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Full text of "Grand dictionnaire de cuisine"

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IRADCUFFE  COUJCE  UBRAKY( 

WOMEN'S  ARCHIVES 

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HARVARD  œLUECE  UBRARY 

LIBRARY 


GRAND     DICTIONNAIRE 


nR 


CUISINE 


f 


GRAND    DICTIONNAIRE 


CUISINE 


ALEXANDRE    DUMAS 


PARIS 

ALPHONSE     L  E  M  E  R  R  E  ,     É  D  11'  E  U  R 

27-39,      PASSAGE    CHOISEUL,     37-29 
H    DCCC    LXXIIl 


^-^ 


y^^t.  -J^ 


mmt  GouifiE  iinMir 

BEQUEST  OF 

WiLLUM  McMICHAEL  WOODWORTH 

FEB.  19,  t»t5. 


(.Hl.02 


Dî^< 


Alexandre    Dumas 


KT      t  K 


GRAND    DICTIONNAIRE   Dt    CUISINE 


Alexandre    Dumas 


K  T      L  K 


GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE 


N  pourrait  citer  plus  d'un  grand  esprit  qui, 
interrompant  ses  travaux  d'imagination  ou 
de  science,  n'a  pas  dédaigné  d'écrire  sur 
l'art  de  manger.  Nous  ne  voulons  pas  par- 
ler ici  des  médecins  ou  des  chimistes,  dont  les  travaux 
sur  la  cuisine,  considérée  au  point  de  vue  hygiénique, 
se  comptent  par  centaines,  mais  d'hommes  tels  qu'Api- 
cius,  personnage  consulaire,  ou  Brillât -Savarin,  grave 
magistrat,  qu'une  voluptueuse  délicatesse  poussa  à  médi- 
ter sur  l'organe  du  goût  et  la  nature  des  aliments, 

Charles  Baudelaire  a  écrit  sur  la  cuisine  quelques 
pages  qui  témoignent,  comme  tout  ce  qu'a  laissé  l'auteur 
des  Fleurs  du  mal,  des  réflexions  longues  et  continues. 
Il  expose  des  idées  très-personnelles  touchant  l'excel- 
lence des  «viandes  qui  saignent  et  des  vins  qui  charrient 


IV  ALEXANDRE   DUMAS 


Tivresse.  *  »  Selon  lui  la  question  des  sauces,  ragoûts  et 
assaisonnements,  «  demanderait  un  chapitre  grave  comme 
un  feuilleton  de  science  » .  Il  appelle  «  toute  la  pharmacie 
de  la  nature  au  secours  de  la  cuisine.  »  Bel  aperçu  jeté 
par  un  poëte  sur  les  besoins  journaliers  de  la  vie  et 
qui  fait  du  cuisinier  idéal  un  poëte,  un  savant  et  un 
voluptueux  ,  connaissant  les  propriétés  chimiques  des 
matières! 

Alexandre  Dumas  avait  des  vues  plus  pratiques  et 
d'une  utilité  plus  immédiate  quand  il  composa  son 
Grand  Dictionnaire  de  cuisine  :  c'est  un  livre  usuel  qu'il 
voulut  faire,  et  Ton  sait  qu'il  réussissait  tout  ce  qu'il 
tentait.  Mais  le  caractère  pratique  du  livre  est  rehaussé 
par  cette  délicatesse  du  goût  et  cette  originalité  que 
possèdent  seules  les  organisations  supérieures. 

Telle  était  évidemment  celle  d'Alexandre  Dumas; 
telles  sont  les  qualités  caractéristiques  de  son  Grand 
Dictionnaire  de  cuisine. 

Nous  ne  dirons  pas  ici  le  plan  que  l'illustre  auteur  a 
adopté  :  ce  plan  est  exposé  par  l'auteur  lui-même  dans 
la  Préface  qu'on  trouvera  à  la  suite  de  ces  quelques 
réflexions.  Nous  indiquerons  seulement  en  deux  mots 
comment  ce  livre  fut  fait. 

Alexandre  Dumas  était  un  beau  mangeur,  comme  il 
était  un  beau  conteur.  Cette  nature  puissante,  que 
iM.  Michelet  a  si  bien  appelée  «  une  force  de  la  nature  »  , 

I.   La  Fanfarlo.  p.  421  et  suivantes  de  rédition  des  œuvres. 


ET  LE  GRAND  DICTIONNAIRE   DE    CUISINE. 


produisant  beaucoup  y  dépensait  beaucoup.  Jamais  homme 
ne  voyagea,  ne  combina,  n'écrivit  davantage  ;  jamais  plus 
solide  charpente  ne  supporta  cerveau  plus  fécond.  Un 
tel  homme  dut  instinctivement  songer  à  ce  qu'un  excel- 
lent écrivain  appelle  «  le  système  d'alimentation  néces- 
saire aux  créatures  d'élite  ».  On  peut  se  convaincre,  en 
lisant  les  Mémoires  d'Alexandre  Dumas  et  les  Impressions 
de  voj^age,  qu'il  acquit  de  bonne  heure  l'entente  de  la 
table.  Ses  promenades  en  Europe  le  familiarisèrent  avec 
les  préparations  exotiques.  11  n'est  pas  surprenant  qu'il 
ait  songé  à  réunir,  pour  le  profit  du  public,  des  notions 
acquises  dans  le  cours  de  sa  vie  si  active,  si  brillante  et 
si  fêtée. 

Il  y  songea  longten^ps.  Cette  idée  prit  une  forme 
précise  dans  les  dernières  année»  de  sa  verte  vieillesse. 

«  Je  veux  clore,  disait-il  souvent,  mon  œuvre  litté- 
raire de  cinq  cents  volumfs  par  un  livre  de  cuisine.  » 

C'est  dans  le  cours  de  l'année  1869  ^'^^  écrivit  le 
Grand  Dictionnaire  de  cuisine*  Le  manuscrit  fut  livré  à 
son  éditeur  et  ami,  Alphonse  Lemerre,  au  mois  de 
mars  1870. 

Ce  manuscrit  avait  été  porté  à  l'imprimerie,  et  déjà 
plusieurs  feuilles  étaient  composées,  quand  les  graves  et 
tristes  événements  au  milieu  desquels  Alexandre  Dumas 
s'éteignit,  vinrent  suspendre  la  publication  qui,  reprise 
avec  la  paix,  fut  conduite  soigneusement  par  d'anciens 
amis  du  célèbre  auteur. 

En  lisant  cette  dernière  œuvre  du  maître,  on  retrou- 


L 


VI 


ALEXANDRE  DUMAS,   ETC. 


vera  cet  amour  de  la  vie  des  vivants,  ce  don  de  plaire, 
ce  besoin  de  conter,  cette  bonne  humeur,  cette  netteté 
d^esprit,  ce  parfait  bon  sens,  toutes  ces  belles  qualités 
qui  font  le  charme  de  ses  Hvres,  mises  cette  fois  au  ser- 
vice d^un  art  utile  à  tout  le  monde,  et  duquel  dépendent 
la  santé,  Thumeur  et  la  durée  de  la  vie 


L.  T. 


A    M.    V.-J.    VUILLEMOT. 


Cher  Monsieur, 

Puisque  Alexandre  Dumas  n  est  plus  là  pour  dire  tout 
ce  que  vous  ave^  fourni  à  son  (jrand  Dictionnaire  de  cui- 
sine, tant  en  recettes  originales  qu'en  conseils  d'habile  pra- 
ticien, je  crois  devoir  payer  pour  lui  une  dette  quil  eût 
acquittée  avec  joie,  et  vous  remercier  en  son  nom. 

J'ai  asse^  connu  Alexandre  Dumas  pour  savoir  quil 
estimait  votre  habileté  et  vous  était  fort  attaché,  Cest  un 
témoignage  que  je  veux  vous  vendre;  mais  ce  qu*il  importe 
surtout  que  je  constate  ici,  c'est  le  ^èle  amical  avec  lequel 
vous  ave^  bien  voulu  ^  après  la  mort  de  l'homme  illustre  que 
vous  affectionniez,  corriger  les  épreuves  de  son  livre,  et, 
par  ces  derniers  soins,  rendre  le  Grand  Dictionnaire  de 
cuisine  digne  en  tout  point  de  son  auteur  et  de  vous. 

Je  vous  remercie,  pour  ma  part,  et  vous  serre  affec- 
iueusement  la  main, 

.4,   LE  Al  ERRE. 


2  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


c'est  à  la  fois  la  grande  préoccupation  de  Thomme  sauvage  et  de 
rhomme  civilisé.  Seulement,  sauvage,  il  mange  par  besoin. 

Civilisé,  il  mange  par  gourmandise. 

C'est  pour  Thomme  civilisé  que  nous  écrivons"  ce  livre  ;  sau- 
vage, il  n'a  pas  besoin  d'être  excité  à  l'appétit. 

il  y  a  trois  sortes  d'appétits  : 

1°  Celui  que  l'on  éprouve  à  jeun,  sensation  impérieuse  qui 
ne  chicane  pas  sur  les  mets  et  qu'au  besoin  on  apaiserait  avec 
un  morceau  de  chair  crue  aussi  bien  qu'avec  un  faisan  ou  un 
coq  de  bruyère  rôti  ; 

2*^  Celui  que  l'on  ressent  lorsque,  s'étant  mis  à  table  sans 
faim,  on  a  déjà  goûté  d'un  plat  succulent  qui  a  consacré  le  pro- 
verbe :  L'appétit  vient  en  mangeant. 

Le  troisième  appétit  est  celui  qu'excite,  après  le  mets  suc- 
culent venu  au  milieu  du  dîner,  un  mets  délicieux  qui  paraît  à 
la  fin  du  repas,  lorsque  le  convive  sobre  allait  quitter  sans  regrets 
la  table,  où  le  retient  cette  dernière  tentation  de  la  sensualité. 

Deux  femmes  nous  ont  donné  les  premiers  exemples  de  la 
gourmandise  : 

Eve,  en  mangeant  une  pomme  dans  le  Paradis; 

Proserpine ,  en  mangeant  une  grenade  en  enfer. 

Proserpine  ne  fit  de  tort  qu'à  elle.  Enlevée  par  Pluton,  pen- 
dant qu'elle  cueillait  des  fleurs  sur  les  bords  de  la  Cyanée ,  et 
transportée  en  enfer,  à  ses  réclamations  pour  remonter  sur  la 
terre  le  Destin  répondit  : 

«  Oui ,  si  tu  n'as  rien  mangé  depuis  que  tu  es  en  enfer.  » 

La  i^urmande  avait  mangé  sept  grains  de^  grenade. 

Jupiter,  imploré  par  la  mère  de  Proserpine,  Cérès,  revit  l'arrêt 
du  Destin  et  décida  que,  pour  satisfaire  à  la  fois  la  mère  et  l'époux, 
Proserpine  resterait  six  mois  sur  la  terre  et  six  mois  dessous. 

Quanta  Eve,  sa  punition  fut  plus  grave,  et  elle  s'étendit 
jusqu'à  nous,  qui  n'en  pouvons  mais. 

Au  reste,  de  même  qu'il  y  a  trois  sortes  d'appétits,  il  y  a 
trois  sortes  de  gourmandises. 

Il  y  a  la  gourmandise  que  les  théologiens  ont  placée  au  rang 
des  sept  péchés  capitaux,  celle  que  Montaigne  appelle  la  science 
de  la  gueule. 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


C'est  la  gourmandise  des  Trimalcion  et  des  Vitellius. 

Elle  a  un  superlatif,  qui  est  la  gloutonnerie. 

Le  plus  grand  exemple  de  gloutonnerie  que  nous  donne 
l'antiquité  est  celui  de  Saturne  dévorant  ses  enfants,  de  peur  d'être 
détrôné  par  eux,  et  avalant,  à  la  place  de  Jupiter,  un  pavé 
emmaillotté,  sans  s'apercevoir  que  c'était  un  pavé. 

Nous  lui  pardonnons  pour  avoir  fourni  à  Vergniaud  cette 
belle  comparaison  : 

<c  La  Révolution  est  comme  Saturne  :  elle  dévore  ses  enfants.  » 

A  côté  de  cette  gourmandise,  qui  est  celle  des  estomacs 
robustes,  il  y  a  celle  que  nous  pourrions  nommer  la  gour- 
mandise des  esprits  délicats  :  c'est  celle  que  chante  Horace  et 
que  pratique  Lucullus;  c'est  le  besoin  qu'éprouvent  certains 
amphitryons  de  réunir  chez  eux  quelques  amis,  jamais  moins 
nombreux  que  les  Grâces,  jamais  plus  nombreux  que  les  Muses, 
amis  dont  ils  s'efforcent  de  satisfaire  les  goûts  et  de  distraire  les 
préoccupations. 

C'est,  parmi  les  modernes,  celle  des  Grimod  de  la  Reynière 
et  des  Brillât-Savarin. 

De  même  que  l'autre  gourmandise  a  un  augmentatif,  glou-- 
tannerie^  celle-ci  a  un  diminutif,  friandise. 

Ce  diminutif  s'applique  également  aux  personnes  qui  aiment 
les  choses  délicates  et  recherchées  et  à  ces  choses  elles-mêmes. 

Le  gourmand  exige  la  quantité,  —  le  friand,  la  qualité. 

Nos  pères ,  qui  avaient  le  verbe  friander  que  nous  avons 
perdu,  disaient,  en  voyant  certaines  physionomies  gueulardes^ 
autre  mot  perdu,  dans  ce  sens  du  moins  : 

Voilà  un  homme  qui  a  le  ne:(  tourné  à  la  friandise. 

Ceux  qui  tenaient  à  être  exacts  ajoutaient  : 

Comme  saint  Jacques  de  V Hôpital. 

D'où  venait  cet  axiome,  qui  au  premier  abord  parait  passa- 
blement incongrue 

Nous  allons  vous  le  dire. 

n  y  avait  une  image  de  saint  Jacques  de  l'Hôpital  peinte 
sur  la  porte  de  l'édifice  de  ce  nom,  près  de  la  rue  aux  Oies, 
devenue  depuis,  par  corruption,  la  rue  aux  Ours,  rue  dans 
laquelle  se  trouvaient  les  premiers  rôtisseurs  de  Paris. 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


Or,  comme  le  visage  du  saint  regardait  cette  rue,  on  disait 
qu'il  avait  le  nez  tourné  à  la  friandise. 

C'est  ainsi  que  Ton  dit  de  la  statue  de  la  reine  Anne,  à  Lon- 
dres, reine  passablement  friande,  de  vin  de  Champagne  surtout  : 

C'est  comme  la  reine  oânne,  qui  tourne  le  dos  à  l'église  et 
qui  regarde  le  marchand  de  vin. 

Et,  en  effet,  soit  hasard  de  la  pose,  soit  malice  du  statuaire, 
la  reine  Anne  commet  cette  inconvenance,  qui  peut  passer  pour 
une  critique  de  sa  vie,  de  tourner  le  dos  à  Saint-Paul  et  de 
garder  son  sourire  royal  pour  le  grand  marchand  de  vin  qui  fait 
le  coin  de  la  rue. 

Brillât-Savarin,  le  La  Bruyère  de  cette  seconde  catégorie  des 
gourmands ,  a  dit  : 

L'animal  se  repaît,  Vhomme  mange,  l'homme  d'esprit  seul 
sait  manger. 

La  troisième  gourmandise,  pour  laquelle  je  n'ai  que  des 
lamentations ,  est  celle  des  malheureux  atteints  de  la  boulimie, 
maladie  qui  attaqua  Bru  tus  après  la  mort  de  César;  ceux-là  ne 
sont  ni  des  gourmands,  ni  des  gourmets,  ce  sont  des  martyrs. 

Ce  fiit  sans  doute  dans  un  accès  de  cette  fatale  maladie 
qu'Esaii  vendit  à  Jacob  son  droit  d'aînesse  pour  un  plat  de 
lentilles. 

Or  c'était  un  droit  d'une  grande  importance  que  ce  droit 
d'aînesse  chez  les  Hébreux,  puisqu'il  remettait  entre  les  mains 
du  premier-né  la  possession  des  biens  et  un  pouvoir  absolu  sur 
toute  la  famille. 

Cependant  Esati  avait  pris  son  parti  de  ce  premier  marché 
passablement  indélicat  de  la  part  d'un  frère ,  lorsque  Isaac  lui 
dit  :  «  Prends  ton  arc  et  tes  flèches  et  apporte-moi  le  fruit  de 
ta  chasse,  puis  tu  l'apprêteras  de  tes  propres  mains,  car  je  veux 
te  donner  ma  bénédiction  avant  de  mourir.  » 

Rébecca  entendit  ces  paroles,  tua  deux  chevreaux;  et, 
comme  elle  avait  un  faible  pour  Jacob ,  tandis  qu'Esaii ,  son  arc 
à  la  main,  exécutait  le  commandement  d'Isaac,  elle  assaisonna 
les  chevreaux,  couvrit  de  leurs  peaux  les  mains  de  Jacob,  et,  à 
l'aide  de  ce  stratagème,  lui  fit  donner  la  bénédiction  paternelle 
par  Isaac.  C'était  la  seconde  fois  qu'Esaii  était  volé  ;  mais  cette 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


seconde  fois,  il  n'accepta  pas  la  chose  aussi  doucement  que  la 
première  :  il  reprit  son  arc  et  ses  flèches  à  l'effet  de  tuer  Jacob , 
lequel  se  sauva  en  Mésopotamie,  chez  son  oncle  Laban. 

Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  vingt  ans  que  Jacob  revint  au  pays 
natal.  Encore  eut-il  la  prudence  de  s*y  faire  précéder  par  deux 
cents  chevaux,  vingt-deux  boucs,  vingt  béliers,  trente  chamelles 
avec  leurs  petits,  quatre-vingts  vaches,  trois  taureaux,  vingt 
ànesses  et  dix  ânons. 

C'était  le  complément  de  son  plat  de  lentilles,  plat  que 
Jacob,  en  y  réfléchissant,  avait  trouvé  bien  usuraire. 


L'Olympe  antique,  avec  lequel  nous  avons  fini,  n'est  pas 
très-gourmand;  il  ne  mange  que  de  l'ambroisie  et  ne  boit  que 
du  nectar. 

Ce  sont  les  hommes  qui ,  sous  ce  rapport,  donnent  le  mauvais 
exemple  aux  dieux. 

On  ne  dit  point  des  festins  de  Jupiter,  des  festins  de  Nep- 
tune, des  festins  de  Pluton.  Il  parait  même  que  Ton  mangeait 
fort  mal  chez  Pluton ,  puisque  le  Destin  supposait  qu'après  six 
mois  passés  dans  le  royaume  de  son  époux,  Proserpine  pouvait 
èttte  encore  à  jeun. 

On  dit  des  festins  de  Sardanapale,  des  festins  de  Baltha^ar. 

Nous  pouvons  même  ajouter  que  ces  locutions  sont  passées 
en  proverbe. 

Sardanapale  est  populaire  en  France.  La  poésie,  la  peinture 
et  la  musique  se  sont  chargées  de  le  réhabiliter.  Assis  sur  son 
trône,  près  de  Myrrha,  entouré  de  ses  chevaux,  de  ses  esclaves, 
que  l'on  égorge,  transparaissant  avec  un  sourire  de  volupté  à 
travers  la  fumée  et  la  flamme  de  son  bûcher,  il  se  transfigure 
et  ressemble  à  ces  dieux  d'Orient,  Hercule  ou  Bacchus,  montant 
au  ciel  sur  des  chars  de  feu. 

Alors  toute  cette  vie  de  débauches,  de  luxe,  de  paresse, 
de  lâcheté,  se  rachète  par  le  courage  des  deux  dernières 
années  et  par  la  sérénité  de  Tagonie.  Et,  en  efièt,  à  travers 
les  brèches  4^   Ninive   assiégée,    on    voit  d'un   côté  le  Tigre 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


débordé ,  dont  les  flots  s'avancent  comme  une  sombre  marée , 
et  de  Tautre  les  révoltés  conduits  par  Arbace  et  Bélésés,  qui 
viennent  lui  enlever  cette  vie  qu'il  se  sera  lui-même  pompeuse- 
ment ôtée  avant  leur  arrivée.  Alors  on  oublie  que  cet  homme, 
qui  va  mourir  et  qui  est  resté  le  maître  de  sa  mort,  est  le  même 
qui  a  rendu  cette  loi  : 

Une  récompense  de  mille  pièces  d*or  est  accordée  à  celui  qui 
inventera  un  plat  nouveau. 

Byron  a  fait  de  Sardanapale  le  héros  d'une  de  sts  tragédies  ; 
de  la  tragédie  de  Byron,  MM.  Henri  Becque  et  Victorin  Jon- 
cières  ont  fait  un  opéra. 

Nous  avons  cherché  vainement  une  carte  d'un  de  ces  fameux 
festins  qui  ont  été  baptisés  du  nom  de  Sardanapale. 

Balthazar  a ,  comme  son  prédécesseur,  l'avantage  de  servir 
de  point  de  comparaison  entre  les  gourmands  antiques  et  les 
gourmands  modernes  :  seulement  il  eut  le  malheur  d'avoir  affaire 
à  un  dieu  qui  ne  tolérait  pas  le  mélange  de  la  gourmandise  à 
l'impiété. 

Si  Balthazar  n'eût  été  que  gourmand ,  Jéhovah  ne  s'en  fût 
pas  mêlé. 

Gourmand  et  impie,  la  chose  parut  intolérable. 

Voici,  au  reste,  le  drame  : 

Pendant  que  Balthazar  était  assiégé  dans  Babylone  par 
Cyaxare  et  Cyrus,  il  donna,  pour  se  distraire,  un  grand  dîner  à 
SQS  courtisans  et  à  ses  concubines. 

Les  choses  allaient  à  merveille  jusque-là;  par  malheur,  tout 
à  coup  il  lui  \dnt  à  l'idée  de  se  faire  apporter  les  vases  sacrés 
d'or  et  d'argent  que  Nabonat^ar  avait  enlevés  au  temple  de 
Jérusalem.  A  peine  eurent-ils  été  profanés  par  le  contact  des 
lèvres  impies,  qu'un  grand  coup  de  tonnerre  se  fit  entendre,  que 
le  palais  fut  ébranlé  jusque  dans  ses  fondements,  et  que  ces  trois 
mots  qui,  depuis  plus  de  vingt  siècles,  font  l'épouvante  des  rois^, 
apparurent  en  lettres  de  feu  tracées  sur  les  murailles  : 

«  Mané,  Thécel  ^  Phares.  » 

La  terreur  fut  grande,  à  cette  vue;  et,  de  même  que,  lorsque 
la  maladie  devient  grave,  on  envoie  chercher  le  médecin  dont  on 
s'est  moqué  la  veille,  on  envoya  chercher  un  jeune  homme  qui 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


prophétisait  dans  ses  moments  perdus,  et  dont  les  prophéties 
faisaient  rire,  en  attendant  qu'elles  fissent  trembler. 

Ce  jeune  homme,  c'était  Daniel. 

Elevé  à  la  cour  du  roi,  il  étudiait  pour  être  mage. 

A  peine  eut-il  lu  les  trois  mots,  qu'il  les  expliqua,  comme 
si  la  langue  que  Jéhovah  parlait  à  Balthazar  était  sa  langue 
maternelle. 

Mané  voulait  dire  compté  ; 

Thécel j  pesé; 

Et  Phares,  divisé. 

Mané  :  Dieu  a  compté  les  jours  de  ton  règne  et  en  a  marqué 
l'accomplissement  ; 

Thécel  :  Tu  as  été  pesé  dans  la  balance ,  et  tu  as  été  trouvé 
trop  léger  ; 

Phares  :  Ton  royaume  a  été  divisé  et  il  a  été  donné  aux 
Mèdes  et  aux  Perses. 

Cette  explication  fut  suivie  d'une  admonestation  de  Daniel 
à  Balthazar  sur  son  sacrilège  et  son  impiété,  et  se  termina  par  la 
prédiction  de  sa  mort  prochaine. 

En  effet,  dans  la  nuit,  Cyaxare  et  Cyrus  s'emparèrent  de 
Babylone  et  mirent  à  mort  Balthazar. 

C'est  à  la  même  époque  qu'il  faut  faire  remonter  ce  terrible 
mangeur  que  l'on  appelait  Milon  de  Crotone.  Mais  celui-là,  au 
lieu  de  faire  écrouler  les  palais  comme  Balthazar,  les  soutenait. 

Il  était  de  la  petite  ville  de  Crotone,  voisine  et  rivale  de 
Sybaris. 

Un  jour,  les  deux  voisines  se  brouillèrent.  Milon  jeta  sur 
ses  épaules  une  peau  de  lion,  prit  une  massue,  se  mit  à  la  tête 
de  ses  compatriotes,  et,  dans  une  seule  bataille,  écrasa  l'élite 
de  ces  beaux  jeunes  gens  que  le  pli  d'une  feuille  de  rose 
empêchait  de  dormir  et  qui  avaient  fait  tuer,  à  une  lieue  à  la 
ronde  de  Sybaris,  tous  les  coqs,  qui,  en  chantant,  les  empêchaient 
de  reposer. 

Six  fois  Milon  remporta  la  victoire  aux  jeux  Pythiques,  et 
sept  fois  aux  jeux  Olympiques.  Il  montait  sur  un  disque  que 
l'on  avait  huilé  pour  le  rendre  glissant,  et  les  plus  vigoureux  ne 
pouvaient,  non-seulement  le  faire  descendre,  mais  Téhranler  par 


8  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 

les  plus  fortes  secousses.  Il  nouait  une  corde  de  la  grosseur  du 
doigt  autour  de  sa  tête  et  la  faisait  éclater  en  enflant  les  muscles 
de  son  front.  Il  prenait  une  grenade  dans  sa  main,  et,  sans  la 
serrer  assez  fort  pour  la  briser,  il  défiait  ses  rivaux  de  lui  faire 
bouger  un  seul  doigt.  —  Un  jour  qu'il  assistait  aux  leçons  de 
Pythagore,  son  compatriote,  les  colonnes  de  la  salle  menaçant 
tout  à  coup  de  se  rompre,  il  avait  soutenu  la  voûte  de  ses  deux 
mains,  donnant  aux  auditeurs  le  temps  de  s'éloigner.  —  Un  autre 
jour,  aux  jeux  Olympiques,  et  c'est  par  là  qu'il  rentre  dans 
notre  domaine,  il  chargea  sur  ses  épaules  un  jeune  taureau,  le 
porta  pendant  l'espace  de  cent  vingt  pas ,  l'assomma  d'un  coup 
de  poing,  le  fit  rôtir,  et  le  mangea  tout  entier  le  même  jour.  — 
En  général,  il  absorbait  à  son  dîner  dix-huit  livres  de  viande, 
vingt  livres  de  pain,  quinze  litres  de  vin. 

Un  de  ses  amis  avait  fait  couler  en  bronze  sa  statue.  Comme 
on  était  embarrassé  de  la  conduire  au  lieu  où  elle  devait  être 
placée,  il  la  prit  sur  ses  épaules  et  la  déposa  sur  son  piédestal. 

On  sait  comment  il  mourut. 

Vieux,  il  se  promenait  dans  une  forêt;  il  trouva  un  tronc 
d'arbre  qu'un  bûcheron  avait  essayé  de  fendre.  Il  introduisit  ses 
deux  mains  dans  l'ouverture  et  tira  en  sens  opposés;  mais  le  tronc 
fit  ressort,  se  referma;  et  Milon  eut  les  mains  prises  sans  pouvoir 
les  retirer. 

Il  fut,  dans  cette  position,  déchiré  par  les  loups. 

A  Milon  finissent  les  temps  fabuleux  et  commencent  les 
temps  héroïques. 

Ce  qui  nous  empêche  de  croire  que  l'histoire  de  Milon  fut 
une  fable,  c'est  la  belle  statue  de  Puget,  qui  orne  le  musée  du 
Louvre  et  qui  représente  cette  mort.  Aux  loups  dévorants,  le 
statuaire  a  substitué  un  lion,  autorisé  à  cette  substitution  par 
une  variante  de  la  légende. 

L'homme  doit  manger  assis. 

Il  a  fallu  tout  le  luxe  et  toute  la  corruption  de  l'antiquité 
pour  amener  les  Grecs,  puis  les  Romains,  à  manger  couchés. 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


Chez  Homère,  —  et  ses  héros  ont  bon  appétit,  —  les  Grecs 
et  les  Troyens  mangent  assis  et  sur  des  sièges  séparés. 

Quand  Ulysse  arrive  au  palais  d'AlcinoUs,  le  prince  lui  £tit 
apporter  une  chaise  magnifique  et  ordonne  à  son  -fils  Laodamas 
de  lui  faire  place. 

Les  Egyptiens,  dit  Apollodore  dans  Athénée,  s'asseyaient  à 
table  pour  manger. 

Enfin,  à  Rome,  Ton  s'assit  à  table  jusqu'à  la  fin  de  la  seconde 
guerre  punique,  qui  se  termina  deux  cent  deux  ans  avant  Jésus- 
Christ. 

Ce  furent  les  Grecs  qui  donnèrent  l'exemple  de  ce  luxe 
incommode.  Ils  faisaient,  de  temps  immémorial,  de  splendides 
festins,  couchés  sur  des  lits  magnifiques. 

Hérodote  décrit  un  de  ces  festins,  qui  lui  a  été  raconté  par 
Thersandre,  un  des  convives.  Ce  festin  est  celui  qui  fut  donné  par 
le  Thébain  Ortagène,  quelques  jours  avant  la  bataille  de  Platée. 

n  y  eut  ceci  de  remarquable,  qu'il  y  invita  le  général  perse 
Mardonius  et  les  principaux  d'entre  les  Perses,  jusqu'au  nombre 
de  cinquante. 

A  ce  repas,  cinquante  lits  tinrent  dans  la  même  chambre, 
et  sur  chacun  de  ces  lits  étaient  couchés  un  Grec  et  un  Perse. 

Or,  la  bataille  de  Platée  a  eu  lieu  quatre  cent  soixante-dix- 
neuf  ans  avant  Jésus-Christ. 

La  mode  des  lits  était  donc  en  vogue  chez  les  Grecs  deux 
cent  soixante-dix-sept  ans  au  moins  avant  de  l'être  chez  les 
Romains. 

Varon,  le  savant  bibliothécaire,  nous  apprend  que  les  con- 
\îves  étaient  d'habitude  trois  ou  neuf  chez  les  Romains.  Autant 
que  les  Grâces,  pas  plus  que  les  Muses. 

Chez  les  Grecs,  les  convives  étaient  quelquefois  sept,  en 
l'honneur  de  Pallas. 

Ce  chiffre  sept^  stérile  dans  la  supputation,  était  consacré  à 
la  déesse  de  la  Sagesse,  comme  le  symbole  de  la  virginité. 

Mais  c'était  surtout  le  nombre  dix  que  les  Grecs  aimaient, 
parce  qu'il  était  rond. 

Platon  était  pour  le  nombre  vingt-huit,  en  faveur  de  Phœbé, 
qui  accomplit  son  cours  en  vingt-huit  jours. 


lo  QUELQUES   MOTS   AU    LECTEUR. 

L'empereur  Varus  voulait  à  sa  table  douze  convives,  en 
l'honneur  de  Jupiter,  qui  met  douze  aps  à  faire  sa  révolution 
autour  du  Soleil. 

Auguste,*  sous  le  règne  duquel  la  femme  commence  à  prendre 
place  dans  la  société  romaine,  avait  habituellement  douze 
hommes  et  douze  femmes,  en  souvenir  des  douze  Dieux  et  des 
douze  Déesses. 

En  France,  tous  les  nombres  sont  bons,  hors  le  nombre 
treize. 

Lorsque  Hortensius  fut  nommé  augure,  il  donna  un  grand 
dîner.  Ce  fut  à  ce  dîner  que  Ton  servit,  pour  la  première  fois,  un 
paon  avec  toutes  ses  plumes. 

Dans  les  repas  de  cérémonie,  il  y  avait  toujours  un  plat 
composé  de  cent  petits  oiseaux,  ortolans,  becfigues,  rouges- 
gorges  et  alouettes. 

Plus  tard  on  fit  mieux.  On  ne  servit  plus  que  des  langues 
d'oiseaux  qui  avaient  parlé  ou  chanté. 

Dans  les  repas  invités,  chaque  convive  apportait  sa  serviette. 
De  ces  serviettes,  quelques-unes  étaient  de  toile  d'or. 

Moins  fastueux,  Alexandre  Sévère  avait  des  serviettes  de 
toile  rayée,  qu'on  faisait  pour  lui  seul. 

Trimalcion,  le  célèbre  gourmand  chanté  par  Pétrone,  avait 
des  serviettes  de  toile,  mais  des  essuie-mains  de  laine. 

Héliogabale  en  avait  de  toile  peinte. 

Trébellius  PoUion  nous  apprend  que  Gallia  ne  se  servait 
que  de  nappes  et  de  serviettes  de  drap  d'or. 

Les  Romains  mangeaient  à  peu  près  les  mêmes  viandes  que 
nous  :  le  bœuf,  le  mouton,  le  veau,  le  cabri,  le  porc  et  l'agneau, 
la  volaille  de  basse-cour,  poulets,  poulardes,  canards,  chapons, 
paons,  oies,  phénicoptères,  poules,  coqs,  pigeons,  en  bien  plus 
grande  quantité  qu'aujourd'hui,  moins  le  dindon  qui,  quoique 
connu  sous  le  nom  de  méléagride,  était  une  curiosité  plutôt 
qu'un  aliment. 

On  se  rappelle  que  ce  sont  les  oies  qui,  l'an  390  avant  Jésus- 
Christ,  sauvèrent  le  Capitole. 

LucuUus  rapporta  du  Phase  à  ses  compatriotes  le  faisan , 
la  cerise  et  la  pèche. 


QUELQUES  MOTS  AU   LECTEUR.  ii 

Le  francolin  était  Toiseau  de  leur  préférence,  et  ceux  qa'ils 
préféraient  entre  les  francolins  venaient  d'Ionie  et  de  Phrygie. 

Ils  mangeaient  avec  délices  nos  grives  et  nos  merles,  mais 
seulement  dans  la  saison  du  genièvre. 

Tous  les  gibiers  leur  étaient  connus  :  Tours,  le  sanglier,  le 
chevreuil,  le  daim,  le  lapin,  le  lièvre,  la  perdrix  et  même  le 
loir. 

Tous  les  poissons  qui  font  encore  aujourd'hui  la  richesse  de 
la  Méditerranée  leur  étaient  connus.  Des  Romains  riches  avaient 
des  relais  d'esclaves  depuis  la  mer  jusqu'à  Rome. 

Ces  relais  apportaient  les  poissons  vivants,  dans  des  baquets 
d'eau  qu'ils  tenaient  sur  la  tête. 

Le  grand  luxe  des  amphitryons  était  de  présenter  vivants  à 
leurs  convives  les  poissons  qu'ils  allaient  manger. 

Ceux  de  belle  couleur,  comme  la  dorade  et  le  rouget,  étaient 
déposés  sur  des  tables  de  marbre  où  on  les  regardait  mourir  en 
suivant  avec  volupté  la  dégradation  des  couleurs  amenée  par 
leur  agonie. 

Les  riches  Romains  avaient  dans  leurs  viviers  d'eau  douce  et 
de  pleine  mer  des  poissons  privés,  qui  venaient  à  leur  voix  et  qui 
mangeaient  à  la  main. 

On  se  rappelle  cette  anecdote  fort  exagérée  de  Pollion,  frère 
du  protecteur  de  Virgile,  qui,  ayant  Auguste  à  dîner  chez  lui, 
voulut  faire  jeter  aux  murènes  un  esclave  qui  avait  cassé  un  vase 
de  verre. 

Le  verre  bien  fabriqué  était  encore  fort  rare  du  temps  d'Au- 
guste. 

L'esclave  s'échappa  des  mains  de  ceux  qui  l'entraînaient 
vers  le  vivier  et  vint  se  jeter  aux  pieds  de  l'empereur. 

Auguste,  furieux  que  Ion  estimât  la  vie  d'un  homme,  fût- 
ce  celle  d'un  esclave,  au-dessous  d'une  carafe,  ordonna  de  briser 
tous  les  vases  de  verre  que  l'on  trouverait  chez  Pollion,  afin  que 
les  esclaves  ne  courussent  plus  risque  d'être  jetés  aux  murènes 
pour  les  avoir  cassés. 

L'esturgeon,  qui  leur  venait  de  la  mer  Caspienne,  était  aussi 
fort  estimé  des  Romains. 

On  sait  l'histoire  de  ce  magnifique  turbot,  sur  la  sauce  du- 


12  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 

qujtt  l'empereur  Domitien  consulta  le  sénat,  et  qui  fut,  à  l'una- 
nimité, mis  à  la  sauce  piquante. 

Enfin,  Athénée  nous  apprend  que  ce  que  Ton  recherchait 
le  plus  dans  un  repas,  c'étaient  les  lamproies  de  Sicile,  le  ventre 
des  thons  pris  sur  le  promontoire  de  Raquinium,  les  chevreaux 
de  l'île  de  Mélos,  les  mulets  de  Symète,  les  clovis  et  les  prayres 
de  Pélase,  les  harengs  de  Lyparie,  les  radis  de  Mantinée,  les 
navets  de  Thèbes  et  les  betteraves  d'Asie. 

Maintenant,  on  peut  se  figurer  quels  caprices  culinaires  pas- 
saient par  la  tête  d'hommes  tels  que  Xerxès,  Darius,  Alexandre, 
Marc- Antoine,  Héliogabale,  lorsqu'ils  se  voyaient  maîtres  du 
monde  et  ignoraient  eux-mêmes  leurs  richesses. 

Quand  Xerxès  demeurait  un  jour  dans  une  ville,  qu'il  y 
dînait  et  qu'il  y  soupait,  les  habitants  appauvris  s'en  ressentaient 
un  an  ou  deux,  comme  s'il  y  eût  eu  stérilité  dans  la  province. 

Darius ,  pour  prendre  ses  repas  dans  telle  ou  telle  ville 
réputée  pour  sa  bonne  chère ,  se  faisait  parfois  accompagner  de 
douze  ou  quinze  mille  hommes.  Il  en  résultait  qu'un  dîner  ou 
un  souper  de  Darius  coûtait  près  d'un  million  à  la  ville  qui 
avait  l'honneur  de  le  recevoir. 

Alexandre,  assez  sobre  jusqu'à  son  arrivée  dans  l'Inde,  vou- 
lut dépasser,  une  fois  qu'il  y  fut,  les  rois  qu'il  avait  vaincus. 

Il  proposait  des  combats  de  bouteilles  avec  des  prix  pour 
le  vainqueur;  et,-  quoiqu'on  ne  combattît  qu'à  coups  de  verre, 
dans  un  de  ces  combats  trente-six  convives  moururent  asphyxiés. 

Nous  avons  nommé  Marc- Antoine  ;  grâce  à  Plutarque,  ses 
festins  d'Alexandrie  sont  devenus  classiques.  Cléopàtre,  dont  il 
était  rhôte,  désespérant  d'atteindre  une  pareille  magnificence, 
fit  dissoudre  dans  du  citron  une  des  perles  pendues  à  ses  oreilles 
et  l'avala.  Cette  perle,  qui  pesait  vingt-quatre  carats,  était  estimée 
à  six  millions  de  sesterces.  Elle  allait  faire  fondre  l'autre,  lors- 
qu'elle en  fut  empêchée  par  Antoine  lui-même. 

Héliogabale,  cet  empereur  venu  de  Syrie,  qui  entra  dans 
Rome  sur  un  char  traîné  par  des  femmes  nues,  avait  un  historio- 
graphe, rien  que  pour  décrire  ses  repas.  N'avait-il  pas  raison, 
puisqu'il  n'en  fit  jamais  un  qui  coûtât  moins  de  soixante  marcs 
d'or,  c'est-à-dire  cinquante  mille  francs  de  notre  monnaie? 


QUELQUES   xMOTS   AU    LECTEUR.  13 


Il  se  faisait  faire  des  pâtés  de  langues  de  paons,  de  rossi- 
gnols, de  corneilles,  de  faisans  et  de  perroquets. 

Ayant  entendu  dire  qu'il  existait  en  Lydie  un  oiseau  unique, 
le  phénixy  il  voulait  le  manger,  et  promettait  deux  cents  marcs 
d'or  à  celui  qui  le  lui  apporterait. 

Il  nourrissait  ses  chiens,  ses  tigres  et  ses  lions  avec  des  fai- 
sans, des  paons  et  des  perdrix. 

Il  ne  buvait  jamais  deux  fois  dîins  le  même  vase;  et  cepen- 
dant tous  les  vases  de  sa  maison  étaient  d'or  et  d'argent  pur. 

Enfin,  il  brûlait  du  baume  de  Judée  et  d'Arabie  au  lieu  de 
cire  et  d'huile. 

Sa  folie  allait  plus  loin  encore. 

Il  donnait  des  repas  où  il  conviait  huit  bossus,  huit  boiteux, 
huit  chauves,  huit  goutteux,  huit  sourds,  huit  noirs,  huit  blancs, 
huit  maigres,  huit  gras.  Puis,  du  haut  d'une  galerie,  entouré  de 
ses  courtisans,  il  regardait  cette  étrange  assemblée. 

Il  est  à  remarquer  que  tous  ces  grands  prodigues  sont  morts 
jeunes  et  de  mort  tragique. 

Xerxès  fut  tué  par  le  capitaine  de  ses  gardes,  Artaban. 

Darius  fut  assassiné  par  Bessus,  satrape  de  la  Bactriane. 

Alexandre  fut  empoisonné  par  Antipater. 

Marc- Antoine  se  passa  une  épée  au  travers  du  corps. 

Cléopàtre  se  fit  piquer  par  un  aspic. 

Et  enfin  Héliogabale,  qui  avait  tout  préparé  pour  sa  mort, 
s'attendant  bien  à  périr  dans  quelque  émeute,  Héliogabale  qui 
avait  fait  paver  une  cour  de  porphyre  pour  s'y  précipiter  du  haut 
de  son  palais,  qui  avait  fait  creuser  une  émeraude  pour  y  ren- 
fermer du  poison ,  qui  avait  fait  emmancher  un  poignard  d'acier 
dans  une  poignée  d'or  ciselée  et  toute  garnie  de  diamants  pour  se 
poignarder,  qui  avait  fait  tisser  une  corde  d'or  et  de  soie  pour 
s'étrangler,  Héliogabale,  surpris  par  ses  assassins  dans  les  latrines, 
s'étouffa  avec  l'éponge  dont,  dit  Montaigne  dans  son  langage 
naïf,  les  Romains  se  torchoyoient  le  derrière. 

Et  ces  rois  si  riches  rencontraient  parfois  des  sujets  aussi 
riches  qu'eux.  L'histoire  nous  a  conservé  le  nom  d'un  certain 
Pithius  qui ,  n'étant  ni  roi  ni  prince,  n'ayant  aucun  titre  ni  au- 
cune dignité,  donna  à  manger  à  toute  l'armée  de  Xerxès,  fils 


14  QUELQUES   MOTS  AU   LECTEUR. 

de  Darius,  laquelle  armée  était  de  sept  cent  quatre-vingt  mille 
hommes.  Et  comme  le  grand  roi,  apprenant  cela,  s'étonnait  d'a- 
voir un  hôte  si  riche,  Pithius  offrit  au  roi,  suivant  Pline  etBudée, 
de  soudoyer  et  de  nourrir  son  armée  pendant  cinq  mois. 

*     * 

Nous  avons  dit  que  les  premiers  grands  et  beaux  dîners 
furent  donnés  par  les  Grecs.  Les  fêtes  religieuses  en  fournirent 
l'occasion. 

En  effet,  où  devaient-ils  naître,  si  ce  n'est  chez  un  peuple 
gai,  d'un  esprit  charmant,  complètement  inoccupé  ou  occupé 
d'œuvres  d'art,  laissant  à  ses  esclaves  le  soin  de  prévoir  les  né- 
cessités matérielles  de  la  vie? 

On  dînait  sur  des  tables  ciselées  avec  ce  goût  élevé  des 
artistes  grecs. 

Les  lits  destinés  aux  repas  étaient  ornés  d'écaillés  de  tortue, 
d'ivoire  et  de  bronze  ;  dans  quelques-uns  même  étaient  incrustées 
des  perles  et  des  pierreries. 

Les  matelas  étaient  de  pourpre,  brochés  d'or. 

Les  coupes,  les  tasses,  les  gobelets  de  toutes  espèces,  les  vases 
de  toutes  formes  étaient  travaillés  par  les  artistes  les  plus  re- 
nommés. 

Les  plus  beaux  étaient  de  Thériclès. 

Les  échansons,  qui  remplissaient  auprès  des  Grecs  l'office  de 
Ganymède  et  d'Hébé  près  des  dieux,  étaient  de  jeunes  garçons 
ou  de  belles  jeunes  filles  qui  avaient  l'ordre  de  ne  rien  refuser 
aux  convives.  Ils  avaient  le  visage  peint  et  fardé,  les  cheveux 
coupés  en  cercle.  Leurs  tuniques  d'étoffe  transparente,  ceintes  au 
milieu  du  corps  par  un  ruban,  étaient  taillées  pour  tomber  jus- 
qu'aux pieds;  mais,  en  la  tirant  par  le  haut,  ils  la  relevaient  jus- 
qu'aux genoux. 

Ce  fut  dans  ces  élégants  dîners  que  se  forma  la  conversation 
grecque,  cette  conversation  qui  fut  copiée  depuis  par  tous  les 
peuples,  et  dont  la  nôtre  était,  assure-t-on,  avant  l'introduction 
du  cigare,  une  des  plus  vives  et  des  plus  rapides  copies. 

De  là  le  mot  sel  attique. 


QUELQUES   MOTS   AU   LECTEUR.  15 

Les  vins  de  Corinthe,  les  vins  de  Samos,  les  vins  de  Chios 
et  de  Ténédos  arrosèrent  cet  art  naissant  de  la  conversation. 

Ces  vins  sucrés  grisaient  délicieusement  les  Grecs,  et,  au 
dessert,  les  entraînaient  vers  ce  monde  dont  Cnide,  Paphos  et 
Cythère  étaient  les  capitales. 

C'est  à  cet  entraînement,  c'est  à  ces  beaux  et  à  ces  belles 
esclaves,  à  qui  il  était  défendu  de  rien  refuser  aux  convives^  que 
Ton  doit,  selon  toute  probabilité  du  moins,  la  substitution  du 
lit  aux  chaises  et  aux  bancs. 

D'ailleurs,  d'autres  que  ces  esclaves  assistaient  encore  à  ces 
festins.  Tout  au  contraire  des  Anglais,  qui  font  sortir  les  femmes 
au  dessert,  c'était  au  dessert  qu'entraient  en  souveraines,  à  Athènes 
et  à  Corinthe,  ces  belles  courtisanes  :  Aspasie,  Laïs,  Phryné. 

A  Corinthe,  elles  étaient  si  riches,  qu'après  la  destruction  de 
la  ville  elles  offrirent,  sous  certaines  conditions,  de  la  rebâtir  à 
leurs  frais. 

Polybe  parle  d'un  citoyen  d'Athènes,  Archétraste,  que  le  mar- 
qnis  de  Cussy  compare  au  grand  artiste  en  cuisine  contempo- 
raine que  l'on  nomme  Carême. 

Archétraste  fit  non-seulement  beaucoup  de  théorie  culinaire, 
mais  il  appliqua  son  génie  à  l'exécution. 

Il  avait  parcouru  à  pied  les  contrées  les  plus  fertiles  du 
inonde,  pour  voir  de  près  les  produits  des  différentes  latitudes. 

Il  en  avait  rapporté  à  Athènes  toutes  les  possibilités  culi- 
naires du  temps. 

La  nature  l'avait  doué  d'un  appétit  d'enfer,  d'un  estomac 
d'acier  et  d'un  inépuisable  esprit. 

Il  mangeait  énormément  et  digérait  vite. 

Et  cependant  il  demeura  si  maigre,  que,  au  dire  toujours  de 
Polybe^  on  voyait  une  lumière  au  travers  de  son  corps. 


4t     1» 


L'histoire  nomme  quelque»  élus  et  même  quelques  élues 
qui  jouissaient  du  même  privilège,  grâce  à  leur  maladie,  la  bou- 
limie. 

La  comédienne  Aglais,  il  y  a  environ  deux  mille  trois  cents 


i6  QUELQUES   MOTTS   AU   LECTEUR. 


ans,  mangeait  à  son  souper  dix  livres  de  viande,  douze  pains 
d'une  livre  chacun,  et  arrosait  le  tout  de  six  bouteilles  de 
vin. 

Une  autre  femme  grecque ,  du  nom  d'Alis ,  provoquait  les 
hommes  à  des  défis  de  table,  et,  pas  une  fois,  elle  ne  fiit  battue 
par  les  plus  grands  mangeurs  du  temps. 

Théodoret  raconte  qu'une  femme  de  Syrie,  pays  où  Ton  ne 
vit  guère  que  de  poules,  mangeait  tous  les  jours  trente  poules 
et  vingt  pains,  sans  pouvoir  se  rassasier. 

Le  comédien  Thangon  mangea,  devant  l'empereur  Aurélien, 
un  sanglier,  un  mouton,  un  jeune  porc  et  un  cochon  de  lait;  il 
mangea  de  plus  cent  pains  et  but  une  barrique  de  vin  pouvant 
contenir  cent  bouteilles  de  notre  époque. 

L'empereur  Claudius  Albinus  mangea,  un  jour,  à  son  dé- 
jeuner, cinq  cents  figues,  cent  pêches,  dix  melons,  cent  becfigues, 
quatre  douzaines  d'huîtres  et  dix  livres  de  raisin. 

L'empereur  Maximin  mangeait,  chaque  jour,  quarante  livres 
de  viande,  buvait  quatre-vingts  pintes  de  vin.  Il  avait  huit  pieds 
de  haut,  il  est  vrai,  et  était  gros  à  l'avenant  :  les  bracelets  de  sa 
femme  lui  servaient  de  bagues,  et  sa  ceinture  de  bracelet. 


* 


Athènes,  avec  ses  vins  sucrés,  ses  fruits,  ses  fleurs,  ses 
pâtisseries,  ses  desserts,  qui  étouflàient  le  dîner,  n'eut  jamais  ce 
que  les  Romains  appelèrent  la  grande  cuisine. 

Rome  mangea  mieux,  et  surtout  plus  substantiellement 
qu'Athènes  :  ce  qui  ne  l'empêcha  pas,  chose  bizarre,  d'avoir  autant 
d'esprit  qu'elle. 

Ses  premiers  cuisiniers  furent  grecs  ;  mais,  vers  la  fin  de  la 
République,  aux  temps  de  Sylla,  de  Pompée,  de  LucuUus  et  de 
César,  la  cuisine  romaine  prit  son  développement,  et  surtout 
atteignit  toute  sa  délicatesse. 

Tous  ces  ravageurs  du  monde,  qui  allaient  porter  le  nom  et 
les  fers  de  Rome  au  nord ,  au  midi ,  à  l'orieiit  et  à  l'occident, 
emmenaient  avec  eux  leurs  cuisiniers;  et  ceux-ci  rapportaient 


I 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR.  17 

de  tous  les  pays  à  Rome  les  plats  qu'ils  avaient  jugés  dignes 
d'une  table  romaine. 

De  même  que  Rome  eut  un  Panthéon  pour  tous  les  dieux, 
elle  eut  un  temple  pour  toutes  les  cuisines. 

Antoine,  saïisfait  un  jour  plus  que  de  coutume  de  son  cui- 
sinier, le  fit  venir  au  dessert  et  lui  donna  une  ville  de  trente-cinq 
mille  habitants. 

Ce  sont  les  Romains  qui  inventèrent  les  écuyers  tranchants. 
Ceux  de  LucuUus  recevaient  jusqu'à  vingt  mille  francs  par  an. 

Chaque  mangeur  avait  ses  parfums  et  ses  esclaves. 

Les  fleurs  étaient  renouvelées  à  chaque  service. 

£>e  moment  en  moment,  les  parfums  étaient  ranimés. 

Des  hérauts  proclamaient  à  haute  voix  la  qualité  des  vins 
servis. 

Des  officiers  de  bouche  avaient  des  secrets  pour  ranimer  les 
appétits. 

Carthage,  que  l'on  avait  constamment  refusé  de  rebâtir,  fut 
renouvelée  sous  Auguste  avec  le  nom  de  Seconde  Carthage,  et 
rétablie  uniquement,  dit  Érasme,  à  cause  de  sa  cuisine  ancienne 
et  du  goût  exquis  qu'avaient  montré  ses  artistes  dans  le  travail 
des  pièces  ciselées  en  or  et  en  argent. 

Un  jour,  l'empereur  Claude  appela  ses  porteurs,  monta 
dans  sa  litière  et  se  fit  porter  tout  courant  au  sénat,  comme 
s'il  avait  une  communication  importante  à  faire  aux  pères  con- 
scrits. 

«  Pères  conscrits,  s'écria-t-il  en  entrant,  dites-moi  :  serait-il 
possible  de  vivrç,  si  l'on  n'avait  pas  le  petit  salé  ?  » 

Le  sénat,  étonné,  commença  par  réfléchir,  puis  déclara,  à 
l'unanimité,  qu'en  effet  la  vie  serait  privée  de  ses  premières 
délices  si  elle  n'avait  pas  le  petit  salé. 

Un  autre  jour,  il  était  sur  son  tribunal;  car,  on  le  sait, 
Claude  aimait  à  rendre  la  justice,  juste  ou  non. 

On  plaidait  devant  lui  une  cause  des  plus  importantes; 
aussi,  le  coude  sur  la  table,  le  menton  dans  la  main,  parut-il 
tomber  dans  une  rêverie  profonde. 

Tout  à  coup,  il  fit  signe  qu'il  voulait  parler.  L'avocat  se  tut. 
I^s  plaideurs  écoutèrent. 


i8  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 

«  Oh  !  mes  amis,  dit  Tempereur,  rexcellente  chose  que  les 
petits  pâtés!  Nous  en  mangerons  à  dîner,  n'est-ce  pas?  » 

Dieu  fit  la  grâce  à  ce  digne  empereur  de  mourir  comme  il 
avait  vécu,  en  glouton,  d'une  indigestion  de  champignons.  Il 
est  vrai  que ,  pour  lui  faciliter  le  vomissement ,  on  lui  frotta  le 
gosier  avec  les  barbes  d'une  plume  empoisonnée. 

Il  y  eut  à  Rome,  on  le  sait,  trois  Apicius  : 

L'un,  qui  vivait  sous  la  République,  du  temps  deSylla; 

Le  second,  sous  Auguste  et  Tibère; 

Le  troisji^e,  sous  Trajan. 

C'est  du  second,  c'est-à-dire  de  Marcus-Gabius,  que  parlent 
Sénèque,  Pline,  Juvénal  et  Martial. 

C'était  à  lui  que  Tibère  envoyait  de  Caprée  les  turbots  qu'il 
n'était  pas  assez  riche  pour  acheter. 

Il  passa  presque  dieu  pour  avoir  trouvé  le  moyen  de  con- 
server les  huîtres  fraîches. 

Riche  à  deux  cent  millions  de  sesterces,  cinquante  millions 
de  francs,  il  en  dépensa  plus  de  quarante  pour  sa  table  seule. 

Un  beau  jour,  la  fatale  idée  lui  vint  de  faire  ses  comptes. 

Il  appela  son  intendant.  Il  n'avait  plus  que  dix  millions  de 
sesterces,  deux  millions  et  demi  de  notre  monnaie.  Il  se  trouva 
tellement  ruiné  avec  deux  millions  et  demi,  qu'il  ne  voulut  pas 
vivre  un  jour  de  plus.  Il  se  mit  dans  un  bain  et  se  fit  ouvrir  les 
veines. 

Il  reste  de  lui  un  souvenir,  si  ce  n'est  un  fait. 

Ce  souvenir  est  un  traité  de  cuisine  intitulé  De  re  culinaria  ; 
mais  la  paternité  de  ce  livre  lui  est  contestée.  Il  serait,  disent 
des  savants,  d'un  nommé  Cœlius,  qui,  par  admiration ,  se  serait 
fait  nommer  Apicius. 

J'habitais,  à  Naples,  le  petit  palais  Chiatamone.  J'étais  juste 
sur  l'emplacement  du  palais  de  LucuUus,  à  qui  appartenait  toute 
cette  plage  occupée  aujourd'hui  par  le  château  de  l'Œuf. 

A  la  marée  basse  je  voyais  encore  sur  les  rochers  la  trace 
des  conduits  qui  amenaient  l'eau  au  vivier  de  LucuUus. 

C'est  là  qu'il  se  reposa  de  ses  fameuses  campagnes  contre 
Mithridate  et  contre  Tigrane,  qui  firent  de  lui  le  plus  riche  des 
Romains. 


QUELQUES    MOTS  AU  LECTEUR.  19 


► 


11  avait,  sur  le  golfe  de  Naples,  deux  palais,  celui  que  je 
viens  d'indiquer,  et  un  autre  au-dessus  de  Mergellina,  puis  un 
troisième  à  Tile  de  Nisida,  où  sont  aujourd'hui  le  Lazaret  et  le 
palais  de  la  reine  Jeanne. 

Pour  communiquer  de  l'un  de  ces  palais  à  l'autre,  il  lui 
fallait  faire  une  demi-lieue  en  contournant  la  montagne.  Il  trouva 
plus  court  de  la  faire  percer. 

Il  allait  ainsi  en  quelques  minutes  et  fraîchement  de  sa  villa 
de  Mergellina  à  sa  villa  de  Nisida. 

C'est  à  sa  villa  du  château  de  l'Œuf  que  Cicéron  et  Pompée 
résolurent  un  jour  de  venir  lui  demander  à  dîner,  mais  sans  lui 
permettre  de  faire  pour  eux  aucun  extra. 

Ils  arrivèrent  chez  lui  à  Timproviste,  lui  déclarèrent  leur 
intention,  et  ne  le  laissèrent  donner  aucun  ordre,  excepté  celui 
de  mettre  deux  couverts  de  plus. 

LucuUus  fit  venir  son  majordome  et  ne  lui  dit  que  ces 
paroles  : 

«  Deux  couverts  de  plus  dans  le  salon  d'Apollon.  » 

Or,  le  majordome  savait  que  dans  le  salon  d'Apollon  la 
dépense  était  pour  chaque  convive  de  vingt-cinq  mille  sesterces, 
six  mille  francs. 

Ils  n'eurent  donc  que  ce  que  LucuUus  appelait  un  petit 
diner,  dîner  de  six  mille  francs  par  tête. 

Un  autre  jour,  par  un  hasard  incroyable,  LucuUus  n'avait 
invité  personne  à  s'asseoir  à  sa  table. 

Son  cuisinier  vint  lui  demander  ses  ordres. 

a  Je  suis  seul ,  »  dit  LucuUus. 

Le  cuisinier,  pensant  qu'un  dîner  de  dix  ou  douze  mille 
sesterces,  deux  mille  cinq  cents  francs,  pourrait  suffire,  agit  en 
conséquence. 

Le  dîner  fini,  LucuUus  le  fît  venir,  et  le  gronda  vigoureuse- 
ment. 

Le  cuisinier  s'excusa,  lui  disant 

«  Mais,  seigneur,  vous  étiez  seul. 

—  C'est  justement  les  jours  où  je  suis  seul  à  table,  dit 
LucuUus,  qu'il  faut  soigner  mon  dîner  :  car,  ce  jour-là,  LucuUus 
dîne  chez  LucuUus.  » 


ao  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


• 
*  1 


Ce  luxe  alla  toujours  en  augmentant  jusqu'à  la  un  du 
IV*  siècle. 

Ce  fut  alors  qu'on  entendit  un  grand  bruit  au  fond  des  con- 
trées inconnues  :  au  nord,  à  l'orient,  au  midi,  avec  un  grand 
fracas  se  levaient  des  hordes  innombrables  de  barbares  qui  rou- 
laient à  travers  le  monde. 

Les  un»  à  pied,  les  autres  à  cheval,  ceux-là  sur  des  cha- 
meaux, ceux-ci  sur  des  chars  traînés  par  des  cerfs.  Les  fleuves 
les  charriaient  sur  leurs  boucliers,  la  mer  les  apportait  sur  des 
barques.  Ils  chassaient  devant  eux  les  populations  avec  le  fer  des 
épées,  ainsi  que  les  bergers  poussent  les  troupeaux  avec  le  bois 
de  la  houlette.  Ils  renversaient  nations  sur  nations,  comme  si 
la  voix  de  Dieu  avait  dit  :  a  Je  mêlerai  les  peuples  du  monde 
comme  Touragan  mêle  la  poussière.  » 

C'étaient  des  convives  inconnus  et  insatiables,  qui  venaient  | 
s'asseoir  aux  grands  repas  où  les  Romains  dévoraient  le  | 
monde. 

C'est  d'abord  Alaric,  à  la  tête  des  Goths,  s'avançant  au  milieu 
de  l'Italie,  emporté  par  le  souffle  de  Jéhovah,  comme  un  vaisseau 
par  celui  de  la  tempête. 

((  Il  va  !  » 

Ce  n'est  pas  sa  volonté  qui  le  conduit,  c'est  un  bras  qui  le 
pousse. 

«  Il  va  !  »  .j 

Vainement  un  moine  se  jette  sur  son  chemin  et  tente  de 
l'arrêter  : 

«  Ce  que  tu  me  demandes  n'est  point  en  mon  pouvoir,  lui 
répond  le  barbare  ;  quelque  chose  me  presse  d'aller  renverser 
Rome.  » 

Trois  fois  il  enveloppe  la  Ville  éternelle  du  flot  de  ses  soldats  ;     j 
trois  fois  il  recule  comme  une  marée  qui  redescend.  • 

Les  ambassadeurs  vont  à  lui,  l'engageant  à  lever  le  siège. 
Ils  lui  disent  qu'il  lui  faudra  combattre  une  multitude  trois 
fois  aussi  nombreuse  que  son  armée. 


, 


QUELQUES   MOTS  AU   LECTEUR.  21 

«  Tant  mieux,  leur  répond  le  moissonneur  d'hommes,  plus 
l'herbe  est  serrée,  mieux  elle  se  fauche.  » 

Enfin,  il  se  laisse  persuader  et  promet  de  se  retirer,  si  on  lui 
donne  tout  Tor,  tout  Fargent,  toutes  les  pierreries,  tous  le$ 
esclaves  barbares  qui  se  trouvent  dans  la  ville. 

n  Et  que  restera-t-il  donc  aux  habitants  ? 

—  La  vie,  »  répond  Alaric. 

On  lui  apporta  cinq  mille  livres  d'or,  trente  mille  livres 
d'argent,  quatre  mille  tuniques  de  soie,  trois  mille  peaux  écar- 
lates  et  trois  mille  livres  de  poivre. 

Les  Romains,  pour  se  racheter,  avaient  fondu  jusqu'à  la 
statue  d'or  du  Courage. 

Puis,  c'est  Genseric,  à  la  tête  des  Vandales,  traversant 
l'Afrique  et  marchant  vers  Carthage,  où  se  sont  réfugiés  les 
débris  de  Rome  ; 

Vers  Carthage  la  prostituée!  où  les  hommes  se  couronnent 
de  fleurs,  s'habillent  comme  des  femmes,  et,  la  tête  voilée,  cour- 
tisanes étranges,  arrêtent  les  passants  pour  leur  offrir  leurs 
monstrueuses  faveurs. 

Il  arrive  devant  la  ville.  Pendant  que  l'armée  monte  sur 
les  remparts,  le  peuple  descend  au  Cirque.  Au  dehors,  le  fracas 
des  armes;  au  dedans,  le  bruit  des  jeux.  Ici,  la  voix  des  chan- 
teurs; là  bas,  le  cri  des  mourants.  Au  pied  des  murailles,  la 
malédiction  de  ceux  qui  glissent  dans  le  sang  et  qui  meurent; 
sur  les  gradins  de  l'amphithéâtre,  les  chants  des  comédiens  et  le 
son  des  flûtes  qui  les  accompagnent.  Enfin,  la  ville  est  prise. 

Genseric  vient  lui-même  ordonner  aux  gardiens  d'ouvrir  les 
portes  du  Cirque. 

«  A  qui  ?  demandent-ils. 

—  Au  roi  de  la  terre  et  de  la  mer,  »  répond  le  vainqueur. 
Mais  bientôt  il  éprouve  le  besoin  de  porter  ailleurs  le  fer 

et  la  flamme.  Il  ne  sait  pas,  le  barbare,  quels  peuples  couvrent 
la  surface  du  globe  et  il  veut  les  détruire.  Il  se  rend  au  port, 
enAarque  son  armée,  monte  le  dernier  sur  ses  vaisseaux. 
«  Où  allons-nous,  maître  }  dit  le  pilote. 

—  Où  Dieu  me  poussera  ! 

—  A  quelle  nation  allonsHious  faire  la  guerre  > 


aa  QUELQUES   MOTS  AU  LECTEUR. 

—  A  celle  que  Dieu  veut  punir,  n 

C'est  eniin  Attila  :  que  sa  mission  appelle  dans  les  Gaules; 
dont  le  camp»  chaque  fois  qu'il  s'arrête,  couvre  un  espace  de  trois 
milles  ;  qui  fait  veiller  un  roi  captif  à  la  porte  de  chacun  de  ses 
généraux  et  un  de  ses  généraux  à  sa  tente;  qui,  dédaigneux  des 
vases  d'or  et  d'argent  de  la  Grèce,  mange  des  chairs  saignantes 
dans  des  assiettes  de  bois. 

Il  s'avance  et  couvre  de  son  armée  les  pacages  du  Danube. 
Une  biche  lui  montre  le  chemin  à  travers  les  Palus  Méotides 
et  disparaît.  Il  passe  comme  un  torrent  sur  l'empire  d'Orient, 
enjambe  avec  dédain  Rome  déjà  ruinée  par  Alaric,  puis  enfin 
met  le  pied  sur  cette  terre  qui  est  aujourd'hui  la  France  :  et 
deux  villes  seulement,  Troyes  et  Paris,  restent  debout. 

Chaque  jour  le  sang  rougit  la  terre,  chaque  nuit  Tincendie 
rougit  le  ciel.  Les  enfants  sont  suspendus  aux  arbres  par  le  nerf 
de  la  cuisse  et  abandonnés  aux  oiseaux  de  proie.  Les  jeunes 
filles  sont  étendues  en  travers  des  ornières,  et  des  chariots  chargés 
passent  sur  elles  ;  les  vieillards  sont  attachés  au  cou  des  che- 
vaux, et  les  chevaux  aiguillonnés  les  emportent  avec  eux.  Cinq 
cents  villes  brûlées  marquent  le  passage  du  roi  des  Huns  à  tra- 
vers le  monde;  le  désert  s'étend  à  sa  suite,  comme  son  tribu- 
taire ;  l'herbe  même  ne  croît  plus,  dit  l'exterminateur,  partout 
où  a  passé  le  cheval  d'Attila. 

Tout  est  extraordinaire  dans  les  envoyés  de  ces  vengeances 
célestes  :  naissance,  vie  et  mort. 

Alaric,  prêt  à  s'embasquer  pour  la  Sicile,  meurt  à  Cosenza. 
Alors  ses  soldats,  à  l'aide  d'une  troupe  de  captifs,  détournent  le 
cours  du  Buzento,  leur  font  creuser  une  fosse  pour  leur  chef  au 
milieu  de  son  lit  desséché,  y  jettent  sous  lui,  autour  de  lui,  sur 
lui,  de  l'or,  des  pierreries,  des  étoffes  précieuses  ;  puis,  quand  la 
fosse  est  comblée,  ils  ramènent  les  eaux  du  Buzento  dans  leur 
lit  ;  le  fleuve  passe  sur  le  tombeau  ;  et,  sur  les  bords  du  fleuve,  ils 
égorgent  jusqu'au  dernier  des  esclaves  qui  ont  servi  à  l'œuvre 
funéraire,  afin  que  le  mystère  de  la  tombe  reste  un  secret  entre 
eux  et  les  morts. 

Quinze  cents  ans  après  cet  événement,  je  traversais  la  Cala- 
bre  au  milieu  du  tremblement  de  terre  qui  venait  de  la  secouer 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR.  23 


de  fond  en  comble;  le  Buzento  avait  disparu  tout  entier  dans 
une  immense  gerçure  de  la  terre,  le  lit  était  à  sec  de  nouveau; 
je  m'arrêtai  à  une  auberge  qu'on  appelait  le  Repos  d'oâlaric^  et  de 
la  fenêtre  je  voyais  toute  une  multitude  remuant  la  terre  mise  à 
nu,  pour  retrouver  cette  tombe  d'Alaric^  qui  contenait  un  cadavre 
enseveli  dans  des  richesses  suffisantes  pour  enrichir  un  peuple. 

Quant  à  Attila,  il  expire  entre  les  bras  de  sa  nouvelle  épouse 
Ildico  ;  et  les  Huns  se  font  avec  la  pointe  de  leurs  épées  des  inci- 
sions au-dessous  des  yeux,  afin  de  ne  pas  pleurer  leur  roi  avec 
des  larmes  dé  femme,  mais  avec  du  sang  d'homme.  L'élite  de  ses 
cavaliers  tourne  autour  de  son  corps,  tout  le  jour,  en  chantant  des 
chants  guerriers  ;  puis,  quand  la  nuit  est  venue,  le  cadavre  enfermé 
dans  trois  cercueils,  le  premier  d*or,  le  second  d'argent,  le  troi- 
sième de  fer,  est  mystérieusement  déposé  dans  la  tombe  sur  un 
lit  de  drapeaux,  d'armes  et  de  pierreries  ;  et,  afin  que  nulle  cupi- 
dité humaine  ne  vienne  profaner  tant  de  richesses  funéraires,  les 
ensevelisseurs  sont  poussés  dans  la  tombe  et  enterrés  avec  l'en- 
seveli. 

Ainsi  passèrent,  au  milieu  de  l'orgie  romaine  qu'ils  éteigni- 
rent dans  le  sang,  ces  hommes  qui,  instruits  de  leur  mission  par 
un  instinct  sauvage,  devancèrent  le  jugement  du  monde  en  s'inti- 
tulant  le  marteau  de  l'univers  ou  le  fléau  de  Dieu  *. 

Puis,  quand  le  vent  eut  emporté  la  poussière  qu'avait  sou- 
levée la  marche  de  tant  d'armées  ;  quand  la  fumée  de  tant  de 
villes  incendiées  fut  remontée  au  ciel  ;  quand  les  vapeurs  qui  s'éle- 
vaient de  tant  de  champs  de  bataille  furent  retombées  sur  la  terre 
en  rosée  fécondatrice  ;  quand  l'œil,  enfin,  put  distinguer  quelque 
chose  au  milieu  de  cet  immense  chaos,  il  aperçut  des  peuples 
jeunes  et  renouvelés  se  pressant  autour  de  quelques  vieillards 
qui  tenaient  d'une  main  l'Évangile  et  de  l'autre  la  croix. 

h^  vieillards,  c'étaient  les  Pères  de  l'Eglise. 

Ainsi  mourut,  au  commencement  du  v*  siècle,  au  temps  de 
saint  Chrysostome,  cette  civilisation  qui  avait  donné  tant  de  beaux 
jours  à  l'empire  romain.  L'odeur  des  festins  de  Trimalcion,  de 


I.  Voir  Chateaobrund,  Essais  historiques,  dont  tout  ce  passage  n'est  qa'une  pâle 
imitation. 


L 


24  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 

Lucullus,  de  Domirien,  d'Héliogabale,  qui  avait  éveillé  l'appétit 
des  barbares,  tout  fut  perdu. 

Les  incursions  des  nations  fauves,  qui  durèrent  pendant  près 
de  trois  siècles,  jetèrent  sur  la  civilisation  antique  une  nuit  pro- 
fonde. 

«  Lorsqu'il  n'y  eut  plus  de  cuisine  dans  le  monde,  il  n'y  eut 
plus  de  littérature,  d'intelligence  élevée  et  rapide,  il  n'y  eut  plus 
d'inspiration,  il  n'y  eut  plus  d'idée  sociale,  »  dit  Carême. 

Heureusement  que  des  parcelles  de  la  grande  recette  géné- 
rale s'étaient  éparpillées  sur  le  monde.  Le  vent  en  jeta  des 
fragments  dans  les  cloîtres.  C'est  là  que  le  feu  de  l'intelligence  se 
réveilla.  Les  moines  l'attisèrent  et  éveillèrent  de  nouveaux  phares. 
Ceux-ci  jetèrent  toute  leur  lumière  sur  la  société  nouvelle  et  la 
fécondèrent. 

Gênes,  Venise,  Florence,  Milan,  Paris  enfin,  qui  héritent 
des  nobles  passions  de  l'art,  deviennent  des  cités  opulentes  et 
ressuscitent  la  gastronomie. 

C'était  là  qu'elle  s'était  éteinte,  c'était  là  qu'elle  devait 
renaître. 

Rome,  privilégiée  entre  toutes  les  villes,  eut  deux  civilisa- 
tions, toutes  les  deux  brillantes  :  sa  civilisation  guerrière,  sa  civi- 
lisation chrétienne. 

Après  le  luxe  de  ses  généraux  et  de  ses  empereurs,  elle  eut 
celui  de  ses  cardinaux  et  de  ses  papes. 

L'Italie  regagnait  par  le  commerce  les  richesses  qu'autrefois 
elle  avait  conquises  par  les  armes.  Comme  elle  avait  eu  ses  gour- 
mands païens,  ses  Lucullus,  ses  Hortensius,  ses  Apicius,  ses 
Antoine,  ses  Pollion,  elle  a  ses  gourmands  chrétiens,  son  Léonard 
de  Vinci,  son  Tintoret,  son  Titien,  son  Paul  Véronèse,  son 
Raphaël,  son  Baccio  Bandinelli,  son  Guido  Reni;  si  bien  qu'elle 
n'est  bientôt  plus  assez  grande  pour  contenir  cette  civilisation 
nouvelle  et  qu'elle  déborde  sur  la  Francis. 

La  France  était  fort  arriérée  à  l'endroit  de  la  cuisine.  Seuls, 
nos  excellents  vins,  quoique  n'étant  point  arrivés  au  degré  de 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR.  25 

perfection  qu'ils  ont  atteint  aujourd'hui,  étaient  supérieurs  aux 
vins  de  la  vieille  Rome  et  de  la  nouvelle  Italie. 

Mais  par  bonheur,  au  milieu  de-cette  dispersion  des  peuples, 
au  milieu  de  cette  inondation  de  barbares,  les  couvents  étaient 
restés  comme  des  lieux  de  refuge  où  s'étaient  cachés  les  sciences, 
les  arts  et  les  traditions  de  la  cuisine.  Seulement  la  cuisine,  de 
païenne  qu'elle  était,  s'était  faite  chrétienne  et  avait  subi  sa  divi- 
sion en  gras  et  en  maigre. 

Ce  l^ixe  de  table  que  nous  trouvons  dans  les  tableaux  de 
Paul  Véronèse,  particulièrement  dans  celui  des  Noces  de  Cana, 
passa  en  France  avec  Catherine  de  Médicis,  et  alla  toujours 
augmentant  sous  les  règnes  de  François  II,  de  Charles  IX  et 
de  Henri  III. 

Le  linge,  surtout  le  beau  linge,  ne  fit  que  très-tard  son 
apparition  en  France.  La  propreté  est  le  résultat  et  non  le  pré- 
sage de  la  civilisation.  Nos  belles  dames  du  xiii®  et  du  xiv*  siècle, 
aux  pieds  desquelles  s'agenouillèrent  les  Galaor,  les  Amadis  et 
les  Lancelot  du  Lac,  il  faut  bien  l'avouer,  non-seulement  n'avaient 
pas  de  chemises  la  plupart  du  temps,  mais  ne  les  connaissaient 
point.  Les  nappes,  déjà  employées  du  temps  d'Auguste,  avaient 
disparu,  et  n'étendirent  sur  nos  tables  leur  blanche  surface  que 
vers  le  xiii*  siècle,  et  encore  seulement  chez  les  princes  et 
chez  les  rois. 

Alors  s'établit  en  France  un  usage  singulier,  celui  de  cou- 
per la  nappe  devant  ceux  qu'on  voulait  défier  ou  à  qui  on  voulait 
faire  un  reproche  de  bassesse  ou  de  lâcheté. 

Charles  VI,  le  jour  de  l'Epiphanie,  avair  à  sa  table  plusieurs 
convives  illustres,  parmi  lesquels  se  trouvait  Guillaume  de  Hai- 
nault,  courte  d'Ostrevant.  Tout  à  coup  un  héraut  vint  trancher  la 
nappe  devant  le  comte,  en  lui  disant  qu'un  prince  qui  ne  portait 
pas- d'armes  n'était  pas  digne  de  manger  à  la  table  du  roi. 

Guillaume  répondit  que,  comme  les  autres  seigneurs,  il 
portait  l'écu,  la  lance  et  Tépée. 

«  Non,  sire,  reprit  le  héraut,  cela  est  impossible  ;  car  votre 
oncle  a  été  tué  par  les  Frisons,  et  jusqu'à  ce  jour  cependant  sa 
mort  est  restée  impunie  ;  certes,  si  vous  possédiez  des  armes,  il  y 
a  longtemps  qu'il  serait  vengé.   » 


26  QUELQUES   MOTS  AU   LECTEUR. 


Les  serviettes  ne  furent  en  usage  que  quarante  ans  après 
et  sous  le  règne  suivant. 

Les  Celtes,  nos  premiers.ancêtres,  essuyaient  leurs  doigts  aux 
bottes  de  foin  qui  leur  servaient  de  sièges.  Les  Spartiates  mettaient 
à  côté  de  chaque  convive  un  morceau  de  mie  de  pain  destiné  au 
même  usage.  Avant  les  premières  serviettes  de  toile,  qui  furent 
faites  à  Reims,  on  s'essuyait  les  doigts  avec  des  tissus  de  laine 
qui  n'étaient  ni  neufs,  ni  blanchis  de  la  veille. 

En  1793,  lors  des  voyages  de  lord  Macartney,  1^  Chinois 
ne  se  servaient  encore  que  de  deux  petits  morceaux  de  bois  pour 
envoyer  la  nourriture  dans  leur  bouche.  La  cuiller  et  la  fourchette 
furent  à  peu  près  bannies  de  France  jusqu'au  xvi*  siècle,  et  leur 
usage  ne  devint  commun  qu'au  siècle  dernier. 

Saint  Pierre  Damien  raconte  avec  horreur  que  la  sœur  de 
Romain  Argile,  épouse  d'un  des  fils  de  Pierre  Orseléolo,  doge  de 
Venise,  au  lieu  de  manger  avec  ses  doigts,  employait  des  four- 
chettes et  des  cuillers  dorées  pour  porter  à  sa  bouche  les. aliments, 
ce  qu'il  regarde  comme  l'effet  d'un  luxe  insensé  qui  appela  le 
courroux  céleste  sur  sa  tête  -et  sur  celle  de  son  époux.  Tous  deux 
en  effet  moururent  de  la  peste. 

Les  couteaux  avaient  de  longtemps  précédé  les  fourchettes, 
dans  la  nécessité  où.  l'on  était  de  dépecer  les  viandes  que  l'on  ne 
pouvait  déchirer  avec  les  doigts. 

Quant  aux  verres ,  ils  étaient  connus  des  Romains ,  comme 
le  prouve  l'histoire  de  PoUion  que  nous  venons  de  rapporter. 
Aujourd'hui  les  curieux  et  les  voyageurs  qui  visitent  Pompéi 
peuvent  s'assurer  que  l'emploi  du  verre  était  même  assez  commun 
chez  eux.  Mais,  après  l'invasion  des  barbares,  il -ne  fut  plus 
connu  que  par  tradition. 

Vers  le  x*'  ou  xi«  siècle  avant  Jésus-Christ ,  plusieurs  mar- 
chands de  nitre  traversant  la  Phénicie  voulurent  faire  cruire  leur 
dîner  au  bord  du  fleuve  Bellus  ;  ne  trouvant  pas  de  pierres  à 
leur  portée ,  ils  les  remplacèrent  par  des  morceaux  de  nitre  ;  la 
matière  s'embrasa,  se  fondit  avec  le  sable,  et  forma  de  petits 
ruisseaux  d'une  liqueur  transparente  qui ,  s'étant  figée  à  quelques 
pas  de  là,  indiqua  la  manière  de  faire  le  verre. 

Quelques  auteurs  prétendent  qu'il  fut  inventé  sous  le  règne 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR.  37 


de  Satil ,  et  assurent  que  Salomon  avait  des  verres  à  boire. 
Du  temps  de  Phèdre  et  d'Arîstote,  quatre  siècles  à  peu  près 
avant  Jésus-Christ,  le  vin  se  conservait  dans  des  amphores  de 
terre  cuite  contenant  vingt-huit  litres  à  peu  près,  ou  dans  des 
peaux  de  bouc  où  le  vin  se  de.sséchait  tellement  qu'on  était  obligé 
de  les  racler,  et  de  faire  dissoudre,  pour  le  boire,  ce  liquide 
coagulé. 

En  Espagne  il  se  conserve  encore  ainsi;  ce  qui  lui  donne 
un  goût  aibominable  que  les  Espagnols  prétendent  être  un  fumet 
aussi  appétissant  que  celui  de  notre  bourgogne  et  de  notre  bor- 
deaux. En  France  d'ailleurs,  il  n'est  aucunement  question  de 
bouteilles  avant  le  xiv*  siècle. 

Quant  aux  épices,  qui  forment  aujourd'hui  le  condiment 
principal  de  toutes  les  sauces,  elles  commencèrent  à  devenir  un 
peu  plus  communes  en  France  lorsque  Christophe  Colomb  eut 
découvert  l'Amérique,  et  Vasco  de  Gama  la  route  du  Cap. 

Mais,  en  1263,  ^^^^^  étaient  encore  si  rares  et  si  précieuses, 
que  l'abbé  de  Saint-Gilles  en  Languedoc,  ayant  une  grande 
faveur  à  demander  au  roi  Louis  le  Jeune ,  ne  crut  pouvoir,  mieux 
le  séduire  qu'en  faisant  accompagner  son  placet  par  des  cornets 
d'épices. 

On  appelait  épices,  et  cette  locution  $'e$t  conservée,  les 
cadeaux  qu'on  faisait  aux  juges. 

Dans  un  pays  pr^que  entouré  par  la  mer,  comme  la 
France,  le  sel  eiKrft  fout  d'abord,  et  de  tout^  antiquité,  dans 
lassaisonnement  de  la  viande  et  des  légumes. 

Le  poivre,  au  contraire,  n'est  connu  que  depuis  cent  quinze 
ou  cent  vingt  ans  :  M.  Poivre,  natif  de  Lyon,  le  transporta  de 
nie  de  F^-ance  à  la  Cochinchine.  Avant  cette  conquête,  il  se  ven- 
dait au  poids  de  l'or;  et  les  épiciers  qui  étaient  assez  heureux 
pour  en  posséder  quelques  onces  inscrivaient  sur  le  devant  de  leur 
magasin  :  Épicier^  Poivrier. 

Il  parait  que  le  .poivre  n'était  pas  si  rare  chez  les  anciens 
Romains,  puisque  dans  le  tribut  qu'Alaric  leva  sur  Rome  il  y 
en  avait  trois  mille  livres. 

Les  facultés  intellectuelles  parurent  s'élever,  par  l'impulsion 
des^ices,  à  une  plus  longue  surexcitation.  Est-ce  aux  épices  que 


28  QUELQUES  MOTS   AU   LECTEUR. 

nous  devons  TArioste,  le  Tasse,  le  Boccace?  Est-ce  aux  épices 
que  nous  devons  les  chefs-d'œuvre  du  Titien?  Je  suis  tenté  de  le 
croire  :  j'ai  déjà  dit  que  Léonard  de  Vinci,  le  Tintoret,  Paul 
Véronèse,  Baccio  Bandinelli,  Raphaël  et  Guido  Reni  étaient  des 
gourmands  distingués. 

Ce  fut  surtout  sous  Henri  III  que  les  élégantes  délicatesses 
des  tables  florentines  et  romaines  fleurirent  en  France  :  la  nappe 
était  plissée  et  frisée  comme  une  collerette  depuis  François  I**". 
Déjà,  sous  la  troisième  race,  le  luxe  de  l'argenterie  avait  dépassé 
toutes  les  bornes,  et  il  avait  fallu  qu'une  ordonnance  de  Philippe 
le  Bel  vînt  le  refréner  ;  sous  ses  successeurs  d'autres  ordonnances 
tentèrent  de  le  limiter,  mais  ne  réussirent  pas. 

Au  commencement  du  xvi*  siècle,  sous  Louis  XII  et  Fran- 
çois I®^,  on  dînait  à  dix  heures  du  matin;  à  quatre  heures  on 
soupait;  le  reste  de  la  journée  était  occupé  par  les  soirées  ou 
les  promenades.  Dans  le  xvii®  siècle,  on  dînait  à  midi,  on  sou- 
pait à  sept  heures;  et  si  l'on  veut  sous  ce  rapport  voir  quelque 
chose  de  curieux  et  connaître  une  foule  de  plats  oubliés  ou 
perdus,  on  peut  lire  les  Mémoires  du  médecin  Hérouard, 
chargé  d'enregistrer  les  déjeuners  et  les  dîners  du  roi  Louis  XIII. 

Au  XVII*  siècle ,  c'est-à-dire  à  Tépoqtre  où  l'on  dînait  à 
midi,  Iç  cor,  dans  les  grandes  maisons,  annonçait  le  moment 
du  dîner.  De  là  une  locution  perdue;  on  disait  :  Corne^  le 
dîner. 

Des  pages,  et  parfois  la  maîtresse  de  la  maison  et  ses  fllles, 
présentaient  aux  convives  des  bassins  d'argent  qui  servaient  à 
se  laver  les  mains;  cela  fait,  on  prenait  place  à  table,  et  en  se 
retirant  on  allait  de  nouveau  se  laver  les  mains  dans  une  salle 
voisine.  Si  le  maître  tenait  à  honorer  particulièrement  un  con- 
vive, il  lui  faisait  passer  sa  propre  coupe  pleine.  En  Espagne, 
encore  aujourd'hui ,  la  maîtresse  de  la  maison ,  quand  elle  veut 
vous  faire  une  faveur ,  trempe  ses  lèvres  dans  son  verre  et  vous 
l'envoie  pour  que  vous  le  buviez  à  sa  santé. 

Nos  pères  disaient  que ,  pour  se  bien  porter ,  il  fallait  s'eni- 
vrer au  moins  une  fois  par  mois. 

Le  commerce,  en  s'établissant  le  long  des  côtes  depuis  le 
golfe  du   Bengale  jusqu'à  Dunkerque,   changea  complétenyent 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR.  29 


Titinéraire  des  épices,  qui  nous  arrivèrent  de  Tlnde,  tandis  que 
celles  qui  nous  venaient  d'Amérique  traversaient  l'Atlantique. 
Le  commerce  de  l'Italie  languit  alors  et  disparut  peu  à  peu  ; 
les  découvertes  scientifiques  et  surtout  culinaires  ne  nous  vinrent 
plus  des  Vénitiens,  des  Génois,  des  Florentins,  mais  des  Por- 
tugais, des  Allemands  et  des  Espagnols.  Bayonne,  Mayence  et 
Francfort  nous  envoyèrent  leurs  jambons;  Strasbourg  fit  fumer 
ses  saucisses  et  son  lard,  et  nous  en  approvisionna;  Amsterdam 
nous  expédia  ses  petits  harengs,  Hambourg  son  bœuf. 

Ce  fut  au  milieu  de  cette  diffusion  du  bien-être  matériel 
que  l'aristocratie  féodale  s'afikiblit  et  fit  eau.  Alors  on  jeta  les 
yeux,  et  des  yeux  avides,  sur  les  biens ,  les  jouissances  qui  rem- 
plissaient l'existence  des  grands  seigneurs.  Mais,  tout  en  pliant 
sous  la  main  des  rois,  l'aristocratie  sut  conserver  son  rang  et 
continua  de  tout  effacer,  à  la  cour  et  dans  la  société,  par  le  luxe 
de  sa  vie ,  de  ses  vêtements  et  de  sa  représentation.  Elle  accrut 
sa  dépense,  remplit  ses  coffres  avec  l'argent  de  la  bourgeoisie, 
et  se  doubla  d'une  aristocratie  d'argent  et  de  hasard,  qui  rivalisa 
avec  l'aristocratie  de  naissance  et  de  privilège. 

Sur  ces  entrefaites,    le  café   parut  en  France. 

Un  prêtre  musulman  avait  remarqué  que  les  chèvres  de 
l'Yénaen  qui  mangeaient  des  baies  d'une  planté  croissant  dans 
cette  contrée  étaient  plus  joyeuses,  plus  vives  et  plus  gaies  que 
les  autres  ;  il  torréfia  ces  baies,  les  moulut,  en  fit  une  infusion, 
et  découvrit  le  café  tel  que  nous  le  prenons. 

Malgré  la  prophétie  de  M"*"  de  Sévigné,  le  café  continua  à 
être  le  diamant  du  dessert  sous  le  règne  de  Louis  XIV. 

Les  cabarets,  qui  furent  les  cafés  primitifs  et  qui  existaient 
depuis  longtemps,  avaient  commencé  à  assouplir  nos  mœurs.  En 
mangeant  dans  la  même  chaoabre ,  souvent  à  la  même  table ,  les 
Français  apprirent  à  vivre  en  frères  et  en  amis. 

La  cuisine  du  siècle  de  Louis  XIV  fut  soignée,  somptueuse, 
assez  belle;  et  l'on  commença  de  soupçonner  le  degré  de  délica- 
tesse auquel  elle  pouvait  arriver,  à  la  table  des  Condé. 

Le  suicide  de  Vatel  indique  plutôt  Thomme  de  l'étiquette 
que  Thommé  du  dévouement  :  laisser  manquer  le  poisson  dans 
une  saison  où,  grâce  à  la  fraîcheur  de  l'atmosphère  et  à  la  glace 


30  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 


sur  laquelle  on  Tétend,  on  peut  conserver  le  poisson  trois  ou 
quatre  jours ,  c'est  d'un  homme  imprévoyant  qui  ne  va  pas  au- 
devant,  par  rimagination ,  des  accidents  dont  peut  Técraser  la 
mauvaise  fortune. 

Ce  fut  sous  le  régent  Philippe  d'Orléans ,  c'est  à  ses  petits 
soupers,  c'est  aux  cuisiniers  qu'il  forma,  qu'il  paya  et  traita  si 
royalement  et  si  poliment,  que  nous  devons  l'excellente  cuisine 
du  xviii*  siècle.  Cette  cuisine,  tout  à  la  fois  savante  et  simple,  que 
nous  possédons  aujourd'hui  perfectionnée  et  complète,  eut  un 
développement  immense ,  rapide ,  inespéré.  Loin  d'obscurcir 
l'intelligence ,  cette  cuisine ,  pleine  de  verve ,  éveilla  l'esprit  en 
le  fouettant;  et  la  conversation  française,  ce  modèle  des  conver- 
sations européennes,  trouva,  de  minuit  à  une  heure  du  matin, 
entre  la  poire  et  le  fromage ,  sa  perfection  à  table. 

Les  grandes  questions  sociales  qui  se  présentèrent  alors  éten- 
dirent le  cercle  de  la  conversation  jusqu'aux  grandes  questions 
sociales  qui  avaient  été  renauées  dans  les  siècles  précédents  et 
furent  reprises  à  table  avec  plus  de  raison ,  de  lumière  et  de 
profondeur  par  les  Montesquieu,  les  Voltaire,  les  Diderot,  les 
Helvétius,  les  d'Alembert,  tandis  que  les  finesses  de  la  cuisine 
passaient  aux  Condé ,  aux  Soubise ,  aux  Richelieu ,  aux  Talley- 
rand,  et  que,  6  progrès  immense!  on  pouvait,  chez  un  bon 
restaurateur,  dîner  pour  douze  francs  aussi  bien  que  chez  M.  de 
Talleyrand  et  mieux  que  chez  Cambacérès. 

Disons  un  mot  de  ces  utiles  établissements,  dont  parfois  les 
chefs  rivalisèrent  avec  les  Beauvilliers  et  les  Carême. 

A  Paris,  ils  ne  comptent  pas  plus  de  quatre-vingt-dix  à 
cent  ans.  Ils  ne  peuvent  donc  pas  invoquer  leur  antiquité  à 
l'appui  de  leur  noblesse. 

Les  restaurateurs  descendent  en  droite  ligne  des  cabaretiers- 
taverniers,  et  de  tout  temps  il  y  a  eu  des  boutiques  oii  Ton 
vendait  du  vin ,  et  d'autres  où  l'on  donnait  à  manger.  Celles  où 
l'on  vendait  du  vin  s'appelaient  cabarets  ;  celles  où  l'on  vendait 
à  manger  s'appelaient  tavernes. 

La  profession  des  marchands  de  vin  est  une  des  plus  anciennes 
qui  subsistent  dans  la  capitale.  Boileau  leur  donne  des  statuts 
dès  1264,  mais  ils  ne  furent  érigés  en  corps  de  communauté  que 


QUELQUES   MOTS   AU   LECTEUR.  31 


trois  cent  trente-cinq  ans  après.  Alors  on  les  divisa  en  quatre 
classes  :  hôteliers  ^  cab arêtiers ,  taverniers  ^  marchands  de  vin 
à  pot.  Les  marchands  de  vin  à  pot  étaient  ceux  qui  vendaient 
le  vin  en  détail,  sans  cependant  tenir  taverne.  On  ne  pouvait 
boire  chez  eux  celui  qu'on  y  achetait,  il  fallait  l'emporter.  A  la 
grille  extérieure  de  la  boutique  était  pratiquée  une  ouverture 
par  laquelle  l'acheteur  passait  son  pot  vide  et  le  reprenait  lors- 
qu'il était  plein.  De  cet  usage  il  n'existe  plus  que  les  grilles  que 
Ion  voit  encore  faire  partie  de  la  devanture  des  marchands 
de  vin. 

Les  cabaretiers  avaient  le  droit  de  donner  à  boire  chez  eux 
et  d'y  donner  à  manger ,  mais  il  leur  était  expressément  défendu 
de  fournir  du  vin  en  bouteille;   il  devait  être  dans  des   pintes 
étalonnées.  Au  xi*'  siècle ,  les  seigneurs ,  les  moines  et  les  rois 
n'ont  pas  cru  déroger   en  'vendant  soit  au  pot,  soit  en  détail, 
les  vins  qu'ils  récoltaient.  Afin  d'avoir  un  prompt  débit,   ils 
abusaient  de  leur  autorité  absolue,  en  ordonnant  de  fermer  toutes 
les  tavernes  de  la  ville  jusqu'à  ce  que  leurs  vins  fussent  vendus. 
On  demandait  un  jour  à  Bautru  la  définition  d'un  cabaret  : 
«  C'est,  répondit-il,  un  lieu  où  l'on  vend  la  folie  à  la  bou- 
teille. » 

On  voit  à  Pompéi  dans  les  ruines  de  la  ville,  et  on  voit  à 
Florence  dans  les  plus  beaux  palais ,  à  Pompéi,  la  petite  fenêtre 
par  laquelle  on  vendait  autrefois ,  à  Florence ,  la  petite  fenêtre 
par  laquelle  on  vend  encore  aujourd'hui  le  vin  du  propriétaire 
du  palais.  C'est  le  concierge  qui  est  chargé  de  ce  soin. 

En  1599,  les  cabaretiers  furent  établis  par  Henri  IV  en  com- 
munauté, avec  te  titre  maîtres-queux,  cuisiniers  et  porte-chapes. 
Vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  un  nommé  Boulanger  éta- 
blit à  Paris,  rue  des  Poulies,  le  premier  restaurant.  On  lisait 
cette  devise  sur  sa  porte  : 

«  Venite  omnes^  qui  stomacho  labordtis,  et  ego  restaurabo 
m.  n 

0  VeMg  tous,  qui  travaillez  de  l'estomac,  et  je  vous  res- 
taurerai.*" 

Ce  fut  un  grand  progrès  que  l'établissement  des  restaurants 
k  Paris.  Avant  qu'ils  fussent  créés,  les  étrangers  étaient  forcés 


32  QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR. 

d'avoir  recours  à  la  cuisine  des  aubergistes,  qui  généralement  était 
mauvaise.  Il  existait  bien  quelques  hôtels  avec  table  d'hôte;  mais 
ces  hôtels,  à  peu  d'exceptions  près,  n'offraient  que  le  strict  néces- 
saire. On  avait  bien  la  ressource  des  traiteurs;  mais  ils  ne  livraient 
que  des  pièces  entières  ;  et  celui  qui  voulait  se  régaler  avec  un 
ami  était  obligé  d'acheter,  soit  un  gigot,  soit  un  dindon,  soit  un 
filet  de  bœuf. 

Enfin,  un  homme  de  génie  se  trouva,  qui,  jugeant  de  l'oppor- 
tunité d'une  création  nouvelle,  comprit  que,  si  un  dîneur  s'était 
présenté  pour  manger  une  aile  de  poulet,  un  autre  ne  pouvait 
manquer  de  se  présenter  pour  manger  la  cuisse.  La  variété  des 
mets,  la  fixité  des  prix,  le  soin  donné  au  service,  amèneraient  la 
vogue  chez  celui  qui  commencerait  avec  ces  trois  qualités. 

La  Révolution,  qui  démolit  tant  de  choses,  créa  de  nouveaux 
restaurateurs  :  les  maîtres  d'hôtel  '  et  les  cuisiniers  des  grands 
seigneurs,  se  voyant  sans  place  par  l'émigration  de  leurs  maîtres, 
devinrent  philanthropes  et  imaginèrent,  ne  sachant  à  quel  saint 
se  vouer,  de  faire  participer  tout  le  monde  à  leur  science  culi- 
naire. 

A  la  première  restauration  bourbonnienne,  en  1814,  le  res- 
taurateur fit  un  grand  pas.  Beauvilliers  apparut  dans  ses  salons, 
en  habit  à  la  française  et  l'épée  au  côté. 

Au  milieu  des  premiers  restaurateurs  qui  prirent  le  sceptre 
de  la  cuisine,  il  faut  compter  un  nommé  Méot.  Il  vendait  des 
bouillons  au  consommé,  des  volailles  au  gros  sel  et  des  œufs 
frais,  le  tout  servi  sur  des  petites  tables  de  marbre,  comme  dans 
les  cafés  aujourd'hui.  J'ai  encore  entendu  parler  dans  ma  jeunesse 
des  succulents  dîners  que  l'on  faisait  chez  Méot,  de  l'air  avenant 
et  sémillant  de  sa  femme  qui  trônait  au  comptoir.  Méot  était 
l'ancien  chef  de  cuisine  du  prince  de  Condé,  c'est-à-dire  le  suc- 
cesseur de  Vatel. 

La  ville  qui,  après  Paris,  compte  le  plus  de  restaurateurs^ 
est  San-Francisco  ;  elle  a  des  restaurateurs  de  tous  les  pays  et 
même  des  restaurateurs  chinois.  Un  de  nos  amis,  qui  a  dîné  dans  ' 
un  rœtaurant  chinois,  en  a  rapporté  la  carte  et  a  bien  ftn^^ 
nous  la  communiquer.  La  voici  : 


QUELQUES  MOTS  AU  LECTEUR.  33 

Soupe  au  chien. .  .  .  ^ »  fr.  50  c. 

Côtelettes  de  chat i  », 

Rôti  de  chien »  75 

Pâté  de  chien »  20 

Rats  braisés »  ao 

La  carte  est  signée  et  porte  le  cachet  du  restaurateur,  afin 
qu'on  ne  dise  pas  que  c'est  une  carte  faite  à  plaisir. 

Entre  les  traiteurs  et  les  restaurateurs,  il  y  a  aujourdj^ui 
peu  de  différence,  et  la  mode  a  été  longtemps,  à  la  fin  du 
dernier  siècle  et  au  commencement  de  celui-ci,  d'aller  manger 
les  huîtres  et  les  matelotes  au  cabaret,  c'est-à-dire  chez  des 
traiteurs;  et  c'était  raison,  car  souvent  on  dîne  mieux  chez  Maire, 
chez  Philippe  ou  chez  Magny,  que  chez  les  premiers  restaurateurs 
de  Paris. 

Voici  les  noms  des  restaurateurs  dont  les  gourmands  du 
dernier  siècle  et  ceux  du  commencement  de  celui-ci  ont  gardé 
le  souvenir  avec  le  plus  de  reconnaissance  : 

Beauvilliers,  Méot,  Robert,  Rose,  Borel,  Legac,  les  frères 
Véry,  Neveux  et  Baleine. 

Ceux  d'aujourd'hui  sont  :  Verdier,  de  la  Maison-d'Or, 
Bignon,  Brébant,  Riche,  le  Café  Anglais,  Péters,  Véfour,  les  Frères 
Provençaux. 

Si  je  passe  quelques  célébrités,  qu'elles  me  le  pardonnent  : 
c'est  un  oubli. 

ALEXANDRE    DUMAS. 


3 


V 


UNE  CUISINE   MODÈLE 


J'ai  vu  à  Sainte-Menehould,  raconte  Victor  Hugo,  une  belle 
chose,  c'est  la  cuisine  de  l'hôtel  de  Met^. 

C'est  là  une  vraie  cuisine.  Une  salle  immense,  un  des  murs 
occupé  par  les  cuivres,  l'autre  par  les  faïences.  Au  milieu,  en 
face  des  fenêtres,  la  cheminée,  énorme  caverne  qu'emplit  un  feu 
splendide.  Au  plafond,  un  noir  réseau  de  poutres  magnifique- 
ment enfumées,  auxquelles  pendent  toutes  sortes  de  choses 
joyeuses,  des  paniers,  des  lampes,  un  garde-manger,  et  au  centre 
une  large  nasse  à  claire-voie  où  s'étalent  de  vastes  trapèzes  de 
lard.  Sous  la  cheminée,  outre  le  tourne-broche,  la  crémaillère 
et  la  chaudière,  reluit  et  pétille  un  trousseau  éblouissant  d'une 
douzaine  de  pelles  et  de  pincettes  de  toutes  formes  et  de  toutes 
grandeurs.  L'àtre  flamboyant  envoie  des  rayons  dans  tous  les 
coins,  découpe  de  grandes  ombres  sur  le  plafond,  jette  une  fraîche 
teinte  rose  sur  les  faïences  bleues,  et  fait  resplendir  l'édifice  fan- 
tastique des  casseroles  comme  une  muraille  de  braise.  Si  j'étais 
Homère  ou  Rabelais,  je  dirais  : 

«  Cette  cuisine  est  un  monde,  dont  cette  cheminée  est  le 
soleil.  » 

C'est  un  monde  en  effet.  Un  monde  où  se  meut  toute  une 
république  dTlommes,  de  femmes  et  d'animaux.  Des  garçons, 
des  servantes,  des  marmitons,  des  rouliers  attablés  sur  des  poêles, 
sur  des  réchauds,  des  marmites  qui  gloussent,  des  fritures  qui 
glapissent,  des  pipes,  des  cartes,  des  enfents  qui  jouent,  et  des 
chats,  et  des  chiens,  et  le  maître  qui  surveille.  Mens  agitât 
molem. 

Dans  un  angle,  une  grande  horloge  à  gaîne  et  à  poids  dît 
gravement  l'heure  à  tous  ces  gens  occupés. 


UNE  CUISINE  MODELE. 


35 


Parmi  les  choses  innombrables  qui  pendent  au  plafond,  j'en 
ai  admiré  une  surtout,  le  soir  de  mon  arrivée,  c'est  une  petite 
cage  où  dormait  un  petit  oiseau.  Cet  oiseau  m'a  paru  être  le 
plus  admirable  emblème  de  la  confiance.  Cet  antre,  cette  forge 
à  indigestion,  cette  cuisine  effrayante  est  jour  et  nuit  pleine  de 
vacarme,  l'oiseau  dort.  On  a  beau  faire  rage  autour  ^e  lui,  les 
hommes  jurent,  les  femmes  querellent,  les  enfants  crient,  les 
chiens  aboient,  les  chats  miaulent,  l'horloge  sonne,  le  couperet 
cogne,  la  lèchefrite  piaille,  le  tourne-broche  grince,  la  fontaine 
pleure,  les  bouteilles  sanglotent,  les  vitres  frissonnent,  les  dili- 
gences passent  sous  la  voûte  comme  le  tonnerre  ;  la  petite  boule 
de  plume  ne  bouge  pas.  —  Dieu  est  adorable,  il  donne  la  foi 
aux  petits  oiseaux. 


A  JULES  JANIN 


Mon  cher  Janin, 

Je  cherchais  une  entrée  en  matière  pour  faire  une  causerie 
rapide  sur  le  nx*,  le  xviii*  et  même  le  xvii*  siècle. 

Tout  à  coup  je  m'écrie  comme  Archimède  : 

«  J'ai  trouvé!  » 

Et,  en  effet,  ce  que  j'ai  trouvé,  mon  vieil  ami,  c'est  un  joli 
portrait  de  vous,  avec  une  lettre  adressée  à  vous  par  M.  Fayot; 
je  ne  puis  reproduire  le  portrait,  mais  je  puis  reproduire  cette 
dédicace,  que  j'ai  le  regfet  de  ne  pas  avoir  écrite,  tant  elle  dit 
bien  de  vous  ce  que  j'aurais  voulu  en  dire. 

Le  livre  où  se  trouvent  ces  deux  précieux  documents  —  l'un 
sur  votre  physique,  le  portrait;  l'autre  sur  votre  moral,  la  dédi- 
cace —  est  intitulé  :  Les  Classiques  de  la  table. 

Voici  la  lettre  : 


A    MONSIEUR    JULES    JANIN. 

Monsieur^ 

Ne  soye^  pas  étonné  si  nous  mettons  votre  nom  au  frontispice 
de  ce  volume^  qui  contient  mieux  que  Vâme  du'licencié  Gil  Pérès. 
Vous  aime\  trop  votre  poëte  Horace,  qui  donnait  de  si  bons  petits 
dîners  à  Mécène,  pour  ne  pas  être  naturellement  l'ami  et  le  com- 
pagnon de  tant  de  charmants  professeurs  dans  cette  heureuse  et 
féconde  science  de  la  table  et  de  la  bonne  humeur.  Cette  science, 
que  Ton  pourrait  à  bon  droit  appeler  l2ig2Lie  science^  a  soumis  l'Eu- 
rope à  la  France  tout  autant  pour  le  moins  que  nos  modes ^  notre 
théâtre,  nos  romans  et  nos  poésies.  Brillât-Savarin  est  le  prof  es- 


A   JULES   JANiN  37 


seur  le  plus  écouté  de  ce  monde  ;  ses  préceptes  sont  des  lois  sans 
appel.  Carême  est  peut-être  la  seule  gloire  de  son  siècle  qui  n'ait 
pas  été  contestée.  Enfin^  M.  le  prince  de  Talleyrand^  dont  les 
bons  mots  sont  autant  de  chapitres  de  Vhistoire  contemporaine, 
n'a  pas  été,  dans  sa  longue  vie,  plus  populaire  par  cet  esprit  qui 
éblouissait  V Europe,  que  par  sa  grande  renommée,  bien  méritée, 
Savoir  été,  même  en  comptant  S.  M.  Louis  XVIII,  la  première 
fourchette  de  son  temps. 

Nous  savons  bien.  Monsieur,  que  vos  prétentions  ne  vont  pas  si 
loin.  Feu  M.  le  marquis  de  Cussy,  de  friande  mémoire,  disait  de 
vous  que  vous  faisiez  trop  d'esprit  à  table  pour  savoir  jamais  bien 
dîner.  Il  prétendait  que  che^  vous  la  forme  emportait  le  fond. 
Puis,  comme  il  ne  voulait  décourager  personne  :  «  Qui  sait? 
disait-il,  il  deviendra  peut-être  célèbre,  quoiqu'il  soit  bien  mala- 
droit, un  couteau  à  la  main  !  »  Carême  lui-même,  peu  de  temps 
avant  sa  mort,  affirmait  qu'il  eût  fait  quelque  chose  de  vous  s'il 
vous  eût  connu  au  beau  temps  de  ses  inspirations  toutes  royales. 
Brave  et  digne  homme!  Si  vous  ne  Vave^  pas  compris  tout  à  fait, 
vous  Vave^  deviné.  Vous  ave^fait  comme  ces  gens  ^élés  qui  savent 
à  peine  la  langue  d'Homère,  et  qui,  pour  le  seul  enchantement  de 
l'oreille^  se  lisent  à  eux-mêmes  les  plus  beaux  vers  de  /'Iliade.  Ils 
s'amusent  du  son,  ils  rêvent  le  reste.  q4  la  tête  des  gastronomes 
nous  vous  plaçons,  Monsieur,  sinon  pour  votre  gourmandise  encore 
peu  éclairée,  du  moins  pour  votre  volonté,  pour  votre  {èle,  pour 
votre  honnête  envie  défaire  quelque  jour,  quand  vous  aure\  asseif 
de  loisirs,  de  notables  progrès  dans  cette  grande  science  du  bien- 
vivre,  qui  est,  à  bien  prendre,  la  science  mignonne  de  tous  les 
hommes  distingués  de  Vunivers. 

Voilà  pourquoi  cette  Encyclopédie  des  bons  viveurs  paraîtra 
ious  vos  auspices.  Plaise  au  dieu  tout-puissant  de  Désaugiers  et 
de  Pétrone  que  ce  livre  porte  d'heureux  fruits.  Hélas  !  nous  avons 
besoin  de  frapper  un  grand  coup,  qui  rende  aux  utiles  plaisirs  de 
la  table  leur  popularité  d'autrefois,  qui  réveille  l'appétit  presque 
aussi  blasé  que  l'esprit  même  de  nos  contemporains. 

Il  faut  l'avouer,  quoi  qi^il  nous  en  coûte,  les  gourmands  s'en 
vont  plus  encore  que  les  grands  poètes.  Les  meilleures  tables  ont 
été  renversées  par  la  mort  ou  par  les  révolutions,  pires  que  la 


38  LETTRE 


mort.  De  nos  jours,  6  profanation  !  nous  avons  assisté  à  la  vente 
en  détail  des  plus  célèbres  caves  parisiennes.  Ceux  mêmes  qui  les 
avaient  fondés  y  ces  précieux  entrepôts  de  la  gaieté,  de  la  verve, 
de  r esprit  —  disons-le —  de  V amour  des  hommes,  ceux-là  mêmes 
faisaient  entrer  dans  leurs  caves  déshonorées  Vhuissier-priseur, 
ce  triste  convive  qui  déguste  les  vins  sans  les  boire  et  tout  simple- 
ment pour  savoir  l'argent  qu'il  en  faut  demander.  Les  bons  vins, 
la  liqueur  divine  destinée  aux  amis,  aux  poëtes,  aux  belles  per- 
sonnes, aux  douces  joies  du  foyer   domestique,   le  propriétaire 
avare  les  faisait  vendre  pour  en  avoir  de  l'argent!  De  l'argent 
pour  remplacer  tant  de  sourires,  tant  de  vivats,  tant  d'aimables 
regards,  tant  d'espérances  presque   accomplies,  tant  de  lèvres 
amoureuses  doucement  humectées  !  Tirées  de  leur  obscurité  et  de 
leur  paix  profonde,  ces  dives  bouteilles,  encore  toutes  couvertes 
de  leur  manteau  diaphane,  filé  par  l'araignée  ou  par  les  fées  de 
Bordeaux,  de  Mâcon  et  de  la  Côte-Rotie,  avaient  l'air  de  se  dire  : 
Où    allons- nous ^  Spectacle   affligeant!  triste  décadence!  Bas- 
Empire  de  la  cuisine  !  Encore  une  fois,  il  est  ten^ps  que  les  adeptes 
remettent  en  honneur  les  vraies  traditions. 

Puisse  ce  livre  rappeler  à  la  France  ce  grand  art  qui  se  perd, 
l'art  qui  contient  toutes  les  élégances,  toutes  les  courtoisies,  sans 
lesquelles  tous  les  autres  sont  inutiles  et  perdus;  l'art  hospitalier 
par  excellence,  qui  emploie  avec  un  égal  succès  tous  les  produits 
les  plus  excellents  de  l'air,  des  eaux,  de  la  terre  :  le  bœuf  de  la 
prairie  et  l'alouette  du  ch^mp  de  blé;  la  glace  et  le  feu;  le  faisan 
doré  et  la  pomme  de  terre;  le  fruit  et  la  fleur;  l'or,  la  porcelaine 
et  les  plus  suaves  peintures;  l'art  des  quatre  saisons  de  l'année, 
des  quatre  âges  de  la  vie  de  l'homme;  la  seule  passion,  heureuse 
entre  toutes,  qui  ne  laisse  après  elle  ni  le  chagrin  ni  le  remords. 
Chaque  matin  elle  renaît  plus  brillante  et  plus  vive;  elle  a  besoin 
de  la  paix  et  de  l'abondance;  elle  se  plaît  dans  les  maisons  sages, 
heureuses,  bien  ordonnées,  bienveillantes;  aimable  passion,  -qui 
peut  remplacer  toutes  les  autres,  elle  est  la  joie  du  foyer  domes- 
tique; elle  se  plie  à  toutes  les  nécessités  de  la  ville,  à  toutes  les 
exigences  de  la  campagne.  Dans  le  voyage,  elle  est  la  consola^- 
tion;  dans  la  santé,  la  force;  dans  la  maladie,  l'espérance;  comme 
toutes  les  sciences  heureuses,  innocentes,  bien  faites,  cette  science 


A   JULES  JANIN. 


39 


favorite  des  rois  et  des  poètes,  des  belles  personnes  de  trente  ans 
et  des  hommes  politiques  inoffensifs;  cette  yertu,  qui  manquait  à 
Napoléon  et  que  ne  dédaignait  pas  le  grand  Condé.  a  produit 
des  chefs-d'œuvre  tout  remplis  de  l'esprit  le  plus  rare,  de  la 
gaieté  la  plus  charmante,  d'un  style  plein  de  grâce,  de  bon  sens, 
de  suc,  de  philosophie,  d'urbanité.  —  De  tous  ces  chefs-d'œuvre, 
çà  et  là  épars  comme  autant  de  couplets  de  la  même  chanson, 
nous  avons  fait  un  livre  unique,  et,  s'il  fallait  une  épigraphe  à  ce 
livre,  nous  prendrions  la  devise  de  votre  poète  et  la  vôtre  : —  Se 
laisser  être  heureux.  —  Indulgere  genio  ! 

Puissie^-vous  mettre  longtemps  en  pratique  cet  art  heureux, 
tout  à  fait  digne  du  brillant  et  aimable  esprit  que  nous  aimons 
tant,  pour  sa  bienveillance,  sa  bonne  grâce  et  son  abandon. 

Sans  aucun  doute.  Monsieur,  comme  vous  le  dites  souvent,  il 
est  difficile  de  bien  écrire,  mais  il  est  cent  fois  plus  difficile  de 
savoir  bien  dîner. 

Paris,  le  10  octobre  i8jj. 

Votre  ami. 


LE  SECRETAIRE  DE  FEU  CAREME. 


Vous  le  voyez,  cher  ami,  il  y  a  trente-quatre  ou  trente-six 
ans  que  ces  lignes  ont  été  écrites  ;  nous  étions  au  plus  vigoureux 
temps  de  notre  verte  jeunesse,  mais  nous  n'étions  ni  l'un  ni  l'autre 
des  gourmands.  Pourquoi  ne  Tétiez-vous  pas,  vous,  g^rmand> 
M.  de  Cussy  me  paraît  l'avoir  deviné.  Pourquoi  ne  l'étais-je  pas, 
moi>  Je  ne  l'ai  jamais  bien  su  moi-même.  Et  cependant  c^était 
encore  l'époque  des  soupers,  époque  tout  à  fait  perdue  aujour- 
d'hui. 

Nous  soupions  assez  régulièrement,  s'il  vous  en  souvient,  chez 
les  deux  reines  du  théâtre  de  l'époque.  Nous  allions  manger, 
après  Henri  III,  de  la  soupe  aux  amandes  chez  la  reine  de  la 
comédie,  M"*  Mars ,  qui  demeurait  alors  rue  de  la  Tcmr-des- 
Dames. 

Nous  allions,  après  les  représentations  de  Christine  à  TOdéon, 
manger  des  truffes  en  salade  avec  force  poivre  et  force  piment  chez 
-'  l'impératrice  de  la  tragédie.  M"*  Georges,  rue  de  l'Ouest. 


40  LETTRE 


Je  trouve  que  la  soupe  aux  amandes  rappelle  assez  M"*  Mars. 

Je  trouve  que  la«salade  aux  truffes  caractérise  assez  heureuse- 
ment M"*  Georges. 

Ah  !  cher  ami,  le  bon  temps  !  avons-nous  ri  à  ces  soupers! 

Quand  M"*  Georges  était  déshabillée,  et  selon  l'habitude  des 
grandes  actrices  elle  se  déshabillait  devant  nous,  nous  quittions 
sa  loge,  et,  ouvrant  une  grille  du  Luxembourg  dont  elle  avait  la 
clef,  nous  rentrions  chez  elle,  rue  de  TOuest,  à  travers  le  jar- 
din, par  une  autre  grille  qui  donnait  dans  son  jardin  môme. 

De  loin,  à  travers  le  feuillage,  ou  plutôt  à  travers  les  branches 
dépouillées  de  feuillage,  car  c'était  l'hiver,  nous  voyions  étinceler 
les  vitres  de  la  salle  à  manger  ardemment  éclairée. 

A  peine  étions-nous  entrés  dans  la  maison  qu'un  air  tiède  et 
parfumé  venait  au-devant  de  nous. 

Nous  entrions  dans'la  salle  à  manger,  où  nous  attendait  un 
énorme  plat  de  truffes,  de  quatre  à  cinq  livres. 

On  s'asseyait  aussitôt  à  table,  et  Georges,  qui  avait  fait  sa 
toilette,  comme  j'ai  dit,  dans  sa  loge,  attirait  à  elle  le  saladier,  le 
répandait  sur  une  nappe  étincelante  de  blancheur,  et,  de  ses 
belles  mains  royales,  à  l'aide  d'un  couteau  d'argent,  se  mettait  à 
éplucher  les  truffes  avec  une  adresse  et  une  délicatesse  infinies. 

Les  convives  : 

Lockroy ,  un  esprit  fin  et  railleur,  qui  caressait  même  en 
attaquant  ; 

Gentil,  rédacteur  de  je  ne  sais  quelle  revue,  esprit  brutal, 
prime-sautier,  inattendu  ;  il  se  vantait  d'avoir  dit  le  premier  que 
Racine  était  un  polisson  ; 

Harel,  le  prétendu  maître  de  la  maison;  mais  en  réalité  Tes- 
clave  de  Georges;  esprit  rapide,  charmant,  se  faisant  des  mots 
que  Ton  attribuait  à  M.  de  Talleyrand  et  qui  sont  restés  pro- 
verbes ; 

•  Vous,  mon  ami,  le  chroniqueur  infatigable,  qui  avez  tenu 
pendant  trente  ou  trente-cinq  ans  la  critique  d'un  des  premiers 
journaux  littéraires  de  France,  et  qui  aviez,  au  milieu  de  tous  les 
esprits,  celui  de  rire,  et  joyeusement,  à  l'esprit  des  autres; 

Et  moi,  enfin,  qui,  arrivant  de  ma  province,  me  formais  au 
récit  et  au  dialogue  au  milieu  de  ce  charmant  babillage,   qui 


A   JULES  JANÏN.  41 


n'avait  ni  interruprion  ni  lassitude  pendant  les  deux  ou  trois 
heures  que  durait  notre  souper. 

C'était  autre  chose  chez  M"*  Mars.  Malgré  son  âge,  qui  était 
du  reste  à  peu  près  celui  de  M"'  Georges,  elle  avait  conservé, 
sinon  une  grande  jeunesse,  du  moins  une  grande  apparence  et  un 
grand  besoin  de  jeunesse. 

Elle  était  de  1778,  et  ne  cachait  nullement  son  âge  à  ses 
amis. 

Un  petit  meuble,  donné  par  la  reine  à  sa  mère,  accouchée  de 
M'**  Mars  le  jour  même  où  Marie-Antoinette  était  accouchée  de 
la  Dauphine,  portait  la  date  de  1778. 

M"*  Mars  avait  en  elle  deux  femmes  très-différentes  :  la  femme 
du  théâtre,  il  vous  en  souvient,  n'est-ce  pas?  et  la  femme  de  la 
vie  privée. 

La  fetame  du  théâtre,  avec  son  œil  caressant,  sa  voix  sympa- 
thique, une  grâce  infinie  dans  tous  ses  mouvements  ;  la  femme  de 
la  vie  privée,  avec  son  œil  dur,  sa  voix  rauque,  ses  gestes  brusques, 
aussitôt  qu'elle  éprouvait  quelque  contrariété,  de  quelque  part 
que  la  chose  vînt. 

Elle  avait  auprès  d'elle  une  pauvre  Marton  de  province, 
qu  elle  avait  ramenée  de  Bordeaux  pour  lui  servir  de  dame  de 
compagnie,  de  lectrice,  de  souffre-douleur. 

Cette  compagne  s'appelait  Julienne,  avait  infiniment  d'esprit, 
m'aimait  beaucoup  et  faisait  de  moi  son  confident. 

Un  jour  qu'elle  me  racontait  une  scène,  dans  laquelle  elle 
avait  eu  le  courage  de  ne  pas  répondre  aux  apostrophes  de  Céli- 
mène,  et  que  je  l'en  félicitais,  elle  me  dit  : 

a  Mon  cher  Dumas,  vous  qui  savez  tout  faire,  même  des 
comédies,  inventez-moi  donc  une  occupation  quelconque  où  je 
puisse  écouter,  les  yeux  baissés,  toutes  les  injures  qu'elle  me  dit, 
et  où  mon  impatience  puisse  se  faire  jour  sans  paraître. 

—  Ma  chère  Julienne,  lui  dîs-je,  amusez-vous  à  faire  du 
paysage. 

—  Mais  je  ne  sais  pas  peindre?  me  dit  la  pauvre  fille. 

—  Bon,  lui  dis-je,  pour  faire  du  paysage,  il  n'y  a  pas  besoin 
de  savoir  peindre;  il  s'agit  seulement  de  faire  des  lignes  droites 
qui  représentent  des  troncs  d'arbres,  et  une  espèce  de  barbouillage 


LETTRE 


vert  avec  des  nuances  qui  représente  le  feuillage.  Tenez,  tenez  : 
moi,  qui  n'ai  jamais  manié  un  pinceau,  je  vous  apporterai  de- 
main une  boite  à  couleurs,  une  toile  de  trente-six  et  une  litho- 
graphie coloriée  représentant  une  forêt,  et  je  vous  donnerai  votre 
première  leçon.  Les  jours  où  vous  aurez  eu  du  beau  temps,  c'est- 
à-dire  où  Célimène  aura  été  aimable,  vous  ferez  les  troncs  d'arbres, 
c'est-à-dire  que  vous  tirerez  les  lignes  droites;  mais  les  jours 
d'orage,  les  jours  où  Célimène  aura  grondé,  vous  ferez  le  feuillage, 
c'est-à-dire  que  vous  laisserez  à  votre  main  tremblante  de  colère 
son  mouvement  fébrile.  Si  elle  s'en  aperçoit  et  qu'elle  demande 
ce  que  vous  faites,  vous  lui  répondrez  que  ce  sont  les  feuilles 
d'un  chêne;  elle  n'aura  rien  à  dire;  vous  jurerez  tout  bas;  et 
votre  colère  passera  sur  la  toile.  » 

Le  lendemain,  je  tins  parole  à  Julienne,  je  lui  apportai  tout 
ce  qu'il  fallait  pour  peindre.  Julienne  s'y  mit;  et,  grâce  à  mes 
conseils,  elle  commença  une  des  plus  belles  forêts  vierges  que 
j'aie  jamais  vues. 

Quand  j'arrivais  chez  M"*  Mars,  la  première  chose  que  je 
faisais,  c'était  d'aller  à  la  toile  de  Julienne  retournée  contre  le 
mur. 

c(  Ah  !  ah  !  »  disais-je,  si  les  troncs  des  arbres  s'étaient  aug- 
mentés, ((  il  paraît  que  la  journée  a  été  calme  et  que  nous  avons 
cultivé  la  ligne  droite;  »  mais,  au  contraire,  si  le  feuillage 
s'était  épaissi,  si  les  branches,  qui  n'appartenaient  à  aucune 
famille  d'arbres,  s  élançaient  vers  le  ciel  ou  retombaient  brisées 
vers  la  terre  : 

((  Ouf  I  ma  bonne  Julienne,  lui  disais-je,  il  paraît  qu'il  y 
a  eu  tempête  aujourd'hui?  » 

Et  Julienne  me  racontait  ses  chagrins. 

Nos  convives  ordinaires  chez  M"*  Mars  étaient  Vatout  et 
Béquet. 

Vatout  était  premier  bibliothécaire  du  duc  d'Orléans.  On  le 
disait  parent  du  côté  gauche  du  prince,  qui  le  traitait,  en  eflèt, 
avec  une  bonté  toute  particulière;  de  son  côté,  Vatout  faisait 
tout  ce  qu'il  pouvait  pour  le  faire  croire. 

Vatout,  que  M"'  Desbordes-Valmore  avait  appelé  un  papillon 
en  bottes  fortes,  était  assez  bien  peint  par  cette  épigramme;  sa 


A   JULES  JANIN.  43 


grande  prétention  était  de  passer  pour  un  homme  de  lettres;  il 
avait  fait  une  mauvaise  compilation,  qu'il  avait  appelée  La  Con- 
spiration de  Cellamare^  et  un  mauvais  roman,  qu'il  avait  intitulé 
Vidée  fixe. 

Mais  sa  réputation,  et  il  en  avait  une  grande  dans  les  salons, 
reposait  particulièrement  sur  deux  chansons  fort  connues,  Tune 
intitulée  VÉcu  de  France  et  l'autre  Le  Maire  d*Eu. 

Il  racontait  avec  beaucoup  de  grâce  qu'un  jour,  pour  rac- 
courcir le  chemin,  cet-  honorable  maire  avait  fait  prendre  au 
roi  Louis-Philippe,  en  villégiature  à  sa  bonne  ville  d'Eu,  une 
ruelle  fort  étroite,  plus  visitée  le  soir  que  le  matin;  des  traces 
visibles  étaient  restées  de  ces  visites;  et  l'excellent  homme,  la 
rougeur  de  la  honte  au  front,  tout  en  écartant  le  roi  des  endroits 
dangereux,  se  tuait  de  dire  : 

«  J'avais  pourtant  ordonné  qu'on  les  enlevât. 

—  Vous  n'en  aviez  pas  le  droit,  monsieur  le  maire,  répondit 
Vatout  qui  suivait  le  roi,  ils  ont  leurs  papiers.  »> 

Vous  vous  rappelez  Béquet,  mon  cher  Janin;  Béquet,  qui, 
de  même  qu'Antée  trouvait  des  forces  en  touchant  la  terre,  trou- 
vait de  l'esprit  au  fond  de  chaque  verre  de  vin  qu'il  buvait  ;  Bé- 
quet, impie  à  toutes  les  choses  sacrées,  paternité  ou  divinité. 

* 

«  Malheureux,  lui  disait  un  jour  son  père,  ne  cesserez-vous 
donc  jamais  de  faire  des  dettes  } 

—  Moi?  répondait  BégH^t  d'un  air  innocent  et  la  main  sur 
son  cœur. 

—  Oui ,  vous  devez  à  Dieu  et  au  diable. 

—  Vous  venez  justement,  répondit  Béquet,  de  nommer  les 
deux  seules  personnes  à  qui  je  ne  doive  rien.  » 

Ses  relations  avec  son  père  n'étaient  qu'une  longue  dis- 
pute. 

Un  jour  le  père  Béquet  reprochait  à  son  fils  les  vices  qui , 
disait-il,  devaient  le  conduire  au  tombeau. 

c(  J'ai  trente  ans  plus  que  vous,  eh  bien  !  vous  serez  mort 
avant  moi. 

—  En  vérité,  monsieur,  répondit  Béquet  d'un  ton  larmoyant, 
vous  avez  toujours  des  choses  désagréables  à  me  dire.  ». 

Le  jour  où  son  père  mourut,  il  alla  comme  d'habitude  dîner 


44  LETTRE 


au  café  de  Paris;  puis,  comme  il  tenait  sans  doute  à  suivre  l'éti- 
quette mortuaire  : 

«  Pierre,  demanda-t-il  au  garçon,  le  vin  de  Bordeaux  est-il 
de  deuil  >  » 

Il  faut  rendre  cette  justice  à  Béquet,  qu'il  mourut  comme 
il  avait  vécu,  le  verre  à  la  main. 

Notre  convive  le  plus  charmant,  mais  malheureusement  pas 
le  plus  assidu,  était  Charles  de  Mornay;  c'était  un  reste  de  la 
vieille  race  gentilhommière,  comme  d'Orsay,  avec  lequel  il  avait 
beaucoup  de  ressemblance.  Il  était  tout  à  la  fois  beau,  spirituel 
et  ministre  du  roi  à  la  cour  de  Suède. 

Nul  ne  racontait  mieux  que  lui  les  choses  qui  ne  peuvent 
pas  se  raconter. 

C'était  un  descendant  du  fameux  Duplessis-Mornay,  ministre 
de  Henri  IV.  A  l'époque  de  la  République,  il  donna  sa  démis- 
sion, et,  quoique  sans  fortune,  résolut  de  ne  plus  servir. 

Romieu  aussi  venait  souper  de  temps  en  temps,  et  luttait 
d'esprit  bohème  avec  l'esprit  aristocratique  de  Mornay. 

Nous,  mon  cher  Janin,  nous  soutenions  de  notre  mieux 
l'école  moderne,  que  M"*  Georges  avait  abordée  franchement,  et 
M"®  Mars  à  contre-cœur. 

Puis,  de  temps  en  temps,  on  voyait  apparaître  quelque  repré- 
sentant de  la  vieille  école,  comme  Alexandre  Du  val,  qui  nous 
perçait  de  ses  flèches  de  plomb,  et  Dupaty,  qui  nous  criblait  de 
ses  flèches  dorées. 

Les  soupers  de  M"'  Mars,  sans  être  des  modèles  de  table, 
étaient  bons  et  délicats;  ils  avaient  un  fumet  de  bourgeoisie,  que 
n'avait  pas  le  brûlot  incendiaire  de  M"*  Georges. 

J'allais  en  outre,  de  temps  en  temps,  dîner  chez  un  illustre 
gourmand,  qui  avait  renversé  de  vrais  rois  et  de  vraies  reines,  et 
qui  avait  été,  lui  cinquième,  roi  de  France,  au  Luxembourg,  chez 
Barras. 

Nous  sommes  nés  sur  les  limites  des  deux  siècles,  à  deux 
ans,  je  crois,  de  différence  :  moi  en  1802,  vous  en  1804.  ou 
1805. 

Il  en  résulte  que  nCus  avons  pu  connaître,  sur  la  fin  dfe  leur 
réputation,  c'est  vrai,  —  mais,   d'une    réputation  méritée,    il 


A   JULES  JANJN.  .    45 


reste  toujours  quelque  chose,  —  les  plus  fameux  gastronomes  de 
l'autre  siècle. 

La  société  se  modèle  en  général  sur  le  chef  de  TÉtat.  Napo- 
léon n'était  pas  gourmand ,  mais  il  voulait  que  tout  grand  fonc- 
tionnaire de  TEmpire  le  fût.  a  Ayez  bonne  table,  disait-il, 
dépensez  plus  que  vos  appointements;  faites  des  dettes,  je  les 
payerai.  » 

Et,  en  effet,  il  les  payait. 

Ce  qui  empêcha  peut-être  Bonaparte  de  devenir  gourmand, 
ce  fut  ridée  qui  le  poursuivit  constamment,  que  vers  trente-cinq 
ou  quarante  ans  il  deviendrait  obèse. 

«  Voyez,  Bourrienne,  combien  je  suis  sobre  et  mince, 
disait-il;  eh  bien!  on  ne  m'ôtera  pas  de  l'idée  que  je  deviendrai 
gros  mangeur  et  que  je  prendrai  beaucoup  d'embonpoint;  je 
prévois  que  ma  constitution  changera ,  et  pourtant  je  fais  assez 
d'exercice;  mais  que  voulez-vous?  c'est  un  pressentiment,  cela  ne 
peut  manquer  d'arriver.  » 

Loin  qu'il^it  enrichi  le  répertoire  gastronomique,  on  ne  doit 
à  toutes  ses  victoires  qu'un  plat,  c'est  le  poulet  à  la  Marengo. 
Bonaparte  buvait  peu  de  vin,  toujours  du  vin  de  Bordeaux 
ou  du  bourgogne;  cependant  il  préférait  ce  dernier.  Après  son 
déjeuner  comme  après  son  diner,  il  prenait  une  tasse  de  café. 

Il  était  irrégulier  dans  ses  repas,  mangeait  vite  et  mal  ;  mais 
là  se  retrouvait  cette  volonté  absolue  qu'il  mettait  à  tout  :  dès 
que  Tappétit  se  faisait  sentir,  il  fallait  qu'il  fût  satisfait;  et 
son  service  était  monté  de  manière  qu'en  tous  lieux  et  à  toute 
heure  on  pouvait  lui  présenter  de  la  volaille ,  des  côtelettes  et 
du  café. 

Son  plus  grand  plaisir,  c'est-à-dire  celui  qu'il  laissait  le  plus 
paraître,  c'était,  après  une  longue  et  pénible  dictée,  de  sauter 
sur  un  cheval,  de  lui  lâcher  la  bride  et  de  s'élancer  à  fond  de 
train. 

Il  déjeunait  dans  sra  chambre,  à  dix  heures,  invitant  presque 
toujours  les  personnes  qui  se  trouvaient  près  de  lui. 

Bourrienne,  son  secrétaire,  pendant  les  quatre  ou  cinq  ans 
qu'il  a  passés  avec  lui,  ne  l'a  jamais  vu  toucher  à  plus  de  deux 
plats. 


46  LETTRE 

Un  jour,  l'Empereur  demanda  pourquoi  on  ne  servait  jamais 
sur  sa  table  des  crépinettes  de  cochon. 

Dunand  —  le  maître  d'hôtel  de  TEmpereur  s'appelait 
Dunand  —  resta  un  instant  ébahi  de  la  question,  et  ré- 
pondit : 

«  Sire,  ce  qui  est  indigeste  n'est  pas  gastronomique.  » 

Un  officier  qui  était  présent  ajouta  : 

n  Votre  Majesté  ne  pourrait  pas  manger  de  crépinettes  et 
travalBer  aussitôt. 

—  Bahf  bidi!  ce  sont  des  contes,  je  travaillerai  malgré  ça. 

—  Sire,  dit  alors  Dmnand,  Votre  Majesté  sera  obéie  demain 
à  déjeuner.  » 

Et,  le  lendeniain,  le  premier  maître  d'hôtel  des  Tuileries 
servit  le  plat  demandé;  seulement  les  crépinettes  étaient  en  chair 
de  perdreaux,  ce  qui  était  différent. 

L'Empereur  en  mangea  avec  délices. 

«  Votre  plat  est  excellent,  lui  dit -il,  je  vous  en  fais  mon 
compliment.  » 

Un  mois  après,  c'était  vers  l'époque  de  la  rupture  avec  la 
cour  de  Prusse,  Dunand  inscrivit  des  crépinettes  sur  le  menu  et 
les  présenta  au  déjeuner. 

Ce  jour-là.  Murât  et  Bessière  devaient  déjeuner  au  palais; 
mais  des  affaires  instantes  les  avaient  éloignés  de  Paris. 

Le  déjeuner  se  composait  de  six  assiettes,  sur  lesquelles  se 
trouvaient  des  côtelettes  de  veau,  du  poisson,  de  la  volaille,  du 
gibier,  un  entremets,  des  légumes  et  des  œufs  à  la  coque. 

L'Empereur  venait  d'avaler  à  sa  manière  et  en  une  seconde 
quelques  cuillerées  de  potage,  quand,  déclochant  vivement  la 
première  assiette,  il  aperçut  son  plat  favori;  sa  figure  se  con- 
tracta; il  se  leva,  repoussa  la  table  et  la  renversa,  avec  tout  ce 
qui  était  dessus,  sur  un  magnifique  tapis  d'Ispahan  ;  il  s'éloigna 
en  agitant  les  bras,  en  élevant  la  voix  et  en  jetant  les  unes  sur 
les  autres  les  portes  de  son  cabinet. 

M.  Dunand  se  crut  foudroyé  et  resta  sur  le  plancher,  immo- 
bile et  brisé  comme  les  belles  porcelaines  de  service  :  quel  souffle 
avait  donc  traversé  le  palais?  Les  écuyers  tranchants  étaient 
tremblants,  les  valets  de  pied  effarés  s'étaient  enfuis,  le  maître 


A   JULES  JANIN.  47 


d'hôtel  éperdu  s'était  rendu  chez  le  grand  maréchal  du  palais 
pour  invoquer  ses  conseils  et  en  appeler  à  ses  bontés. 

Duroc,  dans  sa  parfaite  tenue,  paraissait  froid  et  fier;  mais 
il  n était  ni  Tua  ni  Tautre  au  fond;  il  écouta  dûac  le  récit  de 
la  scène.  Quand  îT  la  connut,  il  sourit  et  dit  à  Dunand  : 

«  Vous  ne  connaissez  pas  l'Empereur;  si  vous  voulez  m'en 
croire,  vous  irez  sur-le-chlmp  faire  recommencer  son  déjeuner 
et  le  plat  de  crépinettes;  vous  n'êtes  pour  rien  dans  cet  éclat; 
les  affaires  seules  en  sont  cause.  Quand  l'Empereur  aura  fini,  il 
vous  demandera  son  déjeuner.  » 

Le  pauvre  maître  d'hôtel  ne  se  fit  pas  prier,  et  courut  faire 
exécuter  ce  second  déjeuner;  Dunand  le  porta  jusqu'à  l'appar- 
tement, et  Roustan  le  présenta.  Ne  voyant  pas  à  ses  côtés  son 
affectionné  serviteur.  Napoléon  demanda  avec  douceur  et  vivacité 
où  il  était  et  pourquoi  il  ne  le  servait  pas. 

On  l'appela. 

Il  reparut,  la  figure  encore  toute  pâle,  portant  dans  ses 
mains  tremblantes  un  magnifique  poulet  rôti. 

L'Empereur  lui  sourit  gracieusement  et  mangea  une  aile 
de  ce  poulet  et  un  peu  de  crépinettes,  ensuite  il  fit  l'éloge  du 
déjeuner;  puis,  faisant  signe  à  Dunand  d'approcher,  il  lui  tou* 
cha  la  joue  à  plusieurs  reprises,  en  lui  disant  d'un  accent  ému  : 

ft  Monsieur  Dunand,  vous  êtes  plus  heureux  d'être  mon 
maître  d'hôtel  que  je  ne  le  suis  d'être  le  roi  de  ce  pays.  » 

Et  il  acheva  son  déjeuner  en  silence,  les  traits  profondé- 
ment affectés. 

Quand  Napoléon  était  en  campagne ,  souvent  il  montait  à 
cheval  le  matin  et  n'en  descendait  pas  de  la  journée.  On  avait 
soin  alors  de  mettre  dans  l'une  de  ses  fontes  du  pain,  du  vin  , 
et  dans  l'autre  un  poulet  rôti. 

En  général,  il  partageait  ses  provisions  avec  un  de  ses  offi- 
ciers encore  plus  mal  approvisionné  que  lui. 

L'influence  de  son  premier  protecteur,  Barras,  qui,  dans 
quelque  circonstance  que  ce  fût,  mangeait  toujours  longuement 
et  tranquillement,  ne  se  fit  point  ressentir  chez  lui. 

J'ai  dîné  deux  fois  chez  Barras.  Il  y  a  trop  longtemps ,  et. 
j'attachais  trop  peu  d'importance  au  menu  d'un  dîner,  pour  me 


48  LETTRE 


rappeler,  même  superficiellement,  de  quels  mets  ces  deux  dînent 
se  composaient.  Tout  ce  dont  je  me  souviens,  c'est  que  chaque 
convive  avait  derrière  sa  chaise  un  laquais  debout,  veillant  à  ce 
que  jamais  il  n'attendît. 

Je  vis  à  l'un  de  ces  dîners  M"*  la  princesse  de  Chimay, 
née  Thérésia  Cabarrus,  et  à  l'autre  cet  intrigant  royaliste  nommé 
Fauche-Borel ,  qui  avait  pris  une  part  si  active  à  la  rentrée  des 
Bourbons. 

Barras ,  cet  ancien  gourmand,  en  était  réduit  à  manger  d'un 
seul  plat  :  on  émiettait,  avec  une  râpe,  plein  une  assiette  de  pain; 
on  coupait  un  gigot  à  peine  cuit  au-dessus  de  ce  pain,  que  l'on 
inondait  de  jus. 

C'était  le  dîner  de  Barras. 

La  table  la  plus  renommée  du  temps  était  celle  de  M.  de 
Talleyrand. 

Bouché,  ou  Bouche -sèche,  qui  sortait  de  la  maison  de 
Condé,  et  qu'on  citait  pour  la  succulence  et  l'onction  de  sa  bonne 
chère,  fut  chargé  de  monter  la  cuisine  du  prince  de  Talley- 
rand ;  c'est  lui  qui  a  fait  ces  grands  dîners  des  Aflkires  étrangères, 
qui  sont  devenus  classiques,  et  que  l'on  imitera  éternellement. 
Le  prince  de  Talleyrand  avait  toute  confiance  dans  M.  Bouché  ; 
il  le  laissait  libre  dans  ses  dépenses,  et  acceptait  pour  bon  tout 
ce  qu'il  faisait.  Bouché  est  mort  au  service  du  prince;  il  avait 
débuté  dans  la  maison  de  la  princesse  de  Lamballe.  Pendant 
longtemps  ce  fut  lui  qui  choisit  les  cuisiniers  des  grandes  maisons 
de  l'étranger. 

Carême  lui  a  dédié  son  Pâtissier  royal,  c'est-à-dire  un  de 
ses  meilleurs  livres. 

On  a  beaucoup  parlé  de  la  table  de  M.  de  Talleyrand  ;  mais 
beaucoup  des  choses  qu'on  en  a  dites  n'ont  pas  le  mérite  d'être 
exactes. 

Des  premiers,  M.  de  Talleyrand  a  pensé  qu'une  cuisine 
saine  et  méditée  devait  fortifier  la  santé  et  empêcher  de  graves 
maladies.  Et,  en  effet,  sa  santé,  pendant  les  quarante  dernières 
années  de  sa  vie,  est  un  argument  puissant  en  faveur  de  cette 
opinion. 

Toute  l'Europe  illustre,  politique,  savante,  artistique,  grands 


A   JULES   JANIN.  49 


généraux,  grands  ministres,  grands  diplomates,  grands  poètes, 
sont  venus  s'asseoir  à  cette  table,  et  pas  un  qui  n'ait  reconnu  que 
c'était  là  où  se  pratiquait  la  plus  large  hospitalité.  On  y  trouvait 
d'habitude  M.  de  Fontanes,  M.  Joubert,  M.  Desrenaudes,  le 
comte  d'Auterive,  et  M.  de  Montron,  cet  homme  d'esprit  que  le 
XVIII*  siècle  nous  a  légué  assez  jeune  encore  pour  que  le  xix*  pût 
l'apprécier. 

La  Révolution  avait  tué  les  grands  seigneurs,  les  grandes 
tables,  les  grandes  manières  :  M.  de  Talleyrand  rétablit  tout 
cela  ;  et,  grâce  à  lui,  la  réputation  de  la  France  fît  de  nouveau 
le  tour  du  monde  comme  réputation  de  faste  et  d'hospitalité. 

M.  de  Talleyrand,  à  quatre--vingts  ans,  passait  tous  les 
matins  une  heure  avec  son  cuisinier,  et  discutait  avec  lui  tous  les 
plats  de  son  diner,  seul  repas  qu'il  fît,  car  le  matin  il  ne  prenait, 
avant  de  se  mettre  au  travail,  que  deux  ou  trois  tasses  de  camo- 
mille. 

Tous  les  ans  le  prince  allait  prendre  les  eaux  de  Bourbon- 
TArchambault ,  qui  avaient  une  excellente  influence  sur  sa 
santé  ;  il  se  rendait  de  là  dans  son  magnifique  château  de  Valen- 
çay,  dont  la  table  était  ouverte  à  tous  les  hommes  distingués  de 
l'Europe. 

A  Paris,  le  prince  dînait  à  huit  heures;  à  la  campagne,  à 
cinq;  quand  le  temps  était  beau,  une  promenade  succédait  au 
dîner. 

En  rentrant  on  se  mettait  à  la  table  de  jeu,  et  le  silen- 
cieux whist  avait  son  tour  ;  le  jeu  fini,  M.  de  Talleyrand  se 
retirait  dans  son  cabinet  de  travail  ;  là  il  s'assoupissait  ;  ses  flat- 
teurs disaient  :  u  Le  prince  réfléchit  !  » 

Ceux  qui  ne  voyaient  pas  la  nécessité  de  flatter  disaient  tout 
simplement  :  «  Monseigneur  dotC.  » 

L'Empereur,  nous  l'avons  dit,  n'était  ni  mangeur  ni  con- 
naisseur; mais  il  savait  gré  à  M.  de  Talleyrand  de  son  train 
de  vie. 

Voici  l'opinion  de  l'illustre  cuisinier  Carême  sur  la  cuisine 
de  Cambacérès,  que  l'on  nous  a  si  souvent  vantée  à  tort,  à  ce 
qu'il  parait  : 

a  J'ai  écrit  plusieurs  fois  —  c'est  Carême  qui  parle  —  que 

4 


n 


50  LETTRE 

» 

la  cuisine  de  Cambacérès  n'avait  jamais  mérité  sa  grande  répu- 
tation. Je  vais  reprendre  à  cet  égard  certains  détails,  en  citer 
quelques  autres,  et  préciser  le  tableau  de  cette  vilaine  maison. 

«  M.  Grand'Manche,  le  chef  des  cuisines  de  Tarchichan- 
celier,  était  un  praticien  instruit,  un  homme  honorable,  que  nous 
estimons  tous.  Ayant  été  appelé  par  lui  dans  les  fètes  de  la 
maison  du  prince,  j'ai  pu  souvent  apprécier  son  travail  ;  je  puis, 
par  conséquent,  en  dire  quelques  mots.  Le  prince  s'occupait,  le 
matin,  avec  un  soin  minutieux,  de  sa  table  ;  mais  seulement  pour 
en  discuter  et  en  resserrer  les  dépenses.  On  remarquait  chez  lui, 
au  plus  haut  degré,  ce  souci  et  cette  inquiétude  des  détails  qui 
signalent  les  avares.  A  chaque  service,  il  notait  les  entrées  qui 
n'avaient  pas  été  touchées  ou  qui  l'étaient  peu,  et,  le  lendemain, 
il  composait  son  menu  avec  cette  vile  desserte.  Quel  dîner,  juste 
ciel  !  Je  ne  veux  pas  dire  que  la  desserte  ne  puisse  être  utilisée, 
je  veux  dire  qu'elle  ne  peut  pas  donner  un  dîner  de  prince  et  de 
gastronome  éminent.  C'est  un  point  délicat  que  celui-ci  ;  le 
maître  n'a  rien  à  dire ,  rien  à  voir  ;  l'habileté  et  la  probité  du 
cuisinier  doivent  seules  connaître  des  faits.  La  desserte  ne  doit 
être  employée  qu'avec  précaution,  habileté  et  surtout  en  silence. 

«  La  maison  du  prince  de  Talleyrand,  la  première  de  l'Eu- 
rope, du  monde  et  de  l'histoire,  agit  d'après  ces  principes;  ces 
principes  sont  ceux  du  goût;  c'étaient  ceux  de  tous  les  grands 
gentilshommes  que  j'ai  servis  :  Castlereagh,  Georges  IV,  l'empe- 
reur Alexandre,  etc. 

«  L'archichancelier  recevait  des  départements  des  cadeaux 
sans  nombre  en  comestibles  et  les  plus  belles  volailles.  Tout  cela 
allait  s'enfouir  dans  un  vaste  garde-manger  dont  le  prince  avait 
la  clef.  Il  prenait  note  des  provisions,  de  la  date  des  arrivages, 
et  donnait  seul  l'ordre  d'employer  les  pièces.  Fréquemment, 
quand  il  le  donnait,  les  provisions  étaient  gâtées  ;  les  aliments 
ne  paraissaient  jamais  sur  sa  table  qu'après  avoir  perdu  leur 
fraîcheur. 

«  Cambacérès  n'a  jamais  été  gouritfand  dans  l'acception 
savante  du  mot;  il  était  né  fort  gros  mangeur  et  même  vorace. 
Pourrait-on  croire  qu'il  préférait  à  tous  les  mets  le  pâté  chaud 
aux  boulettes,  plat  lourd,  fade  et  bête!  Un  jour,  que  le  bon 


A   JULES  JANIN.  51 


Grand'Manche  voulut  remplacer  les  boulettes  par  des  quenelles 
de  volaille,  de  crêtes  et  de  rognons,  le  croiriez-vous?  le  prince  se 
fâcha  tout  rouge  et  exigea  ses  boulettes  de  godiveau  à  l'ancienne, 
qui  étaient  dures  à  casser  les  dents  :  lui  les  trouvait  délicieuses. 
Pour  hors-d'œuvre,  on  lui  donnait  fréquemment  un  morceau  de 
croûte  de  pâté  réchauffée  sur  le  gril,  et  on  portait  sur  sa  table  le 
combien  d'un  jambon  qui  avait  souvent  servi  toute  la  semaine.  Et 
son  habile  cuisinier,  qui  n'avait  jamais  les  grandes  sauces  I  ni  les 
sous-chefs  ou  aides,  la  bouteille  de  bordeaux  !  Quelle  parcimonie  ! 
quelle  pitié  !  quelle  maison  ! 

«  Qu'elle  était  différente,  la  digne  et  grande  demeure  du 
prince  de  Bénévent!  confiance  entière  et  complètement  justifiée 
dans  le  chef  de  la  ciiisine,  l'un  des  plus  illustres  praticiens  de  nos 
jours,  ITionnète  M.  Bouché.  On  n'y  employait  que  les  produc- 
tions les  plus  saines  et  les  plus  fines.  Là  tout  était  habileté, 
ordre,  splendeur  ;  là  le  talent  était  heureux  et  haut  placé.  Le 
cuisinier  gouvernait  l'estomac;  qui  sait?  il  influait  peut-être  sur 
la  charmante,  ou  active,  ou  grande  pensée  du  ministre.  Des  dîners 
de  quarante-huit  entrées  étaient  donnés  dans  les  galeries  de  la 
rue  de  Varennes.  Je  les  ai  vu  servir  et  je  les  ai  dessinés.  Quel 
homme  était  ce  M.  Bouché!  quels  tableaux  n'offraient  pas  ces 
réunions!  Tout  y  décelait  la  plus  grande  des  nations.  Qui  n'a  pas 
vu  cela  n'a  rien  vu  ! 

a  Ni  M.  Cambacérès,  ni  M.  Brillât-Savarin  n'ont  jamais  su 
manger.  Ils  aimaient  tous  deux  les  choses  fortes  et  vulgaires,  et 
remplissaient  tout  simplement  leur  estomac;  c'est  à  la  lettre. 
M.  de  Savarin  était  gros  mangeur,  et  causait  fort  peu  et  sans 
fecilité,  ce  me  semble  ;  il  avait  Tair  lourd  et  ressemblait  à  un 
curé.  A  la  fin  du  repas,  sa  digestion  l'absorbait;  je  l'ai  vu 
dormir.  » 

Achevons  le  portrait.  Brillât-Savarin  n'était  ni  un  gastro- 
nome ni  uli  gourmet,  mfcis  tout  simplement  un  vigoureux  man- 
geur. Il  était  de  l'intimité  de  M""  Récamier;  de  grande  taille, 
sa  démarche  lourde,  son  air  vulgaire,  avec  son  costume  de  dix 
ou  douze  ans  en  retard  sur  la  mode,  le  faisaient  appeler  le  tam- 
bour-major de  la  Cour  de  cassation. 

Tout  à  coup,  et  une  douzaine  d'années  après  sa  mort,  nous 


52  LETTRE 


avons  hérité  d'un  des  plus  charmants  livres  de  gastronomie  qu'on 
puisse  rêver,  de  la  Physiologie  du  goût. 

Grimod  de  la  Reynière  était  un  des  héros  de  cette  époque. 
Très-jeune,  un  accident  terrible  l'avait  privé  de  ses  mains  ;  à  force 
de  combinaisons,  il  était  parvenu  à  faire  des  débris  qui  lui 
restaient  des  moyens  aussi  souples  qu'auraient  pu  l'être  ses  mains 
mêmes.  Fort  élégant  dans  sa  jeunesse,  il  avait  été  présenté  à 
Ferney  et  avait  vu  Voltaire.  Sa  santé  était  solide,  son  estomac 
inébranlable  ;  il  est  mort  à  quatre-vingts  ans,  ce  qui  a  permis  à 
son  neveu,  M.  le  comte  d'Orsay,  de  me  présenter  à  lui.  Il  nous 
retint  à  dîner,  et  nous  donna  un  des  meilleurs  dîners  que  je  me 
rappelle  avoir  mangés. 

C'était  vers  1834  ou  1835. 

Le  père  de  Grimod  de  la  Reynière  était  d'autant  plus  fier  de 
sa  noblesse,  qu'il  l'avait  achetée  au  garde  des  sceaux  de  France 
en  personne. 

Quant  au  fils,  dont  la  réputation  comme  gourmand  et 
comme  homme  d'esprit  était  connue,  il  se  souvint  toujours,  et 
peut-être  un  peu  trop,  qu'il  était  le  fils  d'un  fermier  général, 
lequel  était  lui-même  fils  d'un  honnête  charcutier. 

Fils  peu  respectueux,  frondeur  impitoyable,  il  ne  cessait  en 
toute  occasion  d'humilier  ses  parents,  en  leur  rappelant 
l'humble  origine  de  leur  fortune  et  l'antique  roture  de  leur 
famille. 

Un  jour  il  invita  à  dîner,  pendant  l'absence  de  son  père 
et  de  sa  mère,  une  nombreuse  compagnie,  composée  de  con- 
vives choisis  dans  toutes  les  espèces  de  corps  d'état,  tailleurs, 
bouchers,  etc. 

Les  billets  d'invitation  portaient  que  du  côté  de  l'huile  et 
du  cochon   les  convives  n'auraienf  rien  à  désirer. 

Et  de  fait,  tout  un  service  se  trouva  uniquement  com- 
posé de  charcuterie,  et  avait-il  grand  soin  de  dire  :* 

«  C'est  un  de  mes  parents  resté  dans  l'état  qui  me  fournit 
ces  viandes.  » 

Les  gens  de  service  étaient  des  Savoyards  pris  au  coin  de  la 
rue  et  bizarrement  travestis  en  hérauts  d'armes  du  moyen  âge. 
Aux  quatre  coins  de  la  salle  à  manger,  se  tenaient  des  enfknts 


A   JULES   JANIN.  53 


de  chœur  en  surplis  blanc  et  un  encensoir  à  la  main,  qui,  à  un 
signal  donné,  se  tournaient  vers  l'amphitryon  et  l'enveloppaient 
d'un  nuage  d'encens. 

a  C'est,  disait  alors  Grimod  de  la  Reynière  fils,  pour  vous 
éviter  d'encenser  le  maître  de  la  maison^  ainsi  qu'avaient  l'habi- 
tude de  le  faire  les  convives  de  monsieur  mon  père.  » 

Au  milieu  de  cette  scène  rentrèrent  M.  et  M™*  Grimod  de 
la  Reynière. 

On  peut  juger  de  leur  colère  et  de  leur  humiliation,  en  se 
voyant  ainsi  bafoués  par  leur  fils. 

Une  lettre  de  cachet  leur  en  fit  raison,  et  exila  le  mauvais 
plaisant  en  Lorraine. 

Mais  il  n'y  était  pas  depuis  six  mois  que  son  père  mourut, 
forcé,  à  son  grand  regret,  de  lui   laisser  son  immense  fortune. 

Ce  fut  alors  qu'il  résolut,  pour  s'amuser,  de  publier  l'c^/- 
manach  des  Gourmands^  dont,  pendant  huit  ans,  il  soutint  la 
publication  et  la  vogue  à  lui  tout  seul. 

Vous  vous  rappelez  certainement  un  des  hommes  les  plus 
agréables  de  figure  et  de  manières  que  nous  ayons  connus,  M-  le 
marquis  de  Cussy.  Celui-là  était  un  de  tes  apôtres  auxquels  il  ne 
manque  rien  pour  faire  des  prosélytes  :  sa  religion  portait  avec 
une  égale  reconnaissance,  affectueuse  et  pleine  de*  respect,  sur 
les  bien&its  qu'il  avait  reçus  de  Marie-Antoinette,  et  sur  l'affec- 
tion que  lui  témoignait  Napoléon.  Un  des  types  les  plus  élé- 
gants de  la  gastronomie  de  l'époque,  il  en  a  été  le  dernier.  C'était 
un  véritable  gentilhomme,  qui  avait  d'abord  dépensé  une  immense 
fortune  patrimoniale  et  de  magnifiques  émoluments  :  il  croyait 
à  la  durée  de  l'empire  napoléonien.  Lorsque  le  dieu  fut  ren- 
versé, quoiqu'il  n'eût  ni  rentes  ni  économies,  il  ne  chercha 
point  d'autre  autel,  et  il  fut  chargé  de  reconduire  Marie-Louise 
à  Vienne. 

Marie-Louise  l'aimait  beaucoup,  charmée  par  ses  belles 
manières;  mais  lui,  lorsqu'il  s'aperçut  qu'elle  n'aimait  point 
Napoléon,  qu'elle  paraissait  même  ravie  de  la  façon  dont  les 
choses  avaient  tourné,  il  demanda,  malgré  les  instances  qu'on 
lui  faisait  pour  rester  à  Parme,  la  permission  de  revenir  à 
Paris. 


54  LETTRE 


Il  y  arriva  le  20  mars,  le  même  jour  que  Napoléon.  11  avait 
été  préfet  du  palais.  Le  21,  Napoléon  le  retrouva  à  son  poste. 

On  sait  que  ce  dernier  règne  de  Napoléon  ne  dura  que 
trois  mois.  Après  Waterloo,  M.  de  Cussy  se  trouva  plus  com- 
promis que  jamais;  par  M.  de  Lauriston  il  obtint  une  petite 
place. 

Louis  XVIII,  sachant  que  M.  de  Cussy  avait  été  préfet  du 
palais  sous  l'empire,  refusait  à  M.  de  Lauriston;  mais  lorsqu'il 
sut  que  c'était  M.  de  Cussy  qui,  le  premier,  avait  trouvé  le 
mélange  de  la  fraise,  de  la  crème  et  du  vin  de  Champagne,  toutes 
les  difficultés  furent  aplanies  ,  et  il  écrivit  de  sa  main  royale  au- 
dessous  de  la  demande  :  Q4ccordée. 

Nous  le  vîmes  alors  atteindre  à  la  vieillesse  sans  que  rien 
parût  dérangé  dans  sa  fortune,  car  ni  la  sérénité  de  son  front, 
ni  la  limpidité  de  son  caractère  n'avaient  changé. 

L'estomac  ni  Tesprit  de  M.  de  Cussy  n'ont  jamais  bronchât, 
personne  ne  causait  mieux  que  lui  de  tout  ce  qu'il  avait  vu,  de 
tout  ce  qu'il  avait  entendu,  de  tout  ce  qu'il  avait  appris. 

Les  autres  gastronomes  de  l'époque,  ceux  avec  lesquels  et 
dans  lesquels  s'éteignit  f)eu  à  peu  la  gastronomie,  étaient  le 
comte  d'Aigrefeuille ,  M.  de  Cobentzel,  longtemps  ambassadeur 
à  Paris,  inventeur  d'un  entremets  nommé  le  Koukoff  Camerani, 
le  savant  médecin  Gastaldi ,  le  musicien  Paer  et  le  banquier 
Hoope. 

La  gastronomie  était  déjà  tellement  malade  à  cette  époque, 
que  le  retour  au  trône  d'un  roi  gastronome  ne  put  faire  grand'- 
chose  pour  elle.  Louis  XVIII  revint,  et  si  Ton  veut  se  faire  une 
idée  de  la  différence  qu'il  y  avait  de  sa  table  avec  celle  de  son 
prédécesseur,  à  qui  six  plats  suffisaient,  nous  mettrons  sous  les 
yeux  de  nos  lecteurs  le  menu  du  premier  diner  qui  lui  fut  donné 
à  son  arrivée  à  Compiègne. 


A   JULES  JANIN. 


55 


EN   MAIGRE  : 


QUATRE    POTAGES. 

Potage  de  poisson  à  la  provençale. 
Nouilles  à  Tessence  de  racines. 
Potage  à  la  d'Artois  à  l'essence  de 

racines. 
Filets  de  lottes  aux  écre visses. 

QUATRE   RELEVÉS    DE    POISSON. 

Croquettes  de  brochets  à  la  Béchamel. 
Vol-au-vent   garni  de  brandade  de 

morae  aux  truffes. 
Filets  de  soles  à  la  Dauphine. 
Orly  de  filets  de  carrelets. 

QUATRE    GROSSES    PIÈCES. 

Turbot  au  beurre  d'anchois. 
Grosse  anguille  à  la  régence. 
Bar  à  la  vénitienne. 
Saumon  sauce  aux  huîtres. 

TRENTE-DEUX    ENTRÉES. 

Lts  croquittes  de  brochets. 

Raie  bouclée  à  la  hollandaise. 
Bayonnaise  de  filets  de  soles. 
Quenelles  de  poisson  à  l'italienne. 
Grondins  grillés,  sauce  au  beurre. 

La  brandade  de  morue. 

Plies  à  la  poulette. 

Pâté  chaud  de  lamproies. 

Pluviers  de  mer  en  entrée  de  broche. 

Brème  à  la  maître  d'hôtel. 

Les  filets  de  soles  à  la  Dauphine. 

Perches  au  vin  de  Champagne. 

Darne  d'esturgeon  au  beurre  de  Mont- 
pellier. 

Turban  de  filets  de  merlans  à  la 
Conty. 

Escalopes  de  morue  à  la  provençale. 


La  orly  de  filets  de  carrelets. 

Caisse  d'huîtres  aux  fines  herbes. 
Escalopes  de  barbue  en  croustade. 
Filets  de  poules  d'eau  à  la  bourgui- 
gnonne. 
Éperlans  à  l'anglaise. 

Turbot  au  beurre  d'anchois. 

Escalopes  de  truites  aux  fines  herbes. 
Sauté  de  filets  de  plongeons  au  su- 
prême. 
Vol-au-vent  de  poisson  à  la  Nesle. 
Petites  caisses  de  foies  de  lottes. 

La  grosse  anguille  à  la  régence. 

Blanquette  de  turbot  à  la  Béchamel. 
Pain  de  carpes  au  beurre  d 'écre visses. 
Salade  de  filets  de  brochets  aux  lai- 
tues. 
Filets  d'aloses  à  l'oseille. 

Le  bar  à  la  vénitienne. 

Papillotes  de  surmulets  à  la  d'Uxel- 

les. 
Boudins  de  poisson  à  la  Richelieu. 
Vives  froides  à  la  provençale. 
Sauté  de  lottes  aux  truffes. 

Saumon j  sauce  aux  huîtres. 

Rougets  à  la  hollandaise. 
Filets  de  sarcelles  à  la  bigarade. 
Timbale  de  macaroni  garnie  de  lai- 
tances. 
Emincés  de  turbotins  gratinés. 

quatre  grosses  pièces 
d'entremets. 

L'ermitage  indien. 
Le  pavillon  rustique. 
Le  pavillon  hollandais. 
L'ermitage  russe. 


56 


LETTRE 


QUATRE    PLATS  DE  ROTS    POUR 
LES    CONTRE-FLANCS. 

Aiguillettes  de  goujons. 
Poules  de  mer. 
Sarcelles  au  citron. 
Petites  truites  au  bleu. 

TRENTE-DEUX    ENTREMETS. 

L'ermitage  indien. 

Laitues  au  jus  de  racines. 
Blanc-manger  à  la  crème. 
Buisson  de  homards. 
Gâteaux  glacés  à  la  Condé. 

Le  pavillon  rustique. 

Céleri  à  Tessence  maigre. 
Gelée  de  punch. 
(Eufs  brouillés  aux  truffes. 
Petits  nougats  de  pommes. 

Le  pavillon  hollandais. 

Concombres  au  velouté. 
Gelée  de  café  moka. 
(Eufs  pochés  aux  épinards. 
Génoises  en  croissant  perlées. 

L'ermitage  russe. 

Cardes  au  jus  d'esturgeon. 
Pommes  au  riz  glacées. 
TrufiFes  à  la  serviette. 
Petits  gâteaux  à  la  Pithiviers. 

Les  aiguillettes  de  goujons. 
Gâteau  renversé  au  gros  sucre. 


Truffes  a  Titalienne. 
Pudding  au  vin  de  Malvoisie. 
Choux-fleurs  au  parmesan. 

Les  poules  de  mer. 

Petits  soufflés  de  fécule. 
(Eufs  pochés  à  U  ravigote. 
Gelée  de  citrons  moulée. 
Champignons  à  l'espagnole. 

Les  sarcelles  au  citron. 

Gâteaux  glacés  aux  pistaches. 
Crevettes  en  hérisson. 
Fromage  bavarois  aux  abricots. 
Pommes  de  terre  à  la  hollandaise. 

Les  petites  truites  au  hleu. 

Panachées  en  diadème  au  gros  sucre. 
Petites  omelettes  à  la  purée  de  cham- 
pignons. 
Géiée  des  quatre  fruits. 
Salsifis  à  la  ravigote. 

POUR  EXTRA  ,  DIX  ASSIETTES 
DE  PETITS  SOUFFLÉS  EN  CROUS- 
TADES. 

Soufflés  aux  macarons  amers. 
Soufflés  à  Torange. 

DESSERT. 

8  corbeilles  et  lo  corbi lions, 
la  assiettes  montées, 
lo  compotiers. 
24  assiettes  et  6  jattes. 


On  racontait  que  Louis  XVIII,  dans  ses.  dîners,  et  même 
dans  ses  dîners  en  tête-à-tête  avec  M.  d'Avaray,  épuisait  les 
mystères  du  luxe  le  plus  recherché. 

Les  côtelettes  ne  se  cuisaient  pas  simplement  sur  le  gril, 
mais  entre  deux  autres  côtelettes;  on  laissait  au  mangeur  le 
soin  d'ouvrir  lui-même  cette  merveilleuse  cassolette ,  d'où 
s'échappaient  tout  à  la  fois  le  jus  et  le  parfum  le  plus  délicat. 


A   JULES  JANIN.  $7 


Des  ortolans  étaient  cuits  dans  le  ventre  de  perdreaux 
capitonnés  de  truffes,  de  sorte  que  Sa  Majesté  hésitait  parfois 
pendant  quelques  minutes  entre  Toiseau  délicat  et  le  légume 
parfumé. 

Il  y  avait  un  jury  dégustateur  pour  les  fruits  qui  devaient 
être  servis  sur  la  table  royale,  et  M.  Petit-Radel,  bibliothécaire 
de  rinstitut,  était  dégustateur  des  pèches. 

Un  jour,  un  jardinier  de  Montreuil,  ayant  obtenu  par  des 
greffes  artistement  combinées  des  pêches  de  la  plus  belle  espèce, 
voulut  en  faire  hommage  à  Louis  XVIII;  mais  il  fallait  passer 
par  le  dégustateur  juré.  Il  se  présenta  donc  à  la  bibliothèque  de 
rinstitut,  demanda  M.  Petit-Radel,  tenant  à  la  main  une  assiettée 
de  quatre  magnifiques  pêches. 

On  lui  fit  quelques  difficultés  :  M.  le  bibliothécaire  travail- 
lait à  un  ouvrage  excessivement  pressé.  Le  jardinier  insista, 
demandant  seulement  qji'on  lui  laissât  passer  l'assiette,  les 
pêches  et  Tavant-bras  en  travers  de  la  porte. 

Au  bruit  que  fit  cette  opération,  M.  Petit-Radel  rouvrit  ses 
yeux,  qui  s'étaient  béatiquement  fermés  sur  un  manuscrit  go- 
thique. 

A  la  vue  de  ces  pêches  qui  semblaient  venir  à  lui  toutes 
seules,  il  poussa  un  cri  de  joie  et  répéta  deux  fois  : 

«  Entrez  !  entrez  !  » 

Notre  jardinier  annonça  le  but  de  sa  visite,  et  la  jubilation 
du  gastronome  reparut  sur  les  traits  du  savant  qui,  s'allongeant 
dans  son  fauteuil,  les  jambes  croisées,  les  mains  jointes,  se 
prépara  dans  un  doux  recueillement,  par  un  mouvement  sensuel 
d'épaules,  au  jugement  important  qu'on  réclamait  de  lui. 

Notre  jsirdinier  demanda  un  couteau  d'argent  ;  il  coupa  en 
quatre  au  hasard  une  des  pêches,  en  piqua  une  tranche  à  la 
pointe  du  couteau,  et  la  présenta  gaiement  à  la  bouche  de 
M.  Petit-Radel,  en  lui  disant  : 

«    Goûtei  Veau.  » 

Les  yeux  fermés,  le  front  impassible,  tout  plein  de  l'impor- 
tance de  ses  fonctions,  M.  Petit-Radel  goûte  l'eau  sans  mot  dire. 

L'anxiété  se  peignait  dans  les  yeux  du  jardinier,  quand ^ 
après  deux  ou  trois  minutes,  ceux  du  juge  s'entr'ouvrirent. 


1 


58  LETTRE 

«  Bien  !  très-bien  !  mon  ami,  »  furent  les  seules  paroles 
qu'il  put  prononcer. 

Aussitôt  la  seconde  tranche  est  présentée  .comme  la  pre- 
mière; seulement  le  jardinier  dit  d'un  ton  plus  assuré  : 

<c  Goûte\  la  chair.  » 

Même  silence,  même  gravité  de  la  part  du  docte  gour- 
mand ;  mais  cette  fois  le  mouvement  de  la  bouche  était  plus 
sensible,  car  il  mâchait. 

Enfin,  après  une  inclination  de  tète  : 
,        a  Ah!  très-bien!  très-bien!  »  dit-il. 

Vous  croyez  peut-être  que  la  supériorité  de  la  pêche  était 
constatée  et  que  tout  était  dit?  Point. 

«  Goûte{  l'arôme^  »  dit  le  jardinier. 

L'arôme  fut  trouvé  digne  de  la  chair  et  de  l'eau.  Alors  le 
jardinier,  qui  était  passé  peu  à  peu  de  l'attitude  de  suppliant  à 
celle  de  triomphateur,  présenta  le  dernier  morceau,  et  avec  une 
teinte  d'orgueil  et  de  satisfaction  qu'il  ne  dissimulait  plus  : 

«  Maintenant,  dit-il,  goûte:^  le  tout.  » 

Inutile  de  dire  que  ce  dernier  morceau  eut  le  même  succès 
que  les  autres.  M.  Petit-Radel,  alors,  s'avança  près  du  jardi- 
nier, les  yeux  humides  d'émotion,  le  sourire  sur  les  lèvres,  et  lui 
prenant  les  mains  avec  la  même  effusion  qu'il  eût  fait  pour  un 
artiste  : 

«  Ah  !  mon  ami,  lui  dit-il,  c'est  parfait,  je  vous  fais  mon 
compliment  bien  sincère,  et  dès  demain  vos  pêches  seront  servies 
sur  la  table  du  roi.  » 

Louis  XVIII  ne  s'illusionnait  pas,  il  voyait  avec  douleur  la 
gourmandise  s'éloigner. 

<(  Docteur,  disait-il  un  jour  à  Corvisart,  la  gastronomie 
s'en  va,  et  avec  elle  les  derniers  restes  de  la  vieille  civilisation. 
Ce  sont  les  corps  organisés,  comme  les  médecins,  qui  devraient 
faire  tous  leurs  efforts  pour  empêcher  la  société  de  se  dissoudre. 
Autrefois,  la  France  était  couverte  de  gastronomes,  parce  qu'elle 
était  couverte  de  corporations  dont  les  membres  ont  été  anéantis 
ou  dispersés.  Plus  de  fermiers  généraux,  plus  d'abbés,  plus  de 
moines  blancs  :  tout  le  corps  des  gastronomes  réside  en  vous 
autres  médecins  qui  êtes  gourmands  par  prédestination  ;  soutenez 


A   JULES  JANIN.  $g 


avec  plus  de  fermeté  le  poids  dont  la  destinée  vous  charge. 
Puissiez-vous  essuyer  le  sort  des  Spartiates  au  passage  des 
Thermopyles.  » 

Louis  XVIII ,  fin  mangeur ,  méprisait  profondément 
Louis  XVI^  son  frère,  grossier  mangeur,  qui,  en  mangeant,  ac- 
complissait, non  pas  un  acte  intellectuel  et  raisonné,  mais  tout 
brutal. 

Quand  Louis  XVI  avait  faim,  il  fallait  qu'il  mangeât. 

Le  jour  du  zo  août,  lorsqu'il  alla  demander  un  asile  à  la 
Convention,  on  le  mit  dans  la  loge,  je  ne  dirai  pas  du  sténo- 
graphe, il  n'y  avait  pas  encore  de  sténographe  à  cette  époque, 
mais  de  l'homme  chargé  de  rendre  compte  de  la  séance. 

A  peine  y  fut-il,  que  la  faim  le  prit,  et  qu'il  demanda 
instamment  à  manger. 

La  reine  insista,  afin  qu'il  ne  donnât  pas  cet  étrange  exemple 
d'insouciance  et  de  gloutonnerie;  il  n'y  eut  pas  moyen  de  lui 
faire  entendre  raison  :  on  lui  apporta  un  poulet  rôti  dans  lequel 
il  mordit  à  même,  sans  paraître  s'inquiéter  de  la  grave  discussion 
de  vie  et  de  mort  qui  s'élevait  sur  lui.  Que  lui  importait?  il  vivait. 

«  Je  pense,  donc  je  vis,  »  disait  Descartes. 

«  Je  vis,  puisque  je  mange,  »  disait  Louis  XVI. 
.Le  repas  dura  jusqu'à  ce  qu'il  ne  restât  plus  ni  une  bribe 
du  poulet,  ni  une  miette  du  pain. 

On  connaissait  si  bien  chez  lui  cette  tendance  à  la  boulimie, 
que  Camille  Desmoulins,  calomnie  odieuse  dans  un  semblable 
moment,  annonça  qu'il  avait  été  arrêté  parce  qu'il  n'avait  pas 
voulu  traverser  Sainte-Menehould  sans  manger  des  fameux  pieds 
de  cochon  de  cette  ville.  Or,  tout  le  monde  sait  que  ce  n'est 
point  à  Sainte-Menehould  que  Louis  XVI  a  été  arrêté,  mais  à 
Varennes,  et  que  les  pieds  de  cochon  ne  sont  pour  rien  absolu- 
ment dans  cette  arrestation. 

Les  plus  grandes  plaintes  de  Louis  XVI  et  des  gens  de  son 
service  au  Temple  portent  sur  la  façon  dont  on-  avait  restreint 
ses  repas. 

Nous  avons  parlé  de  Barras  comme  d'un  gastronome  dis- 
tingué.     . 

Barras,  qu^on  appelait  le  beau  Barras,  avait,  dans  les  dîners 


^ 


60  LETTRE 

■ 

qu'il  donnait,  un  soin  tout  particulier  des  femmes  ;  sur  un  millier 
de  menus  que  nous  avons  devant  les  yeux,  il  y  en  a  un  signé 
Barras,  dans  lequel  nous  trouvons  cette  note  curieuse  écrite  de  sa 
propre  main  : 

CARTE   DINATOIRE 

POUR  LA    TABLE   DU   CITOYEN    DIRECTEUR    ET    GENERAL    BARRAS 

LE   DE'cADI    30   FLOREAL. 

Dou[e  personnes. 

I  potage.  a  plats  de  rôt. 

I  relevé.  6  entremets. 

6  entrées.  i  salade. 

24  plats  de  dessert. 

Le  potage  aux  petits  oignons  à  la  ci-devant  minime. 

Le  relevé,  un  tronçon  d'esturgeon  à  la  broche. 

LES    SIX    ENTREES  : 

I  d'un  sauté  de  filets  de  turbot  à  l'homme  de  confiance,  ci-devant  maître 

d'hdtel. 

I  d'anguilles  à  la  tartare. 

I  de  concombres  farcis  à  la  moelle. 

I  vol-au-vent  de  blanc  de  volaille  à  la  Béchamel. 

I  d'un  ci-devant  Saint-Pierre  sauce  aux  câpres. 

I  de  filets  de  perdrix  en  anneaux. 

LES    DEUX    PLATS    DE    RÔT   : 

1  de  goujons  du  département. 
1  d'une  carpe  au  court-bouillon. 

LES    SIX    ENTREMETS   : 

I  d'œufs  à  la  neige. 

I  de  betteraves  blanches  sautées  au  jambon. 

I  d'une  gelée  au  vin  de  Madère. 

T  de  beignets  de  crème  à  la  fleur  d'oranger. 

I  de  lentilles  à  la  ci-devant  reine  à  la  crème  au  blond  de  veau. 

I  de  culs  d'artichauts  à  la  ravigote. 

I  salade  céleri  en  rémoulade. 

Trop  de  poisson.  Ote^  les  goujons.  Le  reste  est  bien.  Qu'on 
n'oublie  pas  encore  de  mettre  des  coussins  sur  les  sièges  pour 
les  citoyennes  Tallien^  Talma,  Beauharnais ,  Hainguerlot  et 
Mirande.  Et  pour  cinq  heures  précises . 

Signé  :  Barras. 

Faites  venir  des  glaces  de  Veloni  ^  je  n'en  veux  pas  d'autres. 


A   JULES  JANIN.  6i 


La  galanterie  de  Barras  a-t-elle  rejailli  sur  sa  réputation > 
Les  femmes  l'ont  pris  sous  leur  protection,  et,  du  directeur  et  du 
général,  est  resté  Télégant,  le  beau  Barras.  De  sacorruprion,  des 
millions  qu'il  a  soutirés  à  la  France,  il  n'en  a  point  été  question. 
Que  d'absolutions  il  y  a  de  cachées  sous  ces  mots  : 

a  Mettez  des  coussins  sous  les  sièges  des  citoyennes  Tallien, 
Talma,  Beauharnais,  Hainguerlot  et  Mirande.  » 

M"*  Contât  se  fit  une  réputation  de  maison  élégante,  en 
ordonnant  de  servir  les  plats  chauds  dans  des  assiettes  chaudes. 

Le  long  règne  de  Louis  XV  fut  monotone  comme  cuisine. 
M.  de  Richelieu  jeta  seul  quelques  variétés  sur  ces  parfums,  sur 
ces  fleurs,  sur  ces  fruits  toujours  les  mêmes;  il  inventa  les  bou- 
•  dins  à  la  Richelieu,  les  bayonnaises,  que  nos  restaurateurs 
s'obstinent  à  appeler  des  mahonnaises,  sous  prétexte  qu'elles  ont 
été  exécutées  la  veille  ou  le  lendemain  de  la  prise  de  Mahon. 

Il  est  vrai  que  nous  avons  eu  à  côté  de  cela  la  sauce  Bécha- 
mel et  les  côtelettes  Soubise. 

Cela  parut  d'autant  plus  long,  que  l'on  sortait  de  cette  spi- 
rituelle époque  présidée  par  le  régent,  où  tout  le  monde  était 
jeune,  avait  de  l'esprit  et  un  bon  estomac. 

La  régence  fut  l'époque  charmante  de  la  France  :  pendant 
sept  ou  huit  ans,  on  vécut  pour  boire ,  aimer,  manger  ;  puis  un 
beau  soir  que  le  régent  causait  avec  M"*  de  Falaris,  son  petit 
corbeau,  comme  il  l'appelait,  le  régent,  se  sentant  la  tête  lourde, 
la  posa  sur  l'épaule  de  la  belle  courtisane  en  lui  disant  : 

«  Croyez-vous  aller  en  enfer,  ma  belle  amie  ? 

—  Si  j'y  vais,  j'espère  bien  vous  y  retrouver,  »  dit-elle. 

Le  régent  ne  répondit  pas. 

Il  y  était  ! 

Le  régent  mort,  M.  le  prince  lui  succéda  :  c'était  un  vilain 
borpie,  venant  du  mauvais  côté  de  la  maison  de  Condé;  il  avait 
^;.î€çu   de    la   nature   cette   somme  de  vertus  qui    empêche  les. 
^pinces  d'être  pendus,  non  point  parce  qu'ils  sont  honnêtes  gens, 
4^ds  parce  qu'ils  sont  princes.  Lui  et  sa  maîtresse,  la  fille  du 
nfeiC)^  Pléneuf,  mirent  à  peu  près  un  an  à  manger  ce  qui  res- 
tait d'argent  dans  les  coffres  de  la  France  ;  puis,  comme  l'argent 
manquait^  ils  se  mirent  à  manger  la  France  elle-même. 


62  LETTRE 


On  mangea  donc  beaucoup  sous  la  régence  de  M.  le  prince; 
mais  on  ne  mangea  pas  bien. 

Un  homme  d'esprit,  médecin  homœopathe,  me  disait  un  jour 
qu'on  trouve  dans  les  variations  de  la  nourriture  des  peuples  les 
différentes  phases  médicales. 

Ainsi,  sous  Louis  XIV,  époque  pendant  laquelle  la  France 
se  nourrit  d'une  manière  incrassante,  où  le  café  n'est  pas  encore 
en  usage,  où  le  thé  n'est  pas  à  la  mode,  où  le  chocolat  est  à 
peine  inventé,  on  engraisse,  et  toute  maladie,  disent  les  médecins, 
vient  des  humeurs. 

Alors  arrive  la  médecine  de  M.  Fagon. 

Inutile  de  dire  que  le  Fagon  de  Louis  XIV  et  le  Purgon 
de  Molière,  c'est  le  même  homme  :  saigner,  purger,  clysterium 
donare. 

Louis  XIV  se  purgeait  deux  fois  par  mois,  ce  qui  lui  débar- 
rassait en  même  temps  l'estomac  et  la  tête,  et  le  rendait  de  si 
belle  humeur,  que  c'était  le  15  et  le  30,  au  sortir  de  ses  water- 
closets,  que  les  solliciteurs  l'attendaient  avec  leurs  placets. 

Cette  médecine  dura  tant  bien  que  mal  une  centaine  d'années. 

Puis  vint  un  homme  de  génie,  qui  fit  à  la  fois  la  gloire  et  le 
malheur  de  la  France. 

Napoléon  I". 

Il  tomba  :  cinquante  mille  officiers  se  répandirent  alors  sur 
la  surface  de  la  France,  n'ayant  plus  d'avenir  que  celui  des  con- 
spirations, le  sang  brûlé  par  la  haine,  et  s'occupant  à  renverser  le 
gouvernement  tout  en  buvant  du  café,  de  l'eau-de-vie  et  du 
punch. 

Alors  parut  Broussais,  homme  de  génie  s'il  en  fut,  qui,  de 
même  que  Fagon  avait  dit  :  tout  est  dans  les  humeurs,  pur- 
geons; dit  :  tout  est  dans  le  sang,  saignons. 

Et  il  saigna,  et  pendant  toute  une  période  on  saign%  ces 
conspirateurs  au  sang  brûlé  par  la  haine,  par  le  punch  et  le 
café  ;  on  saigna  non  -  seulement  avec  la  lancette,  mais  avec  le 
poignard,  mais  avec  le  fer  de  l'échafaud. 

Au  règne  de  Louis  XVIII,  la  Chambre  introuvable  fut  pre^ 
que  une  période  de  la  Terreur.  Seulement  on  l'appela  la  Terreur 
blanche. 


A   JULES  JANIN.  63 


Ensuite  vinrent  le  règne  d'un  instant  de  Charles  X,  et  la 
Révolution  de  1830.  La  République  pointa,  comme  les  épis  en 

avril. 

Mais  les  esprits  étaient  tournés  à  la  spéculation;  et  au 
milieu  des  derniers  disciples  du  dieu  Gaster,  qui  allaient  tous  les 
jours  se  disciplinant  dans  les  salles  à  manger  des  ministres, 
naquirent  les  adeptes  de  la  Bourse,  qui  firent  succéder  les  inquié- 
tudes de  la  hausse  et  de  la  baisse  aux  terribles  transes  des 
conspirations. 

Ceux  qui  perdaient  —  et  ceux  qui  perdent  paraissent  tou- 
jours plus  nombreux  que  ceux  qui  gagnent  —  rentraient  chez 
eux  avec  des  frémissements  nerveux  qui  se  fixaient  dans  les  yeux, 
sur  le  front  ou  dans  la  bouche  ;  leurs  femmes  et  leurs  filles,  en 
voyant  sans  cesse  des  gens  ennuyés  et  souffrants,  bâillaient  à  se 
démonter  la  mâchoire. 

On  leur  demandait  ce  qu'elles  avaient,  elles  n'osaient  ré- 
pondre :  mon  père,  ou  mon  mari,  est  assommant;  elles  répon- 
daient :  j'ai  mes  nerfs. 

A  ce  moment,  le  médecin  homœopathe  allemand  Hahnemann 
fit  son  entrée  dans  cette  société  voltaisée,  et  de  même  que  Fagon 
avait  dit  :  tout  est  dans  les  humeurs,  purgeons  ;  que  Broussais 
avait  dit:  tout  est  dans  le  sang,  saignons;  Hahnemann  dit  :  tout, 
est  dans  les  nerfs,  calmons  ;  et  Thomœopathie  fit  ses  premiers  pas 
dans  la  carrière  lente,  calme  et  invisible,  qu'elle  est  appelée  à 
parcourir. 

Nous  arrivâmes  en  même  temps  qu'elle,  et  nous  eûmes 
rhonneur  d'être  ses  contemporains.  Contemporains  assez  embar- 
rassés quant  à  nos  opinions  politiques,  nous  ne  pouvions  être 
napoléoniens ,  Napoléon  étant  deux  fois  tombé  du  trône  a« 
milieu  des  malédictions  de  nos  mères  ;  nous  ne  pouvions  être 
Bourbonniens ,  Louis  XVIII  étant  mort  avec  la  réputation  d'un 
homme  sans  cœur  qui  n'avait  jamais  pardonné  et  Charles  X  ayant 
été  chassé  avec  la  réputation  d'un  roi  fainéant  et  imbécile.  Nous 
ne  savions  pas  beaucoup  d'histoire  de  France,  mais  nous  savions 
0^)endant  que  les  rois,  par  la  fainéantise  et  Timbécillité,  remon- 
taient à  leur  source. 

On  venait  de  nous  en  confectionner  un  qui  devait  être  le 


#  -^ 


64  LETTRE 


modèle  des  rois,  ayant  été  fait  par  ce  qu'il  y  avait  de  plus  riche 
et  de  plus  intelligent  en  France.  Nous  ne  pouvions  pas  encore 
être  fanatiques  de  celui-là ,  attendu  qu'il  n'avait  pas  fait  ses 
preuves. 

Il  nous  restait  donc  deux  choses  à  aimer  :  la  liberté  et  Tart. 
Nous  nous  jetâmes  dans  cette  religion  nouvelle  qui  nous  sédui- 
sait par  deux  mots  inconnus  jusque-là. 

Il  n'y  avait  presque  pas  eu  d'art,  mais  il  n'y  avait  pas  eu  de 
liberté  du  tout. 

On  sentait  l'intelligence  de  la  patrie  menacée  :  il  y  eut, 
comme  en  pa,  des  enrôlements  volontaires. 

Aucun  de  ces  nouveaux  soldats  de  l'art  et  de  la  liberté 
n'était  riche;  quelques-uns  avaient  des  places  de  i,ooo  à 
1,500  francs. 

Cent  louis  étaient  un  de  ces  résultats  que  les  plus  hautes 
ambitions  n'osaient  espérer.  Mes  appointements  les  plus  élevés 
ont  monté,  et  montaient,  lorsque  je  donnai  ma  démission  le 
8  août  1830,  à  166  fr.  66  c.  par  mois. 

Combien  gagniez-vous,  mon  cher  ami?  vous  ne  deviez  pas 
être  bien  riche  non  plus. 

Le  moyen,  avec  4  ou  5  francs  par  jour,  de  penser  à  la  gas- 
tronomie }  non  !  il  fallut  penser  au  plus  pressé,  il  fallut  penser  à 
vivre  avant  de  penser  à  manger. 

Chacun  de  nous  se  trouva  alors  comme  un  homme  qui  se 
serait  endormi  dans  une  plaine  inconnue. 

Au  jour  naissant,  il  s'éveillait  et  se  trouvait  dans  un  air  plein 
de  brouillards  qui  s'effaçaient  peu  à  peu,  et  qui  laissaient  distin- 
guer à  chacun  la  route  qu'il  devait  suivre. 

Un  an  après  on  disait  : 

Que  fait  Lamartine  ?  —  Ses  Nouvelles  Méditations. 

Que  fait  Hugo  ?  —  Marion  Détonne. 

Que  fait  Méry?  —  La  Villéliade. 

Que  fait  de  Vigny?  —  La  Maréchale  d'oâncre. 

Que  fait  Barbier?  —  Ses  ïambes. 

Que  fait  de  Musset?  —  S^s  Contes  d'Espagne  et  d'Italie. 

Que  fait  R(^er  de  Beauvoir  ?  —  V Écolier  de  Clunjr. 

Que  fait  Janin  ?  —  Barnave, 


A  JULES  JANIN,  6$ 


Que  fait  Dumas?  —  Il  répète  Henri  III. 

Et  c'est  ainsi  que  chacun  de  nous  avait  trouvé  la  route  qu'il 
devait  poursuivre. 

Quelques-uns  cependant  avaient  des  tendances  vers  la  gas- 
tronomie. Ce  n'étaient  pas  les  travailleurs  :  c'étaient  des  gens 
d'esprit,  c'était  Véron,  c'était  Nestor  Roqueplan,  c'était  Vieil- 
Castel,  c'était  Roger,  c'était  Romieu,  c'était  Rousseau. 

Un  seul  était  assez  riche  ou  gagnait  assez  d'argent,  ce  qui 
revient  à  peu  près  au  même,  pour  se  faire  beau  mangeur  d'an- 
cienne roche,  c'est-à-dire  gastronome;  les  autres  prirent  le  milieu, 
et,  n'étant  pas  assez  riches  pour  se  livrer  à  la  gastronomie,  se 
firent  gourmets  ou  gourmands;  enfin  ceux  qui  gagnaient  de 
l'argent  par  secousses,  selon  qu'un  vaudeville  réussissait  ou  qu'ils 
entamaient  une  série  d'articles  à  un  journal,  se  firent  viveurs. 

Véron  vécut  constamment  au  café  de  Paris,  donnant  de 
grands  dîners,  au  fur  et  à  mesure  que  sa  fortune  grandissait, 
mais  les  donnant  chez  lui. 

Romieu,  de  Vieil-Castel,  Roger  de  Beauvoir,  mangeaient  sur 
le  boulevard,  indifféremment  au  café  Anglais,  à  la  Maisdn-d'Or, 
chez  Vachette,  chez  Grignon,  etc.  ;  les  autres,  où  ils  pouvaient. 
Ceux-là,  d'ailleurs,  étaient  plutôt  des  buveurs  que  des  mangeurs  ; 
ils  poursuivaient  plutôt  la  ligne  des  ivrognes  que  celle  des 
gourmands.  Mais  tous,  il  faut  le  dire,  étaient  de  charmants  es- 
prits, qui  fondèrent  la  société  de  1830  à  1850. 

Tout  Paris  a  connu  les  hommes  que  je  viens  de  nommer; 
et  puisqu'ils  ont  été  connus  de  tout  Paris,  ils  ont  été  connus  du 
monde  entier. 

Eh  bien,  l'habitude  des  dîners  et  des  soupers,  la  seule  que  je 
regrette,  était  tellement  perdue  chez  nous,  que  pas  une  seule  fois 
tous  ces  hommes  d'un  esprit  si  élevé,  si  charmant,  si  cultivé, 
n'eurent  l'idée  de  se  réunir  dans  un  dîner,  et  je  ne  crois  pas 
qu'une  seule  fois  ils  se  trouvèrent  tous  ensemble. 

Désaugiers,  en  mourant,  avait  emporté  avec  lui,  dans  sa 
tombe,  la  clef  du  dernier  Caveau. 

Je  me  rappelle  cependant  une  anecdote  qui  prouve  qu'il 
restait  parmi  nous  de  dignes  successeurs  des  Grimod  et  des 
Cussy. 


66  LETTRE 


Le  vicomte  de  Vieil-Cas  tel,  frère  du  comte  Horace  de  Vieil- 
Castel,  Tun  des  plus  fins  gourmets  de  France,  hasarda  un  jour, 
dans  une  réunion  moitié  artiste,  moitié  gens  dû  monde,  cette 
proposition  : 

((  Un  homme  seul  peut  manger  un  dîner  de  cinq  cents 
francs.  » 

On  se  récria  : 

«  Impossible! 

—  Il  est  bien  entendu,  reprit  le  viconite,  que  dans  le  mot 
manger  est  sous-entendu  le  mot  boire. 

—  Parbleu  !  firent  les  assistants. 

—  Eh  bien  !  je  dis  qu'un  homme,  quand  je  dis  un  homme, 
je  ne  parle  pas  d'un  charretier,  n'est-ce  pas?  je  sous-entends  un 
gourmet,  un  élève  de  Montron  ou  de  Courchamps  ;  eh  bien,  je 
dis  qu'un  gourmet,  un  élève  de  Montron  ou  de  Courchamps  peut 
manger  un  dîner  de  cinq  cents  francs. 

—  Vous,  par  exemple  > 

—  Moi  ou  tout  autre. 

—  Pourriez-vous? 

—  Parfaitement. 

—  Je  tiens  les  cinq  cents  francs,  dit  un  des  assistants.  Voyons, 
établissons  bien  les  faits. 

—  Rien  de  plus  simple  à  établir  :  je  dîne  au  café  de  Paris, 
je  fais  ma  carte  comme  je  l'entends,  et  je  mange  pour  cinq  cents 
francs  à  mon  dîner. 

—  Sans  rien  laisser  sur  les  plats  ni  dans  les  assiettes? 

—  Si  fait,  je  laisse  les  os. 

—  Oh  !  c'est  trop  juste. 

—  Et  quand  le  pari  aura-t-il  lieu? 

—  Demain,  si  vous  voulez. 

—  Alors  vous  ne  déjeunez  pas  ?  demanda  un  des  assistants. 

—  Je  déjeunerai  comme  à  mon  ordinaire. 

—  Soit.  Demain  à  sept  heures,  au  café  de  Paris.  » 

Le  même  jour,  le  vicomte  alla  dîner  comme  de  coutume  au 
restaurant  fashionable;  puis  après  le  dîner,  pour  ne  pas  être 
influencé  par  des  tiraillements  d'estomac,  le  vicomte  se  mit  en 
devoir  de  dresser  sa  carte  du  lendemain. 


A  JULES  JANIN.  67 


On  fit  venir  le  maître  d'hôtel.  C'était  en  plein  hiver  :  le 
vicomte  indiqua  force  fruits  et  primeurs.  La  chasse  était  fermée  : 
il  voulut  du  gibier. 

Le  maître  d'hôtel  demanda  huit  jours. 

Le  dîner  fut  remis  à  huit  jours.  A  la  droite  et  à  la  gauche 
de  la  table  du  vicomte  devaient  dîner  les  juges  du  camp. 

Le  vicomte  avait  deux  heures  pour  dîner  :  de  7  à  9. 

Il  pouvait  à  son  choix  parler  ou  ne  point  parler. 

A  l'heure  fixée,  le  vicomte  entra,  salua  les  juges  du  camp 
et  se  mit  à  table. 

La  carte  était  un  mystère  pour  les  adversaires  ;  ils  devaient 
avoir  le  plaisir  de  la  surprise.  Le  vicomte  s'assit.  On  lui  apporta 
douze  douzaines  d'huîtres  d'Ostende,  avec  une  demi-bouteille 
dé  Johannisberg. 

Le  vicomte  était  en'  appétit  :  il  redemanda  douze  autres 
douzaines  d'huîtres  d'Ostende  et  une  autre  demi-bouteille  du 
même  cru. 

Puis  vint  un  potage  aux  nids  d'hirondelles,  que  le  vicomte 
versa  dans  un  bol  et  but  comme  un  bouillon. 

tt  Ma  foi,  messieurs,  dit-il,  je  me  sens  en  train  aujourd'hui, 
et  j'ai  bien  envie  de  me  passer  une  fantaisie. 

—  Faites,  pardieu,  vous  en  êtes  bien  le  maître. 

—  J'adore  les  biftecks  aux  pommes. 

—  Messieurs,  pas  de  conseils,  s'il  vous  plaît,  dît  une  voix. 

—  Bah  !  garçon,  dit  le  vicomte,  un  bifïeck  aux  pcmmes.  » 
Le  gar^n,  étonné,  regardu  le  vicomte. 

(f  Eh  bien!  dit  celui-ci,  vous  ne  comprenez  pas? 

—  Si  fait,  mais  je  croyais  que  monsieur  le  vicomte  avait  fait 
sa  carte? 

—  C'est  vrai,  mais  c'est  un  extra  que  je  me  passe  ;  je  le 
payerai  à  part.  » 

Les  juges  du  camp  se  regardaient.  On  apporta  le  bifteck 
aux  pommes,  que  le  vicomte  dévora  jusqu'à  la  dernière  rissole. 

«  Voyons  !  le  poisson  maintenant  !  » 

On  apporta  le  poisson. 

«  Messieurs,  dit  le  vicomte,  c'est  une  ferra  du  lac  de  Ge- 
nève ;  ce  poisson  ne  se  trouve  que  là  ;  mais  cependant  on  peut 


68  LETTRE 


s'en  procurer.  On  me  Ta  montré  ce  matin  pendant  que  je  dé- 
jeunais ;  il  était  encore  vivant ,  on  Ta  transporté  de  Genève  à 
Paris  dans  l'eau  du  lac.  Je  vous  recommande  la  ferra,  c'est  un 
manger  délicieux.  » 

Cinq  minutes  après,  il  n'y  avait  plus  sur  l'assiette  que  les 
arêtes  de  la  ferra. 

«  Le  faisan,  garçon!  dit  le  vicomte.  » 

On  apporta  un  faisan  truiFé. 

«  Une  seconde  bouteille  de  Bordeaux,  même  cru.  » 

On  apporta  la  seconde  bouteille. 

Le  faisan  fut  troussé  en  dix  minutes. 

((  Monsieur,  dit  le  garçon,  je  crois  que  vous  avez  fait  erreur 
en  demandant  le  faisan  truffe  avant  le  salmis  d'ortolans. 

—  Ah  !  c'est  pardieu  vrai  1  Par  bonheur,  il  n'est  pas  dit  dans 
quel  ordre  les  ortolans  seront  mangés,  sans  quoi  j'avais  perdu. 
Le  salmis  d'ortolans  I  garçon.  » 

On  apporta  le  salmis  d'ortolans. 

Il  y  avait  dix  ortolans,  le  vicomte  en  fit  dix  bouchées. 

a  Messieurs,  dit  le  vicome,  ma  carte  est  bien  simple.  Main- 
tenant des  asperges,  des  petits  pois,  un  ananas  et  des  fraises. 
En  vin  :  une  demi-bouteille  de  Constance,  une  demi-bouteille  de 
Xérès  retour  de  l'Inde.  Puis  le  café  et  les  liqueurs,  bien  en- 
tendu. » 

Chaque  chose  vint  à  son  tour  :  légumes  et  fruits,  tout  fut 
mangé  consciencieusement;  vins  et  liqueurs,  tout  fut  bu  jusqu'à 
la  dernière  goutte. 

Le  vicomte  avait  mis  une  heure  (quatorze  minutes  à  faire 
son  dîner. 

«  Messieurs,  dit-il,  les  choses  se  sont-elles  passées  loyalement?» 

Les  juges  du  camp  attestèrent. 

(f  Garçon,  la  carte  !  » 

On  ne  disait  pas  encore  V addition  à  cette  époque.* 

Le  vicomte  jeta  un  coup  d'œil  sur  le  total,  et  passa  la  carte 
aux  juges  du  camp. 

Voici  cette  carte  : 


0 


A  JULES  JANIN.  69 


1^ 


fr.        c. 

Huîtres  d'Ostende,  vingt-quatre  douzaines.  .  30  » 

Soupe  aux  nids  d'hirondelles 150  » 

Bifteck  aux  pommes 2  n 

Ferra  du  lac  de  Genève 40  » 

Faisan  truffé 40  » 

Salmis  d'ortolans 50  n 

Asperges 15  » 

Petits  pois 12  » 

Ananas 24  » 

Fraises 20  » 

VINS. 

Johannisberg,  une  bouteille 24    » 

Bordeaux,  grands  crus,  deux  bouteilles.  ...  50     » 

Constance ,  une  demi-bouteille 40     » 

Xérès  retour  de  l'Inde,  une  demi-bouteille.  .  50     » 

Café,  liqueurs i  50 

Total 548  50 

On  vérifia  l'addition,  elle  était  exacte. 

On  porta  la  carte  à  l'adversaire  du  vicomte,  qui  dînait  dans 
le  cabinet  du  fond. 

Il  parut  au  bout  de  cinq  minutes,  salua  le  vicomte,  tira  de 
sa  poche  six  billets  de  mille  francs  et  les  lui  présenta. 

C'était  le  montant  du  pari. 

«  Oh  1  Monsieur,  dit  le  vicomte,  cela  ne  pressait  pas  ;  peut- 
être,  d'ailleurs,  eussiez-vous  désiré  votre  revanche. 

—  Vous  me  l'eussiez  donnée  > 

—  Sans  doute. 

—  Quand  cela  ? 

—  Tout  de  suite.  » 

Vovs  rappelez-vous  notre  pauvre  Roger,  je  ne  dirai  pas  le 
plus  spirituel  de  nous  tous  —  là  où  vous  étiez,  cher  ami,  là  où  était 
Méry,  il  n'y  avait  pas  plus  spirituel  que  les  maîtres  en  esprit  que 
je  viens  de  nommer,  —  mais  un  des  plus  spirituels  et  à  coup 
sûr  le  plus  bruyant  de  nous  tous. 

J'ai  fait  sur  lui  une  observation  que  je  donne  comme  avis 
aux  amateurs  :  depuis  le  cominencement  jusqu'à  la  fin  du  dîner, 


L 


70  LETTRE 


il  ne  buvait  en  général  que  du  vin  de  Champagne  glacé;  aussi 
dans  le  commencement  des  repas,  quand  les  autres  ne  s'occu- 
paient que  de  satisfaire  leur  appétit,  lui  s'occupait  de  les  amuser 
par  ses  contes  sans  fin  et  ses  anecdotes  insensées;  au  fur  et  à 
mesure  que  le  dîner  s'avançait  et  que  les  autres  convives  commen- 
çaient  à  s'animer,  lui  devenait  sérieux,  taciturne,  quelquefois 
morose  ;  je  l'ai  vu  s'endormir. 

Est-ce  que  le  vin  de  Champagne,  qui  est  excitant  dans  ses 
premiers  eâ^ets,  serait  stupéfiant  dans  ceux  qui  suivent^  Ce  serait 
un  mauvais  tour  que  rendrait  le  gaz  acide  carbonique  qu'il 
contient. 

Pourquoi,  tout  au  contraire,  l'esprit  de  Méry,  qui  ne  buvait 
que  du  vin  de  Bordeaux,  et  en  assez  petite  quantité,  allait-il 
croissant  pendant  tout  le  repas  et  s'aiguisait-il  à  mesure  qu'il  en 
buvait  ? 

Vous  avez  peu  connu,  je  crois,  ces  deux  viveurs  fraternels 
—  Romieu  et  Rousseau  —  qui  ont  commencé  comme  Damon 
et  Pythias ,  et  qui  ont  fini  comme  Étéocle  et  Polynice. 

Encore  un  crime  de  la  politique  :  une  sous-préfecture  était 
passée  entre  eux. 

Pendant  dix  ans,  Paris  retentit  des  exploits  rivaux  de  Rous- 
seau et  de  Romieu  ;  tous  les  matins  c'était  une  histoire  nouvelle 
que  l'on  racontait,  et  qui  était  le  résultat  de  leur  imagination 
gastronomique. 

La  veille  au  soir,  Romieu  était  entré  chez  un  marchand 
épicier,  il  avait  demandé  une  livre  de  chandelles,  les  avait  fait 
couper  par  morceaux  de  dix  centimètres,  en  avait  fait  affiner  les 
bouts,  les  avait  placés  sur  le  comptoir,  avait  demandé  une  allu- 
mette et  y  avait  mis  le  feu. 

L'épicier  l'avait  regardé  faire  avec  autant  de  curiosité  que 
d'étonnement. 

Puis  il  prit  son  chapeau  qu'il  avait  déposé  sur  le  comptoir  : 

«  Eh  bien.  Monsieur?  lui  demanda  l'épicier. 

—  Quoi?  dit  Romieu. 

—  Vous  vous  en  allez  ? 

—  Sans  doute,  je  m'en  vais. 

—  Sans  payer  > 


A  JULES   JANIN.  71 


—  OÙ  serait  la  farce  si  je  payais.  » 

L'épicier  voulait  courir  après  lui  ;  mais  il  fallait  passer  par- 
dessus le  comptoir,  et  Romieu  courait  bien. 
Un  autre  jour  on  disait  : 
«  Vous  ne  savez  pas  ce  qu'a  fait  Rousseau  cette  nuit> 

—  Non  ;  qu'a-t-il  fait  ? 

—  Il  se  présente  au  magasin  des  Deux-Magots,  et  demande 
à  parler  au  maître  de  l'établissement. 

«  Le  maître  est  couché. 

«  N'importe!  la  chose  est  si  grave,  qu'il  faut  l'introduire 
dans  sa  chambre,  afin  qu'il  puisse  lui  dire  deux  mots  sans  témoins  ; 
les  commis  se  consultent;  l'un  d'eux  prend  sur  lui  d'entrer  dans 
la  chambre  à  coucher  ;  un  instant  après  il  sort  :  le  Monsieur  peut 
entrer. 

c(  Rousseau  entre  et  trouve  le  commerçant  dans  le  costume 
de  l'emploi,  c'est-à-dire  les  yeux  bridés  et  en  bonnet  de  coton  : 

<c  Monsieur,  dit  Rousseau  au  négociant  qui  le  regarde  avec 
stupéfaction,  j'ai  une  communication  de  la  plus  haute  importance 
à  faire  à  votre  associé. 

«  —  Mais,  Monsieur,  répond  le  négociant,  je  n'ai  pas 
d'associé. 

«  —  Mais,  Monsieur,  dit  Rousseau,  alors  on  ne  prend  pas 
pour  enseigne  q4ux  Deux-Magots^  c'est  tromper  le  public. 

«  Et,  se  retirant  avec  la  même  politesse  qu'il  était  entré,  îl 
laisse  le  digne  négociant  tout  abasourdi,  ne  sachant  pas  s'il  dort 
ou  s'il  rêve.  » 

Un  soir,  la  garde  ramasse  Rousseau  ivre-mort  au  coin  d'une 
borne,  la  tête  appuyée  à  la  muraille  ;  un  lampion,  brûlait  à  son  côté . 

Il  avait  soupe  avec  Romieu,  tous  deux  étaient  sortis  du 
«abaret  fort  étourdis  ;  l'air  ayant  plus  de  prise  sur  Rousseau  que 
sur  Romieu,  le  premier  avait  fait  trois  ou  quatre  faux  pas. 

Romieu,  qui  vit  qu'en  sa  qualité  de  moins  ivre  des  deux, 
il  allait  être  forcé  de  reconduire  Rousseau  jusque  chez  lui,  avait 
résolu  de  s'épargner  cette  peine. 

n  acheta  un  lampion,  qu'il  paya  cette  fois,  chez  un  épicier, 
coucha  Rousseau  au  coin  d'une  borne,  alluma  le  lampion,  qu'il 
posa  sur  la  borne,  et  s'éloigna  en  disant  : 


L 


7»  LETTRE 

-  . —  ■ 

«  Maintenant,  dors,  fils  d'Épicure,  ils  ne  t'écraseront  pas.  » 

C'est  dans  cette  situation  que  la  patrouille  l'avait  retrouvé 
avec  quatre  ou  cinq  sous  dans  la  main. 

De  bonnes  âmes,  qui  l'avaient  pris  pour  un  pauvre  honteux, 
lui  avaient  fait  l'aumône. 

Eh  bien,  ce  fut  sur  ces  entrefaites,  qu'au  milieu  des  quinze 
ou  seize  changements  de  gouvernement  auxquels  j'ai  assisté 
depuis  ma  naissance ,  un  gouvernement,  qui  probablement  avait 
de  la  sympathie  pour  les  viveurs,  donna  une  sous-préfecture  à 
Romieu. 

La  promesse  lui  en  avait  été  faite  ;  mais  Romieu  n'en  avait 
parlé  à  personne,  il  n'espérait  pas  qu'il  y  eût  un  gouvernement 
qui  osât  faire  de  lui  un  magistrat. 

Un  beau  matin,  Rousseau  lit  dans  son  journal  que  Romieu 
est  sous-préfet. 

Depuis  longtemps,  Rousseau  voulait  se  ranger,  et  cherchait 
une  place.  Il  bondit  de  joie,  court  chez  Romieu,  le  trouve 
assis  sur  son  lit,  le  journal  à  la  main  :  • 

«  Eh  bien!  lui  crie  Rousseau,  tu  es  donc  sous-préfet? 

—  Mon  cher,  ne  m'en  parle  pas,  dit  Romieu,  il  faut  bien 
que  ce  soit,  puisque  je  le  lis  dans  le  journal. 

—  Ah  !  tant  mieux  ! 

—  Pourquoi  tant  mieux  > 

—  Mais  parce  que  nous  allons  être  les  gens  les  plus  heureux 
de  la  terre  :  je  te  suis ,  tu  me  fais  ton  secrétaire,  et  avec  nos 
appointements  nous  vivons  comme  des  rois  dans  notre  petite  ville 
de  province. 

—  Comment  !  dit  Romieu  de  l'air  le  plus  touchant  du 
monde,  tu  te  sacrifierais  pour  moi } 

—  Je  le  crois  bien  ! 

—  Tu  me  suivrais  en  exil  ? 

—  Trop  heureux  ! 

—  Eh  bien,  reviens  me  voir  demain  matin,  afin  que  je  tire 
tout  cela  au  clair,  et  nous  verrons.  » 

Et,  les  larmes  aux  yeux,  comme  s'il  était  touché  du  dévoue- 
ment de  Rousseau ,  il  lui  tend  les  bras.  Rousseau  s'y  jette,  et  les 
deux  amis  s'embrassent. 


A   JULES   JANIN.  73 


Le  lendemain,  dès  le  matin,  Rousseau  arrive  : 
«  Eh  bien?  demande-t-il. 

—  Eh  bien,  mon  cher  Rousseau  !  répond  Romieu  d'une  voix 
larmoyante. 

—  Quoi  ? 

—  On  m'a  dit  une  chose  aflreuse^  qui  va  empêcher  tous  nos 
beaux  projets  de  s'accomplir. 

—  Laquelle  > 

—  On  m'a  dit  que  tu  buvais.  » 

Rousseau  le  r^arda  avec  stupéfaction,  jeta  un  cri,  et  sortit 
presque  épouvanté. 

L'un  des  abîmes  du  cœur  humain,  l'hypocrisie,  venait  d'être 
ouvert  à  ses  yeux  dans  sa  plus  horrible  profondeur. 

Voilà  comment  finit  la  société  des  gastronomes  et  des  buveurs, 
qui  succéda  à  celle  de  la  Restauration. 

Aujourd'hui,  de  tout  ce  monde-là,  mon  cher  Janin,  il  ne 
reste  plus  guère  que  nous  deux,  qui  n'avons  jamais  été  ni  de  vrais 
buveurs  ni  de  vrais  mangeurs;  les  autres  sont  morts  :  Roger  de 
Beauvoir  est  mort ,  Méry  est  mort ,  Vieil-Castel  est  mort ,  Ro- 
mieu est  mort,  Rousseau  est  mort,  de  Musset  est  mort,  de 
Vigny  est  mort.  La  joyeuse  nappe  de  1830  est  devenue  en  1869 
un  drap  mortuaire. 

On  mangera  toujours,  mais  on  ne  dînera  plus,  et  surtout  on 
ne  soupera  plus. 

Vers  1844  ou  1845,  il  me  prit  un  remords  de  laisser  s'en  aller 
ainsi  ces  bons  soupers  où  l'on  avait  tant  d'esprit  et  d'entrain, 
sans  chercher  à  les  retenir. 

J'avais  pour  amis  à  peu  près  tous  les  gens  d'esprit  de 
l'époque  :  peintres  de  talent,  musiciens  en  vogue,  chanteurs 
aimés  du  public.  Je  me  fis  une  table  de  quinze  couverts,  j'invitai 
une  fois  pour  toutes  quinze  amis  à  se  réunir  tous  les  mercredis, 
de  onze  heures  à  minuit,  chez  moi,  les  priant,  lorsqu'ils  ne 
pourraient  pas  venir,  de  me  prévenir  trois  ou  quatre  jours 
d'avance,  afin  que  les  absents  pussent  être  remplacés. 

Pourquoi  avais-je  choisi  des  soupers  au  lieu  de  dîners? 
Pourquoi  avai$-*je  indiqué  minuit  au  lieu  de  sept  heures  du  soir? 

D'abord  parce  que  la  plupart  de  mes  convives,  appartenant 


74  LETTRE 


au  théâtre,  n'étaient  pas  libres  de  leur  soirée;  ensuite  parce  que 
j'ai  remarqué  que  le  souper,  étant  aussi  éloigné  des  affaires  de 
la  veille  que  des  affaires  du  lendemain,  laissait  à  l'esprit  toute 
son  indépendance  ;  parce  qu'enfin  il  y  a  bien  peu  de  choses  qui, 
ayant  pu  se  faire  à  minuit,  ne  puissent  se  faire  à  deux  heures 
du  matin. 

Ces  soupers  se  composaient  en  général  tl'un  pâté  de  gibier, 
d'un  rôti,  d'un  poisson  et  d'une  salade. 

Remarquez  que  j'aurais  dû  mettre  le  poisson  avant  le  rôti. 

A  cette  époque  où  je  chassais  encore,  quatre  ou  cinq  per- 
dreaux, un  lièvre  et  deux  lapins  faisaient  les  frais  du  pâté.  Julien 
le  confectionnait  avec  un  art  qui  ne  s'est  jamais  démenti. 

J'avais  inventé  pour  les  poissons  à  l'huile  une  sauce  qui 
avait  le  plus  grand  succès. 

Duval  me  fournissait  des  rosbeefF  qui  étaient  de  véritables 
quartiers  de  bœuf. 

Enfin  je  confectionnais  une  salade  qui  satisfaisait  tellement 
me&  convives,  que  quand  Ronconi,  un  de  mes  plus  assidus  sou- 
peurs,  ne  pouvait  venir,  il  envoyait  chercher  sa  part  de  salade, 
qu'on  lui  rapportait,  quand  il  pleuvait,  abritée  sous  un  énorme 
parapluie,  pour  qu'aucun  corps  étranger  ne  s'y  mêlât. 

«  Comment,  »  me  direz-vous,  mon  cher  Janin,  vous  qui 
êtes  si  faible  en  pratique,  mais  si  fort  en  théorie,  «  comment 
pouviez-vous  fiiire  d'une  salade  un  des  plats  importants  de  votre 
souper?  n 

C'est  que  ma  salade  n'était  point  une  salade  comme  toutes 
les  salades. 

Malheureusement,  dans  un  livre  comme  celui  que  je  viens 
de  mettre  sous  les  yeux  du  public,  on  ne  peut  pas  soigner  ^;a- 
lement  tous  les  détails;  et  je  me  reproche  d'avoir  un  peu  aban> 
donné  l'article  salade,  et  de  ne  pas  lui  avoir  donné  toute  l'impor- 
tance qu'il  mérite. 

Revenons  sur  lui,  et  parlons  d'abord  de  la  salade  en  général, 
avant  d'attaquer  les  différents  genres  de  salades  en  particulier  ;  et 
quand  je  dis  attaquer,  comprenez  bien  que  je  me  sers  d'un  mot 
adopté,  voulant  dire  passer  en  revue,  mais  non  faire  acte  d'hos- 
tilité. 


A  JULES  JANIN.  75 


Dieu  me  garde  de  faire  acte  d'hostilité  contre  un  genre  de 
salades  quelconque.  En  matière  de  cuisine,  comme  en  littérature, 
je  suis  éclectique;  comme  je  suis  panthéiste  en  matière  de 
religion. 

Cependant,  comme  Sainte-PI^,  qui' ne  pouvait  s'empêcher 
de  dire  qu'une  bavaroise  était  un  fichu  souper,  je  ne  puis  m'em- 
pècher  de  dire  que  la  salade  n'est  point  une  nourriture  naturelle 
à  Thomme,  tout  omnivore  qu'il  soit;  il  n'y  a  que  les  ruminants 
qai  soient  nés  pour  brouter  l'herbe  crue  ;  or,  la  salade,  réduite 
à  sa  plus  simple  expression,  n'est  que  de  l'herbe  crue.  La  preuve, 
c'est  que  notre  estomac  ne  digère  point  la  salade,  attendu  que 
l'estomac  ne  sécrète  que  des  acides,  et  que  l'herbe  crue  n'est 
dissoute  t[ue  par  les  alcalins ,  comme  presque  tous  les  aliments 
respirateurs,  qui  traversent  l'estomac  sans  s'inquiéter  des  sucs 
gastriques  ou  plutôt  sans  que  les  sucs  gastriques  s'occupent  d'eux, 
et  qui  vont  se  recommander,  une  fois  l'estomac  traversé;  au  pan- 
créas et  au  foie. 

L'homme,  à  qui  Dieu,  dit  Ovide,  a  donné  un  visage  sublimç, 
os  sublime,  l'homme  n'est  pas  fait  pour  ^brouter  l'herbe,  mais 
pour  regarder  le  ciel,  toujours  au  dire  du  même  Ovide. 

Il  est  vrai  que  si  l'homme  passait  sa  vie  à  regarder  le  ciel , 
cela  le  nourrirait  encore  moins  que  de  manger  de  l'herbe. 

C'est  d'abord  le  proverbe  qui  dit  d'un  imbécile  :  «  Il  est  bête 
à  manger  du  foin.  »  Puis  ensuite  c'est  la  conformation  de  ses 
intestins,  qui  est  la  même,  il  faut  bien  l'avouer,  chez  les  imbé- 
ciles que  chez  les  gens  d'esprit. 

En  fait  de  cerveau,  c'est  très-différent,  ce  qui  nous  prouve 
que  le  cerveau  est  fait  pour  autre  chose  que  pour  digérer. 

Ainsi,  à  propos  du  cerveau,  voici  les  dernières  découvertes 
de  la  science  : 

Le  gorille,  c'est-à-dire  le  quadrumane,  en  a  de  450  à 
(00  grammes  ; 

L'idiot  en  a  1,100  grammes; 

Le  naturel  de  la  Nouvelle-Zélande,  c'est-à-dire  l'homme 
qui  se  rapproche  le  plus  du  singe,  en  a  1,200; 

L'Européen  baptisé  du  nom  de  philistin  par  l'étudiant 
d'Heidelberg,  et  du  titre  de  bourgeois  par  le  gamin  de  Paris,  et 


76  LETTRE 

qui  occupe  le  degré  de  Téchelle  de  Tintelligence  qui  suit  immé- 
diatement celui  du  naturel  de  la  Nouvelle-Zélande,  en  a  1,300; 

Buffon  en  avait  1,800; 

Napoléon  et  Cuvier,  2,000; 

La  cervelle  d'un  académÉlen  varie  de  1,300  à  1,800,  c'est- 
à-dire  du  philistin  à  Buffon;  on  pourrait  croire, que  cela  dépend 
de  la  lettre  par  laquelle  le  nom  commence. 

Il  n'en  est  rien  :  les  noms  de  MM.  Villemain  et  de  Viennet 
commencent  tous  les  deux  par  un  V.  Eh  bien,  il  7  a  un  de  ces 
deux  messieurs,  je  ne  veux  pas  dire  lequel,  qui  a  certainement 
200  ou  300  grammes  de  cervelle  de  plus  que  l'autre;  mais  tous 
deux  n'ont  que  35  à  36  pieds  d'intestins  grêles  :  attendu  que  ni 
l'un  ni  l'autre  ne  sont  prédestinés  à  manger  de  l'herbe  crue. 

Ce  sont  les  bœufs  qui  sont  destinés  à  manger  de  l'herbe  et  à 
concourir  pour  le  Bœuf  gras;  aussi  ont-ils  quatre  estomacs  et 
135  à  14Ô  pieds  d'intestins  grêles,  et  encore  est-on  obligé,  pour 
les  pousser  à  1,300  kilogrammes,  de  leur  faire  boire  jusqu'à 
dp  litres  d'eau  par  jour,  non  pas  que  l'eau  engraisse  positive- 
ment —  n'accréditons  pas  cette  erreur  —  mais,  en  délayant  les 
aliments,  elle  donne  aux  organes  de  la  digestion  la  &culté  d'en 
extraire  et  d'en  absorber  les  parties  nutritives. 

Le  lion  et  le  tigre,  qui  ne  mangent  pas  d'herbe  crue,  mais 
de  la  chair  vivante,  n'ont  que  quinze  pieds  d'intestins  grêles,  et, 
comme  ils  ne  boivent  pas  même  un  litre  d'eau  par  jour,  ils  ne 
seront  jamais  gras. 

Peut-être  me  tromperais-je  de  quelques  centimètres  sur  la 
longueur  de  ce  viscère  chez  les  félins  ;  mais  je  dois  vous  avouer 
qu'il  ne  m'est  jamais  venu  à  l'idée  d'aller  mesurer  les  intestins 
grêles  d'un  tigre  ou  d'un  lion. 

J'en  parle  par  ouï-dire. 

Toute  cette  digression  a  pour  but  de  prouver  que  l'homme 
n'est  pas  né  pour  manger  de  la  salade,  et  que  c'est  l'excès  de  la 
civilisation  qui  nous  a  conduits  là. 

Et  ce  qui  vient  à  l'appui  de  mon  opinion,  c'est  que  dans 
beaucoup  de  maisons,  on  fait  de  la  salade  un  appendice  du 
rôti. 

Mangez  donc  de  la  salade  avec  un  cuissot  de  chevreuil  bien 


A  JULES  JANIN.  77 


mariné,  avec  des  faisans  attendus  à  point,  avec  des  bécasses  cou- 
chées sur  leurs  rôties  ! 

C'est  tout  simplement  une  hérésie  culinaire. 

Un  mets  gâte  Tautre. 

Tous  les  gibiers  de  haut  goût  doivent  se  manger  seuls,  avec 
la  sauce  qui  ressort  logiquement  de  leur  essence. 

Mais  ce  qui  est  une  bien  autre  hérésie,  disons  le  vrai  mot, 
ce  qui  est  une  impiété  culinaire^  et  remarquez  bien  que  cette 
habitude  a  prévalu  sur  les  meilleures,  non,  je  me  trompe,  sur 
les  plus  grandes  tables,  c'est  de  faire  faire  la  salade  par  un 
domestique  ! 

Quand  il  faudrait  pour  cette  œuvre  complexe  un  médecin, 
ou  tout  au  moins  un  chimiste  ! 

Aussi  quelles  tristes  salades  !  Rappelez  vos  souvenirs  :  avez- 
vous  mangé,  dans  vos  grands  dîners  en  ville,  des  salades  dans 
lesquelles  un  drôle  à  gants  tricotés  vous  met  deux  pincées  de  sel, 
une  pincée  de  poivre,  une  cuillerée  de  vinaigre  et  deux  cuillerées 
.  d'huile?  les  plus  raffinés  y  ajoutent  une  cuillerée  de  mou- 
tarde. 

Et  Ton  vous  sert  ce  mets  insipide,  à  quel  moment } 

Au  moment  où,  votre  faim  aux  trois  quarts  calmée,  vous  avez 
besoin  d'un  apéritif  pour  vous  rendre  l'appétit  perdu. 

C'est  donc  au  maître  ou  à  la  maîtresse  de  la  maison,  s'ils 
sont  dignes  de  ce  sacerdoce,  qu'appartient  l'assaisonnement  de  ce 
mets  rebelle. 

Et  l'œuvre  doit  être  accomplie  une  heure  avant  que  Ton 
attaque  le  saladier. 

Pendant  cette  heure,  elle  doit  être  retournée  trois  ou  quatre 
fois. 

Mais,  avant  d'entrer  dans  la  salade  pour  n'en  pbis  sortir, 
lançons  l'anathème  sur  le  service  à  la  Russe,  service  qui  consiste 
à  vous  montrer  le  plat  que  vous  allez  manger,  et  par  le  plat 
j'entends  ce  qu'il  contient,  puis  à  le  faire  découper  loin  de  la 
table  par  un  domestique,  et  à  vous  faire  glisser  par  le  susdit  do- 
mestique sur  votre  assiette,  non  pas  le  morceau  qu'il  vous  plairait 
de  manger,  mal|^e  morceau  qu'il  lui  plaît  de  vous  servir. 

Je  sais  que,  sur  un  dîner  de  quatre  centi  francs,  cette  ma- 


I 


78  LETTRE 


nière  de  servir  fait  cent  francs  d'économie  ;  mais  on  ne  donne  pas 
à  dîner  pour  faire  des  économies. 

On  croit  que  si  dans  un  grand  dîner  on  laissait  chs^cun  se 
servir  dans  un  poulet,  les  premiers  qui  se  serviraient  prendraient 
les  ailes.  On  se  trompe.  Dans  les  poulets  rôtis,  à  ma  façon  sur- 
tout, il  y  a  des  parties  plus  savoureuses  que  les  ailes  ;  il  est  vrai 
qu'elles  ne  seraient  réservées  qu'aux  fourchettes  savantes. 

Terminons  avec  la  salade. 

Voici  la  définition  que  donne  de  la  salade  ou  plutôt  des 
salades  le  Dictionnaire  de  la  Cuisine  française^  c'est-à-dire  le 
meilleur  livre  que  je  connaisse  sur  ce  grave  sujet  : 

«  SALADES. 

((  Les  salades  se  composent  de  plantes  potagères  auxquelles  on 
ajoute  quelques  herbacées  aromatiques,  et  qu'on  assaisonne  avec 
du  sel,  du  poivre  blanc,  de  l'huile,  du  vinaigre,  et  quelquefois 
avec  de  la  moutarde  et  du  Soya.  » 

Le  Dictionnaire  de  la  Cuisine  française  continue  : 

«  Les  salades  varient  selon  les  saisons.  On  commence  à  manger 
les  chicorées  vers  la  fin  de  l'automne  et  l'on  ne  mêle  habituelle- 
ment à  cette  espèce  de  salade  aucune  herbe  de  fourniture  ;  on  se 
contente  de  mettre  au  fond  du  saladier  une  petite  croûte  de  pain 
rassis  frottée  d'ail,  ce  qui  suffit  à  l'assaisonnement  de  cette 
salade.  » 

J'ai  souligné,  comme  vous  pouvez  le  voir,  ces  trois  mots, 
aucune  herbe  de  fourniture  ;  en  effet,  un  manuel  moins  exact 
et  moins  savant  aurait  mis  aucune  fourniture ^  car  il  eût  probable- 
ment ignore  que  les  herbes  se  divisent  en  trois  catégories,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  dit  à  l'article  Herbes  : 

Herbes  potagères; 

Herbes  d'assaisonnement; 

Herbes  de  fourniture. 

Les  herbes  potagères  sont  au  nombre  de  six  : 

L'oseille^  la  laitue,  la  poirée,  l'arroche,  l'épinard  et  le 
pourpier  vert. 

On  en  fait  des  soupes,  des  farces  maigres  et  des  tisanes. 

Notre  avis  est  de  les  employer  surtout  en  tisanes. 


A   JULES   JANIN.  79 


Les  herbes  d'assaisonnement  sont  au  nombre  'de  dix,  sans 
compter  le  laurier,  qui,  étant  un  arbre,  ne  peut  être  classé 
parmi  les  herbes  : 

Le  persil,  Testragon,  le  cerfeuil,  la  cive,  la  ciboule,  la  sar- 
riette, le  fenouil,  le  th3rm,  le  basilic  et  la  tanaisie. 

Les  herbes  de  fourniture,  au  nombre  de  douze  : 

Le  cresson  alenois,  le  cresson  de  fontaine,  le  cerfeuil,  Tes- 
tragon,  la  pimprenelle,  le  perce-pierre,  la  corne  de  cerf,  le  petit 
basilic,  le  pourpier,  les  cordioles,  le  jeune  baume  et  la  cibou- 
lette. 

Quatre  de  ces  herbes  sont  à  la  fois,  comme  on  le  voit,  herbes 
potagères  et  herbes  d'assaisonnement  ou  de  fourniture,  c'est-à- 
dire  que,  comme  nos  hommes  d'Etat,  elles  cumulent  —  non  pas 
peut  manger,  mais  pour  être  mangées. 

On  a  vu  que  le  Dictionnaire  de  la  Cuisine  recommande  de 
mettre  au  fond  du  saladier  où  l'on  assaisonne  la  chicorée  un  petit 
croûton  de  pain  rassis  frotté  d'ail. 

C'est  ce  petit  morceau  de  pain  qu'on  désigne  sous  le  nom  de 
chapon.  D'où  lui  vient  ce  nom?  Les  plus  profondes  recherches 
étymologiques  ne  m'ont  rien  appris  à  cet  endroit.  J'ai  donc  été 
obligé  de  me  jeter  dans  les  probabilités. 

Or,  voici  ce  que  les  probabilités  donnent  : 

Le  chapon  volaille  est  originaire  du  pays  de  Caux  ou  de  la 
province  du  Maine,  tandis  que  le  chapon  croûte  de  pain  frottée 
d'ail  est  originaire  de  Gascogne. 

Or,  le  Gascon  étant  naturellement  pauvre  et  vaniteux,  il 
sera  venu  à  l'idée  de  quelque  Gascon,  à  celle  de  D'Artagnan 
peut-être,  d'appeler  chapon  une  croûte  de  pain  frottée  d'ail, 
pour  avoir  le  droit  de  dire  en  se  rengorgeant  à  ceux  qui  lui  de- 
mandaient :  «  Avez-vous  bien  dîné  ? 

—  Superbement,  j'ai  dîné  avec  un  chapon  et  une  salade.  » 
)•  Ce  qui  en  effet,  pris  au  pied  de  la  lettre,  fait  un  assez  bon 

dîner  pour  un  Gascon. 
j  Quant  à  moi,  j'aime  fort  la  cuisine  provençale,  dont  j'ai  fait, 

des  plats  de  ménage  surtout,  une  étude  toute  particulière;  et 
malgré  la  défense  faite  à  Rome  d'entrer  dans  le  temple  de  Cy- 
bèle  quand  on  avait  mangé  de  l'ail,  malgré  la  haine  de  l'odorat 


^ 


80  LETTRE 


contre  Tail,  malgré  Tarticle  du  roi  Alphonse  de  Castille  qui  dé- 
fendait aux  chevaliers  de  Tordre  créé  par  lui  en  1368  de  manger 
de  Tail ,  nous  sommes,  médicalement  de  Tavis  de  Raspail,  et 
culinairement  de  Tavis  de  Durand,  qui  recommandent  tous  deux 
remploi  de  l'ail  comme  substance  sapide  et  saine. 

Vous  connaissez  toutes  les  salades,  n'est-ce  pas?  depuis 
Fescarole  jusqu'à  la  laitue  romaine  ;  seulement,  dans  le  cas  assez 
extraordinaire  où  vous  aimeriez  cette  espèce  d'Eudine  intitulée 
Barbe  de  capucin^  je  vous  donnerais  un  conseil  qui  vous  pa- 
•  raîtra  peut-être  un  peu  bizarre  d'abord,  mais  dont  vous  recon- 
naîtrez plus  tard  l'excellence  :  c'est  d'y  mêler  des  fleurs  de  vio- 
lettes et  d*y  jeter  deux  ou  trois  pincées  de  cet  iris  de  Florence 
que  l'on  met  dans  un  sachet  pour  parfumer  le  linge. 

Revenons  à  la  salade  que  Ton  mangeait  à  la  maison  et 
dont  Ronconi  avait  grand  soin  de  manger  ou  de  faire  prSidre 
sa  part.  C'était  une  salade  de  haute  fantaisie,  ordre  composite, 
formée  de  cinq  ingrédients  principaux  : 

De  rouelles  de  betteraves,  de  tranches  de  céleri,  d'émincés 
de  truffes,  de  raiponces  avec  leur  panache,  et  de  pommes  de 
terre  cuites  à  l'eau. 

Avant  d'aller  plus  loin,  disons  que  c'est  une  erreur  géné- 
ralement répandue  de  croire  que  le  sel  et  le  poivre  se  dis- 
solvent dans  le  vinaigre,  et  de  commencer  l'assaisonnement  de 
la  salade  en  l'arrosant  d'une  ou  deux  cuillerées  de  vinaigre 
salé  et  poivré. 

M.  Chaptal,  le  premier  en  France  —  nous  disons  en 
France,  parce  qu'il  a  emprunté  cette  innovation  au  nord  de 
l'Europe  — M.  Chaptal,  le  premier  en  France,  eut  l'idée  de  sa- 
turer la  salade  d'huile,  de  sel  et  de  poivre,  avant  d'y  introduire 
le  vinaigre.  On  trouve  à  cette  méthode,  que  nous  adoptons  et 
recommandons  pour  les  salades  sans  façon,  le  double  avantage 
de  répartir  plus  également  le  sel  et  le  poivre  et  de  réunir  au  | 
fond  du  saladier  l'excédant  du  vinaigre  qui  s'y  précipite  de  son 
propre  poids. 

M.  Chaptal,  qui  avait  déjà  été  récompensé  des  services 
précédemment  rendus  à  la  France,  pendant  son  édilité,  par  le 
titre  de  baron,  a  été  récompensé  du  service   rendu  à  la  table 


A  JULES  JANIN.  8i 


par  cette  locution  passée  dans  la  langue  culinaire  :  salade  assai- 
sonnée à  la  ChaptàL 

Sans  que  j'ambitionne  une  si  précieuse  récompense,  je 
vais  vous  dire  comment  j'assaisonne  la  mienne. 

D^abord  je  pose  un  plat  sur  le  saladier,  je  le  retourne  et 
je  place  à  côté  de  moi  mon  plat  plein,  et  devant  moi  mon  sala- 
dier vide. 

Je  mets  dans  mon  saladier  un  jaune  d'œuf  dur  par  deux 
personnes  ;  six  jaunes  d'œufs  pour  douze  convives. 
Je  les  broie  dans  l'huile  pour  en  faire  une  pâte. 
A  cette  pâte  j'ajoute  : 

Du  cerfeuil,  du  thon  écrasé,  des  anchois  piles,  de  la  mou- 
tarde de  Maille,  une  grande  cuillerée  de  soya,  des  cornichons 
hachés  et  le  blanc  des  œufs  haché. 

Je  délaye  le  tout  avec  le  meilleur  vinaigre  que  je  puisse 
trouver. 

Enfin,  je  remets  la  salade  dans  le  saladier  ;  je  la  fais  retour- 
ner par  mon  domestique;  et,  sur  la  salade  retournée,  je  laisse 
tomber  de  haut  une  pincée  de  paprico,  poivre  rouge  de  Hongrie. 
Et  vous  avez  la  salade  qui  avait  tant  émerveillé  le  pauvre 
Ronconi. 

Ces  soupers  durèrent  un  an  à  peu  près;  ce  fut  vers  cette 
époque  que  parurent  les  Mousquetaires  dans  le  Siècle. 

On  se  rappelle  le  succès  qu'obtint  ce  roman;  à  peine  fut-il 
fini,  que  le  directeur  de  l'Ambigu  me  demanda  d'en  faire  un 
drame.  Comme  il  y  avait  deux  parties  bien  distinctes ,  nous  le 
priâmes  de  choisir  celle  qui  lui  conviendrait. 
Il  choisit  la  seconde. 

Le  succès  du  drame  fut  non  moins   grand  que  celui  du 
roman. 
P  M.  le  duc  de  Montpensier  assistait  à  la  représentation  ;  il 

me  fit  prier,  entre  Tavant-dernier  et  le  dernier  tableau,  de  passer 
dans  sa  loge. 

Il  avait  l'avant-scène  à  gauche  des  spectateurs. 
Quoique  la  pièce  fût  montée  avec  beaucoup  de  soin,  elle  était 
loin   d'atteindre  la    perfection  où  le  Théâtre  historique  porta 

depuis  la  mise  en  scène. 

'  6 


8a  LETTRE 


Il  déplora  que  j'eusse  donné,  dans  un  théâtre  si  petit,  une 
pièce  pour  laquelle,  disait-il,  l'Opéra  serait  à  peine  assez  grand; 
et  il  me  demanda  la  raison  du  choix  de  l'Ambigu. 

Je  lui  répondis  que  ce  n'était  pas  nous  qui  avions  le  choix 
des  salles  où  Ton  représentait  nos  pièces ,  que  les  directeurs  nous 
les  demandaient,  et  que  nous  les  donnions  là  où  on  nous  les 
avait  demandées. 

«  Mais,  ajoutai-je,  si  par  exemple  Votre  Altesse  veut 
m'ofFrir  un  privilège,  je  ferai  bâtir  une  salle,  et  je  lui  mon- 
trerai de  quelle  façon  une  œuvre  théâtrale  doit  être  repré- 
sentée. 

—  Eh  bien,  dit-il,  ne  laissons  pas  tomber  cela  dans  l'eau. 
Je  ferai  tout  mon  possible  pour  satisfaire  à  votre  désir.  » 

Je  secouai  la  tête. 

<(  Pourquoi  donc?  demanda  le  duc. 

—  Oh!  je  ne  dis  pas  que  Votre  Altesse  ne  fera  pas  tout  ce 
qu'elle  pourra;  mais  le  roi  ne  permettra  pas  qu'un  privilège  me 
soit  donné. 

—  Pourquoi  cela? 

—  Mais  parce  qu'il  me  considère  comme  un  démagogue  en 
littérature  et  en  politique. 

—  Cela  ne  regarde  pas  le  roi,  mais  M.  Duchatel  :  au  pre- 
mier bal  de  la  cour,  je  ferai  danser  M*"^  Duchatel  deux  fois,  et 
j'arrangerai  cela  avec  elle.  » 

Et  comme  la  sonnette  du  théâtre  annonçait  le  dernier 
tableau  : 

«  Monseigneur,  lui  dis -je,  je  charge  mon  ami  Pasquier 
de  me  rappeler  au  souvenir  de  Votre  Altesse.  » 

Je  le  saluai;  je  sortis  de  la  loge,  que  je  rouvris  une  seconde 
après  pour  lui  crier  : 

«  Remember! 

—  Oui!  oui!  oui!  s'écria-t-il,  je  me  souviendrai,  soyez 
tranquille.  » 

Au  moment  où  la  toile  baissait  et  où  on  allait  nommer  l'au- 
teur, Pasquier  entra  dans  ma  loge  et  me  dit  : 

«  Votre  affaire  va  à  merveille  :  le  prince  a  enfourché  votre 
idée,  et  quand  il  veut  une  chose,  il  la  veut  bien,  » 


A  JULES  JANIN.  83 


Quinze  jours  ou  trois  semaines  après,  je  reçus  une  lettre 
de  M.  Duchatel  qui  m'invitait  à  passer  au  ministère. 

Nous  causâmes  plus  d'une  grande  demi-heure  de  mon  pro- 
jet, de  la  manière  dont  je  le  comprenais.  Je  vis  que  M.  Duchatel 
ne  le  comprenait  pas  du  tout,  et  je  pus  m'apercevoir  que  si  M.  le 
duc  de  Montpensier  réussissait,  il  aurait  plus  d'un  mauvais  vou- 
loir à  combattre. 

Je  ne  pouvais  ni  ne  voulais  être  directeur. 

C'était  M.  Hostein  qui  était  cause  de  la  représentation  des 
Mousquetaires  à  l'Ambigu;  il  m'avait  paru  intelligent  en  ma- 
tière de  théâtre  :  je  jetai  les  yeux  sur  lui  pour  en  faire  notre 
directeur. 

Un  jour  j'appris  par  un  petit  mot  du  duc  de  Montpensier 
que  le  privilège  était  signé.  Je  courus  remercier  M.  Duchatel, 
qui  me  demanda  d'un  ton  goguenard  où  nous  comptions  bâtir 
notre  théâtre. 

Je  lui  répondis,  ce  qui  était  vrai,  que  j'avais  acheté  sous 
condition  l'hôtel  Foulon  six  cent  mille  francs,  et  que  j'avais 
donné  quarante  mille  francs  d'arrhes. 

Il  me  demanda  où  nous  trouverions  l'aident  pour  bâtir. 

Je  lui  répondis  que  nous  l'avions  trouvé,  et  je  lui  nommai 
le  banquier  chez  lequel  nous  avions  quatorze  cent  mille  francs 
de  déposés. 

«  Alors,  répliqua  M.  Duchatel,  on  commencera  les  travaux! 
quand  P 

—  Demain ,  monsieur. 

—  Et  nous  aurons  le  plaisir  de  voir  votre  première  pièce  ? 

—  D'aujourd'hui  en  un  an,  selon  toute  probabilité. 

—  Cette  pièce  s'appellera  > 

—  La  ^Bs^ne  Margot,  » 

Ce  qu'il  y  eut  de  curieux,  c'est  que  les  choses  s'accomplirent 
exactement  comme  je  l'avais  dit,  et  qu'un  an  après  l'hôtel  Fou- 
lon, démoli  et  rebâti  en  théâtre,  ouvrait  sa  salle  au  public  jour 
pour  jour  à  l'heure  indiquée. 

On  sait  si  je  tins  parole,  si  les  succès  du  Théâtre  historique 
ne  luttèrent  point  avec  les  plus  grands  succès  de  l'époque,  et  si 
la  mise  en  scène  de  mes  pièces  ne  fît  pas  oublier  toutes  les  mises 


1 


84  LETTRE 


en  scène,  luttant  même  quelquefois  avec  avantage  contre  celle  de 
rOpéra. 

Cependant  de  fâcheux  pressentiments  passaient  dans  Tair  : 
ces  événements  scandaleux,  ces  assassinats  inouïs,  ces  catastrophes 
sanglantes  qui  précèdent  la  chute  des  trônes,  et  dont  Virgile 
faisait  des  avertissements  divins,  épouvantaient  les  partisans  de 
la  branche  cadette,  qui  semblait  recevoir  en  riant  ces  fatidiques 
présages. 

Un  beau  jour,  comme  il  arrive  pour  les  trônes  mal  écha- 
faudés,  tout  craqua  ;  et  la  jeune  dynastie  disparut  en  trois  jours, 
comme  avait  disparu  l'ancienne. 

Si  rhistoire  daignait  consigner  ces  choses-là,  je  raconterais 
que  le  théâtre  ne  fiit  point  étranger  à  cette  grande  catastrophe. 

Par  suite  des  troubles,  toutes  les  affaires  furent  suspendues, 
presque  tous  les  théâtres  fermés.  Je  m'étais  fait  un  grand  nombre 
d'ennemis  par  mes  succès  de  librairie  et  par  mes  succès  de  théâtre  : 
par  un  jugement,  resté  incompréhensible  aux  avocats  et  aux 
juges  eux-mêmes ,  je  fus  condamné  à  payer  400,000  francs  de 
dettes  pour  le  Théâtre  historique. 

Les   400,000   FRANCS   ONT    ÉTÉ   PAYÉS   EN    QUINZE   ANS. 

Dans  mon  traité  avec  M.  Michel  Lévy,  je  m'étais  réservé  le 
droit  de  faire  et  de  vendre  à  qui  me  plairait  un  livre  de  cuisine. 
Brisé  par  ce  travail  de  forçat,  qui  depuis  quinze  ans  ne  porte  pas 
ma  production  à  moins  de  trois  volumes  par  mois,  l'imagination 
énervée,  la  tête  endolorie,  complètement  ruiné,  mais  sans  dettes, 
je  résolus  de  chercher  un  repos  momentané  dans  l'exécution  de 
ce  livre,  que  j'avais  regardé  comme  un  amusement. 

Hélas!  mon  ami,  quand  on  veut  faire  autrement  que  les 
autres,  souvent  sans  faire  mieux  que  les  autres,  rien  n'est 
amusement,  tout  est  travail. 

Depuis  un  an  et  demi,  atteint  de  défaillances  physiques,  que 
soutient  seule  la  puissance  morale,  je  suis  obligé  de  demander  à 
des  repos  momentanés,  à  des  aspirations  d'air  marin,  les  forces 
qui  me  manquent. 

J'ai  été  successivement  :  il  y  a  dix-huit  mois,  à  Fécamp  ;  il  y 
a  un  an,  au  Havre;  il  y  a  six  mois,  à  Maisons-Lafiitte  ;  enfin 
j'arrive  maintenant  de  Roscoff,  où  je  comptais  achever  l'ouvrage 


A  JULES  JANIN.  85 

que  je  croyais  faire  avec  de  simples  souvenirs,  et  que  je  n'ai  pu 
faire  qu'à  force  de  recherches  et  de  travaux  fatigants. 

Pourquoi  avais-je  choisi  ^oscofF,  le  point  le  plus  avancé 
dans  la  mer  du  Finistère  ? 

C'est  parce  que  j'espérais  y  trouver  à  la  fois  solitude,  bon 
marché  à  vivre  et  tranquillité. 

D'ailleurs,  je  n'allais  pas  précisément  à  RoscofF,  j'allais  droit 
devant  moi  :  on  m'avait  dit  que  je  trouverais,  à  cette  extrémité  de 
la  Bretagne,  des  retraites  charmantes  et  des  nids  de  feuillage 
jusque  dans  la  mer. 

Je  m'arrêtai  tout  d'abord  à  Saint -Brieuc;  mais,  comme 
Saint-Brieuc  ne  me  convenait  pas,  je  pris  une  voiture  et  je  me 
mis  à  chercher  quelque  petite  crique,  comme  on  m'en  avait  tant 
promis  et  comme  je  n'en  avais  pas  encore  vu. 

Vers  la  fin  de  la  journée,  après  avoir  fait  sept  ou  huit  lieues 
en  zigzaigs^  nous  arrivâmes  à  un  petit  village  nommé  Binic  ;  la 
marée  y  arrivait  en  même  temps  que  nous  ;  nous  fûmes  séduits 
par  cette  coïncidence,  qui  nous  parut  une  politesse,  et  nous  nous 
informâmes  si  nous  ne  pourrions  pas  louer  une  maison  bien  en 
vue  de  la  mer. 

Les  paysans  tinrent  conseil,  et,  d'un  commun  accord»  nous 
indiquèrent  la  maison  de  Nicolas  Luc,  située  au  plus  haut  du 
village  :  on  était  loin  de  la  mer,  ce  qui  me  contrariait  un  peu  ; 
mais  on  avait  un  panorama  magnifique,  ce  qui  raccommodait 
tout. 

Comme  nous  gravissions  la  pente  pour  nous  rendre  à  cette 
maison,  nous  rencontrâmes  son  propriétaire  ;  nous  liâmes  conver- 
sation; c'était  bien  ce  qu'il  nous  fallait  :  quatre  chambres  à  cou- 
cher, un  salon,  une  salle  à  manger,  une  cuisine. 

Nous  continuâmes  de  monter,  et  nous  n'avions  plus  qu^une 
centaine  de  pas  à  faire,  lorsque  j'eus  l'idée  de  lui  dire  : 

a  En  supposant  que  la  maison  nous  convienne,  nous  pour- 
rons descendre  tout  de  suite  chez  vous  et  envoyer  chercher  nos 
efièts  ! 

—  Ah!  dit  Nicolas  Luc,  j'ai  oublié  de  vous  dire  qu'elle 
n'était  à  louer  qu'à  la  Saint-Michel,  l'année  prochaine.  » 

Je  regardai  Nicolas  Luc  pour  voir  s'il  nous  avait  fait  poser 


86  LETTRE 


avec  intenrion  ;  mais  je  dois  dire  que  le  brave  homme  y  était  allé 
naïvement,  de  sorte  qu'il  n'y  avait  pas  autre  chose  à  faire  qu'à^ 
rire  ;  seulement  il  y  a  des  rires  de  toutes  couleurs. 

Nous  fîmes  retourner  la  voiture,  et,  sans  ajouter  un  mot, 
nous  revînmes  tout  courant  à  Saint-Brieuc ,  puis  nous  montâmes 
en  wagon  en  criant  :  Morlaix  ! 

Quatre  heures  après,  nous  y  étions.  Il  faisait  nuit  close. 

«  Où  Éiut-il  conduire  monsieur  et  sa  société?  demanda 
Tomnibus. 

—  Au  meilleur  hôtel  de  la  ville.  » 

Et  l'on  nous  descendit  chez  Brossier ,  hôtel  de  Pro- 
vence. 

Je  ne  pus  m'empécher  de  dire  à  mon  hôte  que  c'était  une 
singulière  idée  de  fonder  un  hôtel  de  Provence  à  l'extrémité  de 
la  Bretagne. 

a  C'est  \'rai.  Monsieur;  mais  nous  y  fsiisons  nos  affaires.  » 

Monsieur  Brossier  fait  ses  affaires  à  Thôtel  de  Provence.  C'est 
la  réponse  à  toutes  les  questions  de  ce  genre. 

Nous  nous  informâmes,  et  nous  apprîmes  qu'il  y  avait  tout 
autour  de  Morlaix  une  multitude  de  petits  villages  correspondant 
à  mes  désirs. 

Au  nombre  de  ces  petits  villages,  on  me  nomma  Roscoff",  et 
Ton  me  dit  en  même  temps  que  j'y  trouverais  un  ancien  ami  à 
moi,  nonuné  Edouard  Corbière. 

Ce  nom  fit  vibrer  un  de  mes  premiers  souvenirs  de  jeunesse: 
il  y  avait  quarante  ans  que  je  l'avais  trouvé  rédigeant  le  premier 
journal  du  Havre;  j'avais  gardé  un  excellent  souvenir  de  lui.  JLe 
désir  de  revoir  ce  vieux  compagnon  me  décida;  je  m'informai  :  il 
avait  vendu  son  journal  ;  il  avait  acheté  le  bateau  à  vapeur  de 
Morlaix  au  Havre;  il  avait  fait  fortune;  il  passait  les  six  mois 
d'été  à  Roscoff,  et  les  six  mois  d'hiver  à  Morlaix  ;  enfin,  il  était 
resté  charmant  compagnon  et  homme  d'esprit. 

Je  lui  écrivis  de  tâcher  de  me  trouver  une  petite  maison  au 
bord  de  la  mer,  lui  exprimant  tout  le  bonheur  que  j'aurais  à 
renouveler  connaissance  avec  lui;  et  j'attendis  patiemment  sa 
réponse. 

Ce  qui  me  fit  attendre  patiemment,  c'est  que  mon  compa- 


A  JULES   JANIN.  87 


gnon  de  chambre,  en  ouvrant  mes  deux  fenêtres  pour  inviter  le 
soleil  à  entrer  chez  moi,  me  fît  voir  par  Tune  le  viaduc  de  Mor- 
laii  à  Brest,  et  par  Fautre  un  merveilleux  fouillis  de  maisons 
avec  des  balcons,  des  arbres  poussant  dans  les  gerçures  de  la 
muraille,  des  ravenelles  se  balançant  au-dessus  d'une  mare  où 
venaient  baigner  les  chevaux.  Il  était  impossible  de  plonger, 
des  deux  fenêtres  d'une  même  chambre,  sur  deux  points  de  vue 
plus  opposés. 

Je  descendis.  On  savait  déjà  que  j'étais  arrivé,  et  mon  arrivée 
avait  fait  son  effet  dans  la  ville. 

Contre  toutes  les  habitudes  des  aubergistes  bretons  ou  nor- 
mands, M.  Brossier  se  mit  à  nous  chercher  du  cidre  et  de  la 
bière  ;  on  trouva  l'un  et  Tautre  :  le  cidre  exécrable,  la  bière  assez 
bonne.  J'en  suis  encore  à  me  demander  comment,  par  Bordeaux, 
on  n'arrive  point  à  avoir,  dans  tous  ces  petits  ports  de  la  Bre- 
tagne, du  vin  potable. 

Il  est  inouï  que,  depuis  Saint-Malo  jusqu'à  Paimbœuf^  il  ne 
se  débouche  pas  une  bouteille  de  vin  qui  ne  soit  bonne  à  jeter 
à  la  mer. 

Je  reçus  enfin  la  réponse  de  M.  Corbière  :  il  nous  avait 
trouvé  un  logement  à  vingt-cinq  pas  du  port. 

Nous  primes  une  voiture  dès  le  lendemain,  et  nous  nous 
mîmes  en  route. 

Le  chemin  de  Morlaix  à  Roscoff  n'est  qu'une  suite  de  vagues 
solides;  on  monte  et  on  descend  éternellement;  ces  montées  et 
ces  descentes  sont  assez  rapides  pour  que  dans  les  premières  on 
soit  obligé  de  marcher  à  pied,  et  dans  les  secondes  de  mettre  le 
sabot;  le  paysage  est  joli,  sans  qu'il  y  ait  de  grands  partis  pris  : 
des  ajoncs,  des  lentisques,  des  bruyères,  et  de  temps  en  temps  un 
de  ces  grands  ormes  tourmentés  qui  se  tordent  en  montant  déses- 
pérément en  l'air. 

Enfin  on  aperçoit  les  trois  clochers  de  Saint-Pol,  et  presque 
en  même  temps,  à  droite,  la  mer. 

L'un  des  trois  clochers,  celui  du  collège,  est  une  merveille  : 
il  porte  à  moitié  de  sa  hauteur  un  renflement  découpé  avec  la 
délicatesse  d'un  bijou  chinois. 

De  Saint-Pol  à  Roscoff,  la  route  s'étend  unie  comme  un 


[• 


88  LETTRE 

tapis  de  billard^  quoiqu'il  y  ait  une  déclivité  sensible  vers  Ros- 
coff;  de  Roscoff  à  Saint-Pol,  la  plaine  tout  entière  est  plantée 
d'artichauts  et  d'oignons,  qui  suffisent  à  un  commerce  éternel 
entre  RoscofF  et  l'Angleterre.  » 

Enfin  on  arrive  à  Roscoff  par  une  espèce  de  forêt.  C'est  la 
propriété  du  maire  du  pays,  dont  le  jardin  renferme  un  figuier 
phénoménal  :  on  peut  mettre  cent  cinquante  personnes  à  couvert 
sous  son  ombre,  et  ses  branches  sont  soutenues  par  cinquante 
piliers  de  granit. 

Comme  nous  ne  savions  pas  où  était  le  logement  arrêté 
pour  nous  par  M.  Corbière,  nous  allâmes  le  relancer  chez 
lui. 

Il  y  était;  et  il  accourut  au  seuil  de  sa  porte. 

M.  Corbière,  avec  ses  soixante-quatorze  ans,  était  encore, 
comparativement  à  moi,  un  jeune  homme;  il  me  reconnut  à 
l'instant  même  —  ce  qu'il  m'eût  été  impossible  de  faire  à  son 
égard  —  il  ne  voulut  ni  monter,  ni  nous  permettre  de  descendre, 
mais  il  nous  conduisit  de  son  pas  de  vingt-cinq  ans. 

Enfin  nous  arrivâmes  chez  maître  Mironet,  boulanger,  habi- 
tant une  rue  qui  n'a  pas  de  nom  ;  il  n'y  a  du  reste  que  deux  rues 
dans  le  pays,  et  comme  l'une  s'appelle  la  rue  de  la  Perle,  on  n'a 

* 

pas  vu  la  nécessité  de  chercher  un  nom  à  l'autre. 

Nous  n'étions  qu'à  trente  pas  du  port,  c'est  vrai;  mais  un 
jardin  touffu  comme  le  figuier  du  maire  faisait  un  magnifique 
rideau  entre  la  mer  et  nous,  de  sorte  que  nous  ne  voyions  pas 
d'eau  de  la  grandeur  d'un  miroir  d'enfant. 

M.  Mironet  consentait  à  nous  céder  cinq  chambres  et  une 
cuisine,  moyennant  cent  cinquante  francs  par  mois.  Elles  n'étaient 
pas  belles,  elles  étaient  désagréables ,  d'aucune  d'elles  on  ne 
voyait  la  mer;  mais  enfin  nous  étions  si  ennuyés  de  chercher 
sans  trouver,  que  je  tirai  sept  louis  et  demi  de  ma  poche  et 
qu'avec  un  soupir  de  soulagement  je  criai  : 

«  Déchargez  les  voitures.  » 

Nous  avions  avec  nous  une  cuisinière  nommée  Marie; 
Vasily  me  l'avait  donnée  pour  aller,  trois  mois  auparavant,  à 
Maisons-Laffi  tte . 

Marie  avait  paru  se  trouver  si  bien  avec  nous,  elle    nous 


A   JULES   JANIN.  89 


avait  pris  en  une  si  vive  amitié,  disait-elle,  qu'elle  ne  pouvait 
plus  se  passer  de  nous^ 

Mais  l'aspect  de  RoscofF  parut  bien  vite  calmer  cette  grande 
ardeur. 

  peine  y  étions-nous  arrivés,  qu'elle  se  laissait  aller  avec 
découragement  sur  un  fauteuil,  en  disant  : 

0  Je  préviens  monsieur  qu'il  ne  trouvera  absolument  rien 
à  manger  ici. 

—  Oh  que  si,  Marie. 

—  Monsieur  verra. 

—  Comment  font  les  gens  du  pays? 

—  Je  ne  sais  pas. 

—  Eh  bien ,  Marie ,  nous  ferons  comme  eux  ;  d'abord 
nous  ne  mourrons  pas  de  faim,  nous  sommes  chez  un  bou- 
langer. » 

Ce  court  dialogue  avec  Marie  ne  s'était  pas  terminé  sans 
me  laisser  quelques  inquiétudes. 

Je  m'informai.  Corbière  m'indiqua  les  trois  premiers  pê- 
cheurs du  pays,  m'annonça  qu'il  y  avait  deux  'marchés  par 
semaine  à  Saint-Pol,  et  que,  si  ma  cuisinière  voulait  profiter  de 
sa  voiture,  qui  allait  deux  fois  par  semaine  aux  provisions,  sa 
voiture  était  à  la  disposition  de  M"*  Marie  ;  sa  cuisinière  à  lui 
la  conduirait  partout  où  elle  s'approvisionnait  elle-même. 

Toutes  ces  avances  furent  reçues  froidement  par  Marie,  et 
lorsque  je  lui  demandai,  à  cinq  heures  : 

«  Eh  bien,  Marie,  dînons-nous  ?  » 

Elle  me  répondit  tranquillement  : 

«  Je  ne  sais  pas,  monsieur. 

—  C'est  pourtant  à  vous  de  le  savoir,  il  me  semble. 

—  Ah!  monsieur,  dit-elle  en  secouant  la  tête,  c'est  un 
pays  où  nous  ne  pourrons  pas  rester. 

—  Il  est  possible  que  vous  n'y  restiez  pas,  Marie;  mais  à 
coup  siir,  moi,  j'y  resterai.  » 

Sur  ces  entrefaites,  j'avais  demandé  un  homme  pour  me 
ûdre  la  barbe. 

Uhcnnme  vint  :  il  était  porteur  d'une  de  ces  bonnes  figures 
qui  annoncent  la  disposition  du  porteur  à  vous  être  agréable. 


♦ 


90  LETTRE 


«  Comment  vous  appelez-vous,  lui  demandai-je ,  mon 
bon  ami> 

—  Robineau,  monsieur,  pour  vous  servir,  dit-il  en  tirant  ses 
rasoirs  de  sa  poche. 

—  Robineau,  mon  bon  ami,  il  y  a  quelque  chose  de  plus 
pressé  aujourd'hui  que  de  me  faire  la  barbe. 

—  Elle  a  pourtant  bien  besoin  d'être  faite,  monsieur. 

—  C'est  vrai,  depuis  quatre  jours  elle  est  en  souffrance  ; 
mais  elle  me  dit  à  une  oreille  qu'elle  peut  attendre  encore 
un  jour,  tançlis  que  mon  estomac  me  dit  à  l'autre  qu'il  ne  peut 
plus  attendre  du  tout.  Robineau,  mon  ami,  je  mets  ma  vie  et 
celle  de  mes  trois  compagnons  entre  vos  mains,  faites-nous 
dîner,  pour  l'amour  de  Dieu  !  » 

Un  quart  d'heure  après,  Robineau  revenait  avec  un  poisson 
de  six  ou  huit  livres,  six  artichauts,  un  morceau  de  veau  rôti  et 
un  vol-au-vent. 

«  Voyez ,  Marie ,  dis-je  à  la  cuisinière ,  que  le  proverbe, 
Q^ide-toi  et  le  ciel  f aidera^  n'est  pas  un  mensonge.  Aidez- 
nous  en  mettant  le  couvert;  moi  je  me  charge  de  la  cui- 
sine. » 

Le  poisson  était  un  aiglefin  magnifique.  J'en  demandai  le 
prix  à  Robineau,  qui  me  dit  en  haussant  les  épaules  : 

«  Ah  I  monsieur,  ça  n'est  pas  la  peine,  ça  viendra  avec  autre 
chose.  » 

J'insistai  pour  le  poisson  et  pour  les  artichauts  :  les  six 
artichauts,  gros  comme  des  têtes  d'enfants,  coûtaient  quatre 
sous  les  six,  le  poisson  vingt  sous;  le  vol-au-vent  était  un  don 
de  M.  Corbière;  le  morceau  de  veau  était  l'hommage  d'un  bien- 
faiteur inconnu.  Il  en  résultait  qu'après  avoir  craint  de  mourir 
de  faim  nous  étions  dans  la  position,  assez  embarrassante,  d'être 
nourris  par  la  commune  de  RoscoC 

Après  le  dîner,  tout  le  monde  s'envola  pour  aller  se  pro- 
mener près  de  la  mer. 

Je  restai  seul ,  comptant  recevoir  la  visite  de  M.  Corbière. 

Vers  huit  heures,  il  arriva  en  effet. 

J'avais,  comme  je  l'ai  dit,  entre  moi  et  la  mer  un  jardin, 
puis  une  maison,  puis  un  autre  jardin. 


A   JULES   JANIN.  91 


M.  Corbière  venait,  au  nom  de  M.  Bagot,  propriétaire  du 
second  jardin,  tout  aussi  beau,  tout  aussi  vert,  tout  aussi  fleuri 
que  le  premier,  m'offrir  ce  jardin  pour  y  passer  mes  heures  de 
récréation  et  même  de  travail. 

J'acceptai,  promettant  d'aller  dès  le  lendemain  faire  une 
visite  au  digne  homme  qui  m'oârait  ainsi  son  ombre,  son  soleil 
et  ses  fleurs. 

Mais  Corbière  me  dit  que,  pour  plus  grande  facilité  à  moi 
et  à  lui,  j'allasse  droit  au  jardin  de  M.  Bagot;  il  viendrait  m'y 
rejoindre,  sa  maison,  qu'il  faisait  réparer,  étant  sens  dessus  sens 
dessous. 

Je  promis  de  suivre  les  instructions  qui  m'étaient  données. 

Le  lendemain,  comme  je  passais  de  ma  chambre  à  coucher 
dans  un  petit  cabinet  de  travail,  je  trouvai  Marie  qui  m'at- 
tendait. 

a  Mon  Dieu,  monsieur,  qu'est-ce  que  Ton  va  faire  de  tout 
cela } 

—  De  tout  quoi } 

—  Mais  de  tout  ce  qu'on  a  apporté  pour  vous  ;  venez  voir 
dans  la  cuisine,  c'est  comme  une  halle  au  poisson.  » 

Je  descendis,  et  en  effet,  je  trouvai  deux  maquereaux,  une 
sole,  un  homard  et  une  raie  grande  comme  un  parapluie. 

«  £t  qu'est^e  qu'ont  dit  les  gens  qui  vous  ont  apporté  cela? 

—  Tous  la  même  chose,  monsieur.  On  eût  dit  qu'ils  s'étaient 
donné  le  mot.  Ils  ont  dit  qu'hier  ils  avaient  appris  que  vous 
aviez  manqué  mourir  de  faim,  et,  comme  ils  ne  voulaient  pas 
qu'un  pareil  malheur  vous  arrivât  à  Roscoff,  chacun  vous  appor- 
tait ce  qu'il  avait  pu  se  procurer. 

—  Pour  aujourd'hui,  vous  allez  mettre  la  raie  au  beurre 
noir  et  la  sole  aux  fines  herbes  ;  mais  demain  vous  ne  re- 
cevrez rien  sans  le  nom  de  la  personne  qui  envoie. 

—  Mais,  monsieur,  si  la  personne  ne  veut  pas  le  donner,  son 
nom? 

—  Vous  refuserez  de  recevoir,  voilà  tout.  » 
Marie  se  prépara  à  nous  faire  le  déjeuner. 

Sur  ces  entrefaites,  la  carriole  et  la  cuisinière  de  M.  Cor- 
bière s'arrêtèrent  devant  la  porte,  partant  pour  Saint-Pol. 


1 


93  LETTRE 


Marie  refusa  de  raccompagner,  déclarant  que  nous  avions 
à  manger  pour  huit  jours.  Je  priai  en  conséquence  la  cuisinière 
de  Corbière  de  nous  acheter  un  bon  pot-au-feu  et  une  paire  de 
poulets. 

Entre  neuf  et  dix  heures,  Corbière  arriva  et  me  révéla  tous 
les  secrets  de  la  cuisine. 

La  raie  venait  de  mon  fidèle  Robineau;  le  homard,  de 
M.  Drouet,  sculpteur  français,  en  villégiature  à  Roscoff;  la 
sole,  d'un  peintre  nommé  Bouquet,  qui  passe  ses  six  mois  d'été 
à  RoscofFet  ses  six  mois  d'hiver  à  Paris;  les  deux  maquereaux, 
du  commissaire  de  la  marine. 

J'écrivis  aussitôt  à  chacun  d'eux,  et  leur  fis  porter  mes  lettres. 

Avant  cinq  heures  du  soir,  j'avais  reçu  la  visite  de  tout  le 
monde,  et  j'avais  fait  connaissance  avec  mes  pourvoyeurs. 

Tous  mes  hommes,  quel  que  fût  l'état  qu'ils  exerçassent, 
depuis  Robinesu,  mon  coiffeur,  jusqu'au  commissaire  de  la  ma- 
rine, étaient  des  pêcheurs  enragés.  Pendant  les  grandes  marées, 
ils  faisaient  leurs  pêches  les  plus  brillantes  :  on  était  aux  époques 
des  grandes  marées,  voilà  pourquoi  le  poisson  abondait. 

Dans  la  journée,  j'avais  été  m'asseoir  dans  le  jardin  dé  mon 
voisin. 

Pour  que  l'on  comprenne  la  mise  en  scène ,  je  dirai  que  sa 
maison  faisait  face  à  la  mer  et  était  bâtie  du  côté  de  la  rue  qui  en 
était  le  plus  éloigné;  mais,  sur  la  façade,  il  n'avait  qu'une  petite 
grille  et  ce  jardin  plein  de  fleurs,  embaumé  de  résédas ,  où  il 
m'invitait  à  aller  faire  mes  haltes  de  paresse. 

A  peine  y  fus-je  installé,  que  j[e  le  vis  arriver  avec  une  bou- 
teille de  Xérès  et  des  petits  verres  sur  un  plateau. 

Nous  fîmes  donc  connaissance  le  verre  à  la  main,  excellente 
manière  de  faire  connaissance  !  et  nous  trinquâmes  à  notre  bonne 
santé. 

Que  Dieu  la  conserve  à  cet  excellent  homme,  une  des  meil- 
leures, des  plus  franches,  des  plus  excellentes  natures  que  je 
connaisse  :  toujours  embarrassé  pour  vous  rendre  un  service  ou 
vous  offrir  un  fruit  ;  mais  si  bon,  si  franc,  si  naïf,  que  fruit  ou 
service,  peu  ou  beaucoup,  il  vous  faut  toujours  accepter  ce  qu'il 
vous  offre. 


A   JULES   JANIN. 


93 


Je  passai  une  partie  de  la  journée  dans  ce  jardin,  je  ne 
m'étais  pas  encore  remis  sérieusement  au  travail,  et  je  profitai 
de  ce  reste  de  repos  pour  m'élargir  Tàme  par  les  yeux. 

Plus  tard  on  sut  que  j'allais  au  jardin  vers  quatre  heures. 
Alors  mes  visiteurs  abondèrent,  et  il  y  eut  cercle.  La  vue  de  la 
mer  est  la  plus  propre  à  mettre  tout  le  monde  à  son  aise  :  son 
immensité  porte  avec  elle  une  telle  étendue  de  pensées,  qu'on  n'a 
jamais  l'idée  de  tirer  de  sa  rêverie  un  homme  qui  rêve  en  face 
de  rOcéan. 

Nous  restions  là  jusqu'à  ce  que  le  jour  tombât;  alors  nous 
rentrions  chez  moi;  presque  toujours  Drouet  y  avait  fait  apporter 
son  diner,  jusqu^à  ce  que  sontrère,  qui  venait  de  la  Cochinchine, 
étant  arrivé,  nous  fîmes  avec  eux  table  commune. 

Avec  notre  abondance  de  poisson,  nous  manquions  à  peu  près 
de  tout  le  reste.  Des  artichauts  durs  comme  des  boulets,  des 
haricots  verts  pleins  d'eau,  absence  complète  de  beurre  frais, 
voilà  les  singuliers  éléments  sur  lesquels  il  fallait  s'appuyer  pour 
écrire  un  livre  de  cuisine. 

Je  n'en  travaillai  pas  moins  comme  si  j'eusse  été  au  milieu 
de  la  plus  savoureuse  abondance. 

Tout  cela  eût  été  très-tolérable,  si  nous  n'avions  pas  eu  de- 
vant les  yeux  la  figure  renfrognée  de  notre  cuisinière,  furieuse 
que  nous  eussions  trouvé  un  moyen  de  vivre  et  de  manger  là 
où  elle  espérait  nous  voir  mourir  de  faim. 

Enfin,  un  beau  jour  elle  éclata,  injuria  tout  le  monde,  et 
demanda  son  compte. 

Le  surlendemain,  elle  partait  pour  Paris,  où  je  ne  demande 
qu'une  chose,  c'est  de  ne  jamais  manger  de  sa  cuisine. 

Avez-vous  remarqué,  cher  ami,  que,  toutes  les  fois  qu'on 
se  rend  au  désir  d'un  inférieur,  on  paye  d'une  façon  ou  d'une 
autre  la  rançon  de  sa  bonté  > 

Voilà  une  fille  qui  se  trouvait  bien  à  Maisons-Laffitte,  où 
elle  était  logée  comme  une  maîtresse  ;  nous  parlons  d'un  voyajgfe 
à  l'extrémité  de  la  France;  à  force  de  càlineries,  elle  nous  fait 
croire  qu'elle  nous  est  si  attachée  qu'il  lui  s€||pt  impossible  de 
nous  quitter. 

On  se  laisse  toujours  prendre  aux  paroles  de  gens  qui  vous 


94  LETTRE 


disent  qu'ils  vous  aiment,  fût-ce  de  ces  mercenaires  qui  n'aiment 
personne. 

Nous  crûmes  à  (^Ue-Ià  :  je  la  gardai  deux  mois  à  Paris 
sans  rien  faire;  je  lui  payai  ses  gages  sans  qu'elle  eût  travaillé; 
je  l'emmenai  avec  nous.  Quinze  jours  après,  espérant  me  mettre 
dans  l'embarras,  elle  me  demandait  son  compte. 

Le  lendemain  de  son  départ ,  j'avais  quatre  cuisinières  au 
lieu  d'une.  Alors,  dans  ce  pays  où  l'on  ne  trouvait  rien  en  réalité, 
mais  où  la  bonne  volonté  suppléait  à  tout,  nous  eûmes  tous  les 
jours  un  dîner  tantôt  chez  l'un,  tantôt  chez  l'autre,  où  cette 
saine  gaieté  du  cœur  eût  rappelé  les  jours  de  ma  jeunesse,  si 
quelque  chose  les  pouvait  rappeler.* 

C'est  là  que  je  vis  jusqu'où  pouvaient  aller  les  ressources 
d'une  bienveillante  amitié. 

Dans  ce  pays,  manquant  de  tout  à  mon  arrivée,  sem- 
blèrent se  donïier  rendez-vous  les  choses  comestibles  les  plus 
délicates,  les  poulets  de  grain,  le  beurre  frais,  les  pêches  les  plus 
fines,  des  figues  comparables  à  celles  de  Marseille  et  de  Naples. 

Je  crois  que  nous  eûmes  un  jour  une  poularde  du  Mans  et 
un  pâté  de  Chartres. 

Il  y  avait  pour  moi,  dans  cet  empressement  à  me  fêter, 
quelque  chose  qui  me  faisait  venir  les  larmes  aux  yeux;  puis  de 
petits  détails  charmants,  que  nous  autres  artistes  remarquons 
seuls. 

n  y  a  à  RoscofF  un  pauvre  chien  sans  msutre,  qui  vit  de  la 
charité  publique;  tous  les  ans,  un  des  baigneurs  qui  viennent 
passer  la  saison  le  prend  sous  sa  protection  et  lui  donne  le  cou- 
cher et  la  nourriture. 

On  l'appelle  Bobinot. 

C'était  Drouet  qui,  l'an  de  grâce  1869,  s'était  fait  le  pro- 
tecteur de  Bobinot. 

Tant  que  Drouet  resta  chez  lui ,  Bobinot  vécut  de  sa  vie 
habituelle,  mangeant,  rue  de  la  Perle,  chez  Drouet. 

Il  y  avait  plus  de  difficultés  pour  le  coucher,  à  cause  de  trois 
ou  quatre  chiens  ^i,  sous  prétexte  d'antériorité,  se  rçgardaient 
comme  les  propriétaires  de  la  maison. 

Quand  nous  réunîmes  nos  dîners  et  que  Drouet  vint  manger 


s 


A  JULES   JANIN. 


95 


chez  moi,  il  se  fit  une  espèce  de  trouble  dans  la  vie  de  Bobinot  : 
allait-il  continuer  de  manger  là  où  mangerait  Drouet?  n'allait-il 
pas  se  produire  pour  son  diner  les  mêmes  difficultés  qui  s'étaient 
produites  pour  son  coucher  ? 

Bobinot  est  plein  d'humilité,  d'abord  parce  qu'il  est  pauvre: 
ses  repas  sans  suite  et  sans  ressemblance  le  lui  ont  appris;  ensuite 
il  est  laid,  et  il  a  le  bon  esprit  de  le  savoir. 

Cependant,  une  chose  le  rassurait,  c'était  que  plusieurs  fois 
déjà  il  était  venu  diner  avec  Drouet,  et  que  chaque  fois  il  avait 
été  bien  reçu. 

Lorsque  Drouet  vint  pour  en  prendre  l'habitude,  Bobinot 
s'arrêta  à  la  porte,  et,  comme  Drouet  n  osa  pas  prendre  sur  lui 
de  le  faire  entrer,  il  y  serait  resté,  d'autant  plus  que  la  cuisi- 
nière, qui  n'avait  de  sympathie  pour  personne,  avait  Bobinot  en 
horreur;  mais,  sur  mon  invitation,  Drouet  appela  Bobinot,  qui 
se  glissa  sous  la  table  et  qui  ne  bougea  pas  plus  que  s'il  était 
empaillé. 

Cette  conduite  lui  réussit  à  merveille  :  chacun  lui  donna  son 
reste  de  soupe,  son  os  de  poulet,  son  pain  trempé  dans  la  sauce; 
etBobinol  fît  un  excellent  dîner. 

Le  lendemain,  il  ne  jugea  pas  à  propros  d'attendre  Drouet, 
il  le  précéda,  s'assit  à  l'endroit  le  plus  apparent  de  la  rue,  les 
yeux  fixés  sur  mes  fenêtres,  et  balayant  le  pavé  avec  sa  queue 
chaque  fois  que  je  paraissais. 

Cependant  toutes  mes  invitations  furent  insuffisantes  à  faire 
monter  Bobinot;  chaque  fois  que  je  l'appelais,  il  regardait  rue 
de  la  Perle,  et,  ne  voyant  pas  venir  Drouet,  son  véritable  intro- 
ducteur, il  secouait  la  tête,  semblant  dire  :  —  Je  suis  un  chien 
comme  il  faut,  je  connais  les  manières  du  monde,  et  je  ne  ren- 
trerai chez  vous  que  conduit  par  la  personne  qui  m'y  a  amené 
la  première  fois. 

Et,  en  effets  jusqu'au  jour  où  j'ai  quitté  Roscoff,  Bobinot 
est  toujours  arrivé  un  quart  d'heure  ou  une  demi-heure  avant 
Drouet,  et  n'est  jamais  entré  sans  Drouet. 

Un  autre  de  mes  amis,  un  des  plus  humbles,  mais  non  pas 
un  des  moins  utiles,  était  mon  barbier  Robineau,  celui  qui,  dans 
les  prenotiers  jours,  allait  pêcher  la  nuit  pour  me  nourrir  le  jour. 


\ 


96  LETTRE 


Après  un  mois  de  soins  apportés  par  lui  à  ma  barbification, 
je  lui  demandai  combien  je  lui  devais. 

Je  ne  sais  pas  jusqu^à  quel  point  cela  vous  intéresse,  mon 
cher  ami  :  je  donne  quinze  francs  par  mois  à  mon  barbier  de 
Paris. 

«  Monsieur,  »  me  répondit-il  tout  tremblant,  car  il  sentait 
qu'une  question  importante  allait  se  décider  dans  sa  vie,  et  je 
savais  d'avance  que  le  pauvre  garçon  n'était  pas  riche,  «  monsieur, 
je  n'ai  pas  de  prix;  chacun  me  donne  selon  sa  générosité  :  les  uns 
vingt  sous,  les  autres  quarante  sous,  les  plus  généreux  quel- 
quefois trois  francs. 

—  Ms^intenant,  lui  demandai-je,  combien  vous  dois-je  pour 
le  produit  de  vos  pêches  nocturnes? 

—  Oh  !  monsieur,  me  dit  Robineau,  vous  ne  me  ferez  pas 
l'injure  de  m'offrir  de  l'argent  pour  trois  malheureux  poissons 
que  je  vous  ai  donnés. 

—  Soit,  mon  cher  Robineau,  je  comprends  cette  délicatesse 
de  votre  part  ;  seulement  vous  me  permettrez  de  vous  traiter 
comme  mon  barbier  de  Paris,  et  de  vous  payer  votre  mois 
quinze  francs.  » 

Et  je  glissai  sur  la  table,  à  la  portée  de  la  main  de  Robi- 
neau, trois  pièces  de  cinq  francs. 

Mais  Robineau  se  leva  et  fit  un  bond  en  arrière. 

«  Oh!  non,  monsieur,  dit-il,  non,  jamais  je  n'accepterai  ce 
prix-là;  mais,  pensez-y  donc,  je  ne  suis  qu'un  pauvre  barbier  de 
village. 

—  Mon  cher  Robineau,  je  ne  fais  de  différence  qu'entre  les 
barbiers  qui  me  coupent  et  les  barbiers  qui  ne  me  coupent  pas  ; 
vous  ne  m'avez  pas  coupé,  je  vous  traite  en  barbier  de  premier 
ordre  :  prenez  ces  quinze  francs,  et  entamons  notre  second  mois. 

—  Monsieur,  permettez-moi  d'attendre  un  autre  moment, 
j'ai  la  main  trop  tremblante  dans  ce  moment-ci  pour  entre- 
prendre de  vous  faire  la  barbe.  » 

Robineau  s'élança  hors  de  la  chambre. 

Huit  jours  après  je  partais  pour  Paris,  départ  inattendu,  où 
chacun  me  donnait  de  son  mieux  des  preuves  de  son  amitié  :  le 
chien  me  léchait  la  main,  Robineau  pleurait  à  sanglots. 


A   JULES  JANIN.  97 

H  Ah  !  si  j'étais  riche,  mon  pauvre  Robineau,  je  vous  enverrais 
une  paire  de  rasoirs  en  or  massif.  » 

Pourquoi  en  ce  moment  ai-je  pensé  à  vous,  mon  cher  Janin  ? 
Pourquoi  vous  ai-;e  embrassé  de  ccBur> 

C'est  qu'il  y  a  des  couchers  de  soleil  qui  ressemblent  aux 
plus  belles  aurores. 

Tout  à  vous, 

Alexandre  DUMAS. 


CALENDRIER   GASTRONOMIQUE 


PAR 


GRIMOD   DE  LA  REYNIERE, 


JANVIER. 

Ce  mois  commence  glorieusement  Tannée.  Il  est  signalé  par 
l'extinction  des  haines,  le  rapprochement  des  familles;  c'est  un 
temps  d'amnistie  et  de  jubilation;  il  partage  avec  l'automne 
l'avantage  de  rassembler  les  productions  les  plus  faites  pour 
exciter  et  pour  satisfaire  notre  gourmande  sensualité. 

Dans  ce  mois,  on  voit  arriver  en  foule  à  Paris  les  bœufs 
magnifiques  de  l'Auvergne  et  du  Cotentin,  chargés  d'une  graisse 
succulente.  Leurs  flancs  recèlent  ces  aloyaux  divins  dont  l'appétit 
se  lasse  moins  vite  que  des  mets  les  plus  recherchés  ;  la  culotte, 
et  plus  particulièrement  la  pointe,  produisent  d'admirables 
bouillis. 

Le  bœuf  offre  des  ressources  inépuisables  pour  varier  les 
entrées  et  même  les  hors-d'œuvre  d'une  table  bien  servie  ;  il  est 
une  mine  inépuisable  entre  les  mains  d'un  artiste  habile;  c'est 
vraiment  le  roi  de  la  cuisine.  Sans  lui,  point  de  potage,  point  de 
jus;  son  absence  seule  suffirait  pour  affamer  et  attrister  toute  une 
ville.  Heureux  Parisiens  !  félicitez-vous,  car,  s'il  faut  en  croire 
les  voyageurs  les  plus  gourmands,  vous  mangez  dans  vos  murs  le 
bœuf  le  plus  délectable  de  l'univers.  L'Auvergne  et  la  Normandie 


CALENDRIER    GASTRONOMIQUE.  99 


fournissent  les  meilleurs;  mais  dans  le  lieu  de  leur  naissance,  ils 
ne  sont  pas  comparables  à  ce  qu'ils  deviennent  à  Paris;  ils  ont 
besoin  du  voyage  :  dans  ce  long  voyage,  leur  graisse  se  fond, 
et  s'identifie  Va  vec  leur  chair. 

FEVRIER. 

Ce  mois  est  le  crescendo  de  son  prédécesseur,  c'est  le  temps 
du  carnaval,  des  indigestions,  ou,  pour  parler  plus  poliment, 
des  fausses  digestions.  Que  les  consciences  timorées  se  rassurent 
*  alors,  le  péché  de  gourmandise,  quoique  rangé  parmi  les  capi- 
taux de  tous,  les  charge  le  moins.  De  toutes  les  espèces  d'intem- 
pérances, c'est  celle  dont  l'Église  accorde  le  plus  aisément  l'ab- 
solution :  elle  en  connaît  mieux  que  personne  l'entraînante 
séduction. 

La  viande  de  boucherie  et  la  charcuterie  sont  aussi  recher- 
chées que  dans  le  mois  de  janvier;  le  gibier,  plus  rare,  ne  manque 
pas  encore.  Les  vagons  plient  sous  le  poids  des  dindes  aux  truffes, 
des  pâtés  de  foie  gras,  des  terrines  qui,  du  Nord,  du  Midi,  accou- 
rent vers  la  capitale  pour  devancer  le  carême.  Nérac, •  Strasbourg, 
Troyes,  Lyon,  Cahors,  Périgueux,  rivalisent  de  zèle  et  d'activité 
pour  nous  combler  de  délices.  Du  Périgord  à  Paris,  les  truffes 
embaument  de  leur  succulent  parfum  le  train  tout  entier.  Le 
carnaval  étant  la  saison  d'étiquette  des  déjeuners,  ces  trésors  les 
enrichissent  à  l'envi  ;  ils  se  répandent  encore  à  profusion  dans 
les  dîners  somptueux  dont  les  noces  d'avant  carême  sont  le 
prétexte  futile;  de  là  un  enchaînement  d'indigestions  qui  ne 
laissent  pas  le  temps  de  respirer. 

A  l'approche  des  jours  gras,  la  gloire  de  la  volaille  est  au 
comble,  c'est  alors  son  plus  beau  triomphe.  Depuis  le  plus  pauvre 
ouvrier,  le  plus  étique  rentier,  jusqu'au  financier  opulent,  tous 
veulent  atteindre  à  la  plume  ;  cette  concurrence  fait  monter  la 
volaille  à  des  prix  dont  elle-même  est  étonnée. 

MARS. 

Nous  avons  remis  à  parler  dans  ce  mois  des  poissons  de  mer 


loo  CALENDRIER    GASTRONOMIQUE. 

et  d'eau  douce  ;  ils  appartiennent  aussi  aux  deux  mois  précédents. 
Mais,  pendant  celui-ci,  la  marée  est  dans  toute  sa  gloire,  elle 
abonde  à  la  halle.  On  y  voit  arriver  en  foule  Testurgeon,  le  sau- 
mon, le  cabillaud,  la  barbue,  le  turbot,  le  turbotin,  les  soles,  les 
carrelets,  les  limandes,  les  truites  de  mer,  les  huîtres  vertes  et 
blanches  de  Dieppe  et  du  Cancale. 

Dans  les  préparations  sans  nombre  que  subit  le  poisson,  les 
études  d'un  cuisinier  habile  apparaissent  avec  tout  leur  éclat; 
c'est  la  gloire  des  maîtres  animés  du  feu  du  génie,  c'est  l'écueil 
des  cuisiniers  vulgaires.  Arrière  donc  les  simples  cuiseurs  d'ali- 
ments, dignes  tout  au  plus  du  nom  de  gâte-sauce  ! 

AVRIL. 

Ce  mois,  sans  être  des  plus  stériles  pour  la  bonne  chère,  ne 
soutient  pas,  à  beaucoup  près,  la  réputation  de  ses  trois  aînés, 
et  Ton  peut  répéter  avec  un  auteur  célèbre  :  Si  cette  partie  de 
Tannée  est  la  plus  agréable,  elle  est  aussi  la  plus  ingrate  en 
volaille,  gibier,  légumes  et  fruits. 

MAI. 

Béni  soit  cet  heureux  mois  qui  ouvre  la  porte  aux  maque- 
reaux, aux  petits  pois  et  aux  aimables  pigeonneaux!  C'est  un  mois 
cher  aux  gourmands  aussi  bien  qu'aux  amoureux,  avec  cette  diffé- 
rence pourtant  qu'il  n'est  qu'une  saison  courte  pour  l'amour,  et 
que  la  vie  entière  est  l'heureux  domaine  de  la  gourmandise. 

JUIN. 

A  chaque  pas  que  nous  faisons  vers  Tété,  le  cercle  de  nos 
jouissances  alimentaires  se  rétrécit;  celui  de  nos  jouissances  solides 
s'étend,  car  les  jouissances  végétales  sont  au  contraire  fort  mul- 
tipliées danç  cette  saison.  Peut-être  serait-il  sage  de  suivre  les 
indications  de  la  Providence;  mais  l'estomac  civilisé  reste  sourd 
à  cette  voix. 

La  viande  de  boucherie  continue  d'être  la  base  du  régime; 
le  bœuf  est  moins  bon.  Le  mois  nous  offre  les  jeunes  poulets,  la 


CALENDRIER   GASTRONOMIQUE.  loi 

poularde  nouvelle,  le  dindonneau,  le  caneton  de  Rouen,  les  coqs- 
vierges  et  les  pigeons. 

JUILLET. 

Le  gourmand  fait  son  temps  d'épreuves  et  de  pénitence  dans 
ce  mois  ;  peu  touché  de  la  végétation  des  potagers  et  des  vergers, 
dont  les  trésors  ne  sont  pour  lui  que  des  moyens  de  se  récurer  les 
dents  et  de  se  rafraîchir  la  bouche,  il  se  soutient  en  voyant  la 
croissance  rapide  des  lapereaux,  des  perdreaux,  des  levrauts  et 
d'autres  succulents  gibiers. 

La  finesse  excellente  du  veau  de  Pontoise  en  ce  temps  ne  le 
laisse  pas  sans  émotion,  les  cailles  et  les  cailleteaux  lui  font  par- 
fois sentir  les  joies  d'un  autre  temps. 

AOUT. 

La  bonne  chère  languit  encore;  les  riches  sont  aux  champs, 
les  tables  de  Paris  renversées  et  les  parasites  à  la  diète.  Cepen- 
dant les  gourmands  pressés  de  vivre  pourront  déjà,  dans  ce  mois, 
manger  les  lapereaux  en  terrine  et  à  Teau-de-vie;  les  levrauts 
à  la  suisse,  à  la  czarienne,  etc. ,  les  perdreaux  en  papillote ,  en 
tourte,  et  aussi  les  tourtereaux /les  ramerots.  Ces  conseils  une 
fois  donnés,  je  proteste  contre  une  telle  impatience,  je  condamne 
ces  infanticides  et  change  de  matière. 

SEPTEMBRE. 

Malgré  le  proverbe  connu,  nous  ne  conseillerons  à  personne 
de  manger  les  huîtres  avant  le  mois  de  décembre.  Le  gibier  est 
déjà  bon  ;  mais  il  sera  meilleur  dans  les  mois  suivants. 

OCTOBRE. 

Nos  jouissances  alimentaires  commencent  à  redevenir  abon- 
dantes et  vives  ;  le  gibier  et  la  volaille  y  contribuent  à  l'envi.  Le 
bœuf  a  passé  Tété  à  s'engraisser  ;  nous  nous  en  apercevons  à  cette 
époque.  Le  mouton  est  aussi  plus  succulent  ;  le  veau,  moins  déli- 


loa  CALENDRIER    GASTRONOMIQUE. 


cat  qu'au  printemps,  n'est  cependaut  pas  à  dédaigner.  La  marée 
ne  redoute  plus  les  chaleurs. 

NOVEMBRE. 

• 

Les  campagnes  se  dépeuplent,  et,  dès  la  Saint-Martin,  tout 
ce  qui  appartient  à  la  classe  respectable  des  gourmands  se  trouve 
réuni  à  la  ville.  Grand  saint  Martin  !  patron  de  la  Halle  et  sur- 
tout de  la  Vallée,  l'appétit  se  réveille  à  votre  approche;  les 
hommes  bien  portants  se  préparent  à  célébrer  votre  fête  par  un 
jeûne  de  trois  jours  !  Une  dinde  de  Tannée,  attendue  suffisam- 
ment, cuite  à  point,  rouvre  la  carrière  glorieuse  des  indigestions  ; 
ses  abatis  sont  le  principe  d'une  entrée  qu'on  diversifie  d'un 
grand  nombre  de  manières.  Elle-même  est  si  sûre  de  son  mérite 
qu'elle  se  prête  à  toutes  sortes  de  métamorphoses,  sans  crainte  de 
compromettre  sa  réputation.  Mais  il  faut  qu'elle  soit  jeune,  car 
les  honneurs  de  la  daube  sont  réservés  aux  douairières. 

Ce  serait  nous  répéter  que  de  rappeler  ici  tout  ce  qui  con- 
stitue la  bonne  chère  dans  le  mois  de  novembre.  Le  seul  avis 
que  nous  devions  aux  amateurs  friands  a  pour  objet  de  leur 
annoncer  l'arrivée  à  Paris  des  harengs  frais  à  laitances.  La  ma- 
nière la  plus  ordinaire  de  les  servir,  c'est  cuit  sur  le  gril,  accom- 
.  pagnes  d'une  sauce  au  beurre,  aiguisée  de  moutarde  fine. 

DECEMBRE. 

En  tout  digne  du  mois  qui  le  précède  et  de  celui  qui  le 
suit,  se  recommande  par  sts  fines  matelotes.  La  Râpée  a  le  mo- 
nopole des  matelotes  excellentes;  il  faut  aller  faire  une  station 
dans  ces  guinguettes,  où,  chose  singulière,  le  simple  fricotier 
s'élève  de  beaucoup  au-dessus  de  nos  artistes  pour  cette  spé- 
cialité. 

La  viande  de  boucherie,  le  gibier,  le  poisson  et  la  volaille 
ont  en  décembre  le  même  degré  de  bonté  que  dans  les  deux 
mois  suivants.  Mais  la  fin  de  Tannée  et  les  obligations  qu'elle 
entraine  rendent  les  réunions  gourmandes  assez  rares  encore. 
Il  faut  se  préparer  aux  jouissances  qui  viendront  par  les  visites 


CALENDRIER    GASTRONOMIQUE.  lo^ 

^ites  avec  discernement,  surtout  par  le  soin  de  disposer  son  cœur 
comme  il  doit  l'être  pour  nos  amphitryons. 

Ce  serait  un  crime  de  lèse-gourmandise  que  de  rester  sans 
émotion  et  sans  sympathie  pour  l'homme  généreux  qui  vous 
offre  une  chère  excellente  et  vous  abreuve  de  ses  meilleurs  vins. 

Au  point  où  nous  en  sommes  parvenus,  l'année  gourmande 
a  parcouru  ses  phases  diverses.  Mais,  dira-t-on,  nous  n'avons 
parlé  ni  du  dessert,  ni  des  crèmes,  ni  des  pâtisseries.  C'est  avec 
intention  que  nous  avons  ainsi  fait,  notre  premier  soin  était  pour 
les  gourmands.  Eh  bien!  pour  les  véritables  gourmands,  ce  ne 
sont  là  que  bagatelles,  adirés  àe  friandise,  ils  les  abandonnent 
aux  dames.  Dans  un  dîner  bien  entendu,  le  gourmand  se  repose 
après  le  rôti.  Les  entremets  solides  ne  sont  pour  lui  qu'un  amu- 
sement et  les  autres  une  superfluité.  Quant  au  dessert,  il  n'y 
prise  guère  que  le  fromage  e(  les  marrons,  en  leur  qualité  d'al- 
térants. 


ENCORE  UN  MOT  AU  PUBLIC 


Lorsque  feus  pris  la  décision  d'écrire  ce  volume  et  d'en 
faire,  pour  ainsi  dire,  dans  un  moment  de  délassement^  le  cou- 
ronnement d'une  œuvre  littéraire  de  quatre  ou  cinq  cents  volumes, 
je  me  trouvai,  je  Vavoue^  asse^  embarrassé,  non  pas  sur  le  fond, 
mais  sur  là  forme  à  donner  à  mon  ouvragée. 

De  quelque  manière  que  je  m'y  prisse,  on  attendrait  de  moi 
plus  que  je  ne  pourrais  donner. 

Si  j'en  faisais  un  livre  de  fantaisie  et  d'esprit  comme  la  Phy- 
siologie du  Goût  de  Brillat-Savarin,  les  gens  du  métier,  cuisi- 
niers et  cuisinières,  ne  lui  accorderaient  aucune  attention. 

Si  j'en  faisais  un  livre  pratique ,  comme  la  Cuisinière  bour-  ' 
geoîse ,  les  gens  du  monde  diraient  :  C'était  bien  la  peine  d'avoir 
fait  dire  à  Michelet  qu'il  était  le  plus  habile  constructeur  drama- 
tique qui  eût  jamais  existé  depuis  Shakespeare,  et  à  Ourliac  que 
non-seulement  il  avait  l'esprit  français ,  mais  encore  l'esprit 
gascon,  pour  venir  nous  apprendre  dans  un  livre  de  800  pages 
que  le  lapin  aime  à  être  dépouillé  vif,  mais  que  le  lièvre  préfère 
attendre. 

Ce  n'était  pas  mon  but  :  je  voulais  être  lu  par  les  gens  du 
monde  et  pratiqué  par  les  gens  de  l'art. 

Grimod  de  la  Reynière,  au  commencement  de  ce  siècle,  avait 
publié  avec  un  certain  succès  TAlmanach  des  Gourmands,  mais 
c'était  un  simple  livre  de  gastronomie  et  non  pas  un  livre  de  re- 
cettes culinaires. 


ENCORE  UN   MOT  AU  PUBLIC.  105 


Ce  qui  me  tentait  surtout .  moi  ^  c'était  au  contraire ^  voya- 
geur infatigable,  ayant  traversé  V Italie  et  V Espagne .  pays  où 
ton  mange  mal,  le  Caucase  et  Vo^frique,  pays  oti  l'on  ne  mange 
pas  du  tout,  d'indiquer  tous  les  moyens  de  manger  mieux  dans 
les  pays  oii  l'on  mange  mal,  et  de  manger  tant  bien  que  mal  dans 
les  pays  où  F  on  ne  mange  pas  du  tout;  bien  entendu  que,  pour 
arriver  à  ce  résultat,  il  faut  être  chasseur  de  sa  personne. 

Q4près  une  longue  délibération  avec  moi-même,  voici  ce  à 
quoi  je  m'arrêtai: 

Prendre  dans  les  livres  classiques  de  la  cuisine  tombés  dans 
le  domaine  public ,  comme  le  Dictionnaire  de  l'auteur  des  Mé- 
moires deM"*  de  Créqui,  ^aw^TArtdu  Cmsmitr  de Beauvilliers , 
le  dernier  praticien,  dans  le  père  Durand,  de  Nîmes,  dans  les 
grands  dispensaires  du  temps  de  Louis  XIV  et  de  Louis  XV, 
toutes  les  recettes  culinaires  qui  ont  acquis  droit  de  cité  sur  les 
meilleures  tables.  Emprunter  à  Carême,  cet  apôtre  des  gastro- 
nomes, ce  que  MM.  Garnier,  ses  éditeurs,  me  permettront  de  lui 
prendre;  revoir  les  écrits  si  spirituels  du  marquis  de  Cussy  et 
m'approprier  ses  meilleures  inventions,  relire  Eliéar-Bla\,  et. 
joignant  mes  instincts  de  chasseur  aux  siens,  tâcher  d'inventer 
quelque  chose  de  nouveau  sur  la  cuisson  des  cailles  et  des  orto- 
lans; ajouter  à  cela  des  plats  inconnus,  recueillis  dans  tous  les 
pays  du  monde,  les  anecdotes  les  plus  inédites  et  les  plus  spiri- 
tuelles sur  la  cuisine  des  peuples  et  sur  les  peuples  eux-mêmes; 
faire  la  physiologie  de  tous  les  animaux  et  de  toutes  les  plantes 
comestibles  qui  en  vaudraient  la  peine. 

Q/iinsi  mon  livre,  par  la  science  et  par  l'esprit  qu'il  contien- 
dra, n  effrayera  pas  trop  les  praticiens,  et  méritera  peut-être  la 
lecture  des  hommes  sérieux  et  même  des  femmes  légères  dont  les 
doigts  ne  craindront  pas  de  se  fatiguer  en  soulevant  des  pages 
dont  quelques-unes  tiendront  de  M.  de  Maistre  et  d'autres  de 
Sterne. 

Ceci  posé,  je  commence  tout  naturellement  par  la  lettre  q4. 


P.  S.  N'oublions  pas  de  dire,  car  ce  serait  une  ingratitude, 
que  nous  avons  consulté  pour  certaines  recettes  à  part  les  grands 


io6  ENCORE  UN   MOT  AU   PUBLIC. 

restaurateurs  de  Paris  et  même  de  la  province,  tels  que  du  café 
c/lnglais,  Verdier,  Brébant ,  Magny,  les  Frères-Provençaux, 
Pascal,  Grignon,  Peter'»,  Véfour.  Véry  et  surtout  mon  vieil  ami 
Vuillemot. 

Partout  où  ils  ont  eu  la  bonté  de  se  mettre  à  notre  disposi- 
tion, on  trouvera  leur  nom  :  qu'ils  reçoivent  ici  nos  remerci- 
ments. 

A.  D. 


A 


L'homme  ne  vit  pas  de  ce  qu'il  mange, 
mais  de  ce  qu'il  digère. 

ABAISSE.  —  Ne  pas  confondre  avec  bouillabaisse ^  nom 
d'un  potage  connu  dans  le  Midi.  V abaisse  est  une  pâtisserie  qui 
occupe  le  fond  d'une  tourte  ou  d'un  vol-au-vent.  La  manière  de 
confectionner  l'abaisse  se  trouvera  à  l'article  Pâtisserie. 

ABATIS.  —  On  appelle  abatis  les  crêtes  et  les  rognons  de 
coq,  les  ailerons  de  poularde,  les  moelles  épinières,  les  ailerons, 
lès  pattes,  le  gésier  et  le  cou  du  dindon,  ris  et  cervelle  de  veau, 
langues  de  mouton,  etc. 

Les  crêtes  et  les  rognons  de  coq  s'emploient  pour  la  garni- 
ture de  tous  les  grands  ragoûts  comme  aussi  pour  celle  des  pâtes 
chaudes  et  des  vol-au-vent;  mais  quand  on  veut  en  faire  un  plat 
à  part,  il  faut  les  faire  cuire  dans  une  casserole  avec  du  bouillon, 
où  Ton  ajoutera  de  la  moelle  de  bœuf  à  laquelle  on  adjoindra 
des  champignons,  des  tranches  de  fonds  d'artichaux  aux  truffes, 
ou  des  rouelles  de  céleri,  selon  la  saison.  On  leur  fait  prendre 
au  moment  de  servir  une  liaison  composée  de  quatre  jaunes 
d  œufs  et  du  jus  de  la  moitié  d'un  citron  ;  ne  laissez  pas  épaissir 
la  sauce,  la  substance  de  ce  ragoût  étant  déjà  très-mucilagi- 
neuse;  il  est  d'habitude  de  le  servir  dans  une  casserole  au  riz 
ou  dans  un  vol-au-vent,  c'est  un  plat  de  famille  dont  on  n'use 
guère  poun  les  grands  repas.  Le  véritable  abatis  populaire  est 
Tabatis  de  dinde,  et  c'est  un  des  meilleurs  plats  de  la  cuisine 
bourgeoise. 

Flambez,  et  épluchez  une  douzaine  d'ailerons  de  jeunes 


io8  ABATLS. 


dindes,  ajoutez-y  le  cou,  les  pattes  et  le  gésier;  prenez  une  cas- 
serole, coupez-y  de  gros  lardons  de  jambon,  faites-les  roussir 
de  belle  couleur;  à  ce  point  retirez-rles  et  jetez  dans  cette  graisse 
vos  ailerons,  que  vous  faites  revenir  également  jusqu'à  ce  qu'ils 
soient  bien  blonds;  puis  assaisonnez  de  sel,  de  poivre,  de  mus- 
cade ;  coupez  quelques  gros  oignons  ;  et  lorsque  le  tout  sera  bien 
revenu  et  que  vous  aurez  obtenu  une  certaine  cuisson,  ajoutez 
quelques  cuillerées  de  farine  à  laquelle  vous  faites  également 
prendre  couleur  ;  arrivé  à  ce  point  égouttez  vos  abatis  de  leur 
graisse,  ajoutez  un  bouquet  garni  et  mouillez  avec  quelques 
cuillerées  de  consommé  jusqu'au  niveau  de  votre  abatis;  couvrez 
d'un  papier  beurré,  passez  au  four,  et  à  défaut  de  four  faites 
cuire  feu  dessus  feu  dessous,  et  laissez  mijoter  jusqu'aux  trois 
quarts  de  leur  cuisson.  Pendant  ce  temps  vous  aurez  épluché  des 
navets  bien  tendres,  vous  les  taillerez  en  grosses  gousses  d'ail, 
jetez-les  dans  un  plat  à  sauter,  faites-leur  bien  prendre  couleur, 
distribuez-leur  le  sel  et  le  poivre,  que  le  poivre  domine  ;  un 
bouquet  de  persil  ;  une  pointe  de  sucre  ;  lorsqu'ils  seront  bien 
glacés  et  à  une  certaine  cuisson,  égouttez-les  de  leur  beurre,  pas- 
sez la  cuisson  de  vos  abatis  qui  doit  être  arrivée  à  la  cuisson 
d'une  demi-glace,  ajoutez  vos  navets  à  votre  abatis,  dégraissez 
bien  votre  cuisson,  passez  dessus  vos  ailerons  et  laissez  sur  un  feu 
doux  jusqu'à  complet  achèvement  de  cuire.  (Recette  de  Verdier, 
Maison-d'Or.) 

Odbatis  populaires.  —  Parez  proprement  les  ailerons,  le 
gésier,  les  pattes  et  le  cou,  dont  vous  aurez  soin  d'ôter  la 
tête  ;  mettez  dans  une  grande  casserole  et  sur  un  grand  feu  de 
charbon  un  bon  morceau  de  beurre  manié  de  fleur  de  farine, 
lorsqu'il  est  en  plein  roux  faites-y  revenir  et  sauter  votre  abatis 
pendant  sept  à  huit  minutes  ;  ajoutez-y  du  bouillon  chaud,  ayez 
soin  de  ne  pas  le  mêler  à  votre  roux  tout  à  la  fois  ni  brusque- 
ment; mettez-y  un  bouquet  de  persil,  thym,  laurier,  basilic 
et  sauge  (F.  Bouquet),  joignez  à  votre  bouquet  deux  oignons  pi- 
qués d'un  clou  de  girofle,  et  vous  laisserez  bouillir  un  quart 
d'heure  et  puis  vous  ajouterez  six  navets  de  Preneuse,  quatre 
fortes  rouelles  de  carottes,  six  pommes  de  terre  violettes,  un 
topinambour  et  un  pied  de  céleri  dans  son  entier,  ne  tournez  pas 


A  BLE.  109 


VOS  légumes,  il  est  suffisant  de  les  ratisser,  et  la  moindre  appa- 
rence de  recherche  jurait  l'inconvénient  de  fiiire  perdre  à  ce 
vieux  ragoût  son  air  de  simplicité  bourgeoise  et  sa  grâce  natu- 
relle; dégraissez  bien  exacteinent  après  une  heure  et  demie  de 
cuisson  mijotée,  dressez  proprement  vos  légumes  autour  de 
labatis,  que  vous  recouvrirez  des  ailerons  comme  les  morceaux 
d'honneur  ;  puis,  comme  il  est  bon  qu'elle  reste  onctueuse  à  cause 
des  pommes  de  terre,  passez  votre  sauce  .au  simple  tamis  de 
crin.  {Recette  du  marquis  de  Courchamps.) 

Q/ibatis  de  dinde  aux  navets.  —  Prenez  les  abatis  de  deux 
dindes,  blanchissez-les,  prenez  135  grammes  de  lard,  coupez-le 
en  carrés,  faites-le  blanchir  également  pour  enlever  le  sel  ;  faites 
un  roux  bien  blond ,  passez  vos  lardons  dedans  ;  rissolez  -les , 
ajoutez. vos  membres  coupés,  faites  revenir  également  avec  un 
bouquet  de  thym,  laurier,  persil  ;  mouillez  le  tout  à  Teau  chaude, 
ajoutez-y  une  demi-bouteille  de  vin  blanc. 

Laissez  cuire  doucement;  prenez  un  peu  de  beurre,  passez 
à  la  poêle  les  oignons  et  les  navets  comme  garniture  avec  un 
peu  de  sel  et  de  sucre  en  poudre;  faites  blondiner  les  légumes, 
jetez  le  tout  dans  le  ragoût,  ajoutez  quelques  pommes  de  terre, 
tournez,  dégraissez  à  fond  et  servez  chaud.  {Recette  Villemot.) 

ABAVO.  —  Maintenant  que  la  facilité  des  communications 
nous  entraîne  à  faire  la  guerre  en  Crimée,  en  Chine,  en  Cochin- 
chine,  au  Mexique,  en  Ethiopie  ;  il  est  bon  que  chacun  sache 
quand  les  vivres  manquent  quelles  sont  les  ressources  que  Ton' 
trouve  dans  chaque  pays;  de' cette  façon,  quelque  part  que  Ton 
soit  on  n'aura  qu'à  étendre  la  main  et  à  cueillir. 

On  appelle  abavo  un  grand  arbre  que  Ton  trouve  en  Ethio- 
pie et  qui  produit  un  fruit  bon  à  manger,  ressemblant  à  la  ci- 
trouille et  avec  lequel  on  peut  faire  de  la  soupe  à  peu  près 
semblable  à  la  soupe  au  Potiron. 

ABDEL  AVIS.  —  Melon  d'Egypte  dont  la  chair  est  sucrée 
et  rafraîchissante,  fort  estimé  à  cause  des  quarante  degrés  de 
chaleur  sous  lesquels  il  pousse  ;  après  avoir  mangé  sa  chair  on 
fait  avec  sa  graine  des  boissons  qui  sont  calmantes  et  qui  tem- 
pèrent la  soif. 

ABLE.  —  Espèce   de   saumon  que   l'on  trouve  dans   les 


no  ABRICOT. 


mers  de  Suède,  il  a   les  propriétés  du  saumon  et  s'accommode 
comme  lui.  (V,  Saumoiî.) 

ABLETTE.  —  Petit  poisson  de  rivière  et  de  lac,  plat  et 
mince,  long  de  trois  à  six  pouces, 'couvert  d*écailles  qui  servent 
à  donner  aux  fausses  perles  Téclat  des  véritables;  sa  chair  est 
molle  et  fade  et  ne  se  mange  que  frite  comme  celle  du  goujon^ 
dont  elle  est  loin  d'atteindre  la  saveur. 

ABRICOT.  —  L'arbre  qui  porte  ce  fruit  est  venu  aux  Ro- 
mains de  IWrménie;  aussi  l'appelaient-ils  prunus  armeniaca;  on 
ne  connaissait  d'abord  que  deux  espèces  d'abricots,  on  a  obtenu 
plusieurs  variétés  ;  c'est  un  fruit  à  noyau ,  la  peau  et  la  chair 
tirent  sur  le  chamois,  il  est  odorant,  de  bon  goût,  tient  de  la 
pêche  et  de  la  prune,  et  est  si  hâtif  qu'il  y  a  peu  de  printemps  où 
l'on  n'entende  dire  : 

«  Il  n'y  aura  pas  d'abricots  cette  année,  ils  ont  tous  été  gelés.» 

Outre  les  diverses  espèces  d'abricots  que  nous  récoltons  en 
France,  Chardin,  dans  son  voyage  en  Perse,  a  mangé  d'excellents 
abricots  dont  la  chair  est  rouge,  la  saveur  délicieuse  et  que  l'on 
appelle  tocmchamSy  c'est-à-dire  œufs  du  soleil.  C'est  à  Damas, 
en  Syrie,  que  Ton  mange  les  meilleurs  abricots,  les  habitants  en 
font  d'excellentes  confitures  et  des  gâteaux  qu'ils  mangent  avec 
du  pain. 

Parmi  les  différentes  variétés  d'abricots  n'oublions  pas  l'abri- 
cot de  Saint-Domingue  et  des  Iles  Françaises;  l'arbre  qui  le  porte 
est  un  très-bel  arbre  qui  parvient  à  la  hauteur  de  soixante  à 
soixante-dix  pieds,  ses  feuilles  sont  ovales,  sa  cime  ample,  touffue 
et  pyramidale,  ses  fleurs  sont  blanches  et  d'un  pouce  et  demi  de 
diamètre,  exhalant  une  excellente  odeur;  son  fruit  aussi  gros  que 
la  tête  ressemble  à  l'abricot,  son  écorce  épaisse  renferme  une 
pulpe  plus  charnue  avec  une  grosse  amande,  sa  saveur  est  douce, 
aromatique  et  fort  agréable;  on  le  sert  après  l'avoir  coupé  en 
tranches  et  l'avoir  fait  macérer  dans  du  vin  sucré.  On  a  soin 
d'enlever  les  deux  premières  écorces  fort  amères ,  ainsi  que  la 
pulpe  qui  touche  le  noyau  ;  comme  de  l'abricot  de  France  on  en 
fait  des  marmelades  et  des  confitures  qu'on  envoie  même  en  Eu- 
rope, ce  fruit  est  lourd  et  reste  longtemps  sur  l'estomac.  L'esprit 
de  vin  distillé  sur  les  fleurs  de  l'arbre  uni  au  sucre  forme  une 


ABRICOT.  lit 


liqueur  aromatique  connue  dans  le  pays  sous  le  nom  d'eau  de 
créole  *. 

Maintenant  empruntons,  pour  les  préparations  que  réclame 
labricot,  les  recettes  que  donne  lauteur  des  Mémoires  de  la 
marquise  de  Créqui,  Ce  charmant  gastronome,  rival  des  Brillât- 
Savarin  et  des  Cussy  avec  lesquels  il  a  été  souvent  en  guerre, 
pour  des  «questions  gastronomiques  de  la  plus  haute  importance. 
Bercé  des  traditions  culinaires  de  la  moitié  du  dernier  siècle  et 
de  la  première  partie  de  celui-ci,  il  est  T homme  qu'il  faut  sur- 
tout consulter  dans  les  questions  des  entremets  sucrés  et  de  tous 
les  plats  que  les  femmes  ont  si  justement  appelés  chatteries. 

L'abricot,  dit-il ,  est  un  des  éléments  le  plus  usuellement 
et  le  plus  agréablement  employés  dans  la  confection  des  entremets 
sucrés,  ainsi  que  pour  nos  desserts  de  l'automne  et  de  Tarrière- 
saison. 

Au  moyen  de  cet  excellent  fruit  on  parfume  délicieusement 
des  sorbets,  des  glaces;  on  fait  d'excellents  gâteaux,  des  bei- 
gnets, des  tourtes,  des  flans,  des  crèmes,  des  compotes  et  des 
conserves,  appelées  vulgairement  confitures  sèches  ou  liquides. 
Parmi  les  recettes  qui  peuvent  s'appliquer  à  l'emploi  culinaire 
de  l'abricot,  nous  mentionnerons  celles  de  ces  prescriptions  qui 
sont  le  mieux  garanties. 

ENTREMETS. 

Flan  d'abricots  à  la  Metternich.  —  Foncez  l'abaisse  d'une 
tourte  en  pâte  brisée  (  V.  Pâtisserie  )  avec  douze  abricots 
hâtifs  dont  vous  aurez  enlevé  la  peau  et  les  noyaux  et  que 
vous  aurez  séparés  par  moitié.  Joignez-y  quarante  cerises  tar- 
dives ou  soixante  merises  dont  vous  aurez  fait  sortir  les  noyaux 
et  qui  doivent  être  également  crues,  succulentes  et  soigneuse- 
ment choisies.  Vous  entremêlez  ces  deux  espèces  de  fruits   de 


I.  Nous  empruntons  ces  détails  au  Dictionnaire  des  Aliments  et  des  Boissons , 
de  M.  Aalagnier,  membre  de  l'Académie  de  médecine  ;  cet  excellent  livre,  moins 
connu  des  praticiens  qu'il  ne  mérite  de  l'être,  nous  fournira  les  plus  précieux  détails 
sur  les  fruits  de  toutes  les  parties  du  monde,  et  surtout  des  colonies. 


lia  ABRICOT. 


manière  à  ce  que  chacun  de  vos  morceaux  d'abricot  se  trouve 
séparé  par  quatre  cerises,  vous  saupoudrez  le  tout  avec  du  sucre 
en  poudre,  en  suffisante  quantité,  d'après  le  plus  ou  le  moins  de 
maturité  des  fruits  et  vous  faites  cuire  au  four  d'office  ou  bien  au 
four  de  campagne  (  V,  Tourtière).  Vous  aurez  eu  le  soin  de 
réserver  les  noyaux  de  vos  fruits  rouges  auxquels  vous  joindrez  la 
moitié  des  amandes  de  vos  abricots,  que  vous  pilerez  ou  ferez 
piler  ensemble  au  mortier  de  marbre  et  sous  pilon  de  métal 
autant  que  possible,  attendu  que  le  pilon  de  bois  reste  toujours 
empreint  de  quelque  goût  antérieurement  contracté.  Vous  sucrez 
ce  mélange  et  puis  vous  y  délayez  de  la  crème  bien  fraîche,  de 
manière  à  ce  qu'il  ait  la  consistance  d'une  sauce  aux  jaunes 
d'œufa  après  cuisson.  Vous  le  versez  sur  le  flan  lorsqu'il  est 
sorti  du  four,  en  ayant  soin  qu'il  ne  déborde  pas  sur  les  rebords 
ou  muraille  de  la  tourte,  et  vous  attendez  qu'elle  soit  à  moitié 
refroidie  pour  la  servir. 

Crème  aux  abricots.  —  Faites  cuire  douze  abricots  avec 
135  grammes  de  beau  sucre,  passez-les  au  tamis  et  laissez- 
les  refroidir.  Ajoutez  ensuite  un  petit  verre  de  ratafia  des  quatre 
fruits  ou  de  ratafia  de  noyau  (V.  Ratafia),  délayez-y  huit  jaunes 
d'oeufs,  passez  ce  mélange  à  l'étamine,  afin  qu'il  n'y  reste  rien 
des  germes,  ajoutez-y  le  sucre  nécessaire  et  faites  cuire  au  bain- 
marie  dans  la  même  jatte,  ou  dans  le  moule,  ou  dans  les  petits 
pots  que  vous  désirez  servir  sur  table,  en  conduisant  votre  opé- 
ration comme  celle  des  autres  crèmes  analogues.  On  peut  rem- 
placer le  ratafia  par  un  demi-verre  de  vin  blanc  ;  mais  il  ne  faut 
pas  que  ce  soit  un  vin  trop  savoureux  ou  trop  parfumé,  parce 
qu'il  aurait  l'inconvénient  de  masquer  le  goût  du  fruit.  La  recette 
de  cette  excellente  crème  est  tirée  d'un  dispensaire  manuscrit  du 
temps  de  Louis  XIV. 

Beignets  d'abricots.  — ,  Faites  macérer  des  moitiés  d'abri- 
cots qui  ne  soient  pas  trop  mûrs,  avec  du  sucre  pilé  et  un  verre 
de  bonne  eau-de-vie.  Au  bout  d'une  heure  et  demie ,  égouttez 
vos  fruits  et  plongez-les  dans  la  pâte  {V.  Pâte  a  friture),  en 
ayant  soin  de  les  faire  frire  au  plus  grand  feu.  Vous  les  saupou- 
drez de  sucre  bien  pilé,  après  les  avoir  égouttés  de  la  friture  et 
yous  les  glacerez  au  caramel  avec  la  pelle  rouge.  Quelques  per- 


ABRICOT.  113 


sonnes  recherchées  font  ajouter  une  petite  rouelle  d'angélique 
confite  ail  milieu  des  beignets,  ce  qu'il  est  aisé  d'opérer  en  les 
mettant  dans  la  pâte  et  s'y  prenant  avec  attention.  Dans  quelques 
hautes  cuisines  on  ajoute  au  cœur  des  beignets,  au  lieu  d'angé- 
lique,  une  sorte  de  noyau  &ctice  qui  se  compose  de  crème  sucrée, 
de  jaune  d'œuf  et  d'amandes  amères  pilées,  dont  on  fait  une  bou- 
lette ou  quenelle  assortie  pour  le  volume  à  la  grosseur  de  chaque 
beignet.  On  en  trouve  la  recette  dans  les  anciens  dispensaires  de 
la  Régence,  et  nous  n'omettrons  pas  de  la  reproduire,  attendu 
qu'on  peut  l'employer  également  pour  les  beignets  de  pêches  et 
de  brugnons.  {V.  Crème  d'amandes.) 

Pudding  aux  abricots.  —  Faites  éverdumer  des  abricots 
musqués  ou  des  abricots- pêches  à  moitié  mûrs,  dans  un  sirop 
011  vous  ajouterez  un  peu  d'eau -de -vie;  égouttez  vos  fruits 
dont  vous  ôterez  les  noyaux,  que  vous  ferez  concasser  pour  en 
garder  les  amandes.  Prenez  ensuite  une  casserole  d'argent  ou  une 
terrine  qui  puisse  paraître  sur  la  table  ;  foncez-la  de  tranches  de 
mie  de  pain  légèrement  beurrées  (il  faut  que  ce  soit  du  meilleur 
beurre,  le  plus  frais  et  qu'il  ne  soit  pas  salé),  saupoudrez  ladite 
abaisse  avec  du  sucre  et  mettez  une  couche  de  vos  abricots,  que 
vous  alternerez  avec  une  autre  couche  de  tranches  de  mie  de  pain 
beurrées  jusqu'à  plénitude  du  vase.  Vous  aurez  soin  de  semer 
les  moitiés  d'amandes  de  vos  noyaux  entre  les  couches  du  pud- 
ding, où  vous  ajouterez  la  valeur  d'un  plein  gobelet  de  jus  de 
groseille  légèrement  framboise,  et.  qu'il  faudra  distribuer  exac- 
tement par  cuillerées  entre  chaque  assise  de  votre  pudding. 
Faites  cuire  au  four  et  découvert  après  avoir  doré  d'un  jaune 
d'œuf  les  tranches  de  pain  qui  doivent  former  la  dernière  assise, 
et  dont  il  faut  tourner  la  partie  beurrée  en  dedans,  c'est-à-dire  à 
l'intérieur  et  du  côté  des  fruits.  —  h^  pudding  au  prince  régent 
se  conduit  de  la  même  manière,  mais  il  se  compose  de  riz  à  demi 
cuit  et  assaisonné  d'un  peu  de  moelle  fondue. 

Tourte  ou  gâteau  fourré  d'abricots  à  la  bonne  femme,  — 
Ayant  ouvert  et  pelé  des  abricots,  faites-les  cuire  au  petit  sucre 
et  laissez  refroidir  cette  compote.  Dressez-les  ensuite  par  moitiés 
sur  une  abaisse  en  feuilletage,  recouvrez  ce  gâteau  d'une  autre 
lame  de  pâte  feuilletée  qui  devra  être  tailladée  ou  découpée,  de 

8 


114  ABRICOT. 


peur  qu'elle  ne  se  boursoufle  et  ne  se  déjette  en  cuisant.  Dorez 
la  calotte  et  le  crénail  de  la  tourte  avec  un  jaune  d'œuf,  et  faites 
cuire  au  four  de  campagne.  Le  mélange  de  quelques  cerises 
avec  des  abricots  produit  un  excellent  effet,  et  cette  combinaison 
moderne  est  généralement  adoptée  dans  les  premières  cuisines 
de  Paris. 

QÂbricots  à  la  Condé. — Q4bricots  à  la  Genevoise. — oâbricots 
à  Vorge  perlé.  [V.  Brugnons  et  Pêches.) 

Poupelure  de  Sagou  aux  abricots,  dite  à  la  d'Escars.  — 
Faites  bouillir  huit  abricots  de  moyenne  grosseur  dans  un  demi- 
litre  d*eau  de  rivière  ou  de  fontaine,  avec  250  grammes  de  sucre 
candi  bien  pilé;  passez  à  l'étamine  après  cuisson,  de  manière  à 
ce  que  votre  eau  d'abricots  soit  aussi  purement  translucide  qu'elle 
sera  colorée  et  parfumée^  faites-y  cuire  125  grammes  du  plus 
beau  sagou,  bien  émondé,  bien  lavé,  comme  de  coutume,  et  lors- 
que votre  gelée  sera  parfaitement  cuite  et  transparente,  retirez- 
la  du  feu  pour  y  délayer  trois  verres  de  liqueur  des  îles,  au 
noyau.  Immédiatement  avant  de  servir,  vous  y  mettrez  douze 
moitiés  d'abricots  confits  au  sec  à  mi-sucre,  et  vous  éviterez  de 
les  déformer  en  les  manipulant.  Cette  préparation ,  qui  compose 
un  de  nos  entremets  les  plus  modernes  et  les  plus  distingués, 
doit  être  servie  chaudement  et  en  casserole. 

DESSERTS. 

Compote  d'abricots  à  la  minute.  —  Faites  un  sirop  où  vous 
ferez  bouillir  vos  abricots  fendus,  aussitôt  qu'il  aura  pris  assez 
de  consistance;  au  bout  de  trois  minutes,  écumez  cette  compote, 
ajoutez-y  le  jus  d'une  orange  et  fnettez-la  refroidir. 

Compote  d'abricots  grillés  à  la  Breteuil.  —  Fendez  quel- 
ques beaux  abricots  bien  mûrs,  saupoudrez-les  de  sucre  candi, 
et  faites  -  les  griller  sur  une  braise  ardente.  Il  faut  toujours 
éviter  que  ce  soit  de  la  braise  de  charbon  sur  laquelle  on  fasse 
griller  les  fruits,  parce  que  leur  égouttement  et  la  vapeur  qui 
s'ensuivrait  pourrait  leur  communiquer  un  goût  nauséabond.  Il 
en  est  ainsi  pour  les  compotes  de  poires  ou  de  pommes  à  la 
Portugaise .  et  l'on   se  souviendra  de   ne   jamais   employer  en 


ABRICOT.  _  iij 


pareille  occasion  que  de  la  braise.  Lorsque  vos  quartiers 
de  fruits  sont  grillés  suffisamment,  vous  les  dressez  dans  un 
compotier,  et  vous  les  arroserez  d'un  sirop  où  vous  aurez  fait 
consommer  des  tranches  d'abricots  accompagnées  de  quelques 
framboises.  Le  même  sirop  doit  être  passé  au  tamis  de  sole,  et 
vous  aurez  eu  soin  de  Tavoir  remis  sur  le  feu,  pour  le  verser 
bouillant  sur  les  abricots  dont  il  pénètre  les  chairs  et  dont  il 
perfectionne  la  cuisson.  Les  abricots,  apprêtés  de  cette  manière, 
ne  sauraient  fatiguer  les  estomacs  les  plus  susceptibles. 

Compote  <V abricots  verts ^  dite  compote  au  vert  pré.  — 
Pour  obtenir  l'emploi  de  cette  immense  quantité  d'abricots  dont 
on  est  obligé,  presque  tous  les  ans,  de  décharger  les  arbres  avant 
qu'ils  n'approchent  de  la  maturité,  pelez  soigneusement  une 
vingtaine  de  ces  fruits  verts,  que  vous  mettrez  au  fur  et  à  mesure 
dans  de  l'eau  froide.  Vous  les  ferez  ensuite  dégorger  tous  en- 
semble dans  de  Teau  tiède,  où  vous  aurez  ajouté  deux  poignées 
de  feuilles  d'oseille.  Vous  les  couvrirez  et  les  mettrez  ensuite  sur 
un  bon  feu  de  charbon,  et  vous  les  ferez  bouillir  jusqu'à  ce 
qu'ils  vous  paraissent  d'une  belle  couleur  verte  ;  alors  vous  les 
retirerez  du  feu  et  les  mettrez  dans  une  jatte  à  refroidir  avec 
leur  cuisson.  Vous  les  égoutterez  et  les  roulerez  dans  du  sucre 
candi,  vous  achèverez  de  les  faire  cuire  dans  une  grande  poêle 
(V,  Sirop),  et  au  moment  de  la  retirer  du  feu,  vous  y  joindrez 
deux  cuillerées  de  suc  d'épinards  avec  une  cinquantaine  de  pis- 
taches bien  vertes,  afin  de  leur  assurer  cette  franche  couleur 
d'un  beau  vert  qui  doit  justifier  le  nom  de  la  même  compote. 

Confiture  d'abricots  verts.  —  Si  l'on  habitait  une  localité  où 
les  bons  fruits  fussent  rares,  ou  si  la  température  de  l'année  fai- 
sait craindre  la  disette  des  fruits,  on  pourrait  utiliser  ses  abricots 
verts  en  les  employant  en  conserve,  et  se  conformant  à  la  pres- 
cription suivante  :  Prenez  3  kilogr.  de  ces  fruits  avant  que  le 
bois  du  noyau  soit  à  l'état  solide.  Vous  les  éverdumerez  dans  de 
l'eau  froide  où  vous  aurez  ajouté  186  grammes  de  tartre,  et  vous 
les  y  frotterez  avec  un  linge,  afin  d'en  détacher  la  bourre  à  l'ex- 
térieur. Vous  mettrez  ensuite  dans  une  poêle  à  confitures  3  kilog. 
de  beau  sucre  que  vous  aurez  fait  réduire  à  la  petite  plume 
avant  d'y  faire  cuire  vos  fruits.  Une  demi-heure  de  bon  feu  doit 


ii6  ABRICOT. 


suffire  pour  en  déterminer  la  parfaite  cuisson.  Cette  confiture 
bien  faite  est  beaucoup  plus  savoureuse  qu'on  ne  le  suppose- 
rait dans  nos  climats  tempérés,  fertiles  en  productions  escu- 
lentes. 

Confiture  d'abricots  entiers  ou  par  quartiers.  —  Commencez 
par  faire  blanchir  vos  fruits  à  l'eau  bouillante,  levez-les  ensuite 
à  reçu  moire,  et  mettez-les  sur  un  tamis  de  crin  pour  égoutter. 
En  supposant  que  vous  ayez  disposé  3  kilogr.  de  fruits,  prenez 
3  kilogr.  de  sucre  que  vous  ferez  cuire  à  la  petite  plume;  vous  y 
mettrez  successivement  vos  abricots  entiers  ou  coupés,  à  qui 
vous  ferez  prendre  seulement  deux  ou  trois  bouillons;  après 
quoi  vous  les  mettrez  à  refroidir,  afin  qu'ils  dégorgent  et  qu'ils 
prennent  sucre.  Vous  ferez  ensuite  revenir  votre  sirop  à  la  même 
cuisson  de  la  petite  plume,  et  vous  y  remettrez  les  fruits  que 
vous  laisserez  bouillir  cinq  à  six  minutes,  après  quoi  vous  les 
placerez  dans  leurs  pots  de  conserve,  et  les  couvrirez  de  leur 
sirop,  sans  les  fermer,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  totalement  re- 
froidis. 

Q4bricots  secs  à  la  Provençale,  —  Lorsque  les  fruits  auront 
été  préparés  comme  il  est  indiqué  ci-dessus,  vous  les  égoutterez 
et  les  placerez  sur  des  ardoises  ou  des  lames  de  grès,  suivant  la 
commodité  du  lieu  ;  quand  ils  commenceront  à  sécher,  vous  les 
saupoudrerez  de  sucre  au  travers  d'un  tamis  de  soie,  vous  les 
mettrez  à  l'étuve  ou  bien  dans  un  four  après  la  sortie  du  bain. 
II  est  suffisant,  pour  les  conserver,  de  les  tenir  dans  un  lieu  bien 
sec,  enveloppés  dans  du  papier  gris,  qu'on  aura  soin  de  changer 
si  l'humidité  s'y  manifeste. 

éMarmelade  d'abricots  à  la  royale,  —  Choisissez  les  abricots 
les  plus  mûrs  et  les  plus  sains,  faites-les  blanchir  à  l'eau  bouil- 
lante et  les  mettez  à  égoutter  sur  un  tamis  pour  qu'ils  jettent  le 
superflu  de  leur  aquosité.  Pour  500  grammes  de  fruits,  prenez 
500  grammes  de  sucre  royal  que  vous  aurez  fait  cuire  à  la  petite 
plume,  et  puis  laissez  tiédir  votre  sirop*  Vous  y  jetterez  ensuite 
les  abricots  que  vous  remuerez  avec  la  spatule,  afin  de  les  ré- 
duire en  marmelade,  et  vous  remettrez  un  moment  sur  le  feu 
pour  en  parachever  l'incorporation.  Deux  ou  trois  bouillons  suf- 
fisent. On  y  peut  ajouter   des  pistaches,  au  lieu  du  noyau  des 


ABRICOT.  117 


fruits;  c'est  la  plus  parfaite  et  la  meilleure  marmelade  dont  on 
puisse  se  servir  pour  garnir  les  compotiers. 

Marmelade  d'abricots  à  la  ménagère.  —  Pour  confectionner 
les  tourtes  et  les  gâteaux,  pour  garnir  les  omelettes  au  sucre  et 
pour  illustrer  les  charlottes,  il  est  bon  de  se  trouver  pourvu 
d'une  confiture  d'abricots  moins  dispendieuse  et  moins  recher- 
chée, quoiqu'elle  soit  d'une  qualité  fort  estimable.  Pour  faire  de 
la  bonne  marmelade  de  ménage,  il  faudra  donc  prendre  i  kilogr. 
de  sucre  pour  1  kilogr.  500  gr.  de  fruits;  on  y  joindra  un  plein 
verre  d'eau  de  rivière  ou  de  fontaine,  et  Ton  fera  bouillir  le  tout 
ensemble  en  ayant  soin  de  bien  écumer  cette  mixtion  et  de  la 
triturer  de  manière  à  ce  qu'il  n'y  reste  aucune  partie  du  fruit  en 
grumeaux.  Comme  on  profite  en  y  laissant  les  peaux  du  fruit,  on 
est  obligé  de  les  faire  bien  cuire  afin  qu'elles  se  dissolvent.  On  y 
joint  ordinairement  les  amandes  des  abricots  que  l'on  sépare  en 
deux  et  qu'on  mêle  dans  la  confiture  après  qu'elle  est  parfaite- 
ment cuite;  il  faut  les  avoir  fait  bouillir  à  part  de  la  marmelade 
avec  un  peu  de  sucre ,  car ,  sans  cette  précaution ,  l'efferves- 
cence naturelle  à  ces  noyaux  ferait  tourner  la  confiture  en  fer- 
mentant et  ne  manquerait  pas  de  chancir  avec  àcreté.  C'est  une 
observation  sur  laquelle  on  se  néglige,  ainsi  que  les  personnes 
délicates  ont  souvent  l'occasion  de  le  remarquer.  Pour  garnir  des 
gâteaux  et  des  tourtes,  il  est  d'un  bon  effet  de  mêler  à  la  mar- 
melade d'abricots  la  chair  de  quelques  pommes  cuites  (au  cuit* 
pomme  et  non  pas  en  compote)  ;  on  ne  saurait  dire  combien  cet 
appendice  est  d'un  bon  résultat  pour  y  donner  plus  de  consis- 
tance dans  le  comestible  et  plus  de  finesse  dans  la  saveur. 

Pâte  d'Q4uvergne  d'abricots.  —  Choisissez  des  abricots 
de  plein  vent,  les  plus  mûrs  et  les  plus  chaudement  colorés. 
Otez-en  les  peaux  et  les  noyaux,  faites-les  dessécher  sur  de  la 
cendre  chaude  et  dans  une  terrine  toute  neuve,  en  les  remuant 
souvent  avec  une  spatule  de  buis  bien  échaudée  de  bonne  lessive. 
Quand  la  dessiccation  sera  presque  totale,  et  que  la  pâte  aura 
pris  une  consistance  assez  solide,  vous  la  jetterez  dans  une  poêle 
à  confitures  où  vous  aurez  fait  monter  du  sucre  à  la  cuisson  de 
la  grande  plume.  Vous  la  mêlerez  fortement,  vous  la  ferez 
chauffer  sans  bouillir,  et  puis  vous  la  dresserez  par  cuill  eré 


ii8  ABRICOT. 


sur  des  lames  d'ardoises ,  afin  de  la  faire  étuver  à  grand  feu. 
Fromage  à  la  crème  aux  abricots  glacés.  —  Moudez  et 
pilez  soigneusement  douze  abricots-pêches,  et  passez-en  la  chair 
au  gros  tamis  de  crin.  Délayez-y  le  jus  de  30  grammes  de  fram- 
boises, et  que  ce  soit  des  blanches,  s'il  est  possible;  ajoutez-y  le 
suc  de  deux  oranges  de  Malte  ou  de  Portugal,  avec  250  grammes 
de  sucre  bien  pilé.  Tenez  ce  mélange  à  la  glace,  et  joignez-y  un 
demi-litre  de  la  meilleure  crème,  la  plus  fraîche  et  la  plus  con- 
sistante; il  faut  qu'elle  soit  à  moitié  glacée  d'avance,  afin  que 
l'acidité  des  fruits  ne  la  fasse  pas  cailler,  et  la  mixtion  doit  en 
être  faite  avec  promptitude.  Mettez  le  tout  dans  une  sorbetière 
avec  salpêtre  et  gros  sel,  ainsi  qu'il  est  usité  pour  les  glaces  et 
les  sorbets. 

Si  nous  ne  donnons  ici  aucune  recette  pour  confectionner 
les  abricots  à  Veau-de-vie.  c'est  que  cette  préparation  vulgaire 
et  surannée  n'est  plus  d'aucun  usage,  excepté  dans  les  cafés  et 
les  restaurants  de  province.  Il  est  universellement  convenu  que 
les  seules  conserves  de  fruits  à  l'eau-de-vie  qui  ne  sont  pas  indi- 
gnes de  considération  ne  sont  que  les  prunes  de  reine-Claude, 
les  merises,  les  azeroles  et  les  petits  citrons  nommés  chinois  par 
les  Provençaux.  Les  abricots,  les  brugnons,  les  pêches  et  les 
autres  gros  fruits  préparés  à  l'eau-de-vie  ne  paraissent  jamais  à 
Paris  sur  une  bonne  table,  et,  quant  à  l'instruction  gastrono- 
mique, ou  plutôt  à  la  direction  industrielle  de  messieurs  les  con- 
fiseurs ou  limonadiers,  on  doit  supposer  qu'ils  ont  des  livres 
élémentaires  avec  des  recettes  traditionnelles  qui  suppléeront  à 
cette  omission  de  notre  part,  omission  que  la  meilleure  partie  de 
nos  lecteurs  n'aura  pas  à  nous  reprocher,  puisque  c'est  le  bon 
goût  qui  l'a  prescrite. 

Pour  compléter  cette  nomenclature,  nous'  croyons  devoir 
ajouter  ici  la  prescription  d'une  tisane  aux  abricots,  qui  est  fort 
usitée  dans  l'Asie  Mineure,  et  qu'on  dit  souveraine  en  cas  d'en- 
flammation  de  l'estomac  et  des  entrailles.  En  voici  la  recette, 
ainsi  qu'elle  est  formulée  dans  le  quatre-vingt-dix-neuvième 
numéro  du  Spectateur  ottoman  : 

*i  Tu  feras  cuire  et  vivement  bouillir  des  abricots,  cinq  gros 
ou  six  moyens,  ou  bien  dix  à  douze  petits  qui  soient  dépouillés  de 


ABSINTHE.  119 


leurs  robes  tigrées,  et  vidés  de  leurs  cœurs  de  bois.  Ce  sera  dans 
une  mesure  d*eau  purifiée,  par  le  moyen  que  tu  Tauras  fait 
bouillir  d'avance  avec  quelques  feuilles  d'oseille.  Tu  n'omettras 
pas  d'y  joindre  une  poignée  d'orge,  avec  sept  grains  de  maïs,  et 
trois  pincées  de  fine  graine  de  lin  d'Europe.  Après  une  demi- 
heure  de  cuisson,  tu  la  retireras  de  son  marc,  et  tu  la  feras  boire 
en  y  délayant  du  miel  clarifié.  Peu  de  miel,  et  bonne  espérance 
avec  pleine  confiance!  » 

C'est  cet  arbrisseau  qui  fournit  les  graines  rouges  marquées 
d'un  point  noir,  que  vendent  les  marchands  de  curiosités,  et  avec 
lesquelles  on  fait  des  colliers  et  des  chapelets  aux  enfants. 

ABRUS.  —  Petit  arbre  qui  croît  en  Amérique  et  dans  l'Inde. 
Sa  racine,  qui  fait  une. partie  de  la  nourriture  des  Indous,  a  une 
saveur  sucrée  :  elle  est  nutritive  et  adoucissante. 

Elle  se  mange  crue. 

ABSINTHE.  —  Plante  vivace,  dont  les  feuilles  sont  fort 
amères;  on  la  trouve  dans  toute  l'Europe;  dans  le  Nord,  on  en 
fait  un  vin  appelé  vermouth. 

Il  y  a  deux  sortes  d'absinthe  :  la  grande  absinthe,  appelée 
absinthe  romaine ,  la  petite,  appelée  absinthe  pontique  ou  petite 
absinthe;  on  connaît  aussi  cette  plante  sous  le  nom  dabsinthe 
marine,  on  mange  avec  plaisir  celle  qui  vient  sur  le  bord  de 
la  mer  et  sur  les  montagnes ,  et  c'est  à  cette  dernière  surtout, 
que  la  chair  des  animaux  doit  ce  goût  si  estimé  des  gourmands 
connu  sous  le  nom  de  pré-salé. 

Quoique  tous  les  dispensaires  vantent  l'absinthe  comme 
fortifiant  Testomac  et  aidant  la  digestion,  quoique  l'école  de 
Salerne  recommande  l'absinthe  comme  un  préservatif  du  mal  de 
mer,  il  est  impossible  de  ne  pas  déplorer  les  ravages  que  l'ab- 
sinthe a  faits  depuis  quarante  ans,  parmi  nos  soldats,  et  parmi 
nos  poètes,  et  il  n'y  a  pas  un  chirurgien  de  régiment  qui  ne  nous 
dise  que  l'absinthe  a  tué  plus  de  Français  en  Afrique  que  la 
flitta,  \e  yatagan,  ou  le  fusil  des  Carabes. 

L'absinthe,  parmi  nos  poëtes  bohèmes,  a   reçu  le   nom  de 
muse  verte;  plusieurs  qui  n'étaient  pas  des  derniers,  par  mal-        Y 
heur,  sont  morts  des  embrassements  empoisonnés  de  cette  muse. 
Hégésippe   Moreau,  Amédée  Roland,  Alfred  de  Musset,  notre 


lao  ACALOT. 


plus  grand  poëte,  après  Hugo  et  Lamartine,  ont  succombé  au 
désastreux  effet  de  cette  liqueur. 

Cette  fatale  passion  de  de  Musset  pour  1  absinthe,  qui  peut- 
être  d'ailleurs  a  donné  à  ses  vers  une  si  amère  saveur,  a  fait 
descendre  la  grave  Académie  au  calembour  par  approximation; 
en  effet,  de  Musset  manquait  beaucoup  de  séances  académiques, 
ne  se  reconnaissant  point  en  état  d'y  assister. 

«  En  vérité^  dit  un  jour  à  M.  Villemain  un  des  qua- 
rante, ne  trouvez-vous  point  qu'Alfred  de  Musset  s'absente  un 
peu  trop? 

—  Vous  voulez  dire  s' absinthe  un  peu  trop.  » 

Mais  Tabsinthe  a  pour  elle  un  défenseur  compétent,  c'est 
l'auteur  des  Mémoires  de  la  marquise  de  Créqui,  lequel  prétend 
qu'un  petit  verre  d'absinthe  au  candi  ne  peut  qu'aider  à  la  diges- 
tion. Voici  la  recette  qu'il  donne  : 

Crème  d'absinthe  au  candi.  —  Prenez  eau-de-vie,  8  litres; 
sommités  d'absinthe  rectifiée,  500  grammes;  zestes  de  4  citrons 
ou  oranges;  eau  de  rivière,  4  litres;  sucre,  3  kilogrammes 
500  grammes. 

Vous  distillez  au  bain-marie  l'eau-de-vie,  l'absinthe  et  les 
zestes,  pour  retirer  quatre  litres  de  liqueur;  lorsque  le  sucre  est 
fondu,  vous  opérez  le  mélange  que  vous  filtrez. 

L'absinthe  est  défendue  maintenant  dans  toutes  les  cantines 
militaires. 

ACACIE  A  FRUITS  SUCRÉS.  —  A  Saint-Domingue,  on 
donne  le  nom  de  pois  sucrin  à  des  fruits  longs  et  cannelés,  con- 
tenant une  pulpe  spongieuse  blanche  et  sucrée  qu'on  mange  avec 
plaisir;  c'est  un  grand  arbre  qui  la  produit. 

oAcacie  du  Sénégal.  —  L'arbre  fournit  une  glande  très- 
nourrissante  et  qui  rafraîchit  en  même  temps.  Les  Maures  et  les 
Arabes  la  mangent  surtout  dans  les  grandes  chaleurs.  Cette 
gomme  est  plus  estimée  que  celle  que  l'on  nomme  gomme 
arabique. 

ACALOT  ou  CORBEAU  AQUATIQUE,  espèce  de  courlis. 
—  On  lui  donne  ce  nom  de  corbeau  aquatique,  à  cause  de  la 
ressemblance  qu'il  a  avec  le  corbeau  ordinaire;  il  a  environ  trois 
pieds  de  longueur,  ses  nuances  donnent  en  général  des  reflets 


ACARNÉ.  lai 

verts  et  pourprés  sur  un  fond  sombre  et  approchant  du  noir,  il  ne 
vit  que  de  poissons,  et  habite  le  long  des  lacs. 

C'est  un  oiseau  triste  et  sombre  qui  porte  malheur,  dit-on; 
sa  chair  a  une  odeur  acre  et  marécageuse,  qui  la  rend  fort  désa- 
gréable au  goût;  quoi  qu'il  en  soit,  les  Mexicains  qui  en  mangent 
quelquefois  la  trouvent  assez  bonne. 

ACANTHE.  —  Plante  fort  célèbre  dans  l'histoire  des 
Beaux- Arts;  et  dont  les  feuilles  très-grandes,  lisses,  agréable- 
ment découpées,  servaient  à  couronner  les  colonnes  corinthiennes 
à.cause  de  leur  beauté  et  de  leur  agrément. 

Vitruve  raconte  de  la  manière  suivante  l'origine  de  l'intro- 
duction de3  feuilles  d'acanthe  comme  ornement  dans  V ordre 
corinthien  :  «  Une  jeune  Corinthienne  étant  morte  peu  de  jours 
avant  un  heureux  mariage,  sa  nourrice  désolée  mit  dans  une 
corbeille  divers  objets  que  la  jeune  fille  avait  aimés,  la  plaça  sur 
son  tombeau,  et  la  couvrit  d'une  large  tuile  pour  préserver  ce 
qu'elle  contenait  des  injures  du  temps.  Le  hasard  voulut  qu'un 
pied  d'acanthe  se  trouvât  sous  la  corbeille.  Au  printemps  sui- 
vant,  l'acanthe  poussa,  ses  larges  feuilles  entourèrent  la  cor- 
beille, mais  arrêtées  par  les  rebords  de  la  tuile,  elles  se  cour- 
bèrent et  s'arrondirent  vers  leurs  extrémités.  Callimaque  passant 
près  de  là,  admira  cette  décoration  champêtre,  et  résolut 
d'ajouter  à  la  colonne  corinthienne  la  belle  forme  que  le  hasard 
lui  offrait.  » 

L'acanthe  est  assez  commune  en  Grèce,  en  Italie,  en  Espa- 
gne, et  dans  la  France  méridionale,  mais  il  n'y  a  guère  qu'en 
Grèce*et  en  Arabie,  que  l'on  mange  crues  les  feuilles  de  cette 
plante. 

ACAPALTI.  —  C'est  cette  espèce  de  poivre  long,  arrondi- 
et  de  couleur  rouge  qui  croît  dans  la  nouvelle  Espagne,  et  que 
\^  Espagnols  mêlent  à  tous  leurs  ragoûts.  Sa  propriété  excitante 
qui  ^sX  moindre  que  celle  du  poivre  long  ordinaire  se  rapproche 
du  papricao  hongrois  ;  on  le  fait  sécher  au  soleil  pour  le  conser- 
ver et  l'envoyer  en  Europe. 

ACARNE.  —  Poisson  du  genre  de  la  dorade,  écailleux  et 
de  couleur  blanche,  mais  lui  ressemblant  tellement  qu'à  Rome 
on  le  vend  sous  ce. nom.  La  chair  en  est  tendre,  de  bon  goût  et 


} 


122  ACHARDS. 


de  digestion  facile.  Suivre  pour  la  manière  de  le  servir  toutes  les 
.  prescriptions  de  la  dorade. 

ACCIOCA.  —  Herbe  qui  remplace  le  thé  du  Paraguay  au 
Pérou  et  qui  se  prépare  comme  lui. 

ACCOLA.  —  Poisson  plus  petit  que  le  thon.  On  le  pêche 
surtout  aux  environs  de  l'île  de  Malte,  la  chair  en  est  fort 
blanche  et  fort  délicate.  On  en  mange  beaucoup  dans  cette  île- 
(Voir  pour  les  préparations  culinaires  le  mot  Thon.) 

ACELINE.  —  Poisson  qui  ressemble  à  la  perche  et  qui 
demande  les  mêmes  préparations  culinaires.  {V.  Perche.) 

ACETO-DOLCE.  —  Conserve  de  certains  fruits  et  de  petits 
légumes.  On  les  fait  confire  au  vinaigre  comme  les  cornichons, 
puis  on  y  ajoute  un  résidu  de  vin  nouveau  et  cuit  qu'on  a  fait 
bouillir  jusqu'à  réduction  à  la  consistance  de  sirop. 

Le  meilleur  acéto-dolcé  se  confectionne  avec  des  quartiers 
de  coings  et  du  moult  de  raisin  muscat  ou  du  miel  de  Narbonne, 
le  miel  de  Corse  vaut  mieux,  mais  il  est  un  peu  plus  amer. 

ACHANACA.  —  Cactus  qui  n'a  encore  été  décrit  que  par 
le  professeur  Aulagnier.  Il  pousse  dans  la  province  de  Potoxi  au 
Pérou  ;  sa  racine  épaisse  et  charnue,  de  forme  conique,  est  égale- 
ment bonne  cuite  et  crue  ;  on  la  trouve  sur  tous  les  marchés. 

ACHARDS.  —  Composition  bien  connue  qui  nous  vient  des 
Indes  orientales  et  qui  porte  le  nom  de  son  inventeur. 

