vaut mieux que tous les condiments
que la fausse science peut donner. — Vuillemot.
Ragoût d'olives à la Maillebois. — Vous mettez à la place
du noyau des belles olives d'Espagne ou de Provence que vous
avez tournées, une petite quenelle de farce maigre. Vous faites
cuire cette composition dans un jus de racines où vous ajouterez
du coulis de poisson avec un demi-verre de vin de Madère et
deux cuillerées de fine huile verte au moment de servir; ce
ragoût peut servir de garniture à certaines gibelottes de viandes
noires ou pour foncer des plats qui doivent contenir des oiseaux
maigres en entrée de broche,
OMELETTE.
Omelette aux fines herbes. — Cassez des œufs dans un sala-
dier, battez-les avec un fouet d'osier, mettez-y du persil, de l'es-
tragon, des appétits; battez-les jusqu'à ce que blanc et jaune
soient parfaitement mêlés ; versez dans le mélange un demi-verre
de crème et rebattez de nouveau ; puis quand votre beurre com-
mence à pétiller dans la poêle , versez-les dans le beurre ; les œufs
s'étendront en moussant dans toute la circonférence de la poêle;
alors, avec une fourchette, vous ramènerez sans cesse la circonr-
férence au centre, en ayant soin que l'omelette reste liquide et
que la chair ne s'en épaississe point. Vous aurez un plat beurré
de beurre aussi frais que possible, sur lequel vous aurez semé des
fines herbes nouvelles et fraîches ; versez votre omelette dans ce
plat et servez-la baveuse.
Excusez le mot, mais chaque art a sa langue qu'il faut parler
pour se faire comprendre des adeptes.
Omelette au sucre, — Fouettez des œufs, mettez-y de Pécorce
de citron hachée menu, un peu de crème, du lait et du sel; le
tout bien battu, faites l'omelette avec de bon beurre frais; avant
de la verser sur le plat, sucrez-là; quand vous l'avez mise sur
l'assiette, ayez un fer rouge, saupoudrez de sucre votre omelette,
glacez-la, et servez-la chaudement.
Omelette de champignons à la crème, — Faites un ragoût
de champignons coupés en dés; battez ensuite des œufs avec du
persil et sel; brouillez des champignons avec les œufs, puis
faites l'omelette à l'ordinaire; liez le ragoût de champignons
OMELETTE.
773
avec trois jaunes d'œufs et de la crème, et servez sur Tomelette.
On peut faire de semblables omelettes aux mousserons et
morilles à la crème, aux petits pois à la crème, aux pointes d'as-
perges à la crème, aux fonds d'artichauts, apprêtés de même.
On fait encore des omelettes aux truffes blanches, à la
crème, aux truffes noires, aux épinards et à Toseille.
Omelette au thon de Brillât-Savarin, — Prenez pour six
personnes, deux laitances de carpe bien lavées que vous ïeret
blanchir en les plongeant pendant cinq minutes dans Teau déjà
bouillante et légèrement salée.
Ayez pareillement gros comme un œuf de poule de thon
nouveau, auquel vous joindrez une petite échalote déjà coupée
en atomes.
Hachez ensemble des laitances et le thon , de manière à les
bien mêler, et jetez le tout dans une casserole avec un morceau
suffisant de très-bon beurre, pour Ty sauter jusqu'à ce que le
beurre soit fondu.
C'est là ce qui constitue la spécialité de l'omelette.
Prenez encore un second morceau de beurre à discrétion,
mariez- le avec du persil et de la ciboulette, mettez-le dans un
plat pisciforme destiné à recevoir l'omelette; arrosez-le d'un jus
de citron et posez-le sur la cendre chaude.
Battez ensuite douze œufs (les plus frais sont les meilleurs);
le sauté de laitance et de thon y sera versé et agité de manière
que le mélange soit bien fait.
Confectionnez ensuite l'omelette à la manière ordinaire et
tâchez qu'elle soit allongée, épaisse et mollette. Etalez-la avec
adresse sur le plat que vous avez préparé pour la recevoir, et
servez pour être mangée de suite.
Ce mets doit être réservé pour les déjeuners fins, pour les
réunions d'amateurs où l'on sait ce que l'on fait et où l'on mange
posément; qu'on l'arrose surtout de bon vin vieux, et on verra
merveilles.
Omelette arabe. — J'ai dit que ma première préoccupation
en écrivant ce livre, était de faire la cuisine des peuples qui
n'en avaient point. Voici par exemple une recette que m'a bien
voulu donner le cuisinier du Bey.
774
OMELETTE.
Les œufs d'autruches et de flamands pleins et à Tétat de
fraîcheur, se trouvent maintenant à peu près partout, grâce
aux sociétés d'acclimatation qui se sont fondées même dans les
villes secondaires. Ainsi l'œuf d'autruche se vend aujourd'hui
I franc, et contient à peu près la valeur de dix œufs de poule.
Voici comment se fait l'omelette arabe.
Émincer un oignon frais, le mettre dans une poêle avec un
demi-verre d'huile d'olive, le feire revenir sans le colorer, mais
lui adjoindre les chairs de deux gros poivrons doux, après les
avoir fait griller quelques minutes pour en retirer la peau, ajou-
tez deux bonnes tomates pelées, égrenées et coupées en petits
morceaux; assaisonnez ce premier appareil avec un peu de sel, une
pointe de cayenne, faire réduire l'humidité des tomates, retirer
la poêle du feu et adjoindre à ce qu'elle contient les filets de
quatre anchois.
D'autre part, frottez le fond d'une terrine avec une gousse
d'ail , percez un œuf d'autruche ou de flamand par les deux
bouts, afin d'en faire sortir, en soufflant, le jaune et le blanc, en
les faisant tomber dans la terrine ; les assaisonner et les battre
avec un fouet; verser le quart d'un verre d'huile dans une poêle
à omelette ; quand elle est bien chaude, verser les œufs dans la
poêle ; lier l'omelette et lui adjoindre l'appareil préparé ; la
retourner en la laissant plate, l'arroser encore avec un peu
d'huile, et deux secondes après la glisser sur un plat rond.
Omelette aux tomates à la provençale. — Procurez-vous trois
ou quatre bonnes tomates bien mûres et à chair ferme; coupez-
les en carrés ; mettez dans une cassserole mince deux cuillerées
à bouche d'oignons hachés fins, faites-les revenir avec de l'huile
et du beurre, et quand ils sont de couleur blonde, adjoignez les
tomates ; faites cuire celles-ci à un feu vif, de façon à en réduire
l'humidité; assaisonnez-les, et, en dernier lieu, mêlez-leur une
cuillerée à bouche de persil haché avec une pointe d'ail ; cassez
huit ou dix œufs dans une terrine, assaisonnez -les et fouet-
tez-les.
Faites chauffer de l'huile dans une petite poêle à orrelette,
versez les œufs battus dans cette poêle, tournez-les avec une
cuiller, assemblez la masse en la ramenant sur le côté de la
OMELETTE.
?75
poêle opposé au manche de celle-ci, étalez alors les tomates
cuites sur le centre de Tomelette, et roulez celle-ci en porte-
manteau en fermant les issues avec soin; renversez-la sur un
un petit plat long.
On mêle parfois les tomates cuites avec les œufs, mais il
arrive souvent que leur âcreté fait tourner ou grener les œufs
à la cuisson; il est donc plus prudent de ne les mêler
qu'après.
Omelette au kirsch. — Battez dix œufs dans une terrine;
mêlez-leur un grain de sel, trois cuillerées à bouche de sucre,
une cuillerée de kirsch; faites chauffer dans une poêle
125 grammes de beurre, lui mêler les œufs, les lier en les tour-
nant ; aussitôt que l'omelette se dégage de la poêle, la rouler en
porte-manteau et la dresser sur un petit plat long; saupou-
drez-la avec du sucre en poudre et la glacez en appuyant sur sa
surface une brochette en fer rougie au feu pour former un décor
quelconque; faire chauffer le quart d'un verre de kirsch, le lier
avec trois cuillerées de marmelade d'abricots, et la verser dans le
fond du plat; cette omelette sucrée est excellente.
Omelette au Rhum. — Identiquement la même chose, seu-
lement mettez du rhum au lieu de kirsch.
Omelette aux fraises — Choisir de grosses fraises ananas
bien fraîches et bien parfumées; en retirer une vingtaine des
plus belles pour les couper en quatre et les mettre dans un bol
avec du sucre, un peu de zeste d'orange et deux cuillerées à
bouche de rhum; passez le reste des fraises au tamis fin;
faites-en une purée de la valeur d'un verre, sucrez-la à point,
ajoutez un peu de sucre à l'orange et faites-la refroidir sur la
glace.
Cassez dix œufs dans une terrine ; mêlez-leur deux cuille-
rées à bouche de sucre fin et deux cuillerées de bonne crème ;
battez le tout pendant quelques secondes avec un fouet.
Faites fondre dans une poêle 150 grammes de beurre fin;
quand il est chaud, adjoignez-y les œufs et liez l'omelette à
l'aide d'une cuiller; ramenez-la ensuite en avant de la poêle,
mettez les fraises coupées sur le milieu de l'omelette; pliez celle-ci
des deux côtés en lui donnant une jolie forme; saupoudrez-la
776 OMELETTE.
légèrement avec du sucre vanillé, et faites do votre omelette une
île au milieu de votre purée de fraises.
Omelette à la Noailles. — Mettez dans une casserole une
cuillerée de farine de riz ; délayez avec une. goutte de lait, met-
tez-/ deux jaunes d'œuf frais, délayez bien avec une chopine de
lait; ajoutez-y un demi-setier de crème douce, un morceau de
cannelle en bâton, du sucre à proportion, faites-les cuire sur un
fourneau, en remuant toujours. Quand cela commence à bouillir,
retirez-le et mettez-le refroidir; hachez-y de Técorce de citron
vert confite avec des biscuits d'amandes amères et d'autres bis-
cuits, un peu de fleur d'oranger; mêlez le tout avec de la crème,
ôtez le bâton de cannelle; prenez des œufs frais, fouettez les
blancs; remettez les jaunes en les fouettant toujours et y videz
la crème qui est préparée; mêlez le tout ensemble; frottez
partout de beurre une poupetonnière ou une casserole, videz-y
l'omelette et la mettez au four; lorsqu'elle est cuite, renver-
sez-la dans un plat et la servez chaudement pour entremets. On
peut, si l'on veut, la glacer avec du sucre et la pelle rouge.
Omelette à la moelle. — Pelez un quarteron d'amandes
douces, et une demi-douzaine d'amandes amères; pilez-les en les
arrosant d'un peu de lait et d'eau de fleur d'orange ; étant pilées,
ajoutez-y de l'écorce de citron vert hachée, quelques confitures
sèches, telles que abricots, pommes, et autres; mettez-y gros
comme le poing de moelle de bœuf, repilez le tout ensemble ,
délayez avec un demi-litre de crème, prenez des œufs, fouettez-en
les blancs, mettez les jaunes avec la pâte d'amande et de moelle
de bœuf pilée , mêlez le tout ensemble et y mettez un peu de
sel, frottez une poupetonnière, ou une casserole de beurre,
videz-y l'omelette, et la faites cuire au four; étant cuite, dres-
sez-la en la renversant sur un plat, glacez-la avec du sucre en
poudre et la pelle rouge, et la servez chaudement pour entremets.
Omelette aux huîtres. — Faites blanchir des huîtres dans
leur eau, nettoyez-les proprement une à une, passez les deux
tiers de ces huîtres dans une casserole avec du beurre, mouillez-
les d'un peu de leur eau et d'un peu de coulis, mettez-y du
poivre; il ne faut pas que ces huîtres cuisent trop, ce ragoût doit
être de bon goût.
OMELETTE.
777
Cassez des œufs, assaisonnez-les de sel et persil haché, ayez
des croûtons de pain de la grandeur d'une petite pièce , donnez
trois, quatre coups de couteau dans le tiers des huîtres qui restent;
mettez-les dans les œufs avec un peu de crème, battez le tout
ensemble, faites fondre du beurre dans une poêle, étant fondu
versez les œufs ; Tomelettc étant faite, rendez- la de la grandeur
du fond du plat, et la renversez sur une assiette. Le ragoût étant
prêt, faites un cordon autour de l'omelette, versez dessus le jus,
et servez chaudement pour entremets.
Omelette aux écrevisses. — Faites un ragoût de queues
d'écrevisses, de champignons et de truffes vertes ; ce ragoût étant
fait, hachez le tiers des écrevisses, cassez des œufs, mettez-y un
peu de crème et de persil haché, battez le tout ensemble , mettez
du beurre dans une poêle, faites Tomelette ; étant cuite, repliez-la
et dressez dans le plat que vous devez servir; veillez à ce que le
ragoût soit de bon sel, jetez-le sur Tomelette, et servez chaude-
ment pour entremets.
Omelette au sang. — (Voir les œufs au sang.)
Omelette farcie. — Prenez du blanc de chapon ou d'autre
volaille rôtie, hachez-le menu, mélez-y des foies gras, des truffes
et autre garniture, une fois le tout passé en ragoût et cuit, faites
Tomelette; avant de la dresser sur un plat, mettez une mie de
pain tout contre, ou de la croûte, versez ensuite dans la même
poêle le ragoût, et dressez l'omelette sur son plat avec adresse.
En servant cette omelette, on l'arrose d'un peu de jus, et
l'on veille à ce qu'elle ne refroidisse pas.
Omelette aux pommes. — (Recommandée aux amateurs
d'entremets simples, par M. Urbain Dubois, cuisinier de Sa
Majesté le roi de Prusse.)
Déposez dans une terrine deux cuillerées à bouche de
farine, mêlez-y un grain de sel, une cuillerée à bouche de
sucre, deux œufs, deux jaunes, et loo grammes de beurre fondu,
délayez cet appareil avec trois quarts de verre de bon lait tiède,
et le passez au tamis.
D'autre part, pelez et émincez cinq ou six pommes de rei-
nette, mettez-les dans une poêle avec 150 grammes de beurre,
chauffez en les sautant; aussitôt qu'elles sont bien chaudes, ver-
778 ORANGE.
sez l'appareil dessus, en l'étalant sur toute la surface du fond de
la poêle, et à mesure qu'il prend de la consistance; traversez
répaisseur de Tomelette avec la pointe d'un couteau, afin que
les parties liquides du dessus descendent au fond, dès qu'en agi-
tant fortement la poêle sur elle-même Tomelette peut se déta-
cher, coulez un peu de beurre dans le fond de la poêle, et sau-
poudrez la surface de l'omelette avec de la bonne cassonnade,
puis la renversez à l'aide d'un plat de même dimension que la
poêle ; placez de nouveau celle-ci sur le feu, et chauffez l'omelette
à feu assez vif, pour que le sucre du fond se glace ; c'est un point
qu'il importe de bien saisir , renversez l'omelette à l'aide d'un
plat, sa surface supérieure doit alors se trouver d'un beau glacé;
si cela n'était pas, c'est-à-dire si l'opération n'avait pas bien
réussi, il conviendrait de glacer le dessus de l'omelette avec la
pelle rougie au feu, puis de la glisser sur un plat, au centre
duquel sera disposée une assiette renversée; de cette façon, l'ome-
lette est plus apparente.
Omelette au four ^ au blond de veau, — Battez bien vos œufs,
avec persil, ciboules, sel, gros poivre, faites-en trois omelettes
que vous étendrez chacune sur trois couvercles de casserole;
quand elles seront à demi froides, mettez dessus une farce de
volatille cuite, roulez vos omelettes et les mettez sur un plat,
passez dessus un doroir trempé dans de bon beurre, pannes de
mie de pain, faites cuire de belle couleur au four, dtez-en la
graisse, servez avec une sauce un peu claire et bien finie de blond
de veau, pour entremets.
ORANGE. — Le fruit de l'oranger est globuleux, un
peu déprimé, d'un beau jaune doré, à écorce d'épaisseur
variable , dans laquelle la couche blanche inférieure n'est
pas charnue comme celle du citron , mais presque dépourvue
de saveur et en quelque sorte cotonneuse. Les gourmands de
l'ancienne Rome avaient en exécration l'odeur et la saveur des
oranges.
La meilleure est sans contredit celle dite Mandarine, qui
nous vient de la Chine; elle est moins grosse que nos billes de
billard, il y a des mandarines de la grosseur d'une noix, leur cou-
leur est d'un jaune tirant sur le rouge, leur écorce est fine et
ORGt.
779
possède un arôme approchant de celui du citron; leur chair est
très-sucrée et contient peu de jus.
On fait avec Torange une boisson très-rafraîchissante qu'on
appelle Orangeade. On mélange pour cela le jus de l'orange
avec celui du citron.
Orange musquée. — On donne ce nom à une poire qui
mûrit au commencement d'août. Elle est abondamment pourvue
d'une eau très-sucrée et d'un parfum tout] particulier. Elle est
classée parmi les meilleurs et les plus beaux fruits à la main.
Peu de personnes connaissent ce fait de courtisanerie du che-
valier Paul. Ce gentilhomme possédait, près de Toulon, un fort
beau jardin, rempli d'orangers en plein vent. Ayant été informé
que le roi Louis XIV devait venir les visiter, il imagina de con-
fire sur les arbres une partie des oranges. Le roi et toute sa cour,
qui ne s'attendaient pas à cette galanterie, en furent agréablement
surpris.
Ces oranges confites, mêlées confiisément avec d'autres qui
ne Tétaient pas, firent croire à plusieurs dames de la cour qu'en
Provence les oranges venaient toutes confites sur les arbres.
On sait comment la comtesse Dubarry 'pronostiquait la dis-
grâce de MM. de Choiseul et Praslin , qu'elle méditait depuis
longtemps. Elle prenait deux oranges dans la main et les faisait
sauter alternativement en l'air en les retenant avec adresse, comme
eût fait le plus habile jongleur, et en disant : « Saute Choiseul!
saute Praslin!... »
ORGE. — L'orge fut, au dire de Fleuri, la première céréale
cultivée pour la nourriture de l'homme; la farine qui provient
de ce grain ne contient presque pas de gluten, mais beaucoup
de fécule unie à une substance mucilagineuse, ce qui fait qu'elle
ne peut produire qu'un pain fort indigeste et très-peu savou-
reux.
L'orge, dépouillé de sa pellicule, peut* être employé à la
place du riz. On s'en sert beaucoup en Allemagne pour garnir
des potages et composer des entremets.
Potage à l'orge perlé. — Il faut faire tremper l'orge dès
la veille dans l'eau froide, égouttez-le et faites-le crever dans ce
bouillon ; prolongez l'ébuUition pour que le bouillon se charge de
78o OREILLES.
tout ce qui est soluble. Passez avec expression et vous aurez un
potage qui nourrit légèrement et qui rafraîchit ; il convient beau-
coup aux convalescents*
Pour la crème d'orge à Teau ou au lait, on procède de la
même manière ; on passe avec expression et on ajoute du sucre ou
du sirop de capillaire.
ORONGE. — Champignon qui partage, avec le cèse, les
hommages des gourmands de tous les pays ; ces cryptogames ne
sont pas toujours vénéneux, mais doivent toujours être suspectés.
Oronges franches ou jaune d'œuf. — Champignon remar-
quable par sa couleur jaune d'œuf et par sa taille de sept à
huit pouces. Ayant un grand chapiteau, la couleur s*éclaircit peu
à peu ; elle devient d'or dans sa maturité, le chapiteau se fend et
s'entr'ouvre; l'intérieur n'en est pas blanc, comme celui des
autres champignons. La pulpe en est âne, assez ferme, délicate,
serrée et semblable à celle de l'abricot. Il croît dans le Midi et
les lieux tempérés. On peut confondre la fausse oronge avec ce
champignon, ce qui arriva à la princesse de Conti, qui courut
risque d'en mourir. L'oronge a la chair et les feuillets jaunes,
la fausse oronge les a blancs. La fausse, en naissant, est couleur
de feu ; sa tige est cylindrique et droite. Apicius a laissé une
recette pour manger l'oronge : il la faisait cuire dans du vin avec
de la coriandre, du miel, de l'huile et des jaunes d'œufs; l*huile
d'olive est sa meilleure préparation.
Oronges au gratin, — Choisir deux douzaines d'oronges
bien fraîches, en supprimer la queue, les nettoyer, les mettre
dans une grande poêle avec de Thuile et une gousse d'ail, les
assaisonner et les sauter sur le feu jusqu'à ce qu'elles soient
sèches; les prendre alors avec une fourchette, les dresser par
couches dans un plat à gratin, saupoudrer chaque couche avec les
queues des oronges hachées, mêlées avec du persil haché et de
la mie de pain ; les arroser avec un peu d'huile, les cuire au fbur
modéré pendant vingt minutes. En les sortant, les arroser avec
un peu de bon jus lié, surtout ajouter des piments en poudre.
OREILLES (recette d'Urbain Dubois, chef de Leurs Majes-
tés Royales de Prusse). — Nom d'un grand nombre de champi-
gnons du genre agaricus, boletus^ tremella et pe^i^a, à cause de
ORTOLAN. 781
leur ressemblance avec cet organe ; telles sont Toreille d'âne et
d'ours, la brune ou coquillière, V oreille de chardon^ enfin, que les
Provençaux et les Languedociens mangent après les avoir apprê-
tées avec de l'huile, du sel, du poivre, du persil et de Tail.
Oreilles, — (V. Agneau, Porc^ B^euf, etc.)
ORTOLAN. — Un jour ce dialogue s'échangeait entre
Antoni Deschamps, grand poëte et philosophe pythagoricien, et
Elzéar Blaze, chasseur comme Nemrod et spirituel comme
Méry :
— Croyez-vous, demandait Antoni Deschamps à Blaze, qu'il
soit permis à l'homme de tuer une perdrix, un becfigue, un
ortolan, un de ces charmants oiseaux enfin qui ne font de mal à
personne et dont la vue et le chant nous réjouissent Tœil et
Toreille?
— Certainement, répondit Blaze, quand l'homme est muni
d'un port d'armes, que la chasse est ouverte et qu'il chasse
sur des terres qui sont à lui, ou sur lesquelles il a permission
de chasser*
— Vous ne comprenez pas. Je vous demande si vous pensez
que l'homme, réunissant d'ailleurs les conditions indiquées, ait le
droit de tuer une perdrix, un becfigue, un ortolan, créatures
inoffensives, faites, comme lui, de la main du Seigneur }
— Oui, sans doute, mais à la condition qu'il les mangera.
— On peut donc manger les perdrix, les becfigues et les
ortolans ?
— Avec délices, s'ils sont cuits à point.
— Mais l'abbé de Saint-Pierre... mais Pythagore...
— Disent le contraire, je le sais. Tant pis pour eux, nous
devons les plaindre. Écoutez-moi, je pose ce dilemme : ou nous
devons manger les animaux, ou les animaux doivent nous
manger.
— Vous avez peur que les perdrix ne vous mangent?
— Écoutez. Les perdrix font par an. Tune dans l'autre,
vingt ou vingt-cinq petits. Restez dix ans sans en tuer, et leur
nombre égalera celui des guêpes et des moucherons : alors, plus
de blés, plus d'avoine, plus de raisin. Mangeons donc des per-
drix, puisqu'il nous faut des chevaux; mangeons des perdrix,
j%2 ORTOLAN.
puisque nous aimons le vin de Bourgogne , et par la seule raison
que nous ne pouvons nous passer de pain, mangeons des perdrix*
Ce droit de manger des perdrix nous vient de Dieu lui-même,
qui, lors de la création, dit à Adam, notre aïeul à tous, et après
le déluge à Noé, notre grand-père : a Vous serez maître de tous
les animaux, » Manui vestrœ traditi sunt. C'est-à-dire je les
livre à votre main. Pourquoi faire > pour que notre main les
porte à notre bouche, bien entendu. Ainsi, mangez tout ce qui
vous paraîtra bon. L'homme n'est pas fait pour brouter l'herbe;
ses dents vous le prouvent. Pythagore, l'abbé de Saint-Pierre
étaient de fort honnêtes gens ; mais ils n'entendaient rien à la
cuisine. Laissez-les dire et mangez toujours. D'ailleurs, il est
positif que si l'on écoutait tout le monde, on ne mangerait
personne.
Je ne sais pas si Antoni fut bien convaincu par la logique de
Blaze; mais ce que je sais, c'est qu'il continua de manger, et qu'à
une table où il était,* il faisait très-bien sa partie, quoiqu'il eut
affaire à un plat d'ortolans. Il est vrai que c'étaient des ortolans
à la toulousaine, et que les Toulousains ont une manière à eux
de savoir les engraisser mieux que personne, et quand ils veulent
les manger, de les asphyxier en leur plongeant la tête dans du
vinaigre très-fort, mort violente qui tourne à l'avantage de la
chair.
Ortolans à la toulousaine, — Plumez vos ortolans, suppri-
mez-en la poche, flambez-les légèrement, frottez-les avec un
demi-citron ; enfilez-les à une petite brochette de fer, envelop-
pez-les d'une couche de beurre manié d'un peu de jus de citron;
saupoudrez-les sur toutes les surfaces avec de la mie de pain et
faites-les rôtir à feu vif pendant sept ou huit minutes, arrosez-
les avec le beurre qui coule dans la lèchefrite. Au dernier
moment, salez-les, débrochez-les, dressez-les sur un plat bien
chaud, recouvrez-les avec la graisse de la lèchefrite et envoyez-
les aussitôt à table avec des citrons coupés. Mais ajoutez quelques
croûtes de pain.
Ortolans en caisses, — Préparez et flambez douze ortolans,
ayez douze petites caisses, que vous huilerez et passerez au four.
Mettez dans le fond de chaque caisse une cuillerée de sauce
ORTOLAN. 783
Périgueux très-réduite; posez les ortolans dans les caisses, faites^
les cuire et resaucez d'une sauce Périgueux.
Ortolans à la provençale. — Prenez autant de grosses truffes
que vous en pourrez trouver; prenez autant d ortolans que vous
aurez de truffes, coupez vos truffes en deux, creusez-y une place
pour votre ortolan^ placez-le, enveloppé d'une double barde
très-mince de jambon cru, légèrement humectée d'un coulis
d'anchois ; garnissez vos truffes d'une fatce composée de foies
gras et de moelle de bœuf : liez-les de façon à ce que vos orto-
lans n'en puissent sortir. Rangez vos truffes garnies d'ortolans
dans une casserole à glacer; mouillez avec une demi-bouteille de
vin de Madère et même quantité de mirepoix ; faites cuire pen-
dant vingt minutes à casserole couverte; égouttez les truffes, pas-
sez le fond à travers le tamis de soie, dégraissez et faites réduire
de moitié; ajoutez de l'espagnole et faites réduire jusqu'à ce que
la sauce masque la cuiller, passc^-lez à l'étamine, dressez vos
truffes en buisson, et servez la sauce à part>
Nous avons dit ailleurs comment se mangeaient les ortolans,
les becfigues, et généralement tous les petits pieds dont le crou-
pion est le meilleur morceau.
Terrines d'ortolans. — Hachez en portions égales la chair
d'un ou deux perdreaux et de la panne de porc; ne vous con-
tentez pas de hacher, mais assaisonnez et pilez, jusqu'à ce que la
pâte soit bien lisse, coupez les cous et les pattes des ortolans,
étendez une couche de farce dans la terrine, semez dessus de la
truffe.
Rangez sur votre farce un lit d'ortolans que vous assaisonnez
de sel épicé; mettez une seconde couche de farce sur laquelle
vous semez de nouveau des truffes; couchez une autre rangée
d'ortolans que vous assaisonnez comme la première. Finissez par
une couche de farce et de truffes, couvrez de bardes de lard,
mettez une feuille de laurier dessus, couvrez la terrine et faites
cuire.
Ortolans sous la cendre (recette Vuillemot). — Prenez douze
ortolans', videz-les, flambez-les ; garnissez l'intérieur de quatre
foies de volaille pilée et pilez du foie dans un mortier ; assaison-
nez le foie de sel, poivre^ muscade et fines herbes ; farcissez Tin-
784 OSMASOME.
teneur des ortolans, enveloppez-les d'une bande de lard, prenez
du papier à beurre que vous beurrez, enveloppez chaque orto-
lan de ce papier, mettez-les cuire sous la cendre rouge. Vingt-
cinq minutes suffisent pour la cuisson. Servez chaudement.
OSEILLE. — Plante potagère qui doit sa saveur à la pré-
sence de l'acide oxalique, et qui est utile aux cuisiniers et aux
médecins. On s'en sert pour faire des potages et des puçées.
Purée d'oseille au maigre. — Vous hachez ensemble de
l'oseille, de la poirée, de la laitue et un peu de cerfeuil ; mettez
à sec dans une casserole, en remuant toujours, jusqu'à ce que
les herbes soient bien fondues. Ajoutez un bon nïorceau de beurre
et tournez jusqu'à ce que l'oseille soit bien passée; assaisonnez
de sel et gros poivre; versez dans l'oseille une liaison avec trois
jaunes d'œufs et de la crème.
Purée d'oseille au gras. — Vous faites fondre l'osetUe
comme il est indiqué ci-dessus; puis, quand elle est bien fondue,
vous ajoutez du beuA-e et tournez jusqu'à ce qu'il commence à
frémir; mouillez avec du jus un fond de cuisson, du jus de rôti
ou du bouillon réduit, et servez-vous de cette farce en guise de
litière.
OS. — Les os contiennent une très-forte partie de gélatine
et un peu de phosphate de chaux. Les os qu'on fait bouillir ne
perdent leur gélatine que par leur surface et jusqu'à une
'petite profondeur; il faut donc multiplier les surfaces pour en
extraire davantage, et on le fait en brisant les os. Cette gékiiiie
n'est pas mélangée d'osmazôme, mais elle est bonne dans le
bouillon, où la présence de viande contenant toujours une quan-
tité suffisante d'osmazôme donne à ce bouillon une grande pro-
priété nutritive.
Dans les viandes rôties, les propriétés de l'osmazAme sont,
paraît-il, exaltées par le feu, ou peut-être s'en forme-t-il de
nouvelles aux dépens de quelques autres principes ; ce qu'il 7 a
de certain, c est que lorsqu'on ajoute au pot-au-feu quelques
débris de viandes rôties, le bouillon est beaucoup plus sapide que
par l'emploi des viandes crues.
OSMAZOME. — On donne ce nom au résidu qu'on obtient
en faisant bouillir des substances animales, et particulièrement
OURS. ygy
la viande dans l'eau, qu'on précipite par l'alcool, la gélatine pro-
venant de la décoction, et qu'on soumet le précipité à l'évapora-
tion. L'osmazôme est d'un brun jaunâtre ; chaufFée, sa saveur et
son odeur rappellent celles du bouillon. C'est elle, du reste, qui
donne le parfum au bouillon, qui en contient ordinairement une
partie pour SL»pt de gélatine.
OURS. — Il y a peu d'hommes de notre génération qui ne
se rappellent l'effet que produisirent les premières Impressions
de Voyage, quand on y lut (dans la Revue des Deux Mondes ou
la Revue de Paris), l'article intitulé : Le Beefsteack d'ours. Ce fut
un cri universel contre le hardi narrateur qui osait raconter qu'il
y avait des endroits dans l'Europe civilisée où l'on mangeait de
l'ours.
Il eût été plus simple d'aller chez Chevet, et de lui deman-
der s'il avait des jambons d'ours.
Il eût demandé sans étonnement aucun : Est-ce un gigot
du Canada, est-ce un gigot de Transylvanie, que vous désirez ?
Et il eût donné celui des deux gigots qu'on lui eût demandé.
J'aurais pu, à cette époque, donner aux lecteurs le conseil
que je leur donne aujourd'hui, mais je m'en gardai bien; il se
faisait du bruit autour du livre, et c'était, à cette époque où
j'entrais dans la carrière littéraire, tout ce que je demandais.
Mais, à mon grand étonnement, celui qui eût dû être le
plus satisfait de ce bruit, l'aubergiste de Martigny, en fut
furieux ; il m'écrivit pour me faire des reproches, et il écrivit aux
journaux afin qu'ils eussent à déclarer en son nom qu'il n'avait
jamais servi d'ours à ses voyageurs ; mais sa fureur alla toujours
augmentant, chaque voyageur qui arrivait chez lui lui deman-
dant pour première question :
« Avez-vous de l'ours? »
Si l'imbécile eût eu l'idée de répondre oui, et de faire man-
ger de l'âne, du cheval ou du mulet au lieu d'ours, il eût fait sa
fortune. .
Depuis, nous nous sommes fort civilisés; le jambon d'ours
e%i devenu un mets qu'on ne rencontre pas chez tous les mar-
chands de salaisons, mais qu'on peut se procurer sans trop de
peine.
^86 OURS.
— — i—
L'ours brun se trouve communément dans les Alpes ; Fours
gris, le plus implacable de tous, qui force à la course le cheval
d'abord, le cavalier ensuite, se trouve en Amérique. 11 y a dans
le Canada et en Savoie des ours rougeàtres, qui ne mangent pas
de chair, mais qui sont si friands de miel et de lait, qu'ils se
feraient plutôt tuer que de lâcher prise quand ils tiennent un
gâteau de miel ou une cruche de lait. Les noirs n'habitent guère
que les pays froids. Les forêts et les campagnes du Kamtschatka
sont pleines d'ours qui n'attaquent qu'autant qu'ils sont eux-
mêmes attaqués; et, chose singulière, ils ne font jamais de
mal aux femmes^ qu'ils suivent cependant pour leur dérober les
fruits qu'elles ramassent.
Lorsque les Jacoutes, peuples de la Sibérie, rencontrent un
ours, ils ôtent leur bonnet, le saluent, l'appellent chef, vieillard
ou grand-papa, et lui promettent de ne pas l'attaquer ni de ne
jamais dire du mal de lui. Mais s'il fait mine de vouloir se jeier
sur eux, ils tirent sur lui, et, s'ils le tuent, ils le coapent en
morceaux, le font râtir et s'en régalent, en répétant sans cesse :
Ce sont les Russes qui te mangent et non pas nous ^
La chair de l'ours est mangée aujourd'hui par tous les
peuples de l'Europe. Dès l'antiquité, on regardait les pieds de
devant comme la partie la plus délicate de l'animal ; les Chinois
les estiment beaucoup, et en Allemagne, où la chair de l'ourson
est très estimée, les pieds de devant font les délices des gcns^
riches.
Voici, d'après M.Urbain Dubois, cuisinier de Leurs Majes-
tés prussiennes, comment ces pieds se servent à Moscou, à Saint-
Pétersbourg et par toute la Russie : les pattes s'y vendent tout
écorchées; on commence par les laver, les saler, les déposer dans
une terrine, les couvrir avec une marinade cuite au vinaigre, les
faire macérer pendant deux ou trois jours; foncer une casserole
avec des débris de lard et de jambon ainsi que des légumes émin-
cés ; puis on range les pattes d'ours sur les légumes ; on les mouille
à couvert avec leur marinade et du bouillon ; on les couvre
avec des bardes de lard ; on les fait cuire pendant sept à huit
I. A. -F. Aulagnier, Dictionnaire des Aliments et des Boissons^
OUTARDE 7«7
heares à un feu très doux en allongeant le mouillement à mesure
qu'il réduit; quand les pattes sont cuites, on les laisse à peu près
refroidir dans leur cuisson ; on les égoutte, on les éponge, on les
divise chacune en quatre parties en leur longueur; on les sau-
poudre avec du cayenne, on les roule dans du saindoux fondu, on
les panne et on les fait griller une demi-heure à feu très-doux,
puis on les dresse sur un plat au fond duquel on a versé une
sauce piquante réduite et finie avec deux cuillerées de gelée de
groseille. Laissons parler Vuillemot :
« J'en ai arrangé souvent en mon restaurant de la Made-
leine et que Ton trouvait bons. Ce mets me rappelle que M. le
baron d'OTémont, un de mes clients, me fit cadeau de la cuisse
d'un ours qu'il avait tué, disait -il, dans les Pyrénées. Tout
naturellement, je mets en montre le quartier d'ours avec une
édquette portant : •« Tué à telle époque dans les Pyrénées par
« M« le baron d*OfFémont. » Plusieurs de ses amis le plaisan-
tèrent sur cette chasse qui était fictive : cette partie d'ours
avait été donnée au baron auprès de qui je tombai en disgrâce à
cause de ma divulgation malencontreuse. Je reconquis plus tard
sa faveur et nous parlâmes souvent de l'hypothétique chasse à
Tours, w
OURSIN. — Coquillage rond, appelé aussi châtaigne de
mer^ son aspect étant absolument celui de la châtaigne dans sa
coque encore garnie de ses piquants. Ses piquants lui servent de
pieds, et quand ils sont usés, l'animal roule comme une bille. A
Touverture de ce crustacé, se trouve un petit animal rouge, de
saveur salée, c'est le propriétaire de la maison ; ses œufs, d'un
jaune foncé, sont attachés aux parois intérieures de la coquille;
sa saveur est à peu près celle des écrevisses; ceux que cette espèce
de purée vivante ne dégoûte pas, le mangent comme un œuf à la
mouillette.
Les meilleurs oursins sont ceux de la Méditerranée; ils pré-
voient les tempêtes et y résistent en s'attachant aux plantes
marines les plus vigoureuses; ils font le vide au moyen des ven-
touses qui sortent de leurs piquants, et dont on a compté plus de
douze mille.
OUTARDE. — L'outarde est le plus grand oiseau de nos
788 ' OUTARDE.
climats; ses ailes, quoique peu proportionoées au poids de son
corps, peuvent cependant l'élever et la soutenir quelque temps
en Tair ; mais cet oiseau ne peut prendre sa volée qu'avec beau-
coup de peine et après avoir parcouru un certain espace les ailes
étendues. Ils passent régulièrement en France au printemps et à
l'automne. On en apporte aux marchés de Paris, venant de la
la Picardie et de la Champagne. Sa chair, celle des jeunes sur-
tout, est excellente : les cuisses sont préférées par les gour-
mets.
Outarde à la daube. — Laissez mortifier Toutarde plusieurs
jours; plumez-la, videz-la, coupez les ailes rondes comme les
pattes; détachez les cuisses de la carcasse et celle-ci de l'esto-
mac ; lardez les chairs des cuisses, de Testomac, avec de gros
filets de jambon cru; assaisonnez ces viandes, déposez-les dans
une terrine, arrosez-les avec deux verres de vinaigre et faites-les
macérer pendant vingt-quatre heures ; masquez une marmite en
fer au fond et autour avec des bardes de lard ; rangez au fond
quelques petits oignons avec des aromates, deux pieds de veau
dessous et blanchis avec grande pointe et clous de girofle; sur
ces viandes, placez les carcasses, les cuisses et Testomac de Fou*
tarde, après les avoir égouttés à la marinade; mouillez ces viandes
à moitié de hauteur avec du vin blanc; masquez-les avec du
lard et faites réduire le liquide pendant quelques minutes; cou-
vrez hermétiquement la marmite avec un papier ordinaire, entou-
rez le vase jusqu'à moitié de hauteur avec des cendres chaudes
et du feu; cuisez les viandes pendant six ou sept heures, selon
leur tendreté ; enlevez-les avec soin pour les dresser sur un grand
plat avec des pieds de veau et des légumes ; dégraissez ce fond
de cuisson, et versez-le sur les viandes en le passant.
p
PAIN. — Dans la plupart des pays civilisés, la nourriture
de l'homme se compose en grande partie de pain que Ton pré-
pare suivant les productions du pays, soit avec du froment, ou
avec du seigle, du maïs, etc.
Pour que la farine puisse fournir un pain convenable, il faut
qu'elle contienne une assez grande proportion de gluten, et plus
elle en contiendra, plus le pain sera supérieur. Lorsque la pâte
de farine, convenablement préparée, est abandonnée à elle-même
dans des circonstances convenables, il s'y développe une fermen-
tation alcoolique qui donne lieu au dégagement d'une quantité
de gaz acide carbonique ; le gluten que renferme cette pâte for-
mant un réseau extensible, retient en grande partie le gaz car-
bonique qui soulève ainsi la masse et la rend légère et poreuse;
quand ensuite la cuisson la solidifie, cette pâte reste avec les
mêmes caractères et fournit un bon pain. Le gluten, réparti dans
la farine, s'imbibe d'eau et forme une espèce de membrane qui
donne à la pâte du froment l'élasticité qui la caractérise; c'est
elle également qui retient le gaz que produit la fermentation.
On dit communément que le pain, pour être bon à manger,
doit avoir un jour; que la farine, pour faire la pâte, doit avoir
un mois; et que le grain doit avoir un an avant de le faire
moudre ; mais pour tout le monde, le pain est généralement bon
lorsqu'il est tendre et tout à fait refroidi. Il n'y a guère que le
pain de millet qui soit bon chaud.
1
790 PAIN.
Quoique la panification systématique ne soit pas du ressort
de la cuisine, nous croyons devoir donner quelques notions pré-
cises et succinctes sur la théorie du boulanger. On trouve partout
du blé, de la levure et de la farine de froment; mais il y a des
pays où le pain fabriqué par les nationaux n'est pas mangeable,
et un de nos amis, M. Drouet, sculpteur, qui a beaucoup voyagé
dans quelques-uns de ces pays, nous disait un jour qu'il avait été
obligé pendant très-longtemps de manger des pommes de terre au
lieu de pain, ce dernier étant détestable.
La qualité du pain, comme nous Tavons déjà dit plus haut,
dépend de sa levure et de sa cuisson, mais principalement de sa
levure; c'est à elle qu'on doit toujours attribuer son plus ou
moins de bonté. L'opération de la levure consiste à garder un
peu de pâte jusqu'à ce que par une sorte de fermentation spiri-
tueuse qui lui est particulière, elle se soit gonflée, raréfiée et ait
acquis une odeur et une saveur qui ont quelque chose de vif, de
piquant et de spiritueux mêlé d'aigre. On pétrit exactement cette
pâte fermentée avec la pâte nouvelle, et ce mélange détermine
promptement cette dernière pâte à éprouver elle-même une
pareille fermentation , mais moins avancée et moins complète que
celle de la première. Veffet de cette fermentation est de diviser,
d'atténuer la pâte nouvelle, d'y développer beaucoup de gaz qui,
ne pouvant se dégager entièrement à cause de la ténacité et de la
consistance de la pâte, y forment de petites cavités, la soulèvent,
la dilatent et la gonflent, ce qui s'appelle la faire lever, et c'est par
cette raison qu'on a donné le nom de levain à la pâte ancienne
qui détermine tous ces effets.
Lorsque la pâte est ainsi levée, elle est en état d'être mise au
four oii, en se cuisant, elle se dilate davantage par la raréfaction
des gaz ; et puis elle forme un pain léger, complètement différent
de ces masses lourdes, compactes, visqueuses et indigestes que
donnent la cuisson de la pâte qui n'est pas bien levée.
L'invention d'appliquer à la fermentation de la pâte la levure
de bière ou le résidu des vins de grains, a procuré encore une
nouvelle matière très-propre à améliorer le pain ; c'est l'écume
qui se forme à la surface de ces liqueurs pendant la fermentation
dont on use en guise de levain ; cette écume introduite et délayée
PAIN. 791
dans la pâte de farine la fait lever encore mieux et plus prompte-
ment que le levain ordinaire ; elle se nomme levure de bière ou
simplement levure, et nous en avons parlé à son article. C'est par
son moyen qu'on fait le pain plus délicat qui se nomme pain
mollet. Il arrive souvent que le gros pain qui a été fait avec du
levain de pâte a une saveur tirant sur l'aigre, ce qui est très-désa-
gréable ; cela peut tenir à ce que Ton a mis dans le pain une trop
grande quantité de levain ou de ce que la fermentation du même
levain était trop avancée. On ne remarque jamais cet inconvé-
nient dans le pain fait avec la levure, ce qui vient apparemment
de ce que la fermentation de la levure est moins avancée que
celle du levain, ou qu'on met plus de sollicitude à la fabrication
du pain mollet qu'à celui du pain de ménage.
Le pain bien levé et cuit à propos diffère donc absolument
d'un pain mal fabriqué, non-seulement parce qu'il est beau-
coup moins compacte et d'une saveur plus agréable, mais encore
parce qu'il se trempe aisément et qu'il ne fait pas, quand on
l'imbibe,. une colle visqueuse, ce qui est d'un avantage infini pour
la disgestion.
Quant au sel que Ton ajoute à la pâte, il ne sert pas seule-
ment à donner du goût au pain, mais il exerce encore une action
en déterminant une plus grande absorption d'eau par la farine ^
et quelques autres sels offrent cette action à un plus haut degré^
mais dans de très-petites proportions seulement; au delà de cer-
taines limites, ces sels empêchent la pâte de lever aussi bien.
Le levain et le sel offrent donc de grands avantages dans la
panification ; ces deux ingrédients consomment tout ce qu'il y a
d'impur, donnent à la farine une espèce de cuisson anticipée et à
la masse une consistance plus ferme.
Le peuple français est, comme on le sait, celui qui con-
somme le plus de pain, et c'est sans doute pour cela qu'il y
règne moins de maladies; avantage que plus d'un médecin attri-
bue à l'usage que nous avons de manger beaucoup de pain à nos
repas.
Il n'en est pas de même chez les Anglais et les Allemands,
dont la principale nourriture est la viande ou les pommes de
terre; cela ne veut pas dire que ce régime alimentaire est constam-
7^2 P A IN.
ment mauvais, mais il est souvent la cause de maladies putrides.
Un Parisien se trouvant un jour dans une ville d'Allemagne
se trouva invité à diner par un de ses amis.
A six heures^ il était chez son ami; il vit une table somp-
tueusement servie pour une douzaine de personnes à pea près,
mais ce qui le frappa le plus, ce fut la petitesse des morceaux
de pain qui se trouvaient sous chaque serviette.
Au bout d'un quart d'heure d'attente, ne voyant arriver
aucun convive et sentant la faim le presser vivement, il se dit :
— Ma foi, je suis chez un ami, je n'ai pas beaucoup à me
gêner avec lui , je vais manger ce petit morceau de pain , cela
me permettra d'attendre les convives , qui ne peuvent tarder à
arriver.
Il prit donc un morceau de pain et le mangea.
Un autre quart d'heure se passa, il ât la même réflexion que
la première fois, et mangea deux morceaux de pain , n'ayant rien
autre chose à manger.
Enfin, son ami et ses invités n'arrivant encore pas, il finit
par manger, toujours en attendant, tout le pain qui se trouvait
sur la table, de sorte que lorsque les convives arrivèrent, ils n'en
trouvèrent plus; et le Parisien leur ayant raconté que c'était lui
qui avait tout mangé, ils rirent beaucoup et lui demandèrent
comment il avait pu faire pour en avaler autant.
Quant à eux, ils s'en passèrent parfaitement, cela ne les
gênant pas, et les douze morceaux de pain avalés par lui n'em-
pêchèrent pas non plus notre compatriote de faire honneur au
dîner de son ami.
L'arrivée tardive des convives fut expliquée alors; on soupe
en Allemagne à huit heures, et le Parisien ayant l'habitude de
dîner à six, était venu à son heure habituelle sans s'inquiéter si
c'était bien l'heure du repas.
Moyen de faire la levure avec des pommes de terre. —
Faites cuire des pommes de terre farineuses jusqu'à ce qu'elles
soient bien molles; pressez, écrasez-les et versez-y assez d'eau
chaude pour leur donner la consistance de la levure de bière
ordinaire, ajoutez pour une livre de pommes de terre deux onces
de mélasse, et quand le tout est chaud^ ajoutez-y pour chaque
PAIN.
793
livre de pommes de terre deux grandes cuillerées à soupe de
l»ère. Gardez le tout chaudement jusqu'à ce qu'il ait cessé de
fermenter ; et en vingt-quatre heures il sera prêt à être mis en
usage. Une livre de pommes de terre produit environ une pinte
de levure, et elle se conserve trois mois. Cette levure remplit si
bien le but qu'on ne peut distinguer le pain qui en contient de
celui qui est fait avec de la levure de bière (Edlin).
« Je crois rendre service à mon état, dit M. Carême,
en donnant la méthode de faire le pain d'après les procédés de
M. Edlin.
« Les hommes de bouche qui voyagent avec des maitres
amateurs de bonne chère pourront désormais, à l'aide de cette
méthode, se procurer du pain frais tous les jours. Cependant nous
pourrons en user ainsi toutes les fois que notre service de cuisine
n'en soiiârira en aucune manière. Or, quand nous habiterons une
campagne éloignée ou que les boulangers de province nous donr
neront du pain de mauvaise manipulation , c'est alors que nous
«erofls heureux de pouvofir offrir à ceux que nous sommes spé-
cialement chargés de bien faire vivre, du pain qui ne le céderait
en rien à celui de nos boulangers de Paris. Cela serait fort
aimable pour les maîtres, j'en conviens, mais peut-être fort déplai-
sant pour nous, car le même homme ne peut être à la fois cuisi-
nier et boulanger, mais il doit en charger son aide et le surveil-
ler dans l'opération, à moins que ce ne soit un aide -pâtissier;
al<Mrs celui-là doit être l'homme de la chose. »
Comme il y a encore dans les campagnes beaucoup de
paysans qui font leur pain eux-mêmes, nous allons donner la
méthode la plus simple de le faire. .
Méthode pour faire le pain. — Vous mettez la quantité de
farine que vous voulez, suivant ce qu'il vous faut de pain ;
^Elites une fontaine au milieu, et vous mettez dans cette fontaine
im demi-quarteron ou plus de levure, faites votre détrempe à
l'eau tiède , et de sorte qu'elle soit de la consistance de la pâte à
brioche, travaillez bien votre pâte en y joignant deux onces de
«el fin délayé dans un peu d'eau tiède, couvrez-la et mettez-
la chaudement afin qu'elle puisse fermenter et lever; la bonté du
pain , on ne saurait trop le répéter, dépend des soins donnés à
794 PAIN D'EPICE.
cette partie de Topération ; après avoir laissé la pâte en cet état
une heure ou deux, selon la saison, on la pétrit de npuveau, on
la recouvre et on la laisse encore reposer deux heures dans cet
état ; puis chauffez le four, et lorsqu'il est bien nettoyé vous divi-
sez la pâte en autant de parties que vous voulez et formez des
pains de la forme qu'il vous plaira« Vous placerez ces pains dans
le four le plus promptement possible, puis, lorsqu'ils sont cuits,
vous frottez la croûte avec un peu de beurre, afin de lui donner
une belle couleur jaune.
Pain français en rouleau. — Vous prenez de la farine tanû-
sée suivant ce que vous voulez faire de pâte et vous la délayez
avec du lait, du beurre tiède, environ une demi-livre de levure
et du sel. Vous mêlez bien le tout et vous le pétrissez avec une
suffisante quantité d'eau chaude; travaillez bien la pâte, couvrez-
la et laissez-la deux heures pour l'épreuve. Moulez-la ensuite
en rouleau que vous placez sur des plaques ou plafonds étamés
et laissez-les sur le four ou dans une étuve à chaleur molle, afin
qu'ils puissent s'apprêter, placez-les une heure après dans un
four très-chaud pendant vingt minutes. Râpez-en le dessus lors-
qu'ils sont cuits. Vous pouvez les mettre de préférence sur du
papier beurré, ils n'en font que plus d'effet en cuisant et cela
les rend infiniment plus légers.
PAIN D'ÉPICE. — Depuis les temps les plus reculés, le
meilleur pain d'épice s'est fabriqué à Reims. A la fin du
XV* siècle, sous Louis XII, il jouissait d'une grande répatation,
et celui qu on fabriquait à Paris n'était qu'au second rang.
Vers la fin du règne de Louis XIV et au commencement <lu
règne de Louis XV, il était d'usage de faire présent de croquets
et de nonettes de Reims ; il n'y a plus guère aujourd'hui que les
enfants qui en consomment , mais il ne s'en fait pas moins un
commerce considérable.
Nous avons entendu raconter, dit M. de Courchamps, qu^ le
dernier maréchal de Mouchy venant de perdre un de ses beaux-
frères, contre lequel il avait plaidé pendant longues années, était
•solennellement assis dans le salon de son appartement au châ-
teau de Versailles, où il écoutait des compliments de condo-
léance avec beaucoup de gravité.
PAIN D'ÉPICE. 795
Comme il était là depuis son retour de la messe du roi, et
que le diner approchait, le contrôleur du maréchal, car il avait
accordé le titre de contrôleur à son maitre d'hôtel, cet officier,
disons-nous, osa prendre sur lui d'interrompre la cérémonie des
compliments pour venir lui demander ses ordres :
— Hél mon Dieu, lui dit le maréchal avec un ton mêlé
d'impatience et d'affliction, comment pouvez-vous et comment
osez-vous me faire une question pareille^ Qu'est-ce que vous
pourriez me présenter convenablement, sinon les deux plats d'an-
cienne étiquette^ Apprenez donc, monsieur, qu'un jour comme
aujourd'hui, vous ne pouvez servir devant moi que des pigeons
au gros sel et du pain d'épice. Comment se fait-il que mon con-
trôleur ne sache pas cela }
On fait le pain d'épice avec la fleur de farine de seigle, de
l'écume de sucre ou du miel jaune et des épiceries; on fait cuire
le tout, que l'on divise en pains de la forme que I'cmi veut. Il
excite l'appétit, relève et soutient les forces digestives ; mais on
ne doit en manger que modérément. Les marins se trouvent bien
d'en faire usage.
Son invention remonte à une date fort ancienne ; il n'y a pas
de doute qu'elle n'ait suivi immédiatement celle du pain. Encou-
ragés par le succès de l'opération qui avait procuré le pain, les
hommes essayèrent de combiner la farine des différents grains
avec toutes les substances qui pouvaient en rendre la saveur plus
agréable, tels que le beurre, les œufs, le lait, le miel, afin de
voir ce qu'il en résulterait. Ce furent sans doute ces expériences
qui donnèrent naissance à toutes les pâtisseries dont se régalaient
les anciens, et dont nos pères, au temps des Croisades, rappor-
tèrent les recettes d'Egypte et d'Asie, ce qui a servi à former
l'art du pâtissier et du confiseur.
Les Romains avaient leur pain d'épice; c'était l'offrande
que le pauvre faisait aux dieux immortels. Far cum melle. Les
Grecs le mangeaient au dessert. Nos ancêtres l'estimaient fort et
en faisaient même des présents. Dans les repas de cour, il figu-
rait au premier rang. Agnès Sorel, la jolie maîtresse de
Charles VII, appelée Dame de Beauté à cause du château de
Beauté qu'elle possédait sur les bords de la Marne, et qui était
796 PANADE.
un cadeau de son royal amant^ ne pouvait se lasser de cette
friandise» et plusieurs auteurs du dernier siècle ont prétendu
même qu'elle avait été empoisonnée avec du pain d'épice par le
dauphin, depuis Louis XI, qui ne Taimait point parce que son
père Taimait trop; mais c'est une conjecture qui ne repose que
sur le caractère cruel et vindicatif de ce prince. Marguerite de
Valois, sœur de François I*', en faisait aussi ses délices. Mais sous
Henri II, on s'en dégoûta tout à coup, parce que le bruit courut
que les Italiens y mettaient du poison, et il ne revint en faveur
qu'à la fin du règne de Louis XIV, comme nous l'avons dit plus
haut.
La farine de seigle rend ce pain un peu pesant; cependant,
quand il est bien confectionné et bien cuit, les aromates qu'on y
emploie le rendent plus digestif. Le bon pain d'épice, fait avec
du bon miel de choix, peu aromatisé, est laxatif, calme la soif et
favorise l'expectoration. Pour qu'il puisse se garder sans se ramol-
lir par l'humidité et s'altérer en vieillissant, il faut lui donner un
degré de cuisson convenable et l'exposer de temps en temps à la
chaleur du feu ou du soleil.
PALAIS de bœuf en filets marines, au gratin, à l'allemande,
en coquilles, en crépinettes, etc. (V, Bcuf.)
PALOMBE. — Oiseau de passage, de l'espèce du pigeon
ramier, vivant principalement près des Pyrénées. Sa chair est
aussi estimée que celle des autres pigeons sauvages. Ses propriétés
alimentaires sont les mêmes, et il se prépare de la même
façon.
PANADE. — Espèce de potage composé de mie de pain
qu'on fait mitonner avec de l'eau, du beurre et du sel, et dans
lequel on ajoute, au moment de servir, une liaison composée de
jaunes d'œufs et de crème fraîche.
Nota. — Avoir soin de ne mettre le beurre frais que dans les
jaunes d'œufs, et non pas de suite dans le pain, l'eau et le sel qui
se mitonnent; le beurre, en bouillant dans le potage, perdrait
de sa saveur. (V, Potages.)
Tanade portugaise, nommée de la Sourde. — Mettez de
l'huile dans une casserole (deux cuillerées), faites-y revenir de
l'ail que vous retirez quand il est revenu. Ajoutez du pain rassis
PANNEQUETS. 7^
en tranches, du sel, du poivre; mouillez d'un peu d'eau. Retour-
nez et écrasez bien, en ajoutant une cuillerée ou deux d'huile,
suivant la quantité que Ton veut faire.
Cette panade se mange, à Lisbonne, comme potage et à la
fourchette.
PANAIS. — Plante de la même famille que la carotte. Sa
racine est blanche, sa tige haute, droite, grosse, ferme, cannelée,
vide et rameuse; les fleurs sont amples, la saveur est douce et
sucrée.
11 y a deux espèces de panais, le long et le rood. On met
cette racine dans les bouillons, on la frit aussi au beurre. Le
goût de ce légume ne plaît pas généralement. Ray dit que les
Anglais croient que, lorsque le panais est trop vieux, il produit
le délire et même la folie ; ils le nomment alors panais fou. Cette
plante passait pour être aphrodisiaque; il ne faut pas la confondre
avec la ciguë, dont les feuilles ont des taches rouges au bas des
tiges. £n Thuringe, on extrait des panais un sirop qui remplace
le sucre. Cette plante a une composition analogue à celle de la
betterave et de la carotte; le sucre y entre comme partie consti-
tuante. Drappies dit en avoir retiré douze pour cent.
On cultive et Ton mange souvent en Allemagne une espèce
de petit panais farineux et sucré dont on fait un hochepot avec
des carrés de porc frais et de filets de biche.
PANCALIER. — Sorte de chou printanier qui tire son nom
de la ville de Pancaglieri, en Piémont, d'où il a été apporté par
le célèbre La Quintinie , premier jardinier - potagiste de
Louis XIV.
PANER. — C'est l'action de couvrir de chapelure ou de mie
de pain les viandes que l'on veut faire frire ou griller.
PANNE. — On donne le nom de panne à la graisse dont la
peau du cochon et de quelques autres animaux se trouve garnie
à l'intérieur, et plus particulièrement au ventre.
PANNEQUETS. (Recette de M. de Courchamps,) — Mettez
dans une terrine deux cuillerées à bouche de farine, trois jaunes
d'œufs et deux œufs entiers, un peu de sel et quelques gouttes de
fleur d'oranger; délayez bien le tout et achevez de le délayer avec
du lait, afin que l'appareil soit bien clair; prenez une petite
798 PAON.
poêle ronde et creuse, chaufFez-la, essuyez-Ia. mettez un peu de
beurre dans plusieurs épaisseurs de papier en forme 4^ petit
sachet, froltez-en votre poêle partout, mettez dans cette poêle
une cuillerée à dégraisser pleine de votre pâte, tournez-la sur tous
les sens, afin de bien étendre le pannequet, lequel doit être bien
mince et bien égal partout. Lorsqu'il sera cuit, renversez-le sur
le plat où vous devez le servir; étendez votre pannequet, saupou-
drez-le de sucre et continuez ainsi pour les autres, jusqu'à ce
que vous ayez employé la totalité de votre appareil.
On recouvre quelquefois ces pannequets avec un enduit de
confiture, mais ceci masque leur goût, et c'est une recherche que
nous ne saurions approuver.
Ainsi parle M. de Courchamps, mais du moment que vous
n'ajoutez pas une confiture quelconque en chausson dans votre
appareil, ce ne sont plus des pannequets, c'est tout bonnement des
crêpes fines.
La groseille ou l'abricot sont nécessaires pour constituer les
pannequets.
PANTHÈRE. — Nous mettons ici la panthère, parce qu*il
y a des peuples dans Tlnde qui mangent la chair de cet animal.
On dompte la panthère plutôt qu'on ne l'apprivoise ; elle ne
perd jamais en entier son caractère féroce. Ceux qui s'en servent
pour la chasse ont besoin d'employer les plus grands moyens
pour la dresser, la conduire et l'exercer. Cet animal habite plus
particulièrement la partie de l'Afrique qui s'étend le long de la
Méditerranée et de l'Asie. C'est aux Indes qu'on le dresse pour
la chasse ; on l'y conduit les yeux bandés, dans de petits chariots,
jusqu'à la vue du gibier. Là, on lui rend la liberté et la vue; il
s'élance, saisit sa proie, et, après s'être repu de son sang, il se
laisse reprendre et attacher de nouveau. Les Indiens et les nègres
qui mangent sa chair la trouvent bonne; Galien dit qu'elle ne
vaut cependant pas celle de l'ours et prétend que son foie es!
d'une saveur détestable et devient même un poison.
PAON. — Excepté dans quelques pays, l'habitude est per-
due de servir les paons comme un rôti ordinaire.
Je n'ai mangé du paon qu'une fois dans ma vie; mais comme
il était très-jeune et qu'il pouvait correspondre à ce qu'on appelle
PAON.
799
le poulet de grain, il me parut excellent. J'allais aux fètes don-
nées à Saint-Tropez à propos de l'inauguration de la statue du
Bailly de Suffiren. Nous avions été obligés d'abandonner le che-^
min de fer et de prendre une voiture particulière. A trois ou
quatre lieues de Saint-Tropez, la voiture relayait dans un char-
mant viUage dont j'ai oublié le nom, et qui était situé au sommet
d'une colline de châtaigniers. Pendant ce temps d*arrét, je passais
la tête par la portière, attiré par une partie de cochonnet que
quelques jeunes gens jouaient avec la même passion que je l'ai
vu faire à Paris, avant que ce noble jeu, qui ne le cède en rien
comme antiquité au jeu de l'oie, ne fût exilé des Champs-Elysées.
Les jeunes gens levèrent la tête vers la voiture, pour voir quels
étaient les étrangers qui s'intéressaient ainsi à leur jeu, et me
reconnurent.
A peine mon nom fut-il prononcé, que la voiture fut entou-
rée, qu'il nous fallut descendre, et qu'entrainés vers un café,
force nous fut de prendre un grog avec les indigènes du
pays.
Au bout de dix minutes, nous étions devenus tellement amis
avec nos nouvelles connaissances, que celles-ci ne voulaient
plus nous laisser partir, et s'obstinaient à nous retenir à dîner.
Nous n'obtînmes un sursis qu'à la condition que nous revien-
drions dîner le mercredi suivant, c'est-à-dire trois jours après.
Nous étions au dimanche.
Moyennant notre parole d'honneur donnée, une foule de
poignées de main échangées, on consentit à notre départ, en nous
annonçant qu'on nous attendrait, le mercredi suivant, jusqu'à
huit heures pour dîner, et, s'il le fallait, jusqu'à dix heures
pour souper.
Nous assistâmes aux fêtes de Saint-Tropez, et, à deux
heures, malgré l'insistance de nos nouvelles connaissances,
nous montâmes en voiture, pour tenir nos promesses envers les
anciennes.
Une fois en route, ce fut à aous que vint la crainte que
notre invitation ne fût oubliée par nos inviteurs, et, dans ce cas^
notre résolution était prise, pour leur faire honte, de nous arrêter
à l'auberge et d'y dîner portes et fenêtres ouvertes.
8oo PAON.
Mais cette crainte ne nous tint pas longtemps. Cent pas en
avant du village, nous vîmes une sentinelle qui faisait des signaux
télégraphiques ayant une signification d'autant plus claire, qu'ils
furent terminés par un coup de fusil.
A peine ce coup de fusil fut-il tiré, que la cloche sonna
et que nous vîmes le village en masse venir au-devant de nous.
Il n'y avait pas moyen de rester en voiture. Le maire prit le
bras de ma tille; le notaire, ce joueur de cochonnet qui m'avait
reconnu, et qui, infidèle à une des plus grandes passions qui
existât, avait quitté son jeu pour boire un grog avec nous, me
donna le bras, et, entourés de toutes les femmes, de tous les
enfants réunis à la ronde, nous fîmes notre entrée triomphale
dans le village.
Notre étonnement fut grand. Comme dans les beaux jours
de Sparte, notre table était dressée sur la place publique. Mais fa
première chose qui nous réjouit fut de voir qu'au lieu du brouet
lacédémonien, la table était chargée de plats du meilleur air, et
probablement du meilleur goût, au milieu desquels un paon rôti
à qui on avait conservé toutes ses plumes étalait sa queue en
éventail et dressait son cou de saphir.
La table était de trente ou quarante couverts ; on avait douté
du temps, et voilà pourquoi les convives n'étaient pas plus nom-
breux. Puis, il faut que je Tavoue, peut-être avait-on aussi douté
de mon retour. Mais lorsqu'on vit que le temps s'était mis au
beau fixe, lorsqu'on fut certain que j'étais arrivé, chacun sortit
avec sa table toute servie, et la mit soit devant sa porte, soit à
la suite des autres, et un quart d'heure après, trois cents con-
vives gesticulaient de leur mieux pour célébrer mon arrivée, qui
fut inaugurée par de chaleureux vivats.
A l'époque où la chose arriva, je voulus la raconter, mais
pas un journal ne trouva le récit digne de ses colonnes et ne dai-
gna me les ouvrir.
Les journaux ont parfois de ces bienveillances-là, entre eux.
On comprend que ce souvenir du goût de la chair de paon
se perdit au milieu de la bruyante réception qui m'était faite. Il
me sembla seulement que, dans ce dîner excellent, chaque mets
avait atteint toute sa distinction et toute sa sapidité.
PATATE. 8oi
Paon rôti à la crème aigre. — Videz et. bridez un jeune
paon, mettez-le à la broche en Tarrosant de beurre salé et poi-
vré; puis, lorsqu'il commence à cuire, prenez la valeur de deux
verres de crème aigre et Tarrosez avec cette crème ; débridez-le
ensuite et le dressez sur un plat, en prenant la même attention de
sa toilette que l'on prend de celle du faisan, c'est-à-dire en lui
rendant sa queue, sa tète et $qs ailes.
PARMESAN. — Malgré la dénomination sous laquelle il
est généralement connu, ce fromage ne se fabrique point à Parme,
mais à Lodi et dans ses environs. Aussi son véritable nom est-il
Jormaggio lodigiano, ou encore formaggio di Grana. On élève
beaucoup de bétail aux environs de Lodi, et on y nourrit plus de
trente mille vaches pour la préparation de ce fromage.
Quant à l'emploi culinaire du parmesan, voyez Macaroni,
Lasagnes, Ramequins et Fondues.
PASSOIRE. — Ustensile de cuisine qui sert à tîltrer grossiè-
rement des liquides épais. Il y en a aussi dont les trous sont
très-fins, et on s'en sert pour passer le bouillon et les sauces
liées.
PASTEQUE. — Espèce de melon d'eau cultivé dans les
pays méridionaux. Les pépins sont disséminés dans la chair, qui
est rouge et sucrée comme celle du melon. Le fruit étanche
la soif, rafraîchit beaucoup, mais il pèse sur l'estomac si on Ten
surcharge.
PATATE, — Cette plante est originaire de l'Inde. On en
trouve en Afrique, en Asie, même en Irlande et en Angleterre.
Sa saveur est celle des bons marrons. On fait cuire les patates sous
la cendre,et, après les avoir pelées, on les arrose de jus d'orange et
d'un peu de sucre. Elles servent, en grande partie, de nourriture
aux nègres des Antilles, et leur fane, qui est fort recherchée des
bestiaux, surtout des vaches, augmente et bonifie le lait de
celles-ci.
Patates au beurre. — Faites cuire des patates à la vapeur,
ôtez la peau qui les enveloppe et coupez-les en rouelles; mettez-
les dans une casserole avec du beurre et du sel, et sautez-les.
Patates en beignets. — Lavez, ratissez et coupez des patates,
faites-les mariner trente-cinq minutes dans l'eau-de-vie, avec
5T
8o2 PATES ET TOURTES.
une écorce de citron, égouttez-les, trempez- les dans une pâte
légère et faites-les frire ; égouttez-les, dressez-les et saupoudrez-
les de sucre.
PATE A DRESSER. — Prenez 75 grammes de gruau,
mettez-le sur un tour à pâte, formez un trou au milieu de cette
farine assez grand pour contenir Teau ; maniez 500 grammes de
beurre, mettez-le au milieu de ce trou, dit fontaine; ajoutez-y
30 grammes de sel fin, versez de l'eau, prenez peu à peu la
farine, maniez bien votre beurre, pétrissez bien votre pâte : lors-
qu'elle sera en masse et bien ferme, tourez-la deux ou trois fois,
c'est-à-dire écrasez-la avec les paumes des mains; cela fait,
ramassez votre pâte en un seul morceau, moulez-la. A cet effet,
saupoudrez votre tour d'un peu de farine ; ensuite, mettez-y votre
pâte, dans un linge un peu humide, laissez-la reposer ainsi une
demi-heure avant de l'employer. Vous pouvez la faire à j kilos
par litre; celle à 2 kilos sert ordinairement pour les gros pâtés
froids et les timbales froides ; celle à 3 kilos par litre, en y ajou-
tant un œuf par litre, sert pour les pâtés chauds, les timbales de
macaroni et autres.
Paies à nouilles'. — (V. Nouilles.)
PÂTÉS ET TOURTES.
Petits pâtés au naturel. — Abaissez d'un centimètre d'épais-
seur des rognures de feuilletage ou un morceau de pâte brisée ;
prenez un coupe-pâte de la grandeur que vous voudrez avoir
ces petits pâtés, coupez-en les abaisses; mettez-les sur un pla-
fond. Posez au milieu de ces abaisses gros comme le pouce de
chair à petits pâtés. (Voyez, article Farces, celle à la ciboulette
ou de Gociiveau.) Si vous voulez les faire en maigre, servez-vous
de la farce de carpes; refaites des abaisses de feuilletage de
l'épaisseur de trois lignes, couvrez vos chairs de petits pâtés, que
les fonds ne débordent pas les couvercles; appuyez légèrement
sur vos petits pâtés, dorez-les. Un quart d'heure avant de servir,
faites-les cuire, et servez-les sortant du four.
Petits pâtés au jus. — Faites une abaisse de pâte brisée ;
foncez-en des petits moules à darioles (voyez l'article DariolesJ,
remplissez-les de chair à la ciboulette ou de godiveau, ou d'une
farce de carpes, et saucez d'un coulis maigre ; couvrez-les de vos
PATES. • 803
couvercles de feuilletage. Pour cela, servez-vous d'un coupe-pâte
goudronné de la grandeur de vos moules, dorez vos couvercles,
mettez cuire vos petits pâtés : leur cuisson faite, ôtez-en les cou-
vercles, ciselez la farce, retirez vos petits pâtés de leurs moules,
dressez-les, saucez-les d'une bonne espagnole réduite, et servez.
Petits pâtés à la béchamel, — Faites une abaisse de feuille-
tage de quatre lignes d'épaisseur, et à laquelle vous aurez donné
cinq tours ; ayez un coupe-pâte d'un pouce et demi de diamètre,
coupez vos petites abaisses, mettez-les sur un plafond, ayant
soin de les retourner; dorez-les, cernez-les à quelques lignes du
bord, pour leur former un couvercle; faites-les cuire, et, leur
cuisson faite, ôtez-en la mie; vous aurez coupé des blancs de
volaille en petits dés ou en émincées; au moment de servir, ayez
une béchamel réduite et bien corsée (voyez Béchamel^ article
Sactce), mettez-y vos blancs de volaille, faites chauffer le tout
sans le faire bouillir, remplissez-en vos petits pâtés, et servez.
Vous pouvez faire de même des petits pâtés, soit de foie gras,
soit en salpicon, ou de laitances de carpes, etc.
Petits pâtés bouchées à la reine. — Faites des abaisses plus
minces que les précédentes; coupez-les de la grosseur d'une bou-
chée, mettez -les sur un plafond, dorez-les, cernez- les, faites-
les cuire, et, leur cuisson achevée, levez-en les couvercles, ôtez-
en la mie, remplissez-les du ragoût ci-après indiqué.
Hachez des blancs de volaille très-menu, mettez-les dans
une bonne béchamel bouillante; mêlez bien le tout, remplissez-
en vos petits pâtés, et servez.
Petits pâtés au salpicon. — Procédez, pour ces petits pâtés,
comme il est énoncé pour ceux au jus. Lorsqu'ils seront cuits,
ôtez-en les chairs, coupez-en les dés, ajoutez-y des champignons
cuits, des truffes, quelques foies de volaille, des fonds d'artichauts,
tous coupés d'égale grosseur. Mettez tous ces ingrédients dans de
l'espagnole réduite, faites-leur jeter un bouillon; dégraissez,
assurez-vous si c'est d'un bon goût, remplissez-en vos pâtés et
servez.
Tourte d'entrée de godiveau. — Moulez un morceau de
pâte, abaissez-le de la grandeur d'un plat d'entrée, mettez cette
abaisse sur Une tourtière de la même grandeur, étendez un peu
«04 PATES.
de godiveau au milieu de votre abaisse, posez dessus une bonne
pincée de champignons, passez et égouttez. Mettez quelques fonds
d'artichauts coupés en quatre ou six, ayez de la farce de godi-
veau, roulez-en des andouillettes de la grosseur que vous le juge-
rez convenable, mettez-en au-dessus de vos garnitures et tout
autour, en sorte que le tout forme un dôme un peu aplati;
faites une seconde abaisse un peu plus grande que la première,
mouillez le bord de la première, posez la seconde dessus, pour
en former le couvercle ; soudez les deux ensemble, videz les
bords, dorez votre tourte et la mettez cuire sous un four de cam-
pagne. Sa cuisson faite, levez-en le couvercle, dressez-la, sau-
^ez-la d'une bonne espagnole réduite et servez-la. Autrement,
vous pouvez vider votre tourte dans une casserole pour faire
jeter un bouillon à sa garniture dans l'espagnole, que vous avez
soin de dégraisser; pressez votre tourte, remplissez-la de sa gar-
niture, et servez. (Courchamps.)
Pâté à la ciboulette, — Prenez de la pâte à dresser, mou-
lez-la, formez-en un pâté que vous remplirez de farce à la
ciboulette.
Voici comment s'exécute cette farce :
Prenez 75 grammes de rouelle de veau, autant de tranche
de bœuf, autrement dit de noix de bœuf, et une livre de graisse
de rognons de boeuf; hachez le veau et le bœuf ensemble le plus
menu possible. Servez-vous, pour cela, de couteau à hacher.
Hachez de même votre graisse de bœuf, mêlez le tout ensemble
et continuez de le hacher; assaisonnez-le de sel, de poivre et
d'épices fines. Quand le tout sera bien mêlé, mettez -y deux œufs,
l'un après l'autre, et continuez de hacher. Lorsque vos œufs
seront bien mêlés, mouillez votre chair avec une goutte d'eau, et
continuez de la mouiller peu à peu jusqu'à ce qu'elle soit à con-
sistance d'une farce. Ayez toujours soin de la relever avec le cou-
teau, afin que la graisse se mêle parfaitement. Finissez-la avec
du persil et de la ciboule hachés très-fin; mêlez bien le tout,
relevez-la, remplissez-en votre pâte, faites une seconde abaisse,
formez-en un couvercle, soudez-le, rognez le bord de la pâte,
pincez votre pâté, recouvrez-le d'un faux couvercle de feuille-
tage que vous échiqueterez et goudronnerez ; dorez-le, mettez-le
PATES.. 80^
au four, et, sa cuisson faite, levez-en le couvercle, dégraissez
votre pâté, coupez-en la farce eh losanges sans la retirer, sau-
cez-le d'une bonne espagnole réduite, ajoutez, si vous voulez,
un jus de citron, recouvrez-le de son couvercle, et servez
chaud.
Pâté à la financière, — Dressez un pâté, remplissez-en la
croûte de farine ou de viande de sauce. Lorsque votre viande
sera cuite et de belle couleur, ôtez les viandes ou la farine,
ainsi que la mie de votre caisse, et remplissez-la d'une bonne
financière.
Votre financière se compose, vous le savez, de crêtes cuites
dans un blanc avec des rognons de coq ; égouttes^-les au moment
de vous en servir, ainsi que les rognons. Mettez dans une casse-
role la quantité convenable de velouté réduit, si vous voulez
votre ragoût au blanc. Si vous le voulez au roux, employez de
l'espagnole réduite, en y ajoutant un peu de consommé. Au cas
où votre sauce se trouverait trop liée, faites mijoter vos crêtes un
quart d'heure; joignez-y, un instant avant de servir, vos rognons,
quelques champignons tournés que vous aurez fait cuire, des
fonds d'artichauts et des truffes, selon votre volonté. Si votre
ragoût est trop blanc, liez-le comme il est indiqué à l'article Ris
de Veau, et, s'il est au roux, suivez le même procédé que celui
indiqué au même article.
Pâté de giblettes piàîé à l'anglaise. — Ce pâté se fait comme
le précédent, sinon qu'au lieu de pigeons on emploie des abatis
d'oies, de dindons, ou tous autres.
Pâté froid de veau. — Ayez une ou deux noix de veau,
battez-les, ôtez-en les nerfs et les peaux, lardez-les de gros lar-
dons, assaisonnés de poivre, fines épices, persil et ciboules hachés,
un peu d'aromates piles et passés au tamis ; faites une farce avec
sous-noix de veau et une égale quantité de lard haché bien menu,
assaisonnez cette farcp de sel, poivre, fines épices, d'aromates, et,
si vous le voulez, d'une petite pointe d'ail; pilez cette farce dans
le mortier, ajoutez-y quelques œufs entiers, les uns après les
autres, et une goutte d'eau de temps en temps, de manière cepen-
dant qu'il y ait plus d'eau que d'œufs. Cela fait, garnissez une
casserole de bardes de lard , posez dedans un peu de cette farce.
8o6 PÂTÉS.
Lorsque VOUS aurez assaisonne votre veau de sel, poivre et fines
épices, rangez-le dans une casserole sur votre farce, et garnissez-
le, tant au bord de cette casserole que dans les vides qu'il peut
laisser; foulez-le un peu, afin qu'il reste moins de ces vides.
Ensuite^ couvrez ces chairs avec un couvercle et mettez-les reve-
nir une heure dans le four. Retîrez-les, laissez-les refroidir.
Quand elles le seront, prenez de la pâte à dresser (voyez rarticle
Pâte à dresser)^ mouillez-la, abaissez-la de l'épaisseur d'un tra-
vers de doigt; faites en sorte qu'elle soit ronde. Posez-la sur une
ou deux feuilles de fort papier beurrées et collées ensemble; gar-
nissez-la d'un peu de farce que vous avez dû conserver à cet
effet ; étendez cette farce de la grandeur de la casserole, où vous
aurez fait revenir votre viande; faites chauffer légèrement cette
casserole pour en détacher les chairs, renversez-les sur un cou-
vercle et glissez-les sur le milieu de votre abaisse; maniez du
beurre, saupoudrez votre tour de farine, roulez dessus votre
beurre, donnez-lui l'épaisseur du petit doigt; formez-en une
couronne sur le haut de votre pâté, et mettez-en dessus quelques
morceaux, ainsi que deux ou trois demi-feuilles de laurier.
Ensuite, faites une seconde abaisse, moins épaisse de moitié que
la première : il faut qu'elle soit assez grande pour envelopper
vos chairs et retomber sur l'autre abaisse. Mouillez votre pâte au
bord des chairs, mettez votre seconde abaisse dessus, soudez-Ja
avec la première, ôtez la pâte qu'il pourrait y avoir de trop au
pied du pâté, humectez avec un doroir le tour de vos abaisses et
montez votre pâté en relevant celle de dessous jusqu'au haut;
donnez du pied à votre pâté, faites une troisième abaisse pour
former un couvercle, humectez le dessus de votre pâté ; soudez,
avec son bord, votre troisième abaisse, rognez-les également;
pincez votre pâté tout autour, ou fkites-lui le dessin qu'il vous
plaira, faites un faux couvercle de feuilletage (voyez Tarticle
Feuilletage); couvrez votre pâté et faites-lui au milieu un trou
appelé cheminée, dorez-le, mettez-le cuire dans un fbur bien
atteint, que vous aurez laissé un peu tomber, et faites-lui prendre
une belle couleur. Si, durant sa cuisson, il était dans le cas d'en
prendre trop, couvrez-le d'un peu de papier, laissez-le cuire trois
ou quatre heures, retirez-le, sondez-le avec une lardière en
PATES. 807
bois. Si elle entre facilement, c'est qu'il est cuit, dans ce cas,
mettez-y un poisson d'eau-de-vie, remuez-le et finissez de le
remplir avec un peu de consommé. Lorsqu'il sera presque froid,
bouehez la cheminée, retournez sens dessus dessous, sur un linge
blanc, votre pâte, afin que la nourriture s*y trouve bien répan-
due. Quand vous voudrez le servir, ôtez-en le papier, grattez le
dessous du pâté, s'il a pris trop de couleur ; posez une serviette
sur le plat, dressez-le dessus et servez-le comme grosse pièce.
^Courchamps.)
Pâté de jambon. — Parez, désossez un jambon de West-
phalie ou de Bayonne, supprimez-en le combien ; mettez-le des-
saler huit ou dix heures, enveloppez-le dans un linge, mettez-le
cuire dans la marmite avec i kil. 500 grammes de bœuf,
500 grammes de saindoux, du lard râpé et 750 grammes de
beurre; assaisonnez -le de carottes, un bouquet de persil et
ciboules, oignons piqués de trois clous de girofle, du laurier^ du
thym, du basilic et une gousse d'ail; faites-le cuire aux trois
quarts, retirez-le, levez-en la couenne, laissez-le refroidir, parez-
le de nouveau; prenez sa parure et le bœuf qui a cuit avec,
hachez-le menu avec 500 grammes de lard, pilez le tout, ajou-
tez-y deux ou trois œufs entiers et des fines herbes hachées,
prenez de la pâte à dresser, moulez-la, abaissez-la de Tépaisseur
d'un bon travers de doigt, posez-la sur deux feuilles de papier
beurré, marquez au milieu la place de votre jambon, diminuez-en
l'épaisseur presque de moitié en l'appuyant avec le poing. Cela
fait, relevez les bords et dressez votre pâté en rentrant la pâte
sur elle-même ; faites en sorte quHl n'y ait aucun pli, donnez du
pied à votre pâté, en y passant une des mains et en appuyant de
Tautre votre pâte en dehors. Observez de ne faire cette pâte qu'à
a kilogrammes de beurre par boisseau ; garnissez le fond de votre
pâté d'une partie de votre farce, posez-y votre jambon, remplis-
sez les vides avec le reste de la farce, couvrez votre pâté d'une
abaisse bien soudée ; ajoutez-y un faux couvercle de feuilletage
ou de pâte beurrée, faites une cheminée au milieu, mettez-le
cuire à un four bien atteint, qu'il prenne une belle couleur. Sa
cuisson presque faite, tamisez, sans le dégraisser, l'assaisonne-
ment; remplissez-en votre pâté, ayant soin de le remuer; remet-
8o8 PATISSERIE.
tez-le au four mijoter environ une demi-heure, retirez-le, rem-
plissez-le de nouveau, laissez-le refroidir, bouchez-le, retournez-le
sens dessus dessous, laissez-le dans cette position jusqu'au lende-
main, ôtez-en le papier, ratissez le dessous de votre pâté, et
servez.
Pâté de poulardes et de toute autre volaille^ comme dindon,
poulet^ etc. (V. Poularde.)
Ceux de bécasses, bécasseaux, pluviers et autres petits
oiseaux, se font de même. On y ajoute plus ou moins de farce,
cela dépend de celui qui les fait.
PATISSERIE. — Le caractère de la pâtisserie varie selon
les goûts et les mœurs des peuples. Chaque peuple, chaque pix^-
vince, chaque localité a fourni à cet art des moyens de succès et a
contribué à son immense éclat par des inventions plus ou moins
originales et dont chacune a son caractère propre. Dans 1 état de
civilisation où nous sommes parvenus, la France marche à la tète
de la pâtisserie, et après elle viennent l'Italie et la Suisse. La
position même du pâtissier a changé parmi nous. Cet artiste,
autrefois de bas étage, jouit maintenant d'une grande considéra-
tion. On disait proverbialement jadis, d'une personne efirontéei
qu'elle avait passé par devant fhuis du pâtissier. Cela vient de ce
qu'autrefois les pâtissiers tenaient cabaret; et parcequ'il était hon-
teux de les fréquenter, les gens prudes n'y entraient que par la porte
de derrière, et c'était une effronterie d'y entrer par la boutique
ou la porte de devant. Aujourd'hui, ce serait faire injure à nos
pâtissiers que d'assimiler à des cabarets leurs jolis et élégants éta-
blissements. Les hommes du meilleur ton, les femmes de la meil-
leure société ne rougissent plus d'entrer chez un pâtissia-, de
goûter ouvertement les produits de son industrie, de déguster les
excellents vins et les liqueurs choisies dont il les accompagne, et
de sortir de chez lui sans honte comme sans affectation.
Qui se douterait que la pâtisserie, cette si bonne et si excel-
lente chose, a été l'objet d'une quasi-persécution de la part d'un
sévère magistrat au xvi* siècle? Les petits pâtés se criaient alors
dans toutes les rues de Paris, et il s'en faisait une très-grande
consommation. Le chancelier de l'Hôpital les ayant regardés
comme un luxe qu'il fallait réprimer, ils furent, non pas prédsé-
PECHE. 809
ment défendus, mais une ordonnance interdit de les crier.
Nos souverains n'avaient pas le même dédain pour ces pro-
ductions si agréables; ils avaient à leur cour un officier appelé
pâtissier-bouche, qui faisait la pâtisserie pour leur table, et il y
avait dans la cuisine-bouche quatre pâtissiers-bouche servant par
quartiers. Quand le roi sortait, le pâtissier-bouche fournissait au
coureur du vin pour la collation du roi, deux grands biscuits,
huit prunes de perdrigon, six abricots à oreille et deux lames
d'écorce de citron. Le pâtissier-bouche donnait au conducteur de
la haquenée, quand le roi s'en ser>'ait, vingt grands biscuits, six
douzaines de petits choux. Les jours maigres, le pâtissier-bouche
augmentait d'un pâté de poires de bon-chfétien, un pâté d'œufs
brouillés, deux grandes tourtes de fromage à la ciéme, vingt-
quatre talmouses, vingt-quatre brioches. L'Eglise n'eut pas non
plus horreur de la pâtisserie, et c'est elle qui, pour ne pas en
priver ses prélats et ses fidèles dévots, aux jours de salutaire
abstinenee, qui insinua aux pâtissiers l'adroite et succulente
invention des pâtés maigres et des pâtés au poisson.
Nous prions nos lecteurs de se reporter, pour les diverses
préparations de la pâtisserie, aux articles ci-dessous^ où nous en
avons spécialement parlé.
Biscotiriy Biscuit ^ Bouchées ^ Brioches, Choux-pâtissiers,
Conglof, Conkes^ Croquantes^ Croquembouche, Croquignoles ,
DariQles, Diablotins, ÉchaudéSy Fanchonnettes^ Flan y Flaniche,
Frangipane, Gâteaux , Gaufres y Génoises , G im blettes , Macarons ,
Massepains ^ Madeleines , Meringues , Mincepies ^ Mirlitons ,
Mousseline y Pâtés , Pâtés froids , Pâtés chauds , Piskiniofs,
Profiteroles, Rissoles^ Tarte aux fruits, Tartelettes, Timbale,
Tourons, Tourtes, Vol-au^-vent,
PAUPIETTES. — Tranches de viande recouverte d'une
tranche de lard, et sur lesquelles on a étendu une couche de
farce ; on les roule ensuite et on les embroche, puis on les fait
rôtir enveloppées de papier. Quand elles sont cuites, on ôte le
papier, on les pane, on leur fait prendre couleur et on les sert
avec une sauce piquante.
PÊCHE. — Le pêcher est originaire de la Perse. Son fruit
est agréable à la vue, au toucher, à l'odorat et au goût ; son
«10 PECHE,
enveloppe est fine et délicate, revêtue d'un léger duvet velouté
qui la préserve des attaques des insectes. £lle est, dans certaines
variétés, d'un jaune verdàtre plus ou moins clair; dans d'autres^
d'un jaune rougeàtre plus ou moins orangé, et teinte toujours,
du côté du soleil, d'un rouge violet plus ou moins foncé et plus
ou moins pourpré. Le noyau est ovale, crevassé intérieurement
et si solide, qu'il faut de grands efforts pour le casser. Il contient
ordinairement une amande, rarement deux.
La pèche est célèbre en Chine depuis les temps les plus
reculés ; les poè'tes la représentent comme pouvant donner tantôt
l'immortalité, tantôt la mort. Comme signe de bienveillance et
d'amitié, on s'offre réciproquemeni une pêche naturelle -ou imitée
en porcelaine, et les artistes chinois la font entrer dans toutes
leurs décorations d'appartement. On a cru pendant plusieurs
siècles, en Perse, que la pêche était mortelle; aussi se gardait-on
d'en manger et même d'y toucher. Mais on les importa en Egypte,
où le climat les adoucit et les rendit meilleures. Depuis ce temps,
les Persans en consomment beaucoup.
Les meilleures pêches se trouvent aux environs de Paris.
Mon treuil surtout est justement renommé pour la beauté, la
quantité prodigieuse et la bonté de ses pêches ; puis viennent le
Dauphiné, TAngoumois et la Touraine, etc.
Le première qualité d'une pêche est d'avoir la chair fertne^
une et sucrée, ce qui se voit aussitôt qu'on a enlevé sa peau ,
qui doit se détacher aisément; la seconde qualité est que son
parenchyne se dissolve aussitôt qu'il est mis dans la bouche;
la troisième, enlin, est qu'il faut que le goût du fruit soit
piquant, vineux et quelquefois un peu musqué. Il faut aussi que
le noyau soit fort petit, et que les pêches qui ne sont pas lisses,
ainsi que les pavies et les brugnons, ne soient que médiocrement
velues, car l'épaisseur du velours est toujours un signe du peu de
bonté dans la pêche. Ce poil, au contraire, tombe de celtes qui
sont de qualité supérieure, et principalement de celles qui sont
venues en plein air.
Nous renvoyons le lecteur, pour les diverses préparations
de ce fruit, aux articles Compote, Confitures, Conserves,
Glaces, Mousses, Flan, Tartes et Ratafia.
PELICAN. 8ii
Pêche de Montreuil. — La pêche de Mon treuil doit scm ori-
gine à un nonamé Girardot, ancien mousquetaire, chevalier de
Saint-Louis, et finalement jardinier.
Ce Girardot, après avoir reçu plusieurs blessures graves, fut
contraint de quitter le corps des mousquetaires , se retira dans
son petit domaine de Malassis, situé entre les villages de Mon-
treuil et de Bagnolet, et s'y adonna à la culture des arbres frui-
tiers, aidé par les conseils de La Quintinie, directeur des jardins
du roi à Versailles, dont il allait souvent visiter les espaliers.
Ayant une grâce à demander à Louis XIV et ne sachant
comment s^ prendre, son ami La Quintinie lui annonça un jour
que, le roi devant aller à Chantilly chasser avec le prince de
Condé, qui était malade, il tâcherait que la chasse soit dirigée du
côté de Montreuil, et invita Girardot à se préparer à cette
auguste visite.
Le lendemain, une corbeille contenant douze magnifiques
pêches fiit déposée par un inconnu à Toffice, avec cette inscrip-
tion : Pour le dessert du roi. Ces pêches firent Tadmiration de
tout le monde, et, quelques jours après, suivant la promesse qu'il
•
lui avait faite, Girardot vit arriver La Quintinie précédant le roi,
qui venait voir les espaliers qui fournissaient de si belles pêches
et remercier en même temps le jardinier qui les soignait. L'an-
cien mousquetaire, encore revêtu de son uniforme, exposa sa
demande au roi, qui l'accueillit fort bien, et lui accorda en
outre une pension et la faveur de présenter chaque année, pour
le dessert du roi, une corbeille remplie de ses plus belles pêche?,
en souvenir de celles qu'il avait fournies à Chantilly.
Cette coutume fut continuée par ses descendants et les habi-
tants de Montreuil, qu'il avait enrichis^ jusqu'en 1789.
PÉLICAN. — Espèce de héron tout blanc et à fort belles
ailes. Cet oiseau est palmipède, se plaît dans les fleuves, dans
les étangs et dans la mer. Il est à peu près du volume d'un
cîgne; mais ses ailes ont plus d'envergure et il vole beaucoup
mieux, tantôt s'élevant dans les airs à perte de vue, tantôt rasant
l'eau avec une rapidité et une grâce remarquables. Il ne se nour-
rit que de poisson, qu'il pêche avec une habileté surprenante; s'il
est seul, il se précipite avec une extrême violence dans l'eau, qu'il
8i2 PERCHE.
fait ainsi tournoyer, bouillonner, ce qui étourdit le poisson dont
il veut se rendre maître, et il recommence cet exercice jusqu'à
ce que la poche qu'il a sous le cou se trouve remplie. Quand ils
sont en nombre, les pélicans manœuvrent, pour s'emparer du pots-
son qu'ils convoitent, avec une adresse qui ferait honneur à des
pêcheurs de profession. Ils se forment en cercle, et, avançant peu
à peu, ils resserrent ce cercle, au centre duquel se trouve le pois-
son étourdi et refoulé, ce qui leur permet de remplir ainsi leur
poche en très-peu de temps. On pourrait en France, en prenant
des pélicans très-jeunes, les faire servir au même usage que les
Chinois emploient les cormorans dont ils font des pêcheurs
domestiques et faire à Taide de cet animal des pêches m^*-
veilleuses.
La poche dans laquelle le pélican renferme le poisson qu'il
a péché peut contenir environ 18 litres d'eau, elle est formée de
deux peaux ou membranes, dont l'interne est contiguë à la
membrane œsophagienne, l'externe est un prolongement de la
peau du cou. Lorsqu'il veut extraire le poisson qui s'y trouve, il
presse cette poche contre sa poitrine ce qui a fait croire aux
anciens qu'il se décliirait le sein pour nourrir ses petits; cette
idée absurde existe encore en Espagne et dans un des cloîtres de
Barcelone on entretenait, il y a peu d'années, quelques-uns de
ces oiseaux que le peuple visitait le dimanche en épiant le
moment où ils se déchiraient soi-disant pour donner leur sang à
leurs petits,
La chair du pélican, comme celle de tous les oiseaux qui ne
vivent que de poisson, est d'un assez mauvais goût et son odeur
désagréable ; elle est en outre dure et coriace, aussi ne s'en sert-
on que pour faire de l'huile.
PERCHE. — Excellent poisson de rivière dont la chair est
aussi légère qu'elle est nutritive. On l'a nommé ainsi du mot
latin perça, parce qu'il est marqueté de tâches noires, l^s
perches de Seine sont particulièrement estimées, l^s gourmands
du XVI® siècle donnaient à ce poisson le nom de perdrix d'eau
douce; il est très-vorace et, mis dans le vivier, il en tue et mange
presque tous les poissons. Les œufs aussi sont très savoureux et
ils se mangent ordinairement grillés en caisse après avoir été
PERDRIX. 813
sautés dans du beurre frais sans autre assaisonnement que du sel
et quelques feuilles de persil. On peut encore les accommoder au
vin de Champagne à la pluche verte, en matelote, au coulis
d'écrevisses, à la sainte Ménehould et même les faire frire, mais
la meilleure manière de les apprêter esta la Watter-Fisch, ou
court-bouillon hollandais dont voici la recette :
Arrachez six grosses touffes de grand persil avec leurs
racines, ratissez celles-ci sans les séparer de leurs tiges vertes et
faites-les bouillir pendant trois heures dans une eau de sel avec
une tige de poireau blanc, un panais tranché par quartiers et un
moyen piment de la Jamaïque ou de Cayenne; lorsque là
Watter^Fisch est suffisammente réduite et bien assaisonnée par
ces ingrédients, vous en retirez le piment et les panais, ainsi que
le poireau pour n'y laisser que les racines de persil. Vous faites
cuire alors vos poissons préparés convenablement, vous les servez
dans un plat creux que vous remplissez de court-bouillon avec
le persil cuit et vous servez à proximité de ce plat une pâte de
tartines beurrées au pain de seigle.
PERDRIGON. — Genre de prunes avec lesquelles on fait
de bonne compote; les prunes de perdrigon qui ont eu Thonneur
d'être célébrées par Molière, ont aussi le privilège de ne jamais
être attaquées par les vers.
PERDRIX, PERDREAUX. — Outre plusieurs variétés de
perdrix, il y en a quatre fort estimées que l'on sert sur les tables
à cause de leur délicatesse et de leur bon goût; ce sont la per-
drix grise, la rouge, la bartavelle et celle de roche. Au rapport
de Vincent Leblanc, au Bengale toutes les perdrix sont blanches
et plus grosses que les nôtres.
Cet oiseau n'était pas connu en France avant Tan 1440. Ce
fut René, roi de Naples, qui en apporta de Tîle de Chio en
Provence.
La chasse de la perdrix se fait ordinairement à laide de
chiens couchants ou d'arrêt; ces chiens suivent leur piste,
tombent à l'arrêt quand ils sont arrivés près d'elle et le chasseur,
en forçant Farrêt, fait lever et partir les perdrix, sur lesquelles
il décharge son arme. Les chasseurs émérites assurent que les
heures les plus convenables pour la chasse des perdrix sont de
814 PERDRIX.
dix heures à midi et de deux heures à quatre,. celles-ci étant
toujours en mouTefflent aux autres heures pour chercher leur
manger et ne tenant pas.
On prend les perdrix au collet^ on les prend aussi dans des
iilets à l'usage des braconniers et appelés tràtnns^es etpantières.
C'est surtout la nuit que Ton emploie ces engins, dans lesquels
les perdrix, chassées par des batteurs, effrayées par la lumière,
vont s'engager d'elles-m^mes. La traînasse détruit chacpie année
un nombre prodigieux de ces volatiles.
On attire aussi les perdrix mâles à l'aide de femelles pri-
vées, élevées dans des cages que l'on porte dans les cantons où
il y a beaucoup de coqs ; ces perdrix s'appellent chanterelles.
On attire également le coq de la perdrix en imitant le cri de la
femelle.
On distingue les perdreaux des perdrix par la dernière des
grandes plumes de l'aile ; la pointe de cette plume est aiguë par
le bout dans les perdreaux, tandis qu'elle est arrondie dans les
perdrix adultes.
Les épicuriens du siècle dernier ont souverainement décidé
que le perdreau gris est préférable au perdreau rouge, tandis
que la perdrix rouge est supérieure à la grise.
Cette dernière espèce est toujours plus estimée dans les pays
où les perdrix rouges sont les plus communes et c'est précisé-
ment le contraire dans les pays où il n'y a que des grises. Les
deux espèces sont presque également bonnes, mais les rouges
sont toujours plus grosses.
La chair de la perdrix jeune est légèrement excitante,
tendre, savoureuse et facilement digestible. Celle des vieilles per-
drix a besoin d'une cuisson prolongée, mais comme elle est plus
imprégnée d'osmazôme, elle est plus sapide que celle des per-
dreaux. Une vieille perdrix bouillie avec d'autres viandes donne
une excellente saveur au bouillon et le rend plus tonique.
Perdreaux rôtis. — Flambez légèrement vos perdreaux,
troussez les pattes sur les cuisses; enveloppez -les par devant
avec une feuille de vigne couverte d'une barde de lard, faites
rôtir à feu modéré et servez avec une bigarade à sec.
Perdreaux rouges ou gris à la parisienne. — Videz, flam-
PERDRIX. gi5
bez^es, faites-les revenir dans une casserole sur un feu doux
avec du beurre et sans leur donner de couleur, ifiouillez-les
d'un verre de vin blanc, deux cuillerées à dégraisser de consommé
et une demi-glace espagnole réduite; laissez-les cuire et mijoter
à peu près trois quarts d'heure , retirez la majeure partie de la
sauce, faites-la réduire, dégraissez-là ; au moment de servir
dressez vos perdreaux sur le plat, mettez un pain de beurre dans
votre sauce, passez-la et vannez-la ; saucez-en vos perdreaux et
servez.
Perdreaux rouges à la Périgueux. — Le perdreau rouge
ayant moins de saveur que le perdreau gris, se braise avec une
bonne mirepoix; faites un suage du tout; mouillez avec deux
verres de Madère; un verre de vin blanc, une petite cuiller à
pot de consommé de volaille ; une feuille de papier beurré sur
les perdreaux, couvrez hermétiquement la casserole, laissez
nii joter le tout pendant une demi-heure ; passez ensuite votre
fbnd, dégraissez-le; faites-le réduire de moitié dans deux cuillers
à bouche d'espagnole demi -glace; coupez quatre truffes en
petits dés, jetez-les dans votre sauce avec un peu de fonds des
truffes. Ondulez votre sauce d'un -p^n de beurre bien frais, un
jus de citron et un peu de piment en poudre; dressez vos per-
dreaux sur un plat en triangle; séparez par trois croûtons panés,
masquez le dessus de vos perdreaux avec votre sauce Périgueux,
et servez chaud.
Perdreaux à l'anglaise. — Vous fercissez les perdreaux
avec une farce faite avec leurs foies, du beurre^ du gros poivre
et du sel, enveloppez-les de papier, mettez-les à la broche sans
les barder et laissez- les cuire aux trois quarts; levez-leur les
membres sans les séparer du corps, mettez-les dans une casserole
et placez entre chaque membre un peu de beurre manié avec de
la mie de pain, de Téchalote, du persil, de la ciboule hachée,
du sel, du gros poivre et un peu de muscade; puis mouillez vos
perdreaux avec un bon verre de vin de Champagne et deux cuil-
lerées à dégraisser de consommé; faites bouillir doucement sans
les couvrir jusqu'à parfaite cuisson, afin que la sauce se réduise ;
finissez avec jus et zeste de bigarade.
Perdreaux à la crapaudine, — Plumez, videz, flambez.
8i6 PERDRIX.
épluchez deux perdreaux, retroussez les pattes en dedans, effilez
l'estomac des deux perdreaux; aplatissez avec une batte, assai-
sonnez de sel et poivre; faites fondre un peu de beurre, passez-
les au beurre, pannez-les, faites-les griller à feu ardent, belle
couleur ; hachez quatre échalotes , enlevez la partie aqueuse de
réchalote, mettez-les dans une casserole avec un peu de beurre
bien frais, ajoutez un filet de vinaigre, un peu de glace de
viande; hachez deux cornichons, en ayant soin de hacher les
foies des perdreaux, ajoutez -les à la sauce, pimentez et
servez.
Perdreaux en entrée de broche, — Videz, flambez sans
roidir, bridez et embrochez quatre perdreaux sur un hàtelet,
couvrez-leur Testomac de tranches de citron. Couvrez-les de
bardes de lard, enveloppez-les de papier, dont vous fixerez les
bouts avec de la ficelle sur la broche afin de faire tenir Thâtelet
dans lequel vos perdreaux sont embrochés; faites-les cuire trois
quarts d'heure, déballez-les, égouttez-les, dressez-les en che-
vrette sur votre plat, saucez-les avec un jus clair, poivrez et
ajoutez jus de bigarade.
Salmis de perdreaux. — Vous préparez trois perdreaux que
vous bardez et que vous faites très-peu cuire à la broche ; laissez
refroidir, levez-en les membres, ôtez-en la peau, parez-les,
rangez-les dans une casserole avec un peu de consommé, posez-
les sur une cendre chaude de manière à ce qu'ils ne bomllenX
pas de suite; coupez six échalotes, ajoutez un zeste de citron,
mettez le tout dans une casserole avec un peu de vin de Cham-
pagne et faites-le bouillir; concassez vos carcasses de perdreau
et mettez-les dans la même casserole, ajoutez-y quatre cuillerées
à dégraisser de blond deveau ou d'espagnole réduite, faites réduire
le tout à moitié, passez cette sauce à 1 etamine, égouttez les
membres de perdreau, dressez- les; mettez entre ces membres
des croûtons de pain passés dans du beurre et versez la sauce
citronnée sur les perdreaux.
Perdreaux à la bourguignonne. — Rôtissez et dépecez trois
perdreaux à la broche et coupez-les par membres, puis fkites-les
sauter dans une casserole où vous aurez mis trois cuillerées à
bouche d'huile, un peu de vin rouge, du sel, du poivre, le jus
PERDRIX.. 817
d'un citron et un peu de son zeste; dressez, saucez et servez.
Perdrix aux choux à la ménagère. — Posez deux perdrix
braisées sur un plat, pressez vos choux, étuvés au gras, dans un
linge, coupez-les et dressez-les debout autour de vos perdrix ;
garnissez-les de cervelas coupés en rond, de petit lard en tranches
et de saucisses à la chipolata; saucez-les avec la réduction de
votre braise et servez.
Perdreaux à la Cussy. — Désoissez trois perdreaux rouges
non faisandés, laissez los de la cuisse et les pattes, étendez-les
sur un linge blanc, couvrez les chairs d'une légère couche de
farce cuite, faite avec les chairs des perdreaux. Vous aurez fait et
laissé refroidir un salpicon {V, Salpicon) composé de gorges de
ris de veau, de truffes, de champignons et de crêtes de coq, le
tout coupé en petits dés et par parties égales, c'est-à-dire ayant
employé autant de Tun que de l'autre; remplissez le corps de vos
perdreaux de ce salpicon pour les rendre bien dodus ; cousez -les,
donnez-leur la première forme, bridez les pattes en dehors,
mettez-les dans une casserole pour en faire roidir l'estomac dans
un peu de beurre; laissez refroidir, concassez leurs débris et
mettez-les dans une autre casserole avec une lame de jambon,
deux petits oignons, une carotte coupée en quatre, un bouquet de
persil et ciboules, assaisonné d'une demi-feuille de laurier et un
peu de macis, ;oignez-y un demi-verre de vin blanc, un peu de
consommé et un peu de lard râpé ; posez vos perdreaux dans une
casserole et couvrez-les d'un double rond de papier beurré; une
demi-heure avant de servir, faites-les cuire feu dessus et dessous,
en ayant soin que leurs estomacs se colorent; égouttez, glacez et
dressez sur un fumet de gibier.
Faute de fumet, tamisez le fond et faîtes réduire avec espa-
gnole.
Perdrix aux choux en chartreuse, — Prenez deux perdreaux,
plumez, flambez, troussez-les en entrée de broche; piquez-les
de gros lard et jambon, faites blanchir deux choux de Milan, une
demi-livre de lard fumé, un peu de saucisson, rafraîchissez le
tout; foncez une casserole d'une bonne mirepoix; ajoutez vos
deux perdrix dans l'intérieur avec le lard et le saucisson ; hachez
les choux bien menu et remplissez les interstices; garnissez de
5a
8i8 PERDRIX.
quatre navets, quatre carottes et deux clous de girofle, un bou-
quet garni, une pointe d'ail, couvrez le tout d'une feuille de
papier beurré, mouillé avec une cuiller à pot de consommé,
et faites partir sur le feu; faites braiser pendant une heure et
ôtez les perdreaux, afin qu'ils ne soient pas trop cuits; laissez
cuire le reste un peu plus longtemps; ajoutez douze saucisses
chipolata; prenez un moule à charlotte, beurrez-le; feuillez de
papier beurré dans le fond ; coupez vos carottes et vos navets en
liards; faites un dessin de tout cela dans le fond du moule; gar-
nissez le tout de vos deux perdreaux, de vos choux bien serrés,
de votre petit lard , et mettez une feuille de papier beurré par-
dessus; mettez au bain-marie jusqu'au moment de servir; égout-
tez bien votre chartreuse avant de la dresser sur votre plat, saucez
d'une demi-glace et servez chaud.
Perdreaux à la Mont glas ou salpicon en cuvette. — Troussez,
bardez, rôtissez trois perdreaux en poule. Laissez-les refroidir,
levez-en les estomacs de manière à en former une cuvette, cou-
pez-en les chairs en petits dés, faites chauffer ces perdreaux dans
un peu de consommé et tenez-les chauds jusqu'au moment de
servir; mettez dans une casserole un morceau de beurre, coupez
six ou huit truffes crues avec autant de champignons, passez-les
dans ce beurre en y joignant un peu de persil, de ciboules et
d'échalotes hachés, mouillez le tout d'un bon verre de yin de
Champagne et de six cuillerées à dégraisser d'espagnole travaillée;
faites cuire et réduire votre sauce en ayant soin de la bien dégrais-
ser, hachez deux ou trois foies gras ainsi que les chairs de per-
dreaux; mettez-les dans votre sauce salée et poivrée; après deux
ébullitions, dressez les. perdreaux farcis de salpicon et saucez le
tout d'un fumet de gibier.
Sauté de filets de perdreau. — Levez les filets de quatre
perdreaux, supprimez-en les peaux et les tendons ; faites fondre
75 grammes de beurre clarifié dans un sautoir; trempez-y vos
filets et disposez-les dans ce vase; salez-les, couvrez-les d'un
rond de papier; faites un fumet avec les sot-l'y-laisse et ajoutez
à ce fumet réduit quatre cuillerées à dégraisser d'espagnole,
faites-le réduire, dégraissez-le au moment de servir; sautez vos
filets, retournez-les, égouttez-les, dressez-les en couronne autour
PERDRIX. 819
de votre plat en entremêlant avec un croûton de pain en cœur
passé dans du beurre et glacé ; finissez votre sauce avec un pain
de beurre, un jus de citron et une cuiller à bouche d'huile d'olive
pour lier la sauce ; masquez vos filets avec cette sauce. Ajoutez,
s'il vous plaît, des lames de truffes dans le puits de votre ragoût,
et servez.
Perdrix à la purée en terrine. — Lardez trois perdrix avec
sel, poivre, épices fines, aromates piles et tamisés, persil et
ciboules hachés. Faites-les cuire dans ce même assaisonnement
et servez avec pois, lentilles ou marrons, etc.; garnissez-les de
saucisses et de petit lard coupé par tranches ainsi que de croû-
tons.
Soufflé de perdreaux, — Levez les chairs de deux perdreaux
rôtis, ôtez-en les peaux et les tendons, hachez ces chairs et pilez-
les en y joignant les chairs que vous aurez fait blanchir et des-
quelles vous aurez ôté Tamer; retirez le tout du mortier, mettez
dans une casserole avec quatre cuillerées à dégraisser de con-
sommé réduit ou d'espagnole, chauffez le tout sans le faire
bouillir, passez-le à l'étamine à force de bras, ramassez avec le
dos de votre couteau ce qui peut être resté en dehors, déposez-le
dans un vase; mettez dans une casserole quatre cuillerées à
dégraisser d'espagnole ou de consommé réduit, concassez vos
carcasses, joignez-les à votre mouillement, faites-les réduire et
mttXtZ'-y gros comme le pouce de glace ou de réduction de veau,
faites-les réduire de nouveau plus qu'à demi-glace, retirez votre
casserole du feu, mettez-y la purée et mélangez le tout, ajoutez
gros comme un œuf d'excellent beurre, un peu de muscade
râpée, incorporez-y quatre jaunes d'œufs frais , desquels vous
aurez mis les blancs à part; fouettez ces blancs, incorporez-les
peu à peu dans votre purée, quoique chaude, mêlez bien le tout,
et versez-le dans une casserole d'argent ou dans une caisse de
papier ronde ou carrée, mettez-la au four avec un feu doux
dessus et dessous ; quand votre soufflé est bien^cuit, servez-le de
suite afin qu'il ne tombe pas.
Sauté de perdreaux aux truffes. — Levez les filets de quatre
perdreaux, parez-les, mettez-les dans du beurre fondu ; faites-
les roidir des deux côtés, égouttez-les, posez-les sur la table et
820 PERDRIX.
coupez-les par petits morceaux d'égale grandeur en leur don-
nant une forme ronde ; faites un fumet de carcasse, passez-le,
ajoutez trois cuillerées d'espagnole travaillée, faites réduire
jusqu'à demi-glace, mettez-y vos filets sans les laisser bouillir,
joignez-y 250 grammes de truffes coupées de la même forme que
vos filets que vous aurez fait cuire dans le beurre où vos filets
auront été sautés, mêlez bien le tout, finissez-le avec un petit
pain de beurre, dressez votre ragoût en rocher, et garnissez avec
des croûtons sautés.
Perdreaux à la d'Q/lrtois. — Vous levez les membres, parez
et supprimez les peaux de deux ou trois perdreaux cuits à la
broche sans avoir été piqués; vous arrangez ces membres dans
une casserole avec un peu de consommé sans les faire bouillir;
pilez les reins et les parures de ces perdreaux; mettez dans une
casserole un bon verre devin de Madère, trois échalotes coupées,
trois branches de persil et un peu de zeste de bigarade, faites
jeter un bouillon, ajoutez-y cinq cuillerées à dégraisser d'espa-
gnole réduite ou de blond de veau; faites bouillir sur un bon
feu ; mêlez alors à votre sauce les carcasses pilées, délayez-les,
passez-les à Tétamine; faites chauffer cette purée dans une cas-
serole au bain-marie; puis égouttez les membres de perdreaux,
dressez-les sur un plat, entremêlez de quelques croûtons passés
au beurre, garnissez les bords du plat de petits croûtons passés
à l'huile, retirez la sauce du bain-marie, ajoutez-y le ]us d'une
ou deux bigarades, un peu de mignonnette^ la moitié d'un pain
de beurre, passez bien le tout, et versez-le sur vos perdreaux.
Perdreaux à la singarat, — Faites fondre du beurre dans
un sautoir, mettez dedans les filets de trois perdreaux que vous
aurez parés, retournez-les dans ce beurre, couvrez-les d'un rond
de papier, coupez une langue de veau que vous aurez fait cuire
à récarlate en morceaux de même forme et de même grandeur
que vos filets; mettez-les chauffer dans une casserole avec un
peu de consommé, hachez bien fin les parures et le tendre de
cette langue, faites une sauce comme pour les sautés de per-
dreaux aux truffes, sautez les filets dedans, dressez-les en
couronne, en entremêlant avec un morceau de langue, saucez-
les avec une partie de votre mouillement, mettez le hachis
PERSIL. 821
dans le reste de cette sauce, mêlez bien le tout, et placez-le
ensuite dans le rond formé par la couronne de filets.
Perdreaux à V italienne. — Flambez légèrement trois ou
quatre perdreaux après les avoir appropriés; videz-les par la
poche, maniez du beurre avec un peu de sel fin et remplissez-en
le corps des perdreaux, laissez-leur les pattes en dehors, bridez-
les, embrochez-les avec un hàtelet entre Taile et la cuisse, enve-
loppez-les de bardes de lard et de deux feuilles de papier ; atta-
chez des deux bouts ce hàtelet sur une broche ; faites cuire ces
perdreaux pendant une demi-heure à peu près, faites-les égoutter
et saucez-les d'une bonne italienne rousse et réduite. (V. Sauce
italienne).
Perdreaux ou perdrix à la cendre. — Après avoir retroussé
en poule vos perdreaux épluchés et vidés, passez-les sur le feu
dans une casserole avec un morceau de beurre, du persil, de la
ciboule et des champignons hachés bien menu; quand vos per-
dreaux ont pris le fumet de la marinade, bordez-les et envelop-
pez-les de papier, cuisez-les sous la cendre rouge, et servez avec
un coulis et du jus de citron.
Hachis de perdreaux. — > Vous levez les chairs de .deux ou
trois perdreaux cuits à la broche, vous supprimez les peaux et
les nerfs, vous hachez ces chairs très -fin, puis vous concassez
tous les débris des perdreaux et les mettez dans une casserole avec
quatre cuillerées à dégraisser d'espagnole et deux de consommé ;
vous faites cuire ce fumet, passez la sauce à Tétamine, la faites
réduire, la dégraissez, la faites réduire de nouveau jusqu'à con- "
sistance de demi-glace, puis vous mettez un peu de cette* sauce à
part afin de glacer le hachis au moment de servir ; vous mettez
les chairs hachées dans la casserole avec le restant de la sauce,
vous ajoutez une pincée de mignonnette, un peu de muscade
râpée et deux petits pains de beurre, vous mêlez bien le hachis,
le dressez sur un plat, le garnissez de croûtons passés dans du
beurre et mettez par-dessus des œufs pochés.
PERSIL. — Le persil est le condiment obligé de toutes les
sauces, a Le persil , dit le savant auteur du Traité des plantes
usuelles y rend les mets plus sains, plus agréables, il excite
l'appétit et favorise la digestion. » L'opinion de Bosc sur cette
8aa PIGEON.
plante est encore plus positive : a Oter le persil au cuisinier,
dit-il, c'est presque le mettre dans l'impossibilité d'exercer
son art. »
Le persil, nous le.répétons, doit entrer dans tous les ragoûts
et dans toutes les sauces, mais il y a deux assaisonnements culi-
naires dont il est le principal ingrédient, la Watter-Fisch et la
sauce au persil à la hollandaise. (V. Carrelet, Perche et
Sauces.)
PIEDS. — Les pieds des animaux abondent surtout en géla-
tine , ce qui les rend très-alimentaires. (V. Pieds d'agneau, de
cochon^, de mouton et de veau.)
PIGEON. — Le pigeon est après l'hirondelle l'oiseau dont
le vol est le plus rapide, il fait seize lieues à l'heure; tous les ans
ans notre ami Vuillemot était chargé de lâcher de son hôtel de
la Cloche, à Compiègne, les pigeons expédiés par les messageries
royales pour le concours qui avait lieu à Lille, il y a une
vingtaine d'années; j'ai assisté plusieurs fois au départ de ces
voyageurs mâles, qui hâtaient leurs courses vers la femelle dési-
rée et qui, ô puissance de l'instinct ! faisaient en quatre heures
le trajçt de Compiègne à Lille. Le pigeon sauvage s'appelle
ramier, la façon dont il abonde dans tous Jes parcs royaux ou
impériaux prouve qu'il devient très-facilement un pigeon privé.
Il diffère des pigeons domestiques, non-seulement par sa chair
et par son plumage, mais encore parce qu'il se perche sur des
arbres.
Les plus jeunes se nomment des ramereaux; on les mange
généralement à la broche, néanmoins on peut les employer en
entrées.
Pigeons aux petits pois.
Mettons aux petirs pois Toiseau cher à Cypris.
Plumez -trois ou quatre pigeons, et épluchez-les, videz-les,
et remettez-leur le foie dans le corps; retroussez-leur les partes
en dedans, laissez-leur les ailerons, flambez-les et épluchez-les,
mettez un morceau de beurre dans une casserole, faites-les reve-
nir et retirez-les ; vous aurez coupé du petit lard en gros dés, et
PIGEON. 823
fait dessaler près d'une demi-heure; passez-le dans votre beurre,
faites lui prendre une belle couleur ; égouttez-le, mettez une
bonne cuillerée à bouche de farine dans votre beurre, faites
un petit roux, qu'il soit bien blond, remettez -y votre petit
lard et vos pigeons; retournez-les dans votre roux, mouillez-les
petit à petit avec du bouillon, et mettez le tout à consistance de
sauce ; assaisonnez-le de persil et de ciboules, avec une demi-
feuille de laurier, la moitié d'une gousse d'ail et un clou de
girofle. Retirez votre casserole sur le bord du fourneau pour que
vos pigeons mijotent; au milieu de leur cuisson mettez un litre
de pois fins, laissez-les cuire, ayant soin de les remuer souvent,
leur cuisson achevée goûtez-les, et ajoutez du sel, s'il en est
besoin ; dégraissez-les, retirez-les pour faire réduire leur sauce,
si elle est trop longue; la réduction faite, dressez vos pigeons,
masquez-les de leur ragoût de pois et de petit lard, et servez.
Pigeons en entrée de broche à la ntmoise. — Videz et
troussez vos pigeons par la poche, en fendant la fourchette avec
la lame d'un couteau ; prenez garde, en enlevant le gésier et le
foie, de ne pas crever le fiel, pelez les pattes, coupez les ongles
et bridez vos pigeons en entrée de broche, en faisant une incision
sous le bout de la cuisse, et en relevant les pattes que vous
trousserez sur les côtés tout le long des cuisses, et que vous
fixerez au moyen d'une aiguille à brider ; vous passerez une
ficelle aux deux extrémités, et vous la nouerez par derrière;
après cuisson,- ôtez la ficelle, dressez-les sur le plat, versez-y une
rimolade.
Hachez du persil, deux échalotes, un peu d'oignon, pressez-
les ensuite dans un linge pour en extraire les parties aqueuses.
Hachez aussi des cornichons, des câpres et un anchois, après
quoi vous pilerez parfaitement le tout dans un mortier, avec
quatre jaunes d'oeuf durcis, un peu de persil blanchi d'abord,
jamais d'ail, et lorsque ces objets seront bien piles, vous y mettez
un jaune d'œuf cru, vous verserez presque goutte à goutte dans
le mortier la valeur d'un verre d'huile ; vous assaisonnerez votre
rémolade avec du sel, du poivre, de la moutarde, une bonne
cuillerée de vinaigre à l'estragon, et un jus de citron; vous mêle-
rez bien le tout ensemble.