Les  meilleurs  achards  se  tirent  de  l'île  Bourbon.  Il  ne  s'agît 
donc  que  d'émincer  finement  des  tranches  de  courge  et  des  lames 
de  cardes  poirées,  vous  y  ajouterez  des  oignons  blancs,  des  cham- 
pignons, des  choux  palmistes,  des  choux-fleurs,  du  maïs  au  tiers 
de  sa  maturité,  etc.  ;  on  colore  le  tout  avec  du  safran,  et  l'on 
fait  confire  au  sel  et  au  vinaigre  d'Orléans,  en  salant,  en  poi- 
vrant et  en  conduisant  ce  mélange  à  la  manière  des  cornichons. 
Vous  le  compléterez  avec  de  la  racine  de  gingembre  et  quelques 
piments  rouges. 

On  mange  les  achards  de  trois  façons,  en  les  tirant  tout  sim- 
plenaent  de  leur  bocal,  en  les  coupant  par  morceaux,  et  en  les 
mêlant  à  toute  sorte  de  viande  rôtie  ou  bouillie. 

En  les  faisant  égoutter,  en  les  étanchant  à  la  serviette,  et  en 
les  imprégnant  ensuite  de  bonne  huile  verte. 


ADANE.  133 


Enfin,  en  les  accommodant  au  lieu  d'huile  verte  avec  de  la 
double  crème  de  lait  de  chèvre,  c'est  ce  qu'on  appelle  dans  les 
colonies  à  la  cucoco;  cette  dernière  recette  a  été  communiquée 
aux  gastronomes  européens,  par  M.  le  marquis  de  Sercey,  vice- 
amiral  et  ancien  gouverneur  des  Indes  françaises,  auquel  nous 
devons  l'aya-pana  qu'il  a  apportée  le  premier  en  France.  {V.  Aya- 

■ 

PANA.^ 

ACHIAR.  — Espèce  de  confiture  au  vinaigre,  faite  avec  des 
rejetons'  de  bambous  encore  verts  ;  les  Hollandais  qui  en  font  un 
très-grand  usage  pour  assaisonner  leurs  mets,  l'apportent  des 
Indes  orientales  où  elle  se  fabrique  dans  des  urnes  de  terre.  Ce 
condiment  est  très-âcre,  très-échaufFant,  et  ne  peut  convenir 
qu'aux  tempéraments  phlegmatiques  et  aux  vieillards. 

ACOHO.  —  Petit  coq  de  Madagascar,  dont  la  chair  ainsi 
que  celle  de  la  poule  est  assez  bonne  à  manger,  et  approche 
comme  goût  de  celle  du  canard  sauvage.  Les  œufs  de  la  f>oule  ne 
sont  pas  bons  à  manger,  mais  ils  sont  tellement  petits  qu'elle  peut 
en  couver  une  trentaine  à  la  fois. 

ACTINIE.  —  Vulgairement  appelée  ortie  de  mer.  anémone 
de  mer^  à  cause  de  sa  ressemblance  avec  l'ortie  et  l'anémone. 
Elle  se  compose  d'une  masse  charnue  très-contractile,  couronnée 
à  son  sommet  par  un  grand  nombre  de  tentacules  ;  au  centre 
est  une  ouverture  qui  sert  à  la  fois  de  bouche  et  d'anus.  L'actinie 
se  fixe  par  la  base,  soit  sur  le  sable,  soit  aux  rochers  qui  bordent 
les  côtes  à  une  faible  profondeur,  et  son  adhérence  y  est  si  forte 
qu'on  la  déchire  plutôt  que  de  l'arracher.  Les  actinies  sont  très- 
nombreuses  sur  les  rivages  de  France  où  leurs  brillantes  couleurs 
variées  les  font  prendre  souvent  pour  des  fleurs. 

L'odeur  et  la  saveur  de  l'actinie  approchent  de  celles  des 
crabes  et  des  crevettes  dont  elle  a  les  propriétés,  et  les  habitants 
des  côtes  du  midi  de  la  France  la  recherchent  et  en  mangent 
avec  délices. 

ADANE.  —  Poisson  monstrueux  et  ressemblant  beaucoup  à 
l'esturgeon.  On  en  a  péché  qui  pesaient  plus  de  500  kilogrammes. 
Ce  poisson  ne  vit  que  dans  le  Pô,  et  Pline  dit  que  l'oisiveté  l'en- 
graisse. Sa  chair  ne  vaut  pas  celle  de  l'esturgeon  ;  elle  a  un  assez 
bon  goût,  quoique  molle,  et  est  en  outre  de  fort  difficile  digestion. 


124  AGAMI. 

yEGLEFIN.^ —  Espèce  de  poisson  du  genre  des  gades  qui 
ressemble  à  la  morue  ;  il  fréquente  nos  côtes  où  on  le  pêche  de 
la  même  manière  que  la  morue.  Sa  chair  varie  selon  son  âge, 
selon  le  parage  où  on  le  pêche,  selon  son  sexe,  et  selon  Tépoque 
de  Tannée.  Il  est  ordinairement  de  6  à  7  mètres  de  long  et  du 
poids  de  5  à  7  kilogr.  Il  fraye  en  mer,  et  on  le  trouve  à  certaines 
époques  en  nombre  si  considérable,  que,  dans  l'espace*  d'un  mille 
d'Angleterre,  trois  pêcheurs  peuvent  en  remplir  leurs  barques 
deux  fois  par  jour. 

AGAMI.  —  Genre  d'oiseau  de  Tordre  des  échassiers.  On  le 
trouve  sur  les  montagnes  arides  et  dans  les  hautes  forêts;  à  Tétat 
sauvage,  cet  oiseau  vit  en  troupes  nombreuses  dans  les  forêts  de 
la  Guyane,  mais  on  le  réduit  facilement  à  la  domesticité,  et 
alors  son  intelligence,  ses  qualités,  lui  assignent  le  premier  rang 
parmi  les  oiseaux  de  basse-cour. 

Daubenton  dit  que  «  TAgami  est  le  plus  intéressant  de 
tous  les  oiseaux  par  les  éloges  que  Ton  en  &it  :  on  le  compare 
au  chien  pour  l'intelligence  et  la  fidélité;  on  lui  donne  une 
troupe  de  volailles  et  même  un  troupeau  de  moutons  à  garder,  et 
1  il  se  fait  obéir,  quoiqu'il  ne  soit  guère  plus  gros  qu'une  poule. 

L'agami  est  aussi  curieux  qu'utile  ;  il  mérite  de  trouver  place 
dans  toutes  les  basses-cours.  » 

L'agami,  en  effet,  n'a  pas  plus  de  six  décimètres  environ  de 
hauteur  et  sept  décimètres  de  longueur;  son  bec  conique  est  d'un 
vert  sale,  ses  yeux,  dont  Tiris  est  jaune  brun,  sont  entourés  d'un 
cercle  nu  et  rougeâtre,  des  plumes  courtes  et  frisées  lui  recou- 
vrent la  tête  et  les  deux  tiers  supérieurs  du  cou,  dont  le  tiers 
inférieur  est  garni  de  plumes  plus  grandes,  non  frisées  et  d'un 
violet  noir.  La  gorge  et  le  haut  de  la  poitrine  présentent  une 
sorte  de  plastron  brillant  des  plus  riches  reflets  métalliques,- le 
reste  de  la  poitrine,  le  ventre,  les  flancs  et  les  cuisses  sont  noirs 
ainsi  que  la  queue  et  les  ailes. 

Me  trouvant  un  jour  à  dîner  chez  un  de  mes  amis  à  la  cam- 
pagne, nous  vîmes  entrer  peu  après  que  la  cloche  annonçant 
l'heure  du  dîner  avait  sonné ,  un  de  ces  oiseaux  qui,  à  peine 
entré  dans  la  salle  à  manger,  se  mit  à  en  chasser  les  chiens  et 
chats,  en  les  poursuivant  à  coups  de  bec  sans  que  ni  chiens  ni 


AGARIC. 


135 


chats  osassent  lui  résister;  cela  fait,  il  vint  à  chacun  de  nous, 
nous  regarda,  et  satisfait  sans  doute  de  son  examen  il  se  dirigea 
vers  le  maître  de  la  maison  et  lui  présenta  sa  tête  et  son  cou  que 
le  maître  s'empressa  de  gratter. 

Peu  habitués  à  voir  un  oiseau,  gros  tout  au  plus  comme  un 
canard,  agir  de  cette  façon,  avec  les  chiens  et  les  chats,  et  dési- 
reux d'apprendre  quel  était  ce  curieux  animal,  nous  priâmes 
notre  ami  de  nous  donner  quelques  renseignements  à  cet 
égard. 

Il  nous  raconta  alors  que  pendant  qu'il  voyageait  dans  la 
Guyane  française,  ilj  avait  remarqué  à  Cayenne  plusieurs  de  ces 
oiseaux  précédant  ou  suivant  des  colons  avec  des  marques  de 
profonde  satisfaction  ;  puis  il  en  avait  remarqué  d'autres  condui- 
sant et  gardant  des  troupes  de  canards  et  de  dindons,  faisant 
rentrer  à  l'heure  habituelle  les  oiseaux  qui  leur  étaient  confiés, 
et  allant  ensuite  se  percher  sur  le  toit  ou  sur  quelque  arbre  voi- 
sin. Alors  la  curiosité  l'avait  pris ,  et  désirant  s'attacher  deux 
de  ces  précieux  animaux,  il  avait  prié  un  de  ses  amis  de  les  lui 
céder,  il  les  avait  ramenés  en  France  après  avoir  craint  pour 
eux  une  traversée  toujours  dangereuse,  et  arrivé  dans  sa  cam- 
pagne, il  avait  été  tout  étonné  de  voir  que  ses  nourrissons  lui 
étaient  déjà  très-fortement  attachés  et  le  suivaient  partout.  Il  les 
avait  fait  mettre  dans  la  basse-cour  avec  les  autres  volailles  où 
ils  n'avaient  pas  tardé  à  régner  en  maîtres.  Puis  tous  les  soirs  au 
moment  où  la  cloche  du  dîner  sonnait,  on  voyait  arriver  les  deux 
agamis  qui  poursuivaient  impitoyablement  les  chiens  jusque  dans 
leur  chenil ,  et  revenaient  ensuite  se  faire  gratter  la  tête  et  le 
cou  par  leur  maître,  caresse  à  laquelle  ils  sont  très-sensibles. 

Notre  ami  finit  en  nous  disant  d'une  façon  très-triste  qu'il 
avait  perdu,  il  y  avait  quelques  jours  à  peine,  un  de  ses  agamis 
qui  s'était  cassé  les  reins  en  tombant  du  toit,  et  qu'il  avait  eu  la 
gourmandise  de  goûter  à  sa  chair  ;  il  l'avait  trouvée  délicieuse 
et  bien  certainement  préférable  à  celle  de  la  plupart  de  nos 
poulets. 

La  chair  de  l'agami  est  en  effet  très-délicate  et  très-recher- 
chée. 

AGARIC.  —  Genre  de  plante  appartenant  à  la  famille  des 


126  AGARIC. 


champignons  ;  il  y  en  a  de  différentes  espèces,  et  il  faut  bien  se 
garder  de  confondre  avec  les  vénéneux  ceux  dont  on  se  sert  pour 
assaisonner  les  sauces. 

Parmi  les  espèces  d'agarics  les  plus  recherchées  comme  ali- 
ment, nous  citerons  :  U agaric  comestible^  champignon  de 
couche^  dont  le  pédicule  est  blanc,  court  et  charnu  ;  il  soutient 
un  chapeau  de  couleur  fauve,  couvert  d'une  pellicule  qui  s'en- 
lève facilement.  Ses  lames  sont  rougeàtres  à  la  naissance,  puis 
pourpres  ou  noires ,  sa  chair  ferme  et  cassante  ;  c'est  la  seule 
espèce  qu'il  soit  permis  de  vendre  sur  le  marché  de  Paris. 

L'agaric  mousseron  est  d'un  blanc  jaunâtre  à  sa  surface, 
son  chapeau  est  presque  sphérique  et  large  de  quatre  centi- 
mètres. Il  est  très-commun  au  printemps  et  pendant  une  partie 
de  l'été  dans  les  bois  découverts,  les  friches,  les  prés  secs.  On  le 
préfère  jeune  et  frais  ;  il  entre  dans  les  ragoûts  comme  assaison- 
nement. Pour  le  conserver,  on  l'enfile  par  le  pied  et  ofl  le  laisse 
dessécher.  Jusqu'à  présent,  on  a  essayé  inutilement  de  le 
cultiver. 

U agaric  faux  mousseron  se  reconnaît  à  sa  couleur  d'un 
jaune  pâle,  tirant  sur  le  roux,  à  son  pédicule  très-grêle,  à  son 
chapeau  convexe  mamelonné  au  centre,  large  de  quatre  à  cinq 
centimètres.  Sa  chair  est  dure,  mais  assez  savoureuse,  et  d'une 
odeur  agréable. 

V oronge  est  d'une  odeur  et  d'un  goût  très-agréables  ;  mal- 
heureusement, on  peut  très-facilement  la  confondre  avec  V agaric 
moucheté  ou  fausse  oronge  qui  est  extrêmement  vénéneux.  En 
Allemagne  ce  dernier  sert  à  tuer  les  mouches. 

VagdLric  du  houx  qui  croît  en  été  sous  les  buissons  de 
houx  est,  suivant  Persoon,  un  de  nos  meilleurs  champignons. 

V agaric  élevé  est  l'espèce  la  plus  haute  du  genre;  son 
pédicule  est  très-long,  son  chapeau  roussâtre  un  peu  panaché  ;  il 
croît  en  été  dans  les  bois  et  les  champs  sablonneux;  on  le  mange 
en  beaucoup  d'endroits. 

Il  y  a  encore  une  quantité  considérable  d'agarics,  servant  à 
la  nourriture  de  l'homme,  mais  il  est  préférable  de  s'en  tenir  à 
ceux  que  nous  venons  d'indiquer,  les  autres  étant  peu  savoureux 
ou  très-difficiles  à  distinguer  des  mauvaises  espèces. 


AGAVE. 


lay 


Parmi  les  agarics  vénéneux,  on  distingue  :  Vagaric  meur- 
trier; il  en  découle  un  suc  laiteux^  acre  et  caustique.  Dans  le 
cas  d'empoisonnement,  le  remède  le  plus  usité  est  Thuile  d'olive, 
prise  en  lavement  et  en  boisson  ;  on  administre  aussi  le  vinaigre 
comme  antidote;  Vagaric  caustique^  qui  croît  dans  les  bois;  sa 
couleur  est  d'un  jaune  livide  terreux;  Vagaric  acre ,  blanc,  à 
lames  jaunâtres  et  rougeâtres,  distillant  un  suc  laiteux  très-acre, 
ce  qui  n'empêche  pas  qu'il  soit  souvent  rongé  par  les  lièvres  et 
les  lapins,  etc.,  etc. 

On  a  distingué  parmi  les  agarics  un  groupe  assez  remar- 
quable par  la  propriété  de  se  fondre  en  une  eau  noire  à  Tépoque 
de  sa  destruction.  La  plupart  de  ces  champignons  croissent  dans 
des  lieux  infects,  sur  les  substances  putrides;  leur  existence  est 
d'ordinaire  de  courte  durée  :  par  exemple,  Vagaric  éphémère^  qui 
ne  dure  qu'un  jour. 

Il  existe  encore  des  agarics  caractérisés  par  des  qualités  par- 
ticulières. Vagaric  styp tique ^  lorsqu'on  le  mâche,  produit,  au 
bout  de  quelques  instants,  un  étranglement  analogue  à  celui 
du  vitriol.  La  saveur  de  Vagaric  fétide  est  poivrée. 

Nous  avons,  enfin,  Vagaric  laciniatus  qui  croît  sur  le  tronc 
des  palmistes  qui  pourrissent  en  terre  et  qui,  selon  Commerson, 
donne  un  goût  de  morille  aux  aliments. 

L'agaric  hépatique^  substance  molle,  superficie  gluante 
rouge  brun,  un  peu  velue,  pores  d'un  blanc  sale  tirant  sur  le 
jaune  ;  il  a  la  forme  d'un  foie  de  bœuf,  on  le  trouve  au  pied  des 
arbres;  il  est  très-vénéneux  et  susceptible  de  se  gonfler  dans 
Testomac. 

U agaric  du  peuplier  de  bois,  qui  ressemble  beaucoup  à  la 
truffe  visqueuse  quoique  plus  charnu,  plus  sec  et  plus  relevé. 
A  peine  est-il  cueilli  ou  même  en  pleine  maturité,  que  le  dessus 
de  son  écusson  devient  d'un  blanc  sale.  Si  on  le  casse,  sa  chair 
prend  une  couleur  blanche  à  laquelle  succède  bientôt  une  teinte 
bleue.  Si  on  exprime  le  suc  aqueux,  à  l'instant  il  prend  une 
teinte  bleuâtre  qui  colore  la  toile.  Cet  agaric  est  très-recherché 
en  Russie,  où  l'on  mange  impunément  les  plus  pernicieux. 

AGAVE.  —  Genre  de  plante  à  feuilles  épaisses,  allongées, 
àl)ords  épineux,  et  qu'on  a  longtemps  confondu  avec  Taloès. 


a8  AGNEAU. 


Cette  plante  est  très-abondante  à  Cuba  et  au  Mexique,  et 
ses  tiges  contiennent  une  sève  sucrée  avec  laquelle  on  prépare  un 
vin  qu'on  nomme  pulque^  dont  les  propriétés  sont  toniques  et 
restaurantes,  mais  dont  le  goût  est  peu  agréable  et  donne  une 
odeur  fétide  à  Thaleine  de  ceux  qui  en  boivent  immodérément. 
Les  peuples  de  Cuba  et  du  Mexique  aiment  si  fort  cette  espèce 
de  vin,  qu'ils  s'en  procurent  aux  dépens  de  leurs  subsistances  et 
même  de  leurs  vêtements. 

Les  fibres  des  feuilles  de  l'agave  sont  longues,  fortes  et 
déliées;  on  en  fabrique  des  cordes,  des  filets  de  pêcheurs,  des 
tapis,  des  toiles  d'emballage,  des  pantoufles ,  du  papier  et  divers 
autres  ouvrages.  On  dégage  les  fibres  en  faisant  rouir  les  feuilles, 
comme  du  chanvre ,  dans  une  eau  stagnante  ou  dans  du  fumier  ; 
on  les  écrase  entre  deux  cylindres  ;  on  les  lave ,  on  les  bat  et  on 
les  peigne  à  plusieurs  reprises  pour  les  nettoyer  et  leur  donner 
de  la  souplesse. 

On  retire  encore  des  feuilles  de  l'agave  par  la  trituration,  un 
suc  que  l'on  passe  à  la  chaux  et  que  l'on  fait  épaissir  par  l'éva- 
poration  après  y  avoir  ajouté  une  certaine  quantité  de  cendres. 
C'est  une  sorte  de  savon  qu'on  emploie  pour  laver  le  linge. 

On  se  sert  aussi  des  feuilles  de  Tagave  pour  couvrir  les 
toits. 

AGNEAU.  —  C'est  du  mois  de  décembre  au  mois  d'avril 
que  la  chair  d'agneau  est  bonne;  il  faut  que  l'agneau  ait  au 
moins  cinq  mois  et  qu'il  n'ait  été  nourri  que  de  lait. 

On  donne  au  nom  de  cette  charmante  petite  bête  une  ori- 
gine toute  poétique  :  selon  les  étymologistes  bucoliques ,  il  vien- 
drait du  verbe  agnoscere^  reconnaître,  parce  que,  tout  petit,  il 
reconnaît  sa  mère. 

En  effet,  à  peine  peut-il  marcher  qu'il  la  suit  en  chancelant 
et  en  bêlant.  Inutile  de  dire  que  c'est  le  petit  de  la  brebis  et  du 
bélier. 

L'agneau  de  toute  antiquité  et  aujourd'hui  encore  a  été  et 
est  le  mets  le  plus  recherché  d'Orient.  Les  Grecs  l'estimaient  fort, 
et  ils  donnaient  peu  de  festins  sans  qu'un  agneau  rôti  en  fût  le 
plat  le  plus  important.  L'abus  de  cette  chair  était  l'un  des  excès 
gourmands  qu'un  prophète  reprocha  aux  Samaritains.  Sa  chair 


AGNEAU.  129 


est  blanche,   mais  muqueuse,  et  dans  la  suite  cette  chair  fut 
défendue  aux  Athéniens. 

Dans  les  temps  primitifs,  alors  que  les  échanges  commer- 
ciaux servaient  souvent  de  monnaie,  Abraham  donna  sept  agneaux 
au  roi  Abimeleck,  en  témoigne  de  son  alliance.  Jacob,  pour  un 
champ  qu'il  acheta  aux  enfants  d'Hémor,  leur  en  donna  deux 
cents. 

Qâgneau  à  la  Hongroise.  —  Coupez  une  douzaine  de  gros 
oignons  d'Espagne  en  rouelles,  joignez-y  un  morceau  de  beurre 
en  rapport  avec  la  masse  des  oignons;  faites  un  roux  avec  un  peu 
de  farine,  votre  beurre  et  vos  oignons.  Ayez  soin  que  les  oignons 
roussissent,  mais  ne  brûlent  pas;  mettez-y  un  bouquet  assorti, 
salez  et  poivrez,  ajoutez-y  une  bonne  pincée  de  poivre  rouge 
hongrois ,  à  défaut  duquel  vous  mettrez  quelques  atomes  de 
poivre  de  Cayenne;  pendant  ce  temps  vous  avez  taillé  votre  poi- 
trine d'agneau  en  morceaux  grands  comme  des  tablettes  de  cho- 
colat et  vous  Tavez  fait  revenir  dans  du  beurre  frais.  Quand  vous 
le  jugez  bien  revenu,  vous  versez  sur  votre  agneau  et  sur  votre 
beurre  frais  le  contenu  de  la  casserole  où  vous  avez  fait  votre 
roux  d'oignons  avec  votre  bouquet  assorti.  Puis ,  comme  les 
oignons  ne  cuisent  que  mouillés  d'eau  ou  de  bouillon  et  dans  le 
beurre,  ne  feraient  que  rissoler,  vous  versez,  de  quart  d'heure  en 
quart  d'heure,  un  quart  de  verre  à  boire  de  bon  consommé,  laissez 
mijoter  cinq  quarts  d'heure  et  servez. 

C'est  un  des  meilleurs  plats  que  j'aie  mangés  en  Hongrie. 

Tascaline  d'agneau  à  la  royale.  —  L'habitude  de  servir 
un  agneau  entier  le  jour  de  Pâques,  s'est  conservée  en  France 
jusque  sous  Louis  XIV  et  même  sous  Louis  XV.  Voici  comment 
on  confectionnait  ce  plat  qui  nous  venait  directement  des  agapes 
des  premiers  chrétiens. 

On  désossait  le  collet  d'un  agneau  de  six  mois;  on  brisait  la 
poitrine  dans  laquelle  on  ajustait  les  épaules  bridées  avec  des 
ficelles;  on  brisait  les  deux  manches  des  gigots  qu'on  assujetis- 
sait  de  même.  On  lie  remplissait  d'une  farce  composée  de  chair 
d'agneau  pilée,  de  jaunes  d'œufs  durs,  de  mie  de  pain  rassis  et  de 
fines  herbes  hachées  et  assaisonnées  des  quatre  épices.  On  lardait 
finement  la  chair  de  l'agneau ,  on  le  faisait  rôtir  à  grand  feu  et 

9 


Y 


ijo  AGNEAU. 


on  le  servait  tout  entier  pour  gros  plat,  en  relevé  de  potage,  soit 
sur  une  sauce  verte  avec  des  pistaches,  soit  sur  un  ragoût  de 
truffes,  au  coulis  de  jambon.  L'usage  de  servir  cet  ancien  plat 
pour  les  dîners^  royaux  du  jour  de  Pâques  s'est,  comme  nous 
Tavons  dit,  perpétué  longtemps  à  la  cour  de  France  et  est  encore 
suivi  dans  les  grandes  maisons  qui  ont  conservé  les  traditions 
aristocratiques  et  religieuses  du  xviii*  siècle. 

Grosse  pièce  d'agneau  aux  tomates  farcies.  —  Prenez  la 
moitié  d'un  agneau,  la  partie  inférieure,  retroussez-là,  et  enve- 
loppez-là  de  papier  beurré,  faites  rôtir  à  point,  débrochez, 
dressez  et  glacez,  mettez  des  papillotes  au  manche  du  gigot, 
garnissez  votre  moitié  d'agneau  de  tomates  farcies  et  servez  à 
part  une  sauce  à  la  Uxelles. 

Ce  qui  a  valu  à  M.  le  maréchal  d'Uxelles  l'honneur  de 
donner  son  nom  à  une  sauce,  ce  n'est  pas  d'avoir  perdu  la  bataille 
de  Rosbach  comme  M.  de  Soubise,  ou  d'avoir  gagné  la  bataille 
de  Fontenoy  comme  M.  de  Richelieu,  c'est  tout  simplement  une 
anecdote  racontée  je  crois  par  Saint-iSimon. 

M"®  Choin,  maîtresse  du  grand  Dauphin,  avait  un  petit 
chien  qu'elle  adorait,  et  qui  estimait  tout  particulièrement  les 
têtes  de  lapins  rôties;  tous  les  jours  M""  Choin  recevait  de  M.  le 
maréchal  d'Uxelles  une  visite,  à  la  fin  de  laquelle  il  tirait  de  sa 
poche  un  mouchoir  de  batiste  d'une  blancheur  éclatante  dans 
lequel  étaient  renfermées  deux  têtes  de  lapins  rôties. 

La  bonne  M^'®  Choin  était  on  ne  peut  plus  sensible  à  cette 
marque  d'attention,  et  elle  n'avait  pas  peu  servi  à  remettre 
M.  le  maréchal  d'Uxelles  en  faveur,  après  la  reddition  de  la 
ville  de  Mayence. 

Un  beau  jour,  le  grand  Dauphin  mourut;  le  lendemain, 
le  surlendemain  et  les  jours  suivants,  elle  attendit  vainement  le 
maréchal  :  elle  ne  revit  jamais  ni  le  marquis  d'Uxelles,  ni  ses 
mouchoirs  de  batiste,  ni  ses  têtes  de  lapin.  Ce  n'était  point 
au  chien  de  M"*  Choin  qu'il  les  apportait,  mais  au  grand 
Dauphin. 

Oigneau  entier,  sauce  poivrade.  —  Troussez  un  agneau 
entier,  embrochez-le,  enveloppez-le  de  feuilles  de  papier  beurré, 
quelques  instants  avant  de  servir  retirez  le  papier  pour  lui  laisser 


AGNEAU.  131 


prendre  une  jolie  couleur,  débrochez-le,  dressez-le  sur  son  plat, 
et  mettez  deux  papillotes  au  manche  du  gigot. 

Épigramme  d'agneau  aux  pointes  d'asperges.  —  Achetez 
un  quartier  de  devant  d'agneau ,  détachez-en  l'épaule  que  vous 
ferez  rôtir.  Lorsqu'elle  sera  cuite,  faites  cuire  la  poitrine  dans 
une  braise,  puis  mettez-la  à  la  presse  entre  deux  couvercles  de 
casserole  avec  un  poids  pour  l'aplatir,  retirez  tous  les  os  et  réser- 
vez seulement  ceux  qui  vous  seront  nécessaires  pour  faire 'des 
manches  à  vos  côtelettes,  taillez  les  côtelettes  et  les  parez  ;  dis- 
posez-les dans  un  sautoir,  saupoudrez-les  d'un  peu  de  sel,  saucez- 
les  légèrement  avec  du  beurre  fondu  ou,  ce  qui  vaudrait  mieux, 
avec  de  l'allemande  réduite.  Votre  poitrine  d'agneau  découpée 
de  manière  à  imiter  des  côtelettes,  trempez-les  dans  une  panure 
composée  de  mie  de  pain,  d'huile  et  de  pain  rassis  que  vous  aure? 
passé  à  travers  le  tamis  de  laiton,  assaisonnez.    ' 

Passez  les  côtelettes  dans  le  beurre  clarifié,  rangez-les  dans 
le  plat  à  sauter,  faites  frire  les  poitrines  et  égouttez-les. 

Mettez  dans  chaque  bout  de  poitrine  la  moitié  d'un  os  taillé 
en  pointe,  de  manière  à  former  un  manche  à  vos  fausses  côtelettes. 

Dressez  autour  d'une  croustade  poitrine  frite  et  côtelettes 
sautées  en  alternant,  garnissez  la  croustade  de  pointes  d'asperges 
et  servez  à  part  une  légère  béchamel. 

Vous  pouvez,  en  suivant  le  même  procédé  et  en  servant  tou- 
jours votre  béchamel  ou  votre  demi-glace  ou  enfin  votre  sauce  à 
part,  garnir  la  croustade  de  petits  pois,  d'une  macédoine  de 
légumes,  de  haricots  verts,  d'une  purée  de  cardons,  etc. 

Veloutez  à  part  le  tout  réduit  avec  essence  de  champignons 
ou,  enfin,  avec  une  garniture  de  concombres. 

L'allemande  doit  être  servie  à  part. , 

Selle  d'agneau  rôtie  à  V anglaise,  —  Les  doubles  filets  réunis 
sont  la  meilleure  partie  de  l'agneau.  On  la  rôtit ^  on  la  sert  en 
relevé  de  potage  ou  en  flanc  de  table. 

On  l'accompagne  d'une  sauce  à  l'anglaise  très-goûtée  de 
ceux  des  gourmets  parisiens  à  qui  nos  deux  cent  dix-sept  ans  de 
guerre  avec  l'Angleterre  n'ont  point  inspiré  une  horreur  invin- 
cible pour  tout  ce  qui  vient  de  l'autre  côté  de  la  Manche. 

Mettez  un  quart  de  litre  de  consommé  dans  une  casserole. 


132  AGNtAU. 


N 


avec  une  pincée  de  sauge  verte  hachée,  faites  bouillir  cinq 
minutes,  ajoutez-y  deux  échalotes  pilées,  deux  ou  trois  cuillerées 
de  vinaigre  d'Orléans ,  60  grammes  de  sucre  et  un  peu  de  poivre 
noir;  salez,  passez  à  Tétamine  et  servez  à  part  dans  une  saucière. 

L'auteur  des  Mémoires  de  la  marquise  de  Créquy,  de  qui 
nous  tenons  cette  recette,  saisit  cette  occasion  de  tomber  sur  ces 
gourmands  exclusifs  qui,  par  patriotisme,  ne  veulent  pas  sur  la 
table  française  l'introduction  des  cuisines  étrangères.  «  On  trouve 
encore,  dit-il  dans  un  mouvement  d'indignation,  de  prétendus 
^  gourmets  qui  déclament  contre  l'emploi  du  sucre  en  mélange 

avec  des  acides  ou  des  chairs  salées,  mélange  infiniment  agréable 
en  certains  cas.  Rien  n'est  encore  aussi  commun  que  de  rencon- 
trer des  retardataires  obstinés  dans  la  marche  du  progrès  culi- 
naire, tandis  que  ce  progrès  ne  pourrait  s'établir  que  si  chaque 
peuple  abjurait  ses  préjugés  nationaux  dans  un  sentiment  de 
cosmopolitisme.  » 

Après  cette  invitation  à  l'éclectisme,  l'auteur  des  Mémoires 
de  madame  la  marquise  de  Créquy,  en  véritable  gastronome  aris- 
tocrate qu'il  est^  s'indigne  contre  le  préfet  du  palais,  M.  le  comte 
de  Bausset,  qui  fait  servir,  au  château  des  Tuileries,  pour  le  dîner 
de  l'empereur,  un  gigot  d'agneau  .comme  plat  de  rôti  au  second 
service. 

«  Tout  le  monde  a  vu,  dit-il,  avec  surprise,  dans  la  première 
édition  des  Mémoires  de  M.  le  comte  de  Bausset,  préfet  du  pa- 
lais et  chambellan  de  l'empereur  Napoléon,  deux  tableaux  d'un 
menu,  d'où  il  résulte  que  ce  fonctionnaire  impérial  faisait  servir 
aux  Tuileries,  pour  le  dîner  de  son  maître,  un  gigot  d'agneau 
au  second  service  et  comme  plat  de  rôti.  Voilà  ce  qu'un  maître 
d'hôtel  du  troisième  ordre  n'aurait  eu  garde  de  souffrir  de  l'autre 
côté  de  la  rivière  de  Seine  ou  dans  le  faubourg  Saint-Honoré, 
qui  n'est  pas  moins  bien  habité  que  le  quartier  Saint-Germain. 
Il  est  à  noter  que  le  reste  et  l'ensemble  de  cet  étrange  menu 
publié  par  M.  le  comte  de  Bausset,  est  tellement  vulgaire  et  si 
dépourvu  d'aucun  usage  du  beau  monde ,  que  les  habitudes  de 
cette  famille  impériale  et  le  savoir-vivre  de  ses  principaux  offi- 
ciers en  ont  beaucoup  souffert  dans  l'estime  et  la  considération 
publique.  La  divulgation,  très-indiscrète  et  tout  à  fait  inutile. 


AGNEAU.  133 


avait  produit  un  étonnement  si  général  et  eut  un  effet  Jtellenient 
fâcheux,  que  M.  le  préfet  du  palais  impérial  a  cru  devoir  retran- 
cher ce  document  dans  la  dernière  édition  de  ses  Mémoires, 
et  c'est  en  vérité  ce  qu'il  y  avait  de  mieux  à  faire  pour  la  répu- 
tation d'un  si  grand  homme,  ainsi  que  pour  l'honneur  de  ses 
employés  du  palais. 

Courchamps  était  un  homme  de  l'ancienne  cour  qui  ne  plai- 
santait avec  aucune  étiquette  et  surtout  avec  l'étiquette  culinaire. 

Quartier  d^ agneau  rôti  à  la  maître  d'hôtel.  —  Tirez  votre 
quartier  d'agneau  de  la  broche,  soulevez-en  les  côtes  et  intro- 
duisez dans  la  gerçure  une  boule  froide  du  mélange  appelé 
maître  d'hôtel ,  dont  voici ,  à  ce  que  nous  croyons,  !a  meilleure 
recette  : 

Prenez  125  grammes  d'excellent  beurre,  ajoutez-y  du  sel  en 
quantité  suffisante,  une  demi  pincée  de  muscade  râpée,  trois 
fortes  pincées  de  fines  herbes,  savoir  :  un  quart  de  cerfeuil ,  une 
moitié  de  persil,  un  quart  de  cresson  alénois,  un  quart  de  pim- 
prenelle  et  deux  ou  trois  feuilles  d'estragon.  Mettez  toutes  ces 
herbes  finement  hachées*  avec  le  beurre  froid,  en  les  triturant  et 
en  les  mélangeant  avec  le  jus  d'un  fort  citron  et  le  jaune  cru 
d'un  œuf  frais.  Tenez  cette  sauce  froide  en  réserve,  à  la  cave, 
et  servez-vous  en  selon  vos  besoins. 

Gigot  d'agneau.  —  Faites  rôtir,  et  présentez  en  entrée  de 
broche  sur  une  purée  d'oseille,  sur  une  sauce  aux  tomates  ou  sur 
une  ravigote  verte,  appelée  communément  sauce  au  vert-pré. 

Issue  d'agneau.  —  Depuis  que  chaque  partie  des  abatis 
d'agneau  a  été  annexée  aux  principale^  portions  de  la  tète,  on 
les  a  reconnues  susceptibles  de  recevoir  un  assaisonnement  spécial 
et  un  apprêt  particulier;  cependant,  comme  certains  gourmets 
ont  une  religion  particulière  pour  les  plats  de  nos  aïeux,  l'issue 
d'agneau  se  composait  autrefois  de  la  tète,  du  cœur,  du  mou,  des 
riz,  du  foie  et  des  pieds  de  l'agneau  que  Ton  faisait  étuver, 
ensemble,  dans  un  blanc  (V.  le  mot  Blanc),  et  que  l'on  servait 
avec  une  liaison  de  jaunes  d'œufs  crus  et  de  jus  de  citron  dans 
le  même  pot  à  oille,  en  façon  de  potage  et  quelquefois  d'entrée. 
C'était  un  ancien  ragoût  très-salutaire  dans  certains  cas  d'inflam- 
mation des  entrailles  et  de  l'estomac. 


134  AGNEAU. 


"Poitrine  d'agneau  aux  groseilles  vertes.  —  Prenez  deux 
poitrines  d'agneau  que  vous  braisez  avec  quelques  tranches  de 
maigre  de  veau  et  de  jambon  cru;  au  bout  d'unfe  heure  et  demie 
de  cuisson,  vous  les  retirez,  vous  les  déficelez,  vous  les  mettez 
refroidir  entre  deux  couvercles ,  puis  vous  les  trempez  dans  du 
beurre  tiède  et  vous  les  pannez.  Vous  les  faites  griller  à  petit 
feu  et  les  colorez  à  l'aide  d'un  four  de  campagne  ;  puis  vous 
servez  cette  entrée  sur  un  ragoût  de  groseilles  vertes,  assaisonné 
de  muscat  et  de  verjus.  {Recette  de  Chevrioî^  cuisinier  du  roi 
Stanislas  Leck:{inski,) 

Galantine  d'agneau.  —  Désossez  un  agneau  entier,  prenez 
une  partie  des  chairs  de  gigot,  autant  de  panne  de  cochon,  de  la 
mie  de  pain  trempée  dans  du  lait  et  bien  égouttée;  hachez  et 
pilez  le  tout  pour  en  faire  une  farce,  dans  laquelle  vous  mettrez 
deux  œufs,  poivre,  sel,  un  peu  de  quatre  épices.  La  galantine 
d'agneau  demande  au  moins  une  bonne  heure  pour  la  cuisson. 

• 

Tendrons  d'agneau  aux  pointes  d'asperges.  —  Coupez  et 
parez  les  tendrons  de  deux  poitrines  d'agneau,  couchez- les  dans 
un  sautoir,  avec  un  peu  de  consommé ,  faites-les  mijoter  jusqu'à 
ce  qu'ils  se  glacent;  ayez  des  asperges  aux  petits  pois  les  plus 
tendres,  blanchissez-les  à  l'eau  bouillante,  légèrement  salée, 
écumez,  laissez  bouillir  un  quart  d'heure,  mettez  dans  l'eau 
froide,  égouttez-les  sur  un  tamis,  apprêtez  à  la  poulette  ou  au 
consommé  lié  de  jaunes  d'œufs ,  où  vous  ferez  fondre  une  demi- 
cuillerée  de  sucre,  vous  verserez  ce  ragoût  d'asperges  au  milieu 
du  plat  et  vous  dresserez  à  l'entour  les  tendrons  glacés  au  feu. 

Tendrons  d'agneau  aux  petits  pois.  —  Opérez  comme  ci- 
dessus,  mais  ne  blanchissez  ni  ne  rafraîchissez.  Vous  ajouterez  à 
ce  ragoût  quelques  feuilles  de  sarriette,  dont  le  goût  s'allie  bien 
à  celui  des  pois  verts. 

Filets  d'agneau  à  la  Condé.  —  Parez  des  filets  d'agneau 
depuis  les  carrés  jusqu'au  collet,  après  les  avoir  piqués  d'an- 
chois, de  truffes  et  de  cornichons;  faites-les  mariner  dans  du 
beurre  mêlé  de  bonne  huile ,  et  assaisonnez  avec  champignons, 
ciboule,  échalotes,  câpres,  hachez  le  plus  fin  possible,  ajoutez-y 
sel,  poivre,  quatre  épices ,  basilic  en  poudre,  chapelure,  deux 
jaunes  d'œufs  durs.  Des  morceaux  de  crépine  vous  serviront  à 


AGOUTI.  13J 


envelopper  les  morceaux  de  filets  sous  une  couche  de  cette  farce. 
Mettez-les  à  la  broche  avec  des  attelets  et  enveloppés  d'un 
papier  huilé.  Lorsqu'ils  seront  cuits,  retirez-les,  passez-les  et 
versez  sur  le  tout  une  5auce  au  blond  de  veau  avec  tranches  de 
citron  et  muscade  râpée.  Cette  sauce  devra  prendre  sur  le  feu 
une  consistance  suffisante. 

Tranches  d'agneau  à  la  Landgrave.  —  Coupez  un  filet 
d'agneau  par  tranches,  salez,  mettez  des  quatre  épices  et  un  peu 
de  papricao,  faites-les  frire,  puis  les  maintenez  chaudes,  versez 
dans  une  casserole  125  grammes  de  bouillon  où  vous  avez  jeté 
une  demi-cuillerée  de  farine  de  seigle,  ajoutez-y  un  peu  de 
saumure  de  noix  et  un  peu  de  catchup,  essence  de  champignons, 
joignez-y  30  grammes  de  beurre  frais ,  faites  bouillir  le  tout  en 
remuant  avec  assiduité,  mettez-y  alors  vos  tranches  d'agneau  que 
vous  servirez  après  avoir  passé  la  sauce. 

Cromesquis  d'agneau  [Ragoût  polonais).  —  Parez  de  la 
chair  d'agneau  à  moitié  rôtie  et  refroidie,  coupez-la  par  petits 
morceaux  carrés,  coupez  de  la  même  manière  des  champignons 
cuits  au  blanc  et  de  la  tétine  de  veau ,  mettez  dans  une  casserole 
gros  comme  un  œuf  de  pigeon  de  glace  de  viande  avec  un  peu 
de  consommé,  faites  chauffer,  ajoutez-y  gingembre  et  gros  poivre, 
liez  avec  des  jaunes  d'oeufs  et  puis  mettez  dedans  la  tétine  ainsi 
que  les  champignons  et  la  chair  d'agneau ,  le  tout  étant  refroidi, 
divisez  par  petites  parties,  moulées  comme  pour  des  croquettes; 
après  quoi  vous  enveloppez  chacune  de  ces  petites  parties  dans 
des  bardes  de  tétine  de  veau;  trempez-les  dans  une  pâte  cro- 
quante et  jetez-les  dans  la  poêle;  quand  elles  seront  bien  colorées, 
vous  les  servirez  sur  sauce  piquante  ou  avec  persil  frit. 

AGOUTI.  —  Genre  de  mammifères  rongeurs.  Cet  animal 
est  de  la  grosseur  d'un  lièvre;  il  a  la  rudesse  de  poil,  le  grogne- 
ment et  la  voracité  du  cochon. 

L'agouti  se  rencontre  dans  les  Antilles  et  les  parties  chaudes 
de  l'Amérique.  C'est  un  équivalent  de  nos  lapins.  Les  chasseurs  le 
.poursuivent  constamment  et,  dès  1789,  l'espèce  en  était  déjà 
détruite  à  Saint-Domingue.  Il  s'apprivoise  très-aisément  et  il  est 
très-facile  à  élever,  car  il  est  omnivore,  pourvu  qu'on  le  mette 
à  l'abri  du  froid. 


1^6  AIL. 

La  chair  des  agoutis  gras  et  bien  nourris  est  assez  bonne  à 
manger,  quoiqu'elle  ait  un  peu  le  goût  sauvage;  on  la  prépare 
comme  celle  du  cochon  de  lait,  dont  elle  a  les  propriétés  alimen- 
taires. 

AIGLE.  —  La  grandeur,  la  noblesse  et  la  fierté  du  roi  des 
oiseaux  ne  lui  donnent  pas  pour  cela  une  chair  tendre  et  délicate, 
car  tout  le  monde  sait  qu'elle  est  dure,  fibreuse  et  de  mauvais 
goût ,  et  fut  défendue  aux  Hébreux. 

Laissons-le  donc  planer  et  défier  le  soleil ,  mais  ne  le  man- 
geons pas. 

AIGRE  DE  CÈDRE  ou  Aigre  au  Cédrat.  —  Fort  à  la 
mode  sous  le  règne  de  Louis  XIII ,  fort  abandonné  depuis,  mais 
que  les  Mémoires  de  Tallemant  des  Réaux  viennent  de  remettre 
à  la  mode.  Orangeade  aiguisée  de  citron  vert,  édulcorée  de  miel 
épuré  de  Narbonne,  au  suc  de  mûres  blanches,  et  puis  légère- 
ment aromatisée  avec  de  Técorce  de  cédrat  rouge.  Le  cardinal 
Richelieu  faisait  le  plus  grand  cas  de  l'aigre  de  cèdre  et  il  en 
consommait ,  pendant  les  deux  mois  caniculaires  ,  au  moins  trois 
à  quatre  litres  par  jour. 

(Tirée  du  Thresor  des  receptes  au  lit  des  malades,  ouvrage 
de  M"®  Fouquet,  mère  du  surintendant.) 

AIGUILLAT.  —  Espèce  de  poisson  appelé  vulgairement 
chien  de  mer.  Il  a  la  forme  d'un  congre;  on  le  trouve  sur  les 
côtes  de  TOcéan,  où  on  en  a  péché  qui  pesaient  plus  de  lo  kil. 
Sa  chair  est  filamenteuse,"  dure  et  d'une  saveur  peu  agréable. 

Lorsque  j'étais  encore  à  RoscofF,  mon  secrétaire  étant  allé 
un  matin  à  la  pèche  avec  mon  barbier,  ils  trouvèrent  dans  le 
filet,  qui  avait  été  tendu  la  veille,  quarante-deux  de  ces  poissons 
dont  le  plus  léger  pesait  plus  de  5  kil.,  et  deux  ou  trois  rou- 
gets à  moitié  mangés  par  leurs  voraces  compagnons  de  capti- 
vité ;  cette  pêche ,  qui  au  premier  abord  paraît  assez  bonne,  ne 
servit  cependant  à  rien,  puisque,  ne  sachant  que  faire  de  ces 
poissons  et  ne  pouvant  les  manger,  on  fut  obligé  de  les  porter 
au  vivier  où  ils  firent  les  délices  des  quinze  ou  dix-huit  mille 
homards  qui  l'habitent. 

AIL  au  singulier,  Aulx  au  pluriel.  —  Plante  potagère  bul- 
beuse dont  les  gousses  sont  employées  comme  assaisonnement. 


A I L  fik  1 37 

Tout  le  inonde  connaît  Tail,  et  surtout  les  conscrits,  qui 
remploient  à  se  faire  réformer.  Son  bulbe  contient  un  suc  acre 
et  volatil  qui  attire  les  larmes  aux  yeux.  Appliqué  sur  la  peau, 
il  la  rougit  et  l'escorie  même. 

Tout  le  monde  connaît  l'odeur  de  Tail,  excepté  celui  qui 
en  a  mangé  et  qui  ne  se  doute  pas  pourquoi  chacun  se  détourne 
à  son  approche.  Athénée  raconte  que  ceux  qui  mangeaient  .de 
Tail  n'entraient  point  dans  les  temples  consacrés  à  Cybèle.  Vir- 
gile en  parle  comme  d'une  plante  utile  aux  moissonneurs  pour 
augmenter  leurs  forces  dans  les  grandes  chaleurs,  et  le  poè'te 
Macer,  pour  les  empêcher  de  s'endormir  dans  la  crainte  des  ser- 
pents. Les  Égyptiens  l'adoraient ,  les  Grecs,  au  contraire ,  le  dé- 
testaient, les  Romains  en  mangeaient  avec  plaisir.  Horace  qui, 
le  jour  même  de  son  arrivée  à  Rome,  avait  pris  une  indigestion 
d'une  tête  de  mouton  à  l'ail ,  l'avait  en  horreur. 

Alphonse,  roi  de  Castille,  l'avait  en  si  grande  aversion, 
qu'en  1330  il  institua  un  ordre  dont  les  statuts  portaient  que 
ceux  des  chevaliers  qui  auraient  mangé  de  l'ail  ou  de  l'oignon 
ne  pourraient  paraître  à  la  cour  ni  communiquer  avec  les 
autres  chevaliers,  au  moins  pendant  un  mois. 

La  cuisine  provençale  est  basée  sur  l'ail.  L'air,  en  Provence, 
est  imprégné  d'un  parfum  d'ail  qui  le  rend  très-sain  à  respirer; 
il  entre  pour  principal  condiment  dans  la  bouillabaisse  et  dans 
les  principales  sauces.  On  en  fait,  écrasé  avec  de  l'huile,  une 
espèce  de  mayonnaise  que  l'on  mange  avec  du  poisson  et  des 
escargots.  Le  déjeuner  des  Provençaux  des  classes  inférieures, 
se  compose  souvent  d'un  croûton  de  pain,  arrosé  d'huile  et  frotté 
d'ail. 

AILE.  —  C'est  le  nom  que  porte  la  partie,  nous  ne  dirons 
pas  précisément  la  plus  sapide,  mais  la  plus  honorable  de  l'oi- 
seau. C'est  l'aile  du  poulet,  du  faisan,  du  perdreau,  que  l'on 
offre  en  général  aux  femmes  et  aux  convives  à  qui  l'on  veut  faire 
honneur.  Cette  portion  commence  au  haut  de  l'estomac  et,  en  se 
déchirant  sous  le  couteau,  s'étend  presque  sous  les  cuisses.  Il  y 
a  trois  morceaux  dans  l'aile  des  gros  oiseaux,  comme  le  dindon 
ou  l'oie  :  le  haut,  le  bas  et  le  bout.  L'aile  des  jeunes  oiseaux 
bien  nourris  est  délicate  et  nourrissante ,  et  elle  convient  à  tous 


/ 


13»  ALBATROS, 


les  estomacs.  L'aile  des  vieux,  au  contraire,  est  comme  le  reste 
du  corps,  maigre,  sèche,  dure,  peu  substantielle  et  peu  estimée. 

AIRELLE.  —  L'airelle  veinée  et  Tairelle  myrtile.  Les 
feuilles  de  Tairelle  veinée  sont  ovales  et  veinées  ;  son  fruit  est 
savoureux,  surtout  en  Amérique,  dont  elle  semble  originaire. 

On  mange  ce  fruit  fraîchement  cueilli  ou  on  le  sert  avec  du 
petit  lait  ou  de  la  crème  aromatisée. 

L'airelle  myrtile  est  un  arbrisseau  des  bois,  donnant  de 
petits  fruits  rouges  d'abord,  puis  tournant  au  bleu  foncé  en 
mûrissant;  leur  goût  est  agréable.  Les  Suédois  les  emploient 
pour  assaisonner  certains  aliments;  les  marchands  de  vins  s'en 
servent  pour  colorer  les  vins  blancs.  On  fait,  avec  le  fruit,  du 
sirop  et  une  espèce  de  conserves  agréables  à  boire  et  à  manger. 

AJAQUE  (d'après  M.  Olagnier).  —  A  Siam,  on  donne  ce 
nom  à  un  fruit  beaucoup  plus  gros  que  le  durion.  Il  est  couvert 
d'une  peau  chagrinée;  l'arbre  qui  le  produit  est  fort  élevé  et 
d'un  port  majestueux.  On  extrait  de  ses  feuilles  un  lait  abon- 
dant. Le  fruit  ne  sort  que  des  grosses  branches  ou  du  corps  de 
l'arbre.  Plus  l'ajaque  vient  près  du  tronc,  plus  il  est  gros.  On 
le  dépouille  de  sa  peau  épineuse,  on  le  coupe  par  morceaux 
qu'on  fait  cuire  en  fricassée.  Avec  sa  chair  et  du  sucre,  on  fait 
aussi  une  marmelade,  qu'on  peut  conserver  toute  l'année.  Quand 
ce  fruit  est  parvenu  à  sa  maturité,  on  trouve  sous  son  bois  mince 
et  poli  cinquante  châtaignes  renfermées  dans  un  sac  de  chair 
jaune,  très-sucrées  et  d'une  odeur  très- forte.  Ces  châtaignes 
grillées  ou  bouillies,  ont  à  peu  près  le  goût  de  nos  marrons, 
mais  elles  sont  plus  petites  ;  elles  sont  venteuses. 

ALALUNGA.  —  Poisson  qui  se  trouve  sur  les  côtes  de  la 
Méditerranée;  à  Malte  on  l'appelle  thon  blanc;  il  pèse  de 
6  à  8  kilogrammes.  Sa  chair  est  agréable,  mais  de  difficile 
digestion. 

ALBACORE.  —  Poisson  des  mers  occidentales,  baptisé  ainsi 
par  les  Portugais,  à  cause  de  sa  blancheur.  C'est  une  bonite 
gigantesque  atteignant  le  poids  de  30,  40  et  même  45  kilogr. 

ALBATROS.  —  De  tous  les  oiseaux  d'eau,  les  albatros 
sont  les  plus  grands  et  les  plus  massifs;  l'envergure  de  leurs 
ailes  est  de  trois  à  quatre  mètres;  le  plumage  est  d'un  beau 


ALBRAN.  139 


blanc,  le  dos  et  l'extrémité  des  ailes  sont  gris;  sa  voix  est,  dît- 
on,  aussi  forte  que  celle  de  Tâne;  il  fait  un  nid  de  terre  élevé 
et  pond  des  œufs  nombreux  bons  à  manger. 

Les  diverses  espèces  de  ce  genre  habitent  les  mers  australes 
et  vivent  de  poissons  volants,  de  frai  de  poisson  et  de  mollusques. 
Malgré  leur  grande  taille  et  leur  force,  ils  sont  très-lâches,  se 
laissent  battre  par  les  goélands  et  les  mouettes,  et  leur  aban- 
donnent alors  leur  proie. 

La  chair  de  Talbatros  est  bardée  d'une  graisse  excellente 
dont  on  se  sert  comme  aliment;  mais  cette  chair  est  dure, 
coriace,  de  difficile  digestion.  Chez  les  jeunes,  au  contraire,  elle 
est  aussi  tendre  que  celle  de  l'agneau. 

ALBEREN.  —  En  Suisse,  où  on  le  pêche,  surtout  aux  en- 
virons de  Genève,  on  le  nomme  lavaret.  C'est  une  espèce  de 
saumon  dont  la  chair  est  excellente  et  que  les  étrangers  ne  man- 
quent jamais  de  demander  lorsqu'ils  arrivent  à  Genève,  Lausanne 
et  Chambéry.  (Voyez,  pour  Tassaisonnement  du  lavaret,  celui  du 
saumon  et  des  truites.) 

ALBERGE.  —  Espèce  de  pèche  qu'on  prépare  en  Touraine 

et  dont  la  chair  jaune  et  très-compacte  est  légèrement  acidulée. 

Je  me  rappelle  avoir  lu  dans  les  Lettres  de  Paul-Louis  Courier 

.  qui  faisait  peu  de  cas  de  ce  fruit,  que  sa  femme  était  devenue 

réche  et  coriace  comme  une  alberge. 

Si  le  lecteur  n^est  pas  dégoûté  de  l'alberge  par  la  compa- 
raison qu'en  fait  le  célèbre  pamphlétaire^  il  pourra  employer 
les  conserves  d'albergç  en  les  coupant  en  petits  morceaux  de 
forme  carrée  et  en  garnissant  le  fond  d'un  plum  pudding  à  la 
moelle  et  aux  tranches  de  citrons  confits.    ' 

ALBRAN.  —  Le  jeune  canard  qui  se  chasse  à  la  tin  d'août, 
s'appelle  albran.  En  septembre,  il  devient  canardeau  et  passe 
définitivement  canard  au  mois  d'octobre.  Les  albrans,  qui  sont 
au  canard  ordinaire  ce  que  la  perdrix  est  à  la  poule,  se  cuisent 
à  la  broche  et  se  servent  couchés  sur  des  rôties  onctueuse- 
ment  imbibées  de  leur  jus,  auquel  l'on  ajoute  un  suc  d'oranges 
amères,  avec  un  peu  de  soya  des  Indes  et  des  grains  de  mignon- 
nette.  C'est  un  plat  de  rôt  délicat  et  distingué.  Aussi  est-il  honoré 
de  cette  note  de  l'auteur  des  Mémoires  de  la  marquise  de  Créquy  : 


I40  ALCOOL. 


«  Quand  les  chasseurs  ou  les  pourvoyeurs  en  fournissent  en 
grand  nombre  à  la  campagne,  et  quand  on  veut  en  faire  une 
entrée,  on  peut  les  mettre  en  salmis  ou  les  servir  sur  un  ragoût 
d'olives,  aussi  bien  que  sur  une  béchamel  de  mousserons.  Nous 
n'admettons  pas  qu'on  puisse  les  faire  cuire  aux  navets^  ainsi 
qu'il  est  conseillé  dans  Voâlmanach  des  gourmands.  C'est  un 
apprêt  trop  vulgaire,  pour  être  appliqué  convenablement  à  des 
albrans,  des  canardeaux,  et  même  à  des  canards  sauvages,  il  ne 
convient  que  pour  des  canards  de  ferme  et  pour  leurs  canetons. 
Nous  suivons  ici  le  précepte  et  la  décision  de  M.  Brillât-Savarin, 
notre  illustre  devancier  : 

«  L adjonction  d'un  pareil  légume  à  ce  noble  gibier  serait 
pour  les  albrans  un  procédé  malséant  et  même  injurieux ,  une 
alliance  monstrueuse ^  une  dégradation  flétrissante.  » 

ALCOOL.  —  Mot  arabe  qui  désigne  une  substance  solide 
ou  liquide  volatil.  On  ne  donne  aujourd'hui  vulgairement  ce 
nom  qu'au  produit  volatile  et  inflammable  de  la  liqueur  fer- 
mentée  appelée  esprit-de-vin. 

Sa  découverte  remonte  au  xiv*  siècle.  Elle  est  due  à  un 
célèbre  alchimiste  de  Montpellier,  Arnault  de  Villeneuve. 

Elle  est  le  produit  des  substances  sucrées.  On  peut  la  tirer 
du  vin,  de  la  bière,  du  cidre,  du  riz,  du  sucre  et  généralement 
des  fruits,   grains  ou  résines  qui  contiennent  du  sucre. 

Faible,  l'alcool  s'appelle  eau-de-vie;  fort,  c'est  l'esprit-de- 
vin inflammable,  de  saveur  vigoureuse,  causant  l'ivresse  et  affai- 
blissant les  facultés  intellectuelles.  Cette  saveur  est  d'autant 
plus  forte  que  l'alcool  a  été  plus  rectifié  ou  privé  d'eau.  Il  se 
dissout  parfaitement» dans  l'eau  avec  laquelle  il  s'unit,  et  forme 
Teau-de-vie. 

Il  y  a  un  tel  rapport  entre  ces  deux  liquides,  que  nous 
dirons  tout  de  suite,  à  propos  de  l'alcool,  ce  que  nous  avons  à 
dire  de  l'eau-de-vie. 

L'eau-de-vie,  liqueur  alcoolique  très-aqueuse,  contient  un 
peu  d'acide  acétique;  on  l'obtient  par  la  distillation  du  vin,  des 
grains,  des  pommes  de  terre,  des  marcs  de  raisin ,  du  poivre,  du 
cidre,  de  la  mélasse,  de  la  lie  de  vin,  du  riz,  des  cerises,  des 
prunes,  des  carottes ,  des  groseilles ,  du  lait  des  dattes,  du  coco, 


ALCYON.  141 


du  genièvre,  des  pois,  des  haricots,  des  betteraves  et  de  l'érable. 
C'est  toujours  à  Arnault  de  Villeneuve,  médecin -alchimiste  à 
Montpellier,  qu'on  doit  les  premiers  essais  réguliers  sur  la  dis- 
tillation du  vin  pour  en  obtenir  de  Teau-de-vie,  qui  est  la  base 
de  toutes  lès  liqueurs  de  table  et  qui  même  en  fait  partie. 

C'est  un  liquide  limpide,  incolore,  transparent,  volatil, 
de  saveur  forte,  de  densité  variable,  suivant  la  quantité  d'eau 
qu'il  contient;  inflammable,  en  raison  directe  de  sa  densité, 
ayant  la  propriété  de  dissoudre  les  résines  et  les  principes  aro- 
matiques; enfin  de  préserver  de  la  putréfaction  les  substances 
végétales  et  animales.  {Dictionnaire  des  Boissons  y  par  M.  F. 
Olagnier.) 

ALCYON.  —  Peu  de  personnes  savent  que  cet  oiseau  ,  au 
doux  nom  qui  rappelle  les  malheureuses  amours  de  Ceïx  et 
Alcyon,  n'est  autre  qu^  l'hirondelle  des  rivages  de  la  Cochin- 
chine,  que  l'on  nomme  Salangane,  et  dont  les  Chinois  mangent 
les  nids  avec  tant  de  volupté.  On  en  trouve  la  première  variété 
aux  îles  de  France  et  de  Bourbon ,  aux  Moluques  et  aux  Philip- 
pines ;  elles  produisent  des  nids  gélatineux  de  la  forme  d'un  petit 
bénitier;  ces  nids  sont  composés  d'une  substance  blanche  demi- 
transparente  ,  dure  comme  la  corne  et  mêlée  intérieurement  de 
légères  couches  de  coton.  A  l'extérieur,  cette  substance  ressemble  à  / 

une  gélatine  très-blanche,  desséchée  par  filaments  soigneuse- 
ment accolés.  Cet  oiseau,  qui  s'appelait  en  grec  Alcyon,  s'appelle 
Chim  au  Tong-King  et  Salangane  aux  îles  Manille,  qu'il  enri- 
chit avec  la  seule  vente  de  son  nid.  Ces  nids  se  composent 
d'une  résine  inconnue  en  Europe  et  qu'on  appelle  Calambac. 
Cette  résine,  qui  est  le  Timbach  des  Indiens,  est  une  substance 
qui  s'écrase  sous  les  dents  et  dont  la  saveur  est  délicieuse.  En 
Chine,  on  la  vend  au  poids  de  l'or  à  cause  de  son  parfum  ;  on  la 
brûle  sur  des  charbons  dans  les  plus  fameuses  pagodes ,  dans  les 
occasions  solennelles  et  chez  les  grands  du  Céleste-Empire.  Le 
prix  de  ces  nids  est  extrêmement  élevé  ;  on  les  appelle  SacaU 
pouka.  On  sait  aujourd'hui  que  plusieurs  espèces  d'hirondelles 
produisent  de  ces  nids  gélatineux;  les  blancs  sont  les  plus 
recherchés,  parce  qu'ils  sont  glanés.  Sumatra  en  expédie  à 
Canton  de  nombreuses  pacotilles,  dont  les  Chinois  sont  enthou- 


14a  ALE. 

siastes.  On  les  trouve  entre  les  anfractuosités  des  montagnes, 
pris  à  de  petites  coupes  attachées  le  long  des  murailles.  On  en 
fait  deux  récoltes  par  an  ;  les  hirondelles  mettent  plus  d'un 
mois  à  les  construire. 

On  a  cru  longtemps  que  ces  nids  n'étaient  autre  chose  que 
récume  de  la  mer  mêlée  au  frai  du  poisson.  J'ai  vu  beaucoup 
de  ces  nids,  je  dois  dire  que  j'en  ai  même  mangé  plus  qu'aucun 
Français,  peut-être,  étant  lié  avec  le  beau-fils  du  gouverneur  de 
Java,  qui  en  recevait  tous  les  ans  des  caisses  entières.  Il  les  faisait 
récolter  dans  une  caverne  creusée,  non  loin  de  Java,  parmi  les 
rochers  battus  par  la  mer.  La  substance  dont  ils  étaient  com- 
posés, et  que  nous  essayâmes  d'analyser,  ressemblait  à  de  la  colle  . 
forte  à  demi  délayée;  ils  avaient  deux  ou  trois  pouces  de  dia- 
mètre, quelques-uns  contenaient  encore  des  œufs  qui  y  avaient 
été  déposés;  ils  ne  pesaient  pas  plus  de  10  grammes.  Ils  coûtent 
là-bas  huit  à  dix  piastres  le  demi  kilo. 

Voici  comment,  sur  la  recette  qui  nous  était  envoyée  de 
Java,  nous  les  faisions  cuire  :  Après  les  avoir  nettoyés,  nous  les 
laissions  tremper,  pour  en  ramollir  les  filaments  qui  se  séparent. 
On  les  met  ensuite  sous  une  volaille  rôtie  dont  ils  absorbent  le 
jus,  ou  bien  on  les  fait  cuire  avec  un  chapon  pendant  vingt- 
quatre  heures,  et  à  petit  feu,  dans  un  pot  de  terre  hermétique- 
ment fermé.  Nous  en  faisions  aussi  des  bouillons,  des  soupes  et 
des  ragoûts  très-sapides  et  très-nourrissants. 

AGAL  ou  Alhagi.  —  Mot  arabe  servant  à  désigner  une 
espèce  de  manne  qu'on  recueille  sur  une. variété  de  sainfoin,  qui 
pousse  abondamment  en  Syrie,  en  Mésopotamie  et  en  Perse  ;  elle 
est  onctueuse  pendant  le  jour,  mais  se  condense  pendant  la  nuit. 
Son  goût  est  le  même  que  celui  de  la  manne  de  Calabre;  on  croit* 
que  c'est  elle  qui  alimenta  les  Israélites  qui  traversèrent  le  désert 
avec  Moïse.  ^  ^ 

ALE.  —  Ce  mot  anglais,  qui  veut  dire  tout^  désigne,  pour 
les  Anglais,  une  boisson  qui,  selon  eux,  peut  remplacer  toutes 
les  autres.  C'est  une  liqueur  qu'on  obtient  par  l'infusion  du 
moult  et  qui  ne  diffère  de  la  bière  qu'en  ce  que  le  houblon  n*y 
entre  qu'en  petite  quantité.  Cette  boisson  est  agréable,  mais  eni- 
vrante; bue  à  dose  raisonnable,  elle  rafraîchit. 


ALIMENT.  143 


ALÉNOIS  (Cresson).  —  Plante  potagère  la  plus  saine  des 
fines  herbes.  Elle  se  trouve  rarement  sur  les  marchés  des  grandes 
villes,  attendu  qu'elle  se  fane  aussitôt  qu'elle  est  cueillie,  et  que 
d'ailleurs,  sur  la  couche,  elle  monte  en  graine  trop  rapidement. 
Les  enfants  et  les  vieilles  filles  s'amusent  à  faire  pousser  ce  joli 
gramen  sur  du  coton  mouillé. 

ALIMENT.  —  Qu'entend-on  par  aliment? 

Réponse  populaire,  — L'aliment  est  tout  ce  qui  nous  nourrit. 

Réponse  scientifique.  —  On  entend  par  aliment  les  sub- 
stances qui,  soumises  à  l'estomac,  sont  assimilables  par  la  diges- 
tion et  propres  à  réparer  les  pertes  que  fait  le  corps  humain. 

Donc  la  première  qualité  de  l'aliment  est  d'être  aisément 
digestif.  De  là  l'épigraphe  de  notre  livre  : 

«  On  ne  vit  pas  de  ce  que  Ton  mange ,  mais  de  ce  que  l'on 
digère.  » 

Les  trois  règnes  de  la  nature  concourent  à  Talimentation  de 
l'homme  :  le  règne  animal  et  le  règne  végétal,  plus  abondam- 
ment que  le  troisième,  le  règne  minéral ,  qui  ne  fournit  que  des 
assaisonnements  et  des  remèdes.  L'air  même  porte  avec  lui  un 
principe  plus  ou  moins  nourrissant,  selon  qu'il  est  plus  chaud  ou 
plus  froid. 

On  croit  généralement  que  l'humanité  est  originaire  de 
rinde,  tant  l'air  indou  est  chargé  de  principes  nutritifs.  On 
attribue  la  fraîcheur  des  bouchers  et  des  bouchères  aux  émana- 
tions des  viandes  fraîches  dont  ils  sont  continuellement  en- 
veloppés. 

Démocrite  vécut  trois  jours  sans  manger,  et  cependant  sans 
ressentir  la  faim,  en  respirant  la  vapeur  du  pain  chaud. 

Viterby,  Corse  condamné  à  mort  par  le  jury  de  Bastia,  ré- 
solut de  se  laisser  mourir  de  faim ,  mais ,  soutenu  par  l'air  nour- 
ricier de  son  pays,  il  ne  mourut  que  le  quarante-huitième  jour. 
Il  tsX  vrUi  que  le  quarante- troisième ,  ne  pouvant  résister  à 
l'étranglement  de  la  soif,  il  avait  bu  un  demi-verre  d'eau. 

Le  régime  végétal  convient  aux  pays  chauds ,  le  régime 
animal  aux  pays  froids,  où  l'homme  a  besoin  de  faire  beaucoup 
de  carbone.  Les  nations  les  plus  guerrières  et  les  plus  cruelles 
sont  les  nations  essentiellement  carnivores.  Comparez  le  pacifique 


/ 


144  ALOES. 

Indou  vivant  de  racines  et  de  fruits  avec  le  farouche  Tatare  qui 
boit  le  sang  de  son  cheval  et  mange  sa  chair  crue. 

ALIZIER.  —  Arbre  de  la  famille  des  poiriers  et  des  néfliers, 
fort  répandu  dans  les  bois  de  la  Haute-Marne ,  du  Jura  et  des 
Hautes- Alpes.  Son  fruit  se  rapproche  de  la  nèfle;  il  est  de  la 
grosseur  d'une  petite  poire  rouge  et  se  mange,  quoique  acerbe, 
quand  on  a  pris  le  soin,  comme  on  fait  pour  les  nèfles,  de  le 
laisser  quelque  temps  sur  la  paille,  où  il  parvient  à  un  état 
intermédiaire  entre  la  pourriture  et  la  maturité,  état  qu  on 
appelle  hlet. 

Ce  fruit  est  fort  agréable  quand  il  est  mûr,  et  on  en  fait  dans 
certains  payis  une  espèce  de  cidre  qui  rafraîchit. 

ALKERMESSE  DE  FLORENCE.  —  Une  des  liqueurs 
les  plus  pâteuses  et  les  plus  affadissantes  qui  existent,  quoique 
jouissant  d'une  assez  bonne  réputation.  Elle  est  faite  par  les 
mains  des  dames  de  Santa  Maria  la  Noella,  qui  joignent  à  ce 
commerce  celui  de  la  pharmacie.  C'est  un  intéressant  établisse- 
ment que  ne  manquent  pas  de  visiter  les  touristes  qui  s'ar- 
rêtent à  Florence. 

« 

ALOES.  —  Plante  du  genre  des  Liliacées.  On  compte  un 
grand  nombre  de  variétés  dans  l'aloès ,  remarquables  en  général 
par  l'épaisseur  charnue  de  leurs  feuilles ,  par  la  forme  singu- 
lière de  quelques-unes  d'entre  elles  et  surtout  par  la  beauté  de 
leurs  épis  de  fleurs  dont  les  couleurs,  différemment  nuancées, 
produisent  le  plus  bel  effet  dans  un  jardin. 

Les  aloès  sont  originaires  de  l'Afrique  et  de  l'Inde,  et  ne  se 
plaisent  que  dans  les  lieux  chauds^  secs,  et  sur  les  rochers.  Les 
habitants  de  la  Cochinchine  retirent  de  l'aloès  perfolié  une  fécule 
agréable  au  goût,  qu'ils  mangent  avec  du  sucre  ou  avec  des 
viandes.  Pour  l'obtenir,  ils  font  macérer  les  feuilles  d'abord 
dans  une  eau  alumineuse  et  ensuite  dans  l'eau  froide. 

On  donne  aussi  le  nom  d'aloès  à  une  préparation  faite  avec 
le  suc  épaissi  ou  l'extrait  des  plantes  de  ce  nom.  On  emploie 
différents  procédés  pour  cette  préparation. 

Dans  l'un,  on  exprime  tout  le  suc  de  la  plante  après  l'avoir 
pilée;  on  le  laisse  déposer  dans  un  vase  pendant  une  nuit,  puis 
on  le  décante.  On  expose  ensuite  la  portion  décantée  au  soleil 


ALOSE.  145 

dans  des  espèces  d'assiettes ,  et  on  la  réduit  ainsi  à  consistance 
d'extrait;  le  sédiment  du  premier  vase  est  desséché  à  part  et 
regardé  comme  un  aloès  de  qualité  inférieure  ;  il  n'est  employé 
que  dans  la  médecine  vétérinaire  ;  on  l'appelle  aloès  caballin. 
D'après  un  autre  procédé,  on  coupe  la  pointe  des  feuilles  de  la 
plante  qu'on  suspend  sens  dessus  dessous  et  le  suc  s'écoule  spon- 
tanément peu  à  peu  dans  des  vases  disposés  à  cet  effet.  Ce  suc 
est  filtré  et  évaporé  ensuite  à  une  douce  chaleur  et  il  devient 
peu  à  peu  si  dur,  qu'on  peut  le  réduire  en  poudre;  celui-ci  est 
la  première  qualité  d'aloès  ou  aloès  succotrin. 

L'aloès  est  tonique ,  échauffant ,  fortifiant  et  purgatif. 

ALOSE.  —  L'alose  est  un  excellent  poisson  de  mer  qui 
remonte  les  rivières  à  une  certaine  époque  de  l'année;  c'est  pen- 
dant ce  voyage  qu'il  perd  sa  trop  forte  salaison  et  s'engraisse. 
On  les  emploie  pour  rôts  ou  pour  entrées.  Si  on  les  emploie 
pour  rôtis,  on  ne  les  écaille  pas,  on  les  fait  cuire  dans  le  court- 
bouillon  comme  le  saumon  et  la  carpe  du  Rhin  ;  on  les  sert  alors 
sur  une  assiette  garnie  de  persil  vert  et  de  raifort  râpé.  Si  on 
s'en  sert  comme  entrée,  on  les  écaille  et  on  les  sert  à  différentes 
sauces  :  à  l'oseille,  aux  tomates,  aux  câpres.  La  meilleure  ma- 
nière de  les  préparer  est  celle  que  nous  allons  mettre  sous  les 
yeux  du  lecteur  : 

<yllose  à  l'oseille.  —  Ecaillez,  videz,  lavez  votre  alose,  en- 
veloppez-la dans  un  papier  beurré,  après  l'avoir  garnie  de  fines 
herbes,  faites  cuire  sur  le  gril  et  servez  sur  une  farce  d'oseille 
ou  sur  une  copieuse  maître-d'hôtel. 

Qâlose  à  la  broche,  —  Si  vous  péchez  ou  si  vous  trouvez  à 

acheter  une  alose  de  forte  taille,  ce  qui  arrive  souvent  à  la  fin 

de  Tété,  il  est  mieux  de  la  mettre  à  la  broche  que  sur  le  gril,  où 

elle  cuit  plus  facilement  et  plus  également.  Il  faut  Tinciser  et  la 

faire  mariner  dans  l'huile  avec  du  sel  fin,  du  persil  en  branche 

et  quelques  ciboules  coupées.  Incisez-la  sur  le  dos  légèrement  et 

en  biais,   retournez-la  plusieurs  fois  dans  son  assaisonnement, 

mettez-la  à  la  broche,   arrosez -la  soigneusement  et  servez-la 

comme  plat  de  rôti  pour  être  mangé  à  l'huile  ou  au  vinaigre, 

ainsi  que  les  grands  poissons  cuits  au  bleu. 

Q/ilose  à  la  marinière: —  Maniez  135  grammes  de  beurre 

10 


146  ALOUETTE. 


et  une  pincée  de  fécule,  trempez  avec  du  consommé,  faites  cuire 
quelques  aloses  coupées  en  tranches  avec  de  petits  oignons,  et 
masquez  avec  une  sauce  tamisée,  garnissez  de  sardines  fraîches 
bouillies  pendant  trois  minutes. 

Filets  d'alose  sautés.  —  Lavez  et  coupez  les  filets  de  Talose, 
mettez-les  sur  un  sautoir  avec  du  beurre  clarifié,  salez,  mettez 
le  beurre  sur  un  feu  ardent.  Retournez  les  filets,  ne  les  laissez 
cuire  que  peu  d'instants,  égouttez,  dressez  en  couronne  et  servez 
avec  une  sauce  à  votre  gré. 

Qâlose  à  la  hollandaise.  —  N'écaillez  pas,  videz  par  les 
ouïes,  faites  bouillir  deux  ou  trois  fois  avec  de  Teau  salée, 
retirez;  mettez  pendant  une  demi-heure  sur  un  feu  doux,  de 
façon  à  maintenir  chaud  sans  laisser  bouillir;  servez  sur  une 
serviette  avec  des  pommes  de  terre  et  la  sauce  à  part. 

ALOUETTE.  —  Les  alouettes  ont  le  double  avantage  d'être 
aimées  par  les  gourmands  et  chantées  par  les  poètes.  Juliette  dit 
à  Roméo,  qui  veut  la  quitter  avant  le  jour  : 

—  Ne  t  en  vas  pas  encor,  reste,  mon  Roméo  : 
C'était  le  rossignol  et  non  pas  Talouette 
Dont  le  chant  a  frappé  ton  oreille  inquiète; 
Caché  dans  les  rameaux  d'un  grenadier  en  fleurs, 
A  la  nuit  qui  l'écoute  il  chante  ses  douleurs  : 
C'était  le  rossignol ,  crois-en  ta  Juliette  ! 

ROMÉO. 

Non!  c'est  bien  le  matin  et  c'est  bien  l'alouette. 
Regarde ,  mon  amour,  à  l'horizon  rougi 
Monter  de  pourpre  et  d'or  ce  rayon  élargi  ; 
Ce  nuage  qui  s'ouvre  et  laisse  passer  l'aube. 
C'est  Taurore  levant  un  des  plis  de  sa  robe. 
Tandis  que,  repoussée  à  l'occident  obscur, 
Phœbé  fuit  éteignant  ses  flambeaux  dans  l'azur. 
Vois-tu  le  gai  matin^  éclairant  nos  campagnes, 
Poser  son  pied  joyeux  sur  le  front  des  montagnes  } 
Vois-tu  comme  un  torrent  la  lumière  accourir? 
Il  faut  partir  et  vivre,  ou  rester  et  mourir. 

JULIETTE. 

Tu  te  trompes,  ami,  non  ce  n'est  pas  l'aurore^ 
C'est  quelque  éclair  fiirtif,  c'est  quelque  météore 
Que  le  soleil,  touché  de  notre  amour  si  beau^ 


ALOUETTE.  147 


Place  sur  ton  chemin  comme  un  porte-flambeau. 
Reste  donc,  du  départ  ce  n'est  pas  encor  l'heure; 
Demeure,  6  Roméo  !  je  t'aime  tant,  demeure  ! 

ROMÉO. 

Veux-tu  que  Ton  me  trouve  et  qu'on  me  tue  ici? 
Oh  !  moi,  je  suis  content  si  tu  le  veux  aussi. 
Avec  toi  je  dirai  :  Ce  n'est  pas  la  lumière 
Que  verse  le  nudn  en  ouvrant  sa  paupière  : 
C'est  le  pâle  reflet  de  la  sœur  d*Apollon 
Dont  le  char  argenté  glisse  sur  le  vallon. 
Ce  chant  qui  dans  le  ciel  éclate  sur  ma  tète , 
Non  ce  n'est  pas  ton  chant,  matinale  alouette  ! 
Oh  !  moi,  je  ne  fais  pas  de  l'amour  un  remord, 
Juliette  le  veut,  je  reste.  —  Viens,  6  mort  ! 
Je  t'attends  dans  ses  bras,  6  sublime  inconnue. 
Pâle  sœur  du  sommeil,  mort,  sois  la  bienvenue  ! 

JULIETTE. 

Oh  !  non,  je  me  trompais,  Roméo  !  c'est  le  jour  ! 
Pas  un  instant  à  perdre.  Oh  !  fuis  !  fuis  !  mon  amour. 
C'était  bien  l'alouette  aux  notes  discordantes 
Dont  le  chant  menaçait  nos  amours  imprudentes  ; 
C'était  bien  le  soleil,  brûlant  vainqueur  des  nuits, 
Qui  montait  sur  son  char;  fuis!  mon  Roméo!  fuis! 


Les  alouettes  étaient  recherchées  sur  les  tables  des  Athé- 
niens; elles  étaient  sacrées  à  Lemnos,  parce  qu'elles  avaient 
délivré  rîle  des  sauterelles.  L'alouette  est  fort  délicate  et  estimée 
pour  son  goût.  Elle  n'est  réellement  bonne  qu'au  mois  de  no- 
vembre et  les  mois  qui  suivent  jusqu'à  février.  Elle  s'engraisse 
par  le  brouillard  avec  une  rapidité  surprenante;  elle  a  cela  de  /^ 

commun,  du  reste,  avec  ses  fournisseurs,  mais  elle  maigrit  plus 
promptement  qu'eux. 

Rôties  et  bardées ,  les  alouettes  sont  très-agréables ,  mais  à 
la  suite  d'un  dîner  solide.  L'avis  de  Grimod  de  la  Reynière  est 
que  l'alouette  la  plus  grosse,  ainsi  que  le  meilleur  rouge-gorge, 
ne  sont,  sous  les  doigts  d'un  homme  de  bon  appétit,  qu'un  petit 
paquet  de  cure-dents,  plus  propres  à  nettoyer  la  bouche  qu'à  la 
remplir. 

L'illustre  gourmet  ajoute  : 

«  Les  pâtés  d'alouettes  de  Pithiviers  sont  l'un  des  plus  dé- 


148  ALOYAU. 


licieux  mangers  qiie  puisse  vergeter  le  palais  d'un  galant  homme; 
la  croûte  en  est  excellente  et  l'assaisonnement  inimitable.  » 

Plumée,  dressée,  troussée,  prête  à  mettre  à  la  broche,  enfin, 
Talouette  change  de  nom  et  s'appelle  mauviette. 

Lister,  médecin  gourmand  d'une  reine  gourmande ,  établit 
comme  un  principe  que  si  douze  mauviettes  ne  pèsent  pas 
30  grammes  chacune,  elles  ne  sont  pas  mangeables  ;  que  si  elles 
pèsent  ce  poids,  elles  sont  passables;  mais  que  si  elles  pèsent 
ensemble  400  grammes  ou  plus,  elles  sont  excellentes. 

Ayez  donc  soin  de  faire  peser  vos  mauviettes  avant  de  les 
mettre  à  la  broche. 

dAlouettes  à  la  casserole,  —  Prenez  une  ou  deux  douzaines 
d'alouettes,  cela  dépend  du  nombre  de  vos  convives,  plumez-les 
(vos  alouettes  et  non  pas  vos  convives),  videz -les,  flambez-les. 
Ensuite  vous  les  mettrez  dans  la  casserole  avec  un  peu  de  beurre 
et  vous  les  ferez  cuire  à  moitié.  Quand  ce  sera  fini  retirez  vos 
oiseaux  du  feu  pour  les  égoutter,  videz-les  et  ôtez  les  gésiers 
que  vous  jetterez.  Pilez  tout  le  reste  ensemble  en  y  ajoutant 
quelques  foies  de  volailles  ou  des  foies  gras  et  quelques  truffes; 
faites-en  une  farce  bien  fine  que  vous  assaisonnerez  convenable- 
ment avec  sel,  poivre,  muscades,  etc.;  bourrez  l'abdomen  de 
vos  alouettes  avec  cette  farce.  Garnissez-en  le  fond  d'un  plat 
d'argent,  enterrez-y  vos  oiseaux  de  manière  qu'on  les  aperçoive 
à  peine,  et  couvrez-les  d'une  barde  de  lard  et  d'un  papier  beurré. 
Mettez  votre  plat  sur  les  cendres  chaudes,  placez  un  four  de 
campagne  au-dessus  et  laissez  cuire  pendant  une  demi-heure. 
Au  moment  de  servir,  ôtez  le  papier  et  le  lard,  égouttez  le  plat, 
saupoudrez-le  de  chapelure  bien  fine  et  soyez  tranquille  sur  les 
résultats. 

Ce  mets  divin  peut  se  manger  avec  une  sauce  quelconque. 
Je  m'en  suis  souvent  régalé  avec  de  la  gelée  de  groseille,  en 
avalant  à  chaque  fois  une  demi-bouchée  de  l'un  et  de  l'autre. 
(Méthode  d'Éléai^ar  Bla:{e.) 

ALOYAU.  —  Pièce  de  bœuf  prise  le  long  des  vertèbres 
supérieurs  du  dos.  Il  se  divise  en  trois  morceaux.  Le  premier 
est  le  plus  estimé,  comme  contenant  une  plus  grande  partie  du 
filet.  On  le  cuit  à  la  broche  quand  il  est  gras  et  tendre.  Parez-le 


ALOYAU.  149 


en  supprimant  la  graisse  et  les  peaux,  faites-le  mariner  au  moins 
douze  heures  dans  de  bonne  huile,  avec  sel,  poivre,  laurier  et 
tranches  d  oignons,  embrochez-le  et  faites- le  cuire  une  heure 
ou  deux  si  sa  grosseur  le  nécessite.  On  le  sert  dans  son  jus  avec 
une  sauce  faite  de  ce  jus,  filet  de  vinaigre,  échalotes,  sel  et 
poivre;  servez  dans  une  saucière  une  sauce  préparée  ainsi,  ou 
faites  un  petit  roux  que  vous  mouillez  de  bouillon  ou  d'eau  et 
jus,  ajoutez  poivre,  sel,  échalotes,  cornichons,  persil,  le  tout 
haché  très-fin,  et  filet  de  vinaigre. 

Vous  pouvez  encore  servir  Taloyau  garni  de  petits  pâtés  ou 
bien  entouré  de  raifort  ou  sur  du  céleri,  des  concombres  ou  des 
laitues  farcies.  Servi  au  premier  service  il  peut  tenir  lieu  de 
gros  plat.  Servez  en  fricandeau,  à  la  Godard,  à  la  braise,  à  Talle- 
mande. 

Q4lojrau  à  la  Godard.  —  Empruntons  la  recette  à  celui-là 
même  qui  Ta  trouvée.  Otez  le  dos  de  Téchine  à  votre  aloyau 
sans  le  désosser  tout  à  fait;  lardez-le  de  gros  lardons  bien 
assaisonnés,  ficelez-le  de  manière  à  \\x\  donner  une  belle  forme; 
mettez-le  dans  une  braisière  avec  un  bouquet  garni  de  fines 
herbes,  oignons  et  carottes  en  suffisante  quantité;  mouillez-le 
avec  du  bon  bouillon  et  une  bouteille  de  vin  de  Madère;  mettez- 
y  sel  et  gros  poivre,  faites-le  cuire  à  petit  feu  et  de  manière  que 
son  fond  soit  réduit  presque  en  glace ,  retirez-le  de  sa  braise  et 
ser\'ez-le  avec  le  ragoût  énoncé  ci  après  :  —  Mettez  quatre  cuil- 
lerées à  dégraisser  de  glace  de  viande  dans  une  casserole; 
ajoutez-y  la  cuisson  de  votre  aloyau,  que  vous  aurez  fait  passer 
et  dégraisser;  coupez  quelques  ris  de  veau  en  tranches,  des 
champignons  tournés,  des  fonds  d'artichauts  en  quartiers,  des 
petits  œufs  ;  dégraissez  le  ragoût  avant  de  servir  et  saucez  votre 
aloyau  avec  ce  ragoût. 

Q/ilojrau  rôti  (d'après  la  prescription  de  M.  Beauvilliers, 
ancien  cuisinier  de  Monsieur,  frère  du  roi).  —  Ayez  un  aloyau 
de  première  ou  de  seconde  pièce;  ôtez-en  Tarête,  sans  endom- 
mager ses  filets;  mettez-le  sur  un  plat,  saupoudrez-le  d'un  peu 
de  sel  fin,  arrosez-le  d'un  peu  d'excellente  huile  d'olive,  en  y 
joignant  quelques  tranches  d'oignons  et  de  feuilles  de  laurier; 
laissez-le   mortifier  deux  ou  trois  jours,  si  le  temps  le  permet. 


I50  ALOYAU. 


et  ayez  soin  de  le  retourner  deux  ou  trois  fois  par  jour;  lorsque 
vous  voudrez  le  faire  cuire,  embrochez-le  ou  couchez-le  sur  fer, 
de  la  manière  suivante  :  Passez  votre  broche  dans  le  gros  filet 
en  suivant  l'arête  ou  les  os  de  l'échiné;  gardez-vous,  dirai-je 
encore,  d'endommager  le  filet  mignon  ;  attachez-y,  du  côté  du 
gros  filets  un  attelet,  ou  petite  broche  en  fer,  liez-le  avec  de  la 
ficelle  fortement  des  deux  bouts,  afin  que  votre  aloyau  ne  tourne 
pas  sur  la  broche;  roulez  le  flanc  en  dessous,  pour  mieux  pré- 
senter le  filet  mignon  et  la  graisse  de  votre  aloyau  que  vous 
dégraissez  légèrement;  assujettissez  ce  flanc  avec  des  petits 
attelets,  en  les  passant  d'outre  en  outre  dans  le  gros  filet;  enve- 
loppez de  papier  fort  cet  aloyau  et  mettez-le  à  un  feu  vif,  afin 
qu'il  concentre  son  jus. 

Filet  d'aloyau  braisé  à  la  royale.  (D'après  la  tradition  de 
Vincent  de  la  Chapelle,  premier  cuisinier  du  roi  Louis  XV, 
reproduite  par  l'auteur  des  Mémoires  de  la  marquise  deCréquy). 
On  lève  le  filet  d'un  aloyau  dont  on  tire  toute  la  graisse;  on 
aura  soin  de  le  ficeler  pour  lui  donner  la  forme  qu'on  jugera  la 
plus  convenable,  car  il  est  bon  de  calculer  si  l'on  aura  besoin  de 
le  servir  comme  relevé  sur  un  grand  plat  ovale,  ou  comme  entrée 
sur  un  moyen  plat  rond.  Dans  tous  les  cas,  on  mettra  au  fond 
d'une  braisière  des  bardes  de  lard  et  des  tranches  de  veau,  cinq 
ou  six  oignons,  deux  clous  de  girofle  avec  un  bouquet  garni.  On 
place  ensuite  le  filet  dans  la  braisière ,  on  le  couvre  de  lard,  et 
l'on  y  verse  750  grammes  d'excellent  bouillon  où  l'on  ajoute  un 
peu  de  sel;  on  commence  par  faire  bouillir  la  braise  sur  un  four- 
neau bien  ardent  et  on  la  met  ensuite  cuire  à  petit  feu  pendant 
six  heures.  Au  bout  de  ce  temps,  on  prend  le  fond  du  ragoût 
que  l'on  fait  réduire  et  clarifier;  on  le  dégraisse  exactement  et 
l'on  en  forme  une  demi-glace  bien  claire  que  l'on  sert  sous  le 
même  filet  de  bœuf,  après  lui  avoir  donné  une  belle  couleur.  Si 
l'on  veut  que  le  filet  de  bœuf  ait  encore  une  plus  belle  appa- 
rence, on  doit  le  laisser  refroidir  pour  le  parer  avec  plus  de  goût; 
on  le  fait  réchauflêr  dans  une  partie  du  mouillement  oïl  il  a  été 
cuit.  On  pourrait  également  le  servir  à  la  gelée,  en  ayant  eu  soin 
d'ajouter  dans  la  braisière  un  pied  de  veau,  avec  30  grammes  de 
corne  de  cerf. 


AMANDES.  ICI 


Après  ces  grandes  façons  de  préparer  et  de  servir  l'aloyau, 
nous  en  citerons  quelques-unes  qui  ne  sont  pas  moins  bonnes 
pour  être  plus  simples. 

Filet  d'aloyau  à  la  bourgeoise.  —  Lardez  fortement  un 
tilet  d'aloyau  ;  mettez  votre  filet  à  la  casserole  sur  un  fond  de 
parures,  avec  oignons,  carottes  et  céleri,  fonds  d'artichauts, 
bouquet  garni  et  250  grammes  de  bouillon  sans  graisse. 

Filet  d'aloyau  aux  concombres.  —  Parez  votre  filet,  piquez,' 
iaites  rôtir  avec  concombres  farcis  à  la  chair  de  volaille  et  à  la 
moelle  de  bœuf. 

Filet  d'aloyau  aux  oignons  glacés  ou  aux  laitues  farcies. 
—  Parez  et  faites  cuire  ;  comme  ci-dessus  dégraissez  et  entourez 
de  laitues  farcies  et  d'oignons  glacés. 

Filet  d'aloyau  aux  conserves.  —  Parez  comme  pour  un 
aloyau  braisé,  lardez  et  faites  rôtir  ;  mettez  filets  de  cornichons, 
rouelles  de  betterave  confite,  oignons,  choux-fleurs,  guignes,  cas- 
sis, alises,  mirabelles,  etc.,  avec  quelques  cuillerées  à  dégraisser  de 
glace  de  viande  et  une  de  vinaigre,  le  tout  dans  la  casserole, 
faites  chauffer  sans  bouillir  et  servez  très-chaud  sous  le  bœuf. 

Filet  d'aloyau  aux  cornichons  à  la  bonne-femme.  —  Modi- 
fication du  précédent,  qui  consiste  à  remplacer  la  glace  de 
viande  par  un  roux  léger  ;  mouillez  avec  du  consommé  dans 

lequel  nageront  des  cornichons  coupés  en  tranches. 

Filet  d'aloyau  au  vin  de  Malaga.  —  Même  parure  que 
pour  l'aloyau  rôti  ;  lardez  fortement;  garnissez  la  casserole  d'un 
lit  de  bardes  de  lard,  d'une  tranche  de  noix  de  veau,  d'une 
tranche  de  jambon  cru,  de  carottes,  d'oignons,  mousserons,  fonds 
d'artichauts,  bouquet  garni;  mettez  l'aloyau  sur  le  tout;  mouil 
lez  de  deux  verres  de  malaga,  coupez  de  deux  ou  trois  cuil- 
lerées à  pot  de  bouillon  réduit;  laissez  cuire  sur  un  feu  léger 
pendant  un  peu  plus  de  deux  heures  et  tamisez  afin  de  glacer 
avec  consistance  et  transparence.  Plat  recommandable. 

Filet  d'aloyau  au  vin  de  Madère^  à  la  bourgeoise.  —  Mettre 
à  la  broche,  arroser  de  son  propre  jus  et  d'une  demi-bouteille 
de  madère,  avec  rocambole  pilée  et  mignonnette. 

AMANDES  DOUCES,  AMANDES  AMÈRES.  —  On 
donne  le  nom  d'amande  à  la  semence  de  tous  les  arbres  à  noyaux 


153  AMANDES. 


renfermée  dans  une  écorce  dure.  On  dit  une  amande  d'abricot, 
une  amande  de  pêche,  etc.  ;  mais  il  est  ici  particulièrement  ques- 
tion du  fruit  de  Tamandier  qui  croît  en  Italie,  en  Provence,  en 
Languedoc,  en  Touraine  et  en  Afrique;  Thuile  qu'il  renferme 
s'altère  vite  et  contient  de  Tâcreté  ;  les  amandes  sont  en  elles- 
mêmes  adoucissantes,  rafraîchissantes,  nourrissantes  et  calment 
la  toux  ;  les  mauvais  estomacs  seulement  ne  doivent  pas  se  don- 
ner le  travail  difficile  de  les  digérer  en  grande  quantité.  La  peau 
de  Tamande  en  vieillissant  se  recouvre  au  contraire  d'une  pous- 
sière acre  qui  irrite  la  gorge,  excite  la  toux  et  rend  l'amande 
plus  indigeste.  L'amande  amère  n'entre  pas  dans  l'alimentation, 
elle  contient  un  acide  connu  sous  le  nom  d'acide  prussique  ou 
hydrocyanique  ;  c'est  le  poison  le  plus  rapide  et  le  plus  violent. 
Une  goutte  d'acide  prussique  posée  sur  la  langue  ou  sur  l'œil 
d'un  bœuf  le  tue  à  l'instant  même.  C'est  surtout  avec  les 
amandes  de  la  pêche  qu'on  le  prépare.  S'il  y  a  empoisonnement 
par  acide  prussique  et  que,  soit  par  l'évaporation,  soit  par  toute 
autre  cause,  cet  empoisonnement  n'a  pas  lieu  avec  une  rapidité 
foudroyante,  il  faut  faire  prendre  au  malade  une  préparation 
de  fer.  Dans  les  indispositions  à  la  suite  de  l'absorption  d'une 
trop  grande  quantité  d'amandes  amères,  il  faut  répéter  cette 
expérience.  Avec  les  amandes  douces,  on  peut  faire  les  prépara- 
tions suivantes  : 

Crème  d'amandes,  —  Pilez  et  émondez  460  grammes 
d'amandes  douces,  mêlez-y  trois  amandes  amères  seulement, 
passez  cette  composition  à  l'étamine  après  Pavoir  délayée  avec 
de  la  crème  bouillante,  ajoutez  des  jaunes  d'œufs  ainsi  que 
de  l'eau  double  de  fleur  d'orange,  et  faites  prendre  cette  crème 
au  bain-marie.  On  peut  garnir  ce  plat  d'amandes  pralinées. 
Consignons  ici  en  passant  que  c'est  à  Bourges  qu'on  fait  les 
meilleures  amandes  pralinées. 

Q/lmandes  pralinées,  —  Ce  nom  leur  vient  de  la  maréchale 
de  Praslin  dont  le  chef  d'office  avait  inventé  cette  friandise.  Vous 
mettez  dans  une  poêle  500  grammes  d'amandes,  500  grammes 
de  sucre,  un  verre  d'eau  distillée,  vous  faites  bouillir  le  tout 
jusqu'au  pétillement  des  amandes  :  retirez  du  feu  et  remuez 
jusqu'à   ce  que  le   sucre  n'adhère  plus  aux   amandes.  Enlevez 


AMANDES.  15} 


une  partie  du  sucre ,  remettez  l'autre  sur  le  feu  ;  remuez 
jusqu'à  nouvelle  adhérence  du  sucre  et  des  amandes,  et  mettez 
les  pralines  au  sec.  Les  pistaches  pralinées,  les  avelines  pra- 
linées,  se  préparent  comme  les  amandes,  et,  comme  elles,  ^  con- 
servent dans  un  endroit  sec. 

Gâteau  d'amandes,  —  Prenez  un  demi  litre  de  farine; 
mettez  dedans  environ  50  grammes  de  beurre,  deux  œufs  com- 
plets, un  peu  de  sel,  63  grammes  de  sucre  blanc,  90  grammes 
d  amandes  douces  pilées,  pétrissez  le  tout,  faites  cuire  comme 
un  gâteau  ordinaire  et  glacez  avec  sucre  et  pelle  rouge. 

Gâteau  d'amandes  massif.  —  Prenez  un  kilogr.  d'amandes 
douces  mondées,  lavées,  pilées,  mêlées  à  1 5  grammes  d'amandes 
amères.  Ajoutez-y  des  épidermes  de  citrons  confits,  de  l'angé- 
lique,  de  la  fleur  d'orange  pralinée,  un  peu  de  sel,  i  kilogri  de 
sucre,  dix-sept  jaunes  et  seulement  cinq  blancs  d'œufs;  mélangez, 
beurrez  votre  moule,  mettez-y  le  tout  garni  de  papier  beurré,  et 
cuisez  à  four  doucement  chauffé. 

M.  de  Courchamps  donne  le  conseil,  et  je  ne  puis  qu'inviter 
le  lecteur  à  le  suivre,  de  mettre  à  proximité  de  cet  entremets 
une  crème  liquide  aux  jaunes  d'œufs,  dans  laquelle  vous  aurez 
versé  du  lait  d'amandes  au  lieu  de  lait  ordinaire  et  que  vous 
aurez  fait  cuire  au  bain-marie. 

Compotes  d'amandes  vertes,  —  Préparez  comme  une  com- 
pote d'abricots  verts,  mais  versez  avant  le  refroidissement  une 
petite  cuillerée  de  kirsch. 

*Petits  gâteaux  d'amandes.  —  Mondez  250  grammes 
d'amandes  douces  et  deux  ou  trois  amandes  amères;  pilez-les; 
mettez  un  blanc  d  œuf;  ajoutez-y  500  grammes  de  sucre,  un  peu 
de  fleur  d'orange  pralinée,  et  de  crème;  abaissez  du  feuilletage 
à  l'épaisseur  de  cinq  millimètres.  Coupez  cette  pâte  ainsi  que 
pour  des  petits  pâtés  ;  garnissez  chaque  morceau  de  feuilletage 
avec  votre  préparation  d'amandes;  faites-les  cuire  à  un  four 
chaud  et  poudrez-les  de  sucre  blanc. 

Gâteau  d'amandes  à  la  manière  dite  de  Pithiviers.  — 
Opérez  comme  ci-dessus,  sinon  que  le  gâteau  doit  être  recouvert 
d'une  lame  de  pâte  feuilletée. 

Macarons  d'amandes  amères.  —  Écossez  les  amandes  moujil- 


154  AMBRE. 


lées  ;  pilez  avec  quatre  blancs  d'œufs  pour  500  grammes 
d'amandes,  et  mettez  dans  une  terrine  ;  jetez-y  i  k.  500  grammes 
de  sucre  en  poudre  ;  si  la  pâte  était  trop  sèche,  on  y  ajouterait 
des  blancs  d  œufs;  dressez  la  pâte  sur  des  feuilles  de  papier  par 
petites  portions,  et  faites  cuire  à  un  feu  doux  et  bien  clos. 

Macarons  d'amandes  douces.  —  Procédez  ainsi  que  pour  les 
autres  macarons,  seulement  mettez  i  kilog.  de  sucre  par 
500  grammes  d'amandes. 

Biscuits  d'amandes.  —  Prenez  250  gr.  d'amandes  douces, 
30  grammes  d'amandes  amères,  60  grammes  de  farine  et  i  kilog. 
de  sucre  en  poudre,  cassez  une  douzaine  d'oeufs;  mettez  les 
blancs  dans  une  tasse,  les  jaunes  dans  une  autre,  mondez  les 
amandes,  pilez-les  en  y  ajoutant  deux  blancs  d'œufs,  battez  le 
reste  en  neige,  battez  les  jaunes  à  part  avec  la  moitié  du  sucre, 
mélangez  tous  ces  jaunes  et  tous  ces  blancs  avec  vos  amandes 
pilées  de  manière  à  en  former  une  pâte,  incorporez-y  le  reste 
du  sucre  avec  de  la  farine;  préparez  des  caisses  de  papier, 
emplissez-les  de  votre  pâte,  et  glacez-les  avec  votre  mélange  de 
sucre  et  de  farine  que  vous  aurez  étendu  sur  un  tamis  et  que 
vous  agiterez  au-dessus  de  vos  caisses  pour  en  faire  tomber  une 
pluie  fine,  faites  cuire  ces  biscuits  dans  un  four  médiocrement 
chaud. 

Biscuits  aux  avelines,  biscuits  aux  pistaches,  biscuits  au 
chocolat,  biscuits  aux  marrons  glacés ,  biscuits  au  rhum,  bis- 
cuits à  l'orange,  au  citron,  à  l'ananas,  enfin  biscuits  à  la  crème 
salée,  se  préparent  de  la  même  manière.  {Méthode  de  M.  de  Cour- 
champs.) 

Lait  d'amandes.  —  Prenez  250  grammes  d'amandes  douces, 
un  litre  d'eau  chaude,  15  grammes  de  fleur  d'oranger,  180  grammes 
de  sucre;  mondez,  pilez  les  amandes,  trempez-les  de  temps  à 
autre  d'un  peu  d'eau;  lorsque  la  pâte  est  devenue  fine,  délayez- 
la  dans  l'eau  chaude  et  passez  le  tout  au  travers  d'un  linge,  et 
faites  bouillir  jusqu'à  réduction  de  moitié.  Tamisez  et  laissez 
refroidir. 

AMBRE.  (Son  origine,  ses  qualités,  par  M.  A.  F.  Olagnier.) 
—  Nous  allons  laisser  parler  le  célèbre  professeur,  puis,  bon  gré, 
mal  gré,  nous  le  forcerons  de  passer  la  main  à  un  autre  professeur 


AMBRE.  155 


non  moins  illustre  que  lui,  à  M.  Brillât-Savarin.  Nous  rappelle- 
rons seulement  qu'on  trouve  l'ambre  sur  le  bord  des  rivières  ou 
sur  le  rivage  de  la  mer,  mais  qu'on  ignore  encore  comment  il  se 
trouve  là  plutôt  qu'ailleurs. 

«  Ambre;  substance  cireuse  ou  huile  concrète,  tenace,  molle, 
fusible,  très-aromatique,  légère,  surnageant  sur  l'eau,  de  couleur 
cendrée,  opaque,  tachetée  ordinairement  de  points  noirs  ou  blancs, 
se  ramollissant  et  se  fondant  à  la  chaleur,  insipide  et  adhérente 
aux  dents  quand  on  la  mâche. 

«  En  1783,  le  docteur  Swediaur,  mon  ami,  publia  dans  les 
transactions  philosophiques,  un  mémoire  dans  lequel  il  établit 
par  des  inductions  et  par  des  faits ,  que  l'ambre  gris  n'est  autre 
chose  que  l'excrément  durci  du  cachalot  à  grosse  tête  ou  de  l'ani- 
mal qui  produit  le  blanc  de  baleine.  Les  pêcheurs  en  trouvent  / 
dans  le  ventre  de  ces  cétacés  depuis  100  grammes  jusqu'à  50  kilos; 
cette  substance  est  placée  dans  un  sac  qu'on  croit  être  l'intestin 
cœcum.  Les  baleines  à  ambre  sont  maigres,  engourdies  et  lan- 
guissantes, il  est  probable  que  cette  matière  est  une  cause  de 
maladie. 

«  M.  Dandrada,  de  Lisbonne^  prétendit  que  l'ambre  n'étaitpas 
un  excrément^  parce  qu'on  l'avait  assuré  qu'on  en  avait  retiré  de 
l'estomac  des  baleines.  Quoi  qu'il  en  soit  il  est  considéré  comme 
une  substance  animale,  à  cause  de  son  odeur  urineuse  lorsqu'il 
est  fraîchement  rejeté  sur  le  rivage,  et  de  l'avidité  avec  laquelle 
le  recherchent  les  oiseaux  de  mer  qui  ne  vivent  que  de  poissons. 
Aujourd'hui  l'opinion  de  Swediaur  paraît  être  généralement 
adoptée. 

tt  II  y  a  deux  sortes  d'ambre,  le  cendré  et  le  noir.  Le  meilleur 
est  le  cendré  ou  gris.  Il  doit  être  propre,  odoriférant  et  léger.  Le 
noir  est  peu  estimé.  Les  Orientaux  usent  beaucoup  de  l'ambre 
comme  d'un  aphrodisiaque.  Il  est  plus  certain  qu'il  fortifie  et 
qu'il  ranime  l'esprit  ;  les  femmes  hystériques  n'en  supportent  pas 
l'odeur.  Il  sert  aussi  comme  parfum.  La  plus  odorante  de  ses  pré- 
parations est  sa  dissolution  dans  l'alcool,  et  selon  Berzélius,  c'est 
sous  cette  forme  qu'on  doit  l'employer. 

«  L'ambre,  est  composé,  selon  le  même  chimiste,  d'ambéine, 
d'un  extrait  alcoolique  rougissant  le  tournesol  et  de  saveur  dou- 


156  AMBRE. 


ceâtre,  d'ui\  extrait  aqueux  avec  acide  benzoïque  et  de  chlorure 
sodique. 

«  Pour  savoir  s'il  est  falsifié,  il  faut  le  percer  avec  une  aiguille 
chauffée,  et  s'il  en  sort  un  suc  gras  et  odoriférant,  il  est  naturel. 
Jeté  sur  des  charbons  ardents,  il  exhale  une  odeur  très-pénétrante 
et  agréable,  enfin  il  surnage  sur  leau  et  n'adhère  point  au  fer 
chaud. 

«  L'ambre  frotté  fortement  a  la  propriété  de  Taimant. 

«  Les  huiles  d'olive,  de  colza,  celle  de  térébenthine  à  chaud 
le  dissolvent.  L'éther  le  dissout  à  froid.  »  (Q/i.  F.  Olagnier,) 

Passons  maintenant  à  Brillât-Savarin.  Nous  laissons  la  parole 
à  l'illustre  professeur,  pour  ne  rien  ôter  ni  ajouter  à  son  style  : 

«  Il  est  bien  que  tout  le  monde  sache  que  si  l'ambre,  consi- 
déré comme  parfum,  peut  être  nuisible  aux  profanes  qui  ont  les 
nerfs  délicats,  pris  intérieurement  il  ^sX  souverainement  tonique 
\  et  exhilarant;  nos  aïeux  en  faisaient  grand  usage  dans  leur  cuisine 

et  ne  s'en  portaient  pas  plus  mal. 

((  J'ai  su  que  le  maréchal  de  Richelieu,  de  glorieuse  mémoire, 
mâchait  habituellement  des  pastilles  ambrées,  et  pour  moi,  quand 
je  me  trouve  dans  quelqu'un  de  ces  jours  où  le  poids  de  l'âge  se 
fait  sentir,  où  l'on  pense  avec  peine  et  où  l'on  se  sent  opprimé 
par  une  puissance  inconnue,  je  mêle  avec  une  forte  tasse  de  cho- 
colat, gros  comme  une  fève  d'ambre  pilé  avec  du  sucre,  et  je  m'en 
suis  toujours  trouvé  à  merveille.  Au  moyen  de  ce  tonique,  l'ac- 
tion de  la  vie  devient  aisée,  la  pensée  se  dégage  avec  facilité  et 
je  n'éprouve  pas  l'insomnie  qui  serait  la  suite  infaillible  d'une 
tasse  de  café  à  l'eau  prise  avec  l'intention  de  produire  le  même 
effet. 

«  J'allai  un  jour  faire  une  visite  à  un  de  mes  meilleurs  amis 
(M.  Rubat);  on  me  dit  qu'il  était  malade  et  effectivement  je  le 
trouvai  en  robe  de  chambre  auprès  de  son  feu,  et  en  attitude 
d'affaissement. 

«  Sa  physionomie  m'effraya  ;  il  avait  le  visage  pâle,  les  yeux 
brillants  et  sa  lèvre  tombait  de  manière  à  laisser  voir  les  dents 
de  la  mâchoire  inférieure,  ce  qui  avait  quelque  chose  de  hideux, 

«  Je  m'enquis  avec  intérêt  de  la  cause  de  ce  changement 
subit;  il  hésita,  je  le  pressai  et  après  quelque  résistance  :  «  Mon 


AMBRE.  157 


«  ami,  dit-il  en  rougissant,  tu  sais  que  ma  femme  est  jalouse  et 
a  que  cette  manie  m'a  fait  passer  bien  des  mauvais  moments. 
«  Depuis  quelques  jours,  il  lui  en  a  pris  une  crise  effroyable  et 
a  c'est  en  voulant  lui  prouver  qu'elle  n'a  rien  perdu  de  mon  affec- 
(t  [ion  et  qu'il  ne  se  fait  à  son  préjudice  aucune  dérivation  du 
«  tribut  conjugal  que  je  me  suis  mis  en  cet  état.  —  Tu  as  donc 
a  oublié,  lui  dis-je,  et  que  tu  as  quarante-cinq  ans,  et  que  la 
«  jalousie  est  un  mal  sans  remède?  Ne  sais  tu  pa.s/urens  quid 
vifœmina  possit?  »  Je  tins  encore  quelques  autres  propos  peu 
galants,  car  j'étais  en  colère. 

«  Voyons,  au  surplus,  continuai-je  :  ton  pouls  est  petit,  dur, 
«  concentré;  que  va  tu  faire?  —  Le  docteur,  me  dit-il,  sort  d'ici, 
«  il  a  pensé  que  j'avais  une  fièvre  nerveuse,  et  a  ordonné  une 
«  saignée  pour  laquelle  il  doit  incessamment  m'envoyer  le  chirur- 
«  gien.  —  Le  chirurgien!  m'écriai-je,  garde  t'en  bien,  ou  tu  es 
«  mort;  chasse-le  comme  un  meurtrier,  et  dis-lui  que  je  me  suis 
0  emparé  de  toi,  corps  et  âme.  Au  surplus,  ton  médecin  connaît-il 
«  la  cause  occasionnelle  de  ton  mal?  —  Hélas!  non,  une  mau- 
«  vaise  honte  m'a  empêché  de  lui  faire  une  confession  entière, 
a  —  Eh  bien!  il  faut  le  prier  de  passer  chez  toi.  Je  vais  te  faire 
a  une  potion  appropriée  à  ton  état;  en  attendant  prends  ceci.  » 
Je  lui  présentai  un  verre  d'eau  saturée  de  sucre  qu'il  avala  avec 
la  confiance  d'Alexandre  et  la  foi  du  charbonnier. 

«  Alors  je  le  quittai  et  courus  chez  moi  pour  y  mixtionncr, 
fonctionner  et  élaborer  un  magistère  préparateur  qu'on  trouvera 
dans  les  Variétés  avec  les  divers  modes  que  j'adoptai  pour  me 
hâter;  car,  en  pareil  cas,  quelques  heures  de  retard  peuvent 
donner  lieu  à  des  accidents  irréparables. 

«  Je  revins  bientôt  armé  de  ma  potion  et  déjà  je  trouvai  du 
mieux,  la  couleur  reparaissait  aux  joues,  l'œil  était  détendu,  mais 
la  lèvre  pendait  toujours  avec  une  effrayante  difformité. 

«  Le  médecin  ne  tarda  pas  à  reparaître  ;  je  l'instruisis  de  ce 
que  j'avais  fait  et  le  malade  fit  ses  aveux.  Son  front  doctoral  prit 
d'abord  un  aspect  sévère;  mais  bientôt,  nous  regardant  avec  un 
air  où  il  y  avait  un  peu  d'ironie  :  —  «  Vous  ne  devez  pas  être 
«  étonné,  dit-il  à  mon  ami,  que  je  n'aie  pas  deviné  une  maladie 
a  qui  ne  convient  ni  à  votre  âge,  ni  à  votre  état,  et  il  y  a  de  votre 


158  AMBRE. 


«  part  trop  de  modestie  à  en  cacher  la  cause,  qui  ne  pouvait  que 
«  vous  faire  honneur.  J'ai  encore  à  vous  gronder  de  ce  que  vous 
«  m'avez  exposé  à  une  erreur  qui  aurait  pu  vous  être  funeste. 
«  Au  surplus,  mon  confrère,  ajouta-t-il  en  me  faisant  un  salut 
«  que  je  lui  rendis  avec  usure,  vous  a  indiqué  la  bonne  route; 
«  prenez  son  potage,  quel  que  soit  le  nom  qu'il  y  donne,  et  si  la 
«  fièvre  vous  quitte,  comme  je  le  crois,  déjeunez  demain  avec 
«  une  tasse  de  chocolat  dans  laquelle  vous  ferez  délayer  deux 
c(  jaunes  d'œufs  frais.  » 

«  A  ces  mots,  il  prit  sa  canne,  son  chapeau,  et  nous  quitta, 
nous  laissant  fort  tentés  de  nous  égayer  à  ses  dépens. 

«  Bientôt  je  fis  prendre  à  mon  malade  une  forfê  tasse  de  mon 
élixir  de  vie,  il  le  but  avec  avidité  et  voulait  renouveler,  mais 
j'exigeai  un  ajournement  de  deux  heures,  et  lui  servis  une  seconde 
dose  avant  de  me  retirer. 

«  Le  lendemain,  il  était  sans  fièvre  et  presque  bien  portant;  il 
déjeuna  suivant  l'ordonnance,  continua  la  potion  et  put  vaquer 
dès  le  surlendemain  à  ses  occupations  ordinaires,  mais  la  lèvre 
rebelle  ne  se  releva  qu'après  le  troisième  jour. 

«  Peu  de  temps  après  l'affaire  transpira,  et  toutes  les  dames 
en  chuchotaient  entre  elles. 

«  Quelques-unes  admiraient  mon  ami,  presque  toutes  le 
plaignaient  et  le  professeur  gastronome  fut  glorifié. 

«  Voici  la  recette  de  cet  élixir  qu'il  serait  dommage  ne  ne  pas 
livrer  à  la  postérité  : 

«  Prenez  six  gros  oignons,  trois  racines  de  carottes,  une  poi- 
gnée de  persil,  hachez  le  tout  et  le  jetez  dans  une  casserole,  où 
vous  le  ferez  chauffer  et  roussir  au  moven  d'un  morceau  de  bon 
beurre  frais. 

«  Quand  ce  mélange  est  bien  à  point,  jetez-y  180  grammes 
de  sucre  candi,  i  gramme  d'ambre  pilé,  avec  une  croûte  de  pain 
grillée  et  3  litres  d'eau,  que  vous  ferez  bouillir  pendant  trois 
quarts  d'heure  en  y  ajoutant  de  nouvelle  eau  pour  compenser  la 
perte  qui  se  fait  par  l'ébuUition,  de  manière  qu'il  y  ait  toujours 
3  litres  de  liquide. 

«  Pendant  que  ces  choses  se  passent,  tuez,  plumez  et  videz 
un  vieux  coq,  que  vous  pilerez,  chair  et  os  dans  un  mortier, 


AMBRE.  159 


avec  le  pilon  de  fer;  hachez  également  i  kilogramme  de  chair 
de  bœuf  bien  choisie. 

«  Cela  fait,  on  mêle  ensemble  ces  deux  chairs,  auxquelles 
on  ajoute  suffisante  quantité  de  sel  et  de  poivre. 

«  On  les  met  dans  une  casserole,  sur  un  feu  bien  vif,  de 
manière  à  les  pénétrer  de  calorique,  et  on  y  jette  de  temps  en 
temps  un  peu  de  beurre  frais,  afin  de  pouvoir  bien  sauter  ce 
mélange  sans  qu'il  s'attache. 

«  Quant  on  voit  qu'il  a  roussi,  c est-à-dire  que  1  osmazôme 
est  rissolée,  on  passe  le  bouillon  qui  est  dans  la  première  casse- 
role. On  en  mouille  peu  à  peu  la  seconde  et  quand  tout  y  est 
entré,  on  fait  bouillir  à  grandes  vagues  pendant  trois  quarts 
d'heure  en  ayant  toujours  soin  d'ajouter  de  Teau  chaude  pour 
conserver  la  même  quantité  de  liquide. 

«  Au  bout  de  ce  temps,  l'opération  est  finie,  et  on  a  une 
potion  dont  TefFet  est  certain  toutes  les  fois  que  le  malade  quoi- 
que épuisé  par  quelqu'une  des  causes  que  nous  avons  indiquées, 
a  cependant  conservé  un  estomac  faisant  ses  fonctions.    - 

«  Pour  en  faire  usage,  on  en  donne  le  premier  jour,  une  tasse 
toutes  les  trois  heures  jusqu'à  Theure  du  sommeil  de  la  nuit;  les 
jours  suivants,  une  forte  tasse  seulement  le  matin,  pareille  quan- 
tité le  soir ,  jusqu'à  l'épuisement  de  trois  bouteilles.  On  tient 
le  malade  à  un  régime  diététique  léger,  mais  cependant  nour- 
rissant, comme  des  cuisses  de  volaille,  du  poisson,  des  fruits 
doux,  des  confitures;  il  n'arrive  presque  jamais  qu'on  soit  obligé 
de  recommencer  une  nouvelle  confection,  vers  le  quatrième  jour, 
il  peut  reprendre  ses  occupations  ordinaires  et  doit  s'efforcer 
d'être  sage  à  l'avenir,  s'il  est  possible. 

c(  En  supprimant  l'ambre  et  le  sucre  candi,  on  peut  par  cette 
méthode  improviser  un  potage  de  haut  goût  et  digne  de  figurer 
à  un  dîner  de  connaisseur  ;  on  peut  remplacer  le  vieux  coq  par 
quatre  vieilles  perdrix  et  le  bœuf  par  un  morceau  de  gigot  de 
mouton,  la  préparation  n'en  sera  ni  moins  efficace,  ni  moins 
agréable. 

a  La  méthode  de  hacher  la  viande  et  de  la  roussir  avant  que 
de  la  mouiller  peut  être  généralisée  pour  tous  les  cas  où  l'on  est 
pressé;  elle  est  fondée  sur  ce  que  les  viandes  traitées  ainsi  se 


i6o  ANACARDE. 


chargent  de  beaucoup  plus  de  calorique  que  quand  elles  sont 
dans  l'eau;  on  s'en  pourra  donc  servir  toutes  les  fois  qu'on  aura 
besoin  d'un  bon  potage  gras,  sans  être  obligé  de  l'attendre  cinq 
ou  six  heures,  ce  qui  peut  arriver  très-souvent  surtout  à  la  cam- 
pagne. Bien  entendu  que  ceux  qui  s'en  serviront  glorifieront  le 
professeur.  »  (Brillât-Savarin.) 

AMIE.  —  Poisson  de  mer  qu'on  trouve  généralement  dans 
la  Méditerranée  et  qui  remonte  les  rivières  pendant  l'été.  Sa  chair, 
que  Gallien  a  placée  parmi  celles  qui  sont  tendres  et  bonnes,  bien 
condimentée  est  assez  agréable   quoique  peu  recherchée,  mais 

nourrit  peu. 

« 

AMMEDE.  —  Genre  d'oseille  qui  croît  dans  les  déserts  de 
l'Arabie  et  en  Grèce.  On  mange  cette  plante  comme  l'oseille 
dont  elle  a  l'acidité  et  dont  les  propriétés  sont  les  mêmes. 

AMOURETTE.  —  Moelle  épinière  de  certains  quadrupèdes 
et  de  certains  poissons  qui  servent  à  la  nourriture  de  l'homme. 
Ce  fut  un  vieux  seigneur  nommé  le  commandeur ,  de  Froullay, 
pourvu  d'une  grande  gourmandise  et  d'un  fort  appétit,  qui  à 
propos  probablement  des  fonctions  de  la  moelle  épinière  dans  le 
genre  humain,  la  baptisa  en  gastronomie  du  nom  d'amourette. 
Il  ny  a  guère  qu'en  Russie  où  l'on  fait  de  la  moelle  épinière  des 
esturgeons,  des  pâtés,  que  cette  moelle  épinière  s'emploie  en 
manière  de  plat;  sur  les  bords  de  la  mer  Caspienne,  où  l'on 
arrache  avec  cette  moelle  le  dernier  soupir  des  esturgeons,  elle 
porte  le  nom  de  vi^iga  comme  les  œufs  portent  le  nom  de  caviars. 
Dans  tout  le  nord  de  l'Europe,  viziga  et  caviars  ont  une  grande 
célébrité  près  des  gourmands. 

ANACARDE  OU  NOIX  D'ACAJOU.  —  La  vieille  dro- 
guerie employait  fréquemment  ce  fruit  qui  provient  d'un  grand 
arbre  nommé  anacardiutn  qui  croît  sur  les  bords  des  fleuves  dans 
l'Inde  et  en  Amérique;  on  en  mange  les  jeunes  pousses  qui  ont 
une  saveur  approchant  de  celle  de  la  pistache  ;  les  habitants  les 
font  rôtir  pour  leur  enlever  l'àcreté  et  les  confisent  aussi  au  sucre, 
elles  sont  nutritives,  mais  fort  échauffantes. 

M.  le  docteur  Virey  dit  qu'autrefois  on  regardait  l'amande 
orientale  ou  la  fève  de  Malac  comme  utile  pour  stimuler  ou 
rappeler  la  mémoire,   et  M.    Hoflinann  raconte  l'histoire  d'un 


ANCHOIS  i6i 


homme  stupide,  incapable  d'instrucrion,  qui,  après  avoir  fait  usage 
de  Tanacarde,  devint  professeur  en  droit;  mais  ensuite  le  vin 
altéra  sa  santé  et  il  mourut  d'une  manière  misérable. 

On  se  servit  pendant  longtemps,  en  Sicile,  d'un  miel  ana- 
Cardin  composé  pour  le  même  objet,  mais  comme  on  reconnut 
que  ceux  qui  s'en  servaient  n'étaient  ni  moins  bêtes,  ni  plus 
instruits,  on  abandonna  ce  philtre  d'un  nouveau  genre. 

ANANAS.  —  Fruit  originaire  du  Pérou  ;  sa  couleur  en 
maturité  tire  sur  le  bleu,  son  odeur  ressemble  à  celle  de  la 
framboise  ;  sa  saveur  est  douce,  le  suc  approche  du  goût  de  vin  de 
Malvoisie.  Pour  manger  Tananas,  on  le  coupe  par  tranches,  on 
lui  fait  perdre  son  àcreté,  en  le  laissant  tremper  dans  l'eau,  et 
on  le  met  dans  le  vin  en  y  ajoutant  du  sucre.  Dans  Tlnde,  on 
fait  du  suc  d'ananas  mêlé  avec  Teau  une  boisson  rafraîchissante 
préférable  à  la  limonade.  Au  Brésil,  on  récolte  une  immense 
quantité  d'ananas  sauvages.  Ils  sont  gros,  juteux,  aromatiques; 
on  en  tire  de  l'eau-de-vie,  qui  ressemble  au  Meskal.  L'ananas 
sauvage  atteint  soixante  centimètres  de  hauteur,  ses  feuilles  sont 
creuses  et  renferment  une  eau  claire  souveraine  pour  Tétanche- 
mentde  la  soif;  quoique  exposé  aux  rayons  du  soleil,  cette  eau 
reste  toujours  fraîche. 

ANCHOIS.  —  Poisson  de  mer  plus  petit  que  le  doigt, 
sans  écailles  et  qui  a  la  tête  grosse ,  les  yeux  larges  et  noirs,  la 
gueule  très-grande,  le  corps  argenté  et  le  dos  rond.  On  le  trouve 
abondamment  sur  les  côtes  de  Provence,  et  c'est  de  là  qu'il  nous 
arrive  confit  ou  mariné.  La  chair  d'anchois  a  une  saveur  délicate, 
on  la  fait  griller  et  elle  est  de  facile  digestion.  On  la  confit  aussi 
avec  du  vinaigre  et  du  sel,  ce  qui  forme  une  saumure  dans 
laquelle  on  le  conserve.  L'anchois  conservé  ne  figure  sur  nos 
tables  que  pour  hors^d'œuvre,  ou  il  ne  s'emploie  que  comme 
assaisonnement.  Il  doit  à  sa  nature  -et  à  sa  préparation  une  pro- 
priété excitante  qui  facilite  la  digestion  quand  on  en  use  modé- 
rément. C'est  avec  les  anchois  qu'on  farcit  les  olives,  il  entrait 
dans  la  préparation  du  garum  des  Romains.  On  pêche  pendant 
la  nuit  ce  poisson  sur  les  côtes  occidentales  de  l'Italie,  de  la  France 
et  de  l'Espagne. 

Q4nchois  en  salade  verte.  —  Lavez  des  anchois  dans  du  vin, 

XI 


i62  ANDOUILLES. 


levez  par  filets  et  faites-en  une  salade  avec  du  cerfeuil  et  de  la 
laitue. 

Beurre  d'anchois.  —  Pilez  des  filets  d'anchois  dessalés, 
avec  de  la  crème,  tamisez,  mélangez  avec  125  grammes  de 
beurre  et  servez  comme  hors-d'œuvre. 

Rôties  d'anchois.  —  Faites  frire  dans  Thuile  des  tranches 
de  pain  longues  et  minces,  préparez-les  dans  un  plat  en  versant 
par  dessus  une  sauce  faite  avec  de  l'huile  vierge,  du  jus  de 
citron,  du  gros  poivre,  du  persil,  de  la  ciboule  et  de  la  rocam- 
bole  hachée.  Couvrez  à  moitié  les  rôties  avec  des  filets  d'anchois 
que  vous  aurez  lavés  avec  du  vin  blanc. 

Q4nchois  farcis.  —  Les  anchois  seront  entiers  ;  nettoyez-les 
en  les  faisant  glisser  de  toute  leur  longueur  dans  une  serviette, 
fendez -les  en  deux,  ôtez-en  l'arête,  mettez  à  la  place  une 
petite  farce  de  chair  de  poisson,  bien  liée  avec  des  œufs,  trem- 
pez-les dans  une  pâte  à  beignets,  et  faites-les  frire. 

Canapé  d'anchois.  —  Taillez  une  mince  rondelle  de  pain, 
faites-la  frire  à  Thuile  et  placez-la  sur  un  fond  de  fromage 
parmesan;  arrangez  sur  la  rondelle  de  pain  deux  douzaines 
d'anchois  trempés  dans  du  lait,  arrosez  d'huile  de  Provence, 
couvrez  de  parmesan,  mettez  au  four,  et  faites  servir. 

•Q4nchois  à  la  parisienne,  —  Levez  par  filets  des  anchois 
dessalés,  hachez  des  œufs  durs  avec  du  cerfeuil  et  de  la  pimpre- 
nelle,  disposez  vos  filets  d'anchois  en  les  entre-croisant  en  losanges 
sur  le  fond  d'une  assiette,  de  manière  à  laisser  un  peu  de  vide 
entre  chaque  losange.  Remplissez  les  intervalles  et  remplissez 
le  tour  de  votre  assiette,  avec  votre  hachis  de  jaunes  d'œufs,  de 
vos  fines  herbes  et  de  vos  blancs  d'œufs  que  vous  placerez  en  les 
alternant,  de  manière  que  leurs  couleurs  ne  puissent  se  con- 
fondre; battez  ensuite  de  l'huile  surfine,  du  verjus,  de  la 
mignonnette  avec  quelques  gouttes  de  soya  de  la  Chine  que  vous 
verserez  sur  le  fond  de  votre  plat,  afin  qu'ils  s'incorporent  avec 
l'assaisonnement. 

ANDOUILLES  DE  COCHON.  —  Tirez  des  boyaux  de 
cochon  propres  à  faire  des  andouilles,  coupez-les  de  la  grandeur 
et  de  la  grosseur  de  celles  que  vous  voulez  faire  ;  nettoyez-les 
bien  pour  leur  ôter  le  goût  de  charcuterie,  faites-les   tremper 


ANDOUILLES.  163 


dans  un  peu  de  vin  blanc,  pendant  cinq  à  six  heures,  avec  thym, 
basilic  et  deux  gousses  d'ail  ;  ensuite  coupez  en  filets  du  porc 
frais,  de  la  panne  et  des  boyaux  ;  mêlez  le  tout,  assaisonnez-le 
de  sel  fin,  d'épices  fines,  d'un  peu  d'anis  pilé,  remplissez-en 
vos  boyaux,  prenez  garde  qu'ils  ne  le  soient  trop  (ce  qui  les  ferait 
crever)  ;  ficelez-les  et  mettez-les  cuire  dans  un  vase  juste  à  leur 
longueur,  avec  moitié  lait  et  moitié  eau,  un  bouq[uet  de  persil 
et  ciboules,  une  gousse  d'ail,  thym,  basilic,  laurier,  sel,  poivre, 
panne  :  vos  andouilles  cuites,  laissez-les  refroidir  dans  leur 
assaisonnement;  retirez-les,  essuyez-les  bien,  ciselez  un  peu, 
faites-les  griller  et  servez-les. 

Q4ndouilles  de  couenne.  —  Coupez  en  filets  de  la  couenne 
de  jeune  cochon,  des  boyaux  et  de  la  panne  ;  mêlez  le  tout  et 
procédez,  pour  assaisonner  et  finir  vos  andouilles,  comme  il  est 
énoncé  à  Tarticle  des  Q4ndouilles  de  cochon. 

Qândouilles  à  la  béchamelle.  —  Mettez  un  morceau  de 
beurre  dans  une  casserole  avec  un  tranche  de  jambon,  trois 
échalottes,  du  persil  et  de  la  ciboule,  une  gousse  d'ail ,  thym, 
basilic  et  laurier;  posez  votre  casserole  sur  un  feu  doux  et  laissez 
suer  pendant  environ  un  quart  d'heure  ;  mouillez-la  avec  un 
demi-litre  de  lait  ;  faites-la  bouillir  et  réduire  à  moitié  ;  passez- 
la  au  tamis,  mettez-y  une  bonne  poignée  de  mie  de  pain,  et 
faires-la  bouillir  de  nouveau,  jusqu'à  ce  que  le  pain  ait  bu  le 
lait,  ensuite  coupez  en  filets  de  la  poitrine  de  porc  frais,  de  la 
panne,  du  petit  lard  et  une  fraise  de  veau,  mêlez  ces  filets  avec 
votre  mie  de  pain  et  six  jaunes  d'œufs  crus,  des  épices  et  du  sel, 
remplissez  des  boyaux  de  cette  composition  ;  et,  ayant  fermé  vos 
andouilles,  faites-les  cuire  avec  moitié  lait  et  moitié  bouillon 
gras,  du  sel,  du  poivre,  un  bouquet  de  persil,  des  ciboules  ;  ser- 
vez comme  à  l'article  précédent, 

Qândouilles  de  bœuf.  —  Prenez  chez  le  charcutier  des 
robes  d'andouilles  ;  faites-leur  passer  le  goût  de  boyaux,  comme 
il  est  expliqué  pour  celles  du  cochon  ;  faites  cuire  aux  trois  quarts 
dans  de  l'eau  du  gras-double  et  des  palais  de  bœuf;  ensuite  cou- 
pez-les en  filets,  ainsi  que  de  la  tétine  de  veau  et  du  petit  lard  ; 
joignez  à  ces  filets  de  l'oignon  coupé  de  même  et  que  vous  aurez 
fait  presque  cuire  dans  du  beurre  ou  du  lard;  mêlez  le  tout 


i64  ANDOUILLES. 


ensemble,  en  y  ajoutant  quatre  jaunes  d'œufs  crus,  des  épices 
fines  et  du  sel,  entourez  cet  appareil  dans  vos  boyaux,  ficelez-en 
les  deux  bouts,  et  vos  andouilles  faites,  mettez-les  cuire  dans 
du  bouillon  gras  où  vous  aurez  mis  un  demi-litre  de  vin  blanc, 
un  bouquet  de  persil  et  ciboules,  une  gousse  d'ail,  du  laurier,  du 
thym,  du  basilic,  trois  clous  de  girofle,  sel,  poivre,  carottes  et 
oignons.  Vos  andouilles  cuites,  laissez-les  refroidir  dans  leur 
assaisonnement  ;  et,  pour  les  servir,  procédez  comme  il  est  dit 
pour  les  andouilles  de  cochon. 

Vous  pouvez  vous  servir  de  langues  en  place  de  palais  de 
bœuf. 

oAndouilles  de  veau.  —  Ayez  une  fraise  et  une  tétine  de 
veau  ;  faites-les  blanchir  un  grand  quart  d'heure  et  coupez-les 
en  filets;  joignez-y  500  grammes  de  petit  lard  coupé  de  même; 
maniez  le  tout  dans  une  terrine,  avec  sel,  épices  fines,  quelques 
échalotes  hachées,  quatre  cuillerées  à  dégraisser  de  crème  double 
et  quatre  jaunes  d'œufs  :  procédez  ensuite  en  employant  des 
boyaux  de  cochon  pour  faire  vos  andouilles,  comme  il  est  énoncé 
à  l'article  Qândouilles  de  cochon;  faites-les  cuire  avec  du  bouil- 
lon, un  demi-litre  de  vin  blanc,  une  gousse  d'ail,  du  thym,  du 
basilic,  du  laurier  et  un  bouquet  de  persil  et  ciboules,  laissez-les 
refroidir  dans  leur  assaisonnement,  retirez-les,  essuyez-les,  et, 
après  les  avoir  un  peu  ciselées,  faites- les  griller  et  servez. 

Q/indouilles  de  fraise  de  veau.  —  Prenez  une  fraise  de 
veau  ;  faites-la  blanchir  et  cuire  ;  ensuite  laissez-la  refroidir  :  ayez 
une  tétine  ou  deux  selon  leur  grosseur,  faites-les  cuire  comme  la 
fraise,  émincez  le  tout  ;  mettez-le  dans  une  terrine,  hachez  des 
champignons ,  des  échalotes ,  du  persil  et  des  truffes,  si  c'est  la 
saison,  mettez  ces  fines  herbes  dans  une  casserole  avec  du  beurre, 
passez-les  et  mouillez-les  avec  un  verre  de  vin  de  Malvoisie  ou 
de  Madère  :•  lorsque  cela  sera  réduit  à  moitié,  mettez-y  quatre 
ou  cinq  cuillerées  d'espagnole;  faites -le  réduire  de  nouveau 
comme  pour  une  sauce  aux  échalotes  ;  de  là  mettez*-y  votre  fraise 
de  veau,  votre  térine  et  six  jaunes  d'œufs,  le  tout  assaisonné  de 
sel,  poivre  et  épices  fines;  assurez-vous  si  cet  appareil  est  de  bon 
goût;  dans  ce  cas,  mettez-le  dans  les  boyaux  que  vous  avez  pré- 
parés à  cet  effet,  ayant  toujours  soin  qu'ils  ne  soient  pas  trop 


ANE.  165 

pleins  ;  liez-les  par  les  deux  bouts  ;  mettez-les  deux  minutes  dans 
de  l'eau  bouillante  pour  leur  faire  prendre  leur  forme,  retirez-les, 
ensuite  laissez-les  refroidir;  mettez  dans  une  casserole  des  lames 
de  veau  et  de  jambon,  carottes  et  oignons,  arrangez  dessus  vos 
andouilles;  couvrez-les  de  bardes  de  lard,  mouillez-les  avec  du 
vin  blanc  et  un  peu  de  bouillon  ;  faites-les  cuire  une  heure  et 
doucement,  pour  qu'elles  ne  crèvent  pas  ;  laissez-les  refroidir 
dans  leur  assaisonnement  pour  qu'elles  prennent  du  goût  ;  après 
retirez-les,  parez-les  et  faites-les  griller  à  la  façon  des  andouilles. 

Oândouilles  de  sanglier.  —  Elles  se  font  de  la  même  façon  ^ 

que  les  andouilles  de  cochon.  Seulement,  elles  sont  plus  rares  et 
plus  recherchées.  C'est  un  mets  de  haute  saveur,  surtout  quand 
elles  ont  été  fumées  dans  l'âtre,  avec  du  bois  de  genévrier,  pen- 
dant soixante- dou:fe  heures  de  suite.  Alors  on  les  coupe  en 
rouelle  et  on  les  £àix  griller  pour  les  servir  sur  une  purée  de  pois 
verts,  ou  de  marrons;  c'est  un  plat  d'entrée  et  non  pas  de  hors- 
d'œuvre. 

Qândouilles  de  lapin.  —  Désossez  un  bon  lapin,  coupez-le 
en  filets,  ainsi  qu'une  fraise  d'agneau  et  de  la  tétine  de  veau  de 
Pontoise.  Mêlez  avec  tous  ces  filets  de  l'oignon  haché;  cuisez; 
moitié  cuit,  assaisonnez  le  tout  avec  du  sel,  fines  épices,  persil, 
ciboules ,  échalotes  hachées ,  muscades,  basilic  ;  mettez  le  tout 
dans  des  boyaux  préparés  à  cet  effet;  faites-les  cuire  dans  un 
consommé  avec  trois  flûtes  de  Champagne  et  des  fines  herbes, 
laissez  refroidir  dans  la  cuisson  pour  les  paner  et  les  faire  griller. 
Servez-les  pour  hors  d'oeuvre.  Les  andouilles  de  faisan  et  de 
perdrix  que  Ton  sert  d'ordinaire  sur  une  purée  de  même  gibier 
se  préparent  d'une  façon  semblable. 

ANDOUILLETTES.  —  Les  meilleures  andouillettes  que  . 
j'ai  mangées,  et  je  n'en  excepte  pas  les  andouillettes  de  Troyes, 
sont  les  andouillettes  de  Villers-Cotterets.  Le  charcutier  qui  les 
fiibrique  se  nomme  Lemerré,  et  demeure  en  ûice  de  la  fontaine. 

ANE.  —  Les  goûts  changent.  Nous  avons  vu  dernièrement 
le  cheval  sur  le  point  de  détrôner  le  bœuf,  c'eût  été  toute  justice,  / 

car  le  bœuf  avait  détrôné  l'âne.  Mécène  fut  le  premier  chez  les 
Romains  qui  mit  en  usage  la  chair  de  l'âne  domestique  ;  il  y  a  en 
Numidie  et  en  Perse  quantité  d'ânes  sauvages  qui,  dans  Tanti- 


i66  ANE. 

quité,  portaient  le  nom  d'onagres  et  qu'on  appelle  aujourd'hui 
zèbres.  Ils  sont  d'un  gris  de  souris  clair,  les  épaules  et  le  dos  sont 
rayés  de  noir,  leur  tète  est  grosse,  leur  démarche  beaucoup  plus 
légère  que  celle  des  autres  ânes,  et  leur  caractère  encore  plus 
têtu.  Les  Persans  mangent  cette  chair  qu'ils  préfèrent  à  celle  de 
la  gazelle.  C'était  aussi  le  goût  de  leurs  ancêtres;  le  docteur  Ola- 
gnier  dit,  d'après  Oléarius,  que  dans  un  grand  festin  donné  par 
Schah  Abbas  aux  ambassadeurs,  on  tua  et  mangea  trente-deux 
ânes  sauvages,  que  leur  viande,  qu'ordinairement  on  réservait 
pour  la  table  du  monarque  était  exquise.  On  raconte  encore  que 
le  roi  de  Perse  se  plaisait  énormément  à  cette  chasse  et  qu'il 
envoyait  à  la  cuisine  de  sa  cour  ceux  qu'il  avait  tués.  Le  lait 
d'ânesse,  on  le  sait,  rend*  de  grands  services  aux  médecins  dans  le 
traitement  des  maladies  de  poitrine  et  particulièrement  dans  la 
phthisie  pulmonaire.  Il  est  essentiel  que  l'ânesse  soit  jeune^ 
saine,  bien  en  chair,  bien  nourrie  et  privée  de  son  ànon  depuis 
peu.  On  ne  doit  pas  non  plus  laisser  refroidir  ce  lait  et  ne  pas 
l'exposer  trop  longtemps  à  l'air  qui  l'altère  aussitôt. 

On  sait  par  les  vers  de  Juvénal  et  par  la  prose  de  Suétone 
que  Poppée,  femme  de  Néron,  menait  à  sa  suite  cinq  cents 
ànesses,  et  se  baignait  dans  leur  lait.  En  outre  si  on  se  rappelait 
que  ce  fut  une  ânesse  qui  transporta  la  Sainte  Famille  lors  de  sa 
fuite  en  Egypte  et  que  ce  fut  aussi  sur  un  animal  de  cette 
espèce  que  Jésus-Christ  fit  son  entrée  triomphante  dans  Jéru- 
salem, cela  suffirait  pour  diviniser  la  pauvre  bête,  que  nos 
paysans  au  contraire  accablent  de  coups  et  de  mauvais  trai- 
tements. 

Cependant  quel  animal  après  le  cheval  est  plus  utile  que , 
l'âne,  il  est  sobre,  patient,  dur  à  la  fatigue,  et  dans  les  iles  de 
Malte  et  de  Sardaigne  où  on  en  a  conservé  et  élevé  avec  soin 
des  races  pures ,  il  est  souvent  le  rival  heureux  du  cheval  qu'il 
remplace  avantageusement  dans  certaines  localités  à  cause  de 
son  pied  plus  sûr,  et  de  sa  vue,  de  son  ouïe,  de  son  odorat  plus 
développés. 

Quant  à  la  qualité  de  sa  chair,  il  est  vrai  de  dire  que  celle  de 
l'âne  n'est  pas  très  recherchée,  mais  celle  del'ânon,  au  dire  de  tous 
ceux  qui  en  ont  mangé  et  qui  l'ont  trouvée  excellente,  vaudrait 


ANETH.  167 

certainement  mieux  que  celle  du  cheval  la  plus  tendre  et  la  plus 
savoureuse. 

M.  Isouard  de  Malte  rapporte  que,  par  suite  du  blocus  de 
rile  de  Malte  par  les  Anglais  et  les  Napolitains,  les  habitants 
furent  réduits  à  manger  tous  les  chevaux,  chiens,  chats,  ânes  et 
rats;  a  cette  circonstance,  dit-il,  a  fait  découvrir  que  la  chair 
des  ânes  était  très-bonne;  elle  Test  en  effet,  au  point  que  les 
gourmands  de  la  cité  Valette  l'ont  préférée  à  la  viande  des 
meilleurs  bœufs  et  même  des  veaux  ;  aussi,  lorsqu'on  tuait  un 
àne,  c'était  à  qui  pourrait  en  avoir.  En  bouilli,  en  rôti  et  en 
daube  surtout,  le  goût  en  est  exquis.  Cette  chair  est  noirâtre  et 
la  graisse  tirant  sur  le  jaune;  il  faut  cependant  que  Tâne  n*ait 
que  trois  à  quatre  ans  et  qu'il  soit  gras.  J'observe  que  )e  ne  con- 
state que  la  particularité  des  ânes  de  Malte,  nourris  avec  de  la 
paille  et  de  l'orge,  ignorant  si  la  chair  des  ânes  étrangers  aurait 
la  même  qualité.  » 

Mécène,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit  plus  haut,  fut  le 
premier  qui,  chez  les  Romains,  mit  la  chair  de  cet  animal  en 
usage,  il  régalait  ses  convives  avec  de  l'ânon  mariné. 

Depuis,  en  France,  au  xvi*  siècle,  le  chancelier  Duprat^ 
grand  amateur,  faisait  élever  et  engraisser  des  ânons  pour  le 
service  de  sa  table,  et,  s'il  faut  en  croire  les  écrivains  du  temps, 
tous  ses  convives  en  feisaient  leurs  délices;  il  faut  croire  que 
cette  chair  fnt  trouvée  délicieuse  puisqu'elle  fiit  en  usage  pen- 
dant quelque  temps. 

Quant  aux  ânesses,  on  sait  de  quelle  utilité  elles  sont,  et 
combien  leur  lait  est  recherché  pour  différentes  maladies  de  poi- 
trine. Il  faut  voir  ces  humbles  bêtes  se  promenant  le  matin  dans 
Paris,  s'arrêtant  aux  portes  et  attendant  patiemment  qu'on  vienne 
les  traire;  puis  elles  repartent  sans  même  se  soucier  du  service 
qu'elles  viennent  de  rendre  et  vont  porter  ailleurs  sinon  la  santé, 
du  moins  un  adoucissement  aux  douleurs  humaines. 

J'ai  mangé  en  Kalmoukie  de  la  chair  d'ànon  qui  m'a  paru 
tenir  le  milieu  entre  le  bœuf  et  le  veau,  et  être  excellente.' 

ANETH.  —  Espèce  de  céleri  sauvage  ou  ache.  On  en 
distingue  deux  sortes  ;  Voâneth  ordinaire  dont  la  racine  ^$t 
grêle,  unique,  blanche;  les  feuilles  plus  petites  que  celles  du 


i68  ANGUILLE. 


^  / 


fenouil,  verdàtres  et  d'une  odeur  forte  ;  ses  fleurs  sont  roses,  ses 
graines  d'un  jaune  pâle,  la  saveur  en  est  douce,  quoique  aroma- 
tique. On  la  croit  originaire  d'Allemagne  ou  d'Italie  ;  dans  le 
premier  de  ces  pays  on  en  assaisonne  les  aliments  ;  en  Italie,  on 
mange  ses  jeunes  feuilles  en  salade  comme  le  céleri. 

Voâneth  odorant,  originaire,  dit-on  d'Espagne  ou  d'Italie, 
a  la  tige  un  peu  rameuse ,  ses  feuilles  sont  finement  découpées, 
ses  fleurs  jaunes  et  petites;  on  cultive  cette  plante  dans  les  jar- 
dins. Son  odeur  est  suave  quoique  forte,  et  sa  saveur  aromatique; 
elle  communique  au  poisson  un  goût  fort  agréable. 

Les  Romains  se  couronnaient  dans  leurs  festins  avec  des 
feuilles  d'aneth  à  cause  de  la  bonne  odeur  de  cette  plante,  et  les 
gladiateurs  en  mettaient  dans  leurs  aliments  pour  les  rendre  plus 
toniques. 

ANGÉLIQUE.  —  Plante  aromatique,  originaire  de  Syrie, 
et  qui  croit  en  général  le  long  des  rivières  qui  avoisinent  les 
montagnes.  Cette  plante  est  un  grand  régal  pour  les  Lapons  ;  ils 
en  mangent  les  feuilles  et  les  racines  bouillies  dans  du  lait  ;  c'est 
en  la  mâchant  et  en  mangeant  les  baies  qu'ils  trouvent  sous  la 
neige  qu'ils  complètent  leur  dessert.  La  meilleure  angélique  se 
fabrique  à  Niort,  où  l'on  a  pieusement  gardé  la  tradition  et  les 
formules  employées  par  les  religieuses  de  la  Visitation  de  Sainte- 
Marie  pour  la  confection  de  cette  excellente  conserve. 

ANGELOT.  —  Excellent  petit  fromage  que  l'on  fabrique 
en  Normandie  et  en  Lorraine. 

ANGLET.  •  —  Vin  blanc  fort  estimé  qui  se  fabrique  à 
Anglet,  département  des  Basses-Pyrénées. 

ANGOBERT.  —  Grosse  poire  ressemblant  au  beurré  ; 
elle  se  conserve  pendant  l'hiver;  sa  chair  est  ferme,  douce, 
excellente  à  manger  en  compote. 

ANGUILLE.  —  Les  Egyptiens  avaient  mis  les  anguilles 
au  rang  des  dieux;  ils  leur  rendaient  un  culte  religieux,  les 
élevaient  dans  des  viviers  où  des  prêtres  étaient  chargés  de  leur 
apporter  tous  les  jours  du  fromage  et  des  entrailles  d'animaux. 
Ils  apprivoisaient  ces  anguilles  sacrées  et  les  décoraient  de 
bijoux  en  forme  de  colliers.  Athénée  appelle  l'anguille  la  fille 
de  Jupiter.  On  cherche  vainement  comment  a  pu  conquérir  cette 


ANGUILLE.  169 


célèbre  généalogie  un  animal  qui  vit  constamment  dans  la  vase, 
où  il  respire  des  gaz  infects  qui  le  rendent  parfois  venimeux. 
Elle  a  les  mêmes  inclinations  que  le  serpent,  s' efforce  de  mordre, 
et,  lorsqu'elle  est  de  force,  mord  quelquefois  cruellement.  Son 
corps  est  froid,  visqueux  et  glissant,  sans  écailles,  mais  seulement 
revêtu  d'une  peau  dont  on  la  dépouille  facilement  ;  sa  vie  est  si 
tenace  que,  coupée  en  dix  ou  douze  tronçons,  chacun  de  ces  tron- 
çons coupés  s'agite  encore  ;  elle  parvient  à  une  grandeur  énorme; 
en  Italie  et  surtout  dans  les  marais  de  Comacchio,  on  en  a  vu  de 
plus  de  deux  mètres  de  long,  pesant  jusqu'à  dix  kilogrammes. 
En  Albanie,  leur  grosseur  égale  parfois  celle  de  la  cuisse  d'un 
homme. 

L'anguille,  sur  la  génération  de  laquelle  la  science  ne  nous 
arien  appris,  est  encore  un  mystère.  On  prétend  que  les  anguilles, 
dont,  selon  Pisanelli,  on  ne  peut  distinguer  le  sexe,  vont  se  faire 
féconder  à  la  mer,  et  qu'il  en  passe  près  des  rives  de  la  basse 
Seine,  et  particulièrement  à  Lécon,  près  d'Elbeuf,  des  quantités 
si  nombreuses  qu'on  peut  en  remplir  des  baquets.  Mais  les  pays 
où  elles  atteignent  la  plus  grande  taille,  c'est  la  Pologne  et 
l'Ecosse;  le  peuple  les  regarde  comme  des  serpents  et  n'en  mange 
point;  les  Juifs  s'en  abstiennent  par  scrupule  religieux.  On 
en  trouva  une,  en  Ecosse,  qui  avait  6  mètres  de  long  sur  65  cen- 
timètres de  circonférence;  les  matelots  qui  l'avaient  pêchée  la 
mangèrent  et  la.  trouvèrent  d'une  saveur  très-délicate.  Les 
anguilles  de  rivière  sont  les  meilleures  et  les  plus  recherchées 
par  conséquent.  Elles  ont  le  dos  brun  mêlé  de  bleu,  le  ventre 
d'un  blanc  argenté  vif  et  pur,  tandis  que  les  anguilles  d'étang, 
de  marc  ou  de  fossé,  sont  toujours  d'une  couleur  terreuse. 
Chacun  sait  que  ces  animaux  ont  une  telle  affection  pour  la 
vase,  que,  lorsqu'on  vide  les  étangs,  on  n'arrive  à  les  faire  sortir 
de  la  boue  qu'en  tirant  des  coups  de  fîisil,  pour  les  épouvanter, 
sur  le  bord  de  ces  étangs.  Celles  qu'on  fait  sortir  ainsi  de  leur 
domicile  sentent  la  vase  ;  c'est  un  inconvénient  auquel  il  est  facile 
déporter  remède,  d'abord  en  achetant  les  anguilles  vivantes  et 
en  les  faisant  dégorger,  pendant  trois  jours  et  trois  nuits,  dans  un 
filet  d'eau  courante  ou  simplement  dans  un  baquet  rempli  d'eau 
de  source,  où  on  leur  jettera  quelques  morceaux  de  grains  d'orge 


I70  ANGUILLE. 


imbibés  de  vin  rouge  et  de  sel  fondu.  On  peut  en  £eiire  autant 
pourries  carpes  et  leur  enlever  ainsi  le  goût  et  Todeur  de  la  vase. 
En  général,  nos  cuisiniers  et  nos  cuisinières  font  autour  du  cou 
de  l'anguille  une  incision  circulaire,  et  tireiit  la  peau  à  eux; 
mieux  vaut,  pour  dépouiller  l'anguille,  l'exposer  d'abord  à  un 
brasier  de  charbon,  sur  lequel  sa  peau  se  plisse  et  se  boursoufle; 
alors  on  fait  couler  cette  peau  grillée  en  la  tirant  de  la  tête  à  la 
queue  avec  un  torchon  ;  cette  manière  de  faire  perdre  à  l'anguille 
son  huile  épidermatique  la  rend  d'un  meilleur  goût  et  plus 
facile  à  digérer. 

Oânguille  à  la  broche.  —  Ayez  une  belle  anguille,  dépouillez- 
la  ,  limonez-la  ;  à  cet  effet,  mettez-la  sur  des  charbons  ardents, 
retournez-la  de  manière  qu'elle  se  grille  partout;  essuyez-la 
avec  un  torchon,  grattez-la  avec  votre  couteau,  supprimez-en  les 
nageoires  dorsales  et  celles  de  dessous  le  ventre,  ôtez-lui  toute 
la  peau,  coupez-lui  la  tète  et  le  bord  de  la  queue  ;  pour  la  vider, 
ouvrez-lui  le  haut  de  la  gorge  et  un  peu  le  bas  du  nombril  ; 
introduisez-lui  parle  nombril  une  lardoire,  du  côté  du  gros  bout, 
et  que  vous  ferez  sortir  par  le  haut,  ce  qui  emportera  les  intes- 
tins; faites  qu'il  ne  lui  reste  rien  dans  le  corps;  lavez-la, 
tournez- la  en  rond  comme  une  gimblette  ;  passez  au  travers  des 
petits  hàtelets  d'argent  (faute  de  ces  hàtelets,  servez-vous  de 
brochettes  de  bois),  flxez- la  ainsi  avec  de  la  ficelle;  mettez-la 
dans  une  casserole,  versez  dessus  une  bonne  nnrepois  (F.  Mire- 
pois  et  façon  de  la  faire,  article  Sauces),  faites  cuire  à  moitié 
votre  anguille,  égouttez-la,  mettez-la  sur  la  broche,  emballez-la; 
faites-la  cuire,  déballez-la;  faites-la  un  peu  sécher,  glacez-la, 
dressez-la  sur  votre  plat ,  ôtez-en  les  hàtelets ,  et  servez  dessous 
une  italienne  rousse  ou  une  ravigote  (F.  l'article  Sauces). 

Q4nguille  à  la  Sainte-Menehould.  —  Préparez  cette  anguille 
comme  la  précédente  sous  tous  les  rapports ,  excepté  qu'au  lieu 
de  la  mettre  à  la  broche,  vous  la  poserez  sur  une  tourtière; 
couvrez  toutes  les  parties  de  cette  anguille  d'une  Sainte-Mene- 
hould  (V.  Sauce  Sainte-Menehould) ;  panez-la,  mettez-la  au 
four  ou  sous  un  four  de  campagne  pour  achever  de  la  cuire  et 
lui  faire  prendre  une  belle  couleur;  ces  deux  objets  remplis, 
dressez-la  sur  votre  plat  ;  ôtez-en  les  hàtelets  ou  les  brochettes 


ANGUILLE.  171 


et  la  iicelle  ;  servez  dans  son  puits  une  italienne  blanche,  bien 
corsée,  ou  une  ravigote  blanche. 

Q4nguille  à  la  poulette.  —  Prenez  une  anguille,  dépouillez- 
la,  limonez-la  comme  les  précédentes  ;  supprimez-en  la  tète  et 
le  bout  de  la  queue;  coupez-la  par  tronçons  égaux;  lavez-la  et 
laissez-la  dégorger;  ôtez  bien  le  sang  qui  se  trouve  proche  Tarête, 
et  grattez-la  ;  mettez  dahs  une  casserole  un  morceau  de  beurre» 
ainsi  que  votre  anguille  et  des  champignons  tournés ,  passez-la 
un  instant  sur  le  feu,  singez-la  avec  de  la  farine  passée  au  tamis, 
mouillez-la  avec  du  bouillon  gras  ou  maigre  et  une  demi-bou- 
teille de  vin  blanc  ;  ayez  soin  de  la  remuer  avec  une  cuiller  de 
bois  jusqu'à  ce  qu'elle  bouille  ;  une  fois  partie,  mettez-y  un  bou- 
quet de  persil  et  ciboules,  garni  d'une  demi-feuille  de  laurier, 
d'un  clou  de  girofle,  avec  sel  et  poivre:  ajoutez-y,  si  vous  le 
voulez,  une  trentaine  de  petits  oignons;  laissez  cuire  et  réduire 
votre  ragoût  ;  dégraissez-le ,  ôtez-en  le  bouquet ,  et  liez-le  avec 
deux  ou  trois  jaunes  d'œufs;  délayez  avec  de  la  sauce  de  votre 
anguille  et  un  jus  de  citron;  dressez-la  sur  votre  plat,  et  mas- 
quez-la de  sa  garniture. 

Oinguille  à  la  Tartare.  — Ayez  une  anguille,  dépouillez-la, 
limonez-la,  videz-la,  comme  il  est  dit  ci-dessus;  coupez-la  par 
tronçons  de  15  à  ao  centimètres;  6xtz  le  sang  qui  se  trouve  près 
de  Tarète;  lavez-la,  mettez-la  dans  une  casserole,  avec  tranches 
d'oignons,  zeste  do^  carottes,  quelques  branches  de  persil,  deux 
ou  trois  ciboules  coupées  en  deux,  du  vin  blanc,  du  sel,  une 
feuille  de  laurier,  un  ou  deux  clous  de  girofle  et  un  peu  de 
thym;  mettez  au  feu  vos  tronçons,  faites-les  cuire,  et,  leur  cuisson 
faite,  gouttez-les,  roulez-les  dans  de  la  mie  de  pain,  trempez-les 
dans  une  anglaise  (V.  Anglaise,  article  Côtelettes  de  pigeon); 
repanez-les;  un  quart  d'heure  avant  de  servir,  faites-les  griller, 
retournez-les  sur  les  quatre  faces,  pour  qu'ils  soient  d'une  belle 
couleur  ;  mettez  dans  votre  plat  une  sauce  à  la  Tartare,  dressez- 
les  dessus  et  servez. 

Matelote  d'anguille  marinière.  —  Prenez  une  carpe  de 
Seine,  une  anguille,  une  tanche,  une  perche;  coupez-les  par 
morceaux.  Préparez  un  chaudron  d'airain,  recurez  le  fond  légè- 
rement, coupez  deux  gros  oignons  en  rouelles,  mettez  vos  tètes 


172  ANGUILLE. 


de  poissons  par-dessus,  et  ainsi  de  suite,  en  ayant  soin  d'assaisonner 
de  gros  sel  et  poivre ,  un  bon  bouquet  garni  et  quelques  pointes 
d'ail  ;  mouillez  le  tout  avec  deux  bouteilles  de  vin  de  Narbonne, 
faites  partir  sur  un  grand  feu  de  cheminée  ;  aussitôt  l'ébuUition, 
ajoutez  un  verre  de  cognac,  faites  flamber,  préparez  vingt  ou 
trente  petits  oignons,  que  vous  passez  à  la  poêle  avec  un  peu  de 
beurre,  rissolez-les,  jetez-les  dans  la  matelote;  faites,  avec  un  quart 
de  beurre  mêlé  à  deux  cuillerées  de  farine,  de  petites  boulettes, 
parsemez-en  le  poisson  et  agitez  l'anse  du  chaudron  pour  lier  le 
tout  ensemble;  dressez  votre  matelote,  garnissez  avec  vos  croû- 
tons et  douze  écrevisses  cuites  au  vin  du  Rhin,  et  servez  chaud. 
{Recette  Vuillemot.) 

Qénguille  en  matelote  aux  œufs  ou  aux  laitances  de  carpes. 
—  J'ai  toujours  remarqué  la  préoccupation  des  gastronomes  qui 
mangent  une  matelote  faite  avec  du  barbillon,  de  la  carpe,  de  la 
perche  et  de  la  tanche;  cette  préoccupation  est  la  crainte  de 
s'étrangler;  on  n'ose  pas  tremper  son  pain  dans  cette  sauce,  si 
excellente,  que  c'est  elle,  la  plupart  du  temps,  qui  fait  passer  le 
poisson.  On  a  peur  qu'une  arête  ne  s'y  dérobe  et  ne  se  révèle  tout 
à  coup  à  votre  œsophage.  Je  vais  vous  offrir  un  moyen  bien 
simple  :  c'est  de  faire  votre  matelote  avec  des  objets  dans  les- 
quels il  n'entre  point  d'arêtes ,  c'est-à-dire  avec  l'anguille  dont 
les  arêtes  sont  impalpables,  et  avec  des  laitances  et  des  œufs  où 
les  arêtes  sont  absentes  ;  les  préparations  sont  les  mêmes,  l'as- 
saisonnement est  le  même,  l'adjonction  des  vingt  ou  trente  petits 
oignons  est  aussi  importante  que  dans  la  matelote  ordinaire; 
seulement  vous  pouvez  faire  frire,  l'un  après  l'autre,  quatre  ou 
cinq  œufs  à  qui  la  capacité  de  la  poêle  permette  de  prendre 
toute  leur  extension,  puis  vous  garnirez  le  fond  de  votre  plat  de 
vos  quatre  ou  cinq  œufs,  vous  déposerez  dessus,  avec  la  pointe 
d'une  fourchette ,  vos  tronçons  d'anguille  ainsi  que  vos  œufis  ou 
vos  laites,  vous  verserez  sur  le  tout  votre  sauce,  sur  laquelle  vous 
épancherez  un  petit  verre  de  rhum  ou  d'eau-de-vie,  auquel  vous 
mettrez  le  feu  et  que  vous  servirez  chaud. 

oAccolade  d'anguille  à  la  broche.  —  L'accolade  d'anguille 
était  un  des  grands  plats  que  Ton  servait  toujours  à  la  reine 
Anne  d'Autriche,  à  ses  diners  du  samedi.  Pour  faire  un  beau 


ANGUILLE.  173 


plat  de  relevé,  il  faut  avoir  de  fortes  anguilles,  d'égale  grosseur, 
à  qui  l'on  coupera  la  tète  et  le  bout  de  la  queue  ;  on  les  ficellera 
dos  à  dos  sur  un  hâtelet  de  fer,  en  contrariant  leur  accolade, 
c'est-à-dire  en  mettant  la  queue  de  Tune  à  la  tête  de  l'autre,  afin 
que  le  volume  en  soit  égal  aux  deux  extrémités  ;  ensuite  on  les 
mettra  dans  une  poissonnière  avec  un  bon  jus  de  racine ,  mêlé 
d'un  demi-litre  de  vin  d'Espagne,  et  on  les  fera  cuire  au  four  pen- 
dant une  demi-heure;  au  bout  de  ce  temps,  il  faut  les  retirer  pour 
les  paner»et  les  mettre  à  la  broche,  toujours  bien  attachées  sur 
leur  hâtelet,  ayant  soin  de  les  entourer  d'un  fort  papier  beurré  ; 
vingt  minutes  suffiront  pour  achever  la  cuisson.  On  servira  cette 
accolade  rôtie,  sur  un  grand  plat  ovale,  avec  une  sauce  composée 
de  jus  des  quatre  racines  réduites  en  glace,  un  quart  de  litre  de 
vin  de  Paqueret  sec  ou  de  vieux  xérès ,  après  avoir  épicé  ladite 
sauce  avec  du  poivre  blanc,  de  la  fieur  de  muscade  et  de  la 
coriandre.  Nous  avons  suiv^  l'ancienne  formule  textuellement, 
mais  on  peut  remplacer  les  deux  vins  indiqués  par  du  vin  de 
Madère. 

Q4nguille  à  la  minute,  —  Dépouillez  une  anguille,  coupez- 
la  par  morceaux,  faites-la  cuire  à  gros  sel  pendant  dix  ou  quinze 
minutes,  selon  sa  grosseur,  et  servez-la  dressée  sur  un  plat,  avec 
une  sauce  maître  d'hôtel  chaude,  aiguisée  avec  du  verjus  ou  du 
citron  ;  entourez  le  plat  d'un  cordon  de  pommes  de  terre  bouillies 
ou  frites,  et  servez  pour  entrée  au  déjeuner. 

Q4nguilîe  à  la  Suffren.  —  Prenez  une  anguille ,  piquez-la 
avec  des  filets  d'anohois  et  de  cornichons,  roulez-la  en  cercle  avec 
une  ficelle  beurrée,  mettez-la  ensuite  sur  un  sautoir,  avec  une 
marinade  cuite,  et  puis  sur  le  four  de  campagne.  Une  fois  cuite, 
versez  une  sauce  aux  tomates  relevée  de  poivre  rouge. 

Oânguille  aux  montants  de  laitues  romaines,  —  Coupez 
votre  anguille,  faites-«-la  cuire  en  fricassée  de  poulet;  quand  elle 
est  presque  cuite ,  épluchez  des  montants  de  laitues  romaines, 
cuites  à  l'eau,  salées  et  beurrées,  mettez-les  égoutter,  faites-leur 
prendre  goût  avec  l'anguille,  vous  liez  avec  trois  jaunes  d'œufis 
et  le  jus  d'un  citron,  sur  le  feu,  et  servez  entouré  de  croûtes 
frites. 

Qénguille  au  soleil.  —  Quand  vous  aurez  coupé  une  anguille 


174 


ANGUILLE. 


par  tronçons,  faites-^la  cuire  dans  une  marinade,  laissez-la 
refroidir  et  ëgoutter,  trempez-la  dans  des  œufs  battus,  assai* 
sonnez  de  sel  et  de  poivre ,  roulez-la  dans  de  la  mie  de  pain  et 
mettez-*la  dans  de  la  friture  bien  chaude;  lorsqu'elle  est  arrivée 
à  une  belle  couleur  dorée,  entourez-la  d'olives  farcies  sur  une 
ravigote  verte. 

Pâté  d'anguille.  —  Dressez  une  caisse  de  pâtes,  garnissez- 
en  le  fond  d'un  peu  de  quenelles  de  carpe ,  de  champignons,  de 
culs  d'artichauts  et  de  tronçons  d'anguille,  que  vous  aurez  fait 
cuire  dans  un  bon  assaisonnement  (F.  ci-dessus);  achevez  de 
remplir  votre  pâté  de  quenelles  de  carpe,  que  vous  aurez  roulées 
dans  de  la  farine  et  desquelles  vous  aurez  formé  des  andouillettes  ; 
couvrez  votre  pâté,  mettez-lui  un  faux  couvercle;  faites-le  cuire, 
et,  aux  trois  quarts  de  sa  cuisson,  cernez  le  couvercle;  lorsque 
votre  pâté  sera  cuit,  découvrez-le,  saucez-le  d'une  bonite  espa- 
gnole maigre  et  réduite,  dans  laquelle  vous  aurez  mis  quelques 
laitances  de  carpe. 

Bastion  d'anguille.  —  Prendre  une  belle  anguille  de  Seine, 
la  dépouiller ,  la  désosser ,  préparer  une  farce  fine  de  poisson, 
composée  de  merlans,  carpes;  pilez  les  chairs  dans  un  mortier, 
assaisonnez  de  sel ,  poivre ,  muscades ,  épices  ;  faites  tremper  un 
peu  de  mie  de  pain  dans  un  consommé,  laissez-le  sécher  sur  le 
feu,  joignez-y  quatre  jaunes  d'œufs  crus,  un  peu  de  beurre, 
assaisonnez  le  tout.  Garnissez  votre  anguille  avec  un  peu  de 
truffes  hachées  dans  la  farce,  mettez  la  galantine  d'anguille  dans 
un  torchon  beurré,  faites-la  cuire  dans  une  mirepois,  ajoutez-y 
vin  blanc,  aromates,  bouillon  ;  laissez  cuire  une  heure  et  refroi- 
dir. Faites  une  infusion  de  cerfeuil,  estragon,  cornichons,  un 
demi-verre  de  vinaigre,  un  peu  de  gelée  de  viande;  passez  le 
tout  après  infusion,  ajoutez  du  beurre  frais,  faites  avec  quelques 
feuilles  d'épinards  un  peu  de  vert  que  vous  passez  au  torchon, 
laissez  prendre  sur  le  feu,  passez  de  nouveau  et  versez  avec  votre 
beurre.  Coupez  votre  anguille  par  tronçons,  cinq  d'égale  hauteur, 
mettez  sur  un  plat  froid  du  beurre  de  Montpellier,  dressez-les 
droit  sur  le  plat,  masquez-les  de  beurre,  faites  quatre  autres 
morceaux  d'anguille ,  que  vous  superposez  sur  les  autres  plus 
petits,  masquez-les  également.  Prenez  de  la  bonne  gelée  de 


ANSERINE. 


*75 


viande  bien  clarifiée,  coupez-la  par  petits  croûtons,  garnissez 
votre  plat  de  ces  croûtons ,  hachez  de  la  gelée  que  vous  mettez 
par-dessus  vos  morceaux  d'anguille,  et  servez  bien  froid. 

ANIS.  —  Plante  aromatique,  de  la  famille  naturelle  des 
ombellifères ;  elle  est  abondante  dans  toute  l'Europe,  en  Egypte 
et  en  Syrie,  en  Italie  et  à  Rome  surtout;  elle  fait  le  désespoir  des 
étrangers,  quL  ne  peuvent  fuir  ni  son  goût  ni  son  odeur  ;  on  en 
met  dans  la  pâtisserie,  dans  le  pain;  les  Napolitains  en  mettent 
dans  tout.  En  Allemagne,  elle  est  le  principal  condiment  de  ce 
pain,  que  Ton  trouve  en  compagnie  des  figues  et  des  poires  tapées, 
et  qui  a  conservé  le  nom  depompernicky  qui  lui  vient  de  Texclama- 
tion  de  ce  cavalier  qui,  en  ayant  goûté  une  bouchée,  porta  immé- 
diatement le  reste  à  son  cheval  nommé  Nick,  en  disant  :  n  Bon 
pour  Nick  »,  c'est-à-dire,  avec  l'accent  allemand,  Pompernick. 

ANISETTE.  —  Malgré  notre  amour-jH-opre  national,  nous 
sommes  forcés  d'avouer  que  la  première  anisette  du  monde  vient 
de  chez  Fokung,  à  Amsterdam  ;  celle  de  Bordeaux  ne  vient  qu'après 
et  longtemps  après.  Il  faut  boire  Tanisette  de  Fokung  après  le 
café,  et  employer  l'anisette  de  Bordeaux  pour  des  entremets. 

ANON.  —  Petit  poisson  ressemblant  beaucoup  au  merlan, 
et  très-abondant  dans  la  Manche  en  janvier  et  en  février.  La 
chair  est  blanche,  ferme,  feuilletée,  de  bon  goût  et  de  facile 
digestion.  11  aies  mêmes  propriétés  alimentaires  que  le  merlan,  et 
les  pécheurs  des  côtes  en  font  un  très-grand  cas;  on  l'apprête 
comme  le  merlan,  soit  rôti  sur  le  gril  soit  frit  dans  le  beurre. 

ANSERINE.  —  Vulgairement  appelée  patte  d'oie  à  cause  de 
ses  feuilles  palmées,  qui,  en  effet,  ont  une  grande  ressemblance 
avec  une  patte  d'oie.  Plante  annuelle  de  la  famille  de  l'oseille  et 
de  Tarroche,  cultivée  soigneusement  au  Chili  et  au  Pérou. 

Il  y  a  plusieurs  sortes  d'ansérines  :  Vansérine  bon-Henri^ 
encore  appelée  toute-bonne ,  épinard  sauvage,  est  une  grande 
plante  potagère,  qui  croit  dans  les  lieux  incultes,  le  long  des 
murs  et  des  chemins  ;  dans  plusieurs  pays  on  mange  ses  jeunes 
pousses  comme  des  asperges,  et  ses  feuilles  en  guise  d'épinards; 
elle  passe  pour  émoUiente,  résolutive  et  détersive. 

Vansérine  polysperme,  ainsi  nommée  à  cause  de  la  grande 
quantité  de  graines  qu'elle  produit  ;  Vansérine  à  balais,  appelée 


176  APOS. 

vulgairement  belvédère,  et  dont  les  tiges  grêles,  chargées  de 
rameaux  dressés,  servent  en  Italie  à  faire  des  petits  balais;  Vansé- 
rine  botride,  Vansérine  ambroisie,  Vansérine  vermifuge,  Vansérine 
hybride,  Vansérine  fétide,  qui  servent  à  des  préparations  phar- 
maceutiques; et,  enfin,  Vansérine  quinoa,  qui  est  Tespèce  la 
plus  digne  de  toutes  ;  elle  abonde  sur  les  plateaux  élevés  des  Cor- 
dillères et  est  pour  le  Pérou  un  objet  considérable  de  culture  et 
de  consommation  :  en  potage,  en  gâteaux,  hachée  comme  les  épi- 
nards,  associée  à  d'autres  mets;  cette  ansérine  est  un  aliment 
très-sain  et  de  facile  digestion  ;  fermentée  avec  le  millet,  on  en 
obtient  une  espèce  de  bière  très-bonne  et  très-rafraîchissante. 
La  volaille  recherche  la  graine  de  la  variété  blanche,  et  le  quinoa 
produit  encore  un  fourrage  vert  excellent  pour  les  vaches. 

Les  essais  faits  en  France  et  en  Angleterre  pour  sa  naturali- 
sation ont  parfaitement  réussi. 

APAR.  —  Petit  animal  du  Brésil  dont  la  chair  est  aussi 
blanche,  aussi  bonne  et  aussi  nourrissante  que  celle  du  cochon 
de  lait;  ses  propriétés  alimentaires  sont  aussi  les  mêmes,  et  on 
l'apprête  de  la  même  manière. 

APHYE.  —  On  l'appelle  aussi  loche  de  mer;  c'est  un  poisson 
de  la  Méditerranée  que  Ton  trouve  aussi  dans  les  mers  de  Nice 
et  jusque  dans  le  Nil.  Ce  poisson  était  très-estimé  des  anciens; 
cependant  sa  chair  est  de  difficile  digestion,  surtout  quand  on  en 
mange  avec  excès. 

API.  —  Petites  pommes  dont  un  des  côtés  exposé  au  soleil 
devient  très-rouge,  tandis  que  lautre  reste  blanc;  la  peau  en  est 
fine  ;  la  chair,  quoique  sucrée,  est  dure,  ce  qui  la  rend  pesante  et 
indigeste. 

APOGON.  —  C'est  le  roi  des  rougets;  sa  chair  est  exquise 
et  fort  recherchée  ;  on  le  trouve  dans  les  environs  de  la  mer  de 
Malte. 

APOS.  —  Oiseau  plus  gros  que  l'hirondelle,  mais  ayant 
beaucoup  de  ressemblance  avec  elle.  L'apos  n'a  pas  de  pattes; 
aussi  est-il  obligé  de  voler  continuellement  et  de  se  nourrir 
d'insectes  qui  sont  dans  l'air.  Cet  oiseau  est  fort  recherché  et  se 
vend  très-cher  en  Italie,  et  surtout  à  Bologne,  à  cause  de  la 
bonne  saveur  de  sa  chair  qui  nourrit  bien  et  se  digère  facilement. 


APPLE  s  CAKE.  177 


APPÉTIT.  —  Il  y  a  trois  sortes  d'appétit  :  le  premier,  celui 
que  Ton  éprouve  à  jeun,  sensation  impérieuse  qui  ne  chicane  pas 
avec  les  mets  et  qui  nous  fait  venir  Teau  à  la  bouche  à  l'aspect 
d'un  bon  ragoût  ;  le  second,  celui  que  l'on  ressent  lorsque  s'étant 
mis  à  table  sans  faim  on  a  déjà  goûté  d'un  plat  succulent,  et  qui 
consacre  le  proverbe  :  «  l'appétit  vient  en  mangeant;  »  le  troi- 
sième appétit  est  celui  qu'excite  un  mets  délicieux  qui  parait  à  la 
iîn  d'un  repas,  lorsque,  l'estomac  satisfait,  les  convives  sans  regret 
allaient  quitter  la  table. 

Le  peuple  de  Paris,  les  fruitiers  et  les  maraîchers  de  la  ban- 
lieue donnent  aussi  le  nom  d'appétit  à  la  tige  verte  de  la  ciboule 
et  de  l'oignon  nain,  qui  font  toujours  le  principal  assaisonnement 
des  ragoûts  et  des  salades  populaires. 

APPLE'S  CAKE.  —  Ayez  des  pommes  de  Locart  (franche 
reinette)  ou  d'autres  également  rouges  et  très-acides.  Après  avoir 
retiré  les  cœurs  de  ces  fruits,  faites-les  fondre  sur  le  feu  avec 
90  grammes  de  moelle,  pour  six  pommes  environ.  Ajoutez  un 
bâton  de  cannelle,  et  tamisez.  Mettez-les  alors  dans  une  bassine, 
avec  deux  cuillerées  de  poudre  de  Salep  et  d'arrow-root,  sub- 
stances orientales  que  Ton  pourra  remplacer  par  une  forte  cuil- 
lerée de  fécule.  Joignez-y  375  grammes  de  beau  sucre  et  faites 
bouillir  à  petit  feu  pendant  sept  à  huit  minutes,  retirez  alors  de 
la  bassine  et  laissez  refroidir  cette  marmelade.  Quand  elle  sera 
froide,  vous  y  mêlerez  six  jaunes  d'œufs  et  deux  autres  œufs  avec 
leurs  blancs;  placez-la  dans  un  moule  graissé  de  moelle,  et  faites 
cuire  au  bain-marie  pendant  quarante  minutes.  Vous  renverserez 
ce  gâteau  dans  un  plat  d'entremets,  assez  profond  pour  pouvoir 
contenir  un  chaudeau  dont  voici  la  formule  : 

Délayez  quatre  jaunes  d'œufs  frais  avec  de  l'eau  distillée, 
sucrez  suffisamment  avec  du  sucre  candi  pulvérisé;  joignez-y  une 
cuillerée  de  fine  liqueur  des  iles  à  la  cannelle,  faites  cuire  au 
bain-marie,  en  remuant  sans  relâche  et  sans  laisser  durcir,  jus- 
qu'à ce  que  cette  crème  soit  bien  liée  et  qu'elle  ait  acquis  une 
juste  épaisseur. 

Autre  Q4pples  Cake  dit  de  la  reine  Qdnne.  —  Faites  une 
marmelade  de  belles  pommes  que  vous  passerez  deux  fois  au 

tamis  et  que  vous  mettrez  à  refroidir;  mêlez-y  pour  lors  le  sucre 

12 


178  ARACHIDE. 


nécessaire,  en  y  joignant  des  zestes  de  citron  confits,  -roulés  et 
pralinés.  Ayez  six  blancs  d'œufs  que  vous  battrez  jusqu'à  ce  qu'ils 
soient  en  neige  ;  mélangez  peu  à  peu  votre  purée  de  fruits  avec 
ces  blancs  d*œufs  battus,  et  continuez  à  fouetter  ce  mélange  jus- 
qu'à lui  donner  toute  la  légèreté  possible.  Dressez  cette  mousse 
en  forme  de  rocher,  sur  un  plat  d'entremets  qui  sera  foncé  d'une 
gelée  transparente  au  ratafia  d'écorces  de  citron.  Il  ne  faudra 
pas  donner  à  cette  gelée  beaucoup  de  consistance. 

Il  est  à  noter  que  ces  deux  jolis  entremets  ont  été  perdus  de 
vue  chez  nous,  et  qu'ils  n'en  sont  pas  moins  d  origine  française; 
car  on  trouve  exactement  ces  deux  mêmes  recettes  dans  nos 
dispensaires  du  xvii*  siècle  et  notamment  dans  le  Menu  royal 
des  dîners  de  Marly.  Les  Anglais  n'ont  fait  autre  chose  que  d'en 
conserver  la  tradition  et  de  leur  imposer  le  nom  qu'ils  portent. 
(Dictionnaire  de  la  cuisine  française,  de  M.  de  Courchamps.) 

.  APRON.  —  Poisson  d'eau  douce  dont  la  chair  est  agréable 
et  de  bon  goût;  on  le  pêche  dans  le  Rhône  et  dans  quelques 
autres  rivières  de  France  et  d'Allemagne. 

Ce  poisson  ressemble  beaucoup  au  goujon,  mais  il  a  la  tête 
plus  large  et  se  terminant  en  pointe;  on  le  fait  frire  comme  ce 
dernier. 

ARACHIDE.  —  Appelée  aussi  Pistache  de  terre ,  parce 
qu'elle  présente  une  singularité  très-remarquable  :  à  mesure  que 
les  gousses  succèdent  aux  fleurs,  elles  se  courbent  vers  la  terre  et 
y  entrent  pour  y  achever  leur  maturité. 

Cette  plante  est  originaire  du  Mexique.  Apportée  dans  leur 
pays  par  les  Espagnols,  elle  y  donne  aujourd'hui  de  très-grands 
produits.  Elle  fut  introduite  en  1802  dans  le  département  des 
Landes  et  y  réussit  parfaitement;  mais  le  défaut  d'écoulement  de 
ses  produits  fît  bientôt  tomber  complètement  cette  culture,  tout 
à  fait  abandonnée  aujourd'hui. 

L'arachide  produit  un  fruit  qui  n'est  pas  plus  gros  qu'une 
noisette,  et  ressemble  à  la  pistache  ;  son  amande,  à  la  fois  alimen- 
taire et  oléagineuse,  se  mange  crue  ou  cuite;  elle  fournit  la 
moitié  de  son  poids  d'une  excellente  huile  comestible,  saine, 
économique,  et  que  ses  propriétés  siccatives  permettent  d'em- 
ployer  utilement   dans   les  arts.    La  tige   de    cette  plante  est 


ARBRE   A   PAIN.  179 


très-agréable  au  bétail,  et  ses  racines  ont   un  goût  de  réglisse» 
Les  Américains  appellent  ce  fruit  Mani;  ils  en  font  des  pra- 
lines, des  tartes  au  sucre,  et  ils  trouvent  sa  saveur  plus  délicate 
et  plus  agréable  que  celle  de  la  pistache. 

L'arachide  mangée  crue  occasionne,  paraît-il,  des  maux  de 
tête  et  de  gorge  violents;  la  cuisson  et  Ta  torréfaction  lui  ôtent 
ces  propriétés  malfaisante^. 

Les  Espagnols  lui  donnent  le  nom  de  Cacohuette,  parce 
qu'elle  a  le  goût  du  cacao,  et  la  font  entrer,  en  la  mêlant  avec 
un  peu  de  cacao,  dans  la  confection  d'un  chocolat  pour  les 
pauvres,  dont  l'usage  n'est  pas  malsain. 

ARBENNE.  —  Oiseau  appelé  aussi  Perdrix  blanche^  quoique 
ce  ne  soit  qu'une  gelinotte  ;  il  est  de  la  grosseur  d'une  perdrix  et 
a  les  plumes  très-blanches,  excepté  celles  de  la  queue  qui  sont 
en  général  noires  ;  on  le  tjrouve  en  Savoie.  Les  Romains  estimaient 
fort  sa  chair,  dont  la  saveur  et  les  propriétés  sont  les  mêmes  que 
celles  de  la  gelinotte  ;  elle  s'apprête  de  même. 

ARBOUSIER.  —  Appelé  aussi  Q4rbre  à  fraises  ou  Fraisiers 
en  arbres,  est  fort  répandu  dans  l'Europe  australe,  les  îles  Cana- 
ries, l'Amérique  boréale,  le  Mexique  et  le  Chili.  C'est  un  arbre 
toujours  vert-  dont  les  fruits  sont  sphériques,  charnus,  d'un  beau 
rouge  dans  leur  maturité,  de  la  grosseur  d'une  cerise  et  de  la 
forme  d'une  fraise;  ils  ont  une  saveur  aigrelette  très-agréable. 

On  en  cultive  aussi  dans  le  Languedoc,  et  leurs  fleurs 
blanches  et  rosées,  disposées  en  grappes  terminales  paniculées, 
font  un  très-bel  effet  dans  les  jardins. 

ARBRE  A  PAIN.  —  Cet  arbre,  qui  croît  spontanément  aux 
Moluques,  aux  îles  de  la  Sonde  et  aux  archipels  de  la  Polynésie, 
est  ainsi  nommé  à  cause  du  fruit  qu'il  produit  et  que  Ton  appelle 
fruit  à  pain. 

La  hauteur  de  cet  arbre  atteint  de  13  à  17  mètres;  son 
tronc  est  très-gros,  sa  cime  est  ample,  arrondie  et  composée  de 
branches  rameuses.  Le  fruit  qu'il  produit  est  jaune  verdâtre  à 
l'extérieur  et  blanc  en  dedans,  il  est  plus  ou  moins  gros,  suivant 
l'espèce  à  laquelle  il  appartient,  mais  son  diamètre  excède  rare- 
ment 2 1  centimètres  ;  il  contient  une  pulpe  qui  d'abord  est  très- 
blanche,  comme  farineuse  et  un  peu  fibreuse,  mais  qui  dans  la 


i8o  ARBRE   DE  LA  VACHE. 

maturité  devient  jaunâtre  et  succulente  ou  d'une  consistance 
gélatineuse.  Lorsque  ce  fruit  est  mûr,  toute  la  préparation  qu'on 
lui  donne  consiste  à  le  faire  rôtir  ou  griller  sur  des  charbons 
ardents,  ou  bien  à  le  faire  cuire  en  entier  au  four  ou  dans  l'eau. 
On  le  ratisse  alors  et  on  mange  le  dedans,  qui  est  blanc  et  tendre 
comme  de  la  mie  de  pain  frais  et  qui  constitue  un  aliment  très- 
agréable  et  très-sain.  Sa  saveur  approche  de  celle  du  pain  de 
farine  de  blé,  avec  un  léger  goût  d'artichaut  ou  de  topinam- 
bour, et  il  peut  conserver  sa  fraîcheur  pendant  sept  ou  huit 
mois  consécutifs. 

On  assure  que  deux  ou  trois  de  ces  arbres  remarquables  suf- 
fisent à  la  nourriture  d'un  homme  pendant  une  année  entière. 
Quant  à  sa  culture,  elle  exige  peu  de  soins,  et  les  Français,  puis 
ensuite  les  Anglais  Tont  introduit  à  l'île  de  France,  à  la  Guade- 
loupe, à  la  Jamaïque,  où  les  habitants  se  nourrissent  de  son 
fruit,  se  fabriquent  des  vêtements  avec  la  seconde  écorce  de 
l'arbre  et  enveloppent  leurs  aliments  avec  ses  feuilles,  qui 
atteignent  quelquefois  jusqu'à  i  mètre  de  longueur  et  40  à  50  cen- 
timètres de  largeur. 

L'équipage  de  l'amiral  Anson,  se  trouvant  relâché  dans  une 
anse  des  îles  Mariannes  et  complètement  dépourvu  de  vivres, 
ramassa  une  cinquantaine  de  ces  fruits  qui  étaient  tombés  à  terre, 
et  vécut  avec  pendant  quelques  jours.  Il  s'en  trouva  très-bien,  et 
ces  fruits  amassés  là  par  la  main  de  la  Providence  vinrent  à  pro- 
pos le  sauver  des  horreurs  de  la  faim. 

On  prépare  avec  le  fruit  de  l'arbre  à  pain  différents  mets 
dont  les  habitants  pauvres  de  l'île  de  France  et  de  la  Gua- 
deloupe se  nourrissent;  ils  en  font  une  très- grande  consom- 
mation, i 

Le  célèbre  voyageur  anglais ,  capitaine  Cook,  ne  tarit  pas 
sur  les  éloges  qu'il  donne  à  l'arbre  à  pain;  il  dit  qu'il  lui  fut 
d'un  très-grand  secours,  surtout  dans  les  cas  de  maladies,  et 
prétend  qu'il  guérissait  tous  ses  malades  avec  le  fruit  de  cet 
arbre. 

ARBRE  DE  LA  VACHE.  —  Nom  donné  à  un  arbre 
originaire  de  l'Amérique  méridionale  qui  fournit  abondamment 
un  suc  laiteux  et  qui  a  rapport  par  ses  propriétés  avec  le^lait 


AREC.  i8i 

des  animaux  et  surtout  celui  de  la  vache  ;  on  remploie  du  reste 
au  même  usage. 

Les  parties  constituantes  sont  la  cire,  la  fibrine,  un  peu  de 
sucre,  un  sel  magnésien,  de  Teau  et  point  de  caséum. 

Le  premier  de  ces  arbres  qu'on  ait  connu  fut  nommé  par 
Içs  Espagnols  palo-de-vaca  et  fut  décrit  par  M.  de  Humboldt 
sous  le  nom  de  galactodendron  utile.  C'est  un  grand  et  fort  bel 
arbre  dont  les  feuilles  oblongues  et  pointues  atteignent  jusqu'à 
3  mètres  de  longueur.  Dès  qu'on  entaille  cet  arbre,  on  en 
voit  aussitôt  s'écouler  abondamment  un  lait  d'une  belle  couleur 
qui  se  trouve  entre  Técorce  grisâtre  et  le  bois  de  cet  arbre.  Ce 
lait,  d'une  saveur  agréable,  d'une  odeur  balsamique  et  qui  n'a 
d'autre  inconvénient  que  d'être,  un  peu  gluant,  sert  à  la  consom- 
mation des  gens  du  pays.  On  les  voit  venir  le  matin,  sous  l'arbre, 
boire  une  tasse  de  lait  et  même  en  faire  un  déjeuner  plus  com- 
plet en  y  émiettant  des  morceaux  de  cassure  ou  des  arepas^  sorte 
de  galette  de  maïs. 

On  retire  aussi  de  cet  arbre  une  cire  très-blanche  et  très- 

« 

bonne  à  brûler. 

ARCHE  DE  NOÉ.  —  Petit  coquillage  de  la  mer  Rouge 
qui  sert  à  l'alimentation  des  Arabes  pendant  l'hiver  ;  on  le 
mange  indifféremment  cru  ou  frit. 

ARCHE  BARBUE.  —  Coquillage  de  la  Méditerranée  qui 
se  mange  comme  le  précédent. 

AREC.  —  Nous  ne  parlerons  ici  que  de  Varec-cachou  qui 
mêlé  avec  d'autres  substances  sert  à  faire  le  bétel.  {V.  Bétel.) 

L'arec,  genre  de  la  famille  des  palmiers,  croît  principale- 
ment aux  Moluques  et  à  Ceylan  ;  son  fruit,  connu  sous  le  nom 
de  noix  d'arec,  est  de  la  grosseur  d'un  œuf  de  poule  et  jaune 
doré  à  l'intérieur,  l'amande  ressemble  à  la  noix  muscade,  elle 
est  dure,  blanche,  variée  de  pourpre;  on  la  fait  sécher  pour  la 
manger,  mais  elle  conserve  toujours  une  saveur  acre  et  désa- 
gréable. 

Il  y  a  aussi  l'arec  d'Amérique  qui  est  un  des  arbres  les  plus 
élégants  du  nouveau  monde,  présentant  au  centre  de  son  feuil- 
lage une  espèce  de  bourgeon  auquel  on  a  donné  le  nom  de  chou 
palmiste   dont  les  Américains  des   Antilles   se  montrent  très- 


^ 


i8a  ARGENTINE. 


friands,  et  qui  se  mange  accommodé  de  différentes   manières. 

ARENG.  —  Genre  de  palmier  fort  commun  aux  Moluques. 
Les  fruits  de  cet  arbre,  cueillis  avant  leur  maturité  et  confits  au 
sucre,  sont  très  -  estimés  en  Cochinchine  et  se  servent  sur  les 
tables  des  gens  riches;  sa  moelle  donne  une  espèce  de  sagou, 
dont  les  habitants  des  Célèbes  font  un  grand  usage  dans  leur  nour- 
riture ;  enfin  on  tire  de  sa  sève,  par  le  moyen  de  la  fermentation, 
du  sucre  et  une  liqueur  très-agréable. 

On  prétend  que  le  suc  de  ces  fruits,  lorsqu'ils  sont  mûrs, 
cause  des  démangeaisons  insupportables,  en  sorte  qu'il  faut  bien 
faire  attention  de  n'y  point  porter  les  lèvres  sans  les  avoir  préa- 
lablement dépouillés  de  Tenveloppe  charnue  dans  laquelle  est 
contenue  ce  suc,  si  on  ne  veut  point  avoir  les  lèvres  enflées. 

On  rapporte  que  les  habitants  des  Moluques,  connaissant 
cette  propriété  démangeante ^  se  défendirent  victorieusement  en 
jetant  du  haut  des  murailles  sur  les  assiégeants  des  baquets 
d  eau  dans  laquelle  ils  avaient  fait  tremper  la  chair  de  ces 
fruits. 

Nous  recommandons  ce  système  aux  futurs  habitants  des 
futures  villes  assiégées;  ils  verront  bientôt  leurs  ennemis  jeter 
leurs  armes  et  fuir  en  se  grattant  à  qui  mieux  mieux. 

ARES  AH.  —  Excellent  fruit  des  Indes,  très-sain  et  très- 
rafraîchissant,  d'un  goût  un  peu  piquant,  mais  trèa-agréable  et 
bon  pour  les  convalescents.  Ce  fruit  est  de  la  grosseur  des 
guignes  et  a  la  forme  des  poires-Catherine. 

ARGALI.  —  Espèce  de  bélier  sauvage,  vivant  dans  les 
haies  des  montagnes  et  aux  steppes  de  la  Sibérie.  La  taille  de 
cet  animal  est  celle  du  daim  dont  il  a  la  légèreté  et  la  force,  son 
corps  est  couvert  de  poils  courts,  son  pelage  est  d'un  gris  fauve, 
traversé  au  milieu  du  dos  par  une  raie  jaunâtre. 

Sa  chair  a  les  mêmes  propriétés  alimentaires  et  le  même 
goût  que  celle  du  chevreuil  ;  elle  est  très-recherchée  des  habitants 
à  cause  de  la  difficulté  qu'ils  éprouvent  à  s'en  procurer. 

ARGENTINE.  —  Plante  ayant  la  saveur  et  les  propriétés 
du  panais;  les  Anglais  en  mangent  la  racine  en  hiver  à  la  place 
de  ce  légume  et  composent  avec  le  suc  une  liqueur  qu'ils  mêlent 
au  vin  d'Espagne,  y  font  infuser  du  blé  en  herbe,  y  délayent  des 


ARROCHE.  183 


jaunes  d'œufs  et  assaisonnent  le  tout  avec  du  sucre  et  de  la  noix 
muscade. 

ARMADILLE.  —  Petit  animal  tenant  du  cochon  de  lait 
par  sa  forme  et  de  la  tortue  par  la  carapace  qui  le  recouvre 
entièrement  et  le  met  à  couvert  des  insultes  des  autres  animaux 
plus  gros  qui  seraient  tentés  de  lui  faire  des  misères  ;  il  vit  dans 
des  trous  profonds  qu'il  creuse  avec  ses  ongles. 

Cet  animal  a  la  chair  très-tendre  et  délicate,  mais  elle  ne 
plait  guère  à  cause  de  son  odeur  musquée;  les  Indiens  cependant 
l'aiment  beaucoup. 

ARONDELLE  DE  MER.  —  Petit  poisson  ainsi  nommé 
parce  qu'il  ressemble  un  peu  à  l'hirondelle  et  qu'il  s'élance  hors 
de  Teau  pour  éviter  d'être  la  proie  des  autres  poissons  plus  gros. 
La  chair  est  dure,  sèche  et  de  difficile  digestion. 

AROW-ROOT.  —  Fécule  que  Ton  retire  de  la  racine  du 
maranta  indica  râpée  dans  l'eau.  On  s'en  sert  pour  faire  des 

bouillies,  et  on  en  fait  aussi  des  crèmes,  dont  les  Anglais  sont 

friands. 

ARRACACHA.  —  Plante  légumineuse  de  la  famille  des 
ombellifères,  ressemblant  à  l'ache  et  très-probablement  originaire 
de  la  Nouvelle-Grenade,  où  sa  culture  est  très-répandue  et  où 
elle  est  cultivée  comme  plante  alimentaire. 

Cette  plante  présente  la  plupart  des  avantages  reconnus 
dans  les  pommes  de  terre,  et  se  développe  dans  les  mêmes  con- 
ditions de  terrain  et  de  climat.  Les  insulaires  de  la  Jamaïque 
la  préfèrent  même  aux  pommes  de  terre  et  l'apprêtent  de 
même. 

Râpée  et  macérée  dans  l'eau,  elle  dépose  une  fécule  qui 
fournit  un  aliment  substantiel,  léger,  et  que  l'on  peut  donner 
même  aux  convalescents. 

ARROCHE.  —  Plante  potagère  connue  aussi  sous  le  nom 
de  belle-dame,  bonne-dame  et  follette. 

Les  feuilles  de  l'arroche,  mêlées  à  des  plantes  d'une  saveur 
prononcée,  telles  que  la  menthe,  le  cresson,  la  marjolaine,  etc., 
composaient  autre^is  des  salades  dont  on  faisait  un  grand  usage 
en  France  et  qui  sont  encore  aujourd'hui  recherchées  par  les 
autres  peuples  de  l'Europe.  Elles  constituent  avec   l'oseille  et 


i84  ARTICHAUT. 


répinard  le  mélange  connu  sous  le  nom  d'herbe  cuite  et  entrent 
aussi  dans  la  composition  du  bouillon  aux  herbes. 

L'arroche  nourrit  fort  peu,  elle  est  rafraîchissante  et  un  peu 
laxative,  mais  ne  convient  pas  aux  estomacs  froids,  à  moins  qu'on 
ne  l'assaisonne  avec  sel,  poivre  et  vinaigre,  c'est-à-dire  en  salade, 
comme  il  est  dit  plus  haut. 

ARTICHAUT.  —  Plante  potagère  dont  les  feuilles  sont 
longues,  larges,  découpées,  sans  uniformité,  de  couleur  verte  ou 
blanchâtre  ;  de  leur  milieu  s'élève  une  tige  cannelée,  cotonneuse, 
moelleuse  en  dedans,  d'où  sortent  plusieurs  rameaux  qui  sou- 
tiennent un  calice  renfermant  les  organes  de  la  floraison  et  de  la 
fructification.  Autrefois  cette  plante  ne  poussait  qu'en  Italie. 
Aujourd'hui  nos  jardiniers  l'ont  acclimatée,  et  nous  avons  des 
artichauts  blancs,  verts,  violets,  rouges  et  sucrés.  Le  blanc,  le 
violet  et  le  vert  sont  pleins  de  saveur  ;  les  petits,  nommés  arti- 
chauts à  la  poivrade,  se  mangent  crus. 

On  peut  conserver  les  artichauts  de  la  manière  suivante 
pour  l'hiver  : 

On  les  fait  cuire  à  demi,  on  en  sépare  les  feuilles  et  le  foin 
pour  n'en  avoir  que  le  fond.  On  les  jette  dans  l'eau  froide  lors- 
qu'ils sont  encore  chauds,  on  les  met  ensuite  sur  des  claies  pour 
les  essuyer;  enfin  on  les  enfourne  jusqu'à  quatre  fois  lorsqu'on 
a  retiré  le  pain  ;  ces  parties  deviennent  minces,  dures  et  transpa- 
rentes, mais  elles  reprennent  leur  forme  lorsqu'on  les  remet 
dans  l'eau  chaude  et  qu'on  veut  les  employer  à  des  assaison- 
nements. 

Q4rtichauts  à  la  barigoule  au  maigre.  —  Coupez  les 
feuilles  à  moitié,  ôtez  le  foin  et  nettoyez-le.  Hachez  menu  écha- 
lottes ,  ail,  persil;  mélangez  avec  une  grosse  mie  de  pain 
émiettée.  Faites  fondre  du  beurre,  faites-y  revenir  les  herbes  et 
la  mie  de  pain.  Mettez  sur  chaque  artichaut  un  bon  morceau  de 
beurre  ;  garnissez-en  aussi  le  fond  de  la  tourtière,  mettez  la  farce 
dans  les  artichauts,  sur  le  fond  et  entre  les  feuilles,  couvrez  avec 
un  four  de  campagne,  feu  dessus  et  dessous.  Arrosez  de  temps 
en  temps  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  cuits. 

Oârtichauts  à  la  barigoule  au  gras,  —  Prenez  des  arti- 
chauts de  moyenne  grosseur  bien  tendres,  parez,  ôtez  le   foin. 


ARTICHAUT.  185 


faites  blanchir,  hachez  persil,  parez  avec  ia5  gr.  de  beurre 
et  125  gr.  de  lard  pour  quatre  artichauts  environ.  Garnissez-en 
rintérieur  de  l'artichaut  et  fixez  le  tout  pour  que  rien  ne  se 
déforme.  Mettez  dans  une  tourtière  entre  deux  bardes;  faites 
cuire  lentement,  feu  dessus  feu  dessous  ;  huilez  légèrement;  faites 
réduire  un  verre  de  vin  blanc  dans  une  sauce  italienne,  et  servez 
sur  cette  sauce. 

Q4rtichauts  à  la  Duxelle. —  Prenez  des  champignons  hachés, 
passez  au  torchon  pour  en  enlever  la  partie  aqueuse;  ajoutez 
jéchalottes  hachées,  persil,  pointe  d'ail,  au  maigre  du  beurre,  au 
gras  du  lard  râpé.  Ayez  bien  soin,  après  avoir  paré  la  tète  de 
Tartichaut,  d'en  enlever  le  foin,  et  faites  rissoler  la  tête  des 
feuilles  dans  la  friture  ;  préparez  une  mie  de  pain,  faites-les  revenir 
dans  une  casserole  avec  lard  dessus  et  papier  beurré,  mouillez 
avec  consommé  et  vin  blanc,  braisez  comme  le  fricandeau,  jetez 
votre  fond  dans  votre  sauce  italienne.  Dressez  et  servez. 

Qâriichauts  frits.  —  Enlevez  les  trois  ou  quatre  premières 
rangées  de  feuilles  d'artichaut;  faites  dix  ou  douze  morceaux 
de  chacun;  enlevez  le  foin,  rognez  le  bout  des  feuilles,  sautez- 
les  dans  une  marinade  d'huile,  de  sel,  de  poivre,  avec  un  filet  de 
vinaigre;  composez  la  pâte  suivante,  qui  vous  servira  pour  toutes 
sortes  de  friture  : 

Mettez  de  la  farine  dans  une  terrine,  faites  un  trou,  versez-y 
un  ou  deux  jaunes  d'œufs,  une  cuillerée  d'huile,  un  ou  deux 
verres  d'eau-de-vie,  du  sel;  remuez  d'une  main  en  tournant 
toujours  dans  le  même  sens  et  en  versant  de  l'eau  peu  à  peu, 
pour  donner  une  bonne  épaisseur;  au  moment  de  vous  en  servir, 
ajoutez  et  mêlez  le  blanc  de  vos  œufs  battus  en  neige;  mais 
faites  attention  que  ce  blanc  la  rendra  trop  claire,  si  votre  sauce 
n'est  pas  trop  épaisse;  si  vous  voulez  que  votre  pâte  soit  plus 
légère,  faites-la  la  veille.  Si  c'est  pour  friture  sucrée,  telle  que 
beignets,  mettez-y  très-peu  de  sel  et  ajoutez  de  Teau  de  fleur 
d'oranger.  Revenons  à  notre  pâte.  Lorsqu'elle  est  faite,  mettez-y 
vos  artichauts  et  mêlez  le  tout  ensemble,  votre  friture  étant  bien 
chaude,  prenez  avec  votre  ecumoire  des  artichauts  que  vous 
laisserez  tomber  morceau  par  morceau  dans  cette  friture,  tant 
qu'elle  en  pourra  contenir;   remuez-les,   détachez  ceux  qui  se 


i86  ARTICHAUT. 


collent  les  uns  contre  les  autres,  lorsqu'ils  sont  d'une  belle  cou- 
leur blonde,  retirez-les  de  la  friture  sur  une  passoire,  jetez 
une  bonne  poignée  de  persil  en  branche  dans  la  friture,  et, 
lorsque  la  friture  cessera  de  faire  du  bruit,  sortez-le  et  égouttez- 
le  sur  un  linge;  saupoudrez-le  d'un  peu  de  sel,  dressez  vos 
artichauts  en  pyramide,  et  couronnez-les  de  persil  frit, 

Q4rtichauts  à  la  sauce,  —  Coupez  les  bouts  des  feuilles, 
la  queue,  les  feuilles  dures  ou  filandreuses  de  dessous,  placez- 
les  au  fond  d'un  chaudron,  dans  de  Teau  bouillante  qui  les 
couvre  aux  trois  quarts  ;  salez,  faites  cuire,  de  trois  quarts 
d'heure  à  une  heure,  tirez  une  feuille  ;  si  elle  se  détache  faci- 
lement, vos  artichauts  sont  cuits;  retirez-les  de  Teau,  mettez-les 
égoutter  sens  dessus  dessous  ;  si  vous  voulez  qu'ils  se  conservent 
verts ,  mettez  gros  comme  un  œuf  de  cendre  de  bois  dans  un 
petit  sac  de  toile  ou  de  calicot  ;  versez  sur  cette  cendre  l'eau 
qui  doit  servir  à  les  faire  cuire.  Ce  moyen  s'applique  aussi  aux 
haricots  chauds  ;  les  artichauts  cuits  de  la  façon  que  nous 
venons  de  dire  se  mangent  à  la  sauce  blanche,  à  la  sauce  blonde 
ou  à  la  sauce  hollandaise. 

Qdrtichauts  sautés.  —  Coupez  en  quatre  des  artichauts 
moyens  et  tendres,  ôtez  le  foin  et  parez-les  en  leur  laissant  à 
chacun  trois  feuilles,  lavez  et  essuyez.  Mettez  du  beurre  dans 
une  casserole  où  vous  arrangerez  vos  artichauts  et  les  mettez  sur 
un  feu  doux  seulement  vingt  minutes  avant  de  servir.  Dressez 
sur  le  plat  en  turban,  mettez  une  cuillerée  de  chapelure  dans  le 
beurre,  autant  de  persil  haché  et  un  jus  de  citron,  un  peu  de  sel;  . 
servez  cette  sauce  dans  le  milieu  des  artichauts.  Il  ne  faut  pas  les  . 
faire  blanchir. 

Q4rtichauts  à  la  provençale.  Entremets.  —  Prenez  des  arti- 
chauts que  vous  appropriez  dessus  et  dessous;  faites-les  cuire 
dans  l'eau  assez  pour  pouvoir  enlever  le  foin  ;  mettez-les  sur  une 
tourtière  avec  huile,  gousses  d'ail,  sel,  poivre.  Faites  cuire  sur 
la  cendre  chaude  avec  bon  feu  dessus;  quand  ils  sont  cuits,  ôtez 
les  gousses  d'ail,  et  servez  à  sec  avec  un  juâ  de  citron. 

Q4rtichaut  s  farcis ,  demi-barigoule.  Entremets.  —  Préparez 
comme  ci-dessus;  le  foin  enlevé,  farcissez-les  de  hachis  de 
viande  ou  de  mie  de  pain  assaisonné  de  fines  herbes  et  champi- 


ARTICHAUT.  187 


gnons.  Mettez  dans  une  casserole  un  fort  morceau  de  beurre  ou 
de  graisse,  et  faites-les  revenir;  ôtez-les,  faites  un  roux  que  vous 
mouillez  de  bouillon  ;  ou  d'eau  faute  de  bouillon,  remettez  les 
artichauts  achever  de  cuire,  feu  dessus  et  dessous,  en  les  arrosant 
de  temps  en  temps  avec  leur  cuisson.  Servez  sur  cette  cuisson 
pour  sauce. 

Q4rtichauts  farcis  à  la  vraie  barigoule,  —  Parez  trois  arti- 
chauts, coupez  droit  les  feuilles  du  dessus,  faites  blanchir  assez 
pour  retirer  le  foin  après  les  avoir  rafraîchis  à  l'eau  froide.  Rem- 
placez le  foin  par  une  farce  de  lard  gras,  champignons,  persil, 
échalottes,  le  tout  haché  fin,  poivré  ;  liez-les  en  croix  avec  du  fil. 
Faites  chauffer  un  peu  d'huile  d'olive  dans  une  poêle  et  rissoler 
les  artichauts  dessus  et  dessous;  placez-les  dans  une  casserole 
sur  une  tranche  de  lard  dessalé ^  ou  de  veau,  ou  du  beurre  et  un 
verre  de  bouillon  ou  d'eau  ;  faites  cuire,  feu  dessus  et  dessous. 
Servez  sans  les  tranches  et  sur  une  sauce  faite  du  fond  de  la 
cuisson  liée  de  farine. 

Oirtichauts  à  l'huile  et  à  la  poivrade.  —  Les  gros  se  servent 
cuits  à  l'eau,  refroidis  et  accompagnés  de  la  sauce  suivante  dans 
une  saucière.  Les  petits  se  servent  crus  avec  la  même  sauce,  ou 
simplement  du  sel,  en  hors-d'œuvre. 

04rtichauts  sauce  à  l'huile  et  au  vinaigre,  —  Ecrasez  un 
jaune  d'oeuf  dur  dans  une  saucière  et  le  délayez  avec  une  cuil- 
lerée de  vinaigre,  sel,  poivre,  fourniture  de  salade  hachée  très - 
menu,  ou  avec  une  échalotte  aussi  hachée  menu;  ajoutez  deux 
cuillerées  d'huile,  délayez  et  servez. 

Odrtichauts  au  gras.  —  Coupez  en  deux  de  gros  artichauts, 
ôtez-en  le  foin  et  les  parez,  faites-les  blanchir  à  l'eau  et  sel, 
mettez  dans  une  casserole  des  tranches  de  lard  gras,  deux 
oignons,  une  carotte,  un  clou  de  girofle,  une  petite  branche  de 
thym  ;  arrangez  les  artichauts  sur  des  bardes  de  veau,  mettez-les 
sur  un  feu  doux;  quand  le  veau  a  pris  couleur,  mettez  un  peu 
d'eau,  faites  mijoter;  servez  les  artichauts  en  turban  et  la  sauce 
que  vous  avez  liée  de  fécule  au  milieu. 

Q/lrtichauts  à  la  lyonnaise.  —  Coupez-les  en  six  morceaux, 
faites  blanchir,  ôtez  le  foin  ainsi  que  le  dessous,  et  ne  laissez  que 
trois  feuilles  à  chaque  partie;   mettez-les  dans   une  casserole 


i88  ASPERGE. 


avec  du  beurre  étendu  au  fond,  saupoudrez-les  de  sel  fin,  fkites-les 
cuire  feu  dessus  feu  dessous,  faites  roussir  dans  une  autre  cas- 
serole de  l'oignon  haché,  et  saucez-y  vos  artichauts  au  moment 
de  servir. 

Q4rtichaut  s  farcis,  —  Faites  cuire  à  demi  dans  Teau,  puis 
farcissez  de  viande,  de  persil,  de  ciboule;  achevez  la  cuisson; 
servez  avec  fines  herbes,  huile  et  jus  de  citron. 

Q4rtichauts  à  la  Grimod  de  la  Reynière.  —  Coupez  de 
l'oignon  en  gros  dés,  passez-les  au  beurre  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
bien  colorés,  assaisonnez  de  sel  et  d'épices,  et  laissez  refroidir 
dans  le  beurre,  mais  dans  une  assiette  à  part,  hors  de  la  casse- 
role; faites  cuire  des  fonds  d'artichauts  séparés  de  leurs  feuilles; 
après  les  avoir  fait  égoutter,  remplissez-les  avec  l'oignon,  couvrez 
avec  de  la  mie  de  pain  et  du  fromage  râpé,  faites  prendre  couleur 
au  four  de  campagne,  et  servez  à  sec. 

Ce  nouveau  plat,  inventé  par  l'auteur  de  Voâlmanach  des 
gourmands^  nous  arrive  avec  une  apostille  de  l'auteur  des 
Mémoires  de  M"*  de  Créqui;  deux  recommandations  valent  mieux 
qu'une. 

oArtichauts  à  Vitalienne.  —  Coupez  trois  artichauts  en  six 
morceaux  pareils,  dépouillez -les  de  leur  foin,  parez-en  les 
feuilles,  lavez-les  ;  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  peu  de 
beurre;  assaisonnez  de  jus  de  citron,  d'un  verre  de  vin  blanc, 
d'un  demi-verre  de  bouillon.  Faites  cuire,  égouttez,  dressez  et 
faites,  pour  les  saucer^  une  sauce  blanche  à  l'italienne. 

ARUM.  —  Plante  de  la  famille  des  aroïdées.  Il  y  a  diffé- 
rentes espèces  d'arums,  mais  nous  n'avons  à  signaler  que  celle 
qui  sert  à  l'alimentation  des  Indiens,  qui  mangent  ses  feuilles 
comme  celles  des  choux. 

L'arum  est  d'une  grande  ressource  pour  les  peuples  des 
Canaries,  des  Açores  et  même  du  Brésil,  qui  la  mangent  en  guise 
de  pain  ;  il  en  est  dont  c'est  la  seule  nourriture.  On  en  fait  des 
pâtés,  des  gâteaux,  du  pain,  en  en  mêlant  la  farine  à  celle  du 
froment. 

ASPERGE.  —  Il  est  inutile  de  décrire  cette  plante  que  tout 
le  monde  connaît.  Il  y  a  la  blanche,  la  violette  et  la  verte.  La 
blanche  est  la  plus  hâtive,  sa  saveur  douce  est  agréable,  mais  elle 


ASPERGE.  189 


contient  peu  de  substance  ;  celles  de  Marchiennes,  de  la  Belgique 
et  de  la  Hollande  ont  eu  beaucoup  de  renommée.  La  violette  est 
la  plus  grosse  et  la  plus  substantielle,  c'est  Tasperge  par  excel- 
lence d'Ulm  et  de  Pologne.  La  verte  est  moins  grosse,  mais  on 
la  mange  presque  toute  ;  elle  a  une  bonne  saveur.  En  Italie,  où 
les  goûts  sont  plus  étranges  que  raffinés,  on  préfère  Tasperge 
sauvage.  Les  animaux  carnivores,  les  chats,  les  chiens  aiment 
beaucoup  ce  légume.  La  meilleure  manière  aujourd'hui  de  pré- 
parer les  asperges,  c'est  de  les  faire  cuire  à  la  vapeur.  Il  y  avait 
un  proverbe  à  Rome  relatif  aux  asperges  ;  quand  on  voulait  que 
quelque  chose  se  fit  vite  :  u  Faites-la,  disait-on,  en  moins  de 
temps  qu'il  n'en  faudrait  pour  faire  cuire  des  asperges.  »  Les 
blanches  sont  celles  qui  appartiennent  plus  particulièrement  à 
la  France. 

Après  les  avoir  lavées,  ratissées  et  coupées  de  même  lon- 
gueur, liez-les  par  bottillons,  faites-les  cuire  croquantes  dans 
l'eau  et  le  sel,  et  les  servez  toutes  chaudes  sur  une  serviette  pliée 
qui  égoutte  leur  eau. 

On  mange  Tasperge  au  beurre  ou  à  l'huile.  Nous  allons 
raconter  à  ce  propos  une  anecdote  sur  Fontenelle. 

Fontenelle  aimait  beaucoup  les  asperges,  surtout  accommo- 
dées à  l'huile;  l'abbé  Terrasson,  qui  au  contraire  aimait  les 
manger  au  beurre,  étant  venu  un  jour  lui  demander  à  dîner, 
Fontenelle  lui  dit  qu'il  lui  faisait  un  grand  sacrifice  en  lui  cédant 
la  moitié  de  son  plat  d'asperges,  et  ordonna  qu'on  mît  cette 
moitié  au  beurre. 

Peu  de  temps  avant  de  se  mettre  à  table,  l'abbé  se  trouva 
mal  et  tomba  bientôt  en  apoplexie.  Fontenelle  alors  se  lève  pré- 
cipitamment, court  vers  la  cuisine  et  crie  : 

«  Tout  à  l'huile,  maintenant;  tout  à  l'huile!...  » 

Q4sperges  à  l'huile.  —  On  les  fait  cuire  comme  pour  la 
sauce  blanche.  Elles  se  mangent  froides  avec  la  sauce  à  l'huile 
indiquée  pour  les  artichauts. 

Oâsperges  au  beurre,  —  Mettez  dans  une  casserole  deux 
cuillerées  de  farine,  un  peu  d'eau ,  assaisonnez  de  sel,  gros 
poivre,  muscade  ;  faites  cuire  la  farine,  mouillez  avec  le  bouillon 
d'asperges.   Préparez   quatre  jaunes  d'œufs,    125   grammes  de 


190 


ASPERGE. 


beurre  fin,  liez  votre  sauce,  en  ayant  soin  que  le  jaune  d'œuf 
soit  cuit.  Passez  votre  sauce  à  Tétamine;  un  jus  de  citron,  et 
servez. 

Q4sperges  cuites  à  la  Qâudot,  —  Cuites  à  Teau,  trempez-les 
pour  toute  sauce  dans  le  jus  d'un  quasi  de  veau  cuit  dans  son  jus 
et  un  peu  dégraissé. 

Qâsperges  en  petits  pois.  —  On  emploie  les  plus  petites  et 
on  coupe  tout  ce  qui  est  tendre  par  petits  morceaux.  Faites-les 
cuire  croquantes  dans  l'eau  et  sel,  égouttez-les  promptement  sur 
une  passoire,  faites-les  sauter  dans  une  casserole  avec  beurre, 
sel,  poivre  et  fines  herbes,  ou  bien  mettez-les  dans  la  casserole 
saupoudrées  d'un  peu  de  farine  et  d'un  peu  de  sucre,  ajoutez  un 
peu  de  bouillon  ou  d'eau,  sautez-les  un  moment  et  servez. 

Pointes  d'asperges  au  jus.  —  Coupez  des  pointes  d'asperges, 
faites  fondre  du  lard,  faites-y  sauter  vos  pointes  d'asperges, 
ajoutez  persil,  cerfeuil  haché,  sel,  poivre  blanc,  muscade,  faites 
fondre  le  tout  à  petit  feu  dans  du  consommé,  dégraissez  ensuite, 
servez  chaud  et  arrosé  de  jus  de  mouton. 

Q/isperges frites.  —  Enlevez  la  partie  dure,  faites-les  blan- 
chir à  l'eau  et  au  sel,  retirez-les  de  leau  pour  les  remettre  dans 
de  l'eau  fraîche,  ce  qui  conserve  leur  verdeur;  retirez-les  de  cette 
eau  fraîche,  farinez-les,  liez-les  avec  du  fil  par  petites  bottes  de 
six  ou  sept,  passez-les  dans  de  l'œuf  battu,  et  faites  frire. 

Q4sperges  à  la  Monselet.  —  Faites  blanchir  comme  ci-dessus 
la  partie  tendre,  achevez  de  cuire  dans  un  jus  clair  de  veau  et 
de  jambon,  puis  liez  avec  un  morceau  de  beurre  manié  de  farine.  ^ 

Ragoût  de  pointes  d'asperges.  —  Coupez  le  vert  des  asperges 
que  vous  avez  fait  blanchir,  mettez-lés  en  casserole  avec  coulis 
de  veau,  cuisez  à  petit  feu  jusqu'à  réduction  de  la  sauce  à 
laquelle  vous  ajouterez  un  peu  de  beurre  et  de  farine,  et  liez  en 
remuant.  Un  peu  de  jus  de  citron  donnera  une  pointe  d'acide. 

oAsperges  au  jus.  —  Ayez  du  jus  de  mouton  rôti,  de  gigot, 
par  exemple;  tranchez  des  asperges  et  n'en  prenez  que  les 
pointes;  sautez -les  avec  du  lard  fondu;  ajoutez-y  persil,  cerfeuil 
haché,  sel,  poivre  blanc  et  muscade;  faites  mitonner  le  tout  à 
petit  feu  dans  du  consommé,  dégraissez  ensuite  et  servez  chaud 
en  y  mêlant  votre  jus  de  mouton  rôti. 


>| 
! 


ASPIC.  191 

Œufs  brouillés  aux  pointes  d'asperges.  —  Profitez  d'un  jour 
où  vous  aurez  du  bouillon  de  poulet  ;  salez  et  poivrez  vos  œufs 
battus  avec  les  pointes  d'asperges;  mêlez-y,  pour  six  œuts  un 
demi-verre,  pour  douze  œufs  un  verre  entier  de  ce  bouillon.  Puis 
achevez  la  cuisson  de  vos  œufs  comme  d'habitude,  et  vous  recon- 
naîtrez que  l'adjonction  de  ce  verre  ou  de  ce  demi-verre  de 
bouillon  donne  à  vos  œufs  un  velouté  extraordinaire. 

Qâsperges  à  la  Pompadour,  —  M.  de  Jarente,  ministre  d'État 
pendant  la  faveur  de  M"*  de  Pompadour,  a  laissé  à  notre  célèbre 
gourmand  Grimod  de  la  Reynière,  digne  neveu  de  son  oncle,  la 
prescription  suivante  : 

Choisissez  trois  bottes  des  plus  belles  asperges  du  gros  plant 
de  Hollande,  c'est-à-dire  blanches  avec  le  bout  violet;  feites 
parer,  laver  et  cuire  en  les  plongeant  comme  à  l'ordinaire,  c'est- 
à-dire  dans  de  Teau  bouillante  ;  franchez-les  ensuite  en  les  cou- 
pant en  biais  du  côté  de  la  pointe,  à  la  longueur  du  petit  doigt. 
Ne  vous  occupez  que  des  morceaux  de  choix,  et  laissez  de  côté  le 
reste  de  leurs  tiges.  Mettez  cesdits  morceaux  dans  une  serviette 
chaude,  afin  de  les  égoutter  en  les  maintenant  chaudement,  pen- 
dant que  vous  confectionnerez  leur  sauce..  Videz  un  moyen  pot 
de  beurre  de  Vanvre  ou  de  la  Prévalais,  en  prenant  le  contenu 
par  cuillerées  et  le  mettant  dans  une  casserole  d'argent;  joignez-y 
quelques  grains  de  sel  avec  une  forte  pincée  de  macis  en  poudre, 
une  forte  cuillerée  de  fleur  de  farine  d'épeautre,  et  de  plus  deux 
jaunes  d'œufs  frais  bien  délayés  avec  quatre  cuillerées  de  suc  de 
verjus  muscat.  Faites  cuire  ladite  sauce  au  bain-marie,  en  évi- 
tant  de  Talourdir  en  lui  laissant  prendre  trop  d'épaisseur  ;  mettez 
vos  morceaux  d'asperges  tranchés  dans  ladite  sauce,  et  servez  le 
tout  ensemble  en  casserole  couverte  et  en  extra,  pour  que  cet 
excellent  entremets  ne  languisse  point  sur  la  table  et  puisse  être 
apprécié  dans  toute  sa  perfection. 

ASPIC.  —  C'est  ainsi  que  Ton  nomme  les  filets  de  volaille, 
de  gibier  ou  de  poisson ,  qui  sont  enfermés  avec  des  truffes ,  des 
œufs  durs  et  des  tranches  de  champignons  dans  une  masse  de  gelée 
transparente  et  solidifiée  au  moule.  L'aspic  est  une  entrée  froide, 
mais  les  grands  maîtres  dans  l'art  de  cuisine  nient  qu'il  existe  des 
entrées  froides  ;  aussi  recommande-t-on  de  servir  les  aspics  avec 


193  ASSA-FCETIDA. 


le  rôti.  Il  ne  £iut  jamais  les  laisser  paraître  à  table  qu'au  second 
service  et  destinés  à  relever  le  rôti.  Un  gastronome  de  l'ancien 
régime  nous  apprend  qu'au  palais  Bourbon  on  les  présentait  à  la 
ronde  entre  les  deux  services,  et  puis  on  les  déposait  sur  le  buffet 
des  en-cas,  avec  les  soupes  à  la  russe  et  autres  préparations 
exotiques. 

L'auteur  du  Dictionnaire  général  de  la  cuisine^  qui  n'accorde 
pas  qu'il  puisse  y  avoir  des  entrées  froides,  donne  le  nom  d'aspic 
chaud  à  la  préparation  suivante  : 

Oâspic  chaud.  —  «  Empotez  dans  une  marmite  environ  deux 
jarrets  de  veau,  une  vieille  perdrix,  une  poule  et  deux  ou  trois 
lames  de  jambon  ;  ficelez  le  tout,  joignez-y  deux  carottes  et  deux 
oignons,  avec  un  bouquet  bien  combiné,  mouillez  d'un  peu  de 
consommé;  faites  légèrement  suer;  quand  la  préparation  tombera 
en  consistance  de  glace  et  prendra  une  teinte  colorée,  mouillez 
avec  du  bouillon  (ou  avec  de  l'eau),  en  observant  alors  de  laisser 
réduire  davantage;  faites  repartir,  écumez  et  mettez  le  sel  néces- 
saire ;  laissez  cuire  encore  trois  heures,  et  au  bout  de  ce  temps 
passez  à  travers  une  serviette  mouillée  et  laissez  refroidir  ;  cassez 
deux  œufs,  avec  blancs,  jaunes  et  coquilles  ;  fouettez-les  en  mouil- 
lant un  peu  de  votre  bouillon  ;  mettez-y  une  cuillerée  à  bouche 
de  vinaigre  d'estragon,  ainsi  qu'un  verre  de  bon  vin  blanc,  et 
versez  le  tout  dans  votre  aspic,  que  vous  remettez  sur  le  feu; 
agitez-le  avec  un  fouet  de  buis ,  et,  quand  il  commencera  à 
repartir,  retirez-le  sur  le  bord  du  fourneau,  afin  qu'il  ne  fasse 
que  frémir  légèrement  ;  couvrez-le  et  mettez  du  feu  sur  son  cou- 
vercle. Quand  vous  verrez  que  l'aspic  est  bien  clair ,  passez-le 
une  seconde  fois  au  travers  d'une  serviette  mouillée  et  tordue  que 
vous  attacherez  aux  quatre  pieds  d'un  tabouret;  quand  il  sera 
passé ,  servez-vous-en  pour  les  grands  et  petits  ragoûts,  où  cette 
préparation  doit  être  employée.  » 

ASSA-FOETIDA.  —  Gomme-résine,  roussâtre,  obtenue  par 
l'incision  de  la  tige  et  du  collet  de  la  racine  de  cette  plante 
ombellifère. 

L'assa-fœtida,  puissant  antispasmodique,  a  une  odeur  repous- 
sante, qui  affecte  beaucoup  les  Européens  ;  les  Asiatiques,  au  con- 
traire, la  mangent  avec  plaisii:  et  en  font  un  si  grand  usage ,  que 


ASSAISONNEMENT.  193 


parfois  Tair  qu'on  respire,  dans  un  endroit  où  il  s'en  est  con- 
sommé, en  est  infecté. 

Les  anciens  s'en  servaient  pour  relever  le  goût  de  certains 
mets,  et  encore  aujourd'hui  en  Orient,  et  malgré  son  odeur  fétide, 
Tassa-foetida  est  un  condiment  des  plus  recherchés. 

ASSAISONNEMENT.  —  Nous  croyons  que  c  est  le  moment 
de  placer  ici  l'histoire  du  chevalier  d'Albignac,  qui  a  fait  sa  for- 
tune à  Londres  en  assaisonnant  de  la  salade.  Nous  empruntons 
ce  récit  à  l'illustre  philosophe  auteur  de  la  Physiologie  du 
goût  : 

ce  M.  d'Albignac  était  émigré  et  s'était  retiré  à  Londres. 
Quoique  sa  pitance  fût  fortement  restreinte  par  le  mauvais  état 
de  ses  finances,  il  n'en  était  pas  moins  un  jour  invité  à  diner 
dans  une  des  plus  fameuses  tavernes  de  Londres  ;  il  était  de  ceux 
qui  ont  ce  système  qu'on  peut  bien  dîner  avec  un  seul  plat, 
pourvu  que  ce  plat  soit  excellent.  Tandis  qu'il  achevait  un  excel- 
lent roastbeef ,  cinq  ou  six  jeunes  gens,  des  premières  familles  de 
Londres,  se  régalaient  à  une  table  voisine,  et  l'un  d'eux,  s'étant. 
levé,  s'approcha  et  lui  dit  d'un  ton  poli  : 

«  Monsieur  le  Français,  on  dit  que  votre  nation  excelle 
«  dans  Fart  de  faire  la  salade  ;  voudriez-vous  nous  favoriser  et 
a  en  accommoder  une  pour  nous.  » 

«  D' Albignac  y  consentit  après  quelques  hésitations,  demanda 
tout  ce  qu'il  crut  nécessaire  pour  faire  le  chef-d'œuvre  attendu, 
y  mit  tous  ses  soins,  et  eut  le  bonheur  d'y  réussir. 

CI  Pendant  qu'il  étudiait  ses  doses,  il  répondait  avec  franchise 
aux  questions  qu'on  lui  faisait  sur  sa  situation  actuelle;  il  dit 
qu'il  était  émigré ,  et  avoua,  non  sans  rougir  un  peu,  qu'il  rece- 
vait les  secours  du  gouvernement  anglais,  circonstance  qui  auto- 
risa sans  doute  un  des  jeunes  gens  à  lui  glisser  dans  la  main  un 
billet  de  cinq  livres  sterling,  qu'il  accepta  après  une  molle 
résistance. 

«  Il  avait  donné  son  adresse  ;  et,  à  quelque  temps  de  là,  il  ne 
fut  pas  médiocrement  surpris  de  recevoir  une  lettre  par  laquelle 
on  le  priait,  dans  les  termes  les  plus  honnêtes,  de  venir  accommoder 
une  salade  dans  un  des  plus  beaux  hôtels  de  Grosvenor-square. 

«  D'Albignac,  commençant   à    prévoir   quelque   avantage 

13 


\ 


194  ASSAISONNEMENT. 


durable,  ne  balança  pas  un  instant,  et  arriva  ponctuellement, 
après  s'être  muni  de  quelques  assaisonnements  nouveaux,  qu'il 
jugea  convenables  pour  donner  à  son  ouvrage  un  plus  haut  degré 
de  perfection. 

«  Il  avait  eu  le  temps  de  songer  à  la  besogne  qu'il  avait  à 
faire;  il  eut  donc  le  bonheur  de  réussir  encore,  et  reçut,  pour 
cette  fois,  une  gratification  telle  qu'il  n'eût  pas  pu  la  refuser  sans 
se  nuire. 

«  Les  premiers  jeunes  gens  pour  qui  il  avait  opéré  avaient, 
comme  on  peut  le  présumer,  vanté  jusqu'à  l'exagération  le  mérite 
de  la  salade  qu'il  avait  assaisonnée  pour  eux.  La  seconde  compa- 
gnie fit  encore  plus  de  bruit,  de  sorte  que  la  réputation  de  d'Al- 
bignac  s'étendit  promptement  :  on  le  désigna  sous  la  qualification 
defashionabîe  salad-maker  ;  et,  dans  ce  pays  avide  de  nouveautés, 
tout  ce  qu'il  y  avait  de  plus  élégant  dans  la  capitale  des  trois 
royaumes  se  mourait  pour  une  salade  de  la  façon  du  gentleman 
français  :  /  die  for  it,  c'est  l'expression  consacrée. 
• 

«  Désir  de  nonne  est  un  feu  qui  dévore, 
<r  Désir  d'Anglaise  est  cent  fois  pire  encore. 

«  D'Albignac  profita  en  homme  d'esprit  de  l'engouement  dont 
il  était  Tobjet;  bientôt  il  eut  un  carrick  pour  se  transporter  plus 
vite  dans  les  divers  endroits  où  il  était  appelé,  et  un  domestique 
portant,  dans  un  nécessaire  d'acajou,  tous  les  ingrédients  dont  il 
avait  enrichi  son  répertoire,  tels  que  des  vinaigres  à  différents 
parfums,  des  huiles  avec  ou  sans  goût  de  fruit,  du  soya,  du 
caviar,  des  truffes,  des  anchois,  du  catchup,  du  jus  de  viande, 
et  même  des  jaunes  d'œufs,  qui  sont  le  caractère  distinctif  de  la 
mayonnaise. 

«  Plus  tard,  il  fit  fabriquer  des  nécessaires  pareils,  qu'il  garnit 
complètement  et  qu'il  Vendit  par  centaines. 

«  Enfin,  en  suivant  avec  exactitude  et  sagesse  sa  ligne  d'opé- 
ration, il  vint  à  bout  de  réaliser  une  fortune  de  plus  de  quatre- 
vingt  mille  francs,  qu'il  transporta  en  France  quand  les  temps 
furent  devenus  meilleurs. 


ATINGA.  195 


((  Rentré  dans  sa  patrie,  il  ne  s'amusa  point  à  briller  sur  le 
pavé  de  Paris ,  mais  s'occupa  de  son  avenir.  Il  plaça  soixante 
mille  francs  dans  les  fonds  publics,  qui  pour  lors  étaient  à  cin- 
quante pour  cent,  et  acheta,  pour  vingt  mille  francs ,  une  petite 
gentilhommière  située  en  Limousin,  où  probablement  il  vit 
encore,  content  et  heureux,  puisqu'il  sait  borner  ses  désirs.» 

ASSIETTE.  —  Les  assiettes  sont  ainsi  nommées  parce  qu'elles 
marquent  les  places  où  l'on  doit  s'asseoir  à  table. 

Leur  usage  n'est  pas  très-ancien  en  France.  Autrefois,  des 
tranches  de  pain  coupées  en  rond  servaient  d'assiettes  ;  et  Vir- 
gile les  dépeint  ainsi  dans  le  repas  des  compagnons  d'Énée.  On 
parle  encore  de  cette  pratique  dans  le  cérémonial  du  sacre  de 
Louis  XII. 

Après  le  repas,  on  donnait  ce  pain  aux  pauvres. 

ASTRAGALUS  BCETICUS.  —  Nom  d'une  graine  ressem- 
blant au  café  et  que  l'on  peut  mêler  à  ce  dernier. 

ATCHAR  Dfl  L'INDE.  —  On  donne  ce  nom  à  plusieurs 
espèces  de  sommités  de  végétaux  et  de  fruits  confits  dans  la  sève 
des  palmiers,  qui,  d'abord  sucrée,  devient  bientôt  un  vinaigre 
fort  limpide  qui  remplace,  dans  l'Inde,  le  vinaigre  de  vin  encore 
inconnu. 

Les  atchars  tiennent  chez  les  Indiens  le  même  rang  que  les 
cornichons  et  les  câpres  parmi  nous;  ils  les  emploient  aussi 
pour  relever  la  saveur  de  certains  aliments, 

4THERINE  ou  BANDE  D'ARGENT.—  Espèce  d'anchois 
de  la  taille  de  20  à  25  centimètres,  ayant  une  raie  large  et  argen- 
tée de  chaque  côté  du  corps. 

Les  atherines  sont  de  petits  poissons  d'un  goût  délicat; 
lorsqu'ils  sont  jeunes,  ils  se  tiennent  longtemps  en  troupes  ser- 
rées. On  les  mange  sur  les  côtes  de  la  Méditerranée.  Leur  chair 
est  très- savoureuse,  et  leurs  propriétés  alimentaires  sont  ana- 
logues à  celles  de  l'anchois;  on  les  mange  de  même. 

ATINGA.  —  Poisson  qui  vit  dans  les  mers  du  Brésil  et  du 
cap  de  Bonne-Espérance;  il  a  48  centimètres  de  long  et  peut 
acquérir  plus  de  grosseur  en  se  boursouflant  comme  un  ballon; 
il  se  nourrit  de  petits  poissons,  de  crustacés  et  de  coquillages. 

La  chair  de  ce  poisson  est  dure  et  coriace;   on  la  mange 


196  AUBERGINE. 


cependant,  après  avoir  pris  soin  d*en  séparer  le  fiel,  qui  est  un 
poison  violent. 

ATTE.  —  Fruit  de  Tanone  squammeuse,  abondante  entre 
les  deux  tropiques.  La  chair  de  ce  fruit  est  de  saveur  agréable  et 
semblable  à  de  la  crème  sucrée;  elle  renferme  une  grande  quan- 
tité de  pépins  noirs  qu'on  prendrait  pour  des  noyaux,  tant  leur 
peau  est  dure. 

ATTELET,  ou  mieux  HATELET.  —  Petite  lame  métal- 
lique terminée  en  pointe  et  qui  fixe  les  grosses  pièces  à  la  broche. 
On  s'en  sert  également  pour  réunir  de  petits  oiseaux  rôtis  qu'on 
sert  ainsi  enfilés,  ainsi  que  les  petits  poissons  qu'on  enfile  par 
les  ouïes.  Nous  expliquerons  plus  tard  comment,  pour  les  petits 
oiseaux,  mieux  vaut  encore  s'en  passer,  en  les  faisant  cuire  soit 
à  la  ficelle,  soit  à  la  laisse. 

ATTEREAU  A  LA  BRETONNE.  —  Au  fond  d'une  ter- 
rine placez  une  sorte  de  claie  formée  par  de  petites  branches 
d'osier,  établissez  sur  cette  claie  une  poitrine  "de  veau  salée  et 
poivrée;  placez  sur  cette  pièce  de  veau  un  carré  de  porc  frais  qui 
n'ait  que  deux  jours  de  sel;  placez  au  four  et  laissez  pour  le 
cuire  aussi  longtemps  que  vous  le  feriez  pour  un  gros  pain  de 
ménage.  Faites  rissoler  le  porc  pour  que  la  partie  supérieure  ne 
se  dissolve  pas. 

AUBERGINE.  —  Fruit  d'une  espèce  de  solanée.  Ce  fruit  a 
la  forme  d'un  gros  œuf.  Les  blanches  et  les  violettes  sont  les 
meilleures.  On  peut  les  manger  en  salade  ou  cuites,  et  voici  les 
meilleures  manières  de  les  apprêter  : 

Q4ubergine  à  la  languedocienne.  —  Fendez  en  long  vos 
aubergines,  ôtez-en  la  graine  et  découpez-en  la  chair;  salez, 
poivrez,  mettez  de  la  muscade,  grillez-les  à  petit  feu  et  arrosez 
d'huile  fine. 

Salade  d^ aubergine  à  la  provençale, —  Pelez  les  aubergines, 
émincez-les,  faites-en  macérer  les  tranches  pendant  deux  heures 
avec  vinaigre,  saumure  de  noix,  sel  gris,  poivre  noir  et  un  peu 
d'ail;  puis  étanchez-les  en  les  pressant  pour  en  extraire  l'eau; 
ensuite  faites-en  salade  avec  du  cresson  de  fontaine  et  des  rai- 
ponces, des  œufs  durs,  des  olives  farcies  et  quelques  filets  de 
thon. 


AVELINES.  Î97 


Q4ubergine  à  la  parisienne.  —  Enlevez  les  chairs  de  quatre 
aubergines  violettes,  mais  en  respectant  la  peau;  hachez  avec 
blanc  de  volaille  ou  chair  d'agneau  rôti ,  ou  maigre  de  cochon  de 
lait,  ou  toute  autre  viande  blanche  et  bien  cuite;  mettez  dans  ce 
hachis  i8o  grammes  de  moelle,  ou,  si  vous  le  préférez,  assaison- 
nez le  tout  avec  une  pincée  de  muscades,  i8o  grammes  de  gras 
de  lard,  un  peu  de  sel.  Faites  entrer  dans  votre  hachis  de  la  mie 
de  pain  rassis,  délayez  avec  quatre  jaunes  d'oeufs,  remplissez  vos 
moitiés  d'aubergines  avec  cette  farce,  et  faites-les  cuire  sur  la 
tourtière,  en  les  arrosant  avec  de  la  moelle  ou  du  lard  fondu. 

AUTRUCHE.  —  Comme  oiseau,  c'est  le  plus  grand  et 
c'est  aussi  un  des  plus  célèbres  et  des  plus  anciennement  connus 
sous  le  rapport  alimentaire,  puisqu'il  en  est  question  dans 
Vo^ncien  Testament,  en  particulier  dans  le  Deutéronome,  où 
Moïse  interdit  aux  Hébreux  de  manger  sa  chair,  qui  devint  fort 
en  usage  chez  les  Romains.  On  rapporte  qu'Héliogabale  se  fit 
servir  dans  un  repas  les  tètes  de  six  cents  autruches  pour  en 
manger  les  cervelles. 

La  chair  de  Tautruche  n'est  pas  très-bonne;  elle  est  dure 
et  sans  aucun  goût  ;  cependant  Taile,  qui  en  est  la  partie  la  plus 
tendre,  et  les  filets  bien  assaisonnés  peuvent  encore  se  manger. 

Les  œufs  de  Tautruche  sont  très -gros;  on  en  a  vu  qui 
pesaient  autant  que  trente  œufs  de  poule,  et  quelques  voyageurs 
qui  ont  mangé  de  ces  œufs  les  ont  trouvés  très-bons;  on  fait 
au  cap  de  Bonne-Espérance  un  commerce  considérable  de  ces 
œufs  ;  on  en  prépare  même  des  omelettes  gigantesques  ;  on  les 
accommode  encore  avec  de  la  graisse;  enfin  on  les  emploie  à  cla- 
rifier le  café. 

Les  Arabes  de  nos  jours,  comme  les  Hébreux  d'autrefois, 
s'abstiennent  de  manger  la  chair  de  l'autruche,  mais  ils  recher- 
chent beaucoup  la  graisse  de  cet  oiseau  dont  ils  se  servent  pour 
apprêter  leurs  mets,  et  aussi  pour  se  frictionner  le  corps  dans  les 
cas  de  rhumatismes  et  autres  maladies.  On  vend  cette  graisse 
fort  cher,  peut-être  à  cause  de  sa  rareté. 

AVELINES.  —  Sorte  de  grosse  noisette  pourprée.  On  dit 
que  la  meilleure  espèce  d'aveline  est  celle  qui  nous  vient  du  pays 
de  Foix  et  du  Roussillon,  mais  je  serais  tenté  de  croire  que  c'est 


> 


j 


198  AYA-PANA. 


celle  qui  \'ient  d'Avellines  et  qui  a  donné  son  nom  à  Tespèce. 
Les  avelines  poussent  sans  culture  dans  les  ravins  et  dans  les 
ruines  qui  environnent  Avellines.  Victor  Hugo  enfant  a  failli  se 
tuer  en  tombant  dans  un  de  ces  ravins  en  cueillant  des  avelines.' 

AVOINE.  —  Genre  de  la  famille  des  graminées. 

La  semence  torréfiée  de  Tavoine  réduite  en  farine  prend  le 
nom  de  gruau  de  Bretagne  et  a  un  goût  qui  se  rapproche  dç 
celui  du  café. 

AWABI.  —  Coquillage  des  mers  du  Japon  et  qui  est  un 
symbole  pour  les  habitants  de  ce  pays,  qui,  lorsqu'ils  donnent 
un  repas,  font  toujours  servir  un  plat  de  ce  mets,  afin,  disent- 
ils,  de  se  rappeler  que  ce  fut  la  nourriture  ordinaire  de  leurs 
ancêtres  pauvres.  C'est  aussi  un  usage  parmi  ce  peuple  de 
joindre  à  tous  les  présents  qu'ils  font  un  morceau  de  la  chair 
de  ce  coquillage,  comme  étant  de  bon  augure. 

AXIS.  —  Espèce  du  genre  cerf  qui  se  reconnaît  à  son 
pelage,  et  se  distingue  surtout  par  la  forme  svelte  de  ses  bois;  cet 
animal  change] deux  fois  par  an  de  poil  sans  changer  de  couleur. 

Au  Bengale,  Taxis  est  élevé  dans  une  demi-domesticité,  et 
on  l'engraisse  pour  la  table.  Sa  chair  est  excellente  et  supé- 
rieure à  celle  du  chevreuil,  non-seulement  pour  le  goût,  mais 
aussi  parce  qu'elle  peut  être  consommée  aussitôt  que  l'animal 
a  été  abattu. 

On  L'apprête  de  même  que  le  chevreuil.  (V,  Chevreuil.) 

AXONGE.  --  {V.  Graisse.) 

AYA-PANA.  —  Plante  du  genre  des  eupatoires,  originaire 
des  îles  de  France  et  de  Bourbon;  ses  feuilles  contiennent  un 
arôme  infiniment  suave  et  souverainement  fortifiant  par  diffu- 
sion, elles  sont  stomachiques,  apéritives  et  sudorifiques  ;  c'est 
M.  l'amiral  de  Sercey  qui  l'a  introduite  en  France.  Son  infusion 
se  fait  comme  celle  du  thé;  mais,  comme  son  arôme  est  très- 
puissant,  douze  ou  treize  feuilles  suffisent  pour  une  théière  de 
six  tasses.  La  meilleure  façon  d'employer  ce  nouvel  aromate  est 
d'abord  de  le  prendre  comme  on  prend  le  thé,  et  ensuite  d'en 
parfumer  des  soufflés,  des  moufles  et  des  glaces  à  la  crème. 
L'aya-pana  s'allie  admirablement  avec  les  jaunes  d'oeufs  et  la 
crème. 


.AZEROLE,  199 

M.  de  Courchamps  nous  apprend  qu'on  a  payé  l'aya-pana 
près  de  300  francs  les  trente  grammes,  et  cela  dans  l'invasion 
du  choléra,  pour  lequel  il  était  un  excellent  topique;  à  présent, 
on  paye  le  demi-kilt^r.  80  ou  90  francs. 

AZEROLE.  —  Espèce  de  nèfle  des  pays  chauds  où  on 
V Appelle  pommette;  ses  feuilles  ressemblent  à  celle  de  l'aubépine, 
quoique  plus  grandes  ;  les  fleurs  sont  en  grappes  de  couleur 
verte;  c'est  le  zazor  des  Arabes  ;  le  fruit  est  rond,  charnu,  rouge 
lorsqu'il  est  mûr,  de  saveur  aigrelette,  agréable  et  recherché 
surtout  par  les  femmes  enceintes. 

Sa  pulpe  contient  (rois  osselets  de  semence  fort  durs  ; 
l'azerole  est  astringente,  on  la  mange  crue  ou  confite.  L'azero- 
lier  de  Virginie  mérite  d'être  cultivé  à  cause  de  ses  fleurs  bril- 
lantes et  de  son  fruit  éclatant. 


B 


BABA.  —  «  Le  baba  est  un  gâteau  d'origine  polonaise, 
qui  doit  toujours  présenter  assez  de  volume  pour  être  servi 
comme  grosse  pièce  et  entremets,  et  pour  pouvoir  figurer  pen- 
dant plusieurs  jours  sur  lesbufFets  à*en-cds.  Réunissez  1,500  gr. 
de  la  plus  belle  farine  que  vous  pourrez  trouver,  45  grammes 
de  levure  de  bière,  30  grammes  de  sel  fin,  120  grammes  de 
sucre,  180  grammes  de  raisin  de  Corrnthe,  180  grammes  de 
raisin  muscat  de  Malaga,  30  grammes  de  cédrat  confit,  30  gr. 
d'angélique  confite,  3  grammes  et  demi  de  safran  ;  un  verre  de 
crème,  un  verre  de  vin  de  Malaga,  vingt-deux  œufs  et  i  kilogr. 
du  beurre  le  plus  fin.  Quand  votre  farine  sera  tamisée,  prenez- 
en  le  quart  pour  le  levain,  et,  après  avoir  préparé  cette  farine  en 
fontaine,  vous  verserez  au  milieu  un  verre  d'eau  tiède  avec  la 
levure,  puis  vous  détremperez  votre  levain,  en  y  apportant  tous 
les  soins  que  la  fermentation  réclame.  Ensuite  vous  faites  une 
fontaine  avec  le  reste  de  la  farine,  vous  versez  au  milieu  30  gr. 
de  sel  fin,  120  grammes  de  sucre  en  poudre,  un  verre  de  crème, 
vingt  à  vingt-deux  œufs,  i  kilogramme  de  beurre  d'Isigny,  manié 
en  hiver;  faites  votre  détrempe,  et,  après  avoir  mêlé  le  levain  qui 
•  doit  être  levé  à  point,  vous  battez  bien  cette  pâte  que  vous 
élargissez  un  peu;  faites  un  creux  au  milieu,  dans  lequel  vous 
versez  un  verre  de  vin  de  Malaga  et  IMnfusion  de  votre  safran 
que  vous  aurez  fait  bouillir  quelques  minutes  dans  le  quart 
d'un  verre  d'eau,  puis  vous  jetez  sur  la  pâte  180  grammes  de 
raisin  de  Corinthe,   180  grammes  de  muscat  dont   vous   aurez 


BABA.  aoi 

àté  les  pépins  en  séparant  chaque  grain  en  deux  parties  ;  ces 
raisins  doivent  être  préparés  d'avance;  puis  30  grammes  de 
cédrat  confit,  coupé  en  petits  filets  ainsi  que  de  la  conserve 
d'angélique;  remuez  bien  ce  mélange,  afin  que  le  raisin  soit  bien 
mêlé  dans  toutes  les  parties  de  la  masse  entière;  vous  séparez 
ensuite  un  huitième  de  la  pâte  que  vous  rendez  lisse  par-dessus, 
vous  en  ôtez  les  plus  gros  raisins  qui  se  trouvent  à  la  surface, 
et  vous  la  posez  de  ce  côté  dans  un  moule  beurré. 

«  En  plaçant  la  détrempe  dans  le  moule,  retirez-en  les 
gros  grains  de  raisin,  parce  que  le  sucre  qu'ils  contiennent  les 
attacherait  au  moule  pendant  la  cuisson. 

0  Pour  la  fermentation,  vous  aurez  les  mêmes  attentions 
que  pour  le  gâteau  de  Compiègne  (V.  Gâteau  de  Compiègne), 
et  pour  la  cuisson  vous  y  donnerez  une  heure  et  demie  ;;la  vraie 
couleur  du  -baba  doit  être  rougeâtre,  c'est  la  cuisson  mâle, 
mais  elle  n'est  pas  facile  à  saisir,  parce  que  le  safran,  par  sa 
teinte  jaunâtre,  porte  à  la  couleur,  et  que  le  sucre  et  le  vin 
d'Espagne  y  contribuent  pour  le  moins  autant  de  leur  côté; 
c'est  par  ces  raisons  que  cette  cuisson  réclame  beaucoup  de 
soins  ;  un  quart  d'heure  de  trop  suffirait  pour  changer  cette 
belle  nuance  pourprée  en  une  teinte  indécise  et  rembrunie. 

«  Il  parait,  quant  à  l'origine  de  ces  gâteaux,  que  c'est  réel- 
lement le  roi  Stanislas  Leczinski ,  beau-père  de  Louis  XV,  qui 
les  a  fait  connaître  en  France.  Chez  les  augustes  descendants  de 
ce  bon  roi  (ce  n'est  pas  moi  qui  parle,  c'est  Carême),  on  fait 
toujours  accompagner  ce  service  des  babas  par  celui  d'une  sau- 
cière où  Ton  tient  mélangés  du  vin  de  Malaga  sucré  avec  une 
sixième  partie  d'eau  distillée  de  Tanésie.  On  a  su  par  M"*  la 
comtesse  Risleff,  née  comtesse  Potoka  et  parente  des  Leczinski, 
que  le  véritable  baba  polonais  devait  se  faire  avec  de  la  farine 
de  seigle  et  du  vin  de  Hongrie. 

«  On  voit  quelquefois  à  Paris  de  petits  babas  qui  ont  été 
formés  dans  de  petits  moules,  mais  alors  ils  se  dessèchent  trop 
aisément  pour  que  l'on  puisse  approuver  cette  méthode  écono- 
mique, qui  n'est  usitée  du  reste  que  par  les  marchands  pâtis- 
siers. 

«  Avec  des  tranches   de  baba  bien   imbibées  de   vin  de 


202  BABJROUSSA. 


Madère  et  trempées  dans  de  la  pâte  à  friture ,  on  fait  un  plat 
de  beignets  très-confortable  et  très-bien  accueilli  dans  un  déjeu- 
ner de  garçons.  » 

(D'après  les  traditions  de  la  cour  de  Lunéville  et  suivant 
la  méthode  de  M.  Carême,  auteur  du  Cuisinier  pittoresque.) 

Si  vous  voulez  confectionner  un  baba  dans  de  plus  petites 
proportions,  et  qui  suive  de  moins  près  les  traditions  de  la  cour 
de  Lunéville,  dont  ne  pouvaient  s'écarter  un  pâtissier  comme 
Carême  et  un  gastronome  comme  M.  de  Courchamps,  prenez 
cette  recette  au  livre  de  pâtisserie  d'Audot  ;  servez-vous  du 
même  levain  que  pour  la  brioche  et  des  mêmes  proportions 
pour  la  pâte,  en  la  tenant  un  peu  plus  claire;  le  mélange  étant 
fait,  on  assemble  la  pâte,  on  fait  un  trou  où  Ton  ajoute  15  gr. 
de  sucre  en  poudre,  30  grammes  de  \ân  de  Madère,  Malaga  ou 
rhum,  45  grammes  de  raisin  muscat  égrenés  et  coupés  en  deux, 
autant  de  raisin  de  Corinthe,  8  grammes  de  cédrat  confit  coupé 
en  petits  filets  et  un  peu  de  safran  en  poudre;  ce  mélange  doit 
avoir  la  même  consistance  qu'avait  le  levain,  soit  en  y  ajoutant 
un  œuf  ou  de  la  crème  ;  mettez  cette  pâte  dans  un  moule  beurré 
deux  ou  trois  fois  plus  grand  que  le  contenu  de  la  pâte,  faites 
en  sorte  que  le  raisin  ne  touche  pas  aux  parois  du  moule 
où  il  se  collerait,  laissez  reposer  en  lieu  chaud  jusqu'à  ce  qu'il 
soit  bien  gonflé,  faites  cuire  une  heure  et  demie  à  une  chaleur 
très-douce,  et  le  baba  est  parfait  quand  il  prend  une  couleur 
rougeâtre.  On  sert  chaud  de  préférence. 

BABEURRE  (Lait  de  beurre).  —  Liqueur  séreuse  et 
blanche  que  laisse  le  lait  quand  on  Ta  battu. 

Cette  liqueur  forme  un  aliment  très-estimé  en  Hollande, 
au  point  que  les  domestiques,  dans  leurs  engagements  avec  leurs 
maîtres,  mettent  pour  condition  qu'on  leur  en  donnera  .une  ou 
deux  fois  par  semaine.  On  se  sert  aussi  du  babeurre  pour  faire 
du  potage;  il  est  nourrissant  et  rafraîchissant,  et  cependant 
l'usage  n'en  convient  point  à  tous  les  estomacs. 

BABIROUSSA.  —  Espèce  de  sanglier  avec  lequel  TEurope 
vient  de  faire  connaissance  et  que  les  curieux  trouveront  au 
Jardin  des  plantes.  Pline  a  dit  de  lui  :  «  Aux  Indes,  il  y  a  une 
espèce  de  sanglier  qui  a  sur  son  front  deux  cornes  comme  celles 


d'un  veau  et  des  défenses  comme  celles  d'un  sanglier  commun  »  : 
Elien  en    fait  aussi  mention    sous   le   nom    de   Quatre^comes. 

«  Ah!  mon  Dieu,  mon  ami,  demandait  une  dame  à  son 
mari,  qu  est-ce  donc  que  cet  animal  qui,  au  lieu  de  deux  cornes, 
en  a  quatre  ? 

—  Madame,  dit  un  passant,  c'est  un  veuf  remarié;  »  et  il 
continua  son  chemin. 

La  couleur  du  babiroussa  est  cendrée  ou  sale,  ses  poils  sont 
laineux  et  courts,  ses  oreilles  peu  étendues,  son  train  de  derrière 
plus  élevé  que  celui  de  devant  ;  sa  peau  est  mince  et  ne  contient 
pas  de  lard,  sa  chair  a  un  goût  fort  agréable.  On  le  mange 
comme  le  sanglier. 

Lorsqu'on  chasse  l'animal,  il  se  jette  à  la  mer,  et,  comme  les 
îles  de  l'archipel  de  Tlnde  sont  très-rapprochées,  il  passe  de  Tune 
dans  l'autre.  Celui  qui  est  au  Jardin  des  plantes  et  qui  vient 
manger  dans  la  main  prouve  que  cet  animal  peut  s'apprivoiser. 

BACILE.  —  Plante  du  genre  des  ombellifères.  Cette  plante 
croît  sur  les  bords  de  la  mer,  au  milieu  des  jrochers  ;  j'en  ai 
cueilli  sur  toutes  les  côtes  de  la  Normandie;  les  tiges  sont  dures, 
vertes,  garnies  de  feuilles  charnues,  les  folioles  sont  étroites, 
les  fleurs  blanches,  la  saveur  salée,  piquante,  aromatique,  mais 
avec  tout  cela  très -agréable,  on  confit  les  tiges  dans  le  vinaigre 
et  on  les  mange  comme  les  cornichons  et  comme  les  achards. 

BAGASSIER.  —  Arbre  de  la  famille  des  artocarpies,  origi- 
naire de  la  Guyane.  U  produit  un  fruit  de  la  grosseur  de  l'orange 
moyenne,  de  couleur  jaunâtre  et  recouvert  d'une  peau  grenue  ; 
sa  chair  est  ferme,  succulente,  de  bon  goût,  et  rafraîchit.  Les 
créoles  et  les  indigènes  la  mangent  avec  plaisir. 

BAIN-MARIE.  —  Manière  de  faire  prendre  certaines 
sauces  qui,  posées  directement  sur  le  feu,  se  coaguleraient  trop 
vite.  Le  procédé  est  si  connu  que  nous  jugeons  inutile  d'en 
donner  l'explication. 

BAKU.  —  Poisson  du  Japon,  recherché  à  cause  de  la  déli- 
catesse de  sa  chair  ;  les  habitants  en  jettent  la  tète,  les  intestins, 
les  os,  le  lavent  et  le  nettoient  avec  beaucoup  de  soin,  et,  malgré 
ces  précautions,  plusieurs  personnes  en  meurent  empoisonnées* 
Lorsqu'un  Japonais  est  dégoûté  de  l'existence,  il  se  sert  de  ce 


X 


ao4  BALEINE. 


poisson  de  préférence  à  tout  autre  moyen  de  destruction. 
Scheutzer,  dans  son  Histoire  du  Japon,  dit  que  cinq  personnes  de 
Nangasaka,  ayant  mangé  un  plat  de  baku,  s'évanouirent,  furent 
prises  de  convulsions,  de  délire  et  d'un  vomissement  de  sang 
tellement  violent,  qu'elles  en  moururent  en  peu  d'heures.  Malgré 
cela,  les  Japonais  ne  veulent  pas  s'abstenir  d'un  aliment  qu'ils 
trouvent  très-délicat.  Un  édit  de  l'empereur  défend  expressément 
aux  soldats  et  aux  employés  de  l'empire  d'en  manger  ;  ce  poisson 
se  vend  beaucoup  plus  cher  que  les  autres. 

BALACHAN.  —  Le  balachan  est  une  pâte  qui  se  fait  à  Siam 
et  à  Tonquin,  avec  des  crevettes;  on  les  pile  avec  du  sel  pour  en 
former  une  espèce  de  saumure  épaisse,  qu'on  fait  cuire  au  soleil 
pendant  plusieurs  jours;  on  a  soin  de  la  remuer  de  temps  en 
temps,  ce  qui  répand  au  loin  une  odeur  affreuse.  Cette  pâte  sup- 
plée au  beurre,  fortifie  l'estomac,  excite  l'appétit.  A  Tonquin  on 
lui  donne  le  nom  de  nuxman^  on  la  mange  avec  le  riz  et  on  en 
assaisonne  aussi  les  viandes. 

BALAOU.  —  Poisson  de  la  forme  et  de  la  longueur  de  la 
sardine  ;  sa  mâchoire  inférieure  a  un  bec  assez  fort,  mince  et 
pointu  comme  une  aiguille.  La  chair  de  balaou  est  ferme,  déli- 
cate, de  bon  goût  et  de  facile  digestion.  Ce  poisson  est  abondant 
à  la  Martinique,  où  on  le  pêche  aux  flambeaux. 

BALEINE.  —  La  baleine  est  le  plus  grand  des  mammifères; 
il  y  a  des  baleines  qui  ont  jusqu'à  65  mètres  de  longueur;  l'in- 
térieur de  son  corps  ressemble  à  celui  des  animaux  terrestres; 
son  sang  est  chaud;  elle  respire  par  le  moyen  des  poumons,  ce 
qui  fait  qu'elle  ne  peut  rester  plus  d'un  quart  d'heure  sous  l'eau  ; 
elle  saccouple  comme  les  vivipares,  et  elle  nourrit  son  caffre  de 
lait.  Caffre  est  le  .nom  que  les  baleiniers  donnent  au  petit  de  la 
7\  4  baleine.  La  baleine  n'a  qu'une  mamelle,  placée  juste  au  milieu 
de  la  poitrine.  On  ne  sait  comment  le  caffre  fait  pour  boire. 
Nage-t-il  sur  le  dos  et  boit-il  en  faisant  la  planche?  Le  procédé 
dont  il  se  sert  est  bien  plus  simple  que  ça,  il  pousse  la  mamelle 
de  sa  mère  d'un  violent  coup  de  museau,  la  mamelle  laisse  alors 
sortir  un  long  jet  de  lait,  il  se  précipite  sur  ce  lait,  l'avale  avec 
l'eau  à  laquelle  il  est  mêlé,  puis  rend  immédiatement  l'eau  par 
les  ouies  ou  par  les  évents  et  ne  garde  que  le  lait.  Il  est  assez 


BANANIER.  aof 


curieux  que  la  baleine,  le  plus  pesant  des  poissons,  voyage  aussi 
rapidement  que  le  pigeon ,  T.un  des  QÎseaux  les  plus  légers  :  tous 
deux  font  soixante-quatre  kilomètres  à  l'heure. 

C'est  une  baleine  qui  a  résolu  ce  problème  difficile  de 
savoir  sMl  y  avait  au-dessous  de  Tisthme  de  Panama  un  passage 
de  l'Atlantique  au  Pacifique.  Une  baleine,  frappée  d'un  coup 
mortel  dans  le  golfe  du  Mexique,  était  trouvée  deux  heures 
après  morte  dans  l'océan  Pacifique.  Comme  elle  n'avait  eu  le 
temps  de  passer  ni  par  le  cap  Horn,  ni  par  le  détroit  de  Lemaire, 
ni  par  celui  de  Magellan,  attendu  qu'il  lui  eût  fallu  faire  près 
de  trois  mille  lieues,  on  fut  bien  obligé  de  convenir  qu'elle  avait 
dû  trouver  un  passage  sous-marin.  On  put  reconnaître  le  moment 
où  elle  avait  été  blessée,  par  l'inspection  du  harpon  qui  l'avait 
frappée  à  mort  et  qui  était  demeuré  fixé  dans  la  plaie.  Ce  harpon, 
comme  tous  les  harpons  de  baleinier,  portait  son  numéro,  et,  sur 
le  registre  de  bord,  on  put  voir  quel  jour  et  à  quelle  heure  il 
avait  été  lancé;  le  harpon  avait  été  lancé  dans  le  golfe  du  Mexique, 
et  vingt-quatre  heures  plus  tard  la  baleine  était  trouvée  morte 
dans  le  Pacifique. 

La  peau  de  la  plupart  des  baleines  est  noire,  la  chair  est 
rouge  et  ressemble  à  celle  du  bœuf.  Cette  chair  et  surtout  celle 
du  cébillot ,  la  plus  grosse  de  toutes  les  baleines ,  est  tellement 
bonne  et  saine  que  les  pêcheurs  et  le  commun  peuple  maritime 
lui  attribuent  la  santé  parfaite  dont  ils  jouissent. 

BALISTE  (le  caper  de  Pline).  Poisson  cartilagineux  dont 
les  couleurs  sont  vives  et  brillantes;  il  fait,  quand  on  le  prend,  un 
bruit  semblable  au  grognement  du  porc  ;  sa  chair  est  excellente, 
ce  poisson  était  à  Athènes  d'un  prix  exorbitant. 

BAMBOU.  —  Grand  roseau  indien  dont  on  fait  des  cannes. 
Il  contient  un  suc  dont  les  Indiens  sont  friands  ;  c'est  de  chacun 
de  ses  nœuds  que  découle  une  liqueur  saccharine,  qui  par  l'action 
de  la  chaleur  solaire  se  convertit  en  larmes  de  sucre.  Les  anciens 
ne  connurent  que  le  sucre  de  canne  et  le  sucre  de  bambou.  Les 
jeunes  rejetons  du  bambou  forment  une  espèce  de  composition 
au  vinaigre  et  à  la  moutarde,  qui  a  pris  le  nom  de  son  inventeur, 

Achar. 

BANANIER.  —  Plante  des  Indes  orientales  et  occidentales. 


\ 


2o6  BARAQUILLE. 


En  Orient,  la  banane  passe  pour  être  le  fruit  défendu  dans 
lequel  mordit  notre  grand'mère  Eve.  Elle  rend  aux  pauvres  gens 
le  même  service  que  chez  nous  la  pomme  de  terre  aux  ouvriers. 
Aux  Antilles  et  à  Cayenite  on  en  fait  un  vin,  qui  porte  le  nom  de, 
vin  de  bananes. 

BANQUE.  -T-  Chanvre  des  Indes,  qu'Adanson  croit  être  le 
népenthès  des  anciens  et  qu'il  est  le  haschisch  des  modernes. 

BAR.  —  Poisson  de  mer  qui  ressemble  à  notre  mulet;  très- 
délicat  lorsqu'il  ne  dépasse  pas  le  poids  de  deux  à  trois  kilos,  il 
devient  dur  et  désagréable  à  manger  lorsqu'il  atteint  le  poids  de 
quinze  à  vingt  kilos.  J'ai  péché  à  Trouville  un  bar  qui  pesait 
vingt-trois  kilos  ;  il  était  coriace  et  avait  perdu  presque  toute  sa 
sapidité. 

Il  n'y  a  guère  qu'une  façon  de  manger  ce  poisson;  c'est  de 
l'apprêter  avec  un  court-bouillon,  composé  de  125  grammes  de 
beurre  salé,  de  cinq  ou  six  grandes  tiges  de  persil  auxquelles  on 
aura  laissé  leurs  racines,  et  on  le  mangera  avec  une  sauce 
hollandaise. 

BARAGOUIN.  —  Beaucoup  de  nos  lecteurs  vont  Vétonner 
de  trouver  ce  mot  dans  notre  dictionnaire  de  cuisine;  mais,  quand 
ils  auront  lu  l'anecdote  qui  suit,  ils  comprendront  et  nous  par- 
donneront sûrement  d'y  avoir  intercalé  le  mot  baragouin. 

Deux  Bretons,  qui  voyageaient,  se  trouvèrent  dans  une 
ville  où  l'on  ne  parlait  que  français.  Pressés  par  la  faim,  ils  s'éver- 
tuaient à  crier  dans  leur  vieille  langue  celtique  bara-guin  sans 
que  personne  les  comprît  ;  enfin,  ils  firent  tant  de  gestes  qu'on 
finit  par  deviner  qu'ils  avaient  faim  et  soif,  et  on  s'empressa  de 
les  nourrir.  1 

Et  voilà  comment  le  mot  français  baragouin^  qui  signifie 
langage  incompréhensible,  a  été  formé,  de  bara  qui  veut  dire 
pain,  et  de  guin  qui  veut  dire  vin  en  langue  bretonne. 

BARAQUILLE.  —  Espèce  de  pâtisserie,  composée  d'une  farce 
faite  avec  des  filets  de  perdrix,  de  poulardes,  des  ris  de  veau,  des 
champignons,  des  truffes  vertes,  hachés  ensemble,  et  dans  laquelle 
on  ajoute  un  bon  morceau  de  beurre  bien  frais  et  des  fines  herbes; 
on  enferme  le  tout  dans  une  pâte  de  feuilletage  très-légère  ; 
c'est  un  hors-d'œuvre  de  pâtisserie  de  la  nature  des  rissoles. 


BARBEAU,    BARBILLON.  207 

BARBE  DE  BOUC.  —  Clavaire  coralloïde  de  Linné,  plante 
ressemblant  au  salsilis  et  se  mangeant  cuite  à  Teau  ou  frite, 
comme  ce  dernier. 

Il  y  a  une  autre  espèce  de  barbe  dé  bouc,  plus  petite,  dont 
on  mange  les  jeunes  pousses  comme  les  asperges.  On  dit  que 
c'est  avec  cette  racine  que  Jules  César  nourrit  son  armée  lors- 
qu'elle se  trouva  dénuée  de  vivres  et  entourée  de  toutes  parts  par 
celle  de  Pompée. 

BARBE  DE  CAPUCIN.  —  Chicorée  sauvage,  variété  de 
l'endive,  dont  on  mange  les  feuilles  en  salade. 

La  barbe  de  capucin  est  upe  des  salades  les  plus  estimées, 
très-saine,  et  l'une  des  plus  nourrissantes,  la  meilleure  peut-être 
de  toutes,  quoique  légèrement  amère  ;  c'est  la  seule  que  les  méde- 
cins permettent  quelquefois  aux  malades  convalescents. 

On  la  mange  le  plus  ordinairement  avec  des  rouelles  de 
betteraves  et  assaisonnée  de  sel,  poivre,  huile,  vinaigre,  et  sans 
herbes. 

BARBE  DE  CHÈVRE.  —  Fleur  en  rose,  espèce  de  cham- 
pignons que  l'on  trouve  au  pied  des  arbres;  il  a  différentes  cou- 
leurs, rouge  ou  violet,  ou  grenat,  et  n'est  pas  vénéneux,  quoique  en 
général  un  peu  coriace  et  par  conséquent  de  diffîcile  digestion. 

On  les  emploie  comme  les  champignons  ordinaires  dans  les 
sauces  ;  les  barbes  de^chèvre  se  confisent  aussi  au  \4naigf e,  après 
les  avoir  passées  à  Teau  bouillante. 

BARBEAU,  BARBILLON.  —  Poisson  doué  de  deux  noms, 
mais  qui  ne  fait  qu'un  ;  il  est  oblong,  de  grandeur  moyenne,  couvert 
de  légères  écailles,  et  doit  son  nom  à  quelques  filaments  de  chair 
qui  lui  servent  de  moustaches.  Ses  œufs  sont  un  purgatif  assez 
violent;  il  n'y  a  donc  pas  de  mal  à  les  lui  titrer  du  corps  avant  de  le 
faire  cuire,  car  leur  seule  présence  dans  l'animal  pourrait  amener 
des  inconvénients.  Prenez  un  barbillon  de  moyenne  grandeur, 
où  il  y  ait  à  manger  pour  quatre  personnes,  videz,  écaillez,  et 
essuyez  avec  soin  ;  mettez-le  dans  un  plat  de  terre,  ajoutez  quatre 
cuillerées  à  bouche  d'huile,  trois  pincées  de  sel  et  trois  prises  de 
poivre;  une  demi-heure  après,  faites-le  griller  à  feu  modère; 
mettez-le  sur  le  plat,  couvrez-le  avec  un  hecto  de  maître-d'hôtel, 
arrosez  de  citron,  et  servez. 


ao8  BARBOTE. 


Vous  pouvez  manger  le  barbillon  en  matelote  en  l'ajoutant  àla 
carpe  et  à  Tanguille;  il  est  indispensable  à  la  matelote  marinière. 

Barbillon  à  Vétuvée.  —  Après  avoir  écaillé  et  vidé  les  bar- 
billons, faites  cuire  au  vin  rouge,  le  bourgogne  est  le  meilleur, 
avec  sel,  poivre,  girofle,  bouquet  garni,  et  un  gros  morceau  de 
beurre;  quand  ils  sont  cuits,  liez  la  sauce  avec  un  peu  de  beurre 
manié  de  farine  ou  de  farine  de  riz. 

Barbillon  au  court- bouillon.  —  Prenez  le  plus  beau  bar- 
billon que  vous  pourrez  trouver,  videz;  n'écaillez  pas,  mettez 
dans  un  grand  plat ,  avec  sel  et  poivre ,  et  arrosez  de  vinaigre 
bouillant,  puis  faites  partir  à  grand  feu,  dans  une  poissonnière, 
vin,  verjus,  sel,  poivre,  clous  de  girofle,  laurier,  oignons  blancs, 
zeste  de  citron  et  bouquet  garni  ;  après  ébuUition,  faitescuire  dans 
la  poissonnière  jusqu'à  suffisante  réduction  du  bouillon.  Écaillez, 
dressez  sur  une  serviette  et  garnissez  de  cresson. 

A  part  la  quantité  d'arêtes  dont  sa  chair  est  hérissée ,  c'est 
alors  un  excellent  plat. 

Barbeau  sur  le  gril.  —  Videz,  écaillez,  incisez  sur  le  dos 
le  poisson,  frottez  avec  beurre  et  sel  fin,  et  grillez.  La  chose  faite, 
dressez  avec  une  sauce  aux  anchois.  On  peut  y  ajouter  des  huîtres 
marinées.  Toutes  les  sauces,  d'ailleurs,  vont  à  ce  poisson  d'excel- 
lent caractère. 

Sauce  verte  (avec  des  anchois  et  une  pointe  (l'ail  ) ,  sauce 
hollandaise ,  sauce  blanche  avec  des  câpres  et  des  olives  tour- 
nées. 

BARBOTE.  —  Poisson  de  rivière  et  de  lac.  Les  barbotes 
qui  vivent  dans  un  lac  sont  moins  délicates  que  celles  que  Ton 
pèche  dans  la  rivière,  attendu  que  leur  chair  sent  la  vase  et  se 
digère  difficilement.  Le  foie,  au  contraire,  a  une  saveur  très- 
agréable;  il  est  fort  gros  relativement  au  volume  du  poisson  ; 
quelques  gourmands  prétendent  même  qu'il  n'y  a  que  le  foie  de 
bon  à  manger. 

Limonez  votre  barbote  à  l'eau  bouillante  pour  la  nettoyer, 
videz-la  et  jetez  les  œufs  ;  faites  votre  court-bouillon  d'avance , 
parce  qu'il  ne  leur  faut  qu'une  vague  de  bouillon  pour  cuire. 
Petites,  les  barbotes  entrent  comme  garniture  de  matelote,  bouille- 
à-baisse,  bouride  et  autres  ragoûts  de  poisson;  elles  font  d'excel- 


BARBUE.  209 

lentes  fritures,  et  leur  foie,  dont  j'ai  déjà  parlé,  se  compare 
comme  finesse  à  celui  de  la  lotte. 

Barbote  à  la  royale.  —  Videz,  écaillez,  farinez,  faites  frire 
les  barbotes  ;  faites  pendant  ce  temps  un  roux  dans  une  casserole 
avec  des  anchois  fendus,  sel,  poivre,  muscade,  jus  d'oranges 
amères,  rf:àpres,  grains  de  verjus;  faites  cuire  doucement,  entou- 
rez de  persil  et  écorces  de  citron,  si  vous  n'avez  pas  de  biga- 
rades. 

Barbote  à  la  casserole.  —  Apprêtez  comme  à  la  royale; 
mettez  le  foie  à  la  casserole  avec  du  beurre  et  une  demi-cuillerée 
de  farine;  mettez-y  vos  poissons,  arrosez-les  devin  blanc,  salez, 
poivrez,  laissez  tomber  un  bouquet  de  fines  herbes,  un  peu  de 
citron  vert,  des  champignons;  cuisez  à  point,  garnissez  de  cham- 
pignons et  entourez-les  de  croûtons  frits.  Ajoutez-en  d  autres 
cuits  de  la  même  façon  si  vous  jugez  à  propos;  pressez  un  citron 
vert  et  entourez  vos  barbotes  de  leur  foie,  que  vous  alternerez 
avec  des  croûtons  passés  à  la  friture. 

BARBUE. —  La  forme  de  ce  poisson  est  rhomboïde;  sa  peau 
est  revêtue  d'écaillés  ovales  et  unies;  le  côté  gauche  est  marbré 
de  jaune,  de  brun  et  de  rouge.  A  Paris,  on  donne  souvent  à  la 
barbue  le  nom  de  carrelet;  elle  est  fort  abondante  dans  la  Médi- 
terranée, sur  les  côtes  de  Sardaigne,  ainsi  qu'autour  des  îles 
Açores;  elle  pèse  parfois  jusqu'à  10  kilogr.  Sa  chair  est  ferme  et 
exquise  :  les  amateurs  la  préfèrent  à  celle  du  turbot;  on  ne  doit 
cependant  pas  en  faire  excès,  étant  d'assez  difficile  digestion. 

Dans  le  fleuve  Saint- Louis  de  la  Louisiane,  on  trouve  deux 
espèces  de  barbue,  la  grande  et  la  petite  ;  la  première  a  presque 
I  mètre  à  i",3o  de  long;  sa  tête  est  très-grosse,  son  corps  se  ter- 
mine en  pointe;  elle  n'a  d'écaillés  que  celles  du  milieu.  Sa  chair 
ressemble  à  celle  de  la  morue  fraîche  du  pays ,  qui  est  excel- 
lente ;  on  la  sale  aussi.  La  petite  est  d'une  longueur  de  60  à 
70  centimètres;  sa  tête  est  large,  son  corps  n'est  pas  aussi  rond 
que  celui  de  la  première^  et  ne  se  termine  pas  en  pointe,  mais  la 
chair  en  est  encore  plus  délicate. 

Videz,  lavez,  nettoyez  l'intérieur  de  votre  barbue;  faites  une 
incision  du  côté  droit  jusqu'au  milieu  du  dos,  relevez  les  chairs 
des  deux  côtés  et  enlevez  un  morceau  d'arêtes  de  trois  joints  ou 

14 


aïo  BARBUE. 


nœuds,  ce  qui  donnera  de  la  souplesse  et  empêchera  qu'il  ne  se 
fende;  mettez  de  Teau  dans  un  chaudron  en  assez  grande  quan- 
tité pour  que  cette  eau,  versée  du  chaudron  dans  la  turbotière, 
enveloppe  entièrement  votre  barbue;  joignez -y  une  poignée  de 
-gros  sel,  deux  feuilles  de  laurier,  du  thym,  du  persil,  six  à  dix 
oignons  coupés  par  tranches;  faites  bouillir  le  tout  tn  quart 
d'heure,  passez  au  tamis  et  laissez  reposer  ;  versez  sur  la  barbue 
que  vous  aurez  placée  le  ventre  en  dessus,  et  dont  vous  aurez 
frotté  le  ventre  avec  du  sel  et  du  jus  de  citron,  versez  le  court- 
bouillon  bien  éclairci  et  laissez-lui  donner  quelques  vagues;  laissez 
mijoter  une  heure  sans  bouillir,  plus  si  le  poisson  est  très-gros. 
En  été,  il  faut  le  faire  partir  à  feu  vif,  car  à  feu  doux  il  pourrait 
se  corrompre;  couvrez-le  pendant  la  cuisson  d'une  serviette  ou 
d'un  papier  pour  empêcher  de  noircir;  quand  il  fléchit  sous  le 
doigt,  il  est  cuit.  La  cuisson  fisiite ,  vous  le  retirez  cinq  minutes 
avant  de  servir,  vous  le  laissez  égoutter;  vous  le  parez  sur  un 
plat,  le  ventre  en  dessus;  vous  coupez  les  extrémités  des  barbes 
et  le  bout  de  la  queue;  masquez  les  déchirures,  s'il  y  en  a,  avec 
le  persil  dont  vous  l'entourez  ;  servez  dans  une  saucière  une  sauce 
aux  câpres,  une  autre  à  l'huile,  et  une  autre,  si  vous  voulez,  à  la 
hollandaise;  on  peut  le  mettre  cuire  dans  l'eau  avec  500  gr. 
de  sel  blanc^  un  litre  de  lait  et  une  pointe  de  citron  ;  s'il  n'est 
pas  très-frais,  mettez-le  dans  l'eau  salée  bouillante,  et  laissez 
mijoter  une  heure  pour  le  raffermir. 

Barbue  marinée  à  la  tomate  ou  à  Voseille,  —  Après  l'avoir 
vidée ,  l'avoir  incisée  sur  le  dos  pour  lui  faire  prendre  la  mari- 
nade pendant  deux  heures,  avec  sel,  poivre,  verjus,  ciboule,  citron, 
poudrez-la  de  mie  de  pain  et  de  fine  chapelure,  faites  cuire  au 
four  dans  une  tourtière ,  et  servez  sur  une  purée  de  tomates  ou 
d'oseille. 

Barbue  à  là  béchamel.  —  Faites  bouillir  votre  court-bouillon 
à  part  pendant  vingt  minutes ,  tamisez ,  frottez  de  citron  votre 
barbue,  versez  sur  elle  et  dans  la  turbotière  le  court-bouillon 
composé  avec  moitié  lait,  moitié  eau,  avec  des  oignons  coupés  en 
tranches,  du  sel,  des  ciboules,  du  thym,  du  laurier,  du  persil,  de 
l'ail,  du  girofle  et  du  gros  poivre.  Faites  cuire  sans  gros  bouil- 
lons et  couvrez  d'une  béchamel  au  maigre.  (F.  Béchamel.) 


BARTAVELLE.  an 


Barbue  à  la  parmesane.  —  Levez  les  chairs  d'une  barbue 
après  qu'on  Ta  desservie ,  faites-les  chauffer  dans  une  béchamel 
épaisse,  arrangez  le  tout  sur  un  plat  en  unissant  bien  le  dessus, 
panez,  saupoudrez  de  parmesan,  faites  prendre  couleur  sous  un 
four  de  campagne  ou  avec  une  pelle  rougie;  beurre  fondu  et  mie 
de  pain  par-dessus. 

Barbue  à  la  provençale.  —  Marinez  et  faites  frire  une  barbue, 
levez  la  chair  en  filets,  et  servez  avec  une  sauce  aux  anchois  et 
des  olives. 

On  sert  les  petits  turbots  et  les  petites  barbues  au  gratin, 
comme  on  fait  pour  les  merlans  et  les  limandes. 

BARDANE.  —  Genre  de  la  famille  des  flosculeuses,  plante 
ressemblant  au  chardon,  dont  elle  se  distingue  par  son  involucre 
presque  globuleux,  formé  d'écaillés  allongées  et  droites,  termi- 
nées à  leur  sommet  par  une  pointe  recourbée  en  crochet. 

Les  jeunes  pousses  de  la  bardane,  cueillies  au  printemps, 
offrent  une  saveur  assez  agréable,  ressemblant  à  celle  de  l'arti- 
chaut et  sont  quelquefois  recherchées,  par  les  habitants  des  cam- 
pagnes, comme  aliment. 

En  Ecosse,  les  jeunes  pousses,  et  même  la  racine  écorcée, 
servent  à  l'alimentation  ;  on  l'accommode  comme  les  cardons  ou 
bien  on  mange  sq%  feuilles  en  salade. 

Cet  aliment  est  sain,  de  saveur  agréable,  mais  il  nourrit  peu. 

BARDES.  —  Tranches  de  lard  très-minces  dont  on  couvre 
une  pièce  qu'on  met  rôtir.  On  garnit  aussi  souvent  de  bardes  le 
fond  des  casseroles. 

Barder.  —  Envelopper  de  bardes  de  lard  :  «  On  barde  une 
volaille,  mais  on  fonce  une  casserole,  »  —  Courchamps. 

BARGE.  —  Oiseau  aquatique,  ressemblant  au  courlis,  il  est 
fort  commun  en  Egypte,  où  il  est  fort  estimé  à  cause  de  l'excel- 
lente saveur  de  sa  chair,  qui  nourrit  et  se  digère  bien. 

On  trouve  aussi  des  barges  sur  les  bords  des  mers  du  Nord. 

BARNACHE.  —  Espèce  d'oie  de  passage,  qui  habite  géné- 
ralement les  côtes  de  la  mer.  Sa  chair  est  assez  bonne  à  manger, 
quoique  de  difficile  digestion. 

Elle  ne  convient  dond  pas  aux  estomacs  fatigués  ou  affaiblis. 

BARTAVELLE.  — :  Un  des  noms  de  la  perdrix  grecque. 


2ia  BAUDROIE. 


Cet  oiseau  est  plus  gros  que  la  perdrix  rouge ,  à  laquelle  il  res- 
semble beaucoup;  le  dos  est  d'un  gris  roussâtre,  la  poitrine  est 
grise,  le  ventre  est  roux  ;  cet  oiseau,  répandu  dans  tout  TOrient, 
ainsi  qu'en  Sicile  et  à  Naples,  ne  descend  jamais  dans  la  plaine; 
sa  chair  est  blanche,  fort  estimée,  quoique  d'une  saveur  résineuse 
un  peu  amère,  on  la  trouve  principalement  dans  les  Alpes,  quel- 
quefois dans  les  vallées  du  Grésivaudan,  du  Viennois  et  du  Valen- 
tinois.  Elle  est  d'origine  attique;  c'est  le  bon  roi  René  d'Anjou 
qui  a  doté  sa  chère  province  de  ce  fin  gibier.  Un  des  Scaliger 
ajoute  que  la  bartavelle  est  originaire  du  mont  Olympe  et  qu'elle 
a  conservé  le  sentiment  de  sa  grandeur,  vu  qu'elle  ne  se  plaît  que 
dans  les  hauts  lieux,  pour  y  régner  en  souveraine.  Le  père  Poiré 
a  dit  qu'il  y  avait  la  même  distance  entre  les  bartavelles  et  les 
perdrix  qu'entre  les  pêches  et  les  châtaignes;  Cyrano  de  Bergerac 
estime  que  les  bartavelles  sont  aux  perdreaux  ce  que  les  cardi- 
naux sont  aux  simples  moines  mendiants.  Enfin,  M.  de  la  Rey- 
nière  a  dit  que  les  bartavelles  méritaient  un  si  profond  respect, 
qu'on  ne  devrait  les  manger  qu'à  genoux;  l'auteur  des  Mémo/re^ 
de  madame  de  Créqui  conseille  de  les  piquer  de  lardons  très- 
fins,  ou  encore  de  les  barder,  s'ils  sont  très-jeunes,  et  de  les  servir 
en  ïuperbe  plat  de  rôti.  Mais  M.  Vuillemot  a  posé  ce  principe, 
qu'il  ne  fallait  jamais  piquer  le  gibier,  et  nous  nous  inclinons 
devant  cette  autorité. 

BATONS  ROYAUX. —  Nous  citons  ce  mets,  qui  remonte  à 
Charles  VII,  plutôt  à  cause  de  son  antiquité  que  comme  hors- 
d'œuvre  culinaire.  C'est  une  farce  très-fine,  faite  avec  de  la  chair 
de  volaille  et  du  gibier.  Vous  roulez  ce  hachis,  vous  l'enveloppez 
dans  des  abaisses  de  pâte  fine  et  vous  les  faites  frire.  On  les  enfile 
souvent  avec  des  hâtelets,  et  on  les  emploie  à  garnir  une  pièce  de 
bœuf. 

BAUDROIE.  —  Poisson  fort  commun  sur  les  côtes  de  Gênes, 
dans  la  Manche  et  dans  l'Océan;  il  ressemble  au  têtard  et  est 
très-habile  à  la  pêche  des  autres  poissons  plus  petits,  ce  qui  l'a 
fait  surnommer  grenouille  pêcheuse. 

Sa  chair  est  blanche  et  bonne  comme  celle  de  la  gre- 
nouille ;  les  habitants  du  Languedoc  le  mangent,  comme  cette 
dernière. 


BECASSE.  an 


BAVAROISE.  —  Boisson  chaude ,  qui  se  fait  avec  du  sirop 
de  capillaire,  délayé  dans  une  infusion  de  thé  ;  selon  la  substance 
avec  laquelle  elle  se  confectionne,  on  l'appelle  bavaroise  à  Teau, 
bavaroise  au  thé,  bavaroise  au  chocolat.  Boisson  adoucissante  et 
soporifique. 

BÉCASSE,  BÉCASSINE  et  BÉCASSEAU.  —C'est  le  premier 
des  oiseaux  noirs  et  la  reine  des  marais.  Pour  son  fumet  déli- 
cieux, la  volatilité  de  ses  principes  et  la  finesse  de  sa  chair,  elle 
est  recherchée  par  les  gourmets  de  toutes  les  classes.  Ce  n'est, 
hélas  !  qu'un  oiseau  de  passage.  Mais  on  en  mange  pendant  plus 
de  trois  mois  de  Tannée.  Les  bécasses  à  la  broche  sont,  après  le 
faisan,  le  rôti  le  plus  distingué.  On  vénère  tellement  ce  précieux 
oiseau ,  qu'on  lui  rend  les  mêmes  honneurs  qu'au  grand  lama  ; 
des  rôties  mouillées  d'un  bon  jus  de  citron,  reçoivent  ses  déjec- 
tions et  sont  mangées  avec  respect  par  les  fervents  amateurs. 

Eléazar  Blaze,  grand  chasseur  et  en  même  temps  grand  cui- 
sinier, donnait  en  ces  termes  son  opinion  sur  la  bécasse  :  a  La 
bécasse  est  un  excellent  gibier  lorsqu'elle  est  grasse;  elle  est  tou-  ^ 

jours  meilleure  pendant  les  gelées;  on  ne  la  vide  jamais.  En 
pilant  les  bécasses  dans  un  mortier,  on  fait  une  purée  délicieuse  ; 
si  l'on  met  sur  cette  purée  des  ailes  de  perdrix  piquées,  on  obtient 
le  plus  haut  résultat  de  la  science  culinaire.  Autrefois ,  quand 
les  dieux  descendaient  sur  la  terre,  ils  ne  se  nourrissaient  pas 
autrement.  Il  ne  faut  pas  manger  la  bécasse  trop  tôt,  son  arôme 
ne  serait  pas  assez  développé,  vous  auriez  une  chair  sans  goût  et 
sans  saveur  ;  apprêtée  en  salmis ,  son  parfum  se  marie  très-bien 
avec  celui  des  truffes.  Mise  en  broche  avec  une  cuirasse  de  lard, 
elle  doit  être  surveillée  par  l'oeil  du  chasseur;  une  bécasse  trop 
cuite  rie  vaut  rien.  Mais  une  bécasse  cuite  à  point,  placée  sur  sa 
rôtie  dorée  et  onctueuse,  est  un  des  morceaux  les  plus  délicats  et 
les  plus  savoureux  qu'un  galant  homme  puisse  manger;  et  lors- 
qu'il a  la  précaution  de  l'arroser  d'excellent  vin  de  Bourgogne,  il 
peut  se  flatter  d'être  un  excellent  logicien. 

«  Un  président  du  tribunal  d'Avignon ,  avait  dîné  chez  le 
préfet.  En  sa  double  qualité  de  gourmand  distingué,  de  chasseur 
intrépide,  il  officiait  toujours  en  conscience.  Après  avoir  pris  sa 
tasse  de  café  pour  faciliter  la  digestioiï,.  il  en  était  à  son  troisième 


214  '    BECASSE. 


petit  verre  pour  faciliter  le  passage  du  café,  lorsque  son  amphi- 
tryon l'aborde  et  lui  demande  s'il  a  bieji  dîné.  —  Mais...  oui... 
—  Cette  réponse  semble  accompagnée  de  restrictions.  —  J'ai 
assez  bien  dîné.  —  Assez  bien  ne  signifie  pas  bien.  —  Si,  si,  j'ai 
bien  dîné.  —  Je  vous  devine  monsieur  le  président,  vous  regrettez 
ces  deux  belles  bécasses  qui  n'ont  pas  été  découpées.  —  Ma  foi, 
j'en  aurais  bien  mangé  ma  part.  —  Attendez  un  instant,  on  va 
vous  les  servir.  —  Après  le  café?...  après  la  liqueur?..,  c'est 
impossible.  —  Rien  n'est  impossible  aux  estomacs  comme  le 
vôtre. 

«  Le  préfet  donna  l'ordre,  une  petite  table  est  dressée  dans 
le  cabinet  voisin,  on  sert  les  deux  bécasses  et  le  bienheureux  pré- 
sident les  mange.  » 

On  croit  que  les  anciens  n'ont  pas  connu  la  bécasse  ;  elle  est 
de  la  grosseur  de  la  perdrix,  le  bec  est  fort  long,  le  plumage  agréa- 
blement varié,  l'oeil  fort  large.  La  bécasse  est  répandue  dans  tout 
l'ancien  continent,  on  la  trouve  aussi  en  Amérique.  En  été,  elle 
va  en  Suisse,  en  Savoie,  sur  les  Pyrénées  et  les  Alpes;  on  en 
prend  le  matin  sur  la  lisière  des  bois,  son  vol  est  soutenu,  elle 
vole  très-vite ,  elle  est  stupide  et  ne  voit,  dit-on,  rien  qu'au  cré- 
puscule. La  chair  de  cet  oiseau  aux  pattes  noires  est  excellente 
comme  celle  des  oiseaux  sauvages,  elle  n'est  cependant  pas  du 
goût  de  tout  le  monde,  elle  ne  convient  ni  aux  mauvais  estomacs, 
ni  aux  bilieux,  ni  aux  mélancoliques,  mais  à  ceux  qui  font  de 
l'exercice.  Elle  est  meilleure  en  automne.  On  dit  que  dans  la 
bécasse  tout  est  bon  ;  c'est  le  gibier  dont  les  chasseurs  font  le 
plus  de  cas,  l'odeur  et  la  saveur  de  cet  oiseau  déplaisent  aux 
chiens  auxquels  on  a  beaucoup  de  peine  à  faire  rapporter  une 
bécasse. 

Bécasse  y  Bécasseau  ou  Bécassine  à  la  broche.  —  Prenez 
quatre  bécasses,  flambez-les,  épluchez-les  et  retirez  la  peau  de  la 
tète,  retroussez  les  pattes  et  percez-les  avec  leur  propre  bec. 
Piquez  les  maigres,  bardez  les  grasses,  traversez-les  d'un  hâtelet 
fixé  des  deux  bouts.  Disposez  sous  la  broche  des  rôties  de  pain, 
qui  recevront  la  graisse  et  devront  être  assaisonnées  avec  mignon- 
nette,  huile  verte  et  citron.  La  cuisson  des  bécasses  sera  d'une 
demi-heure.  Les  bécasses  seront  dressées  sur  les  rôties. 


BECASSE.  21$ 


Q4utre  manière  de  ^es  servir  à  la  broche.  —  Videz-les  entière- 
ment par  le  dos  et  remplissez-les  à  moitié  de  lard  râpé,  avec 
persil ,  échalotes ,  ciboule,  gros  poivre  et  sel  ;  farcissez  ainsi  vos 
bécasses,  recousez-les;  le  reste  comme  ci-dessus.  Si  c'est  pour  les 
Anglais,  servez-les  avec  une  sauce  au  pain. 

Salmis  de  bécasses.  —  Embrochez  trois  bécasses,  levez-en  les 
membres,  procédez  pour  ce  salmis  comme  pour  celui  de  perdreaux, 
c'est-à-dire  finissez-le  un  quart  d'heure  avant  de  servir,  mettez 
les  membres  de  votre  gibier  à  part,  ajoutez  à  votre  sauce  une 
cuillerée  à  dégraisser  de  gelée  d'aspic,  posez-le  à  plat  sur  la  glace 
ou  sur  l'eau  sortant  du  puits,  remuez  bien  cette  sauce  jusqu'à  ce 
qu'elle  prenne  ;  une  fois  à  son  degré  trempez-y  les  membres  des 
bécasses,  les  uns  après  les  autres,  dressez-les  sur  votre  plat  de 
service,  couvrez-les  du  reste  de  la  sauce,  garnissez  votre  entrée 
de  croûtons  passés  dans  du  beurre,  décorez-la  tout  autour  avec 
de  la  gelée  taillée  à  facettes. 

Salmis  de  bécasses  à  la  royale.  —  «  Préparez  trois  bécasses, 
lardez-les,  faites-les  cuire  à  la  broche,  laissez-les  refroidir, 
levez-en  les  membres,  ôtez-en  la  peau,  parez-les,  rangez-les 
dans  une  casserole  avec  un  peu  de  consommé,  posez-les  sur  une 
cendre  chaude  et  faites  en  sorte  qu'elles  ne  bouillent  pas.  Coupez 
six  échalotes,  un  peu  de  zeste  de  citron,  mettez-les  dans  une 
autre  casserole  avec  du  vin  de  Champagne,  faites  bouillir,  con- 
cassez vos  carcasses  de  bécasses,  mettez-les  dans  votre  casserole, 
ajoutez-y  quatre  cuillerées  de  consommé  réduit  ou  de  glace  de 
viande,  faites  réduire  le  tout  à  moitié,  passez  cette  sauce  à  Téta- 
mine,  mettez  entre  ses  membres  des  croûtons  de  pain  passés 
dans  du  beurre,  ajoutez  à  la  sauce  un  jus  de  citron.  »  (Méthode 
de  M.  de  Courchamps.) 

Salmis  de  bécasses  de  table  à  l'esprit-de-vin.  —  Faites  rôtir 
vos  bécasses,  dépecez-les;  mettez-les  dans  un  plat  sur  un  réchaud. 
Salez,  poivrez,  ajoutez  un  peu  d'échalote,  un  verre  de  vin  blanc, 
du  citron,  du  beurre,  panez  avec  de  la  chapelure  et  laissez  mijo- 
ter dix  minutes. 

Salmis  de  bécasses  au  chasseur.  —  Vos  bécasses  sorties  de  la 
broche,  vous  les  dépecez,  vous  les  mettez  à  la  casserole  avec 
l'intérieur  et  le  foie  haché,  de  la  ciboule,  des  échalotes,  du  vin 


ai6  BECASSE. 


blanc,  du  sel,  du  poivre  fin;  vous  faites  bouillir  deux  ou  trois 
fois  et  vous  servez  sur  des  croûtons. 


Ct4  M.  oilexandre  Dumas ^  à  Paris. 

«  Cher  maître, 

«  A  propos  de  votre  grand  ouvrage  sur  Voârt  culinaire,  vous 
me  demandez  si  je  pourrais  vous  enseigner  quelques  recettes 
originales  de  la  cuisine  de  mon  pays?  Que  pourrais- je  vous 
apprendre,  à  vous  le  grand  savant  qui  possédez  depuis  bien  long- 
temps le  peu  de  science  que  ma  jeunesse  m'a  permis  d'acqué- 
rir?... Rien!...  Ce  que  mon  inexpérience  remarque  n'attire  seu- 
lement pas  votre  attention. 

«  Cependant,  voici  un  plat  fort  apprécié  chez  moi  et  que  je 
n'ai  vu  figurer  sur  aucune  carte  de  restaurant,  ce  qui  ne  veut  pas 
dire  qu'il  ne  soit  pas  dans  un  recueil  complet  de  cuisine  bour- 
geoise. Enfin,  je  vous  le  fais  connaître  à  tout  hasard,  dans  l'espoir 
de  pouvoir  vous  être  agréable  : 

«  Bécasses  brûlées  au  rhum  à  la  Bacquaise,  —  Les  bécasses, 
après  avoir  été  dressées  comme  il  convient,  embrochées  sous  les 
ailes  afin  de  ne  pas  léser  les  instestins,  sont  placées  devant  un  feu 
assez  vif.  La  viande  de  ces  oiseaux,  de  même  que  celle  des 
palombes,  a  besoin  d'être  saisie  si  l'on  veut  qu'elle  conserve  son 
fumet. 

«  Dans  la  lèchefrite  qui  doit  recevoir  le  jus,  vous  placez  une 
rôtie  de  pain  fortement  frottée  d'ail  ;  cette  rôtie,  manière  d'épongé, 
boit  les  déjections  et  le  jus  de  Tanimal. 

«  Les  bécasses  cuites  à  point,  la  chair  doit  être  légèrement 
rouge,  on  les  livre  au  dépeceur  qui,  après  avoir  enlevé  délicate- 
ment les  quatre  membres,  retire  avec  une  petite  cuiller  tout  l'in- 
térieur; il  cherche  soigneusement  le  fiel  afin  de  l'ôter,  et,  ayant 
écrasé  avec  le  dos  d'une  fourchette  les  intestins  dans  un  plat 
creux,  il  les  étend  sur  la  rôtie,  poivre,  sale,  et  vide  sur  le  tout  un 
bon  verre  de  vieux  rhum.  Aussitôt  la  liqueur  enflammée,  pendant 
que  l'opérateur,  ordinairement  le  plus  vieux  chasseur,  agite 
d'une  main  le  rhum  avec  la  cuiller  afin  d'augmenter  la  violence 


BECASSE.  217 


de  la  flamme,  de  l'autre  main,  armée  de  la  fourchette,  il  prend 
et  promène  chaque  morceau  de  gibier  sur  la  flamme  bleuâtre. 

(c  Le  sacrifice  accompli. . .,  la  rôtie  divisée,  placée  sous  chaque 
quartier,  est  aussitôt  passée  aux  gourmets  qui  se  disputent  les 
dernières  gouttes  de  cette  sauce  merveilleuse. 

Cl  L'accessoire  dans  ce  plat  vaut  mieux  que  le  principal. 
C'est  d'ailleurs  un  mets  on  ne  peut  plus  délicat  et  savoureux.  » 

B.  S. 

Bécasses  aux  truffes.  —  Prenez  des  bécasses^  flambez-les, 
videz-les  par  le  dos,  ôtez-en  les  intestins.  Vous  aurez  eu  le  soin 
d'éplucher  d'avance  des  truffes  selon  la  quantité  de  bécasses  que 
vous  aurez.  Ayez  soin  de  faire  cuire  ces  truffes  dans  du  lard  râpé 
avec  sel,  poivre,  fines  épices,  ciboule  et  persil  hachés;  laissez 
bien  refroidir  aux  trois  quarts^  hachez  les  intestins,  mêlez-les 
avec  vos  truffes,  remplissez  de  ce  hachis  le  corps  de  vos  bécasses, 
cousez-leur  le  dos,  retroussez-les,  bardez-les,  mettez-les  à  la 
broche  ou  dans  une  casserole  et  faites  cuire  feu  dessus  et 
dessous. 

Bécasses  à  la  minute.  —  Vous  les  flambez  et  parez,  vous  les 
mettez  dans  une  casserole  avec  un  gros  morceau  de  beurre  sur 
un  feu  ardent,  des  échalotes  hachées,  de  la  muscade  râpée,  du 
sel  et  du  gros  poivre,  puis,  quand  vous  les  aurez  fait  sauter 
pendant  huit  ou  dix  minutes,  vous  y  mettrez  le  jus  d'un  citron, 
un  demi-verre  de  vin  blanc,  un  peu  de  chapelure  de  pain.  Vous 
les  laissez  cuire  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  jeté  un  ou  deux  bouil- 
lons et  vous  servez. 

Bécasses  à  la  Périgueux.  —  Bridez  trois  bécasses  pour 
entrée,  mettez-les  dans  une  casserole ,  couvrez-les  d'une  barde 
de  lard,  puis  mouillez-les  avec  deux  décilitres  de  vin  de  Madère 
et  quatre  décilitres  de  Mirepoix;  faites  cuire  les  bécasses,  égout- 
tez-les  et  débridez-les.  Dressez-les  en  triangle  sur  le  plat  et 
saucez-les  avec  une  sauce  de  Périgueux  à  Tessence  de  bécasse. 
(Recette  de  Jules  Gouffé.) 

Hachis  de  bécasses  en  croustades.  —  Faites  cuire  trois 
bécasses  à  la  broche;  lorsqu'elles  sont  froides,  levez-en  les 
chairs,   hachez  le  plus  fin  possible   après  avoir  supprimé  les 


ai8  BECASSE. 


peaux,  ôtez  le  gésier  du  corps  de  vos  bécasses,  pilez-en  les  débris 
ainsi  que  les  intestine,  versez  dans  une  casserole  un  bon  verre  de 
vin  de  Champagne  avec  trois  ou  quatre  échalotes  coupées. 
Lorsque  ce  vin  aura  jeté  un  bouillon  ou  deux,  mêlez-y  quatre  cuil- 
lerées à  dégraisser  pleines  d'espagnole  réduite;  faites  bouillir, 
retirez  vos  carcasses  du  mortier,  mettez-les  dans  votre  sauce  et 
délayez-les  sans  les  faire  bouillir  ;  passez-les  à  Tétamine  à  force 
de  bras,  ramassez  le  tout.  Mettez  dans  une  casserole  votre  purée, 
tenez-la  chaudement  au  bain-marie.  Faites  d'égale  grosseur  et 
longueur  sept  ou  neuf  croûtons  en  cœur  ou  en  rond,  le  tout  de 
l'épaisseur  de  trois  travers  de  doigts;  faites-les  frire  dans  du 
beurre,  qu'ils  soient  d'une  couleur  agréable,  vous  leur  aurez  fait 
du  côté  où  vous  voudrez  les  servir  une  petite  incision  convenable 
à  leur  forme;  videz-les  comme  vous  feriez  d'un  pâté  chaud, 
mettez  votre  hachis  dans  votre  sauce,  incorporez  bien  le  tout 
ensemble,  ajoutez-y  un  pain  de  beurre,  goûtez  si  ce  hachis  est 
d'un  bon  goût,  remplissez-en  vos  croustades,  dressez-les,  mettez 
sur  chacune  un  œuf  frais  poché  et  servez. 

Sauté  de  filets  de  bécasses.  —  Prenez  quatre,  six  ou  huit 
bécasses,  selon  le  nombre  de  vos  convives,  levez  leurs  filets,  met- 
tez-les sur  un  sautoir  avec  du  beurre  à  demi  fondu,  du  sel,  du 
gros  poivre  et  du  romarin  en  poudre.  Au  moment  de  servir,  faites 
passer  sur  un  feu  ardent;  égouttez,  dressez  en  couronne,  séparez 
par  un  croûton  chaque  morceau.  Mettez  un  verre  de  vin  blanc 
pour  huit  bécasses,  une  feuille  de  laurier,  un  clou  de  girofle; 
laissez  réduire.  Cela  fait,  ajoutez  un  demi-verre  de  vin  blanc, 
une  Xd.ssQ  de  bouillon,  tamisez  et  versez  sur  vos  filets. 

Terrine  de  bécasses  à  V ancienne  mode,  —  «  Piquez  de  gros 
lard,  sans  les  vider,  mais  après  avoir  ôté  le  gésier,  quatre 
bécasses;  garnissez  le  fond  d'une  braisière  de  bardes  de  lard  et  de 
tranches  de  bœuf  battues,  ajoutez-y  sel,  poivre,  bouquet  garni, 
oignons  coupés  par  tranches,  carottes,  panais,  ciboules  entières 
et  persil  haché,  un  peu  de  basilic  et  d'épices;  couchez-y  les 
bécasses  lestement  dessous;  assaisonnez  sur  le  dos  comme  vous 
avez  fait  sur  l'estomac;  ajoutez  des  tranches  de  bœuf  ou  de  veau 
et  des  bardes  de  lard.  Couvrez  la  braisière  de  charbon  et  faites 
cuire  feu  dessus  et  dessous.  Mettez  dans  une  casserole  un  peu  de 


BECASSE.  ai9 


jambon  et  de  lard  coupé  en  dé.  Laissez  roussir  un  peu,  ajoutez 
persil,  ciboules,  champignons  hachés;  passez  le  tout  ensemble, 
mouillez  avec  du  jus,  ou  à  défaut  avec  du  bon  bouillon,  et, 
lorsque  tout  est  cuit,  liez  la  sauce  en  y  ajoutant  un  peu  de  coulis 
de  veau  et  de  jambon,  ou  du  beurre  d'anchois  manié  de  farine 
et  une  demi- cuillerée  de  câpres.  Quand  les  bécasses  sont  cuites, 
retirez-les  de  la  braisière,  égouttez-les,  dressez-les  dans  la  terrine 
et  versez  par-dessus  la  sauce  ci -dessus;  c'est  ce  qu'on  nomme 
sauce  hachée.  C'est,  à  un  détail  près,  la  méthode  de  l'auteur  des 
Mémoires  de  la  marquise  de  Créquy. 

Salmis  de  bécassines  des  Bernardins,  —  «  On  prend  quatre 
bécassines  (on  se  réglera  quant  aux  doses  sur  le  nombre  et  la 
grosseur  des  pièces)  rôties  à  la  broche  mais  peu  cuites;  on  les 
divise  selon  les  règles  de  l'art,  ensuite  on  coupe  en  deux  les  ailes, 
les  cuisses,  l'estomac  et  le  croupion  ;  on  range  à  mesure  ces  mor- 
ceaux sur  une  assiette. 

((  Dans  le  plat  sur  lequel  on  a  fait  la  dissection,  et  qui  doit 
être  d'argent,  on  écrase  les  foies  et  les  déjections  des  oiseaux  et 
Ton  exprime  le  jus  de  quatre  citrons  bien  en  chair  et  les  zestes 
coupés  très-minces  d'un  seul.  On  dresse  ensuite  sur  ce  plat  les 
membres  découpés  qu'on  avait  mis  à  part;  on  les  assaisonne  avec 
quelques  pincées  de  sel  blanc  et  de  poudre  d'épices  fines  (à  défaut 
de  cette  poudre  on  mettra  du  poivre  fin  et  de  la  muscade),  deux 
cuillerées  de  l'excellente  moutarde  de  Maille  et  Aclocque  ou  de 
Bordin  et  un  demi-verre  de  très-bon  vin  blanc.  On  met  ensuite 
le  plat  sur  un  réchaud  à  l'esprit-de-vin  et  Ton  remue  pour  que 
chaque  morceau  se  pénètre  de  l'assaisonnement  et  qu'aucun  ne 
s'attache. 

«  On  a  grand  soin  d'empêcher  le  ragoût  de  bouillir;  mais, 
lorsqu'il  approche  de  ce  degré  de  chaleur,  on  l'arrose  de 
quelques  filets  d'excellente  huile  vierge.  On  diminue  le  feu 
et  l'on  continue  de  remuer  pendant  quelques  instants.  Ensuite 
OH  descend  le  plat  et  l'on  sert  de  suite  et  à  la  ronde,  sans  céré- 
monie, ce  salmis  devant  être  mangé  très-chaud. 

«  Il  est  essentiel  de  se.  servir  de  sa  fourchette  en  cette  occa- 
sion, dans  la  crainte  de  se  dévorer  les  doigts,  s'ils  avaient  touché 
à  la  sauce.  »  (oAlmanach  des  gourmands,  année  1806.) 


aao  BEC-FIGUE. 


BEC- FIGUE.  —  Les  anciens  l'appelaient  olvis  Cypria. 
oiseau  dé  Chypre,  parce  que,  en  Grèce  et  à  Rome,  on  le  faisait 
venir  de  Chypre,  confît  dans  la  saumure, 

«  Le  bec-figue,  comme  la  caille  et  Tortholan,  cuit  dans  du 
papier  beurré,  sous  la  cendre,  ne  laisse  rien  à  désirer  pour  la 
saveur.  »  (Vuillemot.) 

Brillât-Savarin,  qui  possède  pour  le  bec-fîgue  une  grande 
affection,  dit  : 

«  Parmi  les  petits  oiseaux,  le  premier,  par  ordre  d'excellence, 
est  sans  contredit  le  bec-figue. 

«  Il  s'engraisse  au  moins  autant  que  le  rouge-gorge  et  l'or- 
tolan; la  nature  lui  a  donné,  en  outre,  une  amertume  légère  et 
un  parfum  unique  si  exquis  qu'ils  engagent,  remplissent  et  béa- 
tifient toutes  les  puissances  digestives.  Si  un  bec-fîgue  était  de  la 
grosseur  d'un  faisan,  on  le  payerait  certainement  à  l'égal  d'un 
arpent  de  terre. 

a  C'est  grand  dommage  que  cet  oiseau  privilégié  se  voie  si 
rarement  à  Paris,  où  il  en  arrive  quelques-uns;  mais  il  leur 
manque  la  graisse  qui  fait  tout  leur  mérite,  et  Ton  peut  dire 
qu'ils  ressemblent  à  peine  à  ceux  qu'on  voit  dans  les  départements 
de  l'Est  et  du  Midi  de  la  France.  » 

J'ai  entendu  parler  à  Belley,  dans  ma  jeunesse,  du  Jésuite 
Faby,  né  dans  ce  diocèse,  et  du  goût  particulier  qu'il  avait  pour 
les  bec-figues.  Dès  qu'on  entendait  crier  :  «  Aux  bec-figues!  aux 
bec-figues!  »  —  le  bec-figue  est,  comme  on  sait,  un  oiseau  de 
passage,  —  on  disait  :  «  Le  père  Faby  va  arriver.  » 

Le  premier  janvier,  sans  faute,  il  paraissait  avec  un  ami  et 
venait  s'en  régaler  pendant  tout  le  passage;  chacun  se  faisait  un 
plaisir  de  les  inviter. 

Ils  partaient  vers  le  vingt-cinq,  quand  les  bec-figues  étaient 
partis,  bien  entendu. 

Tant  que  le  père  Faby  resta  en  France,  il  ne  manqua  pas 
une  seule  fois  son  voyage  gastronomique.  Par  malheur,  il  fut 
envoyé  à  Rome  où  il  mourut  grand  pénitencier. 

Sa  plus  grande  pénitence,  à  lui,  fut  bien  certainement  de  ne 
plus  pouvoir  manger  de  nos  bec-figues  de  Provence. 

Peu  de  gens  savent  manger  de  petits  oiseaux  :  ortolans,  bec- 


BEC-FIGUE.  MI 


figues,  fauvettes,  rouges-gorges  ;  en  voici  la  recette,  telle  qu'elle 
m'a  été  confidentiellement  transmise  par  le  chanoine  Charcot, 
gourmand  par  état,  puisqu'il  était  chanoine ,  mais  qui,  à  force 
d'études,  s'était  élevé  de  la  gourmandise  jusqu'à  la  gastro- 
nomie. 

Recette  du  chanoine  Charcot,  transcrite  par  Brillât-Savarin 
pour  nianger  des  ortolans,  fauvettes,  bec-figues  et  rouges- 
gorges  : 

a  Commencez  par  ôter  le  gésier,  puis,  prenez  par  le  bec 
un  petit  oiseau  bien  gras,  saupoudrez-le  d'un  peu  de  sel  et  de 
poivre;  enfoncez -le  adroitement  dans  votre  bouche,  sans  le 
toucher  des  lèvres  ni  des  dents,  tranchez  tout  près  de  vos  doigts 
et  mâchez  vivement.  Il  en  résulte  un  suc  assez  abondant  pour 
envelopper  tout  l'organe  et  dans  cette  mastication,  vous  goûterez 
un  plaisir  inconnu  du  vulgaire.  » 

Le  roi  Ferdinand  de  Naples,  grand  chasseur  et  grand  gour- 
mand, ayant  reconnu  que,  à  leur  passage  sur  l'antique  Parthé- 
nope,  les  bec-figues  s'abattaient  particulièrement  sur  la  cqlline 
de  Capodimonte,  il  y  fit  bâtir  un  château  qui  lui  coûta  cinq 
millions. 

L'ordre  était  donné,  lorsqu'un  vol  de  bec-figues  s'abattrait 
à  Capodimonte,  de  venir  chercher  le  roi  partout  où  il  était, 
même  au  conseil. 

Le  jour  où  fut  portée  au  conseil  la  question  de  la  guerre 
contre  la  France,  guerre  que  la  reine  voulait,  mais  que  le  roi  ne 
voulait  pas ,  le  roi  se  rendit  au  conseil  avec  la  ferme  résolu- 
tion de  s'opposer  à  cette  triste  fanfaronnade  par  un  vigoureux 
veto. 

Mais,  à  peine  la  question  était-elle  engagée,  que  l'on  vint 
prévenir  le  roi  qu'un  magnifique  vol  de  bec-figues  venait  de 
s'abattre  à  Capodimonte. 

Le  roi  essaya  de  tenir  ferme  contre  lui-même,  mais  ne 
pouvant  y  réussir,  il  se  leva  et  sortit  de  la  salle  du  conseil  en 
criant  : 

<c  Faites  ce  que  vous  voulez  et  allez  au  diable  !  » 

La  guerre  fut  décrétée  et  les  bec-figues  qui  avaient  déjà 
coûté  au  roi  cinq  millions,  faillirent  lui  coûter  encore  son  trône. 


> 


222  BECUNE. 


BEC-CROCHE.  —  Nom  vulgaire  du  jeune  ibis  ou  courlis 
rouge.  Oiseau  de  la  grosseur  du  chapon,  et  dont  la  chair  a  le 
goût  de  celle  de  Técrevisse. 

Son  nom  lui  vient  de  la  forme  de  son  bec.  Ce  bec  lui  sert  à 
prendre  les  écrevisses  dont  il  se  nourrit,  et  qui  donnent  à  sa  chair 
un  goût  caractéristique. 

Cet  oiseau  est  originaire  de  la  Louisiane. 

BEC-CROISÉ  ORDINAIRE.  —  Genre  d'oiseau  de  l'ordre 
des  passereaux  et  de  la  grosseur  du  bouvreuil  et  du  dur-bec. 
Cet  oiseau  a  le  bec  comprimé  et  les  deux  mandibules  recourbées 
de  manière  que  leurs  pointes  se  croisent  tantôt  d'un  côté,  tantôt 
de  l'autre,  selon  les  individus.  Il  se  sert  de  ce  bec  si  extraor- 
dinaire pour  grimper,  chercher,  ouvrir  et  fendre  les  pommes  de 
sapin  et  tous  les  fruits  des  arbres  conifères,  même  les  pommes 
et  les  poires  d'où  il  retire  les  pépins ,  les  semences  et  amandes 
dont  il  est  très-friand. 

Cet  oiseau  habite  le  nord  de  l'Europe,  sa  chair  a  une  saveur 
aronlatique  agréable  ressemblant  à  la  térébenthine  comme  odeur 
et  est  très-bonne  à  manger. 

BECHARU.  —  Oiseau  de  la  famille  des  palmipèdes  ;  de  la 
taille  de  l'oie,  il  habite  le  Midi,  les  côtes  d'Espagne  et  fréquente 
les  rivages  de  la  Méditerranée,  il  s'apprivoise  facilement  quoique 
sauvage. 

La  chair  du  bécharu  était  très-estimée  des  anciens  ;  on  la 
servait  même  assez  souvent  sur  les  tables,  et  on  rapporte 
qu'Héliogabale  en  fit  chercher  et  s'en  régala. 

Les  nègres  considèrent  cet  oiseau  comme  sacré. 

BECUNE.  —  Espèce  de  brochet  de  mer,  très-vorace  et 
très-gourmand  ;  ce  poisson,  que  sa  voracité  porte  à  tout  avaler, 
mange  quelquefois  jusqu'à  des  pommes  de  mancenillier,  poison 
caustique  et  violent,  ce  qui  rend  l'usage  de  sa  chair  assez 
dangereux. 

Autrement,  la  chair  du  bécune  est  blanche,  ferme,  assez 
grasse  et  possède  les  mêmes  propriétés  alimentaires  que  celle  du 
brochet  ;  mais  il  faut  avoir  bien  soin  de  s'assurer  avant  de 
l'apprêter  s'il  a  les  dents  bien  blanches  et  le  foie  très-sain,  afin 
de  ne  pas  risquer  d'en  être  empoisonné* 


BEEF-STEAK.  223 


BEEF- STEAK  ou  BIFTECK  à  l'anglaise.  —  Je  me 
rappelle  avoir  vu,  après  la  campagne  de  181 5  où  les  Anglais  res- 
tèrent deux  ou  trois  ans  à  Paris,  naître  le  bifteck  en  France; 
jusque-là,  notre  cuisine  avait  été  aussi  séparée  que  nos  opinions. 
Ce  ne  fut  donc*  pas  sans  une  certaine  crainte  que  Ton  vit  le 
bifteck  essayer  de  s'introduire  sournoisement  dans  nos  cuisines  ; 
cependant,  comme  nous  sommes  un  peuple  éclectique  et  sans 
.préjugés,  à  peine  nous  ftlmes-nous  aperçus  que,  quoique  venant 
des  Grecs  le  présent  n'était  point  empoisonné^  nous  tendîmes  nos 
assiettes  et  nous  donnâmes  au  bifteck  son  certificat  de  citoyen- 
neté. Pourtant,  il  y  a  toujours  quelque  chose  qui  sépare  le 
bifteck  anglais  du  bifteck  fi-ançais.  Nous  faisons  notre  bifteck 
avec  un  morceau  de  filet  d'aloyau,  tandis  que  nos  voisins  pren- 
nent pour  leurs  biftecks  ce  que  nous  appelons  la  sous-noix  du 
bœuf,  c'est-à-dire  le  rump-steak;  mais  chez  eux  cette  partie  du 
bœuf  est  toujours  plus  tendre  qu'elle  ne  serait  chez  nous,  parce 
qu'ils  nourrissent  mieux  leurs  bœufs  que  nous  et  qu'ils  les 
tuent  plus  jeunes  que  nous  ne  les  tuons  en  France.  Ils  prennent 
donc  cette  partie  du  bœuf  et  la  coupent  par  lames  épaisses  d'un 
demi-pouce ,  l'aplatissent  un  peu,  la  font  cuire  sur  une  plaque 
de  fonte  faite  exprès  et  la  font  cuire  avec  du  charbon  de  terre 
au  lieu  d'employer  le  charbon  de  bois.  Le  bifteck  vrai  filet  doit 
se  mettre  sur  un  gril  bien  chaud  avec  une  braise  ardente,  ne  le 
retourner  qu'une  fois,  afin  de  conserver  son  bon  jus  qui  se  lie 
avec  la  maître-d'hôtel. 

Cette  partie  du  bœuf  anglais  (et,  pour  m'en  rendre  compte, 
toutes  les  fois  que  je  vais  en  Angleterre,  j'en  mange  avec  un 
nouveau  plaisir)  est  infiniment  plus  savoureuse  que  la  partie  avec 
laquelle  nous  faisons  nos  biftecks  ;  il  faut  la  manger  aux  tavernes 
anglaises,  sautée  au  vin  de  Madère  ou  au  beurre  d'anchois,  ou 
sur  une  litière  de  cresson  bien  vinaigrée.  Je  conseillerais  de  la 
manger  aux  cornichons,  s'il  y  avait  un  seul  peuple  au  monde 
qui  sût  faire  les  cornichons.  Quant  au -bifteck  français,  la  sauce 
à  la  maîtrô-d'hôtel  est  la  meilleure  parce  qu'on  y  sent  dominer 
la  saveur  des  fines  herbes  et  du  citron  ;  mais  il  y  a  une  observa- 
tion que  je  me  permettrai  de  faire  :  Je  vois  nos  cuisiniers 
aplatir  leurs  biftecks  sur  la  table  de  cuisine,  à  coups  de  plat  de 


224  BEGONE. 


couperet  ;  je  crois  que  c'est  une  profonde  hérésie  qu'ils  com- 
mettent et  qu'ils  font  ainsi  jaillir  hors  de  la  viande  certains  prin- 
cipes nutritifs  qui  joueraient  très-bien  leur  rôle  dans  la  scène 
de  la  mastication.  En  général  les  animaux  ruminants  sont  meil- 
leurs en  Angleterre   qu'en  France ,  parce  qu'ils  y  sont  traités 
vivants  avec  un  soin  tout  particulier.   Rien  n'est  pareil  à  ces 
quartiers  de  bœuf  cuits  tout  entiers,  et  que  l'on  roule  sur  une 
petite  voiture  dans  les  chemins  de  fer  qui  séparent  les  uns  des 
autres  les  habitués  des  tavernes  anglaises;  ces  morceaux  de  bœuf 
veinés  de  gras  et  de  maigre,  que  l'on  coupe  soi-même  comme 
on  l'entend,  sur  une  portion  de  l'animal  pesant  cent  livres,  n'ont 
rien  de  pareil,  comme  excitation  à  l'appétit.  On   arrive  à  faire 
des  bœufs  si  gras  qu'ils  ont  l'air  de  ne  plus  avoir  d'articulations 
aux  jambes  et   de  marcher  sur  leur  ventre.   Les  éleveurs,  les 
engraisseurs  d'animaux  arrivent  pour  engraisser  un  bœuf  jusqu'à 
lui  faire  boire   80  litres  d'eau   par  jour.  Quant  aux  moutons, 
nourris  d'herbe  plus  fraîche  que  la  nôtre,  ils  ont  des  saveurs 
qui  nous  sont  inconnues. 

06  la  cuisine  fait,  complètement  défaut  aux  Anglais,  c'est 
à  l'endroit  des  sauces,  mais  les  gros  poissons,  mais  la  viande  de 
boucherie  est  infiniment  plus  belle  à  Londres  qu'à  Paris. 

BEFROI.  —  Nom  de  deux  espèces  de  grives  ainsi  nom- 
mées parce  que  leur  cri  ressemble  au  son  d'une  cloche  qui 
sonne  l'alarme. 

On  les  trouve  à  la  Guyanne,  leur  chair  a  le  même  goût  et 
jouit  des  mêmes  propriétés  alimentaires  que  la  grive  ;  elles 
s'apprêtent  de  même. 

BÉGONE.  —  Plante  de  la  famille  des  bégoniacées,  appelée 

aussi  oseille  sauvage  dans  les  colonies  françaises^  à  cause  de  sa 
ressemblance  avec  cette  herbe. 

Elle  est  très-rafraîchissante  et  on  la  mange  à  cause  de  son 
acidité  agréable. 

Pendant  que  nous  en  sommes  aux  mets  étrangers,  qu'on 
me  permette,  puisque  nous  voilà  arrivés  à  la  lettre  B,  d'emprun- 
ter  à  la  cuisine  allemande  un  mets  populaire  qu'on  appelle 
beilche  en  Westphalie,  et  qui  n'avait  pas  échappé  à  l'érudition 
culinaire  de  M.  de  Courchamps  et  dont  voici  la  recette. 


BEIGNETS.  a25 


BEILCHË.  —  a  On  prend   une  sous-noix  de  bœuf  assez 
mortifiée  pour  être  bien  tendre,  on  en  enlève  toute  la  graisse, 
on   la  coupe  à  distance    égale  en  sept  ou  huit  morceaux  sans 
détacher  les  tranches  qui  continuent  de  tenir  à  un  centre  com- 
mun, on  les  en tr 'ouvre  seulement  de  manière  à  introduire  dans 
chacune  d'elles    une  bonne  pincée  de  sel  mélangée  de  poivre 
fin  ;   puis   on   place  ladite  sous-noix  découpée   et  assaisonnée 
comme  il  est  dit,  dans  une  grosse  terrine  à  couvercle;  on  y  met 
immédiatement  sur  la  viande,  douze  ou  quinze  pommes  de  terre 
crues  qu'on  a  pelées  comme  on  pèle  des  pommes  et  qu'on  a  légè- 
rement saupoudrées  de  sel  blanc  ;  il  est  important  de  se  procurer 
pour  que   rien  ne    manque  à  ce  plat,   des  pommes   de   terre 
d'Irlande  à  pulpe  farineuse,  à  forme  ronde  et  de  couleur  jaune 
paille.  On  recouvre  la  terrine,  on  en  calfeutre  le  couvercle  avec 
de  la  pâte,  et  Ton  établit  cet   appareil  dans  un  coin  de  che-  . 
minée  sur  un  monceau  de  cendre  chaude,  sur  lequel  on  entre- 
tient pendant  quatre  heures  un  grand  feu  de  charbon  ardent.  » 
Les  Westphaliens  ont  presque  tous  pour  cet  usage  un  grand  pot 
en  vieille  argenterie  et  qui  s'appelle,  le  plat  aux  beilches.   Il 
faut  avoir  goûté  ce  vieux  mets  teutonique  pour  savoir  combien 
il  mériterait  dans  tous  les  pays  du  monde  la  réputation  qu'il  n'a 
qu'en  Westphalie. 

BEIGNETS.  —  D'un  mot  celte  qui  signifie  enflure  ou 
tumeur.  C'est  aux  croisades  que  nous  avons  fait  la  connaissance 
des  beignets.  Le  sire  de  Joinville  nous  apprend  qu'en  rendant  la 
liberté  à  saint  Louis,  les  Sarrasins  lui  présentèrent  des  beignets. 

Le  beignet  t%X  une  sorte  de  pâte  frite  à  la  poêle  et  qui  enve- 
loppe ordinairement  une  tranche  de  quelque  fruit.  Nous  emprun- 
tons à  Carême  la  manière  de  faire  cette  pâte  : 

Pâte  à  frire  à  la  Carême.  —  «  Mettez  dans  une  petite  ter- 
rine 360  grammes  de  farine  tamisée  que  vous  délayez  avec  de  l'eau 
à  peine  tiède,  où  vous  aurez  fait  fondre  60  grammes  de  beurre 
fin  ;  vous  inclinez  la  casserole  et  vous  soufflez  sur  l'eau  afin  de 
verser  le  beurre  le  premier.  Vous  versez  assez  d'eau  de  suite 
pour  délayer  la  pâte  de  consistance  mollette  et  sans  grumeaux; 
autrement  lorsqu'on  la  rassemble  trop  ferme,  la  pâte  se  corde 
et  fait  toujours  mauvais  effet  à  la  poêle  :  elle  est  grise  et  com- 


226  BEIGNETS. 


pacte  ;  ensuite  vous  ajoutez  assez  d*eau  tiède  pour  que  la  pâte 
devienne  coulante  et  déliée,  quoique  pourtant,  elle  doive  mas- 
quer les  objets  susceptibles  d'y  être*  trempés.  Enfin,  elle  doit 
quitter  la  cuiller  sans  effort.  Vous  y  mêlez  une  pincée  de  sel 
fin,  deux  blancs  d'œufs  fouettés  bien  ferme  et  l'employez  tout  de 
suite.  » 

m 

Comme  pendant  à  la  pâte  dont  nous  venons  de  donner  la 
recette,  voici  la  pâte  à  la  provençale. 

Tâte  à  la  provençale. —  Prenez  360  grammes  de  farine, 
deux  jaunes  d'oeufs,  quatre  cuillerées  d'huile  d'Aix;  délayez  avec 
de  l'eau  froide;  joignez-y  deux  blancs  fouettés  et  employez. 

Beignets  de  brioche.  —  Trempez  des  tranches  de  brioche 
dans  du  lait  sucré,  farinez  et  faites-les  frire. 

Beignets  de  crème.  — Prenez  un  litre  de  lait,  faites-le  réduire 
à  près  de  moitié,  laissez -le  refroidir,  délayez-y  cinq  macarons 
dont  un  amer,  six  jaunes  d'oeufs,  une  cuillerée  de  fleur  d'orange, 
deux  cuillerées  de  fleur  de  farine  et  125  grammes  de  sucre  en 
poudre.  Ajoutez  à  cette  pâte  épaissie  de  l'écorce  de  citron  râpée^ 

Beignets  de  pommes.  —  Vos  pommes  une  fois  pelées  et  cou- 
pées en  tranches,  macérez-les  deux  heures  dans  de  Teau-de-vie  , 
du  sucre  et  de  la  cannelle,  égouttez,  mettez-les  dans  une  friture 
modérée.  Lorsque  les  pommes  seront  cuites,  sucrez-les  et  gla- 
cez-les. (Même  recette  pour  les  beignets  de  poires,  de  pêches, 
d'abricots  et  de  brugnons.) 

Beignets  à  la  Chantilly.  —  Prenez  trois  petits  fromages  à  la 
crème  très-frais,  cassez  dans  le  même  vase  trois  œufs  et  joignez-y 
60  grammes  de  moelle  de  bœuf  hachée  et  pilée;  ajoutez  500  gr. 
de  fleur  de  farine,  détrempez  et  mêlez  la  pâte  avec  du  vin  blanc, 
salez,  sucrez  avec  30  grammes  de  sucre  râpé,  et  condensez  comme 
les  beignets  à  la  crème. 

Beignets  aux  confitures.  —  Prenez  des  pains  à  chanter  de 
4  à  5  centimètres  de  diamètre ,  ou  même  découpez-en  de  plus 
grands,  étendez  sur  chacun  de  la  marmelade  d'abricots  ou  de 
prunes;  couvrez  avec  un  autre  pain  à  chanter  et  colle:^  les  bords  ; 
incorporez  dans  une  pâte  à  frire  au  vin  blanc  trois  blancs  d'œufs 
à  la  neige;  trempez-y  les  beignets,  faites  frire,  égouttez,  poudrez- 
les  de  sel  fin  et  glacez-les. 


BEIGNETS.  237 


Beignets  soufflés  à  la  bonne  femme,  —  Mettez  dans  une  cas- 
serole 30  grammes  de  beuire,  125  grammes  de  sucre,  un  citron 
vert  râpé ,  un  verre  d'eau ,  faites  bouillir  et  délayez  en  pâte 
épaisse;  remuez  jusqu'à  ce  qu'elle  s'attache  à  la  casserole;  alors 
mettez-la  dans  une  autre,  et  cassez-y  successivement  des  œufs  en 
remuant  toujours  pour  les  bien  mêler  avec  la  pâte,  jusqu'à  ce 
qu'elle  devienne  molle  ;  mettez-la  sur  un  plat  et  étendez-la  de 
l'épaisseur  d'un  doigt;  faites  chauffer  de  la  friture,  et- quand 
elle  est  médiocrement  chaude,  trempez-y  le  manche  d'une  cuil- 
ler, et  avec  ce  manche  enlevez  gros  comme  une  noix  de  pâte  que 
vous  Élites  tomber  dans  la  friture  en  la  poussant  avec  le  doigt  ; 
continuez  jusqu'à  ce  qu'il  y  en  ait  assez  dans  la  poêle,  faites  frire 
à  petit  feu  en  remuant  sans  cesse  ;  quand  les  beignets  sont  bien 
montés  et  de  belle  couleur,  retirez-les  pour  les  égoutter  et  sau- 
poudrez-les de  sucre  fin.  Ce  mets,  dont  la  recette  ne  nous 
appartient  pas,  est  peu  en  usage  aujourd'hui. 

Qéutre  crème  faite  au  caramel  et  à  la  fleur  d'orange.  — 
Mettez  30  grammes  de  sucre  en  poudre  et  une  cuillerée  à  bouch 
de  fleur  d'oranger  pralinée  dans  un  petit  poêlon  d'office,  tournez 
jusqu'à  ce  que  le  sucre  soit  devenu  brun,  mettez-y  un  demi- 
décilitre  d'eau  pour  dissoudre  le  caramel,  beurrez  huit  moules 
à  darioles,  mettez  dans  une  terrine  des  jaunes  d'oeufs,  125  gram. 
de  sucre  en  poudre  et  le  caramel;  ajoutez  une  quantité  dé 
lait  que  vous  mesurerez  en  remplissant  six  fois  *iin  des  moules 
à  darioles  ;  passez  à  l'étamine  après  avoir  mêlé  parfaitement , 
remplissez  les  moules  à  darioles  avec  l'appareil,  faites  pocher  au 
bain-marie  à  doux  feu  dessus  et  dessous,  retirez  les  crèmes  du 
feu,  laissez-les  refroidir  et  démoulez-les;  coupez  chaque  crème 
par  le  travers  en  trois  parties  égales,  trempez  chaque  morceau 
dans  la  pâte  à  frire,  faites  frire,  égouttez  et  saupoudrez  de 
sucre. 

Beignets  aux  abricots  ^  dits  à  la  Dauphine.  —  Faite 
500  grammes  de  pâte  à  brioche  en  y  mettant  225  grammes  de 
beurre;  mouillez  avec  œuf  et  lait  par  parties  égales,  laissez 
revenir  la  pâte  pendant  trois  heures,  rompez-la,  et  repliez-la 
sur  elle-même  en  plusieurs  fois;  mettez  sur  la  plaque  dans  un 
endroit  froid,  et  lorsque  la  pâte  sera  raffermie,  faites  une  abaisse 


228  BEIGNETS. 


d*un  demi-centimètre  d'épaisseur  ;  coupez  rabaisse  avec  un 
coupe-pâte  rond  de  6  centimètres,  mouillez  les  bords  et  mettez 
au  milieu  gros  comme  une  noix  de  marmelade  d'abricots  ;  cou- 
vrez avec  une  autre  abaisse  comme  pour  les  petits  pâtés,  faites 
frire  à  friture  modérée,  égouttez  et  saupoudrez  de  sucre  en 
poudre.  Dressez  les  beignets  en  rocher  sur  une  serviette  et 
servez. 

Beignets  de  céleri.  —  Épluchez  des  pieds  de  céleri  cou- 
pés à  8  ou  I G  centimètres  de  la  racine,  faites-les  blanchir  un 
quart  d'heure,  mettez  rafraîchir  à  l'eau  froide,  égouttez,  ficelez 
par  quatre  entiers  et  achevez  de  cuire  dans  une  casserole  foncée 
de  lard  avec  bouquet  de  persil,  un  peu  de  sel,  bouillon;  couvrez 
d'un  rond  de  papier,  égouttez,  pressez;  mettez  mariner  avec 
sucre  et  eau-de-vie,  trempez  dans  la  pâte  dont  la  recette  suit , 
faites  frire,  saupoudrez  de  sucre  et  servez. 

Tâte  pour  toute  sorte  de  fritures.  —  Mettez  de  la  farine 
dans  une  terrine,  faites  un  trou  et  versez-y  un  ou  deux  jaunes 
d'œufs,  une  cuillerée  d'huile  et  une  ou  deux  d'eau-de-vie,  plus 
du  sel,  remuez  d'une  main  en  tournant  toujours  dans  le  même 
sens,  et  en  versant  de  Teau  peu  à  peu  pour  donner  une  bonne 
épaisseur.  Au  moment  de  vous  en  servir,  ajoutez  et  mêlez  le 
blanc  d'œufs  battu  en  neige,  mais  ce  blanc  la  rendrait  trop 
claire  ;  faite  d'avance  et  même  la  veille,  elle  devient  plus 
légère. 

Si  c'est  pour  friture  sucrée,  telle  que  beignets,  on  met 
très-peu  de  sel  et  on  ajoute  de  l'eau  de  fleur  d'oranger. 

Beignets  de  fruits  à  la  Royale.  —  Cueillez  douze  petites 
pêches  de  vigne  bien  mûres  et  de  bonne  qualité ,  séparez-les  par 
moitié,  ôtez-en  la  pelure,  sautez-les  dans  une  terrine  avec  du 
sucre  en  poudre  et  une  cuillerée  de  liqueur  de  noyaux;  deux 
heures  après  vous  les  égouttez,  les  trempez  tour  à  tour  dans  la 
pâte  ordinaire,  les  faites  frire  de  belle  couleur  et  les  glacez  dans 
I20  grammes  de  sucre  cuit  au  caramel  ;  à  mesure  que  vous  les 
glacez,  vous  semez  dessus  une  pincée  de  gros  sucre  cristallisé. 
Les  beignets  de  brugnons  et  d'abricots  se  préparent  de  même. 
Vous  pouvez  glacer  seulement  au  sucre  en  poudre  et  à  la  pelle 
rouge  ,  les  beignets  décrits  ci-dessus;  on  en  fait  aussi  de  prunes 


BEIGNETS.  a39 


de  mirabelle  et  de  reine-Claude,  au  moyen  du  même  procédé. 
{Courchamps). 

Beignets  garnis  de  fraises  à  la  Dauphine.  —  Faites  votre 
pâte  à  brioche,  superposez  trois  belles  fraises  roulées  dans  du 
sucre  en  poudre,  mouillez  la  pâte  autour  des  fruits  et  détaillez 
comme  précédemment.  Même  observation  pour  les  beignets  de 
framboises. 

Beignets  d'ananas.  —  Faites  macérer  vos  tranches  d'ananas 
pendant  deux  heures  dans  du  vin  d'Alicante  et  opérez  comme 
ci-dessus. 

Beignets  garnis  de  raisin  de  Corinthe,  à  la  Dauphtne,  — 
Prenez  60  grammes  de  raisin  de  Corinthe,  épluchez  et  lavez; 
faites  cuire  deux  minutes  dans  60  grammes  de  sucre;  vous  versez 
le  quart  d'une  cuillerée  sur  un  fond  de  pâte  à  brioche  et  pro- 
cédez comme  ci-dessus. 

Beignets  d'oranges  de  Malte^  à  la  Régence.  —  Divisez  vos 
oranges  par  quartiers,  jetez-les  dans  120  grammes  de  sucre 
pour  six  oranges,  laissez  mijoter,  égouttez,  baignez  dans  la  pâte 

ordinaire,  colorez  et  glacez. 

Beignets  garnis  de  pommes  d'api^  à  la  d'Orléans.  — 
Tournez  des  pommes  d'api,  masquez-les  par  moitié  et  les  faites 
cuire  dans  un  sirop  ;  laissez  refroidir,  trempez  chaque  moitié 
de  pomme  dans  une  abaisse  de  pâte  à  brioche;  faites  frire ^ 
finissez  et  servez  selon  la  règle. 

Beignets  de  fruits  à  Veau- de-vie ^  à  la  Chartres.  —  Vous 
égouttez  vos  abricots  confits  à  Teau-de-vie,  vous  les  coupez  par 
moitié,  vous  les  masquez  de  pain  à  chanter,  vous  les  faites  frire 
dans  la  pâte  et  vous  les  saupoudrez  de  sucre  fin. 

Beignets  de  pêches  et  de  prunes.  —  Procéder  de  la  même 
façon . 

Beignets  soufflés  à  la  Vanille.  —  «  Mettez  une-  gousse  de 
vanille  dans  trois  verres  de  lait  bouillant  que  vous  laissez  réduire 
de  moitié,  vous  ôtez  ensuite  la  vanille  et  ajoutez  au  lait  pogram. 
de  beurre  d'Isigny.  Faites  bouillir;  mêlez-y  assez  de  farine 
tamisée  pour  former  une  pâte  molle  que  vous  desséchez  pendant 
quelques  minutes  ;  changez  de  casserole  et  délayez  votre  pâte 
avec  90  grammes  de  sucre  fin,  six  jaunes  d'œuf  et  un  peu  de  sel  ; 


230  BELETTE. 


fouettez  trois  blancs  d'œufs  bien  fermes  et  mêlez-les  dans  l'appa- 
reil avec  une  cuillerée  de  crème  fouettée,  ce  qui  doit  vous  don- 
ner une  pâte  consistante,  presque  molle;  roulez-la  alors  sur  le 
tour,  saupoudrez  légèrement  de  farine,  de  la  grosseur  d'une  noix 
verte  en  la  plaçant  à  mesure  sur  un  couvercle  de  casserole.  La 
pâte  étant  ainsi  détaillée  et  roulée,  vous  la  versez  dans  la  friture 
peu  chaude  afin  qu'elle  boursoufle  bien,  et  vous  rendez  le  feu 
plus  ardent  vers  la  fin  de  sa  cuisson;  'dès  qu'elle  est  colorée  de 
belle  couleur,  vous  Tégouttez  sur  une  serviette,  vous  la  saupou- 
drez de  sucre  fin  et  vous  servez  de  suite. 

<e»  Vous  variez  les  formes  de  cette  pâte  en  croissants,  en 
carrés  long  et  en  gimbelettes.  »  [Grimaud  de  là  Reynière). 

Beignets  de  blanc-manger-gimblettes.  —  Même  procédé 
pour  la  crème.  Vous  la  coupez  quand  elle  est  bien  froide. avec  un 
coupe-pâte  et  vous  en  formez  des  gimblettes,  en  coupant  le 
milieu  avec  un  coupe-pâte  plus  petit.  Vous  conservez  les  petits 
ronds  que  vous  retirez  des  gimblettes  et  vous  les  masquez  de  mie 
de  pain  très-fine;  vous  les  trempez  ensuite  dans  quatre  œufs 
battus,  vous  les  égouttez  et  les  roulez  de  nouveau  sur  la  mie  de 
pain.  Les  ronds  doivent  être  préparés  de  la  même  manière,  en 
plaçant  le  tout  sur  des  couvercles,  et  au  moment  de  les  servir, 
vous  les  faites  frire  de  belle  couleur  et  les  saupoudrez  de  sucre 
fin. 

Beignets  de  blanc -manger  en  gimblettes  au  caramel.  — 
Procédez  comme  ci-dessus,  seulement  vos  beignets  étant  colorés 
d'un  beau  blond,  vous  les  égouttez  parfaitement  et  les  glacez 
avec  du  caramel,  vous  pouvez,  à  mesure  que  vous  les  retirez  de 
la  friture,  les  semer  de  gros  sucre  avec  des  pistaches. 

BELETTE.  —  Ce  petit  mammifère  de  l'ordre  des  carnas- 
siers, n'a  guère  que  15  à  25  centimètres  dû  museau  à  l'origine  de 
la  queue  ;  Texiguïté  de  sa  taille  lui  permet  de  pénétrer  partout, 
même  dans  les  plus  petits  trous,  aussi  fait-il  une  guerre  acharnée 
aux  jeunes  poulets  et  aux  pigeons;  il  entre  dans  les  poulaillers 
et  dans  les  pigeonniers,  et  ouvre  le  crâne  des  oiseaux  qui  les 
habitent,  afin  d'en  humer  la  substance  cérébrale,  dont  il  paraît 
être  très-Iriand: 

Dans  les  champs,  la  belette  vit  de  mulots,  de  souris  et 


y' 


BENOITE. 


231 


d'œufs  d'oiseaux,  qu'elle  va  prendre  au  nid ,  et  malgré  le  léger 
service  qu'elle  rend  à  l'agriculteur ,  en  le  débarrassant  des  rats 
qu'elle  peut  poursuivre  jusqu'au  fond  de  leur  trou,  elle  n'en  est 
pas  moins  un  objet  de  haine  pour  celui-ci,  qui  ne  manque  pas 
de  la  tuer  chaque  fois  qu'il  la  rencontre. 

Sa  chair  salée  a,  paraît-il,  le  goût  du  lièvre  et  pourrait 
servir  à  l'alimentation,  mais  dans  les  cas  de  nécessité  seulement, 
car  elle  n'est  ni  tendre,  ni  agréable; 

Les  peuples  du  Mexique  mangent  la  belette,  et  Fernand 
Lopez,  dans  son  histoire  de  l'Inde,  rapporte  que  des  soldats  pre- 
naient beaucoup  de  belettes,  qu'ils  faisaient  cuire  à  la  broche 
et  qu'ils  mangeaient  avec  plaisir. 

J'aime  mieux  un  bon  train  de  derrière  de  lièvre,  cuit  à  la 
broche,  et  vous.?... 

BELIER.  —  La  chair  du  bélier,  n'a  pas  grande  valeur  en 
cuisine  et  est  considérée  pour  l'alimentation,  comme  la  plus  mau- 
vaise après  celle  du  bouc  ;  elle  est  de  difficile  digestion  ,  ne 
nourrit  pas  et  a  une  odeur  fétide  très-désagréable. 

Il  est  donc  préférable  de  le  manger  jeune,  c'est-à-dire 
quand  il  n'est  encore  qu'agneau,  ou  bien  de  le  faire  châtrer, 
afin  de  l'avoir  mouton;  du  moins  pour  l'alimentation. 

BÉNAFOULI.  —  Riz  du  Bengale,  qui  répand,  lorsqu'il  est 
cuit,  une  odeur  très-agréable. 

Ses  propriétés  alimentaires  sont  les  mêmes  que  le  riz,  il  est 
plus  léger  que  ce  dernier. 

BÉNARI.  —  Espèce  d'ortolan,  passager  en  Languedoc;  il 
devient  très-gras,  aussi  est-il  servi  sur  les  meilleures  tables. 

BENOITE.  —  Plante  de  la  famille  des  rosacées,  dont  le  nom 
signifie  herbe  bénite  et  vient  des  vertus  médicinales  et  des  pro- 
priétés merveilleuses  qu'on  lui  attribue. 

Elle  passe  pour  vulnéraire,  sudorifique  et  un  peu  astrin- 
gente; ses  racines  fraîches  sont  recommandées  dans  les  cas  de 
catharres  chroniques  ;  sèches,  on  les  emploie  contre  les  hémor- 
rhagies  et  les  fièvres  intermittentes.  Elle  pourrait,  paraît-il, 
remplacer  au  besoin  le  quinquina  dans  certains  cas. 

En  Norwége,  on  emploie  cette  plante  pour  empêcher  la 
bière,  de  devenir  acre;    une    très-petite    quantité,  ajoutée  au 


aia  BERNARD   L'ERMITE. 

houblon,  suffit  pour  arriver  à  ce  résultat  et  donner  à  la  bière  un 
parfum  fort  agréable.- 

BENNI.  —  Espèce  de  barbeau,  du  Nil,  possédant  les 
mêmes  qualités  que  le  barbeau  ordinaire. 

BERCE.  —  Genre  de  plante  de  la  famille  des  ombellifères, 
dont  l'espèce  la  plus  répandue  et  la  plus  connue  est  la  fausse 
branche  ursine.  Cette  plante  est  vivace,  elle  croît  dans  les  prés 
de  l'Europe  et  est  surtout  très-commune  dans  le  Nord. 

Cette  plante  n'a  d'autres  qualités  que  de  servir  à  faire  une 
espèce  de  bière,  très-forte  et  très-enivrante,  nommée  Raffle^ 
qu'on  obtient  par  la  fermentation.  Les  Russes,  les  Polonais  et  les 
Lithuaniens  boivent,  paraît-il,  beaucoup  de  cette  liqueur  qui 
occasionne  la  mélancolie;  l'ivresse  qu'elle  produit  dure  quelque- 
fois vingt-quatre  heures. 

BERGFORELLE.  —  Ce  poisson,  dont  la  chair  molle  et 
tendre,  devient  légèrement  rouge  en  cuisant,  est  très-estimé  dans 
le  comté  de  Galles. 

BERNARD  L'ERMITE.  —  Espèce  de  cancre  dont  la  chair 
est  regardée  comme  un  mets  très-friand;  on  le  fait  le  plus  ordi- 
nairement griller  dans  sa  coquille  avant  de  le  manger. 

Rien  de  plus  drôle  que  ce  petit  crustacé;  la  nature  l'a  fait 
armé  jusqu'à  la  ceinture,  cuirassé,  gants  et  masque  de  fer,  de 
ce  côté  il  a  tout;  de  la  ceinture  à  l'autre  extrémité,  rien,  pas 
même  de  chemise;  il  en  résulte  que  le  bernard  l'ermite  fourre 
cette  extrémité  où  il  peut. 

Le  créateur,  qui  avait  commencé  à  l'habiller  en  homard,  a 
été  dérangé  ou  distrait  au  milieu  de  la  besogne  et  l'a  terminé  en 
limace. 

Cette  partie,  si  mal  défendue  et  si  tentante  pour  l'ennemi, 
est  sa  grande  préoccupation;  à  un  moment  donné,  cette  préoccu- 
pation le  rend  féroce.  S'il  voit  une  coquille  qui  lui  convienne,  il 
mange  le  propriétaire  de  la  coquille  et  prend  sa  placé  toute 
chaude,  c'est  l'histoire  du  monde  au  microscope.  Mais  comme  au 
bout  du  compte  la  maison  n'est  pas  faite  pour  lui,  au  lieu  d'avoir 
l'allure  grave  et  honnête  du  colimaçon,  il  trébuche  comme  un 
homme  ivre,  et,  autant  que  possible  ne  sort  que  le  soir  de  peur 
d'être  reconnu. 


BETEL.  a33 

BETEL.  —  Plante  grimpante  des  Indes,  qui  fait  le  prin- 
cipe du  masticatoire  de  ce  nom.  Des  masticatoires  en  usage  dans 
les  pays  chauds,  le  bétel  est  le  plus  énergique.  Quatre  substances 
le  composent  ordinairement  :  premièrement,  la  feuille  brûlante 
du  poivrier-bétel,  qui  donne  son  nom  à  cette  composition.  Quel- 
quefois aussi  on  se  sert  du  fruit  jaune  de  la  plante,  ou  d'une  assez 
forte  quantité  de  feuilles  de  tabac,  ou  de  chaux  ^îve,  beaucoup 
plus  caustique  que  la  nôtre,  ainsi  que  Vauclin  s'en  est  assuré. 

Le  père  Papin  indique  qu'il  y  a  des  individus  qui  prennent 
de  cette  chaux  gros  comme  un  œuf  par  jour. 

La  noix  Dariquier,  qui  forme  à  elle  seule  plus  de  la  moitié 
du  poids  du  bétel,  est  encore  plus  active  parce  qu'elle  contient 
une  très-forte  proportion  d'acide  gallique,  ce  que  Ton  reconnaît  à 
la  grande  astriction  qu'elle  produit  dans  tout  l'intérieur  de  la 
bouche  et  de  la  gorge  ;  l'action  en  est  d'autant  plus  forte  qu'elle 
est  mêlée  à  des  substances  également  irritantes.  En  effet,  toutes 
les  dents  en  sont  corrodées,  dissoutes  même,  au  point  qu'il  est  ^ 

rare  de  voir  chez  les  peuples  màcheurs  de  bétel  des  jeunes  gens 
en  avoir  encore.  Elles  ne  tombent  point,  elles  sont  usées  jus- 
qu'au bord  des  gencives.  Et  celles-ci  sont  bientôt  horriblement 
tuméfiées. 

De  tous  les  astringents  connus,  le  bétel  paraît  être  le  plus 
énergique,  le  plus  fort,  le  plus  propre  à  soutenir  l'estomac  dans 
un  degré  de  force  et  de  ton  nécessaire  dans  un  pays  où  les  sueurs 
excessives  occasionnent  des  maladies  redoutables  ;  il  stimule  for- 
tement les  glandes  salivaires  et  les  organes  digestifs  ;  il  diminue 
la  sueur  et  prévient  la  faiblesse  qui  en  résulte;  enfin,  il  doit  pro- 
duire au  dedans  l'effet  salutaire  que  les  bains  froids,  les  frictions 
huileuses  déterminent  au  dehors. 

L'instinct  et  l'expérience  ont  pu  seuls  suggérer  à  ces  nations 
brûlantes  le  courage  de  mâcher  le  bétel  ;  aussi,  malgré  la  des- 
truction totale  de  leurs  dents,  est-il  d'usage  général  dans  tous  les 
climats  chauds  depuis  les  Moluques  jusqu'au  rivage  du  fleuve 
Jaune,  et  depuis  ceux  de  l'Indus  et  du  Gange  jusqu'au  bord  de 
la  mer  Noire. 

Une  autre  preuve  de  l'utilité  de  cet  usage,  c'est  la  néces- 
sité où  se  trouveijt  les  Européens  fixés  dans  ces  climats  d'avoir 


234  BETTERAVE. 


recours  à  ce  moyen,  ou  à  d'autres  approchant  de  celui-ci,  pour 
se  préserver  de  l'influence  délétère  du  climat  et  de  sa  tempé- 
rature, 

Dans  rinde,  on  offre  le  bétel  à  tous  ceux  qui  font  visite;  ce 
serait  faire  un  affront  si  on  n'offrait  pas  aux  visiteurs  la  boîte 
même  qui  le  contient.  Dans  le  royaume  de  Siam,  l'accordé  le 
présente  à  son  accordée,  ainsi  qu'à  tous  les  assistants,  comme 
symbole  de  la  fidélité  que  les  nouveaux  époux  se  promettent  Tun 
à  l'autre,  et  de  la  bonne  intelligence  qui  doit  toujours  exister 
entre  les  deux  familles. 

Le  bétel  de  Tonquin  est,  dit-on,  celui  que  l'on  préfère  à 
tous  les  autres;  c'est  lorsqu'il  est  jeune,  vert  et  tendre,  qu'on  en 
fait  le  plus  de  cas,  parce  qu'il  est  alors  juteux.  Dans  les  autres 
pays  on  l'emploie  sec. 

BETTERAVE.  —  Espèce  de  bette  ou  poirée.  Sa  racine  est 
couleur  de  sang  au  dedans  et  au  dehors,  les  feuilles  surtout;  les 
pétioles  sont  d'un  rouge  foncé.  La  plante  contient  une  plus 
grande  quantité  de  matière  sucrée  que  toutes  les  autres,  ce  qui 
fit  venir,  à  l'époque  du  blocus  continental,  l'idée  aux  chimistes 
de  substituer  le  sucre  de  betterave  au  sucre  de  canne.  Je  me  rap- 
pelle avoir  vu,  en  1812,  une  caricature  représentant  le  petit  roi 
de  Rome  et  sa  nourrice  :  l'enfant  pleurait  et  la  nourrice  lui  pré- 
sentait une  betterave  en  lui  disant  :  a  Suce,  mon  enfant,  ton  papa 
dit  que  c'est  du  sucre.  »  Comme  de  toutes  les  grandes  décou- 
vertes, on  avait  commencé  par  rire  de  celle-là  qui  nous  affran- 
chissait des  colonies. 

Il  y  a  cinq  espèces  de  betteraves  :  la  grosse  rouge,  la  petite 
rouge,  la  jaune,  la  blanche  et  la  veinée;  c'est  celle-là  que  Ton 
connaît  aujourd'hui  sous  le  nom  de  betterave  champêtre.  Le 
•  peuple,  si  longtemps  fanatique  de  Napoléon  à  cause  de  ses  victoires, 
qui  ont  coûté  à  la  France  le  tiers  de  son  sang  et  le  sixième  de  son 
territoire,  ne  songe  pas  qu'il  lui  est  redevable  d'un  aliment 
devenu  aujourd'hui  d'un  usage  général.  On  mêle  ses  feuilles  à 
celles  de  l'oseille,  pour  en  adoucir  la  grande  acidité;  on  estime 
ses  feuilles  larges  et  blanches,  que  l'on  nomme  cardons  et  que 
l'on  mange  avec  plaisir.  En  hiver,  il  y  pousse  de  petites  feuilles, 
qui  se  mangent  en  salade.  On  cuit  la  betterave  au  four  ou  dans 


BETTERAVE.  ^35 


k  cendre,  puis  on  la  conserve  dans  du  vinaigre  après  l'avoir  fait 
cuire.  Les  Allemands  la  mangent  avec  le  potage;  dans  le  Nord, 
on  la  fait  fermenter  et  on  s'en  sert  comme  préservatif  du  scorbut. 

Lorsqu'on  fait  cuire  les  betteraves  au  four,  et  c'est  la  meil- 
leure manière  de  les  faire  cuire,  il  faut  d'abord  les  laver  avec  de 
l'eau-de-vie  commune;  placez-les  ensuite  dans  le  four  sur  des 
grils  de  cuisine,  afin  que  par  aucun  point  elles  ne  touchent  à  là 
brique.  Il  faut  que  le  four  soit  chauffé  comme  pour  un  gros  pain 
de  pâte  ferme.  Laissez-les  dans  le  four  jusqu'à  ce  qu'elles  y  refroi- 
dissent, et  le  lendemain  faites-les  cuire  de  la  même  façon  et  au 
même  degré  de  chaleur,  La  betterave  n'est  véritablement  cuite, 
ou  plutôt  bien  cuite,  que  lorsque  sa  peau  est  presque  charbonnée. 

Betteraves  à  la  Chartreuse.  —  Coupez  des  rondelles  de  bjet- 
terave  jaune,  veillez  à  ce  qu'elle  soit  bien  cuite  dans  les  condi- 
tions que  nous  venons  de  dire,  mettez  sur  chacune  de  ces  ron- 
delles une  rouelle  d'oignon  cru  dont  vous  aurez  enlevé  le  cœur 
dans  la  circonférence  d'une  pièce  d'un  franc,  joignez-y  de  la 
pimprenelle,  du  cerfeuil,  de  la  muscade  et  du  sel  blanc,  couvrez- 
les  par  une  nouvelle  tranche  de  betterave  de  la  même  grandeur 
que  la  première  ;  forcez  oignons  et  betteraves  d'adhérer  par  la 
pression,  conduisez-la  comme  toute  autre  friture  et  servez-la 
garnie  de  persil  frit. 

La  betterave  se  mange  souvent  en  salade,  avec  la  mâche,  le 
céleri,  la  raiponce,  mais  la  meilleure  salade  de  betterave  se  fait 
avec  de  petits  oignons  glacés,  des  tranches  de  pommes  de  terre 
violettes,  des  tronçons  de  fonds  d'artichauts,  des  haricots  de  Sois- 
sons  cuits  à  la  vapeur;  on  y  met  des  fleurs  de  capucines^  du  cres- 
son, ce  qui  constitue  une  salade  que  l'on  peut  opposer  comme 
sapidité  à  la  salade  russe. 

La  betterave  se  peut  Servir  encore  comme  hors-d'œuvre, 
avec  les  olives  et  les  sardines,  'avec  une  sauce  de  vinaigre  à  l'es- 
tragon, de  fines  échalotes,  de  sel  et  de  poivre,  avec  un  cordon  de 
jaunes  et  de  blancs  d'œufs  hachés.  Dans  ce  cas  ajoutez  un  peu 
d'huile  à  l'assaisonnement  de  la  betterave. 

Betteraves  à  la  Poitevine.  —  Faites  cuire  des  oignons  hachés 
avec  un  bon  morceau  de  beurre  manié  de  farine  que  vous  con- 
duisez  jusqu'au   roux  brun,  joignez-y  une  pincée  des  quatre 


336  BEURRE. 


\ 

/ 


épices,  faites-y  réchauffer  des  tranches  de  betterave  assez  épaisses, 
et  mettez-y  au  moment  de  servir  une  demi-cuillerée  de  fort 
vinaigre  d'Orléans. 

Betteraves  à  Ih  crème,  —  Coupez  votre  betterave  en  tranches 
très-minces,  faites-les  mijoter  dans  une  Béchameil  (V.  sauce 
Béchameil)  où  Ton  aura  soin  d'ajouter  un  peu  de  coriandre  et 
un  peu  de  muscade. 

Betteraves  à  la  casserole.  —  Mettez  des  tranches  de  betterave 
dans  une  casserole  avec  du  beurre,  persil,  ciboule  hachée,  un  peu 
d'ail  et  de  farine,  du  vinaigre,  sel,  poivre;  faites-les  bouillir  un 
quart  d'heure.  On  les  sert  encore  à  la  sauce  blanche. 

BEURRE.  —  C'est  une  substance  grasse,  onctueuse  qui  se 
forme  de  la  crème  de  lait  épaissie  à  force  d'être  battue.  Tous 
les  laits  donnent  du  beurre,  le  plus  gras  et  le  plus  riche  vient 
du  lait  de  brebis.  Ce  furent  les  Scythes  et  les  Paeoniens  qui 
l'introduisirent  en  Grèce;  Hippocrate  ne  parle  que  de  celui  des 
Scythes  ;  Horace  et  Virgile  parlent  de  fromage,  mais  ne  parlent 
pas  de  beurre  ;  Werther  a  rendu  le  beurre  poétique  ;  c'est  en 
voyant  Charlotte  faire  des  tartines  pour  les  enfants  qu'il  prend 
cet  amour  fatal,  qui  se  termine  par  un  coup  de  pistolet.  Goethe 
a  raison  :  les  enfants  n'aiment  rien  tant  que  les  tartines  de  beurre, 
si  ce  n'est  les  tartines  de  confitures.  Dans  quelque  pays  que  j'aie 
voyagé,  j'ai  toujours  eu  du  beurre  frais  du  jour  même.  Je  donne 
ma  recette  aux  voyageurs,  elle  est  bien  simple  et  en  même  temps 
inmanquable. 

Partout  oii  je  pouvais  me  procurer  du  lait  soit  de  vache, 
soit  de  chamelle,  soit  de  jument,  soit  de  brebis,  et  particulière- 
ment de  brebis,  je  m'en  procurais,  j'en  emplissais  une  bouteille 
.aux  trois  quarts,  je  la  bouchais,  je  la  suspendais  au  cou  de  mon 
cheval,  et  je  laissais  mon  cheval  faire  le  reste  ;  en  arrivant  le  soir, 
je  cassais  le  goulot  et  je  trouvais  à  l'intérieur  un  morceau  de 
beurre  gros  comme  le  poing  qui  s'était  fait  tout  seul.  En  Afrique, 
au  Caucase,  en  Sicile,  en  Espagne,  cette  méthode  m'a  toujours 
réussi. 

Plusieurs  arbres  fournissent  une  matière  qui  remplace  le 
beurre  chez  les  peuples  où  la  fabrication  du  beurre  est  inconnue. 

Beurre  de  Bambuk.  —  Les  Maures  et  les  nègres  se  servent 


BIBLIMBING.  237 


dans  ralimentation  d'un  extrait  de  la  graisse  végétale  que 
produit  le  fruit  du  bambuk.  L'arbre  est  de  médiocre  grosseur, 
ses  feuilles  sont  petites  et  rudes,  rendent  un  suc  huileux  quand 
on  les  presse,  le  fruit  est  de  la  grosseur  d'une  noix,  rond  et 
recouvert  d'une  coque  de  couleur  blanche,  tirant  sur  le  rouge  et 
d'odeur  aromatique. 

Beurre  de  cacao.  —  On  donne  le  nom  de  beurre  aux  huiles 
végétales  lorsqu'elles  sont  concrètes.  On  extrait  ce  beurre,  dont  il 
est  question  ici^  de  l'amande  du  cacao,  surtout  de  celui  des  îles, 
légèrement  torréfié  et  chauffé  dans  l'eau  bouillante.  La  chaleur 
de  l'eau  fond  cette  huile  qui  se  sépare  de  l'amande  et  ^rnage  à 
la  surface  du  liquide.  Cette  huile  se  fige  par  le  refroidissement 
et  on  purifie  ce  beurre  par  deux  refontes  successives. 

Beurre  de  coco.  —  Le  coco  fournit  aussi  une  substance 
onctueuse,  grasse  et  concrète,  qu'on  a  nommée  beurre  de  coco  ; 
il  est  doux,  agréable  et  sert  comme  l'autre  à  l'assaisonnement  de 
certains  mets. 

Beurre  de  Galant.  —  C'est  le  produit  d'un  arbre  appelé 
shéa  qui  croît  en  Afrique.  Il  ressemble  au  chêne  américain  ;  on 
en  retire  un  beurre  aussi  savoureux  que  le  meilleur  qu'on  puisse 
extraire  du  lait  animal  ;  mais  l'avantage  qu'il  a  sur  tous  les  autres 
beurres,  c'est  de  se  conserver  toute  une  année  sans  qu'il  soit 
besoin  de  le  saler. 

Beurre  rôti  à  la  Landaise.  —  Salez  d'abord  la  bille  de 
beurre,  cassez  quatre  œufs  entiers,  battez-les  en  omelette,  pré- 
parez de  la  mie  de  pain  blanche  bien  séchée,  ajoutez  un  peu  de 
sel  fin,  roulez  votre  bille  de  beurre  dans  vos  œufs  et  soupoudrez 
de  mie  de  pain,  recommencez  l'opération  jusqu'à  l'absorption  des 
œufs;  mettez  xptre  beurre  en  broche;  à  la  cuisson,  la  croûte 
devient  ferme  et  vous  en  formez  une  croustade  que  vous  servez 
en  place  de  pain  pour  les  huitres.  Buvez  du  vieux  Barsac,  mais 
n'arrosez  pas  avec.  (Formule  de  M.  Vuillemot). 

BIBE.  —  Poisson  des  mers  d'Europe  dont  la  chair  est 
excellente  et  de  facile  digestion. 

Il  ressemble  au  merlan  et  s'apprête  comme  lui. 

BIBLIMBING.  —  Fruit  originaire  de  l'île  de  Java  dont 
l'aigreur  est  tellement  forte  qu'on  ne  peut  le  manger  seul  ;  aussi 
ne  s'en  sert-on  que  pour  mettre  par  tranches  dans  les  soupes 


ajS  BIERE. 

pour  donner  du  goût  ou  bien  encore  pour  en  faire  avec  du  sucre 
une  boisson  rafraichissante. 

BIÈRE.  —  La  bière  est  une  des  boissons  les  plus  anciennes 
et  les* plus  répandues;  les  Egyptiens  passent  pour  Tavoir  connue 
les  premiers. 

C'est  certainement  après  le  vin  la  meilleure  liqueur  fermentée, 
X  elle  est  infiniment  plus  répandue  que  ce  dernier  et  se  fabrique 

/  dans  tout  l'univers. 

On  la  prépare  avec  de  Torge  germée  et  séchée,  du  houblon 
sans  lequel  la  liqueur  s'altérerait  promptement  et  de  Teau  ;  dans 
quelques  pays,  on  la  fait  avec  du  froment,  ou  du  seigle,  ou  du 
maïs  ou  bien  encore  du  millet,  mais  la  plus  estimée  est  celle  qui 
est  préparée  avec  de  l'orge  qu'on  a  fait  germer  pour  y  développer 
un  principe  sucré,  et  torréfier  afin  de  lui  donner  de  l'amertume  et 
de  la  couleur. 

Plus  on  fait  bouillir  la  bière  et  plus  elle  se  conserve;  le 
houblon,  qui  y  entre  pour  une  grande  partie,  la  rend  par  son 
amertume  plus  savoureuse  et  l'empêche  de  s'aigrir. 

Nous  avons  dit  qu'il  fallait  employer  de  l'orge  germée; 
trois  conditions  sont  nécessaires  pour  que  la  germination  ait  lieu  : 
de  l'humidité,  une  certaine  température  et  la  présence  de  l'air. 
Pour  cela,  on  fait  tremper  nne  certaine  quantité  d'orge  dans  un 
grand  bassin  en  pierre  ou  en  bois  dans  lequel  on  a  mis  de  l'eau 
suffisamment  pour  recouvrir  entièrement  l'orge  qu'on  veut  faire 
tremper  jusqu'à  ce  que  les  grains  s'écrasent  entre  les  doigts.  On 
renouvelle  deux  ou  trois  fois  l'eau  du  bassin  pendant  le  cours  de 
l'opération  qui  dure  environ  quarante  heures,  et  quand  les  grains 
sont  arrivés  au  point  convenable  de  gonflement,  on  soutire  l'eau 
et  on  en  passe  une  dernière  pour  les  laver  ;  on  laisse  égoutter  les 
grains  qui  lentement  continuent  à  se  gonfler,  et  au  bout  de  huit 
heures  en  été  et  de  quinze  en  hiver  on  retire  l'orge  que  Ion 
réunit  en  tas  dans  lesquels  il  se  développe  bientôt  de  la  chaleur 
et  on  voit  peu  de  temps  après  de  petits  points  blancs  se  former 
à  l'extrémité  du  grain,  ce  qui  dénote  la  germination  ;  on  remue 
ce  tas  de  temps  en  temps  pour  bien  exposer  toutes  les  parties  à 
l'air,  puis  lorsque  le  grain  est  bien  sec  on  le  met  dans  un  endroit 
également  sec,  où  il  se  trouve  exposé  à  une  température  suffisante 


BIERE. 


^39 


pour  le  torréfier  légèrement;  on  passe  ensuite  lorge  dans  des  cribles 
pour  en«  séparer  tous  les  germes  desséchés  et  on  la  broie  ensuite 
sous  des  meules  de  façon  à  obtenir  une  espèce  de  farine  que  Ton 
place  dans  des  cuves  en  bois  faites  exprès,  on  fait  arriver  dans 
ces  cuves  de  leau  chaude  à  40*^  en  remuant  bien  toute  la  masse 
afin  que  Torge  se  mêle  avec  Teau ,  puis  on  laisse  reposer  un  peu 
et  on  ajoute  encore  de  Teau  plus  chaude,  de  façon  à  faire  mon- 
ter la  chaleur  à  50**,  on  continue  d'agiter,  on  jette  à  la  surface  une 
certaine  quantité  de  farine  de  malt  très-fine,  on  couvre  bien  la 
cuve  et  on  abandonne  la  liqueur  à  elle-même  pendant  quelques 
heures,  puis  on  la  retire  et  on  la  verse  dans  une  chaudière  en  y 
jetant  du  houblon  à  mesure  que  le  moût  de  bière  y  arrive,  on 
porte  ainsi  la  liqueur  jusqu'à  Tébullition,  puis  on  la  fait  refroidir 
dans  des  bacs  en  prenant  bien  soin  que  le  moût  ne  s'aigrisse  pas, 
et  pour  cela  noUs  conseillons  de  faire  passer  la  liqueur  dans  un 
appareil  où  elle  se  trouve  refiroidie  à  mesure  par  un  courant 
d'eau  froide  qui  circule  dans  une  double  enveloppe  en  sens 
inverse  du  moût,  ce  qui  le  fait  refroidir  très-promptement  et 
l'empêche  de  s'aigrir. 

Le  moût  de  bière  abaissé  à  une  température  convenable,  on 
y  ajoute  de  la  levure  ;  bientôt  une  fermentation  s'y  développe 
plus  ou  moins  rapidement,  selon  la  température  ;  alors  on  soutire 
la  bière  dans  les  tonneaux  où  la  fermentation  s'achève  après 
qu'une  écume  épaisse  formée  par  la  levure  s'est  déversée  au 
dehors;  arrivée  à  ce  point,  il  suffit  pour  que  la  bière  puisse 
être  bue,  de  la  clarifier  avec  de  la  colle  de  poisson  et  de  la  tirer 
en  bouteilles. 

Les  bières  les  plus  estimées  aujourd'hui  à  Paris,  sont  celles 
du  Nord,  de  Lyon,  de  Strasbourg,  et  depuis  l'exposition,  la 
fameuse  bière  de  Vienne,  fabriquée  par  M.  Dreher.  Nous  citerons 
aussi  le  porter  de  Londres,  l'aie  d'Edimbourg,  la  bière  rouge 
d'Amsterdam  et  de  Rotterdam,  la  bière  brune  de  Cologne,  le 
faro  de  Bruxelles,  la  bière  de  Louvain,  celle  de  Morlaix,  etc. 

La  bière  est  une  boisson  qui  demande  à  être  tirée  avec 
beaucoup  de  soins  ;  il  ne  faut  pas  manquer  de  bien  rincer 
chaque  fois  les  bouteilles,  de  n'employer  que  des  bouchons  neufs, 
de  coucher  les  bouteilles  au  bout  de  trois  jours  et  de  les  laisser 


240  BIGARADE. 


ainsi  sept  à  huit  jours,  moyennant  cela,  votre  bière  se  conservera 
longtemps. 

Dans  tout  le  nord  de  l'Europe,  on  fait  avec  la  bière  une 
soupe  très-substantielle  et  plus  saine  que  la  plupart  des  aliments 
usités  chez  les  paysans,  et  tout  le  monde  sait  que  le  potage 
indigène  et  nationale  de  la  Russie  est  cette  fameuse  soupe  à  la 
bière  que  Carême,  alors  qu^il  était  maître  d'hôtel  de  l'empereur 
Alexandre,  lui  fit  servir  à  tous  les  repas,  lors  de  son  séjour  à 
Paris. 

Voir  pour  ce  potage  l'article  {Soupe  à  la  bière  à  la  berli- 
noise), 

La  bière,  suivant  le  grain  qu'on  a  employé  pour  la  faire  et 
le  degré  de  fermentation  où  elle  qsX  arrivée,  est  plus  ou  moins 
bonne  à  la  santé.  La  bière  est  en  général  nourrissante  et  rafraî- 
chissante, mais  elle  cause  quelquefois  des  viscosités,  de  la  diffi- 
culté de  respirer,  des  obstructions  et  des  embarras  dans  les 
reins;  au  reste  cela  dépend  des  tempéraments  et  beaucoup  de 
personnes  qui  font  un  usage  fréquent  de  la  bière,  s'en  trouvent 
très-bien. 

Finissons  par  une  petite  anecdote  qui  nous  a  été  racontée 
par  un  ennemi  acharné  de  la  bière. 

Un  malheureux  condamné  à  mort  se  sent  sur  l'échafaud 
,K^  saisi  d'une  soif  terrible  et  demande  de  quoi  se  rafraîchir.  On  lui 

présente  alors  un  verre  de  bière  qu'il  repousse  en  disant  : 

—  Non,  pas  de  bière,  elle  engendre  la  gravelle!... 

Avis  aux  condamnés  à  mort  qui  ont  soif. 

BIGARADE.  —  Sorte  de  citron  trop  amer  pour  être  mangé 
cru.  On  en  fait  des  confitures  agréables;  -son  suc,  comme  celui 
du  verjus,  sert  à  assaisonner  une  foule  de  mets. 

Bigarade  (en  compote).  —  Aplatissez,  dans  un  compotier, 
mais  sans  les  écraser  tout  à  fait,  250  grammes  de  marrons  glacés, 
exprimez  le  jus  de  quatre  bigarades  grillées  et  mêlez-y  un  peu 
de  sucre  en  poudre,  avec  une  demi-cuillerée  de  curaçao,  tournez, 
faites  chauffer  au  bain-marie  et  versez  sur  les  marrons,  faites 
refroidir  cette  préparation,  mais  il  faut  toujours  que  le  sirop 
soit  bouillant  quand  on  le  transvase,  afin  que  les  marrons  s'en 
laissent  imprégner. 


BISCUITS.  341 


BIGARREAU.  —  Espèce  de  cerise  bigarrée  de  rouge  et  de 
blanc;  sa  chair  est  ferme,  et  quoique  mûre  elle  reste  croquante. 
Le  bigarreau  donne  dès  la  mi-juillet,  et  se  mange  à  demi  rouge. 
Il  n*est  d'ailleurs  d'aucun  usage  culinaire. 

BISCOTIN.  —  Pour  opérer  ce  vieux  mets  de  religieuse,  on 
prendra  en  proportion  du  sucre  cuit  à  la  plume,  on  y  mêle  une 
pâte  saupoudrée  de  sucre,  pilée  dans  un  mortier  avec  blanc 
d'œufs,  eau  de  fleur  d'oranger  et  un  peu  d'ambre;  le  tout  étant 
bien  incorporé  se  roule  en  petites  boules  qu'on  jette  dans  une 
poêle  d'eau  bouillante  ;  on  les  égoutte  et  on  les  cuit  à  feu  ouvert. 

BISCOTTES.  —  Faites  des  brioches  en  couronnes  plates, 
coupées  par  tranches  minces  et  faites  dessécher  au  four  à  petit 
feu,  forcez  un  peu  la  levure  et  servez-les  beurrées  et  sucrées  avec 
le  thé. 

BISCUITS.  —  Pâtisseries  fines  et  légères ,  composées 
d'œufs,  dont  les  blancs  doivent  être  battus  jusqu'à  lassitude  de 
poignet,  avec  du  sucre,  de  la  fleur  de  farine  ou  de  fécule  de 
pommes  de  terre,  et  de  quelques  aromates  ou  d'autres  substances 
que  l'on  incorpore  dans  la  pâte. 

Biscuit  de  Savoie.  —  Prenez  douze  œufs  frais,  séparez  les 
jaunes  des  blancs  en  ayant  soin  d'enlever  tout  le  germe  de  l'œuf, 
.c'est-à-dire  le  blanc  (ce  qui  vous  donne  sur  douze  œufs  beau- 
coup de  neige),  mettez  les  jaunes  dans  une  terrine,  ajoutez 
500  grammes  de  sucre  pilé  bien  sec,  mettez  votre  essence  vanille 
ou  citron  zeste;  prenez  deux  spatules,  battez  bien  vos  jaunes 
jusqu'à  ce  qu'ils  blanchissent  et  que  la  pâte  se  boursoufle;  après 
cette  manipulation,  ajoutez  200  grammes  de  farine  de  gruau, 
loo  grammes  de  fécule  de  pommes  de  terre,  faites  bien  sécher 
le  tout  ensemble  ;  passez  au  tamis  de  soie,  amalgamez  farine  et 
fécule. dans  vos  jaunes  et  lissez  la  pâte. 

Prenez  vos  blancs  dans  un  bassin  d'oflîce;  à  Taide  d'un 
fouet  en  buis,  fouettez  doucement  pour  commencer,  et  lorsque 
vos  blancs  sont  bien  fermes,  à  l'état  de  neige,  ajoutez-les  aux 
jaunes  d'œufs,  ayant  soin,  avec  une  simple  spatule,  de  manier 
la  pâte  légèrement  et  de  la  rendre  maléable  à  entonner  dans  une 
bouteille;  faites  clarifier  un  peu  de  beurre;  à  l'aide  d'un  pin- 
ceau, beurrez  bien  toutes  les  parties  du  moule,  laissez  refroidir, 

16 


342  BISCUITS. 


saupoudrez  avec  de  la  glace  de  sucre  bien  sèche  Tintérieur  du 
moule,  incorporez  votre  pâte  dedans,  à  deux  centimètres  de  la 
hauteur  du  moule  en  le  frappant  sur  votre  genou  pour  que  la 
pâte  tienne  bien  au  moule,  mettez  à  four  doux;  deux  heures  de 
cuisson  suffisent,  démoulez^,  et  la  glace  de  votre  sucre  fera  sortir 
du  moule  un  biscuit  bien  glacé  et  d'un  jaune  mat. 

C'est  ainsi  que  nous  procédions  avec  MM.  AUain  et  Chrétien, 
deux  pâtissiers  émérites,  attachés  à  la  maison  du  feu  roi  Charles  X. 
Tous  deux  m'ont  donné  les  principes  de  la  pâtisserie. (Vuillemot.) 

Biscuit  manqué.  —  Le  biscuit  manqué  se  fait  à  seize  œufs 
au  lieu  de  douze;  même  procédé  que  ci -dessus,  seulement 
ajoutez,  après  une  manipulation  légère,  250  grammes  de  bon 
beurre  d'Isigny  fondu  dans  la  pâte,  remuez  le  tout  ensemble  et 
beurrez  une  caisse  carrée  de  quatre  centimètres  de  hauteur, 
renversez  votre  pâte  dedans,  mettez  à  four  doux;  après  cuisson, 
prenez  des  amandes  hachées,  sucrez-les,  ajoutez  deux  blancs 
d'œufs,  faites-en  une  pâte,  mouillez  le  dessus  du  biscuit  avec  de 
l'œuf  battu  sur  la  surface,  étendez  votre  appareil  dessus  d'égale 
épaisseur,  laissez  praliner  au  four  doux,  —  découpez  et  détaillez 
par  petits  gâteaux  carrés  ou  ovales  et  dressez  sur  une  serviette. 
Cet  entremets  de  pâtisserie  est  très-bon. 

On  prétend  que  ce  gâteau  a  pris  le  nom  de  manqué,  de^ 
ce  que   un  apprenti  ayant  pris  du  beurre  fondu  pour   de  la 
génoise,  mit  ce  beurre  dans  la  pâte  à  biscuit,  distraction  de  gâte- 
sauce  qui  devint  une  innovation  culinaire.  La  part  du  hasard 
est  grande  dans  les  inventions  humaines.  (Vuillemot.) 

Biscuit  aux  pistaches.  —  Prenez  250  grammes  de  pistaches 
bien  fraîches,  treize  blancs  d'œufs,  neuf  jaunes,  50  grammes  de 
farine  séchée  et  passée  au  tamis,  enfin  50  grammes  du  plus  beau 
sucre  que  vous  pourrez  trouver,  battez  à  part  les  jaunes  avec  le 
sucre,  fouettez  les  blancs  en  neige,  mêlez  les  blancs  et  les  jaunes, 
répandez  la  farine  sur  le  tout,  ajoutez  la  pâte  de  pistaches  et 
peignez  ce  mélange  avec  du  vert  d'épinards  ;  on  verse  dans  des 
caisses  de  papier  et  on  en  glace  le  dessus  au  sucre  et  à  la  farine, 
on  fait  cuire  dans  un  four  peu  chaud  ou  sous  un  four  de  campagne. 
Biscuit  aux  amandes.  —  Les  biscuits  aux  amandes,  avelines, 
noisettes,    se    font   par    la  même    méthode,  sinon   qu'il    faut 


BISCUITS.  243 


y  ajouter  un  peu  de  fleur  d'oranger  pralinée   en   poudre  ou 
de  la  râpure  de  citron  vert,  en  retrancher  le  suc  d'épinards. 

Biscuits  à  la  cuiller.  —  Faites  une  pâte  plus  légère  que 
pour  le  biscuit  de  Savoie ,  seize  œufs  au  lieu  de  douze , 
500  grammes  sucre,  maniez  légèrement  la  pâte  et  couchez  sur  le 
papier  avec  une  chausse.  Glacez  les  biscuits  et  four  doux  pour 
laisser  grêler  le  sucre  dessus,  attendez  deux  minutes  avant  de 
mettre  au  four. 

Biscuit  au  chocolat,  —  Prenez  douze  œufs,  300  grammes  de 
farine,  650  grammes  de  sucre,  po  grammes  de  chocolat  fin  à  la 
vanille,  le  tout  en  poudre,  battez  les  jaunes  avec  le  chocolat  et 
le  sucre,  ajoutez-y  les  blancs  battus  en  neige,  incorporez-y  la 
farine,  en  remuant  sans  cesse,  mettez  la  pâte  en  moule  et  glacez 
comme  ci-dessus. 

Biscuits  à  couper.  —  Quand  vous  aurez  battu  dix  jaunes 
d'œufs  dans  une  terrine  avec  500  gr.  de  sucre  pulvérisé,  un  peu  de 
sel,  de  fleur  d'oranger  et  de  zeste  de  citron,  vous  les  mêlerez 
avec  les  blancs  bien  fouettés,  passez  dessus,  en  maniant- légère- 
ment^ 60  grammes  de  farine  sèche  dans  un  tamis  de  crin,  dressez 
vos  biscuits  dans  une  caisse  de  papier,  glacez-les  et  mettez-les 
dans  le  four  à  feu  doux  pendant  une  heure  au  moins,  retirez-les 
et  quand  ils  seront  froids  coupez-les  ;  puis  si  vous  voulez  en  faire 
des  biscuits  à  la  bigarade,  au  cédrat,  à  l'orange,  frottez  votre 
fruit  sur  un  morceau  de  sucre  en  pain  pour  qu'il  prenne  le  zeste; 
mettez  ce  parfum  dans  la  glace  et  glacez-en  vos  biscuits  avant  de 
les  mettre  à  l'étuve  ;  on  peut  encore  les  glacer  à  la  fraise,  à  la 
framboise,  à  la  groseille,  en  mêlant  dans  la  glace  les  chairs  de  ces 
fruits  écrasées  et  tamisées. 

Biscuits  soufflés  à  la  fleur  d'oranger.  —  En  mêlant  du  sucre 
en  poudre  passé  au  tamis  avec  un  blanc  d'œuf  frais  séparé  du 
jaune,  faites  une  glace  de  suffisante  consistance.  Quand  elle  sera 
à  point,  mêlez-y  trois  ou  quatre  grammes  de  fleur  d'oranger^ 
pralinée;  remplissez  de  cette  préparation  de  très-petits  caissons  de 
papier,  faites  cuire  à  feu  doux  et  retirez  quand  ils  auront  acquis 
de  la  consistance. 

Petits  biscuits  soufflés  aux  amandes.  —  Faites  praliner  350 
grammes  d'amandes  douces  coupées  en  petits  dés,  mêlez-les  avec 


244 


BISET. 


une  pincée  de  fleur  d'oranger  pralinée,  dans  une  glace  royale, 
faite  avec  deux  blancs  d  œufs  bien  frais,  encaissez  et  faites  cuire 
vos  biscuits  comme  ci-dessus.  Les  petits  biscuits. soufflés  au  rhum, 
au  vin  d'alicante,  aux  liqueurs  des  îles,  à  la  crème,  se  préparent 
de  la  même  manière,  c'est=-à-dire  au  moyen  de  la  même  pâte. 

Biscuits  à  la  génoise.  —  C'est  un  biscuit  croquant  et  le  type 
de  tous  les  autres.  Prenez  500  grammes  de  farine,  120  grammes 
de  sucre,  de  la  coriandre  et  de  Tanis  en  poudre,  ajoutez  quatre 
œufs  et  quantité  suffisante  d'eau  tiède,  pour  faire  une  pâte  levée; 
faites  cuire  dans  la  tourtière,  coupez  ensuite  en  tranches  et  faites 
biscuire. 

Biscuits  à  la  mère  Jeanne.  —  Faites  une  pâte  de  médiocre 
consistance  avec  deux  blancs  d'œufs,  quatre  cuillerées  de  sucre  en 
poudre,  deux  cuillerées  de  farine  et  30  grammes  de  fleur 
d'oranger  pralinée  en  poudre. 

On  prend  de  cette  pâte  plein  une  cuiller  à  café,  et  on  la 
couche  sur  des  feuilles  de  papier  en  formant  des  ronds  de  la 
grandeur  d'une  pièce  de  cinq  francs. 

On  les  met  au  four,  et  on  les  retire  lorsque  les  biscuits  ont 
pris  une  belle  couleur  ;  pour  les  détacher  du  papier,  on  mouille 
la  feuille  par  derrière  avec  une  éponge  ;  on  dépose  les  biscuits 
sur  un  tamis  pour  les  faire  sécher  et  on  les  conserve  dans  des 
bocaux. 

Biscuits  à  Vursuline.  —  Prenez  seize  blancs  d'œufs,  six 
jaunes,  la  râpure  d'un  citron,  i8o  grammes  de  farine  de  riz,  300 
grammes  de  sucre  en  poudre,  60  grammes  de  marmelade  de 
pomme,  60  gramînes  d'abricots,  60  grammes  de  fleur  d'oranger 
pralinée. 

Pilez  dans  un  mortier  les  marmelades  et  la  fleur  d'oranger, 
ajoutez-les  ensuite  aux  blancs  d'œufs  fouettés  en  neige,  battez  les 
jaunes  avec  le  sucre  pendant  un  quart  d'heure,  mélangez  le  tout 
et  battez  encore.  Lorsque  le  mélange  est  parfait,  ajoutez  la  farine 
et  la  râpure  de  citron,  dressez  dans  des  caisses  et  faites  cuire  à  un 
feu  très-modéré. 

Avant  de  mettre  les  biscuits  au  four,  saupoudrez-les  de  sucre 
passé  au  tamis  de  soie.  Et  faites  servir. 

BISET.  —  Espèce  commune  de  pigeon  que  l'on  voit  tour- 


BISON.  ?45 

billonner  par  masses  au-dessus  des  colombiers  des  fermes  et 
s'abattre  dans  la  plaine  si  serrés  les  uns  contre  les  autres,  qu'ils 
semblent  fairç  des  tapis  bariolés  ;  le  biset  mangé  jeune  est  beau- 
coup plus  tendre  que  le  ramier  et  plus  succulent  que  la  grosse 
espèce  appelée  pigeon  de  pied.  On  le  mange  à  la  crapaudine, 
rôti,  aux  pois,  de  la  même  façon  enfin  que  Ton  mange  les  autres 
pigeons.  A  la  broche,  il  est  important  de  Tenvelopper  d'un  triple 
rang  de  feuilles  de  vigne  recouvert  de  bardes  de  lard. 

BISHOP.  —  Liqueur  dont  les  Anglais  réclament  l'invention 
et  qu'ils  ont  appelés  bishop,  c'est-à-dire  évêque.  On  appelle 
ainsi  l'infusion  de  suc  d'orange  et  de  sucre  dans  un  vin  léger  ; 
c'est  une  boisson  fort  en  usage  en  Allemagne. 

Un  Allemand  a  dit  de  ce  mélange,  quand  on  le  fait  avec  du 
vin  de  Bordeaux  ou  de  Bourgogne,  c'est  une  liqueur  d' évêque. 

Si  on  le  fait  avec  du  vin  ueux  du  Rhin,  c'est  une  liqueur 
de  cardinal. 

Si  on  le  fait  avec  du  vin  de  Tokai,  c'est  une  liqueur  de 
pape.  (e^.-F.  Q4ulagnier.  Dictionnaire  des  aliments  et  boissons.) 

BISON.  —  Le  bison,  ou  bœuf  sauvage,  habite  dans  toutes 
les  parties  tempérées  de  l'Amérique  septentrionale  et  produit 
avec  nos  vaches. 

Ce  qui  distingue  le  bison  du  bœuf  est  d'abord  cette  bosse 
qui  s'élève  sur  ses  épaules  et  qui,  comme  celle  du  zébu,  n'est 
formée  que  d'une  masse  graisseuse,  et  varie  suivant  la  grandeur 
ou  l'embonpoint  de  l'animal  ;  il  a  aussi  une  longue  barbe  de 
crin  et  un  toupet  pareil  qui  pend  échevelé  entre  ses  deux  cornes, 
presque  sur  ses  yeux,  ce  qui  lui  donne  un  air  sauvage  et  féroce,  A 

quoiqu'il  soit  fort  doux  et  tout  à  fait  inoffensif.  Son  poitrail  est 
large,  sa  croupe  effilée,  sa  queue  épaisse  et  courte,  ses  jambes 
grosses  et  tournées  en  dehors,  son  poil  roussâtre  et  long  s'élève 
sur  ses  épaules,  et  le  reste  du  corps  est  couvert  d'une  laine  que 
les  Indiennes  tissent  pour  en  faire  des  vêtements,  des  sacs  à  blé 
et  des  couvertures. 

Les  bisons  sont  si  nombreux  dans  les  steppes  du  Missouri, 
que  leurs  troupes  mettent  quelquefois  plusieurs  jours  à  défiler 
quand  ils  émigrent,  leur  marche  fait  trembler  la  terre  et  on  en 
entend  le  bruit  à  plusieurs  milles  de  distance. 


> 


246  BISQUE. 

Les  Indiens  ont  une  danse,  la  danse  du  bison  qui  vient  de  ce 
que  pour  faire  la  cour  à  sa  génisse,  cet  animal  danse  tout  autour 
en  galopant  en  rond.  Immobile  au  milieu  du  cercle  que  décrit 
son  futur  mari,  la  génisse  mugit  doucement,  semblant  encourager 
de  cette  manière  les  avances  que  lui  fait  le  bison. 

La  viande  du  bison,  coupée  en  larges  et  minces  tranches,  se 
fait  sécher  au  soleil,  à  la  fumée,  et  devient  alors  très-savoureuse, 
elle  se  sale  et  se  conserve  plusieurs  années,  comme  celle  du 
jambon.  Elle  a  la  même  saveur  que  celle  du  bœuf  avec  un  petit 
goût  acre  et  sauvage  qui  la  rapproche  de  celle  du  cerf;  dans  les 
vaches,  ce  sont  la  bosse  et  les  langues  que  Ton  estime  le  plus, 
elles  sont  très -bonnes  à  manger  fraîches,  soit  bouillies  soit 
rôties. 

Cet  animal  qsX  très-utile  aux  Indiens;  il  les  nourrit  de  sa 
chair,  les  vêt  de  sa  peau  et  de  sa  laine,  et  sa  fiente  même,  brû- 
lée, donne  une  braise  ardente  dont  ils  se  servent  pour  se  chauffer 
dans  les  savanes  où  le  manque  de  bois  ne  leur  laisse  que  cette 
seule  ressource. 

Le  bison  et  le  sauvage,  a  dit  Chateaubriand,  placés  sur  le 
même  sol,  sont  le  taureau  et  l'homme  dans  l'état  de  nature  ;  ils 
ont  Tair  de  n'attendre  tous  les  deux  qu'un  sillon,  l'un  pour 
devenir  domestique,  l'autre  pour  se  civiliser. 

BISQUE.  —  S'il  était  nécessaire  de  rappeler  à  nos  lecteurs 
bien  appris,  dit  l'auteur  des  Mémoires  de  M"**  de  Créquy,  quelles 
sont  toutes  les  qualités  et  toutes  les  illustrations  de  la  bisque 
nous  commencerions  par  citer,  en  guise  d'épigraphe,  ces  \en 
gaulojs  du  vieux  chapelain  de  François  i*',  Meslin  de  Saint- 
Gelais  : 

Quand  on  est  fébricitant 

Ma  dame  on  se  trouve  en  risque, 

Et  pour  un  assez  long  temps. 

De  ne  jouer  à  la  brisque 

Et  de  mal  disner,  partant, 

De  ne  point  manger  de  bisque, 

Si  rude  et  si  Fascheux  risque, 

Que  je  bisque  en  y  songeant! 

Nous  passerions  ensuite  à  ce  contemporain  de  l'austère  Boi- 
leau,  à  cet  heureux  gourmand  : 


BISQUE.  247 

»  '  ' —  -m 

dont  la  mine  fleurie 

Semblait  d'ortolans  seuls  et  de  bisque  nourrie. 

Vincent  de  la  Chapelle  a  déclaré  que  la  bisque  au  bon  cou- 
lis était  le  plus  royal  des  mets  royaux;  et  M.  de  la  Reynière  nous 
dit  fièrement  que  c'est  un  aliment  princier  ou  financier.  Brillat- 
Sa\'arin,  conseiller  à  la  cour  de  cassation  et  commandeur  de  la 
Légion  d'honneur,  a  dit  dans  sa  physiologie  du  goiit/que  s'il 
restait  dans  ce  monde  une  ombre  de  justice,  on  rendrait  publi- 
quement aux  écrevisses  cuttes,  un  culte  de  Latrie. 

Bisque  d'écrevisses  (potage).  —  Lavez  cinquante  écrevisses  : 
jetez-les  dans  une  casserole^  ajoutez  une  mirepoix  composée  de  ca- 
rottes émincées,  oignons  en  rouelle,  un  bouquet  garni,  assaisonnez 
de  sel,  poivre,  un  peu  de  piment  en  poudre;  mouillez  avec  une 
grande  cuiller  à  pot  de  consommé  et  un  verre  de  madère,  après 
cuisson,  retirez  la  chair  des  queues,  coupez-les  en  dés  et  mettez- 
les  à  part.  Faites  blanchir  125  grammes  de  riz,  faites-le  crever 
au  consommé,  ajoutez-le  aux  carapaces  d'écrevisses  et  à  la  mire- 
poix;  pilez  le  tout  dans  un  mortier,  mouillez  et  passez  le  tout  à 
rétamine;  ajoutez  à  votre  purée  le  bouillon  de  vos  écrevisses, 
tournez-la  sur  le  fourneau  avec  une  cuillier  de  bois,  retirez-la 
avant  son  ébullition  et  enlevez  la  pulpe  de  votre  purée;  ajoutez 
un  morceau  de  beurre  frais,  mettez-le  avant  de  le  servir  au 
bain-marîe,  ajoutez  avec  vos  queues  d'écrevisses  des  petits  croû- 
tons en  dés  passés  au  beurre,  mettez  le  tout  dans  une  soupière, 
versez  le  potage  dessus  et  servez  bien  chaud.  (Vuillemot.) 

Bisque  à  la  normande  (ou  potage  aux  pouparts).  —  Faites 
cuire  vingt  minutes,  avec  de  l'oignon,  du  persil  et  des  tranches 
de  carottes,  deux  douzaines  de  petits  crabes  dans  une  eau  salée, 
laisez  refroidir  dans  leur  cuisson,  égouttez  sans  les  éplucher, 
pilez-les  dans  un  mortier  en  y  joignant  gros  comme  un  œuf  de 
mie  de  pain  tendre  ou  deux  cuillerées  de  riz  cuit  à  la  vapeur; 
mouillez  cette  pâte  avec  du  consommé  si  c'est  au  gras,  avec  des 
quatre  racines  si  c'est  au  maigre  ;  faites-la  passer  à  Tétamine, 
puis,  faites-la  bien  chauffer  au  bain-marie  en  y  ajoutant  votre 
bouillon  gras  ou  maigre.  Ces  crustacés  doivent  être  de  ceux  qu'on 
appelle  pouparts  sur  la  côte  de  Normandie ,  ils  contiennent  plus 


248  BLANC-MANGER 


d'œufs  et  de  laitance  que  tous  les  autres  petits  crabes  connus  sous 
d'autres  noms. 

.    BISTORTE.  —  Espèce   de  renouée,  ainsi  nommée  parce 
que  ses  racines  sont  tortues  et  repliées  en  forme  d'S. 

La  bistorte  quoique  n'ayant  pas  du  tout  une  apparence 
farineuse,  est  très-nourrissante  et  pourrait,  dans  un  cas  de  disette, 
servir  à  l'alimentation  :  on  ne  ferait  en  cela  que  suivre  l'exemple 
des  Samoyèdes  qui  la  mangent  en  place  de  pain. 

BLANC.  —  On  appelle  ainsi  une  composition  dont  l'usage 
est  souvent  ordonné  dans  les  formules  culinaires  :  faites  bouillir 
dans  une  petite  quantité  d'eau  du  lard  râpé,  des  tranches  de 
carottes,  autant  d'oignons,  une  feuille  de  laurier,  du  persil  en 
branche,  et  un  nouet  de  toile  fine  où  vous  aurez  mis  du  poivre 
en  grain  et  quelques  clous  de  girofle;  il  faut  laisser  bouillir  le 
tout  en  le  tournant  sans  cesse  jusqu'à  ce  que  l'eau  soit  entière- 
ment évaporée,  mouillez  alors  avec  une  plus  grande  quantité 
d'eau,  faites  bouillir  de  nouveau,  écumez  avec  soin  et  conservez 
cette  préparation  dans  une  terrine  pour  vous  en  servir  suivant  la 
formule. 

BLANC-MANGER  (suivant  l'ancienne  recette).  —  On  voit 
dans  les  lettres  de  M"**  de  Maintenon ,  que  Fagon  ordonnait  cet 
aliment  dans  les  cas  d'aâ^ections  ou  dispositions  inflammatoires. 

Pilez  125  grammes  d'amandes  mondées  en  y  joignant  un  peu 
d'eau,  pour  empêcher  la  séparation  d'huile,  ajoutez-y  un  litre 
de  consommé  fait  sans  légumes  et  complètement  dégraissé;  à  la 
place  des  légumes  on  met,  dans  le  pot  où  se  fait  le  consommé, 
deux  clous  de  girofle,  un  bâton  de  cannelle  et  un  peu  de  sel; 
quand  le  bouillon  est  bien  mêlé  avec  les  amandes  on  y  ajoute 
60  grammes  de  blanc  de  volaille  rôtie ,  hachée  et  pilée ,  après 
qu'on  en  aura  ôté  la  peau,  les  tendons  et  les  os;  au  lieu  de 
volaille  on  peut  se  servir  de  veau  rôti ,  on  peut  ajouter  aussi 
gros  -comme  un  œuf  de  mie  de  pain  mollet ,  ce  qui  rendra  le 
blanc-manger  plus  épais.  Le  tout  bien  mêlé,  on  étamine  en 
tordant,  et  on  reverse  ce  qui  a  passé  sur  le  marc  en  tordant 
encore  pour  en  extraire  tout  ce  qui  peut  en  être  extrait;  on  verse 
ce  qui  a  passé  dans  un  poêlon  en  y  ajoutant  le  jus  d'une  orange 
et  125  grammes  de  sucre;  on  met  le  poêlon  sur  un  feu  vif,  on 


BLANC-MANGER.  349 


remue  d'abord  pour  que  le  blanc-manger,  s'épaississe ,  et  on  le 
laisse  un  peu  reposer,  ensuite  on  le  remue  de  temps  en  temps 
avec  une  cuiller,  il  est  cuit  quand  il  est  pris. 

((  Blanc-manger  (suivant  la  recette  de  M .  Beauvilliers) . — Ayez 
deux  pieds  de  veau  ;  fendez-les  en  deux,  afin  d'en  ôter  les  gros  os; 
faites-les  dégorger  et  blanchir;  rafraîchissez-les;  mettez-les  dans 
une  marmite,  avec  une  pinte  et  demie  d'eau;  faites-les  partir; 
écumez-les  ;  laissez-les  cuire  deux  ou  trois  heures,  dégraissez  et 
passez  leur  bouillon  au  travers  d'une  serviette  mouillée;  faites 
blanchir  et  émondez  un  quarteron  d'amandes  douces  avec  six 
amères,  pilez-les,  réduisez-les  en  pâte;  ayez  soin  de  les  mouiller 
de  temps  en  temps  avec  un  peu  d'eau  pour  qu'elles  ne  tournent 
point  en  huile  ;  mettez  dans  une  casserole  un  demi-setier  d'eau , 
un  quarteron  et  demi  de  sucre ,  le  zeste  de  la  moitié  d'un  citron 
et  une  bonne  pincée  de  coriandre;  laissez  infuser  le  tout  une 
demi-heure;  retirez-en  la  coriandre  et  le  citron,  versez  cette 
infusion  sur  vos  amandes  ;  passez-la  plusieurs  fois  à  travers  une 
serviette;  ajoutez-y  autant  de  gelée  de  pieds  de  veau  qu'il  en 
faut  pour  que  votre  blanc-manger  soit  délicat,  et  qu'il  puisse 
prendre  suffisamment,  ce  dont  vous  vous  assurerez  en  en  faisant 
l'essai.  Parvenu  à  son  degré  et  d'un  bon  goût,  versez-le  soit  dans 
de  petits  pots,  soit  dans  un  moule  et  faites-le  prendre  à  la  glace 
comme  les  autres  gelées.  Vous  pouvez  faire  ce  blanc-manger, 
ainsi  que  toutes  les  gelées  possibles,  avec  de  la  colle  de  poisson, 
de  la  corne  de  cerf  ou  de  la  mousse  d'Islande.  » 

La  recette  de  M.  Beauvilliers  est  excellente  ;  elle  défie  les 
innovations,  on  aurait  tort  de  ne  la  point  suivre. 

Blanc-manger  frit.  —  Prenez  une  casserole  avec  un  demi- 
litre  de  crème,  un  quart  de  farine  de  riz,  des  zestes  de  citron 
hachés  et  un  peu  de  sel,  laissez  sur  le  feu  trois  heures  en 
remuant  par  intervalles.  Quand  votre  préparation  sera  presque 
cuite,  ajoutez-y  du  sucre,  quatre  massepains  et  six  macarons 
écrasés:  achevez  de  faire  cuire,  cassez  et  incorporez  avec  elle 
trois  œufs  l'un  après  l'autre,  faites  lier  cette  pâte,  étalez-la  sur 
un  couvercle  fariné,  poudrez  de  farine,  et  laissez-la  refroidir. 
Divisez-la  en  petits  carrés,  faites-en  de  petites  boules,  faites 
chauffer  la  friture  dans  une  poêle,  et  au  moment  de  servir,  met- 


2$o  BLOND   DE  VEAU. 


tez-la  dans  une  passoire  dans  laquelle  vous  aurez  versé  vos  pâtes 
remuez  souvent  la  passoire  et  dès  que  vos  boules  auront  une 
belle  couleur,  retirez-les,  goûtez-les,  dressez-les  et  saupoudrez 
de  sucre.  On  peut  hacher  des  blancs  de  volaille  rôtie  et  les  incor- 
porer dans  cette  préparation. 

BLOND  DE  VEAU.  —  Voltaire,  qui  était  toujours  non- 
seulement  quelque  part,  mais  chez  quelqu'un,  et  qui  quelque 
part  qu'il  fût,  écrivait  des  lettres  pour  être  imprimées,  écrivait  de 
Cirey  à  son  ami  Saint-Lambert  :  «  Venez  à  Cirey  ou  M'"*  Ducha- 
telet  ne  vous  laissera  pas  empoisonner;  il  n'y  a  plus  une  cuille- 
rée de  jus  dans  la  cuisine,  tout  s'y  fait  au  blond  de  veau,  nous 
vivrons  cent  ans,  et  nous  ne  mourrons  plus  jamais.  »  Or  la  recette 
de  ce  blond  de  veau  avait  été  donnée  à  M"*®  Duchatelet  par  le 
célèbre  Tronchin,  dont  le  cours  d'hygiène  était  renfermé  dans 
ces  trois  recommandations  :  a  tenez-vous  la  tête  froide,  les  pieds 
chauds  et  le  ventre  libre.  »  Voici  donc  la  recette  de  M"*'  Ducha- 
telet. 

Blond  de  veau  à  la  Duchatelet,  —  «  Garnissez  le  fond  d'une 
casserole  avec  des  tranches  de  veau,  ajoutez-y  des  abatis  de 
volaille  avec  un  peu  de  beurre  ou  du  lard  fondu,  des  oignons, 
des  carottes  et  un  bouquet  garni;  mouillez  avec  une  cuillerée  de 
bouillon,  laissez  réduire  sans  laisser  attacher,  mouillez  encore 
avec  du  bouillon  en  suf&sante  quantité  pour  que  tout  soit  cou- 
vert, faites  bouillir  et  écumez,  ensuite  amortissez  le  feu  et  faites 
recuire  doucement  pendant  deux  heures. 

«  Faites  séparémentun  roux  blanc,  passez-y  des  champignons 
pendant  quelques  minutes,  et  versez-y  le  jus  de  la  viande  en 
remuant  toujours,  pour  que  le  roux  se  mélange  intimement,  faites 
bouillir  et  écumer,  et  tenez  la  casserole  sur  un  feu  doux  pen- 
dant une  bonne  heure,  passez  à  l'étamine  après  avoir  dégraissé.» 

Blond  de  veau  à  la  parisienne,  —  Prenez  deux  casis  et  deux 
jarrets  de  veau,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  quatre  oignons 
que  vous  mouillez  avec  deux  cuillerées  de  bon  bouillon.  Vous 
posez  le  tout  sur  un  fourneau  tout  allumé,  quand  le  bouil- 
Ion  qui  est  dans  la  casserole  est  réduit,  vous  transportez  la  casse- 
role sur  un  feu  doux,  où  votre  veau  devra  suer  sans  que  la 
glace  ait  le  temps  de  s'attacher.  Quand  la  glace  du  fond  de  la 


BCEUF.  351 

casserole  est  de  belle  couleur,  vous  la  remplissez  de  bouillon  soi- 
gneusement écume  et  surtout- n'assaisonnez  pas. 

Blond  de  veau  à  la  Beauvilliers , —  «  Beurrez  le  fond  d'une 
casserole,  mettez-y  quelques  lames  de  jambon,  deux  à  trois  kilos 
de  veau  de  bonne  qualité,  deux  ou  trois  carottes  tournées,  autant 
d'oignons,  mouillez  le  tout  avec  une  cuillerée  de  grand  bouillon, 
faites-le  suer  sur  un  feu  doux,  et  réduire  jusqu'à  consistance 
de  glace;  quand  elle  sera  d'une  belle  teinte  jaune,  retirez-la  du 
feu,  piquez  les  chairs  avec  la  pointe  d'un  couteau  pour  en  faire 
sortir  le  reste  du  jus,  cou\Tez  votre  blond  de  veau,  laissez-le 
suer  ainsi  un  quart  d'heure,  et  mouillez-le  de  grand  bouillon, 
selon  la  quantité  de  vos  viandes,  mettez-y  un  bouquet  de  persil 
et  ciboule,  assaisonné  de  la  moitié  d'une  gousse  d'ail  et  piqué 
d'un  clou  de  girofle,  faites  bouillir  ce  blond  de  veau,  écumez- 
le,  mettez-le  mijoter  sur  le  bord  d'un  fourneau  ;  vos  viandes 
cuites,  dégraissez-le,  passez-le  comme  il  est  dit  à  l'arlicle  pré- 
cédent, et  servez-vous  comme  de  Vempotage^  pour  le  riz,  le 
vermicelle  et  même  vos  sauces.  »  [Recette  de  M.  Beauvillief-s,) 
Non-seulement  avec  cette  recette  on  peut  faire  d'excellents  • 
potages,  mais  un  bon  velouté  et  une  bonne  espagnole  {voir 
Sauces). 

BAOBAB.  —  Arbre  qui  produit  un  fruit  connu  au  Séné- 
gal sous  le  nom  de  pain  de  singe,  parce  que  cet  animal  s'en  nour- 
rit beaucoup;  on  ne  s'en  sert  guère  que  pour  faire  une  boisson 
rafraîchissante  en  exprimant  son  suc  et  le  mêlant  avec  du  sucre. 

BODIAN.  —  Poisson  dont  il  existe  plusieurs  variétés  étran- 
gères, sa  chair  est  excellente. 

BŒUF.  —  On  se  plaint  de  la  décadence  de  la  cuisine; 
cette  décadence  est  bien  plutôt  l'œuvre  des  maîtres  que  des  servi- 
teurs. Autrefois  les  grands  gastronomes,  comme  le  maréchal  de 
Richelieu,  le  duc  de  Nivernais  et  le  comte  d'Escur,  faisaient  une  ^ 

fois  au  moins  par  semaine  venir  leur  maître  d'hôtel,  pour  lui 
demander  où  on  en  était  des  découvertes  culinaires  ;  les  conver- 
sations savantes  entre  le  maître  et  le  serviteur  faisaient  avancer  à 
grands  pas  la  science  gastronomique,  en  mettant  le  maître  en  face 
de  la  grande  pratique  et  le  cuisinier  en  face  de  la  grande  théorie. 
Quand  M.  le  duc  de  Nivernais  était  obligé  de  changer  ses  chefs 


X 


353  BCEUF. 

de  cuisine  ou  qu'ils  avaient  appris  quelques  nouveautés  qui  lui 
paraissaient  admissibles ,  il  avait  la  patience  et  la  conscience  de 
s'en  faire  servir  et  d'y  goûter  huit  jours  de  suite  afin  de  conduire 
et  de  faire  aboutir  la  chose  au  point  de  sa  perfection.  Il  avait  le 
palais  tellement  bien  exercé  qu'il  pouvait  distinguer  si  le  blanc 
d'une  aile  de  volaille  provenait  du  côté  du  fiel.  Quant  à  M.  de 
Richelieu,  c'était  le  côté  pratique  surtout  qu'il  connaissait  mieux 
que  le  meilleur  maître  d'hôtel.  Une  anecdote  est  parfois  plus 
probante  qu'une  règle  de  trois. 

C'était  à  la  guerre  de  Hanovre,  où  le  pays  se  trouvait  dévasté 
tout  autour  de  l'armée  française  à  plus  de  quatre-vingts  kilomètres 
à  la  ronde,  on  avait  fait  prisonnier  tous  les  princes  et  toutes  les 
princesses  d'Ostfrise,  au  nombre  de  vingt-cinq  personnes,  aux- 
quelles il  est  bon  d'ajouter  une  assez  raisonnable  suite  de  filles 
d'honneur  et  de  chambellans.  Le  maréchal  de  Richelieu  avait 
résolu  de  leur  donner  la  clef  des  champs,  mais  avant  de  lâcher 
prise,  il  imagina  de  leur  offrir  à  souper,  ce  qui  mit  ses  ofiîciers 
de  bouche  au  désespoir. 

Mais  quand  M.  de  Richelieu  avait  résolu  quelque  chose,  il 
fallait  que  la  chose  s'exécutât.  Il  réunit  tous  ses  officiers  de  bouche. 

«  Qu'avez-vous  à  la  cantine,  messieurs,  leur  demanda-t-il? 

—  Monseigneur,  il  n'y  a  rien. 

—  Comment  rien? 

—  Rien  du  tout. 

—  Mais  pas  plus  tard  qu'hier,  j'ai  vu  deux  cornes  passer 
par  la  fenêtre. 

—  C'est  vrai,  monseigneur,  il  y  a  un  bœuf  et  quelques 
racines,  mais  que  voulez- vous  faire  de  cela? 

—  Ce  que  j'en  veux  faire,  mais  pardieu  j'en  veux  faire  le 
plus  beau  souper  du  monde. 

—  Mais,  monseigneur,  on  ne  pourra  jamais. 

—  Allons  donc,  on  ne  pourra  jamais.  Rudière,  écrivez  le 
menu  que  je  vais  vous  dicter,  pour  mâcher  la  besogne  à  ces 
ahuris  de  Chaillot.  Savez-vous  comment  on  écrit  le  tableau  d'un 
menu ,  Rudière  ? 

—  Mais,  monseigneur,  j'avoue... 

—  Rendez-moi  votre  place  et  votre  plume.» 


BŒUF. 


2^3 


Et  voilà  le  généralissime  qui  s'assied  à  la  place  de  son 
secrétaire  et  qui  improvise  un  souper  classique,  un  menu  qui  a 
été  recueilli  dans  la  collection  de  M.  de  la  Poupelmière, 
et  voici  comment  il  est  inscrit  dans  les  nouvelles  à  la  main. 

MENU   D'UN   EXCELLENT   DINER  TOUT  EN   BŒUF. 

DORMANT. 

L€  grand  plateau  de  vermeil  avec  la  figure  équestre  du  Roi; 
Les  statues  de  Duguesclin^  de  Dunois^  de  Bayard  et  de  Turenru; 
Ma  vaisselle  de  vermeil  avec  les  armes  en  relief  écaillé. 


PREMIER    SERVICE. 


Une  oille  à  la  garbure  gratinée  au  consommé  de  bœuf. 

QUATRE    HORS-d'œUVRE. 


Palais  de   notre   bœuf  à   la  Sainte- 

Menehould. 
Petits  pâtés  de  hachis  de  filet  de  bœuf 

à  la  ciboulette. 


Les  rognons  de  ce  bœuf  à  Toignon 

frit. 
Gras-double  à  la  poulette  au  jus  de 

citron. 


RELEVÉ    DE    POTAGE. 

La  culote  de  bœuf  garnie  de  racines  au  jus. 
(Tourne^  grotesquement  vos  racines^  à  cause  des  Allemands.) 

SIX    ENTRÉES. 


La  queue  du  bœuf  à  la  purée  de  mar- 
rons. 

Sa  langue  en  civet  {à  la  bourgui- 
gnonne) . 

Les  paupières  du  bœuf  à  Testafoulade 
aux  capucines  confites. 


La  noix  de  notre  bœuf  b  raisée  au  cèle  ri . 

Rissolés  de  bœuf  à  la  purée  de  noi- 
settes. 

Croûtes  rôties  à  la  moelle  de  notre 
bœuf.  (Le  pain  de  munition  vaudra 
l'autre.) 


SECOND    SERVICE. 


L'aloyau  rôti  {Vous  l'arrosere{  de  moelle  fondue) . 
Salade  de  chicorée  à  la  langue  de  bœuf. 
Bœuf  à  la  mode  à  la  gelée  blonde  mêlée  de  pistache. 
Gâteau  froid  de  bœuf  au  sang  et  au  vin  de  Juranson  {ne  vous  y 
trompe^  pas). 


254 


BŒUF. 


SIX    ENTREMETS. 


Navets    glacés     au    suc     de    bœuf 

rôti. 
Tourte  de  moelle  de  bœuf  à  la  mie 

de  pain  et  au  sucre  candi. 
Aspic  au  jus  de  bœuf  et  aux  zestes  de 

citron  pralinés. 


Purée  de  culs  d'artichauts  au  jus  et 

au  lait  d'amandes. 
Beignets  de  cervelle  de  bœuf  marinée 

au  jus  de  bigarades. 
Gelée  de  bœuf  au  vin  d'Alicante  et 

aux  mirabelles  de  Verdun. 


Et  puis  tout  ce  qui  me  reste  de  confitures  ou  conserves. 

Sij  par  un  malheureux  hasard  ^  ce  repas  n! était  pas  très-bon  ^  Je  ferai  retenir  sur 
Us  gaçes  de  Maret  et  de  RouqueUre  une  amende  de  loo  pistoles.  AlU^^  et  ne 
doute^  plus, 

Richelieu. 

« 

M.  Vuillemot,  qui  raconte  volontiers  cette  anecdote,  ne 
manque  jamais  de  raccompagner  de  savants  commentaires. 
Selon  cet  habile  opérateur,  la  tourte  à  la  moelle,  denàandée  par 
le  galant  maréchal,  est  un  mets  hérétique;  le  pied  de  bœuf  à  la 
poulette  est  oublié  à  tort  sur  le  menu;  les  beignets  de  cervelle 
sont  un  hors-d'œuvre  et  ne  sauraient  devenir ,  même  de  par  le 
vouloir  de  Firrésistible  duc,  un  entremets.  M.  Vuillemot  fait 
observer  que,  pour  le  malheur  du  menu  bovin,  le  gras-double 
à  la  mode  de  Caen  était  inconnu  au  xviii*  siècle. 

Sans  le  bœuf,  dit  BufFon,  on  aurait  beaucoup  de  peine  à 
vivre  ;  la  terre  demeurerait  inculte,  les  champs  et  même  les 
jardins  seraient  secs  et  stériles  ;  il  est  le  domestique  de  la  ferme, 
le  soutien  du  ménage  champêtre  ;  il  fait  toute  la  force  de  l'agri- 
culture ;  et  aussi  les  anciens  regardaient-ils  comme  un  crime  de 
se  nourrir  de  sa  chair.  Pline  rapporte  qu'un  citoyen  fut  banni  pour 
avoir  tué  un  bœuf.  Valère-Maxime  dit  la  même  chose.  Les 
Grecs  modernes  n'en  mangeaient  point,  par  respect  pour  l'animal 
laboureur.  Dans  les  villages  indous,  celui  qui  mange  de  sa  chair 
est  regardé  comme  infâme.  Les  Égyptiens  consultaient  le  bœuf 
Apis  comme  un  oracle.  C'est  peut-être  par  un  reste  de  cette 
vénération  qu'à  Paris  on  promène  chaque  année  le  bœuf  gras. 
Cet  animal  change  de  nom  d'après  son  âge,  il  est  d'abord  veau, 
puis  bouvillon  et  enfin  bœuf.  Il  y  en  a  de  plusieurs  espèces,  de 
plusieurs  grandeurs  et  grosseurs,  et  ceux  d'Egypte,  par  exemple, 
sont  plus  gros  que  ceux  de  la  Grèce;  de  même  qu'en  France,  nos 


BCEUF.  2$$ 

meilleurs  bœufs  sont  fournis  par  l'Auvergne  et  la  Normandie. 
Lors  de  la  découverte  de  TAmérique,  on  n'y  trouva  pas  le  bœuf; 
mais  importé  par  les  Espagnols,  il  s'y  multiplia  considérable- 
ment, et  est  devenu  depuis  un  des  mets  favoris  des  Américains, 
qui,  comme  les  Anglais,  proclament  en  tout  et  pour  tout  la 
supériorité  du  bœuf  sur  les^  autres  viandes.  Sa  chair  est  celle 
qu'on  emploie  le  plus  généralement,  elle  nourrit  bien  et  la 
digestion  s'en  fait  facilement  quand  çlle  est  de  bonne  qualité, 
Elle  n'est  cependant  pas  aussi  bonne  dans  tous  les  pays,  elle 
diffère  aussi  d'après  les  pâturages.  La  viande  est  excellente 
quand  l'animal  est  jeune  et  gras,  et  convient,  en  général,  à 
tout  te  monde,  mais  plus  encore  à  ceux  qui  ont  un  bon  esto- 
mac ,  qui  font  beaucoup  d'exercice  et  qui  ont  besoin  d'être 
bien  nourris.  Les  personnes  sédentaires,  les  convalescents,  les 
estomacs  faibles  ne  doivent  en  faire  usage  qu'après  avoir  consulté 
leurs  forces.  La  viande  de  bœuf  est  aussi  celle  qui  donne  le  meil- 
leur bouillon. 

Nous  allons  indiquer  maintenant  quelques-unes  des  nom- 
breuses manières  d'accommoder  le  bœuf  et  de  le  manger. 

Les  parties  les  plus  recherchées  sont  la  culotte,  l'aloyau,  la 
noix,  les  entre-côtes,  les  côtes  et  la  poitrine  ;  l'épaule,  que  les 
bouchers  nomment  paleron,  ^st  inférieure  aux  parties  élancées, 
le  flanchet,  le  collier  et  la  tête  sont  les  parties  les  moins  estimées 
comme  le  filet  mignon  est  ce  qu'il  y  a  de  plus  délicat  ;  laissons  de 
côté  la  cervelle  qui  est  rarement  bonne  chez  le  bœuf,  attendu  l'habi- 
tude qu'on  a  en  France  de  les  assommer.  On  fait  de  la  langue  et  du 
palais  sous  divers  ibrmes  des  mets  assez  délicats,  les  rognons  sont 
ce  qu'il  y  a  de  plus  grossier  dans  le  bœuf,  quoique  ce  soit  souvent 
avec  eux  que  l'on  fasse  des  rognons  au  vin  de  Champagne; 
comme  il  semble  que  la  destination  naturelle  du  bœuf  soit  de 
faire  du  bouillon,  commençons  l'énumération  des  plats  qu'il 
fournit  par  celle  de  bœuf  bouilli. 

Le  bœuf  bouilli  est  fort  méprisé  des  gastronomes,  qui 
l'appellent  de  la  viande  sans  jus  ;  mais  il  est  la  providence  des 
pauvres  gens  et  des  petits  ménages,  à  qiii  il  fournit,  non-seule- 
ment le  diner  du  jour,  mais  le  déjeuner  du  lendemain. 

Nous  dirons  plus  tard^  à  l'article  bouillon,  la  manière  de 


256  BCEUF. 

faire  le  bouillon  le  meilleur  possible;  ici  nous  ne  nous  occupons- 
que  du  bœuf. 

La  manière  la  plus  habituelle  de  servir  le  bœuf  et  hâtons- 
nous  de  dire  que,  dans  ce  cas,  le  morceau  qui  offre  le  plus  de 
sapidité  est  la  pointe  de  culotte,  la  manière,  disons-nous,  la  plus 
habituelle  de  servir  le  bœuf,  est,  après  l'avoir  fait  égoutter,  de  le 
servir  sur  un  plat  entouré  soit  de  persil,  soit  de  pommes  de  terre 
frites,  soit  d'une  sauce  tomate,  soit  d'oignons  glacés  ;  vous  trou- 
verez tous  ces  accompagnateurs  fidèles  du  bœuf,  chacun  à  sa 
lettre. 

Bœuf  garni  aux  choux .  —  Prenez  deux  ou  trois  choux, 
coupez-les  par  quartiers,  lavez-les,  faites-les  blanchir  ;  lorsqu'ils 
seront  blanchis,  rafraîchissez-les,  fîcelez-les,  mettez-les  dans  une 
marmite,  mouillez-les  avec  du  bouillon,  si  vous  avez  une  braise 
ou  quelques  bons  fonds  servez-vous-en,  ajoutez-y  quelques 
carottes,  deux  ou  trois  oignons,  dont  un  piqué  de  trois  clous  de 
girofle,  une  gousse  d'ail,  du  laurier  et  du  thym  ;  de  plus,  pour 
que  vos  choux  soient  bien  nourris,  ajoutez-y.  le  derrière  de  votre 
marmite,  laissez-mijoter  trois  ou  quatre  heures,  égouttez  vos 
choux  sur  un  linge  blanc,  pressez-les  pour  en  faire  sortir  la 
graisse  en  leur  donnant  la  forme  d'un  rouleau  à  pâte,  dressez- 
les  autour  de  votre  pièce,  masquez-4a,  ainsi  que  vos  choux,  avec 
une  espagnole  réduite  et  servez. 

Pièce  de  bœuf  au  pain  perdu.  —  Si  vous  n'avez  pas  une 
culotte  de  bœuf,  prenez  un  aloyau  ou  seulement  une  partie, 
levez  le  filet  mignon,  il  vous  servira  pour  faire  une  entrée,  dres- 
sez le  reste,  ficelez-le,  roulez-le  en  manchon,  marquez-le  comme 
une  pièce  de  bœuf  ordinaire  et  faites-le  cuire,  coupez  des  lames 
de  pain  mollet  en  queue  de  paon  ou  en  cœur,  cassez  trois  œufs, 
battez-les  comme  une  omelette,  assaisonnez  d'un  peu  de  sel  et 
de  crème,  trempez-y  vos  lames  de  pain,  faites -les  frire  dans  du 
beurre,  ayez  soin  de  les  retourner  les  unes  après  les  autres  lors- 
qu'elles seront  d'une  belle  couleur,  égouttez-les  sur  un  linge  blanc, 
la  cuisson  de  votre  pièce  de  bœuf  ou  d'aloyau  étant  achevée 
égouttez-la,  après  l'avoir  déficelée,  vous  la  poserez  sur  le  plat, 
vous  rangerez  autour  d'elle  vos  lames  de  pain,  faites  sautez  le  tout, 
soit  avec  une  espagnole,  soit  avec  une  sauce  hachée,  et  servez. 


BŒUF.  257 

Pièce  de  bœuf  à  Vécarlate.  —  Prenez  tout  ou  partie  d'une 
culotte  de  bœuf,  laissez-la  se  mortifier  trois  jours  ou  plus, 
désossez,  lardez,  avec  assaisonnement  :  persil,  ciboules,  poivre  et 
épices,  frottez  de  sel  très-sec  tamisé  avec  30  ou  60  grammes  de 
salpêtre  purifié,  mettez  votre  pièce  dans  une  terrine  d'office,  avec 
genièvre,  thym,  basilic,  ciboule,  ail,  clou  de  girofle  et 
oignon,  enveloppez  d'un  linge  et  couvrez-la  d'un  vase,  laissez- 
la  ainsi  huit  jours,  retournez-la  et  recouvrez-la  avec  le  même 
soin,  et  laissez-la  encore  trois  ou  quatre  jours,  ensuite  retirez-la 
et  faites-la  égoutter,  mettez  dans  une  marmite  de  l'eau,  assai- 
sonnée de  carottes,  oignons  et  d'un  bouquet,  faites-la  partir,  et 
lorsque  votre  eau  sera  au  grand  bouillon,  mettez-y  votre  culotte, 
après  l'avoir  enveloppée  d'un  linge  blanc,  que  vous  ficellerez, 
faites-la  cuire  ainsi  pendant  quatre  heures  sans  interruption, 
après  retirez-la  pour  la  placer  dans  une  terrine  de  sa  forme, 
jetez  dessus  l'assaisonnement  dans  lequel  elle  a  cuit,  et  laissez-la 
refroidir,  servez-la  sur  une  serviette  comme  un  jambon,  avec  du 
persil  vert  autour.. 

Si  vous  la  voulez  servir  chaude,  mettez-la  sur  un  plat 
comme  une  pièce  de  bœuf,  avec  un  bon  jus  de  bœuf  corsé,  et 
autour  du  raifort  ou  du  cran  râpé. 

Culotte  de  bœuf  à  la  gelée  ou  à  la  royale.  —  Prenez  une 
culotte  ou  une  partie,  choisissez-la  de  bonne  qualité  et  qu'elle 
soit  bien  couverte,  dressez-la,  lardez-la  de  gros  lard,  comme  la 
culotte  à  l'écarlate,  et  assaisonnnez  ces  lardons  de  même, 
enveloppez-la  dans  un  linge  blanc,  ficelez-la,  mettez-la  dans 
une  braisière,  au  fond  de  laquelle  vous  aurez  mis  les  os  de 
votre  culotte,  cinq  ou  six  carottes,  quatre  oignons,  deux  gousses 
d'ail,  un  bouquet  de  persil  et  de  ciboules,  deux  feuilles  de 
laurier,  un  jarret  de  veau,  un  verre  de  vin  blanc,  du  sel  ce  qu'il 
en  faut  pour  qu'elle  soit  d'un  bon  goût,  deux  ou  trois  cuillerées 
à  pot  de  bouillon  ;  faites-la  partir  sur  un  bon  feu,  couvrez-la  de 
trois  épaisseurs  de  papier  beurré,  couvrez  votre  braisière  avec 
son  couvercle,  faites-la  aller  doucement  avec  feu  dessus  feu 
dessous  environ  quatre  heures  ;  lorsque  votre  culotte  sera  cuite, 
retirez-lgi,  laissez-la  refroidir  dans  le  linge,  passez  son  fond  à 
travers  une  serviette  que  vous  aurez  eu  soin  de  mouiller  afin  que 

17 


2$%  BŒUF. 

s 

la  graisse  ne  passe  pas  avec,  laissez-la  refroidir,  fouettez  avec 
une  fourchette  deux  blancs  d*œufs  avec  un  peu  d'eau,  jetez-les 
dans  votre  fond  encore  tiède,  remuez-le,  mettez-le  sur  le  feu 
jusqu'à  ce  qu'il  commence  à  bouillir,  retirez-le,  couvrez-le  avec 
un  couvercle  sur  lequel  vous  mettrez  quelques  charbons 
ardents,  laissez  dans  cet  état  votre  fond  près  d'un  quart  d'heure, 
levez  le  couvercle,  si  votre  fond  est  limpide,  passez-le  de  nouveau 
à  travers  un  linge  mouillé  et  tordu,  faites  refroidir  votre  gelée 
pour  voir  si  elle  est  trop  forte  ou  trop  légère.  Dans  le  premier 
cas,  mettez-y  un  peu  de  bouillon  ;  dans  le  second,  faites-la  cuire 
de  nouveau  avec  un  jarret  de  veau  et  clarifiez-la  encore,  ainsi 
qu'il  est  dit  plus  haut. 

«  Si  elle  n'était  pas  assez  ambrée,  vous  pourriez  y  mettre  un 
peu  de  jus  de  bœuf;  si  vous  voulez  décorer  votre  pièce  de  diffé- 
rentes couleurs,  telles  que  rouge  et  vert,  vous  pouvez,  pour  la 
première,  employer  un  peu  de  cochenille,  après  l'avoir  fait  infuser 
sur  un  feu  doux,  et  en  mettre  seulement  quelques  gouttes, 
jusqu'à  ce  que  vous  ayez  atteint  le  rouge  que  vous  désirez  :  le 
mieux  est  que  la  couleur  ne  domine  pas.  Si  vous  la  désirez  verte, 
prenez  un  peu  de  jus  d'épinards  à  cru,  mcttez-ca  également  fort 
peu,  afin  de  conserver  la  limpidité  de  votre  gelée.  Si  vous  n'aviez 
pas  de  cochenille  et  que  ce  fût  en  hiver,  vous  la  remplaceriez 
aisément  en  substituant  un  peu  de  jus  de  betteraves  rouges,  pilées 
à  cru,  et  en  agissant  comme  pour  la  cochenille  ;  vous  coulez 
toutes  ces  gelées  dans  des  vases  disposés  de  manière  à  pouvoir 
couper  vos  gelées  de  l'épaisseur  d'un  pouce  ou  moins,  et  de 
diverses  façons,  pour  en  décorer  à  volonté  la  pièce  à  servir, 
comme  si  c'était  des  rubis  ou  émeraudes  ;  ensuite  déballez  votre 
pièce,  parez-la  sur  tous  les  sens,  ôtez  légèrement  la  peau  de  la 
première  graisse  qui  la  couvre,  mettez-la  sur  un  plat,  qu'elle 
soit  d'aplomb,  garnissez-la  de  gelée ,  faites  une  bordure  de  cou- 
leurs, en  les  plaçant  alternativement,  l'une  rouge  et  l'autre  verte, 
comme  le  sont  les  diamants  d'une  couronne,  et  servez.  »  (Recette 
originale  et  manuscrite  de  V.  de  la  Chapelle,  à  la  Bibliothèque 
impériale.  ) 

Rosbifs  rond-bif  ou  corne-bif.  —  Prenez  un  morceau  gras 
de  cuisse  de  bœuf,  coupez  au-dessus  de  la  culotte,  de  façon  que 


BŒUF  259 

le  gros  os  se  trouve  au  milieu,  sciez  cet  os,  faites  sécher  et  piler 
I  à  2  kilos  de  sel,  tamisez  ce  sel,  mêlez-y  un  peu  d'épices  fines  et 
d'aromates  en  poudre,  frottez-en  toutes  les  parties  de  votre  bœuf, 
mettez-le  dans  une  grande  terrine  de  grès  avec  le  restant  de 
votre  assaisonnement;  couvrez-le  d'abord  d'un  linge,  fixez  ce 
linge  avec  de  la  ficelle  autour  de  la  terrine  et  couvrez-le  bien, 
mettez-la  au  frais  trois  ou  quatre  jours;  après,  retournez  dans  son 
assaisonnement  votre  pièce  de  bœuf,  faites-en  de  même  tous  les 
deux  jours,  durant  huit  ou  neuf  jours.  Lorsque  vous  voudrez 
vous  en  servir,  retirez-la,  laissez-la  égoutter  et  ficelez-la,  mettez 
de  l'eau  dans  une  casserole  ronde,  avec  navets,  carottes,  oignons, 
quatre  clous  de  girofle,  quatre  feuilles  de  laurier  ;  faites  bouillir 
cet  assaisonnement  et  mettez-y  votre  pièce  de  bœuf,  posez-la  sur  une 
feuille  de  turbotière,  afin  de  pouvoir  l'enlever  sa  cuisson  faite, 
sans  la  casser,  faites-la  bouillir  durant  trois  heures,  retirez-la, 
dressez-la  sur  votre  plat,  garnissez-la  des  légumes  avec  lesquels 
elle  aura  cuit,  et  servez-la  avec  deux  saucières,  une  de  sauce  au 
beurre  etl'autre  de  jus  de  bœuf.  Surtout  n'oubliez  pas  deux  pieds 
de  veau  désossés  pour  gélatine. 

Bœuf  à  la  mode,  à  la  bourgeoise,  —  Prenez  de  préférence 
le  milieu  de  la  culotte  ou  tranche  grasse,  lardez-la  de  gros  lard, 
mettez-la  dans  une  terrine  avec  deux  carottes,  quatre  oignons 
dont  un  piqué  de  deux  clous  de  girofle,  ail,  thym,  laurier,  sel  et 
poivre,  vous  verserez  sur  le  tout  un  grand  verre  d'eau,  un  demi- 
verre  de  vin  blanc  ou  une  cuillerée  d'eau-de-vie,  faites  cuire 
jusqu'à  ce  que  votre  viande  soit  très-tendre,  ensuite  dégraissez, 
passez  votre  jus  au  tamis,  et  servez  ;  il  faut  cinq  ou  six  heures 
pour  faire  un  bon  bœuf  à  la  mode. 

Langue  de  bœuf  sauce  hachée.  —  Il  faut  la  mettre  pendant 
vingt-quatre  heures  dégorger  à  l'eau  fraîche  en  la  changeant 
plusieurs  fois  d'eau,  plongez-la  plusieurs  fois  dans  l'eau  bouil- 
lante pour  la  blanchir,  râ tissez-la  pour  enlever  la  peau  et  la 
parer,  piquez-la  de  gros  lardons,  assaisonnez-les  de  poivre,  de 
sel,  de  muscade,  persil,  échalotes  hachées,  faites-la  cuire  cinq 
heures  dans  une  braise. 

Composition  de  la  braise.  Garnissez  une  braisière  ou  une 
daubière  de  bardes  de  lard,  d'un  pied  de  veau  découpé,  pour 


26o  BŒUF. 

rendre  la  sauce  gélatineuse,  à  défaut  de  pied  de  veau,  prenez  un 
bon  morceau  de  couenne  de  lard  salé,  mettez  sel,  poivre,  bouquet 
de  persil,  ciboule,  thym,  laurier,  clous  de  girofle,  oignons  et 
carottes,  mettez  sur  cet  assaisonnement  votre  langue  de  bœuf, 
ajoutez  un  verre  de  vin  blanc,  un  demi-verre  d'eau-de-vie,  un 
verre  d'eau  ou  de  bouillon,  couvrez  d'un  papier  beurré,  recou- 
vrez bien  hermétiquement  votre  casserole  avec  un  couvercle  afin 
qu'il  n'y  ait  point  d'évaporation,  faites  cuire  à  petit  feu 
pendant  plusieurs  heures,  puis  retirez  votre  langue,  fendez-la 
en  long  sans  la  séparer,  dressez-la  sur  un  plat,  dégraissez  la 
cuisson,  passez -la,  mouillez-en  un- roux,  faites  réduire,  joignez- 
y  un  peu  d'échalotes,  de  persil,  de  champignons,  de  cornichons 
hachés  fin,  poivrez,  faites  bouillir  pendant  cinq  minutes  et 
servez. 

Langue  de  bœuf  piquée  rôtie.  —  Préparez  votre  langue 
comme  pour  une  braise,  faites-la  cuire  avec  deux  cuillerées  de 
bouillon,  tranches  de  lard,  bouquet  garni,  deux  oignons  dont 
un  piqué  de  deux  clous  de  girofle;  lorsqu'elle  sera  aux  trois 
quarts  cuite,  retirez-la,  faites-la  refroidir,  piquez-la  de  gros  lard 
dans  l'intérieur  et  de  fin  par-dessus,  mettez-la  ensuite  à  la 
broche  pendant  une  heure,  servez  ensuite  une  sauce  piquante 
dans  une  saucière. 

Langue  de  bœuf  au  gratin.  —  Coupez  en  tranches  très- 
minces  une  langue  de  bœuf  cuite  à  la  broche  ou  à  la  braise, 
prenez  le  plat  dans  lequel  vous  comptez  la  servir  sur  la  table, 
mettez  dans  le  fond  un  peu  de  bouillon,  un  filet  de  vinaigre, 
des  cornichons,  persil,  ciboules,  échalotes,  un  peu  de  cerfeuil,  le 
tout  haché  très-fin,  sel,  gros  poivre,  chapelure  de  pain.  Couchez  en 
dessus  cette  préparation  les  tranches  de  votre  langue,  assaison- 
nez-la dessus  comme  vous  avez  fait  dessous,  finissez  par  la 
chapelure,  mettez  le  plat  sur  un  fourneau  à  petit  feu,  faites 
bouillir  jusqu'à  ce  qu'il  se  gratine,  et  en  le  servant  délayez-le 
d'un  peu  de  bouillon. 

Les  restes  de  langue  cuite  à  la  braise  ou  à  la  broche  peuvent 
être  coupés  par  tranches,  panés  à  la  Sainte-Menehould,  servis  sur 
une  sauce  à  volonté  en  papillottes  comme  les  côtelettes  de  veau. 

Biftecks  (cuits  selon   la  méthode  de  M.  Gogué).  —   Les 


BŒUF.  261 

biftecks  doivent  être  pris  soit  dans  les  côtes,  soit  dans  le  filet  du 
bœuf;  après  avoir  choisi  le  morceau  qui  vous  convient,  vous  le 
parez  en  ayant  soin  de  ne  laisser  aucune  partie  nerveuse,  puis 
vous  le  coupez  en  portions  de  la  même  épaisseur  (deux  ou  trois 
centimètres)  et  vous  aplatissez  légèrement  chacun  des  morceaux, 
auxquels  vous  donnez  la  forme  ronde.  Trempez  les  biftecks  dans 
de  rhuile  d'olive,  si  vous  voulez  les  rendre  plus  tendre,  ou  bien 
dans  du  beurre  fin,  que  vous  aurez  fait  fondre  et  dans  lequel 
vous  aurez  mis  une  pincée  de  sel. 

Ayez  alors  une  bonne  braise,  claire,  ardente,  sans  fumerons 
et  sans  autres  corps  étrangers  qui  puissent  produire  de  la  fumée. 
Placez  sur  cette  braise  le  gril  bien  nettoyé,  et  sur  le  gril  les 
biftecks  préparés,  ainsi  quHl  a  été  dit.  Surveillez-les,  mais  n'y 
touchez  plus,  jusqu'à  ce  que  le  moftient  de  les  retourner  soit 
arrivé,  ce  moment  vous  est  indiqué  par  des  bulles  qui  se  forment 
à  la  partie  supérieure  de  la  viande.  Une  fois  retournés,  ils  ne 
doivent  plus  être  maniés  que  pour  être  dressés  sur  le  plat.  C  est 
du  bout  du  doigt  qu'il  faut  les  interroger,  et  on  reconnaît  à  une 
certaine  résistance  que  la  cuisson  est  arrivée  à  point.  Dressez- 
les  alors  en  couronnes  sur  le  plat^  assaisonnez  de  poivre  et  de  sel, 
et  mettez  dessous  une  sauce  maître-d'hôtel  qui  est  tout  simple- 
ment un  morceau  de  beurre  frais  manié  avec  un  peu  de  persil 
haché  et  un  jus  de  citron.  Faites  frire  des  pommes  de  terre 
taillées  en  petits  bâtons  carrés  de  la  longueur  d'un  doigt, 
légèrement  assaisonnés  de  sel,  garnissez-en  les  biftecks  et  servez 
chaud. 

Les  biftecks  au  beurre  d'anchois  ou  à  la  tomate,  se  préparent 
de  la  même  manière  que  ci-dessus,  à  l'exception  de  la  maître- 
d'hôtel,  que  vous  remplacez  par  un  beurre  d'anchois  ou  par 
une  sauce  tomate.  On  peut  également  remplacer,  si  on  veut,  les 
pommes  de  terre,  soit  par  du  cresson  que  l'on  assaisonne  d'un 
peu  de  sel  et  de  vinaigre,  soit  par  de  gros  cornichons  coupés  en 
lames. 

7(emarque.  —  Il  faut  bien  se  garder  d'assaisonner  les 
biftecks  pendant  leur  cuisson,  c'est  une  grave  erreur  dont  nous 
devons  faire  connaître  les  conséquences.  Le  sel,  qui  sur  le  feu  devient 
un  dissolvant,  fait  saigner  les  viandes  et  leur  enlève  ainsi  le  suc. 


a6a  BŒUF. 

qui  Qst  leur  qualité  la  plus  précieuse.  Vous  remarquerez  alors 
que  la  braise,  sur  laquelle  cuisent  les  viandes,  se  trouve  toute 
arrosée  de  leur  cuisson,  et  c'est  ce  qui  a  donné  Tidée,  pour 
remédier  à  cet  inconvénient,  d'établir  des  grils  inclinés,  avec 
réservoir,  destiné  à  recevoir  le  jus  et  la  graisse  provenant  de  la 
cuisson  ;  cette  invention  peut  être  un  moyen  d'éviter  la  fumée, 
mais  elle  n'a  aucun  effet  pour  la  cuisson,  qui  doit  être  pratiquée 
comme  nous  l'avons  dit. 

Gardez-vous  bien  aussi,  une  fois  que  les  biftecks  sont  sur  le 
gril,  de  les  tourner  et  retourner  plusieurs  fois.  Il  suffit  d'avoir 
un  peu  d'expérience  et  de  bon  sens  pour  s'abstenir  d'un  procédé 
routinier,  dont  le  résultat  est  de  compromettre  la  bonne  cuisson. 
Suivez  à  cet  égard  la  méthode  que  nous  avons  indiquée. 

Filet  de  bœuf  sauté,  —  Coupez  par  tranches  de  quatre  ou 
cinq  doigts  d'épaisseur  votre  filet  de  bœuf  que  vous  aplatissez 
légèrement,  en  lui  donnant  une  forme  ronde.  Placez  les  tranches 
sur  du  ieurre  que  vous  aurez  fait  fondre  dans  un  plat  à  sauter, 
saupoudrez  de  sel  et  de  poivre,  mettez-les  à  un  feu  un  peu 
ardent,  quand  ils  ont  pris  une  belle  couleur  d'un  côté,  retournez- 
les,  faites-leur  prendre  couleur  de  l'autre,  dressez-les  en  cou- 
ronne sur  le  plat,  égouttez  le  beurre  du  sautoir,  mettez-y  un  peu 
de  jus  pour  détacher  la  glace  qui  s'est  formée  au  fond  par  la 
cuisson  des  iilets,  ajoutez  une  cuillerée  d'espagnole;  faites 
réduire  et  se^-vez  avec  un  jus  de  citron. 

Le  filet  de  bœuf  sauté  dans  sa  glace,  le  filet  sauté  au 
madère,  le  lîlet  sauté  aux  olives,  le  filet  sauté  aux  truffes,  aux 
champignons,  le  filet  sauté  aux  écrevisses  ou  au  beurre 
d'anchois,  se  préparent  de  la  même  façon,  si  ce  n'est  qu'au  filet 
sauté  dans  sa  glace  on  ajoute  un  peu  de  glace  de  veau  et  de  jus 
pour  détacher  celle  du  sautoir. 

Le  filet  sauté  au  madère  en  mettant  au  lieu  de  jus  un  verre 
de  madère  et  une  cuillerée  à  bouche  d'espagnole. 

Le  filet  sauté  aux  olives  en  ajoutant  lorsque  le  plat  est  dressé 
un  ragoût  d'olives  au  milieu. 

Le  filet  sauté  aux  truffes  et  aux  champignons  en  ajoutant  à 
l'espagnole  des  champignons  sautés  au  beurre  ou  des  truffes. 

Le  filet  sauté  au  beurre  d'écrevisse  ou  au  beurre  d'anchois 


BŒUF.  263 

en  ajoutant  à  l'espagnole  l'un  ou  l'autre  de  ces  beurres,  mais 
alors  on  ne  remet  plus  le  filet  au  feu  ;  enfin  tous  les  filets  se 
préparent  et  se  font  sauter  de  la  même  manière,  seulement  les 
titres  changent  selon  le  légume  dont  on  les  garnit. 

Filet  de  bœuf  à  la  broche.  —  V.  Aloyau. 

Toume-dos.  —  S'il  vous  reste  une  moitié  ou  un  quart  de 
filet  de  bœuf  coupez-le  par  tranches,  faites  chauffer  ces  tranches 
sans  les  faire  bouillir,  faites  tailler  des  tranches  de  pain  de  même 
grandeur,  auxquelles  vous  faites  prendre  couleur  en  les  sautant 
dans  le  beurre,  dressez  en  couronne  sur  un  plat,  mettez  alterna- 
tivement un  filet  et  un  croûton,  et  versez  au  milieu  une  ravigote 
de  sauce  piquante  ou  une  poivrade. 

Cote  de  bœuf  à  la  vieille  mode.  —  Étant  parée  et  piquée  de 
moyens  lardons  bien  assaisonnés,  faites-la  sauter  dans  le  beurre 
et,  lorsqu'elle  sera  à  moitié  cuite,  vous  couvrirez  la  casserole  et 
vous  mettrez  du  feu  sur  le  couvercle.  Dressez  et  versez  dessus  le 
liquide  dégraissé  contenu  dans  la  casserole. 

Côte  de  bœuf  aux  épinards,  —  Mettez  une  côte  de  bœuf  à 
la  broche,  ôtez-la  lorsqu'elle  est  cuite  à  l'anglaise,  c'est-à-dire 
un  peu  saignante  et  dressez-la  isur  des  épinards  au  jus. 

Cote  de  bœuf  à  la  Provençale.  —  Parez,  piquez  votre  côte 
de  bœuf,  faites-la  sauter  dans  l'huile  à  grand  feu  et  jusqu'à 
moitié  de  la  cuisson,  puis,  couvrez  la  casserole  en  mettant  du 
feu  sur  le  couvercle  en  diminuant  celui  du  fourneau  :  ces  deux 
feux  pourraient  arriver  à  tarir  la  sauce  et  à  faire  brûler  la  côte 
de  bœuf;  d'autre  part,  faites  frire  dans  l'huile  des  oignons  cou- 
pés par  tranches  minces,  et  lorsqu'ils  seront  bien  jaunis  vous 
ajouterez  à  l'huile  dans  laquelle  ils  auront  cuit,  du  sel  et  du 
poivre,  un  peu  de  bouillon  et  un  filet  de  vinaigre. 

Côte  de  bœuf  au  vin  de  Malaga.  —  Parez  une  côte  de 
bœuf  bien  épaisse,  piquez-la  avec  des  lardons  de  moyenne  gros- 
seur; quand  vous  l'aurez  bien  assaisonnée  de  sel,  de  poivre,  de 
fines  herbes,  vous  verserez  pour  la  faire  cuire  la  valeur  d'une 
demi- bouteille  de  vin  de  Malaga  et  la  valeur  d'une  demi-bouteille 
de  bouillon,  après  cela  vous  passerez  le  mouillement  au  tamis 
de  soie,  ayez  soin  qu'il  n'y  ait  point  de  graisse,  et  faites  réduire 
tout  ce  mouillement  de  manière  qu'il  n'en  reste  qu'un  verre 


204  BOEUF. 

pour  mettre  sur  la  côte,  et  surtout  ayez  soin  de  ne  pas  trop 
saler  votre  mouillement. 

Côte  de  bœuf  à  la  Milanaise.  —  Parez,  piquez  avec  lardons, 
poivrez,  salez  votre  côte  de  bœuf,  faites  cuire  dans  deux  verres 
de  vin  de  Madère  avec  sel,  gros  poivre,  bouquet  garni,  carottes 
et  oignons.  La  côte  cuite,  passez,  dégraissez  et  faites  réduire  le 
fond  de  cuisson,  faites  sauter  dans  ce  fond  du  macaroni  que  vous 
aurez  fait  cuire  dans  du  bouillon,  ajoutez  un  peu  de  beurre,  de 
fromage  de  Parme  râpé ,  faites  mijoter  le  macaroni  ainsi  assai- 
sonné, dressez  la  côte,  glacez  et  servez  chaud. 

Côte  de  bœuf  aux  concombres.  —  Préparez,  cuisez  une  cote 
comme  braisée,  surmontez-la  et  entourez-la  de  concombres  en 
morceaux,  glacez  et  dressez.  Vous  pouvez  servir  de  même  sur  un 
ragoût  de  laitues  farcies  ou  sur  une  litière  de  choux  rouges  à  la 
flamande. 

Côte  de  bœuf  aux  oignons  glacés.  —  Nous  avons  dit  tout  à 
rheure  comment  il  fallait  parer  et  braiser  une  côte  de  bœuf, 
quand  elle  sera  cuite,  vous  la  déficellerez,  vous  l'égoutterez,  vous 
la  dresserez  entière  sur  un  plat,  vous  mettrez  des  oignons  glacés 
à  Tentour,  et  vous  la  servirez  sur  une  sauce  claire,  que  vous 
aurez  travaillée  avec  un  peu  de  mouillement  de  ce  ragoût. 

Côtes  de  bœuf  couvertes  aux  racines,  —  Prenez  les  côtes 
couvertes,  lardez-les  de  gros  lard  comme  la  noix  de  bœuf,  assai- 
sonnez-les et  braisez-les  de  même,  tournez  des  carottes  avec 
votre  couteau  ou  emporte-pièce,  une  quantité  suffisante  pour 
masquer  vos  côtes  ;  faites-les  blanchir,  mettez-les  cuire  dans  une 
casserole  avec  une  partie  de  l'assaisonnement  de  vos  côtes,  ou  du 
bouillon,  faites-le  tomber  à  glace,  cela  fait,  prenez  la  valeur 
d'une  cuillerée  à  bouche  de  farine,  un  peu  de  beurre,  faites  un 
petit  roux,  mouillez-le,  quand  il  sera  bien  blond  avec  les  res- 
tants de  l'assaisonnement  de  vos  côtes  faites  cuire  votre  sauce, 
dégraissez-la,  tordez-la  dans  une  étamine  sur  vos  carottes, 
remettez  le  tout  sur  le  feu,  afin  que  votre  sauce  et  vos  carottes 
prennent  du  goût;  mettez-y  gros  de  sucre  comme  la  moitié  d'une 
noix,  pour  en  ôter  l'acreté,  et  un  pain  de  beurre;  sautez  bien  le 
tout  jusqu'à  ce  que  le  beurre  soit  parfaitement  fondu  et  incor- 
poré, masquez  vos  côtes  et  servez. 


BŒUF.  26f 

Queue  de  bœuf  à  la  hoche-pot.  —  Prenez  une  queue  de 
bœuf,  coupez-la  par  tronçons  de  point  en  point,  faites-la  dégorger 
et  blanchir,  foncez  une  casserole  de  viande  de  boucherie,  placez 
dessus  vos  tronçons,  ajoutez-y  sel,  oignons,  carottes,  un  bouquet 
assaisonné  d'une  feuille  de  laurier,  d'une  gousse  d'ail,  de  thym, 
de  basilic  et  piqué  de  deux  clous  de  girofle,  mouillez  le  tout 
avec  du  bouillon  de  manière  que  vos  tronçons  ne  fassent  que 
tremper,  couvrez-les  de  bardes  de  lard,  faites-les  partir,  met- 
tez-y un  rond  de  papier,  et  les  posant  sur  un  feu  modéré,  cou- 
vrez-les avec  un  couvercle,  avec  feu  dessus,  laissez-les  cuire 
quatre  à  cinq  heures.  Vous  pourrez  juger  si  votre  queue  est  cuite, 
lorsque  l'ayant  pressée  entre  vos  doigts,  la  chair  quittera  presque 
les  os,  alors  égouttez-la,  et  servez-la  avec  le  ragoût  de  racines. 
(Voyez  l'article  côtes  de  bœuf  aux  racines.) 

Queue  de  bœuf  à  la  Sainte -Menehould.  —  Faites  cuire 
d'abord  votre  queue  de  bœuf  en  hoche-pot,  comme  il  est  dit 
ci-dessus,  assaisonnez-la  de  sel,  de  gros  poivre,  trempez-la  dans 
du  beurre  tiède  et  mettez-la  dans  de  la  mie  de  pain,  panez-la 
deux  fois,  et  faites-lui  prendre  couleur  au  four  ou  sur  le  gril, 
vous  pouvez  dès  lors  la  servir  comme  vous  voudrez,  soit  sur  des 
choux  rouges,  soit  sur  une  purée  de  haricots  blancs,  soit  sur  une 
soubise,  soit  enfin  sur  une  sauce  piquante  et  hachée  à  Titalienne. 

Langue  de  bœuf  à  V italienne  et  au  parmesan.  —  Prenez 
une  langue  de  bœuf,  coupez-en  le  cornet,  mettez-la  dégorger 
deux  ou  trois  heures  et  plus,  retirez-la  de  l'eau,  râtissez-la  bien 
avec  votre  couteau  pour  en  ôter  la  malpropreté,  faites-la  blan- 
chir dans  un  chaudron  ou  dans  une  grande  marmite,  retirez-la 
sur  un  linge  blanc,  ôtez-en  la  peau,  lardez-la  de  gros  lard  que 
vous  aurez  assaisonné  avec  sel,  poivre  fin,  épices  fines,  persil  et 
ciboule,  mettez-la  cuire  dans  une  marmite  avec  oignons  et 
carottes,  mouillez-la  avec  un  verre  de  vin  blanc  ou  du  bon  bouil- 
lon, retirez-la,  laissez-la  refroidir  dans  son  assaisonnement, 
coupez-la  par  lames  très-minces,  mettez  du  parmesan  dans  le 
fond  d'un  plat  creux,  couvrez  votre  parmesan  de  vos  tranches  de 
langue,  ainsi  de  suite,  faites  trois  ou  quatre  lits  de  langue  et  de 
fromage,  arrosez  chaque  lit  d'un  peu  du  fond  dans  lequel  aura 
cuit  la  langue  dont  il  s'agit,  et  finissez  par  un  lit  de  fromage  que 


a66  B(EUF. 

VOUS  arroserez  avec  un  peu  de  beurre  fondu,  mettez  le  plat  au 
four  ordinaire  ou  de  campagne,  donnez  à  votre  parmesan  une 
belle  couleur  et  servez.  «  Il  est  fâcheux  que  Ton  fasse  rarement 
cette  entrée,  car  étant  bien  soignée  et  telle  que  l'indique  la 
recette  ci-dessus,  elle  est  délicieuse.  Chez  MM.  Véry,  du  Palais- 
Royal;  Grignon,  du  passage  Vivienne;  Borel,  rue  Montorgueil, 
au  rocher  de  Cancal;  dans  les  grands  dîners  de  1825  à  1835, 
cette  entrée  était  très-recherchée,  je  tiens  à  mentionner  cela.  Les 
Langlet,  les  Michel,  les  Lennevaux,  tous  bons  cuisiniers,  ne 
sont  plus.  J'ai  eu  l'idée  de  recueillir  leurs  bons  principes  et  je 
m'en  suis  bien  trouvé.  »  {Note  de  M,  Vuillemot.) 

Palais  de  bœuf  au  gratin.  —  Procurez- vous  trois  ou  quatre 
palais  de  bœuf  que  vous  mettrez  sur  un  gril  du  côté  de  la  peau 
et  sur  de  la  cendre  rouge;  faites-les  griller  de  façon  que  vous 
puissiez  facilement  enlever  la  peau  avec  le  couteau,  grattez  la 
partie  blanche  qui  se  trouve  sous  cette  peau  afin  qu'il  n'en  reste 
aucun  vestige,  supprimez  le  bout  du  mufle  et  celui  du  côté  de  la 
gorge,  ainsi  que  la  partie  noire  qui  se  trouve  au  milieu,  sans 
trop  l'altérer,  faites-les  dégorger  et  blanchir,  mettez-les  cuire 
dans  un  blanc,  ainsi  que  vous  verrez  à  l'article  (  Tête  de  veau  en 
tortue)  pendant  trois  ou  quatre  heures,  égouttez-les,  faites-les 
refroidir  à  moitié,  séparez-les  en  deux  avec  votre  couteau  comme 
si  vous  leviez  une  barde  de  lard,  garnissez-les  d'une  farce  cuite; 
pour  cela,  étendez  vos  morceaux  de  palais,  mettez  avec  la  lame 
d'un  couteau  de  cette  farce  dessus,  à  peu  près  de  l'épaisseur  des- 
dits morceaux,  roulez-les  sur  eux-mêmes,  parez-les  des  deux 
bouts,  égalisez-les,  mettez  au  fond  de  votre  plat  à  peu  près 
l'épaisseur  d'un  travers  de  doigt  de  la  farce  ci- dessus,  rangez  vos 
petits  cannelons  debout  sur  votre  fond  de  farce,  en  laissant  un 
puits  dans  le  milieu,  garnissez  de  farce  au  dedans  et  au  dehors 
les  intervalles  de  vos  cannelons,  il  faut  que  votre  entrée  ait  la 
base  d'une  tour,  garnissez  ce  puits  de  bardes  de  lard  bien  fines 
et  remplissez  la  capacité  d'un  morceau  de  mie  de  pain,  de  façon 
à  maintenir  les  cannelons  dans  la  position  que  vous  leur  aurez 
donnée;  faites  fondre  du  beurre,  dorez-les  avec  un  doroir,  met- 
tez-les sous  un  four  de  campagne  avec  feu  dessus  et  dessous, 
faites  cuire  et  prendre  belle  couleur,  ôtez  votre  bouchon  de  pain 


BOEUF.  267 

et  les  bardes  de  lard,  égouttez  le  beurre,  saucez  dans  le  puits 
avec  une  italienne  et  servez. 

Palais  de  bœuf  à  r italienne.  —  Même  préparation  que  les 
précédents;  faites-les  cuire  de  même,  égouttez-les ,  coupez-les 
en  escalopes  ou  en  petits  carrés,  coupez-les  ensuite  en  ronds  de 
la  grandeur  d'une  pièce  de  5  francs,  mettez  dans  une  casserole 
cinq  cuillerées  à  dégraisser  d'italienne .  rousse  que  vous  ferez 
réduire  au  deux  tiers  de  son  volume,  jetez  vos  palais  dedans, 
laissez-les  mijoter  un  peu,  sautez-les,  mettez  un  jus  de  citron  et 
servez. 

Palais  de  bœuf  à  la  poulette,  —  Préparez  comme  ci-dessus, 
coupez  vos  palais  en  ronds  ou  en  filets,  mettez-les  dans  une 
casserole  avec  trois  cuillerées  à  dégraisser  de  velouté,  laissez-les 
mijoter,  faites  une  liaison  de  deux  jaunes  d'œuf,  délayez-la 
avec  un  peu  de  lait  ou  de  crème,  retirez  vos  palais  du  feu,  liez- 
les  avec  vos  œufs,  remettez-les  sur  le  feu  en  agitant  toujours 
aiin  de  bien  faire  cuire  votre  liaison,  mettez  un  demi-pain  de 
beurre,  un  filet  de  verjus  ou  un  jus  de  citron,  un  peu  de  persil 
haché  et  servez-les.  Si  vous  voulez  faire  une  bordure  à  votre  plat, 
mettez  des  croûtes  de  pain  tournées  en  bouchons  et  frites  dans  du 
beurre. 

Les  palais  de  bœuf  à  la  ravigote  se  font  de  la  même 
manière,  on  les  fait  seulement  sauter  dans  une  sauce  ravigote 
froide  ou  chaude. 

Croquettes  de  palais  de  bœuf,  —  Faites  cuire  dans  un  blanc 
trois  palais  de  bœuf,  laissez-les  refroidir,  coupez-les  en  petits 
dés  avec  des  champignons  et  des  truffes  si  c'est  la  saison  ;  faites 
réduire  quatre  cuillerées  d'espagnole  ou  de  velouté  à  demi  glacé, 
jetez  dedans  tous  vos  petits  dés  avec  un  peu  de  persil  haché; 
relirez  votre  casserole  .du  feu,  liez  votre  salpicon  avec  deux  jaunes 
d'œuf  et  du  beurre  gros  comme  une  noix,  versez  le  tput  sur  un 
plat,  étendez-le  avec  la  lame  d'un  couteau,  en  lui  conservant 
une  bonne  épaisseur,  laissez-le  refroidir;  lorsque  votre  salpicon 
sera  froid,  coupez-le  par  carrés  égaux  et  donnez-lui  la  forme 
qu'il  vous  plaira  :  soit  en  côtelettes,  soit  en  cannelons,  soit  en 
petites  boules.  Cassez  trois  œufs  que  vous  battrez  comme  une 
omelette  mettez-y  un  peu  de  sel  fin,  trempez  vos  morceaux  Tun 


a68  BGF.UF. 

après  l'autre  dans  cette  omelette,  mettez*Ies  dans  de  la  mie  de 
pain  en  maintenant  la  forme  que  vous  leur  avez  donnée  et  mettez- 
les  sur  un  plat  au  feu  et  à  mesure  que  vous  les  aurez  passés  ; 
repassez  votre  mie  de  pain  au  travers  d'une  passoire,  trempez 
une  seconde  fois  vos  croquettes  dans  l'omelette,  passez-les  de 
nouveau.  Saupoudrez  votre  plat  de  mie  de  pain,  rangez-les  des- 
sus et  couvrez-les  avec  le  reste  de  la  mie  de  pain  pour  qu'elles 
ne  sèchent  point;  au  moment  de  servir,  retirez-les  de  cette  mie 
de  pain,  posez-les  sur  un  couvercle,  mettez  votre  friture  sur  le 
feu,  faites-la  bien  chauffer  sans  la  brûler;  glissez  toutes  vos  cro- 
quettes à  la  fois,  afin  qu'elles  aient  toutes  la  même  couleur,  reti- 
rez-les, faites-les  égoutter  un  moment;  rangez-les  sur  votre  plat 
et  servez  avec  un  bouquet  de  persil  frit  dont  vous  couronnerez 
vos  croquettes. 

Palais  de  bœuf  en  cracovie.  —  Préparez  trois  palais  de  bœuf 
comme  les  précédents,  laissez-les  refroidir,  coupez-les  en  quatre, 
fendez  chaque  morceau  en  deux  comme  si  vous  leviez  une  barde 
de  lard,  ce  qui  vous  donnera  vingt-quatre  morceaux.  Faites  blan- 
chir dans  l'eau  ou  cuire  dans  la  marmite  une  tétine  de  veau, 
coupez-la  comme  vos  palais,  faites  également  un  salpicon 
comme  celui  des  croquettes  ci-dessus,  étendez-en  gros  comme  le 
pouce  sur  chaque  morceau  de  vos  palais,  roulez-les,  enveloppez- 
les  avec  votre  morceau  de  tétine,  passez-les  comme  les  croquettes, 
ou  trempez-les  dans  une  pâte  à  frire,  faites-les  frire  comme  les 
croquettes,  dressez-les  de  même  et  servez. 

Talais  de  bœuf  à  la  lyonnaise.  —  Faites  cuire  cinq  ou  six 
palais  dans  un  blanc,  ainsi  qu'il  est  indiqué  à  l'article  précédent, 
coupez  cinq  ou  six  oignons  en  tranches,  passez-les  dans  le  beurre, 
qu'ils  soient  d'une  belle  couleur;  lorsqu'ils  seront  cuits,  mouillez- 
les  avec  une  cuillerée  ou  deux  d'espagnole,  si  vous  n'en  avez  pas, 
singez-les  et  mouillez-les  avec  un  peu  de  bouillon,  faites  cuire 
le  tout,  coupez  vos  palais  en  carrés  ou  en  filets,  jetez-les  dans 
votre  sauce,  mettez-y  un  peu  de  sel,  de  gros  poivre  et  finissez 
avec  un  peu  de  moutarde. 

Gras-double.  —  Prenez  la  partie  la  plus  épaisse  du  gras- 
double,  mettez-la  dans  de  l'eau  tiède,  râtissez-la  bien,  enlevez  avec 
soin  la  partie  spongieuse,  remettez-la  dans  l'eau  beaucoup  plus 


BOEUF.  369 

chaude,  faites-lui  jeter  un  bouillon  et  nettoyez-la  de  nouveau, 
frottez-la  avec  du  citron,  faites  qu'elle  soit  aussi  blanche  que 
possible,  mettez  cuire  ce  gras-double,  dans  un  blanc,  sept  à  huit 
heures  ;  sa  cuisson  faite,  coupez-le  en  losanges  ou  en  filets.  Si 
vous  voulez  le  servir  à  la  poulette,  voyez  l'article  Palais  de 
bœuf  à  la  poulette;  si  vous  le  voulez  à  V italienne ,  voyez  aussi 
cet  article. 

Gras  double  à  la  mode  de  Caen.  —  Prenez  une  panse  de 
bœuf  avec  sa  mulette  et  sa  caillette,  faites-la  blanchir,  après 
qu'elle  a  été  bien  nettoyée,  jetez-la  dans  l'eau  fraîche  pendant 
une  heure,  —  coupez  le  tout  par  morceaux,  assaisonnez  avec  sel 
et  poivre,  quatre  épices;  coupez  en  gros  dés  du  lard  maigre 
et  mettez  'le  tout  ensemble.  Prenez  une  grande  jatte  en  terre, 
foncez-la  avec  carottes  et  oignons  coupés,  un  bouquet  garni  à 
pointes  d'ail,  mettez  .par-dessus  douze  pieds  de  mouton  blanchis, 
un  pied  de  veau  désossé,  mettez  votre  gras-double  par-dessus, 
ajoutez  deux  carottes  coupées,  un  pied  de  céleri  et  douze  poi- 
reaux entiers,  ce  qui  sert  à  tenir  toujours  durant  la  cuisson  du 
gras-double  l'humidité  convenable  pour  ne  pas  le  sécher,  — 
ajoutez  une  bouteille  de  vin  blanc,  un  bon  verre  de  cognac, 
deux  litres  d'eau  et  trois  cents  |;rammes  de  moelle  de  bœuf, 
couvrez  le  tout  avec  une  feuille  de  papier  beurré,  puis,  fermez 
le  tout  avec  une  pâte  de  farine  et  eau,  —  faites  partir  sur  le  feu 
et  laissez  mijoter,  entourez  la  jatte  de  braise,  et  douze  heures 
après,  sondez  la  cuisson  et  servez  bien  chaud  en  ayant  soin  d'en- 
lever les  ingrédients  du  dessus.  (Vuillemot.) 

Cervelles  de  bœuf.  —  Elles  se  préparent  exactement  de  la 
même  façon  que  les  cervelles  de  veau  (V.  Veau).  Cependant 
nous  l'avons  déjà  fait  observer,  comme  on  foudroie  le  bœuf  d'un 
coup  de  masse,  il  y  a  presque  toujours  dans  la  cervelle  un  épan- 
chement  de  sang  qui  la  rend  moins  délicate. 

Crépinettes  de  palais  de  bœuf.  —  Faites  revenir  dans  du 
beurre  des  oignons  coupés  en  petits  carrés,  mettez-y  un  peu  de 
muscade,  d'ail,  de  laurier,  du  sel  et  du  poivre.  Les  oignons 
étant  cuits,  vous  verserez  dessus  de  bon  jus  que  vous  aurez  battu 
avec  des  jaunes  d'œufs,  jetez  dans  cette  préparation  des  palais  de 
bœuf  bien  cuits,  et  coupez  en  morceaux  carrés  longs  ;  laissez 


ayo  BŒUF. 

refroidir  le  tout,  chaque  morceau  de  palais  se  trouvant  enduit  de 
cette  pâte,  vous  les  envelopperez,  chacun  à  part,  de  crépinette 
de  cochon,  puis  vous  les  ferez  griller  au  feu  doux  sur  un  gril,  ou 
vous  les  mettrez  sous  un  four  de  campagne,  et  vous  les  servirez 
sur  une  purée  de  tomates  ou  sur  une  soubise. 

Émincé  de  palais  de  bœuf.  —  Coupez  des  oignons  en  tran- 
ches aussi  minces  que  possible,  faites-les  revenir  dans  le  beurre 
jusqu'à  ce  qu'ils  soient  bien  dorés,  versez  dessus  un  demi-verre 
de  consommé,  autant  de  sauce  espagnole,  faites  mijoter  le  tout, 
ajoutez-y  un  peu  de  beurre  bien  frais  et  trois  ou  quatre  pincées 
de  sucre,  d'autre  part  vous  aurez  émincé  les  palais  de  bœuf,  vous 
les  mettrez  dans  cette  préparation,  après  quoi  vous  ferez  encore 
mijoter  le  tout  pendant  deux  ou  trois  minutes,  puis  vou^  dresserez 
votre  émincé,  vous  ferez  autour  de  lui  un  cordon  de  croûtons 
bien  jaunes,  vous  pouvez  aussi,  arrivé  là,  faire  votre  émincé  de 
palais  de  bœuf  aux  champignons,  il  s'agit  pour  cela  de  substituer 
des  champignons  aux  oignons  et  la  sauce  allemande  à  la  sauce 
espagnole. 

Le  pied  de  bœuf  poulette.  —  Faites  blanchir  un  pied  de 
bœuf  comme  un  pied  de  veau  ;  laissez-le  dégorger  vingt-quatre 
heures  à  l'eau  froide,  prenez  dpux  mètres  de  bord  de  fil  (lavez- 
le  pour  lui  enlever  son  goût  d'apprêt),  ficelez  votre  pied  comme 
une  mpmie,  mettez-le  dans  une  marmite  avec  grande  eau,  sel, 
gros  poivre,  bouquet  garni,  carottes  et  oignons  avec  clous  de 
girofle  et  laissez  bouillir  le  tout  doucement,  jusqu'à  ce  que  le 
nerf  du  pied  se  brise,  relâchez  ensuite  votre  bord  de  fil  jusqu'à 
ce  que  le  pied ,  par  son  gonflement,  devienne  émoUient. 

Préparez  une  bonne  allemande  (voir  aux  sauces),  ajoutez 
des  champignons  tournés  et  persil  hachés,  citronnez  la  sauce  et, 
avec  un  bon  morceau  de  beurre  frais,  liez-la  bien.  Mettez  votre 
pied  bien  chaud  sur  un  plat  et  saucez  dessus  ;  ce  plat  par  son 
confortable,  est  très-recherché. 

Un  pied  de  bœuf  poulette  suffit  à  six  personnes  ayant  bon 
appétit.  Voilà  un  plat  que  le  bon  praticien,  M.  de  Richelieu, 
n'a  probablement  pas  pu  indiquer  à   ses  officiers  de  bouche. 

(VUILLEMOT.) 

Pièce  de  bœuf  à  l'anglaise.  —  Prenez  une  culotte  de  bœuf 


BŒUF.  ayi 

-  -       -  -  —  —       -  *         -  ■■■  ■  ■■  ■  -  ■  ■^■^■■i^^ 

de  quatre  kilog.,  assaisonnez-la  de  sel  et  poivre,  prenez  une  ser- 
viette, beurrez-la  ;  eneloppez  votre  pièce  de  bœuf  dedans,  — 
prenez  une  marmite,  emplissez-la  d'eau  que  vous  faites  bouillir, 
une  bonne  poignée  de  gros  sel,  huit  navets,  six  gros  oignons 
dont  un  clouté  de  deux  clous  de  girofle,  une  pointe  d'ail,  quand 
votre  eau  sera  en  pleine  ébullition^  plongez  votre  pièce  de  bœuf 
dedans,  fermez  hermétiquement  la  marmite;  pour  4  kilog.  de 
bœuf,  il  faut  deux  heures  de  cuisson,  soit,  pour  500  grammes, 
un  quart  d'heure,  après  ce  temps,  retirez  vos  légumes,  passez- 
les  au  tamis  à  quenottes,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un 
bon  morceau  de  beurre  frais,  assaisonnez  sel  et  poivre,  mettez 
cette  purée  dans  un  légumier,  retirez  votre  pièce  de  bœuf  de  la 
marmite,  dressez-la  sur  un  plat  garni  de  persil  et  servez.  Ce 
relevé  de  potage  en  vaut  bien  un  autre.  (Vuillemot.) 

Roolpins.  (Article  traduit  du  Hollandais  par  M.  de  Cour- 
champs.)  —  «  Prenez  3  kilos  de  viande  de  bœuf,  celle  des  côtes 
découvertes  est  la  meilleure  ;  ayez  soin  qu'elle  soit  bien  marbrée, 
faites  en  sorte  qu'il  y  ait  autant  de  gras  que  de  maigre  ;  hachez 
le  tout  ensemble,  à  peu  près  comme  une  farce  à  pâtés;  assaisonnez 
de  sel,  poivre,  épices,  muscade. 

Vous  vous  serez  procuré  de  la  panse  de  bœuf  bien  nettoyée, 
coupez-la  en  morceaux  carrés,  de  la  grandeur  de  vingt  centimètres 
ou  à  peu  près  ;  remplissez-en  l'intérieur  de  votre  farce  ;  rappro- 
chez les  extrémités  de  Fenveloppe  et  cousez-les  avec  une  grosse 
aiguille. 

Tous  vos  morceaux  préparés  ainsi,  ayez  un  chaudron  bien 
étamé,  faites  bouillir  de  l'eau  avec  une  bonne  poignée  de  sel  et 
un  litre  de  vinaigre  ;  faites  bouillir  ces  morceaux  pendant  une 
heure  (vous  aurez  un  grand  pot  en  grès)  ;  égouttez  vos  morceaux 
sur  un*  linge  blanc,  versez  du  vinaigre,  ce  qu'il  en  faut  pour  les 
couvrir,  ne  couvrez  votre  pot  que  lorsque  le  tout  sera  refroidi  ; 
vous  pourrez  vous  en  servir  au  bout  de  quinze  jours.  Si  vous  n'en 
faites  pas  l'emploi  en  totalité,  laissez-les  dans  le  vinaigre,  seule- 
ment après  ce  temps  il  faut  les  mettre  dans  de  l'eau  tiède  une 
heure,  afin  que  le  vinaigre  soit  absorbé. 

Cuisson  de  roolpins.  —  Prenez  ce  qu'il  vous  faut  de  mor- 
ceaux, coupez-les  en  tranches,  telles  que  des  biftecks  ;  posez-les 


272 


BONITE. 


dans  un  plat  à  sauter  où  vous  aurez  mis  du  beurre,  donnez  cinq 
minutes  de  cuisson  à  feu  vif,  en  ayant  soin  de  les  retourner  de 
temps  en  temps  ;  vous  aurez  préparé  autant  de  tranches  de 
belles  pommes  de  reinette,  faites-les  frire  comme  les  morceaux 
ci-des&us  ;  dressez  ce  hors-d'œuvre  en  couronne,  en  posant  alter- 
nativement un  morceau  de  chaque  sorte  ;  servez  le  plus  chaud 
possible. 

BOLET.  —  Genre  de  la  famille  des  champignons  dont 
le  chapeau  est  conique  et  la  surface  inférieure  garnie  de  pores  ou 
tubes  arrondis. 

Le  bolet  comestible^  le  seul  de  cette  espèce  que  Ton  puisse 
manger,  se  trouve  par  toute  la  France,  dans  les  bois  et  les  lieux 
couverts.  Il  a  un  pédicule  assez  gros,  cylindrique  et  quelquefois 
ventru,  blanchâtre  ou  jaune  avec  des  lignes  en  réseau  ;  son  cha- 
peau est  large,  voûté,  d'une  couleur  ferrugineuse  tirant 
sur  le  bleu,  quelquefois  d'un  rouge  de  brique  rembruni  ou  bien 
d'un  rouge  cendré,  ou  bien  encore  blanc  et  jaunâtre,  souvent 
d'une  teinte  vineuse  sous  la  peau  ;  les  tubes  sont  d'abord  blancs, 
ensuite  jaunâtres  et  verdâtres. 

M.  Dennezil,  à  qui  nous  empruntons  cette  désignation,  ajoute 
que  les  bœufs,  les  cerfs,  les  porcs,  le  mangent  avec  avidité,  et  il 
est  très-recherché  comme  aliment  et  comme  assaisonnement  dans 
le  midi  de  la  France  ;  mais  on  n'en  fait  pas  usage  à  Paris,  quoi- 
qu'il se  trouve  communément  aux  environs  de  cette  ville, 
principalement  dans  les  bois  de  Ville-d'Avray  et  de  Meudon.  On 
le  connait  dans  le  Midi  sous  le  nom  de  ceps^  cep^  girole^ 
giroule^  bruguet.  En  Lorraine  on  le  mange  sous  le  nom  de 
champignon  polonais^  parce  que  ce  sont  des  Polonais  de  la  suite 
du  roi  Stanislas  Leczinski  qui  montrèrent  qu'on  en  pouvait 
manger  sans  danger. 

BONITE.  —  Poisson  de  la  famille  des  maquereaux,  mais 
plus  gros  que  ces  derniers  ;  il  ressemble  beaucoup  au  thon,  et  se 
nourrit  comme  lui  de  poissons  et  d'algues,  mais  sa  chair  est  plus 
délicate,  et  les  gourmets  l'estiment  autant  que  celle  du  maquereau. 
Le  nom  qu'il  porte  indique  d'ailleurs  suffisamment  quel  genre 
de  mérite  on  leur  a  reconnu  et  prouve  assez  la  bonté  de  sa  chair. 

Ce  poisson  vit  dans  la  Méditerranée,  on  en  trouve  aussi  sur 


BONNET  DE  TURQUIE.  373 

les  côtes  de«France  et  d'Espagne  ;  mais  il  abonde  entre  les  tropi- 
ques, et  se  plaît,  dit-on,  à  suivre  les  vaisseaux. 

Ces  poissons  vivent  à  la  surface  de  Teau  et  s'élancent  même 
dans  Tair  pour  y  saisir  les  poissons  volants  qui  constituent  leur 
principale  nourriture,  il  est  donc  facile  de  les  pêcher,  et  voici  le 
moyen  qu'on  emploie  : 

On  se  sert  d'une  ligne  volante  à  laquelle  on  attache  deux 
plumes  blanches  près  du  hameçon,  afin  de  simuler  le  poisson 
volant,  puis  on  laisse  pendre  cette  ligne  en  l'agitant  de 
temps  en  temps  à  quelques  pouces  au-dessus  de  l'eau,  la 
bonite  se  précipite  alors  pour  saisir  sa  proie  et  se  trouve  saisie 
elle-même. 

Ce  qui  donne  une  certaine  importance  à  la  pêche  de  ce 
poisson,  c'est  qu'on  le  sale  comme  le  thon  et  qu'on  l'expédie 
comme  tel  dans ,  des  barriques,  dans  tous  les  pays  du  monde  ; 
bien  souvent  quand  on  croit  se  régaler  de  thon,  on  ne  mange  que 
de  la  bonite,  qui  du  reste  est  tout  aussi  bonne. 

BONITOL.  —  Fils  de  la  précédente;  il  est  presque  de  la 
grosseur  du  maquereau,  sa  chair  est  d'un  excellent  goût. 

BONNET  DE  TURQUIE.  —  Espèce  de  pâtisserie  ancienne, 
faite  dans  un  moifle  ayant  la  forme  d'un  bonnet  turc,  avec 
des  côtes.  On  le  fait  de  pâte  de  gâteau  de  Savoie  ou  de  gâteau 
d'amande,  on  peut  aussi  le  faire  de  pâte  croquante. 

On  fait  une  grande  abaisse  de  cette  pâte,  dont  on  fonce  le 
moule  en  en  marquant  bien  le  dessus  ;  puis  on  le  met  au  four, 
après  l'avoir  piqué  avec  la  pointe  d'un  couteau,  afin  qu'il  ne 
cloche  point.  On  peut  faire  la  pâte  plus  fine  et  même  la  foncer 
de  pâte  de  massepains  blanche,  faite  avec  des  amandes  douces 
bien  pilées  ensemble  ;  on  met  le  tout  sur  le  feu  dans  une  casserole 
avec  une  poignée  de  sucre,  et  on  remue  constamment  avec 
la  spatule  ;  quand  la  pâte  est  cuite,  on  en  fait  une  abaisse 
comme  pour  une  croquante,  et  on  la  met  cuire  d'une  belle 
couleur.  Lorsque  ce  gâteau  est  cuit,  on  y  met  des  confitures  de 
plusieurs  sortes  de  couleurs  ;  on  fait  une  côte  d'une  couleur,  une 
autre  côte  d'une  autre  couleur,  et  cela  fait  un  fort  bel  effet  ;  on 
le  met  ensuite  sur  un  fond  garni  de  confiture,  on  l'enjolive  le 
plus  qu'il  est  possible,  et  on  le  sert  comme  entremets. 

18 


274  BONNET   DE  TURQUIE. 

Bonnet  de  Turquie  à  la  Triboulet.  —  Mettez  500  grammes 
de  pistaches  pilées  avec  250  grammes  de  sucre  fin,  un  peu  de 
citron  vert  haché,  quinze  jaunes  d'oeufs,  afin  que  la  pâte  ne  soit 
pas  trop  liquide  ;  battez  le  tout  ensemble  comme  les  biscuits, 
fouettez  les  blancs  d  œuf  en  neige  et  mêlez-les  avec  le  reste, 
joignez-y  350  grammes  de  farine  passée  au  tamis,  et  remuez  le 
tout  légèrement;  beurrez  votre  moule  en  bonnet  turc  avec 
du  beurre  fin,  mettez-y  votre  biscuit,  et  faites  cuire  au  four  à 
feu  doux,  et  légèrement  saupoudré  de  sucre.  Au  bout  de  deux 
heures  il  est  cuit,  alors  retïrez-le  du  feu,  glacez  une  bande 
blanche  avec  une  glace  blanche  et  une  bande  rougeâtre  avec  de 
la  glace  faite  avec  de  la  cochenille. 

Bonnet  de  Turquie  coloré,  —  Échaudez  et  pilez  250 
grammes  de  pistaches,  quand  elles  seront  bien  pilées,  mettez-y 
375  gi'^inmes  de  sucre  fin,  du  citron  confit  aussi  pilé,  un  peu  de 
citron  vert  haché  très-fin,  et  douze  jaunes  d'œufs  ;  battez  bien 
le  tout  ensemble  avec  deux  cuillers  de  bois,  puis  fouettez  les 
douze  blancs  en  neige  en  les  faisant  bien  monter,  et  mêlez-les 
avec  le  reste;  ajoutez-y  aussi  250  grammes  de  farine  très-fine, 
mélangez  bien  le  tout  ensemble  avec  les  verges  ;  vous  beurrez 
ensuite  avec  du  beurre  fin  votre  bonnet  turc,  vous  mettez  votre 
pâte  dedans,  vous  faites  cuire  au  four  pendant  trois  heures, 
puis,  lorsqu'il  est  bien  cuit,  vous  le  couvrez  d'une  couche  épaisse 
de  confitures  de  quatre  couleurs  :  vous  faites  un  quart  avec  de 
la  glace  blanche,  un  deuxième  avec  la  confiture  de  groseilles, 
un  troisième  avec  de  la  marmelade  d'abricots,  puis  un  quatrième 
avec  du  verjus  confit  ou  des  pistaches  pilées. 

Vous  servirez  ensuite  cet  entremets  qui  fait  très-bien  sur 
la  table. 

Bonnet  de  Turquie  en  surprise,  —  Vous  prenez  de  la  pâte 
d'amandes,  que  vous  avez  faite  avec  des  amandes  douces  pilées, 
arrosées  d'un  peu  de  blanc  d'oeuf  fouetté  avec  un  peu  d'eau  de 
fleurs  d'oranger  et  réduites  en  pâte  avec  du  sucre  en  poudre  ; 
vous  pilez  cette  pâte  d'amandes  dans  un  mortier  avec  du  bon 
beurre  frais,  de  l'écorce  de  citron  vert  hachée,  quelques  confi- 
tures, du  sucre,  quatre  ou  cinq  jaunes  d'oeufs;  puis  beurrez  le 
moule  avec  du  beurre  très-fin,  mettez  au  fond  et  autour  de  la 


j 


BOUC.  375 

pâte  d'amandes  préparée  comme  il  est  dit  ci-dessus,  et  faites 
cuire  au  four,  vous  le  laissez  trois  heures,  puis  quand  le 
gâteau  est  cuit,  vous  le  levez,  le  mettez  sur  un  plat,  le  couvrez 
de  confitures  de  différentes  couleurs  comme  ci-dessus,  et  servez. 

BORA.  —  Poisson  des  mers  du  Japon,  ressemblant  au 
brochet,  sa  chair  est  blanche  et  délicieuse  et  a  les  mêmes  pro- 
priétés alimentaires  que  celle  du  brochet,  c'est-à-dire  de  bon 
goût  et  de  facile  digestion. 

On  marine  et  on  fume  la  chair  du  bora  comme  celle  du 
brochet,  et  cette  chair  marinée  et  fumée  est  l'objet  d'un  très- 
grand  commerce  pour  les  Hollandais  et  lès  Chinois  qui  la  trans- 
portent dans  toutes  les  parties  de  l'empire. 

BORDELIÈRE.  —  Poisson  de  rivière  et  de  lac,  ressemblant 
à  la  brème  ;  son  nom  lui  vient  de  ce  qu'il  se  trouve  toujours  au 
bord  des  fleuves. 

La  chair  de  ce  poisson  est  du  goût  de  celle  de  la  carpe,  elle 
s'apprête  de  même. 

BORQUIEN.  —  Poisson  de  l'océan  Atlantique,  il  est  très- 
vorace  et  saisit  avec  avidité  tout  ce  qu'on  lui  jette,  sa  chair  est 
bonne,  mais  peu  recherchée. 

BOUC.  —  Le  bouc  est  le  mâle  de  la  chèvre;  jeune  il  se 
nomme  chevreau  ou  cabri,  et  doit  être  mangé,  pour  que  sa  chair 
soit  tendre  et  délicate,  avant  six  mois;  mais  après  ce  temps, 
c'est-à-dire  lorsqu'il  est  devenu  bouc,  elle  a  un  goût  désagréable 
et  porte  une  odeur  très-forte. 

Le  bouc  a  été  de  tout  temps  sacrifié;  il  n'y  a  que  les 
Egyptiens  et  d'autres  peuplades  de  TAsie  qui,  par  respect  pour 
le  dieu  Pan,  ses  pieds  fourchus  et  ses  cornes,  aient  laissé  le  bouc 
paître  en  paix  et  courtiser  sa  femelle;  mais  il  est  universellement 
condamné  en  Europe  ;  et  tout  cuisinier  qui  se  respecte,  méprise 
profondément  cet  animal  :  qui  pue,  dit-il,  et  qui  n'est  bon  tout 
au  plus  qu'à  faire  le  chevreau. 

Les  Grecs  immolaient  un  bouc  sur  les  autels  de  Bacchus, 
parce  que  les  ravages  commis  dans  les  vignobles  par  cet  animal 
excitaient  le  courroux  du  dieu  des  buveurs  ;  c'est  sans  doute 
en  mémoire  de  cela  que  dans  les  fètes  de  Bacchus,  en  Grèce,  on 
préludait  toujours  par  le  sacrifice  d'un  bouc,  aux  chants  joyeux, 


276  BOUCHER,    BOUCHERIE. 

aux  mascarades  et  aux  autres  divertissements  auxquels  on  se 
livrait  aux  champs  comme  à  la  ville,  divertissements  qui  furent, 
comme  on  le  sait,  l'origine  très-peu  reconnaissable  de  la  tragédie. 

Enfin,  le  Lévi tique  donne  la  description  de  la  céréponie 
du  bouc  émissaire,  en  ces  termes  u  :  Dieu  parla  à  Moïse  et 
lui  dit  : 

((  Puis  Aaron  jettera  un  sort  sur  les  deux  boucs  :  un  sort 
«  pour  l'Eternel  et  un  sort  pour  le  bouc  qui  doit  être  Has^aiel... 
((  Et  Aaron,  posant  ses  deux  mains  sur  la  tête  du  bouc  vivant, 
u  confessera  sur  lui  toutes  les  iniquités  des  enfants  d'Israël  et 
«  toutes  leurs  fautes,  selon  tous  leurs  péchés,  et  il  les  mettra  sur 
«  la  tête  du  bouc,  et  l'enverra  au  désert  par  un  homme  exprès... 
<c  Et  le  bouc  portera  sur  soi  toutes  leurs  iniquités  dans  une  terre 

tt  inhabitable;  puis  cet  homme  laissera  aller  le  bouc  dans  le 
«  désert.  » 

Pauvre  bouc,  va  !  heureusement  qu'il  a  bon  dos,  heureu- 
sement aussi  qu'il  n'est  pas  resté  dans  le  désôrt;  que  seraient 
devenues  nos  chèvres?... 

BOUCAGE.  —  Plante  de  la  famille  des  ombellifères,  ainsi 
nommée,  à  cause  de  la  forte  odeur  de  bouc  qu'elle  exhale.  Il  s'en 
fait  un  commerce  considérable,  cardon  s'en  sert  pour  la  compo- 
sition de  certains  ratafias  et  de  quelques  pâtisseries.  Les  confi- 
seurs s'en  servent  en  place  d'anis  pour  mettre  dans  des  dragées, 
et  l'on  en  retire  encore  une  huile  essentielle  bleue,  qui  sert  dans 
quelques  contrées,  à  Francfort,  par  exemple,  pour  teindre  l'eau- 
de-vie  en  cette  couleur,  mais  ce  mélange  lui  donne  une  acre  té 
désagréable. 

Les  semences  du  boucage  ont  les  mêmes  propriétés  que  celles 
de  l'anis;  elles  sont  stomachiques,  facilitent  la  digestion  et 
chassent  les  vents. 

BOUCHER,  BOUCHERIE.  —  Autrefois,  le  privilège  de 
vendre  la  viande  dite  de  boucherie,  comprenait  aussi  celle  du 
porc;  mais  quelques  rôtisseurs  et  quelques  aubergistes  s'étant 
avisés  de  vendre  du  porc  cuit  et  des  saucisses,  on  leur  donna  le 
nom  de  charcutier  venant  de  chair  cuite,  et  s'étant  institués  en 
communauté,  les  bouchers  leur  cédèrent  cette  branche  de  leur 
commerce.  (V.  Charcutier.) 


BOUCHER,  BOUCHERIE,  277 


L'institution  de  la  boucherie  et  par  conséquent  des  bou- 
chers, remonte  à  la  plus  haute  antiquité  :  dès  qu'on  put  faire  de 
la  viande  du  bétail  une  alimentation  constante  et  régulière,  on 
forma  des  établissements,  appelés  étaux  ou  boucheries,  pour 
vendre  au  public  la  viande  fraîche  et  aussi  pour  servir  d'abat- 
toirs avant  que  des  établissements  de  ce  dernier  genre  fussent 
fondés. 

Les  Romains  avaient  leurs  abattoirs  nommés  lanionia  et  leurs 
étaux  ou  boucheries  nommés  macella^  ces  établissements  furent 
d'abord  épars  dans  différents  quartiers,  puis  ils  finirent  par  se 
réunir  en  société,  et  on  leur  affecta  un  quartier  tout  entier  qui 
prit  la  dénomination  de  macellum  magnum  après  qu'on  y  eut 
transporté  aussi  les  marchés  où  se  vendaient  les  autres  substances 
comestibles.  L'accroissement  de  la  population  romaine  nécessita 
bientôt  la  construction  de  deux  autres  grandes  boucheries  qui , 
par  leur  magnificence,  ne  le  cédaient  en  rien  aux  bains,  aux 
cirques,  aux  amphithéâtres,  etc.  Les  Romains  avaient  aussi  une 
police  spécialement  affectée  à  l'examen  des  viandes  fraîches  qui 
entraient  au  marché,  cette  police  empêchait  les  marchands,  sous 
peine  d'une  forte  amende ,  de  vendre  de  la  viande  qui  eût  été 
tuée  depuis  plus  de  quarante  huit  heures  en  hiver  et  de  vingt 
quatre  heures  en  été. 

Dès  les  premiers  temps  de  l'histoire  de  France,  nous 
retrouvons  à  Paris,  des  boucheries  établies  sur  le  modèle  de 
celles  des  Romains.  La  corporation  des  bouchers  existait  déjà 
sous  la  haute  surveillance  d'un  chef  nommé  par  eux;  ce  chef 
devait  vider  tous  les  diff^érends  qui  pouvaient  exister  dans  la 
corporation  et  ne  relevait  que  du  prévôt  de  Paris,  en  ce  qui 
concernait  le  métier  et  l'administration  des  biens  de  ses  socié- 
taires. La  possession  de  ces  biens  était  commune  à  tous  les 
membres,  à  l'exclusion  des  filles,  et  les  familles  qui  ne  laissaient 
pas  d'héritiers  mâles  cessant  d'appartenir  à  la  communauté, 
celle-ci  profitait  des  héritages. 

Il  n'y  eut  pendant  longtemps  qu'une  seule  boucherie  à 
Paris,  dont  la  tour  Saint-Jacques-la-Boucherie  seule  nous  indi- 
que aujourd'hui  l'emplacement;  puis  on  en  institua  une  seconde  : 
la  boucherie  du  Parvis;  mais  elle  fut  abandonnée,  en  112a,  par 


\ 


 


278  BOUCHER,    BOUCHERIE. 

• — — — ' —  1  ■  » 

Philippe-Auguste  à  Tévêque  de  Paris;  enfin  les  Templiers,  sur 
une  charte  de  Philippe  le  Hardi,  établirent  aussi  une  boucherie 
dans  le  voisinage  de  leur  maison  ;  la  vieille  corporation  et 
la  grande  boucherie,  gardèrent  leurs  antiques  usages  et  conser- 
vèrent seules  le  privilège  de  délivrer  des  patentes  à  ceux  qui  vou- 
laient ouvrir  d'autres  étaux. 

Par  une  ordonnance  de  Charles  VI,  datée  de  1481,  tout 
boucher  qui  se  faisait  recevoir,  maître  à  Paris,  était  obligé  de' 
donner  un  aboivrement  et  un  past,  c'est-à-dire  un  déjeuner  et 
un  festin.  Or,  pour  Taboivrement,  le  nouveau  maître  devait  au 
chef  de  la  communauté,  un  cierge  de  750  grammes  et  un  gâteau 
pétri  aux  œufs  ;  à  la  femme  de  celui-ci,  quatre  pièces  de  viande 
à  prendre  dans  chaque  plat;  au  prévôt  de  Paris,  un  demi-litre 
de  vin  et  quatre  gâteaux;  au  voyer  de  Paris,  au  prévôt  du  Fort- 
l'Évêque,  aux  célerier  et  concierge  du  Parlement,  un  quart  de 
litre  de  vin  pour  chacun  et  deux  gâteaux. 

Pour  le  past  ou  festin,  il  devait  au  chef  de  la  communauté  : 
un  cierge  de  500  grammes,  une  bougie  roulée,  deux  pains,  un 
demi-chapon  et  15  kilog.  i/a  de  viande;  à  la  femme  duchef, 
douze  pains,  un  litre  de  vin  et  quatre  pièces  à  prendre  dans 
chaque  plat;  au  prévôt,  un  demi-litre  de  vin,  quatre  gâteaux, 
un  chapon  et,3o  kilog.  1/2  de  viande,  tant  en  porc  qu'en  bœuf 
(car  à  cette  époque  les  bouchers  vendaient  encore  la  viande  de 
porc,  ce  ne  fut  qu'au  xvi*  siècle  que  les  charcutiers  s'emparèrent 
de  cette  vente);  enfin,  au  voyer  de  Paris,  au  prévôt  du  Fort- 
TEvêque,  au  célerier  et  au  concierge  du  Parlement,  un  demi- 
chapon  pour  chacun,  deux  gâteaux  et  15  kilog.  1/2  de  viande  de 
bœuf,  plus  60  grammes  de  porc. 

•  Les  différentes  personnes  qui  avaient  droit  à  ces  rétributions 
étaient  obligées,  quand  elles  les  envoyaient  prendre,  de  payer 
un  ou  deux  deniers  au  ménétrier  qui  jouait  des  instruments 
dans  la  salle. 

Cela  n'était  pas  cher  se  nourrir. 

Quelques  bouchers  devenus  riches,  ayant  mis  des  locataires 
dans  leurs  étaux  à  des  prix  exagérés,  le  Parlement  décida  qu'un 
conseiller  de  la  cour,  présiderait  chaque  année  à  leur  adjudica- 
tion. Puis  enfin,  Henri  III,  par  lettres  patentes  du  mois  de  février 


BOUCHER,    BOUCHERIE.  279 

1587,  réunit  en  une  seule  et  unique  communauté  tous  les  bou- 
chers de  la  ville,  qu'il  érigea  en  corps  de  métier  juré  et  leur 
donna  des  statuts. 

La  révolution  de  1789,  époque  à  laquelle  il  y  avait  environ  à 
Paris  310  boucheries,  vint  apporter  un  grand  trouble  dans  ce 
corps  de  métier  ;  la  perturbation  étant  générale,  une  foule  de 
gens  se  mirent  à  vendre  de  la  viande  de  boucherie  fraîche  ou 
non,  partout  où  ils  se  trouvaient  et  jusque  dans  les  caves,  et  il  en 
résulta  les  abus  les  plus  pernicieux  pour  la  santé  publique  ;  enfin 
le  désordre  et  le  gaspillage  devinrent  tels  que  l'autorité  se  vit 
obligée  de  prendre  des  mesures  pour  réprimer  cet  état  de  choses. 
Un  arrêté  du  9  germinal  an  VIII  porta  que  a  nul  ne  pourrait 
exercer  la  profession  de  boucher  sans  être  commissionné  par  le 
préfet  de  police;»  puis  le  8  vendémiaire  an  XI,  un  décret  rétablit 
en  corporation  la  boucherie  parisienne,  institua  un  syndicat,  et 
exigea  de  tout  boucher,  indépendamment  de  Tautorisation  du 
préfet  de  police,  le  versement  d'un  cautionnement  qui  variait  de 
1,000,  2,000,  à  3,000  francs,  selon  l'importance  des  établissements. 
Le  décret  impérial  du  8  février  181 1  fut  plus  restrictif  encore  :  il 
réduisit  à  trois  cents  le  nombre  des  boucheries  de  la  capitale, 
affecta  au  rachat  des  étaux  dépassant  ce  nombre,  les  intérêts  des 
cautionnements  dont  le  capital  alimentait  la  caisse  de  Poissy  et 
réorganisa  sur  des  bases  nouvelles  cette  caisse,  sorte  de  banque 
chargée  déjà  depuis  plusieurs  années  de  servir  d'intermédiaire 
entre  les  bouchers  et  les  marchands  de  bestiaux  et  de  faire  à  ceux- 
ci  l'avance  des  payements  jusqu'à  concurrence  du  cautionnement 
des  acheteurs. 

Depuis  cinquante  ans  la  boucherie  a  fait  d'immenses  pro- 
grès ;  d'abord  il  s'est  fondé  des  abattoirs  qui  ont  fait  disparaître 
toutes  les  tueries  des  boucheries,  effrayants  foyers  d'infection, 
que  l'usage  avait  jusque-là  tolérées,  aux  dépens  de  la  salubrité 
publique,  dans  les  rues  étroites  du  centre  de  Paris;  on  en  insti- 
tua trois  principaux  :  l'abattoir  Montmartre ,  l'abattoir  Popin- 
court  et  l'abattoir  du  Roule,  qui  se  fondirent  en  un  seul  établi 
il  y  a  un  ou  deux  ans  à  la  Villette  ;  c'est  là  maintenant,  dans 
cet  immense  et  magnifique  établissement  que  viennent  s'appro- 
visionner tous  les  bouchers  qui  vendent  ensuite  aux  consomma- 


a8o  BOUCHER,   BOUCHERIE. 


teurs,  à  des  prix  limités,  la  viande  nécessaire  à  leur  usage  jour- 
nalier ;  cette  vente  augmente  tous  les  jours  d'importance,  et  il  se 
vend  quotidiennement  à  Paris  plus  de  400,000  kilogrammes  de 
viande  de  bœuf,  de  veau  ou  de  mouton. 

Le  nombre  des  bouchers  a  aussi  considérablement  augmenté, 
et  Ton  n'en  compte  pas  moins  de  300  disséminés  dans  tous  les 
quartiers  de  Paris,  et  qui,  cbaque  matin,  se  trouvent  presque 
tous  réunis  à  Tabattoir  de  la  Villette,  où  la  viande  du  bétail  tué 
pendant  la  nuit,  leur  est  débitée;  d'autres  ont  leur  voiture  qui,  à 
deux  ou  trois  heures  du  matin  et  bien  avant  que  la  clientèle  soit 
éveillée,  apporte  la  viande  fraîchement  dépecée;  c'es^  presque 
sinistre,  de  voir  la  nuit  ces  voitures  voyageant  avec  rapidité,  afin 
de  livrer  leur  marchandise  le  plus  promptement  possible,  et  por- 
tant ces  corps  sanguinolents,  entourés  de  linges  sanglants  et  lais- 
sant après  eux  une  longue  traînée  de  sang,  l'imagination  se 
livre  alors  aux  plus  lugubres  réflexions. 

Depuis  quelques  années,  il  s'était  aussi  établi  à  Paris  quel- 
ques boucheries  de  viande  de  cheval,  quelques  amateurs  hippo- 
phages  avaient  essayé  de  faire  passer  cet  aliment  dans  la  corfsom- 
mation  :  des  banquets  furent  donnés  dont  les  comptes  rendus 
furent  publiés  dans  les  journaux,  puis  des  prospectus  furent 
distribués,  o^ant  aux  consommateurs  bon  marché  et  bonne 
qualité  ;  mais  rien  n'y  fit  et  Ion  vit  peu  à  peu  ces  boucheries  dis- 
paraître; c'est  à  peine  aujourd'hui  s'il  en  reste  deux  ou  trois 
établies  dans  les  quartiers  les  plus  pauvres  de  Paris  et  dont  le 
bon  marché  soutient  seul  l'existence. 

La  viande  de  cheval,  du  reste,  n'est  pas  précisément  mau- 
vaise, mais  elle  a  besoin  d'être  fortement  assaisonnée;  et  surtout 
d'être  mangée  sans  préjugés. 

Rappelons  qu'à  Rome,  les  bouchers  avaient  des  boutiques  dans 
toutes  les  rues  jusqu'au  moment  oii  ces  boutiques  furent  réunies 
dans  un  seul  quartier  qui  s'appela,  comme  nous  l'avons  dit  :  Macel- 
lum  magnum.  Il  y  en  avait  surtout  au  Forum,  cette  grande  exhi- 
bition quotidienne  des  produits  de  Rome  et  des  ses  environs. 

Il  y  avait  un  étal  de  boucher  en  face  du  tribunal  des  Décem- 
virs  puisque  c'est  à  un  étal  de  boucher  que  Virginius  arracha  le 
couteau  avec  lequel  il  tua  sa  fille. 


BOUCHER,    BOUCHERIE.  a8i 


Peut-être  s*étonnera-t-on  que  Virginius,qui  était  centurion, 
par  conséquent  capitaine  dans  l'armée  romaine,  prit  un  ignoble 
couteau  de  boucher  pour  tuer  la  jeune  et  belle  enfant  dont  Appius 
était  amoureux  et  qu'il  voulait  lui  enlever. 

D'abord,  il  y  a  des  moments  où  l'histoire  fait  du  pittoresque 
mieux  que  les  romanciers;  l'histoire  en  faisant  plonger  dans  le 
cœur  de  cette  gracieuse  créature  l'immonde  couteau  qui  servait 
à  égorger  les  derniers  animaux,  faisait  une  splendide  opposition 
des  formes  les  plus  élégantes  avec  l'arme  la  plus  basse. 

Puis  il  fallait  bien  que  ce  fut  ainsi,  puisqu'à  cause  des  dis- 
putes qui  avaient  lieu  à  tous  moments,  il  était  défendu  à  tous 
les  citoyens,  même  aux  soldats,  d'entrer  au  Forum  avec  leurs 
armes. 

Virginius,  quoique  centurion,  avait  donc  dû  subir  la  loi  géné- 
rale et,  venant  plaider  pour  sa  fille,  y  plaider  désarmé. 

Voilà  ce  qu'ignorait  Alfîeri  qui  fait  tuer  Virginie  d'un 
coup  d'épée,  attendu,  dit-il,  que  l'épée  est  une  arme  plus  noble 
qu'un  couteau. 

L'arme  est  plus  noble,  c'est  vrai  ;  mais  à  notre  avis,  elle  est 
moins  dramatique;  puis  elle  indique  chez  l'auteur  une  ignorance 
des  mœurs  et  des  lois  du  temps  qu'il  n'est  pas  permis  à  un  auteur 
d'avouer.  ^ 

On  sait  que  c'est  à  la  suite  de  l'émeute  qui  accompagna  la 
mort  de  Virginie  que  le  tribunal  des  Décemvirs  fut  renversé. 

On  lui  doit  la  loi  des  dou^^e  tables^  qui  fut  longtemps  le  code 
Romain. 

Les  bouchers,  du  reste,  semblaient  destinés  à  être  illustrés 
par  des  événements  dans  le  genre  de  celui  que  nous  venons  ci- 
dessus  de  raconter  et  à  s'illustrer  eux-mêmes,  mais  toujours  dans 
de  sanglantes  circonstances  ;  ne  sont-ils  pas  hommes  de  sang,  et 
par  conséquent  aimant  le  sang? 

On  sait  quelle  part  active  les  bouchers  prirent  sous 
Charles  VI  à  la  querelle  sanglante  des  Armagnacs  et  des  Bour- 
guignons. On  sait  que  Caboche,  un  des  leurs,  leur  chef,  devint 
aussi  le  chef  du  peuple  parisien.  Les  Armagnacs  victorieux  firent 
démolir  la  grande  boucherie  et  celle  du  Parvis  et  abolirent  tous 
leurs  privilèges;  mais  leurs  adversaires  s'étant  à  leur  tour  retrou- 


a8a  BOUILLANTS. 


vés  les  plus  Forts,  les  rétablirent   et  relevèrent   les   ruines  des 
étaux  du  Châtelet. 

BOUCLIER.  —  Poisson  vivant  sur  les  côtes  de  l'Islande  et 
en  Danemark,  la  chair  du  mâle,  trouvée  excellente  par  les  habi- 
tants, se  mange  fraîche,  cuite  sur  le  gril  et  quelquefois  dans  un 
potage  de  petit  lait;  c'est,  paraît-il,  une  nourriture  saine  et 
agréable;  on  sèche  aussi  la  chair,  on  la  sale  et  on  la  mange  dans 
le  pays,  comme  nous  mangeons  les  harengs-saurs. 

BOUGON.  —  Espèce  de  ragoût  de  veau. 

Pour  faire  ce  ragoût,  vous  prenez  de  petites  tranches  de 
rouelle  de  veau,  un  peu  longues  et  minces,  vous  les  aplatissez 
sur  une  table,  vous  rangez  Tun  après  Tautre  sur  ces  tranches  un 
gros  lardon  de  lard  cru  et  un  de  jambon  ;*  poudrez  le  tout  d'un 
peu  de  persil  et  de  ciboules;  assaisonnez  de  fines  épices  et  de 
fines  herbes.  Puis  vos  tranches  ainsi  garnies,  vous  les  roulez 
proprement  comme  des  filets  mignons  et  les  mettez  dans  un  pot 
pour  les  cuire  à  la  braise.  Quand  elles  sont  bien  cuites,  vous  les 
égouttez  et  les  servez  avec  un  bon  coulis  et  ragoût  de  champi- 
gnons, truffes  et  autres  garnitures. 

BOUDELIÈRE.  —  C'est  un  des  meilleurs  poissons  d'eau 
douce,  sa  chair  nourrit  et  se  digère  facilement. 

BOUILi^ANTS.  —  Ancien  pâté  d'entremets  qui  se  sert 
encore  aujourd'hui  sur  les  meilleures  tables. 

Pour  faire  des  bouillants,  prenez  l'estomac  de  poulets  ou  cha- 
pons rôtis,  avec  un  peu  de  moelle,  gros  comme  un  œuf  de  tétine 
de  veau  blanchie,  autant  de  lard  et  un  peu  de  fines  herbes,  ha- 
chez et  assaisonnez  bien  le  tout  et  mettez-le  sur  une  assiette. 

Faites  un  morceau  de  pâte  fine,  tirez-en  deux  abaisses, 
minces  comme  du  papier,  mouillez-en  une  légèrement  avec  de 
l'eau,  mettez  de  votre  farce  dessus  par  petits  tas  un  peu  éloignés 
les  uns  des  autres.  Couvrez-les  ensuite  avec  Tautre  abaisse  en 
l'étendant  avec  le  bout  de  vos  doigts;  enfermez  chaque  mor- 
ceau bien  hermétiquement  entre  les  deux  pâtes*,  coupez -les 
avec  un  fer  propre  à  cela,  dressez-les  ensuite  proprement  sur  un 
plat  comme  des  petits  pâtés  et  faites-les  cuire  au  four  ;  quand 
ils  sont  de  belle  couleur,  vous  les  servez  chaudement  pour  hors- 
d'œuvre  ou  garnitures  d'entrées. 


BOUILLI.  283 


Cela  ressemble  beaucoup  à  ce  que  nous  appelons  vol-au- 
vent à  la  financière. 

BOUILLI.  —  On  entend  par  bouilli  toute  pièce  de  viande 
cuite  dans  Teau. 

Le  président  Hénault,  raconte  un  homme  d'esprit  du  temps 
de  la  restauration,  dînant  chez  madame  du  Deffant,  disait  d'une 
poularde  trop  bouillie,  qu'elle  était  comme  un  rayon  de  miel  où 
il  ne  restait  que  de  la  cire,  et  madame  du  Deffant,  chez  laquelle 
on  dînait,  trouva  que  le  président  avait  raison  ;  le  bouilli  n'est 
que  de  la  viande  cuite,  moins  son  jus,  disait  M"*  de  Créquy.  Il  y  y 

avait  une  chose  à  répondre  à  ces  illustres  gourmands  :  Avez-vous 
goûté  du  bœuf  ou  des  poulets  de  la  marmite  éternelle? 

—  Non! 

—  Eh  bien,  goûtez- en  et  vous  reviendrez  sur  votre  opi- 
nion. 

—  Qu'est-ce  que  la  marmite  éternelle? 

La  marmite  éternelle  est  ou  plutôt  était,  attendu  que  cette 
illustre  institution  gastronomique  a  cessé  de  fonctionner  depuis 
longtemps,  la  marmite  éternelle  était  un  récipient  qui,  ni  jour  ni 
nuit  ne  quittait  le  feu,  dans  laquelle  on  mettait  un  poulet  dès 
qu'on  en  retirait  un  poulet  ;  un  morceau  de  bœuf  dès  qu'on  en 
tirait  un  morceau  de  bœuf;  et  un  verre  d'eau  dès  qu'on  en  tirait 
une  tasse  de  bouillon;  toute  espèce  de  viande  qui  cuisait  dans  ce 
bouillon  gagnait  en  sapidité  plutôt  que  d'y  perdre,  car  elle 
héritait  des  sucs  qu'avaient  laissés  dans  ce  bouillon  où  elle  venait 
à  son  tour  laisser  une  partie  des  siens,  les  sucs  des  viandes  qui  )<(^ 

avaient  cuit  avant  elle;  il  ne  fallait  laisser  dans  k  marmite 
éternelle  le  morceau  de  viande  qu'on  y  faisait  cuire  que  le  temps 
absolument  nécessaire  à  sa  cuisson  ;  il  ne  perdait  aucune  de  ses 
qualités. 

Maintenant  que  la  marmite  éternelle  nous  manque,  il 
faudra  se  contenter  de  faire  un  grand  bouilli. 

Pour  faire  un  beau  plat  de  relevé,  achetez  une  culotte  de 
bœuf  de  12  à  15  kilog.,  faites-la  désosser,  ficelez-la  de  manière 
à  ce  que  votre  relevé  de  potage  ait  la  forme  d'un  carré  long, 
bombé;  faites-la  cuire  dans  un  bouillon  que  vous  aurez  fait 
la  veille,  et  dans  lequel  vous  aurez  rais  tous  les  restes  des  rôtis 


a84  BOUILLI. 


de  la  veille,  poulet  rôti,  dinde  rôtie,  lapin  rôti,  etc.,  etc.  Mettez 
autour  de  votre  pièce  de  bœuf  une  garniture  à  la  Chambord  ou  à 
la  Godard,  décorez-la  d'une  quantité  d'hàtelets  garnis  de  ris- 
soUes,  et  iîchés  dans  les  chairs  en  manière  de  porc-épic;  si  la 
garniture  de  votre  bouilli  n'est  ni  à  la  Chambord  ni  à  la  Godard, 
garnissez-le  de  petits  pâtés  d'oignons  glacés,  de  choucroute,  de 
nouilles  ou  de  légumes  à  la  flamande. 

Bouilli  froid.  —  Faites  avec  le  bouilli  froid  des  tartines  au 
beurre  et  aux  fines  herbes,  ou  mangez-le  en  salade.  Mais  comme 
notre  goût  peut  n'être  pas  celui  de  tout  le  monde,  nous  allons 
dire  tout  le  parti  qu'on  en  peut  tirer. 

Poitrine  de  bœuf  encharbonnée.  —  Coupez- la  froide  en 
longs  morceaux;  panez-la,  faites-la  griller  lestement  et  servez-la 
sur  une  purée  de  tomates  ou  sur  une  sauce  piquante  aux  écha- 
lotes et  aux  cornichons. 

Miroton  Saint-Honoré.  —  Versez  sur  un  plat  qui  aille  sur 
le  feu  de  bon  bouillon  gras  avec  persil,  estragon,  ciboules,  cer- 
feuil et  câpres;  couchez  sur  cet  assaisonnement  votre  bœuf 
coupé  en  tranches  les  plus  minces  possible,  assaisonnez  comme 
dessus,  couvrez  le  plat,   et  laissez  cuire  doucement  trente  ou, 

quarante  minutes. 

Miroton  à  la  mode  de  Vile  Saint-Louis.  —  Coupez  le  bœuf 
en  tranches  minces,  en  travers,  hachez  des  oignons,  faites-les 
roussir  à  la  graisse  de  bœuf,  ajoutez  fariae,  bouillon,  sel,  poivre 
et  vinaigre,  laissez  bouillir  un  quart  d'heure,  versez  sur  votre 
bœuf  disposé  dans  un  plat;  laissez  mijoter  pendant  trente  ou 
quarante  minutes.. 

Chapelurez  et  faites  prendre  couleur  au  four,  s'il  vous 
convient. 

Bouilli  au  pauvre  homme.  —  Coupez  votre  bouilli  en 
tranches,  couchez  ces  tranches  sur  un  plat,  semez  par-dessus 
du  sel,  du  poivre,  du  persil,  de  la  ciboule  hachée,  un  peu  de 
graisse  du  pot,  une  pointe  d'ail,  versez  un  verre  de  bouillon, 
un  peu  de  chapelure  de  pain;  faites-le  mitonner  sur  de  la  cendre 
chaude  pendant  un  quart  d'heure. 

Quand  on  était  plus  de  huit  jours  sans^donner  à  Louis  XV  son 
bœuf  au  pauvre  homme,  il  était  le  premier  à  le  redemander. 


BOUILLI.  ^$ 


Hachis  de  bœuf  à  la  ménagère.  —  Vous  hachez  des 
pignons  avec  du  persil,  des  ciboules  et  un  peu  de  thym,  passez- 
les  au  beurre  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  bien  cuits;  vous  y  ajou- 
terez un  peu  de  ferine  et  vous  tournerez  jusqu'à  ce  qu'elle  ait 
pris  couleur  ;  vous  la  mouillerez  avec  du  bouillon  et  un  demi- 
verre  de  vin  blanc.  Assaisonnez  de  sel,  de  poivre,  et  quand  l'oi- 
gnon sera  cuit,  la  sauce  réduite,  mettez-y  le  bœuf  haché  et 
laissez-le  mitonner  sur  un  feu  très-doux  pendant  une  demi- 
heure. 

Bouilli  en  persillade.  —  Mettez  au  fond  d'un  plat  de  la 
graisse  de  rôti  ou  du  beurre  étendu,  semez  dessus  du  persil 
très-fin  et  des  champignons  hachés,  saupoudrez  le  tout  de  cha- 
pelure, superposez  des  tranches  de  bœuf  cuit  dans  le  pot-au-feu, 
graisse,  persil,  champignons,  et  alternez;  mouillez  de  bouillon, 
faites  bouillir  quarante-cinq  minutes,  ayez  soin  de  rafraîchir  de 
temps  en  temps,  puis,  lorsque  le  tout  a  bouilli,  dégraissez-le  et, 
servez-le  avec  un  cordon  de  pommes  de  terre  sautées. 

Bouilli  en  quenelles.  —  Hachez  du  bœuf  bouilli  avec  des 
pommes  de  terre  cuites  dans  la  cendre,  ajoutez-y  du  beurre  ou 
de  la  graisse  de  potage  et  quelques  œufs  entiers,  maniez  bien  le 
tout  et  faites-en  des  boulettes  que  vous  passerez  au  beurre  dans 
une  casserole,  servez  avec  une  sauce  à  la  ravigote  ou  une  sauce 
piquante. 

Bouilli  en  matelote  et  à  la  bourgeoise.  —  Mettez  des  petits 
oignons  dans  une  poêle  avec  un  peu  de  beurre,  faites-les  roussir 
sur  un  feu  doux,  mettez-y  une  cuillerée  à  bouche  de  farine  ;  lors- 
que la  sauce  aura  pris  une  certaine  couleur,  mettez  un  verre  de 
vin  rouge,  un  demi-verre  de  bouillon,  faites-ysauter  vos  oignons, 
quelques  champignons,  du  sel,  du  poivre,  une  feuille  de  laurier, 
un  peu  de  thym  ;  lorsque  le  ragoût  sera  cuit,  vous  le  verserez  sur 
les  tranches  de  bouilli  que  vous  aurez  mises  sur  un  plat,  faites-le 
mijoter  une  demi-heure  afin  que  le  bouilli  se  pénètre  de  la  sauce 
et  servez. 

Bouilli  à  la  poulette  et  à  la  bourgeoise.  — ^  Mettez  un  mor- 
ceau de  beurre  avec  du  persil  et  de  la  ciboule  hacliée  dans  une 
casserole,  faites-les  revenir,  mettez  une  cuillerée  de  farine,  agitez 
le  tout  ensemble,  versez  un  verre  de  bouillon,  ajoutez  sel,  poivre, 


286  BOUILLON. 


et  muscade;  faites  bouillir  cinq  ou  six  minutes,  mettez-y  votre 
bœuf  que  vous  aurez  taillé  en  petites  tranches  ;  sautez-le  dans 
votre  sauce  et  liez  avec  trois  jaunes  d'œuf. 

BOUILLIE.  —  Espèce  de  potage,  composé  de  farine,  de 
blé  ou  de  fécule  que  Ton  fait  cuire  dans  du  lait,  ou  dans  du  bouil- 
lon, ou  dans  une  émulsion  d'amandes;  c'est  la  première  nourri- 
ture que  Ton  donne  auxenfantsqui  quittent  le  sein  ;  la  bouillie  la 
plus  légère^  se  fait  avec  la  fécule  de  pommes  de  terre  ;  c'est  celle 
également  qui  a  besoin  de  rester  le  moins  longtemps  sur  le  feu 
pour  arriver  à  son  entière  cuisson.  Pour  rendre  la  farine  de  fro- 
ment plus  alimentaire  que  celle  de  fécule  il  &ut  qu'elle  soit 
séchée  au  four  jusqu'à  être  légèrement  roussie.  La  bouillie  au 
reste  se  fait  avec  toutes  sortes  de  farines;  avec  la  fiairinedesagou, 
de  salep,  de  tapioca,  d'arrow-root,  d'orge  et  d'épeautre,  la 
bouillie  de  farine  d'avoine,  se  nomme  gruau,  la  bouillie  de  mie 
«de  pain,  s'appelle  panade. 

Nota.  Pour  cette  dernière  sorte  de  bouillie,  observe  M.  Vuil- 
lemot,  ayez  grand  soin  de  ne  mettre  le  beurre  qu'au  moment  de 
la  liaison,  pour  lui  conserver  toute  sa  suavité. 

BOUILLON.  —  Il  n'y  a  pas  de  bonne  cuisine  sans  bon 
bouillon  ;  la  cuisine  française,  la  première  de  toutes  les  cuisines, 
doit  sa  supériorité  à  l'excellence  du  bouillon  français;  cette 
excellence  résulte  d'une  espèce  d'intuition  donnée  je  ne  dirai  pas 
à  nos  cuisinières,  mais  à  nos  femmes  du  peuple. 

Rivarol  disait  à  des  gourmands  de  Lubeck  et  d'Hambourg  en 
laissant  son  assiette  de  potage  aux  trois  quarts  pleine  : 

«  Messieurs,  il  n'y  a  pas  en  France  une  garde-malade  ni  une 
portière,  qui  ne  sachefaire  du  meilleur  bouillon  que  le  plushabile 
cuisinier  de  vos  trois  villes  hanséatiques.  » 

Dans  ma  jeunesse  j'habitais  ma  ville  natale,  Villers-Cotte- 
rets  ;  elle  est  entourée  d'une  magnifique  forêt  où  le  duc  de  Bourbon 
venait  faire  de  très-belles  chasses  au  sanglier,  mon  cousin  était 
inspecteur  de  la  forêt  ;  ayant  entendu  un  jour  le  duc  de  Bourbon 
me  dire  chez  lui  : 

«  Monsieur  Dumas,  votre  père  et  moi  avons  échangé  quel- 
ques bons  coups  de  sabre  dans  notre  jeunesse,  »  il  m'invita  désor- 
mais à  dîner  chez  lui  toutes  les  fois  que  le  duc  de  Bourbon  y 


BOUILLON.  287 


dînait  c'est-à-dire  toutes  les  fois  qu'il  venait  chasser  à  Villers- 
Cotterets. 

Un  jour  le  prince  racontait  qu'en  sortant  de  France  en  89, 
il  était  allé  demander  l'hospitalité  au  prince-évêque  de  Pas- 
sau  ;  ce  dernier  la  lui  avait  donnée  avec  la  fastueuse  hospitalité 
des   prélats  souverains,   au   premier  dîner  le  prince  de  Condé 


s'écria  : 


«  Ah  par  ma  foi  voilà  de  bonne  soupe,  passez-moi  encore 
quelques  cuillerées. 

—  Monseigneur,  répondît  le  prince-évêque,  je  ferai  ordon- 
ner que  pendant  tout  le  temps  que  vous  passerez  chez  moi,  on 
y  soigne  beaucoup  les  potages  ;  la  nation  française  est  une  nation 
soupière. 

—  Et  bouillonnante,  monseigneur,  répondit  le  vieil  émigré, 
et  de  son  dernier  bouillon  elle  m'a  flanqué  à  la  porte.» 

Nous  allons  donc  en  recueillant  toutes  les  autorités,  dire 
quels  sont  les  principesde  la  viande  auxquels  le  bouillon  emprunte 
sa  sapidité;  ces  principes  sont  la^irme^  Xz.  gélatine ^  Vosma^ôme^ 
la  graisse,  et  Y  albumine, 

La  fibrine,  —  La  fibrine  est  insoluble,  la  fibre  est  ce  qui 
compose  le  tissu  de  la  chair  et  ce  qui  se  présente  à  Toeil  après 
la  cuisson;  la  fibre  résiste  à  l'eau  bouillante,  et  conserve  sa  forme 
quoique  dépouillée  d'une  partie  de  ses  enveloppes  ;  quand  un 
morceau  de  viande  a  longtemps  bouilli  dans  un  grand  volume 
d'eau,  ce  qui  en  reste  est  à  peu  près  de  la  fibrine  pure. 

La  gélatine  diminue  à  mesure  qu'on  avance  en  âge,  à  90 
ans  les  os  ne  sont  plus  qu'une  espèce  de  marbre  imparfait;  c'est  ce 
qui  les  rend  si  cassants,  et  fait  une  loi  de  prudence  aux  vieillards 
d'éviter  toute  occasion  de  chutes.  Les  os  sont  principalement 
composés  de  gélatine  et  de  phosphate  de  chaux. 

Uosmaiôme  est  cette  partie  éminemment  sapide  de  viande 
qui  est  soluble  à  l'eau  froide  et  qui  se  distingue  de  la  partie 
extractive  en  ce  Tjue  cette  dernière  n'est  soluble  que  dans  l'eau 
bouillante  ;  c'est  l'osmazôme  qui  fait  la  valeur  des  bons  potages, 
c'est  lui  qui  en  se  caramélisant  forme  le  roux  des  viandes,  c'est 
par  lui  que  se  forme  le  rissolé  des  rôtis,  enfin  c'est  par  lui  que 
sort  le  fumet  de  la  venaison  et  du  gibier. 


x' 


a88  BOUILLON. 


L'osmazôme  se  tire  surtout  des  animaux  adultes  à  chair  noire 
qu'on  est  convenu  d'appeler  chair  faite;  on  n'en  trouve  point  ou 
presque  point  dans  lagneau,  le  cochon  de  lait,  les  poulets,  et 
même  dans  le  Manc  des  plus  grosses  volailles;  c'est  la  présence 
de  l'osmazôme,  dit  Brillât-Savarin,  qui  a  fait  chasser  tant  de  cui- 
siniers convaincus  de  distraire  le  bouillon,  c'est  elle  qui  a  fait 
adopter  les  croûtes  au  pot  comme  confortatif  dans  le  bain  et  qui 
a  fait  inventer  au  chanoine  Chevrierdes  marmites  fermant  à  clef  ; 
c'est  le  même  à  qui  on  ne  servait  jamais  des  épinards  le  vendredi 
qu'autant  qu'ils  avaient  été  cuits  le  dimanche  et  remis  chaque 
jour  sur  le  feu  avec  une  nouvelle  addition  de  beurre  frais.  Enfin 
c'est  pour  ménager  cette  substance,  quoique  encore  inconnue,  que 
s'est  introduite  la  maxime  que  pour  faire  de  bon  bouillon,  la 
marmite  ne  devait  que  sourire. 

L albumine,  —  Se  trouve  dans  la  chair  et  dans  le  sang,  elle 
ressemble  au  blanc  de  Tœuf,  elle  se  coagule  à  une  chaleur  au- 
dessous  de  40  degrés,  c'est  ce  que  l'on  rejette  du  pot  au  feu,  sous 
le  nom  d'écume. . 

La  graisse  est  une  huile  insoluble  dans  reau,elle  se  forme 
dans  les  interstices  du  tissu  cellulaire,  et  s'agglomère  quelque- 
fois en  masse  dans  les  animaux  prédisposés,  comme  les  cochons, 
les  volailles,  les  ortolans,  et  les  becfigues;  si  dans  un  pot-au-feu, 
on  ne  voulait  tirer  que  le  bouillon,  on  pourrait  tout  simplement 
la  hacher,  la  manier  dans  l'eau  froide  et  la  faire  chauffer  lente- 
ment jusqu'à  ébuUition;  par  là  on  dépouillerait  la  viande  de  tous 
ses  principes  solubles,  et  on  obtiendrait  en  moins  d'une  demi-heure 
un  véritable  consommé;  c'est  ce  que  nous  invitons  à  faire  les 
personnes  chez  lesquelles  il  arrive  des  comîves  inattendus,  et  qui 
veulent  donner  un  potage  à  ces  convives. 

C'est  une  erreur  de  croire  que  les  volailles  ajoutent,  à  moins 
qu'elles  ne  soient  très-vieilles  ou  très-grasses,  quelque  chose  à  l'os- 
mazôme du  bouillon.  Le  pigeon  lorsqu'il  est  vieux,  la  perdrix  et 
les  lapins  rôtis  d'avance,  le  corbeau,  en  novembre  et  décembre, 
ajoutent  beaucoup  à  la  sapidité  et  à  l'arôme  du  bouillon.  En 
général  la  chair  de  ces  animaux  contient  tout  leur  sang,  et 
c'est  ce  qui  fait  qu'elles  ajoutent  à  la  sapidité  et  à  l'arôme  du 
bouillon  dans  lequel  on  la  met. 


BOUILLON.  a89 


Maintenant  comme  on  ne  met  pas  seulement  le  pot  au  feu 
pour  avoir  du  bouillon,  mais  pour  avoir  de  la  viande  man- 
geable qui  non -seulement  peut  le  premier  jour  se  servir 
bouillie,  mais  le  lendemain  reparaître  sous  un  autre  aspect, 
nous  allons  indiquer  la  marche  à  suivre  pour  avoir  toujours  du 
bon  bouillon  sans  épuiser  la  viande. 

Prenez  toujours  le  plus  fort  morceau  de  viande  que  comporte 
votre  consommation  habituelle,  plus  le  morceau  sera  fort,  frais 
et  épais,  plus  le  bouillon  se  ressentira  de  ces  trois  qualités  sans 
compter  l'économie  de  temps  et  de  combustible.  Ne  lavez  pas  la 
viande,  ce  qui  la  dépouillerait  d'une  partie  de  ses  sucs,  ficelez- 
la  après  en  avoir  séparé  les  os,  afin  qu'elle  ne  se  déforme  pas,  et 
mettez  dans  la  marmite  un  litre  d'eau  par  cinq  cents  grammes 
de  viande. 

Faites  chauiFer  la  marmite  avec  lenteur,  il  en  résultera  que 
l'albumine  se  dissoudra  d'abord,  se  coagulera  ensuite,  et  comme 
dans  ce  premier  état  elle  est  plus  légère  que  le  liquide,  elle  s'élè- 
vera à  la  surface  en  enlevant  les  impuretés  que  votre  viande  peut 
contenir;  Talbumine  coagulée,  ce  sont  les  blancs  d'œufs  que  l'on 
,  emploie  pour  clarifier  les  autres  substances.  L'écume  a  été  d'au- 
tant plus  abondante  que  Tébullition  a  été  plus  lente.  Il  doit 
s'écouler  une  heure  entre  le  moment  où  la  marmite  a  été  mise 
sur  le  feu  et  celui  oh  l'écume  se  rassemble  à  sa  surface. 

L'écume  bien  fournie,  il  faut  l'enlever  à  l'instant  même, 
rébuUition  de  la  marmite  précipiterait  l'écume,  ce  qui  trouble- 
rait la  transparence  du  bouillon;  si  le  feu  est  bien  conduit,  on 
n'a  pas  besoin  de  rafraîchir  la  marmite  pour  faire  monter  une 
nouvelle  écume  ;  lorsque  la  marmite  est  bien  écumée  et  qu'elle 
jette  ses  premières  vagues,  on  y  met  les  légumes  qui  consistent 
en  trois  carottes,  deux  panais,  trois  navets,  un  bouquet  de  poi- 
reaux et  de  céleri  ficelés  ensemble;  n'oubliez  pas  d'y  ajouter 
trois  gros  oignons  piqués,  l'un  d'une  demi-gousse  d'ail  et  les 
deux  autres  d'un  clou  de  girofle;  dans  la  cuisine  de  second 
ordre,  mais  de  second  ordre  seulement,  on  donne  la  couleur  au 
bouillon,  avec  la  moitié  d'un  oignon  brûlé,  une  boule  de  cara- 
mel ou  une  carotte  desséchée;  n'oubliez  pas  de  briser  avçc  un 
couperet  les  os  qui  prennent  part  à   U  composition  de  votre 

19 


390 


BOUILLON. 


bouillon,  qu'ils  soient  achetés  en  même  temps  que  le  bœuf,  ou 
qu'ils  soient  des  restes  du  rôti  de  la  veille;  plus  ils  sont  brisés 
en  nombreux  fragments,  plus  ils  rendent  de  gélatine. 

Il  faut  sept 'heures  d'ébuUition  lente  et  toujours  soutenue 
pour  donner  au  bouillon  les  qualités  requises  ;  devant  un  feu  de 
cheminée,  régler  cette  ébuUition  est  une  chose  presque  impos- 
sible, mais  on  y  parvient  facilement  au  contraire  en  employant 
un  fourneau  qui  doit  chauffer  constamment  le  dos  de  la  mar- 
mite; pour  diminuer  autant  que  possible  Tévaporation,  il  faut 
que  la  marmite  reste  couverte  ;  il  faut  regarder  deux  fois  à  la 
remplir,  même  lorsqu'on  en  retire  du  bouillon,  cependant  si  la 
viande  était  à  découvert,  il  faudrait  y  verser  de  Teau  bouillante 
jusqu'à  ce  que  la  viande  soit  baignée,  le  bouilli  en  sortant  du 
pot  au  feu  a  perdu  la  moitié  de  son  poids. 

Nous  comprenons,  dit  Brillât-Savarin,  sous  quatre  caté- 
gories les  personnes  qui  mangent  du  bouilli. 

I®  —  Les  personnes  qui  en  mangent  parce  que  leurs 
parents  en  mangeaient,  et  qui  suivant  cette  pratique  avec  une 
soumission  implicite  espèrent  bien  aussi  être  imités  par  leurs 
enfants. 

20  —  Les  impatients  qui  abhorrent  l'inactivité  à  table  et  ont 
contracté  l'habitude  de  se  jeter  avidement  sur  la  première 
matière  qui  se  présente. 

3**  —  Les  inattentifs  qui,  n'ayant  pas  reçu  du  ciel  le  feu 
sacré,  regardent  les  repas  comme  les  œuvres  d'un  travail  obligé, 
mettent  sur  le  même  niveau  tout  ce  qui  peut  les  nourrir  et  sont 
à  table  comme  l'huître  sur  son  banc. 

Enfin,  les  dévorants  qui,  doués  d'un  appétit  dont  ils  cher- 
chent à  dissimuler  l'étendue,  se  hâtent  de  jeter  dans  leur  esto- 
mac une  première 'victime  pour  apaiser  le  feu  gastrique  qui  les 
dévore  et  servir  de  base  aux  divers  envois  qu'ils  se  proposent 
d'acheminer  vers  la  même  destination. 

Passons  maintenant  aux  différentes  variétés  de  bouillon. 

Bouillon  consommé  à  la  régence.  —  Prenez  à  nouveau  un 
morceau  de  bœuf,  un  morceau  de  poitrine  de  mouton,  passez-les 
dans*  une  casserole  et  fiiites-les  suer,  mouillez  avec  du  bouillon, 
mettez  le  tout  dans  la  marmite  avec  des  râbles  de  lapin,   une 


BOUILLON.  açi 


vieille  poule,  une  ou  deux  perdrix,  achevez  de  remplir  votre 
marmite  avec  du  bouillon,  écumez  et  faites  mijoter  pendant 
quelques  heures. 

Bouillon  consommé  à  l'ancienne  mode  (  qui  peut,  réduit  à 
moitié,  remplacer  le  jus  dans  toutes  les  sauces.)  —  Dégraissez 
une  épaule  de  mouton,  faites-là  cuire  k  moitié  à  la  broche, 
mettez-la  dans  la  marmite  aVec  un  bon  morceau  de  bœuf,  un 
vieux  chapon  bien  en  chair,  quelques  carottes,  oignons,  navets, 
un  panais  et  un  pied  de  céleri,  mouillez  avec  du  bouillon  de  la 
veille. 

Bouillon  consommé  à  la  moderne.  —  Mettez  à  la  marmite 
un  morceau  de  tranche  de  bœuf,  un  jarret  de  veau,  une  poule, 
un  vieux  coq,  un  lapin  de  garenne  ou  une  vieille  perdrix, 
mouillez  le  tout  avec  un  peu  de  bouillon,  faites  bouillir  encore 
ce  consommé,  écumez-le,  rafraîchissez-le  de  temps  en  temps, 
mettez  des  légumes  :  carottes,  oignons,  céleri,  'persil,  ciboules, 
ail  et  clous  de  girofle;  faites  bouillir  cinq  heures  à  feu  doux. 
Tamisez  dans  un  linge  fin. 

Grand  bouillon.  —  Si  vous  avez  un  grand  dîner,  il  vous 
faut  avoir  du  bouillon  en  assez  grande  quantité  pour  mouiller  vos 
sauces  et  confectionner  vos  potages  ;  mettez  alors  dans  une  grande 
marmite  une  pièce  de  bœuf,  culotte  ou  poitrine,  joignez-y  les 
débris  ou  parures  de  toutes  vos  viandes  de  boucherie,  bœuf,  veau, 
mouton,  tous  les  abatis,  carcasses,  cou,  volaille  et  gibier  dont 
vous  aurez  levé  les  chairs  pour  faire  des  entrées;  mettez  sur  un 
feu  modéré  cette  marmite  qui  doit  être  aux  trois  quarts  seule- 
ment remplie  d'eau,  écumez-la  doucement,  rafraîchissez  -  la 
chaque  fois  que  vous  enlèverez  l'écume,  jusqu'à  ce  que  le  bouil- 
Ion  soit  parfaitement  limpide;  mettez-y  sel,  navets,  carottes, 
oignons ,  trois  clous  de  girofle ,  poireaux  ,^  conduisez-le  aussi 
lentement  que  possible,  et  passez  dans  un  linge  fin. 

Bouillon  conservé.  —  Faites  bouillir  votre  bouillon  soir  et 
matin  dans  les  plus  fortes  chaleurs,  et  le  bouillon  se  conser- 
vera. —  Faites  bouillir  avec  adjonction  d'un  morceau  de  charbon 
de  bois,  qui  empêchera  le  consommé  de  surir.  {Note  de  éM.  Vuil- 
lemot.) 

Tout  bouillon  dans  lequel  il  n'entre  pas  de  viande  n'est 


292 


BOUILLON. 


pour  nous  qu'un  potage.  Nous  renvoyons  donc  tous  les  bouil- 
lons maigres  et  tous  les  bouillons  de  santé  au  mot  Potage. 

Bouillon.  {Cuisine  italienne.)  —  Nous  avons  dit  que  tous 
les  peuples,  excepté  le  peuple  français,  ignoraient  l'art  de  faire 
du  bouillon;  les  Italiens,  nos  plus  proches  voisins,  vont  nous 
donner  la  preuve  de  ce  que  nous  avons  avancé;  nulle  part  on  ne 
mange  de  plus  mauvais  potage  ^u'en  Italie,  mais  cependant 
comme  nous  nous  sommes  engagés  à  donner  des  spécimens  de 
toutes  les  cuisines^  donnons  quelques  recettes  sur  la  manière  de 
faire  ce  bouillon  en  Italie. 

Le  but  que  Ton  doit  se  proposer  lorsqu'on  veut  faire  de  bon 
bouillon  est  d'abord  de  se  procurer  trois  choses  qui  sont  néces- 
saires à  sa  confection,  une  chair  saine  et  entremêlée  de  gras  et 
de  maigre,  un  feu  ménagé  pour  toujours  faire  marcher  le  pot  au 
feu  d'un  mouvement  pareil,  enfin,  de  ne  jamais  allonger  avec 
de  l'eau  le  bouillon  que  l'on  confectionne.  Quand  le  bouillon  est 
bon,  il  doit  être  de  couleur  blonde  dorée,  il  faut  en  enlever  la 
graisse,  passer  le  reste  par  l'étamine  et  avec  ce  bouillon  tremper 
la  soupe. 

Vous  voyez  que  le  cuisinier  milanais  ne  vous  fatigue  pas  de 
détails;  les  diverses  parties  alimentaires  que  fournit  la  viande 
et  la  quantité  qu'elle  en  fournit,  il  n'en  est  pas  même  question. 

Maintenant,  quelle  est  la  viande  que  recommande  d'abord 
ce  cuisinier  pour  faire  de  bon  potage?  c'est  la  viande  de  veau. 

Prenons  donc  et  offrons  à  nos  lecteurs  le  bouillon  de  veau 
qui  ne  sert  chez  nous  qu'aux  malades. 

Prenez  un  morceau  de  veau,  mettez-le  dans  une  casserole 
avec  un  morceau  de  lard,  et  laissez-le  une  demi-heure  sur  les 
charbons  ardents,  ayant  soin  de  le  tourner  sur  tous  les  côtés,  au 
point  qu'il  ait  pris  une  couleur  d'or,  pour  l'aider  à  prendre 
cette  couleur,  accompagnez-le  d'un  morceau  de  lard,  après  quoi 
préparez  le  pot  au  feu  plein  d'eau  bouillante,  jetez-y  votre  veau 
roussissant,  adjoignez-y  des  carottes,  des  oignons,  un  morceau 
de  bœuf  pour  donner  une  certaine  puissance  au  bouillon  et 
faites-le  frissonner  lentement. 

Quand  le  bouillon  sera  destiné  à  des  malades,  n'y  mettez 
pas  de  lard,  mais  du  beurre. 


BOUILLON.  293 


Bouillon  de  poulet.  —  Prenez  la  carcasse  d'un  poulet 
maigre,  brisez-en  les  os,  jfkites-le  bouillir  dans  un  vase  avec 
une  quantité  d'eau ,  une  pincée  de  sel  ;  le  bouillonnement  ne 
durera  pas  plus  d'une  heure  et  vous  aurez  un  bouillon  rafraî- 
chissant qui  raffermira  un  estomac  débilité. 

Bouillon  pectoral.  —  Prenez  un  poulet,  nettoyez-le,  mettez 
dans  l'intérieur  de  celui-ci  31  grammes  de  semences  de  melon 
et  de  citrouille,  1 5  grammes  d  orge  mondé,  autant  de  riz  et  de 
sucre,  faites  bouillir  le  tout  dans  deux  litres  d'eau,  prolongez 
le  bouillonnement  jusqu'à  ce  que  les  deux  litres  soient  réduits  à 
un,  faites-le  passer  par  l'étamine,  ce  bouillon  produira  des 
effets  excellents  sur  tous  ceux  qui  sont  atteints  de  faiblesse  d'es- 
tomac et  d'étisie. 

Bouillon  à  la  minute.  —  Il  est  quelquefois  nécessaire,  en  se 
trouvant  à  la  campagne,  de  se  procurer  immédiatement  du 
bouillon;  voilà  une  recette  pour  en  faire  d'excellent  en  une 
demi-heure. 

Prenez  600  grammmes  de  viande  de  bœuf,  coupez-la  en 
trois  morceaux,  ajoutez-y  une  carotte  de  demi -grosseur,  un 
oignon,  du  céleri,  des  clous  de  girofle,  et  mêlez  le  tout  à  la 
viande  que  vous  hacherez  en  petits  morceaux,  mettez  le  tout 
dans  une  casserole,  versez  dessus  de  l'eau  salée^  faites  bouillir 
pendant  une  demi-heure,  enlevez  l'écume,  faites  passer  dans  une 
étamine,  et  avec  ce  bouillon  vous  pouvez  faire  un  potage  au  riz 
de  la  plus  grande  sapidité. 

Bouillon  consommé.  —  Pour  faire  ce  genre  de  bouillon,  il 
faut  beaucoup  de  viande,  et  que,  lorsqu'il  devient  froid,  il  se 
réduise  en  gélatine.  Ordinairement  les  consommés  se  font  avec  le 
reste  du  gibier  et  des  autres  bonnes  chairs  qui  se  préparent  pour 
un  grand  repas  ;  vous  mettez  ces  restes  dans  un  pot  au  feu  et  vous 
versez  dessus  une  quantité  suffisante  de  bouillon  commun  ;  puis 
vous  l'écumez  promptement,  vous  mettez  dans  le  pot  au  feu  des 
carottes,  dès  oignons,  quelques  clous  de  girofle,  vous  faites  mijo- 
ter votre  bouillon  et  vous  le  passez  à  l'étamine  sans  y  mettre  de 
sel. 

Bouillon  de  lapin.  —  Les  chairs  du  lapin,  jeune  et  tendre, 
contiennent  toutes  les  qualités  nécessaires  pour  faire  de  Texcel- 


294  BOULANGER,   BOULANGERIE. 


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lent  bouillon  ;  dans  quelques  pays  il  est  très-utile  et  ne  le  cède 
en  rien  pour  la  graisse  et  la  salubrité  aux  meilleurs  bouillons  de 
volaille.  Le  lièvre  lui-même  n'offre  ni  la  même  substance,  ni  la 
même  salubrité.  Le  bouillon  du  lièvre  est  noir,  pesant  et  indi- 
geste. 

Clarifiez  le  bouilloa  de  lapin  avec  un  pied  de  veau  bien 
cuit.  Vous  obtenez  ainsi  une  gelée  claire  comme  un  rubis. 

Bouillon  de  perdrix.  —  Bouillon  excellent  et  chaleureux 
qui  se  peut  faire  avec  de  bonnes  perdrix  bouillies  lentement  pen- 
dant trois  ou  quatre  heures  dans  deux  litres  d'eau  avec  un  peu  de 
veau  pour  en  adoucir  la  saveur  ;  on  lui  adjoint  alors  des  légumes 
préparés,  puis  on  le  fait  passer  au  tamis  et  Ton  trempe  la  soupe. 

Bouillon  de  coq,  — Pour  faire  un  bon  bouillon  de  coq, il  faut 
d'abord  prendre  un  coq  jeune  encore,  le  faire  cuire  lentement 
dans  très-peu  d'eau  avec  la  moitié  d'une  ppule,  deux  oignons 
piqués,  deux  clous  de  girofle  et  le  laisser  sur  le  feu  huit  ou  dix 
heures  jusqu'à  ce  que  la  chair  commence  à  se  détacher  elle-même 
des  os.  On  achève  alors  d'en  séparer  cette  chair,  on  la  met  dans 
un  mortier,  on  en  exprime  tout  le  jus  au  tamis,  et  l'on  en  boit 
un  verre  chaque  heure. 

Ce  bouillon  est  restaurant,  mais  il  a  le  défaut  d'échauffer  le 
sang. 

Tout  cela,  vous  le  voyez,  est  de  la  cuisine  de  pharmacien 
plutôt  que  de  la  cuisine  de  cuisinier. 

BOULANGER,  BOULANGERIE.  —  Il  y  avait  trop 
de  simplicité  chez  les  anciens  pour  qu'ils  apportassent  à  la  pré- 
paration du  pain  un  soin  dont'  ils  ne  pouvaient  même  avoir  idée  ; 
aussi  la  profession  de  boulanger  leur  était-elle  complètement 
inconnue.  Ils  mangeaient  le  blé  en  substance  comme  les  autres 
fruits  de  la  terre,  et  très-longtemps  encore  même  après  avoir 
découvert  le  moyen  de  le  réduire  en  faiâne,  ce  qu'ils  faisaient  en 
broyant  le  blé  entre  deux  pierres,  ils  se  contentaient  d'en  faire 
de  la  bouillie. 

Plus  tard,  quand  ils  furent  parvenus  à  en  pétrir  du  pain  et 
à  en  faire  leur  nourriture  principale,  ils  le  faisaient  dans  chaque 
ménage  et  seulement  à  l'heure  du  repas.  C'étaient  les  femmes 
qui  étaient  chargées  de  ce  soin,  et  les  plus  grandes  dames,  les  plus 


BOULANGER,  BOULANGERIE.  395 

qualifiées,  ne  dédaignaient  pas  elles-mêmes  de  mettre  la  main  à 
la  pâte. 

L'Écriture  nous  dit,  à  lappui  de  tette  vieille  coutume  des 
peuples  anciens,  qu'Abraham,  entrant  dans  sa  tente,  dit  à  Sarah  : 
«  Pétrissez  trois  mesures  de  farine  et  faites  cuire  des  pains  sous 
la  cendre.  » 

Ils  n'apportaient  pas  du  reste  dans  la  fabrication  de  leur 
pain  le  raffinement  que  la  gourmandise  des  peuples,  augmentant 
à  mesure  que  le  progrès  avançait,  leur  fit  introduire  dans  cette 
préparation  ;  c'était  tout  simplement  des  espèces  de  galette,  ou  de 
gâteaux  dans  lesquels  on  faisait  entrer,  avec  la  farine,  du  beurre, 
des  œufs,  de  la  graisse,  du  safran  et  autres  ingrédients.  On  ne  les 
cuisait  pas  non  plus  dans  un  four,  mais  sur  Tâtre  chaud,  sur  des 
pierres,  sur  une  sorte  de  gril  ou  dans  une  espèce  de  tourtière. 

Mais  le  plus  souvent,  c'était  sur  des  pierres  plates  posées  sur 
la  cendre  chaude  qu'on  faisait  cuire  ces  pains  dans  lesquels  le 
sel  n'entrait  pas,  ce  condiment  n'ayant  pas  encore  été  découvert. 

Le  plus  difficile  à  trouver  fut,  on  le  comprend,  le  moyen  de 
convertir  le  blé  et  les  autres  grains  en  fiirine  ;  ce  travail  étant  très- 
pénible,  attendu  que  la  trituration  du  blé  se  fit  d'abord  avec  des 
pilons  et  des  mortiers,  ce  qui  était  très-long  et  très-fatigant,  fut 
employé  comme  châtiment;  on  y  condamnait  les  esclaves  pour  les 
fautes  les  plus  légères;  puis  vinrent  les  moulins  à  bras  moins  diffi- 
ciles, mais  aussi  fatigants,^  et  pour  se  faire  une  idée  de  la  force 
qu'exigeait  ce  pénible  travail,  on  n'a  qu'à  se  rappeler  que  Sam- 
son,  après  avoir  eu  les  cheveux  coupés  par  Dalila  qui  le  livra  aux 
Philistins  et  avoir  eu  les  yeux  crevés  par  ces  derniers,  fut  con- 
damné à  tourner  la  meule. 

Quant  à  la  cuisson  des  pains  dans  des  fours,  elle  vint  plus 
tard  encore,  et  ce  n'est  qu'à  partir  de  la  découverte  de  ces  derniers 
que  la  boulangerie  devint  une  profession. 

Ce  furent  les  Grecs  qui  les  premiers  eurent  des  moulins  à 
bras  et  des  fours  à  côté  l'un  de  l'autre  ;  c'est-à-dire  des  boulan- 
geries organisées;  ce  ne  fut  guère  que  vers  le  vi*  siècle  de  la 
fondation  de  Rome  que  cette  coutume  passa  chez  les  Romains.  Ils 
conservèrent  à  ceux  qui  avaient  la  direction  de  ces  établissements 
leur  ancien  nom  de  pinsores  ou  pistores^  dérivé  de  leur  première 


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396  BOULANGER,  BOULANGERIE. 

occuparion,  celle  de  piler  le  blé  dans  desinbrtiers,etils  donnèrent 
la  dénomination  de  pistorix  aux  lieux  où  ils  travaillaient. 

Ces  boulangeries,  qtli  s'étaient  augmentées  et  qui  étaient  dis- 
tribuées dans  plusieurs  quartiers  diâerents^  étaient  presque  toutes 
tenues  par  des  Grecs  qui  étaient  les  seuls  qui  sussent  faire  du  bon 
pain.  Peu  à  peu  ils  firent  des  apprentis  qui,  à  leur  tour,  devinrent 
maîtres,  s'établirent,  et  bientôt  après  on  s'occupa  de  former  un 
corps  comme  celui  des  bouchers,  corps  auquel  eux  et  leurs  enfants 
furents  attachés;  on  leur  accorda  plusieurs  privilèges;  on  les  mit 
on  possession  de  tous  les  lieux  où  l'on  s'occupait  de  moudre  le 
blé  auparavant,  ainsi  que  des  meubles,  des  esclaves,  des  animaux 
et  de  tout  ce  qui  appartenait  aux  premières  boulangeries.  On  y 
joignit  des  terres  et  des  héritages,  et  l'on  n'épargna  rien  de  tout 
ce  qui  pouvait  contribuer  à  soutenir  et  à  encourager  leurs  tra- 
vaux et  leur  commerce  ;  pour  qu'ils  pussent  vaquer  sans  relâche 
à  leurs  fonctions  et  ne  fussent  pas  obligés  de  laisser  en  suspens  un 
travail  dont  tout  le  monde  aurait  souffert,  ils  furent  déchargés  de 
tutelles,  curatelles  et  autres  charges  onéreuses  ;  il  n'y  eut  pas  de 
vacances  pour  eux,  ce  qui  ne  leur  allait  pas  toujours  ;  enfin  les  tri- 
bunaux leur  étaient  ouverts  en  tout  temps,  ce  qui  leur  permet- 
tait de  vider  immédiatement  les  différends  qu'ils  pouvaient  avoir 
entre  eux. 

Les  conditions  de  ces  avantages  étaient  peut-^tre  un  peu 
fortes,  comme  on  va  le  voir,  mais  elles  étaient  formelles  et  expo- 
saient les  rebelles  aux  peines  les  plus  sévères. 

Ils  furent  soumis  à  certaines  restrictions  et  obligations,  telles 
que  celle  de  demeurer  ensemble  et  de  s'allier  presque  exclusive- 
ment entre  eux.  Ils  ne  pouvaient  surtout  se  mésallier,  c'est-à-dire 
marier  leurs  filles^  soit  à  des  comédiens,  soit  à  des  gladiateurs, 
sans  s'exposer  à  être  fustigçs,  bannis  et  privés  de  leur  état.  Ils  ne 
pouvaient  non  plus  léguer  leurs  biens  à  d'autres  qu'à  leurs  enfants 
ou  à  leurs  neveux,  qui  devaient  nécessairement  faire  partie  de  la 
corporation  des  boulangers,  et  si  un  étranger,  pour  une  cause 
ou  pour  une  autre,  les  acquérait,  ils  lui  étaient  de  fait  agrégés. 

L'institution  des  boulangers  fut  à  son  tour  introduite  dans  les 
Gaules  parles  Romains;  ils  avaient  choisi  pour  patron  Mercure- 
Artius,   ainsi  nommé  du  grec  Q/lrtos,  qui  signifie  pain,  et  lui 


BOULANGER»  BOULANGERIE.  297 


avaient  bâti  un  temple  dont  on  voyait  encore  dans  ces  der- 
niers siècles  des  ruines  avec  un  pavé  en  marqueterie  dans  un 
petit  village  nommé  Qértas^  près  de  Grenoble,  département  de 
risère. 

Il  y  eut  en  France  des  boulangers  dès  le  commencement  de  la 
monarchie.  Une  ordonnance  du  bon  roi  Dagobert,  celui-là  même 
que  la  chanson  a  illustré ,  datée  de  l'année  670,  nous  apprend 
que  les  meuniers  ou  mouleurs  de  grains  réunissaient  à  leur  état 
de  moudre  le  grain  celui  de  cuire  le  pain  pour  les  particuliers 
qui  voudraient  acheter  leur  farine  chez  eux  ;  on  les  nomma  par 
la  suite  panetiers,  talmeliers  et  boulangers. 

A  leur  imitation,  les  fourniers  s'emparèrent  de  cette  indus- 
trie, se  firent  marchands  de  farine  et  vendirent  du  pain.  Charle- 
magne,  au  siècle  suivant,  s'occupa  de  la  police  d'une  profession 
qui  devenait  tous  les  jours  plus  importante,  et  il  ordonna  dans 
ses  capitulaire^  que  le  nombre  de  ces  artisans  si  utiles  pour  chaque 
ville,  fût  toujours  complet  et  que,  pour  cela,  a  ils  aient  à  former 
des  apprentis  qui  puissent  remplacer  au  besoin  les  maîtres  dans 
les  cas  de  grande  nécessité  ;  »  de  plus,  qu'ils  tinssent  avec  ordre  et 
propreté  le  lieu  de  leur  travail,  que  leur  conduite  soit  irrépro- 
chable, et  il  chargea  spécialement  des  juges  et  autres  officiers  de 
bien  faire  observer  ce  dernier  et  important  statut. 

Saint  Louis  fit  plus  encore,  et,  pour  mieux  reconnaître  les 
véritables  services  que  cette  institution  rendait  à  tout  le  monde, 
•  en  même  temps  que  pour  les  dégager  de  toutes  charges  et  rendre 
leur  stabilité  plus  grande,  il  exempta  tout  boulanger  du  service 
militaire,  et  cette  grâce  était  d'autant  plus  importante  que,  dans 
ces  temps  de  guerre,  tous  les  sujets,  à  moins  d'un  privilège  par- 
ticulier, étaient  obligés  de  se  rendre  à  l'armée  quand  le  seigneur 
l'ordonnait. 

Il  y  eut  bientôt  dans  Paris  quatre  sortes  de  boulangers, 
ceux  des  villes,  ceux  des  faubourgs  et  banlieue,  les  privilégiés  et 
forains. 

La  maîtrise  s'achetait  du  roi,  mais,  pour  être  reçu  maître 
boulanger,  il  se  pratiquait  une  cérémonie  bien  singulière;  céré« 
monie  dont  il  est  fait  mention  dans  les  statuts  que  leur  donna 
saint  Louis. 


398  BOULANGER,  BOULANGERIE. 

—      - — ' — ' — — — — — 

L'aspirant,  accompagné  des  anciens  maîtres  et  jurés  de  sa 
communauté,  venait  présenter  au  lieutenant  du  grand  Panetier 
un  pot  de  terre  neuf,  rempli  de  noix  et  de  nieules  (fruit  inconnu 
aujourd'hui)  ;  toute  l'honorable  assemblée,  composée  de  cet  offi- 
cier, des  autres  maîtres  et  des  geindres  (mitrons),  sortait  dans  la 
rue  et  allait  casser  ce  pot  contre  la  muraille  ;  puis  tout  le  monde 
rentrait  et  était  tenu  de  payer  un  denier  au  lieutenant,  lequel 
devait  en  échange,  leur  fournir  du  feu  et  du  vin  que  l'on 
buvait  ensemble. 

Cette  bizarre  cérémonie  était  un  hommage  public  de  dépen- 
dance envers  les  autorités  préposées,  signifiant  qu'elles  pouvaient 
vous  punir  aussi  aisément  que  Ton  cassait  ce  pot,  si  votre  gestion 
était  répréhensible  et  si  vous  ne  vous  conformiez  pas  aux  statuts. 

Cette  cérémonie  se  modifia  dans  les  siècles  suivants.  Au 
commencement  du  XVIP  siècle,  le  nouveau  maître,  à  la 
troisième  année  de  sa  réception,  était  obligé  de  venir,  le  premier 
dimanche  après  les  Rois,  présenter  au  grand  Panetier  un  pot  neuf 
rempli  de  pois  sucrés  (dragées),  avec  un  romarin,  aux  branches 
duquel  étaient  suspendus  diverses  sucreries,  des  oranges  et  les 
fruits  que  comportait  la  saison.  Cette  offrande  fut  changée  ensuite 
en  une  rétribution  d'un  louis  d'or. 

Le  grand  Panetier  de  France  avait  la  maîtrise  des  bou- 
langers et  talmeliers  en  la  ville  et  banlieue  de  Paris,  avec  droit 
de  justice.  Ce  fut  saint  Louis  qui  donna  cette  juridiction  sur 
eux  et  sur  leurs  compagnons,  à  son  maître  panetier,  pour  en  , 
jouir  tant  qu'il  plairait  au  prince,  comme  on  l'apprend  du 
recueil  des  usages  de  la  police  des  boulangers  fait  par  Etienne 
Boileau.  Cette  juridiction  ne  fut  supprimée  qu'en  171 1. 

Les  boulangers,  privilégiés  deux  siècles  plus  tard,  n'étaient 
plus  que  de  deux  sortes  :  i^les  boulangers  suivant  la  cour,  établis 
par  Henri  IV,  au  nombre  de  dix,  en  i6oi,  et  augmentés  de 
deux  par  Louis  XIII;  ils  avaient  tous  demeure  à  Paris  et  avaient 
mission  de  suivre  la  cour  partout  où  elle  allait  ;  2^  ceux  qui 
habitaient  en  lieu  de  franchise.  Les  boulangers  forains  étaient 
ceux  qui  exerçaient  hors  de  la  ville  et  des  faubourgs,  et  qui 
fabriquaient  le  pain  pour  la  plus  grande  partie  de  la  popula- 
tion. 


BOULANGER,   BOULANGERIE.  299 


A  partir  du  vin*  siècle  et  pendant  plusieurs  autres,  une 
maladie  terrible,  la  lèpre,  s'était  répandue  et  multipliée  en 
France  d'une  façon  effrayante.  Les  boulangers,  leurs  femmes  et 
leurs  enfants,  toujours  privilégiés,  avaient  l'avantage  d'entrer  à 
l'hôpital  Saint-Lazare  pour  s'y  faire  soigner  et  guérir,  ce  qui 
était  considéré  dans  ce  temps  comme  une  des  plus  grandes 
faveurs;  il  est  vrai,  que  pour  acquérir  ce  droit,  chaque  maître 
boulanger  était  obligé  de  donner  toutes  les  semaines  un  pain  à 
l'hôpital.  Sur  la  fin  du  xvi*  siècle,  on  substitua  au  pain  un 
denier  parisis  qui  fut  appelé  le  denier  Saint-Lazare  ou  denier 
Saint-Ladre. 

Des  boulangers  faisant  concurrence  aux  marchands  de 
grains,  ayant  acheté  et  revendu  du  blé  et  de  la  farine  sous  ce 
dernier  titre,  les  Romains  instituèrent  des  lois  qui  défendirent 
aux  boulangers,  sous  peine  des  plus  fortes  peines,  à  servir  en 
qualité  de  pilotes  sur  les  vaisseaux  qui  amenaient  les  blés  à 
Rome. 

Plus  tard,  en  France,  on  fut  obligé  de  faire  la  même  chose, 
et  un  arrêt  du  Parlement,  suivi  d'autres  ordonnances,  défendit 
également  aux  boulangers  d'être  mesureurs  de  grains  ou  meu- 
niers. 

Les  boulangers  furent  d'abord  nommés  boulangers,  talme- 
liers,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus  haut,  puis  le  premier  nom 
leur  resta  seul;  il  vient,  dit  Ducange  dans  son  Histoire  de  Paris, 
de  ce  que  le  pain  qu'ils  firent  dans  le  commencement  avait  la 
forme  d'une  boule.  Cette  coutume,  du  reste,  d'arrondir  le  pain 
existe  encore  aujourd'hui  en  France  et  dans  tous  les  villages,  où 
les  ménagères  font  généralement  leur  pain  elles-mêmes,  c'est  la 
seule  forme  qu'on  lui  donne,  en  l'aplatissant  cependant  comme 
une  galette  et  même,  dans  certains  pays,  en  lui  laissant  cette 
forme  primitive  de  boule  qui  lui  faisait  donner,  sous  les  pre- 
miers rois  de  la  première  race,  le  nom  de  tourte  ou  tour- 
teau. 

Quant  au  nom  de  talmeliers,  aujourd'hui  tout  à  fait  oublié, 
c'est  une  corruption  de  celui  de  tamisiers;  le  bluteau  n'étant 
point  encore  inventé ,  chacun  était  obligé  de  passer  sa  farine  au 
tamis,  celui  qui  ne  voulait  pas  se  donner  cette  peine  ;  appelait 


300 


BOUTARGUE. 


un  boulanger  qui,  tenu  par  sa  profession  d'avoir  des  tamis, 
venait  la  passer  pour  une  mince  rétribution. 

La  corporation  des  boulangers  est  aujourd'hui  une  des 
meilleures  institutions  et  une  des  mieux  organisées  ;  nul  ne  peut 
exercer  cette  profession  sans  l'autorisation  du  préfet  de  police, 
et  cette  autorisation  ne  lui  est  accordée  qu'autant  qu'il  est  jus- 
tifié par  lui  qu'il  est  de  bonne  mœurs,  qu'il  a  fait  un  appren- 
tissage et  qu'il  connaît  les  bons  procédés  de  son  art. 

En  outre,  chaque  boulanger,  une  fois  autorisé  et  reçu,  ne 
doit  jamais  manquer  d'approvisionnement;  il  doit  avoir  constam- 
ment en  réserve,  dans  son  magasin,  une  quantité  suffisante  de 
farine  pour  pourvoir  à  la  consommation  journalière  pendant 
un  mois;  de  plus,  sa  boutique  doit  toujours  être  garnie  de 
pains. 

Depuis  la  liberté  de  la  boulangerie,  le  nombre  des  boulan- 
gers est  considérablement  augmenté  dans  Paris,  et  il  se  débite 
quotidiennement  plusieurs  millions  de  kilogrammes  de  .pain 
fabriqués  la  nuit  par  ces  êtres  étranges,  presque  nus,  qu'on 
aperçoit  à  travers  les  soupiraux  des  caves  et  dont  les  cris  pour 
ainsi  dire  sauvages,  sortant  de  ces  antres  profonds,  causent  pres- 
que toujours  une  impression  pénible. 

Le  matin,  on  rencontre  ces  hommes  pâles,  encore  tout 
blancs  de  farine  et  portant  sous  le  bras  le  pain  d'un  kilog.  et 
demi  dont  on  les  gratifie,  allant  se  reposer  et  prendre  des 
forces  pour  recommencer  le  soir  leur  utile  et  pénible  labeur. 

Pour  moi,  j'estime  beaucoup  ces  braves  et  humbles  tra- 
vailleurs qui  fabriquent  la  nuit  ces  jolis  petits  pains  bien  tendres 
et  bien  croustillants,  ressemblant  bien  plutôt  à  des  gâteaux  qu'à 
des  pains. 

BOURRUT.  —  On  appelle  vin  bourrut^  et  non  pas  bourru, 
un  vin  qu'on  a  empêché  de  fermenter  et  qui  a  encore  toute  sa  lie« 
Prenez  une  décoction  de  froment  bien  chargé,  mettez-en  deux 
litres  avec  un  sachet  de  fleurs  de  sureau  dans  j  hectolitres  de 
vin  blanc,  pendant  qu'il  fermente  encore.  Du  temps  de  M"*  de 
Sévigné  et  de  M™*  de  Grignan,  c'était  le  régal  des  domes- 
tiques. 

BOUTARGUE.  —  Espèce  de  caviar  de  Surmulet  qui  se 


BRANDADE.  301 


fait  en  France,   aux  Martigues  et  à  Terrin;  et  en  Italie,   à 
Gênes  et  à  Porto-Ferrago. 

BRAISE.  —  Garnissez  une  braisière  de  bardes  de  lard, 
d'un  pied  de  veau  découpé  ou  d'un  bon  morceau  de  couenne 
de  lard  à  demi  salé  pour  rendre  la  sauce  gélatineuse;  joignez-y 
sel,  poivre,  bouquet  de  persil,  thym,  laurier,  clous  de  girofle, 
oignons  et  carottes  ;  mettez  sur  cet  assaisonnement  la  pièce  que 
vous  voulez  faire  cuire,  que  ce  soit  un  dinde  ou  une  oie,  ajoutez 
un  verre  de  vin  blanc,  un  demi-verre  d'eau-de-vïe,  un  verre  de 
bouillon,  faites  cuire  à  petit  feu  pendant  plusieurs  heures,  en 
couvrant  Tobjet  que  vous  faites  cuire  d'un  papier  beurré  et  en 
couvrant  également  en  outre  votre  casserole  afin  qu'il  ne  puisse 
y  avoir  d'évaporation.  (Recette  de  la  cuisinière  de  la  ville  et  de 
la  campagne.) 

Braise  à  la  Condé,  —  Enveloppez  la  pièce  à  braiser  avec 
des  tranches  minces  de  veau  ou  de  mouton,  et  par-dessus  des 
bardes  de  lard,  le  fond  de  votre  braisière  aura  dû  être  couvert 
de  bardes  et  de  viandes  amincies.  Mouillez  avec  un  verre  de 
Madère,  assaisonnez,  poivre,  sel  et  'muscade,  ajoutez  quel- 
ques truffes  coupées  en  tranches,  cuisez  lentement  à  feu  doux. 
Cette  braise  est  excellente  pour  les  faisans  et  les  perdrix,  préala- 
blement farcis.  Le  vin  blanc  convient  pour  mouiller  les  viandes 
noires. 

BRANDADE.  —  (Recette  de  Grimod  de  la  Reynière.) 
a  Parmi  les  ragoûts  de  Provence  ou  de  Languedoc  qui  ont  pris 
singulièrement  faveur  à  Paris ,  il  faut  distinguer  surtout  les 
brandades  de  merluche.  On  sait  qu'un  restaurateur  du  Palais- 
Royal  a  fait  sa  fortune  par  sa  manière  de  les  préparer,  et  qu'on 
envoie  journellement  en  chercher  chez  lui,  parce  qu'il  a  la  répu- 
tation de  les  faire  excellentes. 

Comme  plus  d'un  de  nos  lecteurs  serait  peut-être  bien  aise 
de  faire  exécuter  chez  lui  ce  ragoût  méridional  dont  la  recette  ne 
se  trouve  imprimée  nulle  part  (au  moins  ne  l'avons-nous  trouvée 
dans  aucun  des  nombreux  dispensaires  qui  nous  ont  passé  entre 
les  mains,  pas  même  dans  le  cuisinier  gascon,  ce  qui  doit 
paraître  assez  étrange),  nous  pensons  qu'on  nous  saura  gré  de  la 
publier  telle  qu'elle  nous  a  été  communiquée  dans  une  ville  du 


3oa  BRANDADE. 


Languedoc,  qui ,  sous  le  rapport  de  la  bonne  chère,  jouit  d'une 
réputation  éclatante  et  méritée. 

Nous  remarquerons  d'abord  que  le  nom  singulier  de  bran- 
dade donné  à  cette  préparation,  et  qu'aucun  dictionnaire  n'a  pris 
le  soin  de  recueillir  ni  de  définir,  dérive  sans  doute  du  vieux 
verbe  brandir^  qui  signifie  remuer,  agiter,  secouer  avec  force  et 
pendant  longtemps;  et  cette  action,  presque  continue,  est  en  effet 
indispensable  pour  que  ce  ragoût  soit  ce  qu'il  doit  être;  c'est  ce 
qui  surtout  en  rend  la  facture  difficile  et  ce  qui  l'empêchera  pro- 
bablement d'être  adopté  généralement  dans  nos  cuisines,  car 
tout  ce  qui  exige  beaucoup  de  patience  n'est  pas  du  goût  de 
tous  les  cuisiniers.  Le  mouvement  qu'on  imprime  à  la  casserole 
dans  cette  circonstance  est  un  mouvement  d'un  genre  particu- 
lier; il  exige  une  sorte  d'étude  et  demande  beaucoup  de  dex- 
térité. Quoi  qu'il  en  soit,  voici  la  recette  des  brandades  : 

Il  faut  prendre  un  morceau  de  belle  merluche  et  la  faire 
tremper  dans  l'eau  pendant  vingt-quatre  heures  pour  la  dessaler 
et  la  ramollir. 

Ensuite  vous  la  mettez  dans  un  pot,  sur  le  feu,  avec  de 
l'eau,  en  observant  qu'il  faut  la  retirer  quand  l'eau  commence  à 
bouillir. 

Vous  mettez  du  beurre,  de  l'huile,  du  persil,  de  l'ail,  dans 

une  casserole,  que  vous  faites  fondre  sur  un  feu  doux. 

Pendant  ce  temps,  vous  épluchez  la  merluche  que  vous 
rompez  en  très-petits  morceaux,  puis,  vous  la  mettez  dans  la 
casserole,  et  de  temps  en  temps  vous  ajoutez  de  l'huile,  du 
beurre  et  du  lait,  quand  vous  voyez  qu'elle  épaissit. 

Vous  remuez  très-longtemps  ^la  casserole  sur  le  feu,  ce  qui 
fait  que  la  merluche  se  réduit  en  une  espèce  de  crème. 

Si  vous  la  voulez  verte,  vous  pilez  des  épinards  dont  vous  y 
joignez  le  suc. 

Cette  recette  est,  comme  on  voit,  fort  simple  f  mais  nous  ne 
cesserons  de  le  répéter,  la  perfection  des  brandades  dépend  sur- 
tout du  mouvement  imprimé  pendant  très-longtemps  à  la  cas— 
serole  et  qui  seul  opère  l'extrême  division  de  toutes  les  parties 
du  poisson ,  naturellement  coriace ,  et  le  métamorphose  en  une 
espèce  de  crème.  Il  ne  faut  donc  pas  se  lasser  de  remuer,  autre— 


BRÉSOLLES.  303 


ment  vous  n'auriez  qu'une  béchameil  au  lieu  d'une  brandade. 

Au  reste,  une  brandade  bien  faite  est  un  ragoût  délicieux, 
et,  quoique  la  merluche  soit  de  sa  nature  fort  indigeste,  elle 
devient,  sous  cette  forme,  aussi  facile  à  digérer  qu'une  panade  à 
la  cannelle. 

BREME.  —  On  pêche  ce  poisson  dans  les  rivières  et  dans 
les  grands  lacs  de  presque  toute  l'Europe;  il  est  l'objet  d'une 
pèche  importante,  qui  se  fait  d'habitude  dans  les  mois  glacials. 

En  1749,  d'un  seul  coup  de  filet,  on  en  prit  dans  un  lac  de 
Suède  cinquante  mille,  qui  ensemble  pesaient  plus  de  p,ooo  kilo- 
grammes. La  brème  a  quelque  ressemblance  avec  la  carpe,  seu- 
lement son  corps  n'a  pas  la  même  épaisseur,  il  est  plus  large  et 
aplati  latéralement;  sa  tète  est  noire,  sa  gueule  petite,  ses  lèvres 
grosses.  Comme  l'alose,  dont  elle  n'a  point  la  finesse,  sa  chair 
contient  beaucoup  d'arêtes.  On  peut,  en  la  couvrant  de  neige,  en 
lui  mettant  dans  la  gueule  un  morceau  de  pain  trempé  dans  de 
l'eau-de-vie,  la  transporter  vivante  à  une  grande  distance.  On 
la  mange  avec  une  sauce  piquante  à  l'échalote. 

BRÉSOLLES.  —  Le  valet  de  chambre  du  marquis  de  Bré- 
soUes  inventa  ce  ragoût,  tandis  que  son  maître  faisait  la  guerre 
de  Sept  ans.  Voici  la  recette  comme  la  reproduisent  les  gastro- 
nomes autorisés  : 

Vous  foncez  une  casserole  avec  une  tranche  de  jambon,  de 
l'huile,  d\t  persil,  des  ciboules,  des  champignons,  une  pointe 
d'ail,  le  tout  haché  fin  et  battu  avec  de  l'huile  ;  vous  mettez  sur 
ce  fond  une  couche  de  filets  de  rouelle  de  veau  coupés  très- 
minces,  puis  une  seconde,  puis  une  troisième,  tant  que  l'huile  ne 
la  surmonte  pas;  à  chaque  couche  vous  assaisonnez  de  poivre  et 
de  sel;  quand  les  brésolles  sont  cuites,  vous  en  faites  autant  de 
couches  que  vous  voulez.  Seulement  il  est  important  que  chaque 
couche  soit  arrosée  avec  de  l'huile  mêlée  avec  des  fines  herbes 
comme  la  première;  vous  les  levez  une  à  une,  vous  les  mettez 
dans  une  casserole  à  part;  dégraissez  la  sauce  et  liez-la  avec  un 
peu  de  farine  ou,  ce  qui  vaut  mieux,  avec  quelques  marrons 
cuits  et  piles,  versez  sur  les  brésolles  cet  assaisonnement  et  ûtites 
chauffer  sans  bouillir.  Le  veau,  le  mouton  et  la  chair  de  l'agneau 
surtout  peuvent  être  préparés  en  brésolles. 


/ 


304  BRIOCHE. 


BRIGNOLES  (Prunes  de).  —  Prunes  que  Ton-  fkit  sécher 
au  soleil  et  qui  portent  le  nom  de  Brignoles,  ville  du  départe- 
ment du  Var,  où  on  les  prépare.  Ces  prunes  sont  agréables  à 
l'œil  et  au  goût,  on  en  fait  d'excellente  compote,  et  Ton  peut  les 
employer  hachées, dans  les  babas. 

BRIOCHE.  —  Le  nom  de  brioche  vient  à  cette  pâtisserie 
du  fromage  de  Brie^  qui  entrait  autrefois  dans  sa  composition. 

Brioche  fine  ou  royale.  —  Prenez  i  kilo  500  grammes  de^ 
farine  de  gruau.  Prenez  le  quart  de  la  farine,  formez-en  un  bas- 
sin sur  le  tour  à  pâte  ;  déla/ez  60  grammes  de  bonne  levure  bien 
sèche  dans  de  l'^^u  tiède,  la  quantité  suffisante  pour  user  votre 
farine  et  en  faire  une  pâte  légère  ;  tournez-la,  fendez-la  en  quatre 
et  laissez  revenir  dans  une  sébile  à  température  modérée;  de 
la  farine  qui  vous  reste,  formez  un  autre  bassin  dans  lequel  vous 
ajoutez  30  grammes  sel  fin  et  120  grammes  sucre  en  poudre; 
ajoutez  un  peu  d'eau  pour  faire  fondre  le  tout;  maniez  bien 
I  kilo  500  grammes  de  beurre  fin,  ajoutez-le  aux  30  ou  36  œufs 
frais  que  vous  aurez  jeté  dans  votre  puits,  ondulez  légèrement 
votre  pâte  afin  qu'elle  soit  en  harmonie  avec  votre  levain, 
maniez  légèrement  le  tout  ensemble;  mettez  le  tout  dans  une 
sébile  farinée,  laissez  reposer  la  pâte,  et,  de  temps  en  temps, 
rompe^-la  légèrement  au  bout  de  douze  heures  de  fermentation, 
en  évitant  de  la  laisser  surir. 

Moulez  votre  pâte  selon  la  grosseur  de  votre  brioche,  met- 
tez-la dans  un  moule  cannelé  en  fer-blanc;  dorez-la  en  ayant 
soin  de  dégager  la  tête  de  la  brioche,  chiquetez-Ia  assez  large- 
ment si  la  pâte  est  ferme,  et  mettez-la  au  four  très-chaud.  Aus- 
sitôt sa  couleur  prise,  couvrez-la  d'un  papier  mouillé,  en  déga- 
geant la  tête  de  la  brioche  qui  lui  fait  faire  le  cou  de  cygne. 
Sondez  sa  cuisson  et  servez. 

On  l'appelle  en  terme  de  pâtisserie  :  brioche  mousseline. 

Nota.  Si  c'est  une  grosse  brioche  pour  pièce  de  fond,  faites- 
la  cuire  dans  une  laisse  de  papier  de  beurre,  [Recette  de  M.  FiiiV- 
lemot,) 

Brioche  au  fromage.  —  Faites  un  quart  de  pâte  à  brioche, 
et  laissez-la  revenir;  mêlez-y  alors  750  grammes  de  bon  fro- 
mage de  Gruyère  coupé  en  dés;  séparez  votre  pâte  en  deux 


BROCHE. 


10J 


parties,  l'une  du  quart  de  la  totalité;  roulez -les  toutes  deux  ;  posez 
la  plus  forte  du  côté  de  la  moulure  sur  un  fort  papier  beurré, 
aplatissez-la  dans  le  milieu  avec  la  paume  de  la  main,  roulez 
l'autre  petite  partie  et  ensuite  la  grosse,  soudez-les  ensemble  en 
les  rapprochant  et  en  les  appuyant  Tune  sur  Tautre,  la  plus  petite 
au-dessus  ;  cassez  deux  œufs,  battez-les  comme  pour  une  ome- 
lette, dorez-en  la  brioche,  coupez  du  fromage  de  Gruyère  en 
lames  ou  en  cœurs,  faites-en  une  rosette  sur  la  tête  de  cette 
brioche,  mettez-la  à  un  four  bien  atteint,  laissez-la  cuire  trois 
heures  environ,  retirez-la,  ôtez-en  le  papier,  dressez-la  sur  une 
serviette  et  servez-la  comme  grosse  pièce  à  VentremQts.  {Recette 
de  M.  de  Courchamps.) 

BRIOCHINES  VERTES  (Entremets  saxon).  —  Versez  une 
demi-bouteille  de  lait  bouillant  sur  la  mie  de  deux  petits  pains  ; 
laissez  cette  mie  de  pain  environ  une  heure  dans  cet  état; 
mettez-y  ensuite,  pour  lui  donner  un  peu  de  saveur,  du  jus  de 
tanaisie;  vous  ajouterez  alors  du  jus  d'épinards  pour  la  colorer 
d'un  beau  vert,  puis  une  cuillerée  d'eau-de-vie;  râpez-y  la 
moitié  d'une  écorce  de  citron,  battez  quatre  jaunes  d'œufs, 
mêlez  le  tout  ensemble  et  sucrez  à  volonté.  Mettez  ensuite  ôette 
préparation  dans  une  casserole  avec  125  grammes  de  beurre 
frais  sur  un  feu  doux  et  tournez  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  épaissie. 
Retirez-la  du  feu ,  laissez-la  reposer  deux  ou  trois  heures  et 
versez-la  par  cuillerée  dans  du  saindoux  bouillant.  Dès  que  vos 
briochines  sont  faites,  vous  râpez  du  sucre  dessus,  et  vous  les 
servez  avec  du  vin  blanc,  du  rhum  bien  sucré,  dans  une  sau- 
cière chaude.  (Recette  du  baron  de  Millbacher.) 

BROCHE.  —  Le  spirituel  auteur  des  Mémoires  de  la  mar- 
quise de  Créquy,  arrivé  dans  son  dictionnaire  à  l'article  Broche^ 
dit  :  a  Ustensile  assez  connu  pour  que  sa  description  soit  inutile.  » 
On  voit  bien  que  le  comte  de  Courchamps  écrit  pour  des  Fran- 
çais; s'il  eût  écrit  pour  des  Espagnols,  il  eût  fait  une  longue 
description  de  cet  instrument  culinaire,  espérant  donner  aux 
compatriotes  de  Don  Quichotte  le  désir  de  f^ire  connaissance 
avec  lui. 

En  effet,  excepté  dans  le  dictionnaire,  je  n'ai  pas  trouvé  une 
seule  broche  dans  toutes  les  Espagnes  ;  il  en  résulte  qu'on  y  fait 


)o6  BROCHET. 


d'exécrables  rôtis,  attendu  qu'il  n  y  a  de  vrai  rôti  qu'à  la  broche 
et  au  feu  de  bois  ou ,  à  la  rigueur ,  au  feu  de  charbon  de 
terre.  C'est  d'autant  plus  fâcheux  qu'on  y  rencontre  à  chaque 
pas  des  lièvres  que  les  Espagnols  ne  mangent  pas ,  parce  que , 
disent-ils ,  cet  animal  gratte  la  terre  pour  déterrer  les  cadavres; 
et  des  perdrix  de  toutes  couleurs  que ,  fitute  de  broches , 
on  est  obligé  de  manger  à  rolla  podrida,  c'est-à-dire  à  l'huile 
ponte. 

Dans  les  anciens  livres  de  cuisine  on  voit  que,  sous  le  règne 
des  Valois  et  même  sous  Louis  XIII,  toutes  les  broches  et  les  bro- 
chettes des  cuisines  royales  étaient  d'argent.  On  donnait  alors  le 
nom  de  brochettes  à  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  des  hâte- 
lets. 

Les  broches  ef  les  hâtelets  doivent  être  tenus  avec  une 
extrême  propreté,  car,  lorsqu'ils  se  rouillent,  ils  communiquent 
aux  parties  qu'ils  traversent  une  saveur  ferrugineuse. 

BROCHET.  —  On  ne  trouve  nulle  part  le  mot  brochet  ni 
son  équivalent  dans  l'antiquité;  c'est  le  requin  des  eaux  douces, 
/  aussi  rusé,  aussi  carnassier,  aussi  dévastateur  que  le  requin  de 

^  mer.  Dans  le  lac  de  Zirkmitz,  en  Carniole,  il  y  a  des  brochets 

'  de  ao  et  25  kilogrammes,  dans  l'estomac  desquels  on  trouve  des 

canards  entiers.  Ce  poisson  peut  arriver,  si  on  le  laisse  vivre,  à 
toutes  les  grosseurs  et  à  tous  les  âges.  En  1749,  on  en  prit  un,  à 
Kaiserslautern,  long  de  plus  de  6  mètres  et  pesant  175  kilo- 
grammes; on  conservait  son  squelette  à  Manheim.  (Olagnier, 
Dictionnaire  des  aliments  et  des  boissons.) 

La  fécondité  du  brochet,  sans  être  comparée  à  celle  du 
hareng  et  à  celle  de  la  morue,  est  assez  grande  pour  que  dans 
une  femelle  d'un  mètre  de  longueur  on  trouve  jusqu'à  180,000 
œufs. 

Du  temps  du  roi  Charles  IX,  il  y  avait  dans  le  vivier  du 
Louvre  un  brochet  qui  arrivait  lorsqu'on  l'appelait  Lupul;  il 
sortait  la  tête  de  l'eau  pour  recevoir  le  pain  qu'on  lui  jetait. 
L'empereur  Frédéric  II  en  avait  mis  un  dans  un  étang  le  5  oc- 
tobre 1230,  il  fut  pris  dans  le  même  étang  deux  cent  soixante- 
sept  ans  après.  Les  brochets  de  Chàlons  étaient  ceux  qui ,  au 
xin^  siècle,  jouissaient  comme  finesse  de  la  meilleure  réputation. 


BROCHET*  'icrj 


Segarder  de  ses  œufs  qui,  cuisant  avec  sa  chair,  peuvent  com- 
muniquer à  cette  chair  la  faculté  d'exciter  les  nausées  et  les 
vomissements. 

Quelques  journaux  qui  s'occupent-  de  l'élève  du  poisson 
protestent  contre  la  trop  grande  multiplication  du  brochet  dans 
tes  étangs.  M.  Sauvadon,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  ^{oologique^ 
est  au  nombre  des  opposants  et  fournit  à  l'appui  de  sa  thèse  des 
chiffres  intéressants.  Chacun  connaît  la  voracité  du  brochet, 
c'est  même  cette  qualité  qui  rend  la  présence  de  ce  poisson 
nécessaire  dans  les  pièces  d'eau  trop  abondamment  peuplées, 
mais  on  a  peut-être  rarement  calculé  par  une  règle  de  proportion 
combien  un  brochet  de  six  ans  a  dévoré  de  kilogrammes  de  fretin 
et  comparé  son  prix  de  vente  à  celui  de  la  masse  alimentaire 
qu'il  a  dévorée.  C'est  ce  qu'a  fait  M.  Sauvadon,  et  il  est  arrivé  au 
résultat  suivant  : 

Un  brochet  qui,  en  six  ans,  a  absorbé  252  kilogrammes 
de  nourriture,  revient,  en  ne  comptant  le  poisson  qu'à  un  franc 
le  kilogramme,  à  252  francs;  nous  ne  tenons  pas  compte  de  la 
plus-value  qu'aurait  acquis  en  six  ans  le  poisson  victime,  qui 
aurait  doublé  plusieurs  fois  de  poids  dans  ce  laps  de  temps. 
Admettons  que  le  brochet  pèse  100  grammes  à  la  fin  de  la 
première  année;  qu'il  triple  de  la  seconde  à  la  quatrième  et 
double  de  la  quatrième  à  la  sixième,  ce  qui  est  en  rapport  avec 
l'observation,  car  il  est  avéré  que,  quand  le  poisson  vieillit,  il 
grossit  moins  vite  que  dans  les  premières  années  ;  il  pèsera  dix 
kilogrammes  la  sixième  année.  Ainsi  ce  poisson,  qui  ne  se  vend 
en  moyenne  que  deux  francs  le  kilogramme,  vaut  en  réalité  à 
l'éleveur  vingt -cinq  francs  deux  centimes  le  kilogramme,  ce 
que  nous  ne  croyons  pas  .possible,  car  le  brochet  que  nous  avons 
vu  profiter  le  plus  pesait  500  granmies  au  moment  où  on  le  mit 
dans  une  pièce  d'eau  abondamment  pourvue  de  poissons; 
cinq  ans  après,  il  ne  pesait  que  5  kilogrammes;  par  contre,  le 
produit  de  la  pêche  fut  moindre  d'un  tiers  que  les  autres  fois. 
Nous  ne  demandons  pas,  ajoute  l'auteur,  qu'on  supprime  Tédu-* 
cation  de  ce  poisson,  mais  nous  désirons  qu'on  mette  une  cer- 
taine mesure  dans  sa  propagation,  convaincu  que  nous  sommes 
que  la  culture  du  poisson  deviendrait  impossible  si  on  laissait  se 


3o8  BROCHET. 


propager  sur  une  trop  vaste  échelle  un  poisson  qu'à  juste  titre 
on  a  nommé  le  requin  d'eau  douce. 

Brochet  à  la  Chambord.  —  Prenez  un  beau  brochet,  échar- 
dez-le,  videz-le,  ouvrez-lui  le  ventre  pour  qu'il  n'y  reste  ni  œufs 
ni  laitances,  et  ôtez-lui  les  ouïes;  la  peau  levée  sans  avoir'afFecté  les 
chairs,  levez  le  nerf  de  la  queue  et  piquez-le  en  totalité  avec  de 
l'anguille  taillée  en  petits  lardons,  ou  moitié  avec  des  truffes  et 
des  carottes  coupées  de  même;  si  vous  servez  votre  brochet  au 
gras,  piquez-le  de  lard,  de  truffes  ou  de  carottes,  mettez-le  dans 
une  poissonnière,  mouillez-le  d'une  braise  maigre  et  faites-le 
cuire;  mettez  dans  une  casserole  trois  baquetées  d'espagnole 
maigre  et  une  demi-bouteille  de  vin  blanc  de  Champagne;  faites 
réduire  votre  sauce  et  dégraissez-la,  mettez-y  des  champignons 
retournés ,  des  fonds 'd'artichauts,  des  truffes,  des  laitances  de 
carpes,  de  l'anguille  coupée  par  tronçons,  faites  mijoter  un  quart 
d'heure  votre  ragoût  et  finissez-le  avec  un  beurre  d'anchois; 
gouttez  votre  brochet,  pressez-le,  mettez  vos  garnitures  autour 
et  joignez-y  des  écrevisses,  décorez-le,  saucez-le,  glacez-le  et 
servez.  Si  c'est  au  gras,  ajoutez-y  des  ris  de  veau  piqués,  des 
pigeons  ou  des  cailles,  si  c'est  la  saison,  puis  des  crêtes  et  des 
rognons  de  coq. 

Brochet  au  bleu  ou  au  court -bouillon.  —  Videz  votre 
brochet,  éventrez-le  sans  lui  crever  l'amer  et  sans  endom- 
mager ses  écailles,  ôtez-lui  ses  ouïes  sans  lui  gâter  le  palais, 
placez-le  dans  une  poissonnière  de  capacité  suffisante  pour  le  con- 
tenir, faites  bouillir  un  quart  de  litre  de  vinaigre  rouge,  arrosez- 
en  votre  brochet  pour  lui  donner  une  couleur  azurée,  servez- 
vous-en  tout  bouillant;  mouillez -le  d'une  braise  maigre  ou 
grasse,  enveloppez-le  dans  un  papier  beurré,  faites-le  cuire  à 
petit  feu;  sa  cuisson  achevée,  égouttez-le,  dressez  une  ser- 
viette sur  votre  plat,  posez-le  dessus,  entourez-le  de  persil  et 
servez. 

Brochet  à  la  Chambord  (recette  de  M.  de  Courchamps).  — 

Pour  bien  exécuter  ce  beau  relevé  qu'on  sert  en  grosse  pièce  au 

premier  service,  et  qui  est  un  des  mets  les  plus  somptu&ux  de  la 

cuisine  moderne,  il  faut  d'abord  être  en  possession  d'un  très-fort 

et  très-beau  brochet  ;  d'où  vient  que  c'est  un  plat  dispendieux  à 


BROCHET.  309 


Paris  où  un  brochet  de  belle  taille  avec  sa  garniture  à  la  Cham- 
bord  ne  saurait  coûter  moins  de  quatre-vingts  francs,  et  peut, 
quelquefois,  revenir  au  triple  de  la  même  somme.  Après  en 
avoir  ôté  les  écailles  et  enlevé  toute  la  peau,  vous  le  piquerez 
par  bandes  ou  raies  transversales,  larges  chacune  comme  trois 
doigts;  savoir,  une  bande  avec  de  tins  lardons  épicés;  la  seconde 
avec  des  truffes  bien  noires  coupées  en  forme  de  clous  de  girofle; 
la  troisième,  avec  des  filets  de  carottes  et  la  dernière  avec  des 
filets  de  cornichons  bien  verts  et  pareillement  coupés  en  forme 
de  clous.  Vous  farcissez  ce  gros  poisson  avec  un  hachis  pour 
quenelles  aux  truffes  émincées  (7.  Quenelles).  Cette  opération 
terminée,  faites  cuire  le  brochet  dans  une  poissonnière  avec  un 
court-bouillon  dont  le  mouillement  soit  du  vin  de  Champagne 
blanc  et  mousseux,  mais  qui  soit  assaisonné  d'épices,  de  racines 
et  d'un  bouquet  garni,  comme  pour  un  autre  court-bouillon.  Le 
poisson  cuit,  retirez  assez  de  son  fond  de  cuisson  pour  que  le 
côté  piqué,  c'est-à-dire  le  dessus  du  brochet,  s'en  trouve  à 
découvert,  et  mettez-le  au  four  afin  que  les  sucs  se  concentrent 
et  que  les  parties  piquées  au  lard  y  prennent  une  belle  couleur 
dorée.  Procédez  maintenant  au  ragoût  qui  doit  former  la  garni- 
ture de  ce  mets  superbe. 

Mettez  dans  une  bassine  ou  grande  casserole  une  demi- 
bouteille  de  vin  de  Sillery,  d'Aï  ou  autre  bon  vin  de  Cham- 
pagne non  mousseux,  ajoutez-y  un  demi-litre  de  blond  de  veau 
ou  de  consommé  réduit,  des  quatre  épices  et  le  jus  de  quatre 
bigarades,  dans  lequel  vous  aurez  délayé  deux  fortes  pincées  de 
poudre  de  Kari  ;  faites  réduire  et  passez  ensuite  au  tamis  de 
soie;  remettez  sur  le  feu  et  fiiites-y  prendre  sauce  à  des  fonds 
d'artichauts  braisés,  des  mousserons  blancs  et  des  champignons 
cuits  à  la  moelle,  de  grosses  truffes  au  vin  de  Bordeaux,  des 
laitances  et  des  langues  de  carpes ,  des  foies  de  lottes  et  des 
quenelles  de  turbot  à  la  crème  et  aux  truffes,  des  tronçons  d'an- 
guilles piqués  et  de  filets  d'olives  cuits  au  vin  de  Madère,  des 
écre visses  d'Alsace  au  vin  blanc,  des  ris  de  veau  piqués  et 
glacés,  des  ris  d'agneau  pralinés  au  vert-pré,  des  becfigues  ou 
des  râles  de  genêts  et  des  cailles  sautées,  enfin  des  crêtes  et  des 
rognons  de  coq,  et,  si  Ton  veut  quelques  pigeonnaux  de  l'espèce 


310  BROCHET. 


dite  à  la  Gauthier.  On  terminera  cet  appareil  splendide  en  y 
mêlant  du  beurre  d'anchois  avec  quelques  cuillerées  de  glacis  de 
viande,  et  l'on  passera  ce  mélange  avant  de  le  placer  au  fond  du 
plat.  On  arrangera  le  tout  avec  ordre  et  symétrie  autour  du 
brochet,  dans  le  corps  duquel  on  piquera  quelques  longs 
hàtelets  d'argent,  bien  garnis  de  rissoles  et  autres  substances 
variées,  telles  que  belles  truffes  noires,  grandes  oranges  ou  ceps 
du  Midi,  jaunes  d'œufs  de  pintade,  ortolans  rôtis,  gros  fruits 
d'Italie  marines  au  vinaigre. 

Comme  pour  un  plat  d'une  telle  importance  on  ne  saurait 
être  trop  bien  renseigné,  nous  devons  équitablement  ajouter  à  la 
recette  de  M.  de  Courchamps  les  critiques  qu'un  autre  maître, 
M.  Vuillemot,  lui  oppose  : 

«  A  l'article  Brochet  à  la  Chambord^  de  M.  de  Courchamps, 
j'accueille  favorablement  le  brochet  farci,  les  garnitures  au 
maigre,  mais  ce  qui  est  de  ses  ris  de  veau,  pigeons  à  la  Gauthier, 
je  ne  puis  les  accepter, 

«  Couronnez  votre  brochet  par  les  quenelles  de  poisson, 
champignons,  truffes,  écrevisses,  queues  de  crevettes,  huîtres, 
moules  et  autres.  Cela  me  représente  un  beau  relevé  maigre. 
Bien  croûtonné,  et  une  bonne  sauce  genevoise  avec  beurre  d'an- 
chois. )) 

Brochet  en  dauphin.  —  Prenez  un  gros  brochet,  écaîUez-le, 
videz-le  par  les  ouïes,  retroussez-lui  la  queue;  à  cet  effet,* 
passez-lui  un  'hâtelet  dans  les  yeux  et  une  ficelle  dans  la  queue 
(il  faut  que  les  deux  bouts  se  joignent  de  chaque  côté  du 
hâtelet);  posez  votre  brochet  sur  le  ventre  et  faites  qu'il  s'y 
maintienne,  mouillez-le  d'une  braise  maigre,  et  si  c'est  au  gras, 
d'une  bonne  mirepoix;  mettez-le  dans  un  four,  retirez-le  de 
temps  en  temps  pour  l'arroser  de  son  assaisonnement  ;  sa  cuisson 
faite,  égouttez-le  et  saucez-le  d'une  italienne  rousse  et  grasse  ou 
d'une  maigre.  (Méthode  Beauvilliers.) 

Brochet  à  la  broche.  —  Écaillez,  incisez  légèrement  votre 
brochet ,  lardez-le  avec  des  filets  d*anguille  salés ,  poivrés; 
embrochez-le  et  arrosez-le,  en  cuisant,  avec  du  vin  blanc,  de 
l'huile  fine  et  du  jus  de  citron  vert.  Dès  qu'il  est  cuit,  &ites 
fondre  des  anchois  dans  ce  qui  est  tombé  dans  la  lèchefrite, 


BROCHET.  311 


ajoutez-y  des  huîtres  que  vous  faites  chauffer  sans  bouillir,  des 
câpres,  du  sel  et  du  poivre,  liez  cette  sauce  avec  un  peu  de  jus 
ou  avec  un  roux,  et  servez. 

La  sauce  Pluche  ou  verte  convient  très-bien  à  ce  brochet 
en  raison  des  anchois.  —  Les  huîtres  sont  très-nécessaires. 

Brochet  à  la  tartare.  —  Coupez  votre  brochet  par  tronçons 
et  faites-les  mariner  tout  écaillés  avec  de  Thuile,  sel,  gros  poivre, 
persil,  ciboules,  échalotes  et  champignons  hachés  très-iin  ; 
saucez-les  dans  la  marinade  et  panez-les  avec  de  la  mie  de  pain, 
mettez-les  sur  le  gril  et  faites  cuire  en  arrosant  avec  le  reste 
de  la  marinade,  faites-les  prendre  belle  couleur  et  servez  à  sec 
avec  une  rémoulade  dans  une  saucière. 

M.  le  comte  de  Courchamps  a  payé  sa  dette  à  la  marquise  de 
Créquy,  dont  il  a  écrit  les  mémoires,  en  donnant  le  nom  de 
Créquy  à  un  brochet,  c'était  bien  de  l'honneur  pour  ce  poisson  ; 
on  sait  que  la  devise  des  barons  de  Créquy  était  :  Créquy  haut 
baron,  Créquy  haut  renom.  Voyons  ce  qu'il  fallait  que  fît  un 
brochet  ou  ce  qui  fallait  qu'on  lui  fît  pour  le  conduire  à  un  si 
grand  honneur. 

Brochet  à  la  Créquy.  —  Après  avoir  enlevé  la  peau  qui 
supporte  les  écailles  d'un  gros  brochet,  mortifié  depuis  quelques 
jours,  on  le  pique,  jusqu'à  la  quatrième  partie  des  côtes  avec  des 
anchois,  l'autre  quart  avec  des  cornichons,  puis  des  carottes  et 
enfin  des  truffes,  on  le  remplit  avec  farce  au  poisson,  pour  le 
placer  dans  une  poissonnière,  de  manière  à  laisser  en  dehors  tout 
ce  qui  a  été  piqué  et  qui  doit  être  arrosé  aussi  souvent  que 
possible,  avec  le  mouillement  qui  se  trouve  dans  l'intérieur  ;  on 
le  couvre  pour  continuer,  le  feu  par-dessus  ;  sa  cuisson  terminée, 
on  le  retire  et  lorsqu'il  est  égoutté  on  verse  dessous  une  sauce  à 
la  crème  et  au  jus  de  poisson  bien  réduit.  C'est  un  des  plus  beaux 
relevés  maigres,  dit  le  Cuisinier  de  la  cour  et  de  la  ville. 

Brochet  à  V allemande.  (Recette  de  Beauvilliers).  —  Ayez 
un  beau  brochet,  faites  attention  qu'il  ne  sente  pas  la  vase, 
laissez-le  mortifier  deux  ou  trois  jours  et  davantage,  s'il  fait 
froid  ;  lorsque  vous  voudrez  vous  en  servir,  videz-le,  ôtez-lui  les 
ouïes,  supprimez-en  les  nageoires  et  le  [petit  bout  de  la  queue, 
lavez-le  et  nettoyez  bien  le  dedans,  faites  une  eau  de  sel,  mettez 


îia  BROCHET. 


votre  brochet  dans  une  casserole  avec  quelques  branches  de  persil, 
une  feuille  de  laurier  et  quelques  carottes  coupées  en  lames, 
mouillez-le  avec  moitié  eau  de  sel  et  moitié  eau  de  rivière,  faites- 
le  cuire  ;  sa  cuisson  faite,  égouttez-le,  ôtez-en  la  peau,  mettez-le 
dans  une  casserole  et  versez  dessus  de  son  assaisonnement, 
tenez-le  chaudement,  posez  une  serviette  sur  un  plat,  remplissez 
le  vide  des  tronçons  avec  du  raifort  râpé,  dressez-les  et  servez 
à  côté  une  saucière  remplie  d'une  sauce  au  beurre  ou  de  toute 
autre  sauce. 

Brochet  à  V allemande.  (Recette  de  M.  de  Courchamps.)  — 
Pour  le  préparer  de  cette  manière,  on  le  choisit  de  grosseur 
moyenne  ;  après  l'avoir  coupé  en  trois  ou  quatre  parties  égales , 
on  le  met  dans  une  casserole  avec  de  l'oignon,  du  persil,  du 
laurier,  de  la  ciboule,  du  sel  et  du  poivre  ;  on  mouille  avec  du 
vin  blancs,  et  après  une  demi-heure  on  le  retire  ;  après  l'avoir  paré 
on  le  met  dans  une  casserole,  on  verse  dessus  le  court-bouillon 
passé  au  tamis  ;  après  avoir  égoutté  et  mis  sur  un  plat  le  brochet, 
on  prend  une  autre  casserole  avec  du  beurre,  un  peu  de  fécule,  de 
la  muscade  râpée,  du  poivre,  un  verre  de  court-bouillon,  et  Ton 
agite,  en  tournant  sur  le  feu,  jusqu'à  ce  que  le  tout  soit  bouillant; 
après  avoir  lié  cette  sauce  avec  les  jaunes  d'œufs,  on  continue  de 
tourner  sans  pousser  à  l'ébuUition,  on  la  passe  au  tamis  en  la 
versant  sur  le  poisson. 

Brochet  à  la  genevoise.  —  Prenez  un  brochet  que  vous 
ficellerez  de  distance  en  distance,  de  la  largeur  de  deux  doigts,  et 
mettez-le  dans  une  poissonnière  avec  sel,  poivre,  un  oignon 
piqué  de  deux  clous  de  girofle  et  un  bouquet  garni  ;  mouillez 
avec  un  demi-litre  de  vin  moitié  blanc  moitié  rouge  par  500  gram- 
mes de  poisson.  Mettez  votre  poissonnière  sur  un  feu  très- 
vif  et  poussez  assez  vivement  pour  que  les  vapeurs  vineuses  qui 
s'élèvent  s'enflamment.  Quand  le  feu  a  ainsi  fait  son  effet,  mettez 
250  grammes  de  beurre  dans  la  poissonnière,  ajoutez-y  des 
épices  mélangées  et  laissez  cuire  doucement  environ  une  heure. 
Quand  le  court-bouillon  sera  assez  réduit,  jetez-y  quelques 
morceaux  de  beurre  en  remuant  toujours  la  poissonnière,  retirez 
ensuite  le  poisson,  égouttez-le  et  liez  la  sauce. 

Brochet  en  fricandeau.  —  Après  avoir  écaillé,  vidé  et  lavé 


BROCHET. 


3n 


votre  brochet,  coupez-le  en  tronçons,  piquez  ces  tronçons  en 
dessus  avec  du  petit  lard,  versez  dans  une  casserole  un  verre  de 
vin  blanc,  du  bouillon;  ajoutez-y  un  bouquet  garni,  des  rouelles 
de  veau  coupées  en  dés,  du  sel,  du  gros  poivre,  de  la  muscade, 
et  mettez  vos  tronçons  de  brochet  tremper  dans  cet  assaisonne- 
ment, puis  faites-les  cuire  ;  la  cuisson  achevée,  tamisez  la  sauce, 
faites-la  réduire  presque  complètement  et  passez-y  les  tronçons 
de  votre  brochet  du  côté  du  lard  pour  les  glacer;  cette  opéra- 
tion deviendra  plus  facUe  en  ajoutant  un  peu  de  caramel  à  la 
sauce. 

Dressez  le  poisson  glacé  sur  un  plat  chaud  et  détachez 
avec  un  peu  de  bouillon  ce  qui  reste  au  fond  de  la  casserole. 

Grenadins  de  brochet,  lisez  :  fricandeau  de  brochet,  —  Si 
vous  voulez  les* manger  gras,  piquez-les  de  lard;  si  vous  voulez 
les  manger  au  maigre,  piquez-les  de  lardons  d'anguille  et  de 
filets  d*anchois,  servez  dessous  soit  une  sauce  tomate,  soit 
une  purée  de  champignons,  soit  toute  autre  sauce  ou  toute  autre 
purée. 

Côtelettes  de  brochet,  —  Apprêtez  et  lavez  les  chairs  d'un 
brochet ,  supprimez-en  la  peau ,  donnez  à  ces  chairs ,  en  les 
coupant,  la  forme  de  côtelettes  de  veau  ou  de  mouton,  faites- 
les  cuire  dans  une  enveloppe  de  papier  huilé  avec  des  fines 
herbes  hachées,  tel  que  vous  feriez  pour  des  côtelettes  de  veau; 
procédez  en  tout  comme  pour  ces  côtelettes,  c'est-à-dire 
faites-les  griller  en  prenant  garde  que  le  papier  ne  brûle, 
et  laissez-les  cuire  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  atteint  une  belle 
couleur. 

Filets  de  brochet  à  la  Béchamel.  —  Mettez  dans  une  bécha- 
mel réduite  les  restes  de  votre  brochet,  dressez-les  ensuite  sur 
un  plat  arrosé  d'un  peu  de  beurre  fondu,  entourez-le  de 
bouchons  de  pain  trempés  dans  une  omelette;  mettez-les  au  four, 
laissez-les  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  belle  couleur  et  servez. 

Salade  de  brochet.  —  Coupez  votre  brochet  froid  par 
morceaux  et  assaisonnez-le  en  y  ajoutant  câpres,  anchois  et 
cornichons  coupés  en  filets,  ainsi  que  de  la  fourniture  hachée  ; 
'  dressez-la  sur  un  plat  sans  y  comprendre  les  anchois,  les  corni- 
chons et  les  câpres,  garnissez  le  bord  de  votre  plat  de  laitues 


314  BROU. 

fraîches  coupées  par  quartiers  et  d'œufs  durs  coupés  de  même, 
décorez  votre  salade  de  filets  d'anchois  et  de  câpres,  saucez-la 
avec  son  assaisonnement  et  servez. 

BROCOLL  —  Le  brocoli  est  une  espèce  de  chou-fleur  qui  au 
lieu  de  fleurir  blanc  fleurit  noir,  qui  au  lieu  de  se  réunir  en 
rameaux  compactes  se  divise  en  rameaux  séparés  ;  c'est  un  excel- 
lent légume,  seulement  il  est  mal  connu  en  France,  excepté  dans 
le  Midi,  où  la  chaleur  est  suflîsante  pour  le  faire  pousser.  Nous 
avons  dit  qu'il  fleurissait  noir,  en  Italie. il  fleurit  violet.  On  les 

m 

fait  cuire  et  on  les  prépare  comme  des  choux-fleurs.  Le  paren- 
chyme en  est  plus  léger,  mais  il  a  la  saveur  plus  exquise.  Ne  pas 
confondre  les  brocolis  avec  les  choux  de  Bruxelles;  C'est  du 
Milanais  que  nos  jardiniers  soigneux  tirent  la  graine  de  cette 
plante. 

Ils  les  font  venir  sur  des  couches  préparées  qui  rendent  le 
légume  très-flexible  à  la  cuison. 

Apprêtez  avec  une  bonne  sauce  au  beurre  —  ou  une  sauce 
au  gratin  avec  parmesan. 

BROU.  —  C'est  le  nom  de  la  coque  verte  qui  renferme 
certains  fruits  à  écale,  c'est  ce  qui  fait  faire  la  grimace  à  la 
guenon  de  la  fable  qui  mord  dans  le  brou  au  lieu  d'éplucher  la 
noix. 

Brou  de  noix  à  la  Sainte-Marie.  —  Prenez  2  kilog.  de  noix 
vertes,  7  grammes  de  cannelle,  3  grammes  et  demi  de  malcis,  huit 
litres  d'eau-de-vie  à  50  degrés,  2  litres  d'eau  de  rivière,  2  kilogr. 
de  sucre;  choisissez  des  noix  aux  deux  tiers  de  leur  grosseur, 
assez  peu  formées  cependant  pour  qu'une  épingle  passe  encore 
facilement  à  travers  leurs  coquilles  ;  vous  les  pilez  au  mortier  de 
marbre  et  les  mettez  infuser  avec  les  aromates  et  dans  l'eau-de- 
vîe  pendant  un  mois  et  demi,  puis  vous  tamisez  le  tout  et 
recueillez  la  liqueur;  vous  faites  fondre  le  sucre  à  l'eau  de 
rivière,  vous  opérez  le  mélange  des  deux  liqueurs  et  vous  les 
laissez  éclaircir  pendant  six  semaines  ;  enfin  vous  décantez  le 
ratatia  par  inclinaison.  Au  lieu  de  laisser  déposer  votre  liqueur, 
on  peut  à  la  rigueur  la  filtrer. 

Brou  de  noix  à  la  Carmélite.  —  Prenez  150  noix  vertes, 
3  gram.  1/2  de  muscades,  3  granu  1/2  de  girofle,  2  kilogrammes 


BRULURE.  315 


de  sucre  concassé,  mettez  le  tout  dans  8  litres  d'eau-de-vie, 
vous  choisissez  les  noix  comme  pour  le  brou'ci-dessus,  vous  les 
pilez  de  même,  vous  les  faites  infuser  deux  mois  dans  Teau-de- 
vie,  vous  les  égoutfez  dans  un  tamis  au-dessus  d'un  vase,  vous 
faites  fondre  le  sucre  dans  cette  liqueur  que  vous  renfermez  de 
nouveau  dans  un  vase  pendant  trois  autres  mois,  vous  la  décantez 
ensuite  et  la  mettez  en  bouteilles.  Ce  dernier  ratafia,  comme 
stomachique,  est  encore  supérieur  à  l'autre. 

BRUGNON.  —  Espèce  de  pêche  presque  ronde,  lisse  et  de 
couleur  rouge  tirant  sur  le  violet  ;  elle  est  moins  grosse  que  les 
autres,  sa  chair  est  ferme  et  comme  saveur  tient  le  milieu  entre 
la  pêche  et  la  prune;  elle  est  de  facile  digestion.  Le  brugnon 
violet  musqué  est  plus  estimé  que  lés  autres,  on  le  mange  en 
août  et  en  septembre. 

BRULURE.  —  La  brûlure  est  un  des  accidents  les  plus 
fréquents  qui  puissent  arriver  à  un  cuisinier  consciencieux  et 
exerçant  de  sa  personne;  nous  extrayons  du  Traité  des  prépara-- 
tions  de  M.  Lorrain  l'indication  des  remèdes  reconnus  comme  les 
plus  propres  à  en  prévenir  les  suites.  Nous  remercions  d'abord 
pour  notre  compte  M.  Lorrain  en  lui  laissant  à  recueillir  les 
remercîments  de  ceux  qu'il  aura  soulagés.  y' 

a  Les  plus  fortes  brûlures  auraient  presque  toujours  des 
suites  très-légères  si  on  y  appliquait  aussitôt  les  remèdes  conve- 
nables; pour  peu  qu'on  attende,  l'action  du  feu  qui,  d'abord  n'a 
attaqué  que  la  superficie  de  la  peau,  pénètre  dans  l'intérieur  et 
occasionne  de  grands  désordres  qu'il  aurait  été  facile  de  prévenir. 

a  Les  premiers  soins  à  prendre  doivent  avoir  pour  but  de 
diminuer  l'inflammation  qui  est  toujours  la  suite  des  brûlures, 
ou  même  de  l'empêcher  de  naître. 

«  On  arrosera  donc  la  partie  brûlée  avec  de  l'eau  la  plus  froide 
possible,  sans  le  moindre  délai  ;  si  la  partie  est  couverte  d'un 
vêtement,  on  commencera  par  l'imbiber  d'eau  froide  jusqu'à  ce 
qu'elle  pénètre  la  brûlure,  ou,  ce  qui  est  préférable,  on  plongera 
tout  le  membre  dans  Teau  froide;  si  on  n'a  pas  d'eau  froide  sous 
la  main,  on  enlèvera  de  suite  le  vêtement  et  on  appliquera  sur  la 
brûlure  un  corps  froid  et,  s'il  est  possible,  de  nature  métallique. 
Par  ces  moyens,  on  empêchera  la  continuité  d'action  du  calorique. 


/ 


3i6  BRULURE. 


((  Lorsque  la  brûlure  sera  à  nu,  on  la  couvrira  avec  des 
compresses  trempées  dans  Teau  la  plus  froide,  même  à  la  glace, 
et  qu'on  renouvellera  de  minute  en  minute,  ou  qu'on  arrosera 
par-dessus.  Si  on  peut  se  procurer  de  l'alun,  on  en  fera  dissoudre 
dans  Teau  froide  et  on  en  imbibera  des  compresses  qu'on  posera  sur 
la  brûlure.  On  arrosera  fréquemment  les  compresses  pendant  la 
première  heure  sans  les  lever,  et  pendant  les  cinq  ou  six  heures 
suivantes,  on  aura  soin  de  ne  pas  les  laisser  s'échauffer  et  se 
dessécher.  Ces  moyens  et  surtout  l'emploi  de  l'eau  d'alun  suffi- 
sent souvent  pour  prévenir  les  suites  de  brûlures  très-fortes. 

«  Après  cinq  ou  six  heures  d'arrosage,  on  fixe  les  com- 
presses avec  des  bandelettes,  et  on  ne  fait  plus  rien.  Il  se  forme 
ordinairement,  sous  les  compresses,  une  croûte  qui  prend  de 
l'épaisseur  et  de  la  dureté  et  qui  se  sépare  d'elle-même  dans 
un  moment  plus  ou  moins  loin.  L'alun  agit  dans  ce  cas  par  sa 
propriété  astringente,  aussi  peut-on  le  remplacer  par  d'autres 
substances  qui  jouissent  de  la  même  propriété,  quoiqu'à  un 
degré  moindre.  Telle  est,  par  exemple,  la  pulpe  crue  de  pommes 
de  terre,  on  en  recouvre  la  brûlure  et  on  la  renouvelle  à  mesure 
qu'elle  s'échauffe.  Cette  pulpe  agit  par  le  froid  qu'elle  apporte 
et  par  le  principe  astringent  qu'elle  contient.  Pour  obtenir  la 
pulpe  de  pommes  de  terre,  on  les  frotte  sur  une  râpe  ordinaire, 
ou,  à  défaut  de  râpe,  on  les  écrase  avec  un  marteau  jusqu'à  ce 
qu'elles  soient  réduites  en  bouillie. 

«  En  général,  la  première  chose  à  faire  pour  une  brûlure, 
c'est  de  refroidir  le  plus  qu'on  peut  la  partie  affectée  ;  on  emploie 
à  ce  refroidissement  l'eau  la  plus  froide  et  même  la  glace;  ce 
refroidissement  doit  être  continué  sans  interruption  pendant  une 
heure;  ensuite,  et  même  plus  tôt  si  on  le  peut,  tout  en  continuant 
à  refroidir  la  partie  brûlée  et  celles  qui  sont  avoisinantes,  on  passe 
à  l'emploi  des  astringents,  l'eau  d'alun,  l'eau  de  goulard,  la  pulpe 
de  pommes  de  terre,  la  boue  ferrugineuse  qu'on  trouve  dans 
l'auget  des  meules  à  émoudre,  etc.  ;  ou  les  toniques  tels  que 
l'éther,  l'alcool,  l'eau-de-vie  ;  ces  dernières  substances  doivent 
être  employées  sans  compresses,  on  en  mouille  de  temps  en  temps 
la  partie  brûlée. 

a  Si,  malgré  l'emploi  des  moyens  ci-dessus ,  la  plaie  vient  à 


BUFFLE.  317 


suppuration,  on  la  panse  alors  avec  le  cérat  siccatif  ou  avec  le 
baume  de  Geneviève.  » 

BUFFLE.  —  Animal  originaire  des  Indes  et  de  l'Afrique, 
qui  ressemble  assez  au  taureau,  mais  qui  est  plus  fort. 

La  chair  du  buffle  est  moins  agréable  à  manger  que  celle 
du  bœuf,  cependant  elle  est  fort  bonne  et  fort  saine. 

On  fait  avec  le  lait  des  femelles  un  fromage  excellent  que 
Ton  appelle  en  Italie  œuf  de  buffle^  parce  qu'on  lui  donne  la  forme 
d'un  œuf. 

Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  Duglerez,  ancien  chef  de 
bouche  de  la  maison  Rothschild,  une  excellente  recette  pour 
assaisonner  le  museau  de  buffle;  nous  nous  empressons  de  la 
donner  à  nos  lecteurs. 

Le  museau  de  buffle  est  très -peu  employé  en  cuisine, 
cependant  c'est  un  mets  qu'un  bon  cuisinier  peut  rendre  très- 
délicat. 

Prenez  un  museau  de  buffle,  faites-le  dégorger,  blanchir  et 
rafraîchir,  puis  grattez  et  flambez  pour  en  extraire  les  poils; 
mettez-le  après  dans  un  bon  fonds  et  faites  cuire  pendant  trois 
heures.  Assurez- vous  de  temps  en  temps  si  c'est  cuit,  puis 
égouttez-le  et  placez-le  sur  le  plat  imbibé  d'une  bonne  sauce 
hachée  bien  relevée  et  servez. 

On  peut  servir  ce  mets  de  plusieurs  manières  : 

Soit  en  papillotes,  à  la  Provençale,  en  matelot  te,  à  la 
Lyonnaise,  à  la  Tartare,  à  la  sauce  aux  tomates  et  à  la  Villeroy. 
(V.  ces  sauces.) 


c 


CABELAN  ou  CAPLAN.  —  Sorte  de  poisson  commun  dans 
k  Méditerranée.  Sa  chair  est  douce,  tendre  et  de  bon  goût.  On 
en  fait,  à  Paris,  des  sandwichs  à  la  crème  de  Meaux,  et,  sur  les 
côtes  de  Bretagne,  des  beurrées  fort  appétissantes.  Il  sert  pour 
amorcer  les  morues  sur  le  banc  de  Terre-Neuve. 

CABILLAUD ,  plutôt  CABIAU.  —  Nom  de  la  morue 
fraîche  en  Hollande;  comme  c'est  le  même  poisson  qui  reçoit  le 
nom  de  morue  quand  il  est  salé,  c'est  à  ce  nom  de  Cabillaud  que 
nous  dirons  tout  ce  que  nous  avons  à  dire  sur  la  morue« 

Cabillaud.  —  Genre  de  poisson  de  la  famille  des  ^a- 
doïdes  ^  différent  du  merlan  par  la  présence  d'un  barbillon 
attaché  sous  la  symphise  de  la  mâchoire  inférieure.  La  fécondité 
du  cabillaud  égale  sa  voracité.  Dans  un  cabillaud  de  la  plus 
grosse  taille,  c'est  vrai,  pesant  30  à  32  kilogrammes,  on  a  trouvé 
\  huit  millions  et  demi  et  jusqu'à  neuf  millions  d'œufs.  On  a 

calculé  que  si  aucun  accident  n'arrêtait  Téclosion  de  ces  œufs  et 
si  chaque  cabillaud  venait  à  sa  grosseur,  il  ne  faudrait  que  trois 
ans  pour  que  la  mer  fût  comblée  et  que  l'on  pût  traverser  à  pied 
sec  l'Atlantique  sur  le  dos  des  cabillauds. 

Les  cabillauds  frayent,  en  décembre,  sur  les  côtes  d'Espagne; 
au  printemps,  sur  celles  d'Amérique,  et  alors  la  voracité  de  ces 
poissons  ne  connaît  plus  d'obstacles,  ils  se  réunissent  en  troupe 
serrée  et  infligent  à  leurs  proies,  et  surtout  aux  maquereaux, 
une  chasse  qui  les  pousse  par  milliards  sur  les  côtes.  La  résidence 


CABILLAUD. 


319 


habituelle  des  cabillauds  est  sur  les  bancs  de  Terre-Neuve,  au 
cap  Breton,  à  la  Nouvelle-Ecosse,  à  la  Nouvelle-Angleterre,  à 
laNorwége,  aux  côtes  d'Islande,  aux  bancs  de  Dogger  et  aux  Or- 
cades.  C'est  particulièrement  au  printemps  qu'on  les  voit  se  réunir 
par  bancs  en  forme  de  parallélogramme  et  pulluler  de  façon  à 


\ 


épouvanter  ceux  qui  calculent  la  quantité  de  poissons  dévorants  ,  ■\ 

que  contiennent  ces  bancs  de  plusieurs  pieds  d'épaisseur;  aussi  le 
cabillaud  est-il  une  des  premières  pèches  auxquelles  les  nations 
d'Europe  se  sont  livrées.  Nous  avons  des  preuves  certaines  que 
ces  pèches  sont  organisées  depuis  le  commencement  du  ix'  siècle; 
car  vers  la  lin  de  ce  siècle,  nous  trouvons  des  pêcheries  établies 
sur  les  côtes  de  Norwége  et  d'Islande. 

Dès  1368,  Amsterdam  avait  une  pêcherie  de  morue  sur  les 
côtes  de  la  Suède  ;  au  rapport  d'Anderson,  ce  fiât  en  1536  que  la 
France  envoya  au  banc  de  Terre-Neuve  son  premier  vaisseau 
pour  y  pêcher.  Longtemps  on  prétendit  qu'il  était  monté  par  des 
Maloins,  aujourd'hui  on  en  fait  honneur  aux  Basques;  et,  en  effet, 
cent  ans  environ  avant  l'expédition  de  Christophe  Colomb,  les 
pêcheurs  basques  poursuivant  une  baleine  s'aperçurent  de  la 
grande  abondance  de  cabillauds  qu'il-  y  avait  à  Terre-Neuve,  et  en 
tirent  la  première  pêche.  En  1578,  la  France  envoyait  à  Terre- 
Neuve  1,050  navires  pour  la  pêche,  l'Espagne  i  lo,  le  Portugal  50 
et  l'Angleterre  30;  au  moment  de  notre  première  révolution,  le 
produit  de  la  pêche  française  s'élevait  à  15,731,000.  La  pêche  de 
la  morue  se  fait  ordinairement  pendant  le  mois  de  février  et  est 
plus  souvent  terminée  en  six  semaines;  il  n'est  pas  rare  cependant 
qu'elle  dure,  dans  les  bonnes  années,  quatre  ou  cinq  mois.  On  se 
sert  pour  pêcher  la  morue  de  lignes,  d'hameçons,  de  rets;  un  pê- 
cheur ne  pêche  à  la  fois  qu'un  poisson ,  mais  le  cabillaud  est  v 
abondant  que  chaque  pêcheur  peut  en  prendre  trois  cent  cinquante 
à  quatre  cents  par  jour.  Le  rendez-vous  des  morues  et  par  consé- 
quent des  pêcheurs  est  au  banc  de  Terre-Neuve,  à  l'île  de  Sable, 
à  celle  de  Saint-Pierre  et  au  banc  Vert.  Les  morues  sont  d'une 
telle  voracité,  que  tous  les  genres  d'appâts  sont  bons  pour  les 
prendre.  Les  pêcheurs  flamands  se  servent  particulièrement  de 
grenouilles,  les  Basques  d'anchois  et  de  sardines,  les  pêcheurs 
de  Boulogne  de  harengs,  de  maquereaux  et  même  de  vers  de 


\ 


320  CABILLAUD. 


terre.  En  Irlande,  on  fait  usage  de  moules;  en  Hollande,  de 
morceaux  de  lamproies. 

Cabillaud  (ou  morue  fraîche  à  la  Hollandaise).  —  Choisissez 
un  cabillaud  frais  et  gras,  ce  qu'il  sera  facile  de  reconnaître  à 
Tœil  et  en  le  iflairant,  qu'il  ait  la  peau  blanche  et  tachée  de 
jaune,  ce  sont  les  meilleurs;  videz-le,  ôtez  les  ouïes,  lavez-les  à 
plusieurs  eaux,  ficelez-lui  la  tète,  mettez-le  dans  une  poisson- 
nière, faites-le  cuire  dans  une  bonne  eau  de  sel  que  vous  aurez 
préparée  ainsi.  Mettez  de  l'eau  dans  un  petit  chaudron,  propor- 
tionnez-y le  sel  à  la  quantité  de  l'eau,  jetez-y  quelques  ciboules 
entières,  du  persil  en  branches,  une  gousse  d'ail,  deux  ou  Trois 
oignons  coupés  en  tranches,  du  zeste  de  carotte,  du  thym,  du 
laurier,  du  basilic,  deux  clous  de. girofle;  faites  bouillir  trois 
quarts  d'heure,  écumez  votre  eau,  descendez-la  du  feu,  couvrez- 
la  d'un  linge  blanc,  laissez-la  reposer  une  demi-Keure  ou  trois 
quarts  d'heure,  passez-la  au  travers  d'un  tamis  de  soie,  servez- 
vous-en  pour  faire  cuire  votre  poisson  et,  en  général,  tout  ce  qui 
doit^  être  cuit  à  l'eau  de  sel.  La  cuisson  de  votre  cabillaud 
achevée,  sans  l'avoir  laissé  bouillir,  cinq  minutes  avant  de  le 
servir,  retirez-le  de  l'eau,  laissez-le  s'égoutter  sur  la  feuille, 
glissez-le  sur  le  plat  où  il  doit  paraître  sur  la  table,  servez-le 
avec  des  pommes  de  terre  cuites  à  l'eau  et  épluchées,  et  avec 
une  saucière  remplie  de  beurre  fondu.  Vous  pouvez  le  servir 
aussi  avec  une  sauce  aux  huîtres,  une  sauce  blanche  aux  câpres, 
ou  une  sauce  à  la  bonne  morue.  {Recette  Beauvilliers,) 

Cabillaud  à  la  Sainte-Ménehould.  —  Choisissez  avec  soin 
votre  cabillaud,  c'est-à-dire  frais  et  gras  ;  introduisez-lui  dans  le 
corps  une  farce  cuite.  Si  c'est  en  maigre,  ,que  la  farce  soit  en 
poisson  ;  dressez-le  immédiatement  sur  le  plat  où  vous  devez  le 
servir;  mouillez  votre  cabillaud  d'une  braise  grasse  ou  maigre, 
selon  que  sera  grasse  ou  maigre  la  farce  que  vous  lui  aurez  intro- 
duite dans  le  ventre;  mettez-le  au  four,  et,  sa  cuisson  faite, 
égouttez-le  sans  l'enlever  de  dessus  son  plat;  saucez-le  d'une 
Sainte-Ménehould,  passez-le  avec  de  la  mie  de  pain  et  du  fromage 
de  Parmesan,  arrosez-le  de  beurre  fondu,  faites-lui  prendre  une 
belle  couleur,  égouttez-le  de  nouveau,  nettoyez  votre  plat,  et 
mettez-y  une  italienne  blanche.  (V.  italienne  blanche.) 


CABILLAUD.  331 


Cabillaud  à  la  hambourgeoise.  (Recette  traduite  de  l'allé- 
mand  par  Fauteur  du  Dictionnaire  de  cuisine.)  —  Prenez  à  cet 
effet  un  cabillaud  bien  frais  et  bien  charnu  ;  lorsque  vous  Taurez 
bien  nettoyé  (en  ayant  soin  de  ne  pas  faire  une  trop  grande 
ouverture  pour  lui  retirer  les  intestins),  faites-le  égoutter  et 
essuyez-le  bien  en  dedans  et  en  dehors.  Faites  blanchir  six 
douzaines  d'huîtres,  égouttez-les  sur  un  tamis;  laissez  reposer 
l'eau  des  huîtres,  que  vous  aurez  eu  soin  de  conserver;  faites  une 
béchamel  mouillée  avec  cette  eau  et  moitié  crème;  faites  réduire 
cette  sauce  jusqu'à  ce  qu'elle  tienne  à  la  cuiller;  assaisonnez 
d'un  peu  de  sel,  poivre  et  muscade;  mèlez-y  les  huîtres  et  rem- 
plissez-en l'intérieur  de  ce  cabillaud;  posez-le  ensuite  sur  un 
plat  ou  une  plaque  bien  étamée,  ciselez  légèrement  la  surface 
de  votre  poisson;  prenez  six  jaunes  d'œufs  crus,  125  grammes  de 
beurre  fondu,  sel  et  muscade;  battez  le  tout,  prenez  un  pinceau, 
enduisez  bien  toute  la  surface  du  poisson,  semez  de  la  mie  de 
pain  (cette  dpé/ation  doit  se  faire  vivement) ,  arrosez  ensuite  de 
beurre  fondu  toute  cette  panure  (une  heure  suffit  pour  la 
cuisson,  qui  doit  être  à  un  four  un  peu  chaud).  Si  c'est  sur  une 
plaque  que  vous  avez  posé  votre  poisson ,  enlevez-le  avec  deux 
couvercles  de  casserole.  Pour  sa  sauce,  ayez  un  gros  homard 
cuit;  retirez-en  les  chairs,  pilez  les  coquilles  avec  ses  œufs  et 
intestins;  ajoutez  180  grammes  de  beurre,  relevez  le  tout  dans 
une  casserole,  exposez-le  sur  un  fourneau,  remuez  cette  prépa- 
ration avec  une  cuiller  de  bois,  et  quand  le  beurre  sera  bien 
fondu,  versez- y  une  cuillerée  de  bon  bouillon,  faites  bien 
chauffer;  au  premier  bouillon,  versez  le  tout  dans  une  étamine, 
tordez  fortement  sur  une  terrine  préparée  à  cet  effet  et  laissez 
monter  le  beurre,  ensuite  enlevez-le  avec  une  cuiller  ;  servez- 
vous  de  ce  qui  reste  dans  la  terrine  pour  faire  votre  sauce,  en 
y  ajoutant  de  la  bonne  crème  en  quantité  égale  à  votre  fond. 
Vous  aurez  coupé  en  dés  vos  chairs  de  homard  que  vous  incor- 
porez dans  la  sauce  au  moment  de  servir,  ainsi  que  votre  beurre 
rouge;  goûtez  si  la  sauce  est  de  bon  goût;  lorsque  vous  mettez 
votre  poisson  au  four,  versez  sur  un  plat  un  bon  verre  de  vin 
blanc.  Ce  relevé  fait  le  meilleur  effet  possible  quand  il  est  bien 
soigné. 


21 


^22  CABILLAUD. 


Cabillaud  à  Vitalienne.  —  Choisissez  avec  soin  un  beau 
cabillaud,  tâchez  qu'il  soit  d'Ostende  ou  des  côtes  de  la  Manche, 
faites  une  farce  avec  des  merlans  et  des  anchois  piles ,  rem- 
plissez-en la  cavité  du  cabillaud,  dressez  votre  poisson  sur 
un  plat  creux  avec  du  beurre  et  du  persil  haché,  mouillez  le 
tout  avec  une  bouteille  de  vin  blanc,  mettez-le  au  four  après 
l'avoir  pané  et  saupoudré  de  mie  de  pain  mêlée  de  fromage  de 
Parmesan  râpé,  arrosez  de  beurre  fondu,  et  faites-lui  prendre 
couleur  sous  le  four  de  campagne  ;  vous  pouvez  le  saucer  alors 
avec  telle  sauce  que  vous  voudrez. 

Cabillaud  aux  fines  herbes.  —  Même  préparation  que 
ci-dessus;  quand  il  sera  resté  une  heure  dans  son  eau  salée, 
servez  avec  fines  herbes,  beurre,  sel,  poivre,  muscade,  aro- 
mates et  chapelure;  mouillez-le  d'une  bouteille  de  vin  blanc, 
mettez-le  au  four  et  arrosez  plusieurs  fois. 

Morue  à  la  maître  d'hôtel,  —  Vous  choisissez  une  belle 
crête  de  morue  dune  peau  blanche  piquée  de  jaune;  pour  vous 
assurer  qu'elle  est  tendre,  pincez-en  la  chair,  goûtez  aussi  si  elle 
est  d'un  bon  sel  et,  dans  le  cas  où  elle  serait  trop  salée,  mettez-la 
dans  l'eau  avec  moitié  lait,  et  elle  se  dessalera  promptement; 
trempez-la  dans  l'eau  chaude,  ôtez  les  écailles  en  la  grattant  avec 
un  couteau,  mettez  de  l'eau  fraîche  dans  une  casserole  avec 
votre  morue,  faites-la  cuire  ;  dès  qu'elle  aura  bouilli,  retirez-la 
pour  récumer,  couvrez-la  un  instant,  puis  égouttez-la,  dressez-la 
et  saucez-la  d'une  sauce  à  la  maître  d'hôtel  forcée  d'un  peu  de 
citron  ou  de  verjus  {V.  sauce  a  la  maître  d'hôtel);  vous 
pouvez  aussi  supprimer  la  peau,  la  défaire  par  feuillets,  la  sauter 
dans  une  maître  d'hôtel  en  y  ajoutant  un  filet  de  verjus  ou  un  jus 
de  citron,  la  dresser  et  la  servir  aussitôt. 

Brandade  de  morue,  —  Faites  cuire  votre  morue' comme 
ci-dessus,  supprimez-en  les  peaux,  égouttez-la,  puis  divisez-la  par 
petites  feuilles,  mettez  de  l'huile  d  olive  dans  une  casserole  et 
jetez-y  votre  morue  avec  deux  gousses  d'ail  écrasées,  remuez 
fortement  le  tout,  en  faisant  tourner  et  retourner  votre  morue 
jusqu'à  ce  qu'elle  soit  bien  mêlée  avec  l'huile,  ajoutez  du  gros 
poivre,  un  jus  de  citron,  dressez-la  en  rocher  et  servez. 

Morue  au  beurre  noir.  —   Préparez  et  faites  cuire  votre 


CABILLAUD.  323 


morue  de  la  même  manière  que  les  prëcédeates,  égouttez-la. 
faites  un  beurre  noir  en  procédant  ainsi  :  mettez  du  beurre  dans 
une  poêle  et  faites-le  fondre  et  cuire  au  point  de  noircir  sans 
qu'il  soit  brûlé,  mettez  ensuite  du  persil  en  branche  pour  frire, 
ajoutez  à  votre  sauce  du  vinaigre  en  suffisante  quantité,  ne  mettez 
pas  de  sel,  dressez  votre  morue,  saucez-la  et  servez. 

Morue  à  la  crème ^  ou  bonne  morue,  — La  même  préparation 
et  la  même  cuisson  que  ci-dessus,  égouttez-la,  dressez-la  et 
saucez-la  d'une  sauce  bonne  morue  que  vous  faites  en  mettant 
dans  une  casserole  120  grammes  de  beurre,  une  cuillerée  de 
farine,  une  bonne  pincée  de  persil  et  une  de  ciboule  hachée, 
poivre,  sel,  muscade  râpée,  un  verre  de  crème  ou  de  lait;  mettez 
sur  le  feu,  tournez  et  faites  bouillir  un  quart  d'heure,  versez  sur 
votre  poisson  et  servez. 

Cabillaud  ou  morue  à  la  Hollandaise.  —  Prenez  uncabillaud 
ou  une  morue  bien  fraîche,  ce  que  vous  pouvez  reconnaître  en 
flairant;  les  meilleurs  sont  ceux  qui  ont  la  peau  blanche  et  tachée 
de  jaune;  videz-le,  ôtez  les  ouïes,  lavez-le  à  plusieurs  eaux, 
ficelez-lui  la  tête  et  mettez-le  dans  une  poissonnière,  faites-le 
cuire  dans  une  bonne  eau  de  sel  sans  le  laisser  bouillir  ;  il  faut 
un  peu  de  lait  dans  la  cuisson;  quand  il  sera  cuit,  et  cinq  minutes 
avant  de  le  servir,  retirez -le  de  Teau,  laissez-le  s'égoutter  sur 
la  feuille,  glissez-le  avec  sur  le  plat  que  vous  devez  servir,  met- 
tez au  four  des  pommes  de  terre  cuites  à  Teau  et  épluchées  et 
du  beurre  fondu  dans  une  saucière.  Vous  pouvez  servir  ce  pois- 
son avec  une  sauce  aux  huîtres  ou  une  sauce  blanche  aux  câpres 
ou  encore  une  sauce  à  la  bonne  morue. 

Cabillaud  ou  morue  au  gratin.  —  Si  vous  avez  du  cabillaud 
de  desserte,  épluchez-le,  ôtez  les  peaux,  et  les  arêtes  et  faites  une 
béchamel  (F.  cette  sauce);  assurez-vous  que  votre  sauce  n'est 
pas  trop  longue,  mettez-y  votre  cabillaud  et  faites-le  chauffer 
sans  bouillir,  dressez-le  sur  un  plat  en  l'étendant  avec  la  lame 
de  votre  couteau,  vous  le  panez  ensuite  avec  de  la  mie  de  pain 
et  vous  y  ajoutez,  si  vous  le  jugez  nécessaire,  un  peu  de  fromage 
de  Parmesan;  arrosez-le  de  beurre  comme  pour  le  cabillaud 
à  la  Sainte-Ménehpuld,  garnissez  avec  des  bouchons  de  pain  le 
tour  de  votre  plat,  mettez-le  au  four,  faites-lui  prendre  belle 


324  CABILLAUD. 


couleur,  retirez-le,  ôtez  les  bouchons,  mettez  en  d'autres  passés  au 
beurre  et  servez. 

Morue  à  la  bourguignote*  —  Coupez  cinq  ou  six  oignons  en 
rouelles  et  mettez-les  avec  un  bon  morceau  de  beurre  dans  une 
casserole  où  vous  les  ferez  cuire  et  roussir  ;  leur  cuisson  achevée, 
faites  un  beurre  roux  que  vous  tirez  au  clair  et  que  vous  mettez 
sur  .vos  oignons,  avec  sel,  poivre  et  un  fort  filet  de  vinaigre;  vous 
ferez  cuire  votre  poisson  comme  il  est  indiqué  pour  la  morue  à  la 
maître  dhôtel  ;  égouttez-la  ensuite,  dressez-la  sur  votre  plat, 
saucez  avec  vos  oignons  au  beurre  roux  et  servez. 

Queues  de  morue  à  Vanglaise,  —  Vous  ferez  cuire  des 
queues  de  morue  comme  ci-dessus,  que  vous  égoutterez  bien  ; 
faites  une  sauce  avec  la  chair  de  deux  citrons  coupés  en  dés, 
filets  d'anchois,  persil  et  ciboules  hachés,  échalote,  une  pincée  de 
gros  poivre,  une  pointe  d'ail  ;  ajoutez-y  un  morceau  de  beurre 
et  un  peu  d'huile,  faites  chauffer  cette  sauce  à  petit  feu  en  la 
remuant  bien,  mettez-en  la  moitié  dans  le  fond  de  votre  plat, 
dressez-y  votre  morue,  garnissez-la  de  croûtons  frits  dans  le 
beurre,  jetez  sur  votre  morue  le  reste  de  votre  sauce,  panez-la 
avec  de  la  chapelure,  laissez-la  mijoter  un  bon  quart  d'heure 
sous  un  four  de  campagne,  nettoyez  le  bord  de  votre  plat  et 
servez. 

Cabillaud  ou  morue  à  la  norn^égienne.  —  Procurez-vous 
une  petite  morue  fraîche  que  vous  couperez  en  quatre  ou  cinq 
morceaux,  désossez,  marinez  avec  beurre  chaud,  jus  de  citron, 
persil  haché,  échalotes  et  fines  herbes;  servez  avec  marinade 
dessus  et  dessous,  panez,  arrosez  avec  beurre  chaud,  faites  cuire 
au  four,  servez  avec  sauce  au  vin  blanc,  jaunes  d'œufs  et 
muscade. 

Cabillauds  grillés  à  la  crème  et  aux  huîtres.  (  La  recom- 
mandation reste  toujours  la  même  pour  votre  cabillaud.)  — 
Mettez-lui  dans  le  corps  une  farce  maigre  ou  grasse,  au  poisson 
si  c'est  au  maigre,  à  la  viande  si  c'est  au  gras.  Vous  suivez  en 
tous  points  les  mêmes  instructions  que  pour  le  cabillaud  à  la 
Sainte-Ménehould,  seulement  en  le  retirant  du  four  vous  le 
couvrez  d'une  sauce  à  la  crème  et  aux  huîtres. 

Cabillaud  pané.  —  Coupez  votre  cabillaud  en  cinq  ou  six 


CACAO.  325 

— ■ — — — ^— ^^— -^^^^^— ^ 

morceaux,  marinez  avec  sel,  poivre,  persil,  échalotes,  ail,  thym, 
laurier,  ciboules,  basilic;  le  tout  haché,  le  jus  de  deux  citrons 
et  du  beurre  fondu  ;  dressez-les,  servez  avec  la  marinade,  panez 
et  faites  cuire  sous  un  four  de  campagne. 

CACAO.  —  Graine  de  la  grosseur  d'une  petite  fève,  nichée 
dans  une  pulpe  butyracée  du  fruit  du  cacaoyer  ou  cacaotier.  Cet 
arbre  croît  abondamment  en  Amérique,  produit  des  cosses 
cannelées  et  rayées,  d'environ  trois  lignes  d'épaisseur,  renfermant 
trente  ou  trente-cinq  amandes  assez  semblables  à  nos  pistaches, 
mais  plus  grandes,  plus  grosses,  arrondies  et  couvertes  d'une 
pellicule  sèche  ;  la  substance  de  ces  amandes  est  d'un  goût  amer 
et  légèrement  acerbe. 

Il  y  a  différentes  sortes  de  cacao  :  le  cacao  de  Cayenne,  celui 
de  Caracas,  de  l'île  Sainte-Madeleine,  de  Berbice  et  de  Saint- 
Domingue;  ils  diffèrent  entre  eux  par  la  grosseur  et  la  saveur 
des  amandes.  Le  gros  Caraque,  dont  l'amande  un  peu  plate 
ressemble  assez  à  nos  grosses  fèves  par  son  volume  et  sa  figure, 
est  le  plus  estimé  de  tous  ;  après  lui  viennent  ceux  de  Sainte- 
Madeleine  et  de  Berbicé,  dont  l'amande  est  moins  aplatie  que 
celle  du  Caraque,  et  sa  pellicule  est  couverte  d'une  poussière  de 
couleur  cendrée  très-fine.  Les  autres  ne  sont  bons  qu'à  faire  du 
beurre  de  cacao  à  cause  de  leur  âcreté  et  de  l'huile  qu'ils 
contiennent.  La  différence  qui  existe  entre  nos  amandes  et  le 
cacao,  c'est  que  son  germe  est  placé  au  gros  bout  de  l'amande, 
au  lieu  que  dans  nos  amandes  européennes  il  est  placé  à  l'autre 
bout. 

Pour  obtenir  un  chocolat  de  première  qualité,  il  faut  allier 
par  parties  égales  les  cacaos  Caraque,  de  Sainte-Madeleine  et  de 
Berbice;  cela  lui  donne  la  dose  d'onctueux  et  d'oléagineux  qu'il 
doit  avoir  ;  le  chocolat  fait  avec  le  seul  Caraque  serait  trop  sec, 
et  celui  qui  ne  contiendrait  que  du  cacao  des  îles  deviendrait 
trop  gras  et  trop  acre.  On  terre  le  cacao,  afin  de  lui  faire  perdre 
son  âcreté,  et  il  faut  avoir  bien  soin,  avant  de  l'employer,  de  le 
dépouiller  de  cette  enveloppe  de  terre  qui  le  rend  un  peu  moisi, 
ce  qui  n'empêche  pas  le  Caraque,  le  seul  qu'on  soumette  à  cet 
enterrement  préparatoire,  de  produire  le  meilleur  des  chocolats 
connus  ;  toutefois  il  est  nécessaire,  comme  nous  l'avons  déjà  dit. 


326  CACAO. 

d'y  mêler  d'autres  sortes  pour  en  corriger  la  fadeur  par  une 
certaine  âpreté  qui  nVst  pas  déplaisante.  Ces  cacaos  sont  légère- 
ment torréfiés  ;  étant  refroidi  ce  cacao  s'écrase  pour  en  séparer  les 
enveloppes  ou  écorces  qui  se  rejettent.  En  Suisse  et  en  Allemagne 
cependant  on  les  conserve  pour  faire  dans  l'eau  bouillante  une 
infusion  que  les  habitants  mélangent  avec  le  lait  et  boivent  en 
place  du  vrai  chocolat.  En  Orient,  les  arilles  ou  enveloppes  du 
café  s'emploient  de  la  même  manière  pour  le  café  à  la  Sultane. 

On  attend  pour  recueillir  le  cacao  que  les  fruits,  parfaite- 
ment mûrs,  résonnent  en  les  agitant  par  le  choc  intérieur  des 
semences  ;  alors  on  en  fait  des  tas  que  l'on  laisse  sécher  pendant 
trois  ou  quatre  jours,  afin  de  briser  le  fruit  et  de  le  débarrasser 
de  la  pulpe  qui  l'environne. 

Torréfaction  et  pâte  de  cacao,  —  Vous  écossez  les  amandes 
de  cacao,  vous  en  mettez  environ  cinquante  centimètres  d'épais- 
seur dans  une  poêle  de  fer  que  vous  placez  sur  un  feu  de  charbon 
pour  brûler  légèrement  l'écorce  ligneuse  du  cacao  que  vous 
remuez  avec  une  grande  et  large  spatule  de  bois.  Cette  torréfac- 
tion, qui  fait  perdre  au  cacao  son  odeur  de  moisi,  doit  être  faite 
avec  ménagement,  sinon  le  cacao  trop  chauffé  amène  un  commen- 
cement de  décomposition  et  ne  produit  plus  qu'un  chocolat  brun 
ou  noir  qui  est  plus  acre  et  qui,  loin  de  posséder  les  vertus  de 
celui  qui  serait  torréfié  avec  précaution,  ne  peut  donner  que  de 
mauvais  résultats.  Lorsque  l'écorce  se  sépare  de  l'amande  sans 
difficulté  en  appuyant  avec  les  deux  doigts,  le  cacao  est  arrivé  au 
degré  de  torréfaction  nécessaire;  vous  retirez  alors  votre  poêle 
du  feu  et  vous  le  versez  dans  un  tonneau,  vous  le  mettez  ensuite 
dans  un  crible  assez  serré  pour  que  le  moindre  grain  ne  puisse 
passer  sans  être  brisé  ;  vous  prenez  un  morceau  de  brique  que 
vous  appuyez  sur  votre  cacao  qui  en  se  brisant  se  sépare  de  son 
enveloppe  ;  il  est  préférable,  pour  cette  dernière  opération,  de 
prendre  un  moulin  qui  a  l'avantage  d'abréger  ce  travail  et  de  le 
rendre  plus  perfectionné  ;  vous  passez  ensuite  la  première  et  la 
seconde  grosseur  du  cacao  dans  des  cribles  de  diverses  grandeurs, 
et  vous  le  mettez  dans  un  "petit  van,  afin  de  le  remuer  pour  en 
séparer  les  écorces  ;  quand  la  première  grosseur  est  vannée,  vous 
passez  à  la  seconde,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus 


CACA  O.  1 27 

aucune  ordure.  Vous  éviterez,  en  faisant  cette  opération  avec  soin, 
la  perte  de  temps  que  vous  éprouveriez  si  vous  étiez  obligé 
d'éplucher  grain  à  grain  votre  cacao  pour  en  séparer  les  enve- 
loppes qui  resteraient  avec  les  petits  morceaux,  si  vous  n'aviez 
pris  la  précaution  de  le  passer  plusieurs  fois  dans  les  différents 
cribles. 

Votre  cacao  bien  nettoyé,  vous  en  pesez,  par  exemple,  dix 
livres  que  vous  torréfiez  de  nouveau  en  le  remuant  sans  discon- 
tinuer avec  une  stapule  de  bois  très-large  pour  le  bien  faire 
chauffer  jusqu'au  centre  sans  le  griller,  et  vous  le  retirerez  quand 
il  commencera  à  devenir  luisant.  Vous  le  passez  légèrement  dans 
le  van  pour  en  extraire  les  dernières  parcelles  d'écorce  brûlée. 
Il  faut  bien  se  pénétrer  que  la  torréfaction  est  indispensable  pour 
enlever  l'âcreté  du  cacao  en  faisant  évaporer  sa  première  huile 
et  servir  à  le  broyer  plus  facilement. 

Après  le  second  vannage,  vous  remplirez  un  mortier  de  fer 
de  charbons  ardents,  afin  de  le  bien  faire  chauffer  ;  vous  l'essuyez, 
puis  vous  mettez  votre  cacao  que  vous  pilez  promptement  avec 
un  pilon  de  fer  jusqu'à  ce  qu'il  soit  réduit  en  pâte  et  en  huile  et 
que  le  pilon  puisse  s'enfoncer  par  sa  seule  masse  au  fond  du 
mortier. 

Chocolat  à  la  vanille  (façon  de  Paris).  —  Prenez,  par 
exemple,  5  kilogrammes  de  pâte  de  cacao,  60  grammes  de  vanille 
et  5  kilogrammes  de  sucre.  Vous  incorporez  4  kilog.  i/a  de  sucre 
avec  la  pâte  de  cacao,  vous  les  mettez  en  deux  fois  dans  le  mortier 
pendant  qu'il  est  encore  chaud ,  vous  mélangez  bien  le  tout  en 
le  pilant  et  vous  retirez  cette  pâte  quand  elle  est  bien  mêlée  pour 
la  mettre  dans  une  terrine  à  la  réserve  de  500  grammes,  que 
vous  broyez  sur  une  pierre  à  chocolat.  Cette  pierre  doit  être 
unie,  de  43  à  48  centimètres  de  large  sur  81  de  long  et  8  centi- 
mètres d'épaisseur.  Vous  l'affermissez  sur  un  châssis  de  bois  en 
forme  de  buffet  garni  de  tôle  à  l'intérieur  et  disposé  de  manière 
à  recevoir  une  petite  poêle  de  braise  bien  allumée,  suffisamment 
couverte  de  cendres  pour  conserver  à  la  pâte  une  chaleur  douce; 
vous  mettez  à  côté  de  ce  feu  la  terrine  dans  laquelle  est  le  sur- 
plus de  votre  pâte;  puis  vous  broyez  celle  qui  est  dessus  avec  un 
cylindre  de  fer  poli.  Lorsque  votre  pâte  est  sufiîsamment  broyée. 


328  CACAO. 

VOUS  la  transvidez  dans  une  autre  terrine  que  vous  mettez  de 
même  à  côté  du  feu  pour  la  conserver  fluide,  vous  en  remettez 
de  nouveau  sur  la  pierre  et  vous  procédez  ainsi  jusqu'à  ce  que 
votre  pâte  ait  entièrement  passé  par  cette  opération.  Vous  aurez 
soin  pendant  ce  travail  de  toujours  entretenir  le  feu  sous  votre 
pierre,  qui  doit  conserver  le  degré  de  chaleur  convenable,  c'est-à- 
dire  assez  chaude  pour  qu'on  ne  puisse  y  laisser  le  dos  de  la 
main  qu'un  instant.  Vous  ajoutez  à  votre  mélange  suffisamment 
broyé   la   vanille  pulvérisée  avec   500    grammes   de   sucre  et 
tamisée.  Remettez  votre  pâte  sur  la  pierre,  retirez-la  prompte- 
ment  et  roulez-la  sur  une  feuille  de  parchemin,  afin  de  lustrer 
votre  chocolat;  coupez-le  par  morceaux,   mettez-les  dans  des 
moules  frappés  le   plus  droit  possible  pour   que   le  chocolat 
devienne  uni  et  luisant,  et,  dans  le  cas  où  il  se  formerait  dessus 
des  petites  bulles  produites  par  l'effet  de  l'air,  piquez  ces  bulles 
avec  une  épingle,  et  votre  tablette  devient  parfaitement  unie. 
Laissez  refroidir  votre  chocolat  dans  le  moule,  afin  qu'il  dur- 
cisse; quand  il  s'est  solidifié,  il  se  sépare  des  moules  facilement,  il 
suffit  pour  cela  de  les  renverser  ou  de  les  presser  légèrement  par 
les  deux  bouts,  comme  si  on  voulait  les  tordre;  de  cette  façon, 
les  tablettes  qui  seraient  attachées  par  quelque  côté  se  retirent 
très-facilement  sans  courir  le  risque  de  se  brisera  Si  votre  chocolat 
est  mis  trop  chaud  dans  les  moules,  il  se  forme  dessus  des  taches; 
s'il  est  trop  liquide,  jetez  deux  ou  trois  cuillerées  d'eau  sur  une 
quantité  de  10  kilogrammes  et  remuez-le  jusqu'à  ce  qu'il  soit 
devenu  plus  épais,  ce  qui  donne  plus  de  facilité  pour  le  mettre 
dans  les  moules. 

Pour  obtenir  un  chocolat  qui  flatte  le  goût,  vous  ajoutez  au 
lieu  de  vanille  45  grammes  de  cannelle  et  3  gr.  1/2  de  macis  que 
vous  mélangez  et  pulvérisez  avec  le  sucre;  si  vous  désirez  un 
chocolat  plus  fin,  retranchez  i  kilogramme  de  sucre  sur  la  quan- 
tité indiquée  ci-dessus.  Vous  enveloppez  vos  tablettes  dans  du 
papier  blanc  et  vous  le  conservez  dans  un  endroit  bien  sec,  la 
moindre  humidité  le  ferait  moisir. 

La  vanille  contenant  une  matière  résineuse  et  balsamique 
et  étant  dans  un  état  de  mollesse  perpétuelle,  il  est  indispensable 
de  la  piler  avec  le  sucre  et  autant  que   possible  par  un  temps 


CACAO.  3^9 

sec,  parce  que  le  sucre  passe  difficilement  à  travers  le  tamis  par 
les  temps  humides;  il  est  important  aussi  que  la  vanille  soit 
choisie  fraîche  et  de  bonne  qualité. 

La  dose  que  nous  prescrivons  ci -dessus  n'est  que  comme 
exemple  ;  on  emploie  les  différentes  substances  qui  entrent  dans 
la  composition  du  chocolat  à  volonté  et  dans  les  proportions 
convenables  à  la  quantité  que  Ion  veut  faire. 

Chocolat  à  la  manière  de  Bayonne  et  d'Espagne.  —  Ce 
chocolat  diffère  seulement  de  celui  ci -dessus  par  la  main- 
d'œuvre;  les  substances  qui  entrent  dans  sa  composition  sont  les 
mêmes. 

Ayez  une  pierre  des  Pyrénées,  <}e  60  centimètres  de  largeur 
sur  80  de  longueur,  avec  un  rouleau  du  même  grain  ;  ménagez 
une  pente  à  cette  pierre  et  posez-la  sur  une  table  à  la  hauteur 
delà  ceinture;  faites  faire  quatre  auges  de  bois  mince,  mettez- 
les  sur  la  pierre  de  façon  que  l'ouvrier  en  ait  une  devant  lui  et 
une  de  chaque  côté,  la  quatrième  servira  pour  remplacer  lorsque 
le  cacao  sera  broyé  ;  cette  pierre  vous  dispensera  de  broyer  le 
cacao  dans  le  mortier  de  fonte,  car  vous  le  mettez  dessus  lors- 
qu'il est  torréfié  et  vous  le  broyez  avec  le  rouleau  en  procédant 
comme  pour  le  chocolat  de  Paris,  et  jusqu'à  l'entier  broyage  de 
votre  pâte.  Quand  toute  votre  venue  qsX  broyée,  vous  retirez 
l'auge  dans  laquelle  est  tombé  le  cacao  broyé  et  vous  la  rem- 
placez par  une  autre  dans  laquelle  vous  mettez  le  sucre,  vous 
broyez  de  nouveau  la  pâte  et  vous  serrez  avec  le  rouleau  de 
manière  à  ce  qu'il  n'y  ait  que  l'huile  qui  tombe  dans  l'auge  sur 
le  sucre. 

Cela  fait,  vous  formez  une  pâte  avec  votre  huile  et  votre 
sucre  mêlés;  vous  repassez  une  dernière  fois  cette  pâte  sur  la 
pierre  en  y  ajoutant  les  aromates,  et  vous  mettez  votre  chocolat 
dans  les  moules. 

Si  vous  voulez  le  faire  sans  sucre,  lorsque  le  cacao  est  en 
huile  dans  les  auges,  vous  le  mettez  dans  des  moules  en  fer-blanc, 
comme  cela  se  pratique  à  Bayonne,  où  ce  chocolat  est  excellent 
et  du  plus  grand  débit. 

Chocolat  à  la  façon  de  Milan  ou  d'Italie,  —  Il  se  fait  de  la 
même  manière  que  le  précédent;  la  différence  existe  seulement 


330  CACHOU. 


dans  la  forme  de  la  pierre  qui  est  cintrée  et  cannelée.  Une  seule 
espèce  de  pierre  est  propice  à  ce  travail  ;  elle  se  travaille  aux 
environs  de  Milan,  et  se  vend  avec  les  deux  rouleaux  du  même 
grain  300  fr.  dans  le  pays.  Le  chocolat  qui  se  fait  sur  cette  pierre 
est  de  qualité  supérieure,  parce  que  le  cacao  s'y  trouve  mieux 
broyé  qu'il  ne  saurait  l'être  dans  un  mortier  de  fonte  qui,  très- 
chaud,  ne  manquerait  pas  d'en  absorber  l'huile.  Aussi  les  ouvriers 
italiens  apportent-ils  cette  pierre  à  Paris,  et  leur  chocolat  fabriqué 
avec  est-il  trouvé  meilleur. 

Vacaca  Chinorum,  —  Prenez  du  cacao  bien  torréfié  et  vanné 
et  broyez-le  avec  soin,  mêlez-y  120  grammes  d'amandes  de  cacao, 
30  grammes  de  vanille,  30  grammes  de  cannelle  fine,  2  gr.  1/2 
d'ambre  gris  et  30  grammes  de  sucre  en  poudre;  formez-en  une 
pâte  que  vous  renfermez  dans  une  boite  en  fer-blanc;  si  vous 
voulez  aromatiser  agréablement  votre  chocolat,  mettez  dedans 
dix  à  douze  grains  de  cette  composition,  qui  est  excellente  et 
bonne  à  réparer  les  forces  perdues  par  épuisement.  Les  Chinois 
font  un  très -grand  usage  de  cette  pâte  et  s'en  trouvent  très- 
bien. 

Boisson  de  chocolat.  —  Mettez  dans  une  chocolatière  une 
tasse  de  lait  ou  d'eau  par  30  grammes  de  chocolat,  vous  faites 
bouillir  et  vous  ajoutez  du  chocolat  râpé,  vous  remuez  ce 
mélange.  Quand  le  chocolat  est  fondu  et  incorporé  avec  le  lait 
ou  l'eau,  vous  le  laissez  reposer  dans  un  endroit  chaud  pendant 
environ  un  quart  d'heure;  remuez  fortement  votre  boisson  et 
versez-la  dans  des  tasses  lorsqu'elle  est  bien  mousseuse. 

Falsification  du  chocolat.  —  Les  falsificateurs  de  chocolat 
emploient  pour  le  faire  du  petit  cacao  commun,  duquel  ils  ont  tiré 
la  plus  grande  partie  du  beurre,  ils  y  ajoutent  une  grande  quantité 
d'amandes  pilées,  de  la  cassonade  au  lieu  de  sucre  et  du  storax 
commun  en  place  de  vanille.  Il  est  impossible,  pour  les  personnes 
qui  s'y  connaissent,  de  confondre  le  bon  et  le  mauvais  chocolat; 
on  le  falsifie  également  avec  du  beurre,  de  la  fécule  de  pommes 
de  terre  ou  de  l'amidon. 

CACHOU.  —  Mélange  de  sucs  provenant  des  gousses 
fraîches  de  la  partie  centrale  du  bois  de  l'acacîa-catchen. 

C'est  une  substance  sèche,  cassante,  qui  fond  dans  la  bouche. 


CAFE. 


33" 


et  dont  on  se  sert  pour  parfumer  Thaleine  ou  du  moins  neutra* 
liser  les  mauvaises  exhalaisons.  Il  est  de  quelque  usage  pour 
le  fumeur. 

Pastilles  de  cachou.  —  Pilez  i8o  grammes  de  cachou  que 
vous  passerez  au  tamis  de  soie  et  délayerez  dans  i  kilogramme 
de  sucre  et  de  Teau,  pour  en  former  une  pâte  bien  ferme  que 
vous  roulez  par  très-petites  parties.  Vous  retirez  vos  pastilles  de 
dessus  les  plaques  une  ou  deux  heures  après,  et  vous  les  mettez 
à  rétuve  environ  vingt-quatre  heures;  vous  les  renfermez  ensuite 
dans  des  boites.  Ces  pastilles  sont  stomachiques  et  astringentes. 

On  peut  s'en  servir  en  boisson,  en  mettant  30  grammes  dans 
un  litre  d'eau  bouillante  qui  prend,  en  remuant  avec  une  cuil- 
ler, une  teinte  rougeâtre  d'une  saveur  douce  et  fort  agréable. 
Cette  eau  convient  aux  personnes  qui  ont  de  la  répugnance  pour 
les  tisanes;  elle  fait  cesser  les  diarrhées,  elle  convient  dans  les 
maladies  bilieuses,  et  elle  est  salutaire  dans  les  maux  de  gorge; 
elle  arrête  les  vomissements  et  convient  dans  les  dyssenteries.  On 
peut  parfumer  ces  pastilles  de  diverses  manières,  en  ajoutant  dans 
la  pâte  quelques  gouttes  d'essence  de  cédrat,  de  bergamote, 
d'angélique,  d'iris,  etc.  (M.  de  Courchamps.) 

CAFÉ.  —  La  plante  qui  le  produit  est  un  petit  arbrisseau 
fort  tas  qui  porte  des  fleurs  odorantes.  Le  café  est  originaire  de 
TYémen,  dans  T Arabie- Heureuse;  on  le  cultive  aujourd'hui 
dans  plusieurs  pays.  L'historien  arabe,  Ahmet-EfFendî,  croit  que 
c'est  à  un  derviche  qu'est  due  la  découverte  du  café,  vers  le 
xv«  siècle  ou  l'an  650  de  THégire.  Le  premier  Européen  qui  ait 
parlé  de  cet  arbre  est  Prosper  Alpin,  de  Padoue.  En  1580,  il  \ 

suivit,  en  Egypte,  un  consul  de  la  république  de  Venise;  l'ou-  / 

vrage  où  il  en  est  question,  écrit  en  langue  latine,  fut  adressé  à 
Jean  Morazini.  J'ai  vu  au  Caire  cet  arbre  dans  les  jardins 
d'Ali-Bey,  on  l'appelle  bon  ou  boun;  les  Égyptiens,  avec  le  grain 
qu'il  produit,  préparent  une  boisson  que  les  Arabes  nomment 
Kawa.  Le  goût  pour  le  café  fut  porté  si  loin,  à  Constantinople, 
que  les  Imans  se  plaignirent  que  les  mosquées  étaient  désertes 
tandis  que  les  cafés  étaient  toujours  pleins.  Amurat  III  permit 
alors  que  l'on  en  prît  dans  les  maisons  particulières,  pourvu  que 
les  portes  en  fussent  fermées.   Le  premier  pied  de  café  qui. 


/ 


^12  CAFÉ. 

en  1714,  fut  planté  dans  les  jardins  du  Roi,  à  Paris,  y  périt;  il 
avait  été  apporté  par  M.  de  Resson,  lieutenant  général  d'artil- 
lerie. M.  Brancastre,  bourgmestre  d'Amsterdam,  en  envoya  un 
pied  à  Louis  XIV,  qui  le  fit  mettre  dans  son  jardin  de  Marly. 

Le  café  ne  fut  connu,  en  France,  qu'en  1657  ;  ce  furent  les 
Vénitiens  qui  l'apportèrent  les  premiers  en  Europe,  et  ce  fut  par 
Marseille  qu'il  fut  introduit  en  France.  Son  usage  devint  uni- 
versel; les  médecins  s'en  alarmèrent,  leurs  prédictions  sinistres 
furent  traitées  de  rêveries;  il  en  résulta  que,  malgré  ces  disputes, 
les  cafés  n'en  furent  pas  moins  fréquentés. 

En  1669,  l'ambassadeur  de  Mahomet  II  en  apporta  une 
grande  quantité  en  France  ;  on  assure  que  le  café  se  vendit,  à 
\  Paris,  jusqu'à  40  écus  la  livre. 

Posée-Obfé,  dans  son  Histoire  des  plantes  de  la  Guyane^ 
sous  le  règne  de  Louis  XIII,  dit  qu'on  vendait  à  Paris,  sous  le 
petit  Chàtelet,  la  décoction  de  café  nommée  cahuet.  En  1676,  un 
Arménien,  nommé  Pascale,  établit  un  café  à  la  foire  de  Saint- 
Germain,  qu'il  transporta  ensuite  quai  de  l'École  ;  il  fit  une  assez 
belle  fortune.  Mais  ce  ne  fut  qu'au  commencement  du  siècle 
suivant  qu'un  Sicilien,  nommé  Procope,  rétablit  la  foire  des  cafés; 
il  Y  attira  la  meilleure  compagnie  de  Paris,  parce  qu'il  ne 
fournit  que  de  bonnes  marchandises  ;  après  la  foire  Saint-Ger- 
main, il  vint  s'établir  dans  une  salle,  en  face  de  la  Comédie- 
Française,  qui  devint  le  rendez-vous  des  amateurs  de  spectacles 
et  le  champ  de  bataille  des  disputes  littéraires;  c'est  dans  ce  café 
que  Voltaire  passait  deux  heures  tous  les  jours.  Il  s'établit  à 
Londres,  à  la  même  époque,  plus  de  trois  mille  cafés;  M"*  de 
Sévigné  lutta  le  plus  qu'elle  put  contre  cette  mode  et  prédit 
que  Racine  et  le  café  passeraient  en  même  temps  l'un  que 
l'autre. 

Il  y  a  dans  le  commerce  cinq  principales  sortes  de  café, 
sans  compter  la  chicorée,  que  nos  cuisinières  s'entêtent  à  y  mêler. 
Le  meilleur  vient  de  Moka  dans  TArabie-Heureuse  ;  on  le  divise 
lui-même  en  trois  variétés  :  la  première  nommée  baouri  qu'on 
réserve  pour  les  grands  seigneurs,  le  saki  et  le  salabi. 

Le  café  de  Bourbon  est  bien  coté  dans  le  commerce;  cepen- 
dant on  y  préfère  celui  de  la  Martinique  ou  de  la  Guadeloupe. 


Le  Saint-Dominique,  qui  comprend  aussi  celui  de  Portorico  et 
d'autres  îles  Sous-le-Vent,  est  d'une  qualité  inférieure. 

Le  café  était  devenu  en  France  d  un  usage  général  ; 
lorsqu'en  1 808  Napoléon  publia  son  décret  du  système  continental, 
c'était  priver  la  France,  à  la  fois,  de  sucre  et  de  café  ;  on  suppléa 
au  sucre  de  canne  par  le  sucre  de  betterave,  et  Ton  allongea  le 
café  en  y  mêlant  moitié  chicorée,  ce  qui  fut  tout  bénéfice  pour 
les  épiciers  et  pour  les  cuisinières  qui  adoptèrent  la  chicorée 
avec  fureur;  elles  soutinrent  que  le  café  mêlé  de  chicorée  avait 
meilleur  goût  et  était  plus  sain  ;  le  malheur  est,  aujourd'hui, 
que  le  décret  continental  est  tombé  en  désuétude  ;  les  cuisinières 
l'ont  enregistré  à  leur  avoir  et  continuent  toujours,  spusle  prétexte 
de  rafraîchir  leurs  maîtres,  à  mêler  au  café  qu'elles  achètent 
tout  moulu  une  certaine  quantité  de  chicorée.  Les  maîtres  ont 
ordonné  alors  d'acheter  du  café  en  grain,  mais,  dans  des  moules 
feits  exprès,  on  a  donné,  à  de  la  pâte  de  chicorée,  la  forme  du 
café,  et  bon  gré  mal  gré  la  chicorée  lui  est  restée  fidèle.  Voltaire 
et  Delisle  ont  fait  abus  du  café,  qui,  loin  d'être  un  poison, 
comme  on  l'a  dit  d'abord,  est  un  antidote  pour  tous  les  poisons 
stupéfiants;  il  opère  rapidement  sur  l'opium,  sur  la  belladone, 
etc.  Il  faut  alors  le  prendre  très-fort  et  une  cuillerée  à  café 
toutes  les  cinq  minutes. 

Nous  croyons  donner  un  excellent  avis  à  nos  lecteurs  en 
leur  enseignant  l'essence  de  café  de  Trablit,  pharmacien,  rue 
Jean-Jacques-Rousseau  ;  quelques  gouttes  du  café  Trablit  suffi- 
sent à  donner  au  lait  une  couleur  et  un  arôme  que  jamais  on 
n'obtiendra  avec  du  café  ordinaire. 

Le  café  doit  être  torréfié  (brûlé)  en  le  remuant  sans  cesse 
dans  un  appareil  quelconque  en  tôle,  mais  plutôt  dans  un 
brûloir  dont  le  récipient,  qui  contient  le  café,  est  arrondi  en  tous 
sens,  de  manière  à  présenter  le  café  partout  également  à  la 
surface  chauffante,  en  commençant  par  un  feu  très-doux  de  façon 
à  le  faire  renfler  d'abord  sans  le  saisir,  pour  qu'il  se  torréfie  en 
même  temps  à  l'intérieur  du  grain  comme  à  sa  superficie  et 
devienne  d'un  beau  roux  brun.  Il  faut  trois  quarts  d'heure  pour 
le  brûler,  on  le  retire  alors  du  feu  quand  il  est  près  d'être  à  son 
point  et  qu'il  répand  une  agréable  odeur,  mais  on  le  laisse  dans 


334  CAFF.. 

le  brûloir  pour  achever  de  se  faire;  vous  retendez  ensuite  sur  un 
torchon  pour  refroidir  et  vous  le  serrez  dans  une  boite  de  fer- 
blanc  hermétiquement  fermée;  ayez  soin  de  ne  le  moudre  qu'au 
fur  et  à  mesure  des  besoins,  afin  qu'il  ne  puisse  perdre  son  aroroe; 
il  en  faut  à  peu  près  une  dimi-cuillerée  par  tasse.  Le  café  moka, 
ayant  plus  de  parfum  et  de  force  que  les  autres,  on  le  mélange 
ordinairement  avec  moitié  Bourbon.  Le  Martinique  ne  convient 
guère  qu'avec  du  lait,  à  cause  da  son  àcreté. 

On  sert  ordinairement  après  le  repas,  avec  le  café  à  l'eau, 
un  petit  pot  de  lait  non  bouilli  ou  de  crème,  que  Ton  ajoute  à 
son  café,  si  on  le  juge  convenable. 

Pulvérisation  du  café.  —  Dans  le  Levant  on  pile  le  café,  en 
Europe  on  le  moud,  et  comme  plus  une  substance  est  divisée,  plus 
on  extrait  de  ses  principes,  en  la  soumettant  à  l'infusion,  la 
méthode  orientale  est  infiniment  préférable,  mais  le  café  levantin 
est  trouble  et  épais. 

Infusion  du  café.  —  Tout  le  monde  sait  aujourd'hui  comment 
se  fait  cette  infusion,  et  l'usage  de  la  cafetière  est  trop  répandu 
pour  qu'il  soit  nécessaire  d'en  donner  la  description. 

Nous  donnerons  seulement  à  nos  lecteurs  le  conseil  de  ne 
pas  laisser  séjourner  trop  longtemps  le  café  dans  des  vases  de  fer- 
blanc;  il  contient  une  substance  qui  attaque  le  fer  et  cela  lui 
donne  une  saveur  désagréable. 

Le  café  se  fait  en  Orient  comme  il  se  faisait  autrefois  chez 
nous,  seulement  on  ne  le  passe  point  à  la  chausse,  on  le  laisse 
trouble,  et  les  Orientaux  le  prennent  trouble  ;  cependant,  quand 
on  veut  précipiter  le  nuage  qui  ôte  à  votre  café  sa  transparence, 
on  n'a  qu'à  laisser  tomber  deux  ou  trois  gouttes  d'eau  froide  dans 
la  tasse  et  le  café  se  précipite. 

Les  Orientaux  font  bouillir  le  sucre  avec  le  café,  ils  vous  le 
versent  tout  mousseux  dans  des  petites  tasses  du  Japx)n  mainte- 
nues par  des  coquilles  en  filigranes  d'argent,  que  l'on  nomme 
fit^yanes. 

Le  café  bu  de  cette  façon  est  loin  de  produire  l'excitation 
nerveuse  du  café  fait  à  la  Dubelloy,  qui  est  au  reste  la  meilleure 
manière  de  le  faire  pour  le  prendre  selon  notre  système;  le  grand 
avantage  des  cafetières  à  la  Dubelloy,  avantage  qui  se  retrouve 


CAILLES  33J 


dans  toutes  celles  où  Teau  bouillante  est  obligée  de  traverser  le 
café  en  poudre,  c'est  de  donner  immédiatement  du  café  clair, 
qu'on  est  dispensé  de  faire  clarifier  par  le  repos,  afin  de  le  faire 
chauffer  une  seconde  fois,  ce  qui  altère  toujours  sa  qualité,  ou 
par  celle  de  colle  de  poisson  qui  en  précipite  un  des  principes 
les  plus  essentiels. 

Café  à  la  crème  frappé  dj  glace.  —  Vous  faites  une  infusion 
assez  forte  de  café  Moka  ou  de  café  Bourbon,  vous  la  mettez 
dans  un  bol  de  porcelaine,  vous  la  sucrez  convenablement  et 
vous  y  ajoutez  une  égale  quantité  de  lait  bouilli  ou  le  tiers 
d'une  crème  onctueuse.  Vous  entourez  ensuite  le  bol  de  glace 
pilée. 

Le  blocus  continental,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
étant  dans  toute  sa  vigueur,  l'empereur  Napoléon  l"  passa  dans 
un  village  où  s'exhalait  un  parfum  de  café  en  torréfaction. 
Curieux  de  savoir  d'où  venait  ce  parfum,  il  s'avança  près  du 
presbytère  et  aperçut  le  curé  tournant  tout  tranquillement  un 
brûle-café. 

«  Ah  !  ah  !  je  vous  y  prends,  monsieur  le  curé,  dit  l'empe- 
reur, dites-moi,  s'il  vous  plaît,  ce  que  vous  faites  là? 

.  —  Mais  vous  le  voyez,  sire,  répondit*  l'impassible  curé 
sans  se  déconcerter  et  tout  en  continuant  à  tourner  son  café, 
je  fais  comme  Votre  Majesté,  je  brûle  les  denrées  coloniales.  » 

Fontenelle  aimait  beaucoup  le  café  et  en  prenait  à  tous  ses 
repas  ;  un  jour  qu'un  médecin  de  ses  amis  lui  disait  que  le  café 
était  un  poison  lent  et  qui  finissait  toujours  par  exercer  une 
influence  mauvaise  sur  la  santé  : 

((  Docteur ,  répondit  l'académicien ,  je  le  crois  comme 
vous,  il  y  a  quatre-vingts  ans*  que  j'en  prends,  il  faut  qu'il 
soit  bien  lent  en  effet  pour  que  je  ne  sois  pas  encore  mort.  » 

CAILLES.  —  La  caille  tient  un  rang  distingué  parmi  les 
mets  les  plus  excellents;  c'est  un  animal  voyageur  qui  se  reproduit 
dans  les  pays  tempérés,  mais  qui  y  reste  rarement.  Longtemps 
on  a  cherché  par  quel  moyen  la  caille,  qui  n'a  aucune  des 
qualités  des  oiseaux  au  long  vol,  pouvait  passer  par-dessus  les  plus 
hautes  montagnes  et  traverser  les  mers,  car  tout  le  monde  sait 
que  la  caille  un  peu  grasse  est  forcée  à  son  troisième  vol  et  que  le 


X 


chasseur  la  prend  soit  à  la  main,  soit  au  chapeau,  sous  le  nez  de 
son  chien  ;  aussi  la  question  fut-elle  longtemps  pendante  pour 
savoir  comment  la  caille  et  l'hirondelle,  qui  ont  si  peu  de  ressem- 
blance des  ailes  et  de  la  queue,  peuvent  opérer  d'aussi  longs 
trajets  l'une  que  l'autre  ;  le  problème  est  resté  insoluble,  mats 
les  termes  en  furent  nettement  posés  par  la  présence  de  deux  ou 
trois  mille  cailles  dans  une  lie  où  il  n'y  en  avait  pas  une  seule 
la  veille. 

Dans  mes  longues  na\'igations  dans  la  Méditerranée,  j'ai 
été  témoin  de  cette  espèce  de  prodige,  et  dans  mon  jardin, 
j'en  ai  fait  lever,  où  il  n'y  avait  pas  ,une  caille  la  veille,  j'en 
ai  tué  cinq  ou  six.  Les  passages,  très-sensibles  à  Naples,  sont  au 
mois  d'avril  et  au  mois  d'octobre.  En  avril,  elles  viennent  du 
sud  ;  on  octobre,  elles  y  retournent;  seulement  en  avril,  où  elles 
viennent  de  traverser  la  grande  mer  d'Afrique,  n'ayant  pour  se 
reposer  que  la  Sicile  et  les  îles  Lipari  et  Caprée,  elles  arrivent 
épuisées  au  cap  Misène  et  au  cap  Campanella  ;  épuisées  à 
ce  point  qu'au  jour  naissant  ou  par  un  beau  clair  de  lune,  on  les 
voit  s'abattre,  et  qu'on  peut  aller  les  ramasser  sans  qu'elles  iàssent 
la  moindre  tentative  pour  fuir.  La  caille  est,  parmi  le  gibier 
proprement  dit,  ce  qu'il  y  a  de  plus  mignon  et  de  plus  aimable. 
Une  caille  bien  grasse  plaît  également  par  son  goût,  sa  forme  et 
sa  couleur.  On  fait  acte  d'ignorance  culinaire  toutes  les  fois 
qu'on  la  sert  autrement  que  rôtie  et  en  papillote,  parce  que  son 
parfum  est  très-fugace  et  que,  toutes  -les  fois  que  l'animal  est  en 
contact  liquide,  son  parfiim  se  dissout,  s'évapore  et  se  perd.  Nous 
n'en  donnerons  pas  moins  les  différentes  manières  de  préparer 
les  cailles,   tout  en  insistant  pour  qu'on  les  mange  rôties. 

Cailles  à  la  broche.  —  Plumez,  épluchez  et  videz  six  ou 
huit  cailles  bien  grasses,  flambez-les,  troussez-les,  enveloppez-les 
d'une  feuille  de  vigne,  mettez  une  barde  de  lard  dessus  afin 
qu'elles  n'aient  que  la  moitié  des  pattes  à  découvert,  embrochez- 
les  dans  un  hâtelet,  posez-les  sur  une  broche,  faites  revenir  et 
servez.  Mais  n'oublions  pas  les  croûtes  et  leur  bon  jus  naturel. 

Cailles  au  laurier.  —  Épluchez,  videz  et  flambez;  hachez 
le  foie  avec  lard,  ciboule,  laurier,  sel,  poivre  et  farcissez;  embro- 
chez vos  cailles  sur  un  hâfelei  en  les  enveloppant  de  bardes  de 


CAILLES. 


137 


lard  et  île  papier  afin  qu'elles  continuent  à  être  enveloppées  de 
leur  jus,  puis  vous  les  servirez  avec  une  sauce  ainsi  composée  : 

Coupez  deux  ou  trois  lames  de  jambon,  mettez-les  suer  dans 
une  casserole;  lorsqu'elles  commenceront  à  s'attacher,  mouillez 
avec  un  verre  de  vin  blanc,  deux  cuillerées  à  dégraisser  de  con- 
sommé et  autant  d'espagnole  réduite;  mettez-y  une  demi-gousse 
d'ail  et  deux  feuilles  de  laurier,  faites  bouillir  et  réduire  le  tout 
à  la  consistance  de  sauce,  passez  cette  sauce  à  l'étamine  ;  pendant 
la  cuisson  de  vos  cailles,  faites  blanchir  huit  grandes  feuilles  de 
laurier,  la  cuisson  achevée  supprimez-en  le  lard,  couchez  chacune 
d'elles  dans  une  feuille  de  laurier,  ajoutez  à  votre  sauce  le  jus 
d'un  citron,  du  gros  poivre  et  un  peu  de  beurre,  saucez  et  servez. 

Cailles  auX  petits  pois.  —  Prenez  un  certain  nombre  de 
cailles,  videz-les,  flambez-les,  troussez-les,  foncez  votre  casserole 
d'une  lame  de  veau  et  de  jambon,  joignez-y  une  carotte,  un 
oignon  et  un  bouquet  assaisonné  ;  couvrez-les  de  bardes  de  lard 
et  d'un  rond  de  papier  de  la  largeur  de  la  casserole,  faites 
partir  et  cuire  avec  feu  dessus  et  dessous;  la  cuisson  achevée, 
égouttez-les  et  masquez-les  d'un  ragoût  de  pois  au  lard  ou  au 
jambon. 

Qu'on  nous  permette  de  regarder  personnellement  comme 
une  hérésie  ce  ragoût  d'un  mets  aussi  distingué  que  l'est  la  caille, 
avec  un  ragoût  aussi  vulgaire  que  les  pois  au  lard  ou  au  jambon. 
Dans  tous  les  cas,  selon  l'observation  de  M.  Vuillemot,  les  cailles 
revenues  avec  le  petit  lard,  faire  cuire  les  pois  avec  est  plus 
logique.  Le  ragoût  n'a  pas  la  même  saveur  quand  il  n'est  pas 
cuit  dans  son  objet. 

Cailles  au  gratin.  (Méthode  Beauvillier.)  —  Flambez  et 
désossez  neuf  cailles  ;  faites  un  bouchon  de  la  mie  d'un  pain  du 
diamètre  d'environ  trois  pouces  et  demi  et  de  deux  et  demi  de 
hauteur;  entourez-le  d'une  barde  de  lard,  posez-le  au  milieu  de 
votre  plat,  garnissez  le  tour  jle  ce  bouchon  de  pain  d'un  gratin 
que  vous  tiendrez  en  talus  (v.  l'article  Gratin),  c'est-à-dire  que 
ce  gratin  soit  presque  de  la  hauteur  du  pain  vers  le  milieu  du 
plat,  et  qu'il  aille  en  diminuant  vers  le  bords  de  ce  plat,  à  peu 
près  de  l'épaisseur  d'un  demi-pouce;  remplissez  vos  cailles  de  ce 
même  gratin,  donnez-leur  la  forme  primitive,  dressez-les  sur 


338  CAILLES. 


votre  gratin,  les  pattes  en  dehors,  que  ces  pattes  ne  déborç}ent  pas 
le  pain;  remplissez  de  gratin  les  intervalles  de  vos  cailles  de 
manière  qu'on  en  voie  l'estomac ,  unissez*bien  votre  gratin  sans 
couvrir  les  estomacs  de  vos  cailles  que  vous  couvrirez  de  bardes 
de  lard,  mettez-les  dans  un  four  avec  un  petit  âtre  dessous  ou 
sous  un  four  de  campagne  avec  feu  modéré  dessus  et  dessous, 
faites  qu'elles  aient  une  belle  couleur.  Leur  cuisson  faite,  6tez 
toutes  les  bardes  de  lard,  ainsi  que  la  mie  de  pain;  égouttez-les, 
versez  au  milieu  une  bonne  italienne  rousse,  glacez  les  estomacs 
de  vos  cailles,  si  vous  le  voulez;  ajoutez  des  croûtons  coupés  en 
forme  de  crêtes  et  passés  au  beurre  entre  chaque  caille,  et  servez. 

Cailles  aux  laitues.  —  Troussez  et  flambez  quatre  ou  six 
ou  huit  cailles,  foncez  une  casserole  d'une  barde  de  lard  et  d'une 
lame  de  jambon,  rangez  vos  cailles  dans  cette  casserole,  coupez 
un  morceau  de  rouelle  de  veau  en  dé,  ajoutez  un  oignon,  piquez- 
le  d'un  clou  de  girofle,  joignez  une  demi-feuille  de  laurier,  une 
carotte  tournée,  un  petit  bouquet  de  persil  et  de  ciboules;  mouillez 
cela  d'un  verre  de  consommé  et  d'un  demi-verre  de  vin  blanc, 
couvrez  vos  cailles  de  bardes  de  lard  et  d'un  rond  de  papier.  Une 
demi-heure  avant  de  servir,  faites-les  partir  et  cuire;  aussitôt  la 
cuisson  faite,  égouttez-les,  dressez-les  en  les  entremêlant  de  laitues. . 
Si  vous  le  voulez,  ajoutez  entre  vos  cailles  et  vos  laitues  des 
croûtes  de  pain  passées  dans  du  beurre,  qui  doivent  être  d'une 
belle  couleur.  Avant  de  placer  ces  crêtes,  saucez  vos  cailles  et 
vos  laitues  avec  une  bonne  espagnole  réduite  dans  laquelle  vous 
aurez  mis  gros  comme  le  pouce  de  glace,  et  servez. 

Cailles  en  croustades.  —  Désossez  six  cailles^  remplissez-les 
d'un  gratin  fait  avec  leur  foie  et  quelques  foies  de  volailles,  cousez 
vos  cailles  et  procédez  pour  leur  cuisson  comme  il  est  dit  à  l'ar- 
ticle précédent;  faites  autant  de  croustades  que  vous  avez  de 
cailles;  vos  cailles  cuites,  égouttez-les  en  défaisant  les  fils,  niettez 
les  cailles  dans  vos  croustades,  dressez-les,  saucez-les  avec  une 
bonne  italienne  dans  laquelle  vous  aurez  mis  des  truffes  hachées 
et  passées  au  beurre,  puis  servez. 

Cailles  à  V anglaise. — Ayez  huit  cailles,  troussez-les  comme 
des  poules,  flambez-les,  marquez  dans  une  casserole,  entre  quel- 
ques bardes  de  lard  avec  une  cervelle  de  veau  séparée  en  deux 


CAILL£S. 


339 


avec  une  douzaine  de  saucisses  à  la  chipolata,  un  bouquet  de 
persil  et  de  ciboules,  du  sel  et  du  poivre  ;  mouillez  le  tout  avec 
une  tasse  de  bouillon  et  un  verre  de  vin  de  Champagne,  couvrez 
vos  cailles  de  bardes  de  lard  et  d'un  rond  de  papier ,  faites-les 
cuire;  leur  cuisson  achevée,  égouttez-les  ainsi  que  les  cervelles, 
ôtez  la  peau  de  vos  saucisses,  rangez-les  au  milieu  du  plat, 
mettez  vos  cailles  autour,  posez  vos  cervelles  sur  vos  saucisses, 
marquez  le  tout  d'une  financière  au  blanc. 

Cailles  aux  truffes.  —  Videz  par  la  poche  neuf  cailles, 
flambez-les  légèrement,  épluchez  neuf  belles  truffes ,  coupez-les 
en  dé,  donnez-leur  la  forme  de  petites  truffes,  hachez  toute 
leur  parure  très-fin  avec  des  foies  de  cailles ,  assaisonnez  de*  sel 
et  de  mignonnettes,  mettez  le  tout  sur  un  morceau  de  beurre, 
faites  cuire  légèrement,  laissez-le  refroidir  et  remplissez-en  vos 
cailles,  marquez-les  dans  une  casserole  comme  celles  aux  laitues. 
Leur  cuisson  faite,  égouttez-les,  dressez-les,  servez-les  avec  une 
sauce  à  la  Périgueux. 

Cailles  à  la  poêle.  —  Fendez  vos  cailles  un  peu  sur  le  dos , 
faites  une  farce  avec  du  lard  ratissé  et  un  peu  de  jambon,  une 
truffe,  quelques  foies  gras,  un  jaune  d'œuf  cru,  le  tout  haché 
ensemble  pilé  et  assaisonné  de  sel,  poivre,  muscades  et  fines 
herbes;  farcissez-en  vos  cailles.  Mettez  au  fond  d'une  casserole 
des  bardes  de  lard,  rangez  vos  cailles  dessus,  l'estomac  en  dessous, 
avec  sel,  poivre,  fines  herbes  dessus  et  dessous,  couvrez-les  de 
tranches  de  veau  et  de  jambon  et  de  bardes  de  lard ,  fermez 
ensuite  votre  casserole  avec  une  assiette  en  sorte  qu'elle  touche  la 
viande,  mettez  un  linge  autour  de  l'assiette  et  une  autre  couver- 
ture par-dessus,  laissez  votre  casserole  pendant  deux  heures  sur 
des  cendres  chaudes,  et  au  moment  de  servir  ôtez  les  tranches  de 
veau,  de  jambon  et  de  lard;  remettez-les  cuire  sur  le  fourneau, 
et  quand  elles  ont  pris  belle  couleur  et  que  le  jus  est  attaché  à  la 
casserole,  tirez  les  cailles,  arrangez-les  sur  le  plat,  ôtez  la  graisse 
qui  est  dans  la  casserole,  mouillez  ce  qui  est  attaché  de  bouillon 
et  de  JUS  pour  le  détacher,  mettez-y  un  peu  de  poivre  concassé 
et  un  jus  de  citron,  passez  ce  jus  au  tamis,  jetez-le  sur  vos 
cailles  et  servez  chaudement. 

Cailles  à  la  cendre  aux  écrevisses.  —  Flambez  vos  cailles , 


34x>  CAILLES. 


videz-les,  laissez-leur  les  pattes  en  leur  ôtant  les  ei^ots,  videz-les 
par  la  poche  et  refaites-les  légèremeut ,  foncez  une  casserole  de 
tranches  de  veau  et  de  jambon ,  passez  des  truffes  et  des  champi- 
gnons hachés  dans  du  lard  fondu,  mettez-les  sur  le  veau  et 
arrangez  les  cailles  dessus,  Testomac  en  dessous.  Mettez  autant 
d'écrevisses  que  de  cailles  après  les  avoir  passées  dans  du  lard 
fondu,  et  arrangez-les  entre  les  cailles;  couvrez  de  bardes  de  lard 
et  faites  cuire  à  la  braise  pendant  une  heure;  ôtez  ensuite  les 
écrevisses  et  laissez  les  cailles.  Quand  elles  sont  cuites,  vous  les 
dégraissez  et  les  finissez  comme  ci-dessus,  puis  vous  remettez 
chauffer  les  écrevisses  dans  la  sauce  après  avoir  ôté  les  petites 
pattes,  et  vous  servez  un  jus  de  citron. 

Cailles  sous  la  cendre.  —  Videz,  flambez  et  troussez  vos 
cailles,  assaisonnez-les  de  sel,  bande  de  lard  dessus  et  dessous. 
Prenez  du  gros  papier  de  beurre,  beurrez-le,  enveloppez  vos 
cailles  dedans  sous  la  cendre  chaude  comme  pour  les  pommes  de 
terre.  Au  bout  d'une  demi-heure  retirez  et  servez  :  c'est  délicieux. 

Vous  laissez  à  Tintérieur  de  la  caille  le  foie  avec  un  peii  de 
beurre  assaisonné.  {Méthode  de  M.  Vuillemot.) 

Cailles  au  laurier.  —  Prenez  des  oailles,  flambez-les,  videz- 
les,  farcissez-les  d'une  farce  faite  avec  leurs  foies,  lard  râpé,  persil, 
ciboules,  champignons  hachés,  assaisonnez  de  sel,  poivre,  liez 
de  deux  jaunes  d'œufs,  coulez  vos  cailles  quand  elles  seront 
farcies ,  faites-les  refaire  dans  de  la  graisse  et  faites-les  cuire  à 
la  broche,  enveloppées  de  bardes  de  lard  et  de  feuilles  de  papier. 

Prenez  ensuite  des  feuilles  de  laurier,  faites-les  blanchir, 
mettez-les  dans  une  essence,  faites  un  bouillon,  et  servez  dessus 
les  cailles. 

Cailleteaux  au  salpicon.  —  Prenez  six  cailleteaux,  flambez- 
les,  refaites-les  sur  un  fourneau,  laissez-leur  les  pattes  en  entier, 
foncez  une  casserole  de  tranches  de  veau  et  de  jambon  avec  léger 
assaisonnement,  mettez-y  du  lard  fondu,  arrangez  ensuite  vos 
cailleteaux,  Testomac  en  dessus,  couvrez  de  bardes  de  lard  et  faites 
cuire  à  la  braise  à  petit  feu.  Quand  ils  sont  cuits,  dressez-les  sur 
un  plat,  après  les  avoir  bien  essuyés  de  leur  graisse  et  servez  en 
salpicon  par-dessus. 

Pour  faire  le  salpicon,  prenez  des  champignons,  des  ris  de 


CAILLES.  341 


veau  blanchis  que  vous  coupez  en  petits  dés  et  un  bouquet,  vous 
passez  le  tout  avec  un  morceau  de  beurre,  une  tranche  de  jambon; 
mouillez-les  de  bon  bouillon,  faites-les  cuire  et  degraissez-les; 
quand  le  salpicon  sera  presque  cuit  ajoutez-y  du  coulis,  quelques 
fonds  d'artichauts  coupés  en  dés  et  de  petits  œufs  blanchis;  met- 
tez^les  dans  un  plat  et  servez  vos  cailleteaux  dessus. 

Cailles  en  compote.  —  Habillez  les  cailles,  troussez  les 
pattes  dans  le  corps,  passez  une  brochette  pour  les  tenir  en  état, 
faites-les  revenir  un  peu  dans  la  casserole  avec  du  beurre,  retirez- 
les  ensuite  et  passez-les  sur  le  feu  avec  un  ris  de  veau  blanchi 
coupé  en  quatre,  des  truffes,  des  champignons,  une  tranche  de 
jambon,  un  morceau  de  beurre,  un  bouquet  de  toutes  sortes 
de  fines  herbes,. mettez-y  une  pincée  de  farine  mouillée  avec  du 
bouillon,  un  peu  de  réduction,  un  verre  devin  de  Champagne;  faites 
cuire  le  tout  ensemble  à  petit  feu ,  dégraissez  le  ragoût.  Quand 
les  cailles  sont  cuites,  mettez-y  un  peu  de  coulis,  ôtez  le  jambon 
et  le  bouquet,  pressez  un  jus  de  citron  dans  la  sauce,  dressez  les 
cailles  au  milieu  et  la  garniture  autour. 

Poupeton  de  Cailles,  —  Prenez  de  la  cuisse  de  veau,  moelle  de 
bœuf,  lard  blanchi,  le  tout  bien  hachéavec  champignons,  ciboules, 
persil,  mie  de  pain  trempée  dans  du  jus  et  deux  œufs  crus.  Cela 
fait,  formez  votre  poupeton,  c'est-à-dire  prenez  une  tourtière, 
garnissez  le  fond  de  bardes  de  lard  et  par-dessus  mettez  votre 
hachis,  couvrez  votre  tourtière,  mettez  du  feu  dessus  et  dessous 
et  faites-les  cuire.  Votre  poupeton  étant  cuit,  vous  le  tirez  adroi- 
tement sans  le  crever,  le  renversant  dans  un  plat  sens  dessus 
dessous. 

Cailles  au  basilic.  —  Échaudez  vos  cailles  et  faites-les 
blanchir,  faites-leur  sur  le  dos  une  petite  fente  pour  pouvoir  y 
mettre  la  farce  suivante  : 

Prenez  du  lard  cru,  basilic,  persil,  sel,  poivre,  hachez  le 
tout  ensemble,  farcissez-en  vos  cailles,  faites-les  cuire  ensuite 
dans  un  pot  avec  de  bon  bouillon  et  assaisonnement.  Quand  elles 
seront  cuites,  retirez-les,  dorez-les  avec  des  œufs  battus,  poudrez- 
les  de  mie  de  pain,  ensuite  faites-les  frire  dans  le  saindoux 
jusqu'à  ce  qu'elles  aient  pris  une  belle  couleur  et  servez-les  chau- 
dement pour  entrée. 