834 PIGEON.
Pigeons à la crapaudine. — Videz trois pigeons de volière;
retroussez-leur les pattes dans le corps; flambez-les, épluchez-
les; levez une partie de l'estomac en commençant du côté des
cuisses, et venant jusqu'à la jointure des ailes, sans attaquer le
cofFre du pigeon ; renversez cet estomac et aplatissez le corps
avec le manche de votre couteau; prenez une casserole assez
grande pour les contenir, sans qu'ils soient gênés, faites-y fondre
un morceau de beurre, mettez-y sel et gros poivre en suffisante
quantité; posez-y vos pigeons du côté de Testomac; faites-les
revenir en les retournant aux trois quarts cuits; retirez-les,
passez-les, mettez-les sur le gril, faites-les griller à un feu doux;
donnez-leur une belle couleur; dressez-les et servez dessous une
sauce au pauvre homme. (Voir cette sauce.) N'oubliez pas de les
passer à la raie de pain blanche. (V.)
Pigeons à la Gautier. — Ayez six ou sept de ces petits
pigeons bien égaux, lesquels ne doivent avoir que sept ou huit
jours; flambez-les très-légèrement; prenez garde d'en roidirla
peau; épluchez- les, coupez- leur les ongles; faites fondre, ou
plutôt tiédir, trois quarterons de beurre fin, ajoutez-y le jus de
deux ou trois citrons et un peu de sel fin, mettez vos pigeons dans
ce beurre, faites-les revenir légèrement sans passer votre casserole
sur le charbon, afin de ne point roidir leur peau; retirez du feu
votre casserole, foncez-en une autre en totalité de bardes de lard,
rangez-y vos pigeons de manière que les pattes soient au centre
de la casserole, arrosez-les de la totalité de votre beurre, mouil-
lez-les, mettez un verre de vin blanc, une cuillerée à pot de con-
sommé, un quarteron de lard râpé et un bouquet assaisonné;
couvrez vos pigeons de bardes de lard et d'un rond de papier; un
quart d'heure avant de servir, faites les partir; mettez-les cuire
sur une paillasse avec un peu de feu dessous et de la cendre
chaude dessus; leur cuisson faite, égouttez, dressez-les, mettez
entre chacun d'eux une belle écrevisse et une belle truffe au
milieu ; saucez-les, soit avec une sauce verte, soit avec un beurre
d'écrevisses, ou bien un aspic.
Pigeons à la toulousaine. — On fait une farce avec le foie,
du lard et des fines herbes, un petit morceau de veau, un jaune
d'ceuf et des truffes, le tout bien haché; on farcit les pigeons,
PIGEON. 8a5
que Ton met à la broche, et sur lesquels on verse ensuite une
sauce à Testragon ou une rémolade.
Pigeons au sang. — Mettez dans un petit plat un peu de
jus de citron, ou un filet de vinaigre, et quand vous tuerez vos
pigeons, faites-y tomber le sang ; disposez-les comme pour l'apprêt
ci-dessus, et servez-vous pour liaison du sang auquel vous aurez
ajouté deux. ou trois jaunes d'oeufs et deux. ou trois cuillerées à
bouche de lait, le tout passé au tamis.
Pigeons au basilic. — Si vous avez des pigeons à la Gautier
(il y a quatre espèces de pigeons, les romains, les cochois, les
bizets et les pigeons à la Gautier), si vous avez, disons-nous, des
pigeons à la Gautier de desserte, assez pour faire une entrée, exé-
cutez une farce cuite de volaille dans laquelle vous mettrez une
pincée de basilic haché, s'il est vert (s'il tsi sec vous le pilerez et
le passerez au tamis); supprimez les pattes de vos pigeons,
enveloppez-les de farce cuite, en sorte qu'on ne puisse distinguer
si ce sont des pigeons ; trempez-les dans une omelette bien battue
et dans laquelle vous aurez mis une mie de pain et un grain de
sel; roulez-les dans la mie de pain, c'est-à-dire panez-les; un
quart d'heure avant de servir, mettez-les dans de la friture
moyennement chaude, afin qu'ils puissent être atteints ; faites en
sorte qu'ils aient une belle couleur; dressez-les, et servez.
Pigeons à la broche. — Prenez cinq pigeons de volière,
plumez- les , videz-les , refaites-les légèrement , épluchez-les ,
bridez-les, laissez-leur les pattes en long, bardez-les; si c'est en
été, mettez une feuille de vigne entre le pigeon et la barde et
posez-la de manière à ce qu'elle ne déborde pas le lard. Passez
vos pigeons dans un hâtelet, attachez-les sur la broche; faites
cuire ces pigeons, et observez qu'ils demandent à être cuits
verts.
Pigeons en ortolans pour rot. — Prenez six pigeons à la
Gautier, préparez-les, flambez-les légèrement, bardez-les en
caille, de manière qu'on leur voie à peine les pattes; passez-les
dans un hâtelet, couchez-les sur la broche, faites-les cuire à un
feu clair (il leur faut très-peu de cuisson), et servez. *
Pigeons au blanc. — Prenez la même quantité de pigeons,
c'est-à-dire cinq ou six, et préparez-les de même; faites-les dégor-
8a6 PILAU.
ger une demi-heure et blanchir; égouttez-les, essuyez-les avec
un linge blanc; mettez-les dans une casserole avec un morceau
de beurre, faites-les revenir sur un feu doux sans que le beurre
roussisse, singez-les, mouillez-les avec du bouillon et vin blanc,
assaisonnez-les d'un bouquet garni de sel et de poivre, faites-les
mijoter un quart d'heure, ajoutez-y deux poignées de champi-
gnons tournés, une vingtaine de petits oignons d'égale grosseur;
faites cuire le tout et dégraissez-le ; si votre sauce se trouvait trop
longue, rransvasez-Ia , faites-la réduire, remettez-la sur vos
pigeons ; faites une liaison de trois jaunes d'œufs délayés avec de
la crème ou du lait et un peu de muscade râpée, liez votre
ragoût sans le faire bouillir; ajoutez-y, si vous le voulez, un
peu de persil haché et blanchi, goûtez s'il est d'un bon goût,
dressez vos pigeons sur votre plat et masquez-les de votre ragoût.
Côtelettes de pigeons. Prenez six pigeons, préparez-les,
ilambez-les légèrement, levez-en les filets, posez-les sur la table
et levez-en la petite peau, battez légèrement ces filets avec le
manche de votre couteau, parez-les, prenez des os de Faile ou
du brichet, nettoyez-les, mettez-les dans la pointe de chacun de
vos filets pour en former comme une côtelette; trempez-les dans
une anglaise (c'est-à-dire deux jaunes d'œufs délayés avec du
beurre), panez-les, mettez-les sur le gril, faites-les griller, ayant
soin de les retourner, donnez-leur une belle couleur, et, leur
cuisson achevée, dressez-les en couronne sur votre plat, saucez-
les d'un jus de bœuf, ou d'un blond de veau bien corsé, dans
lequel vous mettrez une pincée de gros poivre, le jus d'un ou
deux citrons, et servez. Vous pouvez faire, avec les culottes de
vos pigeons, une entrée, telle qu'une timbale, un pâté chaud
ou des papillotes.
Il faut, pour cette, dernière entrée couper vos culottes en
deux.
PIGNÉSIE. — Espèce de nougat blanc fait avec l'amande
de la pomme de pin et le miel de Narbonne.
PILAU. — Nom d'un mets dont Tusage est extrêmement
répandu en Orient. Il consiste en riz qu'on a fait cuire dans de
Teau ou du bouillon, mais de telle façon que les grains en sont
demeurés entiers et un peu durs, et sur lequel on verse du
PIMENT. 8a7
beurre fondu. Du reste, il existe autant de façons différentes
d'accommoder le pilau qu'il y a de provinces.
Pilau turc, — Lavez le riz à Teau tiède, mettez-le avec trois
fois son volume de bouillon, dans un vase fermé hermétiquement,
sur un feu bien ardent. Quand il commence à bouillir, délayez
dans une soucoupe ou dans une tasse un peu de safran ou gàtinais
et versez-le dans le vase. Faites ensuite bouillir à gros bouillon
en tenant toujours le vase exactement clos; le riz crevé se durcit
et prend consistance; vous le dépotez alors et le servez en
pyramide sur un plat. Cette opération doit durer environ une
heure et demie.
Le pilau se prépare aussi au maigre, c'est-à-dire au beurre.
PIMENT. — Le piment, appelé aussi corail des jardins ,
à cause de la couleur rouge de ses fruits à Tétat de maturité,
possède une multitude de variétés de forme et de volume que
distinguent les noms de poivre long, poivre de Guinée, poivre
de Cayenne. Le gros et long piment que Ton cultive dans les
jardins en Europe se confît ordinairement au sel et au vinaigre,
comme les olives et les câpres. Dans les Antilles et autres con-
trées chaudes, il croît naturellement des piments, beaucoup
moins volumineux, mais d'une force extrême; une de ces variétés,
connue sous le nom de piment enragé , et qui a à peu près la
forme d'un clou de girofle, n'est pas soutenable sur la
langue. Cependant les grives et autres oiseaux en sont très-
friands et s'en chargent le jabot : on l'appelle aussi pour cette
raison piment des oiseaux. Les bois et les forêts en offrent en
abondance.
Une autre espèce de piment, le piment de la Jamaïque, est
le fruit d'une myrtacée connue assez généralement aux Antilles,
où elle croit en abondance sous le nom impropre de bois d'Inde.
Cet arbre se couvre de nombreuses fleurs remplacées par
des baies violettes dans leur maturité ; succulentes, sucrées et
très-parfumées, mais qui échauffent énormément les personnes
qui en mangent.
Les ramiers, les grives, les merles et d'autres oiseaux qui en
sont très-avides acquièrent par cette nourriture un fumet très-
délicat et s'engraissent beaucoup. Ce sont ces baies cueillies
8a8 PINTADE.
avant leur maturité, desséchées au soleil ou à Tétuve et pulvéri-
sées, qui constituent la toute épice des boutiques. C'est l'objet
d'une récolte assez lucrative aux Antilles et principalement dans
l'île de la Jamaïque.
Le nom de toute épice indique que ces baies participent à la
fois de la saveur des quatre principales épices du commerce : la
cannelle, le poivre, le girofle et la muscade.
PIMPRENELLE. — Herbe légèrement aromatique dont
les jeunes feuilles sont employées comme assaisonnement.
Cette plante, autrefois très-estimée comme astringente, vul-
néraire, diurétique, jouissait aussi, disait-on, de la propriété
d'augmenter la sécrétion du lait, et depuis quelques années on a
commencé de la cultiver en prairies artificielles. Cette culture
offre des avantages, quoique le foin que Ton récolte ne soit
réellement bon que pour les moutons.
PINTADE. — Genre d'oiseaux de Tordre des gallinacés.
Ces oiseaux, originaires de l'Orient, ont été nommés pintades,
oiseaux peints, à cause des taches blanches, arrondies, semées
sur le fond gris bleuâtre de leur plumage et placées avec assez
de régularité pour qu'elles paraissent tracée par le pinceau d'un
peintre, surtout chez la pintade ordinaire (Meleagris numide^.
Le nom latin des pintades meleagris^ vient de ce que les Grecs
dans leur mythologie les supposaient le produit de la métamor-
phose des sœurs de Méléagre; les taches de leur plumage étaient
des traces de larmes, enfin, le mot Numida est dû au nom de
poules de Numidie, qu'elles avaient reçu des Romains.
Les pintades ont la tête nue comme les dindons, des bar-
billons charnus, prenant naissance de la mandibule supérieure,
une crête calleuse au-dessus de la tête; leurs pieds sont sans
éperons, leurs plumes croissent de longueur du haut du cou à sa
base, plus fournies au croupion, elles leur donnent une forme
convexe et comme bombée, leur queue courte et pendante,
arrondit encore la forme de leur corps.
De la grosseur de la plus forte poule, la pintade ordinaire a
l'aspect de la perdrix; d'un naturel criard et querelleur, elle se
rend tellement incommode dans les basses-cours que les cultiva-
teurs renoncent à l'élever, malgré la bonté de sa chair et l'abon-
PISKINIOFF. 829
dance de ses pontes : « C'est, dit BufFon, un oteeau vif, inquiet
et turbulent, qui n'aime point à se tenir en place, qui sait se
rendre maître dans la basse-cour; il se fait craindre des dindons
mêmes et, quoique beaucoup plus petit, il leur impose par sa
pétulance. La femelle couve de trois à quatre semaines et, quoi
qu'on ait pu dire, elle prend soin de sa famille et l'amène à bien
toutes les fois qu'elle est dans des circonstances qui lui per-
mettent de se maintenir en bonne santé et qu'elle n'est pas im-
portunée par des visites trop fréquentes autour du lieu de l'incu-
bation ; mais ses petits sont beaucoup plus difficiles à élever que
les poulets dans nos climats tempérés ; ils se nourissent d'abord
de menus grains et d'insectes; la viande hachée, crue ou cuite,
les œufs de fourmi, un mélange de mie de pain, de persil et
d'œufs durs leur conviennent surtout; plus tard ils s'arrangent
du millet. »
Lorsque la pintade est élevée en liberté dans un parc, sa
chair égale en délicatesse celle du faisan. On l'apprête absolu-
ment de la même manière. (Voir Faisan.)
PISKINIOFF. — Gâteau polonais que les cuisiniers français
appellent improprement biscuit de Niauffes.
En voici la recette empruntée au livre de M. de Cour-
champs :
« Faites un demi-litron de feuilletage, donnez-lui un tour
ou deux de plus que d'habitude, formez-en deux abaisses carrées
de l'épaisseur de 3 lignes, couvrez une plaque d'office d'une
de ces abaisses, étalez dessus de la crème pâtissière, à l'épaisseur
de 8 à 10 lignes, dans laquelle crème vous aurez mis une
bonne poignée de pistaches pilées, deux amandes amères, jointes
à une poignée d'amandes douces émondées et un peu d'épinards
blanchis, passés au beurre ; pikz et passez au travers d'un tamis
de crin, ajoutez six fortes cuillerées de sucre en poudre, de l'eau
de fleur d'orange et un ou deux œufs entiers, que vous aurez
bien incorporés dans cette crème; étendez-la également sur votre
première abaisse, couvrez-la de la seconde, dorez-la avec du
lait, piquez-la, rayez-la en formant des carrés de 3 pouces de
longueur sur 2 de largeur; dorez une seconde fois cette
abaisse avec du lait, saupoudrez-la de sucre passé au tamis de
830 PLCM-PUDDING.
crin, de fleur d'orange pralinëe et bien hachée, laissez fondre un
peu votre sucre ; faites fondre ce piskiniofF à un four un peu
plus chaud que pour les biscuits ordinaires dans lequel vous
aurez allumé un éclat pour le faire griler; sa cuisson achevée,
retirez-le, divisez-le par carrés que vous dresserez et servirez
pour entremets. »
PISTACHE. — On donne ce nom aux amandes des fruits
du pistachier franc. C'est une petite noix oblongue, assez diffi-
cile à casser, parce qu'elle est élastique; jaunâtre, ponctuée de
blanc vers l'époque de sa maturité, teinte de rouge du côté du
soleil; elle renferme une semence huileuse dont la chair est
d'un vert tendre et dont le goût est plus agréable que celui de
l'aveline.
On substitue avec avantage la pistache aux amandes et aux
avelines pour toute les préparations de haute cuisine et d'office
ainsi que dans la fabrication des dragées et pralines, mais la plu-
part des prétendues pistaches recouvertes de sucre que Ton trouve
chez les confiseurs sont des semences extraites des fruits coniques
d'une espèce de pin. (Voir les articles Crèmes, Dragées et
Glaces.)
PLIE. — Poisson de la famille naturelle des achantures et
qui se prépare de la même façon que la limande et le carrelet.
(Voir Limande, Carrelet.)
PLONGEON. — Oiseau aquatique dont on distingue plu-
sieurs espèces. Le plongeon de Seine est surtout renommé pour
la saveur et la finesse de sa viande; il est classé parmi les ali-
ments maigres et s'apprête de la même faç<m que les rouges de
rivière et les albrans. (Voir ces deux articles.)
PLUM-PUDDING. — Mets farineux sans lequel il n'y a
pas de bon repas en Angleterre et dont l'usage s'est aussi fort
étendu en France pendant ces dernières années, dans la compo-
sition duquel figurent en première ligne, comme parties essen-
tielles et constitutives, la farine, les œufs et le beurre, dont on
relève le goût par différents ingrédients. Il y a le pudding aux
cerises, pudding au sagou, le pudding au citron, le pudding aux
choux-fleurs, le pudding mousseux etc.
Plum- Pudding, — (Recette traduite de l'anglais par feu
PLUNK-FINE. 8}i
M. de Cussy. ) Ayez 2 livres de moelle de bœuf ou, à défaut
de moelle, 2 livres de graisse de rognon de bœuf, ôtez-en la
peau et les nerfs, hachez-la bien menu et mettez-la dans un
grand vase, épepinez une demi-livre de raisins de Corinthe, et
mêlez ces raisins avec votre graisse ou moelle, ajoutez à cela
3 livres de mie de pain passée au tambour ou dans une
passoire, un bon verre de vin de Malaga, deux petits verre d'eau-
de-vie de Cognac, le zeste de la moitié d'un citron, haché bien
fin, une poignée de cédrat confit, coupé en petits dés, une bonne
poignée de farine de seigle, du sel fin en suffisante quantité et
huit œufs entiers; mouillez le tout avec du lait, maniez avec
les mains de façon à ce que le tout soit bien mêlé^ formez-en
une pâte un peu liquide, faites bouillir de Teau dans une mar-
mite, capable de contenir le plum-pudding; votre eau bouillante,
formez une serviette et posez-la dans une passoire (laquelle sert
de moule pour former votre plum-pudding), et mettez-y votre
appareil, rassemblez les coins de cette serviette, liez-les forte-
ment sans trop serrer votre pâte, mettez le tout dans la marmite
qui doit bien bouillir, retirez-la alors au fond du fourneau et
conduisez-la comme un pot-au-feu; observez qu'il ne faut la
couvrir qu'à moitié ; qu'il ne faut pas qu'elle cesse de bouillir, que
pour l'entretenir, il faut toujours avoir de leau bouillante, et
que, sans tout cela, l'eau pénétrerait dans le pudding. Laissez-le
cuire six ou sept heures, retournez-le d'heure en heure durant sa
cuisson, faites la sauce indiquée ci-après : mettez dans une casse-
role un quarteron de beurre fin, une pincée de farine, une pin-
cée de zeste de citron, une écorce de cédrat hachée, de même une
petite pincée de sel et une cuillerée à bouche de sucre fin.
Mouillez le tout avec du vin de Malaga, faites cuire comme une
sauce ordinaire, au moment de servir, égouttez votre plum-
pudding un instant, déliez et ouvrez-en la serviette, posez un plat
dessus, rétournez-le, ôtez-en la serviette; saucez et glacez-le avec
la sauce énoncée ci-dessus, et servez-le tout de suite.
Observez que vous pouvez également faire cuire votre plum-
pudding au four, en le mettant dans une casserole beurrée.
PLUNK-FINE. — Ragoût de bœuf à l'écossaise. (Voir
Bœuf.)
832 PLUVIER.
PLUVIER. — Il y a deux espèces de pluviers, le pluvier
doré^ dont le plumage est jaune, et le pluvier gris^ dont le plu-
mage est cendré; plusieurs auteurs ont confondu le pluvier avec
le vanneau parce que ces deux oiseaux habitent les mêmes lieux,
vivent des mêmes aliments et ont une chair assez semblable par
le goût et les effets qu'elle produit. Toutefois celle du pluvier est
plus délicate.
Les pluviers sont des oiseaux sociables, migrateurs, se nour-
rissant principalement de vers de terre; on prétend que pour
faire sortir ceux-ci de leurs retraites, ils frappent constamment
la terre avec le pied; ils mangent aussi des insectes coléoptères
et quelques mollusques. En général ils ne construisent pas de
nid; la femelle choisit sur la terre ou dans le sable un petit
enfoncement et y pond de trois à six œufs, dont la couleur varie
selon les espèces.
Le pluvier excite Tappétit et se digère facilement, mais
comme il procure une alimentation peu solide, les personnes
accoutumées à un grand exercice de corps ne s'accommoderaient
pas de cette nourriture.
« Et disqyent ils à Gargantua, que le pleuvier est de la
viande à gents saoulx et desja reputs de chair non creuse, »
Les pluviers se mangent de plusieurs manières. Nous allons
donner quelques recettes :
Pluviers aux truffes. — Flambez, videz, épluchez trois ou
quatre pluviers, mettez-les dans une casserole avec une douzaine
de belles truffes, dont vous ôterez la pellicule, un bouquet
assaisonné; un peu de basilic, sel, poivre, faites revenir le tout
dans du beurre et mouillez avec un verre de vin de Champagne,
six cuillerées d'espagnole réduite, et faites cuire ainsi vos plu-
viers; puis dégraissez-les, mettez-les dans une autre casserole
avec les truffes, passez la sauce à Tétamine, dressez vos pluviers
sur un plat, mettez dessus les truffes en rocher, versez du jus
de citron sur la sauce réduite, et servez.
Pluviers en entrée de broche. — Otez les intestins de
quatre pluviers dorés, faites une farce avec ces intestins, du lard
râpé, poivre, sel, persil, échalotes, garnissez de cette farce l'in-
térieur des pluviers et embrochez-les avec un hâtelet; couvrez-
POIRE. 833
les de bardes de lard, enveloppez-les de papier; couchez les
pluviers sur broche et faites-les cuire; ôtez ensuite le papier et le
lard, dressez les pluviers et arrosez d'un ragoût truffé.
Pluviers braisés. — Comme les pigeons.
POELE A FRIRE. — Ustensile de cuisine ordinairement en
fer battu dans lequel on fait fondre de la graisse ou du lard, ou
dans lequel on met de Thuile, et qui sert à faire des fritures,
des omelettes, des crêpes; anciennement les poêles avaient une
très-grande queue, sur laquelle il suffisait de frapper un petit
coup pour retourner les omelettes et les crêpes, mais qu'il fallait
se garder d'abandonner, si on ne voulait pas voir ce que conte-
nait la poêle renversé dans le feu. De là le proverbe employé
encore au figuré, bien que les poêles à petite queue se tiennent
toutes seules siir le feu : a Est bien embarrassé celui qui tient la
queue de la poêle. »
POELON. — Instrument culinaire en cuivre jaune non
étamé avec une longue queue pour pouvoir l'exposer au feu de
cheminée.
Les poêlons d'office sont des espèces de casseroles beaucoup
plus profondes que celles qui servent à la cuisine. On les em-
ploie pour faire du sirop de sucre, des confitures, etc.
POIRE. — La poire qui provient des sujets cultivés est
un de nos meilleurs fruits ; il y en a plus de trois cents espèces
qui figurent dans nos jardins. La petitesse, la dureté et Tâpreté
au goût que nous offre la poire sauvage, comparées au volume
énorme, à la douceur et au moelleux de tant de beaux fruits,
font sentir l'influence merveilleuse de la culture. La poire sau-
vage n'est pas mangeable, elle sert seulement à faire une piquette
d'assez mauvaise qualité, aussi l'a-t-on nommée avec raison la
poire d'angoisse.
Les poires renferment, ainsi que les pommes, cinq loges
remplies de petits pépins moelleux, mais plus bruns et la plupart
noirs. Ces fruits, d'une grosseur à peu près semblable à celle des
pommes, et aussi variés, ont, comme nous Tavons dit plus haut,
plus de trois cents espèces ; aussi nous bornerons-nous à indiquer
celles que nous croyons les meilleures; on les divise en trois
classes : les poires fondantes , les poires à chair cassante mais
J3
834 POIRE.
douce, les poires à chair ferme ou cassante et imprégnées d'un
principe astringent que la cuisson ne fait même pas disparaître
complètement.
Presque toutes les poires d'été, telles que le Bon-Chrétien,
le Petit-Muscat, la Madeleine, le Rousselet de Reims, etc.,
appartiennent à la première classe; on peut également y com-
prendre quelques-unes de celles qui fleurissent en automne,
telles que les Beurrés, les Doyennés, et parmi celles d'hiver
le Saint-Germain, la Virgouleuse, la Crassane et quelques autres.
Celles de la deuxième classe sont moins digestibles que celles
de la première, mais elles peuvent être également mangées crues;
telles sont le Messire-Jean doré, le Rousselet, le Bon-Chrétien
d'Espagne, etc.
Quant à celles de la troisième classe, dont la chair est sèche
et cassante, elles ne conviennent à Tétat de crudité qu'aux esto-
macs les plus robustes; le mieux est donc toujours de les faire
cuire avec du sucre.
Poires au lard. (Ragoût allemand.) — Faites rissoler du
lard coupé en petits morceaux; pelez des poires cassantes et
coupez-les aussi en morceaux, faites-les étuver avec un peu de
bouillon de veau, égouttez-les ainsi que vos carrés de lard,
mélangez le tout dans une casserole en y ajoutant une pin-
cée de muscade râpée, du gros poivre et quelques feuilles de
tanaisie, faites bouillir le tout ensemble une demi-heure et
servez ce bon plat allemand garni de croûtons frits, ainsi qu'il se
pratique régulièrement tous les mercredis à la cour de Wur-
temberg.
Pour les autres préparations concernant les poires, nous
prions le lecteur de se reporter aux articles Charlotte, Char-
treuse, Confitures, etc.
POIRE. — C'est le nom d'une boisson fermentée, spiri-
tueuse, faite avec des poires; si les fruits sont de bonne qualité
et que l'opération soit bien menée, le poiré est supérieur à beau-
coup de vins blancs ; il faut choisir pour cela des poires un peu
âpres, telles que la poire sauvage, le certeau, le sucré vert, etc.,
et cette excellente boisson, mise en bouteille, se conserve plu-
sieurs années.
POIS. 835
Le poiré est ordinairement plus limpide, moins pesant et
plus nourrissant que le cidre. On ne s'en sert guère en cuisine que
pour faire le mouillement des matelotes normandes, ainsi que
nous l'ayons indiqué. (V. Carrelet.)
POIREAU. — Le poireau est originaire d'Espagne, il est
cultivé dans toutes les parties tempérées de l'Europe; les pauvres
le mangent cru avec le pain, et il sert dans tous les ménages
pour donner du goût à la soupe, car il est doué de propriétés
diurétiques qui peuvent être employées dans le régime alimen-
taire; il n'est guère employé que pour assaisonnements dans les
potages français et les courts-bouillons de formule étrangère ; il y
a cependant des pays où Ton prépare quelques ragoûts de poi-
reau, et l'on confectionne avec des poireaux blancs une cer*-
taine soupe grasse qui mérite une considération particulière.
En Lorraine on fait des tartes aux poireaux.
POIS. — Nous n'avons à traiter ici que des petits pois
cueillis avant leur maturité , alors qu'ils sont encore tendres et
remplis d'une eau sucrée.
Les petits pois sont sans contredit un de nos meilleurs
légumes. Lorsqu'ils sont bien frais, bien tendres et cuits aussi-
tôt écossés, ils forment un entremets toujours parfaitement
accueilli.
Les pois offrent encore une précieuse ressource lorsqu'ils
sont desséchés , mais ils sont plus difficiles à digérer que frais.
On les accommode de la même façon, au beurre, au lard, au
sucre, mais on ne les emploie guère qu'à faire des purées.
Petits pois à l'ancienne mode. — (Recette de l'Abbaye de
Fontevrault.) Faites écosser peu de temps avant de les mettre
cuire deux litres de pois verts fins, et tenez-les renfermés dans
une serviette mouillée. Prenez ensuite un cœur de laitue pommée
dont vous écarterez le milieu des feuilles afin d'y placer une
branche ou tige de sariette verte et fraîchement cueillie. Fice-
lez cette laitue et mettez-la dans une casserole avec les pois,
une pincée de sel, un demi-verre d'eau et une demi - livre de
beurre tout frais. Après un quart d'heure de cuisson, vous ôtez
la laitue , et au moment de servir vous liez vos pois avec trois
cuillerées de crème double oii vous aurez délayé le jaune d'un
836 POIS.
œuf du jour avec une pincée de poivre blanc et une petite cuti*
lerée de sucre en poudre.
Petits pois à la Française. — Mettez deux litres de pois
très-fins dans une casserole avec un peu de beurre et de Teau,
pétrissez avec les mains, jetez Teau et ajoutez un bouquet de
persil, un petit oignon, un cœur de laitue, un peu de sel et une
petite cuillerée de sucre en poudre; couvrez la casserole et fidtes
cuire à petit feu une demi-heure; puis retirez le bouquet de
persil et Toignon, posez la laitue sur le plat; liez vos pois avec
un bon morceau de beurre fin, manié d'un peu de fisirine, sautez*
les sur le feu jusqu'à ce qu'ils soient bien liés et versez-les en
buisson sur la laitue. Evitez la liaison. Les petits pois frais se
lient d'eux-mêmes. — N'oubliez pas, pour que les pois conser-
vent leur humidité dans la cuisson, de mettre en place du cou-
vercle une assiette creuse avec de l'eau.
Vous pouvez les apprêter de la même manière, sans laitue,
et les lier avec des jaunes d'œufs et un morceau de beurre frais
au lieu de beurre manié.
Petits pois à l'anglaise. — Jetez dans une casserole d'eau
bouillante une petite poignée de sel blanc , mettez-y les pois et
faites-les bouillir à grand feu sans les couvrir et en écumant
l'eau continuellement, égouttez-les ensuite et mettez-les sauter^
sans les remettre au feu, dans un bon morceau de beurre fin;
dressez-les en pyramide sur un plat, mettez au milieu un autre
morceau de beurre et servez.
Petits pois à la bourgeoise. — Vous passez lestement vos
pois dans un roux léger ; mouillez avec un peu d'eau bouillante,
ajoutez sel et poivre, un bouquet de persil et un cœur de laitue;
laissez réduire jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de sauce et ajoutez
une liaison de trois jaunes d'œufs au moment de servir.
Petits pois à la crème. — Vous mettez tiédir dans une cas-
serole un morceau de beurre manié de farine et vous y ajoutez les
pois, un bouquet de persil et ciboules, sel et poivre, laissez-les
cuire dans leur jus sans mouillement, puis retirez la casserole
du feu, versez dans un vase la cuisson de vos pois, mettez-y
de la crème et du sucre en poudre, versez cette sauce sur les pois
et sautez-les avant de servir.
POISSON. 837
Petits pois au lard. — Faites revenir dans du beurre du
petit salé coupé en dés; retirez-le quand il est de belle couleur,
puis mettez dans le beurre qui a servi à le rôtir une cuillerée à
bouche de farine, faites un roux, mouillez avec du jus ou du
bouillon. Remettez ensuite le petit salé avec les pois, ajoutez un
oignon, un bouquet garni et un peu de poivre et faites cuire sur
Tangle du fourneau.
Pois chiches. — Les pois chiches sont bien nourrissants,
mais d'une digestion quelquefois difficile; on ne les mange ordi-
nairement qu'en purée. On a essayé, en les torréfiant et en les
pulvérisant, de les substituer au café, mais cette expérience n'a
amené aucun bon résultat.
On les cultive dans le midi de la France où ils sont con-
nus sous le nom de garbansos. Nous en avons parlé plus haut.
Ils servent à la confection de Voille et de Volla-podrida.
POISSON. — « Les poissons, a dit Cuvier, sont des ani-
maux aquatiques vertébrés, à sang froid et respirant par des
branchies. »
Nous n'avons à parler ici du poisson que sous le point de
vue de l'alimentation ; aussi n'entamerons-nous pas une discus-
sion anatomique sur la nature et le genre de vie des différentes
espèces de poissons, et nous bornerons-nous à indiquer seulement
ceux que nous croyons les meilleurs.
Les poissons doivent être considérés comme une des plus
l^randes ressources de l'alimentation. Les hommes recherchèrent
de tous temps cette nourriture saine et délicate, et Montesquieu
attribue la grande population de la Chine à l'usage fréquent du
poisson. Favorisés par le voisinage de la mer, les populations
grecques, en s'adonnant à la pêche, s'attachèrent à distinguer
les meilleures espèces. Les cuisiniers grecs savaient donnée aux
poissons diverses préparations dont il est parlé dans les anciens
auteurs qui ont écrit sur la diététique; ils avaient plusieurs
manières de les apprêter avec le sel, de les mariner avec de
l'huile et des aromates, et le poisson en escabèche des Italiens et
des Espagnols n'en est sans doute qu'une imitation. Aussi nous
savons, malgré le peu de notions qui nous sont parvenues sur la
cuisine grecque, qu'on préparait alors la chair de l'espadon avec
8^8 POISSON.
de la moutarde, celle du congre avec du sel et de rorigan, la
dorade avec de Thuile, du vinaigre et des pruneaux. Galien fiit
le premier qui prescrivît de saler le thon, parce que dans cet état
sa chair est moins compacte. Athénée nous a transmis quelques
préceptes sur les assaisonnements, et Xénocrate, Eschyle et
Sophocle ont parlé des sauces au poisson. A Athènes on avait
poussé si loin cette prédilection pour les productions de la mer,
que, par une loi de police, il était prescrit d'appeler sur-le-
champ les acheteurs au bruit de cylindres d'airain pour que
chacun pût se procurer du poisson frais au moment où il était
apporté au marché. On assure même que pour obliger les mar-
chands à le vendre plus vite, il leur était enjoint de rester debout,
afin que cette obligation les rendît plus soumis et plus empressés
de vendre à un prix raisonnable.
Parmi les poissons les plus estimés sous les Romains figure
le scare que les gourmets préféraient à toutes les autres espèces;
le foie de la lotte jouissait aussi d'une grande réputation, au
contraire du reste du corps qui était peu estimé; le mulet était
réputé un des mets les plus délicats, et il a bien dégénéré depuis,
car aujourd'hui nous le considérons comme un poisson commun.
Les gastronomes se plaisaient alors à le voir expirer sur la table
pour jouir de ses changements de couleurs. Apicius fut le premier
qui le fit mourir dans de la saumure composée de sang de
scombre ou de maquereau; c'était le fameux garum sociorum,
et nous avons parlé plus haut des viviers où les Romains conser-
vaient le poisson pendant six mois, en le mettant dans la neige
au fond d'une glacière. LucuUus, le plus fastueux des patriciens,
fit même couper une montagne dans les environs de Naples
pour ouvrir un canal et faire remonter jusque dans ses jardins
la mer et les poissons. Pompée le baptisa à ce sujet du nom de
Xerxès en toge.
Ce ne fut guère que vers le xii* siècle que les marchands,
réunis en compagnie, entreprirent d'approvisionner de marée la
capitale; alors s'établit la différence des harengères, chargées
de la vente du poisson de mer, et des poissonnières qui faisaient
la vente du poisson d'eau douce.
Il se vend annuellement à Paris pour près de deux mil-
POISSON D'AVRIL. 8)9
lions de poissons d'eau douce, et six millions de francs de
marée.
Malgré la quantité considérable de poissons qui arrivent
encore frais à Paris, ce qui est dû à sa proximité de la mer, il y
en a beaucoup encore qui ne peuvent supporter le transport,
quelque accéléré qu'il soit. Au siècle dernier, Louis XV avait
accordé à titre d'encouragement une prime de 9,000 francs à celui
qui pourrait faire arriver à Paris une dorade fraîche ; aucun entre-
preneur ne put réussir à gagner cette récompense qu'il serait
facile d'obtenir aujourd'hui que nous avons les chemins de fer ;
et c'était ce qui faisait le grand désespoir des Lucullus du siècle
dernier.
Poissons de mer : Esturgeon , turbot , saumon , cabillaud ,
thon, bar, alose, dorade, raie, maquereau, sole, barbue, carre-
let, limande, plie, vive, éperlan, rouget, harengs, sardines.
Crustacés : Homards, langoustes, crabes, crevettes, che-
vrettes ou salicoques.
Coquillages : Huitres, moules, pèlerines, ormiers.
Poissons de rivière : Brochet, carpe, anguille, truite, ombre,
chevalier, lavaret, ferrât, perche, lotte, lamproie, barbotte,
barbeau, tanches, goujon, brème, écrevisses.
POISSON D'AVRIL. — Certains étymologistes croient que
Ton disait passion d'avril^ en mémoire de la passion de Jésus-
Christ qui arriva le 3 avril, et que la corruption du langage en
a fait poisson d'avril.
François, duc de Lorraine, et son épouse, retenus pri-
sonniers à Nancy et cherchant quelque stratagème pour se
sauver choisirent le premier jour d'avril. Tous deux déguisés
en paysans, portant une hotte de fumier, sortirent de Nancy
à la pointe du jour, et traversèrent la Moselle à la nage. Ils
durent leur salut à la crainte qu'on a généralement du pois-
son d'avril. En effet, une femme les ayant reconnus alla en
prévenir un soldat de la garnison du château qui ne fit qu'en
rire, croyant qu'on voulait lui faire manger du poisson d'avril.
Cette nouvelle parvint à l'officier qui s'imagina également que
c'était un poisson d'avril et n'eut garde de se déranger. Cepen-
dant il en avertit le gouverneur qui envoya s'éclaircir du fait.
840 POMME.
mais il était trop tard ; les illustres voyageurs avaient pris les
devants, et, grâce au poisson d'avril, ils échappèrent aux
recherches.
POIVRE. — Ainsi que nous l'avons déjà dit dans notre pré-
face , le poivre a toujours été la plus répandue des épiceries
connues et la plus employée en cuisine.
Le poivre a été longtemps l'objet d'un très-grand luxe, et une
livre de poivre était un présent considérable à faire à une per-
sonne; on rapporte que lorsque Clotaire III fonda le monastère
de Corbie, parmi les différentes denrées qu'il assujettit ses
douanes à payer annuellement aux religieux, il y avait trente
livres de poivre. Roger, comte de Béziers, ayant été assassiné
dans une sédition par les bourgeois de cette ville en 1107, une
des punitions que son fils imposa aux bourgeois, lorsqu'il les eut
soumis par les armes, fut un tribut de trois livres de poivre à
prendre annuellement sur chaque famille. Enfin, à Tyr, les Juifs
étaient obligés d'en payer de même deux livres par an à l'Arche-
vêque. C'étaient, disent les Oânnales de V Église d'Q/iix^ Ber-
trand et Rostang de Noves, archevêques de cette ville, l'un en
1143, l'autre en 1283, qui avaient imposé cette servitude aux
Hébreux perfides.
Le poivre, très-usité comme condiment, favorise la digestion.
Avant le cubèbe, il était fréquemment employé dans les
officines. Dans les pays chauds, on en prépare des liqueurs fer-
mentées excessivement fortes. Comme c'est un stimulant des
plus énergiques, on ne l'emploie que modérément dans la
bonne cuisine, et les personnes nerveuses et impressionnables
doivent même s'en abstenir. Il n'en est pas de même pour les
gens de la campagne dont la sensibilité de l'estomac est émoussé
par l'habitude d'une nourriture grossière et a besoin d'être
fortement excitée, et le poivre est très-propre à produire celte
excitation; aussi on en fait un grand usage dans toutes les cui-
sines provinciales.
Il y a trois sortes de poivre : le poivre noir, le poivre blanc
et le poivre long.
POMME. — Les pommes se mangent crues ou en com-
potes , confitures, marmelades. On en fait aussi un cidre
POMME. 841
agréable, généreux et de bonne conservation. On se sert prin-
cipalement, pour cette boisson, des amères, mélangées d'environ
un tiers de douces.
Les provinces de France les plus abondantes en pommes sont
la Normandie, l'Auvergne et le Vexin français; la Bretagne en
fournit en assez grande quantité.
Les meilleures pommes qu'on mange en hiver sont la rei-
nette, le court-pendu, la pomme d'api et le calville dont il existe
trois espèces : la blanche, la rouge et la claire. Le calville rouge,
c'est-à-dire celle qui a la peau et une partie de la chair rouges,
est la meilleure des trois ; elle renferme un suc doux et convient
à ceux qui ont des aigreurs dans l'estomac, pourvu toutefois
qu'on en mange peu. La reinette convient particulièrement aux
bilieux. Mais, de toutes les pommes, le court -pendu est la
meilleure; sa saveur est très-agréable, sa chair délicate et son
odeur très-douce.
La pomme d'api, qui doit toujours se manger crue, est la
plus petite et la plus dure de toutes les pommes ; elle renferme
une eau savoureuse, très-propre à rafraîchir la bouche et à
éteihdre la soif, mais sa chair est lourde et difficile à digérer.
Le suc de la pomme crue, suivant Galien, bout et fermente
dans l'estomac comme le vin qui sort de la cuve; ce suc est com-
posé de parties extrêmement fines mais indigestes qui , par le
moyen des artères, se distribuent par tout le corps, de sorte qu'il
est difficile, si l'on mange beaucoup de pommes crues, que la
fermentation excessive, jointe à la crudité de leur suc, ne trouble
la circulation du sang et que les principaux viscères n'en souf-
frent. Simon Pauli , savant médecin , qui aimait beaucoup les
pommes et qui avait coutume d'en manger tous les jours, dit qu'il
eut pendant vingt ans de très-fortes palpitations de cœur dont il
modérait le progrès en se faisant souvent saigner et en mangeant
moins souvent des pommes crues; il ajoute, que lorsqu'il en man-
geait beaucoup le soir, il ne manquait point d'être attaqué, la
nuit, une ou deux fois, de cauchemar ou d'insomnie.
Un de nos plus célèbres Normands, Bernardin de Saint-
Pierre, donne ainsi, dans une ingénieuse fiction, l'origine des
pommiers de sa province :
84a POMME.
« La belle Thëris, dit-il, jalouse de ce que, à ses propres
yeux, Vénus eût remporté la pomme qui était le prix de la beauté,
sans qu'on l'eût admise à la concurrence, résolut de s'en venger.
Un jour donc que Vénus, descendue sur cette partie du rivage
des Gaules, y cherchait des perles pour sa parure et des
coquillages pour son fils, un triton lui déroba sa pomme, qu'elle
avait mise sur un rocher, et la porta à la déesse des mers; aussi-
tôt Thétis en sema les pépins dans les campagnes voisines, pour
y perpétuer le souvenir de sa vengeance et de son triomphe.
Voilà, disent les Gaulois celtiques, la cause du grand nombre de
pommiers qui croissent dans notre pays et de la beauté singulière
de nos filles. »
On sait aussi quel rôle joue la pomme dans l'histoire. Pour
éviter les frais qu'occasionnaient les noces, Solon ordonna que les
nouveaux époux ne mangeraient qu'une pomme avant de se
mettre au lit, la première nuit du mariage, ce qui n'était guère
substantiel et réconfortant pour les pauvres époux.
Pommes au beurre, — Videz une vingtaine de belles pommes
à l'emporte-pièce; tournez-en neuf ou dix pour en ôter la peau
comme pour une compote ; faites-les cuire aux trois quarts dans
un sucre léger, égouttez-les , faites une marmelade des autres
pommes en les faisant cuire dans une casserole avec un peu de
beurre, de cannelle et un verre d'eau jusqu'à ce qu'elles soient
fondues; étendez sur votre plat une partie de cette marmelade
avec un peu de compote d'abricots, arrangez vos pommes dessus
et emplissez de beurre 4e trou qui est au milieu, garnissez les
inten^alles avec le reste de la marmelade, glacez-la avec du sucre
en poudre, faites cuire au four, donnez belle couleur, bouchez
le trou des pommes avec des cerises ou des confitures, et servez
chaud.
Miroton de pommes. — Vous épluchez des pommes et vous
en ôtez k cœur, puis vous les coupez par tranches, les feites
mariner pendant trois ou quatre heures dans une terrine avec du
sucre et de la cannelle en poudre, un demi-verre d'eau-de-vie et
un jus de citron, égouttez-les. Mêlez ensemble et mettez dans un
plat qui puisse aller au feu, de la marmelade de pommes et
d'abricots, rangez les pommes autour et dessus en forme de
POMME. 843
dôme ; mettez le plat au four et laissez cuire jusqu'à ce qu'il ait
pris belle couleur.
Pommes au ri^. — Videz et tournez une dizaine de belles
pommes et faites-les cuire comme celles au beurre; faites blanchir
un quart de riz que vous mettrez crever dans du lait en Tarro-
sant petit à petit; ajoutez un zeste de citron vert, un peu de sel
et du sucre en suffisante quantité; quand votre riz est ferme,
supprimez le citron, garnissez votre plat de riz, rangez vos
tranches de pommes dessus, remplissez les intervalles avec du
riz, faites cuire au four jusqu'à belle couleur.
Pommes meringuées. — Mettez dans une croûte à flan ou
sur un plat une couche de marmelade de pommes que vous
recouvrez de blancs d'œuf fouettés en neige et sucrés; puis vous
formez sur le plat, à Taide d'un cornet de papier dont vous
aurez coupé le bout et que vous aurez rempli du restant de
blanc d'oeuf, des petites meringues; saupoudrez de sucre, mettez
à four doux et laissez prendre belle couleur à vos pommes.
Pommes meringuées [Formule de M. Carême), — Otez les
cœurs et pelez trente-six belles pommes de reinette, choisissez
les plus hautes que vous coupez droites avec un coupe-racine,
ayez soin que le cœur des pommes se trouve parfaitement au
milieu et faites-les cuire un peu fermes dans six onces de sucre
clarifié ; après cela vous versez le sirop dans le reste des pommes
que vous aurez émincées et vous les faites cuire comme de cou-
tume, en desséchant un peu plus la marmelade, où vous mêlez
le tiers d'un pot d'abricots; et après l'avoir passée au tamis,
vous en mettez une cuillerée dans le plat d'entremets en formant
une couronne sur laquelle vous placez droites les dix pommes
tournées, de manière qu'elles forment un puits au milieu, vous
garnissez le cœur des pommes avec de la marmelade d'abricots
et avec le reste de la marmelade vous masquez le dessus et le
tour des pommes, mais arrangez-vous de façon que le dessus soit
bien uni et très-égal en hauteur, que le tour soit uni et droit, de
même que l'intérieur du puits doit être garni de marmelade,
afin que les pommes ainsi masquées forment une couronne par-
faite et ayant un vide au milieu.
Cette partie de l'opération terminée, vous mettez l'entre-
844 POMME.
mets au four doux et dès qu'il commence à se colorer d'un
rouge clair, vous fouettez deux blancs d'œuf bien ferme et les
mêlez avec deux cuillerées de sucre fin, vous les versez dans le
milieu des pommes, mais quand le puits est plein, vous avez
soin de dresser le reste de blanc d'œuf, en formant une meringue
bien bombée sur laquelle vous semez du sucre écrasé un peu fin ;
le sucre étant fondu , vous remettez les pommes au four ; ayez
l'attention, en semant le sucre sur la meringue de ne pas en
mettre sur les pommes.
Pommes au beurre et à la gelée de pommes (autre formule
du même praticien). — Otez les cœurs et tournez quinze pommes
d'Afrique; vous faites cuire en deux fois dans six onces de sucre
clarifié; épluchez ensuite douze pommes de reinette coupées
par quartiers, versez dessus le sirop que vous aurez fait réduire
au soufflé; puis deux onces de beurre tiède et le quart d'un pot
d'abricots ; le tout étant bien mêlé, vous placez la casserole feu
dessus et dessous et cuisez les pommes comme les précédentes ;
pendant leur cuisson, vous coupez chaque pomme d'api en deux
et en travers, vous les moulez dans un moule en dôme bien
légèrement beurré, ensuite vous achevez d'emplir le moule en y
versant les pommes au beurre; vous renversez l'entremets sur son
plat et mettez dans le milieu de chaque moitié de pomme d'api,
une belle cerise ou un gros grain de verjus confit. Vous masquez
parfaitement l'entremets de lames de gelée de pommes de Rouen,
ce qui rend les pommes d'un glacé brillant et séducteur.
En place de pommes d'api , vous pouvez cuire au sirop dix
pommes de reinette coupées par quartiers.
Pour les pommes au beurre et aux macarons, vous préparez
et dressez l'entremets de même que le précédent, mais vous le
masquez de marmelade d'abricots au lieu de gelée de pommes,
et servez par-dessus deux onces de macarons écrasés, vous placez
ensuite une cerise dans chaque milieu des pommes d'api, et
servez.
On dresse également ces sortes de pommes au beurre dans
des casseroles d'argent et toujours en procédant de même qu'il
est décrit plus haut.
On dresse encore ces bons entremets dans des croûtes de
POMME. 845
vol-au-vent et de tourtes d'entremets glacés, ainsi que dans des
croustades de pâte fine en forme de flan.
Charlottes de pommes. — Pelez et coupez en quartiers une
vingtaine de belles pommes de reinette de France, supprimez-
en les cœurs et mettez les tranches de pommes dans une casserole
avec un peu de beurre, de cannelle, de citron et un verre d'eau.
Couvrez la casserole, placez-la sur un feu doux et laissez cuire
les pommes sans les remuer, laissez-les légèrement s'attacher
pour leur donner un goût de grillé, ajoutez-y du sucre, un peu
d'excellent beurre, faites réduire le tout en le mêlant et conti-
nuez jusqu'à ce que cette marmelade ait pris consistance, ôtez
alors la cannelle et le citron. Coupez des tranches de mie de
pain mollet, larges de deux doigts à peu près, garniissez-en le
fond et le tour d'un moule ; mettez dans l'intérieur la marme-
lade de pommes, que vous entremêlez de couches de marme-
lades d'abricots, afin de rendre l'entremets plus délicat; puis
quand le moule est rempli, vous le recouvrez de tranches de
pain et le faites cuire environ vingt minutes dans un four ou sur
des cendres rouges, faites prendre belle couleur à la charlotte,
renversez le moule sur un plat et servez. N'oubliez pas de
prendre du beurre clarifié pour beurrer votre pain.
Pommes à la crème. — Pelez des pommes et laissez-les
entières, épépinez-les et mettez-les cuire à moitié avec du
sucre comme pour une compote. Quand elles sont à moitié
cuites, vous les retirez et les mettez dans un plat, puis vous
faites une crème avec huit jaunes d'oeuf, un peu de farine, eau
de fleur d'orange, citron confit haché, crème et sucre. Faites
prendre cette crème sur le feu, qu'elle soit épaisse, mettez-en
sur vos pommes, saupoudrez de sucre par-dessus, arrangez-y les
tranches de citron confit, faites cuire cette crème au four qu'elle
soit bien colorée, et servez chaudement.
Pommes à la portugaise. — Pelez cinq ou six belles
pommes de reinette et supprimez-en le cœur en ayant soin de
ne pas les casser. Mettez du sucre en poudre et deux cuillerées
d'eau dans un plat d'argent ou dans une croûte de flan ; placez-y
les pommes dont vous remplacez le cœur par du sucre en poudre
et faites cuire au four ou sous le four de campagne.
846 POMME DE TERRE.
Pommes à la régence, — Pelez vos* pommes, videz-les sans
les endommager, remplissez-les de marmelade d'abricots, em-e-
loppez-les d'une pâte très-mince, frottez-les avec de Tœuf battu;
ayez une pâte à feuilletage très-mince, découpez-la en petites
bandes très-petites, enveloppez-en les pommes en tournant de
façon à leur donner la forme de la pomme, arrêtez le bout avec
un pefit morceau de cannelle, faites cuire au four sur une tour-
tière beurrée comme une tourte; quand elles sont cuites, glacez-
les à l'ordinaire dessus et autour avec du sucre et servez chau-
dement.
Pommes au sec, — Les pommes qu'on tire le plus ordinaire-
ment au sec sont le calville rouge et la reinette coupée par quar-
tiers. Quand elles sont bien confîtes et refroidies, on les met
égoutter, puis on les dresse à l'ordinaire et on les poudre de
sucre.
Si ce sont des pommes conservées au liquide et que vous
vouliez après en faire sécher, faites cuire d'abord du sucre à
perlé dans lequel vous leur ferez prendre quelques bouillons et
vous les tirerez ensuite au sec mieux que si vous n'aviez pas
pris cette précaution, le séchage étant difficile sans cette pré-
caution, à cause de l'humidité qui les décuit dans la suite.
POMME DE TERRE. — Cet excellent légume qui met
désormais les peuples à l'abri de la famine fut apporté de Vir-
ginie par l'amiral anglais Walter Raleigh en 13^85.
Cet amiral fut plus connu par son esprit entreprenant et les
vicissitudes de sa vie que par l'importation de la pomme de
terre, à laquelle tout d'abord on ne fît pas grande attention.
Walter Scott rapporte, que Raleigh se trouvant un jour avec la
reine Elisabeth et sa suite en promenade et la reine ayant à tra-
verser un très-court espace dans lequel se trouvait une flaque
de boue, il dégrafa son manteau de velours bleu, brodé de
perles et retendit sur cet espace afin que la reine pût passer
sans se mouiller les pieds, ce dont elle le récompensa en le
nommant amiral.
Quant à la pomme de terre, des préjugés absurdes l'empê-
chèrent longtemps d'être appréciée à sa juste valeur; c'était pour
beaucoup un aliment dangereux ou au moins grossier et tout au
POMME DE TERRE. 847
plus bon pour les cochons. Les choses en étaient à ce point, vers
la fin du siècle dernier, lorsque Parmentier commença une suite
de travaux théoriques et pratiques pour ramener à la culture de
la pomme de terre ; il fut assez heureux pour triompher des
préjugés et tout le monde fut enfin convaincu des avantages de
cette culture. En 1793, les pommes de terres furent tellement
considérées comme indispensables, qu'un arrêté de la Commune
en date du 21 ventôse, ordonna de faire le recensement des jar-
dins de Luxe afin de les consacrer à la culture de ce légume ;
en conséquence la grande allée du jardin des Tuileries et les
carrés de fleurs furent cultivés en pommes de terre; ce qui leur
fît donner pendant longtemps le surnom d'oranges royales en
mémoire de la restauration qui en avait fait apprécier l'utilité.
La pomme de terre est réellement une nourriture et une
nourriture saine, facile et peu dispendieuse. Son apprêt a cela
d'agréable et d'avantageux pour la classe laborieuse des ouvriers
qu'il n'exige presque pas de soins ni de dépense. L'empressement
avec lequel on voit les enfants manger des pommes de terre
cuites sous la cendre et s'en bien trouver, prouve assez qu'elles
conviennent à toutes les constitutions. Le choix n'en est ni dou-
teux, ni indifférent; les grises dont la peau est graveleuse sont
les moins bonnes, les meilleures de toutes sont sans contredit,
les violettes, préférables même aux rouges, connues à Paris sous
le nom de Vitelottes,
On emploie la pomme de terre dans plusieurs autres prépa-
rations. La fécule, par exemple, est employée par les fabricants
de chocolat sous le nom de sucre royal et entre dans la confec-
tion des chocolats communs. Les fleurs de pomme de terre ont
été récemment reconnues propres à la teinture jaune, et un
membre du collège de médecine de Stockholm a découvert que
les feuilles de pommes de terre, séchées à un point convenable,
donnent un tabac supérieur comme parfum au tabac ordinaire.
Quelle plante, alors, est capable d'être comparée à la pomme
de terre, dont on peut tout employer, et quelle louange dans la
bouche de cette femme s'opposant à ce que l'illustre Parmentier
fût élu à une fonction municipale, en donnant pour motif :
a // ne nous ferait manger que des pommes de terre! »
848 POMME DE TERRE.
Pommes de terre à la maître d'hôtel. — Faites cuire d'abord
vos pommes de terre dans Teau,* pelez-les, coupez-les par tran-
ches, faites-les frire et mettez-les ensuite dans une casserole avec
beurre frais, persil haché, sel, poivre, un jus de citron ; faites
chauffer et liez le tout ensemble; ajoutez un peu de crème, et
servez.
On peut remplacer le beurre par de la bonne huile, et si les
pommes de terre sont petites, ne pas les couper.
Pommes de terre à la parisienne. — Faites fondre un mor-
ceau de beurre ou de graisse dans une casserole avec un ou deux
oignons coupés en petits morceaux, ajoutez-y un verre d'eau et
jetez-y vos pommes de terre, que vous aurez pelées proprement,
avec sel, poivre, bouquet garni, et faites cuire à petit feu.
Pommes de terre à l'anglaise. — Lavez bien des pommes de
terre, faites-les cuire dans de l'eau et du sel et épluchez-les,
puis faites tiédir un bon morceau de beurre dans une casserole,
mettez-y vos pommes de terre coupées en tranches, ajoutez sel,
poivre, mignonnette, pas de muscade; faites sauter ces pommes de
terre et servez-les sur un plat très-chaud.
Pommes de terre à l'italienne. — Faites cuire des pommes de
terre dans l'eau, pelez-les et écrasez-les, mêlez-y un morceau de
beurre, de la mie de pain trempée dans du lait; versez un peu
de lait pour faire une pâte maniable, ajoutez sept ou huit jaunes
d'œufs frais et cinq blancs battus en neige, mêlez bien le tout et
dressez-le en pyramide sur un plat, faites couler dessus un peu
de beurre fondu; faites cuire au four de belle couleur, et ser\'ez
chaudement.
Purée de pommes de terre. — Faites cuire à Teau des
pommes de terre bien farineuses, écrasez-les, passez-les à travers
un passe-purée, mettez-les ensuite dans une casserole avec du
beurre frais, du poivre et du sel, remuez-les comme une bouillie,
ajoutez un peu de lait jusqu'à ce que cette purée ait une épais-
seur convenable et servez-la garnie de croûtons frits dans du
beurre.
Pommes de terre au lard. — Faites frire de petits morceaux
de lard et faites roussir dans la friture une cuillerée de farine en
remuant toujours, ajoutez du poivre, un peu de sel, bouquet
t
POMMES DE TERRE. 849
garni; mouillez avec du bouillon, laissez bouillir cinq minutes et
mettez-y les pommes de terre, bien épluchées, lavées et coupées
par morceaux, laissez cuire, dégraissez, et servez.
Pommes de terre à la lyonnaise. — Vous coupez par tran-
ches des pommes de terre cuites à l'eau et les mettez dans une
casserole, puis vous versez dessus une purée claire d'oignons et
vous tenez les pommes de terre chaudes sans les faire bouillir.
Vous pouvez, si vous n'avez pas de purée d'oignons, mettre
dans une casserole, avec un bon morceau de beurre frais, hui
oignons coTipés par tranches; vous les passez sur le feu jusqu'à ce
qu'ils aient une belle couleur blonde, vous ajoutez une pincée de
farine, du sel, du poivre, un filet de vinaigre, vous mêlez bien
le tout, le faites mijoter pendant un quart d'heure et le mettez
ensuite sur les pommes de terre.
Pommes de terre à la provençale. — Vous mettez dans une
casserole six cuillerées à bouche d'huile, avec le zeste de la moitié
de récorce d'un 'citron, du persil, de l'ail et de la ciboule bien
hachés, un peu de muscade râpée, du sel, du poivre. Puis vous
épluchez les pommes de terre, vous les coupez et les faites cuire
dans l'assaisonnement; au moment de servir, vous y mettez le
jus d'un citron.
Pommes de terre farcies. — Lavez et pelez une dizaine de
grosses pommes de terre, fendez-les en long par le milieu et
creqsez-les adroitement avec un couteau ou une cuiller; puis
faites une farce avec deux pommes de terre cuites, deux écha-
lotes hachées, un peu de beurre, un petit morceau de lard gras
et frais, une pincée de persil et ciboule hachés, pilez le tout
ensemble, ajoutez sel, poivre, formez-en une pâte liée, emplis-
sez l'intérieur de vos pommes de terre avec cette farce en bom-
bant un peu le dessus; garnissez de beurre le fond d'une tour-
tière, rangez les pommes de terre dessus, faites-les cuire pendant
une demi-heure à un feu modéré, feu dessous et dessus, afin
qu'elles se rissolent, et servez.
Pommes de terre frites. — Pelez de belles pommes de terre,
dites la quarantaine ou juillet, coupez-les assez minces, jetez-les
dans une friture fraîche de graisse de rognon de bœuf bien cla-
rifiée, que la friture soit douce, et laissez cuire vos pommes. Dès
S4
S^o POTAGE.
qu'elles sont cuites mollement, retirez-les dans une passoire,
faites chauffer votre friture très-chaude, jetez vos pommes dedans,
lissez avec une écumoire; elles se soufflent d'elles-mêmes, et
servez comme garniture pour côtelettes et autres. (V.)
Pommes de terre sautées au beurre. — Pelez des pommes de
terre crues, petites et rondes; mettez un bon morceau de beurre
dans une casserole, posez-la sur un feu ardent, ajoutez-y les
pommes de terre, sautez-les jusqu'à ce qu'elles soient blondes,
égouttez-les, saupoudrez-les de sel fin et arrangez-les sur le plat
sans autre assaisonnement qu'un peu de persil haché.
houlettes de pommes de terre. — Faites cuire à l'eau des
pommes de terre jaunes, rondes, écrasez-les bien, ajoutez quatre
œufs dont vous aurez battu les blancs en neige, un peu de crème,
persil, ciboules, sel, muscade; mêlez bien le tout, fàites-en glis-
ser dans la friture bien chaude le quart d'une cuillerée à
bouche à peu près ; cette pâte renfle et forme dps espèces de pets
de nonnes ; servez chaudement.
Croquettes et quenelles de pommes de terre, — Vous faites
cuire à l'eau des pommes de terre bien farineuses, .puis vous les
mettez dans un mortier avec un bon morceau de beurre frais,
cinq ou six jaunes d'œufs; un peu de crème, persil haché, sel,
poivre. Mêlez bien cette pâte et divisez-la en petits morceaux;
passez-les à l'œuf comme il est dit pour les croquettes de volaille;
faites-les frire d'une beUe couleur blonde; passez-les à l'anglaise,
et servez.
Gâteau de pommes de terre. — Vous faites votre préparation
comme il Q%t indiqué ci-dessus pour les croquettes ; seulement, au
lieu d'assaisonner avec du poivre et du sel, vous mettez du sucre
et un peu d'essence de vanille ou d'écorce de citron, ou de fleur
d'oranger. Mêlez-y trois ou quatre blancs d'œufs peu battus; puis
beurrez un moule, saupoudrez-le de mie de pain, mettez-y votre
préparation et faites cuire au four pendant une demi-heure.
Pommes de terre en salade. — Vos pommes de terre cuites à
l'eau et refroidies, vous les coupez en tranches et les assaisonnez
comme une salade, en ajoutant quelques fines herbes.
POTAGE. — On appelle potage toute nourriture destinée
à être servie dans une soupière et à ouvrir le repas.
POTAGE. 8^1
On appelle pot-au-feu le bouillon que Ton tire du bœuf
cuit à l'eau et qui en a extrait les parties solubles.
Voici ce que dit Brillât-Savarin :
« Pour avoir de bon bouillon, il faut que Teau s'échauffe len-
tement, aiin que l'albumine ne se coagule pas dans l'intérieur
avant d'être extraite ; il faut que TébuUition s'aperçoive à peine,
afin que les diverses parties qui sont successivement dissoutes puis-
sent s'unir intimement et sans trouble; on joint au bouillon des
légumes et des racines pour en relever le goût, ou du pain ou des
pâtes pour le rendre plus nourrissant.
« Le bouillon est une nourriture saine, légère, succulente et
qui convient à tout le monde. Il réjouit l'estomac, il le dispose à
recevoir et à digérer. Les personnes menacées d'obésité doivent
laisser le pain et les pâtes de côté et ne prendre que le bouillon.
«On convient généralement qu'on ne mange nulle part d'aussi
bon bouillon qu'en France. J'ai trouvé dans mes voyages la con-
firmation de cette vérité. Ce résultat ne doit point étonner, car le
bouillon est la base de la diète nationale française, et l'expérience
des siècles a dû le porter à sa perfection.
((Le bouilli est une nourriture saine, qui apaise promptement
la faim, se digère assez bien, mais qui seule ne restaure pas beau-
coup, parce que la viande a perdu dans l'ébullition une partie
des sucs animalisables.
a On tient comme la règle générale, en administration, que
le bœuf bouilli a perdu la moitié de son poids.
(( Nous comprenons sous quatre catégories les personnes qui
mangent le bouilli :
(( Les routiniers, qui en mangent parce que leurs parents en
mangeaient, et qui, suivant cette pratique avec une soumission
implicite, espèrent bien aussi être imités par leurs enfants.
a Les impatients, qui, abhorrant l'inactivité à table, ont con-
tracté l'habitude de se jeter immédiatement sur la première
matière qui se présente.
a Les inattentifs, qui, n'ayant pas reçu du ciel le feu sacré,
regardent les repas comme les heures d'un travail obligé et
mettent sur le même niveau tout ce qui peut les nourrir et sont
à table comme l'huître sur son banc.
85a POTAGE,
« Les dévorants, qui, doués d'un appétit dont ils cherchent à
dissimuler Télendue, se hâtent de jeter dans leur estomac une
première victime pour apaiser le feu gastrique qui les dévore, et
servir de base aux divers envois qu'ils se proposent d'acheminer
pour la même destination.
« Les professeurs ne mangent jamais de bouilli, par respect
pour les principes et parce qu'ils ont fait entendre en chaire
cette vérité incontestable : Le bouilli est de la chair moins
son jus» »
Grand consommé pour potage et sauce. — Mettez dans une
marmite deux jarrets de veau, un morceau de tranche de bœuf,
une poule ou un vieux coq, un lapin de garenne ou deux vieilles
perdrix, mouillez le tout avec une cuillerée à pot de bouillon et
remuez-le. Lorsque vous verrez que cela commence à tomber à
glace, mouillez-le avec du bouillon et faites surtout qu'il soit
clair; faites bouillir ce consommé, écumez-le, rafraîchissez-le de
temps en temps, mettez-y des légumes, tels que carottes, oignons,
un pied de céleri, un bouquet de persil et de ciboules; assaison-
nez d'une gousse d'ail et de deux clous de girofle, faites bouillir
ce consommé quatre à cinq heures, passez-le à travers une ser-
viette ; vous vous en servirez pour travailler vos sauces et pour
vos potages clairs.
Bouillabaisse (Recette de M. Roubion, restaurateur à Afar-
seille). — Prenez plusieurs qualités de poissons, tels que mer/an,
grondin, scorpène ou rascasse, turbot, etc., et coupez-les en
morceaux.
Préparez un roussi composé d'oignons, d'ail, de persil
haché, de tomates, feuille de laurier, écorce d'orange, poivre,
épices fines et un ou deux verres d'huile, suivant la force de la
bouillabaisse; faites revenir le tout dans une casserole. Mettez
ensuite votre poisson dans cette casserole, ajoutez-y une pincée
de sel et autant de safran, mouillez avec de l'eau bouillante de
façon à ce que le poisson baigne entièrement et faites bouillir à
grand feu la bouillabaisse pendant un quart d'heure, jusqu'à ce
qu'elle soit réduite aux trois quarts; versez le bouillon sur des
tranches de pain que vous aurez coupées et mises dans un plat et
servez votre poisson à côté sur un autre plat.
POTAXÎE. 855
Potage à la bouride et à V aillolis (Recette du même). —
Apprêtez le poisson comme il ^^t indiqué ci-dessus, mettez-le
dans une casserole avec de Tail, un bouquet de persil^ du poivre,
des épices fines, du laurier, un morceau d'écorce d'orange et du
sel ; mouillez le tout d'eau bouillante et de vin blanc comme un
court-bouillon, faites bouillir pendant un quart d'heure jusqu'à
moitié de sa réduction.
Préparez alors un aillolis ou pommade à Fail comme il
suit :
Pilez dans un mortier une ou deux gousses d'ail avec une
pincée de sel, faites lier un jaune d'œuf et monter comme
mayonnaise jusqu'à ce qu'on en ait la quantité voulue, addi-
tionnez avec un jus de citron.
Cassez dans une casserole deux ou trois jaunes d'œuf,
délayez-y votre aillolis, versez-y votre bouillon de poisson et tournez
votre bouride comme une crème sur le feu, jusqu'à ce qu'elle
grille, fouettez-la, frappez vos tranches de pain que vous aurez
humectées avec le bouillon de poisson et servez le poisson à côté
sur un autre plat.
Potage au blond de veau, — Beurrez le fond d'une casserole,
mettez-y quelques lames de jambon, quatre ou cinq livres de
veau de bonne qualité, deux ou trois carottes tournées, autant
d'oignons; mouillez le tout avec une cuillerée de grand bouil-
lon, faites-le suer sur un feu doux et réduire jusqu'à consis-
tance de glace; quand elle sera d'une belle teinte jaune,
retirez-la du feu, piquez les chairs avec la pointe d'un cou-
teau pour en faire sortir le reste du jus ; couvrez votre blond
de veau, laissez-le suer ainsi un quart d'heure, et mouillez
avec du grand bouillon suivant la quantité de vos viandes; met-
tez-y un bouquet de persil et ciboules assaisonné de la moitié
d'une gousse d'ail et piqué d'un clou de girofle; faites bouil-
lir ce blond de veau, écumez-le; mettez-le mijoter sur le bord
d'un fourneau; vos viandes cuites, dégraissez -le, passez-le et
servez-vous-en comme de l'empotage pour le riz, le vermicelle et
même vos sauces.
Bouillabaisse à la ntmoise, — Mettez au fond d'une casse-
role un morceau de beurre bien frais, et rangez au-dessous plu-
854 POTAGE.
sieurs espèces de poissons, anguilles cuites à moitié, rougets pres-
que cuits, soles, pageaux, dorades, queues de langoustes, le
tout coupé en morceaux, assaisonnez et ajoutez des fines herbes
bien hachées, mouillez jusqu'à la surface avec de l'excelleot
bouillon de poisson, que vous aurez fait ainsi :
Mettez dans une casserole toute sorte de poissons, des ras-
casses, des moraines, des saint-Pierre, des pagels, des loups et
des merlans; faites bouillir en les couvrant d'eau, assaisonnée avec
un oignon, une carotte coupée en tranches, du céleri, un cœur
de laitue, du cerfeuil, du persil, une demi-feuille de laurier,
deux clous de girofle, un peu d'excellente huile ou de benne,
du sel et un ail ; après une bonne cuisson, passez au tamis; ce
bouillon vous servira pour vos potages et vos sauces blanches au
poisson. Mouillez, avons-nous dit, avec de l'excellent bouillon
de poisson, un verre de vin blanc sec ou de Madère; faites
cuire alors à grand feu, pour précipiter la réduction du mouil-
lement.
Ayez un foie de baudroie que vous aurez fait cuire dans le
mouillement de votre poisson, pilez-le parfaitement, mêlez-y
trois jaunes d'œufs et délayez le tout avec un demi-verre de
très-bonne huile, dressez ensuite votre poisson sur le plat, remettez
son fond de cuisson sur le feu, liez-le avec le foie de baudroie
comme il vient d'être indiqué; passez cette sauce au tamis en la
faisant tombensur le poisson, et entourez le plat de croûtons fnts
au beurre.
Potage à la bisque, — Cuisez cent écrevisses comme à l'ordi-
naire, faites -en sécher les pattes et les corps à un four bien
doux, pilez-les parfaitement, et mettez-les à bouillir dans de
l'excellent bouillon, un instant après passez au tamis, et conser-
vez ce bouillon ; pilez alors la chair des écrevisses avec des blancs
de volailles, passez au tamis pour obtenir une purée que vous
délayerez avec le bouillon que je viens d'indiquer; faites chauffer
au bain-marie et versez dans votre terrine en y joignant de petits
croûtons passés au beurre clarifié. (Recette de Durand.) N'ou-
bliez pas d'ajouter à cet excellent potage du beurre frais et un
peu de piment. (V.)
Potage au vougoli. — Cette soupe, la seule bonne que j'aie
POTAGE. Byj
mangée à Naples, se fait dans un restaurant de Mergellina, près
du château de la reine Jeanne*.
Mettez dans une casserole quatre douzaines de vougolis,
c'est-à-dire de praynes, comme on en mange à Marseille et
comme on en trouve dans tous les ports de mer de France;
mouillez-les avec les trois quarts d'une bouteille de vin blanc,
sautez-les sur le feu jusqu'à ce qu'elles soient ouvertes; égouttez-
les sur une passoire, supprimez comme aux moules la moitié des
coquilles^ et conservez la cuisson.
Hachez un morceau de blanc de poireau avec un petit oignon,
joignez-y une gousse d'ail, faites revenir le tout dans une casse-
role avec de la bonne huile, mouillez-les avec la cuisson des
praynes, et la valeur d'un litre de bouillon de poisson; ajoutez
une tomate pelée et hachée, un bouquet de marjolaine, et quel-
ques feuilles de céleri vert; faites vivement bouillir tout ce
liquide pendant dix minutes, retirez le bouquet et Tail, mêlez
les praynes au potage, que vous verserez dans la soupière.
Envoyez à part de petits croûtons de mie de pain frits à
l'huile.
Potage à la reine. — Rôtissez deux ou trois volailles;
quand elles seront cuites, séparez la peau des os que vous jette-
rez dans un excellent bouillon ; pilez la chair dans un mortier,
mêlez-y cinq ou six amandes pour blanchir votre purée, et gros
comme un œuf de mie de pain, que vous aurez mise un instant
tremper dans votre bouillon; ajoutez le tout en pilant quelques
cuillerées à bouche de ce dernier, passez au tamis en mêlant tou-
jours un peu de bouillon pour faciliter le passage, et faites tom-
ber dans une casserole.
Lorsque vous voudrez-vous servir de cette purée, faites-la
chauffer au bain-marie, et qu'elle ne bouille pas; versez dans
votre soupière et jetez-y des croûtons de pain passés au beurre.
Nota. Toutes les autres purées de volailles ou de gibier
aux croûtons de pain se font de la même manière en supprimant
*
I. Nous savons parfaitement que ce château n'est pas celui de la reine
Jeanne; mais, comme il n'est connu à Naples que sous ce nom, c'est celui
que nous lui donnons pour être intelligible.
856 POTAGE.
les six amandes qui ont fait donner à ce potage le nom de potage
à la reine.
Potage croûte au pot. — Coupez du pain en tranches;
mettez-le dans un plat creux et d'argent; mouillez -le avec
d'excellent bouillon pour le faire mitonner; lorsque \T>tre
mitonnage tsx réduit, pour le laisser gratiner, couvrez vçrtre
fourneau avec de la cendre rouge; coupez un ou deux pains à
potage en deux, ôtez-en toute la mie ; mettez un gril sur une
cendre chaude et faites sécher vos croûtes dessus; lorsqu'elles
le seront bien, prenez la partie grasse du bouillon ou consommé;
arrosez-en le dedans de vos croûtes et saupoudrez-les de sel fin,
ce qu'il en faut pour qu'elles soient d'un bon goût ; égouttez-les,
mettez-les sur le gratin sans les couvrir, afin qu'elles ne mol-
lissent pas; arrosez-les de quart d'heure en quart d'heure, du
derrière de la marmite, jusqu'à ce que le gratin soit parfaitement
formé ; dégraissez-les, servez-les, et joignez-y une jatte séparée
de consommé ou de bouillon.
Potage aux cerises à V allemande. — La soupe aux cerises et
la soupe à la bière sont les deux potages populaires de
l'Allemagne.
Potage aux cerises. — Enlevez les noyaux et les queues à
trois quarts de litre de cerises aigres et fraîchement cueillies <»
mettez-en les deux tiers dans une marmite en terre, ou dans une
casserole non étamée; joignez-y un morceau de cannelle et un
zeste de citron, mouillez-les avec un litre d'eau chaude, posez la
casserole sur un feu vif et faites cuire les cerises pendant dix
minutes; liez alors le liquide avec deux cuillerées à bouche de
fécule délayée à l'eau froide. Dix minutes après, passez les
cerises et le liquide au tamis, versez ce liquide dans la casserole,
mêlez-y le tiers des cerises réservées, ainsi qu'un peu de sucre,
faites bouillir et retirez la casserole sur le côté du feu. D'autre
part, pilez deux poignées de noyaux de cerises, mettez-les dans
un poêlon rouge avec deux ou trois verres de vin de Bordeaux;
faites jeter quelques bouillons et retirez le liquide du feu.
Quelques minutes après, passez-le à travers un linge blanc,
mêlez-le à la soupe, versez celle-ci à la soupière, et envoyez sépa-
rément une assiette de biscuits coupés en petits dés.
POTAGE. 857
Soupe à la bière à la berlinoise. — Faire fondre 1 50 grammes
de beurre dans une casserole, leur mêler 150 grammes de farine,
pour former une pâte légère; faites cuire celle-ci pendant
quelques secondes en la tournant, sans lui laisser prendre cou-
leur ; la délayer ensuite avec la valeur de trois litres de bière
légère blanche ou brune, tourner le liquide sur le feu jusqu'à
l'ébuUition, le retirer sur le côté pour le faire dépouiller pen-
dant vingt-cinq minutes, verser dans une petite casserole la valeur
d'un demi-verre de rhum et autant de vin blanc du Rhin, un
morceau de gingembre coupé et un morceau de cannelle,
loo grammes de sucre et le zeste d'un citron, couvrir la casserole
et la tenir au bain-marie; quand la soupe est bien dégraissée, la
lier avec une quinzaine de jaunes d'oeufs délayés, la vanner sans
la faire bouillir, ni même la chauffer trop; la passer au tamis;
dans une autre casserole, lui mêler 200 grammes de beurre divisé
en petites parties, et aussitôt lui adjoindre l'infusion au rhum en
la passant, la verser dans la soupière, envoyer séparément des
tranches jde pain grillé.
Potage printanier, — Il se fait comme le potage à la
julienne (voyez le potage suivant), excepté qu'on y ajoute des
pointes d'asperges, des petits pois, des radis tournés, de très-
petits oignons blanchis; en faisant cuire ces légumes, mettez-y
un petit morceau de sucre pour en ôter l'àcreté, faites mitonner
votre potage, couvrez-le des légumes énoncés, et servez-le.
Potage à la julienne. — Prenez carottes, oignons, céleri,
panais, navets, laitues, oseille en égale quantité; vous couperez
votre oseille en filets, vous la ferez blanchir dans un peu d'eau,
avec un peu de sel ; vous la rafraîchirez, et, un quart d'heure
avant de servir, vous la mêlerez aux autres légumes. Coupez des
racines en tranches d'égale longueur, réduisez-les en filets plus
ou moins gros, coupez de même Toseille, la laitue et le* céleri,
lavez le tout à grande eau, égouttez-le dans une passoire; mettez
un quarteron de beurre dans une casserole avec vos racines et
votre céleri, passez sur votre fourneau ces légumes, jusqu'à ce
qu'ils aient pris une légère couleur, mouillez- les avec une bonne
cuillerée de bouillon. Ces racines à moitié cuites, joignez-y votre
oseille^ laissez mijoter le tout et dégraissez-le. Quand vous serez
8^8 POTAGE.
près de vous en servir, faites le mitonnage tel qu'il est indiqué
ci-dessous (article Mitonnage)^ versez votre julienne dessus et
mêlez le tout légèrement.
Mitonnage. — Ayez un pain à potage, ràpez-le légèrement,
enlevez-en les croûtes sans endommager la mie, qui peut vous
servir, soit pour vos autres potages, soit pour des petits croûtons
ou des gros, soit pour des épinards. Si vous servez une charlotte
ou une panade, coupez vos croûtes, arrondissez-les, mettez-les
mitonner un quart d'heure avant de servir, mettez dessus tels
légumes qu'il vous plaira, mouillez-les avec votre empotage, et
servez bouillant.
Potage en tortue. — Mettez dans la marmite 3 kilos de
mouton ou 2 kil. 500 grammes de parures de carrés; ajoutez-y
des débris de poissons, comme tètes et arêtes de merlans, débris
de saumon, une carpe ou ses débris, ainsi du reste; mettez ce
mouton dans une marmite avec vos débris, assaisonnez -le tel que
le blond de veau, faites-le suer de même ; mouillez- le avec de
l'eau, écumez-le bien; que le bouquet de persil soit forcé en aro-
mates. De plus, joignez-y deux brins de basilic et du massif,
laissez bien cuire ce mouton, passez-en le bouillon à travers une
serviette, clarifiez-le au blanc d'œuf, faites-lui jeter un bouillon,
laissez-le reposer, passez-le de nouveau dans une autre serviette et
faites-le réduire jusqu'à ce qu'il soit assez corsé pour pouvoir
supporter, sans être réduit, du vin de Madère ; de là, prenez la
moitié d'une tête de veau échaudée de la veille, désossez-la et
mettez-la dégorger dans l'eau, que vous aurez soin de changer
une ou deux fois; failes-la blanchir et rafraîchir, essuyez-la,
parez-la, faites-la cuire dans un blanc (tel que vous le trouverez
à son article); dès qu'elle est cuite, égouttez-la; au moment de
vous en servir, coupez-la par morceaux carrés gros comme le
pouce, et que vous mettrez dans le bouillon énoncé, avec les
trois quarts d'une bouteille d'excellent vin de Madère, du poivre
de Cayenne environ une cuillerée à café non comblée, une sem-
blable cuillerée à café de poivre kari. Dressez votre potage, com-
posé de vos morceaux de veau ; ayez la précaution de faire durcir
auparavant quinze œufs frais, après en avoir ôté les blancs;
mettez-en les jaunes aussi entiers que possible dans ce potage, à
POTAGE. 8^9
rinstant de servir. La perfection serait d'avoir de petits œufs en
grappe.
Nous venons de voir comment on faisait le potage à la tortue
en France avec du mouton et du veau. Voyons comment il se
fait, en Amérique et en Angleterre, avec de la tortue.
Soupe à la tortue à V anglaise et à V américaine, — Si vous
le pouvez, procurez-vous une tortue bien vivante et sortant de la
mer; celles qui ont vécu pendant quelque temps avant d'être
accommodées et hors de leur élément naturel contractent une
odeur de poisson corrompu.
Quand nous avons déjà dit quelques mots sur la tortue, en
racontant comment nous les prenions, nous avons indiqué qu'il
fallait, avec une ficelle, lui tirer le plus possible la tète hors de
la carapace ; s'il est possible, il faut lui couper la tête d'un seul
coup, avec un couteau fraîchement repassé ; il faut alors la cou-
cher sur le dos, ce qui reste de son cou incliné, et laisser égout-
ter le sang pendant dix à douze heures; il faut alors prendre le
défaut de la carapace en faisant glisser un couteau entre les join*
tures des deux coquilles, mais sans couper les ailerons ni les
nageoires de derrière ; quand le plastron est détaché, il faut
enlever toutes les graisses et tous les boyaux qui doivent être
réservés, détacher ensuite les ailerons et les nageoires de la cara-
pace en même temps que les chairs et les os qui lui sont adhé-
rents ; ces chairs ont quelque analogie avec la noix de veau ; aussi
portent-elles le même nom. Il faut les séparer des os, soit pour
les servir plus tard comme pièce de releva ou d'entrée, soit
pour les joindre aux os et les faire concourir à la préparation du
bouillon de tortue. Quand le plastron et la carapace sont dégar-
nis, les diviser en carrés, les faire dégorger, les cuire à grande
eau, faire également blanchir les quatre nageoires et le cou, pour
les gratter et les faire dégorger pendant une heure.
Quand les carrés de la carapace et du plastron sont tendres
au toucher et que les grosses arêtes et les écailles s'en détachent
facilement, les égoutter, en supprimer les ordures, mettre les
parties molles dans une terrine et les couvrir avec une partie de
leur cuisson passée.
Coupez les os crus de la tortue, mettez-les dans une marmite
86o POTAGE.
avec les viandes et les nageoires,- mouillez-les largement avec la
cuisson du plastron, du bouillon ordinaire et de quelques bouteilles
de vin blanc; faites bouillir le liquide en Técumant et retirez la
marmite sur le côté du feu, pour la garnir et la soigner à l'^al
d'un pot-au-feu. Quand les nageoires et les ailerons sont cuits,
es égoutter, les désosser, les déposer dans une terrine et les cou-
vrir également avec du fond ; dégraisser le restant, le passer et le
aisser déposer.
Pour préparer la soupe tortue, voilà comment opérer : pour
huit à dix personnes, faire bouillir la valeur de 2 à 3 litres de
bouillon de tortue et le tenir au chaud, dépecer deux moyens
poulets, les mettre dans une casserole avec les carcasses coupées,
les ailerons, les pattes et les gésiers propres, ainsi qu'avec 3 ou
400 grammes de jambon cru coupé en gros dés, faire revenir les
viandes sur du beurre et sur un bon feu, jusqu'à ce qu'elles
soient légèrement colorées, les saupoudrer alors avec deux cuil-
lerées à bouche d'arrow-root ; deux minutes après, les mouiller
avec le bouillon de tortue et un verre de vin blanc, tourner le
liquide jusqu'à Tébullition, le retirer sur le côté, lui adjoindre
un bouquet d'aromates et deux oignons. Quand les poulets sont
cuits, dégraisser le fond de cuisson, le passer au tamis dans une
casserole, lui adjoindre une partie des chairs molles, les nageoires
et une égale quantité de celles de la carapace et du plastron, les
unes et les autres coupées en petits carrés, faire bouillir la soupe,
lui mêler ua verre de sherry. Si alors elle se trouvait trop épaisse,
l'allonger avec du bouillon de tortue. Elle doit être légèrement
liée. Vingt-cinq minutes après, la dégraisser, lui mêler une
pointe de Cayenne et quelques parties de graisse de tortue, blan-
chie et coupée en petits morceaux. Au moment de servir, lui
additionner une infusion préparée avec les trois quarts d'un verre
de sherry, une pincée de marjolaine, une de basilic, une de
sariette, une de thym, un brin de sauge, et qu'aucun de ces aro-
mates ne domine, et que le liquide réduise d'un tiers. Si les aro-
mates sont frais, les piler quand ils sont cuits et les mêler à la
soupe. Voici comment j'entends le potage en tortue, vraie
tortue.
Potage aux choux. — Il y a plusieurs manières de faire le
POTAGE. 86i
potage aux choux. La plus simple de toutes est de mettre un
chou de bonne odeur et de bon aspect dans le pot-au-feu,
de le retirer quand vous le croyez cuit et de le servir avec
le potage.
Nous allons indiquer les améliorations que nous avons faites
à ce potage un peu trop simple, selon nous.
Prenez un chou pommé, examinez-le, qu'il soit à Tintérieur
bien sain et bien frais; faites un hachis de tous les restes de
volaille et gibier que vous aurez; ayez un bon bouillon de la
veille que vous versez, au lieu d*eau ordinaire, sur le bœuf des-
tiné à faire le bouillon du jour. Arrivé là, foncez une casserole
de bon jambon fumé, Bordeaux, Strasbourg, Mayence; écartez
les feuilles de votre chou, introduisez-y votre hachis; liez vos
feuilles de manière à ce qu'on ne s'aperçoive pas de Tintercala-
tion; mettez votre chou garni, laissez bouillir deux heures, rem-
plissez avec du bouillon du pot-au-feu le bouillon qui s'épuise.
Après deux heures de cuisson, votre bouillon sera fait; tirez
votre bouillon du feu, laissez-le mijoter trois quarts d'heure tout
ensemble, chou, hachis, jambon, dans la casserole, donnez une
dernière poussée au bouillon, servez votre chou bien ficelé dans
la soupière, laissez refroidir un instant, et servez.
Vous aurez le choix alors ou de manger votre chou en
potage, ou de tremper du pain dans votre bouillon, et de faire
de votre chou même un relevé de potage. Cuit ainsi, le chou, le
bouillon et la viande, s'empruntant chacun leur suc, ont atteint
la plus grande sapidité à laquelle ils puissent parvenir.
Potage aux pâtes d'Italie, — Mettez sur le feu, dans une
petite marmite, d'excellent bouillon. Lorsqu'il est en grande
ébuUition, jetez-y des pâtes d'Italie, soit graines de melon,
étoiles ou autres; remuez-le pour qu'elles ne se pelotent pas, écu-
mez-le et dégraissez comme pour le potage au macaroni ; laissez-
le mijoter un quart d'heure, et servez.
Potage à la semoule. — La semoule est aussi une pâte d'Ita-
lie (qui ressemble assez au gruau). Faites ce potage comme le
précédent, en le remuant un peu davantage, de crainte que la
semoule ne s'attache ou ne se pelote.
Bouillon de poulet, — Ayez un bon poulet commun, videz-
86a POTAGE.
le, ôtez-en la peau et flambez-en les pattes, liez-Ie avec ane
ficelle, mettez-le dans une marmite avec deux pintes et demie
d'eau; ajoutez-y une once des quatre semences froides; après les
avoir concassées à moitié, vous les mettez dans un petit linge
blanc, pour en faire un petit paquet bien lié; faites cuire le tout
à petit feu, jusqu'à ce qu'il soit réduit à deux pintes ou à peu
près, et servez-vous-en comme bouillon rafraîchissant.
Bouillon de poulet pectoral. — Prenez un poulet comme
ci-dessus, une même quantité d'eau, deux onces d'orge mondé,
autant de riz; mettez le tout ensemble dans une marmite, joi-
gnez-y deux onces de miel de Narbonne, écumez le tout, faites
cuire trois heures ce bouillon, jusqu'à ce qu'il soit réduit aux
deux tiers. Il est très-bon pour adoucir les irritations de la
poitrine.
Bouillon de veau rafraîchissant, — Coupez en dés une demi-
livre de rouelle de veau, que vous mettrez bouillir avec trois
pintes d'eau, deux ou trois laitues et une poignée de cerfeuil;
faites bouillir le tout, et, si vous le jugez convenable, ajoutez-y
un peu de chicorée sauvage ; passez ce bouillon au tamis de soie
et servez- vous-en.
Potage à la Crécy. — Ayez toutes sortes de légumes éplu-
chés et lavés avec soin, tels que carottes, céleri, oignons en petite
quantité, faites*les blanchir dans un chaudron pendant un quart
d'heure; mettez-les dans une casserole avec un bon morceau de
beurre et quelques lames de jambon, passez-les sur un petit feu,
mais assez de temps pour que le tout soit cuit ; alors, égouttez-le
dans une passoire, pilez-le, mouillez-le avec son propre bouillon,
passez- le à l'étamine pour en faire une purée, faites partir cette
purée sur le feu; qu'elle cuise deux heures; dégraissez-la bien,
mitonnez votre potage comme il est déjà énoncé, et mettez votre
crécy par-dessus.
Potage à la Benojr, — Coupez en petits dés carottes, navets,
panais et céleri; prenez du derrière de la marmite ou du beurre
clarifié, faites-le chauffer, jetez-y vos légumes, faites-leur prendre
couleur, égouttez-les sur un tamis, mouillez-les avec du blond de
veau, du consommé et du bouillon; conduisez-les comme ceux de
la julienne, dégraissez-les et couvrez-en votre mitonnage. Si vous
I
POTAGE. a63
VOUS en servez avec du riz, ayez attention qu'il soit clair, que les
dés ne soient pas plus gros que le céleri lorsqu'il est crevé, et
mêlez bien le tout ensemble.
■
Potage à la purée de lentilles à la reine. — Procédez à cet
égard comme il vient d'être dit à la purée de pois, et servez-vous-
en de même pour les potages, ayant soin pourtant, si ce sont des
lentilles à la reine, de les laisser longtemps sur le feu pour que
la purée soit rouge autant que possible; ce qui constitue la beauté,
ou, si Ton veut, la distinction de ce potage. (Recette de la maison
de Madame.)
Potage aux oignons blancs. — Epluchez avec soin sept à
huit douzaines de très-petits oignons blancs, faites-les blanchir,
faites-les cuire ensuite dans du bouillon, en y joignant un peu de
sucre. Quand ils seront suffisamment cuits, vous les verserez sur
le potage au pain que vous aurez préparé.
Potage aux poireaux à la bressanne. — Coupez des poireaux
en filets de la longueur d'un pouce, laissez-les revenir dans le
beurre, jusqu'à ce qu'ils soient blancs, puis faites-les cuire sur
un feu doux, dans une petite quantité de bouillon, et versez-les
sur un potage au pain.
Thèse générale, ne jamais faire bouillir le pain dans le
bouillon, qui s'aigrit à l'instant même.
Soupe aux salsifis à la manière de Lyon. — (Voir Brillât-
Savarin, P/r^^io/og-ie du goût.) Ratissez de gros salsifis et coupez-
les en morceaux de la longueur du petit doigt, faites-les blanchir
pendant quelques minutes à l'eau bouillante, puis faites-les cuire
à fond dans un bouillon gras ou maigre; vous lierez ce potage
avec six jaunes d'œufs avant de le verser dans la soupière et sur
les croûtes dont vous l'aurez garni.
Potage aux œufs pochés. — Ayez des œufs pochés, rafraî-
chis et parés de manière à ce qu'ils soient propres à mettre dans
votre soupière; dix minutes avant de servir, jetez dans votre
bouillon un peu de gros poivre, et faites-y réchauffer vos œufs
pochés.
Potage à la moelle. — Prenez une demi-livre de moelle de
bœuf, faites-la fondre, et passez -la au tamis; cassez dedans
quatre ou cinq œufs bien frais; joignez dedans un petit pain à
864 POTAGE.
café que vous aurez fait tremper dans du bouillon , du sel ^ de
la muscade, du persil et de la farine; faites avec tout cela
des boulettes, faites -les bouillir dans du bouillon, pendant
cinq minutes , versez ensuite dans la soupière, et servez très-
chaud.
Potage à la languedocienne, — Ce n'est qu'une julienne à
Thuile. (Voir Julienne.)
Potage à la Grimod de la Reynière. — Mettez dans une
marmite un chapon troussé, comme pour le potage au riz, deux
pigeons, un morceau de tranche de bœuf de trois livres, le tout
bien ficelé; remplissez cette marmite de bon bouillon; après
l'avoir écumée, garnissez-la de carottes, navets, oignons, céleri
et poireaux ; vos viandes cuites, au moment de servir, mettez le
chapon et les deux pigeons dans un plat avec des laitues entières,
de petits oignons, des carottes et des navets, coupés en gros dés;
de ces trois sortes de légumes en grande quantité et cuits comme
pour la garbure au hameau, c'est-à-dire dans de l'excellent
bouillon; vos légumes cuits, dressez-Jes sur le chapon et les
pigeons, de manière qu'ils forment buisson ; passez le bouillon
de votre marmite au travers d'une serviette fine ou d'un tamis de
soie; servez à côté de votre plat un pot plein de bouillon bien
chaud et d'un bon sel.
Potage à la jambe de bois, recette de Grimod de la Rey-
nière, — On prend un jarret de bœuf dont on coupe les deux
bouts, en laissant le gros os d'un pied de longueur, ou l'empote
dans une marmite avec du bon bouillon, un morceau de tranche
de bœuf, et une casserole d'eau froide; lorsque cette marmite est
écumée, on l'assaisonne avec du sel et des clous de girofle, on y
met deux ou trois douzaines de carottes, une douzaine d'oignons,
une douzaine de pieds de céleri, douze navets, une poule et deux
vieilles perdrix (observez qu'il faut mettre votre marmite au feu
de bon matin, et la faire aller très-doucement, afin que votre
bouillon se fasse plus aisément et soit meilleur).
Prenez ensuite un morceau de rouelle de veau d'environ
deux livres; faites-le suer dans une casserole et mouillez-le avec
votre bouillon; lorsqu'il sera bien dégraissé vous y ajouterez
une douzaine de petits oignons, quelques petits pieds de céleri,
POTAGE. 865
VOUS mettrez le tout dans votre marmite environ une heure. avant
de servir.
Le bouillon étant ainsi fait, vous vous assurez de son bon
goût, vous prenez du pain à potage bien chapelé, vous enlevez
les croûtes et les mettez dans une casserole; vous les mouillez
avec votre bouillon bien dégraissé, et le faites mitonner; arrivées
à leur point, vous les dressez dans leur pot-à-oille et vous les
garnissez de toutes les sortes de légumes qui sont dans votre
empotage, vous mettez ensuite Tos de votre jarret sur votre
potage; vous achevez de le mouiller et vous le servez très-chau-
dement.
Potage aux anguilles à la mode de Hambourg, — Tuez et
écorchez deux ou trois petites anguilles, les coupez par tronçons
de la longueur de deux ou trois pouces, les faire blanchir en les
plongeant à Teau bouillante pour les roidir et les retirer aussitôt;
faire légèrement revenir au beurre six poignées de cerfeuil, mêlé
d'un peu d'oseille, et beaucoup de betterave poirée ; faites reve-
nir au beurre un oignon et deux poireaux émincés; quand ils sont
de belle couleur, leur adjoindre les tronçons d'anguilles, et quel-
ques têtes ou arêtes de poisson brisées, pour renforcer le bouillon ;
mouillez le poisson avec trois litres d'eau chaude et une demi-
bouteille de vin blanc; ajoutez sel, gros poivre, girofle, un bou-
quet de persil, écumez le liquide, et faites-le bouillir jusqu'à ce
que les tronçons d'anguilles soient cuits; passer alors le bouillon
à travers un linge et le tenir au chaud; jeter les arêtes et les
têtes qui ont servi à consolider le bouillon, diviser les tronçons
d'anguilles sur leur longueur pour en supprimer les arêtes, et les
tenir à couvert dans une petite casserole; couper une julienne
très-fine composée de poireaux, de racines de persil et de céleri ;
mettez ces légumes dans une petite casserole avec un peu de
bouillon; les cuire tout doucement en faisant tomber le liquide
à glace, aussitôt qu'ils sont cuits, les mêler dans la soupière avec
les filets d'anguilles, lier le bouillon avec six jaunes d'œufs
délayés, ajouter une pointe de Cayenne, cent grammes de beurre
divisé en petit morceaux, ainsi que la julienne de légumes et les
filets d'anguilles, verser aussitôt la soupe dans la soupière sur
des tranches minces de pain grillé.
55
866 POTAGE.
Potage à la purée de gibier. — Mettez dans six ou sept
litres de bouillon quatre livres de bœuf, un jarret de veau, trois
perdrix et un faisan; faites écumer et ajoutez carottes, oignons
et céleri, laissez bouillir le tout pendant quatre ou cinq heures,
pilez en même temps quelques perdreaux rôtis et refroidis, et
un peu de mie de pain ; passez ces perdreaux piles à l'étamine,
et mouillez cette purée avec le bouillon ci-dessus; faites-la
chauffer sur un feu doux sans la laisser bouillir, et versez-la sur
des croûtons sautés au beurre.
Pot-au-feu. — Un jour que Rivarol dînait avec des gourmands
des trois villes libres deLubeck, de Brème et de Hambourg, et qu'il
faisait la grimace en dégustant je ne sais quel potage teuton , un
des convives s^informa d'où venait chez lui cette contraction des
muscles faciaux et particulièrement du buccinateur.
« Messieurs, répondit- il, si j'ai fait la grimace en goûtant
votre potage, j'ai eu tort, car la courtoisie française voulait que
je le trouvasse excellent; mais, puisque la grimace est faite,
laissez-moi vous dire une grande vérité : c'est qu'il n'y a point
en France une garde- malade ou une portière qui ne sache faire
de meilleur bouillon que le plus habile cuisinier anséatique » —
ou plutôt hanséatique, puisque hanséatique vient du vieux mot
allemand Hansen^ qui veut dire s'associer.
Je prierai le lecteur de vouloir bien remarquer qijc cette
dernière observation vient de moi et non de Rivarol, et est faite
en vue de ceux qui ont encore le désir de s'instruire.
J'ai dit plus haut combien les Bourbons aimaient les bons
potages; j'ai dit aussi que Louis-Philippe mangeait quelquefois
quatre assiettées de potages différents et une cinquième dans
laquelle il les réunissait tous, mais je n'ai pas dit que c'était sans
doute à cause de ce grand amour de la soupe que possède tout
bon Français, qu'un célèbre diplomate allemand qui voulait,
en 1792, empêcher le roi de Prusse et l'empereur d'Autriche de
faire la guerre à la France, avait dit pour combattre cette idée :
« Mais laissez donc bouillir la Révolution française dans sa
marmite. »
Paroles prophétiques qui, si elles eussent été écoutées, eus-
sent peut-être empêché l'envahissement de Berlin et de Vienne
POTAGE. %6j
par ce même peuple français qu'on renvoyait si bien à ses four*
neaux.
Le lecteur trouvera peut-être que voilà un préambule bien
orgueilleux et bien savant pour en arriver à une simple soupe
aux choux, mais il n'est pas encore au bout, et, après avoir fait
de l'histoire, il me permettra de lui faire un peu de chimie.
Un gourmet consommé, invité à diner en ville, au seul
aspect, à la première vue, à la simple odeur du potage, se fera
immédiatement une idée de tout le repas.
Je répète que la cuisine française ne doit sa supériorité sur
les autres nations qu'à l'excellence du bouillon français.
Et remarquez bien que ce n'est point parce que notre viande
remporte sur les autres viandes, mais parce que nos cuisiniers
l'emportent sur les autres cuisiniers. Les Anglais ont certaine*
ment des bœufs supérieurs aux nôtres et pourraient faire un
bouillon excellent 1 eh bien, ils n'ont qu'une bonne soupe, la
soupe à la tortue.
J'ai étudié dans tous les pays la façon de £Eiire le bouillon,
et la dernière fois à Vienne.
Comment les Viennois font-ils leur bouillon }
Ils mettent deux poulets dans leur marmite, les y font
cuire à moitié, après quoi ils les mettent à la broche et en font
un rôti.
Quant au bouillon, ils y ajoutent une cuillerée de jus pour
lui donner de la couleur et ils le servent, non pas chaud, ce qui
serait au moins une qualité, mais tiède, ce qui le fait ressembler
un peu à de l'eau qui n'est pas fraîche.
De cette façon, ils trouvent moyen tout à la fois de donner
un mauvais potage et un mauvais rôti.
C'est du reste une erreur assez généralement répandue et
contre laquelle il faut nous élever nous autres hommes de
science , de croire que la volaille, à moins qu'elle ne soit très-
vieille et très-grasse, employée au potage, soit bonne à faire
autre chose que du bouillon de malade.
Le fond d'un bon pot au feu, c'est le bœuf.
Je sais bien que dans le Midi on se sert rarement de bœuf et
presque toujours de mouton.
i
868 POTAGE.
Mais ce n'est point précisément pour ses potages que le Midi
est renommé.
Avouons cependant que la chair de mouton est, après la chair
du bœuf, celle qui fait la meilleure soupe, surtout si on a le soin
de la faire rôtir ou griller jusqu'à un tiers de cuisson, afin de la
dépouiller de sa graisse qui pourrait communiquer au bouillon
un goût de suif toujours très-désagréable.
Voulez-vous, au reste, approfondir la question et connaître
les mystères d'un bon potage?
Prenez le plus fort morceau de viande que comporte votre
consommation ; le bouillon se conservant trois ou quatre jours
l'hiver et deux jours l'été, il en sera meilleur et vous y trouverez
une économie de temps et de combustible.
La pointe de culotte est un excellent morceau, attendu qu'il
y a pondération de gras et de maigre.
Choisissez votre viande la plus fraîche et la moins saigna
possible; choisissez-la épaisse; mince, elle sera épuisée par la
cuisson ; ne la lavez pas, vous la dépouilleriez d'une partie de ses
sucs; iîcelez-la après en avoir séparé les os, afin qu'elle ne se
déforme pas, et mettez-la dans la marmite avec une pinte d'eau
par livre de viande.
Maintenant que la viande est dans la marmite et avant d'y
ajouter les os, laissez-nous vous dire ce qu'elle contient et grâce
à quelles qualités naturelles elle va donner un excellent bouillon.
Je l'ai déjà dit, et je ne saurais trop le répéter, pour les per-
sonnes qui veulent se rendre compte de ce que contient la viande,
la meilleure et la plus propre à faire le bouillon, elle contient
quatre substances essentiellement différentes : la gélatine, Tos-
mazôme, la graisse et l'albumine.
La fibrine est ce qui reste d'un morceau de viande qui a
longtemps bouilli ; la cuisson la sépare des principes solubles
auxquels elle était unie, c'est-à-dire de la gélatine, de Tosma-
zôme et de l'albumine, et alors elle n'a plus aucune saveur.
La gélatine^ soluble à l'eau bouillante seulement, est la base
nutritive du bouillon; c'est elle qui, en quantité suffisante, le fait
prendre en gelée ; elle existe dans toutes les parties de la chair,
mais particulièrement dans les cartilages et dans les os; le
POTAGE. 869
fameux chimiste d'Orsay a essayé de nourrir des malades avec
de la gélarine pure et n'y a point réussi.
L' osma^ô'me est le principe sapide des viandes, il est dans la
chair et dans le sang, et voilà pourquoi nous avons recommandé
de prendre la viande la moins saignée possible; le sang dou-
blera récume , mais, Técume enlevée, donnera un bouillon plus
savoureux.
La graisse est enveloppée dans les cellules d'une membrane
très-fine qui ne se dissout pas; aussi reste-t-elle toujours adhé-
rente aux fibres. Une ébuUition très-haute parvient cependant à
briser une partie de ces cellules, et la graisse plus légère que le
liquide vient surnager à sa surface; c'est cette graisse qu'il faut
enlever avec soin et qui, seule ou mêlée au saindoux, fait d'excel-
lente friture.
L'albumine est de la même nature que du blanc d'oeuf, solu-
ble à Teau froide, elle se coagule dans l'eau chauffée à 60 ou
70 degrés; c'est elle qui forme l'écume, c'est elle qu'il faut enle-
ver avec le plus grand soin, ou sinon, au premier bouillon de
votre pot-au-feu , elle se précipitera et vous donnera un potage
trouble.
Voilà donc les principes que contient la viande qui se trouve
dans votre marmite et dont nous vous avons conseillé de séparer
les os.
Nous vous avons conseillé d'en séparer les os, non pas que
nous exilions les os du pot-au-feu, bien au contraire, nous leur
y gardons une place à part, seulement nous les brisons avec un
maillet^ attendu que plus ils sont brisés, plus ils rendent de géla-
tine, et nous les mettons dans un sac de crin avec tous les débris
de poulet, de lapin, de perdreaux, de pigeons rôtis qui peuvent
se trouver dans le garde-manger, restes du diner de la veille.
Maintenant, vous pouvez mettre votre marmite sur le feu,
vous savez sans doute que mieux vaut une marmite de terre
qu'une marmite de fer; faites-la chauffer lentement, ou sinon la
viande saisie à la trop grande chaleur, l'albumine se coagulera à
l'intérieur, ce qui empêchera l'osmazôme de se dissoudre et vous
donnera un bouillon sans sapidité. Bien écumée et quand elle
commence à bouillir, je prends le contenant pour le contenu ,
87» POTAGE.
quand elle commencera de bouillir, salez-la, mettez-y sdan sa
contenance trois ou quatre carottes, trois ou quatre narets, deux
panais, un bouquet de céleri et de poireaux ûcàés ensemble ;
enfin, trois oignons, dont Tun piqué d'une gousse d'ail et les deux
autres d'un clou de girofle.
Si vous voulez ajouter, soit par caprice, soit par habitude, un
morceau de mouton ou de veau aux ingrédients que nous a?ons
dit, ne manqiiez pas surtout de le Êiire r6tîr ou gritkr aupara-
vant; nous vous avons dit pourquoi.
Sept heures d'ébullition lente et continue sont nécessaires au
bouillon pour acquérir toutes les qualités requises ; nos portières
ont pour cette période un terme des plus expressifs; elles disent :
faire sourire le pot-au*£eu.
Vous ne trouverez ce mot dans aucun dictionnaire. Mais si
jamais je Êiis partie des Quarante, je me charge de le faire intro-
duire dans le Dictionnaire de VQâcadémie.
Et maintenant, arrivons à la soupe aux choux.
Quand le pot-au-feu, préparé et conduit dans les conditions
que nous venons d'exposer, est arrivé à sa sixième heure de cuis-
son, vous foncez une grande casserole d'une livre ou d'une livre
et demie de jambon fumé, vous coupez un choux en quatre pour
en extraire le trognon et les animaux qui pourraient s'y être
introduits, et dont la chair n'est point nécessaire à la confection
de votre bouillon; vous le ficelez convenablement afin que les
fisuilles ne s'en détachent pas, et vous le posez délicatement dans
votre Tusserole foncée et capitonnée de jambon; après quoi vous
remplissez à la hauteur du sommet du chou votre casserole de ce
bon bouillon, qui a sc^uri six ou sept heures, et comme il n'y a
plus en contact avec lui en fait de viande que le jambon, vous
le poussez à grand feu. Au bout de dix minutes, votre casserole
est à sec, le chou a tout bu et est d'un tiers plus gros qu'il
n'était. *
Vous remplissez de nouveau la casserole qui, cette fois,
s'épuise à moitié, puis une troisième fois encore, et après deux
heures de cuisson, vous servez votre chou à part sur son jambon,
et dans votre soupière le bouillon dans lequel ont cuit le chou
et le jambon mêlés à votre bouillon primitif.
POTAGE. 871
Et moyennant cela, cher lecteur, vous avez la fameuse et
excellente soupe aux choux que vous êtes à même de faire goû-
ter à vos convives qui vous en demanderont aussitôt la recette.
Au temps des tomates , je vous conseillerai pour faire pen*
dant à cette soupe perfectionnée par moi , une soupe inventée
par moi.
Je veux parler de la soupe aux moules , aux praynos , aux
crevettes et aux écrevisses
Soupe aux moules. — Voici comment se confectionne cette
soupe :
Vous mettez le matin à onze heures sur votre fburneau un
pot-au-feu dans la forme de celui que j'ai indiqué, mais dans
des proportions moindres , puisque , comme vous allez le voir,
le bouillon n'entre que pour un tiers dans la confection de ce
potage.
A quatre heures de l'après-midi, vous mettez dans une
grande casserole, douze tomates et douze oignons blancs, vous
les laissez bouillir une heure.
Au bout d'une heure, vous passez le tout dans une passoire
assez fine pour que la graine des tomates n'y puisse point passer.
Quand vos tomates sont réduites en purée, vous salez, poi-
vrez, introduisez un morceau de glace de viande du poids de
trois ou quatre onces et vous laissez les tomates se réduire et
épaissir à un feu très-doux.
Puis vous mettez sur le feu vos moules ou vos praynes, si ce
sont des moules et des praynes, sans eau, si ce sont des crevettes
ou des écrevisses, dans leur saucé.
Cette sauce se compose d'une bouteille de vin blanc, d'un
bouquet assorti, de carottes hachées et d'un verre à vin ordinaire
d'excellent vinaigre, le tout salé et poivré. Au bout d'un quart
d'heure de cuisson, vos moules ou vos praynes, si vous voulez
faire une soupe aux moules ou aux praynes, ont rendu leur jus;
au bout d'une demi-heure, vos écrevisses ou vos crevettes sont
cuites.
Vous ne faites qu'un seul bouillon de votre consommé, de
vos tomates, de votre jus de moules ou de praynes, de votre
sauce de crevettes ou d' écrevisses.
872 POTAGE.
Puis, au fond d'une casserole, vous écrasez avec le bout du
couteau la moitié d'une gousse d*ail, vous la faites roussir dans
l'huile, et vous versez doucement et en tournant toujours votre
triple bouillon dans la casserole, puis quand les différentes par-
ties hétérogènes se sont homogénéisées par un quart d'heure
d'ardente cuisson, vous y jetez vos moules ou vos praynes, vos
queues de crevettes ou vos queues d*écrevisses en g^ise de
pain.
Si c*est une soupe aux écrevisses que vous faites , vous pilez
les pattes et les corps dans un mortier, vous faites bouillir cette
partie dans une portion de votre sauce, et quand votre sauce en
a extrait le goût et Tarome, vous versez et mélangez ce condi-
ment dans les autres éléments de votre potage.
On m'excusera d'être prolixe, je parle moins pour les cuisi-
niers que pour ceux, plus nombreux, qui n'ont pas les moindres
notions de cuisine et qui ont besoin de bien comprendre.
Laissez-moi, cher lecteur, terminer ce long article par la
recette d'un potage cher aux chasseurs et vénéré des ivrognes.
Par la recette de ma soupe à l'oignon.
Soupe à l'oignon. — Reportez - vous à l'article Oignon,
vous y verrez que c'est une plante bulbeuse et potagère d'une
odeur forte et d'un goût piquant, mais ce qu'il est nécessaire
que je consigne ici, c'est qu'il y a deux espèces d'oignons : loi-
gnon blanc d'Espagne et le petit oignon rouge de Florence.
Le gros oignon, ou oignon blanc d'Espagne, contient en
grande quantité une matière sucrée, plus une substance végéto-
animale, et enfin une matière phosphorique.
Non - seulement cet oignon est agréable au goût par sa
matière sucrée, mais il est nutritif par sa substance végéto-ani-
male, enfin stimulant par son élément phosphorique.
C'est donc celui-là qu'il faut choisir pour faire la soupe aux
chasseurs et aux ivrognes, deux classes qui ont besoin de se
réparer.
Or vous prenez vingt gros oignons que vous hachez très-
fin, vous les faites roussir dans la poêle avec une livre de beurre;
lorsqu'ils sont bien roussis, vous y versez trois litres de lait fraî-
chement tiré, sinon le lait tournera; quand les oignons ont
POTAGE. 873
bouilli dans le lait, vous les passez dans un tamis assez large
pour que le bouillon fasse purée, vous salez, vous poivrez et
vous versez sur des croûtes de pain rôties après y avoir ajouté
une liaison de six jaunes d'œufs.
Et voilà ! . . .
Soupe froide à la russe, comme on la mange à Pétersbourg
et à Moscou. Recette transmise à la Cuisine française par l'au-
teur des Mémoires de Madame de Créqujr. — La base dé ce
potage est le kvas, bière très-légère de farine d'orge fermentée
avec des baies acides et des bourgeons de chênes. On coupe en
morceaux du maigre de jambon et des lambeaux de viande arra-
chés suivant la longueur des fibres, à la manière des anciens
Tartares, à qui Tusage des couteaux n était pas familier. On
assaisonne cet étrange potage avec de l'oignon cru, du blé vert
qu'on a fait macérer dans de la saumure, une grande quantité
d'échalotes hachées et des tranches de concombres avortés par
suite du froid. A la table des gourmets russes, il arrive souvent
que le mouillement de ladite soupe est fait avec du pj^o, sorte
de bière qui ne s'éloigne pas autant que le kvas de notre bière
ordinaire. On y joint de petits morceaux de glace coupés carré-
ment, ou bien de petites boules de neige foulée.
La soupe russe au poisson s'appelle en russe kholodnoysoup
et batvinia. On y remplace la viande avec du kaviar et du sau-
mon coupé par tranches.
Potages maigres. — Potage aux herbes à la Dauphine.
— Préparez quatre poignées de feuilles d'épinards et trois
cœurs de grosses laitues^, le blanc d'une tige de poireau, deux
oignons, deux poignées d'oseille, deux poignées d'arroche, deux
poignées de bettes, une forte pincée de cerfeuil, quelques feuilles
de tanaisie, quelques branches de pourpier vert, et finalement
des fleurs de soucis, bien séparées de leur ovaire et de leur calice,
attendu l'amertume de cette partie de la plante; hachez toutes
ces herbes et faites-les fondre avec un morceau de beurre que
vous ne laisserez pas arriver jusqu'au roux, mouillez-les ensuite
avec de l'eau chaude à défaut de bouillon de racine, de purée
farineuse ou de résidus de poisson ; il est bon de ne foncer la sou-
pière qu'avec des tranches de mie de pain, le goût des croûtes a
874 POTAGE.
rinconyénient d'altérer la simple et fine saveur de cette combi-
naison végétale.
Potage à la reine en maigre^ recette et formule de la maison
de Madame. — Ayez deux brochetons qui ne sentent point la
vase; échaudez-les, videz-les, levez-en les chairs; posez Jes sur
la table du côté de la peau ; levez cette peau comme vous lèveriez
une barde de lard; coupez ces chairs en gros dés; mettez-les
dans une casserole avec un morceau de beurre; faites-les cuire
sans les faire roussir; laissez-les refroidir; pilez une vingtaine
d'amandes douces émondées; vous aurez fait tremper la mie d'un
pain à potage dans de la crème, et vous l'aurez fait dessécher
comme il est indiqué; pilez de même cette panade; retirez-la du
mortier; pilez aussi vos chairs de brochets; joignez-y votre
panade et vos amandes; repilez-le tout; foncez une casserole de
beurre; mettez dessus des oignons coupés en deux et des racines
en lames, telles que carottes, navets, une demi-gousse d'ail, la
moitié d'une feuille de laurier, un peu de macis, un bouquet
de persil, ciboules, un clou de girofle, deux carpes coupées
en tronçons et les débris de vos brochetons; mouillez ce fond
d'un peu de bouillon de pois; faites-le suer à petit feu, sans
le laisser attacher; lorsque votre glace sera formée, mouil-
lez-la avec du bouillon de pois; faites cuire ce bouillon à
petit feu ; sa cuisson faite, passez-le dans une serviette et servez-
vous-en pour délayer votre appareil, que vous passerez à
rétamine à force de bras, et auquel vous donnerez la con-
sistance d'un coulis; mettez cet appareil dans une casserole,
faîtes chauffer au bain-marie jusqu'au moment de vous en ser-
vir: mettez dans votre pot-à-oille des petits croûtons coupés en
dés et passés dans le beurre ; versez dessus votre purée à la reine
et servez.
Potage au congre à la bretonne. — Préparez un bouillon
comme il est dit ci-dessus pour le potage aux herbes de la dau-
phine, mais à l'exception qu'avant de mettre les herbes pota-
gères dans leur mouillement, vous y aurez fait cuire un congre
ou, du moins, une forte rouelle de cet animal. Lorsque ce poisson
aura bouilli pendant deux heures et demie, vous en passerez le
bouillon dans un tamis de crin. Vous y mettrez les herbes déjà
POTAGE. 87f
blanchies et yons achèverez le potage avec une liaison, comme il
est dit à Tarticle ci-dessus.
Potage au lait d^amandes. — Prenez une livre et demie
d'amandes douces et douze amandes amères. Mettez-les dans une
casserole avec de Teau •fraîche et sur le feu. Lorsqu'elles sont
prèles à bouillir, retirez-les ; voyez si la peau se lève ; pour les
monder, on se sert d'un torchon dans lequel on les frotte ; ayez
de l'eau froide où vous les mettrez au fur et à mesure ; égouttez-
les lorsqu'elles seront froides; mettez-les dans un mortier et
f»lez-les; mettez-y de temps en temps ime goutte d'eau afin
qu'elles ne tournent pas en huile. Vous jugerez qu'elles seront
bien pelées lorsque vous ne sentirez plus de grumeaux sous vos
doigts; mettezrles dans une casserole et dans un litre et demi
d'eau. Cette eau étant bouillante , laissez-y infuser une demi-
once de coriandre et le zeste d'une moitié de citron dont vous
aurez ôté le blanc; délayez vos amandes avec cette infusion;
passez le fout plusieurs fois au travers d'une serviette ou d'une
étamîne jusqu'à ce qu'il ressemble à du lait, salez -le et
sacrez con^nenablement. Ensuite mettez au bain-marie; ayez des
tranches de mie de pain très-minces, faites-les glacer au four ou
sous un four de campagne et jetez-les dans votre lait d'amandes
au moment de servir.
Potage au lait d'amandes à VUrsuline. — Mondez une
demi-livre d'amandes douces et cinq ou six amandes amères,
pilez-les conune il est indiqué ci-dessus; ayez un litre et demi de
lait, faites-le bouillir et servez-vous d'une partie pour passer
votre pâte d'amandes à plusieurs reprises (comme il est dit à l'ar-
ticle précédent). Dans la partie du lait dont vous ne vous serez
pas servi, mettez infuser la moitié d'un bâton de vanille que vous
retirerez quand vous mélangerez le tout; assaisonnez-le de sucre
et d'un peu de srf, mettez gros comme la moitié d'un œuf du
meilleur beurre que vous pourrez trouver, trempez votre potage
comme le précédent, et servez.
Potage au ri^^ au lait. — Ayez un quart de riz, lavez-le à
trois eaux et épluchez-le à chacune d'elles, faites-le blanchir à
deux ou trois bouillons, égouttez-le sur un tamis, mettez-le dans
une marmite avec du beurre, un peu de zeste de citron, une
8/6 POTAGE.
feuille de laurier-amande, faites-le crever à Teau, et, lorsqu'il
commencera à se gonfler, mouillez-le avec du bon lait; faites
qu'il ne soit ni trop épais ni trop clair, mettez-y sel et sucre et
supprimez-en le laurier, ainsi que le zeste de citron.
Potage au vermicelle et au lait. — Procédez comme avec le
riz ; seulement, quand votre vermicelle sera cuit, que vous l'au-
rez assaisonné de sel et de sucre, ajoutez-y quelques macarons oa
un peu de vanille, ou mieux encore Tun et l'autre.