34a  CAILLES. 


Bisques  de  Cailles.  —  Vos"  cailles  troussées  proprement, 
passez-les  au  roux  comme  des  poulets,  empotez-les  dans  un  petit 
pôt  avec  de  bon  bouillon,  bardes  de  lard,  un  bouquet  de  fines 
herbes,  clous  et  autres  assaisonnements  avec  une  tranche  de 
bœuf  battu,  une  autre  de  lard  maigre  et  du  citron  vert.  Faites 
cuire  à  petit  feu,  garnissez  votre  bisque  comme  la  bisque  de 
poularde  (v.  poularde),  de  ris  de  veau ,  de  fonds  d'artichauts, 
champignons,  truffes,  fricandeaux,  crêtes,  dont  vous  faites  un 
cordon  avec  les  plus  belles,  mettez  un  petit  coulis  de  veau  clair 
par-dessus  et  servez. 

Potage  de  Cailles.  —  Faites  cuire  vos  cailles  blanchies  et 
bien  troussées  dans  du  bon  bouillon  gras,  avec  fines  herbes, 
quelques  bardes  de  lard  dans  la  marmite,  faites  un  coulis  de 
blanc  de  volaille  'rôtie,  mettez-le  dans  une  petite  marmite  bien 
couverte,  trempez-en  votre  potage  qui  doit  être  de  croûtes  de  pain 
mitonnées  avec  du  bon  bouillon  clair,  mettez  ensuite  vos  cailles 
dessus,  arrosez-les  de  bon  jus  et  avant  de  servir  pressez  un  jus  de 
citron  dans  le  coulis  et  le  mettez  dessus,  puis  servez  ce  potage 
garni  de  crêtes  de  coq  farcies,  de  ris  de  veau  piqués  et  rôtis. 

Potage  de  Cailles  aux  racines,  —  Faites  du  bon  bouillon, 
passez-le  dans  une  marmite,  empotez-)'  vos  cailles  avec  des 
racines  de  persil,  panais  et  petites  ciboules  entières;  le  tout 
étant  cuit  ensemble,  mitonnez  votre  potage ,  mettez  vos  cailles 
dessus,  garnissez  de  panais  et  de  petites  ciboules,  arrosez  avec  de 
bon  jus  de  veau  et  servez. 

Potage  de  Cailles  en  manière  d'oil.  —  Faites  blanchir  à 
Teau  vos  cailles  et  les  empotez  avec  de  bon  jus.  Mettez-y  un  paquet 
de  poireaux  coupés  par  morceaux,  quelques  ciboules  et  bouquet 
de  fines  herbes,  un  de  céleri,  un  autre  de  navets  et  un  paquet 
d'autres  racines. 

Le  tout  étant  cuit,  faites  mitonner  votre  potage  du  même 
bouillon,  rangez  vos  cailles  dessus,  faites  un  cordon  de  vos 
racines,  jetez  un  bon  jus  par-dessus  et  servez. 

Potage  de  Cailles  farcies,  —  Faites  une  farce  de  blanc  de 
chapon,  moelle  de  bœuf,  jaunes  d'œufs  crus,  assaisonnée  de  sel, 
muscade  et  un  peu  de  poivre  blanc,  farcissez-en  vos  cailles, 
faites-les   cuire   dans  un  pot   avec  bon  bouillon  et  bouquet  de 


CAILLES.  343 


fines  herbes.  Quand  elles  sont  cuites^  entretenez-les  sur  la  cendre 
chaude  puis  faites  un  coulis. 

Prenez  un  kilogramme  de  veau,  un  morceau  de  jambon, 
coupez-les  par  tranches,  garnissez-en  le  fond  d'une  casserole 
avec  un  oignon  coupé  en  tranches,  carottes  et  panais  et  le  laissez 
cuire.  Quand  il  sera  attaché  comme  un  jus  de  veau ,  mouillez-le 
de  bouillon  et  de  jus,  moitié  Tun,  moitié  l'autre,  mettez-y  quel- 
ques croûtes  de  pain,  champignons,  truffes  hachées,  un  peu  de 
persil,  de  ciboule  et  de  basilic,  deux  ou  trois  clous  de  girofles 
et  faites  cuire  ensemble. 

Pilez  dans  un  mortier  deux  ou  trois  cailles  cuites  à  la  broche 
ou  bien  un  perdreau  ;  le  coulis  étant  cuit ,  ôtez  les  tranches  de 
veau  de  la  casserole,  délayez  dedans  les  cailles  qui  sont  pilées 
passez-les  à  Tétamine,  videz  votre  coulis  dans  une  marmite  que 
vous  tiendrez  chaudement  sur  des  cendres,  mitonnez  vos  croûtes 
d'un  bon  bouillon,  dressez  vos  cailles  sur  le  potage  tout  autour, 
mettez  au  milieu  un  petit  pain  farci,  jetez  votre  coulis  par-dessus 
et  servez  chaudement. 

Potage  au  roux  de  CailLs  sans  les  farcir.  —  Faites-les 
cuire  comme  on  vient  de  le  dire,  faites  un  ragoût  de  trufiesou  de 
petits  champignons,  mitonnez  des  croûtes  d'un  bon  bouillon, 
dressez  les  cailles  sur  votre  potage,  mettez  ce  ragoût  tout  autour, 
jetez  par-dessus  le  coulis  de  cailles,  comme  on  Ta  dit  dans  l'article 
précédent  et  servez  chaudement. 

On  fait  un  potage  de  croûtes  attachées  avec  un  coulis  de 
cailles  par-dessus  et  on  le  sert  chaudement. 

Potage  de  Cailles  en  profitrolles.  —  Faites  cuire  des  cailles 
à  la  braise,  passez  crêtes,  ris  de  veau,  fonds  d'artichauts,  champi- 
gnons et  truffes  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  lard  fondu, 
mouillez-le  d'un  jus  de  veau  et  dégraissez-le  bien,  liez-le  d'un 
coulis  de  perdrix.  Tirez  ensuite  les  cailles  cuites  à  la  braise, 
laissez-les  égoutter  et  mettez-les  dans  le  ragoût.  Videz  vos  petits 
pains,  mettez  dans  chacun  une  caille  avec  un  peu  de  ragoût, 
faites-les  mitonner  ensuite  tant  soit  peu  dans  un  jus  de  veau, 
mitonnez  des  croûtes  dans  un  plat,  moitié  jus  de  veau  et  moitié 
bouillon,  dressez  le  gros  pain  dans  le  milieu  et  les  petits  autour ^ 
avec  les  fonds  d'artichauts  entre  deux.  Garnissez  le  tour  de  votre 


344  CAILLES. 


potage  de  crêtes  et  de  ris  de  veau  ou  bien  d'une  bordure  de  petits 
champignons  farcis.  Quand  le  ragoût  et  le  coulis  sont  d'un  bon 
goût,  jetez-les  par-dessus  et  servez  chaudement. 

Pâté  chaud  de  Cailles.  —  Videz  et  retroussez  proprement 
vos  cailles,  gardez-en  les  foies,  battez-les  sur  Testomac  avec  un 
rouleau,  piquez-les  de  gros  lard  et  jambon,  assaisonnez  de 
poivre,  sel,  fines  herbes  et  fines  épices,  fendez  vos  cailles  par  le 
dos  ;  faites  une  farce  avec  les  foies  de  vos  cailles,  du  lard  râpé, 
champignons,  truffes,  ciboules,  persil,  sel,  poivre,  fines  herbes, 
fines  épices,  le  tout  haché  menu  et  pilé,  farcissez-en  le  corps  de 
vos  cailles. 

Hachez  encore  et  pilez  du  lard^  faites  une  pâte  composée 
d'un  œuf,  de  bon  beurre-,  de  farine  et  un  peu  de  sel,  formez-en 
deux  abaisses,  mettez-en  une  sur  du  papier  beurré,  prenez  du 
lard  pilé  dans  le  mortier,  étendez-le  proprement  sur  l'abaisse, 
assaisonnez  vos  cailles  et  les  rangez  avec  soin  sur  votre  lard  après 
leur  avoir  cassé  les  os. 

Ajoutez  champignons,  truffes,  feuilles  de  laurier,  le  tout 
bien  couvert  de  bardes  de  lard,  couvrez-le  de  votre  seconde 
abaisse,  fermez  les  bords  tout  autour,  dorez  votre  pâté  et  mettez- 
le  au  four.  *- 

Dès  qu'il  sera  cuit,  ôtez  le  papier  de  dessous,  ôtez  le 
couvercle  du  pâté,  levez  toutes  les  bardes  de  lard  et  dégraissez- 
le  bien;  ayez  ensuite  un  bon  coulis  de  perdrix,  quelques  ris  de 
veau ,  champignons  et  truffes.  Jetez  ce  ragoût  dedans  avec  un 
jus  de  citron,  couvrez  votre  pâté  et  servez  chaudement  pour 
entrée. 

Tourte  de  Cailles,  —  Ayant  bien  nettoyé  et  troussé  vos 
cailles,  vous  les  dressez  sur  une  abaisse  de  pâte  fine,  assaisonnez 
de  sel  et  de  poivre,  paquet  de  fines  herbes,  ajoutez-y  ris  de 
veau,  champignons  et  truffes  par  morceaux,  lard  pilé  ou  fondu 
au-dessus  de  vos  cailles  et  moelle  de  bœuf,  couvrez  votre  tourte 
faites-la  cuire  et  servez-la  chaudement. 

oAutre  tourte  de  Cailles,  —  Prenez  les  foies  de  vos  cailles, 
ôtez-en  l'amer,  mettez-les  sur  une  table  avec  des  champignons, 
un  peu  de  jambon  et  de  lard,  de  la  ciboule  et  du  persil  haché; 
assaisonnez  de  poivre,  sel,  fines  herbes,  hachez   bien  le  tout 


CALAPE.  345 

ensemble,  pilez-les  dans  un  mortier  avec  deux  jaunes  d'œufs,  le 
tout  bien  pilé  ;  farcissez-en  vos  cailles,  farinez  une  tourtière, 
faites  une  abaisse  de  pâte  brisée  qui  ne  soit  ni  trop  épaisse,  ni 
trop  mince,  faites  un  petit  lit  de  lard  ratissé,  assaisonné  de  sel, 
poivre,  un  peu  de  muscade,  arrangez  les  cailles  avec  quelques 
ris  de  veau,  crêtes,  petits  champignons,  et  mousserons,  assai- 
sonnez-les dessus  comme  dessous,  mettez  un  bouquet  dans  le 
milieu,  couvrez-les  de  tranches  de  veau,  de  bardes  de  lard  et 
d'une  abaisse  de  même  pâte,  frottez  votre  tourte  d'un  œuf  battu 
et  mettez-la  au  four;  lorsqu'elle  est  cuite,  dressez-la  sur  un  plat, 
découvrez-la,  ôtez-en  les  tranches  de  veau  et  de  lard,  jetez 
dedans  une  essence  de  jambon,  recouvrez-la  et  servez. 

CAKE  ou  KAKE  (gâteau  anglais).  —  Lorsqu'en  Angleterre 
on  marie  ses  enfants,  on  fait,  comme  on  peut  le  voir  dans  Dic^ 
kenis,  un  énorme  gâteau  dont  on  distribue  un  morceau  à  chacun 
des  conviés.  Voici  de  quelle  façon  se  fait  ce  gâteau.  Vous  prenez 
2  kilogrammes  de  belle  farine^  a  kilc^.  de  beurre  frais,  i  kilog. 
de  sucre  passé  fin ,  7  grammes  de  muscade  ;  pour  chaque  livre  de 
farine,  il  faut  8  œufs;  lavez  et  triez  a  kilog.  de  raisins  de 
Corinthe  que  vous  faites  sécher  devant  le  feu;  vous  prenez 
500  grammes  d'amandes  douces  que  vous  faites  blanchir,  dont 
vous  àtez  la  peau  et  que  vous  coupez  en  morceaux  très-minces; 
ajoutez-y  500  grammes  de  citrons  Confits,  500  grammes  d'oranges 
confites,  un  demi -litre  d'eau- de- vie,  écrasez  entre  vos  mains  le 
beurre  et  battez-le  avec  le  sucre  pendant  un  quart  d'heure,  bat- 
tez les  blancs  de  vos  œufs ,  mêlez  -  les  avec  votre  beurre  et  votre 
sucre,  mettez  ensuite  votre  farine  et  la  muscade  et  battez  le  tout 
ensemble  en  y  mêlant  bien  les  raisins  et  les  amandes  ;  faites  trois 
couches  en  alternant  avec  oranges  et  citrons  que  vous  mettez  dans 
un  moule  et  que  vous  placez  au  four,  couvrez -le  d'un  papier  et 
laissez-le  dans  le  four  jusqu'à  parfaite  cuisson. 

CALAPE.  —  Ragoût  que  quelques  praticiens  confondent 
avec  canapé;  calape  est  un  mot  américain  qui  désigne  un  ragoût 
composé  de  la  partie  d'une  tortue  qu'on  fait  griller  dans  son 
écaille;  ce  ragoût,  qui  faisait  les  délices  de  mon  équipage  quand 
nous  voguions  entre  la  Sicile  et  l'Afrique ,  ne  m'a  jamais 
paru  digne   de  paraître  sur  une  table   qui  se   respecte;  voici 


346  CÂLAPE. 


/ 


comment  on  prenait  les  tortues,  et  comment  on  les  préparait. 

Lorsqu'arrivaient  les  mois  de  j  uin  et  de  j  uillet,  mois  de  calme , 
-4—  on  mettait  un  homme  en  vigie,  sur  la  flèche  de  la  grande  voile, 

qui,  dès  qu'il  apercevait  une  tortue  dormant  sur  Teau,  criait  : 
Tortue,  tortue! 

Aussitôt  on  mettait  le  you-you  à  la  mer,  on  approchait  sans 
bruit,  le  plus  près  possible,  de  la  tortue  qui  surnageait,  quoi* 
qu'elle  pesât  parfois  soixante  ou  quatre-vingts  livres. 

Alors  notre  pilote  Podimata,  c'était  lui  qui  d'habitude  était 
chargé  de  cette  expédition ,  se  laissait  glisser  à  la  mer  et  nageait 
dans  le  sillage  de  la  tortue;  il  s'approchait  d'elle  sans  qu'elle 
s'aperçut  de  son  voisinage,  puis  il  la  prenait  par  les  deux  pattes 
de  derrière  et  la  retournait  sur  le  dos;  dans  cet  état,  quelques 
efforts  qu'elle  fît,  elle  ne  pouvait  ni  plonger  ni  se  retourner.  Seu- 
lement, comme  elle  agitait  sa  tète  qui  sortait  de  l'écaillé ,  il  lui 
passait  une  corde  au  cou,  remontait  à  bord,  reprenait  un  des 
deux  avirons  et  revenait  le  plus  vite  possible.  Arrivée  à  bord,  on 
la  suspendait  par  les  pattes  de  derrière  à  un  des  étais ,  on  tirait 
la  corde  qui  lui  tenait  le  cou,  et  on  le  lui  coupait  d'un  coup  de 
sabre,  elle  dégorgeait  alors  une  grande  quantité  de  sang;  nous 
la  laissions  pendue  douze  heures,  puis  une  seconde  fois  on  la 
renversait  sur  le  dos,  on  introduisait  un  fort  couteau  entre 
l'écailIe  du  ventre  et  l'écaillé  dorsale  en  faisant  attention  de  ne 
pas  abîmer  les  intestins  et  de  ne  pas  crever  le  fiel ,  ce  qui  arrive- 
rait si  vous  introduisiez  votre  couteau  trop  avant;  enlevez  le  côté 
plat  de  la  carapace,  videz-la  comme  nous  faisions ,  gardez  le  foie 
seulement;  l'aliment  transparent  que  l'on  trouve  dedans  n'est 
bon  à  rien.  Vous  trouverez  à  l'intérieur  deux  lobes  de  chair  que 
l'on  peut  comparer  à  deux  noix  de  veau ,  tant  pour  le  goût  que 
pour  la  blancheur.  Parfois  nous  leur  trouvions  dans  le  ventre  dix 
ou  douze  œufs  sans  coquille ,  comme  ceux  que  l'on  trouve  dans 
le  ventre  des  poules ,  et  qui  doivent  venir  successivement  à  leur 
tour. 

Alors  nous  coupions  par  morceaux  de  la  grosseur  d'une  noix 
une  quantité  suffisante  de  chairs  de  tortue,  nous  les  mettions,après 
les  avoir  fait  dégorger,  dans  du  bon  consommé  avec  poivre, 
girofle,  sel,  thym,  carottes  et  laurier;  nous  faisions  cuire  le  tout 


CANARD.  347 


pendant  trois  ou  quatre  heures  sur  un  feu  doux;  préparez  pen- 
dant ce  temps  des  quenelles  de  volaille  que' vous  assaisonnerez 
de  sel,  persil,  ciboules  et  d'anchois;  faites  pocher  ces  quenelles 
dans  du  consommé,  égoutez-les,  versez  sur  votre  tortue  votre 
consommé,  dans  lequel  vous  aurez  mis  quelques  instants  aupa- 
ravant trois  ou  quatre  verres  de  vin  de  Madère  sec.  Puis,  au  lieu 
de  faire  un  plat  séparé,  vous  le  versez  dans  Técaille  et  vous  le 
servez  à  cinquante  convives,  et  il  y  aura  à  coup  sûr  à  dîner  pour 
les  cinquante  personnes. 

Quanta  nous,  tout  notre  équipage  s'en  régalait,  à  l'exception 
de  deux  Grecs  à  qui  j'avais  donné  l'hospitalité  du  passage,  et  qui 
allaient  à  Chypre  pour  retrouver  un  trésor  perdu. 

CANARD.  —  Il  y  a  quarante -deux  variétés  de  canards, 
parmi  lesquels  on  distingue  le  canard  musqué  dont  la  chair  est 
très-délicate,  mais  il  faut  avoir  soin  de  couper  le  croupion  avant 
de  le  faire  cuire;  sans  cette  précaution  il  prend  une  odeur  de 
musc  si  fortejpi!il  est  pr^^^q»**  impoasiblede  le  mangen  On 
estime  particulièrement  la  chair  de  1  estomac  que  l'on  appelle 
vulgairement  les  aiguillettes.  Les  sarcelles  petites  et  grasses 
sont  mises  au  rang  des  canards  sauvages,  elles  sont  plus  déli- 
cates. L'empereur  Paul  [•'  accorda  la  grâce  à  un  Polonais  qui 
trouvait  le  moyen  de  lui  envoyer  de  Toulouse  chaque  semaine  "^/ 

un  pâté  de  foie  gras  de  canard  dont  le  trajet  n'altérait  aucune- 
ment la  fraîcheur.  Le  célèbre  Vaucanson,  entre  autres  chefs- 
d'œuvre  mécaniques,  fit,  en  1741,  deux  canards  qui  nageaient, 
barbottaient,  mangeaient  et  semblaient  digérer. 

Le  canard  est  de  tous  les  oiseaux  celui  qui  approche  le  plus 
de  l'oie,  il  est  le  plus  délicat  et  le  plus  facile  à  la  digestion;  il 
en  est  du  canard  comme  de  l'oie ,  il  y  en  a  de  sauvages  et  de 
domestiques,  ces  derniers  sont  les  plus  gros.  Nous  avons  des 
variétés  d^ns  ces  espèces,  par  exemple  celle  de  Barbarie,  qui  est 
la  plus  grosse,  moins  délicate  et  plus  sujette  à  sentir  le  musc; 
mais  si  on  croise  cette  espèce  avec  les  autres ,  il  en  provient  des 
mulets  qui  n'ont  pas  le  désavantage  d'avoir  le  mauvais  goût  de 
ceux  de  Barbarie.  C'est  avec  cette  espèce  de  mulet  qu'on  ^it  les 
canetons  de  Rouen ,  si  estimés  pour  leur  grosseur  et  leur  qua- 
lité. Le  canard  sauvage  se  mange  presque  toujours  à  la  broche  ; 


^  CANARD. 


cependant  on  en  fait  des  entrées  que  je  vais  tâcher  de  fkire  con- 
naître. 

Canards  sauvages  à  ta  broche.  —  Avant  d'acheter  votre 
canard,  étudiez-le,  voyez  s'il  a  les  pattes  fines  d'une  belle  cou- 
leur et  non  desséchées;  pour  juger  s'il  est  vieux  tué,  ouvrez-lui 
le  bec  et  flairez  pour  savoir  s'il  n'émane  pas  une  mauvaise  odeur, 
tàtez-lui  le  croupion  et  le  ventre;  s'ils  sont  fermes  et  que  l'ani- 
mal soit  pesant,  c'est  une  preuve  qu'il  est  gras  et  frais;  s'il  a 
toutes  ces  qualités,  prenez- le.  J'ai  remarqué  que  les  femelles 
étaient  plus  délicates  que  les  mâles,  quoique  en  général  les 
mâles  se  vendent  plus  cher. 

Plumez  ces  canards,  ôtez-en  le  duvet,  coupez-en  les  ailes 
bien  près  du  corps,  supprimez-en  les  cous,  videz-les,  flambez- 
les,  épluchez-les,  retroussez -en  les  pattes,  bridez-les  et  frottez- 
les  avec  leur  foie,  mettez-les  à  la  broche,  faites-les  cuire  verts, 
débrochez-les,  dressez-les  et  servez-les  avec  deux  citrons  entiers. 

Filets  de  canards  sauvages  à  Vorange,  —  Prenez  trois 
canards,  levez  les  filets,  ciselez  du  côté  de  la  peau,  faites  mariner 
avec  ciboules,  persil,  gros  poivre,  etc.;  au  moment  de  servir, 
versez  deux  cuillerées  d'huile  dans  une  sauteuse,  mettez-y  vos 
filets,  retournez,  égouttez,  dressez,  servez  avec  sauce  à  l'orange 
(Voyez  sauce  à  l'orange). 

Salmis  de  canards  sauvages.  —  Prenez  deux  ou  trois  canards 
que  vous  faites  cuire  à  la  broche  et  dont  vous  coupez  les  esto- 
macs en  aiguillettes;  levez-en  les  cuisses,  séparez  la  carcasse  en 
plusieurs  morceaux,  mettez-y  sel  et  gros  poivre,  arrosez-les  de 
quatre  cuillerées  à  bouche  d'huile  d'olive  et  d'un  demi -verre  de 
vin  de  Bordeaux,  exprimez  dessus  le  jus  de  deux  citrons  et  remuez 
bien  le  tout  ensemble. 

Escalopes  de  filets  de  canards  sauvages,  —  Levez  les  filets 
de  trois  canards,  retirez -en  les  peaux,  coupez- les  en  escalopes, 
battez-les  avec  le  manche  d'un  couteau,  parez-les  en  rond  et 
placez-les  sur  un  sautoir,  avec  sel,  poivre,  quatre  cuillerées 
d'huile  d'olive ,  et  mettez  un  papier  huilé  dessus  ;  faites  sauter 
vos  escalopes  au  moment  de  servir,  et  quand  elles  sont  roidies 
d'un  côté,  égouttez  l'huile,  retournez -les,  mettez-les  dans  une 
bonne  poivrade  réduite  de  façon  à  masquer  le  canard  avec  la 


CANARD.  349 


sauce,  ajoutez-y  un  peu  de  citron  et  d'huile  et  dressez  avec  des 
croûtons. 

Cannetons  à  la  Rouennaise.  —  Nous  intercalons  ici  la  recette 
d'un  cuisinier  poète  : 

Je  le  dénonce  tout  d'abord , 
Mon  CANARD  e8C  un  volatile; 
Il  n'a,  messieurs,  aucun  rapport 
Avec  ces  écrits,  qu'en  leur  style. 
De  trop  spirituels  loustics 
Dénomment  des  «  canards  publics.  » 
Or,  donc ,  sans  ceux  du  journaliste , 
Dont  j'excepte  les  vérité. 
Le  canard  compte,  dans  sa  liste. 
Quarante -deux  variétés! 

Détournez  les  yeux  de  la  boue , 

Dans  laquelle  il  fait  son  festin  ; 

N'écoutez  sa  voix  qui  s'enroue , 

A  ff  cancaner  »  soir  et  matin  ; 

Et  lorsque  l'oiseau  palmipède 

Sera  devenu  gras  et  gros. 

Faites -en  des  daubes  ^  des  rots; 

A  ses  qualités ,  gourmet  cède  : 

En  luij  non,  plus  rien  de  mauvais  : 

A  sa  forte  odeur,  quel  remède , 

Qt^iuu  sauce  aux  tendres  navets  y 

—  Où,  pour  qui  les  aime,  aux  olives!*.. 

Salut  au  fin  gibier  des  rives, 

Canard  sauvage,  oui,  tu  nous  plais! 

Et  quelle  que  soit  ton  espèce. 

Qu'on  te  rôtisse ^  et  te  dépèce, 

Pour  ne  manger  que  te^  filets , 

— •  Chair  savoureuse  et  cuite  rose , 

Que  le  Jus  d^un  citron  t'arrose  !,.. 

J.  Rouyer. 

Voici  la  formule  moins  lyrique  mais  plus  précise  des  canne- 
tons  à  la  rouennaise  : 

Ayez  un  beau  canneton  bien  blanc  et  bien  gras;  flambez-le 
légèrement  sans  lui  roidir  la  peau.  Coupez  les  petits  bouts  des 
pattes  et  refaites-les  ;  retournez-les  lui  en  dehors  et  rentrez  lui 
le  croupion  ;  coupez-en  les  ailes  près  du  corps,  supprimez-en  le 


350  CANARD. 


cou,  videz,  flambez,  épluchez,  bridez  pattes  retroussées,  frottez- 
les  avec  leur  foie,  mettez  à  la  broche  ;  laissez  cuire  et  servez  avec 
deux  citrons. 

Canard  au  verjus.  —  Comme  le  précédent.  Mais,  ayez  du 
verjus  dont  vous  ôtez  les  queues  et  que  vous  faites  blanchir  et 
égoutter;  mettez  trois  cuillerées  d'espagnole  réduite  dans  une 
casserole  avec  vos  grains  de  verjus,  faites  réduire  votre  ragoût, 
dégraissez-le,  masquez-en  vos  canards  et  servez. 

Canard  aux  olives,  —  Comme  ci-dessus ,  en  y  ajoutant  de 
belles  olives  confites  dont  vous  aurez  enlevé  les  noyaux  et  que 
vous  aurez  fait  blanchir  à  Teau  bouillante,  afin  de  leur  ôter  leur 
àcreté;  vous  achevez  leur  cuisson  dans  du  bouillon,  vous  les*  pla- 
cez sur  un  feu  vif,  assaisonnez  de  bon  goût  et  versez  sur  votre 
canard. 

Canards  à  la  choucroute.  —  Cuisez  dans  du  bouillon  de  la 
choucroute  avec  des  saucissons,  des  cervelas  et  du  petit  lard 
tranché  par  morceaux.  Votre  choucroute  à  moitié  cuite,  ôtez  cette 
garniture  que  vous  remplacez  par  votre  canard  retroussé  et  paré. 
Le  tout  étant  cuit,  vous  dressez  le  canard,  vous  l'entourez  de 
choucroute  et  vous  arrangez  sur  cette  dernière  les  cervelas,  les 
saucisses  et  le  lard  tenus  au  chaud. 

Canards  aux  navets  à  la  bourgeoise,  —  Videz  un  ou  deux 
canards,  retroussez-les  en  poule  avec  les  pattes  en  dedans,  puis 
mettez  du  beurre  dans  une  casserole,  faites-y  revenir  vos  canards. 
Apprêtez  une  quantité  suffisante  de  petits  navets  coupés  d'égale 
grosseur,  faites-les  roussir  dans  le  beurre  de  vos  canards ,  égout- 
tez-les,  faites  un  roux  que  vous  délayerez  avec  du  bouillon  ou  de 
Teau  et  prenez  garde  que  votre  sauce  ne  soit  grumeleuse,  ajoutez-y 
sel,  poivre,  un  bouquet  de  persil  et  ciboules,  assaisonné  d'une 
demi-gousse  d'ail  et  d'une  feuille  de  laurier.  Mettez  cuire  les 
canards  dans  cette  sauce;  à  moitié  de  leur  cuisson  mettez-y  les 
navets  mijoter,  ayezi  soin  de  retourner  les  canards  sans  écraser 
les  navets;  une  fois  la  cuisson  terminée,  dégraissez  votre  ragoût 
et  servez. 

Canards  aux  petits  pois.  —  (V.  Pigeons.) 
Les  canards  et  canetons  peuvent  encore  être  employés  de  diffé- 
rentes manières  :  en  galantine,  en  pâté  froid,  en  daube,  à  la 


CANEPETIERE.  351 


macédoine,  en  hoche-pot,  en  haricot  vierge,  à  la  purée  verte,  aux 
petits  oignons,  aux  concombres,  au  beurre  d'écre visses  et  au 
vert-pré;  mais  comme  ces  sauces  sont  formulées  pour  certaines 
substances  auxquelles  on  les  applique  habituellement  avec  plus 
d'aptitude  qu'à  ce  volatile,  la  simple  énumération  sufRt. 

CANEPETIERE.  —  La  veille  du  jour  où  je  devais  quitter 
TAstrakan  je  reçus  la  visite  du  prince  Tumen,  chef  des  Kal- 
moucks.  J'étais  assez  embarrassé  sur  la  manière  dont  j'allais  vivre 
en  traversant  les  steppes  des  Tatares  Nogaïs;  je  savais  qu'ils 
contenaient  pour  tout  gibier  des  canepetières  et  des  oies  sauvages, 
mais  que  ces  animaux  très-déiiants  partaient  à  une  telle  distance 
du  chasseur  qu'il  était  presque  impossible  de  les  tuer  au  fusil. 
Le  prince,  dont  j'aurai  occasion  de  parler  plus  d'une  fois,  à 
propos  de  l'hospitalité  qu'il  nous  a  donnée  et  des  objets  quelque 
peu  bizarres  qu'il  nous  a  fait  manger,  me  dit  alors  de  ne  pas 
m'inquiéter  et  qu'il  se  chargeait  de  ma  nourriture  pendant  tout 
le  temps  que  durerait  notre  voyage.  Il  me  demanda  seulement  si 
je  croyais  que  le  pain  nous  fût  absolument  indispensable,  et  dans 
ce  cas,  il  nous  invitait  à  nous  procurer  deux  ou  trois  pains  de  la 
plus  grande  dimension  et  de  la  plus  forte  épaisseur.  Quant  au 
vin,  nous  avions  à  notre  disposition  toute  la  cave  de  notre  hôte, 
une  des  mieux  garnies  avec  lesquelles  j'eusse  encore  fait  con- 
naissance. 

Nous  devions  partir  le  lendemain  soir  vers  six  heures;  le 
prince  s'informa  de  tous  ces  détails ,  calcula  les  heures  sur  ses 
doigts  et  nous  dit  : 

«  Ne  vous  inquiétez  pas,  la  viande  ne  vous  manquera  pas.  » 

J'avoue  que  cette  assurance  me  réjouit  fort.  Un  bon  repas 
est  un  des  moments  agréables  d'un  voyage  long  et  fatigant;  or, 
nous  voyagions  jour  et  nuit,  faisant  en  tarentasse  une  cinquantaine 
de  lieues  toutes  les  vingt-quatre  heures,  et  la  tarentasse  est  une 
voiture,  non  suspendue,  passant  partout,  à  travers  tout,  ne  se 
dérangeant  ni  pour  les  ravins,  ni  pour  les  ruisseaux,  ni  même 
pour  les  petites  rivières. 

Nous  partîmes  à  l'heure  convenue  sans  avoir  vu  reparaître 
aucun  messager  du  prince  Tumen,  ce  qui  ne  laissa  pas  que  de  nous 
inquiéter;  mais  confiant  dans  sa  parole,  nous  nous  contentâmes 


/■ 


35^ 


CANEPETIERE. 


d'attendre  quelques  minutes  après  avoir  franchi  le  Volga  qui,  à 
Astrakan,  a  près  d'une  lieue  de  large;  mais  ne  voyant  aucun 
Kalmouck  ni  près  ni  loin,  nous  crûmes  que  le  prince  avait  oublié, 
nous  criâmes  à  notre  cocher  : 

«  Pascare  »),  c'est-à-dire  allom  vite,  et  nous  partîmes. 

La  nuit  fut  assez  bonne,  les  steppes  à  travers  lesquels  on 
roule  sur  une  couche  de  bruyère,  sont  un  assez  agréable  che- 
min, nous  eûmes  bien  deux  ou  trois  violentes  secousses,  mais 
c  est  que  nous  traversions  alors  des  ravins  qui  eussent  mis  en  capi- 
lotade une  voiture  d'Europe.  Nous  vîmes  de  loin  une  espèce  de 
déménagement  à  chameau  :  c'était  une  famille  kalmoucke  qui, 
mécontente  du  lieu  qu'elle  avait  choisi  pour  y  établir  sa  tente, 
allait  en  chercher  un  autre. 

Je  commençais  à  avoir  une  certaine  inquiétude,  non  pas  pour 
notre  pain,  mais  pour  ce  que  nous  aurions  à  mettre  dessus, 
lorsque  j'aperçus  un  lac  salin  dont  les  rives  étaient  couvertes  d'oies 
sauvages  et  de  canepetières.  Je  savais  la  difficulté  que  j'aurais  à 
approcher  de  ces  deux  esplêces  d'oiseaux  les  deux  plus  défiants  de 
toute  la  race  ornithologique,  et  j'ordonnai  à  mon  cocher  de  se 
déranger  du  chemin  et  de  s'avancer  avec  la  voiture  vers  les  rives 
du  lac  qui  resplendissait  comme  un  bassin  d'argent. 

C'était  un  lac  de  sel  dans  lequel  les  oiseaux  au  long  cou  pâtu- 
raient au  milieu  de  plantes  rouges  à  tètes  argentées;  mais  au 
premier  mouvement  que  je  fis  au  fond  de  ma  voiture,  une  cane 
poussa  un  cri  d'éveil  et  toute  ma  bande  trompettante  s'éleva  avec 
le  bruit  que  fait  en  chargeant  un  régiment  de  cavalerie. 

Tout  à  coup  au  milieu  de  ces  cris,  que  je  reconnus  parfaite- 
ment pour  des  cris  d'oies  sauvages  et  de  canepetières,  j'entendis 
des  cris  de  chasseur  et  je  vis  s'élancer  au  milieu  du  tourbillon  de 
ces  oiseaux  affolés,  deux  oiseaux  qui,  au  milieu  des  premiers, 
semblaient  gros  comme  des  hirondelles. 

C'étaient  deux  nobles  faucons  que,  fidèle  à  sa  promesse,  le 
prince  Tumen  m'envoyait  avec  leurs  fauconniers. 

C'étaient  enfin  mes  pourvoyeurs. 

Au  même  instant,  nous  vîmes  passer  près  de  notre  tarentasse 
nos  deux  Kalmoucks  à  cheval  qui  rappelaient  leurs  faucons  en 
leur  montrant  de  la  viande  crue.  Chacun  des  faucons  avait  déjà 


CANEPETIERE.  353 


choisi  sa  proie  et  s'était  attaqué  à  une  canepetière  qu'il  avait 
abattue. 

Nous  sautâmes  en  bas  de  la  tarentasse,  et  en  quelques  instants 
nous  fûmes  avec  les  cavaliers  au  lieu  où  se  livrait  le  combat.  Il 
n'y  avait  plus  de  combat,  au  reste,  les  deux  outardes,  car  la  cane- 
petière est  une  espèce  d'outarde,  s'étaient  rendues  secourues  ou 
non  secourues. 

Nous  refîmes  connaissance  avec  nos  Kalmoucks,  car  je  me 
rappelai  bien  vite  les  avoir  vus  à  la  chasse  au  cygne  et  au  héron 
que  nous  avions  faite  quelques  jours  auparavant.  Eux  aussi  nous 
reconnurent,  burent  une  goutte  d'eau-de-vie  à  nos  gourdes,  et 
nousnnvitèrent  à  reprendre  place  dans  notre  tarentasse. 

Je  demandai  à  faire  l'examen  de  notre  prise,  car  je  n'avais 
jamais  vu  de  près  la  petite  outarde.  Un  jour,  seulement,  en  tra- 
versant le  Guadalquivir  j'en  avais  tué  une  grande,  mais  entraîné 
par  le  bateau  à  vapeur,  je  n'avais  pas  pu  aller  la  ramasser. 

La  canepetière  est  un  joli  oiseau,  ayant  une  tète  charmante 
qui  tient  de  la  perdrix,  un  très-beau  plumage  blanc  sur  le  ventre 
et  des  couleurs  variées  sur  le  dos;  j'essayai  de  leur  arracher 
quelques  plumes,  mais  à  la  façon  dont  elles  tenaient  à  la  peau, 
je  commençai  quelque  peu  à  craindre  pour  nos  dents  si  solides 
qu'elles  fussent. 

Sur  Ces  entrefaites,  nous  arrivâmes  à  une  maison  de  poste. 
Le  prince  nous  avait  dit  de  ne  pas  nous  inquiéter  et  de  nous  en 
rapporter  à  nos  hommes. 

En  effet,  un  quart  d'heure  après,  nos  deux  outardes  enfilées 
à  des  bâtons  et  correctement  battues  le  long  du  mur,  nous  oâraient 
du  rôti,  sinon  tendre,  du  moins  mangeable. 

J'avais  remarqué  aussi  autre  chose  qui  m'avait  donné  une 
certaine  satisfaction;  nous  n'avions,  pendant  les  vingt  lieues  de 
steppes  déjà  faites,  encore  rencontré  ni  un  hochequeue  ni  une 
alouette.  En  approchant  de  la  maison  de  poste,  je  vis  un  nuage 
s'élever  au-dessus  du  toit  avec  des  cris  dans  lesquels  je  reconnus 
ceux  de  ces  estimables  oiseaux  à  qui  nous  avons  donné  le  nom 
passablement  vulgaire  de  pierrot. 

C'étaient  en  effet  des  nuées  immenses  de  pierrots  qui  s'éle- 
vaient au-dessus  de  la  maison  de  poste.  Ces  pauvres  oiseaux  ne 


3J4  CANETONS. 


trouvant  rien  à  manger  dans  toute  la  plaine  que  des  détritus  de 
blé,  d'avoine  et  de  crottin  qui  abondaient  autour  de  ces  haltes, 
s'étaient  fixés  là  où  se  fixaient  les  hommes,  ces  grands  partageurs 
de  la  nature,  et  vivaient  de  leur  superflu. 

Au  moment  où  une  de  ces  bandes  passait  au-dessus  de  ma 
tête,  je  tirai  au  plein  travers  et  j'en  abattis  une  vingtaine.  Il  fut 
convenu  que  ce  serait  le  petit  plat  du  diner. 

La  route  fut  occupée  tout  entière  à  plumer  notre  gibier 
qui,  malheureusement,  ne  changeait  pas  de  nom  comme  les 
alouettes,  lesquelles  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  perdent  leurs 
plumes,  prennent  le  nom  de  mauviettes. 

Nous  repartîmes  après  le  déjeuner,  et  nous  assistâmes  à  une 
nouvelle  chasse  dont  une  superbe  oie  sauvage  fit  les  frais. 

Tout  notre  passage  à  travers  les  steppes  fut  assaisonné  de 
cette  triple  variété  :  oies  sauvages,  canepetières  et  petits  oiseaux 
à  gros  bec;  voilà  comment,  grâce  au  prince  et  à  ses  deux  faucon- 
niers, nous  traversâmes  près  de  deux  cents  lieues  de  steppes  sans 
mourir  de  faim,  et  en  faisant  connaissance  avec  un  nouveau 
gibier. 

CANETONS  en  bâtons.  —  Prenez  un  caneton,  flambez-le, 
fendez-le  en  deux  ;  désossez  chaque  moitié  et  étendez  sur  cha- 
cune une  farce  faite  avec  de  la  volaille  cuite,  graisse  de  bœuf, 
lard  blanchi,  persil,  ciboules,  champignons,  pointe  d'ail,  sel  et 
poivre,  liez  de  quatre  jaunes  d'oeufs,  puis  roulez  chaque  mor- 
ceau, enveloppez-le  de  morceaux .  d'étamine,  et  ficelez  par  les 
deux  bouts  ;  faites  cuire  ensuite  dans  une  bonne  braise,  retirez, 
essuyez  et  servez  avec  un  jus  de  citron. 

Canetons  au  chausson.  —  Désossez  un  caneton  sans  le 
fendre  en  commençant  du  côté  de  la  poche  et  renversez-le  à 
mesure  que  vous  ôtez  les  os,  puis  remettez-le  comme  il  était, 
remplissez-le  d'une  bonne  farce,  recousez-le,  faites-le  cuire  dans 
une  bonne  braise,  retirez-le,  dégraissez-le  et  servez. 

Canetons  aux  fines  herbes.  —  Blanchissez  et  aplatissez  un 
caneton  sur  l'estomac,  refaites-le  dans  de  la  graisse  ;  foncez  une 
casserole  de  veau,  de  jambon,  persil,  champignons  hachés  et 
lard  fondu,  mettez  le  caneton  dessus,  l'estomac  dessous,  couvrez- 
le  de  bardes  de  lard  et  faites  cuire  à  la  braise,  retirez-le  lors- 


CANETONS.  3JJ 


qu'il  est  cuit,  dégrai$sez-le,  ajoutez-y  du  coulis,  passez  la  sauce 
au  tamis,  assaisonnez-le  de  bon  goût  et  servez  avec  un  jus 
d'orange. 

Canetons  aux  paupiettes.  —  Flambez  des  canetons  et 
coupez-les  en  quatre,  aplatissez  chaque  morceau  avec  le  couperet' 
et  étendez  dessus  une  farce  faite  avec  de  la  poularde,  mie  de 
pain  desséchée  et  trempée  dans  la  crème,  graisse  de  bœuf,  lard 
blanchi,  persil,  ciboules  hachés,  une  pointe  d'ail,  le  tout  lié  de 
cinq  jaunes  d'œufs,  sel  et  poivre,  roulez  chaque  morceau,  enve- 
loppez-le de  bardes  de  lard,  réunissez  les  deux  bouts  avec  un 
couteau  trempé  dans  l'œuf  battu,  passez-le  de  mie  de  pain, 
embrochez-le  dans  un  hàtelet  enveloppé  de  bardes  de  lard  et  de 
papier,  faites  cuire  à  la  broche,  retirez-le  de  ses  bardes,  dégrais- 
sez-le et  servez  chaud. 

Canetons  de  Rouen  à  Véchalote,  Prenez  le  caneton  le  plus 
blanc  que  vous  trouverez,  faites-le  cuire  à  la  broche  à  petit  feu, 
enveloppé  de  papier,  hachez  très-fin  des  échalottes,  mettez-les 
dans  une  bonne  essence  et  versez  sur  votre  caneton  avec  un  jus 
d'orange. 

Canetons  de  Rouen  glacés,  —  Flambez  un  caneton,  videz- 
le,  piquez  de  petit  lard,  faites-le  blanchir,  et  faites  cuire  avec  du 
bouillon,  un  bouquet,  une  tranche  de  jambon.  La  cuisson  faite, 
glacez-le  comme  un  fricandeau,  iinissez-le  de  même  (v.  frican- 
deau) et  servez  avec  un  jus  d'orange. 

Canetons  à  V orange,  —  Prenez  deux  canetons ,  troussez-les 
en  entrée  de  broche.  Foncez  une  casserole  d'une  bonne  mirepois^ 
ajoutez-y  les  canetons,  couvrez-les  d'une  feuille  de  papier  beurré, 
faites  subir  un  suage,  mouillez  avec  une  demi -bouteille  de 
Champagne,  une  cuillerée  à  pot  de  bon  consommé,  laissez  mijo- 
ter le  tout  jusqu'à  sa  parfaite  cuisson.  Prenez  le  zeste  de  deux 
oranges,  ciselez-le  bien  fin,  blanchissez  à  l'eau  bouillante,  sépa- 
rez les  quartiers  des  oranges  en  enlevant  la  peau  et  blanchis- 
sez-les également.  Passez  le  fond  des  canetons  à  la  serviette, 
dégraissez-le  bien,  clarifiez  le  tout  avec  deux  blancs  d'œuf  et  un 
peu  de  mignonnette,  passez  à  la  serviette  et  mettez  le  tout  au  bain- 
marie.  Ajoutez  un  jus  de  citron,  gros  comme  une  noisette  de 
glace  de  viande  et  un  peu  de  mignonnette.  Ajoutez  lescanetons  et 


356  CANNELLE. 


N 


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dressez-les,  mettez  autour  les  quartiers  d'orange,  couchez  le  jus 
sur  les  canetons  et  laissez  le  zeste  dessus.  {Recette  Vuillemot.) 

J*avoue  mon  goût  prononcé  pour  ce  mets,  surtout  préparé 
par  l'excellent  opérateur  à  qui  j'en  emprunte  la  formule. 

CANETTES.  —  Qâux  pointes  d'asperges.  —  Prenez  des 
canettes ,  troussez-les  en  poulets,  flambez-les  et  faites-les  blan- 
chir, ficelez  et  faites  cuire  dans  une  bonne  braise.  Prenez  des 
asperges,  coupez-en  les  pointes,  faites  blanchir  et  achevez  de  les 
faire  cuire  dans  du  bouillon,  retirez-les,  mettez -les  sur  une 
essence  de  bon  goût  et  servez-les  sur  vos  canettes. 

Canettes  aux  pois.  —  Flambez,  troussez,  blanchissez  vos 
canettes  et  faites-les  cuire  dans  la  braise,  comme  ci-dessus. 
Mettez  vos  pois  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre, 
singez-les  légèrement,  mouillez-les  moitié  jus,  moitié  bouillon, 
liez-les  d'un  coulis  et  servez7les  sur  les  canettes. 

Vous  pouvez  encore  faire  cuire  vos  canettes  avec  les  pois, 
elles  en  sont  meilleures,  mais  elles  n'ont  pas  si  bonne  mine. 

CANNELLE.  —  L'arbre  qui  produit  la  cannelle  est  très- 
commun  dans  rile  de  Ceylan,  d'où  il  paraît  être  originaire. 
C'est  la  seconde  écorce  d'un  petit  arbre  nommé  canneliier  ;  son 
tronc  est  assez  élevé,  ses  feuilles  ont  de  l'analogie  avec  celles  du 
laurier,  elles  sont  pointues  et  ont  la  même  saveur  que  l'écorce, 
la  cannelle  de  Ceylan  est  la  plus  estimée,  et  à  Ceylan,  on  appelle 
kérandu  l'arbre  qui  la  produit.  La  cannelle  de  Tonquin  serait  un 
objet  de  commerce  considérable  pour  une  nation  plus  intelligente; 
les  forêts  en  sont  remplies,  on  la  cultive  dansjes  forêts  du  roi  et 
dans  les  temples  seulement. 

Eau  de  cannelle.  — Infusez,  une  semaine,  cannelle  fine  dans 
eau  et  eau-de-vie  avec  zeste  de  citron  et  bois  de  réglisse;  distillez, 
mélangez  avec  dissolution  de  sucre  et  passez. 

Proportions  :  deux  litres  d'eau-de-vie,  un  quart  de  litre 
d'eau,  un  zeste  de  citron,  quinze  grammes  de  bois  de  réglisse, 
enfin  cinq  cents  grammes  de  sucre  dans  un  litre  d'eau  par  trente 
grammes  de  cannelle. 

Huile  de  cannelle.  —  Concassez  cent-vingt  grammes  de 
cannelle,  sept  grammes  de  macis  et  trente  grammes  de  bois  de 
réglisse  battu  ;  faites  infuser  le  tout  dans  six  litres  d'eau-de-vie  peu*- 


CANNELLON.  3J7 


dant  quelques  jours  et  distillez  après,  faites  fondre  dans  trois  litres 
et  demi  d'eau  deux  kilogrammes  de  sucre  et  mélangez. 

Pastilles  à  la  cannelle.  —  Délayez  dans  de  Teau  un  kilo- 
gramme cinq  cents  grammes  de  sucre,  faites-en  une  pâte  très^ 
solide,  que  vous  parfumez  avec  quelques  gouttes  d'essence  de 
cannelle  et  coulez. 

CANNELLON.  —  On  appelle  ainsi,  de  la  forme  de  leurs 
moules,  certaines  compositions  de  pâtes  ânes. 

Cannellons  à  la  d'Escars  ou  Canapés  aux  abricots  (recette 
de  M.  de  Courchamps).  —  Abaissez  un  demi-litron  de  feuilletage 
à  dix  tours  ;  donnez  à  cette  abaisse  dix-huit  pouces  carrés,  et 
détaillez  en  vingt- quatre  petites  bandes  de  neuf  lignes  de  lar- 
geur, ayez  à  portée  de  vous  vingt-quatre  colonnettes  de  bois  de 
hêtre  tourné,  de  six  pouces  de  longueur  sur  six  lignes  de  dia- 
mètre, et  qu'ils  perdent  une  ligne  de  fût  d'un  bout  à  l'autre, 
afin  que  le  bout  le  plus  petit  quitte  plus  facilement  la  pâte 
quand  elle  sera  cuite.  Beurrez  ensuite  légèrement  ces  petites 
colonnes,  et,  après  avoir  humecté  six  bandes  de  feuilletage  seu- 
lement, vous  commencerez  avec  le  bout  d'une  bande  à  masquer 
le  bout  le  plus  mince  d'une  colonne  en  tournant  la  colonne  de 
manière  que  vous  formiez  une  espèce  de  vis  à  quatre  pouces  de 
longueur;  vous  suivez  le  même  procédé  pour  le  reste  des  colonnes, 
que  vous  placez  sur  deux  plaques  à  deux  pouces  de  distance  entre 
elles.  Dorez  légèrement  le  dessus,  et  mettez  au  four  chaud.  Lorsque 
ces  cannellons  sont  cuits,  de  belle  couleur,  vous  les  saupoudrez  de 
sucre  fin  et  les  glacez  au  four  à  la  flamme  selon  la  règle;  aussitôt 
qu'ils  sont  sortis  du  four,  vous  ôtez  les  colonnes,  et  placez  au  fur 
et  à  mesure  les  cannellons  sur  un  plafond  froid.  Au  moment  du 
service,  vous  les  garnissez  de  gelée  de  pommes  et  de  marmelades 
de  framboises  ou  d'abricots. 

Cannellons  (recette  de  M.Beauvillier).  —  Abaissez  du  feuil- 
letage, coupez  ce  feuilletage  en  rubans  de  la  largeur  de  treize 
millimètres  ;  ayez  des  petits  bâtons  tournés,  posez  votre  ruban  de 
pâte  sur  un  des  bouts  du  bâton  ;  tournez  ce  ruban  sur  lui-même 
en  en  couvrant  la  moitié  jusqu'à  l'autre  extrémité  de  ce  bâton, 
où  vous  fixerez  votre  ruban;  vos  cannellons  ainsi  préparés,  posez- 
les  sur   un  plafond,  dorez-les  et  faites-les  cuire,  leur  cuisson 


358  CARDONS. 


presque  achevée,  retirez-en  les  bâtons,  approchez-les  l'un  contre 
l'autre,  saupoudrez-les  de  sucre  fin,  faiies-les  glacer  au  four, 
remplissez  leurs  vides  avec  des  confitures,  dressez  et  servez. 

CAPILOTADE.  —  Espèce  de  ragoût  fait  avec  des  reliefs  de 
volailles,  de  gibier,  etc. 

Mettez  du  beurre  dans  une  casserole  avec  de  la  viande  cuite 
coupée  en  morceaux,  sel,  poivre,  écorce  d'orange,  de  la  ciboule 
hachée  menu,  des  croûtons  de  pain  avec  un  peu  de  persil  et  des 
câpres,  mouillez  avec  du  bouillon,  faites  cuire  jusqu'à  ce  que  la 
sauce  soit  suffisamment  réduite,  ajoutez  une  pointe  de  vinaigre 
ou  de  verjus  et  de  la  chapelure  de  pain.  Quand  la  capilotade 
est  faite  avec  des  viandes  noires,  on  peut  mouiller  moitié  bouillon 
et  moitié  vin  et  huilez  légèrement. 

CAPRES.  —  Boutons  ou  fleurs  qui  croissent  aux  sommités 
du  câprier,  arbuste  originaire  d'Asie.  Quand  ces  boutons  ont 
acquis  une  certaine  grosseur,  on  les  cueille  et  on  les  confit  avec 
de  l'eau  et  du  sel.  Les  câpres  contiennent  beaucoup  de  sel 
essentiel  et  un  peu  d'huile,  elles  conviennent  dans  un  temps  froid, 
aux  vieillards  et  aux  personnes  d'un  tempérament  flegmatique  et 
mélancolique. 

Les  câpres  bien  confites  servent  beaucoup  dans  les  ragoûts, 
plutôt  pour  exciter  l'appétit  que  comme  aliments.  Elles  ont 
donné  leur  nom  à  une  sauce  qui  n'est  autre  qu'une  sauce  blanche 
dans  laquelle  elles  remplacent  le  verjus  et  le  vinaigre. 

CAPUCINES.  —  Les  graines  vertes  se  confisent  au  vinaigre 
et  conservent  la  même  saveur  que  ses  fleurs,  qui,  épanouies, 
servent  à  garnir  les  salades. 

CARAMEL.  —  Sucre  brûlé,  prenez  sucre  en  poudre  ou 
cassonade,  faites  chauffer  à  sec,  remuear,  retirez  bruni  et  délayez 
avec  de  l'eau. 

CARDONS.  —  Il  y  a  deux  espèces  de  cardons  :  le  cardon 
d'Espagne  qui  est  très-épineux  et  le  plus  estimé  à  cause  de  ses 
côtes  plus  épaisses  et  plus  charnues";  et  le  cardon  ordinaire, 
peu  épineux  et  qui  se  rapproche  beaucoup  de  l'artichaut 
commun. 

Cardons  d'Espagne  à  la  moelle.  —  Coupez  les  côtes  de 
deux  ou  trois  cardes  près  du  pied,  les  blanches,  non  les  creuses  ; 


CAREME.  359 


coupez  celles  qui  sont  pleines,  parez,  faites  blanchir,  retirez  et 
mettez  dans  Teau  fraîche,  limonnez,  mettez  dans  la  marmite, 
mouillez  d'un  blanc  citronné  (v.  blanc).  Faites  partir  ;  couvrez 
d'un  papier  beurré,  laissez  mijoter  environ  trois  ou  quatre  heures, 
une  fois  cuits,  égouttez,  parez,  mettez  dans  la  casserole  en  arrosant 
de  consommé,  faites  tomber  presque  à  glace,  puis  dressez  sur 
un  plat  avec  espagnole  réduite,  ajoutez  croûtons  à  la  moelle. 

Cardons  au  parmesan.  —  Sur  un  lit  de  fromage  au  fond  de 
votre  plat,  mettez  un  lit  de  cardes  saupoudré  de  parmesan 
arrosé  de  beurre  et  colorez  vos  cardes. 

Cardons  au  coulis  de  jambon.  —  Blanc  comme  ci-dessus, 
mijotez  dans  du  consommé  que  vous  faites  réduire  et  tomber  à 
glace.  Dressez-les,  masquez  d'une  sauce  à  l'essence  de  jambon 
avec  deux  jaunes  d'œufs. 

Ragoût  de  cardon.  —  Épluchez  vos  cardons  et  mettez-les 
cuire  dans  une  eau  blanche,  quand  ils  sont  cuits,  faites  une 
sauce  : 

Prenez  un  morceau  de  beurre  frais  'que  vous  mettez  dans 
une  casserole  avec  une  pincée  de  farine,  sel,  poivre,  un  peu  de 
muscade;  mouillez  avec  un  peu  de  vinaigre  et  un  peu  d'eau, 
mettez-y  une  demi-cuillerée  à  potage  de  coulis  d'écrevisses,  si 
c'est  au  maigre,  et  d'un  peu  de  coulis  de  veau  ou  de  jambon 
si  c'est  au  gras,  tirez  les  cardes  de  la  marmite,  égouttez-les  et 
mettez-les  dans  la  casserole  oîi  est  la  sauce,  remuez  de  tettaps  en 
temps  jusqu'à  ce  que  tout  soit  soit  bien  lié,  dressez-les  sur  le  plat 
et  servez  chaudement. 

CARÊME.  —  Nous  avons  à  choisir,  en  écrivant  carême, 
entre  le  nom  d'une  époque  qui  représente  le  jeûne  et  le  nom 
d'un  homme  qui  représente  l'art  culinaire  arrivé  à  sa  perfection. 
Commençons  par  la  prescription  religieuse  qui  d'ailleurs  a  un 
droit  chronologique. 

On  appelle  Carême  le  jeûne  annuel  en  usage  dans  l'Église 
catholique  et. qui  commence  le  mercredi  des  cendres,  et  finit  à 
Pâques,  excepté  dans  l'Église  de  Milan,  où  il  ne  part  que  du 
dimanche  de  la  Quadragésime  et  chez  les  Grecs,  qui  le  commen- 
çant le  même  jour,  s'abstiennent  de  viande  le  lundi  d'après  la 
Quinquagésime,  jusqu'au  dimanche  suivant,  sans  jeûner  toutefois, 


36o  CAREME. 

mais  en  observant  un  Carême  plus  rigoureux,  puisqu'ils  se 
privent  non -seulement  de  laitages  et  d'œufs,  mais  encore  de 
poisson  et  de  viande.  On  n'est  point  d'accord  sur  l'époque  de 
l'institution  du  Carême,  quelques-uns  l'attribuent  à  Moïse, 
d'autres  prétendent  qu'il  était  observé  en  Egypte  longtemps 
avant  Moïse  et  que  ce  fut  l'un  des  usages  que  les  Israélites  rap- 
portèrent de  ce  pays;  toutes  les  nations  qui  ont  des  lois  ont 
aussi  leur  carême.  On  doit  en  conclure  que  ce  n'est  point  uni- 
quement pour  plaire  à  Dieu  que  le  Carême  fut  institué,  mais 
aussi  pour  la  santé  en  prévenant  la  transition  des  saisons,  tou- 
jours funeste  aux  tempéraments  non  préparés  par  un  r^me 
convenable. 

Dans  l'enfance  des  nations,  les  peuples  ignorants  n'eussent 
point  suivi  un  conseil  d'hygiène,  on  en  fit  un  précepte  religieux, 
la  superstition  l'adopta. 

La  rigueur  du  Carême,  aussi  bien  que  sa  durée,  a  varié 
selon  les  pays;  dans  l'Église  d'Occident,  on  ne  faisait  qu'un 
repas  vers  le  soir,  et  on  ne  mangeait  que  des  légumes  et  des 
fruits;  le  laitage,  les  œufs,  les  viandes  et  le  vin  étaient  défendus; 
le  poisson  était  permis,  mais  la  plupart  des  fidèles  s'en  abste- 
naient; il  paraît  que  le  jeûne  était  encore  plus  rigoureux  en 
Orient,  où  presque  tous  les  chrétiens  ne  vivaient  que  de  pain  et 
d'eau  et  de  quelques  légumes;  les  Latins,  au  rapport  de  Bède, 
avaient  d'autres  carêmes,  celui  de  Noël  et  celui  de  la  Pentecôte, 
et  tous  deux,  comme  celui  de  Pâques,  étaient  de  quarante  jours. 
Les  Grecs  ont  encore  quatre  carêmes  outre  celui  de  Pâques;  ce 
sont  ceux  de  Noël,  des  Apôtres,  de  la  Transfiguration  et  de  l'As- 
somption, mais  ils  ne  sont  que  de  sept  jours  chacun. 

La  France  est  peut-être  aujourd'hui  le  pays  du  monde  où  le 
Carême  est  le  moins  observé  ;  il  n'en  était  pas  de  même  autre- 
fois. Quand  le  clergé  fut  devenu  riche  et  puissant,  son  influence 
fit  rendre  sur  l'abstinence  des  lois  les  plus  rigoureuses ,  et  tandis 
qu'il  contentait  sa  sensualité  en  rompant  l'uniformité  des  viandes 
par  les  poissons  les  plus  exquis,  que  son  insatiable  cupidité  entas- 
sai t  l'or  en  vendant  des  dispenses  aux  riches,  le  misérable  qui 
n'avait  pas  d'or  pour  racheter  son  malheureux  péché,  était  pendu 
pour  avoir  mangé  de  la  viande  une  fois  en  Carême;  le  boucher 


CAREME.  361 


qui  en  avait  vendu  était  fouetté  et  mis  au  carcan  ;  on  lit  dans  les 
Capitulaires  (année  780)  que  Charlemagne,  voulant  forcer  les 
Saxons  d'adopter  le  christianisme ,  déclara  que  les  Saxons  qui  ne 
voudraient  pas  se  faire  baptiser  et  qui  mangeraient  de  la  viande 
en  Carême  seraient  punis  de  mort. 

En  1522,  on  fouetta  par  sentence  du  prévôt  de  Sens,  et  Ton 
condamna  à  l'amende  honorable,  devant  la  porte  de  l'église  cathé* 
drale  le  nommé  Passeigne  pour  avoir  mangé  en  Carême  des  hari- 
cots au  lard.  Sous  Henri  III,  la  peine  de  mort  fut  abolie,  mais 
celle  du  fouet  fut  maintenue  contre  les  délinquants.  Voltaire 
rapporte  un  fait  à  Tappui  des  précédents,  arrivé  près  de  Saint- 
Claude.  L'an  de  grâce  1729,  le  28  juillet,  eut  lieu  l'exécution 
d'un  nommé  Claude  Guillon,  qui  eut  la  tète  tranchée  pour  avoir, 
étant  dans  la  plus  aâreuse  misère,  et  pressé  d'une  Ikim  dévo- 
rante, emporté,  fait  cuire  et  mangé  de  la  viande  d'un  cheval  tué 
et  abandonné  dans  un  pré,  et  cela  le  3 1  mars. 

Voici  textuellement  le  prononcé  de  la  sentence  du  juge  : 
«  Nous,  etc.,  après  avoir  vu  les  pièces  du  procès,  et  ouï 
l'avis  des  docteurs  en  droit,  déclarons  le  dit  Claude  Guillon 
dûment  atteint  et  convaincu  d'avoir  emporté  de  la  viande  d'un 
cheval  tué  dans  les  prés  de  cette  ville  ;  d'avoir  fait  cuire  ladite 
viande  le  3 1  mars,  jour  du  samedi,  et  d'en  avoir  mangé,  etc.  » 

A  quels  déplorables  et  ridicules  excès  ne  poussait  pas  l'en- 
geance monacale  si  nombreuse  et  si  influente  dans  ces  siècles  de 
ténèbres,  lorsque  nous  voyons  encore,  en  1791,  à  Rava  en  Po- 
logne, des  juges  condamner  et  faire  brûler  par  la  main  du  bour- 
reau, une  poupée  coupable  de  sacrilège,  parce  que  les  enfants 
d'une  luthérienne  lui  avaient  attaché  au  cou  l'image  de  la  Vierge. 
Et  la  même  année,  en  Espagne,  furent  jugés  et  condamnés  à 
périr  au  milieu  des  flammes,  comme  atteints  et  convaincus 
d'hérésie  et  de  blasphème,  un  perroquet  et  un  singe ^  apparte- 
nant à  un  Français.  Le  perroquet  pour  avoir  crié  :  a  Au  feu  le 
bref  Margot!  »  et  le  singe,  parce  qu'il  semblait  applaudir  par 
ses  sauts  et  s^s  gambades.  Ces  deux  grands  criminels  furent 
renfermés  et  brûlés  dans  une  cage  de  fer,  sur  laquelle  étaient 
deux  écriteaux;  l'un  portait  :  Blasphémateur,  impie,  sacrilège, 
traître  à  Dieu  et  à  N.  S.  P.  le  pape;  et  l'autre  :  Complice  de 


36a  CAREME. 


sacrilège  par  gestes,  signes  et  autres  preuves  non  équivoques. 

Un  autre  fait  rapporté  par  M.  B.  Saint- Edme,  dans  son 
Traité  de  législation  historique  du  sacrilège^  che^  tous  les  peu-- 
pies  du  monde ,  est  bien  plus  récent.  L'an  1823,  un  samedi ^ 
quatre  individus  de  la  communde  de  Saint-Laurent  de  Cerdans, 
arrondissement  de  Céret,  département  des  Pyrénées,  vinrent  pour 
leurs  affaires  à  Céret;  ils  entrèrent  dans  une  auberge  pour  dîner 
et  se  firent  servir  des  côtelettes.  Cette  auberge  étant  située  sur 
la  place,  ils  furent  aperçus  faisant  gras;  rapport  au  maire;  cita- 
tion devant  le  procureur  du  roi  ;  et  condamnation ,  comme  pré- 
venus du  délit  d'outrage  à  la  morale  religieuse,  à  une  année 
d'emprisonnement  et  300  fr.  d'amende.  Bien  leur  en  prit  d'en 
rappeler,  car  le  jugement  fut  cassé  le  p  juillet  par  le  tribunal 
de  Perpignan.  A  la  même  époque,  un  boucher  de  Rome  fut 
arrêté,  conduit  sur  la  place  Fontana  di  Travi,  et  marqué  par  le 
bourreau;  un  écriteau  annonçait  son  crime,  qui  était  d'avoir 
mangé  de  la  viande  un  vendredi  dans  une  auberge,  avec  quel- 
ques-uns de  ses  amis. 

CAREME  {Marie-c4ntoine).  —  Voilà  un  nom  qui  n'était 
certes  pas  destiné  à  acquérir  la  célébrité  gastronomique  à  laquelle 
il  est  parvenu.  Depuis  la  mort  de  Carême,  arrivée  le  la  jan- 
vier 1833,  ^*^^  ^^^  princes  ont  perdu  leur  principauté,  bien  des 
rois  sont  descendus  de  leur  trône.  Carême,  roi  de  la  cuisine  par 
le  génie,  est  resté  debout,  et  aucune  gloire  rivale  n'est  venue 
obscurcir  la  sienne.  Comme  tous  les  fondateurs  d'empires,  comme 
Thésée,  comme  Romulus,  Carême  est  une  espèce  d'enfant  perdu. 
Il  naquit  à  Paris  le  7  juin  1784,  dans  un  chantier  de  la  rue  du 
Bac,  où  travaillait  son  père;  celui-ci,  chargé  de  quinze  enfants 
et  ne  sachant  où  trouver  de  quoi  les.  nourrir,  emmena  un  soir  le 
petit  Marie-Antoine,  âgé  de  n  ans,  dîner  à  la  barrière.  Puis,  le 
laissant  là  au  milieu  du  pavé,  il  lui  dit  : 

«  Va,  petit,  il  y  a  de  bons  métiers  dans  ce  monde,  laisse- 
nous  languir,  la  misère  est  notre  lot,  nous  devons  y  mourir.  Ce 
temps  est  celui  des  belles  fortunes,  il  suffit  d'avoir  de  l'esprit 
pour  en  faire  une,  et  tu  n'en  manques  pas;  va,  petit,  ce  soir  ou 
demain  quelque  bonne  maison  s'ouvrira  peut-être  pour  toi.  Va 
avec  ce  que  le  bon  Dieu  t'a  donné  et  ce  que  j'y  ajoute.  »  Et 


J 


CAREME.  363 


Texcellent  homme  y  ajouta  sa  bénédiction.  A  partir  de  ce  soir-là, 
Marie-Antoine  ne  re\it  plus  ni  son  père,  ni  sa  mère,  qui  mou- 
rurent jeunes;  ni  ses  frères,  ni  ses  sœurs,  qui  se  dispersèrent  dans 
le  monde. 

Cependant  la  nuit  était  venue. 

L'enfant  vit  une  fenêtre  qui  brillait,  il  alla  y  frapper;  c'était 
l'ofBcine  d'un  gargotier  dont  l'histoire  n'a  pas  conservé  le  nom; 
celui-ci  le  recueillit  et  le  lendemain  l'enfant  était  à  son  service. 

A  seize  ans,  il  quittait  ce  cabaret  borgne  pour  travailler  en 
qualité  d'aide  chez  un  restaurateur  en  pied  ;  ses  progrès  y  furent 
rapides,  l'adolescent  annonçait  déjà  ce  qu'il  serait  un  jour;  admis 
chez  Bailly,  pâtissier  en  renom  de  la  rue  Vivienne,  qui  excellait 
dans  les  tourtes  à  la  crème  et  fournissait  la  maison  du  prince  de 
Talleyrand  ;  à  partir  de  ce  moment,  il  vit  clair  dans  son  avenir 
et  découvrit  sa  vocation, 

«  A  dix-sept  ans,  ditMarie-Antoine  dans  ses  mémoires,  j'étais 
premier  tourtier  chez  M.  Bailly.  Ce  bon  maître  s'intéressait  à 
moi;  il  me  facilita  des  sorties  pour  aller  dessiner  au  cabinet  des 
estampes  ;  il  me  confia  la  direction  de  plusieurs  pièces  montées , 
destinées  à  la  table  du  premier  consul.  J'employais  au  service  de 
M.  Bailly  mes  dessins,  mes  nuits,  et  ses  bontés  payaient  large- 
ment mes  peines.  Chez  lui  je  me  tis  inventeur.  Alors  florissait 
dans  la  pâtisserie  l'illustre  Avice.  Son  œuvre  m'enthousiasma, 
la  connaissance  de  ses  procédés  me  donna  du  cœur;  je  ^s  tout 
pour  le  suivre  sans  l'imiter,  et  devenu  capable  d'exécuter  toutes 
les  parties  de  l'état,  je  confectionnai  seul  des  extraordinaires 
uniques.  Mais  pour  en  arriver  là,  jeunes  gens,  que  de  nuits 
passées  sans  sommeil  !  Je  ne  pouvais  m'occuper  de  mes  dessins  et 
de  mes  calculs  qu'après  neuf  ou  dix  heures,  et  je  travaillais  les 
trois  quarts  de  la  nuit. 

Les  larmes  aux  yeux  je  quittai  mon  bon  M.  Bailly;  j'entrai 
chez  le  successeur  de  M.  Gendron  ;  je  lui  fis  mes  conditions  ;  j'ob- 
tins que  lorsque  je  serais  appelé  pour  un  extra^  j'aurais  le  loisir 
de  me  faire  remplacer.  Quelques  mois  après,  je  sortais  des  grandes 
maisons  pâtissières  pour  suivre  mes  seuls  grands  dîners  :  c'était 
bien  assez,  je  m'élevais  de  plus  en  plus,  et  je  gagnais  beaucoup 
d'argent.  Les  envieux  me  jalousaient,  pauvre  enfant  du  travail. 


364  CAREME. 


et  depuis  je  me  suis  vu  en  butte  aux  attaques  de  bien  des  petits 
pâtissiers  qui  auront  fort  à  faire  pour  arriver  où  je  suis. 

Au  milieu  des  prodigalités  du  directoire,  Carême  avait  pré- 
paré le  luxe  délicat  et  Texquise  sensualité  de  l'empire.  La  table 
du  prince  de  Talleyrand  était  servie,  dit  Carême,  avec  sagesse  et 
grandeur,  donnait  Texemple  et  rappelait  aux  bons  principes  les 
gens  comme  il  faut. 

Cette  maison  était  dirigée  culinairement  parlant  par  M.  Bou- 
chée ou  Bouchesec  qui  sortait  de  la  maison  de  Condé,  citée  pour 
sa  succulence  et  sa  bonne  chère.  Ainsi  la  cuisine  de  M.  de  Tal- 
leyrand n'était  que  la  cuisine  de  la  maison  de  Condé  continuée. 
M.  Bouchée  avait  débuté  par  la  maison  de  la  princesse  de  Lam* 
balle,  et  pendant  longtemps  ce  fut  lui  qui  choisit  les  cuisiniers 
des  grandes  maisons  de  l'étranger.  Carême  lui  a  dédié  son  Pâtis- 
sier royal.  Ce  fut  là  qu'il  fit  aussi  la  connaissance  de  Laguipière, 
le  cuisinier  de  l'empereur,  qui  mourut  dans  la  retraite  de  Mos- 
cou, n'ayant  pu  supporter  la  transition  des  35  degrés  de  chaleur 
de  sa  cuisine  aux  35  degrés  de  froid  de  la  plaine  de  la  Moscowa. 
Jusque-là  Carême  avait  appris  à  suivre  son  art;  à  partir  de  Lagui- 
pière, il  apprit  à  l'improviser.  Mais  la  pratique  ne  lui  suffisait 
plus,  il  voulait  approfondir  la  théorie,  copier  des  dessins,  lire, 
analyser  des  livres  de  science,  suivre  des  cours  analogues  à  sa 
profession  ;  il  écrivit  et  illustra  une  Histoire  de  la  table  romaine; 
malheureusement  copie  et  dessins  ont  été  perdus.  Carême  était 
un  poëte;  il  mettait  son  art  à  la  hauteur  de  tous  les  autres,  et  il 
avait  raison  ;^car,  arrivé  où  il  en  était,  il  n'y  a  plus  de  taille. 

a  Je  contemplais,  dit-il,  de  derrière  mes  fourneaux,  les  cui- 
sines de  l'Inde,  de  la  Chine,  de  l'Egypte,  de  la  Grèce,  de  la  Tur- 
quie, de  l'Italie,  de  l'Allemagne  et  de  la  Suisse,  je  sentais  crouler 
sous  mes  coups  l'ignoble  fabrication  de  la  routine.  » 

Carême  avait  grandi  avec  l'empire;  qu'on  juge  de  sa  dou- 
leur en  le  voyant  s'écrouler  ;  il  fallut  le  forcer  à  exécuter,  dans  la 
plaine  des  Vertus,  le  gigantesque  banquet  royal  de  1814.  L'année 
suivante,  le  prince  régent  l'appelait  à  Brighton  comme  chef  de 
cuisine;  il  resta  auprès  du  régent  d'Angleterre  deiuc  ans,  chaque 
matin  il  rédigeait  le  menu  sous  les  yeux  de  son  altesse,  gourmand 
blasé;  c'est  pendant  ces  tête-à-tête,  qu'il  lui  faisait  un  cours  de 


CAROTTE.  365 


gastronomie  hygiénique  qui,  s'il  était  imprimé,  serait  regardé 
comme  un  des  livres  classiques  de  la  cuisine. 

Ennuyé  du  vilain  ciel  gris  d'Angleterre,  il  revint  à  Paris; 
mais  le  prince  régent  devenu  roi,  le  rappela  en  1821. 

De  Londres,  Carême  alla  à  Saint-Pétersbourg  remplir  les 
fonctions  vacantes  de  l'un  des  chefs  de  cuisine  de  l'empereur 
Alexandre,  puis  il  revint  à  Vienne  exécuter  quelques  grands  dîners 
de  l'empereur  d'Autriche.  Attaché  à  lord  Stuart,  ambassadeur 
d'Angleterre^  il  revint  avec  lui  à  Londres,  mais  il  le  quitta  pour 
revenir  à  Paris  écrire  et  publier.  Les  congrès  qui  se  multipliaient, 
les  souverains  qui  tous  voulaient  l'avoir,  l'arrachaient  à  chaque 
instant  à  la  théorie;  Carême  était  devenu  l'homme  indispensable 
des  réunions  politiques.  Mais  les  grands  travaux  abrègent  l'exis- 
tence. «  Le  charbon  nous  tue,  disait-il,  mais  qu'importe,  moins 
d'années,  plus  de  gloire.  »  Il  mourut,  tué  en  réalité  par  son 
génie^  le  la  janvier  1833  avant  d'avoir  accompli  sa  cinquantième 
année,  laissant  des  élèves  dignes  de  lui,  entre  autres  l'excellent 
Vuillemot. 

CAROTTE.  —  Plante  potagère  de  la  famille  des  ombelli- 
fères  dont  la  racine  est  fort  en  usage  dans  les  cuisines  à  cause  de 
son  goût  qui  est  fort  agréable  ;  elle  est  sudorifique  et  apéritive, 
et  purifie  la  masse  du  sang.  La  carotte  est  saine  et  ne  produit 
d'incommodité  que  par  son  usage  immodéré ,  elle  contient  beau- 
coup d'huile  et  de  sel  essentiel  et  convient  à  tout  âge  et  à  tout 
tempérament.  On  s'en  sert  ordinairement  pour  mettre  dans  toutes 
sortes  de  potages,  pour  braises,  pour  coulis,  on  s'en  sert  aussi 
pour  des  entrées  de  viandes  en  terrines  qu'on  appelle  hochepot. 
(V.  Hochepot.)  On  doit  les  choisir  longues,  grosses,  charnues, 
jaunes  ou  d'un  blanc  pâle,  se  rompant  aisément  et  d'un  goût 
tirant  sur  le  doux. 

Ragoût  de  carottes  ou  carottes  à  la  ménagère.  —  Coupez 
vos  carottes  de  la  longueur  de  deux  doigts  et  tournez-les  en  rond, 
faites-les  cuire  dans  l'eau  un  quart  d'heure  et  mettez-les  dans 
une  casserole  avec  du  bon  bouillon,  un  verre  de  vin  blanc,  un 
bouquet  de  fines  herbes,  un  peu  de  sel.  Quand  elles  sont  cuites, 
ajoutez-y  un  peu  de  coulis  pour  lier  la  sauce,  et  servez  avec  ce 
que  vous  voulez. 


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366  CARPE. 

Carottes  à  la  flamande,  —  Faites  Blanchir  vos  tranches  de 
carottes,  faites-les  revenir  dans  le  beurre ,  mouillez  de  bouillon 
avec  sel,  poivre  et  sucre;  faites  réduire  à  glace.  Remettez  du 
beurre,  un  peu  de  sauce  tournée  et  des  fines  herbes,  faites 
bouillir  encore  un  instant,  ajoutez  croûtons  et  servez. 

Potage  aux  carottes.  —  Mettez  dans  un  pot  assez  d'eau  pour 
faire  un  grand  plat  de  potage,  et. quand  elle  sera  bouillante, 
ajoutez-y  250  grammes  de  bon  beurre  et  du  sel,  puis  un  demi* 
litron  de  pois  secs,  trois  ou  quatre  carottes  bien  nettes  coupées 
par  morceaux,  faites  cuire,  et  une  heure  avant  de  dresser,  mettez 
des  herbes  douces  telles  que  cerfeuil,  oseille,  etc.,  de  la  chi- 
corée blanche,  un  peu  de  racine  de  persil,  ciboule,  oignon,  faites 
cuire  le  tout  ensemble,  dressez  et  servez. 

Gâteau  de  carottes,  —  Faites  cuire  de  belles  carottes  avec  du 
sel,  broyez-les  et  passez-les  au  tamis  avant  de  les  faire  dessécher 
dans  une  casserole,  ajoutez-y  de  la  crème,  de  la  fécule,  un  peu 
de  fleurs  d'oranger  pralinées,  du  sucre,  des  œufs  (plus  de  jaunes 
que  de  blancs),  puis  du  beurre;  mélangez  le  tout.  Mettez-le  dans 
un  moule,  faites-le  cuire  et  renversez-le  sur  un  plat  d'entre- 
mets que  vous  ferez  accompagner  d'une  saucière  de  sabayon. 
(V.  Sabayon.)  {M.  de  Cour  champs.) 

Carottes  au  sucre.  —  Cuisez  à  l'eau,  faites  sécher,  pulvérisez, 
aromatisez,  édulcorez  avec  sucre  en  poudre,  œufs  battus,  beurre; 
cuisez  sous  four  de  campagne,  renversez  sur  plat  creux  et  servez 
chaud,  saupoudré  de  sucre. 

CARPE.  —  Poisson  d'eau  douce  de  rivière  et  d'étang  dont 
il  n'est  pas  fait  mention  par  les  Grecs  ni  par  les  Latins.  Dans  le 
Rhône  on  trouve  des  carpes  de  40  à  50  livres  dont  la  chair  est 
délicieuse.  Ce  poisson  vit  plusieurs  siècles  ainsi  qu'on  a  pu  s'en 
assurer  par  les  carpes  mises  de  la  main  de  François  I^^au  vivier  de 
Fontainebleau  ;  la  carpe  grossit  moins  dans  le  Nord  qu'à  l'Ouest  et 
au  Midi.  Dans  une  carpe  femelle  de  18  pouces  de  long,  le  docteur 
Petit  a  trouvé  342,000  œufs.  Dans  l'Orient  les  Juifs,  à  qui  on 
défend  le  caviar  d'esturgeon,  font  du  caviar  avec  des  œufs  de 
carpe.  La  plus  grosse  carpe  qu'on  ait  vue,  fut  prise  en  171 1;  elle 
pesait  70  livres. 

Me  trouvant  à  Poti,   à  l'embouchure  du   fleuve  Rioni,  le 


CARPE.  367 

Phase  des  anciens,  m'ennuyant  de  ne  manger  que  du  bélier,  j'ex- 
primais le  désir  de  changer  de  nourriture.  Vasiln,  alors  depuis 
trois  jours  à  mon  service,  me  proposa  d'aller  faire  une  pêche  dans 
le  l^c  de  Poti;  forcé  d'attendre  le  bateau  d'Odessa,  je  ne  deman- 
dais pas  mieux  que  d'occuper  un  jour  à  un  exercice  amusant. 
Nous  fîmes  à  peu  près  une  lieue  à  travers  la  forêt  et  nous  nous 
trouvâmes  sur  le  bord  du  lac  où  nous  montâmes  dans  une  barque 
de  pêcheur. 

Il  fut  convenu  qu'au  moyen  de  deux  roubles,  c'est-à-dire 
huit  francs,  elle  pécherait  à  forfait  pour  nous.  Au  bout  de  deux 
heures,  nous  avions  pris  trois  ou  quatre  cents  livres  de  poissons. 

Nous  choisîmes  les  plus  beaux,  nous  laissâmes  les  autres  à 
nos  pêcheurs  et  nous  revînmes  à  l'hôtel  de  maître  Jacob. 

La  plus  grosse  pièce  était  une  carpe  pesant  40  livres  et  un 
soudak  en  pesant  35;  nous  ouvrîmes  la  carpe,  elle  renfermait 
13  livres  d'œufs,  une  de  ses  écailles  suffisait  pour  couvrir  entiè- 
rement une  pièce  de  5  francs.  Il  fallut  12  bouteilles  de  vin  pour 
la  cuire.  C'est  le  plus  gros  poisson  de  cette  espèce  que  j'aie 
jamais  vu;  comme  elle  avait  été  pêchée  dans  un  lac  de  8  lieues 
de  tour  communiquant  avec  la  mer,  elle  ne  sentait  pas  la  vase 
et  était  sous  ce  rapport  aussi  pure  qu'une  carpe  de  rivière. 

Le  second  jour  nous  en  fîmes  cadeau  à  l'hôtelier  qui  en 
nourrit  tout  son  monde. 

Puisque  nous  venons  de  parler  de  carpes  sentant  la  vase, 
indiquons  tout  de  suite  le  moyen  de  faire  passer  ce  goût  aux 
poissons  qui  en  sont  atteints  : 

Faites  avaler  au  poisson  qui  vient  d'être  pêche,  un  verre  de 
fort  vinaigre,  et  à  l'instant  même  vous  verrez  s'établir  sur  tout 
son  corps  une  sorte  de  transpiration  épaisse  que  vous  enlèverez 
en  l'écaillant.  Quand  il  est  mort,  sa  chair  se  raffermit  et  est 
d'aussi  bon  goût  que  s'il  avait  été  péché  dans  une  eau  vive. 

Carpe  frite.  —  Écaillez  une  carpe,  fendez-la  en  deux  mor- 
ceaux par  le  dos,  videz-la,  ôtez-en  la  laite  ou  les  œufs.  Faites-la 
mariner  une  ou  deux  heures  avec  sel,  poivre,  oignon,  thym,  lau- 
rier, persil,  demi-cuillerée  de  vinaigre;  passez-la  dans  la  farine 
et  mettez-la  dans  une  friture  bien  chaude.  Votre  carpe  à  moitié 
cuite,  vous  la  farinez  à  part  et  vous  ajoutez  dans  la  friture  la 


368  CARPE. 

laite  ou  les  œufs  ;  faites  cuire  et  servez  garni  de  persil  frit  et 
saupoudré  de  sel. 

Carpe  grillée.  —  Échardez  ou  écaillez  une  carpe,  coupez-en 
les  nageoires  et  le  petit  bout  de  la  queue,  ôtez-en  les  ouïes,  videz- 
la  sans  trop  lui  ouvrir  le  ventre,  et  prenez  garde  d'en  crever 
l'amer;  ciselez-la,  passez  la  laitance  dans  du  beurre  et  des  fines 
herbes,  telles  que  persil  et  ciboules  hachées;  assaisonnez  de  sel, 
poivre,  remettez-la  dans  le  ventre  de  votre  carpe,  cousez-la, 
mettez-bc  sur  un  plat,  marinez  avec  un  peu  d'huile,  des 
branches  de  persil  et  de  ciboule  hachées,  un  peu  de  sel  fin,  puis 
faites-la  griller,  ôtez-en  les  fils,  et  servez -la  avec  une  sauce 
blanche  et  des  câpres  ou  une  maître-d'hôtel  chaude.  (V.  Sauces.) 

Carpe  aux  champignons.  —  Prenez  une  belle  carpe,  faites- 
la  cuire  avec  de  l'eau,  un  peu  de  vin,  sel  et  poivre;  quand  elle 
est  cuite  à  propos,  dressez-la  dans  un  plat  à  sec  et  avant  de  la 
servir,  jetez  par-dessus  un  ragoût  de  champignons,  laitances,  fonds 
d'artichauts,  bon  beurre,  le  tout  bien  assaisonné  de  sel,  poivre, 
fines  herbes  en  paquet,  et  servez  garni  de  croûtons  frits. 

Carpe  à  la  Chambord.  —  Ayez  une  belle  carpe  du  Rhin, 
échardez- la,  levez-en  la  peau,  videz-la  sans  lui  ouvrir  le  ventre 
en  totalité,  ôtez  lui  les  ouïes  sans  endommager  la  langue,  levez 
ensuite  le  nerf  de  la  queue,  piquez  votre  carpe  entièrement  avec 
de  l'anguille  taillée  en  petits  lardons,  ou  moitié  avec  des  truâês 
et  des  carottes  coupées  de  même;  si  vous  servez  cette  carpe  au 
gras,  piquez-la  de  lard,  de  truffes  ou  de  carottes,  mettez-la  dans 
une  poissonnière,  mouillez-la  d'une  braise  maigre  et  faites  cuire, 
^mettez  ensuite  dans  une  casserole  trois  tasses  d'espagnole 
maigre  et  une  demi-bouteille  de  vin  blanc  de  Champagne,  faites 
réduire  votre  sauce,  dégraissez-la,  mettez  des  champignons 
tournés,  des  truffes,  des  laitances  de  carpes,  des  quenelles,  de 
l'anguille  coupée  par  tronçons,  faites-mijoter  un  quart-d'heure 
votre  ragoût  et  finissez-le  avec  du  beurre  d'anchois,  égouttez 
votre  carpe,  dressez-la,  mettez  vos  garnitures  autour,  joignez-y 
des  écrevisses,  décorez-en  votre  carpe,  saucez-la,  glacez-la  et 
servez.  Si  c'est  au  gras,  ajoutez-y  des  ris  de  veau  piqués,  dés 
pigeons  à  la  Gautier  ou  des  cailles,  si  c'est  la  saison,  des  crêtes 
et  des  rognons  de  coq. 


CARPL.  ^69 

Carpe  à  la  daube.. —  Faites  une  farce  avec  la  chair  de 
deux  soles  et  d'un  brochet  désossés,  hachez  bien  cette  chair  avec 
un  peu  de  ciboule  et  fines  épices,  sel,  poivre^  muscade,  beurre 
frais  et  un  peu  de  mie  de  pain  trempée  dans  de  la  crème;  liez 
votre  farce  avec  des  jaunes  d'oeufs,  emplissez  une  belle  carpe  de 
cette  farce,  et  faites-la  cuire  à  petit  feu  avec  du  vin  blanc,  assai- 
sonnez de  sel,  poivre,  clous  de  girofle,  citron  vert,  un  bouquet 
de  fines  herbes  et  bon  beurre  frais. 

Faites  un  ragoût  de  champignons,  morilles,  truffes,  mousse- 
rons, fonds  d'artichauts,  laitances  de  carpes,  queues  d'écrevisses, 
passé  à  rétamine  après  avoir  bouilli  deux  ou  trois  tours  dans  une 
casserole  avec  un  peu  de  coulis  ou  de  bouillon  de  poisson,  vous 
faites  mitonner  vos  filets  dans  cette  sauce  bien  assaisonnée  de 
champignons,  sel,  poivre,  fines  herbes  et  servez. 

Vous  les  faites  aussi  aux  concombres  en  liant  vos  con- 
combres marines  et  cuits  dans  une  casserole  avec  bon  beurre  et 
bouillon  de  poisson,  avec  un  bon  coulis^  vous  faites  mitonner 
vos  filets  dans  cette  liaison  et  vous  les  servez  chaudement  pour 
entrée. 

Laitances  de  carpes  frites,  —  Vous  supprimez  les  boyaux 
de  15  à  18  laitances  de  carpes,  puis  vous  les  mettez  dégorger  dans 
l'eau  en  les  changeant  plusieurs  fois  afin  qu'elles  soient  bien 
blanches  ;  vous  mettez  dans  une  casserole  de  l'eau,  un  filet  de 
vinaigre  et  une  pincée  de  s^l,  mettez-y  vos  laitances,  quand  vous 
la  voyez  bouillir,  faites^leur  jeter  un  bouillon,  trempez-les  dans 
une  pâte  légère,  faites-les  frire  d'une  belle  couleur  et  servez-les 
avec  du  persil  frit. 

Carpe  à  la  hussarde.  —  Prenez-une  belle  carpe,  ouvrez-la 
le  moins  que  vous  pourrez  pour  la  vider,  mettez  dans  le  corps  du 
beurre  manié  avec  des  fines  herbes  hachées  et  assaisonnées  de  bon 
goût  ;  faites  mariner  votre  carpe  avec  fines  herbes,  huile  fine, 
thym,  basilic;  quand  elle  aura  bien  pris  le  goût  de  sa  marinade, 
faites-la  griller  et  servez  avec  une  sauce  rémoulade.  (V.  Sauce 
Kemoulade.) 

Carpe  en  poupeton.  —  Dépouillez  une  anguille  et  une 
carpe,  gardez-en  les  peaux  et  hachez^en  les  chairs;  mettez  celle 
de  la  carpe  avec  de  la  mie  de  pain  passée  sur  le  feu  et  avec  de  la 

«4 


370  CARPE. 

crème f  ajoutez-y  un  morceau  de   beurre,  persil,  ciboule,   sel, 
poivre  et  liez  le  tout  avec  $ix  jaunes  d'œufs. 

Prenez  ensuite  Tanguille  que  vous  coupez  par  filets  et  passez* 
la  au  beurre,  avec  champignons,  truffes,  un  bouquet  garni,  une 
pincée  de  farine,  un  peu  de  jus  maigre  et  un  demi-verre  de  vin 
de  Champagne  :  faites  cuire  ce  ragoût  avec  bon  assaisonnement, 
et  quand  la  sauce  est  bien  réduite^  mettez-la  refroidir.    . 

Mettezdans  le  tond  d'une  poupe tonnière,  une  feuille  de  papier 
beurré.  Mettez  dessus  les  peaux  de  la  carpe  et  de  Tanguille 
entremêlées,  le  côté  de  l'écaillé  en  dessous,  garnissez  bien  le  tour 
et  le  fond  de  votre  poupetonnière,  mettez  ensuite  de  la  farce  de 
carpe  partout  sur  les  peaux  de  l'épaisseur  d'un  doigt  et  le  ragoût 
froid  de  Tanguille  au  milieu,  recouvrez-le  avec  la  tarce  et  les 
peaux  de  carpe,,  mettez  dessus  une  feuille  de  papier  et  faites 
cuire  au  four.  Quand  votre  poupeton  sera  cuit,  dressez-le  sur 
un  plat,  ôtez-  en  le  papier  et  la  graisse  et  servez  par-dessus  une 
sauce  hachée  avec  un  jus  de  citron. 

Matelotes  de  carpes  et  d'anguilles.  —  (V.  Matelote 
d'anguilles.) 

Hachis  de  carpes.  —  Écaillez,  videz  et  écorchez  vos  carpes 
prenez-en  la  chair  que  vous  hacherez  avec  sel,  poivre,  fines 
herbes,  champignons,  laitances  et  fonds  d'artichauts.  Votre  hachis 
fait,  passez-le  en  casserole  au  blanc,  ajoutez  un  peu  de  bouillon 
de  poisson  ou  de  la  purée  claire,  laissez-le  bien  mitonner,  tirez-le 
et  servez  pour  entrée  avec  un  jus  de  citron  garni  de  champignons 
frits  ou  câpres  ou  andouillettes  de  poisson. 

Q4utre  hachis  de  carpes.  —  La  chair  de  votre  carpe  étant 
bien  hachée,  comme  on-  vieiït  de  le  dire,  mettez-la  dans  une 
casserole  sur  le  feu,  remuez  avec  une  cuiller  pour  la  faire  un 
peu  dessécher.  Videz-la  ensuite  sur  une  table,  mettez-y 
beurre  frais,  persil,  ciboule,  champignons,  hachez  le  tout 
ensemble,  faites  ensuite  un  roux  dans  une  casserole  avec  un 
morceau  de  beurre  et  une  pincée  de  farine,  mettez-y  votre 
hachis  avec  sel,  poivre,  une  tranche  de  citron,  remuez  toujours 
afin  qu'il  ne  s'attache  pas,  mouillez  d'un  peu  de  bouillon  de 
poissoji  et  servez  chaudement;  mettez,  si  vous  en  avez,  trois  ou 
quatre  cuillerées  de  coulis  de  poisson. 


CARPE.  371 

Fricandeau  de  carpes.  -—  Après  avoir  enlevé  la  peau  de 
votre  carpe,  levez-en  les  chairs  et  ne  laisse*  que  la  colonne  verté- 
brale ;  si  c'est  au  gras,  piquez  vos  chairs  de  menu  lard,  coupez- 
les  par  grenadins  et  marquez-les  de  même  (v.Grenadins  de  veau); 
si  c'est  au  maigre  vous  les  piquez  de  lardons  d'anguilles,  foncez 
votre  casserole  avec  du  beurre,  ajoutez-y  tranches  d'oignons, 
lames  de  carottes,  vin  blanc  et  bouillon  de  poisson  maigre,  posez 
votre  poisson  sur  ce  tond,  couvrez-le  d'un  papier  beurré  et 
faites-le  cuire  feu  dessus  et  dessous  comme  un  fricandeau.  Quand 
il  est  cuit,  égouttez-le  et  tirez  par  les  gros  bouts  les  côtes  de 
votre  carpe  en  prenant  bien  soin  qu'il  n'en  reste  aucune,  vous 
glacez  ensuite  vos  fricandeaux  et  les  servez  sur  une  purée  de 
champignons,  d'oseille  ou  d'oignons. 

Filets  de  carpes,  —  Vous  coupez  votre  carpe  en  filets 
que  vous  mettez  mariner  et  que  vous  trempez  ensuite  dans 
une  pâte  claire  ou  poudrés  seulement  de  farine,  vous  les  faites 
frire  au  beurre  affiné  et  servez  garnis  de  persil  frit.] 

Vous  pouvez  aussi  manger  ces  filets  à  la  sauce  blanche  que 
vous  faites  avec  une  liaison  de  carpe  et  de  mie  de  pain,  le  tout 
passé  auparavant  à  la  casserole,  avec  beurre  frais  et  assaisonné  de 
bon  goût.  Mettez  dedans  un  bon  coulis  d'écrevîsses. 

Votre  carpe  cuite,  dressez-la  sur  un  plat  ovale,  versez  votre 
ragoût  par-dessus  et  servez. 

Carpe  farcie,  —  Levez  les  chairs,  décarcassez  en  majeure 
partie,  conservez  tête  et  queue  avec  trois  doigts  d'arêtes.  De  ces 
chairs  et  de  celles  d'une  ou  deux  autres  petites  carpes  faites  une 
farce  (comme  à  l'article  Quenelles  de  carpes)^  étendez  de  cette  farce 
dans  le  fond  d'un  plat,  mettez  aux  deux  bouts  la  tête  et  la  queue; 
faites  un  salpicon  maigre  ou  gras,  avec  lequel  vous  remplacerez 
le  ventre  de  votre  carpe,  ou  un  ragoût  de  laitances  de  carpes,  le 
tout  à  froid,  couvrez  ce  salpicon  de  votre  farce,  donnez-lui  la  forme 
d'une  carpe,  unissez-bien  votre  farce  avec  votre  couteau  trempé 
dans  l'œuf,  dorez-la  avec  deux  œufs  entiers  et  battus,  ayez  une 
cuiller  à  bouche,  trempez-la  dans  le  reste  de  votre  dorure  et 
formez  avec  la  pointe  les  écailles  de  votre  carpe;  enveloppez  la 
tête  et  la  queue  d'un  papier  beurré  ;  une  heure  avant  de  servir, 
mettez  votre  carpe  daus  un  four  moyennement  chaud,  donnez- 


37» 


CARPE. 


lui  une  belle  couleur,  ôtez  le  papier,  nettoyez  les  bords  de  votre 
plat,  saucez-la,  soit  d'une  bonne  espagnole  réduite,  maigre  ou 
grasse,  soit  d'un  ragoût  de  laitances^  de  fonds  d'artichauts  et  de 
champignons  et  servez  (méthode  de  M.  Beauvilliers). 

Q4utre  carpe  farcie.  —  Fendez  votre  carpe  le  long  de 
répine  du  dos,  séparez  la  peau  d'avec  la  chair,  y  laissant  la  tète 
et  la  queue,  faites  une  farce,  avec  de  la  chair  d'anguille,  assai- 
sonnée de  sel,  poivre,  bon  beurre  frais,  fines  herbes,  champignons, 
clous  de  girofle,  muscade,  thym,  le  tout  haché  bien  menu,  mêlez- 
y  des  laitances  de  carpe  et  faites  votre  farce. 

Votre  farce  faite,  garnissez-en  la  peau  de  votre  carpe  comme 
ci-dessus,  cousez-la,  et  mettez  cuire  votre  carpe  au  four  ou  dans 
une  casserole  avec  bon  beurre,  bouillon  de  poisson  ou  purée 
claire,  bon  assaisonnement  et  farine  frite  pour  liaison,  quand 
elle  est  cuite,  servez-la  sur  un  plat,  la  sauce  dessus  et  entourée 
de  la  garniture  qu'il  vous  plaira. 

Carpe  au  bleu  -ou  au  court  bouillon.  —  Ayez  une  carpe  que 
vous  aurez  soin  de  vider  sans  trop  lui  ouvrir  le  ventre,  sans  lui 
crever  l'amer  et  sans  endommager  ses  écailles;  6ttz  ses  ouïes  avec 
ménagement  afin  de  ne  pas  gâter  la  langue,  faites  bouillir  un 
demi-setier  de  vinaigre  rouge  avec  lequel  vous  arroserez  votre 
carpe  placée  dans  une  poissonnière  de  sa  dimension  ;  mouillez-la 
ensuite  d'une  braise  grasse  ou  maigre,  couvrez-la  d'un  papier 
beurré  et  faites-la  cuire  à  petit  feu,  égouttez-la  quand  elle  sera 
cuite,  posez-la  sur  une  serviette  étendue  sur  le  plat,  entourez-la 
de  persil  et  servez. 

Carpe  à  la  piémontaise.  —  Prenez  une  belle  carpe,  videz- 
la  et  ôtez-en  les  ouïes,  ciselez-la  des  deux  côtés,  faites-la  mariner 
avec  de  l'huile,  sel,  poivre,  persil,  ciboules  entières,  tranches 
d'oignons,  ail,  échalotes  en  tranches,  thym,  basilic,  laurier  et 
laissez-la  dans  la  marinade  pendant  deux  heures. 

Faites-la  ensuite  griller  en  l'arrosant  de  temps  en  temps 
avec  sa  marinade,  passez  des  truffes  et  des  champignons  avec  un 
morceau  de  beurre,  un  bouquet  garni,  une  pincée  de  farine, 
mouillez  avec  du  bon  jus,  ajoutez-y  des  fonds  d'artichauts  blanchis 
à  moitié  cuits,  de  petits  oignons  blancs  et  un  demi-verre  de  vin 
de  Champagne. 


CARPE.  373 

Quand  votre  ragoût  est  cuit,  la  sauce  réduite ,  liez  avec 
trois  jaunes  d'oeufs  et  de  la  crème,  pressez-y  un  jus  de  citron,  et 
dressez  votre  carpe  dans  un  plat  avec  le  ragoût  autour. 

Carpe  à  la  flamande.  —  Habillez  proprement  votre  carpe, 
coupez  une  anguille  en  lardons  bien  assaisonnés  de  fines  herbes 
hachées,  sel,  fines  épices,  lardez-en  la  carpe,  mettez  dans  une 
casserole  champignons,  truffes,  petits  oignons  blanchis  avec  un 
morceau  de  beurre,  un  bouquet  de  toutes  sortes  de  fines  herbes, 
une  pincée  de  farine;  mouillez  votre  ragoût  avec  du  jus  maigre 
et  une  demi-bouteille  de  vin  de  Champagne.  Quand  il  est  à 
moitié  cuit  mettez-y  la  carpe  pour  achever  de  cuire  ;  si  la  sauce 
n'est  pas  encore  assez  réduite,  poussez-la  à  grand  feu,  mettez-y 
des  câpres  et  servez  la  carpe  au  milieu,  le  ragoût  autour. 

Carpe  à  la  bière  ou  à  la  moscovite.  —  Coupez  votre  carpe 
en  trois  morceaux,  après  Tayoir  proprement  arrangée,  mettez-la 
dans  une  casserole  avec  une  bouteille  de  bonne  bière,  un  verre 
d'eau-de-vie,  un  morceau  de  beurre  fin  manié  avec  un  peu  de 
fiirine,  un  bouquet  de  persil,  ciboules,  ail,  clous  de  girofle,  thym, 
laurier,  basilic,  oignons  coupé»  en  filets,  sel,  poivre,  faites  cuire 
à  grand  feu  et  servez  quand  la  sauce  est  bien  réduite  et  après 
avoir  ôté  le  bouquet. 

Carpe  à  la  bourguignonne.  —  Après  avoir  habillé  une 
grosse  carpe,  dont  vous  conservez  le  sang  dans  une  casserole, 
vous  la  lavez  en  dedans  avec  un  peu  de  bon  vin  rouge  que  vous 
faites  ensuite  tomber  dans  la  casserole  ou  est  le  sang.  Mettez 
ensuite  la  carpe  dans  un  plat  et  piquez-la  partout,  afin  d'y  faire 
pénétrer  le  sel  fin,  laissez-la  deux  heures  dans  son  sel,  puis  mettez- 
la  dans  une  poissonnière  avec  quelques  tranches  d'oignons  dans 
le  fond,  un  bouquet  garni  et  une  bouteille  de  vin  de  Bourgogne. 
Faites  cuire  à  petit  feu. 

Quand  elle  est  cuite,  passez  son  court  bouillon  dans  un  tamis 
et  versez-le  dans  la  casserole  où  est  le  sang,  en  y  joignant  un  bon 
morceau  de  beurre  manié  de  farine,  et  vous  faites  bouillir  à  grand 
feu,  jusqu'à  forte  réduction;  ajoutez-y  un  anchois  haché,  muscade 
râpée  et  câpres  entières.  Dressez  ensuite  votre  carpe  sur  un  plat 
et  masquez-la  de  cette  sauce. 

Carpe  à  la  Chambord  garnie  de  volaille*  et  de  truffes.  — 


374  CARPE. 

Choisissez  une  belle  carpe,  écaillez-la,  6rez  les  ouïes,  prenez 
garde  de  gâter  la  langue,  ouvrez-la  sur  le  côté,  ôtez-en  Tamer^ 
dépouillez-la  le  plus  légèrement  que  vous  pourrez  du  càté  où 
elle  n'est  pas  ouverte ,  piquez-la  ensuite  de  lard  le  plus  dru  que 
vous  pourrez,  remplissez-la  d'un  ragoût  de  riz  de  veau,  foies 
gras,  truffes,  liez  d'une  bonne  essence.  Cousez-la  bien  pour 
empêcher  le  ragoût  de  s'échapper  et  laissez  passer  un  bout  de 
ficelle  par  la  tête. 

Foncez  une  grande  poissonnière  de  veau  et  de  jambon, 
assaisonnez  de  sel,  poivre,  clous  de  girofle,  bouquet  garni; 
racines  et  oignons  ;  mettez  la  carpe  sur  une  feuille  de  papier 
beurré,  couvrez-la  de  bardes  de  lard  et  faites  cuire  sur  la  braise, 
mouillez-la  ensuite  d'une  bouteille  de  vin  de  Champagne,  un  peu 
de  bouillon  et  faites  cuire  à  petit  feu  pendant  trois  ou  quatre 
heures. 

Quand  elle  est  cuite,  laissez-la  refroidir  et  glacez-la  avec 
une  cuiller  de  bois  que  vous  trempez  de  temps  en  temps  dans  la 
glace  et  que  vous  promenez  ainsi  partout.  Quand  elle  est  bien 
glacée  et  égouttée,  dressez-la  surfin  très-grand  plat.  Garnissez- 
la  alors  de  six  petits  poulets  glacés,  de  quatre  perdreaux* farcis 
de  leurs  foies  et  cuits  à  la  broche ,  de  douze  pigeons  naissants 
cuits  dans  un  blanc  et  achevez  de  la  faire  cuire  dans  une  bonne 
essence  où  vous  aurez  cuit  huit  belles  truffes  entières.  Entre- 
mêlez les  pigeons,  les  poulets,  les  perdreaux  et  les  truffes,  versez 
par-dessus  une  grande  essence  de  bon  goût  avec  le  jus  de  deux 
oranges  et  servez. 

Carpe  piquée  aux  crêtes.  —  Prenez  une  carpe  d'une  bonne 
grosseur,  piquez-la,  glacez-la  et  servez  autouf  un  ragoût  de 
crêtes.  Vous  prenez  des  crêtes,  vous  les  passez  et  les  faites  cuire 
à  moitié  dans  un  blanc  que  vous  faites  en  prenant  une  cuillerée  à 
bouche  de  farine  que  vous  délayez  avec  du  bouillon  ;  mettez-y  la 
moitié  d'un  citron  en  tranches ,  du  sel ,  retirez-les  quand  elles 
sont  à  moitié  cuites,  achevez  de  les  cuire  dans  une  bonne  essence 
et  servez  avec  un  jus  de  citron. 

Carpe  piquée  entière  glacée^  garnie  de  truffes, — Écaillez,  videz 
une  grosse  carpe  par  le  côté ,  faites-la  piquer  de  l'autre  et  faites- 
la  cuire  dans  un*bon  bouillon,  un  demi-setier  de  vin  blanc,  un 


CARPE.  375 

bouquet  garni  et  glacez-la  comme  un  fricandeau  ;  quand  elle  est 
bien  glacée,  vous  la  dressez  et  servez  tout  auto.ur  un  ragoût 
de  truffes  que  vous  faites  en  prenant  des  truffes  que  vous  coupez 
par  tranches  et  que  vous  faites  cuire  dans  de  bon  bouillon  avec 
un  bouquet.  Quand  elles  sont  cuites,  vous  y  ajoutez  du  coulis 
pour  que  la  sauce  soit  de  bon  goût  et  servez  avec  un  jus  de 
citron. 

Carpe  rôtie  à  la  broche.  —  Choisissez  une  belle  carpe 
laitée,  habillez-la  à  l'ordinaire,  faites  une  farce  avec  la  laitance, 
chair  d'anguille,  anchois,  champignons,  marrons,  chapelure  de 
pain,  oignons,  oseille,  persil,  thym,  poivre,  clous  de  girofle  et 
bon  beurre  frais  ;  farcissez-en  votre  carpe ,  recousez  l'ouverture , 
piquez-la  de  clous  de  girofle  et  de  feuilles  de  laurier,  enve- 
loppez-la de  papier  beurré,  embrochez- la.  et  arrosez -la  en 
cuisant  de  beurre  délayé  avec  du  verjus  ou  mieux  encore  avec 
du  lait  chaud  et  du  vin  blanc;  servez-la  quand  elle  est  cuite 
et  jetez  dessus  un  ragoût  de  champignons,  laitances,  truffes, 
morilles  et  autres  choses  semblables,  le  tout  assaisonné  de  bon 
goût. 

Casserole  de  carpes.  —  Ayez  un  hachis  préparé  comme  celui 
dont  nous  avons  parlé  au  hacf\jis  de  carpe  ^  remplissez-en  une 
belle  carpe  proprement  habillée ,  mettez-la  cuire  dans  une 
casserole  avec  du  vin  blanc,  sel,  poivre,  clous  de  girofle,  citron 
vert  et  paquet  de  fines  herbes. 

Quand  elle  est  cuite,  dressez-la  à  sec  dans  un  plat,  mettez 
dessus  un  ragoût  fait  avec  champignons,  truffes,  morilles,  fonds 
d'artichauts ,  laitances ,  le  tout  passé  à  la  casserole  avec  beurre 
frais  et  bien  assaisonné,  et  servez  votre  carpe  pour  grande  entrée 
avec  laitances  frites  ou  morceaux  d'anguille  marinée  et  tranches 
de  citron. 

Pâté  de  carpes.  —  Habillez-vos  carpes,  lardez-les  de  lardons 
d'anguille,  assaisonnez-les  de  bon  beurre,  sel,  poivre,  clous  de 
girofle,  laurier,  muscade;  faites  une  abaisse  de  pâte  fine  de  la 
longueur  de  vos  carpes  que  vous  dresserez  dessus,  couvrez-les  d'une 
autre  abaisse  et  faites  cuire  à  petit  feu  ;  versez  un  \trr^  de  vin 
blanc  quand  votre  pâté  sera  à  moitié  cuit. 

Vous  pouvez  aussi  farcir  vos  carpes.  Comme  il  est  dit  à 


376  CARRELET. 


Tarticle  :  Carpes  farcies,  et  le  pâté  étant  cuit,  y  jeter  un  ragoût 
d'huîtres  bien  dégraissé.  (V.  Huîtres.) 

Tourte  de  carpes.  —  Choisissez  une  bonne  carpe,  écaillez- 
la,  6tez-en  les  ouïes  et  fendez-la,  coupez-la  par  tranches,  faites 
une  abaisse  d'un  demi-feuilletage  et  foncez-en  une  tourtière; 
faites  un  godiveau  d'anguille,  dans  le  fond,  assaisonnez  de  sel, 
poivre,  fines  épices,  un  peu  de  fines  herbes,  mettez  votre  carpe 
dessus  avec  le  même  assaisonnement  et  un  peu  de  beurre  frais; 
couvrez  d'une  abaisse  de  même  pâte  avec  une  bordure,  frottez-la 
d'un  œuf  battu  et  mettez  cuire  au  four  ou  sous  un  couvercle, 
feu  dessus  et  dessous.  Quand  votre  tourte  est  cuite,  découvrez-la 
dégraissez-la  bien,  jetez-y  un  ragoût  de  laitance,  recouvrez  et 
servez  chaudement. 

Sauté  de  filets  de  carpes.  — Tirez  filets,  dépouillez,  coupez 
en  carrés ,  arrangez  sur  sautoir,  faites  chauffer  à  feu  vif,  retour- 
nez, égouttez,  dressez  en  miroton  avec  purée  ou  poivrade  et 
servez. 

Langues  et  laitances  de  carpes.  —  Mettez  dans  une  casserole 
du  beurre,  des  champignons,  une  tranche  de  jambon,- un  bou- 
quet de  fines  herbes  et  le  jus  d'un  citron,  laissez  mijoter  ce 
ragoût  quelque  temps  et  à  petit  feu ,  joignez-y  un  peu  de  farine, 
vos  langues  et  vos  laitances  de  carpes  et  un  peu  de  bon  bouillon  ; 
laissez  bouillir  le  tout  environ  un  quart  d'heure,  assaisonnez  avec 
du  poivre  et  du  sel.  La  cuisson  faite,  vous  l'épaississez  avec  une 
liaison  de  deux  ou  trois  jaunes  d'oeufs ,  d'un  peu  de  crème  et  de 
persil  blanchi. 

Quenelles  de  carpes.  —  Épluchez,  préparez  et  hachez 
anguille  et  carpeaux,  faites-en  des  quenelles,  avec  anchois,  eî 
ser^'ez  avec  une  béchamel.  (V.  Quenelles), 

Q4spic  de  laitances  de  carpes., —  Préparez  votre  aspic  comme 
il  est  indiqué  pour  les  crêtes  et  rognons  de  coqs ,  et  servez-vous 
pour  le  remplir  de  laitances  de  carpes  cuites  dans  un  bon  assai- 
sonnement. 

CARRELET.  —  Poisson  de  mer  appelé  ainsi  parce  que 
plutôt  qu'un  autre  il  approche  de  la  forme  d'un  losange  dont  les 
angles  seraient  arrondis  ;  les  yeux  sont  placés  sur  la  partie  gauche 
de  sa  tête,  l'ouverture  de  sa  gueule  est  très-ample,  le  côté  gauche 


CARRELET.  yjn 


du  corps  est  couleur  cendré  mêlé  de  noir,  le  côté  droit  est  blanc; 
la  chair  est  blanche,  molle,  fort  humide  et  délicate,  préférable  à 
celle  de  la  limande ,  mais  s'altérant  facilement  par  le  transport. 

Carrelets  à  la  bonne  eau,  —  Faites  bouillir  pendant  un 
quart  d'heure  dans  trois  litres  d'eau  salée,  à  la  hollandaise,  * 
c^est-à-dire  à  Teau  de  racines  de  persil,  servez  dans  un  plat 
creux,  dans  une  partie  de  son  mouillement,  parez-le  avec  des 
branches  de  persil  blanchies  ;  placez  près  de  lui  une  sauce  hollan- 
daise. 

Carrelets  au  gratin,  —  Ce  poisson  aqueux  et  peu  consistant 
n'est  vraiment  bon  qu'au  gratin. 

Mettez  sur  un  plat  un  morceau  de  beurre  frais,  des  fines 
herbes  hachées,  des  quatre  épices  ;  appliquez  dessus  votre  poisson 
arrosé  de  vin  blanc  et  masqué  de  chapelure,  puis  faites  cuire  sous 
un  four  de  campagne. 

Carrelets  matelote  normande,  —  Mettez  sur  un  plat  foncé 
de  beurre  frais,  avec  persil  et  oignons,  un  carrelet  limoné  du 
dos.  Versez  une  bouteille  de  cidre,  ajoutez-y  une  ou  deux 
douzaines  d'huîtres,  une.  douzaine  de  moules,  des  crevettes,  et 
faites  cuire  à  feu  doux.  Arrosez  de  son  jus. 

N.  B.  Ne  craignez  pas,  si  vous  voulez  faire  une  véritable 
matelote  normande,  de  substituer  le  cidre  mousseux  au  vin 
blanc;  c'est  cette  substitution  qui  lui  donne  tout  son  cachet. 

Carrelet  comme  on  le  sert  en  Hollande.  —  Coupez  un 
carrelet  dans  sa  longueur  ;  puis  ces  deux  moitiés  en  six  ou  huit 
parties  dans  le  sens  opposé;   faites   cuire  à   l'eau  de  sel  avec, 
persil ,  et  dressez  sur  un  plat  foncé  d'une  serviette. 

Passons  à  sa  sauce,  que  vous  servirez  pour  conserver  sa    . 
couleur  locale,  non  pas  dans  une  grande  saucière  d'argent,  mais 
dans  un  bol  du  Japon,  ou  dans  une  jatte  de  la  Chine. 

Épluchez  de  l'oseille ,  et  ne  gardez  que  les  feuilles  ;  mettez- 
les  dans  une  passoire  que  vous  plongerez  deux  fois  dans  l'eau 
bouillante,  et  vous  ferez  ajouterez  ces  feuilles  blanchies  à 
2ÇO  grammes  de  beurre  frais  que  vous  ferez  fondre  au  bain-marie. 

Filets  de  carrelets  à  la  Orly.  —  Levez  les  filets  de  quatre 
petits  carrelets,  faites  mariner  dans  du  jus  de  citron,  avec  sel  et 
gros  poivre;  de  leurs  arêtes  et  de  leurs  débris,  tirez  un  bon 


378  CASSEROLE. 


consommé  fait  avec  du  vin  blanc,  farinez  et  faites  frire  vos 
carrelets  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  d'une  belle  couleur ,  arrosez  du 
consommé  que  vous  aurez  tiré  des  arêtes,  et  qui,  clarifié,  servira 
de  sauce. 

Carrelets  grillés,  —  Videz,  lavez,  huilez,  salez,  poivrez, 
grillez  sur  chalumeau,  dressez  et  masquez  de  sauce  blanche  aux 
câpres  ou  de  sauce  brune  au  jus  de  racines  avec  boutons  de  capu- 
cines au  vinaigre.  Enfin  chapelurez  afin  de  lier  ladite  sauce. 

CASSEROLE.  —  Que  serait  l'art  culinaire  sans  la  casserole, 
qui  en  est  d'abord  le  principal  ornement  ?  Ce  qu'il  était  du  temps 
des  patriarches,  où  la  broche  suffisait  pour  faire  rôtir  les  viandes, 
et  la  marmite  pour  les  faire  bouillir;  mais  la  casserole  est  sans 
contredit  l'arme  favorite,  le  talisman,  la  bonne  fortune  d'un  cui- 
sinier. Les  splendides  repas  des  Verres,  des  Lucullus,  des  Néron, 
des  Vitellius,  des  Domitien,  des  Apicius,  ne  se  faisaient  certes 
pas  sans  casserole,  car  on  ne  peut  penser  que  ces  grands  gour- 
mands ne  vivaient  que  de  viandes  rôties  ou  grillées  et  de  légumes 
bouillis. 

En  France  la  casserole  tsX  plus  en  honneur  que  partout 
ailleurs;  on  sait  que  les  Espagnols  ne  vivent  que  de  chocolat,  de 
garbanços  ^X  de  lard  rance  ;  les  Italiens  de  macaroni  ;  les  Anglais 
de  roast  beef  et  de  pudding;  les  Hollandais  de  viande  cuite  au 
four,  dé  pommes  de  terre  et  de  fromage  ;  les  Allemands  de  chou- 
croute et  de  lard  fumé;  aussi  la  casserole  a-t-elle  fait  chez  nous 
la  réputation  de  plusieurs  de  ceux  qui  l'ont  mise  en  œuvre  avec 
le  plus  de  talent  :  les  Mignot,  les  Robert,  les  Miot,  les  Beau- 
villiers,  les  Véry,  les  Carême,  etc.;  et  de  ceux  qui  l'ont  célébrée, 
tels  que  les  Grimod  de  la  Reynière,  les  Berchoux,  les  Brillât- 
Savarin,  dont  les  œuvres  resteront  à  la  postérité. 

Il  est  inutile  de  recommander  à  tout  cuisinier  de  tenir  tou- 
jours bien  proprement  ses  casseroles;  la  moindre  détérioration 
suffirait  pour  gâter  ou  affecter  d'un  mauvais  goût  les  aliments 
qui  doivent  y  cuire.  Les  casseroles  de  cuivre  sont  les  plus  géné- 
ralement employées  dans  les  cuisines,  à  cause  de  leur  solidité; 
mais  si  vous  ne  les  entretenez  continuellement  ou  si  vous  y  laissez 
refroidir  des  viandes  ou  de  la  graisse,  vous  vous  exposez  au 
danger  d'être  empoisonné. 


CASSEROLE.   AU    RIZ  379 


On  donne  aussi  le  nom  de  casseroles  à  plusieurs  préparations 
culinaires  dont  nous  allons  indiquer  les  principales. 

CASSEROLE  AU  RIZ  A  LA  BOURGEOISE.  —  Braisez 
un  morceau  de  viande  cuit,  égoutté,  dressez-le,  couvrez-le  de 
riz  croquant  avec  bouillon  arrosé  de  lard,  formez  une  masse 
demi*ronde  et  mettez  au  four  afin  que  la  croûte  soit  bien  formée, 
et  servez  à  sec. 

Casserole  au  ri^  à  la  reine.  —  Hachez  les  blancs  de  deux 
poulardes  avec  champignons,  cuisez^  pilez,  délayez  ;  vous  passez 
cette  purée  avec  de  la  béchamel  travaillée  de  consommé  de 
volaille  à  l'essence  de  champignons,  à  Tétamine  blanche,  et  la 
mettez  au  bain-marie  afin  qu'elle  devienne  presque  'bouillante 
sans  ébullition;  versez-la  ensuite  dans  votre  casserole  au  riz; 
placez  dessus  en  couronne,  et  pour  servir  de  couvercle,  six  œufs 
frais  pochés  à  leau  bouillante  avec  sel  et  un  demi-litre  de  vinaigre, 
placez  en  travers  sur  chaque  œuf  un  filet  mignon  de  poulets  à 
la  Conti,  Masquez  le  milieu  des  œufs  avec  un  peu  de  béchamel, 
glacez  légèrement  et  servez. 

Casserole  de  ri\  garnie  d'un  ananas  formé  de  pommes.  — 
Nous  empruntons  à  l'excellent  livre  de  M.  de  Courchamps  la  pré- 
paration de  cet  aliment.  Vous  faites  cuire  360  grammes  de  riz  de  la 
Caroline  avec  de  l'eau,  du  beurre  et  du  sel;  le  riz  étant  prêt,  vous 
le  séparez  en  deux  parties  :  de  Tune  vous  formez  un  dôme  plat 
du  dessus  et  cannelé  autour,  puis  de  l'autre  partie  vous  formez 
un  second  dôme,  le  bord  évasé,  afin  de  former  la  coupe.  Vous 
faites  cuire  ces  deux  petites  casseroles  au  riz  à  four  chaud  et 
leur  donnez  une  belle  couleur  blonde;  vous  les  videz  parfaite- 
ment, mais  par-dessous,  alors  vous  remplissez  le  dôme  cannelé 
avec  du  riz  (180  grammes  préparés  selon  la  règle),  et  vous 
mettez  au  milieu  des  pommes  coupées  en  quartier;  vous  retournez 
le  moule  sens  dessus  dessous  sur  son  plat  d'entremets,  vous  pla- 
cez alors  par-dessus,  la  coupe  ;  avec  la  pointe  d'un  couteau  vous 
ôtez  le  fond  des  deux  casseroles  au  riz  qui  se  trouvent  Tune  sur 
l'autre  et  vous  garnissez  ensuite  le  fond  et  les  parois  de  la  coupe 
de  manière  qu'elle  figure  un  vase  oîr  vous  placez  le  reste  du  riz 
en  forme  d'ananas  en  groupant  à  l'entour  de  ce  riz  des  quartiers 
de  pommes  cuites  dans  du  sucre  au  caramel  afin  de  les  colorer 


38o  CAVAILLON. 


en  )aune.  Quand  vous  les  aurez  coupées  en  forme  de  tètes  de 
clous,  de  manière  qu'ils  imitent  un  corps  d'ananas  sur  lequel 
•vous  placerez  une  couronne  de  longues  tiges  d'angélîque,  gar- 
nissez le  pourtour  avec  des  feuilles  de  biscuits  aux  pistaches.  Au 
moment  du  service,  vous  masquez  légèrement  la  surface  de  la 
croûte  de  la  casserole  au  riz  avec  de  la  marmelade  d'abricots  bien 
transparente,  de  même  couleur  que  Tananas.  On  peut  servir  ce 
bel  entremets  froid  ou  chaud. 

CASSONADE.  —  Sucre  non  encore  purifié;  ce  nom  lui 
vient  de  ce  que  les  Portugais  du  Brésil  qui  la  livraient  au  com- 
merce, l'apportaient  dans  des  caisses  qu'ils  appelaient  casses.  La 
cassonade  ne  diffère  du  sucre  en  poudre  que  par  son  état  pulvé- 
rulent et  sa  moins  grande  pureté,  elle  contient  une  certaine  quan- 
tité de  mélasse  qui  la  rend  oléagineuse;  la  cassonade,  quoique 
contenant  moins  de  sucre  pur  que  le  sucre  en  pain,  a  une  saveur 
plus  sucrée,  cette  saveur  vient  de  sa  dissolubilité  qui  permet 
à  toutes  ses  molécules  d'agir  à  la  fois  sur  Torgane.  du  goût;  le 
sucre,  et  surtout  le  sucre  pur  étant  moins  soluble,  n'a  qu'une 
action  successive  qui  paraît  moins  intense.  II  est  important  de 
l'avoir  aussi  pur  que  possible,  car  l'usage  de  la  cassonade  trop 
impure  cause  des  dévoiements  qu'on  ne  sait  souvent  à  quelle 
cause  attribuer. 

CAVAILLON.  —  A  vingt-cinq  kilomètres  sud-est  d'Avignon. 
Restes  d'un  arc  de  triomphe.  Melons  d'hiver  renommés. 

On  présume  que  la  ville  de  Cavaillon  n'est  citée  ici  ni  pour 
sa  position  sur  la  Durance,  ni  pour  son  voisinage  d'Avignon,  ni 
pour  son  arc  de  triomphe,  mais  pour  ses  melons,  non  pas  d'hiver, 
mais  verts,  renommés. 

Un  jour  je  reçus  une  lettre  du  conseil  municipal  de  Cavail- 
lon, lequel  me  dit  que,  fondant  une  bibliothèque  et  désirant  la 
composer  des  meilleurs  livres  qu'il  pourrait  se  procurer,  il  me 
priait  de  lui  envoyer  deux  ou  trois  de  mes  romans  qui,  dans  mon 
esprit,  tiendraient  la  première  place.  J'ai  un  fils  et  une  fille,  je 
crois  les  aimer  également;  j'ai  cinq  ou  six  cents  volumes,  je  crois 
éprouver  pour  eux  tous  une  sympathie  à  peu  près  égale;  je 
répondis  à  la  ville  de  Cavaillon  que  ce  n'était  pas  un  auteur  qu'il 
fallait  faire  juge  du  mérite  de  ses  livres;  que  je  trouvais  tous  mes 


CAVE.  î8i 

livres  bons,  mais  que  je  trouvais  les  mdons  de  CavaiUon  excel* 
lents  ;  que,  par  conséquent,  j'allais  envoyer  à  la  ville  de  Cavaillon 
une  collection  complète  de  mes  œuvres,  c'est*à«-dire  quatre  ou  cinq 
cents  volumes,  si  le  conseil  municipal  voulait  me  voter  une  rente 
viagère  de  douze  melons  verts. 

Le  conseil  municipal  de  Cavaillon,  je  dois  le  dire,  me 
répondit  poste  pour  poste  que  ma  demande  avait  été  accueillie  à 
l'unanimité  et  que  je  me  trouvais  avoir  une  rente  viagère,  la 
seule  selon  toute  probabilité  q\ie  j'aurai  jamais. 

Il  y  a  une  douzaine  d'année  que  je  jouis  de  cette  rente,  et, 
je  dois  le  dire,  elle  n'a  jamais  manqué  une  fois  d'arriver  à  l'époque 
où  les  melons  verts,  un  peu  en  retard  sur  les  autres,  entrent  dans 
leur  maturité;  or  je  ne  sais  pas  si  le  conseil  municipal  de  Cavail- 
lon a  l'obligeance  de  ^aire  un  choix  parmi  ses  melons  et  de 
m'envoyer  ceux  qu'il  croit  les  meilleurs,  mais  je  répète  que  je 
n'ai  jamais  rien  mangé  de  plus  frais,  de  plus  savoureux  et  de 
plus  sapide  que  les  melons  de  ma  rente.  Je  n'ai  donc  qu'un  désir 
à  émettre,  c'est  que  mes  livres  aient  toujours  pour  les  Cavaillon- 
nais  le  même  charme  que  leurs  melons  ont  pour  moi  ;  c'est  à  la 
fois  une  occasion  qui  se  présente  d'exprimer  à  mes  bons  amis  de 
Cavaillon  toute  ma  recoimaissance,  et  de  désigner  à  toute  l'Eu- 
rope leurs  melons  comme  les  meilleurs  que  je  connaisse. 

CAVE.  —  Une  cave  soigneusement  organisée  doit  être  à  la 
fois  sèche  et  fraîche,  l'air  ne  doit  y  pénétrer  que  par  de  faibles 
issues,  le  soleil,  dont  les  rayons  méritent  notre  hommage  au  dehors, 
le  soleil,  qui  a  d'abord  été  adoré  par  les  peuples  comme  le  Dieu  de 
l'univers  parce  qu'il  faisait  naître  et  mûrir  tous  les  dons  de 
la  nature,  est  funeste  pour  la  cave.  Un  gourmand  expérimenté 
ne  fait  point  grâce  à  ses  rayons,  il  les  condamne  à  un  éternel 
exil. 

On  trouve  ces  préceptes  déjà  suivis  dans  l'antiquité  ;  on  doit 
au  célèbre  architecte  Mazois  la  description  de  la  maison  de 
Scaurus. 

Voici  ce  qu'il  dit  de  la  cave  : 

«  Du  côté  du  nord  sont  les  cellce  vinariœ  où  l'on  conserve 
les  vins  de  toute  espèce  qui,  selon  certains  plaisants,  comptent 
plus  de  consulats  que  les  ancêtres  de  Scaurus  n'en  ont  vu  à  eux 


382  CAVE. 

tous.  Ces  caves  tirent  leilr  jour  du  côté  du  septentrion  et  du  levant 
équinoxial;  cette  exposition  est  choisie  de  préférence  afin  que  les 
rayons  solaires  ne  puissent,  en  échaufFant  le  vin,  le  troubler  et 
l'affaiblir.  On  a  soin  qu'il  n'y  ait  près  de  cet  endroit  ni  fumier,  ni 
racines  d'arbres,  ni  aucune  chose  fétide.  On  en  éloigne  aussi  les 
bains,  les  fours,  les  égouts,  les  citernes,  les  réservoirs,  dans  la 
crainte  que  leur  voisinage  n'altère  le  goût  du  vin  en  lui  commu- 
niquant une  mauvaise  odeur.  Scaurus,  qui  a  plus  de  soin  de  sa 
cave  que  de  sa  réputation,  fréquente  volontiers  les  hommes  les 
plus  corrompus  de  Rome;  mais  il  ne  souffrirait  pas  que  rien  de 
ce  qui  peut  corrompre  son  vin  approchât  des  murs  de  son  cellier; 
il  pensa  une  fois  faire  divorce  avec  sa  femme  parce  qu'elle  avait 
visité  cet  endroit  dans  un  moment  où  elle  était  indisposée  comme 
les  femmes  ont  coutume  de  l'être;  ce  qui  pouvait,  selon  lui,  faire 
aigrir  ses  vins  précieux.  Il  porte  si  loin  l'attention  à  cet  égard, 
qu'il  fait  parfumer  avec  de  la  myrrhe,  non-seulement  les  vases 
pour  donner  bon  goût  au  vin,  mais  même  le  local  tout  entier. 

«  La  cave  de  Scaurus  est  renommée,  il  est  parvenu  à  y  ras- 
sembler trois  cent  mille  amphores  de  presque  toutes  les  sortes 
de  vins  connues;  il  en  a  de  cent  quatre-vingt-quinze  espèces 
différentes  qu'il  soigne  d'une  manière  particulière;  rien  n'est 
négligé,  la  forme  des  vases  a  été  soumise  à  certaines  observa- 
tions, et  les  amphores  trop  ventrues  y  sont  proscrites. 

«  Au-dessus  des  caves,  ou  plutôt  des  celliers,  sont  les  maga- 
sins pour  les  provisions,  recevant  aussi  la  lumière  du  septentrion, 
afin  que  le  soleil  ne  puisse,  en  y  pénétrant,  faire  éclore  les 
insectes  qui  dévorent  les  grains.  » 

Après  avoir  vu  comment  était  aménagée  la  cave  d'un  gour- 
mand antique,  voyons  comment  doit  s'aménager  la  cave  d'un 
gourmand  moderne. 

Le  nombre  des  espèces  de  vins  que  doit  contenir  la  cave  d'un 
amateur  n'est  pas  limité,  mais  une  sage  prévoyance,  la  science 
de  l'âge  auquel  le  vin  doit  être  bu,  doivent  allier  le  luxe  à 
l'économie;  il  n'y  a  que  quelques  espèces  qui  doivent  être  amon- 
celées en  grande  quantité,  beaucoup  d'autres  ne  doivent  figurer 
qu'en  nombre  suffisant  pour  la  consommation  de  quelques  années. 
Malheur  au  buveur  ignorant  qui  entasse  dans  sa  cave  les  ton- 


CAVE. 


î83 


neaux  de  bourgogne  et  de  Champagne;  ces  vins  qui  n'ont  que 
peu  d'années  à  vivre,  doivent  être  bus  aussitôt  qu'ils  ont  atteint 
leur  maturité;  leur  dégénérescence  est  rapide,  le  bourgogne 
aigrit,  le  Champagne  graisse.  En  général,  les  vins  blancs  sont 
d'une  conservation  difficile,  on  ne  doit  s'approvisionner  qu'au 
fur  et  à  mesure  des  besoins,  mais  le  bordeaux,  les  vins  méridio- 
naux et  les  vins  d'Espagne  peuvent  et  doivent  être  conservés 
longtemps,  parce  que  la  vieillesse  est  leur  principal  mérite;  ceux- 
là  doivent  s'élever  en  tas  énormes,  les  espèces  encore  trop  jeunes 
seront  cachées  sous  les  piles  d'autres  vins,  afin  qu'elles  ne  repa- 
raissent que  lorsqu'elles  auront  été  longtemps  oubliées;  alors 
elles  se  produiront  sur  la  table  dans  des  bouteilles  murées  d'une 
triple  couche  de  tartre,  et  si  l'amphitryon,  poussé  par  un  noble 
orgueil,  s'écrie  comme  Horace  :  «  Voilà  du  vin  de  l'époque  de 
ma  naissance,  Mummius  étant  consul ,  »  un  rire  sardonique  ne 
circulera  pas  parmi  les  convives,  et  Ton  ne  prendra  pas  ces 
paroles  pour  une  gasconnade. 

Voici  la  liste  des  vins  dont  la  cave  d'un  amphitryon  de  nos 
jours  doit  être  garnie  : 


Aï. 

Carbonnieux. 

Coulanges. 

Alicaiite. 

Chablis. 

Esparron-Lazerme. 

Anjou. 

Chambertin. 

Falerne. 

Arbois. 

ChamboUe. 

Fley. 

Aubigny. 

Champagne  rouge. 

Florence. 

Auxerre. 

Champagne    blanc    ti- 

Frontignan. 

Avallon. 

sane. 

Grave. 

Barzac. 

Chassagne. 

Grenache. 

Beaugency. 

Château-Grille. 

Guigne. 

Beaune. 

Chàteau-Margaux . 

Haut-Brion. 

Bellay. 

Château-Neuf. 

Haut-Villiers. 

Benicarlo. 

Chio. 

Hermitage. 

Bordeaux. 

Chypre. 

Irancy. 

Bougy. 

Clos-Vougeot. 

Joigny. 

Brue. 

CoUioure. 

Julna. 

Bucella. 

Constance. 

Jurançon      rouge 

Cavello. 

Condrieu. 

blanc. 

Cahors. 

Cortone. 

Lachainette. 

Calabre. 

Coteaux  de  Saumur. 

Lacryma-Christi. 

Calon-Ségur. 

Côte -Rôtie    rouge    et 

La  Ciotat. 

Canaries. 

blanc. 

I.aflfîte-Mouton. 

Cap  de  Bonne-Espérance 

Côte  Saint-Jacques. 

I.aflfîte-Sëgur. 

ou 


384 


CAVE. 


La  Gaude. 

La  Malgue. 

La  Neïthe. 

Langon. 

Lunel. 

MâcoQ. 

Madère. 

Malaga. 

Malvoisie  de  Madère. 

Malvoisie  de  Sitges. 

Malvoisie  de  Tënériffe. 

Mëdoc. 

Mercurey. 

Meursaulc. 

Miés. 

Monte-Fiascone . 

Monte-Pulciano . 

Mondlla. 

Moutrachet. 

Moulin-à-Vent. 

Muscat  de  Frontignan. 

Muscat  de  Rivesaltes. 

Nuits  de  Rivesaltes. 

(Eil-de-perdhx. 

(Eras. 

Orléans. 

Pajaret. 


Paille. 

Paphos. 

Pedro  Xi  menés. 

Perpignan. 

Picoli. 

Picrry. 

Piquepouille. 

Pomard. 

Porto. 

Pouilly-Fuisse. 

Rancio. 

Reuilly. 

Richebourg. 

Rivesaltes. 

Romanée-Conti. 

Romanée. 

Rosée. 

Rota. 

Roussillon. 

Sancerre  Fuisse. 

Samos. 

Saint-Amour. 

Saint-Emilion. 

Saint-Estève. 

Saint-Georges. 

Saint-Julien. 

Saint- Julien  du  Sault. 


Saint-Martin. 

Saint-Péray. 

Savigny. 

Schiras. 

Sercial. 

Sétural. 

Sillery. 

Syracuse. 

Sauterne. 

Stancho. 

Terrats. 

Tavel. 

Thorins. 

Tokai. 

Tonnerre. 

Torremilla. 

Val  de  Pégnas. 

Vauvert. 

Vermanton. 

Vermouth. 

Verzi-Verzenay. 

Volnay. 

Vosne. 

Vougeot. 

Vouvray  blanc. 

Xérès. 


On  sait  au  reste  que  les  anciens  ne  préparaient  pas  leurs 
vins  de  la  même  façon  que  nous  ;  ils  ignoraient  Fart  de  la  fer- 
mentation, et  faisaient  cuire  leurs  vins  avec  du  sucre.  Cela  les 
conservait,  mais  leur  donnait  une  apparence  de  sirop  qui  devait 
bien  vite  émousser  la  soif;  ils  ne  connaissaient  au  reste  en  vins 
romains  que  le  Falerne,  le  Massique  et  le  Cœcube  ;  en  vins  grecs, 
ils  connaissaient  le  Chypre,  le  Samos,  le  Santorin  et  le  Ténédos; 
mais  sans  doute,  dès  cette  époque,  le  gâtaient-ils  comme  ils  font 
aujourd'hui,  en  mettant  dans  leurs  amphores  des  pommes  de 
pins,  sous  prétexte  que  cet  arbre  avait  fourni  le  thyrse  de 
Bacchus. 

Les  Grecs  modernes  ont  malheureusement  conservé  cette 
habitude,  ce  qui  rend  leurs  vins  impossibles  à  boire  à  tout  autre 
qu'à  des  Grecs. 

On  trouve  quelque  chose  d'analogue  en  Espagne,  06  le  vin 


CAVIAR.  385 


serait  excellent,  si  on  ne  renfermait  pas  dans  des  peaux  de  boucs 
qui  lui  communiquent  une  odeur  à  laquelle  les  étrangers  ne 
peuvent  s'habituer. 

CAVIAR  (sorte  d'esturgeon). —  J'ai  assisté  pendant  un  mois 
à  la  pêche  du  caviar  sur  les  bords  de  la  mer  Caspienne,  dans  toute 
la  longueur  de  son  rivage,  qui  s'étend  de  l'Oural  au  Volga.  Rien 
de  plus  curieux  que  cette  pèche ,  où  Ton  détruit  en  six  semaines 
ou  deux  mois  des  milliers  de  poissons  du  poids  de  300  livres,  et 
de  la  taille  de  douze  à  quinze  pieds;  on  en  trouve  dans  le  Danube 
qui  ont  jusqu'à  vingt  pieds  de  long;  ils  viennent  de  la  mer  Noire, 
et  remontent  pour  frayer  jusqu'à  Bade.  La  chair  du  caviar  a  une 
saveur  délicate,  qualité  fort  rare  dans  les  poissons  cartilagineux  ; 
il  est.  facile  de  la  faire  prendre  pour  de  la  chair  de  veau  ;  mais  nous 
devons  avouer  que  les  nations  modernes  n'ont  pas  pour  cette  chair 
l'enthousiasme  qu'avaient  les  peuples  anciens,  qui  non-seulement 
couronnaient  ce  poisson  de  fleurs ,  mais  encore  ceux  qui  le  ser- 
vaient, et  qui  l'apportaient  sur  la  table  au  son  des  flûtes.  Au 
rapport  d'Athénée,  on  regardait  en  Grèce  l'esturgeon  comme  le 
meilleur  plat  du  festin.  Ovide  a  dit  de  lui  : 

Esturgeon,  pèlerin  des  plus  illustres  ondes. 

On  le  trouve  dans  l'Océan ,  dans  la  Méditerranée ,  dans  la 
mer  Rouge,  dans  tous  les  grands  fleuves.  Au  xvi'  siècle,  il  était 
si  commun  en  Provence,  qu'il  ne  valait  qu'un  sou  la  livre.  L'es- 
turgeon grandit  et  s'engraisse  dans  les  fleuves ,  où  il  trouve  la 
tranquillité,  la  température  et  les  aliments  qui  lui  conviennent. 
En  Russie,  où  on  en  fait  les  pêches  les  plus  nombreuses,  on  les 
prend  au  moment  où  ils  essayent  de  remonter  le  Volga  et 
r  Oural. 

D'après  la  manière  dont  on  prend  ce  poisson,  on  peut  se  faire 
une  haute  idée  de  son  intelligence  :  on  ferme  les  fleuves  avec  des 
barricades ,  ce  qui  est  d'autant  plus  facile  que  les  fleuves  n'ont 
pas  de  profondeur.  Les  esturgeons  viennent  par  troupe  de  mille 
ou  deux  mille  pour  remonter  les  fleuves;  ne  pouvant  y  réussir, 
ils  se  promènent  de  long  en  large  devant  l'embouchure ,  où  l'on 
a  tendu  des  espèces  de  gros  hameçons  suspendus  à  des  traverses 


386  CAVIAR. 

et  flottant  à  deux  pieds,  trois  pieds,  quatre  pieds  sous  l'eau. 
Quelques-uns  de  ces  hameçons  sont  amorcés,  mais  cela  ne  m'a 
jamais  paru  nécessaire;  les  esturgeons,  en  allant  et  en  venant, 
s'accrochent  à  un  obstacle  qu'ils  veulent  forcer,  Tobstacle  leur 
entre  dans  la  chair  et  ils  sont  pris.  Des  hommes  qui  se  promènent 
en  bateau  entre  les  sillons  que  forment  les  poutres  placées  trans- 
versalement sur  le  fleuve,  recueillent  les  esturgeons  qui  sont 
pris.  Quand  la  barque  est  pleine,  on  la  conduit  à  l'abattoir,  véri- 
table abattoir,  où  l'on  assomme  à  coups  de  marteau ,  à  coups  de 
masse,  deux  ou  trois  mille  esturgeons  par  jour.  L'animal,  quoi- 
que très-fort  et  pouvant  renverser  d'un  coup  de  queue  l'homme 
le  plus  robuste,  ne  fait  aucune  résistance;  il  pousse  seulement 
un  cri  lorsqu'on  lui  arrache  la  moelle  épinière;  il  fait  un  .bond 
de  quatre  ou  cinq  pieds  de  haut  et  retombe  mort.  Avec  cette 
moelle  épinière,  que  l'on  appelle  visigha,  on  fait  des  pâtés  fort 
estimés.  Mais  ce  qui  est  plus  estimé  que  le  pâté  à  la  moelle  épi- 
nière ,  ce  sont  les  milliers  d'œufs  que  l'on  recueille  pour  faire  le 
caviar  (car  on  appelle  particulièrement  caviar  une  préparation 
d'œufs  d'esturgeon);  privés  d'air,  les  œufs  se  conservent  quelque 
temps  dans  leur  fraîcheur.  Outre  ceux-là,  que  l'on  expédie  le 
jour  même  où  ils  ont  été  enfermés  dans  des  barils  pareils  à  nos 
barils  de  poudre  de  huit,  de  quinze  et  vingt  livres,  il  y  en  a 
encore  qu'on  prépare  à  demi-sel  et  à  sel  entier,  qu'on  envoie  à 
leur  heure. 

Les  esturgeons  arrivent  à  un  développement  énorme.  En 
1769  on  pécha  un  de  ces  poissons  qui  avait  20  mètres  de  long,  qui 
pesait  1^155  kilogrammes,  et  Ton  en  tira  3,030  kilogrammes 
d'œufs;  le  calcul  fait,  on  suppose  qu'il  y  en  avait  30,412,860. 
Henri  Cloquet  dit  qu'on  en  pêche  souvent  du  poids  de  1,400  kilo- 
grammes et  peuvent  atteindre  une  longueur  de  13  mètres. 

La  pêche  d'hiver  a  lieu  en  janvier,  et  se  fait  avec  un  grand 
cérémonial;  c'est  celle-là  que  j'ai  vue;  le  jour  en  est  fixé  à  l'as- 
semblée publique.  Des  lettres  de  convocation  sont  adressées,  on 
se  réunit  sur  la  place  avant  le  jour;  on  nomme  un  chef  qui, 
avant  le  départ,  passe  les  pêcheurs  en  revue^  ainsi  que  leur  arme- 
ment, qui  consiste  en  un  crochet  d'acier  fixé  à  une  longue  per- 
che; au  lever  du  soleil,  deux  coups  de  canon  donnent  le  signal 


CÉLERI.  387 

de  se  mettre  en  route,  c'est  à  qui  arrivera  le  premier  à  la  meil- 
leure place  ;  une  décharge  de  mousqueterie  annonce  le  commen- 
cement de  la  pèche.  Mais,  à  notre  grand  étonnement  et  à  celui 
des  pêcheurs,  nous  ne  trouvâmes,  en  arrivant  au  rivage,  ni  le 
Volga  ni  la  mer  Caspienne  pris;  mais  au  contraire  toutes  les 
préparations  de  la  pèche  d'été,  qui  avait  continué,  quand  on  avait 
vu  que  le  froid  ne  prenait  pas.  C'est  donc  une  pèche  d'été  que 
j'ai  racontée,  parce  que  c'est  une  pèche  d'été  que  j'ai  vue. 

CÉLERI.  —  Le  céleri  est  la  plante  dont  les  anciens  se  cou- 
ronnaient dans  leurs  repas,  pour  neutraliser  la  puissance  du  vin; 
les  anciens  l'appelaient  ache;  la  langue  italienne  s'en  est  empa- 
rée et  de  ache  a  fait  céleri.  «  Remplissons  les  coupes  de  ce  vin 
de  Massique  qui  ûdt  oublier  les  maux,  dit  Horace,  tirons  les 
parfums  de  ces  larges  pompes,  et  qu'on  se  hâte  de  nous  faire  des 
couronnes  d'ache  et  de  myrte.  » 

Salade  de  céleri.  —  Le  céleri  plein ,  tendre  et  frais ,  mangé 
en  salade  et  assaisonné  avec  du  vinaigre  aromatique,  avec  de 
l'huile  de  Provence  et  un  peu  de  moutarde  fine,  est  vraiment 
délicieux;  il  réveille  l'action  de  l'estomac,  donne  de  l'appétit  et 
une  sorte  d'alacrité  qui  se  prolonge  pendant  quelques  heures. 

Ragoût  de  céleri.  —  Vous  faites  cuire  du  céleri  haché  comme 
de  la  chicorée  ou  des  épinards,  vous  l'assaisonnez  de  sel,  de 
poivre,  de  muscade  et  de  bon  bouillon,  vous  le  servez  avec  des 
croûtons  dorés  ;  vous  pouvez  même ,  si  vous  êtes  un  peu  friand , 
placer  sur  un  lit  bien  douillet  quelques  ortolans  ou  quelques 
filets  de  perdreaux  rouges;  essayez  de  ce  plat,  vous  en  serez  peut- 
être  satisfait.  (Dictionnaire  des  plantes  usuelles  du  docteur 
Roques.  ) 

Céleri  au  Jus,  à  la  bonne  femme.  —  Nettoyez  des  pieds  de 
céleri  en  enlevant  toutes  les  feuilles  dures  et  vertes ,  coupez  les 
pieds  d'égale  longueur,  faites  blanchir;  roux  léger  ;  passez-y  le 
céleri,  mouillez  de  bouillon.  Sel,  gros  poivre,  musca4e  râpée. 
Le  céleri  cuit,  liez  la  sauce  avec  du  jus  ou  du  beurre. 

Céleri  frit  à  la  bourgeoise.  —  Après  avoir  épluché  et  blan- 
chi votre  céleri  (surtout  choisissez  pour  le  faire  frire  du  céleri 
bien  plein  ) ,  rognez  les  feuilles  très-près  de  la  racine ,  et  fendez 
les  pieds. 


388    .  CEPHALOPODE. 


Céleri  à  la  crème.  —  Épluchez  du  céleri,  coupez-le  comme 
il  est  dit  à  Tarticle  :  Qâsperges  aux  petits  pois.  Faites  blanchir 
et  égouttez  dans  une  passoire;  passez-le  dans  la  casserole  avec 
un  morceau  de  beurre;  saupoudrez  d'une  pincée  de  fécule, 
mouillez  avec  du  consommé;  cuit,  réduit,  liez  de  jaunes  d'œufs 
délayés  dans  la  crème,  avec  muscade,  et  servez  garni  de  croû- 
tons. 

Céleri  au  velouté.  —  Epluchez,  lavez,  coupez,  faites  blan- 
chir, salez  et  beurrez;  après  cuisson,  faites  rafraîchir,  coupez 
votre  céleri  à  dix  centimètres  de  long,  mettez  au  feu  avec  beurre, 
sel,  poivre,  muscade;  mouillez  avec  du  velouté  du  bouillon, 
faites  réduire  et  servez  avec  croûtons  glacés. 

9  

CEPHALOPODE.  —  Les  céphalopodes  sont  des  mollus- 
ques du  plus  haut  rang.  Empruntons  les  détails  qui  le  con- 
cernent à  Texcellent  livre  de  M.  Meunier  :  Les  grandes  pêches. 

Figurez-vous  un  sac  musculeux,  épais,  mollasse,  visqueux, 
sphérique  chez  les  uns,  cylindrique  ou  en  fuseau  chez  les  autres, 
et  de  couleurs  changeantes  comme  le  caméléon. 

Renfermez-y  des  organes  de  respiration  aquatiques,  un  appa- 
reil circulatoire ,  un  tube  digestif,  y  compris  un  estomac  compa- 
\  rable  au  gésier  des  oiseaux. 

Surmontez  ce  sac  d'une  tête  ronde,  munie  de  deux  gros  yeux 
situés,  latéralement,  entre  lesquels  débouchera  un  petit  tube 
représentant  non  pas  un  nez,  mais  Tanus  (  au  milieu  du  visage  !  ) 

Sur  le  sommet  et  au  milieu  de  cette  tête,  placez  une  bouche 
formée  d'une  lèvre  circulaire,  armée  de  deux  mâchoires  verticales 
cornées  (  un  véritable  bec  de  perroquet)  et  garnie  à  l'intérieur 
d'une  langue  hérissée  de  pointes.  Enfin,  tout  autour  de  cette 
bouche,  implantez  une  couronne  d'appendices  charnus,  souples, 
vigoureux,  rétractiles,  quelquefois  beaucoup  plus  longs  que  le 
corps,  et  le  plus  souvent  armés  à  leur  face  externe  de  deux  rangs 
de  ventouses. 

Vous  avez  une  idée  approximative  des  céphalopodes,  ainsi 
nommés  depuis  Cuvier,  parce  qu'ils  ont  les  pieds  sur  la  tête,  car 
les  appendices  que  nous  venons  de  décrire  sont  des  pieds  ou  des 
bras,  comme  on  voudra,  vu  qu'ils  servent  indifféremment  à  la 
préhension  et  à  la  locomotion. 


CÉPHALOPODE.  389 


Ces  céphalopodes,  comptent  parmi  les  plus  anciens  habitants 
de  la  mer  ;  les  masses  nerveuses  groupées  autour  du  tube  digestif 
dans  leur  tête  percée  verticalement,  tendent  à  se  réunir  en  une 
seule  masse,  ce  qui  est  un  trait  de  ressemblance  avec  les  animaux 
vertébrés;  leur  infime  cerveau  est  protégé  par  un  cartilage,  rudi- 
ment de  squelette  sur  lequel  s'insèrent  les  principaux  muscles;  la 
circulation  a  du  rapport  avec  celle  des  poissons;  chez  quelques- 
uns  les  yeux  sont  presque  des  yeux  de  vertébrés.  Ces  caractères 
leur  assignent  le  premier  rang  parmi  les  mollusques,  et  la  noblesse 
d'une  antique  origine  ne  leur  manque  pas  davantage,  ils  datent 
des  temps  antédiluviens.  Tous  sont  marins  et  carnassiers,  les 
uns  habitent  la  haute  mer,  les  autres  ne  s'écartent  point  des 
côtes  ;  celles  de  la  Méditerranée,  celles  de  la  Grèce  surtout  en 
sont  infestées  ;  ils  font  un  grand  massacre  de  crustacés  et  de  pois- 
sons ;  leur  domicile  se  reconnaît  aux  débris  d'êtres  vivants  qui 
en  jonchent  les  approches  ;  ils  nuisent  doublement  aux  pêcheurs, 
d'abord  en  leur  faisant  concurrence,  ensuite  en  faisant  fuir  les 
animaux  pour  qui  leur  voisinage  est  malsain.  Les  pêcheurs  se 
vengent  d'eux  en  les  mangeant,  vengeance  en  général  d'assez 
mauvais  goût,  culinairement  parlant. 

Voulez-vous  vous  représenter  les  céphalopodes,  rampant, 
nageant  ou  saisissant  leur  proie,  renversez  l'image  qu'a  offerte  à 
votre  esprit  la  description  qui  précède  ;  la  bouche  redressée  verti- 
calement, la  tête  en  bas,  les  bras  étendus,  vous  donnent  le  poulpe 
(les  calmars  et  les  seiches  se  tiennent  horizontalement).  Tous 
rampent  en  appliquant  sur  le  sol  leurs  bras  armés  de  ventouses; 
c'est  de  la  même  façon  qu'ils  saisissent  leur  proie,  leur  étreinte 
est  irrésistible;  la  victime  enlacée  et  comme  aspirée,  a  bientôt 
senti  la  morsure  du  redoutable  bec  de  perroquet  dont  ces  longs 
appendices  sont  les  pourvoyeurs.  Il  y  a  des  exemples  d'hommes 
morts  de  ce  supplice. 

L'abondance  des  poulpes  sur  certains  points  du  littoral  de  la 
Grèce,  en  rend  la  fréquentation  dangereuse  pour  les  baigneurs; 
dans  les  îles  de  la  Polynésie,  ils  sont  l'effroi  des  plongeurs.  C'est 
que  leur  taille  est  souvent  très-grande;  le  poulpe  commun  de  la 
Méditerranée  est  long  d'environ  o",64  cent,  et  il  en  existe  une 
espèce  trois  fois  aussi  grande  jdans  l'océan  Pacifique. 


390  CEPHALOPODE. 

Aristofe  parle  d'un  calmar  long  de  5  coudées  (2'',7i).  Pline  va 
plus  loin  et  décrit  un  poulpe  dont  les  bras  avaient  jo  pieds  de 
long.  Un  auteur  moderne  renchérit  et  raconte  le  cas  d'un  cépha- 
lopode qui,  s'étant  jeté  sur  un  nanre,  manque  de  le  feire  sombrer. 
A  partir  de  ce  moment,  le  poulpe  géant  fut  mis  par  les  natura- 
listes de  niveau  avec  le  serpent  de  mer. 

Des  découvertes  récentes  les  ont  cependant  convaincus  qu'il 
existe  des  céphalopodes  dont  la  taille  dépasse  de  beaucoup  celle 
que  les  Traités  de  zoologie  assignent  aux  animaux  de  cette  classe. 
Ainsi  Péron  a  rencontré  dans  les  parages  de  la  Tasmanie  un 
calmar  dont  les  bras  avaient  6  à  8  pouces  de  diamètre  et  ti  à  7 
pieds  de  long.  MM.  Quoy  erGaymard  ont  recueilli  dans  l'océan 
Atlantique,  près  de  l'équateur,  les  débris  d'un  mollusque  de  la 
même  famille  dont  ils  évaluent  le  poids  à  plus  de  100  kilo- 
grammes. Dans  les  mêmes  eaux,  Rang  en  a  rencontré  un  de 
couleur  rouge  qui  était  de  lagrosseur  d'un  tonneau.  M.  Streens- 
trup  (de  Copenhague)  a  publié  d'intéressantes  observations  sur 
un  céphalopode  auquel  il  a  donné  le  nom  i'cérckiteuthis 
dux  et  qui  fut  rejeté  en  1853  sur  le  rivage  du  Jutland;  le  corps, 
dépecé  par  les  pêcheurs  pour  servir  d'amorce  à  leurs  lignes, 
fournit  la  charge  de  plusieurs  brouettes;  le  pharynx,  qui  a  été 
conservé,  a  le  volume  d'une  tête  d'enfant,  un  tronçon  de  bras 
montré  à  M.  Duméril,  a  la  grosseur  de  la  cuisse.  Enfin,  en  1860, 
M.  Harting  a  décrit  et  figuré  plusieurs  parties  d'un  animal  gigan- 
tesque du  même  genre  qui  se  trouvent  dans  le  musée  d'Utrecht. 
Mais  toutes  ces  observations  le  cèdent  de  beaucoup  en  intérêt  à 
celle  qui  a  été  communiquée  àl'Académie  des  sciencesà  la  fin  de 
l'année  1861  et  que  nous  allons  rapporter. 

Le  30  novembre  de  l'année  susdite,  à  deux  heures  de  l'après- 
midi,  l'aviso  à  vapeur  \'c4lecton.  commandé  par  M.  Bouyer, 
lieutenant  de  vaisseau,  se  trouvant  entre  Madère  et  TénérifFe,  à 
40  lieues  dans  le  nord-est  de  cette  dernière  île,  fit  la  rencontre 
d'un  poulpe  monstrueux  qui  nageait  à  la  surface  de  l'eau. 

Cet  animal  mesurait  de  ;  à  iS  mètres,  sans  compter  huit  bras 
formidables,  longs  de  i'°,8o  environ  et  couverts  de  ventouses, 
qui  couronnaient  sa  tête.  Sa  couleur  était  d'un  rouge  brique,  ses 
yeux  à  fleur  de  tête  avaient  un  développement  prodigieux  et  une 


/ 


CÉPHALOPODE.  391 


excellente  fixité.  Sa  bouche  pouvait  offrir  o"*,5o.  Son  corps  fusi- 
forme  et  très-renflé  vers  le  centre  présentait  une  masse  dont  le 
poids  a  été  estimé  à  plus  dé  2,000  kilogrammes.  Ses  nageoires, 
situées  à  lextrémité  postérieure,  étaient  arrondies  en  deux  lobes 
charnus  et  d'un  très-grand  volume. 

«  Me  trouvant,  écrit  M.  Bouyer,  en  présence  d*un  de  ces 
êtres  bizarres  que  TOcéan  extrait  parfois  de  ses  profondeurs, 
comme  pour  porter  défi  à  la  science,  je  résolus  de  l'étudier  de 
plus  près  et  de  chercher  à  m'en  emparer.  » 

Aussitôt,  il  ordonna  de  stopper.  En  toute  hâte,  les  fusils 
furent  chargés,  un  nœud  coulant  disposé,  les  harpons  préparés. 
Malheureusement  une  forte  houle  qui  imprimait  à  Vo^lectony 
dès  qu'elle  le  prenait  en  travers,  des  roulis  désordonnés,  gênait 
les  évolutions,  en  même  temps  que  l'animal,  presque  toujours  à 
fleur  de  Teau,  se  déplaçait  avec  une  sorte  d'intelligence  et 
semblait  vouloir  éviter  le  navire;  mais  celui-ci  le  suivait  tou- 
jours. 

Aux  premières  balles  qu'on  lui  envoya,  le  monstre  plongea, 
passa  sous  le  navire  et  ne  tarda  pas  à  reparaître  à  Tautre  bord,  en 
agitant  ses  grands  bras;  on  le  frappa  d'une  dizaine  de^balles,  plu- 
sieurs le  traversèrent  inutilement.  L'une  d'elles  produisit  plus 
d  effet,  car  il  vomit  aussitôt  une  grande  quantité  d'écume  et  de 
sang  mêlé  à  des  matières  gluantes  qui  répandirent  une  forte 
odeur  de  musc. 

Ce  fut  alors  qu'on  parvint  à  Vaccoster  d'assez  près  pour  lui 
lancer  un  harpon  avec  un  nœud  coulant,  mais  la  corde  glissa  le 
long  du  corps  élastique  du  mollusque,  et  ne  s'arrêta ^que  vers 
l'extrémité  à  l'endroit  des  deux  nageoires.  On  tenta  de  le  hisser 
à  bord;  déjà  la  plus  grande  partie  du  corps  se  trouvait  hors  de 
l'eau, 'quand  l'énorme  poids  de  cette  masse  fit  pénétrer  le  nœud 
coulant  dans  les  chairs  et  sépara  la  partie  postérieure  qui,  amenée 
à  bord,  pesait  une  vingtaine  de  kilogrammes. 

a  Officiers  et  matelots  me  demandaient,  dit  le  commandant 
de  Vo^lecton^  à  fiiire  amener  un  canot,  à  aller  garrotter  l'animal 
et  à  l'amener  le  long  du  bord.  Ils  y  seraient  peut  être  parvenus, 
mais  je  craignais  que,  dans  cette  rencontre  corps  à  corps,  le 
monstre  ne  lançât  ses  longs  bras  garnis  de  ventouses,  sur  les  bords 


39a  CEPHALOPODE. 


du  canot,  ne  le  fît  chavirer  et  n'étouffât  peut-être  quelques  mate^ 
lots  dans  ses  fouets  redoutables. 

«  Je  ne  crus  pas  devoir  exposer  la  vie  de  ces  hommes  pour 
satisfaire  à  un  sentiment  de  curiosité,  cette  curiosité  eût-elle  la 
science  pour  base,  et,  malgré  la  fièvre  ardente  qui  accompagne 
une  pareille  chasse,  je  dus  abandonner  l'animal  mutilé  qui,  par 
une  sorte  d'insrinct,  semblait  fuir  avec  soin  le  navire,  plongeait 
et  passait  d'un  bord  à  Tautre  quand  nous  l'abordions  de  nouveau. 

Cette  chasse  n'a  pas  duré  moins  de  trois  heures. 

M.  S.  Berthelot,  rapporte  qu'ayant  interrogé  de  vieux 
pêcheurs  canariens,  ceux-ci  lui  ont  déclaré  avoir  vu  plusieurs  fois 
vers  la  haute  mer  de  grands  calmars  rougeâtres  de  2  mètres  et 
plus  de  long,  dont  ils  n'avaient  pas  osé  s'emparer. 

Cependant  malgré  les  dimensions  respectables  du  poulpe 
rencontré  par  M.  Bouyer,  la  réalité  cède  ici  à  la  fable. 

«  Les  pêcheurs  norvégiens,  raconte  Pontoppidan,  évêque  de 
Berghem,  affirment  tous  sans  la  moindre  contradiction  dans  leurs 
récits,  que  lorsqu'ils  poussent  au  large  à  plusieurs  milles,  parti- 
culièrement pendant  les  jours  les  plus  chauds  de  l'année,  la  mer 
semble  tout  à  coup  diminuer  sous  leurs  barques,  et  s'ils  jettent 
la  sonde,  au  lieu  de  trouver  80  ou  100  brasses  de  profondeur, 
il  arrive  souvent  qu'ils  en  trouvent  à  peine  30.  C'est  le  Kraken 
qui  s'interpose  entre  les  bas-fonds  et  l'onde  supérieure.  Accou- 
tumés à  ce  phénomène,  les  pêcheurs  disposent  leurs  filets,  certains 
que  là  abonde  le  poisson,  surtout  la  morue  et  la  lingue,  et  ils 
les  retirent  richement  chargés,  mais  si  la  profondeur  de  l'eau  va 
toujours  diminuant,  et  si  ce  bas-fond  accidentel  et  mobile  remonte 
les  pêcheurs  n'ont  pas  de  temps  à  perdre,  c'est  le  serpent  qui  se 
réveille,  qui  se  meut,  qui  vient  respirer  l'air  et  étendre  ses  larges 
plis  au  soleil.  Les  pêcheurs  font  alors  force  de  rames,  et  quand, 
à  une  distance  raisonnable,  ils  peuvent  enfin  se  reposer  avec 
sécurité,  ils  voient  en  effet  le  monstre  qui  couvre  un  espace  d'un 
mille  et  demi  de  la  partie  supérieure  de  son  dos.  Les  poissons 
surpris  par  son  ascension  sautillent  un  moment  dans  les  creux 
humides  formés  par  les  protubérances  de  son  enveloppe  exté- 
rieure, puis,  de  cette  masse  flottante  sortent  des  espèces  de 
pointes  ou  de  cornes  luisantes  qui  se  déploient  et  se  dressent. 


CÉPHALOPODE.  393 


semblables  à  des  mais  armés  de  leurs  vergues.  Ce  sont  les  bras 
du  Kraken,  et  quels  bras  !  Telle  est  leur  vigueur,  que  s'ils  saisis- 
saient les  cordages  d'un  vaisseau  de  ligne,  ils  .le  feraient  infailli- 
blement sombrer.  Après  être  resté  quelque  temps  sur  les  flots, 
le  monstre  redescend  avec  la  même  lenteur  et  le  danger  n'est 
guère  moindre  pour  le  navire  qui  serait  à  sa  portée,  car  en  s'affaîs- 
sant,  il  déploie  un  tel  volume  d'eau  qu'il  occasionne  des  tour- 
billons et  des  courants  aussi  terribles  que  ceux  de  la  ûimeuse 
rivière  Maie  (le  Maëlstrom).  » 

Ellen  nous  montre  ailleurs  le  poulpe  donnant  à  son  corps  la 
couleur  du  rocher  sur  lequel  il  repose.  Le  fait  du  changement  de 
couleur  est  réel;  c'est  un  des  traits  les  plus  curieux  de  l'histoire 
de  ces  animaux.  Il  a  été  observé  à  Nice  avec  soin  par  M.  Vérant 
sur  des  individus  du  genre  Élédone.  Quand  elle  dort,  l'élédone 
est  d'un  gris  livide  en  dessus,  vineux  en  dessous  avec  des  taches 
blanches.  Éveillée,  mais  tranquille,  elle  est  jaunâtre,  sts  yeux 
sont  largement  ouverts,  sa  respiration  est  régulière.  Lorsqu'elle 
marche  elle  est  d'un  gris  perlé  avec  des  taches  lie  de  vin.  Lors- 
qu'elle nage^  elle  est  d'un  jaune  clair  livide  avec  de  très-petits 
points  rougeâtres  et  des  taches  claires.  Enfin,  si  on  l'irrite,  et 
rien  n'est  plus  aisé,  il  suffit  de  la  toucher  même  légèremçnt, 
elle  prend  une  belle  couleur  marron,  se  couvre  de  tubercules, 
contracte  les  yeux,  lance  par  son  entonnoir  une  colonne  d'eau 
qui  peut  jaillir  à  un  mètre  de  distance,  en  même  temps  sa  respi- 
ration s'accélère  ;  elle  devient  saccadée,  irrégulière  (Victor  Meu- 
nier). 

Ce  poisson  que,  selon  les  différents  pays  où  il  apparaît  sur  le 
marché,  on  appelle  :  poulpe,  pieuvre  et  calmar,  est  le  régal  des 
Napolitains.  Il  se  pêche  avec  une  ligne  particulière  qui  s'appelle 
la  palingolle.  C'est  un  bout  de  ficelle  auquel  pendent  de  petits 
morceaux  de  drap  rouge,  ce  drap  rouge  cache  des  hameçons  ;  on 
les  lait  danser  devant  les  yeux  du  calmar,  qui  s'élance  après  eux 
et  les  saisît  avec  son  bec  de  perroquet. 

Il  est  probable  que  le  nom  calmar  leur  vient  de  l'italien  et 
surtout  de  la  liqueur  noire  qu'ils  ont  la  faculté  de  répandre 
autour  d'eux  au  moment  d'être  pris.  En  Italie  on  appelle  Cala- 
mayo  un  encrier. 


394  CEPES  FRANCS. 


Cet  affreux  mollusque,  si  hideux  à  voir,  se  mange  cependant, 
comme  nous  l'avons  dit,  et  particulièrement  à  Naples  ;  on  le  fait 
cuire  dans  l'eau  avec  une  sauce  aux  tomates,  mais  plus  souvent 
encore,  on  le  fait  cuire  d'abord  et  frire  ensuite.  Nous  avons  voulu 
manger  nous-même  du  calmar  pour  nous  rendre  compte  de 
cette  chair  qui  ressemble  énormément  à  de  loreille  de  veau 
frite. 

Diogène  le  Cynique  mourut,  dit-on,  pour  avoir  voulu  manger 
un  calmar  cru. 

CÈPES  FRANCS.  —  Champignons  d'un  volume  considé- 
rable, ayant  leurs  chapiteaux  tombants  et  réguliers  ;  leur  surface 
est  sèche,  entr'ouverte  profondément,  leurs  tiges  fortes  enflées  du 
bec,  leur  substance  blanche,  légère,  leur  parfiim  suave,  et 
leurs  qualités  bonnes,  dit*on,  en  font  distinguer  deux  espèces 
principales  :  le  cèpe  franc  à  la  tête  rousse,  et  le  cèpe  franc  à 
la  tète  noire.  Le  cèpe  franc,  tète  rousse,  est  sec  de  consistance; 
cependant  il  cède  à  la  pression  du  doigt,  sa  chair  est  fine,  déli- 
cate, de  bon  goût,  d'une  odeur  agréable;  elle  ne  change  |)as  au 
contact  de  l'air:  on  le  trouve  en  septembre,  en  octobre  dans  les 
beaux  environs  de  Paris,  on  le  conserve  très-bien  en  le  séchant  ; 
on  le  fait  revenir  dans  l'eau  chaude.  En  Hongrie  on  en  fait  des 
sauces  et  des  coulis.  Le  cèpe  franc  est  chaud  et  aphrodisiaque; 
on  ne  doit  jamais  oublier  de  couper  cette  plante,  et  si  elle  change 
de  couleur  au  contact  de  l'air,  il  ne  faut  pas  en  faire  usage. 

Le  Cèpe  franc  tête  noire  est  un  champignon  haut  d'environ 
quatre  pouces  ;  le  chapiteau  a  quatre  centimètres  d'épaisseur 
et  quatre  centimètres  de  diamètre;  sa  couleur  devient  marron 
foncé,  sa  substance  est  sèche,  douce  au  toucher,  d'un  parfum 
très-suave  et  de  la  saveur  des  bons  champignons;  c'est  l'espèce  la 
plus  répandue  dans  le  nord  et  dans  les  parties  tempérées  de 
l'Europe;  il  est  très-recherché  ;  on  l'apprête  comme  l'espèce  ci- 
dessus. 

C'est  particulièrement  dans  le  Midi  et  dans  les  environs  de 
Bordeaux  que  se  recueille  cet  excellent  champignon  ;  seulement, 
comme  on  ne  le  fait  pas  sécher  comme  à  Gênes  ou  en  Italie, 
comme  il  a  ou  que  l'on  croit  qu'il  a  d'excellente  huile,  on  le 
vend  enfermé  dans  des  boîtes  de  fer-blanc. 


CERISE.  39^ 

Ne  vous  laissez  prendre  ni  aux  prospectus  imprimés  ni  au 
boniment  oral  :  les  cèpes  de  Bordeaux  se  gonflent  dans  Thuile, 
deviennent  de  véritables  éponges  auxquelles  il.  est  impossible  de 
rendre  leur  fermeté  première;  il  en  résulte  que,  soit  sur  le  gril, 
soit  frits,  de  quelque  façon  qu'on  les  fasse  cuire,  enfin,  ils  devien- 
nent presque  impossibles  à  manger. 

Cèpe  franc  tête  noire.  —  Ce  cryptogame  ne  se  trouve  pas 
seulement  dans  les  environs  de  Bordeaux  :  ceux  de  la  forêt  de 
Compiègne  sont  pleins  de  saveur  parce  qu'ils  naissent  dans 
Tombre  des  hautes  futaies;  c'est  surtout  en  août  qu'ils  pullulent. 

Voici  la  recette  dont  j'ai  moi-même  constaté  l'excellence  : 

Coupez  les  queues,  hachez-les,  ajoutez  persil  haché,  mie  de 
pain,  échalotes,  beurre  frais,  une  pointe  d'ail  haché;  faites  un 
pâté  de  tout,  assaisonnez,  sel,  poivre  et  un  peu  de  piment,  gar- 
nissez le  dessous  de  vos  cèpes,  jetez  un  peu  de  mie  de  pain 
dessus,  gratinez  à  four  chaud  et  servez.  (Recette  Vuillemot.) 

On  peut  les  faire  à  la  provençale,  sautés  à  l'huile  d'olive, 
persil,  ail  hachés  ;  faites  bien  rissoler,  ajoutez  un  peu  de  glace 
de  viande  et  sevez  bien  chaud . 

CERISE.  —  Fruit  rouge  à  noyau  du  cerisier.  Ce  fruit  est 
aqueux  et  acide.  Si  on  le  consomme  en  petite  quantité ,  il  ajoute 
à  l'estomac  un  complément  utile  de  sucs  aqueux,  de  sels  alcalins 
et  de  matières  sucrées. 

Un  poëte  didactique,  l'excellent  cuisinier  J.  Rouyer,  décrit 
dans  les  vers  suivants  les  différentes  variétés  de  cet  excellent 
fruit  : 

Les  gobets  de  Montmorency 

Sont  originaire»  d'Asie  ; 

Ce  fruit  rouge  du  cerisier ^ 

Fut  importé  de  Cérisonte 

Par  LuculJus,  gourmand-guerrier, 

Lequel  (l'histoire  le  raconte), 

Pour  la  cerise j  en  sa  saison, 

Alla  combattre  Mithridate, 

Roi ,  fameux  mangeur  de  poison  ! . . . 

Oui ,  de  l'antique  Rome ,  date 

La  cerise  dans  nos  desserts  : 

Mais,  jusqu'à  nous,  l'arbre-trophée 


396  CERISE. 


A  vu  chaque  branche  a  greffée  » , 
Se  produire  en  genres  divers  : 
A  part  la  merise  sauvage ^ 
Pour  le  kirschwasser  en  usage , 
Et  qui  reste  aux  importateurs  ; 
Nous,  de  la  cerise -aigriotte^ 
Pour  tourte  y  gelée  et  compote, 
Nous  pouvons  nous  dire  inventeurs. 
Que  rapidement  je  désigne 
Pour  ratafia,  cassis  ^liqueur. 
Cette  espèce  noire ,  la  guigne. 
Quant  à  celle  en  forme  de  cœur, 
(Le bigarreau ,  dur,  indigeste), 
Elle  recèle  un  ver...  Au  reste, 
On  vous  la  croque  à  belles  dents. 
Sans  jamais  regarder  dedans!... 

Soupe  aux  cerises,  —  C'est  un  entremets  sucré,  d'un  bon 
usage.  On  saute  des  cerises  noires  entières  avec  leurs  noyaux, 
dans  des  cubes  de  mie  de  pain ,  préalablement  sautés  au  beurre. 
On  mouille,  on  sucre,  on  arrose  de  kirsch,  on  sert  avec  le  sirop 
et  les  croûtes. 

Soupe  aux  cerises  à  V allemande,  —  Nous  ne  citons  que  pour 
mémoire  ce  détestable  plat  de  cerises  écrasées  et  de  noyaux  piles 
le  tout  férocement  épicé ,  noyé  de  vin  et  servi  froid. 

Compote  de  cerises,  —  Faites  cuire  vos  cerises  entières,  la 
queue  à  moitié  coupée,  dans  de  l'eau  sucrée  ;  parfumez  de  fram- 
boise et  servez  avec  le  jus.  {V,  Compote.) 

Cerises  à  Veau-de-vie.  —  Pour  cette  préparation  univer- 
sellement connue ,  écoutons  encore  les  enseignements  lyriques  de 
M.  Rouyer  : 

GohetSj  dont  la  queue  est  petite, 

Et  qu'il  faut  raccourcir  encor. 

Sont  dans  Veau-de-vie  un  trésor. 

En  bocal ,  ranger  tout  de  suite. 

Noyé  de  spiritueux  pur j 

Le  fruit  qu'on  a  choisi  peu  mûr. 

Jusqu'à  deux  doigts  du  bord;  puis,  vite. 

Boucher  très -fortement  avec 

Liège,  parchemin  et  ficelle; 

Placer  le  bocal  en  lieu  sec... 

Après  deux  mois,  qu'on  le  descelle 


CERNEAUX.  397 


Pour  la  simple  opération 

D'y  verser  du  sucre  en  liquide , 

Afin  de  combler  tout  le  vide 

Qu'a  fait  Tévaporation  ; 

Et  qu'encor  le  bocal  on  bouche 

Pour  les  huit  jours  d'infusion  ; 

Surtout,  qu'aucune  main  n'y  touche 

Avant  la  dé^station  ! 

tt  Les  cerises ,  dit  le  célèbre  chimiste  Payen ,  se  conservent 
bien  lorsqu'on  peut  les  soumettre  à  une  cuisson  et  à  une  évapo- 
ration  rapide,  en  contact  avec  25  à  33  centièmes  de  leur  poids 
de  sucre.  Les  préparations  ainsi  obtenues  non -seulement  sont 
agréables  à  manger  et  se  conservent  bien,  surtout  dans  les  endroits 
secs,  mais  encore  elles  sont  plus  nourrissantes  et  plus  salubres  en 
raison  du  sucre  qu'elles  contiennent,  car  le  sucre  constitue  l'un 
des  meilleurs  aliments  réparateurs,  et  en  augmentant  la  masse 
de  substance  solide,  il  rend  d'autant  moindre  la  proportion 
d'acide,  à  poids  égal  de  substance  alimentaire.  » 

CERNEAUX.  —  Une  chose  excellente  et  tout  à  fait  inconnue 
hors  de  France,  c'est  les  cerneaux;  je  dis  tout  à  fait  incpnnue 
parce  que  les  cerneaux  ne  sont  bons  qu'à  la  condition  qu'on  les 
fera  d'une  certaine  façon.  Un  proverbe  de  bonne  femme  dit  : 

a  A  la  Madeleine,  les  noix  sont  pleines, 

«  A  la  Saint-Laurent  on  regarde  dedans.  » 

Quelques  jours  après  la  Saint-Laurent,  c'est  à  dire  après 
le  10  août,  ou  même  quelques  jours  auparavant  si  l'année  a  été 
hâtive;  ouvrez  les  noix,  si  les  cerneaux  sont  parfaitement  formés, 
si  la  liqueur  qui  doit  les  fournir  est  à  l'état  de  l'amande,  c'est  le 
moment  de  les  détacher  des  noix. 

Vous  ouvrez  les  noix ,  vous  les  détachez  d'un  mouvement  cir- 
culaire du  couteau  ;  vous  les  laissez  tremper  dans  un  saladier 
plein  d'eau,  dans  laquelle  vous  aurez  mis  une  légère  dissolution 
d'alun  en  poudre  qui  conservera  à  la  chair  de  vos  noix  sa  blan- 
cheur; puis,  quand  il  y  en  a  le  nombre  que  vous  en  désirez,  vous 
les  lavez  en  les  passant  dans  un  tamis  ou  dans  une  passoire 
pour  que  l'eau  puisse  s'échapper,  puis  vous  les  remettez  dans  un 
saladier. 

Prenez  alors.  Ne  jetez  pas  les  hauts  cris.  Prenez  alors  une 


398  -     CERVELAS, 


poignée  de  sel  de  cuisine,  jetez*là  sur  vos  cerneaux,  hachez  aussi 
fines  que  possible  deux  échalotes,  jetez-les  sur  vos  cerneaux; 
pilez  dans  un  petit  pilon  ou  de  marbre  ou  de  fonte  une  grappe 
de  verjus,  quand  elle  vous  aura  donné  un  demi-verre  de  liqueur, 
versez  ce  demi-verre  de  liqueur  sur  vos  cerneaux,  retournez-les 
non  pas  comme  on  retourne  la  salade,  c'est  à  dire  avec  une 
cuiller  et  une  fourchette;  mais  par  un  simple  mouvement  du 
plat  qui  fait  venir  ceux  qui  sont  dessus,  dessous,  et  qui  fait  passer 
ceux  qui  sont  dessous,  dessus;  prenez  vos  cerneaux  un  à  un, 
trempez-les  dans  leur  jus,  sucez  d'abord,  épluchez  et  mangez. 

Je  n'ai  rencontré  dan$  aucun  pays  du  monde  qu'à  Paris ,  et 
encore  rarement,  des  cerneaux  assaisonnés  de  cette  façon, 

CERVELAS.  —  Espèce  de  boudin  ou  saucisson  gros  et  court, 
fait  avec  de  la  chair  de  cochon  hachée,  assaisonnée  de  sel,  poivre 
et  une  pointe  de  rocambole.  Le  cervelas  de  cochon  a,  du  reste, 
toutes  les  mauvaises  qualités  de  la  chair  de  cet  animal,  et  la  façon 
dont  on  l'apprête  le  rend  encore  plus  indigeste.  On  en  fait 
aussi  avec  de  la  chair  de  poisson;  ceux-là  sont  moins  indigestes, 
mais  les  épices,  entrant  pour  beaucoup  dans  leur  composition, 
ils  ne  sauraient  être  un  aliment  salutaire,  surtout  si  Ton  en  fait 
un  fréquent  usage. 

Cervelas  à  la  ménagère.  —  Dépouillez  de  ses  nerfs  et  de  ses 
membranes  de  la  chair  de  cochon,  hachez-la  en  y  mêlant  une  quan- 
tité égale  de  lard,  ajoutez-y  persil,  ciboules,  thym  et  basilic 
piles,  sdi  et  fines  épices;  mêlez  le  tout  ensemble  et  formez-en  des 
petites  masses  ovales  que  vous  enveloppez  avec  de  la  crépine  après 
les  avoir  aplaties  et  ficelées  par  les  deux  bouts. 

Les  saucisses  rondes  se  préparent  de  la  même  manière,  avec 
cette  difi^érence  qu'on  les  entonne  dans  des  intestins  de  volaille 
bien  nettoyés,  au  lieu  de  les  envelopper  avec  de  la  crépine. 

Pendez  vos  cervelas  à  la  cheminée  pour  les  faire  fumer  pen- 
dant trois  jours,  faites-les  cuire  ensuite  dans  le  bouillon  pendant 
trois  heures  avec  sel,  une  gousse  d'ail,  du  thym,  du  laurier,  du 
basilic  et  un  bouquet  de  persil  et  ciboules,  laissez-les  refroidir 
et  servez  au  besoin. 

Cervelas  de  Milan.  —  3  kilogrammes  de  chair  dé  porc  maigre, 
500  grammes  de  bon  lard,  120  grammes  de  sel,  30  grammes  de 


CERVELAS.  399 


poivre,  hachez  le  tout,  mèlez-le  bien  ensemble,  ajoutez-y  un  litre 
de  vin  blanc  et  500  grammes  de  sang  de  porc  avec  15  grammes 
de  cannelle  et  girofle  piles  et  mêlés,  et  des  morceaux  en  manière 
de  gros  lardons  que  Ton  fait  de  la  tète  de  porc  qu'il  faut  sau- 
poudrer de  ces  -épices  et  larder  dans  les  cervelas  en  les  finissant; 
faites  cuire  et  servez. 

Gros  cervelas  appelé  saucisson  de  Lyon.  —  Que  la  chair  du 
cochon  soit  maigre  et  courte;  ajoutez  moitié  de  filet  de  bœuf  et 
autant  de  lard  ;  hachez  le  cochon  et  le  filet  et  pilez-les,  coupez 
le  lard  en  dé  et  mêlez-le  de  manière  qu'il  soit  réparti  également, 
assaisonnez  avec  sel,  poivre  fin,  poivre  concassé  moyen  et  gros 
poivre  entier,  nitre,  ail  et  échalotes,  pétrissez  le  tout  et  laissez 
reposer  pendant  vingt-quatre  heures,  prenez  ensuite  de  gros 
boyaux  lavés  à  plusieurs  eaux,  emplissez-les  du  mélange  ci-dessus, 
fermez-leSet  ficelez-les;  mettez-les  dans  un  saloir  avec  sel  et  sal- 
pêtre pendant  huit  jours;  faites-les  sécher  à  la  cheminée.  Quand 
ils  sont  devenus  blancs,  c'est-à-dire  qu'ils  sont  assez  secs,  vous 
resserrez  les  ficelles  et  vous  les  barbouillez  d'une  composition  de 
sauge,  de  thym  et  de  laurier  que  vous  avez  fait  bouillir  avec  de 
la  lie  de  vin.  Secs,  on  les  enveloppe  de  papier  et  on  les  conserve 
dans  la  cendre. 

Cervelas  à  trancher  et  pour  garnir.  —  Hachez  de  la  chair 
de  cochon  bien  tendre  et  entrelardée  avec  du  persil  et  un  peu 
d'ail,  assaisonnez  de  sel  et  épices  mêlés;  emplissez  de  ce  mélange 
des  intestins  de  grosseur  convenable,  faites  cuire  pendant  deux  ou 
trois  heures  et  conservez  au  sec. 

Cervelas  mortadelles  dits  saucisson  de  Bologne.  —  Hachez 
de  la  chair  de  porc  grasse  et  maigre,  ajoutez  du  sel,  du  poivre 
entier,  autant  de  vin  blanc  et  de  sang  qu'il  est  nécessaire  pour  lier 
la  pâte,  mêlez  le  tout  ensemble,  pétrissez-le,  remplissez-en  des 
boyaux  en  serrant  fortement,  faites  les  cervelas  de  la  longueur 
que  vous  voulez,  nouez-les  aux  deux  bouts ,  faites-les  sécher  à 
l'air  ou  à  la  fumée. 

Cervelas  maigres  à  la  bénédictine.  —  Hachez  anguilles  et 
carpes  avec  beurre  frais,  persil,  ciboules  hachées,  échalotes,  ail, 
sel,  épices  fines,  œufs;  prenez  des  boyaux  de  poisson  bien  nettoyés, 
emplissez-les  de  votre  farce,  faîtes-les/umer  à  la  cheminée  pen- 


400  CHAMPIGNON. 


dant  trois  jours,  et  mettez-les  cuire  dans  du  vin  blanc  avec  oignons 
et  racines  aromatiques. 

Cervelas  de  plusieurs  façons.  —  On  procède  comme  ci-dessus^ 
on  ajoute  de  plus  des  truffes,  des  pistaches,  des  échalotes  hachées 
ou  des  oignons  ;  on  les  passe  sur  un  feu  un  peu  ardent,  on  les 
incorpore  dans  leur  enveloppe  et  on  procède  comme  pour  \^$ 
autres. 

CHAMPIGNON.  —  Nom  générique  d'un  grand  nombre  de 
plantes  spongieuses^  cryptogames,  en  chapiteau,  sans  branches 
ni  feuilles.  Les  champignons  croissent  dans  les  lieux  humides  ;  il 
y  en  a  beaucoup  de  vénéneux;  les  bons  sont  eux-mêmes  capables 
d'intoxiquer  légèrement  les  personnes  quij  comme  l'empereur 
Claude  ou  le  Trimalcion  de  Pétrone,  seraient  tentés  d'en  feire 
abus. 

Champignons  à  la  bordelaise.  —  Prenez  les  plus  gros  cèpes 
que  vous  pourrez,  préférez  les  plus  secs,  les  plus  épais  et  les  plus 
fermes,  surtout  qu'ils  ne  soient  pas  vieux  cueillis;  laveX-les, 
égouttez-les,  ciselez  légèrement  le  dessous  en  losange,  mettez-les 
dans  un  plat  de  terre,  arrosez-les  d'huile  fine,  saupoudrez-les 
d'un  peu  de  sel  et  de  gros  poivre,  laissez  mariner  deux  heures, 
faites-les  griller  d'un  côté.  Leur  cuisson  achevée,  ce  dont  vous 
jugerez  facilement  s'ils  sont  flexibles  sous  les  doigts,  dressez-les 
sur  votre  plat  à  servir,  saucez-les  avec  la  sauce  suivante  : 

Mettez  dans  uiie  casserole  de  l'huile  en  suffisante  quantité 
pour  saucer  vos  champignons,  hachez  très-fin  dans  votre  huile  du 
persil,  de  la  ciboule,  une  pointe  d'ail;  faites  chauffer  le  tout, 
saucez -en  vos  champignons,  pressez  le  jus  de  deux  citrons  ou 
arrosez-les  de  verjus,  ce  qui  vaudrait  mieux. 

Champignons  à  la  bordelaise  sous  la  tourtière.  —  Préparez 
ces  champignons  comme  les  précédents,  laissez-les  mariner  une 
heure  ou  deux  dans  de  l'huile  fine,  du  sel,  du  poivre  et  un  peu 
d'ail  ;  hachez  les  queues  et  les  parures  de  vos  champignons,  pres- 
sez-les dans  un  linge  pour  en  ôter  l'eau,  mettez-les  dans  une 
casserole  avec  de  l'huile,  du  sel,  du  gros  poivre,  du  persil,  de  la 
ciboule  hachée  et  une  pointe  d'ail.  Passez  ces  fines  herbes  un 
instant  sur  le  feu,  posez  vos  champignons  sens  dessus  dessous  sur 
la  tourtière ,  mettez  dans  chaque  une  portion  de  ces  fines  herbes. 


CHAMPIGNON.  401 


faites  cuire  vos  champignons  ainsi  préparés  dans  un  four  ou  sous 
un  four  de  campagne,  avec  feu  dessus,  feu  dessous.  Leur  cuisson 
faite,  dressez-les  sur  le  plat,  saucez-les  avec  l'assaisonnement  dans 
lequel  ils  ont  cuit,  exprimez  dessus  le  jus  d'un  citron,  arrosez* 
les  d'un  filet  de  verjus  et  servez. 

Champignons  à  la  tourtière.  —  Comme  ceux  à  la  bordelaise, 
posez-les  sur  votre  tourtière,  assaisonnez-les  d'un  peu  de  sel  et 
de  gros  poivre,  passez  vos  fines  herbes  dans  du  beurre  au  lieu 
d'huile,  garnissez-en  vos  champignons,  faites-les  cuire,  soit  au 
four,  soitsous  un  four  de  campagne;  leur  cuisson  faite,  dressez-les 
sur  votre  plat,  arrosez-les  de  l'assaisonnement  dans  lequel  ils  ont 
cuit,  exprimez  dessus  le  jus  d'Un  citron  et  servez. 

Croûtes  aux  champignons.  —  Tournez,  faites  cuire,  mettez 
dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  un  bouquet  de 
persil  et  des  ciboules,  posez  votre  casserole  sur  un  fourneau, 
sautez,  singez  d'une  pincée  de  farine,  mouillez  au  consommé- 
bouillon,  faites  partir,  laissez  mijoter,  assaisonnez  de  sel,  de  gros 
poivre  et  d'un  peu  de  muscade  râpée,  prenez  de  la  croûte  d'un 
pain  râpé,  beurrez,  mettez  sur  un  gril,  sur  une  cendre  rouge, 
laissez  sécher  ainsi,  liez  les  champignons  avec  des  jaunes  d'œufs 
délayés  dans  de  la  crème,  versez  un  peu  de  sauce  dans  le  creux 
de  votre  croûte,  dressez  et  servez. 

Croûtes  aux  morilles.  —  Épluchez,  fendez,  lavez,  faites 
blanchir,  égouttez,  mettez  à  la  casserole  vos  morilles  avec  beurre, 
persil,  ciboules,  passez-les  sur  le  feu,  sautez,  farinez,  mouillez 
avec  consommé,  faites  cuire,  réduisez,  supprimez  le  bouquet, 
liez  avec  jaunes  d'œufs  délayés,  sucrez  et  servez  avec  garniture  de 
truffes  noires.  (Voir  l'article  Cèpes.) 

Qévis.  —  J'avoue  que  rien  ne  m'effraye  plus  que  l'apparition 
de  champignons  sur  une  table,  surtout  lorsque  je  me  trouve  par 
hasard  dans  une  petite  ville  de  province.  Je  vois  cet  entrefilet 
dans  un  journal  : 

tt  Hier  M.  X.,  sa  femme  et  sa  fille  aînée  ayant  été  se  pro- 
mener dans  la  forêt  de ,  en  ont  rapporté  un  plat  de  champi- 
gnons qu'ils  ont  mangé  à  leur  diner;  ce  matin  le  mari  et  la 
femme  étaient  mort  empoisonnés ,  et  l'on  désespérait  de  leur 
fille.  I) 

a6 


4oa 


CHAPON 


Le  grand  malheur  de  rempoisonnement  par  les  champignons, 
c'est  que,  quand  les  premiers  symptômes  d'intoxication  se  font 
sentir,  il  est  déjà  trop  tard,  Taliment  vénéneux  étant  déjà  à  moitié 
digéré. 

Il  n'existe  donc  pas,  à  proprement  parler,  de  contre-poison 
pour  les  champignons  vénéneux  ;  on  commencera  par  administrer 
un  vomitif,  puis,  si  le  vomitif  n'agit  pas  suffisamment,  on  donnera 
un  purgatif  doux  :  30  grammes  d'huile  de  ricin,  60  grammes  de 
manne,  des  lavements  avec  de  la  casse,  60  grammes,  sulfate  de 
soude  et  de  magnésie,  1 5  grammes  ;  on  donnera  en  outre  quelques 
cuillerées  d'une  potion  éthérée  avec  de  l'eau  de  fleur  d'oranger; 
pendant  ce  temps  le  médecin  arrivera  et  appréciera  la  situation. 

CHAPELURE.  —  Croûte  de  pain  râpée  qui  se  vend  chez 

tous  les  épiciers,  et  qui,  unie  à  de  fines  herbes,  à  du  sel  et  à  de 
la  muscade,  sert  à  couvrir  les  côtelettes,  les  jambons,  etc. 

CHAPON.  —  Nous  avons  déjà  dit  dans  notre  préface  que 
c'était  les  habitants  de  l'île  de  Cos  qui  avaient  appris  aux  Romains 
l'art  d'engraisser  les  volailles.  Dans  les  lieux  clos  et  sombres  la 
profusion  qui  s'en  faisait  à  Rome  obligea  le  consul  Caïus  Fanius 
à  rendre  une  loi  qui  défendait  d'élever  les  poules  dans  les  rues. 
Que  firent  alors  les  Romains  pour  éluder  la  loi  ?  ils  apprirent 
à  châtrer  des  coqs  qu'ils  élevèrent  comme  des  poules.  Ainsi 
nous  devons  l'introduction  des  chapons  sur  les  tables  modernes 
à  la  défense  faite  aux  Romains  de  manger  des  poulardes. 

Chapon  au  gros  sel.  —  Ayez  un  chapon,  videz,  flambez, 
épluchez,  troussez  les  pattes  en  dedans,  bridez,  bardez  et  faites-le 
cuire  dans  le  consommé;  égouttez,  dressez,  salez,  saucez  au  jus 
de  bœuf  réduit  et  servez. 

Chapon  au  ri:(.  —  Préparez  comme  ci-dessus  ;  faites  blan- 
chir environ  375  grammes  de  riz,  égouttez-le,  mettez  dans  la 
marmite,  mouillez  le  tout  avec  deux  cuillerées  à  pot  de  consommé, 
faites  partir  et  couvrez,  laissez  mijoter  sur  la  paillasse,  ayez  soin 
de  remuer  de  temps  en  temps  votre  riz.  La  cuisson  faite,  dressez, 
dégraissez  votre  riz,  finissez  d'assaisonner  avec  beurre,  sel,  gros 
poivre,  un  peu  de  réduction,  si  vous  en  avez,  et  masquez-en  votre 
chapon. 

Chapon  aux  truffes.  —  Préparez  comme  ci-dessus  ;  videz  par 


CHAPON.'  403 


la  poche,  épluchez  environ  un  kilogramme  de  bonnes  truffes, 
haches -en  quelques-unes,  coupez  par  dé  et  pilez  environ 
500  grammes  de  lard  gras,  mettez-le  dans  une  casserole  avec  vos 
truâès,  du  sel,  du  poivre,  un  peu  de  muscade  râpée  et  des  fines 
épices,  faites  mijoter  environ  une  demi-heure,  laissez  refroidir, 
remplissez-en  votre  chapon  jusqu'à  la  poche,  et  cousez-la,  bridez- 
le,  les  pattes  en  long,  conservez-le,  et  si  vous  pouvez  attendre  deux 
ou  trois  jours,  bardez-le,  embrochez-le  après  l'avoir  enveloppé 
d'un  papier,  faites-le  cuire  à  peu  près  une  heure  et  demie,  débal- 
lez-le si  vous  l'employez  pour  relevé,  supprimez  la  barde,  servez- 
le  à  la  peau  de  goret  et  mettez  dessous  une  sauce  aux  trufiès. 
(Voir  l'article  Sauces  aux  truffes.)  Cette  recette  est  honorée  de 
l'approbation  de  l'excellent  Villemot. 

Chapon  à  Vindienne  ou  en  pilau.  —  Après  avoir  troussé  un 
chapon  les  pattes  en  dedans,  vous  le  bridez  ;  mouillez  une  casse- 
role avec  du  bon  consommé ,  couvrez-la  d'une  barde  de  lard  et 
mettez-y  votre  chapon,  joignez-y  350  grammes  de  riz  bien  lavé 
quand  vous  verrez  votre  chapon  aux  trois  quarts  cuit;  retirez- le 
ensuite,  quand  vous  verrez  que  le  grain  de  votre  riz  ne  se  délayera 
pas;  égouttez  votre  chapon,  dressez-le  sur  un  plat, mettez  autour 
votre  riz,  safrané  et  pimenté. 

Chapon  poêle  à  la  cavalière,  —  Videz,  parez,  bridez  un 
chapon,  mettez-le  au  feu  avec  bouillon,  oignons,  carottes,  céleri 
et  bouquet  d'herbes;  laissez  cuire  une  heure,  égouttez  et  servez 
dans  une  purée  d'écrevisses,  ou  purée  de  tomates  aux  anchois,  ou 
sauce  Robert  à  la  moutarde,  ou  crème  à  la  Béchamel  aux  huîtres, 
ou   sauté  de  champignon,  etc;,  etc. 

Kari  de  chapon  à  l'indienne^  —  Dépecez  un  ou  plusieurs 
jeunes  chapons,  faites-les  dégorger  vingt  minutes,  épongez-les 
bien  dans  un  linge,  assaisonnez-les,  hachez  quelques  oignons 
bien  fin ,  beurrez  grassement  votre  casserole  ;  couchez  vos  chapons 
les  membres  en  dedans,  ajoutez  un  bouquet  garni,  faites  suer 
quinze  minutes,  jusqu'à  réduction  complète  d'humidité,  en  ayant 
soin  toutefois  de  ne  pas  laisser  prendre  trop  de  couleur  k  votre 
volaille;  ajoutez  ensuite  les  oignons  hachés  que  vous  avez  pré- 
parés ,  faites  passer  le  tout  à  feu  doux  sans  obtenir  couleur , 
égouttez-les  de   leur  graisse,    ajoutez   quelques   cuillerées  de 


404  CHARCUTERIE. 


sauce  suprême  ou  velouté  de  volaille  ;  à  défaut  de  cette  sauce, 
vous  pouvez  en  faire  une  de  la  façon  suivante  :  lorsque  votre 
chapon  et  vos  oignons  seront  à  revenir,  ajoutez  dans  la  casserde 
quelques  cuillerées  de  farine  et  du  bon  bouillon  sans  que  votre 
sauce  soit  trop  consistante.  Laissez  cuire  le  tout  pendant  vingt 
minutes  ou  plus  suivant  la  tendreté  de  votre  volaille  ;  quand  la 
cuisson  sera  parfaite,  faites  dissoudre  dans  un  vase  quelconque 
deux  ou  trois  cuillerées  de  poudre  de  Kari  à  Tindienne,  soit  avec 
du  consommé  froid ,  soit  avec  de  Teau ,  versez  cette  dissolution 
dans  votre  fricassée  et  laissez  cuire  encore  un  moment  afin  qu'elle 
s'imprègne  dans  toutes  les  parties  de  votre  chapon  et  retirez  vos 
membres  ;  passez  la  cuisson  à  travers  une  étamine,  faites  réduire 
jusqu'à  consistance  d'une  bonne  allemande,  ajoutez-y  un  bon 
morceau  de  beurre  fin ,  afin  d'en  corriger  l'âcreté  et  passez  après 
avoir  goûté  si  c'est  de  bon  goût,  relevez  bien  le  tout,  et  dressez 
dans  un  grand  plat  d'entrée. 

Pendant  ces  préparations,  faites  cuire  à  l'eau  de  sel  seule- 
ment 500  grammes  de  riz  de  la  Caroline,  à  grande  eau  surtout; 
faites-le  bouillir  pendant  12  ou  15  minutes  sans  discontinuer, 
égouttez-le,  mettez  dans  un  plat  un  fort  morceau  de  beurre  fin, 
faites  sauter  votre  riz  et  mettez-le  sécher  à  l'étuve  ou  au  fbur 
à  température  modérée ,  de  façon  à  le  bien  faire  goutter  de 
toutes  les  eaux  que  le  riz  contient  et  à  le  faire  gonfler.  Il  doit 
après  ces  opérations  se  détacher  grain  par  grain,  et  vous  le  servez 
avec  votre  kari  dans  un  autre  vase;  vous  pouvez  aussi,  si  cela 
vous  plaît,  passer  votre  riz  au  beurre  noisette.  (Recette  de 
M.  Verdier,  Maison  d'Or.) . 

CHARBONNEES.  —  Oa  donne  ce  nom  aux  morceaux  d'un 
petit  aloyau  tiré  des  fkusses  côtes  tendres  ;  on  les  fait  cuire  sur  le 
gril  après  les  avoir  saupoudrées  de  chapelures  et  trempées  dans 
une  marinade,  vous  les  faites  cuire  à  la  braise  en  les  dressant  sur 
une  purée  de  haricots  rouges  au  vin  de  Bourgogne  eu  un  ragoût 
des  quatre  racines  au  jus.  Vous  pouvez  aussi  les  servir  à  la  maître 
d'hôtel. 

On  donne  aussi  le  nom  de  chârbonnées  à  des  tranches 
maigres  de  veau,  de  porc  et  de  venaison. 

CHARCUTERIE.  —  J/art  de  préparer  la  chair  de  porc. 


CHARLOTTE.  405 


On  fait  à  la  charcuterie  les  honneurs  d'une  foire,  que  l'on 
appelle  Foire  aux  jambons  et  qui  a  lieu  à  Paris  dans  la  semaine 
sainte;  son  nom  lui  vient  de  ceux  qui  l'exercent  et  qu'on  appela 
chaircuitier  (cuiseur  de  chair)  et  depuis  charcutier.  Les  produits 
qu'ils  tirent  du  cochon,  cet  animal  immonde,  dont  depuis  les 
pieds  jusqu'à  la  tète  tout  est  bon ,  sont  immenses  :  jambon ,  sau- 
cisson, saucisses,  pieds,  hure,  hachis,  oreille,  langue,  couenne, 
fromage  de  cochon ,  fromage  d'Italie ,  lard ,  boudin ,  petit  salé , 
côtelettes ,  etc. 

La  vente  du  porc  n'est  exclusive  aux  charcutiers  que 
depuis  1475 î  ^^  ^^5  ^  réunirent  en  communauté;  par  leurs 
statuts,  que  confirma  un  édit  du  roi,  la  vente  du  porc  cuit  leur 
fut  attribuée ,  mais  cette  vente  devait  cesser  pendant  le  carême, 
et  alors  ils  pouvaient  la  remplacer  par  celle  du  hareng  salé  et 
du  poisson  de  mer  ;  aujourd'hui  on  trouve  chez  la  plupart  des 
charcutiers  un  grand  nombre  de  mets  froids  dont  la  base  est  le 
veau ,  la  volaille  et  le  gibier  et  dans  lesquels  la  chair  de  porc 
n'entre  que  comme  accessoire. 

Comme  la  charcuterie  ne  se  fait  qu'avec  du  cochon,  nous 
indiquerons  à  cet  article  les  différentes,  manières  de  le  préparer 
et  de  le  servir. 

CHARLOTTE.  —  Plat  d'entremets  à  la  crème  et  aux 
fruits. 

Charlotte  de  pommes  aux  confitures.  —  Coupez  des  pommes 
en  morceaux  après  les  avoir  pelées  et  en  avoir  retranché  les 
cœurs,  faites-en  une  marmelade,  après  avoir  ajouté  du  sucre  à 
peu  près  le  tiers  des  pommes ,  un  peu  de  cannelle  en  poudre  et  la 
moitié  d'un  zeste  de  citron,  laissez  réduire  cette  marmelade. 

Coupez  des  tranches  de  pain  le  plus  mince  possible,  les 
unes  en  carré  long,  les  autres  en  triangle ,  trempez-les  dans  le 
beurre  tiède,  couvrez  le  fond  d'une  casserole  beurrée  avec  les 
triangles  et  revêtissez  les  bords  de  ladite  casserole  avec  les  carrés 
longs,  jusqu'à  la  hauteur  à  laquelle  vous  voulez  la  remplir  et 
mettez  au  milieu  de  cette  marmelade  une  forte  cuillerée  de  gro- 
seille framboisée  ou  de  confitures  d'abricots. 

La  casserole  préparée,  vous  y  mettez  de  la  marmelade  de 
pommes ,  bien  unie  par-dessus  et  panée  avec  de  la  mie  de  pain 


4o6  CHARLOTTE. 


trempée  dans  du  beurre,  la  casserole  mise  sur  des  cendres  rouges, 
vous  couvrez  avec  un  four  de  campagne  un  peu  chaud  ou  un 
couvercle  sur  lequel  vous  mettez  du  feu  et  laissez  prendre  une 
belle  couleur. 

Charlotte  de  poires  à  la  vanille.  —  Pelez  des  poires  de 
Messire  Jean,  àtez  les  cœurs,  coupez-les  en  morceaux,  et  les 
mettez  avec  un  verre  d'eau  dans  une  casserole  que  vous  couvrez, 
faites-les  cuire  jusqu'à  amollissement,  écrasez,  tamisez,  ajoutez  du 
sucre,  une  gousse  de  vanille  pilée  sous  marbre  et  faites  cuire. 

Charlotte  de  poires  à  la  Condé.  —  Comme  ci-dessus,  en  y 
ajoutant  vingt-quatre  petits  citrons  chinois.  (Façon  de  Provence.) 

Charlotte  d'abricots.  —  Prenez  vingt-quatre  abricots  de  plein 
vent  un  peu  rouges  et  pas  trop  mûrs;  vous  coupez  chacun  d'eux 
en  huit  quartiers  après  avoir  ôté  la  pelure,  sautez-les  ensuite  dans 
une  casserole  avec  120  grammes  de  sucre  fin  et  60  grammes  de 
beurre  tiède  pendant  dix  minutes  à  petit  feu;  foncez  la  Charlotte 
comme  celle  aux  pommes  d'api ,  versez-y  les  abricots  bouillants, 
recouvrez  la  Charlotte  et  faites-la  cuire  jusqu'à  coloration  blonde, 
puis  glacez  de  marmelade  d'abricots  et  servez. 

Charlotte  de  pêches.  —  Vous  opérez  comme  ci-dessus  après 
avoir  coupé  vingt  pêches  de  vigne  un  peu  fermes,  que  vous  faites 
blanchir  dans  un  sirop  ;  quand  elles  sont  égouttées,  vous  coupez 
chaque  moitié  en  trois  quartiers  d'égale  grosseur  et  vous  les 
sautez  dans  la  casserole  avec  120  grammes  de  sucre  en  poudre  et 
60  grammes  de  beurre  tiède.  Vous  versez  cette  marmelade  dans 
la  charlotte  que  vous  avez  foncée  comme  la  précédente,  vous  la 
dressez  sur  le  plat  en  la  masquant  dessus  et  autour  avec  le  sirop 
qui  vous  a  servi  à  cuire  le  fruit  et  vous  servez. 

Procédez  de  même  pour  les  charlottes  de  prune  de  reine- 
Claude  et  de  mirabelle. 

Charlotte  de  pommes  d'api.  —  Epluchez  quatre-vingts 
pommes  d'api,  coupez-les  par  petits  quartiers  minces,  sautez- les 
dans  une  grande  casserole  avec  120  grammes  de  sucre  en  poudre 
et  autant  de  beurre  tiède,  ajoutez  le  zeste  d'une  orange  ou  d'une 
bigarade  jaune.  Placez  ensuite  les  pommes  couvertes  sur  un  feu 
modéré  et  sautez -les  de  temps  en  temps,  afin  de  les  cuire  bien 
également  et  le  plus  entières  possible.  Mêlez  un  pot  de  belles 


CHARLOTTE.  •  407 


cerises  égouttées  de  leur  sirop.  Pendant  qu^elles  cuisent,  vous 
coupez  la  mie  d'un  pain  mollet  de  i  kilog.  avec  un  coupe-racine 
de  18  millimètres  de  diamètre;  trempez  ces  colonnes  de  mie  dans 
du  beurre  tiède  et  garnissez-en  le  fond  et  le  tour  de  votre  moule. 
Versez  les  ponimes  dans  la  charlotte,  couvrez -les  de  mie  de 
pain  trempée  dans  du  beurre,  et  un  peu  avant  de  la  servir,  met- 
tez-la au  four  gai  ou  sur  des  cendres  rouges  et  entourez-la  de 
braises  ardentes.  Après  une  demi-heure  de  cuisson,  vous  observez 
la  charlotte,  si  elle  est  colorée  bien  blonde,  vous  la  renversez 
sur  un  plat,  sinon,  vous  renouvelez  le  feu  jusqu'à  ce  qu'elle  soit 
cuite;  enlevez  alors  le  moule,  masquez  légèrement  la  charlotte 
avec  un  doroir  imbibé  de  marmelade  d'abricots,  de  gelée  de 
ponunes  ou  de  groseilles  rouges  et  donnez -lui  une  physionomie 
brillante* 

On  glace  le  moule  avec  du  sucre  en  poudre  avant  de  s'en 
servir;  mais  il  est  préférable  de  le  beurrer,  parce  que  le  sucre 
est  susceptible  de  donner  en  cuisant  une  couleur  trop  foncée  à 
la  charlotte.  {Recette  de  M.  de  Courchamps,) 

Charlotte  russe  au  café.  —  Foncez  un  moule  d'entremets 
uni  avec  des  biscuits  à  la  cuiller,  faites  infuser  100  grammes 
d'excellent  café  dans  un  litre  de  lait  et  laissez  cette  infusion  une 
heure  dans  un  endroit  chaud.  Mettez  8  jaunes  d'œufs  et  3  hec- 
togrammes de  sucre  en  poudre  dans  une  casserole;  mettez  25  gr. 
de  grenetine  tremper  dans  l'eau  froide,  passez  la  crème  sur  les 
œufs  et  le  sucre,  mêlez  parfaitement  et  faites  lier  sur  le  feu. 
Lorsque  votre  crème  est  liée,  égouttez  la  grenetine,  mettez -la 
dans  le  moule  et  remuez  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  dissoute,  passez 
ensuite  au  tamis  et  faites  prendre  sur  la  glace.  Ajoutez  15  déci- 
litres de  crème  fouettée  ferme,  emplissez  votre  moule,  et  couvrez 
la  charlotte  d'un  plafond  glacé,  laissez  une  heure  dans  la  glace 
et  servez. 

Charlotte  russe  aux  amandes  grillées.  —  Hachez  des 
amandes,  faites  fondre  du  sucre  en  poudre,  mêlez  vos  amandes  au 
sucre  et  pralinez-les  au  feu.  Mettez-les  sur  un  couvercle  et  lais- 
sez refroidir;  pilez-les  ensuite,  passez-les  dans  un  tamis  fin  pour 
en  ôter  la  crème,  mélez-les  dans  une  casserole  avec  des  jaunes 
d'œufs  et  du  sucre,  finissez  et  servez  comme  ci-dessus. 


4o8  •  CHARTREUSE. 


Charlotte  froide  à  la  Brunoy.  —  Émincez  des  biscuits  et 
garnissez*en  un  moule  uni  en  faisant  dans  Tintérieur  plusieurs 
compartiments ,  remplissez  de  confitures  diverses ,  couvrez  votre 
charlotte  avec  du  biscuit,  renversez-la  sur  un  plat  et  servez. 

Charlotte  à  la  crème ^  dite  à  la  russe  ou  à  la  Richelieu.  — 
Arrangez  des  biscuits  à  lacuillerau  fond  et  autour  d'un  moule  que 
vous  remplissez  de  la  composition  suivante  :  délayez  des  jaunes 
d'œufs  avec  de  la  crème,  mettez-y  infuser  deux  pincées  de  fleur 
d  oranger  pralinée,  ;oignez-y  125  grammes  d'amandes  douces  et 
4  amères  que  vous  aurez  bien  pilées;  jetez  cette  composition  dans 
la  crème  bouillante ,  mettez-y  du  sucre  en  poudre ,  posez  le  tout 
sur  un  feu  très-doux  et  remuez  jusqu'à  ce  que  vous  la  voyiez 
s'épaissir,  mais  qu'elle  ne  bouille  pas ,  cela  ferait  tourner  les 
œufs,  passez-la  ensuite  dans  une  étamine  ou  un  tamis.de  soie, 
laissez-la  refroidir,  mettez-la  dans  une  sarbotière,  faites-la  gla- 
cer en  y  adjoignant  un  fromage  fouetté  à  la  Chantilly  et  quelques 
filets  très-déliés  d'écorces  de  cédrat  confis  et  d  angélique. 

Charlotte  aux  macarons  d'avelines.  —  Préparez  d'abord  la 
crème  aux  macarons  (  v.  cet  article  ) ,  faites-la  prendre ,  et  quand 
vous  la  voyez  commencer  à  se  lier  et  devenir  coulante,  vous  y 
amalgamez  une  assiettée  de  crème  fouettée  ;  vous  couvrez  le  fond 
d'un  moule  uni  avec  des  macarons  aux  avelines,  vous  en  placez 
d'autres  le  long  du  moule  et  vous  remplissez  les  vides  avec  des 
fragments  de  macarons.  Versez  de  la  crème  dans  la  charlotte 
pour  contenir  les  macarons  du  tour,  placez-en  d'autres  dessus, 
remettez  de  la  crème,  et,  votre  charlotte  bien  garnie,  vous  la 
glacez  et  la  servez  au  bout  d'une  heure. 

Charlotte  aux  gaufres  de  pistaches.  —  Coupez  des  gaufres 
aux  pistaches  de  la  hauteur  de  votre  moule  en  leur  donnant 
cinq  centimètres  et  demi  de  largeur,  roulez-les  en  petites 
colonnes,  garnissez-en  le  tour  du  moule  en  les  plaçant  droites. 
Masquez  le  fond  de  votre  moule  avec  des  gaufres  coupées  en 
carrés,  allongées  et  pliées  en  cornets  de  façon  à  foncer  la  char- 
lotte partout;  garnissez-la  ensuite  de  crème  fouettée  à  la  liqueur, 
placez  à  la  glace  pendant  une  heure,  renversez  et  servez. 

CHARTREUSE.  —  M.  Carême  a  décidé  que  la  grande- 
chartreuse  était  la  reine  des  entrées  modernes]  mais  nous  allons 


CHARTREUSE. 


409 


laisser  parler  cet  illustre  professeur,  attendu  que  nous  n'avons 
pas,  à  beaucoup  près,  autant  d'éloquence  que  lui. 

«  La  grande-chartreuse  ne  doit  contenir,  comme  on  sait, 
que  des  légumes  et  des  racines,  mais  elle  ne  saurait  être  parfaite 
que  dans  les  mois  de  mai,  juin,  juillet  et  août,  saison  riante  et 
propice,  où  tout  se  renouvelle  dans  la  nature  et  semble  nous 
inviter  à  apporter  de  nouveaux  soins  dans  nos  opérations,  par 
rapport  à  la  tendreté  de  ces  excellentes  productions.  Les  détails 
minutieux  de  la  Chartreuse  sont  à  peu  près  les  mêmes  que  pour 
les  pâtés  chauds  de  légumes,  c'est  pourquoi  je  passerai  rapide- 
ment sur  la  description  de  cette  entrée.  » 

Chartreuse  à  la  parisienne,  en  surprise,  —  Faites  cuire  huit 
belles  truffes  bien  rondes  dans  du  vin  de  Champagne  ou  sous  la 
cendre;  quand  elles  sont  froides,  vous  les  épluchez,  les  coupez 
dans  leur  plus  grande  longueur;  parez  ensuite  légèrement  une 
centaines  de  queues  d'écrevisses  dont  vous  formez  une  couronne 
au  fond  d'un  moule  beurré  ;  vous  placez  vos  colonnes  de  truffes 
parées  sur  vos  queues  d'écrevisses,  de  façon  qu'elles  forment  une 
espèce  de  bordure  grecque  ou  méandre ,  vous  y  joignez  des  filets 
mignons  de  poulets  que  vous  avez  fait  roidir  dans  le  beurre  et 
proprement  parés,  et  pour  faire  pendant  à  la  couronne  de  queues 
d'écrevisses  qui  se  trouve  sur  le  fond,  vous  placez  sur  le  haut  de 
votre  chartreuse  une  autre  couronne  de  queues  d'écrevisses ,  de 
façon  qu'elle  s'en  trouve  entourée,  ce  qui  est  d'un  effet  char- 
mant. 

Hachez  ensuite  les  parures  de  vos  truffes,  masquez-en  une 
première  fois  le  fond  du  moule,  puis  masquez-le  de  nouveau 
avec  soin  de  quenelle  de  volaille  un  peu  ferme,  à  la  hauteur 
d'un  centimètre  et  demi ,  vous  masquez  aussi  de  la  même  façon 
votre  bordure  grecque.  Votre  moule  étant  ainsi  garni  partout, 
vous  mettez  au  milieu  une  blanquette  de  ris  d'agneau  ou  un 
ragoût  à  la  financière  ou  à  la  Toulouse,  mais  en  ayant  soin  d'y 
mettre  ces  ragoûts  à  froid  et  de  ne  remplir  le  moule  qu'à  13  mil- 
limètres du  bord  ;  mettez  ensuite  un  morceau  de  papier  beurré 
de  la  grandeur  de  votre  moule  afin  de  le  couvrir,  une  couche  de 
farce  d'environ  1 3  millimètres  d'épaisseur  et  placez  ce  couvercle 
sur  la  garniture  qui  se  trouve  contenue  par  ce  moyen  ;  dégraissez 


4IO  CHARTREUSE. 


et  àtez  ensuite  ce  papier  au  moyen  d'un  couvercle  de  casserole 
chaud  que  yous  mettez  dessus  pour  en  faire  fondre  le  beurre 
afin  d'en  détacher  la  farce ,  que  vous  liez  avec  la  pointe  d'un 
couteau  à  celle  du  tour  de  votre  moule. 

La  chartreuse  ainsi  faite,  vous  couvrez  le  dessus  d'un  rond 
de  papier  beurré,  puis  vous  la  mettez  pendant  une  heure  au 
bain-marie;  prête  à  servir,  vous  Tôtez  du  moule.  Vous  la  dressez 
^ur  un  plat  en  la  masquant  d'une  couronne  de  petits  champi- 
gnons bien  blancs  entourant  une  rosace  préparée  d'avance  avec 
huit  ifilets  mignons  à  la  Conti  en  forme  de  croissant;  placez  au 
milieu  de  votre  croissant  un  beau  et  gros  champignon  ;  glacez-la, 
si  vous  voulez,  et  servez. 

Cette  entrée  est  d'un  très-bel  effet,  et  d'après  Carême,  ce 
qu'il  a  composé  de  mieux  en  fait  d'entrée  de  farce. 

Chartreuse  de  pommes.  —  Ayez  une  vingtaine  de  belles 
pommes  de  reinette,  pelez-les,  servez- vous  d'un  vide-pontme  un 
peu  moins  gros  que  le  petit  doigt  pour  en  enlever  les  chairs  tout 
autour  du  cœur,  comme  vous  feriez  pour  extraire  le  cœur  de  la 
pomme  ;  garnissez  votre  moule  de  ces  petits  montants  de  pommes, 
et  faites  une  marmelade  avec  le  reste  des  chairs;  faites  en  sorte 
que  Vos  montants  soient  tous  d'égale  grandeur,  faites  infuser  une 
pincée  de  safran  en  la  mettant  dans  un  verre  d'eau  bouillante, 
faites-en  une  teinture ,  sucrez-la ,  mettez-y  un  tiers  de  vos  mon- 
tants, retirez-les,  égouttez-les.  Vous  faites  la  même  opération 
avec  le  second  tiers  de  vos  montants ,  dans  un  peu  de  cochenille , 
et  vous  faites  jeter  un  bouillon  à  votre  troisième  tiers  dans  du 
sirop  de  sucre  blanc.  Prenez  ensuite  de  l'angélique  en  quantité 
égale  à  l'un  des  tiers  de  vos  montants;  garnissez  votre  moule  de 
papier  blanc  et  faites  au  fond  le  dessin  que  vous  voudrez  avec 
vos  montants  verts,  jaunes ,  rouges  et  blancs,  coupez  en  liards  ou 
autrement,  et  en  les  entremêlant,  garnissez-en  aussi  le  tour; 
remplissez  votre  moule  de  marmelade  et  faites  cuire  ;  au  moment 
de  servir,  renversez  votre  chartreuse  sur  un  plat,  ôtez  le  papier 
et  servez. 

Vous  pouvez  aussi  faire  votre  chartreuse  toute  blanche  en 
trempant  vos  petits  montants  dans  de  l'eau  mêlée  avec  le  jus 
d'un  citron.  {D'après  Carême.) 


CHASSEUR  411 


CHASSELAS.  —  Raisin  blanc  fort  esrimé,  surtout  celui  de 
Fontainebleau.  Il  y  en  a  aussi  du  rouge,  mais  il  est  plus  rare. 

CHASSEUR.  —  Homme  aimable,  jovial,  bien  portant, 
mangeant  bien,  buvant  encore  mieux,  se  couchant  de  bonne 
heure,  se  levant  matin,  dormant  toute  la  nuit.  En  général  les 
dames  n'aiment  pas  les  chasseurs.  Tel  est  le  portrait  que  trace  - 
des  chasseurs,  dans  son  livre  du  Chien  cParrét^  Elzéar  Blaze,  Tun 
des  plus  grands  chasseurs  devant  Dieu  qui  aient  existé  depuis  V 

Nemrod. 

Ce  n'est  pas  sous  ce  rapport  que  j'examinerai  le  chasseur. 

Vous  voyez  de  loin  dans  la  plaine  un  homme  armé  d'un 

m 

fusil  et  accompagné  d'un  chien  ;  s'il  vous  évite,  c'est  qu'il  n'a  pas 
de  port  d'arme,  pas  la  permission  de  chasser  sur  le  terroir  où  il 
se  trouve  ou  pas  de  gibier  dans  sa  carnassière. 

Il  y  a  chasseur  et  braconnier. 

Chasseur  qui  chasse  pour  le  plaisir  et  la  gourmandise. 

Je  me  rappelle  dans  mes  premières  chasses  avoir  chassé  sou- 
vent avec  un  fermier  nommé  Moquet.  Quand  il  manquait  une 
perdrix,  il  était  rare  qu'on  ne  l'entendît  pas  s'écrier  : 

((  Sapristi!  elle  aurait  été  si  bonne  aux  choux!  » 

Et  quand  c'était  un  lièvre  : 

«  Sapristi  !  il  eût  été  si  bon  aux  petits  oignons  !  » 

A  ce  chasseur,  qui  chasse  pour  le  plaisir  et  par  gastronomie, 
nous  allons  donner  quelques  conseils,  non  pas  sur  la  manière  de 
tenir  son  fusil,  de  mettre  en  joue,  de  diriger  son  chien,  de  mar- 
cher à  contre-vent,  de  chanter  un  petit  air  si  on  aperçoit  un 
lièvre  au  gite,  mais  sur  la  manière  de  placer  le  gibier  tué  dans  sa 
carnassière. 

La  carnassière,  le  chasseur  le  sait,  a  deux  séparations,  l'une 
en  cuir,  l'autre  en  filet,  celle  en  cuir  est  destinée  à  mettre  dans 
les  petites  poches  qui  y  sont  pratiquées  le  port  d'arme,  la  permis- 
sion de  chasse,  les  capsules  et  les  lièvres,  mais  les  lièvres  seule- 
ment, pas  d'autre  gibier. 

Si  la  carnassière  du  chasseur  déborde ,  qu'il  attache  tout  le 
menu  gibier,  cailles,  cailletots,  perdreaux,  faisandeaux  à  l'exté- 
rieur avec  des  ficelles  passées  dans  les  mailles  ;  qu'il  réserve  le 
filet  pour  les   perdrix ,  les  faisans  et  les  gros  oiseaux  qui  ne 


/ 


412  CHATAIÛNE. 


craignent  pas  d'être  froissés  les  uns  par  les  autres  ;  s'il  fait  très- 
chaud,  qu'il  ne  mette  jamais  le  lièvre  dans  le  compartiment  de 
cuir  sans  Tavoir  fait  pisser. 

Qu'il  ne  mette  jamais  la  perdrix  ou  le  perdreau  dans  le 
compartiment  de  filet  sans  lui  avoir,  à  Taide  d'une  petite  bran- 
che, ôté  le  gros  intestin. 

Tout  chasseur  qui  ne  sait  pas  comment  cette  opération 
se  pratique,  se  la  fera  apprendre  par  un  chasseur  mieux  ren- 
seigné. 

Recommandation  suprême  :  qu'il  ne  tire  jamais  une  caille 
plus  près  que  vingt  ou  vingt-cinq  pas ,  la  chair  de  la  caille  essen- 
tiellement délicate,  déchiquetée  par  le  coup  de  fusil,  sMl  fait  chaud, 
n'arrivera  pas  mangeable  à  la  maison  ;  mieux  vaut  manquer  une 
caille,  que  Ton  retrouvera  plus  tard,  que  de  la  rendre  impossible  à 
manger. 

Les  Italiens,  sous  ce  rapport,  sont  mieux  outillés  que  nous. 
Ils  ont  des  carnassières  dont  le  filet,  bombé  en  osier,  laisse  passer 
l'air  et  ne  presse  pas  le  gibier  ;  le  chasseur  n'y  perd  rien  comme 
amour-propre.  Les  mailles  d'osier  laissent  voir  le  poil  et  la  plume 
aussi  bien  que  les  mailles  de  fil. 

CHATAIGNE.  —  Fruit  du  châtaignier,  arbre  de  la  ikmille 
des  hêtres^  la  châtaigne  s'allie  très-bien  à  toutes  les  viandes  et 
peut  être  employée  comme  garniture  de  viandes  cuites  à  la  braise; 
on  en  introduit  aussi  dans  toutes  les  farces,  mais  dans  la  saison 
seulement,  car  elles  se  conservent  difficilement  jusqu'à  la  fin  de 
l'hiver  ;  cependant  on  peut  les  conserver  indéfiniment  après  les 
avoir  fait  sécher  à  l'étuve,  comme  cela  se  pratique  depuis  long- 
temps dans  les  provinces  et  plus  particulièrement  dans  le  Limousin 
où  les  châtaignes  sont  une  partie  considérable  de  la  nourriture. 
On  en  fait  même  du  pain  dans  les  endroits  où  le  blé  est  très-rare, 
mais  ce  pain  est  toujours  de  mauvaise  qualité,  pesant  et  difficile 
à  digérer. 

Châtaignes  à  l'eau  ou  à  la  ménagère.  —  Mettez  dans  une 
casserole  avec  de  l'eau,  du  sel  et  un  pied  de  céleri,  la  quantité 
de  châtaignes  que  vous  voulez  faire  cuire,  laissez-les  le  temps 
voulu  et  vous  aurez  des  châtaignes  excellentes  et  de  fort  bon 
goût. 


CHEVREAU.  413 


CHAUFROID  de  poulets,  de  perdreaux  oude  bécasses  en  pain  f^  #  rjni  j-^  U.  «^«w< 
dé  munition.  —  Poulets  tendres  découpés,  sautés  au  beurre,  ^.JL /u^^^*:  ^y/-i>..s*'^ 
saupoudrés  de  farine,  mouillés  avec  del'eau  chaude.  Assaisonner  ^T^^^lilll'^^,!^^ 
de   sel,  poivre,  champignons,  petits  oignons  blancs,  bouquet  de  *'^Tf''"',j^^^^<^'j'  v* 
persil.  Faire  cuire  rapidement    en  agitant  la  casserole.  Lier  (^/>am.?-^^)/ 
ensuite  avec  deux  ou  trois  jaunes  çl'œufs  et  un  jus  de   citron,  ^**^^/*^'V^->-^<^'''^ 
Oter  le  bouquet  de  persil,  et  mettre  la  fricassée  dans  un  pain  eA.é^JtU^  «^ia,,..»»,»^  ,/u^ 
rond  préalablement  vidé  de  sa  mie,  par  une  très-petite  oxxytt-Tj'^^i^ dll^:lllt'fr.7^t 
ture.  Refermer  le  pain.  Laisser  bien  refroidir  avant  que  d'em-;:"^*  7^  f'^^ 
baller  le  chaufroid,  afin  que  le  pain  reste  croustillant.  Rompre  «uu;^k.'^^»>  >«^''(>r^l  ' 
au  moment  du  service  cette  sorte  de  tourte  par  parts.  {J-Kouyer.j^^^^^^Jt;^^^^ 

CHEVAL,  — Manger  du  cheval  est  une  locution  prover-  /  s,^.,.  jii^n.z 
biale  qui  veut  dire  manger  une  viande  hyperboHquement  dure  : 
la  viande  du  cheval  est  en  effet  plus  serrée  que  celle  du  bœuf. 
Elle  est  rouge,  huileuse.  Bien  que  très-azotée,  par  conséquent 
très-nourrissante,  il  est  fort  douteux  qu'elle  entre  jamais  dans 
la  consommation  journalière.  M.  de  Saint-Hilaire  a  tenté  vaine- 
ment jusqu'ici,  par  ses  agapes  de  cheval  d'installer  définitivement 
cet  animal  dans  les  boucheries  parisiennes;  il  est  probable  que 
le  noble  animal  que  l'homme  associe  à  sa  gloire  militaire  ne  lui 
servira  d'aliments  que  dans  les  circonstances  exceptionnelles  de 
blocus  et  de  famine.  Tant  que  le  cheval  ne  sera  point  élevé, 
nourri,  engraissé  comme  le  bœuf,  en  vue  uniquement  de  la  con- 
sommation, il  ne  devra  figurer  sur  la  table  que  dans  des  temps 
difficiles.  Alors,  seulement  alors,  identifiez  le  cheval  au  bœuf 
et  préparez-le  comme  vous  voudrez  ou  comme  vous  pourrez. 

CHEVREAU.  —  A  trois  ou  quatre  mois,  le  chevreau  est 
totalement  exempt  de  saveur  bouquetine  et  d'odeur  capriacée. 

Le  chevriot  des  roys  est  ainsi  décrit  par  Jean  Leclercq  : 

«  Estant  despouillé,  vuidé,  nestoyé  emundé  trez  bien,  je 
le  faits  rostir  tout  entier,  en  l'arrousant  d'un  bon  graissage  et  de 
vin  d'épices  ;  et  du  sel  à  deux  foix  par  dessus,  quand  je  le  mets 
à  l'astre  et  le  sors  de  broche.  Emmi  la  saulce  au  chevriot,  ne 
fault  obmettre  ou  ménaiger  les  herbes  fort  en  goust,  comme 
le  vin  vieulx  d'Espaigne,  le  fin  miel  et  bons  onguants  d  oultre- 
mer,  avec  cassepière  aisgre  et  moustarde  à  la  royalle.  Aussi 
chasqu'un  m'en  huschoir-il  et  le  roy  le  premier,  quand  me  voyoit 


414  CHEVREUIL. 


en  la  grand'cour  :  a  Hola  doncq,  hé  !  maistre  Jehan,  maistre 
«  queux,  tu  nous  veulx  doncq  empifrer  de  bombanse  et  faire 
c(  cresver,  avecq  tes  daulphîns  chevriers  d^Epiphanie,  tu  nous 
((  sauspique  et  nous  ards  tout  vifs,  mon  brave  homme!  »  Et 
nous  de  rire  à  ces  joyeusetés,  comme  en  disoit  touts  jours  à  ceulx 
du  Louvre,  icelluy  bon  prince  et  grand  roy  Françoys,  que  Dieu 
Tabsolve  et  recueille  en  sa  gloire  céleste  !  » 

Malgré  la  difficulté  qu'il  y  aurait  d'accommoder  un  chevreau 
comme  l'indique  Jean  Leclercq,  il  est  resté  quelque  chose  de  sa 
recette,  puis  qu'au  )our  des  Rois,  selon  la  tradition,  on  assaisonne 
encore  aujourd'hui,  dans  certaines  provinces,  le  chevreau  avec 
de  la  sauge  et  du  vin  blanc  sucré,  auxquels  on  ajoute  des  quatre 
épices. 

CHEVRETTE.  —  Femelle  du  chevreuil. 

On  appelle  aussi  de  ce  nom  une  espèce  de  crevette,  moins 
recherchée  cependant  que  la  crevette  vulgaire  et  qui  s'apprête  et 
s'emploie  de  la  même  façon.  (V.  Crevettes.) 

CHEVREUIL.  —  Petite  espèce  du  genre  cerf  auquel  il 
ressemble  beaucoup,  mais  il  a  plus  d'élégance  et  parait  plus  leste 
et  plus  vif.  Le  chevreuil  est  très-sauvage,  très-difficile  à  appri- 
voiser. On  a  essayé  d'en  apprivoiser  en  les  prenant  très- jeunes, 
mais  leur  naturel  impétueux  et  indépendant  reparaissait  à  la 
première  occasion,  et  ils  étaient  alors  sujets  à  des  caprices  dange- 
reux pour  les  personnes  qu'ils  avaient  prises  en  aversion. 

On  distingue  Tàge  du  chevreuil  comme  celui  du  cerf,  par  le 
nombre  d'andouillers  qui  sont  à  ses  bois.  Pour  que  sa  chair  soit 
tendre  et  savoureuse,  il  faut  le  prendre  de  dix-huit  mois  à  trois 
ans;  sa  chair  est  alors  très-bonne,  quoique  sa  qualité  dépende 
aussi  beaucoup  des  lieux  qu'il  habite;  les  meilleurs  nous 
viennent  des  Cévennes,  des  Ardennes,  du  Rouergue  et  du  Mor- 
van.  Mais  la  meilleure  est  sans  contredit  celle  du  chevrotin 
ou  faon  de  chevreuil  quand  ils  n'ont  encore  que  neuf  ou  dix 
mois. 

Nous  allons  indiquer  les  différentes  manières  de  préparer  ce 
gibier,  un  des  plus  connus  et  des  plus  recherchés  par  les  chas- 
seurs. 

Quartier  de  chevreuil  rôti.  —  Faites  macérer  votre  che- 


CHEVREUIL.  41Ç 


vreuil  avec  huile  fine,  vin  rouge,  persil,  épices  et  quelques  tran- 
ches d'oignons . 

Enlevez  ensuite  la  peau  du  filet  et  celle  du  dehors  de  la 
cuisse,  piquez-les  de  lard  fin  ;  enveloppez  le  quartier  d'un  papier 
beurré  ;  faites  cuire  et  servez  pour  grosse  pièce  avec  une  poi- 
vrade. 

Civet  de  chevreuil.  —  Lardez  de  gros  lard  les  deux  parties 
de  la  poitrine  d'un  chevreuil,  passez-les  à  la  casserole  avec  persil 
et  lard  fondu;  puis  faites-le  cuire  avec  un  bouquet  de  fines 
herbes,  sel,  poivre,  laurier,  citron  vert.  Quand  tout  est  cuit  à 
point,  faites  une  sauce  que  vous  liez  avec  farine  frite,  filet  de 
vinaigre,  poignée  de  câpres  et  quelques  olives  désossées,  et  servez 
avec  des  croûtons. 

Gigot  de  chevreuil  rôti.  —  Après  avoir  paré  un  gigot  de 
chevreuil  et  l'avoir  piqué  de  lard  fin,  vous  le  mettez  mariner 
quelques  heures  avec  du  sel  et  de  l'huile  d'olive,  puis  vous  le 
laissez  une  heure  à  la  broche,  l'arrosant  avec  sa  marinade,  et 
faites  une  sauce  avec  cette  marinade  et  du  jus  d'échalotes. 

Côtelettes  de  chevreuil.  —  Levez,  aplatissez,  marinez  un 
jour,  faites  revenir  dans  l'huile  vos  côtelettes.  —  Cuites  et  d'une 
belle  couleur,  égouttez  et  servez  avec  une  sauce  poivrade  ou  une 
sauce  tomates. 

Épaules  de  chevreuil» —  Levez  la  chair  des  épaules,  ôtez  les 
peaux,  piquez  comme  ci-dessus,  faites  mariner,  cuisez  et  servez. 
(Sauce  au  pauvre  homme.) 

Filets  de  chevreuil  sautés  à  la  minute.  —  Parez,  piquez, 
marinez,  faites  sauter  au  beurre  sur  un  feu  vif,  dressez,  glacez  et 
servez  à  la  poivrade. 

Escalopes  de  chevreuil.  —  Vous  levez  les  chairs  de  deux 
épaules,  àtez  les  peaux,  coupez  en  escalopes,  faites  cuire  sur  sau- 
toir avec  du  beurre  fondu,  sel,  poivre,  ail,  laurier,  placez  vos 
escalopes  au  moment  de  servir  sur  un  fourneau  un  peu  ardent, 
retournez-les,  ajoutez  du  beurre  et  garnissez  le  plat  avec  du 
verjus. 

Crépinettes  de  chevreuil.  —  Joignez  à  des  chairs  de  chevreuil 
rôties,  des  truffes,  des  champignons,  de  la  tétine  de  veau;  faites 
réduire  dans  une  bonne  sauce,  laissez  refroidir  le  tout  et  amal- 


4i6  CHICOREE. 


gamez  avec  du  beurre  pour  partager  en  portions  à  peu  près 
égales,  que  vous  enveloppez  de  crépines^  mettez  ensuite  vos  cré- 
pinettes sur  un  plafond  beurré,  faites  prendre  couleur,  versez 
dessus  en  les  servant  une  ravigote  d'anchois. 

Hachis  de  chevreuil  aux  œufs  pochés.  —  Hachez  des  chairs 
de  chevreuil  rôti  avec  des  fines  herbes  cuites,  mettez  le  tout 
avec  un  peu  de  beurre  dans  une  poivrade  bien  réduite,  sans  le 
laisser  bouillir  et  surmontez  ce  hachis  avec  des  œufs  pochés. 

Émincé  de  chevreuil  aux  oignons.  —  Faites  un  roux  avec 
des  oignons  coupés  en  rouelles,  faites-y  chauffer  vos  tranches 
de  chevreuil  en  y  ajoutant  du  poivre  blanc  et  le  jus  d'un  citron. 

Chevreuil  en  daube.  —  S'il  a  été  mariné,  ne  le  faites  macé- 
rer qu'un  jour  et  faites-le  cuire  environ  cinq  heures  dans  une 
braise;  faites  réduire  la  sauce  et  passez-la  au  tamis;  ajoutez-y 
quantité  suffisante  de  corne  de  cerf  pour  en  faire  une  gelée^ 
laissez  refroidir,  masquez-en  votre  pièce  de  chevreuil  et  servez. 

Cervelles  de  chevreuil.  —  (V.  Cervelles  de  veau  bt 
d'agneau. 

CHICORÉE.  —  Il  y  a  deux  genres  de  chicorée  qui  servent 
de  types  à  dix-huit  ou  vingt  sortts^  la  chicorée  sauvage  et  la  chi- 
corée cultivée,  vulgairement  tonnue  sous  le  nom  de  scarole, 

La  chicorée  sauvage  appelée  aussi  pisse- en-lit,  à  cause  delà 
vertu  qu'elle  possède  de  pousser  aux  urines,  ne  se  mange  qu'en 
salade,  et  elle  doit  être  choisie  jeune  et  tendre.  Nous  parlerons 
donc  seulement  de  Tautre  espèce,  en  renvoyant  pour  celle-ci  nos 
lecteurs  à  l'article  Salade. 

Ragoût  de  chicorée  à  la  bonne  femme.  —  Faites  blanchir  à 
l'eau  bouillante,  mettez  dans  l'eau  froide,  égouttez,  divisez, 
mettez  dans  la  casserole,  mouillez  avec  bouillon  et  beurre,  liez 
avec  farine;  servez  avec  croûtons  frits. 

Chicorée  au  grand  jus.  —  Prenez  et  faites  blanchir  des  chi- 
corées et  fendez-les  par  le  milieu  avant  de  les  avoir  égouttées  ; 
ficelez-les,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  des  bardes  de  lard, 
poivre  et  muscade,  ajoutez  des  morceaux  de  bœuf,  de  veau  ou 
de  mouton,  des  oignons,  des  carottes,  un  bouquet  bien  garni; 
faire  cuire  feu  dessus  et  dessous  pendant  trois  heures;  pressez- 
les  dans  un  linge  blanc  pour  bien  les  égoutter,  dressez-les  en 


CHIEN.  417 

couronne  sur  un  plat  et  servez-les  avec  les  entrées  que  vous  dési- 
rerez. 

Chicorée  au  blanc  ou  à  la  crème.  —  Epluchez  vos  chico- 
rées,  ôtez-en  tout  le  vert,  lavez-les  à  plusieurs  eaux,  égouttez-  • 
les,  faites-les  blanchir  avec  une  poignée  de  sel  et  mettez-les 
rafraîchir  dans  l'eau  fraîche,  hachez  cette  chicorée,  mettez-la 
dans  une  casserole  avec  du  beurre,  faites-la  cuire  un  quart 
d'heure  pour  la  dessécher,  versez  petit  à  petit  deux  verres  de 
crème  ou  de  lait  réduit,  ajoutez  muscade  râpée,  sel  et  laissez 
bien  cuire  le  tout. 

Manière  de  la  conserver.  —  Après  avoir  épluché  et  lavé 
votre  chicorée,  vous  la  jetez  dans  Teau  bouillante  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  amortie  et  non  cuite,  mettez-la  ensuite  dans  l'eau 
fraîche  et  faites-la  bien  égoutter.  Mettez-la  dans  des  pots  de 
grès  en  la  foulant  bien,  et  au  bout  de  vingt-quatre  heures  reti- 
rez l'eau  salée  qu'elle  a  jetée  ;  versez  ensuite  dessus  de  la  sau-  • 
mure  bien  claire  et  recouvrez  d'huile  ou  de  beurre  fondu. 

CHIEN.  —  Plusieurs  peuples  de  l'Asie,  de  l'Afrique  et  de 
l'Amérique  mangent  la  chair  du  chien.  Les  nègres  même  la 
préfèrent  à  celle  des  autres  animaux  et  leur  plus  grand  régal  est 
de  manger  du  chien  rôti.  Ce  même  goût  se  retrouve  chez  les  sau- 
vages du  Canada,  chez  les  Kamtchadales  et  dans  les  îles  de 
rOcéanîe.  Le  capitaine  Cook  fiit  sauvé  d'une  maladie  dange- 
reuse avec  du  bouillon  de  chien.  Hippocrate  dit  que  les  Grecs 
mangeaient  du  chien  et  que  les  Romains  en  servaient  sur  les 
tables  les  plus  somptueuses;  Pline  assure  que  les  petits  chiens 
rôtis  sont  excellents  et  qu'on  les  jugeait  dignes  d'être  présentés 
aux  Dieux.  A  Rome,  on  mangeait  toujours  des  chiens  rôtis  dans 
les  festins  que  l'on  donnait  pour  la  consécration  des  pontifes  ou 
dans  les  réjouissances  publiques. 

Or  voici  comment  Porphyre,  écrivain  grec  du  m*  siècle, 
raconte  l'origine  de  la  coutume  de  manger  du  chien  ; 

«  Un  jour  qu'on  sacrifiait  un  chien,  certaine  partie  de  Ja 
victime  (on  ne  dit  pas  laquelle)  tomba  par  terre,  le  prêtre  la 
ramassa  pour  la  remettre  sur  l'autel;  mais  comme  elle  était  très- 
chaude,  il  se  brûla.  Par  un  mouvement  spontané  et  naturel  dans 
cette  circonstance,  il  mit  ses  doigts  dans  sa  bouche  et  il  trouva 

a? 


4i8  CHOCOLAT. 


que  le  jus  était  bon.  La  cérémonie  terminée,  il  mangea  la  moitié  . 
du  chien  et  porta  le  reste  à  sa  femme;  puis,  à  chaque  sacrifice, 
ils  se  régalaient  de  la  victime.  Bientôt  le  bruit  en  courut  dans  la 
Tille,  chacun  voulut  en  essayer,  et  en  peu  de  temps  on  trouva 
des  chiens  rôtis  sur  les  meilleures  tables.  On  commença  par  faire 
cuire  les  jeunes  chiens,  qui  étaient  naturellement  plus  tendres, 
puis  les  jeunes  n'y  suffisant  plus,  on  se  servit  des  gros. 

Les  bulletins  de  la  récente  expédition  des  Anglais  en  Chine 
nous  ont  donné  des  détails  fort  curieux  sur  la  nourriture  des 
Chinois;  entre  autres,  qu'ils  engraissent  des  chiens  dans  des  cages 
comme  nous  faispns  de  nos  poulets  ;  ils  les  nourrissent  de  sub- 
stances végétales,  puis  ils  les  mangent  et  les  trouvent  excellents. 
C'est,  paraît-il,  un  des  mets  les  plus  recherchés  du  Céleste-Em- 
pire. On  le  vend  dans  toutes  les  boucheries  chinoises,  mais  c'est 
«ne  friandise  qui,  comme  nos  dindes  truffées,  n'est  réservée  qu'aux 
heureux  du  siècle,  et  le  commun  des  mortels  est  obligé  de  s'en 
tenir  à  la  vue  seulement. 

CHIPOLATA.  —  Ragoût  d'origine  italienne  dont  voici  la 
irecette  : 

Prenez  deux  douzaines  de  carottes,  de  navets,  de  marrons 
rôtis  et  d'oignons,  faites  cuire  dans  du  consommé  sucré;  procu- 
rez-vous des  petites  saucisses  appelées  chipolatesy  et  ajoutez-les 
avec  quelques  morceaux  de  lard  dans  votre  ragoût.  Mettez  le 
tout  dans  une  casserole  avec  des  champignons,  des  fonds  d'arti- 
chauts, des  tranches  de  céleri  et  quelques  cuillerées  de  blond  de 
veau;  faites  réduire,  écumez;  clarifiez  bien  et  faites-y  réchauffer 
des  volailles  ou  des  tendrons  de  veau,  des  cervelles  de  des- 
serte, etc.,  et  vous  en  garnissez  des  entrées  de  broche  ou  vous 
vous  en  servez  pour  mettre  sous  des  chapons  ou  autres  volailles. 

CHOCOLAT.  —  Le  mot  chocolat  vient,  croit-on,  de  deux 
mots  de  la  langue  mexicaine  :  choco^  son  ou  bruit  et  atUy  eau, 
parce  que  le  peuple  mexicain  le  bat  dans  l'eau  pour  le  fkire 
mousser.  Les  dames  du  nouveau  monde  aiment,  parait-il,  le 
chocolat  à  la  folie  et  en  font  un  usage  considérable.  On  rapporte 
que,  non  contentes  d'en  prendre  chez  elles  à  tout  moment  de  la 
journée,  elles  s'en  font  quelquefois  apporter  à  l'église,  sensualité 
qui  leur  a  souvent  attiré  la  censure  et  les  reproches  de  leurs  con- 


CHOCOLAT.  419 


fesseurs,  qui  ont  cependant  iini  par  en  prendre  leur  parti,  y 
trouvant  leur  intérêt  d'ailleurs,  car  ces  dames  leur  faisaient  la 
gracieuseté  de  leur  en  offrir  de  temps  en  temps  une  tasse,  ce 
qu'ils  se  gardaient  bien  de  refuser.  Enfin,  le  révérend  père  Esco- 
bar,  dont  la  métaphysique  était  aussi  subtile  que  sa  morale  accom* 
modante,  déclara  formellement  que  le  chocolat  à  Teau  ne  rom- 
pait aucunement  le  jeûne,  proclamant  ainsi  en  faveur  de  ses 
belles  pénitentes  Tancien  adage  :  Liquidum  non  frangit  jeju- 
nium. 

Importé  en  Espagne  vers  le  xvii*  siècle,  l'usage  du  chocolat 
y  devint  promptement  populaire;  les  femmeg  et  surtout  les 
moines  se  jetèrent  sur  cette  boisson  nouvelle  et  aromatique  avec 
un  grand  empressement,  et  le  chocolat  fut  bientôt  à  la  mode. 
Les  mœurs  n'ont  guère  changé  à  cet  égard,  et  encore  aujourd'hui, 
dans  toute  la  Péninsule,  il  est  de  bon  goût  de  présenter  du  cho- 
colat dans  toutes  les  occasions  où  la  politesse  exige  d'offrir 
quelques  rafraîchissements,  et  cela  partout  et  dans  toutes  les 
maisons  qui  se  respectent. 

Le  chocolat  passa  les  monts  avec  Anne  d'Autriche,  femme 
de  Louis  XIII,  qui  la  première  l'importa  en  France,  où  toujours 
à  l'aide  des  moines  français  à  qui  leurs  confrères  d'Espagne  en 
envoyaient  aussi  des  échantillons  comme  cadeaux,  il  devint  bien- 
tôt en  vogue.  Au  commencement  de  la  Régence,  il  était  devenu 
plus  en  usage  que  le  café  qui,  tout  nouvellement  importé  aussi, 
était  regardé  comme  boisson  de  luxe  et  de  curiosité,  tandis  que 
le  chocolat  était  considéré,  à  juste  titre  du  reste,  comme  un  ali- 
ment sain  et  agréable. 

M.  Brillât-Savarin,  dans  son  excellent  livre  sur  les  Classiques 
de  la  table,  recommande  le  chocolat  comme  une  substance  tonique 
stomachique  et  même  digestive  ;  il  dit  que  les  personnes  qui  en 
font  usage  jouissent  d'une  santé  constamment  égale,  et  il  parle 
du  chocolat  ambré  comme  très-bon  pour  les  personnes  fatiguées 
par  un  travail  quelconque. 

Laissons  parler  lui-même  l'illustre  gastronome  : 

«  C'est  ici  le  vrai  Heu,  dit-il,  de  parler  des  propriétés  du 
chocolat  ambré,  propriétés  que  j'ai  vérifiées  par  un  grand  nonxbre 


4ao  CHOCOLAT. 


d  expériences,  et  dont  je  suis  fier  d'offrir  le  résultat  à  mes  lec- 
teurs. • 

«  Or  donc,  que  tout  homme  gui  aura  bu  quelques  traits  de 
trop  à  la  coupe  de  la  volupté,  que  tout  homme  qui  aura  passé  à 
travailler  une  portion  notable  du  temps  qu'on  doit  passer  à  dor- 
mir, que  tout  homme  d'esprit  qui  se  sentira  temporairement 
devenu  bête,  que  tout  homme  qui  trouvera  Tair  humide,  le  temps 
long  et  l'atmosphère  difficile  à  porter,  que  tout  homme  qui  sera 
tourmenté  d'une  idée  fixe  qui  lui  ôtera  la  liberté  de  penser,  que 
tous  ceux-là,  dispns-nous,  s'administrent  un  bon  demi-litre  de 
chocolat  ambré  à  raison  de  soixante  à  soixante-douze  grains 
d'ambre  par .  demi-kilogramme,  et  ils  verront  merveille. 

((  Dans  ma  manière  particulière  de  spécifier  les  choses,  je 
nomme  le  chocolat  à  l'ambre,  chocolat  des  affligés,  parce  que, 
dans  chacun  des  divers  états  que  j'ai  désignés,  on  éprouve  je  ne 
sais  quel  sentiment  qui  leur  est  commun  et  qui  ressemble  à  l'ai^ 
fliction.  » 

C'est  toujours  M.  Brillât-Savarin  qui  parle  : 

«  Quant  à  la  manière  officielle  de  faire  le  chocolat,  c'est-à- 
dire  pour  le  rendre  propre  à  la  consommation  immédiate,  on  en 
prend  environ  une  once  et  demie  pour  une  tasse,  qu'on  fait  dis- 
soudre doucement  dans  l'eau  à  mesure  qu'elle  s'^chauflè  en  la 
remuant  avec  une  spatule  de  bois;  on  la  fait  bouillir  pendant  un 
quart  d'heure  pour  que  la  solution  prenne  consistance,  et  on  sert 
chaudement. 

((  Monsieur,  me  disait  il  y  a  plus  de  cinquante  ans  M^*"  d' Ares- 
ce  trel,  supérieure  du  couvent  de  la  Visitation,  à  Belley,  quand 
«  vous  voudrez  prendre  du  bon  chocolat,  faites-le  faire  dès  la 
«  veille  dans  une  cafetière  de  faïence  et  laissez  là.  Le  repos  de 
({  la  nuit  le  concentre  et  lui  donne  un  velouté  qui  le  rend  bien 
«  meilleur.  Le  bon  Dieu  ne  peut  pas  s'offenser  de  ce  petit  raffi- 
«  nement,  car  il  est  lui-même  tout  excellence.  » 

Nous  avons  indiqué  à  l'article  Cacao  les  différentes  manières 
de  faire  le  chocolat  avec  le  cacao,  et  nous  renvoyons  pour  les 
emplois  culinaires  dont  il  est  susceptible  à  chacune  des  prescrip- 
tions suivantes.  (V.  Beignets,  Cannelons,  Crèmes,  Fromages 
GLACÉS,  Mousses,  Pastilles,  Pralines  et  Profiterolles.) 


CHOU.  431 

CHOU.  —  Genre  de  la  famille  des  crucifères. 

n  y  a  différentes  espèces  de  choux  qui  presque  toutes  sont 
originaires  d'Europe,  où  Ton  en  fait  du  reste  la  plus  grande  con- 
sommation. Dans  presque  toutes  les  provinces  de  la  France,  c'est 
régal  des  paysans,  qui  la  plupart  du  temps  ne  vivent  que  de 
lelégumes,  quoiqu'il  nourrisse  fort  peu,  qu'il  soit  venteux  et 
répande  une  mauvaise  odeur.  Le  chou  était  en  grande  vénéra- 
tion chez  les  anciens,  ils  juraient  par  lui,  semblables  en  cela  aux 
Egyptiens  qui  rendaient  les  honneurs  divins  à  l'oignon.  L'histoire 
rapporte  cependant  qu'Apicius  ne  l'aimait  pas  et  qu'il  en  inspira 
du  dégoût  à  Drusus,  ce  dont  Tibère  blâma  son  frère. 

On  donne  aussi  le  nom  de  chou  à  une  sorte  de  pâtisserie 
dont  nous  indiquerons  plus  loin  la  recette. 

Chou  blanc  on  vert.  —  Ceux  de  Milan  sont  les  meilleurs; 
les  choux  de  Saint-Denis,  de  Bonneuil  et  ceux  qu'on  appelle  le 
petit  pommé,  le  frisé  hâtif  sont  les  premiers  qui  paraissent  et  ceux 
qu'on  emploie  généralement  dans  la  consommation. 

Chou  au  lard.  —  C'est  un  des  excellents  mets  plébéiens; 
vous  le  faites  de  la  façon  suivante  :  coupez  un  gros  chou  pommé 
en  quatre  morceaux,  faites-les  blanchir,  mettez-les  ensuite  dans 
un  pot  quelconque  avec  du  lard,  des  saucisses,  des  cervelas,  du 
céleri,  des  oignons,  des  grosses  carottes,  du  laurier  et  du  thym; 
faites  cuire  pendant  une  heure  et  demie  à  petit  feu;  dressez 
ensuite  le  tout  sur  un  plat  en  mettant  le  petit  salé  et  les  cervelas 
par-dessus  ;  retranchez  les  autres  légumes  et  faites  une  sîCuce  de 
votre  mouillement  réduit. 

Chou  farci  au  gras.  —  Prenez  une  bonne  tête  de  chou, 
_ôtez-en  le  pied  ou  trognon  et  un  peu  dans  le  corps;  faites-le 
blanchir  et  tirez-le  de  l'eau  quand  il  est  blanchi  ;  étendez  les 
feuilles  avec  soin  pour  ne  pas  les  briser  et  remplissez-le  d'une 
fkrce  faite  avec  la  chair  de  volaille,  un  morceau  de  veau,  du  petit 
lard,  de  la  moelle  de  bœuf  ou  de  la  graisse  de  jambon  cuit, 
truffes  et  champignons  hachés,  persil,  ciboules,  sel,  poivre,  mie 
de  pain,  deux  œufs  entiers,  deux  ou  trois  jaunes,  une  pointe 
d'ail;  hachez  le  tout  ensemble  et  pilez-le  bien  dans  un  mortier. 
Après  avoir  rempli  votre  chou  de  cette  farce,  refermez-le,  fice- 
lez-le bien  afin  qu'elle  ne  s'échappe  pas  des  feuilles  et  mettez-le 


422 


CHOU. 


dans  une  casserole;  faites  ensuite  du  jus  avec  des  tranches  de 
bœuf  ou  de  veau  bien  battues  que  vous  faites  réduire  dans  une 
casserole,  mettez-y  un  peu  de  farine,  faites  prendre  couleur, 
mouillez-le  de  bon  bouillon,  assaisonnez  de  fines  herbes  et  de 
tranches  d'oignon.  Quand  votre  jus  est  à  moitié  cuit,  vous  mêlez 
vos  tranches  et  ledit  jus  avec  votre  chou  et  faites  cuire  le  tout 
ensemble. 

Dressez  ensuite  votre  chou  sur  un  plat,  mettez  dessus  up 
ragoût  de  champignons  ou  de  ris  de  veau  bien  assaisonné  et  de 
bon  goût,  puis  servez  chaudement  avec  votre  jus  autour. 

Chou  farci  au  maigre,  —  Procédez  comme  ci-dessus  en  far- 
cissant votre  chou  avec  de  la  chair  de  poisson  ou  autres  garni- 
tures, ainsi  qu'on  le  ferait  pour  la  carpe,  le  brochet  ou  autre 
poisson.  (V.  ces  articles.) 

Chou  en  surprise,  —  Vous  faites  blanchir  et  ensuite  rafraî- 
chir ua  chou  entier;  ôtez  le  trognon,  écartez  les  feuilles  avec 
soin  et  remplissez-le  de  marrons,  de  saucisses  et  de  mauviettes; 
arrangez  les  feuilles  dans  leur  état  habituel,  ficelez  le  chou, 
faites-le  cuire  à  la  braise  ;  laissez-le  égoutter  quand  il  sera  bien 
cuit  et  servez-le  avec  une  sauce  faite  avec  de  la  moelle  fondue  et 
de  la  muscade  râpée. 

Chou  à  la  petite  russienne.  (Méthode  Rouyer.)  —  Exacte- 
ment comme  choux  farcis  à  la  française.  (La  farce,  ici,  est  com- 
posée de  champignons,  oignons,  persil,  hachés  grossièrement  et 
liés  en  bouillie  de  semoule  au  lait;  sel,  poivre,  muscade  râpée; 
longue  cuisson  au  four.)  Servir  avec  une  sauce  au  beurre  et  crème 
aigre. 

Chou  en  garbure.  (Cuisine  bordelaise.)  —  Après  avoir  fait 
blanchir  des  choux  et  les  avoir  égouttés,  vous  oXqz  les  plus  grosses 
côtes  des  feuilles;  puis  vous  prenez  une  soupière  pouvant  aller 
sur  le  feu  ;  vous  placez  au  fond  un  lit  de  feuilles  de  choux,  puis 
un  lit  de  tranches  de  fromage  de  Gruyère  très-minces  et  vous  les 
couvrez  avec  des  tranches  de  pain;  vous  continuez  de  faire  des 
couches  en  alternant  toujours,  chou,  fromage  et  pain;  vous  assai- 
sonnez ensuite,  vous  mouillez  de  bon  bouillon  et  vous  faites 
mijoter  et  gratiner  pendant  une  heure;  puis  vous  servez  comme 
potage  avec  du  bouillon  dans  un  autre  vase. 


CHOU.  42) 

Pain  de  chou.  —  Faites  blanchir  un  chou  de  Milan;  met- 
tez-le dans  de  Teau,  levez-en  les  feuilles  et  ôtez-en  les  grosses 
côtes,  faites  mariner  ensuite  une  noix  de  veau  avec  huile  fine, 
persil,  ciboules,  champignons,  ail,  échalotes,  gros  sel,  poivre  et 
tranches  de  jambon.  Étendez  quelques  feuilles  de  chou  bien 
égouttées,  mettez  dessus  des  tranches  de  veau  et  de  jambon  et  ua 
peu  de  leur  marinade,  et  continuez  ainsi  les  couches  les  unes  par- 
.  dessus  les  autres,  jusqu'à  ce  que  vous  ayez  formé  la  grosseur  d'uH 
petit  pain;  faites  cuire  dans  une  braise  bien  nourrie^  Quand  ils 
sont  bien  cuits,  vous  les  dégraissez  et  servez  avec  une  sauce  à 
l'espagnole  dessous. 

Chou  rouge  piqué.  —  Prenez  un  chou  gros  et  dur,  faites-le 
blanchir  et  enlevez-en  le  trognon  ;  piquez-le  de  très-gros  lard- 
Mettez  à  la  place  du  trognon  une  sauce  faite  avec  de  la  graisse, 
du  jus,  poivre,  sel  ;  enveloppez-le  d'une  toilette  de  porc  et  mettez 
le  tout  dans  une  casserole  en  le  renversant  sens  dessus  dessous; 
faites  cuire  à  petit  feu,  retirez-le,  dégraissez  la  sauce,  faites-k 
réduire  et  servez-la  sur  le  chou. 

Chou  rouge  à  la  hollandaise.  —  Nous  alloas  indiquer  lu 
manière  de  faire  ce  chou  qui  est  un  des  meilleurs  entremets. 

Epluchez  des  pommes  de  reinette  et  des  oignons  que  vous 
hachez  bien  menu;  puis  vous  faites  blanchir  des  choux  rouges 
dont  vous  aurez  préalablement  rejeté  les  trognons  et  le  bout  des 
feuilles.  Mettez  ensuite  le  tout  cuire  dans  une  casserole  avec  un 
bon  morceau  de  beurre,  une  cuillerée  de  sucre  en  poudre,  une 
pincée  de  sel,  poivre  et  bouquet  garni;  faites  cuire  le  tout  pen- 
dant cinq  ou  six  heures;  ajoutez  un  verre  de  vin  de  Bordeaux, 
jôtez  le  bouquet  et  achevez  votre  préparation  en  faisant  fondre 
dedans  un  bon  morceau  de  beurre. 

Chou  à  la  crème.  —  Faites  presque  cuire  à  l'eau  bouillante, 
retirez,  faites  égoutter  et  laissez  rafraîchir;  hachez  et  mettez  dans 
la  casserole  avec  beurre,  sel,  poivre,  muscade  râpée  et  une  cuil- 
lerée de  farine.  Mouillez  ensuite  avec  de  la  crème  et  laissez 
réduire  jusqu'à  ce  que  votre  chou  soit  bien  lié  avec  son  assaison- 
nement. 

Choux  de  Bruxelles.  —  Vous  prenez  des  choux  de  Bruxelles 
(qui,  vous  le  savez,   sont  des  petits  choux  verts  de  la  grosseur 


424  CHOU. 

d'une  noix  et  bien  pommés)  ;  vous  les  faites  cuire  à  l'eau  bouil- 
lante avec  du  sel  après  en  avoir  enlevé  les  premières  feuilles, 
puis  vous  les  faites  égoutter.  Mettez  ensuite  un  bon  morceau  de 
beurre  dans  la  casserole,  versez  vos  choux  dedans  et  faites-les 
revenir  avec  sel,  poivre  et  persil  haché,  et,  pour  le  maigre,  ajou- 
tez-y une  cuillerée  de  jus  ou  de  crème. 

Choucroute,  (En  allemand  Sauer-kraut,  c'est-à-dire  choux 
aigres.)  —  Tous  les  peuples  du  Nord  et  de  l'Est  en  font  un  grand 
usage,  et  les  navigateurs  au  long  cours  s'en  approvisionnent  pour 
leurs  voyages. 

C'est  le  mets  par  excellence  des  Allemands  qui  en  raffolent; 
aussi  est-il  passé  en  proverbe  qu'un  moyen  certain  de  se  faire 
assommer,  c'est  :  en  Italie,  de  ne  pas  trouver  les  femmes  jolies; 
en  Angleterre,  de  chicaner  le  peuple  sur  le  degré  de  liberté  dont 
il  jouit;  et  en  Allemagne,  de  ne  pas  croire  que  la  choucroute' est 
un  mets  des  dieux. 

Le  célèbre  capitaine  Cook  attribue  aussi  en  grande  partie 
l'excellente  santé  de  ses  matelots  dans  tous  ses  voyages  à  la 
grande  quantité  de  choucroute  qu'il  leur  faisait  distribuer;  la 
choucroute  étant  d'une  digestion  plus  facile  que  le  chou  ordi- 
naire, qui,  d'après  un  proverbe  grec,  causait  la  mort  au  bout  de 
deux  fois. 

On  conserve  la  choucroute  de  préférence  dans  des  tonneaux 
qui  ont  renfermé  du  vinaigre,  du  vin  ou  tout  autre  liquide  con- 
tenant un  acide.  On  emploie  de  préférence  le  chou  cabu  blanc, 
dont  on  enlève  les  feuilles  pendantes  et  la  tige;  on  coupe  la 
pomme  de  chou  par  rouelles  en  la  rabotant  sur  une  espèce  de 
colombe  de  tonnelier.  Cette  opération  la  divise  en  tranches  minces 
qui  se  développent  d'elles-mêmes  comme  des  rubans^  Vous  éten- 
dez au  fond  du  tonneau  un  lit  de  sel  marin,  sur  ce  lit  une  couche 
de  vos  choux  coupés  en  rubans;  vous  saupoudrez  par-dessus  avec 
une  poignée  de  graine  de  genièvre  ou  de  carvi  afin  de  l'aroma- 
tiser; puis  vous  continuez  à  mettre  couches  sur  couches  en 
procédant  toujours  de  même  jusqu'à  ce  que  le  tonneau  soit 
plein  et  en  foulant  bien  la  matière  et  terminez  par  une  couche 
de  sel. 

Vous  couvrez  votre  dernier  lit  de  sel  avec  les  grandes  feuilles 


CHOU.  425 

vertes  du  chou  sur  lesquelles  vous  placez  une  grosse  toile  humide 
et  un  fond  de  tonneau  assez  lourd  pour  empêcher  par  son  poids 
que  la  masse  ne  se  soulève  par  la  fermentation  qui  va  avoir  lieu. 
Les  choux  ainsi  entassés  laissent  écouler  une  eau  fétide,  acide, 
boueuse,  que  Ton  soutire  par  un  robinet  placé  à  la  base  du  ton- 
neau, et  que  Ton  remplace  par  une  saumure  nouvelle  qu'il  fau- 
dra changer  encore  au  bout  de  quelques  jours,  jusqu'à  ce  qu'il 
n'existe  plus  aucune  fétidité.  La  choucroute  dès  lors  achevée, 
vous  la  mettez  dans  un  lieu  très-frais  afin  de  la  conserver  et  vous 
en  servir  au  besoin. 

Préparation  de  la  choucroute.  —  Après  avoir  lavé  votre 
choucroute  à  plusieurs  eaux,  vous  Tégouttez  bien  et  la  mettez 
dans  une  casserole  avec  un  bon  morceau  de  lard  de  poitrine 
fumé,  saucisses,  cervelas,  graisse  de  rôti,  genièvre,  vin  blanc  et 
bouillon.  Laissez-la  cuire  six  heures  à  feu  doux,  égouttez-la, 
dressez-la  sur  un  plat  avec  du  lard  dessus  entremêlé  de  vos  sau- 
cisses et  de  vos  cervelas. 

Choux-fleurs.  —  Nous  empruntons  aux  dispensaires  du 
temps  de  Louis  XIV  la  plus  excellente  et  royale  façon  d'apprêter 
ce  légume  : 

a  Choux-fleurs  étuvés.  —  Prenez  des  hauts  choux-fleurs, 
lavez-les  à  l'eau  tiède  et  faites-les  cuire  dans  du  consommé  en  y 
ajoutant  quelque  peu  de  macis  en  poudre.  Etant  bien  cuits  et 
au  moment  de  les  servir  égouttez-les  de  leur  mouillement  et 
remuez-les  avec  du  beurre  tout  frais  et  tout  cru;  aussitôt  que  le 
beurre  sera  fondu,  dressez  et  servez  sur  la  table.  » 

Choux-fleurs  au  beurre.  —  Épluchez  bien  les  pommes  de 
vos  choux-fleurs  et  ne  leur  laissez  aucune  feuille,  lavez-les  dans 
de  l'eau  fraîche  et  faites-les  cuire  ensuite  dans  de  l'eau  avec  sel, 
poivre  et  un  morceau  de  beurre  manié.  Quand  ils  sont  cuits, 
égouttez-les,  dressez-les  sur  un  plat  avec  une  sauce  dessous  faite 
avec  beurre  frais,  sel,  poivre,  muscade,  un  filet  de  vinaigre  et 
servez. 

Choux-fleurs  au  jus.  —  Comme  ci-dessus.  Prenez  moitié 
sauce  blanche  et  moitié  blond  de  veau,  vannez,  sassez,  dressez, 
masquez  et  servez  chaud. 

Choux-fleurs  au  fromage.  —  Cuisez,  égouttez  vos  choux- 


426  CHOU. 

fleurs,  foncez  un  plat  d'une  sauce  que  vous  faites  avec  du  coulis, 
du  beurre,  du  gros  poivre;  mettez  au  fond  de  votre  plat  du  par- 
mesan râpé,  rangez  les  choux-fleurs  dessus,  jetez  sur  eux  le  reste 
de  la  sauce  et  du  parmesan,  puis  mettez  au  four  avec  feu  dessus 
■et  dessous,  glacez  et  servez. 

Choux'fleurs frits.  —  Cuisez  comme  à  l'ordinaire,  égouttez, 
laissez  mariner  avec  sel,  poivre,  vinaigre,  trente  minutes;  égout- 
tez,  trempez  dans  une  pâte  légère  ;  faites  frire  et  servez  chaud. 

Choux-fleurs  farcis,  —  Blanchissez  à  l'eau  salée,  égouttez, 
bardez,  farcissez  dans  la  casserole  avec  rouelle  de  veau,  graisse 
de  bœuf,  persil,  ciboule,  sel,  épices,  champignons,  œufs  et  con- 
sommé; faites  cuire  à  petit  feu  jusqu'à  réduction  entière.  Dres- 
sez, servez.  Si  vous  avez  mis  vos  choux-fleurs  la  tête  en  bas  dans 
la  casserole,  vous  dresserez  aisément  en  retournant  vivement  votre 
•casserole. 

Ragoût  de  choux-fleurs,  —  Faites  blanchir  des  choux-fleurs, 
mettez-les  cuire  avec  de  l'eau  et  de  la  farine,  faites-les  égoutter 
•et,  si  c'est  pour  garnir  un  plat  de  viande,  vous  les  dressez  autour 
du  plat  avec  une  bonne  sauce;  si  c'est  pour  entremets,  dressez- 
les  seuls  et  la  sauce  par-dessus. 

CHOU.  {Pâtisserie.)  — •'  Expliquons  les  différentes  manières 
de  faire  cet  excellent  petit  gâteau. 

Choux  pâtissier  (à  la  parisienne).  —  Faites  bouillir  un  peu 
■d'eau  avec  du  beurre  et  du  sel,  mettez-y  deux  ou  trois  poignées 
de  farine  et  délayez  le  tout  sur  le  feu;  remuez  jusqu'à  ce  que  la 
pâte  se  détache  ;  mettez-y  alors  du  sucre  en  poudre,  ôtez  la  pâte 
du  feu,  délayez  dedans  des  œufs,  jaunes  et  blancs,  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  liquide  et  faites  cuire  dans  des  petits  moules  à  pâtés 
que  vous  aurez  beurrés. 

Choux  à  la  royale.  —  Faites  bouillir  du  lait  et  du  beurre 
fin,  ôtez-les  de  dessus  le  feu  quand  ils  commencent  à  bouillir  et 
joignez-y  de  la  farine  tamisée;  remettez  la  casserole  sur  le  feu  en 
remuant  bien  le  tout  pour  qu'il  ne  s'attache  pas  ;  votre  pâte  bien 
desséchée,  vous  la  mêlez  dans  une  autre  casserole  avec  du  beurre, 
du  parmesan  râpé  et  des  œufs;  ajoutez  une  pincée  de  mignon- 
nette,  une  cuillerée  de  sucre  fin,  un  œuf  et  du  fromage  de  gruyère 
coupé  en  petits  morceaux,  mélangez  bien  le  tout  et  joignez-y  de 


CIBOULE. 


427 


la  crème  fouettée  ;  cela  doit  vous  donner  une  pâte  assez  sem- 
blable à  une  pâte  à  beignets;  vous  dorez  vos  choux,  les  mettez 
au  four  gai  pendant  vingt  minutes  et  les  servez  de  suite. 

Choux  aux  amandes.  —  Comme  ci-dessus;  après  avoir  doré 
vos  choux,  vous  les  couvrez  de  filets  d'amandes  légèrement  trem- 
pés dans  du  blanc  d'oeuf  sucré  et  vous  faites  cuire. 

Choux  soufflés  au  :[este  (T orange.  —  Vous  faites  bouillir 
dans  une  casserole  du  beurre  d'Isigny  et  de  la  bonne  crème,  puis 
vous  le  remplissez  légèrement  avec  de  la  farine  de  crème  de  riz 
desséchée;  transvidez  dans  une  autre  casserole  en  y  joignant  du 
beurre,  des  œufs,  un  grain  de  sel;  le  tout  bien  mêlé,  vous  y  joi- 
gnez des  jaunes  d'œufs,  du  sucre;  râpez  dessus  la  moitié  d'un 
zeste  de  citron  et  la  moitié  d'un  zeste  d'orange.  Mélangez  bien  le 
tout,  fouettez  deux  blancs  d'œufs  et  mettez-les  dans  la  pâte  avec 
de  la  crème  fouettée.  Mettez  ensuite  vos  choux  dans  de  petites 
caisses  rondes  ne  les  .remplissant  qu'à  moitié,  couvrez-les  de  gros 
sucre;  mettez  au  four  à  une  chaleur  ordinaire,  laissez-les  cuire 
un  quart  d'heure  et  servez  sans  les  dorer. 

Choux  en  caisse  au  cédrat.  —  Comme  ci-dessus,  vous  les 
parfumez  seulement  avec  du  cédrat  haché  très-fin  et  mêlé  à  la 
pâte. 

Choux  à  la  Mecque.  —  Mêlez  ensemble  du  beurre  et  de  la 
crème  bouillis,  de  la  pâte  mollette  un  peu  desséchée,  du  beurre 
et  un  peu  de  lait  ;  faites  un  peu  dessécher  le  tout  et  transvidez 
dans  une  autre  casserole  en  y  ajoutant  deux  œufs,  du  sucre  en 
poudre,  puis  vous  y  mêlez  encore  des  œufs,  une  cuillerée  de 
bonne  crème  fouettée  et  un  grain  de  sel  ;  vous  couchez  vos  choux 
à  la  cuillerée  en  forme  de  navette,  vous  les  dorez ^  les  masquez 
de  gros  sucre  et  les  faites  cuire  au  four,  chaleur  modérée.  Quand 
ils  sont  de  belle  couleur,  vous  les  servez  parfumés  soit  avec  du 
cédrat,  de  l'orange,  de  la  bigarade  ou  du  citron. 

Petits  choux  à  la  Saint-Cloud.  —  Même  préparation  et 
même  cuisson  que  ci-dessus,  seulement  quand  ils  sont  cuits,  vous 
les  glacez  à  la  flamme  en  mettant  un  allume  à  la  bouche  du 
four  et  les  servez  chauds. 

CIBOULE.  —  Espèce  d'ail  qu'on  emploie  pour  mettre  dans 
tous  les  bouquets  qui  entrent  dans  la  composition  des  sauces. 


/ 


428  CIDRE. 

CIBOULETTE.  —  Petite  ciboule  qui  s'emploie  comme  la 
précédente. 

CIDRE  ET  POIRÉ.  —  Le  cidre  n'est  connu  en  Europe 
que  depuis  que  les  Maures  de  Biscaye  l'importèrent  d'Afrique; 
d'Espagne,  il  a  passé  en  France  et  les  conquérants  Normands 
l'ont  naturellement  mené  à  leur  suite  en  Angleterre.  Le  cidre  a 
^L  été  l'objet  de  discussions  très-sérieuses.  Pour  le  Normand ,  c'est 

le  vrai  nectar  des  maîtres  de  l'Olympe,  pour  l'habitant  des  pays 
vignobles,  au  contraire,  ce  n'est  qu'un  fade  et  épais  breuvage. 
Quoi  qu'il  en  soit,  le  Normand  lui  est  resté  fidèle  et  le  cidre  a 
pénétré  dans  d'autres  contrées  de  la  France  où  il  est  presque  aussi 
estimé  que  le  vin. 

Un  jour,  je  reçus  de  M.  Jules  Oudin,  propriétaire  d'un 
château  et  d'une  terre  appelée  la  Pommeraye,  à  cause  de  la 
quantité  de  pommiers  qui  y  poussent,  la  lettre  suivante  : 

SOCIÉTÉ   d'horticulture    DU   CENTRE   DE   LA   NORMANDIE. 

Q/l  Monsieur  Dumas. 
«  Maître, 

«  Vous  m'avez  fait  l'honneur  de  me  donner  l'accolade  en  me 
disant  :  «  Nous  nous  reverrons.  » 

«  Ce  sera  l'ère  du  bonheur  de  mon  existence, 

«  J'en  prends  texte  pour  vous  demander  un  renseignement, 
qu'il  vous  sera  probablement  très-facile  de  me  donner  et  qu'il  me 
faudrait  peut-être  une  année  pour  trouver,  sans  votre  aide. 

(c  —  Quels  sont  les  faits  historiques  les  plus  saillants  de 
l'antiquité  et  du  moyen  âge  au  sujet  des  pommes,  des  pommiers, 
des*  poiriers  et  du  cidre  } 

«  Je  serais  au  désespoir  de  vous  demander  ce  renseignement 
s'il  n'avait  pour  moi  un  but  très-utile. 

«  Mon  remercîment  sera  d'aller  vous  montrer  l'usage  que  j'en 
aurai  fait. 

«  Pendant  la  saison  d'été,  vous  viendrez,  n'est-ce  pas,  respi- 
rer les  parfums  des  végétations  exotiques  et  indigènes  sous  un 
pommier.  Ne  me  faites  pas  languir,  je  vous  prie. 

«  Bien  à  vous, 

«  Jules  Oudin.  » 


CIDRE  439 

Je  pris  la  plume,  et  poste  pour  poste  je  fis  la  réponse  sui- 
vante : 

«  Cher  Monsieur  Jules, 

«.Je  vais  vous  répondre  d'abord  sur  ce  que  je  sais  certaine- 
ment moins  bien  que  vous  sur  la  pomme,  le  pommier,  le  poi- 
rier, l'origine  du  cidre  et  son  invasion  en  Europe. 

«  Devons-nous  mettre  la  pomme  avant  le  pommier,  ou  le 
pommier  avant  la  pomme }  Le  pommier  est-il  poussé  d'un  pépin 
jeté  dans  l'espace  et  venant  d'une  pomme  par  conséquent,  ou  la 
pomme  a-t-elle  poussé  sur  un  pommier  créé  en  même  temps  que 
la  création  } 

«  C'est  la  question  de  la  poule  et  de  l'œuf:  la  poule  vient- 
elle  de  l'œuf,  ou  l'œuf  vient-il  de  la  poule? 

«  Si  nous  nous  en  rapportons  à  Moïse,  le  premier  auteur  qui 
parle  de  pommes  et  de  pommiers,  le  pommier  et  la  pomme 
préexistaient  à  l'homme  dans  le  Paradis  terrestre,  puisque  les 
arbres  fruitiers  furent  créés  le  troisième  jour  et  l'homme  le 
sixième. 

tt  Nous  savons  le  commandement  qui  fut  fait  à  Adam  et  Eve 
à  l'endroit  de  ce  pommier,  et  comment  ils  désobéirent  pour  notre 
malheur  à  ce  commandement  de  Dieu. 

a  Le  serpent  présenta  la  pomme  a  Eve,  Eve  y  mordit,  Adam 
l'acheva  et  nous  fûmes  tous  condamnés  à  l'exil,  au  travail  et  à 
la  mort. 

tt  Un  autre  poëte,  né  cinq  cents  ans  après  Moïse,  nous  a 
appris  comment,  dans  une  autre  circonstance,  la  pomme  ne  fut 
pas  moins  fatale  au  genre  humain. 

«  Aux  noces  de  Thétis  et  de  Pelée,  la  Discorde,  qu'on  avait 
oublié  d'inviter,  jeta  pour  se  venger,  au  milieu  de  l'assemblée 
des  dieux  et  des  déesses,  une  pomme  portant  cette  inscription  : 
u  A  la  plus  belle!  » 

«  Trois  déesses  crurent  avoir  droit  à  la  pomme.  Minerve, 
Junon  et  Vénus  ;  elles  allèrent  devant  Paris  qui  l'adjugea  à 
Vénus. 

a  II  y  avait  encore  une  autre  déesse  qui  avait  des  prétentions 
à  la  beauté  et  qui  n'avait  point  oublié  que  le  jour  où  Vénus  avait 


430 


CIDRE. 


été  proclamée  la  plus  belle,  un  affront  lui  avait  été  fait.  C'était 
la  mariée  elle-même,  la  femme  de  Pelée,  la  mère  d'Achille,  la 
belle  Thétis  ;  aussi,  sachant  que  Vénus  devait,  sur  le  rivage  des 
Gaules,  venir  chercher  des  perles  pour  se  faire  un  collier, 
ordonna- t-elle  à  tous  les  monstres  de  la  mer  de  tâcher  de*s'em- 
parer  de  cette  pomme  pour  laquelle  Vénus  n'avait  pas  craint  de 
se  montrer  nue  au  beau  berger  du  mont  Ida. 

«  Et  en  effet,  tandis  que  Vénus  cherchait  des  perles  au  même 
endroit,  sans  doute,  où  son  fils  César  vint  pêcher  celle  dont  il 
devait  payer  Tamour  de  Servilie,  un  triton  lui  déroba  sa  pomme, 
et  alla  la  porter  à  Thétis.  Thétis,  aussitôt  pour  vulgariser  le  fatal 
présent  de  la  Discorde,  et  afin  que  toutes  les  déesses  pussent 
avoir  la  leur,  prit  les  pépins  de  la  pomme  et  les  planta  sur  les 
rivages  de  la  Normandie. 

«  De  là  viennent,  disent  nos  aïeux,  les  vieux  Celtes,  la  mul- 
titude de  pommiers  qui  poussent  du  Maine  à  la  Bretagne,  et  la 
beauté  des  femmes  de  toute  cette  côte  septentrionale. 

«  Malgré  le  mauvais  tour  joué  par  Thétis  à  Vénus,  les 
pommes,  et  surtout  celles  des  Hespérides,  étaient  restées  pré- 
cieuses dans  l'île  de  Scyros,  puisque  Atalante,  la  fille  du  roi,  perdit 
à  la  fois  le  prix  de  la  course  et  sa  liberté  pour  ramasser  les 
pommes  qu'Hippomène  laissait  tomber  sur  sa  route. 

«  La  pomme  avait  cessé  d'être  un  fruit  rare  et  son  prix  était 
rentré  dans  celui  des  autres  comestibles  du  même  genre,  puisque 
Solon,  effrayé  des  sommes  que  coûtaient  les  repas  de  noce  chez  les 
Athéniens,  ordonna  que  les  mariés  ne  mangeassent  qu'une  pomme 
à  eux  deux,  avant  de  se  mettre  au  lit. 

a  Pline  et  Diodore  de  Sicile  parlent  des  pommes  comme 
d'un  fruit  très-estimé  des  Romains  et  surtout  lorsqu'elles  venaient 
des  Gaules;  mais  ni  l'un  ni  l'autre  ne  dit  qu'on  en  tirât  une 
boisson  quelconque.  Saint  Jérôme  est  le  premier  qui  parle  du 
cidre  et  qui  constate  que  les  Hébreux  en  faisaient  une  de  leurs 
boissons  habituelles.  TertuUien,  qui  vivait  vers  la  fin  du  deuxième 
siècle  à  Carthage,  et  saint  Augustin,  qui  vivait  vers  la  fin  du 
quatrième  siècle  à  Hippone,  parlent  tous  deux  du  cidre  des  Afri- 
cains. 

«  Mais  la  première  trace  que  Ton  trouve  de  l'existence  de 


CIDRE. 


4ÎI 


cette  boisson  en  France  est  dans  les  Capitulaires  de  Charlemagne 
où  il  est  question  des  fabricants  de  cidre  et  de  poiré.  Mais  à 
cette  époque,  le  cidre  avait  déjà  avec  les  Maures  traversé  le 
détroit  de  Gibraltar. 

«  Voici  comment  : 

«  Mahomet ,  l'an  609  de  l'ère  chrétienne  publie  son  Coran  ; 
sans  défendre  positivement  le  vin  aux  Arabes,  il  le  leur  présente 
comme  une  liqueur  pernicieuse  qu'il  ne  leur  conseille  de  boire 
qu'à  titre  de  médicament.  Aussi,  dans  toutes  les  villes  tatares 
que  j'ai  visitées,  ai-je  vu  les  marchands  de  vin  intituler  leur 
boutique  :  «  Ballant.  »  C'est-à-dire  pharmacie.  Du  moment  où 
le  vin  se  vend  dans  une  pharmacie,  ce  n'est  plus  du  vin,  en 
effet,  c'est  un  médicament. 

«  Pour  obéir  à  Mahomet^  les  Arabes  alors  imitèrent  les 
Hébreux  et  du  fruit  des  pommiers  et  des  poiriers  firent  du  cidre.. 

((  Appelés  en  Espagne  par  la  trahison  du  comte  Julien,  ils  y 
transportèrent  leur  science*  agriculturale  sur  laquelle  les  Espa- 
gnols vivent  encore  aujourd'hui.  Ce  fut  en  Biscaye  que  se  firent 
les  premiers  essais  de  ce  genre. 

«  De  Biscaye,  l'usage  passa  en  France.  Les  Normands 
l'accueillirent  tout  particulièrement,  leur  pays  étant  fécond  en 
pommiers  et  stérile  en  vignes.  Guillaume  le  Conquérant  l'im- 
planta en  Angleterre,  en  même  temps  que  son  drapeau,  après  la 
bataille  d'Hastings  en  io66. 

a  D'Angleterre,  l'usage  du  cidre  s'est  répandu  en  .Allemagne 
et  même  en  Russie. 

«  Il  existe,  au  reste,  une  brochure  qui  a  recueilli  sous  le- 
titre  :  De  Origine  Cidri^  tout  ce  que  la  science  humaine  a  coUigé 
sur  cet  intéressant  sujet. 

«  Maintenant,  je  présume  que  vous  êtes  au  courant  des  der- 
niers travaux  de  Pasteur  sur  la  fermentation  du  cidre,  et  que  vous 
savez  que  le  ferment  n'est  autre  chose  que  l'agglomération  par 
milliards  de  petits  animalcules  ou  plutôt  de  cryptogames,  moitié 
animaux,  moitié  végétaux,  qui,  sous  le  nom  de  microzoaires  et 
de  microphites  opèrent  ce  singulier  travail,  de  changer  le  sucre 
en  alcool,  travail  qui  se  fait  chez  eux  simplement  par  la  diges- 
tion. 


43^ 


CITRON. 


a  Voilà  tout  ce  que  je  sais  sur  le  cidre,  et  je  m'empresse  de 
vous  vider  mon  sac,  pour  vous  prouver  combien  j'ai  bon  souvenir 
de  votre  réception  et  comment  je  serai  heureux  d'aller  un  jour, 
avec  ma  fille,  vous  demander  l'hospitalité  d'une  demi-semaine. 

«  Mille  compliments  empressés. 

«  Alexandre  Dumas.  » 


CITRON.  —  Fruit  dont  l'arbre  est  toujours  vert  comme 
l'oranger;  ses  feuilles  sont  larges  et  longues  comme  celles  du 
laurier  ;  il  est  originaire  de  l'Asie,  et  les  Hébreux  fiirent  les  pre- 
miers qui  le  naturalisèrent  dans  les  belles  vallées  de  la  Palestine; 
ce  qui  le  prouve,  c'est  que,  aujourd'hui  encore,  ils  se  présentent 
le  jour  des  Tabernacles ,  dans  les  synagogues,  avec  un  cédrat  à 
la  main. 

Virgile  a  célébré  le  citron  sous  le  nom  de  pomme  de  Médie. 
Delille  a  traduit  les  vers  que  le  poè'te  latin  a  consacrés  à  cet 
arbre.  . 

L'arbre  égale  eu  beauté  celui  que  Phœbus  aime; 
S*il  en  avait  l'odeur,  c'est  le  laurier  lui-même  ; 
Sa  feuille  sans  effort  ne  se  peut  arracher  ; 
Sa  fleur  résiste  au  doigt  qui  la  veut  détacher, 
Et  son  suc,  du  vieillard  qui  respire  avec  peine. 
Raffermit  les  poumons  et  rafraîchit  l'haleine. 

Et  pour  que  rien  ne  manque  à  la  gloire  et  à  l'importance 
de  ce  fruit,  Aristophane  qui  l'appelle  axioma  persicum  à  cause 
de  sa  saveur  aigre,  dit  qu'autrefois  on  faisait  avec  les  feuilles  du 
citronnier  des  couronnes  qu'on  plaçait  sur  la  tête  des  dieux 
immortels. 

Le  citron  est  souvent  employé  dans  la  cuisine  .pour  l'assai- 
sonnement de  plusieurs  sauces  ;  on  en  fait  aussi  une  boisson  très- 
rafraichissante  et  de  fort  bon  goût. 

Citrons  confits,  —  Pelez^  coupez  en  quatre,  faites  blanchir 
vos  citrons.  Lorsqu'ils  sont  cuits,  vous  les  mettez  d'abord  dans 
l'eau  fraîche  et  ensuite  au  sucre  clarifié;  quand  vous  les  aurez 
bien  égouttés,  laissez-les  bouillir  un  quart  d'heure  dans  le  sucre, 
et  laissez-les  refroidir  ensuite;  étant  refroidis,  vous  les  remettez 
sur  le  feu  et  les  faites  bouillir  jusqu'à  ce  que  le  sucre  soit  cuit  à 


CITRON. 


4)3 


soufflé,  puis  vous  les  laissez  reposer  jusqu'au  lendemain,  et  vous 
liquéfiez  le  sirop  en  trempant  votre  poêlfln  dans  Teau. 

Faites  cuire  à  part  du  sucre  à  la  plume,  égouttez  vos  citrons 
et  jetez-les  dedans  et  donnez-leur  un  bouillon  couvert  ;  ôtez-les 
du  feu  ;  le  bouillon  abaissé,  blanchissez  votre  sucre  en  le  travail- 
lant et  l'amenant  avec  la  cuiller  contre  le  bord  du  poêlon. 

Ce  sucre  étant  blanchi,  passez-y  vos  citrons,  mettez-les 
égoutter  sur  des  planches,  faites-les  sécher  et  serrez-les. 

Vous  confisez  de  la  même  manière   les  oranges,    cédrats, 
limons,  pommes,  etc.  (V.  Orange.) 

Petits  citrons  verts  confits.  —  Incisez  de  petits  citrons  verts, 
faites-les  blanchir  jusqu'à  ramollissement,  retirez-les  du  feu  et 
laissez-les  dans  leur  eau  jusqu'au  lendemain;  vous  les  remettez 
alors  sur  un  feu  doux,  vous  jetez  une  poignée  de  sel  dans  Teau, 
qui  ne  doit  pas  bouillir  et  vous  remuez.  Poussez  le  feu,  donnez  à 
vos  citrons  quelques  bouillons,  puis  mettez-les  dans  Teau  fraîche 
et  égouttez-les.  Vous  faites  bouillir  un  peu  d'eau  dans  du  sucre 
clarifié  et  vous  en  donnez  un  bouillon  couvert  à  vos  citrons.  Le 
.  lendemain,  vous  les  égouttez,  vous  leur  faites  jeter  trois  bouillons 
en  ajoutant  chaque  fois  du  sucre  clarifié;  vous  faites  donner 
encore  un  bouillon  aux  fruits  dans  du  sucre  cuit  au  perlé,  vous 
les  mettez  dans  une  terrine  à  Tétuve  et  vous  les  laissez  glacer 
dans  le  sucre  cuit. 

Zestes  de  citron  confits.  —  Faites  bouillir  vos  zestes  dans 
quatre  eaux  différentes  et  remettez-les  autant  de  fois  dans  l'eau 
fraîche,  il  faut  les  laisser  bouillir  un  quart  d'heure  chaque  fois 
sur  le  feu. 

Faites  cuire  d'abord  du  sucre  clarifié  et  jetez-y  vos  zestes, 
quand  il  commence  à  bouillir,  faites-leur  prendre  une  vingtaine 
de  bouillons  et  laissez-les  refroidir;  remettez  ensuite  votre  poêlon 
sur  le  feu  pour  cuire  le  sirop  à  lissé  et  glissez-y  vos  zestes  à  qui 
vous  faites  prendre  sept  ou  huit  bouillons.  Retirez  votre  confiture 
du  feu,  laissez-la  refroidir ,  égouttez  les  zestes,  faites  bien  cuire 
le  sucre  perlé,  donnez-leur  un  bouillon  couvert,  tirez-les  au  sec 
et  glacez-les. 

Citronats.  —  Ils  se  font  avec  les  écorces  de  citrons  dont 

vous  avez  rejeté  la  plus  grande  épaisseur  du  tissu  blanc  et  que 

a8 


434 


CITRON. 


VOUS  avez  coupés  en  long,  faites  blanchir  et  confire  comme  ci- 
dessus  et  faites  sécher. 

Marmelade  de  citrons.  —  Prenez  le  nombre  que  vous  voulez 
de  citrons  à  écorce  très-épaisse,  ôtez-en  la  peau,  faites-les  blan- 
chir et  mettez-les  à  l'eau  fraîche;  égouttez-les,  pliez-les  fortement 
et  passez-les  dans  un  tamis  de  crin;  pesez-les,  mettez  du  sucre 
en  proportion  (750  ou  500  gr.),  et  faites  bouillir  le  tout  en 
remuant  avec  la  spatule,  jusqu'à  ce  que  la  marmelade  soit  bien 
cuite,  ce  que  vous  reconnaissez  en  appuyant  avec  le  bout  de  votre 
doigt;  retirez-la  alors  et  mettez-la  en  pot. 

Conserve  de  jus  de  citron.  —  Faites  cuire  du  sucre  au  fort 
perlé,  tirez-le  ensuite  du  feu,  mettez-y  votre  jus  de  citron  que 
vous  faites  bouillir  en  remuant  afin  qu'ils  se  mêlent  bien  ensemble 
et  jusqu'à  ce  qu'ils  commencent  à  s*épaissir  et  à  former  une 
petite  glace  autour  du  poêlon,  laissez  refroidir  votre  conserve  et 
mettez-la  dans  des  moules  pour  la  garder. 

Sirop  de  citrons.  —  Après  avoir  fait  cuire  du  sucre  au  fort 
boulet,  vous  le  sablez  et  le  mettez  dans  une  terrine  en  terre  ou 
en  grès,  puis  vous  y  versez  le  jus  de  vos  citrons  avec  un  peu  d'eau 
et  vous  le  mettez  au  degré  de  cuisson  qu'il  doit  avoir;  mettez 
ensuite  votre  terrine  au  bain-marie  et  remuez  de  temps  en  temps 
afin  de  bien  faire  fondre  le  sucre  et  le  bien  mêler  avec  le  jus  de 
citron  ;  quand  votre  sirop  sera  très-clair,  vous  le  retirez  et  vous  le 
mettez  en  bouteille,  après  l'avoir  laissé  un  peu  refroidir. 

Grillage  de  tailladins  de  citrons.  —  Mettez  des  zestes  de 
citrons  découpés  dans  du  sucre  cuit  à  la  plume,  remuez,  grillez 
presque;  poudrez  de  sucre  blanc,  dressez  et  servez. 

Citronnelle,  —  Ayez  six  citrons  zestes  pour  deux  litres 
d'eau-de-vie,  à  peu  près;  ajoutez  cannelle,  coriandrp,  sucre  fondu 
(500  gr.),  laissez  infuser  trente  jours,  passez  et  mettez  dans  les 
flacons. 

Eau  distillée  de  citron.  —  Râpez  l'écorce  de  bons  citrons, 
mettez  la  pulpe  et  la  râpure  sur  la  grille  de  la  cucurbite,  lavez 
dans  l'eau  de  vos  citrons  la  râpe  qui  a  enlevé  une  partie  de 
l'odeur,  ajoutez  cette  eau  dans  la  cucurbite,  dressez  votre  appa- 
reil et  procédez  à  la  distillation  du  petit  filet. 

Vinaigre  au  citron.  —  Enlevez  les  zestes,  mettez  vos  citrons 


CLOVIS  DE   SAINT-JEAN-DE-LUi.  43^ 


dans  la  cornue,  versez  le  vinaigre  et  distillez  jusqu'à  réduction 
au  quart. 

Biscuits  de  citron.  —  Faites  cuire  du  sucre,  ôtez-le  du  feu 
et  mettez-y  un  peu  de  raclure  de  citron  en  lui  donnant  telle 
couleur  que  vous  voudrez;  ajoutez-y  deux  blancs  d'œufs  bien 
fouettés  et  versez  promptement  votre  glace  dans  des  moules  de 
papier  double  plié  en  longueur  ou  en  largeur,  à  proportion  du 
sucre  que  vous  voulez  mettre.  Quand  votre  pâte  commence  à 
refroidir,  vous  la  coupez  de  la  façon  que  vous  voulez,  et  vous 
faites  cuire  vos  biscuits  à  l'ordinaire. 

Compote  de  chair  de  citron,  —  Faites  cuire  une  gelée  de 
pommes,  pelez  bien  épais  et  proche  du  jus  un  gros  citron, 
coupez-le  en  long  par  la  moitié  et  faites  plusieurs  tranches  avec  ; 
jetez  ces  tranches  dans  votre  gelée  après  en  avoir  ôté  les  pépins 
et  faites  bouillir  le  tout  ensemble;  tirez-la  ensuite  du  feu  et 
laissez-la  refroidir  à  moitié;  chargez  une  assiette  de  tranches  de 
citrons  et  couvrez-les  de  votre  gelée. 

CITROUILLE.  —  Variété  du  potiron,  qui  en  diffère  par  la 
forme  oblongue  et  la  grosseur  de  son  fruit  dont  la  couleur  est 
tantôt  verte,  tantôt  jaune  ou  blanche.  La  chair  de  citrouille  se 
mange  de  plusieurs  façons  :  soit  en  potages  gras  ou  maigres,  en 
gâteaux,  en  crème  cuite  et  gratinée.  On  en  fait  aussi  des  andouil- 
lettes  avec  du  beurre  frais,  jaunes  d'œufs  durs  et  frais  cassés, 
persil,  sel,  poivre,  fines  herbes,  etc. 

CIVET.  —  (V.  aux  articles  Lièvre,  Chevreuil,  Lapin, 
Outarde,  Dinde,  Oie  sauvage,  etc.) 

CLARIFIER.  —  La  clarification  est  la  séparation,  par  pré- 
cipitation ou  par  ascension,  de  toutes  les  matières  liquides  étran- 
gères tenues  jen  suspension.  On  clarifie  le  plus  communément 
avec  de  la  colle  de  poisson  ou  du  blanc  d'œuf. 

CLOVIS  DE  SAINT-JEAN-DE-LUZ.— Appelées  à  Saint- 
Jean-de-Luz  Chirlat.  à  Marseille  Fraises^  et  à  Naples  Vongoli 
[Conca  Veneris). 

Mettre  sur  le  feu,  faire  sauter  jusqu'à  ce  qu'elles  rendent 
toute  leur  eau  ;  les  enlever  de  la  casserole  et  les  mettre  à  part; 
ajouter  dans  le  jus  qu'elles  ont  rendu  trois  petites  gousses  d'ail 
hachées  bien  fin  ;  poivrer  seulement,  le  jus  rendu  par  le  coquillage 


436  COCHON. 


H 


étant  suffisamment  salé;  mettre  de  la  mie  de  pain,  ou  mieux 
encore  de  la  chapelure,  aussitôt  que  l'ail  commence  à  chauffer; 
remettre  le  coquillage  dans  la  casserole,  lui  faire  sauter  deux  ou 
trois  bouillons  et  servir  chaud.  (Recette  donnée  par  François 
Frères,  excellent  chef  de  Thôtel  de  France  à  Saint-Jean-de-Luz.) 

COCHEVIS.—  Genre  d'alouette  huppée.  (V.  Mauviettes.) 

COCHON.  —  «  C'est  le  roi  des  animaux  immondes,  dit 
Grimod  de  la  Reynière,  dans  l'éloge  qu'il  fait  de  cet  animal; 
c'est  celui  dont  l'empire  est  le  plus  universel  et  les  qualités  les 
moins  contestées.  Sans  lui,  point  de  lard,  et  par  conséquent,  point 
de  cuisine;  sans  lui,  point  de  jambon,  point  de  saucisson,  point 
d'andouilles,  point  de  boudins  noirs,  et  par  conséquent,  point 
de  charcutiers. 

«  Gras  médecins,  continue  Grimod  de  la  Reynière,  en 
s'élevant  jusqu'au  style  lyrique,  vous  condamnez  le  cochon  et 
il  est  sous  le  rapport  des  indigestions,  l'un  des  plus  beaux  fleurons 
de  votre  couronne.  » 

Puis  retombant  au  style  familier  :  «  la  cochonnaille,  con- 
tinue-t-il,  est  beaucoup  meilleure  à  Troyes  et  à  Lyon  que 
partout  ailleurs.  Les  cuisses  et  les  épaules  de  cochon  ont  fait  la 
fortune  de  deux  villes  :  Mayence  et  Bayonne.  Tout  est  bon  en 
lui;  par  quel  oubli  coupable  a-t-on  pu  faire  de  son  nom  une 
injure  grossière?  » 

Et  par  quel  ingrat  oubli  M.  Grimod  de  la  Reynière  ne  se 
souvient-il  pas  lui-même  que  c'est  à  la  finesse  de  l'odorat  du 
cochon  que  nous  devons  les  truffes  ;  et  de  quelle  façon  le  cochon 
est-il  récompensé  pour  chaque  truffe  qu'il  trouve,  el  qu'il 
permet  à  Thomme  de  mettre  dans  son  panier  ?  et  comment  n'ad- 
mire-t-on  pas  la  persistance  de  l'intrépide  chercheur  et  sa  pa- 
tience gastronomique  qui  a  sur  lui  cette  bienheureuse  influence 
de  toujours  le  tromper,  non  pas  dans  sa  recherche,  mais  dans 
son  résultat;  il  persiste  toujours  à  chercher  pour  être  battu  et 
voit  la  truffe  lui  passer  devant  le  grouin. 

Au  reste,  au  mot  truffe  nous  nous  étendrons  plus  longue- 
ment sur  ce  produit  que  les  savants  ont  placé  entre  le  règne 
minéral  et  le  règne  végétal,  ne  sachant  auquel  des  deux  l'appli- 
quer. 


COCHON.  437 


Le  cochon  était  la  principale  nourriture  des  Gaulois,  aussi 
en  avaient-ils  des  troupeaux  considérables. 

Les  Romains  les  fiiisaient  cuire  entiers  et  de  différentes 
manières  ;  une  de  ces  manières  consistait  à  les  faire  bouillir  d'un 
côté  et  rôtir  de  l'autre. 

La  seconde  s'appelait  à  la  Troyenne,  par  allusion  au 
cheval  de  Troie  dont  l'intérieur  était  rempli  de  combattants. 
Celui  du  cochon  se  farcissait  de  becfigues,  d'huîtres,  de  grives^ 
le  tout  arrosé  de  bons  vins  et  de  jus  exquis;  ces  mets  devin- 
rent si  chers  que  le  sénat  fit  une  loi  somptuaire  pour  les 
défendre. 

Athénée  parle  d'un  marcassin  à  demi  bouilli,  à  demi  rôti 
préparé  par  un  cuisinier  qui  avait  eu  l'art  de  le  vider  et  de  le 
farcir  sans  Téventrer  ;  il  avait  fait  un  petit  trou  sous  une  épaule  ; 
l'animal  lavé  en  dedans  par  du  vin  avait  été  ensuite  farci  par  la 

0 

gueule.  Les  Egyptiens  regardaient  le  cochon  comme  un  animal 
immonde,  si  quelqu'un  par  mégarde,  avait  touché  à  un  cochon, 
il  devait  de  suite  pour  se  purifier  entrer  dans  le  Nil  avec  ses 
habits.  Un  seul  jour  et  dans  une  seule  circonstance,  il  était 
permis  de  manger  du  cochon,  c'était  au  moment  de  la  pleine 
lune  :  l'animal  était  alors  immolé  à  Bacchus  et  à  Phœbé.  Tout  le 
monde  sait  que  les  Israélites  regardent  la  chair  du  cochon 
comme  une  chair  immonde  ;  mais  tout  le  monde  sait  aussi  que 
cette  prescription  est  plus  hygiénique  que  religieuse  ;  le  pays  où 
les  cochons  acquièrent  le  plus  haut  degré  de  délicatesse,  sans 
doute  par  les  fréquentes  occasions  qu'ils  ont,  si  l'on  en  croit,  à 
tort  d'ailleurs,  les  pères  jésuites,  de  manger  de  la  chair  humaine 
est  la  Chine  ;  aussi  les  Chinois  font-ils  du  cochon  la  base  de  tous 
les  festins  et  leurs  jambons  ont-ils  une  qualité  supérieure  à  ceux 
de  tous  les  pays. 

En  1131  mourut  le  jeune  roi  Philippe,  que  Louis  le  Gros, 
son  père,  avait  associé  au  royaume  et  fait  couronper  à  Reims.  En 
passant  dans  une  rue  étroite  un  cochon  s'embarrassa  dans  les 
jambes  de  son  cheval,  son  cheval  s'abattit  et  le  jeune  prince  se 
heurta  si  vivement  la  tête  qu'il  en  mourut  le  lendemain  ;  il  fut 
alors  défendu  de  laisser  vaguer  les  pourceaux  dans  les  rues  ;  la 
crainte  de  déplaire  à  saint  Antoine  fit  que  l'on  excepta  de  cette 


^3»  COCHON. 


défense  ceux  de  Tabbaye  du  digne  saint,  mais  à  la  condition  qu'ils 
auraient  une  clochette  au  cou. 

En  1386,  par  sentence  du  juge  de  Falaise,  une  truie  fut  con- 
damnée à  être  mutilée  et  pendue,  pour  aVoir  tué  un  enfant. 

En  1394,  dans  la  paroisse  de  Roumaigne,  vicomtée  de  Mor- 
raigne  un  porc  fut  condamné  pour  le  même  crime. 

Humbert,  Dauphin  du  Viennois,  partant  pour  la  croisade, 
en  1345  (nous  laissons  aux  savants  à  dire  quelle  fut  cette  croi- 
sade), Humbert  Dauphin  du  Viennois  fit  un  règlement  par 
lequel  il  fixa  la  maison  de  la  Dauphine,  son  épouse,  à  trente  per- 
sonnes; or,  pour  ces  trente  personnes  il  accorda  un  cochon  par 
semaine,  et  trente  cochons  salés  par  an;  ce  qui  faisait  trois 
cochons  par  personnes. 

Cu\ier,  ennuyé  d'entendre  dire  que  l'intérieur  du  corps  du 
cochon  ressemblait  en  tout  à  celui  de  Thomme  et  que  les  anciens 
chirurgiens,  qui  n'avaient  pas  le  droit  d'ouvrir  les  morts,  étu- 
diaient sur  les  cochons  une  anatomie  équivalente,  a  écrit  ces 
quelques  lignes  pour  redresser  Terreur  dans  laquelle  les  histo- 
riens de  la  science  médicale  sont  tombés. 

«  L'estomac  de  l'homme  et  celui  du  cochon  n'ont  aucune 
ressemblance  ;  dans  l'homme  ce  viscère  a  la  forme  d'une  corne- 
muse, dans  le  cochon  il  est  glpbuleux  ;  dans  l'homme,  le  foie  est 
divisé  en  trois  lobes,  dans  le  cochon  il  est  long  et  plat  ;  dans 
l'homme,  le  canal  intestinal  égale  sept  à  huit  fois  la  longueur  du 
corps,  dans  le  cochon,  il  égale  quinze  à  dix-huit  fois  la  même 
longueur.  L'épiploon,  c'est-à-dire  cette  partie  qu'on  appelle 
vulgairement  toilette,  est  beaucoup  plus  étendu  et  plus  chargé 
de  graisse  ;  et,  ce  qui  est  très-consolant  pour  les  âmes  délicates 
qui  ne  veulent  avoir  rien  de  commun  avec  le  naturel  du  cochon, 
c'est  que  son  cœur  présente  des  différences  notables  avec  celui 
de  l'homme. 

«  J'ajouterai,  pour  la  satisfaction  des  savants  et  des  beaux 
esprits,  que  le  volume  de  son  cerveau  est  aussi  beaucoup  moins 
considérable  ;  ce  qui  prouve  que  ses  facultés  intellectuelles  sont 
fort  inférieures  à  celles  de  nos  académiciens.  »  (Cuvier.) 

Le  cochon  est,  avec  le  lapin,  l'animal  le  plus  prolifique  qui 
soit  au  monde.  Vauban,  qui  était,  comme  on  le  sait,  excellent 


COCHON.  439 


mathématicien,  a  fait  sur  les  cochons  un  traité  qu'il  appelait  :  Ma 
cochonnerie.  Il  "avait  calculé  la  postérité  d'une  seule  truie  pen- 
dant douze  ans. 

Cette  postérité  se  montait  en  enfants,  petits-enfants  arrière- 
petits-enfants,  à  6,434,838  cochons. 

Le  cochon  a  été  longtemps  regardé,  à  Naples,  comme  un 
personnage  sacré;  c'était  le  seul  balayeur  de  rue,  qui  existât 
dans  la  moderne  Parthénope;  il  y  avait  peu  de  maisons  où 
un  cochon  nefiit  attaché  avec  une  corde  assez  longue  pour  qu'il 
nettoyât  un  diamètre  de  vingt-quatre  pieds.  Aussi  les  cochons 
étaient-ils ,  ceux  qu'on  laissait  libres ,  du  moins ,  de  toutes  les 
fêtes. 

Un  des  frères  du  roi  de  Naples,  nommé  le  prince  Antoine, 
dont  la  réputation  s'expliquera  par  un  mot  de  son  frère,  disait 
devant  le  roi,  en  parlant  du  marquis  de  Sal...  «  Nous  sommes 
amis  comme  cochons,  n  Et  le  roi  lui  répondait  en  haussant  les 
épaules  : 

tt  Vous  êtes  encore  plus  cochon  qu'ami.  » 

Le   prince  Antoine  fut   surpris  dans   la   chambre  •  d'une 
paysanne,  par  un  des  frères  de  la  jeune  fille  armé  d'un  bâton  ; 
il  voulut  se  sauver  par  la  fenêtre,  où  était  appliquée  une  échelle, 
mais  au  bas  de  l'échelle  il  trouva  le  second  frère  armé  d'un 
second  bâton  ;  il  ne  lui  fallait  pas  passer  par  les  verges  du  balai, 
mais  par  le  manche  ;  les  deux  frères  s'en  donnèrent  si  bien  et 
vengèrent  si  galamment  Thonneur  de  leur  sœur  sur  le  dos  du 
prince  Antoine,  que  celui-ci  en  mourut  douze  ou  quinze  jours 
après  ;  on  lui  fit  un  enterrement  en  grandes  pompes,  qui  partit 
du  palais  du  roi  et  s'achemina  vers  Sainte-Claire,  l'église  des 
tombes  royales.  Mais  Tétonnement  fut  grand  lorsqu'on  vit  un 
énorme  cochon,  dont  personne  ne  réclamait  la  propriété,  prendre 
le  haut  du  pavé  et  servir  de  conducteur  au  cortège  ;  on  fit  tout 
ce  qu'on  put  pour  le  chasser,  mais  rien  au  monde  ne  put  parve- 
nir à  le  faire  dévier  de  sa  route  ;  arrivé  à  l'église  Sainte-Claire  il 
s'arrêta  de  lui-même,  et  monta  les  sept  ou  huit  marches  qui  con- 
duisent à  l'intérieur  de  l'église.  Alors  on  fit  de  nouveaux  efforts 
pour  éloigner  Tanimal  immonde;  mais  celui-oi  sembla  défendre 
ce  qu'il  paraissait  regarder  comme  son  droit  ;  le  suisse  s'avança 


440  COCHON. 


en  le  menaçant  de  sa  hallebarde,  dont  il  allait  peut-être  le  percer 
lorsqu'une  voix  dans  la  foule  s'écria  : 

«  Malheureux!  ne  voyez- vous  pas  que  c'est  T âme  du  prince 
Antoine?  » 

Il  ne  fallut  que  cet  éclaircissement  pour  faire  connaître  les 
droits  du  cochon,  à  qui  l'église  fut  ouverte  et  qui  assista  à  toute 
la  cérémonie  mortuaire  avec  la  tranquillité  d'une  âme  qui  sait 
qu'elle  peut  compter  sur  des  prières. 

Le  cochon  est  de  tous  les  animaux  celui  qui  est  le  plus 
employé  dans  la  cuisine;  car  dans  presque  tous  les  mets,  soit 
entrées  ou  rôtis,  on  se  sert  de  lard  et  de  jambon  ;  les  autres 
parties  de  cet  animal  sont  moins  recherchées  ;  cependant  la  hure 
est  un  mets  fort  distingué,  quand  elle  est  apprêtée  par  un  homme 
qui  connaît  bien  son  état  ;  les  pieds  se  servent  à  la  Sainte-Méne- 
hould  ou  farcis  de  truffes;  les  oreilles  se  servent  en  menu  de 
rois,  et  les  poitrines  s'emploient  dans  bien  des  ragoûts;  il  faut 
choisir  le  porc  jeune  et  gras,  mais  bien  prendre  garde  que  sa 
chair  ne  soit  envahie  par  des  parasites  qu'on  appelle  trichines  ;  la 
science  moderne  a  appris  que  cette  invasion  des  trichines  n'était 
rien  autre  chose  que  la  ladrerie. 

Dans  cet  animal,  il  n'y  a  rien  à  jeter  :  de  son  sang  on  fait 
du  boudin,  de  ses  intestins  des  andouilles,  des  débris  de  ses 
chairs  des  saucisses  et  des  fromages  de  cochon. 

Terminons  par  une  boutade  poétique  et  porcine  du  cuisinier 
lyrique  Rouyer  : 

Entre  Pâques  et  Pentecôte, 
Que  de  Jambons  Ton  mangera  ! 
Aussi  chacun,  en  aimable  hdte, 
Sur  ce  metSj  son  mot  contera. 

G  tons  la  réponse  naïve 
Faite  par  un  gourmand  abbé, 
A  qui  disait  un  gai  convive  : 

—  a  Si  dans  la  religion  juive 
Vous  viviez...;  pour  vous  prohibé 
Ce  Jambon  gras^  à  chair  exquise!... 

—  Oui;  pour  en  manger  bel  et  bien, 
(Si  j'étais  enfant  de  Moïse,) 

Je  me  ferais  vite  chrétien  !  »  — 


COCHON.  441 


Bonne  riposte  à  TEsculape 
Grondant  le  bel  esprit  Beautni, 
Qui  fait  de  ses  draps  une  nappe 
Sur  laquelle  est  un  Jamhon  cru  : 

—  c  Quelle  qu'en  soit  la  provenance, 
Cuit  ou  non  cuit,  mon  ordonnance 
Vous  défend,  malade  piteux, 

Ce  jambon,  mauvais  pour  la  goutte!... 

—  Pour  ElUj  oui,  docteur,  oui,  sans  doute; 
Mais  qu'il  est  bon  pour  le  goutteux!  9 

COCHON  (Hure  de).  —  Le  célèbre  Beauvilliers  et 
riUustre  M.  de  Courchamps,  donnant  exactement  la  même 
recette  pour  la  hure  de  cochon  ou  de  sanglier,  nous  croyons  ne 
pouvoir  faire  mieux  que  de  nous  joindre  à  ces  deux  grands 
maîtres  —  en  Tart  de  manger. 

Coupez  votre  hure  jusqu'à  la  moitié  des  épaules,  c'est-à- 
dire  plus  longue  qu'on  ne  la  coupe  ordinairement;  flambez-la, 
de  manière  qu'il  n'y  reste  aucune  soie;  nettoyez  le  dedans 
des  oreilles  en  y  introduisant  un  fer  presque  rouge,  pour  en 
brûler  les  poils  qui  s'y  trouvent;  cela  fait,  lavez  bien  cette  hure, 
épluchez-la  de  nouveau,  ratissez-la  et  désossez-la  ;  prenez  garde 
de  n'y  faire  aucun  trou,  surtout  à  la  couenne  de  dessous  le  nez  ;  la 
chair  qui  provient  des  parties  charnues,  telles  que  celle  des 
épaules,  étendez-la  dans  les  parties  de  votre  hure,  oà  il  n'y  en  a 
pas,  afin  que  les  chairs  soient  égales  partout;  ensuite  mettez-la 
dans  un  grand  vase  de  terre;  faites  une  eau  de  sel,  laissez-la 
refroidir,  tirez-la  à  clair  et  versez-la  dans  votre  vase  sur  la  hure, 
afin  qu'elle  trempe  entièrement;  mettez-y  une  poignée  de  graines 
de  genièvre,  quatre  feuilles  de  laurier,  cinq  ou  six  clous  de 
girofle,  deux  ou  trois  gousses  d'ail  (coupées  en  deux),  une  demi- 
once  de  salpêtre  en  poudre,  du  thym,  du  basilic  et  de  la  sauge  ; 
couvrez  votre  terrine  d'un  linge  blanc  et  mettez  dessus  un  autre 
vase  qui  le  couvre  le  plus  possible;  laissez-la  mariner  huit  ou 
dix  jours;  ensuite  égouttez-la;  faites  une  farce  pour  en  garnir 
votre  hure.  A  cet  effet,  prenez  de  la  chair  de  porc,  ôtez-en  la 
peau  et  les  nerfs;  mettez  à  peu  près  la  même  quantité  de  lard 
assaisonné  de  sel  fin  et  de  fines  épices  ;  hachez  le  tout  très-menu, 
en  sorte  qu'on  ne  puisse  distinguer  le  lard  d'avec  la  chair  ;  mettez 


44a  COCHON. 


votre  farce  dans  un  mortier,  pil^-la  bien  ;  incorporez,  l'un  après 
l'autre,  cinq  ou  six  œufs  entiers  ;  faites  Tessai  de  cette  farce,  et 
remédiez  à  ce  qui  pourrait  y  manquer.  Votre  farce  achevée, 
étendez  votre  hure  sur  une  nappe  blanche  ;  ôtez  les  ingrédients 
qui  ont  servi  à  lui  donner  du  goût.  Vous  aurez  coupé  du  lard  en 
grands  lardons  que  vous  aurez  assaisonnés  avec  sel,  poivre,  quatre 
épices,  des  aromates  piles,  persil  et  ciboules  hachés  et  que  vous 
aurez  incorporés  le  mieux  possible  avec  vos  lardons  ;  arrangez  de 
nouveau  vos  chairs  dans  la  peau  de  la  hure  ;  garnissez-la  de  ces 
lardons,  posés  en  long  de  distance  en  distance,  bien  entremêlés 
avec  la  chair  et  la  farce,  de  l'épaisseur  d'un  pouce,  mettez-y  la 
langue  que  vous  aurez  échaudée  et  épluchée  ;  faites  un  autre  lit 
de  lardons,  et  entre  ces  lardons,  placez  des  truffes  épluchées  et 
coupées  en  long,  entremêlées  de  pistaches  que  vous  aurez  émon- 
dées;  faites  ainsi  plusieurs  lits,  jusqu'à  l'emploi  entier  de  votre 
farce,  de  vos  truffes,  de  votre  lard  et  des  pistaches.  Votre  hure 
remplie,  cousez-la  avec  une  aiguille  à  brider  ;  ménagez-lui  bien 
sa  première  forme;  enveloppez-la  dans  une  étamine  neuve  et 
cousez-la  ;  attachez  les  deux  bouts  avec  de  la  ficelle  ;  foncez  une 
braisière  avec  des  parures  de  boucherie,  surtout  de  veau,  des 
oignons,  des  carottes,  trois  feuilles  de  laurier,  deux  bouquets  de 
persil  et  ciboules,  quelques  clous  de  girofle,  de  l'ail  et  trois 
bouteilles  de  vin  rouge  de  Bourgogne;  achevez  de  mouiller  avec 
du  bouillon;  il  faut  qu'elle  trempe  dans  son  assaisonnement; 
faites-la  partir;  couvrez-la  avec  deux  feuilles  de  fort  papier 
beurré  ;  couvrez  la  braisière  de  son  couvercle  ;  mettez-la  sur  une 
paillasse,  avec  feu  dessus  et  dessous  ;  faites-la  cuire  cinq  à  six 
heures,  cela  dépendra  de  la  grosseur  de  la  pièce  et  de  la  jeunesse 
de  l'animal  dont  elle  provient  ;  pour  vous  assurer  si  elle  est  cuite, 
sondez-la  avec  une  lardoire;  si  elle  entre  facilement,  retirez 
votre  braisière  du  feu,  laissez  votre  hure  dedans  et  ne  la  retirez 
de  son  assaisonnement  que  quand  elle  sera  presque  tiède  ;  laissez- 
la  refroidir  dans  son  étamine;  après,  déballez-la,  retirez  la 
graisse  qui  pourrait  se  trouver  dessus  ;  ôtez  les  ficelles,  parez-la 
du  côté  du  chignon,  dressez-la  sur  une  serviette  et  servez. 

Hure  de  cochon  à  la  manière  de  Trojres,  —  Appropriez, 
désossez  comme  ci-dessus.  Seulement  remplacez  la  farce  dont 


COCHON.  443 


VOUS  remplissiez  votre  hure   par  des  truffes   et  des  pistaches. 

Jambon  au  naturel,  —  Procurez- vous  un  bon  jambon,  ceux 
de  Westphalie  sont  les  meilleurs  et  en  général  plus  estimés  que 
ceux  de  Bayonne;  parez-le  c'est-à-dire  enlevez  le  dessus  des 
chairs  et  sur  le  bord  du  lard  ce  qui  pourrait  être  jaune,  ôtez 
l'os  du  quasi,  coupez  le  bout  du  jarret  et  mettez  votre  jambon 
tremper,  après  l'avoir  égoutté  en  enfonçant  une  lardoire  dans  la 
noix  ce  qui  vous  décidera  de  laisser  dessaler  plus  ou  moins 
longtemps;  cela  fait,,  mettez-le  dans  un  linge,  nouez-en  les 
quatre  bouts,  arrangez-le  dans  une  marmite  ou  une  braisière, 
pfoportionnée  à  sa  grosseur;  mouillez-le  avec  de  Teau,  mettez-y 
quatre  ou  cinq  carottes,  autant  d'oignons,  quatre  clous  de 
girofle,  trois  ou  quatre  feuilles  de  laurier,  deux  ou  trois  gousses 
d'ail  et  un  ou  deux  bouquets  de  persil,  thym  et  basilic;  faites-le 
partir  et  cuire  ensuite  à  petit  feu,  par  poids  de  500  gr.  ;  lorsque 
vous  soupçonnerez  qu'il  est  cuit,  sondez-le  avec  la  lardoire  :  si 
elle  s'enfonce  facilement,  c'est  que  sa  cuisson  est  faite;  retirez-le; 
dénouez  et  renouez  le  linge  pour  serrer  davantage  ;  votre  jambon 
à  moitié  refroidi  levez-en  la  couenne  près  du  combien;  parez- 
le  et  panez  avec  de  la  chapelure  passé  au  travers  d'un  tamis  ; 
mettez  une  serviette  sur  un  plat  et  dressez-le  dessus^ 

Jambon  braisé.  —  Parez,  bxez  le  bord  du  lard,  coupez  le 
manche,  désossez  l'os  du  quasi,  faites  dessaler,  mettez  dans  un 
linge,  liez  et  posez  dans  la  braisière  foncée  de  bœuf,  veau 
carottes,  oignons,  ciboule,  persil,  clous  de  girofle,  laurier, 
thym,  etc.  Mouillez,  faites  partir,  arrosez  mi-cuit  d'une  bouteille 
de  vin  blanc  (Champagne  mêlé  d'eau-de-vie  ou  préférablement 
Madère  pur).  Ne  couvrez  pas,  laissez  réduire;  égouttez,  levez  la 
couenne,  glacez  avec  sauce  de  veau  réduite.  Servez  sur  légumes, 
ad  libitum. 

C'est,  modifiée  légèrement,  la  recette  Beauvilliers. 

Jambon  à  la  broche.  —  Dessalez,  parez,  mettez  dans  une 
terrine  avec  oignon,  carotte,  laurier,  cassis,  un  litre  de  Malaga 
ou  Marsala(voir  plus  haut); fermez  dans  un  linge, laissez  mariner 
un  jour  et  une  nuit  ;  faites  cuire  à  la  broche  arrosé  de  sa  mari- 
nade. Levez  la  couenne,  panez  et  'servez  sur  anglaise  et  sur  la 
marinade  tamisée. 


444  COCHON. 


Échinée  de  cochon,  —  Prenez -la  comme  vous  feriez  d'un 
carré  de  veau,  ôtez-en  l'arrête  jusqu'au  point  des  côtes  et  deux 
heures  avant  de  la  mettre  à  la  broche,  saupoudrez-la  d'un  peu 
de  sel  dessus  et  dessous  ;  faites-la  bien  cuire,  et  servez-la  sous 
une  sauce  poivrade.  (V.  cette  sauce.) 

Côtelettes  de  cochon,  sauce  Robert.  —  Coupez,  aplatissez, 
parez,  salez,  faites  griller  et  vous  servirez  avec  une  sauce  Robert. 
(V.  sauce  Robert.) 

Oreilles  de  cochon,  en  menu  de  roi,  —  flambez,  nettoyez  au 
fer  presque  rouge,  ratissez,  lavez,  faites  blanchir  et  cuire  dans 
une  braisière;  laissez  refroidir;  coupez  par  filets  agrémentés 
d'oignons  en  filets  cuits  au  beurre  et  au  blond  de  veau  et  dont 
vous  verserez  la  sauce,  en  servant,  sur  vos  oreilles  de  cochon  avec 
adjonction  d'un  filet  de  vinaigre. 

Oreilles  de  cochon  à  la  purée,  —  Comme  ci-dessus.  Puis 
braisez  avec  bouillon,  carottes,  oignons,  persil,  ciboules,  thym, 
laurier  et  basilic,  égouttez,  dressez  et  masquez  avec  purée  de  pois 
ou  de  lentilles,  (V.  purée  de  pois  verts.) 

Queues  de  cochon  à  la  purée,  —  Procédez  à  l'égard  de  ces 
queues,  comme  il  est  dit  à  l'article  précédent  pour  les  oreilles. 

Tieds  ^e  cochon  à  la  Sainte- Ménehould,  —  Lorsque  le 
roi  Louis  XVI  s'enfuit  de  Paris  pour  se  faire  arrêter  à 
Varenne,  dix  brochures  parurent  pour  exposer  les  causes  de 
cette  arrestation  ;  une  entre  autres  de  cet  enfant  terrible  de 
la  Révolution  que  l'on  appelait  Camille  Desmoulins  >  insinue 
que  le  roi  fugitif  n'avait  pu  résister  au  désir  de  manger  des  pieds 
de  cochon  à  la  Sainte-Ménehould,  ceci  était  un  mensonge  qui, 
dans  la  situation  oCt  il  était  fait,  prenait  les  proportions  d'une 
calomnie.  Louis  XVI  ne  s'arrêta  à  Sainte-Ménehould  que  le 
temps  d'y  être  reconnu  par  le  fils  du  maître  de  poste  Drouet  qui, 
lui-même,  sella  son  cheval  et  partit  par  des  chemins  de  traverse, 
afin  d'arriver  avant  le  roi  à  Varennes  ;  il  le  précéda  en  efitt  de 
quelques  minutes,  et  le  roi  fut  arrêté  en  face  de  l'hôtel. 

Ceci  posé  et  c'est  toujours  la  place  de  poser  une  vérité,  reve- 
nons à  nos  pieds  de  cochon. 

Flambez  ce  qu'un  cochon  peut  avoir  de  pieds,  c'est-à-dire 
quatre,  en  général  ;  ratissez-les,  lavez-les  à  l'eau  chaude,  faites 


COCHON.  445 


qu'ils  soient  bien  propres,  fendez-les  en  deux,  rapprochez  les 
morceaux  Tun  contre  l'autre;  entortillez-les  de  ruban  de  fil, 
appelé  ruban  à  tabliers,  exactement  comme  si  un  perruquier 
faisait  une  queue  ;  cousez  les  deux  bouts  du  ruban,  faites-les 
cuire  dans  une  braise  ou  dans  du  bouillon,  comme  les  queues  à 
la  purée.  Égouttez-les,  laissez-les  refroidir,  ôtez-en  les  rubans, 
séparez  ces  morceaux;  trempez  dans  du  beurre  fondu,  panez-les, 
feijes-les  griller ,  et  servez  à  sec. 

Cochon  {Petit  salé  aux  choux).  —  Nous  pourrions  évoquer 
les  ombres  des  Grecs  et  des  Romains  potir  prouver  que  le  chou  a 
mérité  les  suffrages  des  premiers  peuples  de  la  terre.  Et  par 
exemple  Caton,  ennemi  irréconciliable  des  médecins,  médicastre 
lui-même,  traitait  toute  sa  maison  avec  le  chou,  sans  distinction 
de  maladie,  et  chose  merveilleuse,  ses  gens  ne  s'en  trouvaient  pas 
plus  mal.  —  A  l'exception  d'Auguste,  tous  les  empereurs, 
jusqu'à  Vespasien,  furent  gourmands.  Mais  il  faut  le  dire  à  la 
louange  de  ce  stupide  Claude,  ce  fut  lui  qui  releva  le  chou  par 
l'amour  qu'il  portait  au  petit  salé.  «  Pères  conscrits,  s'écria-t-il 
un  jour  en  entrant  au  sénat,  dites-moi,  je  vous  prie,  est-il 
possible  de  vivre  sans  petit  salé?  »  Et  l'honorable  compagnie  de 

répondre  aussitôt  :  «  Oui,  seigneur,  plutôt  mourir  que  de  se 
passer  de  lard,  n    . 

Dès  ce  moment  les  sénateurs,  pour  faire  la  cour  à  Claude, 
se  régalèrent  de  petit  salé  aux  choux. 

Pour  faire  le  petit  salé,  vous  coupez  dès  poitrines  de  cochons 
en  morceaux;  frottez-les  de  sel  fin  comme  le  lard,  ajoutez-y  un 
peu  de  salpêtre,  arrangez-les  au  fur  et  à  mesure  les  uns  après 
les  autres  dans  un  pot,  ayez  soin  de  les  bien  fouler  pour  éviter 
qu'elles  ne  prennent  le  goût  d'évent  ;  bouchez  les  vides  que 
pourra  laisser  le  sel,  recouvrez  le  vase  d'un  linge  blanc  et  fermez 
le  plus  hermétiquement  possible  et  servez-vous-en  au  bout  de 
huit  ou  dix  jours  pour  mettre  sur  des  choux  ou  sur  ce  que  vous 
voudrez. 

Langues  dj  porc  fourrées  et  fumées.  —  Prenez  des  langues 
de  porc  dont  vous  ôtez  une  partie  du  cornet,  échaudez-les  pour 
leur  ôter  la  première  peau,  mettez-les  dans  un  vase  en  les  serrant 
bien  l'une  contre  l'autre,  et  les  salant  avec  du  sel  et  un  peu  de 


446  COCHON   DE   l-AIT. 


salpêtre;  joignez-y  du  basilic,  du  thym,  du  laurier,  du  genièvre 
et  quelques  échalotes,  si  vous  voulez,  couvrez  le  pot  comme  il  est 
indiqué  au  petit  salé,  mettez-le  de  même  dans  un  endroit  frais 
pendant  huit  jours  ;  au  bout  de  ce  temps,  retirez-les  de  la  sau- 
mure, faites-les  égoutter,  emballez-les  dans  des  boyaux  de 
cochon,  de  bœuf  ou  de  veau,  liez-en  les  deux  bouts,  faites-les 
fumer,  et  quand  vous  voudrez  vous  en  servir  mettez-les  cuire 
dans  Teau  avec  un  peu  de  vin,  un  bouquet  de  persil  et  ciboules, 
quelques  oignons,  thym,  laurier,  basilic;  laissez  refroidir  et 
servez.  • 

Cervelles  de  cochon.  —  On  les  prépare  comme  les  cervelles 
de  veau  (V.  cet  article),  en  ayant  soin  de  les  faire  accompagner 
en  les  servant  d'une  sauce  relevée  soit  à  Testragon,  soit  au  Kari 
des  Indes. 

Saucissons  dits  de  Bologne,  —  Les  saucissons  se  font  de  la 
même  manière  que  les  cervelas  dits  Mortadelles.  (V.  cet  article.) 

Émincé  de  porc  frais  à  la  minute.  —  Coupez  des  filets 
mignons  de  porc  en  forme  d'escalopes  que  vous  posez  dans  une 
poêle  ou  sur  une  tourtière  après  les  avoir  saupoudrés  de  mie  de 
pain  assaisonnée  de  fines  herbes,  sel  et  poivre;  mettez  du  beurre 
dans  une  casserole  et  passez-y  des  échalotes  hachées,  mouillez 
avec  le  jus  des  côtelettes,  sel  et  poivre,  faites  lier  avec  du  beurre 
manié  de  farine  et  ajoutez  une  cuillerée  de  moutarde  à  votre 
sauce  au  moment  de  servir. 

Rôtie  au  lard.  —  Coupez  les  deux  extrémités  d'un  petit 
pain  mollet  et  piquez-le  d'une  extrémité  à  l'autre  avec  des  lan- 
guettes de  filets  mignons  de  porc  frais  et  de  petit  lard  ;  coupez 
votre  pain  en  tranches  et  trempez  ces  tranches  dans  des  œufs  bat- 
tus, faites  frire  à  petit  feu  et  servez  à  sec  ou  à  la  sauce  piquante. 

COCHON  DE  LAIT.  —  (Article  copié  dans  un  vieux 
formulaire.) 

En  choisissant  un  cochon  de  lait,  vous  devez  avoir  soin  de  le 
prendre  court,  gras  et  jeune,  c'est-à-dire  qu'il  n'ait  pris  pour 
nourriture  que  le  lait  de  sa  mère  et  alors  il  doit  être  bon  ;  pré- 
ferez les  tonquins  aux  autres  espèces,  ils  sont  beaucoup  plus  déli- 
cats. Quand  vous  voudrez  le  tuer  prenez  lui  le  corps  entre  vos 
genoux,  en  lui  serrant  le  grouin  dans  la  main  gauche  et  vous  lui 


COCHON   DE   LAIT.  447 


enfoncez  le  couteau  au  bas  de  la  gorge,  ce  qu'on  appelle  le  petit 
cœur  :  il  est  nécessaire  que  le  couteau  soit  étroit  de  lame  et 
fort  pointu;  dirigez-le  bien  droit  afin  d'atteindre  Tanimal  au 
>cœur.  Prenez  garde  de  Vépauler^  car  alors  il  serait  difficile  à 
échauder,  et  comme  il  saignerait  peu,  les  chairs  en  seraient  noires 
et  moins  délicates  ;  vous  aurez  fait  chauffer  une  chaudronnière 
d'eau  un  peu  plus  que  tiède,  vous  aurez  eu  la  précaution  d'avoir 
un  peu  de  poix-résine.  Avant  de  tremper  votre  cochon  dans  l'eau 
ayez  soin  de  lui  casser  les  défenses  de  crainte  qu'elles  ne  vous 
blessent  en  l'échaudant;  trempez-lui  la  tête  dans  cette  eau;  si 
le  poil  des  oreilles  commence  à  quitter  retirez  votre  eau  du  feu 
et  trempez  en  entier  votre  cochon  ;  mettez-le  sur  la  table  et  la 
résine  près  de  vous  ;  posez  votre  main  à  plat  sur  cette  résine  (ce 
qui  vous  donnera  l'aisance  de  bien  approprier  votre  cochon) 
frottez-le,  trempez-le  plusieurs  fois  dans  l'eau,  afin  qu'il  n'y 
reste  aucun  poil,  déchaussez-le,  c'est-à-dire  ôtez  lui  les  sabots, 
\ddez-le  et  prenez  garde  de  faire  l'ouverture  trop  grande,  ôtez- 
lui  tout  ce  qu'il  a  dans  le  corps,  hors  les  rognons,  passez  votre 
doigt  entre  le  quasi,  ponr  lui  faire  sortir  le  gros  intestin,  suppri- 
mez-le, ciselez-lui  le  chignon,  faites-lui  quatre  incisions  sur  la 
croupe  pour  lui  retrousser  la  queue  entre  la  peau  et  les  chairs, 
passez-lui  trois  brochettes,  une  dans  les  cuisses  pour  lui  assu- 
jettir les  pieds  de  derrière  comme  ceux  d'un  lièvre  au  gîte,  une 
autre  à  travers  la  poitrine  pour  lui  trousser  les  pieds  de  devant, 
et  une  autre  auprès  des  rognons  pour  l'empêcher  de  faire  le  dos 
de  chameau;  cela  fait,  mettez-le  dégorger  dans  l'eau  fraîche, 
égouttez-le,  laissez-le  se  ressuyer  et  mettez-le  à  la  broche  ;  s'il 
lui  restait  quelques  poils,  flambez-les  avec  du  papier;  lorsqu'il 
aura  fait  trois  ou  quatre  tours  de  broche,  frottez-le  d'huile  avec 
un  pinceau  de  plumes  pour  que  la  peau  soit  croquante;  faites 
cette  opération  plusieurs  fois  pendant  le  temps  de  la  cuisson, 
quand  il  sera  cuit,  débrochez-le,  faites-lui  une  incision  autour 
du  cou,  afin  que  la  peau  reste  croquante  et  servez-le  très-chau- 
dement. 

Cochon  de  lait  farci  à  V  anglaise.  —  La  seule  différence  de 
celui-ci  d'avec  le  précédent  est  que  la  farce  sera  faite  avec  le  foie 
haché,  de  la  mie  de  pain  trempée  dans  le  lait,  du  beurre,  de  la 


448  COING. 


tétine,  des  œufs,  des  jaunes  surtout,  des  assaisonnements 
épicéa,  etc. 

Cochon  de  lait  en  galantine.  —  Echaudez  un  cochon, 
comme  il  est  indiqué  plus  haut,  faites-le  dégorger,  égouttez-le, 
désossez-le,  à  la  réserve  des  quatre  pieds  et  prenez  garde  de 
trouer  sa  peau;  faites  une  farce  cuite,  de  volaille  ou  de  veau, 
étendez  la  peau  de  votre  cochon  sur  un  linge  blanc,  mettez-y  de 
cette  farce  l'épaisseur  d'un  doigt,  garnissez-la  de  gros  lardons  de 
lard  et  placez  entre  ces  lardons  des  filets  de  truffes,  des  filets 
d'omelettes  et  des  jaunes  d'œuf  entiers,  des  filets  de  pistaches, 
des  filets  d'amandes  douces  et  des  filets  de  noix,  de  jambon  cuit, 
couvrez  le  tout  d'une  même  épaisseur  de  farce  et  continuez  ainsi 
jusqu'à  ce  que  la  peau  soit  bien  remplie  sans  être  trop  tendue; 
surtout  faites  en  sorte  de  conserver  à  la  tête  de  l'animal  ainsi 
qu'à  son  corps,  leurs  premières  formes;  cousez-le  avec  une 
grosse  aiguille  et  du  meilleur  fil  de  Bretagne,  fixez  les  quatre 
pieds  comme  pour  le  mettre  à  la  broche,  frottez-le  de  jus  de 
citron,  couvrez -le  de  bandes  de  lard,  emballez-le  dans  une  éta- 
mine  neuve  que- vous  coudrez  en  attachant  les  deux  bouts,  for- 
mez une  braise  avec  les  os  et  les  débris  de  ce  cochon,  quelques 
lames  de  jambon  cru,  un  jarret  de  veau  partagé  en  deux,  deux 
gousses  d'ail,  deux  feuilles  de  laurier,  du  sel^  carottes,  oignons 
et  un  bouquet  de  persil  et  ciboules  ;  posez  dessus  le  même  cochon 
que  vous  mouillerez  avec  du  bon  bouillon  et  une  bouteille  de 
vin  de  Grave  ;  faites-le  partir,  retirez-le  sur  les  bords  du  four- 
neau, faites-le .  aller  doucement  pendant  trois  heures,  laissez-le 
refroidir  dans  sa  cuisson,  ensuite  déballez -le,  ôtez  les  bardes  de 
lard,  dressez-le  sur  le  plat.  Vous  aurez  passé  le  fond  de  votre 
braise  au  travers  d'un  tamis  de  soie,  si  ce  fond  n'est  pas  assez 
ambréy  mettez-y  un  peu  de  jus,  faites-le  réduire  et  clarifiez  comme 
il  est  indiqué  à  l'aspic  (V.  aspic) ^  faites  un  cordon  de  cette  gelée 
autoift-  de  votre  plat,  soit  en  diamant  ou  de  toute  autre  manière, 
et  servez  pour  grosse  pièce  à  l'entremets.  (Recette  tradition- 
nelle.) 

COING.  —  Fruit  du  Cognassier.  On  en  fait  un  sirop  de 
coings  qu'on  administre  dans  les  cas  de  diarrhées  rebelles  et 
l'eau  mucilagineuse  qu'on  obtient  par  l'immersion  des  pépins  de 


COING. 


449 


coings.   Le  coing  sert  à  faire  la  bandoline,  dont  se  servent  les 
coiffeurs  pour  lisser  les  cheveux. 

Le  coing  sert  aussi  à  fabriquer  des  confitures  dont  nous 
allons  indiquer  les  différentes  recettes. 

Coings  au  beurre. — Vous  faites  cuire  des  coings  au  four  puis 
vous  les  pilez  et  les  émincez  en  bons  morceaux,  en  évitant  d'en  rien 
détacher;  jetez-les  encore  chauds  dans  une  bassine  de  faïence 
dans  laquelle  vous  aurez  mis  un  bon  morceau  de  beurre  frais,  une 
pincée  de  sel,  une  bonne  dose  de  sucre  en  poudre  et  de  la  cannelle, 
sautez  sans  laisser  bouillir  et  servez  avec  des  croûtons  frits. 

Coings  confits.  —  Prenez  des  coings  bien  odorants,  coupez-les 
par  moitié  ou  par  quartiers,  pelez-les  et  ôtez-en  les  cœurs, 
mettez-les  à  mesure  dans  l'eau  fraîche,  faites-en  bouillir  d'autre, 
mettez-y  vos  coings  et  laissez-les  jusqu'à  ce  qu'ils  commencent  à 
s'amollir. 

Cela  fait,  tirez-les  et  remettez-les  dans  de  l'eau  fraîche,  faites 
cuire  du  sucre,  mettez-y  vos  coings  et  faites-les  bouillir  à  petit 
feu,  couvrez-les  pour  leur  faire  prendre  une  couleur  rouge,  ôtez- 
les  quelquefois  de  dessus  le  feu  et  remettez-les  après  qu'ils  se 
seront  un  peu  reposés,  jusqu'à  ce  que  le  sirop  soit  cuit  presque 
en  gelée  et  couvrez-les  lorsqu'ils  seront  froids. 

Faites  une  décoction  des  pelures,  des  trognons  et  de  quelques 
autres  parties  de  coings,  passez-les  au  tamis  ou  à  travers  un  linge 
et  servez-vous-en  pour  cuire  ceux  qui  sont  destinés  à  être  confits, 
ajoutez-y  de  la  cochenille  préparée  pour  leur  donner  belle 
couleur. 

Compote  de  coings,  —  Les  coings  ne  forment  point  une 
substance  assez  compacte  pour  qu'on  en  puisse  faire  rien  qui 
vaille  en  compote. 

Coings  à  la  moelle.  —  Mettez  vos  coings  sous  la  cendre  dans 
une  robe  de  papier  beurré.  Cuits,  coupez-les,  sucrez  en  les 
tenant  devant  le  feu.  Ajoutez  quelques  grammes  de  moelle  par- 
faitement fraîche,  du  ratafia  de  coings,  de  la  cannelle,  laissez 
bouillir  et  dressez  avec  biscuits  d'une  pâte  légère. 

Gelée  de  coings.  —  Prenez  et  coupez  par  morceaux  une  cer- 
taine quantité  de  coings,  tirez-en  la  décoction  en  les  faisant 
bouillir  dans  l'eau,  qu'ils  trempent  seulement  sans  être  noyés, 

^9 


450  COING. 

jetez-les  sur  un  tamis,  lorsqu'ils  seront  bien  cuits,  ayez  du^sucre 
clarifié,  une  cuillerée  pour  deux  de  décoction,  faites-le  cuire  au 
soufflé,  ajoutez-y  votre  décoction  et  faites  cuire  votre  gelée,  reti- 
rez-la, sa  cuisson  faite,  et  mettez-la  en  pots. 

Conserve  de  coings^  appelée  cotignac  d'Orléans.  —  (Cette 
bonne  recette  provient  des  archives  de  M.  Grimod  de  la  Reinière 
qui  la  tenait  du  confiseur  de  son  oncle,  M.  de  Jarente,  évèque 
d'Orléans.)  Prenez  les  plus  beaux  coings  etôtez-en  les  pépins  en 
y  laissant  toute  la  peau  des  fruits,  car  c'est  dans  la  peau  des 
coings  que  se  trouve  la  plus  grande  partie  de  leur  parfum  et  de 
leur  saveur  particulière  ;  enlevez  les  pépins  et  la  partie  fibreuse, 
vous  les  mettez  avec  de  Teau  dans  une  bassine,  les  retournant 
de  temps  en  temps  avec  une  spatule  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  bien 
tendres,  alors  vous  les  retirez  et  les  jetez  dans  un  tamis  sur  une 
terrine  ;  quand  ils  'sont  refroidis,  vous  les  écrasez  et  les  réduisez 
en  pulpe  que  vous  faites  réduire  à  moitié  sur  le  feu,  vous  la  reti- 
rez et  la  versez  de  la  bassine  dans  un  vase  de  terre  vernissée  ou 
dans  une  terrine,  précaution  sur  laquelle  on  ne  peut  trop 
insister. 

Vous  clarifiez  même  quantité  de  sucre  que  de  marmelade, 
et  vous  le  faites  cuire  au  petit  cassé  ;  vous  y  versez  la  marmelade 
en  remuant  bien  avec  une  spatule;  quand  le  mélange  est  bien 
fait  vous  remettez  la  bassine  sur  un  petit  feu,  en  remuant  toujovirs 
jusqu'à  ce  que  vous  découvriez  facilement  le  fond  de  la  bassine, 
alors  vous  la  retirez  de  dessus  le  feu. 

Vous  posez  sur  une  plaque  de  fer-blanc  ou  sur  des  ardoises, 
des  moules  de  différentes  figures,  soit  en  rond,  soit  en  carré, 
soit  en  forme  de  cœur,  vous  les  emplissez  de  votre  pâte 
ou  marmelade,  ayant  soin  d*en  bien  unir  la  surface  avec  un  cou- 
teau; lorsque  tous  les  moules  sont  remplis,  vous  saupoudrez  avec 
du  sucre  et  les  mettez  à  Tétuve  avec  un  bon  feu.  Le  surlende- 
main vous  les  retirez  des  moules,  vous  les  posez  sur  des  tamis 
en  les  retournant  et  les  saupoudrez  aussi  de  sucre  de  ce  côté  ; 
vous  les  laissez  en  cet  état  un  jour  à  Tétuve  et  les  conservez  dans 
des  boîtes  bien  bouchées ,  en  les  disposant  par  lits  et  mettant 
entre  chacun  une  feuille  de  papier  blanc. 

Nous  avons  cru  devoir  mettre  ces  recettes  au  mot  coing. 


COMPOTE.  451 


plutôt  que  de  les  indiquer  aux  mots  compotes,  conserves  ou 
gelées,  et  nous  ferons  de  même  pour  les  autres  fruits,  suscep- 
tibles des  mêmes  préparations. 

COLLAGE.  —  On  appelle  collage  en  terme  culinaire, 
Topération  que  Ton  fait  subir  aux  vins  pour  les  clari- 
fier. 