Potage au potiron. — Coupez votre potiron en petits mor-
ceaux dans votre casserole, versez-y un verre d'eau, laissez-le
bouillir jusqu'à ce qu'il soit bien cuit, puis tirez -le de l'eau,
faites-le égoutter et passez-le à 1 etamine, mouillez cette purée
avec du lait, ajoutez -y du beurre venant d'être battu, salez
convenablement, faites bouillir votre potage et versez -le sur
des crpûtons passés au beurre et coupés en losanges ou en
deniers.
Potage à la julienne maigre. — Préparez vos légumes comme
pour le potage au gras, mouillez-les avec du bouillon maigre, et
faute de bouillon maigre, servez-\ous de l'eau de cuisson des
haricots ou des lentilles, faites mitonner votre potage et qu'il soit
d'un bon sel.
Potage au maigre aux herbes à la bonne femme. — Eplu-
chez, lavez à grande eau, égouttez et hachez une poignée
d'oseille, deux laitues, un peu de cerfeuil et de belles-dames,
mettez-les dans une grande casserole avec un morceau de beurre,
passez-les, faites-les cuire à petit feu, mouillez-les ce qu'il faut
pour votre potage avec votre grand bouillon maigre, sinon, avec
celui des haricots ou des lentilles, et puis versez sur les tranches
de pain, que vous laisserez mitonner.
Soupe à r oignon à Veau. — Prenez une douzaine d'oignons
auxquels vous aurez retranché la tête et la queue, coupez-les en
tranches bien minces, faites-les frire dans du beurre frais jusqu'à
ce qu'ils soient d'un beau jaune, versez alors un litre et demi
d'eau dessus, ajoutez du sel et du poivre, faites bouillir le tout
pendant vingt minutes et versez le ensuite sur le pain, que vous
aurez préparé, après y avoir ajouté une liaison de quelques
jaunes d'oeufs.
POTAGE. 877
Potage à la Catnerani. — La lettre suivante a été dernière-
ment écrite au baron Brisse :
« Monsieur le baron,
a En vieux gourmet dont Testomac, hélas! est aujourd'hui
un peu blasé et très-fatigué, j'ai recours à vous pour retrouver la
recette du fameux potage à la Camerani^ que je désirerais goû-
ter encore une fois, — la dernière peut-être.
« Autant qu'il m'en souvient, le macaroni de premier choix
et les ingrédients les plus délicats en étaient la base. En i8o5, le
potage coûtait environ trois louis par convive, etc., etc. »
A cette lettre le baron répond :
•
(c Le cri du cœur de mon correspondant est irrésistible. Je
m'empresse de satisfaire à sa demande, et cela d'autant plus
volontiers qu^, sans rien changer à la formule donnée par Gri-
mod de la Reynière, je \ ais faire entrer en petite cuisine et vul-
gariser l'illustre potage célébré par tant de poètes.
a Le fond de ce potage, composé par M. Camerani, ancien
scapin et semainier perpétuel de la Comédie italienne, gourmand
des plus érudits, se compose de foies de poulets. S'ils sont beaux^
un seul suffit par convive, et il n'est ni difficile ni ruineux de s'en
procurer une demi-douzaine chez les marchands de volailles.
Potage à la Camerani. — a Faire blanchir séparément, et
en quantité relative au nombre des convives, du céleri, des choux,
des carottes, des navets et des poireaux. Egoutter et hacher le
tout bien menu. Mettre ces légumes au feu, dans une casserole,
avec un fort morceau de beurre, sel et poivre; les laisser mijoter à
feu doux, et, quelques minutes avant leur cuisson parfaite, y
mêler les foies de volaille également hachés menu.
« Pendant le même temps, faire blanchir, cuire et egoutter
du macaroni et râper du fromage de Parmesan.
tt Prendre alors une soupière pouvant aller au feu, en bour-
rer le fond et y faire un lit de macaroni, par-dessus un lit du
hachis précité, enfin un lit de fromage de Parmesan râpé, orné
de quelques morceaux de beurre; recommencer ensuite dans le
n
«78 POTIRON.
même ordre et élever les avises de ce bâtiment jusque vers les
bords de la soupière, en ayant soin de terminer par on Ik de
fromage.
« Mettre ensuite la soupière sur un feu doux, laisser mitoD-
ner le tout un temps convenable et servir. »
« C'est là, dit Grimod de la Rejnière^ un manger déliciem
et le principe d'un très-grand nombre d'indigestions. » Dieu
vous en garde, ami lecteur. »
Potage Vuillemot ( pour douze personnes ). — Preoei
20 grammes haricots blancs, 20 grammes pois verts, 4 pommes
de terre, 4 carottes, 4 navets, 4 oignons blancs, 4 poireaux, un
bouquet de persil, céleri. Mettez le tout dans une marmite en
terre, mouillez avec 3 litres d'eau de rivière, ajoute» sel et gros
comn\^ une noix de beurre, faites partir sur le fourneau après
cuisson, passez vos purées au tamis, laissez lisser vos purées sur
l'angle du fourneau, enlevez-en la pulpe, en mouillant le tout
avec-vôtre bouillon de légumes.
Faîtes blanchir 20 grammes de riz Caroline, fkites-lecrefer
légèrement dans le supplément de votre bouillon.
Prenez quelques feuilles d'oseille et cerfeuil, ciselez-les fifle-
ment, passez au beurre, ajoutez le tout au potage.
Préparez une liaison de 4 jaunes d'œufs, avec une ffiesure
de bonne crème, un quart ou 100 grammes de bon beurre, liezk
tout ensemble et servez chaud.
POTIRON. — Cucurbitacée de la famille des citrouilles et
des giraumons ; il y en a d'énormes : on en a vu qui pesaient plus
de 1 00 kilos . On fait avec le potiron d'excellents potages, û«
crèmes, des tourtes et autres entremets délicats.
Gâteau de potiron à t antiquaille. — Coupez du potiron en
gros dés et faites-le fondre dans une casserole et réduire a con-
sistance de bouillie épaisse, passez-le ensuite au beurre daBSune
autre casserole et ajoutez-y une cuillerée de fécule de pommer
de terre délayée dans du lait, du sucre en suffisante quantité,
faites mijoter le tout, puis, quand le potiron est assez réduit, vous
le retirez et le laissez refroidir, puis vous le pétrissez avec trois
jaunes d'œufs, six macarons écrasés, quatre pincées de ^ca
d'orange pralinée et un blanc d'oeuf fouetté.
POULE, POULET, POULARDE. 879
Beurrez une casserole, panez-la bien partout de mie de pain.
Mettez-y la pulpe du potiron, posez la casserole sur des cendres
rouges, couvrez-la avec un couvercle sur lequel vous mettrez du
feu. Quand le gâteau aura pris belle couleur, renversez-le sur
un plat et servez une crème liée aux jaunes d'œufs et au vin de
JLunel à proximité de cet excellent entremets.
Vous pouvez aussi garnir votre plat d'amandes pralinées.
Potiron au kirsch. — Vous faites une purée de potiron
comme il est indiqué ci-dessus; vous la versez sur un plat, la
couvrez d'un caramel, et la servez chaude. Chaque personne alors
l'assaisonne sur son assiette de kirsch à sa volonté.
Potiron à la parmesan. — Coupez votre potiron en mor-
ceaux carrés et faites-le bouillir un quart d'heure dans de Teau
et du sel, faites-le égoutter; puis mettez dans une casserole un
bon morceau de beurre et faites-y frire vos morceaux avec sel et
épices, retirez-les sur un plat, couvrez-les de fromage râpé, faites
prendre couleur au four et servez. •
Potiron au four. — Faites cuire votre potiron comme ci-
dessus, puis faites-le bouillir dans une casserole avec du beurre,
du fromage râpé, six œufs battus, mêlez bien le tout, dressez-le
sur un plat beurré, dorez le dessus avec de Tœuf, saupoudrez de
sucre et faites prendre couleur au four.
POULE, POULET', POULARDE. — Ce furent les
habitants de Tile de Cos qui apprirent aux Rom ains l'art d'en-
graisser les volailles dans des lieux clos et sombres. La profusion
qui existait à Rome de volailles engraissées obligea le consul
Canius Fanius à faire une loi qui défendait d'élever les poules
dans les rues.
La poule est originaire de Tlnde; mais du lieu de sa nais-
sance elle s'est répandue sur presque tous les points du globe.
Elle offre différentes variétés assez remarquables : en Turquie,
son plumage est presque aussi riche que celui du faisan; en
Chine, elle a de la laine au lieu de plumes; en Perse, il y en
a toute une espèce qui n'a point de queue; dans Tlnde, elles ont
la chair et les os noirs, ce qui ne les empêche pas d'être très-
bonnes à manger. Les poules furent poursuivies par les lois
somptuaires, qui défendirent (et c'est celles-là qu'invoqua le
88o POULE, POULET, POULARDE.
consul Fanius ) de servir sur la table une autre poule que la
simple poule de basse-cour.
Comme nous n'avons pas en France de lois somptuaires qui
défendent d'engraisser la volaille, disons la manière qui leur
donne à la fois le meilleur goût et la meilleure graisse possible.
En trois semaines ou en un mois, nos poules deviendront
des poulardes.
Nourrissez-les pendant quelques jours avec de l'orge moulu,
du son et du lait ; mettez-les en cage dans un lieu obscur, mais
non humide; enfin laissez toujours à leur portée de la farine
d'orge pétrie avec du lait.
La nourriture du chapon est la même; les Romains châtraient
les petits coqs à Tâge de trois mois, et ils engraissaient ces nou-
veaux chapons avec une pâtée de farine et de lait dans un lieu
sombre. Ils châtraient aussi les poules en leur enlevant les
ovaires pour en faire des poulardes grasses.
lîe sarrasin, plus encore que l'orge, se recommande aux
gourmands pour l'engrais des oiseaux de basse-cour.
Brillât-Savarin venait d'être malade; son médecin lui a^ait
recommandé la diète. Un ami vint le voir et le trouva dépeçant
une poularde du Mans.
— Est-ce là le régime d'un malade? demande le visiteur
indigné.
— Mon ami, lui répondit l'auteur de la Physiologie du
goût; je vis d'orge et de sarrasin.
— Mais cette poularde?
— Elle en a vécu deux mois; elle me fait vivre à son tour.
Puis, ajouta l'illustre magistrat dans son enthousiasme pinda-
rique, quel présent nous ont fait les Maures en nous envoyant le
sarrasin! C'est sa graine qui rend la poularde si séduisante, si
fine et si exquise.
Lorsque je parcours la campagne et que je rencontre un
champ de sarrasin, je ne puis me lasser d'admirer cette herbe
bienfaisante qui embaume l'air quand elle est fleurie; ce parfum
me jette dans une sorte d'extase, et je crois humer la vapeur de
la poularde même dont elle sera un jour la nourriture.
Chapon au gros sel, — Ayez un chapon, videz-le, flambez-
POULE, POULET, POULARDE. 88i
le, troussez-lui les pattes en dedans, bridez-le, bardez-le et
mettez-le cuire dans la marmite, dans le consommé, ou dans une
casserole avec du bouillon. Pour s'assurer de la cuisson, pincez-
lui Faileron avec les doigts; s'il ne résiste pas, il est cuit. Égout-
tez-le, dressez-le et mettez-lui sur l'estomac une pincée de gros
sel, saucez-le avec un jus de bœuf réduit.
Chapon au rù[. — Préparez votre chapon comme le précé- '
dent; faites blanchir environ trois quarterons de riz, égouttez-le,
mettez-le dans une marmite qui puisse aussi contenir votre cha-
pon, que vous posez du côté de l'estomac; mouillez le tout avec
deux bonnes cuillerées à pot de consommé ou de bouillon, faites
partir votre marmite, couvrez-la, mettez-la mijoter sur la pail-
lasse, ayez soin de remuer de temps en temps votre riz ; sondez
votre chapon, pour vous assurer qu'il est cuit ; sa cuisson faite,
dressez-le, dégraissez votre riz, finissez-le avec un morceau de
beurre, en y mettant sel, gros poivre, un peu de réduction, si
vous en avez, et masquez-en votre chapon. Si votre riz était trop
épais, relâchez-le avec un peu de bon bouillon.
Chapon aux truffes. — Préparez ce chapon comme le pré-
cédent; videz -le par la poche, servez-vous à cet effet du cro-
chet d'une cuiller à dégraisser. Prenez garde de crever l'amer
du foie.
Vous aurez brossé et épluché environ deux livres de bonnes
truffes; hachez-en quelques-unes des plus défectueuses; coupez
par dés, et pilez environ une livre de lard gras, mettez-le dans
une casserole, avec vos truffes, du sel, du poivre, un peu de mus-
cade râpée et des fines épices; faites mijoter le tout à un feu très-
doux, environ une demi-heure ; laissez-le refroidir, remplissez-
en votre chapon jusqu'à la poche et cousez-la, bridez-le, les
pattes en long; conservez-le, si vous pouvez attendre deux ou
trois jours, bardez-le, embrochez-le après l'avoir enveloppé de
papier; faites -le cuire à peu près une heure et demie; débal-
lez-le : si vous l'employez pour relevé, supprimez la barde ;
servez-le à la peau de goret et mettez dessous une sauce aux
truffes. (Voyez l'article Sauce aux truffes.)
Poularde en entrée de broche. — Plumez les ailerons et la
queue de cette pièce; flambez-la, refaites-lui les pattes, prenez
56
S%2 POULE, POULET, POULARDE.
garde d'en rider la peau, épluchez-la, supprimez-en le brichet,
videz- la par la poche et prenez garde d'en crever Tamer; maniez
dans une casserole, avec une cuiller de bois, un morceau de
beurre ; assaisonnez-le du jus d'un citron et d'un peu de sel,
remplissez-en le corps de votre poularde, retroussez-lui les pattes
en dehors, bridez-en les ailes, embrochez-la sur un hàtelet;
frottez-lui l'estomac d'un citron, saupoudrez-la d'un peu de sel,
couvrez-la de tranches de citron, desquelles vous aurez ôté les
pépins, enveloppez-la de bardes de lard, de plusieurs feuilles de
papier, liées sur vos hâtelets par les deux bouts, posez-la sur la
broche, du côté du dos; faites-la cuire environ une heure, débal-
lez-la et servez-la avec la sauce que vous jugerez convenable.
Poularde aux truffes. — (Voyez ci -dessus Chapon aux
truffes,)
Poularde à la Saint-Cloud. — Préparez cette poularde
comme celle à la maréchale, avec cette différence qu'au Heu de
la piquer de lard, il faut la piquer avec des clous de truffes.
(Voyez l'article Poulet à la Saint-Cloud,)
Poulardes en bigarrure. — Épluchez, flambez deux
moyennes poulardes, levez-en les ailes, ôtez-en les filets, suppri-
mez les ailerons et les peaux des ailes, piquez deux de ces ailes
d'une deuxième et les deux autres de petits lardons de truffes,
cuits à moitié ; marquez ces quatre ailes dans une casserole fon-
cée de bardes de lard, avec une carotte, un bouquet de persil et
de ciboules et deux moyens oignons, dans l'un desquels vous aurez
mis deux clous de girofle; mouillez vos ailes avec un peu de con-
sommé, ayez soin que ce mouillement n'atteigne point le lard
piqué de vos poulardes et couvrez-les d'un rond de papier. Un
quart d'heure avant de servir, faites-les partir, avec feu dessus et
dessous. Désossez entièrement les quatre cuisses et remplissez-les
d'un salpicon composé de truffes et de foies gras, cousez-en les
peaux et donnez aux cuisses la forme d'une figue aplatie; coupez
les pattes en deux, supprimez-en le haut et mettez le bas dans la
cuisse, en sorte qu'on ne voie que la moitié de cette patte.
Piquez deux de ces cuisses de clous de truffes, en forme de
rosettes, les deux autres devant rester blanches; frottez-les de
citron^ marquez ces quatre cuisses dans une casserole, entre des
POULE, POULET, POULARDE. 88^
bardes de lard; assaisonnez- les comme les ailes, faites-les cuire à
un feu doux environ trois quarts d'heure. Au moment de servir,
égouttez-les, ôtez-en les fils, cgouttez aussi vos ailes, ôtez le nerf
des filets mignons, faites-leur des entailles de distance en dis-
tance et mettez-y des petites crêtes de truffes de la largeur de ces
filets, donnez-leur une forme cintrée, sautez-les dans du beurre
fondu et un grain de sel; après, égouttez-les, glacez les ailes
piquées, dressez-les toutes les quatre en croix et posez entre cha-
cune d'elles vos cuisses de poulardes, en mettant dessus, en forme
de couronne, les petits filets. Saucez votre entrée avec une espa-
gnole réduite et travaillée avec le consommé que vous aurez fait
des carcasses de vos poulardes. (Recette de Vincent de la
Chapelle.)
Poularde sauce tomate. — Préparez cette poularde comme
il est indiqué à l'article Poularde en entrée de broche^ et servez
dessous une sauce tomate. (Voyez cette sauce.)
Poularde à la broche pour rôt. — Videz, flambez, éplu-
chez, refaites une belle poularde; bridez-la, en lui laissant les
pattes en long; bardez-la ou piquez-la, embrochez-la, enve-
loppez-la de papier et faites-la cuire; sa cuisson faite aux trois
quarts, déballez-la, achevez sa cuisson et faites lui prendre une
belle couleur; mettez sur votre plat un lit de cresson, assaisonné
convenablement de sel et vinaigre ; posez dessus votre poularde
et servez.
Poularde en entrée de broche à la hollandaise. — Procédez
pour cette poularde comme pour celle en entrée de broche, et
servez dessous une sauce hollandaise. (Voyez cette sauce.)
Poularde en entrée de broche. — Poêlez ou mettez cette
poularde à la broche, et pour la servir, mettez une sauce au
beurre d'écrevisses, ou toute autre sauce. (Voyez l'article Sauce
au beurre d'écrevisses.)
Filets de poularde au suprême. — Levez les filets de trois
moyennes poulardes, posez ces filets sur la table, et levez-en les
petites peaux, le plus mince possible; trempez dans l'eau le
manche de votre couteau et battez-les légèrement, parez-les,
faites fondre dans une sauteuse une quantité suffisante de beurre,
arrangez-y vos filets, en les trempant des deux côtés, saupou-
884 POULE, POULET, POULARDE.
drez-les d'un peu de sel, couvrez4es d'un rond de papier, levez
avec soin les six cuisses pour vous faire une entrée, soit pour le
jour, soit pour le lendemain ; vous leur conserverez la totalité de
la peau, pour former de ces cuisses de petits canetons ou des
ballons; faites un consommé des carcasses, faites-le réduire
presque en glace sans lui donner de couleur; ajoutez-y six cuille-
rées à dégraisser pleines de velouté réduit, et de pain de beurre ;
salez et vannpz votre sauce, sauter vos filets en les retournant,
faites qu'ils soient bien blancs, assurez-vous qu'ils sont bien
cuits, en appuyant le doigt dessus; s'ils résistent, c'est qu'ils le
sont; vous aurez passé six croûtotis de mie de pain à potage,
auxquels vous aurez donné la forme et l'épaisseur de vos filets
dressez ces filets en couronne, mettez un croûton entre chacun
d'eux, travaillez votre sauce et saucez en marquant votre entrée.
Si vous voulez ces filets aux truffes, coupez des truffes en liards,
feites-les cuire dans du beurre et un grain de sel, mettez-les
dans une partie de votre sauce au suprême, et versez-les dans
le puits de vos filets. (Recette de M. Beau villier.)
diles de poulardes à la maréchale. — Prenez trois belles
poulardes, levez-en les ailes, supprimez-en les ailerons, ne con-
servez que les deux moignons, levez-en la petite peau en posant
votre aile sur la table, et en faisant glisser votre couteau comme
si vous leviez une barde de lard; prenez garde d'endommager
les chairs, piquez vos six ailes d'une deuxième et marquez-les
dans une casserole comme il est indiqué a l'article Poulardes en
bigarrure. Vos ailes cuites, égouttez-les sur un couvercle, gla-
cez-les; qu'elles soient d'un beau blond, dressez dans votre plat
une bonne chicorée réduite (V. l'article Chicorée béchamel);
dressez vos six ailes dessus, la*pointe au centre du plat, mettez
une belle truffe au milieu et servez.
Poularde en galantine, — Épluchez, flambez, videz une
poularde, désossez-la par le dos, étendez-la sur un linge, couvrez
les chairs d'une mince farce cuite de volaille, lardez, assaisonnez.
Posez sur votre farce des lardons de distance en distance; ajou-
tez-y, si c'est la saison, des truffes coupées en filets, de la
grosseur de vos lardons, et entremêlez-les, pour que votre pièce
soit bien marbrée, recouvrez ces lardons d'un autre lit de farce.
POULE, POULET, POULARDE. 885
et conrinuez de mettre ainsi farce et lardons, jusqu'à ce que votre
volaille soit remplie ; rapprochez les peaux, cousez-les , tâchez
de donner à votre poularde sa forme première, entourez-la de
bardes de lard, enveloppez-la d'un morceau d'étamine neuve,
cousez cette étamine; attachez-en les deux bouts avec une
ficelle; foncez une braisière avec quelques carottes, oignons,
deux clous de girofle, deux feuilles de laurier, deux ou trois
lames de jambon, un jarret de veau, et la carcasse de votre pou-
larde coupée par morceaux; posez du côté du dos votre pièce
sur ce fond ; appuyez un peu la main sur son estomac afin de
Taplaîir; couvrez votre galantine de bardes de lard, mouillez-
la avec du bouillon, il faut qu'elle baigne dans son assaisonne-
ment, couvrez-la de papier; faites-la partir après lui avoir mis
son couvercle; posez-la sur la paillasse avec feu dessous et
dessus; laissez-la cuire une heure et demie ou deux heures; sa
cuisson faite, retirez-la du feu, laissez-la dans son assaisonne-
ment une demi-heure; retirez-la, pressez-la légèrement, apla-
tissez-lui de nouveau l'estomac, afin d'avoir là facilité de la
garnir de gelée, passez le fond de votre galantine au travers d'une
serviette -mouillée à cet effet; si ce fond n'était pas assez ambré,
mêlez-y un peu de jus de bœuf, ou de blond de veau; faites-en
l'essai ; si ce fond ou plutôt cette gelée se trouvait trop délicate,
faites-la réduire ; cassez deux œufs entiers, jaunes, blancs et
coquilles, mettez-les dans votre gelée, fouettez-la avec un fouet
de buis, mettez-la sur le feu ; ayez soin de la remuer lorsqu'elle
commencera à bouillir; retirez-la sur le coin de votre fourneau,
mettez sur votre casserole un couvercle avec quelques charbons
ardents dessus, laissez ainsi votre gelée se clarifier environ une
demi-heure ou trois quarts d'heure; passez-la comme il est
indiqué à l'article Grand aspic^ laissez votre gelée se refroidir,
déballez votre galantine, ratissez le gras qui est autour, dressez-
la sur une serviette, garnissez-la de gelée soit coupée en lames,
en diamants ou hachée, ou les trois ensemble et servez.
Filets de poulardes à la béchamel, — Faites rôtir deux
poulardes. Une fois refroidies, levez-en les blancs et supprimez-
en les peaux et les tendons ; émincez ces blancs également ; mettez
dans une casserole cinq cuillerées à dégraisser de béchamel et
886 POULE, POULET, POULARDE.
deux de consommé, ainsi qu'un peu de muscade râpée (vo^ez
larticle Sauce à la] béchamel); après une ébullition, délayez
votre sauce, prenez garde qu'elle ne s'attache; au moment de
servir, jetez vos filets dedans, retournez-les légèrement, de
crainte de les rompre; dressez-les sur votre plat garni d'une
bordure, ou bien garnissez de feuilletage ou de croûtons, ou bien
encore servez dans une tourte.
Soufflé de poularde. — Procédez pour ce soufflé comme il
est énoncé au soufflé de perdreaux.
Hachis de poulardes à la reine. — Hachez menu des blancs
de poulardes et poulets, mettez dans une casserole de la bécha-
mel ainsi que du consommé, en proportion de la quantité de vos
chairs ; faites bouillir et délayez votre sauce ; au moment de ser-
vir, mêlez-y votre hachis sans ébullition, finissez-lfe avec un peu
de beurre et un peu de muscade râpée; ce hachis est le bien venu
dans les grands vol-au-vent ou dans les petits pâtés chauds.
Poulets. — Il y en a de quatre sortes :
I® Le poulet commun, qui s'emploie généralement en fK-
cassée, et dont on lève les chairs pour faire des farces de diffé-
rentes sortes ;
2® Le poulet demi-grain, dont on se sert pour les marinades
à cru, et différentes entrées qui n'exigent pas de très-gros pou-
lets;
3® Le poulet à la reine, qui est aussi très-délicat et qui sert
aussi pour entrées et pour rôt.
4** Le gros poulet gras, dont on fait plus communément
usage pour la broche que pour toute autre chose.
C'est vers la fin d'avril que l'on commence à voir des poulets
nouveaux. On les reconnaît facilement à la Mancheur de leur
peau. Ils sont ordinairement couverts de petits tuyaux, comme
s'ils étaient mal épluchés; leurs pattes sont plus unies que celles
des vieux, plus douces au toucher, et d'un bleu tirant sur l'ar-
doise. Les vieilles poules et les vieux coqs ne sont bons qu'à cor-
ser les bouillons et les consommés ; après les poulets viennent les
poulardes et les chapons.
Fricassée de poulet. — Ayez deux poulets, flambez-les,
refaites les pattes, épluchez -les, coupez les ongles, videz ces pou-
POULE, POULET, POULARDE. 887
lets et ôtez-en la poche (soit dit une fois pour toutes) ; dépecez-
les, en commençant par lever les cuisses; séparez les pattes des
cuisses, cassez l'os de la cuisse, à peu près vers le milieu ; sup-
primez la moitié de cet os, coupez le petit bout du moignon,
séparez les ailerons des ailes, coupez-en la pointe, ce qu'on
appelle le fouet; levez vos ailes dans la jointure, ménagez l'esto-
mac, séparez-le des reins, parez-le des deux bouts et des deux
côtés, coupez le rein en deux,' parez le croupion, coupez-en la
petite pointe, supprimez le boyau adhérent au croupion, parez ce
rein et ôtez-en les poumons; mettez dans une casserole une cho-
pine d'eau, un oignon coupé en tranches, quatre branches de
persil, un peu de sel et vos morceaux de poulets, faites-les blan-
chir, c'est-à-dire faites jeter un bouillon à cette eau ; retirez-les,
égouttez-les sur un linge blanc, parez-les, essuyez-les, passez
votre eau à travers un tamis de soie, mettez dans une casserole
un quarteron et demi de beurre, joignez-y vos poulets, faites-les
revenir légèrement, singez-les avec une pincée de farine de fro-
ment, sautez-les pour bien mêler votre farine, mouillez-les peu
à peu, en les délayant avec votre eau de poulet, ajoutez-y un
bouquet de persil et ciboules, garni d'une demi-feuille de lau-
rier, d'un clou de girofle et de champignons tournés (voyez article
Garniture) ; faites cuire votre fricassée, dégraissez-la : sa cuisson
faite, si la sauce se trouve être trop longue, versez-en une partie
ou le tout dans une autre casserole, et faites-la réduire à consis-
tance de sauce, remuez-la sur vos membres de poulets; faites
une liaison de trois jaunes d'oeufs, avec un peu de crème ou de
lait; faites bouillir votre fricassée, retirez-la du feu, liez-la,
remettez-la sur le feu, sans la faire bouillir, pour achever de la
lier. Sachez si elle est d'un bon goût, finissez-la avec un demi-
pain de beurre, un jus de citron ou un filet de verjus; dressez-la,
en commençant par mettre les pattes au fond du plat, les reins
dessus, en les entremêlant, les cuisses et les ailes. Saucez et
servez.
Vous pouvez faire la fricassée de poulet à chaud et à froid,
de la même manière qu'il est énoncé à l'article Salmis de per-^
dreaux chaud ou froid. Lorsque vous aurez lié votre fricassée de
poulets, qu'elle sera un peu froide, ajoutez de la gelée à la
888 POULE, POULET, POULARDE.
sauce. Faites-la prendre de la même manière qu'il est expliqué
pour les perdreaux. N'employez point de croûtons.
Fricassée de poulet à la chevalière. — Préparez deux beaux
poulets gras et faites-les cuire de la même manière qu'il a été
expliqué^ excepté qu'il faut mettre de côté les ailes que vous
piquez avec du menu larâ ; supprimez la peau, bttz la chair du
bout de l'os et grattez-le. Si c'est la saison, vous piquerez deux
de ses ailes avec des truffes. Faites fondre du beurre dans une
tourtière, arrangez-y vos quatre ailes, saupoudrez-les d'un peu
de sel fin, couvrez-les d'un papier beurré, mettez-les cuire dans
un four, ou sous un four de campagne, dressez-la, saucez-la,
décorez-la de ses quatre ailes, mises en croix, que vous aurez
glacées , avec lesquelles vous mêlerez quatre belles écrevisses.
Vous mettrez une grosse truffe au-dessus comme pour couronner
votre entrée, et vous servirez.
Kari de poulet à Vindienne. — Dépecez deux poulets,
comme il est indiqué à l'article Fricassée de poulet \ mettez dans
une casserole 125 grammes de beurre, autant de petit lard et les
membres de vos poulets, passez le tout, singez-le avec une cuiller
à bouche pleine de farine de froment, sautez ce kari, mouillez-le
peu à peu avec du bouillon ; assaisonnez-le d'un bouquet de
persil et ciboules, d'une poignée de champignons, de sel et
d'une cuillerée à café de poudre de kari; laissez cuire votre kari.
Sa cuisson faite, dressez-le dans un vase creux ; servez-le avec
du riz que vous préparerez ainsi :
Faites blanchir et crever votre riz avec un peu de sel et
presque sans mouillement. Beurrez un vase et remplissez-le de ce
riz, qui doit être bien entier, de façon à en former un pain;
tenez-le chaudement sur une cendre rouge. A l'instant de ser-
vir, retournez-le sur un plat; si la poudre de kari n'avait pas
donné assez de couleur à votre ragoût, faites infuser dans un peu
d'eau une pincée de safran du Gâtinais, exprimez-le sur votre
kari, mêlez-le bien, goûtez s'il est d'un bon goût, s'il est assez
pimenté. Vous pouvez faire, si vous le voulez, procédant de la
manière énoncée, un kari de lapereaux, de veau, de pigeons, etc.
N'oubliez pas de faire rissoler dans votre casserole quatre
oignons en roussi bien rissolés, et jetez vos membres de poulet
POULE, POULET, POULARDE. 889
dedans; laissez cuire ainsi qu'il est indiqué ci-dessus. Un peu de
safran pour le riz est nécessaire.
Poulets en entrée de broche. — Ayez deux poulets gras bien
blancs, d'égale grosseur et sans taches. Après en avoir plumé les
ailerons, flambez-les légèrement; prenez garde d'en roidir la
peau. Epluchez-les, rompez-leur le bréchet, videz-les par la
poche, ayez soin d'en extraire tous les intestins ; servez-vous pour
cela du crochet d'une cuiller à dégraisser, et prenez garde de
crever l'amer. Mettez dans une casserole environ trois quarte-
rons de beurre, un peu de sel, un jus de citron et un peu de
muscade râpée; mêlez le tout à froid avec une cuiller de bois,
remplissez-en vos poulets également, retroussez-les en poulets
d'entrée, c'est-à-dire les pattes en dehors; passez-leur une ficelle
dans les ailes et qui fixe la peau de la poche le long du rein,
pelez jusqu'au vif un citron, foncez une casserole de bardes de
lard; posez-y vos poulets, joignez-y une carotte, un oignon
piqué de deux clous de girofle, un bouquet de persil et ciboules,
une demi-feuille de laurier, la moitié d'une gousse d'ail, une
lame de jambon et quelques petits morceaux de veau ; levez la
peaii d'un citron, coupez-le en tranches, ôtez-en les pépins et
mettez ces tranches sur l'estomac de vos poulets, couvrez-les de
bardes de lard, mouillez-les avec une cuiller à pot de bouillon,
ou d'une poêle, et, faute de cette dernière, mettez avec le bouil-
lon un demi-verre de vin blanc; couvrez-les d'un rond de papier
et d'un couvercle, faites-les partir, posez-les sur une paillasse,
avec feu modéré dessus et dessous. Leur cuisson achevée, égout-
tez-les, débridez-les, faites-en sortir le beurre, dressez-les et
servez dessous, soit une sauce aux truffes, une espagnole très-
corsée, une sauce tomate, une sauce à l'estragon, un aspic, un
ragoût de champignons ou un ragoût mêlé, etc.
Poulets à Vivoire. — Préparez et poêlez deux poulets,
comme il est dit ci-dessus, excepté qu'il en faut supprimer les
pattes; coupez les bouts des moignons, grattez-en les os. Leur
cuisson faite, égouttez-les , dressez-les et saucez-les avec une
sauce à l'ivoire. (V. cet article.)
Toulets sauce aux huîtres. — Préparez deux poulets comme
Poulardes en entrée de irocAe, faites-les cuire de même, égouttez-
890 POULE, POULET, POULARDE.
les et dressez-les ; prenez six douzaines d'huîtres, ôtez-les de leurs
coquilles, mettez-les dans une casserole sans autre mouillement
que leur eau, faites-les roidir; mettez dans une casserole quatre
cuillerées à dégraisser de velouté réduit, égouttez vos huîtres et
jetez -les dans ce velouté, faites-leur jeter un bouillon, ajoutez-y
une pincée de persil haché et blanchi, un pain de beurre et une
pincée de gros poivre. Au moment de servir, exprimez dans cette
sauce le jus d'un citron, sachez si elle est d'un bon goût, versez-
la dessus vos poulets, et servez.
Poulets sauce aux truffes. — Ayez deux poulets, préparez-
les comme ci-dessus et poèlez-les de même. Leur cuisson achevée,
égouttez-les, dressez-les et mettez dessus une sauce aux truâès.
(Voyez cet article.)
Poulets à l'estragon. — Préparez deux poulets comme il est
indiqué ci-dessus; poêlez-les de même, et, leur cuisson faite,
égouttez-les, dressez-les et saucez-les avec une sauce à l'estra-
gon. (Voyez cet article.)
Poulets à la sauce tomate. — Préparez deux poulets de la
même manière que ci-dessus et poêlez-les. Leur cuisson ùdte^
après les avoir égouttés, dressez-les et servez-les avec une sauce
tomate. (Voyez cet article.)
Poulets bouillis à l'anglaise. — Flambez et troussez deux
poulets, comme ceux Poulardes d'entrée de broche^ mettez de
l'eau dans une casserole assez grande pour qu'ils y soient à l'aise,
faites-la bouillir, ajoutez-y une pincée de sel, mettez-y vos pou-
lets, faites qu'ils bouillent toujours, sans aller trop vite. Leur
cuisson achevée, égouttez-les, dressez-les, saucez et masquez-les
avec une sauce à l'anglaise. (Voyez cet article.)
Poulets aux pois. — Prenez une demi-livre de lard de poi-
trine, coupez-le en gros dés, supprimez-en la couenne, faites-le
blanchir, égouttez-le, mettez dans une casserole un quarteron de
beurre, faites un petit roux (voyez l'article Roux), passez-y votre
lard et faites-le roussir légèrement; lorsqu'il sera d'un beau
blond, joignez-y deux jeunes poulets dépecés, comme pour la
fricassée; mouillez-les avec une cuillerée à pot de bouillon,
délayez bien le tout, que vous assaisonnerez d'un bouquet de per-
sil et ciboules, et quand vous aurez mis une demi-feuille de lau-
POULE, POULET, POULARDE. 891
rier et un clou de girofle, faites bouillir votre fricassée, mettez-y
un litron de pois très-iîns, faites aller à grand feu, sans la cou*
vrir ; dégraissez-la. Sa cuisson faite, dressez vos membres de pou-
let, fàites-en réduire la sauce si elle est trop longue, goûtez si
elle est d'un bon goût, masquez-en les membres, et servez.
Poulets fricassés aux pois et au blanc. — Ayez deux jeunes
poulets, flambez-les, dépecez-les comme pour la fricassée, met-
tez un morceau de beurre dans une casserole, joignez-y vos pou-
lets, avec un bouquet de persil et ciboules; assaisonnez d'un peu
de sel fin et de deux moyens oignons, sautez le tout; faites reve-
nir vos poulets, couvrez-les et laissez-les cuire doucement, avec
feu dessus et dessous. A moitié de leur cuisson, mettez-y un litron
de pois fins, que vous aurez manié dans de Teau et du beurre,
gros comme une noix; égouttez-les dans une passoire, laissez
suer et cuire le tout, en le sautant de temps en temps. La cuisson
achevée, bt^z les oignons et le bouquet, liez votre fricassée avec
une cuiller à dégraisser pleine de bon velouté réduit. Si vous
n'avez pas de velouté, maniez un pain de beurre avec un peu de
farine de froment, et servez-vous-en pour opérer cette liaison.
Dressez votre fricassée comme la précédente, et servez.
Poulets au beurre d'ecrevisses. — Préparez et faites cuire
ces poulets comme il est indiqué aux poulets en entrée de broche
(voyez cet article), égouttez-les, mettez dans une casserole quatre
cuillerées à dégraisser de velouté réduit et du beurre d'ecre-
visses, gros comme un œuf; passez le tout, travaillez bien votre
sauce, mettez-la dans le fond de votre plat et dressez vos
poulets dessus.
Poulets à la broche pour rôt, — Ayez deux beaux poulets
gras, ou trois petits à la reine; préparez-les comme la poularde
(voyez cet article) ; piquez-en un des deux, s'ils sont gras, et un
ou deux, s'ils sont à la reine ; bardez-les, embrochez-les, enve-
loppez-les de papier et faites-les cuire. Aux trois quarts de leur
cuisson, déballez-les pour achever de les cuire et faire sécher le
lard, laissez-les prendre une belle couleur dorée. Si vous avez de
la glace, mettez-en légèrement avec un pinceau sur le lard de
vos poulets, dressez-les sur un lit de cresson, assaisonné convena-
blement d'un peu de sel et de vinaigre, et servez.
893 POULE, POULET, POULARDE.
Poulets à la tartare. — Nettoyez et préparez deux poulets,
troussez-les en poule, c'est-à-dire les pattes en dedans; fendez-
en les reins et aplatissez-les, cassez les os des cuisses ; mettez un
morceau de beurre dans une casserole, avec sel et gros poivre;
faites-y revenir et cuire ensuite vos poulets, avec feu dessus et
dessous. Un quart d'heure avant de servir, passez-les, mettez-les
sur le gril à un feu doux; ayez soin de les retourner deux ou
trois fois pour qu'ils prennent une belle couleur, et servez des-
sous une sauce à la tartare. (Voyez cette sauce.)
Poulets sauce au pauvre homme et diverses autres. — Pré-
parez vos poulets comme il est dit ci-dessus, supprimez-en les
cous et les pattes, fendez-en le dos et aplatissez-les, faites-les
cuire à moitié dans le beurre, avec sel et poivre; achevez, sans
les passer, leur cuisson sur le gril, et servez dessous une sauce
au pauvre homme à l'estragon, ou tomate, ou toute autre que
vous voudrez. (Voyez ces sauces.)
Poulets à la Périgueux, — Choisissez deux beaux poulets
gras, bien blancs. Après les avoir épluchés et vidés par la poche
(voyez l'article Poulardes en entrée de broche); vous aurez brossé
et lavé deux livres de truffes, desquelles vous supprimerez la
peau des grosses ; vous en ferez des petites aussi égales que pos-
sible; mettez une livre de lard râpé dans une casserole, ajoutez-y
vos truffes et leurs parures, que vous aurez hachées, assaisonnez-
les de sel, gros poivre, une pincée d'épices fines, un peu de mus-
cade râpée et une feuille de laurier, que vous ôterez à la fin;
faites-les mijoter sur un feu doux l'espace d'une demi-heure, en
les remuant avec soin; retirez-les du feu, laissez-les refroidir;
mettez vos poulets sur un linge blanc, remplissez-les également
par la poche de votre appareil de truffes; retroussez-les en pou-
lets d'entrée, embrochez-les avec un hâtelet, couvrez-les de
bardes de lard, de deux ou trois feuilles de papier; posez-les sur
une broche, faites-les cuire environ cinq quarts d'heure. Leur
cuisson faite, déballez-les, égouttez-les , dressez-les, et ser\'ez
dessous une sauce à la Périgueux. (Voyez cette sauce.)
Poulets à la mayonnaise. — Prenez un poulet cuit à la
broche ; procédez, à l'égard de cette mayonnaise, comme pour
les perdreaux. (V. l'article Perdreaux à la mayonnaise.)
POULE, POULET, POULARDE. 893
Salade de poulets, — Prenez deux poulets rôris et froids, ou
de desserte ; coupez-les, dépecez-les par membres, comme pour
la mayonnaise ; mettez-les dans un vase de terre, assaisonnez-les
de même qu'une salade, ajoutez-y câpres entières, anchois et
cornichons coupés en filets, de la fourniture hachée, sautez le
tout, dressez-le sur un plat, comme une fricassée de poulets, sans
y comprendre les anchois, les cornichons et les câpres ; garnissez
le bord du plat de laitues fraîches coupées par quartiers et d'œufs
durs coupés de même; décorez votre salade des filets d'anchois
et des câpres; saucez-la avec son assaisonnement, et servez.
Poulets à la crème. — Ayez deux poulets froids, cuits à la
broche; levez-en les estomacs jusqu'aux cuisses, os et chairs;
supprimez-en les poumons, faites une farce avec les chairs des
estomacs, en procédant ainsi : levez ces chairs ou blancs de pou-
let; après en avoir ôté les peaux, hachez très-menu et pilez-les
ensuite ; parez et pilez également une tétine de veau cuite dans
la grande marmite. Si vous n'avez pas de tétine, employez du
lard râpé ou du beurre ; prenez la mie d'un pain à potage, faites-
la tremper et dessécher dans de la crème double; mettez, par
portions égales, ces trois substances; pilez le tout ensemble,
ajoutez-y cinq jaunes d'œufs, un peu de muscade râpée et du
sel ce qu'il en faut, essayez votre farce, goûtez si elle qsX d'un
bon goût, ôtez votre pilon, incorporez légèrement au fur et à
mesure, et en la remuant avec une cuiller de bois, trois blancs
d'œufs fouettés; mettez-y deux échalotes hachées très-fin, lavées
et passées dans un linge blanc, et, si vous le voulez, un peu de
persil haché ; mêlez bien le tout, retirez-le du mortier ; mettez
deux bardes de lard sur une tourtière, remplissez vos poulets de
cette farce, unissez-la avec votre couteau trempé dans une ome-
lette ; donnez à cette farce la forme de l'estomac de vos poulets,
dorez-la et faites dessus le dessin qui vous plaira, entourez ces
poulets de papier beurré, assez haut pour contenir la farce,
fixez-le autour avec une ficelle, posez vos poulets sur une tour-
tière. Trois quarts d'heure avant de servir, mettez-les dans le
four, faites-leur prendre une belle couleur. Leur cuisson faite,
dressez-les et servez dessous une italienne blanche, ou une sauce
au suprême, ou une à l'ivoire. (Voy. l'article Sauces.)
894 POULE, POULET, POULARDE.
Poulets en friteau. — Dépecez deux poulets comme pour en
faire une fricassée, mettez-les dans un vase de terre, avec des
tranches d'oignons, persil en branche, sel, gros poivre et le jus
de deux ou trois citrons, laissez-les mariner une heure, égouttez-
les, mettez-les dans un linge avec une poignée de farine; sassez-
les et posez-les sur un couvercle. Vous aurez mis votre friture
sur le feu; lorsqu'elle sera à son degré, [mettez-y d'aJjord les
cuisses de vos poulets, peu après les estomacs, ensuite les ailes,
les reins, ainsi de suite pour le reste. Votre friture cuite et d'une
belle couleur, égouttez-la, et, après l'avoir dressée, servez-la, si
vous le voulez, avec six œufs frais frits; arrangez dessus et ser-
vez avec une sauce poivrade. (Voy. l'article Sauce poivrade,)
Marinade de poulets. — Dépecez deux poulets cuits à la
broche, faites-les mariner une demi-heure avant de les servir
(voyez l'article.: Marinade cuite) ^ égouttez-les , trempez leurs
membres dans une pâte à frire légère, c'est-à-dire dans laquelle
vous aurez mis des blancs d'œufs fouettés; faites frire votre
marinade en procédant comme ci-dessus, et servez quand elle
sera cuite et 4'une belle couleur; égouttez-la sur un linge blanc,
dressez-U et servez-la avec du persil frit que vous mettrez des-
sous, ou seulement avec une pincée dessus.
Rissoles de volaille. — Prenez des rognures de feuilletage
^voyez Feuilletage, article Pâtisserie), abaissez-les en long, de
l'épaisseur d'une pièce de quarante sous, et plus mince, s'il est
possible; mouillez le bord de votre abaisse avec un doroh-
trempé dans l'eau, couchez de la farce cuite de volaille par par-
ties, et d'espace en espace, de la grosseur d'un grain de verjus;
repliez cette abaisse sur ces parcelles de farce ; donnez-leur la
forme de petits chaussons. A cet effet, coupez-les en demi-lune,
avec un coupe-pâte godronné ou avec votre couteau; ayez soin
que la jointure de vos pâtes soit bien soudée, farinez un cou-
vercle, arrangez vos rissoles dessus. Quand vous serez sur le point
de servir, faites-les frire, qu'elles prennent une belle couleur,
dressez-les, et servez.
Poulet en capilotade. — Dépecez un poulet cuit à la broche,
mettez dans une casserole trois cuillerées à dégraisser pleines
d'italienne, à défaut de laquelle vous emploierez de la sauce
POULE, POULET, POULARDE. 89J
hachée, et à défaut de cette dernière une sauce au pauvre
homme (voyez article Sauces); faites mijoter votre poulet dans
une de ces sauces. Un quart d'heure avant de servir, dressez-le,
ajoutez à votre sauce quelques cornichons coupés en liards ou en
filets, saucez, et servez.
Poulets à la Saint-Cloud. — Préparez deux poulets comme
ceux pour entrée de broche ; prenez deux ou trois truffes bien
noires, formez-en des petits clous, décorez-en vos poulets, ce
qui consiste seulement à mettre chacun de ces clous dans les
trous que vous faites à Testomac de vos poulets avec une petite
lardoire. Il faut que ces trous soient également espacés; foncez
une casserole de bardes de lard, mettez-y un oignon piqué d'un
clou de girofle, une carotte tournée, un bouquet de persil et
ciboules, saupoudrez l'estomac de vos poulets de sel fin, expri-
mez aussi dessus un jus de citron, couvrez-le de bardes de lard
et d'un rond de papier, mouillez-le avec une poêle, ou employez
un verre de consommé ou de bouillon ; joignez-y un verre de vin
blanc, une demi-feuille de laurier et une lame de jambon. Trois
quarts d'heure avant de servir vos poulets, faites-les partir,
posez-les sur la paillasse avec feu dessus et dessous. Leur cuisson
achevée, égouttez-les, dressez-les, servez dessous une sauce aux
truffes, à la Saint-Cloud ou en petit deuil ; si vous n'avez point
de velouté, passez le fond de vos poulets, mettez-y un pain de
beurre manié dans une demi-cuillerée de farine, faites bouillir
votre sauce, dégraissez-la, et, l'ayant fait réduire, passez-la à
rétamine, ajoutez-y vos petits dés de truffes, dont il est ques-
tion à la sauce en petit deuil, passez dans du beurre et finissez
par un demi-pain de beurre.
Poulets à la ravigote. — Préparez deux poulets comme
pour entrée de broche. Leur cuisson achevée, égouttez-les et
servez dessous une sauce ravigote. (V. Ravigote.)
Poulets à la reine^ sauce à la pluche verte, — Préparez et
poêlez trois de ces poulets. Leur cuisson faite, égouttez,
dressez^ marquez -les avec une sauce à la pluche verte, et
servez.
Sauce à la pluche verte, — Prenez des feuilles de persil
bien vertes, faites-les blanchir, rafraîchissez-les, jetes-les sur un
896 POULE, POULET, POULARDE.
tamis, mettez dans une casserole trois cuillerées à dégraisser de
velouté réduit et deux de consommé, faites réduire le tout. A Tîn-
stant où vous voudrez servir, jetez vos feuilles de persil dans cette
sauce, et, si elle est trop salée, jetez-y un morceau de beurre.
Passez, vannez, et servez.
Poulets à la provençale. — Prenez deux poulets que vous
couperez comme pour une fricassée ; ayez une douzaine d'oignons
blancs, coupez-les en demi-anneau, ou avec un peu de persil;
mettez vos oignons dans une casserole ou sauteuse dans laquelle
vous ferez un lit de vos oignons et un des membres de votre
volaille, recouvrez le tout avec un autre lit d'oignons et de per-
sil; ajoutez un verre d'huile, une ou deux feuilles de laurier,
du sel en quantité suffisante; mettez-les au feu, et lorsqu'ils
seront partis vous les laisserez aller doucement. Leur cuisson
faite, glacez-les, dressez-les en mettant vos oignons au milieu, et
un peu d'espagnole pour les saucer. Ensuite, servez.
• Côtelettes de poularde ou de poulet. — Procédez à l'égard
de ces côtelettes comme pour celles de perdreaux, énoncées à
l'article Gibier.
Blanquette de poularde. — Levez les chairs d'une poularde
froide ou des débris que vous en avez, supprimez-en les peaux et
les tendons ; émincez ces chairs, mettez dans une casserole du
velouté, faites-le réduire et dégraissez-le; au moment de servir
jetez votre émincé, ne le laissez pas bouillir; faites une liaison
délayée avec un peu de crème ou de lait; finissez votre blanquette
avec un morceau de beurre et le jus d'un citron.
Cuisses de poularde en canetons ou en petits oignons. —
Quand vous aurez levé les filets de trois belles poulardes, comme
il est dit à l'article précédent, en ménageant les peaux des cuisses;
désossez-les jusqu'à la moitié de l'os qui tient à la patte; suppri-
mez les trois quarts de chaque patte ; étendez vos cuisses sur un
linge blanc, remplissez-les d'un salpicon composé de foies gras,
de truffes et de champignons ; cousez les peaux de ces cuisses et
donnez-leur une forme allongée, comme le cou d'un cygne ou
d'un canard; il faut que le moignon de la cuisse forme le cou de
votre oiseau et que la patte forme le bec ; fixez ces pattes avec un
fil, de manière à leur conserver la grâce qu'a le col du cygne;
POULE, POULET, POULARDE. 897
faites deux incisions au reste de la patte, Tune censée derrière la
tête de Poiseau ; l'autre sur le haut du bec, pour qu'il forme la
protubérance qui est sur le bec du cygne; ayez six belles écre-
visses dont les pattes soient égales, faites-les cuire dans du
bouillon, ôtez-leur les douze grandes pattes, formez-en les ailes
•
de vos cygnes en les enfonçant dans la chair par le bout qui tenait
au corps de l'écrevisse; foncez une casserole de bardes de lard,
rangez-y vos petits cygnes comme s'ils étaient sur l'eau, mettez
sur chaque une tranche de citron, afin qu'ils soient bien blancs;
mouillez-les avec une poêle; couvrez-les de bardes de lard et
d'un rond de papier; trois quarts d'heures avant de servir, faites-
les partir et cuire doucement sur la paillasse, avec peu de feu
dessus; leur cuisson faite, égouttez-les; ôtez-en les fils; dressez-
les et servez dessous une sauce hollandaise verte, ou une sauce au
beurre d'écrevisses.
Cuisses de poularde en ballon. — Désossez six ou huit
cuisses de poularde, supprimez à peu près les trois quarts de
chaque patte; mettez ces cuisses sur un linge blanc, étalez-les,
remplissez-les d'un salpicon, cousez-les comme celles des pou-
lardes en bigarrure, marquez-les dans une casserole foncée de
bardes de lard, mouillez-les avec une poêle, faites-les cuire envi-
ron trois quarts d'heure; leur cuisson faite, égouttez, dressez,
saucez-les avec une bonne italienne rousse, et servez.
Cuisses de poularde à la Bayonnaise. — Prenez trois
culottes de poularde , partagez-en la peau en deux jusqu'au
croupion, levez les cuisses avec cette peau, désossez-les entière-
ment en leur laissant néanmoins le bout de Tos adhérent aux
pattes; cela fait, marinez avec du citron, sel, gros poivre, une
feuille de laurier cassée en morceaux, laissez mariner pendant
deux ou trois heures; au moment de servir, égouttez-les, farinez-
les, faites-les frire dans du lard râpé ; coupez quatre oignons en
anneaux, ôtez-en le cœur; faites frire ces oignons, ayez soin qu'ils
aient ainsi que les cuisses une belle couleur ; dressez ces cuisses
sur votre plat, mettez dessus vos anneaux frits et servez dessus
une sauce poivrade.
Cuisses de poularde à la Livernois, — Levez les cuisses de
trois poulardes, supprimez la moitié de l'os de la cuisse, parez-
57
998 POULE, POULET, POULARDE.
les , foncez une casserole de quelques carottes coupées en lames,
de deux oignons, d'un bouquet de persiJ et de ciboules assaisonné
de ces aromates et d'une lame de jambon; posez ces cuisses
dessus, mouillez-les avec une cuillerée à pot de bouillon, cou-
vrez-les de quelques bardes de lard et d'un rond de papier;
tournez deux petites carottes soit en bâtonnet, soit en champi-
gnons ; mettez-les blanchir, égouttez-les, faites-les cuire dans du
bouillon et tomber à glace, mettez-y un petit morceau de sucre
pour en ôter Tàcreté; versez dans une casserole quatre à cinq
cuillerées à dégraisser pleines d'espagnole; ajoutez-y vos carottes
tombées à glace; faites-les bouillir, dégraissez-les, égouttez les
cuisses de poulardes; dressez-les, ajoutez un demi-pain de beurre
à votre ragoût; sautez-le, masquez-en votre entrée et servez.
Cuisses de poularde aux truffes. — Désossez six cuisses de
poulardes comme il est indiqué à l'article Cuisses en ballon;
farcissez-les d'un salpicon composé de truffes et de foies gras;
cousez ces cuisses, marquez-les dans une casserole comme il est
dit aux cuisses précédentes; faites-les cuire de même, égouttez-
les; ôtez-en les fils et servez dessous un ragoût de truffes.
(V. l'article Ragoût aux truffes.)
exilerons de poularde piqués et glacés. — Flambez, désossez
quinze ailerons, faites-les légèrement blanchir; piquez-les d'une
deuxième; cela fait, rangez vos ailerons dans une casserole sur
un peu de rouelle de veau, une lame ou deux de jambon, un
oignon piqué d'un clou de girofle, une carotte tournée, un bou-
quet de persil et ciboules; mouillez-les avec du bouillon; cou-
vrez-les d'un rond de papier beurré; faites-les partir et cuire sur
la paillasse, avec un feu vif dessous et dessus, afin qu'ils pren-
nent une belle couleur; leur cuisson faite, passez leur fond au
travers d'un tamis de soie; faites-le réduire presque à glace dans
une sauteuse, laquelle doit avoir assez d'étendue pour les conte-
nir sans être les uns sur les autres ; rangez-les sens dessus dessous
dans cette sauteuse, c'est-à-dire que le côté piqué doit tremper
dans la glace; posez cette sauteuse sur une cendre chaude,
laissez mijoter ainsi vos ailerons; quand ils seront glacés, prenez-
les avec une fourchette, dressez-les sur votre plat, le côté glacé
en dessus; mettez dans le restant de votre glace une cuillerée à
POULE, POULET, POULARDE. 899
dégraisser d'espagnole et une de consommé; faites bouillir le
tout; détachez bien votre glace, sautez-en vos ailerons, et servez.
Q/iilerons de poularde à la chicorée. — Préparez vos aile-
rons comme les précédents, faites-les cuire de même ; dressez-les
sur une bonne chicorée blanche, et servez. (Voir article Chicorée
blanche.)
Q4ilerons de poularde à la pluche verte, — Ayez une
quinzaine d'ailerons; après les avoir préparés comme il est indi-
qué ci-dessus, formez une casserole de quelques tranches de veau
et de jambon; joîgnez-y une douzaine de queues de champi-
gnons, une demi-gousse d'ail, une demi-feuille de laurier et une
pincée de basilic; rangez vos ailerons sur ce fond; coupez deux
carottes en lames et deux oignons en tranches, couvrez-en vos
ailerons, mouillez-les avec du bouillon ou du consommé ; faites-
les partir; mettez-les cuire sur la paillasse avec feu dessous et
dessus; leur cuisson faite, passez votre fond dans une casserole à
travers un tamis de soie; ajoutez à ce fond un petit pain de
beurre manié dans de la farine; faites lier votre fond en la tour-
nant; laissez-la réduire jusqu'à consistance de sauce, avec un peu
de gros poivre; goûtez si elle est d'un bon sel, masquez-en vos
ailerons, et servez.
oAilerons de poularde à la Villeroi. — Flambez, épluchez,
désossez quinze ailerons; remplissez- les d'une farce cuite de
volaille (V. Farce cuite)\ marquez-les dans une casserole comme
les ailerons piqués et glacés (V. cet article), et faites-les cuire
de même; leur cuisson achevée, égouttez-Ies, posez-les sur une
tourtière, couvrez-les d'une Sainte-Ménehould (V. l'article de
cette sauce) ; panez-les avec moitié mie de pain et moitié fromage
de parmesan; faites prendre au four couleur à vos ailerons,
dressez-les, et servez.
Crêtes et rognons en velouté. — Préparez et faites cuire dans
un blanc sept crêtes et sept rognons; leur cuisson achevée, égout-
tez-les, mettez dans une casserole du velouté réduit en suffisante
quantité; jetez-y vos crêtes et vos rognons; faites-les mijoter un
demi-quart d'heure; liez votre ragoût, finissez-le avec la moitié
d'un pain de beurre et un jus de citron, dressez et servez.
Grand aspic de crêtes et rognons. — Prenez un moule à
900 POULE, POULET, POULARDE.
aspic ou, faute de ce moule, une casserole proportionnée à la
grandeur de votre plat, posez-la dans un autre vase rempli de
glace pilée ; coulez dans ce moule de Taspic de Tépaisseur d'un
travers de doigt, décorez-le d'un dessin à votre fantaisie, exé-
cutez ce dessin avec des truffes, des blancs d'œufs durs, des cor-
nichons, des queues et des œufs d'écrevisses ou des rognons de
coqs ; ce décor achevé , coulez-le légèrement sur votre aspic en
prenant garde de le déranger; cet aspic pris, remplissez votre
moule de crêtes et rognons de coqs en laissant tout autour un
espace de deux travers de doigt; remplissez d'aspic cet intervalle
ainsi que le moule pour que le tout ensemble ne forme qu*un
pain ; au moment de servir, trempez votre moule dans de l'eau
tiède, renversez-le sur un couvercle, coulez votre aspic sur le plat
sans ôter le moule ; lorsqu'il sera bien glacé, enlevez-en le moule
avec adresse; remuez la gelée qui se trouverait fondue au moyen
des barbes d'une plume ou d'un chalumeau de paille; ayez soin
que cette gelée soit diamantée (très-claire). Essuyez votre platef
servez.
Vous pouvez vous servir du même procédé pour faire des
aspics de blancs de poulardes, de lapereaux ou de perdreaux; et
si votre moule se trouve faire un puits, remplissez-le d'une
mayonnaise ou d'une ravigote à la gelée.
Petits aspics de crêtes et de rognons. — Procédez pour ces
petits aspics comme il est énoncé ci-dessus pour le grand aspic,
soit pour leur dessin , soit pour hs remplir convenablement :
faites-en sept ou neuf.
Foies gras à la Périgueux. — Prenez sept foies de pou-
larde, qu'ils soient bien gras; ôtez-en l'amer et la partie du foie
qui le touche; piquez-les de clous de truffes; marquez-les dans
une casserole foncée de bardes de lard; mouillez-les avec une
sauce mirepoix (Voyez à l'article Sauces celle mirepoix); faute
de mirepoix, mettez un verre de vin blanc et un de consommé,
avec un peu de sel, une carotte tournée, deux moyens oignons
dont un piqué d'un clou de girofle, un bouquet de persil et
ciboules, une demi-feuille de laurier et la moitié d'une gousse
d'ail ; couvrez alors ces foies de bardes de lard et d'un rond de
papier; faites partir et cuire un quart d'heure et demi sur la
POULE, POULET, POULARDE. 901
Il I ■ I ■ ■ . I ■ III ■■ I 1 1 <
paillasse, avec feu dessus et dessous; égouttez-les, dressez-les sur
le plat et saucez-les avec une sauce à la Périgueux. (Voyez cet
article.) Vous pouvez servir entre vos foies des croûtes de pain
passées dans le beurre avec une belle truffe au milieu. Ayez soin
de clouter de trirffes vos foies.
Foies gras en caisse à la financière, — Même préparation
que pour la Périgueux. Les foies cloutés de truffes seulement; les
faire braiser dans une bonne mirepoix; mouillez avec un peu de
bon consommé de volaille et un verre de bon Madère; après
cuisson, passez le fond, dégraissez, ajoutez le fond à une bonne
espagnole, jetez dedans quenelles de volaille, champignons
tournés, crêtes et rognons de coqs, truffes en lames, un jus de
citron ; couchez dans votre caisse vos foies gras sur la financière,
glacez vos foies, garnissez votre caisse de belles écrevisses et de
croûtons glacés, et servez chaud.
Foies gras au gratin. — Prenez un plat d'argent ou tout
autre qui puisse aller au feu; mettez dans le fond l'épaisseur
d'un travers de doigt de gratin (Voyez Gratin, article Farces) ;
ayez six ou sept beaux foies de poularde bien blancs, appro-
priez-les comme il est dit à l'article précédent, arrangez-les sur
votre plat en laissant un puits au milieu, remplissez tous les
intervalles de vos foies en sorte que le tout ne forme qu'un pain;
ayant uni votre gratin entièrement avec un couteau, couvrez-le
d'un papier beurré, mettez-le dans le four ou sous un four de
campagne; sa cuisson faite, retirez-le, ôtez-en le papier beurré,
débouchez-en le puits, saucez-le avec une espagnole réduite ou
une italienne rousse et servez.
Foies gras en matelote. — Préparez six foies gras, ainsi
qu'il est expliqué ci-dessus; faites-les blanchir et cuire comme
ceux à la Périgueux (Voyez cet article) ; égouttez-les ; dressez-
les sur votre plat ; saucez-les d'une sauce à la matelote (voyez
l'article Sauce à la matelote] ; ajoutez-y des cœurs de pain passés
dans le beurre, des truffes si vous voulez, et servez.
Foies gras en caisse. — Faites une caisse ronde ou carrée
de la hauteur de deux pouces et demi environ; huilez-la en
dehors; étendez dans le fond du gratin de l'épaisseur d'un tra-
vers de doigt; ayant préparé six foies gras, mettez-les dans une
^
902 POUPELIN.
casserole avec un morceau de beurre, du persil, ciboules, cham-
pignons hachés, sel, poivre et fines épices, le tout en suffisante
quantité; passez ainsi ces foies; mettez votre caisse sur le gril;
arrangez vos foies dans cette caisse avec les fines herbes; posez
sur un feu doux; laissez cuire, et leur cuisson faite, dressez votre
caisse sur le plat; saucez-la d'une bonne espagnole réduite dans
laquelle vous aurez exprimé le jus d'un citron; dégraissez-les en
cas qu'il y surnage du beurre.
Coquilles de foies gras. — Faites blanchir de ces foies, en
raison de la quantité de coquilles que vous voulez servir ; coupez-
les par lames, ainsi que des truffes et des champignons; ajoutez-y
persil et ciboules hachés, sel, gros poivre, un peu d'épices fines
et un morceau de beurre; mettez le tout dans une casserole et
passez sur le feu, mouillez avec un peu de vin de Champagne et
d'espagnole, faites réduire ce ragoût à courte sauce, mettez-le
dans des coquilles (nommées communément pèlerines), panez-
les, faites-leur prendre une belle couleur au four, ou sous un
four de campagne, et servez.
Poulardes en entrée de broche. — Poêlez ou mettez cette
poularde à la broche, et pour la servir, faites une sauce au
beurre d'écrevisses ou toute autre sauce qu'il vous plaira. (Voyez
Sauce au beurre d'écrevisses,)
Poularde en entrée de broche à la ravigote. — Procédez,
pour cette poularde, comme il est indiqué à Tarticle Poulets a
LA RAVIGOTE.
Poularde à V ivoire. — Préparez cette poularde comme il est
indiqué à l'article Poulets a l'ivoire.
Poularde aux huîtres. — Même préparation que le poulet
aux huîtres.
Poularde sauce à V estragon. — Préparez la poularde comme
les précédentes, poêlée. Dans une mirepoix, mouillez avec bon
jus, un peu de vin blanc, passez le fond, clarifiez, ajoutez les
feuilles d'estragon et servez. (V. Sauce a l'estragon.)
POUPELIN. — Ancienne pâtisserie d'entremets très-déli-
cate, faite avec du beurre, du lait et des œufs frais, pétrie avec
de la fleur de farine. On y mêle aussi de l'écorce de citron et du
sucre, afin de lui donner bon goût.
POUPETON. 90)
Faites bouillir à peu près une chopine d'eau, un quart de
beurre et un peu de sel. Quand l'eau commence à bouillir, vous
y mettez de la farine ce qu'elle peut en boire, vous la faites
sécher et la changez de casserole. Délayez-y alors douze ou qua-
torze œufs les uns après les autres.
Beurrez une casserole. Mettez-y la pâte, qui ne doit
monter qu'au quart, parce qu'elle quadruplera de volume en
cuisant, et faites cuire dans un four bien chaud; 6tQz votre pou-
pelin lorsqu'il est cuit, coupez-le en travers, frottez-en l'inté-
rieur avec du beurre bien frais et saupoudrez sur le beurre de
sucre et de fleur d'orange pralinée. Beurrez aussi l'intérieur,
saupoudrez de sucre et glacez avec la pelle rouge. {Document de
la famille la Reynière.)
Q4utre manière. — Prenez un fromage à la crème bien
égoutté et bien frais, du sel, trois œufs frais, blancs et jaunes, et
deux poignées de fleur de farine ; pétrissez le tout ensemble,
mettez dessous des petits morceaux de beurre et faites cuire au
four dans une tourtière beurrée. Lorsqu'il est cuit, de belle cou-
leur, coupez-le par la moitié, ôtez-en le dedans, râpez-y du
sucre, piquez-le de lardons d'écorce de citron confite, arrosez-le
de beurre fondu, passez la pelle rouge dessus, recouvrez-le et
mettez-le au four, saupoudrez-le de sucre fin, passez la pelle
rouge et servez chaudement.
POUPETON. — Espèce de gâteau fait avec du hachis de
viande ou de poissons.
Poupeton au gras. — Prenez de la cuisse de veau, moelle de
bœuf, lard blanchi, hachez le tout avec des champignons, persil,
ciboules, mie de pain, trempez dans de bon jus et deux œufs
crus. Formez votre poupeton en garnissant une tourtière de
bardes de lard. Mettez votre hachis par dessus, puis des pigeons
ou des poulets passés au roux; couvrez la volaille avec le reste
du hachis, couvrez la tourtière et faites cuire feu dessus et des-
sous. Quand votre poupeton est cuit, vous le renversez propre-
ment sur un plat et le servez chaudement.
Q4utre poupeton au gras. — Faites un hachis de rouelles de
veau dont vous aurez ôté les peaux et les nerfs, lard et graisse de
bœuf, persil, ciboules, champignons, sel, poivre, fines herbes,
904 POUPETON.
fines épices ; mettez un peu de mie de pain dans une casserole
avec de la crème ou du lait, faites cuire sur le fourneau comme
une crème et mettez-y deux jaunes d'œufs crus, laissez-la
refroidir, puis mettez-la dans le godiveau avec quatre ou dnq
jaunes d'œufs crus, hachez bien cette farce et pilez-la ensuite
dans un mortier.
Garnissez le fond d'une tourtière de bardes de lard, mettez
le godiveau par dessus et unissez-le avec le bout de votre cou-
teau, que vous aurez trempé dans un œuf battu.
Passez des petits pigeons dans une casserole avec un peu de
lard fondu, un bouquet garni, un oignon piqué de clous de
girofle, crêtes, riz de veau, champignons et truffes coupés par
tranches ; mouillez-les de jus et laissez mitonner à petit feu, pais
dégraissez ce ragoût, liez-le d'un coulis de veau et de jambon,
ajoutez-y quelques pointes d'asperges, et, si c'est la saison, des
fonds d'artichauts, et laissez refroidir.
Votre ragoût étant froid, dressez les pigeons avec la garni-
ture; mettez-le dans la tourtière, couvrez-le du reste du godi-
veau, unissez le dessus et frottez-le d'un œuf battu. Renversez
les bardes de lard qui sont autour de la tourtière dessus, cou-
vrez-le et faites cuire au four feu dessous et dessus; quand il est
cuit, renversez-le sur un plat, jetez-y un coulis clair de veau et
de jambon, garnissez, si vous voulez, de marinade de poulets
et de pigeons au basilic et servez chaudement pour entrée.
Les poupetons de cailles, perdrix, tourterelles, ortolans, etc.,
se font de la même manière ; la seule différence est dans le ragoût
que Ton met dans le poupeton.
Poupeton au sang, — Désossez deux lièvres et un lapin de
leur chair, faites-en un hachis avec un morceau de jambon,
champignons, truffes, persil, ciboules, poivre, sel, fines épices,
un peu de basilic et trois ou quatre jaunes d'œufs crus. Tuez
ensuite trois ou quatre petits pigeons dont vous conservez le
sang, dans lequel vous mettrez un jus de citron pour empêcher
qu'il ne tourne ; faites un ragoût de vos pigeons comme il est dit
dans l'article précédent, et liez-le d'un coulis de veau et de
jambon et du sang des pigeons que vous aurez délayé avec deux
jaunes d'œufs; mettez avec la chair du lièvre de très-petits lar-
POURPIER. 905
dons et faites-en une espèce de pâte, garnissez une tourtière (Je
bardes de lard, mettez au fond le ragoût de pigeons et autour le
hachis que vous aurez fait. Couvrez le tout et faites cuire comme
il est dit ci-dessus. Quand votre poupeton est cuit, vous le ren-
versez sur un plat, le garnissez tout autour de tranches de
jambon et Tarrosez avec une essence de jambon.
Poupeton au maigre. — Ecaillez deux ou trois carpes, ôtez-
en les peaux, désossez-les et faites un hachis avec la chair et
celle d'une anguille, des champignons, du persil, de la ciboule,
du sel, poivre, un peu de basilic et de muscade; pilez une dou-
zaine de grains de coriandre avec trois ou quatre clous de girofle
dans un mortier, et mettez-y votre hachis; vous mêlez et pilez
bien le tout, vous mettez du beurre à proportion, vous ajoutez
un peu de mie de pain mitonné dans du lait ou de la crème
et trois ou quatre jaunes d*œufs crus délayés ensemble, vous
Kez le tout ensemble et laissez refroidir cette farce. Vous faites
pendant ce temps un ragoût de laitances de carpes bien blan-
chies, vous le liez d'un coulis d'écrevisses et vous le laissez
refroidir.
Vous beurrez le fond d'une tourtière, vous y étendez du
papier et vous en garnissez le fond et les bords avec votre farce ;
mettez le ragoût de laitances au fond, couvrez-le du restant de
la farce que vous unissez avec un œuf battu, arrosez d'un peu
de beurre fondu, faites cuire au four comme il est dit ci-dessus,
renversez votre poupeton, faites un trou au milieu et mettez-y un
coulis d'écrevisses.
POURPIER. — Plante à feuilles larges, épaisses et char-
nues, qu'on emploie quelquefois pour garnir des salades, et que,
dans certains pays, on prépare à la manière des cardes. Après
avoir été blanchie, on peut la placer sous un gigot de naouton
rôti, où elle reçoit une saveur agréable du jus dont elle s'im-
prègne. On peut aussi la confire dans du vinaigre et du sel, et
elle se conserve très-longtemps.
Friture de pourpier à la Milanaise. — Faites macérer pen-
dant quelques heures des tiges de pourpier dans leur entier avec
du jus de citron, de la cannelle et du sucre en poudre. Trempez-
les ensuite dans une pâte à frire mêlée avec des blancs d'œufs
9o6 PRUNES.
fouettés et un peu d'eau-de-vie; faites cuire à petit feu et servez
chaudement.
Ragoût de côtes de pourpier. — Épluchez des côtes de
pourpier et faites-les cuire à demi dans une eau blanche, égout-
tez-les et mettez-les ensuite dans une casserole avec du coulis
clair de veau et de jambon ; faites mitonner à petit feu et réduire,
mettez ensuite un peu de beurre manié de farine, donnez au
ragoût une pointe de vinaigre.
Se sert avec toutes sortes d'entrées.
PRALINES. — (V. Dragées.)
PRÉSURE. — On donne particulièrement ce nom à une
liqueur acide contenue dans la caillette des veaux et des jeunes
animaux ruminants à Tâge où ils sont encore nourris de lait, et
qui sert à faire cailler le lait qu'on prépare pour en faire des fro-
mages.
On conserve la présure de la manière suivante :
Videz une caillette de veau uniquement nourri de lait,
lavez-la, remettez-y le lait caillé qui y était contenu avec une
poignée de sel, liez-en l'ouverture avec une ficelle et mettez-la
dans un pot avec une bouteille d'eau-de-vie et six onces d'eau,
couvrez bien le pot et faites infuser un mois, puis filtrez-la et
conservez -la dans une bouteille bien bouchée, pour vous en
servir au besoin ,
Une cuillerée à café de présure sufiît pour cailler le lait.
PROFITEROLLES. — Entremets sucré. Ce gâteau se
trouve chez tous les pâtissiers des grandes villes. Nous ne croyons
pas devoir en donner la recette. On fait des profiteroUes au
chocolat.
PROVENÇALE (Sauce à la). — Elle se fait avec deux
jaunes d'oeufs crus, une cuillerée de jus ou de consommé réduit,
de l'ail, du piment enragé et le jus de deux citrons. On la fait
prendre au bain-marie, sur de la cendre chaude, en la remuant
toujours afin qu'elle prenne consistance. On y ajoute de l'huile
d'olive que Ton y mêle bien, et on la sert en entrée de
poisson.
PRUNES. — Les prunes furent apportées de Syrie et de
Datnas par les Croisés, et leurs différents noms, comme on le
PRUNEAUX. 907
pense bien, ont une signification. Ainsi, celles de Reine-Claude
doivent leur nom à la première femme de François !•', fille de
Louis XII. On lit que cette bonne reine Claude ^f greffer de
cet arbre dans son jardin pour en bailler à tous. Celles de Mira-
belle ont été apportées en Provence, puis en Lorraine, par le roi
René. Quant à celles de Monsieur^ on les nommait ainsi parce
que Monsieur, frère du roi Louis XIV, les aimait beaucoup et
ne pouvait s'en rassasier.
Les prunes sont d'excellents fruits, très-sucrés et très-nour-
rissants, un peu acidulés dans la plupart des variétés, suscep-
tibles de former une boisson fermentée bien supérieure à celle
que boivent les cultivateurs dans quelques-uns de nos départe-
ments. Dans quelques-unes, la matière sucrée paraît unie à un
principe légèrement acerbe qui disparaît par la cuisson, et
comme ces espèces ont un parenchyme abondant, ce sont celles
qui forment, par la dessiccation imparfaite qu'on leur fait éprou-
ver, les meilleurs pruneaux.
On fait avec les prunes d'excellentes compotes, des confi-
tures, des marmelades, pâtes, ratafias et puddings. (Voyez ces
articles.)
PRUNEAUX. — On donne ce nom aux prunes cuites au
four. Leur fabrication est des plus simples; elle consiste à cueillir
les prunes lorsqu'elles sont bien mûres, à les déposer sur des
claies, à les exposer dans le four à une douce température trois
ou quatre fois de suite; après ces opérations, les pruneaux, dépo-
sés dans un lieu sec, se conservent sans altération pendant une
ou deux années. On emploie le plus ordinairement pour cette
dessiccation les prunes de Damas.
Les pruneaux de quelques pays, de Tours, de Nancy, de
Brignoles, d'Agen, ont acquis une réputation méritée et sont la
source d'un revenu très-important; ils sont d'ailleurs préparés
avec beaucoup plus de soin que les pruneaux communs du
commerce.
Pour préparer les pruneaux de Tours, il faut prendre des
prunes de Sainte-Catherine, bien mûres, qui tombent de la
branche à la moindre secoussp; on les range sur des claies et on
les expose au soleil quelques jours de suite; elles se ramollissent
9o8 PUDDING.
et atteignent le point où elles contiennent la plus grande quan-
tité du principe mucoso-sucré. On les met ensuite vingt-quatre
heures dans un four légèrement chauffé; on les retire, on chaufiê
le four de nouveau au tiers environ de la chaleur nécessaire au
pain et on remet les prunes, en ayant toujours soin de boucher
exactement l'ouverture du four. On répète une troisième fois la
même opération, en élevant toujours la température du four. A ce
point, on prend les pruneaux un à un, on les presse entre le pouce
et l'index, après avoir tourné le noyau de travers; on remet les
pruneaux au four chauffé à la température qu'il a lorsqu'on retire
le pain; le four doit être hermétiquement fermé à Touverture.
Après une heure de cette chauffe, on retire les pruneaux, on
place pendant deux heures dans le four un vase contenant de
l'eau; enfin, on remet les pruneaux après avoir ôté le vase, on
ferme hermétiquement et on laisse passer pendant vingt-quatre
heures; c'est alors qu'ils auront 27r/^ le blanc.
Les pruneaux ainsi préparés sont superposés les uns sur les
autres dans de petits paniers et conservés en lieu sec. La matière
blanche qu'on y développe par la dernière opération, matière de
nature résineuse, paraît plutôt nuisible qu'utile à la qualité : elle
les rend moins faciles à digérer. Les pruneaux d'Agen qui se
préparent delà même façon ne reçoivent pas le blanc et beaucoup
de personnes les préfèrent.
On fait ordinairement cuire les pruneaux avec du sucre,
excepté les brignoles qui sont assez sucrés par eux-mêmes pour
ne pas en avoir besoin, et, pour donner plus de relief à ces com-
potes, on y mêle un peu de vin de Bordeaux.
PUDDING. — Mets anglais dont nous avons déjà parlé à
Tarticle Plum- pudding. Nous allons donner ici quelques recettes
françaises.
Pudding de pommes de reinette au raisin muscat. — Pelez
et épépinez quelques pommes de reinette coupées par quartiers,
et émincez chaque quartier en cinq parties égales; sautez ces
pommes dans une grande casserole avec 120 grammes de sucre
fin sur lequel vous aurez râpé le zeste d'un citron, 125 grammes
de beurre tiède et 250 grammes de muscat bien lavé et dont vous
aurez ôté les pépins. Placez votre casserole sur le fourneau, feu
PUDDING. 909
dessus et dessous, et aussitôt que les pommes sont bien échauffées,
vous les versez sur votre plafond de pâte, vous mettez cuire le
tout ensemble et vous terminez l'opération comme il est indiqué
à Tarticle Plum-puddïng.
Grand pudding à la moelle, — Procurez-vous y 2 grammes
de graisse de rognon de bœuf et 36 grammes de moelle bien
entière, ôtez les pellicules de la graisse et hachez-la très-fin en y
ajoutant la moelle et quelques onces de farine tamisée, un quart
de sucre en poudre, cinq œufs, un demi*-verre de lait et le quart
d'un verre de vieille eau-de-vie de Cognac; délayez bien ce
mélange, mélez-y la moitié d'une noix muscade râpée, une
bonne pincée de sel fin, 2 onces de cédrat confit en filets,
6 onces de beau raisin de Corinthe épluché et lavé, 6 onces de
vrai Muscat dont vous séparerez les grains en deux, ajoutez trois
belles pommes de reinette hachées très-fin et la moitié d'un pot
de marmelade d'abricots pour donner du moelleux au pudding.
Le tout étant parfaitement amalgamé, vous le versez sur le
milieu d'une serviette presque entièrement beurrée et vous liez
cette serviette de manière à donner une forme ronde au pudding
au milieu duquel vous attachez avec une épingle le bout d'un
cordon de quinze lignes de longueur qui sera tenu à Tanneau
d'un poids de dix livres afin de contenir le pudding fixe à Tébul-
lition, point essentiel de l'opération ; vous mettez alors le pud-
ding et le poids dans une grande marmite pleine d'eau bouil-
lante que vous aurez soin de toujours tenir en ébuUition sur un
feu modéré pendant quatre heures et demie. Au bout de ce
temps, ôtez-le de la ser\âette en le dressant sur un couvercle,
puis avec un couteau tranchant enlevez-en la superficie afin d'en
séparer les parties blanchies par l'ébuUition que vous couvrez
d'un bol que vous retournerez ensuite pour parer le dessous du
pudding sur lequel vous placez le plat et que vous renversez sens
dessus dessous, ôtez le bol, masquez l'entremets d'une sauce au
vin d'Espagne et servez de suite.
Vous faites la sauce de cette manière : délayez dans une cas-
serole quatre jaunes d'œufs avec une demi-cuillerée de fécule,
2 onces de sucre fin, i^n peu de beurre d'Isigny, un grain de
sel et deux verres de vin de Malaga, Tournez cette sauce sur un
9IO
PUDDING.
feu modéré ; aussitôt qu'elle s'épaissit, passez-la à l'étamine tine
et servez-la à proximité du pudding.
Pudding à la Parisienne j appelé Pudding du cabinet diplo-
matique. — Hachez très-fin une gousse de vanille bien givrée,
pilez-la avec 4 onces de sucre et passez le tout au tamis;
hachez très - fin une livre de graisse de rognon de veau et une
demi-livre de moelle de bœuf ; joignez-y une demi-livre de farine
de crème de riz, délayez ce mélange dans une casserole avec sept
jaunes d'œufs et deux «ufs entiers, un demi -verre de crème et
un demi-verre de vrai marasquin d'Italie, une pincée de sel tin,
le quart d'une muscade râpée, deux onces de pistaches entières,
quatre de macarons doux concassés gros, le sucre à la vanille,
une once d'angélique hachée, trente belles cerises confites, égout-
tées, séparées en deux, puis six pommes d'api, hachées très-tin;
amalgamez bien le tout ensemble, puis versez le pudding sur la
serviette et finissez le procédé selon la règle.
Pendant la cuisson, vous coupez en filets 2 onces de pis-
taches (chaque amande en six morceaux), et lorsque le pudding
est tout paré, prêt à servir, vous semez dessus du sucre en
poudre, vous y fiche^ les filets de pistaches, dans le genre des
pommes meringuées en hérisson, vous servez promptement et
faites la sauce comme à l'ordinaire.
On peut, en place de cerises, y mettre le même nombre de
beaux grains de verjus confit, et, en place de pistaches entières,
deux onces de cédrat confit et coupé en petits filets.
Pudding aux groseilles vertes et roses, — Ayez une livre
de groseilles vertes et bien mûres, une autre livre des roêoies
groseilles, mais roses et de bonne maturité; vous en ôtez la
fleur et la queue avec le bec d'une plume, vous les épépinez et
vous les roulez avec six onces de sucre fin. Continuez le pud-
ding comme il est indiqué ci-dessus. (Recette de M, de Cour-
champ,)
Pudding aux fraises. — Épluchez deux livres ou plus de
a
belles fraises, lavez-les vivement, egouttez-les sur une serviette,
roulez-les ensuite dans une terrine avec -six onces de sflcre un et
versez-les dans le pudding que vous aurez gréparé^elon k règle;
finissez comme de coutume.
PUDDING. 911
Les puddings aux framboises, aux prunes, aux cerises, aux
abricots se préparent de même.
Pudding de pommes à la crème, — Coupez par quartiers
quinze pommes de reinette, épluchez-les , faites-les cuire dans
une grande casserole avec du sucre fin, un peu de beurre tiède;
préparez ensuite la moitié de Tune des recettes des crèmes pâtis-
sières (W. cet article), préparez une abaisse de pâte fine, placez-y
les quartiers de pommes au fond et autour, de façon à laisser au
milieu un creux pour y verser la crème, couvrez et finissez le
pudding comme d'habitude, et au moment de servir masquez-le
de marmelade d'abricots et semez dessus des macarons écrasés.
Pudding au ris[ à l'orange, — Lavez à plusieurs eaux tièdes
500 grammes de riz de la Caroline et mettez-les à Teau froide
sur le feu ; égouttez le riz quand vous le voyez bouillir, et faites-
le cuire ensuite avec du lait, du beurre fin et du sucre en poudre
sur lequel vous aurez râpé le zeste de deux oranges douces.
Lorsque votre riz sera crevé et de consistance un peu ferme, vous
y mêlez 250 grammes de moelle hachée, 125 grammes de raisin
de Corinthe, la moitié de macarons amers, 60 grammes d'écorce
d'orange confite coupée en dés, six jaunes d'oeufs, trois œufs
entiers, un demi- verre d'eau-de-vie d'Andaye, une pincée de sel;
amalgamez bien le tout et versez-le sur une serviette beurrée;
finissez l'opération comme de coutume, mais en ne laissant
bouillir que deux heures au lieu de quatre ; dressez le pudding
sur le plat, masquez-le avec 60 grammes de macarons écrasés et
servez-le sans sauce.
On peut remplacer le raisin muscat par du Corinthe; on
peut aussi supprimer la moelle et la remplacer par du beurre
tiède en y ajoutant de la muscade.
Cabinet pudding (entremets anglais). — Ayez de gros bis-
cuits ou des morceaux de gâteau de Savoie que vous coupez en
tranches. Beurrez un moule et mettez au fojnd quelques raisins
de caisse épépinés et autant de raisins de Corinthe lavés et
épluchés, joignez-y quelques morceaux de cédrat confit coupés
en petits dés; placez une couche de biscuits, pais une couche de
fruits, et ainsi de suite jusqu'à ce que le moule soit r^pli. Pré^
parez une crème à l'anglaise, versez;.-la dans le moule afin qu'elle
ÇI2 P U N CH.
s'incorpore dans le biscuit, mettez le pudding au bain-marie
pendant une heure, arrosez-le avec un peu de gelée de groseille
et servez.
Pudding au pain ou Bread-pudding. — Prenez un plat
creux qui aille au feu, garnissez-le de tranches de pain beurrées
que vous saupoudrez de raisins de Corinthe bien lavés et bien
épluchés; délayez deux œufs entiers avec un litre de lait que
vous aurez assaisonné de sucre en poudre et de zeste de citron;
versez le tout sur les tranches de pain, faites cuire à un four
doux pendant une demi-heure et servez.
PUITS. — Puits, en termes culinaires, désigne le vide qu'on
doit former dans la pâte pour y introduire les divers ingrédients
qui entrent dans sa composition pour la délayer plus commodé-
ment et pour y mélanger la levure. On nomme également
puits le vide laissé par des viandes dressées en couronne, destiné
à recevoir un ragoût, un coulis ou autre garniture.
PUITS D*AMOUR. — Espèce de pâtisserie feuilletée, faite
de pâte et de confiture.
PUNCH. — A Teau-de-vie, au rhum, au kirsch, au vin, le
punch n'est autre chose qu'une de ces liqueurs dans lesquelles on
met du sucre et des tranches de citron, de la muscade et de la
cannelle; on met ensuite le feu aux liqueurs qui par là deviennent
un composé excellent. Nos voisins les Anglais ont un goût par-
ticulier pour les punchs; on peut en juger par celui que donna
sir Edward Russel, commandant en chef des forces britanniques,
le 25 octobre 1654. Ce bol de punch, le plus extraordinaire dont
on ait jamais entendu parler, fut préparé dans le vaste bassin de
marbre du jardin de sa maison : quatre barriques d'eau-de-\ne,
huit barriques d'eau clarifiée, vingt-cinq mille limons, quatre-
vingts pintes de jus de citron, treize quintaux de sucre de Lis-
bonne, cinq livres de muscade, trois cents biscuits piles, et enfin
une pipe de vin de Malaga furent versés dans le bassin sur lequel
un dais avait été dressé pour le garantir de la pluie ; on a\'ait
construit en bois de rose un petit batelet dans lequel un mousse
élégamment habillé, appartenant à la flotte, voguait sur le punch
même, et en servait à la compagnie, composée de plus de six
mille personnes.
PUNCH. 913
En général, cette boisson se boit chaude, et pendant long-
temps un bol de punch enflammé constitua en Angleterre le der-
nier et indispensable service de tout repas bien ordonné. Cette
liqueur est très-fortifiante et très- agréable; elle convient beau-
coup après les grandes fatigues pour rappeler la transpiration
qui pourrait avoir été supprimée par l'humidité, le froid et la
pluie. On peut en boire plusieurs verres sans crainte qu'elle
fasse mal.
D'après le Dictionnaire de Trévoux, le punch était connu
en 1763 sous le nom de bonne ponche; il se composait alors avec
une chopine d*eau-de-vie, une pinte de limonade et une livre de
cassonade mélangées ensemble; on y ajoutait de la muscade en
poudre et des galettes de mer grillées et broyées; mais cette
boisson n'était guère connue que des marins de nos navires
marchands.
Voici la meilleure formule, selon nous, pour faire aujour-
d'hui le punch à la française :
Mettez dans le même bol une bouteille de vieux rhum de la
Jamaïque, avec deux livres de sucre royal et concassé, faites-y
prendre le feu et agitez le sucre avec une spatule afin qu'il se
caramélise en brûlant avec le rhum; après diminution d'un tiers
du liquide, immiscez dans le même bol et mélangez avec ce rhum
sucré quatre pintes de thé Soutchon,qui doit être bouillant, joi-
gnez-y le suc de huit citrons et de douze oranges bien mûres.
Ajoutez-y finalement du blanc rack de Batavia, la valeur d'un
quart de pinte, et servez, avec ce punch, qui doit être très-chaud
afin de bien produire tous ses effets, une corbeille de gaufres
aux macarons d'amandes, ou de tous autres gâteaux secs et de
fine pâte.
Punch à la Dupoujr, — Prenez un ananas et découpez -le
par fines tranches, saupoudrez-les avec du sucre candi parfaite -
ment pulvérisé, versez sur le tout une bouteille de vieux vin de
Sillery blanc non mousseux, un flacon de véritable kirsch -was-
ser de la forêt Noire, ou sinon de vénérable eau-de-vie de Cognac,
ou de vieux rhum américain; brûlez légèrement et buvez très-
chaud. Le lendemain vous n'aurez pas de démenti à craindre en
disant que vous avez bu du punch comme on n'en a jamais bu,
y8
914 PURÉE-
comme on n'en boit nulle part, si ce n'est dans les salons privi-
légiés de nos véritables illustrations gastronomiques.
On fait aussi avec le punch des crèmes, des gelées, des bis-
cuits, des massepains, des sorbets, etc. (V. ces articles.)
PURÉE. — Les purées, qui sont le produit de substances
farineuses ou d'autre nature, ont deux emplois bien distincts;
elles constituent à elles seules des plats d'entremets et servent de
garniture ou litière pour accompagner des rôtis ou des entrées;
elles diffèrent des sauces par leur consistance plus ferme et leur
épaisseur.
Purée de pommes de terre. — Epluchez bien vos pommes
de terre, lavez-les, émincez-les et mettez-les dans une casserole
avec un verre d'eau, un peu de beurre, sel et muscade ; faites-les
cuire pendant une demi-heure, feu dessus et dessous, puis maniez-
les avec une cuillère de bois, remettez-les au feu, faites-les réduire
et mettez pour les finir un bon morceau de beurre et un peu de
sucre en poudre.
Purée de pommes. — Faites une marmelade de pommes
sans la sucrer, assaisonnez-la avec un peu de sel et de jus de rôti
non dégraissé ; puis vous la servez comme litière sous un carré
de porc frais cuit à la broche, ou un oison rôti, ou des boudins
grillés.
Purée d'oignons. — Épluchez une trentaine d'oignons,
retranchez-en la tête et la queue et coupez-les en tranches,
passez-les au beurre assaisonné de sel et de poivre, faites-leur
prendre une belle couleur. Mouillez avec du bon bouillon et
un peu de jus, faites réduire, passez les oignons au tamis clair
en pressant avec le manche d'une cuiller et mêlez-y un peu de
caramel.
Si vous voulez obtenir une purée blanche à la Soubise,
vous ne faites pas prendre couleur aux oignons, vous mouil-
lez avec du jus blond , un verre de vin blanc et une cho-
pine de crème , vous faites réduire à grand feu et passez à
l'étamine.
Purée de marrons, — Enlevez la première et la seconde
peau de marrons rôtis, passez-les dans une casserole avec un peu
de beurre, et mouillez-les avec du bouillon et un verre de vin
PUREE. 91J
blanc; faîtes fondre vos marrons à petit feu, pilez-les et passez-
les au tamis; faites cuire à part une demi-douzaine de saucisses,
ajoutez à votre purée de marrons le jus et la graisse des saucisses
et servez-les comme litière aux saucisses.
On peut remplacer les saucisses par des côtelettes.
Purée d'oseille, — Hachez de l'oseille, des cœurs de laitue
et du cerfeuil, mettez le tout et faites-le revenir dans une casse-
role avec un bon morceau de beurre.
Quand Toseille est bien fondue, vous mouillez avec du
bouillon ; faites réduire, passez au tamis, ajoutez à la purée du
jus ou un fond de cuisson, liez-la avec des jaunes d'œufs et faites-
la cuire sans la laisser bouillir.
Purée des quatre racines, — Prenez quelques carottes, des
oignons, des navets, un ou deux panais; émincez le tout et
mettez-le dans une casserole avec un bon morceau de beurre;
mouillez avec du bouillon et remuez jusqu'à ce que les légumes
commencent à se fondre. Laissez cuire deux ou trois heures,
retirez-les, écrasez-les sur un tamis de crin ou une passoire à
petits trous, mouillez-les de temps en temps avec un peu de leur
bouillon, remettez la purée dans la casserole, ajoutez-y du jus
ou un fond de cuisson, ou un mouillement réduit, joignez-y un
peu de caramel d'une couleur claire et servez pour entremets ou
comme garniture.
Purée de pois secs. — Faites cuire des pois avec de Teau,
du sel, deux ou trois oignons, persil et ciboules, écrasez-les dans
une passoire à petits trous en versant de temps en temps un peu
de bouillon dessus. Mouillez-le avec la purée ; ajoutez un mor-
ceau de beurre et faites réduire.
Si vous voulez faire votre purée au gras, vous mouillez avec
du bon bouillon; si c'est au maigre, vous mouillez avec du lait
ou de Teau.
Les purées de lentilles, de haricots blancs ou rouges et de
tous autres légumes secs se font de la même manière.
Purée sauce tomate. — Prenez douze tomates, fendez-les
en deux, enlevez les pépins de la partie aqueuse, jetez-les dans
une casserole ; ajoutez une bonne mirepoix, un bouquet garni
de pointes d'ail, des levures de lard, mouillez avec une cuiller
9i6 PUREE.
à pot de consommé, un verre de vin blanc, deux petits verres de
cognac, couvrez de papier et laissez cuire une heure. Passez le
tout à Tétamine, remettez votre sauce sur le feu, faites-la
dégraisser sur Tangle du fourneau, lissez-la et mettez- la au
bain-marie pour sa destination. {Recette Vuillemot.)
Purée de mousserons. — Epluchez et lavez des mousserons,
faites-les blanchir, hachez-les finement et mettez-les dans une
casserole avec un morceau de beurre et du jus de citron^ faites
roussir, mouillez avec du jus et faites réduire.
Purée de volaille. — Dépouillez une volaille rôtie, désos-
sez-la, hachez -la finement et pilez la chair dans un mortier,
mettez cette chair pilée dans une casserole avec du bon bouil-
lon et un blond de veau, sel, poivre; faites cuire, réduire, et
tamisez.
Purée de gibier. — Faites rôtir à la broche trois perdrix ou
bécasses, dépecez-les, mettez les peaux et débris d'os dans une
casserole avec du vin blanc sec, une échalote et une feuille de
laurier ; faites réduire des trois quarts et mouillez avec un peu
d'espagnole et de coulis mêlés avec du consommé, faites réduire
de nouveau cette sauce, dégraissez -la, passez- la au tamis.
Pilez ensuite la chair de votre gibier, délayez -la dans la sauce,
passez -la au tamis , posez sur un feu doux et laissez cuire sans
bouillir.
Purée provençale. — Épluchez des oignons, coupez-les en
tranches et passez-les sur le feu sans leur faire prendre couleur,
ajoutez quatre cuillerées de velouté, une pinte de crème et un
peu de sucre en poudre; faites réduire votre purée à grand feu en
la tournant continuellement, faites-la épaissir et passez-la à
rétamine.
Si vous n'aviez pas de velouté, vous pourriez le rem-
placer par une cuillerée de farine mêlée avec un peu de
crème, du sel et du poivre, et finir votre purée comme il est
indiqué. •
Purée de homard. — Prenez un homard bien frais, brisez-le
et retirez-lui les chairs blanches de la queue et des pattes; cou-
pez ces chairs en petits dés, pilez bien les parures, les chairs et
les œufs qui se trouvent dans la coquille avec du beurre fin,
PURÉE. 917
tamisez et mettez ce que vous aurez passe chauffer dans un bain-
marie après y avoir ajouté les chairs et la &rce du crustacé ainsi
que son œuf et sa crème de laitance.
(Voir pour les autres purées de cuisine les articles Navets,
Carottes, Aubergines, Champicnons, Écrevisses, Huîtres
et Foie de Raie.)
Q.
QUARTIER D'AGNEAU ROTI. ~ Ce qu'on appelle le
quartier d'un agneau, c'est le gigot et la longe se prolongeant
jusqu'aux premières côtes.
Scier le manche d'un quartier d'agneau, en ficeler la bavette,
à défaut de broche à l'anglaise, le traverser avec une brochette
en fer, Tenvelopper avec du papier graissé, le faire cuire en l'ar-
rosant avec du beurre ou du saindoux; trois quarts d'heure après,
le déballer, le saupoudrer avec de la mie de pain, lui faire prendre
couleur, le saler, le décrocher, le dresser sur un plat, et le papil-
loter, envoyer un bon ;us à part.
En Angleterre, on sert habituellement les quartiers d'agneaux
avec une sauce aigre-douce, composée d'échalotes hachées avec
de la menthe fraîche, un peu d'eau et de vinaigre assaisonnés de
sel et du sucre.
QUARTIER DE MOUTON BRAISÉ. — Couper un gigot
de mouton, en lui laissant adhérer la selle jusqu'à la hauteur des
côtelettes, désosser la selle, puis le gigot, jusqu'à la jointure du
manche, saler intérieurement les chairs, les ficeler en leur don-
nant une jolie forme allongée, marquer le mouton dans une
casserole longue foncée avec des débris de lard et de légumes; le
saler légèrement et le mouiller avec la valeur de trois à quatre
verres de bouillon ; poser la casserole sur le réchaud, faire
réduire le liquide jusqu'à ce qu'il tombe à glace, mouiller alors
le mouton à hauteur avec du bouillon ; mettre le liquide en
QUARTIER DE DAIM A L'ANGLAISE. 919
ébullition, pour retirer la casserole sur un feu très-doux avec
des cendres chaudes sur le couvercle, pour le cuire ainsi pendant
cinq heures au moins et même davantage, si la viande ne prove-
nait pas d'un jeune animal; dans tous les cas il est plus prudent
de le mettre à cuire une heure plus tôt, pour n'avoir pas même la
crainte de servir un mouton incuit.
Quand le mouton est cuit à point, Tégoutter sur un plafond,
allonger le fond de cuisson avec du vin blanc; le faire bouillir,
le dégraisser avec de la sauce brune, débrider le mouton, le
découper en entailles, le dresser sur un plat, empapilloter le
manche, l'entourer d'une garniture aux petits oignons, glacer et
dresser un bouquet, le glacer au pinceau ; et verser une partie de
la sauce au fond du plat.
QUARTIER DE VEAU ROTI A L'ANGLAISE. — En
général les broches anglaises destinées à rôtir les gros morceaux
les maintiennent dans une espèce de cage sans donner la peine de
passer à travers leur chair ni broche ni hâtelet ; c'est un point sur
lequel les cuisines françaises devraient prendre exemple.
Choisir un quartier de veau bien blanc, le parer, scier le
manche au-dessous de la jointure du pied, écourter l'os du
quasi, l'envelopper dans du papier beurré, le faire tourner
devant un bon feu, une heure après le déballer et finir de le cuire
en l'arrosant avec la graisse de la lèchefrite; le dresser ensuite
sur un plat, parer le manche pour le papilloter, le faire accom-
pagner sur la table d'une saucière de bon jus et d'un plat de
légumes cuits à l'eau salée ou à la vapeur.
QUARTIER DE DAIM A L'ANGLAISE. — C'est ce que
Walter Scott dans ses romans appelle de la venaison. Qui n'a
désiré manger de la venaison de Walter Scott et de la bosse de
bison de Cooper ?
Malheureusement les bisons sont bien loin de nous, mais il
n'en est pas de même des daims, nous en avons dans toutes nos
forêts : il est vrai qu'ils sont réservés aux plaisirs royaux, et que
nos daims à nous sont moins bons que les daims anglais. Quand
vous aurez un quartier de daim, lavez-le avec de l'eau tiède,
essuyezJe avec un linge, salez-le et masquez-le avec du papier
beurré ; puis vous l'envelopperez dans une large abaisse de pâte
920 QUEUE DE MOUTON AUX OLIVES.
faite simplement avec de la farine et de l'eau tiède, en lui don-
nant répaisseur d'un centime, soudez attentivement les jointures,
puis soutenez la pâte en l'enveloppant à son tour avec du papier
beurré; faites rôtir le quartier pendant trois heures en l'arrosant
toutes les dix minutes; quand il est à point, déballez -le, dressez-
le sur un réchaud de table à réservoir, piquez le quartier de
daim vers le bout avec la pointe d'un couteau afin de sortir le
jus de la viande; envoyez immédiatement le quartier avec une
saucière de gelée de groseilles, un plat de haricots blancs, égout-
tez à la minute et mêlez avec un morceau de beurre.
QUASI DE VEAU A LA CASSEROLE. — Le quasi de
veau fait suite à la longe, et se trouve placé à l'extrémité du
cuissot; dans le bœuf il représente le morceau qu'on appelle la
culotte.
Prenez un quasi de veau, abattez l'os en dessous pour lui
donner de l'aplomb; posez-le dans une casserole de sa dimension,
dont vous aurez eu soin de beurrer grassement le fond ; le saler
en dessus; couvrir la casserole, la poser sur le feu, et cuire le
quasi pendant une heure et demie à feu bien doux avec des
cendres sur le couvercle en le retournant souvent ; quand il est
cuit et d'une belle couleur, dressez-le sur un plat, versez dans
la casserole la valeur d'un verre de bouillon, faites bouillir
quelques minutes, dégraissez-le, et le versez en le passant.
QUEUE DE MOUTON AUX OLIVES. — Faites blan-
chir huit à dix queues de mouton, coupez-en les extrémités, les
mettez dans une casserole avec du bon saindoux, deux petits
oignons et un morceau de carotte; posez la casserole sur le feu
pour faire revenir les viandes; assaisonnez-les; quand elles
seront de belle couleur, saupoudrez-les avec un peu de farine,
mouillez-les avec un peu de bouillon chaud, du jus, du vin
blanc; faites bouillir le liquide, et dix minutes après retirez la
casserole sur le côté du feu ; si la sauce n'était pas de belle cou-
leur, y mêler un peu de caramel ; puis, quand les queues seront
cuites, vous égoutterez la sauce dans une casserole en la passant
au tamis, vous la dégraisserez avec soin, vous y ajouterez un verre
de vin blanc, vous la ferez réduire jusqu'à ce qu'elle soit liée à
point, vous parerez les queues; vous les mettrez avec leur sauce;
J
QUEUE DE HOMARD A LA GELEE. 931
deux minutes après vous relirez la casserole du feu, vous mêlez
vos olives au ragoût et vous le dressez sur un plat chaud à la chi-
corée ou aux oignons glacés : tout est bon aux queues de mouton.
QUEUE DE HOMARD A LA GELÉE. — Pour dresser
ce plat, Jàites d'abord cuire à l'eau salée, avec bouquet assorti et
vinaigre, trois petits homards, faites-les refroidir avec les queues
allongées; quand ils sont froids, détachez les queues et les grosses
pattes ; sciez ces dernières pour découvrir les chairs d'un côté, les
enlei'er, les passer à la gelée et les remettre dans les coquilles;
divisez ensuite chaque queue en deux parties sur la longueur,
sortez les chairs des coquilles pour les couper; nettoyez alors
ces coquilles avec soin, essuyez-les, masquez-les au fond avec
une couche de gelée hachée, et sur celle-ci posez les chairs des
queues en les renversant, c'est-à-dire en les appuyant sur le
côté coupé avec les parties rouges à l'extérieur, nappez les chairs
au pinceau avec de la gelée à moitié prise, groupez vos six
moitiés de queues et vos six pattes entières le plus galamment
possible sur ce qu'on appelle un pain vert.
R
RABIOLES ou RAVIOLIS. — Excellent potage italien,
dont voici la formule genevoise :
Vous prenez une livre de farine que vous placez sur une
table ou une planche bien unie, vous la détrempez avec trois
œufs frais. Vous commencez par mettre du sel, un peu d'eau et
les œufs au milieu de la farine en maniant continuellement jus-
qu'à ce que vous ayez obtenu une pâte ferme et lisse ; alors vous
l'abaissez avec un rouleau le plus long possible, vous en formez
une abaisse mince comme du papier, en y saupoudrant le moins
de farine possible; ayez une farce disposée que vous placez
par petites parties égales. Mouillez votre pâte, repliez-la en
deux pour qu'elle forme une espèce d'enveloppe, appuyez à
l'entour afin que les deux parties puissent se coller ensemble,
coupez-les par carrés de la grandeur d'un pouce, placez-les au
fur et à mesure sur des plats ou couvercles de casseroles. Au
moment de servir votre potage, vous faites blanchir vos rabioles
dans du consommé. Quand elles sont toutes montées sur le
bouillon et qu'elles ont bouilli cinq minutes, vous les égouttez,
vous piettez dans votre soupière une cuillerée à pot de consommé,
un lit de rabioles, un lit de fromage parmesan râpé, du beurre
fin fondu et vous recouvrez avec du jus afin qu'elles baignent un
peu. Servez le tout le plus chaudement possible.
La farce dont vous vous servez pour les rabioles se fait de
quenelles de volailles auxquelles vous joignez un peu de parme
RADIS. 933
San râpé, un peu de bourrache blanchie et hachée, un peu de
lait cuit et de fromage à la crème ; mêlez le tout ensemble avec
un peu de muscade et de cannelle, ainsi que deux jaunes d'œufs,
et n'omettez pas d'y ajouter du gros poivre.
Les rabioles se font aussi blanchir et cuire dans le même
consommé que pour le potage en tortue, et alors on les sert dans
leur bouillon avec du fromage parmesan râpé à proximité de ce
potage.
RABLE. — On appelle râble la partie qui se trouve entre
le train de devant et celui de derrière d'un lièvre ou d'un lapin.
C'est cette partie qui est la plus délicate et que l'on sert de pré-
férence rôtie : pour cela, on prend un lièvre ou un lapin dont on
retranche les épaules et les cuisses en coupant carrément les
reins de ce gibier, qu'on laisse en un seul morceau. On le pique
de fins lardons et on l'attache à la broche, mais il faut au moins
trois ou quatre trains de lièvre pour garnir suffisamment un plat
de rôti ; on le finit avec des tranches ou quartiers de bigarrade
pour garniture. N'oubliez pas de faire mariner le ou les râbles
de lièvre avant de les coucher en broche. (V. Marinade.)
RACINE. — Cette dénomination de racines est applicable à
bien des sujets, mais nous n'avons à nous occuper que de celles
dont on se sert à la cuisine pour sauces ou garnitures, c'est-à-dire
des racines potagères, dont la partie comestible se trouve cachée
sous la terre, telles que carottes, panais, navets, betteraves,
pommes de terre et topinambours, et nous renvoyons nos lecteurs
à chacun de ces articles où il a été spécialement traité des diffé-
rentes manières de les apprêter.
RADIS. — Les radis offrent plus de dix variétés différentes,
et il est inutile de dire qu'ils ne se mangent que crus. Le radis a
la forme du navet, mais il n'a pas son goût sucré, il est au con-
traire piquant et excite l'appétit; il y en a des blancs, des roses
et des rouges et le petit radis gris d'été, dont la saveur est plus
relevée que celle des autres espèces.
Le radis est originaire de la Chine, et nous lisons dans les
capitulaires de Charlemagne qu'il faisait partie des plantes pota
gères que ce monarque recommandait aux régisseurs de ses
terres de cultiver.
934 RAGOUTS.
Le radis se mange en hors-d'œuvre, avec du beurre et du
sel; il est apéritif, atténuant et antiscorbutique.
RAGOUTS. — C'est par les ragoûts surtout que brillait
l'ancienne cuisine française; c'est par les ragoûts au contraire
que pèchent toutes les cuisines et surtout la cuisine anglaise.
Jamais aucune autre cuisine que la nôtre n'atteindra à la
hauteur de nos sauces piquantes, ni à la finesse de nos blan*
quettes et de nos poulettes.
Ainsi, faites le tour du monde, et vous ne trouverez pas un
cuisinier, fût-il cordon rouge et cordon bleu, qui vous fasse une
omelette comme la mère de famille qui prépare le dîner de son
mari et de ses enfants.
Un mot d'abord sur les salpicons.
Les salpicons sont composés de toutes sortes de viandes
et de légumes, comme ris de veau, truffes, champignons,
fonds d'artichauts, etc.; mais il faut, pour qu'ils soient bons,
que les viandes que vous employez et que vous mettez dans
une égale proportion soient cuites à part ainsi que les légumes,
afin que ces ingrédients se trouvent d'égale cuisson selon leur
qualité.
Salpicon ordinaire, — Il se compose de ris de veau, de
foies gras ou demi-gras, de jambon, de champignons et de truffes
si c'est la saison; coupez cela en petits dés d'égale grosseur;
au moment de servir, ayez de l'espagnole bien réduite, la quan-
tité qu'il vous faut pour vos chairs et vos légumes; jetez-les
dedans, mettez-les sur le feu ; remuez-les sans les laisser bouillir
et servez.
On fait de même ce salpicon avec des quenelles ou du godi-
veau, des blancs de volailles cuites à la broche, des crêtes de
coqs et des fonds d'artichauts; cela dépend de ce que Ton a et de
la saison où l'on se trouve.
Ragoût de ris de veau. — Faites dégorger un ou deux
ris de veau; quand ils ont rendu tout leur sang, faites-les
blanchir, marquez-les dans une casserole avec une ou deux
carottes, deux oignons, quelques parures de veau, un bouquet de
persil et ciboules ; assaisonnez, mettez vos ris de veau dans la
casserole, couvrez-les avec une petite barde de lard, mouillez
RAGOUTS. 925
avec une cuillerée ou deux de bouillon, qu'ils ne trempent pas
entièrement, couvrez-les avec un rond de papier beurré, faites-
les partir; mettez-les ensuite sur le fourneau avec de la cendre
chaude dessus et dessous; veillez à ce qu'ils ne cuisent pas
trop; quand ils le seront à leur point, retirez-les de leur assai-
sonnement; si vous n'avez pas de sauce, passez leur cuisson dans
une casserole au travers d'un tamis. Au cas où vous voudriez
les mettre au blanc, maniez un pain de beurre dans une pincée
de farine et quelques champignons; mettez le tout dans cette
cuisson, laissez cuire, dégraissez; joignez quelques fonds d'arti-
chauts si vous voulez, et ayant coupé vos ris de veau en tran-
ches, mettez-les dans cette sauce sans les laisser bouillir; lorsque
vous serez pour les servir, faites une liaison de deux jaunes
d'oeufs, un peu de persil haché très-fin, un jus de citron si vous
n'avez pas de verjus.
Voici la manière de les lier : d'abord cassez deux œufs, ôtez-
en les jaunes sans les rompre ni laisser ni blanc ni germe;
écrasez-les avec une cuiller, délayez -les avec un peu d'eau et
du bouillon ; ensuite, quand votre ragoût sera bouillant, retirez-
le au bord du fourneau, tenez la queue de votre casserole d'une
main, et de l'autre versez doucement votre liaison dans votre
ragoût en le remuant toujours, posez-le sur le feu, remuez-le
encore, ne le laissez jaSiais bouillir, mettez-y sur-le-champ
un petit morceau de beurre pour que votre sauce soit moelleuse,
finissez-la avec un jus de citron ou un filet de verjus; qu'elle ne
soit ni trop longue ni trop courte, et servez.
Ragoût de crêtes et de rognons de coqs en financière. —
Quand vos crêtes auront été échaudées et cuites dans un blanc
ainsi que les rognons, mettez dans une casserole la quantité con-
venable de velouté réduit si vous voulez votre ragoût au blanc,
et d'espagnole réduite si vous le voulez au roux, en y ajoutant
un peu de consommé au cas où votre sauce se trouverait trop
liée; faites mijoter vos crêtes un quart d'heure, joignez-y, un
peu avant de servir vos rognons, quelques champignons tournés
que vous aurez fait cuire, des fonds d'artichauts et des truffes
selon votrp volonté ; si votre ragoût est au blanc, liez-le comme
il est indiqué à l'article Ragoût de ris de veau, et s'il est au
926 RAGOUTS.
roux, suivez le même procédé que celui énoncé au même
article.
Ragoût de laitances de carpes. — Prenez vingt-quatre lai-
tances, détachez-les des boyaux, jetez-les dans Teau fraîche,
laissez-les dégorger une demi-heure, changez-les d'eau et met-
tez-les sur le bord d'un fourneau, laissez-les dégorger jusqu'à
ce qu'elles soient blanches ; prenez une autre casserole, faites-y
bouillir de l'eau avec un peu de sel, égouttez vos laitances et
jetez-les dans cette eau ; obtenez une ébullition, retirez-les du
feu, ayez dans une casserole quatre cuillerées à dégraisser d'ita-
lienne blanche ou rousse, mettez-y vos laitances, faites-leur jeter
encore un bouillon ou deux, dégraissez-les, finissez-les avec un
jus de citron, et servez-les comme ragoût de laitances, soit dans
une casserole d'argent, soit dans une caisse ou dans un vol-
au-vent.
Ragoût de langues de carpes. — Faites dégorger un cent de
langues de carpes, blanchissez-les comme les laitances de carpes;
la sauce de ces langues est la même que celle des laitances; elles
se.finissent de même.
Ragoût de céleri (Recette du docteur Rocques). — Vous
faites cuire du céleri haché comme la chicorée et les épînards,
vous l'assaisonnez de poivre, de sel, dô muscade; vous le nour-
rissez de bon bouillon et vous le servez avec des croûtons dorés;
vous pouvez même, si vous êtes un peu friand, placer sur ce lit
bien douillet quelques ortolans ou quelques filets de perdreaux
rouges. Essayez de ce plat, chers confrères en gourmandise, et
vous en serez peut-être satisfaits.
Ragoût de tomates farcies à la Grimod. — Après avoir ôté
les pépins de vos tomates, vous les remplissez de chair à sau-
cisses assaisonnée d'ail, de persil, de ciboules et d'estragon, puis
vous les faites cuire dans une tourtière , sous un four de cam-
pagne.
Aujourd'hui on remplace volontiers la chair à saucisses par
une bonne duxelle (V.Duxelle) et mie de pain dessus. (V.)
Vous servez cet entremets dans la tourtière même, et vous
l'arrosez de jus de citron.
Des truffes en général. (Les classiques de la tabUy
RAGOUTS.
927
variétés y recettes d'élite.) — La truffe tient le premier rang
parmi les cryptogames : Toronge, ce champignon des rois,
Fungus Caesareus, comme l'appelaient nos vieux botanistes, ne
vient qu'après elle; au lieu d'être indigeste, comme on l'a
répété, elle favorise les fonctions de l'estomac, et doit sa faculté
dîgestive à ses molécules légèrement excitantes, pourvu qu'on
en use avec modération; elle nourrit, restaure, réchauffe les tem-
péraments froids; les viandes, les légumes, le poisson et les
autres aliments, quels qu'ils soient, deviennent plus légers lors-
qu'ils sont assaisonnés aux truffes. Il s'est trouvé pourtant quel-
ques auteurs dont le palais n'a jamais pu apprendre à savourer
ces délicieux tubercules, qui leur ont reproché de troubler la
digestion, de causer l'insomnie, de disposer à Tapoplexie, aux
maladies nerveuses. Nous avons consulté un assez grand nombre
d'amateurs de truffes, les uns vieux, les autres jeunes; ils ont
tous, d'un commun accord, célébré son action bienfaisante. L'un
d'eux, d'un âge moyen, homme très-spirituel et d'un caractère
aimable comme les vrais gastronomes, me disait il y a quelques
jours :
« Quand je mange des truffes, je deviens plus vif, plus gai,
plus dispos; j'éprouve intérieurement, surtout dans mes veines,
une chaleur douce, voluptueuse, qui ne tarde pas à se commu-
niquer à ma tête; mes idées sont plus nettes et plus faciles; je
fais, si cela me convient et sur-le-champ, des vers pour des
poètes riches, je compose des discours pour quelques savants
inquiets, pour des députés paresseux, puis je m'endors, ma
digestion se fait sans trouble, mon sommeil est calme; mais ce
qu'on dit de certaine vertu des truffes est pour moi de l'histoire
ancienne. »
Au reste, qui ne connaît la truffe et son incomparable par-
fum? Est-il une production naturelle plus renommée chez les
peuples anciens et modernes? Les Romains l'aimaient avec passion
et la demandaient à l'Afrique.
— Libyen, s'écrie Ju vénal, dételle tes bœufs, garde tes mois-
sons, mais envoie-nous tes truffes.
« La truffe règne aujourd'hui en souveraine, non plus dans
les petits soupers, mais bien dans les banquets, dans les dîners
9a8 RAGOUTS.
ministériels. Elle remonte le ressort des organes, ranime le sang
engourdi, donne du courage, de Tesprit même... Que de résis-
tances vaincues, de doutes éclaircis par un excellent ragoût de
truffes ! Qui pourrait résister au pouvoir de cette composition qui
charme le goût, enivre l'odorat? Hommage à la truffe du Péri-
gord! — Comme son arôme enchanteur caresse, flatte, réjouit les
houppes nerveuses du palais ! Voyez-vous ce magistrat gourmand,
savourant avec délices les molécules parfumées des truffes de
Sarlat? On dirait qu'il est assis à la table des dieux. — S:îs yeux
brillants de plaisir expriment l'ineffable impression du gaster,
et ce contentement intérieur, présage certain d'une heureuse
digestion !
« Mais, nous dira quelqu'un, les médecins ont condamné
l'usage des truffes. — Oui, mais ils ont aussi proscrit le thé, le
café. Pour quelques hommes de mauvais goût et d'un esprit cha-
grin, que de friands, que de gourmets parmi les disciples d'Es-
culape ! Leurs noms se pressent depuis Barthez jusqu'à Broussais.
Ici tout le monde est d'accord, tous les systèmes se modifient,
et toutes les sectes, également friandes, se rapprochent. Bien-
faisante gastronomie, voilà de tes miracles! Tu persuades, tu
inspires, et, lorsque tu le veux, les médecins, assis autour
d'une table chargée de mets succulents, deviennent tous éclec-
tiques !
« La truffe embellit tout ce qu'elle touche. — Sans parler des
mets les plus fins, auxquels elle prête un nouveau charme, les
substances les plus simples, les plus communes, imprégnées de
son arôme, peuvent paraître avec succès sur les tables les plus
délicates. »
Je suis du temps où les truffes ont été le plus à la mode; les
Bourbons de la branche aînée gouvernaient, disait-on, avec des
truffes. Il y avait deux reines théâtrales qui reconnaissaient parti-
culièrement l'influence de ces estimables tubercules; c'étaient
M"' Georges et M}-^ Mars.
Tous les soirs oh ces dames jouaient, et surtout aux époques
de leurs beaux succès, il y avait à souper chez elles pour quelques
intimes ; elles rentraient avec les courtisans de la loge et trouvaient
chez elles les courtisans de la maison.
RAGOUTS.
939
Chez Georges, on mangeait toujours les truffes de la même
façon.
Chez Mars, c'était l'affaire de son cuisinier, et il avait là-
dessus carte blanche.
Mais chez Agrippine, la femme de toutes les sensualités, on
ne faisait grâce à la truffe d'aucune des sensations qu'elle pouvait
donner.
A peine rentrée, on apportait à Georges, dans une cuvette
de la plus belle porcelaine, une eau parfumée avec laquelle elle
se lavait les mains ; puis des truffes qui avaient déjà subi deux
ou trois ablutions et autant de frottements, dans une assiette à part,
une petite fourchette de vermeil et un petit couteau à manche de
nacre et à lame d'acier.
Agrippine alors, de sa main moulée sur l'antique, 'de ses
doigts de marbre aux ongles roses, commençait à éplucher, le
plus adroitement du monde, le tubercule noir qui était un orne-
ment pour sa main, puis elle coupait par feuillets minces comme
du papier, versait dessus du poivre ordinaire, quelques atomes
de poivre de Cayenne, les imprégnait d'huile blanche de Lucques
ou d'huile verte d'Aix et passait le saladier à un de ses serviteurs
qui retournait la salade préparée par elle.
Le reste du souper se composait, selon la saison, de rôti de
gibier, d'une poularde de Bresse ou du Mans» ou d'une dinde fine
de Bourges.
Puis venait la salade, dont ce souper n'était que le prologue.
On se ferait difHcilement idée du parfum auquel atteignait
la truffe, réduite à ce simple assaisonnement d'huile et de
poivre.
On puisait à pleine fourchette dans le saladier, comme on
eût fait pour une salade ordinaire.
Chez M"* Mars, le service était beaucoup plus compliqué,
mais il manquait à l'assaisonnement de la salade les beaux bras,
les belles mains, les ongles roses et surtout l'abandon et le laisser*
aller charmant d'Agrîppine.
La plus antique recette de truffés que nous pouvons offrir à
nos lecteurs est celle que nous trouvons dans Apicius.
Ragoût de truffes à VQ4picius. — Faites cuire d'abord vos
59 .
930 RAGOUTS.
truffes dans Teau, embrochez-les, faites-leur faire cinq ou six
tours devant le feu, arrosez-les avec de l'huile, du jus de citroa,
du chervis, du poivre et du miel ; lorsque la sauce sera bouillante,
liez-la avec du vin et des œufs.
Ragoût de truffes au vin de Champagne, — Lavez plusieurs
fois vos truffes dans Teau tiède ; brossez-les et mettez-les dans
une casserole foncée de bardes de lard, avec du sel, une. feuille
de laurier, une bouteille de vin de Champagne; on couvre her-
métiquement la casserole, on fait bouillir une demi-heure, et Ton
sert les truffes sur une serviette.
M. le baron Thiry, gastronome distingué, veut qu'on sub-
stitue au Champagne du vin de CoUioure, et M. Bignon, autre
autorité, préfère le vin de Madère ou le Xérès; comme on ne
mange pas qu'une seule fois dans sa vie des truffes à la serviette,
on peut essayer successivement de ces trois vins.
Mais lorsqu'on veut conserver aux truffes leur saveur natu-
relle et sans mélange, on les enveloppe une à une dans du papier
beurré et on les fait cuire dans une passoire à la vapeur de l'eau
bouillante.
A tous ces apprêts il est permis de préférer la truffe sous la
cendre. Enveloppez de papier beurré, et les mangez au beurre
d'Isigny. (V.)
Ragoût aux truffes. — Prenez une livre de truffes, suivant
vos besoins; si vous les achetez vous-même, prenez-les aussi
rondes que possible; serrez-les dans votre main : il faut, en
les serrant moyennement, que l'on sente leur résistance, et
qu'elles ne soient ni molles ni gluantes; flairez-les pour juger de
leur parfum ; si elles avaient un goût de fromage, rejetez-les.
Après vous être assuré de leur qualité, jetez-les dans l'eau
fraîche ; celles qui surnagent $ont inférieures à celles qui restent
au fond ; ayez une petite brosse, brossez-les pour en extraire
absolument la terre et rejetez-les dans un autre vase rempli d'eau
claire et non d'eau chaude, vu qu'elles en perdraient leur par-
fum, rebrossez-les et, avec la pointe du couteau, ôtez-en la
terre jusque dans lés Creux et les sinuosités ; s'il s'en trouve qui
aient des brochettes, retirez-les : je parle ainsi parce qu'il arrive
que les marchands osent en faire de grosses de plusieurs
RAGOUTS.
93T
petites, en les joignant l'une à l'autre à la faveur de ces bro-
chettes. Cela fait, lavez vos truffes encore à une troisième eau
et même plus, vu qu'il faut que l'eau reste limpide. On con-
serve ordinairement les plus belles pour servir sur la serviette ou
en croustades ; les autres se coupent par tranches et en dés pour
fzire la sauce aux truffes, dont je vais parler.
Ragoût aux truffes et à l'espagnole. — Prenez une poignée
de truffes, ou davantage si le cas le requiert; coupez-les en
lames ou en dés, comme il est dit à l'article précédent; mettez-
les dans une casserole sur un feu doux avec un morceau de beurre,
faites-les suer, mouillez-les avec un demi-verre de vin blanc,
deux cuillerées à dégraisser d'espagnole réduite; faites-les aller
sur un feu doux jusqu'à ce qu'elles soient cuites; dégraissez votre
sauce et finissez-la avec un petit morceau de beurre ; ayez soin
de bien l'incorporer avec vos truffes, soit en les passant, soit en
les remuant; surtout n'y mettez point de citron,'"ce qui ôterait
le velouté de votre sauce.
Ragoût aux truffes à Vitalienne, — Émincez des truffes
comme les précédentes, la quantité que vous jugerez nécessaire;
faites-les suer dans du beurre, comme il Q%t énoncé précédem-
ment; mettez un peu d'échalotes et de persil hachés, du sel et
du poivre; mouillez avec un demi-verre de vin blanc et deux
cuillerées à dégraisser d'espagnole; faites bouillir votre sauce;
dégraissez, et finissez-la avec un filet d'excellente huile d'olive.
Ragoût aux truffes à la piémontaise. — Émincez vos
truffes comme il est dit plus haut et mettez-y, au lieu de beurre,
de l'huile ; joignez à cela un peu d'ail écrasé ; posez votre cas-
serole sur une cendre chaude, afin que vos truffes ne fassent que
frémir ; au bout d'un quart d'heure, assaisonnez-les de sel fin et
d'un peu de gros poivre; forcez-les un peu en jus de citron, et
servez.
Ragoût aux truffes à la Périgueux, — Coupez des truffes
en petits dés; passez-les dans du beurre; mettez-y deux ou trois
cuillerées à dégraisser d'italienne rousse ou d'espagnole avec un
peu de vin blanc, et finissez-les avec la moitié d'un pain de beurre
de Vembre. Cette sauce se sert sur des perdreaux, des poulardes,
des poulets et des dindes truffés.
93^
RAGOUTS.
Poudre friande. — Vous prenez parties égales de mousse-
rons, de morilles, de seps, de champignons de couche et de
truffes.
Vous les coupez par fragments, et vous les faites sécher au
soleil ou dans un four, vous pilez ensuite le tout dans un mortier,
et vous le passez au tamis.
Cette poudre donnera aux aliments un parfum et un goût
admirables, si vous la conservez dans un vase de porcelaine, ou
dans un flacon de verre hermétiquement fermé; on la mêle avec
les champignons frais, avec les salmis de bécasses, de perdrix, de
grives, de mauviettes, avec le turbot, la morue, la truite, enfin
avec toutes sortes de ragoûts et de légumes.
Ragoût de truffes en pudding. — Épluchez deux livres de
moyennes truffes, et les émincez en lames de deux lignes d'épais*
seur ; sautez-les dans une casserole avec quatre onces de beurre
tiède, une grande cuillerée de glace de volaille dissoute, un demi-
verre de Madère sec, le sel nécessaire, une pincée de mignonnette
et une pointe de muscade râpée.
Vous prenez un bol d'entremets, ayant à peu près quatre
pouces de profondeur sur sept de diamètre; vous le beurrez légè-
rement à l'intérieur, vous le foncez de pâte brisée, et vous y
placez des truffes avec leur assaisonnement. Vous humectez ensuite
le tour de la pâte, et vous la couvrez d'une abaisse ronde dont
vous soudez parfaitement les bords, afin que le parfum des
truffes ne s'évapore point à Tébullition ; puis vous enveloppez le
bol dans une serviette, vous le liez avec une ficelle, et vous le
placez dans une marmite d'eau bouillante. Après une heure et
demie d'ébullition, le pudding est cuit. Au moment de servir,
vous régouttez, vous en détachez la serviette et vous le disposez
sur le plat d'entremets.
Les truffes mises dans du lait hâtent la coagulation et lui
communiquent leur parfum. On peut de cette manière obtenir
des fromages aux truffes.
Ragoût de champignons à la Cussy. — Prenez des champi-
gnons d'une texture ferme, lavez, brossez et pelez des truffes
noires, saines et d'une moyenne grosseur, coupez les champi*
gnons ainsi que les truffes par tranches épaisses comme des
RAGOUTS. 933
feuilles de carton. Ajoutez-y un peu d'ail haché très-menu, met-
tez le tout dans une casserole avec un morceau de beurre fin,
proportionné à la quantité de vos cornichons, faites sauter à grand
feu, et lorsque le beurre sera fondu, exprimez-y le jus de vos
deux citrons, ajoutez ensuite sel, gros poivre, muscade râpée,
quatre cuillerées à bouche de grande espagnole, et autant de sauce
réduite ; faites cuire votre ragoût et, au moment de l'ébullition,
ajoutez un verre de vin de Sauterne ou de Xérès, continuez la
cuisson pendant vingt minutes et servez.
Ragoût de truffes blanches et noires à la Rossini, — Vous
émincez finement des trufits blanches du Piémont, vous mettez
ensuite dans votre saladier de l'huile d'Aix, de la moutarde fine,
du vinaigre, un jus de citron, du poivre et du sel, vous battez
ces ingrédients jusqu'à parfaite combinaison, et vous y mêlez vos
truffes.
On peut servir de même nos truffes noires en ajoutant à
cet assaisonnement deux jaunes d'œufs et une pointe d'ail, afin
de leur donner le goût et le moelleux des truffes blanches du
Piémont.
Ragoût de truffes au fromage de parmesan. — Faites mariner
vos truffes dans l'huile, coupez-les par lames très-minces et dis-
posez un lit de ces truffes émincées sur un plat d'argent avec de
rhuile, du sel, du gros poivre et du fromage de parmesan râpé;
après avoir fait ainsi plusieurs couches, mettez le plat sur la cendre
chaude et sous le four de campagne ; un quart d'heure suffit
pour la cuisson.
Ragoût de mousserons. — C'était le plat favori de ce direc-
teur sybarite à qui nous devons Bonaparte et le 13 vendémiaire.
Il occupait deux ou trois individus à lui chercher des mousserons
parfumés des Bouches-du-Rhône et de l'Isère.
Voici comment Barras avait l'habitude de se faire servir ce
plat de prédilection.
Lavez, égouttez les mousserons, passez-les au beurre ou
avec du lard fondu, un bouquet garni, sel et poivre; mouillez
avec du jus de veau ou du bouillon réduit à moitié; laissez mi-
tonner à petit feu, dégraissez et liez le ragoût, avec du jus blond,
ou à défaut avec du beurre manié de farine.
934
RAGOUTS.
Ragoût de navets. — Epluchez des navets, et coupez-les
proprement; faites-leur faire un bouillon dans l'eau, laissez-les
égoutter, faites un roux dans une casserole avec du beurre et
une demi-cuillerée de sucre en poudre ; passez-y les navets jus-
qu'à ce qu*ils aient pris une belle couleur; mouillez avec du jus
ou du bouillon, assaisonnez avec sel, gros poivre et un bouquet
garni.
Ragoût de morilles. — La morille est une sorte de champi-
gnon et s'accommode de même; prenez des morilles proportionnel-
lement au ragoût que vous voulez faire, épluchez-en les queues
pour en ôter la terre, fendez les grosses en deux ou trois, lavez-
les, mettez-les dans un vase avec de Teau tiède pour qu'elles
dégorgent et que le sable qu'elles sont sujettes à retenir tombe
au fond du vase; retirez-les de cette eau, faites-les blanchir,
égouttez-les, mettez-les dans une casserole avec un morceau
de beurre ; passez-les, mouillez-les avec de la sauce rousse, si
elles sont au roux ; blanche, si elles sont au blanc, comme il
est énoncé pour les ragoûts de champignons; et finissez de
même.
Ragoût de chicorée au brun. — Ayez douze chicorées, éplu-
chez-les, ôtez-en tout le yert^ lavez ces chicorées dans plusieun
eaux, en les tenant par la racine et en les plongeant à plusieurs
reprises ; prenez garde qu'il n'y reste des vers de terre, qui sou-
vent y séjournent, égouttez-les, faites les blanchir à grande eau
où vous aurez mis une poignée de sel ; elles seront suffisamment
blanchies lorsqu'en pressant les feuilles entre vos doigts elles
s'écraseront facilement; alors retirez-les avec une écumoire,
mettez-les rafraîchir dans un seau d'eau fraîche, égouttez-les,
pressez-les entre vos mains, de manière qu'il leur reste le moins
d'eau possible ; supprimez-en les racines et les plus gros cotons,
hachez cette chicorée, mettez-la dans une casserole avec un mor-
ceau de beurre, passez-la sur un feu doux, environ un quart
d'heure pour la bien dessécher, mouillez-la avec deux cuillerées
d'espagnole et une de consommé ; faites-la cuire une heure au
moins, en la remuant continuellement avec une cuiller de bois,
de crainte qu'elle ne s'attache et ne brûle; quand elle sera réduite
à son point, mettez-y du sel et servez.
RAGOUTS. 935
Ragoût ie chicorée au blanc. — Employez pour ce ragoût le
même procédé énoncé ci-dessus, excepté qu'il faut employer en
moindre quantité du velouté, au lieu d'espagnole ; ce ragoût de
chicorée se finit avec une chopine de crème ou du lait réduit, que
vous y versez petit à petit, un peu de muscade râpée et du sel, la
quantité convenable.
Q4utre manière. — Pour faire le ragoût de chicorée au blanc
n'ayant point de velouté, passez-la dans le beurre ; quand elle
est assez desséchée, singez-la légèrement, délayez-la avec du
bouillon, mettez-y le sel convenable, faites-la cuire et réduire,
finissez-la comme la précédente avec de la crème ou du bon lait,
et un peu de muscade râpée, c'est-à-dire une bonne béchamelle.
(V. BÉCHAMELLE.)
Manière de remplacer la chicorée dans la saison où elle
manque et lorsque Von n^en a pas conservé. — Prenez le cœur d'un
ou de deux choux dont vous aurez ôté le vert, flairez-les; s'ils
sentent le musc, prenez-en d'autres, coupez-les par quartiers,
ôtez-en les trognons et les plus grosses côtes; émincez-les avec
votre couteau le plus fin possible, jetez-les dans l'eau, lavez-les
bien, retirez-les dans une passoire; faites-les blanchir comme la
chicorée, mais un peu plus de temps ; rafraîchissez-les, pressez-
les, hachez-les comme la chicorée, et pour leur accommodage
c'est le même procédé.
Ragoût d'épinards. — Ayez des épinards ce qu'il vous en faut,
ôtez-en les queues, et ceux qui ne sont pas bien verts ou qui sont
tachés, lavez-les plusieurs fois à grande eau, faites-les blanchir
au grand bouillant, dans beaucoup d'eau où vous aurez mis une
poignée de sel ; ayez soin de les remuer et de les écumer ; prenez
garde que l'eau ne s'en aille par-dessus les bords du chaudron,
ce qui ferait voler de la cendre dans vos épinards, leur donnerait
un mauvais goût et les ferait croquer. Pour juger s'ils sont assez
blanchis, pressez-en entre deux doigts; s'ils s'écrasent facilement,
ils le sont assez ; dès lors retirez-les du feu, jetez-les dans une
passoire, ensuite dans une assez grande quantité d'eau fraîche
pour les rafraîchir sur-le-champ ; laissez -les rafraîchir deux
heures, jetez-les,de nouveau dans une passoire ; après mettez-les
en pelote, sans pour cela les trop presser; hachez-en ce dont vous
936 RAGOUTS.
aurez besoin, mettez-les dans une casserole avec un morceau de
beurre suffisant pour les nourrir; passez-les sur un feu vif,
remuez-les avec une cuiller de bois ; quand ils seront assez des-
séchés et d'un beau vert, mouillez-les avec de l'espagnole ; s'ils
sont pour entrée, faites-les réduire à consistance d'une forte
bouillie, mettez-y un peu de muscade râpée; et, pour les finir,
un pain de beurre; remuez-les bien, puis servez.
Ragoût de haricots à la bretonne, — Prenez des haricots de
Soissons, secs ouverts, il n'importe; épluchez et lavez -en un litre,
mettez-les dans une marmite, à l'eau froide, avec un morceau de
beurre sans sel, et durant leur cuisson versez-y à plusieurs
reprises un peu d'eau fraîche, ce qui les empêchera de bouillir
et les rendra plus moelleux; quand ils seront cuits, égouttez-les,
mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre, une
cuillerée ou deux de purée d'oignons au brun (comme elle est
énoncée à son article) et d'espagnole, assaisonnez-les d'un peu de
gros poivre et de sel; sautez-les souvent et finissez-les avec un
pain de beurre.
Ragoût de haricots au jus. — Mettez dans une casserole vos
haricots cuits, comme il est dit ci-dessus, avec un morceau de
beurre, deux cuillerées d'espagnole, une cuillerée de jus de bœuf,
du sel, du gros poivre, et finissez-les aussi avec un pain de
beurre.
Ragoût aux concombres. — Coupez l'extrémité de trois
9
concombres. Evitez d'en prendre d'amers, ôtez-leur la pelure,
coupez-les en quatre et supprimez-en les pépins, coupez ces
concombres en écailles d'huîtres, parez-les, arrondissez-les, tâchez
que les morceaux soient égaux, faites-les blanchir dans de Teau
avec un peu de sel, assurez-vous s'ils sont cuits, nttettez dans une
casserole trois ou quatre cuillerées à dégraisser de velouté; ajou-
tez-y vos concombres ; faites-les cuire et réduire, dégraissez-les ;
goûtez s'ils sont d'un bon sel ; finissez de les lier avec un morceau
de beurre; mettez-y un peu de muscade râpée et servez.
Ragoût de concombres au brun. — Préparez vos concombres
comme ci-dessus, mettez dans une casserole quatre cuillerées à
dégraisser pleines d'espagnole réduite, grasse ou maigre ; ajouter-
y vos concombres; dégraissez et faites réduire; mettez-y gros
RAIE.
937
comme le pouce de glace; finissez-les avec un petit morceau de
beurre et servez.
Ragoût à la chipolata, — Mettez dans une casserole deux
cuillerées à pot d'espagnole réduite, une demi-bouteille de vin
de Madère, des champignons tournés, de petits oignons cuits à
blanc, des marrons préparés comme pour les terrines, des petites
saucisses à la chipolata, que vous aurez fait cuire dans du
bouillon, des truffes coupées en quartiers et un peu de gros
poivre, faites réduire votre ragoût, dégraissez-le et servez-
vous-en.
Ragoût de pois au lard. — Prenez lard' ou jambon, une
demi-livre au plus, si le cas le requiert; coupez-le en gros dés,
fkites-le blanchir; mettez du beurre dans une casserole, faites-y
revenir votre lard ou votre jambon ; qu'il soit d'une belle couleur ;
ayez un litre de pois très-fins ; mettez-les dans un vase avec gros
de beurre comme une noix; maniez-les avec la main, versez de
l'eau dessus, laissez-les dans Teau un demi-quart d'heure pour
que leur peau s'attendrisse ; égouttez-les dans une passoire, met-
tez-les dans une casserole, et faites-les suer : lorsqu'ils seront
bien verts, mouillez-les avec une cuillerée à pot d'espagnole,
ajoutez-y votre petit lard ou votre jambon, un bouquet de persil
et ciboules, faites-les partir, retirez-les sur le bord du fourneau,
laissez-les mijoter et réduire. Votre ragoût étant bien cuit,
dégraissez-le, goûtez s'il est d'un bon sel; s'il se trouvait trop salé,
mettez-y un peu de sucre, du sucre toujours, enlevez l'âcreté et
servez.
Ragoût au god[veau. — Mettez de l'espagnole dans une
casserole, la quantité que vous croirez nécessaire pour votre
ragoût, ajoutez-y la quantité convenable d'andouillettes de godi-
veau, mettez-y des champignons préparés comme il est dit aux
garnitures, et quelques fonds d'artichauts coupés en quatre ou en
huit morceaux, faites achever de cuire, dégraissez, faites réduire,
ajoutez le jus d'un citron ou un filet de verjus et servez- vous-en
soit pour garnir une tourte ou un pâté chaud, ou tout autre
ragoût. Gorges de ris de veau coupés en dés.
RAIE. — Ce poisson ayant besoin d'être mortifié pour être
plus tendre, le transport du port de mer à Paris ajoute à sa qua-
938 RAIFORT.
lité; c'est du reste le seul poisson qui puisse se conserver pendant
deux ou trois jours, même en temps d'orage.
Les deux meilleures espèces sont la turbotine et la raie
bouclée, et la meilleure manière de la manger est de la faire
cuire à l'eau de sel avec du vinaigre et quelques tranches d'oi-
gnons; on l'égoutte, on l'épluche, et on la sert avec une sauce
blanche aux câpres ou une sauce au beurre noir noisette, garnie
de persil frit.
Le .foie de la raie ne doit rester que deux ou trois minutes
dans l'eau bouillante pour être cuit.
Raie frite. — Enlevez la peau d'une raie, coupez-la en
morceaux comme des filets, sans en ôter les arêtes, mettez-les
mariner avec assaisonnement, ajoutez-y un morceau de beurre
manié de farine, vinaigre, fines herbes; faites un peu tiédir la
marinade pour que le beurre fonde, laissez les filets mariner pen-
dant quatre heures, retirez-les avant de les faire frire, farinez-les
et garnissez.
Raie à la noisette. — Faites comme ci-dessus, assaisonnez
et masquez d'une sauce au beurre.
Raie à la Sainte-Menehould, — Faites une Sainte-Menehould
avec un verre de lait, sel, poivre, un morceau de beurre manié
de farine, deux oignons en tranches, un bouquet garni, clous de
girofle, une pointe d'ail, une feuille de laurier; mettez cette
sauce sur le feu et tournez jusqu'à ce qu'elle bouille, coupez une
raie en filets, faites-les cuire dans la sauce, retirez-les, trempez-
les dans du bouillon, pansez-les, retrempez-les dans du beurre,
repansez-les, faites-les griller, et servez avec une sauce Robert ou
une rémoulade aux câpres.
Raietons frits. — Enlevez la peau de plusieurs raietons,
mettez mariner avec sel, vinaigre, oignons et quelques branches
de persil, égouttez-les , farinez-les, faites-les frire d'unte belle
couleur, égouttez-les de nouveau , et servez avec une sauce au
beurre noir aromatisée.
RAIFORT. — On en compte deux espèces, le cultivé et le
sauvage : la racine du cultivé est grosse, charnue, d'un brun noir
en dehors et très-blanche en dedans ; cette chair est d'une saveur
tellement épicée, qu'elle en paraît acre et brûlante. Pour que le
RAISIN. 939
raifort soit meilleur, on le coupe par rouelles une ou deux heures
avant de le servir, on couvre chaque rouelle de sel égrugé, puis
on les remet les unes sur les autres, cela leur fait jeter une eau
acre et les rend plus douces à manger.
On emploie quelquefois le raifort comme garniture autour
des aloyaux rôtis et des gros poissons que Ton a cuits au bleu.
On en garnit aussi des bateaux à hors*d'œuvre et on en com-
pose un beurre assaisonné qui s'emploie dans la confection des
sandwichs et des craquelins à l'écossaise.
Le raifort a les mêmes inconvénients que la vraie rave, il est
également venteux, il cause des rapports, même des maux de
tète quand on en mange trop.
On en met aussi dans les ragoûts auxquels on veut donner
un haut goût.
RAIPONCE. — Plante du genre campanule que Ton
cultive dans les potagers. On mange la racine et les feuilles
radicales de cette plante en salade et on y adjoint ordinai-
rement des tranches de betteraves confites au vinaigre et des
montants de céleri cru.
RAISIN. — Depuis Noé, qui le premier planta et fit usage
de la \'igne, d'innombrables variétés de raisins se sont produites.
Ces variétés seraient trop longues à énumérer ici; aussi nous
bornerons-nous à citer les principales, c'est-à-dire celles que l'on
voit le plus ordinairement figurer sur nos tables.
Ce sont : le chasselas de Fontainebleau qui vient en première
ligne, le gros Corinthe et le chasselas noir qui viennent après, et
quelques muscats, tels que celui de Frontignan, le muscat hâtif
du Piémont, celui de Rivesaltes, le rouge de corail, le gros mus-
cat noir, le violet de Gascogne et le passe-musqué d'Italie. Il
y a aussi le gros muscat long et violet de l'espèce de Madère,
renommé pour sa beauté, son volume et sa bonté; mais le
meilleur de tous les muscats est celui qu'on a surnommé de
TEnfant-Jésus, d'après la belle grappe du tableau de Mignard;
malheureusement cet excellent fruit est devenu très-rare.
Le raisin est, selon Galien, le premier de tous les fruits
d'automne, le plus nourrissant de tous ceux qui ne se gardent
point et celui dont le suc est le moins malfaisant, lorsqu'il est
940 RAISIN.
parfaitement mûr. Tissot rapporte que des soldats attaqués de
dyssenteries rebelles, ayant été transportés dans une vigne, se réta-
blirent en peu de temps par l'usage des raisins qu'ils mangèrent
en abondance.
Richard Cœur-de-Lion, n'étant encore que duc de Guyenne,
rassembla un jour les notables de son duché et fit rendre cet
édit mémorable : a Quiconque prendra une grappe de raisin
dans la vigne d'autrui payera cinq sous ou perdra une oreille. »
Cet édit nous apprend qu'on estimait fort peu, en 1175, époque
à laquelle fut rendu cet édit, une oreille de Gascon puisqu'elle
ne valait que cinq sous. Elles ont considérablement renchéri
depuis, et il n'y a pas aujourd'hui un seul Gascon, si petit qu'il
soit, qui n'estime ses oreilles bien plus que toutes les vignes du
monde, quoique aimant bien le raisin.
On croit généralement aussi que ce fut un grain de raisin
qu'il ne put avaler qui causa la mort du joyeux chantre des fes-
tins, Anacréon, environ 437 ans avant Jésus-Christ. Il dut être
content cependant, car on dit qu'il mourut à la suite d'un bon
repas.
On a remarqué que certains gibiers, tels que le petit renard,
le lièvre et quelques petits oiseaux, engraissaient considérablement
en automne, et que leur chair devenait alors tendre, délicate et
bonne à manger, mais, dès que les vendanges étaient faites, ils
maigrissaient complètement et leur chair perdait le bon goût que
lui avait donné le raisin.
Le séchage des raisins en les dépouillant de la plus grande
partie de leur phlegme et en corrigeant l'acide qu'ils contiennent
les rend plus nourrissants et leur donne en même temps une
qualité adoucissante, très -propre pour remédier aux âcretés de
l'estomac et pour amollir le ventre; aussi ceux qui ont Testomac
faible se trouvent-ils bien de mâcher, après le repas, deux ou
trois grains de raisin sec avec les pépins; cela contribue beaucoup
à la coction des aliments.
On fait sécher les raisins au soleil ou au four ; par le pre-
mier procédé, ils conservent une grande douceur, tandis que le
second leur communique une certaine àcreté; les grands raisins
secs dits de Damas proviennent de vignes à gros grains ou à
RALE. 941
grains gros et oblongs, et sont désignés suivant leur lieu de
provenance : raisins secs de France, de Calabre, d'Espagne ou du
Levant. Parmi les raisins d'Espagne, on distingue les raisins
muscats, les raisins au soleil (séchés sur cep au soleil), les raisins
fleuris, les raisins Malaga et les raisins Lexias. Les meilleurs
raisins secs de France proviennent du Languedoc et de la Pro-
vence, ce sont les jubis^ les pcards, etc. En fait de raisins secs
d'Italie, on vante ceux de la Calabre à cause de leur belle chair
et de leur goût délicat; ils viennent en masse dans le commerce
attachés à des iils.
Les raisins secs à petits grains, dits raisins de Corinthe^
proviennent d'une variété de vigne croissant surtout aux îles
Ioniennes et en Grèce. La liqueur vineuse qu'on fabrique avec
des raisins secs et du vin qu'on fait fermenter ensemble, déjà
connue des anciens sous le nom de vinum passum^ était une des
boissons favorites des Romains.
RAISINE. — Confiture de raisins doux qu'on fait cuire et
réduire en y ajoutant des poires ou des coings et dont l'enfance
est très-friande. On en fait aussi avec du cidre et du poiré dans
les pays où on ne récolte pas de raisins; c'est une substance très-
salutaire, qui a l'avantage d'offrir des ressources à la classe la
moins aisée du peuple, puisqu'il ne faut point ou peu de sucre
pour la préparer.
Le meilleur raisiné est celui de Bourgogne; on le fait avec
du vin doux que l'on fait bouillir doucement dans une chaudière,
en l'écumant et le remuant de temps en temps avec une spatule
pour qu'il ne s'attache pas. Ajoutez peu à peu des morceaux de
poires émincées, de Messire-Jean, de virgouleux ou de Rousse-
let. Puis, lorsque tout l'appareil se trouve réduit au tiers de la
chaudière, on tamise la confiture et on l'empote.
RALE. — Il existe deux variétés de cet oiseau de passage,
le râle de genêt et le râle d'eau, ou, autrement dit, le râle rouge
et le râle noir. Les chasseurs l'appelaient autrefois le roi des
cailles, parce qu'arrivant avec elles au mois de mai et repartant
en septembre, on le supposait leur conducteur.
Le râle est un oiseau de la grosseur du pigeon, ayant le cou
et le bec longs ; celui de genêt est un peu plus gros que le râle
94a
RATONNET DE MOUTON.
d'eau ; il se nourrit de semences de genêts, d'où lui vient son nom,
et Ton n'a pas besoin d'ajouter que c'est un de nos plus excellents '
gibiers.
On le sert rôti, entouré de feuilles de vigne et enveloppé
dans une grande feuille de papier beurré, sans lardons ni bardes
de lard, attendu que cet oiseau se trouve pourvu d'une graisse
abondante. Il suffit seulement d'une demi-heure de cuisson pour
qu'il soit cuit à point.
La chair du râle d'eau est moins savoureuse et par consé-
quent moins estimée que celle du râle de genêt. Il reçoit les
mêmes préparations que les autres oiseaux aquatiques. (V. Van-
neau, Pluvier.)
RAMBOURS. — Pomme de belle apparence et de médiocre
saveur. Elle est originaire de Rambures, en Picardie. On ne
l'emploie pas en cuisine à cause de son peu de saveur. Elle ne
sert qu'à figurer dans les corbeilles de fruits.
RAMEQUIN. — (V. Pâtisserie.)
RAMEREAUX. — Ramereaux en marinade, — Videz et
flambez trois ramereaux, coupez-les en deux ou en quatre, faites-
les cuire dans une légère marinade ; un peu avant de servir,
égouttez-les sur un linge blanc, faites-les frire après les avpir
trempés dans une pâte à frire ; qu'ils soient d'une belle couleur,
et servez-les comme les autres marinades.
Ramereaux à Vétouffade. — Videz et flambez trois rame-
reaux, préparez des moyens lardons, assaisonnez - les de sel,
de poivre, de persil et ciboules hachés, d'épices fines et d'arc- .
mates piles et passés au tamis ; il fatft que le basilic domine un
peu; lardez vos ramereaux, marquez-les dans une casserole,
comme il est énoncé à l'article précédent; faites-les cuire; leur
cuisson achevée, dressez-les sur votre plat; tamisez le fond, sau-
cez-les, et servez-les.
Des tourtereaux, — Les tourtereaux sont d'une chair sèche,
mais d'un meilleur goût que les pigeons de volière. Mettez-les
à la broche.
RAMIER. — (V. Pigeon.)
RATAFIA. — (V. Liqueurs.)
RATONNET DE MOUTON. — Coupez des noix de
RAVIGOTE- 943
mouton par tranches^ aplatissez-les, assaisonnez-les de sel, de
poivre, fines herbes, fines épices, persil, ciboules, une pointe
d'ail, un verre d'huile, un jus de citron; laissez -les mariner
deux heures, couvrez ces noix d'une farce de volaille, roulez-
les, embrochez-les dans un hàtelet , mettez une barde de lard
de chaque côté pour empêcher la farce de s'échapper; atta-
cjiez-les à une broche, et arrosez-les en cuisant avec leur mari-
nade mêlée avec un verre de vin blanc ; quand elles sont cuites,
dressez-les sur un plat; mettez dans le dégoût avec lequel
vous les avez arrosées, un peu de jus et de coulis. Dégraissez-le,
servez dessus vos ratons, ou servez-les avec une sauce à l'italienne.
On peut aussi les piquer de lard et les faire cuire de
même ou comme des fricandeaux et tirer leur glace pour mettre
dessus.
On fait de même les ratons de veau et de bœuf après en avoir
mortifié les viandes.
RAVE. — (V. Radis et Raifort.)
RAVIGOTE. — Nom donné à une sauce piquante faite
avec du cerfeuil et de l'estragon hachés ; on y ajoute de la pim-
prenelle, de la ciboule, du sel, du poivre et des quatre épices; on
fait chauffer le tout dans une casserole de terre avec du blond de
veau, du vinaigre, du beurre frais que Ton mélange ensemble
afin de bien lier le tout.
Ravigote à r huile. — Vous hachez les herbes comme il est
indiqué ci-dessus; puis vous les mettez avecde l'huile, du vinaigre,
du sel, du gros poivre, dans du bouillon froid. Remuez longtemps
cette sauce afin de la bien lier.
Vert de ravigote. — Vous prenez une égale quantité de
cerfeuil, de pimprenelle et d'estragon, un peu de ciboulette,
de persil, de cresson alénois et de cresson de santé; vous faites
blanchir le tout sur un feu très-ardent, puis vous faites rafraîchir
ces herbes à grande eau, les pressez et les pilez dans un mortier,
en Y ajoutant un peu de sauce allemande froide; quand le tout
formera une espèce de pâte, vous le passerez dans un tamis en le
pressant avec une cuiller de bois.
Vous vous servez de ce vert de ravigote pour mettre dans les
liaisons, les sauces et les ragoûts.
944 REQUIN.
REINE-CLAUDE. — Excellente prune que Ton cueille au
mois d'août. (V. Prunes, Compotes, Confitures, Marmelade,
Tourtes, Glaces et fruits a l'eau-de-vie.)
REINETTE. — La pomme reinette possède trois variétés :
la blanche ou reinette de France qui est la meilleure espèce de
pommes à cuire, dont la pulpe est très-sucrée et qui est imprégnée
d'un acide qui en relève beaucoup la saveur ; la reinette grise
qui vient après, et enfin la reinette d'Angleterre ou du Canada.
C'est avec la reinette qu'on fait la gelée de pommes à la
manière de Rouen. (V. Gelées, Pâtisseries, Charlottes.)
RÉMOULADE. — Sauce composée d'anchois, de câpres, de
persil et ciboules hachés à part, le tout passé avec du bon jus, une
goutte d'huile, une gousse d'ail et assaisonnement ordinaire.
Rémoulade à la provençale. — Hachez du persil, deux écha-
lotes, un peu d'oignon, pressez-les ensuite dans un linge pour
en extraire les parties aqueuses, hachez aussi des cornichons, des
câpres et un anchois, pilez parfaitement le tout dans un mortier
avec quatre jaunes d'œufs durcis, un peu de persil blanchi, de
l'ail et ajoutez-y un jaune d'oeuf cru quand tout est pilé; versez
presque goutte à goutte dans le mortier la valeur d'un bon verre
d'huile, assaisonnez de sel, poivre, moutarde, une cuillerée à
bouche de bon vinaigre à l'estragon, un jus de citron, et mêlez
bien le tout ensemble.
REQUIN. — Croustade de squalles de V estomac de jeunes
requins. — Ayez quinze estomacs de jeunes requins, mettez-les
tremper vingt-quatre heures, égouttez-les, puis faites- les blanchir
vingt minutes dans une eau légèrement salée; égouttez-les encore
et passez-les à l'eau fraîche, épongez-les ensuite avec une ser-
viette.
Foncez ensuite une casserole de bardes de lard et mettez-y
vos squalles ; ajoutez-y une feuille de laurier des Indes, 2 clous
de girofle, 3 tranches de citron auxquelles vous aurez enlevé la
peau et les pépins; mouillez d'une cuillerée à pot de bon con-
sommé de volaille, 3 onces de beurre, et faites cuire le tout à
petit feu juqu'à entière cuisson.
Au moment de servir, faites une sauce avec une grande cuil-
lerée à pot de suprême, une cuillerée à bouche de Soubîse, deux
^.
RISSOLE.
94)
fortes pincées de kari indien et faites en sorte que votre sauce
réduite ne soit pas trop pâteuse.
Faites ensuite égoutter vos squales, passez-les dans votre
sauce et dressez-les dans votre croustade.
Pour les personnes qui aiment le requin ou qui auraient la
fantaisie d'en manger, nous conseillons cette recette qui nous
est donnée par M. Duglerez, chef de la bouche de la maison
Rothschild, à qui nous devons déjà plusieurs recettes de ce
genre, maïs nous déclarons à Tavance que nous ne pouvons don-
ner notre avis sur ce mets, n'en ayant jamais mangé et n'en ayant
pas Tenvie.
La chair du requin est dure, coriace, maigre, gluanie et
difficile à digérer, ce qui n'empêche pas les Norwégiens et les
Islandais de la faire dessécher et de la faire cuire ensuite pour
la manger. Nous leur recommandons la recette ci-dessus.
Sa graisse a la qualité singulière de se conserver longtemps
et de durcir en séchant comme le lard de cochon; aussi les
peuples susnommés s'en servent au lieu de lard et la mangent avec
leur stockfisch .
RIBLETTE. — Ragoût qu'on prépare sur le gril d'une
tranche déliée de viande de boeuf ou de veau, ou de porc, qu'on
sale et qu'on épice. On apprête les riblettes comme les côte-
lettes.
RISSOLE. — Sorte de pâtisserie faite de viande hachée et
cpicée, enveloppée dans de la pâte et frite dans du saindoux. On
iàit d'abord de petites abaisses en forme de petite pâte ovale, on
les remplit d'un godiveau fait de blanc de chapon, moelle de
bœuf, sel et poivre, le tout bien haché, puis, les rissoles faites ,
on les coniit dans le saindoux.
Rissoles en gras. — Faites une farce avec un blanc de cha-
pon ou un morceau de veau blanchi sur le gril, du persil, ciboules,
un champignon, un peu de jambon cuit, de la mie de pain
trempée dans de la crème, liez avec deux jaunes d "œufs crus,
pilez ensuite le tout dans un mortier, puis faites une abaisse
de feuilletage très-mince, coupez-la en petits morceaux sur les-
quels vous mettez un peu de votre farce, couvrez de même
pâte, soudez les deux abaisses, parez vos rissoles tout autour,
60
946 RISSOLE*
faites frire dans du saindoux bien chaud, et servez pour hors-
d'œuvre ou pour garniture.
Rissoles en maigre. — Vous opérez de la même façon qu'il
est indiqué ci-dessus; vous faites seulement une farce maigre
au lieu d'une farce grasse et vous faites frire.
Rissoles de tétine de veau. — Prenez des tétines de veau
blanchies, coupez-les entières, mettez entre deux morceaux un
peu de farce, soudez avec des œufs et faites frire trempées dans
une pâte légère.
Rissoles à la moelle glacées. — Prenez un peu de crème
pâtissière avec un quart de moelle et de la fleur d'orange ; grillez
du sucre, un peu de crème, trois ou quatre biscuits d'amandes
amères, pilez bien le tout, formez vos rissoles comme il est dit
plus haut, faites-les frire, glacez, et servez chaud pour entre-
mets.
Rissoles de chocolat. — Faites une pâte brisée bien fine ou
de feuilletage, étendez-la bien mince et formez vos rissoles ; faites
une crème pâtissière délicate, râpez-y du chocolat assez pour
qu'elle en prenne le goût, laissez-la refroidir, formez vos rissoles,
peu de pâte, beaucoup de crème, faites frire, glacez à la pelle
rouge ou dans le four, et servez chaud.
On fait des rissoles de café, de safran, de crème, de riz,
d'amandes, pistaches avelines et toi\tes sortes de fruits.
Rissoles d'épinards. — Epluchez bien vos épinards, lavez-les
à plusieurs eaux, faites cuire ensuite dans une casserole avec un
verre d'eau; é gouttez-les, pressez-les, pilez-les dans un mortier
avec un morceau de beurre frais, de l'écorce de citron ^-ert,
quelques biscuits d'amandes amères, un peu de sucre et d'eau de
fleur d'orange, formez ensuite vos rissoles coaune on l'a déjà
dit, faites frire de belle couleur dans une friture maigre; quand
elles sont frites et dressées sur un plat, sucrez-les, glacez-les à la
pelle rouge et servez pour entremets.
Rissoles de marmelade d'abricots. — Vous faites une pâte
brisée avec un litre de farine fine, un quart de beurre, une cuil-
lerée d'eau de fleur d'orange, un peu de citron râpé très-fin,
une pincée de sel, un peu d'eau, formez-en de petites abaisses,
mettez dessus de petits tas de marmelade d'abricots, finissez
RIZ.
947
à Tordinaire, et servez, glacées avec du sucre à la pelle rouge.
Rissoles de champignons et mousserons. — Coupez en dés
les champignons et les mousserons, passez-les sur le feu avec un
morceau de beurre, un bouquet, une tranche de jambon, mettez-
y une pincée de farine, mouillez avec un peu de réduction, deux
cuillerées de coulis, un peu de bouillon et sel, faites cuire ce
ragoût, dégraissez-le, puis, quand il est cuit, liez la sauce, met-
tez-y un jus de citron et laissez refroidir. Faites une pâte brisée,
mettez de petits tas de votre ragoût sur les abaisses, finissez
comme on Ta d^, et servez de même.
RISSOLER. — Action de cuire les viandes ou autres mets
jusqu'à leur donner une couleur rousse.
Le rôti, pour être beau et bien cuit, doit être rissolé. On dit
aussi d'un pain cuit de belle couleur, qu'il est rissolé.
RISSOLETTES. — Elles se font avec toutes sortes de
viandes cuites hachées menu, avec un peu de graisse de bœuf ou
de veau, du lard, sel, poivre, persil, ciboules, échalotes, trois
jaunes d'oeufs ; dressez de cette farce sur de petites rôties de pain,
et servez chaud pour hors-d'œuvre.
RIZ. — Originaire de TOrient, le riz est après le pain la
nourriture la plus saine, la plus abondante et la plus universelle-
ment connue. Les peuples de l'Asie, de l'Afrique et de l'Amérique
en font une consommation considérable et s'en trouvent fort
bien; dans beaucoup de pays de ]*Europe, le riz est aussi fort
en usage. On fait encore dans certains pays un vin de riz d'une
couleur blanche atnbrée et d*un goût aussi agréable que le vin
d'Espagne : cette boisson enivrante est très en usage à la Chine,'
où le riz est la base de la nourriture des habitants.
Le riz que nous consommons en France nous vient de l'Italie,
du Piémont et de la Caroline.
Ril soufflé. — Préparez une once ou deux de riz, faites-le
-crever dans du lait avec un peu de zeste de citron, du sel et un
peu de beurre, mouillez-le petit à petit pour qu'il se maintienne
ferme, ajoutez-y deux cuillerées de sucre en poudre; votre riz
crevé et réduit, mettez-y des jaunes d'œufs les uns après les
autres, faites-les prendre sans les laisser trop cuire, fouettez les
blancs que vous mêlerez avec votre appareil, dressez votre soufflé
94^ RIZ.
sur un plat, mettez-le au four ou sous un four de campagne,
glacez-le de sucre en poudre lorsqu'il commencera à prendre
couleur, laissez-le s'achever de se cuire et de se glacer, et servez-
le. Mettez le soufflé dans un bol d'argent, cernez-le autour avec
un couteau afin de lui laisser Taisance de monter, glacez et
servez.
Gâteau de r/ç à la bourgeoise. — Lavez et faites blanchir
250 grammes de riz, faites-le crever dans un peu de lait que vous
aurez fait bouillir avec le zeste d'un citron, mouillez ce riz petit
à petit et maintenez-le ferme, laissez-le ensuite refroidir, incor-
porez-y une douzaine de macarons, dont six amers, une pincée
de sel fin, 125 gr. de sucre, quatre œufs entiers et les jaunes de
quatre autres dont vous conserverez les blancs. Beurrez une cas-
serole, égouttez-la, saupoudrez-la de mie de pain, fouettez vos
quatre blancs d'œufs, incorporez -les légèrement dans le riz, ver-
sez-le dans une casserole qui devra vous servir de moule, met-
tez-le au four une demi-heure ou trois quarts d'heure avant de
servir, dressez- le, sa cuisson achevée, et servez-le de suite; les
macarons en poudre.
Les gâteaux de vermicelle ou de semoule se font de la
même manière, excepté que vous ne faites pas crever ces
pâtes.
Vous pouvez masquer votre gâteau ou servir à proximité de
cet entremets une sauce composée de la manière suivante :
Mettez dans une casserole la moitié d'une cuillerée abouche
de fleur de farine délayée avec de la crème, une cuillerée à café
d'eau de fleur d'oranger, un peu de sel, une cuillerée à bouche de
sucre fin et un peu de beurre, mettez cet appareil sur le feu, faites-
le cuire en le tournant, puis masquez-en votre gâteau en le tirant
du four.
i?i\ au lait d'amandes, — Nettoyez votre riz et mettez-le dans
une casserole avec un peu d'eau, ajoutez un grain de seK un
peu de zeste de citron, deux feuilles de laurier amande, et faites
cuire à petit feu; pilez ensuite 250 grammes d'amandes que
'vous humectez en pilant avec une cuillerée d'eau afin qu'elles
ne tournent pas en huile; lorsqu'elles sont bien ,pilées, vous les
passez dans une serviette, en pressant fortement; mettez du sucre
RIZ. 949
dans votre riz, mouillez-le avec ce lait d'amandes et achevez de
le faire cuire à petit feu.
Otez, avant de servir, le citron et le laurier.
Ri^ aux pommes à la bonne femme. — Préparez du riz comme
pour un gâteau, en employant des œufs entiers battus, beurrez
une casserole et mettez deux doigts de ce riz au fond de cette cas-
serole et autant autour, remplissez l'intérieur avec des quartiers
de pommes en compote. Couvrez avec du riz et faites cuire comme
le gâteau.
Turban de pommes au ri:{. — Garnissez de 250 grammes de
riz cuit un moule légèrement beurré; placez dans l'intérieur six
pommes coupées par quartiers et cuites au sirop, renversez
ensuite le moule sur le plat d'entremets, enlevez-les, placez à
Tentour, et un peu inclinés, les quartiers de pommes cuites blan-
ches et ornez-les avec des grains de raisin de Corinthe. Vous
placez à l'entour du haut du riz et droites de petites bandes rondes
de riz que vous aurez teintées d'un beau rose ou vert-pistache
très- tendre, ou si vous préférez vous placez tout simplement des
filets d'angélique; servez votre entremets après avoir versé autour
le sirop de pommes.
Chose extraordinaire, j'en ai mangé sur les bords du
Volga.
Corbeille de r/;f garnie de petits fruits. — Vous dressez
votre riz sur le plat en forme de corbeille après l'avoir préparé
comme il est indiqué ci-dessus, vous ornez cette corbeille d'une
mosaïque de petits filets d'angélique, puis vous garnissez le tour
du pied de petites colonnes de pommes, vous groupez dans la
corbeille de petits fruits disposés avec douze pommes de reinette
bien saines de manière à imiter des poires, des abricots, des
figues et des petites pommes d'api ; vous colorez les figues après
la cuisson avec un peu de vert, mais pas d'essence d'épinards, les
abricots avec une petite infusion de safran et les pommes d'api
avec un peu de carmin; puis vous placez dans les fruits, pour imi-
ter des grappes de raisin, de petites parties de riz dans lesquelles
vous fichez des moyeifs grains de muscat ; pour former une
grappe de ce fruit, vous en groupez une autre de raisins de Co-
rinthe et vous placez enfin, entre tous ces fruits, des feuilles de
950 RIZ.
biscuit aux pistaches, d'angélique en losange ou de riz teint d'un
vert tendre.
Ri!( en timbale glacée, — Vous foncez légèrement de pâte
fine un moule d'entremets, ensuite vous masquez la pâte avec les
trois quarts de riz ; versez dans le milieu huit pommes de rei-
nette coupées par quartiers que vous aurez fait cuire avec deux
onces de sucre, deux de beurre d'Isigny et deux cuillerées de
marmelade d'abricots. Couvrez le tout du reste de riz et d'une
abaisse de pâte; mettez ensuite la timbale au four doux, faites-
lui prendre couleur blonde, renversez-la sur le plat, enlevez le
moule, glacez la surface avec de la marmelade d'abricots transpa-
rente et servez.
Ri{ en croustade et meringué. — Dressez et décorez une
croustade de pâte fine, cuisez-la de belle couleur, préparez six
onces de riz et huit belles pommes tournées et cuites très-blanches.
Dégarnissez la croustade de la farine que vous y avez mise pour
cuire, versez-y la moitié du riz que vous élargissez et placez des-
sus les pommes que vous aurez garnies intérieurement d'abricots.
Couvrez-les avec le reste du riz que vous unissez, puis mettez
l'entremets au four doux; fouettez deux blancs d'œufe, mêlez-les
avec deux cuillerées de sucre en poudre, formez-en une grosse
meringue, saupoudrez-la de sucre fin et placez-la sur un bout
de planche ; mettez-la au four, donnez-lui belle couleur, retirez
l'entremets que vous masquez avec le sirop, glacez la croûte de
votre croustade et servez de suite. Cette préparation faisait les
délices d'Alice Ozy, à Saint-Germain.
Rt!( à la turque. — Lavez et blanchissez 248 grammes de
riz Caroline, faites-le cuire un peu ferme avec quatre verres
de lait, un quart de sucre sur lequel vous aurez râpé le zeste
d'un citron, un quart de beurre d'Isigny, six onces de raisin de
Corinthe bien lavé et un grain de sel; vous ôtez le riz du feu
quand il est crevé, vous y mêlez huit jaunes d'œufs, vous le versez
dans une casserole d'argent ou dans une croustade et le mettez
au four doux pendant vingt minutes. Vous le saupoudrez
ensuite de sucre fondu au fer à glacer pour donner à la surface
du riz une belle couleur rougeâtre, et vous servez de suite.
Ri:{ à la turque (autre méthode). — Choisissez 500 grammes
RIZ. 951
de bon riz que vous lavez à plusieurs eaux, égouttez-le et met-
tez-le dans une casserole et faites-le crever avec du bon con-
sommé; il faut le mouiller très-peu. Votre riz à moitié cuit,
joignez-y un peu de safran en poudre, un morceau de beurre
fin, de la moelle de bœuf fondue et un peu de glace dp volaille ;
maniez le tout ensemble et servez dans une soupière ou sur un
plat avec du consommé clarifié.
Ri:( À l'indienne. — Vous préparez votre riz en y joignant
le tiers d'un verre de rhum et une petite infusion de safran, afin
de le colorer d'un beau jaune; servez-le glacé comme il est indi-
qué plus haut et dans une casserole d'argent.
/îijf à la française. — Lavez et blanchissez du riz et faites
le cuire avec du beurre fin, du sucre en poudre et du lait;
mèlez-y ensuite quelques macarons amers, un peu de fleur
d'oranger, pralines en feuille, de l'écorce d'orange confite et
coupée en dés, une vingtaine de cerises confites coupées en deux
et autant de gros raisins de Muscat bien épépinés et quelques
filets d'angélique confite. Finissez ce plat comme il est indiqué
ci-dessus, et servez avec une sauce liée au vin d'Alicante ou de
Val-de-Penas.
JRis[ à la Ristori. — Vous faites crever une livre de riz
bien lavé. Vous râpez une demi-livre de lard, puis vous émincez
un chou de Milan et vous le faites suer avec le lard, du sel, du
poivre, persil, quelques graines de fenouil; quand le chou a été
étouffé pendant trois quarts d'heure, vous mettez le riz dedans
avec très-peu de mouillement afin qu'il soit à peine couvert,
vous le laissez cuire un quart d'heure et vous le servez avec du
fromage de Parmesan râpé.
Ri^ à la Cochinat. — Dépecez deux poulets, passez-les au
beurre, mais ornés d'un bon bouquet garni de deux clous de
girofle, de petits piments enragés bien écrasés ou piles et d'une
pincée de safran. Mouillez vos poulets avec du bouillon en y
ajoutant trente oignons émincés le plus également possible, en
observant d'en retirer les bouts et les cœurs, faites frire vos
oignons bien blancs, égouttez-Ies et mettez-les cuire avec vos
poulets en faisant bouillir le tout à grand feu ; lavez une livre
de riz, faites-le blanchir, faites-le cuire dans de l'eau de manière
952 RI/.
qu'il soit à peine crevé, servez vos poulets dans une terrine,
votre riz dans une autre, ne dégraissez pas vos poulets; aTez soin
que leur sauce soit un peu longue sans être liée.
Ri^ au beurre^ aux pommes et aux raisins de Corinthe. —
Faites cuire 360 grammes de riz comme il est indiqué, joignez-y
du raisin de Corinthe parfaitement lavé, tournez ensuite douze
pommes d'api que vous coupez par quartiers et que vous faites
cuire avec du beurre fin, du sucre en poudre et de la marmelade
d'abricots.
Vous beurrez ensuite légèrement un. moule à cylindre et
vous le garnissez avec le riz que vous renversez aussitôt sur un
plat; vous glacez ce riz de marmelade d'abricots, vous versez
dans le cylindre les quartiers de pommes tout bouillants et vous
servez de suite.
Gâteau de ri{ au caramtL — Vous préparez le riz de la
manière accoutumée, mais vous faites cuire le sucre au caramel et
y mêlez une cuillerée de fleur d'oranger pralinée. Lorsqu'il est
froid, vous le faites dissoudre avec un demi-verre d'eau bouil-
lante et le versez ensuite dans le riz que vous moulez comme le
précédent; puis, après l'avoir renversé sur son plat, vous le gla-
cez de sucre en poudre que vous faites fondre en posant dessus le
fer à glacer, ce qui donne une couleur brillante au gâteau que
vous servez le plus promptement possible.
On peut, au lieu de glacer ce gâteau, le masquer de mar-
melade d'abricots et semer par-dessus des macarons amers pulvé-
risés.
Tous ces gâteaux sont de fort jolis entremets.
Ri!{ à la chancelière. (Recette de la présidente Fouquet.) —
Mettez dans une grande huguenote de terre, qui doit être plus
haute que large, une demi-livre de riz bien lavé à six eaux
tièdes, une demi-livre de sucre en poudre, un quarteron de beurre
tout frais, trois cuillerées de miel blanc, une petite cuillerée de
fine poudre de cannelle et puis entin deux pintes de lait très-
nouveau; enfournez la huguenote en mettant le pain au four et
laissez-y cuire le riz jusqu'à l'heure où on défournera le gros
pain de douze livres. Notez bien qu'il faut que le haut du \*a$e
soit assez vide et longuement exhaussé pour que le lait, en Louil-
ROGNON. 953
lant par la grande chaleur du four, ne puisse sortir de la hugue-
note et se trouve obligé de retomJ>er toujours sur le riz. Madame
la chancelière de Pontchartrain a vécu longtemps de cette nour-
riture agréable aussi bien que légère et très-salubre aux inflam-
mations de poitrine et d'estomac.
ROAST-BEEF ou ROSBIF. — (V. Bœuf.)
ROBINE. — Nom d'une excellente poire connue aussi sous
les noms d'averaty de muscat d'août et de royale.
ROCAMBOLE {échalote d'Espagne). — Espèce d ail qui
croit naturellement dans les contrées méridionales de l'Europe.
On la rencontre aussi en Allemagne, en Hongrie, en Danemark.
Les bulbes sont employées dans la cuisine comme assaisonnement^,
elles sont plus douces que celles de l'ail commun; on sert aussi
sur la tablc; pour être mangées crues, les petites bulbes qui se
trouvent parmi les fleurs.
La rocambole de France ayant presque toujours un goût de
verdeur et d'àcreté très-prononcé, il faut avoir bien soin de la
faire blanchir avant de s'en servir.
ROGNON. — C'est sous ce nom que l'art culinaire s'est
emparé des reins des animaux; la saveur urineuse qui les carac-
térise est ce que recherchent les amateurs de cette sorte de mets.
La chair des rognons a cela de particulier qu'elle ne s'atten-
drit jamais par la cuisson; ils sont ordinairement d'une substance
molle et compacte qui les rend difficiles à digérer et produit des
obstructions; il y a cependant quelques jeunes animaux dont
les reins sont assez tendres et d'un bon goût, tels que ceux
des agneaux, des veaux, des cochons de lait et de quelques
autres.
Les rognons de bœuf étant toujours un peu pierreux et la
substance étant pourvue d'une saveur trop forte, nous ne con-
seillons pas à nos lecteurs d'en abuser.
Rognons de mouton aux mousquetaires. — Prenez des
rognons, ôtez-en la graisse, fendez-les en deux, embrochez-les à
des brochettes, assaisonnez-les de sel, poivre, un peu d'échalotes
hachées bien menu. Frottez une casserole de beurre, lard ou
graisse, arrangez-y vos rognons, me!tez-les un instant sur le feu
ou sur des cendres chaudes, feu dessus et dessous, laissez-les seu-
954 ROGNON.
lement un instant, cela suffit pour leur cuisson, dressez-les dans
un plat, mettez un peu d'eau dans la casserole où ils ont cuit, un
peu de mie de pain, sel, poivre, une pointe de vinaigre, jetez vos
rognons dessus, et servez pour hors-d œuvre.
Rognons de mouton à la brochette honorifique. — Mouillez
une douzaine de rognons de mouton, fendez'les légèrement à
Topposé du nerf, ôtez les peaux qui les enveloppent et achevez
de les fendre sans les séparer; passez au travers, de quatre en
quatre, une brochette de bois en sorte qu'ils ne puissent se
refermer, trempez-les dans du beurre fondu, panez-les, faites-
les griller en les retournant à propos; quand ils sont cuits,
retirez les brochettes, dressez-les sur un plat, mettez dans
chacun un peu de maître d'Mtel froide, faites chauâèr votre plat
et exprimez dessus le jus d'un citron.
Rognons de mouton au vin de Champagne. — Supprimtfz la
graisse et les iibres d'une douzaines de rognons de mouton et
émincez-les, mettez du beurre dans une casserole, ajoutez-y vos
rognons assaisonnés de sel, poivre, muscade, persil haché et
champignons, faites sauter à grand feu, puis, lorsqu'ils sont
roidis, vous y mettez un peu de farine et d'Aï bouilli avec deux
cuillerées d'espagnole réduite, remuez sur le feu sans laisser
bouillir, et au moment de servir, joignez-y un peu de beurre fin
et un jus de citron, et servez avec des croûtons.
Rognons de mouton glacés. — Piquez-les d'un lard très-
rin sans ôter la peau, enfilez-les dans des brochettes et attachez-
les à la broche avec un papier beurré sur l'endroit qui n'est pas
piqué, et, quand ils sont cuits à propos, servez avec une sauce à
l'espagnole ou toute autre.
Rognons de mouton sur le gril. — Ouvrez les rognons par
le milieu, passez au travers une petite brochette, assaisonnez-les
de sel, poivre, et faites griller; quand ils sont cuits, servez-les
avec une sauce à l'échalote. Tous les rognons de mouton sont
bons à toutes sauces, pourvu qu'ils soient saignants.
Rognons marines. — Prenez des rognons de mouton et ftn-
dez-les en deux sans les séparer, faites-les mariner avec un peu
d'huile, persil, ciboule, une pointe d'ail, le tout haché très-fin;
ajoutez thym, laurier, basilic en poudre, sel, fines épices.
ROGNON. 9JJ
Quand ils auront pris goût dans la marinade, vous les passez
comme les autres dans des petits hàtelets, les trempez dans leur
marinade, les panez de mie de pain, vous les faites griller en
les arrosant de temps en temps avec leur marinade, et vous les
servez avec une sauce à l'échalote dessous.
Rognons de mouton en ragoût. — Faites blanchir les rognons,
ôtez-en la petite peau, piquez- les de gros lard, passez-les à la
poêle avec bon beurre, persil, ciboules ; empotez-les après avec
bon bouillon, sel, poivre, clous, champignons, morilles, palais
de bœuf, marrons, un bouquet de iines herbes et un coulis de
bœuf, et servez pour entremets.
Rognons de mouton aux concombres, — Faites cuire vos
rognons dans des bardes de lard, laissez-les refroidir, émincez-
les et mettez-les dans un ragoût de concombres au roux ou à la
béchamel.
Rognons de mouton sautés, — Fendez douze rognons pelés et
servez cru. Nous devons à l'obligeance de notre ami Nadar cette
recette primitive.
Cependant, si vous le préférez, posez-les sur un sautoir avec
beurre fondu, sol et poivre; faites aller à grand feu. Quand ils
sont roidis d'un côté, retournez-les et faites-les cuire de l'autre;
retirez-les, dressez-les sur un plat avec autant de croûtons de
pain passés au beurre. Mettez dans votre sautoir un morceau de
graisse, deux cuillerées d'espagnole réduite, faites bouillir votre
sauce, iinissez-la avec du beurre fin et un jus de citron, saucez
vos rognons, et servez.
Rognons de bœuf à l'oignon, — Passez des tranches d'oignon
dans une casserole avec un morceau de beurre; lorsqu'il est à
moitié passé, mettez-y votre rognon de bœuf coupé très-mince,
assaisonnez de sel et poivre, ne mouillez qu'avec le jus que cela
rendra, ajoutez un filet de vinaigre et de la moutarde, et servez
pour hors-d'œuvre.
Rognons de bœuf à la poêle, — Passez votre rognon bien
émincé dans une poêle avec persil, ciboule, échalote, sel et
poivre. Otez les rognons lorsqu'ils sont cuits, mettez dans la
sauce un verre de vin et un peu d'eau, liez avec trois jaunes
d'œufs et servez pour hors-d'œuvre.
9^6 ROSSOLIS.
Rognons de veau sautés, — Emincez des rc^nons de veau
dont vous aurez ôté les peaux et la graisse. Mettez-les sur un
plat à sauter avec du beurre, sel, poivre, muscade, échalote et
persil hachés et champignons cuits; faites-les sauter sur un feu
très-ardent. Ajoutez un peu de farine, du vin blanc, quelques
cuillerées de sauce espagnole réduite, puis, au moment de servir,
mettez dans les rognons un peu de beurre bien frais et un jus
de citron.
Si vous faites cuire vos rognons de veau à la broche ou au
four, vous leur laisserez leur graisse.
Les rognons d'agneau et les rognons de coq reçoivent aussi
des préparations que nous avons indiquées à leur article.
ROQUEFORT (Fromage de). — Fromage qui se fabrique à
Roquefort en Rouergue, dans TAveyron.
Ce fromage est composé d'un mélange de lait de chèvre et
de brebis, chauffé et mis en présure et en forme ; on entoure
ensuite chaque petite masse de sangles pour les empêcher de se
fendre, et on le dessèche dans des caves où règne un courant
d'air très-vif, puis on le sale en le couvrant d'une couche de sel
et en en empilant plusieurs les uns sur les autres, au bout de
trois ou quatre jours de salaison; on les laisse s'affiner en ayant
soin de les gratter et nettoyer toutes les fois qu'ils montrent un
duvet plus ou moins coloré; dès que ce duvet ^st rouge et blanc,
ces fromages sont bons à manger : c'est habituellement au bout
de trois à quatre mois de cave.
Nous recommandons le fromage de Roquefort, qui passe
avec raison pour le meilleur de tous nos fromages secs.
ROSSIGNOL. — Le rossignol a beau nous charmer par son
chant mélodieux, celçi n'empêche pas nos cruels chasseurs de le
tuer pour sa chair, qui ne le cède en délicatesse qu'au bec-tigue.
On rapporte que LucuUus, dans un repas somptueux, fit senîr
plusieurs plats composés d'une très-grande quantité de cenelles
de rossignols : mets exquis s'il en fut.
ROSSOLIS. — Liqueur agréable qu'on buvait ordinaire-
ment à la iin des repas au siècle dernier. En voici la recette :
Mettez dans une bouteille de verre une pinte d'esprit-de-
vin ou de bonne eau-de-vie avec douze clous de girofle, trois
ROTI.
9)7
brins de poivre long, un peu d'anis vert et de coriandre cassée.
Laissez tremper le tout environ deux heures et passez-le dans
un linge; faites cuire du sucre à soufflé, retirez-le du feu,
mettez-y votre esprit-de-vin, remuez-le bien avec une cuiller,
passez-le ensuite dans une chausse, mettez au fond de cette
chausse une douzaine d'amandes douces et non pilées. Si vous
le voulez meilleur, pilez dans un mortier un grain de musc et
deux grains d'ambre avec un peu de sucre en poudre. Mettez le
tout dans un peu de coton ou dans de Tétoupe, arrachez-le à la
pointe de la chausse, et passez votre liqueur deux ou trois fois.
Rossolis ou liqueur parfumée. — Faites bouillir deux pintes
d'eau et deux livres de sucre jusqu'à diminution d'un quart,
versez-y ensuite deux cuillerées d'eau de fleurs d'oranger, faites
bouillir encore un peu, jetez-y un blanc d'oeuf fouetté avec la
coquille rompue, remuez bien ce blanc d'œuf dans votre
liqueur, ôtez-la du feu quand elle commence à bouillir, passez-
la plusieurs fois dans la chausse, clarifiez-la, versez-y de bonne
eau-de-vie à discrétion, suivant la force que vous voulez lui
donner, versez-y enfin de l'essence d'ambre ou d'hypocras, plus
ou moins, suivant votre goût.
ROTI. — Viande cuite à la broche et au four. Le rôti, dans
les repas réglés, se sert au second service. Le gros rôii est la
grosse viande rôtie, telle que bœuf, veau, gigot de mouton, etc.;
le petit rôti est la volaille, le gibier et les petits pieds.
Quelques personnes regardent les viandes rôties comme
moins saines et moins nourrissantes que celles qui sont bouillies.
« Le feu, disent-ils, venant à agir d'une manière immédiate sur
les viandes que l'on rôtit, en dissipe toute l'humidité qui les
rendait si saines, il en dessèche les fibres, et, concentrant ce qui
n'a pu se dissiper du suc de ces viandes, il le fermente et l'exalte
au point d'en développer tous les sels et d'en former un suc
salin et spiritueux, propre à fermenter le sang et à exalter
la bile.
« Les viandes bouillies, au contraire, toujours suivant ces
mêmes personnes, ne reçoivent l'action du feu qu'au travers de
l'eau, qui la modère et la corrige; c'est une sorte de bain-marie;
ce n'est plus un feu sec et ardent qui brûle, c'est une chaleur
958 ROTI.
douce et modérée qui cuit sans durcir et pénètre sans dessé-
cher. Or rien ne ressemble si bien aux digestions qui se font
dans le corps et n'y dispose mieux les nourritures qu'on lai
prépare.
« Enfin, le rôti donne peut-être plus de vigueur parce qu'il
remue davantage les esprits et qu'il afFecte plus agréablement
la langue, mais il fournit moins de suc nourricier, parce que
l'ardeur immédiate du feu lui en a enlevé davantage. »
C'est une erreur : rien n'est plus capable, au contraire, de
dépouiller la viande de son suc que l'eau. L'eau est le plus
puissant dissolvant; il vide les pores de la viande, la rend propre
à se charger de toutes sortes de sels et à se remplir de ce qu'il y a
soit de plus spiritueux, soit de plus huileux, soit de plus terrestre
dans le corps. On dissout plus de mixtes et on tire plus de
sucs par les dissolvants aqueux que par les autres. Comment
donc la viande, lorsqu'elle sera longtemps dans l'eau bouillante,
n'y perdrait-elle pes la meilleure partie de son suc? Elle l'y perd
si bien, que le bouillon en tire toute la gelée : c'est donc une
erreur, nous le répétons, de prétendre que la viande bouillie est
plus nourrissante, et si le rôti a plus de goût que le bouilli,
c'est, comme a dit un savant médecin du dernier siècle, parce
qu'il a encore tout son suc, au lieu que la viande bouillie a
perdu une partie du sien par le moyen de l'eau.
Les viandes que Ton fait rôtir ne doivent pas être saisies
trop brusquement par le feu, pas plus qu'elles ne doivent
languir. Les viandes noires doivent rester rouges afin de
conserver tout leur jus, mais les viandes blanches exigent une
cuisson plus égale, et la moindre teinte rosée doit avoir disparu.
Quant à fixer une règle bien certaine à l'égard de la cuisson
des viandes rôties, c'est assez difficile; car cela dépend toujours
de la qualité et de la quantité des viandes que l'on fait rôtir; il
y a cependant deux choses essentielles à considérer dans les
procédés qu'on doit suivre pour bien faire rôtir : d'abord la
manière d'établir et de conduire le feu, ensuite la qualité des
viandes, qu'il faut traiter différemment suivant qu'elles sont
blanches ou noires.
Nous empruntons à M. A. Coque, auteur de la Cuisine
ROTI. 95^9
française^ la manière de rôtir les viandes noires et les viandes
blanches.
Manière de rôtir les viandes noires et les viandes blanches.
— Les viandes noires telles que le bœuf et le mouton demandent
à être vivement saisies. Il faut pour ces viandes un feu clair,
principalement établi aux deux bouts de la broche. Ne hâtez pas
trop cependant la cuisson, mais conduisez votre feu de manière
à diminuer graduellement la chaleur. Une grosse pièce, par
exemple un rôti de bœuf ou de mouton pesant trois ou quatre
kilogrammes, exigera une heure ou une heure et demie de cuis-
son. Les signes auxquels on reconnaît que la cuisson est arrivée
au point convenable sont : i® une certaine résistance que la viande
oppose au doigt qui la touche; 2* une petite fumée qui s'en
échappe ; 3* quelques gouttelettes de sang qu'elle commencé à
laisser tomber. Les viandes noires s'arrosent d'elles-mêmes, c'est-
à-dire avec leur propre jus. Ne jamais les arroser. (Le contraire
des viandes blanches.)
Les viandes blanches, telles que le veau, l'agneau, la dinde
et les autres volailles se traitent d'une manière toute différente.
Elles veulent aussi être arrosées de temps en temps de beurre,
parce qu'elles ne rendent pas autant de jus que les viandes noires
et qu'elles se dessécheraient facilement. On reconnaît que les
viandes blanches sont arrivées à point parfait de cuisson, lors-
qu'elles deviennent tendres sous le doigt qui les interroge et
qu'elles laissent échapper une petite fumée. Du reste, il suffit
d'avoir acquis un peu d'expérience pour savoir faire rôtir conve-
nablement les viandes blanches; à cet égard une cuisinière,
d'abord inexpérimentée, peut devenir, après quelques mois de
pratique, aussi habile que le cuisinier qui a déjà vieilli dans
l'exercice de sa profession. Mais il n'en est pas de même des
viandes noires. Le vrai talent du rôtisseur se décèle dans la
manière de bien cuire ces viandes, qui doivent conserver tout
leur jus jusqu'au moment où elles paraissent sur la table et se
séparer sous le tranchant du couteau en morceaux tendres et
succulents.
Temps qu'exigent les divers rôtis. — En traitant des viandes
de boucherie (bœuf, mouton, veau, etc.), de la volaille et du
960 ROTI.
gibier, nous avons eu l'occasion de donner quelques conseils qui
s'appliquaient plus particulièrement à chacune de ces viandes, et
nous avons indiqué aussi exactement que possible pour chacune
d'elles le temps qu'exigeait leur cuisson, en admettant toujours
qu'on se serve d'une broche etqu'on ait un feu bien soutenu. Avec
l'appareil appelé cuisinière et placée devant le feu, il faut moins
de temps; avec le même appareil et une coquille qui renferme le
feu, il faut moins de temps encore. Dans certaines cuisines on a
adopté la broche et le feu dans une coquille convenablement dis-
posée à cet effet, c'est peut-être le meilleur système.
PIÈCES A ROTIR temps oc la cvii>os.
Pièce de bœuf de 2 kilogr. 1/2 i heure r/2
Pièce de bœuf de 5 kilogr 2 heures 1.2.
Pièce de veau de 2 kilogr 1 heure.
Pièce de mouton (gigot ou épaule) de 2 kilogr i heure.
Id. id. de 3 kilogr. .... i heure 1/2.
Pièce d*agneau, gros quartier i heure.
Id. petit quartier 3 quarts dlieure.
Pièce de porc frais de 2 kilogr 2 heures.
Cochon de lait 2 heures i '2.
Chapon ou pouhrde i heure.
Poulet 3 quarts d*heure.
Dinde i heure 12.
Pigeon I demi-heure.
Canard 3 quarts d*heure.
Caneton i demi-heure.
Oie grasse i heure x/4.
Faisan 3 quarts d*heure.
Perdreau i demi-heure.
Bécasse i demi-heure.
Alouettes bardées 20 minutes.
Chevreuil, gros quartier 3 heures.
Lièvre i heure 1/2.
Levraut i demi-heure.
Lapereau i demi-heure.
Rôti â ^impératrice. — L'f cochon à la troyenne, à Tint.'-
rieur duquel on fait entrer des bec-figues, des huîtres, des grives,
le tout en quantité et arrosé de bon vin et de jus exquis et que
le Sénat romain fut obligé de défendre par une loi somptuaire à
cause de sa cherté, doit cependant céder le pas à ce plantureux
rôri dont la recette suit :
ROTIES. 961
On ôte le noyau d'une olive, on le remplace par un filet
d'anchois; le fruit ainsi bourré se met dans une mauviette, laquelle
à son tour entre dans une caille que renfermera une perdrix
qui devra se cacher dans les flancs d'un faisan. Le faisan dispa-
raîtra à son tour dans le sein d'une vaste dinde, dont un cochon
de lait deviendra la retraite; on fera rôtir le tout, et le tout bien
rôti vous offrira pour résultat la quintessence de l'art culinaire,
le chef-d'œuvre de l'art gastronomique. Ne croyez pas cependant
que ce mets doive servir en entier : les gourmands ne mangent
que l'olive et le filet d'anchois, et cette olive ne revient pas à
moins de 500 francs.
ROTIES. — Tranches de pain qu'on fait rôtir et sur lesquelles
on sert différentes substances maigres ou grasses.
Rôties de rognons de veau. — La longe de veau étant cuite,
tirez-en le rognon, hachez-le avec sa graisse, un peu de persil,
de l'écorce de citron vert, du sucre en proportion, pilez le tout
dans un mortier; coupez de petites tranches de pain de la lon-
gueur de deux doigts, mettez un peu de farce sur chacune, beur-
rez le fond d'une tourtière et arrangez-y vos rôties. Mettez-les
au four ou sous un couvercle pour leur faire prendre cuoleur,
quand elles sont cuites, sucrez-les et glacez-les avec la pelle
rouge, dressez-les proprement sur un plat et servez pour entre-
mets ou garniture. #
Rôties à la Richelieu. — Faites un salpicon de ris de veau,
crêtes et fonds d'artichauds coupés en dés, passez des champi-
gnons en dés, mouillez de jus, mettez-y le salpicon, faites cuire
le tout avec du blond de veau, assaisonnez et liez sur la fin avec
des jaunes d'œufs, peu de sauce ; laissez refroidir, garnissez en-
suite vos rôties, frottez-les d'œufs battus, faites frire et servez
avec une sauce au blond de veau réduit.
Rôties de chapon. — Faites une farce de chair de chapon,
mêlez-y du sucre et de l'écorce de citron vert, faites cuire et gla-
cer comme les précédentes et servez de même.
Rôties à Vanglaise. — Coupez en petits dés deux ris de
veau blanchis avec champignons et jambon, passez-les avec un
morceau de beurre et un bouquet, mouillez avec du jus et du
bouillon^ liez ce ragoût lorsqu'il tsX cuit avec du coulis, dégrais-
61
5^a
ROTIES.
sez-le, laissez réduire la sauce presque à sec, liez-le encore de
trois jaunes d'œufs, mettez sur des tranches de pain coupées en
rôties autant de ragoût qu'il en peut tenir, arrrangez de petits
œiifs sur le ragoût, dressez vos rôties, unissez-les avec la lame
d'un couteau trempé dans Tœuf battu, faites-les frire dans une
friture bien chaude et servez à sec ou avec une essence.
Rôties de concombres. — Coupez des concombres en dés,
faites-les mariner une heure avec sel, poivre, vinaigre, pressez-
les ensuite et passez-les avec un morceau de beurre, ciboule
et persil, mouillez de jus et de bouillon, faites réduire, liez le
ragoût avec trois jaunes d'oeufs et laissez refroidir, mettez encore
deux jaunes d'œufs, étendez les concombres sur des tranches de
pain, unissez-les avec un œuf battu, panez-les, faites-les frire de
belle couleur et servez avec une essence.
Rôties d'épinards, — Faites blanchir des épinards, pressez-
les et passez-les au beurre, mouillez de bouillon et de coulis,
faites réduire jusqu'à ce qu'ils soient à sec, tournez toujours avec
une cuiller afin qu'ils ne brûlent pas, et laissez-les refroidir.
Coupez des tranches de pain comme de coutume, étendez dessus
les épinards, unissez-les avec de l'œuf battu, panez-les, faites-
les frire de belle couleur et servez avec une bonne essence d'épi-
nards.
Q^utres rôties aux épinards, — I^vez les épinards dans plu-
sieurs eaux, faites-les blanchir dans l'eau bouillante, et mettez-les
ensuite égoutter, pressez-les bien, hachez-les ensuite. Mettez-les
dans une casserole avec du raisin de Corinthe, écorce de citron
confit, sucre en poudre, un peu de sel et de muscade, trois œuls
entiers et cinq jaunes crus, un peu de crème ; mêlez bien le tout
ensemble et faites-le dessécher sur le feu; ôtez-le ensuite, ajou-
tez d'abord deux œufs entiers et un peu après deux autres œuft
avec un peu de vin des Canaries, que vous mêlez bien ensemble;
farinez le fond d'un plat, étendez la farce dessus comme une
crème froide et laissez-la refroidir, coupez-la ensuite par mor-
ceaux de la longueur du doigt, faites frire ces morceaux dans du
beurre fondu bien chaud ; quand ils sont frits, poudrez-les de
sucre fin et glacez-les à la pelle rouge; faites ensuite une
sauce avec un peu de beurre, du vinaigre et du vin des Canaries,
ROTIES. 963
que vous jetez dessus avec un jus d'orange, et servez comme
entremets.
Rôties de haricots verts, — Faites cuire des haricots verts
avec de l'eau et du sel, passez-les avec un morceau de beurre,
persil, ciboule, hachis. Mouillez-les avec du bouillon, assaison-
nez de sel et poivre ; liez-les avec du coulis, faites réduire la
sauce, ajoutez-y trois jaunes d'œufs, faites lier sur le feu sans
bouillir, laissez refroidir, ajoutez encore deux jaunes d'oeufs et
liez bien le tout; étendez ces haricots sur des morceaux de pain
coupés en rôties, unissez-les avec de Toeuf battu, panez-les,
faites-les frire de belle couleur et servez pour entremets.
Rôties de bécasses. — Hachez la chair et le dedans des
bécasses avec sel et poivre, lard fondu, mêlez et pilez le tout
ensemble, faites vos rôties comme à l'ordinaire, e^ mettez-les
cuire à petit feu dans une tourtière, servez-les quand elles sont
cuites avec un jus de citron. (Retirez le noyau, mais ne videz
pas.)
Rôties de/oies gras. — Passez les foies gras à la poêle, hachez-
les ensuite avec du lard, trois ou quatre champignons, fines herbes,
sel et poivre et finissez-les comme à l'ordinaire.
Rôties au jambon. — Coupez huit tranches de jambon égales,
faites-les dessaler deux heures dans de Teau. Mettez-les suer
dans une casserole jusqu'à ce qu'elles commencent à s'attacher,
ajoutez un peu de coulis et de jambon, faites frire quelques bouil-
lons à cette sauce, dégraissez-la, passez-la au tamis, mettez-y un
filet de vinaigre et un peu de gros poivre. Coupez des tranches
de pain de la grosseur des tranches de jambon, passez-les avec
un morceau de beurre; quand elles sont de belle couleur, dres-
sez-les sur un plat, mettez les tranches de jambon dessus et arro-
sez avec l'essence de jambon.
Rôties à la moelle. — Faites des abaisses de pâte d'amandes
en forme de rôties, avec un petit rebord de l'épaisseur d'un doigt,
faites-les cuire au four, couvrez-les d'un peu de crème à la
moelle bien délicate, un peu de blanc d'oeuf fouetté par-dessus,
râpez du sucre, glacez-les et servez chaudement.
Rôties à la moelle sans sucre. — Mettez dans une casserole
un peu de farce de volaille bien fine avec un peu de blond d e
964 ROTIES.
veau, de petites herbes hachées, un jaune d œuf, le tout bien
manié, avec bons assaisonnements; coupez en morceaux de la
moelle cuite au bouillon, garnissez des tranches de pain rôties
ou frites d'un peu de farce et de morceaux de moelle, remettez
un peu de farce par-dessus, panez, faites prendre couleur et
servez à sec.
Rôties en canapé. — Faites un salpicon de ris de veau,
crêtes et fonds d'artichauts coupés en dés, passez des champi-
gnons en dés que vous mouillez avec du jus, mettez-y ensuite
le salpicon, faites cuire le tout, mettez-y un blond de veau,
liez avec des jaunes d'œufs et peu de sauce ; le salpicon refroidi,
garnissez-en des rôties bien minces, frottez-les d'œufs battus,
faites-les frire dans du saindoux, et servez avec un blond de
veau.
Rôties d'œufs. — Faites bouillir un demi-setier de crème
avec un morceau de sucre, du biscuit d'amandes écrasées, de la
râpure de citron, mettez huit jaunes d'œufs, deux blancs, un peu
de beurre manié, le tout bouilli avec de la crème, garnissez-en
des tranches de pain rôties bien minces, mettez du blanc d'œuf
foueîté par-dessus, glacez avec du sucre et servez.
On peut se servir de pâte d'amandes au lieu de pain.
Rôties au lard. — Coupez une demi-livre de petit lard en
dés avec une tranche de jambon, mettez-les dans une casserole
avec persil, ciboules, quatre jaunes d'œufs, du gros poivre, maniez
le tout ensemble, étendez cette farce sur des tranches de pain
coupées en rôties, faites-les frire, mettez du coulis peu salé dans
un plat avec un filet de vinaigre, étendez vos rôties dessus et
servez.
Rôties à la provençale. — Coupez du pain rassis par tranches,
ôtez-en la croûte, faites-les frire dans de l'huile d'olive bien
chaude et égouttez-les quand elles sont de belle couleur; fendez
en deux des anchois dessalés, rangez les rôties dans un plat,
une moitié d'anchois sur chacune, du poivre concassé par-dessus,
arrosez |de bonne huile et servez pour entremets avec un jus
d'orange.
Rôties à la d*Q4ntin. — Lardez des mies de pain de jambon
et d'anchois, coupez-les ensuite en rôties ordinaires, et faites-les
ROUELLE. 965
frire au lard; quand elles sont frites, dressez-les dans un plat
avec huile, jus de citron, gros poivre et servez.
Rôties à la hollandaise. — Hachez des anchois avec persil,
ciboules , échalotes , ail , le tout mêlé avec de bonne huile, éten-
dez cette farce sur les rôties, d'un côté seulement; coupez des
anchois en filets, coupez-en sur ces rôties, dressez-les dans un
plat avec huile, orange, poivre concassé et servez.
Rôties de poisson au maigre. — Hachez de la chair de
carpe avec persil, sel, écorce de citron vert, quelques biscuits
d'amandes amères et un peu de beurre frais; pilez le tout dans
un mortier avec un peu de sucre, trois ou quatre jaunes d'œufs,
un peu de mie de pain trempée dans de la crème, coupez des
tranches de pain en rôties, mettez de cette farce dessus, beurrez
une tourtière, arrangez-y vos rôties et mettez-les au four ou sous
un couvercle; quand elles sont cuites et bien colorées, sucrez-les
et glacez-les à la pelle rouge, dressez-les sur un plat et servez
chaudement pour entremets ou garniture.
ROUELLE. — Tranche de viande coupée en travers. La
rouelle de veau est la partie charnue de la cuisse de veau qui se
trouve vers le jarret; c'est un excellent morceau lorsqu'il est bien
apprêté.
Manière d'apprêter les rouelles de veau. — Prenez des
rouelles un peu épaisses, piquez-les de nombreux lardons, sau-
poudrez de sel, poivre et' autres épices fines; garnissez le fond
d'une casserole de bardes de lard, sur lesquelles vous arrangerez
les rouelles. Ne donnez d'abord à ce ragoût qu'un feu médiocre,,
afin que la viande rende son suc ; puis augmentez-le au fur et à
mesure pour faire prendre couleur à vos rouelles des deux côtés,
ce qui se fait en les blanchissant avec un peu de farine ; faites-
les ensuite roussir dans du lard fondu que vous ôterez après,
pour mettre un peu de bouillon; lorsque les rouelles sont
suffisamment rousses, vous laissez cuire doucement en ajoutant
aux assaisonnements un peu de persil et de ciboule; vous liez
la sauce avec des jaunes d'œufs et du verjus et vous servez ce
ragoût.
Rouelles de veau à la couenne. — Piquez vos rouelles de
lard, assaisonnez de sel, gros poivre, persil, ciboules, échalotes,
966 ROUGET.
une pointe d'ail, le tout haché; coupez par morceaux de la
couenne de lard nouveau, mettez dans une terrine un lit de
rouelles de veau, dessus un lit de couenne, et continuez ainsi
jusqu'à la lin; ajoutez-y un demi-verre d'eau et autant d'eau-de-
vie, faites cuire sur des cendres chaudes pendant quatre ou cinq
heures et servez comme du bœuf à la mode.
Hachis de rouelles de veau. — Hachez votre veau avec du
lard, après en avoir ôté la peau; mèlez-y des champignons, du
persil et mie de pain, deux œufs durs, deux autres jaunes d'œuÊ
crus pour faire la cuisson ; mettez ce hachis dans une tourtière
au fond de laquelle vous aurez eu soin d'arranger des bardes de
lard, et laissez cuire ainsi ; mais comme en cuisant à la braise il
se forme dessus une espèce de croûte, faites un trou pour lui lais-
ser prendre vent; quand il sera cuit, ajoutez-y un suc de gigot,
mêlez avec un peu de verjus dans lequel vous aurez battu un jaune
d'œuf, et servez.
Rouelles de bœuf, — On se sert des rouelles de bœuf pour
faire des hachis dans lesquels on mêle de l'oignon, de la ciboule,
du sel, du poivre, du clou de girofle, le tout cuit ensemble; on
ajoute après cuisson un peu de verjus et on le sert.
ROUGE DE RIVIÈRE. — Sorte de canard sauvage plus
délicat et s'apprêtant absolument comme lui. (V. Canard.)
ROUGES-GORGES. — Petits oiseaux de passage dont la
poitrine est couleur d'orange. (V. Petits oiseaux.)
ROUGET. — On l'appelle aussi mulet. C'est un poisson
de mer qui a le corps rouge et la tête fort grosse, qui habite
surtout la Méditerranée, où on le pêche dans tous les parages,
d'ordinaire sur les fonds limoneux; on le rencontre aussi dans
rOcéan, notamment dans la Manche, mais il y devient de plus
en plus rare.
Le rouget était très -recherché des Grecs et des Romains,
tant pour l'excellence de son goût que pour la beauté de ses
couleurs. Les Romains surtout en avaient fait un objet de grand
luxe et ne reculaient pas pour s'en procurer devant les plus folles
dépenses. Parmi les auteurs anciens, Suétone nous apprend
que les rougets étaient si recherchés de son temps, que trois de
ces poissons furent vendus trente mille sesterces (5,844 fr.)^ ce
ROUGET. 967
qui obligea Tibère à rendre des lois somptuaires et à faire taxer
les vivres apportés au marché. Vârron dit qu'Hortensius avait
dans ses étangs une immense quantité de rougets et qu'il les fai-
sait venir dans des petites rigoles jusque sous les tables où il
mangeait, pour les voir mourir dans des vases de terre et jouir de
la vue de tous les changements que leurs brillantes couleurs
éprouvaient pendant leur agonie. Un des plaisirs de ce temps
était d'étouffer ^'entre ses mains un de ces poissons, afin de se
repaître des différentes variations de tons qu'il subissait à
mesure que le sang se rerirait à l'intérieur du corps, depuis le
pourpre, le violet et le bleu jusqu'au blanc le plus pâle. Ce bar-
bare spectacle se renouvelait sur les tables les mieux servies, où
l'on mettait, sur des réchauds allumés, des plats dans lesquels
des rougets couverts de globes transparents expiraient à petit feu
devant les convives qui avaient le double avantage de ;ouir de ce
spectacle et de manger le poisson plus frais.
Aujourd'hui le rouget, sans atteindre à ce degré d'admira-
tion dont il était l'objet de la part des Romains, est encore fort
estimé des gourmets. Sa chair blanche, ferme, friable, agréable,
se digère aisément parce qu'elle n'est pas grasse.
La meilleure manière de préparer les rougets, dit M* de
Courchamps, c'est de les vider par les ouïes sans les écailler, de
les faire griller sur de la cendre rouge et de les servir avec
une saiice blanche où l'on ajoute des câpres et des boutons de
capucines confites, ainsi que les foies des rougets bien écrasés*
On les fait souvent cuire au court bouillon* mais nous ne le
conseillons pas, parce que la cuisson sur le gril est, de toutes
les préparations essayées sur les rougets, celle qui réussit le
mieux.
Rougets en casserole. — Videz les rougets, coupez-en les
têtes, frottez un plat ou une tourtière de beurre assaisonné de
sel, poivre haché, fines épices, persil, ciboules entières; arrangez-
y vos rougets, assaisonnez dessus comme dessous, arrosez-les de
beurre fondu, panez -les de mie de pain bien fine, faites-les
cuire au four ou dans une casserole, faites une sauce hachée avec
ciboules, persil, champignons et truffes^ que vous mettez dans
une casserole quand le beurre est fondu avec sel et poivre; mouil-
968 ROULADE.
lez d'un peu de bouillon de poisson et laissez mitonner à petit
feu ; si la sauce est courte, liez-la d'un coulis d'écrevisses, mettez-
la dans un plat, arrangez vos filets autour, et servez-les chaude-
ment pour entrée.
Rougets grillés à la sauce aux anchois. — Vos rougets
étant vidés, coupez-en les têtes, puis trempez-les dans du beurre
fondu et du sel, faites-les griller à petit feu; quand ils sont
grillés, dressez-les dans un plat ; faites une sauce blanche avec
du beurre frais, une pincée de farine, une ciboule entière,
sel, poivré, muscade, un peu d'eau et de vinaigre et deux
anchois, liez votre sauce, jetez-la sur vos rougets et servez chau-
dement.
Rougets en marinade. — Videz vos rougets , coupez-en la
tête, levez-en les filets, mettez-les mariner pendant deux heures
dans une casserole avec tranches d'oignons, ciboules entières,
quelques feuilles de laurier, sel, poivre, jus de citron ou bien
un peu de vinaigre; tirez-les de la marmite, essuyez-les, fiirinez-
les et faites-les frire dans du beurre affiné. Quand ils sont frits,
de belle couleur, servez-les sur une serviette pliée dans un plat
pour entremets.
Filets de rougets aux fines herbes. — Apprêtez les rougets
comme ci-dessus, levez-en les filets et mettez-les dans une cas-
serole avec un peu de fines herbes hachées; ajoutez-y beurre
fondu, sel, poivre, persil et ciboule hachés, laissez prendre goût
dans leur assaisonnement pendant une heure, mettez-les ensuite
sur des cendres chaudes afin que le beurre se fonde , panez-les
de mie de pain bien fine et faites-les griller.
Faites une rémoulade avec de bonne huile, quelques câpres,
du persil haché, un peu de ciboule, un anchois, poivre, sel, un
peu de moutarde et un jus de citron, le tout mêlé ensemble,
mettez cette sauce dans une saumure au milieu d'un plat, les
filets grillés autour, et servez chaudement pour entremets.
ROULADE. — Tranche de viande roulée et farcie.
Roulade de bœuf ou de veau à l'ancienne mode. — Laissez
mortifier un cuissot de veau de Pontoise, levez-en toutes les
noix, ôtez toutes les peaux et coupez le maigre par tranches
minces, battez ces tranches |ivec un couperet, étendez ensuite sur
ROUX. 969
une table une crépine de veau trempée dans Teau fraîche, cou-
vrez-la avec les tranches de veau, que vous couvrez à leur tour de
lard râpé et de jambon pilé avec sel, poivre, girofle, cannelle,
muscade râpée, coriandre écrasée, persil, ciboules, échalotes, un
peu d'ail, thym, basilic, champignons, tétine de veau en iilets,
ris de veau et bon beurre ; roulez ensuite le tout comme une
andouillé, flcelez les deux bouts et le milieu, couvrez de bardes
de lard, traversez la roulade avec un hâtelet et attachez-la sur la
broche enveloppée de papier beurré; faites cuire à petit feu, en
l'arrosant de temps en temps ; lorsqu'elle est cuite, ôtez la barde
pour lui faire prendre couleur.
Servez avec une sauce piquante ou une purée de tomates.
ROUX. — Le roux est d'un grand usage dans les cuisines
pour faire cuire les viandes à l'étuvée, à la braise, etc.; cela
augmente leur sapidité et retient à Tintérieur une partie des sucs
qui autrement se délayeraient dans les mouillements.
Le roux est tout simplement de la farine que Ton fait frire
dans le beurre ou dans la graisse en remuant toujours afin qu'elle
ne se forme pas en grumeaux.
On s'en sert aussi pour colorer et lier les sauces.
Roux blanc et roux brun. — (V. Sauce.)
s
SABOT AU SANG. — Ancien mets bourgeois.
Coupez une noix de veau de la largeur d'une assiette,
piquez-la de menu lard, étendez dans une casserole des tranches
de bœuf battues et des bardes de lard, renversez dessus la noix
de veau, le lard en dessous, niettez dessus une crépine de cochon
que vous plisserez et ficelferez comme une bourse tout autour
avec une aiguillée, coupez de la panne de cochon en petits dés,
faites-la dégourdir dans une casserole sur le feu, mettez-y ensuite
une chopine de sang de cochon, assaisonnez de sel, poivre jet
fines épices, faites-le épaissir en le remuant sur le feu, mettez-le
ensuite dans votre crépine, serrez-le avec sa ficelle, recouvrez le
tout de tranches de bœuf et de bardes de lard et faites cuire dans
le four ou entre deux braises, tirez la noix de la casserole, dres-
sez-la dans un plat, déficelez la crépine, mettez ce qui est dedans
tout autour, jetez dessus une essence de jambon et servez pour
entrée.
SABAYON ou SAVAYON. — Crème aux œufs et au vin
blanc sucré, dont l'origine, d'après son nom, doit être sarabau-
dienne ou savoyarde. On la sert ordinairement dans des petits
pots ou des tasses à sorbets avec un biscuit de Savoie. (V. Crème.)
SAFRAN. — On donne ce nom aux pistils détachés d'une
plante du genre crocus; on en récolte dans les environs de Paris
et dans le Gatinais qui est d'une qualité supérieure.
L'odeur du safran est extrêmement pénétrante, elle peut
SAGOU. 971
causer des céphalalgies violentes et même entraîner la mort. Sa
saveur amère, aromatique, n'a rien de désagréable; sa couleur est
fortement marquée, et le jaune qu'elle produit nuance promp-
tement tous les objets qu'il touche. Le safran est une des matières
colorantes les plus estimées, et les anciens en faisaient grand cas
comme aromate; les Romains en préparaient une teinture alcoo-
lique qui servait à parfumer les théâtres. Il est quelques contrées
où l'on emploie cette fleur comme assaisonnement, ou pour
donner de la couleur aux gâteaux au vermicelle, au beurre, etc.
On ne s'en sert plus aujoard'hui que pour la composition
des babas, du pilau, du riz à l'africaine et du scubac.
Conserve au safran. — Faites cuire du sucre à la petite
plume, mêlez-y du safran torréfié et réduit en poudre, ajoutez-y
un peu de liqueur de scubac d'Irlande, puis dressez vos con-
serves, faites-les sécher à l'étuve et servez-vous-en au besoin.
Mousse au safran, — Vous faites bouillir de la crème
double avec un peu de fleur d'oranger sèche et pulvérisée, et
vous y mêlez une assez forte décoction de safran du Gatinais,
Cette composition étant refroidie, fouettez-la vigoureusement avec
le fouet de buis, dressez-la dans vos gobelets à mousse, mettez-
les dans la glace, où vous les maintiendrez jusqu'au moment
de servir. C'est un des plats de campagne ou de nécessité qui,
dans les repas nombreux, ont le double avantage de faire
nombre et de mettre de la variété dans le service des entremets
au sucre. •
SAGOU. — Sorte de fécule qui nous vient des Indes et que
Ton trouve dans plusieurs espèces de palmiers. Elle est inodore
et d'une saveur fade; on en fait usage en potage. Le sagou
devient alors transparent et se gonfle beaucoup ; c'est surtout en
bouillie ou cuit avec du lait, du sucre et des aromates qu'on le
consomme : le sagou est un aliment très-agréable, très-léger et
peu nourrissant. On en recommande l'usage à la première
enfance, à l'extrême vieillesse, aux convalescents, aux phthi-
siques et à toutes les personnes dont les facultés digestives sont
affaiblies. On fait aussi un sagou artificiel avec la fécule de
pommes de terre.
Pour sa préparation, V. Potages,
972 SALADE.
SAINDOUX. — Graisse de cochon, dont on fait un grand
usage dans les cuisines, surtout pour les fritures et pour décorer
la base ou les socles massifs de certains gros entremets froids.
(Voir pour sa préparation à Charenteau.)
Socles en saindoux. — Ayez 2 kil. 500 grammes de graisse
de rognons de mouton, hachez-la et faites-la fondre sur un feu
doux; quand elle aura bouilli vingt minutes, ajoutez-y six Ii\Tes
de saindoux que vous ferez fondre et chauffer avec cette graisse;
passez tout au travers d'un linge neuf en en recevant le produit
dans une grande terrine; laissez' refroidir cet appareil, fouettez-
le à tour de bras avec un fouet à blancs d'oeufs, puis, quand il aura
pris assez de consistance, ajoutez-y de la décoction de bleu de
Prusse ou de l'indigo broyé; joignez-y le suc de deux citrons et
battez le tout avec deux spatules croisées. Vous vous servirez de
ce mélange pour modeler un socle afin de supporter une galan-
tine, un jambon froid, un filet de biche ou autre grosse pièce
analogue.
SAINT-AUGUSTIN. — Espèce de poire automnale,
SAINT-GERMAIN. — Autre excellente poire.
SALADE. — Ce mot sert principalement à désigner des
préparations culinaires qui requièrent, outre du sel et du
poivre, de l'huile ou bien du beurre et de la crème et communé-
ment du vinaigre.
En examinant les salades sous le rapport de l'hygiène, il
semble d'abord qu'elles doivent avoir une influence défavorable
sur la santé : des herbes crues, des épices irritantes, du vinaigre,
doivent, pense-t-on, être peu digestibles et même irriter l'esto-
mac; l'expérience cependant ne justifie pas ce jugement. Il est
peu de mets dont l'usage soit aussi répandu que celui-ci dans
toutes les classes de la société ; on l'a presque toujours sous k
main et il plaît généralement au goût. Néanmoins, rarement il
cause des accidents; il serait donc injuste d'exciter la défiance à
son égard. Quel que soit le mode adopté pour préparer les salades,
il est toujours nécessaire d'user très-sobrement du vinaigre; un
mérite dans l'apprêt Q$t de faire disparaître l'acidité de ce liquide
au point que sa saveur se confonde avec celle des herbes, de
l'huile et des autres ingrédients. C est pour cet efiet que le jaune
SALADE.
973
d'œuf est un intermédiaire très-utile. On devrait aussi faire un
usage exclusif du vinaigre de vin, trop fréquemment remplacé
aujourd'hui par Tacide qu'on obtient au moyen de la combustion
du bois ; c'est une distinction à laquelle on ne s'attache pas assez
et sur laquelle nous devons appeler l'attention publique. On
devrait servir les fournitures à part, puisées parmi les plantes
excitantes, elles se digèrent plus difficilement que les salades;
avec cette attention, on rendrait ces dernières plus accessibles à
beaucoup de personnes.
Les salades varient suivant les saisons. On commence à
manger les chicorées vers la fin de l'automne et on ne les assai-
sonne qu'avec une croûte de pain rassis frottée d'ail , posée au
fond du saladier et que l'on remue avec la salade afin qu'elle s'en
imprègne bien; on n'ajoute à cette salade aucune autre espèce de
fourniture.
Plus tard on emploie l'escarolp, espèce 'de chicorée moins
tendre et moins savoureuse que la première et qui s'apprête éga-
lement sans fournitures.
Les salades d'hiver se composent presque toujours de mâches,
de raiponces et de céleri^ coupé en bâtonnets ; le céleri s'emploie
aussi quelquefois seul en salade, mais il faut l'assaisonner alors
avec de l'huile battue, de la moutarde et du soya. Le cresson de
fontaine est aussi une salade d'hiver, et on l'assaisonne habituel-
lement avec des tranches de betteraves et quelques filets d'olives
tournés. ~v
La barbe de'cft jjucfapi apparaît vers la fin de l'hiver ; on l'assai-
sonne comme la'chicorée blanche en y mélangeant de la betterave
coupée en tranches.
La laitue paraît habituellement verS Pâques. C'est de toutes
les salades celle qu'on aime le mieux, et le plus généralement on
y met des herbes de fournitures, des œufs durs coupés par quar-
tiers, quelquefois des huîtres marinées, des queues de crevettes,
des œufs de tortue, des filets d'anchois, des olives farcies et quel-
quefois aussi des achards ou du soya de la Chine. Cette salade
exige beaucoup d'huile, et Thuile verte d'Aramont est la meilleure
qu'on puisse ajouter pour son assaisonnement. Vient ensuite la
laitue romaine, moins tendre et moins aqueuse que la précédente,
974 SALEP.
mais pourvue d'une saveur sucrée. On ne la sert pas avec des
œufs durs.
On fait aussi des salades avec toutes sortes de légumes cuits,
ainsi que nous Tavons indiqué aux endroits concernant ces divers
articles.
M. Chaptal a laissé, pour accommoder la salade, une méthodie
qui a toujours été vulgairement employée dans le nord de l'Europe,
et cela n'empêche pas qu'on en fasse honneur à cet illustre aca-
démicien. La chose consiste à saturer la salade avec de Thuile
assaisonnée de sel et de poivre, avant d'y mettre le vinaigre, ce
dont il résuhe que la salade ne saurait jamais être trop vinaigrée,
parce que le vinaigre glisse sur chaque feuille huilée, de sorte que
si l'on a mis trop de vinaigre dans une salade, ainsi qu'il arriw
souvent comme chacun sait, on n'a jamais à s'en repentir, parce que
le vinaigre se réunit toujours au fond du saladier où M..CliaptaI
a calculé fort judicieusement qu'il devait retomber en vertu des
lois de sa pesanteur spécifique à l'égard de l'huile.
Nous ferons aussi remarquer que le sel ne se dissolvant pas
dans le vinaigre, il est inutile d'essayer de l'y faire fondre; il est
préférable de le mêler avec l'huile et de le verser ensuite sur la
salade.
SALEP. — Ce nom, d'origine persane, a été donné auxbulbes
desséchées des orchis qui croissent en abondance dans la Perse et
dans toute TAsie Mineure. Les anciens connaissaient très-bien
ces bulbes, et Pline et Théophraste en font mention dans leurs
écrits. Les Grecs et les Latins les connaismient surtout pour leurs
propriétés aphrodisiaques, qui ne sont dues cependant qu'aux dif-
férents aromates qu'on leur associe, tels que le gingembre,
l'ambre, le musc, le girofle, etc. Un homme, paraît-il, est suffi-
samment nourri pendant un jour avec une once de cette sub-
stance et autant de gelée animale dissoute dans l'eau, aussi
les Orientaux s'approvisionnent-ils de salep pour leurs voyages.
Pour préparer le salep, les Orientaux récoltent la bulbe des
orchis lorsqu'ils commencent à fleurir; ils en ôtent l'écorce et
les jettent dans l'eau froide où ils les laissent quelques heures;
ils les font ensuite cuire dans l'eau bouillante et les enfilent avec
du crin ou mieux du coton, puis il les font sécher au contact de
SANDWICHS. ^y^
l'air; les bulbes deviennent demi-transparentes, très-dures et res-
semblent assez à de la gomme adragante ; on peut les conserver
indéfiniment sans altération, pourvu que Ton évite Thumidité.
Quelquefois, au lieu de les enfiler, on les sèche sur des tamis et
des toiles. Quand on veut en faire des gelées on les réduit en
poudre en les humectant préalablement d'un peu d'eau, sans
cela leur extrême dureté n'en permettrait pas la pulvérisation ;
on en fait dissoudre une petite quantité dans l'eau bouillante, qui,
aromatisée et sucrée, ne tarde pas, par le refroidissement, à se
prendre en une gelée demi-transparente.
La poudre de salep que l'on vend dans le commerce est le
plus souvent mélangée avec de la fécule, mais il est facile de
reconnaître la fraude en faisant dissoudre 2 grammes 1 5 centi-
grammes de salep dans 225 grammes d'eau distillée et en ajou-
tant à cette dissolution i gramme 90 centigrammes de magnésie
calcinée ; le mélange prend au bout de quelques heures une con-
sistance de gelée bien prononcée, ce qui n'a pas lieu toutes les
fois que le salep est falsifié.
GeofFroi dit que si l'on fait évaporer sur des assiettes de
faïence l'eau dans laquelle on a fait cuire le salep, il y reste un
extrait visqueux dont l'odeur est celle d'une prairie fleurie quand
on passe au-dessous du vent. Son odeur se rapproche aussi de
celle du mélilot dont la fleur commence à se faner.
SALSIFIS. — Racine potagère. Il y en a deux espèces, l'une
grise, et l'ïiutre — la meilleure — noire. On les ratisse à blanc,
on les jette à mesure dans l'eau avec un peu de vinaigre, puis,
lorsqu'ils sont bien lavés, on les fait cuire à grande eau avec du
sel et du vinaigre; ils s'écrasent sous le doigt lorsqu'ils sont cuits;
alors on les retire, on les égoutte et on les sert avec une sauce au
beurre.
On les sert aussi en gras, et pour lors, faites un roux léger,
mouillez avec du jus, faites réduire et mettez-y vos racines.
Pour les mettre en friture, on les fait cuire dans une eau
plus fortement vinaigrée; on les trempe dans une bonne pâte,
et on les fait frire dans du beurre aflîné suivant la méthode ordi-
naire.
SANDWICHS, ou tartines à Vanglaise, —D'un pain rassis,
976 SANGLIER.
de pâte serrée, tirez vingt-quatre tartines de beurre très-minces,
mettez-en douze sur un linge blanc; émincez soit du maigre de
veau rôti, soit du filet de bœuf, rosbif, jambon cuit, langue à
récarlate, volaille rôtie, gibier et poisson sec, rangez ces lames
de viande sur vos douze tartines, poudrez-les d'un peu de sel
blanc, recouvrez vos viandes avec les douze autres tartines, et
servez les à dîner pour hors-d'œuvre, et en prenant le thé
comme collation.
SANG. — Sauf la gélatine, le sang est composé des mêmes
principes que la chair, c'est-à-dire qu'il contient de la fibrine, de
l'albumine et de l'osmazome. On mange le sang de quelques
animaux assaisonné de diverses manières : celui du lièvre comme
liaison du civet, celui du pigeon comme sauce, enfin celui du
cochon comme boudin : le sang des animaux est un aliment fort
tonique et fort nutritif.
SANGLIER. — Porc à l'état sauvage, état dans lequel sa
chasse n'est pas sans danger. Le sanglier est de sa nature un
animal assez misanthrope, qui, arrivé à un certain âge, se réfugie
dans les ronces et les hallîers les plus épais, où il n'aime pas
qu'on vienne le déranger; il prend alors les noms de ragot,
de quartanier et de solitaire. Il est rare qu'un de ces animaux,
armé qu'il est de redoutables défenses, ne revienne pas sur le
chasseur qui l'a tiré; le mieux que le chasseur ait à faire dans ce
cas-là, c'est s'il a une branche d'arbre à portée de sa main de
s'y suspendre et de laisser passer le sanglier qui revient rarement
sur son coup de boutoir. J'ai raconté plusieurs chasses de ma
jeunesse, qui n'étaient pas exemptes sous ce point d'anecdotes
fort originales. Les jeunes marcassins s'écorchent et se mangent
rôtis à la broche.
Les quartiers du devant, la hure et les filets, sont les mor-
ceaux les plus honorables du sanglier; on en fait également des
côtelettes, comme on fait du porc, mais le peu de facilité qu'on
a de le saigner fait qu'on ne peut pas toujours recueillir son
sang pour en confectionner du boudin.
Côtelettes de sanglier à la Saint-Hubert. — Coupez, parez,
sautez vos côtelettes avec sel, poivre, sur un feu très-vif; lors-
qu'elles sont cuites des deux côtés, vous les dressez en cou-
SANGLIER. 977
ronne, puis vous mettez dans le plat à sauter un verre de vin
blanc, autant de sauce espagnole ; vous ferez réduire et verserez
cette sauce sur vos côtelettes. La sauce espagnole peut se rem-
placer par un roux que Ton mouille avec du consommé.
Filet de sanglier à la Bla^e. — Faites mariner deux jours
un filet paré de sanglier, puis faites-le égoutter et mettez-le dans
une casserole avec des bardes de lard, des parures de viande,
carotte, oignon, sel» poivre, bouquet garni, mouillez le tout
avec une égale quantité de vin blanc ou de consommé, donnez
deux heures de cuisson, faites ensuite égoutter le filet, glacez-le
et dressez -le sur une sauce piquante.
Quartier de sanglier à la royale, — Echaudez, flambez une
cuisse de laie, désossez-la jusqu'à la jointure du manche, lardez-
la avec épices et aromates piles ; mettez-la ensuite dans une
terrine avec beaucoup de sel, de poivre, genièvre, thym, laurier,
basilic, oignons et ciboules. Vous laisserez mariner cette cuisse
cinq jours; lorsque vous voudrez la faire cuire, vous ôterez de
l'intérieur de ladite cuisse les aromates qui y seront, vous l'en-
velopperez dans un linge blanc, vous la ficellerez comme une
pièce de bœuf, vous la mettrez dans une braisière avec la sau-
mure dans laquelle elle a mariné, six bouteilles de vin blanc,
autant d'eau, six carottes, six oignons, quatre clous de girofle,
un fort bouquet de persil et ciboulefS, du sel si vous croyez
que la saumure ne suflîse pas pour lui en donner, vous la ferez
mijoter pendant six heures, vous la sondez pour savoir si elle est
cuite, sinon vous la laissez aller une heure de plus; laissez-la
une demi-heure dans sa cuisson, et en la retirant laissez-la dans
sa couenne.
Sanglier à la daube. — Lardez un cuissot de sanglier, assai-
sonnez-le, mettez-le dans une marmite avec quelques bardes de
lard , tranches d'oignon , carottes , panais , gros bouquet de
persil, ciboules, deux gousses d'ail, quatre clous de girofle, deux
feuilles de laurier, faites suer une demi-heure à petit feu, et
mouillez avec un demi-verre d'eau-de-vie, un demi-setier de
vin blanc et du bouillon, faites suer à petit feu six ou sept
heures, laissez refoidir et servez froid, avec un pot de gro-
seilles.
6a
978 SARCELLE.
SARCELLE. — Variété du canard sauvage qui s'apprête et
se mange. comme lui.
Sarcelles aux cardons. — Videz trois sarcelles ; les flamber,
les brider, les mettre à la broche, les envelopper avec du papier
beurré, les déballer deux minutes avant de les débrocher; les
mettre alors dans une casserole, avec quatre cuillerées à bouche
de vin blanc, autant de glace fondue, poser la casserole sur le
feu, réduire le mouillement de moitié, débrider les sarcelles, les
dresser sur un plat et les entourer.avec une garniture de cardons
à Tespagnolç, les arroser avec la réduction et les envc^ersur
table.
Sarcelles sauce. à V orange. — Videz et bridez quatre sar-
celles ; les traverser avec une brochette , les faire rôtir à feu vif
pendant douze. ou quatorze minutes en les arrosant au pinceau
avec de Thuile; quand elles sont à point, Jes saler, les débrocher,
en détacher les âlets, mettre ceux-ci dans une casserole plate
avec un peu de glace au fon^,^t les chauffer une minute à feu
très-vif pour sécher Thumidité des filfels; les dresser ensuite
sur un plat et les masqiier avec la sauce suivante.
■ • ■
Sauce à Vorange. — Coupez le zeste d'une grosse orange
encore verte; Témincer en julienne, Ja faire cuire à l'eau et
régoutter sur un tamis, puis le mettre dans une petite casserole
et lui mêler la valeur d'un verre de bonne aspia bien claire
et réduit^; au moment de servir, alléger cette sauce en lui
incorporant hors du feu le jus de Tor^nge et celui d'un citron.
Sarcelles en ragoût. — Troussez vos sarcelles, lardez-les de
gros lard , passez-les à la casserol^ avec lard ibndu , un peu de
farine pour la liaison , ou faites-les rôtir à moitié à la broche et
empotez-les avec bon bouillqn, sel, poivje, épices fines, fines
herbes en paquet, laissez cuire doucemeajtole toitt; à moitié de
cuisson, mettez-y des navets coupés par tranches et passés au
roux, environ un bon verre de vin; puis, lorsque le ragojlt
sera cuit et la sauce suffisamment liée, servez chaudement pour
entrée.
Q4utre façon. — Faitez un hachis avec ris de veau, champi-
gnons, chair de sarcelles, ciboules, persil, sel et poivre, le tout
haché menu et cuit dans la casserole, farcissez-en les sarcelles et
SARCELLE.
979
faites-les rôtir à la broche, puis, quand elles sont rôties, servez-
les avec un cotitis de champignons ou une sauce faite avec deux
verres de bon vin; deux ou trois tranches d'oignon, du clou de
girofle, un peu de poivre; faites bouillir le tout dans une casse-
role jusqu'à ce que la sauce soit réduite à moitié, passez-la au
tamis, mettez-y un ju^ de bœuf, passez-la sur le feu dans la
casserole et vous versez ensuite sur les sarcelles que vous servez
chaudement.
Sarcelles aux choux-fleurs, — Préparez vos sarcelles comme
à Tordinairb et faites-les cuire à la broche ; épluchez ensuite des
choux-fleurs, faites-les blanchir et cuire dans un blanc de farine
avec de Teau , du sel et un morceau de beurre. Quand ils sont
cuits, mettez-les égoutter; mettez dans une bonne essence du
beurre frais avec du gros poivre, faites lier la sauce sur le feu,
dressez les sarcelles dans jift plat, les choux-fleurs autour, versez
la sauce sur les choux-fleurs et servez chaudement.
Sarcelles aux novef^.-:- Embrochez comme ci-dessus, ou
bien les ayant lardées de gros lard assaisoniié, garnissez une
marmite de bardes de lard et de. tranches de bœuf avec oignons,
carottés, persil, tranches de citron, fines herbes, poivre, sel,
clous de girofle, mettez-y vos sarcelles, assaisonnez dessus comme
dessous, et faites cuire à la braise.
Coupez des navets en dés ou tournez-les en olives, passez-les
dans un peu de saindoux pour leur faire prendre couleur ; égout-
tez-les ensuite et mettez-les mitonner dans une casserole avec un
bon jus, liez-les d'un bon^'coulis, dressez vos sarcelles dans un
plat, le ragoût de navets par-dessus, et servez chaudement.
Sarcelles aux montants. — Faites cuire vos sarcelles comme
ci-dessus, à la broche ou à la braise, faites ensuite cuire un peu
plus qu'à demi des montants de cardons d'Espagne dans de Teau
avec un morceau de beurre, une pincée de fiirine et de sel, et
ne mettez les montants dans cette eau blanche que lorsqu'elle
commence à bouillir; lorsqu'ils sont à moitié cuits, vous les
égouttez et achevez de les faire cuire dans une casserole avec un
petit coulis clair de veau et de jambon, et vous les servez autour
des sarcelles.
Sarcelles aux olives. — Pour exécuter ce mets méridional.
çSo SARCELLE.
faites cuire vos sarcelles à la broche ou à la braise ; passez ensuite
deux ou trois petits champignons dans une casserole , mouillez-
les de bon jus; quand ils sont cuits, liez-les d'un petit coulis clair
de veau et de jambon; tournez des olives, ôtez-en le noyau et
jetez-les dans Teau bouillante, retirez-les ensuite, égouttez-les,
mettez-les dans votre ragoût, faîtes-lui prendre un bouillon,
dressez vos sarcelles dans un plat, le ragoût par-dessus^ et sen'ez
chaudement.
Sarcelles à la Rocambole ou à la Ponson du Terrait. —
Faites-les cuire à la broche , faites suer une tranche de jambon
dans une casserole, mouillez-la de bouillon et de coulis; quand
elle commence à s'attacher, faites bouillir et dégraissez-la, passez-
la au tamis, écrasez quelques rocamboles, mettez-les dans l'es-
sence, et servez avec vos sarcelles.
Sarcelles aux truffes, — Faites cuire vos sarcelles à k
broche avec une farce légère dans le corps et quelques trufiès, et
servez avec un ragoût de truffes.
Potage de sarcelles aux navets. — Videz vos sarcelles,
troussez-les proprement, faites-les refaire, piquez-les' de gros
lard assaisonné, faites-les cuire à demi à la broche, empotez-les
ensuit.' dans une marmite avec trois ou quatre oignons, panais
et carottes, mouillez de bon bouillon et faites cuire; ratissez des
navets, coupez-les en dés ou en long, fàrinez-les un peu , faites-
les frire de belle couleur dans du saindoux, égouttez-les ; mettez-
les ensuite dans une petite marmite avec de bon bouillon et
faites cuire, mitonnez vos croûtes de bon bouillon, servez-vous
pour cela du bouillon où ont cuit vos sarcelles, après l'avoir
dégraissé ; dressez les sarcelles au milieu du potage, garnissez les
bords de navets, versez dessus le bouillon des navets et un jus de
veau et servez chaudement.
Potage de sarcelles aux truffes et aux champignons. —
Piquez les sarcelles de gros lard bien assaisonné ; iàites-les cuire
à demi à la broche et ensuite dans une marmite avec de bon
bouillon , passez des truffes dans une casserole avec un peu de
lard fondu, mouillez-les d'un jus de veau, laissez-les mitonner
à petit feu, faites un coulis d'une sarcelle cuite à la broche, pilez-
la dans un mortier, garnissez le fond d'une casserole de tranches
SARDINE. 981
de veau et de jambon , oignons par tranches , panais , carottes ;
couvrez la casserole et faites suer à petit feu ; quand le veau est
attaché, poudrez-le d'une pincée de farine, mouillez de moitié
jus et moitié bouillon, assaisonnez de champignons, truffes, un
peu de persil, une ciboule entière^ quelques clous de girofle, un
peu de basilic et des croûtes ; laissez mitonner le tout ensemble
pendant une demi-heure , tirez les tranches de veau de la casse-
role, délayez-y la sarcelle pilée, passez le tout à Tétamine,
videz ce coulis dans la casserole où est le ragoût de truffes,
mitonnez des croûtes moitié jus et moitié bouillon, dressez
les sarcelles sur le potage de coulis par-dessus, et servez chau-
dement.
C'est à tort qu'on associe parfois la sarcelle aux lentilles.
Nous blâmons cette profanation.
Pâté de sarcelles. — Fendez les sarcelles par le dos, àtez-
en tous les os, excepté ceux des cuisses, lardez-les de moyen lard,
assaisonnez-les de sel, poivre, muscade, clous de girofle, can-
nelle, lard, laurier, bardes de lard, fines herbes, persil et ciboule,
le tout pilé; faites une abaisse de pâte ordinaire, couvrez et
façonnez votre pâté, dorez-le avec des jaunes d'œufs et faites-
le cuire au four.
SARDINE. — Petit poisson de mer d'une saveur délicate;
on le trouve partout, mais principalement sur les côtes de Bre-
tagne où les sardines sont très-abondantes ; aussi cette pêche est-
elle pour les habitants une source de richesse ; ou rapporte que
dès le xvu® siècle elle produisait un revenu immense, et que
dans la seule ville de Port-Louis on faisait annuellement
4,000 barriques de sardines.
La sardine est aussi fort abondante dans la Méditerranée et
surtout aux environs de la Sardaigne d'où elle tire son nom.