Le  collage  du  vin  a  pour  but  de  lui  donner  de  la  limpidité,  de 
le  dégager  de  la  lie  et  des  parties  trop  colorantes,  d'opérer  enfin 
ce  qu'on  appelle  la  clarification.  Pour  obtenir  ce  résultat,  on  se 
sert  ordinairement  de  colle  de  poisson  et  de  blancs  d  œufs  ou  de 
poudres  préparées  à  cet  effet.  On  a  soin  d'abord  de  tirer  de  la 
pièce  la  valeur  de  deux  bouteilles,  on  prend  six  blancs  d'œufs 
que  Ton  bat  ensemble  avec  une  demi-bouteille  de  vin.  On  intro- 
duit par  la  bonde  un  bâton  fendu  et  Ton  agite  le  vin  en  faisant 
pénétrer  le  bâton  dans  tous  les  sens,  et  puis  on  verse  les  blancs 
d'œufs  préparés  et  Ton  achève  de  remplir  la  pièce  qui  doit  être 
bouchée  environ  un  quai;t  d'heure  après  avec  une  bonde  fraîche  ; 
huit  jours  après  on  peut  tirer  le  vin  sans  inconvénient.  Pour 
opérer  le  collage  avec  de  la  colle  de  poisson  (  collage  qui 
convient  uniquement  au  vin  blanc,  retenez-le  bien,  tandis  que 
les  blancs  d'œufs  ne  sont  bons  que  pour  coller  le  seul  vin  rouge), 
il  faut  prendre  6  grammes  de  colle,  la  couper  par  feuilles  très- 
minces,  la  faire  dissoudre  dans  une  demi-bouteille  de  Vin  pen- 
dant vingt-quatre  heures,  et  agir  de  la  même  façon  qu'avec  les 
blancs  d'œufs. 

Le  collage  de  la  bière  se  fait  de  la  même  manière. 

COMPOTE.  —  On  se  sert  également  de  ce  terme  pour 
désigner  un  grand  nombre  de  préparations  culinaires. 

On  fait  des  compotes  avec  toutes  sortes  de  volailles,  telles 
que  pigeons,  tourtereaux,  ramiers,  perdreaux,  alouettes,  etc., 
que  l'on  fait  cuire  avec  des  carrés  de  petit  lard  et  dans  du  con- 
sommé assaisonné  avec  des  cinq  racines,  des  sept  fines  herbes  et 
des  quatre  épices. 

Quant  aux  compotes  de  fruits,  ce  sont  tout  simplement  des 
confitures  qui  n'ont  pas  assez  cuit  pour  dénaturer  la  forme  du 
fruit  qui  fait  leur  base,  et  qui,  par  ce  seul  fait,  conservent  encore 
toute  leur  saveur  originelle,  ainsi  que  leur  fraîcheur  et  leur  par- 


4ja 


COMPOTE. 


fum.  Les  compotes  doivent  être  mangées  aussitôt  leur  prépara- 
tion, sans  quoi  elles  perdent  toutes  leurs  qualités. 

Nous  allons  indiquer  les  différentes  espèces  de  compotes 
en  renvoyant  pour  leur  préparation,  aux  fruits  qui  les  com- 
posent : 


Compote  de  pommes  dite  à  la  paysanne 
(V.  Abricot). 

Compote  de  pommes  de  reinette  à  la 
gelée  d'oranges. 

Compote  de  pommes  de  calville  rouge 
à  la  gelée  de  framboises. 

Compote  de  cœur  de  pigeon  aux  tran- 
ches de  cédrat. 

Compote  de  pommes  grillées  à  la  por- 
tugaise. 

Compote  de  poires  à  la  ménagère. 
(V.  Abricot.) 

Compote  de  poires  crues  à  la  royale. 
(V.  Bon-chrétien.) 

Compote  de  poires  de  bon- chrétien 
mêlées  de  petits  citrons  confîts. 

Compote  de  poires  de  Martin -sec  à 
la  portugaise. 

Compote  de  poires  de  rousselet  aux 
montants  d'angélique. 

Compote  de  coings.  (V.  CoiNG.) 

Compote  de  pêches  à  la  coque. 

Compote  de  pèches  royales  au  jus  de 
groseilles  blanches. 

Compote  de  pèches  de  vigne  au  vin 
de  Clos-Vougeot. 

Compote  de  pèches  tardives  au  vin 
de  Lunel. 

Compote  de  brugnons  à  la  ménagère. 

Compote  de  brugnons  glacés  au  candi. 

Compote  d'abricots. 

Compote  de  prunes  de  reine-Claude 
au  naturel. 

Compote  de  reine-Claude  au  rhum. 

Compote  de  prunes  de  mirabelle  mê- 
lées de  cerises. 


Compote  de  prunes  de  Damas  jaune 
au  ratafia  de  fleurs  d'oranger. 

Compote  de  framboises  mêlées  de  gro- 
seilles épipennées. 

Compote  de  verjus  au  naturel. 

Compote  de  verjus  muscat  au  candi. 

Compote  des  quatre  fruits  et  de  ver- 
jus rouge  en  macédoine. 

Compote  de  cerises  hâtives  à  la  bour- 
geoise. 

Compote  de  cerises  au  marasquin. 

Compote  de  fraises  ananas  crues  au 
vin  de  Rivesalte. 

Compote  de  fraises  des  bois  cuites  au 
bain>marie. 

Compote  d'oranges  au  naturel. 

Compote  d'oranges  à  leur  gelée. 

Compote  d'oranges  à  leurs  zestes  pra- 
linés. 

Compote  de  citrons  doux  à  l'écorce  de 
cédrat. 

Compote  de  limons  à  l'eau  de   va- 
nille. 

Compote  d'ananas  crus  au  vin  gré- 
geois. (V.  Ananas.) 

Compote  de  marrons  au  jus  de  biga- 
rade. 

Compote  de  marrons  glacés  à  la  li- 
queur de  cannelle. 

Compote    de   groseilles   vertes  à  la 
crème  fouettée. 

Compote  d'amandes  vertes  à  la  purée 
de  pistaches. 

Compote  de  nèfles  frites  à  la  moelle 
et  au  vin  de  Bordeaux  sucré. 


Toutes  ces  compotes  se  préparent  de  la  même  manière,  les 
fi'uits  seuls  en  changent  la  composition. 


CONCOMBRE.  453 


CONCOMBRE.  —  Il  y  a  différentes  espèces  de  concombres, 
mais  nous  n'avons  à  nous  occuper  ici  que  des  concombres  verts 
dont  on  se  sert  le  plus  ordinairement  dans  la  cuisine  où  on  les 
emploie  de  diverses  manières. 

Concombres  farcis, — Epluchez  trois  ou  quatre  concombres, 
parez-les  avec  soin  et  tournez-les;  coupez-en- les  pointes  du  côté 
de  la  queue,  prenez  une  grosse  lardoire  et  videz-les  après  en  avoir 
ôté  tous  les  pépins.  Mettez-les  dans  l'eau  avec  un  filet  de  vinaigre 
rincez-les  bien  et  faites-les  blanchir  au  grand  bouillant;  rafraî- 
chissez-les, laissez-les  égoutter,  et  remplissez-les  d'une  farce 
cuite,  faite  avec  des  blancs  de  volaille  (V.  Farce),  foncez  une 
casserole  de  bardes  de  lard,  posez-y  vos  concombres,  assaison- 
nez-les avec  sel,  poivre,  bouquet  de  persil,  ciboules,  un  verre 
de  vin  blanc,  une  demi -feuille  de  laurier,  deux  clous  de 
girofle,  joignez-y  une  cuillerée  à  pot  du  derrière  de  la  marmite, 
couvrez-les  d'un  rond  de  papier,  faites-les  partir,  mettez-les 
mijoter  sur  une  cendre  chaude  ;  leur  cuisson  achevée,  égouttez- 
les,  dressez-les,  glacez-les,  saucez-les  d'une  espagnole  réduite, 
bien  corsée  et  servez. 

Ragoût  de  concombres  pour  garnitures,  —  Vous  coupez  vos 
concombres  par  tranches  et  vous  les  faites  mariner  avec  sel, 
poivre,  un  peu  de  \înaigre  et  des  oignons  coupés,  puis  vous  les 
pressez  dans  une  serviette  et  les  passez  avec  du  lard  fondu,  liez 
la  sauce  en  la  mouillant  avec  du  jus,  avec  du  blond  de  veau  ou 
coulis  de  jambon. 

Concombres  à  la  poulette.  —  Faites  blanchir  vos  concombres 
et  mettez-les,  après  les  avoir  coupés,  dans  une  casserole  avec  du 
beurre,  singez-les  d'une  pincée  de  farine  bien  fine,  sautez-les, 
mouillez-les  avec  de  Teau,  avec  sel  et  poivre,  faites  cuire  et 
réduire,  mettez  du  persil  haché,  un  peu  de  muscade,  liez-les 
avec  des  jaunes  d'œufs  et  de  la  crème,  faites  cuire  votre  liaison 
sans  laisser  bouillir  et  servez. 

Concombres  à  la  béchamel.  —  Préparez  ces  concombres 
prêts  à  être  accommodés,  et  mettez  cuire  et  réduire  avec  de  fa 
béchamel  grasse  ou  maigre  dans  une  casserole,  ajoutez  au 
moment  de  les  servir  du  beurre  et  un  peu  de  muscade  râpées, 
sautez-les,  assurez-vous  s'ils  sont  de  bon  goût  et  servez. 


454  CONFITURES, 


Concombres  fricassés.  —  Vos  concombres  coupés  par 
tranches,  vous  les  faites  cuire  entre  deux  plats  avec  sel,  clous  de 
girofle,  et  uo  peu  de  beurre,  ajoutez  de  la  croûte  de  pain,  des 
raisins  de  Corinthe  et  des  champignons  coupés  bien  menu  ;  quand 
vos  concombres  sont  cuits  mettez-y  du  verjus  ou  des  jaunes 
d'oeufs  délayés  aVec  du  verjus  et  un  peu  de  muscade  et  servez. 

Salade  de  concombres.  —  Prenez  un  ou  deux  concombres, 
qu'ils  ne  soient  pas  encore  à  leur  maturité,  épluchez-les,  goûtez 
s'ils  ne  sont  pas  amers  et  dans  ce  cas  rejetez  le  concombre, 
coupez-les  en  ronds  bien  minces,  mettez-les  dans  un  compotier 
avec  sel,  poivre,  vinaigre,  oignons  hachés,  laissez-les  confire  deux 
ou  trois  'heures  et  servez  avec  le  bœuf  après  avoir  supprimé  une 
partie  de  leur  assaisonnement. 

CONFITURES.  — 11  y  a  deux  sortes  de  confitures,  les  con- 
fitures sèches  et  les  confitures  liquides.  Les  premières  sont  com- 
posées de  fruits,  de  tiges,  de  racines,  de  certaines  plantes  et 
des  écorces  de  certains  fruits.  Les  secondes  se  font  avec  des  fruits 
confits  dans  du  liquide  et  leur  préparation  demande  les  plus 
grands  soins. 

Les  marmelades,  les  gelées  et  les  pâtes  sont  aussi  de  la  caté- 
gorie des  confitures,  seulement  les  marmelades,  ne  s'appliquent 
guère  qu'aux  abricots  et  aux  prunes;  quant  aux  gelées,  elles 
s'obtiennent  avec  des  jus  de  fruits  dans  lesquels  on  fait  dissoudre 
le  sucre  et  que  Ton  fait  bouillir  jusqu'à  consistance  sirupeuse. 

Nous  allons  d'ailleurs  donner,  par  catégories,  les  différentes 
recettes  des  marmelades,  gelées,  pâtes,  etc. 

GELÉES. 

Gelée  de  groseilles.  —  Il  est  important  pour  faire  cette 
gelée  que  vous  preniez  des  groseilles  qui  ne  soient  pas  trop  mûres 
et  encore  acidulées  afin  que  votre  gelée  soit  bien  claire  ;  dans  le 
cas  contraire,  vous  seriez  obligé  de  la  clarifier,  ce  qui  ne  saurait 
se  faire  sans  nuire  à  l'arôme  des  fruits. 

Il  faut  ordinairement  pour  foire  une  bonne  gelée  500 
grammes  de  sucre  par  500  grammes  de  fruits,  mais  cette  pro- 
portion n'est  pas  de  rigueur. 


CONFITURES.  45^ 


Prenez  2  kilos  de  sucre,  cassez-le  par  inorceaux  dans  une 
poêle  d'office,  ayez  5  kilos  de  groseilles  dont  un  kilo  de  blanches 
pour  que  votre  gelée  soit  plus  belle,  égrenez-les  ensemble,  mettez- 
les  dans  une  autre  poêle  avec  un  dçmi-setier  d'eau,  pour  les  fondre, 
mettez-les  sur  le  feu  et  remuez  de  temps  en  temps  afin  qu'elles 
ne  s'attachent  pas  ;  ajoutez-y  pour  donner  du  goût,  un  petit 
panier  de  framboises  bien  épluchées,  et  faites  bouillir  le  tout  ; 
passez-les  après  sur  un  tamis  pour  en  retirer  le  jus  que  vous 
yersez  sur  le  sucre,  remettez  ce  sucre  sur  le  feu,  pour  lui  faire 
jeter  une  douzaine  de  bouillons  et  assurez-vous  si  elle  est  cuite  à 
point,  mettez-en  une  pleine  cuillerée  à  bouche  sur  une  assiette, 
laissez-la  refroidir  ;  si  elle  tombe  en  gelée  vous  pourrez  l'em- 
porter, sinon  faites-lui  prendre  un  ou  deux  bouillons  de  plus. 

Vous  couvrez  vos  pots,  d'abord  avec  une  rondelle  de  papier 
blanc  trempé  dans  de  Teau-de-vîe,  puis  vous  recouvrez  celte 
rondelle  d'un  autre  papier  double  que  vous  rabattez  sur  les 
parois  de  votre  pot  et  que  vous  attachez  avec  une  ficelle  fine. 

.  On  ne  saurait  trop  insister  sur  la  couverture  des  pots  :  s'ils 
sont  mal  couverts,  l'air,  en  pénétrant,  altère  votre  confiture  et  lui 
fait  perdre  une  grande  partie  du  liquide  qu'elle  contient,  ce  qui 
la  dessèche  et  lui  donne  une  consistance  trop  forte. 

Il  faut  aussi  employer  toujours  pour  la  couverture  des  pots, 
du  papier  blanc  collé  :  l'autre  absorbe  trop  facilement  l'air. 

Je  reçois  à  l'instant  un  billet  d'un  maître.  On  ne  saurait 
être  trop  renseigné.  Je  le  transmets  à  mes  contemporains  et  à  la 
postérité.  Le  voici  : 

((  Cher  et  illustre  maître, 

<(  Voici  ce  que  mon  expérience,  acquise  devant  les  four- 
neaux, me  suggère  sur  le  point  où  vous  voulez  bien  me  consulter. 

u  Pour  faire  de  la  bonne  gelée  de  groseilles  prenez  le  fruit 
peu  mûr,  qui  est  gélatineux,  égrenez-le,  jettez  les  grains  dans 
une  terrine,  ajoutez  quelques  framboises  également;  prenez  pour 
deux  kilos  de  fruits,  deux  kilos  de  sucre  que  vous  ferez  fondre 
dans  une  bassine  avec  un  demi-litre  d  eau  ;  à  la  première  ébulli- 
tion,  cinq  minutes  après,  jetez  vos  groseilles  dans  le  sucre.  —  Un 
quart  d'heure  de  grande  ébullition  ;  enlevez  la  pulpe,  jetez  votre 


456  CONFITURES. 


gelée  de  groseille  sur  un  tamis  fin  ;  ondulez-la  deux  minutes,  et 
versez  dans  vos  pots.  —  Vous  obtenez  par  ce  ce  moyen  de  la  belle 
gelée,  et  le  goût  de  fruit  bien  prononcé.  —  Infaillible  réussite. 

«    VUILLEMOT.   » 

Gelée  de  pommes  à  la  façon  de  Rouen.  —  On  emploie  ordi- 
nairement pour  faire  cette  gelée,  des  pommes  de  reinette,  à 
cause  de  la  plus  grande  quantité  d'acide  qu'elles  contiennent,  et 
qui  leur  permet  de  ne  pas  faire  une  gelée  trop  fade  malgré  cela  \ 
on  Y  ajoute  encore  généralement  un  jus  de  citron. 

Pelez  des  pommes  de  reinette  avec  un  couteau  d'argent 
afin  d'empêcher  leur  jus  de  se  colorer,  lavez-les  bien  à  Teau 
chaude,  égouttez-les,  mettez-les  dans  un  poêlon,  avec  assez  d'eau 
pour  les  baigner  complètement^  faites-leur  jeter  un  bouillon  afin 
qu'elles  soient  bien  cuites  mais  pas  écrasées,  versez-les  sur  un 
tamis,  laissez *les  égoutter,  mettez  dans  votre  jus  que  vous  avez 
passé,  deux  cuillerées  de  sucre  clarifié  et  cuit  au  fort  lissé; 
versez  le  tout  dans  le  poêlon  et  faites  bouillir  jusqu'à  ce  qu'elle 
tombe  en  nappe,  ajoutez-y  de  l'écorce  de  citron  coupée  en  petits 
filets,  laissez  bouillir  encore  une  minute  ou  deux,  enlevez  les 
filets  de  citron  avec  lesquels  vous  couvrez  les  pots  que  vous  avez 
remplis  de  gelée. 

Gelée  de /leurs  d*  oranger.  —  Quand  votre  gelée  de  pommes 
est  arrivée  à  son  point  de  cuisson,  vous  retirez  la  bassine  du  feu 
et  vous  laissez  tomber  Tébullition,  alors  vous  versez  et  mêlez 
rapidement  de  la  teinture  de  fleurs  d'oranger  en  faisant  bien 
attention  que  la  gelée  soit  encore  assez  chaude  pour  faire  éva- 
porer l'esprit  tandis  que  l'arôme  se  mélange  avec  le  sucre. 

Gelée  de  roses.  —  Se  fait  de  la  même  manière  que  celle 
d'orangers  en  ajoutant  à  votre  gelée  de  pommes  la  quantité  suffi- 
sante d'eau  double  de  rose,  délayée  avec  un  peu  de  carmin  pour 
donner  à  la  gelée  une  teinte  suave  de  rose  pâle. 

Gelée  de  cerises.  —  Écrasez  des  cerises  dont  vous  ôtez  les 
noyaux  en  en  conservant  seulement  une  partie  pour  donner  un 
bon  goût  d'amande  à  votre  gelée,  vous  y  ajoutez  un  quart  de 
groseilles  égrenées  puis  vous  mettez  le  tout  dans  une  casserole 
avec  du  sucre  en  suffisante  quantité,  entretenez  l'ébuUition  pen- 


CONFITURES,  4J7 


dant  un  quart  d'heure  et  passez  le  contenu  de  votre  bassine  sur 
un  tamis  afin  de  bien  extraire  le  jus  que  vous  remettez  dans  la 
bassine  et  que  vous  faites  cuire  jusqu'à  ce  qu'il  ait  atteint  la 
consistance  prescrite  ;  alors  vous  retirez  votre  gelée  et  la  mettez 
dans  les  pots. 

MARMELADES. 

Marmelade  de  pêches.  —  Choisissez  des  pêches  automnales 
et  mûres  que  vous  pelez  et  coupez  par  morceaux,  ajoutez  du 
sucre  en  quantité  que  vous  clarifierez  et  ferez  cuire  au  fort 
perlé  ;  puis  mettez  vos  pèches  dans  le  sucre,  ne  manquez  pas  de 
remuer  continuellement,  quand  votre  composition  cuit,  avec  une 
spatule,  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  arrivée  au  degré  de  cuisson 
voulu. 

Ajoutez  aussi  quelques  amandes  comme  à  la  marmelade 
d'abricots. 

Marmelade  de  prunes  mirabelles,  —  Prenez  de  la  petite 
espèce  de  mirabelles,  bien  mûres,  ôtez  les  noyaux  et  faites  macé- 
rer 24  heures  avec  du  sucre  en  poudre. 

Faites  cuire,  tamisez  et  procédez  comme  pour  les  autres 
marmelades  de  fruits. 

Marmelade  de  cerises.  —  Prenez  des  cerises  mûres,  que  les 
oiseaux  auront  jugées  telles  en  les  piquant  du  bec.  Otez-en  les 
queues  et  les  noyaux,  écrasez-les  et  donnez -leur  un  fort  bouillon, 
passez-les  au  travers  d'un  tamis,  mettez  ce  qui  est  passé  dans  un 
poêlon,  faites-le  réduire  à  moitié  et  ajoutez-y  quantité  égale  de 
sucre  ;  finissez  comme  ci-dessus. 

La  marmelade  de  groseilles  se  fait  de  même. 

Marmelade  de  framboises .  —  Faites  macérer  vos  framboises 
pendant  3  ou  4  heures  avec  du  sucre  en  poudre,  mettez-les 
ensuite  dans  une  bassine  et  faites  cuire  à  grand  feu,  passez-les 
quand  elles  seront  bien  fondues  sur  un  tamis  très-fin,  remettez- 
les  dans  la  bassine  et  faites  chauffer  jusqu'à  ce  que  la  marmelade 
ait  pris  la  consistance  nécessaire,  empotez-la  quand  la  chaleur 
est  tombée. 

Marmelade  de  fraises.  —  Comme  ci-dessus. 


458  CONFITURES. 


Marmelade  de  verjus.  —  Choisissez  du  verjus  presque  mûr 
dont  vous  ne  prendrez  que  les  grains,  écrasez-les  et  mettez-les 
au  feu,  faites-leur  prendre  plusieurs  bouillons  et  passez-les  au 
travers  d'un  tamis,  pour  qu'il  ne  reste  que  les  peaux  et  les  pépins, 
vous  les  remettez  réduire  au  feu  et  vous  y  ajoutez  la  même 
quantité  de  sucre  ;  faites  cuire  et  finissez  comme  ci-dessus. 

Marmelade  sans  nom,  —  Elle  se  fait  avec  des  fruits  d'églan- 
tier cueillis  après  les  premières  gelées,  elle  est  très-agréable  et 
fortement  astringente,  c'est  un  bon  stomachique  dont  il  ne  faut 
pas  abuser. 

Après  avoir  ôté  les  queues  et  les  calices  de  vos  fruits,  vous 
les  fendez  et  enlevez  toutes  les  graines.  Mettez  vos  églantînes 
épluchées  dans  une  bassine  avec  assez  d'eau  pour  les  baigner,  et 
faites  cuire  doucement,  passez-les,  ajoutez  leur  poids  de  sucre, 
faites  réduire  et  faites  bouillir  jusqu'à  ce  que  la  marmelade  ait 
en  refroidissant  acquis  plus  de  fermeté  que  les  autres. 

Marmelade  de  poires.  —  Pelez  des  poires  de  bonne  espèce, 
coupez-les  par  quartier  et  mettez-les  baigner  dans  l'eau,  faites 
cuire  à  grand  feu,  retirez-les  et  mettez  le  sucre  dans  leur  eau, 
pendant  que  le  sucre  se  fond,  vous  écrasez  vos  poires  et  vous  les 
passer  à  travers  un  tamis,  puis  vous  remettez  le  tout  dans  la 
bassine  et  vous  achevez  de  faire  cuire  en  finissant  comme  potir 
les  autres. 

Raisiné  de  poires  à  la  paysanne.  —  Prenez  un  moût  de 
raisins  blancs  ou  de  raisins  noirs^  faites-le  réduire  d'un  quart  en 
bouillant,  laissez-le  refroidir,  versez-y  du  vin  blanc  d'Espagne 
ou  de  la  craie  délayée  avec  de  l'eau,  mêlez  bien  la  craie  avec 
le  moût,  il  se  fait  alors  une  vive  effervescence  ;  quand  elle  est 
apaisée,  vous  ajoutez  une  nouvelle  portion  de  craie  et  vous  con- 
tinuez jusqu'à  ce  que  cette  effervescence  soit  disparue.  Laissez 
reposer  la  nuit,  le  lendemain  décantez  le  dépôt,  passez-le  à  la 
chausse  jusqu'à  ce  qu'il  soit  bien  clair  ;  puis  remettez-le  sur  le 
feu  et  faites  bouillir  avec  quelques  blancs  d'œufs  battus  dans 
Teau  ;  mettez  alors  vos  poires  coupées  en  morceaux,  faites  bouillir 
le  tout  ensemble  jusqu'à  cuisson  complète  des  poires  et  réduction 
suffisante  du  moût. 

Raisiné  de  coings  à  la  dauphinoise.  —  11  se  fait  de  la  même 


CONFITURES.  .  4^9 


manière  que  le  raisiné  de  poires,  on  y  ajoute  seulement  des 
coings  coupés  en  morceaux  et  que  l'on  a  bien  brossés  pour  enle* 
ver  les  poils. 

PATES    DE   FRUITS. 

Pâte  de  prunes,  —  Cuisez  de  la  mirabelle  en  gelée  et  évapo- 
rez par  couches  à  Tétuve,  même  pour  toutes  les  pâtes  de  fruit. 
Observation  générale  :  Sucrez  fortement  pour  conserver  le  goût  et 
la  couleur. 

Pâte  de  pommes,  —  On  la  fait  avec  une  belle  gelée  de 
pommes  aromatisée. 

Pâte  de  fruits  variés.  —  On  peut  convertir  en  pâte  tous  les 
fruits  dont  on  fait  des  gelées  et  des  marmelades;  on  peut  en  faire 
en  toutes  saisons,  il  ne  s'agit  que  de  mettre  les  gelées  ou  les 
marmelades  dans  une  bassine  et  de  les  faire  amollir  en  les  chauf- 
fant doucement. 

Pâte  transparente  d'abricots^  de  prunes,  etc.  —  Ecrasez  à 
froid,  mettez  le  suc  exprimé  dans  une  bassine  avec  un  peu  de 
gomme  arabique,  puis  vous  clarifiez  au  blanc  d'œuf,  en  l'intro- 
duisant dans  le  jus  que  vous  remettez  dans  la  bassine  et  que 
vous  mêlez  bien  en  faisant  bouillir  et  en  ôtant  les  écumes  à 
mesure  qu'elles  se  forment. 

Cougloff  à  Vallemande,  —  On  ne  saurait  donner  une 
meilleure  formule  que  celle  ci-après,  recueillie  par  M.  Carême. 

Mettez  dans  une  grande  terrine  vernissée  une  livre  et  demie 
de  beurre  fin  que  vous  avez  fait  tiédir,  puis  avec  une  grande 
cuiller  de  bois  (neuve  ainsi  que  la  terrine)  vous  mêlez  ce  beurre 
pendant  six  bonnes  minutes,  afin  qu'il  devienne  velouté  et  d'un 
moelleux  parfait,  vous  y  joignez  ensuite  deux  œufs,  puis  vous 
remuez  ce  mélange  pendant  deux  bonnes  minutes,  ajoutez  trois 
jaunes  d'œufs  et  remuez  encore  deux  minutes.  Vous  sucrez  ce  pro- 
cédé, en  mettant  successivement  dix  autres  œufs  et  neuf  jaunes, 
ce  mélange  de  beurre  et  d'œufs  doit  vous  donner  une  crème 
extrêmement  douce  au  toucher;  alors  vous  y  mêlez  peu  à  peu 
deux  livres  de  belle  farine  tamisée,  ce  qui  commence  à  donner 
une  pâte  mollette,  vous  y  joignez  douze  gros  de  bonne  levure 


46o  CONSERVES. 


dissoute  dans  un  verre  de  lait  chaud.  Vous  passerez  ce  liquide 
dans  le  coin  d*une  serviette  (on  emploiera  le  même  procédé  pour 
passer  la  levure  liquide  avant  de  la  joindre  dans  les  détrempes  où 
son  addition  est  nécessaire),  remuez  bien  ce  liquide  à  la  pâte  en 
y  mettant  huit  onces  de  fkrine  passée,  puis  faites  un  creux  dans 
la  pâte,  dans  laquelle  vous  mettez  une  once  de  sel  fin  et  quatre 
onces  de  sucre  en  poudre,  ensuite  vous  versez  dessus  un  verre  de 
lait  chaud  et  le  mêlez  à  la  masse  entière  en  y  joignant  encore 
huit  onces  de  farine. 

Cette  pâte  se  travaille  encore  quelques  minutes  en  y  versant 
de  temps  en  temps  un  peu  de  lait  chaud ,  afin  de  la  rendre  de 
la  cons'stance  mollette  du  gâteau  de  Compiègne.  L'addition  du 
lait  donne  plus  de  corps  rt  la  rend  plus  lisse  qu'elle  n'était 
d'abord. 

Il  est  aisé,  ce  me  semble,  de  voir  que  la  manière  de  tra- 
vailler cette  détrempe  contribue  seule  au  moelleux  de  ce  délicieux 
gâteau . 

Ensuite  vous  avez  tout  prêt  un  moule  de  la  même  grandeur 
et  beurré  de  même  que  pour  le  gâteau  de  Compiègne;  mais  avec 
cette  différence  que  dans  celui-ci  vous  placez  avec  symétrie  des 
amandes  douces  séparées  en  deux  parties,  puis  vous  y  versez  la 
pâte  par  petite  partie,  afin  de  ne  pas  déranger  les  amandes  pour 
la  fermentation  et  la  cuisson.  C'est  absolument  la  même  manière 
de  procéder  que  pour  la  brioche  royale  ou  gâteau  de  Compiègne. 
(V.  Brioche.) 

«  Nous  sommes  redevables  de  cette  intéressante  recette  (dit 
toujours  M.  Carême)  à  M.  Eugène  Wolf,  chef  de  cuisine  du 
prince  Schwartzemberg,  et  je  remercie  bien  sincèrement  cet  esti- 
mable et  savant  praticien  de  ce  qu'il  a  bien  voulu  me  rendre  ce 
service  important,  puisque  aujourd'hui  je  peux  en  enrichir  notre 
grande  pâtisserie  nationale. 

«  M.  Eugène  Wolf  m'a  assuré  que  les  Viennoises  ont  un  talent 
tout  particulier  pour  bien  faire  ce  gâteau.  Elles  ont  la  sage  pré- 
caution de  se  mettre  dans  un  lieu  chaud  pour  travailler,  puis 
elles  font  tiédir  les  œufs,  le  beurre,  la  farine  et  même  la  terrine, 
ce  qui  fait  le  plus  grand  honneur  aux  femmes  de  Vienne.  » 

CONSERVES.  —  Les  conserves  sont  une  grande  et  pré- 


CONSERVES,  461 


cieuse  ressource  pour  la  marine  et  l'armée,  ainsi  que  pour  Téco- 
nomie  domestique. 

On  donne  aussi  ce  nom  à  des  substances  végétales  sèches  ou 
fraîches,  qu'on  incorpore  avec  une  quantité  suffisante  de  sucre 
pour  en  faire  une  pâte  assez  consistante  mais  toujours  molle. 

La  conservation  des  aliments  paraît  toujours  beaucoup  plus 
moderne  que  celle  des  corps.  La  plus  simple  méthode,  est  celle 
des  salaisons,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  générale,  et  ne  s'applique 
qu'à  un  petit  nombre  d'aliments. 

La  méthode  la  plus  générale  est  celle  soumise  par  M.  Appert 
à  rinstitut,  et  qui  consiste  à  conserver  toutes  les  substances 
alimentaires  dans  des  boites  de  fer-blanc  et  de  fer  battu.  Avant 
de  renfermer  une  substance  alimentaire  quelconque,  M.  Appert 
la  fait  soumettre  à  l'influence  de  la  chaleur  du  bain-marie,  qu'il 
considère  comme  le  principe  unique  et  universel  de  conservation; 
par  ce  procédé,  les  substances  animales  ne  perdent  riçn  de  leur 
poids  ni  de  leur  volume;  dans  les  substances  végétales  au  con- 
traire, le  calorique  en  sépare  l'eau  de  végétation  qui,  restant 
dans  les  bouteilles,  devient  un  jus  excellent;  il  diminue  d'autant 
le  volume  de  la  substance  conservée  et  en  améliore  la  qualité. 

M.  Masson ,  jardinier  en  chef  de  la  Société  d'horticulture, 
emploie  pour  la  conservation  des  substances  alimentaires  végé- 
tales le  procédé  suivant. 

Ces  substances  sont  épluchées  avec  soin,  débarrassées  des 
parties  dures  comme  pour  les  préparations  usuelles  culinaires; 
on  les  dispose  sur  des  claies  en  canevas  très-clair  cloué  sur  un 
cadre  en  lattes;  ces  claies  sont  placées  sur  des  rayons  en  lattes,  et 
les  matières  sont  soumises  à  l'action  de  l'air  chaud  dans  une 
étuve  chauffée  à  environ  40  degrés. 

Cette  opération  prive  les  substances  de  l'eau  surabondante  qui 
n'est  pas  indispensable  à  leur  constitution  et  qui,  pour  certains 
végétaux,  tels  que  les  choux  et  les  racines  s'élève  à  plus  de  80  ou  85 
pour  0/0  de  leur  poids  à  l'état  frais.  On  les  soumet  ensuite  à  la 
compression  très- énergique  d'une  presse  hydraulique,  com- 
pression qui  réduit  leur  volume,  augmente  leur  densité,  la  porte 
à  celle  du  bois  de  sapin,  et  facilite  ainsi  la  conservation,  l'arri- 
mage et  le  transport  de  ces  substances.  Les  légumes  desséchés  et 


46a  ^     CONSERVES. 


comprimés  sont  habituellement  livrés  en  tablettes  de  o'",2o  de  côté 
environ,  enveloppées  d'une  feuille  mince  d'étain ;  25,000  rations 
ne  demandent  qu'un  espace  d'un  mètre  cube.  Pour  eiùployer  les 
légumes  ainsi  préparés,  il  suffit  de  les  laisser  tremper  de 
30  à  45  minutes  dans  l'eau  tiède;  ils  reprennent  alors  presque 
toute  l'eau  qui  leur  a  été  enlevée  ;  on  les  cuit  ensuite  pendant  le 
temps  nécessaire  et  on  les  assaisonne  à  la  manière  ordinaires  Le 
procédé  ci-dessus  s'applique  à  tous  les  légumes  verts,  aux  racines, 
aux  tubercules  et  même  aux  fruits. 

Si  vous  voulez  de  bon  bouillon,  prenez  de  l'essence  de  chair 
crue  du  baron  Liebig,  et  mettez-en  une  cuillerée  à  café  dans  un 
bol  d'eau  bouillante,  salez-le  en  conséquence,  et  vous  aurez  en 
cinq  minutes  de  l'excellent  consommé,  où  vous  pouvez  ajouter 
des  pâtes  après  les  avoir  préalablement  fait  cuire. 

Ne  nous  occupons  ici  que  des  conserves  de  fruits,  en  ren- 
voyant pour  la  préparation  des  conserves  de  viande  à  l'article  qui 
les  concerne. 


CONSERVES   DE   FRUITS   ENTIERS. 

Prunes  confites.  —  On  laisse  le  fruit  tel'  qu'il  est,  et  on  le 
pique  en  divers  endroits,  pour  qu'il  puisse  rendre  son  eau  et 
se  bien  pénétrer  de  sirop.  On  suit  le  même  procédé  que  pour  les 
abricots  (V.  Abricots),  mais  il  faut  que  le  sirop  soir* concentré 
cinq  ou  six  fois,  c'est-à-dire  chaque  fois  qu'on  le  verse  sur 
les  prunes  dont  il  absorbe  une  partie  de  l'eau  qu'elles  con- 
tiennent. 

A  la  dernière  cuisson,  on  y  jette  les  prunes  et  on  leur  fait 
essuyer  un  gros  bouillon,  on  laisse  les  prunes  dans  le  sirop  pen- 
dant quarante-huit  heures,  en  prenant  bien  soin  que  le  sirop  ne 
refroidisse  pas. 

On  fait  ensuite  sécher  les  prunes  comme  les  abricots. 

Conserve  de  citrons, —  Vous  zesterez  un  citron  dans  une 
assiette,  vous  exprimerez  le  jus  sur  vos  zestes  et  les  laisserez  infuser 
un  peu  de  temps,  faites  cuire  environ  une  demi-livre  de  sucre 
clarifié  au  fort  perlé,  passez  votre  jus  de  citron  au  travers  d'un 
linge  ou  tamis  de  soie  pour  en  retirer  les  zestes,  vous  mettez  votre 


CONSERVES.  463 


jus  dans  le  sucre  et' le  travaillez  avec  une  cuiller,  jusqu'à  ce  qu'il 
soit  très*blanc,  et  le  versez  après  dans  vos  moules. 

Noix  confites, —  Vous  enlevez  Tépiderme  des  noix  vertes,  et 
vous  les  jetez  à  mesure  dans  Teau  fraîche  pour  les  empêcher  de 
noircir,  faites-les  blanchir  dans  Teau  bouillante,  et  remettez-les 
ensuite  dans  l'eau  fraîche;  clarifiez  et  faites  cuire  du  sucre  au 
lissé,  laissez-le  refroidir  et  versez-le  sur  vos  noix.  Le  lendemain, 
faites  chauffer  votre  sirop  sans  bouillir,  ajoutez  du  sucre  pour 
remplacer  celui  que  les  noix  ont  absorbé  et  versez-le  sur  vos 
noix  après  l'avoir  laissé  un  peu  refroidir,  répétez  cinq  fois  cette 
opération  en  ajoutant  chaque  fois  assez  de  sucre  pour  que  le 
sirop  revienne  à  la  même  consistance  ;  faites  sécher  au  four  sur 
des  assiettes  saupoudrées  de  sucre  dans  lequel  vous  aurez  roulé 
les  noix. 

Citrons  verts  confits.  —  (V.  Citrons.) 

Oranges  confites.  —  Incisez  par  endroits  Técorce  de  vos 
oranges,  mettez-les  dans  un  sirop  bouillant,  mi-eau,  mi-sucre, 
laissez  bouillir  jusqu'à  ce  que  les  oranges  soient  devenues  très- 
tendres,  retirez-les  alors. 

Remettez  du  sucre  dans  le  sirop,  de  manière  à  l'amener  au 
lisse,  faites-le  bouillir  et  remettez  vos  oranges  auxquelles  vous 
donnerez  quelques  bouillons;  écumez  le  sirop,  retirez  vos  oranges, 
mettez-les  dans  une  terrine  et  versez  le  jus  dessus. 

Vous  les  laissez  jusqu'au  lendemain,  vous  donnez  encore 
quelques  bouillons  au  sirop  et  vous  les  versez  sur  les  mêmes 
fruits. 

Le  troisième  jour  on  met  le  sucre  à  la  nappe  et  on  y  ajoute 
les  oranges  auxquelles  on  donne  un  bouillon  couvert. 

On  opère  de  même  les  deux  jou;'S  suivants;  le  dernier  jour 
après  avoir  amené  le  sirop  au  perlé,  vous  y  mettez  les  oranges 
auxquelles  vous  donnez  trois  ou  quatre  derniers  bouillons,  vous 
les  retirez,  les  faites  égoutter  et  sécher  à  letuve. 

Les  cédrats  et  les  bergamotes  se  préparent  de  la  même 
manière* 

Marrons  glacés.  —  Ayez  de  beaux  marrons  de  Lyon,  faites- 
les  cuire  à  la  braise,  puis  faites  clarifier  du  sucre  et  faites-le 
cuire  au  cassé,  pelez  ensuite  vos  marrons,  jetez -les  les  uns  après 


464  CONSERVES. 


les  autres  dans  le  sucre,  retirez-les  aussitôt  avec  une  cuiller  et 
mettez-les  à  mesure  dans  Teau  fraîche  ;  le  sucre  se  glacera  aussitôt 
autour. 

Conserve  de  café.  —  Faites  du  café  très-fort  et  très-clair, 
prenez  une  livre  de  sucre  clarifié,  faites-le  cuire  au  boulet  ou  au 
petit  cassé,  retirez-le  du  feu  et  l'affaiblissez  avec  une  tasse  de  café 
pour  le  mettre  à  son  point  afin  de  le  travailler,  c'est-à-dire  qu'il 
faut  toujours  que  votre  conserve  soit  cuite  au  fort  perlé  ou  au 
petit  soufflé  pour  qu'elle  puisse  prendre  et  sécher,  dressez-la 
ensuite  comme  les  autres. 

Conserve  en  forme  de  tranches  de  jambon.  —  Choisissez 
le  plus  beau  sucre  que  vous  pourrez,  faites-en  deux  parties  que 
vous  mettez  dans  deux  poêlons  et  faites  cuire  à  soufflé  dans  l'un 
et  dans  l'autre,  mettez-y  du  jus  ou  de  la  ràpure  de  citron  et  un  peu 
de  cinabre  dans  un  seul,  remuez-le  bien  avec  du  sucre  pour  lui 
faire  prendre  couleur,  faites  ensuite  une  couche  de  conserve  blanche 
sur  une  feuille  de  papier,  par-dessus  une  couche  de  conserve 
rouge,  et  ainsi  de  suite  en  alternant  jusqu'à  l'épaisseur  de  quatre 
doigts,  en  sorte  que  la  dernière  soit  rouge;  coupez  le  tout  avec  un 
couteau  en  forme  de  tranche  de  jambon,  et  renversez-le  à  mesure 
sur  du  papier  en  ajoutant  chaque  fois  à  la  conserve  rouge  un  peu 
de  cinabre  pour  rougir  davantage. 

Conserve  de  roses.  —  Faites  cuire  une  demi-livre  de  sucre 
au  fort  soufflé,  prenez  de  la  meilleure  eau  double  de  roses, 
quand  votre  sucre  sera  cuit,  faites-le  cuire  avec  votre  eau  jusqu'au 
fort  perlé,  donnez-lui  de  la  couleur  avec  un  peu  de  cochenille 
préparée  ou  du  carmin  que  vous  travaillerez  et  coulerez  dans 
des  moules. 

Conserve  de  nougat  —  Mondez  500  gr.  d'amandes  douces  et 
séparez  les  dicotylédons,  faites-les  sécher  et  blondir  sur  le  feu 
dans  une  bassine,  faites  fondre  à  sec,  en  remuant  toujours, 
douze  onces  de  sucre  dans  une  casserole  non  étamée  et  légère- 
ment beurrée;  jetez  vos  amandes  chauffées  dans  le  sucre  quand 
il  est  fondu  et  blond  ;  mêlez-les  ensemble  et  étalez-les  en  les 
relevant  sur  les  bords  de  la  casserole,  en  en  laissant  au  fond  une 
couche  d'égale  épaisseur,  laissez  ensuite  refroidir  la  casserole  et 
moulez. 


CORNICHON.  465 


CONSOiMMÉ.  —  (V.  Bouillon.) 

COQ.  —  Le  coq  est  à  coup  sûr  Toiseau  le  plus  glorieux,  le 
plus  vigilant  et  le  plus  courageux  qui  existe. 

Comme  orgueil,  il  n'y  a  qu'à  le  voir  marcher  au  milieu  de 
son  harem  de  poules  pour  reconnaître  que,  sous  ce  rapport,  il  est 
le  rival  du  paon.  Comme  vigilance,  il  ne  dort  jamais  plus  de 
deux  heures  de  suite  et,  à  partir  de  une  heure  du  matin,  il 
arrache,  par  son  chant  aigu,  l'homme  au  sommeil  et  le  renvoie 
à  ses  occupations.  Comme  co tirage,  Levaillant  rapporte  dans  ses 
Mémoires,  que  son  coq  était  le  seul  de  tous  ses  animaux  que  ne 
troublât  ni  l'approche  ni  le  rugissement  du  lion. 

Le  coq  fut  de  tous  temps  mêlé  à  la  magie,  et  les  magistrats 
de  Bâle,  en  Suisse,  condamnèrent  un  coq  à  être  brûlé  pour  avoir 
j>ondu  un  œuf. 

Il  fut  un  instant  question,  sous  le  premier  empire,  de 
prendre,  comme  emblème  et  comme  armes,  au  drapeau  fran- 
çais, l'ancien  coq  gaulois.  L'empereur  Napoléon  I"  à  qui  Ion 
soumettait  cette  question  refusa  en  répondant  : 

u  Je  ne  veux  pas,  parce  que  le  Renard  le  mange,  » 

Et  il  choisit  l'aigle. 

Le  coq  ne  sert  dans  la  cuisine  qu'à  faire  un  consommé  à  qui 
les  anciens  dispensaires  attribuent  des  vertus  héroïques  connues 
sous  le  nom  de  gelée  de  coq. 

Le  coq-vierge  cependant,  le  célibataire  de  nos  basses-cours, 
doit  à  sa  continence  et  à  sa  vertu,  un  goût  et  un  parfum  qui  le 
distinguent  éminemment  de  son  oncle  le  chapon  qui,  on  le  sait, 
est  non  le  père  mais  l'oncle  des  poulets.  On  le  mange  à  la 
broche  et  simplenient  bardé,  car  ce  serait  l'outrager  que  de  le 
piquer  et  le  déshonorer  que  de  le  mettre  en  ragoût. 

Nous  avons  aussi  le  coq  de  bruyère,  superbe  gibier  qui  nous 
vient  principalement  des  Ardennes,  des  Vosges  et  des  montagnes 
d'Auvergne,  et  qui  se  mange  comme  le  coq-vierge  rôti  ou  piqué. 

Le  coq,  en  somme,  est  un  fort  bel  animal,  galant,  intrépide, 
doué  d'une  voix  sonore,  et  représentant  bien  l'esprit  français;^ 
mais  fort  peu  estimé  à  la  cuisine,  où  l'on  préfère  sa  progéniture. 

CORNICHON.  —  Ce  sont  de  jeunes  concombres  que  l'on 
con£t  ordinairement  au  vinaigre  de  la  façon  suivante  : 

30 


466  COULEURS. 


Prenez  de  très-petits  cornichons,  brossez-les,  coupez  le  bout 
de  la  queue,  mettez-les  dans  un  vase  de  terre  avec  deux  poignées 
de  sel,  retournez-les  assez  pour  qu'ils  soient  tous  bien  imprégnés 
de  sel,  laissez-les  reposer  vingt-quatre  heures,  égouttez-les  bien, 
versez  du  vinaigre  blanc  bouillant  en  quantité  suffisante  pour  les 
faire  baigner.  Couvrez  le  vase  et  laissez  infuser  vingt-quatre 
heures,  ils  auront  pris  une  couleur  jaune  ;  retirez-en  le  vinaigre 
que  vous  mettez  bouillir  dans  un  chaudron  non  étamé  sur  un 
feu  très-vif,  jetez-y  les  cornichons,* remuez-les  et,  au  moment  où 
ils  seront  près  de  bouillir,  retirez-les  du  chaudron,  laissez-les 
refroidir,  ils  reprennent  le  vert  ;  mettez-les  dans  les  vases  où  ils 
doivent  rester  et  couvrez-les  d'assaisonnements  comme  passe- 
pierre,  estragon,  piment,  petits  oignons,  ail,  remplissez  les  vases 
de  vinaigre,  de  manière  que  le  tout  baigne;  couvrez-les  avec 
soin,  ils  sont  bons  huit  jours  après.  Si  vous  tenez  plus  au  goût 
qu'à  la  verdeur j  brossez-les  par  petites  portions  à  mesure  de  la 
cueille,  salez-les,  faites-les  égoutter  de  leur  eau,  comme  ci-des- 
sus, et  mettez-les  dans  le  vinaigre  à  froid  avec  assaisonnements. 

COTELETTES.  —  (V.  Agneau,  Chevreuil,  Mouton, 
Bœuf,  Veau,  Cochon,  etc.) 

Côtelettes  à  la  gendarme  : 

Mais  c'est  pour  les  offrir  aux  gens  les  plus  honnêtes, 
Qu'ici  je  taille  en  veau  de  larges  côtelettes  : 
J'assaisonne  de  :  sel j  poivre;  et  de  heur re  frais 
J'enduis  chaque  morceau ^  puis  je  le  roule  après 
Dans  une  chapelure.  Ainsi  qu'en  une  croûte^ 

La  côtelette  est  mise  toute; 
Ensuite  sur  un  gril,  je  fais,  au  feu  très-doux» 
Cuire,  en  les  retournant,  ces  pMns  aux  beaux  tons  roux, 
Qu'il  faut  servir  sur  sauce  citronnée  ..  — 

J.  ROUYER. 

COULEURS  (ou  coloration  culinaire).  —  On  se  sert  tou- 
jours dans  la  préparation  des  pièces  d'office  de  colorations  arti- 
ficielles, voici  les  colorations  inoffensives  : 

Bleu.  —  Indigo  étendu  d'eau. 

Jaune.  —  Gomme-gutte  ou  safran. 


COURT-BOUILLON.  467 


Vert.  —  Jus  cuit  au  feu,  tamisé,  étendu  d'eau  et  sucré,  de 
feuilles  d'épinards  ou  de  blé  vert  pilées. 

Rouge.  —  Cochenille  et  alun  en  poudre  bouillis  dans  de 
Teau. 

Pourpre.  —  Pollen  de  fleurs  de  carottes  sauvages  séché  et 
étendu  d'eau,  ou  jus  de  sureau  étendu  d'eau. 

Violet,  —  Cochenille  et  bleu  de  Prusse. 

Orange.  —  Safran  et  cochenille. 

La  couleur  verte  peut  se  composer  de  bl^u  et  de  jaune, 
plus  le  jaune  y  domine,  plus  la  nuance  verte  est  claire. 

Le  violet  se  forme  également  du  rouge  et  du  bleu  dont  la 
teinte  s'assombrit  en  augmentant  l'une  ou  l'autre  de  ces  couleurs. 

Avec  ces  diverses  indications,  on  pourra  donner  aux  mets 
qui  doivent  être  colorés,  les  couleurs  que  l'on  jugera  les  plus 
appropriées  à  leur  nature. 

COULIS.  —  Préparation  faite  à  l'avance  et  réservée  dans 
les  cuisines  pour  achever  certains  ragoûts  dont  le  mouillement 
doit  être  lié. 

Votre  coulis  d'abord  ne  doit  être  ni  trop  épais  ni  trop  clair 
et  offrir  une  belle  couleur  cannelle;  mettez  dans  un  poêlon  de  la 
rouelle  de  veau,  en  proportion  de  ce  que  vous  voulez  avoir  de 
coulis  et  du  lard  coupé  en  petits  morceaux,  ajoutez  trois  ou 
quatre  carottes  et  placez  le  tout  sur  un  feu  doux;  quand  la 
viande  a  jeté  son  jus,  vous  faites  cuire  à  grand  feu  ;  quand  tout 
est  cuit,  vous  retirez  la  viande  et  les  légumes,  et  vous  mettez 
dans  la  casserole  du  beurre  et  de  la  farine,  faites  un  roux  de  belle 
couleur,  mouillez--le  avec  du  bouillon  chaud,  jetez  la  viande 
dedans  et  faites  cuire  deux  heures  à  petit  feu  ;  passez-le  ensuite 
à  rétamine  pour  vous  en  servir  au  besoin. 

Coulis  de  poisson.  —  Faites  fondre  un  bon  morceau  de 
beurre  à  la  casserole  et  mettez  revenir  et  prendre  couleur  des 
carottes  et  oignons  par  trancheS;  mouillez  avec  de  l'eau  et  ajoutez 
des  chairs,  bien  nettoyées,  de  poisson,  avec  sel,  poivre,  muscade 
et  bouquet  garni.  Le  poisson  étant  bien  cuit,  passez  ce  bouillon 
dans  une  passoire  et  servez- vous-en  pour  bouillon  ou  sauce. 

COURT-BOUILLON.  —  Sorte  de  bouillon  maigre  destiné 
à  lier  certaines  sauces  de  poissons.  Faites  cuire  ensemble  du  vin 


468  CREME. 


blanc,  du  vin  rouge,  du  beurre,  des  fines  épices,  du  laurier  et  des 
fines  herbes;  servez  votre  poisson  quand  il  est  cuit,  sur  une 
serviette  et  mangez-le  à  la  sauce  à  Thuile  et  au  vinaigre. 

Les  courts-bouillons  dits  au  bleu  consistent  en  employant  du 
vin  bouillant  dans  lequel  on  met  le  poisson  pour  lui  donner  une 
belle  couleur  bleuâtre. 

CRABES.  —  Il  ya  plusieurs  espèces  de  crabes  ;  mais  il  n'y  a 
guère  que  le  gros  crabe  de  Bretagne  et  le  crapelet  de  la  Manche 
qui  puissent  figurer  dignement  sur  la  table,  quoique  leur  chair 
soit  toujours  de  difficile  digestion  ;  leurs  œufs  sont  meilleurs  et 
les  nègres  s'en  nourrissent  ;  les  Caraïbes  ne  vivent  presque  que 
•de  crabes. 

On  les  fait  cuire  à  l'eau  de  sel,  ainsi  que  les  homards  et  les 
crevettes  avec  du  beurre  frais,  du  persil,  un  bouquet  de  poireaux, 
vous  les  laissez  refroidir  dans  leur  brouet,  vous  en  détachez 
proprement  les  chairs  blanches,  et  vous  enlevez  avec  une  cuiller, 
la  crème  de  laitance  que  vous  mélangez  avec  les  chairs  épluchées 
en  y  joignant  du  cresson,  du  gros  poivre,  un  peu  d'huile  vierge 
et  un  peu  de  verjus;  garnissez  votre  plat  de  ces  deux  mordants  et 
servez  comme  rôt  fort  élégant,  surtout  en  carême. 

CRAPAUD.  —  Le  crapaud  n'a  point  dans  tous  les  pays  la 
qualité  malfaisante  que  nous  lui  connaissons.  Quand  les  nègres 
d'Afrique  sont  incommodés  de  migraines  auxquelles  l'ardeur  du 
soleil  les  rend  sujets  ;  ils  se  frottent  le  front  avec  des  crapauds 
vivants,  ce  qui  les  soulage  merveilleusement.  Les  crapauds  des 
Antilles  ont  la  chair  aussi  bonne  et  aussi  délicate  que  l'est  celle 
de  nos  grenouilles,  et  comme  ils  sont  fort  gros,  deux  de  ces  cra- 
pauds suffisent  pour  faire  un  bon  plat  que  l'on  sert  en  fricassée 
de  poulet  et  dont  les  indigènes  sont  friands. 

CRÈME.  —  On  appelle  ainsi  l'espèce  de  peau  qui  s'élève 
sûr  le  lait  avant  ou  après  son  ébullition  ;  elle  est  composée  de 
sérum,  d'un  peu  de  fromage  et  de  beurre  à  l'état  d'émulsion;  on 
ne  s'en  sert  guère  comme  aliment  à  cause  de  la  grande  quantité 
de  beurre  qu'elle  contient  qui  pèserait  sur  l'estpmac  et  donnerait 
lieu  à  des  nausées  et  même  à  des  vomissements  ;  à  Roquefort 
cependant,  on  en  fait  un  fromage  oommé  crème  de  Roquefort, 
elle  est  faite  avec  le  lait  une  fois  caillé  et  avant  d'être  broyé  ;,elle 


CREME.  469 


s'altère  facilement,  ne  supporte  pas  le  voyage  et  se  dénature  par 
une  fermentation  très-prompte. 

On  donne  aussi  ce  nom  à  diverses  préparations  culinaires 
dont  la  base  est  le  lait  et  qui  se  font  par  la  cuisson. 

Nous  allons  en  indiquer  quelques-unes  : 

Crème  fouettée  à  la  paysanne.  —  Vous  prenez  une  certaine 
quantité  de  crème  que  vous  faites  réduire  à  moitié,  en  y  mettant 
du  sucre  et  une  bonne  pincée  de  gomme  arabique  dissoute  dans 
de  l'eau  de  fleurs  d'oranger. 

Fouettez  fortement  jusqu'à  ce  que  votre  crème  forme 
mousse. 

Si  vous  voulez  que  votre  crème  se  conserve,  mettez  le  vase 
qui  la  contient  sur  la  glace  pilée  ou  recouvrez-le  d'un  autre  plat 
sur  lequel  vous  mettez  de  la  glace. 

Crème  frite.  —  Ayez  un  demi-litre  de  lait  que  vous  faites 
bouillir  avec  un  zeste  de  citron,  délayez  deux  œufs  entiers  avec 
de  la  farine  tant  qu'ils  en  pourront  boire,  relâchez  cet  appareil 
avec  quatre  œufs  blancs  et  jaunes,  mouillez  avec  votre  lait  chaud, 
et  supprimez  le  citron  ;  délayez  cette  crème  de  manière  qu'il 
ne  se  forme  pas  de  grumeaux,  faites  cuire  en  tournant  comme 
une  bouillie  et  au  bout  d'un  quart  d'heure  de  cuisson,  vous  ajoutez 
du  séi^  du  sucre,  un  peu  de  beurre  et  quelques  gouttes  de  fleurs 
d'oranger,  achevez  de  la  faire  cuire  7  ou  8  minutes,  mêlez  de 
suite  quatre  jaunes  d'œufs,  versez-la  sur  un  plafond  que  vous 
aurez  beurré  ou  fariné  en  l'étendant  d'un  doigt  d'épaisseur, 
laissez-la  refroidir,  coupez-la  en  losange  ou  en  petits  pâtés, 
farinez-la  ou  panez  les  beignets  avec  de  la  mie  de  pain  bien  fine, 
et  faites  frire  d'une  belle  couleur,  égouttez-les  sur  un  linge  blanc, 
posez-les  sur  un  plafond,  saupoudrez  de  sucre  fin,  glacez- les, 
dressez  et  servez.  On  peut  faire  cette  crème  au  chocolat  mais 
sans  macaroni. 

Crème  en  mousse  à  la  vanille.  —  Vous  versez  le  tiers  d'une 
gousse  de  vanille  que  vou§  aurez  fait  bouillir  dans  du  lait,  sur 
votre  crème  à  fouetter  après  l'avoir  passée  au  tamis. 

Crème  en  mousse  au  café.  —  Vous  mettez  deux  ou  trois 
cuillerées  de  café  infusé  dans  votre  crème  et  vous  procédez 
comme  ci-dessus. 


470  CRÈME 

Crème  en  mousse  aux  liqueurs.  —  Vous  procédez  comme 
ci-dessus  en  ajoutant  les  liqueurs  que  vous  voulez. 

Crème  en  mousse  au  chocolat.  Fouettez  fortement  votre 
crème  dans  laquelle  vous  aurez  mis  du  chocolat  bien  fin. 

Crème  en  mousse  aux  fruits.  —  Prenez  un  démi-litre  de 
crème  bien  fraîche,  ajoutez-y  du  sucre  en  poudre ,  un  peu  de 
gomme  arabique  et  un  moyen  verre  de  pulpe  de  fraises  passée  au 
tamis. 

Fouettez  bien  le  tout,  enlevez  la  mousse  et  dressez  en  forme 
de  rocher. 

On  fait  de  cette  façon  les  crèmes  de  pèches,  d'abricots,  de 
framboises,  d'amandes,  de  prunes,  etc. 

Crème  au  café  blanc.  —  Prenez  de  la  crème  suivant  la 
quantité  que  vous  voulez  obtenir,  ajoutez-y  du  zeste  de  citron 
et  du  sucre ,  faites  brûler  deux  onces  de  jcafé  ;  lorsqu'il  sera  de 
belle  couleur,  jetez-le  dans  votre  crème  bouillante,  et  couvrez 
le  tout  avec  un  couvercle  ;  laissez  infuser  votre  café  dans  la  crème, 
retirez-le,  mettez  dans  une  étamine  trois  dedans  de  gésiers  lavés, 
séchés  et  presque  en  poudre  ;  passez  votre  crème  à  demi  refroidie 
trois  fois  à  travers  cette  étamine,  en  bourrant  un  peu  le  gésier 
avec  une  cuiller  de  bois  ;  remplissez  promptement  vos  pots  de 
crème  en  ayant  soin  de  la  remuer,  puis  faites-la  prendre  au  bain- 
marie,  et  couvrez  la  casserole  dans  laquelle  sont  vos  pots  avec  un 
couvercle  sur  lequel  vous  mettez  du  feu.  Quand  votre  crème  est 
prise,  vous  les  retirez  et  les  mettez  dans  de  l'eau  fraîche  sans  les 
couvrir,  essuyez-les,  dressez-les,  et  servez. 

Nota.  La  gélatine  de  gésier  vaut  mieux  que  le  blanc  d'œuf, 
retenez-le  bien. 

Crème  à  la  religieuse.  —  Mettez  dans  une  casserole,  farine, 
sucre  en  poudre,  sel,  jus  de  citron,  d'orange,  ou  vanille,  mettei 
ensuite  du  lait  ou  de  la  crème  bouillante  et  faites  prendre  votre 
crème  au  feu.  Laissez-la  ensuite  refroidir  et  garnissez-la  autour 
d'une  mousse ,  que  vous  aurez  faite  avec  des  jaunes  d'oeufs  et 
durs  un  peu  de  sucre  que  vous  aurez  disposés  en  mousse. 

Crème  renversée.  "—  Ayez  un  bol  assez  grand  pour  contenir, 
par  exemple,  un  litre  de  lait,  six  œufs  et  une  demi-livre  de  sucre; 
faites  cuire  ensuite  au  caramel  environ  un  quart  de  sucre  en 


CREME.     '  471 


poudre,  ajoutez-y  un  peu  d'eau  pour  le  rendre  coulant,  puis 
versez-le  dans  un  moule  en  enduisant  bien  les  bords  et  le  fond 
de  ce  moule  ;  vous  laissez  refroidir  et  vous  versez  ensuite  votre 
crème  liquide  que  vous  aurez  bien  battue,  c'est-à-dire,  bien  mêlé 
votre  lait,  les  œufs,  le  sucre  et  la  substance  à  laquelle  vous  vou- 
drez faire  la  crème;  mettez  le  tout  au  bain-marie  dans  votre 
moule  avec  feu  dessus  et  dessous,  jusqu'à  cuisson  parfaite  et 
belle  couleur;  laissez  ensuite  refroidir  votre  crème  dans  son  moule 
pendant  douze  heures  afin  qu'elle  se  durcisse  bien,  renversez 
ensuite  votre  moule  sur  un  plat  de  façon  que  la  crème  se  trouve 
-  sens  dessus  dessous,  dressez  et  servez  avec  le  jus  autour. 

Crème  bachique.  —  Elle  se  fait  avec  du  vin  de  Champagne 
rose,  du  sucre,  de  l'écorce  de  citron  ou  de  la  cannelle  que  l'on 
fait  bouillir  ensemble  ;  cassez  ensuite  une  certaine  quantité  d'œufs 
dont  vous  prenez  les  jaunes  et  que  vous  liez  bien  ensemble  avec 
un  peu  de  vin  que  vous  versez  peu  à  peu  dessus  et  que  vous 
continuez  de  remuer  sur  le  feu  sans  laisser  bouillir  ;  puis  vous  la 
passez  et  versez  dans  le  vase  qui  doit  la  contenir. 

Les  crèmes  au  chocolat,  aux  pistaches,  à  la  rose,  aux  oranges, 
citrons,  etc.  se  font  toutes  comme  celle  au  café.  (V.  Crème  au 
CAFÉ.)  Les  substances  seules  changent  et  vous  les  mettez  toujours 
en  proportion  avec  la  quantité  de  crème  que  vous  voulez  obtenir. 
Sabayon  (cuisine  italienne).  Soit  :  douze  jaunes  d'oeufs,  une 
demi-bouteille  de  Madère  ou  de  Malvoisie,  50  grammes  de  sucre 
et  cannelle  en  poudre;  cuisez,  remuez,  faites  mousser,  servez 
chaud  dans  de  petits  pots. 

Crème  au  céleri.  —  Faites  bouillir  du  lait  ou  de  la  crème 
et  ajoutez-y  une  racine  de  céleri,  rave  épluchée,  coupée  par 
quartiers  et  lavée  ;  laissez  infuser  pour  faire  prendre  le  goût;  pre- 
nez ensuite  des  jaunes  d'oeufs  et  liez-les  avec  250  grammes  de 
sucre  concassé,  puis  versez-y  et  liez  votre  crème  en  remuant 
constamment,  passez-la,  versez-la  dans  des  pots  et  finissez-la  au 
bain-marie. 

Crème  aux  œufs  en  surprise.  —  Vous  faites  un  trou  dans  un 
œuf  avec  la  pointe  d'un  couteau  pour  le  vider  entièrement,  puis 
vous  mettez  dans  cette  coquille  telle  crème  que  vous  voudrez  ; 
posez-les  ensuite  sur  des  coquetiers  ou  des  morceaux  de  navets 


47a  CRESSON. 


taillés  pour  cet  usage;  placez-les  dans  une  casserole  où  ils  puis- 
sent baigner  dans  Teau  à  moitié,  faites-les  prendre  au  baiû- 
marie^  lavez -les  et  servez -les  comme  dès  œufs  à  la  coque; 
on  peut  aussi  les  remplir  de  blanc -manger  ou  dégelée  de 
poissons. 

Crème  au  fromage  bavarois  y  aux  noix  fraîches.  —  Vous  pelez 
des  noix  vertes  et  vous  les  mouillez  légèrement  par  intervalles, 
vous  les  délayez  ensuite  avec  de  la  crème  bouillante  dans  laquelle 
vous  aurez  fait  dissoudre  du  sucre  ;  laissez  infuser  et  passez  à 
rétamine  ;  ajoutez  à  la  crème  un  peu  de  colle  clarifiée  tiède,  et 
versez  le  tout  dans  un  moule  quelconque  que  vous  placez  dans 
de  la  glace  pilée  ;  remuez-la  alors  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  bien 
liée,  c'est-à-dire  qu'elle  soit  très-lisse  et  coulante  ;  vous  ôtez  votre 
moule  de  dedans  la  glace,  vous  mêlez  à  votre  préparation  un 
peu  de  fromage  de  Chantilly  bien  égoutté,  vous  remuez  parfiiite- 
ment  le  tout  et  vous  replacez  le  moule  dans  la  glace  où  vous  le 
laissez  congeler  une-demi  heure  environ  ;  au  bout  de  ce  temps 
vous  pouvez  démouler  votre  composition  qui  vous  donne  un 
excellent  fromage  bavarois,  d'un  velouté  et  d'un  moelleux 
parfait. 

Les  fromages  bavarois  à  l'essence  de  menthe,  au  thé,  au  cacao, 
aux  boutons  de  roses,  à  la  fleur  d'œillet,  aux  pêches,  aux 
melons,  etc.,  se  font  de  la  même  manière  en  les  parfumant  avec 
ces  différentes  matières. 

CREPES.  —  On  les  opère  avec  une  pâte  à  frire  faite  avec 
de  la  farine,  du  lait,  des  jaunes  d'oeufs  et  un  peu  d'eau-de-vie. 
Beurrez  votre  poêle,  versez  une  cuillerée  de  pâte  sur  le  beurre 
chaud,  étendez,  retournez,  retirez  et  neigez  de  sucre.  (V.  Pane- 
quets.  ) 

CRÉPINETTES.  —  Ragoût  fait  avec  des  viandes  hachées  et 
qu'on  place  dans  des  morceaux  de  crépines  ou  de  crépinette  de 
porc. 

CRESSON.  —  Herbe  crucifère  antiscorbutique.  Il  y  a  le 
cresson  de  fontaine  et  le  cresson  alénois.  (V.  cet  article.)  Le  cresson 
de  fontaine  qui  est  le  meilleur  et  très-dépuratif  se  sert  en  salade 
mêlé  avec  la  laitue,  la  chicorée,  etc.,  et  pour  assaisonnement  sain 
à  des  volailles  rôties  ou  à  des  beefsteaks. 


CREVETTES.  473 


CRETES.  —  Expansions  purpurines  et  déchiquetées  que  les 
coqs  et  les  poules  possèdent  sur  la  tète  (V.  abatis  et  garniture.) 

CREVETTES.  —  Tout  le  monde  connaît  ce  petit  crus- 
tacé  qu'on  voit  sur  toutes  les  tables  bien  servies  mais  qui  semble 
y  être  plutôt  pour  Tornement  que  pour  l'utilité.  En  effet  à  peine 
vit-il  deux  heures  hors  de  son  élément  sans  mourir  et,  il  a  besoin 
d'être  cuit  vivant  encore. 

Rien  n'est  plus  joli  que  de  voir  nager  des  crevettes  dans  un 
bocal;  l'animal  est  transparent  lui-même  comme  le  cristal  dans 
lequel  il  est  enfermé  ;  on  voit  tout  son  organisme  intérieur  et 
jusqu'aux  battements  de  son  cœur  ;  vivante,  sa  chair  semble  être 
visqueuse,  cuite  elle  est  compacte  et  du  plus  beau  blanc. 

Les  crevettes  des  bords  de  la  Manche  sont  renommées  et 
celles  surtout  des  environs  du  Havre  qu'on  appelle  bouquet. 
Nous  inviterons  les  touristes  qui  habitent  le  Havre  ou  Etretat  à 
aller  manger  des  crevettes,  à  Saint-Jourt,  chez  la  belle  Ernestine, 
et  en  effet,  Ernestine  est  une  belle  et  sage  personne  de  ving-huit 
ans,  tenant  un  hôtel  et  ayant  réputation  faite  sur  toute  la  côte. 

Là,  on  mange  le  plus  beau  bouquet  qui  se  pèche  à  dix  lieues 
à  la  ronde  ;  c'est  le  rendez-vous  des  gourmands  du  Havre,  des 
peintres  et  des  poètes  de  Paris  qui  ont  laissé  les  uns  des  dessins 
les  autres  des  vers  à  sa  louange  sur  son  album. 

Ce  sont  en  général  les  femmes  qui  pèchent  les  crevettes  en 
poussant  devant  elles  un  filet  qui  ratisse  le  fond  de  la  mer  et 
ramasse  tout  ce  qui  s'y  trouve. 

Quand  elle  doit  être  mangée  séance  tenante,  la  crevette  se 
jette  tout  simplement  vivante  dans  une  casserole  pleine  d'eau  de 
mer  bouillante,  à  laquelle  on  joint  un  filet  de  vinaigre  ;  quand 
elle  doit  être  transportée  à  Paris,  on  plonge  la  crevette  vivante 
dans  un  chaudron  d'eau  douce  avec  un  kilogramme  de  sel  par 
quatre  kilogrammes  de  crevettes,  on  la  laisse  bouillir  cinq 
minutes  et  on  la  retire,  on  la  mouille  avec  de  l'eau  froide  et  non 
salée  qui  lui  donne  pour  le  regard,  une  valeur  égale  à  celle 
qu'elle  conserve  pour  le  goût. 

Outre  la  crevette  servie  comme  on  sert  les  écrevisses  on  fait 
encore  une  foule  de  choses  à  la  crevette  que  nous  allons  indiquer 
ici. 


474  CROQUEMBOUCHE. 

On  fait  du  potage  à  la  crevette. 

Potage  à  la  crevette,  —  Prenez  6  belles  tomates,  6  oignons 
blancs,  faites  une  purée,  moitié  tomate,  moitié  oignons,  faites 
cuire  vos  crevettes  dans  du  vin  blanc  avec  sel,  poivre,  un  peu  de 
poivre  de  Cayenne.  Vous  épluchez  vos  queues  de  crevettes  que 
vous  posez  sur  une  assiette  à  part,  loo  à  pçu  près.  Vous  gardez 
le  corps  que  vous  faites  bouillir  avec  Tassaisonnement  de  vos  cre- 
vettes, vous  le  pilez,  lui  faites  prendre  un  bouillon  et  le  passez 
au  tamis.  Vous  faites  trois  parties  égales  de  très-bon  bouillon  de 
votre  bisque  aux  crevettes  et  de  vos  tomates  et  oignons;  vous 
mêlez  le  tout  dans  trois  ou  quatre  bouillons  qui  lient  bien  les 
trois  substances,  vous  goûtez  et  si  le  mélange  est  bien  fait  et  ne 
laisse  rien  à  désirer,  vous  y  jetez  vos  queues  de  crevette  et  vous 
servez  bouillant. 

Omelette  aux  queues  de  crevette.  —  Vous  faites  cuire  de 
la  même  façon  vos  crevettes,  vous  les  nettoyez  de  même  et  vous 
les  pilez  également;  vos  œufs  battus,  salés,  poivrés,  vous  y 
mêlez  votre  bisque  de  crevettes,  et  vous  faites  Tomelette  selon  la 
coutume*. 

Il  en  sera  de  même  pour  les  œufs  brouillés  aux  queues  de 
crevettes.  Si  vous  avez  du  bouillon  de  poulet  vous  le  mêlerez 
avec  votre  bisque,  puis  bisque,  crevettes,  vous  )ttltTez  tout  dans 
vos  œufs  battus  dont  vous  aurez  retiré  un  blanc  sur  trois,  vous 
tournerez  et  brouillerez  vos  œufs  comme  vous  le  feriez  avec  des 
pointes  d'asperges. 

Vous  pouvez  aussi  éplucher  deUx  ou  trois  cents  crevettes, 
pilez  les  corps  dans  l'huile  et  le  vinaigre,  passez  au  tamis  et 
cette  bisque  froide,  l'étendre  sur  une  salade  salée  et  poivrée. 

CROMESQUIS.  —  Ragoût  polonais.  Genre  croquettes  seu- 
lement enveloppez-les  avec  de  la  toilette  de  porc,  passez  à  la 
maréchale,  faites  frire,  servez  sauce  tomate.  (Vuillemot.) 
(V.  Agneau.) 

CROQUANTS.  (V.  Croquembouche). 

CROQUEMBOUCHE.  —  On  donne  ce  nom  aux  pièces 
montées  qui  se  font  avec  des  croquignoUes,  des  gimblettes, 
macarons,  nougats  et  autres  pâtisseries  croquantes,  qu'on  réunit 
avec  du  sucre  cuit  au  cassé  et  qu'on  dresse  sur  une  abaisse  de 


CROQUEMBOUCHE.  47^ 


feuilletage  en  forme  de  large  coupe;  cette  préparation  n'est  usitée 
que  dans  la  décoration  d'un  ambigu  d'apparat  ou  pour  l'orne- 
ment d'un  bufFet  de  grand  bal. 

Croquembouche  à  la  Soubise.  —  (Recette  de  M.  de  Cour- 
champ.)  Après  avoir  tait  et  cuit  une  livre  et  demie  de  croqui- 
gnolles  à  la  reine,  vous  aurez  le  soin  de  les  coucher  le  plus  égale- 
ment possible  et  d'un  pouce  seulement  de  diamètre,  puis  vous  en 
coucherez  le  quart  plus  petit  de  moitié.  Lorsqu'elles  seront  cuites 
et  refroidies,  vous  moulerez  ce  croquembouche  de  cette  manière  : 
après  avoir  fait  cuire  dans  uo  petit  poêlon  d'office  huit  onces  de 
sucre  au  cassé,  un  peu  serré,  vous  en  versez  la  moitié  sur  un 
couvercle  de  casserole  à  peine  beurré,  puis  vous  masquez  le  feu 
du  fourneau  de  cendres  rouges  afin  de  maintenir  le  sucre  du 
poêlon  assez  chaud  pour  vous  en  servir  et  en  même  temps  pour 
l'empêcher  de  prendre  davantage  de  couleur  ;  alors  vous  glacez 
légèrement  le  dessus  et  l'épaisseur  des  croquignolles  que  vous 
placez  de  suite  dans  un  grand  moule  uni,  parfaitement  bien 
essuyé,  mais  pour  tremper  vos  croquignolles  dans  le  sucre  vous 
devez  les  piquer  à  la  pointe  du  petit  couteau,  vous  les  posez  avec 
symétrie  dans  la  forme  qui  vous  agrée  le  mieux,  mais  toujours 
avec  l'intention  soutenue  d'une  forme  régulière  et  pittoresque. 
Lorsque  le  sucre  du  poêlon  est  diminué  de  trois  quarts  vous  y 
Joignez  alors  la  moitié  du  sucre  au  cassé  conservé  et  quand  cette 
partie  se  trouve  employée  vous  ajoutez  le  reste  du  sucre,  mais 
dès  qu'il  commence  à  se  colorer,  vous  le  versez  sur  le  couvercle 
delà  casserole  où  vous  en  avez  déjà  mis,  ensuite  vous  faites  cuire 
comme  ci-dessus  huit  onces  de  sucre  dans  un  petit  poêlon  d'of- 
fice bien  propre,  puis  vous  l'employez  de  même  que  le  précédent 
et  après  celui-là  vous  recommencez  la  même  opération  ;  lorsque 
le  moule  se  trouve  garni  de  croquembouche,  vous  n'aurez  pas  garni 
le  fond  attendu  que  vous  le  remplacez  par  une  abaisse  de  pâte 
d'office,  du  même  diamètre  et  que  vous  aurez  parée  bien  ronde, 
ainsi  que  deux  plus  petites  dont  une  de  six  pouces  de  diamètre 
et  une  de  quatre  pouces;  alors  vous  les  placez  sur  leur  épaisseur, 
c'est-à-dire  tout  autour,  puis  avec  des  petites  croquignolles  que 
vous  placez  dans  le  reste  du  sucre,  vous  faites  fondre  dans' le 
même  poêlon  comme  les  précédents,  vous  les  placez  en  deux  ronds 


476  CROQUETTES. 


Tun  sur  l'autre  àTentour  et  sur  le  bord  des  deux  petites  abaisses, 
vous  collez  la  grande  abaisse  sur  le  croquembouche  et  sur  cette 
abaisse  vous  collez  le  plus  grand  socle  par-dessus  le  second  sur  le- 
quel vous  collez  un  rang  seulement  de  croquignoUes,  vous  collez 
par-dessus  une  espèce  de  coupe  que  vous  formez  dans  un  moule  en 
dôme  avec  des  croquignoUes  glacées,  et  à  Tentour  du  haut  vous 
ajoutez  un  double  rang  de  croquignoUes  glacées,  et  dessus,  pour 
servir  de  couronnement,  vous  collez  des  denticules  formées  de 
croquignoUes  que  vous  aurez  parées  carrément,  puis  au  moment 
de  servir  vous  garnissez  la  coupe  de  crème  fouettée  à  la  vanille. 

Croquembouche  de  quartiers  d'oranges.  —  Faire  sécher 
des  quartiers  d'oranges,  faire  cuire  le  sucre  au  cassé  et  non  au 
caramel,  les  tremper  dans  le  sucre  un  à  un  et  les  dresser  dans  un 
moule  huilé;  renversez  sur  un  plat  et  servez. 

Les  marrons  de  même.  (Recette  Vuillemot.) 

On  connaît  aussi  les  croquembouches  de  feuilletage  blanc; 
ces  préparations  se  trouvent  en  abondance  chez  les  bons  pâtis- 
siers de  Paris.  On  aura  meilleur  compte  à  les  faire  venir  qu'à 
les  exécuter  soi-même. 

CROQUETTES.  — Sortes  de  beignets  panés  et  frits,  foncés 
de  hachis  de  viandes  rôties  ou  de  chair  de  poisson  ou  encore 
d'œufs  durs  et  de  purée  de  pommes  de  terre,  etc. 

On  verra  du  reste  par  les  recettes  qui  vont  suivre  et  que 
nous  a  transmises  M.  de  Courchamps,  quelles  sont  les  diverses 
préparations  qui  se  rapportent  à  ce  mets  : 

Croquettes  de  lapereau,  —  Après  avoir  fait  cuire  deux  lape- 
reaux à  la  broche  et  les  avoir  fait  .refroidir,  vovis  en  levez  les 
chairs  et  en  supprimez  la  peau  et  les  tendons,  vous  coupez  ces 
chairs  en  petits  dés,  avec  des  truffes,  des  champignons,  quelques 
foies  gras  ou  demi-gras  coupés  de  même,  faites  réduire  ensuite 
une  cuillerée  à  pot  de  bloiwi  de  veau  à  la  consistance  de  demi- 
glace,  ajoutez-y  persil,  ciboules  hachées,  laissez  cuire  cinq  ou 
six  minutes,  mettez  les  chairs  et  les  truffes  dans  votre  sauce  sans 
la  laisser  bouillir,  liez-le  tout  avec  deux  jaunes  d'oeufs,  ayant 
soin  de  remuer  avec  une  cuiller  de  bois,  versez  cet  appareil  sur 
un  plafond,  étendez-le  avec  la  lame  d'un  couteau  et  laissez 
refroidir.  Divisez-le  ensuite  par  parties  égales  grosses  comme  la 


CROQUETTES.  477 


moitié  d'un  œuf,  formez-en  des  poires  ou  des  canelons,  ainsi  pré- 
parées, roulez-les  dans  la  mie  de  pain,  trempez-les  dans  une 
omelette  où  vous  aurez  mis  un  peu  de  sel  fin,  roulez-les  encore 
une  fois  dans  la  mie  de  pain  en  leur  conservant  la  forme  qu'il 
vous  aura  plu  de  leur  donner,  faites-les  frire  à  friture  un  peu 
chaude,  afin  qu'elles  soient  de  belle  couleur,  égouttez-les, 
dressez-les  en  dôme  et  servez-les  avec  un  bouquet  de  persil  frit. 

Croquettes  de  volailles,  —  Détaillez  par  membres  un  jeune 
poulet,  faites  le  mariner  deux  à  trois  heures  avec  huile,  un  jus 
de  citron  ou  vinaigre,  sel,  gros  poivre,  ail,  tranches  d'oignons, 
persil,  égouttez,  essuyez,  farinez  :  faites  frire,  servez  avec  persil 
frit  ou  sur  une  sauce  à  volonté. 

Vous  pouvez  vous  servir  des  membres  de  desserte,  mais  alors 
on  fait  frire  la  pâte.  On  fait  aussi  ces  croquettes  comme  celles  de 
veau  (V.  Veau). 

Croquettes  de  marrons  à  la  Dauphiné.  —  Faites  griller  cin- 
quante beau;c  marrons  dé  Lyon  ou  de  Luc,  épluchez-les  et  ôtez- 
en  toutes  les  parties  colorées  par  l'âpreté  du  feu,  ensuite  choi- 
sissez-en que  vous  partagez  par  moitiés  bien  intactes,  pilez  le 
reste  avec  deux  onces  de  beurre,  et  passez  ensuite  par  le  tamis 
de  crin  ;  puis  vous  délayez  cette  pâte  dans  une  casserole  avec  un 
verre  de  crème,  deux  onces  de  beurre,  deux  de  sucre  en  poudre 
et  un  grain  de  sel.  Tournez  cette  crème  sans  la  quitter  sur 
un  feu  modéré,  desséchez-la  deux  minutes  seulement,  mêlez-y 
6  jaunes  d'œufs  et  remettez-la  un  nioment  sur  le  feu.  Alors  la 
crème  doit  se  trouver  un  peu  consistante  mais  non  pas  ferme; 
versez-la  sur  un  plafond  légèrement  beurré,  et  élargissez-la. 
Couvrez-la  également  d'un  rond  de  papier  beurré  lorsqu'elle  est 
froide  vous  prenez  une  de  ces-  moitiés  de  marron ,  que  vous  avez 
conservée,  vous  la  placez  au  milieu  d'un  peu  de  crème,  le  double 
en  grosseur  d'une  moitié  de  marron  que  vous  enfermez  en  rou- 
lant la  crème  pour  en  former  une  croquette  très-ronde  ;  vous  la 
roulez  ensuite  sur  de  la  mie  de  pain  extrêmement  fine  ;  vous 
employez  ainsi  toutes  vos  moitiés  de  marron  en  les  masquant 
de  crème.  Toutes  les  croquettes  étant  formées  et  roulées  dans  la 
mie  de  pain,  vous  battez.  5  œufs  entiers  avec  un  grain  de  sel  fin 
dans  une  petite  terrine  où  vous  trempez  vos  croquettes  et  vous 


47»  CROQUETTES. 


les  égouttez  un  peu,  vous  les  roulez  de  nouveau  sur  la  mie  et 
vous  les  placez  ensuite,  au  fur  et  à  mesure,  sur  un  couvercle  de 
casserole  ;  enfin  vous  trempez  tour  à  tour  les  croquettes  dans  l'œuf 
et  les  roulez  sur  la  mie  de  pain  ;  après  quoi  vous  les  versez  dans 
une  friture  très- chaude;  si  la  poêle  est  grande  vous  y  mettez 
toutes  les  croquettes,  sinon  vous  n'en  mettez  que  la  moitié  afin 
de  les  conserver  bien  rondes;  vous  les  remuez  doucement  avec  la 
pointe  d^un  hâtelet  et  les  ôtez  avec  Técumoire.  Aussitôt  qu'elles 
sont  colorées  d'un  beau  blond,  égouttez-les  sur  une  serviette 
double,  ensuite  vous  les  saupoudrez  de  sucre  fin,  les  dressez  en 
pyramide  et  servez  bouillant. 

Croquettes  de  ri{.  —  Faites  crever  du  riz,  comme  pour  le 
gâteau  de  riz  (V.  cet  article),  mais  au  lieu  de  le  mettre  dans  un 
moule,  vous  en  faites  des  boulettes  allongées  que  vous  battez 
dans  de  l'œuf  battu  et  sucré,  passez-les,  retrempez-les,  repassez- 
les  et  faites  frire. 

Croquettes  de  pommes  de  terre  à  la  vanille,  —  Faites 
cuire  dans  les  cendres  vingt  belles  vitelottes,  épluchez-les,  parez- 
les  pour  ôter  le  tour  rougeâtre  afin  de  ne  vous  servir  que  du 
cœur  de  la  pomme  de  terre,  alors  employez-en  une  partie  que 
vous  pilez  et  dont  vous  faites  une  espèce  de  marmelade,  que 
vous  faites  revenir  sur  le  feu  avec  des  œufs,  du  lait,  de  la  vanille, 
de  l'ail  et  des  macarons  amers  ;  puis  laissez-la  refroidir,  faites^ 
en  des  boulettes,  que  vous  tremperez  dans  la  pâte  à  frire,  et  vous 
finissez  comme  les  beignets. 

Croquettes  de  nouilles  au  citron  confit.  —  (Très-peu  usité.) 
Vous  détrempez  et  détaillez  6  onces  de  pâte  de  nouille  que  vous 
versez  peu  à  peu  dans  quatre  verres  de  lait  en  ébuUition,  faites 
prendre  quelques  bouillons,  joignez-y  4  onces  de  beurre,  4  de 
sucre  fin,  une  once  de  citronnât  émincé,  faites  mijoter  pendant 
vingt-cinq  minutes  pour  que  les  nouilles  renflent  et  deviennent 
moelleuses;  alors  vous  mêlez  trois  onces  de  macarons  amers, 
6  jaunes  d'œufs  et  un  grain  de  sel,  laissez  refroidir  l'appareil  et 
terminez  l'opération  en  procédant  comme-il  est  dit  précédemment. 

Vous  procédez  de  la  même  manière  pour  toutes  les  cro- 
quettes à  la  pâte,  en  changeant  la  substance,  et  en  continuant 
de  la  verser  dans  le  lait  bouillant. 


CROUSTADES.  479 


CROQUIGNOLLES.  —  Espèce  de  petit  four  qui  entre  dans 
la  composition  des  croquembouches  (V.  Croquembouche.) 

Croquignolles  à  la  Chartres.  ' —  Vous  pelez  une  certaine 
quantité  (250  grammes  environ)  d'amandes  douces,  et  une  demi- 
once  d'amandes  amères,  mouillez-les  ensuite  avec  des  blancs 
d'œufs  et  mettez-les  sur  un  tour  avec  de  la  farine,  du- sucre, 
un  peu  de  beurre,  de  sel  et  d'écorce  de  citron  râpé,  puis  cassez 
des  œuft  et  pétrissez  le  tout  ;  quand  votre  pâte  sera  bien  ferme, 
vous  la  roulerez  et  la  couperez  en  petits  morceaux  que  vous  pose- 
rez sur  un  plafond  beurré,  vous  les  dorerez  et  les  ferez  cuire 
dans  un  four  bien  chaud. 

CROUSTADES.  —  On  appelle  ainsi  des  pâtes  de  différentes 
dimensions  dont  la  pâte  est  plus  croquante  que  celle  des  vol-au-' 
•  ventj  des  timbales,  des  casseroles  de  ri^,  etc. 

Croustades  à  la  financière.  —  Vous  faites  une  pâte  comme 
pour  les  petits  pâtés  et  vous  en  foncez  des  moules  de  croustades, 
vous  garnissez  de  farine  et  vous  faites  cuire,  couvrez-les  avec  des 
couvercles  de  feuilletage  fin,  posez  dessus  un  deuxième  couvercle 
et  faites  cuire. 

Préparez  un  ragoût  financière  avec  des  quenelles  de  volailles, 
crêtes,  truffes,  champignons,  coupés  en  dés  ;  vous  en  garnissez  vos 
croustades  et  vous  les  servez  avec  la  sauce  financière. 

Croustades  à  la  reine.  —  Vous  prenez  un  pain  rond  de  la 
veille,  vous  le  coupez  en  lames  minces,  vous  coupez  ensuite  dans 
la  mie  douze  croustades  sans  la  séparer,  et  vous  formez  le  cou- 
vercle en  faisant  du  côté  le  plus  uni  de  votre  pain,  une  petite 
incision  à  environ  deux  lignes  du  bord. 

Vous  prenez  ensuite  six  de  vos  croustades  que  vous  mettez 
dans  une  casserole  en  les  masquant  avec  du  beurre  clarifié  et 
vous  leur  faites  prendre  couleur,  vous  les  égouttez  ensuite  et  vous 
procédez  de  même  pour  les  six  autres;  vous  ôtez  la  mie  et  vous 
la  remplacez  par  une  cuillerée  de  farce  fine  ;  vous  formez  ensuite 
des  petits  ballons  avec  12  cailles  désossées,  assaisonnées,  glacées 
et  farcies,  vous  en  placez  une  sur  chaque  croustade,  Testomac  en 
dessus,  et  vous  mettez  les  douze  croustades  sur  un  plafond 
masqué  de  bardes  de  lard,  entourez-les  de  bardes,  et  pour  les 
tenir,  d'une  bande  de  papier  fixée  avec  une  ficelle  ;  masquez  vos 


48o  CROUTES  AU  POT. 

cailles  de  bardes  de  lard  et  par-dessus  deux  ronds  de  papier 
beurré  ;  faites  cuire  environ  une  heure  et  demie  au  four  et  i 
chaleur  modérée;  ôtez  les  bardes,  égouttez  vos  croustades  et 
saucez  avec  de  la  glace  de  veau. 

Les  croustades  de  mauviettes,  de  grives,  de  ramereaux  ou 
'  autres -petits  oiseaux  se  font  de  la  même  manière  après  avoir  eu 
bien  soin  de  désosser  le  gibier. 

Croustades  aux  truffes  en  surprise,  —  Vous  faites  cuire 
douze  belles  truffes  bien  nettoyées  dans  du  vin  de  Champagne 
et  vous  les  laissez  refroidir,  vous  les  coupez  ensuite  en  dedans 
avec  un  coupe-racine,  de  façon  à  ne  pas  percer  la  peau,  puis 
vous  les  videz  avec  soin.  Quand  la  chair  de  vos  truffes  est  entiè- 
rement  retirée,  vous  la  remplacez  par  une  purée  de  volaille  ou 
de  gibier,  ou  uji  salpicon  de  blancs  de  volaille  coupés  en  dés, 
ou  bien  encore  de  rognons  de  coq  avec  des  petites  truffes  de  la 
même  forme,  le  tout  saucé  à  la  béchamel,  et  vous  les  servez  sur 
une  serviette. 

Croustade  de  Carcassonne.  —  Vous  bridez  trois  jeunes 
pigeons,  les  pattes  en  dedans  et  les  mettez  dans  une  casserole 
avec  oignons  et  saindoux,  sel ,  poivre ,  vous  faites  prendre  belle 
couleur,  vous  y  joignez  ensuite  un  peu  de  petit  salé  et  saupou- 
drez d'une  cuillerée  de  fine  farine,  mouillez  ensuite  avec  du 
bouillon  et  du  vin  blanc.  Vous  faites  cuire  ce  ragoût  un  quart 
d'heure,  avec  quelques  salsifis  cuits  coupés  en  morceaux,  quelques 
mousserons  crus  et  une  pointe  de  Cayenne.  Vous  masquez  ensuite 
le  fond  et  le  tour  d'un  plat  à  tarte  d'uti  feuilletage  fin;  vous 
mettez  votre  ragoût  et  vous  le  couvrez  d'une  abaisse  de  la  même 
pâte  que  vous  dorez  ;  vous  faites  cuire  ensuite  votre  pâté  dans  un 
four  à  une  chaleur  modérée,  dès  que  la  pâte  commence  à  se 
colorer,  vous  le  retirez  du  feu  et  le  servez  sur  une  serviette  posée 
dans  un  plat. 

CROUTES  AU  POT.  —  On  donne  ce  nom  à  un  potage 
dans  la  composition  duquel  il  entre  des  croûtes  de  pain  gril- 
lées. 

Croûtes  au  pot  à  la  bonne  femme,  —  Prenez  des  croûtes  de 
pain  bien  dorées,  arrosez-les  de  bouillon  non  dégraissé,  qui 
bouille  jusqu^à  entière  réduction;  et  lorsque  vos  croûtes  com- 


CUISINE.  481 


menceront  à  gratiner,  jetez  dessus  du  bouillon  chaud-,  dégraissez 
et  servez  votre  potage. 

On  fait  aussi  d'excellents  potages  avec  des  croûtes  gratinées 
aux  laitues  farcies,  à  la  moelle ,  aux  petits  oignons  glacés ,  à 
la  purée  de  lentilles,  aux  tranches  de  concombre,  au  par- 
mesan ,  aux  huîtres,  à  la  purée  de  crevettes,  aux  œufs  de 
homard,  etc. 

CROUTONS.  —  Tranches  de  mie  de  pain  découpées  et 
frites  dans  du  beurre  dont  on  se  sert  pour  garnir  les  potages, 
certains  ragoûts  et  les  purées  de  légumes  ou  d*herbes  cuites. 

CUILLER  et  FOURCHETTE.  —  L'usage  des  cuillers  et 
des  fourchettes  ne  s'introduisit  que  fort  tard  en  Europe.  Avant 
leur  invention,  on  mangeait  avec  ses  doigts,  ou  on  se  servait 
comme  cuiller  d'une  espèce  d'écuelle  en  bois,  grossièrement 
travaillée,  et  comme  fourchette,  de  deux  petits  morceaux  de  bois 
avec  lesquels  on  prenait  les  aliments  solides  pour  les  porter  à  la 
bouche. 

En  Angleterre,  en  1610,  on  regardait  comme  une  des  manies 
du  voyageur  Thomas  Coryate  d'avoir  apporté  d'Italie  l'usage  de 
meubles  aussi  inutiles.  Cependant,  en  ayant  reconnu  plus  tard 
l'utilité,  l'usage  s'en  introduisit  peu  à  peu  parmi  les  riches  ;  le 
peuple,  à  leur  imitation,  se  servit  de  cuillers  et  fourchettes  de  bois, 
leur  fragilité  fît  employer  depuis  le  fer  et  l'étain. 

Un  jour  dans  un  grand  dîner,  un  prince  voulant  embarrasser 
un  médecin  de  ses  amis,  qu'il  avait  invité  et  à  qui  il  avait  défendu 
qu'on  servît  une  cuiller ,  lui  adresse  en  se  mettant  à  table  ces 
paroles  :  «  C...  qui  ne  mange  pas  de  soupe!  »  Le  médecin  qui 
vît  bien  que  c'était  une  farce  qu'on  voulait  lui  jouer,  prit  son 
pain,  le  creusa,  mit  sa  fourchette  dedans  et  s'en  servit  comme 
d'une  cuiller  pour  manger  sa  soupe;  puis  après  s'être  sorti  d'em- 
barras de  cette  manière,  il  voulut  à  son  tour  embarrasser  le  prince 
et  ses  amis  qui  s'étaient  déjà  apprêtés  à  rire  à  ses  dépens.  Il  prit 
donc  le  pain  qui  lui  avait  servi  de  cuiller,  l'avala  et  dit  :  «  C... 
qui  ne  mange  pas  sa  cuiller  !  » 

Qui  fut  attrapée  Ce  fut  le  prince  qui  avoua  franchement 
sa  défaite  et  rit  beaucoup  de  l'imagination  du  docteur. 

CUISINE,  CUISINIER,  CUISINIÈRE.  —  Nous  renvoyons 

31 


483  CUISINE. 


pour  la  cuisine  à  l'article  de  M.  Victor  Hugo  qui  se  trouve  dans 
la  préface  de  notre  livre. 

Cuisinier.  —  Monsieur  de  Courchamps  donne  dans  son 
Dictionnaire  de  la  cuisine^  le  titre  de  :  Cuisinier  du  roi  de  Sidon^ 
à  Cadmus,  que  nous  ne  connaissions  que  comme  le  fils  d'Agénor, 
le  frère  d'Europe,  le  fondateur  de  la  ville  de  Thèbes  et  l'inven- 
teur de  récriture. 

Ces  titres  nous  semblaient  suffisants  pour  illustrer  Cadmus; 
M.  de  Courchamps  y  joint  celui  de  cuisinier,  nous  ne  le  contes- 
terons pas.  La  fonction  de  cuisinier  au  moyen  âge  n'était  point 
incompatible  avec  la  noblesse,  et  ne  fût-ce  que  par  Vatel,  ils 
auraient  au  moins  droit  à  l'illustration  ;  et  en  effet  on  voit  par 
les  annales  de  Saint-Denis  que  Thibaut  de  Montmorency,  che- 
valier de-  l'ordre  et  seigneur  de  Boury,  avait  été  grand  queux, 
c'est-à-dire  chef  de  cuisine  ou  premier  cuisinier  du  roi  Philippe 
de  Valois. 

Nous  n'hésitons  pas  à  donner  un  démenti  à  cette  seconde 
assertion  de  notre  confrère  Courchamps,  attendu  que  Philippe 
de  Valois  était  mort  depuis  plus  de  deux  cents  ans  lorsque  l'ordre 
fut  fondé  en  1578  par  Henri  III;  ce  qu'il  y  a  de  certain  au 
moins,  c'est  qu'il  existe  sous  le  règne  de  Louis  XI  un  arrêt  du 
conseil  d'en  haut,  lequel  arrêt  maintient  dans  sa  noblesse  et 
tous  les  privilèges  d'icelle,  un  ancien  cuisinier  de  madame  de 
Beaujeu,  nommé  Cyrant  de  Bartas,  attendu  que  ladite  charge  de 
maître  queux  n'a  jamais  fait  ni  dû  faire  encourir  nulle 
déchéance  en  maison  noble.  Le  célèbre  Montesquieu  descendait 
de  Robin,  second  cuisinier  du  connétable  de  Bourbon  et  anobli 
par  ce  prince  ;  il  est  curieux  que  cet  homme,  nous  parlons  du 
connétable  de  Bourbon,  que  Bayard  dégradait  de  son  titre  de 
noblesse,  pût  faire  de  son  cuisinier  un  noble.  Henri  IV  anoblit 
Nicolas  Fouquet,  seigneur  de  la  Varenne,  et  maître  cuisinier  de 
la  reine  Marguerite,  pour  services  rendus  dans  l'exercice  dudit 
office  ;  en  outre  il  avait  trouvé  moyen  d'acquérir  soixante-dix 
mille  livres  de  rentes,  non  pas  en  piquant  ses  poulets,  dit  cette 
bonne  langue  de  Margot^  mais  en  piquant  ceux  du  roi. 

Selon  Brillât-Savarin  on  peut  devenir  bon  cuisinier,  mais 
rester  mauvais  rôtisseur;  on  naît  rôtisseur  comme  on  naît  poëte. 


CUISINE.  483 


Carême  et  Beauvilliers  nous  prouvent  péremptoirement, 
Carême  surtout,  qu'on  peut  élre  à  la  fois  écrivain  archéologue 
et  cuisinier. 

Quelques  gourmands,  bien  connus  et  à  qui  l'on  ne  peut  dispu- 
ter le  titre  de  gastronomes,  préfèrent  les  cuisinières  aux  cuisi- 
niers^ ils  prétendent  que  ces  dames  ont  la  main  plus  savante  et 
plus  légère  dans  la  distribution  des  éptces  ;  il  est  vrai  que  comme 
les  anciennes  bacchantes  de  Thrace,  elles  sont  rancunières  en 
diable;  je  me  rappelle  que  deux  vaudevillistes  de  beaucoup 
d'esprit  ont  fait,  il  y  a  trente-cinq  ou  quarante  ans,  une  petite 
pièce  qui  fut  jouée  aux  Variétés  sous  le  titre  des  Cuisinières ^  et 
sous  les  noms  de  Brasier  et  de  Demersan. 

Messieurs  les  auteurs  n'avaient  point  gardé  vis-à-vis  les 
artistes  femelles  tous  les  ménagements  qui  étaient  dus  à  leur 
talent  et  à  leur  sexe  ;  le  lendemain  les  deux  auteurs  eurent  à 
régler  leurs  comptes  avec  leurs  cuisinières  qui  les  quittèrent  en  les 
vouant  à  la  haine  de  toutes  les  corporations.  Ce  ne  fut  pas  le 
tout,  les  cordons  bleus  de  Paris  se  réunirent  en  une  assemblée 
générale  ;  dans  cette  assemblée  on  montra  les  intentions  les  plus 
sinistres,  et  on  fulmina  les  plus  atroces  malédictions  contre  les 
auteurs  delà  pièce  ;  une  d'elles  les  attendit  même  à  la  sortie  du 
th^tre  des  Variétés,  et,  de  même  que  Ton  dénonce  la  vendetta 
en  Corse,  elle  lui  cria  :  «  Garde-toi,  et  nous  nous  garderons.  » 

Pendant  plusieurs  années.  Brasier  et  Demersan  racontaient 
qu'il  avaient  été  forcés  de  se  passer  de  cuisinières,  d'abord  parce 
qu'ils  n'en  pouvaient  pas  trouver,  et  ensuite  parce  qu'ils  crai- 
gnaient de  confier  leurs  jours  précieux  à  un  membre  quelconque 
de  cette  vindicative  corporation  ;  quand  ils  ne  dînaient  pas  ou  ne 
déjeunaient  pas  chez  leurs  amis,  les  deux  malheureux  parias 
vivaient  d'œufs  frais  et  de  saucisson  de  Lyon. 

Aussi  se  vengèrent-ils  d'elles  dans  un  couplet  de  leur  pro- 
chain vaudeville  qui  se  terminait  par  ces  deux  vers  : 

Et  j'dis  qu'celles  qui  sont  les  meilleures 
Sont  les  cuisinières  en  fer-blanc. 

Le  président  Hénault,  paraît-il,  n'avait  pas  non  plus  les 
cuisinières  et  surtout  les  mauvaises  cuisinières  en  grande  odeur 


L 


484  CUISINE. 


de  sainteté,  puisqu'il  disait  de  la  cuisinière  de  madame  du 
DefTant,  qui  était  véritablement  par  trop  bourgeoisement  mau- 
vaise, surtout  pour  un  gastronome  tel  que  lui  chez  lequel  était 
le  meilleur  cuisinier  de  l'époque  :  a  Entre  elle  et  la  Brimil- 
tiers,  il  n'y  a  de  différence  que  dans  l'intention.  » 

Comme  c'était  aimable  et  comme  c'était  rassurant  ! 

Malherbe,.qui  se  piquait  aussi  d'être  gourmand  et  qui  sur- 
tout aimait  voir  les  cuisiniers  à  l'œuvre,  disait  qu'il  Êillait,  pour 
qu'un  dîner  fût  bon,  qu'il  ait  été  combiné  et  préparé  longtemps 
à  l'avance. 

Aussi,  allant  un  jour  dîner  chez  un  de  ses  amis,  il  trouva  à 
la  porte  de  cet  ami  un  valet  qui  avait  des  gants  aux  mains; 
il  était  midi,  et  on  devait,  suivant  l'usage  du  temps,  dîner  à 
une  heure,  a  Qui  êtes-vous,  mon  ami>  demanda  Malherbe  au 
valet. 

«  Monsieur,  je  suis  le  cuisinier!  —  Vertudieu!  reprit 
l'invité  en  s'éloignant  au  plus  vite,  je  ne  dîne  pas  chez  un  homme 
dont  le  cuisinier  à  midi  a  des  gants  aux  mains  ;  la  cuisine  doit 
être  bien  faite,  je  m'en  moque. 

—  Ce  gigot  est  incuitj  disait  à  son  hôte  un  homme  qui 
faisait  le  beau  parleur. 

—  Monsieur,  répondit  l'autre  piqué ,  c'est  par  V insoin  de 
la  cuisinière.  » 

Finissons  par  un  mot  fort  spirituel  du  marquis  de  Bièvre. 

Le  marquis  de  Bièvre,  regardant  deux  marmitons  qui  se 
boxaient  et  quelqu'un  lui  ayant  demandé  ce  que  c'était  que  |ce 
bruit  : 

«  Ce  n'est  rien,  répondit-il,  ce  n'est  qu'une  batterie  [de 
cuisine.  » 

Cuisine  espagnole.  —  En  Espagne,  il  n'y  a  qu'un  plat  pour 
tout  le  monde,  ce  plat  c'est  le  puchero. 

Voici  les  ingrédients  dont  un  puchero  bien  conditionné  se 
compose  : 

Viande  de  bœuf,  une  livre. 

Remarquez  qu'aussitôt  que  le  bœuf  est  mort  il  devient  A'ache, 
et  qu'au  lieu  de  dire  buey  on  dit  vaca. 

Jambon  fumé,  avec  des  os,  1/2  livre. 


CUISINE.  485 


Plus  le  jambon  est  vieux,  meilleur  il  est  :  le  meilleur  est 
celui  de  Galice. 

Faire  bouillir  ces  viandes  dans  quatre  litres  d'eau,  jusqu'à 
réduction  à  deux  litres. 
Garbanços,  1/4  livre. 

Avant  d'aller  plus  loin  nous  devons  dire  ce  que  c'est  que 
le  garbanços. 

Le  garbanços  est  un  énorme  pois  chiche,  ce  doit  être  le  pois 
chiche  de  Cicéron  ;  il  tire  sa  valeur  de  la  terre  où  il  est  né. 

Le  garbanços  qui  cuit  en  une  demi-heure  n'a  pas  de  prix  ; 
mais  s'il  est  né  dans  une  mauvaise  terre,  il  est  plus  dur  après 
une  heure  de  cuisson  qu'avant  d'être  mis  au  feu. 

Sa  pellicule  un  peu  froissée  et  sa  grosseur  qui  est  à  peu  près 
celle  d'une  balle  de  fusil  de  vingt-deux  à  la  livre,  indiquent 
qu'il  est  de  qualité  supérieure.  Dès  la  veille  du  jour  où  on  veut 
s'en  servir,  on  le  trempe  dans  l'eau  salée.  C'est  un  légume 
extrêmement  capricieux  au  physique  et  au  moral  ;  si  on  y  ajoute 
une  goutte  d'eau  froide  pendant  qu'il  cuit,  il  profite  de  cette 
erreur  pour  ne  plus  cuire  ;  plus  press?  que  le  haricot,  il  produit 
dans  lestomac  le.  bruit  que  le  haricot  produit  seulement  dans 
les  entrailles. 

Si  vous  paraissez  étonné  qu'un  Espagnol  se  livre  devant  vous 
à  cette  incongruité  qui  chez  nous  paraîtrait  fort  excentrique,  il 
vous  répond  très-tranquillement  que  por  un  punado  de  aire  no 
se  debe  perder  un  barrenon  de  tripas. 

C'est-à-dire  que,  pour  une  poignée  d'air,  il  ne  faut  pas 
perdre  une  marmite  de  tripes. 

L'excuse  ressemble  assez  à  celle  que  donnait  le  maréchal 
Lefèvre  lorsque  quelques  paroles  étranges  échappées  à  la 
bouche  de  sa  femme  laissaient  transparaître  la  blanchisseuse 
sous  la  maréchale. 

Un  autre  proverbe  dit  en  Espagne  que  el  buen  garbanços  y 
el  buen  ladron  de  Fuente-Sanco  son,  c'est-à-dire  que  le  meilleur 
garbanços  et  le  meilleur  voleur  sont  de  Fuento-Sanco. 
Revenons  à  notre  puchero  qui  est  loin  d'être  fini. 
L'heure  est  arrivée  de  mettre  le  chorizo. 
Le  chorizo  est  un  hachis  de  viande  de  porc  et  de  viande  de 


486  CUISINE. 


veau,  assaisonné  de  piments  rouges  et  d'autres  substances  vigou- 
reuses. 

Quand  la  réduction  que  nous  avons  indiquée  de  quatre  litres 
d  eau  en  deux  est  faite  àpetit  feu,  on  prend  une  once  de  lard,  une 
once  de  jambon,  une  pincée  de  persil,  une  demi-gousse  d'ail  ; 
on  hache  le  tout  avec  une  cuillerée  de  bouillon  prise  dans  la 
marmite,  on  casse  ensuite  deux  œufs  que  l'on  bat  comme  .pour 
une  omelette,  on  y  émiette  un  petit  morceau  de  pain,  on  mêle  le 
tout  ensemble  et  on  le  fait  frire  en  autant  de  cuillerées  qu'il  y 
a  de  personnes  à  manger  le  puchero. 

Lorsque  les  cuillerées  sont  bien  frites  on  les  ajoute  au 
bouillon  et  on  retire  le  tout  une  demi-heure  après. 

Dans  certaines  parties  de  l'Espagne  on  glisse  un  quart  de 
volaille  dans  le  puchero. 

Voilà  l'invariable  dîner  de  l'Espagnol.  De  tout  Espagnol  qui 
n'a  pas  ce  dîner,  on  peut  dire  ce  qu'on  dit  du  voyageur  qui  n'a 
pas  de  manteau  : 

Pauvre  diable  ! 

Mais  que  cependant  on  ne  s'extasie  pas  sur  la  sobriété  de 
l'Espagnol  ;  cet  homme,  à  l'heure  où  il  mange  son  puchero,  c'est- 
à-dire  à  deux  heures  de  l'après-midi,  a  déjà,  s'il  se  respecte, 
pris  son  chocolat  le  matin  à  six  heures,  mangé  un  ou  deux  œufs 
à  onze  heures,  et  à  six  heures  il  reprendra  son  chocolat  s'il  n'a  pas 
quelqu'un  à  rafraîchir  ;  dans  ce  cas  le  chocolat  s'augmentera  de 
glaces  et  de  pâtisserie. 

Puis  enfin  à  onze  heures  du  soir  il  soupera  de  guisado,  qui, 
pareil  au  puchero  éternel,  est  toujours  prêt  à  être  servi  dans  une 
maison  bien  réglée. 

Le  guisado  se  compose  de  bœuf  et  de  veau  accompagné  de 
pommes  de  terre  ;  il  doit  être  mis  sur  le  feu  à  l'heure  du 
dîner  pour  être  mangé  comme  nous  l'avons  dit  le  soir  à  onze 
heures. 

La  seule  différence  qu'il  y  ait  entre  les  guisados,  c'est  que 
dans  les  uns  on  met  les  pommes  de  terre  cuire  en  même  temps 
que  la  viande,  et  que  dans  les  autres  on  les  ajoute  au  moment  de 
servir,  après  les  avoir  fait  griller  d'avance. 

Ceci  est  l'ordinaire  de  la  Castille,  de  cette  bonne  Castillc 


CUISINE.  487 


OÙ  nous  avons  erré  avec  don  Quichotte  et  Sancho  Pança,  de- 
mandant à  cor  et  à  cri  comme  eux  du  lait  et  du  fromage  à 
la  pie. 

En  Galice  l'ordinaire  change,  ce  n*est  plus  le  puchero  qui 
attend  le  voyageur,  c'est  le  caldo. 

D'abord  au  lieu  du  chocolat  épais  que  vous  trouvez  dans  les 
deux  Castilles  vous  avez  le  chocolat  clair  ;  toute  la  différence  est 
que  la  tasse  de  Galice  est  plus  grande  et  qu'elle  contient  un  cho- 
colat plus  liquide.  , 

Vous  qui  avez  le  malheur  de  traverser  la  Galice  comme  je 
l'ai  fait,  gardez-vous  d'une  surprise. 

Dans  la  cour  de  l'hôtel  où  descend  la  diligence  à  la  gare 
des  chemins  de  fer,  si,  ce  dont  je  doute,  il  y  a  maintenant  des  che- 
mins de  fer  en  Galice,  vous  trouverez  comme  partout  des 
aboyeurs  qui  vous  inviteront  à  vous  rendre  à  leur  hôtel,  rensei- 
gnez-vous bien,  ou  vous  tomberez  dans  quelque  atroce  posada 
que  Ton  appelle  casa  de  huéspedes;  là  ne  cherchez  ni  le  cho- 
colat potable,  ni  caldo  mangeable,  ni  lit  praticable. 

Si  au  contraire  vous  suivez  le  domestique  d'un  bon  hôtel 
qu'on  vous  aura  recommandé  d'avance,  vous  ne  mangerez  en  Ga- 
lice ni  mieux  ni  plus  mal  que  dans  les  autres  parties  de  TEspagne. 
Au  reste  je  donnerai  le  conseil  au  touriste  qui  parcourra 
l'Espagne  de  voyager  d'abord  en  Italie,  l'Italie  est  une  heureuse 
intermédiaire  entre  la  France  et  l'Espagne. 

En  Italie,  où  l'on  mange  mal,  les  bons  hôtels  vous  disent  : 
«  Monsieur,  j'ai  un  cuisinier  français.  » 
En  Espagne,  où  l'on  mange  abominablement,    les  grands 
hôtels  vous  disent  ; 

«  Monsieur,  j'ai  un  cuisinier  italien.  » 
Si  en  Galice  vous  avez  la  chance  de  tomber  dans  un  bon 
hôtel,  on  vous  servira  d'abord  le  caldo,  espèce  de  soupe  qui  se 
compose  d'une  grande  marmitée  d'eau  dans  laquelle  on  a  taillé 
des  choux,  des  pommes  de  terre,  des  navets  et  où  l'on  verse  des 
haricots  ;  le  cuisinier  ajoute  pour  donner  du  goût  au  bouillon 
un  quart  de  porc  frais  et  un  quart  de  porc  rance.  Vous  qui  vou- 
lez faire  du  caldo,  ne  confondez  pas  porc  rance  avec  porc  salé  ; 
plus  le  porc  est  rance,  meilleur  il  paraît  aux  Galiciens. 


488  CUISINE. 


Puis  viendront  quelques  plats  de  viandes  et  de  poissons,  cui- 
sinés, vous  dira-t-on,  à  la  française  ou  à  l'italienne. 

Le  poisson,  la  volaille  ou  le  gibier  seront  excellents,  mais 
l'assaisonnement  sera  abominable. 

La  volaille,  faute  de  broche,  se  mange  frite  à  la  poêle  ou 
rôtie  à  la  casserole;  il  en  sera  de  même  du  gibier.  En  Espagne 
la  broche  n'est  connue  que  comme  substantif;  elle  est  dans  tous 
les  dictionnaires,  mais  on  ne  la  rencontre  dans  aucune  cuisine. 

C'est  un  grand  malheur,  car  le  gibier  est  très-commun  et, 
quoiqu'à  bon  marché,  excellent  en  Espagne. 

Les  lièvres  coûtent  de  quinze  à  vingt  sous  ;  personne  n'en 
mange  sous  prétexte  qu'ils  grattent  la  terre  évidemment  pour 
déterrer  les  morts. 

Les  perdrix,  d'excellentes  perdrix  rouges  coûtent  de  huit  à 
dix  sous  ;  c'est  en  Galice,  au  reste,  que  Ton  mange  le  meilleur 
poisson.  Au  centre  de  TEspagne,  c'est-à-dire  en  Castille,  avant 
les  chemins  de  fer,  il  était  impossible  de  manger  du  poisson  frais; 
il  lui  fallait  quatre  jours  pour  arriver  et  on  ne  le  mangeait  que 
salé  ou  pourri. 

Le  poisson  dont  on  usait  alors  le  plus  habituellement  dans 
ces  provinces  éloignées  de  la  mer  était  la  bonite  ou  plutôt  le 
thon. 

C'est  à  Castroréale  et  aux  environs  que  se  fait  cette  pêche  ; 
à  l'instant  même  oîi  on  prend  la  bonite,  les  pêcheurs  la  vendent 
à  de  grandes  fabriques  qui  la  font  frire  dans  l'huile  et  la  pré- 
parent en  conserves  dans  des  barriques,  lesquelles  barriques  sont 
détaillées  aux  consommateurs  qui  les  mangent  de  quatre  façons  : 

Naturelle,  comme  elle  est,  avec  adjonction  d'huile  fraîche; 

Cuite  avec  des  tomates  dans  la  même  casserole  ; 

En  omelette; 

Et  enfin  avec  des  piments  enragés. 

Quant  au  poisson  frais  qu'on  mange  en  Galice,  c'est  parti- 
culièrement  la  morue,  c'est  l'anguille,  soit  de  mer,  soit  de  rivière, 
c'est  la  lamproie ,  et  enfin  le  poulpe  ou  les  pieuvres  qui  sont 
le  manger  des  pauvres. 

C'est  en  Galice  que  vous  mangerez  les  plus  belles  fraises 
comme  grosseur. 


CUISINE.  4H9 


A  Madrid  seulement  vous  pourrez  leur  faire  concurrence 
avec  la  fraise  d'Aranjuez  dont  une  assiettée  suffit  pour  parfumer 
un  palais. 

En  fait  de  coquillages,  il  y  a  des  étangs  qui  les  conservent; 
on  trouve  là  des  huîtres,  comme  dans  les  lacs  de  Naples,  plus 
grasses  et  plus  dessalées  que  dans  la  mer. 

Les  coquillages  ordinaires  sont  les  prayres  marseillaises  ;  on 
les- vend  deux  sous  le  cent. 

La  Galice  est  le  seul  pays  où  Ton  fasse  des  huîtres  marinées, 
qu'on  expédie  par  petites  barriques  dans  toute  l'Europe. 

Santiago,  situé  à  une  lieue  et  demie  environ  de  la  mer,  est 
le  meilleur  pays  de  la  Galice  pour  y  manger  le  poisson,  car  il 
y  arrive  juste  assez  aéré  pour  perdre  de  sa  pesanteur  alimentaire, 
et  attendu  à  ce  point  qu'il  jouisse  de  sa  plus  grande  sapidité. 

Une  autre  partie  de  l'Espagne  est  renommée  pour  ses  truites 
ordinaires  et  ses  truites  saumonées. 

C'est  la  Puébla  san  Abria,  près  de  laquelle  est  situé  le  Lac. 
C'est  le  seul  nom  que  cette  immense  flaque  d'eau  porte  dans  le 
pays  ;  on  y  pêche  des  truites  de  vingt-cinq  et  trente  livres. 

Une  petite  rivière,  qui  passe  à  côté,  fournit  des  truites  infé- 
rieures en  grosseur,  mais  pas  en  qualité,  et  vient  aider  pour  sa 
part  à  la  pèche  du  Lac. 

La  propriété  dans  laquelle  se  trouve  cette  petite  rivière  qui 
appartenait  à  des  moines  a  été  vendue  pendant  la  dernière  révo- 
lution comme  propriété  nationale.  C'est  un  nommé  Pérès  Gallos 
qui  l'a  achetée. 

Par  malheur  le  peu  de  voyageurs  qui  passent  par  cette  partie 
détournée  de  TEspagne,  fait  que  le  propriétaire  ne  peut  tirer 
aucun  parti  de  ce  Lac  ni  de  cette  rivière  et  qu'il  se  contente  de 
faire  manger  ses  truites  grosses  et  petites  à  ses  amis,  aux  voya- 
geurs qui  vont  lui  demander  l'hospitalité  et  non  à  un  public  qui 
n'existe  pas. 

Selon  le  nombre  de  ses  convives,  il  dit  à  un  de  ses  pécheurs 
de  plonger  et  de  lui  rapporter  une  truite  de  douze  ou  quinze 
livres. 

Le  nageur  plonge,  rapporte  la  truite  et  se  trompe  rarement 
d'un  quart  ou  d'une  demi-livre. 


490  CUISINE. 


La  légende  de  ce  Lac  est  que  sur  son  emplacement  s'éle- 
vait autrefois  une  ville  qui  disparut  dans  un  tremblement 
de  terre  et  donna  cette  masse  d'eau  à  la  place  de  la  masse  de 
pierres. 

Tout  cela  est  tellement  abandonné,  que4'on  a  laissé  tomber 
en  morceaux  la  seule  barque  qui  existât. 

Les  truites  se  mangent  sur  les  bords  du  Lac  par  les  habi- 
tants du  pays  avec  une  sauce  que  l'on  apporte. 

Je  dis  que  Ton  apporte,  car  on  fait  là-bas  des  parties  de 
truites  comme  à  Naples  on  fait  des  parties  d'huîtres. 

Voici  la  composition  de  cette  sauce  : 

On  prend  une  tasse  à  chocolat  d'huile,  une  tasse  pareille 
d'eau,  deux  cuillerées  de  vinaigre,  du  persil;  et  de  l'ail  hachés, 
du  sel,  du  poivre  rouge  et  du  piment  enragé  ;  on  mêle  le  tout 
ensemble  en  le  battant  avec  une  fourchette. 

Arrivé  au  bord  de  l'eau,  on  allume  du  feu  et  on  met  cuire 
le  poisson  tout  frais  péché  et  tout  frétillant  encore  dans,  cette 
composition  qui  devient  son  court-bouillon  et  sa  sauce. 

Là  on  prépare  aussi  des  truites  pour  envoyer  à  ses  amis  ; 
frites  d'abord,  elles  sont  encaissées  dans  de  petits  pots  où  elles 
font  le  voyage  plus  ou  moins  long  qu'elles  ont  à  faire. 

Il  résulte  de  ces  diverses  préparations  qui  se  font  en  Espagne, 
qu'il  y  a  dans  ce  pays  des  commissionnaires  en  poisson. 

Ces  commissionnaires  déposent  leur  poisson,  en  surveillent 
la  vente  et  repartent  avec  l'argent  pour  s'approvisionner  de  nou- 
veau. 

A  côté  de  ces  commissionnaires  mobiles,  il  y  a  d'autres 
commissionnaires  qui  restent  stationnaires  pour  surveiller  leur 
vente;  ceux-là  ont  des  arriéros  qui  apportent  ce  poisson  venant 
des  Asturies  dans  les  autres  villes  et  principalement  à  Rio-Secco 
qui  est  l'endroit  où  il  s'en  fait  le  plus  grand  débit. 

Il  est  assez  curieux,  je  crois,  de  jeter  un  regard  sur  la  nour- 
riture de  ces  Arriéros  et  de  tous  les  Arriéros  en  général. 

Il  y  a  deux  espèces  d' Arriéros,  les  Maragatos,  auxquels  on  se 
fie  comme  chez  nous  aux  Auvergnats  et  qui  font  principalement 
le  transport  des  marchandises ,  et  les  Arriéros  proprement  dits 
qui  font  le  commerce  des  vins  et  autres  denrées  pour  leur  compte; 


CUISINE.  491 


leur  nourriture  se  compose  de  riz  et  de  morue  qu'ils  font  cuire  de 
cette  façon  : 

Sans  dessaler  la  morue,  ils  la  déchirent  par  morceaux,  la 
couchent  sur  des  braises  ou  elle  se  dessale,  enfin  ils  la  font  cuire 
avec  du  riz,  de  Thuile  et  de  l'eau. 

Chacun  d'eux  a  son  sac  sur  lequel  il  couche;  son  dîner  Ani, 
il  fait  pour  deux. sous  emplir  son  sac  de  paille,  c'est  le  seul  loyer 
qu'il  paye  ;  moyennant  ces  deux  sous,  il  a  droit  au  couvert. 

Si  cependant  l'Arriéro  a  fait  de  bonnes  affaires  dans  son 
voyage  il  change  son  modeste  repas  contre  un  extra,  ôiais  toujours 
au  riz,  poule  au  riz,  lapin  au  riz,  perdrix  au  riz. 

Alors  la  morue  disparaît  et  se  change  en  volaille  ou  en 
gibier,  mais  le  riz  reste  invariablement  comme  condiment  prin- 
cipal du  repas.  C'est  Valence  qui  produit  le  meilleur  riz;  dans 
les  temps  les  plus  chers  il  ne  dépasse  pas  six  sous  la  livre,  c'est 
à  peine  la  moitié  de  ce  qu'il  coûte  en  France. 

Ce  qui  me  faisait,  lorsque  je  voyageais  en  Espagne,  entrer 
dans  des  rages  d'estomac,  c'est  que  la  vie  animale  pourrait  y  être 
aussi  agréable  et  aussi  sensuelle  qu'en  France;  le  gibier  y  abonde, 
les  perdrix  rouges  et  grises  y  vont  par  bandes,  et  j'ai  déjà  dit  que 
le  lièvre,  qui  est  en  Espagne  d'un  tiers  plus  gros  qu'en  France, 
s'y  vendait  vingt  sous. 

Mais  les  malheureux  Espagnols  ont  si  peu  le  sentiment  de 
la  cuisine  que  lorsqu'ils  tuent  un  lièvre,  la  première  chose  qu'ils 
font,  même  celui  qu'ils  tuent  pour  le  vendre,  ils  le  saignent  par  la 
carotide  jusqu'à  la  dernière  goutte  de  son  sang  ;  ils  ne  savent  pas, 
les  ignorants,  que  le  sang  du  lièvre  ne  se  fige  point  à  sa  mort  et 
reste  liquide  parce  que  le  lièvre  veut  être  assaisonné  dans  son 
sang.  - 

Voici  comment  les  Espagnols  préparent  le  lièvre  : 

Ils  le  dépouillent,  le  font  mariner  trois  jours  avec  une  once 
de  piments"  doux,  une  poignée  d'origano,  herbe  qui  n'a  point 
d'analogue  en  France,  mais  qui  en  Espagne  sert  à  toutes  les 
sauces;  du  sel,  du  poivre,  une  pointe  d'ail  hachée,  et  l'on  fait 
baigner  le  tout  pendant  trois  jours  dans  de  l'eau  ordinaire. 

Au  bout  de  ce  temps  on  le  retire  de  l'eau,  on  le  suspend 
pour  égoutter,  on  le  fait  étouffer  dans  une  casserole  avec  une  livre 


49^  CUISINE. 


d'oignons,  deux  onces  d'huile  rance,  deux  onces  de  vinaigre,  une 
gousse  d'ail  entière  et  des  épices^  on  recouvre  le  tout  d'une  feuille 
de  papier  huilé,  on  replace  le  couvercle  sur  la  casserole,  on  remet 
du  feu  sur  le  couvercle  et  on  laisse  cuire  l'animal  pendant  trois 
ou  quatre  heures. 

La  seconde  manière  de  le  manger  est  rôti  dans  le  four  avec 
des  oignons  et  des  pommes  de  terre  tout  autour. 

Quant  aux  perdrix  dont  on  fait  très-peu  de  cas,  le  maître 
les  donne  à  la  cuisinière,  qui,  pour  les  plumer  plus  facilement,  les 
trempe  dans  l'eau  bouillante  sans  se  douter  qu'elle  leur  ôte  le 
meilleur  de  leur  goût,  et  les  jette  dans  Voila  podrida  où  elles 
cuisent  et  d  où  on  les  tire  au  hasard  avec  une  grande  fourchette, 
souvent  plutôt  qu'à  leur  tour. 

Voici  ce  qu'est  Voila  podrida  ^  mets  très-peu  commun  en 
Espagne,  mais  rendu  très-connu  en  France  par  les  romanciers 
qui  ne  connaissent  guère  que  celui-là,  ef  de  nom  seulement  : 

Une  olla  podrida^  c'est  une  immense  marmite  placée  sur 
le  feu,  que  jamais  on  n'en  retire,  et  dans  laquelle  on  jette  succes- 
sivement toutes  les  viandes  et  particulièrement  les  viandes  géla- 
tineuses qui  entrent  dans  la  maison. 

Ainsi  les  pieds  de  veau,  les  pieds  de  mouton,  les  pieds  de 
cochon,  les  museaux  et  les  oreilles  de  cochon,  tout  cela  fait  par- 
tie de  Voila  podrida. 

Cela  distille,  comme  on  le  comprend  bien,  un  jus  fort  épais, 
fort  savoureux,  que  j'eusse  trouvé  excellent  sans  Tadjonction  de 
l'éternel  gras-double  qui  lui  donne  un  goût  de  tripe  qui  m'était 
insupportable. 

Il  était  donc  bien  rare  que  j'attendisse  dans  Tolla  la  cuisson 
de  mes  perdrix,  que  je  mangeais  rôties  devant  le  feu  au  bout  d'une 
ficelle. 

Quant  à  mon  lièvre,  j'en  faisais  un  civet  que  l'absence  du 
sang  rendait  malheureusement  incomplet. 

Un  des  embarras  les  plus  inattendus  se  dresse  parfois  devant 
les  voyageurs  :  c'est  la  façon  dont  ils  sont  obligés  de  boire  dans 
certaines  contrées  de  l'Espagne  et  jusque  dans  la  Navarre  et  le 
bas  Aragon. 

Je  ne  sais  si ,  aujourd'hui  que  l'Espagne  se  vante  de  pro- 


CUISINE.  493 


gresser ,  il  se  trouve  des  verres  dans  cette  province ,  mais  je  sais 
que  de  mon  temps  il  n'y  en  avait  pas  ;  comme  cependant  il  faut 
boire,  surtout  quand  on  mange,  on  met  sur  la  table  des  burettes 
en  verre  de  la  capacité  d'un  litre  ou  d'un  demi-litre;  dans  ces 
burettes  est  contenu  le  vin  qui  doit  désaltérer  les  convives ,  et 
chacun  d'eux  est  obligé  de  boire  à  la  régalade  pour  ne  pas  tou- 
cher le  bord  de  la  burette  avec  les  lèvres  ;  ce  qui  est  fort  incom- 
mode pour  l'étranger  qui  ne  s'est  jamais  servi  de  ce  mode  de 
désaltération  ;  si  on  a  le  malheur  de  toucher  des  lèvres  le  col  de 
la  burette,  les  autres  convives  vous  arrachent  la  bouteille  des 
mains  et  vous  en  jettent  le  contenu  au  visage  en  vous  accablant 
des  plus  grossières  injures. 

Quant  au  coucher,  il  est  aussi  difficile  de  trouver  un  lit  que 
de  trouver  un  verre  :  on  ne  rencontre  ce  meuble,  très-nécessaire 
chez  nous,  mais  regardé  comme  très-superflu  par  les  Espagnols, 
que  chez  les  gens  mariés  depuis  peu,  qui,  pour  une  mince  rétri- 
bution, vous  cèdent  le  leur. 

Cela  m'est  arrivé  à  Castrejou,  où  j'ai  été  obligé  de  me  mettre 
sous  la  protection  du  maire  et  du  maître  d'école,  à  qui  j'étais 
recommandé,  pour  obtenir  un  lit  qui  me  fut  disputé  le  soir  même 
par  un  voyageur  plus  tardif  que  moi. 

Mais  il  est  si  rare  que  l'on  soit  bien  couché  en  Espagne  que 
je  tins  bon,  et  le  touriste  retardataire  fut  forcé  de  se  rouler  dans 
son  manteau  et  de  passer  la  nuit  devant  le  feu,  ce  qui  me  serait 
arrivé  bien  souvent  à  moi-même  si  je  n'avais  été  .chaudement 
recommandé  par  don  Vento  d'Alvarès,  le  patron  des  étrangers 
qui  voyagent  dans  la  Navarre  et  dans  l' Aragon. 

Tout  ménage  a  sa  servante. 

La  plus  pauvre  fille  qui  se  marie,  fût-elle  servante  elle-même, 
a,  le  lendemain  à  sept  heures  du  matin,  une  servante  au  chevet  de 
son  lit  qui  lui  présente  son  chocolat. 

L'homme  est  déjà  sorti  depuis  cinq  heures  du  matin  pour 
aller  à  ses  affaires  ou  à  son  travail,  et  il  a  pris  dans  la  taverne  la 
plus  voisine  de  sa  maison  son  aguardiente. 

L'aguardiente ,  comme  l'indique  son  nom ,  est  une  espèce 
d'eau-de-vie ,  eau -de-feu ,  comme  l'ont  appelée  les  Indiens  dans 
leur  langage  pittoresque  ;  elle  se  ft.it  avec  le  marc  du  raisin,  elle 


494 


CUISINE, 


se  passe  dans  un  alambic  avec  de  Teau  et  de  l'anis  ;  il  y  en  a 
depuis  dix-huit  degrés  jusqu'à  quarante. 

L'aguardiente  se  boit  rarement  pure  ;  on  en  met  une  dizaine 
de  gouttes  dans  un  grand  verre  d'eau  qu'elle  blanchit;  on  avale 
ce  verre  d'eau  à  jeun;  il  donne  de  l'appétit  et  ne  brûle  pas  l'esto- 
mac comme  l'absinthe. 

C'est  la  même  chose  à  peu  près  que  le  sambucco  que, 
pendant  les  jours  d'été,  on  vend  à  chaque  coin  de  rue  à  Naples; 
seulement  l'aguardiente  se  fait ,  comme  nous  l'avons  dit ,  avec 
de  l'anis,  et  le  sambucco  avec  du  fenouil. 

L'autre  eau-de-vie  est  tout  simplement  du  tafia  venant  de 
la  Havane  et  fait  avec  la  canne  à  sucre. 

Aucun  vin  fin  en  Espagne  n'est  naturel  ;  ce  sont  en  général 
les  pâtissiers  qui  font  les  vins  d'extra;  ils  sont  en  même  temps 
que  pâtissiers,  confiseurs,  fabricants  de  vins  et  fabricants  de 
cierges. 

Le  xérès ,  le  malaga ,  l'alîcante ,  le  pagarété  sont  fabriqués 
par  ces  industriels  et  se  vendent  en  général  deux  francs  cinquante, 
achetés  chez  les  fabricants. 

Les  Français  qui  ont  voulu  soutenir  la  concurrence  en 
rhonneur  de  notre  pays  fabriquent  une  espèce  de  vin  de  Cham- 
pagne avec  des  vins  de  Ronéda,  qui  sont  blancs  et  très-capiteux. 

Ces  vins  se  boivent  généralement  au  moment  où  on  sert  le 
poisson. 

Quant  9.UX  salades  elles  se  mangent  presque  toujours  avant 
le  potage. 

Voici  les  principales  salades  et  la  manière  de  les  faire  : 

Salade  de  choux-fleurs,  —  On  fait  cuire  les  choux-fleurs 
avec  quatre  œufs  durs,  choux-fleurs  et  œufs  se  servent  en  même 
temps  dans  un  plat  après  avoir  épluché  des  œufs  et  les  avoir 
coupés  en  quatre,  on  l'assaisonne  chaude. 

Deux  raisons  pour  que  la  salade  soit  exécrable. 

La  première,  parce  que  les  œufs  cuits  dans  de  l'eau  de 
choux-fleurs  contractent  un  goût  afireux. 

La  seconde,  c'est  que  toute  salade,  excepté  la  salade  au  lard, 
est  exécrable  à  manger  chaude. 

Salade  de  chou,  —  On  fait  bouillir  le  chou   avec  des  os 


CUISINE.  495 


de  jambon,  lorsqu'il  est  bien  cuit  on  Tégoutte  ^  on  le  fait  frire 
dans  la  poêle  avec  de  Thuile,  on  présente  ensuite  le  chou  sur  la 
table  pour  y  être  assaisonné  une  seconde  fois  avec  de  Thuile,  du 
sel,  du  poivre  et  du  vinaigre. 

Les  autres  salades  sont  les  mêmes  qu'en  France  et  s'assai- 
sonnent de  la  même  manière. 

J'ai  dit,  dans  mon  voyage  en  Espagne,  comment,  pour 
échapper  à  l'huile  infecte  des  Espagnols  et  à  leur  vinaigre  insi- 
pide et  à  ses  animalcules  visibles  à  l'œil  nu,  je  faisais  de  la 
salade  sans  huile  et  sans  vinaigre  aveô  des  jaunes  d'œufs  frais  et 
du  jus  de  citron. 

Aujourd'hui  que  les  chemins  de  fer  existent,  il  s'est  fait  une 
grande  amélioration  à  ce  qu'on  assure  parmi  les  victuailles,  je 
n'étais  déjà  plus  en  Espagne  lorsqu'on  m'apprit  le  secret  d'enlever 
à  l'huile  sa  rancité. 

Comme  quelqu'un  de  mes  compatriotes  pourrait  se  trouver 
en  face  d'une  burette  d'huile  rance,  hâtons-nous  de  lui  dire  le 
moyen  de  rendre  à  l'huile  sa  saveur  primitive. 

On  met  l'huile  dans  une  poêle  et  on  la  fait  bouillir  après 
avoir  eu  le  soin  de  fermer  toutes  les  portes  et  toutes  les  fenêtres 
de  la  cuisine,  quand  elle  est  à  cent  ou  à  cent  cinquante  degrés 
de  chaleur,  vous  y  jetez  un  morceau  de  pain  que  vous  laissez 
littéralement  brûler  dans  l'huile,  il  fume  et  entraine  avec  lui 
'    toute  la  mauvaise  odeur  du  liquide. 

C'est  à  asphyxier  un  Esquimau;  on  ouvre  les  fenêtres, 
l'odeur  s'en  va  de  la  maison  empoisonnée,  des  voisins  accourent 
sur  leur  porte  pour  ne  rien  perdre  de  cette  odeur  délicieuse,  et 
l'huile  est  devenue  mangeable,  seulement  elle  a  perdu  sa  teinte 
jaune  pour  prendre  une  teinte  noirâtre. 

Les  salades  se  mangent  ordinairement  en  Espagne  avant  le 
potage. 

Le  potage  le  plus  estimé  des  Espagnols^  est  la  soupe  à  l'ail. 
En  voici  la  recette  : 

Prenez  deux  onces  de  graisse  par  litre  d'eau,  mettez  chauffer 
la  graisse  dans  la  poêle,  prenez  une  gousse  d'ail  que  vous  laissez 
rôtir  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  brûlée,  alors  vous  y  versez  l'eau,  vous 
y  ajoutez  une  bonne  pincée  de  sel  et  vous  faites  prendre  à  votre 


496  CUISINE. 


potage  trois  ou  quatre  bouillons,  puis  vous  coupez  dans  une  sou- 
pière du  pain  en  tranches  minces,  vous  cassez  autant  d'œufs  que 
vous  avez  de  personnes  et  vous  en  couvrez  le  pain,  et  vous  versez 
dessus  le  bouillon  en  ébuUition. 

Lorsque  le  repas  a  quelque  consistance,  le  potage  est  ordi- 
nairement suivi  d'une  langue  de  bœuf  à  Tétouffée. 

On  arrive  à  faire  ce  plat  par  les  moyens  suivants  : 

Vous  prenez  une  langue  de  bœuf  que  vous  faites  mariner 
trois  jours  dans  la  même  marinade  que  celle  indiquée  déjà  pour 
le  lièvre  ;  au  bout  de  ce  temps  vous  la  retirez,  vous  Tégouttez, 
vous  la  piquez  de  lard  très-fin,  puis  vous  U  faites  cuire  à 
TétoufFée  comme  le  lièvre,  avec  des  oignons  et  des  pommes  de 
terre. 

Ajoutons  à  la  langue  à  TétoufFée  un  des  mets  les  plus  appré- 
ciés des  Espagnols ,  la  Poule  en  pépitoria. 

On  coupe  la  poule  en  quatre,  on  la  fait  roussir  dans  la 
friture  bien  chaude,  on  met  ensuite  le  tout,  poule  et  saindoux, 
dans  une  casserole,  on  ajoute  de  Teau,  du  sel,  une  feuille  de 
laurier  ;  on  le  laisse  bien  cuire  ;  puis  on  pile  dans  un  mortier 
trois  jaunes  d'œufs  durs,  un  peu  de  mie  de  pain,  du  persil,  et 
on  mêle  le  tout  ensemble  de  façon  à  former  une  sauce  épaisse, 
on  le  fait  cuire  avec  la  poule,  et  Ton  sert  le  plus  chaud  possible. 

Il  est  possible  qu'on  échappe  dans  un  diner  bourgeois  donné 
par  des  Catalans  à  la  poule  pépitoria,  mais  on  n'échappera  pas  à 
coup  sûr  au  poulet  aux  tomates  et  aux  piments. 

m 

Supposez  que  vous  vouliez  régaler  vos  amis  de  cet  entremets     • 
exotique. 

Vous  faites  frire  le  poulet  dans  le  saindoux,  comme  il  est  dit 
pour  la  poule  en  pépitoria,  puis  vous  enlevez  les  morceaux  quand 
ils  sont  frits  dans  la  poêle,  puis  dans  la  graisse  bouillante  vous 
jetez  les  tomates  et  les  piments  épluchés  et  déjà  rôtis  sur  les 
braises,  enfin  vous  remettez  le  poulet  avec  les  piments  et  les 
tomates  et  faites  frire  le  tout  ensemble  jusqu'à  entière  cuisson. 

Voici  ce  que  Ton  appelle  une  omelette  de  famille. 

Vous  faites  cuire  une  douzaine  de  pommes  de  terre  en  robe 
de  chambre  avec  du  sel,  vous  les  épluchez  et  vous  les  pilez  dans 
un  mortier  ;  puis  on  casse  six  œufs,  on  ajoute  du  sel,  du  poivre, 


CUISINE.  4^ 


on  les  mêle  bien  avec  les  pommes  de  terre  et  on  verse  le  tout 
dans  la  poêle  pour  être  cuit  à  petit  feu  afin  que  l'omelette  ne 
tienne  pas  au  fond  du  récipient- 

On  la  sert  accompagnée  d'une  sauce  au  pauvre  homme. 

Il  n'y  a  pas  de  charcutiers  en  Espagne  ;  le  sang  de  cochon 
avec  lequel  nous  faisons  le  boudin  se  garde  dans  de  gros  intestins 
bouilli  avec  du  riz  et  des  oignons,  puis  on  le  garde  ainsi  jusqu'à 
ce  qu'on  l'utilise,  soit  en  le  coupant  par  tranches  et  en  le  faisant 
frire,  soit  en  le  faisant  bouillir  dans  la  soupe,  ou  cuire  sous  les 
cendres  comme  des  pommes  de  terre. 

Tout  le  reste  du  porc  est  salé  et  se  vend  chez  des  marchands 
de  salaison  qui  sont  presque  tous  de  l'Estramadure. 

La  charcuterie  qui  peut  se  rapprocher  le  plus  de  la  charcu- 
terie française  se  fait  dans  les  maisons. 

Une  ordonnance  qui  défendait,  par  hygiène,  de  tuer  les 
cochons  depuis  le  premier  de  juin  jusqu'à  la  fin  d'août  est  cause 
de  ce  manque  d'industrie  publique  en  Espagne. 

Toute  maison  un  peu  régulière  tue  un,  deux  et  même  trois 
cochons  au  mois  de  décembre  pour  les  besoins  de  l'année. 

J'ai  connu  un  maître  de  maison,  à  Sérisi,  qui  tuait  à  cette 
époque  de  l'année  jusqu'à  dix-huit  cochons  pour  la  nourriture 
de  son  personnel. 

Un  des  principaux  comestibles  que  Ton  tire  du  cochon  est 
le  chorizo ,  c'est-à-dire  un  certain  saucisson  fait  de  viande  de 
porc,  de  viande  de  veau  hachée,  fortement  épicée ,  fumée,  et 
conservée  comme  le  jambon. 

Dans  les  maisons  réglées,  on  fait  autant  de  chorizos  qu'il  y 
a  de  jours  à  s'écouler,  et  le  jour  de  l'année  suivante  où  on  le 
tuera,  c'est-à-dire  que  Ton  fait  trois  cent  soixante-cinq  chorizos 
plus  une  cinquantaine  pour  les  jours  où  Ton  aura  des  invités. 

Quant  aux  jambons,  ceux  de  Bayonne  peuvent  nous  en 
donner  une  idée,  avec  cette  différence  que  les  jambons  de  Cata- 
logne atteignent  le  double  de  leur  grosseur;  ces  jambons  se 
fument  et  se  conservent  comme  les  nôtres. 

On  mange  ces  jambons  de  deux  façons. 

D'abord  à  la  minute,  et  ils  se  font  alors  cuire  ainsi  : 

On  coupe  le  jambon  par  tranches  pas  trop  minces,  puis  on 

3a 


498  CUISINE. 


le  fait  frire  dans  le  saindoux,  ayant  soin  de  ne  pas  trop  le  laisser 
se  dessécher  dans  la  poêle;  on  jette  alors  dans  la  friture  un 
verre  d'eau  dans  laquelle  on  a  mis  une  ou  deux  cuillerées  de 
vinaigre  suivant  sa  force,  et  deux  cuillerées  de  sucre  en  poudre, 
puis  on  fait  bouillir  le  tout  ensemble  jusqu'à  ce  que  la  sauce  soit 

liée. 

C'est,  à  mon  avis,  la  meilleure  manière  de  manger  le  jambon 
espagnol  quand  on  est  pressé;  j'invite  donc  les  voyageurs  à  de- 
mander du  jambon  à  la  minute  et  surtout  à  en  apprécier  la  sauce. 

Voici  maintenant  le  jambon  doux  qui  constitue  la  véritable 
charcuterie  particulière. 

Peu  de  noces  se  passent  en  Espagne  sans  le  fameux  plat  de 
jambon  doux. 

On  désosse  le  jambon,  puis  on  le  met  dessaler  dans  Teau 
bouillante  pendant  une  heure;  on  le  retire,  on  jette  Peau,  on 
égoutte  le  jambon,  on  le  fait  tremper  entièrement  dans  du  vin 
blanc,  on  laisse  réduire  à  moitié  et  on  ajoute  une  demi-livre  de 
sucre  par  litre  de  vin  ;  on  laisse  bouillir  le  tout  jusqu'à  ce  que  le 
jambon  soit  bien  cuit,  on  retire  la  viande,  on  jette  le  vin  dans 
dans  lequel  il  a  cuit,  à  moins  qu'on  ne  Pemploie  à  quelque  sauce; 
puis  vous  mettez  le  jambon  dans  un  moule  de  la  forme  que  vous 
voulez  lui  donner,  vous  le  pressez  ainsi  pendant  deux  jours  sous 
une  forte  presse,  cela  forme  une  pâte  compacte  et  très -serrée 
que  l'on  coupe  par  tranches  et  que  Ton  mange  comme  il  est. 

Le  mouton  est  très-apprécié  en  Espagne.  —  Un  proverbe 
dit  : 

Mange  du  mouton  pour  cher  qu'il  soit,  demeure  dans  la 
ville  pour  mal  que  tu  y  sois,  et  bois  de  Teau  de  rivière  si  trouble 
qu'elle  soit. 

11  se  mange  rôti,  en  côtelettes,  ou  en  ragoût,  avec  des  hari- 
cots, mais  toujours  poinçonné  de  beaucoup  d'ail. 

L'abondance  des  agneaux  et  leur  bon  marché  sont  tels 
qu'un  de  mes  amis ,  logeant  à  Carion  de  los  Condès ,  après  en 
avoir  mangé  pendant  tout  un  mois,  fut  obligé  de  quitter  le  pays 
pour  manger  autre  chose. 

Le  chevreau  passe  avant  l'agneau,  et  s'accommode  exacte- 
ment de  la  même  manière;  il  n'en  est  pas  plus  cher  pour  cela.  • 


CUISINE.  499 


Uagneau,  comme  nous  l'avons  dit,  est  en  telle  défaveur  que 
tout  berger  a  droit  de  prendre  trois  agneaux  par  mois  pour  sa 
nourriture,  pourvu  qu'il  rapporte  les  peaux  à  son  maître. 

Les  autres  petits  bénéfices  lui  viennent  des  voleurs  dont  il 
est  presque  toujours  l'espion,  quand  il  n'est  pas  voleur  lui- 
même. 

CONSEIL  GÉNÉRAL  DONNÉ  AUX  VOYAGEURS, 

Ne  demandez  jamais  de  renseignements  aux  bergers,  afin 
qu'ils  ne  sachent  pas  d'où  vous  venez  et  où  vous  allez. 

Un  des  grands  plaisirs  des  Espagnols ,  qui  ne  se  laissent  pas 
mourir  de  faim,  comme  on  le  voit,  est  de  goûter  dans  les  champs 
en  plein  air.  Ce  plaisir  ne  serait  pas  complet  si  Vépanada  man- 
quait. 

Disons  ce  que  c'est  que  l'épanada  et  de  quelle  manière  elle 
se  fait. 

Vous  prenez,  suivant  le  nombre  des  convives,  six  ou  huit 
livres  de  pâte  de  pain  prête  à  être  mise  au  four;  vous  l'emportez 
chez  vous  où  vous  la  travaillez  avec  du  saindoux  connu  sous  le 
nom  de  grapo ,  vous  en  trouvez  partout  en  Espagne  ;  il  peut, 
dans  certains  cas,  remplacer  le  beurre;  vous  en  formez  un  pâté 
rond ,  creux  au  milieu ,  que  Ton  enduit  partout  avec  des  œufs 
battus ,  pour  que  la  viande  qui  doit  y  entrer  ne  se  colle  pas  aux 
parois.  En  Castille,  l'épanada  se  fait  soit  avec  six  ou  huit  pigeons, 
et  c'est  alors  une  épanada  de  pigeons;  soit  avec  quatre  ou  cinq 
poulets,  et  c'est  une  épanada  de  poulets. 

On  en  fait  avec  du  porc,  avec  du  veau,  ou  toute  autre  espèce 
de  viande. 

En  Gallicie,  les  épanadas  se  font  en  poisson  au*  lieu  de  se 
faire  en  viande. 

La  viande  qui  doit  entrer  dans  la  confection  de  l'épanada 
est  frite  à  l'avance  ;  les  poissons  seulement  s'y  mettent  crus. 

Cette  viande,  placée  dans  la  cavité  qui  lui  est  ménagée,  est 
recouverte,  comme  nos  pâtés,  d'une  couche  de  la  même  pâte, 
puis  on  porte  ce  pâté  chez  le  boulanger  pour  être  mis  au  four, 
avec  une  marque  indiquant  le  nom  du  propriétaire,  les  boulan- 


joo  CUISINE. 


gers  ayant  parfois  à  faire  cuire  en  un  seul   jour  des  milliers 
d'épanadas. 

On  laisse  le  pâté  au  four  le  temps  suffisant  pour  cuire  la 
viande  qu'il  renferme,  on  paye  la  cuisson  ;  puis  chacun  part  avec 
son  épanada  pour  le  champ  de  la  fête. 

Arrivée  sur  le  terrain ,  chaque  famille  se  réunit  au  porteur 
de  répanada ,  qui  est  presque  toujours  la  servante,  et  qui  s'est 
munie  des  couverts  et  ustensiles  nécessaires  pour  le  repas;  elle 
porte  en  même  temps  les  fruits ,  le  vin,  toujours  dans  une  peau 
de  bouc  ;  enfin  tout  ce  qu'on  ne  veut  pas  acheter  aux  marchands 
qui  s'établissent  sur  le  champ  de  la  fête  pour  tout  le  temps  qu'elle 
dure. 

C'est  le  jour  de  saint  Jeidre  que  cette  fête  se  passe  à  Madrid. 

A  un  quart  de  lieue  de  la  ville,  et  sur  une  petite  côte,  s'élève 
la  chapelle  de  Saint-Jeidre  ;  toute  la  rampe  qui  conduit  à  cette 
chapelle  est  couverte  de  frituriers  et  de  marchands  de  vin,  desti- 
nés à  remplacer  les  lacunes  de  ceux  qui  n'ont  pas  pu  faire  pré- 
parer répanada  de  circonstance. 

La  colline  est  une  ruche  couverte  d'abeilles  ;  trente  ou  qua- 
rante mille  personnes  se  pressent  à  la  porte  de  la  chapelle  pour 
voir  le  saint,  se  bousculant,  se  poussant  et  s'engoufFrant  dans  la 
chapelle,  arrivent  à  voir  le. saint,  font  une  prière,  et  se  poussent 
dehors  comme  ils  se  sont  poussés  dedans. 

De  la  porte  de  la  chapelle,  on  domine  la  plaine,  où  deux 
cent  mille  personnes  assises,  faisant  leur  merienda,  c'est-à-dire 
leur  goûter,  présentent  le  spectacle  le  plus  curieux  qui  se  puisse 
voir,  celui  qui  sans  doute  a  donné  à  Cervantes  l'idée  de  ses  noces 
de  Gamache. 

Cette  fête  semble  le  reste  du  carnaval  romain  qui  mettait  les 
serviteurs  et  les  esclaves  au  niveau  des  maîtres;  les  serviteurs 
espagnols  oublient  ce  jour-là  leur  domesticité,  et  peuvent  se 
croire  autant  que  ceux  avec  lesquels  ils  sont  assis,  puisqu*ils 
mangent  la  même  nourriture  et  boivent  le  même  vin  à  la  même 
table. 

A  mesure  que  le  temps  s'écoule,  que  les  outres  se  vident,  on 
voit  les  groupes  s'amuser,  l'agitation  devient  de  la  confusion,  la 
confusion  du  tumulte,  et  il  est  bien  rare  que  ces  fètes  se  passent 


CUISSON. 


SOI 


sans  quelques  jolis  coups  de  couteau  et  sans  que  quelques  con- 
vives n'aient  payé  de  leur  vie  le  plaisir  de  faire  la  merienda  en 
famille. 

Je  donne  donc  au  voyageur  le  conseil  d'aller  voir  ce  spec- 
tacle fort  curieux,  mais  non  de  prendre  part  à  la  fête.  Qu'il  tâche 
surtout  d'y  aller  et  de  revenir  en  voiture,  car  le  pont  de  Tolède, 
même  en  plein  jour,  est  dangereux  ce  jour-là. 

Nous  serions  ingrats  envers  la  Catalogne,  si  nous  oubliions 
deux  de  ses  plats  nationaux. 

Le  longuet  et  les  ragoûts  aux  pruneaux. 

Le  longuet  se  fait  avec  de  petits  pains  longs  particuliers  à 
la  Catalogne;  on  les  fait  bouillir  dans  du  lait,  on  en  ôte  la  mie, 
on  la  remplace  par  du  hachis  de  viande,  et  on  les  met  frire  dans 
la  graisse. 

La  France  farcit  aux  truffes,  la  Castille  aux  olives,  la  Ga- 
lice aux  châtaignes,  et  la  Catalogne  aux  pruneaux. 

Ainsi  le  fricandeau  s'apprête  comme  les  ragoûts  ordinaires; 
ils  ajoutent  seulement  des  pruneaux  qu'au  premier  coup  d'œil 
les  amateurs  prennent  pour  des  truffes. 

Le  même  étonnement  existe  pour  les  poulardes  et  dindons  ; 
à  travers  leur  peau  transparente,  apparaissent  des  taches  noires 
qui  font  venir  l'eau  à  la  bouche  des  gourmands  ;  prenez  garde, 
imprudents  convives,  ce  sont  des  prunes  sèches. 

CUISSON.  —  Temps  que  demandent  à  cuire,  avec  un  feu  de 
bois  ou  de  charbon,  les  aliments.  —  La  cuisson  des  viandes  est 
le  fondement  des  consommés  et  des  jus,  tout  aussi  bien  que  la 
cuisson  du  sucre  à  la  nappe,  à  la  plume,  au  caramel  ou  au  perlé 
est  celui  de  l'art  de  confire. 


Bœuf,  pesant  lo  kilos,  quatre  heures 

de  cuisson. 

—  —      5  kilos,  deux  heures  et 

degiie. 

—  —      3  kilos,  deux  heures. 
Veau,      —      $  kilos,  trois  heures  et 

demie. 

—  —     2  kilos,  deux  heures. 
Mouton,  pesant  5  kilos,  deux  heures. 

—  —      3  kilos,  une  heure  et 

demie. 


Mouton,  pesant  2  kilos,  une  heure. 
Porc  frais,   pesant  4  kilos,    quatre 

heures. 

—  —      2  kil.,  une  heure. 

trois  quarts. 
Jambon,  une  demi-heure  par  livre. 
Cochon  de  lait,  deux  heures  et  demie. 
Venaison,  pesant  $  kilos,  deux  heures 

et  demie. 

—  "^      3  kilos,  une  heure 

et  demie. 


502 


Curaçao. 


Venaison,  pesant  a  kilos,  une  heure. 
Agneau,  selle  ou  gros  quartier,  deux 
heures. 

—  quartier  ou  gigot,  une  heure. 
Dindon  farci,  deux  heures. 

—  moyen,  une  heure  un  quart. 
Dindonneau,    une    heure,    toujours 

enveloppé  de  papier. 
Chapon,  une  heure. 
Poularde,  une  heure  un  quart. 
Poulet  gras,  trois  quarts  d'heure. 

—  à  la  reine,  une  demi-heure. 
Coq  vierge,  vingt-cinq  minutes. 
Pintade,  trois  quarts  d'heure . 
Paonneau,  une  heure. 

Oie  grasse,  une  heure  un  quart. 
Oison,  trois  quarts  d'heure. 
Canard,  trois  quarts  d'heure. 
Caneton,  vingt-cinq  minutes. 
Albran,  yitigt  minutes. 
Pigeon,  une  demi-heure. 
Pigeonneau,  vingt  minutes. 
Lièvre,  une  heure  et  demie. 
Levraut,  trois  quarts  d'heure. 
Lapin,  trois  quarts  d'heure. 
Lapereau,  vingt-cinq  minutes. 
Faisan,  trois  quarts  d'heure. 
Poule  faisane,  quarante  minutes. 
Faisandeau,  vingt-cinq  minutes.  * 


Perdreau  rouge,  une  demi-heure. 
—       gris,  vingt-cinq  minutes. 

Bartavelle,  vingt-cinq  minutes. 

Outarde,  une  heure  un  quart. 

Oie  sauvage,  une  heure. 

Coq  des  bois,  une  heure. 
—  de  bruyère,  une  heure  un  quart. 

Poule        —         trois  quarts  d'heure. 

Gelinotte,  une  demi-heure. 

Bécasse,  une  demi-heure. 

Bécassine,  vingt  minutes. 

Bécasseaux,  un  quart  d'heure. 

Pluvier  doré,  vingt  minutes. 

Rouge  de  rivière,  vingt-cinq  minutes. 

Poule  d'eau,  vingt  minutes. 

Sarcelle,  un  quart  d'heure. 

Macreuse,  vingt-cinq  minutes. 

Râle  de  genêt,  une  demi-heure. 

Caille,  vingt  minutes. 
:   Engoulevent,  vingt  minutes. 
]  Mauviette,  vingt  minutes. 

Grive,  vingt  minutes. 

Ortolan,  un  quart  d'heure 

Bec-figue,  un  quart  d'heure. 

Merle  de  Corse,  vingt  minutes. 

Guignard,  un  quart  d'heure. 
Bécot,  dix  minutes  au  plus. 
Rouge-gorge,  dix  minutes. 


CURAÇAO.  —  On  nomme  curaçao  une  espèce  d'orange 
dont  on  tire  une  liqueur  qui  porte  le  même  nom  qu'elle,  et  dont 
les  zestes  desséchés  nous  arrivent  par  la  Hollande;  on  distille 
ses  écorces  avec  de  Talcool,  on  en  mêle  l'esprit  avec  du  sirop. 
Cette  écorce  est  d'un  goût  amer  et  charmant.  On  la  lave,  on 
régoutte,  on  la  laisse  infuser  dans  1/4  d'eau  et  3/4  d'alcool, 
quinze  jours.  On  égoutte  sur  tamis,  on  mêle  à  un  fort  sirop  et 
on  filtre. 

N.-B.  —  Agitez  de  temps  à  autre  votre  réceptacle  pendant 
l'infusion. 

Cette  opération,  simple  en  théorie,  est  d'une  pratique  sca- 
breuse. Le  plus  sûr  est  d'acheter  son  curaçao  tout  préparé. 

C'est  chez  Foking,  à  Amsterdam  que  se  vend  le  meilleur 
curaçao  ;  quelque  soin  que  l'on  donne  à  cette  liqueur,  à  Bor- 


CYGNE.  yoj 

deaux,  elle  n'atteint  pas  le  degré  de  perfection  de  sa  rivale. 

CYGNE,  PÂTÉ  DE  CYGNE.  —  Les  cygnes  qui  pour  plu- 
sieurs naturalistes,  rentrent  dans  le  genre  canard,  forment  au 
contraire  dans  la  classification  de  Cuvier,  un  genre  distinct  de 
l'ordre  des  Palmipèdes;  de  tous  les  oiseaux,  le  cygne  est  celui 
dont  le  cou  se  compose  d'un  plus  grand  nombre  de  vertèbres,  il 
en  a  vingt-trois,  les  dorsales  sont  au  nombre  de  onze,  il  en  a 
quatorze  sacrales  et  trois  codâtes. 

Le  cygne  domestique  a  une  élégance  de  forme  quf  ne  per- 
met pas  de  le  confondre  avec  l'oie  et  le  canard,  qu'il  touche  cepen- 
dant de  si  près;  une  seule  anomalie  signale  le  cygne  aux  yeux 
ou  plutôt  aux  oreilles  des  ornithologistes,  c'est  que  les  natura- 
listes aient  appliqué  à  cet  animal  le  nom  de  cygnus  musicus. 
Or,  quiconque  a  entendu  ce  fameux  chant  du  cygne,  avouera 
que  c'est  le  cri  le  plus  désagréable  qu'il  ait  jamais  ouï.  — 
Le  chant  du  cygne  est  une  locution  qu'il  faut  accepter  à  cause 
de  sa  poésie,  et  non  à  cause  de  sa  vérité;  ce  qui  a  maintenu  le 
cygne  dans  sa  position  de  virtuose,  c'est  l'admirable  rôle  qu'il 
joue  dans  tout  le  Lohengrin;  mais  au  point  de  vue  de  la  cuisine, 
tout  cela  n'aurait  pas  pu  lui  constituer  une  position,  si  la  chair 
du  jeune  cygne,  et  surtout  du  cygne  sauvage,  n'était  pas  plus 
tendre  et  plus  savoureuse  que  celle  de  nos  meilleures  palmi- 
pèdes; on  en  feit  des  pâtés  à  la  manière  des  pâtés  d'Amiens. 


D 


DAIM.  —  Quadrupède  de  Tordre  des  ruminants  et  de  la 
famille  des  cerfs.  Oh  regarde,  avec  raison,  la  chair  de  cet  ani- 
mal comme  un  excellent  aliment. 

Le  daim  est  trop  connu  pour  qu'il  soit  besoin  de  le  décrire 
ici.  Nous  ne  faisons  pas  d'ailleurs  un  cours  d'histoire  naturelle. 
Nous  dirons  seulement  que  la  chair  du  daim,  comme  celle  du 
chevreau,  est  meilleure  quand  il  a  été  tué  étant  en  exercice. 

Les  parties  du  daim  les  plus  estimées  sont  le  train  et  les 
pieds  de  derrière,  parce  qu'elles  sont  les  plus  charnues;  la  cer- 
velle est  aussi,  d'après  Redi,  qui  dit  en  avoir  mangé  avec  du 
lard,  un  morceau  fort  délicat. 

On  doit  choisir  le  daim  jeune,  tendre,  gras  et  bien  nourri;  sa 
chair  produit  un  bon  suc  et  nourrit  beaucoup.  Quand  il  est  trop 
vieux,  elle  est  dure  et  difficile  à  digérer. 

Quartier  de  derrière  du  daim,  (Mode  anglaise.)  —  Lorsque 
vous  aurez  un  'quartier  de  daim  bien  gras,  c'est-à-dire  couvert 
de  graisse,  tel  que  peut  l'être  un  gigot  de  mouton,  désossez-en  le 
quasi,  battez-le  bien,  saupoudrez  le  dessus  d'un  peu  de  sel  fin, 
faites  une  pâte  avec  trois  litrons  de  farine,  dans  laquelle  vous 
mettrez  une  demi-once  de  sel,  six  œufs  entiers  et  un  peu  d'eau 
seulement  pour  que  votre  pâte  soit  extrêmement  ferme;  envelop- 
pez-la dans  un  linge  blanc  et  humide,  laissez-la  reposer  une 
heure  ;  après  abaissez-la  bien  également  en  lui  donnant  l'épais- 
seur d'une  pièce  de  six  livres,  embrochez  votre  venaison,  enve- 


DARIOLE.  505 


loppez-la  entièrement  de  votre  abaisse  de  pâte,  pour  cela  elle 
doit  être  d'un  seul  morceau,  soudez-la  en  mouillant  les  bords, 
et  les  joignant  l'un  sur  l'autre  ;  enveloppez  le  tout  de  fort  papier 
beurré,  puis  faites  cuire  à  un  feu  bien  égal  environ  trois  heures; 
la  cuisson  faite,  ôtez  le  papier,  faites  prendre  belle  couleur  à  la 
pâte,  débrochez-la,  servez-la  en  joignant  une  saucière  de  gelée 
de  groseilles  qu'on  appelle  en  anglais  :  Corinthe  gelée.  (Recette 
de  M.  Beauvilliers.) 

Daim  rôti  à  la  broche.  —  Lardez-le  de  gros  lard  assaisonné 
de  sel,  poivre,  clous  de  girofle,  mettez-le  tremper  dans  le 
vinaigre  avec  laurier,  sel,  tranches  d'oignons  et  de  citron, 
faites-le  rôtir  à  petit  feu  en  l'arrosant  de  sa  marinade.  Faites 
ensuite  une  sauce  avec  anchois,  échalotes  hachées,  citron  vert  et 
farine  frite,  liez  le  tout  avec  un  coulis  et  versez  sur  votre  quar- 
tier de  daim. 

DALLE  OU  DARNE.  —  On  donne  ce  nom  â  une  tranche 
de  saumon,  de  cabillaud,  de  bar,  etc. 

DAMPINARD  (fromage  de).  —  Ces  fromages  d'une  ferme 
de  l'Aisne  sont  faits  avec  du  lait  de  chèvre  en  forme  de  boules 
de  8  centimètres  de  diamètre.  Ils  sont  estimés  des  connaisseurs. 

DARIOLE.  —  Pâtisserie  d'entremets;  voici  la  manière  de 
les  faire  : 

Faites  une  abaisse  de  pâte  brisée,  de  l'épaisseur  d'un  cen- 
timètre. Coupez-la  avec  un  coupe-pâte  assez  grand  pour  que  vos 
abaisses  débordent  les  moules  de  vos  darioles,  et  vous  leur  don- 
nez avec  la  pointe  d'un  couteau,  la  forme  qu'elles  doivent  avoir; 
posez-les  dans  les  moules  beurrés  d'avance,  rognez  la  pâte  qui 
déborde  des  moules,  mettez  dans  une  casserole  pour  la  quantité 
d^  darioles  que  vous  voulez  faire,  une  ou  deux  cuillerées  à  bouche 
de  farine,  huit  ou  dix  macarons  bien  écrasés,  du  sel,  de  la  fleur 
d'orange  et  des  jaunes  d'œufs  crus,  vous  délayez  le  tout  avec  un 
bon  verre  de  crème,  versez  cette  composition,  après  l'avoir  bien 
remuée  dans  vos  moules  et  faites-les  cuire  au  four;  leur  cuisson 
achevée,  retirez-les  des  moules^  dressez- les  sur  un  plat,  saupou- 
drez-les de  sucre  fin  et  servez-les  le  plus  chaudement   possible. 

Darioles  à  la  duchesse.  —  Vous  opérez  comme  ci-dessus  en 
ajoutant  à  votre  pâte  de  la  fleur  d'oranger  praliné,  un  zeste  de 


5o6  DEGUSTATION. 


citron,  une  pleine  cuillerée  de  raisins  de  Corinthe,  une  forte 
pincée  d'angélique  hachée  et  quelques  merises  coniites  au  sec, 
vous  les  mettez  de  même  dans  des  moules  et  faites  cuire  comme 
ci-dessus. 

Barioles  au  Moka.  —  Vous  faites*  bouillir  de  la  crème 
double,  la  quantité  que  vous  voulez  et  vous  jetez  dans  cette  crème 
trois  onces  de  café  Moka  que  vous  avez  fait  bouillir  jusqu'à 
légère  coloration  ;  vous  faites  infuser  un  quart  d*heure,  vous 
passez  votre  crème  et«vous  procédez,  pour  le  reste,  comme  il  est 
indiqué  pour  les  darioles  ci-dessus. 

Les  darioles  au  chocolat,  au  rhum,  au  thé  se  font  de  la 
même  manière;  celles  au  fromage  de  Brie  se  nomment  Talmouses, 
(V.  Talmouses.) 

DATTES.  — On  donne  ce  nom  au  fruit  du  dattier  commun. 
Les  meilleures  dattes  nous  viennent  d'Afrique,  c'est  la  principale 
nourriture  des  Arabes,  et  en  France  on  les  voit  rarement  sur  les 
tables,  et  Ton  ne  s'en  sert  guère  que  pour  faire  des  sirops  ou  con- 
fitures. 

Ce  fruit  doit  être  mangé  bien  mûr  et  bien  frais,  autrement  il 
occasionne  des  indigestions  et  des  maladies  de  la  peau;  Pline 
rapporte  que  plusieurs  soldats  d'Alexandre  moururent  pour 
avoir  mangé  avec  excès  des  dattes  trop  vertes.  Il  contient  un 
noyau  très-dur  que  Ton  fait  broyer  et  macérer  et  que  l'on  donne 
à  manger  aux  chameaux  et  aux  moutons. 

DAUBE.  —  C'est  la  préparation  à  chaud  ou  à  froid  d'un 
aliment  gras  et  charnu,  les  substances  les  mieux  appropriées 
pour  être  mises  en  daube  sont  ordinairement  :  la  noix  de  bœuf 
et  le  filet  d'aloyau,  le  gigot  de  mouton,  le  carré  de  porc  frais  et 
les  grosses  volailles. 

DAUPHIN.  —  Mammifère  de  Tordre  des  cétacés  et  de  la 
famille  des  souffleurs.  J'ai  dans  mes  voyages  mangé  du  foie  et  de 
la  langue  de  dauphin  qui  est  un  met  d'honneur.  La  chair  a  le 
goût  du  thon  et  une  forte  odeur  de  marée  :  elle  est  indi- 
geste. 

DAUPHIN  (fromage).  —  Fromage  flamand  qu'on  mange 
très-fait  et  qui  excite  à  boire. 

DÉGUSTATION.  —  Action  d'apprécier,  par  le  moyen  de 


DINDON.  507 


la  langue  et  non  du  palais  comme  on  le  dit  à  tort,  la  saveur 
propre  aux  aliments.  Un  fin  dégustateur  est  rare. 

DEJEUNER.  —  A  la  lettre  :  repas  qui  rompt  le  jeûne. 
C'est  le  repas  du  matin  ou  celui  |de  midi.  Ce  dernier  doit  être 
servi  sans  nappe  et  sans  étiquette  rigoureuse. 

DELESSERIA.  —  Genre  de  la  famille  des  Algues  et  de 
Tordre  des  cryptogames.  Les  Écossais  en  mangent,  cuite  dans  du 
lait  ou  du  bouillon. 

DEMI-BEC.  —  Genre  de  poisson  osseux,  à  chair  huileuse* 
lourde  à  digérer. 

DENTS.  —  La  mâchoire  humaine  est  meublée  de  trente- 
deux  dents  ou  moins.  Celles  de  devant  tranchent  et  celles  des 
côtés  broient  les  aliments.  L'absence  des  dents  rend  la  digestion 
difficile  à  cause  de  l'insuffisante  trituration  des  aliments,  de  là 
des  spasmes,  des  crampes,  etc. 

.DESSERT.  —  Dernière  partie  du  diner,  composée  d'ali- 
ments légers. 

Un  dessert  bien  ordonné  doit  charmer  les  yeux  autant  que 
le  goût  des  convives.  Soignez  dont  l'arrangement  des  assiettes  et 
l'harmonie  générale  des  pièces. 

DIABLOTINS.  —  On  donne  ce  nom  à  différentes  choses; 
c'est  d'abord  un  plat  d'entremets  qui  n'est  autre  chose  que  de  la 
crème  aux  œufs  qu'on  a  partagée,  refroidie  et  fait  frire;  c'est 
ensuite  une  sorte  de  petites  dragées  napolitaines.  (V.  Dragées.) 
Enfin,  on  donne  ce  nom  à  des  bonbons  de  chocolat  enveloppés 
d'une  papillotte. 

DIGESTION.  —  Fonction  qui  consiste  dans  la  transforma- 
tion des  substances  alimentaires,  introduites  dans  l'estomac,  en 
matières  assimilables. 

DINDE.  —  (V.  Dindon.) 

DINDON.  —  En  ornithologie  on  dit  un  dindon  et  une 
dinde  pour  désigner  le  mâle  et  la  femelle  de  ces  animaux.  En 
cuisine  on  dit  généralement  un  dinde  du  mâle  et  de  la  femelle. 

La  femelle  est  toujours  plus  petite  et  plus  délicate  que  le 
mâle.  Les  dindons  étaient  connus  des  Grecs,  qui  les  appelaient 
des  MéléagrideSy  parce  que  ce  fut  Méléagre,  roi  de  Macédoine, 
qui  les  apporta  en  Grèce  l'an  du  monde  3,559. 


5o8  DINDON. 


Quelques  savants  ont  contesté  ce  fait,  et  ont  dit -que  c'était 
des  pintades;  mais  Pline  (livre  37,  chap.  II)  décrit  le  dindon  à 
ne  pouvoir  s'y  méprendre.  Sophocle,  dans  une  de  ses  tragédies 
perdues,  introduisait  un  chœur  de  dindons  qui  pleuraient  sur 
la  mort  de  Méléagre. 

Les  Romains  professaient  une  estime  particulière  pour  les 
dindons  :  ils  les  élevaient  dans  leurs  métairies.  Comment  dispa- 
rurent-ils? quelle  épidémie  les  enleva!  c'est  ce  que  l'histoire  ne 
nous  apprend  point.  Seulement  ils  devinrent  si  rares  qu'on  finit 
par  les  mettre  en  cage,  comme  on  y  met  aujourd'hui  les  perro- 
quets. 

En  1432,  les  vaisseaux  de  Jacques  Cœur,  qui  commença  par 
être  un  des  premiers  négociants  du  monde  et  qui. finit  par  être 
argentier  et  maître  d'artillerie  du  roi  Charles  VII,  en  1432,  disons- 
nous,  les  vaisseaux  de  Jacques  Cœur  rapportèrent  les  premiers 
dindons  de  l'Inde.  Nous  ne  devons  donc  point  ce  précieux -oiseau 
aux  jésuites,  comme  la  croyance  en  est  vulgairement  répandue, 
puisque  Tordre  des  jésuites  ne  fut  fondé  par  Ignace  de  Loyola 
qu'en  1534  et  ne  fut  approuvé  par  le  pape  Paul  III  qu'en  1540. 

Cette  croyance  que  les  sectateurs  de  Loyola  ont  importé  le 
dindon  d'Amérique,  fait  que  quelques  mauvais  plaisants  ont  pris 
l'habitude  d'appeler  les  dindons  des  jésuites.  Les  dindons  ont 
exactement  le  même  droit  de  se  fâcher  de  ce  changement  de 
nom,  que  l'auraient  les  jésuites  si  on  les  appelait  des  dindons. 

Notre  avis  n'est  donc  pas  celui  de  la  plupart  des  savants  qui 
disent  que  le  dindon  vient  d'Amérique.  L'Amérique,  découverte 
en  1492  par  Christophe  Colomb,  ne  pouvait  en  1450,  c'est-à-dire 
quarante-deux  ans  auparavant,  approvisionner  les  vaisseaux  de 
Jacques  Cœur,  quoique  la  devise  de  celui-ci  fut  :  —  A  vaillant 
cœur,  rien  d'impossible. — Son  nom  de  poule  d'Inde,  d'où  dérive 
le  mot  dindon,  paraîtrait  plus  naturel  d'ailleurs,  venant  de  l'Inde 
que  venant  d'Amérique,  quoique  l'on  prît  à  cette  époque  l'habi- 
tude d'appeler  l'Amérique  l'Inde  occidentale. 

Aujourd'hui  on  trouve  en  Amérique,  et  surtout  chez  les 
Illinois,  le  dindon  à  l'état  sauvage.  Brillât-Savarin,  dans  sa 
physiologie  du  goût,  se  fait  le  héros  d'une  chasse  où  il  eut  le 
bonheur  de  tuer  un  dindon.  Un  chasseur  canadien  m'a  assuré 


DINDON.  509 


avoir  tué  un  de  ces  animaux  qui  pesait  près  de  cinquante  livres. 

Quoique  la  chair  du  dindon,  surtout  froide,  soit  excellente, 
pleine  de  sapidité  et  préférable  à  celle  du  poulet,  il  y  a  des 
gourmets  qui  n'en  mangent  absolument  que  les  sot-Vy-laisse , 
étymologie  :  sot  qui  le  laisse. 

Un  jour  Grimod  de  la  Reynière,  oncle  du  célèbre  comte 
d'Orsay,  qui,  pendant  vingt  ans  a  donné  la  mode  à  la  France  et 
à  l'Angleterre,  un  jour  Grimod  de  la  Reynière  étant,  dans  une 
tournée  financière,  surpris  par  la  nuit  ou  par  le  mauvais  temps, 
ou  par  un  de  ces  obstacles  insurmontables  enfin  qui  forcent  un 
épicurien  à  s'arrêter  dans  une  auberge  de  village,  demande  à 
l'hôte  ce  qu'il  peut  lui  donner  pour  souper. 

Celui-ci  lui  avoue  avec  honte  et  regret  que  son  garde-manger 
est  complètement  vide. 

Un  grand  feu  qui  brille  à  travers  les  carreaux  d'une  porte 
vitrée,  qui  n'est  autre  que  celle  de  la  cuisine,  attire  les  regards 
de  l'illustre  gourmand,  qui  voit  avec  étonnement  sept  dindes 
tournant  à  la  même  broche. 

«  Comment  osez-vous  me  dire  que  vous  n'avez  rien  à  me 
donner  à  souper,  exclame  Grimod  de  la  Reynière,  quand  je  vois 
à  la  même  broche  sept  magnifiques  dindes,  arrivées  à  leur  degré 
de  cuisson  ? 

—  C'est  vrai,  monsieur,  lui  répondit  l'hôte,  mais  elles  sont 
retenues  par  un  monsieur  de  Paris  qui  est  arrivé  avant  vous. 

—  Et  ce  monsieur  est  seul  ? 

—  Tout  seul. 

—  Mais  c'est  donc  un  géant  que  ce  voyageur? 

—  Non,  monsieur,  il  n'est  guère  plus  grand  que  vous. 

—  Oh  !  oh  !  dites-moi  le  numéro  de  la  chambre  de  ce 
gaillard-là,  et  je  serai  bien  maladroit,  s'il  ne  me  cède  pas  une  de 
ses  sept  dindes.  » 

Grimod  de  la  Reynière  se  fait  éclairer  et  conduire  à  la 
chambre  du  voyageur,  qu'il  trouve  près  d'une  table  dressée,  assis 
devant  un  excellent  feu  et  aiguisant  l'un  sur  l'autre  deux  cou- 
teaux à  découper. 

<c  Et  pardieu  !  je  ne  me  trompe  pas,  s'écrie  Grimod  de  la 
Reynière,  c'est  vous,  monsieur  mon  fils  ! 


5IO  DINDON. 


—  Oui,  mon  père,  répondit  le  jeune  homme  en  saluant 
respectueusement. 

—  C'est  vous  qui  vous  faites  embrocher  sept  dindes  pour 
votre  souper  > 

—  Monsieur,  lui  répondit  l'aimable  jeune  homme,  je 
comprends  que  vous  soyez  péniblement  affecté  de  me  voir  mani- 
fester des  sentiments  si  vulgaires  et  si  peu  conformes  à  la  distinc- 
tion de  ma  naissance,  mais  je  n'avais  pas  le  choix  des  aliments, 
il  n'y  avait  que  cela  dans  la  maison. 

—  Pardieu  !  je  ne  vous  reproche  pas  de  manger  de  la  dinde, 
à  défaut  de  poulardes  ou  de  feisan  ;  en  voyage  on  est  bien  obligé 
de  manger  ce  qu'on  trouve,  mais  je  vous  reproche  de  faire  mettre 
pour  vous  seul  sept  dindes  à  la  broche. 

—  Monsieur,  je  vous  ai  toujours  entendu  dire  à  vos  amis, 
qu'il  n'y  avait  réellement  de  bon,  dans  le  dindon  non  truffé  ;  que 
les  sot-Vy-laisse. 

—  J'ai  fait  mettre  sept  dindes  à  la  broche  pour  avoir  qua- 
torze sot'Vy-laisse. 

—  Ceci  répliqua  son  père,  obligé  de  rendre  hommage  à  l'in- 
telligence du  jeune  homme,  me  paraît  un  peu  dispendieux  pour 
un  garçon  de  dix-huit  ans,  mais  je  ne  saurais  dire  que  ce  soit 
déraisonnable.  » 

Avignon  a  été  de  tout  temps  une  ville  où  Ion  a  mangé  à  mer- 
veille, c'est  une  vieille  tradition  du  temps  où  Avignon  était  ville 
pontificale. 

Un  respectable  président  du  tribunal  de  cette  ville  appréciait 
les  qualités  du  dindon. 

Il  disait  un  jour  : 

«  Par  ma  foi,  nous  venons  de  manger  un  superbe  dinde,  il 
était  excellent,  bourré  de  truffes  jusqu'au  bec,  tendre  comme  une 
poularde,  gras  comme  un  ortolan,  parfumé  comme  une  grive. 
Nous  n'en  avons,  ma  foi,  laissé  que  les  os. 

—  Combien  étiez-vous  ?  demanda  un  curieux. 

—  Nous  étions  deux,  monsieur  !  répondit-il. 

—  Deux?... 

—  Oui.  Le  dinde  et  moi.  » 

Louis  XV  voulant  un  jour  visiter  la  ménagerie  de  Versailles, 


DINDON.  511 


prit  le  chemin  de  Saint-Hubert  pour  s'y  rendre,  mais  il  fut  arrêté 
en  rgute  par  un  groupe  de  dindons  qui  lui  barrait  le  passage. 
Ces  dindons  étaient  ceux  de  la  ménagerie  qui  sans  doute  s'étaient 
échappés. 

«  Qui  est-ce,  dit  le  roi,  qui  est  chargé  de  cette  volaille? 

—  Sire,  c'est  le  capitaine  La  Roche,  lui  répondit-on. 

—  Eh  bien,  allez  dire  au  capitaine  La  Roche  que  s'il  lui 
arrive  encore  de  laisser  échapper  ses  dindons,  je  le  casserai  à  la 
tête  de  sa  compagnie  de  volailles.  » 

La  couleur  rouge  a  la  faculté  d'exciter  la  colère  du  dindon , 
comme  celle  du  taureau  ;  il  s'élance  alors  sur  celui  qui  la  porte 
et  l'attaque  à  coups  de  bec.  C'est  ce  qui  fut  cause  de  Taccident 
arrivé  à  l'illustre  Boileau. 

Boileau  étant  encore  enfant,  jouait  dans  une  cour  où  se 
trouvait  entre  autres  volailles  un  dindon  ;  tout  à  coup  l'enfant 
tombe,  sa  jaquette  se  retrousse  et  le  dindon  qui  aperçoit  la  cou- 
leur abhorrée,  se  jette  dessus  et,  à  force  de  coups  de  bec,  meur- 
trit le  pauvre  Nicolas  de  telle  sorte  que  celui-ci,  ne  pouvant  plus 
jamais  devenir  un  poëte  erotique,  prit  par  la  suite  le  parti  d'être 
un  poëte  satirique  et  de  médire  des  femmes. 

Le  poëte  fut  incommodé  toute  sa  \ie.  C'est 'là  sans  doute 
la  cause  de  l'aversion  secrète  qu'il  eut  toujours  c!ontre  les  jésuites 
qu'il  croyait ,  d'après  l'opinion  la  plus  commune ,  les  intro- 
ducteurs du  dindon  en  France. 

Dinde  auy  truffes,  —  (Recette  de  Courchamps.)  —  Ayez 
une  jeune  et  belle  poule  d'Inde,  bien  grasse  et  bien  blanche  ; 
épluchez-la,  flambez-la,  videz-la  par  la  poche,  prenez  garde 
d'en  crever  l'amer  et  d'en  offenser  les  intestins  ;  si  ce .  malheur- 
là  vous  arrivait,  passez- lui  de  l'eau  dans  le  corps;  ayez 
quatre  livres  de  truffes,  épluchez-les  avec  soin,  supprimez  celles 
qui  seraient  musquées,  et  hachez  une  poignée  des  plus  défec- 
tueuses (pour  la  forme)  ;  pilez  une  livre  de  lard  gras  ;  mettez-le 
dans  une  casserole  avec  vos  truffes  hachées  et  celles  qui  sont 
entières  ;  assaisonnez-les  de  sel,  gros  poivre,  fines  épices  et  une 
feuille  de  laurier  ;  passez  le  tout  sur  un  feu  doux,  laissez-le  mijoter 
pendant  trois  quarts  d'heure  et  puis  retirez  vos  truffes  du  {qw  ; 
remuez-les  bien,  et  remplissez-en  le  corps  de  votre  dinde  j  usqu'au 


512  DINDON. 


jabot;  cousez-en  les  peaux,  afin  d'y  faire  tenir  les  truffes  ;  bridez- 
la  et  laissez-la  se  parfumer  pendant  trois  ou  quatre  jours,  .si  la 
saison  vous  le  permet;  au  bout  de  ce  temps,  mettez-la  à  la 
broche,  enveloppez-la  de  fort  papier,  faites-la  cuire  environ  deux 
heures,  et  puis  déballez-la  pour  lui  faire  prendre  une  belle  cou- 
leur. Servez-la  avec  une  sauce  faite  sur  son  jus  de  cuisson,  où 
vous  ajouterez  un  léger  hachis  des  mêmes  truffes. 

Briilat-Savarin  a  le  malheur,  ou  plutôt  commet  la  faute, 
dans  sa  physiologie  du  goût,  de  qualifier  la  dinde  aux  truffes  de 
rôti.  Cette  hérésie  culinaire  exaspère  M.  de  Courchamps,  le  vieil 
ami  des  Lauraguais  et  des  Ximenès,  qui  avait  été  des  petits 
soupers  de  Sophie  Arnould  et  du  maréchal  de  Richelieu.  Il  tance 
vertement  Briilat-Savarin  dans  les  quelques  lignes  suivantes,  où 
Ton  reconnaît  la  haine,  nous  dirons  presque  le  mépris,  que  la 
noblesse  d'épée  a  toujours  eu  pour  la  noblesse  de  robe. 

Aussi  au-dessous  de  la  recette  que  nous  venons  de  citer,  écrit- 
il  la  note  suivante  : 

«  Nous  n'avons  pas  besoin  d'avertir  qu'il  ne  faudra  la  donner 
que  pour  les  grosses' pièces,  au  premier  service.  Rien  n'est  si 
lourdement  bourgeois  et  si  Chaussée  d'Qântin  que  de  faire  sernr, 
ou  même  de  laisser  paraître  une  dinde  aux  truffes  en  guise  de 
plat  de  rôt  !  On  ne  comprend  pas  comment  l'auteur  de  la  Phy- 
siologie du  goût  a  pu  se  tromper  sur  un  pareil  article.  De  la  part 
de  M.  Briilat-Savarin,  c'est  l'effet  d'une  légèreté  singulière,  ou 
d'une  illusion  prodigieuse.  L'estime  qu'il  avait  méritée  sous 
d'autres  rapports  et  la  considération  de  son  ouvrage  en  ont  beau- 
coup souffert.  » 

Recette, de  la  dinde  aux  truffes ^  de  M,  le  marquis  de  Cussy, 
—  Vous  disposez  vos  truffes,  vous  les  passez  dans  du  lard  râpé, 
assaisonné  de  poivre,  sel,  quatre  épices;  vous  laissez  mijoter  les 
truffes  pendant  vingt  minutes ,  puis  vous  les  introduisez  dans 
l'intérieur  de  la  dinde  que  vous  venez  de  sacrifier  et  de  ^ider. 
Vous  la  laissez  pendue  par  les  pattes  dans  un  garde- manger 
frais,  et,  au  bout  de  trois  jours  après  l'avoir  plumée  et  flambée, 
vous  remplacez  les  premières  truffes  par  des  truffes  vierges, 
pareillement  préparées  et  disposées. 

M.  de  Cussy,  vous  le  voyez,  comme  Grimod  de  la  Reynière 


DINDON.  513 


neveut  pas  qu'on  plume  la  volaille  truffée,  a  Faites  donc  atten- 
tion, dit-il,  qu'en  ne  plumant  pas  l'animal,  tous  les  pores  restent 
fermés,  et  il  n'y  a  point  d'évaporation.  Les  truffes  chaudes  se 
combinent  avec  les  chairs  palpitantes,  et  l'infiltration  de  leurs 
parfums  est  plus  active,  plus  intense,  plus  universelle.  Mais 
dans  cette  combinaison,  les  truffes  perdent  ce  qu'elles  donnent.  » 
Dès  lors,  nous  avons  pensé  qu'il  fallait  les  remplacer  par  des  * 
truffes  vierges. 

Nous  reconnaissons  les  deux  recettes  pour  excellentes  ;  mais 
comme  tout  le  monde  ne  peut  pas  dépenser  40  francs  à  bourrer 
une  dinde  de  truffes,  nous  allons  donner  la  nôtre  : 

Faites  un  hachis  de  veau,  de  poulet,  de  perdrix,  si  vous  en 
avez,  ajoutez-y  un  quart  de  chair  à  saucisses;  faites  cuire  dans 
une  eau  bien  salée,  où  Vous  aurez  introduit  une  feuille  de  céleri, 
quinze  ou  vingt  beaux  marrons  de  Lyon  que  vous  pilerez  et  rédui- 
rez en  bouillie  avec  votre  hachis.  Joignez-y  un  bon  boudin  de 
table,  que  vous  hacherez  avec  le  reste  ;  mettez  un  bouquet  de 
persil  au  centre  de  cette  farce,  que  vous  introduirez  dans  le 
ventre  de  votre  dinde;   rétrécissez  autant  que  possible  l'orifice 
intérieur,  dans  lequel  vous  fourrerez  un  morceau  de  beurre  salé 
Qt  poivré  ;  mettez  votre  dinde  à  la  broche,  et  ne  l'en  retirez  que 
lorsque  jailliront  de  son  corps  comme  d'un  volcan,  de  petits  jets 
de  fumée  qui  indiqueront  qu'elle  est  cuite  à  point. 
Cette  dinde  pourra  s'appeler  :  Dinde  des  artistes. 
Surtout,  n'arrosez  jamais  vos  rôtis,  quels  qu'ils  soient,  qu'avec 
du  beurre  manié  de  sel  et  de  poivre.  Toute  cuisiiiière  ou  cuisi- 
nier qui  met  une  seule  goutte  de  bouillon  dans  sa  lèchefrite  mérite 
d'être  chassé  à  l'instant  et  mis  au  ban  de  la  France. 

Dinde  en  daube.  ^Recette  de  M.  Beauvilliers). —  Prenez  une 
vieille  dinde,  après  l'avoir  flambée  et  épluchée,  refaites-lui  les 
pattes,  videz-la  et  retroussez-la  en  poule  ;  coupez  de  gros  lardons, 
assaisonnez  de  sel  et  poivre,  épices  fines,  aromates  piles,  persil 
et  ciboules  hachés,  roulez  bien  les  lardons  dans  tout  cela,  lardez- 
en  votre  dinde  en  travers  et  en  totalité,  bridez-la,  enveloppez-la 
da.iis  un  morceau  d'étamine,  cousez-la  et  ficelez-la  des  deux 
l>outs,  foncez  une  braisière  de  la  grandeur  convenable  à  la  gros- 
ses r  de  votre  dinde  de  quelques  bardes  de  lard  et  de  débris  de 

33 


5H 


DINDON. 


veau,  de  quelques  lames  de  ;ambon  et  du  restant  de  vos  lardons; 
ajoutez  encore,  si  vous  le  voulez,  un  jarret  de  veau  ;  posez  votre 
dinde  sur  ce  fond,  assaisonnez-la  de  sel,  d'un  fort  bouquet  de 
persil  et  ciboules,  de  deux  gousses  d'ail  et  de  deux  feuilles  de 
laurier,  de  deux  ou  trois  carottes,  de  quatre  ou  cinq  oignons  doot 
un  piqué  de  trois  clous  de  girofle,  mouillez  votre  dinde  avec  du 
.bouillon  et  un  verre  de  bonne  eau-de-vie,  faites  en  sorte  qu'elle 
baigne  dans  son  mouillement;  couvrez-la  de  quelques  bardes  de 
lard  et  de  feuilles  de  papier  beurré,  faites-la  partir  et  couvrez 
votre  braisière  de  son  couvercle;  mettez-la  sur  la  paillasse  avec 
feu  dessus  et  dessous,  entourez-la  de  cendres  rouges,  laissez-la 
mijoter  ainsi  pendant  quatre  heures  ;  cependant  à  moitié  de  sa 
cuisson  découvrez  votre  dinde,  retournez-la,  goûtez  si  elle  est 
d'un  bon  sel,  et  ajoutez  au  cas  contraire,  ce  dont  elle  peut  avoir 
besoin.  Sa  cuisson  faite,  retirez-la  du  feu,  laissez-la  presque 
refroidir  dans  son  assaisonnement,  retirez-la  sur  un  plat,  ayez 
soin  de  la  laisser  égoutter,  passez  son  fond  au  travers  d'un  tamis 
de  soie,  clarifiez-le  de  même  que  l'aspic,  (V.  Sauces).  Laissez 
refroidir  votre  gelée,  déballez  votre  dinde,  dressez-la  et  gar- 
nissez-la de  cette  gelée.  (Observez  qu'on  peut  servir  cette  dinde 
chaude  avec  partie  de  son  fond  réduit.) 

Dinde  grasse  à  la  cardinale.  —  Prenez  une  petite  dinde 
bien  grasse,  flambez-la,  videz-la,  prenez  son  foie  et  coupez-le 
avec  truffes,  champignons  que  vous  mêlerez  bien  avec  lard  râpé, 
sel,  gros  poivre  ;  mettez  cette  farce  dans  le  corps  de  votre  dinde, 
détachez  la  peau  de  Testomac,  mettez-y  du  beurre  d'écrevisses  ; 
cousez  la  dinde,  troussez  les  pattes  en  long,  faites-la  cuire  à  la 
broche,  enveloppée  de  bardes  et  de  papier  beurré,  et  sen'ez-Ia 
avec  un  coulis  d'écrevisses. 

Dindon  en  ballon.  —  Prenez  un  bon  gros  dindon  qui  soit 
tendre,  levez-en  la  peau  en  prenant  garde  de  la  déchirer  et 
désossez  tout  le  reste.  Quand  toute  la  chair  est  ôtée  de  dessus  la 
peau,  mettez-la  dans  une  casserole,  avec  du  lard  pilé,  des  fines 
herbes  hachées  très-fin,  puis  dessus  une  couche  de  tous  les  filets 
de  dindon  coupés  très-minces  ;  ajoutez-y  des  fines  herbes,  un  peu 
d'ail,  des  champignons  coupés  en  tranches,  du  poivre  concassé, 
très-peu  de  sel,  couvrez  avec  une  couche  de  tranches  de  jambon 


DINDON.  515 


coupées  très-minces  et  continuez  ainsi  par  couches  en  alternant 
toujours  et  finissant  par  les  fines  herbes;  foncez  ensuite  une 
marmite  de  bardes  de  lard,  jetez  dessus  le  ballon  avec  quelques 
racines,  oignons,  champignons,  bouquet  garni  ;  mouillez  de  bon 
bouillon  et  faites  cuire  à  la  braise  ;  'retirez-le,  égouttez-le  bien 
et  servez  avec  une  bonne  essence. 

Vous  pouvez  aussi  garnir  le  tour  du  ballon  d'un  cordon  de 
choux-fieurs  cuits  dans  un  blanc  comme  à  Tordinaire  et  arrosés 
avec  la  sauce  de  votre  dindon. 

Dindon  à  la  crème,  —  Suivant  le  plat  que  vous  voulez  faire, 
vous  prenez  un  ou  deux  dindons  que  vous  habillez  et  faites  cuire 
à  la  broche  et  que  vous  laissez  refroidir.  Vous  faites  ensuite  une 
farce  avec  un  morceau  de  noix  de  veau,  un  morceau  de  lard 
blanchi  avec  de  la  graisse  de  bœuf,  une  tétine  de  veau,  quelques 
champignons,  persil,  ciboules,  fines  herbes,  fines  épices,  sel, 
poivre;  vous  faites  cuire  le  tout  ensemble  et  vops  le  hachez  en  y 
ajoutant  Testomac  des  dindons  ;  vous  mettez  cette  farce  avec  du 
pain  bouilli  dans  du  lait,  six  jaunes  d'œufs,  la  moitié  des  blancs 
fouettés  en  neige  ;  le  tout  bien  pilé  :  vous  mettez  une  couche  de 
cette  farce  au  fond  du  plat,  et  sur  cette  couche,  le  dindon  rempli 
d'une  partie  de  la  farce  ci-dessus  ;  vous  mettez  au  milieu  du 
dindon  dans  un  trou  fait  à  l'avance,  un  ragoût  fait  de  ris  de  veau, 
de  crêtes,  de  champignons,  vous  couvrez  ce  ragoût  et  vous  arron- 
dissez autant  que  possible  votre  dindon  que  vous  panez  de  mie 
de  pain  très-fine  et  que  vous  mettez  cuire  au  four  ;  quand  il  a 
pris  belle  couleur  vous  le  dégraissez  et  servez  chaudement. 

Salmis  de  dindon.  —  Troussez  proprement  un  dindon,  faites- 
le  cuire  à  demi  à  la  broche,  puis  coupez-le  en  pièces  et  mettez- 
le  cuire  dans  une  casserole  avec  du  vin,  ajoutez  des  truffes,  des 
champignons  hachés,  un  peu  d'anchois,  du  sel  et  du  poivre; 
lorsqu'il  est  cuit,  vous  liez  la  sauce  avec  un  coulis  de  veau,  vous 
le  dégraissez  et  servez  pour  entrée  avec  du  jus  d'orange. 

Dindon  gras  à  la  Périgord,  —  Prenez  deux  livres  de  truffes 
pelées,  lavées  et  bien  essuyées,  maniez-les  avec  du  lard  râpé,  sel 
et  gros  poivre,  farcissez-en  un  dindon  frais  tué,  cousez -le  ^ 
troussez  les  pattes  en  long,  laissez-le  mortifier  et  prendre  le  goût 
des  truffes  pendant  trois  ou  quatre  jours,  mettez-le  ensuitç  à  la 


jié  DINDON. 


broche  enveloppé  de  lard  et  de  papier  beurré,  laissez-le  bien 
cuire  et  servez  avec  une  sauce  hachée  aux  truffes. 

Dindon  en  filets.  —  On  accommode  ces  filets  comme  ceux 
de  poulets  (V.  poulets),  et  on  les  sert  de  même,  ou  bien  on  les 
sert  avec  un  ragoût  aux  concombres  passés  avec  un  coulis  roux. 

Dindon  aux  écrevisses.  —  Habillez  proprement  et  videz  un 
dindon,  détachez  bien  la  chair  de  la  peau,  ôtez-en  l'estomac  et 
faites  avec  une  farce  en  y  ajoutant  du  lard,  de  la  graisse  de 
bœuf,  un  peu  de  jambon,  ciboules,  champignons,  truffes,  le 
tout  assaisonné  de  sel,  poivre  et  muscade,  un  peu  de  mie  de 
pain  trempée  dans  la  crème  et  deux  jaunes  d'œufs  crus,  le  tout 
haché  ensemble  et  pilé  dans  un  mortier,  vous  en  farcissez  le 
dindon  et  vous  lui  mettez  dans  le  corps  un  bon  ragoût  d'écre- 
visses  ;  puis  vous  le  bouchez  par  les  deux  bouts,  le  cousez  et  le 
mettez  à  la  broche  enveloppé  de  bardes  de  lard,  de  tranches  de 
veau  et  de  jambon  que  vous  couvrez  avec  un  papier  beurré  et 
vous  ficelez  le  tout. 

Votre  dindon  étant  bien  cuit,  vous  le  dressez  dans  un  plat, 
vous  mettez  le  ragoût  par-dessus  et  vous  servez  chaudement. 

Dindon  aux  huîtres.  —  Il  se  fait  de  la  même  manière  que 
celui  ci-dessus,  on  fait  seulement  un  ragoût  aux  huîtres  au  lieu 
d'un  aux  écrevisses.  (V.  Huîtres.) 

Dindon  aux  marrons.  —  Épluchez  et  videz  un  dindon, 
hachez  le  foie  avec  du  persil,  de  la  ciboule,  du  lard  râpé, 
beurre,  sel,  poivre^,  fines  herbes  et  marrons  que  vous  aurez 
d'abord  fait  cuire  dans  la  braise  pour  ôter  la  petite  peau  ;  mettez 
cette  farce  dans  le  corps  du  dindon  et  embrochez-le,  enveloppé 
de  bardes  de  lard  et  de  papier  beurré  et  laissez-le  cuire  jusqu'à 
ce  qu'il  soit  bien  tendre.  Prenez  d'autres  marrons  épluchés  et 
mettez-les  cuire  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  bouillon, 
quand  ils  sont  cuits  vous  ôtez  le  bouillon,  vous  mettez  dans  la 
casserole  un  peu  de  coulis,  du  jus  et  un  peu  d'essence  et  vous 
en  garnissez  votre  dindon  que  vous  aurez  bien  dégraissé  et  dressé 
sur  un  plat. 

Dindon  en  galantine.  —  Chaque  dindon  devant  former  une 
galantine,  vous  en  prenez  la  quantité  que  vous  voulez  et  que  vous 
préparez  à  l'ordinaire  ;  fendez-le  par  |le  dos,  ôtez-en  la  peau  le 


DINDON.  517 


plus  proprement  possible  sans  la  casser^  prenez  ensuite  le  blanc 
de  ces  volailles  que  vous  coupez  en  filets  avec  du  jambon,  du 
lard,  des  pistaches  également  coupés  en  filets,  et  arrangez  le 
tout  sur  un  plat;  faites  une  farce  avec  le  restant  de  votre  chair, 
une  noix  de  veau,  un  morceau  de  jambon  que  vous  coupez  en 
petits  morceaux  et  que  vous  hachez  ensuite  avec  persil,  ciboules, 
fines  épices,  fines  herbes,  poivre,  sel  et  jaunes  d'œufs,  en  ayant 
bien  soin  que  cette  farce  soit  de  fort  bon  goût;  vous  étendez 
ensuite  les  peaux  de  vos  dindons  sur  lesquelles  vous  mettez 
d'abord  un  lit  de  farce,  puis  un  filet  du  blanc  du  dindon,  un 
filet  de  jambon,  un  filet  de  lard,  un  filet  de  pistaches,  un  filet 
de  jaunes  d'œufs  durs,  si  vous  servez  de  cette  galantine  pour 
entremets  froids  ;  ensuite  un  lit  de  farce  par-dessus  et  vous  con- 
tinuez jusqu'à  ce  que  les  peaux  de  dindons  soient  remplies,  vous 
faites  rejoindre  ces  peaux  et  vous  les  cousez.  Vous  garnissez  une 
marmite  de  bardes  de  lard  et  de  tranches  de  veau.  Vous  y  arran- 
gez les  dindons,  les  assaisonnez  et  achevez  de  les  couvrir  dessus 
comme  dessous  ;  mettez  une  demi-bouteille  de  bon  vin  blanc, 
quelques  gousses  d*ail,  du  bouillon,  et  faites  cuire  feu  dessus  et 
dessous,  tout  doucement;  puis  ôtez-les  du  feu,  laissez-les  refroi- 
dir dans  leur  braise  afin  qu'ils  prennent  du  goût,  et  servez-les 
ensuite  entiers  ou  coupés  en  tranches. 

Dindon  à  la  princesse.  —  Retroussez  votre  dindon,  coupez- 
le  en  deux,  mettez-le  à  la  braise  comme  le  chapon,  retirez-le, 
panez-le,  faites-le  frire  dans  du  saindoux  jusqu'à  belle  couleur. 
Dressez-le  ensuite  et  servez  avec  une  rémolade  faite  avec  des 
anchois,  du  persil,  des  câpres  hachés,  un  peu  de  ciboule,  un 
jus  de  bœuf  et  autres  bons  assaisonnements. 

Dindon  mariné.  —  Vous  le  faites  mariner  pendant  8  heures 
avec  verjus,  jus  de  citron,  sel^  poivre,  clous  de  girofle,  ciboules  et 
laurier  ;  faites  ensuite  une  pâte  claire  avec  de  la  farine,  du  vin 
blanc,  des  jaunes  d'œufs,  vous  trempez  votre  dindon  dans  cette 
pâte,  vous  le  faites  frire  dans  le  saindoux  et  le  servez  garni  de 
persil  frit. 

Pattes  de  dindon  à  la  Saint f^Ménehoult.  —  Prenez  18  pattes 
de  dindons  dont  vous  ôtez  la  peau  et  que  vous  faites  cuire  dans 
une  braise  blanche  ou  dans  une  Sainte-Ménehould.  (V.  Sauces.) 


5i8  DINDON. 


Quand  elles  sont  cuites  et  refroidies,  mettez  autour  une  fitrce 
fine,  panez  avec  de  la  mie  de  pain  après  avoir  uni  avec  de  l'œuf 
battu;  faites  ensuite  frire  vos  pattes  dans  la  friture  bien  chaude 
et  servez-les  garnies  de  persil  frit. 

exilerons  de  dindons  à  la  d^Estrées.  —  Procurez-vous  des 
peaux  de  poulets  ou  de  poulardes  et  mettez-les  sur  des  moules  de 
cuivre  faits  en  ailerons  de  dindons  ;  remplissez  ces  peaux  d'uae 
bonne  farce  fine  ou  de  filets  de  volaille  mis  dans  une  béchamel  ; 
faites  cuire  au  four  pendant  un  quart  d'heure,  ôtez-les  des 
moules,  en  ayant  soin  de  leur  conserver  la  forme  d'ailerons,  et 
servez-les  avec  une  sauce  au  vin  de  Champagne. 

exilerons  à  la  Stanislas.  —  Prenez  des  ailerons  de  dindons 
ou  de  poulardes  bien  échaudés,  panez-les  avec  des  truffes,  cham- 
pignons, riz  de  veau,  un  bouquet  garni  et  du  beurre  en  quantité 
suffisante;  mouillez  avec  un  peu  de  vin  de  Champagne,  du  bouil- 
lon, et  deux  cuillerées  de  coulis,  faites  cuire  le  ragoût  à  petit  feu, 
dégraissez-le,  assaisonnez-le  de  bon  goût  et  dressez-le  dans  le 
plat  sans  la  sauce;  coupez  ensuite  des  cornichons  ea  long,  faites- 
les  blanchir,  égouttez-les  sur  un  tamis,  faites-les  chauffer  dans 
la  sauce,  mettez-les  autour  du  ragoût  en  cordon  et  servez  la 
sauce  par-dessus. 

Q/iilerons  de  dindons  au  blanc,  —  Prenez  dix  ou  douze 
ailerons,  échaudez-les ,  faites-les  blanchir,  parez-les  des  bouts 
et  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  une 
tranche  de  jambon,  des  champignons  coupés  en  dés,  un  bouquet 
garni  ;  passez-les,  soignez-les,  assaisonnez-les  de  bon  goût  et  faites- 
les  cuire.  Dégraissez-les,  liez-les  de  crème  et  de  jaunes  d'œufe 
et  servez-les  avec  un  ;us  de  citron. 

QÂilerons  de  dindons  aux  petits  pois.  —  Faites  blanchir  huit 
ailerons,  parez-les,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  une 
tranche  de  jambon,  un  bouquet  de  fines  herbes,  du  bon  bouillon; 
faites  bouillir  les  ailerons  et  à  moitié  de  leur  cuisson  mettez-y 
un  litron  de  petits  pois,  un  morceau  de  beurre,  un  peu  de  coulis 
et  un  peu  de  jus.  Quand  ils  sont  cuits,  dégraissez  le  ragoût, 
assaisonnez-le  avec  un  peu  de  sel  et  servez. 

Q/iilerons  ou  quenelles  de  dindons  frits.  —  Faites  cuire 
des  ailerons  dans  une  bonne  braise  bien  nourrie,  qu'elle  soit  de 


DINDON.  519 


haut  goût,  mettez-les  refroidir,  trempez-les  dans  des  œufs  battus, 
panez-les,  faites-les  cuire  de  belle  couleur  et  servez-les  garnis 
de  persil  frit. 

Qâilerons  au  four  aux  petits  oignons.  —  Foncez  une  cas- 
serole  de  tranches  de  veau  blanchies,  mettez  dessus  vos  ailerons 
aussi  blanchis,  couvrez  de  bardes  de  lard,  ajoutez  un  bouquet, 
mouillez  de  bouillon,  assaisonnez  de  sel  et  gros  poivre;  à  moitié 
de  cuisson,  mettez  des  petits  oignons  blanchis  à  Teau  bouillante; 
lorsque  tout  est  cuit,  retirez  vos  ailerons  et  les  oignons,  passez  la 
sauce  au  tamis,  liez-la  sur  le  feu  avec  un  blond  de  veau  et  des 
jaunes  d'oeufs;  mettez-en  une  partie  dans  un  plat,  de  la  mie  de 
pain ,  du  parmesan  râpé  par-dessus  ;  ensuite  vos  ailerons  et  les 
oignons;  arrosez  du  reste  de  la  sauce,,  panez  de  mie  de  pain  et 
de  parmesan,  faites  prendre  couleur  au  four,  égouttez  la  grabse 
et  servez  à  courte  sauce. 

Potage  de  dindonneaux  aux  écrevisses.  —  Epluchez  et  videz 
des  dindonneaux,  troussez-les  proprement  et  faites-les  blanchir; 
mettez-les  cuire  dans  une  marmite  avec  de  bon  bouillon,  prenez 
des  écrevisses  que  vous  faites  cuire  dans  Teau,  et  prenez-en  ce 
qu'il  vous  feut  pour  faire  un  cordon  du  tour  du  plat  de  votre 
potage;  ôtez-en  les  pattes,  épluchez  la  queue,  qu'elle  se  tienne  ait 
corps  de  Técrevisse,  mettez  les  queues  à  part  et  ne  gardez  que  les 
coquilles;  mettez  douze  amandes  douces  dans  de  l'eau  tiède ^ 
pelez-les  et  pilez-les  avec  les  coquilles  d'écrevisses;  garnissez 
ensuite  le  fond  d'une  casserole  avec  des  rouelles  de  veau^  un 
morceau  de  jambon  coupé  par  tranches,  oignons^  carottes  et 
panais;  couvrez  le  tout  et  laissez  suer  sur  le  fourneau,  mouillez- 
le  d'un  bon  bouillon,  mettez  quelques  croûtes  de  pain,  du  persil, 
de  la  ciboule,  des  fines  herbes,  des  champignons,  des  truffes; 
faites  mitonner  le  tout  ensemble  jusqu'à  ce  que  les  tranches  de 
veau  soient  cuites,  vous  les  retirez  et  vous  délayez  dans  la  casserole 
le  coulis  d'écrevisses  qui  est  dans  le  mortier  et  le  passez  à  l'éta- 
mine,  puis  videz-le  dans  une  marmite,  mettez-le  sur  des  cendres 
chaudes  pour  le  faire  chauffer  sans  bouillir.  Faites  un  ragoût 
avec  les  queues  d'écrevisses  que  vous  avez  épluchées,  quelques 
petits  champignons  et  truffes  coupés  par  tranches,  passez-les  dans 
tine  casserole  avec  du  lard  fondu,  mouillez-les  d'un  jus  de  veau. 


520  DINER. 


ajoutez-y  six  fonds  d'artichauts  et  faites  mitonner  le  tout  ensemble. 
Lorsque  c'est  cuit,  vous  liez  le  petit  ragoût  avec  le  coulis  d'écre- 
visses,  mitonnez  des  croûtes  dans  le  plat  où  vous  voulez  semr  le 
potage,  garnissez  le  bord  du  plat  des  écrevisses  que  vous  avez 
épluchées,  mettant  le  côté  de  la  queue  en  dedans  du  plat;  tirez 
les  dindonneaux  de  la  marmite,  déficelez-les,  et  servez-les  pro- 
prement sur  le  potage  en  dressant  autour  les  fonds  d'artichauts  de 
votre  ragoût;  jetez  ensuite  le  ragoût  et  le  coulis  sur  le  potage  et 
servez  chaudement. 

Hachis  de  dindons  à  la  béchamel.  —  Vous  hachez  fin  les 
chairs  d'un  dindon  rôti,  vous  faites  bouillir  une  béchamel  peu 
épaisse,  vous  y  mettez  le  hachis  avec  sel,  poivre,  muscade,  et 
vous  servez  avec  croûtons  aux  œufs  pochés. 

Blanquette  de  dindon.  —  Vous  levez  les  blancs  d'un  dindon 
rôti  et  refroidi  et  vous  les  coupez  par  morceaux  bien  minces,  puis 
vous  faites  réduire  une  béchamel  avec  champignons  cuits  dans  un 
blanc,  vous  mettez  vos  morceaux  de  dindon  dans  votre  bécha- 
mel, que  vous  lierez  avec  des  jaunes  d'oeufs  et  que  vous  servez 
soit  dans  un  vol-au-vent,  soit  dans  une  casserole  de  riz  ou  une 
timbale  de  nouilles. 

Capilotade  de  dindon.  —  Préparez  une  sauce  à  l'italienne 
et  mettez  dedans  un  dindon  cuit  à  la  broche  et  refroidi  que  vous 
aurez  dépecé;  faites  bouillir  pendant  quelques  instants,  dressez 
les  morceaux  de  dindon ,  versez  la  sauce  dessus  et  mettez  autour 
des  morceaux  de  pain  frits  dans  du  beurre. 

Hâtelets  de  dindon.  —  Vous  levez  les  chairs  blanches 
d'un  dindon  rôti  et  refroidi,  puis  vous  les  coupez  par  mor- 
ceaux carrés  après  en  avoir  ôté  les  peaux  et  les  tendons;  vous 
coupez,  de  la  mênie  manière,  du  petit  lard  cuit,  des  truffes 
et  des  champignons,  vous  embrochez  ces  diverses  substances 
avec  des  hâtelets,  et  en  alternant  les  morceaux;  vous  arrosez 
d'une  sauce  allemande  réduite.  Trempez  vos  hâtelets  refroidis 
dans  de  la  mie  de  pain,  des  œufs  battus  et  une  seconde  mie 
de  pain,  enfin  dans  une  friture  chaude  et  servez  avec  jus  de 
viande. 

DINER.  —  Action  journalière  et  capitale  qui  ne  peut  ètni 
accomplie  dignement  que  par  des  gens  d'esprit  ;  car  il  ne  suffit 


DRAGEES. 


521 


pas,  au  dîner,  de  manger,  il  faut  parler  avec  une  gaieté  discrète  et 
sereine. 

La  conversation  doit  étinceler  avec  les  rubis  des  vins  d'entre- 
mets, elle  doit  prendre  une  suavité  délicieuse  avec  les  sucreries 
du  dessert  et  acquérir  une  vraie  profondeur  au  café. 

DORADE.  —  Poisson  qui  tire  son  nom  du  reflet  doré  de 
ses  écailles.  On  trouve  la  dorade  dans  toutes  les  mers;  elle 
remonte  périodiquement  les  rivières;  sa  chair  est  blanche,  ferme 
et  d'un  excellent  goût.  On  la  mange  de  préférence  rôtie  ou 
cuite  au  court  bouillon  et  accompag^née  d'une  sauce  blanche 
aux  câpres.  On  peut  la  servir  aussi  frite  ou  avec  une  purée  de 
tomates. 

DORURE.  —  On  nomme  ainsi,  en  pâtisserie,  la  compo- 
sition qui  est  destinée  à  dorer  les  croûtes  des  pâtés ,  des  vol- 
au-vent  ou  de  tout  autre  gâteau  auquel  on  veut  donner  une 
couleur. 

On  fait  la  dorure  en  battant,  comme  pour  une  omelette,  des 
jaunes  et  des  blancs  d'oeufs,  puis  on  se  sert  d'un  petit  pinceau  ou 
d'une  plume  pour  faire  la  coloration. 

A  défaut  d'oeufs,  on  peut  se  servir  de  safran  ou  de  fleur  de 
souci  dans  laquelle  on  délaye  un  peu  de  sagou  jaune,  afin  de 
donner  plus  de  fermeté  à  cette  composition. 

DOUCETTE.  —  On  donne  ce  nom  à  une  petite  espèce  de 
mâche.  On  la  mange  en  salade  comme  celle-ci  et  ses  propriétés 
alimentaires  sont  les  mêmes. 

DOUM.  —  Arbre  de  la  famille  des  palmiers.  C'est  un  bel 
arbre  d'Egypte,  mais  qui,  comme  tous  les  végétaux  de  ce  pays, 
ne  donne  pas  d'ombre.  Ampère  a  dit  :  un  arbre  sans  ombre  est 
comme  une  fleur  sans  parfum.  Mais,  à  défaut  d'ombrage,  le 
doum  donne  un  fruit  rafraîchissant  dont  j'ai  pu  juger  par  moi- 
même  le  goût  de  pain  d'épice.  Une  dame  du  Caire,  qui  voulut 
jadis  y  fètcr  ma  présence,  me  tendit,  de  ses  fines  mains  rougies 
de  henné,  un  frais  sorbet  de  doum. 

DRAGÉES.  —  On  donne  ce  nom  à  un  des  produits  de  Tart 
du  confiseur;  c'est  une  espèce  de  bonbon  dont  le  noyau  est  formé 
tantôt  de  grands  ou  de  petits  fruits,  tantôt  de  morceaux  d'écorce 
ou  de  racines  aromatiques,  le  plus  communément  d'amandes 


532  DURION. 


douces;  ce  noyau  est  recouvert  d'une  pâte  sucrée  ou  de  sucre 
cristallisé;  on  en  fait  aussi  où  Ton  remplace  le  noyau  par  la 
liqueur  qu'il  vous  plaît  d'y  mettre.  On  colore  ces  dragées  soit  en 
rose,  soit  en  rouge  ou  en  telle  autre  couleur. 

Comme  cette  friandise  appartient  plus  principalement  au 
confiseur  et  qu'il  y  a  peu  de  maisons  d'ailleurs  où  l'on  en  fasse 
pour  sa  consommation,  préférant  les  acheter,  nous  ne  nous  occu- 
perons pas  de  sa  composition. 

Les  dragées,  on  le  sait,  sont  le  présent  coutumier  des  bap- 
têmes. 

DUMPLING.  —  Cuisine  étrangère,  entremets  anglais. 

Dumplings  aux  pommes  ou  aux  prunes.  —  Roulez  votre 
pâte  chaude  et  mince,  superposez  pommes  pelées  ou  prunes  de 
Damas,  les  bords  de  la  pâte  étant  mouillés  et  fermés,  faites 
bouillir  le  tout  une  heure  dans  un  linge;  versez  du  beurre  chaud, 
poudrez  de  sucre  et  servez. 

Dumpling  ferme,  —  Pâte  de  farine  et  d'eau  salée  ;  roulez 
en  boules  grosses  comme  le  poing,  emplissez  de  raisins  de 
Corinthe,  farinez,  enveloppez  d'un  linge,  faites  cuire  à  l'eau 
bouillante  trente  minutes,  arrosez  de  Xérès,  sucrez  et  servez. 

Dumpling  de  Norfolk,  —  Ce  mets,  qui  a  l'honneur  de 
devoir  son  nom  au  duc  de  Norfolk,  lequel  l'affectionnait  beau- 
coup, se  fait  de  la  façon  suivante  : 

Vous  mettez  dans  une  pâte  un  peu  épaisse  un  grand  verre 
de  lait,  deux  œufs  et  un  peu  de  sel,  faites-la  cuire  deux  ou  trois 
minutes  dans  de  l'eau  bien  bouillante,  jetez  égfoutter  sur  un 
tamis  et  servez  avec  du  beurre  frais  un  peu  salé. 

DURION.  —  On  donne  ce  nom  au  fruit  d'un  arbre  fort 
élevé,  remarquable  par  sa  grosseur  et  ressemblant  à  nos  melons. 
Cet  arbre  est  originaire  de  l'Inde,  et  les  Siamois  aiment  tellement 
le  durion  qu'ils  le  conservent  toute  l'année;  avec  de  la  crème 
fraîche,  ils  en  font,  par  la  cuisson,  une  marmelade  qu'ils  mettent 
^t  soignent  dans  des  pots. 

Le  durion  est  enveloppé  d'une  peau  plus  dure  que  celle  des 
marrons  et  couverte  d'épines  très-pointues,  l'odeur  en  est  désa- 
gréable, elle  a  le  goût  de  l'oignon  rôti,  mais  la  pulpe  a  une 
saveur  exquise.  Dans  cette  pulpe  se  trouve  un  petit  noyau  conte- 


DUTROA.  jty 

nant  une  amande  qu'on  fait  griller  pour  la  manger  ensuite,  elle 
a  la  saveur  de  nos  châtaignes. 

DUTROA.  — ■  Plante  américaine  du  genre  datura.  Ses 
graines  macérées  dans  le  vin  constituent  une  liqueur  spiritueuse 
qu'on  estime  en  Portugal. 


E 


EAU.  —  Les  personnes  habituées  à  Teau  deviennent  aussi 
bons  gourmets  en  eau  que  les  buveurs  de  vin  le  deviennent  en 
cette  liqueur. 

Pendant  cinquante  ou  soixante  ans  de  ma  vie  je  n'ai  bu  que 
de  Feau,  et  jamais  Grand-Laffite  ou  Chambertin  n'a  fait  éprouver 
à  un  amateur  de  vin  les  mêmes  jouissances  qu'à  moi  un  verre 
d'-eau  .de  source  fraîche,  dont  aucun  sel  terreux  n'avait  pu 
altérer  la  pureté. 

L'eau  très-froide,  glacée  même  artificiellement,  agjt  sur 
l'estomac  comme  excellent  tonique,  sans  y  exciter  aucune  irrita- 
tion, calmant  même  celle  qui  pourrait  y  exister. 

Mais  il  n'en  est  point  ainsi  des  eaux  de  neige  ou  de  glace, 
elles  sont  lourdes  parce  qu'elles  ne  contiennent  pas  d'air,  agitez- 
les  avant  de  les  boire  et  elles  perdront  bientôt  par  l'agitation 
leurs  qualités  nuisibles. 

Autrefois,  Paris  tout  entier  se  désaltérait  au  fleuve  qui  le 
traverse;  aujourd'hui,  l'eau  nous  vient  de  Grenelle;  des  tuyaux 
la  conduisent  à  la  montagne  Sainte-Geneviève,  d'où  elle  se 
distribue  dans  tout  Paris  ;  depuis  cinq  ou  six  ans,  l'eau  de  la 
Dhuys  lui  fait  concurrence  et  descend  du  côté  opposé,  c'est-à- 
dire  de  Belleville,  Montmartre,  la  butte  Chaumont. 

L'eau  de  Seine  était  tant  calomniée  depuis  si  longtemps, 
surtout  par  les  provinciaux  qui  venaient  passer  quelques  jours  à 
Paris,  qu'elle  s'est  lassée  de  'désaltérer  deux  millions  d'ingrats; 


EAU.  P5 

mais  quand  Teau  de  Seine  était  bien  épurée,  quand  on  la  faisait 
prendre  au-dessus  du  Jardin  des  plantes  et  au  milieu  du  courant, 
aucune  espèce  d'eau  n'était  comparable  à  celle-là  pour  la  lim- 
pidité, la  légèreté,  la  sapidité  ;  elle  était  surtout  abondamment 
saturée  d'oxygène,  se  repliant  sur  elle-même  par  des  sinuosités 
multipliées  qui,  pendant  près  de  deux  cents  lieues  la  soumettaient 
à  Faction  de  l'air  atmosphérique;  en  outre,  depuis  sa  source 
jusqu^à  Paris,  elle  ne  coule  que  sur  un  lit  de  sable,  ce  à  quoi  les 
gourmands  attribuent  la  supériorité  du  poisson  de  Seine  sur 
celui  des  autres  rivières. 

Tout  le  monde  sait  que  les  moines  n'ont  jamais  beaucoup 
aimé  l'eau,  voici  un  fait  qui  vient  encore  prouver  leur  antipathie 
pour  ce  fade  liquide. 

Un  cordelier  fréquentait  assez  assidûment  la  cuisine  d'un 
évêque  qui  avait  recommandé  à  s^s  gens  d'avoir  soin  du  bon  frère. 
Un  jour  que  le  prélat  donnait  un  grand  dîner,  le  moine  se  trouva 
justement  à  l'évêché  ;  monseigneur  parla  du  religieux  et  le  recom- 
manda à  la  compagnie.  Quelques  dames  s'écrièrent  aussitôt  : 

«  Monseigneur,  il  faut  nous  amuser  et  jouer  un  tour  au 
moine.  Faites-le  venir,  nous  lui  ferons  boire  un  verre  de  belle 
eau  claire  que  nous  lui  présenterons  comme  un  verre  d'excellent 
vin  blanc. 

—  Mais  vous  n'y  pensez  pas,  mesdames,  dit  Tévêque. 

—  Oh  !  cela  nous  divertira,  laissez-nous  faire,  monseigneur.  » 
Alors  on  fit  venir  un  valet  de  chambre,  et  on  lui  fit  apprêter 

sur  le  champ  une  bouteille  d'eau,  bien  ficelée  et  bien  cachetée. 
Puis  on  fait  monter  le  quêteur. 

((  Frère 9  disent  les  dames,  il  faut  boire  à  la  santé  de  Sa 
Grandeur  et  à  la  nôtre.  » 

Le  moine  s'applaudit  de  sa  bonne  fortune  et  s'apprête  à  la 
bien  recevoir  ;  on  débouche  la  bouteille,  on  lui  verse  rasade.  Le 
malin  moine  qui  s'aperçoit  aussitôt  de  la  supercherie  ne  perd 
point  la  tête  et  dit  du  ton  le  plus  piteux  et  le  plus  humble  à 
l'évêque. 

«  Monseigneur,  je  ne  boirai  pas  que  vous  n'ayez  donné  votre 
sainte  bénédiction  sur  ce  nectar. 

—  Cela  est  fort  inutile  mon  frère. 


526  EAU-DE-VIE, 


—  Je  vous  en  conjure,  monseigneur,  par  tous  les  saints  du 
Paradis.  » 

Les  dames  se  mettent  de  la  partie  et  conjurent  le  prélat 
d'avoir  cette  complaisance  pour  elles.  L'évêque  se  prête  enfin  à 
leur  volonté  et  bénit  l'eau.  Le  cordelier  appelle  alors  un  lacpiais 
et  lui  dit  en  souriant  : 

«  Champagne,  portez  cela  dans  l'église,  un  cordelier  n'a 
jamais  bu  d'eau  bénite.  » 

Il  avait  bien  raison,  n'est-ce  pas?  ♦ 

EAU  DE  SELTZ.  —  L'eau  de  seltz  naturelle  se  trouve 
dans  une  source  du  duché  de  Nassau.  C'est  une  eau  légèrement 
gazeuse  agréable  et  digestive.  On  en  fait  partout  d'artificielle 
qui  garde  quelcjues-unes  des  excellentes  propriétés  de  l'eau  natu- 
relle qui  lui  sert  de  type. 

L'eau  de  seltz  est  bonne  pour  les  phthisiques. 

On  connaît  le  petit  poëme  que  lord  Byron  écrivit  sous  l'in- 
fluence des  fumées  d'un  vin  du  Midi,  lymphatus  MareoticOy  dans 
lequel  il  s'éleva  à  des  considérations  sublimes  et  pathétiques 
touchant  la  destinée  humaine  et  qu'il  interrompit  sans  retour  par 
ce  cri  :  «  JTai  soif!  apportez-moi  de  Veau  de  selts[.  » 

EAU  -  DE  -  VIE.  C'est  le  produit  de  la  distillation  du  vin 
opérée  à  feu  moins  vif  que  pour  la  fabrication  de  l'alcool.  Tandis 
que  tous  les  trois-six  poussés  à  leur  plus  haut  degré  de  sublima- 
tion se  ressemblent,  les  eaux-de-vie  témoignent  de  goûts  fort 
différents  suivant  le  climat,  le  sol  et  le  cépage.  Les  eaux-de-vie 
fines  ont  du  bouquet  et  de  la  sève  ;  les  eaux-de-vie  moyennes  ont 
de  la  sève  seulement  ;  les  eaux-de-vie  communes  ont  du  ten;oir 
ou  de  l'empyreume,  mais  toutes  ont  conservé  des  principes 
extractifs  des  vins  dont  elles  émanent. 

Parmi  les  eaux-de-vie  fines  on  doit  placer  en  première  ligne 
la  grande  Champagne,  obtenue  d'un  vin  récolté  sur  une  partie 
du  territoire  du  département  de  la  Charente.  La  petite  Cham- 
pagne succède,  les  borderies  viennent  en  troisième  ligne,  les  fins 
bois  suivent  de  près,  les  bons  bois  et  les  bois  clôturent  cet  ordre 
de  mérite  des  eaux-de-vie  des  deux  Charentes.  Celles  de  Surgères, 
d'Aigrefeuille  et  de  la  Rochelle  ont  leur  valeur,  mais  elles  sont 
inférieures  en  finesse  et  en  qualité  aux  précédentes. 


EAU    DE-VIE. 


527 


Ce  n'est  pas  sans  motif  que  nous  avons  établi  entre  les  eaux- 
de-vie  des  Charentes  une  sorte  de  démarcation.  En  effet,  le 
consommateur  ne  connaît,  comme  tout  l'univers  au  reste,  des 
eaux-de-vie  à  qualités  si  diverses  de  ce  pays,  que  le  vocable  typique 
de  Cognac. 

Il  n'est  pas  hors  de  propos  de  dire  ici  que.  cette  petite  ville 
a  acquis,  par  les  eaux-de-vie  de  son  territoire,  une  renommée 
qui  atteint,  si  même  elle  ne  dépasse,  celle  des  plus  importantes 
capitales  du  monde. 

Cependant,  au  terme  cognac^  employé  comme  désignation 
d'eau-de-vie  excellente,  ne  répond  pas  l'idée  d'un  produit  issu 
nativement  du  cru.  Cognac  est  un  mot  générique  usité  depuis 
de  longues  années  pour  indiquer  un  type  d'eau-de-vie  composé 
des  deux,  trois,  quatre,  cinq  et  même  six  crus  ci-dessus  indiqués. 
C'est  dans  la  proportion  employée  de  ces  divers  crus,  dans  le  bon 
choix  des  premières  sortes,  dans  leur  heureuse  combinaison  qu'il 
faut  chercher  le  secret  de  la  haute  faveur  dont  jouissent  cer- 
taines marques.  La  coloration  bien  maniée^  le  judicieux  emploi 
du  sirop,  la  limpidité  sont  des  conditions  qui  rehaussent  le  mérite 
intrinsèque  du  cognac. 

Donc  cognac  ne  signifie  pas  eau-de-vie  absolument  natu- 
relle, bien  que  préférée  par  certains  amateurs  aux  fines  et 
directes  provenances  des  Charentes.  A  l'exposition  du  Havre, 
nous  avons  eu  l'occasion,  en  suivant  les  travaux  du  jury,  de  faire 
cette  différence  entre  le  cru  réel  et  les  diverses  hybridations. 
L'heureux  et  méritant  lauréat  de  l'unique  médaille  d'or,  à  cette 
exposition,  M.  Léonin  Arnaud,  de  Cognac,  avait  mis  à  notre 
disposition  les  Grande  Champagne  et  fins  bois  Borderies,  qui 
venaient  de  lui  valoir  cette  distinction.  Il  est  véritablement 
impossible  de  n'être  pas  frappé  de  ce  goût  exquis,  de  ce  parfum 
suave  ;  tout  cela  franc,  correct,  tonique  et  réchauffant,  sans  cette 
acre  chaleur  des  spiritueux.  Le  meilleur  cognac,  goûté  compa- 
rativement, paraissait  édulcoré  et  dépourvu  de  cette  essence 
originelle  qui  caractérise  les  produits  immaculés  de  haute  race. 

Les  eaux-de-vie  d'Armagnac  ont  une  réputation  méritée  ; 
elles  sont  fines,  plus  déliées  que  celles  des  Charentes;  leur  bou- 
quet est  tout  différent  de  celui  de  ces  dernières,  et,  il  faut  bien 


p8  ÉCHAUDÉS. 


le  dire ,  il  plaît  généralement  moins.  Ces  eaux-de-vie  se  fabri- 
quent dans  le  département  du  Gers.  Condom  et  Eauze  sont  les 
plus  importants  marchés  de  l'Armagnac. 

Dans  la  Gironde  et  le  Lot-et-Garonne,  à  Marmande  princi- 
palement, on  fabrique  des  eaux-de-vie  un  peu  communes  qui  se 
vendent  sous  le  nom  d'eaux-de-vie  de  pays.  Elles  ont  de  la  sève 
et  en  vieillissant  elles  acquièrent  un  certain  degré  de  finesse. 

Les  eaux-de-vie  de  Montpellier,  qu'on  fabriquait  sous  le 
nom  de  preuve  de  Hollande,  n'étaient  pas  dépourvues  de  mérite. 
On  réduit  plutôt  les  trois-six  de  vin  de  ce  pays  aujourd'hui,  qu'on 
ne  distille  des  eaux-de-vie  de  consommation  à  52  degrés  centi- 
grades comme  autrefois. 

En  Bourgogne,  on  fabrique,  avec  les  résidus  des  cuves,  des 
eaux-de-vie  de  marc,  à  goût  plus  ou  moins  prononcé  d'empy- 
reume,  qui  ont  de  très-zélés  partisans. 

Enfin  un  peu  partout  on  prépare  des  eaux-de-vie  avec  des 
alcools  d'industrie,  réduits  au  degré  potable  et  parfumés  avec  des 
bouquets  factices. 

ECHALOTES. —  En  latin  ascalonia^  ce  mot  est  l'indication 
de  son  origine,  elle  a  passé  dé  la  Syrie  en  Europe  avec  les 
Croisés. 

Comme  l'oignon  et  l'ail  elle  est  employée  dans  les  sauces, 
mais  elle  y  apporte  une  saveur  tout  à  fait  à  elle,  plus  fine  que 
les  deux  condiments  que  nous  venons  de  nommer. 

Ainsi  réchalote  est  excellente  dans  les  sauces  à  l'huile  et  au 
vinaigre  avec  lesquelles,  chauds  ou  froids  on  mange  les  artichauts; 
il  est  impossible  de  faire  une  bonne  sauce  piquante  sans  écha- 
lotes. 

ECHAUDES.  —  Sorte  de  gâteaux  non  sucrés  que  Ton  fait 
bien  plus  pour  les  oiseaux  et  pour  les  enfants   que  pour  les 

adultes. 

« 

Faites  votre  pâte  sans  levure.  La  pâte  fermentera  assez  pen- 
dant le  temps  qu'elle  mettra  à  se  reposer.  Tenez  chaud  trente 
minutes  environ,  soit  125  grammes  de  farine,  60  grammes  de  sel, 
125  gramnies  d'oeufs  et  500  grammes  de  beurre  ;  on  mêle  et  l'on 
pétrit  le  tout  en  donnant  trois  tours;  on  y  met  le  levain  par  petits 
morceaux,  et  Ton  donne  encore  six  tours  de  la  même  façon  ;  on  met 


ECREVISSE. 


529 


la  pâte  dans  une  nappe  ou  dans  une  serviette  jusqu'au  lendemain  ; 
alors  on  taille  les  échaudés  de  la  grosseur  qu'on  les  veut  pour 
les  mettre  dans  de  Teau  bouillante  que  Ton  retire  du  feu  et  qui 
dès  lors  cesse  de  bouillir,  on  a  soin  d'égoutter  Teau  et  de  les 
retirer  dans  l'eau  fraîche  à  mesure  qu'ils  montent  ;  il  faut  bien 
les  égoutter  :  on  les  fait  cuire  au  four. 

ECREVISSE. — Ce  crustacé  a  la  tête  et  l'estomac  confondus 
en  une  seule  pièce  ;  il  porte  cinq  paires  de  pieds,  dont  les  pre- 
miers plus  gros  ont  la  forme  de  pinces  et  sont  des  pinces  en 
effet. 

Les  écrevisses  sont  aquatiques  et  deviennent  rouges  par  la 
cuisson;  leur  carapace  noire  ou  violette,  noire  tant  qu'elles  sont 
vivantes  a  la  propriété  étant  de  carbonate  calcaire  de  rougir  au 
feu. 

On  a  fait  à  notre  ami  Janin  ce  qu'on  appelle  en  termes 
d'atelier  une  scie  pour  sa  dénomination  du  homard  qu'il  aurait 
en  plaisantant  appelé  le  «  Cardinal  de  la  mer.  » 

Janin  qui,  ainsi  que  nous  le  disons  dans  la  lettre  que  nous 
lui  adressons  a  obtenu  l'honneur  d'être  gravé  dans  les  classiques 
de  la  table,  avec  M.  de  Talleyrand,  Carie  Vernet,  le  marquis 
de  Cussy,  Grimod  de  la  Reynière,  était  un  gastronome  trop  distin- 
gué pour  faire  de  pareilles  erreurs. 

Il  a  en  outre  donné  de  trop  bons  moments  de  distraction  à 
SQS  contemporains  pour  que  ses  contemporains  permettent  qu'au- 
cune atteinte  soit  portée  à  cette  douce  et  charmante  physiono- 
mie épicurienne,  qui  complète  l'illustre  critique  du  lundi. 

Nous  avons  vu  manger  Janin  et  nous^nous  sommes  trouvé 
assez  souvent  à  la  même  table  que  lui  pour  affirmer  qu'il  était 
non-seulement  un  charmant  convive  comme  causeur,  mais  encore 
un  savant  élève,  sinon  professeur,  dans  le  grand  art  des  Brillât- 
Savarin  et  des  Carême. 

Ceci  posé,  revenons  à  nos  écrevisses. 

Les  écrevisses  des  eaux  courantes  doivent  être  préférées  ;  la 
plus  simple  manière  de  les  apprêter  est  celle  indiquée  par  le 
Dictionnaire  des  aliments  de  M.  Aulagnier,  auquel  nous  ne  serons 
jamais  assez  reconnaissant  des  services*  qu'il  nous  a  rendus;  elle 
consiste  à  les  mettre  vivantes  dans  un  chaudron  dans  lequel  on  a 

34 


530  ECREVISSE. 


versé  du  vinaigre  coupé  d'eau,  fortement  assaisonné  avec  sel, 
poivre,  thym,  laurier. 

Mais  quoique  cette  recette  donne  des  écrevisses  excellentes, 
nous  pourrions  presque  dire  qu'elle  ne  dépasse  pas  l'enfance 
de  l'art  culinaire  et  nous  allons  en  donner  une  autre  qui  nous  a 
été  communiquée  par  notre  ami  Vuillemot,  propriétaire  du 
restaurant  de  la  Tête  noire^  à  Saint-Cloud. 

Écrevisses  (dites  Vuillemot).  —  Prenez  des  écrevisses  de  la 
Meuse,  émincez  un  gros  oignon  en  rouelle,  une  carotte  bien 
mince,  un  bouquet  garni,  deux  pointes  d'ail,  jetez  le  tout  dans 
une  casserole,  ajoutez  une  demi*bouteille  de  vin  de  Chablis,  un 
quart  dé  verre  d'eau-de-vie  et  autant  de  vinaigre.  Laissez  cuire 
la  mirepois ,  c'est-à-dire  les  légumes  ;  jetez  après  les  écrevisses 
bien  lavées  et  dès  qu'elles  seront  cuites,  mettez-les  dans  une 
autre  casserole  en  faisant  réduire  votre  jus  de  moitié,  ajoutez-y 
un  peu  de  sauce  tomate  réduite  et  une  noix  de  beurre  ;  liez  le 
tout  ensemble,  et  jetez-le  sur  vos  écrevisses  ;  puis  vous  laissez 
macérer  cette  composition  pendant  une  demi-heure  en  les  faisant 
sauter  souvent  et  lorsqu'elles  sont  bien  cuites  et  la  sauce  bien 
faite,  servez-les  tièdes. 

Écrevisses  bordelaises.  (Recette  de  M.  Verdier,de  la  Maison- 
d'Or.)  —  Coupez  en  petits  dés  deux  ou  trois  carottes  et  autant 
d'oignons,  ajoutez  laurier,  thym,  persil,  maigre  de  jambon,  le 
tout  coupé  très-fin.  Mettez  dans  une  casserole  un  fort  morceau 
de  beurre  que  vous  faites  passer  un  moment,  vous  y  jetez  votre 
mirepois  et  faites  cuire  le  tout  ensemble  sans  prendre  trop  de 
couleur.  Nettoyez  et  videz  bien  proprement  vos  écrevisses  et 
mettez-les  dans  la  mirepois  avec  une  demi-bouteille  de  vin  de 
Sauterne,  un  morceau  de  glace  de  viande,  quelques  cuillerées  de 
bon  bouillon,  sel,  poivre,  et  un  demi-verre  de  bon  cognac;  cou- 
vrez votre  casserole  et  faites  cuire  à  plein  feu  ;  arrivées  aux  trois 
quarts  de  leur  cuisson,  vous  les  retirez;  vous  liez  la  sauce  avec 
un  bon  morceau  de  beurre  très-fin,  et  vous  servez  vos  écrevissses 
avec  la  sauce  par-dessus  et  après  l'avoir  passée  au  tamis. 

Ecrevisses  au  court  bouillon.  —  Lavez  vos  écrevisses  à  plu- 
sieurs eaux,  retournez-les  avec  une  écumoire,  si  vous  ne  voulez 
pas  qu'elles  se  vengent  sur  vos  mains  du  sort  que  vous  leur  pré- 


ELEPHANT.  531 


parez;  mettez-les  dans  une  casserole  avec  du  beurre  frais,  du  vin 
blanc,  du  poivre,  du  sel,  une  feuille  de  laurier,  un  peu  de  thym, 
et  un  oignon  coupé  en  tranches  ;  quelques  clous  de  girofle^  un 
bon  morceau  de  beurre  frais,  lin;  posez  vos  écrevisses  sur  un 
fourneau  un  peu  vif,  ayant  la  précaution  de  les  couvrir  et  de  les 
sauter  de  temps  en  temps  afin  que  celles  qui  sont  dessous  revien- 
nent dessus;  au  bout  de  vingt  minutes,  retirez-les  du  feu  et 
couvrez-les  afin  qu'elles  achèvent  de  cuire  ainsi.  Si  vous  les  aimez 
chaudes,  servez-les  tout  de  suite,  ou,  si  Theure  du  dîner  n'est  pas 
arrivée,  faites  les  réchauffer  dans  leur  assaisonnement;  si  vous  les 
aimez  froides,  dressez-les  en  buisson,  et  servez-les  à  Theure  du 
dîner. 

Écrevisses  à  la  poulette.  —  Prenez  vos  écrevisses,  faites-les 
cuire  dans  une  légère  eau  de  sel;  leur  cuisson  faite,  égouttez-les, 
supprimez-en  les  petites  pattes  et  les  coquilles  de  la  queue,  cou- 
pez-leur le  bout  du  nez  et  le  bout  des  grosses  pattes  ;  mettez  dans 
une  casserole  du  velouté  réduit,  un  peu  de  persil  haché  et  lavé, 
un  peu  d'échalotes  hachées  de  même;  faites  bouillir,  jetez  vos 
écrevisses  dans  cette  préparation,  liez-les  de  deux  jaunes  d'oeufs, 
mettez  un  pain  de  beurre  coupé  par  petits  morceaux ,  sautez  vos 
écrevisses,  exprimez-y  un  jus  de  citron,  dressez-les,  saucez-les  et 
servez-les. 

Canapé  d'écrevisses.  —  Les  canapés  d'écrevisses  sont  de 
petites  tartines  de  pain  minces  et  rondes,  enduites  de  beurre 
d'anchois,  et  sur  lesquelles  sont  jungées,  en  rosace,  des  queues 
d'écrevisses  tout  épluchées.  On  remplit  les  interstices  avec  cerfeuil 
et  estragon  hachés  menus. 

Écrevisses  à  l'anglaise.  —  Faites-les  cuire  dans  une  simple 
eau  de  sel,  arrachez  les  petites  pattes,  en  laissant  les  grosses 
terminées  par  des  pinces,  passez-les  au  beurre  frais,  champignons 
et  fonds  d'artichauts  hachés,  mouillez-les  d'un  peu  de  consommé, 
laissez  mijoter  à  petit  feu ,  liez  avec  deux  jaunes  d'oeufs  délayés 
avec  de  la  crème  douce  et  du  persil  haché  ;  au  moment  de  servir, 
jetez -y  ^une  cuillerée  de  catchup  ou  bien  quelques  gouttes  de 
soya. 

Ecrevisses  en  matelotte,  —  Prenez  une  trentaine  de  belles 
écrevisses,  faites-les  cuire  au  vin,  comme  pour  en  faire  un  buis- 


532 


EPERLAN. 


son  ;  épluchez-les  comme  il  est  dit  pour  les  écrevisses  à  la  poulette, 
ayez,  préparés  d'avance,  des  oignons  coupés  en  tranches,  des  carottes 
coupées  en  lames,  du  persil  en  branches,  quelques  ciboules,  deux 
gousses  d'ail ,  une  feuille  de  laurier,  du  thym ,  deux  clous  de 
girofle  et  une  pincée  d'épices  fines,  sel,  poivre,  deux  bouteilles 
de  vin  blanc;  jetez  vos  écrevisses  dans  cette  sauce,  laissez  bouillir 
un  quart  d'heure,  dressez  vos  écrevisses  et  saucez -les,  mettez 
autour  des  croûtes  de  pain  passées  dans  le  beurre. 

Écrevisses  à  la  gasconne.  —  Fendez  vos  écrevisses  en  deux 
dans  le  sens  de  la  longueur,  faites-les  cuire  avec  persil,  ciboules, 
champignons,  gousses  d*ail,  oignons,  clous  de  girofle,  feuilles  de 
laurier,'deux  verres  d'un  vieux  vin  rouge,  un  demi-verre  d'huile 
d'olive,  sel,  poivre,  tranches  de  citron,  laissez  réduire  la  sauce, 
et  après  en  avoir  retiré  l'oignon,  le  laurier  et  le  citron,  servez  en 
casserole,  à  l'entremets  et  pour  extra, 

ELEPHANT.  —  Que  ce  titre  n'effraye  pas  le  lecteur,  nous 
n'allons  pas  le  condamner  à  manger  tout  entier  ce  monstrueux 
animal,  mais  nous  l'engagerons,  si  toutefois  il  lui  tombait  une 
trompe  ou  des  pieds  d'éléphant  sous  la  main ,  d'y  goûter  en  les 
assaisonnant  de  la  façon  que  nous  allons  indiquer  plus  loin,  et  à 
nous  en  dire  après  des  nouvelles. 

La  Cochinchine  est  peut-être  aujourd'hui  la  seule  nation 
qui  mange  la  chair  de  l'éléphant  et  la  regarde  comme  un  aliment 
très-délicat.  Quand  le  roi  en  fait  tuer  un  pour  sa  table ,  il  en 
envoie  des  morceaux  aux  grands ,  ce  qui  est  une  très-grande 
marque  de  faveur  ;  mais  les  morceaux  les  plus  estimés  sont  tou- 
jours la  trompe  et  les  pieds. 

Levaillant  dit  que  c'est  un  mets  exquis.  «  Les  pieds  grillés, 
ajoute-t-il,  sont  un  manger  de  roi;  je  ne  concevais  pas  qu'un 
animal  aussi  lourd,  aussi  matériel  pût  fournir  un  mets  aussi  dé- 
licat; je  dévorai  sans  pain  le  pied  de  mon  éléphant.  » 

Nous  allons  donc  indiquer,  pour  ceux  de  nos  lecteurs  qui 
voudraient  faire  comme  Levaillant,  une  recette  pour  les  pieds 
d'éléphant  que  nous  devons  encore  à  M.  Duglerez  de  la  maison 
Rothschild. 

Prenez  un  ou  plusieurs  pieds  de  jeunes  éléphants,  enlevez  la 
peau  et  les  os  après  les  avoir  fait  dégorger  pendant  quatre  heures 


EPINARDS.  533 


à  Teau  tiède.  Partagez-les  ensuite  en  quatre  morceaux  dans  la 
longueur  et  coupez-les  en  deux,  faites-les  blanchir  dans  de  Teau 
pendant  un  quart  d'heure,  passez-les  ensuite  à  l'eau  fraîche  et 
égouttez-les  dans  une  serviette. 

Ayez  ensuite  une  braisièrt  qui  ferme  bien  hermétique- 
ment; placez  au  fond  de  cette  braisière  deux  tranches  de  jam- 
bon de  Bayonne,  mettez  dessus  vos  morceaux  de  pieds,  puis 
quatre  oignons ,  une  tête  d'ail ,  quelques  aromates  indiens , 
une  demi-bouteille  de  madère  et  trois  cuillerées  de  grand 
bouillon. 

Couvrez  bien  ensuite  votre  braisière  et  faites  cuire  à  petit 
feu  pendant  dix  heures  ;  faites  passer  la  cuisson  bien  dégraissée 
à  demi-glace  en  y  ajoutant  un  verre  de  porto  et  50  petits  piments 
que  vous  aurez  fait  blanchir  à  grande  eau  et  à  grand  feu  pour 
les  conser\'er  très-verts. 

Il  est  nécessaire  que  la  sauce  soit  très-relevée  et  de  bon  gotkt; 
veillez  surtout  à  ce  dernier  point. 

Les  Indiens  ne  font  pas  tant  de  façons  ;  il  QSt  vrai  qu'ils  sont 
moins  versés  que  nous  dans  les  mystères  de  la  haute  cuisine  ;  aussi 
font-ils  tout  simplement  cuire  sous  la  cendre,  après  les  avoir 
préalablement  enveloppés  dans  des  feuilles  serrées  avec  des  fibres 
de  jonc. 

Ce  qui  ne  les  empêche  pas,  du  reste,  de  s'en  régaler. 
EMINCES.  —  Lames  de  viande  rôties  qu'on  apprête  en 
ragoût.  Les  émincés  de  mouton  doivent  être  servis  sur  de  la 
chicorée  à  la  crème,  et  les  émincés  de  chevreuil  sur  une  purée 
de  champignons  ;  les  émincés  de  filet  de  bœuf  sur  une  sauce 
piquante;  les  émincés  de  bœuf  bouilli  s'appellent  miroton. 

ENTRÉES.  —  Préparation  chaude  qui  accompagne  ou  suit 
le  potage. 

ENTREMETS.  —  Préparations  servies  avec  le  rôti ,  tels 
que  légumes,  crèmes  cuites  et  quelques  pâtisseries. 

ÉPEAUTRE. — Froment  qui  produit  une  farine  très-légère, 
et  d'un  goût  très-savoureux,  il  est  particulièrement  cultivé  dans 
le  Nord  de  l'Europe.  M™*  de  Genlis  dit  que  les  melchpaes  et 
les  autres  pâtisseries  allemandes  doivent  leur  suprême  délicatesse 
à  l'emploi  de  la  farine  des  épeautres. 


534 


EPINARDS. 


ÉPERLAN.  —  L'éperlan  est  un  des  poissons  les  plus 
délicats  que  Ton  puisse  manger. 

Éperlans  frits.  —  Ayez  une  quantité  suffisante  d'éperlans; 
videz-les,  écaillez-les,  essuyez-les  Tun  après  l'autre,  enfilez-les 
par  les  yeux  avec  un  hâtelet  ouTirochette,  trempez-les  dans  du 
lait,  farinez-les,  faites-les  frire,  qu'ils  soient  d'une  belle  couleur, 
mettez  une  serviette  sur  votre  plat,  dressez-les  dessus  et 
servez. 

Éperlans  à  Panglaise.  —  Mettez  deux  cuillerées  d'huile 
dans  une  casserole,  du  sel  et  du  poivre,  la  moitié  d'un  citron 
coupé  en  tranches,  dont  vous  aurez  ôté  la  peau  et  les  pépins; 
ajoutez-y  deux  verres  de  vin  blanc,  autant  d'eau  que  devin;  faites 
bouillir  cet  assaisonnement  environ  un  quart  d'heure,  mettez-y 
vos  éperlans,  après  les  avoir  vidés,  écaillés  et  bien  essuyés;  faites- 
les  cuire,  égouttez-le'^s,  saucez-les  avec  la  sauce  ci-après 
indiquée. 

Faites  blanchir  une  gousse  d'ail,  pilez-la  avec  le  dos  de 
votre  couteau,  mettez-la  dans  une  casserole  avec  du  persil  et 
ciboules  bien  hachés,  et  deux  verres  de  vin  de  Champagne,  fiiites 
bouillir  votre  sauce  cinq  minutes,  ajoutez-y  un  pain  de  beurre 
manié  avec  de  la  farine  et  un  autre  sans  être  manié,  du  sel  er 
une  pincée  de  gros  poivre,  faites  lier  votre  sauce,  et,  sa  cuisson 
faite,  ajoutez-y  un  jus  de  citron,  goûtez-la  et  servez. 

EPINARDS.  —  Plante  potagère  de  la  famille  des  arroches, 
et  dont  on  ne  mange  les  feuilles  que  cuites. 

On  a  fait  beaucoup  de  plaisanterie  sur  l'épinard,  qui  n'a, 
dit-on,  aucune  propriété  alimentaire  et  qui  a  été  qualifié  de 
balai  de  l' estomac;  c'est  une  erreur,  et  l'épinard  est  au  contraire 
alimentaire  et  plaît  beaucoup  à  l'estomac,  dont  il  n'est  le  balai, 
si  je  puis  me  servir  aussi  de  cette  expression,  qu'en  ce  sens  qu'il 
convient  tellement  à  cet  organe  que  ce  dernier  le  digère  avec 
une  facilité  remarquable. 

Il  ya  différentes  façons  d'apprêter  les  épinards;  nous  allons 
indiquer  celles  qui  nous  paraissent  les  meilleures. 

Epinard  à  la  vieille  mode.  —  Vos  épinards  blanchis  et 
hachés,  vous  les  mettez  dans  une  casserole  avec  beurre  et  muscade 
râpée;    quand  ils  sont  passés  ajoutez  beurre  manié  de  farine, 


ESCARGOTS. 


53) 


sucre  et  lait,  puis  vous  les  servez  garnis  de  croûtons  de  pain 
passés  au  beurre. 

Épinards  à  la  maître  d'hôtel.  —  Quand  vos  épinards  sont 
bien  blanchis  à  Feau  bouillante,  vous  les  jetez  dans  l'eau  froide, 
vous  les  égouttez  bien  et  les  hachez  ;  mettez-les  à  sec  dans  une 
casserole,  soumettez-les  au  bain-marie  avec  sel,  poivre,  muscade 
râpée ,  joignez-y  un  morceau  de  beurre  quand  ils  sont  chauds  et 
remuez. 

Épinards  au  jus.  —  Quand  vos  épinards  sont  cuits  et  bien 
passés,  vous  y  ajoutez  soit  deux  cuillerées  de  blond  de  veau, 
soit  de  jus  de  fricandeau  réduit  en  glace;  puis,  au  moment  de 
servir,  un  bon  morceau  de  beurre  frais  que  vous  laisserez,  fondre, 
et  servez  avec  des  croûtons  frits. 

Épinards  à  l'anglaise.  —  Faites  bouillir  dans  un  chaudron 
de  Teau  dans  laquelle  vous  aurez  jeté  une  poignée  de  gros  sel, 
mettez-y  vos  épinards  que  vous  aurez  d'abord  bien  épluchés, 
bien  lavés  et  fait  blanchir;  quand  ils  seront  cuits  dans  l'eau  salée, 
vous  les  hacherez  et  les  mettrez  dans  une  casserole  avec  du  sel  et 
du  poivre,  remuez-les  bien  et  ajoutez,  quand  il  seront  chauds, 
un  bon  morceau  de  beurre  que  vous  mêlerez  bien  avec  les 
épinards,  et  servez  comme  pour  les  épinards  au  jus. 

Épinards  au  sucre.  —  Quand  vos  épinards  sont  cuits,  vous 
les  assaisonnez  avec  un  peu  de  sel,  un  morceau  de  sucre,  un  peu 
d'écorce  de  citron  et  deux  macarons  piles,  et  vous  les  servez 
entourés  de  quelques  biscuits  à  la  cuiller. 

Crème  d'épinards.  —  Mêlez  une  grande  cuillerée  d'épinards 
cuits,  une  douzaine  d'amandes  douces  pilées,  un  peu  de  citron 
vert,  trois  ou  quatre  biscuits  d'amandes  amères,  du  sucre,  deux 
verres  de  crème,  un  verre  de  lait  et  six  jaunes  d'oeufs.  Vous- 
passez  le  tout  à  l'étamine,  cuisez  dessus  et  dessous,  et  servez 
chaud. 

Rissoles  d'épinards.  —  Épluchez  des  épinards,  lavez-les  à 
plusieurs  eaux  et  faites-les*  cuire  dans  une  casserole  avec  un  verre 
d'eau  et  égouttez  après;  laissez-les  refroidir,  ajoutez-y  du  beurre 
frais,  de  l'écorce  de  citron  vert,  deux  biscuits  d'amandes  amères, 
du  sucre  et  de  la  fleur  d'oranger;  vous  pilez  le  tout  dans  un 
mortier.  Vous  faites  ensuite  une  abaisse  de  pâte  bien  mince  que 


536  ESCARGOTS. 


vous  coupez  en  petits  morceaux;  mettez  au  coin  de  chaque 
morceau  un  peu  de  la  farce  ci-dessus,  mouillez  vos  rissoles  ainsi 
préparées  et  couvrez-les  de  pâte,  parez-les  tout  autour  avec  un 
couteau,  faites-les  frire  dans  une  friture  maigre;  quand  elles  ont 
pris  une  belle  couleur,  mettez-les  égoutter,  dressez-les  prompte- 
ment  sur  un  plat,  saupoudrez-les  de  sucre,  glacez-les  à  la  pelle 
rouge  et  servez  chaudement  pour  entremets.  (Méthode  de  M.  de 
Courchamps.) 

Vert  d'épinards  de  cuisine.  —  Faites  blanchir  une  poignée 
d'épinards  avec  persil  et  ciboules;  rafrsuchissez,  pressez,  pilez, 
passez  à  Tétamine.  Si  le  vert  est  trop  épais  mouillez  avec  du 
bouillon. 

Vert  d'épinards  d'office.  —  Lavez,  pilez  au  mortier,  pressez 
au  torchon  vos  feuilles,  mettez-les  dans  une  tourtière  sur  le  feu, 
laissez  jeter  deux  ou  trois  bouillons,  égouttez. 

Tourte  d'épinards,  —  Épluchez  bien  vos  épinards,  ôtez-en 
les  queues,  lavez-les  à  plusieurs  eaux,  mettez-les  dans  une 
casserole  avec  de  Teau,  faites-les  cuire,  retirez-les,  égouttez-les, 
laissez-les  refroidir,  pressez-les  pour  en  exprimer  tout  le  jus, 
pilez-les  bien  dans  un  mortier  avec  de  l'écorce  de  citron  vert 
confit,  du  sucre  et  un  morceau  de  beurre  frais  avec  un  peu  de 
sel;  foncez  une  tourtière  d'une  abaisse  de  pâte  feuilletée,  étendez 
dessus  les  épinards  le  plus  également  que  vous  pourrez,  faites 
des  façons  de  bandes  de  feuilletage  et  un  cordon  autour  et  mettez 
la  tourte  cuire.  Quand  elle  est  cuite,  râpez  du  sucre  dessus, 
glacez-la  avec  la  pelle  rouge,  dressez-la  sur  un  plat  et  servez 
chaudement. 

Potage  d'épinards.  —  Mettez  dans  un  pot  des  épinards 
bien  lavés,  ajoutez-y  de  l'eau,  du  beurre,  du  sel,  un  petit 
bouquet  de  marjolaine,  du  thym,  un  oignon  piqué  de  quelques 
clous  de  girofle  ;  faites  bouillir  le  tout  ensemble,  et  lorsque  votre 
potage  est  à  moitié  cuit,  mettez  de  sucre  ce  qu'il  en  faut,  une 
poignée  de  raisins  secs,  des  croûtons  de  pain  séchés  au  four, 
achevez  de  le  faire  cuire  et  dressez-le  sur  des  soupes  de  pain. 

ESCARGOTS.  —  Gros  limaçon  gris  à  coquille.  La  seule 
différence  que  les  gourmands  font  entre  les  limaçons  dépend  des 
lieux  où  ils  sont  récoltés  ;  ceux  de  vigne  sont  les  plus  recher- 


ESCARGOTS. 


537 


chés  et  les  meilleurs.  Les  Romains  en  étaient  si  friands  qu'ils  les 
engraissaient  dans  des  viviers  construits  pour  cet  usage.  On  les 
nourrissait  avec  du  blé  et  du  vin  cuits,  pour  les  rendre  plus 
faciles  à  digérer.  On  les  assaisonne  vigoureusement;  en  outre  on 
fait  avec  les  escai^ots  des  bouillons  très-calmants  pour  les  poi- 
trinaires ;  dans  plusieurs  villes  de  France,  à  Nancy  particulière- 
ment, on  les  fait  cuire  et  on  les  mange  comme  les  huîtres  à 
Paris. 

Escargots  à  la  provençale.  —  Prenez  trois  douzaines  d'es- 
cargots, laissez  les  tremper  dans  un  vase  rempli  d'eau  froide 
pour  les  brosser  après  cette  immersion  avec  une  brosse  de 
chiendent  ;  pendant  ce  temps  faites  bouillir  dans  un  chaudron 
assez  d'eau  pour  qu'ils  y  blanchissent,  faites  un  sachet  d'une 
poignée  de  cendre  tamisée,  liez-le  avec  une  ficelle;  jetez  ce 
sachet  dans  l'eau  et  laissez  bouillir  la  cendre  pendant  un 
quart  d'heure.  Ce  temps  écoulé,  jetez  dedans  les  escargots, 
laissez-les  jusqu'à  ce  qu'ils  puissent  facilement  se  retirer  de  leurs 
coquilles  ;  douze  ou  quinze  minutes  après,  remettez-les  dans 
l'eau  fraîche  pour  les  retirer  de  leurs  carapaces,  pour  les  rejeter 
à  mesure  dans  de  l'eau  tiède.  Vous  aurez  dans  une  casserole 
deux  cuillerées  de  bonne  huile,  persil,  champignons,  échalotes 
et  la  moitié  d'une  gousse  d'ail  râpée,  sel  et  muscade  râpée,  enfin 
un  peu  de  piment  vert.  Lorsque  ces  fines  herbes  seront  bien 
passées,  ajoutez  une  demi-cuillerée  de  farine  et  mouillez  d'un 
verre  de  bon  vin  blanc.  Aussitôt  que  cette  sauce  commencera  à 
bouillonner,  jetez  dedans  vos  escargots  bien  égouttés,  et  laissez- 
les  achever  leur  cuisson  en  mijotant  ;  il  faut  que  la  sauce  soit 
tenue  serréej  en  ce  moment  ajoutez-y  deux,  trois  jaunes  d'œufs 
crus,  et  emplissez  les  coquilles,  masquez-les  de  mie  de  pain, 
arrosez-les  d'huile  et  mettez-les  pendant  un  quart  d'heure  au 
four,  si  vous  n'avez  pas  de  four  celui  de  campagne  suffira,  avec 
feu  dessous.  Servez-les  bouillants. 

Matelotte  d'escargots  à  la  bordelaise.  —  Après  avoir  nettoyé 
les  escargots  avec  une  brosse,  passez-les  au  beurre  sans  laisser 
roussir,  ajoutez-y  une  cuillerée  à  bouche  de  farine,  mouillez 
d'un  verre  de  vin  blanc  de  Bordeaux  et  de  consommé,  sel, 
poivre,    muscade   râpée,  un   bouquet  garni  de    thym,  laurier. 


53»  ESCARGOTS. 


basilic,  une  gousse  d'ail,  piquez  un  oignon  d'un  clou  de  girofle, 
et  laissez  cuire  ainsi,  afin  que  les  escargots  deviennent  moel- 
leux ;  dégraissez  la  sauce,  égouttez  vos  escargots,  et  placez-les 
dans  une  seconde  casserole  avec  deux  morceaux  de  champignons 
tournés  et  cuits  auparavant  ;  réduisez  la  sauce,  liez-la  de  trois 
jaunes  d'oeufs  crus  dans  lesquels  vous  ajoutez  gros  comme  une 
noix  de  beurre  cassé  en  petits  morceaux.  Passez  cette  sauce  à 
l'étamine  sur  les  escargots  que  vous  aurez  tenus  chaudement  ; 
ajoutez  une  demi-cuillerée  à  bouche,  persil  et  civettes  hachées 
et   blanchies  ,    pressez    un    demi  -  jus    de    citron    et    servez. 

Escargots  à  la  polonaise.  —  Coupez  vos  escargots  en  gros 
dés  après  les  avoir  préparés  comme  je  l'ai  dit,  vous  aurez  fait 
cuire  d'avance  dans  du  bouillon  du  raifort  coupé  comme  une 
julienne,  autant  de  racine  de  persil,  un  oignon  en  dés,  du  beurre, 
du  sel,  de  la  muscade  râpée  et  de  la  mignonnette  ;  lorsque  les 
racines  seront  cuites,  jetez  vos  escargots  dans  cette  préparation, 
laissez-les  mijoter  jusqu'à  leur  entière  cuisson,  que  le  fond  soit 
réduit,  et  lorsqu'ils  arriveront  à  ce  point,  versez-y  une  cuillerée 
d'allemande,  pressez-y  un  jus  de  citron,  emplissez  aux  trois  quarts 
les  coquilles,  maniez  d'avance  du  beurre  bien  frais  avec  du  persil 
haché,  du  raifort  râpé,  mie  de  pain  réduite  en  poussière  ;  finissez 
d'emplir  les  coquilles  avec  ce  pain,  et  servez-les  au  bout  d'un 
quart  d'heure;  à  vingt  minutes  tout  au  plus. 

Nous  empruntons  à  l'excellent  livre  de  M.  Plumeret,  VoArt 
de  la  cuisine  française  au  xix®  siècle,  la  recette  du  bouillon 
d'escargots^  plus  complète  chez  lui  que  dans  aucun  dispen- 
saire. 

Bouillon  rafraîchissant  et  pectoral  d'escargots^.  —  Il  faut 
avoir  une  douzaine  d'escargots  que  vous  aurez  fait  dégorger  la 
veille;  le  lendemain,  cassez-en  les  coquilles,  car  il  ne  serait 
guère  possible  de  les  sortir,  où  il  faudrait  les  faire  blanchir,  ce 
qui  leur  ôterait  toute  la  partie  glutineuse  ;  mettez-les  dans  une 
casserole  avec  un    litre  d'eau  :  ajoutez   une  laitue   coupée  en 


1 .  VArt  de  la  cuisine  française  ait  xix'  siècle ,  par  Plumeret,  6*,  7"  et  der- 
nière parties  de  l'ouvrage  de  Carême.  (Se  trouve  chez  Garnier  frères,  libraires- 
éditeurs,  6,  rue  des  Saints-Pères  et  Palais-Royal,  215.) 


ESPAGNOLE. 


5^9- 


quatre  parties,  quelques  feuilles  de  cerfeuil  et  d'oseille,  deux 
dattes,  quatre  jujubes,  très-peu  de  sel,  seulement  pour  enlever 
la  fadeur;  écumez  jusqu'à  ce  que  Tébullition  se  fasse.  Alors  passez 
la  casserole  sur  l'angle  du  fourneau  pour  que  le  bouillon  mijote 
pendant  trois  heures,  et  que,  pendant  sa  cuisson,  il  réduise  d'un 
tiers;  vous  aurez  fait  dissoudre  une  once  de  gomme  dans  la  moitié 
d'un  verre  d'eau  tiède;  versez  cette  gomme  dans  le  bouillon 
d'escargots,  avant  de  le  passer  à  la  serviette  dans  une  jatte  de 
porcelaine  ou  de  faïence  pour  le  chauffer  sans  ébuUition,  à  mesure 
que  l'on  vous  en  demandera  une  tasse.  Quelques  personnes  ajou- 
tent avec  la  gomme,  pour  se  fondre  ,un  morceau  de  sucre  candi^ 
mais  on  ne  doit  le  mettre  que  lorsqu'on  le  demandera. 

Escargots  à  la  bourguignonne.  —  Prenez  des  escargots  de 
Bourgogne,  terre  rouge,  ceux  de  la  Franche-Comté  sont  plus 
délicats  ;  passez-les  à  l'eau  tiède  pour  les  nettoyer  extérieurement, 
puis  faites-les  cuire  dans  un  demi-court-bouillon,  ensuite  les 
laisser  égoutter  sans  les  sortir  de  leur  coquille. 

Garnir  ensuite  l'escargot  d'une  couche  de  fromage  suisse  râpé 
et  le  couvrir  de  beurre  bien  frais  qui  aura  été  préalablement 
assaisonné  de  fines  herbes  et  un  soupçon  d'ail,  sel  et  poivre. 

Les  faire  chauffer  ensuite,  soit  sur  un  gril^  dans  la  poêle  ou 
sur  la  braise  ;  ils  sont  meilleurs  cuits  sur  le  gril. 

Escargots  et  limaçons  : 

Les  anciens  Romains  faisaient  leurs  délices 
De  ces  Escargots  (ni  chairs ^  ni  poissons)^ 
Qu'hommes  de  science  appellent  a  hélices,  i» 
Et. qu'il  ne  faut  pas  croire  Limaçons.,, 

—  Fi  !  l'horreur  I  dit-on,  me  trouvant  trop  brusque 
A  parfaire  un  mets  «  de  rampants  visqueux.  » 
Donc,  séparant  Vun  de  Vautre  mollusque, 
J'en  fais  un  un  plat j  —  foi  de  Maître-Queux! 

D'abord,  VEscargot  point  ne  se  désigne 
A  notre  dégoût,  durant  les  jours  froids  : 
Clos  dans  sa  coquille,  au  pied  d'une  vigne. 
Il  s'engraisse,  loin  d'humides  endroits... 

(—  Qu'en  poëte,  ailleurs,  j'en  dirais  merveille  l 
«  Mystérieux,  seul,  il  se  reproduit; 


1 


540  ESTURGEON. 


«  S'il  s'accouple,  il  lance  un  trait  à  l'oreille 
a  Du  semblable  qui,  clairvoyant^  le  suit.  »  — ) 

Mais  qu'à  Veau  bouillante  il  jette  sa  bave; 
De  son  enveloppe  extrait,  on  est  sûr 
Qu'avec  bain  de  sel^  VEscargot  se  lave 
De  tout  son  limon;  il  est  ferme  et  pur,., 

(Qu'au  feu,  sans  apprêts,  aux  champs  on  le  grille  ;) 
VEscargot^  pour  nous,  n'est  propre  qu'ainsi  : 
Cuit,  avec  Jus^  lard;  puis,  mis  en  coquille j 
VWpiceSj  de  beurre  et  à* herbes  farci; 

Ensuite^  au  four  chaud,  en  une  minute. 
Qu'il  rôtisse  y  et  soit  bien  à  point  mangé!... 
Quant  au  Limaçon ^  qu'ici  j'exécute^ 
Il  triomphe,  hélas!  du  sot  préjugé! 

—  Faible  de  poitrine  !  absorbe  un  reptile. 
Qu'on  mange,  en  Provence,  avec  V Aillolis  : 
Sauce,  faite  d'oi/^  de  jaunes  à^etufs^  à^hidle; 
Le  Limaçon  cru  vaut  tous  nos  coulis!.,, 

J,  ROUYER. 


ESPAGNOLE  (sauce).  (Recette  du  Cuisinier  national  et  non 
pas  économique,)  —  <(  Mettez  dans  une  casserole  deux  noix  de 
veau,  un  faisan  ou  quatre  perdrix,  la  moitié  d'une  noix  de  jam- 
bon, quatre  ou  cinq  grosses  carottes,  cinq  oignons  dont  un  piqué 
de  cinq  clous  de  girofle  ;  mouillez  vos  viandes  avec  une  bouteille 
de  vin  de  Madère  sec,  plein  une  cuiller  à  pot  de  gelée;  mettez 
votre  casserole  sur  un  grand  feu.  Quand  votre  mouillement  est 
réduit  vous  le  mettez  sur  un  feu  doux  ;  lorsque  votre  glace  est 
plus  que  blonde,  vous  retirez  votre  casserole  du  feu  et  la  laissez 
dix  minutes  dehors  pour  que  la  glace  puisse  bien  se  détacher, 
vous  aurez  fait  suer  des  sons  noirs,  comiTie  dans  la  grande  sauce, 
et  vous  prendrez  ce  mouillement  pour  en  mouiller  votre  espa- 
gnole ;  quand  elle  sera  bien  écumée,  vous  aurez  un  roux  que  vous 
délayerez  avec  le  mouillement  et  vous  le  verserez  sur  votre  viande; 

m 

vous  y  mettrez  des  champignons,  un  bouquet  de  persil  et  ciboule, 
quelques  échalotes,  du  thym  et  du  laurier  ;  quand  votre  sauce 
bouillira,  vous  la  mettez  sur  le  coin  du  fourneau  pour  qu'elle 
bouille  tout  doucement  jusqu'à  ce  que  vos  viandes  soient  cuites. 


ESTURGEON.  .  541 


Cette  sauce  doit  être  d'une  belle  couleur,  c  est-à-dire  ni  trop 
pâle  ni  trop  brune;  elle  doit  être  bien  liée  et  pas  trop  épaisse.  » 

Voici  la  note  que  M.  Vuillemot  pique  en  marge  de  cette 
recette  : 

«  Je  ne  puis  ni  comprendre  ni  approuver  ces  sons  noirs  dans 
l'espagnole.  » 

Espagnole  travaillée  (d'après  la  même  autorité  culinaire).  — 
Mettez  dans  une  casserole  une  égale  quantité  de  consommé  et  de 
sauce  espagnole,  faites  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  ajou- 
tez-y des  champignons  (une  douzaine  par  litre  de  sauce)  et  faites 
bouillir  le  tout;  écumez  et  dégfaissez  avec  soin;  laissez  réduire 
jusqu'à  ce  qu'elle  ait  acquis  assez  d'épaisseur,  passez-la  alors  à 
rétamine,  et  lorsque  vous  en  aurez  besoin  faites-la  chauffer  au 
bain-marie. 

On  peut  aussi  ajouter  à  cette  sauce  du  vin  blanc;  dans  ce 
cas,  il  faut,  non  comme  le  dit  le  Cuisinier  national^  mettre  autant 
de  vin  que  de  consommé,  mais  seulement  un  demi-verre  de  vin 
blanc  pour  deux  litres  de  consommé. 

ESSENCE  DE  GIBIER.  —  Prenez  500  gr.  de  bœuf,  deux 
perdrix,  deux  lapins  de  garenne  et  un  quasi  de  veau  ;  faites  cuire 
à  la  marmite  ;  mouillez  avec  un  demi-litre  de  vin  blanc  et  faites 
bouillir  jusqu'à  réduction;  remplissez  ;  ajoutez  oignons,  carottes, 
thym,  basilic,  serpolet,  clous  de  girofle  ;  écumez  ;  faites  bouillir; 
passez  votre  essence. 

Essence  de  légumes,  —  Mettez  deux  kilos  de  bœuf,  une 
vieille  poule  et  un  jarret  de  veau  dans  une  marmite  avec  deux 
ou  trois  douzaines  de  carottes,  oignons,  navets,  deux  ou  trois 
laitues,  cerfeuil,  pieds  de  céleri,  girofle;  emplissez  votre  mar- 
mite de  bouillon  et  agissez  comme  pour  le  consommé.  Les 
viandes  étant  cuites,  passez  votre  essence  et  faites  réduire  si 
besoin  en  est. 

Essence  de  jambon.  —  Battez  des  tranches  de  jambon  cru, 
garnissez-en  le  fond  d'une  casserole,  faites  suer  jusqu'à  ce  que 
les  tranches  commencent  à  s'attacher,  ajoutez  alors  du  beurre 
fondu  et  un  peu  de  farine  ;  remuez  avec  une  cuiller  et  ajoutez 
ensuite  du  jus  ou  du  bouillon  ;  assaisonnez  avec  épices  mêlées, 
pas  de  sel,  un  bouquet  garni,  un  jus  de  citron,  deux  clous  de 


^ 


54a  ^  ESTURGEON. 


girofle  et  une  poignée  de  champignons  hachés.  Quand  tout  est 
cuit  passez  à  Tétamine  ;  liez  avec  croûtons  mitonnes. 

ESTRAGON.  —  Plante  aronîatique,  originaire  de  la  Sibérie 
-et  qu'on  cultive  beaucoup  dans  les  jardins,  pour  s'en  servir 
<:omme  assaisonnement  dans  les  salades  ou  pour  confire  dans  le 
vinaigre. 

On  sait  combien  l'usage  en  est  fréquent  dans  les  sauces. 

J'ajouterai  même  qu'il  n'y  a  pas  de  bon  vinaigre  sans  estra- 
gon, et  j'engage  le  lecteur  à  en  mettre  dans  son  vinaigre. 

ESTURGEON.  —  Un  des  plus  grands  poissons  de  rivière, 
j'en  ai  fait  à  propos  du  caviar  une  description  assez  complète  ;  il 
a  été  très-rare  et  très-estimé  en  France,  il  pèse  jusqu'à  trois  et 
quatre  cents  livres.  J'ai  donné,  en  1833,  un  bal  masqué,  dont 
quelques  contemporains  se  souviennent,  on  y  servit  un  chevreuil 
rôti  et  un  esturgeon  cuit  au  court-bouillon  ;  tout  entier  le  che- 
vreuil fut  dévoré  jusqu'aux  os;  mais,  quoiqu'il  y  eût  quatre  cents 
personnes  à  souper,  on  ne  put  venir  à  bout  de  l'esturgeon. 

Un  jour,  Tarchichancelier  Cambacérès  qui  se  disputait  avec 
Murât,  Junot,  M.  de  Cussy,  M.  de  Talleyrand,  la  royauté  de  la 
table,  reçut  le  même  jour,  jour  de  grand  dîner,  deux  esturgeons 
monstrueux,  l'un  pesait  162  livres,  l'autre  187. 

Le  maître  d'hôtel  crut  devoir  venir  consulter  Son  Altesse  sur 
•ce  cas  remarquable,  si  on  les  servait  tous  les  deux,  l'un  nuisait 
évidemment  à  l'autre,  si  l'on  n'en  servait  qu'un,  le  second  était 
perdu,  on  ne  pouvait  deux  jours  de  suite  donner  deux  poissons 
de  la  même  espèce  aux  convives  de  son  Altesse. 

Cambacérès  s'enferma  avec  son  maître  d'hôtel,  qui  sortit 
radieux  de  son  cabinet  au  bout  d'un  quart  d'heure. 

En  effet,  on  avait  trouvé  un  biais  qui  permettait  sinon  de  les 
servir,  du  moins  de  les  montrer  tous  les  deux,  et  de  sacrifier  le 
premier  en  l'honneur  du  second,  et  de  le  sacrifier  de  façon  à  faire 
le  plus  grand  honneur  à  la  table  de  Son  Altesse. 

Voici  ce  qu'avaient  imaginé  monseigneur  et  son  maître 
d'hôtel  : 

L'esturgeon  devait  être  servi  en  relevé  de  potage. 

On  coucha  le  moins  énorme  sur  un  lit  de  feuillages  et  de 
fleurs  ;  un  concerto  de  violons  et  de  flûtes  annonça  son  entrée. 


ESTURGEON.  54J 


Le  flûtiste,  en  costume  complet  de  chef,  suivi  des  deux  vio- 
lons habillés  comme  lui,  précédèrent  Testurgeon  qui  entra  accom- 
pagné de  quatre  valets  de  pied  portant  des  torches,  de  deux  aides 
de  cuisine  le  couteau  au  côté,  le  suisse  en  tète,  sa  hallebarde  à 
la  main. 

L'esturgeon,  placé  sur  une  petite  échelle  de  huit  à  dix  pieds 
de  long,  reposait  à  ses  deux  extrémités  sur  les  épaules  des  deux 
aides  de  cuisine. 

Le  cortège,  au  son  des  violons  et  de  la  flûte  et  au  milieu  des 
cris  d'admiration  des  convives,  commença  de  faire  le  tour  de  la 
table. 

L'apparition  était  si  inattendue  que  Ton  oublia  le  respect 
que  Ton  devait  à  monseigneur  et  que  chacun  monta  sur  sa  chaise 
pour  voir  le  monstfe. 

Mais  le  tour  de  la  table  achevé,  au  moment  où  le  poisson 
allait  sortir  pour  se  faire  découper  aux  applaudissements  de  toute 
la  société,  un  des  porteurs  lit  un  faux  pas,  tomba  sur  un  genou, 
tandis  que  le  poisson  de  son  côté  glissait  de  dessus  son  échelle  et 
tombait  sur  le  parquet. 

Un  long  cri  de  désespoir  sortit  de  tous  les  cœurs,  ou  plutôt 
de  tous  les  estomacs  ;  il  y  eut  un  instant  de  trouble,  pendant 
lequel  chacun  donna  son  avis,  mais  la  voix  de  Cambacérès 
domina  le  tumulte,  et,  avec  une  simplicité  digne  d'un  vieux 
romain  : 

«  Servez  l'autre,  »  dit-il. 

Et  l'on  vit  entrer  un  second  convoi  pareil  au  premier;  seu- 
lement il  avait  deux  flûtes,  quatre  violons,  quatre  valets  de  pied; 
alors  les  applaudissements  succédèrent  au  cri  de  douleur,  et  l'on 
iit  disparaître  le  premier  poisson,  qui  pesait  25  livres  de  moins 
que  l'autre. 

Esturgeon  au  court- bouillon,  —  Procurez-vous  un  estur- 
geon; il  est  inutile  qu'il  soit  de  la  taille  des  esturgeons  de 
Mf'  l'archichancelier ,  videz-le,  enlevez  ses  ouïes,  laissez-le 
s'égoutter,  et  couchez-le  dans  une  poissonnière  avec  un  court- 
bouillon  bien  nourri,  soit  de  lard  râpé  si  c  est  au  gras,  soit  de 
beurre  si  c'est  au  maigre;  assaisonnez-le  plus  que  tout  autre 
poisson,  en  vertu  de  son  épaisseur,  d'aromates^et  de  sel;  faites-le 


544  ESTUR<ÎEON. 


cuire  feu  dessus,  feu  dessous;  arrosez-le  souvent,  égouttez-le  et 
servez-le  avec  une  sauce  italienne  grasse  ou  maigre  que  vous 
mettrez  dans  une  saucière. 

Esturgeon  à  la  broche.  —  Préparez  un  tronçon  d'esturgeon, 
manchon  est  le  véritable  terme  dont  on  se  sert,  à  cause  de  sa 
forme;  levez-en  la  peau  et  les  plaques  osseuses;  piquez-le  comme 
vous  piqueriez  une  noix  de  veau,  si  c'est  en  maigre  avec  de  l'an- 
guille et  des  filets  d'anchois  ;  faites  une  marinade  (V.  Mari- 
nade) dans  laquelle  au  lieu  de  vinaigre  vous  mettrez  du  vin 
blanc  et  beaucoup  de  beurre  ;  arrosez-le  souvent,  durant  sa  cuis- 
son, avec  cette  marinade  que  vous  aurez  passée  au  travers  d'un 
tamis  de  crin  ;  donnez-lui  une  belle  couleur  et  servez-le  avec  une 
sauce  poivrade. 

Esturgeon  grillé  au  gras.  —  Coupez-Je  par  tranches  que 
vous  mettez  cuire  dans  du  vin  blanc,  lard  fondu,  sel  et  poivre, 
une  feuille  de  laurier  et  un  peu  de  lait;  faites  cuire  doucement, 
et  quand  il  est  cuit  panez  vos  tranches  et  les  grillez;  après  quoi 
vo'us  les  servez  avec  une  sauce  de  la  même  manière  que  la  queue 
de  mouton  à  la  Sainte-Ménehould. 

On  les  sert  aussi  à  sec  sur  une  serviette  blanche. 

Côtelettes  (f  esturgeon  en  papillottes.  —  Levez  la  peau  de 
votre  esturgeon  et  les  plaques  osseuses,  coupez-le  en  côtelettes  de 
répaisseur  d'un  doigt,  mettez  un  morceau  de  beurre  dans  une 
casserole,  faites-y  revenir  vos  côtelettes  ;  retournez-les  quand  elles 
commenceront  à  blanchir,  et  procédez  pour  ces  côtelettes  comme 
il  est  énoncé  pour  celles  de  veau  (V.  cet  article),  si  c'est  au  gras, 
meltez-y  des  petites  bardes  de  lard;  si  c'est  au  maigre  n'en  mettez 
point. 

Esturgeon  en  fricandeau.  —  Prenez  un  morceau  d'estur- 
geon, levez-en  la  peau  et  les  plaques  osseuses,  battez-le  légère- 
ment avec  le  plat  du  couperet,  piquez-le  de  petit  lard,  si  c'est 
au  gras,  foncez  une  casserole  de  lames  de  jambon,  de  tranches  de 
veau,  de  quelques  carottes  et  d'oignons;  procédez  pour  le  tout 
comme  il  est  indiqué  pour  les  grenadins  de  veau.  (Voyez  l'article 
Grenadins  de  veau.)  Si  c'est  au  maigre,  piquez  votre  esturgeon 
de  filet  d'anguille  et  de  filet  de  brochet. 

Esturgeon  ayx  fines  herbes,  —  Prenez  un  gros  esturgeon 


ESTURGEON.  54f 


que  vous  coupez  en  tranches  de  Tépaisseur  d'un  doigt,  mettez 
ces  tranches  dans  une  casserole  avec  du  lard  fondu,  du  poivre, 
du  sel,  des  fines  herbes,  du  persil,  de  la  ciboule  hachée  et  laissez 
cuire  et  prendre  goût  pendant  une  heure  ou  deux;  remuez-le 
bien,  panez-le  ensuite  de  mie  de  pain  bien  fine  ;  faites-le  griller 
et  servez-le  sur  une  serviette  avec  une  sauce  hachée  piquante  ou 
une  sauce  rémoulade. 

Esturgeon  aux  croûtons.  —  Coupez-le  par  petites  tranches, 
mettez-les  dans  une  casserole  avec  beurre,  persil,  ciboules,  écha- 
lotes hachées,  sel,  gros  poivre;  quand  ils  sont  cuits  d'un  côté, 
retournez-les  de  l'autre,  laissez-les  bien  cuire,  ôtez-les.  Mettez 
dans  la  casserole  un  morceau  de  beurre  manié  de  farine,  un  verre 
de  vin  rouge,  faites  bouillir  un  instant,  mettez  une  pincée  de 
câpres  hachées,  faites  chauffer  sans  bouillir  et  servez  garni  de 
croûtons  frits  dans  le  beurre. 

Esturgeon  glacé.  —  Piquez  d'un  côté  une  belle  tranche 
d'esturgeon  avec  du  petit  lard,  mettez-la  ensuite  dans  une  casse- 
role avec  une  demi-bouteille  de  vin  blanc,  un  bouquet  de  persil, 
ciboules,  thym^  laurier,  basilic,  trois  clous  de  girofle,  une  gousse 
d'ail,  sel,  poivre,  deux  tranches  de  citron,  un  peu  de  bouillon  et 
faites-le  cuire  dans  cette  braise  ;  quand  il  est  cuit,  mettez*le  sur 
un  plat. 

Ayez  dans  une  casserole  une  glace  faite  avec  tranches  de  veau 
et  de  jambon  coupées  en  dés  et  mouillées  de  bon  bouillon.  Quand' 
le  veau  est  cuit,  passez  la  sauce  au  tamis  et  faites-la  réduire; 
quand  elle  est  presque  en  caramel,  mettez  dedans  la  tranche 
d'esturgeon,  faites-la  glacer  comme  un  fricandeau  et  dressez-la 
ensuite  dans  un  plat;  mettez  un  peu  de  coulis  et  une  cuillerée 
de  réduction  dans  la  casserole,  détachez  tout  ce  qui  reste  au 
fond,  passez  cette  sauce  au  tamis,  pressez-y  un  jus  de  citron  et 
servez  sous  l'esturgeon. 

Pâté  d'esturgeon,  —  Prenez  deux  tranches  d'esturgeon  de 
l'épaisseur  de  trois  doigts  et  piquez-les  d'anchois,  dressez  un  pâté 
de  pâte  fine,  garnissez-en  le  fond  de  beurre  frais,  avec  sel, 
poivre,  fines  herbes,  fines  épices,  mettez  dessus  vos  tranches  d'es- 
turgeon et  le  même  assaisonnement  que  dessous,  couvrez-le  de 
beurre  frais,    ensuite  de  son   abaisse  et  faites  cuire  au  four. 


54*  ESTURGEON. 

Quand  le  pâté  est  cuit,  dégraissez-le,  mettez-y  un  coulU  d'écre- 
visses  qui  soit  un  peu  piquant  et  servez  chaudement  pour  entrée. 

Potage  d'une  hure  d'esturgeon.  —  La  hure  d'esturgeon  bien 
nettoyée,  mettez-la  dans  une  marmite,  mouillez-la  d'un  bouillon 
de  poisson,  assaisonnez  d'un  bouquet  de  fines  herbes  et  d'une 
tranche  de  citron;  faites  mitonner  des  croûtes  dans  une  quantité 
égale  de  bouillon  oiî  a  cuit  l'esturgeon  et  de  bouillon  de  poisson; 
dressez  la  hure  d'esturgeon  sur  le  potage  et  garnissez-le  d'un 
cordon  de  ragoût  de  laitances  fait  comme  il  suit  : 

Faites  blanchir  vos  laitances  dans  de  l'eau,  passez-les  ensuite 
dans  une  casserole  avec  un  peu  de  beurre,  des  petits  champi- 
gnons, truffes  coupées  par  tranches  et  mousserons.  Mouillez-les 
d'un  peu  de  bouillon  de  poisson,  mettez  un  bouquet  de  fines 
herbes  et  les  laitances  de  carpes,  laissez  mitonner  à  petit  feu. 
Quand  le  ragoût  est  cuit,  dégraissez-le,  liez-le  d'un  coulis  d'écre- 
visses  un  peu  amplement,  afin  de  pouvoir  mouiller  le  potage, 
tirez  les  laitances  du  ragoût,  garnissez-en  le  potage;  jetez  le 
ragoût  et  le  coulis  par-dessus  et  servez  chaudement.  (V.  Kavur, 
pour  les  œufs  d'esturgeon.) 


F 


FAISAN.  —  Genre  d'oiseau  de  Tordre  des  gallinacés. 

Le  roi  Crésus,  assis  sur  son  trône  tout  incrusté  de  diamants 
€t  de  pierres  précieuses,  orné  de  son  diadème  et  couvert  d'or  et 
de  pourpre,  demandait  à  Solon  s'il  avait  jamais  vu  quelque  chose 
<le  plus  beau? 

«  Oui,  lui  répondit  le  philosophe^  j'ai  vu  les  faisans  et  les 
paons.  » 

Le  faisan  a  été  découvert  et  rapporté  par  les  Argonautes  des 
bords  du  Phase,  d'où  il  tire  son  nom  ;  de  la  Grèce  il  a  passé  à 
Home,  et  de  Rome  dans  le  reste  de  l'Europe. 

La  chair  du  faisan  est  peut-être  la  plus  délicate  et  la  plus 
sapide  qui  se  puisse  trouver;  on  le  sert  rôti,  cuit  à  la  braise,  en 
filet  sauté,  en  escalopes  et  en  salmis;  quand  on  l'apprête  à  la 
braise,  on  peut  le  servir  sur  une  sauce  aux  truffes,  à  la  Périgueux, 
sur  un  ragoût  d'olives  tournées  ou  sur  une  litière  de  choucroute. 
L'auteur  de  la  Henriade  a  fait  sur  le  faisan  un  poè'me  qui  vaut 
mieux  que  son  poëme  sur  le  Béarnais. 

Il  n'a  qu'un  vers  : 

L'oiseau  du  Phase  est  un  mets  pour  les  dieux. 

Brillât-Savarin  a  fait  sur  ce  magnifique  oiseau  une  de  ses 
meilleures  méditations  : 

a  Le  faisan,  dit-il,  est  une  énigme  dont  le  mot  n'^st  révélé 


548  FAISAN. 


qu'aux  adeptes;  eux  seuls  peuvent  le  savourer  dans  toute  sa 
bonté. 

«  Chaque  substance  a  son  apogée  H'esculence,  quelques-unes 
y  sont  déjà  parvenues  avant  leur  entier  développement,  comme 
les  câpres,  les  asperges,  les  perdreaux  gris,  les  pigeons  à  la  cuil- 
ler, etc.,...  les  autres  y  parviennent  au  moment  où  elles  ont  toute 
la  perfection  d'existence  qui  leur  est  destinée,  comme  les  melons, 
la  plupart  des  fruits,  le  mouton,  le  bœuf,  le  chevreuil,  les  per- 
drix rouges  ;  d'autres,  enfin,  quand  elles  commentent  à  se  décom- 
poser, telles  que  les  nèfles,  la  bécasse,  et  surtout  le  faisan. 

«  Ce  dernier  oiseau,  quand  il  est  mangé  dans  les  trois  jours 
qui  suivent  sa  mort,  n'a  rien  qui  le  distingue  ;  il  n*est  ni  aussi 
délicat  qu'une  poularde^  ni  aussi  parfumé  qu'une  caille. 

«  Prise  à  point,  c'est  une  chair  tendre,  sublime  et  de  haut 
goût;  car  elle  tient  à  la  fois  de  la  volaille  et  de  la  venaison. 

((  Ce  point  si  désirable  est  celui  où  le  faisan  commence  à  se 
décomposer;  alors  son  arôme  se  développe  et  se  joint  à  une 
huile  qui,  pour  s'exalter,  avait  besoin  d'un  peu  de  fermen- 
tation, comme  l'huile  du  café  qu'on  n'obtient  que  par  la  torré- 
faction. 

«  Ce  moment  se  manifeste  aux  sens  des  profanes  par  une 
légère  odeur,  et  par  le  changement  de  couleur  du  ventre  de  l'oi- 
seau; mais  les  inspirés  le  devinent  par  une  sorte  d'instinct  qui 
agit  en  plusieurs  occasions,  et  qui  fait,  par  exemple,  qu'un 
rôtisseur  habile  décide,  au  premier  coup  d'œil,  qu'il  faut  tirer 
une  volaille  de  la  broche  ou  lui  laisser  faire  encore  quelques 
tours. 

«  Quand  le  faisan  est  arrivé  là,  on  le  plume,  et  non  plutôt, 
et  on  le  pique  avec  soin  en  choisissant  le  lard  le  plus  frais  et  le 
plus  ferme. 

«  Il  n'est  point  indifférent  de  ne  pas  plumer  le  faisan  trop 
tôt;  des  expériences  très-bien  faites  ont  appris  que  ceux  qui  sont 
conservés  dans  la  plume  sont  bien  plus  parfumés  que  ceux  qui 
sont  restés  longtemps  nus,  soit  que  le  contact  de  l'air  neutralise 
quelques  portions  de  l'arôme,  soit  qu^une  partie  du  suc  destiné  à 
nourrir  les  plumes  soit  résorbée  et  serve  à  relever  la  sapidité  de 
la  chair. 


FAISAN. 


549 


«  L'oiseau  ainsi  préparé,  il  s'agit  de  Vétoffer,  ce  qui  se  fait 
de  la  manière  suivante  : 

c<  Ayez  deux  bécasses,  désossez-les  et  videz-les  de  manière  à 
en  faire  deux  lots  :  le  premier,  de  la  chair,  le  second,  des 
entrailles  et  des  foies. 

«  Vous  prenez  la  chair  et  vous  en  faites  une  farce  en  la 
hachant  avec  de  la  moelle  de  bœuf  cuite  à  la  vapeur,  un  peu  de 
lard  râpé,  poivre,  sel,  fines  herbes,  et  la  quantité  de  bonnes 
truffes  suffisant^  pour  remplir  la  capacité  intérieure  du  faisan. 

«  Vous  aurez  soin  de  fixer  cette  farce  de  manière  à  ce 
qu'elle  ne  se  répande  pas  en  dehors,  ce  qui  est  quelquefois  assez 
difficile  quand  l'oiseau  tst  un  peu  avancé.  Cependant  on  y  par- 
vient par  divers  moyens,  et,  entre  autres,  en  taillant  une  croûte 
de  pain,  qifon  attache  avec  un  ruban  de  fil,  et  qui  fait  l'office 
d'obturateur. 

«  Préparez  une  tranche  de  pain  qui  dépasse  de  deux  pouces 
de  chaque  côté  le  faisan  couché  dans  le  sens  de  sa  longueur  ;  pre- 
nez alors  les  foies,  les  entrailles  de  bécasses  et  pilez-les  avec  deux 
grosses  truffes,  un  anchois,  un  peu  de  lard  râpé  et  un  morceau 
convenable  de  bon  beurre  frais. 

«  Vous  étendez  avec  égalité  cette  pâte  sur  la  rôtie  et  vous  la 
placez  sous  le  faisan  préparé  comme  dessus,  de  manière  à  être 
arrosée  en  entier  de  tout  le  jus  qui  en  découle  pendant  qu'il 
rôtit. 

((  Quand  le  faisan  est  cuit,  servez-le  couché  avec  grâce  sur 
sa  rôtie;  environnez-le  d'oranges  amèrçs  et  soyez  tranquille  sur 
l'événement. 

c(  Ce  mets  de  haute  saveur  doit  être  arrosé,  par  préférence, 
de  vin  du  cru  de  la  haute  Bourgogne;  j'ai  dégagé  cette  vérité 
d'une  suite  d'observations  qui  m'ont  coûté  plus  de  travail  qu'une 
table  de  logarithmes. 

«  Un  faisan  ainsi  préparé  serait  digne  d'être  servi  à  des 
anges,  s'ils  voyageaient  encore  sur  la  terre,  comme  du  temps  de 
Loth. 

«  Que  dis-je  1  l'expérience  a  été  faite.  Un  faisan  étoffé  a  été 
exécuté,  sous  mes  yeux,  par  le  digne  chef  Picard,  au  château  de 
la  Grange,  chez  ma  charmante  amie  M"*  de  Ville-Plaine,  apporté 


550 


FAISAN. 


sur  la  table  par  le  majordone  Louis,  marchant  à  pas  proces- 
sionnels. On  Ta  examiné  avec  autant  de  soin  qu'un  chapeau  de 
M**  Herbault  ;  on  Ta  savouré  avec  attention,  et  pendant  ce  docte 
travail  les  yeux  de  ces  dames  brillaient  comme  des  étoiles,  leurs 
lèvres  étaient  vernissées  de  corail,  et  leur  physionomie  tournait  à 
.  Textase. 

«  J'ai  fait  plus  :  yen  ai  présenté  un  pareil  à  un  comité  de 
magistrats  à  la  cour  suprême,  qui  savent  qu'il  faut  quelquefois 
déposer  la  toge  sénatoriale,  et  à  qui  j'ai  démontré  sans  peine  que 
la  bonne  chère  est  une  compensation  naturelle  des  ennuis  du 
cabinet.  Après  un  examen  convenable,  le  doyen  articula  d'une 
voix  grave  le  mot  :  Excellent I  Toutes  les  têtes  se  baissèrent  en 
signe  d'acquiescement,  et  l'arrêt  passa  à  l'unanimité. 

«  J'avais  observé,  pendant  la  délibération,  que  les  nez  de  ces^ 
vénérables  avaient  été  agités  par  des  mouvements  très-prononcés 
d'olfaction,  que  leurs  fronts  augustes  étaient  épanouis  par  une 
sérénité  paisible,  et  que  leur  bouche  véridique  avait  quelque 
chose  de  jubilant  qui  ressemblait  à  un  demi*sourire. 

<(  Au  reste,  ces  effets  merveilleux  sont  dans  la  nature  des 
choses.  Traité  d'après  la  recette  précédente,  le  faisan,  déjà  dis- 
tingué par  lui-même,  est  imbibé  à  l'extérieur  de  la  graisse  savou- 
reuse du  lard  qui  se  carbonise;  il  s'imprègne,  à  l'intérieur,  des 
gaz  odorants  qui  s'échappent  de  la  bécasse  et  de  la  truffe.  La 
rôtie,  déjà  si  richement  parée,  reçoit  encore  les  sucs  à  triple 
combinaison  qui  découlent  de  Tçiseau  qui  rôtit. 

«  Ainsi,  de  toutes  les  bonnes  choses  qui  se  trouvent  rassem- 
blées, pas  un  atome  n'échappe  à  l'appréciation;  et,  attendu 
l'excellence  de  ce  mets,  je  le  crois  digne  des  tables  les  plus 
augustes.  » 

Faisan  Lucullus.  (Recette  de  M.  Vuillemot,  de  la  Tête 
noircy  à  Saint-Cloud.)  —  Ayez  un  beau  coq-faisan,  bien  gras 
(en  novembre  surtout),  qu'il  n'ait  pas  été  tué  par  le  plomb, 
désossez-le,  mettez  de  côté  les  os,  faites  une  mirepoix  avec  des 
carottes,  oignons  émincés,  bouquet  garni,  passez-les  au  beurre, 
mouillez  avec  une  bouteille  de  Champagne  mousseux,  une  bou- 
teille de  sauteme,  un  demi-verre  de  madère  et  une  cuillerée  à  pot 
de  bon  consommé,  laissez  le  tout  cuire  quatre  heures;  faites 


FAISAN. 


5J' 


ensuite  une  bonne  farce  fine  avec  du  veau,  du  lard  gras,  des  pel- 
licules de  truffes  hachées,  sel,  poivre,  quatre  épices,  coupez  des 
lames  de  veau,  de  jambon,  de  lard  gras;  ne  galantinez  pas  le 
cotfre  du  faisan;  ne  mettez  qu'un  peu  de  farce  dans  Tintérieur; 
flanquez  deux  bécasses  désossées  que  vous  galantinez  dans  le 
cofire  du  faisan.  Recousez  le  faisan  et  faites  suer  votre  galantine 
dans  votre  mirepoix  avant  de  mouiller.  N'oubliez  pas  les  truffes 
dans  la  galantine.  Enveloppez  le  faisan  dans  une  serviette  beur- 
rée en  le  serrant  bien  de  chaque  côté,  puis  préparez  dans  une 
braisière  une  ibrte  mirepoix,  faites  suer  le  tout  avec  un  demi- 
verre  d'eau  et  mouillez  avec  une  bouteille  de  Champagne,  une 
bouteille  de  sauterne,  une  bouteille  de  madère,  faites  revenir  le 
tout  à  grande  ébuUition  jusqu'à  ce  que  ce  soit  réduit  de  moitié, 
ajoutez-y  le  fond  de  votre  gibier,  laissez  cuire  encore  environ 
deux  heures  en  sondant  de  temps  en  temps  la  galantine  pour  voir 
\i  elle  est  bien  cuite. 

Prenez  alors  douze  ortolans  que  vous  garnissez  de  la  farce  de 
de  votre  faisan  après  les  avoir  désossés;  nettoyez  bien  douze 
belles  truffes  du  Périgord,  faites-les  cuire,  sans  les  éplucher,  dans 
la  cuisson  de  votre  faisan  avec  les  ortolans.  Passez  ensuite  le  fond 
de  la  galantine  à  travers  une  serviette  et  faites-le  réduire  de 
moitié  en  y  ajoutant  un  peu  de  mignonnette  et  un  jus  de  citron. 

Retirez  le  faisan  du  linge  qui  l'enveloppe  et  dressez-le  sur 
un  plat  d'aigent,  puis  coupez  vos  truffes  comme  vous  le  feriez 
pour  des  œufs  à  la  coque,  et  posez  chaque  ortolan  dessus ,  glacez 
le  tout,  faisans  et  ortolans,  avec  de  la  glace  de  viande.  Piquez 
enfin  sur  le  faisan  deux  hàtelets  garnis  de  crêtes  de  coq,  écrevisses 
et  truffes,  et  servez  chaudement  en  mettant  le  coulis  dans  un  bol 
à  côté  de  votre  plat. 

Faisan  à  la  broche,  —  Ayez  un  faisan  jeune,  tendre  et  gras, 
plumez-le  par  tout  le  corps,  excepté  à  la  queue  et  à  la  tête,  en 
prenant  garde  de  le  déchirer;  l'ayant  vidé,  flambé,  épluché^ 
bridez-le,  bardez-le  ou  piquez-le,  enveloppez-lui  la  tête  et  la 
queue  de  papier;  retroussez-lui  la  queue  le  long  des  reins, 
embrochez -le,  enveloppez -le  entièrement  de  papier  beurré, 
faites-le  cuire,  déballez-le  ainsi  que  sa  tète  et  sa  queue  et 
servez-le. 


5S^ 


FAISAN. 


Faisan  à  la  braise.  —  Plumez,  videz  et  épluchez  votre 

faisan,  coupez-lui  les  pattes^  mettez  le  bout  des.  cuisses  dans  le 

•corps  et  piquez^le  de  gros  lard  bien  assaisonné  ;  garnissez  le  fond 

d'une  marmite  de  lard  et  de  tranches  de  bœuf  battu  avec  sel, 

poivre,  fines  épices,  fines  herbes,  tranches  d'oignons,  panais  et 

«carottes;  mettez  votre  faisan  sur  cette  première  couche  avec  le 

même  assaisonnement  dessus  que  dessous,  couvrez-le  de  trandies 

de  bœuf  et  bardes  de  lard,  et  faites  cuire  doucement  feu  dessus  et 

dessous.  Faites  ensuite  un  ragoût  de  foies  gras,  riz  de  veau, 

champignons,  truffes,  fonds  d'artichauts,  pointes  d'asperges  ;  passez 

le  tout  avec  lard  fondu,  mouillez  de  jus  et  laissez  mitonner^ 

dégraissez-ie  une  fois  cuit,  liez-le  d'un  bon  coulis  de  veau  et  de 

jambon,  puis  vous  retirez  le  faisan  de  sa  braise,  vous  l'égouttez, 

le  dressez  sur  un  plat,  votre  ragoût  par-dessus,  et  servez  chau- 

«dement. 

Faisan  aux  truffes  ou  à  la  Périgueux,  —  Plumez  un  jeune 
faisan  comme  si  vous  vouliez  le  mettre  à  la  broche,  Wdez-le  par 
la  poche  en  lui  cassant  l'os  du  bréchet  ou  de  la  poitrine  et  sortez- 
lui  les  intestins  en  prenant  garde  de  lui  crever  l'amer,  flambez^ 
le  légèrement,  épluchez-le;  brossez  et  épluchez  quelques  belles 
truffes  et  mettez -les  dans  une  casserole  avec  trois  quarts  de  lard 
pilé ,  faites  cuire  sur  un  feu  doux  avec  sel,  poivre,  épices  fines^; 
.laissez-les  ensuite  refroidir  et  garnissez- en  le  corps  de  votre 
faisan  ;  cousez-le,  bardez-le,  laissez-le  se  parfumer  ainsi  deux  on 
trois  jours,  puis  enveloppez-le  de  papier,  embroche;5-le,  fiiites-le 
cuire  environ  une  heure  et  servez-le. 

Faisan  à  l'espagnole.  —  Votre  volaille  étant  bien  faisandée, 
vous  la  remplissez  d'une  farce  faite  avec  son  foie,  persil,  cibouks, 
champignons  hachés,  lard  râpé,  deux  jaunes  d'œuis;  mettea-le 
ensuite  à  la  broche,  faites-le  cuire  et  servez  avec  une  sauce  à 
l'espagnole  que  vous  ferez  en  garnissant  le  fond  d'une  casserole 
de  deux  tranches  de  jambon  et  de  quelques  tranches  de  veau, 
deux  racines  et  deux  oignons  coupés  en  tranches,  faites  suer  sur 
le  feu  ;  quand  tout  est  attaché,  mouillez  avec  du  bon  bouillon,  da 
coulis,  une  demi-bouteille  de  vin  de  Champagne,  que  vous  aurez 
fait  préalablement  bouillir;  ajoutez  une  poignée  de  coriandre^ 
une  gousse  d'ail,  un  bouquet  garni  et  deux  cuillerées  d'huile; 


FAISAN.  553 


faites  bouillir  cette  sauce  deux  ou  trois  heures  à  petit  feu,  dé- 
graîs$ez*la,  faites-la  réduire,  passez-la  au-  tamis  et  servez  avec 
votre  faisan. 

Faisan  braisé  à  Vangownoise.  —  Vous  épluchez  des  truffes 
et  vous  les  coupez  en  filets;  vous  lardez  avec  ces  filets  toutes  les 
parties  charnues  d'un  faisan;  mettez  dans  une  casserole  cent 
vitigt-<:inq  grammes  de  lard  râpé  et  autant  de  beurre,  passez-y 
des  XTxxffes  coupées  en  morceaux  et  les  parures  de  celles  qui  ont 
servi  à  larder  le  faisan  après  les  avoir  hachées  et  assaisonnées  de 
sel  et  de  poivre  ;  laissez  revenir  le  tout  pendant  quelques  minutes, 
laissez  refroidir  et  ajoutez  vingt-cinq  ou  trente  marrons  grillés, 
remplissez  de  ce  mélange  le  corps  du  faisan,  enveloppez-le  avec 
émincés  de  veau  et  de  bcnuf  et  bardes  de  lard.  Ficelez  et  mettez 
dans  une  braisière  foncée  de  bardes  de  lard  ;  mouillez  avec  un 
verre  de  malaga  ou  de  vin  blanc  et  deux  cuillerées  de  caramel,  et 
faites  cuire  à  petit  feu.  Cuit,  déficelez-le,  dégraissez  la  cuisson, 
ajoutez-y  un  peu  de  hachis  de  truffes,  faites  bouillir  quelques 
instants,  liez  la  sauce  avec  purée  de  marrons  et  superposez  le 
faisan. 

Faisan  à  la  broche  aux  pistaches.  —  Faites  cuire  à  la  bro- 
che un  faisan  enveloppé  de  bardes  de  lard  et  de  papier  beurré, 
et  Êirci  de  son  foie,  avec  lard  râpé,  persil,  ciboules,  champignons 
hachés,  trois  jaunes  d'œufs.  Lorsqu'il  est  bien  cuit,  vous  Tégouttez 
€t  le  servez  avec  un  ragoût  de  pistaches  que  vous  faites  en  échau- 
tlant  un  quarteron  de  pistaches  et  le  mettant  dans  une  bonne 
essence. 

Faisan  aux  laitances  de  carpes.  —  Farcissez  un  faisan  de 
son  foie  et  faites-le  cuire  à  la  broche;  faites  blanchir  des  laitances 
de  carpes,  mettez-les  dans  une  bonne  essence  avec  un  demi-setier 
lie  vin  de  Champagne  bouilli  d'écume,  faites  cuire  vos  laitances 
dedans,  dégraissez  et  servez  sur  le  faisan. 

Faisandeau  à  la  sauce  de  brochet  à  la  broche.  —  Faites  une 
farce  avec  un  riz  de  veau,  une  tétine  de  veau  blanchie,  un  peu  de 
jambon,  champignons,  persil,  ciboules  hachée,  fines  herbes,  sel, 
poivre,  fines  épices,  deux  ou  trois  jaunes  d'œufs  crus  et  un  peu 
de  mie  de  pain  trempée  dans  la  crème;  vous  hachez  bien  le  toUt 
ensemble  et  vous  farcissez  le  faisandeau  ;  vous  enveloppez  des 


5J4  FAISAN. 


truffés  d'une  barde  de  lard  et  d'une  feuille  de  papier,  vous  les 
passez  à  travers  une  brochette  que  vous  attachez  à  la  broche  et 
vous  faites  cuire  à  petit  feu. 

Vous  garnissez  le  fond  d'une  casserole  avec  des  tranches  de 
rouelle  de  veau  et  de  jambon ,  un  oignon ,  des  panais  et  carottei 
coupés  aussi  par  tranches,  vous  Élites  suer  le  tout  à  petit  feu; 
quand  c'est  bien  attaché,  vous  y  ajoutez  un  peu  de  lard  fondue! 
une  pincée  de  farine,  et  vous  remuez  le  tout  ensemble  en  lui  fai- 
sant donner  sept  ou  huit  tours  sur  le  fourneau. 

Videz,  écaillez,  lavez  et  coupez  un  brochet  par  morceaux^ 
mettez-le  dans  la  casserole  où  est  le  coulis,  faites-lui  faire  trois 
ou  quatre  tours  sur  le  fourneau,  mouillez- le  de  jus  et  de  bouilloû 
en  égale  quantité,  assaisonnez  de  sel,  poivre,  clous  de  girofle, 
basilic,  thym,  laurier,  persil,  ciboules  entières,  champignons  et 
truffes  coupées  ;  ajoutez-y  la  croûte  d'un  petit  pain  et  deux  verres 
de  vin  de  Champagne  que  vous  aurez  auparavant  fait  bouillir; 
faites  mitonner  le  tout  ensemble,  quand  il  est  cuit  et  réduit  à 
propos,  passez-le  dans  une  étamine;  si  la  sauce  n'est  posasses 
liée,  mettez  un  peu  de  coulis  et  de  jambon  et  tenez-la  sur  des 
cendres  chaudes  afin  qu'elle  cuise  sans  bouillir. 

Vous  tirez  ensuite  votre  faisandeau  de  la  broche,  vous  ôlec 
les  bardes,  le  dressez  sur  un  plat,  votre  brochet  par-dessus,  et 
servez  pour  entrée  en  hors-d'œuvre. 

Filets  de  faisan  à  la  Vopallière.  —  Prenez  trois  jeunes  fai- 
sans dont  vous  levez  Ips  filets,  ôtez-en  les  mignons,  levez  la  peau 
des  gros  en  les  posant  sur  la  table  et  faisant  couler  votre  couteau 
bien  délicatement  de  façon  à  ne  pas  endommager  les  chairs^ 
battez-les  ensuite  légèrement  avec  le  manche  de  votre  couteau  et 
parez-les;  faites  fondre  du  beurre  dans  une  sauteuse,  vous  J 
trempez  vos  filets  et  les  rangez  après  de  manière  à  ce  qu'ils  ne  se 
touchent  pas;  saupoudrez-les  de  sel  et  de  poivre  et  couvrez-le*- 
d'un  rond  de  papier.  Piquez  trois  de  vos  petits  filets  de  même 
lard  et  décorez  les  trois  autres  de  petites  crêtes  de  truffes,  met- 
tez-les sur  une  tourtière  avec  un  peu  de  beurre  fondu  et  un  graiO' 
de  sel,  donnez-leur  la  forme  d'un  demi-cercle  et  couvrez-les  d lu» 
rond  de  papier;  les  cuisses  de  vos  faisans  cuites  à  la  broche  on 
dans  une  casserole  avec  du  beurre  et  refroidies ,  vous  en  sap* 


« 
I 

■     1  • 


FAISAN.  JJ5 


primez  les  peaux  et  les  nerfs,  vous  hachez  ces  chairs  et  les  mettez 
dans  une  casserole  que  vous  couvrez  ;  vous  aurez  fait  un  fumet  de 
vos  carcasses  comme  il  est  indiqué  au  fumet  de  lapereaux 
(Voyez  cet  article),  et  S2^  cuisson  faite,  vous  le  passez  au  travers 
d'une  serviette,  vous  le  faites  réduire  et  y  ajoutez  trois  cuillerées. 
à  dégraisser  d'espagnole  travaillée,  faites  réduire  le  tout  à  con- 
sistance de  demi-glace  et  réservez-en  une  partie  pour  glacer  votre 
entrée;  sautez  vos  filets,  retournez- les,  assurez-vous  s'ils  sont 
cuits,  dressez*les  en  couronne,  mettez  votre  hachis  et  vos  truffes 
dans  votre  sauce  avec  un  morceau  d'excellent  beurre,  remuez  le 
tout  sans  le  laisser  bouillir,  versez-le  dans  le  puits  de  vos  filets, 
puis  faites  une  deuxième  couronne  sur  cette  première,  avec  les 
petits  filets  que  vous  aurez  fait  sauter  dans  le  beurre  et  glacés  ; 
glacez  le  tout  avec  ce  que  vous  avez  conservé  de  votre  sauce  et 
servez. 

Escalopes  de  faisans.  —  Vous  levez  les  ailes  de  trois  faisans 
et  vous  leur  enlevez  la  petite  peau  comme  à  l'article  précédent, 
puis  vous  les  coupez  en  filets  d'égale  grosseur  dont  vous  formez 
des  escalopes;  vous  faites  fondre  du  beurre  dans  une  sauteuse 
et  vous  y  arrangez  vos  escalopes  les  unes  après  les  autres;  sau- 
poudrez-les de  sel  et  de  poivre,  arrosez*les  de  beurre  fondu, 
faites  un  fumet  du  restant  de  vos  chairs  et  de  vos  carcasses,  ajou- 
tez-y trois  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole,  mettez  le  tout  à 
demi*glace,  faites  sauter  vos  escalopes,  égouttez-les  et  mettez-les 
avec  leur  jus  dans  votre  réduction,  sautez-les,  finissez-les  avec  du 
beurre,  goûtez  si  elles  sont  de  bon  goût,  dressez-les  et  servez  avec 
des  truffes  coupées  en  rondelles. 

Salmis  de  faisans.  —  Vous  laissez  refroidir  deux  faisans 
cuits  à  la  broche,  vous  les  dépecez  et  les  parez  proprement  en 
supprimant  les  peaux;  arrangez-les  dans  une  casserole,  mouillez- 
les  avec  du  consommé  et  faites-les  chauffer  sur  des  cendres 
chaudes.  Mettez  dans  une  casserole  un  bon  verre  de  vin  rouge  ou 
blanc,  ajoutez-y  trois  ou  quatre  échalotes  hachées,  un  zeste  de 
bigarade,  trois  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole  réduite,  gros 
comme  une  muscade  de  glace  ou  de  réduction  de  veau;  faites 
réduire  le  tout,  pilez  les  peaux  et  les  parures  de  vos  faisans, 
mettez-les  dans  votre  réduction,  délayez-les  sans  les  faire  bouil- 


4 


556  FAISAN. 


lir,  passez-les  à  Tétamine  comme  une  purée,  mettez  cette  espèce 
de  purée  ou  sauce  de  salmis  dans  une  casserole  et  tenez-la  chau- 
dement au  bain-marie;  au  moment  de  servir  égouttez  vos  mem- 
bres de  faisans^  dressez-les  sur  le  plat  en  mettant  les  inférîeiurs 
les  premiers,  conséquemment  vos  ailes  et  vos  cuisses  tout  autour; 
le  tout  entremêlé  de  croûtons  en  cœur,  soit  de  mie  ou  de  croûte 
de  pain,  passés  dans  du  beurre;  exprimez  dans  votre  salmis  le 
jus  d'une  ou  deux  bigarades,  saucez  et  servez. 

Faisan  à  la  choucroute.  —  Ayez  un  beau  faisan,  plumez-le, 
videz-le,  flambez-le,  lardez-le  de  gros  lardons  assaisonnés  de  sel, 
poivre,  fines  épices,  persil,  ciboules,  un  peu  d'aromates  piles; 
lavez  et  pressez  de  la  choucroute  en  suffisante  quantité  pour  en 
former  un  bon  plat,  mettez-la  cuire  avec  un  morceau  de  petit 
lard  et  un  cervelas,  nourrissez-la  avec  quelques  fonds  ou  dessus 
•de  braises,  faites-la  cuire  trois  ou  quatre  heures  sur  un  feu  doux, 
mettez  au  milieu  votre  faisan,  faites-le  cuire  environ  une  heure 
et  lorsqu'il  le  sera,  dressez-le  sur  le  plat,  prenez  votre  choucroute 
pour  régoutter  avec  une  cuiller  percée,  garnissez-en  votre  faisan, 
coupez  le  cervelas  en  tranches,  ôtez-en  la  peau,  faites-en  une 
bordure  autour  de  la  choucroute  en  l'entremêlant  de  petit  lard 
coupé  en  lames  et  de  quelques  saucisses  et  servez. 

Pâté  de  faisan  aux  truffes,  —  Votre  faisan  vidé  et  piqué  de 
gros  lard  bien  assaisonné,  farcissez-en  le  corps  avec  une  fàxce 
mouillée  au  vin  blanc  et  au  madère  et  composée  de  lard  râpé, 
truffes  vertes,  persil  et  ciboules  hachés,  le  tout  bien  mêlé 
ensemble;  dressez  votre  pâté  d'une  pâte  commune;  mettez  au 
fond  lard  râpé,  sel,  poivre,  fines  herbes,  fines  épicfs.  Ayez  soin 
de  faire  une  cheminée  à  votre  pâte.  Métrez  votre  faisan  dans  le 
pâté  avec  même  assaisonnement  que  dessous,  couvrez-le  de 
tranches  de  veau,  de  lard  râpé,  de  beurre  frais,  de  bardes  de 
lard,  fermez  ensuite  votre  pâté  et  mettez-le  au  four;  pendant 
•qu'il  cuit,  prenez  des  truffes  bien  pelées  et  bien  lavées,  cou- 
pez-les par  tranches,  mettez-les  dans  une  casserole  et  mouillez- 
les  de  jus,  faites-les  mitonner  à  petit  feu,  liez-les  d'un  coulis  de 
veau  ou  de  jambon  bien  clair.  Vous  ôtez  alors,  quand  votre  pàlé 
est  cuit,  les  bardes  de  lard  et  les  tranches  de  veau,  vous  le  dégrais- 
sez, jetez  votre  ragoût  de  truffes  dedans  et  servez  chaud  ou  froid. 


FANCHONNETTES. 


ssr 


Paté  de  faisan  sans  truffes.  —  Troussez  proprement  le  fai- 
san et  cassez  lui  les  os,  piquez-le  ensuite  de  gros  lard  et  de  jam- 
bon, assaisonnez-le  de  fines  herbes,  persil,  ciboules  et  épices, 
dressez-le  sur  une  abaisse  de  pâte  ordinaire  avec  laurier,  beurre 
frais,  bardes  de  lard  et  lard  pilé;  assaisonnez  de  sel,  poivre,  fines 
herbes  et  fines  épices,  couvrez  et  façonnez  proprement  votre  pâté 
et  faites  cuire  deux  ou  trois  heures. 

Nota.  —  N'oubliez  jamais  d'ajouter  le  fumet  ou  lassence 
du  faisan  dans  votre  pâté ,  par  la  cheminée,  après  qu'il  est  sorti 
du  four.  (Vuillemot,) 

Soufflé  de  faisans.  -^  On  procède  de  la  même  façon  que  pour 
le  soufflé  de  perdreaux.  (Voir  cet  article.) 

FANCHONNETTES,  —  Entremets  de  pâtisserie  dont  nous 
empruntons  les  principales  formules  à  Fauteur  des  Mémoires  de 
la  marquise  de  Créquy^  bien  sûrs  que  nous  ne  trouverions  point 
ailleurs  un  gourmet  plus  familier  avec  toutes  les  chatteries  du 
dernier  siècle  et  toutes  les  friandises  de  celui-ci. 

Fanchonnettes  à  la  vanille.  —  Faites  infuser  une  gousse  de 
bonne  vanille  dans  trois  verres  de  lait,  et  laissez-la  mijoter  sur  le 
coin  d'un  petit  fi>urneau  pendant  un  quart  d'heure;  passez  ce 
lait  dans  le  coin  d'une  serviette,  mettez  dans  une  casserole  quatre 
jaunes  d'oeufs,  une  once  de  farine  tamisée  et  un  grain  de  sel;  ce 
mélange  étant  bien  délié,  vous  y  joignez  peu  à  peu  l'infusion  de 
vanille  et  faites  cuire  cette  crème  sur  un  feu  modéré  en  la 
remuant  continuellement  avec  une  spatule  pour  qu'elle  ne  s'at- 
tache pas  au  fond  de  la  casserole. 

Vous  faites  ensuite  un  demi-litron  de  feuilletage  et  lui  don- 
nez douze  tours,  vous  l'abaissez  de  deux  petites  lignes  d'épais- 
seur; détaillez  cette  abaisse  avec  un  coupe-pâte  rond  de  deux 
pouces  de  diamètre  ;  foncez  avec  une  trentaine  de  moules  à  tar- 
telettes comme  les  précédentes,  ensuite  garnissez  légèrement  les 
tartelettes  de  crème  de  vanille;  mettez-les  au  four  à  un  feu 
modéré,  et  lorsqu'elles  seront  bien  ressuyées  et  que  le  feuilletage 
sera  de  belle  couleur,  vous  les  retirerez  du  feu  et  les  laisserez 
refroidir. 

Prenez  trois  blancs  d'œufs  bien  fermes,  mêlez-y  quatre  onces 
de  sucre  en  poudre,  remuez  bien  ce  mélange  afin  d'amollir  le 


^yg  FANCHONNETTES. 


blanc  d'œuf  et  qu'il  soit  plus  facile  à  tra\'aiUer  ;  garnissez  le 
milieu  des  fanchonnettes  avec  le  reste  de  la  crème  à  la  vanille  et 
masquez  légèrement  cette  crème  de  blancs  d'œufs.  Sur  chaque 
faiichonnette  vous  placez  en  couronne  sept  meringues,  que  yous 
formez  avec  la  pointe  du  petit  couteau  en  prenant  au  fur  et  à 
mesure  du  blanc  d'oeuf  que  vous  avez  placé  sur  la  lame  du  grand 
couteau  :  lorsque  vous  aurez  cinq  ou  six  fanchonnettes  de  per- 
lées,*vous  les  masquerez  le  plus  élégamment  possible  avec  du 
sucre  en  poudre  passé  au  tamis  de  soie  ;  puis,  à  mesure  que  vous 
perlez  et  glacez  votre  entremets,  vous  le  mettez  au  four,  à  cha- 
leur douce  ;  lorsqu'il  est  d'un  beau  meringué  rougeàtre,  vous  le 
servez. 

Fanchonnettes  au  lait  d'amandes.  —  Pilez  une  demi-livre 
d'amandes  douces  émondées  et  une  once  d'amères  ;  lorsque,  vous 
n'apercevrez  plus  aucun  fragment  d'amandes,  vous  les  délayez 
dans  trois  verres  de  lait  presque  bouillant  ;  pressez  fortement  ce 
mélange  dans  une  serviette  afin  d'exprimer  la  quintessence  du  lait 
d'amandes.  Le  reste  du  procédé  est  de  même  que  ci-dessus,  avec 
cette  différence  cependant  que  vous  employez  le  lait  d'amandes 
en  place  de  l'infusion  de  vanille. 

Fanchonnettes  au  café  moka.  — Mettez  dans  un  poêlon  d'of^ 
fîce  quatre  onces  de  vrai  café  moka,  torréfiez-le  sur  un  feu 
•  modéré,  en  le  sautant  continuellement  afin  qu'il  prenne  couleur 
égale;  lorsqu'il  est  d'un  rouge  clair,  vous  le  versez  dans  trois 
verres  de  lait  en  ébulition  ;  couvrez  parfaitement  l'infusion  afin 
que  Tarome  du  café  ne  s'évapore  point  ;  après  un  quart  d'heure 
d'infusion  vous  passez  ce  liquide  à  la  serviette,  puis  vous  termi- 
nez l'opération  de  la  manière  accoutumée. 

Fanchonnettes  au  chocolat.  —  Vous  faites  l'appareil  comme 
le  premier  de  ce  chapitre,  en  y  joignant  quatre  onces  de  chocolat 
râpé  à  la  vanille  ;  vous  supprimez  deux  onces  de  sucre  seulement, 
voilà  toute  la  différence. 

Fanchonnettes  au  raisin  de  Corinthe.  —  Vous  préparez 
seulement  la  moitié  de  l'appareil  ordinaire,  puis  vous  y  joignez 
trois  onces  de  bon  raisin  de  Corinthe  bien  lavé;  faites  cuire 
cette  crème  comme  de  coutume,  et  finissez  l'opération  à  l'ordi- 
naire. 


FANCHONJVETTES. 


SS9 


Vos  fanchonnettes  étant  perlées  et  prêtes  à  mettre  au  fpur, 
vous  placez  entre  chaque  petite  perle  un  grain  de  raisin  de 
Corinthe  (vous  en  laverez  quatre  onces,  dont  trois  dans  l'appa- 
reil, et  vous  en  aurez  une  once  pour  perler),  ainsi  qu'un  grain 
-sur  chaque  perle;  mettez  au  four  chaleur  molle,  afin  que  les  me- 
ringues sèchent  sans  prendre  couleur.  Donnez  des  soins  à  cette 
•cuisson  pour  que  les  perles  conservent  leur  blancheur ,  ce  qui 
distingue  cet  entremets  d'une  manière  toute  particulière.   • 

Fanchonnettes  aux  pistaches.  —  Après  avoir  émondé  quatre 
-onces  de  pistaches,  vous  en  choisissez  les  plus  vertes  (une  once 
à  peu  près),  et  pilez  le  reste  avec  une  once  de  cédrat  confît; 
lorsqu'il  est  parfaitement  pilé,  vous  joignez  ce  mélange  dans  la 
moitié  de  la  crème  ordinaire  et  vous  garnissez  légèrement  vos 
fanchonnettes  avec  le  reste  de  la  crème  blanche ,  que  vous  aurez 
faite  selon  la  première  recette.  Lorsque  vos  fanchonnettes  sont 
<:uites  et  froides,  vous  les  garnissez  de  ^nouveau  avec  la  crème 
<de  pistaches,  puis  vous  les  meringuez  comme  de  coutume.  Après 
avoir  été  masquées  de  sucre  en  poudre,  vous  mettez  entre  cha- 
que perle  la  moitié  d'une  pistache  conservée,  que  vous  coupez 
en  travers. 

Donnez-leur  la  même  cuisson  que  ci-dessus,  et  servez-les 
chaudes  ou  froides. 

On  ne  mettra  pas  la  crème  aux  pistaches  au  four,  aiin  de 
Jui  conserver  la  fine  saveur  des  pistaches  et  surtout  leur  tendre 
«couleur  verdâtre  ;  autrement  cette  crème^  par  l'action  de  la  cha- 
leur, perdrait  bientôt  ces  deux  avantages. 

Fanchonnettes  aux  avelines,  —  Après  avoir  pilé  quatre 
onces  d'avelines  émondées,  vous  les  mêlez  dans  la  moitié  de 
la  crème  décrite  dans  le  premier  paragraphe  de  cet  article,  et 
vous  suivrez  l'opération  suivant  les  mêmes  procédés, 

Fanchonnettes  aux  abricots,  —  Foncez  vos  fanchonnettes 
-selon  la  règle  et  garnissez-les  légèrement  de  marmelade  d'abri- 
cots. Lorsqu'elles  sont  cuites  et  refroidies,  vous  les  remplissez 
<le  la  même  marmelade;  vous  les  finirez  ensuite  de  la  manière 
accoutumée. 

On  les  fait  également  de  marmelades  de  pommes,  de  poires, 
<ie  pêches,  de  coings  et  d'ananas. 


56o  FARINE. 


FAON.  —  On  appelle  du  même  nom  le  petit  de  la  daine  et 
de  la  biche;  il  reçoit  absolument  la  même  préparation  que  le 
daim  et  le  chevreuil;  sa  longe  fait  un  fort  beau  rôti. 

FARCE.  —  Chair  hachée  dont  on  se  sert  pour  farcir. 

FARCE  CUITE.  —  Prenez  la  quantité  de  volaille  dont 
vous  croirez  avoir  besoin,  ou  du  veau  faute  de  volaille;  vous  le 
couperez  en  dés  et  vous  le  mettrez  dans  une  casserole  avec  un 
morce.au  de  beurre,  un  peu  de  fines  herbes  hachées,  telles  que 
champignons,  persil,  ciboules;  levez-en  les  chairs,  ôtez  leurs 
nerfs  et  leur  peau,  hachez  ces  chairs  et  pilez-les  bien;  mettez 
autant  de  panade  que  de  chair  et  même  de  la  tétine ,  afin  que  le 
tout  soit  par  tiers  ;  ayant  pilé  le  tout  à  part,  repilez  ces  trois  por- 
tions réunies;  mettez-y  des  œufs  entiers  en  raison  du  volume  de 
votre  farce,  ayez  soin  qu'elle  ne  soit  pas  trop  liquide,  assaisonnez- 
la  de  sel,  poivre,  épices  fines  et  fines  herbes,  passez  au  beurre, 
faites  un  essai;  arrivée  à  son  degré,  finissez-la  avec  quelque^ 
blancs  d'œufs  fouettés  et  servez-vous-en  au  besoin. 

11  arrive  parfois  aussi  que  Ton  a  besoin  de  farce  maigre, 
c'est-à-dire  de  farcir  le  poisson;  procédez  alors  selon  la  recette 
suivante. 

Farce  de  poisson.  —  Habillez  et  désossez  des  brochets  , 
des  carpes,  des  anguilles  et  autres  poissons  ^que  vous  hache- 
rez bien  ensemble  et  bien  menu ,  joignez  à  ce  hachis  une 
omelette  baveuse,  des  champignons,  des  truffes,  du  persil,  des 
ciboules,  une  poignée  de  mie  de  pain  trempée  dans  du  lait,  un 
peu  de  beurre  et  des  jaunes  d'oeufs;  on  hache  cette  adjonction 
aussi  fine  que  la  première  partie,  et  Ton  fait  de  toutes  deux  une 
farce  qu'on  assaisonne  de  sel,  de  poivre,  d'épices;  on  la  fait  cuire 
pour  la  servir  seule  ou  pour  en  farcir  sur  l'arête  des  carpes  et 
des  soles;  on  en  fait  aussi  des  andouillettes,  on  en  farcît  des 
choux,  des  croquettes  et  des  rissoUes. 

FARINE.  —  Poudre  extraite  des  semences  des  graminées  et 
particulièrement  du  froment.  On  fait  un  emploi  fréquent  de  la 
farine  de  froment  dans  la  sauce  blanche,  dans  les  roux,  et  enlîn 
dans  les  préparations  alimentaires;  ayez  la  main  légère  quand 
vous  vous  servez  de  farine;  la  farine  cuit  difficilement  et  afiàdit 
et  alourdit  vos  sauces;  il  faut  donc  se  servir  de  la  plus  belle  qua- 


FERMENT.  ç6i 


lité  et  surtout  de  celle  appelée  gruau,  pour  faire  la  pâtisserie 
•  grosse  et  fine;  pour  les  biscuits,  servez- vous  de  la  fécule  de 
pomme  de  terre. 

Si  vous  voulez  éviter  une  partie  des  inconvénients  de  la 
farine,  faites-la  sécher  à  un  four  un  peu  chaud,  jusqu'à  ce 
qu'elle  y  ait  pris  un  faible  degré  de  coloration  :  elle  sera  excel- 
lente alors  pour  mélanger  avec  le  beurre  qu'on  ajoute  aux  sauces 
trop  claires  pour  les  lier. 

FARO.  —  Petite  bière  en  usage  à  Bruxelles. 

FAUCON.  —  Oiseau  de  proie  qu'on  dressait  à  la  chasse 
avant  l'invention  des  armes  à  feu . 

J'ai  mangé  de  la  chair  d'un  faucon  rôti.  Elle  est  d'un  goût 
assez  fort  mais  pas  mauvais. 

FECULE.  —  Substance  qui  est  un  principe  végétal.  Com- 
posée chimiquement  d'hydrogène,  d'oxygène  et  de  carbone,  elle 
est  nourrissante  et  convient  aux  enfants  et  aux  convalescents.  La 
fécule  sert  à  lier  les  sauces.  La  fécule  de  pommes  de  terre  est  d'un 
certain  usage  dans  la  pâtisserie. 

Les  pommes  de  terre  contiennent  de  la  fécule  ;  elle  est  pré- 
férable à  la  farine  de  froment  pour  les  sauces  blanches;  on  peut 
en  ajouter  une  certaine  quantité  dans  les  sauces  qui  refusent  de 
prendre. 

FENOUIL.  —  Plante  ombellifère  très-aromatique,  dont  les 
graines  ont  une  odeur  anisée,  surtout  dans  l'Italie  méridionale. 
On  mange  le  fenouil  comme  le  céleri  ;  il  n'est  pas  rare  de  ren- 
contrer les  gens  du  peuple  ayant  leur  botte  de  fenouil  sous 
leur  bras,  et  en  faisant,  avec  du  pain,  leur  déjeuner  ou  leur 
dîner. 

L'odeur,  qui  en  est  agréable  d'abord,  devient  désagréable 
par  l'abus  qu'en  font  les  Napolitains,  qui  en  mettent  dans  tout. 

FENOUILLET.  —  On  appelle  ainsi  une  poire  qui  se  cueille 
en  novembre  et  que  Ton  peut  manger  fraîche  et  crue  jusqu'en 
février.  Elle  est  bonne  aussi  en  confiture. 

m 

FERMENT.  —  On  appelle  ferment  la  substance  qui  a  la 

propriété  de  faire  fermenter  :  ainsi  le  levain  est  du  ferment,  et  si 

Ton  n'ajoutait  pas  du  ferment  à  la  pâte,  on  n'obtiendrait  qu'un 

pain  très-indigeste. 

36 


562  FIGUES. 


La  levure  de  bière,  le  jus  de  groseilles,  la  bière  qui  com- 
mence à  mousser  sont  aussi  des  ferments. 

FÈVE.  —  Les  graines  de  la  fève  sont  assez  digestibles  tant 
qu'elles  sont  jeunes;  mais  elles  deviennent  lourdes  lorsqu'elles 
approchent  de  leur  maturité  et  qu'on  est  obligé  de  les  débarrasser 
de  leur  peau  • 

Fèves  à  la  crème.  —  Prenez  de  petites  fèves,  ne  les  dérobez 
pas,  c'est-à-dire  ne  leur  ôtez  pas  leur  peau  ;  faites-les  blanchir  à 
l'eau  bouillante,  jetez-les  dans  Teau  froide,  égouttez,  passez  au 
beurre  à  demi  roux  avec  sel,  poivre,  persil  haché  fin  et  sariette; 
ajoutez  du  bouillon,  un  morceau  de  sucre  et  une  pincée  de  farine 
maniée  avec  du  beurre.  Quelque  temps  avant  de  servir,  versez 
dans  vos  fèves  un  verre  de  crème  et  faites  jeter  seulement  un 
bouillon;  liez  avec  des  jaunes  d'œufs. 

Petites  fèves  en  macédoine.  —  Hachez  et  passez  au  beurre 
ciboules,  persil,  champignons,  échalotes,  avec  farine,  bouillon, 
vin  blanc,  bouquet  garni  ;  faites  mijoter,  ajoutez  des  fèves  blan- 
chies comme  ci-dessus,  des  fonds  d'artichauts  blanchis  et  coupés 
en  cubes,  avec  sel  et  poivre.  Cuisez,  puis  ôtez  le  bouquet  et  ser- 
vez réduit.  • 

FIGUES.  —  Malgré  la  réputation  des  figues  d'Argenteuil, 
on  ne  mange  de  bonnes  figues  en  France  que  dans  le  Midi  ;  celles 
de  Marseille  ne  le  cèdent  qu'aux  figues  de  Capodimonte  et  de 
Sicile,  qui  ne  le  cèdent  à  aucunes. 

Elles  se  mangent  fraîches  et  séchées. 

Le^s  personnes  qui  ont  voyagé  en  Italie  savent  que  la  plus 
grande  injure  que  Ton  puisse  faire  aux  Milanais  est  de  leur  mon- 
trer le  bout  du  pouce  serré  entre  deux  doigts,  ce  qui  s'appelle 
faire  la  figue;  cette  aversion  pour  la  figue  vient  d'un  fait  que 
Rabelais  rapporte  de  la  façon  suivante  : 

«  Les  Milanais ,  s'étant  révoltés  contre  *  Frédéric ,  avaient 
chassé  de  leur  ville  l'impératrice,  son  épouse,  qu'ils  avaient  fait 
monter  sur  une  vieille  mule,  le  visage  tourné  vers  la  queue. 

«  Frédéric,  vainqueur  à  son  tour,  après  avoir  fait  les  rebelles 
prisonniers,  imagina  de  foire  placer  par  le  bourreau  une  figue 
sous  la  queue  de  cette  même  mule,  et  d'exiger  que  chacun  des 
vaincus  l'en  tirât,  la  présentât  au  bourreau  en  disant  ;  Ecco  il 


FIGUES  D'INDE.  563 


fico!  puis  la  remît  en  place;  le  tout  sous  peine  d'être  pendu. 

«  Plusieurs  aimèrent  mieux  périr  que  de  se  soumettre  à  une 
semblable  humiliation,  mais  la  crainte  de  la  mort  y  détermina  le 
plus  grand  nombre.  De  là  la  fureur  des  Milanais  quand  on  leur 
fait  la  figue.  » 

C'est  aussi  une  ligue  qui  décida  le  sénat  romain  à  la  des- 
truction de  Carthage.  Toutes  les  fois  que  Caton  donnait  son  avis 
dans  le  sénat,  il  terminait  par  ces  mots  : 

«  Il  faut  détruire  Carthage!  [Delenda  est  Carthago!)  » 

Dans  une  séance  où  Ton  délibérait  sur  la  guerre  avec  cette 
puissance,  Caton  montra  à  ses  collègues  une  figue  : 

«  Depuis  quand,  dit-il,  croyez-vous  que  cette  figue  soit 
cueillie?  A  en  juger  par  sa  fraîcheur,  il  y  a  peu  de  temps.  Eh 
bien!  cette  figue  pendait  à  Tarbre  il  n'y  a  que  trois  jours,  et  elle 
vient  de  Carthage.  Jugez  combien  l'ennemi  est  près  de  nous  !  » 

La  guerre  fut  à  l'instant  décidée. 

Thouin,  le  pépiniériste  du  jardin  des  Plantes,  avait  chargé 

'  un  domestique  fort  simple  de  porter  à  Buffon  deux  belles  figues 

de  primeur.  En  route,  le  domestique  se  laissa  tenter  et  mangea 

un  de  ces  fruits.  BufFon,  sachant  qu'on  devait  lui  en  envoyer 

-  deux,  demanda  l'autre  au  valet,  qui  avoua  sa  faute. 

«  Comment  donc  as-tu  fait?  »  s'écria  BufFon. 

Le  domestique  prit  la  figue  qui  restait  et  dit  en  l'avalant  : 

«  J'ai  fait  comme  cela  !...  » 

FIGUES  D'INDE.  —  Tout  touriste  ayant  voyagé  en  Sicile 
ou  en  Calabre  sera  reconnaissant  aux  figues  d'Inde  des  services 
qu'elles  lui  auront  rendus. 

La  figue  d'Inde  est  le  fruit  du  cactus  raquette.  Elle  est  ou 
jaune  ou  rose,  elle  contient  une  pulpe  glacée  quoique  exposée  au 
soleil  ;  il  est  vrai  qu'elle  ^%t  abritée  par  une  peau  épaisse,  qu'il 
faut  ouvrir  avec  précaution  à  cause  des  épines  qu'elle  contient. 
\Jne  fois  entrées  dans  la  peau,  ces  épines  se  refusent  obstinément 
à  en  sortir  ;  du  reste,  quelque  chaleur  qu'il  fasse,  quelque  quan- 
tité qu'on  en  mange,  je  n'ai  jamais  entendu  dire  dans  le  pays  que 
l'on  ait  été  indisposé  d'une  indigestion  de  figues  de  barbarie.  C'est, 
avec  le  cocomero,  le  mets  éminemment  national  des  Napolitains. 

Les  Napolitains  ont  l'habitude  de  dire,  en  vantant  leur  pays, 


j64  FOIE. 

que  pour  un  liard  de  cocomero  ils  mangent,  ils  boivent  et  se 
débarbouillent. 

FILETS.  —  Les  filets,  chez  les  quadrupèdes,  sont  les  par- 
ties charnues  qui  longent  l'épine  dorsale  ;  dans  l'oie  et  le  canard, 
ce  sont  les  aiguillettes  que  Ton  peut  découper  dans  les  muscles 
des  ailes  et  sur  les  estomacs;  dans  les  poissons,  on  nomme  filet 
toute  bande  de  chair  dépourvue  d'arêtes.  * 

FLAN  DE  CRÈME  A  LA  FRANGIPANE.  —  Croûte  en 
pâtes  brisées.  Garnissez  de  frangipane  à  la  moelle,  faites  cuire  au 
four  et  glacez-la  avec  sucre  en  poudre  avant  de  servir. 

Flan  de  fruits.  —  Prenez  un  moule  qui  n'ait  pas  plus  de 
cinq  centimètres  de  hauteur,  garnissez  avec  de  la  pâte  à  dresser, 
donnez  à  votre  pâte  la  forme  exacte  du  moule  ;  mettez  dans  un 
vase  des  brugnons,  des  prunes,  des  abricots  dont  vous  aurez  dté 
les  noyaux;  sautez-les  dans  du  sucre  en  poudre,  couchez-les  dans 
la  croûte  que  vous  avez  moulée  ;  arrosez  de  sirop  et  faites  cuire 
à  four  chaud. 

Flan  suisse,  —  Faites  bouillir  125  grammes  de  beurre  fin 
dans  un  demi-litre  de  crème  ;  faites  une  pâte  à  choux  à  la  con- 
fection de  laquelle  vous  emploierez  de  la  farine  de  fécule  de 
pommes  de  terre;  maniez  cette  pâte  dans  une  terrine  avec  sel, 
gros  poivre,  250  grammes  de  beurre  fondu,  gruyère  râpé,  par- 
mesan, et  neufchâtel;  déliez  avec  des  jaunes  d'oeufs  crus;  fouettez 
la  moitié  de  vos  blancs  d'œufs  et  incorporez-les  dans  votre  pâte; 
vous  garnirez  celle-ci  d'un  papier  fort  et  beurré  que  vous  ficel- 
lerez ;  vous  mettrez  cuire  votre  flan  dans  un  four  qui  ne  soit  pas 
trop  chaud,  et  quand  il  sera  cuit  vous  le  dresserez. 

FLÈCHES  DE  LARD.  —  Les  rôtisseurs  et  les  cuisiniers 
appellent  flèches  de  lard  les  morceaux  de  graisse  ou  de  panne 
que  Ton  enlève  de  dessus  les  côtes  des  porcs,  depuis  les  épaules 
jusqu'aux  cuisses.  Ils  composent  beaucoup  de  ces  flèches  de  lard 
pour  barder  leur  viande. 

FOIE.  —  Il  n'existe  en  réalité  que  trois  bonnes  manières 
d'apprêter  le  foie  de  veau  :  à  la  broche,  à  la  bourgeoise  et  à  l'ita- 
lienne. 

Foie  de  veau  rôti.  —  Qu'il  soit  gros,  gras,  blond  ;  piqué  de 
gros  lardons,  assaisonné  d'épices,  de  fines  herbes,  d'ail. 


FOIE.  56^ 

On  peut  faire  rôtir  un  foie  de  veau  dans  un  four  de  cuisine, 
ça  se  comprend,  mais  à  la  broche  c'est  bien  différent;  c'est  la 
question  de  la  livre  de  beurre  à  la  broche.  La  grande  difficulté, 
c'est  de  faire  tenir  le  foie  de  veau  qui  n'a  pas  de  corps  sans  qu'il 
tourne  sur  la  broche. 

Faites  chauffer  sans  rougir  le  fer  de  la  broche  au  milieu, 
•  votre  foie  de  veau  étant  préparé  avec  bande  de  lard  ficelé , 
poussez-le  au  milieu,  la  chaleur  du  fer  le  saisit  et  il  se  tient 
ferme  jusqu'à  cuisson.  (Vuillemot.) 

Faites  rôtir  à  petit  feu.  Servez  dans  SDn  jus  dégraissé,  en  y 
ajoutant  un  jus  d'orange  amère  ou  filet  de  verjus  muscat. 

Foie  de  veau  à  la  bourgeoise,  —  Piquez  votre  foie  de  veau 
de  gros  lard  assaisonné;  foncez  une  braisière  de  bardes  de  lard  ; 
mcttez-y  le  foie  avec  des  carottes,  un  bouquet  garni,  des  oignons, 
dont  un  piqué  de  clous  de  girofle,  de  la  muscade  râpée,  sel  et 
gros  poivre,  couvrez  avec  des  bardes  de  lard,  mouillez  avec  du 
bouillon  et  deux  verres  de  vin  rouge;  ajoutez  des  tranches  de 
citron  dont  vous  aurez  enlevé  le  zeste  et  les  pépins,  ou,  à  défaut 
de  tranches  de  citron,  du  verjus;  et  faites  cuire  en  mijotant. 
Lorsque  le  foie  est  cuit,  dégraissez  la  cuisson,  faites-la  réduire 
et  servez-vous-en  pour  mouiller  un  roux  que  vous  exécuterez  à 
part,  mais  pour  Dieu  ne  mettez  jamais  de  cornichons  dans  un 
ragoût  de  foie  de  veau. 

Foie  de  veau  à  Vitalienne.  —  Coupez  par  tranches  un  foie 
de  veau  ;  ayez  dans  une  casserole  de  l'huile  fine,  du  lard  fondu, 
du  vin  blanc,  persil,  ciboules,  champignons,  sel,  gros  poivre; 
couchez  sur  ce  fond  vos  tranches  de  foie,  mettez  une  couche  d'as- 
saisonnement et  continuez  en  alternant;  faites  cuire  à  petit  feu, 
dégraissez  la  cuisson,  faites-la  réduire  et  servez  vos  tranches  de 
fbîe  dans.leur  sauce;  vous  pouvez  substituer  une  sauce  italienne. 
(V.  Sauce  italienne.) 

Gâteau  de  foies  de  volailles.  —  Hachez ,  pilez  foies  de 
volailles  grasses  avec  250  grammes  de  graisse  de  bœuf,  autant  de 
lard  avec  champignons,  oignons  coupés  en  cubes,  passés  au 
beurre,  six  œufs  dont  vous  fouettez  les  blancs,  un  demi-verre 
d^eau-de-vie,  sel,  poivre,  muscade;  pilez  le  tout;  garnissez  le 
fond  et  les  côtés  d'une  casserole  avec  des  bardes  de  lard;  mettez- 


566  FOIE  GRAS. 


y  tout  ce  hachis  avec  des  trufFes  coupées  ;  couvrez  avec  des  bardes 
de  lard  ;  posez  la  casserole  sur  un  fourneau  étoufFé  par  la  cendre, 
et  recouvrez  de  braise  allumée. 

Nous  avons  recommandé  une  casserole  de  terre  ou  de  fer 
parce  que,  pour  qu'il  ne  se  déforme  pas,  il  faut  que  le  gâteau 
refroidisse  dans  la  casserole.  Quand  le  gâteau  est  froid,  bn  trempe 
un  instant  la  casserole  dans  l'eau  bouillante,  ce  qui  détache  le 
contenu  du  contenant  ;  et  on  renverse  ce  contenu  sur  un  plat. 