Il n'y a que les habitants des bords de la mer qui
puissent manger des sardines fraîches et encore est-on obligé de
les saler aussitôt pêchées, car c'est de tous les poissons celui qui
se conserve le moins. A peine est-il hors de l'eau qu'il meurt, et
la putréfaction ne tarde pas à l'attaquer ; l'accumulation d'un
aussi grand nombre d'individus facilite même cette décomposition;
aussi les pêcheurs ont-ils soin, à mesure qu'ils vident le filet, de
982 SARRASIN.
les entremêler abondamment de sel, et malgré cette précautic»!
il s'en gâte énormément.
On prépare les sardines comme les harengs en les salant et
les fumant. Les sardines du Nord sont beaucoup- plus estimées,
parce que dans la saumure on ajoute des aromates et des épices
qui leur donnent un goût fort agréable; mais ces sardines ne se
conservent pas longtemps, et, quand elles sont gâtées, on les em-
ploie pour amorce dans la pèche des maquereaux, des merlans,
des raies et autres poissons de mer.
Notre bon roi Henri IV, qui prisait les fins morceaux, avait,
paraît-il, pour les sardines fraîches une prédilection particulière.
Depuis son abjuration, il en faisait son déjeuner ordinaire les
jours de jeûne.
Pisanelli prétend aussi que la sardine aime le son des
instruments et qu'elle sort la tète hors de l'eau pour l'entendre;
les buveurs surtout aiment beaucoup la sardine, cela les excite
à boire, et, disent-ils, leur fait trouver le vin bon.
Sardines en caisse, — Prenez des sardines fraîches, coupei-
leur la tète et le bout de la queue ; mettez de la farce de poisson
au fond d'une caisse, arrangez les sardines dessus, couvrez-les
de même farce, unissez avec un œuf battu, saupoudrez de mie
de pain, couvrez d'une feuille de papier, faites cuire au four,
égouttez la graisse, jetez par-dessus un coulis maigre, qui soit
clair, et servez-vous-en au besoin comme hors-d'œuvre.
SARRASIN. — Originaire d'Asie, le sarrasin fut transporté
en Afrique et introduit en Europe par les Maures d'Espagne.
Quoique ce grain soit avantageux en ce qu'il vient aisément par-
tout, qu'il se développe et mûrisse assez prpmptement pour don-
ner deux récoltes sur le même sol, dans une année favorable, et
que son usagé soit sain^ nourrissant et de facile digestion, on ne
peut se dispenser de dire que 'le pain qu'on en fait est le plus
mauvais de tous; sec le lendemain de sa cuisson, il se fend,
s'émiette et devient alors venteux et détestable. Il n'en est pas de
même si on emploie le sarrasin en bouillie : cette préparation est
fort nourrissante et saine; on mange cette bouillie chaude ou
froide, frite ou grillée.
Dans les cantons où le sarrasin constitue la nourriture habi-
SAUCE. 983
tuelle des habitants, comme, par exemple, dans la basse Bretagne
et dans la basse Normandie, on y fait la bouillie et la galette
avec du lait; cela lui donne uagoût plus agréable et le rend plus
léger, plus sàpîde et plus facile à digérer.
SASSENAGE. — Fromage analogue au roquefort et qui
tire son nom du bourg de Sassenage, près de Grenoble dans le
Dauphihé.
SAUCE. — ^ On appelle ainsi un assaisonnement liquide
auquel on joint du sel et des fines épices pour relever le goût de
certains mets.
La manière de les préparer varie beaucoup; nous allons
donner les recettes de celles qui sont le plus usitées dans la
cuisine.
Jus de bisuf. — Beurrez le fond d'une casserole; mettez-y,
comme au blond de veau, quelques lames de jambon et bardes
de lard, oignons en tranches et carottes ; couvrez le tout de lames
de bœuf, épaisses de deux doigts, mouillez-le d'une cuillerée à
pot de grand bouillon ; faites-le partir sur un feu vif; lorsqu'il
commencera à s'attacher, piquez la viande avec la pointe d'un
couteau ; couvrez de cendres votre fourneau pour empêcher que
votre jus n'aille trop vite ; prenez bien garde qu'il ne brûle ;
quand il sera fort attaché, mouillez-le comme le blond de veau ;
écumez-le, assaisonnez-le avec un bon bouquet de persil et
ciboules, en y ajoutant quelques queues de champignons; quand
vous jugerez la viande cuite, dégraissez, passez votre jus dans une
serviette, et servez-vous-en pour colorer vos potages et vos sauces,
ou les entrées ou entremets qui exigent du jus.
Grande sauce, — Beurrez une casserole, fbncez-la de lames
de jambon ; coupez votre veau par morceaux ; mettez-en sur
votre jambon, suffisamment pour la grandeur de votre casserole,
mouillez-le avec une ou deux cuillerées de bouillon, de manière
que votre veau soit presque couvert; mettez-y deux carottes
tournées^ un gros oignon que vous retirerez quand il sera cuit.
Lorsque votre veau est tombé' à glace, vous laissez très-peu de
feu sous votre casserole, et vous l'entourez de cendres rouges peur
faire descendre la glace; quand elle a pris sa couleur, vous la
détachez avec une cuillerée à pot de bouillon froid; sitôt qu'elle
984 SAUCE.
est détachée, vous remplissez votre casserole de bouillon; quand
votre veau est cuit, vous le retirez, et vous passez votre blond de
veau dans une serviette, vous avez votre roux dans une casserole,
vous le délayez assez pour que la sauce ne soit pas trop épaisse, et
vous la faites partir ; retirez*la sur le bord du fourneau et remuez-
la de temps en temps pour que votre coulis soit d'une belle couleur;
s'il en manquait, perfectionnez-le avec du jus de bœuf; il se for-
mera, durant la cuisson, une peau dessus. Ne Votez pas, et ne le
dégraissez qu'à parfaite cuisson et au moment de le passer, sans
l'exprimer, à travers l'étamine. Votre sauce passée, mettez une
cuiller dedans, ayez soin de la sasser et vanner jusqu'à ce qu'elle
soit refroidie, pour qu'il ne se forme point de peau dessus, et
servez-vous-en pour des petites sauces brunes. (Recette de M. de
Courchamps.)
Espagnole. — Foncez une casserole de lard et surtout de jam-
bon, et procédez à cet égard comme il est indiqué pour la grande
sauce^ mettez une noix de veau dessus^ avec une cuillerée de con-
sommé, cinq ou six carottes et oignons; faites partir le tout comme
le coulis général, et mettez-le sur un feu doux, jusqu'à ce que
votre noix jette son jus. Lorsque la glace sera formée, ce que
vous reconnaîtrez au fond de la casserole, qui doit être d'un beau
jaune, retirez-la du feu, piquez alors vos noix avec votre cou-
teau, pour que le reste du jus s'en exprime; mouillez-les avec
du consommé dans lequel vous aurez fait cuire une quantité
suffisante de perdrix, de lapins ou de poulets ; mettez un bouquet
de persil et ciboules assaisonné de deux clous de girofle par noix
de veau, d'une demi-feuille de laurier, d'une gousse d'ail, d'un
peu de basilic et de thym ; faites bouillir le tout; retirez le sur le
bord du fourneau et dégraissez-le; au bout de deux heures, liez
votre espagnole avec le roux comme le coulis général ; lorsqu'elle
sera liée de manière à être plus claire qu'épaisse, laissez-la
bouillir une demi-heure ou trois quarts d'heure, pour que le
roux s'incorpore; alors dégraissez et passez cette espagnole à
letamine dans une autre casserole, remettez-la sur le feu pour
la faire réduire d'un quart ; elle pourra vous servir pour tous* les
ragoûts au brun, vous y mettrez du madère^ du Champagne ou
du bourgogne, selon les petites sauces dont vous aurez besoin.
SAUCE. 985
Ma coutume n'est pas de mettre le vin dans l'espagnole générale,
attendu qu'on ne met point tout au vin, et qu'avec le vin elle
peut s'aigrir du jour au lendemain, si tout n'est pas employé
dans la journée, ce qui serait une perte; l'habitude des cuisiniers
encore est de ne point faire réduire les vins seuls, ce qui leur
donne souvent un goût d'alambic, et fait évaporer toute la partie
spiritueuse; conséquemment ils les font réduire avec la sauce à
une demi-glace ou gros comme le pouce de glace, ou même
davantage.
Espagnole travaillée. — Lorsque vous voudrez vous servir
de l'espagnole pour des sautés, ou comme simple sauce, prenez-
en deux ou trois cuillerées à pot, ou davantage, avec environ le
tiers de consommé, quelques parures de truffes bien lavées et
quelques queues de champignons, faites réduire le tout sur un
grand feu, et dégraissez-le avec soin. Si votre espagnole manque
de couleur, donnez-lui-en avec votre blond de veau; faites-la
réduire à consistance de sauce ; passez-la à l'étamine ; mettez-la
dans un bain-marie, pour vous en servir au besoin.
Velouté^ ou coulis blanc. — Mettez dans une casserole
beurrée une noix ou sous-noix, ou une partie d'un cuissot de
veau, avec lames de jambon, cuillerée de consommé, carottes,
oignons; faites partir le tout sur un bon feu; quand vous verrez
que votre mouillement est réduit, et qu'il pourait s'attacher,
naouillez-le avec du consommé, en raison de la quantité de vos
viandes et de la force de votre consommé ; quand le tout sera
bienbouillant, retirez- le, ajoutez échalotes, tournures de champi-
gnons, mais sans citron^ mettez-y un bouquet assaisonné que
vous retirerez cuit, en l'exprimant entre deux cuillers; retirez
également vos viandes lorsqu'elles seront cuites; ayez soin, durant
que votre sauce ^sX sur le feu, de faire un roux blanc pour la
lier. Voici la manière de vous y prendre : faites fondre 500 gr.
de beurre fin, tirez-le au clair dans une casserole, puis vous
mettez dans votre beurre de la fleur de farine de froment, vous
remuez au point qu'il soit parfaitement bu par la farine ; ensuite
vous mettez la casserole sur un feu doux ; vous remuez constam-
ment, pour que votre roux ne prenne point de couleur; vous le
flairez, et lorsque vous sentez que la farine est cuite, vous délayez
986 SAUCE.
• . , . , .
le tout ou une partie, avec le mouillement de votre velouté. Cela
fait, ayez soin de- tourner continuellement votre farce, pour que
la farine ne tombe point au fonxl et qu'elle ne s'attache pas ;
dégraissez votre velouté; tamisez, remettez sur le feu, dégraissez
de nouveau, faites réduire, retirez, mettez dans un vase, passez et
vannez.
Velouté travaillé, — Il se travaille comme l'espagnole, ex-
cepté que l'on n'y met rien qui le colore.
Gnand aspic, — Mettez dans une marmite un ou deux
jarrets de veau, une [vieille perdrix, une poule, des pattes de
volailles si vous en avez, deux ou trois lames de jambon; ficelez
vos viandes, joignez-y deux carottes, deux oignons, un bouquet
bien assaisonné; mouillez le tout d'un peu de consommé, faites-
le légèrement suer; lorsque vous verrez que votre aspic, tombant
en glace, prendra une teinte jaune, mouillez-le avec du bouillon
si vous en avez, sinon avec de l'eau, en observant de le laisser
réduire davantage; faites-le partir, écumez-le, mettez-y le sel
nécessaire, laissez-le cuire trois heures. Alors dégraissez-le,
passez-le au travers d'une serviette mouillée et tordue ; laissez-le
refroidir; cassez deux œufs avec blancs, jaunes et coquilles; fouet-
tez-les, mouillez-les avec un peu de votre bouillon, mettez-y une
cuillerée à bouche de vinaigre d'estragon, et versez le tout dans
votre aspic : posez-le sur le feu, agitez-le avec un fouet de buis;
quand il commencera à partir, retirez-le sur le bord du fourneau,
afin qu'il ne fasse que frémir ; couvrez-le , et sur son couvercle
mettez du feu. Quand vous verrez que cet aspic est clair, passez-
le au travers d'une serviette mouillée et tordue que vous attache-
rez aux quatre pieds d'un tabouret, retournez, couvrez-le de
nouveau, et sur son couvercle mettez un peu de feu. Quand il
sera passé, servez-vous-en pour vos grands et petits aspics.
Sauce hollandaise, — Elle se fait avec la grande sauce au
beurre; mettez-en dans une casserole trois cuillerées à dégrais-
ser, avec un citron coupé en dés, et duquel vous ôtez le blanc et
les pépins ; joignez-y trois jaunes d'œufs coupés de même, un
peu de persil haché, une pincée de mignonnette et un filet de
bon vinaigre blanc.
Sauce à V allemande. — Mettez un peu de beurre, des
SAUCE. 987
l'i. ■ ■■■■■■ ..1 ii.,..-^. .11 -ii^iog I ■■ ■ ■-■» "
champignons hachés dans une casserole; fkirê< bien cuire vos
champignons, joignçz-y trois cuillerées à dégraîsœr de velouié
travaillé et une cuillerée de consommé ; faites réduire, Jetez-y du
beurre, du persil blanchi ; passez et vannez le tout, mettez le
JUS de la moitié d'un citron, un peu de mignonnette, passez
et serv«2.
Faute de velouté, singez vos champignons, délayez le tout
avec d'excellent bouillon, mettez-y un bouquet bien assaisonné
d'un clou de girofle, la moitié d'une gousse d'ail, thym et laurier ;
votre sauce cuite, retirez le bouquet, exprimez-le et finissez
cette. sauce comme la précédente.
Sauce à la béchamel. — Mettez dans une casserole ce qu'il
vous faut de velouté et un peu de consommmé. Si vous em])loyez
un demi- litre de velouté, faites aller votre sauce sur un
grand feu, tournez-la avec soin, qu'elle se réduise d'un tersde
son volume; en même temps, faites réduire au tiers une pinte
de crème double, incorporez-la peu à peu dans votre sauce que
vous tournerez jusqu'à ce qu'elle soit réduite au point où elle
était avant d'y avoir mis la crème. Cette sauce ayant la consistance
d'une légère bouillie, tordez-la dans une étamine bien blanche,
et mettez-la au bain-marie avant de servir.
Sauce à la Sainte-Menehould . — Mettez dans une casserole
■
un morceau de beurre coupé, singez-le de farine; délayez votre
sauce avec du lait ou de la crème; assaisonnez-la d'un bou-
quet de persil et ciboules, la moitié d'une feuille de laurier,
quelques champignons et échalotes; mettez-la sur le feu; tour-
nez-la comme la béchamel, et tordez-la à Tétamine; remettez-
la sur le feu; mettez-y du persil haché et un peu de mi-
gnonnette.
Sauce à la bonne morue. — Elle se fait comme la Sainte-
Menehould, excepté qu'elle est un peu moins liée, qu'il faut
saupoudrer le mets que l'on sert, avec du persil haché et
blanchi.
Sauce à la poulette, — Mettez dans une casserole du
velouté réduit, faites-le bouillir, ajoutez- y une liaison avec du
persil haché et blanchi, un petit morceau d'excellent beurre, et
un jus de citron, et servez-vous-en si vous n'avez pas de velouté.
988 SAUCE.
faites un petit roux blanc, mouillez-le avec du bouillon, met-
tez-y un bouquet de persil et de ciboules, faites cuire et réduire
votre sauce, dégraissez-la, passez-la à letamine et servez-
vous-en.
Sauce italienne rousse, — Mettez dans une casserole
champignons hachés, tranches de citron et dés de jambon (le
citron devra n'avoir plus de pépins), ajoutez une cuillerée à
bouche d'échalote hachée, lavée et passée dans le coin d'un tor-
chon comme pour vos champignons; plus une demi-feuille de
laurier et deux clous de girofle, et un quart de litre d'huile, pas-
sez le tout sur le feu ; quand vous vous apercevrez que le citron
et les ingrédients sont presque cuits, retirez le citron; mettez
une cuillerée de persil haché^ et une cuillerée d'espagnole, et un
demi-litre de bon vin blanc, sans l'avoir fait réduire, ajoutez
un peu de mignonnette, faites ensuite réduire votre sauce, dé-
graissez-la, ôtez le jambon,''et lorsque votre sauce aura atteint
son degré de réduction, retirez-la.
Sauce italienne blanche, — [Même préparation que pour
l'italienne rousse, excepté que vous emploierez pour celle-ci du
velouté au lieu d'espagnole.
Sauce bavaroise. — Cette sauce peut s'appliquer à plu-
sieurs de nos poissons, mais particulièrement à deux espèces
que vous rencontrerez, particulièrement dans le Nord, aux zan-
ders et aux soudacs. Mesurez dans une casserole quatre cuillerées
à bouche de bon vinaigre, faites réduire celui-ci de moitié, et
éloignez-le du feu, mélez-y trois ou quatre jaunes d'œufs selon
la force de votre vinaigre, un morceau de beurre gros comme un
œuf, et un petit morceau de racine de réforme ; battez l'appareil,
ajoutez un peu de sel et de muscade, tournez-le sur un feu
modéré, transvasez-le dans une autre casserole au tamis fin, mé-
lez-y loo grammes de beurre divisé en petites parties, mettez
cette casserole nouvelle sur un feu doux, et battez l'appareil pour
le faire mousser sans le laisser bouillir, enfin incorporez-lui
loo grammes de beurre d'écrevisses.
Sauce à la maître d'hôtel froide. — Mettez un morceau de
beurre dans une casserole, joignez-y du persil haché^ quelques
feuilles d'estragon , une ou deux feuilles de baume, du sel fin
SAUCE. 989
" ^»^^^l II ■ M P ■ I II ■ ■ ^ ■ , ,M .^ ■ ■ - - ■ - ,
en suffisante quantité, le jus d'un ou deux citrons, ou un filet de
verjus, mariez le tout avec une cuiller de bois, jusqu'à ce qu'il
soit bien incorporé; cette préparation vous servira pour les choses
indiquées ci-après.
Sauce à la maître d'hôtel liée. — Mettez dans une casserole
deux cuillerées de velouté, joignez-y gros de beurre comme un
œuf, avec persil haché très-fin et deux ou trois feuilles d'estra-
gon hachées de même; mettez cette sauce sur le feu, tournez-la
avec une cuiller de bois pour bien incorporer votre beurre avec
le velouté; à l'instant où vous voudrea les servir, passez et vannez
votre sauce, ajoutez-y un jus de citjfosi ou un filet de verjus.
Sauce au suprême, — Mettez dans une casserole deux ou
trois cuillerées de velouté réduit, ajoutez-y deux ou trois cuille-
rées de consommé de volaille; faites réduire le tout à la valeur de
trois cuillerées de velouté; au moment de vous en servir, met-
tez-y gros de beurre comme un œuf; faites aller cette sauce sur
un bon feu, tournez-la et passez-la; qu'elle soit bien liée, sans
être trop épaisse; arrivée à son degré, retirez-la; mettez-y un jus
de citron ou un filet de verjus, vannez-la et usez- en au besoin.
Sauce à la matelote. — Mettez dans une casserole une
cuillerée à pot d'espagnole réduite ; Test-elle à peu près, met-
tez-y des petits o'gnons que vous aurez fait roussir et, cuire
dans le beurre, des champignons tournas etdes fonds d'artichauts.
A l'instant où vous servirez votre sauce, vous y mettrez gros de
beurre comme une petite noix; remuez le tout de manière à
bien mêler le beurre sans écraser vos garnitures, -et servez.
Sauce poivrade. — Coupez une lame de jambon en douze
petits dés, mettez-les dans une casserole avec un petit morceau
de beurre, cinq ou six branches de persil, deux ou trois ciboules
* coupées en deux, une gousse d'ail, une feuille de laurier, un
peu de basilic, du thym, et deux clous de girofle; passez le tout
sur un bon feu ; lorsqu'il sera bien revenu, mettez-y une pincée
de poivre fin, une cuillerée à dégraisser de vinaigre, quatre
cuillerées d'espagnole sans être réduite; remuez votre sauce,
faites-la partir, retirez-la sur le bord du fourneau, laissez-la
cuire trois quarts d'heure, dégraissez-la et passez-la dans une
étamine.
990
SAUCE.
Sauce hachée. — Mettez daos une casserdie une petite
cuillerée d'échalotes hachées et blanchies, autant de champi-
gnons, un peu de persil haché; versez dessus deiix ou trois
cuillerées à dégraisser d'espagnole, autant de bouillon, deux
cuillerées à dégraisser de bon vinaigre et une pincée de mignon-
nette; faites bouillir et dégraissez; hachez plein une cuiller à
bouche de câpres et autant de cornichons. Lorsque voû^ voudrez
vous servir de cette sauce, ajoutez-y Le beurre- d'un ou deux
anchois ; passez et vannez le tout.
Il ne faut pas que le^gpHûpdLchons et les câpres bouillent.
Sauce piquante. Hacl]Ler..u£bi}ig]Xon, le faire revenir avec du
beurre dans une casserole sma )e»roussir^ lui adjoindra un demi-
verre de vinaigre, un bouquet de persil, deux feuilles -de laurier,
un peu de thym, poivre et girofle, faire réduire le liquide de
moitié, mêler au liqijide réduit la valeur d'un verre de bottillon
ou de jus et autant, de sucre; faire bouillir le liquide, retirer la
casserole sur le côté du feu ; un quart d'heure après dégraisser
la sauce et la passer au tamis, lui mêler deux cuillerées à
bouche de câpres entières, et autant de cornichons coupés par
morceaux.
Sauce. P^rig^^yx. -r- Pelez deux ou trois truffes crues, préa-
lablemi^Ai:^jfos$ée^ et épluchées avec soin ; les couper en petits
dés et les tenir à couvert* verser dans un sautoir la valeur d'utt
verre et demi de sauce brune, ainsi que quelques cuillerées à
bouche de bon fond de veau, ajouter une partie des parures, de
truffes, pQjgr Is^ casserole sur feu vif, faire réduire la sauce en la
tournaat;<*qu%Q,d elle est réduite d'un tiers, lui incorporer peu à
peu le tiers d'un verre de bon madère, le passer sur les trufiês
coupée5; lui donner deux minutes d'ébullition, et la retirer
du feu,.'
Sauce au raisin. (Destinée à accompagner partiiyulièrement
la langue de bœuf à l'écarlate.) — Mettre dans une casserole un
verre de vinaigre, un bouquet de persil, thym, laurier, grains de
poivre, clous de girofle; faire réduire de moitié, mêler au liquide
deux verres de jus, le faire bouillir et le lier, avec une cuillerée à
bouche de fécule délayée à l'eau froide; au bout de cinq minutes,
la passer au tamis dans une autre casserole, lui adjoindre deux
SAUCE. 991
cuillerées à bouche de gelée de groseille, ainsi que deux poi-
gnées de raisins de Corinthe et de Smyrne épluchés et laves à
Teau chaude, lui donner cinq minutes d'ébuUition à un feu
modéré, et la vej-ser sur votre langue de b^uf.
Sauce w^ la crème de crevettes^ desHn4^ à accompagner un
turbot. — Mettre dans une dy^serole plate la valeur de trois
verres à^ bécJiamiel passée au moment, la faire réduire en lui
incorporant trois- cuillerées abouche d'une crème crue, et ensuite
quelques cuillerées de cuisson de champignons; quand elle est
bien crémeuse, la retirer du feu, lui incorporer loo grammes
de bon beurre frais, et, en dernier lieu, 50 grammes de crème de
crevettes ; masquer le turbot avçc. ujifi partie de la sauce ; mêler
au restant quelques cuillerées à bouohe de queues de crevettes et
la verser dans une saucière; orner le poisson avec quelques petits
bouquets de feuilles de persil.
Sauce à la pluche. — Faites blanchir, rafraîchissez, mettez
sur un tamis des feuilles de persil; mettez dans une casserole
trois cuillerées de velouté réduit et deux de consommé^; faites
réduire le tout à Tinstant où vous voudrez servir; jetez vos
feuilles de persil dans votre sauce; si elle se trouvait trop salée,
ajOMCez-y un petit morceau de beurre; passez, vannez, et
Sauce à la purée de champignons, — Prenez deux maniveaux
de champignons, épluchez-les, lavez-les bien à plusieurs eaux,
en les frottant légèrement dans vos mains; cela fait, égouttez-les
dans une passoire, ensuite émincez les têtes et les queues; meH
tez-les dans une casserole, avec gros de beurre comme un œw£;,,
faites-les fondre à petit feu, et lorsqu'ils seront presque cuifs,
mouillez-les avec du velouté, la valeur de deux cuillerées à
dégraisser, laissez-les cuire trois quarts d'heure, passez-les à Téta-
mine à force de bras, et finissez votre purée avec de la crème
double comme celle d'oignons blancs, néanmoins avec cette dif-
férence que celle-ci doit être un peu plus claire.
Sauce tortue. — Mettez dans une casserole la valeur d'une
cuillerée à pot d'espagnole réduite, un bon verre de vin de
Madère sec, une cuillerée de poivre kari, pleine, et la moitié de
cette quantité de poivre de Cayenne; faites réduire le tout;
99a
SAUCE.
dégraissez-le ensuite, ajoutez-y des crêtes de coq, des rognons,
des fonds d'artichauts, des champignons, une gorge de ris de
veau, ou des ris d'agneaux, si c'est la saison; faites bouillir le
tout afin que les ingrédients prennent le goût de la sauce et sa
couleur ; mettez-y, au moment de servir, six ou huit /aunes d'œufs
bien entiers, prenez garde de les écraser en remuant avec la
cuiller, et servez-vous de cette sauce pour les mets en tortue.
Par principe, faites toujours réduire vos garnitures dans le m
avant de les jeter dans la sauce.
Sauce kart ou à l'indienne. — Mettez dans une casserole
trois cuillerées de velouté réduit et autant de consommé^ une
cuiller à café pleine de poivre kari; prenez une pincée de safran,
faites-le bouillir dans un petit vase; quand la teinture du safran
sera formée, passez-la sur le coin d'un tamis dans votre sauce;
exprimez bien le safran avec une cuiller; faites-en même passer
une partie ; faites ensuite bouillir, et dégraissez. Si cette sauce
n'était pas assez poivrée, vous y mettriez, avec la pointe d'un cou-
teau, un peu de poivre rouge, autrement dit poivre de Cayenne.
Sauce tomate. — Ayez douze ou quinze tomates bien mûres
et surtout bien rouges; ôtez-en les queues, ouvrez-les en deux
avec votre couteau et ôtez-en la graine; pressez-les dans votre
main pour en faire sortir la partie aqueuse qui se trouve dans le
cœur et que vous jetterez, ainsi que la graine; mettez-les dans
une casserole avec un morceau de beurre gros comme un œuf,
une feuille de laurier et un peu de thym ; posez votre casserole
sur un feu modéré ; remuez vos tomates jusqu'à ce qu'elles soient
en purée. Durant leur cuisson, mettez-y une cuillerée d'espa-
gnole ou de la partie grasse du bouillon, ce qui vaudrait mieux;
lorsqu'elles seront au degré de purée, passez-les à force de bras
à travers l'étamine, ratissez le dehors de cette étamine avec le
dos de votre couteau ; mettez tout le résidu dans une casserole,
avec deux cuillerées d'espagnole, faites-le réduire à consistance
d'une légère bouillie, mettez-y du sîl convenablement, et sur la
pointe d'un couteau un peu de poivre de Cayenne.
Sauce à l'ivoire. — Après avoir ôté les poumons d'un
poulet ordinaire, mettez-le dans une marmite qu'il feut avoir le
soin de bien laver; ajoutez-y deux carottes, deux oignons, dont
SAUCE.
9^3
un piqué d'un clou de girofle et un bouquet assaisonné; mouil-
lez le tout avec deux cuillerées à pot de consommé, qu de bouil-
lon qui n'ait point de couleur; faites écumer cette marmite,
retirez-la sur le coin du fourneau afin qu'elle mijote. Après cinq
quarts d'heure ou une heure et demie de cuisson, passez ce con-
sommé à travers une serviette; prenez deux ou trois cuillerées
de consommé, mettez-les dans une casserole, joignez-y deux
cuillerées de velouté, faites réduire à consistance de sauce.
Lorsque vous serez sur le point de servir , mettez-y gros de
beurre comme la moitié d'un œuf; passez et vannez bien cette
sauce, versez-y une cuiller à bouche pleine de jus de citron, et
servez.
Sauce ravigote blanche, — Epluchez et lavez cresson alé-
nois, cerfeuil, pimprenelle, estragon, civette, céleri et feuilles de
baume ; mettez le tout dans un vase ; jetez dessus un poissop
d'eau bouillante ; couvrez et laissez infuser trois quarts d'heure ;
ensuite passez cette infusion, mettez-la dans une casserole avec
trois cuillerées à dégraisser de velouté; faites-la réduire à con-
sistance de sauce; mettez-y la valeur d'une cuillerée à bouche
pleine de vin blanc, gros de beurre comme la moitié d'un œuf;
passez et vannez bien cette sauce, et servez-la.
Sauce ravigote froide et crue. — Prenez la même ravigote
que celle énoncée ci-dessus, hachez-la [bien fin ; joignez-y une
cuillerée de câpres hachées de même, un ou deux anchois que
vous aurez concassés, un peu de poivre fin et du sel convenable-
ment; mettez le tout dans un mortier de marbre ou de pierre,
pilez-le jusqu'à ce qu'on ne puisse plus distinguer aucun ingré-
dient; ajoutez-y un jaune d'œuf cru; broyez, arrosez avec un
peu d'huile et, de temps en temps, un peu de vinaigre blanc pour
Tempêcher de tourner, et cela jusqu'à ce que le tout soit à
consistance de sauce (si vous voulez [votre ravigote très-forte,
ajoutez-y un peu de moutarde) ; alors retirez-la du mortier, et
servez.
Sauce ravigote cuite, — Ayez la même ravigote que celle
ci-dessus; lavez-la, faites-la blanchir comme vous feriez blanchir
des épinards; rafraîchissez-la quand elle sera cuite; mettez-la
égoutter sur un tamis, pilez-la bien; quand elle le sera, passez-
6î
ggA SAUCE.
la, à force de bras, au travers d'un tamis ordinaire; cela fait,
délayez-la avec de Thuile et du vinaigre; mettez-y sel et poivre,
ainsi que \ou$ feriez pour une rémolade; qu'elle soit d'un bon
goût, et servez.
Sauce verte. — Vous ferez cette sauce comme la sauce au
suprême, en y ajoutant une ravigote comme celle énoncée dans
l'article ci-dessus et du vert d'épinards que vous ferez ainsi :
lavez et pilez bien une poignée d'épinards, exprimez-en le jus
en les mettant dans un torchon blanc et les tordant à force de
bras; cela fait, mettez ce jus dans une petite casserole sur le bord
d'un fourneau; il se caillebotte comme du lait; lorsqu'il le sera,
jetez-le dans un tamis de soie pour le laisser égoutter; à l'instant
de servir vous délayerez, soit le tout, soit une partie, pour faire
votre sauce verte; de suite vous y mettrez le jus d'un citron, ou
un filet de vinaigre; passez et servez aussitôt, de peur que votre
sauce ne devienne jaune.
Sauce Robert. — La sauce Robert est une des sauces des
plus appétissantes comme des plus relevées, et Rabelais, qui range
au nombre de ceux qui ont bien mérité de la patrie son inven-
teur, le cuisinier Robert, l'appelait la sauce a tant salubre et
nécessaire. »
Cependant, sa réputation n'est pas aussi culinaire que Ton
pourrait le croire, elle est toute religieuse au contraire, ce qui
ne veut pas dire que ce qui est culinaire est étranger à la reli-
gion ; demandez à votre curé ce qu'il en pense et vous en verrez
la preuve.
R^evenons à notre sauce. L'historien Thiers (ne pas con-
fondre avec l'ancien ministre), curé de Champrond, au diocèse
de Chartres, s'étant élevé contre quelques charlataneries ecclé-
siastiques autorisées par le chapitre de l'église de Chartres, eut
pour adversaires les nommés Patin, officiai, et Robert, vicaire
général de l'évêque de Chartres. Le pasteur de Champrond fit
alors contre le grand vicaire de monseigneur une satire qu'il inti-
tula la Sauce Robert^ par allusion à la célèbre préparation culi-
naire de laquelle Rabelais parle. La satire fut dénoncée, Thieis
fut décrété de prise de corps et obligé de fuir.
Indiquons maintenant la manière de la préparer.
SAUCE* 99j;
Sauce Robert. — Coupez en rouelles ou en dés six gros
oignons, ou davantage si le cas le requiert; ayez soin de laver
l'oignon pour enlever la partie amère; mettez-les dans une casse-
role avec du beurre à proportion; posez le tout sur un bon feu;
singez-le avec un peu de farine, et faites qu'elle roussisse avec
vos oignons; quand tout le sera, délayez avec du bouillon;
laissez cuire; mettez sel et mignonnette, et lorsque votre sauce
sera arrivée à son degré, joignez -y de la moutarde, et servez.
Sauce écrevisses. — Préparez une sauce au beurre avec
125 grammes de beurre et 125 grammes de farine en la mouillant
avec de la cuisson de poisson dégraissée, passée et refroidie;
quand la sauce est liée, la finir en lui incorporant 100 grammes
de bon beurre frais, un morceau de beurre d'écrevisses ainsi que
quatre à cinq cuillerées de pattes et de queues d'écrevisses cou-
pées en petits dés.
Qâutre sauce au beurre d'écrevisses. — Lavez à plusieurs
eaux un demi-cent de petites écrevisses, mettez-les dans une
casserole, couvrez-les; faites-les cuire dans du grand bouillon
avec un peu de mouillement; sitôt qu'elles commencent à bouillir,
sautez-rles pour que celles qui sont dessous viennent dessus ;
quand elles seront d'un beau rouge, retirez la casserole du feu;
laissez dix minutes vos écrevisses couvertes; ensuite égouttez-les
sur un tamis, laissez-les refroidir, séparez-en les chairs, comme
les queues que vous conservez pour faire les garnitures; jetez le
dedans du corps après en avoir extrait les petites pattes ; lavez-
bien toutes ces écailles, jete:-les sur un tamis; faites-les sécher
sur un four tiède ou sur un couvercle posé sur une cendre
chaude; quand elles le seront, pilez-les dans un mortier; lors-
qu'elles seront presque entièrement pilées, joignez-y gros de
beurre comme un œuf; pilez-les de nouveau jusqu'à ce qu'on
ne distingue presque plus les écailles de vos écrevisses; si ces
écrevisses , en les pilant , ne donnaient point assez de rouge à
votre beurre, ajoutez -y deux ou trois petites racines qu'on
nomme orcanètes; cela fait, mettez fondre sur un feu très-doux
votre beurre d'écrevisses environ un quart d'heure; quand
il sera très -chaud, mettez un tamis un peu serré sur un
vase rempli d'eau fraîche; versez sur ce tamis votre beurre,
996 SAUCE.
lequel se figera dans l'eau; ensuite ramassez-le, mettez-le sur
une assiette (afin de vous en servir pour vos sauces au beurre
d'écrevisses) ; ensuite prenez trois cuillerées de velouté réduit et
bien corsé; incorporez votre beurre d'écrevisses et vannez bien
le tout à l'instant de vous en servir.
Sauce aux homards, — Otez les chairs et les œufs d'un
moyen homard, coupez les chairs en dés, détachez les fibrines
des œufs; mettez dans une casserole les œufs et les chairs sans
mouillement, couvrez votre casserole d'un papier ou d'un cou-
vercle, de crainte que vos chairs ne se hàlent; lavez les coquilles
de votre homard, détachez-en les petites pattes du plastron que
vous supprimerez; vos coquilles étant bien lavées, mettez-les
sécher dans une étuve; une fois séchées, pilez-les et faites-en un
beurre, comme il est indiqué au beurre d'écrevisses , et finissez-
le de même; le beurre de votre homard refroidi, mettez-le dans
une sauce blanche, vannez-la sur le feu sans la faire bouillir;
ajoutez-y, si vous le voulez, un peu de poivre de Cayenne ou de
gros poivre, versez votre sauce sur les chairs de votre homard,
mêlez bien le tout et servez-le dans une saucière.
Sauce des gourmets. — Faites bouillir dans une casserole
la valeur de trois quarts de verre de glace fondue, et quatre
cuillerées à bouche de purée de tomates, retirez aussitôt la sauce
du feu pour lui incorporer peu à peu, en la tournant à la cuiller,
cent cinquante grammes de beurre d'écrevîsses , divisé en petites
parties ; quand la sauce est bien liée , lui mêler une cuillerée à
bouche dn bon vinaigre et finir avec une pincée d'estragon haché,
autant d'échalote hachée fin et blanchie.
Sauce échalote à la béarnaise. — Mettez dant une petite
casserole deux cuillerées à bouche d'échalote hachée et quatre
cuillerées de bon vinaigre d'Orléans; la poser sur le feu et cuire
les échalotes jusqu'à ce que le vinaigre soit réduit de moitié;
retirez alors la casserole, et quand l'appareil est à peu près
refroidi, mêlez-lui quatorze jaunes d'œufs, broyez-les à la
cuiller et joignez-leur quatre cuillerées à bouche de bonne huile.
Posez alors la casserole sur un feu doux ; liez la sauce en la tour-
nant, retirez-la aussitôt qu'elle est à point, et lui incorporez
encore un demi-verre d'huile, mais en Talternant avec le jus
SAUCE. 997
d'un citron ; iinir la sauce avec un peu d'estragon ou de persil
haché et un peu de glace de viande.
Sauce à la purée d'oseille. — Ayez deux poignées d'oseille
ou davantage si le cas le nécessite , ôtez-en les queues, lavez
ensuite cette oseille, égouttez-la, hachez-la très-menu, mettez-la
dans une casserole avec un morceau de beurre que vous ferez
fondre ; quand votre oseille sera cuite , passez-la à force de bras
à travers une étamine, remettez-la dans une casserole après avoir
ramassé avec le dos d'un couteau ce qui avait pu rester au
dehors de cette étamine , versez-y une cuillerée ou deux d'espa-
gnole, faites-la recuire environ trois quarts d'heure ; ayez soin de
la remuer toujours, dégraîssez-la et faîtes qu'elle soit d'un bon
sel ; arrivée à la consistance d'une bouillie épaisse, retirez-la du
feu, et servez- vous-en.
Sauce à la purée d'oignons blancs, — Mettez dans une
casserole avec un morceau de beurre une quinzaine d'oignons
émincés, posez votre casserole sur un feu doux afin que votre
oignon ne prenne point couleur ; faites-le cuire à petit feu, ayant
soin de le remuer souvent avec une cuiller de bois ; quand vous
voyez qu'il s'écrase facilement sous la cuiller, joignez-y une ou
deux cuillerées de velouté et laissez cuire de nouveau ; quand le
tout sera bien cuit et réduit, passez-le de nouveau dans une
étamine comme pour la purée d'oseille, remettez-le dans une
casserole et sur le feu, incorporez dans cette purée d'oignons une
chopine de crème que vous aurez fait bouillir d'avance, mettez-
y un peu de muscade râpée pour que votre purée soit d'un bon
goût; lorsqu'elle aura atteint le degré d'une bonne bouillie,
retirez-la, et usez-en au besoin.
Sauce à la purée de pois. — Marquez cette purée de po:s
comme celle indiquée pour les potages, faites -en autant que
vous croirez nécessaire pour une ou deux entrées, mettez-la
réduire avec une quantité suffisante de velouté; lorsqu'elle sera
à son point, ajoutez-y un peu de vert d'épinards pour lui donner
la teinte qu'ont les pois verts ; finissez-la avec un morceau de
beurre, une pincée de sucre en poudre, qu'elle soit à consistance
d'une bouillie épaisse, et servez, •
Sauce pois verts^ pour entrées et entremets. — Prenez deux
998 SAUCE.
litres de gros pois verts ou davantage, lavez-les, jetez-les dans une
passoire, mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre,
du persil coupé en branches, quatre ou cinq ciboules coupées
en deux, posez votre casserole sur le feu , sautez vos pois lors-
que vous les verrez se rider ; mouillez-les avec deux cuillerées à
pot de bouillon, mettez une ou deux lames de jambon, faites-les
partir, retirez-les sur le bord du fourneau, faites-les cuire, jetez-
les dans une passoire, ôtez-en le jambon, écrasez-les avec une
cuiller ou pilez-les à Tétamine à force de bras en les humectant
avec le bouillon dans lequel ils ont cuit. La purée étant passée,
mettez-la dans une casserole avec un morceau de beurre, une
cuillerée ou deux de velouté: faites-les réduire à consistance
d'une purée, dégraissez-rla, qu'elle soit d'un bon sel, mettez-y un
petit morceau de sucre et finissez-la avec un morceau de beurre;
si elle n'était pas assez verte, mettez-y un peu de vert d'épinards
comme il est indiqué à l'article Purée des potages.
Sauce à la purée de lentilles à la Reine. — Elle se fait
comme la précédente, excepté qu'il faut la servir avec de l'espa-
gnole; on doit laisser cuire la purée de lentilles plus que la
purée de pois, afin qu'elle soit d'une belle couleur marron ; on
la finit avec un morceau de beurre et on lui donne la même
consistance que la purée de pois.
Purée de gibier. — Prenez un ou deux perdreaux rôtis à
la broche, un lapereau et une bécasse, soit séparément, soit
ensemble; levez-en toutes les chairs, hachez le tout très- menu,
mettez le hachis dans un mortier et pilez bien ; lorsqu'il sera pilé,
mettez-le dans une casserole avec de l'espagnole réduite et un
peu de consommé, faites chauffer le tout sur un feu doux et sans
bouillir; quand cette purée sera bien chaude, passez-la à force
de bras à l'étamine, ramassez ce qui peut en rester dehors, remet-
tez-la dans une casserole, faites -la chauffer et placéz-la au
bain-marie; au moment de vous en servir, finissez-la avec un
morceau de beurre. Si vous ne la trouvez pas assez corsée,
mettez-y un peu de glace et servez-la soit avec des œufs pochés
dessus, soit avec des croûtons ou dans des croustades.
Sauce au pauvre homme. — Prenez cinq ou six échalotes,
ciselez et hachez-les, ajoutez une pincée de persil haché bien fin.
SAUCE.
999
mettez le tout dans une casserole soit avec un verre de bouillon,
soit avec du jus ou de l'eau en moindre quantité, et une cuillerée
à dégraisser de bon vinaigre, du sel, une pincée de gros poivre,
faites bouillir vos échalotes jusqu'à ce qu'elles soient cuites, et
servez.
Glace ou consommé réduit. — Prenez un ou deux jarrets de
veau, et soit pour augmenter, soit pour remplacer ces jarrets,
employez des parures de carrés et des débris de veau ; mettez-le
tout dans une marmite fraîchement étamée, avec quatre ou cinq
carottes, deux ou trois oignons, et un bouquet de persil et de
ciboules; mouillez le tout avec d'excellent bouillon, ou quelques
bons fonds ; faites écumer votre marmite et rafraichissez-la plu-
sieurs fois avec de leau fraîche, mettez-la sur le bord d'un four-
neau, et lorsque vos viandes quitteront les os, passez votre con-
sommé à travers une serviette, que vous aurez mouillée et tordue;
laissez refroidir votre consommé, clarifiez-le, faites-le réduire à
consistance de sauce en ayant soin de remuer toujours, vu que
rien n'est plus sujet à s'attacher et à brûler; à cet effet, ne la
conduisez pas à trop grand feu, ce qui pourrait la noircir ; elle
doit être d'un beau jaune et très-transparente ; n'y mettez point
de sel, elle en aura toujours assez. Cette réduction sert à donner
du corps à vos sauces et ragoûts qui pourraient en manquer, et à
glacer vos viandes. Vous ferez un petit pinceau avec des queues
de vieilles poules, ôtez-en les barbes, ne laissez que le bout des
plumes d'environ deux pouces de longueur; mettez-les bien égales,
qu'il n'y en ait pas une plus longue que l'autre; liez-les forte-
ment, ce qui formera votre pinceau; lavez-le dans l'eau tiède,
pressez-le, servez-vous-en, mais prenez garde de le laisser bouil-
lir dans votre glace, de peur de faire partir les barbes par par-
celles dans votre travail.
Marinade cuite. — Mettez dans une casserole gros de beurre
comme un œuf, une ou deux carottes en tranches, ainsi que
des oignons, une feuille de laurier, la moitié d'une gousse
d'ail, un peu de thym, de basilic, du persil en branches, deux ou
trois ciboules coupées en deux ; faites passer le tout sur un bon
feu; quand vos légumes commenceront à roussir, mouillez-les
avec du vinaigre blanc, le double d'eau, mettez-y sel et gros
I
looo SAUCE.
poivre, laissez bien cuire cette marinade, passez-la à travers un
tamis, et servez- vous-en au besoin.
Poêle. — Prenez quatre livres de rouelle de veau, coupez-
les en dés, ainsi qu'une livre et demie de jambon^ une liv^re et
demie de lard râpé que vous couperez de même, cinq ou six
carottes coupées en dés, huit moyens oignons entiers ; un fort
bouquet de persil et de ciboules, dans lequel vous enveloppcirez
trois clous de girofle, deux feuilles de laurier, du thym, un peu
de basilic et un peu de massif; joignez à cela trois citrons, cou-
pés en tranches, dont vous aurez supprimé la pelure et les
pépins; mettez le tout dans une marmite fraîchement étamée,
avec une livre de beurre fin, passez-le sur un feu doux, ^mouillez-
le avec du bouillon ou du consommé; faites partir, écumez,
laissez cuire quatre ou cinq heures, passez votre poêle à traven
un tamis de crin, et servez-vous-en au besoin.
Sauce à la mirepoîx. — Cette sauce se fait comme la pré-
cédente, et n'en diffère qu'en ce que dans le volume de son mouil-
lement il entre un quart de vin soit de Champagne, soit d'autre
bon vin blanc.
Blanc. — Ayez une livre ou une livre et demie de graisse
de bœuf, coupez-la en gros dés, mettez-la dans une marmite
avec carotte coupée en tranches, oignons entiers, piqués de deux
clous de girofle, une ou deux feuilles de laurier, un bouquet de
persil et ciboules, une gousse d'ail, deux citrons coupés en
tranches, dont vous aurez supprimé la peau et les pépins; passez
le tout sur le feu sans le faire roussir; lorsque votre graisse sera
aux trois quarts cuite, singez-la d'une cuillerée à bouche de
farine, mouillez le tout avec de l'eau, joignez-y de l'eau de sel,
ce qu'il en faut.
L'eau de sel se fait ainsi : mettez dans une casserole une ou
deux poignées de sel avec de l'eau, faites-la bouillir, écumez-Ia,
laissez-la reposer, tirez-la au clair, et servez- vous-en.
Petite sauce à l'aspic. — Mettez dans une casserole un
bon verre de consommé, faites-y infuser une partie suffisante
de fines herbes dont on se sert pour la ravigote; posez votre
casserole sur de la cendre chaude environ un quart d'heure,
ne laissez pas bouillir, passez le tout à travers un linge blanc,
SAUCE. looi
ne l'exprimez pas trop fort, mettez-y une cuillerée à bouche de
vinaigre d'estragon, un peu de gros poivre, et servez- vous-en.
Sauce au fumet de gibier. — Mettez dans une casserole
quatre cuillerées à dégraisser de consommé, prenez deux ou trois
carcasses de perdreaux^ que vous aurez concassées avec le dos
de votre couteau ; un bon verre de vin blanc; faites cuire environ
trois quarts d'heure, passez le tout à travers un tamis de soie,
faites réduire et tomber à glace. Cela fait, mettez deux ou trois
cuillerées à dégraisser d'espagnole, faites bouillir; dégraissez, et
servez- vous-en.
Sauce au beurre d'ail, — Prenez deux gousses d'ail, pilez-
les avec gros de beurre comme un œuf; lorsque le tout sera bien
pilé, mettez votre beurre sur le fond d'un tamis de crin double,
passez*le à force de bras, avec une cuiller de bois, ramassez-le,
et servez-vous-en soit avec du velouté, soit avec de l'espagnole
réduite.
Sauce au beurre d'anchois. — Prenez trois ou quatre anchois,
lavez-les bien, frottez-les avec une serviette, afin qu'il n'y reste
aucune écaille; levez-en les chairs, supprimez-en l'arête, pilez-
les avec gros de beurre comme un petit œuf; quand le tout sera
pilé, ramassez-le, passez-le au tamis, et mettez-le sur une assiette.
Vous aurez fait réduire quatre cuillerées à dégraisser d'espagnole;
à l'instant de saucer, vous incorporerez votre beurre d'anchois
soit en partie, soit en totalité, avec votre espagnole; faites chauffer
deux citrons pour la dessaler, passez et vannez-la; si elle se
trouvait trop liée, ajoutez-y un peu de consommé, et servez-
vous-en.
Sauce au beurre de Prai'ence. — Prenez cinq ou six gousses
d'ail, pilez-les comme pour le beurre d'ail; passez-les comme
ci-dessus, à travers un tamis de crin double ; ramassez avec la
cuiller tout le résidu; mettez-le dans un vase de faïence; ayez de
la bonne huile vierge d'Aix veresz-en un peu dessus ; tournez
votre huile et votre ail comme pour faire une pommade , sans
discontinuer de la mouiller et de la remuer petit à petit; mettez-
y du sel convenablement. Elle doit venir comme un morceau de
beurre, à force de la travailler ; alors servez- vous-en.
Sauce à la tartare. — Hachez deux ou trois échalotes bien
looa SAUCE.
tin, un peu de cerfeuil et d'estragon; mettez le tout dans le
fond d'un vase de terre avec de la moutarde et deux jaunes
d'œufs, un filet de vinaigre, sel et poivre, selon la quantité qu'il
vous en faut; arrosez légèrement d'huile votre sauce, et remuez-
la toujours : si vous voyez qu'elle se lie trop, jetez-y un peu de
vinaigre; goûtez si elle est d'un bon sel : si elle se trouvait trt^
salée, remettez-y un peu de moutarde et d'huile.
Sauce au fenouil. — Epluchez, hachez, faites blanchir quel-
ques branches de fenouil, jetez-les sur un tamis, mettez dans une
casserole deux cuillerées à dégraisser de vel Juté, autant de sauce
au beurre ; faites-les chauffer, ayez soin de les vanner; à l'instant
de servir ; jetez votre fenouil dans votre sauce ; passez-la bien,
pour que votre fenouil soit bien mêlé, mettez-y le sel convenable
et un peu de muscade râpée.
Sauce à l'anglaise, aux groseilles à maquereau. — Prenei
vos deux pleines mains de groseilles à maquereau à moitié mûres ;
ouvrez-les en deux , ôtez-en les pépins ; faites-les blanchir dans
l'eau avec un peu de sel, comme vous feriez blanchir des haricots
verts ; égouttez-les ; jetez-les dans une sauce comme celle indi-
quée ci-dessus, avec fenouil ou sans fenouil. Cette sauce sert à
manger, en place de celle de maître d'hôtel, des maquereaux
bouillis.
Sauce claire à V estragon. — Prenez de votre grand aspic :
si vous n'en aviez pas , employez quelques bons fonds , que vous
clarifierez comme je l'ai indiqué à l'article grand aspic. Après
l'avoir clarifié, mettez-y un filet de vinaigre à l'estragon, coupez
quelques feuilles d'estragon en losanges ; faites-les bouillir, et tu
moment de servir, jetez-les dans votre aspic.
Sauce à l'estragon liée. — Mettez dans une casserole deux
ou trois cuillerées à dégraisser de velouté réduit, si vous la voulez
blanche, et d'espagnole réduite, si vous la voulez rousse; ajoutez-y
un filet de vinaigre à l'estragon, de l'estragon préparé comme le
précédent, et finissez de lier votre sauce avec un pain de beurre.
Sauce mayonnaise. — Mettez dans un vase de terre trois ou
quatre cuillerées à bouche d'huile fine, et deux de vinaigre
d'estragon; joignez-y estragon, échalotes, pimprenelle, hachés
très-fin, sel, gros poivre, en suffisante quantité, deux ou trois
SAUCE. loo)
cuillerées à bouche de gelée d'aspic ; remuez bien le tout avec
une cuiller ; la sauce se liera et formera une espèce de pom-
made. Goûtez-la : si elle était trop salée ou trop vinaigrée,
mélez-y un peu d'huile; en cas que vous la vouliez claire,
concassez la gelée avec votre couteau, et mèlez-la légèrement
avec votre assaisonnement.
Roux. — Mettez dans une casserole une livre de beurre ou
davantage ; faites-le fondre sans le laisser roussir ; passez au
tamis de la farine.de froment, la plus blanche et la meilleure;
mettez-en autant que votre beurre en pourra boire (on le fait
aussi considérable que le besoin l'exige) ; il faut que ce roux ait
la consistance d'une pâte un peu ferme ; menez-le au commen-
cement sur un feu assez vif, ayant soin de le remuer toujours ;
lorsqu'il sera bien chaud et qu'il commencera à blondir, mettez-le
sur de la cendre chaude, sous un fourneau allumé, en sorte
que la cendre rouge de ce fourneau tombe sur le couvercle qui
couvre votre roux ; remuez-le de demi-quart d'heure en demi-
quart d'heure, jusqu'à ce qu'il soit d'un beau roux; de cette
manière votre roux n'aura point l'âcreté que les roux ont ordi-
nairement.
Roux blanc, — Faites fondre le beurre le plus fin que vous
aurez; mettez-y de la farine en suffisante quantité; passez au
tamis comme ci-dessus, de crainte qu'il ne se trouve dans votre
farine des grumeaux ou de la malpropreté ; mettez-le sur un feu
très-doux , afin qu'il ne prenne point couleur ; ayez soin de
le remuer environ une demi-heure et servez -vous-en à votre
volonté.
Pâte à /rire» — Passez une demi-livre de farine ; mettez-la
dans une terrine avec -deux cuillerées à bouche d'huile, du sel et
deux ou trois jaunes d oeufs , mouillez-la avec de la bière en
suffisante quantité pour qu'elle ne corde point ; travailiez-lapour
qu'elle soit à consistance d'une bouillie ; fouettez un ou deux
blancs d'œufs, incorporez-les dans votre pâte en la remuant
légèrement ; faites-la deux ou trois heures avant de vous en
servir. Du plus ou du moins de blancs d'œufs fouettés dépendra
la légèreté de votre pâte. Vous pouvez faire de même cette pâte
avec du beurre au lieu d'huile, et de l'eau chaude en place de
I004 SAUCE.
bière. L'eau tiède avec un peu de beurre fondu vaut mieux que
la bière; pas de vin blanc. L'huile vaut mieux que le beurre, la
pâte est plus croustillante; un peu de cognac, un petit verre.
Friture. — L'expérience m'a appris que, de toutes les
fritures, la meilleure est celle que Ton fait avec la partie grasse
qu'on tire de la grande marmite. Lorsqu'on n'a pas assez de
cette graisse, on y supplée avec de la graisse de rognons de boeuf
hachée très-fin, ou que l'on coupe en dés, et qu'on fait fondre
avec soin. Ces graisses valent infiniment mieux que le saindoux,
qui a le défaut de ramollir la pâte, et celui encore plus grand,
lorsqu'on le fait chauffer, de s'enfler et d'écumer, ce qui le £dt
déborder souvent du vase où on l'a mis, et ce qui est dangereux
encore, dans le feu. L'huile fait à peu près le même effet et n'est
pas moins dangereuse sous ce dernier rapport; mais elle ne
ramollit pas. A l'égard du beurre fondu, cette friture revient fort
cher et a presque les mêmes inconvénients : ainsi je conclus que
de toutes les fritures, tant pour la beauté que pour la bonté et
l'économie, la meilleure est celle qui provient de la graisse qu'on
a retirée de la marmite, ainsi que celle qu'on fait de la graisse
des rognons de bœuf.
Manière d'opérer en cela :
Lorsque vous aurez de la graisse indiquée en suffisante
quantité, mettez-la dans une marmite pour la faire cuire et
clarifier; faites-la partir comme vous feriez à l'égard d'un
bouillon ; mettez-y quelques tranches d'oignons et quelques
morceaux de pain, faites-la aller quatre ou cinq heures sur le
bord d'un fourneau ou devant le feu, comme on fait aller,
vulgairement dit, un pot-au-feu bourgeois ; après, ôtez-en le
pain, les oignons, et tirez-la au clair : elle doit être extrême-
ment limpide ; mettez -en la quantité dont vous avez besoin dans
une poêle, faites-la chauffer; pour vous assurer si elle est chaude
assez, trempez un de vos doigts dans l'eau et secouez-le sur la
friture ; si eUe pétille et jette l'eau, c'est qu'elle est à son degré
de chaleur.
Si c'est du poisson que vous faites frire, avant de Taban-
donner tenez-le par la tête et trempez le bout de la queue dans
votre friture; si, l'ayant laissé une seconde, vous voyez que ce
SAUCE! looj
bout est presque cassant, mettez-y votre poisson et ayez soin de
le retourner.
Sauce aux hatelets. — Hachez un peu de persil, ciboules
et champignons ; mettez ces fines herbes dans une casserole avec
un morceau de beurre; passez-les, singez-les, et mouillez -les
avec une cuillerée à pot de consommé ; assaisonnez cette sauce
d'un peu de sel, gros poivre, de la muscade râpée et une demi-
feuille de laurier; faites-la aller sur un bon feu, en ayant soin de
la tourner jusqu'à ce qu'elle ait atteint son degré de cuisson,
c'est-à-dire qu'elle soit réduite à consistance d'une bouillie claire;
retirez-en le laurier ; liez-la avec deux jaunes d'œufs délayés
avec un peu de bouillon, et servez-vous-en.
Brède sauce, — Prenez de la mie de pain ad hoc, faites-la
dessécher avec du lait ; laissez-la cuire environ trois quarts
d'heure, et ne lui donnez que la consistance d'une bouillie épaisse;
a;outez-y vingt grains de poivre blanc, du sel en suffisante
quantité et, en la finissant, gros comme une noix d'excellent
beurre ; servez-la dans une saucière, à côté de vos pièces de
venaison.
Sauce aux truffes à la Saint-Cloud, ou en petit deuil. —
Coupez une truffe en très-petits dés ; passez-les dans un petit
morceau de beurre ; mouillez-les avec quatre cuillerées à
dégraisser, pleines de velouté, «t deux de consommé ; faites cuire
et réduire votre sauce ; dégraissez-la et finissez-la avec un pain
de beurre.
Sauce à la peluche verte. — Mettez dans une casserole quatre
cuillerées pleines de velouté réduit ; faites bouillir et dégraissez
au moment de servir ; mettez dans cette sauce des feuilles de
persil blanchi, du gros poivre, un pain de beurre et le jus d'un
citron; observez que ce jus doit dominer un peu.
Court-bouillon. — Mettez dans une casserole un morceau de
beurre avec des oignons coupés en tranches, et des carottes
coupées en lames, deux feuilles de laurier cassées, trois clous de
girofle, deux gousses d'ail, du thym, du basilic^ et un peu de
gingembre ; passez le tout sur un feu vif, pour donner à ces
légumes un peu de couleur; faites que le fond de votre casserole
soit un peu attaché; mouillez-les avec deux ou trois bouteilles
ioo6 9AUCE.
devin; si vous voulez que votre court-bouillon soit au gras,
mettez quelques bons fonds de graisse; faites-le bouillir el
servez- vous-en .
Ket'-chop, — Ayez douze maniveaux de champignons,
épluchez-les, lavez-les, émincez-lesle plus possible; ayez une ter-
rine d'office neuve; faites un lit de champignons de l'épaisseur d'un
travers de doigt; saupoudrez-le légèrement de sel fin, ainsi de
suite, lit par lit, jusqu'à ce que vos champignons soient employés;
ajoutez-y une poignée de brou de noix ; cela fait, couvrez votre
terrine d'un linge blanc, fixez ce linge avec une ficelle et recou-
vrez votre terrine avec un plat quelconque. Laissez quatre ou
cinq jours vos champignons se fondre ; tirez-en le jus au clair et
exprimez-en le marc à force de bras, au travers d'un tordioo
neuf (il faut être deux pour cela); mettez ce jus dans une casse*
rôle ; faites-le réduire ; ajoutez-y deux feuilles de laurier ; vous
aurez marqué une petite marmite comme pour faire un fond de
glace (voyez la Glace) \ ajoutez-y quatre ou cinq anchois piles,
une cuillerée à café de poivre de Cayenne (voyez Poivre de
Cayenne) ; faites réduire le tout presque à demi-glace ; ôtez-en
les feuilles de laurier, et laissez-le refroidir ; ensuite mettez-le
dans une bouteille neuve bien bouchée et servez-le avec le poisson.
La Duxelle. — Hachez champignons, persil, ciboules et écha-
lotes, le tout par tiers; mettez du beurre dans une casserole avec
autant de lard rupé, passez ces fines herbes sur le feu, assaisomiez-
les de sel, gros poivre, fines épicès, un peu de muscade râpée et
une feuille de laurier ; mouillez le tout de quelques cuillerées
d'espagnole ou de velouté; laissez-le mijoter, a3raiît soin de le
remuer lorsque vous croirez votre duxelle suffisamment cuite, et
l'humidité des fines herbes évaporée ; finissez-la avec une liaison
que vous ferez cuire sans laisser bouillir ; ajoutez-y, si vous voulez,
le jus d'un citron; déposez-la dans une terrine, et servez-vous-en
pour tout ce que vous voudrez mettre en papillote.
Sauce au vert-pré, — Mettez dans une casserole cinq cuil-
lerées à dégraisser pleines de velouté et deux de consommé;
faites-les réduire, au moment de servir ajoutez-y un petit pain
de beurre et gros comme une noix de vert d'épinards ; passez sans
travailler votre sauce et servez-vous-en.
SAUCE.
1007
Sauce à Vorange. — Coupez par la moitié des oranges,
exprimez-en le jus dans un tamis que vous poserez sur un vase
de faïence ; coupez en deux vos moitiés d'oranges dont vous aurez
exprimé le jus, ôtez-en toutes les chairs; coupez le zeste en petits
filets ; faites-le blanchir, égouttez-le, mettez-le dans un jus de
bœuf bien corsé avec une pincée de gros poivre, retirez sur le
bord du fourneau votre casserole ; mettez-y le jus de vos oranges,
saucez-y vos filets et que le reste soit dessus.
Eau de sel. — Mettez de Teau dans un petit chaudron et
du sel proportionnellement à la quantité de Teau, avec quelques
ciboules entières, du persil en branche, une ou deux gousses d'ail,
deux ou trois oignons coupés en tranches ; zestes de carottes,
thym, laurier, basilic, deux clous de girofle; faites bouillir trois
quarts d'heure, écumez votre eau, descendez-la du feu, couvrez-la
d'un linge blanc, laissez-la reposer une demi-heure ou trois
quarts d'heure; passez-la au travers d'un tamis de soie sans y
verser le fond, servez-vous-en pour faire cuire votre poisson et
tout ce qui nécessite de l'eau de sel.
Beurre lié. — Cassez deux œufs, supprimez-en les blancs,
mettez les jaunes dans une casserole ; faites tondre environ un
quarteron de beurre sans le laisser roussir ; broyez, rompez vos
jaunes avec une cuiller de bois, versez votre beurre au fur et à
mesure sur ces jaunes; posez votre casserole sur un feu doux,
mettez-y du jus de citron, et servez-vous-en pour faire vos
parures.
Verjus et la manière de le faire pour qu^il se conserve. —
Prenez du verjus avant qu'il ne commence à mûrir, séparez les
grains de la grappe, ôtez-en les queues ; mettez les grains dans
un mortier avec un peu de sel, pilez-les, exprimez-en le jus à
travers un linge à force de bras ou sous une pierre; ayez une
chausse de futaine, ou deux, si la quantité de verjus que vous
voulez faire l'exige ; mouillez cette chausse, enduisez-la de farine
du côté plucheux de la futaine, suspendez-la de manière qu'elle
soit ouverte ; versez votre verjus en plusieurs fois jusqu'à ce qu'il
devienne limpide comme de l'eau de roche ; vous aurez aupara-
vant rincé des bouteilles, ou vous en aurez de neuves, pour
qu'elles n'aient aucun mauvais goût ; vous les soufrerez en agis-
ioo8 SAUCE.
sant ainsi : ayez un bouchon qui puisse aller à toutes les bouteilles,
passez dedans un fil de fer, arrêtez-le sur le haut du bouchon
et faites-lui faire un crochet à l'autre extrémité : il faut que ce
fil de fer ne passe pas la moitié de la bouteille ; mettez au crochet
un morceau de mèche soufrée comme celle qu'on emploie pour
mécher les tonneaux, allumez-la, mettez-la dans les bouteilles
Tune près de Tautre ; lorsque vous apercevrez que la bouteille est
remplie de la vapeur, ôtez-en la mèche et bouchez -la, ainsi des
autres ; au bout d'un instant videz -y votre verjus et bouchez bien
vos bouteilles, que vous mettrez debout dans la cave, et quand
vous voudrez vous en servir, supprimez la petite pellicule qui
doit s'être formée dans le goulot; vous pourrez vous servir de ce
verjus en place de citron ; vous pourrez vous en servir aussi pour
les liqueurs fraîches et le punch, en y ajoutant un peu d'esprir-
de-vin ou du zeste de citron. Ce verjus est bon pour obvier aux
inconvénients des chutes; il sufiit, à cet effet, d'en prendre un
verre lorsque l'accident vient d'arriver.
Sauce ravigote chaude pour cervelles de veau et autres.
(Recette d'Urbain Dubois.) — Mettez dans une casserole la
valeur d'un demi-verre de vinaigre blanc ; ajoutez au liquide un
bouquet d'estragon, quelques échalotes et grosses épices; faites
réduire le liquide de moitié, adjoignez-lui alors quelques cuil-
lerées de sauce blonde un peu consistante, faites-la bouillir
pendant quelques minutes, passez-la au tamis et la tenez au
chaud, hachez fin une pincée de feuilles de persil, une ou deux
feuilles d'estragon, une de pimprenelle et une de cerfeuil; les
mettre dans le coin d'une serviette, tremper celle-ci dans l'eau
chaude; exprimez l'humidité des fines herbes, mêlez-les à la
sauce, et incorporez à celle-ci hors du feu trois ou quatre cuil-
lerées à bouche de bonne huile d'olive.
Sauce à Vaurore, — Ayez du velouté travaillé, dans lequel
vous mettrez plein deux cuillerées à bouche de jus de citron, du
gros poivre et un peu de muscade râpée ; votre sauce marquée,
vous avez quatre jaunes d œufs durs que vous passez à sec à
travers une passoire ; au moment de ser\'ir, vous mettez vos jaunes
ilans votre sauce. Prenez garde de ne pas la laisser bouillir quand
les jaunes y seront, et qu'elle soit d'un bon sel.
SAUCE.
1009
Sauce aux olives farcies, — Jetez dans l'eau bouillante
250 grammes d'olives farcies, égouttez-les, retirez-les, mettez-les
dans une espagnole réduite au bain-marie, ajoutez deux cuil-
lerées d'huile d'olives, et servez au besoin.
Sauce aux moules. — Vos moules ratissées et passées à
plusieurs eaux, vous les mettez dans une casserole avec ail, persil,
sur un feu vif, et vous faites sauter les moules de temps en temps
jusqu'à ce qu'elles soient ouvertes ; alors ôtez les moules de leurs
coquilles, et après les avoir laissées reposer et tiré au clair l'eau
qu'elles ont rendue, faîtes-en une sauce au beurre, jetez vos
moules dans cette sauce, et tenez-la bien chaude pour vous en
servir.
Sauce froide à la polonaise. — Exprimez dans une saucière
le suc de quatre citrons et celui d'une bigarade ; joignez-y une
forte pincée de mignonnette avec trois cuillerées à café de bonne
moutarde et six pleines cuillerées à bouche de sucre bien pur et
bien pulvérisé ; mélangez et délayez, et servez avec gibier noir
froid.
Sauce dite à la genevoise. — Mettez dans une casserole avec
une bouteille de vin rouge oignons, persil, échalotes, ail, laurier,
thym et épluchures de champignons ; faites réduire le tout au
quart, mettez une cuillerée à pot de consommé, mouillez avec le
fond du poisson que vous aurez disposé pour votre service ; faites
travailler votre sauce comme celle à la matelote réduite, passez-la
à l'étamine ; vous la finirez avec un beurre de deux anchois, un
bon quarteron de beurre fin ; ayez soin que votre sauce se trouve
bien liée, pour qu'elle puisse marquer, servez-vous de cette
sauce pour le poisson d'eau douce.
Nous ne pouvons nous empêcher de mettre sous les yeux du
lecteur une diatribe qu'un gastronome de mauvaise humeur
laisse, à propos de la sauce genevoise, échapper contre les Genevois;
nous la donnons pour ce qu'elle vaut, mais n'en prenons aucune-
ment la responsabilité ; c'est bien assez d'avoir dans la Confédé-
ration suisse une ville contre moi, sans avoir la capitale même
de la Confédération.
Il est à savoir, dit ce gastronome, que lorsqu'on s'adresse à
un Genevois pour avoir la recette de la sauce genevoise, recette
64
loio SAUGE.
qui est des plus économiques et des plus simples^ il vous rédige et
vous remet toujours une interminable et glorieuse pancarte où
Ton vous prescrit notamment de ne pas manquer d'employer
moitié vin de Champagne et moitié vin de Bordeaux pour faire
le mouillement ou court-bouillon de tous les poissons qu'on veut
accommoder à la genevoise. Nous avertissons les voyageurs de ne
pas s'en rapporter à ce dernier formulaire qui n'est jamais
employé à Genève qu'à l'égard des étrangers et pour se donner
»par écrit un faux air de magnificence. Lorsque des Genevois
peuvent se décider à faire les frais de deux bouteilles de vin de
Champagne ou de vin de Bordeaux, c'est pour les boire en com-
pagnie et nullement pour les verser dans un chaudron de leur
petite cuisine.
Sauce dite à la talpage (pour manger le lièvre et le lapin
rôtis). — Faites fondre du lard pour en faire un roux , met-
tez-y de l'ail et des échalotes, mouillez avec du vin, salez,
poivrez , faites griller le foie, écrasez -le avec du vinaigre et
joignez-le à la sauce. Au moment de servir, passez cette
sauce et ajoutez-y le jus de la bête. Cette sauce doit être très-
relevée.
Vous vous en lécherez les doigts !...
SAUCISSES. — Composition dont les principaux éléments
sont des viandes hachées et enveloppées soit dans un morceau de
crépine, soit dans un boyau de porc ou de mouton.
SAUCISSON. — Viande hachée et enfermée dans un intestin
de bœuf. Il y a des villes dont les bons saucissons ont fait la
réputation. Il y a les saucissons de Lyon, il y a les saucissons de
Strasbourg, il y a les saucissons d'Arles; mais, il fout l'avouer, la
beauté des femmes d'Arles a feit plus encore pour la réputation
de la ville que la sapidité de ses saucissons. Grimod doit, dans
les Mousquetaires^ une de ses plus heureuses exclamations à ce
mot saucisson ! qui jaillit de sa mémoire au moment où il passe
devant l'auberge où, prisonnier avec Athos, il amis la cave à sec,
et la cuisine"^ sens dessus dessous.
SAUGE. — Herbe aromatique qui, en médecine, s'il faut
en croire l'école de Salerne, a de puissantes qualités, mais dont on
ne se sert en cuisine que pour faire mariner les grosses pièces de
SAUMON. ion
venaison, et composer les brouets destinés à faire cuire les
jambons et les andouilles.
SAUMON. — Poisson du Nord et du Midi, poisson d'eau
douce pendant la belle saison , poisson de mer pendant le reste
de Tannée. Il quitte la mer au printemps pour frayer et voyage
par troupes nombreuses. Un ordre remarquable règne parmi
ces nomades qui, réunis sur deux files, se joignant à Tavant, for-
ment le coin: c'est la disposition qu'observent dans Tair les oiseaux
migrateurs ; ils rq^ontent d'ordinaire avec lenteur et en se jouant;
cette marche produit un grand bruit, mais, dès qu'ils se croient
menacés, l'œil ne peut suivre leur vitesse qui n'a d'égale que celle
de l'éclair ; ni les digues, ni les petites cataractes ne les arrêtent;
ils se couchent de côté sur les pierres, ils se courbent fortement
en arc, puis, se redressant avec violence, ils se trouvent projetés
en l'air, et passent par-dessus l'obstacle; ils s'avancent ainsi
dans les fleuves, parfois à plus de huit cents lieues des côtes de la
mer. C'est entre le mois d'octobre et celui de février que se fait
la pêche du saumon.
Saumon roulé à Virlandaise, — Prenez la moitié d'un
saumon que vous désossez et blanchissez ; saupoudrez le côté de
l'intérieur d'un mélange fait avec du poivre, du sel, de la mus-
cade, quelques huîtres hachées, du persil et de la mie de pain;
vous roulez le saumon sur lui-même, vous le mettez dans un
plat creux et le faites cuire dans un four bien chaud ; quand il
est cuit, servez -le avec le produit de sa cuisson.
Saumon à la genevoise, — Mettez dans uae casserole une
hure de saumon ficelée, avec oignons coupés en tranches, zestes
de carottes, bouquet de persil et ciboules, du laurier, un ou deux
clous de girofle, sel et fines épices, mouillez le tout avec du vin
rouge ; faites cuire votre saumon , et , sa cuisson achevée, passez
dans une casserole à travers un tamis de soie une partie de son
assaisonnement ; mettez autant de roux que vous avez mis d'as-
saisonnement, faites réduire à consistance de sauce, ajoutez-y un
peu de beurre, passez et liez votre sauce, égouttez votre saumon,
dressez-le et servez-le garni de croûtons frits.
Les Genevois n'usent jamais de cette recette, aimant mieux
boire le vin de Champagne que de le mettre dans un chaudron.
IOI2 SAUMON.
Queue de saumon grillée. — Nettoyez une queue de saumon,
mettez-la sur un plat ; marinez-la avec un peu d'huile, sel fin,
feuille de laurier, persil et ciboules coupées en deux; retournez-la
et, à cet efFet, servez-vous d'un couvercle de casserole, et
reglissez-la sur le gril ; arrosez-la de temps en temps de sa
marinade (son épaisseur déterminera le temps de sa caisson).
Pour vous assurer si elle est cuite, écartez un peu la chair de
l'arête : si elle est encore rouge, laissez-la cuire ; la cuisson faite,
renversez-la sur le couvercle, supprimez -en la peau, saucez
avec une sauce au beurre, parsemez-la de câpres confites ou de
fleurs de capucines au vinaigre.
Sauté de saumon. — Levez la peau d'un morceau de saumon
cru, coupez-le par minces escalopes, aplatissez-les avec le
manche de votre couteau que vous aurez trempé dans l'eau pour
qu'il ne tienne pas à la chair du saumon ; puis vous aurez fait
fondre du beurre dans une sauteuse, vous y aurez rangé vos
escalopes sans les mettre les unes sur les autres ; saupoudrez-les
d'un peu de sel fin et de gros poivre ; mettez dans une casserole,
si c'est au gras, trois cuillerées à dégraisser de velouté réduit;
si c'est au maigre, de l'espagnole maigre et gros de beurre comme
deux œufs ; faites chauffer et lier votre sauce, sautez vos escalopes,
retournez-les, et, leur cuisson faite, égouttez-Ies ; dressez-les en
couronne sur votre plat, auquel vous aurez fait une garniture ;
supprimez une partie du beurre dans lequel vous avez fait
sauter vos escalopes, conservez-en le jus, mettez ce fond dans
votre sauce, liez-la de nouveau, ajoutez jus de citron, persil,
muscade.
Galantine de saumon. — Prenez le manchon d'un fort
saumon, fendez-le par le ventre, retirez-en la forte arête,
étendez-le sur un linge blanc, piquez-le de gros lardons, d'anchois,
de thon mariné, de cornichons et de truffes; étalez sur toute la
superficie des chairs des quenelles de poisson quelconque ; refor-
mez votre manchon de saumon dans sa forme naturelle, serrez-le
bien dans une serviette et faites-le cuire dans un bon court-
bouillon, laissez-le refroidir, déballez, parez, dressez, glacez et
garnissez de croûtons. Servez avec un beurre de Montpellier.
Pâté chaud de saumon. — Otez la peau et l'arête d'un
SELTZ.
1013
morceau de saumon, piquez-le de filets d'anguilles et de filets
d'anchois; passez ces morceaux au beurre avec des fines herbes,
comme il est indiqué à Tarticle Esturgeon en fricandeau ; assai-
sonnez de sel, gros poivre, épices ; laissez-les refroidir, mêlez
vos fines herbes avec des quenelles de poisson, mettez le tout
dans une croûte de pâté et finissez comme il est indiqué à l'ar-
ticle Pâtisserie; servez et saucez d'une italienne.
Saumon fumé. — Prenez du saumon fumé, coupez-le par
lames, mettez de l'huile sur un plat d'argent, sautez vos filets ;
leur cuisson faite, ajoutez-en l'huile, passez par-dessus un jus de
citron, et servez.
Saumon.salé. — Faites dessaler votre saumon, mettez-le dans
une casserole avec de l'eau fraîche, faites-le cuire, écumez-le, et
quand vous le verrez près de bouillir retirez votre casserole du
feu, couvrez-la d'un linge blanc et au bout de cinq minutes
égouttez-le, et servez-le en salade.
Saumonneaux du Rhin. — Faites -les cuire au bleu pour les
dresser en grillage et les servir en entremets avec une sauce à
l'huile verte et au jus d'orange amère : il est rare que les saumon-
neaux arrivent assez frais à Paris pour y être mis en friture, et
c'est cependant la préparation qui leur convient le mieux.
Saumonneaux à la poêle. — Faites-les cuire une heure sur
un feu doux, avec du consommé, du vin de Champagne, quelques
lames de jambon cuit ; assaisonnez avec bouquet garni, échalotes,
quatre épices, passez la sauce réduite au tamis et servez.
SELTZ (eau de). — L'eau minérale de Seltz doit à l'acide
carbonique qu'elle tient en dissolution la double propriété de
communiquer aux différentes boissons avec lesquelles on la
mélange une saveur piquante qui favorise l'activité de l'apareil
digestif; il est difficile, à Paris du moins, de se procurer de l'eau
de Seltz naturelle et qui n'ait rien perdu de ses propriétés ; mais
comme on a trouvé le moyen de l'imiter exactement, et même de
donner à l'imitation un goût plus agréable que le goût naturel,
il n'est pas d'été si brûlant ni de lieux si déserts où l'on ne
puisse se procurer de l'eau de Seltz en la fabriquant soi-même.
Pour composer de l'eau minérale de Seltz artificielle, il est suffi-
sant de mettre par chaque bouteille d'eau filtrée un demi-gros
I0I2 SAUMON.
Queue de saumon grillée. — Nettoyez une queue de saumon,
mettez-la sur un plat ; marinez-la avec un peu d'huile, sel fin,
feuille de laurier, persil et ciboules coupées en deux; retournez-la
et, à cet effet, servez-vous d'un couvercle de casserole, et
reglissez-la sur le gril ; arrosez-la de temps en temps de sa
marinade (son épaisseur déterminera le temps de sa cuisson].
Pour vous assurer si elle est cuite, écartez un peu la chair de
l'arête : si elle est encore rouge, laissez-la cuire ; la cuisson faite,
renversez-la sur le couvercle, supprimez-en la peau, saucez
avec une sauce au beurre, parsemez-la de câpres confites ou de
fleurs de capucines au vinaigre.
Sauté de saumon. — Levez la peau d'un morceau de saumon
cru, coupez-le par minces escalopes, aplatissez-les avec le
manche de votre couteau que vous aurez trempé dans Teau pour
qu'il ne tienne pas à la chair du saumon ; puis vous aurez fait
fondre du beurre dans une sauteuse, vous y aurez rangé vos
escalopes sans les mettre les unes sur les autres ; saupoudrez-les
d'un peu de sel fin et de gros poivre ; mettez dans une casserole,
si c'est au gras, trois cuillerées à dégraisser de velouté réduit;
si c'est au maigre, de l'espagnole maigre et gros de beurre comme
deux œufs ; faites chauffer et lier votre sauce, sautez vos escalopes,
retournez-les, et, leur cuisson faite, égouttez-îes; dressez-les en
couronne sur A'otre plat, auquel vous aurez fait une garniture ;
supprimez une partie du beurre dans lequel vous avez fait
sauter vos escalopes, conservez-en le jus, mettez ce fbnd dans
votre sauce, liez-la de nouveau, ajoutez jus de citron, persil,
muscade.
Galantine de saumon. — Prenez le manchon d'un fort
saumon, fendez-le par le ventre, retirez-en la forte arête,
étendez-le sur un linge blanc, piquez-le de gros lardons, d'anchois,
de thon mariné, de cornichons et de truffes; étalez sur toute la
superficie des chairs des quenelles de poisson quelconque ; refor-
mez votre manchon de saumon dans sa forme naturelle, serrez-le
bien dans une serviette et faites-le cuire dans un bon court-
bouillon, laissez-le refroidir, déballez, parez, dressez, glacez et
garnissez de croûtons. Servez avec un beurre de Montpellier.
Pâté chaud de saumon. — Otez la peau et l'arête d'un
SELTZ. 1013
morceau de saumon, piquez-le de filets d'anguilles et de filets
d^anchois; passez ces morceaux au beurre avec des fines herbes,
comme il est indiqué à Tarticle Esturgeon en fricandeau ; assai-
sonnez de sel, gros poivre, épices ; laissez-les refroidir, mêlez
vos fines herbes avec des quenelles de poisson, mettez le tout
dans une croûte de pâté et finissez comme il est indiqué à Tar-
ticle Pâtisserie; servez et saucez d'une italienne.
Saumon fumé, — Prenez du saumon fumé, coupez-le par
lames, mettez de Thuile sur un plat d'argent, sautez vos filets;
leur cuisson faite, ajoutez-en l'huile, passez par-dessus un jus de
citron, et servez.
Saumon, salé, — Faites dessaler votre saumon, mettez-le dans
une casserole avec de l'eau fraîche, faites-le cuire, écumez-le, et
quand vous le verrez près de bouillir retirez votre casserole du
feu, couvrez-la d'un linge blanc et au bout de cinq minutes
égouttez-le, et servez-le en salade.
Saumonneaux du Rhin, — Faites -les cuire au bleu pour les
dresser en grillage et les servir en entremets avec une sauce à
rhuile verte et au jus d'orange amère : il est rare que les saumon-
neaux arrivent assez frais à Paris pour y être mis en friture, et
c'est cependant la préparation qui leur convient le mieux.
Saumonneaux à la poêle, — Faites-les cuire une heure sur
un feu doux, avec du consommé, du vin de Champagne, quelques
lames de jambon cuit ; assaisonnez avec bouquet garni, échalotes,
quatre épices, passez la sauce réduite au tamis et servez.
SELTZ (eau de). — L'eau minérale de Seltz doit à l'acide
carbonique qu'elle tient en dissolution la double propriété de
communiquer aux différentes boissons avec lesquelles on la
mélange une saveur piquante qui favorise l'activité de l'apareil
digestif; il est difficile, à Paris du moins, de se procurer de l'eau
de Seltz naturelle et qui n'ait rien perdu de ses propriétés ; mais
comme on a trouvé le moyen de l'imiter exactement, et même de
donner à l'imitation un goût plus agréable que le goût naturel,
il n'est pas d'été si brûlant ni de lieux si déserts où l'on ne
puisse se procurer de l'eau de Seltz en la fabriquant soi-même.
Pour composer de l'eau minérale de Seltz artificielle, il est suffi-
sant de mettre par chaque bouteille d'eau filtrée un demi-gros
IOI4 SIROP.
de bicarbonate de soude avec un demi -gros d'acide tartrique;
on aura soin de bien ficeler les bouchons sur ces bouteilles et de
les coucher à la cave ou dans un lieu frais, afin que le gaz qui
se dégage par la réaction des deux sels ne puisse faire sauter les
bouchons ni faire éclater les bouteilles.
SEMOULE. — Pâte en petit grain de la même substance
que le vermicelle et qu^on emploie également pour des potages
et des entremets sucrés. La meilleure semoule est celle de Gênes,
où Ton en fabrique de deux sortes, savoir : la semoule blanche,
qui se fait avec de la farine de riz, et la jaune qui se fait avec de
la fleur de froment dans laquelle on ajoute de la teinture de
safran, de la coriandre et des jaunes d'oeufs. C'est celle qui
convient le mieux pour toutes les préparations de la semoule au
lait et au sucre.
La semoule au lait et au sucre se mange très-bien froide,
comme on mangerait une crème.
SIROP. — Il existe deux procédés pour la préparation des
sirops à froid : faites fondre dans de Teau le double de son
poids de sucre, environ deux livres dans dix-huit ou vingt onces
de liquide, tel que les sucs de limons, d'oranges, de roses, de
violettes passées au tamis, et mettez au froid dans des bouteilles
bien bouchées.
On peut mettre aussi dans un vase de faïence un lit de sucre,
un autre lit de fruits, tels que groseilles, oranges, cerises, remettre
par-dessus un lit de sucre, et ainsi alternativement en ayant soin
que le premier et le dernier lit soient de sucre ; le sucre se dis-
sout dans le jus des fruits, lequel en deux jours est transformé
en sirop ; cette sorte de sirop est très-agréable, mais ne se con-
serve pas longtemps.
Il faut apporter une grande attention dans la confection
des sirops : pas assez cuits, ils se conservent mal ; trop cuits, ils se
candissent.
Les sirops par coction se font ainsi : mettez dans votre liquide
du sucre à raison d'une^ livre par pinte, et faites évaporer ; la
cuisson n'a pour but que de concentrer les sucs; d'autres praticiens
font évaporer le suc avant d'y mettre le sucre ; ce moyen donne
un sirop plus agréable, mais qui ne se garde point aisément.
SOLE. 1015
Le sucre doit toujours être en double proportion, à froid
immédiatement, à chaud au moyen de Tévaporation.
Nous ne donnons aucune recette particulière pour la pré-
paration des sirops d'orgeat, framboises, au verjus, aux gre-
nades, etc. , ces préparations étant du domaine du confiseur et
non du cuisinier.
SOLE. — La meilleure sole est de couleur gris-lin ; on la
trouve dans les eaux de Dieppe : les soles pêchées à Calais ou à
RoscofFsont fort inférieures à celle-là.
Soles frites pour rot. — Ayez une belle sole, ratissez-la,
ou mieux encore arrachez-lui la peau grise, videz-la en faisant
une petite incision au-dessous de l'ouïe, lavez-la, égouttez-la;
faites-lui une incision au dos, passez la lame de votre couteau le
long de Tarête pour en détacher les chairs ; au moment de servir,
trempez votre sole des deux côtés, farinez-la et faites frire.
Soutenez sa friture par un bon feu: il faut que ce poisson, comme
tous ceux qu'on fait frire, se tienne roide en sortant de la poêle.
Sa cuisson faite et d'une belle couleur, égouttez-le sur un linge
blanc, saupoudrez-le d'un peu de sel fin, mettez sur un plat
une serviette pliée proprement, posez votre sole dessus, et servez
à côté des citrons entiers ou des bigarades.
Soles à la flamande. — Comme la précédente, puis mettez-
les dans une poissonnière et mouillez-les d'une eau de sel, faites
cuire, égouttez, et dressez avec du beurre fondu dans une saucière
ou avec une sauce aux huîtres.
Soles au four. — Fendez vos soles par le dos, soulevez-en
les chairs des deux côtés, emplissez le dos de fines herbes
hachées , passées au beurre et refroidies ; étendez un morceau
de beurre dans le fond de votre plat, posez-y vos soles sur
le dos, dorez-les avec une plume trempée dans du beurre
fondu, saupoudrez - les d'un peu de sel fin, d'épices fines,
panez-les de mie de pain , mouillez-les d'un peu de vin blanc
ou de bouillon, faites-les cuire au four ou sous un four de
campagne.
Filets de soles en friture. — Coupez des filets de soles,
marinez-les avec du sel, du poivre, un jus de citron; au moment
de servir vous les passerez dans de l'œuf, puis dans de la mie de
iox6 SOLE.
pain, et vous les ferez frire. On doit les servir en cordon autour
d'une rémolade ou d'une sauce Robert.
Sauté de filets de soles. — Coupez deux ou trois soles en
filets de manière que chacune d'elles vous en donne huit ; mari-
nez ces filets avec du sel, du poivre, une échalote ou un oignon,
du persil et des truffes, le tout bien haché, et un jus de citron ;
vous les mettrez ensuite dans un sautoir enduit en dessous d'une
couche de beurre ; posez le tout sur le feu ; les filets roi dis d'un
côté vous les retournerez de l'autre, et lorsqu'ils seront au point
vous les retirerez et vous les dresserez sur un plat; vous pencherez
le sautoir pour en faire découler le beurre et le remplacerez par
un demi-verre de vin blanc sec, dans lequel vous ferez bouillir
des tranches de truffes jusqu'à ce qu'il soit réduit à moitié ; vous
ajouterez alors un peu d'espagnole ; dégraissez votre sauce et
versez-la sur les filets.
Filets de soles à la Orly, — Nettoyez et videz vos soles,
fendez-les par le dos, depuis la tête jusqu'à la queue, levez-en
les chairs, c'est-à-dire faites quatre filets dans votre sole ; parez-
les, mettez-les mariner dans une terrine, avec sel fin, persil en
• branches, ciboulettes et tranches d'oignons, et le jus d'un ou
plusieurs citrons ; remuez vos filets dans cette marinade où il fii.ut
les laisser environ trois quarts d'heure ; un instant avant de
servir, égouttez-les, farinez-les, faites-les frire, qu'ils soient
fermes et d'une belle couleur, dressez-les sur votre plat et servez
dessus une sauce italienne aux tomates. (Sauce tomate lisse.)
Sauté de filets de soles à la maître d'hôtel. — Levez vos
filets de soles comme je l'ai indiqué précédemment, levez-en la
peau ; la peau levée, coupez vos filets en plusieurs morceaux
égaux et parez-les; vous aurez fait fondre du beurre dans une
sauteuse assez grande pour contenir vos filets ; arrangez-les dans
cette sauteuse; saupoudrez -les d'un peu de sel fin, recouvrez-les
d'un peu de beurre fondu ; au moment de servir, posez-les sur
le feu, et lorsqu'ils seront roidis d'un côté retournez-les de
l'autre ; leur cuisson faite, égouttez-les, dressez-les en miroton,
et saucez-les d'une bonne maître d'hôtel où vous aurez mis du
velouté réduit que vous forcerez d'un peu de citron.
Soles au gratin. — Levez vos filets comme il est dit ci-dessus;
SOLE. 1017
levez-en la peau ; étendez sur ces filets de la farce cuite, soit au
gras, soit au poisson, de l'épaisseur d'une pièce de cinq francs;
roulez-les entièrement en commençant par le bout le plus mince,
et faites qu'ils soient d'une égale grosseur ; à cet effet, mettez
plus de farce sur les filets qui se trouvent être les plus faibles ;
étendez dans le fond de votre plat de la farce environ l'épaisseur
d'un travers de doigt ; posez-les sur le plat et formez-en une
couronne, afin qu'il se trouve un vide au milieu ; garnissez de
farce tous les intervalles, en dedans ainsi qu'en dessus, de sorte
que vos filets ne fassent qu'une masse ; unissez le tout avec la
lame de votre couteau, que vous tremperez dans de l'eau tiède ;
panez les mies de pain, arrosez-les d'un peu de beurre, mettez-
les cuire au four ou sous un four de campagne; la cuisson de
votre gratin faite et d'une belle couleur, égouttez-les, et mettez
dans son puits une provençale ou une italienne.
Filets de soles à Vitalienne. — Prenez des soles frites et
froides, ou de desserte; levez-en les filets, supprimez-en les
peaux, parez-les avec soin; mettez un peu de bouillon dans une
sauteuse ou une casserole ; arrangez-y vos filets, mettez-les
chauffer sur de la cendre chaude ; prenez garde qu'ils ne bouil-
lent; au moment de servir, égouttez-les sur un linge blanc,
dressez-les sur votre plat comme des lames de jalousie ; saucez-
les d'une sauce italienne et servez.
Filets de soles à la sauce de Provence, — Lever les filets de
deux soles, les diviser chacun en deux parties, les assaisonner, les
fariner et les plonger dans de la friture d'huile bien chaude ;
quand ils sont cuits, les égoutter et les dresser sur un plat avec
du persil tout au tour; puis vous enverrez à part la sauce sui-
vante : ôtez les arêtes du poisson, délayez des aromates et du vin
blanc; vous tirerez un peu d'essence de poisson, vous la dégrais-
serez, vous la passerez au tamis, et vous la ferez réduire en demi-
glace ; vous lui mêlerez une cuillerée à bouche de purée de
tomates au naturel et passée à Tétamine, ainsi qu'une cuillerée
de sauce; faire réduire ce liquide pendant quelques minutes, le
retirer sur le côté du feu, lui incorporer cent cinquante grammes
de bon beurre divisé en petites parties ; l'incorporation doit se
faire peu à peu et sans cesser de tourner la sauce ; quand celle-ci
ioi8 SOLE.
est bien liée, la finir avec le jus d'un citron et une pointe de
Cayenne.
Sole grillée. — Otez entièrement la peau de la sole ; assai-
sonnez-la avec du sel, du poivre et un jus de citron ; oignez-la
ensuite de beurre fondu et passez-la enfin dans de la mie de
pain ; c'est quand elle est ainsi préparée qu'il faut la faire griller
à petit feu ; faites fondre en même temps un anchois avec un
morceau de beurre; mouillez ce mélange avec un quart de
verre de vin blanc sec et un jus de citron, et versez-le sur votre
sole.
Sole farcie aux huîtres. — Fendez la sole par le dos,
enlevez-en l'arête et tous les cartilages, farcissez-la avec un peu
de farce de poisson et un ragoût d'huître bien truffé; vous la ferez
cuire au four avec feu dessus feu dessous, dans un sautoir, avec
un peu de beurre au fond ; assaisonnez la sole avec du sel, une
tranche de carotte et de citron, recouvrez-la avec des bardes de
lard, et mouillez avec un demi-verre de vin blanc sec ou du
bouillon de poisson ; posez un rond de papier dessus ; après
cuisson vous la servirez sur un ragoût d'huîtres et de truffes pré-
parées et mêlées en égale quantité ; le tout doit être saucé avec
une allemande.
Soles à la mode de Trouville. — Retirer la peau noire à
deux soles fraîches et propres, les diviser chacune en deux ou
trois parties, beurrer un plat à gratins, les saupoudrer avec deux
cuillerées à bouche d'oignons hachés, ranger les morceaux de
soles dans le fond du plat, les assaisonner, les mouiller à hauteur
avec du cidre et poser le plat sur un feu vif; faire bouillir le
liquide pendant quelques instants et poser le plat au four ; dix
minutes après poser les morceaux de soles sur le plat, faire
bouillir vivement le fond de cuisson pendant deux minutes, le
retirer du feu et le lier en lui incorporant cent cinquante
grammes de bon beurre, et à défaut de ce bon beurre lier le
fond avec un petit morceau de beurre manié, puis lui incorporer
le beurre frais et une pincée de persil haché; la verser sur
les soles.
Filets de soles en mayonnaise, — Prenez des soles frites et
froides ou de desserte, levez-en les filets, parez-les, coupez-les
SOUDAC. 1019
de la longueur de deux pouces; dressez -les en couronne sur le
plat et masquez'les d'une mayonnaise.
Filets de soles en salade. — Préparez vos filets comme il est
dit aux articles précédents, et procédez pour ces filets comme il
est indiqué à la salade de volaille.
SOUDAC. — Un des bons poissons que Ton rencontre dans
tous les cours d'eau de Russie, et dont la grandeur se mesure
au bassin dans lequel on le trouve, est le soudac; il a la forme
du brochet, dont il a à peu près le goût.
Soudac à la moscovite. — Ecaillez la queue d'un gros
soudac, coupez-la par tranches de l'épaisseur de trois centi-
mètres, rangez ces tranches sur une grille, plongez-les dans
l'eau salée et bouillante, joignez-y un bouquet de persil, laissez
le liquide jeter un bouillon, retirez la casserole du feu, couvrez-
la et tenez*la dix minutes sur le côté.
D'autre part, hachez un oignon, faites-le revenir dans une
casserole plate avec du bon beurre ; quand il est de couleur
blonde, jetez-lui deux piments rouges et quatre à cinq cents
grammes de riz bien trié et bien lavé ; faites revenir celui-ci
pendant deux minutes, et le mouillez trois fois sa hauteur avec
du bouillon de poisson; couvrez la casserole, faites vivement
partir le liquide pendant dix minutes, puis retirez-le sur un feu
très-doux ; un quart d'heure après, le riz se trouvera cuit avec les
grains entiers sans cependant être tout à fait à sec : alors on
l'arrosera avec cinq ou six cuillerées à bouche de sauce tomate,
on le tiendra hors du feu pendant cinq minutes, on le finira en
lui incorporant un morceau de beurre, trois douzaines de queues
d'écrevisses et autant d'olives farcies aux anchois et conservées à
l'huile; le dresser sur un plat chaud, égoutter avec soin les tran-
ches de soudac, les dresser sur le riz en donnant à sa queue la
forme qu'elle avait, humecter le poisson avec du beurre fondu.
Soudacs des gourmets. — Prendre de moyens soudacs
vivants, les tuer, les écailler, en supprimer les ouïes, les séparer
en tronçons, les vider, les laver et les éponger sur un linge,
beurrer le fond d'une casserole, le masquer avec quelques cham-
pignons frais et émincés en lames, saler légèrement ceux-ei,
ranger des tronçons de poisson sur les champignons, les assai-
I020 STERLET.
sonner, les mouiller à trois quarts de hauteur de vin blanc, du
jus d'un citron, et de la cuisson de deux douzaines d'huîtres blan-
chies ; ajouter un bouquet de persil garni, ainsi qu'un petit
morceau de beurre manié avec autant de farine que de poudre
de kari ; fermer la casserole, la poser sur un bon feu, faire
bouillir le liquide pendant douze minutes, enlever les tronçons
un à un, sans les briser, les dresser sur un plat chaud, enlever le
bouquet, lier le fond de cuisson avec trois jaunes d'œufs délayés,
cuire la liaison sans la faire bouillir, mêler les huîtres à la sauce,
et la verser sur les tronçons.
STERLET. — Il existe en Russie un poisson pour lequel
les Russes ont une prédilection pareille à celle que les Romains
avaient pour le surmulet et la dorade.
On sait qu'à Rome l'amphitryon avait l'habitude de montrer
vivants la dorade et le mulet qui devaient être servis au dîner.
Or, comme il y avait douze lieues à faire de l'endroit où on
les péchait jusqu'à Rome, des esclaves placés en relais les appor-
taient en courant sans les changer d'eau et arrivaient presque
toujours à temps pour que les convives pussent voir dans leur
agonie se ternir Por, la pourpre et l'azur de leurs écailles.
Il en était de même et bien pis encore chez un Russe, quand
il s'agissait de faire manger un sterlet à ses amis. Le sterlet ou
petit esturgeon {oâcipenser rethenus) était un mets auquel les
grands seigneurs de Pétersbourg et les boyards de Moscou ne
voyaient rien à comparer; le grand esturgeon ordinaire ne restait
estimé par eux que parce qu'il fournissait le caviar.
Avant qu'il y eût des chemins de fer en Russie, il fallait
parfois faire faire à un sterlet deux ou trois cents lieues pour
avoir l'honneur d'être servi sur la table d'un prince : or, dans
les gelées d'hiver, quand le baromètre est à 30 ou 32 degrés
au-dessous de zéro et qu'il faut faire faire à un poisson deux ou
trois cents lieues dans la même eau, à une température égale à
zéro, ce n'est pas chose facile, puisqu'il faut réchauffer l'eau au
fur et à mesure qu'elle se refroidit ; on avait donc des voitures
rien que pour le transport des sterlets, et il arrivait parfois qu'une
simple soupe au sterlet, s'il entrait dans sa confection deux ou
trois de ces poissons, revenait à 6 ou 8,000 francs.
STERLET. loai
Sterlet au Chablis, — Inutile, après ce que nous venons de
raconter, de dire que le sterlet est le plus estimé des poissons
russes. Il faut choisir un sterlet de moyenne grosseur, retirer du
poisson les écailles aiguës des côtés et du dos, le ratisser, le
vider et le laver ; faire une petite incision à l'extrémité des chairs
de la queue afin de saisir le boyau nerveux qui longe Tarête
principale ; il est de la grosseur d'une aiguille à tricoter en bois ;
quand une fois il est à nu, le prendre avec un linge pour le sortir
tout entier, mais peu à peu; distribuer le sterlet en cinq ou six
tronçons coupés en biais, les mettre dans une casserole dont le
fond est beurré, et masquer avec quelques tranches de racine de
persil, ajouter une feuille de laurier et une gousse d'ail non
épluchée, saler le poisson, le mouiller aux trois quarts avec du
vin de Chablis et le jus de deux ou trois citrons, couvrir la cas-
serole, faire bouillir le liquide à feu vif, de façon que quand le
sterlet esl cuit le fond de cuisson se trouve réduit de moitié ;
dégraisser alors la sauce, lui donner quelques cuillerées de bonne
glace liquide, lui mêler un bouillon et la lier avec un morceau
de beurre manié à la farine, ajouter le jus d'un citron, et dresser
les tronçons de sterlet sur un plat long en reformant le poisson :
entourer celui-ci des deux côtés avec des bouquets de truffes,
d'olives, de quenelles et de champignons, te masquer avec une
partie de la sauce et envoyer le surplus dans une saucière.
Cet article est emprunté à la Cuisine de tous les paySyéX\xà^s
cosmopolites de M. Urbain Dubois, et seul dispensaire de cui-
sine où j'aie trouvé cette manière et les deux manières suivantes
d'apprêter le sterlet. Nous écrivons en Russie pour avoir la recette
de cette fameuse soupe au poisson que l'on appelait ouka et qui
coûtait, nous l'avons dit, quelquefois jusqu'à 6 ou 8,000 francs.
Elle coûte aujourd'hui ce que coûte une soupe à la tortue,
et pour peu que M. Coste veuille bien s'occuper de l'acclimata-
tion du sterlet, elle coûtera ce que coûte un potage ordinaire.
Pâté froid de sterlet. — Si, à Saint-Pétersbourg, quelqu'un
s'occupait à préparer des pâtés froids de sterlet dans de bonnes
conditions, je ne doute pas que ce mets fût bientôt apprécié et
mis à l'ordre du jour par les gourmets de tous les pays; j'ai eu
l'occasion d'en préparer quelquefois, et j'ai trouvé que les qualités
1022 STERLET.
de ce poisson 'se prêtaient admirablement bien à cet emploi.
Nettoyer un sterlet selon la règle, le distribuer en tronçons,
mettre ceux-ci dans une casserole avec un peu de beurre et un
verre de vin blanc, deux poignées de parures de truffes fraîches
et un bouquet de persil mêlé avec des aromates ; cuire le poisson
pendant sept à huit minutes, couvrir la casserole et la retirer du
feu ; dix minutes après, égoutter le fond de cuisson du sterlet
dans une terrine, retirer alors les tronçons de la casserole pour
les couper chacun en deux parties sur leur longueur, afin d'en
extraire attentivement les arêtes et corps durs ; déposer le poisson
dans un plat creux, lui mêler 5 à 600 grammes de truffes crues,
épluchées et coupées en quartiers; les assaisonner avec sel, épices,
persil haché et quelques cuillerées de vin de Madère; fermer le
vase et faire macérer le poisson avec les truffes et le vin pendant
une heure.
Couper en morceaux 300 grammes de chair d'anguille et autant
de chair de brochet sans arêtes, les mêler dans le mortier pour
les piler, et les retirer. Piler 500 grammes de lard frais et le met-
tre aussi de côté. Piler enfinquatre truffes crues avec gros comme un
œuf de panade, ainsi qu'avec les iilets de six anchois ; quand le
mélange est opéré, ajouter à cette farce le lard et les chairs de
poisson pilées ; l'assaisonner de haut goût avec du sel et épices,
la piler encore, et cinq minutes avant de la retirer du mortier
lui incorporer le peu de fond de cuisson du sterlet. Foncer un
moule à pâté avec de la pâte brisée, masquer le fond et les parois
de la caisse avec une couche de farce, emplir le vide avec les
morceaux de sterlet et les truffes par couches alternées avec de la
farce; terminer et cuire le pâté selon les règles ordinaires. Une
demi-heure après qu'il est sorti du four, lui infiltrer (par le haut)
quelques cuillerées de bonne gelée infusée avec un peu d'aro-
mates et mêlée avec la moitié de son volume de Madère. Laisser
bien refroidir le pâté avant de le servir.
Bouillabaisse au sterlet. — Tuer un petit sterlet, le nettoyer,
le diviser en tronçons et le tenir sur glace. Émincer deux oignons
et le blanc d'un poireau, les mettre dans une casserole avec de
la bonne huile d'olive et deux gousses d'ail, les faire revenir de
couleur blonde, leur adjoindre les morceaux de sterlet ainsi
SUNAN. loaj
qu'une douzaine de ierchis, une petite anguille et six grosses
écrevisses coupées en deux sur la longueur ; ajouter un bouquet
de persil et deux petits piments rouges, une pincée de sel, les
chairs d'un citron coupées en tranches, sans écorce ni semences,
et enfin deux cuillerées à bouche de purée de tomates; mouiller
le poisson à hauteur avec deux tiers de vin blanc et un tiers de
bouillon de poisson, poser la casserole sur un feu vif, cuire le
poisson pendant douze à quatorze minutes, retirer la casserole
du feu, égoutter le liquide en le passant au tamis, le verser dans
un plat creux sur des tranches de pain un peu épaisses, dresser
le poisson sur un autre plat et l'envoyer en même temps que le
bouillon et le pain.
SUNAN. — Nom donné par les Japonais à ces nids d'hi-
rondelles qu'on mange à la Chine et dont nous avons déjà
parlé sous le nom, je crois, de salangane. On en trouve en Hol-
lande, où l'on peut toujours s'en procurer en les payant sur le
pied de 40 florins lonce (environ 80 francs de notre monnaie),
c'est-à-dire à 1,200 francs la livre ; on les y emploie pour garnir
certaines entrées fines, et on les fait cuire avec du consommé de
volaille qu'on assaisonna avec un peu de macis. La partie comes-
tible de ces nids, car il s'y trouve toujours quelques matières
hétérogènes, est une substance assez mucilagineuse et d'une appa-
rence assez conforme à celle du gros vermicelle de Pise; elle est
pourvue d'une saveur très-fine et qui rappelle le goût de la sept-
œils de Rouen. Les naturalistes orientaux pensent que ce doit
être un tissu de fucus, de varech ou d'une autre plante marine ;
mais toujours est-il que ce sont les nids d'une hirondelle de
rocher (Qdlcyo petrœus) ^ et les missionnaires ont observé qu'on
ne trouve jamais ces nids que dans des cavernes au bord de
la mer.
T
TANCHE. — La tanche est ainsi nommée, c est-à-dire
Cyprinus tincta, parce qu'elle a une couleur toute particulière à
elle et assez différente de celle des autres poissons, étant comme
teinte d'un vert jaune et noirâtre. Il y en a de deux espèces, celles
d'eau douce et celles de mer. Les anciens ne connaissaient pas
la tanche d'eau douce : Cicéron est le seul qui en ait parlé dans
son livre des orateurs illustres ; il cite un orateur qui avait mérité
le nom de Tincta par la singularité de son esprit.
Les tanches destinées à la nourriture doivent être choisies
fortes et bien nourries ; le goût en est plus ou moins savoureux
selon qu'elles sont d'une eau courante, d'une eau limpide ou
d'une eau stagnante ; on les mange de toute façon.
Tanche à la poulette. — Après avoir trempé votre tanche
dans un chaudron d'eau presque bouillante, raclez -en le limon
et les écailles; vous la coupez par morceaux et la faites dégorger;
vous mettez ensuite du beurre dans la casserole, vous le faites
tiédir avec vos morceaux de tanche, vous les sautez dans le
beurre; joignez -y plein une cuiller à bouche de farine que vous
mêlez ensemble; vous mouillez votre ragoût avec une bouteille de
vin blanc, du sel, du gros poivre, une feuille de laurier, un
bouquet de persil, de la ciboule, des petits oignons et des cham-
pignons ; vous ferez aller votre ragoût un peu vite, dès qu'il sera
cuit vous y mettrez une liaison de trois jaunes d'œufs. Garnissez
ce plat d'écrevisses, de foies de lottes ou de langues de carpes.
TERRINE.
loajf
Tanche grillée. — Raclez le limon et les écailles en com-
mençant par la queue, mais sans toucher la peau ; mettez dans
le corps de ces poissons un morceau de beurre manié de iines
herbes avec une pointe d'ail, persil et ciboules hachés, sel et
poivre ; faites tiédir la marinade et mettez-y les tanches ; laissez-
les prendre goût pendant une couple d'heures, retirez-les,
essuyez-les et farinez-les pour les faire frire. On fait aussi
cuire les tanches dans un court-bouillon au vin bien assaisonné,
et on les sert avec une sauce aux câpres et aux capucines.
TAPIOCA. — Fécule de manioc, extraite de la racine râpée.
La pulpe râpée est mise dans un sac auquel on suspend un poids ;
le jus s'écoule; ce qui reste dans le sac est un mélange de beau-
coup de fécule avec un peu de parenchyme : ce mélange séché
sert à la nourriture des nègres dans nos colonies. Le suc qui
s'écoule entraîne la partie la plus fine de la fécule, qui se dépose
et quon sépare par décantation ; cette fécule séchée et cassée en
morceaux est le tapioca. Quant au suc qu'entraîne cette fécule,
c'est un poison violent; mais sa propriété vénéneuse ne réside
que dans un principe très-volatil; car, lorsque le suc de manioc
a bouilli, on l'emploie dans certaines préparations alimentaires.
TARTE. — Pâtisserie feuilletée dont on couvre les abaisses,
avec des crèmes, des fruits en compote ou des confitures.
TERRA MERITA ou CURCUMA. — C'est une racine
orientale qui, comme le safran, donne une teinture jaune dont
on fait usage pour colorer les ragoûts : le curcuma fait partie de
la poudre nommée kari^ dont on fait un grand usage dans l'Inde,
et qui entre en Europe dans quelques préparations culinaires.
Nous avons déjà dit que le kari se compose de 120 grammes
de piment enragé, de po grammes de curcuma, 30 grammes de
poivre, 30 grammes de girofle, un peu de muscade, le tout en
poudre fine.
Les Anglais y ajoutent de la rhubarbe ; on sait qu'une des
distractions gastronomiques des Anglais est de manger des tourtes
et des petits pâtés de rhubarbe. La mode en a été importée par
eux chez les pâtissiers du faubourg Saint-Honoré, à Paris.
TERRINE. — On lit dans le Dictionnaire général de la
cuisine française : Entrée, qui tire son nom de l'usage où Ton
6y
f-
ioa6 TH £.
était autrefois de servir la viande dans la terrine même où elle
avait été cuite, sans aucune autre sauce que le mouillement qu'elle
avait produit. Aujourd'hui la terrine est composée de plusieurs
sortes de viandes cuites à la braise, qu'on sert dans un vase appelé
terrine, soit d'argent ou de porcelaine, avec telle sauce, coulis,
ragoût ou purée qu'on trouve bien d'y ajouter.
Les terrines de foies de canards de Toulouse et celles de
Nérac, qui sont garnies de perdreaux aux truffes, ont une juste
réputation ; mais tout cela doit céder à l'ancienne terrine du
LouvrCy ainsi qu'elle est formulée par Leclercq.
Terrine à t ancienne mode. — Faites cuire avec du bouillon
un poulet gras, une perdrix, le râble d'un lièvre, une noix de
veau et une noix de mouton, le tout piqué de lard moyen bien
assaisonné de fines herbes et d'épices. Laissez tout cela bouillir
ensemble. Pelez ensuite des marrons grillés, nettoyez-les conve-
nablement et mettez-les à cuire avec les viandes. Fermez bien la
terrine et lutez-la de pâte ferme, afin que tout cela cuise en son
jus. Dégraissez la sauce avant de la servir, et ajoutez-y pour
lors un gobelet de vin des Canaries.
THE. — Cest en 1666, en plein règne de Louis XIV, que
le thé, après une opposition non moins vive que celle qu'avait
éprouvée le café, s'est introduit en France.
Aujourd'hui il s'en consomme, rien qu'en Angleterre et en
France, pour plus de vingt millions de livres sterling.
Il y a sept ou huit espèces de tlié, mais nous n'en consom-
mons guère que trois espèces : le thé perlé, dont la feuille est
parfaitement roulée sur elle-même; le thé souchong, dont les
feuilles sont d'un vert sombre, un peu noirâtre et bien roulées;
enfin, le pékao, en pointes blanches, celui dont l'odeur est la
plus aromatique et la plus agréable.
Le thé perd facilement son odeur ou en contracte non
moins facilement une désagréable. ]]I1 est donc important pour la
conservation des thés qu'ils soient enfermés dans des boites de
porcelaine.
11 y a en outre cinq ou six autres espèces de thés : il y a le
thé jaune, qui vaut en Russie jusqu'à trente à quarante francs la
livre; on en prend d'habitude une seule tasse après diner comme
THÉ.
1027
on prend du café. Il y a encore le thé camphon, qui veut dire
thé de feuilles choisies : il est en effet composé des meilleures
feuilles du thé bonni, tendres et de bonne grandeur ; il est de
beaucoup préférable à d'autres, mais il est très-rare.
Le meilleur thé se boit à Pétersbourg, et en général par
toute la Russie : la Chine y confinant par la Sibérie, le thé n'a
pas besoin de traverser la mer pour venir à Moscou ou à Péters-
bourg, et les voyages par mer nuisent beaucoup au thé.
Le thé vert est rarement usité en France ; il est légèrement
pourvu d'une propriété plus ou moins enivrante, qu'il manifeste
par son action sur les nerfs quand on le prend trop fort et en
trop grande quantité. Le thé se fait par infusion : on en mêle à
dose convenable dans une théière, et on verse par-dessus une
demi-tasse d'eau bouillante; on attend que les feuilles soient
développées, et alors on achève de remplir la théière. Par le
fait d'une habitude particulière à la Russie, et qui ne laisse pas
au premier abord de choquer singulièrement les étrangers, les
hommes boivent le thé dans des verres, et les femmes dans des
tdisses de Chine.
Voici la légende qui se rattache à cette habitude :
Les premières tasses à thé furent faites à Cronstadt. Or il
arrivait souvent que, par économie, les cafetiers mettaient dans la
théière une quantité moindre de thé qu'il n'eût fallu. Alors,
comme le fond de la tasse représentait une vue de Cronstadt,
que la transparence de la liqueur laissait voir trop clairement, le
consommateur appelant le marchand et lui montrant le fond de
sa tasse :
« On voit Cronstadt », lui disait-il.
Et comme le marchand ne pouvait nier qu'on vît Cronstadt,
et comme il fallait, si le thé était suffisamment fort, qu'on ne
vît pas Cronstadt, le marchand était pris «n flagrant délit de
fraude.
Ce que voyant, le marchand eut l'idée de substituer des
verres, au fond desquels on ne voyait rien, aux tasses où Ton
voyait Cronstadt.
C'est la maîtresse de la maison qui met le thé dans la
théière, qui le sucre, qui y ajoute un nuage de crème, une
loaS THON.
tranche de citron ou une goutte de Cognac, et à gui appartient
la responsabilité du thé qu'elle offre à ses convives.
THON. — Poisson de mer, qui a deux passages dans la
Méditerranée, et qui se fait prendre sur les côtes de Marseille,
sur celles de Corse, sur celles de Tîle d'Elbe, sur celles de
Sicile et sur celles d'Afrique. C'est surtout de lui qu'on peut dire
qu'il n'est ni chair ni poisson ; aussi les pécheurs l'ont-ils sur-
nommé le veau des chartreux, parce que certaines parties de sa
chair ont le goût et la blancheur de la chair du veau. Sa chair
se mange fraîche et surtout marinée; presque tout le thon
mariné qui se mange en France vient de Provence. Le filet avec
lequel on pèche les thons s'appelle une madrague. Un homme
constamment en sentinelle compte le nombre de thons qui
entrent dans la madrague, et comme pas un ne peut se retrouver
dans les nombreux déïours que forme le filet, autant il en voit
entrer, autant il y en a de pris. Quand on croit en avoir un
nombre suffisant, on ferme la porte d'entrée, on soulève les
filets à la hauteur de l'eau; des hommes descendent dans les
filets et poignardent les thons, qui rendent une énorme quantité
de sang.
Procédé pour mariner les thons. — Videz le thon aussitôt
péché, coupez-le par morceaux, rôtissez sur le gril, faites frire
dans l'huile, assaisonnez de sel et de poivre, et encaquez dans de
petits barils dans de l'huile et du vinaigre.
Thon à la broche, — Prenez une forte tranche de thon,
lardez avec anguilles et anchois; faites-le rôtir, arrosez-le en
cuisant avec une marinade maigre : oignons en tranches et citron,
ciboules, sel, poivre et laurier, une livre de beurre que vous
mettez dans la lèchefrite; dégraissez ensuite cette marinade,
liez-la d'un fort coulis roux en y ajoutant quelques câpres, et
versez-la sur le thon.
Thon en caisse. — Foncez une caisse de papier avec des
tranches de thon, avec des herbes fines, parez et mettez la caisse
dans une tourtière; faites cuire prestement entre deux feux vifs,
et servez.
Thon frais en salade. — Servez avec une rémoulade des
tranches de thon rôti.
TOAST. 1029
Thon frit. — Servez avec une rémoulade des tranches de
thon mariné et frit.
THYM. — Plante aromatique qu'on emploie comme assai-
sonnement.
TOAST. — C'est la Révolution qui a établi en France
l'usage des toasts. Cette dénomination nous vient des Anglais,
qui, pour porter la santé de quelqu'un, mettent dans chaque
pot de bière une rôtie de pain, qui s'écrit toast et qui se prononce
toste. Le toast ou rôtie reste à celui qui boit le fond du vase.
Un jour qu'Anne Boleyn, la plus belle femme qui existât
alors en Angleterre, prenait un bain entourée des seigneurs de
sa suite (elle était de mœurs faciles), ces gentilshommes, pour
lui faire leur cour, prirent chacun un verre et puisèrent dans sa
baignoire de l'eau, qu'ils burent. Un seul s'abstint de suivre cet
exemple, et quand on lui demanda pourquoi il ne faisait pas
comme les autres :
« C'est, répondit-il, que je me réserve le toast. »
Pour un Anglais c'était assez gracieux.
Un autre toast célèbre, qui peut venir à la suite du pré-
cédent :
Le comte de Stair, lorsqu'il était ambassadeur d'Angleterre
en Hollande, donnait souvent des fêtes brillantes auxquelles il
invitait tous les autres ministres étrangers qui, de leur côté,
l'invitaient aussi à leurs dîners diplomatiques.
Un jour qu'ils se trouvaient tous rassemblés chez l'ambassa-
deur de France, celui-ci, faisant allusion à la devise de Louis XIV,
porta la santé du soleil levant; tout le monde lui fit raison.
L'ambassadeur de l'impératrice-reine but ensuite à la lune
et aux étoiles fixes, faisant allusion aux diverses principautés
d'Allemagne.
On se demandait comment le comte de Stair, qui restait seul,
allait porter la santé de son maître pour égaler au moins ses deux
collègues. Alors il se lève gravement, et, présentant son verre :
a A Josué, dit-il, qui arrêta le soleil, la lune et les étoiles.
Pas mal, mais assez prétentieux, qu'en dites-vous?
Encore un petit toast et un bon mot pour finir ;
Dans un dîner d'Anglais (c'est toujours dans les dîners
loîo TORTUE.
d'Anglais qu'on voit ces choses-là), on porta, selon l'usage, la
santé des dames. Milord B.,., bien connu pour sa galanterie, dît :
« Messieurs, je bois au beau sexe des deux hémisphères.
— Et moi, répondit le marquis de la V...., plus réaliste que
son ami, je bois aux deux hémisphères du beau sexe. »
TOMATES. — Fruit qui nous vient des peuples méri-
dionaux, chez lesquels il est en grand honneur ; on mange sa
pulpe en purée, et on emploie son sucre comme assaisonnement.
Tomates à la Grimod de la Reynière. — Après avoir ôté les
pépins de vos tomates, beurrez-les d'un hachis de viandes fines,
et si vous n'en avez pas, de chair à saucisses, auquel vous aurez
mêlé une gousse d'ail, du persil, de la ciboule et de l'estragon
haché, mettez le tout cuire sur le gril, ou, ce qui vaut mieux
encore, dans une tourtière sous un four de campagne avec beau-
coup de chapelure, pressez dans la tourtière même un jus de
citron pour achever l'assaisonnement, et servez.
TORTUE. — A l'article Potage de tortue nous avons dit
tout ce que nous avions à dire sur les différentes manières
d'apprêter cet animal. Nous recevons cependantdeM.Duclerez,
ancien chef de la bouche de la maison Rothschild, quelques
recettes sur le même sujet, et nous nous empressons de les indi-
quer à nos lecteurs amateurs de tortue.
Dans plusieurs contrées de l'Amérique, dit M. Duclerez,
la tortue se trouve communément et se débite parmi le peuple
comme poisson, à très-bon marché.
Elle se prépare dans ces pays sans condiments recherchés et
sans autres assaisonnements que des stimulants.
En Angleterre, où la tortue est très-estimée, il s'en fait
une très-grande consommation, quoiqu'elle ne soit généralement
employée que pour les potages; cela tient, paraît-il, à l'igno-
rance des raffinements de l'art culinaire dans ce pays.
En France, la tortue est plus honorablement représentée et
tout peut être employé en cuisine.
Les parties les plus délicates sont les parties gélatineuses,
telles que le plastron et la carapace, de même que les quatre
nageoires et les graisses, qui sont d'une exquise délicatesse.
Préparation de la tortue. — Fixez votre tortue à une échelle,
TORTUE. loji
attachez-lui au cou un poids de 25 kilogrammes, et à Taide d'un
fort couteau coupez-lui la tête et laissez saigner pendant cinq à
six heures. Posez-la ensuite sur la table, couchée sur le dos,
détachez le plastron de la carapace, enlevez tous les intestins,
puis détachez aussi les nageoires avec leur peau en appuyant
votre couteau sur la carapace, ramassez avec soin la graisse en
raison de sa délicatesse ; coupez le plastron et la carapace en
quatre ou six morceaux, mettez-les dans un grand chaudron
d'eau chaude et laissez cuire vingt à vingt-Cinq minutes,
c'est-à-dire jusqu'au moment où la peau se détache des os;
retirez ensuite les morceaux du feu et plongez-les dans l'eau
froide, puis égoutlez-les sur des serviettes. Les morceaux de
chair maigre que vous avez retirés de l'eau chaude sont très-peu
délicats, c'est une chair longue, filandreuse et fade ; les forts
morceaux ressemblent à des noix de veau ; on peut les piquer et
les servir de même, en les montant d'un haut goût. Tout est
possible dans l'art culinaire.
Potage à la tortue. — Pour le potage à la tortue, vous
mettez toutes vos chairs maigres dans une marmite, puis vous
ajoutez xo kilogrammes de tranches de bœuf, deux jarrets de
veau, trois vieilles poules; vous mouillez de trois grandes cuil-
lerées de bon bouillon et laissez tomber à grand feu le fond à
demi-glace ; remplissez ensuite votre marmite d'un grand bouil-
lon, vous la garnissez de quatre oignons piqués de clous de
girofle, un bouquet de basilic et romarin, puis vous laissez cuire
le tout à petit feu pendant six heures.
Quand tout sera préparé comme on vient de le dire, vous
prenez les peaux que vous avez retirées du plastron et de la
carapace et vous les coupez en morceaux de trois centimètres
carrés ainsi que les nageoires, à moins que vous n'ayez Tinten-
tîon de servir ces dernières comme relevé; puis vous mettez ces
morceaux dans une casserole foncée de bardes de lard, avec une
bouteille de vieux Madère, et vous finissez de mouiller avec le
consommé préparé et passé. Laissez cuire le tout ensemble en
vous assurant de temps en temps, en sondant, si la cuisson est
arrivée à point ; elle doit conserver un ferment pareil à la tète
de veau qui ne demande que peu de cuisson.
103a TRIPE.
On sert ce potage de deux manières, clair ou lié, et on le
termine par une infusion de menthe, basilic, romarin, serpolet,
le tout mouillé d'un grand verre de vin de Madère sec que Ton
fait réduire à un quart ; ajoutez-y une pointe de Cayenoe et
finissez-le. Goûtez avant de servir s'il est de bon goût ; il doit
avoir une saveur agréable et être monté de ton.
Ce qui fait la qualité du potage à la tortue, en Angleterre,
c'est que nos voisins d'outre-mer possèdent en tout temps des
plantes fraîcHfes dont ils se servent comme purée pour finir leur
potage.
Nqgeoires de tortue à la régence. — Mettez dans une brai-
sière foncée de bardes de lard quelques tranches de jambon de
Bayonne fumé, quatre oignons piqués de clous de girofle et
aromates indiens, placez-y vos nageoires, saupoudrez .d'une
pincée d'épices fines, recouvrez de bardes de lard et de quelques
tranches de veau, arrosez d'une bouteille de vieux madère et
d'un riche consommé ; couvrez le tout d'un papier et par-dessus
votre couvercle fermant hermétiquement avec du feu dessus.
Laissez cuire deux heures et assurez-vous de la cuisson : pour
que ce soit bien cuit il faut que le fond soit réduit de trois quarts.
Au moment de servir, égouttez les nageoires, dressez-les sur un
plat en les appuyant sur une forte croustade que vous aurez
placée au milieu du plat ; ornez ce relevé d'une riche garniture
de petites croustades, de truffes, crêtes, rognons, quenelles, etc.
Passez ensuite le fond de la cuisson au tamis, laissez-lereposer, puis
dégraissez-le bien ; mettez-le dans un grand plat à réduire en y
ajoutant trois grandes cuillerées d'espagnole, travaillez le tout à
grand feu en y ajoutant une pincée de poivre de Cayenne, posez
ensuite cette sauce dans un bain -marie et faites en sorte qu'elle
soit très-succulente et un peu montée.
TOURTE. — Pâte feuilletée dans laquelle on sert des
ragoûts variés pour entrées.
TOURTEREAUX ET TOURTERELLES. — Variété du
pigeon sauvage dont la chair est toujours plus grasse que celle du
ramier ; on la sert rôtie, enveloppée de feuilles de vigne enve-
loppées elles-mêmes d'une grande lame de tétine de veau.
TRIPE. — Préparation de la tripe de bœuf. Sept villes se
TRIPE. IOÎ3
sont disputé l'honneur d'avoir donné naissance à Homère; la
France et l'Italie se disputent celui d'avoir trouvé la préparation
de la tripe de bœuf. Nous abandonnerions pour notre compte, si
nous en avions le droit, la part que la France peut avoir dans
cette préparation, mais des devoirs nous sont imposés et nous ne
cédons notre part aux Milanais que sous toute réserve.
Frottez et lavez la tripe dans un océan d'eau, taillez-la
ensuite large de trois doigts, faites-la bouillir avec un bon
bouquet de persil et de thym, ajoutez du beurre et de l'ail,
mettez du sel, du poivre, trois ou quatre gros oignons ; faites
cuire le tout pendant deux bonnes heures, puis tirez de leur
cuisson tous les morceaux de tripes, et faites-les égoutter. Il est
d'habitude de faire cuire la tripe de cette façon avant de l'assai-
sonner de quelque manière que ce soit.
Tripes à la mode de Caen. — Quand vous aurez gratté et
nettoyé à plusieurs eaux, faites blanchir à l'eau bouillante et
mettez vingt-quatre heures dégorger dans de Teau froide plu-
sieurs fois renouvelée.
Foncez une daubière d'oignons, carottes en tranches, lard,
clous de girofle, bouquet garni, ail, feuille de laurier, gros
poivre, morceau de pied de bœuf; égouttez les tripes, mettez sel
et muscade râpés ; placez les tripes dans une terrine avec jarret
de jambon; baignez de vin blanc coupé d'eau, couvrez de bardes
de lard.
Posez le couvercle et fermez-le hermétiquement avec de la
pâte, faites cuire pendant sept heures à four très-doux et servez
chaud, avec la cuisson dégraissée et liée.
Tripe de bœuf sur le gril. — La partie la plus consis-
tante de la tripe est la meilleure. Après l'avoir bien grattée et
bien lavée, vous la ferez cuire dans Teau, avec carottes, oignons,
persil, laurier, thym, clous de girofle, sel, poivre en grain ; quand
elle est cuite, vous la faites égoutter, vous la taillez par morceaux
de la largeur de quatre doigts, vous la couvrez de beurre frais
fondu ou d'huile avec persil, oignons, un tout petit peu d'ail,
du sel et du poivre; vous l'enveloppez dans du pain écrasé et
vous faites cuire le tout sur le gril, puis vous les mangez à la
sauce piquante. Au reste, on peut manger la tripe comme le palais
I034 TRUFFE.
de bœuf à l'italienne, à la française, à la lyonnaise, à la mila-
naise, à la sauce Robert et à la provençale.
Tripe de bœuf en crépinettes. — Après avoir fait cuire la
tripe, taillez-la en petits morceaux pareils à de petits dés, avec
un nombre égal de champignons et une demi-livre de lard,
ajoutez-y un peu de mie de pain et deux jaunes d'œufs ; du tout
faites un amalgame, saupoudrez-la de sel, de poivre, de noix
de muscade réduite en poudre, de clous de girofle et d'une
pointe d'ail, enfermez le tout dans de la voilette de porc en la
divisant en morceaux gros comme un œuf, aplatissez-les, mettez-
les sur le gril quelques moments avant de les porter sur la table,
et quand ils sont passés du gril sur le plat couvrez-les de sauce
tomate et servez.
Tripe de bœuf à la lyonnaise (recette de Lucotte). —
Faites frire dans le beurre une douzaine d'oignons coupés par
quartiers; quand ils seront d'un beau blond, mettez-y une cuil-
lerée de farine, laissez la sauce se faire un instant, joignez-y une
bouteille de vin blanc, des champignons, du sel, du poivre,
laissez-y cuire la tripe à petit feu, et au moment de la manger
ajoutez-y un suc de limon.
Tripe en fricassée de poulet. — Grattez et nettoyez avec le
plus grand soin, lavez dans trois ou quatre eaux diverses et
bouillantes; vous mettez enfin votre tripe dans Teau fraîche,
après quoi vous la faites cuire avec des oignons taillés, de l'ail
et des clous de girofle; vous la faites égoutter, vous Tenveloppez
bien de beurre et de farine baignée dans du bouillon, vous
ajoutez des champignons, vous liez la sauce avec des jaunes
d'œufs et vous la servez avec un suc de limon.
Tripe de bœuf à la sauce piquante* — Alors que votre tripe sera
bien lavée, taillez-la en morceaux carrés, mettez-la dans une cas-
serole, avec un gravelet, quelques oignons, sel, poivre, deux cuil-
lerées de bouillon et un peu de moutarde ; quand tout sera bien
lié, servez sans laisser refroidir : c'est un mets des plus indigestes.
TRUFFE. — Nous voilà arrivés au sacrum sacrorum des
gastronomes, à ce nom que les gourmands de toutes les époques
n'ont jamais prononcé sans porter la main à leur chapeau, au
Tuber cibarium, au Lycoperdon gulosorum^ à la truffe.
TRUFFE. 1035
Vous avez interrogé les savants, leur demandant ce que
c'était que ce tubercule, et après deux mille ans de discussion
les savants vous ont répondu comme le premier jour : Nous ne
savons pas. Vous avez interrogé la truiFe elle-même, et la truffe
vous a répondu : Mangez-moi et adorez Dieu. Faire l'histoire
des truffes serait entreprendre celle de la civilisation du monde,
à laquelle, toutes muettes qu'elles sont, elles ont pris plus de part
que les lois de Minos, que les tables de Solon à toutes les
grandes époques des nations, à toutes les grandes lueurs que
jetèrent les eitipires; elles affluaient à Rome, de la Grèce et
de la Libye; les Barbares en passant sur elles les foulèrent
aux pieds et les firent disparaître, et d'Augustule jusqu'à
Louis XV elles s'effacent pour reparaître seulement au
XVIII* siècle et atteindre leur apogée sous le gouvernement
parlementaire de 1820 à 1848,
Nous avons en France, dit le Dictionnaire de la Conversation^
plusieurs espèces de truffes : la noire, la grise, la violette et la
truffe à odeur d'ail. Beaucoup de nos départements récoltent ces
variétés. La chaîne calcaire qui sillonne les départements de
l'Aube, de la Haute-Marne, de la Côte-d'Or, fournit la truffe
grise presque aussi délicate que la truffe blanche à odeur d'ail du
Piémont. La truffe noire est en abondance dans les terres du
Périgord, de l'Angoumois, du Quercy; elle nous arrive encore
du Gard, de la Drôme, de l'Isère, du Vaucluse, de l'Hérault, du
Tarn, des Pyrénées orientales, des montagnes du Jura, de l'Ar-
dèche, de la Lozère. Plusieurs forêts de la Touraine produisent
des truffes d'une bonne qualité.
La truffée, dit Brillât- Savarin, est le diamant de la
cuisine ; elle réveille des souvenirs erotiques et gourmands chez
le sexe portant robe, et des souvenirs gourmands et erotiques
chez le sexe portant barbe; la truffe n'est point un aphrodisiaque
positif, mais elle peut en certaine occasion rendre les femmes
plus tendres et les hommes plus aimables. (Voir l'article Sauce,
dans l'intérieur duquel nous avons déjà longuement et de notre
mieux parlé des truffées, au point de vue anecdotique, et aussi
des truffées spécialement considérées comme ingrédient entrant
dans les sauces.)
1036 TRUFFE.
Truffes à la cendre. — Brossez les truffes dans l'eau pour
en enlever la terre qu'elles retiennent toujours, essuyez-les,
mettez-les sur une feuille de papier en double, bien enveloppées
de bardes de lard assaisonné de sel et poivre, repliez le papier et
recouvrez le tout d'une troisième feuille de papier mouillé ; faites
cuire dans la cendre chaude avec un feu modéré par-dessus ;
étant cuites, retirez-les pour les essuyer, servez sous une ser-
viette pliée. On peut aussi les faire cuire à sec dans du papier
beurré, afin d'en user en maigre.
Truffes au vin de Champagne. — Pelez de grosses truâês,
foncez une casserole de tranches de veau et de jambon, mettez
des truffes dessus avec un bouquet garni, quelques champignons
entiers, du lard fondu, sel et poivre ; couvrez de bardes de lard,
mouillez avec de bon petit vin blanc un peu sucré, faites cuire à
petit feu; quand elles sont cuites retirez-les, passez la cuisson un
peu dégraissée.
Truffes à la vapeur. — Mettez dans une casserole deux
verres de vin blanc, un petit verre d'eau-de-vie et un clayon
comme il est prescrit pour les pommes de terre ; couchez vos
truffes l'une à côté de l'autre sur ce clayon, couvrez la casserole
de son couvercle ; aussitôt que vous verrez les vapeurs sortir de
la casserole, fermez-la d'un torchon mouillé, les vapeurs se
condenseront et retomberont bouillantes sur les truffes. Lors-
qu'elles seront cuites, retirez-les, laissez-les un instant se res-
suyer à l'air, et servez-les en colline sur une assiette. Vous
pouvez conserver aux truffes leur saveur naturelle, il n'y a pour
cela qu'à les envelopper une à une dans du papier beurré, et
qu'à les faire cuire à la vapeur de l'eau bouillante.
Truffes au court-bouillon. — Mettez dans une marmite,
avec ciboules, laurier, clous de girofle, oignons, sel, poivre et
vin de Bordeaux, vos truffes bien appropriées, essuyez et dressez-
les sur un serviette en forme de bastion.
Truffes en roche. — Brossez, lavez, faites égoutter des truffes
à la passoire, assaisonnez-les, maniez-les avec du lard fraîche-
ment haché et pilé que vous diviserez en deux parties, l'une pour
enduire la surface d'une abaisse de feuilletage, sur laquelle vous
aurez posé les truffes en forme de pyramide, et la seconde pour
TRUFFE. 1037
être posée à leur sommet : cette dernière portion doit être recou-
verte d'une plaque de lard, et le tout d'une deuxième abaisse
qui, s'adaptant aux truffes posées les unes sur les autres, simule
les aspérités d'un rocher. Il faut ensuite dorer la pièce et prati-
quer un petit trou sur le couvert, et l'exposer pendant une heure
au four chaud ; ce temps écoulé, retirez-la, tracez le couvercle
avec la pointe d'un couteau pour enlever les bardes de lard ;
cette opération faite, replacez le couvert, et servez bien chaud
pour entremets. (Recette Courchamps et Alexandre Dumas.)
Émincé de truffes. — Émincez des truffes et passez-les au
beurre, avec échalotes, persil haché, sel et gros poivre, mouillez
avec un verre de bon vin blanc de Sauterne et deux cuillerées de
jus ou de bouillon réduit à moitié ; au moment de servir, mettez
une cuillerée d'huile ou un morceau de beurre.
Truffes blanches. — C'est le Piémont, on le sait, qui fournit
ces excellentes truffes, d'une espèce particulière et si estimée des
gourmets que quelques-uns d'entre eux les préfèrent à nos truffes
noires dé France. Cette truffe a cela de remarquable, qu'elle n'a
pas besoin d'être cuite; lavez-la, essuyez-la, puis avec un petit
couteau enlevez un petit point noir de la surface ; émincez les
truffes en tranches aussi minces que possible, faites-les chauffer
simplement dans la sauce ou avec la garniture avec laquelle elles
doivent être associées.
On sert aussi les truffes blanches en salade; en ce cas il faut
les émincer, puis faire chauffer de l'huile avec quelques filets
d'anchois passés au tamis; quand l'huile est bien chaude lui
adjoindre les truffes, les assaisonner et les retirer hors du feu en
les sautant.
Truffes au gratin. — Choisir sept à huit belles truffes,
rondes et crues, les couper en deux, les vider à l'aide d'une
cuiller à légumes, couper en petits dés les chairs enlevées, les
mêler avec une égale quantité de foies gras cuits, assaisonner
l'appareil, le lier avec un peu de sauce brune réduite avec
lui ; emplir les moitiés de truffes l'une à côté de l'autre dans une
casserole plate, avec un peu de vin dedans, faire bouillir le
liquide et pousser la casserole au four ; dix minutes après dresser
les truffes sur un plat.
1038 TRUITE.
Salade aux truffes à la toulousaine. — Un cuisinier fraa*
çais d*un grand mérite, mais qui exerce à l'étranger, M. Urbain
Dubois, nous donne cette recette en raccompagnant de cet éloge :
tt Ce mets est une création récente de la science toulousaine;
elle prouve qu'en France le grand art de la gastronomie est par-
tout cultivé avec un égal empressement et toujours avec succès.
« Choisir cinq ou six trufFes noires, fraîches et d'un bon
arôme, ainsi que trois artichauts bien tendres. Brosser les truflès
avec soin, les laver, les peler, les émincer très-fin et les enfermer
dans un vase. Parer les artichauts des feuilles dures, pour ne
laisser que celles qui sont d'une tendreté certaine ; les di^nser
alors par le milieu et sur leur longueur ; émincer chaque moitié
en tranches aussi fines que les truffes et les faire macérer avec
un peu de sel pendant dix minutes ; les éponger ensuite sur un
linge.
« Passer au tamis trois jaunes d'oeufs cuits, les mettre dans
une terrine, y mêler un peu de moutarde et les délayer avec
un demi-verre d'huile la plus fine et un peu de bon vinaigre àTes-
tragon, frotter lefond d'un saladier avec une gousse d'ail, et ranger
dans celui-ci les truffes et les artichauts par couches alternées,
en les assaisonnant avec sel et poivre ainsi qu'avec une partie des
œufs délayés avec l'huile; dix minutes après, sauter les truffes et
les artichauts (dans le saladier) afin d'opérer le mélange de l'as-
saisonnement. Cette salade est digne de porter un grand nom. »
Salade de truffes noires à la russe. — Peler quelques truffes
noires, les mettre dans une casserole plate avec un peu de madère,
les saler et les faire cuire pendant trois ou quatre minutes, les
émincer, les déposer aussitôt dans une terrine, les assaisonner,
les arroser avec un peu d'huile, les couvrir et les faire macérer
pendant dix minutes, les saupoudrer ensuite avec une pincée
d'estragon, de ciboulettes et de persil haché, les lier avec trois
ou quatre cuillerées à bouche de mayonnaise, dresser alors la
salade sur un plat, la masquer avec une couche de mayonnaise,
finir avec une cuillerée de moutarde anglaise. (Voyez à l'article
Sauces le paragraphe consacré aux truffes.)
TRUITE. — Il y a plusieurs espèces de truites, les unes
blanches, les autres rosées et de grandeur différente.
TRUITE. io}9
La truite est le poisson qui ressemble le plus au saumon;
les meilleures truites sont celles dont la substance est rougeàtre
et qu'on appelle à cause de cela truite saumonnée ; quelques
naturalistes prétendent que ce saumonnage est une qualité dont
elles se dotent elles-mêmes en mangeant des écrevdsses. Les
truites les plus recherchées à Paris sont celles de la Meuse et de
la Seine; elles ne sont jamais d'un très-gros volume, mais leur
chair est pourvue d'une saveur parfaite et d'une délicatesse
infinie, tandis que les grosses truites du lac de Genève sont
presque toujours sèches et coriaces. -Ce poisson est d'une agilité,
d'une force et d'une résolution surprenantes; il remonte non-
seulement les torrents les plus rapides, mais -il s'élance dans les
cascades les plus élevées et remonte ainsi les chutes d'eau,
jusque sur les sommets du Mont-Blanc et du grand Saint-Ber-
nard. Les mouvements qu'il se donne contribuent certainement à
rendre ce poisson d'une saveur agréable et d'un usage très-
salubre. ^
Truite à la montagnarde. — Quand elle sera restée une
heure dans l'eau salée, faites-la cuire avec une bouteille de vin
blanc, trois oignons, bouquet, clous de girofle, deux gousses d'ail,
laurier, thym, basilic et beurre manié de farine; faites bouillir
à feu vif; ôtez les oignons et le bouquet, servez la truite avec sa
sauce, £t jetez dessus, en servant, un peu de persil blanchi.
Truite au court-bouillon. — Videz une truite, lavez,' fice-
lez-lui la tête, puis faites-la cuire dans une poissonnière avec du
vin blanc, des oignons coupés par tranches, une poignée de
persil, quelques clous de girofle, trois feuilles ^de laurier, une
branche de thym et du sel; quand elle aura mijoté pendant une
heure, dressez-la sur une serviette et sur un lit de persil vert,
mettez à côté une sauce faite avec du court-bouillon lié de beurré
et de farine et réduit.
Truite à la Chambord. — Commencez par vider, échauder
et tremper votre truite dans l'eau bouiHante, enlevez-en toutes
les peaux, lavez-la à plusieurs eaux, laissez-la égoutter, piquez-
la avec de gros clous de truffes, faites cuire votre truite dans une
bonne marinade au vin ; au moment de servir égouttez-la, dres-
sez-la sur un grand plat ovale, garnissez-la de quatre ris de veau
I040 TRUITE.
piqués et glacés de quatre pigeons, de huit écrevisses, saucez
d'une financière.
Truites à la Saint-Florentin (formule de l'ancien hôtel de la
Reynière). — Prenez les plus belles de celles que vous trouverez,
écaillez et videz-les, jetez dans le corps du beurre manié avec
sel, poivre et fines herbes; mettez-les dans une poissonnière avec
deux ou trois bouteilles de vin blanc, pour que le vin dépasse
d'un bon doigt ; ajoutez sel, poivre, oignons, clous, muscade,
bouquet, croûtes de pain, faites cuire à feu clair, de sorte que le
vin s'enflamme comme un punch ; lorsque la flamme commence
à diminuer jetez-y du beurre et vannez avant que de servir.
Truites farcies. — Videz, lavez, égouttez quatre truites,
remplissez les corps de farce composée de quenelle de carpe, de
truffes coupées en gros dés, de champignons, ficelez les têtes de
vos truites, faites-les cuire dans un court-bouillon ; leur cuisson
terminée, mettez-les refroidir et égoutter, panez-les deux fois à
Fcyif, et au moment de servir fiiites-les frire et servez avec sauce
aux tomates.
Truites aux anchois. — Incisez sur le côté vos truites écail-
lées et vidées, faites-les mariner avec sel, gros poivre, ail, persil,
ciboules, champignons hachés, thym, laurier, basilic en poudre,
huile fine, mettez-les dans une tourbière avec une marinade,
panez et faites cuire au four, servez-les avec une sauce aux
anchois.
Sauté de filets de truites. — Levez les filets de cinq à six
jeunes truites, coupez-les en petites lames, veillez à ce que tous
soient égaux, parez vos morceaux, enlevez-en la peau du côté de
récaille, rangez-les les uns à côté des autres dans votre sautoir,
semez dessus du persil haché et bien lavé, du sel, du gros poivre,
de la muscade râpée; vous ferez tiédir un morceau de beurre que
vous verserez sur les filets au moment de servir ; vous mettez
votre sautoir sur un feu vif. Lorsque votre sauté est roidi d'un
côté vous le retournez et "ne le laissez qu'un instant au feu, vous
le dressez en miroton autour du plat et vous placez le reste dans
le milieu ; servez avec une italienne.
Truites à la hussarde. — Dépouillez-les et mettez-les dans
le corps du beurre manié de fines herbes, assaisonnez de bon
■]
TURBOT. 1041
goût, faites mariner et griller ensuite, et servez-les avec une
poivrade.
Pâté de truites. — Lardez vos truites d'anguilles et d'an-
chois, dressez le pâté, foncez-le de beurre frais, faites un godi*
veau de chair de truite^ de champignons, de truffes^ de persil,
de ciboules, de beurre frais avec fines herbes, épices, sel et
poivre, couvrez de beurre frais, faites cuire, dégraissez et servez
avec une sauce aux écrevisses.
TURBOT. — Juvénal a d'un seul coup et dans la même
satire illustré l'empereur Domitien et le turbot pour lequel il
convoquait le Sénat; une grande séance eutlieu, mais la chose était
si importante que les Pères conscrits se séparèrent sans décider à
quelle sauce serait mis le monstrueux animal. A défaut de la
décision du Sénat romain, nous avons celle de Vincent de la
Chapelle, vénérable Père conscrit de la cuisine française, et
d'après ce que nous savons de la cuisine antique, nous n'aurons
pas trop à regretter que, cette fois comme tant d'autres, l'hono-
rable assemblée ait fait buisson creux. A la place du turbot de
Domitien, qui ne se retrouve pas tous les jours, s'il faut en croire
la description de Juvénal, prenez le plus beau et le plus grand
turbot sans tache que vous puissiez trouver, surtout qu'il soit
très-épais, très-blanc et très-frais; fendez-le jusqu'au milieu du
dos, plus près de la tête que de la queue, et de la longueur de
trois à quatre pouces, mais plus ou moins, selon sa grandeur;
relevez-en les chairs des deux côtés; coupez -en les arêtes, de la
longueur de l'ouverture ; supprimez-en trois ou quatre nœuds ;
arrêtez la tête avec une aiguille à brider et de la ficelle passée
entre l'arête et l'os de la première nageoire; frottez votre turbot
avec du jus de citron ; mettez-le dans une turbotière où vous le
mouillerez avec une bonne eau de sel et une ou deux pintes de
lait ; joignez à cela deux ou trois écorces de citrons en tranches,
desquels vous aurez ôté la chair et les pépins ; faites-le partir sur
un feu assez vif, si vous êtes en été, car le menant alors à un feu
trop doux, vous risqueriez de le voir se dissoudre en morceaux.
Dès que votre assaisonnement commencera à frémir, couvrez le
feu et laissez cuire votre turbot sans le faire boiftllir ; couvrez-le
d'un papier beurré et laissez-le dans son assaisonnement jusqu'au
66
1043 TURBOT.
moment de le servir ; un demi-quart d'heure avant, égouttez-le ;
arrangez une serviette sur le plat, garnissez-la en dessous avec
des bottes de persil, afin que votre turbot soit posé droit et que
le milieu rebondisse sûr le plat ; faites-le glisser dessus ; coupez
très-également avec de gros ciseaux celles de ses barbes qui
pourraient être décharnées, ainsi que le bout de la queue;
mettez autour de votre turbot du persil en branche, et s'il avait
quelques déchirures, masquez-les avec du persil; servez à côté
d'une saucière garnie d'une sauce blanche, avec des câpres, et
d'une saucière garnie d'une sauce piquante ou au coulis gras,
ou au |us de poisson, ou une bonne hollandaise.
On doit ajouter ce qui suit à cette bonne prescription de
Vincent de la Chapelle : servez, avec un relevé de turbot, une
sauce hollandaise ou bien une sauce aux huîtres, une sauce aux
tomates au gras, une sauce blanche au raifort épicé, et de préfé-
rence à toutes les autres, une sauce au beurre de homard et au
hachis de ce poisson.
Turbot à l'anglaise. — Les Anglais, naturellement grands
mangeurs de poisson, ont pour chaque espèce des sauces arrêtées
d'avance avec lesquelles ils le servent invariablement.
Ainsi, avec le turbot on mange généralement une sauce
homard ou une sauce crevette; avec le saumon bouilli, une
sauce au persil, souvent accompagnée d'une salade de concom-
bres; avec le cabillaud, une sauce aux huîtres : cette sauce est
rigoureusement exigée par les gourmets ; avec le merlan, une
sauce aux œufs; avec les maquereaux bouillis, une sauce au
persil ou une sauce aux groseilles à maquereau ; avec les pois*
sons frits, merlans, truites, éperlans, soles, une sauce au beurre
d^anchois.
Choisir un turbot frais, blanc, épais, le vider et l'ébarber
tout autour et le fendre sur le côté noir, tout le long de l'arête
principale ; le déposer alors dans un grand vase d'eau froide pour
le faire dégorger pendant une heure, Tégoutter, lui brider la
tête, le poser sur la grille d'une turbotière en l'appuyant sur le
côté noir, le saupoudrer avec une poignée de sel et le mouiller à
couvert avec de l'eau froide ; poser la turbotière sur le feu vif,
pour faire bouillir le liquide ; au premier bouillon le retirer sur
TURBOT. 1043
le côté et le tenir ainsi pendant quarante à cinquante minutes
au même degré, sans cependant le faire bouillir.
D'autre part^ cuire un homard à l'eau salée, le laisser
refroidir, en retirer les chairs de la queue entière, sans endom-
mager la coquille, couper ces chairs en tranches, les déposer
dans une petite casserole, couper les parures, ainsi que les
chairs des pattes en petits dés, et les tenir également à couvert:
préparez une sauce au beurre bien lisse; quand elle est finie,
lui adjoindre le salpicon de homard et la tenir au bain-marie.
Au moment de le servir, égoutter le turbot, le débrider et le
^ glisser sur un large plat dont le fond est couvert avec une
planche de forme ovale; percez deux trous et masquez avec une
serviette.
Il n'est presque pas nécessaire de dire que la surface
blanche du turbot doit se trouver en dessus. Posez le homard
cuit sur le centre du turbot, dressez aussitôt sur la coquille
du homard les chairs de la queue découpées en tranches, et
traversez l'épaisseur de la coquille avec un hatelet garni de
deux écrevisses et une truffe ; entourez le turbot avec des feuilles
de persil, envoyez la sauce séparément.
Kadg-iori de turbot, — Ce mets, d'origine indienne, se sert
aujourd'hui communément en Angleterre, qui semble être
devenue une dépendance indienne.
Lever les filets d'un petit turbot cru, les couper en gros dés,
les faire revenir avec du beurre et à feu vif pendant deux minutes
seulement, les assaisonner et retirer la casserole du feu ; hacher
un oignon, le faire revenir avec du*beurre sans prendre couleur,
y mêler cinq cents grammes de riz lavé et égoutté pendant une
heure sur un tamis ; quelques secondes après, le mouiller trois
fois sa hauteur, avec du bouillon de poisson, le cuire à feu vif
pendant dix à douze minutes, puis retirer la casserole et la tenir
à la bouche du four jusqu'à ce que le riz soit à peu près sec, lui
mêler alors les filets de turbot, les saupoudrer d'une pincée de
Cayenne, verser sur eux quelques cuillerées à bouche de sauce,
ainsi que trois œufs durs hachés, et enfin un morceau de beurre
divisé eh petites parties ; le dresser aussitôt sur un plat creux,
et Tarroser avec du beurre cuit à la noisette.
I044 TURBOT.
Pâté chaud de turbot à la danoise. — Prendre un petit
turbot frais et cru, ou simplement une moitié, si une moitié
suffit au nombre des convives; détacher les chairs de l'arête et
les couper transversalement en filets longs, ayant deux ou trois
centimètres d'épaisseur, déposer ces filets dans une terrine, les
assaisonner avec sel et épices, cuire cinq à six œufs durs, les
couper en quartiers, les assaisonner de sel et de poivre, les sau-
poudrer avec du persil et les tenir à couvert.
Tamiser quatre ou cinq cents grammes de grosse semoule,
sans y laisser aucune partie de farine; y mêler deux jaunes
d'œufs Tun après l'autre en la frottant entre les mains, l'étaler
ensuite sur un plafond et la faire sécher à l'étuve, la frotter
encore en brisant les grumeaux, et la cuire à l'eau salée en la
tenant consistante et sèche ; hacher séparément deux oignons
blancs, une poignée de persil vert, huit à dix champignons
comestibles frais; faire revenir l'oignon dans une casserole avec
du beurre, mais sans prendre couleur, lui adjoindre les champi-
gnons, les faire revenir aussi jusqu'à ce qu'ils aient réduit leur
humidité; saupoudrer alors les fines herbes avec une cuillerée
à bouche de farine, les mouiller avec un demi-verre de vin
blanc, ajouter une feuille de laurier, et tourner la sauce jusqu'à
l'ébuUition pour la cuire pendant quelques minutes; lui addi-
tionner ensuite le persil haché et les filets de turbot, couvrir la
casserole, donner deux bouillons à la sauce, la retirer sur le côté
du feu, la tenant ainsi pendant cinq minutes, laissant refroidir la
sauce et le poisson tout ensemble.
Préparer une pâte feuilletée avec cinq cents grammes de
bonne farine et deux cent cinquante grammes de beurre ou de
graisse, lui donner six tours, la laisser reposer, en retirer le
quart et abaisser le reste avec le rouleau dans la forme d'un carré
long, en lui donnant de trente à trente-cinq centimètres de
largeur et le double de longueur, enrouler la pâte autour pour
rétaler sur une plaque en la déroulant; l'humecter tout autour,
puis étaler sur son centre une couche un peu épaisse de semoule
cuite et refroidie, en lui donnant aussi la forme d'un carré long,
mais beaucoup plus étroit que l'abaisse ; sur cette couche ranger
les filets de poisson en les entremêlant avec les fines herbes, les
TURBOT. I04J
œufs durs, ainsi que deux douzaines d'huîtres blanchies ; mas-
quez cet appareil en dessus et sur les côtés avec le restant de la
semoule, donnez au corps du pâté une forme bombée et régu-
lière; relever aussitôt la pâte des côtés sur le haut pour le
masquer, relever également la pâte sur les bouts pour les replier
sur le pâté en les appuyant et en les soudant ; humecter le dessus
de la pâte, abaisser le feuilletage tenu en réserve en forme de
carré long, le poser sur le pâté de façon à l'envelopper presque
entier, dorer la surface avec des œufs battus, faire une cheminée
sur le centre afin de donner du dégagement à la vapeur; puis
avec la pointe du couteau tracer un petit dessin sur la surface
de rabaisse, pousser le pâté au four modéré, le couvrir avec du
papier en ficelant celui-ci, le cuire pendant une heure un quart.
Dans l'intervalle, faire blanchir deux douzaines d'huitres
avec un verre de vin blanc; avec la tète, les arêtes de poisson,
du vin et des légumes, préparer la valeur^d'un litre de bouillon,
et avec celui-ci, ainsi qu'avec la cuisson des huîtres, marquer
une petite sauce blonde, la lier avec trois jaunes d'œufs, la finir
avec du beurre, persil haché et jus de citron, lui additionner les
huîtres, et l'envoyer en même temps que le pâté.
Turbot à la crème gratinée, — Faire cuire à l'eau salée la
moitié d'un turbot, l'égoutter de sa cuisson, lui enlever ses
arêtes depuis la première jusqu'à la dernière et le côté noir de
sa peau; diviser les chairs en portions coupées d'avance, les
ranger l'une à côté de l'autre sur un plat creux, les saupoudrer
avec une pincée de champignons hachés et cuits, les masquer
aussitôt avec quelques cuillerées à bouche de bonne béchamel,
réduite et assaisonnée ; monter l'appareil en dôme, le masquer
aussi en dessus avec la sauce, le saupoudrer avec de la mie
de pain, l'arroser avec du beurre fondu, enfin le pousser au
four vif pour lui faire prendre couleur pendant dix à douze
minutes, et, en sortant le plat du four, le poser sur un autre
plat. N'oubliez pas une bordure de purée de pommes de terre
à l'œuf.
Turbot à\ la régence (ancienne formule du Palais-Royal). —
Faites cuire dans une casserole deux ou trois livres de veau en
tranches, bardées de lard avec sel et poivre, persil en bouquet.
1046 TURBOT.
fines herbes, oignons piqués de clous de girofle et deux feuilles
de laurier; faites suer; le tout étant attaché, mettez du beurre
frais avec un peu de farine. Le roux fait, mouillez avec du
bouillon, détachez le fond avec la cuiller, bardez le turbot,
et faites -le cuire avec une bouteille de vin de Champagne ou
autre vin, avec le jus de veau et le veau par-dessus; étant
cuit, laissez -le mitonner sur des cendres chaudes, dressez-le;
servez tiessus un ragoût d'écrevisses et liez d'un coulis d'écre-
visses.
Turbot matelote normande. — Fendez par le dos un jeune
turbot, séparez les chairs de l'arête, mettez entre la chair et
l'arête une bonne maître-d'hôtel crue; coupez six gros oignons
en petits dés, ayez un plat d'argent de la grandeur de votre tur-
bot , mettez des oignons par-dessus avec un bon morceau de
beurre assaisonné de sel, gros poivre, thym, laurier en poudre,
persil haché et un peu de muscade râpée; mettez votre tur-
botin sur vos oignons, poudrez-le de sel, ajoutez-y du citron
et un peu de beurre fondu, mouillez d'une bouteille de bon
cidre mousseux, mettez votre plat sur un petit fourneau cou-
vert d'un four de campagne à feu très-doux. Arrosez pendant la
cuisson.
Turbot gratiné au fromage de Parme, — Votre turbot
cuit au court-bouillon et refroidi, enlevez-lui les peaux et les
arêtes, et mettez-en les chairs [dans une béchamel maigre,
faites chauffer le tout sans le faire bouillir, dressez sur un plat
qui puisse aller au feu, saupoudrez-le de mie de pain mélangée
de parmesan râpé, arrosez-le avec du beurre fondu, posez-le sur
un feu doux, et faites-lui prendre couleur sous un four de
campagne.
Turbotins sur le plat. — Videz, lavez, égouttez un, deux ou
trois turbotins ; fendez-leur le dos, étendez du beurre dans le
fond d'un plat, saupoudrez-le d'un peu de sel et de fines herbes
hachées; posez vos turbotins sur le plat, panez-le avec de la
chapelure de pain et des fines herbes, un peu de sel en poudre
et d'épices fines; arrosez -les légèrement de beurre fondu;
mettez dessous du vin blanc en suffisante quantité; faites -les
partir sur un fourneau, mettez-les sous un four de campagne ou
TURBOT. 1047
dans un grand four, si vous en avez la commodité; assurez-vous
de leur cuisson en posant le doigt dessus : ils seront cuits s'ils ne
vous résistent point; servez-les avec leur mouillement, ou
égouttez-les et servez-les avec une italienne.
Mayonnaise ou salade de turbot. — Parez, coupez en rond
les filets d'un turbot de desserte, mettez-les dans un vase, assai-
sonnez-les de sel, 'de gros poivre, de ravigote hachée, d'huile et
de vinaigre à l'estragon, dressez vos filets en couronne sur votre
plat avec une guirlande d'œufs durs , décorez - les de filets
d'anchois, de cornichons, de feuilles d'estragon, de truffes, de
betteraves et de câpres ; mettez de jolis croûtons de gelée autour
de votre plat et au milieu une mayonnaise ou, pour mieux faire,
une sauce verte.
Filets de turbot à la bigarade. — Levez les filets d'un tur-
botin; après les avoir coupés en aiguillettes, faites-les mitonner
avec un jus de citron, sel, gros poivre, un peu d'ail; au moment
de servir, égouttez sur un linge blanc, farinez-les, faites-les
frire d'une belle couleur, dressez-les sur un plat, et servez-les
sur une sauce au coulis de poisson et au jus d'oranges amères.
V
VANILLE. (Ëpidendrum vanilla.) — Plante ezoriquede la
famille des orchidées ; elle croit toujours à l'ombre, soit dans des
fentes de rochers, soit au pied des grands arbres ; l'arôme de la
vanille, d^une finesse extrême, est si parfaitement suave que l'on
s'en sert pour aromatiser les crèmes, les liqueurs et les cho-
colats.
VANNEAU. — Oiseau remarquable par la beauté de son
plumage et la finesse de sa chair. Il y a un proverbe qui dit :
« N'a pas mangé un bon morceau qui n'a mangé ni bécasse
ni vanneau. » Ses œufs sont encore plus estimés que lui; au
mois d^avril et de mai on les mange ou plutôt on les gobe par
milliers en Belgique ; en Pologne on en fait des omelettes d'un
excellent goût ; en Hollande, où ces oiseaux sont fort communs,
on les mange à toutes les sauces. On suppose que le vanneau,
vanellus des gourmands de l'ancienne Rome, n'était pas celui-là;
et que le vanellus apicianus^ c'est-à-dire le vanneau d'Apicius,
était le pluvier doré. Dans l'antiquité comme de nos jours, lui et
ses œufs, au reste, étaient fort appréciés.
VEAU. — Les meilleurs veaux sont ceux de Pontoise, de
Rouen, de Caen, de Montargis, de Picardie ; on en élève aussi
dans les environs de Paris qui ne sont point à dédaigner; leur
viande se mange à Paris plus succulente qu'en aucun lieu. Un soin
tout particulier 'donné à l'éducation de ceux qu'on destine à la
consommation est la première cause de cette supériorité; une
VEAU. 1049
seconde cause est l'observation stricte des règlements qui défen-
dent de mettre à mort ces innocentes créatures avant Tâge de six
semaines ; aussi un veau de Pontoise est-il à cet âge le plus déli-
cieux rôti que la boucherie puisse offrir ; le morceau du rognon
et celui diaprés sont les plus recherchés sous cette forme. Une
grave discussion s'est engagée entre les amateurs pour savoir
lequel de ces deux morceaux est le meilleur : il y a un moyen de
tout concilier , c'est de servir dans son entier la longe qui les
réunit tous les deux ; seulement il faut une table nombreuse pour
la fêter convenablement, car lorsqu'elle* est belle elle ne pèse
guère moins de douze à quinze livres.
Tête de veau au naturel. — Choisissez- la bien blanche, ôtez
les deux côtés de la mâchoire inférieure, désossez aussi le bout
du mufle jusque auprès des yeux, en relevant la peau sans l'en-
dommager; coupez le museau sans blesser la langue; mettez
dégorger cette tète à grande eau, faites-la blanchir, épluchez-
la, frottez-la avec un citron; cela fait, mettez-la dans un
blanc, après l'avoir enfermée dans un torchon dont vous
aurez attaché les quatre bouts ; fkites-la partir, laissez-la cuire
deux ou trois heures, retirez-la, et après l'avoir développée
laissez-la égoutter, découvrez la cervelle en levant la calotte,
parez-la, dressez-la et servez-la avec une sauce au pauvre
homme, ou toute autre sauce piquante, poivrade ou ravigote.
Tête de veau farcie. — Ayez une tête de veau échaudée,
bien blanche, dressez-la en laissant tenir les yeux à la peau et
prenant garde de la percer avec le couteau ; mettez-la dégorger,
ainsi que la langue dont vous aurez supprimé le gosier ; faites
une farce avec une livre de veau et une livre et demie de graisse
de rognons de bœuf; hachez ces deux objets séparément; pilez
le veau; cette opération faite, joignez-y votre graisse et pilez le
tout ensemble de manière qu'il ne puisse être distingué; joi-
gnez à cela la mie d'un pain à potage que vous aurez trempée
dans la crème et ensuite desséchée par des fines herbes hachées
et passées dans le beurre, telles que champignons, persil et
ciboules, que vous laisserez refroidir pour incorporer avec votre
farce; assaisonnez-la de sel, épices fines et poivre; pilez le tout
ensemble, mouillez cette farce avec peu d'eau à la fois ; ajoutez
io$o VEAU.
trois ou quatre œufs, l'un après l'autre; si elle se trouvait trop
ferme pour l'étendre sur la tête de veau, mettez-y un peu d'eau.
Cette farce finie, égouttez cette tête, essuyez- la, flambez -la
si elle en a besoin; ensuite mettez-la sur un linge, étendez
sur ces chairs l'épaisseur de deux doigts de farce; cela fait,
mettez sur cette farce un salpicon froid, dont vous aurez coupé
les dés un peu plus gros que pour les croquettes; remettez la
langue après Tavoir fait blanchir; àtez la peau qui l'enveloppe
à la position où elle était quand la tête était entière ; recouvrez
votre salpicon avec la fkrce, ayant soin de donner à cette tète sa
première forme; couvrez-la, et du côté du collet enveloppez-la
de bardes de lard ou d'une toilette de veau (ce qui vaut mieux),
afin que la farce n'en sorte pas ; roulez-la dans une serviette ou
étamine, ayant soin de lui coucher les oreilles; ficelez-la par-
dessus la serviette, toujours en ménageant sa forme ; foncez une
marmite avec quelques débris de viande de boucherie; mettez-y
sel, oignons, carottes, deux feuilles de laurier, deux gousses d'ail,
deux clous de girofle, une bouteille et demie de vin blanc de
bonne qualité, quelques fonds de braise ou de bon bouillon ;
laissez-la cuire deux ou trois heures, surtout qu'elle n'arrête
pas. Quand elle sera cuite, égouttez-la sur un couvercle et servez
avec le ragoût ci -après :
Mettez dans une casserole deux cuillerées à pot d'espa-
gnole et un demi-setier de vin blanc; faites réduire le tout;
ajoutez-y six ou huit grosses quenelles de la farce énoncée plus
haut, et que vous aurez fait pocher dans du bouillon; joignez-y
des champignons tournés, des fonds d'artichauts, quelques tran-
ches de gorges de ris de veau ; faites mijoter le tout, dégraissez-le ;
déballez votre tête, dressez-la sur le plat ; mettez ce ragoilt autour,
garnissez-le d'écrevisses, de ris de veau piqués et glacés, ainsi
que de truffes, et servez.
Tête de veau en tortue* — Ayez une tête de veau échaudée,
désossez-la comme la précédente ; mettez-la dégorger, faites-la
blanchir, ainsi que la langue ; coupez-la en deux ; flambez-la,
frottez-la de citron ; mettez-la cuire dans un blanc, comme celle
à la bourgeoise ; lorsqu'elle sera cuite, coupez-la proprement en
douze morceaux; égouttez et dressez ces morceaux sur un plat;
VEAU, lo^i
placez-y la langue que vous aurez panée à l'anglaise et fait
grillei: d'une belle couleur; joignez-y la cervelle que vous aurez
divisée en cinq ou six parties, fait cuire dans une marinade,
mise dans une pâte et fait frire ; saucez les morceaux de la tète
de veau avec le ragoût en tortue ; garnissez-les de six œufs frais
pochés, d'une douzaine de belles truffes, d'autant d'écrevisses,
de quelques ris de veau piqués, et servez.
Oreilles de veau farcies, — Ayez des oreilles, flambez-les,
mettez-les cuire dans un blanc (voyez Blanc^ à son article); lorsque
ces oreilles seront cuites, tirez-les de leur blanc, laissez-les
refroidir, remplissez-les de farce cuite (voyez Farce cuite^ à son
article); unissez cette farce avec la lame de votre couteau ; cassez
quelques œufs comme pour une omelette, trempez-y vos oreilles,
panez-les, retrempez-les une seconde fois dans les œufs, et panez--
les de nouveau ; mettez-les sur un couvercle, couvrez-les du
reste de votre mie de pain ; un peu avant de servir, retirez-les,
faites-les frire : observez que votre friture ne soit pas trop
chaude, afin que ces oreilles ne prennent pas trop de couleur et
que votre farce ait le temps de cuire; retirez-les, dressez -les sur
un plat, la pointe en haut; mettez dessus une pincée de persil
frit, et servez.
Oreilles de veau en marinade, — Faites cuire cinq oreilles
de veau dans un blanc, comme vous l'avez fait ci-dessus; lorsqu'elles
seront cuites, coupez-les dans leur longueur en quatre morceaux,
faites-les mariner avec vinaigre, sel et gros poivre ; égouttez-les
et trempez-les dans une pâte à frire qui soit très-légère (voyez
Pâte àfrirCj à son article) ; couchez les morceaux les uns après
les autres dans la friture avec assez de vivacité pour qu'ils soient
frits également; retournez-les avec une écumoire, menez-les à un
feu vif; lorsque votre friture sera d'une belle couleur et sèche,
retirez-la, égouttez-la sur un linge blanc, dressez-la sur le plat,
et couronnez-la avec du persil frit.
Oreilles de veau à la ravigote. — Préparez ces oreilles
comme les précédentes ; ayez attention qu'elles soient bien blan-
ches; au moment de servir, coupez-en les pointes et ciselez- en les
cartilages, égouttez-les, servez-les sur une ravigote froide ou
chaude.
lo^a VEAU.
Tête de veau à la manière du Puits certain. — Désossez une
tète de veau bien échaudée et laissez-lui les yeux et la cervelle ;
faites bien dégorger le tout, puis mettez cette tète désossée dans
de Teau froide ; faites-lui faire un bouillon seulement et mettez-
la à rafraîchir ; coupez alors toute la chair en morceaux ronds de
la grandeur d'une pièce de cinq francs, à l'exception des oreilles
et de la langue, qui doivent rester entières; frottez tous ces mor-
ceaux avec du citron, et faites cuire dans un blanc ainsi que la
carcasse que vous aurez enveloppée dans un linge. La carcasse et
la langue étant bien égouttées, vous ouvrirez la tête, nettoierez
la cervelle et farcirez l'intérieur avec des ris de veau, des cham-
pignons et des truffes coupés en petits dés, et des quenelles de
veau. Arrangez cette farce de manière que le tout ait la
forme d'une tête de veau entière; enveloppez-la d'une crépinette
de coichon pour qu'elle ne se déforme pas, et faites-la cuire au
four ; dressez cette farce sur un plat ovale, placez les oreilles de
chaque côté, les morceaux coupés en rond tout autour; versez
sur le tout une sauce financière, et placez de belles écrevisses
autour du plat.
Tête de veau à la Destilière. (Formule de M. de la Reynîère.)
— Prenez une tête de veau bien blanche : vous la désossez tout
entière, vous la mettez dégorger comme la précédente, vous la
faites blanchir de même; vous retirez la cervelle, vous la faites
dégorger, vous enlevez les fibres et la première peau qqî la
couvre, vous la faîtes blanchir dans de l'eau bouillante et un
filet de vinaigre; après, vous avez un petit blanc dans lequel
vous la faites cuire : trois quarts d'heure de cuisson suffisent ;
votre tête de veau étant bien refroidie, vous la sortez de l'eau,
vous l'essuyez bien, vous la flambez comme la précédente, vous
la coupez par morceaux, vous laissez les yeux entiers et les
oreilles de même, vous ficelez ces morceaux et les faites cuire
comme précédemment ; quand votre tête est cuite, au moment
de la servir, vous la sortez du blanc, vous l'égouttez et la défi-
celez, vous dressez vos morceaux sur le plat, vous séparez la
cervelle et vous la mettez aux deux extrémités ; vous détachez la
langue, vous la coupez en petits carrés gros comme des dés i
jouer, et vous la mettez dans la sauce; vous prendrez presque
VEAU,
IOJ3
plein une cuiller à pot d'espagnole, dans laquelle vous mettrez
une demi-bouteille de vin de Chablis, six gousses de petit
piment enragé, écrasé, six cuillerées à dégraisser de consommé ;
vous ferez réduire cette sauce à moitié ; quand elle sera réduite,
vous y mettrez des cornichons tournés en petits bâtons, votre
langue en dés et des champignons, vous verserez ce composé sur
la tète.
Tête de veau à la poulette. — Vous coupez par morceaux
une tête de veau, que vous Élites cuire comme d'habitude, vous
mettez un morceau de beurre dans une casserole, vous passez
des fines herbes dans le beurre, vous y mettez un peu de ifiairine,
vous mouillez avecMu bouillon, vous salez]et poivrez, vous faites
bouillir environ pendant un quart d'heure, vous jetez les mor-
ceaux de tète dedans, vous les faites mijoter afin qu'ils soient
chauds ; au moment de servir vous mêlez une liaison de deux ou
trois jaunes d'œufs, selon que votre ragoût sera fort; seulement, à
partir de ce moment, vous tournerez votre ragoût, ne le laissant
pas bouillir avec votre liaison, attendu qu'au premier bouillon
qu'il jetterait la sauce tournerait; au moment de servir, mèlez-y
un jus de citron ou un filet de vinaigre.
Tête de veau à la Sainte-Ménehould, — Prenez un morceau
de beurre, une demi-cuillerée de farine, sel, gros poivre, jus de
citron ou du vinaigre, délayez le tout ensemble, ajoutez un peu
de bouillon, faites lier la sauce épaisse, couvrez-en des morceaux
de tète préalablement cuits, panez-les avec de la mie de pain,
dorez les morceaux avec du beurre, panez-les une seconde fois,
mettez-les sous un four de campagne jusqu'à ce qu'ils aient pris
une belle couleur, et servez.
Tête de veau frite. — Faites mariner^ trempez dans de la
pâte et faites frire des morceaux de tète de veau cuite ; que la
friture soit modérément chaude.
Longe de veau rôtie. — Roulez le flanchet, assujettissez-le
de petits hatelets afin que la longe soit bien carrée et qu'elle n'ait
pas l'air plus épaisse d'un côté que de l'autre ; pour réussir à cela,
supprimez une partie des os de l'échiné qui a voisine le rognon,
cela fait, couchez sur le feu votre longe, c'est-à-dire embrochez-
la et assujettissez-la avec un grand hatelet, que vous attacherez
1054
VEAU.
fortement des deux bouts sur la broche ; il faut deux heures et
demie ou trois heures pour la cuire ; cela dépend de la quantité
de feu et de l'épaisseur de la pièce.
Ragoût de veau à la ménagère. — Mettez un morceau de
beurre dans une casserole, faites-le fondre, mettez deux cuille-
rées de farine que vous faites roussir, mettez-y votre morceau de
veau que vous remuerez avec le roux jusqu'à ce qu'il soit ferme,
ayez de l'eau chaude ou du bouillon que vous verserez sur le
ragoût, que vous remuerez jusqu'à ce qu'il bouille; mettez-y du
sel, du poivre, une feuille de laurier, un peu de thym, laissez
bouillir une heure, puis mettez-y trois oignons, champignons,
carottes ou morilles.
Tête de veau farcie (Ancienne recette du dispensaire de
Versailles, par Ch. Sanguin; manuscrit de la bibliothèque du
roi). — Enlevez la peau de dessus une tête de veau bien blanche
et bien échaudée, et prenez garde de la couper; vous désossez
ensuite la tête pour en prendre la cervelle, la langue, les yeux
et les bajoues; faites une farce avec la cervelle, de la rouelle de
veau, de la graisse de bœuf, le tout haché bien fin; assaisonnez
avec du sel, gros poivre, persil, ciboule hachés, une demi-
feuille de laurier, thym et basilic hachés comme en poudre;
mettez-y deux cuillerées à bouche d'eau-de-vie ; liez cette farce
avec trois jaunes d'oeufs et les trois blancs fouettés ; prenez la
langue, les yeux, dont vous ôtez tout le noir, les bajoues; éplu-
chez le tout proprement après l'avoir fait blanchir à l'eau bouil-
lante ; coupez-le en filets ou en gros dés, et le mêlez dans votre
farce ; mettez la peau de la tête de veau sans être blanchie dans
une casserole^ les oreilles en dessus, et la remplissez avec votre
farce ; ensuite vous la cousez en la plissant comme une bourse ;
ficelez-la tout autour en lui redonnant sa forme naturelle;
mettez-la cuire dans un vaisseau juste à sa hauteur avec un
demi-setier de vin blanc, deux fois autant de bouillon, un bou-
quet de persil, ciboule, une gousse d'ail, trois clous de girofle,
oignons, sel, poivre; faites-la cuire à petit feu pendant trois
heures; lorsqu'elle est cuite, mettez-la égoutter de sa graisse et
ressuyez bien avec un linge; après avoir ôté la ficelle, passez
une partie de sa cuisson au travers d'un tamis, ajoutez-y un peu
•
VEAU.
ïoss
de sauce espagnole et y mettez un filet de vinaigre ; faites-la
réduire sur le feu au point d'une sauce; servez sur la tête de
veau.
Si vous vouliez vous servir de cette tête de veau pour entrée
froide, il faudrait mettre dans la cuisson un peu plus de vin
blanc, sel, poivre, et moins de bouillon ; laissez-la refroidir dans
sa cuisson, et servez sur une serviette avec gelée de viande.
Noix de veau à la bourgeoise (d'après l'excellente recette
de Vincent de la Chapelle, reproduite par M. Beauvilliers). —
Prenez une noix de veau, celle d'un veau femelle s'il vous est
possible ; conservez la panoufle dans tout son entier, mettez-la
entre deux linges blancs, battez-la avec le plat du couperet;
cela fait, lardez-la dans l'épaisseur des chairs et dans toute leur
longueur, sans endommager la panoufle. Assaisonnez vos lardons
comme je l'ai indiqué à Noix de bœuf et culotte de bœuf à Vécar^
late; foncez une casserole de quelques parures ou débris de
veau, posez votre noix dessus; mettez deux ou trois oignons
autour, quelques carottes tournées, un bouquet de persil et
ciboules; mouillez-la avec un bon verre de consommé ou de
bouillon ; couvrez-kj^^mettez-la sur la paillasse, avec feu dessous
et dessus ; laissez-la cuire près d'une heure et demie ou deux
heures ; le temps de sa cuisson dépend et de sa qualité et de sa
grosseur. Sa cuisson terminée, égouttez-la, passez son fond,
faites-le réduire à glace ; détachez bien le tout, dégraissez-le,
finissez-le avec la moitié d'un pain de beurre, et saucez.
Si vous n'aviez point d'espagnole, vous feriez un petit roux,
vous le mettriez, votre noix étant glacée, dans le reste de sa
glace; mêlez bien le tout, mouillez-le avec un quart de verre de
vin blanc et un verre de bouillon, faites-le réduire, dégraissez et
finissez-le comme ci-dessus.
Cette noix peut se servir sur de la chicorée, de l'oseille, des
épinards, de la purée d'oignons, sur des petites racines tournées
et des montants de cardes.
Cervelles de veau en friture, — Pelez les cervelles et faites-
les dégorger dans Teau fraîche ; faites-les blanchir ensuite trois
ou quatre minutes dans de Teau bouillante ; vous aurez d'abord
mis un peu de sel et un filet de vinaigre; écumez-les, après
t
1056 VEAU.
quoi vous les égoutterez et les mettrez de nouveau dans de Teau
fraîche, et marinez-les au vinaigre; quand vous voudrez les
employer, trempez-les dans une pâte à frire.
Coquilles de cervelle au naturel. — Blanchissez toujours vos
cervelles de la même manière, assaisonnez-les ensuite avec du sel
et du poivre, mèlez-y une échalote, des truffes et du persil
hachés ensemble ; faites sauter le tout un moment pour répandre
l'assaisonnement, arrosez avec de l'huile ou bien mettez-y un
peu de lard râpé ou de beurre; ajoutez un peu de jus de citron,
après quoi vous remplirez les coquilles frottées à l'intérieur avec
du beurre et un peu d'anchois ; mettez dessus de la ràpure de
pain et faites griller à l'ordinaire.
Foie de veau à la poêle. — Ayez un foie de veau bien blond,
c'est-à-dire bien gras; émincez-le par petites lames de l'épais-
seur d'une pièce de cinq francs ; mettez dans une poêle un mor-
ceau de beurre en raison du volume de foie que vous préparez;
posez cette poêle sur un bon feu et remuez-la souvent. Lorsque
votre foie sera roide, singez-le d'une pincée de farine ; remuez-le
de nouveau, pour que la farine ait le temps de cuire. Cela fait,
saupoudrez-le d'un peu de persil et de ciboules ou échalotes
hachées ; assaisonnez-le de sel et de poivre ; mouillez-le avec une
demi-bouteille de vin rouge ; remuez le tout sur le feu sans le
laisser bouillir, de crainte de faire durcir votre foie. Si la sauce
était trop courte, allongez-la avec un peu de bouillon, et finissez
si vous le voulez, avec un filet de vinaigre ou de verjus, et seryez.
Foie de veau à la bourgeoise ou à Vestouffade. — Ayez un
foie de veau comme il est indiqué ci-dessus; lardez-le de gros
lardons en trayers, lesquels auront été assaisonnés de stl^ poivre,
épices fines, basilic et thym mis en poudre, persil et ciboules
hachés. Votre foie étant bien lardé, mettez-le dans une casserole
foncée de bardes de lard, avec oignons, carottes, deux clous de
girofle, une feuille de laurier, une gousse d'ail, quelques débris
de veau et une demi-bouteille de vin blanc; achevez de le
mouiller avec du bouillon, faites-le partir, écumez-le, couvrez-le
de bardes de lard et d'un rond de papier; mettez dessus un cou-
vercle et lutez-le; cela fait, mettez-le environ cinq quarts
d'heure sur une paillasse, avec feu dessus et dessous. Lorsqu'il
i
VEAU.
1057
sera cuit, passez dans nne casserole au tamis de soie une partie
de son mouillement; mettez ce mouillement sur le feu avec un
pain de beurre manié dans de la farine pour lier votre sauce ;
faites réduire, ajoutez-y, si vous le voulez, un peu de beurre
d^anchois, sassez, masquez-en votre foie, et servez.
Foie de veau à la broche. — Choisissez un beau foie blond,
lardez-le en dessous de gros lard, que vous aurez assaisonné
comme ceux de foie à TestoufFade; piquez-le comme le filet de
bœuf (Voy. Filet de bœuf piqué à son article), mettez-le ensuite
sur un plat de terre avec quelques branches de persil et des
ciboules coupées en trois ou quatre, deux feuilles de laurier et
un peu de thym; saupoudrez d'un peu de sel, arrosez-le avec
de l'huile d'olive et laissez-le mariner ainsi. Lorsque vous vou-
drez le mettre à la broche, passez-y quatre ou cinq petits hatelets
en travers et un grand dans sa longueur, que vous fixerez sur la
broche, en l'attachant assez fortement des deux bouts pour qu'il
ne puisse tourner sur lui-même ; enveloppez-le de papier beurré
que vous attacherez de même sur la broche ; arrosez-le ; faites-
le cuire environ cinq quarts d'heure : sa cuisson dépend de sa
grosseur et du plus ou moins de feu que vous ferez ; déballez-le,
et, après l'avoir glacé, servez-le avec une bonne poivrade dessus.
(V. Poivrade à son article.)
J'ai déjà dit qu'avec toutes les précautions voulues, le foie
de veau tournait toujours dans sa broche, attendu qu'il n'a pas
de corps. Le moyen infaillible de le faire tenir jusqu'à cuisson,
c'était de faire rougir la broche au milieu, enfiler le foie, et,
saisi, il se tient très-bien. (V.)
Langues de veau à la sauce piquante. — Ces langues s'ac-
commodent comme celles de bœuf. (Voyez article Langues de
bœuf.)
Pieds de veau. — Les pieds de veau se font cuire comme la
tête et se mangent au naturel, en marinade, à la ravigote. Ils
sont ennemis de toutes sauces fades.
Cervelles de veau à V allemande. — Ayez trois cervelles de
veau bien levées, c'est-à-dire sans être endommagées ; mettez-les
dans une casserole avec de l'eau en suffisante quantité; de suite
ôtez-en toutes les fibres, ainsi qu'au cervelet. Cela fait, changez-
67
I
ioj8 VEAU.
les d'eau, laissez-les dégorger; repassez-les pour en ôter les
fibres, s*il en est resté; faites-les blanchir environ un quart
d'heure de la manière suivante : faites bouillir de Teau avec une
pincée de sel blanc, un verre de vinaigre blanc; mettez-y vos
cervelles, retirez-les après qu'elles sont blanchies, égouttez-les,
mettez-les dans une casserole que vous aurez foncée de lard,
mouillez -les avec un verre de vin blanc, deux fois autant
de consommé, afin qu'elles trempent; joignez-y un bouquet de
persil et ciboules bien assaisonné, quelques tranches de citron,
desquelles vous aurez ôté les pépins et Técorce; couvrez-les de
bardes de lard et d'un rond de papier, faites-les partir sur un
fourneau ; mettez-les ensuite trois quarts d'heure sur une petite
paillasse; leur cuisson faite, dressez-les sur le plat et masquez-
les avec sauce à l'allemande. (Voyez Sauce à ^allemande à son
article.)
Cervelles de veau en matelote, — Prenez la même quantité de
cervelles; faites-les cuire de même que celles ci-dessus; leur
cuisson faite, dressez-les sur le plat; garnissez-les d'écrevisses,
de croûtons coupés en queue de paon et passés dans le beurre;
saucez-les avec la sauce matelote indiquée à son article et servez.
Cervelles en marinade. — Préparez deux cervelles de veau
comme les précédentes et faites-les cuire de la même manière;
après les avoir égouttées, divisez-les en cinq morceaux, mettez-
les dans une marinade passée au tamis (Voy. Marinade à son
article) ; faites une pâte à frire assez légère (Voy. Pâte à frire
à son article) ; trempez-y vos morceaux, égouttez-les pour qu'ils
ne soient pas trop chargés de pâte et mettez dans la friture;
faites qu'ils aient une belle couleur, égouttez-les; dressez-les en
les surmontant d'une pincée de persil frit et servez.
Cervelles de veau au beurre noir. — Préparez et fuites cuire
ces cervelles comme celles dites à l'allemande ; lorsque vous strti
prêt à servir, égouttez-les et, après les avoir dressées, saucez-les
avec le beurre noir qui se prépare ainsi :
Mettez une demi-livre de beurre dans un diable (poêle à
courte queue); posez-le sur le feu; faites-le roussir sans le brû-
ler, ce qui s'évite en agitant la poêle. Lorsqu'il est suffisamment
noir, retirez-le et tirez-le au clair; après l'avoir écume, essuyez
VEAU. IOJ9
votre poêle; versez dedans une cuillerée à dégraisser de vinaigre,
une pincée de sel; faites chauffer, versez- le dans votre beurre
noir, agitez le tout, saucez-en vos cervelles, garnissez-les de
persil frit, soit autour, soit dessus, et servez de suite.
Cervelles de veau à la ravigote. — Prenez également trois
cervelles que vous préparez de la même manière que ci-dessus ;
lorsqu'elles seront cuites, dressez-les et servez-les avec une sauce
à la ravigote indiquée à son article : vous pouvez servir autour
des petits oignons que vous aurez fait blanchir et cuire ensuite
dans du consommé.
Mou de veau à la poulette. — Ayez un mou de veau bien
blanc, coupez-le en gros dés, faites-le dégorger et changez-le
d'eau afin d'en exprimer le sang; faites-le blanchir en le met-
tant à l'eau froide, faites-lui jeter un bouillon, rafraîchissez-le,
c'est-à-dire jetez-le dans l'eau froide, égouttez-le, mettez dans
une casserole convenable un morceau de beurre; ce beurre une
fois fondu, jetez-y votre mou; faites-le revenir sans qu'il rous-
sisse, singez-le de farine, retournez-le avec une cuiller afin que
la farine s'incorpore avec le mou, mouillez-le doucement avec
du bouillon, ayant soin de le remuer toujours ; assaisonnez-le de
sel, poivre, et d'un bouquet de persil garni d'une feuille de
laurier, d'un clou de girofle, d'une gousse d'ail; faites partira
grand feu, toujours en le remuant, afin que la farine ne tombe
pas au fond et ne s'attache point; aux trois quarts cuit, mettez-y
des petits oignons et des champignons ; la cuisson iaite du tout,
si la sauce se trouvait trop longue, versez-en dans une autre cas-
serole la majeure partie, faites-la réduire, dégraissez-la; arrivée
à son point, liez-la avec quelques jaunes d'oeufs, mettez-y un
peu de persil haché, un filet de verjus ou le jus d'un citron ;
goûtez s'il est d'un bon sel et servez.
Pieds de veau au naturel. — Nous avons dit que les pieds
de veau ne se prêtaient pas aux sauces fades ; il y a cependant
trois ou quatre préparations auxquelles on peut les soumettre :
désossez des pieds de veau, coupez -en les batillons, nettoyez-
les, ficelez -les et faites -les blanchir dans l'eau bouillante;
après cela, mettez-les dans une casserole ou dans un pot, cou-
vrez-les d'eau et d'une barde de lard, mettez-y une carotte,
io6o VEAU.
un oignon piqué, une demi-feuille de laurier, quelques tranches
de citron et du sel, et faites-les bouillir pendant trois heures;
avant de les servir, hachez séparément du persil et des écha-
lotes, ou, à défaut, des oignons que vous mettrez à côté des
pieds après avoir ôté les os de ces derniers.
Pieds de veau en friture. — Faites-les cuire comme au
numéro précédent, coupez-les en morceaux, mettez-les dans la
pâte et faites-les frire.
Pieds de veau en poulette, — Après les avoir préparés
comme ci-dessus, coupez-les en morceaux et mettez-les dans unt
casserole, avec un peu de velouté et de persil haché, liez-les avec
deux jaunes d'œufs, après quoi vous exprimerez par -dessus un
peu de jus de citron, qu'on peut au besoin remplacer par un filet
de vinaigre.
Pieds de veau en poulette à la bourgeoise, — Après les avoir
préparés au naturel il faut les désosser, les couper par morceaux,
et les passer un instant sur le feu avec une plaque de lard fondu;
liez-les d'abord avec une pincée de farine, puis mouillez-les avec
du bouillon ou de l'eau bouillante; ajoutez un bouquet, une
truffe coupée à tranches, un peu de sel et de poivre, et faites
bouillir lentement; quand la sauce sera réduite à moitié, vous la
lierez avec deux jaunes d'œufs, et vous y exprimerez le jus d'un
citron, que vous pouvez remplacer par un filet de vinaigre.
Fraise de veau à la Montsoreau, — Ayez une fraise de veau
bien blanche et grasse, ayez soin de l'approprier comme il faut;
faites-la dégorger et blanchir en lui faisant jeter quelques bouil-
lons, rafraîchissez-la, mettez-la cuire dans un blanc comme la
tête de veau (voir Blanc à son article) ; la cuisson faite, égouttez-
la, et servez-la avec une sauce au pauvre homme, que vous met-
trez dans une saucière. (Voyez Sauce au pauvre homme,)
Fraise de veau à la Monselet. — Faites cuire cette fraise
comme pour la servir au naturel ; sa cuisson achevée, coupez-la
en morceaux égaux ; mettez-les dans une italienne bien réduite
et bien corsée ; la fraise étant fade par elle-même, au moment
de la servir relevez-la d'un jus de citron, d'un peu d'huile et
d'ail râpé.
Ris de veau à la dauphine, — Ayez cinq ris de veau,
VEAU. 1061
séparez-en les gorges, mettez-les dégorger, changez-les d'eau
plusieurs fois afin qu'ils soient bien blancs; faites-les blanchir
légèrement , qu'ils ne soient que roidis pour les piquer plus
facilement; foncez une casserole de quelques parures de veau,
garnissez -la d'oignons et de carottes, mettez autour de cette
casserole des bardes de lard, posez vos ris sur ce fond, qu'ils
se touchent sans être pressés ; mouillez- les avec du consommé,
en sorte que le lard ne trempe pas ; couvrez-les avec un rond de
papier beurré, faites-les partir, posez-les sur une paillasse,
couvrez-les, mettez du feu sur leur couvercle, que ce feu soit
assez ardent pour qu'ils prennent une belle couleur dorée ;
laissez-les cuire environ trois quarts d'heure ; égouttez-les sur un
couvercle, glacez-les, mettez-les sur une bonne chicorée blanche
réduite (voyez Ragoût à la chicorée blanche à son article),
ajoutez-y si vous voulez quatre grandes crêtes de pain passées
dans le beurre.
Si vous n'avez pas de glace, passez le fond de vos ris au
travers d'un tamis de soie; faites-le réduire en glace et servez-
vous-en pour glacer vos ris.
Ris de veau à l espagnole, — Après avoir fait blanchir des
ris de veau et les avoir piqués comme les précédents, marquez-
les de même et faites-les cuire; lorsqu'ils le seront, passez leur
fond dans une casserole, faites-les réduire jusqu'à glace ; remet-
tez vos ris de veau jusqu'à ce que leur glace soit à son point;
retournez-les légèrement du côté du lard, dressez-les sur le plat,
mettez dans la casserole une cuillerée à dégraisser d'espagnole,
détachez bien la glace, saucez-en vos ris de veau et servez.
Hatelets de ris de veau. — Marquez des gorges de ris de
veau sans être piquées, comme les ris énoncés aux articles précé-
dents; lorsqu'elles seront presque cuites, retirez-les de leur fond
et laissez-les se refroidir; coupez-les par tranches d'un demi-
pouce d'épaisseur; coupez de même grosseur une langue de veau
fourrée, des truffes que vous passerez dans le beurre, du petit
lard cuit dans la marmite; vous aurez une sauce aux hatelets
(voir Sauce aux hatelets à son article); quand elle sera bien chaude,
vous y mettrez tous vos morceaux, que vous mêlerez bien, et
déposant le tout sur un plat, vous le laisserez refroidir ; ensuite
io62 VEAU.
enfilez ces morceaux Tun après l'autre et par lé milieu, en les
entremêlant; cela fait, parez ces haletets sur les quatre faces,
qu'ils soient d'une belle couleur et servez.
Ris de veau en caisse. — Faites cuire des gorges de ris de
veau, coupez-les par tranches, passez-les dans des fines herbes,
telles que persil, ciboules et champignons hachés très -fin,
un morceau de beurre, sel et gros poivre ; faites-les mijoter;
vous aurez une caisse ronde ou carrée, que vous huilerez en
dehors ; mettez dans le fond de cette caisse l'épaisseur d'un
travers de doigt de farce cuite (voyez Farce cuite à son article);
mettez votre caisse sur un gril ou sur un couvercle de tourtière,
afin que votre farce puisse cuire sans brûler ; il faut que cette
caisse prenne une teinte jaune ; mettez-y vos ris de veau et vos
fines herbes, saucez-les avec une bonne espagnole réduite ou un
jus de citron et servez.
Ris de veau à l'anglaise, — Préparez et faites cuire ces ris
comme les précédents; mettez dans une casserole du beurre gros
comme un œuf, faites-le fondre sans trop le chauffer ; délayez-y
deux jaunes d'oeufs, assaisonnez votre beurre d'un peu de sel,
dressez vos ris de veau sur une tourtière, dorez-les avec votre
beurre et vos jaunes bien mêlés, panez-les avec de la mie de pain
dans laquelle vous aurez mis un peu de parmesan râpé, arrosez-
les avec ce beurre, en vous servant de ciboules fendues en forme
de pinceau; mettez ces ris au four, ou sous un four de cam-
pagne, pour leur faire prendre une belle couleur dorée ; dressez-
les sur le plat, saucez-les avec une bonne italienne blanche et
servez.
Vous pouvez servir panée la moitié de ces ris, et l'autre
moitié piquée et glacée.
Ris de veau à la poulette. — Faites cuire ces ris comme il
est énoncé ci-dessus ; mettez dans une casserole du velouté ce que
vous jugerez à propos, coupez vos ris par tranches; vous aurez
eu soin de ne pas les laisser trop cuire ; mettez-les dans votre
velouté avec des champignons que vous aurez fait cuire (voyez
Sauce aux champignons à son article); laissez réduire votre
ragoût à son degré, et liez-le avec deux ou trois jaunes d'œuft
(voyez Liaison et la manière de lier^ à leurs articles) ; mettez-y
VEAU. 1063
du persil haché et blanchi, si vous le voulez, un demi-pain de
beurre, un jus de citron, et servez.
Poitrine de veau farcie à la bourgeoise. — Vous préparez
une farce à la ménagère, c'est-à-dire qu'ayant quatre ou cinq
onces de veau, quatre de lard, deux de graisse, deux de moelle
de bœuf, deux de rognon, deux de mitonnage, c est-à-dire de
pain blanc trempé dans le lait, vous prenez une bonne poignée
d'herbes : des épinards^ de l'oseille, du cerfeuil, de la poirée, un
peu d'estragon, que vous hachez bien menu, et dans lesquelles
Vous jetez un peu de sel, moins pour les saler que pour leur
faire rendre l'eau que vous extrairez en les pressant fortement
dans la main; mêlez ces herbes à votre farce, ajoutez-y trois
jaunes d'œufs, une once de lard, pareille quantité de jambon,
moitié gras, moitié maigre, coupez ces derniers objets à petits dés,
et joignez-les à votre farce.
Ayez une belle poitrine de veau, pratiquez entre les côtes
et la poitrine une poche que vous remplirez de cette farce;
cousez l'ouverture et mettez à cuire : la poitrine farcie peut se
préparer à la broche ou dans une braise, avec une garniture de
laitues ou de choux.
Pain de foie de veau, (Recette de Durand de Nîmes.) —
Otez les peaux de la moitié d'un foie de veau, hachez ce foie bien
menu, prenez du lard, à peu près le volume du foie, hachez-le
et mêlez-le au premier, pilez le tout dans un mortier en l'assai-
sonnant avec du sel, des épices et du persil bien haché; enlevez-
le ensuite de là pour le mettre dans un plat de terre profond ;
coupez en petits dés deux oignons que vous ferez roussir sur le
feu, en ajoutant un peu de dégraissé de quelques bons fonds de
cuisson, ou un peu de beurre ou de bon lard râpé.
Lorsque ces oignons seront cuits, vous les mêlerez avec le
foie, vous couperez également à petits dés une tranche de jambon
et un peu de lard, deux ou trois truffes, et les jetterez dans le
foie; ajoutez encore trois jaunes d'œufs, brouillez bien tous
ces objets avec une cuiller de bois, montez les blancs très-fermes,
et joignez-les de même à votre pain.
Prenez alors une casserole bien faite, mettez au fond une
plaque de lard, et foncez-la en outre avec de la crépine de
io64 VEAU*
cochon, posez-y votre foie que vous recouvrirez d'une barde de
lard ; faites cuire au four ou sous le fourneau ; après la cuisson,
égouttez sur un couvert de casserole, enlevez le lard, dressez le
pain sur le plat et servez dessus une sauce au chevreuil.
Rognons de veau au vin. — Pelez des rognons, émincez-les
bien fin, sautez-les dans une casserole avec un peu de beurre
et de lard fondus, assaisonnez avec du sel, du poivre, une écha-
lote, du persil et des truffes, le tout bien haché; quand les
rognons seront cuits, ôtez-les, posez-les sur une assiette, versez
dans la cuisson un demi-verre de vin blanc, et faites réduire à
moitié, ajoutez alors un peu de coulis et faites bouillir un
instant. Vous jetterez ensuite les rognons dans la sauce, vous la
ferez un peu bouillonner, la verserez dans le plat et y mêlerez
un peu de jus de citron.
Manchon de veau à la Gérard * . — Prenez une belle noix
de veau, parez-la dans sa longueur et tranchez-la en quatre ou
cinq morceaux, de l'épaisseur d'un demi-pouce au plus; coupez
ces morceaux en carrés longs, battez-les avec le plat d'un cou-
peret; après, rebattez-les avec le dos de la lame de votre couteau;
que les coups soient très-près les uns des autres, à différents
sens, afin de rompre les fibres des viandes ; mettez dans trois de
ces morceaux de la farce de quenelle, où vous n'aurez point mis
trop de blancs d'oeufs fouettés, roulez-les, en leur donnant la
forme de manchon, recouvrez-les d'un lit de cette farce de
l'épaisseur de la lame de votre couteau ; coupez par bandes de la
largeur de deux doigts les deux lames de veau qui vous sont
restées, piquez-les avec soin, appliquez- les aux deux bouts de
chacun de vos manchons; bridez-les en dessous, ainsi que les
morceaux piqués, pour qu'ils ne se détachent ni ne se déforment;
hachez des truffes très-fin; sablez-en un de vos manchons jus-
qu'aux bordures piquées; hachez de même des pistaches pour en
sabler un second, et si vous voulez, pour le troisième, hachez
encore de même des amandes douces bien émondées, et appliquez-
I. Invention d'un aide aux entrées de M"* de Pompadour, qui, ne vou-
lant pas donner le nom d'une personne si illustre à un plat d'entrée dont la
substance lui paraissait trop vulgaire, lui donna le sien.
VEAU. 1065
les sur le troisième (ce qui fera trois couleurs), et garnissez le tout
en sorte qu'on ne voie point la farce; cela fait, marquez-les
comme les noix de veau ; foncez tine casserole de bardes de lard;
donnez -leur la même cuisson, à la réserve qu'il faut mettre
moins de feu sur leur couvercle; égouttez-les, débridez-les,
parez-les des deux bouts ; glacez-en les parties piquées ; dressez-
les sur le plat, et mettez dessous une sauce à la Périgueux aux
truffes bien noires et bien parfumées.
Queues de veau à la poulette. — Prenez ce que vous juge-
rez à propos de queues de veau, coupez-les comme à l'article
précédent, faites-les dégorger dans de l'eau tiède; quand elles le
seront, faites-les blanchir, égouttez-les; mettez dans une casse-
role un morceau de beurre, vos queues de veau, un bouquet de
persil et ciboules; assaisonnez d'une demi-gousse dail, d'une
feuille de laurier ; joignez à cela quelques oignons. Passez le tout
sur un feu doux, sans laisser roussir votre beurre; singez d'un
peu de farine; remuez vos viandes, mouillez-les avec autant de
bouillon qu'il en faut; mettez dans ce ragoût du sel et du ^
gros poivre; faites-le cuire; ayez soin de le remuer souvent
afin qu'il ne s'attache pas; retirez-en les oignons et le bouquet
en l'exprimant; liez-le, mettez-y un peu de persil haché et
blanchi, un filet de vinaigre ou le jus d'un citron, et servez.
Oimourettes de veau. — Ce qu'on appelle amourettes est
tout simplement la moelle allongée des quadrupèdes. Celles de
veau sont préférées pour leur délicatesse. On emploie celles de
bœuf, de mouton, comme on pourrait employer toutes celles des
animaux à quatre pieds. Voici la manière de les approprier et
de les accommoder :
Ayez des amourettes, mettez-les dans l'eau, ôtpz-en les mem-
branes qui les enveloppent; changez-les d eau, laissez-les dégor-
ger; coupez-les par morceaux d'égale longueur, autant que pos-
sible; faites-les blanchir comme les cervelles de veau; quand
elles le seront, mettez-les dans une marinade (Voy. Marinade à
son article); lorsque vous voudrez vous en servir, égouttez-les,
mettez-les dans une légère pâte à frire, faites-les frire, qu'elles
soient d'une belle couleur; dressez-les et servez.
Nota. — On se sert aussi des amourettes en place de pâte
io66 VEAU.
pour faire des timbales ; on fonce une casserole de bardes
de lard, on met dedans ses amourettes comme on fonce une
timbale avec de la pâte^ je veux dire, les arranger tout
autour les unes sur les autres, en sorte qu'elles forment un puits
dans lequel on met des lames de rouelle de veau bien jointes les
unes contre les autres, afin de contenir les amourettes dans leur
position, et de la farce cuite (voyez Farce cuite à son article),
dont on fait un contre-mur, et de laquelle on garnit le fond ;
mettez dans ce puits un salpicon bien réduit de ce que vous
jugerez convenable; couvrez-le de farce, soudez bien le tout,
pour que la sauce du salpicon ne s*échappe pas ; mettez cette
timbale dans un four doux ou sur la paillasse, avec un feu
modéré dessous et dessus ; faites-la cuire trois heures ; "renver-
sez-la, ôtez-en les bardes, versez autour une bonne italienne
rousse et servez.
Quartier de veau de derrière. — Si vous avez besoin d'une
longe, vous la couperez à trois doigts plus bas que la hanche;
»vous roulerez le flanchet, vous l'assujettirez avec des petits hate-
lets, afin que votre longe soit bien carrée et qu'elle n'ait pas
l'air plus épaisse d'un côté que de Tautre; pour réussir à cela,
supprimez une partie des os de Téchine qui avoisinent le rognon;
cela fait, couchez sur le fer votre longe, c'est-à-dire embrochez-
la, et assujettissez-la avec un grand hatelet que vous attacherez
fortement des deux bouts sur la broche; enveloppez cette longe
de plusieurs feuilles de papier que vous beurrerez en dessus, de
crainte qu'elles ne bri\lent; il faut deux heures et demie ou trois
heures pour la cuire, cela dépend de la quantité de feu et de
l'épaisseur de la pièce.
Cuissot de veau et les manières d'en tirer parti. — Ayez
un cuissot de veau, commencez par en lever la noix. On appelle
noix la chair qui se trouve en dedans de la cuisse, et qui en est
la partie la plus grasse et la plus tendre. Vous parviendrez à la
lever en passant le bout de votre couteau le long du quasi, à
l'endroit ou la chair est découverte, et vous irez jusqu'à ce que
vous trouviez une séparation des chairs; vous la suivrez jusqu'à
l'os proche du genou, et vous continuerez de glisser votre couteau
sur l'os pour lever votre noix bien entière; ensuite levez la sous-
VEAU. 1067
noix qui est la plus voisine. Il y a une autre noix qu'on appelle
la noix du pâtissier^ laquelle se trouve proche la fesse du veau
et la naissance de la queue. Cette sous-noix sert ordinairement
à faire le godiveau et les farces cuites. Levez votre quasi, coupez
le jarret dans le genou et le bout de la crosse. Ils vous serviront
pour vos consommés; la noix pour vous faire une entrée, la
sous-noix pour faire votre farce cuite, et la noix du pâtissier
pour faire votre godiveau, ou, si vous Taimez mieux, pour tirer
un peu de velouté, ce qu'on appelle sauce tournée; le quasi,
l'os et les chairs qui restent après, vous pouvez en tirer une
espagnole.
Noix de veau en bedeau. — Ayez une noix de veau, prenez
de préférence d'un veau femelle; conservez la panoufle ou
tétine : battez-la entre deux linges et parez-la sur la partie
découverte; piquez-la de gros lard, sur le dessous et le dessus
d'une deuxième, marquez-la et assaisonnez-la comme la précé-
dente ; couvrez la panoufle d'une barde de lard, afin qu'elle ne
prenne point de couleur; faites-la cuire, comme il est dit plus
haut, avec feu dessous et dessus; glacez-la, servez-la sur de la
chicorée, de l'oseille ou des concombres, soit au jus, soit à la
béchamel.
Noix de veau piquée. — Battez une noix de veau, posez-la
sur la table, levez-en la panoufle, retournez-la et parez-la; cela
fait, piquez-la tout entière, marquez-la dans une casserole,
comme * la précédente; mettez vos oignons sous votre noix,
pour lui donner une forme bombée; mouillez-la avec du con-
sommé ou du bouillon, de façon que le lard de cette noix ne
trempe point dans le mouillement; glacez-la, et servez-la sur
une espagnole réduite.
Hâtereaux. — Ayez une noix de veau ; coupez-la par
lames, un peu plus minces que les précédentes, battez-les de
même; coupez-les en plus petits morceaux, à peu près de la
longueur de trois pouces sur quatre de large; piquez-les avec
soin dans toute leur longueur, après posez-les sur un linge, du
cfôté du lard ; étendez dessus le côté non piqué la farce ci-après :
Prenez de la farce cuite ce qu'il vous en faut pour faire neuf
hâtereaux, en incorporant dans cette farce un tiers en sus de
io68 VEAU.
petits foies gras, des trufFes, des champignons coupés en petits
dés; maniez bien le tout avec une cuiller de bois ; joîgnez-y
deux ou trois jaunes d'œufs, du sel en sufHsante quantité et un
peu d'épices fines, mettez de cette farce, comme il est déjà dit,
sur vos hàtereaux; roulez-les en sorte que les deux bouts de veau
se joignent, embrochez-les d'un hatelet, fixez -le sur la broche;
enveloppez- les de papier, arrosez-les, durant leur cuisson, avec
du beurre, dressez-les, et servez dessous une italienne corsée
rousse ou blanche.
Popiettesdeveau, — Prenez unepartie de noix de veau, coupez
en tranches fort minces ; battez-les bien sur tous les sens, comme
nous l'avons dit pour les hàtereaux ; mettez dessus une farce cuite
de volaille ou de veau, roulez-les comme je l'ai indiqué pour les
hàtereaux, ficelez-les pour qu'elles ne se déforment pas ; foncez
une casserole de bardes de lard, mettez vos popiettes avec une
petite cuillerée à pot de consommé, un bon verre de vin blanc,
un bouquet de persil et ciboules, assaisonné d'un clou de girofle,
d'une gousse d'ail et d'un peu de basilic; faites cuire à peu près
trois quarts d'heure, passez le fond au travers d'un tamis de
soie, mettez-y deux cuillerées à dégraisser d'espagnole , faites-
le réduire, dégraissez- le, égouttez vos popiettes, glacez-les et
servez.
Escalopes de veau à la manière anglaise. — Prenez une
noix de veau bien blanche et bien tendre, coupez-la par filets
carrés, d'un pouce et demi en tous sens, et de ces filets faites des
escalopes, c'est-à-dire, coupez-les de deux lignes d'épaisseur,
ensuite aplatissez-les légèrement sur une table bien propre où
vous aurez mis un peu d'huile, parez chaque morceau en lui
donnant la forme d'un écu, et qu'il en ait à peu près l'épaisseur;
vous aurez fait fondre et clarifier du beurre que vous aurez tiré
au clair dans une sauteuse, ou, faute de celle-ci, dans un cou-
vercle de marmite bien étamé ; rangez-y ces escalopes, de manière
qu'elles se touchent, sans être les unes sur les autres, posez-les
sur un feu ordinaire, quand elles seront roidies d'un côté, retour-
nez-les de l'autre avec la pointe de votre couteau, pour qu'elles
roidissent de même ; égouttez le beurre, mettez une cuillerée à
dégraisser de gelée ou de bon consommé, faites aller vos esca-
VEAU. 1069
lopes sur un feu plus vif, remuez-les en totalité ; lorsque vous
verrez qu'elles tombent à glace, retirez-les, dressez-les en cor-
dons autour de votre plat; mettez au milieu un ragoût de godi-
veau et servez. (Voyez Ragoût de godiveau à son article.)
Filets mignons de veau. — Ayez six filets mignons de veau
piqués en trois et décorez les trois autres, soit de truffes ou de
jambon; marquez-les comme les fricandeaux; faites-les cuire de
même; glacez-les et dressez-les sur un ragoût de chicorée,
d'oseille ou d'autres ragoûts à votre volonté.
Quartier du devant du veau, — Dans ce quartier il y a
répaule, le carré et les tendrons ; Tépaule se sert à la broche ;
on s'en sert aussi, étant rôtie, pour faire des blanquettes; on
peut en tirer des sauces comme du cuissot, mais elle a moins de
sucs nourriciers.
Elle renferme des parties de chair fort délicates; elle a
aussi à la partie la plus proche du collet une noix enveloppée de
graisse, qui, pour sa délicatesse, est fort estimée des gourmets.
Blanquette de veau. — Lorsque vous aurez servi une épaule
de veau à la broche et qu'il y sera resté assez de chair pour
faire une blanquette, levez la chair qui reste par morceaux, que
vous aplatirez avec la lame de votre couteau, parez-les, ôtez-en
les peaux rissolées, émincez les filets que vous aurez levés, faites
réduire le velouté et jetez-y vos filets, sans les laisser bouillir;
liez votre blanquette avec autant de jaunes d'oeufs qu'il en faut;
mettez-y un filet de verjus ou jus de citron, un petit morceau de
beurre, un peu de persil et de ciboules hachés, si vous le jugez
à propos, et servez.
Tendrons de veau à la poulette ou au blanc. — Parez une
poitrine de veau, levez- en la chair qui couvre les tendrons,
séparez-les des côtes ; posez vos tendrons sur la table et coupez-
les en forme d'huître en inclinant votre couteau de la droite à
la gauche; donnez-leur l'épaisseur de trois quarts de pouce;
arrondissez -les, mettez -les dégorger; faites-les blanchir et
rafraîchissez-les; foncez une casserole de bardes de lard; mettez
dans le fond quelques parures de veau, posez dessus vos ten-
drons, joignez-y un bouquet assaisonné, quelques tranches de
citron, trois ou quatre carottes tournées et autant d'oignons ;
I070 VEAU.
mouillez-les avec du consommé ou du bouillon; faites-les partir
et mettez-les mijoter sur la paillasse deux ou trois heures; avant
de les retirer, sondez-les avec la pointe du couteau ; si elle entre
sans effort, retirez-les du feu, égouttez-les et servez-vous-en de
toutes les manières.
Tendrons de veau en queue de paon, — Otez les os rouges
comme je Tai indiqué aux tendrons ci-dessus; retournez votre
poitrine, de manière que les côtes se trouvent sur la table;
mettez un linge blanc sur cette poitrine, aplatissez-la avec le
plat du couperet ; cela fait, coupez-la par morceaux de trois à
quatre doigts de largeur, arrondissez-en avec votre couteau le
gros bout et diminuez-en la partie opposée, de manière à en
former un cœur allongé qu'on appelle queue de paon. Détachez
la chair, du côté des os; rognez Tos, de manière que la chair
dépasse; faites-les dégorger et blanchir; marquez-les comme les
tendrons ci-dessus, avec cette différence que vous n'y mettrez
pas de tranches de citron ; la cuisson est à peu près la même ;
si vous n'aviez point de sauce pour les accommoder, passez leur
fond au travers d'un tamis de soie ; faites-les réduire à glace et
glacez-les ; mettez dans le reste de votre glace un petit morceau
de roux (voyez Roux à son article); faites-le fondre en le
délayant avec votre glace ; mouillez-le avec du consommé ou du
bouillon et le quart d'un verre de vin blanc, ajoutez-y dix
parures de champignons ou de truffes; faites bouillir cette sauce,
dégraissez-la et tordez-la dans une étamine; faites-la réduire
de nouveau à consistance de sauce ; goûtez si elle est d'un bon
goût; finissez-la en la passant et la vannant avec un petit mor-
ceau de beurre, et saucez-en vos tendrons : vous pouvez la ser-
vir avec des petits oignons, des pointes d'asperges ou un
ragoût de champignons. (Voyez l'article Ragoût.) (Recette de
M. Beauvillier.)
Tendrons de veau en macédoine. — Préparez ces tendrons
comme ceux énoncés ci-dessus, soit en huître, soit en queue de
paon ; leur cuisson faite, préparez la macédoine comme il est
indiqué à son article.
Tendrons de veau en mayonnaise. — Lorsque vos tendrons
seront bien cuits, faites -les refroidir; parez-les de nouveau,
VEAU. 1071
dressez-les en cordon autour de votre plat; mettez autour une
bordure de petits oignons que vous aurez fait blanchir et cuire
dans du bouillon ou du consommé et des cornichons tournés en
petits oignons, en les entremêlant; ne les arrangez autour du
plat que quand vous aurez masqué vos tendrons avec votre
mayonnaise et servez. (Voyez Sauce mayonnaise.)
Tendrons de veau à la ravigote. — Préparez vos tendrons
comme ceux coupés en huîtres, dont il est parlé ci-dessus; leur
cuisson faite, mettez-les refroidir et parez-les; vous aurez fait
un bord de plat avec du beurre que vous décorez à votre fan-
taisie; dressez vos tendrons en cordon sur votre plat et masquez-
les avec une ravigote froide (voyez Ravigote froide à son article).
Si vous serviez vos tendrons à la ravigote chaude, vous feriez
un bord de plat avec des croûtons.
Tendrons de veau à la marinade. — Faites cuire et mettez
dans une marinade vos tendrons (voyez Marinade à son article) ;
faites-leur jeter un bouillon; laissez-les refroidir; égouttez-les
un demi-quart d'heure; avant de vous en servir, trempez-les
dans une légère pâte à frire, couchez-les dans la friture l'un
après l'autre, ayant soin de les égoutter pour qu'ils aient une
forme agréable; faites-leur prendre une belle couleur; retirez-
les alors de la friture; égouttez-les sur un linge blanc; faites
frire une pincée de persil, dressez vos tendrons, mettez dessus
votre persil, dressez vos tendrons, persillez et servez.
Tendrons de veau à la Villerojr. — Préparez vos tendrons
comme ils sont indiqués à la poulette; forcez-les d'un peu plus
de liaison et de citron; laissez-les refroidir; garnissez-les bien de
leur sauce, passez-les, trempez-les dans une omelette, passez-les
une seconde fois, faites-les frire, dressez-les, mettant dessus ou
dessous une pincée de persil frit et servez.
Sauce Colbert, Recommandée par M. Urbain Dubois,
auteur de la Cuisine de tous les pays.
Par sa nature, dit-il, cette sauce s'applique aussi bien aux
viandes qu'aux poissons et même à plusieurs espèces de légumes;
elle peut être servie avec des rôtis, des grillades et des fritures;
aucune sauce, ni ancienne, ni moderne, ne peut lui être com-
parée à cet égard, et notons en passant que sa préparation
loya
VEAU.
n'exige ni beaucoup de science, ni beaucoup de travail; je la
recommande donc comme une des plus utiles.
Manier deux cents grammes de bon beurre avec une cuille-
rée à bouche de persil haché, une pointe de muscade et le jus de
deux citrons. Versez dans une casserole les deux tiers d'un verre
de glace de viande fondue, la faire bouillir, la retirer aussitôt
sur le côté du feu et lui incorporer peu à peu, en la tournant
vivement à la cuiller, le beurre préparé, divisé en petites parties,
mais en alternant le beurre avec le jus de deux, citrons; éviter
rébullition ; quand la sauce est bien liée, lui mêler une cuillerée
à bouche d'eau froide et la retirer. Elle se sert pour les soles à
la Colbert.
Côtelettes de veau. — Ayez un carré de veau bien blanc,
coupez-le par côtes de même grosseur; ôtez-leur Tos de réclime;
à cet effet coupez dans la jointure à la jonction de la côte avec
réclime; parez le filet de la côtelette; ôtez-en les nerft et
aplatissez légèrement avec le plat du couperet, après en avoir
ôté les peaux, en prenant bien garde d'altérer ce filet; arron-
dissez votre côtelette, supprimez une partie de la chair du haut
en découvrant le bout de la côte; grattez l'os avec le dos de
votre couteau, en sorte qu'il n'y reste aucune chair: recoupez le
bout de Tos, de façon qu'étant cuit, il ne soit pas trop long et
que votre côtelette ait de la grâce; vous pourrez vous en servir,
soit au naturel, soit pour les faire quitter, ou de toute autre
manière.
Côtelettes de veau à la provençale. (Cuisine méridionale.)
— A peine le touriste qui voyage en France, du nord au midi,
a-t-il dépassé Valence et atteint Mornas, qu'il sent qu'une saveur
nouvelle se mêle aux mets qu'on lui sert; cette saveur est celle
de l'ail. Comme, pour la plupart du temps, toute la différence
qui existe entre la cuisine du nord et celle du midi est cette
saveur d'ail qui se fait sentir plus fortement, ce n'est pas la
peine de faire un livre de cuisine spécial sur la Provence,
mais il suffit de dire la quantité d'ail qui doit entrer dans
chaque plat.
Anisi, pour les côtelettes de veau à la provençale, émincer
cinq ou six oignons blancs , les mettre dans la poêle avec une
VEAU.
IC7)
gousse d'ail et du saindoux pour les faire revenir à feu modéré
jusqu'à ce qu'ils soient de belle couleur, les assaisonner avec
sel et poivre, les saupoudrer avec un peu de farine, les mouiller
avec du vin et du jus, puis cuire le ragoût pendant dix à douze
minutes à feu très-doux; d'autre part, faire revenir au saindoux
des deux côtés, et dans une casserole plate, sept à huit côtelettes
de veau parées, assaisonnées et farinées; aussitôt que les chairs
sont roidies, égouttez la graisse de la casserole et mouillez les
côtelettes à moitié de hauteur avec du bouillon, le faire bouillir,
retirer la casserole sur un feu modéré, la couvrir et la tenir
ainsi jusqu'à ce que les côtelettes soient cuites et le fond réduit
en demi-glace ; leur mêler alors les oignons, épicer d'une pointe
de Cayenne et saupoudrer de persil haché; deux minutes après,
dressez les côtelettes en couronne sur un plat et versez le ragoût
dans le puits de cette couronne.
Côtelettes piquées. — Lorsque vous aurez paré vos côte-
lettes comme il est dit ci-dessus et que vous aurez conservé
la panufTe, liez cette panufFe et l'os de la côtelette, afin qu'elle
ne se détache point; piquez vos côtelettes d'une deuxième,
comme je l'ai indiqué à l'article Noix de veau,' foncez une
casserole des parures de vos côtelettes, joignez deux oignons,
trois ou quatre morceaux de carottes et un bouquet assaisonné,
tel qu'il est indiqué plusieurs fois, mouillez-les avec du bouil-
lon, du consommé ou de l'eau; si vous employez de l'eau, met-
tez un peu de sel, couvrez vos côtelettes d'un rond de papier
beurré et faites-les cuire comme il est indiqué à l'article Grena^
dins; vos côtelettes cuites, égouttez-Ies, faites-en réduire le fond
à glace et servez-vous-en pour les glacer, surtout si vous n'avez
point de glace. Vous pourrez servir ces côtelettes sur de l'oseille,
de là chicorée, des concombres, des petits pois, une sauce
tomate, une purée de champignons, ou avec une bonne espa-
gnole réduite.
Côtelettes de veau sautées. — Prenez sept côtelettes de veau,
parez-les et aplatissez-les, ensuite faites fondre à peu près 125 gr.
de beurre dans une sauteuse, trempez dans ce beurre vos côte-
lettes des deux côtés et rangez-les de manière qu'elles ne soient
pas les unes sur les autres, faites-les partir sur un feu moyen et
68
I074
VEAU.
retournez-les souvent ; lorsqu'elles auront atteint les trois quarts
de leur cuisson, égouttez-en le beurre et mettez dans vos côte-
lettes gros de glace comme deux fois le pouce, une cuillerée à
dégraisser de bouillon , et menez*les à grand feu ; ayez soin de
les retourner souvent, de les appuyer sur le fond de la sauteuse
afin qu'elles se pénètrent bien de la glace ; lorsqu'elles seront
cuites et qu'elles seront glacées, dressez-les sur le plat comme
les précédentes , remettez un peu de consommé dans le fond
de votre sauteuse pour en détacher toute la glace ; quand
votre consommé sera réduit, mettez-y un demi-pain de beurre
et le jus d'un citron; liez le tout sans le laisser bouillir en
agitant votre sauteuse, arrosez-en vos côtelettes et servez.
Côtelettes de veau au jambon. — Préparez sept côtelettes
comme les précédentes et faites-les cuire de même; lorsque vous
les servirez, mettez entre elles des lames de noix de jambon,
comme Ion met des lames de langue à l'écarlate entre les côte-
lettes à la Chingara ou jambon.
Côtelettes de veau au naturel, — Prenez autant qu'il vous
en faut de ces côtelettes, parez et aplatissez-les comme celles ci-
dessus, saupoudrez-les d'un peu de sel, trempez-les dans du
beurre fondu et mettez-les sur le gril , ayez soin de les retour-
ner, arrosez-les du reste de leur beurre durant leur cuisson
pour qu'elles soient d'une belle couleur. Vous pourrez vous
assurer qu'elles sont cuites, si, en appuyant le doigt dessus, elles
sont fermes; alors dressez- les, saucez-les avec un bon jus de
bœuf réduit ou une sauce au pauvre homme, et servez.
Côtelettes de veau panées, — Elles se préparent de même
que celles énoncées plus haut, sinon qu'après les avoir trempées
dans le beurre, on les pane, et qu'elles exigent un feu plus doux.
Côtelettes de veau en papillotes, — Prenez ce qu'il vous faut
de ces côtelettes ; faites-les revenir dans le beurre, mettez-y persil,
champignons et ciboules hachés (un tiers de chaque), un peu de
lard râpé, avec sel, poivre et épices fines; laissez mijoter le tout;
quand ces côtelettes seront cuites, retirez-les des fines herbes, et
mettez dans ces fines herbes une cuillerée ou deux à dégraisser
d'espagnole ou du velouté, selon la quantité de côtelettes que
vous avez; laissez réduire votre sauce, en sorte que l'humidité en
VEAU. 1075
soit évaporée; goûtez si vos fines herbes sont d'un bon goût; liez-
les avec des jaunes d'œufs, selon la quantité de la sauce ; laissez-
la refroidir ainsi que vos côtelettes ; coupez votre papier de la
forme d'un petit cerf-volant, huilez-le dans l'endroit où votre
côtelette doit poser; mettez sur le papier des petites bardes de
lard très-minces; mettez la moitié d'une cuillerée à bouche de
fines herbes sur le lard; posez dessus votre côtelette, et couvrez-
la de fines herbes et d'une petite barde; renfermez votre papillote,
videle\-la; nouez la pointe du côté de l'os avec une ficelle; faites
que vos côtelettes soient d'une belle couleur, et servez.
Carré de veau à la broche. — Prenez un carré de veau bien
gras et bien blanc ; ôtez le bout qui se trouve dessous l'épaule,
afin que votre carré soit entièrement couvert; levez-en l'arête de
réchine dans toute sa longueur. Coupez-la avec le couperet dans
les jointures des côtés comme je l'ai dit (article Côtelettes) ; cela
fait, coupez-le de toute sa longueur du côté de la poitrine, afin
de le mettre bien carré ; passez quelques hatelets dans le filet, et
faites-leur rejoindre les côtes ; afin que votre carré se soutienne,
couchez-le sur fer, en passant un grand hatelet au-dessus du
filet, pour l'assujettir sur la broche ; liez l'hatelet fortement des
deux bouts ; enveloppez votre carré de papier beurré ; faites-le
cuire environ une heure et demie en l'arrosant avec soin; de
suite ôtez-en le papier et faites lui prendre une belle couleur;
servez-le avec un bon jus de bœuf.
Carré de veau piqué, — Prenez un beau carré de veau;
ôtez-en l'os de l'échiné, comme il est dit précédemment ; cela fait,
coupez légèrement et dans toute sa longueur la peau qui couvre
le filet, surtout sans l'endommager; de même levez -en le nerf
ainsi que les peaux qui le couvrent encore, en faisant glisser votre
couteau entre ce nerf et la chair du filet; parez-le bien et battez-
le légèrement; ensuite piquez-le, comme il est dit à l'article du
Ris de veau, et marquez-le dans une casserole ainsi que je l'ai
énoncé pour la noix de veau, à son article ; sa cuisson faite, gla-
cez-le et servez-le sur tel ragoût que vous jugerez à propos.
Petites noix d'épaule de veau. — Ayez quinze petites noix
d'épaule de veau ; faites-les blanchir, rafraîchissez-les, parez-les,
sans en supprimer la graisse qui les entoure; foncez une casserole
1076 VEAU.
de deux carottes, de deux oignons, quelques débris de veau, un
bouquet de persil et ciboules, une demi-feuille de laurier et deux
clous de girofle; posez ces noix sur ce fond, mouillez-les avec
un peu de bouillon ou de consommé ; couvrez-les de bardes de
lard, et d'un rond de papier; une heure avant de servir, faites-les
partir; mettez-les cuire sur la paillasse avec feu dessous et des-
sus ; leur cuisson achevée, égouttez-les sur un couvercle ; glacez-
les et servez-les sur une purée de champignons (voyez Sauce à la
purée de champignons^ à son article) , ou sur toute autre purée. Si
vous n-aviez point de glace, prenez le fond de ces noix et faites-le
réduire à glace, en sorte qu'elle soit d'une belle couleur dorée.
Côtelettes de veau au doge de Venise (recette de Ferdinando
Grandi). — Préparez de belles côtelettes de veau. Faites-les
griller un quart d'heure avant de servir, garnissez-les d'un appa-
reil que vous aurez fait avec 250 grammes de riz, douze à qua-
torze fonds d'artichauts coupés en dés et une partie de sauce
tomate, le tout fait en perfection. Dressez vos côtelettes. Dressez
le riz dans le milieu en forme de pyramide, et garnissez -le
presque entièrement de petits champignons tournés. Ornez le
haut de la pyramide d'un bonnet de doge que vous ferez avec une
carotte blanchie. Glacez les côtelettes, et servez une demi-glace
dans une saucière.
Côtelettes de veau à la Robert Peele (recette de Ferdinando
Grandi). — Faîtes griller des petites côtelettes de veau de l'épais-
seur d'un demi-centimètre ; à moitié cuites, faites leur subir une
légère pression. Lorsqu'elles sont froides, essuyez-les bien a^^ec
une serviette ; masquez-les complètement avec une béchamel de
bon goût, où vous aurez mélangé de la moelle coupée en dés ;
vous faites ce mélange quand la béchamel est froide. Faites
prendre exactement la forme de la côtelette, puis, touchez déli-
catement sur de la farine et de l'œuf battu, où vous mêlerez une
petite portion de beurre fondu. Panez légèrement, le plus pos-
sible. Vingt minutes avant de servir, vous ferez sauter les côte-
lettes au beurre, très-doucement. Quand le beurre sera bien
chaud, servez-les toutes naturelles dans un plat à relevé et sur
deux rangs. Vous présenterez, dans une saucière, une sauce
maître-d'hôtel où vous aurez mêlé des truffes coupées en julienne.
i
VEAU. 1077
Ris de veau à la Zurich. — Prenez trois ris de veau du cœur,
piquez-les, retournez-les et clouez-les avec des truffes. Faites-
les cuire dans un bon fond bien glacé. Quand vous les servirez,
vous les placerez sur une croustade de pain déjk préparée, sur un
plat au milieu duquel vous aurez disposé un croûton en pain, un
peu plus élevé que les ris. Sur le croûton, vous placerez une
quenelle de volaille ronde plate, un peu plus large que celui-ci,
et par-desus la quenelle, une grosse truffe. Entre les trois ris de
veau, dressez de belles crêtes debout. Vous garnirez le tour, au
bas du plat, de six truffes, six bouquets de rognons de chapon,
et six quenelles de gibier. Saucez le tout avec un bonne demi-
glace et servez le reste dans une saucière. Faites aussi présenter
dans une casserole d'argent une bonne soubise. — (Recette de
Ferdinando Grandi.)
Côtelettes de veau panées et grillées. — Prenez six ou huit
côtelettes, bien appropriées et bien parées, saupoudrez-les de
sel et de poivre, trempez-les dans du beurre fondu, panez-les
avec de la mie de pain bien rassis, mettez-les sur le gril, retour-
nez-les de cinq minutes en cinq minutes, arrosez-les de leur
beurre pendant leur cuisson, pour qu'elles soient d'une belle
couleur, et dès que vous serez assuré qu'elles sont cuites,
dressez-les, saucez-les avec un bon jus de bœuf, une sauce au
pauvre homme, ou bien encore avec une poivrade aiguisée d'un
jus de citron.
Côtelettes de veau au vert-pré, — On met les côtelettes dans
une casserole avec un morceau de beurre et un bouquet garni,
on les passe sur le feu, on y jette une pincée de farine, on
mouille avec du bouillon un verre de vin blanc, on assaisonne
de sel et gros poivre, on fait cuire à petit feu, on dégraisse la
cuisson faite et la sauce réduite, on y ajoute gros comme une
noix de bon beurre manié de farine, une bonne pincée de cer-
feuil blanchi et haché, on lie la sauce, et on y met un jus de
citron et un filet de vinaigre.
Rouelle de veau à la crème. — Coupez votre rouelle par
petits morceaux que vous lardez en travers, avec du gros lard
assaisonné de sel, de fines épices, de persil, de ciboules
et de champignons hachés ; vous la mettrez dans une casserole,
1078 VEAU.
avec un peu de beurre, vous la passerez sur le feu, vous mettrez
alors une bonne pincée de farine mouillée avec du bouillon et
un verre de vin blanc ; votre rouelle cuite, et la sauce bien
réduite, vous ajouterez une liaison de trois jaunes d'œufs délayés
avec de la crème, que vous ferez lier sur le feu.
blanquette de veau à la duchesse. — Faites cuire à la broche
un morceau de veau, soit du cuissot, soit de la petite longe;
lorsqu'elle q%X cuite à point et refroidie, levez-en adroitement le
filet, mettez-le en petits morceaux gros comme des pièces de
deux sous, puis ensuite dans une casserole, entre des bardes de
lard ; faites-le chauffer pendant une demi-heure dans une étuve au
bain-marie ; on fait clarifier et réduire deux cuillerées à pot de
coulis blanc, ou de consommé, on lie avec trois jaunes d'œufe, et
on ajoute à cela un quarteron de beurre frais, un jus de citron
et une pincée de persil blanchi ; on jette la blanquette de veau
dans cette sauce et on la sert vivement et chaudement avec des
croûtons autour ; on peut, si on le juge à propos^ la mettre dans
un vol-au-vent.
Blanquette de veau aux truffes. — Vous prenez du maigre
de veau rôti d'avance, et pour en faire une blanquette, levez la
chair qui reste par morceaux que vous aplatirez avec la lame de
votre couteau, parez-les, ôtez-en les peaux rissolées, émincez les
filets que vous aurez levés, faites réduire du velouté, jetez-y vos
filets sans les laisser bouillir, liez votre blanquette avec autant
de jaunes d'œufs qu'il en faut, mettez-y un filet de verjus ou un
jus de citron, un petit morceau de beurre, un peu de persil et
de ciboules hachées, et joignez-y finalement des truffes émincées
et cuites d'avance dans du court-bouillon ou dans du consommé.
Tendron de veau en casserole au ri{. — Lavez un kilogramme
de riz, faites-le blanchir, mettez-le dans une casserole, mouillez-
le un peu avec du fond de la marmite, cuisez doucement, remuez
doucement; faites en sorte qu'il soit bien nourri, c'est-à-dire
qu'il soit gras, salez convenablement; sa cuisson achevée, faites
un bouchon de mie de pain de la grandeur du fond de votre
plat, dressez tout autour votre riz comme vous feriez pour un
pâté, soudez-le bien sur votre plat, couvrez votre mie de pain
d'une barde de lard, étendez de votre riz sur un couvercle que
V£AU« i<^9
VOUS aurez beurré pour en couvrir votre casserole, ikites-le
glisser sur votre pain et soudez le premier placé; donnez au tout
une forme agréable^ marquez le couvercle de votre casserole pour
pouvoir lenlever facilement quand il sera cuit, mettez-le dans
un four très-chaud, donnez-lui une belle couleur; lorsque vous
serez prêt de servir, levez votre couvercle avec grand soin, videz
votre casserole au riz et remplissez-la d'un ragoût de tendrons
de veau à la poulette.
Tendron de veau en terrine. — Faites revenir dans du beurre
les tendrons parés, blanchis et rafraîchis, saupoudrez-les de farine,
mouillez-les avec un peu de consommé et un peu de velouté,
ajoutez un bouquet garni, du gros poivre, des champignons, des
petits oignons, des ris de veau, des crêtes et des rognons de coq;
le tout étant cuit, vous dresserez ces ingrédients dans une terrine,
puis vous passerez la sauce, vous la lierez avec des jaunes d'œufs,
et vous verserez dessus.
Tendron de veau à la jardinière, — La cuisson comme
ci-dessus; dressez vos tendrons en couronne, mettez autour des
laitues cuites dans du consommé et dans le milieu des navets et
des carottes tournées en petits bâtons.
Poitrine de veau à la mousquetaire. — Faites cuire une poi-
trine de veau, avec moitié bouillon, moitié vin blanc, un bouquet
garni, sel et poivre; quand elle est cuite, dressez-la sur un plat,
et renversez la peau sur les côtés, pour laisser les tendrons à
découvert; dégraissez la cuisson, liez-la avec du beurre manié
de farine, ajoutez une pincée de persil blanchi haché, et versez
sur la poitrine braisée.
Poitrine de veau aux petits pois. — Coupez par morceaux,
faites blanchir et ensuite revenir au beurre votre poitrine de
veau, ajoutez une bonne pincée de iarine mouillée avec du
bouillon, assaisonnez avec du poivre et un bouquet garni; ne
mettez pas de sel, à cause du bouillon qui devait être déjà
salé. Lorsque la poitrine est à moitié cuite, ajoutez-y les petits
pois avec une ou deux feuilles de sarriette, et un très-petit mor-
ceau de sucre ; au moment de servir, mettez une liaison de quatre
jaunes d'oeufs.
Poitrine de veau aux oignons glacés. — Parez et bridez
io8o VEAU.
votre poitrine, mettez dans le fond d'une casserole des bardes de
lard, coupez en tranches des oignons que vous mettez dans le
fond de votre casserole ; vous y placez votre poitrine, vous la cou-
vrez de lard, vous mettez par-dessus deux feuilles de laurier, des
oignons coupés, un peu de thym, la moitié d'une cuiller à pot
■de consommé et de plus une pincée de gros poivre; vous faites
cuire alors votre poitrine avec feu dessus et dessous pendant
deux heures et demie : quand elle est cuite vous Tégouttez, vous
la glacez avec la glace de vos oignons, et la mettez sur le plat
avec des oignons glacés à Tenfour, vous versez dans votre glace
deux cuillerées à dégraisser d'espagnole, travaillée avec une
cuillerée de consommé, vous détachez votre glace avec votre
sauce, et vous servez le plus chaudement possible.
Poitrine de veau à la Villageoise. — Vous faites blanchir
.un chou et un morceau de petit lard coupé en tranches, vous
ficelez Tun et l'autre à part, vous y joignez votre poitrine de veau
coupée par morceaux et blanchie, vous faites cuire le tout
ensemble avec du bouillon, en ayant soin de ne point saler à
cause du lard; quand tout est cuit, vous retirez le chou et la
viande que vous dressez dans un plat, vous dégraissez le bouillon
et vous faites réduire la .sauce; si elle. est trop longue et si, en la
goûtant, vous la trouvez trop salée, vous pouvez en corriger
l'àcreté en y mêlant un peu de lait et de cassonade blanche.
Épaule de veau aux sept racines. — Piquez intérieurement
une épaule désossée avec des lardons assaisonnés de sel fin, gros
poivre, persil haché bien fin, deux feuilles de laurier, un peu de
thym bien haché et quatre épices ; puis vous la roulez en long,
vous la ficelez, vous réunissez dans le fond d'une braisière des
bardes de lard, quelques tranches de veau, les os de Tépaule, puis
l'épaule elle-même, après avoir couvert de lard cette épaule, vous
ajoutez des oignons, des carottes et des navets, deux pieds de
céleri, trois panais, six topinambours et une demi-botte de salsifis;
vous ajouterez du gros poivre, un bouquet garni, vous couvrirez
le tout d'un papier beurré, puis vous ferez cuire sur un feu doux
en mettant du feu sur le couvercle de la braisière et en laissant
bouillir ainsi pendant trois heures. Déficelez l'épaule ensuite,
dressez-la sur un plat ovale, glacez-la, et mettez autour de votre
VEAU. 1081
épaule ainsi préparée, pour garniture^ toutes les racines de sa
cuisson.
Épaule de veau en musette champêtre. — (Une lettre de Voi-
ture à son ami Costar indique tout le cas que le poëte d'Anne
d'Autriche faisait de ce mets.) Désossez une épaule de veau,
piquez-la avec du petit lard, de la langue à l'écarlate, salez et
poivrez l'intérieur, puis troussez Tépaule en forme de musette^
et ficelez-la de manière à la maintenir dans cette forme ; étant
ainsi préparée, mettez-la dans une braisière avec des bardes de
lard, carottes, oignons, bouquet garni, mouillez avec du con-
sommé; répaule étant cuite, faites-la égoutter, passez et dégrais-
sez votre fond de cuisson, faites-la réduire à demi-glace, puis
remettez l'épaule dedans, arrosez-la, et faites bouillir douce-
ment avec feu dessous et dessus. Cette épaule se sentait ancien-
nement sur un matelas de petites fèves de marais, apprêtées à la
crème et à la sarriette.
Épaule de veau en galantine. — Désossez une épaule de
veau, faites une farce avec la moitié de la chair et une égale
quantité de lard, étendez les chairs que vous avez réservées,
mettez dessus une couche de farce, sur cette farce arrangez de
gros lardons, de la langue à Técarlate coupée comme les lardons,
et des truffes coupées comme la langue; faites une nouvelle couche
de farce, mettez les mêmes ingrédients dessus, et ainsi de suite
jusqu'à ce que toute la farce soit employée; roulez ensuite l'épaule
de veau, ficelez -la fortement, couvrez-la de bardes de lard, enve-
loppez-la dans un linge, faites-la cuire comme un fricandeau, et
faites aussi de la gelée avec le fond comme avec le fond de frican-
deau, parez la galantine et servez-la avec des tranches de gelée
dessus et autour.
Gros de veau rôti. — Piquez votre gros de veau de lard,
faites -le rôtir longtemps à feu doux : il doit être bien cuit sans
être desséché ; .afin d'éviter la déperdition de ses sucs, lorsqu'il
est embroché, on applique légèrement sur toutes les parties de
la surface une pelle rouge qui crispe la chair et retient les sucs
en dedans.