Foies  de  lottes.  —  On  en  fait  des  garnitures  à  la  Chaoïbord 
et  à  la  Régence.  Mets  rare  et  délicat. 

Lorsque  je  voyageais  en  Russie,  je  voyais  toujours  les  pêcheurs 
jeter  loin  d'eux  avec  dédain  une  espèce  d'anguille  ou  de  lam- 
proie marbrée  de  vert  et  de  blanc,  appétissante  et  grasse,  ronde 
comme  une  grosse  andouille,  et  qui  me  paraissait  ressembler  à 
un  poisson  d'eau  douce  que  j'avais  reconnu  en  France. 

Des  Russes  l'appelaient  naïm;  enfin,  après  une  foule  de 
questions  risquées,  je  demeurai  convaincu  que  ce  poisson  si 
méprisé  des  Russes  n'était  autre  que  la  lotte,  que  j'avais  si  sou- 
vent péché  avec  une  fourchette  dans  les  ruisseaux  de  France.  Je 
m'emparai  d'un  des  premiers  que  je  vis  jeter,  j'en  demandai  le 
prix  :  le  pêcheur  haussa  les  épaules. 

Je  fis  cuire  une  lotte,  après  l'avoir  limonée  dans  du  vin  blanc 
avec    de  l'oignon  coupé   en  tranches,  du  persil,   des  ciboules, 
du  basilic,  sel,  poivre,  girofle  et  un  morceau  de  beurre.  Quand 
elle  fut  cuite,  je  la  mangeai  dans  son  court-bouillon  réduit  avec 
des  tartines  de  beurre  frais  et  des  fines  herbes  crues. 
Je  ne  m'étais  pas  trompé,  c'était  bien  une  lotte. 
FOIE  GRAS.  —  On  sait  que  le  foie  gras  de  Strasbourg  est 
réputé  fournir  le  roi   des   pâtés.  L'opération  par  laquelle    on 
obtient  les  foies  gras  consiste  principalement  à  engraisser  les 
oies  de  manière  â   produire  chez  eux  une  tuméfaction  de  cet 
organe.  Le  foie  d'une  oie  soumise  au  traitement  que  leur  font 
subir  les  engraisseurs  de  Strasbourg  arrive  à  être  jusqu'à  dix  ou 
douze  fois  plus  gros  que  nature. 

Pour  en  arriver  là,  on  soumet  ces  animaux  à  des  tourments 
inouïs,  qui  n'ont  pas  même  été  déployés  sur  les  premiers  chré- 
tiens :  on  leur  cloue  les  pattes  sur  des  planches  pour  que  l'ag-ita- 


FOIE   GRAS. 


567 


tion  ne  nuise  pas  à  Tobésité  ;  on  leur  crève  les  yeux  pour  que  la 
vue  du  monde  extérieur  ne  vienne  les  distraire;  on  les  bourre 
avec  des  noix  sans  jamais  leur  donner  à  boire,  quels  que  soient 
les  cris  de  souffrance  que  leur  arrache  la  soif. 

Aussi  le  comte  de  Courchamps,  auteur  des  Mémoires  de 
if*  de  Créquy,  et  l'un  des  gourmands  les  plus  érudits  du  com- 
mencement de  ce  siècle,  faisant  taire  les  appétences  de  son  esto- 
mac sous  les  cris  de  sa  conscience,  présenta,  au  nom  des  oies  de 
Strasbourg,  une  pétition  à  la  chambre  des  pairs. 

Voici  textuellement  cette  pétition  qui,  si  juste  qu'elle  pût 
être,  ne  fut,  comme  il  en  arrive  d'habitude  des  pétitions  justes, 
suivie  d'aucun  résultat  : 

«  Nobles  pairs, 

«  Au  mépris  des  lois  de  la  nature,  adoptées  par  les  deux 
chambres  et  garanties  par  le  code  de  l'humanité,  les  Strasbourgeois 
s'appliquent  à  nous  faire  grossir  monstrueusement  un  viscère 
composé  de  deux  lobes  inertes.  C'est  aux  dépens  du  cœur,  que 
nous  avons* sensible,  de  l'estomac,  que  l'injustice  révolte,  du  pou- 
mon, qui  nous  est  essentiel,  de  la  rate,  qui  ne  peut  s'épanouir; 
enfin,  c'est  au  détriment  de  l'honneur  national  que  la  cruauté 
compromet. 

u  Hélas!  qu'avons-nous  fait,  malheureux  oiseaux^  On  nous 
aveugle,  on  nous  étouffe,  on  nous  torture.  Que  diriez-vous,  nobles 
pairs,  si  l'on  vous  mangeait,  si  l'on  vous  coupait  ces  ailes  avec 
lesquelles  vous  vous  envolez  si  haut,  si  l'on  vous  attachait  sur  les 
planches  et  qu'on  vous  y  clouât  les  pattes;  enfin  si  l'on  vous 
arrachait  les  yeux  pour  s'attaquer  ensuite  à  votre  foie,  comme  le 
vautour  de  Prométhée? 

a  Ah  Jupiter!  diriez-vous  alors,  quelle  injustice!  Avons- 
nous  donc,  sans  le  savoir,  dérobé  le  feu  sacré P  Et  parce  qu'on  ne 
le  trouve  nulle  part,  est-ce  vraisemblable  que  ce  soit  nous  qui 
l'ayons  pris>  Nous  sommes  Françaises,  nobles  pairs,  et  nous  vous 
conjurons  de  nous  faire  participer  aux  douceurs  de  l'orgueil 
national.  Nous  sommes  la  fable  des  oies  britanniques,  un  sujet 
de  risée  pour  les  dindons  de  Lincoln;  il  n'y  a  pas  jusqu'à  la 
volaille  irlandaise  qui  ne  prenne  des  airs  de  nous  mépriser,  et 


568  FOIE  GRAS. 


la  moindre  cane  des  Trois-Royaumes  est  plus  fière  qu'un  aigle 
impérial.  Nous  sommes  libres ,  disent-ils  avec  emphase,  et 
jamais  les  oies  n'ont  eu  besoin  de  recourir  chez  nous  à  la  chambre 
des  lords. 

«  Ah!  l'Angleterre  !  s'écrie  la  moindre  volaille  qui  a  l'hon- 
neur d'appartenir  à  cette  grande  puissance,  voilà  le  vrai  pays  de 
la  liberté  et  de  l'égalité.  On  y  prend  des  hommes  qui  passent  dans 
la  rue,  et,  sans  leur  demander  si  c'est  leur  goût  ou  celui  de  leur 
famille,  on  en  fait  des  marins  et  des  soldats.  Quand  ces  soldats 
ou  ces  marins  ont  manqué  à  leur  devoir,  on  leur  donne  des  coups 
de  fouet  comme  à  des  chiens.  Quand  un  paysan  est  pris  le  fusil  à 
la  main  sur  les  terres  d'un  grand  seigneur,  on  l'envoie  aux 
galères.  Un  homme  qui  vole  un  pain  est  pendu.  Mais  les  bœuft, 
mais  les  cochons,  mais  les  veaux,  mais  tout  animal  qui  se  mange 
enfin,  ou  plutôt  qui  est  mangé,  a  droit  à  une  mort  uniforme, 
légale,  constitutionnelle.  Le  parlement  a  prescrit,  en  17^6^  com- 
ment il  fallait  tuer  les  bœufs  et  les  cochons  :  avec  douceur  et 
célérité.  Par  un  bill  postérieur,  il  est  ordonné  de  transporter 
les  veaux  au  marché  sur  un  filet  suspendu.  Il  est  interdit  de 
mettre  plusieurs  de  ces  animaux  sur  la  même  charrette.  Il  est 
enjoint  d'observer  que  leur  position  n'y  soit  pas  contrainte  et 
qu'ils  ne  soient  pas  obligés  d'avoir  la  tête  pendante,  ainsi 
qu'on  a  trop  souvent  occasion  de  le  remarquer  sur  le  continent. 

«  Une  cuisinière  anglaise  qui  tuerait  un  canard,  une  poule 
ou  même  un  poulet,  se  croirait  un  objet  d'opprobre  pour  Thu- 
manité.  Aussi  l'on  vous  montre,  à  la  porte  des  châteaux  et  dans 
la  ruelle  la  plus  obscure  des  villages,  une  espèce  de  bourreau, 
qui  fait  l'horrible  métier  d'étouffer  les  pigeons  et  d'égorger  les 
agneaux.  C'est  un  être  infâme,  abhorré,  semblable  aux  chirur- 
giens de  l'ancienne  Egypte. 

«  Voilà  ce  que  les  oies  prennent  la  liberté  d'affirmer  à  vos 
seigneuries. 

Cl  Nous  vous  supplions  de  proposer  une  loi  qui  défende  aux 
Strasbourgeois  de  martyriser  la  volaille  et  de  tourmenter  les  ani- 
maux, à  qui,  du  reste,  ils  n'ont  rien  à  reprocher.  Qu'on  leur 
prescrive  de  n'exercer  leur  industrie  que  sur  la  manière  de  plu- 
mer les  pauvres  oies,  sans  appliquer  leur  intelligence  à  déranger 


FONDUE.  569 


rharmonie  de  leurs  viscères.  Qu'ils  prennent  exemple  sur  les 
fournisseurs  et  sur  les  usuriers,  qui  plument  les  poules  sans,  les 
faire  crier.  Que  si,  par  un  abus  de  la  force  et  par  un  texte  mal 
interprété  de  la  Genèse,  ils  nous  ôtent  la  vie,  ils  ne  puissent  du 
moins  nous  ôter  la  vue,  ce  qui  nous  plonge  dans  une  mélancolie 
funeste.  Enfin,  qu'ils  nous  plument  et  nous  mangent,  puisqu'ils 
sont  pour  nous  des  tyrans  féodaux,  des  chefs  saliques,  et  que  dans 
les  basses-cours  il  n'y  a  encore  ni  charte,  ni  constitution,  ni  lois 
d'habeas  corptrs.  C'est  un  despotisme  épouvantable;  la  plus  libre 
de  nous  est  à  la  merci  du  dernier  roquet,  et  dans  toute  l'Alsace 
il  n'existe  pas  une  chambre  qui  soit  seulement  comparable  à  celle 
des  députés.  » 

«  Puissiez- vous  étendre  ce  bienfait  jusqu'aux  extrémités  de 
Tempîre  et  jusque  sur  les  canards  de  Toulouse,  nos  malheureux 
cousins.  » 

Jusqu'à  l'invention  des  plumes  de  (er  par  l'Anglais  Parry, 
ce  furent  les  oies  qui  eurent  le  privilège  de  fournir  le  précieux 
canal  par  lequel  le  chef-d'œuvre  de  l'esprit  humain  passait  du 
cerveau  sur  le  papier.  Beaucoup  de  nos  grands  hommes  d'au- 
jourd*hui  ont  refusé  de  subir  la  plume  de  fer  et  persistent  à 
employer  la  plume  d'oie.  Victor  Hugo,  par  exemple,  et  Chateau- 
briand se  sont  toujours  refusés  à  l'emploi  des  plumes  de  métal  qui 
Otent  à  l'écriture  son  ampleur  et  toute  la  fierté  de  son  caractère, 
pour  la  transformer  soit  en  pattes  de  mouches,  soit  en  bâtons  de 
maître  d'école  ou  de  jeune  miss. 

Foie  de  raie.  —  Le  foie  de  raie  n'est  pas  précisément  un 
plat,  mais  une  simple  s^uce.  Après  l'avoir  fait  cuire  en  même 
temps  et  dans  le  même  court-bouillon  que  la  raie,  on  en  fait  avec 
ce  court-bouillon  une  purée  qui  sert  à  masquer  la  raie,  et  qui 
porte  le  nom,  dans  les  dispensaires,  de  sauce  à  la  noisette;  la 
la  raie  sauce  noisette  est  donc  tout  simplement  la  raie  préparée 
avec  son  propre  foie. 

FONDUE.  —  Pesez  le  nombre  d'œufs  que  vous  voudrez 
employer  d'après  le  nombre  présumé  de  vos  convives. 

Vous  prendrez  ensuite  un  morceau  de  bon  fromage  de 
Gruyère  pesant  le  tiers,  et  un  morceau  de  beurre  pesant  le 
sixième  de  ce  poids. 


570  FRAISE   DE  VEAU. 


Vous  casserez  et  battrez  bien  les  œufs  dans  une  casserole; 
après  quoi  vous  y  mettrez  le  beurre  et  le  fromage  râpé  ou 
émincé. 

Posez  la  casserole  sur  un  fourneau  bien  allumé,  et  tournez 
avec  une  spatule,  jusqu'à  ce  que  le  mélange  soit  convenablement 
épaissi  et  mollet;  mettez-y  un  peu  ou  point  de  sel,  suivant  que 
le  fromage  sera  plus  ou  moins  vieux,  et  une  forte  portion  de 
poivre,  qui  est  un  des  caractères  positifs  de  ce  mets  antique.  Ser- 
vez sur  un  plat  légèrement  échauffé;  faites  apporter  le  meilleur 
vin,  qu'on  boira  rondement,  et  on  verra  merveilles.  {Recette  de  la 
fondue^  telle  qu'elle  a  été  extraite  des  papiers  de  M.  Trollet. 
bailli  de  Mondon^  au  canton  de  Berne.) 

FOURNITURE.  —  On  désigne  sous  ce  nom  les  fines  herbes 
accompagnant  les  chicorées  ou  laitues  faisant  le  corps  de  la 
salade.  Ces  fournitures  sont  :  le  cresson  alénois,  le  cerfeuil,  les 
ciboules,  Testragon,  la  perce-pierre,  le  baume,  quand  il  est 
nouveau,  la  corne  de  cerf,  la  pimprenelle,  les  capucines  fleu- 
ries, les  fleurs  de  violette,  de  bouillon  blanc,  de  bourrache  et  de 
buglosse. 

FRAISES.  —  Fraises  des  bois,  ananas,  capron,  des  quatre- 
saisons  et  de  Calabre  musquée, 

FRAISE  DE  VEAU. —  Ayez  une  fraise  de  veau  bien  blanche 

et  bien  grasse  ;  faites-la  dégorger  et  blanchir  en  lui  faisant  jeter 

quelques   bouillons.    Rafraîchissez-la,    faites-la   cuire  dans  un 

blanc.   (V.  Blanc)  La  cuisson  faite,  égouttez-la  et  servez-la 

^avec  la  sauce  au  pauvre  homme. 

Sauce  au  pauvre  homme.  —  Prenez  cinq  ou  six  échalotes, 
ciselez-les  et  hachez-les,  ajoutez  une  pincée  de  persil  taillé  bien 
fin,  mettez  le  tout  dans  une  casserole,  soit  avec  un  verre  de 
bouillon,  soit  avec  du  jus  ou  de  Teau  en  moindre  quantité  et  une 
cuillerée  à  dégraisser  de  bon  vinaigre,  du  sel  et  une  pincée  de 
gros  poivre;  faites  bouillir  vos  échalotes  jusqu'à  ce  qu'elles  soient 
cuites  et  servez. 

Si  vous  ne  voulez  pas  \ous  donner  la  peine  de  faire  un  blanc 
pour  cuire  votre  fraise,  contentez-vous  de  la  passer  àTeau  bouil- 
lante pendant  dix  minutes  et  ensuite  à  Teau  froide,  puis  mettez 
dans  une  casserole  une  cuillerée  de  farine,  un  demi-verre  de 


FRICANDEAU.  571 


vinaigre,  du  sel,  du  poivre,  deux  oignons,  dont  un  piqué  de  deux 
clous  de  girofle,  et  un  bouquet  garni. 

Fraise  de  veau  à  la  Brtssac.  —  La  cuisson  achevée  ainsi 
qu'il  est  dit  ci-dessus,  coupez-la  par  morceaux  égaux,  me'ttez  ces 
morceaux  dans  aine  italienne  bien  réduite  et  bien  corsée,  et 
comme  la  fraise  est  fade  par  elle-même,  relevez-la  au  moment 
de  la  servir  d'un  )us  de  citron,  d'un  peu  d'huile  et  d'âil 
râpé. 

FRAMBOISES.  —  Il  y  en  a  de  deux  espèces,  les  rouges  et 
les  jaunes,  les  rouges  sont  plus  communes;  les  amateurs  de  fram- 
boises trouvent  aux  jaunes,  quoiqu'elles  aient  à  peu  près  le  même 
goût,  un  arôme  plus  fin. 

FRANCOLIN.  —  Oiseau  sauvage,  mais  qui  vit  en  bandes 
comme  la  perdrix.  Je  ne  l'avais  jamais  rencontré  en  France, 
lorsqu'en  arrivant  sur  les  bords  de  la  mer  Caspienne  je  levai 
une  bande  d'oiseaux  qui  m'étaient  inconnus;  du  premier  coup 
que  je  tirai,  deux  tombèrent;  un  buisson  me  déroba  le  reste. 
J'ignorais  le  nom  du  gibier  que  j'avais  tué,  lorsque  j'appris  le 
soir  de  M™*  de  Tatare  que  c'était  un  couple  de  francolins. 

Le  francolin  doit  s'apprêter  comme  la  perdrix,  comme  le 
faisan  et  comme  la  bartavelle. 

FRANGIPANE.  —  Espèce  de  crème,  garniture  fréquente  de 
pâtisseries. 

Ce  nom  lui  vient  de  son  inventeur,  don  César  Frangipani, 
qui  descendait  de  ces  fameux  Frangipani  qui  étaient  toujours 
prêts  à  rompre  le  pain  pour  faire  l'aumône  \frangere  panent. 

Les  restes  de  leur  forteresse,  qui  était  sur  la  Via-Appia,  sont 
encore  visibles  entre  le  tombeau  de  Cécilia  Métella  et  le  cirque 
de  Maxence. 

FRICANDEAU.  —  Rouelle  ou  tranches  piquées  et  glacées; 
s'applique  surtout  à  la  viande  de  veau. 

Fricandeau  à  l'ancienne.  —  Vieux  principe  qui  vaut  mieux 
que  la  manière  de  faire  actuellement.  La  plupart  des  cuisiniers 
mouillent  tout  bonnement  leur  fricandeau  avec  du  bouillon ,  et 
allez,  ça  n'a  pas  de  saveur. 

Ce  qui  faisait  dire  à  Beaumarchais,  en  un  couplet  : 


^72  FRITURE. 


Dans  vos  restaurants  nouveaux, 
^  Tous  vos  plats  sont  suprêmes^ 

Et  pourtant  les  fricandeaux 
Sont  toujours  les  mêmes. 

II  y  a  fricandeau  et  fricandeau.  La  préparation  suivante 
vojis  le  démontrera. 

Extraire  la  noix  d'un  cuissot  de  veau  bien  blanc,  la  parer,  la 
piquer;  foncez  votre  casserole  d'une  bonne  mirepoix,  carottes, 
gros  oignons  en  rouelles,  un  bouquet  garni;  beurrez  le  fond  de 
la  casserole,  ajoutez  votre  noix  de  veau,  faites-la  suer  afin  que  la 
partie  aqueuse  du  veau  s'évapore,  nfiouillez  ensuite  avec  un  bol 
de  consommé  qui  ne  couvre  pas  le  lard.  Faites  cuire  doucement 
feu  dessous  et  dessus,  et  glacez  bien  votre  fricandeau  en  l'arro- 
sant de  temps  en  temps,  passez  le  fond,  réduisez  pour  glacer  la 
noix  de  veau  et  le  surplus  pour  corser  soit  l'oseille^  là  chicorée 
qui  sert  de  garniture,  et  servez.  (Vuillemot.) 

Fricandeau  d'esturgeon^  de  brochet  ou  de  saumon.  —  Cou- 
pez des  tranches  du  poisson  que  vous  voulez  glacer  de  la  grosseur 
de  trois  centimètres,  dépouillez-les,  piquez-les  de  lard,  farinez- 
les,  mettez-les  dans  une  casserole  le  lard  en  dessous  avec  le  lard 
fondu,  colorez  et  enlevez-les  du  feu.  Hachez  des  truffes,  des  ' 
champignons  ou  des  mousserons  ;  dressez  sur  eux  vos  fricandeaux 
dans  un  plat,  arrosez-les  du  jus  de  jambon,  couvrez-les  d'un  plat 
et  laissez  cuire  à  feu  doux  une  heure  durant. 

FRIRE.  —  Action  de  faire  cuire  de  la  viande,  du  poisson 
ou  des  légumes  dans  du  beurre,  de  l'huile  ou  du  saindoux. 

On  sait  que  la  cuisson  est  beaucoup  plus  rapide  dans  les 
corps  gras  que  dans  l'eau  ;  l'eau  en  effet  ne  monte  qu'à  la  cha- 
leur de  cent  degrés,  la  friture  atteint  le  double.  Cette  effra/ante 
chaleur  aurait  bientôt  desséché  les  substances  que  Ton  soumet  au 
corps  gras,  si  avant  de  les  tremper  dans  la  friture  on  ne  les  cui- 
rassait pas  habituellement  d'une  pâte  qui  les  soustrait  en  partie 
à  l'action  du  calorique. 

FRITURE.  —  Brillât-Savarin  pouvait  dire  du  friturier  ce 
qu'il  a  dit  du  rôtisseur  :  «  On  devient  cuisinier,  mais  on  naît 
rôtisseur.  » 


FRITURE.  J7J 


Son  friturier  recevait  de  lui  des  instructions  à  part.  Il  raconte 
lui-même,  avec  son  esprit  habituel,  l'interrogatoire  qu'il  fît  subir 
un  jour  à  maître  Laplanche,  son  cuisinier.  Le  professeur  était 
assis  dans  son  grand  fauteuil  à  méditation,  quand  il  fit  appeler 
devant  lui  celui  à  qui  il  avait  à  donner  des  conseils,  s'il  n'avait 
pas  à  lui  faire  des  reproches. 

Le  juge  gastronome  met  dans  son  récit  toute  la  solennité 
qu'il  mérite.  Sa  jambe  droite  était  verticalement  appuyée  survie 
parquet,  la  gauche  en  s'étendant  formait  une  irréprochable  dia- 
gonale ;  il  avait  les  reins  convenablement  adossés,  et  les  mains 
étaient  posées  sur  les  têtes  de  lions  qui  terminent  les  sous-bras 
du  meuble  vénérable  sur  lequel  il  donne  ses  audiences. 

Son  front  élevé  indiquait  l'amour  des  études  sévères,  et  sa 
bouche  le  goût  des  distractions  aimables.  Son  air  était  recueilli 
et  sa  pose  sculpturale  et  bien  équilibrée. 

Ainsi  établi,  le  professeur  fît  appeler  son  préparateur  en  chef 
et  bientôt  le  serviteur  arriva,  prêt  à  recevoir  des  conseils,  des 
leçons  ou  des  ordres  : 

Q4llocution.  —  «  Maître  Laplanche,  dit  le  professeur,  avec 
cet  accent  grave  qui  pénètre  jusqu'au  fond  des  cœurs,  tous  ceux 
qui  s'asseyent  à  ma  table  vous  proclament  potagiste  de  première 
classe,  ce  qui  est  fort  bien,  car  le  potage  est  la  première  conso- 
lation de  l'estomac  besoigneux;  mais  je  vois  avec  peine  que  vous 
n'êtes  encore  qu'un  friturier  incertain. 

«  Je  vous  entendis  hier  gémir  sur  cette  sole  triomphale  que 
vous  nous  servîtes  pâle,  mollasse  et  décolorée.  Mon  ami  Récamier 
jeta  sur  vous  un  regard  désapprobateur;  M.  Richerand  porta  à 
l'ouest  son  nez  gnomonique,  et  le  président  Séguier  déplora  cet 
accident  à  l'égal  d'une  calamité  publique. 

«  Ce  malheur  nous  arriva  pour  avoir  négligé  la  théorie  dont 
vous  ne  sentez  pas  toute  l'importance.  Vous  êtes  un  peu  opi- 
niâtre, maître  Laplanche,  et  j'ai  de  la  peine  à  vous  faire  conce- 
voir que  les  phénomènes  qui  se  passent  dans  votre  laboratoire  ne 
sont  autre  chpse  que  l'exécution  des  lois  de  la  nature,  et  que 
certaines  choses  que  vous  faites,  sans  attention  et  seulement 
parce  que  vous  les  avez  vu  faire  à  d'autres,  n'en  dérivent  pas 
moins  des  plus  hautes  abstractions  de  la  science.  Ecoutez  donc 


^^4  FRITURE. 


avec  attention,  et  instruisez-vous  pour  n'avoir  plus  désormais  à 
rougir  de  vos  œuvres. 

Chimie,  —  «  Les  liquides  que  vous  exposez  à  l'action  du  feu 
ne  peuvent  pas  tous  se  charger  d'une  égale  quantité  de  chaleur, 
la  nature  les  y  a  disposés  inégalement  ;  c'est  un  ordre  de  choses 
<iont  elle  s'est  réservé  le  secret  et  que  nous  appelons  capacité  du 
calorique. 

«  Ainsi,  vous  pourriez  tremper  impunément  votre  doigt  dans 
Tesprit-de-vin  bouillant,  vous  le  retireriez  bien  vite  de  leau-de- 
vie,  plus  vite  encore  si  c'était  de  l'eau,  et  une  immersion,  si 
rapide  qu'elle  soit,  dans  l'huile  bouillante,  vous  ferait  une  bles- 
sure cruelle,  car  l'huile  peut  s'échaufler  au  moins  trois  fois  plus 
que  l'eau.  C'est  par  une  suite  de  cette  disposition  que  les  liquides 
chauds  agissent  d'une  manière  différente  sur  les  corps  sapides  qui 
y  sont  plongés.  Ceux  qui  sont  traités  à  Teau  se  ramollissent,  se 
dissolvent  et  se  réduisent  en  bouillie;  il  en  provient  du  bouillon 
ou  des  extraits.  Ceux  au  contraire  qui  sont  traités  à  l'huile  se 
resserrent,  se  colorent  d'une  manière  plus  ou  moins  foncée  et 
finissent  par  se  charbonner.  Dans  le  premier  cas,  Teaù  dissont 
et  entraîne  les  sucs  intérieurs  des  aliments  qui  y  sont  plongés; 
dans  le  second ,  '  ces  sucs  sont  conservés  parce  que  l'huile  ne 
peut  pas  les  dissoudre,  et  si  ces  corps  se  dessèchent,  c'est  que 
la  continuation  de  la  chaleur  finit  par  en  vaporiser  les  parties 
humides. 

«  Les  deux  méthodes  ont  aussi  des  noms  différents;  on 
appelle  frire  l'action  de  faire  bouillir  dans  l'huile  ou  la  graisse 
des  corps  destinés  à  être  mangés.  Je  crois  déjà  vous  avoir  dit  que 
sous  le  rapport  officinal  huile  ou  graisse  sont  à  peu  près  syno- 
nymes, la  graisse  n'étant  qu'une  huile  concrète,  ou  l'huile  une 
graisse  liquide. 

Qépplication.  —  «  Les  choses  frites  sont  bien  reçues  dans  les 
festins,  elles  y  introduisent  une  variation  piquante,  elles  soi^t 
agréables  à  la  vue,  conservent  leur  goût  primitif  et  peuvent  se 
manger  à  la  main,  ce  qui  plaît  toujours  aux  dames. 

«  La  friture  fournit  encore  aux  cuisiniers  bien  des  moyens 
pour  masquer  ce  qui  a  paru  la  veille  et  leur  donne,  au  besoin, 
des  secours  pour  les  cas  imprévus,  car  il  ne  faut  pas  plus  de  temps 


FRITURE.  57J 


pour  fiîre  une  carpe  de  quatre  livres  que  pour  cuire  un  œuf  à  la 
coque. 

«  Tout  le  mérite  d'une  bonne  friture  provient  de  la  surprise  ; 
c'est  ainsi  qu' on  appelle  l'invasion  du  liquide  bouillant  qui  car- 
bonise ou  roussit,  à  l'instant  même  de  l'immersion,  la  surface 
extérieure  du  corps  qui  lui  est  soumis. 

((  Au  moyen  de  la  surprise»  il  se  forme  une  espèce  de  voûte 
qui  contient  l'objet,  empêche  la  graisse  de  le  pénétrer  et  con- 
centre les  sucs,  qui  subissent  ainsi  une  coction  intérieure  qui 
donne  à  l'aliment  tout  le  goût  dont  il  est  susceptible. 

«  Pour  que  la  surprise  ait  lieu,  il  faut  que  le  liquide  bouil- 
lant ait  acquis  assez  de  chaleur  pour  que  son  action  soit  brusque 
et  instantanée;  nnais  il  n'arrive  à  ce  point  qu'après  avoir  été 
exposé  assez  longtemps  à  un  feu  vif  et  flamboyant. 

((  On  connaît  par  le  moyen  suivant  que  la  friture  est  chaude 
au  degré  désiré  :  vous  couperez  un  morceau  de  pain  en  forme  de 
mouillette,  et  vous  le  tremperez  dans  la  poêle  pendant  cinq  à  six 
secondes  ;  si  vous  le  retirez  ferme  et  coloré ,  opérez  immédiate- 
ment l'immersion  ;  sinon  il  faut  pousser  le  feu  et  recommencer 
l'essai. 

«  La  surprise  une  fois  opérée ,  modérez  le  feu  afin  que  la 
coction  ne  soit  pas  trop  précipitée  et  que  les  sucs  que  vous  avez 
renfermés  subissent,  au  moyen  d'une  chaleur  prolongée,  le  chan- 
gement qui  les  unit  et  en  rehausse  le  goût. 

«  Vous  avez  sans  doute  observé  que  la  surface  des  objets  bien 
frits  ne  peut  plus  dissoudre  ni  le  sel,  ni  le  sucre,  dont  ils  ont 
cependant  besoin  suivant  leur  nature  diverse.  Ainsi  vous  ne  man- 
querez pas  de  réduire  ces  deux  substances  en  poudre  très-fine, 
afia  qu'elles  contractent  une  grande  facilité  d'adhérence,  et  qu'au 
moyen  du  saupoudroir  la  friture  puisse  s'en  assaisonner  par 
juxtaposition. 

«  Je  ne  vous  parle  pas  du  choix  des  huiles  et  des  graisses  ; 
les  dispensaires  divers  dont  j'ai  composé  votre  bibliothèque  vous 
ont  donné  là-dessus  des  lumières  suffisantes. 

«  Cependant  n'oubliez  pas,  quand  il  vous  arrivera  quelques- 
unes  de  ces  truites  qui  dépassent  à  peine  un  quart  de  livre,  et  qui 
proviennent  des  ruisseaux  d'eau  vive  qui  murmurent  loin  de  la 


576  FROMAGE. 


capitale,  n'oubliez  pas,  dis-;e,  de  les  frire  avec  ce  que  vous  aurez 
de  plus  fin  en  huile  d'olive.  Ce  mets  si  simple,  dûment  saupoudré 
et  rehaussé  de  tranches  de  citron,  est  digne  d'être  offert  à  une 
éminence. 

«  Traitez  de  même  les  épérlans,  dont  les  adeptes  font  tant 
de  cas.  L'éperlan  est  le  becfigue  des  eaux  :  même  petitesse, 
même  parfum,  même  supériorité. 

«  Ces  deux  prescriptions  sont  encore  fondées  sur  la  nature 
des  choses.  L'expérience  a  appris  qu'on  ne  doit  se  servir  de  l'huile 
d'olive  que  pour  les  opérations  qui  peuvent  s'achever  en  peu  de 
temps  et  qui  n'exigent  pas  une  grande  chaleur,  parce  que  Tébul- 
lition  prolongée  y  développe  un  goût  empyreumatique  et  dés- 
agréable qui  provient  de  quelques  parties  de  parenchyme  dont  il 
est  très-difficile  de  les  débarrasser  et  qui  se  charbonnent. 

«  Vous  avez  essayé  mon  enfer,  et,  le  premier,  vous  avez  eu 
la  gloire  d'offrir  à  l'univers  étonné  un  immense  turbot  frit.  Il  y 
eut  ce  jour-là  grande  jubilation  parmi  les  élus, 

«  Allez  !  continuez  à  soigner  .tout  ce  que  vous  faites^  et  n'ou- 
bliez jamais  que ,  du  moment  où  les  convives  ont  mis  le  pied 
dans  mon  salon,  c'est  nous  qui  demeurons  chargés  du  soin  de  leur 
bonheur. 

FROMAGE.  —  Le  fromage  n'est  autre  chose  que  le  caillé 
du  lait  séparé  du  sérum  et  endurci  par  une  chaleur  lente;  c'est 
la  partie  du  lait  la  plus  grossière  et  la  plus  compacte,  d'où  il  est 
aisé  de  conclure  qu'il  produit  un  aliment  solide,  mais  difficile  à 
digérer  quand  on  en  mange  avec  excès. 

Ce  furent  les  Romains  qui  apportèrent  dans  les  Gaules  lart 
de  préparer  le  fromage;  depuis,  il  a  fait  son  chemin,  car  il  y  a 
peu  de  cantons  en  France  qui  n'ait  son  fromage  particulier^  et  il 
y  a  peu  de  bonnes  tables  où  on  n'en  serve  sous  quelque  forme  ou 
de  quelque  façon  qu'il  se  présente. 

On  peut  faire  le  fromage  ou  avec  du  lait  dont  on  a  aupara- 
vant séparé  la  partie  butireuse,  ou  avec  le  lait  encore  chargé  de 
cette  partie.  Dans  ce  dernier  cas,  le  fromage  a  un  bien  meilleur 
goût  à  cause  de  sa  partie  crémeuse  qui  est  la  portion  du  lait  la 
plus  exaltée  et  la  plus  remplie  de  principe  huileux  et  de  sel 
volatil.  On  fait  le  fromage  avec  le  lait  de  plusieurs  animaux, 


FROMAGE.  577 


mw  celui  dont  on  se  sert  le  plus  ordinairement  est  le  lait  de 
vache,  il  est  d'un  goût  agréable,  nourrit  beaucoup,  mais  se  digère 
difficilement. 

Le  fromage,  pour  être  mangé,  ne  doit  être  ni  trop  nouveau, 
ni  trop  vieux;  trop  nouveau,  il  est  lourd,  pèse  sur  l'estomac  et 
cause  souvent  des  vents  et  des  diarrhées;  trop  vieux,  il  échauffe 
par  sa  grande  âcreté,  produit  un  mauvais  suc,  a  une  odeur  dés- 
agréable et  rend  le  ventre  paresseux,  parce  que  la  fermentation 
considérable  qu'il  a  souffert  l'a  privé  des  humidités  qu'il  conte- 
jiait  et  qui  a  fait  perdre  à  ses  principes  tout  leur  premier  arran- 
gement. 

Il  existe  une  quantité  considérable  de  fromages  :  les  plus  esti- 
més sont  :  le  Brie,  le  Hollande,  le  Gruyère,  le  Livarot,  le  Marolles, 
le  Camembert,  le  Roquefort,  le  Parmesan;  enfin  ces  délicieux 
petits  fromages  suisses  qui  sont  ^de  véritables  crèmes  et  au  goût 
et  à  la  vue,  et  que  les  gourmands  trouvent  si  délectables. 

Nous  n'indiquerons  pas  ici  toutes  les  manières  de  faire  les 
différents  fromages  qu'il  est  du  reste  plus  commode,  plus  facile  et 
moins  dispendieux  de  se  procurer  chez  les  marchands  de  fro- 
mages. Nous  donnerons  seulement  les  recettes  de  ceux  qui  se 
font  journellement  à  la  campagne  et  dont  la  préparation  est  la 
plus  simple. 

Pour  faire  de  bons  fromages  généralement,  il  faut  avoir  du 
bon  lait  et  de  la  bonne  présure. 

Prenez  du  lait  fraîchement  trait,  coulez-le,  mettez-y  de  la 
présure  en  remuant  le  lait  avec  une  grande  cuiller,  laissez-le 
reposée  jusqu'à  ce  qu'il  se  coagule;  une  fois  réduit  en  caillé,  vous 
le  tirez  du  pot  et  le  mettez  dans  des  formes,  vous  laissez  égoutter 
le  petit  lait  et  vous  le  dressez  proprement  sur  une  assiette. 

Fromages  communs,  —  On  appelle  ainsi  ceux  qu'on  met  en 
présure  après  avoir  été  écrémés;  ces  fromages  se  coagulent  plus 
promptement  que  les  autres,  parce  qu'il  ne  sont  pas  si  gras.  Vous 
les  achevez  de  même  que  les  précédents. 

Fromages  de  garde,  —  Vous  prenez  du  lait  chaud  et  fraî- 
chement tiré,  jetez-y  de  la  présure  délayée,  et  quand  il  est  pris, 
dressez-le  dans  ses  formes,  égouttez-le,  salez-le  par-dessus  et 
laissez-le   reposer   jusqu'au   lendemain   afin   qu'il  s'afFermisse. 

37 


578  FROMENT. 


Retournez-le  pour  le  saler  de  l'autre  côté,  mettez-le  dans 
réclisse,  laissez-le  s'affermir,  et  mettez-le  sécher  à  l'air  jusqu'à 
ce  qu'on  veuille  l'affiner. 

Fromage  affiné.  —  Le  fromage  étant  assez  sec,  on  le  trempe 
dans  l'eau  salée,  on  l'enveloppe  dans  des  feuilles  d'ormes  ou  d'or* 
lies,  puis  on  le  met  dans  quelque  vaisseau  avec  d'autres  afin 
qu'ils  se  communiquent  leur  humidité.  Les  fromages  s'affinent 
très-bien  ainsi. 

FROMENT.  —  Voici  ce  que  M.  Aulagnier  dit  de  cette 
plante,  la  plus  commune  et  la  meilleure  qui  existe  : 

«  Le  froment,  dont  l'origine  se  perd  presque  dans  celle  du 
monde,  est  la  plus  précieuse  de  toutes  les  plantes.  Les  Égyptiens 
mirent  au  rang  des  dieux  Osiris  pour  leur  avoir  enseigné  Tagri- 
culture,  qui  a  produit  les  mêmes  résultats  dans  toutes  les  contrées 
de  la  terre.  En  Orient,  c'est  daijs  la  Babylonie  que  le  blé  crois- 
sait naturellement,  c'est  aussi  là  qu'on  croit  devoir  placer  le  ber- 
ceau de  la  .civilisation.  Aujourd'hui  peu  de  nations  se  nourrissent 
uniquement  de  fruits,  eu  égard  au  grand  nombre  de  celles  qui 
cultivent  les  céréales.  Les  dattes  et  les  figues  servent  bien  encore 

r 

à  la  nourriture  des  Egyptiens,  des  Persans,  mais  c'est  seulement 
chez  les  pauvres,  car  le  froment  forme  l'aliment  principal.  Sa 
racine  est  composée  de  fibres  déliées,  sa  tige  s'élève  à  la  hauteur 
de  quatre  ou  cinq  pieds  et  forme  des  tuyaux  plus  ou  moins  gros, 
garnis  d'espace  en  espace  de  nœuds  qui  lui  donnent  de  la  force 
et  qui  soutiennent  à  leur  extrémité  des  épis  longs  où  naissent  des 
fleurs  composées  d'étamines  auxquelles  succèdent  des  grains 
ovales,  mous  des  deux  bouts,  convexes  d'un  côté,  sillonnés  de 
l'autre,  de  couleur  jaune  lorsqu'ils  sont  mûrs,  remplis  d'une  ma- 
tière blanche  et  farineuse  composée  de  gluten  et  d'amidon,  et  qui 
sert  à  faire  le  pain.  » 

La  France  est  très-fertile  en  froment  de  toutes  les  espèces;  la 
Beauce,  la  Brie,  l'Ille-et-Vilaine,  le  Vexin,  en  produisent  surtout 
de  très-beaux  sujets. 

Les  anciens  honoraient  l'agriculture  par  des  fStes,  mais 
aucune  n'est  comparable  à  celle  qui,  depuis  un  temps  immé- 
morial, se  pratique  en  Chine  tous  les  ans.  L'empereur,  enlourè 
des  princes  et  des  grands  de  sa  cour,  ainsi  que  des  laboureurs  les 


FRUITS.  J79 


plus  recommandables ,  ouvre  et  laboure  lui-même  la  terre,  et 
sème  les  cinq  espèces  de  grains  les  plus  nécessaires  à  la  \iç  qui 
sont  :  le  froment,  le  riz,  les  fè\es  et  deux  sortes  de  millet.  Cette 
fête  est  célébrée  chaque  année  à  Pékin,  au  retour  du  printemps, 
ainsi  que  dans  tout  l'empire;  là,  la  profession  de  laboureur  est 
plus  honorable  que  celle  de  marchand. 

FRUITS.  —  Les  fruits  forment  une  grande  partie  de  la 
nourriture  de  l'homme,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  où  il  ne 
vivait  que  de  racines  et  de  fruits,  jusqu'au jourdhui  où  les  fruits 
paraissent  encore  sur  toutes  les  tables. 

On  les  mange  frais  et  crus,  cuits  ou  séchés.  Lorsqu'ils  sont 
bien  mûrs,  on  peut  les  manger  avec  sécurité,  pourvu  qu'on  n'en 
fasse  pas  excès  et  qu'on  ne  craigne  pas  qu'ils  s'aigrissent  dans 
l'estomac,  disposition  qu'on  peut  affaiblir  à  un  certain  degré  par 
l'addition  du  sucre  et  d'aromates  toniques.  La  cuisson  les  rend  de 
plus  facile  digestion  sans  altérer  leurs  propriétés  laxatives  ;  par 
la  dessication,  ils  deviennent  de  moins  facile  digestion, 'mais  plus 
sucrés  et  plus  nourrissants;  aussi  les  figues  desséchées  faisaient- 
elles  autrefois  en  grande  partie  l'alimentation  des  athlètes.    . 

Les  fruits  sont  alimentaires  à  différents  degrés,  suivant  la 
nature  et  le  nombre  des  éléments  qui  les  constituent.  En  général 
ceux  qui  forment  la  base  de  l'alimentation  chez  tous  les  peuples 
civilhés  sont  les  fruits  féculents  y  qui  contiennent  en  proportions 
variées  du  gluten,  du  sucre,  de  la  fécule,  de  l'albumine, du  muci- 
lage, de  la  résine  et  du  sel  ;  on  peut  classer  comme  les  principaux, 
le  blé,  le  seigle,  l'orge,  l'avoine,  le  riz,  le  maïs,  les  haricots,  les 
pois,  les  fèves,  les  lentilles,  les  châtaignes,  etc.,  il  faut  pour  les 
rendre  alimentaires  les  soumettre  à  différentes  préparations  qui 
sont  toutesdu  ressort  de  la  cuisine  et  que  nous  indiquerons  aux 
articles  concernant  ces  fruits  ou  graines. 

Puis  viennent  les  fruits  mucoso-sucrés,  la  prune,  l'abricot, 
le  raisin,  la  figue,  la  cerise,  etc.,  qui  sont  beaucoup  moins  ali- 
mentaires que  les  premiers  et  qui  seuls  ne  pourraient  pas  sufiîre 
à  la  nourriture  quotidienne  de  l'homme;  on  en  fait  ordinairement 
des  marmelades,  des  gelées,  des  conserves;  on  les  mange  aussi 
crus,  mais  il  faut  qu'ils  soient  bien  frais  afin  de  ne  causer  aucun 
dérangement  dans  le  système  organique. 


58o  FUMET  DE  PERDRIX. 


Nous  avons  encore  les  amandes,  les  noix,  le  fruit  du  cocotier, 
les  noisettes,  etc.,  que  Ton  appelle  fruits  oléagino-féculeux ^  qm 
sont  d'une  digestion  difficile  à  cause  de  Thuile  qu'ils  contiennent 
et  qui  ne  peuvent  être  mangés  qu'en  petite  quantité. 

Enfin,  les  fruits  acides-mucilagineux^  les  moins  nourrissants 
de  tous  sont  encore  une  grande  ressource  pendant  les  grandes 
chaleurs  de  l'été  où  ils  servent  à  faire  des  boissons  très-rafraî- 
chissantes, ainsi  que  des  confitures,  des  conserves,  etc.;  les  prin- 
cipaux sont  l'orange,  le  citron,  la  groseille. 

Les  fruits  figuraient  toujours  en  grande  quantité  sur  les 
tables  des  anciens  ;  on  rapporte  que  .l'empereur  Claudius  Albinus 
les  aimait  tellement  qu'il  mangea  un  jour  à  son  déjeuner  cinq 
cents  figues,  cent  pêches,  dix  melons,  et  quantité  considérable 
de  raisins. 

De  tous  les  fruits  précoces,  la  fraise  des  bois  est  celui  qui 
paraît  le  premier;  tout  le  monde  sait  que  c'est  la  meilleure  et  la 
plus  naturelle,  et  elle  tait  longtemps  l'ornement  utile  et  agréable 
des  tables.  Puis  viennent  les  cerises,  dont  les  plus  estimées  sont  celles 
dites  de  Montmorency,  plus  tardives  que  les  autres;  les  groseilles 
à  grappes,  les  framboises  qui  succMcnt  aux  fraises  et  qui  passent 
aussi  vite  pour  faire  place  aux  abricot»,  aux  prunes,  aux  amandes 
vertes,  aux  melons,  aux  poires,  aux  figues,  à  la  pêche  de  Mon- 
treuil,  ce  fruit  si  savoureux  et  si  délectable,  que  tout  gourmand 
veut  manger,  et  aux  raisins  de  table  de  Fontainebleau,  les  meil- 
leurs qu'il  existe.  Puis,  enfin,  les  fruits  d'hiver,  la  poire,  la 
pomme;  les  fruits  à  coquille,  les  noix,  les  noisettes,  les  mar- 
rons, etc. 

Maintenant  que  nous  avons  rendu  aux  fruits  toute  la  justice 
qui  leur  est  due,  nous  prions  nos  lecteurs  de  se  reporter  pour 
les  diverses  préparations  auxquelles  on  les  soumet,  aux  articles 
qui  les  concernent. 

FUMET  DE  PERDRIX.  —  Prenez  une  bouteille  de  vieux 
vin  blanc,  deux  lapins  de  garenne  et  deux  vieilles  perdrix  coupés 
en  quartiers,  joignez-y  des  oignons,  des  carottes,  panais,  un  pied 
de  céleri,  des  champignons,  bouquet  garni  des  quatre  épices; 
mettez  en  casserole,  faites  cuire  le  tout  ensemble,  écumez,  ajoutez 
un  demi-litre  de  consommé  déjà  réduit,  laissez  mijoter  pendant 


FUMIGATION.  j8i 


deux  heures,  tamisez,  dégraissez,  remettez-la  sur  le  feu  et  faites 
réduire  en  glace;  ajoutez-y  alors  un  peu  d'espagnole,  tenez  en 
réserve  et  serA'ez-vous-en  au  besoin  pour  l'assaisonnement  de  cer- 
tains plats,  surtout  pour  accompagnement  d'œufs  pochés  ou 
brouillés. 

FUMIGATION.  —  La  fumigation  peut  être  considérée 
comme  un  moyen  de  conservation  des  viandes,  mais  des  viandes 
fermes  seulement. 

Pour  bien  fumer  une* viande,  il  faut  une  fumée  graduée;  si 
-elle  était  trop  forte  en  commençant,  elle  sécherait  la  viande  à 
l'extérieur  et  la  rendrait  coriace  à  l'intérieur,  aussi  faut-il  l'em- 
ployer faible  d'abord  et  la  forcer  progressivement  afin  de  bien 
saisir  le  morceau  que  vous  voulez  fumer. 

Il  faut  saler  la  viande  d'abord,  la  faire  sécher  ensuite,  puis 
vous  la  pendez  à  la  cheminée,  assez  loin  du  feu  pour  qu'il  ne 
puisse  l'atteindre  et  cependant  assez  près  de  la  fumée  pour  qu'elle 
y  pénètre  bien  ;  vous  la  laissez  plus  ou  moins  longtemps  suivant 
la  force  de  la  fumée ,  le  degré  de  température  et  la  nature  de  la 
viande. 

La  fumée  épaisse  et  aromatique  est  celle  qu'il  faut  préférer; 
le  bois  de  charme  et  les  branches  de  chênes  garnies  de  leurs 
feuilles  sont  excellents  pour  la  fumigation,  tandis  que  le  pin,  le 
sapin  et  tous  les  arbrisseaux  de  celte  nature  communiquent  à  la 
viande  un  goût  résineux  fort  désagréable;  le  genièvre  aussi  pro- 
duit une  fumée  subtile  et  odoriférante,  aussi  Temploie-t-on  pres- 
que toujours. 

Vous  pouvez  terminer  la  fumigation  en  brûlant  des  aromates 
tels  que  le  laurier,  le  romarin,  les  fèves  de  café,  les  clous  de  giro- 
fle, le  bois  de  réglisse,  etc.;  cela  donne  à  la  viande  une  saveur 
particulière  et  un  goût  fort  agréable. 

Voici  la  manière  la  plus  simple  de  soumettre  diverses  sub- 
stances à  la  fumigation. 

Bœuf,  —  Les  côtes  et  la  poitrine  sont  les  morceaux  qu'il 
faut  choisir  de  préférence;  vous  pjongcz  le  morceau  que  vous 
avez  choisi  dans  l'eau  bouillante,  à  plusieurs  reprises, et  vous 
le  retirez  promptement,  puis  vous  le  frottez  avec  un  mélange 
de  sel  et  d'un  peu  de  salpêtre,  vous  le  laissez  sécher  et  l'exposez 


583  FUMlGATiON. 

pendant  un   mois  ou  six  semaines  à  la  fumée  d'un  feu  étouffi;. 

Porc.  —  Vous  exposez  les  jambons  que  vous  voulez  fumer 
huit  jours  à  l'air,  vous  les  laissez  une  dizaine  de  jours  dans  la 
saumure  et  vous  les  plongez  dans  une  infusion  de  genièvre  pilé 
dans  î'eau-de-vie,  et  vous  les  fumez  avec  des  branches  de  geniè- 
vre. Ayez  soin  de  suspendre  alternativement  les  jambons  et  les 
saucisses  que  vous  fumez  par  chaque  bout,  afin  que  les  sucs  qu'ils 
contiennent  ne  s'écoulent  pas  et  se  maintiennent  en  équilibre. 

Poissons.  —  On  les  sale,  on  les  embroche  et  on  les  eipose 
à  la  fumée  du  genièvre  ou  des  feuilles  de  chêne,  on  tient  les  gros 
entrouverts  au  moyen  de  petites  traverses,  et  on  entoure  de  papier 
ou  de  toile  ceux  qui  ont  la  chair  délicate.  On  fume  les  harengs 
vingt-quatre  heures,  les  saumons  trois  semaines;  les  brochets  et 
les  anguilles  quatre  jours  au  plus. 


G 


GALANTINE.  —  La  galantine  est  un  composé  de  plusieurs 
viandes  fines  réunies  par  tranches  ou  par  couches  et  cuites 
ensemble. 

Galantine  de  poularde  ou  de  chapon.  —  Prenez  deux  pou- 
lardes, désossez-les,  ôtez-en  proprement  les  peaux  sans  les 
décharner,  faites  une  farce  avec  la  chair,  un  peu  de  lard,  une 
tétine  de  veau,  quelques  champignons  et  truffes,  un  peu  de  mie 
de  pain  trempée  dans  la  crème,  et  trois  ou  quatre  jaunes  d'œufs 
crus  avec  fines  herbes,  fines  .épices,  un  peu  de  persil  et  de 
ciboules,  poivre  et  sel,  le  tout  haché  et  pilé  dans  un  mortier. 

Etendez  ensuite  la  peau  de  vos  poulardes  et  arrangez  la 
farce  dessus,  sur  cette  farce,  vous  étendez  une  première  couche 
de  lardons  bien  blancs,  et  bien  assaisonnés,  puis  sur  cette  couche 
une  autre  de  jambon  cru,  ensuite  un  autre  rang  de  lardons, 
puis  un  rang  de  pistaches  bien  vertes,  encore  un  rang  de  lardons 
et  continuez  ainsi  jusqu'à  la.  fin.  Enveloppez  le  tout  dans  les 
peaux  en  les  roulant,  pliez-les  dans  un  linge  et  ficelez-les.  Gar- 
nissez ensuite  le  fond  d'une  marmite  de  bardes  de  lard  et  de 
tranches  de  bœuf  battu  avec  fines  herbes,  fines  épices,  sel,  poivre^ 
oignons,  panais  et  carottes,  mettez-y  vos  deux  poulardes,  assai- 
sonnez et  garnissez  dessus  comme  dessous  et  faites  cuire  à  petit 
feu  dessus  et  dessous. 

Quand  tout  est  cuit,  égouttez-le  bien,  ôtez  la  ficelle  et  le  linge 
qui  les  enveloppe,  coupez-les  par  tranches,garnissez-en  le  fond 


] 


584  •        GALETTE. 


d'un  plat.et  jetez  par-dessus  un  ragoût  de  truffes  vertes  de  façon 
que  les  truffes  se  trouvent  seulement  dans  les  intervalles  et 
qu'elles  ne  couvrent  pas  la  galantine,  et  servez  chaudement. 

Galantine  d'une  tête  de  veau.  —  Echaudez  bien  la  tête  de 
veau,  levez-en  la  peau,  remplissez-la  d'une  farce  de  poularde  et 
garnissez-la  de  lardons,  de  lard,  de  jambon  et  de  pistaches  comme 
les  poulardes  en  galantine,  c'est-à-dire  en  alternant  toujours  les 
couches  ;  faites-la  cuire  à  la  braise  roulée,  ficelée  et  pliée  dans 
un  linge  comme  il  est  dit  plus  haut,  puis  vous  la  coupez  par 
tranches  et  la  servez  avec  le  même  ragoût  que  les  poulardes. 

Galantine  de  dinde.  —  Vous  coupez  les  pattes  et  le  cou  de  la 
dinde,  vous  lui  rentrez  les  cuisses  en  dedans,  et  lui  désossez  les 
ailes  sans  les  détacher,  vous  fendez  aussi  votre  dinde  par  le  dos 
pour  la  désosser  sans  endommager  sa  peau,  vous  enlevez  les  chairs 
de  Testomac  et  les  gros  morceaux  des  cuissses,  vous  les  piquez  de 
lard  fin,  et  assaisonnez  de  sel^  poivre  et  épices.  Vous  faites  une 
farce  avec  un  morceau  de  maigre  de  veau  et  autant  de  gras  de 
lard  hachés  bien  fin,  assaisonnez  fortement  de  sel,  poivre  et 
épices;  vous  étendez  sur  la  peau  de  votre  dinde  une  première 
couphe  de  cette  farce,  puis  une  seconde  avec  des  lardons,  conti- 
nuez alternativement  et  finissez  comme  il  est  indiqué  à  larticle 
Galantine  de  dindon  (v.  dindon). 

Galantine  de  poulets.  —  La  galantine  de  poulets  se  fait  delà 
même  façon  que  celle  ci-dessus. 

GALETTE.  —  Espèce  de  gâteau  plat  cuit  au  four,  illustrée 
par  Paul  de  Kock  qui  en  tait  manger  aux  grisettes  parisiennes 
dans  tous  ses  romans.  On  en  fait  de  différentes  manières. 

Galette  commune.  —  Pétrissez  deux  litrons  de  belle  farine 
avec  trois  quarterons  de  beurre  frais  et  quantité  suffisante  d'eau 
et  de  sel,  pétrissez-la  ferme  et  ajoutez  de  l'eau  en  la  pétrissant 
toujours  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  molasse,  mettez-la  alors  en 
boucle,  aplatissez-la  avec  le  rouleau,  en  ayant  soin  de  la  pou- 
drer de  farine  afin  qu'elle  ne  s'attache  pas,  dorez  et  mettez  cuire 
au  four. 

Galette  feuilletée.  —  Si  vous  voulez  que  votre  galette  soit 
feuilletée,  après  avoir  fait  la  pâte  comme  la  précédente,  et  bien 
maniée  en  l'aplatissant  avec  le  rouleau,  vous  la  pliez  en  quatre, 


GARBURE.  585 


Taplatissez  encore  et  la  pliez  de  la  même  façon,  faites  cela  trois 
ou  quatre  fois,  formez  votre  galette  et  mettez-la  au  four. 

Galette  aux  œufs,  —  Après  avoir  préparé  votre  pâte  comme 
il  est  indiqué  ci-dessus,  et  ajouté  le  beurre  et  le  sel,  vous  y  cassez 
des  œufs  en  quantité  suffisante,  vous  détrempez  et  battez  bien  le 
tout  ensemble,  et  votre  galette  étant  achevée  vous  la  finissez 
comme  les  autres  en  la  mettant  au  four. 

Galette  galeuse.  —  Préparez  la  pâte  comme  pour  les  précé- 
dentes ;  toutefois,  avant  de  la  pétrir,  vous  y  ajoutez  de  l'eau,  du 
beurre  et  du  fromage  de  Gruyère  bien  affiné  et  coupé  par  petits 
morceaux.  Cette  pâte  étant  faite,  vous  retendez  sur  la  table  en 
la  saupoudrant  de  farine  pour  qu'elle  ne  s*y  attache  pas,  vous 
formez  votre  galette,  vous  la  garnissez  par-dessus  de  morceaux 
de  fromage  éparpillés  et  la  faites  cuire  pendant  trois  quarts 
d'heure. 

GALIMAFRÉ.  —  On  donne  ce  nom  à  un  ragoût  composé 
de  restes  de  viandes  dépecées  par  morceaux  que  l'on  fait  cuire 
dans  une  casserole  avec  eau,  sel,  poivre  quand  c'est  de  la  viande 
blanche;  et  si  c'est  de  la  viande  noire,  on  y  ajoute  un  filet  de 
vinaigre  ou  un  peu  de  vin  et  une  pointe  d'échalote,  de  rocambole 
ou  d'ail,  suivant  le  goût. 

GARBURE.  —  On  donne  ce  nom  à  un  potage  gascon  à 
fond  gratiné. 

Garbure  aux  oignons.  —  Vous  couperez  en  deux  une  qua- 
tantaine  d'oignons  et  vous  couperez  chaque  moitié  en  cinq  ou  six 
parties  que  vous  mettrez  en  forme  de  dèmi-cercle,  puis  vous 
prendrez  250  grammes  de  beurre  et  vous  ferez  frire  vos  oignons 
dedans  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  bien  blonds,  alors  vous  faites  un 
-lit  de  tranches  de  pain  coupées  très-minces,  puis  un  lit  d'oignons, 
vous  mettez  sur  chaque  lit  un  peu  de  gros  poivre  jusqu'à  ce  que 
votre  plat  soit  complètement  plein,  vous  arrosez  le  tout  avec  du 
bon  bouillon  et  faites  mijoter  jusqu'à  ce  que  ça  forme  gratin 
sans  brûler,  puis  vous  verserez  votre  garbure  avec  une  jatte 
pleine  de  bouillon  à  côté. 

Garbure  à  la  béarnaise.  —  Prenez  quatre  choux  de  moyenne 
grosseur  et  douze  laitues  pommées;  émincez-les,  ciselez  un  mor- 
ceau de  petit  lard  jusqu'à  la  couenne,  sans  couper  celle-ci,  et 


ç86  GAABURE. 


mettez-le,  ainsi  que  les  choux  et  les  laitues^  dans  une  braisière, 
avec  un  saucisson  sans  ail,  deux  cuisses  d*oies  maxinées  et  un 
combien  de  jambon  dessalé.  Faites  cuire  et  mouillez  le  tout 
avec  du  bon  bouillon  non  salé,  ajoutez  oignons,  clous  de 
girofle,  racines,  persil.  Après  la  cuisson,  égouttez  vos  légumes  et 
vos  viandes,  tamisez  le  fond,  dégraissez-le,  clarifiez-le  ;  coupez 
en  tranches  la  mie  d'un  pain  de  seigle,  dressez  en  couronne  vos 
choux,  vos  laitues,  le  petit  lard  et  la  mie  de  pain  de  seigle 
que  vous  aurez  trempée  dans  votre  dégraissis,  sur  un  plat  creux 
qui  puisse  aller  sur  le  feu,  mettez  dans  le  puits  de  cette  garbure 
une  purée  de  pois  verts,  mettez  autour  du  plat  votre  saucisson 
coupé  par  tranches,  au  milieu  votre  combien  de  jambon  avec  vos 
cuisses  d*oie,  gratinez  sur  un  fourneau  doux  et  servez  avec  votre 
fonds  clarifié  et  bouillant. 

Garbure  au  hameau  de  Chantilly.  (Recette  du  Vieux  Cuisi- 
nier royal.)  —  Vous  mettrez  dans  une  moyenne  marmite  trois 
livres  de  tranches,  un  jarret  de  veau  entier,  deux  perdrix  et  deux 
pigeons  de  volière;  vous  aurez  grand  soin  que  vos  viandes  soient 
bien  ficelées  pour  qu*elles  restent  bien  entières,  vous  remplirez 
votre  marmite  de  bon  bouillon  ou  consommé,  vous  ferez  écumer 
votre  marmite,  ensuite  vous  la  garnirez  de  légumes,  comme 
carottes,  navets,  oignons,  poireaux,  deux  pieds  de  céleri,  deux 
clous  de  girofle.  Quand  vos  viandes  seront  bien  cuites,  au  moment 
de  servir,  vous  les  dresserez  sur  un  grand  plat  creux,  vous  mettrez 
àFentour  de  vos  viandes,  des  carottes,  des  navets,  des  oignons,  des 
poireaux  par  compartiments,  c'est-à-dire  que  vos  légumes  ne  soient 
pas  pêle-mêle;  les  carottes  ensemble,  les  navets  de  même  et 
ainsi  des  autres  ;  vous  tournerez  40  ou  50  carottes  en  ronds  de 
deux  pouces  de  long,  un  peu  grosses  et  toutes  de  la  même  lon- 
gueur et  de  la  même  grosseur,  autant  d'oignons,  de  navets,  de 
poireaux  moyens,  de  même  grosseur  et  bien  épluchés,  c'est-à- 
dire  que,  quand  ils  seront  cuits,  ils  puissent  se  conserver  bien 
entiers;  vous  les  faites  cuire  après  dans  un  bouillon  qui  n'est  pas 
celui  de  votre  marmite,  vous  ajoutez  dedans,  carottes,  navets, 
oignons  età  chacune  des  cuissons  un  petit  morceau  de  sucre  pour 
en  tempérer  l'acreté  ;  vos  légumes  cuits,  vous  les  mettez  à  l'en- 
tour  de  vos  viandes  ;  à  côté^  vous  servirez  une  jatte  de  bouillon 


GARBURE.  587 


que  vous  aurez  passe  a  travers  une  serviette  fine  ou  un  tamis  de 
soie  afin  que  votre  bouillon  soit  bien  clair.  Avec  ce  .potage,  il  ne 
faut  pas  de  pain  et  on  ne  sert  pas  le  morceau  de  bœuf. 

Garbure  â  la  Villerojr.  — :  Coupez  et  concassez  vingt  carottes, 
vingt  navets,  douze  oignons,  six  pieds  de  céleri,  douze  poireaux, 
six  laitues,  une  poignée  de  cerfeuil,  puis  passez  vos  carottes  dans 
du  beurre;  joignez-y  vos  poireaux,  vos  oignons,  faites  revenir  et 
mettez-y  aussi  vos  herbes,  que  vous  remuez  avec  tous  ces  légumes  ; 
quand  elles  sont  fondues;  vous  mouillez  le  tout  avec  du  bouillon, 
et  vous  laissez  bouillir  vos  légumes  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  cuits, 
vous  y  ajoutez  un  peu  de  sucre,  puis  vous  faites  une  couche  de 
pain,  une  couche  de  légumes;  sur  chacun  vous  mettez  un  peu  de 
gros  poivre  jusqu'à  ce  que  votre  plat  soit  plein,  vous  le  mouillez 
avec  le  bouillon  de  vos  racines  sans  le  dégraisser  et  vous  laissez 
mijoter  jusqu'à  ce  qu'il  soit  gratiné. 

Garbure  à  la  Polignac.  —  Prenez  trente  ou  quarante  mar- 
rons, ôtez  l'écorce  et  mettez-les  dans  l'eau,  retirez-les  pour  voir 
si  la  peau  se  lève,^  épluchez-les  de  manière  qu'il  ne  reste  aucune 
peau,  mettez  au  fond  d'une  casserole  des  bardes  de  lard,  des 
tranchas  de  veau,  du  laurier,  des  clous  de  girofle,  des  carottes, 
des  oignons,  un  bouquet  de  feuilles  vertes  de  céleri,  puis  les 
marrons;  assaisonnez  de  gros  poivre,  recouvrez  le  tout  de  bardes 
de  lard,  mouillez  avec  du  bouillon,  laissez  mijoter  une  heure 
environ,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  cuits;  égouttez-les,  coupez-les 
•en  deux,  mettez  dans  votre  plat  un  lit  de  marrons,  un  lit  de  pain, 
jusqu'à  ce  que  votre  plat  soit  comblé;  vous  formez  des  cordons 
de  marrons  sur  votre  garbure,  passez  le  bouillon  qui  a  servi  à  la 
cuisson;  arrosez-en  la  garbure  et  laissez-la  bouillir  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  gratinée. 

Garbure  aux  laitues.  —  Faites  blanchir  une  trentaine  de 
laitues  entières;  laissez  refroidir,  pressez,  ficelez;  mettez  dans 
une  casserole  tranches  de  veau,  bardes  de  lard,  puis  vos  laitues, 
recouvertes  de  lard  avec  oignons,  carottes,  clous  de  girofle; 
mouillez  de  bouillon,  laissez  mijoter  une  heure  et  demie,  égout- 
tez,  coupez  en  tranches  ;  mettez  une  couche  de  pain  émincé  dans 
votre  plat,  ,  une  couche  de  laitues,  j usqu'à  ce  qu'il  soit  rempli, 
jetez  dessus  du  bouillon  de  vos  laitues  sans  le  dégraisser,  mais 


L^ 


588  GARENNE. 


0 

après  l'avoir  tamisé;  mettez  votre  plat  sur  le  feu  et  laissez  mijoter 
jusqu'à  couleur  de  gratin  blond  et  servez  en  ajoutant  un  peu  de 
gros  poivre. 

GARDE-MANGER.  —  Espèce  de  cage  à  claires-voies  ou 
en  toile,  oi\  Ton  conserve  les  viandes  fraîches  et  les  dessertes 
exposées  à  un  courant  d'air;  c'est  l'appendice  indispensable  de 
toute  maison  éloignée  de  la  ville,  ou  même  située  dans  une  ville 
où  Ton  ne  peut  pas  s'approvisionner  tous  les  jours,  il  doit  être 
exposé  au  nord  ou  à  Test,  et  pendant  huit  mois  de  l'année  où 
les  gelées  ne  sont  pas  à  craindre,  mieux  vaut  pour  le  garde- 
manger  être  fermé  par  une  toile  métallique  assez  serrée  pour  que 
les  mouches  ne  puissent  le  traverser,  que  par  toute  autre  cloison. 
Pendant  les  quatre  autres  mois,  grâce  à  la  rigidité  du  temps,  les 
provisions  se  conserveront  fraîches. 

Le  beurre  est  la  substance  qui  s'altère  le  plus  facilement  au 
contact  de  l'air;  il  faut  le  déposer  dans  un  vase  de  grès  à  large 
ouverture,  dans  des  feuilles  de  poirée  ou  de  betteraves,  ne  pas 
se  servir  de  feuilles  de  choux  surtout,  le  chou  communiquant  son 
odeur. 

Il  ne  faut  pas,  l'été,  introduire  des  poissons  de  meii  dans 
le  garde-manger;  la  précaution,  si  on  y  en  mettait,  serait  de 
les  faire  cuire  aux  trois  quarts  et  de  n'achever  la  cuisson  qu'au 
moment  de  servir  ;  dans  tous  les  cas,  recommandez  pour  le 
transport  de  les  envelopper  de  feuilles  dorties. 

GARDON.  —  Petit  poisson  d'eau  douce  qu'on  met  au  rang* 
des  poissons  blancs;  il  se  pèche  comme  le  goujon,  et  s'apprête  en 
cuisine  comme  la  carpe.  (V.  Carpe.) 

GARENNE.  —  On  entend  par  garenne  un  petit  bois 
taillis  jeté  au  milieu  d'une  plaine  ou  sur  le  penchant  d'une  mon- 
tagne où  se  réfugient  les  lapins  à  demeure  fixe,  ou  les  perdreaux 
à  titre  de  refuge  momentané. 

Les  lapins  de  garenne  sont  ordinairement  les  meilleurs,  sur- 
tout si  la  garenne  est  exposée  au  levant  ou  au  midi,  parce  que 
le  lapin,  qui  aime  la  chaleur  et  le  soleil,  hésite  à  se  terrer  au 
nord;  si  la  garenne  appartient  à  un  amateur  de  chasse,  il  doit  la 
planter  de  pruniers  sauvages,  de  fraisiers,  de  mûriers,  de  genêts, 
de  groseilliers,   de  romarins  et  surtout  de  genévriers,  les  per- 


GARENNE.  589 


dreaux  et  les  grives  étant  très-friands  des  fruits  de  ces  arbris- 
seaux; il  ne  faut  s'occuper  pour  le  lapin  ni  d^eau  ni  de  logement, 
le  lapin  fait  sa  maison  lui-même,  exècre  Teau  ;  on  peuple  une 
garenne  en  y  mettant  une  douzaine  de  femelles  pleines,  au  bout 
de  la  première  année  il  y  aura  cinq  cents  lapins,  au  bout  de  la 
deuxième  quatre  ou  cinq  mille. 

Je  me  rappellerai  toujours,  sous  ce  rapport,  une  garenne 
modèle  où  j'ai  fait  mes  premières  armes  avec  un  des  meilleurs 
hommes  et  des  plus  originaux  chasseurs  que  j'aie  jamais  vus. 

Il  se  nommait  Tabbé  Fortier,  était  vicaire  et  instituteur  au 
village  de  Béthisy,  près  Compiègne  ;  je  l'appelais  mon  oncle,  je 
ne  sais  pourquoi  ;  souvent  le  dimanche  ou  plutôt  le  samedi  il  me 
disait  : 

«  Lève-toi  demain  de  bonne  heure,  nous  irons  déjeuner 
chez  M.  de  Cambronne.  » 

Je  savais  ce  que  cela  voulait  dire,  et  à  sept  heures  du  matin 
je  me  tenais  prêt  à  accompagner  l'abbé  Fortier  ;  à  huit  heures 
nous  étions  arrivés. 

Alors  labbé  Fortier  laissait  retomber  sa  soutane,  déposait 
son  fu?il  dans  la  sacristie,  y  enfermait  Finot  et  venait  dire  la 
messe  devant  les  illustres  propriétaires  du  château  de  la  Croix. 

C'était  moi  qui  avais  l'honneur  de  servir  cette  messe. 

Or  l'église  était  appuyée  à  la  colline  sur  laquelle  s'étendait 
la  garenne,  que  nous  pouvions  appeler  notre  garde-manger, 
l'abbé  Fortier  n'en  sortant  jamais  que  la  carnassière  pleine. 

Un  matin  que  l'abbé  disait  la  messe,  il  s'interrompit  tout  à 
coup,  des  aboiements  furieux  venaient  du  côté  de  la  garenne. 

(t  Est-ce  que  ce  n'est  pas  la  voix  de  Finot  que  j'entends?  me 
demanda  l'abbé. 

—  Si  fait,  mon  oncle. 

—  Eh  bien!  comment  s'est-il  sauvé  de  la  sacristie? 

—  Quelqu'un  y  sera  entré  et  aura  laissé  la  porte  ouverte. 

—  Les  imbéciles,  dit-il,  c'est  un  lapin  qu'il  chasse. 

—  Oui,  mon  oncle. 

—  Eh  bien,  si  j'ai  un  conseil  à  lui  donner,  c'est  de  se  taire 
et  bien  vite,  ou  sans  cela  il  est...  flambé.  » 

Mon  oncle  se  servit  d'un  mot  plus  expressif  qui  lui  fut  sans 


590  GARENNE- 


doute  pardonné  à  cause  de  son  intimité  grande  avec  les  puis- 
sances célestes. 

Mais  c'était  le  jour  d'ouverture  qu'il  fallait  entendre  l'abbé 
Portier;  dès  la  veille,  à  la  messe  basse,  il  avait  adressé  ce  petit 
discours  à  ses  paroissiens  : 

((  Mes  bons  amis,  vous  savez  que  ma  seule  distraction  au 
milieu  de  vous  autres  imbéciles,  c'^t  la  chasse;  or  si  demain  je 
vous  disais  vos  deux  messes  à  l'heure  ordinaire,  c'est-à-dire  la 
première  à  huit  heures  du  matin  et  la  seconde  à  dix,  quand  je 
me  mettrais  en  chasse  vers  onze  heures  et  demie  ou  midi,  je  trou- 
verais  le  terroir  complètement  brûlé,  attendu  que  vous  êtes  tous 
des  braconniers  et  des  vagabonds  ;  je  vous  dirai  donc  votre  pre- 
mière messe  à  six  heures  du  matin,  et  je  vous  invite  tous  à  y 
assister;  je  reconnaîtrai  ceux  qui  n'y  seront  pas  et  ils  auront 
affairé  à  moi,  donc  à  demain  six  heures  du  matin.  » 

A  cinq  heures  et  demie  l'abbé  Portier  faisait  sonner  sa 
messe,  et  la  messe  était  à  moitié  dite  quand  à  six  heures  les 
paroissiens  arrivaient;  à  six  heures  un  quart,  la  basse  messe 
était  dite. 

Les  paroissiens  faisaient  un  mouvement  pour  s'en  aller. 

—  Ta,  ta,  ta,  disait  Tabbé  Portier,  je  vous  vois  venir,  ou 
plutôt  je  vous  vois  en  aller;  puisque  je  vous  tiens,  c'est  pas  la 
peine  de  vous  faire  revenir  à  dix  heures,  je  vais  vous  dire  ma 
grand'messe  tout  de  suite. 

Et  l'abbé  disait  sa  grand'messe  en  trois  quarts  d'heure. 

La  grand'messe  dite,  chacun  s'apprêtait  à  partir. 

«  Ah  çk!  disait  l'abbé,  n'allez  pas  vous  figurer  que  je 
vais  quitter  la  chasse  au  plus  beau  moment,  c'est-à-dire  à  deux 
heures  de  l'après-midi,  pas  si  bête,  nous  allons  en  finir  avec 
vêpres  comme  nous  en  avons  fini  avec  la  messe  basse  et  la 
grand'messe;  c'est  l'a^ire  d'un  quart  d'heure;  soyez  tran- 
quilles. » 

Et  l'abbé  disait  en  effet  ses  vêpres,  de  sorte  qu'à  sept  heures 
et  demie,  heure  excellente  pour  se  mettre  en  chasse,  il  avait  dit 
sa  messe  basse,  sa  grand'messe  et  ses  vêpres. 

Pauvre  abbé.  Dieu  fasse  paix  à  son  âme,  jamais  créature 
humaine  n'a  été  meilleur  homme  et  plus  mauvais  prêtre. 


GARNITURE.  591 


Il  mourut  à  quatre-vingt-dix  ans,  et  nul  dans  le  village  n'a 
oublié  son  dernier  sermon. 

«  Je  vais  vous  quitter,  mes  enfants,  dit-il;  bétes,  le  bon 
Dieu  vous  a  donnés  à  moi,  bêtes  je  vous  rendrai  à  lui  ;  il  n'aura 
pas  de  reproches  à  me  faire.  » 

Ce  furent  ses  dernières  paroles  à  ses  ouailles. 

GARNITURE.  —  Cela  se  dit  de  toute  substance  accompa- 
gnant et  garnissant  un  plat. 

Garniture  de  bouilli  à  la  bourgeoise^  —  Faites  blanchir  et 
cuire  des  choux  comme  pour  le  potage,  faites  blanchir  une  dizaine 
de  carottes,  après  les  avoir  tournées;  mettez-les  dans  une  casse- 
role avec  cinq  ou  six  cuillerées  de  sauce  brune,  avec  autant  de 
consommé  ;  faites  cuire  à  petit  feu,  ajoutez  quelques  navets  que 
vous  aurez  tournés  comme  vos  carottes;  après  avoir  fait  blanchir 
du  petit  lard,  vous  le  mettrez  cuire  avec  les  choux;  saucez  votre 
pièce  de  bœuf  avec  la  sauce  dans  laquelle  vous  avez  fait  cuire 
vos  légumes;  versez-la  dessus  si  elle  n'est  pas  en  glace;  vous 
pouvez  ajouter  des  oignons  glacés,  si  vous  les  aimez. 

Garniture  de  tomates,  —  Coupez-en  deux,  à  Tendroitde  leur 
plus  grande  rotondité,  pressez-en  le  jus,  les  pépins  et  les  mor- 
ceaux du  côté  de  la  fleur,  en  faisant  attention  de  ne  pas  les  écra- 
ser; on  les  place  couchées  à  côté  Tune  de  l'autre,  on  les  garnit 
de  champignons  hachés,  d'échalotes,  de  persil,  d  ail,  de  chair  de 
jambon  ;  on  fait  cuire  le  tout  en  y  ajoutant  une  couche  de  mie  de 
pain,  de  jaunes  d'oeufs,  sel  et  muscade,  un  peu  de  beurre  de 
piments  et  d'anchois,  pilez  le  tout  ensemble  en  y  versant  peu  à 
peu  de  l'huile  ;  passez  la  farce  à  travers  un  tamis  à  quenelles  et 
garnissez-en  les  tomates,  passez-les  avec  de  la  mie  de  pain  et  un 
peu  de  parmesan,  arrosez-Jes  avec  de  l'huile,  et  faites  cuire  à 
four  chaud. 

Garniture  de  raifort,  — Ayez  du  raifort,  enlevez-en  la  peau, 
râpez  après  l'avoir  lavée  à  plusieurs  eaux,  et  placez-la  autour 
des  bouillis  ou  des  rôtis. 

Garniture  à  la  flamande.  —  Tournez  une  trentaine  de 
carottes  et  de  navets,  faites-le§  cuire  et  blanchir  dans  un  con- 
sommé avec  une  cuillerée  à  soupe  de  sucre,  ayez  trente  laitues 
braisées,  ainsi  que  trois  cœurs  de  gros  choux  ;  égouttez,  pressez. 


593  GATEAU. 


tranchez  et  dressez-les  autour  de  votre  plat  en  couronne,  en  met- 
tant un  navet  et  une  carotte  entre  chaque  laitue  ;  au  milieu  du 
plat  resté  libre,  posez  la  viande  que  vous  aurez  préparée,  rangez 
trente  oignons  glacés  sur  le  rebord  des  carottes  et  des  laitues, 
quand  votre  relevé  ou  entrée  est  dressé,  masquez-le  avec  une 
sauce  bien  réduite  à  la  glace,  allongez  d'espagnole. 

GATEAU.  —  Sorte  de  pâtisserie,  presque  toujours  de  forme 
ronde,  faite  ordinairement  avec  de  la  farine,  des  œufs  et  du 
beurre;  on  en  fait  aussi  avec  du  riz.  Leur  nom  leur  vient  sans 
doute  de  la  prodigalité  avec  laquelle  on  gâte  les  enfants  en  leur 
distribuant  des  gâteaux  comme  récompense  ou  encouragement 
gastronomique. 

Le  plus  renommé  de  tous  les  gâteaux  est  le  gâteau  des  Rois, 
espèce  de  galette  dans  laquelle  on  met  une  fève  ;  cette  ancienne 
et  patriarcale  coutume  est  devenue  universelle,  et  il  y  a  peu  de 
familles  qui  ne  choisissent  le  jour  de  l'Epiphanie  pour  se  réunir 
et  tirer  les  Rois. 

Dans  certaines  provinces,  on  fait  toujours,  outre  les  parts 
destinées  aux  personnes  présentes,  la  part  du  bon  Dieu  qui  appar- 
tient au  premier  mendiant  qui  passe,  et  qui  par  cori^équent 
devient  la  part  de  l'indigence. 

On  sait  que  c'est  toujours  la  personne  la  plus  jeune  de  la 
société  qui  est  chargée  de  tirer  et  de  distribuer  les  parts  du 
gâteau  ;  ce  fut  pour  Barjac,  valet  de  chambre  du  cardinal  de 
Fleury,  l'occasion  d'une  spirituelle  flatterie. 

Un  jour  des  Rois,  il  trouva  moyen  de  réunir  à  la  table  de 
son  maître  douze  convives  d'un  âge  si  avancé  que  son  Eminence, 
qui  cependant  était  âgée  de  plus  de  quatre-vingt-dix  ans,  se  trou- 
vant la  personne  la  plus  jeune,  dut  remplir  les  fonctions  ordinai- 
rement attribuées  à  l'enfance,  ce  qui  la  surprit' fort  agréablement. 

Voici  maintenant  quelques  recettes  : 

Gâteau  de  carottes,  —  Prenez  douze  grosses  carottes  bien 
rouges,  ratissez-les,  lavez-les,  faites  les  cuire  dans  une  marmite 
avec  de  l'eau  et  du  sel,  supprimez-en  les  cœurs,  égouttez-les, 
passez-les  à  Tétamine,  mettez-les  dans  une  casserole  et  faites-les 
dessécher  sur  le  feu,  comme  une  pâte  royale;  faites  une  crème 
pâtissière  de  la  valeur  d'un  demi-setier  de  lait,  forcez-la  un  peu 


GATEAU. 


593 


en  farine,  et^  la  cuisson  faite,  incorporez-y  votre  purée  de 
carottes,  une  pincée  de  fleur  d  orange  pralinée  et  hachée,  trois 
quarterons  de  sucre  en  poudre,  quatre  œufs  entiers  que  vous 
mettez  l'un  après  Tautre,  six  jaunes  d'œufs  dont  vous  réservez 
les  blancs  et  un  quarteron  de  beurre  fondu;  mêlez  bien  le  tout, 
fouettez  vos  blancs,  mettez-les  dans  la  composition,  préparez  une 
casserole  en  la  beurrant  et  la  mettant  sens  dessus  dessous,  afin  de 
bien  Tégoutter,  saupoudrez-la  de  mie  de  pain ,  versez-y  votre 
gâteau,  mettez-le  cuire  au  four,  dressez-le  et  servez  chaud  ou 
froid. 

Gâteau  au  ri{,  —  Vous  faites  cuire  150  grammes  de  riz 
comme  pour  faire  un  potage  au  blanc;  quand  il  est  cuit  et  bien 
épais,  mettez-le  dans  une  pâte  brisée  faite  avec  un  litron  de 
farine,  trois  quarterons  de  beurre,  quatre  blancs  d'œufs,  un  peu 
de  sel,  ce  qu'il  en  faut  pour  un  gâteau  ordinaire;  mettez  la  pâte 
et  le  riz  dans  un  mortier,  pilez  le  tout  ensemble,  dressez  ensuite 
votre  gâteau  à  l'ordinaire,  dorez-le,  faites-le  cuire  au  four  sur 
une  feuille  de  papier  beurré  et  servez  chaud. 

Le  gâteau  de  vermicelle  se  fait  la  même  chose. 
•  Gâteau  de  pistaches.  —  Pilez  ensemble  180  grammes  de 
pistaches,  60  grammes  d'amandes  douces  pelées,  une  côte  de 
citron  vert  confît,  ajoutez-y  deux  blancs  d'œufs,  passez  cette 
composition  au  tamis,  mettez  autant  de  sucre  en  poudre  que  de 
pâte,  mêlez  bien  le  tout  ensemble;  fouettez  ensuite  huit  autres 
blancs  que  vous  délayerez  bien  avec  quatre  jaunes;  mêlez  bien 
le  tout,  passez  à  travers  un  tamis,  et  mettez  la  pâte  dans  un  moule 
en  papier  beurré,  faites  cuire  deux  heures  au  four  avec  plus  de 
chaleur  dessous  que  dessus,  retirez-le  du  four,  ôtez  le  papier  et 
servçz-le  glacé  pour  entremets. 

Gâteau  de  mille  feuilles.  —  Faites  un  feuilletage  brisé, 
coupez-le  en  cinq  parties  dont  une  plus  forte  du  double  que  les 
autres,  abaissez  les  quatre  autres  à  Tépaisseur  d'une  pièce  de 
cinq  francs,  faites-en  le  corps  du  gâteau  et  servez-vous  de  la 
cinquième  pour  en  former  le  dessus,  dorez-les  et  faites  cuire  au 
four,  glacez  le  couvercle  si  vous  voulez,  puis  mettez  sur  chaque 
plaque  la  confiture  qu'il  vous  plaira,  mettez-les  unes  sur  les 
autres  après  les  avoir  couvertes  avec  la  confiture  qui  doit  êtrediffé- 

38 


J94  GATEAU. 


rente  sur  chaque  plaque,  posez  sur  la  dernière  plaque  le  cou- 
vercle et  coupez-le  sur  le  modèle  des  huit  pans  de  dessous,  dorez 
et  faites  des  dessins  avec  des  confitures  différentes  et  servez  sur 
une  serviette  comme  grosse  pièce  d  entremets. 

Gâteau  à  la  Madeleine.  —  Cassez  dix  œufs  dont  vous  sépa- 
rez les  blancs  et  les  jaunes;  battez  les  jaunes  avec  trois  quarte- 
rons de  sucre  en  poudre,  une  pincée  de  citron  vert  haché  et 
un  peu  de  sel  fin,  ajoutez-y  une  demi-livre  de  farine  fine  et 
mêlez  bien  le  tout;  incorporez  dans  cette  composition  un  bon 
morceau  de  beurre  fin  clarifié  ;  ajoutez-y  six  blancs  d'oeufs  bien 
fouettés  et  finissez  votre  pâte  ;  beurrez  ensuite  de  petits  moules 
à  la  Madeleine,  remplissez-les  de  cette  pâte  et  faites-les  cuire  à 

un  four  doux  et  servez. 

Vous  pouvez  remplacer  les  moules  par  une  grande  caisse  de 

papier  beurré,    dans  laquelle  vous  mettez  la  pâte  ;  vous  faites 

cuire  et  coupez  ensuite  le  gâteau  en  losanges  ou  comme  il  vous 

plaira. 

Gâteau  à  la  reine,  —  Emondez  et  pilez  une  livre  d'amandes 
douces,  ajoutez  y  une  livre  de  sucre  et  quatre  blancs  d*œufs  que 
vous  mêlez  au  fur  et  à  mesure,  vous  faites  vos  gâteaux  avec  cette 
composition  bien  préparée,  et  vous  les  décorez  de  plusieurs 
manières  ;  vous  les  posez  sur  un  plafond  et  les  faites  cuire  à  un 
four  doux,  masquez  les  comme  des  génoises  et  servez. 

Gâteau  d'amandes.  —  Faites  une  pâte  à  l'ordinaire  avec  du 
beurre  et  deux  ou  trois  jaunes  d*œufs,  et  de  la  farine,  bien 
entendu;  ajoutez  du  sucre,  125  grammes  d'amandes  pilées  bien 
menu,  une  bonne  pincée  de  sel  et  un  peu  d'eau  de  fleur  d'orange. 
Maniez  et  mêlez  bien  le  tout  ensemble,  faites-en  une  pâte  con- 
sistante, étendez-la  avec  un  rouleau  sur  un  papier  beurré,  dorez- 
le  et  mettez  cuire  au  four. 

Gâteau  de  Pithiviers.  —  Préparez  vos  amandes  comme  pour 
le  gâteau  ci-dessus,  ajoutez-y  250  grammes  de  sucre  en  poudre, 
un  peu  de  zeste  de  citron  haché  et  une  demi-livre  de  bon  beurre 
fin;  mêlez-y  au  fur  et  à  mesure  six  œufs,  et  finissez  comme  le 
gâteau  d'amandes. 

Petits  gâteaux  polonais,  —  Prenez  du  feuilletage  suivant 
la  quantité  de  petits  gâteaux  que  vous  voulez  faire  et  donnez -lui 


GATEAU.  595 


un  tour  ou  deux  de  plus,  abaissez-le  à  environ  trois  lignes 
d'épaisseur,  coupez  cette  abaisse  par  petits  carrés,  mouillez-les 
dessus  légèrement  et  ramenez-en  les  quatre  coins  au  centre, 
posez-les  sur  une  plaque,  dorez-les  et  mettez-les  au  four;  leur 
cuisson  presque  faite,  saupoudrez-les  de  sucre  fin,  glacez-les  au 
four  afin  qu'ils  soient  de  belle  couleur.  Mettez  au  milieu  de 
chacun  d'eux  une  cerise  ou  un  grain  de  verjus,  dressez  et  servez 
comme  petits  entremets  ou  en  gros  buisson. 

Gâteaux  de  puits  d'amour»  —  Faites  un  feuilletage  que  vous 
étendez  de  l'épaisseur  de  deux  lignes,  couvrez-le  d'un  plat  de 
la  grandeur  que  vous  voulez  donner  à  votre  gâteau,  coupez  la 
pâte  tout  autour,  mettez  cette  abaisse  sur  un  plafond;  prenez  un 
autre  plat  plus  petit,  refaites  une  autre  abaisse,  coupez-la  dans 
le  milieu,  et  enlevez-en  une  pièce  de  six  pouces  en  rondeur, 
mettez  le  collier  sur  la  première  abaisse^  faites  avec  le  même 
feuilletage  quatre  autres  parties  dont  vous  enlevez  toujours  le 
milieu  et  dont  vous  mettez  les  colliers  sur  la  première  abaisse , 
de  façon  à  former  un  puits  ;  vous  dorez  ce  puits,  et  vous  le 
mettez  au  four.  Sa  cuisson  presque  faite,  vous  le  saupoudez  de 
sucre  fin,  vous  le  glacez,  vous  en  videz  Tintérieur  par  la  partie 
carrée  qui  forme  trou;  vous  remplissez  cet  intérieur  de  confi- 
tures, et  vous  servez  en  entourant,  si  vous  voulez,  votre  gâteau 
d'un  cordon  de  choux  à  la  crème,  attachés  ensemble  de  façon  à 
former  la  chaîne. 

Gâteaux  en  losange.  —  Abaissez  du  feuilletage  et  coupez-le 
par  bandes  dont  vous  faites  ensuite  des  losanges.  Vous  les  posez 
sur  un  plafond  ou  une  feuille  d'office,  vous  les  dorez  et  les  mettez 
au  four;  leur  cuisson  faite,  glacez-les  et  servez. 

Gâteau  au  lard.  —  Faites  une  pâte  brisée  très-fine,  dressez 
un  gâteau  à  l'ordinaire,  mettez  par  rangées  et  fort  près  de« 
lardons  de  petit  lard  de  la  hauteur  du  gâteau,  égalisez  bien  le 
tout,  mettez-le  cuire  au  four  et  servez-le  froid.  • 

Il  ne  faut  pas  trop  saler  la  pâte  à  cause  du  lard  qui  entre 
dans  la  composition  du  gâteau. 

Gâteau  de  Compiègne.  —  Passez  125  grammes  de  belle 
farine  au  tamis,  faites  deux  fontaines  comme  à  la  pâte  à  brioche, 
prenez  un  peu  plus  que  le  quart  de  votre  farine  pour  faire  un 


J96  GATEAU. 


levain,  mettez-y  un  plus  de  levure,  et  tenez  votre  levain  moins 
ferme  que  pour  la  brioche,  feites-la  revenir  et  mettez  dans  votre 
grande  fontaine  une  once  de  sel,  un  bon  verre  d'eau,  une  bonne 
poignée  de  sucre  fin,  le  zeste  de  deux  citrons  bien  hachés,  du 
cédrat  confit  et  coupé  en  petits  dés.  Faites  votre  pâte  comme  il 
est  indiqué  à  l'article  Pâte  à  brioches,  tenez-la  plus  molle; 
beurrez  un  moule,  mettez-y  votre  pâte,  laissez-la  revenir  selon 
la  fraîcheur  de  la  levure  pas  plus  de  une  heure  à  deux  heures, 
mettez  votre  gâteau  cuire  pendant  deux  heures  à  un  four  bien 
atteint,  renversez-le  du  moule  et  servez-le  froid  pour  grosse  pièce. 

Gâteau  au  fromage  de  Brie.  —  Prenez  du  fromage  de  Brie 
bien  affiné,  pétrissez-le  avec  un  litre  de  farine,  90  grammes  de 
beurre,  peu  de  sel,  ajoutez  cinq  ou  six  œufs  et  délayez  bien  votre 
pâte  que  vous  tournez  avec  la  paume  de  la  main,  laissez-la 
ensuite  reposer  une  demi-heure ,  abaissez-la  avec  un  rouleau, 
formez  votre  gâteau  comme  à  l'ordinaire,  dorez-le,  mettez-le 
cuire  au  four  et  servez. 

Gâteau  fourré ,  —  Vous  formez  avec  de  la  pâte  à  feuilletage 
deux  gâteaux  égaux,  de  la  même  épaisseur  chacun,  vous  étendez 
sur  le  premier  une  couche  de  confiture,  en  laissant  un  bord  de 
la  largeur  d'un  doigt,  vous  mettez  le  second  gâteau  sur  le  pre- 
mier et  les  collez  bien  ensemble  en  les  maniant  avec  les  doigts 
tout  autour,  vous  dorez  ensuite  votre  gâteau  et  le  mettez  cuire  au 

four. 

Quand  il  est  bien  cuit,  vous  passez  dessus  un  doroir  trempé 
dans  du  beurre  et  vous  semez  partout  de  la  petite  nonpareille  ou 
du  sucre  fin  que  vous  glacez  à  la  pelle  rouge. 

Gâteau  à  V anglaise.  — Vous  délayez  de  la  farine  avec  du  lait  et 
de  la  crème,  vous  y  ajoutez  une  demi-livre  de  raisins  secs  hachés 
avec  autant  de  graisse  de  bœuf,  de  la  coriandre,  de  la  muscade 
râpée,  de  leau  de  fleur  d'orange  et  de  Teau-de-vie ;  vous  mêlez 
bien  le  tout  ensemble,  puis  vous  beurrez  le  fond  d'une  casserole, 
vous  mettez  dedans  votre  gâteau  que  vous  faites  cuire  au  four  et 
que  vous  glacez  avec  du  sucre  au  moment  de  servir. 

Gâteau  royal.  —  Coupez  une  noix  de  veau  de  la  largeur 
d'une  assiette  que  vous  piquerez  de  menu  lard,  coupez-en  une 
autre  de  la  même  largeur  sans  la  piquer  pour  la  couvrir,  garnissez 


GATEAU. 


5^97 


une  petite  casserole  de  bardes  de  lard,  renversez  la  noix  piquée 
dedans,  le  lard  en  dessous,  faites  une  petite  abaisse  de  farce  liée 
au  fond  sur  la  noix  de  veau,  faites  un  petit  bord  tout  autour  avec 
la  même  farce  et  mettez-y  un  ragoût  de  foies  gras,  truffes  vertes, 
couvrez  ce  ragoût  d'une  couche  de  farce  fort  mince  et  ensuite 
de  Tautre  noix  de  veau,  dorez  le  gâteau,  couvrez-le  de  deux  ou 
trois  bardes  de  lard,  mettez-le  cuire  au  four,  et  servez-le  avec  une 
essence  de  jambon  et  jus  de  citron  pour  entrée. 

Gâteau  Frascati.  —  Vous  faites  cuire  un  biscuit  fin  à 
Torange  dans  un  moule  à  timbale  rond  ;  en  le  sortant  du  four, 
vous  le  renversez  sur  un  plafond  pour  le  parer  droit  en  dessus 
et  le  diviser  transversalement  en  tranches  d'un  centimètre  d'épais- 
seur, vous  divisez  ensuite  ces  tranches  chacune  en  quatre  parties 
pour  les  ranger  sur  le  centre  d'un  plat  les  unes  sur  les  autres  et 
reformer  le  gâteau,  mais  en  ayant  soin  d'arroser  à  mesure  chaque 
tranche  avec  quelques  cuillerées  à  bouche  de  crème  anglaise 
parfumée  à  l'orange,  et  en  les  saupoudrant  chacune  avec  une 
pincée  d'écorce  d'orange  confite  et  coupée  en  dés  très-fins. 
Quand  le  gâteau  est  monté,  vous  l'entourez  à  sa  base  avec  des 
moitiés  de  pommes  en  hérisson,  c'est-à-dire  cuites  au  beurre, 
bien  entières,  un  peu  fermes  et  glacées  avec  de  la  marmelade 
d'abricots,  puis  piquées  avec  des  amandes  en  filets  et  sèches 
sajLipoudrées  avec  du  sucre  et  glacées  au  four.  Poser  aussi  une 
demi-pomme  sur  le  haut  et  servir  le  gâteau  en  même  temps 
qu'une  saucière  de  crème  anglaise.  [Recette  Urbain  Dubois j 
cuisinier  de  tous  les  pays,) 

Gâteau  Savarin.  —  Délayez  ensemble  un  peu  de  levure  de 
bière  et  de  crème,  ajoutez  trois  œufs,  un  quart  de  sucre  en 
poudre,  trois  quarts  de  beurre  frais  fondu,  un  litron  de  farine  et 
très-peu  de  sel,  vous  pétrissez  le  tout  ensemble  avec  assez  de 
crème  pour  rendre  votre  pâte  molle.  Vous  beurrez  en  dedans  un 
moule  fait  en  couronne  et  vous  en  parsemez  le  fond,  qui  deviendra 
le  dessus  du  gâteau,  d'amandes  émondées  et  hachées  ;  vous  le 
remplissez  aux  trois  quarts  de  votre  pâte  et  vous  l'exposez  à  une 
chaleur  douce  afin  de  le  faire  gonfler,  puis  vous  le  faites  cuire 
comme  la  brioche,  vous  le  démoulez  et  vous  versez  dessus  dou- 
cement, afin  de  bien  en  imprégner  le  gâteau,  un  sirop  fait  avec 


59»  GAUFRES. 


du  kirsch,  du  sirop  de  sucre  cuit  à  la  grande  plume,  une  pincée 
de  vanille  en  poudre  et  un  peu  de  lait  d'avelines,  cela  lui 
donne  un  goût  exquis,  et  vous  le  servez  froid  ou  chaud. 

GAUFRES.  —  Menue  pièce  de  pâtisserie  qui  se  fait  beau- 
coup dans  certaines  provinces,  mais  qui  se  mange  fort  peu  à 
Paris. 

Voici  quelques  recettes  : 

Gaufres  au  sucre.  —  Ayez  huit  œufs,  ajo  grammes  de 
sucre,  autant  de  beurre  fondu,  deux  mesures  de  crème  ;  mêlez 
bien  le  tout  ensemble  en  le  battant,  ajoutez- y  trois  quarterons 
de  farine  et  délayez-la  peu  à  peu  avec  les  œufs  et  le  sucre  jusqu'à 
ce  que  la  pâte  ait  acquis  un  peu  de  consistance,  goûtez- la  pour 
voir  si  elle  est  assez  fine,  sinon  ajoutez-y  du  beurre  et  du  sucre. 

La  pâte  étant  en  bon  état,  vous  prenez  les  fers  à  gaufre  que 
vous  faites  chauffer  comme  il  faut,  vous  les  frottez  avec  une 
plume  de  beurre  fondu  et  vous  versez  la  pâte  dedans;  une  bonne 
cuillerée  à  bouche  suffit  pour  chaque  gaufre;  vous  mettez  les 
fers  sur  un  feu  clair,  vous  les  retournez  pour  faire  cuire  les 
gaufres  des  deux  côtés,  puis  vous  les  retirez  et  les  saupoudrez  de 
sucre. 

Gaufres  aux  pistaches.  —  Vous  mouillez  125  grammes  de 
pâte  à  brioches  avec  un  verre  de  vin  de  Madère,  vous  y  incor- 
porez trois  onces  de  sucre  en  poudre  et  deux  onces  de  raisins  de 
Corinthe,  vous  étendez  cette  composition  sur  les  fers  en  lui 
donnant  l'épaisseur  d'un  demi-pouce,  vous  faites  cuire  environ 
un  quart  d'heure  à  four  vif,  vous  formez  vos  gaufrés,  les  glacez 
au  sucre,  au  café,  les  masquez  légèrement  ayec  des  pistaches 
hachées  et  les  servez  au  naturel. 

Gaufres  à  la  flamande.  —  Vous  délayez  dans  une  terrine 
30  grammes  de  levure  de  bière  nouvelle  avec  un  quart  de  litre 
de  bon  lait,  vous  y  ajoutez  un  demi-litre  de  farine  pour  faire 
une  pâte  coulante  et  vous  la  mettez  dans  un  lieu  chaud  pour 
fermenter;  joignez-y  ensuite  du  sel,  du  sucre  en  poudre,  un  peu 
de  râpure  d'écorce  d'orange,  deux  œufs  entiers  et  quatre  jaunes, 
ajoutez-y  une  demi-livre  de  beurre  tiède  et  mêlez  le  tout 
ensemble;  vous  y  amalgamez  quatre  blancs  d'œufs  battus  en 
neige  et   deux  cuillerées  de  crème  fouettée;   quand   elle  aura 


GELEE.  599 

atteint,  par  le  gonflement,  le  double  de  son  volume,  vous  ferez 
chzMffer  des  deux  côtés  le  gaufrier,  verserez  votre  pâte  dedans  et 
ferez  cuire  comme  les  précédentes. 

GELÉE.  —  On  fait  les  gelées  avec  le  suc  des  fruits  mûrs, 
cuits  avec  du  sucre  à  une  consistance  convenable. 

Les  gelées  de  fruits  sont  rafraîchissantes  et  possèdent  des 
avantages  certains  qui  les  recommandent  soit  aux  malades  ou 
aux  personnes  valides;  elles  sont  d'une  très-grande  ressource 
dans  la  convalescence  des  malades  et  figurent  très-convenable- 
ment dans  tous  les  desserts. 

Nous  renvoyons  pour  les  gelées  de  fruits  à  Tariicle  Confia 
tures  où  nous  nous  sommes  expliqué  tout  au  long  à  ce  sujet  et 
nous  n'allons  nous  occuper  ici  que  des  gelées  de  viande. 

Gelée  de  viande.  —  Les  gelées  de  viande  ont  pour  base  la 
gélatine  et  surtout  celle  fournie  par  la  colle  de  poisson  ou  la 
côme  de  cerf  râpée.  La  solution  de  ces  corps  gélatineux  procure 
un  liquide  qui  se  prend  aisément  en  gelée  transparente  ;  les  pieds 
de  veau  sont  communément  employés  pour  l'obtenir.  On  les  fait 
bouillir  plus  ou  moins  de  temps  avec  des  viandes  blanches,  telles 
que  veau  ou  poulet,  et  quelquefois  même  du  poisson  ;  on  clarifie 
le  bouillon  qui  en  résulte  avec  un  blanc  d'œuf  :  bientôt  il 
tourne  en  gelée  et  prend  la  forme  du  vase  dans  lequel  on  le 
verse.  La  gelée  de  viande  est  d'un  fréquent  usage  dans  les  con- 
valescences à  cause  de  la  quantité  considérable  de  matière  alibile 
qu'elle  contient,  produite  par  les  sucs  de  viande  ajoutés  à  la 
gélatine;  on  l'emploie  aussi  dans  diverses  maladies  chroniques, 
surtout  dans  les  affections  des  intestins  et  la  diarrhée  chro- 
nique. 

Façon  de  la  faire.  —  Prenez  des  pieds  de  veau  selon  la 
quantité  de  gelée  que  vous  voulez  faire  et  un  bon  coq.  Après 
avoir  bien  lavé  et  épluché  le  tout,  vous  le  mettez  dans  une  mar- 
mite avec  de  l'eau  en  proportion,  vous  faites  cuire  ces  viandes  et 
les  écumez  avec  soin.  Quand  vous  vous  apercevez  que  votre 
gelée  est  assez  faite,  vous  prenez  une  casserole  et  vous  la  mettez 
dedans  après  l'avoir  passée  à  travers  un  linge  et  l'avoir  bien 
dégraissée;  vous  y  mettez  du  sucre  en  proportion,  de  la  cannelle 
en  bâton,  deux  ou   trois  clous  de  girofle  et  l'écorce  de  deux  ou 


6oo  GENIEVRE. 


trois  citrons  dont  vous  conservez  le  jus.  Vous  faites  cuire  votre 
gelée  avec  tous  ces  ingrédients  et  vous  y  ajoutez  quatre  ou  cinq 
blancs  d'oeufs  battus  en  neige  et  le  jus  du  citron  ;  vous  remuez  de 
temps  en  temps  la  cuisson  ,  puis  vous  la  laissez  reposer  jusqu'à 
ce  que  le  bouillon  s'élève  au-dessus  de  la  casserole,  videz  alors 
la  gelée  dans  une  chausse,  passez-la  deux  ou  trois  fois  afin 
qu'elle  soit  bien  claire  et  servez-la. 

La  gelée  est  susceptible  de  plusieurs  couleurs,  on  la  mange 
dans  sa  couleur  naturelle,  on  la  blanchit  avec  des  amandes  pilées, 
on  la  jaunit  avec  des  jaunes  d'œuf,  etc.  ;  voyez  du  reste,  pour  les 
différentes  couleurs  à  donner,  à  l'article  Dorure. 

GELINOTTE.  —  Cet  oiseau  est  un  peu  plus  gros  que  la 
perdrix  rouge  et  ressemble  tellement  à  la  poule  qu'on  l'appelle 
vulgairement  poule  sauvage  ou  poule  des  bois;  on  la  trouve  par- 
tout où  il  y  a  des  bois  et  des  buissons^  épineux. 

Varron  dit  qu'elle  était  si  rare  à  Rome  qu'on  l'apportait 
dans  des  cages  où  on  la  nourrissait  de  fruits  sauvages,  de  cha- 
tons de  bouleau  et  de  baies  de  genévrier. 

Il  n'y  a  qu'une  opinion  sur  le  goût  exquis  et  la  délica- 
,tesse  de  sa  chair,  surtout  en  automne  et  même  en  hiver;  c'est 
peut-être  le  gibier  dont  on  fait  le  plus  de  cas  et  qui  est  le  plus 
recherché.  Les  Hongrois  l'appellent  oiseau  de  César  pour  dire 
morceau  de  roi,  et  en  Allemagne  la  gelinotte  est  le  seul  gibier 
qu'il  soit  permis  de  servir  deux  fois  de  suite  sur  la  table  des 
princes. 

Voyez  pour  son  apprêt  à  l'article  Canard  sauvage. 

GENIEVRE.  —  Nom  que  l'on  donne  aux  baies  du  genévrier 
qui  est  un  arbrisseau  fort  commun,  dont  le  bois  est  dur,  appro- 
chant delà  couleur  rougeâtre, revêtu  d'une  écorce  rude;  il  pousse 
quantité  de  branches,  ses  feuilles  sont  étroites,  toujours  vertes  et 
garnies  d'épines  ;  ses  fleurs  forment  de  petits  chatons  qui  ne  laissent 
aucun  fruit;  ses  baies  sont  rondes,  sepblables  à  celles  du  lierre, 
vertes  d'abord,  et  noires  quand  elles  mûrissent;  elles  renferment 
trois  ou  quatre  graines  oblongues ,  et  c'est  ce  que  Ion  appelle 
genièvre. 

On  attribue  beaucoup  de  propriétés  à  la  graine  de  genièvre. 
Elle  conserve  le  cerveau,  réconforte  la  vue,  nettoie  la  poitrine, 


GENOISES.  6oi 


.   chasse  les  vents  et  facilite  la  digestion  ;  aussi  l'emploie-t-on  assez 
souvent  en  médecine. 

Sirop  de  genièvre.  —  Vous  faites  infuser  chaudement  pen- 
dant neuf  jours  des  baies  de  genièvre  fraîchement  cueillies  et 
bien  mûres  ;  vous  les  faites  bouillir  pendant  peu  de  temps,  vous 
les  écrasez  et  les  refaites  bouillir  encore  un  peu,  puis  vous  passez 
la  liqueur  avec  une  forte  expression.  Vous  la  remettez  sur  le 
feu  avec  une  quantité  suffisante  de  sucre,  et  faites  cuire  le  tout 
ensemble  jusqu'à  consistance  de  sirop,  laissez  refroidir  et  mettez 
en  bouteille. 

Ratafia  de  Genièvre.  —  Vous  faites  infuser  dans  Teau-de- 
vie  des  baies  de  genièvre  bien  grosses  et  bien  mûres,  vous  y 
ajoutez  du  sucre  en  proportion  et  vous  mettez  en  bouteille. 

Le  ratafia  ainsi  que  le  sirop  de  genièvre  sont  cordiaux  et 
bons  pour  faciliter  la  digestion. 

GÉNOISES.  —  Sorte  de  pâtisserie  fort  agréable  au  goût,  et- 
qui  se  fait  généralement  avec  des  amandes. 

Génoises  glacées  à  l'italienne.  —  Mettez  dans  un  poêlon 
d'office  150  grammes  de  sucre  en  poudre  et  cinq  œufs  entiers, 
mèlez-les  comme  pour  un  biscuit  ;  joignez-y  ensuite,  un  quar- 
teron de  farine  et  autant  d'amandes  douces  pilées,  beurrez  un 
plafond,  mettez  votre  appareil  dessus,  é€endez-le  et  donnez  lui 
répaisseur  d'une  pièce  de  cinq  francs,  faites  cuire  à  un  four  vif 
jusqu'à  belle  couleur,  puis  coupez-le  et  formez-en  vos  génoises 
soit  en  croissants,  en  ronds  ou  en  losanges  ;  mettez  le  fond  du  vase 
dans  Teau,  puis  fouettez  cinq  blancs  d'œufs,  mêlez-y  du  sucre 
clarifié  et  formez  une  glace  dont  vous  couvrirez  vos  génoises; 
mettez-les  sécher  un  quart  d'heure  et  servez-les. 

Petites  génoises.  —  Prenez  de  la  pâte  d'amandes,  abaissez-  ■ 
la  et  saupoudrez-la  de  sucre,  puis  coupez  des  petits  ronds  comme 
pour  des  petits  pâtés  ordinaires  de  la  grandeur  d'une  pièce  de 
deux  francs  à  peu  près,  faites  ensuite  avec  cette  même  pâte,  une 
abaisse  de  la  grandeur  du  plat  que  vous  voulez  servir,  ajou- 
tez-y un  rebord  de  la  grandeur  de  vos  petites  génoises  et 
faites  autant  de  cette  -génoise  que  votre  abaisse  peut  en  contenir  ; 
mettez-les  sécher  et  cuire  en  les  mettant  à  l'entrée  d'un  four 
doux  et  quand  vous  serez  pour  les  servir,  remplissez-les  de  conf»- 


6o2  GKNOISES. 


tures  de  couleurs  différentes  en  en  formant  un  quadrille  ou  tout   . 
autre  dessin. 

On  peut  servir  les  génoises  comme  dessert  ou  comme  petit 
entremets,  à  la  volonté  des  personnes. 

Génoises  à  F  orange,  —  Emondez  120  gramnjes  d'amandes 
douces,  pilez-les,  et  mouillez-les  avec  la  moitié  d'un  blanc  d'œuf; 
quand  elles  sont  pulvérisées,  vous  les  mettez  dans  une  terrine  avec 
180  grammes  de  farine,  130  grammes  de  sucre,  dont  75  grammes 
saturés  de  zestes  d'orange,  6  jaunes  d'oeufs,  deux  œufs  entiers, 
une  cuillerée  d'eau-de-vie  et  un  peu  de  sel,  mélangez  bien  le 
tout  ensemble,  battez  ensuite  1 80  grammes  de  beurre  que  vous 
aurez  mis  ramollir  devant  la  bouche  du  four  et  vous  le  mêlerez 
d'abord  avec  un  peu  d'appareil,  puis  vous  Tamalgamerez  ax'ec 
le  reste.  Vos  génoises  étant  terminées,  vous  beurrez  un  pla- 
fond à  rebord,  ou  bien  vous  faites  deux  caisses  de  papier  dans 
lesquelles  vous  versez  vos  génoises  après  les  avoir  terminées  en 
y  ajoutant  pour  les  glacer  120  grammes  de  sucre  très -fin,  du 
blanc  d'œuf  et  un  peu  de  marasquin  et  vous  faites  cuire  à  four 
et  à  feu  modérés. 

Génoises  aux  pistaches.  —  Vous  émondez  des  pistaches,  la 
quantité  qu'il  vous  plaît  et  vous  les  pilez  avec  un  peu  de  blanc 
d'œuf,  puis  vous  y  joigaez  une  cuillerée  d'essence  de  vert  d'épi- 
nards  passé  au  tamis  de  soie.  Quand  vos  génoises  sont  à  point 
vous  les  couvrez  d'un  glacé  fait  avec  120  gr.  de  sucre  travaille 
dans  un  blanc  d'œuf,  et  la  moitié  d'un  suc  de  citron  afin  qu'il 
soit  d'une  blancheur  parfaite,  ce  qui  fera  très-bien  sur  vos 
génoises  qui  doivent  être  d'un  vert  tendre. 

Génoises  aux  avelines.  —  Vous  pilez  parfaitement  180  gr. 
d'avelines,  vous  en  retirez  un  tiers  et  vous  mêlez  le  reste  à  votre 
composition  que  vous  faites  comme  ci-dessus.  Vos  génoises  cuites, 
vous  les  coupez  en  petits  croissants  sans  les  faire  sécher  comme 
d'habitude.  Puis  vous  mêlez  le  tiers  d'avelines  conservées  avec 
120  grammes  de  sucre  très-fin  et  le  quart  d'un  blanc  d'œuf,  vous 
en  marquez  vos  génoises  en  leur  donnant  une  teinte  dorée. 
(V.  couleur). 

Génoises  perlées  au  raisin  de  Corinthe.. —  Vous  proGédetdc 
fe  même  façon  que  ci-dessus,   vous  placez  entre  chaque    perle 


GLACE.  603 

un  grain  de  raisin  de  Corinthe  bien  lavé  et  en  mettez  un  plus 
petit  sur  chaque  perle. 

Vous  faites  vos  génoises  de  toutes  formes  possibles,  en  carrés, 
en  losanges  ou  en  ronds. 

GESIER,  r-  Le  gésier  est  l'estomac  des  oiseaux,  la  chair  en 
est  dure,  et  complètement  dépourvue  de  saveur. 

GIBELOTTE.  —  Préparation  faite  sur  des  morceaux  d'oi- 
son ou  de  lapin.  (V.  lapin). 

GIBIER.  —  Le  mot  gibier  s'applique  à  tout  ce  qu'on  a  pris    * 
en  chassant,  et  qui  sert  à  l'alimentation  du  chasseur.  Les  san- 
gliers,  l'es  cerfs,    les  daims,  les  chevreuils,  et  autres  animaux 
semblables  sont  ce  qu'on  appelle  le  gros  gibier,  le  menu  se  com- 
pose des  animaux  plus. petits  tels  que  lièvres,  lapins  perdrix,  etc. 

Le  gibier,  le  poisson  et  la  volaille  se  conservent  parfaite- 
ment au  moyen  d'un  linge  fin  avec  lequel  on  les  enveloppe,  on 
le  place  dans  un  charbonnier  et  on  le  couvre  de  charbon  fin;  ou 
bien  on  vide  le  corps  du  gibier  que  Ton  veut  conser\er  et  on  le 
remplit  de  froment,  on  coud  la  pièce  et  on  la  place  dans  un  tas 
de  blé  de  faç;on  à  la  recouvrir  entièrement. 

GIGOT.  —  (V.  AGNEAU,  CHEVREUIL  et  MOUTON.) 

GIMBLETTES.  —  Pâtisseries  dites  de  menu  service  ou  de 

m 

petit  four.  (V.  croquignoles  et  croquembouche.) 

GLACE.  —  L'usage  de  la  glace  dans  les  pays  méridionaux 
remonte  à  la  plus  haute  antiquité;  Sénèque  reproche  aux  Romains 
les  soins  qu'ils  prenaient  pour  avoir  des  boissons  glacées,  et 
Hippocrate  parle  de  ses  inconvénients  ainsi  que  de  ceux  de  la 
neige.  Les  habitants  des  pays  chauds,  du  reste,  ont  de  tous  temps 

m 

recherché  les  boissons  fraîches  et  l'eau  à  la  glace  fait  les  délices 
des  Orientaux,  des  Italiens  et  des  Espagnols  qui  se  servent  de 
cruches  en  terre  poreuse  et  non  vernies  qu'ils  appellent  alcara^as 
pour  s'en  procurer. 

Au  XV I*  siècle,  on  ne  connaissait  pas  encore  en  France  l'usage 
de  la  glace,  et  lorsque  François  I*'  eut  à  Nice  des  conférences 
avec  le  pape  Paul  III  et  l'empereur  Charles-Quint,  son  médecin 
fut  très-étonné  de  voir  qu'on  glaçait  le  vin  avec  de  la  glace  tirée 
des  montagnes  qui  avoisinent  cette  ville. 

Mais   les    glaces   propi-ement  dites  ne  furent  connues  en 


6o4  GLACE. 

France  que  vers  1660  où  un  Florentin,  nommé  Procope  fit  goûter 
le  premier  aux  sujets  de  Louis  XIV  les  attrayantes  douceurs  de 
ces  friandises.  Le  café  qu'il  fonda  rue  de  l'Ancienne-Comédie, 
existe  encore  aujourd'hui. 

Aujourd'hui  les  glaces  sont  très-répandues,  et  on  en  voit  Tété 
sur  toutes  les  bonnes  tables. 

On  appelle  aussi  glace  en  terme  de  confiserie,  le  suc  épaissi 
d'un  fruit  qu'on  vient  de  confire  et  qu'on  emploie  comme  gelée 
translucide  pour  glacer  ce  fruit.  (V.  conserves.) 

En  terme  d'office,  la  glace  est  la  condensation  d'un  liquide 
sucré  au  moyen  de  la  congélation. 

Glace  de  veau.  —  Vous  coupez  un  cuissot  de  veau  en  quatre 
•  parties,  vous  le  mettez  dans  la  casserole  et  vous  y  ajoutez  trois 
poules,  une  bonne  quantité  de  légumes  entiers,  écumez-le  de 
temps  en  temps,  ajoutez  dans  la  cuisson  quelques  couennes  de  lard 
dessalées  à  l'avance  :  la  gélatine  du  porc  aide  beaucoup  à  la  cla- 
rification et  à  la  consistance  de  la  gelée,  et  remplissez  la  casse- 
role de  consommé;  vous  faites  mijoter  trois  ou  quatre  heures 
sur  un  feu  doux  et  vous  passez  votre  glace  à  travers  un6  ser- 
viette afin  de  la  rendre  bien  claire. 

Glace  de  cuisson.  —  Tamisez  le  mouillement  d'un  ragoût 
faites-le  réduire  jusqu'à  la  glace  et  ajoutez  au  moment  de  servir 
un  peu  de  beurre  frais. 

Les  glaces  de  fruits  ou  glaces  sucrées  se  font  dans  une  sorbe- 
tière ou  glacière;  c'est  un  cylindre  d'environ  huit  à  dix  pouces 
de  hauteur  que  Ton  met  dans  un  seau  en  bois,  on  garnit  l'inter- 
valle qui  existe  entre  les  parois  du  seau  et  le  cylindre  de  glace 
pilée  et  de  sel  de  salpétrier  plus  pur  et  plus  actif  que  celui  dont 
on  se  sert  pour  assaisonner  les  aliments;  vous  mettez  dans  la 
sorbetière,  c'est-à-dire  dans  le  cylindre,  le  liquide  à  glacer,  vous 
le  couvrez  et  vous  le  faites  tourner  tantôt  dans  un  sens,  tantôt 
dans  un  autre  au  moyen  de  la  poignée  qui  doit  se  trouver  sur  le 
couvercle;  vous  découvrez  de  temps  en  temps  pour  remuer  le 
liquide  glacé  en  partie  et  ramener  au  centre  ce  qui  se  trouve 
près  des  parois  du  cylindre,  puis  votre  glace  bien  ferme,  vous  la 
servez. 

Glace  de  cerises.  —  Vous  mettez  dans  un  poêlon ,  et  après 


GLACE.  605 

les  avoir  dépouillées  de  leurs  queues  et  de  leurs  noyaux,  i  kilo- 
gramme de  cerises  et  120  grammes  de  sucre,  vous  faites  jeter  un 
bouillon.  Vous  faites  infuser  une  poignée  de  noyaux  broyés  avec 
du  jus  de  citron  et  un  peu  d*eau,  vous  ajoutez  cette  infusion  et 
500  grammes  de  sirop  clarifié  à  ce  qui  est  passé  des  cerises,  vous 
mêlez  bien  le  tout  et  le  versez  dans  la  sorbetière  où  vous  procé- 
dez comme  il  est  dit  ci-dessus. 

Les  glaces  de  fraises,  de  framboises,  de  groseilles  se  font  de 
la  même  manière,  en  remplaçant  les  cerises  par  celui  de  ces  fruits 
que  Ton  veut  mêler  à  la  glace. 

Glace  à  V abricot,  —  (Méthode  de  M.  Cohier  de  Lompier, 
ancien  chef  d'office  de  la  maison  de  Mesdames  de  France,)  Prenez 
des  abricots  de  plein  vent  bien  mûrs,  pulpez-les  sur  un  tamis  ; 
ajoutez  pour  chaque  livre  de  sucre  une  livre  de  sirop  cuit  au 
lissé.  Pulvérisez  une  douzaine  d'amandes  des  noyaux,  mettez-les 
infuser  avec  un  peu  d  eau  et  le  jus  de  deux  citrons,  passez  cette 
infusion  et  ajoutez-la  à  la  pulpe,  et  procédez  pour  le  reste  comme 
à  l'ordinaire. 

La  glace  aux  pêches  se  fait  de  la  même  manière. 

Glace  à  Vananas.  —  Coupez  un  ananas  par  tranches,  cou- 
vrez-les de  sucre  en  poudre  et  laissez  macérer  pendant  deux 
heures  ;  versez  alors  sur  le  tout  deux  litres  d'eau  bouillante  et 
le  jus  de  deux  citrons,  laissez  infuser  pendant  deux  heures, 
passez  au  tamis  et  terminez  comme  ci-dessus. 

Glace  à  la  vanille.  Vous  faites  bouillir  un  litre  de  crème  et 
vous  la  versez  toute  bouillante  sur  la  vanille  ;  vous  laissez  infuser 
le  tout  pendant  deux  heures  environ  et  vous  tamisez, 

Vous  délayez  huit  jaunes  d'œufs  dans  cette  crème  et  vous 
mettez  le  tout  sur  le  feu  au  bain-marie,  en  ayant  soin  de  toujours 
remuer  jusqu'à  ce  que  la  crème  ait  pris  une  bonne  consistance; 
vous  laissez  refroidir  et  la  terminez  comme  les  autres  glaces. 

Glace  à  la  fleur  de  cédrat.  —  (Formuje  du  château  de  Bel- 
le vue.) 

Prenez  crème,  i  pinte;  œufs,  8  jaunes;  sucre,  3  quarterons; 
fleurs  de  cédrat  mises  en  poudre,  2  onces. 

Mêler  le  tout  ensemble  et  faites  cuire  au  bain-marie.  Passez 
et  laissez  refroidir. 


1 


6o6 


GLACE. 


On  peut  aussi  employer  toute  autre   fleur  en  procédant 

comme  il  est  prescrit. 

Glace  de  crème  aux  pistaches.  —  Vous  pilez  le  plus  fin 
possible  250  grammes  de  pistaches  et  vous  mêlez  avec  un  peu  de 
crème  et  de  zeste  d'un  citron. 

Votre  pâte  étant  bien  faite,  vous  la  mêlez  dans  un  poêlon 
avec  huit  jaunes  d'oeufs  et  du  sucre  en  poudre,  vous  y  ajoutez 
petit  à  petit  un  litre  de  crème  et  vous  faites  cuire  à  Tétaroine, 
puis  vous  passez,  vous  laissez  refroidir,  vous  ajoutez  trois  cuille- 
rées de  suc  d'épinards  pour  la  colorer  et  vous  versez  dans  la 
sorbetière. 

Glace  au  chocolat  à  la  crème.  —  Vous  faites  cuire  au  bain- 
marie  une  composition  faite  avec  huit  jaunes  d'œufs,  un  litre  de 
crème  et  250  grammes  de  sucre  en  poudre  que  vous  aurez  délayés, 
puis,  vous  mêlez  à  cette  crème  250  grammes  de  chocolat  fondu, 
vous  passez  à  Tétamine  et  glacez  comme  à  lordinaire. 

Glace  au  café.  —  Vous  avez  fait  avec  du  café  un  peu  brûlé 
une  forte  infusion  de  café,  vous  le  mêlez  avec  huit  jaunes  d'oeufs 
et  un  litre  de  crème,  vous  délayez  le  tout  et  vous  faites  cuire  au 
bain-marie. 

Fromage  glacé.  —  Après  avoir  confectionné  une  quantité  de 
glace  quelconque,  vous  en  remplissez  un  moule  que  vous  plon- 
gez dans  un  mélange  de  glace  et  de  sel. 

Puis  au  moment  de  servir,  vous  plongez  vivement  le  moule 
dans  de  Teau  chaude  afin  que  la  glace  s  en  détache  facile- 
ment. 

Vous  pouvez  former  ce  fromage  de  glaces  de  différentes 
natures  distinguées  par  leurs  couleurs. 

Pour  diversifier  les  glaces,  on  n'a  qu'à  changer  la  substance 

qu'on  mêle  à  la  crème.  Voici  les  substances  les  plus  avantageu- 
sement employées. 


Glace  à  la  crème  à  la  fraifc  des  bois. 

Glace  à  la  crème  aux  framboises  blan- 
ches. 

Glace  à  la  crème  à  Tabricot  et  aux 
merises. 

Glace  à  la  crème  aux  pèches  mignon- 
nes. 


Glace  à  la  crème  aux  poires  de  rous- 

selet. 
Glace  à  la  crème  aux  liqueurs  des  ilet. 
Glace  à  la  crème  à  Tesprit  d'angéli- 

que. 
Glace  à  la  crème  à  Tessence  de  men- 
the. 


GLACE. 


607 


GUce   à    Ja    crème    au    ratafia    de 

noyaux. 
Glace  à  la  crème  au  vin  de  Chypre. 
Glace  à  la  crème  à  la  malvoisie  d'Ali- 

cante. 
Glace  à  la  crème  au  melon  sucrin. 


Glace  à  la  crème  aux  jaunes  d'œufs 

de  pinson. 
Glace  à  la  crème  cuite  et  au  pain  de 

seigle. 
Glace  à  la  crème  crue  et  au  beurre 

frais. 


On  peut  panacher  ces  difFérentes  crèmes  en  les  disposant  par 
couches  alternées,  soit  en  hauteur  ou  en  largeur.  Voici  les  meil- 
leures combinaisons  de  panachure,  telles  que  les  donne  le  Pré- 
ceptoral  des  menus  royaux  pour  Tannée  1822. 

N**  716. —  On  pourra  panacher  à  volonté  les  glaces  de 
crème  blanche  avec  toutes  celles  au  suc  des  fruits,  à  la  réserve  de 
celles  au  citron,  à  la  bigarrade  et  au  verjus,  non  plus  qu'avec 
les  glaces  à  Tépine-vinette  qu  on  servira  toujours  sans  mélange 
ou  voisinage  adhérents. 

N**  717.  —  On  devra,  pour  opérer  les  panachures,  avoir 
égard,  autant  que  possible,  au  formulaire  inscrit  sur  le  tableau 
suivant,  et  s*il  arrivait  par  accident  qu'on  ne  puisse  pas  s'y  con- 
former, on  servira  pour  ce  jour-là,  les  fromages  glacés  en  sorbe- 
tière et  sans  panachures.  Cette  règle  est  également  pour  les 
quatre  premières  tables  et  pour  les  trois  secondes  tables  en  cour 
de  France. 

N°  718.  —  Tableau  des  glaces  à  la  crème  avec  leurs  adjonc- 
tions ou  panachures  les  plus  satisfaisantes. 


Crème  blanche  et  abricot. 
Crème  blanche  et  orange. 
Crème  crue  et  fraises. 
Lait  d'amandes  et  verjus  muscat. 
Lait  de  chèvre  et  jus  de  hiûres. 
Crème  pistache  et  suc  de  pèches. 
Crème  vanille  et  jB'amboises. 
Crème  d'œufs  et  poires  de  rousselet. 
Crème  au  thë  vert  et  jus  de  cédrat. 
Crème  chocolat  et  ratafia  de  cassis. 
Ananas  et  noix  fraîches. 


Crème 
loup. 
Crème 
Crème 
Crème 
the. 
Crème 
Crème 
Crème 
Crème 
Crème 


à  la  cannelle  et  melon  canta- 

I 

d'œufs  et  vin  de  Schiraz. 
mousseuse  et  vin  de  Sétubal. 
d'avelines  et  liqueur  de  men- 

de  noisettes  vertes  et  Rossolis. 
de  viry  et  mirobolan. 
de  Sotteville  et  eau  de  rhum, 
double  et  purée  de  merises, 
de  pain  bis  et  beurre  frais. 


Pour  faire  des  biscuits  glacés,  vous  leur  faites  absorber  à 
chacun  trois  cuillerées  de  crème  mêlées  avec  un  peu  de  ratafia 
de   noyaux  ;  glacez-les  légèrement  afin  de  ne  pas  les  déformer. 


6o8  GLACE. 

mettez-les  entre  deux  grands  plats  se  joignant  bien,  et  entourez 
ces  plats  de  glace  et  de  salpêtre,  ainsi  qu'il  est  indiqué  pour  la 
préparation  des  autres  glaces.  Dès  que  vous  les  trouverez  assez 
bien  glacés,  couvrez-les  d'une  légère  couche  de  gelée  de  fram- 
boises ou  de  glace  aux  fruits  rouges. 

Les  tranches  de  melon  et  les  pastèques  se  glacent  de  la  même 
façon  que  les  biscuits  entre  deux  plats,  on  les  fait  seulement 
macérer  dans  le  vin  de  Madère,  on  les  sucre  à  blanc  et  on  les 
fait  congeler  comme  ci-dessus  : 

Sorbet  au  citron,  —  Vous  préparez  le  suc  du  fruit  comme 
il  est  indiqué  plus  haut,  et  vous  le  faites  prendre  dans  une  sor- 
betière sans  attendre  qu'il  soit  pris  en  masse  ;  vous  détachez  avec 
une  houlette  ce  qui  tient  aux  parois  du  cylindre  et  brouillez  le  tout 
jusqu'à  ce  que  vous  obteniez  un  mélange  de  glace  solide  qui  doit 
être  flottant  dans  un  breuvage  de  glace  fondue. 

Les  sorbets  à  la  fraise,  à  la  merise,  à  la  pêche,  à  l'ananas, 
aux  quatre  fruits  rouges,  au  melon  verreux  et  à  Tépine-vinette, 
sont  généralement  les  plus  estimés. 

On  peut  également  en  faire  avec  des  aromates  exotiques  et 
des  fleurs  indigènes  dont  on  aura  distillé  les  eaux;  les  plus  distin- 
gués sont  ceux  à  l'eau  d'héliotrope,  à  Teau  de  violette  et  à  Feau 
de  jasmin. 

Sorbet  au  marasquin.  —  Faites  une  préparation  de  glace  au 
jus  de  citron  en  en  supprimant  les  zestes,  glacez-la  un  peu  plus 
ferme  qu'à  l'ordinaire  et  brouillez-la  bien  en  y  ajoutant  un 
demi-verre  de  marasquin. 

On  peut  employer  à  la  confection  de  ce  même  sorbet, 
d'autres  liqueurs  étrangères  ou  françaises,  ainsi  que  les  vins 
sucrés  et  liquoreux  de  Frontignan,  de  Lunel  et  de  Rivesaltes. 

Sorbet  au  rhum,  —  Vous  faites  un  sorbet  au  citron  et 
vous  y  ajoutez  un  bon  verre  de  sirop  de  rhum  en  le  glaçant  plus 
fortement  qu'à  l'ordinaire. 

Boissons  froides-  sans  être  glacées.  —  Préparez  les  divers 
sucs  de  fruits  comme  pour  faire  des  glaces,  passez-les  à  travers 
une  étamine  serrée,  clariiîez-les  au  blanc  d'oeuf  et  mettez-les 
dans  des  carafes  que  vous  ferez  refroidir  dans  de  l'eau  de  puits 
en  les  entourant  de  glace  et  sans  leur  laisser  le  temps  de  se  trou- 


GODIVEAU.  609 


ver  frappées^  ce  qui  veut  dire  congelées  aux  parois,  en  terme 
d'office  et  de  limonadier. 

Emprunté  à  l'excellent  livre  de  M.  de  Courchamps. 
{Dictionnaire  de  la  cuisine  française,) 

GODIVEAU.  —  On  donne  ce  nom  à  un  hachis  de  viande 
dont  on  forme  des  espèces  de  boulettes  avec  lesquelles  on  garnit 
les  tourtes  et  les  vol-au-vent. 

Godiveau  à  la  bourgeoise.  —  Vous  retranchez  les  tendons 
et  les  cartilages  d'une  noix  de  veau  ou  d'une  rouelle  et  vous  la 
hachez  avec  500  grammes  de  graisse  de  bœuf,  vous  les  mêlez 
ensemble  en  ajoutant  du  persil,  ciboules  hachées,  sel  et  épîces 
mêlés,  et  vous  pilez  le  tout  ensemble  en  y  joignant  successive- 
ment des  œufs  entiers  jusqu'à  ce  que  la  pâte  soit  bien  liée  ;  vous 
mettez  un  peu  d'eau  pour  l'amollir  et  vous  formez  avec  cette 
composition  des  boulettes  dont  vous  garnissez  des  pâtés  chauds  et 
autres  plats  d'entrée. 

Godiveau  à  la  Richelieu  (venant  du  cuisinier  de  M.  le  mare- 
chai  de  Richelieu).  —  Parez  une  livre  de  noix  de  veau  et  une 
livre  huit  onces  de  graisse  de  bœuf  bien  farineuse  ;  le  veau  étant 
bien  haché,  vous  y  mêlez  la  graisse  et  après  avoir  tout  haché 
bien  fin  vous  y  joignez  une  once  de  sel  épicé,  une  pointe  de 
muscade  et  quatre  œufs  ;  hachez  encore  pendant  quelques 
minutes;  ensuite  pilez  ce  godiveau  jusqu'à  ce  qu'aucun  fragment 
de  graisse  ni  de  veau  ne  puisse  être  aperçu  ;  alors  vous  le  relevez 
du  mortier  pour  le  placer,  une  couple  d'heures,  à  la  glace  ou 
dans  un  lieu  frais,  vous  le  pilez  en  deux  parties,  le  mouillez  peu 
à  peu  avec  des  morceaux  de  glace  lavés  et  gros  comme  des  œufs, 
ce  qui  rend  le  godiveau  lisse  et  très-lié,  mais  vous  devez  faire 
attention  de  le  mouiller  très-convenablement  afin  qu'il  soit  de  la 
consistance  des  farces  à  quenelles,  ensuite  vous  le  relevez  dans 
une  grande  terrine,  et  pilez  le  reste  de  la  même  manière  ;  vous 
mettez  ensuite  le  tout  dans  la  terrine  avec  deux  cuillerées  de 
velouté  et  une  de  ciboulette  hachée  très-fin,  puis  vous  l'employez 
de  même  que  la  farce  à  quenelle. 

a  Quand  je  dis  de  piler  de  la  glace  avec  la  viande,  observe 
le  cuisinier  du  maréchal  de  Richelieu;  c'est  parce  que  la  glace 
aide  singulièrement  à  donner  ce  corps  liant  au  godiveau  qui  lui 

39 


6io  .      GOUJON 


donne  ce  moelleux  parfait  et  si  désirable  ;  car  lorsqu'il  est  tourné, 
il  perd  en  partie  sa  qualité,  et  cela  arrive  quelquefois  en  été, 
parce  que  les  grandes  chaleurs  empêchent  que  la  graisse  de  bœuf 
puisse  se  lier  intimement  avec  le  veau,  attendu  que  celui-ci  est 
un  corps  humide,  et  Tautre  un  corps  gras.  C'est  par  cette  raison 
qu'il  est  de  rigueur  de  le  mouiller  à  la  glace  pendant  les  cha- 
leurs de  l'été,  tandis  que  dans  l'hiver  c'est  inutile.  » 

Godiveau  de  blanc  de  volaille  aux  truffes.  —  Vous  procédez 
absolument  de  la  même  manière  que  pour  le  godiveau  de  veau, 
en  employant  seulement  à  sa  place,  une  livre  de  filet  de  pou- 
lardes ou  d'autres  volailles  et  en  y  mêlant  quatre  cuillerées  de 
truffes  hachées  très-fin  à  la  place  de  ciboulette. 

Godiveau  de  gibier  aux  champignons,  —  Vous  procédez 
comme  ci-dessus  en  faisant  votre  godiveau  avec  une  livre  de 
chair  de  perdreaux  gris  ou  de  lapereaux  de  garenne  et  quatre 
cuillerées  de-  champignons  bien  blancs  hachés  et  passés  dans  du 
beurre  à  l'ail. 

Godiveau  maigre,  —  Vous  procédez  de  la  manière  accoutu- 
mée avec  une  livre  de  chair  de  carpe  de  Seine  pilée  et  passée  au 
tamis  et  quatre  onces  de  panade,  puis  quatre  cuillerées  de  fines 
herbes  assaisonnées  d'une  pointe  d'échalotes,  persil,  champignons 
et  truffes. 

On  en  fait  aussi  avec  de  la  chaîr  de  brochet^  de  turbot  et 
d'anguille,  toujours  en  y  incorporant  de  la  panade. 

GOGUETTE.  —  Ancien  mets  populaire,  complètement 
perdu  et  ignoré  de  nos  jours. 

GOUJON.  —  Il  y  en  a  de  deux  espèces;  le  goujon  de  mer 
qui  est  blanc  et  vert  et  ressemble  un  peu  au  maquereau,  et  le 
goujon  de  Seine,  beaucoup  plus  estimé  que  le  précédent. 

Goujons  frits.  —  Vous  écaillez, 'videz  et  essuyez  des  gou- 
jons sans  les  laver,  les  trempez  dans  du  lait,  les  saupoudrez  de 
farine,  puis  vous  les  embrochez 'dans  des  hâtelets  d'argent  et 
les  mettez  dans  la  friture  bien  chaude,  retirez-les  et  servez-les 
avec  du  persil  et  un  jus  de  citron. 

Goujons  à  fétuvée.  —  Vous  préparez  ces  goujons  comme  les 
premiers,  puis  vous  mettez  au  fond  du  plat  dans  lequel  vous 
devez  les  servir,  du  beurre,  du  persil,  ciboules,    champignons. 


GRENOUJLLE.  6ii 


des  échalotes,  du  thym,  basilic,  le  tout  haché  très-fin,  sel  et 
poivre;  vous  arrangez  dessus  les  goujons  et  les  assaisonnez  dessus 
comme  dessous,  vous  les  mouillez  d'un  verre  de  vin  blanc,  vous 
couvrez  le  plat  et  faites  bouillir  jusqu'à  réduction  presque  com- 
plète de  la  sauce. 

GRAS-DOUBLE.  —  (V.  Bœuf.) 

GRENADE.  —  On  appelle  ainsi  le  fruit  du  grenadier,  ce 
fruit  est  peu  recherché  hors  du  pays  où  on  le  recueille  et  ne  sert 
qu'à  garnir  les  corbeilles  de  dessert  où  il  est  d'un  fort  bel  effet. 

Voici  ce  qu'en  dit  M.  Cohier  de  Lompier  : 

a  11  n'y  a  point  de  belles  corbeilles  de  dessert  sans  grenades, 
non  plus  que  sans  oranges,  la  grenade  ouverte,  ainsi  qu'un  riche 
trésor  de  rubis  ou  de  grenats  brillants,  est  un  des  plus  beaux 
joyaux  de  nos  grandes  corbeilles.  Quand  on  n'aperçoit  pas  quel- 
ques-unes de  ces  grenades  entr'ouvertes  aux  flancs  d'une  pyra- 
mide de  fruits,  elles  n'y  sauraient  être  remplacées  par  aucun 
autre^  et  bien  qu'on  y  voie  éclater  le  vermillon  des  plus  belles 
pommes  et  l'émail  varié  de  nos  grosses  poires,  avec  l'or  de 
l'orange  et  la  suprême  beauté  de  l'ananas,  on  dirait  qu'il  manque 
quelque  chose  dans  cette  corbeille  offerte  par  le  dieu  Vertumne  à 
la  cour  de  Pomone.  Mais  aussi  bien  nous  faut-il  avouer  qu'à 
l'exception  de  ce  beau  rôle  pour  la  décoration  des  tables  ou  buf- 
fets, la  grenade  est  un  fruit  qui  n'équivaut  seulement  pas  à  la 
groseille,  elle  ne  vaut  pas  mieux  que  l'épine-vinette,  et  c'est 
convenir  qu'elle  n'est  presque  bonne  à  rien  dans  les  pays  tempé- 
rés où  les  quatre  fruits  rouges  sont  abondants  et  par  excellence. 

On  fait  avec  la  grenade  un  sirop  appelé  grenadinCy  qui  est 
très-bon  pour  la  toux  sèche  ou  l'irritation,  il  se  fait  avec  les  gre- 
nades dites  d'épine  vineuse. 

Une  des  plus  belles  villes,  sinon  la  plus  belle  ville  de  l'An- 
dalousie, a  tiré  son  nom  de  sa  ressemblance  avec  une  grenade 
entr'ouverte.  Chateaubriand  a  mis  cette  comparaison  dans  la 
bouche  de  son  dernier  Abencérage. 

GRENOUILLE.  —  Il  y  a  beaucoup  d'espèces  de  grenouilles 
qui  diffèrent  par  leur  grandeur,  leur  couleur  et  le  lieu  qu'elles 
habitent. 

Les  grenouilles  de  mer  sont  monstrueuses  et  on  ne  s'en  sert 


6i2  GRENOUILLE. 


pas  comme  aliment,  non  plus  que  des  grenouilles  de  terre  ;  les 
grenouilles  aquatiques  seules  sont  bonnes  à  manger,  elles  doivent 
avoir  été  prises  dans  une  eau  bien  claire,  et  choisies  bien  nour- 
ries, grasses,  charnues,  vertes  et  ayant  le  corps  marqué  de  petites 
taches  noires. 

Bien  des  médecins  du  moyen  âge  se  font  opposés  à  ce  qu'on 
mangeât  cette  viande  qui  cependant  est  blanche  et  délicate  et 
contient  un  principe  gélatineux  plus  fluide  et  moins  nourrissant 
que  celui  des  autres  viandes.  Bernard  Palissy,  dans  son  Traité  des 
pierres  de  1580,  s'exprime  ainsi  :  «  Et  de  mon  temps,  j'ai  veu 
qu'il  se  fust  trousvé  bien  peu  d'hommes  qui  eussent  voulu  manger 
ni  tortues  ni  grenouilles.  » 

Au  seizième  siècle  pourtant,  les  grenouilles  étaient  servies 
sur  les  meilleures  tables,  et  Champier  se  plaignit  de  ce  goût  qu'il 
regarda  comme  bizarre,  et  il  y  a  un  siècle  à  peu  près  qu'un 
Auvergnat,  nqmmé  Simon,  fit  une  fortune  considérable  avec  les 
grenouilles  qu'on  lui  envoyait  de  son  pays,  qu'il  engraissait  et 
qu'il  vendait  ensuite  aux  premières  maisons  de  Paris  où  cet  ali- 
ment était  fort  à  la  mode. 

En  Italie  et  en  Allemagne  on  fait  une  grande  consommation 
de  ces  batraciens  et  les  marchés  en  sont  couverts,  et  les  Anglais  qui 
en  ont  horreur  et  qui,  pour  cela  sans  doute,  faisaient  il  y  a  envi- 
ron soixante  ans  des  caricatures  représentant  des  Français  man- 
geant des  grenouilles,  n'ont  qu'à  lire  ce  passage  de  l'histoire  de 
rîle  de  Saint-Domingue  par  un  Anglais  nommé  Atwood  ;  a  II  y 
a,  dit-il,  à  la  Martinique  beaucoup  de  crapauds  que  l'on  mange, 
les  Anglais  et  les  Français  les  préfèrent  aux  poules.  On  les  fri- 
casse  et  on  en  fait  des  soupes.  » 

Les  grenouilles  se  mangent  apprêtées  de  plusieurs  façons 
différentes,  on  en  fait  surtout  des  potages  qui  sont  fort  sains  et 
dont  même  quelques  dames  usent  pour  entretenir  la  fraîcheur 
de  leur  teint.  « 

Potage  de  grenouilles,  —  Prenez  la  quantité  de  grenouilles 
qu'il  vous  faut,  lavez-les  bien,  ôtez  les  os  des  cuisses  et  réservez 
les  plus  grosses  pour  frire  en  les  faisant  mariner  avec  verjus,  sel, 
poivre  et  fines  herbes;  passez-les  ensuite  dans  une  pâte  à  friture 
et  faites-le^  frire  de  belle  couleur  dans  du  beurre  fondu  bien 


GRIVES  ET  MERLES.  613 


chaud,  elles  vous  serviront  pour  faire  un  cordon  autour  de  votre 
potage.  ^ 

Avec  les  autres  vous  faites  un  ragoût  avec  laitances,  cham- 
pignons et  autres  garnitures,  le  tout  au  blanc  pour  masquer  votre 
potage  ;  vous  le  mouillez  de  bon  bouillon  et  en  couvrez  votre 
potage  que  vous  servez  garni  des  grenouilles  frites. 

Grenouilles  en  fricassée  de  poulet.  —  Ecorchez  vos  gre- 
nouilles, ne  leur  laissez  que  les  deux  cuisses  et  l'arête  du  dos,  et 
apprêtez-les  ensuite  en  fricassée  de  poulet.  (V,  Fricassée  de 

POULET.) 

GRIBLETTE.  —  En  terme  de  cuisine,  c'est  une  tranche  de 
porc  frais  ou  de  mouton  rôtie  sur  le  gril  ;  on  les  sert  comme  les 
côtelettes,  avec  ou  sans  accompagnement. 

GRILLADE.  —  On  appelle  grillades  des  tranches  de  viande 
bien  minces  que  Ton  fait  rôtir  sur  le  gril.  Quand  on  a  quelque 
dindon  ou  autre  pièce  pour  en  faire  une  entrée  on  peut  prendre 
les  ailes,  les  cuisses  et  le  croupion,  les  griller  avec  du  sel  et  du 
poivre,  passer  de  la  farine  à  la  poêle  avec  du  lard  fondu,  y  mettre 
des  anchois,  un  filet  de  vinaigre,  un  peu  de  bouillon,  sel,  poivre, 
faire  mitonner  le  tout  et  servir  chaudement. 

On  peut  aussi  les  servir  grillées  avec  une  essence  de  jam- 
bon, ou  un  coulis  clair  par-dessus,  ou  encore  avec  une  sauce 
Robert. 

GRIOTTES.  —  Espèce  de  cerise  à  courte  queue,  grosse, 
noirâtre  et  plus  acide  que  les  autres.  On  prépare  avec  ce  fruit 
de  très-bon  ratafia,  on  en  faisait  aussi  autrefois  du  vin  en 
Hollande,  mais  ce  vin  étant  trop  fort  et  trop  chargé,  on  préféra 
avec  raison  par  la  suite  les  raisins  étrangers. 

GRIVES  ET  MERLES.  —  Les  grives,  les  merles  et  beau- 
coup d'autrçs  oiseaux  ne  doivent  être  mangés  qu'à  la  fin  de 
novembre  ;  engraissés  d'abord  dans  les  champs  et  dans  les  vignes, 
ils  vont  ensuite  parfumer  leur  chair  au  bord  des  bois  avec  des 
graines  de  genièvre.  Si  vous  êtes  trop  pressé  de  jouir,  si  vous  les 
tuez  avant  le  temps,  vous  ne  leur  trouverez  pas  ce  fumet,  cet 
aratne  incisif  qui  est  tant  recherché  des  vrais  friands. 

Horace,  Martial  et  même  Gallien  connaissaient  toute  la  valeur 
des  grives. 


6i4  GRIVES  ET  MERLES. 


((  Nil  melius  turdOy  »  dit  Horace. 

Le  favori  d'Auguste  et  de  Mécène  en  mangeait  tant  qu'il 
voulait,  non  pas  qu'il  fût  assez  riche  pour  en  acheter  tous  les 
jours,  sa  médiocrité  dorée  n'allait  pas  jusque-là,  mais  il  était  fêté 
partout. 

Le  pauvre  Martial  au  contraire  faisait  souvent  maigre  dbètt 
et  lorsqu'une  invitation  à  dîner  venait  le  surprendre,  la  joie  écla- 
tait en  s&s  yeux  et  il  se  disait  : 

«  —  11  y  aura  probablement  des  grives.  » 

Lucius  Apicius  et  tous  les  grands  gourmands  de  Rome  en 
faisaient  le  plus  grand  cas.  Ils.les  engraissaient  dans  d'immienses 
volières  de  compte  à  demi  avec  les  merles.  Chacune  de  ces 
volières  en  contenaient  trois  ou  quatre  mille  ;  dans  ces  volières, 
les  grives  étaient  privées  de  la  vue  des  bois  et  des  champs  afin 
que  rien  ne  put  les  distraire  de  l'envie  d'engraisser. 

Varron  cite  une  maison  de  campagne  où  Ion  avait  engraisse 
cinq  mille  grives  dans  une  année.  On  les  servait  sur  les  tables 
les  plus  somptueuses  et  on  les  donnait  aux  convalescents  pour 
réparer  leurs  forces. 

Pompée  tomba  malade  et,  étant  entré  en  convalescence,  son 
médecin  lui  ordonna  de  manger  des  grives,  mais  Pompée  n  avait 
pas  de  volière. 

«  Allez  en  demander  à  Lucullus,  il  ne  vous  en  refusera  pa$> 
lui  dit  son  médecin. 

—  Eh  quoi!  s'écria-t-il,  c'est  donc  à  dire  que  Pompée  ne 
pourrait  pas  vivre,  si  Lucullus  n'était  pas  un  gourmand  !  » 

En  France,  il  y  a  un  proverbe  qui  dit  : 

((  Quand  il  n'y  a  pas  de  grives  on  mange  des  merles. 

Les  Corses  ont  reto\irné  ce  proyerbe  et  disent  : 

«  Quand  il  n'y  a  pas  de  merles,  on  mange  des  grives.  " 

C'est  que  les  merles  de  Corse  et  de  Provence  sont  ti»' 
renommés  parce  qu'ils  se  nourrissent  de  graines  de  myrtes  et  oe 
genièvre. 

L'oncle  de  Napoléon,  le  cardinal  Fesch,  archevêque  de 
Lyon  en  faisait  venir  tout  l'hiver  de  la  Corse.  On  allait  (UJ»ef 
chez  Son  Éminence,  pour  %ts  nobles  manières,  pour  son  gracieux 
accueil  et  surtout  pour  ses  merles. 


GRIVES   ET  MERLES.  615 


La  saison  des  vendanges  est  la  meilleure  époque  pour 
prendre  et  manger  des  grives,  car  elles  se  sont  nourries  de  raisin 
et  leur  chair  en  est  plus  tendre  et  plus  savoureuse. 

Grives  rôties.  —  Vous  plumez  vos  grives  et  les  faites  refaire 
sans  les  vider,  puis  vous  les  faites  cuire  à  la  broche  et  les  servez 
comme  les  mauviettes  avec  des  rôties  dessous. 

Grives  en  ragoût,  —  Accommodez  proprement  les  grives, 
passez-les  à  la  casserole  avec  lard  fondu,  un  peu  de  farine  pour 
bien  lier  la  sauce,  un  verre  de  vin  blanc,  sel,  poivre,  bouquet 
garni,  laissez  mitonner  un  peu  le  tout  et  servez  avec  un  peu  de 

citron. 

Grives  à  Veau^de-vie.  —  Epluchez  bien  vos  grives,  écrasez- 
les  un  peu  sur  Testomac,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  du 
lard  fondu,  deux  petits  oignons,  champignons^  truffes,  quelques 
morceaux  de  ris  de  veau,  faites-leur  faire  quelques  tours,  mouil- 
le£*le$  de  deux  verres  rf'eau-de-vie,  faites-les  cuire  à  grand  feu, 
allumez  Teau-de-vie  que  vous  avez  versé  sur  vos  grives,  quand 
il  est  éteint,  ajoutez-y  un  peu  de  réduction  et  de  coulis,  achevez 
de  les  faire  cuire  doucement,  dégraissez-les  et  servez. 

Entrée  de  grives  au  genièvre.  —  Vos  grives  étant  plumées, 
épluchées  et  retroussées,  vous  les  couvrez  de  bardes  de  lard 
et  de  papier  beurré,  puis  vous  les  attachez  sur  une  broche  et  les 
faites  cuire. 

Mettez  dans  une  casserole  un  peu  de  jus  et  de  coulis,  un 
verre  de  vin  blanc,  faites  bouillir,  ajoutez  un  jus  de  citron  et 
une  douzaine  de  grains  de  genièvre  que  vous  aurez  fait  blanchir. 

Vos  grives  étant  cuites,  vous  ôtez  les  bardes  de  lard  et  le 
papier  et  les  mettez  mitonner  dans  le  coulis,  puis  vous  les 
dressez  sur  un  plat,  les  dégraissez  et  servez  chaudement  pour 
entrée. 

Grives  à  la  polonaise.  —  Épluchez  vos  grives,  aplatissez-les 
sur  Testomac,  passez-les  quelques  tours  dans  une  casserole  avec 
lard  fondu,  truffes,  champignons,  cinq  ou  six  petits  oignons, 
bouquet  garni,  un  ris  de  veau  blanchi,  une  tranche  de  jambon, 
puis  vous  les  mouillez  d'un  verre  de  vin  de  Champagne  et  d'un 
peu  de. réduction  et  de  coulis,  ajoutez  sel  et  poivre,  faites  cuire 
à  petit  feu,  dégraissez  le  ragoût.  Quand  elles  sont  cuites,  mettez-y 


6i6  GROSEILLE. 


un  jus  de  citron,  ôtez   le  bouquet  et  la  tranche  de  jambon,  et 
servez  à  courte  sauce. 

Pâté  chaud  de  grives.  —  Videz  vos  grives,  gardez-en  le  foie, 
retroussez-les  et  battez-les  sur  l'estomac  avec  un  rouleau,  piquez- 
les  ensuite  de  gros  lard  et  de  jambon,  assaisonnez  de  sel,  poivre, 
fines  herbes  et  fines  épices,  et  fendez-les  par  ledos.^Pilez  ensuite 
les  foies  avec  du  lard  râpé,  champignons,  truffes,  ciboules,  persil, 
sel  et  poivre,  fines  herbes  et  fines  épices  le  tout  bien  pilé,  et  far- 
cissez-en le  corps  de  vos  grives. 

Hachez  encore  et  pilez  du  lard,  faites  une  pâte  composée 
d'un  œuf,  de  bon  beurre,  de  farine  avec  un  peu  de  sel  ;  formez 
deux  abaisses,  jetez-en  une  sur  du  papier  beurré,  prenez  du  lard 
pilé  dans  le  mortier,  étendez-le  sur  l'abaisse  et  rangez  les  grives 
dessus,  ajoutez  quelques  truffes,  des  champignons,  une  feuille  de 
laurier,  le  tout  couvert  de  bardes  de  lard,  couvrez  avec  votre 
seconde  abaisse,  formez-en  les  bords,  àoret  votre  pâté  et  mettez-le 
au  four. 

Quand  il  est  cuit,  retirez-le,  ôtez  le  papier,  ayez  un  bon 
coulis,  quelques  ris  de  veau,  champignons  et  truffes,  levez  le 
couvercle  du  pâté,  ôtez  les  bardes  de  lard  qui  sont  dessus,  et 
avant  de  servir  mettez-y  votre  ragoût  en  y  pressant  un  jus  de 
citron,  et  servez  chaudement  pour  entrée. 

Grives  à  r anglaise.  —  Epluchez  et  retournez  vos  grives  sans 
les  vider,  embrochez -les  avec  un  hâtelet,  posez  cet  hâtelet  sur 
une  broche  et  fixez-la  des  deux  bouts,  enveloppez  vos  grives  de 
papier,  faites-les  cuire  à  moitié,  ôtez-le  papier,  mettez  un  mor- 
ceau de  lard  au  bout  d'un  hâtelet,  faites  prendre  le  feu  à  votre 
lard  et  durant  qu'il  brûle^  faites-le  dégoutter  sur  vos  grives, 
saupoudrez-les  d'un  peu  de  sel  fin  et  de  mie  de  pain,  donnez-leur 
une  belle  couleur,  dressez-les  et^ervez  à  côté  une  sauce  au  pauvre 
homme  liée  avec  un  morceau  de  beurre. 

GROSEILLE.  —  Il  y  a  deux  espèces  de  groseille,  la  gro- 
seille verte,  vulgairement  appelée  groseille  à  maquereau  parce 
qu'on  l'emploie  comme  verjus  dans  le  temps  des  maquereaux 
frais,  et  la  groseille  rouge  qui  sert  plus  particulièrement  à  faire 
les  confitures,  les  gelées,  les  compotes,  etc. 

Le  sel  acide  dont  les  groseilles  abondent  est  la  cause  des 


GRUE  6ï7 

principaux  effets  qu'elle  produisent,  elles  excitent  l'appétit  parce 
que  ce  sel  picote  légèrement  les  petites  fibres  de  rèstomac,  elles 
rafraîchissent  et  conviennent  à  ceux  qui  ont  la  fièvre  parce  que 
ce  sel  donne  plus  de  consistance  aux  humeurs  et  en  arrête  le 
mouvement  trop  violent  et  trop  impétueu3f . 

Tout  le  monde  connaît  l'usage  et  les  diverses  préparations 
de  la  groseille,  le  suc  en  est  rafraîchissant  et  mêlé  à  l'eau  avec 
du  sucre  ou  du  miel,  il  forme  une  boisson  acidulée  qui  convient 
à  tout  le  monde  et  qui,  dans  le  Nord,  remplace  la  limonade, 
on  pourrait  aussi  en  retirer  de  Teau-de-vie  par  la  distillation. 

Les  roses  ou  blanches  sont  moins  acides  et  plus  agréables 
que  les  rouges. 

Nous  avons  indiqué  à  l'article  Confitures  les  différentes 
manières  d'employer  la  groseille,  en  conserves,  en  gelée,  en 
compote,  en  sirop,  nous  y  renvoyons  le  lecteur.  (V.  Confitures^.) 

GRUE.  —  Appelé  oiseau  de  Palamède  par  les  poètes  qui 
ont  prétendu  que,  pendant  la  guerre  de  Troie,  Palamède  avait 
appris  des  grues  les  quatre  lettres  grecques  if.  Ç.  j^.  w.,  l'ordre 
de  bataille  et  le  mot  du  guet. 

La  grue  est  de  la  famille  des  échassiers,  elle  est  de  la  gros- 
seur du  dindon,  son  cou  et  ses  jambes  sont  ^rès-longs;  comme  la 
cigogne,  elle  est  très-grand  destructeur  des  reptiles,  des  vers, 
des  insectes,  dont  elle  se  nourrit,  ainsi  que  de  grenouilles  et  de 
petits  poissons.  Cet  oiseau  est  regardé  par  les  Kalmoucks  de 
Koulaguena  comme  un  des  plus  purs  qui  existent,  et  ils  n'en 
tuent  jamais. 

Les  grues  se  trouvent  principalement  dans  les  climats  tem- 
pérés; de  là  leurs  migrations  régulières  dès  que  le  froid  ou  la 
chaleur  commence  à  se  faire  sentir  d'une  manière  excessive  dans 
les  régions  du  Nord  ou  de  l'Orient  qu'elles  fréquentent;  elles 
se  réunissent  alors  par  troupes  pour  entreprendre  les  courses  les 
plus  lointaines  et  les  plus  hardies  et  choisissent  un  chef  pour  les 
conduire  dont  le  cri  les  avertit  de  la  route  qu'elles  doivent  suivre  ; 
pour  fendre  l'air  plus  aisément ,  elles  se  forment  en  triangle,  et 
tnème  en  rond  si  le  vent  est  trop  violent.  A  terre,  elles  ont  des 
sentinelles  qui  veillent  à  la  sûreté  de  la  troupe  pendant  son  som- 
meil, et  qui,  pour  éviter  d'y  succomber  elles-mêmes,  tiennent  en 

19* 


6i8  GUÏGNAIID. 


Tair  une  patte  dans  laquelle  est  une  pierre  dont  le  choc  les  réveil- 
lerait si  la  fatigue  venait  à  les  endormir  et  à  là  leur  faire  lâcher. 
Cest  ce  que  nous  appelons  yb/re  le  pied  de  grueipoxxx  indiquer 
une  longue  attente  sur  les  jambes. 

Varron  rapporte  que  les  Romains  élevaient  et  nourrissaient 
avec  soin  des  grues  dans  des  volières,  pour  les  manger  ensuite  à 
cause  de  la  délicatesse  de  leur  chair  ;  aujourd'hui,  encore,  dans 
certaines  parties  orientales  de  l'Europe  où  ces  oiseaux  sont  com- 
muns, leur  chair  est  servie  sur  les  tables.  Arnaud  de  Villeneuve 
trouvait  un  grand  plaisir  à  la  manger,  et  les  Indiens  s'en  nour- 
rissent, mais  je  crois  qu'il  ne  peut  être  question  ici  que  des 
jeunes  grues  ou  gruaux,  car  la  chair  des  vieilles  est  dure,  coriace, 
insipide  et  de  difficile  digestion. 

GUIGNE.  —  Espèce  de  cerise  noire  et  très-sucrée. 

GUIGNARD.  —  Espèce  de  pluvier  que  Ton  trouve  surtout 
dans  le  Loiret  et  dans  la  Beauce.  Il  est  de  la  grosseur  du  merle, 
le  sommet  de  sa  tête  est  cendré  noirâtre ,  le  dessus  de  son 
corps  teint  de  vert  avec  des  cercles  rougeâtres,  sa  chair  est  très- 
estimée  et  préférable  à  celle  du  'pluvier;  on  en  fait  des  pâtés 
très-recherchés.  Ceux  qu'on  préparait  pour  le  célèbre  Philippe 
de  Chartres  étaient  faits  avec  des  guignards,  que  Collin  d'Harle- 
ville  immortalisa  dans  une  charmante  épître,  son  premier  ouvrage, 
lequel  engagea  l'auteur  à  suivre  la  carrière  des  lettres;  d'où  il 
résulte  que  c'est  aux  guignards  que  Ton  doit  V Inconstant  et  les 
Châteaux  en  Espagne. 


H 


HACHIS.  —  Lorsqu'il  vous  reste,  du  dîner  de  la  veille, 
du  veau,  du  bœuf,  du  poulet,  du  gibier,  des  débris  de  viande 
eniin,  vous  n'avez  qu'à  hacher  proprement  ces  restes,  et  il 
existe  des  instruments  pour  cela,  jusqu'à  ce  que  le  tout  opère  un 
mélange  complet;  vous  achetez  alors  de  la  chair  à  saucisses, 
un  cinquième  par  exemple  relativement  à  ce  que  vous  avez 
d'autre  viande,  et  vous  la  pousjez  à  part  jusqu'à  une  demi- 
cuisson;  puis,  dans  la  même  casserole,  vous  versez  le  reste  de 
votre  hachis,  vous  mettez  un  morceau  de  beurre  frais,  vous  tour- 
nez le  tout  sur  le  feu,  non  -  seulement  jusqu'à  ce  qu'il  y  ait 
mélange,  mais  assimilation  des  viandes;  salez  et  poivrez;  au 
fur  et  à  mesure  que  le  hachis  épaissira  par  trop,  ajoutez  une 
cuillerée  ou  deux  de  consommé,  joîgnez-y  une  pincée  de  poivre 
de  Cayenne,  goûtez-y  et  jugez  le  degré  de  saveur  auquel  vous 
devez  cesser  de  tremper  votre  mélange  de  bouillon. 

HARENG.  —  Tout  le  monde  connaît  le  hareng;  je  dirai 
même  qu'il  y  a  peu  de  personnes  qui  ne  l'aiment  pas  ;  vivant,  il 
est  vert  sur  le  dos,  blanc  sur  les  côtés  et  le  ventre;  mort,  le  vert 
du  dos  se  change  en  bleu;  c'est  le  fils  du  pôle;  depuis  le  lieu  de 
sa  naissance  jusqu'au  quarante-cinquième  degré  de  latitude,  on 
le  trouve  dans  toutes  les  mers,  formant,  à  partir  du  vingt-cinq 
juin  où  l'on  commence  à  apercevoir  en  Hollande  ce  qu'on  appelle 
V éclair  du  hareng ,  des  bancs  longs  et  larges  de  plusieurs 
lieues,  si   épais  que  les  poissons  qui  les  forment  s'étouffent  les 


630  HARENG. 


uns  les  autres  par  milliers  sur  les  bas-fonds;  parfois  les  filets 
qu'ils  remplissent,  trop  faibles  pour  soulever  un  tel  poids,  se 
déchirent  et  laissent  retomber  la  proie  déjà  moitié  prise;  comme 
la  colonne  de  feu  et  de  fumée  des  Hébreux,  on  peut  suivre  le 
jour  et  la  nuit  leur  émigration  :  la  nuit  par  l'éclat  phosphorescent 
qu'ils  répandent,  le  jour  par  les  bandeS  d'oiseaux  ichthyophages 
qui  les  suivent,  plongeant  de  temps  en  temps  et  remontant  avec 
un  éclair  d'argent  au  bec;  des  baleines,  des  requins,  des  mar- 
souins, des  bonites,  des  dorades  les  suivent,  mordent  à  même  du 
banc,  et  en  font  une  immense  consommation. 

Bloch  a  assuré ,  dit  Victor  Meunier,  que  dans  une  seule 
localité  de  la  Suède  on  en  pêche  annuellement  plus  de  sept  mil- 
lions ;  mais  la  fécondité  de  ce  poisson  compense  toutes  les  causes 
de  destruction  qui  s'attachent  à  lui;  on  a  compté  dans  une  seule 
femelle  soixante-six  mille  six  cent  six  œufs.  Ajoutons  que  Tpn 
Ion  compte  sept  femelles  pour  deux  mâles. 

La  pèche  du  hareng  est  la  plus  importante  de  toutes,  tandis 
que  la  pêche  de  la  morue  baisse;  et  que  le  Havre,  qui  a  envoyé 
jusqu'à  quarante  bateaux  à  la  pêche  de  la  morue,  n'en  avait 
envoyé  cette  année  qu'un  seul  ;  on  compte  huit  cent  mille  per- 
sonnes que  cette  branche  d'industrie  fait  vivre  ;  elle  rapporte  à 
l'Europe  près  de  quatre  millions  de  francs. 

C'est  un  nommé  Bruckalz  qui  a  inventé  l'art  de  fumer  les 
harengs. 

La  plus  belle  et  la  meilleure  espèce  de  harengs  frais  qu'on 
mange  à  Paris  est  celle  qui  nous  arrive  des  côtes  de  Normandie  ; 
nous  dirons  plus  loin  de  quelle  manière  on  peut  les  apprêter. 

Le  hareng  pec  et  nouvellement  salé  doit  toujours  venir  de 
Rotterdam,  de  Leawarde  ou  d'Enkhuisen,  en  Hollande;  on  le 
coupe  par  rouelles  et  on  le  mange  tout  cru ,  sans  lui  faire  subir 
aucun  autre  apprêt  que  celui  d'une  salade. 

Les  plus  beaux  harengs  saurs,  les  plus  grands,  les  plus 
charnus,  les  plus  dorés,  les  mieux  fumés  au  genièvre  sont  les 
saurets  de  Germuth,  en  Irlande. 

Presque  jamais  les  harengs  salés  ne  paraissent  sur  la  table 
des  maîtres  ;  mais  ils  sont^  dans  les  pays  où  ils  abondent,  d'une 
grande  utilité  pour  les  ouvriers  et  les  pauvres. 


HARENG.  62Î 


On  en  fait  alors  dans  certaines  provinces  une  fricassée  très- 
appétissante  et  confortable,  en  les  faisant  frire  en  petits  morceaux, 
sans  être  dessalés,  dans  du  saindoux  av6c  un  amas  de  poireaux 
crus  et  hachés,  que  Ton  mélange  avec  des  pommes  de  terre  de  la 
grosse  espèce  farineuse  que  Ton  a  fait  cuire  à  l'eau  bien  salée, 
avec  quelques  tiges  de  romarin. 

Le  hareng  frais  est  un  excellent  poisson  dont  on  ferait  le 
plus  grand  cas,  s'il  était  cher  et  s'il  était  rare;  il  faut  le  choisir 
avec  des  ouïes  rouges,  des  écailles  brillantes,  rebondi  du  côté  du 
ventre,  car  alors  il  est  plein,  mais  ce  n'est  guère  qu'à  la  fin 
d'août  ou  à  la  mi-septembre  qu'on  le  mange  dans  toute  sa  saveur. 

Il  subsistait  encore  au  xvi*  siècle  un  usage  assez  bizarre 
parmi  les  chanoines  de  la  cathédrale  de  Reims.  Le  mercredi 
saint,  après  les  ténèbres,  ils  allaient  processionnellement  à  Téglise 
de  Saint- Rémi,  rangés  sur  deux  files,  chacun  d'eux  traînant 
derrière  soi  un  hareng  attaché  à  une  corde.  Chaque  chanoine 
était  occupé  à  marcher  sur  le  hareng  de  celui  qui  le  précédait  et 
à  sauver  le  sien  des  surprises  du  suivant.  Cet  usage  extravagant 
ne  put  être  supprimé  qu'avec  la  procession. 

La  pèche  du  hareng  est,  comme  on  le  sait,  une  des  branches 
de  commerce  les  plus  productives  pour  l'Angleterre  qui  en 
exporte  surtout  beaucoup  en  Italie  pour  la  semaine  sainte.  Dans 
le  temps  que  le  pape  Pie  VII  fut  obligé  de  quitter  Rome  conquise 
par  les  Français  en  révolution,  le  comité  de  la  chambre  des 
communes,  à  Londres,  s'occupant  de  la  pèche  des  harengs,  un 
membre  fit  observer  que  le  pape  étant  chassé  de  Rome,  l'Italie 
allait  vraisemblablement  se  foire  protestante  :  —  (c  Dieu  nous  en 
préserve  !  s'écria  un  autre  membre.  —  Comment,  reprit  le  pre- 
mier, seriez-vous  fâché  de  voir  s'accroître  le  nombre  des  bons 
protestants?  —  Non,  répondit  l'autre,  ce  n'est  pas  cela,  mais 
s'il  n'y  a  plus  de  catholiques ,  que  ferons  -  nous  de  nos 
harengs >...  » 

Un  gascon  disait  que,  s'il  était  gouverneur  d'une  ville  ou 
d'une  place  assiégée,  il  tiendrait  bon  malgré  la  plus  cruelle 
famine.  —  «  Je  ne  suis  plus  surpris,  monsieur,  lui  dit  son  valet, 
si  vous  tenez  si  longtemps  table  quand  vous  n'avez  à  manger 
qu'un  hareng  saur.  » 


623  HARENG. 


Harengs  frais  {sauce  à  la  moutarde),  —  Prenez  douze 
harengs,  videz-les  par  les  ouïes,  écaillez-les^  essuyez-les,  mettez- 
les  sur  un  plat  de  faïence  ou  de  terre ,  versez  un  peu  d'Jmile 
dessus,  saupoudrez-les  de  sel  fin,  ajoutez  quelques  branches  de 
persil,  et  retournez-les  dans  cet  assaisonnement;  un  quart  dlieare 
avant  de  servir,  mettez-les  griller,  retournez-les  ;  leur  cuisson 
faite,  dressez-les  sur  votre  plat,  et  saucez-les  d'une  sauce  blanche 
au  beurre,  sauce  dans  laquelle  vous  aurez  mis  et  délayé  une 
grande  cuillerée  à  bouche  de  moutarde  non  bouillie  ;  vous  pouvez 
servir  vos  harengs  avec  une  sauce  grasse ,  et  si  vous  les  serves 
froids,  saucez-les  avec  une  sauce  à  l'huile  de  telle  .nature  que 
vous  jugerez  convenable. 

Harengs  frais  au  fenouil.  —  Fendez  vos  harengs  par  le 
dos,  frottez-les  de  beurre  tiède  et  de  sel,  avec  une  plume  ou  uii 
pinceau;  enveloppez-les  de  fenouil,  faites-les  griller,  puis  servez- 
les  avec  une  sauce  rousseoii  vous  ajouterez  une  poignée  de  fines 
tiges,  et  de  feuilles  de  fenouil  que  vous  aurez  fait  blanchir  au  vifl 
blanc,  et  hachées  fin. 

Caisse  de  laitances  de  harengs.  —  Prenez  les  laitances  d'une 
trentaine  de  harengs,  faites-les  blanchir,  et  égouttez-les  ;'  mettez 
un  morceau  de  beurre  dans  une  casserole,  avec  champignons; 
persil,  échalotes  et  ciboules  hachés  très -fin;  sel,  poivre  et  fines 
épices  ;  passez  ces  fines  herbes  légèrement  sur  le  feu,  ajoutez-y 
vos  laitances;  faites-les  mijoter  un  instant  dans  cet  assaisonne- 
ment; vous  aurez  fait  une  caisse  ronde  ou  carrée,  dans  laquelle 
vous  aurez  étendu  au  fond  un  gratin,  soit  gras,  soit  maigre,  de 
l'épaisseur  d'un  demi-travers  de  doigt;  huilez  le  dessus  de  votre 
caisse  et  le  dehors,  mettez-la  sur  le  gril,  posez  ce  gril  sur  une 
cendre  chaude;  faites  cuire  ainsi  ce  gratin;  un  instant  avant  de 
servir  mettez  vos  laitances  dans  cette  caisse,  dégraissez-la,  dres- 
sez-la, saucez-la  d'une  espagnole  réduite,  dans  laquelle  voui 
aurez  exprimé  le  jus  d'un  citron  et  servez. 

Harengs  frais  en  matelote.  —  Mettez  vos  harengs  dans  une 
casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  persil,  champig'nons, 
ciboules,  une  pointe  d'ail  avec  deux  bons  verres  de  vin  de  Bour- 
gogne ou  de  Bordeaux^  sel,  poivre,  poussez-les  à  grand  feu,  ser- 
vez-les à  courte  sauce,  et  garnissez  de  croûtons  frits. 


HARENG.  623 


Harengs  pecs  pour  hors-d'œuvre,  —  Lavez  une  douzaine 
de  harengs,  coupez-leur  la  tète^  la  queue  et  les  nageoires, 
dépouillez-les,  mettez-les  dessaler  dans  mi-lait  et  mi-eau  ;  lors- 
qu'ils seront  à  leur  point,  égouttez-les,  mettez-les  sur  une  assiette 
avec  des  tranches  d'oignons  et  de  pommes  de  reinette  crues;  ser- 
vez-les enfin  avec  une  marinade  ou  une  vinaigrette  bien  battue, 
et  mêlez  de  cresson  alénois. 

Harengs  saurs,  —  Prenez  cinq  ou  six  de  ces  harengs, 
essuyez-les;  coupez-leur  la  tête  et  le  bout  de  la  queue,  fendez- 
leur  les  vertèbres  de  la  tète  à  la  queue,  ouvrez-leur  le  dos  ; 
mettez-les  sur  un  plat  de  faïence,  arrosez-les  d'huile,  laissez-les 
y  mariner  un  instant;  mettez-les  sur  le  gril,  retournez-les,  lais- 
sez-les cinq  minutes  à  peine  sur  le  feu,  dressez-les  sur  une 
assiette  et  servez-les. 

Harengs  saurs  à  la  Sainte^Ménehould.  —  Dessalez-les  dans 
la  crème,  faites-les  cuire  vingt  minutes  dans  une  sainte-méne- 
hould  que  vous  aurez  composée  ainsi  :  mettez  dans  une  casserole 
30  grammes  de  beurre  manié  de  farine  et  de  lait,  du  persil,  de 
la  ciboule,  de  l'ail,  du  thym,  du  laurier,  du  basilic^  un  peu  de 
poivre;  faites  bouillir  et  tournez  toujours;  mettez-y  les  harengs, 
faites-les  cuire,  trempez-les  dans  du  beurre  fondu,  passez-les  et 
faites-leur  prendre  couleur  sous  un  four  de  campagne,  dressez- 
les  sur  une  rémoulade  à  l'huile  verte. 

Préparation  du  .hareng  saur^  pour  en  faire  plus  tard  bon 
emploi.  ^-  Faites  dessaler  dans  du  lait,  et  faites  ensuite  griller 
de  beaux  harengs  saurs  d'Irlande;  laissez-les  refroidir,  et  levez- 
en  les  filets  dont  vous  vous  servirez  plus  tard  pour  en  faire  des 
sandwichs  ou  tartines  au  beurre  frais,  pour  en  garnir  des  bateaux 
de  hors-Hi'œuvre  en  les  assaisonnant  avec  de  l'huile  fine  et  du  jus 
de  bigarade,  pour  en  couvrir  des  litières  de  nouilles  ou  de 
lazagne  au  beurre  ainsi  que  des  purées  de  pommes  de  terre,  de 
marrons,  de  patates  d'Espagne,  de  haricots  blancs  à  la  crème  ; 
pour  en  faire  un  gros  hachis  dont  vous  assaisonnerez  des  omelettes 
à  l'huile  ou  des  œufs  brouillés  en  y  mêlant  des  olives  picholines 
tournées,  de  la  crème  de  Sotteville  à  demi-sel,  et  un  peu  de 
brou  de  noix  ;  il  en  résulte  un  plat  d'entrée  qui  n'est  dépourvu 
ni  de  sapidité  ni  de  distinction. 


624  HARICOTS. 


Recette  de  Tauteur  des  Mémoires  de  la  marquise  de 
Créquy, 

HARICOT  DE  MOUTON.  —  On  ignore  le  temps  auçpiel 
remonte  ce  ragoût  plébéien  dont  les  deux  éléments  doivent  être 
des  morceaux  de  poitrine  de  mouton  et  des  haricots  rouges, 
ce  qui  nous  est  prouvé  par  une  comédie  de  Jodelle  et  par  un  pas- 
sage de  Cyrano  de  Bergerac  ;  depuis,  Tun  des  deux  ingrédients  a 
été  détrôné  par  les  navets. 

Les  navets  ont  fait  leur  quatre-vingt-treize  et  les  haricots 
rouges  ont  eu  leur  vingt  et  un  janvier.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici 
comment  se  confectionne  aujourd'hui  ce  plat  révolutionnaire  : 

Coupez  le  mouton  par  morceaux,  faites-le  roussir  avec  très- 
peu  de  farine,  faites  revenir  dans  une  autre  casserole  navets, 
pommes  de  terre,  oignons  ;  versez  du  bouillon  de  manière  que 
le  tout  baigne  ;  faites  cuire  à  très-petit  feu  ;  et  mettez-y  de  l'ail 
plus  ou  moins,  selon  votre  goût. 

(Recette  de  Madame  la  comtesse  Dash.) 

Haricot  de  mouton  Vuillemot.  —  Il  se  fait  à  l'eau  ;  laissez 
suer  le  mouton  avec  deux  verres  d'eau  ;  laissez  réduire  ;  singez 
avec  de  la  farine  et  assaisonnez  :  sel,  poivre,  un  bouquet  de  persil, 
deux  pointes  d'ail,  thym.,  laurier;  mouillez  à  l'eau  ;  laissez  cuire  ; 
passez  à  la  poêle,  navets,  oignons  ;  faites  blondiner  le  tout  avec 
un  peu  de  sucre  et  sel  fin  dans  de  la  bonne  graisse  ;  ajoutez  ces 
légumes  à  ce  ragoût;  joignez-y  vos  pommes  de  terre;  tournez 
aussitôt  la  cuisson  faite  ;  dégraissez  et  servez  bien  chaud. 

HARICOTS.  —  On  mange  les  haricots  de  trois  manières,  et 
à  trois  époques  de  leur  développement.  Avant  leur  maturité,  on 
les  mange  avec  la  gousse,  on  les  appelle  alors  haricots  verts;  un 
peu  avant  la  maturité  on  en  mange  les  graines  encore  tendres, 
on  les  nomme  alors  flageolets  ;  enfin  on  fait  une  grande  consom- 
mation de  leurs  graines  desséchées,  et  qui,  de  quelque  part  qu'elles 
viennent,  prennent  impudemment  le  nom  de  haricots  de  Soissons. 
Comme  je  suis  du  département  de  l'Aisne,  c'est  à  moi  de  faire 
valoir  mes  compatriotes;  et  en  effet,  jusqu'à  mon  dernier  voyage 
en  Asie,  j'avais  déclaré  que  les  haricots  de  Soissons  étaient  les 
premiers  haricots  du  monde;  mais  j'ai  été  forcé  de  reconnaître 
que  les  haricots  de  Trébizonde  leur  étaient  supérieurs. 


HARICOTS.  625 


Mais  de  Trëbîzonde  ou  de  Soissons,  les  haricots  ont  un  grave 
inconvénîent  ;  il  y  a  des  eaux  dans  lesquelles  ils  s'obstinent  à  ne 
pas  cuire;  il  faut  alors  que  la  science  lutte  avec  la  nature;  faites 
en  ce  cas  un  petit  nouet  de  cendre  de  bois  neuf  dans  Teau  de 
leur  cuisson, ou,  mieux,  un  peu  de  carbonate  de  soude;  le  haricot 
le  plus  réfractaîre  se  reconnaîtra  vaincu. 

Haricots  verts  à  la  crème.  —  Passez  vos  haricots  au  beurre 
dans  la  casserole  ou  avec  du  lard;  quand  ils  ont  un  peu  bouilli, 
assaisonnez-les  de  sel,  mettez  un  paquet  de  ciboules  et  de  persil  ; 
étant  presque  cuits,  mettez-y  de  la  crème  fraîche,  ou  du  lait 
délayé  avec  des  jaunes  d'œufs,  servez-les  ensuite  pour  hors- 
d'œuvre  d'entremets;  on  peut  y  ajouter  du  sucre. 

Haricots  à  ta  bonne  fermière.  —  Prenez  des  haricots  fort 
tendres,  rompez-en  les  petits  bouts  et  jetez-les,  lavez  les  cosses, 
et  faites-les  cuire  dans  de  Teau;  quand  ils  sont  cuits,  mettez 
dans  la  casserole  un  morceau  de  beurre,  de  persil  et  de  ciboule 
hachés;  quand  le  beurre  est  fondu,  mettez-y  les  haricots  après 
leur  avoir  fait  faire  deux  ou  trois  tours  sur  le  feu;  ajoutez-y  une 
pincée  de  farine,  de  bon  bouillon  et  du  sel;  faites-les  bouillir 
jusqu'à  ce  qu'ils  aient  absorbé  presque  Joute  leur  sauce;  quand 
on  est  prêt  à  les  servir,  mettez-y  une  liaison  de  trois  jaunes 
d'oeufs  délayés  avec  du  lait,  et  ensuite  un  filet  de  verjus  ou  de 
vinaigre;  quand  la  liaison  est  prise,  servez-les  comme  entre- 
mets. 

Haricots  verts  au  blanc.  —  Otez-en  les  filets  ;  s'ils  sont  trop 
gros,  coupez-les  en  deux,  dans  leur  longueur,  faites-les  cuire 
avec  de  l'eau,  du  sel,  du  beurre;  quand  ils  sont  cuits,  égouttez- 
les;  les  passez  avec  du  beurre,  persil,  ciboules  hachées;  saupou- 
drez-les, et  les  mouillez  de  mitonnage,  quand  ils  sont  cuits, 
liez-les  avec  de  la  crème  et  des  jaunes  d'œufs,  un  jus  de  citron 
et  servez. 

Haricots  verts  au  roux.  —  Après  les  avoir  fait  cuire  dans 
l'eau,  mettez  suer  une  tranche  de  jambon;  quand  elle  a  sué, 
mettez  dans  la  même  casserole  un  morceau  de  beurre,  persil, 
ciboules  hachées  et  les  haricots  ;  passez  le  tout  ensemble,  mouil- 
lez de  bouillon  et  de  coulis,  assaisonnez  de  sel  et  poivre  ;  faites 
cuire  le  tout  une  bonne  heure  ;  il  faut  que  la  sauce  ne  soit  pas 

40 


6a6  '     HARICOTS. 


trop  claire,  servez-les  comme  entremets  ou  pour  garnir  quelques 
entrées. 

Haricots  tout  à  fait  à  l'anglaise.  —  Blanchissez,  faites  cuire 
vos  haricots  qui  devront  conserver  un  ton  vert  clair,  passez-les, 
dressez  vos  haricots  dans  le  plat  sur  du  beurre,  garnissez  de 
persil  et  servez  le  plat  chaud. 

Haricots  verts  à  la  bretonne.  —  Meittez  vos  haricots  à  la 
casserole  avec  des  oignons  coupés  en  petits  carrés  et  un  morceau 
de  beurre.  Faites  roussir  vos  oignons  au  fourneau,  mouillez-les 
avec  du  consommé,  puis  avec  du  bouillon  quand  ils  seront  roux. 
Salez,  poivrez,  faites  cuire  et  réduire;  mettez-y  vos  haricots  et 
laissez  mijoter  un  peu  moins  d'une  demi-heure. 

Haricots  verts  à  la  lyonnaise.  —  Coupez  des  oignons  en 
croissant,  mettez-les  dans  une  poêle  avec  de  Thuile  ;  joignez  vos 
haricots  à  votre  oignon  roussi.  Faites  frire  avec,  saupoudrez  de 
persil  et  de  ciboule;  salez,  poivrez,  et  après  deux  tours  de  poêle, 
dressez  avec  un  filet  de  vinaigre. 

Haricots  verts  en  salade.  —  Faites  blanchir,  cuire,  et  égout- 
ter  vos  haricots;  mettez-les  dans  un  saladier;  garnissez-les  de 
quelques  filets  d'anchois,  de  quelques  oignons  cuits  dans  la 
cendre,  des  betteraves,  des  fournitures  hachées;  en  outre,  assai- 
sonnez-les de  sel,  gros  poivre,  huile  et  vjnaigre,  et  servez-les. 

Haricots  verts  et  blancs  à  la  maître  d'hôtel.  —  Faites-les 
cuire  à  Teau  de  sel,  égouttez-les  ;  et  arrosez  d'un  morceau  de 
beurre  manié  de  fines  herbes,  salez,  poivrez,  etc.,  et  servez. 

Haricots  verts  et  blancs  à  la  provençale.  —  Faites  d'abord, 
dans  une  casserole,  une  préparation  se  composant  de  quelques 
cuillerées  d'huile  avec  des  câpres,  des  filets  d'anchois,  une  pointe 
d'ail  et  des  rocamboles  piles;  versez-y  des  haricots  cuits  à  l'eau 
de  sel,  assaisonnez  avec  persil  et  ciboules,  sel  et  gros  poivre, 
sautez-les  pendant  quelques  instants,  versez-les  dans  leur  plat, 
et  arrosez  d'un  filet  de  vinaigre  qui  aura  bouilli  dans  la  casse- 
role des  haricots. 

Haricots  blancs  nouveaux.  —  Lavez  et  mettez  dans  une 
marmite  avec  de  l'eau  et  du  beurre  vos  haricots  fraîchement 
écossés;  écumez,  laissez  mijoter  et,  à  moitié  de  leur  cuisson, 
versez  un  verre  d'eau  fraîche;  laissez  achever  de  cuire  et,  leur 


HARICOTS.  6*7 


cuisson  terminée,  mettez  dans  une  casserole  400  grammes  de 
beurre  avec  persil  et  ciboules,  sel  et  poivre  ;  faites  égoutter  vos 
haricots  et  jetez-les  dans  leur  assaisonnement  ;  sautez-les,  faites 
qu'ils  se  lient,  et  finissez-les  avec  un  filet  de  verjus,  ou  le  jus 
d'un  citron. 

Haricots  au  lard  à  la  villageoise.  —  Il  est  à  savoir  que 
MM.  Descars  de  Livry,  de  Cussy,  d'Aigrefeuille,  de  la  Reynière 
et  autres  hommes  d'expérience  ont  toujours  dit  à  l'unisson  que 
c'était  la  meilleure  manière  de  manger  les  haricots. 

Commencez  par  avoir  un  bon  estomac,  et  munissez-vous 
d'un  bon  appétit.  Quand  on  n'est  pas  malade,  on  n'en  manque 
jamais  que  par  le  défaut  de  continence  alimentaire,  ou  le  défaut 
d'exercice.  Levez-vous  de  bonne  heure  et  sortez  à  jeun  par  un 
beau  temps  :  promenez-vous  à  cheval  ou  trottez  à  pied  ;  mais  on 
doit  penser  que  vous  vous  portez  assez  bien,  puisque  vous  lisez 
des  livres  de  cuisine;  ainsi  donc  faites  cuire  environ  deux  litrons 
de  gros  haricots  blancs  avec  un  kilo  de  bon  petit  lard;  cou- 
pez ce  lard  en  tranches,  et  que  tous  les  morceaux  en  soient  éga- 
lement entrelardés;  n'y  mettez  que  la  quantité  d'eau  néces- 
saire, afin  de  ne  rien  devoir  ajouter  ni  retrancher  pendant  leur 
cuissoq.  Tout  l'aqueux  et  tout  l'onctueux  de  ce  mouillement 
doivent  se  trouver  absorbés  par  ces  farineux,  de  manière  à  ce 
qu'ils  soient  infiniment  cuits  et  parfaitement  bien  liés  sans  être 
en  bouillie;  c'est  là  toute  l'affaire.  C4  buon  corriere  forte  mines- 
tra,  dit  Jean  de  Milsiti,  {Dictionnaire  général  de  la  cuisine  fran- 
çaise.) 

Haricots  de  Soissons  à  la  moelle.  —  Faites  cuire  vos  hari- 
cots à  l'eau  de  pluie  filtrée,  sautez-les  avant  de  les  laisser  refroi- 
dir avec  cinq  ou  six  onces  de  moelle  fraîche  et  nouvellement 
fondue;  poivrez  d'une  forte  pincée  de  mignonnette;  et  mêlez-y, 
quelques  moments  avant  de  servir,  des  grains  de  verjus  épepinés 
et  blanchis  à  l'eau  salée. 

Haricots  rouges  à  la  bourguignonne.  —  Prenez  des  haricots 
rouges  de  l'espèce  cardinale,  faites-les  cuire  dans  un  bouillon  de 
racines  avec  un  morceau  de  beurre  frais,  un  bouquet  aromatique, 
oignons  et  girofle,  qu'on  retirera  après  vingt  minutes  d'ébuUi- 
tion.  Ajoutez  un  quart  de  litre  de  vin  rouge  avec  une  pincée  de 


i 


6a8  HERBES.. 


poivre  ;  garnissez  de  petits  oignons  glacés  et  servez.  Ou  bien 
encore  garnissez  votre  plat  avec  des  queues  d'écrevisses  ou  des 
rissoUes  de  poissons,  des  laitances  de  carpes  ou  de  harengs^  des 
huîtres  marinées,  ou  des  moules  frites. 

Haricots  grains  de  ri^  à  la  crème,  —  Faites  cuire  vos  hari- 
cots à  Teau  de  sel,  avec  un  peu  de  beurre,  et  assaisonnez*les  de 
muscade;  lorsqu'ils  seront  à  peu  près  cuits,  ajoutez-y  de  la  crème 
double  pour  les  étancher;  saupoudrez  de  croquants,  de  céleri 
frits  et  égouttés  et  servez. 

Haricots  de  Soissons  au  beurre  de  piment,  —  Cuits,  et  s'il 
est  possible  avec  de  l'eau  de  pluie  filtrée,  vous  les  faites  sauter 
avec  un  morceau  du  meilleur  beurre  que  vous  pouvez  vous  pro- 
curer ;  du  moment  oti  ils  sont  sautés,  ils  ne  doivent  plus  bouillir, 
attendu  qu'en  bouillant  le  beurre  perdrait  les  trois  quarts  de  son 
bon  goût  de  crème  fraîche  ;  vous  y  joindrez  quelques  grains  de 
poivre  de  Cayenne  en  poudre. 

Haricots  grains  de  ri{  à  ^intendance.  — '-  Faites-les  crever 
à  l'eau  de  sel,  mettez-y  de  la  moelle,  avec  un  peu  de  sel  et  de 
muscade;  au  lieu  de  crème  versez-y  un  verre  de  vin  de  Madère, 
garnissez  avec  des  croûtons  grillés  qu'on  a  trempés  dans  le  même 
vin  légèrement  salé  et  épicez  de  muscade  râpée. 

Purée  de  haricots  blancs,  —  Foncez  et  garnissez  avec  cette 
purée,  assaisonnée  au  fumet,  les  entrées  ou  les  hors-d'œuvre 
chauds. 

La  purée  de  haricots  blancs  pour  entremets  se  prépare  à  la 
crème;  on  l'assaisonne  de  muscade,  on  y  mêle,  à  l'instant  de 
servir,  de  petits  filets  de  persil  bien  frits  et  bien  croustillants. 

Purée  de  haricots  rouges.  —  Mêlée  aux  bisques  et  au  coulis 
d'écrevisses  et  garnissant  des  potages,  on  la  prépare  au  bouillon 
gras. 

HERBES.  —  Les  vingt-huit  herbes  qui  servent  pour  la  cui- 
sine sont  divisées  en  herbes  potagères,  en  herbes  d'assaisonne- 
ments et  en  herbes  de  fourniture  à  salade. 

Les  herbes  potagères  sont  au  nombre  de  six. 

C'est  à  savoir  :  l'oseille,  la  laitue,  la  poirée,  Tarroche,  Tépi- 
nard  et  le  pourpier  vert. 

Les  herbes  d'assaisonnement  sont  au  nombre  de  dix  :  le  persil. 


.HOCCO.  639 

Testragon,  la  cive,  la  ciboule,  la  sarriette,  le  fenouil,  le  thym,  le 
basilic,  et  la  tanaisie. 

Les  herbes  de  fournitures  à  salade  ou  fines  herbes  sont  au 
nombre  de  douze  :  le  cresson  alénois,  celui  de  fontaine,  le  cer- 
feuil, Testragon,  la  pimprenelle,  la  perce-pierre,  la  corne  de 
cerf,  le  petit  basilic,  le  pourpier,  les  cordioles  de  fenouil,  le 
thym,  le  jeune  baume  et  la  ciboulette. 

HOCCO,  —  Oiseau  de  la  grosseur  d'un  petit  dindon  et  qui 
vit  à  l'état  sauvage  dans  les  bois  de  l'Amérique  du  Sud.  Les 
hoccos  sont  d'une  nature  très-douce  ;  ils  se  réunissent  en  troupes 
nombreuses  dans  de  vastes  forêts,  où  ils  se  nourrissent  de  fruits 
et  de  jeunes  bourgeons;  cet  oiseau  est  monogame;  quand  les 
femelles  ne  sont  pas  appariées,  elles  recherchent  les  caresses 
du  premier  mâle  qu'elles  rencontrent,  et  elles  pondent  leurs  oeufs 
au  premier  endroit  venu  et  sans  avoir  même  préparé  un  nid  ;  le 
plus  souvent  le  soir,  quand  elles  sont  perchées.  Celles  au  con- 
traire qui  sont  en  puissance  d'un  mâle  pondent  toujours  dans 
un  nid,  qu'en  galant  époux  et  en  père  prévoyant,  ce  dernier  a 
préparé  à  l'avance. 

Je  dois  ajouter,  dit  M.  Pomme,  dans  une  lettre  adressée  à 
M.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  qu'il  est  rare,  en  France  du  moins, 
que  les  femelles  se  livrent  à  l'incubation;  sur  toutes  celles  que  j'ai 
pu  obtenir,  une  seule  à  voulu  couver.  Cinq  seulement  ont  donné 
des  œufs.  La  sixième  s'est  accouplée  pendant  plusieurs  années; 
elle  recherchait  le  mâle,  mais  jamais  elle  n'a  donné  d'œufs.  Les 
femelles  qui  arrivent  restent  froides  et  insensibles  pendant  la  pre- 
mière année  de  leur  importation.  A  la  seconde  année,  elles  s'ac- 
couplent, mais  pondent  rarement,  ou  bien  elles  donnent  des 
œufs  sans  coquilles.  A  la  troisième,  la  cqquille  existe,  mais  fra- 
gile et  imparfaite.  Ce  n'est  guère  qu'à  la  quatrième  que  cette 
imperfection  disparaît  complètement.  Chaque  femelle  fait  trois 
pontes  par  an  lorsqu'elle  ne  couve  pas  ;  si  elle  couve,  elle  n'en 
lait  qu'une  vers  la  fin  du  mois  d'avril  ou  au  commencement  de 
mai.  L'incubation  dure  de  trente  et  un  à  trente-deux  jours; 
les  pontes  ont  été  chez  moi  de  deux  œufs  quelquefois,  mais  rare- 
ment de  trois. 

Le  hocco  s'apprivoise  facilement  ;  on  en  trouve  dans  les  rues 


630  HOCHEPOT. 


de  Cayenne  qui,  avec  leur  bec,  heurtent  aux  portes  pour  entrer; 
ils  tirent  par  l'habit,  suivent  leur  maître,  et  si  on  les  empêche, 
ils  l'attendent  et  lui  expriment  de  la  joie  en  le  revoyant  ;  leur 
démarche  est  fière  et  grave ,  leur  vol  bruyant  et  lourd  ;  ils  font 
entendre  un  cri  aigu  et  produisent  aussi  quand  ils  marchent  sans 
inquiétude  une  espèce  de  bourdonnement  sourd  et  concentré, 
une  sorte  de  ventriloquie  qui  consiste  sans  doute  dans  la  solidité 
des  anneaux  de  la  trachée  artère  et  dans  le  repli  qu'elle  fait  sur 
elle-même  avant  d'entrer  dans  la  poitrine. 

Le  général  Lafayette  fit  venir  deux  de  ces  gallinacés, 
qui  s'acclimatèrent  parfaitement  aux  environs  de  Paris.  On  les 
déposa  dans  un  grand  poulailler  fermé,  en  compagnie  de  poules 
nombreuses,  et  ils  prirent  en  peu  de  temps  les  habitudes  de  la 
localité.  On  les  voyait  accourir  aux  heures  où  le  repas  était  offert 
aux  canards,  aux  dindes,  aux  poules  et  aux  pintades;  ils  se 
mêlaient  à  ces  nombreux  commensaux,  prenaient  leur  part  de  la 
pâture,  distribuaient  des  coups  de  bec  aux  plus  proches  voisins, 
ou  étaient  bourrés  eux-mêmes  par  quelque  coq  jaloux  de  main- 
tenir les  privilèges  anciens  de  ses  odalisques  et  furieux  de  voir 
ces  intrus  non-seulement  pénétrer  dans  son  sérail,  mais  encore 
venir  partager  sa  nourriture.  Ce  qui  n'empêcha  pas  les  jeunes 
hoccos  de  grandir  et  de  se  développer  à  merveille  sous  l'influence 
des  beaux  jours  de  la  saison  d'été. 

La  chair  des  hoccos  est  blanche,  tendre  et  savoureuse. 
Quand  le  sujet  est  jeune  et  s'il  a  été  bien  nourri,  s'il  est  bien 
apprêté,  nos  fins  gourmets  le  préfèrent  au  dindonneau,  au  jeune 
paon,  à  la  pintade;  on  le  fait  rôtir  comme  cette  dernière,  après 
l'avoir  vidé  et  bridé  ;  on  le  pique  avec  du  lard  et  on  le  fait  cuire  à 
la  broche  pendant  une  heure  environ,  en  l'arrosant  de  temps  en 
temps  avec  du  beurre  ou  du  saindoux,  puis  on  le  sert  avec  le 
fond  de  la  lèchefrite,  mêlé  avec  un  peu  de  glace  fondue  et  passée 
au  tamis. 

HOCHEPOT.  —  Prenez  une  queue  de  bœuf,  coupez-la 
en  morceaux  de  deux  pouces  de  long  sur  autant  de  large; 
faites-les  dégorger  et  blanchir;  garnissez  une  braisîère,  avec 
des  tranches  de  bœuf;  mettez-y  ensuite  les  morceaux  de 
queue  que  vous  venez  de  couper  avec  des  carottes,  des  panais, 


HOMARD.  éyi 


des  salsifis,  quelques  navets,  des  scorsonères,  des  topinambours, 
trois  pieds  de  céleri,  et  douze  pommes  de  terre  violettes  ;  ajoutez 
un  morceau  de  jambon,  un  cervelas  et  enfin  une  douzaine  d'oi- 
gnons; mouillez  le  tout  avec  du  bouillon,  après  Tavoir  couvert 
avec  des  tranches  de  bœuf;  faites  feu  dessus,  feu  dessous  ;  votre 
appareil  étant  cuit,  levez  la  viande  et  les  légumes,  passez  le 
bouillon,  et  s'il  est  trop  long,  faites-le  réduire  ;  faites  dans  une 
autre  casserole  un  roux  peu  chargé  de  £irine,  ne  le  laissez  pas 
brunir,  mouillez-le,  avec  votre  fond  de  cuisson  dégraissé  et  bien 
assaisonné;  ajoutez-y  des  quatre  épices  avec  une  bonne  pincée 
de  persil  haché;  versez-le  sur  le  hochepot;  tenez  le  tout  chaude- 
ment, au  moment  de  servir,  dressez  les  morceaux  de  viande  avec 
tous  ces  légumes  dans  un  grand  plat  creux  et.s'il  peut  se  faire 
dans  un  vieux  vase  d'ancienne  faïence  ou  de  porcelaine  orien- 
tale. 

HOMARD.  —  (Article  où  Ton  traite  en  outre  du  carrelet 
sauce  normande,  du  poulet  à  la  ficelle,  etc.,  etc.). 

O  mer^  le  seul  amour  auquel  je  fus  fidèle. 

Ce  vers  de  Byron  peut  devenir  ma  devise,  et  j'aime  la  mer 
comme  une  chose  nécessaire  au  plaisir  et  même  au  bonheur  de 
notre  existence  ;  quand  il  y  a  quelque  temps  que  je  n'ai  vu  la  mer, 
je  suis  tourmenté  d'un  désir  irrésistible,  et,  sous  un  prétexte 
quelconque,  je  prends  le  chemin  de  fer  et  j'arrive  soit  à  Trou- 
ville,  soit  à  Dieppe,  soit  au  Havre.  Ce  jour-là,  je  m'étais  dirigé 
vers  Fécamp. 

A  peine  y  fus-je  arrivé  que  l'on  vint  me  proposer  une  partie 
de  pèche  pour  le  lendemain. 

Je  connais  ces  parties  de  pèche,  où  on  ne  pèche  rien,  mais 
où  on  achète  le  poisson  qui  fait  le  fond  du  diner  qui  succède  à 
la  pèche. 

Cette  -fois,  cependant,  contre  toutes  les  habitudes,  nous 
prîmes  deux  maquereaux  et  une  pieuvre,  mais  nous  achetâmes 
un  homard,  un  carrelet  et  une  centaine  de  crevettes. 

Une  marchande  de  moules  que  nous  rencontrâmes  sur  notre 
chemin  y  joignit  une  centaine  de  ces  bivalves. 


6^2  HOMARD. 


On  avait  longtemps  discuté  pour^savoir  chez  qui  Ton  ren- 
trerait et  chez  qui  par  conséquent  se  ferait  le  dîner» 

Enfin  le  choix  s'était  fixé  sur  un  grand  marchand  de  vins 
de  Fécamp  qui  avait  mis  sa  cave  tout  entière  à  notre  dispo- 
sition. 

Il  nous  assurait  en  route  que  sa  cuisinière  avait  mis  le  pot- 
au-feu  et  que  nous  trouverions  chez  lui  matière  à  deux  ou  trois 
plats  dont  sa  cuisinière  avait  dû  réunir  les  éléments  pour  son 
dîner. 

Mais  sa  cuisinière,  tout  cordon  bleu  qu'il  la  prétendit,  avait 
été  destituée  à  l'unanimité  et  j'avais  été  élu  à  sa  place.  Libre  à 
elle  de  conserver  le  titre  de  vice-cuisinière,  mais  à  la  condition 
qu'elle  ne  se  permettrait  aucune  opposition  contre  le  cuisinier 
en  chef. 

Maintenant,  que  les  maîtresses  de  maison  veuillent  bien 
entrer  avec  moi  dans  la  cuisine  admirablement  montée  comme 
batterie  et  ne  plus  perdre  aucun  détail  de  ce  qui  va  se  passer,  si 
elles  veulent  ajouter  deux  ou  trois  plats  inconnus  à  leur  liste 
culinaire. 

Comme  on  nous  l'avait  promis,  nous  trouvâmes  un  pot-au- 
feu  mijotant  depuis  dix  heures  du  matin,  ce  qui  lui  faisait  près 
de  huit  heures  de  cuisson. 

Avec  huit  heures  de  cuisson,  un  pot-au-feu  atteint  à  sa 
majorité. 

La  France,  je  l'ai  déjà  dit,  est  le  seul  pays  qui  sache  faire 
un  pot-au-feu,  et  encore  est-il  probable  que  ma  portière,  qui  n'a 
rien  à  faire  qu'à  soigner  le  sien  et  à  tirer  le  cordon,  mange  de 
meilleure  soupe  que  M.  de  Rothschild. 

Pour  en  revenir  à  notre  cuisinière,  elle  avait  donc  son  pot- 
au-feu  qui  mijotait,  deux  poulets  tout  plumés  qui  attendaient  la 
broche,  un  rognon  de  bœuf  ignorant  encore  à  quelle  sauce  il 
serait  mis,  une  botte  d'asperges  commençant  à  monter  en  graines, 

m 

puis  au  fond  d'un  panier,  des  tomates  et  des  oignons  blancs. 

Je  me  fis  étaler  le  tout  sur  la  table  de  cuisine,  je  demandai 
une  plume  et  de  l'encre,  et  je  présentai  à  ^approbation  de  mes 
convives  la  carte  suivante  : 


HOMARD. 


6^3 


Potage  aux  tomates  e^^aux  queues  de 

crevettes. 

Entrées, 

Homard  à  Taméricaine. 

Carrelet  sauce  normande. 

Maquereaux  à  la  maître  d*hdtel. 

Rognons  sautés  au  vin  de  Champagne. 

Rôts. 

Deux  poulets  à  la  ficelle. 

Poulpe  frit. 

Entremets» 

Tomates  à  la  provençale. 


(Eufs  brouillés  au  jus  de  rognon. 
Pointes  d'asperges. 
Cœurs  de  laitue  à  l'espagnole  ^  sans 
huile  ni  vinaigre. 

Dessert  de  frtiitSm 
Vins. 
Château -d'iquem,  Corton,  Pomard, 
Château-Latour. 

Café. 
Bénédictine.  Fine  Champagne. 


Je  présentai,  comme  je  l'ai  dit,  ce  menu  qui  fut  accueilli  avec 
un  hurrah  d'enthousiasme;  seulement  on  me  demanda  combien 
il  faudrait  de  temps  pour  un  pareil  diner. 

Je  demandai  une  heure  et  demie  qui  me  fut  accordée  avec 
étonnement.  On  avait  cru  qu'il  me  faudrait  trois  heures. 

Le  grand  talent  du  cuisinier  qui  veut  arriver  à  l'heure,  est 
de  faire  préparer  d'avance  et  d'avoir  sous  la  main  tous  les  acces- 
soires de  ses  plats. 

Ceci,  c'est  l'affaire  d'un  quart  d'heure. 

Maintenant,  comme  il  est  impossible  de  faire  marcher  avec 
la  plume  un  potage,  quatre  entrées,  deux  rôtis,  deux  entremets 
et  une  salade,  on  me  permettra  de  prendre  et  d'expliquer  mon 
service  plat  à  plat. 

Potage  aux  tomates  et  aux  queues  de  crevettes,  —  Allumez 
en  même  temps  deux  fourneaux,  mettez  sur  le  premier  :  eau 
salée  pour  vos  crevettes,  bouquet  assorti,  deux  tranches  de  citron; 
faites  bouillir  et  jetez  vos  crevettes  dans  l'eau  bouillante. 

Mettez  sur  le  second  douze  tomates  dont  vous  avez  exprimé 
l'eau,  quatre  gros  oignons  blancs  coupés  en  rouelles,  un  morceau 
de  beurre,  une  gousse  d'ail,  un  bouquet  assorti. 

Vos  crevettes  cuites,  retirez-les,  passez-les  dans  un  tamis, 
gardez  leur  eau,  faites  éplucher  vos  crevettes  et  mettez  les  queues 
à  part. 

Vos  tomates  et  vos  oignons  cuits,  passez-les  à  une  fine 
passoire,  remettez-les  sur  le  feu  avec  un  morceau  de  glace  de 
viande,  une  pincée  de  poivre  rouge  et  laissez  épaissir  en  purée. 

Puis  adjoignez  le  bouillon  en  portion  égale,  un  demi-verre 


634  HOMARD. 


de  Teau  dans  laquelle  vous  avez  fait  cuire  les  brevettes  ;  laissez  le 
tout  se  mélanger  en  bouillant;  au  troisième  ou  quatrième  bouil- 
lon, jetez-y  vos  queues  de  crevettes  et  votre  potage  est  feit. 

Inutile  de  dire  que,  quoique  je  donne  la  recette  de  chaqne 
chose  à  part,  il  faut  que  le  tout  marche  en  même  temps. 

Homard  à  l'américaine.  —  Parmi  les  différentes  méthodes 
de  préparer  le  homard  à  l'américaine,  nous  choisissons  la 
méthode  Vuillemot. 

Nous  réclamons  toute  l'attention  de  nos  lecteurs  et  surtout 
de  nos  lectrices,  le  plat  étant  très-compliqué. 

I®  Préparez  dans  une  casserole  deux  gros  oignons  coupés  en 
quatre,  un  bouquet  assorti,  deux  pointes  d'ail,  mouillez  le  tout 
avec  une  bouteille  de  bon  vin  blanc,  un  demi-verre  de  cognac 
ordinaire,  une  cuillerée  à  pot  de  bon  consommé,  sel,  mignon- 
nette  et  quelques  grains  de  bon  piment  d'Espagne.  Jetez  votre 
homard  dedans,'  une  demi-heure  de  cuisson  sufEt. 

Attendez  !  le  plus  difficile  reste  à  faire. 

2®  Laissez  refroidir  votre  crustacé  dans  sa  cuisson,  si  Ton 
n'est  pas  pressé  ;  moins  on  se  pressera,  mieux  ça  vaudra.  Enlevez 
la  chair  de  votre  homard  et  coupez-la  en  filets  avec  le  charnu 
des  pattes;  mettez  le  tout  dans  un  plat  à  sauce,  mouillez  avec  un 
peu  de  bouillon  dans  lequel  a  cuit  votre  homard,  couvrez-le 
d'une  feuille  de  papier  beurré  dessus,  et  placez  au  chaud  à 
l'étuve.  Attendez  pour  servir. 

3*  Prenez  huit  belles  tomates,  coupez-les  en  deux,  exprimez- 
en  la  partie  aqueuse,  que  vous  jetez  ;  beurrez  une  casserole  et 
couchez  vos  tomates  dessus,  assaisonnez  avec  sel,  mignonnette, 
un  peu  de  piment  et  beurre  frais  ;  mettez  au  four  ;  après  cuisson, 
laissez  le  tout  au  chaud. 

4**  Prenez  deux  gros  oignons,  coupez-les  en  dés,  pressez-les 
dans  un  torchon  afin  d'en  extraire  le  gluten;  faites  sauter  dans 
une  casserole  avec  un  peu  de  beurre,  laissez-les  blondiner^ 
ajoutez  une  cuillerée  à  bouche  de  farine;  mouillez  avec  la  moitié 
de  votre  cuisson  de  homard,  laissez  épurer  votre  sauce  sur  l'angle 
de  votre  fourneau,  réduisez  cette  sauce  de  moitié  en  y  ajoutant 
deux  fortes  cuillerées  de  tomates  en  purée;  rédïrisez  encore  d'un 
tiers  avec  de  la  glace  de  viande,  ensuite  passez  votre  sauce,  ajoutez 


k^ 


HOMARD.  63; 


un  peu  de  jus  de  citron,  une  noix  de  beurre  frais  et  attendez. 

5*  Prenez  enfin  le  corail  du  homard,  les  œufs  s'il  en  a  ;  pilez  le 
tout  avec  un  peu  de  beurre,  passez  au  tamis,  ajoutez  un  grain 
de  piment,  prenez  un  plat  à  légumes  ;  dressez  en  couronne  vos 
filets  de  homard,  vos  tomates  par-dessus,  versez  dans  le  puits, 
formé  par  vos  filets,  votre  beurre  de  homard,  glacez  avec  du  jus 
de  viande  et  servez. 

•  Ce  métis  étant  un  peu  compliqué  ne  peut  être  essayé  par  des 
praticiens  novices  ;  il  faut  des  cuisiniers  et  des  cuisinières  d'une 
certaine  force  pour  l'attaquer. 

Le  tour  du  carrelet  est  arrivé. 

Le  carrelet  est  un  poisson  à  chair  très-blanche,  très-courte, 
qui  tient  un  milieu  estimable  entre  la  sole  et  la  limande  ;  mais 
qui  s'efibrce  vainement  d'atteindre  la  saveur  de  la  première  et  la 
réputation  de  la  seconde. 

Carrelet  à  la  sauce  normande.  —  Mettez  votre  carrelet  sur 
un  plat  d'argent,  beurrez  le  plat,  assaisonnez  le  poisson  avec  sel, 
poivre,  un  verre  de  vin  blanc  et  mettez  au  four. 

Mettez  un  morceau  de  beurre  dans  une  casserole,  tournez-le 
jusqu'à  ce  qu'il  blondine;  un  peu  de  ferine.  Mouillez-le  avec  le 
beurre  et  le  vin  blanc  de  votre  carrelet  à  qui  vous  n'en  laissez 
que  juste  ce  qu'il  faut  pour  qu'il  ne  dessèche  pas  ;  réduisez  de 
moitié. 

Faites  cuire  une  trentaine  de  moules,  dix  ou  douze  champi- 
gnons. Jetez  le  jus  des  moules  dans  votre  sauce;  réduisez  le  tout 
de  moitié,  liez  avec  quatre  jaunes  d'œufs  et  un  demi-verre  de 
crème  fraîche,  rangez  autour  de  votre  carrelet  les  moules  et  les 
champignons  ;  versez  votre  sauce  dessus. 

Quelques  petits  morceaux  de  beurre  très-frais  çà  et  là, 
reposez  le  poisson  deux  minutes  au  four  et  servez. 

Quant  aux  maquereaux  à  la  maître  d'hôtel  et  aux  rognons 
sautés  au  vin  de  Bourgogne,  je  n'ai  rien  à  apprendre  à  personne 
sur  l'exécution  de  ces  deux  plats. 

C'est  l'A  B  C  de  la  cuisine. 

Seulement  faites  la  sauce  de  vos  rognons  un  peu  longue  et 
mettez«en  un  demi-verre  à  part,  au  moment  de  servir,  afin  que  la 
sauce  soit  aussi  complète  que  possible. 


636  HOMARD. 


Vous  allez  voir  pourquoi  tout  à  Theure. 

Poulets  à  la  Ficelle.  —  Jusiju'à  rexécution  de  mes  poulets  à 
la  ficelle,  j'avais  subi  les  observations  de  ma  vice-cuisinière;  mais 
arrivé  à  ce  moment  décisif,  l'observation  se  tourna  en  opposition. 

Comme  je  n'avais  pas  de  temps  à'  perdre,  je  menaçai  ma 
vice-cuisinière  d'un  coup  d'Etat  qui  tendrait  à  lui  faire  payer  ses 
gages  et  à  la  faire  mettre  immédiatement  à  la  porte. 

Cette  menace  eut  son  effet,  elle  obéit  passivement  et  cinq 
minutes  après,  mes  deux  poulets  tournaient  côte  à  côte,  comme 
deux  fuseaux. 

Mais  comme  j'ai  du  temps  aujourd'hui  pour  vous  dire  mes 
raisons  et  pour  vous  expliquer  la  supériorité  du  poulet  à  la 
ficelle  sur  le  poulet  à  la  broche,  écoutez-moi. 

Tout  animal  a  deux  orifices  :  l'orifice  supérieur  et  l'orifice 
inférieur  ;  et  le  poulet,  sous  ce  rapport,  est  l'égal  de  l'homme. 

Diogène  l'a  dit  deux  mille  quatre  cents  ans  avant  moi,  le 
jour  où  il  jeta  un  coq  plumé  sur  l'Agora  d'Athènes  en  criant  : 

—  Voilà  l'homme  de  Platon! 

Eh  bien,  il  faut  d'abord  boucher  un  de  ces  orifices,  le 
supérieur. 

Cet  orifice  se  bouche  à  la  manière  belge,  en  fourrant  la  tète 
de  la  volaille  dans  son  estomac  et  en  cousant  la  peau  par- 
dessus. 

Passons  au  second  orifice,  bien  plus  important  que  le  pre- 
mier, à  l'orifice  inférieur. 

Vous  en  avez  tiré,  quand  je  dis  vous  en  avez  tiré,  j6  veux 
dire  votre  cuisinière  en  a  tiré  les  intestins  et  le  foie,  elle  a  jeté 
les  intestins,  haché  le  foie  avec  des  fines  herbes,  ciboules  et  persil, 
elle  a  manié  le  tout  avec  un  morceau  de  beurre  et  à  la  place 
d'intestins,  désormais  non-seulement  inutiles,  mais  nuisibles,  elle 
lui  a  restitué  ce  hachis  destiné  à  le  parfumer. 

Maintenant  quel  doit  être  le  but  du  cuisinier?  de  conserver 
à  l'animal  qu'il  fait  cuire  la  plus  grande  quantité  de  jus  pos- 
sible. Or  si  vous  lui  passez  une  broche  en  long  et  pour  le  main- 
tenir une  brochette  en  large,  au  lieu  de  boucher  un  des  deux 
trous  que  la  nature  lui  a  faits ,  vous  lui  en  imposez  deux  autres 
par  lesquels  tout  son  jus  va  s'échapper. 


r 


HOMARD.  637 


Mais  si  au  contraire  vous  lui  liez  les  pattes  avec  une  ficelle, 
que  vous  le  suspendi^Jz  verticalement  avec  cette  ficelle,  l'orifice 
inférieur  en  Tair  et  Torifice  supérieur  bouché;  si  avec  d'excel- 
lent beurre  frais,  manié  de  sel  et  de  poivre,  vous  arrosez  votre 
poulet,  en  ayant  soin  de  verser  à  l'orifice  inférieur  avec  la  cuiller 
à  arroser,  alors  vous  avez  rempli  toutes  les  conditions  logiques 
pour  avoir  un  poulet  excellent;  il  ne  vous  reste  plus  qu'à  sur- 
veiller sa  cuisson  et  à  couper  la  ficelle  qui  le  soutient  quand  il 
se  fait  dans  la  peau  de  petites  ouvertures,  d'où  se  dégage  un  jet 
de  fumée. 

Déposez-le  alors  dans  son  plat  et  versez  sur  lui  le  jus  de  la 
lèchefrite. 

Que  jamais  surtout  une  goutte  de  bouillon  ne  se  mêle  au 
beurre  qui  doit  arroser  votre  poulet;  toute  cuisinière,  je  crois 
déjà  l'avoir  dit  quelque  part,  toute  cuisinière,  dis-je,  qui  met  du 
bouillon  dans  sa  lèchefrite,  mérite  d'être  mise  à  la  porte  ignomi- 
nieusement et  sans  miséricorde. 

Quant  à  la  pieuvre  frite,  c'est  simple  comme  le  premier 
poisson  venu,  merlan  ou  sole. 

Pieuvre  frite, — Coupez  par  morceaux,  roulez  dans  la  farine; 
glissez  dans  la  friture  bouillante,  tirez  à  point,  et  vous  aurez 
quelque  chose  de  pareil  à  de  l'oreille  de  veau  frite,  avec  un 
léger  goût  de  musc. 

Quant  aux  œufs  brouillés,  au  jus  de  rognons  et  aux  pointes 
d'asperges  et  aux  tomates  farcies  à  la  provençale,  c'est  l'enfance 
de  l'art. 

Vous  cassez  douze  œufs  dans  une  soupière  en  laissant  six 
blancs  seulement  pour  les  douze  œufs. 

Vous  y  mettez,  après  les  avoir  battus,  un  morceau  de  beurre, 
des  fines  herbes,  un  demi-verre  de  bouillon  (de  poulet  si  vous  en 
avez)  consommé,  votre  demi-verre  de  jus  de  rognons  que  vous 
avez  conservé  et  vous  abandonnerez  le  tout  aux  soins  de  la  cui- 
sinière qui  n'a  plus  qu'à  verser  dans  une  casserole,  mettre  la 
casserole  sur  le  feu  et  toutner. 

Recommandation  essentielle  :  servir  mollets,  les  œufs 
brouillés  continuant  de  cuire  dans  le  plat.  Quant  aux  tomates, 
vous  les  coupez  en  deux,  vous  en  faites  couler  l'eau  et  tomber 


638  HOMARD. 


les  graines,  vous  les  posez  côte  à  côte  dans  un  four  de  campagne, 
roùs  placez  au  centre  de  chacune  une  pyramide  se  composant 
d'un  hachis  de  poulet,  de  veau,  de  gibier  de  la  veille  si  vous  en 
avez,  et  de  champignons. 

Vous  versez  sur  le  tout  un  verre  d'huile  d'olive,  la  meilleure 
que  vous  pourrez  trouver;  puis  vous  parsemez  le  tout  de  sel,  de 
poivre,  de  persil  et  d'ail  hachés  ensemble;  vous  ajoutez  une 
pointe  de  piment;  vous  faites  cuire  entre  deux  feux,  en  arrosant 
trois  ou  quatre  fois  vos  pyramides  de  viande  avec  Thuile  dans 
laquelle  cuisent  vos  tomates. 

Quant  à  notre  salade  de  cœurs  de  laitues,  sans  huile  ni 
vinaigre,  c'est  un  souvenir  de  notre  voyage  en  Espagne. 

En  Espagne,  le  vinaigre  ne  sent  rien,  mais  en  échange  l'huile 
infecte. 

Impossible,  par  conséquent,  de  manger  de  la  salade  quand 
la  chaleur  du  ciel  et  la  sécheresse  de  l'air  vous  donnent  les  appé- 
tences les  plus  violentes  vers  l'herbe  fraîche. 

Eh  bien,  nous  avions  remédié  à  cela  en  remplaçant  l'huile 
par  des  jaunes  d'œufs  et  le  vinaigre  par  du  citron. 

Ce  mélange,  suffisamment  soutenu  de  sel  et  de  poivre,  nous 
donnait  une  salade  exquise  dont  nous  avions  fini  par  préférer  la 
saveur  à  nos  salades  de  France. 

Au  bout  d'une  heure  et  demie  ^  le  dîner  était  sur  la 
nappe;  seulement,  quatre  heures  après  nous  étions  encore  à 
table  ! 

Aussi  quelle  réputation  ai-je  laissée  à  Fécamp,  et  comme) y 
fus  reçu  lorsque  j'y  arrivai  la  dernière  fois  que  j'y  allai. 

Permettez-moi  d'ajouter  encore  une  recette  qui  pourrait 
parfaitement  venir  après  celles  ci-dessus  sans. y  être  déplacée  : 
celle  des  œufs  brouillés  aux  queues  de  crevettes. 

Prenez  douze  œufs  que  vous  cassez  et  dont  vous  mettez  dans 
un  saladier  tous  les  jaunes  et  huit  blancs  seulement,  les  blancs  trop 
nombreux  ôtant  de  la  délicatesse  au  plat. 

Faites  bouillir  dans  une  casserole  à  part,  les  corps  de  vos 
crevettes  en  y  versant  un  verre  de  vin  de  Chablis. 

Faites  prendre  deux  ou  trois  bouillons  et  versez  ensuite  le 
tout  dans  un  mortier  pour  en  faire  une  purée  que  vous  passez  a 


HOMARD.  639 


1 

travers  un  tamis  fin  pour  en  enlever  le  moindre  morceau  de  cara- 
pace. 

Délayez  cette  espèce  de  bouillie  dans  vos  œufs  salés  et  poi- 
vrés d'avance  et  légèrement  guillochés  de  ciboules  et  de  persil 
hachés  très-fin. 

Joignez-y  ensuite  les  queues  de  vos  crevettes  que  vous  battez 
avec  les  œufs  et  versez  le  tout  dans  une  poêle  beurrée  de  bon- 
beurre  frais,  faites  cuire  et  versez  ensuite  sur  un  plat  bien  adroi- 
tement. 

Voici  un  article  qui,  je  crois,  contient  beaucoup  de  cuisine, 
mais  ne  parle  pas  beaucoup  du  homard  ;  revenons  donc  à  cet 
intéressant  animal. 

Homard.  —  Le  homard  est  un  crustacé  fort  employé  dans 
la  cuisine.  La  langouste,  moins  savoureuse  que  le  homard,  est 
moins  prisée  que  lui.  On  en  fait  des  mayonnaises  dans  lesquelles 
on  hache  sa  chair,  et  qui  font  d'excellentes  sauces  blanches  pour 
manger  avec  le  bar  et  le  turbot. 

Il  faut  autant  que  possible,  à  Paris,  n'acheter , que  des 
homards  vivants;  choisissez  d'ailleurs  le  plus  lourd  que  vous 
pourrez  trouver,  et  mettez-le  cuire  dans  une  chaudière  ou  casserole 
avec  de  l'eau  salée,  un  gros  morceau  de  beurre  frais,  une  botte 
de  persil  en  branches,  un  piment  rouge  et  deux  ou  trois  tiges  de 
poireau  blanc;  au  bout  d'un  quart  d'heure  de  cuisson,  vous 
ajouterez  un  gobelet  de  vin  de  Madère  ou  de  Marsala,  et  laissez 
refroidir  votre  poisson  dans  son  court  bouillon  ;  il  faut  alors  dans 
toute  sa  longueur,  trancher  les  écailles  de  sa  queue,  et  par 
avance  faire  confectionner  une  sauce  dont  voici  la  meilleure  for- 
mule* 

Enlevez  en  un  seul  morceau  tout  l'intérieur  du  homard 
qu'on  appelle  touteau,  détachez-en  toutes  les  chairs  blanches 
avec  le  bec  d'une  plume  taillée,  prenez-en  la  farce  ou  la  crème 
de  laitance,  qui  se  trouve  adhérente  à  la  grande  coquille,  joignez- 
y  les  œufs  du  poisson  s'il  est  femelle,  et  mêlez  tout  ce  produit 
avec  de  l'huile  verte,  une  pleine  cuillerée  de  bonne  moutarde, 
dix  ou  douze  gouttes  de  soya  de  la  Chine,  plein  le  creux  de  la 
main  de  fines  herbes  hachées,  deux  échalotes  écrasées,  une  assez 
bonne  quantité  demignonnette  ;  et  finalement  un  verre  de  liqueur 


640  HUILE. 

d'anisette  de  Bordeaux,  ou  simplement  de  ratafia  d'anis;  vous 
battrez  le  tout  avec  une  fourchette  comme  on  bat  une  omelette, 
et,  selon  la  grosseur  de  votre  homard,  vous  mettrez  dans  cette 
sauce  deux  ou  trois  citrons. 

Homard  à  la  broche.  —  Prenez  un  gros  homard,  ou  une 
langouste  bien  vivante,  attachez-les  sur  un  hàtelet  solide  que  vous 
ficellerez  lui-même  sur  une  broche;  soumettez  le  tout  d'abord  à 
un  feu  vif,  en  commençant  par  Tarroser  avec  du  vin  de  Cham- 
pagne, du  beurre  fondu,  du  sel  et  du  poivre;  la  coquille  du 
poisson  deviendra  très-vite  friable,  c'est-à-dire  que  pareille  à  delà 
chaux,  elle  s'écrasera  entre  les  doigts  ;  quand  elle  se  détachera 
du  corps,  9'est  qu'il  sera  suffisamment  cuit;  il  faut  l'arroser  avec 
le  jus  de  sa  lèchefrite,  que  vous  dégraisserez  convenablement,  et 
auquel  vous  ajouterez  le  jus  d'une  bigarade,  et  une  pincée  de 
quatre  épices  : 

C'est  un  ragoût  particulier  en  Normandie,  qui  ne  manque 
jamais  de  faire  son  effet  en  paraissant  sur  la  table.    " 

HOFlS-D'OEUVREr.  —  On  appelle  hors-d'œuvre,  tous  les 
plats  qui,  sans  être  suffisants  pour  constituer  un  repas  sub- 
stantiel, et  qui  cependant  servis  à  part  et  dans  des  assiettes  d'une 
forme  particulière,  complètent  l'élégance  d'un  repas. 

HOUBLON.  —  Plante  grimpante  à  grandes  feuilles  dont 
les  fleurs  et  les  fruits  concourent  à  la  composition  de  la  bière;  en 
Belgique,  où  le  houblon  est  très-commun,  où  la  boisson  ordinaire 
est  de  la  bière,  on  mange  au  printemps  les  jeunes  pousses  du 
houblon,  dont  la  saveur  se  rapproche  énormément  de  celle  des 
asperges  ;  on  les  apprête  de  la  même  manière,  et  leur  effet  est  le 
même. 

HUILE.  —  On  fait  de  l'huile  principalement  avec  les  olives, 
mais  encore  avec  une  foule  de  graines,  comme  le  colza,  comme 
les  noix,  comme  la  faine,  comme  la  navette. 

La  faine,  les  noix,  la  navette  donnent  une  huile  très  suppor-. 
table  dans  sa  fraîcheur,  mais  qui  rancit  en  vieillissant. 

La  faîne,  qui  est  le  fruit  du  hêtre,  donne  la  meilleure  huile 
après  l'olive. 

Parmi  les  huiles  d'olive,  il  y  a  un  choix  à  faire  ;  à  mon  avis» 
la  plus  fraîche,  la  plus  claire,  celle  qui  se  conserve  le  mieux,  ^^ 


HUITRES.  641 


l'huile  de  Lucques;  puis  vient  Thuile  vierge,  Thuile  verte  et 
rhuile  fine  d^Aix,  de  Grasse  et  de  Nice. 

Quoique  T Italie  et  l'Espagne  soient  couvertes  d'oliviers,  c'est 
de  ces  deux  pays  que  viennent  les  plus  mauvaises  huiles;  les  pro- 
priétaires, pour  faire  double  récolte,  laissent  rancir  leurs  olives, 
et  cet  état  avancé  fait  contracter  à  l'huile  qu'on  en  retire  une 
odeur  de  pourriture  insupportable;  il  en  est  de  même  de  l'huile 
que  l'on  récolte  en  Grèce,  en  Syrie  et  en  Egypte. 

HUITRES.  —  L'huître  est  un  des  mollusques  les  plus  déshé- 
rités de  la  nature. 

Étant  acéphale,  c'est-à-dire  n'ayant  pas  de  tête,  elle  n'a  ni 
l'organe  de  la  vue,  ni  l'organe  de  l'ouïe,  ni  l'organe  de  l'odorat; 
son  sang  est  incolore  ;  son  corps  adhère  aux  deux  valves  de  sa 
coquille  par  un  muscle  puissant,  à  l'aide  duquel  elle  l'ouvre  et 
la  ferme. 

Elle  n'a  pas  non  plus  d'organe  de  locomotion  ;  son  seul  exer- 
cice est  de  dormir,  et  son  seul  plaisir  est  de  manger;  comme 
l'huître  ne  peut  aller  chercher  sa  nourriture,  sa  nourriture  vient 
elle-même  la  trouver,  ou  lui  est  apportée  par  le  mouvement  des 
eaux;  elle  se  compose  de  matières  animales  en  suspension  dans 
l'eau.  En  18 16,  M.  Bedan  a  prouvé  qu'on  pouvait  amener  gra- 
duellement les  huîtres  à  vivre  dans  l'eau  des  fleuves. 

Les  Grecs  recherchaient  celles  de  Sestos;  j'en  ai  mangé  en 
traversant  le  Bosphore  et  ne  leur  ai  rien  trouvé  de  particulier. 

On  a  dit  :  les  dieux  s'en  vont,  et  Ton  a  admiré  cette  éloquente 
exclamation.  Mais  voilà  que  dernièrement  un  cri  s'est  fait  enten- 
dre :  Les  huîtres  s'en  vont  I  II  n'y  a  certes  aucun  rapport  entre 
le  mollusque  hermaphrodite  qui  vit  au  fond  de  la  mer,  dans  son 
écaille,  attaché  pour  l'éternité  à  son  rocher,  et  les  habitants  de 
l'olympe  vénérable.  Eh  bien,  le  fameux  cri  de  Bossuet,  ce  fameux 
cri  d'éloquence  :  Madame  se  meurt  !  Madame  est  morte  !  n'a  pas 
produit  uns  impression  si  terrible  que  cette  voix  gastronomique 
en  détresse,  qui  s'est  écriée  :  Les  huîtres  s'en  vont  !  et  de  60  cen- 
times la  douzaine,  le  premier  effet  de  ce  cri  a  été  de  les  faire 
monter  à  i  franc  30  centimes. 

La  sensation  a  été  profonde;  l'huître,  ce  trésor  des  gour- 
mands, a  été  sur  le  point  de  leur  échapper;  1  huître  qui,  dit  le 


64a  HUITRES. 


docteur  Reveillé-Paris,  est  la  seule  substance  alimentaire  qui  ne 
donne  pas  d'indigestion. 

Aussi  rhuître  est-elle  un  mets  de  tous  les  temps  et  cherche- 
t-on  inutilement  réjpoque  à  laquelle  il  a  été  introduit  sur  la  tabk 
des  Indous,  ces  aïeux,  et  des  Égyptiens,  ces  grands-pères  de  la 
civilisation.  Nous  n'en  trouvons  trace  que  chez  les  Grecs,  et  la 
première  fois,  je  crois,  à  propos  de  la  proscription  d'Aristide. 

«  Je  m'ennuie  de  l'entendre  appeler  le  Juste,  »  disait  un 
prud'homme  athénien;  et  Aristide  fut  proscrit  à  la  majorité  des 
huîtres,  chaque  écaille  portant  une  sentence  et  représentant  un 
bulletin  de  vote. 

Les  Grecs  les  faisaient  venir  de  l'Hellespont  ;  on  les  péchait  à 
la  hauteur  de  Sestos,  endroit  où  Léandre  se  jetait  à  la  mer  pour 
aller  faire  sa  visite  nocturne  à  Héro. 

L'endroit  s'appelle  aujourd'hui  Boralli-Calessi. 

Les  Romains,  bien  autrement  gourmands  que  les  Grecs,  ren- 
dirent presque  des  honneurs  divins  à  l'huître.  Il  n'y  avait  pas  de 
bon  dîner  sans  huîtres  crues  frappées  de  glace ,  ou  sans  huîtres 
cuites  assaisonnées  au  garunty  espèce  de  saiimure  dont  Pline  nous 
a  conservé  la  recette. 

Les  huîtres  avaient  chez  les  Romains  leurs  numéros  d'excel- 
lence. Les  premières  étaient  celles  du  lac  Lucrin,  ensuite  celles 
de  Tarente,  ensuite  celles  de  Circeï. 

Plus  tard,  ils  préférèrent  les  huîtres  des  côtes  de  la  Grande- 
Bretagne. 

Apicius,  ce  gourmand  célèbre,  qui  se  coupa  le  cou  parce 
qu'il  ne  lui  restait  plus  que  six  à  huit  millions  de  sesterces,  c'est- 
à-dire  quinze  cent  mille  francs  ou  deux  millions  de  notre  mon- 
naie, avait  trouvé  un  moyen  de  ccmserver  les  huîtres.  De  nos 
jours,  il  eût  pris  un  brevet  et  eût  vécu  de  son  brevet. 

L'huître  se  pêche  chez  nous  à  la  drague,  et  les  pécheurs 
avaient  l'habitude,  afin  de  ne  pas  épuiser  les  bancs,  de  les  diviser 
en  plusieurs  zones  qui  étaient  livrées  successivement  à  la  pêche. 
Pendant  que  l'une  de  ces  zones  était  en  exploitation,  l'autre, 
c'est-à-dire  la  partie  réservée,  se  multipliait  et  atteignait  la  taille 
marchande. 

Pendant  les  mois  de  mai,  juin,  juillet  et  août,  la  pèche  était 


HUITRES.  643 


interdite;  les  gourmands  disent  qu'il  ne  faut  pas  manger  d'huî- 
tres dans  les  mois  où  il  n'y  a  pas  d'R. 

Comme  compensation,  ce  sont  les  mois  oit  les  moules  sont 
parfaites. 

Les  huîtres  ne  se  mangent  point  en  sortant  de  la  mer. 

Du  moins  un  disciple  de  Lucullus  et  un  apôtre  de  Brillât- 
Savarin  ne  commettraient  pas  une  pai'eille  hérésie.  Il  faut  d'abord 
qu'elles  soient  parquées  à  un  mètre  de  profondeur  sur  du  sable 
ou  des  galets. 

Ce  fut  un  Romain,  nommé  Sergius  Orata,  lequel  vivait 
deux  cent  cinquante  ans  avant  Jésus-Christ,  qui  eut  le  premier 
l'idée  de  mettre,  pour  les  engraisser,  les  huîtres  dans  le  lac 
Lucrin.  Il  fit  un  commerce  de  ce  mollusque  perfectionné  par  ses 
soins  et  s'enrichit. 

Ce  Sergius  Orata  était  le  grand-père  de  Sergius  Catilina. 

L'huître  que  nous  mangeons  est  l'huître  idule.  L'huître 
d'Ostende,  l'huître  verte,  l'huître  de  Marennes,  ne  sont  que  des 
variétés. 

Nous  avions  des  parcs  aux  huîtres  à  Marennes,  à  Tréport,  à 
Étretat,  à  Fécamp,  à  Dunkerque,  au  Havre  et  à  Dieppe. 

Nous  arriverons  tout  à  l'heure  à  celui  de  Régneville. 

L'oncle  de  Mirabeau  a  dit  en  parlant  de  la  mer  : 

«  Cette  plaine  qui  se  laboure  toute  seule.  » 

Mais  il  n'a  pas  dit  : 

«  La  mer,  cette  .plaine  qui  s'ensemence  toute  seule.  » 

On  a  cru  longtemps  la  mer  inépuisable,  mais  à  commencer 
par  la  baleine  on  s'aperçoit  qu'elle  se  dépeuple.  Voici  les  baleines 
qui  disparaissent;  voici  les  maquereaux  qui  faiblissent;  voici  les 
huîtres  qui  manquent. 

Eugène  Noël  a  dit  : 

a  On  peut  faire  de  TOcéan  une  fabrique  immense  de  vivres, 
un  laboratoire  de  subsistances  plus  productif  que  la  terre  ;  ferti- 
liser tout,  mers,  fleuves,  rivières,  étangs  ;  on  ne  cultivait  que  la 
terre,  voici  l'art  de  cultiver  les  eaux;  entendez-vous,  nations?  » 

Et  en  effet,  le  poisson,  celui  qu'on  mange  surtout,  est  entre 
tous  les  êtres,  susceptible  de  prendre  avec  très-peu  de  nourriture 
le  plus  grand  accroissement. 


644  HUITRES. 


De  temps  immémorial,  la  pisciculture  est  pratiquée  en 
Chine.  Là,  où  il  faut  que  vive  une  agglomération  de  quatre  cents 
millions  d'hommes,  on  ne  pouvait  pas  se  fier  à  la  terre  visitée 
par  un  hôte  plein  de  caprices,  le  vent  ;  par  un  hôte  plein  de 
colère,  la  tempête;  la  moisson  de  la  mer,  au  contraire,  grandit 
sous  le  vent,  multiplie  sous  la  tempête. 

Aussi  au  mois  de  mai,  se  tient  sur  le  grand  fleuve  le  marché 
du  frai.  On  vient,  de  tous  les  coins  de  la  Chine,  acheter  du  frai 
en  gros  pour  le  revendre  en  détail.  Chacun  a  son  poisson  dans 
son  vivier,  on  y  jette  les  débris  du  ménage  et  tout  ce  peuple  sous- 
marin  vit  et  engraisse. 

Les  Romains  étaient,  sous  ce  rapport,  les  maîtres  des  Chinois 
eux-mêmes  ;  ils  fisdsaient  éclore  dans  Teau  douce  des  poissons  de 
mer. 

C'est  Jacobi,  en  Allemagne,  qui  a  trouvé  la  fécondation 
artificielle  pratiquée  en  Angleterre,  puis  en  France,  par  un 
pêcheur  de  la  Bresse,  nommé  Rémy. 

Coste  et  Pouchet  en  ont  fait  une  science. 

Ce  furent  toutes  ces  expériences,  ce  fut  cette  première 
science  mise  à  la  portée  de  tout  le  monde,  qui  déterminèrent 
M.  de  Chaillé  et  M™'  Sarah-Félix  à  faire  leur  établissement 
d'ostréiculture  de  Régneville. 

Ils  demandèrent  et  obtinrent  dix  hectares  de  côtes. 

Dix  hectares  de  côtes,  c'est  beaucoup  à  Paris  sur  la  place  de 
la  Concorde  ou  dans  la  rue  Richelieu  ;  en  face  de  l'Océan,  c'est 
un  point  dans  l'immensité. 

Les  deux  concessionnaires  commencèrent  par  fermer  de  trois 
côtés  leur  concession  par  une  digue  insubmersible.  Le  quatrième 
côté  fut  la  plage  ;  une  grande  vanne  y  introduisit  l'eau  de  la 
mer,  puis  on  y  jeta  des  milliers  d'huîtres,  et  on  y  déposa  douce- 
ment des  tuiles  afin  que  les  huîtres  s'y  attachassent. 

Il  s'agissait  de  soustraire  le  frai  de  l'huître  aux  divers  acci- 
dents qui  en  pleine  mer  le  détruisent. 

Pour  que  l'on  comprenne  l'entreprise  de  M.  Chaillé  et  de 
M"*  Sarah-Félix,  il  est  nécessaire  de  savoir  comment  l'huître  se 
reproduit. 

L'huître,  nous  l'avons  dit,  est  hermaphrodite.  Ses  deux  sexes 


HUITRES.  64^ 


s'épanouissent  comme  des  fleurs  au  moment  des  amours.  C'est 
alors  qu'elle  se  remplit  d'une  eau  blanche  qui  fait  dire  que 
les  huîtres  ne  sont  pas  bonnes  à  manger  parce  qu'elles  sont 
laiteuses. 

Cette  eau  blanche  est  le  frai. 

M.  Davaine  a  trouvé  jusqu'à  i,aoo,ooo  œufs  dans  une 
huître  pied  de  cheval  ;  et,  comme  elles  font  deux  et  même  trois 
pontes,  on  peut,  en  moyenne,  évaluer  à  deux  millions  la  quantité 
d'œufs  que  chaque  huître  livre  aux  caprices  de  la  mer. 

Ces  œufs  sont  invisibles  ou  à  peu  près.  Leuwenhoeck  a 
calculé  qu'il  en  faudrait  environ  un  million  pour  former  Je 
volume  d'une  bille  d'enfant.  Les  petites  huîtres,  lorsqu'elles 
sortent  de  la  coquille  de  la  mère,  ont  la  faculté  de  se  mouvoir. 
Cette  faculté  est  donnée  par  la  nature  à  toutes  les  larves  d'ani- 
maux fixes  et  leur  permet  de  se  fixer  où  ils  veulent;  seulement, 
qu'ils  choisissent  bien  leur  gîte  :  une  fois  fixés,  ils  en  ont  pour 
toute  la  vie. 

Dans  le  parc  de  Régneville,  ils  eurent  d'abord  des  tuiles 
ordinaires  et  des  fagots  de  bois  ;  le  choix  entre  le  fond  de  la  mer 
et  la  suspension  entre  deux  eaux. 

Nos  pisciculteurs  s'aperçurent  bien  vite  qu'ils  avaient  fait 
une  double  erreur;  les  branches  du  fagot  s'enduisaient  d'un 
mucus  qui  ne  permettait  plus  à  la  petite  huître  de  se  fixer. 

Quant  à  la  tuile,  elle  permettait  au  contraire  à  l'huître  de 
s'y  fixer  trop  solidement  ;  l'huître  trouvait  commode  de  faire  de 
la  tuile  une  de  ses  coquilles,  et  quand  on  l'enlevait  de  sa  tuile 
bien-aimée,  ou  sa  coquille  était  trouée,  ou  elle  restait  sur  sa 
tuile.  Sa  devise  devenait  celle  du  lierre  :  Je  meurs  où  je 
m'attache. 

Nos  ostréiculteurs  collèrent  sur  leurs  tuiles  de  vieux  jour- 
naux adhérents  à  la  tuile  par  les  seules  extrémités  ;  l'huître  est 
collée  au  papier,  c'est  vrai,  mais  le  papier  n'est  collé  à  rien. 

Maintenant,  tous  les  journaux,  à  notre  avis,  ne  sont  pas  bons 
à  cet  emploi,  j'en  connais  qui  pourraient  donner  à  ces  innocents 
mollusques  les  qualités  toxicologiques  que  contractent  les  huîtres 
de  Venise  en  s' attachant  aux  cuivres  des  vaisseaux. 

Quelle  est  la  durée  de  la  vie  des  huîtres^ 


646  HUITRES. 


C'est  encore  un  mystère  !  D'abord  peu  d'huîtres  meurent  de 
vieillesse. 

Et  celles-là  meurent  inconnues. 

Dans  un  excellent  livre  de  M.  Victor  Meunier,  intitulé  : 
les  Grandes  pêches^  je  vois  que  les  huîtres  vivent  une  dizaine 
d'années.  C'est  bien  assez  pour  un  animal  qui  n'a  ni  yeux,  ni 
nez,  ni  oreilles;  quant  à  leur  développement,  les  pécheurs 
disent  qu'elles  ont  au  bout  de  trois  jours  trois  lignes  de  diamètre, 
à  trois  mois  la  circonférence  d'une  pièce  de  trente  sous,  à  six 
mois  la  dimension  d'un  écu  de  trois  livres,  à  un  an  celle  d'un  écu 
de  six. 

L'huître  se  mange  habituellement  de  la  façon  la  plus  simple 
du  monde;  elle  s'ouvre,  on  la  détache,  on  exprime  sur  elle 
quelques  gouttes  de  citron  et  on  la  gobe. 

Des  gourmands  les  plus  raffinés  préparent  une  espèce  de 
sauce  avec  du  vinaigre,  du  poivre  et  de  l'échalote;  on  les  détache, 
on  les  trempe  dans  cette  sauce  et  on  les  avale  ;  d'autres,  et  ce  sont 
les  vrais  amateurs,  n'ajoutent  rien  à  l'huître  et  la  mangent  crue 
sans  vinaigre,  sans  citron,  sans  poivre. 

Maintenant  accordons  la  lyre  d'un  cuisinier-poëte,  et  chan- 
tons sur  le  mode  ionien. 


Fêtons  ces  a  truffes  de  la  mer,  » 

Qu'en  son  siècle  exaltait  Horace, 

Par  d'immortels  vers  pleins  de  grâce.  — 

L'huître,  à  Rome,  est  un  mets  si  cher, 

Qu'au  dire  de  Pline  et  Macrobe, 

Aux  seuls  |K)ntifes  on  en  sert... 

—  (Notre  bouche  aussi  bien  les  gobe, 

Ces  huitres  qu'un  moderne  en  us^ 

Nommait  a  Oreilles  de  Vénus,  s 

Pour  leurs  qualités  excitantes...)  — 

On  sait  qu'un  des  Apicius 

Eut,  par  ses  notions  savantes^ 

L'art  d'en  envoyer  de  vivantes 

A  Trajan,  vainqueur  belliqueux 

Des  Parthes...  —  Aux  huîtres,  chef-queux, 

Me  dit«on,  offre-nous  des  fraîches. 

C'est  là  le  secret  de  leurs  pêches  : 

L'huître  est  un  hasard,  un  éclair 

Qui  passe  avec  les  mois  en  R. 


! 


HUITRES.  647 


Huîtres  à  la  poulette.  —  Ouvrez  des  huîtres,  faites-les  blan- 
chir dans  leur  eau  sans  les  laisser  bouillir,  puis  passez-les  dans 
du  beurre,  avec  du  persil,  des  échalotes  et  des  champignons 
hachés;  une  cuillerée  d^huile,  poivre  et  muscade  râpée;  panez- 
les  de  mie  huilée ,  faites  prendre  couleur  avec  une  pelle  rouge  ; 
au  moment  de  servir  exprimez  dessus  le  jus  d'un  citron. 

Huîtres  en  hachis.  —  Faites-les  blanchir  sans  les  laisser 
bouillir,  mettez-les  dans  l'eau  fraîche  et  égouttez-les,  séparez  le 
milieu  des  bords,  hachez  ceux-ci  finement  avec  de  la  chair  de 
carpe  ou  de  tout  autre  poisson  cuit  à  Peau  ou  au  court-bouillon; 
mêlez  le  tout  ensemble,  assaisonnez  de  poivre  et  de  muscade 
râpée. 

Mettez  dans  une  casserole  un  bon  morceau  de  beurre  avec 
persil,  ciboules,  champignons  hachés;  passez  sur  le  feu;  mouillez 
avec  moitié  vin  blanc,  moitié  bouillon  gras  ou  maigre,  ajoutez 
le  hachis,  faites-le  chauffer  sans  bouillir,  quand  le  hachis  a  bu 
presque  toute  la  sauce,  et  liez  avec  des  œufs. 

Huîtres  frites  pour  hors- d' œuvre.  —  Ouvrez  les  huîtres, 
mettez-les  égoutter  sur  un  tamis;  mettez-les  ensuite  dans  un 
plat,  avec  du  vinaigre,  persil,  ciboules,  deux  feuilles  de  laurier, 
un  peu  de  basilic,  un  oignon  coupé  par  tranches,  une  demi- 
douzaine  de  clous  de  girofle,  et  le  jus  de  deux  citrons;  saucez-les 
de  temps  en  temps  dans  cette  marinade,  faites  une  pâte  à  frire 
légère,  essuyez  et  trempez-y  les  huîtres;  faites-les  frire,  et  servez- 
les  avec  du  persil  frit. 

Potage  d'huîtres.  —  Passez  vos  huîtres  à  la  casserole  avec 
du  bon  beurre,  mettez  en  même  temps  des  champignons  coupés 
par  morceaux  et  un  peu  de  farine,  faites  cuire  le  tout  avec  purée 
claire,  sel  et  poivre  ;  faites  mitonner  le  pain  avec  du  bon  bouillon 
de  poisson,  versez  dessus  vos  huîtres  et  vos  champignons  avec  un 
jus  de  champignons. 

Huîtres  farcies.  —  Vous  faites  une  farce  avec  un  morceau 
d'anguille  et  une  douzaine  d'huîtres  blanchies,  un  peu  de  persil, 
ciboules,  quelques  champignons;  assaisonnez  de  sel,  poivre,  fines 
herbes,  fines  épices  et  bon  beurre  frais  avec  un  peu  de  mie  de 
pain  trempée  dans  la  crème  et  deux  jaunes  d'oeuf  crus,  le  tout 
haché  et  pilé  ensemble  dans  un  mortier.  Vous  garnissez  le  fond 


648  HYDROMEL. 


de  vos  coquilles  avec  cette  farce  et  y  mettez  une  huître  en  ragoût; 
couvrez  votre  coquille  de  la  même  farce,  frottez-la  d'un  œuf 
battu,  jetez  dessus  un  peu  de  beurre  fondu,  panez  de  mie  de 
pain  bien  fine  et  mettez-les  cuire  au  four  jusqu'à  belle  couleur 
blonde  et  servez  chaudement  pour  entremets  ou  garniture  d'en- 
trée. 

Huîtres  au  parmesan.  —  Mettez  égoutter  vos  huîtres  sur  un 
tamis,  frottez  le  fond  d'un  plat  avec  du  beurre  frais,  arrangez 
les  huîtres  dessus,  poudrez -les  de  gros  poivre  et  de  persil  haché, 
arrosez-les  d'un  demi-verre  de  vin  de  Champagne,  couvrez-les 
avec  du  parmesan  râpé,  mettez  le  plat  dans  le  four  ou  sous  un 
couvercle  de  tourtière  ;  quand  elles  sont  de  belle  couleur  et  bien 
glacées,  retirez-les,  dégraissez-les,  nettoyez  le  bord  du  plat,  et 
servez  chaudement, 

Huîtres  à  la  daube.  —  Ouvrez  des  huîtres,  assaisonnez-les 
de  fines  herbes  hachées  fort  menu  avec  persil,  ciboules,  basilic, 
sel  et  poivre  ;  mettez-en  très-peu  dans  chaque  huître,  arrosez  de 
vin  blanc,  recouvrez-les  de  leur  couvercle  et  mettez-les  cuire  sur 
le  gril,  passez  de  temps  en  temps  la  pelle  rouge  dessus,  dressez- 
les  quand  elles  sont  cuites,  et  servez-les  découvertes. 

Huîtres  en  hâtelets.  —  Blanchissez  les  huîtres  dans  deux 
eaux  sans  les  faire  bouillir,  lavez-les  bien  et  faites  égoutter; 
mettez  dans  une  casserole,  persil,  ciboules,  champignons  hachés, 
une  pointe  d'ail  avec  un  quarteron  de  beurre,  ajoutez-y  vos 
huîtres  et  faites-leur  prendre  deux  ou  trois  tours  sans  bouillir, 
liez  avec  des  jaunes  d'oeufs,  enfilez-les  dans  des  hâtelets,  panez- 
les,  faites-les  griller,  et  servez  à  sec. 

Huîtres  à  la  minute.  —  Mettez  dans  une  casserole  une  cuil- 
lerée de  coulis,  un  verre  de  vin  de  Champagne,  un  bouquet  garni 
et  faites  bouillir  ;  faites  ouvrir  en  même  temps  des  huîtres  que 
vous  faites  égoutter  sur  un  tamis  et  dont  vous  ajoutez  l'eau  à 
votre  sauce,  faites-la  réduire,  mettez-y  vos  huîtres  pour  leur  faire 
prendre  quelques  tours,'et  servez  avec  des  croûtons  frits  pour  gar- 
niture. 

HYDROMEL.  —  Pline  dit  qu'on  attribue  son  invention  à 
Aristée,  de  Cyrène,  fils  du  Soleil.  L'hydromel  simple  est  le 
mélange  d'une   petite  partie   de   miel  avec  beaucoup  d'eau,  il 


HYPOCRAS.  649 


est  bon  contre  la  toux  et  lorsque  les  crachats  sont  difficiles  à 
expulser,  mais  il  n'est  pas  du  goût  de  tout  le  monde. 

L'hydromel  vineux  est  composé  d'une  partie  de  miel  et 
de  trois  parties  d'eau,  il  ne  faut  que  très-peu  de  chaleur  pour 
que  la  fermentation  s'établisse,  il  devient  aussi  fort  que  le  vin 
d'Espagne  et  peut  se  conserver  longtemps.  Les  anciens  Egyptiens 
l'estimaient  beaucoup. 

Il  est,  du  reste,  d'un  goût  fort  agréable  et  fortifie  l'estomac 
à  la  dose  d'un  petit  verre. 

Cette  liqueur  paraît  avoir  été  généralement  répandue  chez 
les  peuples  anciens,  les  Celtibères,  les  Taulentiens,  peuples  de 
rillyrie;  la  Grèce,  l'antique  Egypte  buvaient  largement  le  divin 
breuvage,  et  le  douzième  livre  de  Columelle,  l'agronome,  est  en 
grande  partie  consacré  à  l'exposition  des  procédés  dont  les 
Romains  faisaient  usage  dans  la  préparation  de  cette  boisson 
favorite  ;  aujourd'hui  encore  l'usage  de  l'hydromel  est  générale- 
ment répandu  en  Russie  et  en  Pologne,  et  les  Abyssiniens  en  font 
une  très-grande  consommation. 

HYPOCRAS.  —  Breuvage  célèbre  au  moyen  âge;  c'était  un 
mélange  de  vin  et  d'ingrédients  doux  et  recherchés,  et  voici  une 
recette  que  Taillèrent,  le  maître  queux  de  Charles  VII,  nous  en 
a  laissée. 

a  Pour  une  pinte,  dit-il,  prenez  trois  tréseaux  (trois  gros)  de 
Cinnamome  fine  et  pure,  un  tréseau  de  mesche  ou  deux  qui 
veult,  demi  tréseau  de  girofle  et  de  sucre  fin  six  onces,  et  mettez 
en  pouldre,  et  la  fault  tout  mettre  en  ung  coulouoir  avec  le  vin 
et  le  pot,  dessoûlez  et  le  passez  tant  qu'il  soit  coulé  et  tant  plus 
est  passé  et  tant  mieux  vault,  mais  qu'il  ne  soit  esventé.  »  On  se 
servait  pour  le  clarifier  d'un  filtre  qu'on  appelait  chausse  d'hy- 
pocras. 

Du  temps  de  Louis  XIV,  ce  breuvage  était  encore  en  faveur, 
on  le  servait  sur  la  table  des  grands,  et  la  ville  de  Paris  devait 
en  fournir  chaque  année  un  certain  nombre  pour  la  table  royale. 
Aujourd'hui  ce  breuvage  est  tout  à  fait  perdu  et  ignoré. 


I 


IMPERIALE.  —  Prune  qui  ne  mûrit  qu'au  mois  d'août, 
elle  est  longue  et  violette  ;  il  y  en  a  trois  autres  variétés^  qui 
sont  :  rimpériale  blanche,  la  verte  hâtive  et  la  jaune  tardive. 

IRIS. — Sa  racine  est  employée  dans  la  pâtisserie  de  petits- 
fours,  ainsi  que  dans  plusieurs  autres  compositions  d'office. 
Réduit  à  rétat  de  fleur  de  farine  on  en  fait  des  biscuits  très-déli- 
cats, ainsi  que  d'excellentes  frangipanes  aux  essences  de  fleurs; 
la  meilleure  espèce  d'iris  est  incomparablement  celle  de  la  san-- 
tissima  trinita  de  Florence.  On  la  distingue  aisément  à  la  gros- 
seur et  à  la  blancheur  de  ses  racines,  qui  émanent  une  excellente 
odeur  de  violette. 

ISSUE.  —  Abatis  d  agneau  et  volailles. 

ITALIENNE  SAUCE  HACHÉE.  —  Vous  mettez  dans  une 
casserole  une  cuillerée  de  persil,  la  moitié  d'une  cuillerée  d'écha- 
lotes, la  moitié  de  champignons  bien  fins^  une  demi-bouteille  de 
vin  blanc,  30  grammes  de  beurre  ;  vous  faites  bouillir  le  tout 
jusqu'à  parfaite  réduction,  puis  vous  versez  dans  la  casserole 
deux  cuillerées  de  blond  de  veau,  une  pincée  d'épices,  vous  faites 
bouillir  sur  un  feu  doux,  vous  écumez  et  dégraissez,  vous  retirez 
du  feu  et  vous  tenez  chaud  au  bain-marie. 


J 


JAMBON.  —  Cuisse  ou  épaule  de  porc  ou  de  sanglier^ 
(V.  Cochon.) 

JARRET  DE  VEAU.  —  Cette  partie  abonde  en  ligaments, 
tendons  et  membranes  qui,  par  une  ébullition  prolongée,  se 
résolvent  en  gélatine  ;  c'est  cette  propriété  qui  fait  qu'on  l'ajoute 
souvent  aux  braises  pour  y  faire  de  la  gelée,  et  c'est,  du  reste,  à 
peu  près  son  seul  usage. 

JASMIN.  —  te  jasmin  n'est  guère  employé  dans  la  cuisine 
que  pour  la  fabrication  des  sorbets  et  dragées.  (V.  ces  deux 
articles.) 

JULIENNE.  —  On  donne  ce  nom  à  un  potage  fait  avec 
plusieurs  sortes  d'herbes  et  de  légumes,  notamment  de  carottes 
coupées  menues.  On  est  parvenu  à  conserver  ces  légumes  hachés 
au  moyen  de  la  dessiccation,  ce  qui  permet  de  faire  de  la  julienne 
en  tout  temps. 

On  voit  dans  les  recettes  de  Marc  Heliot,  que  la  julienne 
d'autrefois  ne  se  composait  pas  exclusivement  de  légumes;  en 
effet,  elle  avait  pour  éléments  une  éclanche  de  mouton  qu'on  fai- 
sait à  moitié  rôtir  et  qu'on  empotait  dans  une  marmite  avec  une 
tranche  de  bœuf,  une  rouelle  de-  veau,  un  chapon  et  quatre 
pigeons  fuyards  ;  on  faisait  cuire  le  tout  cinq  ou  six  heures  afin 
que  le  bouillon  fût  bien  nourri  ;  on  y  voit  aussi  qu'on  coupait  en 
morceaux,  trois  carottes,  six  navets,  deux  panais,  trois  oignons, 
deux  racines  de  persil,  deux  pieds  de  céleri,  trois  bottes  d'asperges 


6ja  JUS. 

vertes,  quatre  poignées  d*oseîlle,  quatre  laitues  blanches,  une 
forte  pincée  de  cerfeuil  et,  si  la  saison  le  permettait,  un  litron  de 
petits  pois  verts  que  Ton  faisait  cuire  à  part  de  la  viande  et  dans 
le  bouillon  de  la  grande  marmite  où  Ton  faisait  aussi  mitonner 
les  croûtes  de  pain  dont  cet  ancien  potage  était  composé. 

JUS.  —  On  donne  le  nom  de  jus  de  viande  à  une  décoction 
concentrée  de  jus  de  veau,  de  mouton,  de  bœuf,  etc.,  formant  les 
fonds  de  cuisine  dans  les  grandes  maisons.  Ces  jus  de  viande, 
éminemment  chauds  et  réparateurs,  conviennent  aux  tempéra- 
ments et  aux  estomacs  fatigués  qui  ont  besoin  d'être  restaurés. 
Autrefois  on  servait  toujours  à  sec  les  viandes  blanches  rôties, 
aujourd'hui  tous  les  plats  de  rôti  sont  généralement  passés  avec 
un  certain  jus  de  bœuf  que  les  cuisiniers  actuels  appliquent  à 
toutes  les  viandes  possibles,  sans  distinction.  C'est  un  usage  révo- 
lutionnaire qui  semble  avoir  prévalu  sur  la  bonne  coutume  d'au- 
trefois. 

Voir  pour  les  différents  jus  les  articles  B<euf,  Veau,  Mou- 
ton, etc. 


K 


KANGUROO.  —  Les  kanguroos  sont  originaires  de  la 
Nouvelle-Hollande  et  des  îles  environnantes;  essentiellement 
frugivores  à  l'état  sauvage,  ils  deviennent,  lorsqu'ils  sont  accli- 
matés, très-faciles  à  nourrir,  se  décident  à  manger  tout  ce  qu'on 
leur  présente  et  boivent  même,  dit-on,  le  vin  et  l'eau-de-vie 
qu'on  leur  donne. 

Parmi  les  mammifères,  le  kanguroo  est,  sans  contredit,  un 
des  animaux  qu'il  serait  le  plus  utile  en  même  temps  que  le  plus 
Êicile  de  multiplier  en  Europe,  soit  à  l'état  libre,  soit  à  l'état 
domestique.  En  effet,  l'acclimatation  du  kanguroo,  ainsi  que 
plusieurs  expériences  l'ont  déjà  prouvé,  ne  demande  presque 
aucuns  soins,  surtout  à  l'égard  des  plus  grandes  espèces  qui 
habitent  les  parties  méridionales  de  la  Nouvelle-Hollande  et  de 
l'île  de  Van  Diemen;  le  climat  de  ces  provinces,  quoiqu'en  géné- 
ral tempéré,  est  souvent  très-froid  et  le  poil  abondant  et  chaud 
dont  le  kanguroo  est  revêtu  lui  permettrait  de  supporter,  sans 
trop  en  souffi-ir,  les  hivers  les  plus  rigoureux  de  la  France. 

La  chair  du  kanguroo  est  excellente,  surtout  lorsqu'il  a  été 
élevé  à  l'état  sauvage ,  et  la  croissance  rapide  de  ces  animaux, 
jointe  à  leur  taille  élevée,  produit  en  peu  de  temps  une  quantité 
considérable  de  viande  ;  de  plus,  la  conformation  singulière  de 
ces  animaux  en  donnant  à  leurs  membres  postérieurs  un  volume 
beaucoup  plus  considérable  qu'aux  membres  antérieurs  est  émi- 
nemment favorable  à  la  production  d'une  viande  de  bonne  qua- 


^54  KANGUROO. 


lité,  bien  préférable  à  celle  de  la  vache  et  du  mouton  en  ce  qu'elle 
est  plus  tendre  que  celle  de  la  première  et  plus  abondante  et 
nutritive  que  celle  du  second. 

Les  parties  les  plus  estimées  dans  le  kanguroo,  comme  chez 
tous  les  autres  mammifères,  sont  ce  que  Ton  appelle  les  filets  qui 
sont  chez  lui  bien  plus  volumineux  et  plus  puissants  que  dans 
aucune  autre  espèce  de  gibier  où  le  développement  du  muscle 
psoas  ne  dépasse  pas  la  région  lombaire,  tandis  qu'il  s'étend  chez 
le  kanguroo  jusqu'à  la  moitié  de  la  région  dorsale  de  la  colonne 
vertébrale,  ce  qui  augmente  de  beaucoup  cette  partie  si  recher- 
chée des  consommateurs. 

Cet  animal  est  timide,  doux,  et  pas  le  moins  du  monde  des- 
tructeur comme  l'ont  prétendu  plusieurs  auteurs  ;  on  peut,  sous 
ce  rapport,  le  comparer  au  lièvre  ;  il  est  très-iacile  à  nourrir  et 
dans  le  Retiro  de  Madrid  où  on  en  élève  une  certaine  quantité, 
on  leur  donne  à  manger  l'hiver  de  l'orge,  de  l'avoine  et  du  foin 
sec,  et  ils  paissent  l'herbe  verte  dans  les  saisons  où  elle  existe. 
C'est  la  même  nourriture  que  celle  des  chèvres  nourricières.  La 
durée  de  sa  vie  est  de  lo  à  12  ans.  Dans  la  dernière  période  de 
son  existence,  très-souvent,  il  devient  aveugle  à  cause  des  cata- 
ractes qui  se  développent,  alors  ces  malheureux,  ne  pouvant  plus 
voir  leur  chemin,  vont  parfois  se  précipiter  et  se  mettre  en  pièces 
contre  les  murs  de  leur  enclos. 

On  fait  avec  la  queue  du  kanguroo,  très-musculeuse  et  très- 
forte,  une  soupe  qui  l'emporte  sur  toute  autre  par  sa  saveur  et  sa 
bonté.  ■ 

La  chair  de  kanguroo  s'apprête  comme  celle  du  lapin  de 
garenne  avec  laquelle  elle  a  beaucoup  de  rapport,  mais  elle  est 
plus  aromatique,  ce  qui  dépend  sans  doute  de  la  nature  des 
plantes  dont  il  fait  sa  nourriture  et  qui  sont  presque  toutes  odo- 
rantes. 

Filets  de  kanguroo  sautés.  —  Levez  les  deux  filets  d'un 
kanguroo,  parez-les,  assaisonnez  et  rangez-les  dans  une  casse- 
role plate  avec  du  beurre  fondu.  Préparez  un  peu  de  jus  avec 
les  os  et  les  débris  de  l'animal ,  passez-le,  dégraissez-le,  versez-le 
dans  une  casserole  avec  quatre  cuillerées  de  vinaigre  ;  ajoutez  un 
bouquet  garni ,  faites  réduire  en  demi-glace  de  façon  à  obtenir 


KARL  6$s 

une  sauce  l^ère,  &ites-la  enire  pendant  quelques  minutes  à  feu 
vif,  mêlez-y  deux  cuillerées  à  bouche  de  gelée  de  groseilles  et  un 
morceau  de  zeste  de  citron,  ajoutez-y,  dix  minutes  après,  une 
poignée  de  petits  raisins  de  Corinthe  ramollis  à  l'eau  chaude, 
laissez  cuire  le  tout  ensemble  environ  une  heure,  puis  pochez  les 
filets  au  moment  de  servir,  égouttez-les,  dressez-les  et  masquez- 
les  avec  la  sauce. 

Et  vous  aurez  un  plat  rare  et  excellent. 

KARL  —  Sorte  de  préparation  dont  l'usage  nous  vient  des 
Indes.  On  l'emploie  le  plus  souvent  avec  des  tendons  de  veau,  des 
poulets  dépecés,  des  membres  de  lapins  de  garenne  et  des  tron- 
çons d'anguille;  et  il  faut  avoir  bien  soin  de  servir  à  proximité 
de  ces  plats  du  riz  cuit  à  l'indienne,  c'est-à-dire  à  la  vapeur. 

On  trouve  de  la  poudre  de  kari  toute  préparée  chez  les 
marchands  de  comestibles,  mais  pour  le  cas  où  on  voudrait  la 
confectionner  soi-même,  en  voici  la  recette  empruntée  à  Vlndian^s 
Ccok  : 

La  poudre  de  kari  doit  être  composée  de  quatre  onces  de 
piment  enragé  (c'est  une  espèce  qui  est  moins  grosse  qu'une  olive 
et  qui  croît  sous  les  tropiques,  il  est  beaucoup  plus  fort  que  le 
piment  de  Cayenne  et  que  le  poivre  rouge  de  nos  climats),  trois 
onces  de  curcuma  ou  terra  mérita  des  Indes,  une  demi-once  de 
poivre  noir,  un  gros  de  muscade  et  un  scrupule  de  gingembre. 
On  réduit  lesdites  substances  en  poudre  très-fine  en  les  broyant 
au  mortier  de  marbre  et  sous  pilon  de  métal. 

On  l'emploie  en  l'immisçant  dans  un  ragoût  composé  de 
champignons,  de  fonds  d'artichauts,  de  truffes  coupées,  de  que- 
nelles, de  jaunes  d'œufs  cuits  durs,  de  tranches  de  ris  de  veau, 
de  crêtes  et  de  rognons  de  coq,  ainsi  que  de  cervelles  et  de  ris 
d'agneau,  si  la  saison  le  permet,  comme  pour  l'emploi  des 
truffes. 

Kari  indien. —  Prenez  un  beau  poulet,  coupez-le  comme 
pour  une  fricassée;  mettez -en  les  débris  dans  une  casse- 
role avec  tout  ce  que  vous  aurez  de  débris  de  viande,  un  bou- 
quet garni  et  de  bon  bouillon,  si  vous  en  avez.  Faites  cuire  une 
demi-heure  et  passez  (il  en  faut  au  moins  une  grande  tasse). 
Prenez  125  grammes  de  saindoux,  faites-y  jaunir  trois  oignons 


6;6  KAVIAR. 

émincés,  ôtez  les  oignons  et  mettez-les  à  part  dans  un  peu  de 
bouillon  pour  vous  en  servir  plus  tard.  Faites  sauter  vos  mor- 
ceaux de  poulet  dans  votre  saindoux,  laîssez-les  bien  jaunir, 
ajoutez  deux  bonnes  cuillerées  de  iàrine,  faites  revenir  pour  Atet 
l'âcreté  de  la  farine  ;  mettez  alors  votre  tasse  de  bouillon  et  votre 
bouillon  d'oignons  (en  ôtant  les  oignons).  Retournez  votre  casse- 
role jusqu'à  ce  que  cela  cuise,  ajoutez  deux  cuillerées  de  pou- 
dre de  kari  (ou  une  bonne  cuillerée  à  café  de  poudre  de  sa&m 
de  l'Inde  et  une  toute  petite  pincée  de  poudre  de  piment), 
retournez  votre  casserole  et  surveillez-la. 

Le  kari  se  mange  avec  le  riz  à  la  créole. 

Rij  à  la  créole.  —  Mettez  une  demi-livre  de  riz  bien  lavé 
dans  une  casserole,  couvrez-le  d'eau  salée  (deux  doigts  plus  ou 
moins),  faites  cuire  et  relirez  quand  il  s'allonge.  Mettez-le  dans 
une  passoire  et  versez  de  l'eau  fraîche  dessus,  égouttez-le.  Au 
moment  de  servir,  mettez  votre  riz  dans  une  sauteuse  sur  un  feu 
vif,  tournez-le  toujours  jusqu'à  ce  qu'il  soit  un  peu  desséché 
sans  être  brûlé.  Servez-le  dans  un  plat,  et  le  kari  avec  sa  sauce 
dans  un  autre  plat.  Quelques  personnes  mettent  le  kari  an 
milieu  d'un  grand  plat,  et  le  riz  autour. 

KAVIAR,  œufs  d'esturgeon  salés.  (V.  Caviar.)  Ajoutons 
seulement  ici  que  le  kaviar  ou  caviar,  par  sa  propriété  de  dis- 
poser l'estomac  à  recevoir  les  aliments,  remplace  le  potage  pour 
les  amateurs.  C'était  du  moins  l'avis  de  l'illustre  Meyerbeer. 


L 


LAIE,  sanglier  femelle.  —  Je  pourrais  presque  dire  comme 
Hippolyte,  que  c'est  avec  les  sangliers  que  j'ai  fait  mon  appren- 
tissage de  chasseur;  à  douze  ans,  je  savais  relever  une  trace,  et 
pouvais  dire  si  c'était  celle  d'une  laie,  si  elle  était  pleine,  et  de 
combien  de  mois  elle  Tétait.  J'ai  raconté  plusieurs  histoires  assez 
dramatiques  de  cette  première  partie  de  ma  vie. 

Il  faut  apprêter  la  laie  comme  son  iils,  le  marcassin,  quand 
elle  est  jeune,  ou  comme  son  mâle,  le  sanglier,  lorsqu'une  fois 
elle  a  mis  bas. 

Les  andouillettes  à  la  tétine  de  laie  sont  très*dignes  d'estime; 
on  les  sert  presque  toujours  sur  un  hachis  de  truffes  au  jus,  ou 
sur  une  purée  de  marrons  à  la  crème  et  au  vin  blanc. 

LAIT. — Substance  animale  blanche,  liquide,  douce,  sucrée, 
qui  se  forme  dans  les  mamelles  des  femelles  des  animaux,  et  qui 
est  la  première  nourriture  de  l'homme. 

Le  seul  lait  dont  nous  fassions  usage  est  celui  de  la  vache, 
de  la  chèvre  et  de  la  brebis  ;  et,  comme  remède  dans  certains  cas 
de  phthisie ,  celui  de  l'ànesse. 

J'ai  eu  occasion  de  boire  du  lait  de  chamelle  et  du  lait  de 
jument,  et  ne  l'ai  trouvé  en  rien  inférieur  à  celui  de  la  chèvre  et 
à  celui  de  la  vache. 

Lait  de  chèvre. — Le  lait  de  chèvre  est  pourvu  d'une  densité 
plus  grande  que  celui  de  la  vache,  il  est  moins  gras  que  le  lait 
de  brebis;  il  conserve  même,  en  beurre  ainsi  qu'en  fromage,  une 

4» 


6^8  LAITUE. 

• 

saveur  bouquetine  se  rapprochant  de  l'odeur  de  Tanimal  de  qui 
on  le  tire. 

Les  chèvres  blanches  et  les  chèvres  sans  cornes  fournissent 
un  lait  moins  odorant. 

Petit-Lait.  —  C'est  le  nom  que  Ton  donne  à  la  partie 
aqueuse  du  lait. 

LAITANCES.  —  La  laitance  est  la  semence  des  poissons. 
Les  laitances  des  carpes,  des  harengs  et  des  maquereaux  contien- 
nent beaucoup  de  phosphore  et  sont  un  manger  fort  délicat,  mais 
très-échauffant.  Nous*  avons  dit  presque  toutes  les  préparations 
auxquelles  peut  être  soumis  cet  aliment;  mais,  le  plus  souvent, 
on  l'apprête  en  friture,  en  caisse,  en  papillotes  farcies,  au  gratin 
maigre ,  en  garniture  de  ragoût,  et,  pour  foncer  les  tourtes,  aa 
vin  blanc. 

Les  poissons  laites  sont  plus  estimés  que  les  femelles  œuvées. 

LAITUE.  —  Plante  potagère,  ainsi  nommée,  selon  Tour- 
nefort,  parce  qu'on  lui  attribuait  la  faculté  d'augmenter  le  lait 
des  nourrices,  et  eunuchinus^  selon  Pythagore,  parce  que  ses 
qualités  réfrigérantes  équivalent  à  la  castration. 

Il  y  en  a  plusieurs  espèces  :  la  pommée,  la  cabuse,  la  laitue 
crépue,  la  romaine  à  feuilles  droites,  la  romaine  frisée,  la  laitue 
à  feuilles  de  chêne,  les  laitues  panachées  et  les  chicons  blancs. 
Les  deux  meilleures  espèces  de  laitue  sont  la  laitue  impériale  et 
la  laitue  de  Silésie  ;  elles  peuvent  fournir  des  salades  pendant 
toute  Tannée  ;  en  outre,  on  les  sert  en  ragoûts,  farcies,  braisées, 
à  la  crème,  en  marinade,  frites,  et  pour  garniture  de  toutes  les 
grosses  pièces  de  relevé, 

.  Laitues  farcies.  —  Épluchez,  nettoyez  et  faites  blanchir  vos 
laitues  ;  égouttez,  ôtez  le  cœur,  remplacez-le  par  une  boule  de 
godiveau  ou  de  farce  à  quenelle;  iicelez  vos  laitues,  faites-les 
cuire  à  la  braise  avec  des  tranches  de  rouelle  de  veau,  des  bardes 
de  lard,  des  racines,  un  bouquet  garni  et  un  setier  de  bon  con- 
sommé. 

Autrement  :  Otez-les  de  la  braisière  et  faites-les  mitonner 
avec  un  coulis;  liez  avec  des  jaunes  d'œufs;  servez  au  blanc. 

Laitues  farcies  à  la  dame  Simonne.  —  Faites  blanchir  det 
laitues  pommées  en  leur  faisant  seulement  sentir  la  chaleur  de 


LAITUE.  6^9 


Teau;  faites-les  ensuite  égoutter;  prenez  de  la  chair  de  poulets 
ou  des  blancs  de  chapon  cuits,  hachez-les  avec  quelques  mor- 
ceaux de  jambon  cuit  et  quelques  champignons,  un  peu  de  persil 
et  de  ciboule,  une  tétine  de  veau  et  un  peu  de  lard  blanchi  et 
de  mîe  de  pain  trempée  dans  de  la  crème,  quatre  ou  cinq  jaunes 
d'œufs  crus,  avec  sel,  poivre,  fines  herbes  et  fines  éptces;  le  tout 
bien  haché,  pilez-le  dans  un  mortier;  prenez  ensuite  vos  laitues, 
pressez-les  bien  une  à  une,  prenez  la  laitue  du  côté  du  pied, 
étendez  feuille  par  feuille  sans  les  casser  jusqu'au  petit  cœur,  que 
vous  ôtez  ;  mettez  à  la  place  un  morceau  de  farce  et  relevez  les 
feuilles  par-8essus  jusqu'à  la  fin  et  ficelez-la  bien  :  continuez 
de  les  farcir  toutes  de  même. 

Coupez  par  tranches  deux  livres  de  rouelle  de  veau  ;  gar-- 
nissez-en  le  fond  d'une  casserole  avec  des  bardes  de  lard,  quelques 
.  tranches  d'oignon,  et  faites  suer  sur  un  fourneau.  Mettez-y  un 
peu  de  farine  quand  cela  commence  à  s'attacher  et  remuez  avec 
une  cuiller  sur  le  fourneau,  afin  que  cela  roussisse  un  peu; 
mouillez  de  moitié  jus  et  moitié  bouillon,  assaisonnez  de  sel, 
poivre,  clous  de  girofle,  feuilles  de  laurier,  basilic,  persil  et 
ciboule  entière. 

Arrangez  vos  laitues  farcies  au  fond  d'une  marmite;  met- 
tez-y cette  braise,  mouillez  et  faites  cuire;  quand  elles  sont 
cuites,  et  si  vous  voulez  les  servir  au  blanc,  tirez-les  de  la  mar- 
mite, ôtez  la  ficelle,  égouttez-les  bien,  et  mettez-les  dans  une 
casserole  avec  un  coulis  blanc  aussi  épais  que  pour  potage  ;  faites 
mitonner  vos  laitues  dans  le  coulis,  dressez-les  proprement  dans 
un  plat,  et  servez  chaudement  pour  hors-d'œuvre. 

Laitues  farcies  frites.  —  Nettoyez,  épluchez  et  faites  blan- 
chir vos  laitues,  égouttez-les,  battez  quelques  œufs  en  omelette, 
enlevez  le  petit  cœur,  mettez  à  sa  place  une  boule  de  godiveau 
ou  une  farce  à  quenelle;  trempez  vos  laitues  une  à  une  dans 
vos  œufs  préparés  en  omelette,  passez-les,  faites  frire  au  sain- 
doux, et  quand  elles  auront  pris  une  belle  couleur,  servez  sur 
une  serviette  garnie  de  persil  frit. 

Laitues  hachées.  —  Lavez-les,  faites-les  blanchir  dans  une 
eau  de  sel,  et  comme  vous  n'aurez  conservé  que  les  parties  les 
plus  tendres,   mettez-les  dans  l'eau  chaude,  dans  l'eau  froide 


LAMPROIE. 

seront  refroidies,  exprimez-en  l'eau,  hachez-les  et 
ans  une  casserole  avec  135  grammes  de  beurre,  do 
ivre;  quand  elles  seront  un  peu  frites,  vous  y  ajoole- 
itité  de  iàrine  proportionnée  à  celle  de  vos  laitues; 
iz  de  bouillon  ;  après  un  quart  d'heure  d'ébullition, 
croûtons. 

à  l'espagnole.  —  Blanchissez  dans  l'eau  salée, 
r  vingt  minutes;  au  bout  de  ce  temps,  rairaichisset 
nettez  dans  les  cœurs  un  peu  de  sel  et  du  gros  poi- 
s  avoir  iicelées,  mettez-les  dans  une  casserole  sur  un 

de  lard,  avec  quelques  tranches  de  veau,  des  carottes 
tranches,  trois  oignons,  deux  clous  de  girofle,  one 
Lurier;  couvrez-les  de  lard,  mouillez-les  avec  du 
lites  mijoter  pendant  une  heure;  vos  laitues  une 
gouttez-les,  pressez-les,  glacez,  garnissez  de  croû-  , 

.OIE.  —  Poisson  qui  ressemble  à  l'anguille;  il  se 
les  hautes  mers,  s'aventure  dans  les  rivières  au  prin- 
n  a  qui  pèsent  jusqu'à  sept  livres;  sa  forme  est  celle 
vre,  sa  couleur  d'un  jaune  verdâtre  marquetée  de 
s  et  de  points  noirs  ;  sa  peau  moins  foncée  sur  le 

de  Bourgogne,  Philippe  le  Hardi,  avait  pour  coaS»- 
inicain  qu'il  régalait  chaque  année  d'une  lamproie, 
ne  pouvait  s'en  procurer  une,  il  faisait  payer  qua- 
lus  d'argent. 

leterre,  lorsque  ce  poisson  est  rare,  on  le  paye  jus- 
inée.  La  ville  de  Glocester  présente  chaque  année, 
foèl,  un  pâté  de  lamproie  au  roi  ou  à  la  reine. 

reproche  aux  papes  et  aux  seigneurs  romains  de 

convives  de  lamproie ,  qu'ils  payent  jusqu'à  vingt 
t  qu'ils  font  mourir  en  les  plongeant  dans  du  vin  de 
une  muscade  dans  la  bouche,  et  un  grain  de  girofle 

ouverture  des  branchies;  après  cette  préparation, 
uises  dans  une  casserole  où  on  les  disait  cuire  avec 

pilées  et  toutes  sortes  d'épices;  ses  petits,  nommés 
sont  un  mets  recherché;  et  son  frai,  qu'on  appelle 


LANGOUSTE.  661 


sept-œil,  est  un  hors-d'œuvre  d'une  délicatesse  extrême;  on  le 
reçoit  principalement  de  Rouen  et  de  Barfleur,  d'où  Ton  expédie 
la  sept-œil  toute  préparée  dans  des  pichets,  avec  un  mélange  de 
beurre  frais,  de  purée  d'oseille  et  de  fines  herbes. 

C'est  à  tort  qu'on  a  accusé  les  anciens  Romains  de  nourrir 
leurs  lamproies  avec  des  esclaves. 

Auguste  ayant  fait  prévenir  PoUion  qu'il  irait  dîner  chez 
lui,  un  esclave  cassa  un  vase  de  verre  dont  il  comptait  se  faire 
honneur  devant  l'empereur. 

Védius  PoUion  ordonna  qu'il  fut  aussitôt  jeté  aux  lamproies, 
mais  ce  malheureux  courut  à  Auguste  et  lui  demanda  la  vie  ; 
non-seulement  Auguste  la  lui  accorda ,  mais  encore  il  fit  casser 
tous  les  vases  de  verre  qui  se  trouvaient  chez  son  hôte  et  combler 
tous  les  viviers. 

Les  grosses  lamproies  reçoivent  encore  aujourd'hui  les 
mêmes  préparations  qu'au)  xv  i®  siècle  ;  on  appelle  la  manière  de 
les  préparer  à  l'angevine. 

Lamproie  à  la  sauce  douce.  —  Saignez-la  par  la  gorge  et 
gardez  soii  sang;  limonez-la  dans  l'eau  bouillante  et  passez-la 
dans  un  roux;  après  l'avoir  coupée  par  tronçons,  vous  la  mouil- 
lerez aussi  avec  du  vin  de  Bourgogne  rouge,  en  y  ajoutant 
de  la  cannelle,  un  bouquet  de  fines  herbes  où  vous  ajouterez  une 
branche  de  sauge,  ainsi  qu'une  écorce  de  citron  vert,  vous  éta- 
blirez dans  le  fond  du  plat  un  large  croûton  de  pain  de  seigle 
ainsi  qu'il  est  indiqué  pour  les  matelotes  à  l'anguille. 

Lamproie  à  la  matelote  bourguignonne.  —  (V.  Matelote 

BOURGUIGNONNE.) 

Lamproie  à  la  tartare.  —  Suivez  exactement  les  mêmes 
procédés  pour  ce  poisson  que  pour  l'anguille  à  la  tartare,  excepté 
qu^il  faut  échauder  les  lamproies  pour  les  limonner  au  lieu  de  les 
écorcher. 

Lamproie  aux  champignons,  —  Cuisez  à  la  casserole  des 
tronçons  de  lamproie  avec  moelle  de  bœuf,  champignons,  fines 
herbes,  macis,  piment  de  Cayenne  et  vin  blanc;  faites  réduire  le 
mouillement  et  garnissez  votre  plat  d'entrée  avec  des  ceps  ou  des 
oranges. 

LANGOUSTE.  —  Crustacé  qui  diffère  du  homard  en  ce 


66a  LANGUE. 


qu'il  est  d'une  saveur  moins  fine,  et  qu'il  est  dépoufyu  des  grosses 
pattes  que  les  pêcheurs  appellent  des  mordants;  la  langouste  se 
fait  cuire  au  court-bouillon  et  se  mange  avec  une  rémoulade  aux 
câpres  ou  une  mayonnaise  au  citron  et  à  l'huile  d'olive. 

LANGUE.  —  Presque  tous  les  praticiens  qui  ont  écrit  sur 
la  cuisine  ont  avancé  que  la  langue  était  la  partie  de  l'animal  qui 
dépassait  les  autres  pour  son  goût  excellent;  ils  font  exception 
pour  la  langue  de  bœuf,  et  cependant  elle  était  tellement  estimée 
sous  Louis  XII,  qu'il  existait  un  droit  féodal  dans  certaines  par- 
ties de  la  France  par  lequel  toutes  les  langues  de  bœufs  tués 
appartenaient  au  seigneur  du  lieu. 

Langue  fumée.  —  Ayez  autant  de  langues  de  bœuf  que 
vous  le  jugerez  à  propos,  supprimez-en  le  gosier  et  faites-les 
tremper  trois  heures  dans  l'eau;  grattez-les,  mettez-les  égoutter  ; 
frottez-les  avec  du  sel  fin  et  environ  deux  onces  de  salpêtre;  ayez 
un  pot  de  grès,  mettez-y  vos  langues,  et  à  mesure  que  vous  les 
arrangerez,  joignez-y  quelques  feuilles  de  laurier,  du  thym,  du 
basilic,  du  genièvre,  du  persil,  de  la  ciboule,  quelques  gousses 
d'ail,  des  échalotes  et  des  clous  de  girofle;  ayez  soin  que  vos 
langues  soient  bien  serrées  les  unes  contre  les  autres,  afin  qu'il 
n'y  ait  nul  vide  entre  elles  :  les  ayant  salées  convenablement, 
couvrez  votre  pot  de  manière  qu'elles  ne  prennent  pas  Tévent; 
laissez-les  au  sel  huit  jours;  après  retirez-les,  attachez-les  par  le 
petit  bout  à  un  grand  bâton  et  mettez-les  fumer  dans  la  cheminée 
jusqu'à  ce  qu'elles  soient  sèches;  quand  vous  voudrez  les 
employer,  lavez-les,  ratissez-les  et  faites-les  cuire  dans  un  bon 
assaisonnement. 

Vous  pouvez  faire  du  petit  salé  avec  la  saumure  assaisonnée 
de  vos  langues. 

Langue  de  bœuf  fourrée.  —  Vous  ferez  dégorger  des  lan- 
gues et  nettoyer  des  boyaux  de  bœuf;  ayant  fait  tremper  quel- 
ques heures  dans  de  l'eau  et  des  herbes  aromatiques  ces  boyaux, 
mettez  vos  langues  dedans  et  liez-en  les  extrémités;  ayez  une 
saumure  assez  considérable ,  mettez-y  du  salpêtre  en  petite  quan- 
tité, macis,  clous  de  girofle,,  gingembre,  poivre  long,  laurier, 
thym,  basilic,  genièvre  et  coriandre;  faites  bouillir  cette  saumure 
une  demi-heure,  à  petit  feu;  passez-la  au  tamis;  laissez-la  repo- 


LANGUE.  66] 


ser;  tirez-la  au  clafr;  mettez-y  tremper  ces  langues  pendant 
douze  jours;  après,  retirez-les,  faites-les  sécher  à  la  cheminée; 
pendant  qu'elles  sèchent,  brûlez  dessous,  si  vous  le  voulez,  des 
herbes  de  senteur  et  faites  cuire  ces  langues  dans  une  braise, 
telles  que  les  langues  fumées. 

Langue  de  bœuf  à  la  braise.  —  Ayez  une  langue  de  bœuf, 
coupez-en  le  cornet;  mettez-la  dégorger  deux  ou  trois  heures  et 
plus  ;  retirez-la  de  Teau  ;  ratissez-la  bien  avec  votre  couteau  pour 
en  oter  la  malpropreté  ;  faites-la  blanchir  dans  un  chaudron  ou 
dans  une  grande  marmite  avec  oignons  et  carottes;  mouillez-la 
avec  du  bon  bouillon  et  un  verre  de  vin  blanc;  joignez-y  quel- 
ques parures  de  viande  de  boucherie,  de  volaille  ou  de  gibier, 
afin  de  lui  donner  du  goût;  faites-la  partir;  après,  mettez-la  sur 
un  feu  modéré,  couvrez-la  d'un  papier  et  d'un  couvercle  avec  feu 
dessus;  laissez-la  mijoter  quatre  heures  et  demie;  dressez-la  sur 
un  plat;  arrangez  autour  des  légumes  avec  lesquels  vous  Tavez 
fait  cuire;  passez  son  fond  à  travers  un  tamis  de  soie;  saucez 
votre  langue  avec  ce  fond,  dans  lequel  vous  ajouterez  une  ou 
deux  cuillerées  d'espagnole,  et  servez. 

Langue  de  bœuf  en  papillote.  —  Faites  cuire  cette  langue 
comme  la  précédente,  sans  la  larder  :  quand  elle  sera  cuite,  lais- 
sez-la refroidir  dans  son  assaisonnement;  après,  coupez-la  par 
lames  de  l'épaisseur  d'un  demi-pouce;  ayez  soin  de  la  couper  en 
bec  de  sifflet,  pour  qu'elle  représente  à  peu  près  la  largeur  d'une 
côtelette  de  veau;  parez  tous  les  morceaux  avec  propreté;  faites 
qu'ils  soient  de  même  grandeur,  et  mettez-les  en  papillotes  de  la 
manière  suivante  :  hachez  autant  de  persil  que  de  ciboules  et 
deux  fois  plus  de  champignons  ;  en  hachant  ces  derniers,  expri- 
mez dessus  un  jus  de  citron  pour  les  maintenir  blancs,  mettez-les. 
dans  le  coin  d'un  torchon  et  pressez-les;  supprimez  le  jus; 
ensuite,  jetez  le  tout  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de 
beurre;  mettez-y  sel,  gros  poivre  et  un  peu  de  muscade  râpée;, 
faites  cuire  le  tout  à  petit  feu  ;  selon  la  quantité  de  vos  fines, 
herbes,  versez-y  une  cuillerée  ou  deux  d'espagnole  réduite  ou 
de  velouté;  faites  réduire  le  tout  de  nouveau,  en  sorte  que  l'hu- 
midité ne  fasse  pas  crever  vos  papillotes  :  taillez  votre  papier  en 
forme  de  cœur,  en  coupant  un  peu  la  pointe;   étendez  votre 


l 


664  LAPIN. 

papier;  huilez-le  légèrement  avec  le  doigt  à  Tendroit  où  tous 
devez  poser  votre  morceau  de  langue  et  vos  fines  herbes  ;  ensuite 
mettez  une  petite  barde  de  lard  sur  le  papier,  et  sur  ce  lard  la 
valeur  d'une  cuillerée  à  bouche  des  mêmes  herbes;  ensuite 
posez  votre  morceau  de  langue,  et,  dessus,  faites  la  même  opéra- 
tion que  dessous  :  vous  aurez  soin  de  rogner  votre  papier  avec 
des  ciseaux,  au  cas  où  il  serait  trop  grand  pour  la  côtelette  : 
ployez-le  de  manière  à  ce  que  les  bords  se  trouvent  égaux;  videz 
la  papillote  tout  autour  le  plus  serré  que  possible,  en  sorte  que 
la  partie  coupée  de  ce  papier  se  trouve  rentrée  en  dedans  du 
bord  :  pour  y  parvenir,  vous  pincerez  votre  papier  avec  le  pouce 
et  l'index  et  le  rentrerez  en  dedans,  comme  si  vous  vouliez  Étire 
une  corde  :  à  Tégard  de  la  pointe  du  haut,  vous  la  tordez  conmie 
une  papillote  ;  cela  fait,  huilez  vos  papillottes  '  en  dehors,  soit 
avec  la  main,  soit  avec  un  doroir;  mettez-les  sur  un  gril,  avec 
feu  doux,  environ  dix  minutes;  avant  de  servir,  retournez-les, 
cinq  minutes  après  les  avoir  posées  sur  le  feu  ;  que  le  papier  soit 
d'une  belle  couleur;  lorsque  vous  les  verrez  gonfler,  c'est  une 
preuve  qu'elles  sont  atteintes  ;  servez-les  tout  de  suite. 

Langue  de  bœuf  à  Vitalienne  ou  au  parmesan.  —  Faites 
cuire  cette  langue  dans  une  braise,  comme  la  précédente;  lais- 
sez-la refroidir  de  même;  coupez-la  par  lames  très-minces; 
mettez  du  parmesan  dans  le  fond  d'un  plat  creux  ;  couvrez  votre 
parmesan  de  vos  tranches  de  langue,  ainsi  de  suite;  faites  trois 
ou  quatre  lits  de  langues  et  de  fromage  ;  arrosez  chaque  lit  d'un 
peu  du  fond  dans  lequel  aura  cuit  la  langue  dont  il  s'agit,  et 
finissez  par  un  lit  de  fromage  que  vous  arroserez  d'un  peu  de 
beurre  fondu;  mettez  le  plat  au  four  ordinaire  ou  de  campagne; 
donnez  à  votre  parmesan  une  belle  couleur,  et  servez, 

LAPIN.  —  Les  lapins  sont  originaires  d'Afrique,  d*où  ils 
passèrent  en  Espagne,  puis  en  France.  Pline  et  Varron  racon- 
tent qu'à  Tarragone,  ville  d'Espagne,  le  nombre  considérable  de 
lapins  qui  avaient  creusé  leurs  terriers  sous  les  maisons  de  cette 
ville  causèrent  l'éboulement  de  vingt-cinq  ou  trente  de  ces  mai- 
sons. Bazilazzo,  l'une  des  iles  Lipari,  fut  privée  de  toutes  ses 
récoltes  et  réduite  à  la  famine  par  le  grand  nombre  de  ces  ani- 
maux. Ils  étaient  si  abondants  dans  les  provinces  méridionales 


LAPIN.  66s 

de  la  France,  que  Beaujeu  raconte  qu'en  1551  un  gentilhomme 
provençal  étant  allé  à  la  chasse  aux  lapins  avec  quelques-uns  de 
ses  vassaux  et  trois  chiens,  il  en  rapporta  le  soir  six  cents.  Dans 
les  îles  qui  sont  auprès  d'Arles,  dit-il,  il  /  en  a  tant  que,  quand 
un  chasseur  n'en  tue  pas  cent  dans  la  journée,  il  revient  mécon- 
tent. Le  lapin  était  regardé  comme  un  emblème  de  la  fécondité; 
elle  est  si  prodigieuse  que  Ton  a  calculé  que  dix  hases  pou- 
vaient produire  dans  une  année  jusqu'à  huit  ou  neuf  cents  lapins. 
Elles  portent  trente  ou  trente  et  un  jours,  et  fournissent  annuel- 
lement au  commerce  de  la  chapellerie  pour  quinze  à  vingt  millions 
de  peaux.  L'hiver  est  le  meilleur  temps  pour  le  manger,  et,  pour 
le  manger  bon,  il  faut  qu'il  ne  soit  ni  trop  jeune  ni  trop  vieux  ; 
pour  distinguer  le  lapin  du  lapereau,  on  tàte  en  dehors  des 
pattes  de  devant  en  dessus  de  la  jointure,  et  si  Ton  sent  dans  cette 
partie  une  saillie  grosse  comme  une  lentille,  c'est  une  preuve 
que  l'animal  est  complètement  jeune.  On  reconnaît  les  lapins  de 
garenne  à  ce  qu'ils  ont  le  poil  des  pieds  et  celui  qui  est  sous  la 
queue  de  couleur  rousse;  on  imite  cette  couleur  dans  les  lapins 
de  clapier  en  faisant  roussir  lé  poil  de  ces  parties  au  feu;  on 
reconnaît  facilement  cette  fraude  à  l'odeur,  ou  bien  en  lavant 
ces  parties  si  elles  ont  été  teintes  ;  la  chair  du  lapereau  vient 
immédiatement,  sous  le  rapport  de  la  digestibilité,  après  celle 
des  volailles  qui  ne  sont  pas  trop  grasses  et  avant  celle  des 
volailles  qui  le  sont  trop. 

Lapereaux  rôtis  et  servis  en  accolade.  —  Dépouillez  deux 
lapereaux,  videz-les  en  leur  laissant  le  foie,  faites-les  refaire  sur 
la  braise,  ensuite  piquez-les  de  menu  lard  sur  le  dos  et  les 
cuisses,  enfin,  mettez-les  à  la  broche.  On  ajoute  beaucoup  au 
fumet  des  lapins  en  leur  mettant  dans  le  ventre  quelques  feuilles 
du  prunier  de  Sainte-Lucie  ou  un  bouquet  de  mélilot ,  plante 
très-commune  dans  les  prairies  sèches. 

Gibelotte  de  lapin  à  V ancienne  mode.  —  Coupez  un  lapin 
par  morceaux  et  une  moyenne  anguille  en  tronçons,  faites  un 
roux,  et  passez-y  votre  lapin  et  vos  tronçons  d'anguille ,  quand 
il  sera  d'une  belle  couleur  café  au  lait;  faites-y  revenir  alors  des 
champignons  et  des  petits  oignons;  quand  le  tout  sera  bien 
revenu,   mouillez   avec  un   tiers  de  vin  blanc,  deux  tiers  de 


666  LAPIN. 

bouillon  ;  assaisonnez  de  sel,  de  poivre,  de  persil,  de  ciboules  et 
de  thym  ;  ôtez  les  tronçons  d'anguille  et  les  oignons,  faites  cuire 
à  grand  feu;  lorsque  le  mouillement  sera  réduit  à  un  tiers, 
remettez  les  tronçons  d'anguille  et  les  oignons,  finissez  à  feu 
doux,  dégraissez  et  servez. 

Sauté ^  ou  escalopes  de  lapereaux. — Prenez  deux  lapereaux, 
dépouillez-les,  levez-en  les  filets,  prenez  la  chair  et  les  cuisses, 
ôtez  les  filets  mignons  et  les  rognons,  supprimez  les  nerfs  et  les 
peaux  de  ces  chairs,  coupez-les  en  petits  morceaux  d'égale  gros* 
seur,  aplatissez-les  avec  le  manche  de  votre  couteau,  que  vous 
tremperez  dans  de  l'eau,  parez-les;  faites  fondre  du  beurre  dans 
une  sauteuse,  arrangez-y  vos  escalopes  les  unes  après  les  autres, 
saupoudrez-les  légèrement  d'un  peu  de  sel  et  d^  gros  poivre; 
mettez  dessus  un  peu  de  beurre  fondu,  couvrez-les  d'un  rond  de 
papier  et  laissez-les  ainsi  jusqu'au  moment  de  servir;  coupez  vos 
carcasses  de  lapereaux  par  morceaux,  mettez-les  dans  une  petite 
marmite,  avec  une  carotte,  deux  oignons,  dont  un  piqué  d'un 
clou  de  girofle,  un  bouquet  de  persil  et  ciboules,  une  feuille  de 
laurier,  une  lame  de  jambon  et  quelques  débris  de  veau  ;  mouillez 
tout  cela  avec  du  consommé,  faites-le  bouillir,  écumez-le  et 
laissez-le  cuire  environ  une  heure  ;  dégraissez  ce  consommé  et 
passez  au  tamis;  faites-le  réduire  aux  trois  quarts;  ajoutez-y 
deux  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole  réduite;  faites  revenir 
de  nouveau  votre  sauce  en  la  travaillant,  à  consistance  d'une 
demi-glace  ;  au  moment  de  servir,  sautez  vos  escalopes,  faites-les 
roidir  des  deux  côtés,  égouttez-en  le  beurre  en  conservant  leur 
jus,  mettez-les  dans  votre  sauce,  sautez-les,  dressez-les  dans  on 
plat,  et  servez. 

Vous  pouvez,  dans  la  saison,  couper  des  truffes  en  liards» 
les  passer  dans  du  beurre,  les  égoutter,  et  au  moment  de  servir, 
les  sauter  avec  vos  escalopes. 

Lapereaux  aux  petits  pois.  —  Faites  un  petit  roux;  coupez 
vos  lapereaux  par  membres;  votre  roux  étant  bien  blond,  passez- 
les  dedans,  ajoutez-y  quelques  dés  de  jambon  et  mouillez  le  tout 
avec  du  bouillon,  faites  que  votre  roux  soit  bien  délayé,  mettez- 
y  un  bouquet  de  persil  et  ciboules  garni  d'un  clou  de  girofle, 
d'une  feuille  de  laurier  et  d'une  demi-gousse  d'ail  ;  lorsque  votre 


LAPIN.  667 

lapin  sera  en  train  de  bouillir,  mettez-y  un  litre  de  petits  pois  et 
faites  cuire  le  tout  que  vous  assaisonnerez  de  sel  en  suffisante 
quantité  ;  quand  votre  votre  ragoût  sera  bien  réduit,  supprimez- 
en  le  bouquet  et  servez, 

iMpereaux  roulés  aux  pistaches.  —  Habillez  deux  lapereaux 
dont  vous  garderez  les  foies,  désossez-les  sans  couper  la  peau, 
étendez  dessus  une  farce  faite  avec  les  foies,  blanc  de  poularde,, 
graisse,  lard  blanchi^  persil,  ciboules,  champignons,  une  pointe 
d'ail,  sel,  poivre,  muscade,  jaunes  d'œufs  pour  liaison,  le  tout 
bien  mêlé  et  pilé  ensemble  et  de  bon  goût,  mettez  également  de 
cette  farce  partout,  unissez  avec  un  couteau  trempé  dans  de  Toeuf 
battu,  roulez  les  lapereaux,  enveloppez-les  de  bardes  de  lard  et 
d'une  étamine,.  ficelez-les  et  faites-les  cuire  à  la  braise,  puis 
développez-les,  dégraissez-les  et  servez-les  avec  une  bonne  essence 
de  pistaches.    ' 

Filets  de  lapereaux  piqués  et  glacés.  —  Ayez  six  lapereaux 
dont  vous  levez  les  filets,  parez-les,  supprimez-en  la  peau  et  les 
nerfs,  piquez-en  six  des  plus  gros  de  menu  lard,  et  faites  des  inci- 
sions de  distance  en  distance  aux  six  autres;  prenez  des  truffes, 
arrondissez-les,  cannelez-les,  c'est-à-dire  donnez-leur  la  forme 
d'une  petite  crête,  coupez-les  de  l'épaisseur  d'une  pièce  de  deux 
francs,  arrangez-les  dans  toutes  les  incisions  de  vos  filets;  rangez 
ces  filets  dans  une  sauteuse  dans  laquelle  vous  aurez  fait  fondre 
un  peu  de  beurre;  donnez-leur  la  forme  que  vous  jugerez  à 
propos,  saupoudrez-les  de  sel,  arrosez-les  de  beurre  fondu  et  au 
moment  de  servir  faites  cuire  avec  feu  dessus  et  dessous,  tàtez  s'ils 
sont  cuits,  saucez-les  avec  un  fumet  réduit  et  servez. 

Lapins  en  casserole.  —  Coupez  vos  lapins  en  quatre,  gardez* 
en  les  foies,  piquez  les  morceaux  de  gros  lard  assaisonné  et  de 
lardons  de  jambon,  garnissez  le  fond  d'une  casserole  de  bardes 
de  lard  et  de  tranches  de  veau  avec  sel,  poivre,  fines  herbes,  fines 
épices,  oignons,  ciboules,  persil,  carottes  et  panais,  arrangez  les 
membres  de  lapin  dans  la  casserole,  assaisonnez-les  dessus  et 
dessous  et  faites  cuir  au  four  feu  dessus  et  dessous. 

Faites  un  coulis  avec  un  morceau  de  veau  et  de  jambon  que 
vous  coupez  par  tranches,  battez-les,  garnissez -en  le  fond  d'une 
casserole,  mettez-y  un  oignon,  un  morceau  de  carotte  çt  des 


668  LAPIN. 

panais  coupés  par  tranches,  couvrez  votre  casserole,  mettez  suer 
à  petit  feu  et  ajoutez-y  quand  cela  commence  à  s'attacher  un 
peu  de  lard  fondu  et  de  farine,  remuez  le  tout  ensemble,  mouillez 
de  jus  et  de  bouillon,  moitié  l'un,  moitié  l'autre,  assaisonnez  de 
champignons,  truffes,  ciboules  entières,  persil,  trois  ou  quatre 
clous  de  girofle,  ajoutez  quelques  croûtes  de  pain  et  faites  miton- 
ner le  tout  ensemble. 

Prenez  vos  foies  de  lapin,  pilez-les  dans  le  mortier,  délayez- 
les  avec  un  peu  de  jus  de  votre  coulis,  videz^les  ensuite  dans  la 
casserole  où  est  ce  coulis,  faites-les  un  peu  chauffer,  passez  ce 
coulis  à  rétamine  et  mettez-le  dans  une  autre  casserole. 

Puis  vos  lapins  étant  cuits,  vous  les  retirez  et  les  mettez  dans 
votre  coulis;  laissez  mitonner  un  peu  avant  de  servir,  dressez-les 
dans  un  plat,  jetez  votre  coulis  par-dessus  et  servez  chaudement 
pour  entrée. 

Hachis  de  lapereaux  à  la  Portugaise.  —  Ayez  trois  lape- 
reaux, faites-les  cuire  à  la  broche  et  levez-en  les  chairs,  ôtez  les 
peaux  et  les  nerfs,  hachez  ces  chairs,  mettez-les  dans  un  vase  jus- 
qu'au moment  de  vous  en  servir,  prenez  vos  carcasses  de  lape- 
reaux, concassez-les,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  cinq 
cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole,  deux  de  consommé  et  un  verre 
de  vin  blanc  de  Champagne;  faites  cuire  le  tout,  passez  cette 
farce  à  l'étamine,  faites-la  réduire  jusqu'à  consistance  de  demi- 
glace,  mettez-y  vos  chairs  avec  un  peu  de  gros  poivre  et  un  pain 
de  beurre,  liez  bien  le  tout  sans  le  laisser  bouillir  et  dressez  votre 
hachis  sur  un  plat  auquel  vous  aurez  fait  une  bordure  avec  des 
petits  croûtons  de  pain  frits;  mettez  sur  votre  hachis  huit  ou  neuf 
œufs  pochés  et  glacés.  Ce  hachis  doit  se  trouver  entre  les  œufs 
avec  un  peu  de  votre  essence  que  vous  aurez  réservée  à  ce  sujet. 
Vous  pouvez  aussi  mettre  des  filets  mignons  entre  vos  œufs  en 
sautoirs,  décorés  de  truffes  et  piqués. 

Lapereaux  à  la  Saingarac.  —  Piquez  proprement  vos  lape- 
reaux et  faites-les  rôtir,  ayez  des  tranches  de  jambon  battues, 
passez-les  avec  un  peu  de  lard  et  de  farine,  meltez-y  un  bouquet 
de  fines  herbes,  du  bon  jus  qui  ne  soit  pas  salé,  faites  cuire  le 
tout  ensemble  et  mettez-y  un  filet  de  vinaigre,  liez  cette  sauce 
avec  un  peu  de  coulis  et  de  pain  ;  coupez  les  lapereaux  en  quatre. 


LAPIN.  669 

dressez-les  sur  un  plat,  jetez  fa  sauce  dessus  avec  les  tranches  de 
jambon,  dégraissez-la  et  servez  chaudement. 

Lapins  aux  truffes,  —  Faites  cuire  des  lapins  en  casserole, 
comme  il  est  dit  plus  haut,  passez  les  trufFes  avec  un  peu  de 
beurre  fondu,  mouillez-les  de  moitié  jus  de  veau,  moitié  essence 
de  jambon,  laissez-les  mitonner  pendant  un  quart  d'heure, 
dégraissez-les  et  liez  d'un  coulis,  retirez  ensuite  vos  lapins, 
égouttez-les,  mettez-les  dans  le  ragoût  de  truffes,  dressez-les, 
jetez  le  ragoût  par-dessus  et  servez  pour  entrée. 

Lapins  en  bre^ole.  —  Habillez,  deux  gros  lapereaux,  coupez- 
les  en  quatre,  dressez-les,  levez-en  la  chair  que  vous  mettrez  à 
part  et  conservez-en  la  peau,  faites  une  farce  avec  cette  chair,  les 
foies,  de  la  graisse  de  bœuf,  de  veau,  de  lard  blanchi,  assaison- 
nez de  sel,  poivre,  fines  herbes,  fines  épices,  câpres  hachées,  pilez 
le  tout  dans  un  mortier,  ajoutez-y  deux  ou  trois  jaunes  d'œufs 
pour  lier  le  tout  ;  étendez  les  peaux  de  vos  lapins  sur  la  table, 
étendez  de  la  farce  dessus,  roulez-les,  ficelez-les,  puis  garnissez 
une  casserole  de  tranches  de  bœuf  et  de  bardes  de  lard,  avec  sel, 
poivre,  fines  herbes,  fines  épices;  arrangez  les  brezoles  dessus, 
assaisonnez  comme  dessous,  ajoutez-y  un  bouquet  garni,  carottes, 
panais,  oignons,  laurier,  coriandre;  mouillez  de  deux  cuillerées 
de  bouillon,  couvrez  la  casserole  et  faites  cuire  à  petit  feu.  Vos 
brezoles  étant  cuites,  égouttez-les  dans  une  autre  casserole, 
mettez  dedans  une  essence  jambon,  des  mousserons  hachés  et 
mitonnes,  passez  les  brezoles  de  la  casserole  où  elles  ont  cuit  dans 
celle  où  est  l'essence,  sans  trop  les  remuer,  laissez  attacher  le 
jus  de  votre  braise,  mouillez  encore  de  jus,  dressez-les  dans  un 
plat,  et  servez  avec  une  échalote  et  jus  de  citron  pour  entrée. 

Lapereaux  en  fricassée  de  poulet,  —  Ayez  deux  lapereaux 
bien  tendres,  coupez-les  en  morceaux,  essuyez-en  le  sang,  met- 
tez-les dans  une  casserole  avec  de  Teau,  quelques  tranches  d'oi- 
gnon ,  une  feuille  de  laurier,  du  persil  en  branche,  quelques 
ciboules  et  un  peu  de  sel;  faites-leur  jeter  un  bouillon,  égouttez- 
les,  essuyez-les  et  parez-les  de  nouveau  ;  mettez-les  dans  une  autre 
casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  sautez-les,  saupoudrez-les 
légèrement  de  farine ,  mouillez-les  avec  l'eau  dans  laquelle  ils 
ont  blanchi,  en  ayant  soin  de  les  reqjuer  pour  que  la  farine  ne 


éyo  LAPIN 

fasse  point  de  grumeaux  ;  faites-lés  bouillir,  mettez  des  champi- 
gnons, des  mousserons  et  des  morilles,  laissez  cuire,  faites  réduire 
la  sauce  convenablement  :  votre  ragoût  cuit,  liez-le  avec  quatre 
jaunes  d'œufs  délayés,  soit  avec  un  peu  de  lait,  soit  avec  de  la 
crème  ou  un  peu  de  la  sauce  refroidie,  et  finissez-les  en  y  met- 
tant un  jus  de  citron,  un  filet  de  verjus,  ou  bien  encore  un  filet 
de  vinaigre  blanc,  et  servez. 

Lapereau  au  gratin,  —  Habillez  et  coupez  par  membres 
un  lapereau  ;  foncez  une  casserole  de  tranches  de  veau,  bardes  de 
lard,  cinq  ou  six  tranches  de  jambon  coupées  bien  égales;  mettez 
vos  morceaux  de  lapereau  dessus,  presque  pas  de  sel,  couvrez  de 
bardes  de  lard  et  mettez  cuire  à  la  braise  en  y  mettant  un  bou- 
quet garni  avec  clous  de  girofle,  basilic  et  laurier. 

Hachez  le  foie,  avec  persil,  ciboules,  champignons,  liez 
avec  deux  jaunes  d'œufs,  ajoutez  lard  râpé,  sel  et  poivre,  mettez 
de  cette  farce  sur  un  plat  et  laissez-la  gratiner  sur  un  très-petit 
feu,  retirez-la  ensuite  et  égouttez-la.  Puis  le  lapereau  étant  cuit, 
vous  le  tirez  avec  le  jambon,  vous  dégraissez  la  sauce,  la  mouillez 
d'un  peu  de  coulis  et  de  jus,  vous  faites  prendre  un  bouillon; 
dégraissez  et  passez  au  tamis,  dressez  les  morceaux  de  lapereau 
sur  la  farce,  une  tranche  de  jambon  entre  chaque  morceau,  vous 
échauffez  le  plat  sur  un  fourneau,  la  sauce  par-dessus,  et  servez 
chaudement. 

Timbale  de  lapereaux.  —  Ayez  .deux  lapereaux  que  vous 
coupez  par  membres,  passez-les  dans  une  casserole  avec  sel, 
poivre,  fines  herbes  hachées,  ciboules,  champignons  et  truffes^ 
épices  fines  et  laurier  ;  mêlez  le  tout  et  mouillez  avec  un  verre  de 
vin  blanc  et  deux  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole,  faites  mijo- 
ter, et  quand  vos  lapereaux  seront  cuits,  laissez-les  refroidir,  bx^z 
la  feuille  de  laurier,  puis  beurrez  une  casserole  de  grandeur 
convenable,  foricez-la  de  petites  bandes  de  pâte  roulées  en  com- 
mençant par  le  milieu  du  fond  de  cette  casserole  et  tournant  la 
pâte  en  forme  de  lima^n  jusqu'à  ce  que  vous  arriviez  au  rebord 
de  la  casserole;  moulez  ensuite  un  morceau  de  pâte,  qui  vous 
servira  à  faire  un  double  fond,  abaissez-la,  donnez-lui  l'épais- 
seur d'une  pièce  de  5  francs,  pliez-la  en  quatre,  puis  mouillez 
un  peu  les  bandes  avec  un  doroir,  posez  dessus  votre  double  fond 


LAPIN.  671 

en  appuyant  légèrement  afin  qu'il  ne  reste  aucun  vide  entre  les 
bandes  et  rabaisse,  roulez  du  godiveau  avec  un  peu  de  farine, 
formez-en  de  petites  quenelles,  garnissez-en  le  fond  de  votre 
timbale,  mettez-en  tout  autour,  presque  jusqu'au  bord,  remplis- 
sez-en le  vide  des  membres  de  vos  lapereaux,  joignez-y  quelques 
champigQons  tournés  et  passez  dans  du  beurre.  Faites  une 
'seconde  abaisse  pour  couvrir  votre  timbale,  mouillez-en  les 
bords,  posez  dessus  votre  couvercle  de  pâte,  soudez-le  et  videz-le  ; 
mettez-la  au  four  environ  une  heure  et  demie  ;  lorsqu'elle  sera 
<:uite  de  belle  couleur  et  que  vous  serez  prêt  à  servir,  renver- 
sez-la sur  le  plat,  levez-en  un  couvercle  de  la  grandeur  que 
vous  voulez,  mettez  dans  votre  timbale  une  bonne  espagnole 
réduite,  et  servez. 

Si  vous  n'avez  pas  le  temps  de  faire  ces  bandes,  beurrez 
votre  casserole,  saupoudrez-la  de  vermicelle,  mettez  votre  abaisse 
dessus,  et  procédez  pour  le  reste  comme  il  est  indiqué  ci-dessus. 

Lapereau  piqué  aux  navets.  —  Habillez  un  lapereau  et  cou- 
pez-le par  membres  ;  piquez-le  de  petit  lard,  mettez-le  ensuite 
dans  une  casserole  avec  une  tranche  de  jambon,  un  bouquet,  du 
bouillon,  faites-le  cuire  et  glacez-le;  tournez  des  navets  en 
amandes,  faites-les  blanchir  et  cuire  avec  du  bouillon,  du  jus  et 
un  peu  de  sel.  Quand  ils  sont  cuits,  vous  les  mettez  dans  une 
bonne  essence;  mettez  un  peu  de  bouillon  dans  la  casserole  où 
vous  avez  glacé  le  lapereau,  détachez  tout  ce  qui  reste,  passez-le 
au  tamis  et  mettez-le  dans  l'essence;  puis  vous  dressez  votre 
lapereau  avec  le  ragoût  de  navets  autour. 

Lapereaux  en  papillotes. — Prenez  des  lapereaux,  videz-les, 
coupez-les  en  morceaux,  désossez-les,  passez-les  dans  de  fines 
herbes  hachées,  faites-les  cuire  une  demi-heure,  et  préparez-les, 
du   T^st^y  comme  les  côteletes  de  veau.  (Voir  Côtelettes  de 

VEAU    EN   PAPILLOTTES.) 

Marinade  de  lapereau.  —  Ayez  deux  lapereaux  cuits  à  la 
broche,  laissez-les  refroidir,  coupez-les  par  membres,  faites-les 
mariner  ;  lorsqu'ils  le  seront  suffisamment,  égouttez-les,  met- 
tez-les dans  une  pâte  à  frire,  faites-les  frire  de  belle  couleur,  et 

Salade  de  lapereaux.  —  Faites  cuire  un  ou  deux  lapereaux 


67a 


LAPIN. 


à  la  broche,  coupez-les  par  membres,  parez-les,  dressez-les  sur 
un  plat,  décorez-les  avec  des  filets  d'anchois,  des  œufe  durs  cou- 
pés par  quartiers,  des  betteraves, — si  c'est  la  saison,  —  des  cœurs 
de  laitue,  des  câpres,  de  petits  oignons  cuits,  de  la  fourniture 
hachée,  et  servez  avec  un  huilier. 

Cuisses  de  lapereaux  à  la  Mailly.  —  Prenez  les  cuisses  de 
deux  forts  lapereaux,  élargissez  le  dedans  le  plus  que  vous  pour- 
rez sans  percer,  prenez  ensuite  les  filets  du  reste  des  lapereaux, 
que  vous  coupez  en  dés,  et  que  vous  maniez  avec  du  persil,  ciboules, 
champignons,  sel,  gros  poivre;  remplissez  de  cette  farce  Tinté- 
rieur  des  cuisses  de  vos  lapereaux,  cousez-les  bien;  mettez  dans 
une  casserole  des  tranches  de  veau  et  des  bardes  de  lard,  arran- 
gez dessus  les  cuisses  de  vos  lapereaux  et  couvrez-les  de  bardes 
de  lard;  ajoutez-y  du  sel,  gros  poivre,  bouquet  garni  et  les  os 
des  lapereaux  ;  mouillez  avec  du  bouillon  et  un  verre  de  vin  de 
Champagne,  et  faites  cuire  à  petit  feu. 

Quand  les  cuisses  sont  cuites  à  propos,  dressez-les  sur  un 
plat,  passez  la  cuisson  au  tamis,  dégraissez  la  sauce,  met- 
tez-y une  cuillerée  de  coulis,  et  servez  avec  les  cuisses  des  lape- 
reaux. 

Lapin  cuit  dans  sa  peau.  (  Recette  de  M.  Vuillemot  de  la 

Tête-Noire,)  —  Prenez  un  lapin  de  garenne  gui  ait  été  pris  au 
furet  afin  que  la  peau  ne  soit  pas  perforée;  faites-lui  une  petite 
incision  au  bas -ventre  et  une  semblable  à  la  peau;  écartez  la 
peau,  enlevez  avec  le  doigt,  aussi  légèrement  que  possible,  les 
intestins  et  le  foie,  sans  les  crever,  jusqu'à  la  couronne;  prépa- 
rez ensuite  une  farce  fine  de  truffes  et  champignons,  introduisez 
cette  farce  à  la  place  des  intestins,  écartez  légèrement  la  peau 
afin  de  donner  de  Tair  entre  cuir  et  chair;  recousez  cette  chair, 
coulez  entre  cuir  et  chair  une  cuillerée  à  bouche  d'huile  d'olive 
et  recousez  également  la  peau.  Tout  ceci  fait,  vous  suspendez  le 
lapin  pendant  six  heures  par  les  pattes  et  autant  de  temps  par 
la  tête,  puis  vous  Tembrochez  bien  soigneusement  et  le  faites 
cuire  à  grand  feu  de  broche  sans  l'arroser,  en  nettoyant  de  temps 
en  temps  sa  peau  avec  une  petite  brosse  de  chiendent;  puis, 
vous  le  débrochez,  vous  faites  une  incision  à  la  queue  de  votre 
lapin,  et  vous  ôtez  la  peau,  qui  doit  se  détacher  très-facilement 


LARDER,  673 


en  soufflant  dessus.  Vous  dressez  sur  un  plat  et  servez  avec  une 
bonne  sauce  à  la  Périgueux. 

Ayez  bien  soin  que  les  pattes  de  devant  soient  jointes  aux 
épaules. 

Lapereaux  en  caisse.  —  Ayez  deux  ou  trois  jeunes  lape- 
reaux :  préparez-les,  refaites-les,  posez-les  à  un  feu  nu  pour  les 
roidir;  faites  une  caisse  de  la  grandeur  de  vos  lapereaux,  frot- 
tez-la d'huile,  posez-la  sur  le  gril  et  rangez-y  les  lapereaux  ; 
passez  dans  du  beurre  des  fines  herbes  hachées,  telles  que  per- 
sil, ciboules,  champignons,  ^que  vous  mettrez  dans  un  linge  blanc 
et  que  vous  tordrez  pour  en  supprimer  le  jus,  qui  pourrait 
ramollir  votre  caisse  ;  assaisonnez  ces  fines  herbes  de  sel,  poivre, 
fines  épices  et  versez-les  dans  la  caisse;  mettez-la  sur  un  feu 
doux,  ayez  soin  d'y  tourner  les  lapereaux,  et,  leur  cuisson  faite, 
servez-les. 

Mayonnaise  de  lapereaux.  —  Faites  cuire  deux  lapereaux  à 
la  broche,  laissez-les  refroidir,  coupez-les  par  membres,  parez- 
les  proprement,  mettez-les  et  sautez-les  dans  une  mayonnaise,  et 
servez. 

LARD.  —  La  chair  de  cochon  tst  généralement  lourde  et 
indigeste,  surtout  pour  les  personnes  qui  ne  font  pas  beaucoup 
d'exercice;  mais  lorsque  le  sel  Pa  endurcie  et  qu'elle  a  séché  à  la 
fumée,  elle  est  encore  plus  malfaisante.  Tel  est  le  lard. 

La  graisse  de  lard,  d'ailleurs,  devenant  ordinairement  rance 
et  acrimonieuse ,  ne  peut  produire  que  de  mauvais  effets  sur 
Pestomac,  et  quelquefois  excorier  la  bouche  et  le  gosier. 

On  appelle  lard  un  morceau  de  cochon  où  il  y  a  un  peu  de 
chair  qui  tient  à  la  couenne  et  qu'on  met  au  pot.  Le  lard  des 
cochons  nourris  de  glands  est  plus  ferme  que  le  lard  de  ceux  qui 
ne  mangent  que  du  son,  et  par  conséquent  meilleur. 

Nous  avons  dit  à  l'article  du  Cochon  tout  ce  qu'il  y  a  à  dire 
du  lard  et  la  manière  de  le  faire. 

LARDER.  —  Terme  de  cuisine  qui  exprime  l'action  de 
passer  des  lardons  à  travers  une  viande  avec  une  lardoire.  Pour 
larder  proprement  une  viande,  il  faut  que  les  lardons  soient  gros 
comme  la  moitié  du  petit  doigt  et  bien  assaisonnés  de  sel  et  de 
poivre  ;  pour  larder  à  la  surface  seulement,  on  n'emploie  que  de 

41 


674  LENTILLE. 


très-fins  filets  de  lard,  qui,  dans  ce  cas,  sont  disposés  avec  symé- 
trie, et  quelquefois  figurent  des  dessins. 

LARDONS.  —  Petits  morceaux  de  lard  dont  on  se  sert  pour 
larder. 

LAURIER.  —  On  ne  se  sert  à  la  cuisine  que  du  laurier 
franCy  ou  àiQ4pollony  dont  on  fait  un  fréquent  usage.  On  en  met 
dans  tous  les  bouquets  garnis,  assaisonnement  obligé  de  tous  les 
ragoûts;  maïs  on  doit  l'employer  avec  modération,  et  sec  de  pré- 
férence, afin  que  la  saveur  en  soit  moins  forte  et  qu^il  ait  moins 
d'àcreté. 

LÈCHEFRITE.  —  Ustensile  de  cuisine  long  et  plat,  possé- 
dant à  chacune  de  ses  extrémités  un  bec,  ou  espèce  de  petite 
gouttière  afin  de  recueillir  plus  facilement  le  jusqu'elle  contient. 
La  lèchefrite  est  destinée  à  recevoir  la  graisse  et  le  jus  des 
viandes  rôties,  et  il  est  indispensable  de  la  tenir  toujours  dans  un 
état  de  propreté  parfaite,  ce  qui  ne  peut  s'obtenir  que  par  un 
écurage  au  sable,  dont  on  se  dispense  trop  souvent  dans  les 
cuisines. 

LÉGUMES.  —  On  entend  par  légumes  les  grains  qui 
viennent  en  gousse  et  qu'on  cueille  avec  la  main.  On  a  donné  à 
tort  ce  nom  à  une  foule  de  végétaux  qui  servent  à  la  nourriture 
de  l'homme  et  des  animaux  ;  on  ne  Ta  pas  seulement  appliqué 
aux  fruits,  mais  à  toutes  les  parties  du  végétal,  racines,  tiges, 
feuilles,  etc. 

Ce  nom  cependant  ne  doit  s'appliquer  qu'aux  seules  plantes 
de  la  famille  des  légumineuses;  telles  que  les  pois,  les  len- 
tilles, les  fèves,  les  haricots,  etc.;  mais  parmi  ces  légumes, 
qui  tous  servent  à  la  nourriture  de  l'homme,  les  uns  sont  sains 
et  d'une  digestion  facile;  les  autres,  au  contraire^  d'une  diges- 
tion laborieuse;  on  ne  doit  donc  pas  en  faire  sa  nourriture 
exclusive,  car  cet  aliment  est  lourd  et  indigeste  et  ne  convient 
guère  qu'aux  estomacs  les  plus  vigoureux,  aux  ouvriers  et 
aux  gens  de  la  campagne,  accoutumés  à  une  vie  laborieuse  et 
pénible. 

Nous  indiquons  à  chaque  article  particulier  la  façon  d'ap- 
prêter et  de  manger  les  différents  légumes. 

LENTILLE.  —  Les  lentilles  sont  de  deux  sortes  :  il  y  a  la 


LEPORIDE.  67s 


grosse  et  la  fine  ;  celle-ci  se  nomme  lentille  à  la  reine,  c'est  la 
plus  estimée. 

Les  lentilles  s'apprêtent  comme  les  haricots;  mais  il  faut 
avoir  bien  soin  de  les  choisir  d'un  blond  clair  et  cuisant  bien,  car 
il  y  en  a  qui  ne  peuvent  cuire  aisément,  même  dans  les  eaux  les 
plus  pures. 

On  en  fait  des  purées  pour  garnir  des  potages  ou  masquer 
des  viandes  cuites  à  Pétuvée. 

*     _  

LEPORIDE.  — ^  Il  y  a  quelque  chose  comme  six  mille  ans  que 
l'on  reproche  aux  savants  de  lutter  contre  Dieu  sans  être  par- 
venus à  inventer  le  plus  petit  animal. 

Fatigués,  ils  se  sont  mis  à  Tœuvre,  et,  en  Tan  de  grâce  1866, 
ils  ont  répondu  en  inventant  le  léporide. 

Cette  fois,  non*seulement  ils  faisaient  une  niche  à  Dieu, 
inais  encore  à  M.  de  BufTon. 

M.  de  Buffbn  avait  dit,  en  voyant  lantipathie  qui  existe 
entre  les  lièvres  et  les  lapins,  malgré  la  ressemblance  qu'il  y  a 
dans  les  deux  espèces  : 

((  Jamais  les  individus  ne  se  rapprocheront.  » 

M.  de  Bu.Ton  se  trompait. 

L'antipathie  qui  existe  entre  le  lièvre  et  le  lapin  n'était 
point  une  antipathie  de  race,  mais  une  simple  antipathie  de 
caractère.  Si  rien  ne  se  ressemble  plus  physiquement  qu'un  lièvre 
et  qu'un  lapin;  moralement,  rien  ne  se  ressemble  moins.  Le 
lièvre  est  rêveur,  ou  plutôt  songeur  ;  il  a  fixé  sa  demeure  à  la 
surface  de  la  terre  :  il  ne  quitte  son  gîte  qu'avec  les  plus  grandes 
précautions,  après  avoir  tourné  dans  tous  les  sens  l'entonnoir 
mobile  de  ses  oreilles.  C'est  le  jour  plus  particulièrement  qu'il 
fait  ses  expéditions,  ne  revenant  plus  à  son  gîte  quand  il  en  a  été 
chassé  deux  ou  trois  fois. 

Le  lapin,  au  contraire,  va  chercher  le  repos  dans  un  long 
souterrain  creusé  par  lui,  et  dont  lui  seul  connaît  les  détours.  Il 
en  sort  imprudemment,  ne  s'inquiétant  pas  du  bruit  qu'il  fait  en 
en  sortant,  et  c'est  presque  toujours  à  la  tombée  de  la  nuit  qu'il 
risque  ses  imprudentes  sorties.  Puis,  comme  il  est  très-friand  de 
trèfle,  de  blé  vert,  d'odorant  serpolet,  il  va  chercher  dans  la 
plaine  ces   hors-d'œuvre  élégants  qui   lui  manquent  dans  la 


676  LÉPORIDE. 


fotèt  :  c'est  là  que  le  chasseur  l'attend  à  l'affût  et  lui  fait  payer 
son  imprudence. 

On  a  dit  que  l'antipathie  des  lapins  et  des  lièvres  était  telle, 
qu'une  garenne  envahie  par  des  lapins  était  aussitôt  abandonnée 
par  les  lièvres,  et  vice  versa.  C'est  parfaitement  vrai;  mais  cela 
tient  à  ce  que  le  lapin,  libertin  et  tapageur,  dort  le  jour  et  veille 
la  nuit,  tandis  que  le  lièvre  dort  la  nuit  et  veille  le  jour.  Il  est 
évident  qu'une  pareille  différence  entre  les  habitudes  doit  rendre 
impossible  une  même  habitation  pour  des  êtres  si  différents  l'un 
de  l'autre  dans  leur  manière  de  vivre. 

C'est,  au  contraire,  là-rdessus  que  les  savants  ont  compté.  Us 
ont  réuni  une  portée  de  lapins  et  une  portée  de  lièvres,  avant 
que  les  uns  ni  les  autres  eussent  les  yeux  ouverts,  et  ils  les  ont 
nourris  du  lait  d'un  animal,  de  la  vache,  qui,  n'ayant  aucun 
rapport  avec  eux,  ne  pouvait  leur  inculquer,  par  la  nourriture 
première,  des  haines  préconçues. 

Ils  mirent  ces  deux  portées  dans  une  pièce  sombre  où, 
lorsque  les  yeux  de  leurs  nourrissons  s'ouvrirent^  ils  ne  purent 
remarquer  la  légère  différence  qui  existait  entre  leurs  deux 
espèces. 

Les  animaux  se  crurent  tous  de  la  même  famille,  et,  bien 
nourris,  n'ayant  aucun  motif  de  querelle,  vécurent  dans  une 
amitié  toute  fraternelle  jusqu'au  moment  où  les  premiers  besoins 
de  l'amour  se  firent  sentir  chez  eux,  et  se  substituèrent  aux  ten- 
dresses fraternelles. 

Les  savants,  qui  se  relayaient  pour  ne  rien  perdre  du  rap- 
prochement jugé  impossible  par  M.  de  Buffon,  virent  un  jour 
avec  grand  plaisir  une  hase  de  lapin  et  un  bouquin  de  lièvre  se 
rapprocher  dans  des  tendresses  plus  que  fraternelles,  puis  la  petite 
colonie  promit  bientôt  de  s'augmenter  dans  des  proportions  qui 
ne  laisseraient  plus  aucun  doute  sur  le  croisement  de  ces  deux 
races  qui  ne  devaient  jamais  se  rapprocher. 

Une  vingtaine  de  petits  furent  le  résultat  de  ce  travail 
mystérieux  de  la  science;  seulement  la  nature  tint  bon  :  les 
lapins  femelles  mirent  toujours  bas  huit  ou  dix  petits, 
tandis  que  les  femelles  de  lièvre  ne  mirent  au  jour  que  deux 
levrauts. 


LEVAIN.  677 


Il  s'agissait  de  continuer  l'expérience  et  de  donner  un 
démenti  complet  à  M.  de  Buffbn. 

M.  de  BufFon  avait  dit  :  «  Si,  par  suite  d'une  erreur,  d'une 
faiblesse  ou  d'une  violence,  il  y  avait  rapprochement  entre  les 
deux  races,  il  en  naîtrait  des  métis  impuissants  à  se  reproduire.)) 

On  isola  de  tous  autres  êtres  de  leur  espèce  cette  portée 
anormale,  et,  à  la  grande  satisfaction  des  savants,  les  enfants 
suivirent  l'exemple  des  pères  et  se  croisèrent  entre  eux. 

Il  s'agissait  de  donner  un  nom  à  cette  espèce  nouvelle  :  on 
l'appela  léporide;  et  on  veilla  à  ce  que  le  croisement  se  con- 
tinuât. 

Aujourd'hui,  nous  avons  des  animaux  complètement  nou- 
veaux, qui  font  la  joie  des  savants  leurs  créateurs,  qui  leur  ont 
donné  le  nom  de  léporide.  Ils  tiennent  à  la  fois  du  lièvre  et  du 
lapin;  seulement,  ils  sont  plus  gros  que  leurs  générateurs  et 
pèsent  jusqu'à  treize  ou  quatorze  livres. 

Leur  chair  est  plus  blanche  que  celle  du  lièvre  et  moins 
blanche  que  celle  du  lapin;  on  les  met  indifféremment  à  toutes 
les  sauces  où  l'on  met  les  deux  quadrupèdes  qui  ont  pris  part  à 
leur  création,  et  l'on  ne  doute  pas  que,  d'ici  à  deux  ou  trois  ans, 
ils  ne  deviennent  assez  communs  pour  prendre  une  place  hono- 
rable dans  nos  forêts  et  sur  nos  marchés.  On  m'a  même  assuré 
que  déjà  plusieurs  avaient  ét^  vus  sur  les  marchés  du  Mans  et  de 
l'Anjou. 

Un  de  ces  animaux  m'a  été  envoyé  par  la  Société  d'acclima- 
tation, à  la  condition  expresse  que  je  le  mangerais.  Je  puis  affir- 
mer que,  soit  qu'il  fût  le  fils  d'un  lapin  et  d'une  hase,  ou  d'une 
lapine  et  d'un  bouquin,  il  n'avait  dégénéré  ni  de  son  père,  ni  de 
sa  mère. 

LEVAIN,  LEVURE.  —  Le  levain  est  un  morceau  de  pâte 
aigrie  ou  imbibée  de  quelque  acide  qui  fait  lever,  enfler  et  fer- 
menter l'autre  pâte  avec  laquelle  on  le  mêle.  Le  pain  ordinaire 
doit  sa  légèreté  au  levain. 

La  levure  est  l'écume  que  forme  la  bière  lorsqu'elle  com- 
mence à  fermenter;  on  égoutte  cette  écume,  on  la  presse,  on  la 
réduit  en  pâte,  et  elle  se  conserve  très-longtemps,  On  l'emploie 
très-souvent  dans  la  pâtisserie. 


6y8  LIEVRE. 


LEVRAUT.  —  Jeune  lièvre.  (V.  Lièvre.) 

LIAISON.  —  Se  dit  en  cuisine  des  sauces  épaisses  ou  liées 
par  le  moyen  de  la  farine  frite,  des  jaunes  d'œufs  ou  des  coulis. 

LIEVRE.  —  Quadrupède  trop  connu  pour  que  nous  ayons 
besoin  de  faire  sa  description  matérielle;  j'ajouterai  seulement 
quelques  observations  sur  son  intelligence,  qui  met  parfois  en 
défaut  celle  des  chasseurs  et  même  des  chiens. 

Le  lièvre  se  chasse  au  chien  d'arrêt,  mais  surtout  au  chien 
courant;  si  on  le  chasse  au  chien  d'arrêt,  il  part  devant  vous  : 
c'est  au  chasseur,  selon  son  adresse  ou  sa  maladresse,  de  le  tuer 
ou  de  le  manquer. 

Si  on  le  chasse  au  chien  courant,  il  fait  deux  tours  dans  la 
plaine  ou  dans  la  forêt,  un  qui  dure  vingt-cinq  minutes  à  une 
demi-heure,  l'autre  qui  dure  trois  quarts  d'heure  à  une  heure 
et  demie  :  c'est  ce  que  l'on  appelle  son  petit  et  son  grand 
parti. 

Par  quelle  fatalité  le  lièvre  revient-il  toujours  à  son  lancer, 
soit  après  son  premier,  soit  après  son  second  parti,  ce  qui  fait 
que  c'est  presque  toujours  près  de  l'endroit  où  il  a  pris  chasse 
qu'il  revient  se  faire  tuer? 

Il  fait  assez  franchement  et  sans  ruser  sa  première  randon^ 
née^  mais  à  la  seconde  il  ruse,  et,  quoique  son  répertoire  ne  soit 
pas  aussi  complet  que  celui  du  renard,  il  arrive  parfois  à  dérou- 
ter les  chiens  et  à  désappointer  le  chasseur. 

Une  de  ses  premières  ruses  est ,  arrivé  à  un  endroit  où  de 
grandes  herbes  ou  des  ronces  lui  offrent  un  refuge,  qu'il  trace  aussi 
exactement  qu'avec  un  compas,  un  cercle  de  vingt-cinq  ou  trente 
pas  de  diamètre;* fait  trois  ou  quatre  tours  sur  le  premier  tracé 
4e  son  cercle;  puis,  réunissant  toutes  ses  forces,  fait  un  bond  de 
/c6té  et  se  rase. 

Les  chiens,  arrivés  au  point  où  il  a  quitté  la  ligne  droite 
pour  prendre  la  ligne  courbe,  en  font  autant  que  lui  et  suivent 
sa  trace  en  tournant  en  rond;  mais  là,  toute  piste  leur  échappe. 
Le  bond  prodigieux  qu'a  fait  l'animal  a  interrompu  la  voie;  les 
chiens,  déroutés,  continuent  de  hurler,  mais  comme  des  animaux 
qui  appellent  le  chasseur  à  leur  aide.  Le  chasseur  arrive,  en 
^fFet;  mais  aussitôt  que  le  lièvre  l'entend,  il  repart,  reposé  et  tout 


I 


LIÈVRE.  679 


prêt  à  une  course  plus  longue  qu'aucune  de  celles  qu*il  vient 
de  faire. 

J'ai  vu  un  lièvre  employer  les  mêmes  ressources  ;  mais,  au 
lieu  de  sauter  à  terre  et  de  chercher  un  refuge  dans  les  ronces, 
sauter  sur  un  arbre  courbé  et  aller  se  .dérober  dans  une  touffe  de 
feuilles. 

Ce  fut  mon  chien  d'arrêt  qui  le  dénicha  et  qui,  par  la  fixité 
de  son  regard,  me  le  dénonça. 

Je  tuai  donc  un  lièvre  branché,  comme  j*aurais  fait  d'un 
faisan  ou  d'un  gelinotte. 

Levraut  à  V anglaise.  —  Dépouillez  un  levraut  jeune  et  tendre 
sans  lui  couper  les  pattes,  et,  pour  qu'il  reste  en  son  entier, 
échaudez-lui  les  oreilles  comme  celles  d'un  cochon  de  lait;  reti- 
rez-lui, par  une  petite  ouverture,  les  poumons  et  le  sang;  prenez 
le  foie,  ôtez-en  l'amer,  hachez-le  très-menu,  faites  une  panade 
un  peu  desséchée  avec  de  la  crème,  pilez-la  avec  le  foie,  mettez 
autant  de  beurre  qu'il  y  a  de  panade,  quatre  jaunes  d'ceuf  crus, 
sel,  poivre  et  fines  épices;  coupez  un  gros  oignon  en  petits  dés, 
fkîtes-le  cuire  à  blanc  et  joignez-le  à  votre  farce,  avec  une  pin- 
cée de  petite  sauge  que  vous  aurez  passée  au  tamis;  mêlez  le  tout 
€t  incorporez-y  le  sang  du  levraut;  goûtez  cette  farce  si  elle  est 
de  bon  goût,  remplissez-en  le  corps  de  votre  levraut,  cousez-le, 
cassez-lui  les  os  des  cuisses  et  fixez-lui  les  pattes  de  derrière  sous 
le  ventre  ;  donnez  une  attitude  à  la  tète  et  aux  pattes  de  devant, 
comme  s'il  était  au  gîte;  mettez-le  à  la  broche  en  lui  conservant 
cette  position  ;  lardez-le,  enveloppez-le  de  papier,  faites-le  cuire 
environ  cinq  quarts  d'heure;  avant  de  le  retirer  du  feu,  ôtez-lui 
le  papier,  supprimez-en  le  lard,  et  servez-le  avec  une  saucière 
remplie  de  gelée  de  groseilles  fondue  au  bain-marie. 

Lièvres  et  levrauts  rôtis.  —  Dépouillez  et  éventrez  votre 
gibier,  frottez-le  de  son  sang  et  faites-le  refaire  sur  la  braise  ; 
piquez-le  ensuite  de  menu  lard  et  mettez-le  à  la  broche,  faites 
cuîre  et  servez  chaudement  avec  une  sauce  douce  faite  avec  du 
sucre  et  de  la  cannelle,  ou  une  sauce  au  vinaigre  avec  sel,  poivre 
et  oignons  piqués  de  clous  de  girofle. 

Lièvre  à  la  bourgeoise.  —  Prenez  un  lièvre  dont  vous  cou- 
pez les  membres;  mettez  le  sang  à  part,  lardez  la  viande  avec  du 


68o  LIEVRE. 


gros  lard,  faites-le  cuire  avec  du  bouillon,  une  chopinedevin 
blanc,  un  bouquet  de  persil,  ciboules,  ail,  clous  de  girofle,  mus- 
cade, thym,  laurier,  basilic,  sel  et  gros  poivre;  faites  cuire  le 
tout  à  petit  feu.  Pilez  très-fin  le  foie  du  lièvre,  passez-le  au 
tamis  avec  une  goutte  de  bouillon  et  mêlez  le  sang  avec.  Quand 
ce  ragoût  est  cuit  à  propos  et  la  sauce  tout  à  fait  réduite,  mettez-y 
le  sang  et  le  foie  passés,  faites  lier  la  sauce  sans  qu'elle  bouille, 
ajoutez-y  un  peu  de  câpres  entières,  et  servez. 

Levrauts  à  la  suisse.  —  Coupez-les  par  quartiers,  lardez-les 
de  gros  lard,  faites-les  cuire  avec  du  bouillon,  un  verre  de  vin 
blanc,  sel,  poivre  et  bouquet  de  fines  herbes.  Quand  la  sauce 
^era  assez  liée,  ôtez-les  du  feu  et  servez-les  avec  un  jus  d  orange, 
après  les  avoir  assaisonnés  d'un  ragoût  fait  avec  le  foie,  le  sang  et 
un  peu  de  farine  mêlés,  avec  un  peu  de  vinaigre,  quelques 
olives,  et  un  peu  de  câpres  entières. 

Civet  de  lièvre.  —  Dépouillez  et  videz  un  lièvre,  coupez-le 
par  morceaux,  en  ayant  soin  de  conserver  le  sang  dans  un  endroit 
frais.  Faites  un  roux  avec  un  peu  de  farine  et  de  beurre,  faites 
revenir  dans  ce  roux  quelques  morceaux  de  petit  salé  ou  de  lard, 
mettez-y  votre  lièvre  et  mouillez-le  quand  il  sera  chaud,  avec 
moitié  bouillon,  moitié  vin  rouge;  ajoutez-y  du  sel  poivre,  bou- 
quet garni,  une  gousse  d'ail,  un  oignon  piqué  de  deux  clous  de 
girofle  et  un  peu  de  muscade  râpée.  Quand  le  lièvre  sera  à  moi- 
tié cuit,  vous  y  joindrez  le  foie  et  le  poumon.  Faites  cuire  à 
grand  feu  jusqu'à  réduction  des  trois  quarts.  Ayez  alors  deux 
douzaines  de  petits  oignons  que  vous  glacez  dans  une  casserole 
avec  un  peu  de  beurre,  un  demi-verre  de  vin  blanc,  jusqu'à 
belle  couleur  blonde;  ajoutez  aussi  des  champignons  et  des  fonds 
d'artichauts  coupés  en  morceaux;  faites  aussi,  en  même  temps, 
frire  à  l'huile  de  petits  croûtons  de  mie  de  pain. 

Toutes  ces  garnitures  préparées,  vous  liez  votre  civet  avec  le 
sang  que  vous  aviez  en  réserve  ;  dressez  alors  votre  lièvre  sur  le 
plat,  couronnez-le  avec  les  petits  oignons  glacés,  versez  la  sauce 
dessus,  ajoutez  les  champignons,  les  fonds  d'artichaut,  le  petit 
salé  ;  garnissez  le  tout  avec  vos  petits  croûtons  frits,  et  ser\'ez 
chaudement. 

Levraut  à  la  broche.  —  Prenez  un  levraut  bien  jeune  et  bien 


\ 


LIEVRE.  68i 


tendre,  coupez  les  deux  pattes  de  devant  près  de  la  jointure. 
Dépouillez-le,  yidez-le,  passez  votre  doigt  entre  ses  quasis  pour 
le  mieux  nettoyer,  crevez  les  diaphragmes,  retirez  les  poumons  et 
le  foie  et  mettez-les  avec  son  sang  dans  un  vase;  coupez  à  moitié 
les  pattes  de  derrière,  passez-en  une  dans  le  jarret  de  l'autre, 
rompez  les  cuisses  vers  le  milieu,  refaites  votre  lièvre  sur  le  feu, 
essuyez-le,  frottez-le  entièrement  de  son  sang  avec  votre  main, 
piquez-le  ou  lardez-le,  mettez-le  à  la  broche,  faites-le  cuire 
environ  trois  quarts  d'heure,  retirez-le  et  servez-le  avec  une  sauce 
poivrade  que  vous  lierez  avec  son  sang,  en  ayant  soin  de  ne  pas 
la  laisser  bouillir. 