On peut rendre ce rôti plus agréable encore en l'arrosant
avec une marinade composée d'huile, de jus de citron, de chair
io8a VEAU.
d'anchois , de sel et de poivre ; lorsqu'il est cuit , on le sert avec
ce qui reste de la marinade dans la lèchefrite après avoir dégraissé.
Épaule de veau rôtie, — Parez une épaule de veau, faites-
la cuire à la broche, servez-la de belle couleur sans autre sauce
que son jus.
Cuisse de veau rôtie, — Faites mariner une cuisse de veau
pendant deux jours dans du vin blanc avec du poivre, du sel et
des herbes aromatiques, piquez-en le dessus avec du lard moyen
et mettez-la à la broche; bien cuite, vous la servirez avec une
sauce à la ravigote.
Cuisse de veau à la hollandaise, — Prenez la plus grosse
partie d'une cuisse de veau, ôtez-en l'os , piquez-la de la langue
à l'écarlate, iicelez-la et faites-la cuire dans une terrine avec
des bardes de lard, des parures de viande, un bouquet garni,
quelques carottes et oignons, le tout mouillé avec du bouillon
non dégraissé; lorsque le morceau sera cuit, vous passerez et
dégraisserez son fond de cuisson et vous ajouterez un peu de
coulis réduit à glace et vous ferez réduire ce mélange sur lequel
vous dresserez le morceau de cuisse après y avoir ajouté le jus
d'un citron.
Carré de veau à la ménagère, — Piquez un carré de veau
avec du lard moyen, fkites-le cuire dans une casserole avec
carottes, oignons, un bouquet garni, le tout mouillé avec du
bouillon ; lorsque le carré de veau sera cuit, vous le ferez égout-
ter et vous le dresserez sur une sauce aux tomates.
Ris de veau en fricandeau. — Faites-les dégorger et blan-
chir, ôtez-en le cornet, piquez-les de lard fin assaisonné, faites-
les cuire dans une bonne braise, trois quarts d'heure suffiront;
retirez-les quand ils sont cuits, passez la cuisson, faites-la réduire,
et quand il n'y en a presque plus, passez les ris pour les glacer
du côté du lard, mettez auparavant dans la cuisson un peu de
caramel ou de sucre en poudre, servez sur une purée de cham-
pignons^ de tomates, de marrons, d'oseille, ou bien sur un ragoût
de truffes, de concombres, de chicorée ou d'épinards; vous met-
trez un peu de bouillon dans la casserole pour détacher la glace,
et vous vous en servirez pour assaisonner la purée dont vous
aurez fait choix.
VEAU. 1083
•
Ris de veau glacés. — ; Faites dégorger et blanchir des ris
de veau et piquez-en le dessus avec un lard fin, mettez-les
ensuite dans une casserole entre des bardes de lard, des parures
de viandes, un jarret de veau, quelques carottes et oignons, un
bouquet garni , des clous de girofle et une feuille de laurier ;
mouillez le tout avec du bouillon, de manière que le bouillon
ne couvre pas tout à fait les ris de veau , étendez à la surface
un rond de papier beurré et faites cuire avec feu dessous et
feu dessus ; une heure de cuisson suffit , on dresse ensuite les
ris sur une italienne.
Ris de veau en cassolettes. — Modelez des morceaux de
beurre dans un coupe*pàte ou dans un moule quelconque, puis
passez-les, en les trempant d'abord dans des œufs battus et
assaisonnés comme pour une omelette, et ensuite dans la mie de
pain mêlée de fromage de Parme râpé ; répétez cette opération ,
puis vous ferez à l'une des extrémités de chacun de ces morceaux
de beurre ainsi garnis une petite ouverture dans laquelle vous
introduirez un hachis de ris de veau mêlé de truffes et bien
assaisonné, jetez-les tous en même temps dans de la friture
chaude et servez-les sur un jus clair oti vous ajouterez celui
d'un citron.
Ris de veau en papillotes. — Faites cuire des ris de veau
comme il est dit ci-dessus, puis faites-les égoutter, mettez-les
sur un plat, versez dessus une sauce à la Duxelles ; le tout étant
refroidi, vous mettrez du jambon coupé par tranches bien minces
sur chaque ris de veau , et vous l'envelopperez, ainsi garni de
sauce et de tranches de jambon, dans du papier huilé que vous
plisserez tout autour afin qu'il ne puisse rien s'en échapper;
quelque temps avant de servir ces papillotes, faites-leur prendre
couleur sur le gril.
Oreilles de veau à la Sainte-Ménehould. — Echaudez et net-
toyez des oreilles de veau, foncez une casserole de bardes de
lard, mettez les oreilles par-dessus et recouvrez-les de bardes,
mouillez avec du vin blanc et du bouillon, ajoutez des tranches
de citron sans peau ni pépins ou des groseilles à maquereau, ou
du verjus bien épepiné; en outre, mêlez-y quelques racines, un
bouquet garni, sel et poivre; faites cuire à petit feu, et quand les
io84 VEAU.
■
oreilles de veau seront cuites et égouttées, saucez-les dans du
beurre tiède, panez-les, dorez avec Fœuf entier battu, panez une
seconde fois, faites-leur prendre couleur sous un couvercle de
tourtière et servez-les avec une sauce piquante.
Oreilles de veau aux champignons. — Faites-les cuire à la
braise et puis faites sauter au beurre des champignons bien éplu-
chés, versez dessus un peu de consommé, autant de velouté;
faites réduire ce mélange, liez-le avec des jaunes d'oeufs, dressez
vos oreilles de veau, et versez cette préparation dessus.
Cervelles de veau en crépinette. — Coupez en deux des cer-
velles de veau cuites ; coupez en morceaux carrés quelques gros
oignons, faites-les cuire dans du beurre avec de la muscade
râpée, du sel et du poivre, une feuille de laurier, un peu d'ail;
lorsque ces oignons seront bien jaunis, vous les mouillerez avec
du velouté et vous ferez bien bouillir le tout pendant quelques
instants ; ôtez ensuite cette préparation de dessus le feu , liez-Ia
avec des jaunes d'œufs, mettez dedans des cervelles cuites et
coupées comme nous venons de le dire, laissez refroidir le tout,
prenez Tun après l'autre les morceaux de cervelle, ayez soin
qu'ils soient bien garnis de tous côtés de la préparation que
nous venons d'indiquer; enveloppez chaque morceau dans de la
crépinette de cochon , faites prendre couleur et dressez sur une
sauce aux tomates.
Cervelles de veau à la provençale, — Cuites comme ci-des-
sus, coupez-les en deux, qu'elles aient une forme régulière,
dressez-les en couronne et versez le tout dans une mayonnaise
où vous joindrez un peu d'ail, décorez la mayonnaise avec de la
gelée, des cornichons et des olives tournées.
Langue de veau à Vétuvée pour hors-d'œuvre. — Blanchis-
sez, rafraîchissez une langue de veau dégorgée, piquez-la de
lard bien assaisonné d'épices et de fines herbes, mettez-la dans
une casserole avec un bouquet garni, deux carottes et deux
oignons dont un piqué de deux clous de girofle, mouillez avec
du consommé et faites bouillir à petit feu pendant quatre heures ;
débarrassez ensuite la langue de veau de la peau qui la couvre,
dressez-la sur une sauce piquante et glacez-la. On peut rem-
placer la sauce piquante par une ravigote ou une poivrade.
VEAU. 1085
Filets mignons de veau bigarrés à la Bellevue, — Piquez un
iîlet mignon de veau avec du lard fin, piquez-en un autre avec
des truffes bien noires, un troisième avec des filets de cornichons
très-verts, le quatrième avec de la langue à l'écarlate; faites
revenir le filet piqué de lard dans de la glace de viande, et les
autres dans du beurre ; mettez ces quatre filets sur un plat avec
de la glace de viande, faites-les cuire à un feu doux avec un four
de campagne par-dessus ; lorsqu'ils seront cuits, dressez-les sur
un ragoût à la financière, où vous n'épargnerez ni les truffes, ni
les crêtes, ni les rognons de coqs. C'est une de plus fines entrées
de la cuisine moderne.
Fraise de veau au naturel, — Faites-la blanchir dans l'eau
bouillante pendant un quart d'heure; retirez-la et faites-la égout-
ter, faites-la cuire avec des bardes de lard, du vin blanc, du bouil-
lon, un oignon piqué de clous de girofle, sel, et gros poivre, fai-
tes cuire à petit feu; quand elle est cuite, faites réduire la cuisson,
ajoutez-y des cornichons et un filet de vinaigre; servez cette
sauce dans une saucière, à proximité du hors-d'œuvre auquel
elle est destinée.
Fraise de veau au kari. — Faites-la cuire comme ci-dessus,
faites réduire la cuisson, ajoutez-y un peu de safran coupé, et
une bonne pincée de poudre de kari.
Fraise de veau frite. — Faites cuire comme ci -dessus,
coupez la fraise en morceaux, et laissez-la tremper pendant une
heure dans une marinade tiède, roulez les morceaux en les trem-
pant dans la marinade, laissez refroidir, faites-les frire ensuite
après les avoir trempés dans une pâte légère.
Pieds de veau à la fermière, — Faites-les cuire dans la mar-
mite, servez-les avec une sauce composée de vinaigre, de gros
poivre, de bouillon et de fines herbes hachées.
Pieds de veau à la Camargo. — Faites cuire à l'eau quatre
pieds de veau, on les égoutte, on les met dans une casserole avec
deux cuillerées de verjus, un morceau de beurre manié de farine,
sel, gros poivre, une échalote hachée et un verre de bouillon,
on les fait mijoter une demi-heure à petit feu, avant de servir on
ajoute un anchois haché que l'on délaye dans la sauce, avec une
poignée de persil haché; que la sauce soit courte et acide.
[o86 VERJUS.
Pieds de veau à la Sainte^Minehould. — On fend par le
milieu les pieds de veau bien échaudés, on les ficelle dans une
bonne braise ; lorsqu'ils sont cuits, et qu'il n'y a plus que très-
peu de sauce, on les fait refroidir à moitié pour les paner de
mie de pain, qu'on arrose avec la graisse de la braise; on les
fait griller de belle couleur et on les sert pour hors-d'œuvre.
Veau mariné pour servir en kors^d" œuvre. — Faites morti-
fier une belle noix de veau pendant quatre jours en hiver et un
en été. Qu'il ne fasse pas trop chaud; ôtez-en la peau, la graisse
et les nerfs, coupez -la en quatre; vous aurez préalablement
125 grammes de sel bien s^c^ que vous pilerez ou écraserez, et
que vous passerez au tamis, vous en frotterez bien votre veau
dans tous les sens, comme nous croyons l'avoir indiqué à l'en-
droit du bœuf salé et fumé. Vous le mettrez ensuite dans une
terrine de grès avec quelques tranches d'oignon, du persil en
branches, un peu de thym, du gingembre, une gousse d'ail, une
douzaine de belles baies de genièvre, du poivre noir concassé, et
trois anchois lavés et piles; remuez le tout dans la terrine, et cou-
vrez-la d'un linge blanc de lessive que vous attacherez à une ficelle;
au bout de quatre jours retournez le veau, laissez-le quatre jours
encore, et après ce temps feites-le égoutter en laissant un tiers
seulement du jus que le veau a rendu; vous le mettrez, ainsi que
la viande et l'assaisonnement, dans une casserole; ajoutez-y une
bouteille de très-bon vin blanc; faites-le bouillir; couwez le feu
pour qu'il ne fasse que mijoter, et quand il sera cuit, ce que
vous saurez en enfonçant une fourchette dedans, retirez-le du
feu, mettez-le dans la terrine où il a mariné, laissez-le refroidir
dans son assaisonnement; alors vous le mettrez soit dans un pot,
soit dans un bocal de verre, où vous verserez de la bonne huile
d'olive, en suffisante quantité pour que la viande s'y baigne
complètement. Recouvrez-le avec du parchemin, et vous l'em-
ploierez comme si c'était du thon mariné. Les industriels vendent
généralement cette préparation sous le nom de thon conservé.
VELOUTÉ RÉDUIT. — On travaille le velouté comme
l'espagnole en le faisant se consommer et en y ajoutant des
champignons et des parures de truffes.
VERJUS. — Jus d'un raisin vert dont la principale espèce
est connue sous le nom de &rîneau ou bordelaise. On appelle
verjus de grain celui qu'on tire par expression de la grappe avant
la maturité de scm fruit; il va sans dire que c'est le meilleur; c'est
pour les cerneaux surtout un assaisonnement indispensable. On
SLppeîle verjus topette celui que Ton prépare pour la conservation
et qu'on peut améliorer, soit en y mêlant du sel, soit en y lais-
sant tomber quelques gouttes de vinaigre.
VESPETRO. — Ratafia qui se fait avec de la graine d'an-
gélique, du carvi, de la coriandre, du fenouil, des zestes de citron
et d'orange, de Teau-de-vie et du sucre.
VINS. — Nous voilà arrivés à un point tellement important
de la gastronomie et surtout de la gastronomie moderne que nous
nous croyons dans la nécessité d'ouvrir une parenthèse.
Il s'agit du vin, c'est-à-dire de la partie intellectuelle du
repas :
Les viandes n'en sont que la partie matérielle.
On ne vieillit point à table, a dit Grimod de la Reynière.
Bien manger et bien boire sont deux arts qui ne s'apprennent
pas du jour au lendemain. Quand Alexandre voulut ajouter à son
titre de victorieux le titre de gastronome, ce fut à Persépolis et à
Babylone qu'il prit ses licences pour être nommé docteur en bien
boire et en bien manger. Le bruit de ses orgies a franchi l'espace
de deuxmille ans: Alexandre ne pouvait rien faire que de grand.
Une nuit il proposa un prix pour celui qui boirait le plus.
Trente-six de ses convives moururent le lendemain.
Les Athéniens, dont Alexandre avait ambitionné les applau-
dissements, ne se grisaient pas, ou ne se grisaient que légèrement.
Les caves les plus renommées de l'antiquité étaient celles
de Scaurus ; elles contenaient trois cent mille amphores de tous
les vins connus, il y en avait de cent quatre-vingt-quinze espèces
différentes.
Selon Isidore le mot vin dérive de vis^ qui veut dire force.
Anacréon l'appelle le fils de la vigne. Pindare l'appelait le lait
de Vénus, les Romains, le lait de la bonne déesse ; on a fini par
l'appeler Bacchus, parce que ce nom pouvait s'appliquer à toute
liqueur fermentée; on croit que ce furent les Égyptiens qui
firent connaître aux Grecs la manière de le faire ; seulement, on
io88 VINS.
le sait, les Grecs, c'était le perfectionnement. Un des vins les plus
savoureux de la Grèce, que Ion appelait diachéton, se faisait en
étendant sur des claies, qu'on élevait de six à sept pieds du sol,
des raisins qu'on exposait au soleil ; on les rentrait pendant la
nuit pour les garantir de la rosée, et après les avoir laissés pen-
dant sept jours absorber le plus de soleil possible, on les pressait,
on en faisait un vin excellent et dont le principal arôme était la
framboise.
Dès que le vin commença de voyager, les vins de Scio furent
expédiés à Rome.
Les vins de Scio étaient les meilleurs de la Grèce ; Virgile et
Horace les trouvaient excellents, tous deux les ont chantés, vantant
particulièrement celui du quartier de Psara ; on le recomman-
dait dans certaines maladies. César, qui avait à lui la récolte du
monde, en régalait s^s amis après ses triomphes et dans les
festins qu'il donnait au grand Jupiter. Athénée dit que les vins
grecs aident à la digestion, qu'ils nourrissent bien, qu'ils sont
généreux et que les plus agréables étaient ceux du quartier
d'Arius, où il s'en faisait de trois sortes.
Galien parle de ceux d'Asie, que dans de grands vases on
suspendait aux cheminées, et qui, par l'évaporation, acquéraient
la dureté du sel. Aristote rapporte que ceux d'Arcadie se dessé-
chaient dans des outres et qu'on était obligé de les délayer a^*ec
de l'eau pour les rendre potables, mais on ne pouvait dessécher
que des vins liquoreux, épais, et qui avaient peu fermenté.
Les Romains tiraient leurs meilleurs vins de la Campanie,
province qui appartient aujourd'hui au royaume de Naples.
Les noms de Falerne et de Massic étaient les plus estimés et se
retrouvent souvent dans les vers d'Horace.
Ceux du mont Pausilippe^ qui présente en effet un si magni-
fique versant aux rayons du soleil à son midi, étaient renommés
pour leur légèreté, et Pline vante leur parfum et leur douce
générosité. Sophocle leur donne le nom de Jupiter, parce que,
dit-il, comme le roi des dieux, ils donnent la santé et le plaisir,
les plus beaux présents que les dieux puissent nous faire.
Les vignobles d'Albano, eux aussi, jouissaient d'une grande
réputation ; leurs vins étaient à la fois légers et forts, ils se con-
VINS. 1089
servaient, chose rare, dans des vins non fermentes. Strabon les a
comparés aux meilleurs vins de la Grèce et d'Italie, et si nous
nous en rapportons à Horace, qui habitait le pays, ils ne le cé-
daient en rien aux vins de Ténédos.
L'année du consulat d'Opimius, Tannée de la naissance
d'Horace, la vingtième année avant Jésus-Christ, fut unique
pour les admirables vins que ce vignoble produisit; ils se con-
servèrent plus d'un siècle et prirent la consistance du miel ; de
là l'habitude que l'on prit d'appeler tous les vins excellents du
nom de vins opimiens, parce que pendant le consulat d'Opimius
l'été fut tellement chaud que les raisins furent pour ainsi dire
cuits, ce qui les rendit d'une bonté extraordinaire.
Du temps d'Hippocrate les anciens préparaient le vin en y
mêlant l'eau de la mer. Hippocrate parle de cette pratique, qui
avait pour but de le rendre moins visqueux, plus clair, et d'en
prévenir l'altération. Pline, le grand transmetteur d'anecdotes
vraies ou fausses, Pline rapporte qu'on dut cette découverte à
un esclave ivrogne, qui, volant du vin à son maître, remplaçait
le vin qu'il buvait avec de l'eau de mer ; vers le milieu du
tonneau le vin se trouva tellement amélioré que le maître du
vin crut devoir promettre une récompense à celui qui le lui
buvait s'il voulait dire de quelle façon il le remplaçait; l'esclave
iît jurer à son maître par les grands dieux, et raconta tout. Ceci
devint d'un usage public, et Dioscoride, dans son cinquième
livre, donne la description des différents procédés d'après les-
quels on préparait le vin par l'eau de mer.
Mais comme avec les Barbares toute civilisation disparut,
le vin, qui marque un des degrés de la civilisation, disparut aussi.
Les premières boissons dont il soit fait mention dans les
annales de la gastronomie après le passage des Barbares, furent le
cidre, puis la bière; puis viennent peu à peu les \'ins de toutes
sortes; il est fait mention du cidre sous la seconde race, puis vient
la bière. Le clairet était du vin clarifié, dans lequel on avait fait
infuser des épiceries; l'hypocras était du vin adouci avec du
miel. Un abbé, malheureusement l'histoire n'a pas conservé son
nom, donna un repas dans lequel il réunit six mille convives
devant trois mille plats.
69
1090
VINS.
Les diverses qualités des vins se firent reconnaître presque
seules aux premières occasions données aux gourmands de les
apprécier ; on ne parlait pas encore du vin de Champagne lors-
que Venceslas, roi de Bohême et des Romains, étant venu en
France pour négocier un traité avec Charles VI, se rendit à
Rehns au mois de mai 1397. Là il goûta le vin des environs de
cette ville et il le trouva si bon , qu'il consacra trois heures
chaque jour à s'enivrer, de trois à six. Le moment de s'occuper
du traité vint enfin, et c'est ce que redoutait Venceslas. Le traité
signé, le roi de Bohème demanda à séjourner encore quelque
temps dans la ville qui lui avait été si hospitalière ; il y resta un
an. Il était resté un an à attendre le traité, un an à le discuter,
et un an à se reposer de la fatigue que lui avaitcausée ce travail
diplomatique.
En s'en allant il révéla au dauphin le secret de ce long
séjour; le dauphin voulut goûter le vin des environs de Reims
et le trouva excellent. De là le commencement de la réputation
des vins de Champagne.
Le vin de Bordeaux fut très-longtemps à vaincre les préju-
gés qui existaient contre lui. Saint-Simon raconte qu'il vient
d'arriver à Paris à la cour un petit gentilhomme des environs
de Bordeaux qui buvait de son vin; il fut question de ce phéno-
mène pendant près de quatre-vingts ans sans que l'on élucidât
la question. Cependant un jour le roi Louis XV, voyant venir
à lui le maréchal Richelieu, se souvint de cette discussion et
résolut de le prendre pour juge d'une question dans laquelle il
était expert.
Monsieur le gouverneur de Septimanie, d'Aquitaine et de
Novempopulanie, disait un jour le roi Louis XV au maréchal
Richelieu, parlez-moi d'une chose : est-ce qu'on récolte du vin
potable en Bordelaise — Sire, il y a des crus de ce pays-là dont le
vin n'est pas mauvais. — Mais qu'est-ce à dire? — Il y a ce
qu'ils appellent du blanc de Sauterne, qui ne vaut pas celui de
Montrachet, ni ceux des petits coteaux bourguignons, à beau-
coup près, mais qui n'est pourtant pas de la petite bière; il y a
aussi un certain vin de Grave qui sent la pierre à fusil comme
une vieille carabine, et qui ressemble au vin de la Moselle, mais
VINS. 1091
il se garde mieux. Ils ont en outre dans le Médoc et du côté du
Bazadais deux ou trois espèces de vins rouges, dont les gens de
Bordeaux font des gasconnades à mourir de rire. Ce serait la
meilleure boisson de la terre et du nectar pour la table des
dieux, à les entendre, et ce n'est pourtant pas là du vin de
haute Bourgogne , ou du vin du Rhône, assurément ! Ce n'est
pas bien généreux ni bien vigoureux, mais il y a du bouquet
pas mal, et puis je ne sais quelle sorte de mordant sombre et
sournois qui n'est pas désagréable. Du reste on en pourrait
boire autant qu'on voudrait, il endort son monde, et puis voilà
tout. C'est là ce que j'y trouve de mieux.
Pour satisfaire la juste curiosité du roi, M. de Richelieu ât
venir du vin de Chàteau-Lafiitte à Versailles, où Sa Majesté le
trouva passable; mais jusque-là, malgré la préférence que le
grand cardinal avait pour lui, nul amphitryon n'eût eu l'idée de
donner du vin de Bordeaux à sqs convives, à moins que ceux-ci
ne fussent des Bourdelais, des Armagnacots, des Astaracois, et
autres Gascons.
Les premiers crus de Bordeaux, en vins rouges, portent les
noms de Laffitte-du-Chàteau, Château-Latour, Château-Mar-
gaux, Chàteau-Haut-Brion, Premier-Grave et Ségur-Médoc.
Ceux de la seconde classe sont les vins de Mouton-Canon^
Médoc-Canon, Saint-Émilion, Rosans, Margaux, la Rose-Médoc,
Pichon-Longueville, Médoc-Potelet, Sain t-JuIien-lès- Ville et
Saint-Julien; vin du Pape (Grave rouge), vin de la Mission •
(Grave rouge), et tout le haut Pessac : ces vins sont également
estimés, et tous ceux nommés de Pauillac ont cela de parti-
culier, qu'il faut s'attendre à les voir tomber malades deux mois
après leur mise en bouteille ; dans cet état ils sont beaucoup
moins bons que lorsqu'on les avait goûtés en futaille. Il suffit
alors de les laisser cinq ou six mois en flacon pour qu'ils s'amé-
liorent, et qu'ils puissent acquérir la bonne qualité qui leur est
propre.
Parmi les vins blancs de Bordeaux, le haut Barsac, le haut
Prégnac, le Château-d'Yquem, sont de qualité première; les
autres sont' considérés comme de qualité secondaire; mais bien
longtemps avant les qualités précieuses du vin de Champagne et
109a VINS.
— * — -^ — ■
du vin de Bordeaux, on avait découvert les brillantes qualités du
vin de Bourgogne.
Le vin de Beaune, par exemple, rivalise avec les premiers crus
de Bourgogne, lorsqu'il est de bonne année. Il ne faut cependant
pas lui laisser passer sa quatrième ou cinquième feuille si Ton
ne veut pas qu'il perde de sa vigueur et de son bouquet.
Arrivent ensuite les vins de Pommard, de Volnay, de Nuits,
de Chassagne, de Saint-Georges, de Vosnes, de Chambertin, du
Clos-Vougeot et de la Romanée. La Romanée-Conti est le meil-
leur vin rouge de Bourgogne. Comme vins blancs, ceux de Cha-
blis, le Musigny, le Richebourg, le Vosnes, le Nuits, le Cham-
boUe, sont agréables, et ceux de Meursault les surpassent; mais
ceux-ci sont encore surpassés par le Chevalier-Montrachet. Il est
reconnu que le vin de Montrachet, proprement dit, est le meilleur
de tous les vins français.
Justice rendue aux vins de Bourgogne, aux vins de Bordeaux,
les deux premiers grands vins de France, il est juste que nous
revenions à ce pauvre vin de Champagne, que les gastronomes
étrangers mettent au premier rang et que nous ne mettons qu'au
troisième.
Le meilleur de tous ces vins est le vin de Sillery ou le vin
de la Maréchale; beaucoup lui préfèrent cependant le vin d'Aï à
cause de son bouquet aromatique qui tient de l'odeur de la pomme
de pin. Saint-Evremond dit qu'il est le plus naturel, le plus
épuré, le plus sain et le plus exquis par le goût de pêche qui lui
est particulier; aussi Charles VIII, Léon X, Charles-Quint et
François I"" avaient-ils à eux des maisons dans Aï, pour pouvoir
y faire plus soigneusement leurs provisions. Les vins d'Autvilliers,
d'Épernay, de Château-Pierry, de Bouzy, et le clos de vins rouges
de Saint-Thierry, près de Reims, rivalisent avec ceux d'Aï.
Les vins de Romanée, de Chambertin, du Clos-Vougeot,
de Richebourg et de Saint-Georges, qui sont cependant excel-
lents, ne peuvent voyager sans danger, surtout par mer; ils
ont en outre une acidité désagréable lorsqu'on ne les soigne pas.
Quant au vin de l'Ermitage, près de Valence, en Dauphiné, le
rouge est plein de corps ; sa couleur est pourpre foncé, son bou-
quet exquis, sa saveur celle de la framboise. Le blanc n'est pas
VINS.
1093
estimé. Ceux de Côte-Rôtie, bruns et blonds, pourraient le
disputer à ceux de l'Ermitage ; celui de Saint-Georges-d'Orques,
près de Montpellier, vaut le vin de l'Ermitage par son odeur,
sa consistance et son velouté; ceux de Cahors sont très-noirs,
très-chauds, très-estimés quand ils ont vieilli. Les muscats
blancs du Roussillon et des côtes du Languedoc, tels que Lunel,
Frontignan et Rivesaltes, sont les meilleurs de tous les vins
blancs. LeSauteme est justement célèbre parmi ceux-ci. Ceux de
Bourgogne tiennent le second rang : ils sont forts, couleur œil de
perdrix, agréables au goût, et supportent l'eau ; comme ils sont
peu acides, ils conviennent aux vieillards et aux hypocon-
driaques. Ceux de Bordeaux sont fort estimés; on dit que rien
n'est plus rare à Paris que les vins de Bordeaux des premiers crus
et d'une bonne année, parce que les Anglais, qui les aiment beau-
coup, les font enlever. Ceux d'Orléans, quoique bons, portent à la
tête; les vins blancs de Poitou approchent un peu de ceux du
Rhin, mais leur sont inférieurs.
Il y a deux mille cinq cents ans que les Grecs et les Romains
apportèrent la vigne en Provence, et l'on est tout étonné de ne pas
y trouver les meilleurs vignobles de la France, comme aussi la
meilleure culture : ce n'est ni la feute du soleil ni de la terre,
mais de l'insouciance des habitants; cependant nous avons dans
le Var les vins de la Gaude, ceux de Cagne et de Saint -Laurent;
le Saint-Tropez est de ceux qui ont besoin de vieillir ; à
Toulon, le vin de Lamalgue a une réputation, qu'il mérite.
Les vins fins des Bouches-du-Rhône sont les vins de la Ciotat,
de Sainte-Marguerite, près de Marseille et d'Erargue ; ceux de
Cassis, ceux de la Crau et Roquevaire sont fort estimés ; ce der-
nier fournit les meilleurs vins cuits ; à la Ciotat, à la Valette,
près Toulon ^ on fait des vins cuits qui approchent de ceux de
Tokay. La manière de les cuire entre poi;ir beaucoup dans leur
bonté.
L'Italie fournit aussi des vins fameux, mais en général ils
ont plus de réputation que de valeur. Au premier rang il faut
mettre le Lacryma-Christi, dont le plant a été recouvert par la lave
du Vésuve ; on l'appelait de ce nom poétique parce qu'il coulait
en forme de larmes avant qu'on eût coulé le raisin ; les rares
I094
VINS.
échantillons qui restent de ce vin sont d'une couleur vermeille,
agréable et pénétrante.
Le vin d'Albe est estimé. Il y en a de rouge et de blanc; on
cite aussi le muscat de Toscane et de Monte-Fiascone. On com-
pare à notre vin de Champagne, malgré la différence qui existe
entre eux, le vin d'Orvieto; on l'appelle aussi vin d'Est.
Voici à quelle circonstance il doit ce nom*i
Un cardinal, grand amateur de tous les bons vins, mais
assez mal renseigné sur le lieu de leur naissance, ayant une
tournée à faire en Italie, envoya devant lui un courrier avec
mission de goûter tous les vins ; partout où il en trouverait un
bon, il devait écrire sur l'endroit le plus apparent de la maison
le mot Est^ c*est-à-dîre c'est ici.
Arrivé à Orvieto, le courrier remplit son devoir, goûta le
vin et le trouva si bon, qu'au lieu de se contenter d'écrire une
fois Est il écrivit trois fois Est, Est^ Est.
Le cardinal comprit parfaitement la recommandation; il fit
arrêter sa voiture, se fît servir une petite collation qui dura trois
jours.
Le quatrième, il était mort en recommandant de verser
tous les ans, dans son tombeau à l'anniversaire de son trépas,
une pièce de vin d'Orvieto.
Mais l'usage ne dura que jusqu'à la quatrième année du
pontificat de Grégoire XVI, qui trouva la recommandation scan-
daleuse et qui, au lieu de permettre que la pièce de vin, comme
on l'avait fait jusqu'alors, fût versée sur la fosse de Sa Grandeur,
ordonna qu'elle fût distribuée aux jeunes gens du collège.
L'auberge oîi était mort le pauvre cardinal conserva néan-
moins son enseigne, qui représentait un homme d'Église à table,
ivre-mort, avec cette inscription au-dessus : Est^ Est^ Est.
Lorsque je suis pajsé à Orvieto, l'enseigne existait encore,
mais l'usage de répandre une pièce de vin sur la fosse du prince
de l'Eglise était déjà aboli.
Le vin de Marcimien, près de Vicence, est agréable à boire;
les vins de Rhétie, de la vallée .Thélivienne, sont excellents ; ils
«ont couleur de sang, laissent un goût un peu austère sur la
langue, et sont stomachiques.
VINS. I09J
L'Espagne fournit son contingent : l'Alicante, le Bénicarlo,
le vin de Xérès, le vin de Pacaret, de Rota, de Malaga, ne dépa-
rent pas les meilleures tables. On estime le vin de Canarie, qui
croît aux environs de Palma ; celui de Malvoisie, qui se trans-
porte en tous lieux. La Grèce nous fournit encore aujourd'hui,
mais gâtés par l'introduction et le mélange de la pomme de pin,
les mêmes vins que dans l'antiquité : vins de Candie, de Chio,
de Ténédos, de Lesbos, de Chypre, de Samos et de Santorîn»
J'ai goûté tous ces vins, dans les lieux mêmes où les vignes
les avaient donnés, mais je les ai trouvés tous ou presque tous
gâtés par l'introduction de la pomme de pin dans le tonneau ou
dans l'outre qui les contenaient; c'est une superstition antique, un
dernier hommage à Bacchus qui avait pris pour sceptre un thyrse
surmonté d'une pomme de pin.
Le vin de Saint-Georges, en Hongrie, est le même qu'on
nous vend à Paris sous le nom de Tokay; il est vrai qu'il en
approche beaucoup, mais les gourmets ne sauraient s'y laisser
tromper. A Saint-Georges, ainsi qu'à RaterstofF, on en récolte de
deux qualités : celui qu'on destine à fabriquer du vermout, et
celui qu'on destine à la vente en Europe.
Quant au véritable vin de Tokay, comme le plant qui le rap-
porte appartient par moitié à l'empereur de Russie et à l'empe-
reur d'Autriche, inutile de dire qu'il faut une révolution, pendant
laquelle on pille les cave$ de ces deux empereurs, pour que des
lèvres vulgaires touchent ce nectar destiné aux dieux.
Celui de Constance, moins rare heureusement, rivalise avec
lui non-seulement de réputation, mais d'excellence réelle ; et
cependant tous deux le cèdent aux vins persans qu'on récolte
aux environs de Schiraz, et qui portent le nom de cette ville.
Après la mort de M. le Bailli de Ferrette, ambassadeur de
Tordre de Malte à Paris, on a vendu chez lui sept à huit flacons
de vin de Schiraz, sur le pied de 285 francs la demi-bouteille.
L'usage de consommer ou de goûter plusieurs sortes de vins
pendant le même repas est souvent nuisible à la santé, mais sur-
tout lorsqu'on fait succéder des vins sucrés à des vins acidulés, ou
des vins qui ont beaucoup de corps à des vins légers, et spéciale-
ment après une alimentation surabondante ; mais les vins légers
1096 * VINS.
et mousseux, les vins vieux, généreux et secs, c'est-à-dire qui ont
peu de sucre et de matière colorante, n'ont pas les mêmes incon-
vénients, parce qu'ils ne font qu'accélérer la digestion des ali-
ments ingestés.
La classification des vins est chose importante. Heureusement
en pouvons-nous donner ici une excellente et conforme à la tra-
dition. Nous la devons à M. Maurial, auteur de ÏC^rt de boire^
connaître et acheter le vin. Voici cette classification que nous fai-
sons précéder de quelques observations raisonnées de Tauteur.
L'ordre de mérite dans lequel les auteurs d'ouvrages très-estimës ont
placé les vins me semble plus savant que facile à appliquer. Le degré d'estime
que la commune renommée attache aux divers produits, ainsi que les qualifi-
cations adoptées dans la pratique par le commerce et le consommateur, m*ont
paru mériter la préférence. Tout le monde sait que les grands vins sont ceux
qui réunissent au plus haut degré toutes les qualités qui sont propres à cette
souveraine des boissons. Les vins fins sont réputés être dans les mêmes con-
ditions, mais à un degré inférieur. C'est dans cette catégorie qu'on choisit les
vins d^ entremets ^ mot qui, dans la pratique, est synonyme de vin fin. Les
grands ordinaires sont ceux qui ne proviennent pas de crus renonunés pour
leur finesse , mais auxquels l'âge a fait acquérir toutes les qualités qui leur
sont particulières. Les bons ordinaires se trouvent parmi ceux qui ont de la
légèreté , de la force et un bouquet plus prononcé que délicat. Les ordinaires ^
les plus abondants, sont pris parmi tous ceux qui, sans avoir une qualité
remarquable, n'ont aucun des défauts des vins communs^ lourds, grossiers et
plats.
On comprend que l'ordre ci-dessus est souvent interverti. La fortune ou
le goût du consommateur peuvent lui permettre de boire le vin fin à l'ordi-
naire ou l'obliger de servir à l'entremets un vin qui n'est considéré que
comme ordinaire.
Les vins de liqueur sont presque tous placés dans la catégorie des vins
fins ou des grands vins ^ ils sont par excellence vins de dessert.
GRANDS VINS ROUGES FRANÇAIS.
Gironde, — Château-Margaux, Château-Latour, Château-La£tte et Cha-
teau-Haut-Brion, qui sont les quatre premiers crus. Lascombe, les deux
Rauzan, les trois Léoville, Gruaud-Laroze, de Gorce, Brane-Mouton, Pichon-
Longueville, qui sont les deuxièmes crus; les premiers choix des communes
de Cantenac, Margaux, Saint-Julien, Saint-Laurent, Saint-Gemme et Saint-
Estèphe, qui produisent des troisièmes crus.
Côte-d'Or. — Romanée-Conti, Chambertin, Richebourg, le Qos-Yougeot,
la Romanée-Saint-Vivant, la Tâche, le clos Saint-Georges, Corton et les pre-
mières cuvées de Volnay et de Nuits.
VINS. 1097
Yonne, — Le dos de la Chaînette, le clos de Migraine, le clos des Oli-
vettes et celui de la Pâlotte.
Drame, — Ermitage, choix de Méal, Grëfieux, Beaume, Roucoule, Muret,
Guionnières, les Burges et les Lauds.
Marne. — Premiers choix de Verzy, Verzenay, Saint-Basle, Bouzy et du
clos Saint-Thierry.
Basses-Pyrénèei, — Les meilleurs de Jurançon et de Gan.
Vottcluse. — Clos de la Nerthe, Châteauneuf-du-Pape.
Pyrénées -Orientales. — Les premiers choix de Banyuls, Cosperon et
Collioure.
Lot, — Le Cahors Grand-Constant.
GRANDS VINS BLANCS FRANÇAIS.
Gironde. — Château- Yquem, seul grand premier, Sauterne, Barsac,
Hommes, Preignac, la Tour-Blanche, Chàteau-Carbonnieux.
Côte-d^Or, — Les trois Montrachet.
Loire. — Château-Grillet.
Marne. — Sillery.
Drame. — Ermitage blanc.
GRANDS VINS ROUGES ÉTRANGERS.
Duché de Nassau. — Première qualité d'Asmanhausen.
Autriche. — Monts Calenberg et premiers choix de Hongrie.
Espagne. — Les meilleurs d'Olivenza.
Portugal. — Premiers choix de Porto et de Moncao.
Turquie. — Arinse et Mesta.
Grèce* — Morée, Ithaque, Zante, Céphalonie.
Perse. — Schiraz et Ispahan.
Ile de Madère. — Première qualité dit Tinto.
GRANDS VINS BLANCS ETRANGERS.
Allemagne. — Johannisberg, Rudesheim, Steinberg et Liebfrauenmilch.
Bavière. — Premiers crus de Wurtzbourg.
Espagne. — Les premiers vins secs de Xérès et Paxarète.
Ile de Madère. — Le vin sec dit Sarcial.
VINS FINS ROUGES FRANÇAIS.
Gironde. — Les troisièmes crus de Bordeaux non portés aux grands vins,
les quatrièmes et cinquièmes crus, les bourgeois supérieurs, bons bourgeois
et paysans de communes portées aux grands vins; les bons choix des com-
munes de Saint-Sauveur, Lamarque, Cussac, Saint-Seurin-de-Cadourne,
Blanquefort, Ludon, Macau, Labarde, Arsac, Avensac, Casteinau, Cou-
quèques. Bourg, Fronsac, Saint -Émilion, Canon, Pomerol, Mérignac,
Talence, Léognan, Pessac et Queyries.
1098 VINS.
Côte-^Or. — Vosnes, Nuits, deuxième Volnay, Prémeaux, Chambolle,
Pommard, Beaune, Morey, Savigny, Meursault, Blagny, Gevrey, Chastagne,
Aloxe, Santenay et Chenove.
Yonne, — Les côtes de Pitoy, des Perrières, de Préaux, Epineuil,
deuxièmes choix de Tonnerre, Auxerre et de Daunemoine.
Saâne-ct'Loire, — Mercurey, Thorins, Chënas, Romanèche et la Qiapelle-
Guinchay.
Drame. — Deuxièmes crus de T^rmitage, Crozes, Mercural et Gerraut.
Rhône. — La C6te-Rôtie, Vérinay, Morgon et Fleury.
Marne. — Mareuil, Disy, Pierry, Épernay, Taissy, Ludes et Rilly.
Auhe, — Les premiers choix des Riceys, Balnot-sur-Laigne, d'Avemy et
de Bagneux-la-Fosse.
Dordogne. — Premiers crus de Bergerac, Creysse, Ginestet, la Terrasse
et Sainte-Foy-des-Vignes.
Gard. — Chusclan, Tavel, Saint-Geniès, Lédenon et Cante-Perdrix.
Jura. — Les premiers crus du territoire d'Arbois.
Ardèche. — Ojrnas et Saint-Joseph.
Vaucluse. — Clos Saint-Patrice, deuxièmes crus de Châteauneuf-du-Pape,
Sorgues et Aubagne.
Var, — La Gaude, Saint-Laurent et Lamalgue.
Savoie. — Premiers crus de Montmélian, Saint- Jean de la Porte et Mont-
Termino.
Basses-Pyrénies. — Deuxièmes crus de Jurançon et de Gan.
PyrénéeS'Orientales. "^Fort-WcadrtSy deuxièmes crus de Banyuls, Cosperon
et CoUioure.
VINS FINS BLANCS FRANÇAIS.
Gironde. — Les deuxièmes et troisièmes crus de Sauterne, Bommes, Bar-
sac, Preignac, Blanquefort, Villenave d'Ornon; premiers crus de Léognan,
Langon, Toulène, Saint-Pey, Loupiac, Martillac, Sainte-Croix-du-Mont et
Fargues.
Marne. — Les crus de Cramant, le Ménil, Avize, épernay et Saint-Martin
d'Ablois.
Haut-Rhin. — Les vins secs de Guebwiller, Riquewihr, RibeauvxUé,
Turkheim, Bergothzell, RoufTach, Pfafenheim, Enguishem, Ingersheim, Hen-
né voyer, Katzenthal, Ammerschwir, Kaiser berg, Kientzheim, Sigolsheim et
Babenheim.
Bas^Rhin. — Molsheim et Wolxheim.
Côte-d'Or. — Meursault, dans les cuvées de Perrières, Combette, la
Goutte-d'Or, la Genevrière et les Charmes.
Jura. — Château-Châlon, Arbois et Pupillin.
Rhône. — Condrieu.
Lot-et-Garonne. — Qairac et Buzet.
Yonne. — Les premières cuvées de Chablis.
Saône-et-Loire. — Pouilly, Fuisse, premiers choix.
Savoie. — Le coteau d'Altesse.
Ardèche. — Saint-Peray et Saint-Jean.
VINS. 1099
Basses^PyrirUes, — Jurançon, Gan, Larronin, Gélos et Mazères.
Dordogne, — Bergerac, Sainte-Foy-des- Vignes^ Saint-Nexant.
VINS FINS ÉTRANGERS ROUGES.
Allemagne, — Les duchés de Nassau, du bas Rhin, la Bavière et le Wur~
temberg fournissent à cette catégorie les deuxièmes et troisièmes choix de
leurs vins rouges.
Autriche, — Deuxièmes et troisièmes choix de Hongrie, premiers choix
de la Moravie, du Tyrol, de la Carniole, de riUyrie et de la Dalmatie.
Suisse. — Ceux de Fa verge et de Cortaillod en premier choix.
/ro//^. — Carmignano, Monte-Serrato, Albano, Orvieto, Terni, Bari, Reg-
^io, Mascoli et Paro.
Espagne. — Premiers choix de Valdepefias.
Portugal, — Les vins £ns de Beira et de Torrès-Yédras.
Russie, — Les bons choix de Koos, de Zimlansk, Tchniedaly , Mokosange,
de Tiflis et de Chamakhi.
Turquie, — Loucovo, Valone, Chastita, Kissamos, Amodos, Kersoan et
du Liban.
Principautés danubiennes, — Les premiers choix des environs de Cotnar.
Grhe, ^~ Corfou, Sainte-Maure, Lépante, Chéronée, Mégare, Polioguna
et Cérigo.
Perse, — Ceux de Kasbin et d'Vesed.
Cap de Bonne^'Espirance. — Les meilleurs vins rouges secs de cette
<:atégorie.
VINS FINS ÉTRANGERS BLANCS.
Allemagne, — Les deuxièmes et troisièmes choix de ceux cités aux grands
vins et ceux dits de Moselle, Pisport, Zettingue, Olisberg et quelques autres.
Autriche. — Schiracker, Presbourg et les deuxièmes et troisièmes choix
de ceux déjà cités aux grands vins.
Italie, — Les vins secs de Marsala et de Castel-Veterano.
Espagne, — Rancio de Péralta, deuxièmes Xérès, premiers Montilla et
Malaga secs.
Turquie, — Les vins dits de la Loi, le nectar de Mesta et le Vin d*or.
Perse, — Les vins secs de Schiraz et d'Ispahan.
Iles de Vocéan Atlantique, — Les premiers des îles Ténériffe, Açores,
Canaries, et les deuxièmes choix de l'île de Madère.
VINS GRANDS ORDINAIRES ROUGES FRANÇAIS.
Gironde. — Les vins bourgeois et paysans ordinaires du Médoc, deuxième
cru de Bourg, premier cru de Blaye; les premiers et deuxièmes palus de
Queyries, Bassens et Montferrand ; les premiers et deuxièmes choix de Bourg,
Fronsac, Saint-Fmilion, et ceux qui ne sont pas placés dans les catégories
précédentes des communes de Blanquefort, le Pian, le Taillan, Arsac, Eysines,
Saint-Germain, Valeyrac, Civrac, Saint-Trélody, Saint-Christoly, Blagnan et
Mérignac.
noo VINS.
Côte-d'Or, — Deuxièmes choix des crus cités aux vins fins, Monthélie,
Dijon, RuUy, Meursault, Fixin.
Saônt'-tt'-hoirt. — Mercurey, Givry, Julliénas.
Rhône, — Morgon, Sainte-Foy, les Barolles, Millery et la Galée.
Marne. — Ville-Dommange, Chamery et Saint-Thierry.
Dordogne. — Deuxièmes choix de Bergerac, Lalinde, Beaumont, céte
Saint-Léon.
Hérault, — Saint-Georges d'Orques.
Haute- Garonne, — Fronton et Villaudric.
Yonne, — Avallon, Joigny, Coulanges et Irancy.
Haute-Marne. — Aubigny et Monsaugeon.
Moselle, — Scy, Sussy, Sainte-Ruffine et Sale.
Meuse. — Bar-le-Duc, Bussy-la-Côte, Longeville, Savounières, ligny,
Naives, Rosières, Chardogne, Varnay et Creuë.
Haut-Rhin, — Deuxièmes choix de Riquewihr, Ribeauvillé et autres.
Jura, — Les Arsures, Salins, Marnoz. Aiglepierres et deuxièmes d'Arbois.
Lot, — Premiers choix de Cahors et de Gourdon.
Landes, — Turson.
Tarn. — Cunac, Caisaguet, Saint-Amarens et Gaillac.
Gard, — Lédenon, Roquemaure et Langlade.
Indre-et-Loire, — Saint-Nicolas-de-Bourgueil et Joué.
GRANDS ORDINAIRES BLANCS FRANÇAIS.
Gironde, — Les deuxièmes choix de ceux cités aux vins fins, les bonnes
Graves, Fargues, Landiras, Langoiran, Cadillac et autres.
Marne, — Ceux des troisièmes crus cités.
Haut et Bas'Rhin. *^ Deuxièmes et troisièmes choix des vignobles cités.
C6te-d*0r. — Deuxièmes cuvées de Meursault.
Jura, — L'Etoile et Quintigny.
Indre-et-Loire, — Les meilleurs de Vouvray.
Yonne, — Junay, Épineuil, Tonnerre et Dannemoine.
Saone-et-Loire. — Solutré, premiers choix de Vergisson.
Maine-et-Loire, — Premières côtes de Saumur, Parnay ec Dampierre.
Savoie. — Martel, Saint-Innocent et Lassaraz.
Nièvre, — Pouilly-sur-Loire.
Tarn. — Premiers choix de Gaillac.
Gard, — Premiers choix de Laudun et Calvisson.
Les grands ordinaires rouges, les bous ordinaires et ordinaires étrangers,
se consommant en totalité dans les pays de production , n'ont pas été dési-
gnés. Les vins blancs seront seuls indiqués comme se trouvant dans le com-
merce souvent à la place des crus supérieurs.
GRANDS ORDINAIRES BLANCS ÉTRANGERS.
Suisse, — Cully et la côte de Dessalés, en deuxièmes choix.
Italie. — Les îles d'£lbe, de Sicile, Caprée, Ischia et Lipari.
Espagne. — Albaflor et deuxièmes Valdepenas.
VINS. iioi
Portugal, — Lamalongua et Ta vira.
Rttssiâ. — Sudach, Theodosie, Affîney et quelques autres.
Turquie. — Deuxièmes de Candie, Macédoine et Styrie.
Moldavie. — Ses premiers choix.
Grhe. — Lépante, Chëronée et Mégare.
VINS BONS ORDINAIRES ROUGES FRANÇAIS.
Tous les vignobles cites dans les précédentes catégories fournissent des
qualités qui ne peuvent figurer que dans celle-ci ; suivent ceux qu'il convient
d*y ajouter :
Gironde. — Les deuxièmes choix des secondes palus, les seconds des
côtes de Blaye, les troisièmes des côtes de Bourg, les troisièmes de celles de
Fronsac et Saint-Émilion, Castiilon et Sainte-Foy-la-Grande , Sainte-Eulalie,
Saint-Loubès, la Grave et Carbon-Blanc.
Maine-et-Loire, -^ Champigné-le-Sec.
Indre-et-Loire. — Joué, Saint-Nicolas-de-Bourgueil en deuxième crû.
Ain. — Les meilleurs vins de Seyssel.
Loire. — Lupé, Saint-Michel, Chuynes, Boen et Chavenay.
Isère. — Reventin et Seyssuel.
Drôme, — Saillans, Vercheny, Die, Rousas, Châteauneuf-du-Rhône,
Allan, Monségur et Montélimar.
Indre-et-Loire. — Chissaux, Bléré, Athée, Civray, Azay, Chenonceaux,
Épeigné, Francueil, Saint-A vertin et quelques autres vignobles. ,
Rhône. — Sainte-Foy, les Barolles et Millery deuxièmes choix.
Dordogne. — Domme, Saint-Cyprien, Cunéges et Chancelade.
Lot. — Premiers choix de Pont-l'Évéque et Fumel.
Aude. — Premiers de Treilles, Portet, Fitou, Mirepeisset et Ginestas.
Tarn. — Deuxièmes de Gaillac, premiers de Rabastens.
Hérault. — Vérargues, Saint-Christol, Saint-Dresery et Castries.
Gard. — Roquemaure, Saint-Gilles, Bagnols et deuxièmes de Lédenon.
Saone-et Loire, — La côte châlonnaise, le Maçonnais et le Beaujolais
fournissent un grand nombre de choix à cette catégorie.
Yonne. — Les choix non cités produisent une nombreuse quantité de ces
vins à Joigny, Tonnerre, Auxerre, A vallon et Irancy.
Vaucluse. — Les deuxièmes choix, assez abondants, des communes
citées.
Var. — Bandols, le Cattelet, Saint-Cyr et le Beausset.
Basses- Alpes. — Mées.
Bouches-du-Rhône. — Séon-Saint-Henri , Séon-Saint- André, Saint-Louis
et Château-Combert.
Basses-Pyrénées. — Monein, Aubercin, Conchez, Portet, Aydie, Aubans,
Dieusse, Cisseau, Ponts et Burosse.
Pyrénées-Orientales. — Espira-de-l'Agly , Rivesaltes, Salces, Pezilla et
Baixas.
Hautes-Pyrénées. — Madiran, Soublecause, Saint-Lanne et Lascazères.
Gers. — Les bons choix de Nogaro.
Alpes-Maritimes. — Bellet et les premiers du territoire de Nice.
II02 VINS.
SavoUs (les deux.) — Côte de Chautagne, Touvière et Cantefort.
Ile de Corse, — Ajaccio, Sari, Vico, Péri, Bastia, Cap-Corse, Calyi,
Monte-Maggiore, Corte, Bonifacio et Porto- Vecchio.
Lot-et-Garonne. — Péricard et Monflaiiquin.
Les vins blancs bons ordinaires ou ordinaires sont en très-grande quan-
tité sur les territoires dont il vient d'être parlé dans les diverses catégorks
de vins supérieurs; en examinant les départements qui fournissent celle des
vins ordinaires, il sera fait mention, sans qu'il soit utile de les séparer, de
ceux qui produisent des vins blancs possédant leurs qualités relatives.
VINS ROUGES ORDINAIRES DE FRANCE.
Tous les vins qui entrent dans cette catégorie sont ceux qui foorni^efit
la quantité la plus considérable des vins de consommation courante et dont
le commerce est le plus important. Néanmoins, pour figurer ici, ils doivent
être dépourvus de goût de terroir, n'être ni lourds, ni grossiers^ ai pâteux,
ni plats; en un mot, ils doivent aller seuls et pouvoir se conserver, s'amé-
liorer plus ou moins, sans mélange ni addition.
Ain, — Seyssel, Champagne, Machurat, Tallissieux, Culoz, Aaglefi>rt,
Groslée, Saint-Benoît, Virieux, Cervirieux, Saint-Rambert, Toisieux, Ambé-
rieux. Vaux, Lagnieux, Saint-Sorlin , Villebois, L'Huis, Montmerle, Toissy,
Montagneux et quelques autres donnent des vins rouges et blancs.
Aisne, — Pargnan, Craone, Craonelle, Jumigny, Vassogne, Cussy, Belle-
vue, Roussy, Laon, Cressy, Bièvre, Orgeval, Montchâlons, Ployard, Vour-
ciennes, Arancy, Château-Thierry, Tréloup, Vailly et Soupir donnent beau-
coup de vins rouges et quelques vins blancs.
Allier, — La Garenne du Sel (rouges et blancs).
Alpes (Basses-), — Deuxième choix de Mées et quelques autres rouges.
Alpes (Hautes-), — La plupart de ses vignobles (rouges et blancs).
Ardeche, — Mauve, Limoni, Sara, Vion, Aubenas et l'Argendère (rouges
et blancs).
Ardennes, — Ceux de l'arrondissement de Vouziers (rouges et blancs).
Auhe. — Bouilly, Laine-aux-Bois , Javernat, Soulîgny, Bar- sur -Seine,
Bar-sur-Aube et Landreville (rouges et blancs).
Aude. — Deuxième Fitou, Leucatte , Treilles , Lagrasse, Alet, Limoux et
Magrie (rouges et blancs).
Aveyron, — Lancedac, Agnac, Marillac, Guron et Gradels (rouges et
blancs).
Bouches -du- Rhône, — Aubagne, Gemenos, Auriol et Cuges (rouges et
blancs).
Charente, — Saint-Saturnin, Asnières, Saint-Genis, Linards, Moulidars,
Fonquebr une, Gardes, Rouillac, Blanzac, Vars, Montignac, Saint -Sernin,
Vouthon, Marthon, Mornac, la Couronne, Roulet, Nersac, Julienne et quel-
ques autres (rouges et blancs).
Charente-Inférieure. — Saintes, Chepniers, Fontcouverte, Bussac , la Œa-
pelle, Saint-Romain, Saujon, le Gua, Saint-Julien, Nouilliers, Matha, Saint-
Jean-d'Angély, Marennes, Saint-Just, la Rochelle, les fies d'Oléron et de Ré
(rouges et blancs).
VINS.
1103
Cher, — Savigaol, Sancerre, Vassely, Fu88y et Saint-Âmand (rouges et
blancs).
Corrèfe. — Les cdtes d'Allassac,.Saillac, Donzenac, Varets, Meyssac, Saint-
Basile, Queyssac, Nonards, Puy-d'Arnac, Beaulieu et Argentat (rouges et
blancs).
Corse, — Les troisièmes choix de ses vins cités (rouges et blancs).
Cote-d*Or, — Tous les vins qui n'ont pas été mentionnés. Ce départe-
ment produit peu de vins communs (rouges et blancs).
Dordogne. — Cadouin, Limeuil , Monpazier , deuxième Domme , Saint-
Cyprien, Montignac et les ordinaires de Bergerac (rouges et blancs).
Doubs. — Besançon, Byans, Mouthier, Lombard, Liesse, La vans, Jalle-
range, Châtillon-le-Duc et Pont-Villiers (rouges et blancs).
Drame, — Les troisièmes choix des vignobles cités et Étoile , Livron et
Saint- Paul (rouges et blancs).
Gard, — Lacostières, Jonquières, Pujaut,' Laudun, Langlade, Vauvert,
Millaud, Calvisson, Aigues-Vives et Alais (rouges et blancs).
Garonne {Haute-), — Deuxièmes de Villaudric et Fronton, Montesquieu-
Vol vestre et Buzet (rouges).
Gers, — Vertus, Mazères, Viella, Goûts, Lussan, Ville-Comtal , Miélan,
Plaisance, Vic-Fezensac, Valence et Miradoux (rouges et blancs).
Gironde, — Presque tous les vins rouges et blancs du département non
cités aux précédentes catégories, les plus communs de la Benauge et de TEn-
tre-deux-mers exceptés. ^
Hérault. — Garrigues, Pérols, Ville vayrac, Bousigues, Frontignan, Pous-
san, Loupian, Mèze, Agde, Pézenas, Béziers', Lodève, Lunel, Montpellier,
Saint-Georges et les premiers choix d'Aramont et de Picpoul en vins rouges
et blancs.
Indre. — Valaunay, Vic-Ia-Moustière, Veuil, Latour-du-Breuil, Concre-
miers et Saint- Hilaire (rouges et blancs).
Indre-et-Loire, — Chinon, Ballan, Luynes, Fondettes et les choix d*Am-
boise (rouges et blancs).
Isère, — Saint-Chef, Saint- Sa vin, Jallien, Ruy-les-Roches, Vienne, Lam-
bin, CroUes, la Terrasse, Grignon, Saint-Maximin , Murinais, Bessins, Pont-
en-Royan et Saint -André (rouges et blancs).
Jura, — Voiteur, Ménetru, Blandans, Saint-Lothaire , Poligny, Geraise
et Saint-Laurent (rouges et blancs).
Landes, — Le Tursan, la cdte de Leynie et la haute Chalosse ( rouges et
blancs).
Loir-et-Cher, — Onzain, Mer, Chaumont, Thésée, Monthou*, Bourré,
Montrichard , Chissey , Mareuil , Fouillé , Ange, FaveroUes , Saint-Georges ,
Lusillé, Meusne et Chambon (rouges et blancs).
Loire. — Charlieu, Lupé, Chuines, Chavenay, Saint-Michel, Saint-Pierre-
de-Bœuf, Boen, Reaaison, Saint-André et Saint-Haon (rouges et blancs).
Loiret, — Sargeau, Saint-Denis, Saint-Marc, Saint-Gy, Beaugency, Baule,
Baulette, Marigny (rouges et blancs).
Lot, — Ses vins rosés et mi-couleur et presque tous ceux qui n'ont pas
été cités (rouges).
Lot-et-Garonne. ~~ Thézac, la Croix-Blanche, Agen, Marsan,' Castelmoron,
II04
VINS.
Sommenzac, la Qiapelle, Notre-Dame, Clairac et Marmande (rouges et
blancs).
Loutre, — Marvejols, Florac et Villefort (rouges).
Maine-et-Loire. — Dampierre, Varrains, Chacé, Saint-Cyr, Brézé, Sau-
mur et Feuille (rouges et blancs).
Marne. — Vertus, Avenay, Champillon, Damery, Monthelon, Mar-
deuil, Moussy, Vinay; Claveau, Maury, Poigny, Vantheuil, Châdilon,
Romery, Vincelles, Villens, Ceuilly, Vaudières , Verneuil, Troissy, Châlons
et Vitry-sur-Marne (rouges et blancs).
Marne {Haute-). — Vaux, Rivière-les-Fossés, Pranthoy et Saint-Dizier
(rouges et blancs).
Meurthe. — Thiancourt, Pagny, Arnavîlle, Bayonville, Charny, Essey,
Toul, Saulny, Lucey, C6te-Rôtie, Roville et autres (rouges et blancs).
Meuse, — Apremont, Loupmont, Woinville, Lionville, Saint- Julien,
Vaucouleurs, Vignot, Sampigny, Saint-Michel, Bruxières, Monsec, Loisey,
Ancerville, Rambecourt, Belleville et les Rochelles (rouges et blancs).
Moselle, — Les deuxièmes choix des vignobles cités et quelques-uns da
territoire de Sarreguemines (rouges et blancs).
Nièvre. — Deuxièmes de Pouilly-sur-Loire (blancs).
Oise. — Clermont (rouge).
Puy-de-Dâme, — Néchers, Issoire, Cour non, Lauden, Orset, Lezandre,
Mesel, Dallet, Pont -du -Château, Beaumont, Aubière, Mariel, CalvUle,
les Martres , Authezat , Monton , Vic-le-Comte , Coudes et Montpeyronx
(rouges).
Pyrénées (Basses-), — Lasseube, la Hourcade, Sault de Na vailles, Cuqoe-
ron, Luc, Navarrens et Sauveterre (rouges et blancs).
Pyrénées (Hautes-), — Bagnères et Argelès (rouges et blancs).
Pyrénées-Orientales, — Torremila, Terrats, Esparrons, Vernet, Pradeset
environs (rouges).
Rhin (Haut- et Bas-). — Quelques vins blancs des vignobles cités.
Rhône. — Irigny, Charly, Curis, Poleymieux et Couzon (rouges).
Saône (Haute-). — Le clos du Château, Rey, Chariez, Naveune, Quincy
et Gy (rouges et blancs).
Saône-et-Loire. — Montagny, Chenoxe, Buxy, Saint- Vallerin , Saules, la
Chassagne, Villié, Regnié, Lantigné, Quincié, Marchand, Durette, les Etonx,
Cercié, Saint- Jean, Pizay, Jasseron, Vadoux, Belleville, Saint-Sorlin, Cha-
rentay, Charnay, Pricé, Vaux-Renard, Saint -Amour, Chevagny, Chanes,
Saint -Verand, Loche, Vaizelle, Urigny, Sancé, Sénecé, Azé, Picrredos,
Verzé, Igé; Blacé, Saint-Julien, Denicé, Bussières, Lacenas et plusieurs autres
vignobles de la cdte beaujolaise, mâconnaise et châlonnaise fournissent à
cette catégorie de bons vins ordinaires rouges et blancs.
Sarthe, — Le clos de Jasnières , Bazouges , Brouassin , Arthésée , la Cha-
pelle d'Aligné, Saint- Vérand , Cromières , la Flèche et Gazonfières (rouges et
blancs).
Savoies (les deux). — Thonon, Aix et les vins des Abymes (rouges et
blancs).
Seine-et-Marne. — La côte des Vallées et plusieurs vignobles [de l'arron-
dissement de Fontainebleau (rouges).
VINS. . 1105
Stine-et'Oise. — La côte des Célestins, le clos d'Athis-Mons, Andresy,
Septeuil et Boissy-sans-Avoîr (rouges).
Sèvres (Deux-), — Mont-en-Saint-Martin, Bouille, Loret, la Rochenard,
la Foi-Monjault et Airvault (rouges et blancs).
Tarn, — Plusieurs vignobles de Rabastens, Gaillac et Alby (rouges et
blancs).
Tarn-et-Garonne. — Fau, Aussac, Auvillar, Saint-Loup, Campsas, la Vil-
ledieu et Montbartier (rouges et blancs).
yar» — Lacadière, Saint-Nazaire, OUioules, Pierrefeu, Cucres, Sollées-
Farlède, Hyères, Lorgnes, Saint-Tropez, Brignoles (rouges) .
Vaucluse, — Morière, Avignon et Orange (rouges).
Vendée, — Luçon, Faymoreau, Loge-Fougereuse et Talmont (rouges et
blancs).
Vienne, — Champigny, Saint - Georges , Couture, Dissay, Chauvigny,
Saint-Martin, Villemont, Saint-Romain et Vaux (rouges et blancs).
Yonne, — Cheney, Vaulichères, Tronchoy, Molesmes, Gravant, Jussy,
Vermanton, Joigny, Saint-Bris, Arcy-sur-Cure, Pourly, Pontigny, Vezinnes,
Junay, Saint-Martin, Commissey, Neuvi, Sautour, Villeneuve-le-Roi, Saint-
Julie n-du-Sault, Paron, Marsangy, Rousson, CoUemiers, Rosoy, Grou, Véron
et les plus inférieurs des vignobJes déjà cités fournissent une grande quan-
tité de vins rouges à cette catégorie.
Les vins blancs sont tout aussi abondants et offrent beaucoup de choix.
Chablis présente près de vingt-cinq vignobles; l'arrondissement de Sens en
renferme aussi une importante quantité.
VINS DE LIQUEUR FRANÇAIS.
La France produit, relativement, peu de vins de cette espèce ; néanmoins
quelques crus peuvent lutter avec un certain avantage avec la plupart des vins
de liqueur étrangers.
Le muscat de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, est Tun des
meilleurs vins de liqueur français.
Le vin de paille de Colmar et de Kaiserberg (Haut-Rhin).
Le vin de l'Ermitage du département de la Drdme.
Les premiers choix de Frontignan et de Lunel (Hérault) .
Les quatre vins ci-dessus peuvent être considérés comme les premières
qualités des vins de liqueur de France.
Suivent, dans leur ordre de mérite, les vins de cette catégorie qui se
présentent en seconde ligne :
Hérault. — Les deuxièmes choix de Lunel et Frontignan; le 'premier dit
p'uardan^ et les meilleures préparations de Grenache.
Haut et Bas-Rhin. — Les meilleurs muscats de Wolxhei m, Héligensten et
quelques autres localités.
Pyrénées-Orientales. — Les vins dits de Grenache, à Banyuls, CoUioure et
Cosperon, et le Macabeo de Salses.
Doràogne. — Les premiers choix de Montbazillac.
Corrè^e, — Le vin de paille d'Argentat.
Vaucluse. — Les vins dits Grenache et les vins muscats de Beau me.
70
iio6 • VINS.
y or, — • Les muscats rouges et blancs de Roquevaire, de Cassis et de la
Ciotat.
Corst, — Les vins de liqueur du Cap-Corse.
Les départements ci-dessus et plusieurs autres récoltent ou préparent une
assez grande quantité de vins muscats ou de liqueur, mais dont iarépuutioa
ne dépasse pas les pays de production.
VINS DE LIQUEUR ÉTRANGERS.
Les vins de cette espèce et dans les premières qualités se trouvent fort
rarement dans le commerce. Les souverains des pays qui les produisent les
retiennent pour leur usage ou pour en faire des présents à d'autres souve-
rains. Leur prix élevé est aussi une très-grande difficulté que le commerce
ne consent guère à vaincre pour se munir de la petite quantité disponible.
Les crus les plus renommés sont ceux de Tokay^ Constance^ le vin vert
de CotnaTj de la CommanderU (île de Chypre), le Lacryma-Christiy malvoisU dâ
Madère j le Tinto d'Alicantâj les muscats rouges et blancs de Syracuse et les
rouges et blancs de Schira^,
Plusieurs autres pays et ceux qui fournissent les crus ci-dessus présentent
un choix nombreux dont suit la nomenclature par contrée.
Allemagne. -^ Les vins dits de paille de la Francorde.
Autriche, — Les seconds crus de Tokay, Tarczal, Mada, Zombor, Szeghy,
Szadany, Tôles va, Erdo-Benye et les vins de liqueur de Transylvanie, Istrie^
Dalmatie et de la Vénéde.
Italie, — Les deuxièmes choix de Lacryma-Christi (Naples)y de Syracuse
(Sicile) y le muscat rouge et Aliatico ( Toscane), Les vins muscats de CaneUi et
de Chounbave (Piémont)^ les Nasco, Giro, Tinto et les malvoisies de l'île de
Sardaigne. Le vermut et TAléatico de Vile d'Elbe, Les vins muscats du
Vésuve (Nuples). Le Malvasia des îles Liparij le Vino-santo de CastigUone et
le vin aromatique de Chiavenne (Lombardie),
Etats-Romains, — Les vins blancs et rouges d*AlbanOy les muscats de
Monte-Fiasconej d*Orvieto et de Farnèse.
Espagne, — Les deuxièmes Tinto d*Alicante {Valence) ^ le TintiUa de Rota
(Estramadure)j le Tintiila de Xérès et de San-Lucar et Paxarète {Andalousie)y
le Tinto, la Malvasia, le Lacryma et les muscats blancs de Malaga (Grenade),
Le Pedro-Ximénes de Victoria (Biscaye), Le vin Grenache de Sabaye et Cari-
nena [Aragon)^ la malvasia de Pollentia (Jle Majorque)^ les Velez-malaga et
une très-grande quantité des plus ou moins inférieurs de ces vignobles.
Portugal. — Les vins muscats de Setuval et de Carcavellos dans TEstn-
madure portugaise.
Turquie. — Les malvoisies second choix de Chypre et de Candie ; les vins
muscats rouges et blancs des îles Samos, Ténédos et Chypre. Le vin de
Galistas (Macédoine) et celui de Smyrne.
Principautés danubiennes, — Les deuxièmes crus de Cotnar (Moldavie) et le
vin de Piatra (Valachie),
Perse, — Les malvoisies de Schiraz et Ispahan.
Cap de Bonne^Espérance, — Les deuxièmes crus de Constance; les muscats
rouges et blancs, dits rota.
VINS. ,107
Grhe> — Les malvoisies de la Morée et le Vino-santo de l'île Santorin,
ainsi que plusieurs vins muscats des îles Ioniennes.
Russie, — Les vins de liqueur de Koos et de Sudach {Crimée),
Iles de Voeian Atlantique. — Deuiième choix des malvoisies et des vins
muscats de Tîle de Madère; les premiers des Iles Tënériffe, des Açores,
Canaries, Gomère et Palme.
Mexique. — Les meilleurs vins de liqueur de Passo-del-Norte, de Paras,
de San-Luiz-de-la-Paz et de Zelaya.
La plupart des pays qui produisent les vins de liqueur dont la nomencla-
ture précède, préparent ou récoltent un nombre très-considérable d'autres vins
de cette nature, qui sont envoyés et livrés au commerce sous le nom des crus
les plus renommés. Il n'est pas sans intérêt d'ajouter que ces vins peuvent
acquérir des qualités qui leur manquent par les soins, par le temps et aussi
par les voyages qu'on leur fait faire. S'ils n'atteignent pas toutes les qualités
des crus supérieurs, ils peuvent les remplacer, à la satisfaction des consom-
mateurs, qui ont rarement la faculté de les comparer avec les premiers.
F. MAURIAL {VArt de hoire).
Nous avons déjà dit, en parlant des caves, que si la cave dans
laquelle on doit enfermer son vin est située à Paris, il faut éWter
qu'elle soit exposée aux ébranlements qu'occasionne jusqu'à une
certaine distance le passage de voitures ; ces ébranlements déter-
minent l'ascension de la partie la plus légère de la lie» dont le
mélange avec le vin suffit souvent pour le faire aigrir.
Si la cave est en communication avec un bûcher de bois vert,
avec un amas de fruits, ou avec tout autre dépôt de matière en
fermentation continuelle, il est impossible de conserver le vin
sans qu'il s'altère.
Après cette dissertation sur les vins, il nous reste à traiter
de tout ce qui se rapporte à leur conservation et à leur amélio-
ration.
Mais ici nous nous adressons à plus savant que nous, et ne
pouvons rien faire de mieux que de répéter ce qu'en a dit
M. Lorein dans son excellent Traité des préparations.
Placement des tonneaux. — Les futailles doivent être sur
des chantiers ou madriers élevés d'un demi-pied au-dessus du sol,
et posés sur des dés en pierre. Le bois de chantier doit être sain ;
s'il était atteint de pourriture, il la communiquerait prompte-
ment aux tonneaux, et surtout aux cercles.
Il faut assujettir chaque tonneau avec des cales; sans cette
précaution, lorsqu'on retire l'un d'eux, les autres sont exposés à
iio8 VINS.
éprouver quelque mouvement, ce qui occasionne Tascension
d'une partie de la lie; accident qu'on doit prévenir autant qu'il
est possible.
Les tonneaux doivent être éloignés du mur d'un pied a«
moins, pour qu'on puisse toujours visiter leur fond postérieur.
De la visite des tonneaux. — Avant de descendre le toi
à la cave, il faut examiner avec soin les tonneaux et faire rem-
placer tout de suite les cercles défectueux. Les tonneaux descen-
dus et placés sur les chantiers, on doit les visiter avec soin pen-
dant les premiers jours, et ensuite de temps en temps : si les
tonneaux sont remplis de vin de Tannée, il faut les percer près
de la bonde et fermer le trou avec un fausset, qu'on lève de temps
en temps pour s'assurer si le vin n'est pas encore dans un état de
fermentation. On s'en aperçoit lorsqu'en levant le fausset, l'air
sort avec sifflement; dans ce cas il faut lever le fausset tous les
jours, et ensuite à des intervalles plus éloignés; lorsque l'air
commence à sortir avec moins de violence, avoir soin de mettre
les fûts bondés de côté pour éviter l'air par la bonde.
Si le vin s'échappe par quelque endroit, on cherche à recon-
naître la source du mal ; si c'est un trou de ver, on le reconnaît
facilement dans la partie découverte du tonneau. Si le trou se
trouve sous les cercles, on peut le découvrir en les écartant ou en
faisant sauter l'un d'eux.
Si le vin s'échappe par un nœud ou par un éclat de douve,
on enfonce dans la fente, avec la lame d'un couteau, du papier
trempé dans du suif, et on pose dessus un mélange de suif et de
mastic de vitrier. Pour plus de sûreté, on cloue par-dessus une
petite lame de plomb.
Si la fuite du vin a lieu entre les douves par suite de la rup-
ture de plusieurs cercles, on enveloppe le tonneau avec une corde
et on garrotte fortement. Garrotter, c'est passer un bâton sous la
corde et faire passer les deux bouts par-dessus en tordant. On
garrotte ainsi dans une ou plusieurs parties, selon l'éminence du
danger. Par là on se donne le temps de préparer tout ce qui est
nécessaire pour transvaser le vin.
On doit goûter le vin de temps en temps pour connaître
comme il se comporte^
VINS. 1109
Lorsqu'on veut conserver pendant plusieurs années du vin
en tonneaux, ce qui est nécessaire pour rendre potables certains
vins très-spiritueux et très-chargés en couleur, c'est une très-
bonne pratique de faire enduire les tonneaux de manière à les
rendre inaccessibles à l'action de Thumidité qui règne toujours
plus ou moins dans les caves. On peut employer pour cela une
peinture grossière, des ocres, par exemple; mais la substance
qui convient le mieux dans ce cas est le mastic dont voici la
composition :
Faites broyer des tuileaux; passez le résultat du broyage
au tamis de crin, et repassez au tamis de soie, ou à travers une
toile métallique très-fine, ce qui a passé à travers le tamis de
crin.
A treize livres de la poudre ainsi obtenue, ajoutez une livre
de litharge pulvérisée, et repassez le tout au tamis fin pour opérer
un mélange intime.
Faites broyer ce mélange avec deux ou trois onces d'huile
de lin par livre, et délayez ensuite avec suffisante quantité de la
même huile, pour former une peinture applicable au pinceau.
On en donne deux ou trois couches aux tonneaux à quel-
ques jours d*intervalle, en ayant soin que tout soit couvert.
On évite par là les frais de reliage et de remplissage, ainsi
que le danger de perdre le vin par la rupture du cercle.
De l'ouillage. — Ouiller, c'est remplir. Plus les vins sont
nouveaux, plus les douves sont minces, plus la cave est sèche et
aérée, plus les tonneaux doivent être remplis souvent. Toute
négligence sous ce rapport nuit. Les vins tendres et légers s'al-
tèrent rapidement dans les tonneaux qui ne sont pas constamment
tenus pleins : un autre motif de remplir fréquemment, c'est que
la perte éprouvée par le tonneau croît en plus forte proportion
que le temps; ainsi, lorsque le tonneau a perdu deux bouteilles
en un mois, il en faudra six pour le remplir à l'expiration du
second mois.
Le vin avec lequel on remplit un tonneau doit, autant que
possible, être d'une qualité analogue à celui qu'il contient; cela
n'est cependant pas de rigueur pour les vins communs, qui
peuvent gagner quelque chose quand on les remplit avec du vin
iiio VINS.
meilleur; mais il fout le faire pour les vins fins qu'on ne veut pas
dénaturer.
Dans tous les cas, il vaut mieux remplir avec un vin quel-
conque que de ne pas remplir du tout.
Ce qui vient d'être dit sur la nécessité de remplir, est un
motif de plus en faveur de la peinture des tonneaux qui con-
tiennent des vins précieux. Quand on n'en a qu'une ou deux
pièces, on est souvent fort embarrassé pour les remplir d'une
manière convenable.
Collage. — L'effet du collage des vins est non-seulement
de les éclaircir, mais aussi de les dépouiller de matières en disso-
lution qui se précipiteraient plus tard. On prévient par là des
dépôts dans les bouteilles. Si on conserve des vins en tonneaux
depuis plusieurs années on fait bien de les coller une fois l'an, au
mois de mars ou en octobre. Il est de rigueur de choisir pour cette
opération un jour où le vent souffle du nord à l'est. Quatre à
cinq jours après le collage, on soutire le vin, on nettoie le tonneau
et on le remplit, soit du vin qui en a été tiré, soit du contenu d'un
autre tonneau collé aussi.
Si on veut mettre en bouteilles duirin récemment arrivé, on
le laisse reposer quelques jours, et on le colle ensuite avec du
blanc d'œuf et de la colle de poisson.
Quatre blancs d*œufs bien frais, fouettés avec une demi-bou-
teille de vin, suffisent pour coller une pièce de deux cent cin-
quante à deux cent soixante-quinze bouteilles. On retire d'abord
cinq à six litres de vin; on ôte la bonde; on verse la colle; on
introduit dans le tonneau un bâton fendu en quatre par en bas,
et on l'agite en tournant tantôt dans un sens et tantôt dans un
autre, pour bien mélanger la colle. On continue ainsi pendant
une ou deux minutes. On remplit ensuite le tonneau avec le \in
qu'on avait tiré et on en ajoute s'il est nécessaire. On frappe
le tonneau pour en faire sortir les bulles d'air qui pourraient
être restées dans la partie supérieure et on remet la bonde. Au
bout de quatre ou cinq jours, le vin est clair et on peut le
tirer.
Si le vin a déjà séjourné pendant quelques mois dans la ca^'e,
comme il s'est formé au fond un dépôt de lie qu'il ne faut pas faire
VINS. mi
remonter, on n'enfonce le bâton fendu que jusqu'à la moitié du
tonneau.
Les vins blancs se collent avec la colle de poisson dissoute
dans le vin, à raison d'un litre par pièce; cette colle se prépare
de la manière suivante :
On bat, avec un marteau, un gros de belle colle de poisson;
on la déchire en morceaux qu'on divise avec des ciseaux ; on la
met tremper pendant sept ou huit heures, avec ce qu'il faut de
vin pour la baigner; quand elle s'est gonflée et qu'elle a absorbé
le vin, on en ajoute autant qu'on en a mis la première fois : après
vingt-quatre heures, la colle forme une gelée à laquelle on ajoute
un demi-verre d'eau un peu chaude, et on la malaxe avec la
main pour écraser ce qui n'est pas entièrement dissous. On passe
la colle avec expression à travers un linge, et on la bat avec une
poignée d'osiers, en versant peu à peu du vin blanc, jusqu'à ce
que la totalité de la dissolution forme à peu près un litre de
liquide. Avant de verser la colle dans le tonneau, on la bat de
nouveau avec un litre de vin blanc ; du reste, on procède comme
pour le vin rouge.
Les poudres de M. Julien, qui demeure à Paris, boulevard
Poissonnière, et qui a des dépôts dans la plupart des vignobles,
remplacent avec avantage les blancs d'œuft et la colle de poisson.
Tirage de vin en bouteilles. — Il faut s'assurer avant
tout si le vin est bien limpide; pour cela on en tire dans un verre
qu'on interpose entre l'œil et la lumière. Si le vin n'est pas
d'une limpidité parfaite, on attend deux ou trois jours, et si
après ce temps il n'est pas bien clair, on le soutire et on le colle
de nouveau.
Le tirage en bouteilles doit se faire, autant que possible,
par un temps froid, et surtout lorsque le vent souffle du nord à
l'est.
Cette précaution influe plus qu'on ne le pense sur la conser-
vation des vins. On doit éviter surtout de tirer le vin quand le
temps est disposé à l'orage et lorsqu'un vent chaud souffle du
sud ou de l'ouest.
Lés bouteilles doivent être rincées avec soin et flairées une
à une ; on doit rejeter celles qui ont un mauvais goût. Le gra-
ma VINS.
vier de rivière, bien lavé, ou la grenaille d'étain pur, sont les
substances les plus convenables pour rincer les bouteilles.
Lorsqu'on met en bouteilles du vin qu'on se propose de
garder longtemps, le choix des bouchons est d'une grande impor-
tance. Il faut les choisir d'un liège fin, moelleux, cédant sous le
doigt. Ils coûtent plus cher que les autres, mais l'économie qu'on
croirait iaire sous ce rapport en en achetant de plus communs
serait fort mal entendue.
Les bouchons qui ont déjà servi ne doivent être employés
que pour des vins communs, destinés à être bus de suite.
On bouche les bouteilles à mesure qu'on les remplit ; on
règlô l'ouverture de la cannelle en conséquence. Lqs bouchons
doivent entrer de force, en frappant avec la batte, jusqu'à ce
qu'ils ne débordent que d'une ou deux lignes.
Lorsqu'on veut conserver longtemps le vin en bouteilles, on
enduit l'extrémité du bouchon et du goulot avec une cire pré-
parée à cet effet. Cet enduit préserve les bouchons de la moisis-
sure qui les atteint à la longue, et les empêche d'être rongés
par les insectes qui pullulent dans beaucoup de caves.
La cire ou le mastic dont on enduit les bouchons se compose
de la manière suivante :
On fait fondre deux ou trois livres de résine commune avec
un quarteron de cire jaune et deux onces de suif; on colore avec
le minium, les ocres, le noir animal, etc. Si la cire parait trop
cassante, on augmente la dose de suif; dans le cas contraire, on
ajoute de la résine.
DES MOYENS DE PRÉ\'ENIR L'ALTÉRATION DES \TNS
OU D'Y REMÉDIER.
Des vins qui tournent a la graisse. — Lorsqu'en versant
du vin il file comme de l'huile, on dit qu'il a tourné à la graisse.
Cette maladie, qui attaque plus fréquemment les vins blancs que
les vins rouges, se dissipe presque toujours avec le temps. Si
cependant on ne veut pas attendre, il faut coller le vin et le bien
agiter ; si cela ne suffit pas, on le soutire, on le colle une seconde
fois, et on ajoute à la colle un demi-litre d'esprit-de-vin.
VINS. 1113
On remédie à la graisse en mettant dans le tonneau une
once de charbon en poudre, qu'on mêle bien au liquide, en agi-
tant avec le bâton fendu.
Si le vin qui tourne à la graisse est en bouteilles, et qu'on ne
veuille pas attendre son rétablissement naturel, on le dépote
deux fois de suite à un mois d'intervalle. La lie bien fraîche
ajoutée aux vins gras dans la proportion d'un vingt-cinquième
les rétablit très-promptement. On ne doit employer ce moyen que
pour des vins ordinaires, qui pourront s'améliorer si la lie qu'on
y mêle provient d'un vin généreux.
Des vins qui tournent a l'aigre. — Cette maladie pro-
vient presque toujours du peu de soin qu'on a mis à remplir les
tonneaux, des transports effectués dans les temps chauds, ou de
la mauvaise qualité des caves. Comme il est reconnu que les vins
peu spiritueux y sont plus sujets que les autres, on pourrait en
prévenir le développement sur les vins de cette nature en y ajou-
tant cinq à six litres d'eau-de-vie par pièce.
Lorsqu'on s'aperçoit que le vin commence à contracter un
goût d'aigre, il faut le soutirer dans un tonneau où on brûle un
pouce de mèche souffrée ; on le colle en même temps avec six
blancs d'œufs par barrique. S'il n'a pas tout à fait perdu le goût
qu'il avait contracté, on répète cette opération six jours après ;
on laisse reposer le vin, on le met en bouteilles et on le boit de
suite.
On peut encore rétablir les vins qui ont tourné à l'aigre, en
jetant dans une barrique un quarteron de froment grillé comme
du café, mais un peu moins noir; on soutire au bout de vingt-
quatre heures, on colle et on met en bouteilles pour boire de
suite.
Des vins qui deviennent amers. — Le moyen le plus sim-
ple de rétablir ces vins, c'est de les couper avec des vins plus
jeunes, ou au moins avec des lies récentes.
Quand le vin qui a contracté de l'amertume est en bouteilles,
il se rétablit souvent de lui-même avec le temps, pourvu que les
bouteilles soient bien bouchées, qu'on ne les déplace pas et que
la cave soit bonne.
On peut encore corriger l'amertume des vins en les transva-
III4 VINS.
sant dans un tonneau fraîchement, vide d'un bon vin, et dans
lequel on a brAlé à plusieurs reprises un demi-litre d'esprit-de-
vin ; on ne doit verser une nouvelle portion d'esprit-de-vin dans
le tonneau que lorsque la première est brûlée et qu'il n'y a plus
de flamme ; sans cela, le filet d* esprit-de-vin s'allumerait en tom-
bant et la flamme se communiquerait jusqu'au vase qui contient
le reste, ce qui occasionnerait des accidents.
Des vins qui ont contracté le goût d'évent. — Les
vins ne contractent ce goût que lorsque les tonneaux ont été mal
bouchés. Si le goût est peu prononcé, on peut le faire disparaître
en collant le vin, et le soutirant après quinze jours de repos.
Toujours bonde de côté pour éviter l'évent.
Si le goût d'évent est très-fort, il faut mêler au vin lo à 12
pour 100 de lies fraîches, rouler le tonneau une fois par jour
pendant un mois et soutirer ; on ajoute ensuite dans le tonneau
quatre ou cinq bouteilles d'eau-de-vie.
Des vins qui ont contracté le goût du fut, de moisi, etc.
— Lorsque le goût contracté est fort, il n'y a aucun moyen de le
faire disparaître ; on peut seulement essayer de le masquer. Pour
cela, après avoir transvasé le vin, on fait rôtir une livre de fro-
ment dans une brûloire à café. On l'enferme tout chaud dans un
sac long et étroit, qu'on descend dans le tonneau par sa bonde,
et qu'on retient avec une ficelle. On ferme le tonneau, et vingt-
quatre heures après on transvase encore le vin dans un tonneau
où on a mis de la lie fraîche dans la proportion d'un huitième
de vin défectueux.
Des moyens de prévenir la dégénérescence des vins. —
Les vins les plus faibles se soutiennent ordinairement fort bien
dans les bonnes caves, quand d'ailleurs ils y arrivent sains ; il
faut donc, pour prévenir leur dégénérescence, employer les
moyens indiqués pour l'amélioration des caves. Il faut surtout les
tenir très-propres et en éloigner les substances fermentescibles.
Si, par la nature de leur sol ou le voisinage des fosses d'aisance,
les caves sont infectées de miasmes putrides, on fera bien d'y
brûler, de temps en temps, une once ou deux: de soufre : on le
place sur un têt, on l'allume et on se retire.
Comme les vins spiritueux supportent assez bien beaucoup
VINS. iiij
dMnconvénients qui dénaturent promptement les vins faibles,
comme le sont souvent les vins ordinaires, si on a une certaine
provision de ceux-ci qu'on soit obligé de garder en tonneaux, il
est bon d'y ajouter depuis trois jusqu'à sept à huit bouteilles
d'eau-de-vie par barrique ; en goûtant de suite les vins auxquels
on a fait cette addition, on y reconnaît très-bien la saveur de
l'eau-de-vie ; mais, après un mois ou deux de mélange, on ne
la retrouve plus et le vin est sensiblement amélioré.
Des vins trop sombres en couleur. — Ces vins sont ordi-
nairement pâteux, lourds et fades, quoique souvent très-spiri-
tueux. On les améliore en les coupant avec des vins blancs,
qu'on y ajoute dans des proportions diverses, selon que les vins
sont plus ou moins chargés en couleur.
De l'apreTé des vins. — Il y a des vins qui acquièrent
en vieillissant une excellente qualité, mais qui sont si âpres,
lorsqu'ils sont jeunes, qu'ils sont peu agréables à boire. Ce
qu'on peut faire de mieux pour ces vins, c'est de les attendre ou
d'accélérer leur maturité en les plaçant dans un cellier un peu
chaud, pourvu qu'ils n'y soient pas frappés directement par le
soleil.
Quant aux vins qui, étant âpres et verts, sont peu spiritueux,
c'est en vain qu'on espérerait les améliorer en les coupant avec
des vins spiritueux et fades du midi : leur saveur perce toujours.
Le seul moyen d'adoucir ces vins, c'est d'y ajouter de l'eau-de-
vie, dont on proportionne la quantité à l'âpreté des vins. On
peut, sans inconvénient, en mettre jusqu'à huit ou dix pintes par
barrique de trente veltes; on peut même dépasser cette propor-
tion, si l'on veut garder ces vins pendant longtemps.
Vin de pêche à la façon de Strasbourg. — Prenez cent
pêches de vigne, et douze pêches d'espalier bien mûres, ôtez-en la
peau et les noyaux, écrasez la pulpe du fruit dans une terrine,
ajoutez-y un demi-litre d'eau avec une once de bon miel, passez
au tamis, et soumettez ce qui ne passera pas au tamis à l'action
d'une presse; versez tout le liquide dans une cruche degrés,
ajoutez-y quatre livres de sucre, cinq onces de feuilles de pêcher,
un gros de cannelle, deux gros de vanille, et autant de bon vin
blanc que vous aviez de suc de pêche ; laissez fermenter en cou-
in6 VINS.
vrant bien le vase, et lorsque vous aurez séparé les feuilles, que
le liquide sera éclairci, vous mettrez en bouteilles.
Quelques personnes ajoutent un litre d'eau-de-vîe au
mélange, mais cela n'est pas nécessaire. Ce vin est très-agréable
au goût, est un excellent stomachique, et les chimistes anglais
disent qu'il facilite les digestions laborieuses.
11 va sans dire que l'on peut également faire du vin de
prunes ou d'abricots ; seulement, comme ces fruits sont plus sucrés
que la pêche, on mettrait moins de sucre, et on suivrait du reste
le même procédé.
Vin de groseilles ou de cerises à la manière d'Olngle"
terre, — Prenez six parties de groseilles rouges bien mûres et
six parties de cerises de la grosse espèce, une partie de cerises
noires si vous projetez de faire du vin de cerises, ou bien une
partie de framboises si vous voulez faire du vin de groseilles;
écrasez les fruits pour en avoir le sucre que vous verserez dans
un baril; ajoutez une livre de cassonade par dix bouteilles de
sucre ; ayez soin que le baril soit plein, et conservez en outre une
bouteille de ce sucre pour remplir le baril, et remplacez ce que
la fermentation fera sortir par la bonde; lorsque la mousse s'ar-
rêtera, fixez la bonde et laissez reposer pendant un mois, tirez la
bonde et mettez en bouteilles.
Vin chaud à la mode anglaise, ou négus. — Breuvage ori-
ginaire des Indes, et qui s'opère avec du vin blanc, du sucre, du
jus de limon et de la râpure de muscade. Quand on peut joindre
à tout ceci de l'eau-de-vie de France ou du jus de tamarin, c'est
un breuvage anglais qui ne laisse rien à désirer.
Maintenant que tout le monde peut améliorer la qualité de
son vin, qu'on nous permette de citer quelques anecdotes :
Une remarque qu'on peut faire, c'est- que le mot vin se rend
à peu près d'une manière semblable dans toutes les langues
anciennes et modernes. En grec, oinos; en latin, yinum; en arabe,
vainon; en allemand, jpein ; en anglais, jpine; en russe, vinss.
Dans les premiers temps de la république romaine, l'usage
du vin était sévèrement défendu aux femmes, et Romulus avait
permis aux maris de répudier et même de tuer les épouses qu'ils
auraient surprises buvant du vin. Valère Maxime rapporte
VINS. III7
qu'Égnatius Metellus ayant usé de cette permission, fut absous
par le fondateur de Rome. Fabius Pictor raconte que les parents
d'une Romaine, l'ayant surprise tandis qu'elle tâchait de forcer la
serrure d'un coffre qui contenait du vin, l'enfermèrent et la firent
périr d'inanition. Les Romains étaient si scrupuleux sur la con-
duite des femmes à cet égard, qu'ils avaient introduit l'usage,
d'après le conseil de Caton, d'embrasser les femmes quand elles
entraient dans une maison, afin de juger par leur haleine si elles
n'étaient pas en faute. Ils se relâchèrent peu à peu de cette
rigoureuse exactitude, et, les lois cédant enfin au luxe et à la
débauche, les femmes imitèrent les hommes et prirent en toute
occasion les mêmes licences.
Le vin est, dit-on, le lait des vieillards et ce qui les soutient.
Drexelius, jésuite allemand, n'est pas du tout de cet avis. Il pré-
tend que plus le vin a de force, moins il convient à un estomac
affaibli par l'âge ou la maladie. Entre l'estomac et la nourriture,
dit-il, il doit y avoir une telle proportion que la chaleur de l'un
n'excède pas celle de l'autre. Bon vin et mauvais estomac ne
peuvent s'allier l'un à l'autre. Cependant, croire qu'un bonvin
vieux a la vertu de réparer les forces d'un estomac délabré est
une opinion si ancienne, si générale et si profondément enra-
cinée dans les esprits, qu'il est moralement impossible de faire
régner à sa place l'axiome : Vinum potens, vinum nocens.
Boire à ses repas d'un vin plus exquis que celui qu'on fait
boire aux autres ne saurait être une exception permise à la
grandeur. C'est un privilège que l'impudence et l'avarice peuvent
seules usurper. Le vin de Falerne était cher; Pline en buvait et
Pline admettait quelquefois à sa table nombre de gens nouvelle-
ment affranchis.. Quelqu'un qui croyait avec raison que tous ceux
qui sont à une même table doivent boire d'un même vin, lui dit
que ces jours-là son vin de Falerne devait s'en aller bien vite. —
<( Pardonnez-moi, lui dit Pline, quand mes affranchis mangent
avec moi, ils ne boivent pas de mon vin, je bois du leur. »
Le premier vin qu'on ait vanté en France est le vin de
Suresnes. Henri IV en envoyait en présent, et on a conservé de
lui une lettre qui en fait foi.
L'auteur de la Bibliographie agronomique^ M. Musset-
iii8 VINS.
Pathay, a fait connaître sur le vin de Suresnesune anecdote dont
l'exactitude nous a été attestée par Tun des annuaires statistiques
de Loir-et-Cher, à portée par conséquent d'en être bien instruit.
« Il y a, dit l'auteur de la Bibliographie^ une opinion assez
commune sur laquelle il est bon de donner quelques éclaircisse-
ments. Elle est relative à la réputation du vin de Suresnes,
village situé sur le bord de la Seine, à deux lieues de Paris. On
croit communément que le vin produit par les vignes plantées
près de ce village a jadis été d'une bonne qualité et que même
il a paru sur la table de nos rois. Voici ce qui a donné lieu à
cette opinion. Il y a aux environs de Vendôme, dans l'ancien
patrimoine de Henri IV, une espèce de raisin que dans le pays
on appelle Sur en. Il produit un vin blanc très-agréable à boire,
que les gourmets conservent avec soin, parce qu'il devient meilleur
en vieillissant. Henri IV faisait venir de ce vin à la cour; il le
trouvait très-bon. C'en fut assez pour qu'il parût délicieux aux
courtisans ; et l'on but pendant le règne de ce monarque du vin
de Sur en, II y a encore dans le vendômois un clos de vigne qu'on
appelle Clos de Henri IV.
« Louis XIII n'ayant pas pour le suren la même prédilection
que le roi son père, ce vin passa de mode et perdit sa renonmiée.
Dans la suite on crut que c'était le village de Suresnes qui avait
produit le vin qu'on buvait à la cour. La ressemblance des noms
avait causé cette erreur. »
Pierre d'Andelys , dans son poème de la Bataille des Vins^
nomme Deuil, Montmorency, Marly, Argenteuil, mais il ne dit
rien de Suresnes, qui pourtant est dans le voisinage; cela peut
prouver qu'au xiii* siècle Suresnes avait encore moins de mérite
et de réputation qu'aujourd'hui. On ne doit donc plus s'étonner
qu'un propriétaire d'excellents vignobles en Bourgogne ait
transporté, sans aucun succès, des plants de Suresnes sur les
coteaux de l'Yonne.
Autrefois le vin de Mantes, à douze lieues de Paris, était
fort renommé. L'empereur Julien l'Apostat en fait l'éloge.
Ce qui le faisait surtout rechercher, c'est qu'il ne se gâtait
jamais en quelque pays lointain qu'on le transportât. Le corde-
lier Rubriquis, qui fut envoyé par saint Louis au Grand Kan
VINS. ,„j^
Kan des Tartares, présenta à ce monarque un grand flacon de ce
bon vin de Mantes, qui fut trouvé si délicieux, qu'il disposa le
roi tartare à embrasser la religion du pays qui le produisait. Le
missionnaire nous fait entendre que, si le vin de Mantes ne
lui avait pas manqué, le fils de Gengiskan se fût déclaré
chrétien.
Le vin a toujours été très-considéré et, depuis Charlemagne,
on ne faisait aucun marché qu'il n'y eût une gratification extra-
ordinaire que Ton nommait pot-de-vin. Ce qu'on offrait à l'église
pour les baptêmes et les mariages s'appelait vin du curé ; les
présents qu'on faisait à sa future avant le mariage, le vin de
noce^ ce que les plaideurs donnaient aux clercs de leurs rappor-
teurs, le vin des clercs; et le droit qu'on payait aux ofiîciers
municipaux quand on était. reçu bourgeois, le vin de bour-
geoisie : ce vin se donnait en nature. Lorsqu'on ne donna plus
de vin, on n'en conserva pas moins Tusage de ce que Ton appe-
lait donner un pot-de-vin à la suite d'un marché, mais ce fut
en espèces.
Une charte du fameux abbé Suger, régent du royaume
sous le règne de Louis le Jeune, donne dix sols de rente et un
muid de vin à la collégiale de Saint-Paul. C'est, y est-il dit,
pour que les chanoines servent Dieu et saint Paul avec plus de
gaieté et de dévotion : Ut jucundius et devotius Deo sanctoque
Paulo inserviant.
Un proverbe peu connu et qui cependant mérite de l'être,
c'est celui-ci : A bon vin, bon latin. Le premier président du
parlement de Paris, M. de Lamoignon, était en peine d'avoir un
bibliothécaire. Il s'adressa pour cela à M. Hermant, recteur de
l'Université, qui lui indiqua M. Baillet, son compatriote. Le
président voulut d'abord le connaître et le fit inviter à dîner.
Baillet s'y rend; mais, s'apercevant qu'il est entouré de pédants
qui veulent faire les savants avec lui, il ne répond que par mono-
syllabes aux diverses questions qu'on lui fait. On lui demande en
latin comment il trouve le vin ; il était mauvais, il répond : Bonus.
Aussitôt de rire et d'en conclure, comme on l'avait déjà pressenti,
que le candidat n'est qu'un sot. Au dessert on sert du vin d'une
meilleure qualité et, pour se donner de nouveau le plaisir de rire.
II20 VINS.
on renouvelle la question de la qualité du vin. Baillet répond :
Bonum. — Oh! oh! ah! ah! eh! Vous voilà redevenu bon
latiniste. — Oui, répond Baillet : à bon vin, bon latin.
On a dit du vin de Bretigny, près de Paris, qu'il faisait
danser les chèvres, et cette manière de parler proverbialement
est encore en usage dans le pays pour désigner la mauvaise
qualité du^vin. Voici Torigine que Ton donne à cette locution.
Il y avait, dit -on, à Bretigny un habitant nommé Chèvre.
C'était le coq et en même temps le plus riche propriétaire de son
village et une grande partie du vignoble lui appartenait. Cet
homme aimait à boire et, dans la gaieté que Tivresse lui inspirait,
il avait la folie de faire danser presque à^ toute heure sa femme
et ses enfants. C'était ainsi que le vin de Bretigny faisait danser
les chèvres.
Le premier président de Bellièvre était un homme de très-
grand mérite et de fort bonne compagnie. Il aimait surtout
la bonne chère et se piquait d'avoir le meilleur vin de tout
Paris.
Sortant un jour de la grand'chambre, il trouve le comte de
Fiesque avec MM. de Manicamp et de Jousac qui l'abordèrent
avec un placet à la main, dont la teneur était :
« Nous supplions très-humblement Monseigneur le premier
président de vouloir bien ordonner à son maître d'hôtel de nous
donner six bouteilles de son excellent vin de Bourgogne, que
nous comptons boire ce soir, à tel endroit, à la santé de Sa
Grandeur. »
M. de Bellièvre alors, avec son air de grave magistrat,
prend son crayon et met au bas du placet :
« Bon pour douze bouteilles , attendu que je m'y trou-
verai. ))
Nous allons donner maintenant une preuve comme quoi le
bon vin peut conduire directement au ciel.
Un amateur de bon vin faisait ce joyeux raisonnement à
son confesseur qui le gourmandait sur son penchant à l'ivrogne-
rie en lui annonçant qu'il ne ferait jamais son salut, s'il ne s'en
corrigeait : « Mon père, le bon vin fait du bon sang, le bon sang
donne la bonne humeur, la bonne humeur fiiit naître les bonnes
VINS. liai
pensées, les bonnes pensées produisent les bonnes œuvres et les
bonnes œuvres conduisent l'homme dans le ciel; donc le bon \in
doit me conduire au ciel.
— Ainsi soît-il, » dit le pasteur abasourdi.
Cave-Décantage,
J'eus loccasion de visiter un jour les caves du Café Q4nglais.
aménagées, soignées et entretenues par un véritable connaisseur,
M. Delhomme. C'est à six ou sept heures du soir qu'il faut
descendre dans ces galeiies souterraines, qui feraient songer aux
merveilles des Mille et une Nuits, si la foi mahométane n'avait
pas proscrit Tusage du vin. C'est un type excellent de grande
cave. Une visite d'une heure dans cet établissement serait fort
instructive pour toutes les personnes désireuses de bien boire.
On n'y pourrait apprendre en si peu de temps Tâge précis au-
quel on doit boire le vin et le temps qu'il met à se bonifier ou
à s affaiblir dans la bouteille. Ce temps n'est pas le même, on le
sait, pour tous les crus; il dépend aussi beaucoup des années où
le vin a été récolté. Le vin des bonnes années se conserve plus
longtemps en bouteilles que le vin des mauvaises. La connais-
sance de ces importantes particularités ne saurait être acquise
en peu de temps, et il faut s'en rapporter sur ce point à des per-
sonnes d'expérience et de confiance. Ce qu'on apprendra en un
instant dans les caves du Café Q4nglais^ c'est l'importante opé-
ration du dêcantage.
Le dêcantage consiste à verser, en inclinant doucement la
bouteille, une liqueur qui a fait un dépôt. C'est de cette opé-
ration que dépend la clarté du vin vieux.
La liqueur bien décantée présente à travers la carafe cette
belle couleur limpide qui entre pour quelque chose dans le
plaisir qu'on a à boire du bon vin.
La perte qui résulte de ce transvasement peut être évaluée
à deux ou trois verres à liqueur par bouteille. En remontant
l'escalier en spirale des caves du Café Cinglais, on rencontrera à
l'heure du « coup de feu » l'excellent Dugléré, praticien distin-
71
ï
IT22 VINS.
gué que j'ai plus d'une tois consulté comme un oracle gastrono-
mique et à qui je dois les menus placés sous son nom à la fin de
ce Dictionnaire,
Pour plus amples détails sur les conditions d'une bonne
cave, voir l'article Cave.
Ordre de service des vins à table.
Sur ce point nous ferons encore un emprunt au petit livre
de M. Maurial :
Selon les usages, la succession des vins dans leur ordre de service varie
d'après leurs caractères généraux ou leur renommée particulière, ou encore le
goût et la couleur qui leur sont propres; mais la règle la plus hygiénique, qui
est celle de Brillât-Savarin, c'est de les consommer dans Tordre des plus tem-
pérés aux plus généreux et aux plus parfumés.
Les coutumes des grandes maisons , dont on consulte à cet égard plus
volontiers les usages, consistent à offrir après le potage du Xérès ou du
Madère sec ; ces vins, très-toniques , aident à l'assimilation de ce premier et
aqueux aliment.
Avec les huîtres, les hors-d'œuvre , on offre du vin blanc de Bourgogne
ou de Bordeaux, ou les deux simultanément, et dans les meilleurs vins fins
possibles. Au premier service le Bordeaux d'abord, et le Bourgogne rouge
ensuite ; ils devront être pris parmi les plus inférieurs qu'on se propose d'of-
frir. Outre le premier et le second service, on offre un verre de Madère, de
vieux cognac ou de rhum, ou bien encore du Wermuth de première qualité,
suivant le désir ou le goût des convives ; c'est là ce qu'on appelle le coup du
milieu. Au second service, on offre alternativement du Bordeaux, du Bour-
gogne ou de l'Ermitage, mais de qualité dite des grands ordinaires. Aux entre-
mets, il faut offrir les vins fins dans l'ordre hygiénique ci-dessus, de toute
provenance, mais rouges. Au commencement du dessert on doit présenter les
vins à grande réputation des grands crus, de divers pays et de diverses cou-
leurs, en commençant par les rouges. Le vin de Champagne, Sillery frappé, se
sert le dernier des vins qu'on boit en mangeant. A défaut de glace et même
de Sillery, on remplace par le meilleur Champagne mousseux dont on diQ)ose.
Pour terminer le repas, et lorsque les convives s'attaquent aux pâtisseries
sèches, on offre du vin de liqueur ; mais il serait plus prudent de n'en pas
boire, car, en cet état, cette nature de vin trouble la digestion sans aucune
compensation, à moins cependant qu'on puisse offrir du Tokay, Constance,
Schiraz, Chypre et leurs pareils.
Dans les repas où on n'offre pas ces vins riches de réputation , l'ordre se
suit en offrant un verre de Xérès, Marsala ou Madère ordinaires après le
potage ; le vin blanc avec le poisson ou les hors-d'œuvre , le vin de Bordeaux
et à la suite le vin de Bourgogne ordinaires rouges pour le premier service,
VINAIGRE. 1123
^ntre les deux services, le coup du milieu; au second service, du meilleur
vin rouge ; à l'entremets, le vin fin, et au dessert le Champagne.
Pour servir ces liquides avec une certaine pompe, huit verres sont néces-
saires : I® le verre ordinaire à pied pour mouiller le vin; a® le verre à Bor-
deaux ou à Bourgogne ; 3*^ le verre à Madère , un peu plus petit que ce der-
nier; 4« le verre vert pour le vin du Rhin; 5» la coupe en cristal brillant
pour faire ressortir la belle couleur d'or du Johannisberg ; 6° le verre allongé
pour le Champagne mousseux; 7° la coupe pour le Champagne frappé; 8« et
enfin le verre à liqueur.
Les verres à servir avec le couvert sont au nombre de trois : le grand
verre à boire, le verre à Madère et le verre à Bordeaux ou Bourgogne; au
second service, on les enlève pour les remplacer par ceux qui sont destinés ù
contenir les vins désignés pour ce service.
VINAIGRE. — Vin qui a subi la fermentation acétique. Le
vinaigre est susceptible de plusieurs falsifications, qui ont toutes
pour objet d'augmenter sa force : on y ajoute dans ce but, ou de
Tacide acétique concentré, qu'on obtient par la carbonisation du
bois en vases clos, ou de l'acide sulfurique. Ces falsifications sont
assez difficiles à reconnaître; le meilleur moyen de s'y soustraire,
c'est de faire soi-même son vinaigre. Le procédé suivant est très-
simple et très-économique.
Prenez un baril de vingt-cinq à trente litres bien cerclé en
fer ; il n'est pas nécessaire qu'il ait un trou de bonde en dessus ;
s'il en a un, fermez-le hermétiquement; faites ouvrir sur un des
fonds, à un pouce environ du jable, un trou de dix-huit lignes de
diamètre ; lorsque le tonneau est en place, ce trou doit se trouver
en haut; faites placer sur le même fond, à quatre pouces du jable
inférieur, un petit robinet en étain ; placez le baril à demeure
dans un endroit habituellement chauffé, au moins dans les temps
froids; assujettissez-le de manière qu'on ne puisse facilement
rébranler.
Ces dispositions étant prises, faites bouillir quatre litres de
bon vinaigre avec une demi-livre de tartre ; versez-le tout bouil-
lant dans le baril, servez-vous pour cela d'un entonnoir dont la
douille soit recourbée un peu moins qu'à l'angle droit : bouchez
le trou et roulez le baril en tout sens, pour que son bois s'im-
prègne partout de vinaigre ; vous ne l'assujettirez qu'après cette
opération ; versez immédiatement dans le tonneau quatre litres
de vin. On emploie pour cela les braisières des tonneaux; à cet
1124 VINAIGRE.
efFet on les tire avec la lie et on les filtre au papier gris. Cette
filtration est fort simple : on attache, par les quatre coins, entre
deux tréteaux, deux chaises, ou, de toute autre manière, un linge
blanc; on le couvre d'une feuille de papier à filtrer et on verse le
vin sur le papier : il passe clair et on le reçoit dans une terrine,
pour le mettre ensuite dans des bouteilles de verre ou de grès,
qu'on tient couchées jusqu'au moment du besoin.
Le premier vin qu'on ajoute au vinaigre est très-longtemps
à s'acidifier complètement ; mais ensuite l'opération s'accélère de
plus en plus, jusqu'à ce qu'enfin huit jours suffisent pour con-
vertir de un litre à un litre et demi de vin en vinaigre.
On accélère la première acidification en jetant dans le ton-
neau environ un quarteron de rognures de vignes hachées gros-
sièrement, ou pareille quantité de fleurs de sureau ou de pétales
de roses.
Quand la première acidification est opérée on ajoute tous les
huit jours un litre ou un litre et demi de vin, et on continue
ainsi jusqu'à ce que le baril soit à peu près à moitié plein; alors,
chaque fois qu'on doit ajouter du vin, on tire auparavant une
quantité égale de vinaigre.
Le trou latéral doit toujours rester ouvert; mais pour
empêcher que la poussière ou des insectes ne s'y introduisent, on
place, au devant, une plaque d'étain percée de petits trous,
laquelle étant attachée avec un seul clou, peut être détournée
à droite ou à gauche, lorsqu'il est nécessaire que Touyerture soit
libre.
Le baril peut fonctionner pendant plusieurs années.
Si on veut du vinaigre très-fort, on ajoute de reau-de->ie
au vin, dans la proportion d'un huitième : il n'y a en effet que
l'eau-de-vie contenue dans le vin qui se convertit en vinaigre;
si le vin n'en contient pas assez, on remédie à ce défaut en en
ajoutant.
Les vins qu'on appelle piqués, c'est-à-dire qui commencent
à tourner à l'aigre, se convertissent facilement en vinaigre, et en
w
donnent de bon : on n'en obtient que de mauvais avec les vins
qui tournent à l'amer.
Vinaigre rosat y SMiy^nt l'ancienne et bonne méthode indi-
quée par madame Fouquet. — Prenez un quarter
de roses d'églantier ou de roses communes, et aut
sauvages qui ne seront pas à leur parfaite maturité
once d'épines-vinettes bien mûres ; faites sécher le t
quand cela sera bien sec, vous le pilerez et réduii
très-fine; vous mettrez ensuite une demi-once de
dans un demi-setier de bon vin rouge ou blanc ; voii
mélange et le laisserez ensuite reposer, vous le pa
vers d'un linge, et vous aurez du vinaigre rosat.
Un ancien auteur a dit qu'on obtenait le r
avec de la moelle de lièvre; il indique son pro
manière : un gros de moelle de lièvre que vous mç
chopine de vin.
Vinaigre à l'estragon. — Mettez dans une c
de bon vinaigre blanc d'Orléans et 750 gramme
d'estragon, que vous aurez laissées se flétrir à l'omb
soin de les étendre afin qu'elles ne s'édiaufTent pas
tragon sera fané, mettez-le dans la cruche avec le
ajoutant un petit nouet de clous de girofle et les 2
citrons; puis vous boucherez bien le vase, que vou
l'ardeur du soleil pendant quinze jours, ou bien vi
deux ou trois fois dans le four, après que le pain
retiré. Vous pourrez après cela vous en servir. 11 «
mettre du sel, ainsi qu'on a coutume de le faire. V(
votre vinaigre, c'est-à-dire que vous le tirerez à clai
merez les feuilles d'estragon, et vous passerez It
papier gris ou à la chausse de futaine, comme il est
le verjus (V. Verjus); ou bien prenez un grand lan
lequel vous mettrez un rond de papier gris, fo
feuilles étendues l'une sur l'autre, de manière à o
fond du tamis et à dépasser ses rebords de deux à
1
II26 VIOLETTE.
demie; les zestes de deux citrons, le zeste d'une bergamote ou
d'un cédrat, et finalement une douzaine de clous de girofle con-
cassés. Mettez le tout dans une cruche de grès ou de terre qui ne
soit pas vernie, avec six pintes de bon vinaigre blanc d'Orléans,
le plus fort possible. Faites macérer cet appareil et laissez infu-
ser le tout ensemble environ dix-huit ou vingt jours, au bout
duquel temps vous aclièverez ce vinaigre aromatique ainsi qu'il
est indiqué ci-dessus pour le vinaigre à Testragon.
Vinaigre du connétable. — Dans un pot de terre verni, de
la capacité de trois pintes, mettez deux pintes d'excellent vinaigre
rosat, une livre de raisin d'Alexandrie nouveau que vous épe-
pinerez avant de le mettre dans le vinaigre ; vous exposerez ce
mélange sur de la cendre chaude, l'espace de dix heures; après
ce temps, vous lui ferez jeter quelques bouillons; quand il
sera à moitié refroidi, vous le passerez au travers d'un linge;
versez-le ensuite dans des bouteilles propres que vous boucherez
bien.
Vinaigre à la rose pour la toilette. — Le procédé est le
même que pour celui à l'estragon, flétri à l'ombre ; seulement, au
lieu d'estragon vous mettrez la même quantité de fleurs de roses
épluchées et séchées. En place d'un nouet de girofle vous mettrez
un chapelet de racines d'iris de Florence bien sèches; quand
votre vinaigre sera fait, vous pourrez faire resservir plusieurs
fois le chapelet en le faisant sécher après que vous vous en serez
servi.
Vinaigre de lavande pour la toilette, — Procurez-vous un
pot comme on vient de l'indiquer, et selon la quantité que vous
voudrez avoir de vinaigre. Vous mettrez deux onces de fleurs de
lavande nouvelle, et quelques zestes de citron par pinte de
vinaigre; vous laisserez infuser le tout pendant vingt-quatre
heures. Exposez votre vase bien lu té sur de la cendre chaude;
laissez-le pendant huit ou dix heures, mais sans le faire bouillir ;
passez ensuite à la chausse ou au filtre de papier gris , et
conservez ce vinaigre dans des bouteilles hermétiquement bou-
chées.
VIOLETTE. — Fleur dont le nom éveille le plus d'idées
printanières ; qui dit violette, dit ombre, dit fraîcheur, dit modes-
VIOLETTE.
tie, dit ruisseau courant dans les herbes. Il n'
fût-il erotique comme Parny, fût-il romantiqi
qui n ait trouvé le nom de violette au bout de
nom doux et parfumé. Le bleuet, ce charman
ne vient qu'après la violette dans la série po
champêtres. Vivante, elle est destinée à orne
jeunes filles; morte, elle prête son arôme ai
liqueurs, aux sorbets, aux conserves, et aux au
de Toffice,
Les glaces aux violettes sont une des cl
estimées des friands.
Glace aux violettes. — Epluchez des fleur
vous pilerez au mortier de verre avec du sucre,
peu d'iris de Florence en poussière impalpal
appareil à la sabotière, servez en tasses, en
violettes pralinées sur votre sorbet.
Marmelade de violettes. — Faites cuire du
plume ; étant à moitié chaud, délayez-y de la
passée au tamis : il faut une livre et demie d<
demi-livre de violettes.
Sirop de violettes. — Quel est le vieillard,
âge, et si près de la tombe qu'il soit arrivé, qui
extrémité de l'horizon sa mère s' approchant de
tasse fumante à la main, et approchant de sa 1
parfumée? Cette liqueur parfumée, c'était du s
Epluchez une demi-livre de fleurs de vie
bois sont les meilleures), mettez-la dans une
vase susceptible d'être bouché ; vous ferez boi
setiers d'eau, et ne mettrez l'eau sur vos violette
après que vous l'aurez retirée du feu, parce qu
qui doit être d'un beau violet, serait verte si 1
dessus trop bouillante; vous mettrez votre in
pour qu'elle se tienne chaude jusqu'au lendem;
retirerez la fleur en exprimant bien le tout ds
pour en retirer la teinture ; vous la mettrez dans
trois livres de sucre en poudre que vous y fei
remettez encore la terrine à l'étuve pendant vinf
II28 VIVE.
en remuant de temps en temps ; tenez Tétuve chaude pendant
tout ce temps, comme pour le candi, cela vous produira deux
bouteilles de sirop; vous aurez attention, avant de le mettre en
bouteilles, d en opérer la cuisson, qui doit être au fort lissé pour
qu'il se conserve et qu'il ne fermente point : de tous les sirops,
c'est le seul qui se fait sans aller au feu.
VIRGOULEUSE. — Poire d'automne à laquelle toute cuis-
son réussit mal, et qui par conséquent doit être mangée crue,
étant excellente ainsi.
VIVE. — La vive est la terreur des pêcheurs de la Manche.
Ce poisson est armé sur le dos, ainsi qu'aux ouïes, de plusieurs
arêtes infiniment aiguës, dont on ne saurait assez se garantir en
la tirant du iilet, ou en la préparant. S'il arrive qu'on en soit
piqué, il faudrait commencer par faire saigner la plaie, et finir
par la frotter avec un espèce d'onguent composé d'un oignon
qu'on pèlerait avec le foie de la vive, et où l'on ajouterait du sel
et de l'esprit-de-vin : c'est le spécifique employé dans toutes les
familles riveraines de la côte de Cherbourg et de Bartleur.
Vives à la maître d* hôtel. — Tranchez les formidables arêtes
du dos hirsute des vives, videz-les, lavez -les, ciselez-les légère-
ment des deux côtés, faites-les mariner dans l'huile avec du
persil et du sel, placez-les ensuite sur le gril, et après leur
cuisson dressez-les sur le plat, masquez-les d'une sauce à la
maître d'hôtel ou d'une sauce sur laquelle vous aurez fait pleu-
voir une grêle de câpres, comme dit Hugo.
Vives à la normande, — Préparez des vives ainsi qu'il est dit
à l'article ci-dessus, coupez-leur la tête et la queue, piquez-les
avec des filets d'anguilles et d'anchois, faites-les cuire ensuite
dans une casserole avec du beurre et du persil, des carottes, des
oignons, un clou de girofle, laurier et basilic ; mouillez avec du
vin blanc après cuisson, passez la sauce au tamis dans une casse-
role, à cette sauce ainsi tamisée joignez du beurre manié de •
farine, faites cuire et liez le tout ensemble, dressez les vives sur
le plat et masquez-les avec cette sauce, sur laquelle vous expri-
merez un jus de citron.
Vives à la bordelaise, — Préparez comme ci-dessus, faites
cuire dans une casserole avec vin blanc, oignons, carottes, persil.
VUILLEMOT.
laurier, sel, après cuisson dressez, masquez d'une
servez,
VOLAILLE. — Il est bon de recommander
basse-cour, et à la cuisinière, de ne jamais tuer la i
' dant que son estomac est rempli (celui de la volai
soin aussi de ne jamais la renfermer lorsqu'elle
volaille toujours), avant quelle ne soit devenue rigid
Pour engraisser les chapons, les poulardes,
enferme dans un poulailler bien clos qui abonde (
froment, et où l'on a soinde leurdonner de l'eau etil
de temps en temps. En Normandie et dans le Maine
pour fournir à Paris les plus rines poulardes et
chapons, on les met dans des cuves couvertes d'ui
les nourrit avec de la pâte de millet, d'orge ou ■
trempe ces morceaux de pâte dans du lait pour h
chair délicate et blanche; dans les commencements >
donne pas abondamment, afin de les accoutumer à
ture, et de jour en jour on augmente en les obligea i
autant qu'ils peuvent en contenir; trois fois pa
empâte : le matin, à midi et le soir; on engraisse
les dindons de la même manière avec les aliments
viennent le mieux, et qui sont ordinairement di
maïs et des pommes de terre que l'on a fait boni I
farine d'avoine et du babeurre.