Levrauts  au  sang.  —  Prenez  cinq  pigeons  en  vie,  tuez-les, 
mettez  le  sang  sur  une  assiette,  avec  un  jus  de  citron  pour  empê- 
cher qu'il  ne  tourne,  échaudez  les  pigeons  et  troussez-les,  les 
pattes  en  dedans,  faites-les  blanchir  et  passez-les  avec  du  beurre, 
joignez-y  un  bouquet  garni,  une  tranche  de  jambon,  un  ris  de 
veau  blanchi,  des  champignons,  truffes.  Mouillez  avec  un  peu  de 
réduction  et  de  bouillon,  faites  cuire  et  assaisonnez  de  bon  goût, 
puis  liez-le  avec  le  sang,  en  Iç  remuant  sur  le  feu  pour  l'empê- 
cher de  tourner  et  sans  le  laisser  bouillir.  Laissez  refroidir,  pre- 
nez ensuite  un  levraut  que  vous  dépouillez  et  videz  en  mettant 
son  sang  avec  celui  des  pigeons  avant  que  le  ragoût  soit  lié;  levez 
la  chair  du  levraut  par  filets,  hachez-la  avec  un  peu  de  jambon 
cru,  du  persil,  ciboules,  champignons,  ail,  liez  cette  sauce  avec 
cinq  jaunes  d'oeufs  et  mêlez  cette  farce  avec  autant  de  petit  lard 
coupé  en  morceaux  et  haché;  foncez  ensuite  une  poupetonnière 
de  bardes  de  lard,  mettez-y  la  farce,  faites  un  trou  dans  le  milieu 
pour  y  mettre  le  ragoût  de  pigeons,  l'estomac  en  dessous,  recou- 
vrez-le de  la  même  farce  et  de  bardes  de  lard,  mettez  un  cou- 
vercle sur  la  poupetonnière  et  fuites  cuire  au  four;  égouttez-le 
de  sa  graisse,  dressez-le  dans  le  plat  que  vous  devez  servir,  en 
prenant  garde  de  la  rompre,  et  saucez  avec  un  coulis  au  vin  de 
Champagne. 

Levraut  sauté  à  la  minute.  —  Dépouillez ,  videz  et  coupez 
par  morceaux  un  jeune  levraut,  mettez-le  dans  une  casserole 
avec  beurre,  sel,  poivre,  épices,  faites  cuire  à  un  feu  vif  en  remuant 
tous  les  morceaux  l'un  après  l'autre  afin  qu'ils  cuisent  également. 


689  I.IEVRE. 

Lorsqu'ils  sont  fermes  et  qu'ils  résistent  sous  la  pression  des 
doigts^  ajoutez  d'abord  fines  herbes,  échalotes  et  persil  hachés, 
quelques  champignons,  puis  une  cuillerée  à  bouche  de  farine, 
un  verre  de  vin  blanc  et  un  peu  de  bouillon.  Retirez  votre  ragoût 
quand  il  est  sur  le  point  de  bouillir,  et  servez. 

Terrine  de  lièvre  ou  de  levraut.  — Dépouillez  un  lièvre,  Atez- 
en  la  peau  et  levez-en  les  filets,  piquez-les  d'un  moyen  lard  bien 
assaisonné ,  mettez  deux  ou  trois  bardes  de  lard  au  fond  d'une 
terrine,  et  quelques  tranches  de  jambon,  assaisonnez  de  sel,  poivre, 
ânes  épices,  arrangez  les  filets  de  lièvre  dans  la  tçrrine  et  assai- 
sonnez dessus  comme  dessous ,  ajoutez  des  truffes  vertes  et  quel- 
ques champignons,  couvrez  ces  filets  de  tranches  de  bœuf  bien 
battues  avec  des  bardes  de  lard,  couvrez  la  terrine  de  son  cou- 
vercle, mettez  de  la  pâte  autour  et  faites  cuire  feu  dessus  et  des- 
sous, sans  que  le  feu  soit  trop  vif.  Le  tout  étant  cuit,  vous  décou- 
vrez la  terrine,  vous  àttz  les  tranches  de  bœuf  et  de  lard,  dé- 
graissez la  sauce,  voyez  si  elle  est  d'un  bon  goût,  jetez  dedans  une 
essence  de  jambon,  et  servez  chaudement. 

Pâté  de  lièvre.  —  Désossez  un  lièvre  par  morceaux,  piquez 
les  chairs  avec  des  lardons  assaisonnés  de  sel,  poivre,  épices,  écha- 
lotes et  persil  hachés,  faites  cuire  à  moitié  avec  du  beurre;  hachez 
le  foie  avec  une  livre  de  lard  gras,  ajoutez  un  oignon,  une  écha- 
lote, le  quart  d'une  gousse  d'ail,  persil,  thym  et  laurier  hachés  à 
part,  épices,  poivre,  sel ,  un  petit  verre  d'eau-de-vie  ;  faites  une 
masse  compacte  d'un  lit  de  farce  d'abord,  puis  de  jambon  et 
autres  viandes  de  volailles,  faites  cuire  deux  heures  ou  mettez-le 
en  terrine  à  votre  choix. 

Pâté  de  levraut  en  fusée,  —  Désossez  votre  levraut  et  levez- 
en  tous  les  filets ,  hàchez-les  très-fin ,  ajoutez  persil ,  ciboules , 
champignons,  une  pointe  d'ail,  une  livre  de  lard  râpé,  dix  jaunes 
d*œufs;  faites  une  farce  avec  trois  quarterons  de  lard  coupé  en 
petits  dés,  du  jambon  coupé  de  même,  une  chopine  de  crème, 
sel,  fines  épices  mêlées,  maniez  le  tout  ensemble,  dégraissez  votre 
pâté,  mettez  au  fond  des  bardes  de  lard ,  la  viande  dessus,  cou- 
vrez de  bardes  de  lard  et  d'une  abaisse  de  même  pâte  et  faites 
cuire  environ  deux  heures. 

Côtelettes  de  lièvre  à  la  Melville.  —  (  Recette  empruntée  à 


LIEVRE.  68) 


M.  Legogué,  ancien  chef  des  cuisines  de  lord  Melville,  ministre 
de  la  marine  anglaise.)  «  Si  ;e  donne  la  recette  de  ce  mets,  dit 
cet  excellent  cuisinier,  ce  n*est  point  parce  que  j'en  suis  l'inven- 
teur, et  que  ces  côtelettes  portent  le  nom  de  l'honorable  sei- 
gneur à  qui  j'ai  eu  l'honneur  de  les  servir  plusieurs  fois;  amour- 
propre  d'autrui  à  part,  les  côtelettes  de  lièvre,  telle  que  je  vais 
les  décrire,  méritent  de  paraître  sur  une  bonne  table  et  c'est  à 
ce  titre  qu'elles  trouvent  naturellement  leur  place  dans  ce  livre. 
Et  qu'on  ne  s'imagine  pas  que  la  confection  de  ce  mets  va  exiger 
le  sacrifice  de  cinq  ou  six  lièvres,  comme  je  lis  par  exemple 
dans  un  livre  de  haute  cuisine  que,  pour  une  blanquette  de 
lapereaux,  il  faut  lever  les  filets  de  dix  lapereaux;  non^  il  ne 
nous  faudra  que  deux  moitiés  de  lièvre  :  il  est  vrai  que  ces  deux 
moitiés  sont  les  parties  de  devant  et  qu'il  est  absolument  néces- 
saire de  se  procurer  deux  lièvres,  mais  les  deux  autres  moitiés, 
les  parties  de  derrière  ne  seront  point  perdues ,  comme  nous  le 
dirons  tout  à  l'heure.  »  Revenons  maintenant  à  nos  côtelettes. 

Dépouillez  et  videz  deux  lièvres  dont  vous  conservez  le  sang. 
Enfoncez  le  couteau  le  long  de  l'épine  du  dos  jusqu'à  la  cuisse 
et  alors  glissant  les  doigts  entre  les  os  et  le  filet ,  détachez  le  filet 
sans  cependant  séparer  de  la  cuisse  la  partie,  c'est-à-dire  le  gros 
bout  qui  Y  tient;  passez  la  pointe  du  couteau  sous  cette  partie, 
en  appuyant  le  pouce  sur  la  peau  nerveuse,  et  faites  comme  si 
vous  tiriez  à  vous  le  filet,  la  peau  nerveuse  reste  et  le  filet  se 
trouve  aussi  détaché  et  paré  tout  à  la  fois.  Lorsque  vous  avez  levé 
de  cette  manière  les  quatre  filets,  vous  les  étendez  sur  une  table 
et  vous  les  partagez  chacun  en  trois  morceaux  ;  vous  les  coupez  en 
biais,  de  telle  sorte  qu'ils  aient  un  gros  bout  et  un  bout  plus  fin 
et  plus  allongé;  vous  les  aplatissez  bien  légèrement  et  vous  les 
parez  en  leur  donnant  la  forme  de  côtelettes,  ce  qui  est  facile, 
puisqu'ils  sont  coupés  en  biais* 

Prenez  alors  le  petit  os  qui  se  trouve  dans  l'aileron  des  pou- 
lets, taillez-le  en  pointe  par  un  bout  et  faites-le  entrer  dans  la 
côtelette.  Faute  d'os  de  poulet,  servez-vous  des  petits  os  qui  sont 
sur  les  côtes  du  lièvre  et  qui  imitent  assez  bien  les  véritables  os 
des  côtelettes  de  mouton  ou  d'agneau. 

Les  côtelettes  de  lièvres  étant  ainsi  préparées,  assaisonnez-les 


684  LIEVRE. 


de  poivre  et  de  sel,  passez  légèrement  sur  chacune  d'elles  un  pin* 
ceau  de  plumes  trempé  dans  un  jaune  d'œuf  battu,  panez-ks  de 
mie  très-fine.  Ayez  du  beurre  fondu  bien  chaud  ;  trempez-y  les 
côtelettes,  panez-les  une  seconde  fois ,  passez  légèrement  dessus 
la  lame  d'un  couteau  pour  les  lisser;  mettez  du  beurre  fonda 
dans  un  plat  à  sauter  ;  placez-y  les  côtelettes  de  lièvre  et  faites- 
les  sauter  comme  des  côtelettes  ordinaires. 

La  sauce  qui  convient  à  ces  côtelettes  ainsi  préparées  se  fait 
de  la  manière  suivante  :  Foncez  une  casserole  avec  des  tranches 
d'oignons  et  des  lames  de  carottes;  prenez  les  débris  sur  lesquels 
vous  avez  levé  les  filets,  divisez  avec  le  couperet  les  morceaux  qui 
seraient  trop  gros,  et  mettez-les  dans  la  casserole.  Mouilkz  d'un 
verre  de  vin  blanc  et  ajoutez  une  gousse  d'ail,  deux  clous  de 
girofle  et  un  bouquet  garni  ;  faites  suer  le  tout,  quand  il  ne  reste 
plus  de  mouillement,  vous  y  versez  une  cuillerée  à  pot  de  bouii* 
Ion  pour  obtenir  l'essence  qui  s'est  formée  et  que  vous  passez  à 
travers  un  tamis  après  une  demi-heure  de  cuisson,  si  vous  avez 
de  l'espagnole  vous  la  travaillez  avec  cette  essence  ;  si  vous  n'en 
avez  pas,  vous  mouillez  un  peu  plus  les  débris  et  vous  faites  un 
petit  roux.  Au  moment  de  servir,  vous  liez  l'une  ou  l'autre  sauce 
avec  le  sang  que  vous  avez  mis  en  réserve. 

Quant  aux  quatre  cuisses  qui  nous  restent  de  nos  deux  lièvres, 
elles  ne  seront  pas  perdues  comme  nous  l'avons  dit  ;  nous  en  ferons 
un  civet  ou  nous  les  apprêterons  de  toute  autre  manière,  et  vous 
voyez  que  notre  plat  de  douze  côtelettes  à  la  Melville  peut  se 
confectionner  sans  une  dépense  bien  considérable.  Or,  ce  que  nous 
voulons  dans  notre  cuisine,  c'est  que  tout  y  soit  aussi  bon  que  pos- 
sible avec  les  moyens  les  plus  simples  et  les  moins  dispendieux. 

Filets  de  lièvre  piqués,  —  (Recette  du  même.)  Après  avoir 
levé  les  filets  comme  il  est  dit  ci-dessus,  vous  les  piquez  entière- 
ment, vous  leur  donnez  une  forme  arrondie  ou  en  serpenteau,  et 
vous  les  couchez  dans  une  casserole  sur  des  bardes  de  lard  minces. 
Vous  les  garnissez  de  lames  de  carottes  et  de  tranches  d'oignons 
et  les  assaisonnez  d'un  peu  de  thym,  d'une  feuille  de  laurier,  de 
deux  clous  de  girofle,  de  poivre  et  de  sel.  Mouillez-les  avec  du 
bouillon ,  couvrez-les  d'une  feuille  de  papier  beurré  et  faites-les 
cuire  doucement,  feu  dessus  et  dessous,  pendant  trois  quarts 


LIQUEUR.  ,  685 


d'heure.  Glacez-les,  si  c'est  nécessaire,  et  servez  dessous  soit  une 
sauce  poivrade  ou  piquante,  soit  une  litière  quelconque ,  cham- 
pignons ou  chicorée. 

Filets  de  lièvre  marines  et  sautés.  —  Les  filets  étant  piqués, 
mettez-les,  pendant  huit  jours ,  dans  une  marinade  faite  de  la 
manière  suivante  :  sel,  poivre,  deux  feuilles  de  laurier,  thym, 
persil  en  branche,  oignons  coupés  en  tranches,  quatre  clous  de 
girofle,  un  verre  de  vin  blanc  sec  et  un  demi-verre  de  vinaigre  à 
l'estragon.  Quand  vous  voulez  employer  ces  filet,  égouttez-les  sur 
un  linge  blanc  de  manière  à  les  sécher,  et  faites-les  sauter  comm.e 
les  côtelettes  sautées. 

LIMANDE.  —  Poisson  plat,  plus  petit  que  la  sole  et  le 
carrelet  et  facile  à  reconnaître  à  sa  couleur  jaunâtre  dessus  et 
blanche  dessous.  Sa  chair  est  blanche  et  fort  agréable,  moins 
délicate  cependant  que  celle  du  carrelet. 

La  limande  se  prépare  comme  la  sole  et  le  carrelet. 
(V.  Carrelet.) 

LIMON.  —  Genre  de  citron  avec  lequel  on  fait  le  plus  sou- 
vent la  limonade  et  dont  nous  avons  indiqué  l'emploi  à  l'article 
Citron. 

Suc  de  limon.  —  Prenez  un  demi-cent  de  limons,  coupez- 
les  en  deux,  pilez-les,  retirez-en  avec  soin  tous  les  pépins  et 
écrasez-en  la  chair  dans  un  vase  quelconque;  vous  laissez  fer- 
menter pendant  vingt-quatre  heures  et  vous  exprimez  le  jus  que 
vous  épurez  en  le  passant  à  travers  du  papier  brouillard  ;  vous  le 
versez  dans  des  bouteilles  avec  un  peu  d'huile  d'olive  à  l'orifice 
et  vous  le  mettez  à  la  cave  où  il  peut  se  conserver  très-longtemps, 
et  vous  vous  en  servez  au  besoin  en  ayant  bien  soin  d'extraire 
jusqu'à  la  moindre  goutte  d'huile  qui  pourrait  encore  se  trouver 
dans  le  goulot. 

LIQUEUR.  —  On  comprend  en  général  sous  cette  dénomi- 
nation les  boissons  artificiellement  extraites  de  certains  végétaux 
ou  de  leurs  produits,  tels  que  le  raisin,  la  cerise,  etc.,  ou  que  l'on 
compose  en  combinant  l'alcool  avec  d'autres  substances  sucrées 
et  plus  ou  moins  aromatiques. 

Ce  furent  les  Arabes  qui,  les  premiers,  retirèrent  par  la  dis- 
tilUtion  des  liqueurs  fermentées,  une  substance  inflammable  à 


686  LIQUEUR. 


laquelle  ils  donnèrent  le  nom  d'arrak,  parce  qu'ils  commencèrent 
à  la  retirer  du  riz,  et  que  nous  appelâmes  alcool,  qui  désigne  le 
produit  inflammable  de  toutes  sortes  de  substances  en  fermen- 
tation . 

On  a  prétendu  que  les  liqueurs  ne  dataient  que  de  la  vieil- 
lesse de  Louis  XIV,  et  que  Fagon,  son  premier  médecin  et  en 
même  temps  chimiste  fort  distingué,  les  avait  inventées  pour 
reconforter  et  rajeunir  le  vieux  monarque;  il  est  avéré  cependant 
qu'on  fabriquait,  sous  le  règne  de  Louis  XII,  d'excellents  ratafias 
et  que  les  élixirs  étaient  déjà  connus  du  temps  de  Charles  VIL 

On  consomme  plus  ou  moins  de  liqueurs  suivant  le  climat 
ou  la  température  du  pays  que  l'on  habite;  dans  le  Midi,  par 
exemple,  où  une  sensibilité  extrême  et  une  chaleur  excessive 
repoussent  toute  liqueur  ou  boisson  brûlante,  on  n'en  consomme 
que  de  douces;  dans  le  Nord,  au  contraire,  les  habitants  cher- 
chent dans  les  liqueurs  fortes  et  très-spiritueuses  un  moyen  de  se 
réveiller  de  l'engourdissement  dans  lequel  les  plonge  la  tempé- 
rature froide  de  leur  climat,  où  elles  paraissent  souvent  faibles 
et  impuissantes  à  amener  la  chaleur  intérieure  du  corps,  c'est  ce 
qui  fit  dire  à  Montesquieu  qu'il  faut  écorcher  un  Moscovite  pour 
exciter  sa  sensibilité.  Cet  abus  presque  nul  dans  la  zone  torride, 
augmente  à  mesure  qu'on  s'en  éloigne,  et  en  Irlande  et  en  Ecosse 
on  consomme  beaucoup  de  liqueurs. 

II  était  même  d'usage  dans  ce  dernier  pays  de  donner  tous  les 
ans,  le  jour  de  la  Sainte-Cécile,  un  grand  concert  où  Ton  invitait 
par  billet  les  plus  belles  dames  de  la  ville.  Après  le  concert,  les 
souscripteurs  se  réunissaient  dans  une  taverne  et  soupaient 
ensemble;  on  plaçait  ensuite  sur  la  table  une  boîte  qu'on  appelait 
l'enfer  et  dans  laquelle  on  jetait  l'un  après  l'autre  les  billets 
remis  aux  dames  en  proclamant  leur  nom  ;  les  billets  de  celles 
qui  ne  trouvaient  aucun  champion  prêt  à  boire  étaient  jetés  dans 
la  boite,  et  celui  qui  buvait  le  plus  (pourvu  qu'il  pût  terminer 
cet  exploit  en  avalant  d'un  seul  coup  un  grand  verre  qui  portait 
le  nom  de  sainte  Cécile  et  qui  à  l'ordinaire  renversait  ivre-mort 
le  buveur)  était  proclamé  vainqueur  et  autorisé  à  aller,  le  len- 
demain, chez  celle  dont  il  avait  pris  le  parti,  lui  présenter  son 
billet  en  se  glorifiant  d'avoir  eu  l'honneur  de  s'enivrer  pour  elle. 


LOTTE.  6%7 

J'ai  connu,  dit  Odier,  des  daines  en  Thonneur  desquelles  un  dé 
ces  braves  avait  bu  jusqu'à  dix*sept  ou  dix-huit  bouteilles  de 
punch  servant  à  cette  débauche,  et  elles  en  étaient  toutes  fières. 

n  résulte  des  observations  faites  par  les  savants  que  ceux 
qui  boivent  avec  excès  des  liqueurs,  meurent  très-jeunes  ou  arri- 
vent à  un  degré  d'abrutissement,  d^abattement,  d'inquiétude  et 
même  de  folie  encore  plus  à  redouter  que  la  mort. 

Bien  que  la  confection  des  liqueurs  concerne. plus  particuliè- 
rement la  distillation  et  la  pharmacie ,  nous  avons  donAé  à  leur 
ordre  alphabétique,  des  recettes  de  toutes  celles  que  des  parti- 
culiers peuvent  faire. 

LOCHE.  —  Petit  poisson  de  rivière  de  la  taille  d'un  éper- 
lan,  et  qui  s'apprête  de  même. 

LONGE.  —  On  appelle  ainsi  la  partie  du  veau  à  laquelle 
le  rognon  adhère.  (Voir  à  l'article  Veau.) 

LOTTE.  —  Excellent  poisson  d'eau  douce  tenant  de  l'an- 
guille et  de  la  lamproie.  On  l'apprête  dans  les  cuisines  comme 
l'anguille,  et  plusieurs  personnes  les  confondent  avec  les  bar- 
botes qui  ne  les  valent  point. 

Lottes  à  la  bonne  femme.  —  Limonez  des  lottes  et  faites- 
les  cuire  avec  du  vin  blanc,  de  l'oignon  coupé  en  tranches,  persil, 
ciboules,  basilic  et  poivre,  girofle  et  beurre.  Cuites,  dressez  et  les 
servez  dans  leur  court-bouillon. 

Lottes  à  la  Villeroi,  —  Limonez  des  lottes  et  videz-les  sans 
ôter  les  foies,  foncez  une  casserole  de  tranches  de  veau  et  de  jam- 
bon, et  faites-les  suer  trente  minutes.  A  moitié  cuites,  mettez-y 
vos  lottes,  couvrez-les  de  bardes  de  lard  et  arrosez-les  de  Cham- 
pagne, avec  sel,  poivre,  persil,  ciboules,  champignons,  gousse 
d'ail,  citron,  laurier,  beurre;  faites  cuire  à  petit  feu.  Vous  trem- 
pez les  lottes  dans  leur  sauce,  les  passez  et  leur  faites  prendre 
couleur  au  four  ;  passez  ensuite  la  sauce  au  tamis,  dégraissez-la, 
mettez-y  une  cuillerée  de  coulis,  faites-la  réduire,  dressez  les 
lottes  dans  un  plat,  la  sauce  dessus,  et  servez. 

Lottes  au  vin  de  Champagne  et  aux  crêtes.  —  Prenez  dix 
ou  douze  lottes,  échaudez-les,  limonez-les,  videz-les  et  gardez- 
en  les  foies,  piquez-les  d'un  côté  et  faites-les  cuire  dans  une 
bonne  braise  avec  du  vin  de  Champagne  ;  faites  une  glace  avec  de 


6M  LOUISE-BONNE. 

la  rouelle  de  veau  et  du  bouillon,  glacez-eo  vos  lottes;  ayez 
ensuite  une  bonne  essence  dans  laquelle  vous  aurez  mis  un  verre 
de  via  de  Champagne,  mèlez-y  des  crêtes  cuites  dans  un  blanc, 
iaites-leur  prendre  quelques  bouillons  avec  les  foies  de  lottes, 
dressez-les  sur  un  plat  en  les  entremêlant  avec  les  crêtes,  et 
servez  chaudement  avec  un  jus  de  citron. 

Lottes  au  lard  glacées.  —  Limonez  les  lottes,  laissez-leur 
les  foies  dans  le  corps,  piquez-les  d'un  cdté  avec  du  petit  lard, 
coupez  en  petits  dés  une  livre  de  rouelle  de  veau  que  vous  &ites 
suer  dans  une  casserole,  mouillez-la  de  bouillon,  faites-la  cuire 
et  passez  ce  bouillon  au  tamis  ;  ajoutez-y  les  lottes,  un  bouquet 
garni,  une  tranche  de  jambon,  ÙLUes  cuire  le  tout  ensemble, 
glacez  les  lottes  comme  un  fricandeau,  finissez-les  de  même,  et 
sen'ez  avec  un  jus  de  citron. 

LOUISE-BONNE.  —  Belle  poire  d'automne  qu'on  grille, 
qu'on  met  en  compote  ou  qu'on  mange  crue. 


M 


MACARON.  -^  Pâtisserie  de  menu  service  et  de  petit  four 
faite  de  sucre,  de  fiu'ine  et  d'amandes  douces  pilées,  taillées  en 
petit  pain  plat  et  de  figure  ronde  ou  ovale. 

Macarons  aux  noisettes  avelines.  (Suivant  la  formule  de  la 
maison  de  Madame,  épouse  de  Monsieur,  frère  du  roi.)  —  Mettez 
dans  un  grand  poêlon  d'office,  quatre  onces  d'amandes  d'avelines, 
qu'elles  sortent  de  la  coquille  et  torréfiez-les  sur  un  feu  modéré 
en  les  remuant  continuellement  avec  une  grande  cuiller  d'ar- 
gent ;  aussitôt  que  les  avelines  commencent  à  se  colorer,  que  la 
pellicule  se  détache,  vous  les  retirez  du  feu  pour  parer  aussitôt 
les  amandes;  cette  opération  faite,  vous  recommencerez  trois  fois 
encore  la  dose  d'avelines  afin  d'en  avoir  une  livre. 

Vous  commencez  par  piler  le  quart  d'avelines  qui  a  été  pré- 
paré le  premier,  elles  doivent  se  trouver  froides,  sans  cela,  il 
faudrait  attendre  qu'elles  le  fussent  ;  vous  aurez  soin  de  les  mouil- 
ler par  intervalle  avec  un  peu  de  blanc  d'œuf  pour  les  empêcher 
de  tourner  à  l'huile,  et  lorsqu'aucun  fragment  n'est  plus  aperçu, 
vous  retirez  les  amandes  du  mortier  et  vous  les  remplacez  par  un 
autre  quart  pilé  de  la  même  manière  et  avec  les  mêmes  atten- 
tions que  les  premières.  Vous  recommencez  la  même  opération 
jusqu'à  ce  que  la  livre  d'avelines  soit  entièrement  et  parfaitement 
pilée  ;  vous  la  réunissez  dans  le  mortier  et  la  pilez  avec  une  livre 
de  sucre  et  deux  blancs  d'œufs,  pendant  dix  minutes,  ensuite  vous 
y  joignez  deux  livres  de  sucre,  passé  au  tamis  de  soie  que  vous 

44 


égo  ^  MACARON. 


aurez  travaillé  pendant  dix  minutes  avec  six  blancs  d'œufs.  Amal- 
gamez parfaitement  le  tout  avec  une  spatule  et  après  avoir  remué 
cinq  à  six  minutes^  Tappareil  doit  se  trouver  mollet;  pourtant- les 
macarons  ne  doivent  pas  s'élargir  lorsque  vous  les  couchez  ;  s'ils 
se  trouvent  trop  fermes,  vous  y  mêlez  le  blanc  d'œuf  nécessaire 
pour  qu'ils  s'attachent  au  doigt  en  y  touchant. 

Ensuite,  vous  mettez  au  four  six  macarons  d'épreuves  et 
après  leur  cuisson,  vous  mouillez  l'intérieur  de  vos  mains,  dans 
lesquelles  vous  roulez  une  cuillerée  d'appareil.  Couchez  les  ma- 
carons de  la  grosseur  d'une  noix  muscade  et  continuez  ainsi  à 
former  vos  macarons,  après  quoi,  vous  trempez  vos  mains  dans 
de  l'eau  et  les  posez  légèrement  sur  les  macarons,  afin  de  les 
rendre  luisants  à  leur  surface;  vous  les  mettez  au  four  que  vous 
fermez  hermétiquement  pendant  trois  quarts  d'heure.  Vous  devez 
les  retirer  de  belle  couleur  et  de  bonne  mine. 

On  doit  avoir  l'attention  de  coucher  les  macarons  à  un  pouce 
de  distance  entre  eux  et  de  les  former  aussi  ronds  que  possible. 
On  couche  également  ces  macarons  en  forme  de  grosses  olives, 
sur  lesquelles  on  sème  de  gros  sucre  et  quelquefois  mêlé  de  pis- 
taches hachées.  On  les  garnit  encore  en  forme  de  hérisson,  en 
piquant  à  leur  surface  des  filets  de  pistaches. 

Macarons  d'amandes  amères,  —  Prenez  500  grammes 
d'amandes  amères  que  vous  moudrez  et  ferez  sécher  à  l'étuve , 
puis  vous  les  pilerez  avec  trois  blancs  d'œufs,  afin  qu'elles  ne 
tournent  pas  à  l'huile,  vous  les  mettez  dans  une  terrine  avec 
j  kilog.  500  gr.  de  sucre  en  poudre  ;  drçssez  vos  macarons  comme 
il  est  indiqué  ci-dessus  et  mettez-les  au  four  à  un  feu  très- 
modéré. 

Macarons  d'amandes  douces.  —  Vous  émondez  et  faites 
sécher  500  gr.  d'amandes  douces,  comme  il  est  indiqué  précé- 
demment, vous  les  pilez  de  même  et  suivez  exactement  les  mêmes 
procédés,  en  y  ajoutant  seulement  une  ràpure  de  citron  que  vous 
mêlez  avec  le  sucre  et  l'amande,  vous  dressez  et  faites  cuire  de 
même. 

Macarons  soufflés  aux  noix  vertes*  — Vous  épluchez  et  cou- 
pez par  filets  500  gr.  de  noix  vertes  que  vous  mêlez  avec  75  gr. 
de  sucre  et  un  peu  de  blanc  d'œuf  que  vous  ùdteé  sécher  au  four. 


MACARONI.  691 


Laissez -les  refroidir;  préparez  la  glace  avec  deux  blancs 
d'œufs  et  i  kilog.  de  sucre  très-fin  ;  joignez-y  les  noix  vertes  et 
terminez  Topératien  comme  de  coutume. 

Tourons  d'amandes.  —  Emondez  une  quantité  quelconque 
d'amandes  douces  en  y  ajoutant  des  pistaches  et  quelques  avelines 
émondées  de  même,  vous  pralinez  le  tout  dans  250  gr.  de  sucre. 
Refroidies,  ajoutez- y  trois  blancs  d'œufs,  une  pincée  de  fleur 
d'orange  et  du  sucre  en  poudre  ;  remuez  jusqu'à  liaison  complète. 
Dressez  comme  les  macarons  et  cuisez  à  four  modéré. 

Massepains  de  Turin»  —  Faites  une  pâte  maniable  et  ferme 
avec  douze  cuillerées  de  fleur  de  farine,  six  de  sucre  en  poudre, 
deux  œufs,  la  râpure  d'un  citron  et  environ  25  gr.  de  beurre 
bien  frais  ;  mêlez  le  tout  ensemble,  et  dans  le  cas  où  deux  œufs 
ne  sufGraieht  pas,  ajoutez-en  un  troisième.  Votre  pâte  étant  bien 
faite,  ni  trop  liquide,  ni  trop  épaisse,  vous  retendez  sur  une 
table  et  la  maniez  jusqu'à  ce  que  vous  puissiez  la  rouler  fecile- 
ment  avec  la  main;  vous  en  formez  alors  de  petits  dessins  ou  de 
petits  pains  très- minces  que  vous  arrangez  à  mesure  sur  une 
feuille  de  papier  beurré;  vous  dorez  les  massepains  avec  deux 
jaunes  d'œufs  et  vous  les  mettez  à  un  four  assez  vif. 

MACARONI.  —  Le  macaroni  a  été  apporté  en  France  par 
les  Florentins,  probablement  à  l'époque  où  Catherine  de  Médi- 
cis  vint  épouser  Henri  II.  Mais  la  mode  n'en  flt  pas  fureur,  tout 
le  monde  connaît  ces  longs  tuyaux  de  pâte  semblables  à  de  gros 
vermicelles  creux  et  dont  le  nom  indique  assez  l'origine. 

L'Italie,  Naples  surtout  est  la  patrie  du  macaroni,  où  là, 
comme  chez  nous  les  pommes  de  terre,  préparé  de  mille  manières 
différentes,  en  potage,  au  gratin,  toujours  accompagné  de  par- 
mesan râpé,  il  figure  sur  toutes  les  tables,  celles  des  riches  comme 
celles  des  pauvres  :  les  lazzaroni  napolitains  ne  vivent  guère  que 
de  macaroni,  de  figues,  d'ail  et  d'eau  glacée.  Toutes  les  espèces 
de  farine  avec  lesquelles  on  fait  le  pain,  peuvent  servir  également 
à  faire  le  macaroni;  mais  on  emploie  de  préférence  le  blé  à  petits 
grains  serrés  qui  vient  d'Odessa,  réduit  en  semoule;  cette 
semoule  convertie  en  pâte,  pilée  et  écrasée,  est  mise  dans  un 
cylindre  métallique  enveloppé  d'un  réchaud,  au  fond  duquel 
se  trouve  un  crible  percé  de  petites  fentes  de  la  largeur  qu'on 


693  MACARONI. 


veut  donner  aux  lamelles  du  macaroni  ;  au  moyen  d'une  pression 
la  pâte  est  chassée  de  ce  moule,  et  sort  en  lanières  dont  on  rap- 
proche ensuite  les  bords  qui  se  collent  et  forment  ainsi  les  tubes 
livrés  à  la  consommation.  Les  véritables  gourmands  introduisent 
dans  ces  tubes,  à  Taide  d'une  petite  seringue,  un  jus  de  poisson  ou 
de  viande. 

Maintenant,  passons  à  la  manière  dont  se  préparent  ces 
tubes  de  pâtes. 

Il  ne  faut  pas  choisir  ces  tubes  trop  gros,  mais  de  la  gros- 
seur d'un  gros  fétu  de  paille ,  on  les  met  dans  l'eau  et  le  sel  ou 
plutôt  dans  le  bouillon ,  on  les  fait  cuire  aux  trois  quarts,  de 
manière  à  ce  qu'ils  grossissent  dans  le  corps,  ché  cresca  in  corpo. 
Vous  avez  fait  d'avance  râper  trois  quarts  de  fromage  de  parmesan 
qui  attendent  le  jus  de  bœuf  dont  ils  doivent  être  arrosés. 

Voici  comment  se  prépare  ce  jus  de  bœuf: 

Vous  mettez  trois  livres  de  pointe  de  culotte  dans  une  grande 
casserole  avec  six  tomates  et  six  oignons  blancs  d'Espagne,  vous 
mouillez  votre  bœuf,  vos  oignons  et  vos  tomates  avec  un  con- 
sommé fait  de  la  veille  ;  vous  laissez  bouillir  trois  heures ,  vous 
passez  votre  bouillon  à  travers  une  passoire  ;  vous  faites  au  fond 
d'une  soupière  un  fond  de  macaroni,  sur  ce  fond  de  macaroni 
vous  étendez  en  le  semant  avec  la  main,  un  jfbnd  de  fromage  de 
parmesan,  sur  ce  fond  de  parmesan  vous  étendez  avec  une  cuil- 
ler à  pot  une  couche  de  bouillon  mêlé  de  tomates  et  d'oignons 
blancs,  dans  lequel  vous  aurez  mis  sel,  poivre,  gousse  d'ail,  et 
un  peu  de  piment  rouge  ;  vous  recommencez  à  étendre  une  couche 
de  macaroni ,  sur  la  couche  de  macaroni  une  couche  de  parme* 
san  râpé,  enfin  une  couche  de  bouillon  aux  tomates,  au  jus  de 
bœuf  et  aux  oignons;  vous  continuez  jusqu'à  ce  que  votre  sou- 
pière soit  pleine,  et  vous  versez  le  reste  de  votre  casserole  sur  le 
haut  de  votre  potage.  N'oubliez  pas  surtout  de  foncer  la  casse- 
role de  jambon  de  Mayence  qui,  cuit  et  réduit  lui-même  en 
bouillie,  passera  pressé  avec  un  tampon  à  travers  les  trous  de 
votre  passoire ,  servira  à  lier  votre  bouillon  de  bœuf  de  tomates 
et  d'oignons. 

Servez  en  guise  de  potage,  avec  un  verre  d'eau  glacée  par- 
dessus. 


MACARONI.  693 


'  A  Naples,  le  verre  d'eau  glacée  est  de  rigueur.  (Recette  de 
M"*  Ristori.) 

Que  Ton  ne  se  figure  pas  que  les  lazzaroni  se  donnent  toute 
cette  peine  pour  faire  leur  macaroni,  ils  se  contentent  de  faire 
bouillir  leurs  pommes  d'or  avec  de  l'eau,  du  sel,  du  poivre  et  un 
peu  de  piment,  s'ils  en  ont. 

Macaroni  à  la  ménagère.  —  Vous  faites  bouillir  pendant 
trois  quarts  d'heure  dans  l'eau  une  livre  de  macaroni  avec  un 
morceau  de  beurre,  du  sel  et  un  oignon  piqué  de  girofle;  vous 
le  faites  ensuite  bien  égoutter  et  vous  le  mettez  dans  une  casse- 
role avec  un  peu  de  beurre,  un  quart  de  fromage  de  gruyère  râpé 
et  autant  de  parmesan,  également  râpé,  un  peu  de  muscade,  de 
gros  poivre,  quelques  cuillerées  de  crème,  et  vous  faites  sauter 
le  tout  ensemble;  quand  votre  macaroni  filera,  dressez- le  et 
servez. 

Macaroni  au  gratin. — Votre  macaroni  étant  préparé  comme 
il  est  dit  ci-dessus,  vous  le  saupoudrez  de  mie  de  pain  et  de 
fromage  râpé,  et  vous  le  faites  gratiner  sous  un  four  de  cam- 
pagne. 

Timbale  de  macaroni.  —  Vous  faites  une  abaisse  un  peu 
mince  avec  de  la  pâte  brisée,  et  vous  la  coupez  par  petites  bandes 
que  vous  roulez  de  manière  à  en  faire  de  petites  cordes  ;  vous 
beurrez  ces  cordes  l'une  après  l'autre  et  les  déposez  dans  un 
moule  en  le  garnissant  entièrement  ;  vous  remplissez  ce  moule 
de  macaroni,  sur  lequel  vous  semez  moitié  parmesan  râpé  et 
moitié  mie  de  pain,  et  vous  mettez  votre  timbale  à  un  four 
chaud  ;  vous  la  laissez  cuire  trois  quarts  d'heure,  et  vous  la 
servez. 

Macaroni  à  la  napolitaine.  —  Cuisez  dans  l'eau  de  sel , 
dressez-le  dans  la  soupière,  en  alternant  les  couches  de  maca- 
roni et  de  parmesan,  arrosez  avec  du  jus  et  versez  sur  la  der- 
nière couche  du  beurre  fondu  dans  la  proportion  d'une  demi- 
livre  de  beurre  pour  deux  livres  de  macaroni,  et  faites  cuire  le 
tout  ensemble. 

Les  timbales  de  lazagnes,  de  nouilles  et  de  macaroni  se  pré- 
parent comme  le  macaroni  à  la  napolitaine,  seulement  on  y 
ajoute  une  garniture  composée  de  truffes,  champignons ,  crêtes 


694  MACREUSE. 


âe  coq,  carrés  de  jambon  maigre  et  tranches  de  langue  à  Técar- 
late;  le  tout  marié  avec  de  bon  beurre  frais,  on  garnit  la  tim- 
bale de  pâte,  comme  il  est  dit  ci-dessus,  et  on  la  met  cuire  au 
four  de  campagne. 

MACEDOINE.  —  Qn  donne  ce  nom  à  un  mélange  de 
comestibles  dont  nous  avons  déjà  parlé  à  Tarticle  Chartreuse. 

Macédoine  de  légumes  printaniers.  —  Il  faut  toujours  choi- 
sir des  légumes  de  première  qualité  :  carottes,  navets,  pointes 
d'asperges  vertes,  haricots  verts,  petits  pois,  petits  haricots  blancs 
commençant  à  grossir;  on  peut  y  joindre  aussi  quelques  petites 
fèves  de  marais,  des  fonds  d'artichauts  et  des  concombres;  vous 
tournez  les  carottes  et  les  navets  et  leur  donnez  des  formes 
variées  et  gracieuses,  vous  coupez  les  haricots  verts  en  losanges 
et  les  asperges  vertes  en  petits  bâtonnets;  vous  faites  blanchir 
tous  ces  légumes,  puis  vous  les  égouttez  ;  faites  fondre  dans  une 
casserole  un  .bon  niorceau  de  beurre  frais,  et,  quand  il  sera 
fondu,  jetez-y  vos  légumes,  en  y  ajoutant  un  peu  de  sucre  en 
poudre;  remuez  doucement  sur  le  feu;  finissez  la  macédoine 
avec  quelques  cuillerées  de  béchamel  et  dressez-la  en  pyramide 
sur  le  plat. 

Cet  entremets  de  légumes  printaniers  forme  un  des  mets  les 
plus  agréables  et  des  pluts  excellents  à  manger. 

Macédoine  de  fruits  transparente.  — (V.  articles  Fruits 
et  Glace.) 

MACHE.  —  Herbe  potagère  que  Ton  mange  en  salade  en 
Tassociant  avec  la  betterave,  le  céleri,  la  chicorée  blanche  et  les 
endives  de  conserve.  Cette  salade,  très-tendre  et  très-savoureuse, 
est  la  première  du  printemps. 

MACIS.  —  C'est  l'enveloppe  intérieure  membraneuse  du 
brou  de  la  muscade.  On  l'emploie  fréquemment  comme  aromate 
dans  la  bonne  cuisine;  on  s'en  sert  aussi  quelquefois  dans  les 
compositions  de  l'office. 

MACREUSE.  —  On  peut  appeler  cet  oiseau  gibier  de 
carême,  car  tout  le  monde  sait  qu'il  est  classé  parmi  les  aliments 
maigres,  comme  la  sarcelle  et  le  bécharut. 

La  macreuse  participe  du  poisson  ;  elle  a  l'apparence  du 
canard  et  demeure  presque  toujours  sur  la  mer,  où  elle  plonge 


MACREUSE.  695 


jusqu'au  fond  de  Teau  pour  aller  chercher  dans  le  sable  les 
petits  coquillages  dont  elle  se  nourrit;  elle  vit  aussi  d'insectes, 
de  plantes  marines  et  de  petits  poissons,  ce  qui  contribue  beau- 
coup à  donner  à  sa  chair  la  saveur  et  le  parfum  qu'elle  possède  : 
la  meilleure  est  la  macreuse  noire  ;  la  grise,  qui  est  la  femelle, 
et  que  les  mariniers  appellent  bi^ettej  tsi  pourvue  d'un  certain 
goût  sauvage  et  marin  qu'aucun  assaisonnement  ne  saurait  domi- 
ner. Le  savoir  des  plus  habiles  cuisiniers  n'a  jamais  pu  triompher 
dans  cette  entreprise,  et  la  macreuse  au  chocolat,  qui  est  le 
chef-d'œuvre  de  l'art,  a  trouvé  peu  d'appréciateurs. 

Macreuse  rôtie.  —  Après  avoir  plumé,  vidé  et  fait  revenir 
votre  macreuse ,  vous  la  mettez  à  la  broche  et  l'arrosez  en  cui- 
sant avec  du  beurre,  du  poivre,  du  sel  et  du  vinaigre,  puis  ser- 
vez-la, quand  elle  es  tcuite,  avec  une  sauce  Robert,  ou  bien  un 
ragoût  fait  avec  le  foie  haché  bien  menu,  des  champignons  ou 
des  mousserons,  sel,  poivre  et  muscade;  faites  cuire  le  tout 
ensemble,  ajoutez-y  un  jus  d'orange,  et  servez  chaudement. 

Macreuse  en  ragoût  au  chocolat.  —  Ayant  plumé ,  vidé, 
lavé  votre  macreuse,  vous  la  faites  blanchir,  puis  vous  l'empo- 
tez, avec  sel,  poivre,  laurier,  un  bouquet  de  fines  herbes  ;  jetez 
dedans  un  peu  de  chocolat  que  vous  aurez  préparé  comme  si 
c'était  pour  boire.  Préparez  en  même  temps  un  ragoût  avec  des 
foies,  champignons,  morilles,  truffes,  mousserons,  marrons,  ou 
tel  autre  ragoût  que  vous  voudrez,  et  lorsque  votre  macreuse  est 
cuite,  vous  la  dressez  dans  un  plat,  le  ragoût  par-dessus,  et  vous 
servez  avec  telle  garniture  que  vous  jugerez  à  propos. 

Macreuse  à  Vanguille.  —  Plumez  et  videz  votre  macreuse, 
troussez-la  comme  un  canard,  faites-la  refaire,  lardez-la  de 
gros  lardons  d'anguille,  assaisonnez  de  sel,  poivre,  persil, 
ciboules,  champignons,  ail,  le  tout  haché  bien  menu;  mettez 
deux  noix  dans  le  corps  de  votre  macreuse  ainsi  lardée,  ficelez-la 
et  faites-la  cuire  dans  une  bonne  braise  avec  un  morceau  de 
beurre,  une  demi-bouteille  de  vin  blanc,  oignons,  un  bouquet 
de  persil,  ciboules,  ail,  thym,  laurier,  basilic,  sel,  gros  poivre  ; 
quand  elle  est  cuite,  à  petit  feu,  retirez-la  de  la  braise,  essuyez-la 
avec. un  linge,  et  servez  avec  une  sauce  piquante  assaisonnée  de 
bon  goût. 


696  MADELEINE. 


Terrines  de  macreuses  en  maigre,  *—  Vos  macreuses  plu* 
mées  et  épluchées,  videz4es;  gardez-ea  les  foies,  détachez  la 
chair  de  Testomac  sans  Tabimer;  ôtez--en  Testomac;  faites  une 
farce  avec  les  foies,  champignons,  truffes,  sel,  poivre,  un  peu  de 
fines  épices,  un  morceau  de  beurre  frais,  deux  ou  trois  jaunes 
d'œufs  et  un  peu  de  farine  ;  remplissez  de  cette  farce  le  corps  de 
vos  macreuses,  cousez-les  par  les  deux  bouts,  mettez  un  peu  de 
beurre  affiné  dans  une  casserole  sur  le  feu;  quand  il  est  chaud, 
farinez  vos  macreuses  et  mettez-les  dedans;  retournez-les,  reti- 
rez-les ensuite  et  arrangez-les  dans  une  marmite. 

Mettez  un  petit  morceau  de  bon  beurre  dans  une  casserole; 
quand  il  est  fondu,  mettez-y  de  la  farine;  étant  roux,  mouillez-le 
de  bouillon  de  poisson  et  videz-le  dans  la  marmite  avec  un  demi- 
setier  de  vin  blanc,  sel ,  poivre,  un  oignon  piqué  de  clous,  un 
peu  de  basilic  et  persil  haché,  couvrez  la  marmite  et  faites  cuire 
à  petit  feu.  Quand  elles  sont  cuites,  faites-les  égoutter,  dres- 
sez-les dans  la  terrine,  jetez-les  dans  un  ragoût  de  laitances,  de 
queues  d'écrevisses,  de  truffes,  champignons  et  mousserons,  et 
servez  chaudement. 

Potage  de  macreuses  aux  navets.  —  Faites  cuire  les 
macreuses  à  moitié,  à  la  broche,  et  ensuite  dans  une  casserole 
avec  un  bon  morceau  de  beurre;  ratissez  des  navets,  coupez-les 
en  dés  ou  en  ronds,  &rinez-les  et  faites-les  frire  dans  du  beurre 
affiné.  Lorsqu'ils  ont  une  belle  couleur,  retirez-les,  égouttez-les, 
mettez-les  cuire  dans  une  marmite  avec  du  bouillon  de  poisson  ; 
mitonnez  des  croûtes  de  bouillon  de  poisson,  tirez  les  macreuses, 
égouttez-les.  Garnissez  le  potage  d'un  cordon  de  navets,  dressez 
dessus  les  macreuses,  arrosez-les  avec  le  bouillon  de  navets,  et 
servez  chaudement. 

Potage  de  macreuses.  —  Faites  bouillir  les  macreuses  dans 
du  bouillon  de  poisson  ;  quand  elles  sont  cuites,  faites  mitonner 
votre  potage  du  même  bouillon  ;  mettez  ensuite  un  bon  hachis 
de  poisson  sur  vos  macreuses  quand  vous  les  aurez  rangées  sur 
votre  soupe  et  qu'elle  sera  suffisamment  nûtonnée,  et  servez  avec 
une  bonne  garniture  d'écrevisses. 

MADELEINE.  —  Nom  d'une  sorte  de  poire  estivale. 

On  donne  aussi  ce  nom  à  une  excellente  espèce  de  pêche 


MADELEINE.  6^ 


autrement  nommée  paysanne  et  double  de  Troyes.  Deux  parti- 
cularités la  distinguent,  elle  est  sujette  à  devenir  jumelle,  et  les 
fourmis  en  sont  très-friandes. 

Madeleine.  —  Quant  à  l'excellent  gâteau  qu'on  appelle  aussi 
madeleine  et  qui  mérite  bien  la  grande  réputation  dont  il  jouit, 
il  est  arrivé  à  un  de  nos  amis  une  petite  aventure  que  nous  allons 
raconter. 

Il  y  a  quelques  années,  un  de  nos  amis  se  rendait  à  Stras- 
bourg, et  comme  il  voyageait  en  touriste ,  il  s'arrêtait  volontiers 
dans  les  villes  et  les  villages  qu'il  traversait  pour  s'y  reposer 
d'abord,  ensuite  pour  observer  les  différentes  mœurs  et  cou- 
tumes des  habitants. 

Un  jour  il  s'était  remis  en  route  un  peu  tard,  croyant  gagner 
avant  la  nuit  la  prochaine  ville  où  il  devait  se  reposer,  mais  il 
avait  beau  se  hâter,  il  n'apercevait  aucune  trace  indiquant  une 
habitation  quelconque;  enfin,  vers  onze  heures,  il  aperçut  au  clair 
de  la  lune,  la  flèche  sombre  et  élancée  d'une  église. 

Tout  était  noir  et  silencieux,  aucune  lumière  ne  brillait 
plus,  et  notre  voyageur  était  assez  embarrassé  de  savoir  où  il  trou- 
verait une  bonne  table  pour  réconforter  son  estomac  et  un  bon 
lit  pour  reposer  ses  membres  engourdis  par  la  fatigue.. 

Tout  à  coup  il  aperçut  dans  la  nuit  une  lueur  qui  semblait 
sortir  du  sol,  il  s'approcha  de  ce  rayon  de  lumière,  le  seul  qu'il 
vit,  qui  représentait  pour  lui  le  salut.  Il  frappa  à  une  porte  qui 
se  trouvait  à  côté  de  lui  et  sous  laquelle  glissait  cette  lueur  qui 
lui  avait  fait  battre  le  cœur;  un  grognement  lui  répondit  d'abord« 

Il  frappa  une  seconde  fois,  mais  plus  fort,  et  entendit  alors 
une  voix  étrange  et  qui  semblait  souterraine  demander. 

—  Qui  est  là  et  que  voulez-vous  ? 

—  Je  suis  un  voyageur  harassé  de  fatigue  et  mourant  de 
faim,  répondit  le  voyageur,  ouvrez-moi  au  nom  de  Dieu,  vous  ne 
vous  en  repentirez  pas. 

Puis  il  entendit  des  pas  s'approcher  de  la  porte,  on  tira  une 
énorme  barre  de  fer,  la  porte  s'ouvrit  et  il  vit  apparaître  un 
homme  à  figure  farouche  et  toute  barbouillée  de  farine  et  dont 
les  cheveux  et  la  barbe  hérissés  contribuaient  encore  à  rendre 
Taspect  effrayant;  cet  homme  était  nu  jusqu'à  la  ceinture. 


698  MADELEINE. 


—  Allons,  entrez  et  dépèchez-vous,  dit-il  au  voyageur  de  sa 
même  voix  caverneuse. 

Notre  ami  ne  se  sentait  pas  du  tout  rassuré,  et  un  moment  il 
eut  Tenvie  de  retourner  en  arrière  et  d'aller  frapper  à  unç  autre 
porte,  mais  Thomme  avait  remis  la  barre  de  fer,  il  n'y  avait  pas 
moyen  de  reculer,  il  en  prit  donc  bravement  son  parti  et  entra 
dans  une  grande  chambre  où  se  trouvait  un  immense  four  allumé 
qui  suffisait  à  Féclairer  tout  entière. 

—  Pardon,  monsieur,  dit  le  voyageur  très-poliment,  je  viens 
de  faire  seize  ou  dix-huit  lieues,  à  peu  près  sans  manger,  pouvez- 
vous  me  procurer,  moyennant  de  l'argent  bien  entendu,  de  quoi 
apaiser  ma  faim  et  reposer  mon  corps? 

—  Je  n'ai  que  mon  lit,  répondit  l'homme  de  sa  voix  rude; 
quant  à  manger,  nous  n'en  manquons  pas  ici ,  reste  à  savoir  si 
ça  vous  plaira. 

—  Tout  me  plaira  pourvu  que  je  mange;  voyons,  qu'avez- 
vous  à  me  donner  ? 

L'homme  alla  vers  une  armoire,  l'ouvrit  et  en  tira  une  petite 
corbeille  où  se  trouvait  environ  une  douzaine  de  gâteaux  de  forme 
ovale  et  d'une  belle  couleur  dorée. 

—  Tenez,  dit-il  au  voyageur,  goûtez- moi  ça  et  vous  m'en 
direz  des  nouvelles. 

Il  mit  la  corbeille  sur  une  table  près  du  voyageur,  et  posant 
ses  mains  sur  ses  hanches  il  le  regarda. 

Notre  ami  prit  un  gâteau  et  mordit  à  pleines  dents;  en  une 
seconde  il  l'eut  avalé  tout  entier;  il  en  prit  un  deuxième,  puis  un 
troisième ,  puis  un  quatrième  et  à  chaque  gâteau  qu'il  avalait 
ainsi,  Thomme  qui  le  regardait  toujours  souriait  avec  satis- 
faction. 

Ëniin,  quand  il  n'en  resta  plus  dans  la  corbeille,  il  lui 
dit  : 

—  Eh  bien,  que  dites-vous  de  mes  madeleines? 

—  A  boire  d'abord,  fit  le  voyageur  d'une  voix  étranglée. 
L'homme  se  dirigea  de  nouveau  vers  son  armoire  et  en  tira 

une  bouteille  couverte  d'une  vénérable  couche  de  poussière,  il  la 
déboucha,  puis,  prenant  deux  verres,  il  les  remplit,  en  tendit  un 
à  l'étranger. 


MADELEINE.  699 


—  Buvez,  lui  dit-il,  je  ne  voudrais  pas  vous  voir  étrangler 
par  mes  amours  de  gâteaux. 

L'ëtranger  but  d'un  seul  trait,  c'était  de  Texcellent  vin  de 
Bordeaux,  puis  tendant  une  seconde  fois  son  verre. 

—  A  votre  santé,  mon  brave,  vous  venez  de  me  faire  faire 
un  des  plus  délicieux  repas  que  j'aie  faits  de  ma  vie.  Mais,  dites- 
moi,  comment  appelez-vous  ces  succulents  gâteaux? 

—  Comment,  vous  ne  connaissez  pas  les  madeleines  de  Com- 
mercy? 

—  Je  suis  donc  à  Commercy? 

—  Oui,  et  vous  venez,  sans  vous  en  douter,  de  manger  les 
meilleurs  gâteaux  du  monde. 

Sans  partager  entièrement  l'enthousiasme  du  brave  homme 
pour  ses  gâteaux ,  le  voyageur  fut  forcé  d'avouer  qu'ils  étaient 
excellents,  et  que,  le  besoin  aidant,  il  avait  fort  bien  soupe. 

L'homme  lui  offrit  alors  son  propre  lit  en  disant  que  lui  se 
contenterait  d'un  matelas;  le  voyageur  fit  bien  quelques  diffi- 
cultés, mais  enfin  il  accepta;  il  alla  donc  se  coucher,  dormit  d'une 
seule  traite,  et  fit  le  lendemain  en  se  réveillant  un  déjeuner  plus 
solide  que  son  souper  de  la  veille,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  se 
munir  en  partant  d'une  certaine  quantité  de  madeleines  que  le 
bonhomme  le  força  d'accepter  en  souvenir  de  la  peur  qu'il  lui 
avait  d'abord  faite  et  de  la  mauvaise  nuit  qu'il  avait  passée. 

Les  madeleines  de  Commercy  ont  en  effet  une  grande  renom- 
mée. On  croit  que  leur  réputation  fut  faite  par  le  roi  Stanislas 
Leczinski  lorsqu'il  vînt  en  France. 

Voici  maintenant  une  recette  qui  vient  de  Madeleine  Pau^ 
mier^  pensionnaire  et  ancienne  cuisinière  de  M"*'  Perrotin  de  Bar- 
mond. 

Râpez  sur  un  morceau  de  sucre  le  zeste  de  deux  petits  cédrats 
(ou  de  deux  citrons  ou  bigarades),  écrasez  ce  sucre  très-fin,  mêlez- 
le  avec  du  sucre  en  poudre,  pesez-en  neuf  onces  que  vous  mettez 
dans  une  casserole,  avec  huit  onces  de  farine  tamisée,  quatre 
jaunes  et  six  œufs  entiers  ;  deux  cuillerées  d'eau-de-vie  d'Andaye 
et  un  peu  de  sel  ;  remuez  ce  mélange  avec  une  spatule.  Lorsque 
la  pâte  est  liée ,  vous  la  travaillez  encore  une  minute  seulement. 
Cette  observation  est  de  rigueur,  si  Ton  veut  avoir  de  belles 


700  MAIGRE. 


madeleines;  autrement,  le  mélange  étant  plus  travaillé,  il  fait 
beaucoup  trop  d'effet  à  la  cuisson,  et  cela  dispose  les  madeleines 
à  être  compactes,  à  s'attacher  aux  moules,  à  être  plucheuses  ou 
à  se  ratatiner,  ce  qui  rendrait  cet  entremets  de  bien  pauvre  mine. 

Faites  ensuite  clarifier  dans  une  petite  casserole  dix  onzes  de 
beurre  d'Isigny  ;  au  fur  et  à  mesure  que  le  lait  monte  dessus,  vous 
avez  le  soin  de  Técumer;  lorsqu'il  ne  pétille  plus,  cela  indique 
qu'il  est  clarifié  ;  alors  vous  le  tirez  à  clair  dans  une  autre  casse- 
role, lorsqu'il  est  un  peu  refroidi,  vous  en  remplissez  un  moule  à 
madeleines;  vous  verserez  ce  beurre  dans  un  autre  moule  et  ainsi 
de  suite  jusqu'au  nombre  de  huit;' après  quor  vous  reversez  le 
beurre  dans  la  casserole  ;  vous  garnissez  ensuite  de  nouveau  un 
moule  de  beurre  chaud  et  le  versez  tour  à  tour  dans  huit  autres 
moules  ;  enfin  vous  recommencerez  deux  fois  cette  opération,  ce 
qui  vous  donnera  trente-deux  moules  beurrés.  Il  ne  faut  pas 
renverser  les  moules  après  les  avoir  beurrés,  attendu  qu'ils 
doivent  conserver  le  peu  de  beurre  qui  s'égoutte  au  fond  de 
chacun  d'eux. 

Après  vous  mêlez  le  reste  du  beurre  dans  le  mélange  et  puis 
vous  les  placez  sur  un  fourneau  très-doux,  vous  remuez  légè^ 
rement  ce  mélange  afin  qu'il  ne  s'attache  pas  à  la  casserole,  et 
aussitôt  qu'il  commence  à  devenir  liquide,  vous  la  retirez  de  des- 
sus le  feu  pour  qu'elle  n'ait  pas  le  temps  de  tiédir,  ensuite  vous 
garnisse?  les  moules  avec  une  cuillerée  de  cet  appareil  et  vous  les 
mettez  au  four,  à  une  chaleur  modérée. 

MAIGRE. —  On  a  donné  le  nom  d'aliments  maigres  à  ceux 
dont  il  est  permis  d'user  pendant  les  jours  de  jeûne,  en  oppo- 
sition des  aliments  gras  dont  l'usage  est  interdit  pendant  cette 
période. 

Plusieurs  personnes  ont  prétendu  que  l'abstinence  de  la 
viande  était  incompatible  avec  la  santé;  c'est  une  erreur,  et  il  a 
été  prouvé  que  ce  régime  n'avait  rien  de  contraire  à  la  nature  de 
nos  corps,  pourvu  toutefois  qu'on  apporte  quelque  attention  dans 
le  choix  des  aliments  que  l'on  désire  manger  et  qu'on  n'en  per- 
vertisse point  la  qualité  par  l'abus  des  assaisonnements,  qui  très- 
souvent  est  la  cause  de  la  mauvaise  influence  des  aliments 
maigres  sur  l'organisme  humain. 


MAIGRE.  701 


C*est  une  erreur  aussi  de  prétendre  que  Tusage  des  aliments 
maigres  est  plus  salutaire  que  celui  de  la  viande,  parce  qu'ils  se 
digèrent  mieux  et  sont  plus  nourrissants,  qu'ils  engraissent  et  for* 
tifient  davantage  ;  qu'ils  produisent  un  sang  plus  gras,  plus  lai- 
teux, plus  abondant,  et  donnent  par  conséquent  plus  d'embon- 
point ;  mais  tout  cela  dépend  du  plus  ou  moins  de  fermeté  ou  de 
âiblesse  des  estomacs. 

A  ce  point  de  vue,  l'aliment  le  plus  parfait  sera  celui  dont 
les  parties  auront  plus  de  disposition  à  se  tourner  en  notre 
substance  :  non  en  cette  substance  superflue  qui  ne  tend  souvent 
qu'à  grossir  inutilement  le  volume  du  corps,  et  qui,  loin  d'aug- 
menter ou  d'entretenir  les  forces,  ne  sert  qu'à  les  accabler,  mais 
en  cette  humeur  balsamique  qui  fait  le  soutien  de  la  vie  et  d'où 
les  sucs  qui  nous  composent  tirent  toute  leur  vertu. 

Un  aliment,  pour  être  propre  à  réparer  en  nous  le  baume 
de  la  vie,  ne  doit  être  ni  trop  solide  ni  trop  aqueux  :  s'il  est 
trop  solide,  il  ne  saurait  fournir  aux  dissolvants  de  notre  corps 
des  parties  assez  souples  pour  pouvoir  être  mises  en  œuvre  ;  s'il 
est  trop  aqueux,  il  n'en  saurait  donner  qui  aient  assez  de  con- 
sistance pour  recevoir  les  impressions  nécessaires. 

Il  ne  doit  pas  non  plus  avoir  des  principes  trop  actifs,  autre- 
ment il  agit  lui-même  sur  les  principes  qui  le  doivent  changer  ; 
il  ne  passe  en  notre  nature  qu'après  l'avoir  considérablement 
altérée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  ne  peut  exister  aucun  rapport  entre  le 
r^me  maigre  et  la  maigreur  du  corps,  et  la  preuve,  c'est  que 
Ton  voit  des  hommes  très-décharnés  dévorer  beaucoup  de  viande 
sans  acquérir  de  l'embonpoint,  tandis  que  les  femmes  molles  et 
langoureuses  subsistent  grasses  malgré  la  nourriture  végétale  la 
plus  légère,  ce  qui  vient  à  l'appui  de  ce  que  nous  disions  plus 
haut,  que  les  aliments  maigres  amènent  presque  toujours,  quand 
les  effets  n'en  sont  pas  combattus  par  une  vie  agitée  et  affairée, 
une  obésité  précoce  et  gênante. 

On  ne  nie  point  cependant  que  la  plupart  des  aliments 
maigres,  et  surtout  le  poisson,  ne  soient  de  bons  aliments,  mais 
il  ne  s'ensuit  pas  de  là  qu'ils  soient  meilleurs  que  la  viande  et 
qu'ils  nourrissent  davantage  :  le  savant  Nonnius,  qui  a  fait  un 


7oa 


MAIGRE. 


traite  exprès  pour  justifier  le  poisson,  convient  pourtant  que  la 
viande  est  Taliment  le  plus  sain  et  celui  qui  produit  le  meilleur 
sang,  parce  que,  dit-il,  elle  a  plus  de  rapports  avec  les  principes 
de  notre  corps,  et  que  les  principes  qui  la  composent  sont  plus 
analogues  aux  nôtres;  les  hommes,  ajoute-t-il,  n'ont  abandonné 
les  herbes  et  les  fruits,  que  parce  qu'ils  ont  trouvé  par  expé- 
rience que  la  chair  des  animaux  les  soutenait  davantage. 

Quant  aux  aliments  dont  il  est  permis  d'user  aux  repas  de 
collation  les  jours  dé  jeûne,  il  y  en  a  tant  et  ils  changent  telle- 
ment, suivant  les  climats  et  les  habitudes,  que  nous  ne  saurions 
les  indiquer  tous  ici,  et  TÉglise  accorde  si  facilement  des  dis- 
penses, que  nous  y  renvoyons  nos  lecteurs  gourmands. 

Dans  le  département  de  la  Seine,  l'usage  du  beurre,  du  lat- 
tage et  de  ses  produits  était  généralement  interdit  : 

« — Vous  ne  laisserez  servir  devant  moi,  disait  Louis  XVIII, 
en  1815,  vous  ne  laisserez  servir,  pour  les  collations  et  les  déjeu- 
ners de  carême,  au  château,  ni  chairs,  ni  poissons,  ni  résidus  de 
chair  ou  de  poisson,  ni  œufs,  ni  lait,  ni  beurre,  ni  fromage  mou, 
cuit  ou  fondu,  monsieur  le  contrôleur,  et  du  reste  on  nous  fera 
manger  tout  ce  qu'on  voudra.  » 

Mais  aujourd'hui,  l'archevêque  de  Paris  a  bien  voulu  auto- 
riser l'usage  du  laitage  et  des  œufs  pour  les  repas  de  carême,  et 
c'est  devenu  une  très -grande  ressource  pour  les  pauvres  gens, 
qui  n'ayant  pas  les  moyens  de  s'offrir  du  poisson  très-cher  pen- 
dant tout  le  carême,  se  voyaient  forcés  de  manger  gras,  et  par 
cela  même  se  trouvaient  menacés  de  la  colère  du  ciel. 

Il  est  une  autre  décision  qui  s'applique  à  l'abstinence  ou 
continence  des  breuvages.  On  nous  l'a  donnée  comme  provenant 
de  la  Grande- Pénitencerie  romaine;  nous   la  reproduisons  ici  : 

«  Pour  ce  qui  tient  à  l'abstinence  de  boire,  afin  de  ne  point 
rompre  son  jeûne,  on  n'y  saurait  être  obligé  que  pour  le  jeûne 
sacramentel  en  bonne  santé,  pourvu  néanmoins  que  le  malaise 
enduré  par  suite  de  l'altération  puisse  occasionner  une  préoccu- 
pation qui  gêne  consécutivement  durant  plus  de  dix  minutes. 
C'est  à  cette  règle  d'hygiène  à  déterminer  cette  relâche  péniten- 
cielle.  Il  n'est  permis  d'user  alors  que  de  boissons  purement 
désaltérantes  et  nullement  nourrissantes,  à  raison  de  ce  qu'il  ne 


MANIOC. 


703 


s'agît  que  de  se  préserver  d'une  inflammation  d'intérieur.  L'em- 
ploi du  sucre  ou  du  miel  est  tolérable  pour  cet  effet,  mais  non 
celui  du  vin  ou  du  lait,  de  la  cervoise  ou  bière,  et  autres 
boissons  fermentées,  sinon  dans  tous  les  cas  d'incommodités 
sérieuses,  où  nulle  abstinence  n'est  de  précepte,  ainsi  qu'il  est 
assez  connu.  » 

MAIS.  —  Sorte  de  grain,  autrement  appelé  blé  de  Turquie; 
il  contient  beaucoup  d'huile  et  de  sel  essentiels  ;  on  en  fait  du 
pain,  qui  se  digère  difficilement,  qui  pèse  sur  l'estomac,  et  qui 
ne  convient  qu'aux  personnes  d'un  tempérament  fort  et  robuste. 

On  fait  avec  de  la  farine  de  maïs,  du  sucre  et  du  lait,  une 
bouillie  qu'on  appelle  gaudes.  Cet  aliment  est  très -populaire  en 
Bresse  et  en  Franche-Comté.  Lorsque  les  gaudes  sont  refroidies, 
il  est  bon  de  les  couper  en  tranches,  que  Ton  fait  griller  et  que 
Ton  saupoudre  avec  du  sucre.  On  peut  introduire  dans  cette 
bouillie  de  la  moelle  de  bœuf  ou  du  beurre  frais,  ce  qui  la  rend 
plus  savoureuse,  et  quand  on  y  joint  des  raisins  de  Corinthe  ou 
de  l'écorce  de  cédrats  coniits,  on  en  fait  un  entremets  assez 
agréable  à  manger. 

Quiches  au  mats  pour  garnitures,  —  Vous  faites  cuire  de 
la  farine  de  maïs  avec  du  lait,  du  sel,  du  beurre  et  de  la  mus- 
cade râpée  ;  cette  bouillie  une  fois  cuite,  vous  y  ajouterez  quel- 
ques jaunes  d'œufs,  que  vous  ferez  lier  sans  bouillir.  Dressez 
alors  de  ce  mélange  à  l'épaisseur  d'un  travers  de  doigt,  éten- 
dez-le sur  une  abaisse  de  feuilletage  et  faites  cuire  le  tout  sous 
un  four  de  campagne  ;  vous  retirerez  ensuite  ledit  appareil  afin 
de  le  couper  en  morceaux  carrés  de  la'  même  grandeur  que  la 
moitié  d'une  carte,  et  vous  vous  en  servez  pour  garnir  différents 
plats,  tels  qu'aloyaux  rôtis,  civets  de  lièvre  et  sautés  de  chevreuil, 
matelotes  d'anguilles,  etc. 

MAITRE-D'HOTEL  (Sauce  à  la).  —  (V.  Sauce  et  Aba- 

TIS.) 

MALVOISIE.  —  Ce  nom  est  applicable  à  plusieurs  sortes 
de  vins  sucrés;  on  prise  surtout  la  malvoisie  de  Chypre  et  de 
Candie.  (V.  Vins  étrangers.) 

MANIOC.  —  Plante  des  tropiques.  Son  suc  est  laiteux  et 
très-vénéneux.  Mais  de  la  racine,  ratissée,  lavée  et  râpée,  on 


704  MAQUEREAU. 


retire  une  fécule  nourrissante.  Le  tapioca  se  retire  de  la  fécule 
décantée. 

MAQUEREAU.  —  Un  des  plus  beaux  et  un  des  plus  cou- 
rageux poissons  qui  existent.  Lorsqu'il  passe  vivant  de  la  ligne 
à  la  barque,  il  semble  fait  d'azur,  d'argent  et  d'or. 

Souvent  le  maquereau  s'attaque  à  des  poissons  beaucoup 
plus  forts  que  lui  et  même  à  l'homme. 

Un  historien  de  la  Norwége  raconte  qu'un  matelot  qui  se 
baignait  disparut  tout  à  coup,  et,  lorsqu'on  le  repêcha,  dix 
minutes  après,  il  était  déjà  dévoré  en  grande  partie  par  des  ma- 
quereaux. 

Ces  poissons  se  rassemblent  annuellement  pour  faire  de 
grands  voyages;  vers  le  printemps,  ils  côtoient  l'Islande,  le  Hitt- 
land,  l'Ecosse  et  l'Irlande,  et  se  jettent  dans  l'océan  Atlantique, 
où  une  colonne,  en  passant  par  devant  le  Portugal  et  l'Espagne, 
va  se  rendre  dans  la  Méditerranée,  pendant  qu'une  autre  colonne 
entre  dans  la  Manche,  en  avril  et  en  mai,  et  passe  de  là,  en  juin, 
devant  la  Hollande  et  la  Frise.  On  les  trouve  dans  toutes  les 
mers  en  quantités  innombrables  ;  ils  passent  l'hiver  dans  la  mer 
Glaciale,  la  tête  enfoncée  dans  la  vase  et  les  fucus;  voilà  ce  qu'on 
croyait  autrefois  du  moins  ;  mais  Bloch,  Noël,  Lacépède  et  d'au- 
tres pensent  qu'il  en  est  de  l'émigration  des  maquereaux  comme 

de  celle  des  thons  et  des  harengs,  et  que  ceux-là  comme  ceux-ci  se 
retirent  simplement  dans  la  profondeur  des  eaux,  à  la  surface 
desquelles  on  les  voit  reparaître  au  printemps. 

Maquereau  à  la  maître^d' hôtel. — Que  vos  maquereaux  soient 
bien  frais;  choisissez-les  d'égale  grosseur,  afin  que  les  uns  ne 
soient  pas  plus  cuits  que  les  autres;  coupez-leur  le  bout  du  bec 
et  le  bout  de  la  queue  ;  mettez-les  sur  un  plat  de  faïence  ou  de 
terre,  saupoudrez-les  d'un  peu  de  sel  fin,  arrosez-les  d'huile, 
avec  du  persil,  des  ciboules,  et  retournez-les  dans  cette  marinade 
une  bonne  demi-heure  avant  de  servir,  ou  davantage  s'ils  sont 
très-gros,  et  de  crainte  que  leur  ventre  ne  vienne  à  s'ouvrir,  cou- 
vrez-les d'une  feuille  de  romaine  ;  cette  précaution  est  pour  évi- 
ter qu'ils  ne  perdent  leur  laite;  retournez-les;  pour  achever  leur 
cuisson,  posez-les  sur  le  dos;  leur  cuissop  achevée,  dressez-les 
avec  une  cuiller  de  bois,  mettez-leur  une  maître-d'hôtel  froide 


MAQUEREAU.  yo$ 


dans  le  dos,  forcée  de  citron,  et  saucez-les  d'une  maître-d'hôtel 
liée,  et  servez.  (Voir  les  articles  de  ces  deux  sauces.) 

Maquereaux  à  V anglaise.  —  Prenez  trois  ou  quatre  maque- 
reaux de  la  plus  grande  fraîcheur,  videz-les  par  l'ouïe,  tirez-leur 
le  boyau,  ficelez-leur  la  tête,  coupez  le  petit  bout  de  la  queue, 
et  ne  leur  fendez  point  le  dos.  Mettez  une  bonne  poignée  de 
fenouil  vert  dans  une  poissonnière  qui  ait  sa  feuille,  et  vos 
maquereaux  dessus;  mouillez-les  d'une  légère  eau  de  sel,  faites- 
les  cuire  à  petit  feu.  Leur  cuisson  faite,  tirez  votre  feuille,  égout- 
tez-les,  dressez-les  sur  votre  plat,  saucez-les  d'une  sauce  de 
fenouil,  ou  de  celle  dite  à  groseilles  à  maquereau.  (Voyez  les 
articles  de  ces  sauces.) 

Maquereaux  à  la  flamande.  —  Préparez  vos  maquereaux 
comme  ceux  à  l'anglaise,  sans  leur  fendre  le  dos;  maniez  un 
morceau  de  beurre,  avec  échalotes,  persil  et  ciboules  hachées, 
du  sel  et  un  jus  de  citron;  remplissez-en  le  centre  de  ces  maque- 
reaux, roulez-les  chacun  dans  une  feuille  de  papier  d'office 
beurrée,  liez-la  par  les  deux  bouts  avec  de  la  ficelle;  mettez 
griller  vos  maquereaux  sur  un  feu  doux  et  égal,  environ  trois 
quarts  d'heure.  Leur  cuisson  faite,  ôtez-les  du  papier,  dressez-les 
sur  votre  plat,  et  servez. 

Maquereaux  à  l'italienne.  —  Préparez  et  faites  cuire  trois 
ou  quatre  maquereaux,  comme  les  vives  à  l'italienne;  leur  cuis- 
son achevée,  saucez-les  d'une  italienne  blanche,  dans  laquelle 
vous  incorporerez  un  morceau  de  bon  beurre.  (Voyez  l'article 
Italienne  blanche.) 

Filets  de  maquereaux  à  la  mattre-d' hôtel.  —  Levez  les  filets 
de  trois  maquereaux  ;  coupez  ces  filets  en  deux,  parez- les  ;  faites 
fondre  du  beurre  dans  une  sauteuse,  et  posez -y  vos  filets  du  côté 
de  la  peau;  saupoudrez-les  d'un  peu  de  sel,  recouvrez- les  légè- 
rement de  beurre  fondu,  couvrez-les  d'un  rond  de  papier,  met- 
tez-les au  frais,  jusqu'à  l'instant  de  vous  en  servir,  et  préparez  la 
sauce  suivante  : 

Mettez  deux  cuillerées  de  velouté  réduit  dans  une  casserole, 
persil  et  échalotes  hachés  et  lavés;  faites  bouillir  votre  sauce, 
ajoutez-y  la  valeur  de  trois  petits  pains  d'excellent  beurre  et  un 
fort  jus  de  citron  ;  prenez  vos  laitances,  faites-les  dégorger,  blan- 

45 


7o6  MARCASSIN. 


chir  et  cuire  avec  un  grain  de  sel  ;  au  moment  de  servir,  mettez 
vos  filets  sur  le  feu,  faites-les  roidir,  retournez-les.  Leur  cuisson 
faite,  égouttez-les,  en  épanchant  une  partie  du  beurre;  dressez 
vos  filets  en  couronne  sur  un  plat  auquel  vous  aurez  fait  une 
bordure  de  petits  croûtons  frits  dans  du  beurre  ou  de  Fhuile  ; 
passez  votre  sauce,  et  servez. 

Maquereaux  au  beurre  noir.  —  Préparez  ces  ma^fuereauz 
comme  ceux  à  la  maitre-d'hôtel  ;  faites*les  cuire  de  même.  Leur 
cuisson  faite,  saucez-les  d'un  beurre  noir  où  vous  aurez  mis  sel, 
vinaigre  et  persil  frit. 

MARCASSIN.  —  Jeune  sanglier  connu  en  vénerie  sous  le 
nom  de  bète  rousse.  Le  marcassin  est  excellent  à  toutes  les  sauces 
où  l'on  met  le  sanglier,  c'est-à-dire  à  la  broche,  sur  le  gril  aux 
oignons  ;  les  anciens  ne  les  mangeaient  point,  mais  les  châtraient 
et  les  lâchaient  ensuite  dans  la  forêt;  ainsi  perfectionnés,  c'est  le 
nom  que  Ton  donne  aux  chanteurs  de  la  chapelle  Sixtine,  ils 
deviennent  plus  gros,  plus  délicats  et  moins  sauvages. 

Hure  de  marcassin^  sauce  berlinoise.  —  C'est  à  Tâge  de 
quinze  ou  dix-huit  mois  qu'il  faut  manger  les  jeunes  sangliers, 
qui  jusqu'à  cet  âge  peuvent  être  considérés  comme  des  marcas- 
sins ;  comme  ce  sont  généralement  les  chairs  musculeuses  du  cou 
qui  sont  recherchées  par  les  amateurs,  il  faut  faire  couper  la 
hure  avec  le  cou,  un  peu  long  et  arrivant  jusqu'à  la  hauteur  des 
épaules.  Il  est  vrai  qu'il  reste  celle  des  bajoues,  peu  volumineuse, 
mais  cependant  très-délicate. 

Flambez  la  hure,  pour  en  gratter  les  soies. 

Quand  la  hure  est  flambée,  la  faire  dégorger  pendant  une 
heure,  l'égoutter  ensuite,  fendre  la  peau  du  crâne  depuis  le  haut 
du  front  jusqu'à  la  hauteur  des  yeux,  et  juste  sur  le  milieu;  afin 
de  prévenir  le  déchirement  de  la  peau,  dégager  les  chairs  du  bout 
du  museau;  scier  transversalement  sur  celui-ci  un  morceau 
d'os  de  trois  à  quatre  centimètres  de  long,  et  emballer  la  hure 
dans  un  linge,  en  la  ficelant,  mais  en  ayant  soin  de  ficeler  les 
oreilles  en  relief,  afin  de  les  maintenir  droites  ;  masquez  le  fond 
d'une  casserole  longue  avec  des  carottes,  des  oignons  et  des  racines 
de  céleri  grossièrement  émincés;  passez  la  hure  sur  cette  couche, 
la  mouiller  à  hauteur  avec  moitié  eau,  moitié  vinaigre,  ajouter 


MARCASSIN.  ycy; 


du  sel,  des  grosses  épices,  th)rtn,  laurier,  marjolaine,  coriandre  et 
genièvre;  faire  bouillir  le  liquide,  et  cuire  la  hure  à  feu  modéré 
pendant  trois  heures,  si  Tanimal  est  jeune;  dans  tous  les  cas, 
faisons  obser>'er  que  la  hure  doit  être  bien  cuite,  car,  en  refroi- 
dissant, les  chairs  musculeuses  tendent  à  se  raffermir. 

Aussitôt  que  la  hure  est  atteinte  au  point  voulu,  la  laisser 
refroidir  hors  du  feu,  et  dans  sa  cuisson,  la  déballer  ensuite, 
parer  droit  les  chairs  du  cou,  vernir  la  peau  sur  toutes  les  sur- 
faces, avec  du  saindoux  coloré  à  l'aide  de  caramel  bien  noir; 
poser  la  hure  sur  un  plat  long,  masquer  la  déchirure  du  crâne 
avec  une  plaque  de  beurre,  et  décorer  avec  des  truffes,  du  blanc 
d'oeuf  cuit  et  de  la  gelée;  de  chaque  côté  du  museau,  imiter  une 
défense  en  beurre  ;  poser  alors  la  hure  sur  un  pain  vert^  de  forme 
ovale,  et  masquer  de  graisse  blanche,  l'entourer  à  sa  base  avec 
une  couronne  de  feuilles  de  chêne  ou  d'oranger,  et  garnir  le  tout 
avec  des  croûtons  de  gelée. 

Cette  pièce  est  dressée  pour  figurer  sur  la  table;  pour  la 
servir,  il  faut  couper  les  chairs  du  cou  en  tranches  minces,  les 
garnir  avec  de  la  gelée  et  faire  présenter  aux  convives  la  sauce 
suivante  : 

Avec  trois  jaunes  d'œuf  et  la  valeur  de  deux  verres  d'huile, 
préparer  une  sauce  mayonnaise  froide,  en  procédant  selon  la 
méthode  ordinaire,  la  finir  avec  deux  ou  trois  cuillerées  à  bouche 
de  moutarde  anglaise  et  du  bon  vinaigre;  lui  incorporer  ensuite 
un  peu  plus  que  son  volume  de  gelée  de  groseilles  très-ferme  et 
coupée  en  petits  dés  ;  mêler  la  gelée  sans  l'écraser  et  verser  la 
sauce  dans  une  saucière.  Cette  sauce  n'est  pas  belle  à  la  vue  ; 
mais,  pour  un  amateur,  elle  a  certainement  un  grand  prix. 

Quartier  de  marcassin,  sauce  aux  cerises.  —  Choisir  un 
quartier  de  marcassin  tendre,  frais  et  sans  couenne,  enlever  l'os 
du  quasi  et  couper  droit  le  bout  du  manche,  saler  le  quartier,  le 
mettre  dans  une  terrine,  l'arroser  avec  la  valeur  d'un  litre  de 
marinade  cuite  et  à  moitié  refroidie,  le  faire  macérer  pendant 
deux  ou  trois  jours,  l'égoutter,  l'éponger  sur  un  linge  et  le  pla- 
cer dans  un  plafond  creux  avec  du  saindoux,  le  couvrir  avec  du 
papier  graissé  et  le  faire  cuire  pendant  trois  quarts  d'heure,  en 
l'arrosant  souvent  avec  la  graisse  ;  lui  additionner  alors  quelques 


7o8  MASTIC. 


cuillerées  de  sa  marinade,  et  le  faire  cuire  encore  pendant  une 
demi-heure,  en  Tarrosant  toujours  avec  son  fond.  Quand  il  est 
bien  atteint,  retirer  le  plafond  du  four,  égoutter  le  quartier  et  en 
masquer  la  surface  avec  une  couche  épaisse  de  mie  de  pain  noir 
râpée,  séchée,  pilée,  passée  et  mêlée  avec  un  peu  de  sucre  et  de 
la  cannelle,  puis  humectée  avec  du  bon  vin  rouge,  mais  seule- 
ment ce  qui  est  nécessaire  pour  la  lier;  saupoudrer  cette  couche 
avec  de  la  mie  de  pain  non  humectée,  Tarroser  avec  la  graisse  du 
plafond  et  remettre  le  quartier  dans  celui-ci,  pour  le  tenir  à  la 
bouche  du  four  pendant  une  demi-heure.  Au  moment  de  servir, 
le  sortir,  papillotter  le  manche,  le  dresser  sur  un  plat,  et  envoyer 
à  part  la  sauce  suivante  : 

Sauce  aux  cerises.  —  Faire  ramollir  deux  poignées  de  cerises 
noires  et  sèches,  comme  on  en  vend  communément  en  Alle- 
magne, c'est-à-dire  avec  les  noyaux,  les  faire  ramollir,  les  piler 
au  mortier,  les  délayer  avec  un  verre  de  vin  rouge,  et  verser  l'ap- 
pareil dans  un  poêlon  non  étamé,  ajouter  un  morceau  de 
cannelle,  deux  clous  de  girofle^  un  grain  de  sel  et  un  morceau  de 
zeste  de  citron;  faire  bouillir  le  liquide  pendant  deux  minutes  et 
le  lier  avec  un  peu  de  fécule  délayée  ;  retirer  la  casserole  sur  le 
côté  du  feu,  la  couvrir,  la  tenir  ainsi  pendant  un  quart  d'heure, 
la  passer  ensuite  au  tamis. 

Recette  de  M.  Urbai;i  Dubois,  cuisinier  de  Leurs  Majestés 
Royales  de  Prusse. 

MASTIC.  —  Le  mastic  est  à  la  fois,  en  Grèce,  une  liqueur 
et  une  confiture  ;  c'est  une  des  productions  les  plus  importantes 
et  les  plus  précieuses  de  Tîle  de  Chio.  Il  est  donné  par  le  len- 
tisque,  à  qui  on  fait,  pour  l'obtenir,  de  légères  mais  nombreuses 
incisions  au  tronc  et  aux  principales  branches.  Cette  opération  se 
fait  depuis  le  15  jusqu'au  20  juillet.  Pendant  ces  cinq  jours,  il 
découle  de  ces  incisions  un  suc  liquide  qui  s'épaissit  insensible- 
ment, et  qui  se  forme  et  se  recueille  en  larmes.  Vingt  et  un  vil- 
lages, situés  au  midi  de  la  ville,  donnent  cette  résine;  la  plus 
belle  qualité  est  envoyée  à  Constantinople,  pour  le  Grand  Sei- 
gneur; la  seconde  au  Caire,  pour  le  pacha  d'Egypte. 

Le  mastic  se  ramollit  dans  la  bouche,  parfume  l'haleine, 
raffermit  les  gencives,  contribue  à  conserver  la  blancheur  des 


MERISIER. 


709 


dents,  donne  du  ton  à  Testomac  et  porte  à  la  poitrine  des  émana- 
tions balsamiques  gui  suffisent  à  vaincre  la  phthisie  pulmonaire 
prête  à  se  déclarer. 

La  liqueur  du  mastic,  qui  se  boit  comme  toutes  les  liqueurs, 
est  très-agréable  au  goût  et  très-digestive. 

MELON.  —  Plante  annuelle  et  rampante,  de  la  famille 
des  concombres.  Selon  les  espèces,  le  fruit  est  gros  comme  une 
pomme  ou  comme  un  potiron.  Celui  de  Honfleur  pèse  par- 
fois jusqu'à  vingt-quatre  livres  ;  on  dit  qu'il  croît  spontanément 
chez  les  Kalmoucks  :  j'y  suis  resté  pendant  les  mois  d'octobre 
et  de  novembre,  et  n'ai  jamais  vu  un  seul  melon,  quoiqu'à 
cinquante  lieues  de  là  on  les  récoltât  au  bord  de  la  mer  Cas- 
pienne par  milliers,  et  que  les  plus  gros  et  les  meilleurs  coûtas- 
sent quatre  sous. 

Il  est  probable  qu'il  est  originaire  d'Afrique  ;  il  est  sûr  qu'il 
est  né  dans  les  pays  chauds  et  qu'il  n'est  bon  que  caressé  par  les 
rayons  du  soleil.  Le  meilleur  melon  est  le  cantalou,  rapporté  de 
l'Arménie  par  les  Romains  ;  il  fut  ainsi  nommé  du  village  de  Can- 
talou po,  où  on  le  cultiva.  Dans  tout  le  midi  de  la  France,  nous 
avons  le  melon  d'eau  ou  le  melon  vert,  qui,  pour  quelques  gas- 
tronomes, égale  le  cantalou.  Naples  a  son  melon  national,  que 
Ton  appelle  cocoméro,  et  qui  est  la  nourriture  presque  exclusive, 
avec  le  macaroni,  du  lazzarone.  Sa  chair  est  rouge,  avec  des 
amandes  noires  ;  mais,  en  réalité,  elle  n'a  aucune  consistance,  et 
c'est  de  l'eau  figée. 

Pour  rendre  le  melon  digestible,  il  faut,  disent  quelques 
gastronomes,  le  manger  avec  du  poivre  et  du  sel,  et  boire  par- 
dessus un  demi-verre  de  Madère,  ou  plutôt  de  Marsala,  puisque 
le  Madère  a  disparu. 

Il  n'y  a  pas  d'autre  manière  de  le  manger  que  de  le  couper 
par  tranches  et  de  le  servir  entre  le  potage  et  le  bœuf  ou  entre  le 
fromage  et  le  dessert. 

MERISIER.  —  C'est  le  prunier  des  oiseaux;  sans  être 
greffé,  il  porte  un  petit  fruit  noir  appelé  merise.  On  greffe  sur 
lui  la  cerise,  la  guigne,  le  bigaro;  c'est  avec  le  fruit  du  merisier 
qu'on  fait  le  kirschenwasser,  alcool  marquant  jusqu'à  vingt-six 
degrés,  aussi  transparent  que  l'eau  la  plus  limpide.  C'est  surtout 


7IO        •  MERLAN. 


en  Alsace,  en  Franche-Comté,  en  Suisse  et  en  Souabe  que  l'on 
distille  le  meilleur  kirsch. 

MERLAN.  —  On  ignore  Tétymologie  de  ce  nom,  tandis 
qu'on  s'explique  facilement  pourquoi,  dans  le  dernier  siècle,  on 
appelait  les  perruquiers  des  merlans  ;  c'est  qu'ils  étaient  constam- 
nient  couverts  de  poudre,  comme  sont  couverts  de  farine  les  mer- 
lans qu'on  va  faire  frire.  Il  appartient  à  la  famille  des  morues,  il 
se  pêche  en  décembre,  janvier  et  février.  Il  est  alors  gras  et 
ferme,  et  commence  à  avoir  des  œufs  et  de  la  laite  vers  la  fin 
d'octobre.  Il  n'y  a  pas  de  chair  plus  saine  que  celle  du  merlan; 
elle  est  friable,  tendre  et  légère.  On  la  prescrit  même  aux  conva- 
lescents. Le  meilleur  se  pêche  dans  la  Méditerranée. 

Merlans  frits.  —  Ayez  plusieurs  merlans,  écaillez-les,  ou 
plutôt  essuyez-les  en  les  pressant  légèrement  avec  la  serviette  ;  les 
écailles  viendront  toutes  seules;  coupez  le  bout  de  la  queue  et  les 
nageoires,  videz-les,  lavez-les,  remettez-leur  les  foies  dans  le 
corps,  ciselez-les  des  deux  côtés,  farinez-les,  faites-les  frire  jus- 
qu'à ce  qu'ils  soient  fermes  et  d'une  belle  couleur  ;  égouttez-les, 
saupoudrez-les  d'un  peu  de  sel  fin,  mettez  une  serviette  sur  le 
plat  qui  doit  les  recevoir,  dressez-les  dessus,  et  servez. 

Merlans  à  la  hollandaise^  à  la  flamande  ou  sur  le  plat,  — 
(Voyez  les  Soles  sous  la  même  désignation.) 

Merlans  grillés.  —  Préparez  vos  merlans  comme  il  est  dit 
aux  merlans  frits,  ciselez-les,  farinez-les,  mettez-les  sur  le  gril, 
faites-les  cuire  sur  un  feu  doux,  et  retournez-les;  à  cet  effet, 
servez-vous  d'un  couvercle  de  casserole  que  vous  poserez  sur  vos 
merlans  et  alors  vous  renverserez  votre  gril  sens  dessus  dessous  ; 
achevez  de  les  faire  cuire;  servez- vous  encore  du  couvercle, 
comme  il  est  dit  plus  haut,  pour  les  ôter  du  gril  sans  les  casser; 
coulez-les  sur  votre  plat  et  servez  dessus  une  sauce  blanche  au 
beurre  avec  câpres. 

Merlans  aux  fines  herbes.  —  Écaillez  vos  merlans  comme 
il  est  indiqué  aux  merlans  frits;  appropriez-les  de  même,  mettez- 
les  dans  un  vase  creux  dans  lequel  vous  aurez  étendu  du  beurre 
avec  persil,  ciboules,  sel,  muscade;  arrangez-les  tête-bêche;  arro- 
sez'les  de  beurre  fondu;  mouillez-les  avec  vin  blanc  et  bouillon. 
Cuits  des  deux  côtés,  versez  leur  mouillement  dans  une  casserole, 


MERLAN.  711 


sans  les  ôter  de  leur  plat;  ajoutez-y  un  peu  de  beurre  manié 
avec  de  la  farine,  faites  cuire  et  liez  votre  sauce  dans  laquelle 
vous  exprimerez  un  jus  de  citron;  mettez  une  pincée  de  gros 
poivre,  saucez  vos  merlans  et  servez-les. 

Filets  de  merlans  en  turban.  —  Ayez  quinze  ou  dix-huit 
merlans,  levez-en  les  filets;  prenez  les  douze  inférieurs,  levez- 
en  les  peaux,  pilez-en  les  chairs,  faites-en  une  farce  à  quenelle 
(V.  l'art.  Farce  à  quenelle  de  merlans.)  ;  votre  farce  achevée, 
faites  un  fort  bouchon  de  pain,  posez  le  bout  le  plus  étroit  sur 
votre  plat;  entourez  ce  bouchon  de  bardes  de  lard  et  dressez 
autour  votre  farce  en  talus;  posez-y  vos  filets,  donnez-leur  la 
forme  d'une  bande  de  mousseline  qui  enveloppe  un  turban  :  si 
c'est  la  saison,  garnissez  le  haut  de  petites  truffes  que  vous  aurez 
tournées  de  la  forme  de  grosses  perles  ;  humectez  vos  filets  avec 
un  peu  de  beurre  fondu  ;  couvrez  le  tout  de  bardes  de  lard  très- 
minces  et  par-dessus  un  papier  beurré;  faites  cuire  votre  turban 
au  four,  avec  une  légère  paillasse  dessous  ;  sa  cuisson  faite,  sup- 
primez le  bouchon  de  pain  et  toutes  les  bardes  de  lard  ;  égouttez 
le  beurre  de  ce  turban;  versez  dans  son  puits  une  bonne  ita- 
lienne, et  servez.  On  peut  y  mettre  un  ragoût. 

Filets  de  merlans  au  gratin.  —  Levez  des  filets  de  merlans, 
étendez-les  sur  la  table  les  uns  après  les  autres;  garnissez-les 
d'une  farce  cuite  et  roulez-les;  foncez  votre  plat  d'une  assise 
de  votre  farce,  mettez-y  vos  filets,  couvrez-les  de  cette  farce 
sur  toutes  les  faces,  unissez  le  tout  avec  la  lame  de  votre  couteau 
trempée  dans  de  l'eau  tiède;  donnez  à  votre  gratin  une  forme 
régulière,  panez-le,  arrosez-le  avec  un  pinceau  trempé  dans  du 
beurre  fondu,  mettez-le  au  four,  ou  sous  un  four  de  campagne, 
avec  feu  dessus,  feu  dessous;  laissez-les  se  colorer  et  arrosez  d'une 
italienne  rousse. 

Merlans  à  la  Sjrlvio- Pellico.  (Recette  de  Ferdinando 
Grandi.)  —  Prenez  un  gros  merlan,  préparez-le  pour  le  farcir 
en  laissant  la  tête  attachée  aux  filets  ;  mettez-le  mariner  dans  du 
vin  blanc  pendant  six  heures,  et  farcissez-le  ensuite  avec  une 
farce  de  poisson  que  vous  mettrez  dans  une  terrine  après  l'avoir 
passé  et  lui  avoir  donné  le  meilleur  goût  possible  ;  ajoutez-y  un 
oignon  moyen  que  vous  aurez  lavé  et  passé  au  beurre  à  blanc, 


712  MERLAN. 


donnez  un  léger  goût  d'ail  et  mettez  une  bonne  quantité  de  fines 
herbes  blanchies  ;  reformez  votre  merlan  sur  une  grille  à  pois- 
sonnière, faites-lui  sur  le  dos  une  raie  de  queue  d'écrevisse  éplu- 
chée et  finissez  de  le  garnir  sur  les  côtés  en  travers  d'un  rang 
d'écrevisses  et  d'un  rang  d'huîtres,  et  ainsi  de  suite  de  la  tête  à 
la  queue.  Vous  enfoncerez  bien  cette  garniture  dans  la  farce 
pour  qu'elle  ne  se  détache  pas;  faites  cuire  le  merlan  dans  la 
poissonnière  avec  le  liquide  de  son  marinage  que  vous  aurez 
passé,  et  vous  ajouterez  un  morceau  de  beurre  frais  et  un  bou- 
quet garni;  quand  vous  l'aurez  dressé  sur  le  plat,  vous  l'entou- 
rerez de  petites  timbales  faites  avec  la  même  farce  dans  des 
moules  à  darioles  dont  vous  aurez  décoré  le  fond  avec  des  truffes 
et  de  la  langue  en  forme  de  grillage.  Ensuite  vous  garnirez  le 
moule,  au  fond  et  à  l'entrée  de  ladite  farce  que  vous  remplissez 
avec  des  truffes  et  des  champignons  masqués  avec  une  sauce.  Ceci 
terminé,  recouvrez  le  moule  avec  de  la  farce  que  vous  ferez 
pocher  un  quart  d'heure  avant  de  servir;  vous  mettrez  dans  cha- 
que timbale  une  belle  écrevisse,  vous  servirez  une  sauce  veloutée 
où  vous  mettrez  une  printanière  de  légumes  que  vous  aurez 
passés  au  beurre  et  fini  de  cuire  avec  du  bouillon  de  volaille; 
servez  le  plat  avec  une  demi-glace  très-claire,  garnissez  la  tête 
d'un  hâtelet  avec  trois  quenelles  que  vous  ferez  blanche,  verte  et 
rouge. 

Merlans  frits  à  la  Provençale,  (  Recette  de  M.  Urbain 
Dubois,  chef  de  cuisine  de  S.  M.  le  roi  de  Prusse.)  —  C'est 
un  mets  très-populaire  en  Provence  et  qu'on  sert  surtout  la 
veille  de  Noël.  Verser  quatre  à  cinq  cuillerées  à  bouche  de 
bonne  huile  dans  une  poêle  pour  la  chauffer,  lui  mêler  deux 
cuillerées  de  farine,  cuire  celle-ci  tout  doucement  en  la  tournant 
à  la  cuiller  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  de  couleur  légèrement  foncée; 
lui  mêler  alors  deux  cuillerées  à  bouche  d'oignon  haché,  cuire 
celui-ci  pendant  quelques  secondes,  retirer  la  poêle  du  feu  et 
mouiller  le  roux  peu  à  peu  avec  de  l'eau  chaude  et  du  \in  ; 
tourner  la  sauce  jusqu'à  l'ébullition,  la  tenir  légère  et  la  cuire 
pendant  dix  minutes  sur  le  côté  du  feu^  lui  additionner  un  bou- 
quet de  persil  et  une  feuille  de  laurier,  l'assaisonner  et  la  faire 
réduire  en  la  tournant  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  liée  à  point;  en 


MERLE.  713 


dernier  lieu,  la  finir  avec  deux  cuillerées  à  bouche  de  Madère  et 
la  passer  au  tamis  dans  une  casserole  plate. 

D'autre  part,  couper  cinq  à  six  tranches  de  merlan  frais,  les 
saler,  les  fariner  et  les  faire  frire  à  Thuile.  Quand  elles  sont  de 
belle  couleur,  les  égoutter  et  les  mettre  dans  la  sauce  pour  les  faire 
mijoter  à  feu  très  doux  pendant  dix  minutes.  En  dernier  lieu, 
saupoudrer  le  ragoût  avec  une  pincée  de  persil  haché  et  deux 
cuillerées  à  bouche  de  câpres  entières. 

Dresser  les  tranches  de  merlan  sur  un  plat  chaud  et  les  mas- 
quer avec  la  sauce. 

Queue  de  merlan  à  la  mode  de  Cherbourg.  (Recette  du 
même.)  —  Prendre  la  queue  d'un  gros  merlan,  c'est-à-dire  la 
moitié  du  poisson,  l'écailler,  lui  couper  les  nageoires,  le  laver 
vivement,  l'éponger  avec  un  linge  et  le  distribuer  en  tranches 
épaisses.  Beurrer  grassement  le  fond  d'une  casserole  plate,  sau- 
poudrer le  beurre  avec  deux  poignées  de  parures  de  champi- 
gnons, sur  celles-ci  ranger  les  tranches  de  merlan  en  les  serrant 
l'une  contre  l'autre,  les  saler  légèrement,  leur  adjoindre  un  bou- 
quet de  persil  garni,  les  mouiller  juste  à  couvert  avec  du  vin 
blanc,  le  jus  de  deux  citrons  et  la  cuisson  de  trois  douzaines  de 
grosses  huîtres;  couvrir  la  casserole,  la  poser  sur  feu  vif  et  cuire 
le  poisson  pendant  huit  à  dix  minutes  ;  quand  il  est  à  point,  le 
fond  doit  être  réduit  de  moitié;  dresser  alors  les  tranches  de 
merlan  sur  un  plat,  retirer  le  bouquet  et  faire  réduire  le  fond  ; 
s'il  était  trop  long,  le  lier  avec  un  morceau  de  beurre  manié  de 
farine ,  donner  quelques  bouillons  à  la  sauce,  la  passer  à  l'éta- 
mine  et  la  finir  en  lui  incorporant  100  grammes  de  beurre  fin 
divisé  en  petites  parties;  lui  mêler  alors  les  huîtres  et  avec  elles 
masquer  le  poisson. 

MERLE.  —  Dans  toute  la  France  il  y  a  un  proverbe  qui 
dit  :  «  Faute  de  grives,  on  mange  des  merles  »  ;  la  Corse  seule, 
après  avoir  lutté  inutilement  pour  sa  nationalité  politique,  a  lutté 
avec  plus  de  bonheur  pour  sa  nationalité  culinaire ,  et  parmi  nos 
départements,  il  est  le  seul  qui  continue  de  dire  :  «  Quand  on  n'a 
pas  de  merles,  on  mange  des  grives.  » 

C'est  que  les  merles  de  Corse  ont  une  saveur  toute  particu- 
lière qu'ils  doivent  aux  baies  de  genévrier,  de  lierre,  de  myrte. 


714  MORILLES. 


de  nerprun,  aux  graines  de  gui,  aux  fruits  de  l'alisier,  de  l'éj 
tier.  Aussi  la  Corse  ne  se  contente-t-elle  pas  de  manger  ses  mer- 
les, elle  en  envoie  de  pleines  terrines  dans  toutes  les  parties  du 
monde;  il  suffit,  pour  les  conserver,  de  verser  dans  un  vase  de 
grès  du  saindoux  fondu  et  de  jeter  dans  ce  saindoux  des  merles 
plumés  dont  on  a  enlevé  les  gésiers  ;  le  saindoux  se  prend  sur 
eux,  les  enveloppe  d'une  couche  de  graisse  que  l'air  essaye  inuti- 
lement de  percer,  et  qui  les  conserve  pendant  des  années. 

M.  le  cardinal  Fesch  donnait  de  fort  bons  dîners  dont  les 
merles  de  Corse  disaient  le  principal  attrait  gastronomique. 

Il  est  bon  de  tirer  de  cette  graisse  autant  de  merles  qu'on  en 
veut  manger,  de  les  passer  à  l'eau  chaude  pour  leur  enlever  leur 
enduit  huileux,  après  quoi  on  les  assaisonne  comme  les  ortolans, 
comme  les  becfigues,  et  enfin  comme  tous  les  petits  pieds. 

Quant  aux  merles  frais,  ils  subissent  tous  les  modes  de 
cuisson  qui  s'appliquent  aux  grives. 

MIEL.  —  C'est  la  substance  sirupeuse  et  sucrée  que  les 
abeilles  récoltent  sur  les  fleurs,  qu'elles  élaborent,  et  déposent 
ensuite  dans  les  alvéoles  de  leurs  ruches  pour  s'en  nourrir  pen- 
dant l'hiver.  Le  miel  se  trouve  dans  presque  toutes  les  contrées 
de  l'Europe,  car  presque  partout  il  y  a  des  fleurs  et  des  abeilles; 
dans  l'antiquité,  c'était  sur  le  mont  Hymette  que  l'on  recueillait 
le  plus  estimé;  aujourd'hui  c'est  à  Narbonne  que  Ton  récolte  le 
meilleur. 

Pythagore,  suivant  le  rapport  de  Laërce,  ne  vivait  que  de 
pain  et  de  miel;  il  vécut  jusqu'à  l'âge  de  quatre-vingt-dix  ans  et 
mourut  en  invitant  ceux  qui  voudraient  vivre  longtemps  à  se 
nourrir  des  mêmes  aliments  que  lui.  Le  miel  a  tenu  lieu  de  sucre 
pendant  très-longtemps  aux  Gaulois  nos  ancêtres,  et  aux  Fran- 
çais nos  aïeux.  Le  sucre  n'était  connu,  à  cette  époque,  que  sous 
le  nom  de  miel  de  roseau  :  il  n'était  alors  d'usage  qu'en 
médecine. 

Le  miel  a  pris  sa  place  chez  les  apothicaires,  et  le  sucre  a 
remplacé  le  miel  sur  nos  tables. 

MORILLES.  —  C'est  une  espèce  de  champignon  printa- 
nier,  qui  ne  diffère  du  champignon  ordinaire  qu'en  ce  qu'elle  est 
percée  de  plusieurs  trous,  au  lieu  que  le  champignon  est  feuil- 


MORUE. 


715 


leté;  nous  ne  sachons  pas  qu'il  soit  jamais  arrivé  d'accidents 
pour  avoir  mangé  des  morilles.  Elles  excitent  1  appétit,  fortifient 
et  restaurent  l'estomac,  et  sont  d'un  grand  usage  dans  les  sauces. 
Les  morilles  ont  précédé  de  beaucoup  les  champignons  chez  les 
chrétiens,  que  l'exemple  de  Claude  avait  épouvantés. 

Une  certaine  anecdote,  dont  nous  ne  garantissons  pas  l'au- 
thenticité, quoique  nous  la  lisions  dans  la  vie  de  saint  Pardoux, 
vient  à  l'appui  de  notre  assertion  et  raconte  qu'un  jour,  un  cer- 
tain paysan,  ayant  trouvé  des  morilles,  voulait,  par  respect  pour 
le  saint,  lui  en  ftire  présent.  Dans  sa  route,  il  fut  rencontré  par 
un  grand  seigneur  nommé  Raynacaire,  qui  les  lui  arracha,  et  se 
les  fit  servir  à  dîner;  mais,  par  une  punition  divine,  dit  le  légen- 
daire, elles  lui  donnèrent  des  coliques  affreuses  dont  il  ne  fut 
guéri  qu'avec  de  l'huile  qu'on  lui  fît  avaler  et  que  saint  Pardoux 
avait  bénie. 

MORUE.  —  Nous  avons  déjà  dit,  en  parlant  du  cabillaud,  à 
peu  près  tout  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  la  morue.  Cepen- 
dant il  nous  reste  quelques  détails  à  donner  sur  elle  et  sur  la 
manière  dont  elle  s'apprête. 

Je  ne  saurais,  dit  Anderson,  m'empêcher  de  remarquer  ici 
en  passant  que  ce  poisson  insatiable  a  reçu  de  la  nature  un  avan- 
tage singulier,  que  beaucoup  de  nos  gourmands  souhaiteraient 
pouvoir  partager  avec  lui.  C'est  que,  toutes  les  fois  que  son  avi- 
dité lui  a  fait  avaler  un  morceau  de  bois  ou  quelque  autre  chose 
indigeste,  il  vomit  son  estomac,  le  retourne  devant  sa  bouche,  et, 
après  l'avoir  vidé  et  bien  rincé  à  l'eau  de  la  mer,  il  le  retire  à  sa 
place  et  se  remet  à  manger. 

Parmi  les  choses  que  nous  avons  cru  devoir  omettre  à  l'ar- 
ticle Cabillaud,  voici  une  brandade  de  morue  que  nous  extrayons 
de  la  cuisine  de  tous  les  pays  par  Urbain  Dubois. 

Brandade  de  morue  à  la  mode  de  Montpellier,  —  Prendre  la 
moitié  d'une  morue  salée,  épaisse  et  ramollie  à  point,  la  diviser 
en  carrés,  mettre  ceux-ci  dans  une  casserole  avec  de  l'eau  froide, 
poser  la  casserole  sur  le  feu  et  amener  le  liquide  à  Tébullition; 
au  premier  bouillon,  le  retirer.  Un  quart  d'heure  après,  égoutter 
la  morue  sur  un  tamis,  en  supprimer  aussitôt  toutes  les  arêtes, 
déposer  les  chairs  et  la  peau  dans  une  terrine  en  les  brisant. 


7i6  MOUTON. 


Faire  revenir  à  Thuile  deux  cuillerées  à  bouche  d'oignon 
haché  et  une  gousse  d'ail  ;  quand  l'oignon  est  de  couleur  blonde, 
retirer  la  gousse  d'ail  et  mêler  la  morue  à  l'oignon  dans  la  casse- 
role, pour  la  chauffer;  la  verser  aussitôt  dans  un  mortier  pour 
la  piler;  quand  elle  est  convertie  en  pâte,  la  remettre  dans  la 
casserole  et  la  travailler  fortement  avec  une  cuiller,  en  lui  incor- 
porant peu  à  peu  une  demi-bouteille  d'huile  d'olives;  quand 
cette  huile  est  absorbée,  travailler  l'appareil  encore  quelques 
minutes,  lui  mêler  le  jus  d'un  citron  et  lui  incorporer  également 
la  valeur  d'un  verre  d'huile  peu  à  peu.  A  ce  point,  l'appareil 
doit  être  bien  lié  et  crémeux.  S'il  était  trop  léger,  lui  mêler  deux 
cuillerées  à  bouche  de  béchamel  un  peu  serré;  dans  le  cas  con- 
traire, quelques  cuillerées  de  bonne  crème  crue  sussent.  Assai- 
sonner l'appareil  avec  du  poivre  et  muscade,  un  peu  de  sel,  si 
c'est  nécessaire,  une  pincée  de  persil  haché;  le  travailler  encore 
pendant  deux  minutes  et  le  finir  avec  le  jus  d'un  citron  :  il  doit 
alors  se  trouver  consistant,  mais  délicat,  lisse  et  de  bon  goût.  Le 
chauffer  très-légèrement,  sans  cesser  de  le  travailler,  et  le  dresser 
en  dôme  sur  le  centre  d'un  plat  long,  entre  deux  croustades  en 
pain  taillées  à  trois  quarts  de  rondeur  et  collées  aux  deux  bouts 
du  plat.  Saupoudrer  l'appareil  avec  quelques  lames  de  truffes, 
poser  sur  le  haut  deux  écrevisses  entières  et  une  truffe  ronde  entre 
les  deux;  emplir  les  croustades  avec  des  huîtres  frites,  piquer 
deux  hâtelets  sur  ces  croustades,  les  entourer  à  leur  base  avec 
des  escalopes  de  poisson  et  de  truffes,  en  les  alternant,  remplir  le 
vide  du  centre  avec  un  buisson  de  petites  bouchées  aux  huîtres. 
Ce  mets  peut  être  servi  comme  relevé  de  poisson  dans  un  dîner. 

MOUTON.  —  Il  existe  dans  les  montagnes  de  la  Grèce, 
dans  les  îles  de  Chypre,  de  Sardaigne,  de  Corse,  une  race  de  mou- 
tons devenue  excessivement  rare  sous  le  plomb  des  chasseurs,  et 
que  Ton  croit  être  la  race  primitive  de  l'espèce  actuelle  ;  elle  est 
de  la  grandeur  du  daim,  et  porte  des  cornes  immenses;  les  mou- 
tons du  Cap  de  Bonne-Espérance,  ceux  de  la  mer  Caspienne, 
ceux  d'Astrakan  ont  la  queue  si  grosse  qu'elle  pèse  jusqu'à  vingt 
livres,  quelques-uns  traînent  après  eux  une  petite  brouette  sur 
laquelle' leur  queue  repose  pour  que  la  laine  ne  soit  pas  gâtée 
en  traînant  à  terre. 


MOUTON. 


717 


Ce  fut  à  Don  Pèdre,  roi  de  Castille,  que  l'Espagne  fut  rede- 
vable de  rintroduction  dans  ce  pays  des  moutons  de  Barbarie,  qui 
ont  donné  tant  de  renommée  aux  laines  de  Castille;  les  profits 
que  rapportèrent  ces  précieux  animaux  engagèrent  les  nobles 
espagnols,  à  Tinstar  de  leur  roi,  de  visiter  et  d'élever  leurs  trou- 
peaux; les  jours  de  la  tonte  étaient  célébrés  par  des  fêtes.  Ce  fut 
pour  cette  cause  que  les  moutons,  qui  rapportaient  à  TEspagne 
trente  millions  de  rente,  étaient  appelés  les  joyaux  de  la  cou- 
ronne; un  bélier  de  première  race  n'avait  point  de  prix,  et  on  en 
vit  payer  jusqu'à  500  piastres. 

Au  XV*  siècle,  Edouard  IV,  roi  d'Angleterre,  obtint  de  la 
munificence  du  roi  d'Espagne  trois  mille  animaux  de  cette  belle 
race  de  moutons ,  seulement  le  changement  de  climat  rendit  la 
laine  beaucoup  plus  longue  et  moins  fine;  mais  le  soin  extrême 
que  les  Anglais  ont  de  leurs  troupeaux,  et  l'extermination  entière 
des  loups,  leur  permirent  de  les  tenir  constamment  en  plein  air. 
Les  laines  anglaises  furent  dès  lors  généralement  recherchées; 
c'est  afin  de  rappeler  sans  cesse  à  la  nation  de  quelle  importance 
est  ce  commerce  pour  elle,  que  dans  la  chambre  des  lords  un 
sac  de  laine  servait  autrefois,  et  je  crois  sert  encore  aujourd'hui, 
de  siège  à  leur  chancelier. 

Ce  fut  encore  l'Espagne  qui  fournit  à  la  France  l'espèce 
nommée  mérinos,  qui  se  propagea  de  plus  en  plus  chez  nous, 
concurremment  avec  la  grande  espèce  dite  des  moutons  flandrins. 

M.  Moorcoft  dit  avoir  trouvé,  en  1822,  en  pénétrant  dans  la 
Tartarie  par  les  possessions  anglaises  de  l'Inde,  une  espèce  de 
mouton  qui  doit  être  enviée  par  l'Europe.  C'est  un  animal  domes- 
tique comme  le  chien,  vivant  dans  la  cour  ou  sous  les  toits  de 
son  mdtre,  se  nourrissant  de  tout,  et  partout  s'engraissant  des 
restes  de  la  cuisine,  mangeant  jusqu'aux  os  qu'on  lui  jette;  il  est 
de  petite  taille,  mais  ses  particularités,  la  bonté  de  sa  chair,  la 
finesse,  le  poids  de  sa  toison,  le  mettent  de  niveau  avec  les  races 
supérieures.  Il  donne  deux  agneaux  et  autant  de  tontes,  qui  rap- 
portent trois  livres  de  laine. 

En  France,  les  moutons  dont  la  chair  est  la  plus  estimée, 
sont  ceux  des  Ardennes,  de  Langres,  de  Lacrau  et  de  Pré-salé  ; 
jeune,  le  mouton  se  nomme  agneau;  sa  chair  est  très-tendre, 


7x8  MOUTON. 


mais  moins  succulente  ;  plus  tard,  s'il  n'a  pas  subi  la  castration, 
sa  chair  est  moins  estimée  que  celle  de  la  brebis. 

Le  mouton  est  une  grande  ressource  dans  tous  les  pays,  mais 
particulièrement  dans  ceux  où  on  ne  trouve  ni  auberges,  ni  cui* 
sines;  je  veux  parler  de  TEspagne,  des  bords  du  Nil  et  de  l'Arabie. 
Lorsque  Ton  traverse  des  parties  de  désert,  avec  quatre  ou  six 
Arabes,  on  convient  d'avance,  et  cela  influe  sur  le  prix,  ou 
qu'on  les  nourrira,  ou  qu'ils  se  nourriront  eux-mêmes. 

Quand  on  convient  qu'on  les  nourrira,  ils  ont  toujours  faim, 
et  il  est  impossible  de  les  rassasier  ;  quand  on  convient  qu'on  ne 
les  nourrira  pas,  ils  déjeunent  avec  une  datte,  dînent  avec  deux^ 
serrent  leur  ceinture  d'un  cran  après  chaque  repas,  et  tout  est  dit. 

En  1833  j'allais  de  Tunis  à  un  amphithéâtre  romain 
enfoncé  de  douze  à  quinze  lieues  dans  le  désert  ;  je  fis  ^larché 
avec  quatre  Arabes  pour  qu'ils  me  conduisissent  à  Djem-Djem; 
c'est  le  nom  de  cette  ruine.  Les  Arabes  s'étaient  chargés  de  me 
fournir  ma  monture,  c'est-à-dire  un  chameau  et  de  se  nourrir 
eux-mêmes;  j'avais  emporté  dans  une  espèce  de  valise  en  fer- 
blanc  un  morceau  de  viande  rôtie,  des  dattes,  du  vin,  de  Teau  et 
de  l'eau-de-vie.  Arrivé  à  la  première  halte  où  nous  devions  cou- 
cher, nous  nous  installâmes  pour  dîner,  et  à  mon  grand  éton- 
nement,  je  vis  mes  Arabes  dîner  avec  quelques  dattes  et  une 
banane;  j'eus  honte  de  faire  relativement  à  eux  un  si  somptueux 
dîner  quand  ils  avaient  mangé  à  peine  ;  je  leur  donnai  les  trois 
quarts  de  mon  pain,  toute  ma  viande  rôtie,  la  moitié  de  mon 
fruit,  et  ne  gardai  que  mon  vin  et  mon  eau;  je  leur  annonçai 
alors  que  le  lendemain  nous  déjeunerions  tous  ensemble  avec  un 
mouton ,  qu'ils  eussent  donc  à  s'en  procurer  un,  ce  qui  me  parais- 
sait chose  facile,  ayant  vu  paître,  cinq  par  cinq  ou  six  par  six, 
des  bandes  de  moutons  dans  tous  les  endroits  où  il  y  avait  de 
l'herbe. 

On  se  tromperait  en  croyant  que  le  désert  commence  au 
rivage  de  la  mer  ;  ce  n'est  que  douze  ou  quinze  lieues  plus  loin 
que  l'on  trouve  la  solitude,  la  famine  et  la  soif. 

Le  lendemain,  je  fus  réveillé  par  le  bêlement  d'un  mouton; 
un  de  mes  hommes  s'était  détaché  pendant  la  nuit  et,  moyennant 
cinq  francs,  avait  fait  l'acquisition  d'un  bel  agneau  d'une  cin- 


MOUTON. 


719 


quantaine  de  livres;  deux  heures  après,  nous  étions  à  Djem- 
Djem,  où  il  était  convenu  que  Ton  déjeunerait. 

J'avais  beaucoup  entendu  parler  de  la  façon  de  préparer  le 
mouton  au  désert,  je  ne  voulus  donc  rien  perdre  de  ces  prépa- 
ratifs ;  comme  il  ne  devait  être  cuit  que  deux  heures  après,  qu'il 
ne  fallait  pas  plus  de  deux  heures  pour  visiter  l'amphithéâtre, 
j'assistai  à  tous  les  détails  de  la  cuisson. 

Les  Arabes  commencèrent  par  égorger  Tagneau  avec  tous  les 
détails  religieux  recommandés  par  le  Koran,  puis  ils  lui  ouvri- 
rent le  ventre,  jetèrent  les  intestins,  conservèrent  le  cœur,  le  foie 
et  le  poumon,  puis  ils  fouillèrent  dans  le  sac  aux  provisions,  lui 
remplirent  le  ventre  avec  des  dattes,  des  figues,  du  raisin  sec,  du 
miel,  du  sel  et  du  poivre  ;  après  quoi  le  ventre  fut  recousu  avec 
le  plus  grand  soin;  pendant  ce  temps,  les  deux  Arabes  qui 
n'étaient  pas  occupés  après  l'agneau  creusaient  avec  leur  sabre 
une  fosse  de  deux  pieds  de  profondeur,  l'emplissaient  de  bois  sec, 
auquel  ils  mettaient  le  feu ,  après  avoir  préparé  une  autre  brassée 
de  bois  sec  près  de  celui  qui  se  réduisait  en  braise  ;  puis  ils  cou- 
chèrent sur  ce  lit  de  charbon  ardent  le  mouton  avec  sa  peau,  le 
recouvrant  de  la  brassée  de  bois  qu'ils  avaient  préparée  d'avance 
et  qui  prit  feu  aussitôt;  lorsque  cette  brassée  de  bois  fut  brûlée, 
le  mouton  se  trouva  enterré  comme  une  châtaigne  sous  les  cen- 
dres; les  Arabes  alors  rejetèrent  sur  lui  une  partie  de  la  terre 
qu'on  avait  tirée  de  la  fosse  o^  il  cuisait;  puis  ils  me  dirent 
d'aller  voir  l'amphithéâtre  tout  à  mon  aise  et  que,  dans  une 
heure  et  demie,  le  mouton  serait  cuit;  au  bout  d'une  heure  et 
demie  je  revins,  car  j'avais  grand*  faim  et  surtout  grande  envie  de 
goûter  à  la  cuisine  de  mes  guides;  sans  doute  en  avaient-ils  aussi 
grande  envie  que  moi ,  car  à  peine  me  virent-ils  avec  celui  des 
Arabes  qui  parlait  un  peu  l'italien  et  que  j'avais  emmené  avec 
moi,  qu'ils  se  mirent  à  fouiller  leur  feu  souterrain,  et  qu'ils  en 
tirèrent  le  mouton. 

Il  était  rôti  comme  une  pomme  de  terre  dont  la  peau  est 
brûlée;  en  le  grattant  avec  un  poignard,  sa  peau  prit  la  belle 
couleur  dorée  d'un  rôti  rissolé  dont  la  cuisson  est  arrivée  à  son 
point;  la  laine  brûlée  disparaissait  tout  à  fait,  et  l'on  devinait 
derrière  cette  peau,  dont  pas  une  gerçure  n'avait  laissé  échapper 


7^0  MOUTON. 


la  graisse,  une  chair  succulente  et  pleine  de  sapidité  «  Je  ne 
savais  comment  dépecer  ce  mouton,  et  je  fis  signe  au  chef  de 
notre  escorte  de  l'attaquer  le  premier. 

Celui-ci  ne  se  fit  pas  prier  ;  il  réunit  le  pouce  et  l'index,  et, 
de  même  qu'un  vautour  eût  donné  un  coup  de  bec,  il  lança  sa 
main  en  avant,  il  pinça  et  arracha  un  ruban  de  chair  ;  les  autres 
en  firent  immédiatement  autant,  et  comme  je  vis  que  si  je  ne  me 
pressais  pas  le  mouton  serait  disparu  quand  j'en  demanderais  ma 
part,  je  fis  signe  que  je  désirais  qu'on  me  laissât  faire  à  mon 
tour. 

Alors  je  détachai  avec  mon  poignard  une  épaule  de  devant, 
et,  peu  jaloux  de  prendre  ma  part  de  cette  curée  à  pleines  mains, 
je  déposai  mon  éclanche  sur  un  des  plats  de  mon  nécessaire,  et 
comme  un  enfant  en  pénitence,  je  fis  mon  repas  à  part;  mon 
Arabe  m'avait  tenu  parole  et  m'avait  rendu  mon  bidon  plein 
d'eau  fraîche. 

Je  dois  dire  que  j'ai  mangé  du  mouton  dans  quelques-unes 
des  cuisines  les  plus  renommées  d'Europe,  mais  jamais  je  n'ai 
mangé  viande  plus  savoureuse  que  celle  de  mon  mouton  cuit 
sous  les  cendres,  que  je  recommande  à  tous  les  voyageurs  en 
Orient. 

Rosbif  de  mouton  à  la  broche»  —  Coupez  l'arrière-train 
d'un  mouton,  brisez  les  os  des  cuisses;  battez  les  deux  gigots 
avec  le  couperet;  faites  entrer  les  jarrets  l'un  dans  l'autre, 
rompez  les  côtes  du  côté  du  fianchet,  roulez  les  deux  flancs  et 
passez  un  hàtelet  dans  chaque;  dégraissez  peu  les  rognons, 
enfoncez  un  petit  hâtelet  dans  la  moelle  allongée;  couchez  vot/e 
rosbif  sur  fer;  attachez  bien  le  petit  hâtelet  d'un  bout  et  les  deux 
jarrets  de  Tautre;  passez  un  hâtelet  dans  les  deux  noix  des  gigots, 
mettez  un  autre  grand  hâtelet  qui  se  croise  sur  celui  qui  est  passé 
entre  les  deux  noix,  attachez-le  fortement,  enveloppez- le  de 
papier  huilé  ;  faites-le  cuire  une  heure  et  demie  ou  deux  heures, 
puis  servez-le  avec  du  jus  dessous  ou  des  haricots  à  la  bre- 
tonne. 

Gigot  de  mouton  à  la  broche.  —  Battez  un  gigot  mortifié, 
passez  la  broche  dans  le  jarret  sans  toucher  la  noix,  faites-le 
cuire  une  heure  et  demie;  puis  coupez  l'extrémité  du  jarret, 


MOUTON.  7aî 


faites  au  bout  de  l'os  un  manche  en  papier  et  servez  votre  gigot 
avec  du  jus  ou  son  propre  jus. 

Gigot  à  la  braise.  —  Désossez  un  gigot  d'une  chair  noire  et 
d'une  graisse  blanche,  mais  respectez  le  manche  ;  lardez-le  de 
gros  lardons,  avec  fines  épices,  sel,  basilic,  poivre,  persil,  ciboules, 
ficelez-le  et  donnez-lui  sa  première  forme;  cela  fait,  foncez  une 
iîraisière  avec  quelques  parures  de  viande  de  boucherie,  cinq  ou 
six  oignons  et  carottes;  superposez  votre  gigot,  arrosez- le  de  con- 
sommé et  d'un  peu  d'eau-de-vie,  avec  feuilles  de  laurier,  clous 
de  girofle,  gousse  d'ail  et  thym;  faites-le  partir;  couvrez-le  d'un 
papier;  faites-le  aller  doucement  avec  feu  dessous  et  dessus;  lais- 
sez-le cuire  quatre  à  cinq  heures,  égouttez-le,  glacez-le,  et  ser- 
vez-le sur  de  la  chicorée,  ou  avec  son  jus,  ou  tous  autres  ragoûts 
qu'il  vous  plaira. 

Gigot  de  mouton  à  Vanglaise,  —  Ayez  un  gigot  comme  le 
précédent;  coupez-en  le  bout  du  jarret  et  le  nerf  du  genou; 
battez-le;  couvrez-en  la  superficie  de  farine;  enveloppez-le  dans 
un  linge  noué  aux  quatre  bouts;  ayez  une  marmite  ou  une  brai- 
sière  pleine  d'eau,  faites  bouillir  cette  eau,  et  mettez-y  votre  gigot 
avec  du  sel  et  une  botte  de  navets  coupés  en  tranches;  maintenez 
rébullition,  retournez  le  gigot,  faites  cuire  pendant  une  heure  et 
demie;  pendant  la  cuisson,  retirez  les  navets  et  faites-en  une 
purée,  desséchée  et  beurrée,  salée,  poivrée,  etc.  ;  mouillez-les 
peu  à  peu  avec  de  la  crème,  ou  du  lait  que  vous  aurez  fitît 
réduire  ;  il  faut  leur  donner  assez  de  consistance  pour  les  dres- 
ser comme  en  pyramide;  dressez-les;  égouttez  votre  gigot, 
posez-le  sur  le  plat,  masquez-le  avec  une  sauce  au  beurre,  sur 
laquelle  vous  sèmerez  des  câpres,  et  servez-le.  Joignez  votre  plat 
de  navets  et  une  saucière,  o\x  vous  aurez  mis  une  sauce  aux 
câpres  blanche.  {Recette  Vuillemot.) 

Gigot  à  Veau,  —  Ayez  un  gigot  comme  ci-dessus;  mettez-le 
dans  une  braisière  d'eau  bouillante,  assaisonnez-le  de  carottes, 
oignons,  persil  et  ciboules,  deux  clous  de  girofle,  laurier,  thym, 
basilic,  deux  gousses  d'ail  ;  faites-le  cuire  deux  heures  ;  égout- 
tez-le, glacez-le,  et  servez-le  avec  une  sauce  espagnole. 

Gigot  à  la  gasconne.  —  Ayez  un  gigot  comme  le  précédent, 
lardez-le  d'une  douzaine  de  gousses  d'ail  et  d'une   douzaine 

46 


7^2 


MOUTON. 


d'anchoîs  en  filets,  mettez*le  à  la  broche  ;  sa  cuisson  faite,  ser- 
vez-le avec  de  l'ail  blanchi,  cuit,  ;eté  dans  leau  fraîche,  cgoutté, 
dégraissé  avec  de  l'espagnole  réduite  et  jus  de  bœuf. 

Selle  Je  mouton  à  la  broche.  —  Coupez  votre  selle  de  mou- 
ton au  défaut  des  hanches,  des  gigots,  et  à  la  deuxième  ou  troi- 
sième côte;  braisez  les  côtes,  roulez-en  les  flancs  et  maintenez 
avec  des  hâtelets;  couchez  sur  fer,  comme  il  est  indiqué  au  rosbif. 
Faites  cuire  environ  une  heure  et  demie  et  servez  avec  un  jus 
clair. 

Gigot  en  chevreuil.  —  Battez  un  gigot  mortifié,  levez  la 
première  peau,  piquez-le  comme  une  noix  de  veau;  mettez-le 
dans  un  vase  de  terre  avec  une  poignée  de  graines  de  genièvre  et 
une  pincée  de  mélilot;  versez  dessus  une  forte  marinade  dans 
laquelle  vous  aurez  mis  du  vinaigre  rouge  en  assez  grande  quan- 
tité; laissez  mariner  votre  gigot  cinq  ou  six  jours,  égouttez-le, 
mettez-le  à  la  broche  et  servez-le  à  la  poivrade. 

Selle  de  mouton  à  la  Sainte-Ménehould.  —  Prenez  et  faites 
cuire  cette  selle  comme  la  selle  à  l'anglaise  que  vous  verrez  plus 
bas;  après  en  avoir  levé  les  peaux,  étendez  dessus  une  Sainte- 
Ménehould,  ensuite  passez-la  avec  mie  de  pain  et  parmesan 
râpé,  couvrez  de  beurre,  égouttez,  mettez  au  four.  Faites  pren- 
dre couleur,  et  servez  avec  un  jus  clair. 

Selle  de  mouton  panée  à  V anglaise.  —  Ayez  une  selle  de 
mouton  et  apprètez-la  comme  la  selle  de  mouton  à  la  broche: 
désossez  les  grandes  côtes,  roulez  les  flancs,  garnissez-les  de  quel- 
ques parures  de  mouton  sans  os,  retenez-les  avec  des  brochettes 
de  bois  au  lieu  d'hâtelets,  ficelez  votre  selle,  foncez  une  braisière 
de  quelques  parures  de  viande  de  boucherie,  cinq  ou  six  carottes, 
autant  d'oignons,  deux  ou  trois  clous  de  girofle,  deux  feuilles  de 
laurier,  deux  gousses  d'ail,  un  peu  de  basilic  et  de  thym,  posez 
sur  ce  fond  votre  selle,  mouillez-la  avec  du  bon  bouillon,  faites- 
la  partir,  laissez-la  cuire  feu  dessous  et  dessus  environ  trois 
heures,  égouttez-la,  mettez-la  sur  un  plafond,  ttez  les  brochettes 
de  bois,  prenez  quatre  ou  cinq  jaunes  d'œufs,  faites  fondre  une 
demi-livre  de  beurre  et  délayez-la  avec  vos  jaunes  d'œufs.  Mettez- 
y  un  peu  de  sel,  levez  la  peau  de  votre  selle  dans  son  entier, 
dorez-la  avec  votre  anglaise  et  passez-la  bien  également;  faites 


MOUTON.  7a3 


fondre  de  nouveau  un  peu  de  beurre,  arrosez-la,  faites-lui  pren- 
dre belle  couleur  au  four,  dressez-la  après  avoir  enlevé  le  pla- 
fond avec  deux  couvercles  de  casserole,  posez-la  sur  votre  plat, 
mettez  dessous  un  jus  clair  et  servez.  (Recette  de  M.  de  Cour- 
champs.) 

Petites  selles  de  moutons  en  carbonnades,  —  Coupez  trois 
carrés  de  mouton,  depuis  la  hanche  jusqu'aux  côtes  (ce  qu'on 
appelle  le  iilet),  de  ces  trois  parties  faites  six  morceaux  égaux, 
donnez-leur  la  forme  d'un  cœur  allongé,  ce  qui  se  nomme  queue 
de  paon,  ôtez  les  nerfs  et  les  peaux  de  vos  filets,  piquez-les,  mar- 
quez«>les  comme  la  selle  de  mouton  à  la  Sainte-Ménehould  et 
faites  cuire;  égouttez-les  ensuite,  séchez-les  en  passant  au-dessus 
une  pelle  rouge,  glacez-les  et  servez-les  sous  un  ragoût  de  petites 
racines  ou  sur  de  la  chicorée,  de  la  purée  d'oseille  ou  une  sauce 
tomate. 

Rouchis  de  mouton.  —  Prenez  le  quartier  de  devant  d'un 
mouton  et  dressez-le;  levez  les  côtes  du  côté  de  la  poitrine; 
désossez-les  jusqu'à  l'échiné  que  vous  supprimez  ainsi  que  le 
collet,  en  épargnant  les  os  de  l'épaule  ;  soutenez  avec  des  hàtelets 
dans  le  filet,  embrochez  comme  une  épaule  de  mouton;  faites 
cuire  environ  une  heure  et  servez  sur  un  ragoût  à  la  bretonne. 

Épaule  de  mouton  en  ballon.  —  Désossez  une  épaule  de 
mouton,  coupez  de  grands  lardons,  assaisonnez  de  sel,  poivre, 
fines  épices,  persil  et  ciboules  hachés  et  aromates  passés  au  tamis, 
roulez  vos  lardons  dans  cet  assaisonnement,  lardez  les  chairs  de 
votre  épaule  sans  en  percer  la  peau  ;  passez  avec  une  aiguille  à 
brider  une  ficelle  tout  autour  de  la  peau  de  l'épaule,  donnez-lui 
la  forme  d'un  ballon,  foncez  une  casserole  avec  des  carottes, 
des  oignons,  une  feuille  de  laurier,  du  thym,  du  basilic  et  les  os 
cassés  de  l'épaule,  posez-la  sur  ce  fond  du  côté  de  la  ficelle, 
mouillez-la  de  bouillon,  couvrez-la  de  bardes  de  lard  et  d'un 
rond  de  papier,  faites-la  partir;  mettez-la  cuire  deux  ou  trois 
heures  sur  la  paillasse  avec  feu  dessus  et  dessous;  égouttez-la, 
glacez-la;  dressez-la  sur  une  purée  d'oseille  ou  de  chicorée  blan- 
chie, ou  bien  encore  un  ragoût  de  petites  racines,  et  servez. 

Côtelettes  de  mouton  au  naturel.  —  Vous  coupez  dans  un 
carré  de  mouton  des  côtelettes  d'égale  grosseur,  de  deux  côtes  en 


724  MOUTON. 


deux  côtes  ;  si  ce  carré  est  trop  fort,  vous  en  supprimez  une  ;  6tez 
1  os  de  réchine,  posez  vôtre  côtelette  et  levez  la  peau  qui  la 
couvre  du  côté  du  filet;  aplatissez -la  légèrement,  parez-la, 
grattez  le  dedans  de  la  côte  ;  coupez  le  bout  de  l'os  de  la  longueur 
de  trois  pouces,  suivant  la  grosseur  du  mouton;  supprimez  les 
chairs  de  la  pointe  de  Tes,  râtissez-le  ;  faites  fondre  du  beurre, 
trempez-y  vos  côtelettes,  metfez-les  sur  le  gril,  faites-les  cuire 
en  ne  les  retournant  qu'une  fois,  sans  quoi  vous  perdez  votre  jus 
de  viande,  et  servez-les  avec  un  jus  clair. 

Côtelettes  de  mouton  panéeâ:  —  Comme  les  précédentes,  et 
panez  avant  la  cuisson. 

Côtelettes  de  mouton  à  la  Soubise.  ' —  "Coupez  vos  côtelettes 
un  peu  grosses,  parez-les,  aplaiissez*les  légèrement,  lardez-ks 
de  lard  et  de  jambon,  autant  de  l'un  que  de  l'autre,  foncez  une 
casserole  avec  les  parures  de  ces  côtelettes,  ajoutez-y  trois  ou 
quatre  oignons,  deux  carottes,  un  bouquet  de  persil  et  ciboules, 
bien  assaisonnés,  rangez  vos  côtelettes  dessus,  mouillez-les  lar- 
gement avec  du  consommé,  couvrez-les  de  bardes  de  lard  et  d'un 
fort  papier  beurré,  faites-les  partir,  couvrez  votre  casserole,  met- 
tez-la sur  la  paillasse  avec  feu  dessus  et  dessous,  égouttez-les 
quand  elles  sont  cuites,  laissez-les  refroidir,  parez-les  de  nou- 
veau en  égalisant  la  superficie  des  chairs  et  supprimant  ce  qui 
dépasse  des  lardons,  passez  le  fond  de  la  cuisson  au  travers  d'un 
tamis  de  soie  et  faites-le  réduire  jusqu'à  consistance  de  glace; 
remettez  vos  côteletes  dans  ce  fond,  retournez-les  afin  de  les  gla- 
cer des  deux  côtés  ;  dressez-les,  versez  dans  le  rond  formé  par 
elles  une  bonne  purée  d'oignons  au  blanc,  et  faîtes  autour  de 
vos  côtelettes  une  garniture  de  petits  oignons  égarés,  blanchis  et 
cuits  dans  du  consommé,  posez-les  de  manière  à  pouvoir  planter 
dans  la  queue  de  ces  oignons  une  petite  branche  de  persil ,  et 
ervez. 

Côtelettes  de  mouton  à  la  minute.  —  Coupez  et  parez  douze 
<:ôtelettes  comme  il  fest  dit  ci-dessus,  mettez-les  dans  une  sau- 
teuse avec  du  beurre  fondu  et  mettez  cette  sauteuse  sur  le  four- 
neau; faîtes  cuire  vos  côtelettes  en  les  retournant  souvent,  égouttez 
le  beurre  qui  se  trouve  dans  la  sauteuse  et  remplacez-le  par  un 
peu  de  glace  ou  réduction  de  veau,  une  cuillerée  à  dégraisser  de 


MOUTON.  725 


bouillon,  mettez-y  vos  côtelettes,  en  les  remuant,  afin  qu'elles 
s'imprègneat  bien  de  cette  réduction;  quand  elles  sont  parfaite- 
ment glacées,  vous  les  dressez  en  cordon  autour  du  plat  et  vous 
les  arrosez  avec  la  glace  qi;e  vous  aurez  }iée  avec  une  seconde 
cuillerée  de  consommé  et  un  peu  d'excellent  beurre. 

Côtelettes  de  mouton  à  la  jardinière.  —  Après  avoir  préparé 
vos  côtelettes  et  les  avoir  dressées  comme  il  est  indiqué  ci-dessus, 
vous  faites  un  ragoût  de  toutes  sortes  de  légumes  tournés,  tels  que 
petites  carottes,  petits  navets  champignons,  haricots,  petits  pois 
verts  cuits  dans  du  consommé  et  que  vous  mettez  dans  une  cas- 
serole avec  trois  ou  quatre  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole  ; 
vous  faites  mijoter  et  réduire  en  ragoût^  le  dégraissez  et  le  finis- 
sez avec  un  petit  morceau  de  beurre  et  une  pincée  de  sucre  en 
poudre,  puis  vous  jetez  ce  ragoût  dans  le  fond  formé  par  les 
côtelettes  et  arrangez  dessus  une  tête  de  chou-fleur. 

Côtelettes  de  mouton  à  la  chicorée.  —  Préparez  une  côte- 
lette  et  dressez-la  de  même  que  celles  à  la  minute,  puis  mettez 
dans  le  rond  une  bonne  chicorée  réduite,  soit  au  blanc,  soit  au 
roux. 

Carrés  de  mouton  à  la  servante,  —  Supprimez  Téchine  de 
deux  carrés  de  mouton,  piquez-les  comme  les  carbonnades^  un 
de  lard  et  Tautre  de  persil  vert  en  branche,  passez  un  hâtelet  au 
travers,  posez-les  sur  la  broche  et  faites-les  cuire  trois  quarts 
d'heure  en  ayant  soin  de  les  arroser,  puis  vous  servez  sur  un  plat, 
les  filets  en  dehors,  avec  un  jus  clair. 

Carré  de  mouton  en  fricandeau,  —  Parez  et  piquez  de  lard 
fin  un  carré  de  mouton,  comme  celui  à  la  servante;  foncez  une 
casserole  des  débris  de  votre  carré  et  de  quelques  parures  de 
viande  de  boucherie,  posez  votre  carré  dessus  et  joignez-y  deux 
carottes,  deux  oignons  et  un  bouquet  assaisonné;  mouillez  le 
d'une  cuillerée  à  pot  de  bouillon,  couvrez-le  d'un  papier  beurré 
et  faites  cuire  comme  les  grenadins  de  veau  ;  sa  cuisson  faite, 
égouttez-le,  levez  la  peau  qui  couvre  les  côtés,  glacez  le  filet,  ou 
la  totalité  du  carré,  servez-^le  sur  une  bonne  purée  d'oçeille  ou 
un  ragoût  de  chicorée. 

Émincé  de  filets  de  mouton  aux  concombres.  —  Otez  les 
peaux  et  la  graisse  de  la  noix  d'un  gigot  froid  rôti,  coupez-la 


7a6  MOUTON. 


par  filets,  que  vous  émincerez  et  mêlerez  sans  ébullition  avec 
émincé  de  concombres  réduits  et  bouillants  ou  avec  de  la  chi- 
corée* 

Filets  mignons  de  mouton,  —  Levez  les  filets  mignons  de 
douze  carrés  de  mouton,  parez-les,  piquez-les,  marquez-les 
tels  que  les  carbonnades  ;  leur  cuisson  faite,  glacez-les  et  dres- 
sez-les sur  un  ragoût  de  concombres  au  jus,  et  servez. 

Hachis  de  mouton  à  la  portugaise.  —  Levez  la  noix  et  la 
sous-noix  d'un  gigot  rôti  de  desserte;  supprimez  nerfs,  graisse  et 
peaux;  hachez  menu;  mettez  de  l'espagnole  réduite  dans  une 
casserole  et  faites-la  réduire  à  demi-glace;  mettez-y  vos  chairs 
hachées,  remuez-les  sur  le  feu  sans  les  laisser  bouillir,  mettez-y 
un  pain  de  beurre  et  un  peu  de  gros  poivre,  et,  dans  le  cas  où 
votre  hachis  ne  serait  pas  assez  corsé,  ajoutez-y  un  peu  de  glace 
de  viande,  dressez-le  sur  un  plat  auquel  vous  aurez  fait  une  bor- 
dure, arrosez  légèrement  avec  une  espagnole  réduite,  posez  des- 
sus six  ou  huit  œufs  pochés,  et  servez. 

Haricot  de  mouton.  —  (V,  Haricot.) 

Toitrine  de  mouton.  —  Parez  deux  poitrines  de  mouton  et 
coupez-en  le  bout  du  flanchet  et  Tos  rouge  de  la  poitrine,  fice- 
lez-les et  faites-les  cuire  dans  une  grandie  marmite  après  les 
avoir  assaisonnées  de  bon  goût;  quand  elles  sont  cuites,  vous  en 
levez  la  première  peau,  les  parez  de  nouveau,  les  arrondissez  du 
côté  du  flanchet,  les  passez  en  les  saupoudrant  avec  de  la  mie  de 
pain,  assaisonnez  de  sel  et  de  poivre,  faites-les  griller  ensuite,  et 
servez  avec  une  sauce  au  pauvre  homme. 

Collets  de  mouton  à  la  Sainte-Ménehould,  —  Parez  les 
bouts  saigneux  de  deux  collets  de  mouton,  blanchissez-les,  fice- 
lez-les et  marquez-les  dans  une  braise  faite  avec  des  parures 
de  viande,  des  bardes  de  lard,  trois  carottes,  autant  d'oignons, 
dont  un  piqué  de  deux  clous  de  girofle,  deux  feuilles  de  laurier, 
du  thym,  du  basilic,  deux  gousses  d'ail,  un  bouquet  de  persil  et 
ciboules  et  du  sel  ;  mouillez  ces  collets  avec  du  bouillon  ou  avec 
de  l'eau,  couvrez-les  d'un  papier,  faites -les  partir  et  cuire  ensuite 
deux  ou  trois  heures  feu  dessus  et  dessous;  égouttez-les,  posez- 
les  sur  un  plafond,  parez-les,  couvrez-les  d'une  Sainte-Mé- 
nehould,  panez-les  avec  de  la  mie  de  pain  mêlée  de  parmesan, 
I 


MOUTON,  -prj 


arrosez-les  de  nouveau,  faites-leur  prendre  couleur  dans  un  four 
ordinaire,  dressez-les  et  saucez*les  avec  une  bonne  italienne 
rousse. 

Collets  de  mouton  grillés.  —  Ayez  trois  collets  de  mouton, 
ôtez*en  les  bouts  saigneux,  faites  blanchir  et  cuire  ces  collets 
dans  la  marmite,  panez-les  ensuite,  faites-les  griller  de  belle 
couleur,  et  servez-les  avec  une  sauce  poivrade  ou  une  sauce  au 
pauvre  homme. 

Queues  de  mouton  glacées  à  la  chicorée.  —  Mettez  dans 
l'eau  tiède  cinq  grasses  queues  de  mouton;  blanchissez;  Élites 
cuire  comme  ci-dessus;  une  fois  cuites,  égouttez,  essuyez,  cise- 
lez, séchez  avec  une  pelle  rouge,  puis  glacez,  et  servez  sur  chi- 
corée, purée  d'oseille  ou  tout  autre  ragoût. 

Queues  de  moutons  en  hoche-pot.  —  Faites  blanchir  six 
queues  de  moutons  et  mettez-les  cuire  dans  une  braise  avec 
250  grammes  de  lard  coupé  en  gros  dés,  auxquels  vous  aurez 
laissé  la  couenne;  faites  blanchir  quelques  carottes,  navets, 
racines  de  céleri,  oignons,  et  faites-les  cuire  à  part  dans  du  con- 
sommé jusqu'à  ce  que  le  mouillement  soit  tombé  à  glace;  jetez 
ensuite  ces  légumes  dans  une  casserole  où  vous  aurez  mis  une 
quantité  suffisante  d'espagnole  réduite,  joignez-y  votre  petit  lard 
retiré  de  la  braisière  et  faites  cuire  le  tout  ensemble  avec  une 
demi-bouteille  de  vin  blanc;  dégraissez  vos  légumes,  faites  réduire 
à  courte  sauce,  égouttez  les  queues,  glacez-les  comme  il  est  indi- 
qué plus  haut,  puis  dressez  vos  légumes  dans  le  plat,  arrangez 
les  queues  dessus,  masquez-les  avec  le  ragoût  et  servez. 

Queues  de  moutons  au  soleil.  —  Vos  queues  de  moutons 
cuites  dans  une  braise,  vous  faites  une  sauce  aux  hàtelets  (V.  cette 
sauce),  laissez  refroidir  le  tout  et  en  garnissez  vos  queues  en 
ayant  soin  de  leur  conserver  leur  forme;  roulez-les  dans  la  mie 
de  pain,  faites  une  petite  omelette  assaisonnée  de  sel,  trempez*y 
vos  queues,  panez-les,  faites-les  frire,  dressez-les  sur  du  persil 
frit,  la  pointe  en  haut,  et  servez. 

Terrine  de  queues  de  moutons.  —  Braisez  six  queues  de 
moutons,  joignez-y  500  grammes  de  petit  lard  de  poitrine,  ayez 
six  ou  huit  ailerons  de  dindons,  échaudez-les,  désossez-les  à 
moitié;  flambez -les,  épluchez -les  et  poêlez -les.  (V.  Poêle.) 


7*8  MOUTON. 


Prenez  un  cent  de  marrons  pelés,  mettez-les  dans  une  casserole 
avec  un  peu  de  beurre,  sautez-les  sur  le  feu  jusqu'à  ce  qu'ils 
aient  quitté  leur  seconde  peau,  faites-les  cuire  dans  une  casserole 
avec  du  consommé,  puis  prenez  tous  ceux  qui  sont  défectueux  ; 
vos  queues  de  moutons  étant  cuites,  passez  au  tamis  de  soie  une 
partie  de  leur  braise  dont  vous  vous  servirer  pour  mouiller  votre 
purée  de  marrons  en  la  passant  à  Tétamine,  puis  faites-la  réduire 
en  y  ajoutant  une  bonne  cuillerée  d'espagnole,  dégraissez-la, 
égouttez  vos  queues  ainsi  que  vos  ailerons,  dressez-les  dans  la 
terrine  avec  votre  petit  lard  coupé  en  gros  dés,  ainsi  que  vos  mar- 
rons entiers,  finissez  votre  purée  avec  un  pain  de  beurre,  goûtez 
si  elle  est  de  bon  goût,  versez-la  dans  votre  terrine  et  servez. 

Vous  pouvez  employer,  au  lieu  de  marrons,  selon  la  saison, 
des  lentilles  ou  des  pois. 

Rognons  de  moutons  à  la  brochette,  — Fendez  douze  rognons 
de  moutons  pelés,  passez-les  dans  une  brochette  de  bois,  faites- 
les  griller  en  les  retournant  de  temps  en  temps,  puis  retirez-les 
des  brochettes  ;  dressez-les  sur  un  plat,  mettez  dans  chaque  un 
peu  de  maître  d'hôtel  froide,  faîtes  chauffer  le  plat  et  servez  après 
avoir  exprimé  dessus  le  jus  d'un  citron. 

lipgnons  de  moutons  au  vin  de  Champagne  ou  à  V italienne, 
—  Pelez  quinze  rognons,  émincez-les,  faites  cuire  à  la  casserole 
avec  du  beurre,  faites  aller  à  grand  feu,  égouttez,  mettez  dans 
une  italienne  arrosée  d'un  verre  de  Champagne  et  réduite  à  glace, 
achevez  de  les  faire  cuire  en  les  remuant  dans  cette  sauce  sans 
ébuUition,  et  servez  avec  jus  de  citron. 

Q/înimelles  de  moutons.  —  Ayez  deux  paires  d'animelles  dont 
vous  supprimez  les  peaux,  puis  vous  les  coupez  en  âlets  de  la 
largeur  du  petit  doigt  en  ne  leur  donnant  que  la  moi  né  de  l'épais- 
seur; marinez-les  dans  du  citron,  sel,  poivre,  quelques  branches 
de  persil  et  quelques  ciboules,  égouttez-les  quand  vous  aurez  à 
vous  en  servir,  farinez-lès,  faites-les  frire  de  façon  à  ce  qu'elles 
soient  croquantes  et  servez-les. 

Q/imourettes  de  moutons.  —  Comme  celles  de  vea'ux. 

Cervelles  de  moutons.  —  Elles  s'apprêtent  de  même  que 
celles  de  veau!x,  mais  elles  sont  moins  délicates. 

Langues  de  moutons  en  papillotes.  —  Nettoyez  douze  de 


MOUTON.  729 


ces  langues,  iaites-les  dégorger,  blanchissez  d'un  quart  d'heure, 
rafraîchissez,  ëgouttez,  pelez,  marquez  dans  une  casserole  avec 
bardçs  de  lard,  oignons,  <:arottes,  bouquet  de  persil,  ciboules, 
ail,  feuille  de  laurier;  mouillez  avec  du  bouillon,  faites  partir  et 
cuire  trois  heures,  laissez  refroidir,  retirez  sur  un  plat  et  faites 
autant  de  cornets  de  papier  que  vous  avez  de  langues  ;  hachez  des 
parures  de  champignons,  du  persil  et  des  ciboules,  mettez  le  tout 
dans  une  casserole  avec  550  grammes  de  beurre,  sel,  poivre, 
épices  fines,  75  grammes  de  lard  râpé,  passez  ces  fines  herbes, 
faites-les  aller  à  petit  feu,  remuez-les,  ajoutez-y  à  la  fin  de  la 
cuisson  deux  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole  ou  de  velouté, 
faites  mijoter  le  tout,  liez-le  avec  trois  jaunes  d'oeufs  et  versez 
cette  sauce  sur  vos  langues,  laissez-les  refroidir,  mettez-en  une 
daiis  chaque  cornet  que  vous  avez  préparé  en  ayant  soin  de  huiler 
le  dehors,  remplissez  ces  cornets  de  fines  herbes,  fermez-les  et 
mettez-les  griller  sur  un  feu  doux;  faites  prendre  couleur  et 
servez. 

Langues  de  moutons  au  gratin,  —  Prenez  et  faites  cuire  dans 
une  braise,  comme  ci-dessus,  des  langues  de  moutons,  laissez-les 
refroidir  aussi  pour  qu'elles  prennent  du  goût,  prenez  de  la  farce 
cuite,  garnissez  de  gratin  le  fond  d'un  plat,  ouvrez  les  langues 
en  deux  sans  les  séparer  afin  qu'elles  forment  chacune  un  cœur  et 
posez- les  sur  ce  plat  garni,  couvrez-les  de  la  même  farce  en 
leur  laissant  leur  forme;  garnissez-les  de  gratin  tout  autour, 
unissez-lesj  passez-les,  arrosez-les  légèrement  de  beurre  fondu; 
ayez  des  bouchons  de  pain  que  vous  tremperez  dans  ce  beurre  et 
dont  vous  ferez  une  zone  au  bord  du  plat,  afin  que  le  gratin  con- 
serve sa  forme  ;  mettez-le  cuire  dans  un  grand  four  feu  dessus  et 
dessous,  pour  bien  le  faire  gratiner,  ayez  bien  soin  qu'il  ne  brûle 
pas  et  qu'il  prenne  une  belle  couleur;  au  moment  de  servir,  ôtez 
les  bouchons  de  pain  et  mettez-en  d'autres  passés  dans  du  beurre 
et  qui  soient  d'une  belle  couleur,  saucez  d'une  belle  italienne 
rousse  et  servez. 

Langues  de  moutons  au  parmesan.  —  Faites  cuire  vos  lan- 
gues dans  une  braise,  peu  salée,  laissez-les  refroidir  dans  cette 
braise,  fendez-les  en  deux,  mettez  dans  le  fond  d'un  plat  de  l'es- 
pagnole ou  du  velouté,  saupoudrez  le  dessus  de  parmesan  râpé  ; 


7^0  MOUTON. 


arrangez  les  langues  sur  ce  parmesan,  arrosez-les  de  votre  espa- 
gnole, couvrez-les  de  parmesan,  joint  à  de  la  mie  de  pain  à  peu 
près  la  quantité  saupoudrée  sur  le  fond  du  plat  dont  il  est  parlé 
plus  haut,  arrosez-les  d'un  peu  de  beurre,  mettez-les  au  four 
avec  feu  dessus  et  dessous,  faites  prendre  belle  couleur  et 
servez. 

Pieds  de  moutons  à  la  poulette.  —  Ayez  une  ou  deux  bottes 
de  pieds  de  moutons  suivant  la  quantité  que  vous  voulez  faire; 
prenez-les  Tun  après  Tautre,  supprimez-en  le  bout  des  ergots, 
fendez  le  pied  jusqu'à  la  jointure  de  l'os,  ôtez-en  Tentre-four- 
chon,  où  il  se  trouve  une  petite  pelote  de  laine  appelée  vulgai- 
rement le  ver;  parez  le  haut  du  pied,  flambez-le,  épluchez-le, 
supprimez-en  le  gros  os,  ensuite  faites  blanchir  ces  pieds,  essuyez- 
les  avec  un  linge,  mettez-les  dans  une  braisière,  mouillez-les 
avec  un  blanc,  laissez-les  cuire  cinq  ou  six  heures,  égouttez-les, 
mettez-les  dans  une  casserole  avec  une  cuiller  à  pot  de  velouté, 
faites-les  mijoter,  assaisonnez  de  sel,  gros  poivre,  persil  blanchi  ; 
au  moment  de  les  servir,  liez-les  avec  trois  jaunes  d'œufs  environ; 
finissez-les  avec  un  filet  de  verjus,  de  vinaigre  ou  d'un  jus  de 
citron,  et  servez. 

Dans  le  cas  où  vous  n'auriez  pas  de  velouté,  faites  un  petit 
roux  blanc. 

Pieds  de  moutons  à  la  sauce  Robert.  —  Préparez  ces  pieds 
comme  ceux  à  la  poulette,  et  leur  cuisson  achevée,  mettez-les 
dans  une  sauce  Robert,  faites-les  mijoter,  assaisonnez-les,  finis- 
sez-les avec  un  peu  de  moutarde,  qu'ils  soient  de  bon  goût^  et 
servez. 

Pieds  de  moutons  à  la  ravigote.  —  Préparez  ces  pieds  de 
moutons  comme  ci-dessus,  faites-les  cuire  dans  un  blanc,  sautez^ 
les  dans  une  ravigote  froide,  dressez-les  et  servez. 

Hachis  de  mouton  à  la  mousquetaire.  —  Hachez  la  viande; 
faites  sauter  dans  le  beurre  des  champignons,  également  hachés, 
jusqu'à  ce  que  le  beurre  soit  tourné  en  huile;  on  y  ajoute  alors 
quelques  cuillerées  de  consommé,  autant  de  sauce  espagnole,  et 
on  fait  réduire  le  tout  à  moitié;  on  verse  cette  sauce  sur  le  hachis, 
on  mêle  le  tout,  et  on  le  dresse  avec  des  croûtons  à  l'entour.  A 
défaut  de  sauce  espagnole,  on  jette  un  peu  de  farine  sur  les 


MURE.  731 

champignons;  ajoutez  bouillon,  sel,  poivre,  laurier,  et  on  fait 
réduire. 

MULET.  —  Petit  poisson  qui  se  trouve  dans  les  étangs  et 
dans  les  rivières.  (  Voir  pour  sa  préparation  l'article  :  Sur- 
mulet.) 

MURE.  —  Fruit  du  mûrier. 

Il  y  a  deux  espèces  de  mûriers  :  le  mûrier  blanc^  dont  les 
fruits  sont  utilisés  pour  la  nourriture  des  oiseaux  de  basse-cour, 
qui  les  mangent  avec  plaisir,  et  dont  nous  n'avons  pas  à  nous 
occuper  ici ,  et  le  mûrier  noir,  qui  porte  de  gros  fruits  suaves 
appelés  mûres,  dont  le  parfum  et  la  saveur  sucrée  charment  les 
gourmets.  On  le  croit  originaire  de  la  Perse  ou  de  la  Chine; 
mais  depuis  longtemps  il  s'était  propagé  en  Orient,  d'où  il  passa 
sans  doute  en  Italie. 

Les  poë'tes  anciens  ont  chanté  ce  végétal,  dont  le  feuillage 
les  aura  séduits  :  Ovide,  dans  la  fable  de  Pyrame  et  Thisbé^  fait 
périr  ces  deux  infortunés  sous  un  de  ces  arbres,  et  la  fiction  dit 
que  leur  sang,  en  arrosant  ses  racines,  communiqua  une  teinte 
pourpre  noire  aux  fruits,  qui  précédemment  étaient  blancs,  et 
qu'à  la  prière  de  Thisbé,  les  dieux  leur  conservèrent  cette  cou- 
leur sinistre  pour  rappeler  la  catastrophe  des  deux  amants.  Vir- 
gile s'est  plu  à  peindre  dans  une  de  ses  églogues  une  naïade 
barbouillant  la  face  de  Silène  avec  le  suc  empourpré  des  mûres. 
Horace,  dans  ses  vers,  donne  pour  précepte  de  manger  des  mûres 
à  la  fin  du  repas,  afin  de  se  bien  porter  pendant  les  jours  brû- 
lants de  Tété.  Pline,  au  contraire,  les  dit  malsaines  à  ce  moment 
du  repas,  et  rapporte  que  le  mûrier  est  appelé  le  plus  sage  des 
arbres,  parce  qu'il  ne  végète  que  quand  le  froid  est  passé,  et 
qu'alors  son  expansion  a  lieu  avec  bruit  et  s'exécute  dans  l'espace 
d'une  nuit. 

Les  fruits  du  mûrier  sont  alimentaires,  rafraîchissants,  laxa- 
tifs. Les  Romains  en  faisaient  un  médicament  qui  s'administrait 
pour  tous  les  maux.  Aujourd'hui,  on  en  fait  le  sirop  de  mûres, 
que  les  médecins  conseillent  en  général  dans  les  maladies  inflam- 
matoires, et  dont  nous  allons  donner  la  recette. 

Sirop  de  mûres. —  Prenez  un  panier  de  mûres  pour  en  reti- 
rer à  peu  près  un  litre  de  jus;  mettez-les  sur  le  feu  dans  un  poè- 


73a  MUSCAT. 


Ion  avec  un  litre  d'eau  environ,  et  faites-leur  prendre  plusieurs 
bouillons  jusqu^à  ce  que  les  trois  demi-setiers  soient  réduits  à 
une  chopine;  égouttez  les  mûres  sur  un  tamis;  clarifiet  trois 
livres  de  sucre  que  vous  ferez  cuire  au  boulet;  jetez-y  votre  jus 
de  mûres,  faites-lui  donner  un  bouillon  et  écumez-le;  vous  pren- 
drez la  cuisson  qui  est  la  même  que  pour  les  autres  sirops,  au 
petit  perlé,  en  y  ajoutant  un  peu  d'eau  si  elle  était  trop  forte, 
afin  qu'elle  se  trouve  au  degré  qu'elle  doit  avoir,  videz  ensuite 
votre  sirop  dans  une  terrine,  laissez -le  refroidir  et  mettez-le  en 
bouteilles. 

MUSCADE.  —  On  appelle  noix  muscade,  ou  simplement 
muscade,  le  noyau  ou  partie  centrale  du  fruit  du  muscadier  aro- 
matique. 

On  obtient  de  la  noix  muscade  deux  huiles  :  une  huile  con- 
crète, que  Ton  appelle  beurre  de  muscade,  et  que  Ion  retire  des 
muscades  en  les  faisant  bouillir  dans  l'eau,  et  une  huile  volatile, 
quelquefois  prescrite  dans  certains  médicaments. 

On  emploie  de  préférence  dans  les  compositions  sucrées  de 
la  cuisine  te  macis,  espèce  de  brou  qui  enveloppe  la  noix  mus- 
cade, dont  la  saveur  est  plus  délicate. 

MUSCAT.  —  Espèce  de  raisin  dont  le  suc  et  la  pellicule 
ont  un  arôme  violent.  Les  meilleures  espèces  de  muscats  sont 
ceux  de  la  Provence  et  du  Languedoc,  c'est-à-dire  de  Frontignan, 
de  Rivesaltes,  de  Lunel  et  de  la  Ciotat.  Il  en  existe  plusieurs 
variétés  qui  croissent  dans  les  jardins  et  dans  les  vignes. 

On  donne  aussi  ce  nom  à  plusieurs  espèces  de  poires. 

Compote  de  raisin  muscat.  —  Otez  les  pépins  et  les  peaux, 
et  faites  prendre  deux  bouillons  dans  un  sirop  cuit  à  la  grande 
plume. 

Vous  colorez  la  compote  suivant  la  couleur  du  fruit  que  vous 
avez  employé  ;  si  c'est  du  muscat  Touge  ou  violet,  vous  mettez 
dans  votre  sirop  une  demi-cuillerée  de  teinture  de  cochenille;  si' 
c'est  du  muscat  vert,  vous  employez  du  suc  d?épinards  cuit  et 
blanchi,  afin  de  donner  à  votre  composition  une  belle  couleur 
vert  tendre. 

Muscat  confit  au  liquide.  —  Vous  prenez  du  muscat  encore 
un  peu  vert,  vous  en  ôtez  les  peaux  et  les  pépins,  et  vous  le  met- 


MUSCAT. 


733 


tez  reverdir  dans  un  peu  d'eau  sur  de  la  ceudre  chaude;  au  bout 
d'une  heure,  vous  le  passez  au  sucre  cuit  à  la  plume,  et  vous 
faites  bouillir  à  grand  feu  pendant  sept  à  huit  minutes,  puis 
vous  le  laissez  refroidir  et  le  versez  dans  les  tasses  où  vous  devez 
le  conserver. 

Muscat  confit  au  sec  en  grappes.  —  Vous  faites  cuire  du 
sucre  à  la  grande  plume  et  vous  y  rangez  le  fruit;  faites-lui  ' 
prendre  quelques  bouillons  couvçrts,  écumez-le  bien,   et,  votre 
sucre  étant  venu  au  perlé,  tire/  le  fruit,  égouttez-le,  dressez-le 
sur  des  feuilles  d'office  et  laissez-le  sécher  à  Tétuvée. 

Muscat  confit  à  r eau-de-vie.  —  Vous  faites  tremper  huit 
jours  dans  Teau-de-vie  du  raisin  sec  dé  Damas;  vous  mettez 
trois  quarts  de  cette  eau-de-vie  sur  un  quart  de  sirop  ordinaire, 
passez  ce  mélange  à  la  chausse,  et  le  versez  sur  votre  raisin. 

Ratafia  de  muscat.  —  Ecrasez  de  ce  raisin  bien  mûr,  pres- 
sez-en le  jus  dans  un  linge  fort  et  bien  net,  passez-le  à  la  chausse, 
mettez-y  fondre  du  sucre,  ajoutez  autant  d'eau-de-vie  que  de 
jus  de  fruit,  et,  pour  Tassaisonner,  un  peu  d'esprit  de  macis  et 
de  muscade  distillé;  laissez  infuser  ce  mélange  avant  de  le  cla- 
rifier, et  joignez-y,  pour  le  parfumer,  un  grain  d'ambre. 

Gelée  de  raisin  muscat.  —  Exprimez-en  le  jus,  tamisez-le, 
coulez-le  dans  du  sucre  cuit  ou  cassé,  faites-lui  prendre  quelques 
bouillons,  et  votre  gelée  sera  faite  quand  vous  la  verrez  tomber 
en  nappes  de  Técumoire. 

Conserve  de  muscat.  —  Ecrasez  le  raisin,  passez-en  le  jus 
au  tamis,  faites-le  dessécher,  et  délayez-le  avec  du  sucre  cuit  à 
la  grande  plume.  Il  faut  une  livre  de  sucre  pour  une  livre  de 
fruits. 

Glace  au  raisin  muscat.  (V.  Glaces  et  Sorbets.) 


N 


NAVETS.  —  Les  légumes  eux-mêmes  ont  leur  aristocratie 
et  leurs  privilèges  :  il  est  reconnu  que  les  trois  meilleures  espèces 
de  navets  qu'on  peut  cultiver  sont  ceux  de  Cressy,  de  Belle-Isle- 
en-Mer  et  de  Meaux;  mais,  soit  intrigues,  soit  adresse,  ce  sont 
les  navets  de  Preneuse  et  de  Vaugirard  qui  fournissent  aujour- 
d'hui à  la  consommation  de  Paris. 

La  première  recette  qui  nous  tombe  sous  la  main  est  celle 
des  navets  à  la  d*Esclignac*  Qui  a  pu  valoir  à  M.  d'Esclignac 
l'honneur  de  donner  son  nom  à  un  plat  de  navets > 

Il  n'y  a  rien  de  plus  curieux  à  étudier,  sous  ce  rapport,  que 
les  livres  des  cuisiniers  et  les  étranges  fantaisies  qu'il  leur  prend 
de  saucer,  de  mettre  sur  le  gril  et  de  faire  rôtir  nos  grands 
hommes. 

Voilà  ce  que  nous  trouvons  dans  un  seul,  à  l'article 
Potage  : 


Potage  à  la  DemidofF. 

—  à  la  John  Russell. 

—  •  à  rAbd-el-Kader 

—  à  la  ville  de  Berlin. 

—  à  la  Cialdini. 

—  au  15  septembre  1864. 

—  au  héros  de  Palestro. 

—  à  la  Lucullus. 


Potage  à  la  Guillaume  Tell. 

—  au  mont  Blanc, 

—  à  la  Magenta  et  à  la  Solfènno. 

—  aux  Dardanelles. 

—  à  la  Dumas. 

—  à  la  Thérësa. 

—  à  la  mère  TOie. 

—  à  la  Rothschild. 


NAVETS. 


73J 


Si  nous  passons  du  potage  aux  hors-d'œuvre,  nous  trouvons, 
sans  nous  rendre  compte  du  motif  : 

Fritures  sibériennes. 


Petits  souffles  au  Caire. 
Petits  pâtés  à  la  Turbigo. 
Petits  pâtés  Inkermann. 
Filets  de  merlans  à  la  Durando. 
Petites  timbales  à  la  Garibaldi. 
Friture  au  prince  impérial. 

—  à  la  Louisiane. 

—  à  la  Capodimonte. 

—  à  l'Africaine. 


Friture  au  nouveau  monde. 

—     à  la  fleuriste  florentine. 
Petites  timbales  à  la  Titus. 
Soufflés  à  la  Marc-Aurèle. 
Pâtés  Omer-Pacha. 
Petites  bouchées  aux  vrais  amis. 
Bâtons  à  la  Palmerston. 
Petits  soufflés  à  la  Cellini. 
Petits  soufflés  au  désir. 


Relevés, 


Turbot  à  la  lord  Byron. 

Esturgeon  à  TArioste. 

Truite  à  Tunion  universelle. 

Matelote  à  la  botanique. 

Filet  de  turbot  au  prince  Humbert. 

Esturgeon  aux  flottes  réunies. 

Culotte   de    bœuf  à  la   Dante   Ali- 

ghieri. 

—  à  la  Napoléon  I*'. 

Pièce  de  bœuf  à  la  Napoléon  III. 
Gigot  de  mouton  à  la  Jean- Jacques 

Rousseau. 
Poularde  à  la  Dame  aux  camélias. 
Dindonneau  à  la  paix  européenne. 
Oie  à  la  don  Carlos. 
Cochon  de  lait  à  la  Washington. 


Jambon  à  la  reine  Victoria. 

Filet  de  bœuf  à  la  Jules  César. 

Poulet  aux  cinq  journées  de  Milan. 

Bécasse  au  quadrilatère  vénitien. 

Pyramide  à  la  rentrée  des  armées. 

Poularde  aux  Florentins  du  27  sep- 
tembre 1859. 

Filets  de  volaille  au  grand  poëte. 

Tor.ue  à  la  Saïd-Pacha. 

Poulet  nouveau  à  la  Nélaton. 

Tète  de  veau  à  la  Girardin. 

Filets  de  faisan  à  l'impératrice  Eu- 
génie. 

Rognons  de  chapon  à  l'amitié. 

Filets  mignons  de  dindonneau  au 
souvenir. 


Entrées  chaudes. 


Suprême  de  volaille  à  la  Lucullus. 
Poularde  à  la  Scipion  l'Africain. 
Caille  à  l'aigle  romaine. 
Ortolan  à  l'indépendance. 
Poularde  au  prince  Albert. 
Bécasse  au  prince  de  Galles. 
Lièvre  à  la  Dante  de  Castiglione. 
Perdrix  rouge  à  la  maréchale  Ney. 


Croustade  de  gibier  aux  Trois  mous- 
quetaires. 

Mauviettes  aux  frètes  Bandiera. 

Saumon  à  la  don  Juan. 

Poularde  au  premier  soldat  de  l'indé- 
pendance italienne. 

Perdreau  à  la  Cimarosa. 

Côtelette  de  veau  au  doge  de  Venise. 


Froides, 


Galantine  de  dindonneau  au  roi  de 
Perse. 


Pain  de  canneton  à  la  Michel-Ange. 
Pâté  de  gibier  au  grand  Frédéric. 


736 


NAVETS. 


Cochon  de  lait  de  Gemma  ^ 

Chaud-froid  de  caille  à  la  Charles- 
Albert. 

Timbale  d'huîtres  à  la  Raphaël. 

Filet  de  turbot  à  la  lettore  Fiera- 
mosca. 

Mayonnaise  de  homard  à  la  Nicolo 
dei  Lapi. 


Mayonnaise  de  thon  ù  la  Vespucci. 
Chaud-froid  de  ris  d'agneau  à  l^Bru- 

nellesco. 
Homard  à  la  Borgia. 
Mayonnaise   de   poisson  aux  quatre 

ports  de  mer. 
Galantine  de  chapon  à  la  Persano  ^. 
Hure  de  sanglier  à  la  Machiavel. 


Rots. 


Oie  à  la  Nelson. 
Dindonneau  à  la  Tibère. 


'  Ortolan  à  la  sultane. 
Poulet  au  roi  de  Rome. 


Nous  pourrions  pousser  plus  loin  la  liste  de  ce  cuisinier 
historique,  qui  est  en  même  temps  un  excellent  cuisinier,  auquel 
nous  ne  nous  priverons  pas,  en  le  citant,  bien  entendu,  d'em- 
prunter quelques-unes  de  ses  étranges  recettes. 

Revenons  à  nos  navets. 

Navets  glacés  au  jus.  —  Choisissez  des  navets  égaux  de 
taille  et  propres  à  être  tailles  en  poires,  faites-les  blanchir, 
égouttez-les,  et  beurrez  le  fond  d'une  casserole  qui  puisse  les 
contenir  les  uns  à  côté  des  autres;  arrangez-y  ces  navets,  faites- 
les  blondiner  au  beurre  et  au  sucre,  mouillez -les  d'excellent 
bouillon,  saupoudrez -les  de  sucre  écrasé,  mettez-y  un  grain 
de  sel  et  un  peu  de  cannelle  en  bois,  faites-les  partir,  couvrez- 
les  d'un  fond  de  papier  beurré,  posez-les  sur  le  bord  du  four- 
neau avec  du  feu  dessous,  mettez  sur  votre  casserole  son  cou- 
vercle avec  du  feu  sur  le  couvercle,  et,  la  cuisson  de  vos  navets 
achevée,  découvrez -les,  faites -les  tomber  à  glace ,  dressez-les 
sur  votre  plat,  versez  un  peu  de  bon  bouillon  dans  votre  cas- 
serole pour  en  détacher  la  glace;  retirez-en  la  cannelle  et  sau- 
cez vos  navets  de  cette  glace,  comme  si  c'était  une  compote. 

Je  m'aperçois  que.  j'ai  eu  l'injustice  de  sauter  par-dessus  les 
navets  à  la  d'Esclignac,  qui  ont  été  la  cause  de  la  longue  paren- 
thèse à  laquelle  nous  nous  sommes  livrés,  mais  je  m'empresse  de 
réparer  cette  injustice. 

1.  Gemma  de  Vergy,  à  qui  son  mari  jaloux  fit  manger  le  cœur  de  son 
amant. 

2.  L'amiral  Persano  est  celui  qui  fut  battu  à  la  bataille  de  Lyssa. 


NAVETS. 


737 


Navets  à  la  d'Esclignac.  —  Ayez  des  navets  longs  de  quatre 
ou  cinq  pouces,  coupez-en  les  deux  bouts,  fendez-les  en  deux  et 
tournez  chaque  moitié  pour  lui  donner  la  forme  d'une  corde, 
taillez  avec  le  bout  du  couteau  deux  petites  rainures  telles  qu'il 
en  ^st  à  ces  dernières,  faites-lesblanchir,  mettez-les  dans  une  cas- 
serole comme  les  précédentes,  assaisonnez-les  et  faites-les  cuire 
de  la  même  manière  ;  seulement,  n'y  mettez  pas  de  cannelle. 
Leur  cuisson  terminée,  mettez  un  peu  d'espagnole  dans  votre 
casserole  pour  en  détacher  la  glace,  joignez-y  un  peu  de  beurre 
et  saucez  vos  navets. 

Navets  à  la  picarde,  —  Tournez  des  navets  dans  la  forme 
que  vous  voudrez,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  des  oignons, 
du  sel  et  un  morceau  de  beurre,  faites-les  cuire,  égouttez-les, 
confectionnez  une  bonne  sauce  blanche,  liez-la  de  farine  de 
manioc  ou  de  tapioca,  mettez-y  une  pincée  de  muscade  râpée, 
ainsi  qu'une  demi-cuillerée  de  fine  moutarde,  et  faites  prendre 
sauce  à  vos  navets. 

Ragoûts  de  navets  pour  litière  ou  garniture.  —  Après  avoir 
coupé  régulièrement  et  proprement  des  navets,  faites-leur  faire 
un  bouillon  dans  de  l'eau,  mettez-les  cuire  ensuite  avec  du  bouil- 
lon ou  du  coulis  et  un  bouquet  de  fines  herbes  ;  quand  ils  sont 
cuits,  assaisonnez  de  bon  goût  et  dégraissez  votre  ragoût. 

On  sert  assez  souvent  des  navets  avec  des  viandes  cuites  à  la 
braise;  mais  une  façon  plus  simple  est  celle^i  :  quand  la  viande 
est  à  moitié  cuite,  on  y  met  des  navets  pour  faire  cuire  le  tout 
ensemble,  et  quand  on  a  bien  assaisonné  le  ragoût,  on  le 
dégraisse  avant  de  le  servir. 

Navets  en  ragoût  vierge,  —  Tournez  trente  ou  quarante 
navets  en  boules  de  la  même  grosseur,  faites-les  blanchir  dans 
l'eau  bouillante  et  légèrement  salée;  après  les  avoir  rafraîchis, 
vous  les  ferez  cuire  dans  un  consommé  de  volaille  avec  de  la 
moelle  et  du  sucre,  après  quoi  vous  ajouterez  un  morceau  de 
beurre  bien  frais,  et  vous  achèverez  ce  ragoût  en  le  liant  avec  des 
jaunes  d'œufs  au  bain-marie. 

Purée  de  navets  pour  garnir  les  potages.  —  Mettez  un 
quart  de  bœuf  dans  une  casserole,  avec  une  douzaine  de  gros 
navets  coupés  par  morceaux;  placez  votre  appareil  sur  un  feu 

47 


7)8  NITRE. 

— » — — — -^ — . — — 

très-vif,  ea  ayant  soin  de  le  mampulier  fréquenuBent;  lorsque 
les  navets  corameficent  à  feixlxe,  vous  y  mettvez  dn  blond  de 
veau,  vous  ferez  réddre  k  tout  à  consistance  de  parée,  vous 
passerez  à  Tétamine  et  rous  vous  en  servirez  d'après  Tind»-^ 
cation. 

Bouillon,  pectoral  aux  navets.  -^  Faites  faouittir  l  kilo- 
granune  de  jarret,  ayec  i  kil.  çoo  graamnes.  de  mou  de  veaa^ 
dans  quatre  setiers  d'eau  de  pluie  bien  filtrée,  joignez-y  une 
denii*onœ  d'amandes  douces  ameassées;  laissez  réduire  à  Hioi- 
tié.  Pendant  ce  temps-là,  vous  aurez  fait  cuire  vingt-^cf^afic 
navets  dans  les  cendres  rouges,  après  les  avoir  enveloppés  dans 
une  triple  feuille  de  papier  d'office,  et  lorsque  les  navets  auront 
formé  leur  sirop,  vous  les  tirerez  de  leur  enveloppe,  afin  de 
les  mettre  dans  le  bouUlon,  où  vous  les  laisserez  se  conadinmcr 
jusqu'à  réduction  d'un  quart.  Joignez-y  2  gros  de  sucre  candi^ 
3  gros  de  gomme  arabique  en  poudre;  mélangez  le  tout  jusqu'à 
solution  parfaite,  et  maintenez  ce  bouillon  tiède  au  bain-^marie 
pour  être  administré  par  tasses  ou  bien  par  cuillerées,  suivant  le 
cas.  (M.  de  Courcbamps.) 

NEFLE.  —  Fruit  du  néflier;  la  meilleure  espèce  de  nèfle 
est  ceUe  qu'on  appelle  la  nèfle  de  Saint-Lucas^  parce  qu'on  doit 
la  cueillir  à  la  Sainti--Luc.  C'est  un  fruit  que  l'on  ne  saurait 
manger  que  lorsqu'il  a  bletti  sur  la  paille  ;  on  en  Eut  des  com- 
potes, et  vojci  la  manière  de  procéder  à  celte  ancienne  prépa- 
ration : 

Otez  la  couronne  et  les  ailes  des  nèfles  ;  faites  fondre  du 
beurre  frais,  et  lorsqu'il  est  roux,  mettez-y  vos  nèies,  et  laissez- 
les  bouillir.  Cuites,  arrosez  d'un  quart  de  litre  de  vin  rouge,  et 
faites  consommer  le  tout  en  sirop  ;  retirez  les  nèfles,  dressez  dans 
un  compotier,  saupoudrez  de  sucre  blanc  et  servez. 

NEROLI.  —  Huile  des  fleurs  de  l'oranger;  on  l'emploie 
dans  la  fabrication  des  dragées  et  dans  la  préparation  des  liqueurs 
fines;  le  meilleur   neroli  est  celui  qui  se  febrique  à  Rome. 

NITRE  et  SALPÊTRE.  —  Deux  noms  qu'on  applique  à 
la  même  substance  ;  cependant  par  nitre  on  entend  plus  parti- 
culièrement le  sel  purifié,  tandis  que  le  salpêtre  est  toujours 
mélangé  de  sel  marin  ;  le  nitre  rougit  les  ^dandes  qu'il  sale  ;  eC 


NOUGAT.  j^^ 


c'est  pour  cela  qu'on  Tempbifi  dans  la  salaison  des  nok  de 
boeufs,  des  langues  et  des  jambons^ 

NIVERNAISE.  —  Sorte  de  ragoût  qui  consiste  à  faire  cuive 
dans  du  consommé  cks  morceaux  de  carotte»  tonm^  en  forme 
d'olive,  jusqu'à  ce  que  ce  mouîllement  soir  épaissi,. 

NIVETTES.  —  Nom  d'une  espèce  de  pèche  qui  succède 
immédiatement  à  la.  pèche  Admirable  ;.  la  chair  en  est  molle,  mais 
savoureuse.  Elle  cmt  mal. 

NOISETTE.  —  Fruit  du  coudrier  que  Ton  cueille  en 
automne  et  dont  ii  existe  trois:  yariéDés  dont  la  meilleure  est 
Tayeline  rouge. 

NOIX.  —  Lorsque  les  semence&  du  nojer  sont  desséchées, 
elles  ne  peuvent  être  employées  pour  la  cuisine;  cependant 
on  leur  rend  une  certaine  fraîcheur  en  les  Élisant  tremper 
dans  du  lait  tiède  où  on.  les  laisse  refroklir.  (Pour  les  noix 
vertes,  V.  Cerneaux.) 

NONPAREILLES.  —  On  nomme  nonpareiiles  de  petites 
dragées  de  la  grosseur  d'une  tète  d'épingle,  dont  on  couvre  cer- 
taines pièces  de  pâtisserie  fine;  ces  dragées  ne  sont  pas  sans 
quelque  danger,  il  faut  s'informer  des  substances  qui  ont  servi  à 
les  teindre,  surtout  les  vertes, 

NOUGAT.  —  Le  nougat  blanc,  dit  de  Marseille,  est  un 
composé  de  iiiets  d'amandes  douces  et  de  pistaches  mondées  que 
Ton  fait  cnire  avec  du  miel  de  Narbonne;  le  nougat  blanc  se 
sert  et  se  mange  au  dessert.  Le  nougat  brun  avec  lequel  on  bâtit 
des  temples,  des  dômes,  des  portiques,  se  compose  de  la  manière 
suivante  :  vous  mondez ,  vous  lavez,  vous  faites  égoutter  sur  un 
linge  blanc  500  grammes  d'amandes  douces.  Coupez  chacune  de 
ces  amandes  en  filets,  que  vous  ferez  jaunir  à  un  four  très-doux; 
faites  fondre  sur  un  fourneau,  dans  un  poêlon,  75  grammes  de 
sucre  pulvérisé;  quand  il  sera  bien  fondu,  jetez-y  vos  amandes 
chaudes,  et  mêlez  bien  le  tout;  après  avoir  retiré  votre  poêlon 
du  feu,  mettez  vos  amandes  dans,  un  moule  essuyé  et  huilé; 
montez-les  autour  du  moule  à  Faide  d'un  citron  que  vous 
appuierez  sur  vos  amandes,  |  elles  resteraient  collées  à  vos  doigts 
si  vous  vous  en  serviez;  montez-le  le  plus  mince  possible,  démou- 
lez-le, dressez-le,  et  servez. 


740  NOYAU. 


NOUILLES.  —  Pâte  d'origine  allemande.  Espèce  de  ver- 
micelle extrêmement  délié  dont  on  garnit  quelquefois  les  vol- 
au-vent. 

Lorsque  vous  voudrez  faire  des  nouilles  au  lieu  de  les  ache- 
ter toutes  faites,  vous  prendrez  un  demi-litre  de  farine,  vous  y 
ajouterez  quatre  ou  cinq  jaunes  d'œufs,  un  peu  de  sel  et  un  peu 
d*eau;  vous  ferez  du  tout  une  pâte  bien  mêlée  et  un  peu  ferme, 
vous  rétendrez  avec  un  rouleau  jusqu'à  l'épaisseur  de  cinq 
millimètres;  coupez-la  alors  en  filets  que  vous  saupoudrez  de 
farine,  pour  que  vos  nouilles  ne  s'attachent  pas  les  unes  aux 
autres  ;  jetez  cette  pâte  dans  du  bouillon  bouillant,  vous  laisserez 
cuire  pendant  un  quart  d'heure  et  vous  colorerez  avec  une  cuil- 
lerée de  jus  ou  un  peu  de  caramel;  si  vous  craignez  que  la  pâte 
ne  se  dissolve  en  cuisant,  employez  les  œufs  entiers  au  lieu  de 
ne  procéder  qu'avec  les  jaunes.  Ajoutez  un  peu  de  safran  infusé 
dans  la  pâte. 

Potage  aux  nouilles  à  Vallemande,  —  Délayez  un  demi- 
litre  de  farine  avec  trois  jaunes  d'oeufs  et  deux  œufs  entiers; 
ajoutez  du  sel  et  versez  assez  de  bouillon  pour  que  la  pâte  liquide 
passe  à  travers  une  écumoire  creuse  comme  une  cuiller  à  pot, 
assaisonnez  avec  muscade  et  gros  poivre  ;  passez  dans  du  bouillon 
brûlant,  surtout  que  le  feu  soit  vif. 

Pour  apprêter  des  nouilles  à  la  maître  d'hôtel,  au  parmesan, 
au  coulis  de  jambon,  au  jus  maigre,  faites-les  cuire  comme 
nous  venons  de  l'indiquer. 

NOYAU.  —  Graine  solide  de  certains  fruits  renfermée  dans 
une  partie  charnue  solide  et  aromatique;  on  fait  différentes 
liqueurs  et  ratafias  avec  les  différents  noyaux. 


o 


OEUFS.  —  Corps  organique  que  pondent  les  femelles  des 
oiseaux  et  qui  renferme  les  développements  d'un  germe. 

Ce  sont  les  œufs  de  poule  qui  s'emploient  le  plus  souvent 
pour  la  nourriture  de  Thomme. 

«  Il  est  évident,  dit  M.  Payen,  que  cette  substance  alimen- 
taire contient  tous  les  principes  'indispensables  à  la  formation 
des  tissus  des  animaux,  puisqu'elle  suffit,  sans  autre  aliment 
externe,  à  révolution  du  germe,  qui  par  degrés  se  transforme 
en  un  petit  animal  composé  de  muscles,  de  tendons,  d'os,  de 
peau,  etc.  »> 

On  trouve,  en  effet,  dans  Toeuf  des  substances  azotées,  des 
matières  grasses  et  sucrées,  du  soufre,  du  phosphore  et  des  sels 
minéraux.  . 

Le  blanc  est  formé  d'albumine. 

Les  œufs  sont  un  des  aliments  qu'on  a  le  plus  de  peine  à  se 
procurer  frais  l'hiver  ;  or  tout  le  monde  sait  qu'il  n'y  a  pas  de 
goût  plus  désagréable  que  celui  d'un  œuf  qui  n'est  pas  irais. 
Presque  tous  les  livres  de  cuisine  vous  conseilleront  de  faire  votre 
provision  d'œufs  entre  les  deux  Notre-Dame,  c'est-à-dire  entre 
le  15  août  et  la  mi-septembre.  La  meilleure  manière  de  les  con- 
server alors  est  de  les  enterrer  dans  des  cendres  de  bois  neuf 
auxquelles  on  a  mêlé  des  branches  de  genévrier,  de  laurier  et 
d'autres  bois  aromatiques;  il  est  bon  de  mélanger  avec  cette 
cendre  du  sable  très-sec  et  très-fin. 


742  ŒUFS. 

Au  reste,  il  y  a  une  façon  très-simple  de  sa^noir  si  Tœuf  est 
encore  bon  :  posez-le  dans  une  tasse  pleine  d'eau,  s*il  se  soulève 
d'un  des  côtés  et  tend  à  se  tenir  debout,  c'est  que  Tœuf  est  au 
tiers  vide,  et  par  conséquent  n'est  pas  mangeable;  s'il  pose 
d'aplomb  sur  son  milieu,  c'est  qu'il  est  frais. 

Quand  l'œuf  est  frais,  nous  ne  dirons  pas  que  la  seule 
manière  de  le  manger,  mais  que  la  meilleure  manière  de  le 
manger  est  à  la  coque  ;  il  ne  perd  rien  alors  de  sa  finesse;  son 
jaune  est  savoureux,  son  blanc  est  en  lait,  et  si  Ton  a  eu  le 
sybaritisme  de  le  faire  cuire  dans  du  bouillon,  qu'il  ne  soit  ni 
trop  ni  pas  assez  cuit ,  vous  mangerez  votre  œuf  dans  la  per- 
fection. 

Il  y  a  des  personnes  pour  lesquelles  un  œuf  est  un  œuf; 
c'est  une  erreur  ;  deux  œufs  pondus  à  la  même  heure,  l'un  d'une 
poule  qui  court  par  les  jardins,  l'autre  d'une  poule  qui  mange 
de  la  paille  dans  une  basse-cour,  peuvent  présenter  une  grande 
différence  dans  le  goût  et  dans  la  sapidité. 

Je  suis  de  ceux  qui  veulent  que  l'œuf  soit  mis  dans  l'eau 
froide  et  cuise  dans  l'eau,  échauffé  peu  à  peu  ;  de  cette  façon, 
tout  dans  l'œuf  est  cuit  au  même  point.  Tout  au  contraire,  si 
vous  laissez  tomber  votre  œuf  dans  de  l'eau  bouillante,  il  est  rare 
qu'il  ne  se  casse  pas,  puis  il  pourrait  arriver  que  le  blanc  soit 
dur  et  que  le  jaune  ne  fût  pas  cuit. 

Lorsque  les  œufs  sont  frais,  on  éprouve  une  grande  diffi- 
culté à  les  écailler,  il  faut  alors  les  fendre  en  deux  avec  un  cou- 
teau et  les  enlever  avec  le  dos  d'une  fourchette  ;  souvent  il  arrive 
qu'on  vous  apporte  des  œufs  à  la  coque  trop  cuits,  employez  ce 
moyen  :  broyez  vos  œufs  dans  votre  assiette  avec  du  sel  et  du 
poivre,  un  morceau  de  beurre,  saupoudrez-les  de  quelques-unes 
de  ces  ciboulettes  qu'on  appelle  appétits,  et  si  vous  n'avez  pas  le 
temps  de  faire  cuire  d'autres  œufs ,  vous  n'aurez  pas  trop  perdu 
an  change. 

Œufs  pochés.  —  Voici  la  recette  du  Cuisinier  impérial 
de  1808,  et  du  Cuisinier  royal  de  183g.  Libre  à  vous  de 
l'adopter  : 

Ayez  quinze  œuft  pochés,  tirés  de  l'eau  et  attendant  sur  un 
plat,  vous  avez  douze  canards  à  la  broche  ;  lorsqu'ils  seront  cuits 


ŒUFS.  743 

verts,  c'est-à-^ke  presque  cuits,  vous  les  retirerez  de  la  broche  ; 
vous  cisèlerez  jusqu'aux  os,  vous  prendrez  l<e  jus,  l'assaisonnerez 
de  sel  et  de  gros  poivre  et,  sans  le  faire  bouillir,  vous  le  verserez 
sur  vos  quinze  œufs  pochés. 

Douze  canards  pour  quinze  œu&  ! 

Qu'en  dites-vous  ? 

Œu/s  pochés  sans  jus  de  canard.  —  Faites  bouillir  de  l'eau 
salée  et  vinaigrée,  évitez  Tévaporation  trop  grande;  cassez  les 
œufs  sur  la  casserole  et  versez-les  doucement  sans  rompre  le 
jaune;  quand  ils  seront  cuits  et  qu'ils  vous  paraîtront  assez  con- 
sistants, parez-les  en  enlevant  la  portion  de  blanc  qui  peut  sètre 
étalée;  il  n'y  a  que  les  oeufs  très-frais  qui  puissent  se  pocher 
facilement.  On  sert  les  œufs  pochés  avec  du  jus  au  fond  de  leur 
plat. 

Œu/s  brouillés.  —  Faites  fondre  du  beurre  dans  une  casse- 
role, cassez-y  des  œufs,  et  assaisonnez-les  avec  sel,  poivre,  mus- 
cade râpée;  remuez;  au  moment  de  servir,  ajoutez  un  peu  de 
verjus,  ou  de  jus  de  citron. 

Les  œufs  brouillés  aux  pointes  d'asperges  se  font  de  la  même 
façon;  on  ajoute  des  pointes  d'asperges  cuites,  lorsque  les  œufs 
sont  déjà  mêlés  avec  le  beurre. 

Pour  les  œufs  brouillés  au  jus,  ajoutez  jus  ou  bouillon. 

Si,  par  hasard,  vous  aviez  fait  pour  le  même  dîner  ou  le 
même  déjeuner,  des  rognons  sautés  au  vin  de  Champagne,  les 
rognons  cuits,  enlevez  quatre  ou  cinq  cuillerées  de  leur  sauce, 
et  mêlez-les  à  ^'os  œufs  brouillés. 

Si  vous  avez^  par  hasard,  du  bouillon  de  poulet,  mêlez  à 
vos  œufs  moitié  de  cette  sauce  au  vin  de  Champagne  et  de  bouil- 
lon de  poulet;  vous  aurez  alors  des  œufs  qui  atteindront  tout  à 
la  fois  le  degré  de  délicatesse  et  de  sapidité  auquel  ils  peuvent 
arriver. 

Œufs  frits.  -^  On  emploie,  pour  faire  frire  les  œufs,  le 
beurre,  le  saindoux  ou  l'huile;  préférez  le  beurre  :  l'huile  frite 
a.  toujours  un  goût  désagréable. 

Faites  frire  du  beurre  jusqu'à  ce  qu'il  roussisse,  cassez  vos 
cinq,  six  ou  huit  œufs,  tous  ensemble  daas  un  plat  ;  quand  vous 
verrez  que  votre  beurre  pétille,  versez  dans  la  poêle,  en  prenant 


744  (KUFS. 

garde  de  briser  les  jaunes,  vos  œufs;  salez  et  poivrez,  avec  quel- 
ques petits  appétits;  laissez-les  frire,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
d'une  belle  couleur,  versez-les  de  la  poêle  dans  leur  plat,  faites 
frire  du  vinaigre  à  Testragon  ;  jetez-y  une  poignée  de  persil,  et 
versez  votre  vinaigre  et  votre  persil  sur  vos  œufs. 

Œufs  au  gratin.  —  Mêlez  de  la  mie  de  pain,  du  beurre,  un 
anchois  haché ,  persil ,  ciboules ,  échalotes,  trois  jaunes  d'œufs, 
sel,  gros  poivre  et  muscade;  mettez  dans  un  plat  qui  aille  au 
feu  une  couche  de  muscade  au  fond;  faites  attacher  sur  un  petit 
feu,  cassez  sur  le  gratin  la  quantité  d'œufs  que  vous  voulez  ser- 
vir; faites  cuire  doucement,  promenez  au-dessus  du  plat  une 
pelle  rouge,  pour  faire  prendre  les  blancs;  lorsqu'ils  sont  cuits, 
saupoudrez-lesde  sel,  poivre  et  muscade. 

Œufs  à  la  tripe,  —  Passez  au  beurre  des  oignons  coupés  en 
tranches  ;  ne  faites  pas  roussir,  mêlez  une  demi-cuillerée  de 
farine  avec  les  oignons,  et  ajoutez  un  grand  verre  de  crème,  sel, 
poivre  et  muscade;  quand  le  tout  est  un  peu  réduit,  mettez-y  des 
œufs  durs  coupés  en  tranches  et  faites  chauffer  sans  ébullition. 

Œufs  au  beurre  noir,  —  Cassez  sur  un  plat  douze  œufs, 
salez,  poivrez,  et  mettez  dans  une  poêle  à  courte  queue 
75  grammes  de  beurre;  faites-le  noircir  sans  brûler,  écumez-leet 
tirez-le  au  clair  dans  un  autre  vase;  remettez  le  beurre  dans  la 
poêle  et  faites-le  chauffer  de  nouveau;  arrosez-en  vos  œufs,  cou- 
lez-les dans  la  poêle,  mettez-les  sur  de  la  cendre  rouge,  et  ser- 
vez-vous d'une  pelle  ardente  pour  les  faire  prendre  par- 
dessus; leur  cuisson  achevée,  coulez-les  sur  votre  plat,  faites 
chauff^er  dans  la  poêle  un  peu  de  vinaigre;  lorsqu'il  sera  bouil- 
lant, versez-le  sur  vos  œufs,  et  servez  sans  donner  le  temps  de 
refroidir. 

Œufs  sur  le  plat  dits  au  miroir.  —  Etendez  de  beurre  avec 
sel  votre  plat,  cassez*  vos  œufs  et  posez-les  sur  ce  plat  à  côté  l'un 
de  l'autre,  de  manière  à  n'en  pas  crever  les  jaunes.  Arrosez-les  de 
quatre  ou  cinq  cuillerées  de  crème,  mettez-y  çà  et  là  quelques 
petits  morceaux  de  beurre,  saupoudrez-les  d'un  peu  de  sel  fin, 
de  gros  poivre,  de  muscade  râpée;  posez  votre  plat  sur  une 
cendre  chaude,  faites-les  prendre  à  la  pelle  rouge,  afin  que  les 
jaunes  ne  durcissent  pas. 


(KL'FS. 


745 


Œufs  à  Vaurore.  —  Faites  durcir  et  refroidir  douze  œufs, 
enlevez-les  de  leur  coquille,  par  la  méthode  que  j'ai  indiquée, 
séparez-en  les  jaunes  des  blancs,  mettez  les  jaunes  dans  un  mor- 
tier; ajoutez-y  75  grammes  de  beurre  fin,  sel,  muscade,  fines 
épices,  jaunes  d*œufs  crus,  pilez  le  tout,  émincez  vos  blancs, 
mettez-les  dans  une  béchamel  réduite  et  chaude,  soit  grasse  ou 
maigre,  peu  importe  ;  sautez-y  vos  œufs  sans  les  laisser  bouillir; 
faites  qu'ils  aient  une  certaine  consistance,  dressez  sur  le  plat 
que  vous  devez  servir,  retirez  vos  jaunes  du 'mortier,  mettez-les 
sur  le  fond  d'un  grand  tamis,  posez  ce  tamis  au-dessus  de  votre 
plat,  faites-les  passer  également  sur  l'appareil,  qui  est  dressé  sur 
ce  plat;  servez-vous  d'une  cuiller  de  bois,  garnissL^z  le  bord  de 
votre  plat  avec  des  bouchons  de  pain,  trempés  dans  une  omelette 
battue,  mettez  vos  œufs  sous  un  four  de  campagne,  et  faites-leur 
prendre  une  belle  couleur. 

Œnfs  à  la  polonaise,  (Recette  de  M.  de  la  Reynière.  )  — 
Faites  durcir  un  quarteron  d'œufs,  fendez-les  en  deux,  séparez 
les  jaunes  des  blancs,  pilez  les  jaunes  dans  un  mortier;  ajoutez-y 
gros  comme  deux  œufs  de  beurre,  du  sel,  de  fines  épices,  un 
peu  de  muscade  râpée  et  cinq  à  six  jaunes  d'œufs  crus.  Lorsque 
votre  farce  sera  bien  mêlée  sans  grumelots,  saupoudrez-la  de 
persil  haché  très-fin,  mèlez-y  deux  ou  trois  blancs  d'œufs  fouet- 
tés; prenez  votre  plat,  garnissez-en  le  fond  de  votre  farce  à  peu 
près  de  l'épaisseur  de  trois  ou  quatre  lignes,  remplissez  vos  moi- 
tiés d'œufs  de  cette  préparation,  en  leur  donnant  la  forme  d'un 
œuf  entier;  dressez-les,  dorez-les,  mettez-les  sous  un  four  de 
campagne,  avec  feu  dessus,  feu  dessous.  Faites  qu'ils  aient  une 
belle  couleur,  nettoyez  le  bord  de  votre  plat,  et  servez. 

Œufs  à  la  provençale.  —  Versez  un  verre  d'huile  dans  une 
petite  poêle,  vous  la  mettez  au  feu  ;  quand  l'huile  est  bien 
chaude,  cassez  un  œuf  dans  un  vase  à  part,  mettez-y  du  sel,  du 
poivre,  versez-le  dans  l'huile,  affaissez  avec  une  cuiller  votre 
blanc  qui  bouillonne;  vous  le  retournez,  et,  lorsqu'il  a  une  belle 
couleur  des  deux  côtés,  vous  l'égouttez  avec  un  tamis  de  crin, 
vous  répétez  la  même  opération  autant  de  fois  que  vous  avez 
d'œufs;  vous  les  parez,  vous  les  dressez  en  couronne,  vous  mettez 
un   croûton  glacé  entre   deux  œufs,  vous  versez   dessous  une 


746  OEUFS. 

espagnole  réduite  dans  laquelle  vous  mettez  un  zeste  de  citron. 

Œufs  en  filets.  —  Délayez  sur  un  plat  huit  jaunes  d'geu&^ 
avec  une  cuillerée  d'eau-de-vie,  ajoutez  un  peu  de  sel^  étant 
cuit  et  fix)id,  coupez-le  en  filets  pour  tremper  dans  une  pâte  à 
frire  légère;  faites  frire  et  servez  avec  du  persil  frit. 

Œufs  farcis,  —  Vous  faites  durcir  dix  ou  douze  œufs,  fen- 
dez-les par  le  milieu  de  la  longueur,  enlevez  les  jaunes  et  met- 
tez-les à  part  dans  un  mortier  pour  les  piler;  vous  les  passez 
ensuite  au  tamis  à  q\ienelle,  laissez  tremper  une  mie  de  pain  dans 
du  lait,  vous  la  presserez  bien  pour  en  extraire  le  lait  jusqu'à  la 
dernière  goutte  ;  vous  la  pilerez  et  vous  la  passerez  an  tamis, 
ainsi  que  les  œufs;  vous  ferez  piler  autant  de  beurre  que  so^^ 
aurez  de  jaunes  piles;  vous  mettrez  portion  égale  de  mie,  de 
beurre  et  de  jaune  d*œufs;  vous  broierez  le  tout  ensemble,  et 
quand  votre  farce  sera  bien  pilée  et  confondue,  vous  7  mettrez  un 
peu  de  ciboules  et  de  persil  haché  bien  fin  et  lavé;  vous  y  ajou- 
terez du  sel,  du  gros  poivre,  de  la  muscade  râpée;  vous  pilerez 
de  nouveau  votre  farce,  vous  y  ajouterez  trois  jaunes  d'œufs 
entiers,  vous  conserverez  la  iarce  maniable  en  y  mettant  de  Tœuf 
à  mesure;  lorsqu'elle  sera  finie,  vous  la  mettrez  dans  un  vase; 
vous  ajouterez  épais  d'un  doigt  dans  le  fond  du  plat,  vous  larci- 
rez  vos  moitiés  d'œuft,  vous  tremperez  la  lame  d'un  couteau  dans 
du  blanc  d'œuf  pour  unir  le  dessus,  vous  mettrez  les  œufs  avec 
ordre  sur  la  farce  qui  est  dans  le  plat,  vous  poserez  le  plat  sur 
la  cendre  rouge  avec  un  four  de  campagne  par-dessus.  Vous  la 
servirez  ayant  de  la  couleur,  arrosée  de  jus  de  veau  mêlé  de 
crème  double. 

Œufs  à  la  Béchamel.  —  Mettez  dans  une  casserole  quatre 
ou  cinq  cuillerées  de  béchamel  grasse  ou  maigre,  coupez  quinze 
œufs  durs  comme  il  est  dit  ci-dessus,  mettez-les  dans  votre  bécha- 
mel très-chaude ,  sans  les  laisser  bouillir  ;  finissez  avec  du  beurre 
et  de  la  muscade;  dressez-les  et  entourez-les  de  croûtons. 

Œufs  à  la  sauce  Robert.  —  Épluchez  six  gros  oignons,  ente- 
vez-en  les  cœurs,  coupez-les  en  rouelles,  mettez-les  dans  une 
casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  posez  votre  casserole  sur 
un  feu  vif,  faites  roussir  vos  oignons,  mouillez-les  avec  du  bouil- 
lon gras  ou  maigre,    salez,  poivrez,  laissez  cuire  et  liez  votre 


(KUFS.  747 

sauce  ;  au  moment  de  servir,  coupez  en  rouelle  douze  œufs  durs, 
mêlez-les  bien  avec  elle;  ajoutez-y,  pour  les  achever,  une  cuil- 
lerée à  bouche  de  moutarde. 

Œufs  à  la  pauvre  femme.  —  Cassez  douze  œufs  sur  du 
beurre  tiède,  et  vous  les  mettrez  sous  la  cendre  chaude;  coupez 
alors  de  la  mîe  de  pain  en  petits  dés,  vous  la  passerez  au  beurre 
quand  elle  est  bien  chaude,  bien  blonde  ;  vous  Tégoutterez  et 
vous  la  sèmerez  sur  vos  œufs;  mettez  un  four  de  campagne  chaud 
par-dessus;  lorsque  les  œufis  seront  cuits,  versez  sur  eux  une 
sauce  espagnole  réduite.  Ajoutez  aux  œufs  du  jambon  bien 
tendre  ou  du  rognon. 

Œufs  au  blanc  de  perdrix,  —  Prenez  une  perdrix  qui  ait  du 
fumet,  videz,  bardez  et  faites  cuîre  à  la  broche;  étant  cuite,  pilez- 
la  dans  un  mortier,  mettez  dans  une  casserole  une  demi-cuillerée 
À  pot  de  coulis  clair,  de  veau  et  de  jambon,  et  une  autre  demi- 
cuillerée  de  veau,  avec  un  peu  de  sel,  de  poivre  et  de  muscade; 
faites  chauffer  un  peu,  délayez-y  un  peu  la  perdrix  pilée,  six 
jaunes  d'œufs  frais;  passez  le  tout  à  Tétamine;  mettez  un  plat 
sur  les  cendres  chaudes,  videz  les  œufs  dedans,  couvrez-les  d'un 
couvercle,  qu'il  y  ait  du  feu  sur  le  couvercle;  lorsqu'ils  sont  pris, 
ser\'ez-Ies  chaudement. 

Œufs  au  blanc  de  poularde  et  au  blanc  de  faisan.  —  Faites 
ces  œufs  de  la  même  manière  que  ceux  au  blanc  ;  le  fond  change, 
mais  la  façon  reste  la  même, 

Œufi  aux  amandes  ou  à  la  demoiselle,  —  Prenez  des  bis- 
cuits d'amandes,  des  macarons,  un  peu  de  citron  confit;  pilez  le 
tout  ensemble,  arrosez  le  tout  avec  un  peu  d'eau  de  fleur  d'oran- 
ger, mettez-y  un  morceau  de  sucre;  quand  tout  est  pilé,  mettez-y 
une  petite  pincée  de  farine,  quatre  œufs  frais,  une  mesure  de 
crème,  passez  le  tout  à  Tétamine  et  faites  cuire  au  bain-marie. 

Œufs  au  basilic, —  Faites  durcir  douze  œufs,  fendez-les  en 
deux,  ôtez-en  les  jaunes,  pilez-les  avec  persil,  ciboules,  cham- 
pignons, une  pointe  d'ail ,  un  peu  de  basilic,  le  tout  haché  avec 
de  la  mie  de  pain  desséchée  dans  de  la  crème;  un  bon  morceau 
diC  beurre  assaisonné  de  sel,  poivre  et  lié  avec  six  jaunes  d'œufs 
crus;  mettez  de  cette  farce  au  fond  du  plat  que  vous  devez  ser- 
vir, remplissez  de  farce  tous  les  blancs  d'œufs  cuils,  emplissez- 


74^  (D-'-UFS. 

les  comme  s'ils  étaient  entiers;  arrangez-les  sur  la  farce  et  passez 
par-dessus  avec  de  la  mie  de  pain;  mettez-les  cuire  au  four  ou 
sous  un  couvercle  de  tourtière;  qu'ils  soient  de  belle  couleur; 
quand  ils  seront  cuits,  égouttez-les  de  leur  beurre,  essuyez  le 
bord  du  plat  et  servez. 

Œufs  brouillés  à  la  chicorée.  —  Faites  blanchir  de  la  chico- 
rée, pressez-la  et  la  coupez  en  quatre;  passez-la  avec  un  mor- 
ceau de  beurre,  deux  oignons  coupes  en  petits  dés  ;  singez  cette 
chicorée  et  la  mouillez  ;  assaisonnez-la  de  bon  goût,  et  la  lais- 
sez cuire  jusqu'à  ce  qu'il  ne  reste  plus  de  sauce;  quand  elle  est 
cuite,  prenez  dix  œufs,  cassez-les  dans  une  casserole  et  les  assai- 
sonnez de  bon  goût;  mettez  la  chicorée  dedans  avec  un  mor- 
ceau de  beurre,  brouillez-les  sur  le  feu  et  les  servez  garnis  de 
mie  de  pain  autour. 

Œufs  à  la  chicorée  en  gras. — Pochez  à  l'eau  des  œufs  frais* 
servez  dessous  un  ragoût  de  chicorée;  prenez  quatre  ou  cinq 
pieds  de  chicorée,  suivant  qu'ils  sont  gros;  faites-les  blanchir  et 
mettez-les  cuire  dans  une  braise;  quand  ils  sont  cuits,  égouttez- 
les  de  leur  graisse,  coupez-les  en  trois,  mettez-les  faire  un 
bouillon  dans  une  essence;  quand  vous  qXcs  près  de  servir,  met- 
tez Téchalote  hachée  dans  le  ragoût,  et  servez  dessous  les  œufs. 

Œufs  aux  champignons,  —  Pochez  huit  œufs  frais  à  Teau  ; 
prenez  des  champignons,  ce  qu'il  en  faut  pour  faire  un  ragoût  ; 
épluchez,  lavez,  coupez  en  dés  et  les  mettez  cuire  avec  de  l'eau, 
un  bouquet,  un  morceau  de  beurre  manié  de  farine,  un  peu  de 
sel;  quand  ils  seront  cuits  et  toute  la  sauce  réduite,  liez-les  de 
quatre  jaunes  d'œufs  et  avec  de  la  crème;  mettez-y  un  jus  de 
citron  et  servez  autour  des  œufs.  On  peut  faire  de  même  des  œufs 
aux  mousserons  et  aux  morilles. 

Œufs  au  céleri,  —  Prenez  trois  ou  quatre  pieds  de  céleri  ; 
faites-les  cuire  dans  une  eau  blanche,  qui  se  fait  avec  de  l'eau, 
de  la  farine,  du  beurre  et  du  sel;  étant  cuits,  retirez-les  et  les 
mettez  égoutter  ;  coupez -les  par  morceaux,  mettez-les  d^ns  une 
casserole  avec  un  peu  de  coulis  clair  de  poisson,  faites  mitonner 
pendant  une  demi-heure;  achevez  de  le  lier  avec  un  coulis 
d'écrevisse  et  un  petit  morceau  de  beurre  gros  comme  une  noix, 
en  le  remuant  toujours  sur  le  feu. 


OEUFS.  '     749 

Si  cette  préparation  GSt  de  bon  goût,  mettez-y  un  peu  de 
vinaigre,  dressez  dans  un  plat,  et  mettez-y  les  œufs  pochés  par- 
dessus, et  les  servez  chaudement  pour  entrée  ou  hors-d'œuvre. 
Lorsqu'on  ne  veut  pas  se  servir  d'oeufs  pochés,  on  peut  se  servir 
d'œufs  durs,  qu'on  coupe  par  moitié;  en  ce  cas,  servez  le  ragoût 
de  légumes  au  fond  du  plat,  et  garnissez  le  tour  du  plat  de  vos 
œufs  durs  coupés  par  moitié. 

Œu/s  aux  écrevisses. —  Faites  un  ragoût  de  queues  d'écre- 
visses,  avec  des  truffes,  des  champignons,  quelques  fonds  d'arti- 
chauts coupés  par  morceaux  ;  passez-les  dans  une  casserole  avec 
un  peu  de  beurre  et  le  mouillez  d'un  peu  de  bouillon  de  pois- 
son ;  assaisonnez  de  poivre  et  de  sel,  d'un  bouquet  de  tines 
herbes;  étant  cuit,  dégraissez- le  bien  et  liez  d'un  coulis  d'écre- 
visses  ;  pochez  des  œufs  frais  à  l'eau  bouillante  et  les  parez  bien  ; 
dressez- les  dans  un  plat  proprement,  et  si  votre  ragoût  est  de 
bon  sel,  jetez-le  sur  les  œufs,  et  servez-le  chaudement  pour 
entrée. 

Œufs  au  pain  d'écrevisses,  —  Prenez  un  demi-cent  d'écre- 
visses,  faites-les  blanchir,  ou  plutôt  rougir;  épluchez-les,  gar- 
dez-en les  queues,  pilez  toutes  les  coquilles,  tirez  une  essence 
avec  du  veau  et  du  )ambon,  mouillez-la,  moitié  jus,  moitié 
bouillon;  quand  elle  est  faite,  délayez-la  avec  des  écrevisses  bien 
pilées  et  les  passez  à  l'étamine,  comme  un  autre  coulis  d'écre- 
visses;  vous  aurez  un  petit  pain  rond  d'une  demi-livre;  qu'il  soit 
chapelé  ;  ôtez  la  mie  de  dedans  sans  rompre  la  croûte,  passez  sur 
le  feu,  avec  du  beurre,  dans  une  casserole;  égouttez-le  et  le 
remplissez  d'un  ragoût  de  ris  de  veau,  de  champignons,  et  le  liez 
de[]coulis  à  l'ordinaire  ;  pochez  huit  œufs  frais  à  l'eau,  faites 
chauffer  le  pain  rempli  de  ragoût,  avec  du  jus  et  un  peu  de  cou- 
lis d'écrevissès  ;  quand  il  est  chaud,  dressez-le  sur  un  plat  rond, 
les  œufs  autour,  les  queues  d'écrevîsse  entre  les  œufs  et  au-des- 
sus du  pain;  versez  le  reste  de  votre  coulis  d'écrcvisscs,  le  tout 
assaisonné  de  bon  goût. 

Œufs  aux  truffes,  —  Faites  un  ragoût  de  truffes  vertes  de 

cette  façon  : 

Pelez  les  truffes,  coupez-les  par  tranches,  passez-les  dans 
une  casserole  avec  un  peu  de  beurre;  mouillez -les  d'un  peu  de 


7P 


(EUFS. 


bouillon  de  poisson^  laissez-les  mitonner  un  quart  d'heure  à 
petit  fea^  dégraissez-les  et  les  liez  d'un  coulis  de  poisson  ;  les 
œufs  étant  pochés  au  beurre  roux,  nettoyez-les  proprement  tout 
aatour  ;  dressez-les  dans  un  plat,  jetez  votre  ragoût  de  truffes 
par-dessus,  et  servez  chaudement  vos  œufs  aux  tru&s  pour 
entrées  ou  hors-d'œuvre. 

Œufs  à  V estragon,  —  Faites  blanchir  de  Testragoo, 
hachez-le  très- fin,  cassez  les  œufs  dans  une  casserole,  mettez  de 
l'estragon  blanchi,  sel  et  poivre;  battez  les  œufs,  mèlez-f  un 
verre  de  crème  ;  faites  trois  petites  omelettes,  que  vous  roulerez, 
et  dressez-les  dans  le  plat  où  vous  devez  les  servir  ;  s'il  n'y  a 
point  de  coulis  maigre,  faites  un  petit  roux  de  farine  avec  du 
beurre,  mouillez  avec  de  bon  bouillon,  un  verre  de  vin;  dégrais- 
sez la  sauce,  faites-la  cuire  à  petit  feu  ;  quand  elle  est  euite  et 
assaisonnée  de  bon  goût,  passez-la  au  tamis  et  servez  vos  œuis 
dessus. 

Œufs  au  larda  la  Coignjr. —  Prenez  huit  œufs  frais  et  les 
pochez  un  à  un  dans  du  saindoux;  qu'Us  soient  de  belle  cou- 
leur ;  faites  autant  de  petits  croûtons  de  la  grandeur  d'un  écu  ; 
prenez  du  petit  lard  que  vous  couperez  en  dés;  quand  les  œu& 
seront  frits,  faites  aussi  frire  des  croûtons  de  pain  et  le  petit  lard; 
prenez  le  plat  que  vous  devez  servir,  mettez  les  croûtons  de 
pain  dessus,  les  œufs  sur  les  croûtons  et  le  petit  lard  sur  les 
œufs  ;  ayez  une  essence  ou  simplement  un  tilet  de  vinaigre,  et 
servez  chaud. 

Œufs  au  parmesan,  — Mettez  ce  que  vous  voudrez  d'œu& 
dans  une  casserole,  avec  du  parmesan,  un  peu  de  poivre,  point 
de  sel;  battez  vos  œufs  avec  un  fouet  comme  une  omelette; 
faites-en  cinq  petites  omelettes;  à  mesure  qu'elles  sont  faites, 
étendez-les  sur  un  couvercle,  saupoudrez-les  ensuite  de  parme- 
san râpé;  roulez  Tomelette  et  la  mettez  dans  le  plat  que  vous 
voulez  servir  ;  arrangez  ces  cinq  omelettes,  et  jetez  par-dessus  un 
peu  de  parmesan,  essuyez  le  plat,  et  le  mettez  au  four  ou  sous 
un  couvercle;  il  ne  faut  qu'un  bon  quart  d'heure  pour  glacer  et 
cuire  le  parmesan;  mais  surtout  il  faut  le  servir  chaudement. 

Œufs  frits  à  la  sauce  Robert,  — Prenez  une  friture;  pochez -y 
des  œufs  un  à  un  sur  un  fourneau  ;  servez  dessous  une  sauce 


(EUFS. 


751 


Robert,  prenez  des  càgnoos  coudés  es  iés^  passez  au  beurre, 
metlez^x  la  moitié  de  la  cuisson,  nne  pincée  de  farine,  faites-la 
roussir  ea  tournant  toujours,  mouillez  de  bouilbn  et  d'un  verre 
de  vin  blanc;  si  on  a  de  la  sauce  à  rétavée,  on  doit  en  mettre  un 
peu;  faites  cuire  la  sauce,  et  quand  tout  est  prêt  à  servir,  met- 
tez-y de  la  moutarde  et  servez  dessous  les  œufs. 

Œufs  en  timbales*  -^  Prenez  huit  œufs,  6tez  les  blancs  de 
quatre,  passez-les  à  Tétaniine  avec  un  peu  de  jus  et  de  coulis; 
assaisonaez-les  de  sel.  et  de  poivre,  beurrez  les  timbaJes  avec  du 
beurre  affiné;  mettez  les  œu&  dedans  jusqu'à  moitié  des  timbales 
et  mettez  les  timbales  dans  une  casserole  avec  de  Teau,  qu'il  n'y 
en  ak  que  jusqu'à  moitié  des  timbales;  faites  ainsi  cuire  au  bain- 
marie;  quand  ils  sont  cuits,  retirez-les  sans  les  rompre,  dressez- 
les  et  servez  avec  un  peu  de  jus  dessousw 

Œiifs  à  la  Philippsbourg,  —  Si  c'est  en  maigre,  prenez  de  la 
farce  maigre  qui  soit  faite  d'un  poisson  cuit;  mettez-en  dans  le 
fond  du  plat  que  vous  voulez  servir,  cassez  des  œufs  dessus  cette 
farce  comme  si  vous  vouliez  faire  des  œufs  au  miroir;  il  n'y  faut 
point  de  sel;  ayez  du  parmesan  râpé,  mettez-en  dessus  les  œufs. 
Pendant  que  les  œufs  cuisent  sur  un  fourneau,  passez  une  pelle 
rouge  dessus  le  parmesan  pour  le  glacer  ;  prenez  garde  que  les 
œufs  ne  durcissent. 

Si  c'est  en  gras,  prenez  une  farce  grasse,  que  la  viande  en 
soit  cuite,  et  les  faites  de  môme. 

Œufs  à  la  duchesse.  —  Mettez  dans  une  casserole  un  quar- 
teron de  sucre,  un  demi-setier  d'eau ,  des  zestes  de  citron ,  un 
morceau  de  cannelle;  faites  bouillir  le  tout  ensemble  jusqu'à  ce 
que  le  sucre  soit  réduit  en  sirop;  retirez  les  zestes  de  citron  et 
la  cannelle,  mettez-y  un  peu  d'eau  de  fleur  d'oranger  ;  prenez 
douze  ou  quinze  jaunes  d'œufs,  passez-les  au  tamis  avec  une 
chopine  de  crème,  mettez  les  œufs  et  la  crème  dans  la  casserole 
au  sirop  avec  un  peu  de  sel;  faites  cuire  ces  œufs  en  les  tournant 
toujours.  Quand  ils  sont  pris  comme  une  crème,  mettez-y  un  peu 
de  jus  de  citron  et  servez. 

Œufs  à  la  Robert,  —  Prenez  deux  ou  trois  gros  oignons, 
coupez-les  en  dés,  et  passez  sur  le  feu  avec  un  morceau  de 
beurre,  mettez-y  une  pincée  de  farine  et  mouillez  avec  du  jus. 


752  (EUFS. 

un  verre  de  vin  de  Champagne,  faites-les  cuire  à  petit  feu.  Quand 
ils  seront  cuits,  faites  durcir  une  douzaine  d'œufs,  pelezJeset  les 
coupez  en  quatre  comme  pour  des  œufs  à  la  tripe;  faites-leur 
faire  quelques  bouillons  avec  des  oignons,  assaisonnez  le  tout  de 
sel  et  de  poivre,  et,  quand  on  est  prêt  à  servir,  mettez-y  de  la 
moutarde. 

Œufs  en  filets.  —  Prenez  deux  champignons,  deux  oignons; 
coupez-les  en  filets,  passez-les  avec  un  morceau  de  beurre, 
mettez-y  une  pincée  de  farine,  mouillez  avec  un  verre  de  vin  de 
Champagne,  du  bouillon  et  du  coulis;  faites  cuire  à  petit  feu, 
prenez  ensuite  une  douzaine  d'œufs  durcis,  séparez  les  blancs 
d'avec  les  jaunes,  laissez  les  jaunes  entiers,  coupez  les  blancs  en 
Alets,  mettez-les  faire  quelques  bouillons  avec  le  ragoût,  assai- 
sonnez avec  sel,  gros  poivre.  Quand  vous  êtes  prêt  à  servir,  mettez 
les  jaunes  entiers  dans  le  ragoût  pour  les  faire  chauffer,  et  servez 
à  courte  sauce. 

Œufs  au  père  Douillet.  —  Cassez  dans  une  casserole  sept 
œufs  frais,  mêlez-les  avec  une  cuillerée  de  coulis,  une  de  réduc- 
tion, autant  de  jus  de  veau,  sel  et  poivre;  passez  ces  œufs  dans 
une  étamine  un  quart  d'heure  avant  de  servir  ;  prenez  le  plat 
que  vous  devez  servir,  mettez-le  sur  un  feu  modéré  ;  quand  il  est 
chaud,  mettez  les  œufs,  passez  par- dessus  une  pelle  rouge  à 
mesure  qu'ils  cuisent,  servez-les  d'abord  qu'ils  sont  cuits  et 
encore  tremblants. 

Œufs  à  la  bonne  femme,  —  Coupez  quatre  gros  oignons  en 
dés,  passez-les  sur  le  feu  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  cuits  avec  un 
morceau  de  beurre;  faites-les  cuire  à  petit  feu  et  les  remuez  sou- 
vent pour  qu'ils  ne  se  colorent  point.  Quand  ils  sont  cuits,  mettez- 
y  une  bonne  pincée  de  farine,  mouillez  avec  de  la  crème  double; 
assaisonnez  de  sel,  gros  poivre  et  muscade  ;  tenez  le  ragoût  bien  lié. 
Prenez  ensuite  deux  œufs,  fouettez-en  les  blancs,  mettez  les 
jaunes  avec  le  ragoût,  mêlez  les  blancs  avec  tout  le  reste,  battez 
bien  le  tout  ensemble  ;  mettez  dans  le  fond  d'une  petite  casserole 
deux  morceaux  de  papier  blanc,  frottez  partout  de  beurre,  versez 
les  œufs  dedans  et  les  faites  cuire  au  four;  quand  ils  sont  cuits, 
versez-les  sens  dessus  dessous  dans  le  plat,  ôtez  le  papier,  mettez 
dessus  ces  œufs  une  bonne  essence  claire,  et  servez. 


(EUFS. 


753 


Œufs  à  la  carpe,  sauce  à  la  persillade.  —  Écaillez  et  videz 
une  petite  carpe,  levez-en  la  peau ,  hachez  la  chair  très-fin , 
mettez-la  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  persil, 
ciboules,  champignons,  une  pointe  d'ail  ;  le  tout  haché  très-fin  ; 
passez  la  carpe  et  les  fines  herbes  sur  le  feu,  mettez-y  une  pincée 
de  farine ,  mouillez  avec  deux  verres  de  vin  de  Champagne,  un 
peu  de  bouillon;  assaisonnez  de  sel,  poivre;  faites  cuire  le  hachis; 
quand  il  est  cuit  et  la  sauce  réduite,  mettez-y  quelques  jaunes 
d'œufs  pour  le  bien  lier  ;  mettez  dans  une  casserole  quinze  œufs, 
sel,  fines  épices,  une  cuillerée  de  crème;  battez  bien  les  œufs, 
prenez-en  la  moitié  pour  faire  une  omelette,  étendez-la  sur  un 
plat,  mettez-y  la  moitié  du  hachis,  roulez-la  et  la  coupez  en 
trois;  faites-en  autant  de  l'autre  moitié,  arrosez  les  six  morceaux 
avec  du  beurre,  panez-les  moitié  mie  de  pain  et  moitié  par- 
mesan, tocttez-les  sur  une  tourtière  pour  leur  faire  prendre  cou- 
leur au  four,  ou  sous  un  couvercle  de  tourtière  ;  mettez-les  dans 
le  plat  que  vous  devez  servir  et  mettez  dessous  une  sauce  à  la  per- 
sillade. (V.  Sauce  à  la  persillade.) 

Œufs  en  surtout.  —  Prenez  quatre  œufs,  mettez  les  blancs 
à  part,  hachez  une  pincée  de  câpres,  deux  anchois,  persil, 
ciboules;  le  tout  haché  très-fin  ;  mêlez-les  avec  les  jaunes  d'œufs; 
mettez  dans  le  plat  que  vous  devez  servir  du  beurre  bien  étendu, 
cassez  dessus  six  œufs;  fouettez  les  quatre  blancs  d'œufs  que  vous 
avez  mis  à  part,  mettez-y  les  jaunes  d'œufs  délayés  avec  les 
câpres  et  les  anchois,  fouettez  bien  le  tout  ensemble,  mettez-y 
un  peu  de  sel,  gros  poivre  et  muscade;  mettez  ces  œufs  sur  les 
autres  qui  sont  dans  le  plat,  faites-les  cuire  feu  dessus  et  des- 
sous; ces  œufs  ne  doivent  par  durcir,  il  ne  faut  qu'un  moment 
pour  leur  cuisson. 

Œufs  à  la  Monime.  —  Cassez  quinze  œufs  dans  une  casse- 
role, mettez-y  une  cuillerée  de  crème,  persil,  ciboules,  sel,  fines 
épices;  battez  bien  les  œufs  pour  en  faire  des  omelettes.  Prenez 
de  la  viande  cuite  à  la  broche  et  refroidie,  soit  volaille  ou  gibier; 
faites  un  hachis  de  cette  viande.  Quand  le  hachis  est  fini  et  assai- 
sonné de  bon  goût,  mettez-y  quelques  jaunes  d'œufs,  pourvu  que 
le  hachis  soit  bien  lié;  prenez  ensuite  la  moitié  des  œufs  battus, 

faites-en  une  omelette;  étant  cuite,    étendez-la  sur  un  plat; 

48 


754 


(EUFS. 


mettez  par-dessus  la  moitié  du  hachis.  Roulez  lomelette  et  la 
coupez  en  trois,  en  figure  de  paupiette;  arrosez  le  dessus  avec  du 
beurre  et  panez  de  mie  de  pain;  faites-en  autant  de  ce  qui  reste 
d'oeufs  et  de  hachis.  Mettez  ces  six  morceaux  d'œufs  sur  une  tour- 
tière, faites-les  cuire  au  four  sous  un  couvercle  de  tourtière  pour 
leur  faire  prendre  couleur;  ayez  une  bonne  sauce  à  la  Monime, 
mettez-la  dans  le  fond  du  plat  que  vous  devez  servir,  dressez  les 
morceaux  d'œufs  dessus.  (V.  Sauce  à  la  Monime,) 

Œufs  à  ma  commère,  —  Cassez  dix  œufs  dans  une  casserole, 
mettez  un  peu  de  sel  fin,  du  sucre  en  poudre,  quelques  pistaches 
en  filets,  deux  biscuits  d'amandes  amères  écrasées,  de  la  fleur 
d'oranger  grillée,  hachée,  du  citron  confit  haché,  un  peu  de  can- 
nelle en  poudre,  du  beurre  frais  fondu  ;  battez  bien  le  tout  ensem- 
ble. Prenez  le  plat  que  vous  devez  servir ,  mettez-le  sur  un  feu 
modéré,  versez  vos  œufs  dedans,  couvrez-les  avec  un  couvercle 
de  tourtière  et  du  feu  dessous.  Quand  ils  sont  cuits  à  moitié, 
glacez-les  avec  du  sucre  et  la  pelle,  et  les  servez  un  peu  trem- 
blants. 

Œufs  à  la  paysanne.  —  Mettez  dans  un  plat  un  demi-setier 
de  crème  double;  quand  elle  a  bouilli,  cassez-y  huit  œufs  frais; 
assaisonnez-les  de  sel,  gros  poivre;  à  mesure  qu'ils  cuisent,  passez 
la  pelle  rouge  par-dessus.  Prenez  garde  que  les  jaunes  ne  dur- 
cissent et  servez-les  dans  le  moment. 

Œujs  au  sang.  —  Mettez  tout  chaud  le  sang  de  dix  pigeons 
dans  une  casserole  avec  le  jus  d'un 'citron.  De  crainte  qu'il  ne 
tourne,  passez  le  sang  au  travers  d'un  tamis,  mettez-le  avec 
douze  œufs,  les  blancs  fouettés,  sel,  poivre,  une  cuillerée  de 
crème,  des  petits  morceaux  de  beurre.  Battez  bien  vos  œufs; 
mettez  un  quarteron  de  bon  beurre  dans  une  poêle,  faites-en  une 
omelette;  quand  elle  est  cuite,  roulez-la  dans  le  plat  que  vous 
devez  servir. 

Œufs  au  foie,  —  Otez  l'amer  de  tel  foie  que  vous  voudrez, 
volaille  ou  gibier;  lavez  et  hachez  ces  foies;  passez-les  sur  le  feu 
avec  un  morceau  de  beurre,  persil,  ciboules,  champignons,  pointe 
d'ail,  le  tout  haché  très- fin  ;  quand  les  foies  sont  passés  et  refroi- 
dis, cAssez-y  une  douzaine  d'œufs  assaisonnés  avec  sel,  fines  épi- 
ces,  une  cuillerée  de  crème,  battez  bien  le  tout  ensemble;  mettez 


ŒUFS. 


7SS 


un  quarteron  de  bon  beurre  diins  une  poêle;  faites  une  omelette 
avec  les  œufs,  et  servez. 

Œu/s  à  la  Périgord.  —  Pelez  trois  truffes ,  coupez-les  en 
petits  dés  et  du  jambon  par  tranches;  passez  l'un  et  lautre  avec 
un  peu  de  beurre,  mouillez  avec  un  verre  de  vin  de  Champagne, 
deux  cuillerées  de  coulis;  mettez-y  un  bouquet  de  fines  herbes, 
du  gros  poivre,  dégraissez  le  ragoût;  faites-le  cuire  à  petit  feu; 
quand  il  est  cuit  et  bien  lié,  prenez  sept  œufs  frais,  faites-les 
frire  un  à  un  dans  du  saindoux,  prenez  garde  que  les  œufs  ne 
durcissent.  Mettez-les  égoutter  de  leur  graisse,  piquez-les  par- 
dessous  avec  la  pointe  du  couteau  pour  en  faire  sortir  le  jaune, 
remplissez  le  dedans  des  œufs  avec  le  ragoût  de  truffes  et  de  jam- 
bon; dressez-les  dans  le  plat  que  vous  devez  servir,  de  façon 
qu'ils  paraissent  dans  leur  naturel.  Faites-les  chauffer  entre 
deux  plats  sur  la  cendre  chaude  ;  quand  on  est  prêt  à  servir, 
mettez  par-dessus  une  sauce  de  vin  de  Champagne. 

Œufs  à  la  moelle.  —  Échaudez  des  amandes  douces,  pilez- 
les  et  les  arrosez  de  temps  en  temps  avec  de  la  moelle  de  bœuf, 
du  citron  confit  haché,  de  la  fleur  d'orange  grillée  et  hachée, 
deux  abricots  confits  ou  secs;  pilez  le  tout  ensemble,  mettez-y 
un  peu  de  sel  et  de  sucre.  Prenez  douze  jaunes  d'œufs,  mettez- 
les  aussi  dans  un  mortier  avec  un  demi-setier  de  crème.  Quand 
le  tout  est  bien  mêlé,  fouettez  les  douze  blancs  à  la  neige^  et  les 
mettez  avec  tout  le  reste.  Frottez  une  poupetonnière  de  beurre, 
mettez-y  dedans  les  œufs,  faites-les  cuire  au  four.  Quand  ils  sont 
cuits^  renversez-les  dans  le  plat  que  vous  devez  servir,  glacez 
avec  du  sucre  et  la  pelle  rouge,  et  s^ry^z. 

Œufs  à  la  sicilienne.  —  Pochez  les  œufs  frais  à  l'eau  bouil- 
lante, un  peu  plus  fermes  que  pour  les  manger  au  jus;  les  ayant 
mis  dans  l'eau  fraîche,  coupez-les  proprement  tout  au  tour  et 
en  long  par  le  milieu,  de  manière  qu'il  y  ait  un  côté  plus  pro- 
fond que  l'autre,  ôtez-en  le  jaune  et  lavez  les  blancs  dans  de 
Teau  tiède;  rem  plissez -les  ensuite  d'une  crème  de  pistaches 
cuites,  trempez  légèrement  dans  l'œuf  battu  la  moindre  moitié 
et  la  collez  sur  l'autre  ;  arrangez-les  dans  le  plat  où  ils  doivent 
être  servis,  le  petit  côté  en  dessous,  et  les  tenez  chaudement. 
Faites  un  sirop  avec  du  vin  de  Champagne,  sucre  et  cannelle. 


756  (EUFS, 

Quand  le  sirop  est  fait,  versez-le  sur  les  œufs  et  y  jetez 
ensuite  de  la  nonpareille,  et  servez  pour  entremets. 

Quand  ces  œufs  sont  remplis  de  crème,  on  peut  les  mettre 
sur  une  tranche  de  biscuit,  faire  cuire  du  sucre  au  caramel,  et 
avec  une  fourchette  trempée  dedans,  faire  sur  les  œufs  de 
petits  filets  de  caramel  en  secouant  la  fourchette  dessus.  On  y 
poudre  ensuite  de  la  nonpareille,  on  les  dresse  dans  un  plat,  et 
on  sert  à  sec  pour  entremets. 

Œufs  à  la  régence,  —  Coupez  en  petits  dés,  gros  comme 
deux  doigts  de  petit  lard;  à  défaut  de  petit  lard  faites  suer  du 
jambon  dans  une  casserole,  mettez-y  de  petits  carrés  d'oignons  et 
de  champignons  de  la  grosseur  du  petit  lard  coupé  ;  mouillez 
cela  d'une  cuillerée  de  bon  jus  pour  les  faire  cuire;  étant  cuits, 
liez  cette  sauce  avec  une  essence  de  jambon;  cassez  huit  œufs 
frais  dans  le  plat  où  vous  aurez  mis  du  lard  fondu  auparavant, 
mettez  le  plat  sur  le  fourneau  avec  un  peu  de  feu  dessous.  Faites 
chauffer  d'autre  lard  fondu  bien  chaud,  que  vous  jetterez  sur  les 
œufs,  réitérez  plusieurs  fois  jusqu'à  ce  que  les  œufs  soient  cuits 
dessus  et  dessous;  étant  cuits,  égouttez  tout  le  lard  fondu,  essuyez 
proprement  le  plat,  jetez  la  sauce  dessus.  Mettez  un  filet  de 
vinaigre  qui  pique,  servez  pour  entremets. 

Tourte  d*œufs,  —  Faites  durcir  une  douzaine  d'œufs;  étant 
durs ,  pelez-les  et  les  mettez  dans  de  Teau  fraîche,  retirez-les  et 
les  mettez  essuyer  entre  deux  linges.  Coupez-les  par  la  moitié 
et  en  ôtez  les  jaunes.  Prenez  les  blancs  et  les  mettez  sur  une  table 
avec  un  peu  de  persil,  hachez-les  bien  ensemble.  Foncez  une 
tourtière  d'une  abaisse  de  pâte  feuilletée.  Mettez  au  fond  un  peu 
de  beurre  frais,  arrangez -y  les  jaunes  d'œufs  et  y  mettez  de 
récorce  de  citron  vert  confite  hachée  entre  deux.  Mettez-y  par- 
dessus les  blancs  d'œufs  hachés;  assaisonnez  d'un  peu  de  sel, 
mettez  du  sucre  en  poudre  dessus  à  proportion  de  ce  qu'il  en 
faut,  et  du  beurre  frais.  Couvrez  la  tourte  d'une  abaisse  de  feuil- 
letage. Faites  un  bord  autour,  dorez-la  d'un  œuf  battu  et  la 
mettez  cuire;  dressez-la  dans  un  plat,  et  la  servez  chaudement. 

Œufs  en  rocher.  —  Faites  un  sirop  de  sucre  et  de  vin 
blanc;  mettez-y  des  jaunes  d'œufs  autant  que  vous  souhaiterez 
en  accommoder  ainsi;  laissez-les  cuire  jusqu  a  ce  qu'ils  quittent  le 


ŒUFS. 


757 


poêlon.  Étant  cuits,  mettez-y  un  peu  d'eau  de  fleurs  d  oranger, 
un  jus  de  citron  ;  passez-les  à  Tëtamine  sur  un  plat,  et  les  servez 
en  rocher,  avec  des  morceaux  d'écorce  de  citron  conlite. 

Œufs  en  toute  saison.  —  Ayez  quelques  ris  de  veau  blan- 
chis, des  foies  gras,  des  truffes  vertes,  des  crêtes  à  moitié  cuites, 
des  petits  champignons,  un  demi-quarteron  de  pistaches  des  plus 
belles;  passez  le  tout  ensemble  dans  une  casserole  avec  lard 
fondu;  étant  passé,  mouillez-le  de  jus  de  veau  et  le  laissez 
mitonner  trois  quarts  d'heure;  étant  cuit,  liez-le  dans  une  essence 
de  jambon  pour  faire  de  petits  œufs;  faites  durcir  une  douzaine 
d'œufs  frais  ;  quand  ils  sont  durs,  pressez  les  jaunes  et  les  pilez 
dans  un  mortier,  et  les  assaisonnez  de  sel,  poivre,  muscade  et 
blanc  de  ciboules  hachés,  un  peu  de  lait  et  de  crème  douce,  de 
la  mie  de  pain  bien  blanche  ;  pilez  bien  le  tout  ensemble,  formez 
vos  petits  œufs  en  les  roulant  dans  la  main,  de  différentes  gros- 
seurs, et  les  mettez  cuire  dans  un  bon  assaisonnement  ou  dans 
de  l'eau  bouillante.  Lorsqu'ils  sont  cuits,  mettez-les  égoutter 
dans  une  passoire  ou  sur  un  tamis,  vous  les  rangerez  dans  un 
plat  et  jeterez  votre  ragoût  dessus. 

Œufs  à  V huile  au  vert.  —  Pochez  des  œufs  à  l'huile  les 
uns  après  les  autres.  Étant  frits,  dressez-les  dans  leur  plat;  ayez 
une  sauce  verte  au  persil,  jetez  dessus  et  servez.  On  en  fait  de 
verts  qu'on  poche  dans  une  eau  verte  faite  exprès,  et  une  sauce 
blanche  à  la  crème  dessous,  et  l'on  sert. 

Œufs  au  soleil.  —  Faites  frire  huit  œufs  au  saindoux, 
faites  ensuite  une  pâte  à  beignets,  mettez-y  du  petit  lard  coupé 
en  dés  à  demi-passés  ;  trempez  les  œufs  dans  cette  pâte  ;  prenez 
du  lard  avec  les  œufs  et  les  faites  frire  de  belle  couleur,  et  servez 
avec  persil  frit. 

Œufs  au  fromage  fondu.  —  Mettez  un  'plat  sur  un  four- 
neau de  feu  modéré,  où  il  y  aura  une  demi-livre  de  fromage  de 
Gruyère  râpé,  un  demi-verre  de  vin  de  Champagne,  persil, 
ciboule,  gros  poivre,  un  peu  de  muscade,  du  bon  beurre; 
remuez  le  tout  ensemble  sur  le  feu.  Quand  le  fromage  est  fondu, 
mettez-y  trois  œufs  ;  quand  les  œufs  sont  cuits,  faites  un  cordon 
de  mouillettes  de  pain  ;  passez  au  beurre  et  servez. 

Œufs  en  panade.  —  Prenez  des  mies  de  pain,  arrondissez- 


75»  OIE. 

les  de  la  grandeur  d'un  liard  ;  faites-en  une  trentaine,  passez-les 
sur  le  feu  avec  du  bon  beurre,  mettez  dans  une  casserole  quinze 
œufs,  les  croûtons  de  pain,  persil,  ciboules,  deux  cuillerées  de 
bonne  crème,  des  petits  morceaux  de  beurre,  sel,  gros  poivre. 
Battez  vos  œufs,  faites>en  une  omelette  avec  de  bon  beurre; 
quand  elle  est  cuite,  roulez-la  dans  le  plat  et  la  servez. 

OIE.  —  Les  oies  furent  longtemps  sacrées  à  Rome,  parce 
que,  pendant  que  les  chiens  dormaient,  une  oie,  qui  était  restée 
éveillée,  l'histoire  ne  dit  pas  pourquoi,  entendit  le  bruit  que  fai- 
saient les  Gaulois  en  escaladant  le  Capitole.  Elle  réveilla  ses 
amies,  qui,  tout  effarées,  se  mirent  à  crier  si  haut  et  si  bien,  qu'à 
leur  tour  elles  éveillèrent  Manlius.  Lafosse,  qui  a  fait  une  tragé- 
die du  Capitole  sauvé,  a  eu  l'ingratitude  de  ne  pas  dire  un  mot 
des  oies  dans  les  deux  mille  alexandrins  qui  composent  cette 
tragédie. 

Qui  n'a  pas  vu  et  entendu  Talma  dire  ces  deux  vers  : 

C'est  moi  qui ,  détruisant  leur  attente  frivole , 
Renversai  les  Gaulois  du  haut  du  Capitole , 

n'a  point  idée  des  hauteurs  où  peut  tonner  la  parole  d'un 
tragédien. 

Mais  au  moment  où  Jules  César  eut  conquis  les  Gaules,  on 
commença  de  manger  des  oies  dans  l'armée  romaine,  à  l'exemple 
des  Gaulois,  qui  n'avaient  aucune  raison  de  respecter  les  alliés  de 
Manlius,  cause  de  leur  défaite. 

Bientôt  le  bruit  se  répandit,  même  à  Rome,  que  les  oies  de 
Picardie  étaient  un  délicieux  manger,  et  Ton  vit  dès  lors  le  Picard, 
né  naturellement  commerçant,  conduire  pédestrement  à  Rome 
des  troupeaux  d'oies  qui  dévoraient  tout  sur  leur  route. 

Les  anciens  Égyptiens  regardaient  Toie  comme  un  mets  des 
plus  délicats.  Le  roi  de  Lycie,  Rhadamante,  leur  portait  tant 
d'estime,  qu'il  ordonna  que  partout,  dans  ses  États,  on  cessât  de 
jurer  par  les  dieux,  pour  jurer  par  les  oies.  C'était  aussi  le  ser- 
ment habituel  en  Angleterre,  lorsque  Jules  César  en  fit  la 
conquête. 

C'est  un  consul    romain,  nommé    Métellus  Scipion,  qui 


OIÊ. 


759 


inventa,  selon  Pline,  Tart  d'engraisser  les  oies  et  de  rendre  leur 
foie  délicat. 

Le  médecin  Jules  César  Scaliger,  célèbre  érudit,  a  pour 
les  oies  une  tendresse  toute  particulière  :  il  les  admire  non-seu- 
lement au  physique,  mais  encore  au  moral. 

Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  copier  ce  qu'il  dit 
de  loie  : 

«  L'oie,  dit-il,  est  le  plus  bel  emblème  de  la  prudence;  les 
oies  baissent  la  tête  pour  passer  sous  un  pont,  si  élevées  que 
soient  ses  arches;  elles  sont  pudiques  et  raisonnables  à  ce  point, 
qu'elles  se  purgent  elles-mêmes  sans  médecin  lorsqu'elles  sont 
malades. 

«  Elles  sont  si  prévoyantes  que,  lorsqu'elles  passent  sur  le 
montTaurus,  qui  est  rempli  d'aigles,  elles  ont  soin,  connaissant 
leur  humeur  bavarde,  de  prendre  chacune  une  pierre  dans  leur 
bec,  pour  éviter,  en  se  gênant  ainsi,  de  former  des  sons  qui  les 
feraient  découvrir  de  leurs  ennemis.  » 

Les  oies  sont  susceptibles  d'une  certaine  éducation.  Le  chi- 
miste Mémery  a  vu  une  oie  tournant  une  broche  où  rôtissait  un 
dindon.  Elle  tenait  l'extrémité  de  la  broche  par  le  bec,  et  son 
cou,  en  s'allongeant  et  en  se  rétrécissant,  faisait  l'effet  d'un  bras. 
De  temps  en  temps  seulement  on  avait  soin  de  lui  donner  à 
boire. 

Oie  à  la  chipolata.  —  Prenez  un  bel  oison  d'une  graisse  bien 
blanche,  videz-le,  retournez-lui  les  pattes  en  dedans,  flambez-le 
légèrement,  épluchez-le,  bridez-le,  bardez  et  ficelez-le;  foncez 
une  braisière  de  bardes  de  lard,  mettez  dans  le  fond  une  mire- 
poix  et  quelques  débris  de  viande  de  boucherie,  deux  lames  de 
jambon,  les  abatis  de  votre  oison,  un  bouquet  de  persil  et 
ciboules,  trois  carottes  tournées,  deux  ou  trois  oignons,  dont  un 
piqué  de  clous  de  girofle;  une  gousse  d'ail,  du  thym,  du  laurier, 
un  peu  de  basilic  et  du  sel.  Posez  votre  oie  sur  ce  fond,  mouil- 
lez-la avec  un  bon  verre  de  vin  de  Madère,  une  bouteille  de  vin 
blanc,  cognac,  une  cuillerée  à  pot  de  bon  consommé  de  volaille  ; 
mettez-la  sur  le  fourneau,  faites  suer  la  braise  de  votre  oie, 
faites-la  cuire  environ  une  heure,  égouttez-la,  dressez-la  et  mas- 
quez-la avec  une  chipolata,  et  servez,  (V.  Chipolata.) 


760  OIE. 

Oie  rôtie  (de  la  Saint-Martin).  —  Désossez  et  farcissez  une 
belle  oie  grasse  de  Normandie  avec  une  purée  d'oignons  cuits  à 
la  graisse  de  lèchefrite,  ajoutez  à  cette  farce  d'oignons  le  foie  de 
votre  volaille  haché,  douze  chipolates  et  quarante  ou  cinquante 
marrons  grillés  ou  rôtis,  bien  épluchés  et  assaisonnés  de  sel  et  de 
quatre  épices  ;  servez-la  sur  une  longue  et  large  rôtie,  bien 
imbibée  de  son  rôtissage  et  légèrement  assaisonnée  de  gros  poi\Te 
et  de  citron. 

Oison  à  la  broche.  —  Ayez  un  oison  dont  la  graisse  soit  bien 
blanche  et  la  chair  bien  tendre,  supprimez-en  les  ailes,  éplu- 
chez-le, flambez-le,  refaites- lui  les  pattes  et  coupez-lui  les 
ongles,  essuyez-les  avec  un  linge  blanc,  bridez  votre  oison,  lais- 
sez-lui les  pattes  en  long,  mettez-le  à  la  broche;  faites-le  cuire 
vert,  de  façon  à  ce  que  le  jus  en  sorte  en  le  piquant  ;  citronnez 
autour  et  servez.  (Avec"  le  canard,  jamais  de  cresson.) 

Oie  à  l'anglaise.  —  Préparez  un  oison  comme  ci-dessus, 
hachez-en  le  foie,  épluchez  trois  gros  oignons,  coupez-les  en 
petits  dés,  faites-les  cuire  à  blond  dans  du  beurre,  ajoutez-y  une 
pincée  de  sauge  hachée,  ainsi  que  le  foie  de  l'oison,  du  sel  et  du 
poivre  fin.  Mêlez  bien  le  tout  et  emplissez-en  Toie;  cousez-la, 
embrochez-la  et  faites-la  cuire  comme  ci-dessus  et  servez-la  avec 
un  jus  de  viande. 

M.  Vuillemot  fait  judicieusement  observer  que  les  viandes 
creuses  doivent  être  citronnées  sortant  de  la  broche. 

Oie  à  la  choucroute.  —  Vous  faites  cuire  une  oie  à  la 
broche,  vous  lavez  la  quantité  de  choucroute  nécessaire,  que  vous 
faites  cuire  dans  une  casserole  avec  des  tranches  de  petit  lard, 
du  cervelas  et  dés  saucisses,  mouillez  avec  du  bouillon  et  la 
graisse  de  Foie;  faites  cuire  à  petit  feu  pendant  deux  heures, 
dressez  la  choucroute  bien  égouttée  autour  de  l'oie  avec  les  sau- 
cisses et  le  cervelas  dépouillé  de  sa  peau  et  coupé  par  lames,  et 
glacez  avec  une  glace  de  viande. 

Q4iles  et  cuisses  d'oie  à  la  façon  de  Bayonne.  —  Levez  les 
ailes  et  les  cuisses  de  plusieurs  oies^  désossez  ces  cuisses,  frot- 
tez-les, ainsi  que  les  ailes,  de  sel  mêlé  avec  15  grammes  de  sal- 
pêtre pilé.  Rangez  toutes  vos  ailes  et  vos  cuisses  dans  une  terrine. 
Interposez  laurier,  thym,  basilic,  couvrez-les  d'un  linge  blanc. 


^■■11 


OIGNON.  761 


macérez-les  vingt- quatre  heures  dans  leur  assaisonnement,  reti- 
rez-les, laissez-les  égoutter,  dégraissez  entièrement,  faites-les 
cuire  à  un  feu  modéré.  Lorsque  vos  membres  sont  cuits,  vous  les 
égouttez,  les  laissez  refroidir  et  les  arrangez  aussi  serrés  que  pos- 
sible dans  des  pots  ;  vous  y.  coulez  votre  saindoux  aux  trois  quarts 
refroidi,  et,  au  bout  d'un  jour,  vous  couvrez  hermétiquement  les 
pots  avec  du  papier  ou  du  parchemin  ;  vous  les  mettez  dans  un 
endroit  frais,  mais  non  humide,  et  vous  vous  en  servez  au 
besoin. 

Cuisses  ou  quartiers  d'oie  à  la  lyonnaise.  —  Faites  chauffer 
et  un  peu  frire,  dans  leur  saindoux,  quatre  quartiers  d'oie,  cou- 
pez six  gros  oignons  en  anneaux,  faites-les  frire  dans  une  partie 
du  saindoux,  dans  lequel  auront  chaufté  ces  cuisses  ;  quand  ils 
sont  cuits  et  de  belle  couleur,  égouttez-les,  ainsi  que  les  quar- 
tiers d'oie,  dressez-les,  mettez  vos  oignons  frits  par- dessus  et 
servez  avec  une  sauce  quelconque. 

Cuisses  d'oie  à  la  purée,  —  C'est  une  entrée.  Vous  prépa- 
rez et  faites  chauffer  ces  cuisses  comme  les  précédentes,  puis  vous 
les  dressez  et  les  masquez  d'une  purée  de  pois  verts  ou  de  mar- 
rons que  vous  aurez  finie  avec  un  pain  de  beurre. 

Oie  sauvage,  —  Les  oies  sauvages  s'accommodent  de  la 
même  manière  que  les  albrans,  les  canardeaux  et  les  canards 
sauvages.  On  peut  aussi  en  faire  des  boudins,  des  civets  à  Tan- 
cienne  mode  et  des  escalopes  au  sang. 

Leur  passage  dure  environ  deux  mois,  à  moins  que  l'hiver 
ne  soit  très-doux,  et  dans  ce  cas  elles  prolongent  leur  séjour  jus- 
qu'à trois  mois. 

Q4iguillettes,  d'oie  sauvage.  —  Vous  faites  cuire  trois  oies  à 
la  broche.  Au  moment  de  servir,  vous  levez  en  filets,  vous  faites 
réduire  de  l'espagnole  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  très-épaisse,  et  vous 
y  versez  le  jus  des  oies;  ajoutez  un  peu  de  zeste  de  citron  ou 
d'orange,  et  un  peu  de  gros  poivre  sur  la  sauce  chaude,  non  en 
ébullition. 

Petite  oie,  —  Faites  cuire  en  hochepot. 

Foie  gras,  —  Nous  avons  parlé  des  pâtés  de  foie  gras  à  l'ar- 
ticle Foie,  Nous  y  renvoyons  nos  lecteurs. 

OIGNON. —  Si  pour  bien  parler  d'un  sujet,  il  faut  avoir  ce 


762  OIGNON. 


sujet  SOUS  les  yeux,  c'est  providentiellement  que  j'ai  été  conduit 
à  RoscofFau  moment  où  le  mot  oignon  allait  se  présenter  sous  ma 
plume. 

En  effet,  plus  que  l'ancienne  Egypte,  cette  pointe  de  TArmo- 
rique  donne  à  croire  que,  lors  de  la  guerre  des  dieux  contre 
Jupiter,  les  vaincus,  poursuivis  jusqu'au  bout  du  continent, 
voyant  que  la  terre  leur  manquait  pour  aller  plus  loin,  se  sont 
changés  en  oignons  pour  fuir  la  colère  de  Jupiter;  dans  aucune 
localité  de  la  France,  ce  bulbe,  si  vanté  de  l'antiquité,  que  les 
poètes  ont  chanté,  et  auquel  les  Egyptiens  ont  rendu  les  hon- 
neurs divins,  ne  se  trouve  réuni  en  pareille  quantité. 

Il  y  a  des  années  où  Roscoft  envoie  jusqu'à  trente  ou  qua- 
rante vaisseaux  chargés  d'oignons  en  Angleterre. 

Ce  fut  un  homme  du  pays  qui  eut  le  premier  l'idée  de  feire 
cette  spéculation;  mais,  pour  acclimater  du  premier  coup 
l'oignon  français  en  Angleterre  et  affirmer  sa  supériorité  sur  le 
bulbe  britannique,  il  fallait  un  coup  d'audace  qui  eut  du  reten- 
tissement. 

Ce  Roscovite  vint  un  jour  trouver  M.  Corbière,  auteur  de 
plusieurs  romans  maritimes  et  officier  au  long  cours,  demeurant 
à  Roscoff,  et  lui  demanda  comment  on  disait  en  anglais  : 
L'oignon  anglais  n^est  pas  bon. 

Celui  à  qui  l'on  venait  de  demander  ce  renseignement  répon- 
dit :  The  English  onion  is  not  good. 

—  Soyez  assez  bon  pour  me  mettre  cela  sur  un  papier,  mon- 
sieur, demanda  le  Roscovite. 

M.  Corbière  prit  une  plume  et  écrivit  la  phrase  réclamée. 

Le  Roscovite  remercia. 

Trois  jours  après  on  le  vit  partir  pour  Londres  avec  un  sloop 
chargé  d'oignons. 

Arrivé  dans  la  capitale  de  l'Angleterre,  il  alla  droit  au  mar- 
ché le  plus  fréquenté,  déploya  une  pancarte  sur  laquelle  était 
écrite  en  grosses  lettres  la  maxime  suivante  :  The  English  onion 
is  not  good.  Et  puis,  au-dessous  de  sa  pancarte,  il  amena  une 
petite  charrette  pleine  d'oignons  français. 

On  connaît  les  Anglais  ;  ils  n'étaient  point  hommes  à  sup- 
porter un  pareil   affront.   L'un  d'eux  s'approcha  et  adressa  la 


OIGNON.  763 


parole  au  marchand  étranger;  celui-ci,  qui  ne  savait  pas  un  mot 
d'anglais,  se  contenta  de  répondre  : 

The  English  onion  is  not  good. 

Cette  réponse  exaspéra  l'Anglais;  il  s'approcha  du  Rosco- 
vite  en  étendant  vers  lui  ses  deux  poings. 

Le  Roscovite  ne  savait  pas  ce  que  l'Anglais  voulait  dire, 
mais  voyait  bien  qu'il  était  menacé.  Il  prit  l'Anglais  par  le  coude, 
et,  lui  imprimant  le  mouvement  d'une  toupie,  lui  fit  faire  trois 
tours  sur  lui-même;  au  bout  du  troisième  tour,  l'Anglais  tomba; 
il  se  releva  furieux,  et  revint  sur  son  adversaire,  toujours  en 
garde. 

Le  Roscovite  avait  près  de  six  pieds  ;  il  était  vigoureux 
comme  son  dieu  Teulatès;  il  le  prit  à  bras  le  corps,  l'enleva 
entre  ses  bras,  et  le  jeta  à  plat  ventre. 

C'était  contre  toutes  les  règles  de  la  lutte  ;  il  faut  que  les 
épaules  touchent  la  terre  pour  que  Tun  des  combattants  soit 
déclaré  vaincu. 

Aussi  le  Roscovite  reconnut-il  qu'il  avait  eu  tort. 

—  C^est  vrai,  c'est  vrai,  dit-il,  en  faisant  signe  de  la  tête 
qu'il  s'était  trompé  ;  et  il  se  remit  en  garde,  à  peu  près  comme 
avait  fait  l'Anglais. 

L'Anglais  revint  sur  lui,  et,  cette  fois,  le  marchand  d'oi- 
gnons le  prit  par  le  col  de  sa  chemise  et  par  la  peau  du  ventre, 
le  coucha  doucement  à  terre,  de  manière  à  ce  que  non-seu- 
lement une  épaule,  mais  les  deux  épaules,  touchassent  bien 
carrément  le  sol;  il  répéta  plusieurs  fois  le  mouvement,  en 
redoublant  de  violence  chaque  fois,  jusqu'à  ce  que  l'Anglais  etlt 
crié  : 

Assez!  assez! 

Alors  les  cris,  les  hourras,  les  bravos  éclatèrent;  les  Anglais 
sont,  sous  le  rapport  de  la  force,  les  plus  justes  appréciateurs  du 
mérite  qu'il  y  ait  au  monde;  ils  voulurent  porter  le  marchand 
d'oignons  en  triomphe. 

^  —  Non  pas  !  non  pas  !  s'écria  celui-ci  en  se  mettant  en 
défense,  pendant  que  vous  me  porteriez  en  triomphe,  vous  me 
voleriez  mes  oignons. 

Il  y  avait  du  vrai  dans  ce  que  disait  le  pauvre  diable  ;  aussi 


764  OIGNON. 


lui  acheta-t-on  le  même  jour  tous  ses  oignons,  et  le  soir  fut-il 
tout  entier  employé  à  le  porter  en  triomphe, 

A  partir  de  ce  moment,  les  oignons  français  eurent  conquis 
leur  droit  de  bourgeoisie  en  Angleterre. 

Ragoût  d'oignons.  —  Faites  cuire  des  oignons  sous  la  braise, 
dans  des  cendres  chaudes;  quand  ils  sont  cuits,  pelez-les  propre- 
ment, mettez-les  dans  une  casserole  et  les  mouillez  d'un  coulis 
clair  de  veau  et  de  jambon,  laissez  mitonner;  quand  ils  sont 
mitonnes,  liez-les  d'un  peu  de  coulis.  Vous  pouvez  y  mettre  un 
peu  de  moutarde,  si  vous  voulez  ;  servez-vous  de  ce  ragoût  pour 
toutes  sortes  d'entrées  aux  oignons. 

Potage  à  r  oignon  Vuillemot.  —  Prenez  quatre  oignons 
blancs,  pelez-les,  coupez  la  queue  et  la  tête  de  l'oignon;  coupez 
en  deux  parties  Toignon,  en  rouelles;  séparez  les  filaments  de 
Toignon,  faites  fondre,  bien  chaud,  du  beurre  dans  une  casse- 
role, faites  revenir  vos  filaments^  que  vous  faites  blondiner  dans 
votre  beurre  ;  singez  légèrement  de  farine  vos  oignons  et  rissolez 
le  tout;  mouillez  au  bouillon  de  haricots  blancs,  de  consommé 
ou  d'eau,  à  défaut  des  deux  autres  objets  ;  assaisonnez  de  sel  et 
de  poivre  fin,  faites  partir  votre  potage  sur  le  feu,  en  ayant  soin 
que  lorsqu'il  blanchira  vous  n'ayez,  sans  le  faire  bouillir^  quk 
verser  le  bouillon  dans  une  soupière  sur  le  pain  destiné  à  cet  effet, 
sur  lequel  doivent  être  couchées  de  petites  lames  de  beurre.  Râpez 
du  fromage  de  Gruyère,  et  servez-le  à  part,  dans  une  soucoupe, 
pour  les  amateurs. 

Soupe  à  Voignon  à  la  Stanislas.  —  Dans  un  de  ses  voyages 
de  Lunéville  à  Versailles,  où  il  allait  tous  les  ans  visiter  la  reine 
sa  fille,  l'ex-roi  de  Pologne,  Stanislas,  s'arrêta  dans  une  auberge 
de  Châlons  où  on  lui  servit  une  soupe  à  l'oignon  si  délicate  et  si 
soignée,  qu'il  ne  voulut  pas  continuer  sa  route  sans  avoir  appris 
à  en  préparer  une  semblable. 

Enveloppé  de  sa  robe  de  chambre,  Sa  Majesté  descendit  à 
la  cuisine  et  voulut  absolument  que  le  chef  opérât  sous  ses  yeux. 
Ni  la  fumée  ni  l'odeur  de  l'oignon,  qui  lui  arrachait  de  grosses 
larmes,  ne  purent  le  distraire  de  son  attention.  Il  observa  tout,  en 
prit  note  et  ne  remonta  en  voiture  qu'après  être  certain  de  pos- 
séder l'art  de  faire  une  excellente  soupe  à  l'oignon. 


OIGNON.  765 


Voici  la  recette  de  la  soupe  à  Toignon  à  la  Stanislas  : 

On  enlève  la  croûte  du  dessus  d'un  pain,  on  la  casse  en  mor- 
ceaux que  Ton  présente  au  feu  des  deux  côtés;  quand  ces  croûtes 
sont  chaudes,  on  les  frotte  de  beurre  frais' et  on  les  présente  de 
nouveau  au  feu  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  un  peu  grillées.  On  les 
pose  alors  sur  une  assiette  tandis  qu'on  fait  feire  les  oignpns  dans 
le  beurre  frais.  On  en  met  ordinairement  10  grammes,  trois  gros, 
coupés  en  petits  dés,  on  les  laisse  ensuite  sur  le  feu  jusqu'à  ce 
qu'ils  soient  devenus  d'un  beau  blond  un  peu  foncé,  teinte  qu'on 
n'obtient  qu'en  les  remuant  presque  continuellement  ;  on  y  ajoute 
ensuite  les  croûtes  en  remuant  toujours  jusqu'à  ce  que  l'oignon 
brunisse.  Quand  il  a  suffisamment  pris  de  la  couleur,  pour  déta- 
cher de  la  casserole,  on  mouille  avec  de  l'eau  bouillante,  on  met 
l'assaisonnement  nécessaire,  puis  on  laisse  mitonner  au  moins  un 
quart  d'heure  avant  de  servir. 

C'est  à  tort  que  l'on  croirait  rendre  cette  soupe  meilleure  en 
la  mouillant  avec  du  bouillon;  cette  addition,  au  contraire,  en  la 
rendant  trop  nutritive,  altérerait. sa  délicatesse. 

Potage  de  santé  aux  oignons.  —  Prenez  chapon  ou  pou- 
larde, poulet  ou  jarret  de  veau ,  lavez-le  dans  cinq  ou  six  eaux 
tièdes,  laissez-le  tremper  et  faites-le  blanchir;  retirez-le  et  le 
mettez  dans  de  l'eau  froide;  essuyez-le  entre  deux  linges,  pliez- 
le  dans  une  barde  de  lard,  ficelez-le  et  le  mettez  cuire  dans  une 
marmite  avec  de  bon  bouillon. 

Pelez  des  oignons  blancs,  la  quantité  qu'il  en  faut  pour  faire 
le  cordon  de  votre  potage,  faites-les  blanchir  et  retirez-les; 
mettez-les  cuire  dans  une  petite  marmite  avec  de  bon  bouillon. 
Mitonnez  des  croûtes  de  bon  bouillon  dans  un  plat,  tirez  votre 
chapon,  ôtez  la  ficelle  et  la  barde,  dressez-le  sur  le  potage;  gar- 
nissez d'une  bordure  d'oignons  dont  vous  ôterez  la  première 
peau,  afin  qu'ils  soient  plus  blancs;  passez  un  peu  de  bouillon 
d'oignons  dans  un  tamis  et  le  jetez  par-dessus  avec  un  jus  de 
veau,  et  servez  chaudement. 

Purée  d'oignons  aux  tanches.  —  Coupez  en  tronçons  deux 
tanches  de  moyenne  grosseur,  mettez-les  dans  une  casserole  avec 
quelques  légumes  émincés,  un  bouquet  de  persil,  un  peu  de  sel, 
une  demi -bouteille  de  vin  blanc  et  3  litres  d'eau;  cuisez  le 


766  OIGNON. 


poisson  pendant  dix  à  douze  minutes,  égouttez*le  ensuite  et 
passez  le  bouillon  au  tamis  ;  émincez  quatre  à  cinq  gros  oignons, 
faites-les  blanchir,  mettez*les  dans  une  casserole  avec  200  gram- 
mes de  beurre,  un  peu  de  sel  et  une  pincée  de  sucre  ;  faites-les 
revenir  en  les  tournant  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  de  couleur  blonde, 
saupoudrez*les  avec  une  petite  poignée  de  farine  et  les  mouillez 
avec  le  bouillon  du  poisson  préparé;  amenez  le  liquide  à  Tébul- 
lition,  retirez-le  sur  le  coté  du  feu,  faites-le  bouillir  pendant 
une  demi-heure,  passez-le,  faites-le  encore  bouillir;  liez  avec 
trois  jaunes  d'œufs  et  lui  mêlez  les  filets  de  tanches  sans  peaux  ni 
arêtes. 

Potage  d'oignons  au  blanc,  en  maigre.  —  Pelez  deux  ou 
trois  douzaines  d'oignons  d'une  moyenne  grosseur,  faites-les 
blanchir  dans  l'eau  bouillante;  tirez-les  ensuite,  et  après  les  avoir 
égouttés,  mettez-les  cuire  dans  une  petite  marmite  avec  du 
bouillon  de  santé.  Faites  un  coulis  blanc^  prenez  deux  onces 
d'amandes  douces,  pelez-les  et  pilez-les  dans  un  mortier  en  les 
arrosant  de  temps  en  temps  avec  du  lait;  ajoutez-y  trois  ou  qua- 
tre jaunes  d'oeufs  durs,  un  peu  de  mie  de  pain  trempée  dans  le 
bouillon;  pilez  bien  le  tout,  passez-le  à  l'étamine  avec  deux  ou 
trois  cuillerées  de  bouillon  de  santé  et  conservez  ce  coulis  chaud 
dans  une  petite  marmite. 

Mitonnez  des  croûtes,  du  bouillon  où  ont  cuit  les  oignons, 
garnissez  le  plat  d'un  cordon  d'oignons;  mettez  un  petit  pain  dans 
le  milieu,  jetez  le  coulis  blanc  par-dessus  et  servez  chaudement. 

Q4utre  potage  d'oignons,  au  gras.  —  Rangez  au  fond  d'une 
marmite  deux  ou  trois  tranches  de  bœuf  un  peu  épaisses,  mettez* 
les  suer  sur  un  fourneau ,  quand  elles  sont  attachées,  mouillez- 
les  de  bouillon  de  mitonnage;  retirez  ensuite  les  tranches  de 
bœuf,  liez-les  en  paquet,  remettez-les  dans  la  marmite  avec 
champignons  entiers,  deux  navets,  un  paquet  de  carottes  et  des 
panais,  et  un  bouquet.  Faites  cuire  tout  cela  ensemble. 

Pelez  de  petits  oignons  blancs  d'égale  grosseur,  faites-les 
blanchir  à  l'eau  bouillante;  faites-les  cuire  ensuite  à  part  dans 
une  petite  marmite  avec  du  bouillon  de  mitonnage  et  un  bou- 
quet où  il  y  ait  un  peu  de  basilic. 

Quand  ils  sont  cuits,  mitonnez  les  croûtes  du  bouillon  ci- 


OIGNON.  767 


dessus  et  les  arrosez  d'un  peu  de  bouillon  d  oignons;  faites 
ensuite  un  cordon  d'oignons  autour  du  plat  et  servez  chau- 
dement. 

Totage  au  maigre  à  V oignon,  —  Pelez,  coupez  par  tran- 
ches une  douzaine  d'oignons,  passez-les  dans  une  casserole  avec 
un  morceau  de  beurre  ;  quand  ils  sont  roux,  poudrez-les  d  un 
peu  de  farine  et  les  mouillez  d'une  purée  claire  ou  bien  d'eau; 
assaisonnez  de  sel  et  d'un  peu  de  poivre.  Laissez  bouillir  le  tout 
ensemble  pendant  une  demi-heure.  Quand  les  oignons  sont  cuits, 
mettez-y  une  pointe  de  vinaigre. 

Mitonnez  des  croûtes  ou  des  tranches  de  pain  du  même 
bouillon  ;  jetez  du  bouillon  par-dessus  avec  les  oignons,  et  servez 
chaudement. 

Potage  à  l'oignon^  au  lait.  —  Remarquons  d'abord  que  l'im- 
portant est  d'ajouter  de  la  crème  au  potage  bouillant.  Hachez 
menu  douze  ou  quinze  gros  oignons,  faites-les  revenir  pour  leur 
ôter  leur  amertume  première  dans  de  l'eau  bouillante,  puis  au 
bout  de  quelques  minutes,  mettez-les  dans  la  poêle  avec  un  gros 
morceau  de  beurre  frais  ;  faites  colorer  d'un  beau  roux  ;  si  l'oi- 
gnon restait  seul  avec  le  beurre,  il  roussirait,  noircirait,  mais  ne 
cuirait  pas  ;  si  vous  êtes  sûr  de  votre  lait  et  que  vous  ne  craigniez 
point  qu'il  tourne,  vous  pouvez  le  verser  au  fur  et  à  mesure  que 
l'oignon  roussit;  laissez  bouillir  Toignon  dans  le  lait  pendant  un 
quart  d'heure  et  le  versez  dans  un  tamis  de  crin,  à  travers  lequel 
il  passera  en  l'aidant  avec  le  dos  d'une  cuiller  à  pot.  Lorsqu'il 
est  passé,  laissez  bouillir  un  quart  d'heure  pour  donner  à  l'oignon 
le  temps  de  s'épaissir;  gouttez-le,  salez  et  poivrez;  bien  sucré,  si 
vous  ne  mangez  pas  votre  potage  au  sel  et  au  poivre,  et  versez-le 
sur  des  croûtons  de  pain  que  vous  aurez  fait  rôtir  et  mis  au  fond 

de  leur  soupière. 

Si  vous  craignez  que  votre  lait  ne  tourne,  ce  qui  empêche- 
rait votre  soupe  à  l'oignon  de  réussir,  vous  mettriez  assez  d'eau 
dans  les  oignons  et  le  beurre  pour  que  les  oignons  cuisent  ;  puis, 
lorsqu'ils  sont  cuits,  vous  versez  sur  eux  dans  la  passoire  ou  sur 
le  tamis  votre  lait  bouillant  ;  mieux  vaut  cependant,  s'il  est  pos- 
sible, que  vos  oignons  cuisent  dans  le  lait,  la  soupe  en  est  plus 
onctueuse  et  le  bouillon  plus  sapide. 


^68  OILLE. 

OILLE  (olla  podridd).  —  Potage  ou  ragoût  d'origine  espa- 
gnole. On  distingue  trois  sortes. doilles,  ou  plutôt  trois  variétés 
dans  la  préparation  de  ce  grand  mets. 

i«  L'ancien  potage  à  la  française,  qui  se  trouve  appelé  grand 
ouille,  par  les  cuisiniers  du  temps  de  Louis  XIII,  et  qui  est 
toille  au  pot  des  lettres  de  Mme  de  Maintenon  . 

2°  La  véritable  olla  podrida,  suivant  sa  formule  étrangère. 
C'est  un  mets  tellement  compliqué,  que  les  cuisiniers  français  ne 
mettent  aucun  empressement  à  le  proposer  sur  leurs  menus,  et 
c'est  un  plat  assez  dispendieux  pour  qu'on  ne  le  serve  jamais 
indifféremment  ni  fréquemment.  Il  est  à  savoir  que,  chez  les 
ambassadeurs  d'Espagne,  ce  ragoût  fait  partie  de  la  représenta- 
tion diplomatique  et  du  cérémonial  officiel.  Il  paraît  que  c'est  un 
protocole  obligé  pour  le  dîner  d'un  grand  d'Espagne  ou  d'un 
titulado  de  Castille. 

3*  Voille  moderne  à  la  française.  Excellent  plat  de  relevé, 
mais  dont  la  somptuosité  n'a  rien  d'effrayant  ni  d'inac- 
cessible. 

Oille  en  potage  à  Vancienne  mode.  —  Ayez  une  poularde 
et  deux  beaux  pigeons,  parez-les,  videz-les  et  remplissez-les 
d'une  farce  composée  de  mie  de  pain  trempée  dans  du  bouillon 
réduit  où  vous  aurez  délayé  huit  jaunes  d'oeufs,  et  puis  d'un 
oignon  blanc  cuit  sous  la  cendre  et  de  trois  fonds  d'artichauts 
hachés;  assaisonnez  cette  farce  de  quelques  feuilles  de  cerfeuil  et 
d'une  pincée  de  muscade  en  poudre;  cousez  le  ventre  des  volailles 
afin  qu'elles  ne  se  vident  pas  de  la  farce  dont  elles  sont  remplies, 
ficelez  les  membres  et  placez-les  dans  une  marmite  de  terre  au 
fond  de  laquelle  vous  aurez  mis  sept  ou  huit  livres  de  grand 
bœuf.  Coupez  par  tranches  un  peu  minces  un  jarret  de  veau  de 
Pontoise  en  quatre  morceaux,  trois  oignons,  un  panais^  deux 
carottes  et  autant  de  navets,  deux  poireaux  blancs  ficelés  avec 
des  tiges  de  pourpier,  d'arroche  et  de  belle  poirée;  faites  d'abord 
chauffer  le  dessous  sur  un  grand  feu  de  charbon,  puis  mettez  la 
marmite  devant  un  feu  plus  modéré  et  laissez-la  se  consommer 
doucement.  Au  bout  de  cinq  heures  de  cuisson,  vous  coupez  des 
croûtes  du  dessus  d'un  pain  très-tendre  ;  vous  les  arrangez  dans 
un  pot  à  oille  ou  autre  plat  d'argent,  vous  les  mouillez  dudit 


OILLE  769 

bouillon  et  faites  mitonner  jusqu'à  ce  que  le  fond  s'attache  au 
plat;  vous  dressez  sur  le  pain  gratiné  la  poularde  escortée  des 
deux  pigeons  seulement,  vous  les  déficelez,  en  retirez  les  fils  de 
couture,  tamisez  le  surplus  du  bouillon  pour  le  dégraisser  et  le 
versez  sur  votre  oille. 

Olla  podrida.  —  Vous  vous  procurez  des  chiro^os  et  des 
garbansos  '^  vous  prenez  ensuite  dix  livres  de  pointe  de  culotte  de 
bœuf;  vous  parez  et  ficelez  proprement  cette  grosse  pièce;  après 
l'avoir  coupée  carrément,  vous  Tempotez  dans  une  marmite  avec 
six  pintes  de  bon  bouillon,  et  vous  y  joignez  un  carré  de  mou- 
ton entier,  trois  livres  de  tendrons  de  veau,  une  forte  rouelle  de 
jambon  dessalé  d'avance,  un  poulet  normand,  deux  pigeons,  un 
canard,  deux  vieilles  perdix,  deux  cailles,  une  livre  de  petit  lard, 
huit  chirozos  et  deux  livres  de  garbansos  que  vous  aurez  fait  trem- 
per vingt-quatre  heures  dans  l'eau  chaude,  en  la  renouvelant, 
afin  d'attendrir  ces  farineux;  vous  mettez  et  ficelez  dans  un  petit 
linge  fin  trois  piments,  six  clous  de  girofle,  une  pincée  de  brou 
et  macis  et  un  morceau  de  muscade,  et  vous  mettez  ce  linge  dans 
votre  appareil  et  laissez  cuire,  ou  laissez  podrir  Voila,  pour  vous 
occuper  de  la  préparation  de  vos  légumes. 

Ayez  quatre  laitues  pommées,  vingt  carottes,  autant  de 
navets,  que  vous  couperez  et  tournerez  aussi  également  que  pos- 
sible, faites-les  blanchir  et  mouillôz-les  avec  le  dégraissis  de 
votre  olla,  laissez  bouillir  le  tout  et  préparez  d'un  autre  côté 
douze  fonds  d'artichauts  bien  nettoyés  et  faites  cuire  avec  vingt- 
quatre  petits  oignons,  bien  pelés  dans  un  autre  vase,  en  ajoutant 
un  demi-setier  de  votre  bouillon  de  l'oUa  et  un  peu  de  sucre. 
Prenez  ensuite  un  demi-litre  de  haricots  verts  coupés  en  losanges, 
de  petites  fèves  de  marais,  de  filets  de  concombres,  de  pointes 
d'asperges  et  de  petits  pois  verts,  que  vous  ferez  étuver  avec  le 
bouillon  de  ToUa,  et  vous  ferez  cuire  chaque  légume  en  particu- 
lier dans  une  petite  casserole. 

Le  tout  cuit  à  point  et  soigneusement  préparé,  vous  égouttez 
vos  viandes  et  vos  légumes,  en  ayant  soin  de  les  couvrir  pour  les 

I.  On  en  trouve  toujours  à  THôcel  des  Américains  ou  chez  Corcelet, 
au  Palais-Royal;  qui  les  fait  venir  des  frontières  d'Espagne. 

49 


^o  OISEAUX. 


tenir  chaudement;  passez  le  bouillon  de  votre  marmite;  dégrais- 
sez-le, clarifiez-le  avec  des  blancs  d'oeufs,  passez-le  à  la  serviene 
fine  et  tenez-le  bouillant  sur  un  coin  du  fourneau. 

Vous  placez  alors  vos  choux  et  vos  laitues  sur  un  grand  plat 
dans  Tordre  suivant  :  un  quartier  de  chou,  une  carotte,  une  lai- 
tue, un  navet,  et  ainsi  de  suite,  toujours  en  alternant  jusqu'à  ce 
que  vous  ayez  formé  une  espèce  de  couronne  autour  de  votre 
plat,  et  c'est  dans  le  puits  du  milieu  que  vous  mettrez  alors  les 
garbansos.  Dressez  vos  viandes  au-dessus  et  faites  avec  les  fonds 
d'artichauts  et  les  oignons  un  second  cordon  qui  devra  couvrir  le 
premier.  Glacez  tout,  viandes  et  légumes,  avec  un  coulis  fait  de 
votre  bouillon  réduit,  et  servez  le  consommé  de  l'olla  dans  un 
vaste  bol  de  porcelaine,  à  proximité  de  votre  plat. 

Oille  à  la  française,  —  Vous  faites  cuire,  ainsi  qu'il  est  indi- 
qué ci-dessus,  un  chapon,  deux  filets  de  moutons  de  pré-salé, 
deux  perdrix  et  deux  cervelas;  ajoutez  en  fait  de  légumes  un 
choux  de  milan  coupé  par  moitié,  deux  pieds  de  céleri,  six  petits 
oignons,  deux  carottes  coupées  et  deux  panais;  faites  cuire  une 
heure  et  ajoutez-y  un  litre  et  demi  de  garbansos  ;  finissez  ToUa 
en  y  mêlant  une  forte  pincée  de  quatre  épices  délayée  dans  une 
demi-bouteille  de  vin  de  Xérès  ou  de  Pacaret,  avec  un  peu  de 
piment  de  Cayenne  et  de  poudre  de  Kari;  vous  dressez  les  viandes 
en  dôme  au  milieu  des  légumes,  et  vous  servez  également  le  con- 
sommé de  l'oille  à  proximité  du  plat. 

Oille  gratinée  à  la  navarraise,  —  Vous  mettez  dans  un 
poêlon  une  éclanche  de  mouton,  deux  pigeons,  trois  cervelas,  un 
kilo  de  petit  lard  et  deux  quartiers  d'oies  confits  à  la  graisse; 
ajoutez  comme  légumes  un  chou  coupé  en  quatre,  une  botte  de 
poireaux,  une  gousse  d'ail,  un  piment  rouge  et  deux  litres  de 
garbansos  ;  faites  cuire  le  tout  dans  une  forte  quantité  d'eau  que 
vous  laissez  réduire  d'un  tiers,  vous  en  mouillez  des  tranches  de 
pain  bien  minces  et  vous  les  faites  gratiner  sur  des  cendres  rouges, 
puis  vous  l'arrosez  avec  le  bouillon  suffisamment  réduit. 

Utilisez  à  votre  gré  le  surplus  de  l'oille. 

OISEAUX  (Petits).  —  Nous  avons  indiqué  à  leur  article 
particulier  les  différents  genres  de  petits  oiseaux  et  les  diverses 
manières  de  les  apprêter  et  de  les  manger.  Nous  rappellerons 


OLIVES.  771 

seulement  ici  qu'on  les  enveloppe  généralement,  après  les  avoir 
bien  nettoyés,  avec  des  lames  de  tétine  ou  des  bardes  de  lard,  et 
qu'on  les  enfile  au  nombre  de  huit  ou  dix  dans  des  petits  hàtelets  ; 
on  les  fait  cuire  à  la  broche  et  on  en  garnit  les  plats  de  gibier 
rôti,  soit  en  les  défilant  pour  en  former  une  ceinture  autour  du 
plat,  soit  en  piquant  ces  hàtelets  dans  la  grosse  pièce  en  forme  de 
hérisson. 

On  peut  aussi  les  griller  en  caisse  sur  un  gratin  de  farce  à 
quenelles  ou  les  sauter  dans  de  la  moelle  avec  des  fines  herbes, 
du  jus  de  bigarade  et  de  la  chapelure  de  pain  bis. 

OLIVES.  —  Telles  qu'on  les  cueille  sur  l'arbre,  les  olives 
sont  d'une  acreté  et  d'un  goût  désagréable,  même  à  l'époque  de 
leur  maturité  complète;  il  est  donc  nécessaire  de  les  conserver 
dans  l'huile  et  la  saumure  pour  leur  faire  perdre  cette  amertume 
naturelle  et  les  faire  devenir  un  aliment  agréable,  en  ne  leur 
conservant  qu'une  légère  âcreté  adoucie  par  le  mélange  naturel 
de  leur  huile  et  par  l'effet  de  la  saumure. 

Les  Grecs,  qui  attribuaient  à  l'olivier  une  origine  divine,  le 
vénéraient  tellement  que  pendant  longtemps  ils  n'employèrent 
que  des  femmes  vierges  et  des  hommes  purs  pour  la  culture  de 
cet  arbrisseau;  ils  exigeaient  aussi  un  serment  de  chasteté  de 
ceux  qui  étaient  chargés  de  faire  la  récolte. 

Les  olives  ajoutées  à  des  ragoûts  et  qui,  par  cela  même  ont 
subi  une  cuisson  plus  ou  moins  avancée,  sont  toujours  meilleures 
et  plus  digestibles  que  crues. 

Ragoût  d'olives.  —  Vous  passez  un  peu  de  persil  et  de 
ciboule  hachés  dans  du  beurre,  vous  y  ajoutez  deux  cuillerées  de 
jus  ou  de  cuisson  d'une  braise,  ou  bien  encore  de  bouillon  réduit 
à  moitié  et  un  verre  de  vin  blanc,  des  câpres,  un  anchois  et  des 
olives  tournées;  joignez-y  encore  un  peu  d'huile  d'olives,  un  bou- 
quet de  fines  herbes;  faites  jeter  un  bouillon  et  liez  la  sauce  avec 
purée  de  marrons. 

Le  ragoût  d'olives  ne  s'appliquant  qu'aux  viandes  crues 
telles  que  le  canard,  vous  n'avez  qu'à  tourner  quelques  olives, 
les  blanchir  à  l'eau,  les  jeter  dans  une  espagnole  réduite  avec  le 
fond  du  canard  ;  liez  le  tout  avec  une  cuiller  à  bouche  d'une 
bonne  huile  d'olive,  un  jus  de  citron,  et  servez.  Cette  simplicité, 


77^ 


OMELETTE. 


croyez-en  mon  expérience,  vaut  mieux  que  tous  les  condiments 
que  la  fausse  science  peut  donner.  —  Vuillemot. 

Ragoût  d'olives  à  la  Maillebois.  —  Vous  mettez  à  la  place 
du  noyau  des  belles  olives  d'Espagne  ou  de  Provence  que  vous 
avez  tournées,  une  petite  quenelle  de  farce  maigre.  Vous  faites 
cuire  cette  composition  dans  un  jus  de  racines  où  vous  ajouterez 
du  coulis  de  poisson  avec  un  demi-verre  de  vin  de  Madère  et 
deux  cuillerées  de  fine  huile  verte  au  moment  de  servir;  ce 
ragoût  peut  servir  de  garniture  à  certaines  gibelottes  de  viandes 
noires  ou  pour  foncer  des  plats  qui  doivent  contenir  des  oiseaux 
maigres  en  entrée  de  broche, 

OMELETTE. 

Omelette  aux  fines  herbes.  —  Cassez  des  œufs  dans  un  sala- 
dier, battez-les  avec  un  fouet  d'osier,  mettez-y  du  persil,  de  l'es- 
tragon, des  appétits;  battez-les  jusqu'à  ce  que  blanc  et  jaune 
soient  parfaitement  mêlés  ;  versez  dans  le  mélange  un  demi-verre 
de  crème  et  rebattez  de  nouveau  ;  puis  quand  votre  beurre  com- 
mence à  pétiller  dans  la  poêle ,  versez-les  dans  le  beurre  ;  les  œufs 
s'étendront  en  moussant  dans  toute  la  circonférence  de  la  poêle; 
alors,  avec  une  fourchette,  vous  ramènerez  sans  cesse  la  circonr- 
férence  au  centre,  en  ayant  soin  que  l'omelette  reste  liquide  et 
que  la  chair  ne  s'en  épaississe  point.  Vous  aurez  un  plat  beurré 
de  beurre  aussi  frais  que  possible,  sur  lequel  vous  aurez  semé  des 
fines  herbes  nouvelles  et  fraîches  ;  versez  votre  omelette  dans  ce 
plat  et  servez-la  baveuse. 

Excusez  le  mot,  mais  chaque  art  a  sa  langue  qu'il  faut  parler 
pour  se  faire  comprendre  des  adeptes. 

Omelette  au  sucre, —  Fouettez  des  œufs,  mettez-y  de  Pécorce 
de  citron  hachée  menu,  un  peu  de  crème,  du  lait  et  du  sel;  le 
tout  bien  battu,  faites  l'omelette  avec  de  bon  beurre  frais;  avant 
de  la  verser  sur  le  plat,  sucrez-là;  quand  vous  l'avez  mise  sur 
l'assiette,  ayez  un  fer  rouge,  saupoudrez  de  sucre  votre  omelette, 
glacez-la,  et  servez-la  chaudement. 

Omelette  de  champignons  à  la  crème,  —  Faites  un  ragoût 
de  champignons  coupés  en  dés;  battez  ensuite  des  œufs  avec  du 
persil  et  sel;  brouillez  des  champignons  avec  les  œufs,  puis 
faites  l'omelette  à  l'ordinaire;   liez  le  ragoût  de  champignons 


OMELETTE. 


773 


avec  trois  jaunes  d'œufs  et  de  la  crème,  et  servez  sur  Tomelette. 

On  peut  faire  de  semblables  omelettes  aux  mousserons  et 
morilles  à  la  crème,  aux  petits  pois  à  la  crème,  aux  pointes  d'as- 
perges à  la  crème,  aux  fonds  d'artichauts,  apprêtés  de  même. 

On  fait  encore  des  omelettes  aux  truffes  blanches,  à  la 
crème,  aux  truffes  noires,  aux  épinards  et  à  Toseille. 

Omelette  au  thon  de  Brillât-Savarin,  —  Prenez  pour  six 
personnes,  deux  laitances  de  carpe  bien  lavées  que  vous  ïeret 
blanchir  en  les  plongeant  pendant  cinq  minutes  dans  Teau  déjà 
bouillante  et  légèrement  salée. 

Ayez  pareillement  gros  comme  un  œuf  de  poule  de  thon 
nouveau,  auquel  vous  joindrez  une  petite  échalote  déjà  coupée 
en  atomes. 

Hachez  ensemble  des  laitances  et  le  thon ,  de  manière  à  les 
bien  mêler,  et  jetez  le  tout  dans  une  casserole  avec  un  morceau 
suffisant  de  très-bon  beurre,  pour  Ty  sauter  jusqu'à  ce  que  le 
beurre  soit  fondu. 

C'est  là  ce  qui  constitue  la  spécialité  de  l'omelette. 

Prenez  encore  un  second  morceau  de  beurre  à  discrétion, 
mariez- le  avec  du  persil  et  de  la  ciboulette,  mettez-le  dans  un 
plat  pisciforme  destiné  à  recevoir  l'omelette;  arrosez-le  d'un  jus 
de  citron  et  posez-le  sur  la  cendre  chaude. 

Battez  ensuite  douze  œufs  (les  plus  frais  sont  les  meilleurs); 
le  sauté  de  laitance  et  de  thon  y  sera  versé  et  agité  de  manière 
que  le  mélange  soit  bien  fait. 

Confectionnez  ensuite  l'omelette  à  la  manière  ordinaire  et 
tâchez  qu'elle  soit  allongée,  épaisse  et  mollette.  Etalez-la  avec 
adresse  sur  le  plat  que  vous  avez  préparé  pour  la  recevoir,  et 
servez  pour  être  mangée  de  suite. 

Ce  mets  doit  être  réservé  pour  les  déjeuners  fins,  pour  les 
réunions  d'amateurs  où  l'on  sait  ce  que  l'on  fait  et  où  l'on  mange 
posément;  qu'on  l'arrose  surtout  de  bon  vin  vieux,  et  on  verra 
merveilles. 

Omelette  arabe.  —  J'ai  dit  que  ma  première  préoccupation 
en  écrivant  ce  livre,  était  de  faire  la  cuisine  des  peuples  qui 
n'en  avaient  point.  Voici  par  exemple  une  recette  que  m'a  bien 
voulu  donner  le  cuisinier  du  Bey. 


774 


OMELETTE. 


Les  œufs  d'autruches  et  de  flamands  pleins  et  à  Tétat  de 
fraîcheur,  se  trouvent  maintenant  à  peu  près  partout,  grâce 
aux  sociétés  d'acclimatation  qui  se  sont  fondées  même  dans  les 
villes  secondaires.  Ainsi  l'œuf  d'autruche  se  vend  aujourd'hui 
I  franc,  et  contient  à  peu  près  la  valeur  de  dix  œufs  de  poule. 

Voici  comment  se  fait  l'omelette  arabe. 

Émincer  un  oignon  frais,  le  mettre  dans  une  poêle  avec  un 
demi-verre  d'huile  d'olive,  le  feire  revenir  sans  le  colorer,  mais 
lui  adjoindre  les  chairs  de  deux  gros  poivrons  doux,  après  les 
avoir  fait  griller  quelques  minutes  pour  en  retirer  la  peau,  ajou- 
tez deux  bonnes  tomates  pelées,  égrenées  et  coupées  en  petits 
morceaux;  assaisonnez  ce  premier  appareil  avec  un  peu  de  sel,  une 
pointe  de  cayenne,  faire  réduire  l'humidité  des  tomates,  retirer 
la  poêle  du  feu  et  adjoindre  à  ce  qu'elle  contient  les  filets  de 
quatre  anchois. 

D'autre  part,  frottez  le  fond  d'une  terrine  avec  une  gousse 
d'ail ,  percez  un  œuf  d'autruche  ou  de  flamand  par  les  deux 
bouts,  afin  d'en  faire  sortir,  en  soufflant,  le  jaune  et  le  blanc,  en 
les  faisant  tomber  dans  la  terrine  ;  les  assaisonner  et  les  battre 
avec  un  fouet;  verser  le  quart  d'un  verre  d'huile  dans  une  poêle 
à  omelette  ;  quand  elle  est  bien  chaude,  verser  les  œufs  dans  la 
poêle  ;  lier  l'omelette  et  lui  adjoindre  l'appareil  préparé  ;  la 
retourner  en  la  laissant  plate,  l'arroser  encore  avec  un  peu 
d'huile,  et  deux  secondes  après  la  glisser  sur  un  plat  rond. 

Omelette  aux  tomates  à  la  provençale.  —  Procurez-vous  trois 
ou  quatre  bonnes  tomates  bien  mûres  et  à  chair  ferme;  coupez- 
les  en  carrés  ;  mettez  dans  une  cassserole  mince  deux  cuillerées 
à  bouche  d'oignons  hachés  fins,  faites-les  revenir  avec  de  l'huile 
et  du  beurre,  et  quand  ils  sont  de  couleur  blonde,  adjoignez  les 
tomates  ;  faites  cuire  celles-ci  à  un  feu  vif,  de  façon  à  en  réduire 
l'humidité;  assaisonnez-les,  et,  en  dernier  lieu,  mêlez-leur  une 
cuillerée  à  bouche  de  persil  haché  avec  une  pointe  d'ail  ;  cassez 
huit  ou  dix  œufs  dans  une  terrine,  assaisonnez -les  et  fouet- 
tez-les. 

Faites  chauffer  de  l'huile  dans  une  petite  poêle  à  orrelette, 
versez  les  œufs  battus  dans  cette  poêle,  tournez-les  avec  une 
cuiller,   assemblez    la  masse  en  la  ramenant  sur  le  côté  de  la 


OMELETTE. 


?75 


poêle  opposé  au  manche  de  celle-ci,  étalez  alors  les  tomates 
cuites  sur  le  centre  de  Tomelette,  et  roulez  celle-ci  en  porte- 
manteau en  fermant  les  issues  avec  soin;  renversez-la  sur  un 
un  petit  plat  long. 

On  mêle  parfois  les  tomates  cuites  avec  les  œufs,  mais  il 
arrive  souvent  que  leur  âcreté  fait  tourner  ou  grener  les  œufs 
à  la  cuisson;  il  est  donc  plus  prudent  de  ne  les  mêler 
qu'après. 

Omelette  au  kirsch.  —  Battez  dix  œufs  dans  une  terrine; 
mêlez-leur  un  grain  de  sel,  trois  cuillerées  à  bouche  de  sucre, 
une  cuillerée  de  kirsch;  faites  chauffer  dans  une  poêle 
125  grammes  de  beurre,  lui  mêler  les  œufs,  les  lier  en  les  tour- 
nant ;  aussitôt  que  l'omelette  se  dégage  de  la  poêle,  la  rouler  en 
porte-manteau  et  la  dresser  sur  un  petit  plat  long;  saupou- 
drez-la avec  du  sucre  en  poudre  et  la  glacez  en  appuyant  sur  sa 
surface  une  brochette  en  fer  rougie  au  feu  pour  former  un  décor 
quelconque;  faire  chauffer  le  quart  d'un  verre  de  kirsch,  le  lier 
avec  trois  cuillerées  de  marmelade  d'abricots,  et  la  verser  dans  le 
fond  du  plat;  cette  omelette  sucrée  est  excellente. 

Omelette  au  Rhum.  —  Identiquement  la  même  chose,  seu- 
lement mettez  du  rhum  au  lieu  de  kirsch. 

Omelette  aux  fraises  —  Choisir  de  grosses  fraises  ananas 
bien  fraîches  et  bien  parfumées;  en  retirer  une  vingtaine  des 
plus  belles  pour  les  couper  en  quatre  et  les  mettre  dans  un  bol 
avec  du  sucre,  un  peu  de  zeste  d'orange  et  deux  cuillerées  à 
bouche  de  rhum;  passez  le  reste  des  fraises  au  tamis  fin; 
faites-en  une  purée  de  la  valeur  d'un  verre,  sucrez-la  à  point, 
ajoutez  un  peu  de  sucre  à  l'orange  et  faites-la  refroidir  sur  la 
glace. 

Cassez  dix  œufs  dans  une  terrine  ;  mêlez-leur  deux  cuille- 
rées à  bouche  de  sucre  fin  et  deux  cuillerées  de  bonne  crème  ; 
battez  le  tout  pendant  quelques  secondes  avec  un  fouet. 

Faites  fondre  dans  une  poêle  150  grammes  de  beurre  fin; 
quand  il  est  chaud,  adjoignez-y  les  œufs  et  liez  l'omelette  à 
l'aide  d'une  cuiller;  ramenez-la  ensuite  en  avant  de  la  poêle, 
mettez  les  fraises  coupées  sur  le  milieu  de  l'omelette;  pliez  celle-ci 
des  deux  côtés  en  lui  donnant  une  jolie  forme;  saupoudrez-la 


776  OMELETTE. 


légèrement  avec  du  sucre  vanillé,  et  faites  do  votre  omelette  une 
île  au  milieu  de  votre  purée  de  fraises. 

Omelette  à  la  Noailles.  —  Mettez  dans  une  casserole  une 
cuillerée  de  farine  de  riz  ;  délayez  avec  une.  goutte  de  lait,  met- 
tez-/ deux  jaunes  d'œuf  frais,  délayez  bien  avec  une  chopine  de 
lait;  ajoutez-y  un  demi-setier  de  crème  douce,  un  morceau  de 
cannelle  en  bâton,  du  sucre  à  proportion,  faites-les  cuire  sur  un 
fourneau,  en  remuant  toujours.  Quand  cela  commence  à  bouillir, 
retirez-le  et  mettez-le  refroidir;  hachez-y  de  Técorce  de  citron 
vert  confite  avec  des  biscuits  d'amandes  amères  et  d'autres  bis- 
cuits, un  peu  de  fleur  d'oranger;  mêlez  le  tout  avec  de  la  crème, 
ôtez  le  bâton  de  cannelle;  prenez  des  œufs  frais,  fouettez  les 
blancs;  remettez  les  jaunes   en  les  fouettant  toujours  et  y  videz 
la  crème  qui    est  préparée;    mêlez   le  tout   ensemble;    frottez 
partout  de  beurre  une  poupetonnière  ou  une  casserole,  videz-y 
l'omelette  et  la  mettez  au  four;  lorsqu'elle  est  cuite,  renver- 
sez-la dans  un  plat  et  la  servez  chaudement  pour  entremets.  On 
peut,  si  l'on  veut,  la  glacer  avec  du  sucre  et  la  pelle  rouge. 

Omelette  à  la  moelle.  —  Pelez  un  quarteron  d'amandes 
douces,  et  une  demi-douzaine  d'amandes  amères;  pilez-les  en  les 
arrosant  d'un  peu  de  lait  et  d'eau  de  fleur  d'orange  ;  étant  pilées, 
ajoutez-y  de  l'écorce  de  citron  vert  hachée,  quelques  confitures 
sèches,  telles  que  abricots,  pommes,  et  autres;  mettez-y  gros 
comme  le  poing  de  moelle  de  bœuf,  repilez  le  tout  ensemble , 
délayez  avec  un  demi-litre  de  crème,  prenez  des  œufs,  fouettez-en 
les  blancs,  mettez  les  jaunes  avec  la  pâte  d'amande  et  de  moelle 
de  bœuf  pilée ,  mêlez  le  tout  ensemble  et  y  mettez  un  peu  de 
sel,  frottez  une  poupetonnière,  ou  une  casserole  de  beurre, 
videz-y  l'omelette,  et  la  faites  cuire  au  four;  étant  cuite,  dres- 
sez-la en  la  renversant  sur  un  plat,  glacez-la  avec  du  sucre  en 
poudre  et  la  pelle  rouge,  et  la  servez  chaudement  pour  entremets. 

Omelette  aux  huîtres.  —  Faites  blanchir  des  huîtres  dans 
leur  eau,  nettoyez-les  proprement  une  à  une,  passez  les  deux 
tiers  de  ces  huîtres  dans  une  casserole  avec  du  beurre,  mouillez- 
les  d'un  peu  de  leur  eau  et  d'un  peu  de  coulis,  mettez-y  du 
poivre;  il  ne  faut  pas  que  ces  huîtres  cuisent  trop,  ce  ragoût  doit 
être  de  bon  goût. 


OMELETTE. 


777 


Cassez  des  œufs,  assaisonnez-les  de  sel  et  persil  haché,  ayez 
des  croûtons  de  pain  de  la  grandeur  d'une  petite  pièce ,  donnez 
trois,  quatre  coups  de  couteau  dans  le  tiers  des  huîtres  qui  restent; 
mettez-les  dans  les  œufs  avec  un  peu  de  crème,  battez  le  tout 
ensemble,  faites  fondre  du  beurre  dans  une  poêle,  étant  fondu 
versez  les  œufs  ;  Tomelettc  étant  faite,  rendez- la  de  la  grandeur 
du  fond  du  plat,  et  la  renversez  sur  une  assiette.  Le  ragoût  étant 
prêt,  faites  un  cordon  autour  de  l'omelette,  versez  dessus  le  jus, 
et  servez  chaudement  pour  entremets. 

Omelette  aux  écrevisses.  —  Faites  un  ragoût  de  queues 
d'écrevisses,  de  champignons  et  de  truffes  vertes  ;  ce  ragoût  étant 
fait,  hachez  le  tiers  des  écrevisses,  cassez  des  œufs,  mettez-y  un 
peu  de  crème  et  de  persil  haché,  battez  le  tout  ensemble ,  mettez 
du  beurre  dans  une  poêle,  faites  Tomelette  ;  étant  cuite,  repliez-la 
et  dressez  dans  le  plat  que  vous  devez  servir;  veillez  à  ce  que  le 
ragoût  soit  de  bon  sel,  jetez-le  sur  Tomelette,  et  servez  chaude- 
ment pour  entremets. 

Omelette  au  sang.  —  (Voir  les  œufs  au  sang.) 

Omelette  farcie.  —  Prenez  du  blanc  de  chapon  ou  d'autre 
volaille  rôtie,  hachez-le  menu,  mélez-y  des  foies  gras,  des  truffes 
et  autre  garniture,  une  fois  le  tout  passé  en  ragoût  et  cuit,  faites 
Tomelette;  avant  de  la  dresser  sur  un  plat,  mettez  une  mie  de 
pain  tout  contre,  ou  de  la  croûte,  versez  ensuite  dans  la  même 
poêle  le  ragoût,  et  dressez  l'omelette  sur  son  plat  avec  adresse. 

En  servant  cette  omelette,  on  l'arrose  d'un  peu  de  jus,  et 
l'on  veille  à  ce  qu'elle  ne  refroidisse  pas. 

Omelette  aux  pommes.  —  (Recommandée  aux  amateurs 
d'entremets  simples,  par  M.  Urbain  Dubois,  cuisinier  de  Sa 
Majesté  le  roi  de  Prusse.) 

Déposez  dans  une  terrine  deux  cuillerées  à  bouche  de 
farine,  mêlez-y  un  grain  de  sel,  une  cuillerée  à  bouche  de 
sucre,  deux  œufs,  deux  jaunes,  et  loo  grammes  de  beurre  fondu, 
délayez  cet  appareil  avec  trois  quarts  de  verre  de  bon  lait  tiède, 
et  le  passez  au  tamis. 

D'autre  part,  pelez  et  émincez  cinq  ou  six  pommes  de  rei- 
nette, mettez-les  dans  une  poêle  avec  150  grammes  de  beurre, 
chauffez  en  les  sautant;  aussitôt  qu'elles  sont  bien  chaudes,  ver- 


778  ORANGE. 


sez  l'appareil  dessus,  en  l'étalant  sur  toute  la  surface  du  fond  de 
la  poêle,  et  à  mesure  qu'il  prend  de  la  consistance;  traversez 
répaisseur  de  Tomelette  avec  la  pointe  d'un  couteau,  afin  que 
les  parties  liquides  du  dessus  descendent  au  fond,  dès  qu'en  agi- 
tant fortement  la  poêle  sur  elle-même  Tomelette  peut  se  déta- 
cher, coulez  un  peu  de  beurre  dans  le  fond  de  la  poêle,  et  sau- 
poudrez la  surface  de  l'omelette  avec  de  la  bonne  cassonnade, 
puis  la  renversez  à  l'aide  d'un  plat  de  même  dimension  que  la 
poêle  ;  placez  de  nouveau  celle-ci  sur  le  feu,  et  chauffez  l'omelette 
à  feu  assez  vif,  pour  que  le  sucre  du  fond  se  glace  ;  c'est  un  point 
qu'il  importe  de  bien  saisir ,  renversez  l'omelette  à  l'aide  d'un 
plat,  sa  surface  supérieure  doit  alors  se  trouver  d'un  beau  glacé; 
si  cela  n'était  pas,  c'est-à-dire  si  l'opération  n'avait  pas  bien 
réussi,  il  conviendrait  de  glacer  le  dessus  de  l'omelette  avec  la 
pelle  rougie  au  feu,  puis  de  la  glisser  sur  un  plat,  au  centre 
duquel  sera  disposée  une  assiette  renversée;  de  cette  façon,  l'ome- 
lette est  plus  apparente. 

Omelette  au  four ^  au  blond  de  veau,  —  Battez  bien  vos  œufs, 
avec  persil,  ciboules,  sel,  gros  poivre,  faites-en  trois  omelettes 
que  vous  étendrez  chacune  sur  trois  couvercles  de  casserole; 
quand  elles  seront  à  demi  froides,  mettez  dessus  une  farce  de 
volatille  cuite,  roulez  vos  omelettes  et  les  mettez  sur  un  plat, 
passez  dessus  un  doroir  trempé  dans  de  bon  beurre,  pannes  de 
mie  de  pain,  faites  cuire  de  belle  couleur  au  four,  dtez-en  la 
graisse,  servez  avec  une  sauce  un  peu  claire  et  bien  finie  de  blond 
de  veau,  pour  entremets. 

ORANGE.  —  Le  fruit  de  l'oranger  est  globuleux,  un 
peu  déprimé,  d'un  beau  jaune  doré,  à  écorce  d'épaisseur 
variable ,  dans  laquelle  la  couche  blanche  inférieure  n'est 
pas  charnue  comme  celle  du  citron ,  mais  presque  dépourvue 
de  saveur  et  en  quelque  sorte  cotonneuse.  Les  gourmands  de 
l'ancienne  Rome  avaient  en  exécration  l'odeur  et  la  saveur  des 
oranges. 

La  meilleure  est  sans  contredit  celle  dite  Mandarine,  qui 
nous  vient  de  la  Chine;  elle  est  moins  grosse  que  nos  billes  de 
billard,  il  y  a  des  mandarines  de  la  grosseur  d'une  noix,  leur  cou- 
leur est  d'un  jaune  tirant  sur  le  rouge,  leur  écorce  est  fine  et 


ORGt. 


779 


possède  un  arôme  approchant  de  celui  du  citron;  leur  chair  est 
très-sucrée  et  contient  peu  de  jus. 

On  fait  avec  Torange  une  boisson  très-rafraîchissante  qu'on 
appelle  Orangeade.  On  mélange  pour  cela  le  jus  de  l'orange 
avec  celui  du  citron. 

Orange  musquée.  —  On  donne  ce  nom  à  une  poire  qui 
mûrit  au  commencement  d'août.  Elle  est  abondamment  pourvue 
d'une  eau  très-sucrée  et  d'un  parfum  tout]  particulier.  Elle  est 
classée  parmi  les  meilleurs  et  les  plus  beaux  fruits  à  la  main. 

Peu  de  personnes  connaissent  ce  fait  de  courtisanerie  du  che- 
valier Paul.  Ce  gentilhomme  possédait,  près  de  Toulon,  un  fort 
beau  jardin,  rempli  d'orangers  en  plein  vent.  Ayant  été  informé 
que  le  roi  Louis  XIV  devait  venir  les  visiter,  il  imagina  de  con- 
fire sur  les  arbres  une  partie  des  oranges.  Le  roi  et  toute  sa  cour, 
qui  ne  s'attendaient  pas  à  cette  galanterie,  en  furent  agréablement 
surpris. 

Ces  oranges  confites,  mêlées  confiisément  avec  d'autres  qui 
ne  Tétaient  pas,  firent  croire  à  plusieurs  dames  de  la  cour  qu'en 
Provence  les  oranges  venaient  toutes  confites  sur  les  arbres. 

On  sait  comment  la  comtesse  Dubarry  'pronostiquait  la  dis- 
grâce de  MM.  de  Choiseul  et  Praslin ,  qu'elle  méditait  depuis 
longtemps.  Elle  prenait  deux  oranges  dans  la  main  et  les  faisait 
sauter  alternativement  en  l'air  en  les  retenant  avec  adresse,  comme 
eût  fait  le  plus  habile  jongleur,  et  en  disant  :  «  Saute  Choiseul! 
saute  Praslin!...  » 

ORGE.  —  L'orge  fut,  au  dire  de  Fleuri,  la  première  céréale 
cultivée  pour  la  nourriture  de  l'homme;  la  farine  qui  provient 
de  ce  grain  ne  contient  presque  pas  de  gluten,  mais  beaucoup 
de  fécule  unie  à  une  substance  mucilagineuse,  ce  qui  fait  qu'elle 
ne  peut  produire  qu'un  pain  fort  indigeste  et  très-peu  savou- 
reux. 

L'orge,  dépouillé  de  sa  pellicule,  peut* être  employé  à  la 
place  du  riz.  On  s'en  sert  beaucoup  en  Allemagne  pour  garnir 
des  potages  et  composer  des  entremets. 

Potage  à  l'orge  perlé.  —  Il  faut  faire  tremper  l'orge  dès 
la  veille  dans  l'eau  froide,  égouttez-le  et  faites-le  crever  dans  ce 
bouillon  ;  prolongez  l'ébuUition  pour  que  le  bouillon  se  charge  de 


78o  OREILLES. 


tout  ce  qui  est  soluble.  Passez  avec  expression  et  vous  aurez  un 
potage  qui  nourrit  légèrement  et  qui  rafraîchit  ;  il  convient  beau- 
coup  aux  convalescents* 

Pour  la  crème  d'orge  à  Teau  ou  au  lait,  on  procède  de  la 
même  manière  ;  on  passe  avec  expression  et  on  ajoute  du  sucre  ou 
du  sirop  de  capillaire. 

ORONGE.  —  Champignon  qui  partage,  avec  le  cèse,  les 
hommages  des  gourmands  de  tous  les  pays  ;  ces  cryptogames  ne 
sont  pas  toujours  vénéneux,  mais  doivent  toujours  être  suspectés. 

Oronges  franches  ou  jaune  d'œuf.  —  Champignon  remar- 
quable par  sa  couleur  jaune  d'œuf  et  par  sa  taille  de  sept  à 
huit  pouces.  Ayant  un  grand  chapiteau,  la  couleur  s*éclaircit  peu 
à  peu  ;  elle  devient  d'or  dans  sa  maturité,  le  chapiteau  se  fend  et 
s'entr'ouvre;  l'intérieur  n'en  est  pas  blanc,  comme  celui  des 
autres  champignons.  La  pulpe  en  est  âne,  assez  ferme,  délicate, 
serrée  et  semblable  à  celle  de  l'abricot.  Il  croît  dans  le  Midi  et 
les  lieux  tempérés.  On  peut  confondre  la  fausse  oronge  avec  ce 
champignon,  ce  qui  arriva  à  la  princesse  de  Conti,  qui  courut 
risque  d'en  mourir.  L'oronge  a  la  chair  et  les  feuillets  jaunes, 
la  fausse  oronge  les  a  blancs.  La  fausse,  en  naissant,  est  couleur 
de  feu  ;  sa  tige  est  cylindrique  et  droite.  Apicius  a  laissé  une 
recette  pour  manger  l'oronge  :  il  la  faisait  cuire  dans  du  vin  avec 
de  la  coriandre,  du  miel,  de  l'huile  et  des  jaunes  d'œufs;  l*huile 
d'olive  est  sa  meilleure  préparation. 

Oronges  au  gratin,  —  Choisir  deux  douzaines  d'oronges 
bien  fraîches,  en  supprimer  la  queue,  les  nettoyer,  les  mettre 
dans  une  grande  poêle  avec  de  Thuile  et  une  gousse  d'ail,  les 
assaisonner  et  les  sauter  sur  le  feu  jusqu'à  ce  qu'elles  soient 
sèches;  les  prendre  alors  avec  une  fourchette,  les  dresser  par 
couches  dans  un  plat  à  gratin,  saupoudrer  chaque  couche  avec  les 
queues  des  oronges  hachées,  mêlées  avec  du  persil  haché  et  de 
la  mie  de  pain  ;  les  arroser  avec  un  peu  d'huile,  les  cuire  au  fbur 
modéré  pendant  vingt  minutes.  En  les  sortant,  les  arroser  avec 
un  peu  de  bon  jus  lié,  surtout  ajouter  des  piments  en  poudre. 

OREILLES  (recette  d'Urbain  Dubois,  chef  de  Leurs  Majes- 
tés Royales  de  Prusse).  —  Nom  d'un  grand  nombre  de  champi- 
gnons du  genre  agaricus,  boletus^  tremella  et  pe^i^a,  à  cause  de 


ORTOLAN.  781 


leur  ressemblance  avec  cet  organe  ;  telles  sont  Toreille  d'âne  et 
d'ours,  la  brune  ou  coquillière,  V oreille  de  chardon^  enfin,  que  les 
Provençaux  et  les  Languedociens  mangent  après  les  avoir  apprê- 
tées avec  de  l'huile,  du  sel,  du  poivre,  du  persil  et  de  Tail. 
Oreilles,  —  (V.  Agneau,  Porc^  B^euf,  etc.) 
ORTOLAN.  —  Un  jour  ce  dialogue  s'échangeait  entre 
Antoni  Deschamps,  grand  poëte  et  philosophe  pythagoricien,  et 
Elzéar  Blaze,  chasseur  comme  Nemrod  et  spirituel  comme 
Méry  : 

—  Croyez-vous,  demandait  Antoni  Deschamps  à  Blaze,  qu'il 
soit  permis  à  l'homme  de  tuer  une  perdrix,  un  becfigue,  un 
ortolan,  un  de  ces  charmants  oiseaux  enfin  qui  ne  font  de  mal  à 
personne  et  dont  la  vue  et  le  chant  nous  réjouissent  Tœil  et 
Toreille? 

—  Certainement,  répondit  Blaze,  quand  l'homme  est  muni 
d'un  port  d'armes,  que  la  chasse  est  ouverte  et  qu'il  chasse 
sur  des  terres  qui  sont  à  lui,  ou  sur  lesquelles  il  a  permission 
de  chasser* 

—  Vous  ne  comprenez  pas.  Je  vous  demande  si  vous  pensez 
que  l'homme,  réunissant  d'ailleurs  les  conditions  indiquées,  ait  le 
droit  de  tuer  une  perdrix,  un  becfigue,  un  ortolan,  créatures 
inoffensives,  faites,  comme  lui,  de  la  main  du  Seigneur  } 

—  Oui,  sans  doute,  mais  à  la  condition  qu'il  les  mangera. 

—  On  peut  donc  manger  les  perdrix,  les  becfigues  et  les 
ortolans  ? 

—  Avec  délices,  s'ils  sont  cuits  à  point. 

—  Mais  l'abbé  de  Saint-Pierre...  mais  Pythagore... 

—  Disent  le  contraire,  je  le  sais.  Tant  pis  pour  eux,  nous 
devons  les  plaindre.  Écoutez-moi,  je  pose  ce  dilemme  :  ou  nous 
devons  manger  les  animaux,  ou  les  animaux  doivent  nous 
manger. 

—  Vous  avez  peur  que  les  perdrix  ne  vous  mangent? 

—  Écoutez.  Les  perdrix  font  par  an.  Tune  dans  l'autre, 
vingt  ou  vingt-cinq  petits.  Restez  dix  ans  sans  en  tuer,  et  leur 
nombre  égalera  celui  des  guêpes  et  des  moucherons  :  alors,  plus 
de  blés,  plus  d'avoine,  plus  de  raisin.  Mangeons  donc  des  per- 
drix, puisqu'il  nous  faut  des  chevaux;  mangeons  des  perdrix, 


j%2  ORTOLAN. 


puisque  nous  aimons  le  vin  de  Bourgogne ,  et  par  la  seule  raison 
que  nous  ne  pouvons  nous  passer  de  pain,  mangeons  des  perdrix* 
Ce  droit  de  manger  des  perdrix  nous  vient  de  Dieu  lui-même, 
qui,  lors  de  la  création,  dit  à  Adam,  notre  aïeul  à  tous,  et  après 
le  déluge  à  Noé,  notre  grand-père  :  a  Vous  serez  maître  de  tous 
les  animaux,  »  Manui  vestrœ  traditi  sunt.  C'est-à-dire  je  les 
livre  à  votre  main.  Pourquoi  faire >  pour  que  notre  main  les 
porte  à  notre  bouche,  bien  entendu.  Ainsi,  mangez  tout  ce  qui 
vous  paraîtra  bon.  L'homme  n'est  pas  fait  pour  brouter  l'herbe; 
ses  dents  vous  le  prouvent.  Pythagore,  l'abbé  de  Saint-Pierre 
étaient  de  fort  honnêtes  gens  ;  mais  ils  n'entendaient  rien  à  la 
cuisine.  Laissez-les  dire  et  mangez  toujours.  D'ailleurs,  il  est 
positif  que  si  l'on  écoutait  tout  le  monde,  on  ne  mangerait 
personne. 

Je  ne  sais  pas  si  Antoni  fut  bien  convaincu  par  la  logique  de 
Blaze;  mais  ce  que  je  sais,  c'est  qu'il  continua  de  manger,  et  qu'à 
une  table  où  il  était,*  il  faisait  très-bien  sa  partie,  quoiqu'il  eut 
affaire  à  un  plat  d'ortolans.  Il  est  vrai  que  c'étaient  des  ortolans 
à  la  toulousaine,  et  que  les  Toulousains  ont  une  manière  à  eux 
de  savoir  les  engraisser  mieux  que  personne,  et  quand  ils  veulent 
les  manger,  de  les  asphyxier  en  leur  plongeant  la  tête  dans  du 
vinaigre  très-fort,  mort  violente  qui  tourne  à  l'avantage  de  la 

chair. 

Ortolans  à  la  toulousaine,  —  Plumez  vos  ortolans,  suppri- 
mez-en la  poche,  flambez-les  légèrement,  frottez-les  avec  un 
demi-citron  ;  enfilez-les  à  une  petite  brochette  de  fer,  envelop- 
pez-les  d'une  couche  de  beurre  manié  d'un  peu  de  jus  de  citron; 
saupoudrez-les  sur  toutes  les  surfaces  avec  de  la  mie  de  pain  et 
faites-les  rôtir  à  feu  vif  pendant  sept  ou  huit  minutes,  arrosez- 
les  avec  le  beurre  qui  coule  dans  la  lèchefrite.  Au  dernier 
moment,  salez-les,  débrochez-les,  dressez-les  sur  un  plat  bien 
chaud,  recouvrez-les  avec  la  graisse  de  la  lèchefrite  et  envoyez- 
les  aussitôt  à  table  avec  des  citrons  coupés.  Mais  ajoutez  quelques 
croûtes  de  pain. 

Ortolans  en  caisses,  —  Préparez  et  flambez  douze  ortolans, 
ayez  douze  petites  caisses,  que  vous  huilerez  et  passerez  au  four. 
Mettez  dans  le  fond  de  chaque  caisse  une  cuillerée  de  sauce 


ORTOLAN.  783 


Périgueux  très-réduite;  posez  les  ortolans  dans  les  caisses,  faites^ 
les  cuire  et  resaucez  d'une  sauce  Périgueux. 

Ortolans  à  la  provençale.  —  Prenez  autant  de  grosses  truffes 
que  vous  en  pourrez  trouver;  prenez  autant  d  ortolans  que  vous 
aurez  de  truffes,  coupez  vos  truffes  en  deux,  creusez-y  une  place 
pour  votre  ortolan^  placez-le,  enveloppé  d'une  double  barde 
très-mince  de  jambon  cru,  légèrement  humectée  d'un  coulis 
d'anchois  ;  garnissez  vos  truffes  d'une  fatce  composée  de  foies 
gras  et  de  moelle  de  bœuf  :  liez-les  de  façon  à  ce  que  vos  orto- 
lans n'en  puissent  sortir.  Rangez  vos  truffes  garnies  d'ortolans 
dans  une  casserole  à  glacer;  mouillez  avec  une  demi-bouteille  de 
vin  de  Madère  et  même  quantité  de  mirepoix  ;  faites  cuire  pen- 
dant vingt  minutes  à  casserole  couverte;  égouttez  les  truffes,  pas- 
sez le  fond  à  travers  le  tamis  de  soie,  dégraissez  et  faites  réduire 
de  moitié;  ajoutez  de  l'espagnole  et  faites  réduire  jusqu'à  ce  que 
la  sauce  masque  la  cuiller,  passc^-lez  à  l'étamine,  dressez  vos 
truffes  en  buisson,  et  servez  la  sauce  à  part> 

Nous  avons  dit  ailleurs  comment  se  mangeaient  les  ortolans, 
les  becfigues,  et  généralement  tous  les  petits  pieds  dont  le  crou- 
pion est  le  meilleur  morceau. 

Terrines  d'ortolans.  —  Hachez  en  portions  égales  la  chair 
d'un  ou  deux  perdreaux  et  de  la  panne  de  porc;  ne  vous  con- 
tentez pas  de  hacher,  mais  assaisonnez  et  pilez,  jusqu'à  ce  que  la 
pâte  soit  bien  lisse,  coupez  les  cous  et  les  pattes  des  ortolans, 
étendez  une  couche  de  farce  dans  la  terrine,  semez  dessus  de  la 
truffe. 

Rangez  sur  votre  farce  un  lit  d'ortolans  que  vous  assaisonnez 
de  sel  épicé;  mettez  une  seconde  couche  de  farce  sur  laquelle 
vous  semez  de  nouveau  des  truffes;  couchez  une  autre  rangée 
d'ortolans  que  vous  assaisonnez  comme  la  première.  Finissez  par 
une  couche  de  farce  et  de  truffes,  couvrez  de  bardes  de  lard, 
mettez  une  feuille  de  laurier  dessus,  couvrez  la  terrine  et  faites 
cuire. 

Ortolans  sous  la  cendre  (recette  Vuillemot).  —  Prenez  douze 
ortolans',  videz-les,  flambez-les  ;  garnissez  l'intérieur  de  quatre 
foies  de  volaille  pilée  et  pilez  du  foie  dans  un  mortier  ;  assaison- 
nez le  foie  de  sel,  poivre^  muscade  et  fines  herbes  ;  farcissez  Tin- 


784  OSMASOME. 


teneur  des  ortolans,  enveloppez-les  d'une  bande  de  lard,  prenez 
du  papier  à  beurre  que  vous  beurrez,  enveloppez  chaque  orto- 
lan de  ce  papier,  mettez-les  cuire  sous  la  cendre  rouge.  Vingt- 
cinq  minutes  suffisent  pour  la  cuisson.  Servez  chaudement. 

OSEILLE.  —  Plante  potagère  qui  doit  sa  saveur  à  la  pré- 
sence de  l'acide  oxalique,  et  qui  est  utile  aux  cuisiniers  et  aux 
médecins.  On  s'en  sert  pour  faire  des  potages  et  des  puçées. 

Purée  d'oseille  au  maigre.  —  Vous  hachez  ensemble  de 
l'oseille,  de  la  poirée,  de  la  laitue  et  un  peu  de  cerfeuil  ;  mettez 
à  sec  dans  une  casserole,  en  remuant  toujours,  jusqu'à  ce  que 
les  herbes  soient  bien  fondues.  Ajoutez  un  bon  nïorceau  de  beurre 
et  tournez  jusqu'à  ce  que  l'oseille  soit  bien  passée;  assaisonnez 
de  sel  et  gros  poivre;  versez  dans  l'oseille  une  liaison  avec  trois 
jaunes  d'œufs  et  de  la  crème. 

Purée  d'oseille  au  gras.  —  Vous  faites  fondre  l'osetUe 
comme  il  est  indiqué  ci-dessus;  puis,  quand  elle  est  bien  fondue, 
vous  ajoutez  du  beuA-e  et  tournez  jusqu'à  ce  qu'il  commence  à 
frémir;  mouillez  avec  du  jus  un  fond  de  cuisson,  du  jus  de  rôti 
ou  du  bouillon  réduit,  et  servez-vous  de  cette  farce  en  guise  de 
litière. 

OS.  —  Les  os  contiennent  une  très-forte  partie  de  gélatine 
et  un  peu  de  phosphate  de  chaux.  Les  os  qu'on  fait  bouillir  ne 
perdent  leur  gélatine  que  par  leur  surface  et  jusqu'à  une 
'petite  profondeur;  il  faut  donc  multiplier  les  surfaces  pour  en 
extraire  davantage,  et  on  le  fait  en  brisant  les  os.  Cette  gékiiiie 
n'est  pas  mélangée  d'osmazôme,  mais  elle  est  bonne  dans  le 
bouillon,  où  la  présence  de  viande  contenant  toujours  une  quan- 
tité suffisante  d'osmazôme  donne  à  ce  bouillon  une  grande  pro- 
priété nutritive. 

Dans  les  viandes  rôties,  les  propriétés  de  l'osmazAme  sont, 
paraît-il,  exaltées  par  le  feu,  ou  peut-être  s'en  forme-t-il  de 
nouvelles  aux  dépens  de  quelques  autres  principes  ;  ce  qu'il  7  a 
de  certain,  c  est  que  lorsqu'on  ajoute  au  pot-au-feu  quelques 
débris  de  viandes  rôties,  le  bouillon  est  beaucoup  plus  sapide  que 
par  l'emploi  des  viandes  crues. 

OSMAZOME.  —  On  donne  ce  nom  au  résidu  qu'on  obtient 
en  faisant  bouillir  des  substances  animales,  et  particulièrement 


OURS.  ygy 

la  viande  dans  l'eau,  qu'on  précipite  par  l'alcool,  la  gélatine  pro- 
venant de  la  décoction,  et  qu'on  soumet  le  précipité  à  l'évapora- 
tion.  L'osmazôme  est  d'un  brun  jaunâtre  ;  chaufFée,  sa  saveur  et 
son  odeur  rappellent  celles  du  bouillon.  C'est  elle,  du  reste,  qui 
donne  le  parfum  au  bouillon,  qui  en  contient  ordinairement  une 
partie  pour  SL»pt  de  gélatine. 

OURS.  —  Il  y  a  peu  d'hommes  de  notre  génération  qui  ne 
se  rappellent  l'effet  que  produisirent  les  premières  Impressions 
de  Voyage,  quand  on  y  lut  (dans  la  Revue  des  Deux  Mondes  ou 
la  Revue  de  Paris),  l'article  intitulé  :  Le  Beefsteack  d'ours.  Ce  fut 
un  cri  universel  contre  le  hardi  narrateur  qui  osait  raconter  qu'il 
y  avait  des  endroits  dans  l'Europe  civilisée  où  l'on  mangeait  de 
l'ours. 

Il  eût  été  plus  simple  d'aller  chez  Chevet,  et  de  lui  deman- 
der s'il  avait  des  jambons  d'ours. 

Il  eût  demandé  sans  étonnement  aucun  :  Est-ce  un  gigot 
du  Canada,  est-ce  un  gigot  de  Transylvanie,  que  vous  désirez  ? 
Et  il  eût  donné  celui  des  deux  gigots  qu'on  lui  eût  demandé. 

J'aurais  pu,  à  cette  époque,  donner  aux  lecteurs  le  conseil 
que  je  leur  donne  aujourd'hui,  mais  je  m'en  gardai  bien;  il  se 
faisait  du  bruit  autour  du  livre,  et  c'était,  à  cette  époque  où 
j'entrais  dans  la  carrière  littéraire,  tout  ce  que  je  demandais. 

Mais,  à  mon  grand  étonnement,  celui  qui  eût  dû  être  le 
plus  satisfait  de  ce  bruit,  l'aubergiste  de  Martigny,  en  fut 
furieux  ;  il  m'écrivit  pour  me  faire  des  reproches,  et  il  écrivit  aux 
journaux  afin  qu'ils  eussent  à  déclarer  en  son  nom  qu'il  n'avait 
jamais  servi  d'ours  à  ses  voyageurs  ;  mais  sa  fureur  alla  toujours 
augmentant,  chaque  voyageur  qui  arrivait  chez  lui  lui  deman- 
dant pour  première  question  : 

«  Avez-vous  de  l'ours?  » 

Si  l'imbécile  eût  eu  l'idée  de  répondre  oui,  et  de  faire  man- 
ger de  l'âne,  du  cheval  ou  du  mulet  au  lieu  d'ours,  il  eût  fait  sa 
fortune.  . 

Depuis,  nous  nous  sommes  fort  civilisés;  le  jambon  d'ours 
e%i  devenu  un  mets  qu'on  ne  rencontre  pas  chez  tous  les  mar- 
chands de  salaisons,  mais  qu'on  peut  se  procurer  sans  trop  de 
peine. 


^86  OURS. 

—  — i—        

L'ours  brun  se  trouve  communément  dans  les  Alpes  ;  Fours 
gris,  le  plus  implacable  de  tous,  qui  force  à  la  course  le  cheval 
d'abord,  le  cavalier  ensuite,  se  trouve  en  Amérique.  11  y  a  dans 
le  Canada  et  en  Savoie  des  ours  rougeàtres,  qui  ne  mangent  pas 
de  chair,  mais  qui  sont  si  friands  de  miel  et  de  lait,  qu'ils  se 
feraient  plutôt  tuer  que  de  lâcher  prise  quand  ils  tiennent  un 
gâteau  de  miel  ou  une  cruche  de  lait.  Les  noirs  n'habitent  guère 
que  les  pays  froids.  Les  forêts  et  les  campagnes  du  Kamtschatka 
sont  pleines  d'ours  qui  n'attaquent  qu'autant  qu'ils  sont  eux- 
mêmes  attaqués;  et,  chose  singulière,  ils  ne  font  jamais  de 
mal  aux  femmes^  qu'ils  suivent  cependant  pour  leur  dérober  les 
fruits  qu'elles  ramassent. 

Lorsque  les  Jacoutes,  peuples  de  la  Sibérie,  rencontrent  un 
ours,  ils  ôtent  leur  bonnet,  le  saluent,  l'appellent  chef,  vieillard 
ou  grand-papa,  et  lui  promettent  de  ne  pas  l'attaquer  ni  de  ne 
jamais  dire  du  mal  de  lui.  Mais  s'il  fait  mine  de  vouloir  se  jeier 
sur  eux,  ils  tirent  sur  lui,  et,  s'ils  le  tuent,  ils  le  coapent  en 
morceaux,  le  font  râtir  et  s'en  régalent,  en  répétant  sans  cesse  : 
Ce  sont  les  Russes  qui  te  mangent  et  non  pas  nous  ^ 

La  chair  de  l'ours  est  mangée  aujourd'hui  par  tous  les 
peuples  de  l'Europe.  Dès  l'antiquité,  on  regardait  les  pieds  de 
devant  comme  la  partie  la  plus  délicate  de  l'animal  ;  les  Chinois 
les  estiment  beaucoup,  et  en  Allemagne,  où  la  chair  de  l'ourson 
est  très  estimée,  les  pieds  de  devant  font  les  délices  des  gcns^ 
riches. 

Voici,  d'après  M.Urbain  Dubois,  cuisinier  de  Leurs  Majes- 
tés prussiennes,  comment  ces  pieds  se  servent  à  Moscou,  à  Saint- 
Pétersbourg  et  par  toute  la  Russie  :  les  pattes  s'y  vendent  tout 
écorchées;  on  commence  par  les  laver,  les  saler,  les  déposer  dans 
une  terrine,  les  couvrir  avec  une  marinade  cuite  au  vinaigre,  les 
faire  macérer  pendant  deux  ou  trois  jours;  foncer  une  casserole 
avec  des  débris  de  lard  et  de  jambon  ainsi  que  des  légumes  émin- 
cés ;  puis  on  range  les  pattes  d'ours  sur  les  légumes  ;  on  les  mouille 
à  couvert  avec  leur  marinade  et  du  bouillon  ;  on  les  couvre 
avec  des  bardes  de  lard  ;  on  les  fait  cuire  pendant  sept  à  huit 

I.  A. -F.  Aulagnier,  Dictionnaire  des  Aliments  et  des  Boissons^ 


OUTARDE  7«7 


heares  à  un  feu  très  doux  en  allongeant  le  mouillement  à  mesure 
qu'il  réduit;  quand  les  pattes  sont  cuites,  on  les  laisse  à  peu  près 
refroidir  dans  leur  cuisson  ;  on  les  égoutte,  on  les  éponge,  on  les 
divise  chacune  en  quatre  parties  en  leur  longueur;  on  les  sau- 
poudre avec  du  cayenne,  on  les  roule  dans  du  saindoux  fondu,  on 
les  panne  et  on  les  fait  griller  une  demi-heure  à  feu  très-doux, 
puis  on  les  dresse  sur  un  plat  au  fond  duquel  on  a  versé  une 
sauce  piquante  réduite  et  finie  avec  deux  cuillerées  de  gelée  de 
groseille.  Laissons  parler  Vuillemot  : 

«  J'en  ai  arrangé  souvent  en  mon  restaurant  de  la  Made- 
leine et  que  Ton  trouvait  bons.  Ce  mets  me  rappelle  que  M.  le 
baron  d'OTémont,  un  de  mes  clients,  me  fit  cadeau  de  la  cuisse 
d'un  ours  qu'il  avait  tué,  disait -il,  dans  les  Pyrénées.  Tout 
naturellement,  je  mets  en  montre  le  quartier  d'ours  avec  une 
édquette  portant  :  •«  Tué  à  telle  époque  dans  les  Pyrénées  par 
«  M«  le  baron  d*OfFémont.  »  Plusieurs  de  ses  amis  le  plaisan- 
tèrent sur  cette  chasse  qui  était  fictive  :  cette  partie  d'ours 
avait  été  donnée  au  baron  auprès  de  qui  je  tombai  en  disgrâce  à 
cause  de  ma  divulgation  malencontreuse.  Je  reconquis  plus  tard 
sa  faveur  et  nous  parlâmes  souvent  de  l'hypothétique  chasse  à 
Tours,  w 

OURSIN. —  Coquillage  rond,  appelé  aussi  châtaigne  de 
mer^  son  aspect  étant  absolument  celui  de  la  châtaigne  dans  sa 
coque  encore  garnie  de  ses  piquants.  Ses  piquants  lui  servent  de 
pieds,  et  quand  ils  sont  usés,  l'animal  roule  comme  une  bille.  A 
Touverture  de  ce  crustacé,  se  trouve  un  petit  animal  rouge,  de 
saveur  salée,  c'est  le  propriétaire  de  la  maison  ;  ses  œufs,  d'un 
jaune  foncé,  sont  attachés  aux  parois  intérieures  de  la  coquille; 
sa  saveur  est  à  peu  près  celle  des  écrevisses;  ceux  que  cette  espèce 
de  purée  vivante  ne  dégoûte  pas,  le  mangent  comme  un  œuf  à  la 
mouillette. 

Les  meilleurs  oursins  sont  ceux  de  la  Méditerranée;  ils  pré- 
voient les  tempêtes  et  y  résistent  en  s'attachant  aux  plantes 
marines  les  plus  vigoureuses;  ils  font  le  vide  au  moyen  des  ven- 
touses qui  sortent  de  leurs  piquants,  et  dont  on  a  compté  plus  de 
douze  mille. 

OUTARDE.  —  L'outarde  est  le  plus  grand  oiseau  de  nos 


788  '  OUTARDE. 


climats;  ses  ailes,  quoique  peu  proportionoées  au  poids  de  son 
corps,  peuvent  cependant  l'élever  et  la  soutenir  quelque  temps 
en  Tair  ;  mais  cet  oiseau  ne  peut  prendre  sa  volée  qu'avec  beau- 
coup de  peine  et  après  avoir  parcouru  un  certain  espace  les  ailes 
étendues.  Ils  passent  régulièrement  en  France  au  printemps  et  à 
l'automne.  On  en  apporte  aux  marchés  de  Paris,  venant  de  la 
la  Picardie  et  de  la  Champagne.  Sa  chair,  celle  des  jeunes  sur- 
tout, est  excellente  :  les  cuisses  sont  préférées  par  les  gour- 
mets. 

Outarde  à  la  daube. —  Laissez  mortifier  Toutarde  plusieurs 
jours;  plumez-la,  videz-la,  coupez  les  ailes  rondes  comme  les 
pattes;  détachez  les  cuisses  de  la  carcasse  et  celle-ci  de  l'esto- 
mac ;  lardez  les  chairs  des  cuisses,  de  Testomac,  avec  de  gros 
filets  de  jambon  cru;  assaisonnez  ces  viandes,  déposez-les  dans 
une  terrine,  arrosez-les  avec  deux  verres  de  vinaigre  et  faites-les 
macérer  pendant  vingt-quatre  heures  ;  masquez  une  marmite  en 
fer  au  fond  et  autour  avec  des  bardes  de  lard  ;  rangez  au  fond 
quelques  petits  oignons  avec  des  aromates,  deux  pieds  de  veau 
dessous  et  blanchis  avec  grande  pointe  et  clous  de  girofle;  sur 
ces  viandes,  placez  les  carcasses,  les  cuisses  et  Testomac  de  Fou* 
tarde,  après  les  avoir  égouttés  à  la  marinade;  mouillez  ces  viandes 
à  moitié  de  hauteur  avec  du  vin  blanc;  masquez-les  avec  du 
lard  et  faites  réduire  le  liquide  pendant  quelques  minutes;  cou- 
vrez hermétiquement  la  marmite  avec  un  papier  ordinaire,  entou- 
rez le  vase  jusqu'à  moitié  de  hauteur  avec  des  cendres  chaudes 
et  du  feu;  cuisez  les  viandes  pendant  six  ou  sept  heures,  selon 
leur  tendreté  ;  enlevez-les  avec  soin  pour  les  dresser  sur  un  grand 
plat  avec  des  pieds  de  veau  et  des  légumes  ;  dégraissez  ce  fond 
de  cuisson,  et  versez-le  sur  les  viandes  en  le  passant. 


p 


PAIN.  —  Dans  la  plupart  des  pays  civilisés,  la  nourriture 
de  l'homme  se  compose  en  grande  partie  de  pain  que  Ton  pré- 
pare suivant  les  productions  du  pays,  soit  avec  du  froment,  ou 
avec  du  seigle,  du  maïs,  etc. 

Pour  que  la  farine  puisse  fournir  un  pain  convenable,  il  faut 
qu'elle  contienne  une  assez  grande  proportion  de  gluten,  et  plus 
elle  en  contiendra,  plus  le  pain  sera  supérieur.  Lorsque  la  pâte 
de  farine,  convenablement  préparée,  est  abandonnée  à  elle-même 
dans  des  circonstances  convenables,  il  s'y  développe  une  fermen- 
tation alcoolique  qui  donne  lieu  au  dégagement  d'une  quantité 
de  gaz  acide  carbonique  ;  le  gluten  que  renferme  cette  pâte  for- 
mant un  réseau  extensible,  retient  en  grande  partie  le  gaz  car- 
bonique qui  soulève  ainsi  la  masse  et  la  rend  légère  et  poreuse; 
quand  ensuite  la  cuisson  la  solidifie,  cette  pâte  reste  avec  les 
mêmes  caractères  et  fournit  un  bon  pain.  Le  gluten,  réparti  dans 
la  farine,  s'imbibe  d'eau  et  forme  une  espèce  de  membrane  qui 
donne  à  la  pâte  du  froment  l'élasticité  qui  la  caractérise;  c'est 
elle  également  qui  retient  le  gaz  que  produit  la  fermentation. 

On  dit  communément  que  le  pain,  pour  être  bon  à  manger, 
doit  avoir  un  jour;  que  la  farine,  pour  faire  la  pâte,  doit  avoir 
un  mois;  et  que  le  grain  doit  avoir  un  an  avant  de  le  faire 
moudre  ;  mais  pour  tout  le  monde,  le  pain  est  généralement  bon 
lorsqu'il  est  tendre  et  tout  à  fait  refroidi.  Il  n'y  a  guère  que  le 
pain  de  millet  qui  soit  bon  chaud. 


1 


790  PAIN. 

Quoique  la  panification  systématique  ne  soit  pas  du  ressort 
de  la  cuisine,  nous  croyons  devoir  donner  quelques  notions  pré- 
cises et  succinctes  sur  la  théorie  du  boulanger.  On  trouve  partout 
du  blé,  de  la  levure  et  de  la  farine  de  froment;  mais  il  y  a  des 
pays  où  le  pain  fabriqué  par  les  nationaux  n'est  pas  mangeable, 
et  un  de  nos  amis,  M.  Drouet,  sculpteur,  qui  a  beaucoup  voyagé 
dans  quelques-uns  de  ces  pays,  nous  disait  un  jour  qu'il  avait  été 
obligé  pendant  très-longtemps  de  manger  des  pommes  de  terre  au 
lieu  de  pain,  ce  dernier  étant  détestable. 

La  qualité  du  pain,  comme  nous  Tavons  déjà  dit  plus  haut, 
dépend  de  sa  levure  et  de  sa  cuisson,  mais  principalement  de  sa 
levure;  c'est  à  elle  qu'on  doit  toujours  attribuer  son  plus  ou 
moins  de  bonté.  L'opération  de  la  levure  consiste  à  garder  un 
peu  de  pâte  jusqu'à  ce  que  par  une  sorte  de  fermentation  spiri- 
tueuse  qui  lui  est  particulière,  elle  se  soit  gonflée,  raréfiée  et  ait 
acquis  une  odeur  et  une  saveur  qui  ont  quelque  chose  de  vif,  de 
piquant  et  de  spiritueux  mêlé  d'aigre.  On  pétrit  exactement  cette 
pâte  fermentée  avec  la  pâte  nouvelle,  et  ce  mélange  détermine 
promptement  cette  dernière  pâte  à  éprouver  elle-même  une 
pareille  fermentation ,  mais  moins  avancée  et  moins  complète  que 
celle  de  la  première.  Veffet  de  cette  fermentation  est  de  diviser, 
d'atténuer  la  pâte  nouvelle,  d'y  développer  beaucoup  de  gaz  qui, 
ne  pouvant  se  dégager  entièrement  à  cause  de  la  ténacité  et  de  la 
consistance  de  la  pâte,  y  forment  de  petites  cavités,  la  soulèvent, 
la  dilatent  et  la  gonflent,  ce  qui  s'appelle  la  faire  lever,  et  c'est  par 
cette  raison  qu'on  a  donné  le  nom  de  levain  à  la  pâte  ancienne 
qui  détermine  tous  ces  effets. 

Lorsque  la  pâte  est  ainsi  levée,  elle  est  en  état  d'être  mise  au 
four  oii,  en  se  cuisant,  elle  se  dilate  davantage  par  la  raréfaction 
des  gaz  ;  et  puis  elle  forme  un  pain  léger,  complètement  différent 
de  ces  masses  lourdes,  compactes,  visqueuses  et  indigestes  que 
donnent  la  cuisson  de  la  pâte  qui  n'est  pas  bien  levée. 

L'invention  d'appliquer  à  la  fermentation  de  la  pâte  la  levure 
de  bière  ou  le  résidu  des  vins  de  grains,  a  procuré  encore  une 
nouvelle  matière  très-propre  à  améliorer  le  pain  ;  c'est  l'écume 
qui  se  forme  à  la  surface  de  ces  liqueurs  pendant  la  fermentation 
dont  on  use  en  guise  de  levain  ;  cette  écume  introduite  et  délayée 


PAIN.  791 

dans  la  pâte  de  farine  la  fait  lever  encore  mieux  et  plus  prompte- 
ment  que  le  levain  ordinaire  ;  elle  se  nomme  levure  de  bière  ou 
simplement  levure,  et  nous  en  avons  parlé  à  son  article.  C'est  par 
son  moyen  qu'on  fait  le  pain  plus  délicat  qui  se  nomme  pain 
mollet.  Il  arrive  souvent  que  le  gros  pain  qui  a  été  fait  avec  du 
levain  de  pâte  a  une  saveur  tirant  sur  l'aigre,  ce  qui  est  très-désa- 
gréable ;  cela  peut  tenir  à  ce  que  Ton  a  mis  dans  le  pain  une  trop 
grande  quantité  de  levain  ou  de  ce  que  la  fermentation  du  même 
levain  était  trop  avancée.  On  ne  remarque  jamais  cet  inconvé- 
nient dans  le  pain  fait  avec  la  levure,  ce  qui  vient  apparemment 
de  ce  que  la  fermentation  de  la  levure  est  moins  avancée  que 
celle  du  levain,  ou  qu'on  met  plus  de  sollicitude  à  la  fabrication 
du  pain  mollet  qu'à  celui  du  pain  de  ménage. 

Le  pain  bien  levé  et  cuit  à  propos  diffère  donc  absolument 
d'un  pain  mal  fabriqué,  non-seulement  parce  qu'il  est  beau- 
coup moins  compacte  et  d'une  saveur  plus  agréable,  mais  encore 
parce  qu'il  se  trempe  aisément  et  qu'il  ne  fait  pas,  quand  on 
l'imbibe,. une  colle  visqueuse,  ce  qui  est  d'un  avantage  infini  pour 
la  disgestion. 

Quant  au  sel  que  Ton  ajoute  à  la  pâte,  il  ne  sert  pas  seule- 
ment à  donner  du  goût  au  pain,  mais  il  exerce  encore  une  action 
en  déterminant  une  plus  grande  absorption  d'eau  par  la  farine  ^ 
et  quelques  autres  sels  offrent  cette  action  à  un  plus  haut  degré^ 
mais  dans  de  très-petites  proportions  seulement;  au  delà  de  cer- 
taines limites,  ces  sels  empêchent  la  pâte  de  lever  aussi  bien. 

Le  levain  et  le  sel  offrent  donc  de  grands  avantages  dans  la 
panification  ;  ces  deux  ingrédients  consomment  tout  ce  qu'il  y  a 
d'impur,  donnent  à  la  farine  une  espèce  de  cuisson  anticipée  et  à 
la  masse  une  consistance  plus  ferme. 

Le  peuple  français  est,  comme  on  le  sait,  celui  qui  con- 
somme le  plus  de  pain,  et  c'est  sans  doute  pour  cela  qu'il  y 
règne  moins  de  maladies;  avantage  que  plus  d'un  médecin  attri- 
bue à  l'usage  que  nous  avons  de  manger  beaucoup  de  pain  à  nos 
repas. 

Il  n'en  est  pas  de  même  chez  les  Anglais  et  les  Allemands, 
dont  la  principale  nourriture  est  la  viande  ou  les  pommes  de 
terre;  cela  ne  veut  pas  dire  que  ce  régime  alimentaire  est  constam- 


7^2  P  A  IN. 

ment  mauvais,  mais  il  est  souvent  la  cause  de  maladies  putrides. 

Un  Parisien  se  trouvant  un  jour  dans  une  ville  d'Allemagne 
se  trouva  invité  à  diner  par  un  de  ses  amis. 

A  six  heures^  il  était  chez  son  ami;  il  vit  une  table  somp- 
tueusement servie  pour  une  douzaine  de  personnes  à  pea  près, 
mais  ce  qui  le  frappa  le  plus,  ce  fut  la  petitesse  des  morceaux 
de  pain  qui  se  trouvaient  sous  chaque  serviette. 

Au  bout  d'un  quart  d'heure  d'attente,  ne  voyant  arriver 
aucun  convive  et  sentant  la  faim  le  presser  vivement,  il  se  dit  : 

—  Ma  foi,  je  suis  chez  un  ami,  je  n'ai  pas  beaucoup  à  me 
gêner  avec  lui ,  je  vais  manger  ce  petit  morceau  de  pain ,  cela 
me  permettra  d'attendre  les  convives ,  qui  ne  peuvent  tarder  à 
arriver. 

Il  prit  donc  un  morceau  de  pain  et  le  mangea. 

Un  autre  quart  d'heure  se  passa,  il  ât  la  même  réflexion  que 
la  première  fois,  et  mangea  deux  morceaux  de  pain ,  n'ayant  rien 
autre  chose  à  manger. 