VOL-AU-VENT. — Pâté chaud dont l'abaiss
doivent être feuilletées; le contenu en ris de ve
poulet, en blanc de volaille, en champignons (voir ,
VUILLEMOT (Dknis-Joseph), cuisinier f i
Crépy, en Valois (Oise), vers i8ir, d'origine angli
paternel était membre du Parlement, son grand-
II30 VUILLEMOT.
il vint à Paris et entra chez M. Véry, du Palais-Royal, ami de
son père, où il resta deux ans, après lesquels il entra dans h
maison du roi sous les auspices de MM- Pierre Hugues et Des-
monay, de la maison royale, vieux amis de la famille Viiil-
lemot.
Plus tard, Vuillemot brûlant du feu sacré, rencontra l'il-
lustre Carême, devint son élève et son ami et acheva par lui sod
éducation culinaire.
En 1837, Vuillemot prit rétablissement de son père àCrépy;
en 1842, il acquit Thôtel de la Cloche, à Compiègne, et s'associa
à M. Morlière, et ils restèrent quinze ans ensemble dans un
parfait accord.
£n l'année 1842, il fit les grands dîners commandés parle
duc de Nemours, après la mort de son frère, au retour du camp
de Chàlons. A cette époque, j'eus l'occasion de retrouver Vuil-
lemot. Je l'avais connu à Crépy, chez son père. A mon retour
d'un voyage de Lille avecDujarrier et quelques amis, je le revis à
l'hôtel de la Cloche, et voici comment :
Harassé de fatigue et mourant de faim, j'interpellai vive-
ment en ces termes : « Holà ! n'y a-t-il pas à nous servir des roues
de cabriolet à l'oseille, et des manches de couperet à la Sainte-
Ménehould^)) Vuillemot, qui n'était pas en retard de réplique et
qui, par son guichet, venait de me reconnaître, dit : <( Monsieur,
il ne nous reste plus que des côtelettes de tigre et du serpent à
la tartare. » Sur ce, je reconnus mon Vuillemot, celui-là même
dont les saillies m'amusaient dans la maison de son père; je
lui tendis la main, et l'intimité ainsi scellée à nouveau ne l'em-
pêcha pas de faire acte de cuisinier accompli.
A partir de ce moment amical et gastronomique, mes rela-
tions avec Vuillemot se sont continuées, et je me souviens avoir
été témoin au mariage de sa fille aînée, fètes nuptiales qui furent
pour moi les fêtes de Comus, suivies de si parfaits loisirs, à Com*
piègne, que, au milieu de ces hôtes qui fêtaient ma bienvenue,
je terminai mon Monte-Cristo.
Ce roman fut achevé à Pompadour, propriété de FÉtat, que
hante encore l'ombre de l'illustre marquise , et que venaient de
louer Vuillemot et Morlière.
VUILLEMOT. 1131
C'est en 1854 qu'eut lieu le glorieux épisode des langues de
lapin. Je laisse Vuillemot le conter lui-même d'après la lettre
qu'il m'écrivit à ce sujet :
« Cher et illustre maître,
(( Vous voulez des renseignements précis sur le nouveau
mets dont vous entendez parler et dont Tétrangeté pique votre
curiosité. C'est une recette et une anecdote. Je vous envoie l'une
et l'autre. D'abord la recette :
« RECETTE POUR LANGUES DE LAPINS DE
GARENNE. — Prenez soixante langues de lapins pour six per-
sonnes. Vous me direz : Où prendre soixante lapins et pour en
tirer les langues? Le fait ci-dessous vous prouvera, cher maître,
que l'on peut se les procurer. Je dis donc, prenez soixante
langues de lapin, blanchissez -les, rafraîchissez -les, enlevez la
peau de dessus; faites une bonne mirepoix, ajoutez- y vos
langues ; mouillez avec une cuiller à pot de bon consommé, un
verre de Madère, un demi-verre de vin blanc. Couvrez le tout
d'un papier beurré et braisez-les ; ajoutez à la cuisson quatre
belles truffes; une demi-heure après, dès qu'elles sont cuites,
passez le fond, ajoutez un peu de bonne espagnole, réduisez votre
sauce à demi-glace, passez-la à Tétamine; ajoutez à votre sauce
vos langues parées ; coupez les truffes en forme de langues, des
champignons, des quenelles de volaille, même forme; un jus de
citron. Mettez au bain-marie, faites une caisse en papier, huilez-
la, faites-la sécher, et dressez votre ragoût dedans. »
« Voici maintenant en quelles circonstances cette recette
reçut une éclatante exécution :
« En 1854, à l'hôtel de la Cloche que je tenais à cette
époque, j*étais adjudicataire des lapins de la forêt de Compiègne,
et tous les jours on détruisait une partie des lapins, que j'en-
voyais à la Vallée.
« Le prince Edgard Ney, M. le marquis de Toulongeon, le
général Fleury, M. le baron Lambert, se trouvaient à mon hôtel.
Il me prit l'idée de leur faire une surprise pour leur dîner, pen-
ina VUILLEMOT.
sant bien que les acheteurs de lapins ne regarderaient pas dans
le bec du lapin s'il possédait une langue ou non. Je coupai
quatre cents langues sur huit cents que j'avais, et je me livrai à
la préparation culinaire ci-dessus formulée, en ayant soin de
faire une caisse fermée comme surprise.
« J'avais proposé à ces messieurs que si l'un d'eux trouvait
le moyen d'ouvrir la caisse sans déchirer le papier et de\inait
ce qui composait le mets, il gagnerait un pâté de faisan truffé.
M. le marquis de Toulongeon devina le contenu et ouvrit la
caisse.
« Le pâté promis lui fut envoyé jen son hôtel.
(( Veuillez agréer, cher et illustre maître, etc., etc.
<( VuiLLEMOT. »
Vers 1863, à mon retour de Tiflis, je reçus la visite de
Vuillemot, qui m'informa qu'une ovation m'était faite par mes
amis, mon fils en tête, sous forme d'un banquet, où devaient se
trouver Méry, Grisier, Roger de Beauvoir, Léon Bertrand, Noël
Parfait et autres amis du bon temps. Le banquet eut lieueneftt
au restaurant de France, place de la Madeleine, que venait de
prendre Vuillemot.
Le repas fut tel, que, pour témoigner ma gratitude j'o3ris
à mon hôte un couteau acheté par moi à Tiflis, qui portaitgravé
sur la lame : oâlexandre Dumas à son ami Vuillemot. Une par-
ticularité exquise du menu était qu'il contenait, sous forme culi-
naire, depuis le potage jusqu'au dessert, la liste de mes princi-
pales créations.
Voici, autant que je me le rappelle, le menu de ce dîner
littéraire :
Menu du dîner offert à oAlexandre Dumas à son retour
de Russie, — Septembre i86g.
Hors-d'œuvre divers.
Potages,
X la Buckingham.
Aux Mohicans.
Relevés,
Truite à la Henri III.
Homard à la Porthos.
Filet de bœuf à la >f oiite-Cristo.
J
VUILLEMOT.
RoK.
FaisaiiK, perdreaux, cailles, bécasses.
Entrimets.
Aux Mousquetaires.
Petits pois aux Frères corses,
Ecrev-isses ù la d'Artaguaii.
Bombe à la daroe de Monsoreau.
Crème à la reine Christine.
Salade à la Dumas.
Vase d'Aramis.
I Gâteau à la Goreiifl<
Corbeille de fruit <
Jsle.
Dessert assorti.
Vin
Xérès Amoiitillado,
Uffitte , Clos-Vo
premier service.
Champagne, Pomni
MoËt frappe,
Chypre, Constance
Quelques années après, Vuillemol essaya df
affaires; c'tlait donner un demenii à son génii
aussi je ne fus point surpris de recevoir une leltrt
à une crémaillère pendue par Viiiltemot à Saint-'
Il avait voulu se retirer comme un simple i
charmant petit pays ; mais, Y Hôtel de la Tête noit -.
à vendre, il en avait fait l'acquisition. Le ciiisi :
rendu et le dîner qu'il nous donna était de natur .
ver que la main de VuilJemot n'avait pas faibli ni
dons naturels et son intelligence culinaire.
Dans ce dîner se retrouvaient, comme ci
attendre, les notabilités littéraires, qui avaien
groupe autour Je lui.
Cela n'a rien de surprenant : pour se tie i
l'art de la cuisine, il n'est tels que les hommes d
tués à toutes Ifs délicatesses, ils savent apprécier
sonne celles de la table : témoin les Brillat-Sava
de la Reynière, les Monselet, etc.
Avant de terminer, c'est une dette pour m i
l'excellent Vuillemot pour les indications préci
I
M}4 VUILLEMOT.
comme nous l'avons prouvé, je crois, à celles de toutes les autres
nations civilisées.
N'oublions pas de dire que, si la France possède des vins
excellents et délicats, Vuillemot m'a prouvé plus d'une fois qu'il
était aussi bon dégustateur que bon cuisinier.
w
"WATTER-FrSH. — Sorte de court-bouillon h:
WELCH-RABBIT (lapin gallois). —Espèce de
glaise. Faites avec de la mie de pain des tartines qu ;
griller de belle couleur; ayez du fromage anglais i
ou d'une espèce analogue; coupez-en de petits m i
vous ferez fondre avec un peu d'eau dans une timbal .
du poivre de Cayenne; étendez sur ces rôties le froi i
glacez-les avec une pelle rouge (mais en la tenant à .
mettez délicatement sur chacune de ces rôties un pe
frais avec un scrupule de moutarde anglaise.
"WERMUTH. —Vin de Tokay, de Saint-' ;
Ratterstoff, ou autres vins de Hongrie qu'on mêla
l'extrait d'absinthe et dont on use au commencemet :
WHITE-BAIT. — Le jvhite-bait, poisson blan
sûr un des mets les plus populaires de Londres. Je
avoir ëté invité, sans autre motif qu'une invitation o ;
un de mes amis qui arrivait de l'Indre, à venir
white-baït à Grennisch.
Je trouvai l'invitation si originale que je m'y r ;
diatement.
Le white-baït est un tout petit poisson qi i
yanchette en Italie, pontin à Nice et tout simplei i
iij6 \VHITE-B\IT.
tour de poisson. Je fus curieux d; voir comment on préparail ce
mets qu'on venait manger de deux ou trois cenis lieues.
On lavait des poignées de poisson dans de l'eau glacée, on
les étalait sur un linge, on les égouttair et on tenait ce linge sur
la glace pendant vingt minutes. Au moment de servir on roulait
les poisions dans de la mie di^ pain, on les mettait dans une ser-
vietle avec une poignée de farine, on prenait la serviette par les
deux bouts en la serrant et secouant livement pour faire passer
d'une seule avalanclie dans une passoire en ril de fer, assez étroite
pour Tii laisser passer quj la farine; on agitait cette passoire et
on la plongeait avec 1j poisson dans une friture très-chaude, une
minute de cuisson suffisait. Quand le poisson était de belle cou-
leur, on l'enlevait avec la passoire, on le saupoudrait de sel et
d'un peu dt poivre de Cayenne, puis on le dressait en buisson sur
une serviette pliéc et on l'envoyait aussilôl.
Je regrette de ne point avoir gardé la carte de ce dîner cora-
posj de quarante-huit plats, douze de poissons, et assaisonnés
chacun d'une façon particulière.
X
XERES, — Vin liquoreux qu'on récolte
dont nous avons suffisamment parlé dans notn
vins étrangers.
z
ZANDER. — Le zander est un poisson commun dans tout
le nord de l'Europe. II y en a deux espèces : les uns vivent
uniquement dans les lacs et les grands fleuves, les autres dans la
mer, mais non loin de l'embouchure des fleuves. Il est connu
sous difFérents noms : en Russie on l'appelle soudac, dans l'Alle-
magne du Sud on l'appelle schills. En Prusse les Zanderssont
très-abondants et généralement de qualité parfaite, ceux sur-
tout qui sont péchés dans les grands fleuves.
La chair du zander a quelque analogie avec celle du milkn
de la Méditerranée.
ZESTE. — On nomme ainsi Tépiderme jaune de l'écorce
des citrons, des oranges et des cédrats : on la lève en tranches
minces; l'huile essentielle à laquelle les fruits de ce genre
doivent leur arôme, réside spécialement dans le zeste ; le blanc
qui est en-dessous en est complètement dépourvu d'ailleurs, il
est d'une amertume assez désagréable, et c'est pourquoi on
recommande toujours de l'en séparer avec soin.
ZUCHETTI. — Ragoût italien où les oranges et les courges
entrent comme principal élément.
FIN.
ï
MENUS.
HUIT MENUS
II40
MENUS.
lÉTÉ.
MENU DE SIX COUVERTS.
Beurre, radis, olives, anchois, me-
lons.
Potage à la Germiny.
Filet de maquereau à la dieppoise.
Longe de veau glacée, garnie à la jar-
dinière.
Escaloppe de lapereau au sang.
Dindonneaux nouveaux.
Salade romaine.
Ecrevisses à la bordelaise.
Napolitain garni de crème de cer-
neaux.
Dessert.
MENU DE QUINZE A VINGT COUVERTS.
Hors'd*œuvre,
Melon, saumon fumé, canapé, beurre.
Deux potages.
A la Demidoff.
A la princesse.
Deux hors-^auLvrt chauis.
Soufflés à la reine.
Bâton de Charles VII.
Deux grosses pUces»
Tortue à la Victoria.
Agneau du Gard, garni de croustades
Sou bise.
Quatre entrées.
Filet de poularde à la maréchale.
Filet de lapereau à la Conti.
Laitance de carpe suprême aux truffes.
I
I
I
Salade à la Bagration.
Sorbet au marasquin.
Granit au Champagne.
Rats.
Chapons du Maine.
Pluvier et guignard sur canapé.
Deux salades.
Entremets,
Asperges en branches.
Petits pois à l'anglaise.
Timbale de fraises au Champagne.
Pain de pomme à la Pompadour.
Deux pièces de pâtisserie.
Gâteau vénitien aux avelines.
Sultane à la crème d'ananas.
Dessert.
(Ce dîner peut se servir à la rusK-)
AUTOMNE.
MENU DE SIX COUVERTS.
Hors-d^œuvre,
Melons d'Espagne, huîtres d'Ostende,
saumon fumé, caviar.
Deux potages,
A la princesse.
Au nid d'hirondelles.
Deux grosses pièces.
Coquilles de homard.
Rissolée à l'italienne.
Turbot garni de laitance de carpe.
Trompe d'éléphant, garnie d'holotba-
ries et de squales de requin à U
Hong-kong.
Quatre entrées.
Filets de perdreaux, purée de gibier.
Cailles à la bohémienne.
Escaloppes de foie gras aux truffes.
Darle de saumon belle vue.
Sorbet au rhum.
Punch à la romaine.
Deux rôtis,
Black-coq et gross.
Bécasses flanquées d'ortolans .
Deux salades.
Entremets,
Cardons à la moelle.
Fonds d'artichauts aux queues d'écre-
visses.
Pudding à la Victoria.
Croustades à la Fontange.
Deux pièces de pâtisserie.
Gâteaux feuilletés à la Chantilly.
Croquenbouche praliné.
Dessert.
(Ce dîner peut se servir à la russe.)
MENU DE QUINZE A VINGT COUVERTS.
Hors^'œuvre,
Beurre, radis, royans, harengs mari-
nés.
Potage à la milanaise.
Barbue à la portugaise.
Quartier de mouton à la Cradock,
purée bretonne.
Bécasses sur canapé.
Salade russe.
Ravioli à la milanaise.
Pudding à la Nesselrode.
Dessert.
HIVER.
MENU DE SIX COUVERTS.
Hors-d'œuvre.
Canapé, pantarde, huîtres marinées,
caviars, langue de buffle.
Deux potages.
De tortue.
Au grand veneur.
Deux hors-d'œuvre chauds.
Petit pâté à la Monglas,
Friture italienne.
Deux grosses pièces.
Esserlet garni d'ogourcies à la Dolgo-
rowsky.
Dindonneau truffé à la Périgueux.
Quatre entrées.
Filets de bécasses à la Moncey.
Filet de poularde à la Mazarine.
Croustade garnie de mauviettes.
Pain de foie gras à la gelée en cerise.
Sorbet marasquin.
Punch glacé.
Deux rôtis.
Faisan de Bohème flanqué d'ortolans.
Chevreuil sauce Corinthe.
Deux salades.
Entremets,
Asperges en branches.
Truffes serviettes.
Plum-pudding à la Northumberland.
Charlotte de pommes glacées à la
polonaise.
Deux pièces de pâtisserie.
Génoise aux abricots.
Nougat parisien à la Chantilly.
Dessert.
(Ce dîner peut se servir à la russe.)
1143
MENUS.
MENU DE QUINZE A VINGT COUVERTS.
Hors-d^etavre,
Caviars du Volga, pantarde, saucis-
son.
Potage à la Condé.
Laitance de hareng en caisse.
Côtelette de mouton à la provençale.
Poularde truffée a la Périgueux.
Salade de pommes de terre et haricots.
Entremets,
Choux de Bruxelles garnis de marrons
glacés.
Poulinte à la milanaise.
Biscuit glacé praliné.
Dessert.
SEPT MENUS
DE LA MAISON-DORÉE,
MENU D'UN DINER DE QUINZE PERSONNES
OFFERT PAR M. ALEXAXDRB DUMAS, EN
Deux potages.
Consommé de volaille.
Tortue.
HorsSotuvre,
Petites timbales de nouilles au chas-
seur.
Deux relevés.
Saumon Chambord.
Filets de bœuf financière.
Deux entrées.
Mauviettes en caisse aux truffes.
Suprême de volaille.
LA M AISON-DOR^B y LE lO KOVBMBRE
Rôtis,
Cailles, perdrix, ortolans.
Haricots verts sautés.
Gelée noyaux, garnie d'abricots.
Dessert,
Fruits de saison.
Vins,
Premier service : Saint-Julien et Ma-
dère.
Deuxième service : Château -Larose,
Corton, Qos-durRoi.
Troisième service : Champagne, Cli-
quot, Château-Yquem.
MENU D'UN DINER DE DOUZE COUVERTS
OFFERT PAR ALEXANDRE DUMAS, BN LA MAI SOir-DOR^B , LB 15 JANTIBB
Huîtres ostendes et maroines.
Deux potages.
Croûte au pot.
Bisque.
Un relevé.
Turbot, sauce crevette, garni d'éper-
lans frits.
Deux entrées,
^Culotte de bœuf au Madère.
Filets de canard sauvage purée de
gibier.
Deux rôtis.
Dinde truffée.
Bécasse des Ardennes.
Entremets.
Asperges en branches.
Biscuit glacé.
Dessert.
Fruits de saison.
J
MENU D'UN DINER.
DoiX potegti.
Printanier aux œuis pocbét.
Saint-Germain.
Un reUvi.
Truite taumonée géaevoite.
Qu^rc eruriei.
Câtelsttes d'agneau pointes d'asperge*.
Ris de veau petits pois.
Poulet sauté bordelaise.
Mayonnaise de homard.
ilôt;.
Caneton de Rouen.
Quatre entrt.
Asper^S en branchei,
Haricots verts nouve:
Plombière dans une c:
Gelée d'ananas.
Dtssen
Fruits de saison.
Vins rott{
Bordeaux et Bourgogri
Vint bla. ■
Clos Saint-Robert (Pi
Chanipagne Saint-.
MENU D'UN DINER DE VINGT-QUATRE (
Deux potages.
ConBommé à la Royale.
Bisque d'écrc visses.
Quacrt hors~d"auvri.
Bouchées à la Moiiglas.
Deux relevés.
Saumon à l'anglaise sauce ho,
Roasibeef à la Saint-Florentin.
Deuxjans.
Timbale à la milanaise.
Noix de veau jardinière.
Côtelettes de
marrons.
Homard sauté borde <
Chartreuse de cailks
Galantine de volaille
Dindonneau et ortol
Suisson d'écre visses.
Petits pois à la fran; i
Haricots verts sauté
Bavaroise d'amandei |
Gelée d'or garnie dt .
Vesst
Fruits de saison.
MENU D'UN SOUPER DE DIX COUl
Dix
d'hui
CoQSommëa aux oeufs pochés.
Filets sole anglaise.
Cûteletce d'ageau pointes d'asperges.
Poularde truffée.
Salade de légumes
Glace au café.
Compotes mandarii
Corbeille de fruits.
II44
MENUS.
MENU D'UN SOUPER DE DOUZE COUVERTS.
Huîtres de Marennes, citron.
Hors-d^etuvre,
Beurre, thon, crevettes.
Entrées,
Grenadin de filets bœuf Madère.
Filets poularde, truffes.
Pihce froide.
Galantine de perdreaux gelée.
Entremets.
Asperges en branches,
Ponunes au marasquin.
Dessert de saison.
MENU D'UN DEJEUNER DE CHASSEUR.
Bœuf en daube à la gelée.
Fricassée de poulet froide.
Terrine de cailles et bécassines.
Salade de légumes.
Brioche.
Fruits.
Vin,
Chablis, Bordeaux, Champagne Cli-
quot.
SIX mEV^US "DRESSES ToA^ m. SMo^GViY,
RESTAURATEUR.
MENU D'UN DEJEUNER DE DEUX COUVERTS.
Huîtres d*Ostende.
Beurre.
Deux côtelettes de pré-salé, purée de
marrons.
Sole au vin blanc.
Deux cailles rôties.
Ecrevisse à la bordelaise.
Fruits assortis.
Café et liqueur.
Vins de Chablis-Moutonne, Corton,
demi-Rœderer.
MENU D'UN DINER DE QUATRE COUVERTS.
Huîtres de Marennes.
Beurre et crevettes.
Potage à la bisque d'écrevisses.
Truite, sauce à la hollandaise.
Filets à la Rossini.
Bécasse flanquée d'ortolans.
Cardons à la moelle.
Parfait au café.
Corbeille de fruits.
Café et liqueurs.
Vins de Sauterne, Sur, Salme, Léo-
ville, Las-Casco, Richebourg, Oi-
quot frappé.
MENU.
Potage,
Parme ntier.
Poisson.
Filets de sole vénitienne.
Poulet à la chasseur.
Côtelettes d'agneau aux pointes d'ai-
perges.
Bécasses flanquées de mauviettes.
MENUS.
Haricots verts maître d'hôtel.
Cèpes à la bordelaise.
Gâteau de Compiègne au kirsch.
Crème bavaroise au c
Ramequins au froma^
Glace à l'orange.
MENU.
Potaçe.
Faubonne aux quenelles.
Poisson,
Filets de sole à la dieppoise.
Entrées.
Crépinettes de gibier à la Custine.
Côtelettes d'agneau aux concombres.
Relevé,
Selle de mouton duchesse.
Bot.
Dindonneau au cressc
Entremet
Asperges à la hoUand-
Abricots à la Bourdal ;
Gelée macédoine au i.
Relevé ,
Pailles à la Sifton.
Biscuit glacé aux ave
MENU.
Potage.
Vermicelle au consommé.
Poisson,
Sole à la Colbert.
Pieds de mouton à la poulette.
Poulet de grain rôti.
Choux de Bruxelles i i
Beignets de pommes.
Mendiants.
Fromage.
MENU.
Potage.
Tortue liée à l'anglaise.
Printanier à la royale.
Poissons,
Filets de Saumon à la Daumont.
Turbot sauce homard et hollandaise.
Entrées.
Friantines à la Talleyrand.
Cailles à la bohémienne. ^
Côtelettes d'agneau à la Maintenon.
Relevés,
Filet de bœuf à la Richelieu.
Poulardes à l'africaii i
Rôti
Levrauts.
Canetons.
Entren ,
Pois à la française.
Artichauts espagnol
Soufflé mousseline :
Pains de fruits mos< :
Relei I
Talmouses au from ;
Bombe à la cardina
n
1146
MENUS.
HUIT MENUS
"DRESSÉS Tc47^ m. VVILLE^QT,
DE LA TÈTE'NOIRE {Saint^Cloud).
PRINTEMPS.
DINER DE HUIT COUVERTS
(MENU DE SURPRISE POUR HUIT PERSONNES, DONT QUATRE SURVENUES
INOPINÉMENT).
j Potage croûte au pot
Hors-à'œuvre,
, Radis, beurre, sardines.
, Bœuf garni de carottes nouvelles.
Rognons glacés.
Tourte au godiveau à l'ancienne.
Pigeons de volière à la broche.
Friture de goujons.
. Salade de laitues aux œufs.
Dessert,
Brioche (milieu), fromage crèms,
fraises ananas (de serre), noureautéS)
mendiants, pommes de calville.
Vins,
Madère, Bordeaux, Saint- Émilion,
Volnay, Champagne, Pommery et
Greno.
Café, cognac, fine Champagne, li-
queurs.
DEJEUNER DE HUIT COUVERTS.
Hors-^ oeuvre,
.Radis, beurre, huîtres d'Ostende,
canapés d'anchois.
Matelote marinière, carpe et an-
guille.
. Côtelettes de mouton panées , sauce
piquante.
-Poulet nouveau rôti, cresson.
Salsifis frits.
Salade chicorée sauvage.
Dessert,
Profiteroles au chocolat, fromag«
roquefort, poires Saint-Germain,
mendiants, biscuits de Reims.
Vins.
Chablis, Saint-Émilion, Chamberdn.
Café et liqueurs.
DINER DE DOUZE COUVERTS
(MENU DE surprise).
Potage tapioca.
Hors-d'œuvre divers.
Relevés.
. Saumon à la hollandaise.
, Pommes de terre nature.
Aloyau braisé glacé.
^ Laitues à la priiitanière.
Entrée,
Pieds de veau à la Custiae.
Rots.
Poulets bordés au cresson.
Salade de romaine.
Entremets.
Choux-fleurs au parmesan.
i
MENUS.
"47
Charlotte russe glacée.
Dissent,
Nougat) fromage de Brie, petits-fours,
salade d'oranges, marrons rôtis au
cognac.
Vins,
Sainte-Estèphe, Xérès, Pomard, Cham-
pagne : Moët frappé.
Café, cognac, fine Champagne, cura-
çao de Hollande, chartreuse.
DEJEUNER DE DOUZE COUVERTS.
Hors-â'auvre.
Beurre, radis, crevettes, olives.
Homard à l'américaine.
Rognons de mouton sauté, vin
Champagne.
Canetons de Rouen aux croûtes.
Asperges en branches à la sauce.
Salade de romaine.
Madeleine glacée.
de
Dessert.
Gâteau de Compiègne, fromage à la
crème, fraises, amandes vertes,
petits-fours.
Vins.
Sauterne, Fleury-Mâcon , Château-
Léoville, Cliquot rafraîchi.
Café , fine Champagne , crème de
moka, kirschwasser.
DINER DE QUARANTE COUVERTS.
HorS'd^ œuvre.
Radis, canapés d'anchois, crevettes,
olives, thon mariné.
Potages,
Bisque d'écre visses tapioca.
Hors-d^ceuvre variés.
Bouquets de crevettes.
Relevés,
Truite saumonée sauce génoise.
Turbot à la hollandaise.
Filet de bœuf à la régence.
Quartier de chevreuil sauce poivrade.
Entrées,
Bouchées à la reine.
Êpigrammes d'agneaux aux pointes
d'asperges.
Perdreaux à la Périgueux.
Aspic de homard, écrevisses Vuille-
mot.
Rôts^
Sorbets au marasquin, sorbets au
kirsch.
Poulardes aux truffes.
Faisans de Bohème bardés.
Salade de romaine, salade de laitues.
Entremets,
Petits pois à la française, haricots
verts à l'anglaise, turban d'ananas,
gelée à la russe.
Pièces de pâtisserie.
Mille-feuilles, baba, parfait glacé,
bombe pistache.
Dessert,
Corbeille de fruits, fromages, pâtis-
series diverses.
Vins,
Madère, Saint- Julien , Château-
Yquem, Chateau-Margaux, Cham-
bertin, Rœderer frappé.
Café, fine Champagne et liqueurs di-
verses.
II48
MENUS.
ÉTÉ.
DÉJEUNER DE VINGT COUVERTS.
Huîtres de Marennes.
Hors-d^œuvre divers.
C evettes, melon cantaloup.
Relevés,
Pâtés à la Monglas.
Soles normandes.
Entrées,
Poulets Marengo.
Côtelettes d'agneaux pointes d'as-
perges.
Rôts,
Rognon de veau rôti.
Éperlans frits.
Salade de chicorée.
Entremets.
Artichauts lyonnaise.
Haricots panachés.
Madeleine.
Desserts,
Corbeilles de fruits, flans de cerises,
fromage, pâtisserie, petits-fours.
Vins,
Malvoisie, Moulin-à-Vent, hautSao-
terne, Château-Latour, Champagne
rafraîchi.
Café, fine Champagne , anisette Ma-
rie Busard, rhum Jamaïque.
DINER DE VINGT COUVERTS.
Hors-d*œuvre divers. Melons.
Potages»
Julienne, vermicelle.
Relevés,
Truites en barils, sauce Chambord.
Selle de mouton rôti aux oignons
glacés.
Entrées,
Canetons à l'orange.
Ris de veau glacés chicorée.
Sorbets au rhum.
Rôts.
Poulets gras rôtis, cresson.
Mayonnaise de homard.
Entremets.
Haricots verts à la crème.
Laitues au jus.
Plum-pudding diplomate.
Dessert.
Fromages, fruits assortis et pattsae-
ries.
Vins,
Malaga, Musigny, Beaune première,
Champagne, Moët frappé.
Café, cognac, fine Champagne, crème
de noyau, genièvre de Hollande.
DEJEUNER DE CHASSE DE VINGT COUVERTS.
Hors-â^œuvre,
Melon.
Pâté de volaille et jambon.
Civet de lièvre à la minute.
Sauté de lapereaux à la chasseur.
Gigot de pré-salé à la bretonne.
Salade.
Crème à la paysanne.
Dessert.
Galette de plomb, fromage, fruits et
petits-fours.
Vins.
Chablis, Fleury, tisane Champagne.
Café, cognac, fine Champagne.
DINER DE CHASSE DE VINGT COUVERTS.
Potage à la paysanne.
Hors d'œuvre divers.
RtUvL
Barbue fines herbes.
Quartier de chevreuil poivrade.
Filets de lapereaux bigarrés aux truffes
en caisse.
Cailles à la Maintenou.
Rôts.
Faisans, râles de genêts et grives.
Entremets.
Petits pois, artichauts frits, crème
vanille, flan d'abricots.
Salade.
Dessert.
Gâteau à la Saint-Hubert, jattes de
fruits, fromage de Roquefort et
fromage à la crème, petits-fours.
Vins,
m
Thorins, Madère, Saint- Emilion ,
Chambertin, Champagne frappé.
Café, liqueurs.
DINER DE CENT COUVERTS
Vingt-quatre hors-d' œuvres divers.
Melons cantaloups, radis, beurre,
canapés d'anchois, olives, thon ma-
riné.
Quatre potages.
Potage Colbert.
Sagon au blond de veau.
Bisque d'écrevisses.
Potage Vuillemot.
Quatre relevés de potage.
Saumon hollandaise et génoise.
Jambon d'York aux épinards.
Casserole aux ris à la polonaise.
Filet de bœuf Richelieu,
Seiie entrées.
Deux de bouchées à la reine.
Deux de salmis de perdreaux truffés.
Deux de filets de sole mayonnaise.
Deux d'aspics de filets de volailles.
Deux de cervelles frites, sauce to-
mate.
Deux de ris de veau à la Monglas.
Deux de bastions d'anguilles.
Deux de chaudfroids de canetons.
Quatre rots chauds et quatre relevés
froids.
Rôts à la Véron (faisans, cailles, bé-
cassine).
Cuissons de coquillages.
Quartiers de chevreuil, sauce poi-
vrade et gelée de groseilles.
Galantines de volaille aux truffes
croûtonnées de gelée.
Sorbets au rhum.
Sorbets au kirsch.
Sei^e entremets.
Deux de petits pois à la française.
Deux d'artichauts à la lyonnaise.
Deux de chartreuses de fruits.
Deux d'abricots à la Condé.
Deux de haricots verts, maître d'hôtel.
Deux de cardons à la moelle.
Deux de blanc-manger au cédrat.
Deux de pudding de cabinet,
Madeleine glacée.
Corne d'abondance.
Corbeille de fruits.
Panaché Chateaubriand.
Baba.
II^O
MENUS.
Fromages»
Roc^oeÊut) Brie.
Quarante assiettes assortkt.
Fruits confits, pâtisseries, petits-fbar»)
fruits secs, marrons.
Vins,
Madère, Saint-Emilion, Voluay, Ma-
laga, Château-Léoville, Qiamber-
tin, Champagne : Moet firappé.
Cifè y cognac , fine Champagne,
]iq«eim diverses.
HUIT MENUS
"DRESSÉS Tq4% m. 'B%É'BQ4?ir.
PRINTEMPS.
DINER DE HUIT COUVERTS.
Potage printanier.
Hors-d^ctuvre.
Radis, beurre, sardines fraîches.
Petits merlans à la Bercy.
Côtelettes d'agneau aux pommes de
terre nouvelles sautées au beurre.
Poulets de grains nouveaux rôds ao
cresson.
(Eu6i mollets à la purée d'oseille.
Écrevisses en battelettes.
Fromage à la Chantilly.
Dessert.
Fraises (primeur).
DINER DE DOUZE COUVERTS.
Potages,
A la pluche.
A la Saint-Cloud.
Petites andouillettes au céleri.
Grenadins d'esturgeon à l'oseille nou-
velle.
Côtelettes d'agneau jardinière.
Poulets nouveaux à la mariée.
Paupiettes de veau au vin de Cham-
pagne.
Sorbets au kirsch.
Pigeons rdtis bordés cresson.
Éperlans frits.
Salade de romaine.
Pois nouveaux à la bonne femme.
Haricots verts nouveaux , maître
d'hôtel.
Petites tartes aux cerises.
Bombe aux fraises.
Savarin.
Dessert.
DINER DE QUINZE COUVERTS.
Potages,
A la Fombonne.
A la Madelonnette.
Hors-d' œuvre.
Crevettes, radis, raves, olives.
Soles en hâtereaux.
Côtelettes de mouton à l'amoureuse.
Poulets à la villageoise.
Sorbets au kirsch.
Cailles bardées rôties.
Salade de chicorée sauvage.
Asperges en branches (primeur).
(Eufs à la princesse.
Petits biscuits glacés à la poire de
crassane.
Dessert.
MENUS.
1151
HITER.
DINER DE DOUZE COUVERTS.
potage.
Croûtes aox morilles.
Macreuses aux écrevisses.
Petites truitesde rivière à la gendarme.
Culotte de bœuf à la Gascogne.
Riz de veau à la Darmagnac.
Langues de mouton en surprise.
Poularde à la favorite.
Sorbets au marasquin.
Coq de bruyère rôti flanqué |d 'orto-
lans.
Terrine de bécasses aux truffes.
Salade de scaroles.
Choux de Bruxelles rissolés.
Fonds d'artichauts à l'italienne.
Brioche mousseline.
Parfait au café.
Dessert.
DINER DE QUINZE COUVERTS.
Potages,
A la Conti.
A la dauphine.
Hors'd'œuvre.
Cervelas à la Mazarine.
Bouchées aux crevettes.
Carpe du Rhin à la Lireux.
Gigot de mouton de sept heures.
Poulets à la cavalière.
Sorbets.
Perdreaux rouges aux truffes.
Terrine à la flamande.
Salade de barbe de capucin.
R a violes à la génoise.
Epinards nouveaux à la Bertault.
Fondus en caisse à Torange.
Glacé Ceylan.
Dessert.
DINER DE QUINZE OU VINGT COUVERTS.
Huîtres impériales.
Huîtres armoricaines.
Potage Saint- Hubert.
Potage à la marquise.
Turbot à la hollandaise.
Quartier de chevreuil, sauce venaison.
Canetons à la romaine.
Cailles sous la cendre.
Punch glacé.
Deux rôts : un chaud, un froid.
Bécasses et bartavelles.
Cochon de lait au père Douillet.
Laitues braisées à l'espagnole.
Pois à la française.
Glace Victoria.
Pains de la Mecque.
Dessert.
Fruits, raisins, poires, grenades,
oranges mandarines.
DEJEUNER DE DIX COUVERTS.
Boudins de fraise de veau.
Queues de mouton Sainte - Mené -
hould.
Choux farcis à l'ancienne.
Oie à la carmagnole.
Salade mâches, betterave.
(EEufs à la bourguignonne.
Mousse de chocolat.
Fromage de Brie.
Pommes de reinettes grises.
II53
MENUS.
DÉJEUNER DE DOUZE COUVERTS.
Huîtres de Marennes.
Beurre, sardines.
Petites soles en matelote caennaise.
Langues d'agneau grillées, purée de
pois.
(Eufs en poupetons au parmesan.
Charbonnées à la bonne femme.
Pâté de perdreaux (Chartres).
Salade de légumes.
Beignets de pommes.
Dessert.
Confitures d*abricots.
hUIT MENUS DRESSES
^047? LA mAISOV^ TOTEL ET CHABOT
GRENET £T L'HERMITTE, successeurs.
MENU D'UN DINER DE DIX-HUIT COUVERTS
SERVI LE 18 AVRIL 1869 CHEZ S. A. LE PRINCE CANTACVZ&NB.
PRINT
Potage,
Consommé aux quenelles printanières.
Melons glacés.
Relevé,
Truite du lac à la Chambord.
Entrées.
Filet de bœuf à la bouquetière.
Suprême de poulardes aux truffes.
Côtelettes de cailles à la Pompadour.
Petits aspics de homards ravigote.
Punch à la romaine.
EMPS.
Rôts,
Poulets nouveaux truffés, sauce Péri-
gueux.
Timbale de foies gras au Madère.
Entremets.
Salades à la russe.
Aubergines farcies.
Mazarines à l'ananas.
Charlotte parisienne aux pistaches.
Gâteau des Iles.
.Alhambra glacé.
Dessert.
MENU D'UN DINER DE VINGT-QUATRE COUVERTS
SERVI LE a^ MARS l86j CHEZ M. LE BAROR D'EIGHSTAL.
Potages.
Vaudémont.
Consommé aux œufs de vanneau.
Hors-d^ œuvre.
Croustades aux crevettes.
Relevés.
Truites de rivière à la bordelaise.
Filet de bœuf aux truffes.
Entrées,
Filets de canetons aux concombres.
Suprême de bécasses à la braconnière.
Caisse de ris d'agneaux aux pointes
d*asperges.
Chaudfroids de foies gras à la gelée.
Rôts.
Poulardes de la Bresse rôties.
Buisson de crustacés régence.
Entremets,
Asperges en branches.
Petits pois nouveaux à l'anglaise.
Beignets d'ananas à la duchesse.
Gelée californienne.
Dessert.
MENUS.
II5J
MENU D'UN DINER DE SEIZE COUVERTS
SSaVI LS lO JUILLET l8<$7 CHEZ LE COMTE EECHAÏO-DADKAD.
ETE.
Potages
Renaissance, Brunoise.
HorsSeaivrt,
Duchesses de volaille à la crème.
Bouchées à la Toulouse.
Saumon du Rhin à la hollandaise.
Filet de bœuf à la Richelieu.
Timbales de homards à Tindienne.
Jambon de Virginie au Xérès.
Aspics de cailles financière.
Sorbets au cliquot.
Rots.
Cannetons de Rouen rôtis.
'Erartmtts.
Asperges en branches.
Niokys aux truffes.
Suprême d'abricots au madère.
Crèmes diplomatiques au marasquin.
Gâteau ambroisie.
Nélusko glacé.
Dessert.
MENU D'UN DINER DE VINGT COUVERTS
SERVI LE la AOUT l8($5 CHEZ m"** LA DUCHESSE DE RIARIO-SfORZA, A PASSY.
F Otages,
LucuUus, milanaise.
Hors-d*€tuvre,
Caisses d'éperlans au beurre d'écre-
visses.
Cromesquis de foies gras.
ReUvés.
Turbot sauces crème et portugaise.
Selle de présalé à la jardinière.
Entrées.
Côtelettes de volaille Agnès Sorel.
Épigrammes d'agneau aux petits pois.
Timbales d'écrevisses à la bordelaise.
Chaudfroids de mauviettes.
Punchs rosés.
Rots.
Chapons du Mans rôtis.
Jambon de Westphalie à la gelée.
Entremets,
Salades parisiennes aux truffes.
Haricots panachés.
Pèches à la Bourdaloue.
Cardinal d'ananas au Champagne.
Gâteau valaisien.
Spoum glacé.
MENU D'UN DINER DE QUARANTE COUVERTS.
AUTOMNE.
Potages,
Bisque d'écrevisses.
Printanier aux œufs.
Hors'd'œuvre,
Croquettes de volaille à la crème.
Croustade de nouilles aux truffes.
Relevés.
Saumon sauces hollandaise et gene-
voise.
Quartier de chevreuil à la Saint-Hu-
bert.
Entrées
Poulardes à l'écossaise.
7}
IIJ4
MENUS.
Quenelles de perdreaux en surprise.
Timbales de crevettes à la dieppoise.
Chaudfroids d'alouettes à la floren-
tine.
Sorbets aux mandarines.
Punch à l'italienne.
Rôts.
Faisans de Bohême rôtis.
I
Pâtés de foies gras de Strasbourg.
Entrémets.
Salades vénitiennes.
Fonds d'artichauts glacés.
Puddings sou£9és à Torange.
Pains de framboises à la Victoria.
Gâteaux des îles.
Prophète et parfait glacés.
MENU D'UN DINER DE SEIZE COUVERTS.
Potages,
Tortue à l'anglaise.
Consommé aux profiteroles.
Relevé.
Barbue sauce vénitienne.
Filet de bœuf à la hussarde.
Entrées,
Suprême de volailles aux pointes d'as-
perges.
Petites timbales de gibier aux truffes.
Caisses de homards au beurre d'écre-
visses.
Chaudfroids de foies gras.
Sorbets à Titalienne.
Rots.
Chevreuil sauce groseille.
Faisans et perdreaux rôtis.
Entremets,
fiaricots verts nouveaux.
Cèpes à la bordelaise.
Crèmes de patates au malaga.
Suédoise de pommes à l'anisette.
Dessert.
MENU D'UN DINER DE VINGT COUVERTS
SERVI LE 20 FÉVRIER lB6^ CHEZ LE DOCTEUR JOBERT DE LAMBALLE.
HIVER.
Potages,
Croûtes au pot.
Purée de perdreaux à la Beaufort.
Hors-d*auvre,
Crépinettes de gibier.
Petits vol-au-vent à la Monglas.
Relevés,
Carpe du Rhin à la Chambord.
Dinde truffée à la périgourdine.
Entrées,
Filits de perdreaux à la Richelieu.
Gâteaux de volaille à la Tour ville.
Noisettes de chevreuil aux truffes.
Salade de homards à la Bagration.
Punch rosé.
Rots,
Poulardes truffées.
Pâtés de foie gras.
Entremets.
Cardons à la moelle.
Truffes au vin de Champagne.
Petites timbales Sans -souci.
Brioche mousseline à la d'Orléans.
«ENU D'UN DINER DE TRENTE-DEUX COUVERTS
Princanier à la royale.
Viennoise,
Hon-d'auvre
Petites bouchéees à la Cancale.
Caisses à la marquise.
Relevés.
Turbots à l'amirale.
Selles de venaison à l'anglaise.
Poulardes à la Rozolio.
Filets de bécasses à la Favorite.
Quenelles de rougec au velouté.
I Chaudfroids d'alouettes.
Extra.
I Punch à l'ananas.
! Rocs.
\ Faisans truffés sauce Périgueut.
Chapons rdtis au cresson.
Entremit t.
Salade suédoise.
Asperges en branches.
Petits soufflés aux mandarines.
Gâteau Marie-Louise.
IMPRIMÉ PAR J. CLAYE
POUR
A. LEMERRE, ÉDITEUR
A PARIS.
Les portraits ont été gravés par Rajon
et imprimés par Salmon.
ANNEXE
AU
GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE
7}*
ANNEXE AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
Maison Alexandre BORNIBUS
60, BOULEVARD DE LA VILLETTE, A PARIS.
ETUDE SUR LA MOUTARDE
Par Alexandre DUMAS.
Réponse à une lettre anonyme adressée
aux gourmands de tous les pays.
Je reçois parfois de singulières lettres ;
en voici une que j'ai reçue ce matin :
« Monsieur,
« Vous êtes à la fois, dit-on, grand lit-
térateur et excellent cuisinier.
w Vous vous êtes occupé, comme Lu-
crèce, de l'origine des hommes et des
choses.
« Pourriez -vous me rendre Ténorme
service de me dire, chronologiquement,
à quelle époque remonte la moutarde?
tt Ètymologiquement f d'où vient son
nom?
« Botanxquement, à quelle famille ap-
partient la plante?
« Culinairement, quelle est la prépara-
tion que vous préférez?
a Je vous aurai une véritable reconnais-
sance de vous rendre à mon désir. »
Si mon correspondant anonyme, au lieu
de me demander le grand jour de la
publicité, m'avait dit où je pourrais lui
répondre, fût-ce directement, — fût-ce
poste restante, -^ sous un nom en Tair,
— sous une initiale, — sous un nombre
plus ou moins considérable d'étoiles, —
je ne vous adresserais pas cette causerie,
qui n'a, je dois Ta vouer, aucun rapport
avec la mer.
Je suis tellement convaincu, comme
Pic de la Miràndole, que l'on peut parler
avec intérêt de toutes les choses connues
et de quelques autres encore, que je me
rends immédiatement à vos désirs^ sans
trop craindre que les lecteurs s*en plai-
gnent.
Nous allons aborder franchement la
question.
Vous me demandez, cher anonyme, à
quelle époque la moutarde remonte.
Permettez-moi de m'occuper de l'œuf
avant de m'occuper de la poule, de la
graine avant de m'occuper de la plante.
Les Grecs et les Romains, qui ne con-
naissaient pas la moutarde en pot ou en
brique, comme on la vend de nos jours,
la connaissaient en graine, et employaient
cette graine dans les ragoûts, et en pous-
sière avec les rôtis, comme nous y em-
ployons notre moutarde moderne.
Grecs et Romains n'avaient qu'un même
mot pour la désigner, ce qui prouverait
clairement que ce condiment a passé de
la Grèce en Italie, d'Athènes à Rome.
Ils appelaient indifleremment le grain
ou la farine de moutarde sinapis, La mé-
decine a adopté ce mot.
Aristophane et Ménandre ont conservé
dans leurs pièces satiriques la recette
d'une foule de ragoûts dans lesquels en-
trait la farine sinapis,
L'Ancien et le Nouveau Testament par-
lent souvent des grains de sénevé, traduc-
tion française du mot hébreu moutarde.
Dans les sombres imprécations des pro-
phètes contre les royaumes de Juda et
d'Israël, le grain de sénevé joue un grand
rôle comme point de comparaison.
Les Romains des premiers jours l'em-
ployaient au naturel et en poudre dans
leurs repas; mais les Romains de la fin
de la République et de l'Empire avaient
le goût trop corrompu pour se borner à
cette primitive simplicité : ils en firent,
ANNEXE
avec de la saumure de thon, une sauce
appelée la muria.
Puis elle entra pour un dixième ou dou-
iéme dans la confection de cet horrible
mélange appelé le garum, qui se com-
posait des intestins, de la tête et des ouïes
des anchois, des mêmes ingrédients em-
pruntés au maquereau et à la dorade ; on
broyait le tout avec des champignons, du
laurier, du thym, puis on y ajoutait,
quoi?... Personne ne le sait. Rien, peut-
être. Là serait le spirituel de la plaisante-
rie ; et l'on vendait cet horrible mélange
cinq cents francs le litre et demi.
Le goût des Romains pour la viande
de porc devait leur rendre l'emploi du
sinapis de toute nécessité.
Plante, qui vivait 240 ans avant Jésus-
Christ, et qui était contemporain d'En<
nius, de Scipion l'Africain, de Syphax, de
Masinissa et d'Annibal, paraît détester au-
tant la moutarde qu'Horace, deux cents
ans plus tard, déteste l'ail. Son cuisinier,
dans Pseudolus, appelle le sinapis un af-
freux poison, qui ne se laisse pas piler
sans faire pleurer les yeux des pileurs, et
dans TrucuUntus, revenant sur le même
sujet, il fait dire à Astrophius : « Quand
cet homme se nourrirait de sinapis, il
n'aurait pas l'esprit plus maussade et plus
lunatique. »
Pline l'Ancien, le même qui fut étouffe
pendant une éruption du Vésuve par le
sable qui engloutit Pompeï, conseille de
l'employer comme assaisonnement avec
:i2vinaigre.
Mais attendez, voilà Columelle,qui écri-
lit 4a ans après la naissance de Jésus-
Christ son livre De re rustica, qui va nous
donner, à peu de choses prés, la recette
de la moutarde moderne :
r Nettoyez avec grand soin, dit-il, de
la graine de sénevé, criblez-la, lavez-la
ensuite à l'eau froide, er, quand elle sera
lavée, laissez-la tremper dans l'eau pen-
dant deux heures ; activez-la ensuite, et,
après l'avoir pressée dans les mains, jetez-
la dans un mortier neuf, ou très-propre,
ou broyez-la sous le pilon. Lorsque elle
' sera bien moulue, remuez cette pâte vers
le milieu du mortier et aplatissez-la avec
la main ; après l'avoir assez comprimée,
ouvrez-y des sillons, on répandez de l'eau
nitrée sur quelques charbons ardents que
vous aurez placés afin de faire rejeter à
cette graine toute son amertume, et de
la préserver de la moisissure; relevés eD-
suite le mortier afin que l'humidité dis-
paraisse entièrement. Versez sur cette
moutarde du fort vinaigre blanc, opérez
le mélange au moyen du pilon et passez
au tamis. »
Vous voyez, nous brftlons, et nétait
l'avis du célèbre gastronome Conrchamps,
qui, sans proscrire absolument le vinaigre,
lui préfère Teau chaude ou le vin blanc,
nous nous rapprocherions diablement de
la moutarde moderne, laquelle daterait
de quarante-deux ans après Jésus-Chxist.
La voulez-vous un peu plus perfection-
née? Voici une recette qui date du ir* siè-
cle ; elle est de Palladius, fils d'Exnpéran-
tius, préfet des Gaules :
u Réduisez en poudre un setîer et demi
de graine de sénevé; mettez-y une livre
de miel, une livre d'huile d'Espagne, on
setier de fort vinaigre blanc, et quand le
tout sera broyé, vous en pouvez faire
usage. i>
Vous avez vu passer le sinapis de la
Grèce en Italie, et vous voyez maintenant
le sénevé passer de Rome dans les Gaules.
Mais les barbares débordèrent sur l'Eu-
rope, et toutes ces peuplades incultes qui
venaient de l'Inde, du Tibet, du pôle,
non-seulement ne connurent pas la mou*
tarde, raffinement de deuz sociétés, mais
l'e&cèi'ent du répertoire culinaire des
vaincus. Charlemagne, qui avait chassé
les pirates normands et qui, mourut,
pleurait en les voyant reparaître, Chark-
magne, cet empereur magnifique qui dans
ses jours d'apparat faisait servir sa table
par des rois, la table des rois par des
ducs, la table des ducs par des marquis,
la table des marquis par des comtes, celle
des comtes par des barons, celle des ba-
rons par des chevaliers, et celle des che-
valiers par des écuyers, de sorte que
quand les rois déjeunaient à. neuf heures
du matin, les écuyers ne déjeunaient qu'a
neuf heures du soir ; Charlemagne, dans
ses Capitulaires, parle du sénevé comme
d'une plante comestible dont on mangeait
I
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
les feuilles, cuites ou en salade; mais de
sénevé broyé et délajé dans du vinaigre
ou dans du vin, il n'en est pas question
sous son régne, à plus forte raison de
moutarde.
Dijon, le Divio des Romains, Dijon seul
avait conservé la première recette de Pal-
ladius, et, s'il ne fut pas l'inventeur, fut
le restaurateui' de la moutarde.
A quelle époque remonte, pour les Di-
jonnais, Thonneur d'avoir rendu à la table
cet indispensable condiment?
C'est impossible à dire. Tout ce que l'on
sait, c'est qu'Etienne Boileau, prévôt de
Paris sous saint Louis, dans son règle-
ment des jurandes et des maîtrises, oc-
troie aux vinaigriers le droit de faire de
la moutarde.
Dans les Cris dé Paris du xxu* siècle,
on trouve :
Vinaigre qui est beau et boni
Vinaigre de moutarde.
A cette époque, les sauciers, à l'heure
du dîner, portaient les sauces dans les
maisons, et couraient les rues de Paris
en criant : « Sauce à la moutarde 1...
sauce à l'ail !... sauce à la ciboule !... sauce
au verjus!... sauce à la ravigote!... »
Qui ne voulait pas manger sa viande
sèche, ouvrait sa fenêtre ou sa porte et
appelait.
Il était servi à la minute et de la sauce
qu'il voulait.
On comprend bien que les contrefac-
teurs s'emparèrent prompte ment de ce
produit et l'exploitèrent, mais Dijon con-
serva sa suprématie.
Ainsi dans les Dits de VAportoile, ma-
nuscrit du XIII* siècle, on trouve : Mou-
tarde de Dijon,
Dans les Proverbes de Jean Millot, du
xiv% on lit :
« Il n'est ville, sinon Dijon.
« Il n'est moutarde qu'à Dijon.
Ce fut inutilement que le Midi se mit
à faire de la moutarde et substitua son
mo&t de vin au vinaigre. Un nouveau
proverbe vint consacrer la tenace supé-
riorité de la capitale de la Bourgogne, et
la voix de la Renommée cria de sa trom-
pette, qui fait les réputations immuables :
« La moutarde de Saint-Maxent est bonne,
mais celle de Dijon est meilleure. »
Lors des fêtes données à Rouvres en
13 3^, par le duc de Bourgogne Eudes IV
an roi Philippe de Valois, on consomma
dans un des dîners un poinçon de mou-
tarde, trois hectolitres.
A neuf heures du matin et à six heures
du soir, on ne rencontrait dans les rues de
Paris qu'enfants allant acheter pour un
denier de moutarde Quand on demandait
quelle heure il était, au lieu de répondre :
Neuf ou six heures, on répondait : Il est
r heures où les enfants vont à la mou-
tarde.
Il n'y avait pas que le roi de France
Philippe de Valois qui mangeât sa viande
à la moutarde; les rois d'Angleterre ne
s'en faisaient pas faute.
Lorsque Edouard III fit invasion en
France en i^s3, il ordonna, dit Froissart,
à ses capitaines de tout brûler sur leur
route. Aussi les magistrats de Saint-Didier
vinrent se jeter à ses pieds en le suppliant
de ne pas livrer aux flammes le plat pajs,
car, disaient-ils, toute victuaille périra
par le feu et il en résultera une grande
famine.
« Bah ! bah ! répondit le féroce Planta-
genet, la guerre sans brûlure, c*est du
boudin sans moutarde! »
Le premier ouvrage de cuisine qui ait
paru en France, le Viandier, de Taille-
vent, maître-queux du roi Charles VII,
fait un grand et naïf éloge de la mou-
tarde. Voici ce qu'il raconte dans un fran-
çais assez difficile à lire, mais que nous
mettons à la portée de tout le monde :
« Un soir, après un grand combat sou-
tenu contre les Anglais, le roi Charles VII,
accompagné de ses trois inséparables, Du-
nois, La Hire et Xaintrailies, vint prendre
gîte dans la petite ville de Samte-Mene-
hould, à laquelle il ne restait plus que
cinq ou six maisons, la ville ayant été
incendiée.
« Le roi Charles VII et sa suite mou-
raient de faim. Le pays ruiné et ravagé
manquait de tout. Enfin on parvint à se
procurer quatre pieds de cochon et trois
poulets.
« Charles VII n'avait prés de lui ni cui-
ANNEXE
•illier, ni cuisinière ; on chargea la femme
d'un pauvre taillandier de faire cuire les
poulets; quant aux pieds de cochon, il
n!y avait qu'à les mettre sur le gril.
« La brave femme fit rôtir les poulets,
les trempa dans des œufs battus^ les roula
dans une chapelure aux fines herbes, puis
après les avoir arrosés d'une sauce à la
moutarde, elle les servit au roi et à ses
compagnons, qui dévorèrent les pieds de
cochon tout entiers, et ne laissèrent que
Les os des poulets.
u Le roi Charles VII, qui avait parfai-
tement soupé^ demanda plus d'une fois
depuis des poulets à la Sainte-Menekould.
Taillevent, qui savait ce qu'il voulait dire,
lui servait des poulets pareils à ceux que
lui avait apprêtés la femme du pauvre
taillandier. »
Louis XI, qui aimait à aller demander
à souper à l'improviste à ses compères les
bons bourgeois de Paris, portait presque
toujours avec lui son pot de moutarde.
D'après les Contes de J. Riboteau, rece-
veur général de Bourgogne, on trouve
qu'en 1477 une commande fut faite par
lui, à un apothicaire de Dijon, de vingt
livres de moutarde pour le sei*vice per-
sonnel du roi.
Enfin, et pour terminer par une anec-
dote peu connue, je crois, cette chrono-
logie de la moutarde, nous dirons qu'au
nombre des papes qui tinrent une cour si
brillante à Avignon, le pape Jean XXII fut
un de ceux qui ne dédaignaient pas les
plaisirs de la table. Il raiiblait de la mou-
tarde, en mettait dans tout, et ne sachant
que faire d'un de ses neveux qui n'était bon
à rien, il en fit son premier moutardier.
De là vient l'habitude de dire d'un sot
vaniteux, qu'il se croit le premier mou-'
tardier du pape,
A leur retour à Rome, les papes j por-
tèrent le goût de la moutarde. Léon X
et Clément VII, de la maison de Médicis,
en étaient de très-grands amateurs. Seu-
lement, la moutarde qu'on leur servait
et qui était probablement la moutarde en
usage à cette époque, n'avait que peu de
rapports avec la nôtre.
Elle se composait de miettes de pain
rassis, d'amandes, de grains de sénevé
piles et macérés dans l'eau avec da vi-
naigre, pois passés par le tamis.
Dites maintenant qu'on perd son tenps
à nous lire. Nous avons la certitiide d'a-
voir donné à nos lecteurs, deux recettes
à peu prés inconnues.
j'avais cru devoir borner mon étude
sur la moutarde à la lettre que vous avez
reçue hier; mais en réfléchissant sérieu-
sement à la place honorable que la mou-
tarde tient dans notre répertoire culinaire
moderne, — comme la clef d^or de l'ap-
pétit, — je me vois forcé d'ajouter de
nouveaux renseignements au premier. La
matière abonde en faits, et je doute qu'il
y ait un seul condiment gastronomique
qui se recommande à la dégustation des
gourmands avec un pareil cortège chro-
nologique.
La moutarde a même ses armes, accor-
dées par Louis XIV : d'azur à l'entonnoir
d'argent.
Jusqu'à l'époque où nous sommes arri-
vés, c'est-à-dire au commencement du
xvii' siècle, Dijon ne fabriquait que de la
moutarde sèche, en briqnes on en pas-
tilles. Jean Hiébault est le premier auteur
où l'on trouve une recette équivalente à
celle que l'on emploie aujourd'hui, c'est-
à-dire de la graine de sénevé pilée et dé-
layée dans du fort vinaigre.
Au reste, voici une recette plus com-
pliquée que l'on trouve dans le Messager
parisien; elle est à peu de chose prés
celle de nos jours :
« Si vous voulez faire de bonne mou-
tarde et à loisir, est-il dit, mettez le sé-
nevé tremper par une nuit dans du bon
vinaigre, puis le faites bien broyer au
moulin, et bien petit à petit détremper
de vinaigre. Et si vous avez des restes
d'épices, de la gelée, du clairet, de Thy-
pocras et des sauces, qu'elles y soient
broyées avec, et ensuite laissez le tout se
faire, a
Chose bizarre, la moutarde, comme
l'Italie, où elle est née, devait subir le
contre-coup de la découverte du cap de
Bonne-Espérance et de l'Amérique. Chris-
tophe Colomb apporta en Europe les
épices des Indes occidentales, et Vasco
4e Gama celles des Indes orientales.
r
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE,
Les épices eurent un grande influence
sur la cuisine du zvi*, du xtii*, et même
du XTiii* siècle, surtout les épices par-
fumées, telles que la vanille, la muscade,
le girofle, qui, déjà connues en France,
mais si chères qu'elles ne s'y donnaient
qu'en cadeau, sous le nom d'éptces, au
juge qui vous avait fait gagner votre pro-
cès et quelquefois à l'avocat qui l'avait
plaidé, devinrent plus communes lorsque
Antonio de Abreu et Francisco Serrao
découvrirent en 1511 les îles aux épices,
c'est-à-dire les Moluques; en 1607 ou
160S, les Hollandais les conquirent sur
les Portugais, et ce peuple voyageur dont
le commerce est la vie, ces Phéniciens
modernes, comprirent tellement l'impor-
tance de la conquête qu'ils avaient faite,
qu'ils voulurent confisquer le commerce
des épices au profit de la seule Hol-
lande.
En conséquence, ils conclurent avec le
sultan de Ternate, leur vassal, ainsi qu'a-
vec diflerents petits souverains des autres
iles, un traité aux termes duquel tous les
arbres à épices seraient transportés à Am-
boine et à Banda, et arrachés partout ail-
leurs.
Pour les indemniser de la perte que
produisait pour eux la cessation de ce
commerce, ils leur payèrent une rente
de 70,000 francs.
Cette vente était pour eux d'un produit
si considérable, qu'ils n'hésitèrent pas à
bâtir trois forts pour en empêcher la
contrebande : Holland, Orange et Wil-
hemstadt.
Outre ces trois forts principaux, neuf
autres avaient été bâtis dans diflerentes
parties des tles.
Une flotte de vingt bâtiments, mis à
la disposition du gouverneur d'Amboine,
naviguait presque constamment autour
des îles.
Revenons à notre sujet, dont les épices
nous ont écarté, et que Rabelais, grand
connaisseur en science de gueule , comme
il dit lui-même, appelle heaume naturel
et restaurant d'andouilles.
La moutarde, attaquée par cette irrup-
tion d'épices orientales et occidentales,
lutta bravement.
Dijon, la grande fabrique, pensa qu'il
fallait à ses produits des statuts qui rassu-
rassent complètement le public sur la ma-
nière dont la moutarde était manipulée
et sur les ingrédients qui la compo-
saient.
En conséquence, les moutardiers et les
vinaigriers de Dijon reçurent en 1(^34 des
statuts qui les assimilèrent aux autres
métiers de la ville et leur conféraient le
droit de fabriquer seuls de la moutarde.
L'article 14 du règlement disait :
« Les apprentis et compagnons qui fe-
ront de la moutarde et la porteront ven-
dre et débiter par la ville, devront être
sains de corps et leurs linges et habits
nets et modestes, à peine de 10 sous
d'amende.
« De plus, l'article ao leur imposait de
n'avoir qu'une seule boutique en ville,
afin que nul ne pût dénier ce qui venait
de lui.
« Enfin, à peine de lo autres sons d'a-
mende, ils furent tenus d'avoir chacun
une marque sur leurs barils. »
Mais ne s*en rapportant plus à la pro-
cession des enfants, qui deux fois par
jour allaient à la moutarde, ce furent eux
qui envoyèrent crier leur moutarde par
de Jeunes apprentis.
Mais les jeunes moutardiers, ne crai-
gnant ni Dieu ni diable, allaient jusque
dans les assemblées chrétiennes et dans
les églises crier leur moutarde, de façon
qu'ils troublaient les offices jusqu'aux mo-
ments les plus sacrés, au point qu'on leur
interdit les églises sous peine de prison
et qu'on les consigna chez eux le di-
manche.
Vingt-trois vinaigriers moutardiers de
Dijon adhérèrent au règlement. Au mi-
lieu de leurs signatures, on reconnaît
celle de Naigeon.
Mais malgré tout cela, la vogue de la
moutarde diminuait; on trouvait que,
comme acidité et comme variété, elle
laissait quelque chose à désirer, lorsque
arriva Jean Naigeon, arriére-petit-fils de
celui qui avait signé au règlement des
vingt-trois vinaigriers, et qui amena, par
le changement d'une seule substance dans
la confection de la moutarde, une recru-
8
ANNEXE
descence de vente et une rénovation de
faveur.
Que lui fallut-il pour cela? Une inspi-
ration, un éclair de génie.
Jean Naigeon substitua le premier an
vinaigre le verjus, c'est-à-dire le suc ex-
primé du raisin avant sa maturité; par
conséquent plus de sucre, plus d'acide
acétique, mais seulement des acides tar-
trique, citrique et malique.
Ce Jean Naigeon, disons-le en passant,
fut le père de cet autre Naigeon, biblio-
thécaire à l'Arsenal, athée et ami de
d'Holbach, qui donna une édition des
œuvres de Diderot.
Grimod de la Reyniére, notre illustre
gastronome, auteur du Dictionnaire des
Gourmands, ne pouvait pas souflfrir ce
Naigeon^ et disait de lui qu'il était, comme
marchand d'athéisme, moins connu des
philosophes que son père, le marchand
de moutarde, n'était connu des gour-
mands.
L'opinion de cet illustre gastronome
faillit renverser la moutarde de Dijon du
trône où elle régnait depuis cinq siècles.
Ses opinions en cuisine étaient des arrêts.
Petit-fils d'un charcutier, son père avait
acheté des lettres de noblesse, mais lui
avait conservé pour blason : d'azur au
chef d'or avec un pied de cochon au na-
turel, et en l'azur un jambon d'argent.
Vers la jeunesse de Grimod de la Rey-
niére, justement une grande révolution
s'était opérée dans la moutarde.
Paris avait commencé à faire sérieuse-
ment concurrence à Dijon.
La révolution commença en 174a.
Un vinaigrier de Paris, nommé Capi-
taine, commença d'employer pour ses in-
fusions du vinaigre blanc au heu de vi-
naigre rouge, et de faire entrer dans la
moutarde fine des câpres et de l'essence
d'anchois.
Ces innovations obtinrent une grande
faveur.
Dix ans après, un autre vinaigrier
nommé Maille se fit une réputation eu-
ropéenne dans sa spécialité.
Nommé fournisseur privilégié de la
marquise de Pompadour, il prit le titre
tant soit peu ambitieux de vinaigrier-dis-
tillateur du roi de France et des empe-
reurs d'Allemagne et de Russie. Homme
d'esprit et comprenant son époque toute
sensuelle, il commença par composer des
vinaigres à l'usage des femmes et des
hommes ; sa clientèle se composa Uentdc
de tous les élégants et de tous les petits-
maîtres de l'aristocratie, de duchesses,
de marquises, de comtesses, de jeunes
muguets et d'abbés galants; travailler
pour le boudoir était un moyen str d'ar-
river à la cuisine.
Avant Maille il n'existait que neuf es-
pèces de vinaigre ; il en ajouta quatre-
vingt-douze de propreté et de santé.
Il multiplia également les vinaigres de
table. Ses moutardes étaient au nombre
de vingt-quatre :
Moutarde rouge, moutarde fine aux
câpres, moutarde fine aux anchois, mou-
tarde en poudre, moutarde à Taîl, mou-
tarde à l'estragon, à la capucine, an ci-
tron, à la Choiseul, à la Choisj, à La
conserve, aux fines herbes, à la grecque,
à la maréchale, à la marquise, à la r^ne,
à la romaine, aux truffes.
Toutes étaient de lui, excepté la mou-
tarde aux câpres et aux anchois.
Les plus en vogue furent celles à la
ravigote, à l'ail, aux truffes, aux anchois
et à l'estragon.
Le bon porte avec lui son brevet de
longévité ; la moutarde de Maille est ve-
nue jusqu'à nous, et est encore la mou-
tarde préférée de quelques honorables
gourmands.
En même temps que Maille, fleurit
Bordin, qui, comme Maille, a son paru
dans notre époque, et qui inventa en
17^2 la moutarde dite de santé. Il com-
posa les recettes de quarante espèces de
moutardes différentes : moutarde impé-
riale, au vin de Champagne, à la rocam-
bole, aux champignons, à la rose, à l'ita-
lienne, à la vanille.
En 1812, en comptant les vingt-neuf
espèces de moutardes nouvelles inventées
par Acloque, successeur et élevé de Mail! ;,
la France possédait donc, sans compter la
moutarde de Capitaine et celle de Dijon,
quatre-vingt-quatre espèces de moutarde,
lorsque Grimod de la Reyniére signala
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
trois moatardes nouvelles^ ce qui portait
le chJfFre à quatre-vingt-treize.
Ces trois moutardes étaient :
Celle de Chalon-sur-Saône,
«Celle de Besancon,
Celle de Saint-Brieuc.
Voici ce qu'en dit Tillustre dégustateur
chez lequel nous devons constater une
préférence marquée pour MM. Maille et
Bordin, que je soupçonne d'avoir été des
abonnés assidus et fructueux à XAlmanach
des Gourmands.
tt Un apothicaire-chimiste, de Saint-
Brieuc, vient d'y élever une fabrique de
moutarde, qui n'est pas sans mérite et
qui a surtout beaucoup de force et de
montant. Elle commence à pénétrer dans
l'ancienne Ârmorique et jusque dans le
Cotentin.
« M. Maout, c'est ainsi qu'on appelle
ce fabricant prédestiné, dont le nom,
comme on le voit, renferme les cinq pre-
mières lettres de moutarde, se propose
de fonder un établissement à Paris. »
Mais ce peu qu'il avait dit du produit
de M. Maout avait suffi pour fixer les
yeux sur lui. Le docteur Gastald, Porta-
lis, Cambacérés se déclarèrent pour la
moutarde de Maout, et tant que l'on
soupa en France, c'est-à-dire tant que
l'un mangea avec une certaine déUcatesse,
la moutarde celtique apparut sur les
meilleures tables a côté de celles de
Maille et de Bordin.
Ce triumvirat, plus heureux que celui
d'Octave et de Lépide, qui ne fit qu'ap-
paraître à Rome, régna plus d'un demi-
siécle sur les tables françaises.
La chronologie de la moutarde établit
les racines de son arbre généalogique pre-
nant terre en Grèce, en Judée, en Italie,
et ses dernières feuilles atteignant la se-
conde partis de notre bienheureux xix* siè-
cle. Je répondrai en quelques pages aux
trois autres demandes de notre question-
neur anonyme.
Passons à la demande deuxième.
Ètymologiquement, d'où vient la mou-
tarde?
Il y a discussion là-dessus comme sur
toute étymologie. Les Dijonnais, qui pré-
tendent avoir inventé la moutarde, et qui
n'en ont été que les restaurateurs, s'ap-
puient sur le fait suivant, d'où ils font
dériver le nom du précieux condiment
qui nous occupe.
En ij8i, Philippe le Hardi, duc de
Bourgogne, marcha contre les Gantois
révoltés, avec son neveu Charles VI. Le
maire de Dijon, Jehan Poissonnet, bour-
geois enrichi par le commerce de la mou-
tarde, fournit au duc mille hommes armés
et équipés aux frais de la ville. Au retour
de cette expédition, le roi accorda aux
habitants plusieurs privilèges, comme de
pouvoir tenir terres et iiefs à la ville,
ainsi que celui de porter ses armes et sa
devise : Moult me tarde.
Les pots et les barils étaient expédiés
de la fabrique de Jehan Poissonnet avec
les armes et la devise du duc. Les Dijon-
nais prétendent que le mot moutarde n'est
qu'une abréviation et une conjonction des
trois mots formant la devise de Philippe
le Hardi : Moult me tarde.
Disons en passant que Philippe le Hardi
fut le sublime enfant qui défendit jusqu'à
l'extrémité le roi Jean son père à la ba-
taille de Poitiers, et qui souffletait, le soir
de la bataille, un Anglais qui avait donné
à laver au royal prisonnier en négligeant
de mettre un genou en terre.
Ce qu'il y a de plus probable, c'est que
le nom vient du latin mustum ardens,
qui veut dire moàt brûlant, et dont on
aurait fait moutarde.
Voici du reste ce qu'en di le grand
Boerhaave, qui vivait au xvii et au
xvixi* siècle.
« In Italia cum musto sinapis contere-
batur, unde dixerunt mustum ardens,hinc
mustardum. »
Ce qui veut dire en français :
v En Italie la graine de sénevé noir
était bro}ée avec le moût, d'où on Ta
appelée moàt ardent, de là moutarde. »
Voilà donc, si notre correspondant ano-
nyme le veut bien, d'où vient étymolo-
giquement le mot moutarde.
Maintenant nous allons tâcher de lui
dire à quelle famille appartient la plante.
La moutarde, comme genre botanique,
appartient à la tétradynamie siliqueuse,
famille des crucifères. Julia de Fontenelle
lO
ANNEXE
en compte vingt familles ; d'autres bota-
nistes en comptent jusqu'à quarante. Elle
est herbacée bis-annuelle; ses feuilles va-
rient beaucoup de forme, et, la plupart
du temps, sont lyrées et incisées dentées.
Le fruit est une silique bivalve, et les
graines sont globuleuses.
Il y a, nous l'avons dit, une grande
quantité d'espèces de moutardes; mais
trois seulement sont employées par les
médecins et les moutardiers :
La moutarde noire (sinapis nigra) ;
La moutarde sauvage ou des champs
{sinapis arvensis) ;
Et la moutarde blanche {sinapis alba).
C'est cette dernière qui a été intro-
duite en Angleterre vers le milieu du
xviii^ siècle, qui a été recommandée par
les docteurs Trousseau et Pidoux, et dont
le charlatanisme moderne a voulu faire
la panacée universelle.
Sa fertilité est si grande que, selon Fus-
cher de Gresheim, d'une livre qu'il avait
semée dans un champ de quatre-vingt-dix
perches, il récolta cinq cent cinquante-
huit livres.
Voici son nom dans difierentes langues :
En grec et en latin, nous l'avons déjà
dit, sinapis, en anglais must, en allemand
mustersenft, en espagnol mosta^^a, en
italien mostarda, en russe gortschera,
en arabe kherdal. en indoustan rai.
Nous avons oublié de dire en son lieu,
et nous le disons ici, que le mot mou-
tards donné aux enfants vient de l'habi-
tude que nous avons dite, d'envoyer, au
XI v« et au XV® siècle, les enfants chercher
de la moutarde.
Culinairementf enfin, vous me deman-
dez quelle est la préparation que je pré-
fère.
Jusqu'à ce que j'aie goûté et apprécié
la moutarde de M. Alexandre Bornibus,
j'ai préféré les moutardes aromatisées de
Maille et Bordin à toutes les moutardes;
mais lorsque le hasard m'eut fait goûter
celle-là, je compris qu'elle devait l'em-
porter un jour sur toutes les autres.
Je dis le hasard, car voici comment la
chose arriva :
Je faisais un roman dont la scène prin-
cipale se passait à Bourg-en-Bresse. Je
m'informai du diemèa k pins court pour
visiter le théâtre de m» personnages, et
l'on me dit :
a Allez à Mâcon, on embcascheMeat
vous conduira tout droit à Bourg. >
J'arrivai tout endormi à Dijon. J'es-
tendis crier : Dijon! Dijon! et alors il se
fit une confusion dans mon esprit.
Était-ce à Dijon, était-ce à Mâcon qu'il
y avait embranchement sur Bourg ? Je
n*en savais plus rien.
Comme je n'avais qu'une valise avec
moi, je sautai à bas de mon wagcm. J'en-
filai la sortie en demandant rembranche-
ment de Bourg.
L'homme des billets, qui ne savait pas
ce que je voulais dire, ne me répondit
pas. J'arrivai jusque dans la cour.
Je m'adressai à un cocher qui attendait
pratique.
« L'embranchement de Bonrg? lui de-
mandai-je.
— De quel bourg?
— De Bourg-en-Bresse.
— Ah 1 bien, vous n'y êtes pas, c'est a
Mâcon. »
Je voulus rentrer.
Le gardien de la porte me demanda
mon billet.
Q Mon billet? Je vous l'ai donné tout à
l'heure. Regardez dans les billets que vous
venez de recevoir, vous en trouverez un
pour Màcon. »
Tandis qu'il cherchait, la locomotive
toussa, cracha, éternua et partit.
« Ma foi, dit en riant l'homme au
billet, vous serez le premier arrivé pour
le convoi de demain.
— Mais encore, lui dis-]e, pour que je
puisse partir demain, faut-il que tu me
rendes mon billet.
— Le voilà justement, dit-il; ma foi,
oui! Il est pour Mâcon tout de même...
Bah!... restez ici.
— Soit, répondis-je, j'en profiterai pour
visiter la cathédrale et faire une visite à
mon pauvre ami Louis Boulanger, u
Louis Boulanger, un des peintres dont
les premières toiles ont donné le plus
d'espérance, était directeur du musée de
Dijon, et j'étais enchanté de cette occa-
sion de le voir.
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
II
Seulement je ne pouvais tomber chex
loi à ome heures du soir; je me fis con-
duire à l'hôtel du Parc.
Je demandai à souper.
On me servit deux côtelettes de mou-
ton et un demi-poulet froid.
« Quelle moutarde voulez -vous? me
demanda le garçon.
— Parbleu, de la moutarde de Dijon.
^ Je sais, fit-il en ayant i'ûr de dire
à part lui : Quel imbécile! mais je de-
mande si c'est de la moutarde d'homme
ou de la moutarde de dame.
^ Oh ! oh ! fis-je à mon tour, et quelle
diflerence y a-t-il entre la moutarde
d'homme et la moutarde de femme?
— De dame.
— Soit, de dame.
— il y a, monsieur, que le palais des
dames étant plus délicat que celui des
hommes, la moutarde de Dijon ordinaire
est trop forte et trop piquante pour elles,
si bien que M. Bornibus a inventé une
moutarde à part.
— Qu'est-ce que M. Bornibus?
— Eh ! monsieur, c'est votre grand
moutardier à la mode; on ne parle ici
que de sa moutarde.
— Il est vrai, je le connais de réputa-
tion, mais je ne connais pas encore sa
moutarde; il serait curieux que je la
goûte à Dijon. Donnez-m'en donc?
— • De laquelle des deux?
— De tontes les deux.
— Monsieur mangera de la moutarde
de dame?
~ Qui peut le plus peut le mofos, »
Et le garçon me servit des deux mou-
tardes avec mes côtelettes.
Je ne suis pas grand amateur de mou-
tarde. Ayant reçu de la nature un excel-
lent estomac, je n'ai^ jamais fait grand
usage de atu préface de V appétit, comme
rappelle Grimod de la Reynière ; mais je
dois dire cette fois que rien qu'à la belle
couleur jaune serin de cet admirable apé-
ritif, je plongeai la cuiller de buis dans
le moutardier et fis dans mon assiette
deux pyramides, l'une de la moutarde
des hommes, l'autre de la moutarde des
dames.
Puisque vous me demandez mon avis,
monsieur, je dois dire qu'à partir de ce
moment je dépouillai le vieil homme et
que je me ralliai à la moutarde Bornibus*
A mon retour à Paris, j'allai voir les
ateliers de M. Bornibus, boulevard de la
Villette, âo. Il me fit visiter son établisse-
ment avec la plus grande complaisance,
et m'expliqua que la supériorité de ses
produits venait de la perfection des ins-
truments de manipulation inventés par
lui-même, et surtout de la combinaison
et du choix de se» matières premières.
Voilà, mon cher correspondant ano-
nyme, tout ce que vous désirez de moi, je
crois, chronologiquement, étymologique-
ment, botaniquement et culinairement.
Alexandre DUMAS.
la
ANNEXE
Maison POTEL ET CHABOT
BOULEVARD DES ITALIENS, af, ET RUE VIVIENME, a8.
Cette maison , dont les annales consta-
tent une série non interrompue de suc-
cès culinaires, fut fondée en 1839 par
MM. r otel, pâtissier, et Chabot, cuisinier
cmerite qui avait longtemps exercé son
art aux Tuileries.
L'habileté de M. Chabot était connue
dans la maison royale, et ce fut lui qui
fut chargé d'alimenter de conserves le
duc d'Aumale en Afrique et le prince de
Jotnville à bord du navire la Belle Poule.
L'industrie fondée par les deux associés
trouva le 16 mars 1845 une éclatante
application. MM. Potel et Chabot servi-
rent ce jour-là, à la Bourse, le dîner de
quatre cent cinquante couverts o^rt au
'maréchal Bugeaud par la Chambre du
commerce; la réussite fut complète. Elle
fut suivie d'une série de grandes entre-
prises qui ne s'arrêta plus. La ville de Lille
se souvient encore du banquet servi
le 14 juin 1846 à deux mille trois cents con-
vives, à l'occasion de l'inauguration du
chemin de fer du Nord.
MM. Potel et Chabot^ pourvus d'un
matériel et d'une organisation qui leur
permettaient de faire 1 impossible, purent,
en mai 1848, rédiger le projet détaille
d'un banquet donne au champ de Mars,
à quatre-vingt-cina mille personnes. Trois
mille trois cenfs tables devaient être dres-
sées et garnies de comestibles.
C'est Ta maison dont nous parlons ici qui
a servi la table de l'empereur et de l'im-
pératrice pendant leur voyage à Cher-
bourg en 1858, et en Bretagne en 186$.
La partie gastronomique des fêtes de
l'hôtel de ville était depuis longtemps^ con-
fiée à cette maison, qui, le 14 juin 1856,
dressa une table de cinq cents couverts,
à l'occasion du baptême du Prince impérial.
Nous ne citerons pas la liste triomphale
des banquets de cinq à six cents convives,
oflêrts à toutes les inaugurations de che-
min de fer. Angers, Poitiers, Épernay,
Bruxelles, Limoges, Lyon, Marseille, Tou-
louse, Nice, etc., etc., s'adressèrent à la
maison Potel et Chabot pour toutes ces
fêtes. Nous indiquerons en passant le bal
donné à Lille en 185), parce qu'il présente
une particularité curieuse : les glaces
furent faites en wagon pendant le trajet.
Ce qu'il importe de faire connaître ici,
ce sont les services que cette maison peut
rendre et rend en eoêt journellement aux
particuliers.
En 1849, la mort de M. Chabot laissa
seul possesseur de ce grand établissement
son associé, qui redoubla de zélé et d'ac-
tivité et parvint à laisser une maison
qui actuellement, sous la direction de
MM. Grenet et L Hermitte, continiie les
bonnes traditions des fondateurs.
Dans le cas très-fréquent oà une per-
sonne manque de ce qu'il faut pour trai-
ter vingt-cinq à trente convives, ou plus
ou moins, la maison Potel et Chabot fera,
sur sa demande, non-seulement servir un
dîner succulent, mais en outre peut en-
voyer à domicile tout ce qui constitue le
service de table, tel que linge, porcelaine,
verrerie, argenterie, bronzes, luminaire,
tleurs, etc., et mettre ainsi l'amphitryon
à même de satisfaire ses invités tout en
étant servi lui-même en convive.
Ce service instantané, comme les tables
féeriques qui sortent de sous terre dans
les contes de Perrault, est dû a un grand
travail intérieur et à une excellente orga-
nisation. Le matériel considérable dont
dispose cette maison est expédié dans des
caisses disposées à cet efiêt; elle possède
en outre de vastes cuisines dont chaque
partie est confiée à un chef spécial.
Ce grand établissement envoie non-
seulement des dîners entiers, mais les
parties d'un dîner qu'on lui demande.
Dans le cas où le dîner n'est pas, selon le
désir du consommateur^ accompagné d'an
cuisinier et n'est pas fim, une notice jointe
à l'envoi enseigne le mojen de le termi-
ner.
Lambert Thiboust parle, dans une de
ses pièces les plus gaies, d'un souper fin!
sigrné Potel et Chabot! et duquel on
attend un effet irrésistible. En effet, les
envois de cette maison sont signés; ils
portent la marque, le cachet des maîtres
qui les préparent : on les distingue à leur
excellence.
Nous en appelons à tous ceux qui ont
le souci de bien vivre et q^ui considèrent
comme un devoir de réjouir l'estomac de
leurs invités; ceux-là ne manquent pas
de porter leurs commandes soit à l'éta-
blissement de la rue Vivienne, soit à celui
du boulevard des Italiens, dont les vitri-
nes ornées des plus beaux fruits, de gibier
de Russie et de toutes les contrées font
naître au front des passants un pli de
convoitise. .
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
n
QUELQUES MOTS A NOS LECTEURS
SUR
L'ORFÈVRERIE CHRISTOFLE
A une époque où les maisons les plus
aristocratiques ont adopté T usage de lavais-
selle argentée, il nous semble important
de fournir a nos lecteurs des renseigne-
ments précis sur la grande industrie fon-
dée par M. Christofle et exploitée, par sa
maison d'orfèvrerie, dans des proportions
considérables.
Cette industrie nouvelle, née de la dé-
couverte des procédés de dorure et d'ar-
genture électrochimiques, tient le milieu
entre Torfévrerie en argent et les articles
en plaqué ; toutes les parties qui ordinai-
rement sont creuses dans ceux-ci, sont mas-
sives dans les produits de Torfevrerie Chris-
tofle. Les consommateurs ne peuvent plus
craindre de voir se former dans les parties
concaves une couche vénéneuse d ox^de
de cuivre. Toutes les soudures sont faites
au cuivre ou a l'argent avant l'opération de
l'argenture et n'ont pas l'inconvénient des
soudures d'etain trop généralement em-
ployées dans le plaque, surtout dans le
métal anglaisy et qui coulent au feu.
Les couverts et les menus objets desti-
nés aux usages manuels de la table, ordi-
nairement appelés petite orfèvrerie, sont
fabriqués avec un métal résistant et sonore
ayant toutes les qualités de l'argent et
presque la blancheur.
Ce métal, appelé Alfênide, et aujour-
d'hui exclusivement employé par les créa-
teurs de cette industrie, est un alliage de
nickel éminemment propre à la fabrica-
tion des couverts, qui ne sont, a vrai dire,
que des outils destinés a prendre les mets,
et qui, par conséquent nettoyés fréquem-
ment, ne peuvent jamais s'oxyder.
Il n'en est pas de même pour les objets
de grosse orfèvrerie^ qui sont destinés a
contenir des aliments ou même a servir
a des préparations culinaires en allant au
feu ; pour ces objets, MM. Christofle ont
adopté un laiton sonore et résistant à
l'égal de l'argent, mais dont la couleur
légèrement jaunâtre permet toujours de
reconnaître la nécessité d'une reargenture
lorsque la couche primitivement déposée
commence a disparaître.
Car, dans cette orfèvrerie, c'est la
quantité d'argent a la surface qui fait la
qualité, et c'est à cette quantité d'argent,
que la maison Christofle indique toujours
avec la plus scrupuleuse loyauté, que
l'acheteur doit tenir et que nous lui re-
commandons de vérifier.
Aussi les corps savants ont-ils, à plu-
sieurs reprises, approuvé M. Christofle
de s'abstenir, pour la confection des ob-
jets de grosse orfèvrerie, de l'emploi des
alliages blancs qui, de quelque nom qu'on
les pare, contiennent inévitablement une
grande quantité de cuivre, et, s'ils ne sont
reconnaissables quand ils commencent a
se désargenter, peuvent donner lieu à des
oxydations malsaines.
Mais, comme les procédés employés par
la maison Christofle permettent de rear-
genter aisément tout objet dont Tusage
a altéré les surfaces et que la fabrication
première de l'objet est d'une solidité a
toute épreuve, l'usage de cette orfèvrerie
est pour ainsi dire éternel.
Les personnes qui ont quelques notions
des sciences économiques ne peuvent
voir avec satisfaction l argent, métal de
plus en plus rare, rester immobihsé, im-
productif, dans les coffres ou sur les
dressoirs, au lieu de figurer dans les trans-
actions où sa présence est nécessaire et
féconde. C'est la^ croyez-le, un des mo-
tifs de la prodigieuse extw-nsion de l'in-
dustrie Christofle.
Mais pour démontrer clairement de
quel côte est l'intérêt du consommateur,
nous lui présenterons un petit tableau
comparatif d'une minutieuse exactitude.
Si on achète une douzaine de
bons couverts d'argent, on dé-
pensera . $40 fr.
Une cuiller à potage 90
Total. . . 630 fr
Or, pour la même somme on peut avoir
un service pour douze personnes, com-
posé de :
18 Couverts de table à fllets,
a 66 fr. la douzaine. ... 99 fr. »
12 Cuillers de dessert, a filets. |o »
12 Cuillers à caré, a filets. . 18 n
12 Couteaux de table. ... \6 »
12 Couteaux de desser ... 30 »
4 Rechauds ronds 140 »
I Huilier 41 «
1 Moutardier 1$ »
2 Salières doubles i\ $0
2 Pelles à sel 2 2$
4 Plateaux de carafe a tilets. 22 »
X Saucière et son plateau. . 62 »
1 Cuiller a potage 12 u
X Cuiller a ragoût 8 »
I Service à dépecer. ... 15 »
X Service à salade 12 »
X Manche a gi^ot B »
X Truelle à poisson .... i x »
A reporter, . . $7$ fr. 75
74*
ï4
ANNEXE
Report, • . 575 fr. 75
I Service de 4u2tre pièces,
pour hors-d'œuvre .... ai »
I Pince à asperges 24 »
I Cailler à sucre 7 »
1 Pince a sucre 6 »
Total. . . 63 j fr. 75
Nous ne pourrions qu'atténuer par un
commentaire l'éloquence des cniflfres.
L'avantage est tel que le plus grand nom^
bre des consommateurs en a pvofité et
que l'argent tend de plus en plus à
déserter les vieux buâêts où son luxe est
un peu vain, pour entrer dans la. circula-,
tion et répandre ses bienfaits.
Les procèdes Christoile présentent un
autre avantage qui nous paraît également
précieux: la fonte^ la ciselure^ le repoussé
et la galvanoplastie, que les chimistes de
cet établissement ont élevée à la hauteur
d'une haute industrie, permettent de. re-
I produire, pour les pièces de luxe, toutes
es inventions des artistes, tous les gra-
cieux caprices des plus élégants modèles,
tandis que le plaque, soumis aux exigences
de l'estampeur, se refuse à toute inter-
prétation vraiment artistique.
Si, d'une part, l'industrie oue nous
considérons a, selon l'expression de M . D u-
mas, de l'Institut, ««répandu un luxe mo-
deste et salubre dans les plus humbles
ménages », elle tend également à mainte-
nir dans les sphères les plus élevées le
sentiment des belles formes et des élé-
gants modèles.
Les produits dont elle a paré ses vitrines
dans les expositions nationales et univer-
selles ont, dans leur forme et leur orne-
mentation, ce caractère vraiment artisti-
que qui est le luxe de l'esprit.
Ce genre de luxe est le plus prisé au-
jourd'hui par les hommes intelligents, et
la mode est passée d'estimer un objet
uniquement pour son poids et sa masse.
Et puis, dans notre pays si souvent
troublé par des révolutions, n'est-il r pas
utile de faire remarquer quel intérêt
cette industrie présente pour la conser-
vation des objets d'art et de l'orfèvrerie
de luxe?
Exécutés en argent, ils sont fatalement
destinés a périr, soit qu'on les fonde pour
en réaliser la valeur, soit que le vol y
trouve un appât plus grand, il ne saurait
être ainsi de l'orfèvrerie Christofle qui
emprunte toute sa valeur à la perfection
de la main d'œuvre.
Le rapport du Jury, à l'exposition natio-
nale de 1849, caractérise d'une façon heu-
reuse l'industrie que nous étudions ici :
« C'est en qualité d'orfèvre en cuivre
et en aUiages divers que se présente
M. Christofle, dit le rapporteur; il a su
les rendre dignes de se marier aux métaux
nobles, comme on les nommait jadis, à
ces métaux que la science précipite sur
eux , et sous lesquels ils développent les
forfties exquises que l'art a sa lear don-
ner. » Le Jury lui décerna une MédaUU
d*or, mais non pas la première qu'il ait
reçue; elle fut suivie d une nouvelle mé-
daille (Pri^e medal) à Londres en 1851,
de la grande médaille d'honneur en 1855,
à Paris, et de deux médailles a Londres,
en 1862. C'est à la suite de cette exposi-
tion que M. Christofle fut promu au
gaade d'officier de la Légion d'honneur.
Pour donner une idée de t'importanee
acquise par l'electro* métallurgie dans la
maison Christofle, nous emprunterons an
sérieu» travail de M. Tur^itij les Granier
Usines de ¥ra,nce, quelques chiiTres inté-
ressants.
« Il a été argenté cinq millions six cent
mille couverts, qui ont retire de la cira-
la tion trente- trois mille six cents kilo-
grammes d'argent, valant six millions
sept cent mille Jrancs. Une pareille quan>
tite de couverts, exécutes en argent mas-
sif, aurait fait disparaître de la cire da-
tion unnilUon de kilogrammes d'argent^
c'est-a-dire ! plus de deux cent nrtmonr
de numéraire.
« Les trente-trois mille six cents kilo-
grammes d'argent, à l'épaisseur adoptée
pour les couverts, c'est-a-dirc a trois
grammes par décimètre carré, constitue-
raient une superficie de seîxe hectares >.•
Ceci était écrit en i86j ; depuis cette
époque, la quantité de couverts livrés à la
circulation a plus que triplé et ^,000 ki-
logrammes d argent ont été employés a
l'argenture par M. Christofle et C*.
En cherchant les causes de cette pro-
digieuse extension on trouvera,- doue
part, comme nous avons tâché dé l'indi-
quer, que Targenture voltaïque, femplar
carit la vieille argenterie plus avantageu-
sement que le plaqué, est venue en son
tempr et s'est imposée avec la force d'une
nécessité ' sociale. ^ On trouvera, d'antre
part, que le système d'exploi(atk>n adopté
par la maison Christofle a.conuibiié a en
rèpandre-largementles produits.
Ce système ^$t celui-ci -.fabriquer de
bons produits- au plus bas vrix p9€sièle,
mais toufoun de 90ns prmuits^
C'est -d'après cette 'maxime- de lùnte
moralité que les pièces ont été consttm-
menf fabriquées et les taril^ établis. De
tels moyens hon:)rent urte JRkidstrie en
même temps qti'ils contribuent a en pro-
pager les; produits. Aussi n'est-il pas rare
de voir, par toute 4' Europe, le poinçon a
la balance de la fabrique Christofle sur
les couverts, les plats, les réchauds, les
services athe en- usage dans les maisons
tenues avec le pius de* goûtet d'intelli*
gence. ' '
I. Turgan, les Gratuits Usines. — - OrféTfcrie
Chr>sto6e» p. 287.
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE. 15
AUX ARMES DE LA VILLE DE PARIS.
CHARCUTERIE ET COMESTIBLES
GROS ET DETAIL.
Ancienne Maison HERVET, fondée en 1746,
FRANQUELIN, S'="^
(T, RUE COQUILLIÈRE
La maison Hervet est liée, dans notre esprit, au souvenir d'un certain déjeuner
que nous donna Alexandre Dumas, en son logis* de la rue d'Amsterdam. Dumas, qui
était un beau mangeur comme il était un beau conteur, avait, par un caprice de
goufpiet, exclusivement composé ce déjeuner de charcuterie. La table avait un aspect
tout rabelaisien, une saveur pantagruélique vraiment réjouissante : pieds truites, hure
aux pistaches, langue à l'écarlate, tout était préparé par un maître aussi habile pour
le moins que cet illustre Queux que le bon roi François I*' accusait, après chaque
repas, de vouloir faire perdre a toute la cour le soin de l'État par ralléchement des
plats délicats et friands.
L'habile homme qui sait si bien nous réjouir le palais est M. FaAN^^uELiit. Dirigeant
une maison fondée sous l'ancien régime, dans la vieille France, au temps des soupers
fins, en 1746, par Hervet, M. Franquelin en continue les traditions. Il a mérité une
médaille d'argent et deux médailles d'or, aux expositions de i6$6, 18^7 et 1868. Son
établissement, situé, comme on sait, rue Coquillière n? 6, au centre de l'approvision-
nement, est assez vieux et assez connu pour mépriser le luxe moderne des glaces,
des dorures et des peintures à fresque ; c'est, dans toute la force d'un terme dont on
abuse trop aujourd'hui, une maison de confiance.
Elle a fourni de charcuterie et comestibles toutes les cours qui se sont suc-
cédé dans le palais des Tuileries, depuis le premier Empire, si sévère dans le choix
de ses officiers de bouche et des fournisseurs de sa table. C'est cette maison qui pré-
parait naguère les belles pièces des soupers de l'Hôtel de Ville; c'est elle enûn qui,
depuis longie.Tips, approvisionne les principaux restaurants de Paris.
Elle est renommée pour les produits suivants :
Truffés fraîches et conservées du Périgord ;
Volailles et gibier truffés;
Terrines de foies gras truffés ;
Saucissons de foies gras truffés;
Saucisson truffé;
Conserves de toutes sortes pour hors-d'œuvre.
L'ancienne maison Hervet a pris pour enseigne les armes de la ville de Paris,
le navire d'or « qui flotte et ne sombre pas». C'est là son blason. Vieille de 127 ans
elle a nourri bien des générations de Parisiens et fourni l'Hôtel de Ville aux jours
de fête; elle a droit de porter sur ses vitres ces armoiries municipales, eh marque
de l'estime et de la faveur où elle est tenue dans la grande ville.
i6 ANNtXE
CONSERVES ALIMENTAIRES.
COMESTIBLES EN GROS.
DAUDENS
14, RUE COQUILLIÈRE, AUX HALLES CENTRALES
PARIS.
EXPÉDITION. — EXPORTATION .
Cecce maison recommandable , connue depuis longtemps, a la spé-
cialité des Filets de boeuf frais de Paris, de l'Alsace et de la Suisse.
Elle tient un grand dépôt de Truffes fraîches et conservées ;
De Pâtés de foies gras, de Terrines et Charcucerie de Strasbourg
et de Toulouse.
£lle a la spécialité des Jambons d'York.
Tous les jours elle reçoit un arrivage abondant et choisi de Volailles,
Gibier et Poissons de toute espèce.
La maison Daudens s'est fait une grande clientèle bourgeoise, grâce à
la sécurité qu'elle inspire et à l'allure simple et sérieuse qui la carac-
térise.
£lle fournit les principaux Restaurants de Paris,
M. Daudens a reçu des Médailles à Londres en 1862, à l'Exposition
universelle de 1867, et au Havre en 1868.
Maison de confiance dans tout le sens du mot, elle se recommande,
non par le luxe extérieur, mais par la bonté des marchandises.
ÀV GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE. 17
EAU-DE-VIE
DE COGNAC
GRANDE CHAMPAGNE. I
FINS BOIS BORDERIES
MAISON LÉONIN ARNAUD
A COGNAC
MARQUE DE COMMERCE.
Au abinn Vinicolc
L. MAURIAL
CONDITIONS DE VENTE.
L'hectolitre à 59 degré* cent., eurforce en sus, logé en/ûts neuft parfai-
tement conditionnés, d'au moins ijo à 180 litres, suivant les cours établis
lors de la demande ;
Ou en caisses de 13 bouteilles de 75 centilitres chacune, ou de 24 demi-
bouteilles à partir de 30 fr. jusqu'à 300 fr.. La caisse de cognac marque :
Léonin Arnaud, qui ne le cède en rien aux marques les plus renommées.
Nota. 5 francs de plus par caisses de 34 demi- bouteilles quelle que soJC
la valeur des caisses de 1 1 bouteilles.
Le tout prit sur cherrette à Cognac, it 40 jours 3 p. 100 ou à } mois net.
Les journaux ci-apris publient les prix courants de la maison Léonin
Arnaud. et les changements de cours de ses eaux-de-vie :
A Paris. , .... Le Journal vinicoUj 9, boulevard des Italiens.
— Le Moniteur vinitoUj la R(vut commerciale.
A Pézenas (HéraultJ Le Languedocien.
A Bruxelles. ... Le Moniteur de la Brasserie et des spiritueux.
A Londres. . . . TAe W^ine trade Revient.
i8 ANNEXE
MAISON
LÉONIN ARNAUD
A COGNAC.
La maison Léonin Arnaud, anciennement L. Arnaud et C*«, la seuk
de ce nom à Cognac J ne peut répondre qu'aux demandes du commerce.
MM. les consommateurs qui seraient désireux d'apprécier ses types
sont priés de vouloir bien s'adresser, pour les obtenir, aux principaux négo-
ciants de leur localité et, faute par ces derniers d'en être approvisionnés,
en informer directement à Cognac ; dans ce cas, la maison s'empressera de
leur envoyer aussitôt tous les renseignements désirables, pour que satisfac-
tion leur soit donnée par l'intermédiaire de négociants déjà en relations
d'affaires avec elle.
La casa Léonin Arnaud, anticamente L. Arnaud e C^*, e la sola di
questo nome a Cognac, non pub rispondere oh^ aile domande del comercio.
I sigaori consumatori cn% desiderano apprezzare le differenti qualità
di mercanzie sono pregaci indirizzare le loro domande ai principali nego-
zianti délia loro località per ottenerle. Nel ci^so che i signori negozianti non
fossero forniti, avisarne dirett^pente a Cognac ove la casa metterà il più
gran zelo a spedire per Tintermediario dei sigaori negozianti délia loca-
lità in relazione d'affari colla nostra casa tutte le domande e schiarimend.
M'. Léonin Arnaud — formerly L. Arnaud & C* — the sole of this
name in Cognac, can get connexions but vith the vine and spirit mer-
chants.
The private persons vho will be desirous to value his brandies must
apply to the chief merchants in their tovn, or, if not, to M*". Léonin
Arnaud, Cognac, vho vill directly give them any indications and
recommandations for the brandy merchants in connexion vith him.
La casa Léonin Arnaud, antes Lepnin Arnaud y C", la unica de este
nombre en Cognac, no puede contestar sino à los pedidos del comercio.
Los consumidores que tendrian el deseo de probar sus aguardiences
de Cognac, pueden dirigirse para obtenei:los, i los principales négociantes
de su lugar ; y en caso de que estos no los tuviesen, dirigirse direcumente
à Cognac. £n este ûltimo caso, la casa tendra el raajor gusto en mandarles
en seguida todas las indicationes necesarias para que peudan satisfacerse
por medio de négociantes y a relacionadps con ella.
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
19
QUELQUES MOTS
SUR LES VINS DE BORDEAUX
ET LA MAISON G. SIRE ET G»-
ENTREPOT, s, PLACE D'ARMES, A SAINT-CLOUD.
Le vin est un noble produit qu'il est
difficile de se procurer dans de bonnes
conditions. L'acquéreur est forcé de se
lier non-seulement à la probité mais
encore a U science du négociant, oui
parfois ne sait pas bien lui-même les
qualités et les ressources particulières des
vins de toutes sortes qu'il vend.
Le courtage des vins est, selon l'expres-
sion d'un excellent auteur vinicolei, « une
vraie science qu'on acquiert par de longues
observations, une grande pratique et un ju-
gement droit, n Ces connaissances ne se
peuvent rencontrer a un haut degré que
chez un homme qui a sagement restremt
ses études et ses achats a une contrée
limitée. C'est ce qu'a fait M. G. Sire, et
nous pouvons affirmer qu'il connaît en
maître les vignobles dont il exploite les
produits, leur situation^ la nature de leur
sol et de leurs cépages, et les soins que
I^s propriétaires apportent à la culture
et a la vinification.
Nous avons visité l'entrepôt que MM. G.
Sire et C'*' possèdent à Saint-Cloud, et
nous avons pu constater que les mar-
chandises qui y sont amenées sont abso-
lument pures, tout à fait exemptes de
mélanges, et possèdent cette franchise,
cette sincérité si rare et si précieuse aux
amateurs.
Nous avons trouve dans leurs caves
tous les grands Medoc, si reconnaissables
a leur belle couleur, à leur bouquet qui par-
ticipe de la violette, à leur saveur exquise.
Le Chàteau-Margaux et le Château- Lafitte
premiers crus, puis le Clos-Destournel, le
Château-Laroze, le Giscours, le Pontet-
Canet, le Saint-Estéphe. le Saint-Julien,
le Cantenac, le Mouhs Cnàteau-Ponjeaux,
le Vaieyrac, le Bégaudan, etc.
Ce sont la des vins que leur sève et
leur arôme ont fait nommer vins de sei-
gneurs et de rois et qui, par les sels de
fer qu'ils contiennent, méritent le titre
de vins hygiéniques.
Ajoutons a cette liste illustre le Saint-
Éoubon et le Montferrant^ savoureux et
d'un bouquet rare, les meilleurs vins de
la côte; la Mission, un des types les plus
remarquables des vins de Graves, déjà
fameux au xvi* siècle ; les crus de Blaye,
souples et coulants ; les vins des côtes de
Bourg, dont lanature se rapproche de celle
du Bourgogne, mais avec plus de linesse,
et enfin ceux de Saint-Macaire, excellents
vins d'ordinaire, agréables et corsés.
I. Ch. Cockit.
I
MM. G. Sire et C** possèdent des ma-
f^asins à Bordeaux et entretiennent dans
a Gironde, depuis longtemps, des rela-
tions qui leur permettent de fournir a
leur nombreuse clientèle des produits
dont ib indiquent exactement l'âge, la
provenance et le temps où ils atteindront
leur perfection. On est assure d'acquérir
par eui, dans leur intégrité native, ces
Tins qui conservent l'haieine pure, la
bouche fraîche et la tète libre.
N'oublions pas de citer avec honneur
les vins blancs : le grand cru de Sauternes
3ui a vaincu à l'exposition universelle
e 1867^ le meilleur vin du Rhin, et le
Barsac-Podensac, tin, chaud, corsé et
parfumé.
Par la situation qu'il a su se créer,
M. G. Sire est en mesure de vendre ses
marchandises à jo et 40 pour 100 au-
dessous des prix des marchands de Bor-
deaux.
Il vend des Bordeaux, pu^e provenance,
depuis 110 francs.
MM. G. Sire et C** écrivaient il y a
quelques années:
fc Propriétaires aux pays vignobles, et fai-
sant le commerce des vins depuis au moins
vingt-cinq ans, nous avons acquis l'expé-
rience et les éléments nécessaires pouf
satisfaire aux demandes de vins qu'on
voudra bien nous adresser.
u Tirant directement nos produits, nous
prenons l'engagement de fournir en
toute nature des vins de premier choix.
u Livrer bon, naturel, et au cours des
vignobles, telle est et telle sera toujours
notre régie de conduite, de laquelle nous
ne nous écarterons jamais. »
Ils ont tenu parole.
N'oubtions pas de dire que cette maison
de confiance tournit les vins d'Espagne :
Xérès, Madère, Malaga, Porto, Alicante,
Muscat de Frontignan, Marsala, Malvoi-
sie, et terminons en citant respectueuse-
ment un noble vin de Tokay, âgé de
trente ans de bouteille.
Nous sommes revenus- de notre visite
a l'entrepôt de Saint-Cloud persuadé que
les connaissances acquises par M. G. Sire
et les régies de haute probité qui sont
dans les principes de sa maison rendront
les plus grands services aux consomma-
teurs en leur rendant accessibles des
produits toujours purs et naturels.
Qu'on se souvienne du naïf proverbe
du XIV* siècle :
Qui bon l*«chète, bon le boit.
^
20
ANNEXE
LE CLOS NOISOT
Le CLOS NoisoT, — ancien clos Napo-
léon, — produit un vin du genre si estimé
des Ckamhertin. M. Cretin-Cholet le ré-
colte au village de Fixin, canton de Gb-
VRET - Chambertin, à 10 kilomètres de
Dijon, entre cette ville et Beaune. Fixin
est un joli village favorablement exposé
sur un des plus heureux points de cette
côte aimée du soleil, qu'on a si bien nom-
mée la côte d'Or.
Le clos Noisot, qui fait la célébrité de
ce village, est un clos historique. Il a ses
annales qui méritent d'être connues de
tous ceux qui estiment les vins fins, tré-
sor annuel de notre patrie.
M. Noisot, adjudant- major des grena-
diers de la garde, sous Napoléon I**", s'é-
tablit à ,Fixin après la chute de l'Empire
et y fonda le clos qui devait fournir de
si excellents produits. C'est lui qui, en
mémoire du capitaine sous qui il avait
servi, donna au clos de Fixin le nom de
clos Napoléon. Un fait plus singulier,
c'est que cet ex-grenadier fit orner sa pro-
priété d'un monument magnifique. Il
demanda au sculpteur Rude, son ami,
une statue de bronze qui figurât Napo-
léon à Saint-Hélène. L'œuvre du grand
artiste représente le prisonnier couché
sur le roc et montrant de son bras ense-
veli dans les plis d'un lourd manteau,
son aigle morte à ses pieds. Cette image
épique et funèbre repose sur un socle de
marbre noir entouré de sombres tujas.
Le buste de Rude, œuvre de M. Cabet,
s'élève à quelques pas. A deux cents mètres
plus haut, on rencontre le tombeau, taillé
dans le roc, du grenadier devenu vigne-
ron ; il est surmonté de son buste. Enfin
au milieu du bois, sur la montagne, la
maison du garde renferme, dans une de
ses chambres, un musée imprévu où les
touristes anglais viennent voir le drapeau
des adieux de Fontainebleau.
Dès l'époque de la restauration, les
vignes du clos Noisot étaient les plus belles
du village.
M. Cretin-Cholet exposa en 1867 des
vins de ce clos qui s'était encore amélioré.
Sur un rapport favorable de la commis-
sion du jury, il reçut une médaille d'ar-
gent.
Ce n'est pas la seule récompense dont
s'honore la famille de M. Cholet. S<mi
beau-père, M. Cholet>LhuiIlier, proprié-
taire, décédé à Fixin, avait également ob-
tenu pour ses vins ordinaires et pour un
vin dit IsABBLLA, une mêdaiUe d'argent.
L'Uabblla exige une mention particu-
lière; c'est un vin fait avec un raisin
d'Amérique dont le goût exquis et rare
rappelle tout ensemble le cassis, la fram-
boise et l'ananas. C'est un essai tout à
l'honneur de M. Cholet- Lhuillier. Ce vin
ne réussit que dans les bonnes années,
telles que furent 186$, 1868 et 1870. Mais
alors il donne des résultats pleinement
satisfaisants. Par malheur les Prussiens,
lors de l'invasion, ont bu en fût VisabelU
de 1870, et M. Cretin-Cholet ne possède
plus de ce vin unique que quelques boa-
teilles datées de 186$ et 1868.
Pour résumer, énumérons, comme ap>
partenant en propre à la maison Cretin-
Cholet, les produits suivants :
Vin fin du clos Noisot (ancien clos
Napoléon) de Fixin, canton de Gcvrey-
Chambertin (Côte-d'Or) médaille d'ar-
gent 1867 (Paris).
Vin du CLOS dbs Ech^bbaux, de Fixin,
canton de Gevrey-Chambertin (Côte-
d'Or).
Vin d'IsABBLLA de Fixin, canton de Ge-
vrey-Chambertin (Côte-d'Or), médaille
d'argent 1867 (Paris).
Ajoutons, pour l'usage des consomma-
teurs, les indications que voici : Le clos
Noisot vaut 6$o fr. la pièce de 228 litres.
Le clos des Ècké^eaux vaut 250 fr. U
pièce de même capacité. VlsaBella, d'une
excessive rareté, échappe à toute appré-
ciation vénale.
Nous sommes heureux d'avoir pu otfHr
à nos lecteurs ces renseignements sur un
établissement vinicole qui depuis plusœurs
générations a mérité Tapprobation des
juges compétents et reçu des récompenses
nationales.
AU GRAND DICTIONNAIRE DK CUISINE 21
COMPAGNIE
DES
CAVES GÉNÉRALES
Oidministration & Cellier, rue de Bercy ^ m
PARIS.
Cet important établissement, connu depuis longues années, est bien la
vraie pratique des doctrines des économistes qui recommandent les rap-
ports directs du producteur et du consommateur. — Comment, en effet,
un acheteur peut-il s'approvisionner plus directement qu'avec une grande
entreprise commerciale ayant des relations considérables avec tous les
vignobles et qui ne vise d'autre spéculation que d'être en mesure, avec ies
grands capitaux^ de donner satisfaction complète à sa clientèle de consom-
mateurs?
Le consommateur ne peut pas acheter avec avantage chez le produc-
teur. Il aurait a subir les années défavorables ou un déplacement très-oné-
reux s'il voulait choisir son vendeur. Il aurait de plus tous les soins à
donner à son vin ou à subir les chances aléatoires d'une qualité assez sou-
vent mal soutenue.
Avec l'administration des Caves géne'rales, aucun de ces incon-
vénients ne saurait subsister. Elle ne livre ses vins que lorsqu'ils sont prêts
à être bus. Spécialement établie en vue du consommateur^ elle peut fournir
à TofEce, au ménage comme aux plus somptueuses tables, tous les vins
français et étrangers , les eaux-de-vie et liqueurs de toutes qualités. Il est
facile à tout acheteur qui ne veut ni dépasser son budget, ni être surpris,
de s'édifier sur le mérite et les prix relatifs des vins et liqueurs fournis
par l'administration des Caves générales.
Ne voulant surprendre ni forcer la confiance, mais la mériter, cette
administration adresse ses tarifs à qui en fait la demande. £lle fait livrer,
dans Paris et au dehors, toutes quantités qui lui sont demandées à titre
de fourniture d'essai
22 ANNEXE
LE CABINET VINICOLE
L. MAURIAL, DIRECTEUR
9, BOULEVARD DES ITALIENS, A PARI5.
Cet établissement, dirigé par un homme compétent en tout ce qui con-
cerne la production et le commerce des vins, manquait à Paris. Il est si diffi-
cile, en effet, de se procurer, avec la certitude de les obtenir, les vins, eaux-
de-vie et liqueurs renommés ! Comment reconnaître un cru d*un autre, une
grande marque d'une autre marque? L'acheteur se trouve à la discrétion de
son vendeur. Ce dernier peut n'être pas, lui-même, dans de meilleures condi-
tions d'approvisionnement.
Le directeur du cabinet vinicole a groupé sur un même point le plus
central et le plus fréquenté de Paris, une exposition des vins des grands crus
remis par les producteurs ou les collectionneurs les plus et le mieux connus ;
il a pris pour devise de cette intervention entre le détenteur et l'acheteur :
Sûreté du cru, garantie de la marque.
Le CABINET VINICOLE ne traite aucune affaire pour son compte. Il est le
représentant des propriétaires ou négociants qui lui confient le dépôt des
produits dont ils sont le plus spécialement détenteurs. L'acheteur peut trouver
là les types des meilleurs vins français et étrangers, des eaux-de-vie de Cognac
de la plus sûre origine, des liqueurs d'une fabrication irréprochable.
Parmi les plus célèbres type», il a : — les grands vins de France et de
l'Etranger de MM. H. Cuvillier et frères, 80, pavé des Chartrons à Bordeaux;
— les grands vins de Bourgogne de la compagnie Forest aîné et C'% à Beaune;
— les vins de Gruaud-Laroze-Sarget, dont M'"* veuve Rivet jeune, 8, boule-
vard Poissonnière, à Paris, est la dépositaire ; — les vins de l'Ermitage de
M. X... ; — les vins de Champagne de MM. Dufaut et C'*, propriétaires au
Château-Pierry, près Epernay (Marne) ; — les remarquables vins muscat de
Frontignan de M. L. Barrai ; — les vins d'office et d'ordinaire de M. L. Nicolas,
de Paris ; — les fins types d'eaux-de-vie de M. Léonin Arnaud de Cognac de
tous âges, en fûts ou en caisses, dits grande Champagne et fins Bois-Borderies;
— les fins curaçaos et liqueurs renommées de MM. Sapin et C'*', de Limoges,
les premières en hautes récompenses à toutes les expositions, etc., etc.
Le CABINET VINICOLE réunit tout ce qui touche à l'approvisionnement
des grands vins, vins fins et ordinaires, eaux-de-vie et liqueurs à haute répu-
tation. Il fournit le gros et menu outillage de luxe ou usuel pour le traite-
ment des liquides à la cave et pour leur service sur la table.
AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE. 23
r
Pharmacie GUENON, rue de la Coutellerie y %, à Paris
ET DANS TOUTES LES PHARMACIES
LIQUEUR DE L'AMIRAL
ANTI-GOUTTEUSE, ANT I -RHUM ATISM ALE ET DÉPURATIVK
Du D' C. GAUDIN.
La substance qui sert de b^se à cette liqueur est d'un emploi fréquent
dans plusieurs Colonies françaises, comme spécifique des affections arthri-
tiques récentes et invétérées. Le docteur Gaudin, sur les indications d'un
vieux praticien créole, en fit d'abord Tessai sur lui-même, et s'en étant
bien trouvé, il la préconisa dans sa clientèle.
Un officier général de la marine, goutteux au dernier degré, en
obtint les meilleurs résultats et aida tellement à en répandre l'usage, qu'on
s'habitua à la désigner par le nom que l'inventeur lui a laissé : Liqueur de
V Amiral, Depuis que le docteur Gaudin exerce à Vichy, et qu'il lui a été
permis d'étudier plus spécialement la goutte, il a associé deux autres médi-
caments à la base première, et il obtient les meilleurs effets de cette prépa-
ration, soit qu'il l'emploie isolément, soit qu'il la prescrive comme adju-
vante des alcalins.
Mode Remploi, — Contre la goutte aiguë et chronique, les rhuma-
tismes goutteux, simples ou invétérés, contre les affections anciennes et
contre certaines maladies de peau, prendre un verre à liqueur matin et soir,
à jeun et avant de se coucher, pendant deux mois et sans interruption.
Dans ces divers états, il sera prudent, pour obtenir plus sûrement des
effets radicaux et définitifs, de poursuivre le même usage pendant quinze
jours, aux approches des renouvellements de saisons, dans les premiers
jours de juin et septembre, par exemple, le traitement principal ayant été
suivi en janvier et février de la même année.
Les doses prescrites, administrées aux mêmes époques, pourront être
augmentées d'un tiers sans le moindre danger chez les personnes habituées
aux boissons alcooliques, et alors, la seconde partie du traitement ne sera
plus que de huit à dix jours. Cette liqueur ne contient pas de colchique ;
elle est essentiellement dépurative. Deux mois d'un emploi régulier suffisent
largement dans les affections rhumatismales simples et d'origine récente,
ainsi que dans toutes les affections anciennes pour lesquelles on a recours
aux dépuratifs puissants et inofiensifs, mais dans les maladies de peau de
causes arthritiques, la durée du traitement doit être doublée.
Nota. — Quelques gouttes d'eau pure bues aussitôt après l'inges-
tion de la Liqueur de l'Amiral^ en dissipent immédiatement le goût et
l'odeur ; on peut même la boire comme l'on boit l'absinthe, dans de l'eau
pure ou dans de l'eau sucrée.
A vichy, pharmacie F. DESBRKTS. — A Lyon, CAZENEUVE et LESTRA,
aôf rue Lanterne.
24 ANNEXE AU GRAND DICTIONNAIRE DE CUISINE.
GUENON y pharmacien y 2^ rue de la Coutellerie ^ à Paris
PREPARATIONS
A L'ACIDE PHÉNIQ.UE
Maintenant que la doctrine parasitaire est adoptée^ dans une large
mesure , par les savants les plus autorisés , le traitement par V Acide phé-
nique y dont M. le docteur Déclat est le promoteur, reçoit chaque jour de
nouvelles applications.
L'acide phénique n'a qu'une action : celle de tuer les germes qui occa-
sionnent les maladies. Voilà pourquoi il est applicable dans tant de cas,
qui au premier abord paraissent différents. Les maladies qui se gagnent,
depuis le rhume de cerveau jusqu'à la fièvre typhoïde, sont occasionnés
par des germes. Les maladies endémiques, depuis le charbon jusqu'à la
fièvre intermittente et le choléra, sont occasionnées par la pénétration des
ferments dans le sang.
Jusqu'à ce jour, l'acide phénique seul atteint tous les germes ou fer-
ments et arrête par conséquent les maladies dkns leur source même.
inoffensif.
niquées
altéré ou des corps étrangers à l'acide phénique.
La condition indispensable du succès étant dans la bonté du pro-
duit et dans sa bonne préparation, M. Guenon, pharmacien, s'est adressé
à M. le docteur Déclat, promoteur du traitement phénique, pour qu'il
dirigeât et surveillât lui-même l'élaboration des produits employés, dont les
principaux sont :
Sirop titré à l'acide phénique, pur et blanc,
prix 3 fr. »
Sirop phénique spécial contre la coqueluche. . 5 »>
Sirop au souffre et à l'acide phénique 3 50
Liqueur pour injections sous-cutanées, contre
les fièvres intermittentes, le charbon, etc. . 2 »
Liqueur contre les piqûres de mouches et contre
le charbon (flacon et étui) 2 50
Préparations pour les animaux.
Solution glyco-phéniquée contre la cocotte et
le charbon, pour 10 litres de boisson. ... 2 fr. 50
Solutions pour pansement, pour cautérisations
et pour boissons, contre la cocotte et le
charbon, dans une boîte 7 50
En détail, dans toutes les pharmacies.
En gros, chez GUENON , a, rue de la Coutellerie, à Paris.
Paris. — J. Claye, imprimeur, 7, rue Saint - Benoit. — I1983I