Enfin,  son  ami  et  ses  invités  n'arrivant  encore  pas,  il  finit 
par  manger,  toujours  en  attendant,  tout  le  pain  qui  se  trouvait 
sur  la  table,  de  sorte  que  lorsque  les  convives  arrivèrent,  ils  n'en 
trouvèrent  plus;  et  le  Parisien  leur  ayant  raconté  que  c'était  lui 
qui  avait  tout  mangé,  ils  rirent  beaucoup  et  lui  demandèrent 
comment  il  avait  pu  faire  pour  en  avaler  autant. 

Quant  à  eux,  ils  s'en  passèrent  parfaitement,  cela  ne  les 
gênant  pas,  et  les  douze  morceaux  de  pain  avalés  par  lui  n'em- 
pêchèrent pas  non  plus  notre  compatriote  de  faire  honneur  au 
dîner  de  son  ami. 

L'arrivée  tardive  des  convives  fut  expliquée  alors;  on  soupe 
en  Allemagne  à  huit  heures,  et  le  Parisien  ayant  l'habitude  de 
dîner  à  six,  était  venu  à  son  heure  habituelle  sans  s'inquiéter  si 
c'était  bien  l'heure  du  repas. 

Moyen  de  faire  la  levure  avec  des  pommes  de  terre.  — 
Faites  cuire  des  pommes  de  terre  farineuses  jusqu'à  ce  qu'elles 
soient  bien  molles;  pressez,  écrasez-les  et  versez-y  assez  d'eau 
chaude  pour  leur  donner  la  consistance  de  la  levure  de  bière 
ordinaire,  ajoutez  pour  une  livre  de  pommes  de  terre  deux  onces 
de  mélasse,  et  quand  le  tout  est  chaud^  ajoutez-y  pour  chaque 


PAIN. 


793 


livre  de  pommes  de  terre  deux  grandes  cuillerées  à  soupe  de 
l»ère.  Gardez  le  tout  chaudement  jusqu'à  ce  qu'il  ait  cessé  de 
fermenter  ;  et  en  vingt-quatre  heures  il  sera  prêt  à  être  mis  en 
usage.  Une  livre  de  pommes  de  terre  produit  environ  une  pinte 
de  levure,  et  elle  se  conserve  trois  mois.  Cette  levure  remplit  si 
bien  le  but  qu'on  ne  peut  distinguer  le  pain  qui  en  contient  de 
celui  qui  est  fait  avec  de  la  levure  de  bière  (Edlin). 

«  Je  crois  rendre  service  à  mon  état,  dit  M.  Carême, 
en  donnant  la  méthode  de  faire  le  pain  d'après  les  procédés  de 
M.  Edlin. 

«  Les  hommes  de  bouche  qui  voyagent  avec  des  maitres 
amateurs  de  bonne  chère  pourront  désormais,  à  l'aide  de  cette 
méthode,  se  procurer  du  pain  frais  tous  les  jours.  Cependant  nous 
pourrons  en  user  ainsi  toutes  les  fois  que  notre  service  de  cuisine 
n'en  soiiârira  en  aucune  manière.  Or,  quand  nous  habiterons  une 
campagne  éloignée  ou  que  les  boulangers  de  province  nous  donr 
neront  du  pain  de  mauvaise  manipulation ,  c'est  alors  que  nous 
«erofls  heureux  de  pouvofir  offrir  à  ceux  que  nous  sommes  spé- 
cialement chargés  de  bien  faire  vivre,  du  pain  qui  ne  le  céderait 
en  rien  à  celui  de  nos  boulangers  de  Paris.  Cela  serait  fort 
aimable  pour  les  maîtres,  j'en  conviens,  mais  peut-être  fort  déplai- 
sant pour  nous,  car  le  même  homme  ne  peut  être  à  la  fois  cuisi- 
nier et  boulanger,  mais  il  doit  en  charger  son  aide  et  le  surveil- 
ler dans  l'opération,  à  moins  que  ce  ne  soit  un  aide -pâtissier; 
al<Mrs  celui-là  doit  être  l'homme  de  la  chose.  » 

Comme  il  y  a  encore  dans  les  campagnes  beaucoup  de 
paysans  qui  font  leur  pain  eux-mêmes,  nous  allons  donner  la 
méthode  la  plus  simple  de  le  faire.  . 

Méthode  pour  faire  le  pain.  —  Vous  mettez  la  quantité  de 
farine  que  vous  voulez,  suivant  ce  qu'il  vous  faut  de  pain  ; 
^Elites  une  fontaine  au  milieu,  et  vous  mettez  dans  cette  fontaine 
im  demi-quarteron  ou  plus  de  levure,  faites  votre  détrempe  à 
l'eau  tiède ,  et  de  sorte  qu'elle  soit  de  la  consistance  de  la  pâte  à 
brioche,  travaillez  bien  votre  pâte  en  y  joignant  deux  onces  de 
«el  fin  délayé  dans  un  peu  d'eau  tiède,  couvrez-la  et  mettez- 
la  chaudement  afin  qu'elle  puisse  fermenter  et  lever;  la  bonté  du 
pain ,  on  ne  saurait  trop  le  répéter,  dépend  des  soins  donnés  à 


794  PAIN   D'EPICE. 


cette  partie  de  Topération  ;  après  avoir  laissé  la  pâte  en  cet  état 
une  heure  ou  deux,  selon  la  saison,  on  la  pétrit  de  npuveau,  on 
la  recouvre  et  on  la  laisse  encore  reposer  deux  heures  dans  cet 
état  ;  puis  chauffez  le  four,  et  lorsqu'il  est  bien  nettoyé  vous  divi- 
sez la  pâte  en  autant  de  parties  que  vous  voulez  et  formez  des 
pains  de  la  forme  qu'il  vous  plaira«  Vous  placerez  ces  pains  dans 
le  four  le  plus  promptement  possible,  puis,  lorsqu'ils  sont  cuits, 
vous  frottez  la  croûte  avec  un  peu  de  beurre,  afin  de  lui  donner 
une  belle  couleur  jaune. 

Pain  français  en  rouleau.  —  Vous  prenez  de  la  farine  tanû- 
sée  suivant  ce  que  vous  voulez  faire  de  pâte  et  vous  la  délayez 
avec  du  lait,  du  beurre  tiède,  environ  une  demi-livre  de  levure 
et  du  sel.  Vous  mêlez  bien  le  tout  et  vous  le  pétrissez  avec  une 
suffisante  quantité  d'eau  chaude;  travaillez  bien  la  pâte,  couvrez- 
la  et  laissez-la  deux  heures  pour  l'épreuve.  Moulez-la  ensuite 
en  rouleau  que  vous  placez  sur  des  plaques  ou  plafonds  étamés 
et  laissez-les  sur  le  four  ou  dans  une  étuve  à  chaleur  molle,  afin 
qu'ils  puissent  s'apprêter,  placez-les  une  heure  après  dans  un 
four  très-chaud  pendant  vingt  minutes.  Râpez-en  le  dessus  lors- 
qu'ils sont  cuits.  Vous  pouvez  les  mettre  de  préférence  sur  du 
papier  beurré,  ils  n'en  font  que  plus  d'effet  en  cuisant  et  cela 
les  rend  infiniment  plus  légers. 

PAIN  D'ÉPICE.  —  Depuis  les  temps  les  plus  reculés,  le 
meilleur  pain  d'épice  s'est  fabriqué  à  Reims.  A  la  fin  du 
XV*  siècle,  sous  Louis  XII,  il  jouissait  d'une  grande  répatation, 
et  celui  qu  on  fabriquait  à  Paris  n'était  qu'au  second  rang. 

Vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV  et  au  commencement  <lu 
règne  de  Louis  XV,  il  était  d'usage  de  faire  présent  de  croquets 
et  de  nonettes  de  Reims  ;  il  n'y  a  plus  guère  aujourd'hui  que  les 
enfants  qui  en  consomment ,  mais  il  ne  s'en  fait  pas  moins  un 
commerce  considérable. 

Nous  avons  entendu  raconter,  dit  M.  de  Courchamps,  qu^  le 
dernier  maréchal  de  Mouchy  venant  de  perdre  un  de  ses  beaux- 
frères,  contre  lequel  il  avait  plaidé  pendant  longues  années,  était 
•solennellement  assis  dans  le  salon  de  son  appartement  au  châ- 
teau de  Versailles,  où  il  écoutait  des  compliments  de  condo- 
léance avec  beaucoup  de  gravité. 


PAIN  D'ÉPICE.  795 


Comme  il  était  là  depuis  son  retour  de  la  messe  du  roi,  et 
que  le  diner  approchait,  le  contrôleur  du  maréchal,  car  il  avait 
accordé  le  titre  de  contrôleur  à  son  maitre  d'hôtel,  cet  officier, 
disons-nous,  osa  prendre  sur  lui  d'interrompre  la  cérémonie  des 
compliments  pour  venir  lui  demander  ses  ordres  : 

—  Hél  mon  Dieu,  lui  dit  le  maréchal  avec  un  ton  mêlé 
d'impatience  et  d'affliction,  comment  pouvez-vous  et  comment 
osez-vous  me  faire  une  question  pareille^  Qu'est-ce  que  vous 
pourriez  me  présenter  convenablement,  sinon  les  deux  plats  d'an- 
cienne étiquette^  Apprenez  donc,  monsieur,  qu'un  jour  comme 
aujourd'hui,  vous  ne  pouvez  servir  devant  moi  que  des  pigeons 
au  gros  sel  et  du  pain  d'épice.  Comment  se  fait-il  que  mon  con- 
trôleur ne  sache  pas  cela  } 

On  fait  le  pain  d'épice  avec  la  fleur  de  farine  de  seigle,  de 
l'écume  de  sucre  ou  du  miel  jaune  et  des  épiceries;  on  fait  cuire 
le  tout,  que  l'on  divise  en  pains  de  la  forme  que  I'cmi  veut.  Il 
excite  l'appétit,  relève  et  soutient  les  forces  digestives  ;  mais  on 
ne  doit  en  manger  que  modérément.  Les  marins  se  trouvent  bien 
d'en  faire  usage. 

Son  invention  remonte  à  une  date  fort  ancienne  ;  il  n'y  a  pas 
de  doute  qu'elle  n'ait  suivi  immédiatement  celle  du  pain.  Encou- 
ragés par  le  succès  de  l'opération  qui  avait  procuré  le  pain,  les 
hommes  essayèrent  de  combiner  la  farine  des  différents  grains 
avec  toutes  les  substances  qui  pouvaient  en  rendre  la  saveur  plus 
agréable,  tels  que  le  beurre,  les  œufs,  le  lait,  le  miel,  afin  de 
voir  ce  qu'il  en  résulterait.  Ce  furent  sans  doute  ces  expériences 
qui  donnèrent  naissance  à  toutes  les  pâtisseries  dont  se  régalaient 
les  anciens,  et  dont  nos  pères,  au  temps  des  Croisades,  rappor- 
tèrent les  recettes  d'Egypte  et  d'Asie,  ce  qui  a  servi  à  former 
l'art  du  pâtissier  et  du  confiseur. 

Les  Romains  avaient  leur  pain  d'épice;  c'était  l'offrande 
que  le  pauvre  faisait  aux  dieux  immortels.  Far  cum  melle.  Les 
Grecs  le  mangeaient  au  dessert.  Nos  ancêtres  l'estimaient  fort  et 
en  faisaient  même  des  présents.  Dans  les  repas  de  cour,  il  figu- 
rait au  premier  rang.  Agnès  Sorel,  la  jolie  maîtresse  de 
Charles  VII,  appelée  Dame  de  Beauté  à  cause  du  château  de 
Beauté  qu'elle  possédait  sur  les  bords  de  la  Marne,  et  qui  était 


796  PANADE. 


un  cadeau  de  son  royal  amant^  ne  pouvait  se  lasser  de  cette 
friandise»  et  plusieurs  auteurs  du  dernier  siècle  ont  prétendu 
même  qu'elle  avait  été  empoisonnée  avec  du  pain  d'épice  par  le 
dauphin,  depuis  Louis  XI,  qui  ne  Taimait  point  parce  que  son 
père  Taimait  trop;  mais  c'est  une  conjecture  qui  ne  repose  que 
sur  le  caractère  cruel  et  vindicatif  de  ce  prince.  Marguerite  de 
Valois,  sœur  de  François  I*',  en  faisait  aussi  ses  délices.  Mais  sous 
Henri  II,  on  s'en  dégoûta  tout  à  coup,  parce  que  le  bruit  courut 
que  les  Italiens  y  mettaient  du  poison,  et  il  ne  revint  en  faveur 
qu'à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV,  comme  nous  l'avons  dit  plus 
haut. 

La  farine  de  seigle  rend  ce  pain  un  peu  pesant;  cependant, 
quand  il  est  bien  confectionné  et  bien  cuit,  les  aromates  qu'on  y 
emploie  le  rendent  plus  digestif.  Le  bon  pain  d'épice,  fait  avec 
du  bon  miel  de  choix,  peu  aromatisé,  est  laxatif,  calme  la  soif  et 
favorise  l'expectoration.  Pour  qu'il  puisse  se  garder  sans  se  ramol- 
lir par  l'humidité  et  s'altérer  en  vieillissant,  il  faut  lui  donner  un 
degré  de  cuisson  convenable  et  l'exposer  de  temps  en  temps  à  la 
chaleur  du  feu  ou  du  soleil. 

PALAIS  de  bœuf  en  filets  marines,  au  gratin,  à  l'allemande, 
en  coquilles,  en  crépinettes,  etc.  (V,  Bcuf.) 

PALOMBE.  —  Oiseau  de  passage,  de  l'espèce  du  pigeon 
ramier,  vivant  principalement  près  des  Pyrénées.  Sa  chair  est 
aussi  estimée  que  celle  des  autres  pigeons  sauvages.  Ses  propriétés 
alimentaires  sont  les  mêmes,  et  il  se  prépare  de  la  même 
façon. 

PANADE.  —  Espèce  de  potage  composé  de  mie  de  pain 
qu'on  fait  mitonner  avec  de  l'eau,  du  beurre  et  du  sel,  et  dans 
lequel  on  ajoute,  au  moment  de  servir,  une  liaison  composée  de 
jaunes  d'œufs  et  de  crème  fraîche. 

Nota.  —  Avoir  soin  de  ne  mettre  le  beurre  frais  que  dans  les 
jaunes  d'œufs,  et  non  pas  de  suite  dans  le  pain,  l'eau  et  le  sel  qui 
se  mitonnent;  le  beurre,  en  bouillant  dans  le  potage,  perdrait 
de  sa  saveur.  (V,  Potages.) 

Tanade  portugaise,  nommée  de  la  Sourde.  —  Mettez  de 
l'huile  dans  une  casserole  (deux  cuillerées),  faites-y  revenir  de 
l'ail  que  vous  retirez  quand  il  est  revenu.  Ajoutez  du  pain  rassis 


PANNEQUETS.  7^ 


en  tranches,  du  sel,  du  poivre;  mouillez  d'un  peu  d'eau.  Retour- 
nez et  écrasez  bien,  en  ajoutant  une  cuillerée  ou  deux  d'huile, 
suivant  la  quantité  que  Ton  veut  faire. 

Cette  panade  se  mange,  à  Lisbonne,  comme  potage  et  à  la 
fourchette. 

PANAIS.  —  Plante  de  la  même  famille  que  la  carotte.  Sa 
racine  est  blanche,  sa  tige  haute,  droite,  grosse,  ferme,  cannelée, 
vide  et  rameuse;  les  fleurs  sont  amples,  la  saveur  est  douce  et 
sucrée. 

11  y  a  deux  espèces  de  panais,  le  long  et  le  rood.  On  met 
cette  racine  dans  les  bouillons,  on  la  frit  aussi  au  beurre.  Le 
goût  de  ce  légume  ne  plaît  pas  généralement.  Ray  dit  que  les 
Anglais  croient  que,  lorsque  le  panais  est  trop  vieux,  il  produit 
le  délire  et  même  la  folie  ;  ils  le  nomment  alors  panais  fou.  Cette 
plante  passait  pour  être  aphrodisiaque;  il  ne  faut  pas  la  confondre 
avec  la  ciguë,  dont  les  feuilles  ont  des  taches  rouges  au  bas  des 
tiges.  £n  Thuringe,  on  extrait  des  panais  un  sirop  qui  remplace 
le  sucre.  Cette  plante  a  une  composition  analogue  à  celle  de  la 
betterave  et  de  la  carotte;  le  sucre  y  entre  comme  partie  consti- 
tuante. Drappies  dit  en  avoir  retiré  douze  pour  cent. 

On  cultive  et  Ton  mange  souvent  en  Allemagne  une  espèce 
de  petit  panais  farineux  et  sucré  dont  on  fait  un  hochepot  avec 
des  carrés  de  porc  frais  et  de  filets  de  biche. 

PANCALIER.  —  Sorte  de  chou  printanier  qui  tire  son  nom 
de  la  ville  de  Pancaglieri,  en  Piémont,  d'où  il  a  été  apporté  par 
le  célèbre  La  Quintinie ,  premier  jardinier  -  potagiste  de 
Louis  XIV. 

PANER.  —  C'est  l'action  de  couvrir  de  chapelure  ou  de  mie 
de  pain  les  viandes  que  l'on  veut  faire  frire  ou  griller. 

PANNE.  —  On  donne  le  nom  de  panne  à  la  graisse  dont  la 
peau  du  cochon  et  de  quelques  autres  animaux  se  trouve  garnie 
à  l'intérieur,  et  plus  particulièrement  au  ventre. 

PANNEQUETS.  (Recette  de  M.  de  Courchamps,)  —  Mettez 
dans  une  terrine  deux  cuillerées  à  bouche  de  farine,  trois  jaunes 
d'œufs  et  deux  œufs  entiers,  un  peu  de  sel  et  quelques  gouttes  de 
fleur  d'oranger;  délayez  bien  le  tout  et  achevez  de  le  délayer  avec 
du  lait,  afin  que  l'appareil  soit  bien  clair;   prenez  une  petite 


798  PAON. 

poêle  ronde  et  creuse,  chaufFez-la,  essuyez-Ia.  mettez  un  peu  de 
beurre  dans  plusieurs  épaisseurs  de  papier  en  forme  4^  petit 
sachet,  froltez-en  votre  poêle  partout,  mettez  dans  cette  poêle 
une  cuillerée  à  dégraisser  pleine  de  votre  pâte,  tournez-la  sur  tous 
les  sens,  afin  de  bien  étendre  le  pannequet,  lequel  doit  être  bien 
mince  et  bien  égal  partout.  Lorsqu'il  sera  cuit,  renversez-le  sur 
le  plat  où  vous  devez  le  servir;  étendez  votre  pannequet,  saupou- 
drez-le de  sucre  et  continuez  ainsi  pour  les  autres,  jusqu'à  ce 
que  vous  ayez  employé  la  totalité  de  votre  appareil. 

On  recouvre  quelquefois  ces  pannequets  avec  un  enduit  de 
confiture,  mais  ceci  masque  leur  goût,  et  c'est  une  recherche  que 
nous  ne  saurions  approuver. 

Ainsi  parle  M.  de  Courchamps,  mais  du  moment  que  vous 
n'ajoutez  pas  une  confiture  quelconque  en  chausson  dans  votre 
appareil,  ce  ne  sont  plus  des  pannequets,  c'est  tout  bonnement  des 
crêpes  fines. 

La  groseille  ou  l'abricot  sont  nécessaires  pour  constituer  les 
pannequets. 

PANTHÈRE.  —  Nous  mettons  ici  la  panthère,  parce  qu*il 
y  a  des  peuples  dans  Tlnde  qui  mangent  la  chair  de  cet  animal. 

On  dompte  la  panthère  plutôt  qu'on  ne  l'apprivoise  ;  elle  ne 
perd  jamais  en  entier  son  caractère  féroce.  Ceux  qui  s'en  servent 
pour  la  chasse  ont  besoin  d'employer  les  plus  grands  moyens 
pour  la  dresser,  la  conduire  et  l'exercer.  Cet  animal  habite  plus 
particulièrement  la  partie  de  l'Afrique  qui  s'étend  le  long  de  la 
Méditerranée  et  de  l'Asie.  C'est  aux  Indes  qu'on  le  dresse  pour 
la  chasse  ;  on  l'y  conduit  les  yeux  bandés,  dans  de  petits  chariots, 
jusqu'à  la  vue  du  gibier.  Là,  on  lui  rend  la  liberté  et  la  vue;  il 
s'élance,  saisit  sa  proie,  et,  après  s'être  repu  de  son  sang,  il  se 
laisse  reprendre  et  attacher  de  nouveau.  Les  Indiens  et  les  nègres 
qui  mangent  sa  chair  la  trouvent  bonne;  Galien  dit  qu'elle  ne 
vaut  cependant  pas  celle  de  l'ours  et  prétend  que  son  foie  es! 
d'une  saveur  détestable  et  devient  même  un  poison. 

PAON.  —  Excepté  dans  quelques  pays,  l'habitude  est  per- 
due de  servir  les  paons  comme  un  rôti  ordinaire. 

Je  n'ai  mangé  du  paon  qu'une  fois  dans  ma  vie;  mais  comme 
il  était  très-jeune  et  qu'il  pouvait  correspondre  à  ce  qu'on  appelle 


PAON. 


799 


le  poulet  de  grain,  il  me  parut  excellent.  J'allais  aux  fètes  don- 
nées à  Saint-Tropez  à  propos  de  l'inauguration  de  la  statue  du 
Bailly  de  Suffiren.  Nous  avions  été  obligés  d'abandonner  le  che-^ 
min  de  fer  et  de  prendre  une  voiture  particulière.  A  trois  ou 
quatre  lieues  de  Saint-Tropez,  la  voiture  relayait  dans  un  char- 
mant viUage  dont  j'ai  oublié  le  nom,  et  qui  était  situé  au  sommet 
d'une  colline  de  châtaigniers.  Pendant  ce  temps  d*arrét,  je  passais 
la  tête  par  la  portière,  attiré  par  une  partie  de  cochonnet  que 
quelques  jeunes  gens  jouaient  avec  la  même  passion  que  je  l'ai 
vu  faire  à  Paris,  avant  que  ce  noble  jeu,  qui  ne  le  cède  en  rien 
comme  antiquité  au  jeu  de  l'oie,  ne  fût  exilé  des  Champs-Elysées. 
Les  jeunes  gens  levèrent  la  tête  vers  la  voiture,  pour  voir  quels 
étaient  les  étrangers  qui  s'intéressaient  ainsi  à  leur  jeu,  et  me 
reconnurent. 

A  peine  mon  nom  fut-il  prononcé,  que  la  voiture  fut  entou- 
rée, qu'il  nous  fallut  descendre,  et  qu'entrainés  vers  un  café, 
force  nous  fut  de  prendre  un  grog  avec  les  indigènes  du 
pays. 

Au  bout  de  dix  minutes,  nous  étions  devenus  tellement  amis 
avec  nos  nouvelles  connaissances,  que  celles-ci  ne  voulaient 
plus  nous  laisser  partir,  et  s'obstinaient  à  nous  retenir  à  dîner. 

Nous  n'obtînmes  un  sursis  qu'à  la  condition  que  nous  revien- 
drions dîner  le  mercredi  suivant,  c'est-à-dire  trois  jours  après. 
Nous  étions  au  dimanche. 

Moyennant  notre  parole  d'honneur  donnée,  une  foule  de 
poignées  de  main  échangées,  on  consentit  à  notre  départ,  en  nous 
annonçant  qu'on  nous  attendrait,  le  mercredi  suivant,  jusqu'à 
huit  heures  pour  dîner,  et,  s'il  le  fallait,  jusqu'à  dix  heures 
pour  souper. 

Nous  assistâmes  aux  fêtes  de  Saint-Tropez,  et,  à  deux 
heures,  malgré  l'insistance  de  nos  nouvelles  connaissances, 
nous  montâmes  en  voiture,  pour  tenir  nos  promesses  envers  les 
anciennes. 

Une  fois  en  route,  ce  fut  à  aous  que  vint  la  crainte  que 
notre  invitation  ne  fût  oubliée  par  nos  inviteurs,  et,  dans  ce  cas^ 
notre  résolution  était  prise,  pour  leur  faire  honte,  de  nous  arrêter 
à  l'auberge  et  d'y  dîner  portes  et  fenêtres  ouvertes. 


8oo  PAON. 

Mais  cette  crainte  ne  nous  tint  pas  longtemps.  Cent  pas  en 
avant  du  village,  nous  vîmes  une  sentinelle  qui  faisait  des  signaux 
télégraphiques  ayant  une  signification  d'autant  plus  claire,  qu'ils 
furent  terminés  par  un  coup  de  fusil. 

A  peine  ce  coup  de  fusil  fut-il  tiré,  que  la  cloche  sonna 
et  que  nous  vîmes  le  village  en  masse  venir  au-devant  de  nous. 

Il  n'y  avait  pas  moyen  de  rester  en  voiture.  Le  maire  prit  le 
bras  de  ma  tille;  le  notaire,  ce  joueur  de  cochonnet  qui  m'avait 
reconnu,  et  qui,  infidèle  à  une  des  plus  grandes  passions  qui 
existât,  avait  quitté  son  jeu  pour  boire  un  grog  avec  nous,  me 
donna  le  bras,  et,  entourés  de  toutes  les  femmes,  de  tous  les 
enfants  réunis  à  la  ronde,  nous  fîmes  notre  entrée  triomphale 
dans  le  village. 

Notre  étonnement  fut  grand.  Comme  dans  les  beaux  jours 
de  Sparte,  notre  table  était  dressée  sur  la  place  publique.  Mais  fa 
première  chose  qui  nous  réjouit  fut  de  voir  qu'au  lieu  du  brouet 
lacédémonien,  la  table  était  chargée  de  plats  du  meilleur  air,  et 
probablement  du  meilleur  goût,  au  milieu  desquels  un  paon  rôti 
à  qui  on  avait  conservé  toutes  ses  plumes  étalait  sa  queue  en 
éventail  et  dressait  son  cou  de  saphir. 

La  table  était  de  trente  ou  quarante  couverts  ;  on  avait  douté 
du  temps,  et  voilà  pourquoi  les  convives  n'étaient  pas  plus  nom- 
breux. Puis,  il  faut  que  je  Tavoue,  peut-être  avait-on  aussi  douté 
de  mon  retour.  Mais  lorsqu'on  vit  que  le  temps  s'était  mis  au 
beau  fixe,  lorsqu'on  fut  certain  que  j'étais  arrivé,  chacun  sortit 
avec  sa  table  toute  servie,  et  la  mit  soit  devant  sa  porte,  soit  à 
la  suite  des  autres,  et  un  quart  d'heure  après,  trois  cents  con- 
vives gesticulaient  de  leur  mieux  pour  célébrer  mon  arrivée,  qui 
fut  inaugurée  par  de  chaleureux  vivats. 

A  l'époque  où  la  chose  arriva,  je  voulus  la  raconter,  mais 
pas  un  journal  ne  trouva  le  récit  digne  de  ses  colonnes  et  ne  dai- 
gna me  les  ouvrir. 

Les  journaux  ont  parfois  de  ces  bienveillances-là,  entre  eux. 

On  comprend  que  ce  souvenir  du  goût  de  la  chair  de  paon 
se  perdit  au  milieu  de  la  bruyante  réception  qui  m'était  faite.  Il 
me  sembla  seulement  que,  dans  ce  dîner  excellent,  chaque  mets 
avait  atteint  toute  sa  distinction  et  toute  sa  sapidité. 


PATATE.  8oi 

Paon  rôti  à  la  crème  aigre.  —  Videz  et.  bridez  un  jeune 
paon,  mettez-le  à  la  broche  en  Tarrosant  de  beurre  salé  et  poi- 
vré; puis,  lorsqu'il  commence  à  cuire,  prenez  la  valeur  de  deux 
verres  de  crème  aigre  et  Tarrosez  avec  cette  crème  ;  débridez-le 
ensuite  et  le  dressez  sur  un  plat,  en  prenant  la  même  attention  de 
sa  toilette  que  l'on  prend  de  celle  du  faisan,  c'est-à-dire  en  lui 
rendant  sa  queue,  sa  tète  et  $qs  ailes. 

PARMESAN.  —  Malgré  la  dénomination  sous  laquelle  il 
est  généralement  connu,  ce  fromage  ne  se  fabrique  point  à  Parme, 
mais  à  Lodi  et  dans  ses  environs.  Aussi  son  véritable  nom  est-il 
Jormaggio  lodigiano,  ou  encore  formaggio  di  Grana.  On  élève 
beaucoup  de  bétail  aux  environs  de  Lodi,  et  on  y  nourrit  plus  de 
trente  mille  vaches  pour  la  préparation  de  ce  fromage. 

Quant  à  l'emploi  culinaire  du  parmesan,  voyez  Macaroni, 
Lasagnes,  Ramequins  et  Fondues. 

PASSOIRE.  —  Ustensile  de  cuisine  qui  sert  à  tîltrer  grossiè- 
rement des  liquides  épais.  Il  y  en  a  aussi  dont  les  trous  sont 
très-fins,  et  on  s'en  sert  pour  passer  le  bouillon  et  les  sauces 
liées. 

PASTEQUE.  —  Espèce  de  melon  d'eau  cultivé  dans  les 
pays  méridionaux.  Les  pépins  sont  disséminés  dans  la  chair,  qui 
est  rouge  et  sucrée  comme  celle  du  melon.  Le  fruit  étanche 
la  soif,  rafraîchit  beaucoup,  mais  il  pèse  sur  l'estomac  si  on  Ten 
surcharge. 

PATATE,  —  Cette  plante  est  originaire  de  l'Inde.  On  en 
trouve  en  Afrique,  en  Asie,  même  en  Irlande  et  en  Angleterre. 
Sa  saveur  est  celle  des  bons  marrons.  On  fait  cuire  les  patates  sous 
la  cendre,et,  après  les  avoir  pelées,  on  les  arrose  de  jus  d'orange  et 
d'un  peu  de  sucre.  Elles  servent,  en  grande  partie,  de  nourriture 
aux  nègres  des  Antilles,  et  leur  fane,  qui  est  fort  recherchée  des 
bestiaux,  surtout  des  vaches,  augmente  et  bonifie  le  lait  de 
celles-ci. 

Patates  au  beurre.  —  Faites  cuire  des  patates  à  la  vapeur, 
ôtez  la  peau  qui  les  enveloppe  et  coupez-les  en  rouelles;  mettez- 
les  dans  une  casserole  avec  du  beurre  et  du  sel,  et  sautez-les. 

Patates  en  beignets.  —  Lavez,  ratissez  et  coupez  des  patates, 
faites-les  mariner  trente-cinq  minutes  dans   l'eau-de-vie,  avec 

5T 


8o2  PATES  ET  TOURTES. 


une  écorce  de  citron,  égouttez-les,  trempez- les  dans  une  pâte 
légère  et  faites-les  frire  ;  égouttez-les,  dressez-les  et  saupoudrez- 
les  de  sucre. 

PATE  A  DRESSER.  —  Prenez  75  grammes  de  gruau, 
mettez-le  sur  un  tour  à  pâte,  formez  un  trou  au  milieu  de  cette 
farine  assez  grand  pour  contenir  Teau  ;  maniez  500  grammes  de 
beurre,  mettez-le  au  milieu  de  ce  trou,  dit  fontaine;  ajoutez-y 
30  grammes  de  sel  fin,  versez  de  l'eau,  prenez  peu  à  peu  la 
farine,  maniez  bien  votre  beurre,  pétrissez  bien  votre  pâte  :  lors- 
qu'elle sera  en  masse  et  bien  ferme,  tourez-la  deux  ou  trois  fois, 
c'est-à-dire  écrasez-la  avec  les  paumes  des  mains;  cela  fait, 
ramassez  votre  pâte  en  un  seul  morceau,  moulez-la.  A  cet  effet, 
saupoudrez  votre  tour  d'un  peu  de  farine  ;  ensuite,  mettez-y  votre 
pâte,  dans  un  linge  un  peu  humide,  laissez-la  reposer  ainsi  une 
demi-heure  avant  de  l'employer.  Vous  pouvez  la  faire  à  j  kilos 
par  litre;  celle  à  2  kilos  sert  ordinairement  pour  les  gros  pâtés 
froids  et  les  timbales  froides  ;  celle  à  3  kilos  par  litre,  en  y  ajou- 
tant un  œuf  par  litre,  sert  pour  les  pâtés  chauds,  les  timbales  de 
macaroni  et  autres. 

Paies  à  nouilles'.  —  (V.  Nouilles.) 

PÂTÉS  ET  TOURTES. 

Petits  pâtés  au  naturel.  —  Abaissez  d'un  centimètre  d'épais- 
seur des  rognures  de  feuilletage  ou  un  morceau  de  pâte  brisée  ; 
prenez  un  coupe-pâte  de  la  grandeur  que  vous  voudrez  avoir 
ces  petits  pâtés,  coupez-en  les  abaisses;  mettez-les  sur  un  pla- 
fond. Posez  au  milieu  de  ces  abaisses  gros  comme  le  pouce  de 
chair  à  petits  pâtés.  (Voyez,  article  Farces,  celle  à  la  ciboulette 
ou  de  Gociiveau.)  Si  vous  voulez  les  faire  en  maigre,  servez-vous 
de  la  farce  de  carpes;  refaites  des  abaisses  de  feuilletage  de 
l'épaisseur  de  trois  lignes,  couvrez  vos  chairs  de  petits  pâtés,  que 
les  fonds  ne  débordent  pas  les  couvercles;  appuyez  légèrement 
sur  vos  petits  pâtés,  dorez-les.  Un  quart  d'heure  avant  de  servir, 
faites-les  cuire,  et  servez-les  sortant  du  four. 

Petits  pâtés  au  jus.  —  Faites  une  abaisse  de  pâte  brisée  ; 
foncez-en  des  petits  moules  à  darioles  (voyez  l'article  DariolesJ, 
remplissez-les  de  chair  à  la  ciboulette  ou  de  godiveau,  ou  d'une 
farce  de  carpes,  et  saucez  d'un  coulis  maigre  ;  couvrez-les  de  vos 


PATES.        •  803 

couvercles  de  feuilletage.  Pour  cela,  servez-vous  d'un  coupe-pâte 
goudronné  de  la  grandeur  de  vos  moules,  dorez  vos  couvercles, 
mettez  cuire  vos  petits  pâtés  :  leur  cuisson  faite,  ôtez-en  les  cou- 
vercles, ciselez  la  farce,  retirez  vos  petits  pâtés  de  leurs  moules, 
dressez-les,  saucez-les  d'une  bonne  espagnole  réduite,  et  servez. 

Petits  pâtés  à  la  béchamel,  —  Faites  une  abaisse  de  feuille- 
tage de  quatre  lignes  d'épaisseur,  et  à  laquelle  vous  aurez  donné 
cinq  tours  ;  ayez  un  coupe-pâte  d'un  pouce  et  demi  de  diamètre, 
coupez  vos  petites  abaisses,  mettez-les  sur  un  plafond,  ayant 
soin  de  les  retourner;  dorez-les,  cernez-les  à  quelques  lignes  du 
bord,  pour  leur  former  un  couvercle;  faites-les  cuire,  et,  leur 
cuisson  faite,  ôtez-en  la  mie;  vous  aurez  coupé  des  blancs  de 
volaille  en  petits  dés  ou  en  émincées;  au  moment  de  servir,  ayez 
une  béchamel  réduite  et  bien  corsée  (voyez  Béchamel^  article 
Sactce),  mettez-y  vos  blancs  de  volaille,  faites  chauffer  le  tout 
sans  le  faire  bouillir,  remplissez-en  vos  petits  pâtés,  et  servez. 

Vous  pouvez  faire  de  même  des  petits  pâtés,  soit  de  foie  gras, 
soit  en  salpicon,  ou  de  laitances  de  carpes,  etc. 

Petits  pâtés  bouchées  à  la  reine.  —  Faites  des  abaisses  plus 
minces  que  les  précédentes;  coupez-les  de  la  grosseur  d'une  bou- 
chée, mettez -les  sur  un  plafond,  dorez-les,  cernez- les,  faites- 
les  cuire,  et,  leur  cuisson  achevée,  levez-en  les  couvercles,  ôtez- 
en  la  mie,  remplissez-les  du  ragoût  ci-après  indiqué. 

Hachez  des  blancs  de  volaille  très-menu,  mettez-les  dans 
une  bonne  béchamel  bouillante;  mêlez  bien  le  tout,  remplissez- 
en  vos  petits  pâtés,  et  servez. 

Petits  pâtés  au  salpicon.  —  Procédez,  pour  ces  petits  pâtés, 
comme  il  est  énoncé  pour  ceux  au  jus.  Lorsqu'ils  seront  cuits, 
ôtez-en  les  chairs,  coupez-en  les  dés,  ajoutez-y  des  champignons 
cuits,  des  truffes,  quelques  foies  de  volaille,  des  fonds  d'artichauts, 
tous  coupés  d'égale  grosseur.  Mettez  tous  ces  ingrédients  dans  de 
l'espagnole  réduite,  faites-leur  jeter  un  bouillon;  dégraissez, 
assurez-vous  si  c'est  d'un  bon  goût,  remplissez-en  vos  pâtés  et 
servez. 

Tourte  d'entrée  de  godiveau.  —  Moulez  un  morceau  de 
pâte,  abaissez-le  de  la  grandeur  d'un  plat  d'entrée,  mettez  cette 
abaisse  sur  Une  tourtière  de  la  même  grandeur,  étendez  un  peu 


«04  PATES. 

de  godiveau  au  milieu  de  votre  abaisse,  posez  dessus  une  bonne 
pincée  de  champignons,  passez  et  égouttez.  Mettez  quelques  fonds 
d'artichauts  coupés  en  quatre  ou  six,  ayez  de  la  farce  de  godi- 
veau, roulez-en  des  andouillettes  de  la  grosseur  que  vous  le  juge- 
rez convenable,  mettez-en  au-dessus  de  vos  garnitures  et  tout 
autour,  en  sorte  que  le  tout  forme  un  dôme  un  peu  aplati; 
faites  une  seconde  abaisse  un  peu  plus  grande  que  la  première, 
mouillez  le  bord  de  la  première,  posez  la  seconde  dessus,  pour 
en  former  le  couvercle  ;  soudez  les  deux  ensemble,  videz  les 
bords,  dorez  votre  tourte  et  la  mettez  cuire  sous  un  four  de  cam- 
pagne. Sa  cuisson  faite,  levez-en  le  couvercle,  dressez-la,  sau- 
^ez-la  d'une  bonne  espagnole  réduite  et  servez-la.  Autrement, 
vous  pouvez  vider  votre  tourte  dans  une  casserole  pour  faire 
jeter  un  bouillon  à  sa  garniture  dans  l'espagnole,  que  vous  avez 
soin  de  dégraisser;  pressez  votre  tourte,  remplissez-la  de  sa  gar- 
niture, et  servez.  (Courchamps.) 

Pâté  à  la  ciboulette,  —  Prenez  de  la  pâte  à  dresser,  mou- 
lez-la, formez-en  un  pâté  que  vous  remplirez  de  farce  à  la 
ciboulette. 

Voici  comment  s'exécute  cette  farce  : 

Prenez  75  grammes  de  rouelle  de  veau,  autant  de  tranche 
de  bœuf,  autrement  dit  de  noix  de  bœuf,  et  une  livre  de  graisse 
de  rognons  de  boeuf;  hachez  le  veau  et  le  bœuf  ensemble  le  plus 
menu  possible.   Servez-vous,  pour  cela,  de  couteau  à  hacher. 
Hachez  de  même  votre  graisse  de  bœuf,  mêlez  le  tout  ensemble 
et  continuez  de  le  hacher;  assaisonnez-le  de  sel,  de  poivre  et 
d'épices  fines.  Quand  le  tout  sera  bien  mêlé,  mettez -y  deux  œufs, 
l'un  après  l'autre,  et  continuez  de  hacher.  Lorsque   vos  œufs 
seront  bien  mêlés,  mouillez  votre  chair  avec  une  goutte  d'eau,  et 
continuez  de  la  mouiller  peu  à  peu  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  à  con- 
sistance d'une  farce.  Ayez  toujours  soin  de  la  relever  avec  le  cou- 
teau, afin  que  la  graisse  se  mêle  parfaitement.  Finissez-la  avec 
du  persil  et  de  la  ciboule  hachés  très-fin;   mêlez  bien  le  tout, 
relevez-la,  remplissez-en  votre  pâte,  faites  une  seconde  abaisse, 
formez-en  un  couvercle,  soudez-le,  rognez  le  bord  de  la  pâte, 
pincez  votre  pâté,  recouvrez-le  d'un  faux  couvercle  de  feuille- 
tage que  vous  échiqueterez  et  goudronnerez  ;  dorez-le,  mettez-le 


PATES..  80^ 



au  four,  et,  sa  cuisson  faite,  levez-en  le  couvercle,  dégraissez 
votre  pâté,  coupez-en  la  farce  eh  losanges  sans  la  retirer,  sau- 
cez-le d'une  bonne  espagnole  réduite,  ajoutez,  si  vous  voulez, 
un  jus  de  citron,  recouvrez-le  de  son  couvercle,  et  servez 
chaud. 

Pâté  à  la  financière,  —  Dressez  un  pâté,  remplissez-en  la 
croûte  de  farine  ou  de  viande  de  sauce.  Lorsque  votre  viande 
sera  cuite  et  de  belle  couleur,  ôtez  les  viandes  ou  la  farine, 
ainsi  que  la  mie  de  votre  caisse,  et  remplissez-la  d'une  bonne 
financière. 

Votre  financière  se  compose,  vous  le  savez,  de  crêtes  cuites 
dans  un  blanc  avec  des  rognons  de  coq  ;  égouttes^-les  au  moment 
de  vous  en  servir,  ainsi  que  les  rognons.  Mettez  dans  une  casse- 
role la  quantité  convenable  de  velouté  réduit,  si  vous  voulez 
votre  ragoût  au  blanc.  Si  vous  le  voulez  au  roux,  employez  de 
l'espagnole  réduite,  en  y  ajoutant  un  peu  de  consommé.  Au  cas 
où  votre  sauce  se  trouverait  trop  liée,  faites  mijoter  vos  crêtes  un 
quart  d'heure;  joignez-y,  un  instant  avant  de  servir,  vos  rognons, 
quelques  champignons  tournés  que  vous  aurez  fait  cuire,  des 
fonds  d'artichauts  et  des  truffes,  selon  votre  volonté.  Si  votre 
ragoût  est  trop  blanc,  liez-le  comme  il  est  indiqué  à  l'article  Ris 
de  Veau,  et,  s'il  est  au  roux,  suivez  le  même  procédé  que  celui 
indiqué  au  même  article. 

Pâté  de  giblettes piàîé  à  l'anglaise.  —  Ce  pâté  se  fait  comme 
le  précédent,  sinon  qu'au  lieu  de  pigeons  on  emploie  des  abatis 
d'oies,  de  dindons,  ou  tous  autres. 

Pâté  froid  de  veau.  —  Ayez  une  ou  deux  noix  de  veau, 
battez-les,  ôtez-en  les  nerfs  et  les  peaux,  lardez-les  de  gros  lar- 
dons, assaisonnés  de  poivre,  fines  épices,  persil  et  ciboules  hachés, 
un  peu  d'aromates  piles  et  passés  au  tamis  ;  faites  une  farce  avec 
sous-noix  de  veau  et  une  égale  quantité  de  lard  haché  bien  menu, 
assaisonnez  cette  farcp  de  sel,  poivre,  fines  épices,  d'aromates,  et, 
si  vous  le  voulez,  d'une  petite  pointe  d'ail;  pilez  cette  farce  dans 
le  mortier,  ajoutez-y  quelques  œufs  entiers,  les  uns  après  les 
autres,  et  une  goutte  d'eau  de  temps  en  temps,  de  manière  cepen- 
dant qu'il  y  ait  plus  d'eau  que  d'œufs.  Cela  fait,  garnissez  une 
casserole  de  bardes  de  lard ,  posez  dedans  un  peu  de  cette  farce. 


8o6  PÂTÉS. 

Lorsque  VOUS  aurez  assaisonne  votre  veau  de  sel,  poivre  et  fines 
épices,  rangez-le  dans  une  casserole  sur  votre  farce,  et  garnissez- 
le,  tant  au  bord  de  cette  casserole  que  dans  les  vides  qu'il  peut 
laisser;  foulez-le  un  peu,  afin  qu'il  reste  moins  de  ces  vides. 
Ensuite^  couvrez  ces  chairs  avec  un  couvercle  et  mettez-les  reve- 
nir une  heure  dans  le  four.  Retîrez-les,  laissez-les  refroidir. 
Quand  elles  le  seront,  prenez  de  la  pâte  à  dresser  (voyez  rarticle 
Pâte  à  dresser)^  mouillez-la,  abaissez-la  de  l'épaisseur  d'un  tra- 
vers de  doigt;  faites  en  sorte  qu'elle  soit  ronde.  Posez-la  sur  une 
ou  deux  feuilles  de  fort  papier  beurrées  et  collées  ensemble;  gar- 
nissez-la d'un  peu  de  farce  que  vous  avez  dû  conserver  à  cet 
effet  ;  étendez  cette  farce  de  la  grandeur  de  la  casserole,  où  vous 
aurez  fait  revenir  votre  viande;  faites  chauffer  légèrement  cette 
casserole  pour  en  détacher  les  chairs,  renversez-les  sur  un  cou- 
vercle et  glissez-les  sur  le  milieu  de  votre  abaisse;  maniez  du 
beurre,  saupoudrez  votre  tour  de  farine,  roulez  dessus  votre 
beurre,  donnez-lui  l'épaisseur  du  petit  doigt;  formez-en  une 
couronne  sur  le  haut  de  votre  pâté,  et  mettez-en  dessus  quelques 
morceaux,  ainsi  que  deux  ou  trois  demi-feuilles  de  laurier. 
Ensuite,  faites  une  seconde  abaisse,  moins  épaisse  de  moitié  que 
la  première  :  il  faut  qu'elle  soit  assez  grande  pour  envelopper 
vos  chairs  et  retomber  sur  l'autre  abaisse.  Mouillez  votre  pâte  au 
bord  des  chairs,  mettez  votre  seconde  abaisse  dessus,  soudez-Ja 
avec  la  première,  ôtez  la  pâte  qu'il  pourrait  y  avoir  de  trop  au 
pied  du  pâté,  humectez  avec  un  doroir  le  tour  de  vos  abaisses  et 
montez  votre  pâté  en  relevant  celle  de  dessous  jusqu'au  haut; 
donnez  du  pied  à  votre  pâté,  faites  une  troisième  abaisse  pour 
former  un  couvercle,  humectez  le  dessus  de  votre  pâté  ;  soudez, 
avec  son  bord,  votre  troisième  abaisse,  rognez-les  également; 
pincez  votre  pâté  tout  autour,  ou  fkites-lui  le  dessin  qu'il  vous 
plaira,  faites  un  faux  couvercle  de  feuilletage  (voyez  Tarticle 
Feuilletage);  couvrez  votre  pâté  et  faites-lui  au  milieu  un  trou 
appelé  cheminée,  dorez-le,  mettez-le  cuire  dans  un  fbur  bien 
atteint,  que  vous  aurez  laissé  un  peu  tomber,  et  faites-lui  prendre 
une  belle  couleur.  Si,  durant  sa  cuisson,  il  était  dans  le  cas  d'en 
prendre  trop,  couvrez-le  d'un  peu  de  papier,  laissez-le  cuire  trois 
ou  quatre   heures,  retirez-le,  sondez-le  avec  une  lardière  en 


PATES.  807 

bois.  Si  elle  entre  facilement,  c'est  qu'il  est  cuit,  dans  ce  cas, 
mettez-y  un  poisson  d'eau-de-vie,  remuez-le  et  finissez  de  le 
remplir  avec  un  peu  de  consommé.  Lorsqu'il  sera  presque  froid, 
bouehez  la  cheminée,  retournez  sens  dessus  dessous,  sur  un  linge 
blanc,  votre  pâte,  afin  que  la  nourriture  s*y  trouve  bien  répan- 
due. Quand  vous  voudrez  le  servir,  ôtez-en  le  papier,  grattez  le 
dessous  du  pâté,  s'il  a  pris  trop  de  couleur  ;  posez  une  serviette 
sur  le  plat,  dressez-le  dessus  et  servez-le  comme  grosse  pièce. 
^Courchamps.) 

Pâté  de  jambon.  —  Parez,  désossez  un  jambon  de  West- 
phalie  ou  de  Bayonne,  supprimez-en  le  combien  ;  mettez-le  des- 
saler huit  ou  dix  heures,  enveloppez-le  dans  un  linge,  mettez-le 
cuire  dans  la  marmite  avec  i  kil.  500  grammes  de  bœuf, 
500  grammes  de  saindoux,  du  lard  râpé  et  750  grammes  de 
beurre;  assaisonnez -le  de  carottes,  un  bouquet  de  persil  et 
ciboules,  oignons  piqués  de  trois  clous  de  girofle,  du  laurier^  du 
thym,  du  basilic  et  une  gousse  d'ail;  faites-le  cuire  aux  trois 
quarts,  retirez-le,  levez-en  la  couenne,  laissez-le  refroidir,  parez- 
le  de  nouveau;  prenez  sa  parure  et  le  bœuf  qui  a  cuit  avec, 
hachez-le  menu  avec  500  grammes  de  lard,  pilez  le  tout,  ajou- 
tez-y deux  ou  trois  œufs  entiers  et  des  fines  herbes  hachées, 
prenez  de  la  pâte  à  dresser,  moulez-la,  abaissez-la  de  Tépaisseur 
d'un  bon  travers  de  doigt,  posez-la  sur  deux  feuilles  de  papier 
beurré,  marquez  au  milieu  la  place  de  votre  jambon,  diminuez-en 
l'épaisseur  presque  de  moitié  en  l'appuyant  avec  le  poing.  Cela 
fait,  relevez  les  bords  et  dressez  votre  pâté  en  rentrant  la  pâte 
sur  elle-même  ;  faites  en  sorte  quHl  n'y  ait  aucun  pli,  donnez  du 
pied  à  votre  pâté,  en  y  passant  une  des  mains  et  en  appuyant  de 
Tautre  votre  pâte  en  dehors.  Observez  de  ne  faire  cette  pâte  qu'à 
a  kilogrammes  de  beurre  par  boisseau  ;  garnissez  le  fond  de  votre 
pâté  d'une  partie  de  votre  farce,  posez-y  votre  jambon,  remplis- 
sez les  vides  avec  le  reste  de  la  farce,  couvrez  votre  pâté  d'une 
abaisse  bien  soudée  ;  ajoutez-y  un  faux  couvercle  de  feuilletage 
ou  de  pâte  beurrée,  faites  une  cheminée  au  milieu,  mettez-le 
cuire  à  un  four  bien  atteint,  qu'il  prenne  une  belle  couleur.  Sa 
cuisson  presque  faite,  tamisez,  sans  le  dégraisser,  l'assaisonne- 
ment; remplissez-en  votre  pâté,  ayant  soin  de  le  remuer;  remet- 


8o8  PATISSERIE. 


tez-le  au  four  mijoter  environ  une  demi-heure,  retirez-le,  rem- 
plissez-le de  nouveau,  laissez-le  refroidir,  bouchez-le,  retournez-le 
sens  dessus  dessous,  laissez-le  dans  cette  position  jusqu'au  lende- 
main, ôtez-en  le  papier,  ratissez  le  dessous  de  votre  pâté,  et 

servez. 

Pâté  de  poulardes  et  de  toute  autre  volaille^  comme  dindon, 
poulet^  etc.  (V.  Poularde.) 

Ceux  de  bécasses,  bécasseaux,  pluviers  et  autres  petits 
oiseaux,  se  font  de  même.  On  y  ajoute  plus  ou  moins  de  farce, 
cela  dépend  de  celui  qui  les  fait. 

PATISSERIE.  —  Le  caractère  de  la  pâtisserie  varie  selon 
les  goûts  et  les  mœurs  des  peuples.  Chaque  peuple,  chaque  pix^- 
vince,  chaque  localité  a  fourni  à  cet  art  des  moyens  de  succès  et  a 
contribué  à  son  immense  éclat  par  des  inventions  plus  ou  moins 
originales  et  dont  chacune  a  son  caractère  propre.  Dans  1  état  de 
civilisation  où  nous  sommes  parvenus,  la  France  marche  à  la  tète 
de  la  pâtisserie,  et  après  elle  viennent  l'Italie  et  la  Suisse.  La 
position  même  du  pâtissier  a  changé  parmi  nous.  Cet  artiste, 
autrefois  de  bas  étage,  jouit  maintenant  d'une  grande  considéra- 
tion. On  disait  proverbialement  jadis,  d'une  personne  efirontéei 
qu'elle  avait  passé  par  devant  fhuis  du  pâtissier.  Cela  vient  de  ce 
qu'autrefois  les  pâtissiers  tenaient  cabaret;  et  parcequ'il  était  hon- 
teux de  les  fréquenter,  les  gens  prudes  n'y  entraient  que  par  la  porte 
de  derrière,  et  c'était  une  effronterie  d'y  entrer  par  la  boutique 
ou  la  porte  de  devant.  Aujourd'hui,  ce  serait  faire  injure  à  nos 
pâtissiers  que  d'assimiler  à  des  cabarets  leurs  jolis  et  élégants  éta- 
blissements. Les  hommes  du  meilleur  ton,  les  femmes  de  la  meil- 
leure société  ne  rougissent  plus  d'entrer  chez  un  pâtissia-,  de 
goûter  ouvertement  les  produits  de  son  industrie,  de  déguster  les 
excellents  vins  et  les  liqueurs  choisies  dont  il  les  accompagne,  et 
de  sortir  de  chez  lui  sans  honte  comme  sans  affectation. 

Qui  se  douterait  que  la  pâtisserie,  cette  si  bonne  et  si  excel- 
lente chose,  a  été  l'objet  d'une  quasi-persécution  de  la  part  d'un 
sévère  magistrat  au  xvi*  siècle?  Les  petits  pâtés  se  criaient  alors 
dans  toutes  les  rues  de  Paris,  et  il  s'en  faisait  une  très-grande 
consommation.  Le  chancelier  de  l'Hôpital  les  ayant  regardés 
comme  un  luxe  qu'il  fallait  réprimer,  ils  furent,  non  pas  prédsé- 


PECHE.  809 

ment   défendus,    mais  une  ordonnance  interdit  de    les  crier. 

Nos  souverains  n'avaient  pas  le  même  dédain  pour  ces  pro- 
ductions si  agréables;  ils  avaient  à  leur  cour  un  officier  appelé 
pâtissier-bouche,  qui  faisait  la  pâtisserie  pour  leur  table,  et  il  y 
avait  dans  la  cuisine-bouche  quatre  pâtissiers-bouche  servant  par 
quartiers.  Quand  le  roi  sortait,  le  pâtissier-bouche  fournissait  au 
coureur  du  vin  pour  la  collation  du  roi,  deux  grands  biscuits, 
huit  prunes  de  perdrigon,  six  abricots  à  oreille  et  deux  lames 
d'écorce  de  citron.  Le  pâtissier-bouche  donnait  au  conducteur  de 
la  haquenée,  quand  le  roi  s'en  ser>'ait,  vingt  grands  biscuits,  six 
douzaines  de  petits  choux.  Les  jours  maigres,  le  pâtissier-bouche 
augmentait  d'un  pâté  de  poires  de  bon-chfétien,  un  pâté  d'œufs 
brouillés,  deux  grandes  tourtes  de  fromage  à  la  ciéme,  vingt- 
quatre  talmouses,  vingt-quatre  brioches.  L'Eglise  n'eut  pas  non 
plus  horreur  de  la  pâtisserie,  et  c'est  elle  qui,  pour  ne  pas  en 
priver  ses  prélats  et  ses  fidèles  dévots,  aux  jours  de  salutaire 
abstinenee,  qui  insinua  aux  pâtissiers  l'adroite  et  succulente 
invention  des  pâtés  maigres  et  des  pâtés  au  poisson. 

Nous  prions  nos  lecteurs  de  se  reporter,  pour  les  diverses 
préparations  de  la  pâtisserie,  aux  articles  ci-dessous^  où  nous  en 
avons  spécialement  parlé. 

Biscotiriy  Biscuit ^  Bouchées ^  Brioches,  Choux-pâtissiers, 
Conglof,  Conkes^  Croquantes^  Croquembouche,  Croquignoles , 
DariQles,  Diablotins,  ÉchaudéSy  Fanchonnettes^  Flan  y  Flaniche, 
Frangipane,  Gâteaux ,  Gaufres  y  Génoises ,  G  im  blettes ,  Macarons , 
Massepains  ^  Madeleines ,  Meringues ,  Mincepies  ^  Mirlitons , 
Mousseline  y  Pâtés ,  Pâtés  froids ,  Pâtés  chauds ,  Piskiniofs, 
Profiteroles,  Rissoles^  Tarte  aux  fruits,  Tartelettes,  Timbale, 
Tourons,  Tourtes,  Vol-au^-vent, 

PAUPIETTES.  —  Tranches  de  viande  recouverte  d'une 
tranche  de  lard,  et  sur  lesquelles  on  a  étendu  une  couche  de 
farce  ;  on  les  roule  ensuite  et  on  les  embroche,  puis  on  les  fait 
rôtir  enveloppées  de  papier.  Quand  elles  sont  cuites,  on  ôte  le 
papier,  on  les  pane,  on  leur  fait  prendre  couleur  et  on  les  sert 
avec  une  sauce  piquante. 

PÊCHE.  —  Le  pêcher  est  originaire  de  la  Perse.  Son  fruit 
est  agréable  à  la  vue,  au  toucher,  à  l'odorat  et  au  goût  ;  son 


«10  PECHE, 

enveloppe  est  fine  et  délicate,  revêtue  d'un  léger  duvet  velouté 
qui  la  préserve  des  attaques  des  insectes.  £lle  est,  dans  certaines 
variétés,  d'un  jaune  verdàtre  plus  ou  moins  clair;  dans  d'autres^ 
d'un  jaune  rougeàtre  plus  ou  moins  orangé,  et  teinte  toujours, 
du  côté  du  soleil,  d'un  rouge  violet  plus  ou  moins  foncé  et  plus 
ou  moins  pourpré.  Le  noyau  est  ovale,  crevassé  intérieurement 
et  si  solide,  qu'il  faut  de  grands  efforts  pour  le  casser.  Il  contient 
ordinairement  une  amande,  rarement  deux. 

La  pèche  est  célèbre  en  Chine  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  ;  les  poè'tes  la  représentent  comme  pouvant  donner  tantôt 
l'immortalité,  tantôt  la  mort.  Comme  signe  de  bienveillance  et 
d'amitié,  on  s'offre  réciproquemeni  une  pêche  naturelle  -ou  imitée 
en  porcelaine,  et  les  artistes  chinois  la  font  entrer  dans  toutes 
leurs  décorations  d'appartement.  On  a  cru  pendant  plusieurs 
siècles,  en  Perse,  que  la  pêche  était  mortelle;  aussi  se  gardait-on 
d'en  manger  et  même  d'y  toucher.  Mais  on  les  importa  en  Egypte, 
où  le  climat  les  adoucit  et  les  rendit  meilleures.  Depuis  ce  temps, 
les  Persans  en  consomment  beaucoup. 

Les  meilleures  pêches  se  trouvent  aux  environs  de  Paris. 
Mon  treuil  surtout  est  justement  renommé  pour  la  beauté,  la 
quantité  prodigieuse  et  la  bonté  de  ses  pêches  ;  puis  viennent  le 
Dauphiné,  TAngoumois  et  la  Touraine,  etc. 

Le  première  qualité  d'une  pêche  est  d'avoir  la  chair  fertne^ 
une  et  sucrée,  ce  qui  se  voit  aussitôt  qu'on  a  enlevé  sa  peau , 
qui  doit  se  détacher  aisément;  la  seconde  qualité  est  que  son 
parenchyne  se  dissolve  aussitôt  qu'il  est  mis  dans  la  bouche; 
la  troisième,  enlin,  est  qu'il  faut  que  le  goût  du  fruit  soit 
piquant,  vineux  et  quelquefois  un  peu  musqué.  Il  faut  aussi  que 
le  noyau  soit  fort  petit,  et  que  les  pêches  qui  ne  sont  pas  lisses, 
ainsi  que  les  pavies  et  les  brugnons,  ne  soient  que  médiocrement 
velues,  car  l'épaisseur  du  velours  est  toujours  un  signe  du  peu  de 
bonté  dans  la  pêche.  Ce  poil,  au  contraire,  tombe  de  celtes  qui 
sont  de  qualité  supérieure,  et  principalement  de  celles  qui  sont 
venues  en  plein  air. 

Nous  renvoyons  le  lecteur,  pour  les  diverses  préparations 
de  ce  fruit,  aux  articles  Compote,  Confitures,  Conserves, 
Glaces,  Mousses,  Flan,  Tartes  et  Ratafia. 


PELICAN.  8ii 


Pêche  de  Montreuil.  —  La  pêche  de  Mon  treuil  doit  scm  ori- 
gine à  un  nonamé  Girardot,  ancien  mousquetaire,  chevalier  de 
Saint-Louis,  et  finalement  jardinier. 

Ce  Girardot,  après  avoir  reçu  plusieurs  blessures  graves,  fut 
contraint  de  quitter  le  corps  des  mousquetaires ,  se  retira  dans 
son  petit  domaine  de  Malassis,  situé  entre  les  villages  de  Mon- 
treuil et  de  Bagnolet,  et  s'y  adonna  à  la  culture  des  arbres  frui- 
tiers, aidé  par  les  conseils  de  La  Quintinie,  directeur  des  jardins 
du  roi  à  Versailles,  dont  il  allait  souvent  visiter  les  espaliers. 

Ayant  une  grâce  à  demander  à  Louis  XIV  et  ne  sachant 
comment  s^  prendre,  son  ami  La  Quintinie  lui  annonça  un  jour 
que,  le  roi  devant  aller  à  Chantilly  chasser  avec  le  prince  de 
Condé,  qui  était  malade,  il  tâcherait  que  la  chasse  soit  dirigée  du 
côté  de  Montreuil,  et  invita  Girardot  à  se  préparer  à  cette 
auguste  visite. 

Le  lendemain,  une  corbeille  contenant  douze  magnifiques 
pêches  fiit  déposée  par  un  inconnu  à  Toffice,  avec  cette  inscrip- 
tion :  Pour  le  dessert  du  roi.  Ces  pêches  firent  Tadmiration  de 
tout  le  monde,  et,  quelques  jours  après,  suivant  la  promesse  qu'il 

• 

lui  avait  faite,  Girardot  vit  arriver  La  Quintinie  précédant  le  roi, 
qui  venait  voir  les  espaliers  qui  fournissaient  de  si  belles  pêches 
et  remercier  en  même  temps  le  jardinier  qui  les  soignait.  L'an- 
cien mousquetaire,  encore  revêtu  de  son  uniforme,  exposa  sa 
demande  au  roi,  qui  l'accueillit  fort  bien,  et  lui  accorda  en 
outre  une  pension  et  la  faveur  de  présenter  chaque  année,  pour 
le  dessert  du  roi,  une  corbeille  remplie  de  ses  plus  belles  pêche?, 
en  souvenir  de  celles  qu'il  avait  fournies  à  Chantilly. 

Cette  coutume  fut  continuée  par  ses  descendants  et  les  habi- 
tants de  Montreuil,  qu'il  avait  enrichis^  jusqu'en  1789. 

PÉLICAN.  —  Espèce  de  héron  tout  blanc  et  à  fort  belles 
ailes.  Cet  oiseau  est  palmipède,  se  plaît  dans  les  fleuves,  dans 
les  étangs  et  dans  la  mer.  Il  est  à  peu  près  du  volume  d'un 
cîgne;  mais  ses  ailes  ont  plus  d'envergure  et  il  vole  beaucoup 
mieux,  tantôt  s'élevant  dans  les  airs  à  perte  de  vue,  tantôt  rasant 
l'eau  avec  une  rapidité  et  une  grâce  remarquables.  Il  ne  se  nour- 
rit que  de  poisson,  qu'il  pêche  avec  une  habileté  surprenante;  s'il 
est  seul,  il  se  précipite  avec  une  extrême  violence  dans  l'eau,  qu'il 


8i2  PERCHE. 


fait  ainsi  tournoyer,  bouillonner,  ce  qui  étourdit  le  poisson  dont 
il  veut  se  rendre  maître,  et  il  recommence  cet  exercice  jusqu'à 
ce  que  la  poche  qu'il  a  sous  le  cou  se  trouve  remplie.  Quand  ils 
sont  en  nombre,  les  pélicans  manœuvrent,  pour  s'emparer  du  pots- 
son  qu'ils  convoitent,  avec  une  adresse  qui  ferait  honneur  à  des 
pêcheurs  de  profession.  Ils  se  forment  en  cercle,  et,  avançant  peu 
à  peu,  ils  resserrent  ce  cercle,  au  centre  duquel  se  trouve  le  pois- 
son étourdi  et  refoulé,  ce  qui  leur  permet  de  remplir  ainsi  leur 
poche  en  très-peu  de  temps.  On  pourrait  en  France,  en  prenant 
des  pélicans  très-jeunes,  les  faire  servir  au  même  usage  que  les 
Chinois  emploient  les  cormorans  dont  ils  font  des  pêcheurs 
domestiques  et  faire  à  Taide  de  cet  animal  des  pêches  m^*- 
veilleuses. 

La  poche  dans  laquelle  le  pélican  renferme  le  poisson  qu'il 
a  péché  peut  contenir  environ  18  litres  d'eau,  elle  est  formée  de 
deux  peaux  ou  membranes,  dont  l'interne  est  contiguë  à  la 
membrane  œsophagienne,  l'externe  est  un  prolongement  de  la 
peau  du  cou.  Lorsqu'il  veut  extraire  le  poisson  qui  s'y  trouve,  il 
presse  cette  poche  contre  sa  poitrine  ce  qui  a  fait  croire  aux 
anciens  qu'il  se  décliirait  le  sein  pour  nourrir  ses  petits;  cette 
idée  absurde  existe  encore  en  Espagne  et  dans  un  des  cloîtres  de 
Barcelone  on  entretenait,  il  y  a  peu  d'années,  quelques-uns  de 
ces  oiseaux  que  le  peuple  visitait  le  dimanche  en  épiant  le 
moment  où  ils  se  déchiraient  soi-disant  pour  donner  leur  sang  à 
leurs  petits, 

La  chair  du  pélican,  comme  celle  de  tous  les  oiseaux  qui  ne 
vivent  que  de  poisson,  est  d'un  assez  mauvais  goût  et  son  odeur 
désagréable  ;  elle  est  en  outre  dure  et  coriace,  aussi  ne  s'en  sert- 
on  que  pour  faire  de  l'huile. 

PERCHE.  —  Excellent  poisson  de  rivière  dont  la  chair  est 
aussi  légère  qu'elle  est  nutritive.  On  l'a  nommé  ainsi  du  mot 
latin  perça,  parce  qu'il  est  marqueté  de  tâches  noires,  l^s 
perches  de  Seine  sont  particulièrement  estimées,  l^s  gourmands 
du  XVI®  siècle  donnaient  à  ce  poisson  le  nom  de  perdrix  d'eau 
douce;  il  est  très-vorace  et,  mis  dans  le  vivier,  il  en  tue  et  mange 
presque  tous  les  poissons.  Les  œufs  aussi  sont  très  savoureux  et 
ils  se  mangent  ordinairement  grillés  en  caisse  après  avoir  été 


PERDRIX.  813 


sautés  dans  du  beurre  frais  sans  autre  assaisonnement  que  du  sel 
et  quelques  feuilles  de  persil.  On  peut  encore  les  accommoder  au 
vin  de  Champagne  à  la  pluche  verte,  en  matelote,  au  coulis 
d'écrevisses,  à  la  sainte  Ménehould  et  même  les  faire  frire,  mais 
la  meilleure  manière  de  les  apprêter  esta  la  Watter-Fisch,  ou 
court-bouillon  hollandais  dont  voici  la  recette  : 

Arrachez  six  grosses  touffes  de  grand  persil  avec  leurs 
racines,  ratissez  celles-ci  sans  les  séparer  de  leurs  tiges  vertes  et 
faites-les  bouillir  pendant  trois  heures  dans  une  eau  de  sel  avec 
une  tige  de  poireau  blanc,  un  panais  tranché  par  quartiers  et  un 
moyen  piment  de  la  Jamaïque  ou  de  Cayenne;  lorsque  là 
Watter^Fisch  est  suffisammente  réduite  et  bien  assaisonnée  par 
ces  ingrédients,  vous  en  retirez  le  piment  et  les  panais,  ainsi  que 
le  poireau  pour  n'y  laisser  que  les  racines  de  persil.  Vous  faites 
cuire  alors  vos  poissons  préparés  convenablement,  vous  les  servez 
dans  un  plat  creux  que  vous  remplissez  de  court-bouillon  avec 
le  persil  cuit  et  vous  servez  à  proximité  de  ce  plat  une  pâte  de 
tartines  beurrées  au  pain  de  seigle. 

PERDRIGON.  —  Genre  de  prunes  avec  lesquelles  on  fait 
de  bonne  compote;  les  prunes  de  perdrigon  qui  ont  eu  Thonneur 
d'être  célébrées  par  Molière,  ont  aussi  le  privilège  de  ne  jamais 
être  attaquées  par  les  vers. 

PERDRIX,  PERDREAUX.  —  Outre  plusieurs  variétés  de 
perdrix,  il  y  en  a  quatre  fort  estimées  que  l'on  sert  sur  les  tables 
à  cause  de  leur  délicatesse  et  de  leur  bon  goût;  ce  sont  la  per- 
drix grise,  la  rouge,  la  bartavelle  et  celle  de  roche.  Au  rapport 
de  Vincent  Leblanc,  au  Bengale  toutes  les  perdrix  sont  blanches 
et  plus  grosses  que  les  nôtres. 

Cet  oiseau  n'était  pas  connu  en  France  avant  Tan  1440.  Ce 
fut  René,  roi  de  Naples,  qui  en  apporta  de  Tîle  de  Chio  en 
Provence. 

La  chasse  de  la  perdrix  se  fait  ordinairement  à  laide  de 
chiens  couchants  ou  d'arrêt;  ces  chiens  suivent  leur  piste, 
tombent  à  l'arrêt  quand  ils  sont  arrivés  près  d'elle  et  le  chasseur, 
en  forçant  Farrêt,  fait  lever  et  partir  les  perdrix,  sur  lesquelles 
il  décharge  son  arme.  Les  chasseurs  émérites  assurent  que  les 
heures  les  plus  convenables  pour  la  chasse  des  perdrix  sont  de 


814  PERDRIX. 


dix  heures  à  midi  et  de  deux  heures  à  quatre,. celles-ci  étant 
toujours  en  mouTefflent  aux  autres  heures  pour  chercher  leur 
manger  et  ne  tenant  pas. 

On  prend  les  perdrix  au  collet^  on  les  prend  aussi  dans  des 
iilets  à  l'usage  des  braconniers  et  appelés  tràtnns^es  etpantières. 
C'est  surtout  la  nuit  que  Ton  emploie  ces  engins,  dans  lesquels 
les  perdrix,  chassées  par  des  batteurs,  effrayées  par  la  lumière, 
vont  s'engager  d'elles-m^mes.  La  traînasse  détruit  chacpie  année 
un  nombre  prodigieux  de  ces  volatiles. 

On  attire  aussi  les  perdrix  mâles  à  l'aide  de  femelles  pri- 
vées, élevées  dans  des  cages  que  l'on  porte  dans  les  cantons  où 
il  y  a  beaucoup  de  coqs  ;  ces  perdrix  s'appellent  chanterelles. 
On  attire  également  le  coq  de  la  perdrix  en  imitant  le  cri  de  la 
femelle. 

On  distingue  les  perdreaux  des  perdrix  par  la  dernière  des 
grandes  plumes  de  l'aile  ;  la  pointe  de  cette  plume  est  aiguë  par 
le  bout  dans  les  perdreaux,  tandis  qu'elle  est  arrondie  dans  les 
perdrix  adultes. 

Les  épicuriens  du  siècle  dernier  ont  souverainement  décidé 
que  le  perdreau  gris  est  préférable  au  perdreau  rouge,  tandis 
que  la  perdrix  rouge  est  supérieure  à  la  grise. 

Cette  dernière  espèce  est  toujours  plus  estimée  dans  les  pays 
où  les  perdrix  rouges  sont  les  plus  communes  et  c'est  précisé- 
ment le  contraire  dans  les  pays  où  il  n'y  a  que  des  grises.  Les 
deux  espèces  sont  presque  également  bonnes,  mais  les  rouges 
sont  toujours  plus  grosses. 

La  chair  de  la  perdrix  jeune  est  légèrement  excitante, 
tendre,  savoureuse  et  facilement  digestible.  Celle  des  vieilles  per- 
drix a  besoin  d'une  cuisson  prolongée,  mais  comme  elle  est  plus 
imprégnée  d'osmazôme,  elle  est  plus  sapide  que  celle  des  per- 
dreaux. Une  vieille  perdrix  bouillie  avec  d'autres  viandes  donne 
une  excellente  saveur  au  bouillon  et  le  rend  plus  tonique. 

Perdreaux  rôtis.  —  Flambez  légèrement  vos  perdreaux, 
troussez  les  pattes  sur  les  cuisses;  enveloppez -les  par  devant 
avec  une  feuille  de  vigne  couverte  d'une  barde  de  lard,  faites 
rôtir  à  feu  modéré  et  servez  avec  une  bigarade  à  sec. 

Perdreaux  rouges  ou  gris  à  la  parisienne.  —  Videz,  flam- 


PERDRIX.  gi5 


bez^es,  faites-les  revenir  dans  une  casserole  sur  un  feu  doux 
avec  du  beurre  et  sans  leur  donner  de  couleur,  ifiouillez-les 
d'un  verre  de  vin  blanc,  deux  cuillerées  à  dégraisser  de  consommé 
et  une  demi-glace  espagnole  réduite;  laissez-les  cuire  et  mijoter 
à  peu  près  trois  quarts  d'heure ,  retirez  la  majeure  partie  de  la 
sauce,  faites-la  réduire,  dégraissez-là ;  au  moment  de  servir 
dressez  vos  perdreaux  sur  le  plat,  mettez  un  pain  de  beurre  dans 
votre  sauce,  passez-la  et  vannez-la  ;  saucez-en  vos  perdreaux  et 
servez. 

Perdreaux  rouges  à  la  Périgueux.  —  Le  perdreau  rouge 
ayant  moins  de  saveur  que  le  perdreau  gris,  se  braise  avec  une 
bonne  mirepoix;  faites  un  suage  du  tout;  mouillez  avec  deux 
verres  de  Madère;  un  verre  de  vin  blanc,  une  petite  cuiller  à 
pot  de  consommé  de  volaille  ;  une  feuille  de  papier  beurré  sur 
les  perdreaux,  couvrez  hermétiquement  la  casserole,  laissez 
nii joter  le  tout  pendant  une  demi-heure  ;  passez  ensuite  votre 
fbnd,  dégraissez-le;  faites-le  réduire  de  moitié  dans  deux  cuillers 
à  bouche  d'espagnole  demi -glace;  coupez  quatre  truffes  en 
petits  dés,  jetez-les  dans  votre  sauce  avec  un  peu  de  fonds  des 
truffes.  Ondulez  votre  sauce  d'un  -p^n  de  beurre  bien  frais,  un 
jus  de  citron  et  un  peu  de  piment  en  poudre;  dressez  vos  per- 
dreaux sur  un  plat  en  triangle;  séparez  par  trois  croûtons  panés, 
masquez  le  dessus  de  vos  perdreaux  avec  votre  sauce  Périgueux, 
et  servez  chaud. 

Perdreaux  à  l'anglaise.  —  Vous  fercissez  les  perdreaux 
avec  une  farce  faite  avec  leurs  foies,  du  beurre^  du  gros  poivre 
et  du  sel,  enveloppez-les  de  papier,  mettez-les  à  la  broche  sans 
les  barder  et  laissez- les  cuire  aux  trois  quarts;  levez-leur  les 
membres  sans  les  séparer  du  corps,  mettez-les  dans  une  casserole 
et  placez  entre  chaque  membre  un  peu  de  beurre  manié  avec  de 
la  mie  de  pain,  de  Téchalote,  du  persil,  de  la  ciboule  hachée, 
du  sel,  du  gros  poivre  et  un  peu  de  muscade;  puis  mouillez  vos 
perdreaux  avec  un  bon  verre  de  vin  de  Champagne  et  deux  cuil- 
lerées à  dégraisser  de  consommé;  faites  bouillir  doucement  sans 
les  couvrir  jusqu'à  parfaite  cuisson,  afin  que  la  sauce  se  réduise  ; 
finissez  avec  jus  et  zeste  de  bigarade. 

Perdreaux  à  la  crapaudine,   —  Plumez,  videz,  flambez. 


8i6  PERDRIX. 


épluchez  deux  perdreaux,  retroussez  les  pattes  en  dedans,  effilez 
l'estomac  des  deux  perdreaux;  aplatissez  avec  une  batte,  assai- 
sonnez  de  sel  et  poivre;  faites  fondre  un  peu  de  beurre,  passez- 
les  au  beurre,  pannez-les,  faites-les  griller  à  feu  ardent,  belle 
couleur  ;  hachez  quatre  échalotes ,  enlevez  la  partie  aqueuse  de 
réchalote,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  beurre 
bien  frais,  ajoutez  un  filet  de  vinaigre,  un  peu  de  glace  de 
viande;  hachez  deux  cornichons,  en  ayant  soin  de  hacher  les 
foies  des  perdreaux,  ajoutez -les  à  la  sauce,  pimentez  et 
servez. 

Perdreaux  en  entrée  de  broche,  —  Videz,  flambez  sans 
roidir,  bridez  et  embrochez  quatre  perdreaux  sur  un  hàtelet, 
couvrez-leur  Testomac  de  tranches  de  citron.  Couvrez-les  de 
bardes  de  lard,  enveloppez-les  de  papier,  dont  vous  fixerez  les 
bouts  avec  de  la  ficelle  sur  la  broche  afin  de  faire  tenir  Thâtelet 
dans  lequel  vos  perdreaux  sont  embrochés;  faites-les  cuire  trois 
quarts  d'heure,  déballez-les,  égouttez-les,  dressez-les  en  che- 
vrette sur  votre  plat,  saucez-les  avec  un  jus  clair,  poivrez  et 
ajoutez  jus  de  bigarade. 

Salmis  de  perdreaux. —  Vous  préparez  trois  perdreaux  que 
vous  bardez  et  que  vous  faites  très-peu  cuire  à  la  broche  ;  laissez 
refroidir,  levez-en  les  membres,  ôtez-en  la  peau,  parez-les, 
rangez-les  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  consommé,  posez- 
les  sur  une  cendre  chaude  de  manière  à  ce  qu'ils  ne  bomllenX 
pas  de  suite;  coupez  six  échalotes,  ajoutez  un  zeste  de  citron, 
mettez  le  tout  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  vin  de  Cham- 
pagne et  faites-le  bouillir;  concassez  vos  carcasses  de  perdreau 
et  mettez-les  dans  la  même  casserole,  ajoutez-y  quatre  cuillerées 
à  dégraisser  de  blond  deveau  ou  d'espagnole  réduite,  faites  réduire 
le  tout  à  moitié,  passez  cette  sauce  à  1  etamine,  égouttez  les 
membres  de  perdreau,  dressez- les;  mettez  entre  ces  membres 
des  croûtons  de  pain  passés  dans  du  beurre  et  versez  la  sauce 
citronnée  sur  les  perdreaux. 

Perdreaux  à  la  bourguignonne.  —  Rôtissez  et  dépecez  trois 
perdreaux  à  la  broche  et  coupez-les  par  membres,  puis  fkites-les 
sauter  dans  une  casserole  où  vous  aurez  mis  trois  cuillerées  à 
bouche  d'huile,  un  peu  de  vin  rouge,  du  sel,  du  poivre,  le  jus 


PERDRIX..  817 


d'un  citron  et  un  peu  de  son  zeste;  dressez,  saucez  et  servez. 

Perdrix  aux  choux  à  la  ménagère.  —  Posez  deux  perdrix 
braisées  sur  un  plat,  pressez  vos  choux,  étuvés  au  gras,  dans  un 
linge,  coupez-les  et  dressez-les  debout  autour  de  vos  perdrix  ; 
garnissez-les  de  cervelas  coupés  en  rond,  de  petit  lard  en  tranches 
et  de  saucisses  à  la  chipolata;  saucez-les  avec  la  réduction  de 
votre  braise  et  servez. 

Perdreaux  à  la  Cussy.  —  Désoissez  trois  perdreaux  rouges 
non  faisandés,  laissez  los  de  la  cuisse  et  les  pattes,  étendez-les 
sur  un  linge  blanc,  couvrez  les  chairs  d'une  légère  couche  de 
farce  cuite,  faite  avec  les  chairs  des  perdreaux.  Vous  aurez  fait  et 
laissé  refroidir  un  salpicon  {V,  Salpicon)  composé  de  gorges  de 
ris  de  veau,  de  truffes,  de  champignons  et  de  crêtes  de  coq,  le 
tout  coupé  en  petits  dés  et  par  parties  égales,  c'est-à-dire  ayant 
employé  autant  de  Tun  que  de  l'autre;  remplissez  le  corps  de  vos 
perdreaux  de  ce  salpicon  pour  les  rendre  bien  dodus  ;  cousez -les, 
donnez-leur  la  première  forme,  bridez  les  pattes  en  dehors, 
mettez-les  dans  une  casserole  pour  en  faire  roidir  l'estomac  dans 
un  peu  de  beurre;  laissez  refroidir,  concassez  leurs  débris  et 
mettez-les  dans  une  autre  casserole  avec  une  lame  de  jambon, 
deux  petits  oignons,  une  carotte  coupée  en  quatre,  un  bouquet  de 
persil  et  ciboules,  assaisonné  d'une  demi-feuille  de  laurier  et  un 
peu  de  macis,  ;oignez-y  un  demi-verre  de  vin  blanc,  un  peu  de 
consommé  et  un  peu  de  lard  râpé  ;  posez  vos  perdreaux  dans  une 
casserole  et  couvrez-les  d'un  double  rond  de  papier  beurré;  une 
demi-heure  avant  de  servir,  faites-les  cuire  feu  dessus  et  dessous, 
en  ayant  soin  que  leurs  estomacs  se  colorent;  égouttez,  glacez  et 
dressez  sur  un  fumet  de  gibier. 

Faute  de  fumet,  tamisez  le  fond  et  faîtes  réduire  avec  espa- 
gnole. 

Perdrix  aux  choux  en  chartreuse,  —  Prenez  deux  perdreaux, 
plumez,  flambez,  troussez-les  en  entrée  de  broche;  piquez-les 
de  gros  lard  et  jambon,  faites  blanchir  deux  choux  de  Milan,  une 
demi-livre  de  lard  fumé,  un  peu  de  saucisson,  rafraîchissez  le 
tout;  foncez  une  casserole  d'une  bonne  mirepoix;  ajoutez  vos 
deux  perdrix  dans  l'intérieur  avec  le  lard  et  le  saucisson  ;  hachez 
les  choux  bien  menu  et  remplissez  les  interstices;  garnissez  de 

5a 


8i8  PERDRIX. 


quatre  navets,  quatre  carottes  et  deux  clous  de  girofle,  un  bou- 
quet garni,  une  pointe  d'ail,  couvrez  le  tout  d'une  feuille  de 
papier  beurré,  mouillé  avec  une  cuiller  à  pot  de  consommé, 
et  faites  partir  sur  le  feu;  faites  braiser  pendant  une  heure  et 
ôtez  les  perdreaux,  afin  qu'ils  ne  soient  pas  trop  cuits;  laissez 
cuire  le  reste  un  peu  plus  longtemps;  ajoutez  douze  saucisses 
chipolata;  prenez  un  moule  à  charlotte,  beurrez-le;  feuillez  de 
papier  beurré  dans  le  fond  ;  coupez  vos  carottes  et  vos  navets  en 
liards;  faites  un  dessin  de  tout  cela  dans  le  fond  du  moule;  gar- 
nissez le  tout  de  vos  deux  perdreaux,  de  vos  choux  bien  serrés, 
de  votre  petit  lard ,  et  mettez  une  feuille  de  papier  beurré  par- 
dessus; mettez  au  bain-marie  jusqu'au  moment  de  servir;  égout- 
tez  bien  votre  chartreuse  avant  de  la  dresser  sur  votre  plat,  saucez 
d'une  demi-glace  et  servez  chaud. 

Perdreaux  à  la  Mont  glas  ou  salpicon  en  cuvette.  —  Troussez, 
bardez,  rôtissez  trois  perdreaux  en  poule.  Laissez-les  refroidir, 
levez-en  les  estomacs  de  manière  à  en  former  une  cuvette,  cou- 
pez-en les  chairs  en  petits  dés,  faites  chauffer  ces  perdreaux  dans 
un  peu  de  consommé  et  tenez-les  chauds  jusqu'au  moment  de 
servir;  mettez  dans  une  casserole  un  morceau  de  beurre,  coupez 
six  ou  huit  truffes  crues  avec  autant  de  champignons,  passez-les 
dans  ce  beurre  en  y  joignant  un  peu  de  persil,  de  ciboules  et 
d'échalotes  hachés,  mouillez  le  tout  d'un  bon  verre  de  yin  de 
Champagne  et  de  six  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole  travaillée; 
faites  cuire  et  réduire  votre  sauce  en  ayant  soin  de  la  bien  dégrais- 
ser, hachez  deux  ou  trois  foies  gras  ainsi  que  les  chairs  de  per- 
dreaux; mettez-les  dans  votre  sauce  salée  et  poivrée;  après  deux 
ébullitions,  dressez  les.  perdreaux  farcis  de  salpicon  et  saucez  le 
tout  d'un  fumet  de  gibier. 

Sauté  de  filets  de  perdreau.  —  Levez  les  filets  de  quatre 
perdreaux,  supprimez-en  les  peaux  et  les  tendons  ;  faites  fondre 
75  grammes  de  beurre  clarifié  dans  un  sautoir;  trempez-y  vos 
filets  et  disposez-les  dans  ce  vase;  salez-les,  couvrez-les  d'un 
rond  de  papier;  faites  un  fumet  avec  les  sot-l'y-laisse  et  ajoutez 
à  ce  fumet  réduit  quatre  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole, 
faites-le  réduire,  dégraissez-le  au  moment  de  servir;  sautez  vos 
filets,  retournez-les,  égouttez-les,  dressez-les  en  couronne  autour 


PERDRIX.  819 


de  votre  plat  en  entremêlant  avec  un  croûton  de  pain  en  cœur 
passé  dans  du  beurre  et  glacé  ;  finissez  votre  sauce  avec  un  pain 
de  beurre,  un  jus  de  citron  et  une  cuiller  à  bouche  d'huile  d'olive 
pour  lier  la  sauce  ;  masquez  vos  filets  avec  cette  sauce.  Ajoutez, 
s'il  vous  plaît,  des  lames  de  truffes  dans  le  puits  de  votre  ragoût, 
et  servez. 

Perdrix  à  la  purée  en  terrine.  —  Lardez  trois  perdrix  avec 
sel,  poivre,  épices  fines,  aromates  piles  et  tamisés,  persil  et 
ciboules  hachés.  Faites-les  cuire  dans  ce  même  assaisonnement 
et  servez  avec  pois,  lentilles  ou  marrons,  etc.;  garnissez-les  de 
saucisses  et  de  petit  lard  coupé  par  tranches  ainsi  que  de  croû- 
tons. 

Soufflé  de  perdreaux,  —  Levez  les  chairs  de  deux  perdreaux 
rôtis,  ôtez-en  les  peaux  et  les  tendons,  hachez  ces  chairs  et  pilez- 
les  en  y  joignant  les  chairs  que  vous  aurez  fait  blanchir  et  des- 
quelles vous  aurez  ôté  Tamer;  retirez  le  tout  du  mortier,  mettez 
dans  une  casserole  avec  quatre  cuillerées  à  dégraisser  de  con- 
sommé réduit  ou  d'espagnole,  chauffez  le  tout  sans  le  faire 
bouillir,  passez-le  à  l'étamine  à  force  de  bras,  ramassez  avec  le 
dos  de  votre  couteau  ce  qui  peut  être  resté  en  dehors,  déposez-le 
dans  un  vase;  mettez  dans  une  casserole  quatre  cuillerées  à 
dégraisser  d'espagnole  ou  de  consommé  réduit,  concassez  vos 
carcasses,  joignez-les  à  votre  mouillement,  faites-les  réduire  et 
mttXtZ'-y  gros  comme  le  pouce  de  glace  ou  de  réduction  de  veau, 
faites-les  réduire  de  nouveau  plus  qu'à  demi-glace,  retirez  votre 
casserole  du  feu,  mettez-y  la  purée  et  mélangez  le  tout,  ajoutez 
gros  comme  un  œuf  d'excellent  beurre,  un  peu  de  muscade 
râpée,  incorporez-y  quatre  jaunes  d'œufs  frais ,  desquels  vous 
aurez  mis  les  blancs  à  part;  fouettez  ces  blancs,  incorporez-les 
peu  à  peu  dans  votre  purée,  quoique  chaude,  mêlez  bien  le  tout, 
et  versez-le  dans  une  casserole  d'argent  ou  dans  une  caisse  de 
papier  ronde  ou  carrée,  mettez-la  au  four  avec  un  feu  doux 
dessus  et  dessous  ;  quand  votre  soufflé  est  bien^cuit,  servez-le  de 
suite  afin  qu'il  ne  tombe  pas. 

Sauté  de  perdreaux  aux  truffes.  —  Levez  les  filets  de  quatre 
perdreaux,  parez-les,  mettez-les  dans  du  beurre  fondu  ;  faites- 
les  roidir  des  deux  côtés,  égouttez-les,  posez-les  sur  la  table  et 


820  PERDRIX. 


coupez-les  par  petits  morceaux  d'égale  grandeur  en  leur  don- 
nant une  forme  ronde  ;  faites  un  fumet  de  carcasse,  passez-le, 
ajoutez  trois  cuillerées  d'espagnole  travaillée,  faites  réduire 
jusqu'à  demi-glace,  mettez-y  vos  filets  sans  les  laisser  bouillir, 
joignez-y  250  grammes  de  truffes  coupées  de  la  même  forme  que 
vos  filets  que  vous  aurez  fait  cuire  dans  le  beurre  où  vos  filets 
auront  été  sautés,  mêlez  bien  le  tout,  finissez-le  avec  un  petit 
pain  de  beurre,  dressez  votre  ragoût  en  rocher,  et  garnissez  avec 
des  croûtons  sautés. 

Perdreaux  à  la  d'Q/lrtois. —  Vous  levez  les  membres,  parez 
et  supprimez  les  peaux  de  deux  ou  trois  perdreaux  cuits  à  la 
broche  sans  avoir  été  piqués;  vous  arrangez  ces  membres  dans 
une  casserole  avec  un  peu  de  consommé  sans  les  faire  bouillir; 
pilez  les  reins  et  les  parures  de  ces  perdreaux;  mettez  dans  une 
casserole  un  bon  verre  devin  de  Madère,  trois  échalotes  coupées, 
trois  branches  de  persil  et  un  peu  de  zeste  de  bigarade,  faites 
jeter  un  bouillon,  ajoutez-y  cinq  cuillerées  à  dégraisser  d'espa- 
gnole réduite  ou  de  blond  de  veau;  faites  bouillir  sur  un  bon 
feu  ;  mêlez  alors  à  votre  sauce  les  carcasses  pilées,  délayez-les, 
passez-les  à  Tétamine;  faites  chauffer  cette  purée  dans  une  cas- 
serole au  bain-marie;  puis  égouttez  les  membres  de  perdreaux, 
dressez-les  sur  un  plat,  entremêlez  de  quelques  croûtons  passés 
au  beurre,  garnissez  les  bords  du  plat  de  petits  croûtons  passés 
à  l'huile,  retirez  la  sauce  du  bain-marie,  ajoutez-y  le  ]us  d'une 
ou  deux  bigarades,  un  peu  de  mignonnette^  la  moitié  d'un  pain 
de  beurre,  passez  bien  le  tout,  et  versez-le  sur  vos  perdreaux. 

Perdreaux  à  la  singarat,  —  Faites  fondre  du  beurre  dans 
un  sautoir,  mettez  dedans  les  filets  de  trois  perdreaux  que  vous 
aurez  parés,  retournez-les  dans  ce  beurre,  couvrez-les  d'un  rond 
de  papier,  coupez  une  langue  de  veau  que  vous  aurez  fait  cuire 
à  récarlate  en  morceaux  de  même  forme  et  de  même  grandeur 
que  vos  filets;  mettez-les  chauffer  dans  une  casserole  avec  un 
peu  de  consommé,  hachez  bien  fin  les  parures  et  le  tendre  de 
cette  langue,  faites  une  sauce  comme  pour  les  sautés  de  per- 
dreaux aux  truffes,  sautez  les  filets  dedans,  dressez-les  en 
couronne,  en  entremêlant  avec  un  morceau  de  langue,  saucez- 
les   avec  une   partie  de  votre  mouillement,  mettez  le  hachis 


PERSIL.  821 

dans  le  reste  de  cette  sauce,  mêlez  bien  le  tout,  et  placez-le 
ensuite  dans  le  rond  formé  par  la  couronne  de  filets. 

Perdreaux  à  V italienne.  —  Flambez  légèrement  trois  ou 
quatre  perdreaux  après  les  avoir  appropriés;  videz-les  par  la 
poche,  maniez  du  beurre  avec  un  peu  de  sel  fin  et  remplissez-en 
le  corps  des  perdreaux,  laissez-leur  les  pattes  en  dehors,  bridez- 
les,  embrochez-les  avec  un  hàtelet  entre  Taile  et  la  cuisse,  enve- 
loppez-les de  bardes  de  lard  et  de  deux  feuilles  de  papier  ;  atta- 
chez des  deux  bouts  ce  hàtelet  sur  une  broche  ;  faites  cuire  ces 
perdreaux  pendant  une  demi-heure  à  peu  près,  faites-les  égoutter 
et  saucez-les  d'une  bonne  italienne  rousse  et  réduite.  (V.  Sauce 
italienne). 

Perdreaux  ou  perdrix  à  la  cendre.  —  Après  avoir  retroussé 
en  poule  vos  perdreaux  épluchés  et  vidés,  passez-les  sur  le  feu 
dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  du  persil,  de  la 
ciboule  et  des  champignons  hachés  bien  menu;  quand  vos  per- 
dreaux ont  pris  le  fumet  de  la  marinade,  bordez-les  et  envelop- 
pez-les de  papier,  cuisez-les  sous  la  cendre  rouge,  et  servez  avec 
un  coulis  et  du  jus  de  citron. 

Hachis  de  perdreaux.  — >  Vous  levez  les  chairs  de  .deux  ou 
trois  perdreaux  cuits  à  la  broche,  vous  supprimez  les   peaux  et 
les  nerfs,  vous  hachez  ces  chairs  très -fin,  puis  vous  concassez 
tous  les  débris  des  perdreaux  et  les  mettez  dans  une  casserole  avec 
quatre  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole  et  deux  de  consommé  ; 
vous  faites  cuire  ce  fumet,  passez  la  sauce  à  Tétamine,  la  faites 
réduire,  la  dégraissez,  la  faites  réduire  de  nouveau  jusqu'à  con-  " 
sistance  de  demi-glace,  puis  vous  mettez  un  peu  de  cette*  sauce  à 
part  afin  de  glacer  le  hachis  au  moment  de  servir  ;  vous  mettez 
les  chairs  hachées  dans  la  casserole  avec  le  restant  de  la  sauce, 
vous  ajoutez  une  pincée  de  mignonnette,  un  peu   de  muscade 
râpée  et  deux  petits  pains  de  beurre,  vous  mêlez  bien  le  hachis, 
le  dressez  sur  un  plat,  le  garnissez  de  croûtons  passés  dans  du 
beurre  et  mettez  par-dessus  des  œufs  pochés. 

PERSIL.  —  Le  persil  est  le  condiment  obligé  de  toutes  les 
sauces,  a  Le  persil ,  dit  le  savant  auteur  du  Traité  des  plantes 
usuelles  y  rend  les  mets  plus  sains,  plus  agréables,  il  excite 
l'appétit  et  favorise  la  digestion.  »  L'opinion  de  Bosc  sur  cette 


8aa  PIGEON. 


plante  est  encore  plus  positive  :  a  Oter  le  persil  au  cuisinier, 
dit-il,  c'est  presque  le  mettre  dans  l'impossibilité  d'exercer 
son  art.  » 

Le  persil,  nous  le.répétons,  doit  entrer  dans  tous  les  ragoûts 
et  dans  toutes  les  sauces,  mais  il  y  a  deux  assaisonnements  culi- 
naires dont  il  est  le  principal  ingrédient,  la  Watter-Fisch  et  la 
sauce  au  persil  à  la  hollandaise.  (V.  Carrelet,  Perche  et 
Sauces.) 

PIEDS.  —  Les  pieds  des  animaux  abondent  surtout  en  géla- 
tine ,  ce  qui  les  rend  très-alimentaires.  (V.  Pieds  d'agneau,  de 
cochon^,  de  mouton  et  de  veau.) 

PIGEON.  —  Le  pigeon  est  après  l'hirondelle  l'oiseau  dont 
le  vol  est  le  plus  rapide,  il  fait  seize  lieues  à  l'heure;  tous  les  ans 
ans  notre  ami  Vuillemot  était  chargé  de  lâcher  de  son  hôtel  de 
la  Cloche,  à  Compiègne,  les  pigeons  expédiés  par  les  messageries 
royales  pour  le  concours  qui  avait  lieu  à  Lille,  il  y  a  une 
vingtaine  d'années;  j'ai  assisté  plusieurs  fois  au  départ  de  ces 
voyageurs  mâles,  qui  hâtaient  leurs  courses  vers  la  femelle  dési- 
rée et  qui,  ô  puissance  de  l'instinct  !  faisaient  en  quatre  heures 
le  trajçt  de  Compiègne  à  Lille.  Le  pigeon  sauvage  s'appelle 
ramier,  la  façon  dont  il  abonde  dans  tous  Jes  parcs  royaux  ou 
impériaux  prouve  qu'il  devient  très-facilement  un  pigeon  privé. 
Il  diffère  des  pigeons  domestiques,  non-seulement  par  sa  chair 
et  par  son  plumage,  mais  encore  parce  qu'il  se  perche  sur  des 
arbres. 

Les  plus  jeunes  se  nomment  des  ramereaux;  on  les  mange 
généralement  à  la  broche,  néanmoins  on  peut  les  employer  en 
entrées. 

Pigeons  aux  petits  pois. 

Mettons  aux  petirs  pois  Toiseau  cher  à  Cypris. 

Plumez -trois  ou  quatre  pigeons,  et  épluchez-les,  videz-les, 
et  remettez-leur  le  foie  dans  le  corps;  retroussez-leur  les  partes 
en  dedans,  laissez-leur  les  ailerons,  flambez-les  et  épluchez-les, 
mettez  un  morceau  de  beurre  dans  une  casserole,  faites-les  reve- 
nir et  retirez-les  ;  vous  aurez  coupé  du  petit  lard  en  gros  dés,  et 


PIGEON.  823 


fait  dessaler  près  d'une  demi-heure;  passez-le  dans  votre  beurre, 
faites  lui  prendre  une  belle  couleur  ;  égouttez-le,  mettez  une 
bonne  cuillerée  à  bouche  de  farine  dans  votre  beurre,  faites 
un  petit  roux,  qu'il  soit  bien  blond,  remettez -y  votre  petit 
lard  et  vos  pigeons;  retournez-les  dans  votre  roux,  mouillez-les 
petit  à  petit  avec  du  bouillon,  et  mettez  le  tout  à  consistance  de 
sauce  ;  assaisonnez-le  de  persil  et  de  ciboules,  avec  une  demi- 
feuille  de  laurier,  la  moitié  d'une  gousse  d'ail  et  un  clou  de 
girofle.  Retirez  votre  casserole  sur  le  bord  du  fourneau  pour  que 
vos  pigeons  mijotent;  au  milieu  de  leur  cuisson  mettez  un  litre 
de  pois  fins,  laissez-les  cuire,  ayant  soin  de  les  remuer  souvent, 
leur  cuisson  achevée  goûtez-les,  et  ajoutez  du  sel,  s'il  en  est 
besoin  ;  dégraissez-les,  retirez-les  pour  faire  réduire  leur  sauce, 
si  elle  est  trop  longue;  la  réduction  faite,  dressez  vos  pigeons, 
masquez-les  de  leur  ragoût  de  pois  et  de  petit  lard,  et  servez. 

Pigeons  en  entrée  de  broche  à  la  ntmoise.  —  Videz  et 
troussez  vos  pigeons  par  la  poche,  en  fendant  la  fourchette  avec 
la  lame  d'un  couteau  ;  prenez  garde,  en  enlevant  le  gésier  et  le 
foie,  de  ne  pas  crever  le  fiel,  pelez  les  pattes,  coupez  les  ongles 
et  bridez  vos  pigeons  en  entrée  de  broche,  en  faisant  une  incision 
sous  le  bout  de  la  cuisse,  et  en  relevant  les  pattes  que  vous 
trousserez  sur  les  côtés  tout  le  long  des  cuisses,  et  que  vous 
fixerez  au  moyen  d'une  aiguille  à  brider  ;  vous  passerez  une 
ficelle  aux  deux  extrémités,  et  vous  la  nouerez  par  derrière; 
après  cuisson,-  ôtez  la  ficelle,  dressez-les  sur  le  plat,  versez-y  une 
rimolade. 

Hachez  du  persil,  deux  échalotes,  un  peu  d'oignon,  pressez- 
les  ensuite  dans  un  linge  pour  en  extraire  les  parties  aqueuses. 
Hachez  aussi  des  cornichons,  des  câpres  et  un  anchois,  après 
quoi  vous  pilerez  parfaitement  le  tout  dans  un  mortier,  avec 
quatre  jaunes  d'oeuf  durcis,  un  peu  de  persil  blanchi  d'abord, 
jamais  d'ail,  et  lorsque  ces  objets  seront  bien  piles,  vous  y  mettez 
un  jaune  d'œuf  cru,  vous  verserez  presque  goutte  à  goutte  dans 
le  mortier  la  valeur  d'un  verre  d'huile  ;  vous  assaisonnerez  votre 
rémolade  avec  du  sel,  du  poivre,  de  la  moutarde,  une  bonne 
cuillerée  de  vinaigre  à  l'estragon,  et  un  jus  de  citron;  vous  mêle- 
rez bien  le  tout  ensemble. 


834  PIGEON. 


Pigeons  à  la  crapaudine.  —  Videz  trois  pigeons  de  volière; 
retroussez-leur  les  pattes  dans  le  corps;  flambez-les,  épluchez- 
les;  levez  une  partie  de  l'estomac  en  commençant  du  côté  des 
cuisses,  et  venant  jusqu'à  la  jointure  des  ailes,  sans  attaquer  le 
cofFre  du  pigeon  ;  renversez  cet  estomac  et  aplatissez  le  corps 
avec  le  manche  de  votre  couteau;  prenez  une  casserole  assez 
grande  pour  les  contenir,  sans  qu'ils  soient  gênés,  faites-y  fondre 
un  morceau  de  beurre,  mettez-y  sel  et  gros  poivre  en  suffisante 
quantité;  posez-y  vos  pigeons  du  côté  de  Testomac;  faites-les 
revenir  en  les  retournant  aux  trois  quarts  cuits;  retirez-les, 
passez-les,  mettez-les  sur  le  gril,  faites-les  griller  à  un  feu  doux; 
donnez-leur  une  belle  couleur;  dressez-les  et  servez  dessous  une 
sauce  au  pauvre  homme.  (Voir  cette  sauce.)  N'oubliez  pas  de  les 
passer  à  la  raie  de  pain  blanche.  (V.) 

Pigeons  à  la  Gautier.  —  Ayez  six  ou  sept  de  ces  petits 
pigeons  bien  égaux,  lesquels  ne  doivent  avoir  que  sept  ou  huit 
jours;  flambez-les  très-légèrement;  prenez  garde  d'en  roidirla 
peau;  épluchez- les,  coupez- leur  les  ongles;  faites  fondre,  ou 
plutôt  tiédir,  trois  quarterons  de  beurre  fin,  ajoutez-y  le  jus  de 
deux  ou  trois  citrons  et  un  peu  de  sel  fin,  mettez  vos  pigeons  dans 
ce  beurre,  faites-les  revenir  légèrement  sans  passer  votre  casserole 
sur  le  charbon,  afin  de  ne  point  roidir  leur  peau;  retirez  du  feu 
votre  casserole,  foncez-en  une  autre  en  totalité  de  bardes  de  lard, 
rangez-y  vos  pigeons  de  manière  que  les  pattes  soient  au  centre 
de  la  casserole,  arrosez-les  de  la  totalité  de  votre  beurre,  mouil- 
lez-les, mettez  un  verre  de  vin  blanc,  une  cuillerée  à  pot  de  con- 
sommé, un  quarteron  de  lard  râpé  et  un  bouquet  assaisonné; 
couvrez  vos  pigeons  de  bardes  de  lard  et  d'un  rond  de  papier;  un 
quart  d'heure  avant  de  servir,  faites  les  partir;  mettez-les  cuire 
sur  une  paillasse  avec  un  peu  de  feu  dessous  et  de  la  cendre 
chaude  dessus;  leur  cuisson  faite,  égouttez,  dressez-les,  mettez 
entre  chacun  d'eux  une  belle  écrevisse  et  une  belle  truffe  au 
milieu  ;  saucez-les,  soit  avec  une  sauce  verte,  soit  avec  un  beurre 
d'écrevisses,  ou  bien  un  aspic. 

Pigeons  à  la  toulousaine.  —  On  fait  une  farce  avec  le  foie, 
du  lard  et  des  fines  herbes,  un  petit  morceau  de  veau,  un  jaune 
d'ceuf  et  des  truffes,  le  tout  bien  haché;  on  farcit  les  pigeons, 


PIGEON.  8a5 


que  Ton  met  à  la  broche,  et  sur  lesquels  on  verse  ensuite  une 
sauce  à  Testragon  ou  une  rémolade. 

Pigeons  au  sang.  —  Mettez  dans  un  petit  plat  un  peu  de 
jus  de  citron,  ou  un  filet  de  vinaigre,  et  quand  vous  tuerez  vos 
pigeons,  faites-y  tomber  le  sang  ;  disposez-les  comme  pour  l'apprêt 
ci-dessus,  et  servez-vous  pour  liaison  du  sang  auquel  vous  aurez 
ajouté  deux. ou  trois  jaunes  d'oeufs  et  deux. ou  trois  cuillerées  à 
bouche  de  lait,  le  tout  passé  au  tamis. 

Pigeons  au  basilic.  —  Si  vous  avez  des  pigeons  à  la  Gautier 
(il  y  a  quatre  espèces  de  pigeons,  les  romains,  les  cochois,  les 
bizets  et  les  pigeons  à  la  Gautier),  si  vous  avez,  disons-nous,  des 
pigeons  à  la  Gautier  de  desserte,  assez  pour  faire  une  entrée,  exé- 
cutez une  farce  cuite  de  volaille  dans  laquelle  vous  mettrez  une 
pincée  de  basilic  haché,  s'il  est  vert  (s'il  tsi  sec  vous  le  pilerez  et 
le  passerez  au  tamis);  supprimez  les  pattes  de  vos  pigeons, 
enveloppez-les  de  farce  cuite,  en  sorte  qu'on  ne  puisse  distinguer 
si  ce  sont  des  pigeons  ;  trempez-les  dans  une  omelette  bien  battue 
et  dans  laquelle  vous  aurez  mis  une  mie  de  pain  et  un  grain  de 
sel;  roulez-les  dans  la  mie  de  pain,  c'est-à-dire  panez-les;  un 
quart  d'heure  avant  de  servir,  mettez-les  dans  de  la  friture 
moyennement  chaude,  afin  qu'ils  puissent  être  atteints  ;  faites  en 
sorte  qu'ils  aient  une  belle  couleur;  dressez-les,  et  servez. 

Pigeons  à  la  broche.  —  Prenez  cinq  pigeons  de  volière, 
plumez- les ,  videz-les ,  refaites-les  légèrement ,  épluchez-les , 
bridez-les,  laissez-leur  les  pattes  en  long,  bardez-les;  si  c'est  en 
été,  mettez  une  feuille  de  vigne  entre  le  pigeon  et  la  barde  et 
posez-la  de  manière  à  ce  qu'elle  ne  déborde  pas  le  lard.  Passez 
vos  pigeons  dans  un  hâtelet,  attachez-les  sur  la  broche;  faites 
cuire  ces  pigeons,  et  observez  qu'ils  demandent  à  être  cuits 
verts. 

Pigeons  en  ortolans  pour  rot.  —  Prenez  six  pigeons  à  la 
Gautier,  préparez-les,  flambez-les  légèrement,  bardez-les  en 
caille,  de  manière  qu'on  leur  voie  à  peine  les  pattes;  passez-les 
dans  un  hâtelet,  couchez-les  sur  la  broche,  faites-les  cuire  à  un 
feu  clair  (il  leur  faut  très-peu  de  cuisson),  et  servez.  * 

Pigeons  au  blanc.  —  Prenez  la  même  quantité  de  pigeons, 
c'est-à-dire  cinq  ou  six,  et  préparez-les  de  même;  faites-les  dégor- 


8a6  PILAU. 

ger  une  demi-heure  et  blanchir;  égouttez-les,  essuyez-les  avec 
un  linge  blanc;  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  morceau 
de  beurre,  faites-les  revenir  sur  un  feu  doux  sans  que  le  beurre 
roussisse,  singez-les,  mouillez-les  avec  du  bouillon  et  vin  blanc, 
assaisonnez-les  d'un  bouquet  garni  de  sel  et  de  poivre,  faites-les 
mijoter  un  quart  d'heure,  ajoutez-y  deux  poignées  de  champi- 
gnons tournés,  une  vingtaine  de  petits  oignons  d'égale  grosseur; 
faites  cuire  le  tout  et  dégraissez-le  ;  si  votre  sauce  se  trouvait  trop 
longue,  rransvasez-Ia ,  faites-la  réduire,  remettez-la  sur  vos 
pigeons  ;  faites  une  liaison  de  trois  jaunes  d'œufs  délayés  avec  de 
la  crème  ou  du  lait  et  un  peu  de  muscade  râpée,  liez  votre 
ragoût  sans  le  faire  bouillir;  ajoutez-y,  si  vous  le  voulez,  un 
peu  de  persil  haché  et  blanchi,  goûtez  s'il  est  d'un  bon  goût, 
dressez  vos  pigeons  sur  votre  plat  et  masquez-les  de  votre  ragoût. 

Côtelettes  de  pigeons.  Prenez  six  pigeons,  préparez-les, 
ilambez-les  légèrement,  levez-en  les  filets,  posez-les  sur  la  table 
et  levez-en  la  petite  peau,  battez  légèrement  ces  filets  avec  le 
manche  de  votre  couteau,  parez-les,  prenez  des  os  de  Faile  ou 
du  brichet,  nettoyez-les,  mettez-les  dans  la  pointe  de  chacun  de 
vos  filets  pour  en  former  comme  une  côtelette;  trempez-les  dans 
une  anglaise  (c'est-à-dire  deux  jaunes  d'œufs  délayés  avec  du 
beurre),  panez-les,  mettez-les  sur  le  gril,  faites-les  griller,  ayant 
soin  de  les  retourner,  donnez-leur  une  belle  couleur,  et,  leur 
cuisson  achevée,  dressez-les  en  couronne  sur  votre  plat,  saucez- 
les  d'un  jus  de  bœuf,  ou  d'un  blond  de  veau  bien  corsé,  dans 
lequel  vous  mettrez  une  pincée  de  gros  poivre,  le  jus  d'un  ou 
deux  citrons,  et  servez.  Vous  pouvez  faire,  avec  les  culottes  de 
vos  pigeons,  une  entrée,  telle  qu'une  timbale,  un  pâté  chaud 
ou  des  papillotes. 

Il  faut,  pour  cette,  dernière  entrée  couper  vos  culottes  en 
deux. 

PIGNÉSIE.  —  Espèce  de  nougat  blanc  fait  avec  l'amande 
de  la  pomme  de  pin  et  le  miel  de  Narbonne. 

PILAU.  —  Nom  d'un  mets  dont  Tusage  est  extrêmement 
répandu  en  Orient.  Il  consiste  en  riz  qu'on  a  fait  cuire  dans  de 
Teau  ou  du  bouillon,  mais  de  telle  façon  que  les  grains  en  sont 
demeurés  entiers  et  un  peu  durs,  et   sur  lequel  on  verse  du 


PIMENT.  8a7 


beurre  fondu.  Du  reste,  il  existe  autant  de  façons  différentes 
d'accommoder  le  pilau  qu'il  y  a  de  provinces. 

Pilau  turc,  —  Lavez  le  riz  à  Teau  tiède,  mettez-le  avec  trois 
fois  son  volume  de  bouillon,  dans  un  vase  fermé  hermétiquement, 
sur  un  feu  bien  ardent.  Quand  il  commence  à  bouillir,  délayez 
dans  une  soucoupe  ou  dans  une  tasse  un  peu  de  safran  ou  gàtinais 
et  versez-le  dans  le  vase.  Faites  ensuite  bouillir  à  gros  bouillon 
en  tenant  toujours  le  vase  exactement  clos;  le  riz  crevé  se  durcit 
et  prend  consistance;  vous  le  dépotez  alors  et  le  servez  en 
pyramide  sur  un  plat.  Cette  opération  doit  durer  environ  une 
heure  et  demie. 

Le  pilau  se  prépare  aussi  au  maigre,  c'est-à-dire  au  beurre. 

PIMENT.  —  Le  piment,  appelé  aussi  corail  des  jardins , 
à  cause  de  la  couleur  rouge  de  ses  fruits  à  Tétat  de  maturité, 
possède  une  multitude  de  variétés  de  forme  et  de  volume  que 
distinguent  les  noms  de  poivre  long,  poivre  de  Guinée,  poivre 
de  Cayenne.  Le  gros  et  long  piment  que  Ton  cultive  dans  les 
jardins  en  Europe  se  confît  ordinairement  au  sel  et  au  vinaigre, 
comme  les  olives  et  les  câpres.  Dans  les  Antilles  et  autres  con- 
trées chaudes,  il  croît  naturellement  des  piments,  beaucoup 
moins  volumineux,  mais  d'une  force  extrême;  une  de  ces  variétés, 
connue  sous  le  nom  de  piment  enragé  ,  et  qui  a  à  peu  près  la 
forme  d'un  clou  de  girofle,  n'est  pas  soutenable  sur  la 
langue.  Cependant  les  grives  et  autres  oiseaux  en  sont  très- 
friands  et  s'en  chargent  le  jabot  :  on  l'appelle  aussi  pour  cette 
raison  piment  des  oiseaux.  Les  bois  et  les  forêts  en  offrent  en 
abondance. 

Une  autre  espèce  de  piment,  le  piment  de  la  Jamaïque,  est 
le  fruit  d'une  myrtacée  connue  assez  généralement  aux  Antilles, 
où  elle  croit  en  abondance  sous  le  nom  impropre  de  bois  d'Inde. 

Cet  arbre  se  couvre  de  nombreuses  fleurs  remplacées  par 
des  baies  violettes  dans  leur  maturité  ;  succulentes,  sucrées  et 
très-parfumées,  mais  qui  échauffent  énormément  les  personnes 
qui  en  mangent. 

Les  ramiers,  les  grives,  les  merles  et  d'autres  oiseaux  qui  en 
sont  très-avides  acquièrent  par  cette  nourriture  un  fumet  très- 
délicat  et  s'engraissent  beaucoup.   Ce  sont  ces  baies  cueillies 


8a8  PINTADE. 


avant  leur  maturité,  desséchées  au  soleil  ou  à  Tétuve  et  pulvéri- 
sées, qui  constituent  la  toute  épice  des  boutiques.  C'est  l'objet 
d'une  récolte  assez  lucrative  aux  Antilles  et  principalement  dans 
l'île  de  la  Jamaïque. 

Le  nom  de  toute  épice  indique  que  ces  baies  participent  à  la 
fois  de  la  saveur  des  quatre  principales  épices  du  commerce  :  la 
cannelle,  le  poivre,  le  girofle  et  la  muscade. 

PIMPRENELLE.  —  Herbe  légèrement  aromatique  dont 
les  jeunes  feuilles  sont  employées  comme  assaisonnement. 

Cette  plante,  autrefois  très-estimée  comme  astringente,  vul- 
néraire, diurétique,  jouissait  aussi,  disait-on,  de  la  propriété 
d'augmenter  la  sécrétion  du  lait,  et  depuis  quelques  années  on  a 
commencé  de  la  cultiver  en  prairies  artificielles.  Cette  culture 
offre  des  avantages,  quoique  le  foin  que  Ton  récolte  ne  soit 
réellement  bon  que  pour  les  moutons. 

PINTADE.  —  Genre  d'oiseaux  de  Tordre  des  gallinacés. 
Ces  oiseaux,  originaires  de  l'Orient,  ont  été  nommés  pintades, 
oiseaux  peints,  à  cause  des  taches  blanches,  arrondies,  semées 
sur  le  fond  gris  bleuâtre  de  leur  plumage  et  placées  avec  assez 
de  régularité  pour  qu'elles  paraissent  tracée  par  le  pinceau  d'un 
peintre,  surtout  chez  la  pintade  ordinaire  (Meleagris  numide^. 
Le  nom  latin  des  pintades  meleagris^  vient  de  ce  que  les  Grecs 
dans  leur  mythologie  les  supposaient  le  produit  de  la  métamor- 
phose des  sœurs  de  Méléagre;  les  taches  de  leur  plumage  étaient 
des  traces  de  larmes,  enfin,  le  mot  Numida  est  dû  au  nom  de 
poules  de  Numidie,  qu'elles  avaient  reçu  des  Romains. 

Les  pintades  ont  la  tête  nue  comme  les  dindons,  des  bar- 
billons charnus,  prenant  naissance  de  la  mandibule  supérieure, 
une  crête  calleuse  au-dessus  de  la  tête;  leurs  pieds  sont  sans 
éperons,  leurs  plumes  croissent  de  longueur  du  haut  du  cou  à  sa 
base,  plus  fournies  au  croupion,  elles  leur  donnent  une  forme 
convexe  et  comme  bombée,  leur  queue  courte  et  pendante, 
arrondit  encore  la  forme  de  leur  corps. 

De  la  grosseur  de  la  plus  forte  poule,  la  pintade  ordinaire  a 
l'aspect  de  la  perdrix;  d'un  naturel  criard  et  querelleur,  elle  se 
rend  tellement  incommode  dans  les  basses-cours  que  les  cultiva- 
teurs renoncent  à  l'élever,  malgré  la  bonté  de  sa  chair  et  l'abon- 


PISKINIOFF.  829 


dance  de  ses  pontes  :  «  C'est,  dit  BufFon,  un  oteeau  vif,  inquiet 
et  turbulent,  qui  n'aime  point  à  se  tenir  en  place,  qui  sait  se 
rendre  maître  dans  la  basse-cour;  il  se  fait  craindre  des  dindons 
mêmes  et,  quoique  beaucoup  plus  petit,  il  leur  impose  par  sa 
pétulance.  La  femelle  couve  de  trois  à  quatre  semaines  et,  quoi 
qu'on  ait  pu  dire,  elle  prend  soin  de  sa  famille  et  l'amène  à  bien 
toutes  les  fois  qu'elle  est  dans  des  circonstances  qui  lui  per- 
mettent de  se  maintenir  en  bonne  santé  et  qu'elle  n'est  pas  im- 
portunée par  des  visites  trop  fréquentes  autour  du  lieu  de  l'incu- 
bation ;  mais  ses  petits  sont  beaucoup  plus  difficiles  à  élever  que 
les  poulets  dans  nos  climats  tempérés  ;  ils  se  nourissent  d'abord 
de  menus  grains  et  d'insectes;  la  viande  hachée,  crue  ou  cuite, 
les  œufs  de  fourmi,  un  mélange  de  mie  de  pain,  de  persil  et 
d'œufs  durs  leur  conviennent  surtout;  plus  tard  ils  s'arrangent 
du  millet.  » 

Lorsque  la  pintade  est  élevée  en  liberté  dans  un  parc,  sa 
chair  égale  en  délicatesse  celle  du  faisan.  On  l'apprête  absolu- 
ment de  la  même  manière.  (Voir  Faisan.) 

PISKINIOFF.  —  Gâteau  polonais  que  les  cuisiniers  français 
appellent  improprement  biscuit  de  Niauffes. 

En  voici  la  recette  empruntée  au  livre  de  M.  de  Cour- 
champs  : 

«  Faites  un  demi-litron  de  feuilletage,  donnez-lui  un  tour 
ou  deux  de  plus  que  d'habitude,  formez-en  deux  abaisses  carrées 
de  l'épaisseur  de  3  lignes,  couvrez  une  plaque  d'office  d'une 
de  ces  abaisses,  étalez  dessus  de  la  crème  pâtissière,  à  l'épaisseur 
de  8  à  10  lignes,  dans  laquelle  crème  vous  aurez  mis  une 
bonne  poignée  de  pistaches  pilées,  deux  amandes  amères,  jointes 
à  une  poignée  d'amandes  douces  émondées  et  un  peu  d'épinards 
blanchis,  passés  au  beurre  ;  pikz  et  passez  au  travers  d'un  tamis 
de  crin,  ajoutez  six  fortes  cuillerées  de  sucre  en  poudre,  de  l'eau 
de  fleur  d'orange  et  un  ou  deux  œufs  entiers,  que  vous  aurez 
bien  incorporés  dans  cette  crème;  étendez-la  également  sur  votre 
première  abaisse,  couvrez-la  de  la  seconde,  dorez-la  avec  du 
lait,  piquez-la,  rayez-la  en  formant  des  carrés  de  3  pouces  de 
longueur  sur  2  de  largeur;  dorez  une  seconde  fois  cette 
abaisse  avec  du  lait,  saupoudrez-la  de  sucre  passé  au  tamis  de 


830  PLCM-PUDDING. 


crin,  de  fleur  d'orange  pralinëe  et  bien  hachée,  laissez  fondre  un 
peu  votre  sucre  ;  faites  fondre  ce  piskiniofF  à  un  four  un  peu 
plus  chaud  que  pour  les  biscuits  ordinaires  dans  lequel  vous 
aurez  allumé  un  éclat  pour  le  faire  griler;  sa  cuisson  achevée, 
retirez-le,  divisez-le  par  carrés  que  vous  dresserez  et  servirez 
pour  entremets.  » 

PISTACHE.  —  On  donne  ce  nom  aux  amandes  des  fruits 
du  pistachier  franc.  C'est  une  petite  noix  oblongue,  assez  diffi- 
cile à  casser,  parce  qu'elle  est  élastique;  jaunâtre,  ponctuée  de 
blanc  vers  l'époque  de  sa  maturité,  teinte  de  rouge  du  côté  du 
soleil;  elle  renferme  une  semence  huileuse  dont  la  chair  est 
d'un  vert  tendre  et  dont  le  goût  est  plus  agréable  que  celui  de 
l'aveline. 

On  substitue  avec  avantage  la  pistache  aux  amandes  et  aux 
avelines  pour  toute  les  préparations  de  haute  cuisine  et  d'office 
ainsi  que  dans  la  fabrication  des  dragées  et  pralines,  mais  la  plu- 
part des  prétendues  pistaches  recouvertes  de  sucre  que  Ton  trouve 
chez  les  confiseurs  sont  des  semences  extraites  des  fruits  coniques 
d'une  espèce  de  pin.  (Voir  les  articles  Crèmes,  Dragées  et 
Glaces.) 

PLIE.  —  Poisson  de  la  famille  naturelle  des  achantures  et 
qui  se  prépare  de  la  même  façon  que  la  limande  et  le  carrelet. 
(Voir  Limande,  Carrelet.) 

PLONGEON.  —  Oiseau  aquatique  dont  on  distingue  plu- 
sieurs espèces.  Le  plongeon  de  Seine  est  surtout  renommé  pour 
la  saveur  et  la  finesse  de  sa  viande;  il  est  classé  parmi  les  ali- 
ments maigres  et  s'apprête  de  la  même  faç<m  que  les  rouges  de 
rivière  et  les  albrans.  (Voir  ces  deux  articles.) 

PLUM-PUDDING.  —  Mets  farineux  sans  lequel  il  n'y  a 
pas  de  bon  repas  en  Angleterre  et  dont  l'usage  s'est  aussi  fort 
étendu  en  France  pendant  ces  dernières  années,  dans  la  compo- 
sition duquel  figurent  en  première  ligne,  comme  parties  essen- 
tielles et  constitutives,  la  farine,  les  œufs  et  le  beurre,  dont  on 
relève  le  goût  par  différents  ingrédients.  Il  y  a  le  pudding  aux 
cerises,  pudding  au  sagou,  le  pudding  au  citron,  le  pudding  aux 
choux-fleurs,  le  pudding  mousseux  etc. 

Plum- Pudding,  —  (Recette  traduite  de  l'anglais  par  feu 


PLUNK-FINE.  8}i 


M.  de  Cussy.  )  Ayez  2  livres  de  moelle  de  bœuf  ou,  à  défaut 
de  moelle,  2  livres  de  graisse  de  rognon  de  bœuf,  ôtez-en  la 
peau  et  les  nerfs,  hachez-la  bien  menu  et  mettez-la  dans  un 
grand  vase,  épepinez  une  demi-livre  de  raisins  de  Corinthe,  et 
mêlez  ces  raisins  avec  votre  graisse  ou  moelle,  ajoutez  à  cela 
3  livres  de  mie  de  pain  passée  au  tambour  ou  dans  une 
passoire,  un  bon  verre  de  vin  de  Malaga,  deux  petits  verre  d'eau- 
de-vie  de  Cognac,  le  zeste  de  la  moitié  d'un  citron,  haché  bien 
fin,  une  poignée  de  cédrat  confit,  coupé  en  petits  dés,  une  bonne 
poignée  de  farine  de  seigle,  du  sel  fin  en  suffisante  quantité  et 
huit  œufs  entiers;  mouillez  le  tout  avec  du  lait,  maniez  avec 
les  mains  de  façon  à  ce  que  le  tout  soit  bien  mêlé^  formez-en 
une  pâte  un  peu  liquide,  faites  bouillir  de  Teau  dans  une  mar- 
mite, capable  de  contenir  le  plum-pudding;  votre  eau  bouillante, 
formez  une  serviette  et  posez-la  dans  une  passoire  (laquelle  sert 
de  moule  pour  former  votre  plum-pudding),  et  mettez-y  votre 
appareil,  rassemblez  les  coins  de  cette  serviette,  liez-les  forte- 
ment sans  trop  serrer  votre  pâte,  mettez  le  tout  dans  la  marmite 
qui  doit  bien  bouillir,  retirez-la  alors  au  fond  du  fourneau  et 
conduisez-la  comme  un  pot-au-feu;  observez  qu'il  ne  faut  la 
couvrir  qu'à  moitié  ;  qu'il  ne  faut  pas  qu'elle  cesse  de  bouillir,  que 
pour  l'entretenir,  il  faut  toujours  avoir  de  leau  bouillante,  et 
que,  sans  tout  cela,  l'eau  pénétrerait  dans  le  pudding.  Laissez-le 
cuire  six  ou  sept  heures,  retournez-le  d'heure  en  heure  durant  sa 
cuisson,  faites  la  sauce  indiquée  ci-après  :  mettez  dans  une  casse- 
role un  quarteron  de  beurre  fin,  une  pincée  de  farine,  une  pin- 
cée de  zeste  de  citron,  une  écorce  de  cédrat  hachée,  de  même  une 
petite  pincée  de  sel  et  une  cuillerée  à  bouche  de  sucre  fin. 
Mouillez  le  tout  avec  du  vin  de  Malaga,  faites  cuire  comme  une 
sauce  ordinaire,  au  moment  de  servir,  égouttez  votre  plum- 
pudding  un  instant,  déliez  et  ouvrez-en  la  serviette,  posez  un  plat 
dessus,  rétournez-le,  ôtez-en  la  serviette;  saucez  et  glacez-le  avec 
la  sauce  énoncée  ci-dessus,  et  servez-le  tout  de  suite. 

Observez  que  vous  pouvez  également  faire  cuire  votre  plum- 
pudding  au  four,  en  le  mettant  dans  une  casserole  beurrée. 

PLUNK-FINE.  —  Ragoût  de  bœuf  à  l'écossaise.  (Voir 
Bœuf.) 


832  PLUVIER. 


PLUVIER.  —  Il  y  a  deux  espèces  de  pluviers,  le  pluvier 
doré^  dont  le  plumage  est  jaune,  et  le  pluvier  gris^  dont  le  plu- 
mage est  cendré;  plusieurs  auteurs  ont  confondu  le  pluvier  avec 
le  vanneau  parce  que  ces  deux  oiseaux  habitent  les  mêmes  lieux, 
vivent  des  mêmes  aliments  et  ont  une  chair  assez  semblable  par 
le  goût  et  les  effets  qu'elle  produit.  Toutefois  celle  du  pluvier  est 
plus  délicate. 

Les  pluviers  sont  des  oiseaux  sociables,  migrateurs,  se  nour- 
rissant principalement  de  vers  de  terre;  on  prétend  que  pour 
faire  sortir  ceux-ci  de  leurs  retraites,  ils  frappent  constamment 
la  terre  avec  le  pied;  ils  mangent  aussi  des  insectes  coléoptères 
et  quelques  mollusques.  En  général  ils  ne  construisent  pas  de 
nid;  la  femelle  choisit  sur  la  terre  ou  dans  le  sable  un  petit 
enfoncement  et  y  pond  de  trois  à  six  œufs,  dont  la  couleur  varie 
selon  les  espèces. 

Le  pluvier  excite  Tappétit  et  se  digère  facilement,  mais 
comme  il  procure  une  alimentation  peu  solide,  les  personnes 
accoutumées  à  un  grand  exercice  de  corps  ne  s'accommoderaient 
pas  de  cette  nourriture. 

«  Et  disqyent  ils  à  Gargantua,  que  le  pleuvier  est  de  la 
viande  à  gents  saoulx  et  desja  reputs  de  chair  non  creuse,  » 

Les  pluviers  se  mangent  de  plusieurs  manières.  Nous  allons 
donner  quelques  recettes  : 

Pluviers  aux  truffes.  —  Flambez,  videz,  épluchez  trois  ou 
quatre  pluviers,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  une  douzaine 
de  belles  truffes,  dont  vous  ôterez  la  pellicule,  un  bouquet 
assaisonné;  un  peu  de  basilic,  sel,  poivre,  faites  revenir  le  tout 
dans  du  beurre  et  mouillez  avec  un  verre  de  vin  de  Champagne, 
six  cuillerées  d'espagnole  réduite,  et  faites  cuire  ainsi  vos  plu- 
viers; puis  dégraissez-les,  mettez-les  dans  une  autre  casserole 
avec  les  truffes,  passez  la  sauce  à  Tétamine,  dressez  vos  pluviers 
sur  un  plat,  mettez  dessus  les  truffes  en  rocher,  versez  du  jus 
de  citron  sur  la  sauce  réduite,  et  servez. 

Pluviers  en  entrée  de  broche.  —  Otez  les  intestins  de 
quatre  pluviers  dorés,  faites  une  farce  avec  ces  intestins,  du  lard 
râpé,  poivre,  sel,  persil,  échalotes,  garnissez  de  cette  farce  l'in- 
térieur des  pluviers  et  embrochez-les  avec  un  hâtelet;  couvrez- 


POIRE.  833 

les  de  bardes  de  lard,  enveloppez-les  de  papier;  couchez  les 
pluviers  sur  broche  et  faites-les  cuire;  ôtez  ensuite  le  papier  et  le 
lard,  dressez  les  pluviers  et  arrosez  d'un  ragoût  truffé. 

Pluviers  braisés.  —  Comme  les  pigeons. 

POELE  A  FRIRE.  —  Ustensile  de  cuisine  ordinairement  en 
fer  battu  dans  lequel  on  fait  fondre  de  la  graisse  ou  du  lard,  ou 
dans  lequel  on  met  de  Thuile,  et  qui  sert  à  faire  des  fritures, 
des  omelettes,  des  crêpes;  anciennement  les  poêles  avaient  une 
très-grande  queue,  sur  laquelle  il  suffisait  de  frapper  un  petit 
coup  pour  retourner  les  omelettes  et  les  crêpes,  mais  qu'il  fallait 
se  garder  d'abandonner,  si  on  ne  voulait  pas  voir  ce  que  conte- 
nait la  poêle  renversé  dans  le  feu.  De  là  le  proverbe  employé 
encore  au  figuré,  bien  que  les  poêles  à  petite  queue  se  tiennent 
toutes  seules  siir  le  feu  :  a  Est  bien  embarrassé  celui  qui  tient  la 
queue  de  la  poêle.  » 

POELON.  —  Instrument  culinaire  en  cuivre  jaune  non 
étamé  avec  une  longue  queue  pour  pouvoir  l'exposer  au  feu  de 
cheminée. 

Les  poêlons  d'office  sont  des  espèces  de  casseroles  beaucoup 
plus  profondes  que  celles  qui  servent  à  la  cuisine.  On  les  em- 
ploie pour  faire  du  sirop  de  sucre,  des  confitures,  etc. 

POIRE.  —  La  poire  qui  provient  des  sujets  cultivés  est 
un  de  nos  meilleurs  fruits  ;  il  y  en  a  plus  de  trois  cents  espèces 
qui  figurent  dans  nos  jardins.  La  petitesse,  la  dureté  et  Tâpreté 
au  goût  que  nous  offre  la  poire  sauvage,  comparées  au  volume 
énorme,  à  la  douceur  et  au  moelleux  de  tant  de  beaux  fruits, 
font  sentir  l'influence  merveilleuse  de  la  culture.  La  poire  sau- 
vage n'est  pas  mangeable,  elle  sert  seulement  à  faire  une  piquette 
d'assez  mauvaise  qualité,  aussi  l'a-t-on  nommée  avec  raison  la 
poire  d'angoisse. 

Les  poires  renferment,  ainsi  que  les  pommes,  cinq  loges 
remplies  de  petits  pépins  moelleux,  mais  plus  bruns  et  la  plupart 
noirs.  Ces  fruits,  d'une  grosseur  à  peu  près  semblable  à  celle  des 
pommes,  et  aussi  variés,  ont,  comme  nous  Tavons  dit  plus  haut, 
plus  de  trois  cents  espèces  ;  aussi  nous  bornerons-nous  à  indiquer 
celles  que  nous  croyons  les  meilleures;  on  les  divise  en  trois 
classes  :  les  poires  fondantes ,  les  poires  à  chair  cassante  mais 

J3 


834  POIRE. 

douce,  les  poires  à  chair  ferme  ou  cassante  et  imprégnées  d'un 
principe  astringent  que  la  cuisson  ne  fait  même  pas  disparaître 
complètement. 

Presque  toutes  les  poires  d'été,  telles  que  le  Bon-Chrétien, 
le  Petit-Muscat,  la  Madeleine,  le  Rousselet  de  Reims,  etc., 
appartiennent  à  la  première  classe;  on  peut  également  y  com- 
prendre quelques-unes  de  celles  qui  fleurissent  en  automne, 
telles  que  les  Beurrés,  les  Doyennés,  et  parmi  celles  d'hiver 
le  Saint-Germain,  la  Virgouleuse,  la  Crassane  et  quelques  autres. 

Celles  de  la  deuxième  classe  sont  moins  digestibles  que  celles 
de  la  première,  mais  elles  peuvent  être  également  mangées  crues; 
telles  sont  le  Messire-Jean  doré,  le  Rousselet,  le  Bon-Chrétien 
d'Espagne,  etc. 

Quant  à  celles  de  la  troisième  classe,  dont  la  chair  est  sèche 
et  cassante,  elles  ne  conviennent  à  Tétat  de  crudité  qu'aux  esto- 
macs les  plus  robustes;  le  mieux  est  donc  toujours  de  les  faire 
cuire  avec  du  sucre. 

Poires  au  lard.  (Ragoût  allemand.)  —  Faites  rissoler  du 
lard  coupé  en  petits  morceaux;  pelez  des  poires  cassantes  et 
coupez-les  aussi  en  morceaux,  faites-les  étuver  avec  un  peu  de 
bouillon  de  veau,  égouttez-les  ainsi  que  vos  carrés  de  lard, 
mélangez  le  tout  dans  une  casserole  en  y  ajoutant  une  pin- 
cée de  muscade  râpée,  du  gros  poivre  et  quelques  feuilles  de 
tanaisie,  faites  bouillir  le  tout  ensemble  une  demi-heure  et 
servez  ce  bon  plat  allemand  garni  de  croûtons  frits,  ainsi  qu'il  se 
pratique  régulièrement  tous  les  mercredis  à  la  cour  de  Wur- 
temberg. 

Pour  les  autres  préparations  concernant  les  poires,  nous 
prions  le  lecteur  de  se  reporter  aux  articles  Charlotte,  Char- 
treuse, Confitures,  etc. 

POIRE.  —  C'est  le  nom  d'une  boisson  fermentée,  spiri- 
tueuse,  faite  avec  des  poires;  si  les  fruits  sont  de  bonne  qualité 
et  que  l'opération  soit  bien  menée,  le  poiré  est  supérieur  à  beau- 
coup de  vins  blancs  ;  il  faut  choisir  pour  cela  des  poires  un  peu 
âpres,  telles  que  la  poire  sauvage,  le  certeau,  le  sucré  vert,  etc., 
et  cette  excellente  boisson,  mise  en  bouteille,  se  conserve  plu- 
sieurs années. 


POIS.  835 

Le  poiré  est  ordinairement  plus  limpide,  moins  pesant  et 
plus  nourrissant  que  le  cidre.  On  ne  s'en  sert  guère  en  cuisine  que 
pour  faire  le  mouillement  des  matelotes  normandes,  ainsi  que 
nous  l'ayons  indiqué.  (V.  Carrelet.) 

POIREAU.  —  Le  poireau  est  originaire  d'Espagne,  il  est 
cultivé  dans  toutes  les  parties  tempérées  de  l'Europe;  les  pauvres 
le  mangent  cru  avec  le  pain,  et  il  sert  dans  tous  les  ménages 
pour  donner  du  goût  à  la  soupe,  car  il  est  doué  de  propriétés 
diurétiques  qui  peuvent  être  employées  dans  le  régime  alimen- 
taire; il  n'est  guère  employé  que  pour  assaisonnements  dans  les 
potages  français  et  les  courts-bouillons  de  formule  étrangère  ;  il  y 
a  cependant  des  pays  où  Ton  prépare  quelques  ragoûts  de  poi- 
reau, et  l'on  confectionne  avec  des  poireaux  blancs  une  cer*- 
taine  soupe  grasse  qui  mérite  une  considération  particulière. 

En  Lorraine  on  fait  des  tartes  aux  poireaux. 

POIS.  —  Nous  n'avons  à  traiter  ici  que  des  petits  pois 
cueillis  avant  leur  maturité ,  alors  qu'ils  sont  encore  tendres  et 
remplis  d'une  eau  sucrée. 

Les  petits  pois  sont  sans  contredit  un  de  nos  meilleurs 
légumes.  Lorsqu'ils  sont  bien  frais,  bien  tendres  et  cuits  aussi- 
tôt écossés,  ils  forment  un  entremets  toujours  parfaitement 
accueilli. 

Les  pois  offrent  encore  une  précieuse  ressource  lorsqu'ils 
sont  desséchés ,  mais  ils  sont  plus  difficiles  à  digérer  que  frais. 
On  les  accommode  de  la  même  façon,  au  beurre,  au  lard,  au 
sucre,  mais  on  ne  les  emploie  guère  qu'à  faire  des  purées. 

Petits  pois  à  l'ancienne  mode.  —  (Recette  de  l'Abbaye  de 
Fontevrault.)  Faites  écosser  peu  de  temps  avant  de  les  mettre 
cuire  deux  litres  de  pois  verts  fins,  et  tenez-les  renfermés  dans 
une  serviette  mouillée.  Prenez  ensuite  un  cœur  de  laitue  pommée 
dont  vous  écarterez  le  milieu  des  feuilles  afin  d'y  placer  une 
branche  ou  tige  de  sariette  verte  et  fraîchement  cueillie.  Fice- 
lez cette  laitue  et  mettez-la  dans  une  casserole  avec  les  pois, 
une  pincée  de  sel,  un  demi-verre  d'eau  et  une  demi  -  livre  de 
beurre  tout  frais.  Après  un  quart  d'heure  de  cuisson,  vous  ôtez 
la  laitue ,  et  au  moment  de  servir  vous  liez  vos  pois  avec  trois 
cuillerées  de  crème  double  oii  vous  aurez  délayé  le  jaune  d'un 


836  POIS. 

œuf  du  jour  avec  une  pincée  de  poivre  blanc  et  une  petite  cuti* 
lerée  de  sucre  en  poudre. 

Petits  pois  à  la  Française.  —  Mettez  deux  litres  de  pois 
très-fins  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  beurre  et  de  Teau, 
pétrissez  avec  les  mains,  jetez  Teau  et  ajoutez  un  bouquet  de 
persil,  un  petit  oignon,  un  cœur  de  laitue,  un  peu  de  sel  et  une 
petite  cuillerée  de  sucre  en  poudre;  couvrez  la  casserole  et  fidtes 
cuire  à  petit  feu  une  demi-heure;  puis  retirez  le  bouquet  de 
persil  et  Toignon,  posez  la  laitue  sur  le  plat;  liez  vos  pois  avec 
un  bon  morceau  de  beurre  fin,  manié  d'un  peu  de  fisirine,  sautez* 
les  sur  le  feu  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  bien  liés  et  versez-les  en 
buisson  sur  la  laitue.  Evitez  la  liaison.  Les  petits  pois  frais  se 
lient  d'eux-mêmes.  —  N'oubliez  pas,  pour  que  les  pois  conser- 
vent leur  humidité  dans  la  cuisson,  de  mettre  en  place  du  cou- 
vercle une  assiette  creuse  avec  de  l'eau. 

Vous  pouvez  les  apprêter  de  la  même  manière,  sans  laitue, 
et  les  lier  avec  des  jaunes  d'œufs  et  un  morceau  de  beurre  frais 
au  lieu  de  beurre  manié. 

Petits  pois  à  l'anglaise.  —  Jetez  dans  une  casserole  d'eau 
bouillante  une  petite  poignée  de  sel  blanc ,  mettez-y  les  pois  et 
faites-les  bouillir  à  grand  feu  sans  les  couvrir  et  en  écumant 
l'eau  continuellement,  égouttez-les  ensuite  et  mettez-les  sauter^ 
sans  les  remettre  au  feu,  dans  un  bon  morceau  de  beurre  fin; 
dressez-les  en  pyramide  sur  un  plat,  mettez  au  milieu  un  autre 
morceau  de  beurre  et  servez. 

Petits  pois  à  la  bourgeoise.  —  Vous  passez  lestement  vos 
pois  dans  un  roux  léger  ;  mouillez  avec  un  peu  d'eau  bouillante, 
ajoutez  sel  et  poivre,  un  bouquet  de  persil  et  un  cœur  de  laitue; 
laissez  réduire  jusqu'à  ce  qu'il  n'y  ait  plus  de  sauce  et  ajoutez 
une  liaison  de  trois  jaunes  d'œufs  au  moment  de  servir. 

Petits  pois  à  la  crème.  —  Vous  mettez  tiédir  dans  une  cas- 
serole un  morceau  de  beurre  manié  de  farine  et  vous  y  ajoutez  les 
pois,  un  bouquet  de  persil  et  ciboules,  sel  et  poivre,  laissez-les 
cuire  dans  leur  jus  sans  mouillement,  puis  retirez  la  casserole 
du  feu,  versez  dans  un  vase  la  cuisson  de  vos  pois,  mettez-y 
de  la  crème  et  du  sucre  en  poudre,  versez  cette  sauce  sur  les  pois 
et  sautez-les  avant  de  servir. 


POISSON.  837 


Petits  pois  au  lard.  —  Faites  revenir  dans  du  beurre  du 
petit  salé  coupé  en  dés;  retirez-le  quand  il  est  de  belle  couleur, 
puis  mettez  dans  le  beurre  qui  a  servi  à  le  rôtir  une  cuillerée  à 
bouche  de  farine,  faites  un  roux,  mouillez  avec  du  jus  ou  du 
bouillon.  Remettez  ensuite  le  petit  salé  avec  les  pois,  ajoutez  un 
oignon,  un  bouquet  garni  et  un  peu  de  poivre  et  faites  cuire  sur 
Tangle  du  fourneau. 

Pois  chiches.  —  Les  pois  chiches  sont  bien  nourrissants, 
mais  d'une  digestion  quelquefois  difficile;  on  ne  les  mange  ordi- 
nairement qu'en  purée.  On  a  essayé,  en  les  torréfiant  et  en  les 
pulvérisant,  de  les  substituer  au  café,  mais  cette  expérience  n'a 
amené  aucun  bon  résultat. 

On  les  cultive  dans  le  midi  de  la  France  où  ils  sont  con- 
nus sous  le  nom  de  garbansos.  Nous  en  avons  parlé  plus  haut. 
Ils  servent  à  la  confection  de  Voille  et  de  Volla-podrida. 

POISSON.  —  «  Les  poissons,  a  dit  Cuvier,  sont  des  ani- 
maux aquatiques  vertébrés,  à  sang  froid  et  respirant  par  des 
branchies.  » 

Nous  n'avons  à  parler  ici  du  poisson  que  sous  le  point  de 
vue  de  l'alimentation  ;  aussi  n'entamerons-nous  pas  une  discus- 
sion anatomique  sur  la  nature  et  le  genre  de  vie  des  différentes 
espèces  de  poissons,  et  nous  bornerons-nous  à  indiquer  seulement 
ceux  que  nous  croyons  les  meilleurs. 

Les  poissons  doivent  être  considérés  comme  une  des  plus 
l^randes  ressources  de  l'alimentation.  Les  hommes  recherchèrent 
de  tous  temps  cette  nourriture  saine  et  délicate,  et  Montesquieu 
attribue  la  grande  population  de  la  Chine  à  l'usage  fréquent  du 
poisson.  Favorisés  par  le  voisinage  de  la  mer,  les  populations 
grecques,  en  s'adonnant  à  la  pêche,  s'attachèrent  à  distinguer 
les  meilleures  espèces.  Les  cuisiniers  grecs  savaient  donnée  aux 
poissons  diverses  préparations  dont  il  est  parlé  dans  les  anciens 
auteurs  qui  ont  écrit  sur  la  diététique;  ils  avaient  plusieurs 
manières  de  les  apprêter  avec  le  sel,  de  les  mariner  avec  de 
l'huile  et  des  aromates,  et  le  poisson  en  escabèche  des  Italiens  et 
des  Espagnols  n'en  est  sans  doute  qu'une  imitation.  Aussi  nous 
savons,  malgré  le  peu  de  notions  qui  nous  sont  parvenues  sur  la 
cuisine  grecque,  qu'on  préparait  alors  la  chair  de  l'espadon  avec 


8^8  POISSON. 


de  la  moutarde,  celle  du  congre  avec  du  sel  et  de  rorigan,  la 
dorade  avec  de  Thuile,  du  vinaigre  et  des  pruneaux.  Galien  fiit 
le  premier  qui  prescrivît  de  saler  le  thon,  parce  que  dans  cet  état 
sa  chair  est  moins  compacte.  Athénée  nous  a  transmis  quelques 
préceptes  sur  les  assaisonnements,  et  Xénocrate,  Eschyle  et 
Sophocle  ont  parlé  des  sauces  au  poisson.  A  Athènes  on  avait 
poussé  si  loin  cette  prédilection  pour  les  productions  de  la  mer, 
que,  par  une  loi  de  police,  il  était  prescrit  d'appeler  sur-le- 
champ  les  acheteurs  au  bruit  de  cylindres  d'airain  pour  que 
chacun  pût  se  procurer  du  poisson  frais  au  moment  où  il  était 
apporté  au  marché.  On  assure  même  que  pour  obliger  les  mar- 
chands à  le  vendre  plus  vite,  il  leur  était  enjoint  de  rester  debout, 
afin  que  cette  obligation  les  rendît  plus  soumis  et  plus  empressés 
de  vendre  à  un  prix  raisonnable. 

Parmi  les  poissons  les  plus  estimés  sous  les  Romains  figure 
le  scare  que  les  gourmets  préféraient  à  toutes  les  autres  espèces; 
le  foie  de  la  lotte  jouissait  aussi  d'une  grande  réputation,  au 
contraire  du  reste  du  corps  qui  était  peu  estimé;  le  mulet  était 
réputé  un  des  mets  les  plus  délicats,  et  il  a  bien  dégénéré  depuis, 
car  aujourd'hui  nous  le  considérons  comme  un  poisson  commun. 
Les  gastronomes  se  plaisaient  alors  à  le  voir  expirer  sur  la  table 
pour  jouir  de  ses  changements  de  couleurs.  Apicius  fut  le  premier 
qui  le  fit  mourir  dans  de  la  saumure  composée  de  sang  de 
scombre  ou  de  maquereau;  c'était  le  fameux  garum  sociorum, 
et  nous  avons  parlé  plus  haut  des  viviers  où  les  Romains  conser- 
vaient le  poisson  pendant  six  mois,  en  le  mettant  dans  la  neige 
au  fond  d'une  glacière.  LucuUus,  le  plus  fastueux  des  patriciens, 
fit  même  couper  une  montagne  dans  les  environs  de  Naples 
pour  ouvrir  un  canal  et  faire  remonter  jusque  dans  ses  jardins 
la  mer  et  les  poissons.  Pompée  le  baptisa  à  ce  sujet  du  nom  de 
Xerxès  en  toge. 

Ce  ne  fut  guère  que  vers  le  xii*  siècle  que  les  marchands, 
réunis  en  compagnie,  entreprirent  d'approvisionner  de  marée  la 
capitale;  alors  s'établit  la  différence  des  harengères,  chargées 
de  la  vente  du  poisson  de  mer,  et  des  poissonnières  qui  faisaient 
la  vente  du  poisson  d'eau  douce. 

Il  se  vend  annuellement  à  Paris  pour  près  de  deux  mil- 


POISSON  D'AVRIL.  8)9 


lions  de  poissons  d'eau  douce,  et  six  millions  de  francs  de 
marée. 

Malgré  la  quantité  considérable  de  poissons  qui  arrivent 
encore  frais  à  Paris,  ce  qui  est  dû  à  sa  proximité  de  la  mer,  il  y 
en  a  beaucoup  encore  qui  ne  peuvent  supporter  le  transport, 
quelque  accéléré  qu'il  soit.  Au  siècle  dernier,  Louis  XV  avait 
accordé  à  titre  d'encouragement  une  prime  de  9,000  francs  à  celui 
qui  pourrait  faire  arriver  à  Paris  une  dorade  fraîche  ;  aucun  entre- 
preneur ne  put  réussir  à  gagner  cette  récompense  qu'il  serait 
facile  d'obtenir  aujourd'hui  que  nous  avons  les  chemins  de  fer  ; 
et  c'était  ce  qui  faisait  le  grand  désespoir  des  Lucullus  du  siècle 
dernier. 

Poissons  de  mer  :  Esturgeon ,  turbot ,  saumon ,  cabillaud , 
thon,  bar,  alose,  dorade,  raie,  maquereau,  sole,  barbue,  carre- 
let, limande,  plie,  vive,  éperlan,  rouget,  harengs,  sardines. 

Crustacés  :  Homards,  langoustes,  crabes,  crevettes,  che- 
vrettes ou  salicoques. 

Coquillages  :  Huitres,  moules,  pèlerines,  ormiers. 

Poissons  de  rivière  :  Brochet,  carpe,  anguille,  truite,  ombre, 
chevalier,  lavaret,  ferrât,  perche,  lotte,  lamproie,  barbotte, 
barbeau,  tanches,  goujon,  brème,  écrevisses. 

POISSON  D'AVRIL.  —  Certains  étymologistes  croient  que 
Ton  disait  passion  d'avril^  en  mémoire  de  la  passion  de  Jésus- 
Christ  qui  arriva  le  3  avril,  et  que  la  corruption  du  langage  en 
a  fait  poisson  d'avril. 

François,  duc  de  Lorraine,  et  son  épouse,  retenus  pri- 
sonniers à  Nancy  et  cherchant  quelque  stratagème  pour  se 
sauver  choisirent  le  premier  jour  d'avril.  Tous  deux  déguisés 
en  paysans,  portant  une  hotte  de  fumier,  sortirent  de  Nancy 
à  la  pointe  du  jour,  et  traversèrent  la  Moselle  à  la  nage.  Ils 
durent  leur  salut  à  la  crainte  qu'on  a  généralement  du  pois- 
son d'avril.  En  effet,  une  femme  les  ayant  reconnus  alla  en 
prévenir  un  soldat  de  la  garnison  du  château  qui  ne  fit  qu'en 
rire,  croyant  qu'on  voulait  lui  faire  manger  du  poisson  d'avril. 
Cette  nouvelle  parvint  à  l'officier  qui  s'imagina  également  que 
c'était  un  poisson  d'avril  et  n'eut  garde  de  se  déranger.  Cepen- 
dant il  en  avertit  le  gouverneur  qui  envoya  s'éclaircir  du  fait. 


840  POMME. 


mais  il  était  trop  tard  ;  les  illustres  voyageurs  avaient  pris  les 
devants,  et,  grâce  au  poisson  d'avril,  ils  échappèrent  aux 
recherches. 

POIVRE.  —  Ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit  dans  notre  pré- 
face ,  le  poivre  a  toujours  été  la  plus  répandue  des  épiceries 
connues  et  la  plus  employée  en  cuisine. 

Le  poivre  a  été  longtemps  l'objet  d'un  très-grand  luxe,  et  une 
livre  de  poivre  était  un  présent  considérable  à  faire  à  une  per- 
sonne; on  rapporte  que  lorsque  Clotaire  III  fonda  le  monastère 
de  Corbie,  parmi  les  différentes  denrées  qu'il  assujettit  ses 
douanes  à  payer  annuellement  aux  religieux,  il  y  avait  trente 
livres  de  poivre.  Roger,  comte  de  Béziers,  ayant  été  assassiné 
dans  une  sédition  par  les  bourgeois  de  cette  ville  en  1107,  une 
des  punitions  que  son  fils  imposa  aux  bourgeois,  lorsqu'il  les  eut 
soumis  par  les  armes,  fut  un  tribut  de  trois  livres  de  poivre  à 
prendre  annuellement  sur  chaque  famille.  Enfin,  à  Tyr,  les  Juifs 
étaient  obligés  d'en  payer  de  même  deux  livres  par  an  à  l'Arche- 
vêque. C'étaient,  disent  les  Oânnales  de  V Église  d'Q/iix^  Ber- 
trand et  Rostang  de  Noves,  archevêques  de  cette  ville,  l'un  en 
1143,  l'autre  en  1283,  qui  avaient  imposé  cette  servitude  aux 
Hébreux  perfides. 

Le  poivre,  très-usité  comme  condiment,  favorise  la  digestion. 

Avant  le  cubèbe,  il  était  fréquemment  employé  dans  les 
officines.  Dans  les  pays  chauds,  on  en  prépare  des  liqueurs  fer- 
mentées  excessivement  fortes.  Comme  c'est  un  stimulant  des 
plus  énergiques,  on  ne  l'emploie  que  modérément  dans  la 
bonne  cuisine,  et  les  personnes  nerveuses  et  impressionnables 
doivent  même  s'en  abstenir.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  les 
gens  de  la  campagne  dont  la  sensibilité  de  l'estomac  est  émoussé 
par  l'habitude  d'une  nourriture  grossière  et  a  besoin  d'être 
fortement  excitée,  et  le  poivre  est  très-propre  à  produire  celte 
excitation;  aussi  on  en  fait  un  grand  usage  dans  toutes  les  cui- 
sines provinciales. 

Il  y  a  trois  sortes  de  poivre  :  le  poivre  noir,  le  poivre  blanc 
et  le  poivre  long. 

POMME.  —  Les  pommes  se  mangent  crues  ou  en  com- 
potes ,    confitures,   marmelades.  On   en  fait  aussi    un   cidre 


POMME.  841 


agréable,  généreux  et  de  bonne  conservation.  On  se  sert  prin- 
cipalement, pour  cette  boisson,  des  amères,  mélangées  d'environ 
un  tiers  de  douces. 

Les  provinces  de  France  les  plus  abondantes  en  pommes  sont 
la  Normandie,  l'Auvergne  et  le  Vexin  français;  la  Bretagne  en 
fournit  en  assez  grande  quantité. 

Les  meilleures  pommes  qu'on  mange  en  hiver  sont  la  rei- 
nette, le  court-pendu,  la  pomme  d'api  et  le  calville  dont  il  existe 
trois  espèces  :  la  blanche,  la  rouge  et  la  claire.  Le  calville  rouge, 
c'est-à-dire  celle  qui  a  la  peau  et  une  partie  de  la  chair  rouges, 
est  la  meilleure  des  trois  ;  elle  renferme  un  suc  doux  et  convient 
à  ceux  qui  ont  des  aigreurs  dans  l'estomac,  pourvu  toutefois 
qu'on  en  mange  peu.  La  reinette  convient  particulièrement  aux 
bilieux.  Mais,  de  toutes  les  pommes,  le  court -pendu  est  la 
meilleure;  sa  saveur  est  très-agréable,  sa  chair  délicate  et  son 
odeur  très-douce. 

La  pomme  d'api,  qui  doit  toujours  se  manger  crue,  est  la 
plus  petite  et  la  plus  dure  de  toutes  les  pommes  ;  elle  renferme 
une  eau  savoureuse,  très-propre  à  rafraîchir  la  bouche  et  à 
éteihdre  la  soif,  mais  sa  chair  est  lourde  et  difficile  à  digérer. 

Le  suc  de  la  pomme  crue,  suivant  Galien,  bout  et  fermente 
dans  l'estomac  comme  le  vin  qui  sort  de  la  cuve;  ce  suc  est  com- 
posé de  parties  extrêmement  fines  mais  indigestes  qui ,  par  le 
moyen  des  artères,  se  distribuent  par  tout  le  corps,  de  sorte  qu'il 
est  difficile,  si  l'on  mange  beaucoup  de  pommes  crues,  que  la 
fermentation  excessive,  jointe  à  la  crudité  de  leur  suc,  ne  trouble 
la  circulation  du  sang  et  que  les  principaux  viscères  n'en  souf- 
frent. Simon  Pauli ,  savant  médecin ,  qui  aimait  beaucoup  les 
pommes  et  qui  avait  coutume  d'en  manger  tous  les  jours,  dit  qu'il 
eut  pendant  vingt  ans  de  très-fortes  palpitations  de  cœur  dont  il 
modérait  le  progrès  en  se  faisant  souvent  saigner  et  en  mangeant 
moins  souvent  des  pommes  crues;  il  ajoute,  que  lorsqu'il  en  man- 
geait beaucoup  le  soir,  il  ne  manquait  point  d'être  attaqué,  la 
nuit,  une  ou  deux  fois,  de  cauchemar  ou  d'insomnie. 

Un  de  nos  plus  célèbres  Normands,  Bernardin  de  Saint- 
Pierre,  donne  ainsi,  dans  une  ingénieuse  fiction,  l'origine  des 
pommiers  de  sa  province  : 


84a  POMME. 


«  La  belle  Thëris,  dit-il,  jalouse  de  ce  que,  à  ses  propres 
yeux,  Vénus  eût  remporté  la  pomme  qui  était  le  prix  de  la  beauté, 
sans  qu'on  l'eût  admise  à  la  concurrence,  résolut  de  s'en  venger. 
Un  jour  donc  que  Vénus,  descendue  sur  cette  partie  du  rivage 
des  Gaules,  y  cherchait  des  perles  pour  sa  parure  et  des 
coquillages  pour  son  fils,  un  triton  lui  déroba  sa  pomme,  qu'elle 
avait  mise  sur  un  rocher,  et  la  porta  à  la  déesse  des  mers;  aussi- 
tôt Thétis  en  sema  les  pépins  dans  les  campagnes  voisines,  pour 
y  perpétuer  le  souvenir  de  sa  vengeance  et  de  son  triomphe. 
Voilà,  disent  les  Gaulois  celtiques,  la  cause  du  grand  nombre  de 
pommiers  qui  croissent  dans  notre  pays  et  de  la  beauté  singulière 
de  nos  filles.  » 

On  sait  aussi  quel  rôle  joue  la  pomme  dans  l'histoire.  Pour 
éviter  les  frais  qu'occasionnaient  les  noces,  Solon  ordonna  que  les 
nouveaux  époux  ne  mangeraient  qu'une  pomme  avant  de  se 
mettre  au  lit,  la  première  nuit  du  mariage,  ce  qui  n'était  guère 
substantiel  et  réconfortant  pour  les  pauvres  époux. 

Pommes  au  beurre,  —  Videz  une  vingtaine  de  belles  pommes 
à  l'emporte-pièce;  tournez-en  neuf  ou  dix  pour  en  ôter  la  peau 
comme  pour  une  compote  ;  faites-les  cuire  aux  trois  quarts  dans 
un  sucre  léger,  égouttez-les ,  faites  une  marmelade  des  autres 
pommes  en  les  faisant  cuire  dans  une  casserole  avec  un  peu  de 
beurre,  de  cannelle  et  un  verre  d'eau  jusqu'à  ce  qu'elles  soient 
fondues;  étendez  sur  votre  plat  une  partie  de  cette  marmelade 
avec  un  peu  de  compote  d'abricots,  arrangez  vos  pommes  dessus 
et  emplissez  de  beurre 4e  trou  qui  est  au  milieu,  garnissez  les 
inten^alles  avec  le  reste  de  la  marmelade,  glacez-la  avec  du  sucre 
en  poudre,  faites  cuire  au  four,  donnez  belle  couleur,  bouchez 
le  trou  des  pommes  avec  des  cerises  ou  des  confitures,  et  servez 
chaud. 

Miroton  de  pommes.  —  Vous  épluchez  des  pommes  et  vous 
en  ôtez  k  cœur,  puis  vous  les  coupez  par  tranches,  les  feites 
mariner  pendant  trois  ou  quatre  heures  dans  une  terrine  avec  du 
sucre  et  de  la  cannelle  en  poudre,  un  demi-verre  d'eau-de-vie  et 
un  jus  de  citron,  égouttez-les.  Mêlez  ensemble  et  mettez  dans  un 
plat  qui  puisse  aller  au  feu,  de  la  marmelade  de  pommes  et 
d'abricots,  rangez  les  pommes  autour   et  dessus  en  forme  de 


POMME.  843 


dôme  ;  mettez  le  plat  au  four  et  laissez  cuire  jusqu'à  ce  qu'il  ait 
pris  belle  couleur. 

Pommes  au  ri^.  —  Videz  et  tournez  une  dizaine  de  belles 
pommes  et  faites-les  cuire  comme  celles  au  beurre;  faites  blanchir 
un  quart  de  riz  que  vous  mettrez  crever  dans  du  lait  en  Tarro- 
sant  petit  à  petit;  ajoutez  un  zeste  de  citron  vert,  un  peu  de  sel 
et  du  sucre  en  suffisante  quantité;  quand  votre  riz  est  ferme, 
supprimez  le  citron,  garnissez  votre  plat  de  riz,  rangez  vos 
tranches  de  pommes  dessus,  remplissez  les  intervalles  avec  du 
riz,  faites  cuire  au  four  jusqu'à  belle  couleur. 

Pommes  meringuées.  —  Mettez  dans  une  croûte  à  flan  ou 
sur  un  plat  une  couche  de  marmelade  de  pommes  que  vous 
recouvrez  de  blancs  d'œuf  fouettés  en  neige  et  sucrés;  puis  vous 
formez  sur  le  plat,  à  Taide  d'un  cornet  de  papier  dont  vous 
aurez  coupé  le  bout  et  que  vous  aurez  rempli  du  restant  de 
blanc  d'oeuf,  des  petites  meringues;  saupoudrez  de  sucre,  mettez 
à  four  doux  et  laissez  prendre  belle  couleur  à  vos  pommes. 

Pommes  meringuées  [Formule  de  M.  Carême),  —  Otez  les 
cœurs  et  pelez  trente-six  belles  pommes  de  reinette,  choisissez 
les  plus  hautes  que  vous  coupez  droites  avec  un  coupe-racine, 
ayez  soin  que  le  cœur  des  pommes  se  trouve  parfaitement  au 
milieu  et  faites-les  cuire  un  peu  fermes  dans  six  onces  de  sucre 
clarifié  ;  après  cela  vous  versez  le  sirop  dans  le  reste  des  pommes 
que  vous  aurez  émincées  et  vous  les  faites  cuire  comme  de  cou- 
tume, en  desséchant  un  peu  plus  la  marmelade,  où  vous  mêlez 
le  tiers  d'un  pot  d'abricots;  et  après  l'avoir  passée  au  tamis, 
vous  en  mettez  une  cuillerée  dans  le  plat  d'entremets  en  formant 
une  couronne  sur  laquelle  vous  placez  droites  les  dix  pommes 
tournées,  de  manière  qu'elles  forment  un  puits  au  milieu,  vous 
garnissez  le  cœur  des  pommes  avec  de  la  marmelade  d'abricots 
et  avec  le  reste  de  la  marmelade  vous  masquez  le  dessus  et  le 
tour  des  pommes,  mais  arrangez-vous  de  façon  que  le  dessus  soit 
bien  uni  et  très-égal  en  hauteur,  que  le  tour  soit  uni  et  droit,  de 
même  que  l'intérieur  du  puits  doit  être  garni  de  marmelade, 
afin  que  les  pommes  ainsi  masquées  forment  une  couronne  par- 
faite et  ayant  un  vide  au  milieu. 

Cette  partie  de  l'opération  terminée,  vous  mettez  l'entre- 


844  POMME. 


mets  au  four  doux  et  dès  qu'il  commence  à  se  colorer  d'un 
rouge  clair,  vous  fouettez  deux  blancs  d'œuf  bien  ferme  et  les 
mêlez  avec  deux  cuillerées  de  sucre  fin,  vous  les  versez  dans  le 
milieu  des  pommes,  mais  quand  le  puits  est  plein,  vous  avez 
soin  de  dresser  le  reste  de  blanc  d'œuf,  en  formant  une  meringue 
bien  bombée  sur  laquelle  vous  semez  du  sucre  écrasé  un  peu  fin  ; 
le  sucre  étant  fondu ,  vous  remettez  les  pommes  au  four  ;  ayez 
l'attention,  en  semant  le  sucre  sur  la  meringue  de  ne  pas  en 
mettre  sur  les  pommes. 

Pommes  au  beurre  et  à  la  gelée  de  pommes  (autre  formule 
du  même  praticien).  —  Otez  les  cœurs  et  tournez  quinze  pommes 
d'Afrique;  vous  faites  cuire  en  deux  fois  dans  six  onces  de  sucre 
clarifié;  épluchez  ensuite  douze  pommes  de  reinette  coupées 
par  quartiers,  versez  dessus  le  sirop  que  vous  aurez  fait  réduire 
au  soufflé;  puis  deux  onces  de  beurre  tiède  et  le  quart  d'un  pot 
d'abricots  ;  le  tout  étant  bien  mêlé,  vous  placez  la  casserole  feu 
dessus  et  dessous  et  cuisez  les  pommes  comme  les  précédentes  ; 
pendant  leur  cuisson,  vous  coupez  chaque  pomme  d'api  en  deux 
et  en  travers,  vous  les  moulez  dans  un  moule  en  dôme  bien 
légèrement  beurré,  ensuite  vous  achevez  d'emplir  le  moule  en  y 
versant  les  pommes  au  beurre;  vous  renversez  l'entremets  sur  son 
plat  et  mettez  dans  le  milieu  de  chaque  moitié  de  pomme  d'api, 
une  belle  cerise  ou  un  gros  grain  de  verjus  confit.  Vous  masquez 
parfaitement  l'entremets  de  lames  de  gelée  de  pommes  de  Rouen, 
ce  qui  rend  les  pommes  d'un  glacé  brillant  et  séducteur. 

En  place  de  pommes  d'api ,  vous  pouvez  cuire  au  sirop  dix 
pommes  de  reinette  coupées  par  quartiers. 

Pour  les  pommes  au  beurre  et  aux  macarons,  vous  préparez 
et  dressez  l'entremets  de  même  que  le  précédent,  mais  vous  le 
masquez  de  marmelade  d'abricots  au  lieu  de  gelée  de  pommes, 
et  servez  par-dessus  deux  onces  de  macarons  écrasés,  vous  placez 
ensuite  une  cerise  dans  chaque  milieu  des  pommes  d'api,  et 
servez. 

On  dresse  également  ces  sortes  de  pommes  au  beurre  dans 
des  casseroles  d'argent  et  toujours  en  procédant  de  même  qu'il 
est  décrit  plus  haut. 

On  dresse  encore  ces  bons  entremets  dans  des  croûtes  de 


POMME.  845 


vol-au-vent  et  de  tourtes  d'entremets  glacés,  ainsi  que  dans  des 
croustades  de  pâte  fine  en  forme  de  flan. 

Charlottes  de  pommes.  —  Pelez  et  coupez  en  quartiers  une 
vingtaine  de  belles  pommes  de  reinette  de  France,  supprimez- 
en  les  cœurs  et  mettez  les  tranches  de  pommes  dans  une  casserole 
avec  un  peu  de  beurre,  de  cannelle,  de  citron  et  un  verre  d'eau. 
Couvrez  la  casserole,  placez-la  sur  un  feu  doux  et  laissez  cuire 
les  pommes  sans  les  remuer,  laissez-les  légèrement  s'attacher 
pour  leur  donner  un  goût  de  grillé,  ajoutez-y  du  sucre,  un  peu 
d'excellent  beurre,  faites  réduire  le  tout  en  le  mêlant  et  conti- 
nuez jusqu'à  ce  que  cette  marmelade  ait  pris  consistance,  ôtez 
alors  la  cannelle  et  le  citron.  Coupez  des  tranches  de  mie  de 
pain  mollet,  larges  de  deux  doigts  à  peu  près,  garniissez-en  le 
fond  et  le  tour  d'un  moule  ;  mettez  dans  l'intérieur  la  marme- 
lade de  pommes,  que  vous  entremêlez  de  couches  de  marme- 
lades d'abricots,  afin  de  rendre  l'entremets  plus  délicat;  puis 
quand  le  moule  est  rempli,  vous  le  recouvrez  de  tranches  de 
pain  et  le  faites  cuire  environ  vingt  minutes  dans  un  four  ou  sur 
des  cendres  rouges,  faites  prendre  belle  couleur  à  la  charlotte, 
renversez  le  moule  sur  un  plat  et  servez.  N'oubliez  pas  de 
prendre  du  beurre  clarifié  pour  beurrer  votre  pain. 

Pommes  à  la  crème.  —  Pelez  des  pommes  et  laissez-les 
entières,  épépinez-les  et  mettez-les  cuire  à  moitié  avec  du 
sucre  comme  pour  une  compote.  Quand  elles  sont  à  moitié 
cuites,  vous  les  retirez  et  les  mettez  dans  un  plat,  puis  vous 
faites  une  crème  avec  huit  jaunes  d'oeuf,  un  peu  de  farine,  eau 
de  fleur  d'orange,  citron  confit  haché,  crème  et  sucre.  Faites 
prendre  cette  crème  sur  le  feu,  qu'elle  soit  épaisse,  mettez-en 
sur  vos  pommes,  saupoudrez  de  sucre  par-dessus,  arrangez-y  les 
tranches  de  citron  confit,  faites  cuire  cette  crème  au  four  qu'elle 
soit  bien  colorée,  et  servez  chaudement. 

Pommes  à  la  portugaise.  —  Pelez  cinq  ou  six  belles 
pommes  de  reinette  et  supprimez-en  le  cœur  en  ayant  soin  de 
ne  pas  les  casser.  Mettez  du  sucre  en  poudre  et  deux  cuillerées 
d'eau  dans  un  plat  d'argent  ou  dans  une  croûte  de  flan  ;  placez-y 
les  pommes  dont  vous  remplacez  le  cœur  par  du  sucre  en  poudre 
et  faites  cuire  au  four  ou  sous  le  four  de  campagne. 


846  POMME  DE  TERRE. 


Pommes  à  la  régence,  —  Pelez  vos*  pommes,  videz-les  sans 
les  endommager,  remplissez-les  de  marmelade  d'abricots,  em-e- 
loppez-les  d'une  pâte  très-mince,  frottez-les  avec  de  Tœuf  battu; 
ayez  une  pâte  à  feuilletage  très-mince,  découpez-la  en  petites 
bandes  très-petites,  enveloppez-en  les  pommes  en  tournant  de 
façon  à  leur  donner  la  forme  de  la  pomme,  arrêtez  le  bout  avec 
un  pefit  morceau  de  cannelle,  faites  cuire  au  four  sur  une  tour- 
tière beurrée  comme  une  tourte;  quand  elles  sont  cuites,  glacez- 
les  à  l'ordinaire  dessus  et  autour  avec  du  sucre  et  servez  chau- 
dement. 

Pommes  au  sec,  —  Les  pommes  qu'on  tire  le  plus  ordinaire- 
ment au  sec  sont  le  calville  rouge  et  la  reinette  coupée  par  quar- 
tiers. Quand  elles  sont  bien  confîtes  et  refroidies,  on  les  met 
égoutter,  puis  on  les  dresse  à  l'ordinaire  et  on  les  poudre  de 
sucre. 

Si  ce  sont  des  pommes  conservées  au  liquide  et  que  vous 
vouliez  après  en  faire  sécher,  faites  cuire  d'abord  du  sucre  à 
perlé  dans  lequel  vous  leur  ferez  prendre  quelques  bouillons  et 
vous  les  tirerez  ensuite  au  sec  mieux  que  si  vous  n'aviez  pas 
pris  cette  précaution,  le  séchage  étant  difficile  sans  cette  pré- 
caution, à  cause  de  l'humidité  qui  les  décuit  dans  la  suite. 

POMME  DE  TERRE.  —  Cet  excellent  légume  qui  met 
désormais  les  peuples  à  l'abri  de  la  famine  fut  apporté  de  Vir- 
ginie par  l'amiral  anglais  Walter  Raleigh  en  13^85. 

Cet  amiral  fut  plus  connu  par  son  esprit  entreprenant  et  les 
vicissitudes  de  sa  vie  que  par  l'importation  de  la  pomme  de 
terre,  à  laquelle  tout  d'abord  on  ne  fît  pas  grande  attention. 
Walter  Scott  rapporte,  que  Raleigh  se  trouvant  un  jour  avec  la 
reine  Elisabeth  et  sa  suite  en  promenade  et  la  reine  ayant  à  tra- 
verser un  très-court  espace  dans  lequel  se  trouvait  une  flaque 
de  boue,  il  dégrafa  son  manteau  de  velours  bleu,  brodé  de 
perles  et  retendit  sur  cet  espace  afin  que  la  reine  pût  passer 
sans  se  mouiller  les  pieds,  ce  dont  elle  le  récompensa  en  le 
nommant  amiral. 

Quant  à  la  pomme  de  terre,  des  préjugés  absurdes  l'empê- 
chèrent longtemps  d'être  appréciée  à  sa  juste  valeur;  c'était  pour 
beaucoup  un  aliment  dangereux  ou  au  moins  grossier  et  tout  au 


POMME  DE  TERRE.  847 


plus  bon  pour  les  cochons.  Les  choses  en  étaient  à  ce  point,  vers 
la  fin  du  siècle  dernier,  lorsque  Parmentier  commença  une  suite 
de  travaux  théoriques  et  pratiques  pour  ramener  à  la  culture  de 
la  pomme  de  terre  ;  il  fut  assez  heureux  pour  triompher  des 
préjugés  et  tout  le  monde  fut  enfin  convaincu  des  avantages  de 
cette  culture.  En  1793,  les  pommes  de  terres  furent  tellement 
considérées  comme  indispensables,  qu'un  arrêté  de  la  Commune 
en  date  du  21  ventôse,  ordonna  de  faire  le  recensement  des  jar- 
dins de  Luxe  afin  de  les  consacrer  à  la  culture  de  ce  légume  ; 
en  conséquence  la  grande  allée  du  jardin  des  Tuileries  et  les 
carrés  de  fleurs  furent  cultivés  en  pommes  de  terre;  ce  qui  leur 
fît  donner  pendant  longtemps  le  surnom  d'oranges  royales  en 
mémoire  de  la  restauration  qui  en  avait  fait  apprécier  l'utilité. 

La  pomme  de  terre  est  réellement  une  nourriture  et  une 
nourriture  saine,  facile  et  peu  dispendieuse.  Son  apprêt  a  cela 
d'agréable  et  d'avantageux  pour  la  classe  laborieuse  des  ouvriers 
qu'il  n'exige  presque  pas  de  soins  ni  de  dépense.  L'empressement 
avec  lequel  on  voit  les  enfants  manger  des  pommes  de  terre 
cuites  sous  la  cendre  et  s'en  bien  trouver,  prouve  assez  qu'elles 
conviennent  à  toutes  les  constitutions.  Le  choix  n'en  est  ni  dou- 
teux, ni  indifférent;  les  grises  dont  la  peau  est  graveleuse  sont 
les  moins  bonnes,  les  meilleures  de  toutes  sont  sans  contredit, 
les  violettes,  préférables  même  aux  rouges,  connues  à  Paris  sous 
le  nom  de  Vitelottes, 

On  emploie  la  pomme  de  terre  dans  plusieurs  autres  prépa- 
rations. La  fécule,  par  exemple,  est  employée  par  les  fabricants 
de  chocolat  sous  le  nom  de  sucre  royal  et  entre  dans  la  confec- 
tion des  chocolats  communs.  Les  fleurs  de  pomme  de  terre  ont 
été  récemment  reconnues  propres  à  la  teinture  jaune,  et  un 
membre  du  collège  de  médecine  de  Stockholm  a  découvert  que 
les  feuilles  de  pommes  de  terre,  séchées  à  un  point  convenable, 
donnent  un  tabac  supérieur  comme  parfum  au  tabac  ordinaire. 

Quelle  plante,  alors,  est  capable  d'être  comparée  à  la  pomme 
de  terre,  dont  on  peut  tout  employer,  et  quelle  louange  dans  la 
bouche  de  cette  femme  s'opposant  à  ce  que  l'illustre  Parmentier 
fût  élu  à  une  fonction  municipale,  en  donnant  pour  motif  : 
a  //  ne  nous  ferait  manger  que  des  pommes  de  terre!  » 


848  POMME  DE   TERRE. 

Pommes  de  terre  à  la  maître  d'hôtel.  —  Faites  cuire  d'abord 
vos  pommes  de  terre  dans  Teau,*  pelez-les,  coupez-les  par  tran- 
ches, faites-les  frire  et  mettez-les  ensuite  dans  une  casserole  avec 
beurre  frais,  persil  haché,  sel,  poivre,  un  jus  de  citron  ;  faites 
chauffer  et  liez  le  tout  ensemble;  ajoutez  un  peu  de  crème,  et 
servez. 

On  peut  remplacer  le  beurre  par  de  la  bonne  huile,  et  si  les 
pommes  de  terre  sont  petites,  ne  pas  les  couper. 

Pommes  de  terre  à  la  parisienne.  —  Faites  fondre  un  mor- 
ceau de  beurre  ou  de  graisse  dans  une  casserole  avec  un  ou  deux 
oignons  coupés  en  petits  morceaux,  ajoutez-y  un  verre  d'eau  et 
jetez-y  vos  pommes  de  terre,  que  vous  aurez  pelées  proprement, 
avec  sel,  poivre,  bouquet  garni,  et  faites  cuire  à  petit  feu. 

Pommes  de  terre  à  l'anglaise.  —  Lavez  bien  des  pommes  de 
terre,  faites-les  cuire  dans  de  l'eau  et  du  sel  et  épluchez-les, 
puis  faites  tiédir  un  bon  morceau  de  beurre  dans  une  casserole, 
mettez-y  vos  pommes  de  terre  coupées  en  tranches,  ajoutez  sel, 
poivre,  mignonnette,  pas  de  muscade;  faites  sauter  ces  pommes  de 
terre  et  servez-les  sur  un  plat  très-chaud. 

Pommes  de  terre  à  l'italienne.  —  Faites  cuire  des  pommes  de 
terre  dans  l'eau,  pelez-les  et  écrasez-les,  mêlez-y  un  morceau  de 
beurre,  de  la  mie  de  pain  trempée  dans  du  lait;  versez  un  peu 
de  lait  pour  faire  une  pâte  maniable,  ajoutez  sept  ou  huit  jaunes 
d'œufs  frais  et  cinq  blancs  battus  en  neige,  mêlez  bien  le  tout  et 
dressez-le  en  pyramide  sur  un  plat,  faites  couler  dessus  un  peu 
de  beurre  fondu;  faites  cuire  au  four  de  belle  couleur,  et  ser\'ez 
chaudement. 

Purée  de  pommes  de  terre.  —  Faites  cuire  à  Teau  des 
pommes  de  terre  bien  farineuses,  écrasez-les,  passez-les  à  travers 
un  passe-purée,  mettez-les  ensuite  dans  une  casserole  avec  du 
beurre  frais,  du  poivre  et  du  sel,  remuez-les  comme  une  bouillie, 
ajoutez  un  peu  de  lait  jusqu'à  ce  que  cette  purée  ait  une  épais- 
seur convenable  et  servez-la  garnie  de  croûtons  frits  dans  du 
beurre. 

Pommes  de  terre  au  lard.  —  Faites  frire  de  petits  morceaux 
de  lard  et  faites  roussir  dans  la  friture  une  cuillerée  de  farine  en 
remuant  toujours,  ajoutez  du  poivre,  un  peu  de  sel,  bouquet 


t 


POMMES  DE  TERRE.  849 

garni;  mouillez  avec  du  bouillon,  laissez  bouillir  cinq  minutes  et 
mettez-y  les  pommes  de  terre,  bien  épluchées,  lavées  et  coupées 
par  morceaux,  laissez  cuire,  dégraissez,  et  servez. 

Pommes  de  terre  à  la  lyonnaise.  —  Vous  coupez  par  tran- 
ches des  pommes  de  terre  cuites  à  l'eau  et  les  mettez  dans  une 
casserole,  puis  vous  versez  dessus  une  purée  claire  d'oignons  et 
vous  tenez  les  pommes  de  terre  chaudes  sans  les  faire  bouillir. 

Vous  pouvez,  si  vous  n'avez  pas  de  purée  d'oignons,  mettre 
dans  une  casserole,  avec  un  bon  morceau  de  beurre  frais,  hui 
oignons  coTipés  par  tranches;  vous  les  passez  sur  le  feu  jusqu'à  ce 
qu'ils  aient  une  belle  couleur  blonde,  vous  ajoutez  une  pincée  de 
farine,  du  sel,  du  poivre,  un  filet  de  vinaigre,  vous  mêlez  bien 
le  tout,  le  faites  mijoter  pendant  un  quart  d'heure  et  le  mettez 
ensuite  sur  les  pommes  de  terre. 

Pommes  de  terre  à  la  provençale.  —  Vous  mettez  dans  une 
casserole  six  cuillerées  à  bouche  d'huile,  avec  le  zeste  de  la  moitié 
de  récorce  d'un  'citron,  du  persil,  de  l'ail  et  de  la  ciboule  bien 
hachés,  un  peu  de  muscade  râpée,  du  sel,  du  poivre.  Puis  vous 
épluchez  les  pommes  de  terre,  vous  les  coupez  et  les  faites  cuire 
dans  l'assaisonnement;  au  moment  de  servir,  vous  y  mettez  le 
jus  d'un  citron. 

Pommes  de  terre  farcies.  —  Lavez  et  pelez  une  dizaine  de 
grosses  pommes  de  terre,  fendez-les  en  long  par  le  milieu  et 
creqsez-les  adroitement  avec  un  couteau  ou  une  cuiller;  puis 
faites  une  farce  avec  deux  pommes  de  terre  cuites,  deux  écha- 
lotes hachées,  un  peu  de  beurre,  un  petit  morceau  de  lard  gras 
et  frais,  une  pincée  de  persil  et  ciboule  hachés,  pilez  le  tout 
ensemble,  ajoutez  sel,  poivre,  formez-en  une  pâte  liée,  emplis- 
sez l'intérieur  de  vos  pommes  de  terre  avec  cette  farce  en  bom- 
bant un  peu  le  dessus;  garnissez  de  beurre  le  fond  d'une  tour- 
tière, rangez  les  pommes  de  terre  dessus,  faites-les  cuire  pendant 
une  demi-heure  à  un  feu  modéré,  feu  dessous  et  dessus,  afin 
qu'elles  se  rissolent,  et  servez. 

Pommes  de  terre  frites.  —  Pelez  de  belles  pommes  de  terre, 
dites  la  quarantaine  ou  juillet,  coupez-les  assez  minces,  jetez-les 
dans  une  friture  fraîche  de  graisse  de  rognon  de  bœuf  bien  cla- 
rifiée, que  la  friture  soit  douce,  et  laissez  cuire  vos  pommes.  Dès 

S4 


S^o  POTAGE. 


qu'elles  sont  cuites  mollement,  retirez-les  dans  une  passoire, 
faites  chauffer  votre  friture  très-chaude,  jetez  vos  pommes  dedans, 
lissez  avec  une  écumoire;  elles  se  soufflent  d'elles-mêmes,  et 
servez  comme  garniture  pour  côtelettes  et  autres.  (V.) 

Pommes  de  terre  sautées  au  beurre.  —  Pelez  des  pommes  de 
terre  crues,  petites  et  rondes;  mettez  un  bon  morceau  de  beurre 
dans  une  casserole,  posez-la  sur  un  feu  ardent,  ajoutez-y  les 
pommes  de  terre,  sautez-les  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  blondes, 
égouttez-les,  saupoudrez-les  de  sel  fin  et  arrangez-les  sur  le  plat 
sans  autre  assaisonnement  qu'un  peu  de  persil  haché. 

houlettes  de  pommes  de  terre.  —  Faites  cuire  à  l'eau  des 
pommes  de  terre  jaunes,  rondes,  écrasez-les  bien,  ajoutez  quatre 
œufs  dont  vous  aurez  battu  les  blancs  en  neige,  un  peu  de  crème, 
persil,  ciboules,  sel,  muscade;  mêlez  bien  le  tout,  fàites-en glis- 
ser dans  la  friture  bien  chaude  le  quart  d'une  cuillerée  à 
bouche  à  peu  près  ;  cette  pâte  renfle  et  forme  dps  espèces  de  pets 
de  nonnes  ;  servez  chaudement. 

Croquettes  et  quenelles  de  pommes  de  terre,  —  Vous  faites 
cuire  à  l'eau  des  pommes  de  terre  bien  farineuses,  .puis  vous  les 
mettez  dans  un  mortier  avec  un  bon  morceau  de  beurre  frais, 
cinq  ou  six  jaunes  d'œufs;  un  peu  de  crème,  persil  haché,  sel, 
poivre.  Mêlez  bien  cette  pâte  et  divisez-la  en  petits  morceaux; 
passez-les  à  l'œuf  comme  il  est  dit  pour  les  croquettes  de  volaille; 
faites-les  frire  d'une  beUe  couleur  blonde;  passez-les  à  l'anglaise, 
et  servez. 

Gâteau  de  pommes  de  terre.  —  Vous  faites  votre  préparation 
comme  il  Q%t  indiqué  ci-dessus  pour  les  croquettes  ;  seulement,  au 
lieu  d'assaisonner  avec  du  poivre  et  du  sel,  vous  mettez  du  sucre 
et  un  peu  d'essence  de  vanille  ou  d'écorce  de  citron,  ou  de  fleur 
d'oranger.  Mêlez-y  trois  ou  quatre  blancs  d'œufs  peu  battus;  puis 
beurrez  un  moule,  saupoudrez-le  de  mie  de  pain,  mettez-y  votre 
préparation  et  faites  cuire  au  four  pendant  une  demi-heure. 

Pommes  de  terre  en  salade.  —  Vos  pommes  de  terre  cuites  à 
l'eau  et  refroidies,  vous  les  coupez  en  tranches  et  les  assaisonnez 
comme  une  salade,  en  ajoutant  quelques  fines  herbes. 

POTAGE.  —  On  appelle  potage  toute  nourriture  destinée 
à  être  servie  dans  une  soupière  et  à  ouvrir  le  repas. 


POTAGE.  8^1 


On  appelle  pot-au-feu  le  bouillon  que  Ton  tire  du  bœuf 
cuit  à  l'eau  et  qui  en  a  extrait  les  parties  solubles. 

Voici  ce  que  dit  Brillât-Savarin  : 

«  Pour  avoir  de  bon  bouillon,  il  faut  que  Teau  s'échauffe  len- 
tement, aiin  que  l'albumine  ne  se  coagule  pas  dans  l'intérieur 
avant  d'être  extraite  ;  il  faut  que  TébuUition  s'aperçoive  à  peine, 
afin  que  les  diverses  parties  qui  sont  successivement  dissoutes  puis- 
sent s'unir  intimement  et  sans  trouble;  on  joint  au  bouillon  des 
légumes  et  des  racines  pour  en  relever  le  goût,  ou  du  pain  ou  des 
pâtes  pour  le  rendre  plus  nourrissant. 

«  Le  bouillon  est  une  nourriture  saine,  légère,  succulente  et 
qui  convient  à  tout  le  monde.  Il  réjouit  l'estomac,  il  le  dispose  à 
recevoir  et  à  digérer.  Les  personnes  menacées  d'obésité  doivent 
laisser  le  pain  et  les  pâtes  de  côté  et  ne  prendre  que  le  bouillon. 

«On  convient  généralement  qu'on  ne  mange  nulle  part  d'aussi 
bon  bouillon  qu'en  France.  J'ai  trouvé  dans  mes  voyages  la  con- 
firmation de  cette  vérité.  Ce  résultat  ne  doit  point  étonner,  car  le 
bouillon  est  la  base  de  la  diète  nationale  française,  et  l'expérience 
des  siècles  a  dû  le  porter  à  sa  perfection. 

((Le  bouilli  est  une  nourriture  saine,  qui  apaise  promptement 
la  faim,  se  digère  assez  bien,  mais  qui  seule  ne  restaure  pas  beau- 
coup, parce  que  la  viande  a  perdu  dans  l'ébullition  une  partie 
des  sucs  animalisables. 

a  On  tient  comme  la  règle  générale,  en  administration,  que 
le  bœuf  bouilli  a  perdu  la  moitié  de  son  poids. 

((  Nous  comprenons  sous  quatre  catégories  les  personnes  qui 
mangent  le  bouilli  : 

((  Les  routiniers,  qui  en  mangent  parce  que  leurs  parents  en 
mangeaient,  et  qui,  suivant  cette  pratique  avec  une  soumission 
implicite,  espèrent  bien  aussi  être  imités  par  leurs  enfants. 

a  Les  impatients,  qui,  abhorrant  l'inactivité  à  table,  ont  con- 
tracté l'habitude  de  se  jeter  immédiatement  sur  la  première 
matière  qui  se  présente. 

a  Les  inattentifs,  qui,  n'ayant  pas  reçu  du  ciel  le  feu  sacré, 
regardent  les  repas  comme  les  heures  d'un  travail  obligé  et 
mettent  sur  le  même  niveau  tout  ce  qui  peut  les  nourrir  et  sont 
à  table  comme  l'huître  sur  son  banc. 


85a  POTAGE, 


«  Les  dévorants,  qui,  doués  d'un  appétit  dont  ils  cherchent  à 
dissimuler  Télendue,  se  hâtent  de  jeter  dans  leur  estomac  une 
première  victime  pour  apaiser  le  feu  gastrique  qui  les  dévore,  et 
servir  de  base  aux  divers  envois  qu'ils  se  proposent  d'acheminer 
pour  la  même  destination. 

«  Les  professeurs  ne  mangent  jamais  de  bouilli,  par  respect 
pour  les  principes  et  parce  qu'ils  ont  fait  entendre  en  chaire 
cette  vérité  incontestable  :  Le  bouilli  est  de  la  chair  moins 
son  jus»  » 

Grand  consommé  pour  potage  et  sauce.  —  Mettez  dans  une 
marmite  deux  jarrets  de  veau,  un  morceau  de  tranche  de  bœuf, 
une  poule  ou  un  vieux  coq,  un  lapin  de  garenne  ou  deux  vieilles 
perdrix,  mouillez  le  tout  avec  une  cuillerée  à  pot  de  bouillon  et 
remuez-le.  Lorsque  vous  verrez  que  cela  commence  à  tomber  à 
glace,  mouillez-le  avec  du  bouillon  et  faites  surtout  qu'il  soit 
clair;  faites  bouillir  ce  consommé,  écumez-le,  rafraîchissez-le  de 
temps  en  temps,  mettez-y  des  légumes,  tels  que  carottes,  oignons, 
un  pied  de  céleri,  un  bouquet  de  persil  et  de  ciboules;  assaison- 
nez d'une  gousse  d'ail  et  de  deux  clous  de  girofle,  faites  bouillir 
ce  consommé  quatre  à  cinq  heures,  passez-le  à  travers  une  ser- 
viette ;  vous  vous  en  servirez  pour  travailler  vos  sauces  et  pour 
vos  potages  clairs. 

Bouillabaisse  (Recette  de  M.  Roubion,  restaurateur  à  Afar- 
seille).  —  Prenez  plusieurs  qualités  de  poissons,  tels  que  mer/an, 
grondin,  scorpène  ou  rascasse,  turbot,  etc.,  et  coupez-les  en 
morceaux. 

Préparez  un  roussi  composé  d'oignons,  d'ail,  de  persil 
haché,  de  tomates,  feuille  de  laurier,  écorce  d'orange,  poivre, 
épices  fines  et  un  ou  deux  verres  d'huile,  suivant  la  force  de  la 
bouillabaisse;  faites  revenir  le  tout  dans  une  casserole.  Mettez 
ensuite  votre  poisson  dans  cette  casserole,  ajoutez-y  une  pincée 
de  sel  et  autant  de  safran,  mouillez  avec  de  l'eau  bouillante  de 
façon  à  ce  que  le  poisson  baigne  entièrement  et  faites  bouillir  à 
grand  feu  la  bouillabaisse  pendant  un  quart  d'heure,  jusqu'à  ce 
qu'elle  soit  réduite  aux  trois  quarts;  versez  le  bouillon  sur  des 
tranches  de  pain  que  vous  aurez  coupées  et  mises  dans  un  plat  et 
servez  votre  poisson  à  côté  sur  un  autre  plat. 


POTAXÎE.  855 


Potage  à  la  bouride  et  à  V aillolis  (Recette  du  même).  — 
Apprêtez  le  poisson  comme  il  ^^t  indiqué  ci-dessus,  mettez-le 
dans  une  casserole  avec  de  Tail,  un  bouquet  de  persil^  du  poivre, 
des  épices  fines,  du  laurier,  un  morceau  d'écorce  d'orange  et  du 
sel  ;  mouillez  le  tout  d'eau  bouillante  et  de  vin  blanc  comme  un 
court-bouillon,  faites  bouillir  pendant  un  quart  d'heure  jusqu'à 
moitié  de  sa  réduction. 

Préparez  alors  un  aillolis  ou  pommade  à  Fail  comme  il 
suit  : 

Pilez  dans  un  mortier  une  ou  deux  gousses  d'ail  avec  une 
pincée  de  sel,  faites  lier  un  jaune  d'œuf  et  monter  comme 
mayonnaise  jusqu'à  ce  qu'on  en  ait  la  quantité  voulue,  addi- 
tionnez avec  un  jus  de  citron. 

Cassez  dans  une  casserole  deux  ou  trois  jaunes  d'œuf, 
délayez-y  votre  aillolis,  versez-y  votre  bouillon  de  poisson  et  tournez 
votre  bouride  comme  une  crème  sur  le  feu,  jusqu'à  ce  qu'elle 
grille,  fouettez-la,  frappez  vos  tranches  de  pain  que  vous  aurez 
humectées  avec  le  bouillon  de  poisson  et  servez  le  poisson  à  côté 
sur  un  autre  plat. 

Potage  au  blond  de  veau,  — Beurrez  le  fond  d'une  casserole, 
mettez-y  quelques  lames  de  jambon,  quatre  ou  cinq  livres  de 
veau  de  bonne  qualité,  deux  ou  trois  carottes  tournées,  autant 
d'oignons;  mouillez  le  tout  avec  une  cuillerée  de  grand  bouil- 
lon, faites-le  suer  sur  un  feu  doux  et  réduire  jusqu'à  consis- 
tance de  glace;  quand  elle  sera  d'une  belle  teinte  jaune, 
retirez-la  du  feu,  piquez  les  chairs  avec  la  pointe  d'un  cou- 
teau pour  en  faire  sortir  le  reste  du  jus  ;  couvrez  votre  blond 
de  veau,  laissez-le  suer  ainsi  un  quart  d'heure,  et  mouillez 
avec  du  grand  bouillon  suivant  la  quantité  de  vos  viandes;  met- 
tez-y un  bouquet  de  persil  et  ciboules  assaisonné  de  la  moitié 
d'une  gousse  d'ail  et  piqué  d'un  clou  de  girofle;  faites  bouil- 
lir ce  blond  de  veau,  écumez-le;  mettez-le  mijoter  sur  le  bord 
d'un  fourneau;  vos  viandes  cuites,  dégraissez -le,  passez-le  et 
servez-vous-en  comme  de  l'empotage  pour  le  riz,  le  vermicelle  et 
même  vos  sauces. 

Bouillabaisse  à  la  ntmoise,  —  Mettez  au  fond  d'une  casse- 
role un  morceau  de  beurre  bien  frais,  et  rangez  au-dessous  plu- 


854  POTAGE. 


sieurs  espèces  de  poissons,  anguilles  cuites  à  moitié,  rougets  pres- 
que cuits,  soles,  pageaux,  dorades,  queues  de  langoustes,  le 
tout  coupé  en  morceaux,  assaisonnez  et  ajoutez  des  fines  herbes 
bien  hachées,  mouillez  jusqu'à  la  surface  avec  de  l'excelleot 
bouillon  de  poisson,  que  vous  aurez  fait  ainsi  : 

Mettez  dans  une  casserole  toute  sorte  de  poissons,  des  ras- 
casses, des  moraines,  des  saint-Pierre,  des  pagels,  des  loups  et 
des  merlans;  faites  bouillir  en  les  couvrant  d'eau,  assaisonnée  avec 
un  oignon,  une  carotte  coupée  en  tranches,  du  céleri,  un  cœur 
de  laitue,  du  cerfeuil,  du  persil,  une  demi-feuille  de  laurier, 
deux  clous  de  girofle,  un  peu  d'excellente  huile  ou  de  benne, 
du  sel  et  un  ail  ;  après  une  bonne  cuisson,  passez  au  tamis;  ce 
bouillon  vous  servira  pour  vos  potages  et  vos  sauces  blanches  au 
poisson.  Mouillez,  avons-nous  dit,  avec  de  l'excellent  bouillon 
de  poisson,  un  verre  de  vin  blanc  sec  ou  de  Madère;  faites 
cuire  alors  à  grand  feu,  pour  précipiter  la  réduction  du  mouil- 
lement. 

Ayez  un  foie  de  baudroie  que  vous  aurez  fait  cuire  dans  le 
mouillement  de  votre  poisson,  pilez-le  parfaitement,  mêlez-y 
trois  jaunes  d'œufs  et  délayez  le  tout  avec  un  demi-verre  de 
très-bonne  huile,  dressez  ensuite  votre  poisson  sur  le  plat,  remettez 
son  fond  de  cuisson  sur  le  feu,  liez-le  avec  le  foie  de  baudroie 
comme  il  vient  d'être  indiqué;  passez  cette  sauce  au  tamis  en  la 
faisant  tombensur  le  poisson,  et  entourez  le  plat  de  croûtons  fnts 
au  beurre. 

Potage  à  la  bisque,  — Cuisez  cent  écrevisses  comme  à  l'ordi- 
naire, faites -en  sécher  les  pattes  et  les  corps  à  un  four  bien 
doux,  pilez-les  parfaitement,  et  mettez-les  à  bouillir  dans  de 
l'excellent  bouillon,  un  instant  après  passez  au  tamis,  et  conser- 
vez ce  bouillon  ;  pilez  alors  la  chair  des  écrevisses  avec  des  blancs 
de  volailles,  passez  au  tamis  pour  obtenir  une  purée  que  vous 
délayerez  avec  le  bouillon  que  je  viens  d'indiquer;  faites  chauffer 
au  bain-marie  et  versez  dans  votre  terrine  en  y  joignant  de  petits 
croûtons  passés  au  beurre  clarifié.  (Recette  de  Durand.)  N'ou- 
bliez pas  d'ajouter  à  cet  excellent  potage  du  beurre  frais  et  un 
peu  de  piment.  (V.) 

Potage  au  vougoli.  —  Cette  soupe,  la  seule  bonne  que  j'aie 


POTAGE.  Byj 


mangée  à  Naples,  se  fait  dans  un  restaurant  de  Mergellina,  près 
du  château  de  la  reine  Jeanne*. 

Mettez  dans  une  casserole  quatre  douzaines  de  vougolis, 
c'est-à-dire  de  praynes,  comme  on  en  mange  à  Marseille  et 
comme  on  en  trouve  dans  tous  les  ports  de  mer  de  France; 
mouillez-les  avec  les  trois  quarts  d'une  bouteille  de  vin  blanc, 
sautez-les  sur  le  feu  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  ouvertes;  égouttez- 
les  sur  une  passoire,  supprimez  comme  aux  moules  la  moitié  des 
coquilles^  et  conservez  la  cuisson. 

Hachez  un  morceau  de  blanc  de  poireau  avec  un  petit  oignon, 
joignez-y  une  gousse  d'ail,  faites  revenir  le  tout  dans  une  casse- 
role avec  de  la  bonne  huile,  mouillez-les  avec  la  cuisson  des 
praynes,  et  la  valeur  d'un  litre  de  bouillon  de  poisson;  ajoutez 
une  tomate  pelée  et  hachée,  un  bouquet  de  marjolaine,  et  quel- 
ques  feuilles  de  céleri  vert;  faites  vivement  bouillir  tout  ce 
liquide  pendant  dix  minutes,  retirez  le  bouquet  et  Tail,  mêlez 
les  praynes  au  potage,  que  vous  verserez  dans  la  soupière. 

Envoyez  à  part  de  petits  croûtons  de  mie  de  pain  frits  à 
l'huile. 

Potage  à  la  reine.  —  Rôtissez  deux  ou  trois  volailles; 
quand  elles  seront  cuites,  séparez  la  peau  des  os  que  vous  jette- 
rez dans  un  excellent  bouillon  ;  pilez  la  chair  dans  un  mortier, 
mêlez-y  cinq  ou  six  amandes  pour  blanchir  votre  purée,  et  gros 
comme  un  œuf  de  mie  de  pain,  que  vous  aurez  mise  un  instant 
tremper  dans  votre  bouillon;  ajoutez  le  tout  en  pilant  quelques 
cuillerées  à  bouche  de  ce  dernier,  passez  au  tamis  en  mêlant  tou- 
jours un  peu  de  bouillon  pour  faciliter  le  passage,  et  faites  tom- 
ber dans  une  casserole. 

Lorsque  vous  voudrez-vous  servir  de  cette  purée,  faites-la 
chauffer  au  bain-marie,  et  qu'elle  ne  bouille  pas;  versez  dans 
votre  soupière  et  jetez-y  des  croûtons  de  pain  passés  au  beurre. 

Nota.  Toutes  les  autres  purées  de  volailles  ou  de  gibier 
aux  croûtons  de  pain  se  font  de  la  même  manière  en  supprimant 

* 

I.  Nous  savons  parfaitement  que  ce  château  n'est  pas  celui  de  la  reine 
Jeanne;  mais,  comme  il  n'est  connu  à  Naples  que  sous  ce  nom,  c'est  celui 
que  nous  lui  donnons  pour  être  intelligible. 


856  POTAGE. 


les  six  amandes  qui  ont  fait  donner  à  ce  potage  le  nom  de  potage 
à  la  reine. 

Potage  croûte  au  pot.  —  Coupez  du  pain  en  tranches; 
mettez-le  dans  un  plat  creux  et  d'argent;  mouillez -le  avec 
d'excellent  bouillon  pour  le  faire  mitonner;  lorsque  \T>tre 
mitonnage  tsx  réduit,  pour  le  laisser  gratiner,  couvrez  vçrtre 
fourneau  avec  de  la  cendre  rouge;  coupez  un  ou  deux  pains  à 
potage  en  deux,  ôtez-en  toute  la  mie  ;  mettez  un  gril  sur  une 
cendre  chaude  et  faites  sécher  vos  croûtes  dessus;  lorsqu'elles 
le  seront  bien,  prenez  la  partie  grasse  du  bouillon  ou  consommé; 
arrosez-en  le  dedans  de  vos  croûtes  et  saupoudrez-les  de  sel  fin, 
ce  qu'il  en  faut  pour  qu'elles  soient  d'un  bon  goût  ;  égouttez-les, 
mettez-les  sur  le  gratin  sans  les  couvrir,  afin  qu'elles  ne  mol- 
lissent pas;  arrosez-les  de  quart  d'heure  en  quart  d'heure,  du 
derrière  de  la  marmite,  jusqu'à  ce  que  le  gratin  soit  parfaitement 
formé  ;  dégraissez-les,  servez-les,  et  joignez-y  une  jatte  séparée 
de  consommé  ou  de  bouillon. 

Potage  aux  cerises  à  V allemande.  —  La  soupe  aux  cerises  et 
la  soupe  à  la  bière  sont  les  deux  potages  populaires  de 
l'Allemagne. 

Potage  aux  cerises.  —  Enlevez  les  noyaux  et  les  queues  à 
trois  quarts  de  litre  de  cerises  aigres  et  fraîchement  cueillies  <» 
mettez-en  les  deux  tiers  dans  une  marmite  en  terre,  ou  dans  une 
casserole  non  étamée;  joignez-y  un  morceau  de  cannelle  et  un 
zeste  de  citron,  mouillez-les  avec  un  litre  d'eau  chaude,  posez  la 
casserole  sur  un  feu  vif  et  faites  cuire  les  cerises  pendant  dix 
minutes;  liez  alors  le  liquide  avec  deux  cuillerées  à  bouche  de 
fécule  délayée  à  l'eau  froide.  Dix  minutes  après,  passez  les 
cerises  et  le  liquide  au  tamis,  versez  ce  liquide  dans  la  casserole, 
mêlez-y  le  tiers  des  cerises  réservées,  ainsi  qu'un  peu  de  sucre, 
faites  bouillir  et  retirez  la  casserole  sur  le  côté  du  feu.  D'autre 
part,  pilez  deux  poignées  de  noyaux  de  cerises,  mettez-les  dans 
un  poêlon  rouge  avec  deux  ou  trois  verres  de  vin  de  Bordeaux; 
faites  jeter  quelques  bouillons  et  retirez  le  liquide  du  feu. 
Quelques  minutes  après,  passez-le  à  travers  un  linge  blanc, 
mêlez-le  à  la  soupe,  versez  celle-ci  à  la  soupière,  et  envoyez  sépa- 
rément une  assiette  de  biscuits  coupés  en  petits  dés. 


POTAGE.  857 


Soupe  à  la  bière  à  la  berlinoise.  —  Faire  fondre  1 50  grammes 
de  beurre  dans  une  casserole,  leur  mêler  150  grammes  de  farine, 
pour  former  une  pâte  légère;  faites  cuire  celle-ci  pendant 
quelques  secondes  en  la  tournant,  sans  lui  laisser  prendre  cou- 
leur ;  la  délayer  ensuite  avec  la  valeur  de  trois  litres  de  bière 
légère  blanche  ou  brune,  tourner  le  liquide  sur  le  feu  jusqu'à 
l'ébuUition,  le  retirer  sur  le  côté  pour  le  faire  dépouiller  pen- 
dant vingt-cinq  minutes,  verser  dans  une  petite  casserole  la  valeur 
d'un  demi-verre  de  rhum  et  autant  de  vin  blanc  du  Rhin,  un 
morceau  de  gingembre  coupé  et  un  morceau  de  cannelle, 
loo  grammes  de  sucre  et  le  zeste  d'un  citron,  couvrir  la  casserole 
et  la  tenir  au  bain-marie;  quand  la  soupe  est  bien  dégraissée,  la 
lier  avec  une  quinzaine  de  jaunes  d'oeufs  délayés,  la  vanner  sans 
la  faire  bouillir,  ni  même  la  chauffer  trop;  la  passer  au  tamis; 
dans  une  autre  casserole,  lui  mêler  200  grammes  de  beurre  divisé 
en  petites  parties,  et  aussitôt  lui  adjoindre  l'infusion  au  rhum  en 
la  passant,  la  verser  dans  la  soupière,  envoyer  séparément  des 
tranches  jde  pain  grillé. 

Potage  printanier,  —  Il  se  fait  comme  le  potage  à  la 
julienne  (voyez  le  potage  suivant),  excepté  qu'on  y  ajoute  des 
pointes  d'asperges,  des  petits  pois,  des  radis  tournés,  de  très- 
petits  oignons  blanchis;  en  faisant  cuire  ces  légumes,  mettez-y 
un  petit  morceau  de  sucre  pour  en  ôter  l'àcreté,  faites  mitonner 
votre  potage,  couvrez-le  des  légumes  énoncés,  et  servez-le. 

Potage  à  la  julienne.  —  Prenez  carottes,  oignons,  céleri, 
panais,  navets,  laitues,  oseille  en  égale  quantité;  vous  couperez 
votre  oseille  en  filets,  vous  la  ferez  blanchir  dans  un  peu  d'eau, 
avec  un  peu  de  sel  ;  vous  la  rafraîchirez,  et,  un  quart  d'heure 
avant  de  servir,  vous  la  mêlerez  aux  autres  légumes.  Coupez  des 
racines  en  tranches  d'égale  longueur,  réduisez-les  en  filets  plus 
ou  moins  gros,  coupez  de  même  Toseille,  la  laitue  et  le* céleri, 
lavez  le  tout  à  grande  eau,  égouttez-le  dans  une  passoire;  mettez 
un  quarteron  de  beurre  dans  une  casserole  avec  vos  racines  et 
votre  céleri,  passez  sur  votre  fourneau  ces  légumes,  jusqu'à  ce 
qu'ils  aient  pris  une  légère  couleur,  mouillez- les  avec  une  bonne 
cuillerée  de  bouillon.  Ces  racines  à  moitié  cuites,  joignez-y  votre 
oseille^  laissez  mijoter  le  tout  et  dégraissez-le.  Quand  vous  serez 


8^8  POTAGE. 


près  de  vous  en  servir,  faites  le  mitonnage  tel  qu'il  est  indiqué 
ci-dessous  (article  Mitonnage)^  versez  votre  julienne  dessus  et 
mêlez  le  tout  légèrement. 

Mitonnage.  —  Ayez  un  pain  à  potage,  ràpez-le  légèrement, 
enlevez-en  les  croûtes  sans  endommager  la  mie,  qui  peut  vous 
servir,  soit  pour  vos  autres  potages,  soit  pour  des  petits  croûtons 
ou  des  gros,  soit  pour  des  épinards.  Si  vous  servez  une  charlotte 
ou  une  panade,  coupez  vos  croûtes,  arrondissez-les,  mettez-les 
mitonner  un  quart  d'heure  avant  de  servir,  mettez  dessus  tels 
légumes  qu'il  vous  plaira,  mouillez-les  avec  votre  empotage,  et 
servez  bouillant. 

Potage  en  tortue.  —  Mettez  dans  la  marmite  3  kilos  de 
mouton  ou  2  kil.  500  grammes  de  parures  de  carrés;  ajoutez-y 
des  débris  de  poissons,  comme  tètes  et  arêtes  de  merlans,  débris 
de  saumon,  une  carpe  ou  ses  débris,  ainsi  du  reste;  mettez  ce 
mouton  dans  une  marmite  avec  vos  débris,  assaisonnez -le  tel  que 
le  blond  de  veau,  faites-le  suer  de  même  ;  mouillez- le  avec  de 
l'eau,  écumez-le  bien;  que  le  bouquet  de  persil  soit  forcé  en  aro- 
mates. De  plus,  joignez-y  deux  brins  de  basilic  et  du  massif, 
laissez  bien  cuire  ce  mouton,  passez-en  le  bouillon  à  travers  une 
serviette,  clarifiez-le  au  blanc  d'œuf,  faites-lui  jeter  un  bouillon, 
laissez-le  reposer,  passez-le  de  nouveau  dans  une  autre  serviette  et 
faites-le  réduire  jusqu'à  ce  qu'il  soit  assez  corsé  pour  pouvoir 
supporter,  sans  être  réduit,  du  vin  de  Madère  ;  de  là,  prenez  la 
moitié  d'une  tête  de  veau  échaudée  de  la  veille,  désossez-la  et 
mettez-la  dégorger  dans  l'eau,  que  vous  aurez  soin  de  changer 
une  ou  deux  fois;  failes-la  blanchir  et  rafraîchir,  essuyez-la, 
parez-la,  faites-la  cuire  dans  un  blanc  (tel  que  vous  le  trouverez 
à  son  article);  dès  qu'elle  est  cuite,  égouttez-la;  au  moment  de 
vous  en  servir,  coupez-la  par  morceaux  carrés  gros  comme  le 
pouce,  et  que  vous  mettrez  dans  le  bouillon  énoncé,  avec  les 
trois  quarts  d'une  bouteille  d'excellent  vin  de  Madère,  du  poivre 
de  Cayenne  environ  une  cuillerée  à  café  non  comblée,  une  sem- 
blable cuillerée  à  café  de  poivre  kari.  Dressez  votre  potage,  com- 
posé de  vos  morceaux  de  veau  ;  ayez  la  précaution  de  faire  durcir 
auparavant  quinze  œufs  frais,  après  en  avoir  ôté  les  blancs; 
mettez-en  les  jaunes  aussi  entiers  que  possible  dans  ce  potage,  à 


POTAGE.  8^9 


rinstant  de  servir.  La  perfection  serait  d'avoir  de  petits  œufs  en 
grappe. 

Nous  venons  de  voir  comment  on  faisait  le  potage  à  la  tortue 
en  France  avec  du  mouton  et  du  veau.  Voyons  comment  il  se 
fait,  en  Amérique  et  en  Angleterre,  avec  de  la  tortue. 

Soupe  à  la  tortue  à  V anglaise  et  à  V américaine,  —  Si  vous 
le  pouvez,  procurez-vous  une  tortue  bien  vivante  et  sortant  de  la 
mer;  celles  qui  ont  vécu  pendant  quelque  temps  avant  d'être 
accommodées  et  hors  de  leur  élément  naturel  contractent  une 
odeur  de  poisson  corrompu. 

Quand  nous  avons  déjà  dit  quelques  mots  sur  la  tortue,  en 
racontant  comment  nous  les  prenions,  nous  avons  indiqué  qu'il 
fallait,  avec  une  ficelle,  lui  tirer  le  plus  possible  la  tète  hors  de 
la  carapace  ;  s'il  est  possible,  il  faut  lui  couper  la  tête  d'un  seul 
coup,  avec  un  couteau  fraîchement  repassé  ;  il  faut  alors  la  cou- 
cher sur  le  dos,  ce  qui  reste  de  son  cou  incliné,  et  laisser  égout- 
ter  le  sang  pendant  dix  à  douze  heures;  il  faut  alors  prendre  le 
défaut  de  la  carapace  en  faisant  glisser  un  couteau  entre  les  join* 
tures  des  deux  coquilles,  mais  sans  couper  les  ailerons  ni  les 
nageoires  de  derrière  ;  quand  le  plastron  est  détaché,  il  faut 
enlever  toutes  les  graisses  et  tous  les  boyaux  qui  doivent  être 
réservés,  détacher  ensuite  les  ailerons  et  les  nageoires  de  la  cara- 
pace en  même  temps  que  les  chairs  et  les  os  qui  lui  sont  adhé- 
rents ;  ces  chairs  ont  quelque  analogie  avec  la  noix  de  veau  ;  aussi 
portent-elles  le  même  nom.  Il  faut  les  séparer  des  os,  soit  pour 
les  servir  plus  tard  comme  pièce  de  releva  ou  d'entrée,  soit 
pour  les  joindre  aux  os  et  les  faire  concourir  à  la  préparation  du 
bouillon  de  tortue.  Quand  le  plastron  et  la  carapace  sont  dégar- 
nis, les  diviser  en  carrés,  les  faire  dégorger,  les  cuire  à  grande 
eau,  faire  également  blanchir  les  quatre  nageoires  et  le  cou,  pour 
les  gratter  et  les  faire  dégorger  pendant  une  heure. 

Quand  les  carrés  de  la  carapace  et  du  plastron  sont  tendres 
au  toucher  et  que  les  grosses  arêtes  et  les  écailles  s'en  détachent 
facilement,  les  égoutter,  en  supprimer  les  ordures,  mettre  les 
parties  molles  dans  une  terrine  et  les  couvrir  avec  une  partie  de 
leur  cuisson  passée. 

Coupez  les  os  crus  de  la  tortue,  mettez-les  dans  une  marmite 


86o  POTAGE. 


avec  les  viandes  et  les  nageoires,-  mouillez-les  largement  avec  la 
cuisson  du  plastron,  du  bouillon  ordinaire  et  de  quelques  bouteilles 
de  vin  blanc;  faites  bouillir  le  liquide  en  Técumant  et  retirez  la 
marmite  sur  le  côté  du  feu,  pour  la  garnir  et  la  soigner  à  l'^al 
d'un  pot-au-feu.  Quand  les  nageoires  et  les  ailerons  sont  cuits, 

es  égoutter,  les  désosser,  les  déposer  dans  une  terrine  et  les  cou- 
vrir également  avec  du  fond  ;  dégraisser  le  restant,  le  passer  et  le 

aisser  déposer. 

Pour  préparer  la  soupe  tortue,  voilà  comment  opérer  :  pour 
huit  à  dix  personnes,  faire  bouillir  la  valeur  de  2  à  3  litres  de 
bouillon  de  tortue  et  le  tenir  au  chaud,  dépecer  deux  moyens 
poulets,  les  mettre  dans  une  casserole  avec  les  carcasses  coupées, 
les  ailerons,  les  pattes  et  les  gésiers  propres,  ainsi  qu'avec  3  ou 
400  grammes  de  jambon  cru  coupé  en  gros  dés,  faire  revenir  les 
viandes  sur  du  beurre  et  sur  un  bon  feu,  jusqu'à  ce  qu'elles 
soient  légèrement  colorées,  les  saupoudrer  alors  avec  deux  cuil- 
lerées à  bouche  d'arrow-root  ;  deux  minutes  après,  les  mouiller 
avec  le  bouillon  de  tortue  et  un  verre  de  vin  blanc,  tourner  le 
liquide  jusqu'à  Tébullition,  le  retirer  sur  le  côté,  lui  adjoindre 
un  bouquet  d'aromates  et  deux  oignons.  Quand  les  poulets  sont 
cuits,  dégraisser  le  fond  de  cuisson,  le  passer  au  tamis  dans  une 
casserole,  lui  adjoindre  une  partie  des  chairs  molles,  les  nageoires 
et  une  égale  quantité  de  celles  de  la  carapace  et  du  plastron,  les 
unes  et  les  autres  coupées  en  petits  carrés,  faire  bouillir  la  soupe, 
lui  mêler  ua  verre  de  sherry.  Si  alors  elle  se  trouvait  trop  épaisse, 
l'allonger  avec  du  bouillon  de  tortue.  Elle  doit  être  légèrement 
liée.  Vingt-cinq  minutes   après,   la  dégraisser,  lui   mêler   une 
pointe  de  Cayenne  et  quelques  parties  de  graisse  de  tortue,  blan- 
chie et  coupée  en  petits  morceaux.  Au  moment  de  servir,  lui 
additionner  une  infusion  préparée  avec  les  trois  quarts  d'un  verre 
de  sherry,  une   pincée  de  marjolaine,  une  de  basilic,  une  de 
sariette,  une  de  thym,  un  brin  de  sauge,  et  qu'aucun  de  ces  aro- 
mates ne  domine,  et  que  le  liquide  réduise  d'un  tiers.  Si  les  aro- 
mates sont  frais,  les  piler  quand  ils  sont  cuits  et  les  mêler  à  la 
soupe.    Voici    comment  j'entends   le  potage  en   tortue,    vraie 
tortue. 

Potage  aux  choux.  —  Il  y  a  plusieurs  manières  de  faire  le 


POTAGE.  86i 


potage  aux  choux.  La  plus  simple  de  toutes  est  de  mettre  un 
chou  de  bonne  odeur  et  de  bon  aspect  dans  le  pot-au-feu, 
de  le  retirer  quand  vous  le  croyez  cuit  et  de  le  servir  avec 
le  potage. 

Nous  allons  indiquer  les  améliorations  que  nous  avons  faites 
à  ce  potage  un  peu  trop  simple,  selon  nous. 

Prenez  un  chou  pommé,  examinez-le,  qu'il  soit  à  Tintérieur 
bien  sain  et  bien  frais;  faites  un  hachis  de  tous  les  restes  de 
volaille  et  gibier  que  vous  aurez;  ayez  un  bon  bouillon  de  la 
veille  que  vous  versez,  au  lieu  d*eau  ordinaire,  sur  le  bœuf  des- 
tiné à  faire  le  bouillon  du  jour.  Arrivé  là,  foncez  une  casserole 
de  bon  jambon  fumé,  Bordeaux,  Strasbourg,  Mayence;  écartez 
les  feuilles  de  votre  chou,  introduisez-y  votre  hachis;  liez  vos 
feuilles  de  manière  à  ce  qu'on  ne  s'aperçoive  pas  de  Tintercala- 
tion;  mettez  votre  chou  garni,  laissez  bouillir  deux  heures,  rem- 
plissez avec  du  bouillon  du  pot-au-feu  le  bouillon  qui  s'épuise. 
Après  deux  heures  de  cuisson,  votre  bouillon  sera  fait;  tirez 
votre  bouillon  du  feu,  laissez-le  mijoter  trois  quarts  d'heure  tout 
ensemble,  chou,  hachis,  jambon,  dans  la  casserole,  donnez  une 
dernière  poussée  au  bouillon,  servez  votre  chou  bien  ficelé  dans 
la  soupière,  laissez  refroidir  un  instant,  et  servez. 

Vous  aurez  le  choix  alors  ou  de  manger  votre  chou  en 
potage,  ou  de  tremper  du  pain  dans  votre  bouillon,  et  de  faire 
de  votre  chou  même  un  relevé  de  potage.  Cuit  ainsi,  le  chou,  le 
bouillon  et  la  viande,  s'empruntant  chacun  leur  suc,  ont  atteint 
la  plus  grande  sapidité  à  laquelle  ils  puissent  parvenir. 

Potage  aux  pâtes  d'Italie,  —  Mettez  sur  le  feu,  dans  une 
petite  marmite,  d'excellent  bouillon.  Lorsqu'il  est  en  grande 
ébuUition,  jetez-y  des  pâtes  d'Italie,  soit  graines  de  melon, 
étoiles  ou  autres;  remuez-le  pour  qu'elles  ne  se  pelotent  pas,  écu- 
mez-le  et  dégraissez  comme  pour  le  potage  au  macaroni  ;  laissez- 
le  mijoter  un  quart  d'heure,  et  servez. 

Potage  à  la  semoule.  —  La  semoule  est  aussi  une  pâte  d'Ita- 
lie (qui  ressemble  assez  au  gruau).  Faites  ce  potage  comme  le 
précédent,  en  le  remuant  un  peu  davantage,  de  crainte  que  la 
semoule  ne  s'attache  ou  ne  se  pelote. 

Bouillon  de  poulet,  —  Ayez  un  bon  poulet  commun,  videz- 


86a  POTAGE. 

le,  ôtez-en  la  peau  et  flambez-en  les  pattes,  liez-Ie  avec  ane 
ficelle,  mettez-le  dans  une  marmite  avec  deux  pintes  et  demie 
d'eau;  ajoutez-y  une  once  des  quatre  semences  froides;  après  les 
avoir  concassées  à  moitié,  vous  les  mettez  dans  un  petit  linge 
blanc,  pour  en  faire  un  petit  paquet  bien  lié;  faites  cuire  le  tout 
à  petit  feu,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  réduit  à  deux  pintes  ou  à  peu 
près,  et  servez-vous-en  comme  bouillon  rafraîchissant. 

Bouillon  de  poulet  pectoral.  —  Prenez  un  poulet  comme 
ci-dessus,  une  même  quantité  d'eau,  deux  onces  d'orge  mondé, 
autant  de  riz;  mettez  le  tout  ensemble  dans  une  marmite,  joi- 
gnez-y deux  onces  de  miel  de  Narbonne,  écumez  le  tout,  faites 
cuire  trois  heures  ce  bouillon,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  réduit  aux 
deux  tiers.  Il  est  très-bon  pour  adoucir  les  irritations  de  la 
poitrine. 

Bouillon  de  veau  rafraîchissant,  —  Coupez  en  dés  une  demi- 
livre  de  rouelle  de  veau,  que  vous  mettrez  bouillir  avec  trois 
pintes  d'eau,  deux  ou  trois  laitues  et  une  poignée  de  cerfeuil; 
faites  bouillir  le  tout,  et,  si  vous  le  jugez  convenable,  ajoutez-y 
un  peu  de  chicorée  sauvage  ;  passez  ce  bouillon  au  tamis  de  soie 
et  servez- vous-en. 

Potage  à  la  Crécy.  —  Ayez  toutes  sortes  de  légumes  éplu- 
chés et  lavés  avec  soin,  tels  que  carottes,  céleri,  oignons  en  petite 
quantité,  faites*les  blanchir  dans  un  chaudron  pendant  un  quart 
d'heure;  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  bon  morceau  de 
beurre  et  quelques  lames  de  jambon,  passez-les  sur  un  petit  feu, 
mais  assez  de  temps  pour  que  le  tout  soit  cuit  ;  alors,  égouttez-le 
dans  une  passoire,  pilez-le,  mouillez-le  avec  son  propre  bouillon, 
passez- le  à  l'étamine  pour  en  faire  une  purée,  faites  partir  cette 
purée  sur  le  feu;  qu'elle  cuise  deux  heures;  dégraissez-la  bien, 
mitonnez  votre  potage  comme  il  est  déjà  énoncé,  et  mettez  votre 
crécy  par-dessus. 

Potage  à  la  Benojr,  —  Coupez  en  petits  dés  carottes,  navets, 
panais  et  céleri;  prenez  du  derrière  de  la  marmite  ou  du  beurre 
clarifié,  faites-le  chauffer,  jetez-y  vos  légumes,  faites-leur  prendre 
couleur,  égouttez-les  sur  un  tamis,  mouillez-les  avec  du  blond  de 
veau,  du  consommé  et  du  bouillon;  conduisez-les  comme  ceux  de 
la  julienne,  dégraissez-les  et  couvrez-en  votre  mitonnage.  Si  vous 


I 


POTAGE.  a63 


VOUS  en  servez  avec  du  riz,  ayez  attention  qu'il  soit  clair,  que  les 
dés  ne  soient  pas  plus  gros  que  le  céleri  lorsqu'il  est  crevé,  et 
mêlez  bien  le  tout  ensemble. 

■ 

Potage  à  la  purée  de  lentilles  à  la  reine.  —  Procédez  à  cet 
égard  comme  il  vient  d'être  dit  à  la  purée  de  pois,  et  servez-vous- 
en  de  même  pour  les  potages,  ayant  soin  pourtant,  si  ce  sont  des 
lentilles  à  la  reine,  de  les  laisser  longtemps  sur  le  feu  pour  que 
la  purée  soit  rouge  autant  que  possible;  ce  qui  constitue  la  beauté, 
ou,  si  Ton  veut,  la  distinction  de  ce  potage.  (Recette  de  la  maison 
de  Madame.) 

Potage  aux  oignons  blancs.  —  Epluchez  avec  soin  sept  à 
huit  douzaines  de  très-petits  oignons  blancs,  faites-les  blanchir, 
faites-les  cuire  ensuite  dans  du  bouillon,  en  y  joignant  un  peu  de 
sucre.  Quand  ils  seront  suffisamment  cuits,  vous  les  verserez  sur 
le  potage  au  pain  que  vous  aurez  préparé. 

Potage  aux  poireaux  à  la  bressanne.  —  Coupez  des  poireaux 
en  filets  de  la  longueur  d'un  pouce,  laissez-les  revenir  dans  le 
beurre,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  blancs,  puis  faites-les  cuire  sur 
un  feu  doux,  dans  une  petite  quantité  de  bouillon,  et  versez-les 
sur  un  potage  au  pain. 

Thèse  générale,  ne  jamais  faire  bouillir  le  pain  dans  le 
bouillon,  qui  s'aigrit  à  l'instant  même. 

Soupe  aux  salsifis  à  la  manière  de  Lyon.  —  (Voir  Brillât- 
Savarin,  P/r^^io/og-ie  du  goût.)  Ratissez  de  gros  salsifis  et  coupez- 
les  en  morceaux  de  la  longueur  du  petit  doigt,  faites-les  blanchir 
pendant  quelques  minutes  à  l'eau  bouillante,  puis  faites-les  cuire 
à  fond  dans  un  bouillon  gras  ou  maigre;  vous  lierez  ce  potage 
avec  six  jaunes  d'œufs  avant  de  le  verser  dans  la  soupière  et  sur 
les  croûtes  dont  vous  l'aurez  garni. 

Potage  aux  œufs  pochés.  —  Ayez  des  œufs  pochés,  rafraî- 
chis et  parés  de  manière  à  ce  qu'ils  soient  propres  à  mettre  dans 
votre  soupière;  dix  minutes  avant  de  servir,  jetez  dans  votre 
bouillon  un  peu  de  gros  poivre,  et  faites-y  réchauffer  vos  œufs 
pochés. 

Potage  à  la  moelle.  —  Prenez  une  demi-livre  de  moelle  de 
bœuf,  faites-la  fondre,  et  passez -la  au  tamis;  cassez  dedans 
quatre  ou  cinq  œufs  bien  frais;  joignez  dedans  un  petit  pain  à 


864  POTAGE. 


café  que  vous  aurez  fait  tremper  dans  du  bouillon ,  du  sel  ^  de 
la  muscade,  du  persil  et  de  la  farine;  faites  avec  tout  cela 
des  boulettes,  faites -les  bouillir  dans  du  bouillon,  pendant 
cinq  minutes ,  versez  ensuite  dans  la  soupière,  et  servez  très- 
chaud. 

Potage  à  la  languedocienne,  —  Ce  n'est  qu'une  julienne  à 
Thuile.  (Voir  Julienne.) 

Potage  à  la  Grimod  de  la  Reynière.  —  Mettez  dans  une 
marmite  un  chapon  troussé,  comme  pour  le  potage  au  riz,  deux 
pigeons,  un  morceau  de  tranche  de  bœuf  de  trois  livres,  le  tout 
bien  ficelé;  remplissez  cette  marmite  de  bon  bouillon;  après 
l'avoir  écumée,  garnissez-la  de  carottes,  navets,  oignons,  céleri 
et  poireaux  ;  vos  viandes  cuites,  au  moment  de  servir,  mettez  le 
chapon  et  les  deux  pigeons  dans  un  plat  avec  des  laitues  entières, 
de  petits  oignons,  des  carottes  et  des  navets,  coupés  en  gros  dés; 
de  ces  trois  sortes  de  légumes  en  grande  quantité  et  cuits  comme 
pour  la  garbure  au  hameau,  c'est-à-dire  dans  de  l'excellent 
bouillon;  vos  légumes  cuits,  dressez-Jes  sur  le  chapon  et  les 
pigeons,  de  manière  qu'ils  forment  buisson  ;  passez  le  bouillon 
de  votre  marmite  au  travers  d'une  serviette  fine  ou  d'un  tamis  de 
soie;  servez  à  côté  de  votre  plat  un  pot  plein  de  bouillon  bien 
chaud  et  d'un  bon  sel. 

Potage  à  la  jambe  de  bois,  recette  de  Grimod  de  la  Rey- 
nière,  —  On  prend  un  jarret  de  bœuf  dont  on  coupe  les  deux 
bouts,  en  laissant  le  gros  os  d'un  pied  de  longueur,  ou  l'empote 
dans  une  marmite  avec  du  bon  bouillon,  un  morceau  de  tranche 
de  bœuf,  et  une  casserole  d'eau  froide;  lorsque  cette  marmite  est 
écumée,  on  l'assaisonne  avec  du  sel  et  des  clous  de  girofle,  on  y 
met  deux  ou  trois  douzaines  de  carottes,  une  douzaine  d'oignons, 
une  douzaine  de  pieds  de  céleri,  douze  navets,  une  poule  et  deux 
vieilles  perdrix  (observez  qu'il  faut  mettre  votre  marmite  au  feu 
de  bon  matin,  et  la  faire  aller  très-doucement,  afin  que  votre 
bouillon  se  fasse  plus  aisément  et  soit  meilleur). 

Prenez  ensuite  un  morceau  de  rouelle  de  veau  d'environ 
deux  livres;  faites-le  suer  dans  une  casserole  et  mouillez-le  avec 
votre  bouillon;  lorsqu'il  sera  bien  dégraissé  vous  y  ajouterez 
une  douzaine  de  petits  oignons,  quelques  petits  pieds  de  céleri, 


POTAGE.  865 


VOUS  mettrez  le  tout  dans  votre  marmite  environ  une  heure. avant 
de  servir. 

Le  bouillon  étant  ainsi  fait,  vous  vous  assurez  de  son  bon 
goût,  vous  prenez  du  pain  à  potage  bien  chapelé,  vous  enlevez 
les  croûtes  et  les  mettez  dans  une  casserole;  vous  les  mouillez 
avec  votre  bouillon  bien  dégraissé,  et  le  faites  mitonner;  arrivées 
à  leur  point,  vous  les  dressez  dans  leur  pot-à-oille  et  vous  les 
garnissez  de  toutes  les  sortes  de  légumes  qui  sont  dans  votre 
empotage,  vous  mettez  ensuite  Tos  de  votre  jarret  sur  votre 
potage;  vous  achevez  de  le  mouiller  et  vous  le  servez  très-chau- 
dement. 

Potage  aux  anguilles  à  la  mode  de  Hambourg,  —  Tuez  et 
écorchez  deux  ou  trois  petites  anguilles,  les  coupez  par  tronçons 
de  la  longueur  de  deux  ou  trois  pouces,  les  faire  blanchir  en  les 
plongeant  à  Teau  bouillante  pour  les  roidir  et  les  retirer  aussitôt; 
faire  légèrement  revenir  au  beurre  six  poignées  de  cerfeuil,  mêlé 
d'un  peu  d'oseille,  et  beaucoup  de  betterave  poirée  ;  faites  reve- 
nir au  beurre  un  oignon  et  deux  poireaux  émincés;  quand  ils  sont 
de  belle  couleur,  leur  adjoindre  les  tronçons  d'anguilles,  et  quel- 
ques têtes  ou  arêtes  de  poisson  brisées,  pour  renforcer  le  bouillon  ; 
mouillez  le  poisson  avec  trois  litres  d'eau  chaude  et  une  demi- 
bouteille  de  vin  blanc;  ajoutez  sel,  gros  poivre,  girofle,  un  bou- 
quet de  persil,  écumez  le  liquide,  et  faites-le  bouillir  jusqu'à  ce 
que  les  tronçons  d'anguilles  soient  cuits;  passer  alors  le  bouillon 
à  travers  un  linge  et  le  tenir  au  chaud;  jeter  les  arêtes  et  les 
têtes  qui  ont  servi  à  consolider  le  bouillon,  diviser  les  tronçons 
d'anguilles  sur  leur  longueur  pour  en  supprimer  les  arêtes,  et  les 
tenir  à  couvert  dans  une  petite  casserole;  couper  une  julienne 
très-fine  composée  de  poireaux,  de  racines  de  persil  et  de  céleri  ; 
mettez  ces  légumes  dans  une  petite  casserole  avec  un  peu  de 
bouillon;  les  cuire  tout  doucement  en  faisant  tomber  le  liquide 
à  glace,  aussitôt  qu'ils  sont  cuits,  les  mêler  dans  la  soupière  avec 
les  filets  d'anguilles,  lier  le  bouillon  avec  six  jaunes  d'œufs 
délayés,  ajouter  une  pointe  de  Cayenne,  cent  grammes  de  beurre 
divisé  en  petit  morceaux,  ainsi  que  la  julienne  de  légumes  et  les 
filets  d'anguilles,  verser  aussitôt  la  soupe  dans  la  soupière  sur 
des  tranches  minces  de  pain  grillé. 

55 


866  POTAGE. 


Potage  à  la  purée  de  gibier.  —  Mettez  dans  six  ou  sept 
litres  de  bouillon  quatre  livres  de  bœuf,  un  jarret  de  veau,  trois 
perdrix  et  un  faisan;  faites  écumer  et  ajoutez  carottes,  oignons 
et  céleri,  laissez  bouillir  le  tout  pendant  quatre  ou  cinq  heures, 
pilez  en  même  temps  quelques  perdreaux  rôtis  et  refroidis,  et 
un  peu  de  mie  de  pain  ;  passez  ces  perdreaux  piles  à  l'étamine, 
et  mouillez  cette  purée  avec  le  bouillon  ci-dessus;  faites-la 
chauffer  sur  un  feu  doux  sans  la  laisser  bouillir,  et  versez-la  sur 
des  croûtons  sautés  au  beurre. 

Pot-au-feu. — Un  jour  que  Rivarol  dînait  avec  des  gourmands 
des  trois  villes  libres  deLubeck,  de  Brème  et  de  Hambourg,  et  qu'il 
faisait  la  grimace  en  dégustant  je  ne  sais  quel  potage  teuton ,  un 
des  convives  s^informa  d'où  venait  chez  lui  cette  contraction  des 
muscles  faciaux  et  particulièrement  du  buccinateur. 

«  Messieurs,  répondit- il,  si  j'ai  fait  la  grimace  en  goûtant 
votre  potage,  j'ai  eu  tort,  car  la  courtoisie  française  voulait  que 
je  le  trouvasse  excellent;  mais,  puisque  la  grimace  est  faite, 
laissez-moi  vous  dire  une  grande  vérité  :  c'est  qu'il  n'y  a  point 
en  France  une  garde- malade  ou  une  portière  qui  ne  sache  faire 
de  meilleur  bouillon  que  le  plus  habile  cuisinier  anséatique  »  — 
ou  plutôt  hanséatique,  puisque  hanséatique  vient  du  vieux  mot 
allemand  Hansen^  qui  veut  dire  s'associer. 

Je  prierai  le  lecteur  de  vouloir  bien  remarquer  qijc  cette 
dernière  observation  vient  de  moi  et  non  de  Rivarol,  et  est  faite 
en  vue  de  ceux  qui  ont  encore  le  désir  de  s'instruire. 

J'ai  dit  plus  haut  combien  les  Bourbons  aimaient  les  bons 
potages;  j'ai  dit  aussi  que  Louis-Philippe  mangeait  quelquefois 
quatre  assiettées  de  potages  différents  et  une  cinquième  dans 
laquelle  il  les  réunissait  tous,  mais  je  n'ai  pas  dit  que  c'était  sans 
doute  à  cause  de  ce  grand  amour  de  la  soupe  que  possède  tout 
bon  Français,  qu'un  célèbre  diplomate  allemand  qui  voulait, 
en  1792,  empêcher  le  roi  de  Prusse  et  l'empereur  d'Autriche  de 
faire  la  guerre  à  la  France,  avait  dit  pour  combattre  cette  idée  : 

«  Mais  laissez  donc  bouillir  la  Révolution  française  dans  sa 
marmite.  » 

Paroles  prophétiques  qui,  si  elles  eussent  été  écoutées,  eus- 
sent peut-être  empêché  l'envahissement  de  Berlin  et  de  Vienne 


POTAGE.  %6j 


par  ce  même  peuple  français  qu'on  renvoyait  si  bien  à  ses  four* 
neaux. 

Le  lecteur  trouvera  peut-être  que  voilà  un  préambule  bien 
orgueilleux  et  bien  savant  pour  en  arriver  à  une  simple  soupe 
aux  choux,  mais  il  n'est  pas  encore  au  bout,  et,  après  avoir  fait 
de  l'histoire,  il  me  permettra  de  lui  faire  un  peu  de  chimie. 

Un  gourmet  consommé,  invité  à  diner  en  ville,  au  seul 
aspect,  à  la  première  vue,  à  la  simple  odeur  du  potage,  se  fera 
immédiatement  une  idée  de  tout  le  repas. 

Je  répète  que  la  cuisine  française  ne  doit  sa  supériorité  sur 
les  autres  nations  qu'à  l'excellence  du  bouillon  français. 

Et  remarquez  bien  que  ce  n'est  point  parce  que  notre  viande 
remporte  sur  les  autres  viandes,  mais  parce  que  nos  cuisiniers 
l'emportent  sur  les  autres  cuisiniers.  Les  Anglais  ont  certaine* 
ment  des  bœufs  supérieurs  aux  nôtres  et  pourraient  faire  un 
bouillon  excellent  1  eh  bien,  ils  n'ont  qu'une  bonne  soupe,  la 
soupe  à  la  tortue. 

J'ai  étudié  dans  tous  les  pays  la  façon  de  £Eiire  le  bouillon, 
et  la  dernière  fois  à  Vienne. 

Comment  les  Viennois  font-ils  leur  bouillon  } 

Ils  mettent  deux  poulets  dans  leur  marmite,  les  y  font 
cuire  à  moitié,  après  quoi  ils  les  mettent  à  la  broche  et  en  font 
un  rôti. 

Quant  au  bouillon,  ils  y  ajoutent  une  cuillerée  de  jus  pour 
lui  donner  de  la  couleur  et  ils  le  servent,  non  pas  chaud,  ce  qui 
serait  au  moins  une  qualité,  mais  tiède,  ce  qui  le  fait  ressembler 
un  peu  à  de  l'eau  qui  n'est  pas  fraîche. 

De  cette  façon,  ils  trouvent  moyen  tout  à  la  fois  de  donner 
un  mauvais  potage  et  un  mauvais  rôti. 

C'est  du  reste  une  erreur  assez  généralement  répandue  et 
contre  laquelle  il  faut  nous  élever  nous  autres  hommes  de 
science ,  de  croire  que  la  volaille,  à  moins  qu'elle  ne  soit  très- 
vieille  et  très-grasse,  employée  au  potage,  soit  bonne  à  faire 
autre  chose  que  du  bouillon  de  malade. 

Le  fond  d'un  bon  pot  au  feu,  c'est  le  bœuf. 

Je  sais  bien  que  dans  le  Midi  on  se  sert  rarement  de  bœuf  et 
presque  toujours  de  mouton. 


i 


868  POTAGE. 


Mais  ce  n'est  point  précisément  pour  ses  potages  que  le  Midi 
est  renommé. 

Avouons  cependant  que  la  chair  de  mouton  est,  après  la  chair 
du  bœuf,  celle  qui  fait  la  meilleure  soupe,  surtout  si  on  a  le  soin 
de  la  faire  rôtir  ou  griller  jusqu'à  un  tiers  de  cuisson,  afin  de  la 
dépouiller  de  sa  graisse  qui  pourrait  communiquer  au  bouillon 
un  goût  de  suif  toujours  très-désagréable. 

Voulez-vous,  au  reste,  approfondir  la  question  et  connaître 
les  mystères  d'un  bon  potage? 

Prenez  le  plus  fort  morceau  de  viande  que  comporte  votre 
consommation  ;  le  bouillon  se  conservant  trois  ou  quatre  jours 
l'hiver  et  deux  jours  l'été,  il  en  sera  meilleur  et  vous  y  trouverez 
une  économie  de  temps  et  de  combustible. 

La  pointe  de  culotte  est  un  excellent  morceau,  attendu  qu'il 
y  a  pondération  de  gras  et  de  maigre. 

Choisissez  votre  viande  la  plus  fraîche  et  la  moins  saigna 
possible;  choisissez-la  épaisse;  mince,  elle  sera  épuisée  par  la 
cuisson  ;  ne  la  lavez  pas,  vous  la  dépouilleriez  d'une  partie  de  ses 
sucs;  iîcelez-la  après  en  avoir  séparé  les  os,  afin  qu'elle  ne  se 
déforme  pas,  et  mettez-la  dans  la  marmite  avec  une  pinte  d'eau 
par  livre  de  viande. 

Maintenant  que  la  viande  est  dans  la  marmite  et  avant  d'y 
ajouter  les  os,  laissez-nous  vous  dire  ce  qu'elle  contient  et  grâce 
à  quelles  qualités  naturelles  elle  va  donner  un  excellent  bouillon. 

Je  l'ai  déjà  dit,  et  je  ne  saurais  trop  le  répéter,  pour  les  per- 
sonnes qui  veulent  se  rendre  compte  de  ce  que  contient  la  viande, 
la  meilleure  et  la  plus  propre  à  faire  le  bouillon,  elle  contient 
quatre  substances  essentiellement  différentes  :  la  gélatine,  Tos- 
mazôme,  la  graisse  et  l'albumine. 

La  fibrine  est  ce  qui  reste  d'un  morceau  de  viande  qui  a 
longtemps  bouilli  ;  la  cuisson  la  sépare  des  principes  solubles 
auxquels  elle  était  unie,  c'est-à-dire  de  la  gélatine,  de  Tosma- 
zôme  et  de  l'albumine,  et  alors  elle  n'a  plus  aucune  saveur. 

La  gélatine^  soluble  à  l'eau  bouillante  seulement,  est  la  base 
nutritive  du  bouillon;  c'est  elle  qui,  en  quantité  suffisante,  le  fait 
prendre  en  gelée  ;  elle  existe  dans  toutes  les  parties  de  la  chair, 
mais   particulièrement  dans  les   cartilages   et   dans  les   os;  le 


POTAGE.  869 


fameux  chimiste  d'Orsay  a  essayé  de  nourrir  des  malades  avec 
de  la  gélarine  pure  et  n'y  a  point  réussi. 

L' osma^ô'me  est  le  principe  sapide  des  viandes,  il  est  dans  la 
chair  et  dans  le  sang,  et  voilà  pourquoi  nous  avons  recommandé 
de  prendre  la  viande  la  moins  saignée  possible;  le  sang  dou- 
blera récume ,  mais,  Técume  enlevée,  donnera  un  bouillon  plus 
savoureux. 

La  graisse  est  enveloppée  dans  les  cellules  d'une  membrane 
très-fine  qui  ne  se  dissout  pas;  aussi  reste-t-elle  toujours  adhé- 
rente aux  fibres.  Une  ébuUition  très-haute  parvient  cependant  à 
briser  une  partie  de  ces  cellules,  et  la  graisse  plus  légère  que  le 
liquide  vient  surnager  à  sa  surface;  c'est  cette  graisse  qu'il  faut 
enlever  avec  soin  et  qui,  seule  ou  mêlée  au  saindoux,  fait  d'excel- 
lente friture. 

L'albumine  est  de  la  même  nature  que  du  blanc  d'oeuf,  solu- 
ble  à  Teau  froide,  elle  se  coagule  dans  l'eau  chauffée  à  60  ou 
70  degrés;  c'est  elle  qui  forme  l'écume,  c'est  elle  qu'il  faut  enle- 
ver avec  le  plus  grand  soin,  ou  sinon,  au  premier  bouillon  de 
votre  pot-au-feu ,  elle  se  précipitera  et  vous  donnera  un  potage 
trouble. 

Voilà  donc  les  principes  que  contient  la  viande  qui  se  trouve 
dans  votre  marmite  et  dont  nous  vous  avons  conseillé  de  séparer 
les  os. 

Nous  vous  avons  conseillé  d'en  séparer  les  os,  non  pas  que 
nous  exilions  les  os  du  pot-au-feu,  bien  au  contraire,  nous  leur 
y  gardons  une  place  à  part,  seulement  nous  les  brisons  avec  un 
maillet^  attendu  que  plus  ils  sont  brisés,  plus  ils  rendent  de  géla- 
tine, et  nous  les  mettons  dans  un  sac  de  crin  avec  tous  les  débris 
de  poulet,  de  lapin,  de  perdreaux,  de  pigeons  rôtis  qui  peuvent 
se  trouver  dans  le  garde-manger,  restes  du  diner  de  la  veille. 

Maintenant,  vous  pouvez  mettre  votre  marmite  sur  le  feu, 
vous  savez  sans  doute  que  mieux  vaut  une  marmite  de  terre 
qu'une  marmite  de  fer;  faites-la  chauffer  lentement,  ou  sinon  la 
viande  saisie  à  la  trop  grande  chaleur,  l'albumine  se  coagulera  à 
l'intérieur,  ce  qui  empêchera  l'osmazôme  de  se  dissoudre  et  vous 
donnera  un  bouillon  sans  sapidité.  Bien  écumée  et  quand  elle 
commence  à  bouillir,  je  prends  le  contenant  pour  le  contenu , 


87»  POTAGE. 


quand  elle  commencera  de  bouillir,  salez-la,  mettez-y  sdan  sa 
contenance  trois  ou  quatre  carottes,  trois  ou  quatre  narets,  deux 
panais,  un  bouquet  de  céleri  et  de  poireaux  ûcàés  ensemble  ; 
enfin,  trois  oignons,  dont  Tun  piqué  d'une  gousse  d'ail  et  les  deux 
autres  d'un  clou  de  girofle. 

Si  vous  voulez  ajouter,  soit  par  caprice,  soit  par  habitude,  un 
morceau  de  mouton  ou  de  veau  aux  ingrédients  que  nous  a?ons 
dit,  ne  manqiiez  pas  surtout  de  le  Êiire  r6tîr  ou  gritkr  aupara- 
vant; nous  vous  avons  dit  pourquoi. 

Sept  heures  d'ébullition  lente  et  continue  sont  nécessaires  au 
bouillon  pour  acquérir  toutes  les  qualités  requises  ;  nos  portières 
ont  pour  cette  période  un  terme  des  plus  expressifs;  elles  disent  : 
faire  sourire  le  pot-au*£eu. 

Vous  ne  trouverez  ce  mot  dans  aucun  dictionnaire.  Mais  si 
jamais  je  Êiis  partie  des  Quarante,  je  me  charge  de  le  faire  intro- 
duire dans  le  Dictionnaire  de  VQâcadémie. 

Et  maintenant,  arrivons  à  la  soupe  aux  choux. 

Quand  le  pot-au-feu,  préparé  et  conduit  dans  les  conditions 
que  nous  venons  d'exposer,  est  arrivé  à  sa  sixième  heure  de  cuis- 
son, vous  foncez  une  grande  casserole  d'une  livre  ou  d'une  livre 
et  demie  de  jambon  fumé,  vous  coupez  un  choux  en  quatre  pour 
en  extraire  le  trognon  et  les  animaux  qui  pourraient  s'y  être 
introduits,  et  dont  la  chair  n'est  point  nécessaire  à  la  confection 
de  votre  bouillon;  vous  le  ficelez  convenablement  afin  que  les 
fisuilles  ne  s'en  détachent  pas,  et  vous  le  posez  délicatement  dans 
votre  Tusserole  foncée  et  capitonnée  de  jambon;  après  quoi  vous 
remplissez  à  la  hauteur  du  sommet  du  chou  votre  casserole  de  ce 
bon  bouillon,  qui  a  sc^uri  six  ou  sept  heures,  et  comme  il  n'y  a 
plus  en  contact  avec  lui  en  fait  de  viande  que  le  jambon,  vous 
le  poussez  à  grand  feu.  Au  bout  de  dix  minutes,  votre  casserole 
est  à  sec,  le  chou  a  tout  bu  et  est  d'un  tiers  plus  gros  qu'il 
n'était.  * 

Vous  remplissez  de  nouveau  la  casserole  qui,  cette  fois, 
s'épuise  à  moitié,  puis  une  troisième  fois  encore,  et  après  deux 
heures  de  cuisson,  vous  servez  votre  chou  à  part  sur  son  jambon, 
et  dans  votre  soupière  le  bouillon  dans  lequel  ont  cuit  le  chou 
et  le  jambon  mêlés  à  votre  bouillon  primitif. 


POTAGE.  871 


Et  moyennant  cela,  cher  lecteur,  vous  avez  la  fameuse  et 
excellente  soupe  aux  choux  que  vous  êtes  à  même  de  faire  goû- 
ter à  vos  convives  qui  vous  en  demanderont  aussitôt  la  recette. 

Au  temps  des  tomates ,  je  vous  conseillerai  pour  faire  pen* 
dant  à  cette  soupe  perfectionnée  par  moi ,  une  soupe  inventée 
par  moi. 

Je  veux  parler  de  la  soupe  aux  moules ,  aux  praynos ,  aux 
crevettes  et  aux  écrevisses 

Soupe  aux  moules.  —  Voici  comment  se  confectionne  cette 
soupe  : 

Vous  mettez  le  matin  à  onze  heures  sur  votre  fburneau  un 
pot-au-feu  dans  la  forme  de  celui  que  j'ai  indiqué,  mais  dans 
des  proportions  moindres ,  puisque ,  comme  vous  allez  le  voir, 
le  bouillon  n'entre  que  pour  un  tiers  dans  la  confection  de  ce 
potage. 

A  quatre  heures  de  l'après-midi,  vous  mettez  dans  une 
grande  casserole,  douze  tomates  et  douze  oignons  blancs,  vous 
les  laissez  bouillir  une  heure. 

Au  bout  d'une  heure,  vous  passez  le  tout  dans  une  passoire 
assez  fine  pour  que  la  graine  des  tomates  n'y  puisse  point  passer. 

Quand  vos  tomates  sont  réduites  en  purée,  vous  salez,  poi- 
vrez, introduisez  un  morceau  de  glace  de  viande  du  poids  de 
trois  ou  quatre  onces  et  vous  laissez  les  tomates  se  réduire  et 
épaissir  à  un  feu  très-doux. 

Puis  vous  mettez  sur  le  feu  vos  moules  ou  vos  praynes,  si  ce 
sont  des  moules  et  des  praynes,  sans  eau,  si  ce  sont  des  crevettes 
ou  des  écrevisses,  dans  leur  saucé. 

Cette  sauce  se  compose  d'une  bouteille  de  vin  blanc,  d'un 
bouquet  assorti,  de  carottes  hachées  et  d'un  verre  à  vin  ordinaire 
d'excellent  vinaigre,  le  tout  salé  et  poivré.  Au  bout  d'un  quart 
d'heure  de  cuisson,  vos  moules  ou  vos  praynes,  si  vous  voulez 
faire  une  soupe  aux  moules  ou  aux  praynes,  ont  rendu  leur  jus; 
au  bout  d'une  demi-heure,  vos  écrevisses  ou  vos  crevettes  sont 
cuites. 

Vous  ne  faites  qu'un  seul  bouillon  de  votre  consommé,  de 
vos  tomates,  de  votre  jus  de  moules  ou  de  praynes,  de  votre 
sauce  de  crevettes  ou  d' écrevisses. 


872  POTAGE. 


Puis,  au  fond  d'une  casserole,  vous  écrasez  avec  le  bout  du 
couteau  la  moitié  d'une  gousse  d*ail,  vous  la  faites  roussir  dans 
l'huile,  et  vous  versez  doucement  et  en  tournant  toujours  votre 
triple  bouillon  dans  la  casserole,  puis  quand  les  différentes  par- 
ties hétérogènes  se  sont  homogénéisées  par  un  quart  d'heure 
d'ardente  cuisson,  vous  y  jetez  vos  moules  ou  vos  praynes,  vos 
queues  de  crevettes  ou  vos  queues  d*écrevisses  en  g^ise  de 
pain. 

Si  c*est  une  soupe  aux  écrevisses  que  vous  faites ,  vous  pilez 
les  pattes  et  les  corps  dans  un  mortier,  vous  faites  bouillir  cette 
partie  dans  une  portion  de  votre  sauce,  et  quand  votre  sauce  en 
a  extrait  le  goût  et  Tarome,  vous  versez  et  mélangez  ce  condi- 
ment dans  les  autres  éléments  de  votre  potage. 

On  m'excusera  d'être  prolixe,  je  parle  moins  pour  les  cuisi- 
niers que  pour  ceux,  plus  nombreux,  qui  n'ont  pas  les  moindres 
notions  de  cuisine  et  qui  ont  besoin  de  bien  comprendre. 

Laissez-moi,  cher  lecteur,  terminer  ce  long  article  par  la 
recette  d'un  potage  cher  aux  chasseurs  et  vénéré  des  ivrognes. 

Par  la  recette  de  ma  soupe  à  l'oignon. 

Soupe  à  l'oignon.  —  Reportez  -  vous  à  l'article  Oignon, 
vous  y  verrez  que  c'est  une  plante  bulbeuse  et  potagère  d'une 
odeur  forte  et  d'un  goût  piquant,  mais  ce  qu'il  est  nécessaire 
que  je  consigne  ici,  c'est  qu'il  y  a  deux  espèces  d'oignons  :  loi- 
gnon  blanc  d'Espagne  et  le  petit  oignon  rouge  de  Florence. 

Le  gros  oignon,  ou  oignon  blanc  d'Espagne,  contient  en 
grande  quantité  une  matière  sucrée,  plus  une  substance  végéto- 
animale,  et  enfin  une  matière  phosphorique. 

Non  -  seulement  cet  oignon  est  agréable  au  goût  par  sa 
matière  sucrée,  mais  il  est  nutritif  par  sa  substance  végéto-ani- 
male,  enfin  stimulant  par  son  élément  phosphorique. 

C'est  donc  celui-là  qu'il  faut  choisir  pour  faire  la  soupe  aux 
chasseurs  et  aux  ivrognes,  deux  classes  qui  ont  besoin  de  se 
réparer. 

Or  vous  prenez  vingt  gros  oignons  que  vous  hachez  très- 
fin,  vous  les  faites  roussir  dans  la  poêle  avec  une  livre  de  beurre; 
lorsqu'ils  sont  bien  roussis,  vous  y  versez  trois  litres  de  lait  fraî- 
chement tiré,   sinon  le  lait  tournera;  quand  les  oignons  ont 


POTAGE.  873 


bouilli  dans  le  lait,  vous  les  passez  dans  un  tamis  assez  large 
pour  que  le  bouillon  fasse  purée,  vous  salez,  vous  poivrez  et 
vous  versez  sur  des  croûtes  de  pain  rôties  après  y  avoir  ajouté 
une  liaison  de  six  jaunes  d'œufs. 

Et  voilà  ! . . . 

Soupe  froide  à  la  russe,  comme  on  la  mange  à  Pétersbourg 
et  à  Moscou.  Recette  transmise  à  la  Cuisine  française  par  l'au- 
teur des  Mémoires  de  Madame  de  Créqujr.  —  La  base  dé  ce 
potage  est  le  kvas,  bière  très-légère  de  farine  d'orge  fermentée 
avec  des  baies  acides  et  des  bourgeons  de  chênes.  On  coupe  en 
morceaux  du  maigre  de  jambon  et  des  lambeaux  de  viande  arra- 
chés suivant  la  longueur  des  fibres,  à  la  manière  des  anciens 
Tartares,  à  qui  Tusage  des  couteaux  n  était  pas  familier.  On 
assaisonne  cet  étrange  potage  avec  de  l'oignon  cru,  du  blé  vert 
qu'on  a  fait  macérer  dans  de  la  saumure,  une  grande  quantité 
d'échalotes  hachées  et  des  tranches  de  concombres  avortés  par 
suite  du  froid.  A  la  table  des  gourmets  russes,  il  arrive  souvent 
que  le  mouillement  de  ladite  soupe  est  fait  avec  du  pj^o,  sorte 
de  bière  qui  ne  s'éloigne  pas  autant  que  le  kvas  de  notre  bière 
ordinaire.  On  y  joint  de  petits  morceaux  de  glace  coupés  carré- 
ment, ou  bien  de  petites  boules  de  neige  foulée. 

La  soupe  russe  au  poisson  s'appelle  en  russe  kholodnoysoup 
et  batvinia.  On  y  remplace  la  viande  avec  du  kaviar  et  du  sau- 
mon coupé  par  tranches. 

Potages  maigres.  —  Potage  aux  herbes  à  la  Dauphine. 
—  Préparez  quatre  poignées  de  feuilles  d'épinards  et  trois 
cœurs  de  grosses  laitues^,  le  blanc  d'une  tige  de  poireau,  deux 
oignons,  deux  poignées  d'oseille,  deux  poignées  d'arroche,  deux 
poignées  de  bettes,  une  forte  pincée  de  cerfeuil,  quelques  feuilles 
de  tanaisie,  quelques  branches  de  pourpier  vert,  et  finalement 
des  fleurs  de  soucis,  bien  séparées  de  leur  ovaire  et  de  leur  calice, 
attendu  l'amertume  de  cette  partie  de  la  plante;  hachez  toutes 
ces  herbes  et  faites-les  fondre  avec  un  morceau  de  beurre  que 
vous  ne  laisserez  pas  arriver  jusqu'au  roux,  mouillez-les  ensuite 
avec  de  l'eau  chaude  à  défaut  de  bouillon  de  racine,  de  purée 
farineuse  ou  de  résidus  de  poisson  ;  il  est  bon  de  ne  foncer  la  sou- 
pière qu'avec  des  tranches  de  mie  de  pain,  le  goût  des  croûtes  a 


874  POTAGE. 


rinconyénient  d'altérer  la  simple  et  fine  saveur  de  cette  combi- 
naison végétale. 

Potage  à  la  reine  en  maigre^  recette  et  formule  de  la  maison 
de  Madame.  —  Ayez  deux  brochetons  qui  ne  sentent  point  la 
vase;  échaudez-les,  videz-les,  levez-en  les  chairs;  posez Jes  sur 
la  table  du  côté  de  la  peau  ;  levez  cette  peau  comme  vous  lèveriez 
une  barde  de  lard;  coupez  ces  chairs  en  gros  dés;  mettez-les 
dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre;  faites-les  cuire 
sans  les  faire  roussir;  laissez-les  refroidir;  pilez  une  vingtaine 
d'amandes  douces  émondées;  vous  aurez  fait  tremper  la  mie  d'un 
pain  à  potage  dans  de  la  crème,  et  vous  l'aurez  fait  dessécher 
comme  il  est  indiqué;  pilez  de  même  cette  panade;  retirez-la  du 
mortier;  pilez  aussi  vos  chairs  de  brochets;  joignez-y  votre 
panade  et  vos  amandes;  repilez-le  tout;  foncez  une  casserole  de 
beurre;  mettez  dessus  des  oignons  coupés  en  deux  et  des  racines 
en  lames,  telles  que  carottes,  navets,  une  demi-gousse  d'ail,  la 
moitié  d'une  feuille  de  laurier,  un  peu  de  macis,  un  bouquet 
de  persil,  ciboules,  un  clou  de  girofle,  deux  carpes  coupées 
en  tronçons  et  les  débris  de  vos  brochetons;  mouillez  ce  fond 
d'un  peu  de  bouillon  de  pois;  faites-le  suer  à  petit  feu,  sans 
le  laisser  attacher;  lorsque  votre  glace  sera  formée,  mouil- 
lez-la avec  du  bouillon  de  pois;  faites  cuire  ce  bouillon  à 
petit  feu  ;  sa  cuisson  faite,  passez-le  dans  une  serviette  et  servez- 
vous-en  pour  délayer  votre  appareil,  que  vous  passerez  à 
rétamine  à  force  de  bras,  et  auquel  vous  donnerez  la  con- 
sistance d'un  coulis;  mettez  cet  appareil  dans  une  casserole, 
faîtes  chauffer  au  bain-marie  jusqu'au  moment  de  vous  en  ser- 
vir: mettez  dans  votre  pot-à-oille  des  petits  croûtons  coupés  en 
dés  et  passés  dans  le  beurre  ;  versez  dessus  votre  purée  à  la  reine 
et  servez. 

Potage  au  congre  à  la  bretonne.  —  Préparez  un  bouillon 
comme  il  est  dit  ci-dessus  pour  le  potage  aux  herbes  de  la  dau- 
phine,  mais  à  l'exception  qu'avant  de  mettre  les  herbes  pota- 
gères dans  leur  mouillement,  vous  y  aurez  fait  cuire  un  congre 
ou,  du  moins,  une  forte  rouelle  de  cet  animal.  Lorsque  ce  poisson 
aura  bouilli  pendant  deux  heures  et  demie,  vous  en  passerez  le 
bouillon  dans  un  tamis  de  crin.  Vous  y  mettrez  les  herbes  déjà 


POTAGE.  87f 

blanchies  et  yons  achèverez  le  potage  avec  une  liaison,  comme  il 
est  dit  à  Tarticle  ci-dessus. 

Potage  au  lait  d^amandes.  —  Prenez  une  livre  et  demie 
d'amandes  douces  et  douze  amandes  amères.  Mettez-les  dans  une 
casserole  avec  de  Teau  •fraîche  et  sur  le  feu.  Lorsqu'elles  sont 
prèles  à  bouillir,  retirez-les  ;  voyez  si  la  peau  se  lève  ;  pour  les 
monder,  on  se  sert  d'un  torchon  dans  lequel  on  les  frotte  ;  ayez 
de  l'eau  froide  où  vous  les  mettrez  au  fur  et  à  mesure  ;  égouttez- 
les  lorsqu'elles  seront  froides;  mettez-les  dans  un  mortier  et 
f»lez-les;  mettez-y  de  temps  en  temps  ime  goutte  d'eau  afin 
qu'elles  ne  tournent  pas  en  huile.  Vous  jugerez  qu'elles  seront 
bien  pelées  lorsque  vous  ne  sentirez  plus  de  grumeaux  sous  vos 
doigts;  mettezrles  dans  une  casserole  et  dans  un  litre  et  demi 
d'eau.  Cette  eau  étant  bouillante ,  laissez-y  infuser  une  demi- 
once  de  coriandre  et  le  zeste  d'une  moitié  de  citron  dont  vous 
aurez  ôté  le  blanc;  délayez  vos  amandes  avec  cette  infusion; 
passez  le  fout  plusieurs  fois  au  travers  d'une  serviette  ou  d'une 
étamîne  jusqu'à  ce  qu'il  ressemble  à  du  lait,  salez -le  et 
sacrez  con^nenablement.  Ensuite  mettez  au  bain-marie;  ayez  des 
tranches  de  mie  de  pain  très-minces,  faites-les  glacer  au  four  ou 
sous  un  four  de  campagne  et  jetez-les  dans  votre  lait  d'amandes 
au  moment  de  servir. 

Potage  au  lait  d'amandes  à  VUrsuline.  —  Mondez  une 
demi-livre  d'amandes  douces  et  cinq  ou  six  amandes  amères, 
pilez-les  conune  il  est  indiqué  ci-dessus;  ayez  un  litre  et  demi  de 
lait,  faites-le  bouillir  et  servez-vous  d'une  partie  pour  passer 
votre  pâte  d'amandes  à  plusieurs  reprises  (comme  il  est  dit  à  l'ar- 
ticle précédent).  Dans  la  partie  du  lait  dont  vous  ne  vous  serez 
pas  servi,  mettez  infuser  la  moitié  d'un  bâton  de  vanille  que  vous 
retirerez  quand  vous  mélangerez  le  tout;  assaisonnez-le  de  sucre 
et  d'un  peu  de  srf,  mettez  gros  comme  la  moitié  d'un  œuf  du 
meilleur  beurre  que  vous  pourrez  trouver,  trempez  votre  potage 
comme  le  précédent,  et  servez. 

Potage  au  ri^^  au  lait.  —  Ayez  un  quart  de  riz,  lavez-le  à 
trois  eaux  et  épluchez-le  à  chacune  d'elles,  faites-le  blanchir  à 
deux  ou  trois  bouillons,  égouttez-le  sur  un  tamis,  mettez-le  dans 
une  marmite  avec  du  beurre,  un  peu  de  zeste  de  citron,  une 


8/6  POTAGE. 


feuille  de  laurier-amande,  faites-le  crever  à  Teau,  et,  lorsqu'il 
commencera  à  se  gonfler,  mouillez-le  avec  du  bon  lait;  faites 
qu'il  ne  soit  ni  trop  épais  ni  trop  clair,  mettez-y  sel  et  sucre  et 
supprimez-en  le  laurier,  ainsi  que  le  zeste  de  citron. 

Potage  au  vermicelle  et  au  lait.  —  Procédez  comme  avec  le 
riz  ;  seulement,  quand  votre  vermicelle  sera  cuit,  que  vous  l'au- 
rez assaisonné  de  sel  et  de  sucre,  ajoutez-y  quelques  macarons  oa 
un  peu  de  vanille,  ou  mieux  encore  Tun  et  l'autre. 

Potage  au  potiron.  —  Coupez  votre  potiron  en  petits  mor- 
ceaux dans  votre  casserole,  versez-y  un  verre  d'eau,  laissez-le 
bouillir  jusqu'à  ce  qu'il  soit  bien  cuit,  puis  tirez -le  de  l'eau, 
faites-le  égoutter  et  passez-le  à  1  etamine,  mouillez  cette  purée 
avec  du  lait,  ajoutez -y  du  beurre  venant  d'être  battu,  salez 
convenablement,  faites  bouillir  votre  potage  et  versez -le  sur 
des  crpûtons  passés  au  beurre  et  coupés  en  losanges  ou  en 
deniers. 

Potage  à  la  julienne  maigre.  —  Préparez  vos  légumes  comme 
pour  le  potage  au  gras,  mouillez-les  avec  du  bouillon  maigre,  et 
faute  de  bouillon  maigre,  servez-\ous  de  l'eau  de  cuisson  des 
haricots  ou  des  lentilles,  faites  mitonner  votre  potage  et  qu'il  soit 
d'un  bon  sel. 

Potage  au  maigre  aux  herbes  à  la  bonne  femme.  —  Eplu- 
chez, lavez  à  grande  eau,  égouttez  et  hachez  une  poignée 
d'oseille,  deux  laitues,  un  peu  de  cerfeuil  et  de  belles-dames, 
mettez-les  dans  une  grande  casserole  avec  un  morceau  de  beurre, 
passez-les,  faites-les  cuire  à  petit  feu,  mouillez-les  ce  qu'il  faut 
pour  votre  potage  avec  votre  grand  bouillon  maigre,  sinon,  avec 
celui  des  haricots  ou  des  lentilles,  et  puis  versez  sur  les  tranches 
de  pain,  que  vous  laisserez  mitonner. 

Soupe  à  r oignon  à  Veau.  —  Prenez  une  douzaine  d'oignons 
auxquels  vous  aurez  retranché  la  tête  et  la  queue,  coupez-les  en 
tranches  bien  minces,  faites-les  frire  dans  du  beurre  frais  jusqu'à 
ce  qu'ils  soient  d'un  beau  jaune,  versez  alors  un  litre  et  demi 
d'eau  dessus,  ajoutez  du  sel  et  du  poivre,  faites  bouillir  le  tout 
pendant  vingt  minutes  et  versez  le  ensuite  sur  le  pain,  que  vous 
aurez  préparé,  après  y  avoir  ajouté  une  liaison  de  quelques 
jaunes  d'oeufs. 


POTAGE.  877 


Potage  à  la  Catnerani.  —  La  lettre  suivante  a  été  dernière- 
ment écrite  au  baron  Brisse  : 

«  Monsieur  le  baron, 

a  En  vieux  gourmet  dont  Testomac,  hélas!  est  aujourd'hui 
un  peu  blasé  et  très-fatigué,  j'ai  recours  à  vous  pour  retrouver  la 
recette  du  fameux  potage  à  la  Camerani^  que  je  désirerais  goû- 
ter encore  une  fois,  —  la  dernière  peut-être. 

«  Autant  qu'il  m'en  souvient,  le  macaroni  de  premier  choix 
et  les  ingrédients  les  plus  délicats  en  étaient  la  base.  En  i8o5,  le 
potage  coûtait  environ  trois  louis  par  convive,  etc.,  etc.  » 

A  cette  lettre  le  baron  répond  : 

• 
(c  Le  cri  du  cœur  de  mon  correspondant  est  irrésistible.  Je 

m'empresse  de  satisfaire  à  sa  demande,  et  cela  d'autant  plus 
volontiers  qu^,  sans  rien  changer  à  la  formule  donnée  par  Gri- 
mod  de  la  Reynière,  je  \  ais  faire  entrer  en  petite  cuisine  et  vul- 
gariser l'illustre  potage  célébré  par  tant  de  poètes. 

a  Le  fond  de  ce  potage,  composé  par  M.  Camerani,  ancien 
scapin  et  semainier  perpétuel  de  la  Comédie  italienne,  gourmand 
des  plus  érudits,  se  compose  de  foies  de  poulets.  S'ils  sont  beaux^ 
un  seul  suffit  par  convive,  et  il  n'est  ni  difficile  ni  ruineux  de  s'en 
procurer  une  demi-douzaine  chez  les  marchands  de  volailles. 

Potage  à  la  Camerani.  —  a  Faire  blanchir  séparément,  et 
en  quantité  relative  au  nombre  des  convives,  du  céleri,  des  choux, 
des  carottes,  des  navets  et  des  poireaux.  Egoutter  et  hacher  le 
tout  bien  menu.  Mettre  ces  légumes  au  feu,  dans  une  casserole, 
avec  un  fort  morceau  de  beurre,  sel  et  poivre;  les  laisser  mijoter  à 
feu  doux,  et,  quelques  minutes  avant  leur  cuisson  parfaite,  y 
mêler  les  foies  de  volaille  également  hachés  menu. 

«  Pendant  le  même  temps,  faire  blanchir,  cuire  et  egoutter 
du  macaroni  et  râper  du  fromage  de  Parmesan. 

tt  Prendre  alors  une  soupière  pouvant  aller  au  feu,  en  bour- 
rer le  fond  et  y  faire  un  lit  de  macaroni,  par-dessus  un  lit  du 
hachis  précité,  enfin  un  lit  de  fromage  de  Parmesan  râpé,  orné 
de  quelques  morceaux  de  beurre;  recommencer  ensuite  dans  le 


n 


«78  POTIRON. 


même  ordre  et  élever  les  avises  de  ce  bâtiment  jusque  vers  les 
bords  de  la  soupière,  en  ayant  soin  de  terminer  par  on  Ik  de 
fromage. 

«  Mettre  ensuite  la  soupière  sur  un  feu  doux,  laisser  mitoD- 
ner  le  tout  un  temps  convenable  et  servir.  » 

«  C'est  là,  dit  Grimod  de  la  Rejnière^  un  manger  déliciem 
et  le  principe  d'un  très-grand  nombre  d'indigestions.  »  Dieu 
vous  en  garde,  ami  lecteur.  » 

Potage  Vuillemot  (  pour  douze  personnes  ).  —  Preoei 
20  grammes  haricots  blancs,  20  grammes  pois  verts,  4  pommes 
de  terre,  4  carottes,  4  navets,  4  oignons  blancs,  4  poireaux,  un 
bouquet  de  persil,  céleri.  Mettez  le  tout  dans  une  marmite  en 
terre,  mouillez  avec  3  litres  d'eau  de  rivière,  ajoute»  sel  et  gros 
comn\^  une  noix  de  beurre,  faites  partir  sur  le  fourneau  après 
cuisson,  passez  vos  purées  au  tamis,  laissez  lisser  vos  purées  sur 
l'angle  du  fourneau,  enlevez-en  la  pulpe,  en  mouillant  le  tout 
avec-vôtre  bouillon  de  légumes. 

Faîtes  blanchir  20  grammes  de  riz  Caroline,  fkites-lecrefer 
légèrement  dans  le  supplément  de  votre  bouillon. 

Prenez  quelques  feuilles  d'oseille  et  cerfeuil,  ciselez-les  fifle- 
ment,  passez  au  beurre,  ajoutez  le  tout  au  potage. 

Préparez  une  liaison  de  4  jaunes  d'œufs,  avec  une  ffiesure 
de  bonne  crème,  un  quart  ou  100  grammes  de  bon  beurre,  liezk 
tout  ensemble  et  servez  chaud. 

POTIRON.  —  Cucurbitacée  de  la  famille  des  citrouilles  et 
des  giraumons  ;  il  y  en  a  d'énormes  :  on  en  a  vu  qui  pesaient  plus 
de  1 00  kilos .  On  fait  avec  le  potiron  d'excellents  potages,  û« 
crèmes,  des  tourtes  et  autres  entremets  délicats. 

Gâteau  de  potiron  à  t antiquaille.  —  Coupez  du  potiron  en 
gros  dés  et  faites-le  fondre  dans  une  casserole  et  réduire  a  con- 
sistance de  bouillie  épaisse,  passez-le  ensuite  au  beurre  daBSune 
autre  casserole  et  ajoutez-y  une  cuillerée  de  fécule  de  pommer 
de  terre  délayée  dans  du  lait,  du  sucre  en  suffisante  quantité, 
faites  mijoter  le  tout,  puis,  quand  le  potiron  est  assez  réduit,  vous 
le  retirez  et  le  laissez  refroidir,  puis  vous  le  pétrissez  avec  trois 
jaunes  d'œufs,  six  macarons  écrasés,  quatre  pincées  de  ^ca 
d'orange  pralinée  et  un  blanc  d'oeuf  fouetté. 


POULE,   POULET,  POULARDE.  879 


Beurrez  une  casserole,  panez-la  bien  partout  de  mie  de  pain. 
Mettez-y  la  pulpe  du  potiron,  posez  la  casserole  sur  des  cendres 
rouges,  couvrez-la  avec  un  couvercle  sur  lequel  vous  mettrez  du 
feu.  Quand  le  gâteau  aura  pris  belle  couleur,  renversez-le  sur 
un  plat  et  servez  une  crème  liée  aux  jaunes  d'œufs  et  au  vin  de 
JLunel  à  proximité  de  cet  excellent  entremets. 

Vous  pouvez  aussi  garnir  votre  plat  d'amandes  pralinées. 

Potiron  au  kirsch.  —  Vous  faites  une  purée  de  potiron 
comme  il  est  indiqué  ci-dessus;  vous  la  versez  sur  un  plat,  la 
couvrez  d'un  caramel,  et  la  servez  chaude.  Chaque  personne  alors 
l'assaisonne  sur  son  assiette  de  kirsch  à  sa  volonté. 

Potiron  à  la  parmesan.  —  Coupez  votre  potiron  en  mor- 
ceaux carrés  et  faites-le  bouillir  un  quart  d'heure  dans  de  Teau 
et  du  sel,  faites-le  égoutter;  puis  mettez  dans  une  casserole  un 
bon  morceau  de  beurre  et  faites-y  frire  vos  morceaux  avec  sel  et 
épices,  retirez-les  sur  un  plat,  couvrez-les  de  fromage  râpé,  faites 
prendre  couleur  au  four  et  servez.  • 

Potiron  au  four.  —  Faites  cuire  votre  potiron  comme  ci- 
dessus,  puis  faites-le  bouillir  dans  une  casserole  avec  du  beurre, 
du  fromage  râpé,  six  œufs  battus,  mêlez  bien  le  tout,  dressez-le 
sur  un  plat  beurré,  dorez  le  dessus  avec  de  Tœuf,  saupoudrez  de 
sucre  et  faites  prendre  couleur  au  four. 

POULE,  POULET',  POULARDE.  —  Ce  furent  les 
habitants  de  Tile  de  Cos  qui  apprirent  aux  Rom  ains  l'art  d'en- 
graisser les  volailles  dans  des  lieux  clos  et  sombres.  La  profusion 
qui  existait  à  Rome  de  volailles  engraissées  obligea  le  consul 
Canius  Fanius  à  faire  une  loi  qui  défendait  d'élever  les  poules 
dans  les  rues. 

La  poule  est  originaire  de  Tlnde;  mais  du  lieu  de  sa  nais- 
sance elle  s'est  répandue  sur  presque  tous  les  points  du  globe. 
Elle  offre  différentes  variétés  assez  remarquables  :  en  Turquie, 
son  plumage  est  presque  aussi  riche  que  celui  du  faisan;  en 
Chine,  elle  a  de  la  laine  au  lieu  de  plumes;  en  Perse,  il  y  en 
a  toute  une  espèce  qui  n'a  point  de  queue;  dans  Tlnde,  elles  ont 
la  chair  et  les  os  noirs,  ce  qui  ne  les  empêche  pas  d'être  très- 
bonnes  à  manger.  Les  poules  furent  poursuivies  par  les  lois 
somptuaires,  qui  défendirent  (et   c'est  celles-là  qu'invoqua  le 


88o  POULE,   POULET,   POULARDE. 


consul  Fanius  )  de  servir  sur  la  table  une  autre  poule   que  la 
simple  poule  de  basse-cour. 

Comme  nous  n'avons  pas  en  France  de  lois  somptuaires  qui 
défendent  d'engraisser  la  volaille,  disons  la  manière  qui  leur 
donne  à  la  fois  le  meilleur  goût  et  la  meilleure  graisse  possible. 
En  trois  semaines  ou  en  un  mois,  nos  poules  deviendront 
des  poulardes. 

Nourrissez-les  pendant  quelques  jours  avec  de  l'orge  moulu, 
du  son  et  du  lait  ;  mettez-les  en  cage  dans  un  lieu  obscur,  mais 
non  humide;  enfin  laissez  toujours  à  leur  portée  de  la  farine 
d'orge  pétrie  avec  du  lait. 

La  nourriture  du  chapon  est  la  même;  les  Romains  châtraient 
les  petits  coqs  à  Tâge  de  trois  mois,  et  ils  engraissaient  ces  nou- 
veaux chapons  avec  une  pâtée  de  farine  et  de  lait  dans  un  lieu 
sombre.  Ils  châtraient  aussi  les  poules  en  leur  enlevant  les 
ovaires  pour  en  faire  des  poulardes  grasses. 

lîe  sarrasin,  plus  encore  que  l'orge,  se  recommande  aux 
gourmands  pour  l'engrais  des  oiseaux  de  basse-cour. 

Brillât-Savarin  venait  d'être  malade;  son  médecin  lui  a^ait 
recommandé  la  diète.  Un  ami  vint  le  voir  et  le  trouva  dépeçant 
une  poularde  du  Mans. 

—  Est-ce  là  le  régime  d'un  malade?  demande  le  visiteur 
indigné. 

—  Mon  ami,  lui  répondit  l'auteur  de  la  Physiologie  du 
goût;  je  vis  d'orge  et  de  sarrasin. 

—  Mais  cette  poularde? 

—  Elle  en  a  vécu  deux  mois;  elle  me  fait  vivre  à  son  tour. 
Puis,  ajouta  l'illustre  magistrat  dans  son  enthousiasme  pinda- 
rique,  quel  présent  nous  ont  fait  les  Maures  en  nous  envoyant  le 
sarrasin!  C'est  sa  graine  qui  rend  la  poularde  si  séduisante,  si 
fine  et  si  exquise. 

Lorsque  je  parcours  la  campagne  et  que  je  rencontre  un 
champ  de  sarrasin,  je  ne  puis  me  lasser  d'admirer  cette  herbe 
bienfaisante  qui  embaume  l'air  quand  elle  est  fleurie;  ce  parfum 
me  jette  dans  une  sorte  d'extase,  et  je  crois  humer  la  vapeur  de 
la  poularde  même  dont  elle  sera  un  jour  la  nourriture. 

Chapon  au  gros  sel,  —  Ayez  un  chapon,  videz-le,  flambez- 


POULE,   POULET,   POULARDE.  88i 

le,  troussez-lui  les  pattes  en  dedans,  bridez-le,  bardez-le  et 
mettez-le  cuire  dans  la  marmite,  dans  le  consommé,  ou  dans  une 
casserole  avec  du  bouillon.  Pour  s'assurer  de  la  cuisson,  pincez- 
lui  Faileron  avec  les  doigts;  s'il  ne  résiste  pas,  il  est  cuit.  Égout- 
tez-le,  dressez-le  et  mettez-lui  sur  l'estomac  une  pincée  de  gros 
sel,  saucez-le  avec  un  jus  de  bœuf  réduit. 

Chapon  au  rù[.  —  Préparez  votre  chapon  comme  le  précé-  ' 
dent;  faites  blanchir  environ  trois  quarterons  de  riz,  égouttez-le, 
mettez-le  dans  une  marmite  qui  puisse  aussi  contenir  votre  cha- 
pon, que  vous  posez  du  côté  de  l'estomac;  mouillez  le  tout  avec 
deux  bonnes  cuillerées  à  pot  de  consommé  ou  de  bouillon,  faites 
partir  votre  marmite,  couvrez-la,  mettez-la  mijoter  sur  la  pail- 
lasse, ayez  soin  de  remuer  de  temps  en  temps  votre  riz  ;  sondez 
votre  chapon,  pour  vous  assurer  qu'il  est  cuit  ;  sa  cuisson  faite, 
dressez-le,  dégraissez  votre  riz,  finissez-le  avec  un  morceau  de 
beurre,  en  y  mettant  sel,  gros  poivre,  un  peu  de  réduction,  si 
vous  en  avez,  et  masquez-en  votre  chapon.  Si  votre  riz  était  trop 
épais,  relâchez-le  avec  un  peu  de  bon  bouillon. 

Chapon  aux  truffes.  —  Préparez  ce  chapon  comme  le  pré- 
cédent; videz -le  par  la  poche,  servez-vous  à  cet  effet  du  cro- 
chet d'une  cuiller  à  dégraisser.  Prenez  garde  de  crever  l'amer 
du  foie. 

Vous  aurez  brossé  et  épluché  environ  deux  livres  de  bonnes 
truffes;  hachez-en  quelques-unes  des  plus  défectueuses;  coupez 
par  dés,  et  pilez  environ  une  livre  de  lard  gras,  mettez-le  dans 
une  casserole,  avec  vos  truffes,  du  sel,  du  poivre,  un  peu  de  mus- 
cade râpée  et  des  fines  épices;  faites  mijoter  le  tout  à  un  feu  très- 
doux,  environ  une  demi-heure  ;  laissez-le  refroidir,  remplissez- 
en  votre  chapon  jusqu'à  la  poche  et  cousez-la,  bridez-le,  les 
pattes  en  long;  conservez-le,  si  vous  pouvez  attendre  deux  ou 
trois  jours,  bardez-le,  embrochez-le  après  l'avoir  enveloppé  de 
papier;  faites -le  cuire  à  peu  près  une  heure  et  demie;  débal- 
lez-le :  si  vous  l'employez  pour  relevé,  supprimez  la  barde  ; 
servez-le  à  la  peau  de  goret  et  mettez  dessous  une  sauce  aux 
truffes.  (Voyez  l'article  Sauce  aux  truffes.) 

Poularde  en  entrée  de  broche.  —  Plumez  les  ailerons  et  la 
queue  de  cette  pièce;  flambez-la,  refaites-lui  les  pattes,  prenez 

56 


S%2  POULE,  POULET,  POULARDE. 


garde  d'en  rider  la  peau,  épluchez-la,  supprimez-en  le  brichet, 
videz- la  par  la  poche  et  prenez  garde  d'en  crever  Tamer;  maniez 
dans  une  casserole,  avec  une  cuiller  de  bois,  un  morceau  de 
beurre  ;  assaisonnez-le  du  jus  d'un  citron  et  d'un  peu  de  sel, 
remplissez-en  le  corps  de  votre  poularde,  retroussez-lui  les  pattes 
en  dehors,  bridez-en  les  ailes,  embrochez-la  sur  un  hàtelet; 
frottez-lui  l'estomac  d'un  citron,  saupoudrez-la  d'un  peu  de  sel, 
couvrez-la  de  tranches  de  citron,  desquelles  vous  aurez  ôté  les 
pépins,  enveloppez-la  de  bardes  de  lard,  de  plusieurs  feuilles  de 
papier,  liées  sur  vos  hâtelets  par  les  deux  bouts,  posez-la  sur  la 
broche,  du  côté  du  dos;  faites-la  cuire  environ  une  heure,  débal- 
lez-la et  servez-la  avec  la  sauce  que  vous  jugerez  convenable. 

Poularde  aux  truffes.  —  (Voyez  ci -dessus  Chapon  aux 
truffes,) 

Poularde  à  la  Saint-Cloud.  —  Préparez  cette  poularde 
comme  celle  à  la  maréchale,  avec  cette  différence  qu'au  Heu  de 
la  piquer  de  lard,  il  faut  la  piquer  avec  des  clous  de  truffes. 
(Voyez  l'article  Poulet  à  la  Saint-Cloud,) 

Poulardes  en  bigarrure.  —  Épluchez,  flambez  deux 
moyennes  poulardes,  levez-en  les  ailes,  ôtez-en  les  filets,  suppri- 
mez les  ailerons  et  les  peaux  des  ailes,  piquez  deux  de  ces  ailes 
d'une  deuxième  et  les  deux  autres  de  petits  lardons  de  truffes, 
cuits  à  moitié  ;  marquez  ces  quatre  ailes  dans  une  casserole  fon- 
cée de  bardes  de  lard,  avec  une  carotte,  un  bouquet  de  persil  et 
de  ciboules  et  deux  moyens  oignons,  dans  l'un  desquels  vous  aurez 
mis  deux  clous  de  girofle;  mouillez  vos  ailes  avec  un  peu  de  con- 
sommé, ayez  soin  que  ce  mouillement  n'atteigne  point  le  lard 
piqué  de  vos  poulardes  et  couvrez-les  d'un  rond  de  papier.  Un 
quart  d'heure  avant  de  servir,  faites-les  partir,  avec  feu  dessus  et 
dessous.  Désossez  entièrement  les  quatre  cuisses  et  remplissez-les 
d'un  salpicon  composé  de  truffes  et  de  foies  gras,  cousez-en  les 
peaux  et  donnez  aux  cuisses  la  forme  d'une  figue  aplatie;  coupez 
les  pattes  en  deux,  supprimez-en  le  haut  et  mettez  le  bas  dans  la 
cuisse,  en  sorte  qu'on  ne  voie  que  la  moitié  de  cette  patte. 
Piquez  deux  de  ces  cuisses  de  clous  de  truffes,  en  forme  de 
rosettes,  les  deux  autres  devant  rester  blanches;  frottez-les  de 
citron^  marquez  ces  quatre  cuisses  dans  une  casserole,  entre  des 


POULE,  POULET,  POULARDE.  88^ 


bardes  de  lard;  assaisonnez- les  comme  les  ailes,  faites-les  cuire  à 
un  feu  doux  environ  trois  quarts  d'heure.  Au  moment  de  servir, 
égouttez-les,  ôtez-en  les  fils,  cgouttez  aussi  vos  ailes,  ôtez  le  nerf 
des  filets  mignons,  faites-leur  des  entailles  de  distance  en  dis- 
tance et  mettez-y  des  petites  crêtes  de  truffes  de  la  largeur  de  ces 
filets,  donnez-leur  une  forme  cintrée,  sautez-les  dans  du  beurre 
fondu  et  un  grain  de  sel;  après,  égouttez-les,  glacez  les  ailes 
piquées,  dressez-les  toutes  les  quatre  en  croix  et  posez  entre  cha- 
cune d'elles  vos  cuisses  de  poulardes,  en  mettant  dessus,  en  forme 
de  couronne,  les  petits  filets.  Saucez  votre  entrée  avec  une  espa- 
gnole réduite  et  travaillée  avec  le  consommé  que  vous  aurez  fait 
des  carcasses  de  vos  poulardes.  (Recette  de  Vincent  de  la 
Chapelle.) 

Poularde  sauce  tomate.  —  Préparez  cette  poularde  comme 
il  est  indiqué  à  l'article  Poularde  en  entrée  de  broche^  et  servez 
dessous  une  sauce  tomate.  (Voyez  cette  sauce.) 

Poularde  à  la  broche  pour  rôt.  —  Videz,  flambez,  éplu- 
chez, refaites  une  belle  poularde;  bridez-la,  en  lui  laissant  les 
pattes  en  long;  bardez-la  ou  piquez-la,  embrochez-la,  enve- 
loppez-la de  papier  et  faites-la  cuire;  sa  cuisson  faite  aux  trois 
quarts,  déballez-la,  achevez  sa  cuisson  et  faites  lui  prendre  une 
belle  couleur;  mettez  sur  votre  plat  un  lit  de  cresson,  assaisonné 
convenablement  de  sel  et  vinaigre  ;  posez  dessus  votre  poularde 
et  servez. 

Poularde  en  entrée  de  broche  à  la  hollandaise.  —  Procédez 
pour  cette  poularde  comme  pour  celle  en  entrée  de  broche,  et 
servez  dessous  une  sauce  hollandaise.  (Voyez  cette  sauce.) 

Poularde  en  entrée  de  broche.  —  Poêlez  ou  mettez  cette 
poularde  à  la  broche,  et  pour  la  servir,  mettez  une  sauce  au 
beurre  d'écrevisses,  ou  toute  autre  sauce.  (Voyez  l'article  Sauce 
au  beurre  d'écrevisses.) 

Filets  de  poularde  au  suprême.  —  Levez  les  filets  de  trois 
moyennes  poulardes,  posez  ces  filets  sur  la  table,  et  levez-en  les 
petites  peaux,  le  plus  mince  possible;  trempez  dans  l'eau  le 
manche  de  votre  couteau  et  battez-les  légèrement,  parez-les, 
faites  fondre  dans  une  sauteuse  une  quantité  suffisante  de  beurre, 
arrangez-y  vos  filets,  en  les  trempant  des  deux  côtés,  saupou- 


884  POULE,  POULET,  POULARDE. 


drez-les  d'un  peu  de  sel,  couvrez4es  d'un  rond  de  papier,  levez 
avec  soin  les  six  cuisses  pour  vous  faire  une  entrée,  soit  pour  le 
jour,  soit  pour  le  lendemain  ;  vous  leur  conserverez  la  totalité  de 
la  peau,  pour  former  de  ces  cuisses  de  petits  canetons  ou  des 
ballons;  faites  un  consommé  des  carcasses,  faites-le  réduire 
presque  en  glace  sans  lui  donner  de  couleur;  ajoutez-y  six  cuille- 
rées à  dégraisser  pleines  de  velouté  réduit,  et  de  pain  de  beurre  ; 
salez  et  vannpz  votre  sauce,  sauter  vos  filets  en  les  retournant, 
faites  qu'ils  soient  bien  blancs,  assurez-vous  qu'ils  sont  bien 
cuits,  en  appuyant  le  doigt  dessus;  s'ils  résistent,  c'est  qu'ils  le 
sont;  vous  aurez  passé  six  croûtotis  de  mie  de  pain  à  potage, 
auxquels  vous  aurez  donné  la  forme  et  l'épaisseur  de  vos  filets 
dressez  ces  filets  en  couronne,  mettez  un  croûton  entre  chacun 
d'eux,  travaillez  votre  sauce  et  saucez  en  marquant  votre  entrée. 
Si  vous  voulez  ces  filets  aux  truffes,  coupez  des  truffes  en  liards, 
feites-les  cuire  dans  du  beurre  et  un  grain  de  sel,  mettez-les 
dans  une  partie  de  votre  sauce  au  suprême,  et  versez-les  dans 
le  puits  de  vos  filets.  (Recette  de  M.  Beau  villier.) 

diles  de  poulardes  à  la  maréchale.  —  Prenez  trois  belles 
poulardes,  levez-en  les  ailes,  supprimez-en  les  ailerons,  ne  con- 
servez que  les  deux  moignons,  levez-en  la  petite  peau  en  posant 
votre  aile  sur  la  table,  et  en  faisant  glisser  votre  couteau  comme 
si  vous  leviez  une  barde  de  lard;  prenez  garde  d'endommager 
les  chairs,  piquez  vos  six  ailes  d'une  deuxième  et  marquez-les 
dans  une  casserole  comme  il  est  indiqué  a  l'article  Poulardes  en 
bigarrure.  Vos  ailes  cuites,  égouttez-les  sur  un  couvercle,  gla- 
cez-les; qu'elles  soient  d'un  beau  blond,  dressez  dans  votre  plat 
une  bonne  chicorée  réduite  (V.  l'article  Chicorée  béchamel); 
dressez  vos  six  ailes  dessus,  la*pointe  au  centre  du  plat,  mettez 
une  belle  truffe  au  milieu  et  servez. 

Poularde  en  galantine,  —  Épluchez,  flambez,  videz  une 
poularde,  désossez-la  par  le  dos,  étendez-la  sur  un  linge,  couvrez 
les  chairs  d'une  mince  farce  cuite  de  volaille,  lardez,  assaisonnez. 
Posez  sur  votre  farce  des  lardons  de  distance  en  distance;  ajou- 
tez-y, si  c'est  la  saison,  des  truffes  coupées  en  filets,  de  la 
grosseur  de  vos  lardons,  et  entremêlez-les,  pour  que  votre  pièce 
soit  bien  marbrée,  recouvrez  ces  lardons  d'un  autre  lit  de  farce. 


POULE,  POULET,  POULARDE.  885 

et  conrinuez  de  mettre  ainsi  farce  et  lardons,  jusqu'à  ce  que  votre 
volaille  soit  remplie  ;  rapprochez  les  peaux,  cousez-les ,  tâchez 
de  donner  à  votre  poularde  sa  forme  première,  entourez-la  de 
bardes  de  lard,  enveloppez-la  d'un  morceau  d'étamine  neuve, 
cousez  cette  étamine;  attachez-en  les  deux  bouts  avec  une 
ficelle;  foncez  une  braisière  avec  quelques  carottes,  oignons, 
deux  clous  de  girofle,  deux  feuilles  de  laurier,  deux  ou  trois 
lames  de  jambon,  un  jarret  de  veau,  et  la  carcasse  de  votre  pou- 
larde coupée  par  morceaux;  posez  du  côté  du  dos  votre  pièce 
sur  ce  fond  ;  appuyez  un  peu  la  main  sur  son  estomac  afin  de 
Taplaîir;  couvrez  votre  galantine  de  bardes  de  lard,  mouillez- 
la  avec  du  bouillon,  il  faut  qu'elle  baigne  dans  son  assaisonne- 
ment, couvrez-la  de  papier;  faites-la  partir  après  lui  avoir  mis 
son  couvercle;  posez-la  sur  la  paillasse  avec  feu  dessous  et 
dessus;  laissez-la  cuire  une  heure  et  demie  ou  deux  heures;  sa 
cuisson  faite,  retirez-la  du  feu,  laissez-la  dans  son  assaisonne- 
ment une  demi-heure;  retirez-la,  pressez-la  légèrement,  apla- 
tissez-lui de  nouveau  l'estomac,  afin  d'avoir  là  facilité  de  la 
garnir  de  gelée,  passez  le  fond  de  votre  galantine  au  travers  d'une 
serviette -mouillée  à  cet  effet;  si  ce  fond  n'était  pas  assez  ambré, 
mêlez-y  un  peu  de  jus  de  bœuf,  ou  de  blond  de  veau;  faites-en 
l'essai  ;  si  ce  fond  ou  plutôt  cette  gelée  se  trouvait  trop  délicate, 
faites-la  réduire  ;  cassez  deux  œufs  entiers,  jaunes,  blancs  et 
coquilles,  mettez-les  dans  votre  gelée,  fouettez-la  avec  un  fouet 
de  buis,  mettez-la  sur  le  feu  ;  ayez  soin  de  la  remuer  lorsqu'elle 
commencera  à  bouillir;  retirez-la  sur  le  coin  de  votre  fourneau, 
mettez  sur  votre  casserole  un  couvercle  avec  quelques  charbons 
ardents  dessus,  laissez  ainsi  votre  gelée  se  clarifier  environ  une 
demi-heure  ou  trois  quarts  d'heure;  passez-la  comme  il  est 
indiqué  à  l'article  Grand  aspic^  laissez  votre  gelée  se  refroidir, 
déballez  votre  galantine,  ratissez  le  gras  qui  est  autour,  dressez- 
la  sur  une  serviette,  garnissez-la  de  gelée  soit  coupée  en  lames, 
en  diamants  ou  hachée,  ou  les  trois  ensemble  et  servez. 

Filets  de  poulardes  à  la  béchamel,  —  Faites  rôtir  deux 
poulardes.  Une  fois  refroidies,  levez-en  les  blancs  et  supprimez- 
en  les  peaux  et  les  tendons  ;  émincez  ces  blancs  également  ;  mettez 
dans  une  casserole  cinq  cuillerées  à  dégraisser  de  béchamel  et 


886  POULE,  POULET,  POULARDE. 

deux  de  consommé,  ainsi  qu'un  peu  de  muscade  râpée  (vo^ez 
larticle  Sauce  à  la]  béchamel);  après  une  ébullition,  délayez 
votre  sauce,  prenez  garde  qu'elle  ne  s'attache;  au  moment  de 
servir,  jetez  vos  filets  dedans,  retournez-les  légèrement,  de 
crainte  de  les  rompre;  dressez-les  sur  votre  plat  garni  d'une 
bordure,  ou  bien  garnissez  de  feuilletage  ou  de  croûtons,  ou  bien 
encore  servez  dans  une  tourte. 

Soufflé  de  poularde. —  Procédez  pour  ce  soufflé  comme  il 
est  énoncé  au  soufflé  de  perdreaux. 

Hachis  de  poulardes  à  la  reine.  —  Hachez  menu  des  blancs 
de  poulardes  et  poulets,  mettez  dans  une  casserole  de  la  bécha- 
mel ainsi  que  du  consommé,  en  proportion  de  la  quantité  de  vos 
chairs  ;  faites  bouillir  et  délayez  votre  sauce  ;  au  moment  de  ser- 
vir, mêlez-y  votre  hachis  sans  ébullition,  finissez-lfe  avec  un  peu 
de  beurre  et  un  peu  de  muscade  râpée;  ce  hachis  est  le  bien  venu 
dans  les  grands  vol-au-vent  ou  dans  les  petits  pâtés  chauds. 

Poulets.  —  Il  y  en  a  de  quatre  sortes  : 

I®  Le  poulet  commun,  qui  s'emploie  généralement  en  fK- 
cassée,  et  dont  on  lève  les  chairs  pour  faire  des  farces  de  diffé- 
rentes sortes  ; 

2®  Le  poulet  demi-grain,  dont  on  se  sert  pour  les  marinades 
à  cru,  et  différentes  entrées  qui  n'exigent  pas  de  très-gros  pou- 
lets; 

3®  Le  poulet  à  la  reine,  qui  est  aussi  très-délicat  et  qui  sert 
aussi  pour  entrées  et  pour  rôt. 

4**  Le  gros  poulet  gras,  dont  on  fait  plus  communément 
usage  pour  la  broche  que  pour  toute  autre  chose. 

C'est  vers  la  fin  d'avril  que  l'on  commence  à  voir  des  poulets 
nouveaux.  On  les  reconnaît  facilement  à  la  Mancheur  de  leur 
peau.  Ils  sont  ordinairement  couverts  de  petits  tuyaux,  comme 
s'ils  étaient  mal  épluchés;  leurs  pattes  sont  plus  unies  que  celles 
des  vieux,  plus  douces  au  toucher,  et  d'un  bleu  tirant  sur  l'ar- 
doise. Les  vieilles  poules  et  les  vieux  coqs  ne  sont  bons  qu'à  cor- 
ser les  bouillons  et  les  consommés  ;  après  les  poulets  viennent  les 
poulardes  et  les  chapons. 

Fricassée  de  poulet.  —  Ayez  deux  poulets,  flambez-les, 
refaites  les  pattes,  épluchez -les,  coupez  les  ongles,  videz  ces  pou- 


POULE,  POULET,  POULARDE.  887 

lets  et  ôtez-en  la  poche  (soit  dit  une  fois  pour  toutes)  ;  dépecez- 
les,  en  commençant  par  lever  les  cuisses;  séparez  les  pattes  des 
cuisses,  cassez  l'os  de  la  cuisse,  à  peu  près  vers  le  milieu  ;  sup- 
primez la  moitié  de  cet  os,  coupez  le  petit  bout  du  moignon, 
séparez  les  ailerons  des  ailes,  coupez-en  la  pointe,  ce  qu'on 
appelle  le  fouet;  levez  vos  ailes  dans  la  jointure,  ménagez  l'esto- 
mac, séparez-le  des  reins,  parez-le  des  deux  bouts  et  des  deux 
côtés,  coupez  le  rein  en  deux,' parez  le  croupion,  coupez-en  la 
petite  pointe,  supprimez  le  boyau  adhérent  au  croupion,  parez  ce 
rein  et  ôtez-en  les  poumons;  mettez  dans  une  casserole  une  cho- 
pine  d'eau,  un  oignon  coupé  en  tranches,  quatre  branches  de 
persil,  un  peu  de  sel  et  vos  morceaux  de  poulets,  faites-les  blan- 
chir, c'est-à-dire  faites  jeter  un  bouillon  à  cette  eau  ;  retirez-les, 
égouttez-les  sur  un  linge  blanc,  parez-les,  essuyez-les,  passez 
votre  eau  à  travers  un  tamis  de  soie,  mettez  dans  une  casserole 
un  quarteron  et  demi  de  beurre,  joignez-y  vos  poulets,  faites-les 
revenir  légèrement,  singez-les  avec  une  pincée  de  farine  de  fro- 
ment, sautez-les  pour  bien  mêler  votre  farine,  mouillez-les  peu 
à  peu,  en  les  délayant  avec  votre  eau  de  poulet,  ajoutez-y  un 
bouquet  de  persil  et  ciboules,  garni  d'une  demi-feuille  de  lau- 
rier, d'un  clou  de  girofle  et  de  champignons  tournés  (voyez  article 
Garniture)  ;  faites  cuire  votre  fricassée,  dégraissez-la  :  sa  cuisson 
faite,  si  la  sauce  se  trouve  être  trop  longue,  versez-en  une  partie 
ou  le  tout  dans  une  autre  casserole,  et  faites-la  réduire  à  consis- 
tance de  sauce,  remuez-la  sur  vos  membres  de  poulets;  faites 
une  liaison  de  trois  jaunes  d'oeufs,  avec  un  peu  de  crème  ou  de 
lait;  faites  bouillir  votre  fricassée,  retirez-la  du  feu,  liez-la, 
remettez-la  sur  le  feu,  sans  la  faire  bouillir,  pour  achever  de  la 
lier.  Sachez  si  elle  est  d'un  bon  goût,  finissez-la  avec  un  demi- 
pain  de  beurre,  un  jus  de  citron  ou  un  filet  de  verjus;  dressez-la, 
en  commençant  par  mettre  les  pattes  au  fond  du  plat,  les  reins 
dessus,  en  les  entremêlant,  les  cuisses  et  les  ailes.  Saucez  et 
servez. 

Vous  pouvez  faire  la  fricassée  de  poulet  à  chaud  et  à  froid, 
de  la  même  manière  qu'il  est  énoncé  à  l'article  Salmis  de  per-^ 
dreaux  chaud  ou  froid.  Lorsque  vous  aurez  lié  votre  fricassée  de 
poulets,  qu'elle  sera  un  peu  froide,  ajoutez  de  la  gelée  à  la 


888  POULE,  POULET,  POULARDE. 

sauce.  Faites-la  prendre  de  la  même  manière  qu'il  est  expliqué 
pour  les  perdreaux.  N'employez  point  de  croûtons. 

Fricassée  de  poulet  à  la  chevalière.  —  Préparez  deux  beaux 
poulets  gras  et  faites-les  cuire  de  la  même  manière  qu'il  a  été 
expliqué^  excepté  qu'il  faut  mettre  de  côté  les  ailes  que  vous 
piquez  avec  du  menu  larâ  ;  supprimez  la  peau,  bttz  la  chair  du 
bout  de  l'os  et  grattez-le.  Si  c'est  la  saison,  vous  piquerez  deux 
de  ses  ailes  avec  des  truffes.  Faites  fondre  du  beurre  dans  une 
tourtière,  arrangez-y  vos  quatre  ailes,  saupoudrez-les  d'un  peu 
de  sel  fin,  couvrez-les  d'un  papier  beurré,  mettez-les  cuire  dans 
un  four,  ou  sous  un  four  de  campagne,  dressez-la,  saucez-la, 
décorez-la  de  ses  quatre  ailes,  mises  en  croix,  que  vous  aurez 
glacées ,  avec  lesquelles  vous  mêlerez  quatre  belles  écrevisses. 
Vous  mettrez  une  grosse  truffe  au-dessus  comme  pour  couronner 
votre  entrée,  et  vous  servirez. 

Kari  de  poulet  à  Vindienne.  —  Dépecez  deux  poulets, 
comme  il  est  indiqué  à  l'article  Fricassée  de  poulet  \  mettez  dans 
une  casserole  125  grammes  de  beurre,  autant  de  petit  lard  et  les 
membres  de  vos  poulets,  passez  le  tout,  singez-le  avec  une  cuiller 
à  bouche  pleine  de  farine  de  froment,  sautez  ce  kari,  mouillez-le 
peu  à  peu  avec  du  bouillon  ;  assaisonnez-le  d'un  bouquet  de 
persil  et  ciboules,  d'une  poignée  de  champignons,  de  sel  et 
d'une  cuillerée  à  café  de  poudre  de  kari;  laissez  cuire  votre  kari. 
Sa  cuisson  faite,  dressez-le  dans  un  vase  creux  ;  servez-le  avec 
du  riz  que  vous  préparerez  ainsi  : 

Faites  blanchir  et  crever  votre  riz  avec  un  peu  de  sel  et 
presque  sans  mouillement.  Beurrez  un  vase  et  remplissez-le  de  ce 
riz,  qui  doit  être  bien  entier,  de  façon  à  en  former  un  pain; 
tenez-le  chaudement  sur  une  cendre  rouge.  A  l'instant  de  ser- 
vir, retournez-le  sur  un  plat;  si  la  poudre  de  kari  n'avait  pas 
donné  assez  de  couleur  à  votre  ragoût,  faites  infuser  dans  un  peu 
d'eau  une  pincée  de  safran  du  Gâtinais,  exprimez-le  sur  votre 
kari,  mêlez-le  bien,  goûtez  s'il  est  d'un  bon  goût,  s'il  est  assez 
pimenté.  Vous  pouvez  faire,  si  vous  le  voulez,  procédant  de  la 
manière  énoncée,  un  kari  de  lapereaux,  de  veau,  de  pigeons,  etc. 

N'oubliez  pas  de  faire  rissoler  dans  votre  casserole  quatre 
oignons  en  roussi  bien  rissolés,  et  jetez  vos  membres  de  poulet 


POULE,   POULET,  POULARDE.  889 

dedans;  laissez  cuire  ainsi  qu'il  est  indiqué  ci-dessus.  Un  peu  de 
safran  pour  le  riz  est  nécessaire. 

Poulets  en  entrée  de  broche.  —  Ayez  deux  poulets  gras  bien 
blancs,  d'égale  grosseur  et  sans  taches.  Après  en  avoir  plumé  les 
ailerons,  flambez-les  légèrement;  prenez  garde  d'en  roidir  la 
peau.  Epluchez-les,  rompez-leur  le  bréchet,  videz-les  par  la 
poche,  ayez  soin  d'en  extraire  tous  les  intestins  ;  servez-vous  pour 
cela  du  crochet  d'une  cuiller  à  dégraisser,  et  prenez  garde  de 
crever  l'amer.  Mettez  dans  une  casserole  environ  trois  quarte- 
rons de  beurre,  un  peu  de  sel,  un  jus  de  citron  et  un  peu  de 
muscade  râpée;  mêlez  le  tout  à  froid  avec  une  cuiller  de  bois, 
remplissez-en  vos  poulets  également,  retroussez-les  en  poulets 
d'entrée,  c'est-à-dire  les  pattes  en  dehors;  passez-leur  une  ficelle 
dans  les  ailes  et  qui  fixe  la  peau  de  la  poche  le  long  du  rein, 
pelez  jusqu'au  vif  un  citron,  foncez  une  casserole  de  bardes  de 
lard;  posez-y  vos  poulets,  joignez-y  une  carotte,  un  oignon 
piqué  de  deux  clous  de  girofle,  un  bouquet  de  persil  et  ciboules, 
une  demi-feuille  de  laurier,  la  moitié  d'une  gousse  d'ail,  une 
lame  de  jambon  et  quelques  petits  morceaux  de  veau  ;  levez  la 
peaii  d'un  citron,  coupez-le  en  tranches,  ôtez-en  les  pépins  et 
mettez  ces  tranches  sur  l'estomac  de  vos  poulets,  couvrez-les  de 
bardes  de  lard,  mouillez-les  avec  une  cuiller  à  pot  de  bouillon, 
ou  d'une  poêle,  et,  faute  de  cette  dernière,  mettez  avec  le  bouil- 
lon un  demi-verre  de  vin  blanc;  couvrez-les  d'un  rond  de  papier 
et  d'un  couvercle,  faites-les  partir,  posez-les  sur  une  paillasse, 
avec  feu  modéré  dessus  et  dessous.  Leur  cuisson  achevée,  égout- 
tez-les,  débridez-les,  faites-en  sortir  le  beurre,  dressez-les  et 
servez  dessous,  soit  une  sauce  aux  truffes,  une  espagnole  très- 
corsée,  une  sauce  tomate,  une  sauce  à  l'estragon,  un  aspic,  un 
ragoût  de  champignons  ou  un  ragoût  mêlé,  etc. 

Poulets  à  Vivoire.  —  Préparez  et  poêlez  deux  poulets, 
comme  il  est  dit  ci-dessus,  excepté  qu'il  en  faut  supprimer  les 
pattes;  coupez  les  bouts  des  moignons,  grattez-en  les  os.  Leur 
cuisson  faite,  égouttez-les ,  dressez-les  et  saucez-les  avec  une 
sauce  à  l'ivoire.  (V.  cet  article.) 

Toulets  sauce  aux  huîtres.  —  Préparez  deux  poulets  comme 
Poulardes  en  entrée  de  irocAe,  faites-les  cuire  de  même,  égouttez- 


890  POULE,  POULET,  POULARDE. 

les  et  dressez-les  ;  prenez  six  douzaines  d'huîtres,  ôtez-les  de  leurs 
coquilles,  mettez-les  dans  une  casserole  sans  autre  mouillement 
que  leur  eau,  faites-les  roidir;  mettez  dans  une  casserole  quatre 
cuillerées  à  dégraisser  de  velouté  réduit,  égouttez  vos  huîtres  et 
jetez -les  dans  ce  velouté,  faites-leur  jeter  un  bouillon,  ajoutez-y 
une  pincée  de  persil  haché  et  blanchi,  un  pain  de  beurre  et  une 
pincée  de  gros  poivre.  Au  moment  de  servir,  exprimez  dans  cette 
sauce  le  jus  d'un  citron,  sachez  si  elle  est  d'un  bon  goût,  versez- 
la  dessus  vos  poulets,  et  servez. 

Poulets  sauce  aux  truffes.  —  Ayez  deux  poulets,  préparez- 
les  comme  ci-dessus  et  poèlez-les  de  même.  Leur  cuisson  achevée, 
égouttez-les,  dressez-les  et  mettez  dessus  une  sauce  aux  truâès. 
(Voyez  cet  article.) 

Poulets  à  l'estragon.  —  Préparez  deux  poulets  comme  il  est 
indiqué  ci-dessus;  poêlez-les  de  même,  et,  leur  cuisson  faite, 
égouttez-les,  dressez-les  et  saucez-les  avec  une  sauce  à  l'estra- 
gon. (Voyez  cet  article.) 

Poulets  à  la  sauce  tomate.  —  Préparez  deux  poulets  de  la 
même  manière  que  ci-dessus  et  poêlez-les.  Leur  cuisson  ùdte^ 
après  les  avoir  égouttés,  dressez-les  et  servez-les  avec  une  sauce 
tomate.  (Voyez  cet  article.) 

Poulets  bouillis  à  l'anglaise.  —  Flambez  et  troussez  deux 
poulets,  comme  ceux  Poulardes  d'entrée  de  broche^  mettez  de 
l'eau  dans  une  casserole  assez  grande  pour  qu'ils  y  soient  à  l'aise, 
faites-la  bouillir,  ajoutez-y  une  pincée  de  sel,  mettez-y  vos  pou- 
lets, faites  qu'ils  bouillent  toujours,  sans  aller  trop  vite.  Leur 
cuisson  achevée,  égouttez-les,  dressez-les,  saucez  et  masquez-les 
avec  une  sauce  à  l'anglaise.  (Voyez  cet  article.) 

Poulets  aux  pois.  —  Prenez  une  demi-livre  de  lard  de  poi- 
trine, coupez-le  en  gros  dés,  supprimez-en  la  couenne,  faites-le 
blanchir,  égouttez-le,  mettez  dans  une  casserole  un  quarteron  de 
beurre,  faites  un  petit  roux  (voyez  l'article  Roux),  passez-y  votre 
lard  et  faites-le  roussir  légèrement;  lorsqu'il  sera  d'un  beau 
blond,  joignez-y  deux  jeunes  poulets  dépecés,  comme  pour  la 
fricassée;  mouillez-les  avec  une  cuillerée  à  pot  de  bouillon, 
délayez  bien  le  tout,  que  vous  assaisonnerez  d'un  bouquet  de  per- 
sil et  ciboules,  et  quand  vous  aurez  mis  une  demi-feuille  de  lau- 


POULE,  POULET,  POULARDE.  891 

rier  et  un  clou  de  girofle,  faites  bouillir  votre  fricassée,  mettez-y 
un  litron  de  pois  très-iîns,  faites  aller  à  grand  feu,  sans  la  cou* 
vrir  ;  dégraissez-la.  Sa  cuisson  faite,  dressez  vos  membres  de  pou- 
let, fàites-en  réduire  la  sauce  si  elle  est  trop  longue,  goûtez  si 
elle  est  d'un  bon  goût,  masquez-en  les  membres,  et  servez. 

Poulets  fricassés  aux  pois  et  au  blanc.  —  Ayez  deux  jeunes 
poulets,  flambez-les,  dépecez-les  comme  pour  la  fricassée,  met- 
tez un  morceau  de  beurre  dans  une  casserole,  joignez-y  vos  pou- 
lets, avec  un  bouquet  de  persil  et  ciboules;  assaisonnez  d'un  peu 
de  sel  fin  et  de  deux  moyens  oignons,  sautez  le  tout;  faites  reve- 
nir vos  poulets,  couvrez-les  et  laissez-les  cuire  doucement,  avec 
feu  dessus  et  dessous.  A  moitié  de  leur  cuisson,  mettez-y  un  litron 
de  pois  fins,  que  vous  aurez  manié  dans  de  Teau  et  du  beurre, 
gros  comme  une  noix;  égouttez-les  dans  une  passoire,  laissez 
suer  et  cuire  le  tout,  en  le  sautant  de  temps  en  temps.  La  cuisson 
achevée,  bt^z  les  oignons  et  le  bouquet,  liez  votre  fricassée  avec 
une  cuiller  à  dégraisser  pleine  de  bon  velouté  réduit.  Si  vous 
n'avez  pas  de  velouté,  maniez  un  pain  de  beurre  avec  un  peu  de 
farine  de  froment,  et  servez-vous-en  pour  opérer  cette  liaison. 
Dressez  votre  fricassée  comme  la  précédente,  et  servez. 

Poulets  au  beurre  d'ecrevisses.  —  Préparez  et  faites  cuire 
ces  poulets  comme  il  est  indiqué  aux  poulets  en  entrée  de  broche 
(voyez  cet  article),  égouttez-les,  mettez  dans  une  casserole  quatre 
cuillerées  à  dégraisser  de  velouté  réduit  et  du  beurre  d'ecre- 
visses, gros  comme  un  œuf;  passez  le  tout,  travaillez  bien  votre 
sauce,  mettez-la  dans  le  fond  de  votre  plat  et  dressez  vos 
poulets  dessus. 

Poulets  à  la  broche  pour  rôt,  —  Ayez  deux  beaux  poulets 
gras,  ou  trois  petits  à  la  reine;  préparez-les  comme  la  poularde 
(voyez  cet  article)  ;  piquez-en  un  des  deux,  s'ils  sont  gras,  et  un 
ou  deux,  s'ils  sont  à  la  reine  ;  bardez-les,  embrochez-les,  enve- 
loppez-les de  papier  et  faites-les  cuire.  Aux  trois  quarts  de  leur 
cuisson,  déballez-les  pour  achever  de  les  cuire  et  faire  sécher  le 
lard,  laissez-les  prendre  une  belle  couleur  dorée.  Si  vous  avez  de 
la  glace,  mettez-en  légèrement  avec  un  pinceau  sur  le  lard  de 
vos  poulets,  dressez-les  sur  un  lit  de  cresson,  assaisonné  convena- 
blement d'un  peu  de  sel  et  de  vinaigre,  et  servez. 


893  POULE,  POULET,  POULARDE. 

Poulets  à  la  tartare.  —  Nettoyez  et  préparez  deux  poulets, 
troussez-les  en  poule,  c'est-à-dire  les  pattes  en  dedans;  fendez- 
en  les  reins  et  aplatissez-les,  cassez  les  os  des  cuisses  ;  mettez  un 
morceau  de  beurre  dans  une  casserole,  avec  sel  et  gros  poivre; 
faites-y  revenir  et  cuire  ensuite  vos  poulets,  avec  feu  dessus  et 
dessous.  Un  quart  d'heure  avant  de  servir,  passez-les,  mettez-les 
sur  le  gril  à  un  feu  doux;  ayez  soin  de  les  retourner  deux  ou 
trois  fois  pour  qu'ils  prennent  une  belle  couleur,  et  servez  des- 
sous une  sauce  à  la  tartare.  (Voyez  cette  sauce.) 

Poulets  sauce  au  pauvre  homme  et  diverses  autres.  —  Pré- 
parez vos  poulets  comme  il  est  dit  ci-dessus,  supprimez-en  les 
cous  et  les  pattes,  fendez-en  le  dos  et  aplatissez-les,  faites-les 
cuire  à  moitié  dans  le  beurre,  avec  sel  et  poivre;  achevez,  sans 
les  passer,  leur  cuisson  sur  le  gril,  et  servez  dessous  une  sauce 
au  pauvre  homme  à  l'estragon,  ou  tomate,  ou  toute  autre  que 
vous  voudrez.  (Voyez  ces  sauces.) 

Poulets  à  la  Périgueux,  —  Choisissez  deux  beaux  poulets 
gras,  bien  blancs.  Après  les  avoir  épluchés  et  vidés  par  la  poche 
(voyez  l'article  Poulardes  en  entrée  de  broche);  vous  aurez  brossé 
et  lavé  deux  livres  de  truffes,  desquelles  vous  supprimerez  la 
peau  des  grosses  ;  vous  en  ferez  des  petites  aussi  égales  que  pos- 
sible; mettez  une  livre  de  lard  râpé  dans  une  casserole,  ajoutez-y 
vos  truffes  et  leurs  parures,  que  vous  aurez  hachées,  assaisonnez- 
les  de  sel,  gros  poivre,  une  pincée  d'épices  fines,  un  peu  de  mus- 
cade râpée  et  une  feuille  de  laurier,  que  vous  ôterez  à  la  fin; 
faites-les  mijoter  sur  un  feu  doux  l'espace  d'une  demi-heure,  en 
les  remuant  avec  soin;  retirez-les  du  feu,  laissez-les  refroidir; 
mettez  vos  poulets  sur  un  linge  blanc,  remplissez-les  également 
par  la  poche  de  votre  appareil  de  truffes;  retroussez-les  en  pou- 
lets d'entrée,  embrochez-les  avec  un  hâtelet,  couvrez-les  de 
bardes  de  lard,  de  deux  ou  trois  feuilles  de  papier;  posez-les  sur 
une  broche,  faites-les  cuire  environ  cinq  quarts  d'heure.  Leur 
cuisson  faite,  déballez-les,  égouttez-les ,  dressez-les,  et  ser\'ez 
dessous  une  sauce  à  la  Périgueux.  (Voyez  cette  sauce.) 

Poulets  à  la  mayonnaise.  —  Prenez  un  poulet  cuit  à  la 
broche  ;  procédez,  à  l'égard  de  cette  mayonnaise,  comme  pour 
les  perdreaux.  (V.  l'article  Perdreaux  à  la  mayonnaise.) 


POULE,  POULET,  POULARDE.  893 


Salade  de  poulets,  —  Prenez  deux  poulets  rôris  et  froids,  ou 
de  desserte  ;  coupez-les,  dépecez-les  par  membres,  comme  pour 
la  mayonnaise  ;  mettez-les  dans  un  vase  de  terre,  assaisonnez-les 
de  même  qu'une  salade,  ajoutez-y  câpres  entières,  anchois  et 
cornichons  coupés  en  filets,  de  la  fourniture  hachée,  sautez  le 
tout,  dressez-le  sur  un  plat,  comme  une  fricassée  de  poulets,  sans 
y  comprendre  les  anchois,  les  cornichons  et  les  câpres  ;  garnissez 
le  bord  du  plat  de  laitues  fraîches  coupées  par  quartiers  et  d'œufs 
durs  coupés  de  même;  décorez  votre  salade  des  filets  d'anchois 
et  des  câpres;  saucez-la  avec  son  assaisonnement,  et  servez. 

Poulets  à  la  crème.  —  Ayez  deux  poulets  froids,  cuits  à  la 
broche;  levez-en  les  estomacs  jusqu'aux  cuisses,  os  et  chairs; 
supprimez-en  les  poumons,  faites  une  farce  avec  les  chairs  des 
estomacs,  en  procédant  ainsi  :  levez  ces  chairs  ou  blancs  de  pou- 
let; après  en  avoir  ôté  les  peaux,  hachez  très-menu  et  pilez-les 
ensuite  ;  parez  et  pilez  également  une  tétine  de  veau  cuite  dans 
la  grande  marmite.  Si  vous  n'avez  pas  de  tétine,  employez  du 
lard  râpé  ou  du  beurre  ;  prenez  la  mie  d'un  pain  à  potage,  faites- 
la  tremper  et  dessécher  dans  de  la  crème  double;  mettez,  par 
portions  égales,  ces  trois  substances;  pilez  le  tout  ensemble, 
ajoutez-y  cinq  jaunes  d'œufs,  un  peu  de  muscade  râpée  et  du 
sel  ce  qu'il  en  faut,  essayez  votre  farce,  goûtez  si  elle  qsX  d'un 
bon  goût,  ôtez  votre  pilon,  incorporez  légèrement  au  fur  et  à 
mesure,  et  en  la  remuant  avec  une  cuiller  de  bois,  trois  blancs 
d'œufs  fouettés;  mettez-y  deux  échalotes  hachées  très-fin,  lavées 
et  passées  dans  un  linge  blanc,  et,  si  vous  le  voulez,  un  peu  de 
persil  haché  ;  mêlez  bien  le  tout,  retirez-le  du  mortier  ;  mettez 
deux  bardes  de  lard  sur  une  tourtière,  remplissez  vos  poulets  de 
cette  farce,  unissez-la  avec  votre  couteau  trempé  dans  une  ome- 
lette ;  donnez  à  cette  farce  la  forme  de  l'estomac  de  vos  poulets, 
dorez-la  et  faites  dessus  le  dessin  qui  vous  plaira,  entourez  ces 
poulets  de  papier  beurré,  assez  haut  pour  contenir  la  farce, 
fixez-le  autour  avec  une  ficelle,  posez  vos  poulets  sur  une  tour- 
tière. Trois  quarts  d'heure  avant  de  servir,  mettez-les  dans  le 
four,  faites-leur  prendre  une  belle  couleur.  Leur  cuisson  faite, 
dressez-les  et  servez  dessous  une  italienne  blanche,  ou  une  sauce 
au  suprême,  ou  une  à  l'ivoire.  (Voy.  l'article  Sauces.) 


894  POULE,  POULET,  POULARDE. 


Poulets  en  friteau.  —  Dépecez  deux  poulets  comme  pour  en 
faire  une  fricassée,  mettez-les  dans  un  vase  de  terre,  avec  des 
tranches  d'oignons,  persil  en  branche,  sel,  gros  poivre  et  le  jus 
de  deux  ou  trois  citrons,  laissez-les  mariner  une  heure,  égouttez- 
les,  mettez-les  dans  un  linge  avec  une  poignée  de  farine;  sassez- 
les  et  posez-les  sur  un  couvercle.  Vous  aurez  mis  votre  friture 
sur  le  feu;  lorsqu'elle  sera  à  son  degré,  [mettez-y  d'aJjord  les 
cuisses  de  vos  poulets,  peu  après  les  estomacs,  ensuite  les  ailes, 
les  reins,  ainsi  de  suite  pour  le  reste.  Votre  friture  cuite  et  d'une 
belle  couleur,  égouttez-la,  et,  après  l'avoir  dressée,  servez-la,  si 
vous  le  voulez,  avec  six  œufs  frais  frits;  arrangez  dessus  et  ser- 
vez avec  une  sauce  poivrade.  (Voy.  l'article  Sauce  poivrade,) 

Marinade  de  poulets.  —  Dépecez  deux  poulets  cuits  à  la 
broche,  faites-les  mariner  une  demi-heure  avant  de  les  servir 
(voyez  l'article.:  Marinade  cuite) ^  égouttez-les ,  trempez  leurs 
membres  dans  une  pâte  à  frire  légère,  c'est-à-dire  dans  laquelle 
vous  aurez  mis  des  blancs  d'œufs  fouettés;  faites  frire  votre 
marinade  en  procédant  comme  ci-dessus,  et  servez  quand  elle 
sera  cuite  et  4'une  belle  couleur;  égouttez-la  sur  un  linge  blanc, 
dressez-U  et  servez-la  avec  du  persil  frit  que  vous  mettrez  des- 
sous, ou  seulement  avec  une  pincée  dessus. 

Rissoles  de  volaille.  —  Prenez  des  rognures  de  feuilletage 
^voyez  Feuilletage,  article  Pâtisserie),  abaissez-les  en  long,  de 
l'épaisseur  d'une  pièce  de  quarante  sous,  et  plus  mince,  s'il  est 
possible;  mouillez  le  bord  de  votre  abaisse  avec  un  doroh- 
trempé  dans  l'eau,  couchez  de  la  farce  cuite  de  volaille  par  par- 
ties, et  d'espace  en  espace,  de  la  grosseur  d'un  grain  de  verjus; 
repliez  cette  abaisse  sur  ces  parcelles  de  farce  ;  donnez-leur  la 
forme  de  petits  chaussons.  A  cet  effet,  coupez-les  en  demi-lune, 
avec  un  coupe-pâte  godronné  ou  avec  votre  couteau;  ayez  soin 
que  la  jointure  de  vos  pâtes  soit  bien  soudée,  farinez  un  cou- 
vercle, arrangez  vos  rissoles  dessus.  Quand  vous  serez  sur  le  point 
de  servir,  faites-les  frire,  qu'elles  prennent  une  belle  couleur, 
dressez-les,  et  servez. 

Poulet  en  capilotade.  —  Dépecez  un  poulet  cuit  à  la  broche, 
mettez  dans  une  casserole  trois  cuillerées  à  dégraisser  pleines 
d'italienne,   à  défaut  de  laquelle  vous  emploierez  de  la  sauce 


POULE,  POULET,    POULARDE.  89J 


hachée,  et  à  défaut  de  cette  dernière  une  sauce  au  pauvre 
homme  (voyez  article  Sauces);  faites  mijoter  votre  poulet  dans 
une  de  ces  sauces.  Un  quart  d'heure  avant  de  servir,  dressez-le, 
ajoutez  à  votre  sauce  quelques  cornichons  coupés  en  liards  ou  en 
filets,  saucez,  et  servez. 

Poulets  à  la  Saint-Cloud.  —  Préparez  deux  poulets  comme 
ceux  pour  entrée  de  broche  ;  prenez  deux  ou  trois  truffes  bien 
noires,  formez-en  des  petits  clous,  décorez-en  vos  poulets,  ce 
qui  consiste  seulement  à  mettre  chacun  de  ces  clous  dans  les 
trous  que  vous  faites  à  Testomac  de  vos  poulets  avec  une  petite 
lardoire.  Il  faut  que  ces  trous  soient  également  espacés;  foncez 
une  casserole  de  bardes  de  lard,  mettez-y  un  oignon  piqué  d'un 
clou  de  girofle,  une  carotte  tournée,  un  bouquet  de  persil  et 
ciboules,  saupoudrez  l'estomac  de  vos  poulets  de  sel  fin,  expri- 
mez aussi  dessus  un  jus  de  citron,  couvrez-le  de  bardes  de  lard 
et  d'un  rond  de  papier,  mouillez-le  avec  une  poêle,  ou  employez 
un  verre  de  consommé  ou  de  bouillon  ;  joignez-y  un  verre  de  vin 
blanc,  une  demi-feuille  de  laurier  et  une  lame  de  jambon.  Trois 
quarts  d'heure  avant  de  servir  vos  poulets,  faites-les  partir, 
posez-les  sur  la  paillasse  avec  feu  dessus  et  dessous.  Leur  cuisson 
achevée,  égouttez-les,  dressez-les,  servez  dessous  une  sauce  aux 
truffes,  à  la  Saint-Cloud  ou  en  petit  deuil  ;  si  vous  n'avez  point 
de  velouté,  passez  le  fond  de  vos  poulets,  mettez-y  un  pain  de 
beurre  manié  dans  une  demi-cuillerée  de  farine,  faites  bouillir 
votre  sauce,  dégraissez-la,  et,  l'ayant  fait  réduire,  passez-la  à 
rétamine,  ajoutez-y  vos  petits  dés  de  truffes,  dont  il  est  ques- 
tion à  la  sauce  en  petit  deuil,  passez  dans  du  beurre  et  finissez 
par  un  demi-pain  de  beurre. 

Poulets  à  la  ravigote.  —  Préparez  deux  poulets  comme 
pour  entrée  de  broche.  Leur  cuisson  achevée,  égouttez-les  et 
servez  dessous  une  sauce  ravigote.  (V.  Ravigote.) 

Poulets  à  la  reine^  sauce  à  la  pluche  verte,  —  Préparez  et 
poêlez  trois  de  ces  poulets.  Leur  cuisson  faite,  égouttez, 
dressez^  marquez -les  avec  une  sauce  à  la  pluche  verte,  et 
servez. 

Sauce  à  la  pluche  verte,  —  Prenez  des  feuilles  de  persil 
bien  vertes,  faites-les  blanchir,  rafraîchissez-les,  jetes-les  sur  un 


896  POULE,  POULET,  POULARDE. 


tamis,  mettez  dans  une  casserole  trois  cuillerées  à  dégraisser  de 
velouté  réduit  et  deux  de  consommé,  faites  réduire  le  tout.  A  Tîn- 
stant  où  vous  voudrez  servir,  jetez  vos  feuilles  de  persil  dans  cette 
sauce,  et,  si  elle  est  trop  salée,  jetez-y  un  morceau  de  beurre. 
Passez,  vannez,  et  servez. 

Poulets  à  la  provençale.  —  Prenez  deux  poulets  que  vous 
couperez  comme  pour  une  fricassée  ;  ayez  une  douzaine  d'oignons 
blancs,  coupez-les  en  demi-anneau,  ou  avec  un  peu  de  persil; 
mettez  vos  oignons  dans  une  casserole  ou  sauteuse  dans  laquelle 
vous  ferez  un  lit  de  vos  oignons  et  un  des  membres  de  votre 
volaille,  recouvrez  le  tout  avec  un  autre  lit  d'oignons  et  de  per- 
sil; ajoutez  un  verre  d'huile,  une  ou  deux  feuilles  de  laurier, 
du  sel  en  quantité  suffisante;  mettez-les  au  feu,  et  lorsqu'ils 
seront  partis  vous  les  laisserez  aller  doucement.  Leur  cuisson 
faite,  glacez-les,  dressez-les  en  mettant  vos  oignons  au  milieu,  et 
un  peu  d'espagnole  pour  les  saucer.  Ensuite,  servez. 

•  Côtelettes  de  poularde  ou  de  poulet.  —  Procédez  à  l'égard 
de  ces  côtelettes  comme  pour  celles  de  perdreaux,  énoncées  à 
l'article  Gibier. 

Blanquette  de  poularde.  —  Levez  les  chairs  d'une  poularde 
froide  ou  des  débris  que  vous  en  avez,  supprimez-en  les  peaux  et 
les  tendons  ;  émincez  ces  chairs,  mettez  dans  une  casserole  du 
velouté,  faites-le  réduire  et  dégraissez-le;  au  moment  de  servir 
jetez  votre  émincé,  ne  le  laissez  pas  bouillir;  faites  une  liaison 
délayée  avec  un  peu  de  crème  ou  de  lait;  finissez  votre  blanquette 
avec  un  morceau  de  beurre  et  le  jus  d'un  citron. 

Cuisses  de  poularde  en  canetons  ou  en  petits  oignons.  — 
Quand  vous  aurez  levé  les  filets  de  trois  belles  poulardes,  comme 
il  est  dit  à  l'article  précédent,  en  ménageant  les  peaux  des  cuisses; 
désossez-les  jusqu'à  la  moitié  de  l'os  qui  tient  à  la  patte;  suppri- 
mez les  trois  quarts  de  chaque  patte  ;  étendez  vos  cuisses  sur  un 
linge  blanc,  remplissez-les  d'un  salpicon  composé  de  foies  gras, 
de  truffes  et  de  champignons  ;  cousez  les  peaux  de  ces  cuisses  et 
donnez-leur  une  forme  allongée,  comme  le  cou  d'un  cygne  ou 
d'un  canard;  il  faut  que  le  moignon  de  la  cuisse  forme  le  cou  de 
votre  oiseau  et  que  la  patte  forme  le  bec  ;  fixez  ces  pattes  avec  un 
fil,  de  manière  à  leur  conserver  la  grâce  qu'a  le  col  du  cygne; 


POULE,  POULET,  POULARDE.  897 


faites  deux  incisions  au  reste  de  la  patte,  Tune  censée  derrière  la 
tête  de  Poiseau  ;  l'autre  sur  le  haut  du  bec,  pour  qu'il  forme  la 
protubérance  qui  est  sur  le  bec  du  cygne;  ayez  six  belles  écre- 
visses  dont  les  pattes  soient  égales,  faites-les  cuire  dans  du 
bouillon,  ôtez-leur  les  douze  grandes  pattes,  formez-en  les  ailes 

• 

de  vos  cygnes  en  les  enfonçant  dans  la  chair  par  le  bout  qui  tenait 
au  corps  de  l'écrevisse;  foncez  une  casserole  de  bardes  de  lard, 
rangez-y  vos  petits  cygnes  comme  s'ils  étaient  sur  l'eau,  mettez 
sur  chaque  une  tranche  de  citron,  afin  qu'ils  soient  bien  blancs; 
mouillez-les  avec  une  poêle;  couvrez-les  de  bardes  de  lard  et 
d'un  rond  de  papier;  trois  quarts  d'heures  avant  de  servir,  faites- 
les  partir  et  cuire  doucement  sur  la  paillasse,  avec  peu  de  feu 
dessus;  leur  cuisson  faite,  égouttez-les;  ôtez-en  les  fils;  dressez- 
les  et  servez  dessous  une  sauce  hollandaise  verte,  ou  une  sauce  au 
beurre  d'écrevisses. 

Cuisses  de  poularde  en  ballon.  —  Désossez  six  ou  huit 
cuisses  de  poularde,  supprimez  à  peu  près  les  trois  quarts  de 
chaque  patte;  mettez  ces  cuisses  sur  un  linge  blanc,  étalez-les, 
remplissez-les  d'un  salpicon,  cousez-les  comme  celles  des  pou- 
lardes en  bigarrure,  marquez-les  dans  une  casserole  foncée  de 
bardes  de  lard,  mouillez-les  avec  une  poêle,  faites-les  cuire  envi- 
ron trois  quarts  d'heure;  leur  cuisson  faite,  égouttez,  dressez, 
saucez-les  avec  une  bonne  italienne  rousse,  et  servez. 

Cuisses  de  poularde  à  la  Bayonnaise.  —  Prenez  trois 
culottes  de  poularde ,  partagez-en  la  peau  en  deux  jusqu'au 
croupion,  levez  les  cuisses  avec  cette  peau,  désossez-les  entière- 
ment en  leur  laissant  néanmoins  le  bout  de  Tos  adhérent  aux 
pattes;  cela  fait,  marinez  avec  du  citron,  sel,  gros  poivre,  une 
feuille  de  laurier  cassée  en  morceaux,  laissez  mariner  pendant 
deux  ou  trois  heures;  au  moment  de  servir,  égouttez-les,  farinez- 
les,  faites-les  frire  dans  du  lard  râpé  ;  coupez  quatre  oignons  en 
anneaux,  ôtez-en  le  cœur;  faites  frire  ces  oignons,  ayez  soin  qu'ils 
aient  ainsi  que  les  cuisses  une  belle  couleur  ;  dressez  ces  cuisses 
sur  votre  plat,  mettez  dessus  vos  anneaux  frits  et  servez  dessus 
une  sauce  poivrade. 

Cuisses  de  poularde  à  la  Livernois,  —  Levez  les  cuisses  de 
trois  poulardes,  supprimez  la  moitié  de  l'os  de  la  cuisse,  parez- 

57 


998  POULE,  POULET,  POULARDE. 

les ,  foncez  une  casserole  de  quelques  carottes  coupées  en  lames, 
de  deux  oignons,  d'un  bouquet  de  persiJ  et  de  ciboules  assaisonné 
de  ces  aromates  et  d'une  lame  de  jambon;  posez  ces  cuisses 
dessus,  mouillez-les  avec  une  cuillerée  à  pot  de  bouillon,  cou- 
vrez-les de  quelques  bardes  de  lard  et  d'un  rond  de  papier; 
tournez  deux  petites  carottes  soit  en  bâtonnet,  soit  en  champi- 
gnons ;  mettez-les  blanchir,  égouttez-les,  faites-les  cuire  dans  du 
bouillon  et  tomber  à  glace,  mettez-y  un  petit  morceau  de  sucre 
pour  en  ôter  Tàcreté;  versez  dans  une  casserole  quatre  à  cinq 
cuillerées  à  dégraisser  pleines  d'espagnole;  ajoutez-y  vos  carottes 
tombées  à  glace;  faites-les  bouillir,  dégraissez-les,  égouttez  les 
cuisses  de  poulardes;  dressez-les,  ajoutez  un  demi-pain  de  beurre 
à  votre  ragoût;  sautez-le,  masquez-en  votre  entrée  et  servez. 

Cuisses  de  poularde  aux  truffes.  —  Désossez  six  cuisses  de 
poulardes  comme  il  est  indiqué  à  l'article  Cuisses  en  ballon; 
farcissez-les  d'un  salpicon  composé  de  truffes  et  de  foies  gras; 
cousez  ces  cuisses,  marquez-les  dans  une  casserole  comme  il  est 
dit  aux  cuisses  précédentes;  faites-les  cuire  de  même,  égouttez- 
les;  ôtez-en  les  fils  et  servez  dessous  un  ragoût  de  truffes. 
(V.  l'article  Ragoût  aux  truffes.) 

exilerons  de  poularde  piqués  et  glacés. —  Flambez,  désossez 
quinze  ailerons,  faites-les  légèrement  blanchir;  piquez-les  d'une 
deuxième;  cela  fait,  rangez  vos  ailerons  dans  une  casserole  sur 
un  peu  de  rouelle  de  veau,  une  lame  ou  deux  de  jambon,  un 
oignon  piqué  d'un  clou  de  girofle,  une  carotte  tournée,  un  bou- 
quet de  persil  et  ciboules;  mouillez-les  avec  du  bouillon;  cou- 
vrez-les d'un  rond  de  papier  beurré;  faites-les  partir  et  cuire  sur 
la  paillasse,  avec  un  feu  vif  dessous  et  dessus,  afin  qu'ils  pren- 
nent une  belle  couleur;  leur  cuisson  faite,  passez  leur  fond  au 
travers  d'un  tamis  de  soie;  faites-le  réduire  presque  à  glace  dans 
une  sauteuse,  laquelle  doit  avoir  assez  d'étendue  pour  les  conte- 
nir sans  être  les  uns  sur  les  autres  ;  rangez-les  sens  dessus  dessous 
dans  cette  sauteuse,  c'est-à-dire  que  le  côté  piqué  doit  tremper 
dans  la  glace;  posez  cette  sauteuse  sur  une  cendre  chaude, 
laissez  mijoter  ainsi  vos  ailerons;  quand  ils  seront  glacés,  prenez- 
les  avec  une  fourchette,  dressez-les  sur  votre  plat,  le  côté  glacé 
en  dessus;  mettez  dans  le  restant  de  votre  glace  une  cuillerée  à 


POULE,   POULET,   POULARDE.  899 


dégraisser  d'espagnole  et  une  de  consommé;  faites  bouillir  le 
tout;  détachez  bien  votre  glace,  sautez-en  vos  ailerons,  et  servez. 

Q/iilerons  de  poularde  à  la  chicorée.  —  Préparez  vos  aile- 
rons comme  les  précédents,  faites-les  cuire  de  même  ;  dressez-les 
sur  une  bonne  chicorée  blanche,  et  servez.  (Voir  article  Chicorée 
blanche.) 

Q4ilerons  de  poularde  à  la  pluche  verte,  —  Ayez  une 
quinzaine  d'ailerons;  après  les  avoir  préparés  comme  il  est  indi- 
qué ci-dessus,  formez  une  casserole  de  quelques  tranches  de  veau 
et  de  jambon;  joîgnez-y  une  douzaine  de  queues  de  champi- 
gnons, une  demi-gousse  d'ail,  une  demi-feuille  de  laurier  et  une 
pincée  de  basilic;  rangez  vos  ailerons  sur  ce  fond;  coupez  deux 
carottes  en  lames  et  deux  oignons  en  tranches,  couvrez-en  vos 
ailerons,  mouillez-les  avec  du  bouillon  ou  du  consommé  ;  faites- 
les  partir;  mettez-les  cuire  sur  la  paillasse  avec  feu  dessous  et 
dessus;  leur  cuisson  faite,  passez  votre  fond  dans  une  casserole  à 
travers  un  tamis  de  soie;  ajoutez  à  ce  fond  un  petit  pain  de 
beurre  manié  dans  de  la  farine;  faites  lier  votre  fond  en  la  tour- 
nant; laissez-la  réduire  jusqu'à  consistance  de  sauce,  avec  un  peu 
de  gros  poivre;  goûtez  si  elle  est  d'un  bon  sel,  masquez-en  vos 
ailerons,  et  servez. 

oAilerons  de  poularde  à  la  Villeroi.  —  Flambez,  épluchez, 
désossez  quinze  ailerons;  remplissez- les  d'une  farce  cuite  de 
volaille  (V.  Farce  cuite)\  marquez-les  dans  une  casserole  comme 
les  ailerons  piqués  et  glacés  (V.  cet  article),  et  faites-les  cuire 
de  même;  leur  cuisson  achevée,  égouttez-Ies,  posez-les  sur  une 
tourtière,  couvrez-les  d'une  Sainte-Ménehould  (V.  l'article  de 
cette  sauce)  ;  panez-les  avec  moitié  mie  de  pain  et  moitié  fromage 
de  parmesan;  faites  prendre  au  four  couleur  à  vos  ailerons, 
dressez-les,  et  servez. 

Crêtes  et  rognons  en  velouté.  —  Préparez  et  faites  cuire  dans 
un  blanc  sept  crêtes  et  sept  rognons;  leur  cuisson  achevée,  égout- 
tez-les,  mettez  dans  une  casserole  du  velouté  réduit  en  suffisante 
quantité;  jetez-y  vos  crêtes  et  vos  rognons;  faites-les  mijoter  un 
demi-quart  d'heure;  liez  votre  ragoût,  finissez-le  avec  la  moitié 
d'un  pain  de  beurre  et  un  jus  de  citron,  dressez  et  servez. 

Grand  aspic  de  crêtes  et  rognons.  —  Prenez  un  moule  à 


900  POULE,   POULET,  POULARDE. 

aspic  ou,  faute  de  ce  moule,  une  casserole  proportionnée  à  la 
grandeur  de  votre  plat,  posez-la  dans  un  autre  vase  rempli  de 
glace  pilée  ;  coulez  dans  ce  moule  de  Taspic  de  Tépaisseur  d'un 
travers  de  doigt,  décorez-le  d'un  dessin  à  votre  fantaisie,  exé- 
cutez ce  dessin  avec  des  truffes,  des  blancs  d'œufs  durs,  des  cor- 
nichons, des  queues  et  des  œufs  d'écrevisses  ou  des  rognons  de 
coqs  ;  ce  décor  achevé ,  coulez-le  légèrement  sur  votre  aspic  en 
prenant  garde  de  le  déranger;  cet  aspic  pris,  remplissez  votre 
moule  de  crêtes  et  rognons  de  coqs  en  laissant  tout  autour  un 
espace  de  deux  travers  de  doigt;  remplissez  d'aspic  cet  intervalle 
ainsi  que  le  moule  pour  que  le  tout  ensemble  ne  forme  qu*un 
pain  ;  au  moment  de  servir,  trempez  votre  moule  dans  de  l'eau 
tiède,  renversez-le  sur  un  couvercle,  coulez  votre  aspic  sur  le  plat 
sans  ôter  le  moule  ;  lorsqu'il  sera  bien  glacé,  enlevez-en  le  moule 
avec  adresse;  remuez  la  gelée  qui  se  trouverait  fondue  au  moyen 
des  barbes  d'une  plume  ou  d'un  chalumeau  de  paille;  ayez  soin 
que  cette  gelée  soit  diamantée  (très-claire).  Essuyez  votre  platef 
servez. 

Vous  pouvez  vous  servir  du  même  procédé  pour  faire  des 
aspics  de  blancs  de  poulardes,  de  lapereaux  ou  de  perdreaux;  et 
si  votre  moule  se  trouve  faire  un  puits,  remplissez-le  d'une 
mayonnaise  ou  d'une  ravigote  à  la  gelée. 

Petits  aspics  de  crêtes  et  de  rognons.  —  Procédez  pour  ces 
petits  aspics  comme  il  est  énoncé  ci-dessus  pour  le  grand  aspic, 
soit  pour  leur  dessin ,  soit  pour  hs  remplir  convenablement  : 
faites-en  sept  ou  neuf. 

Foies  gras  à  la  Périgueux.  —  Prenez  sept  foies  de  pou- 
larde, qu'ils  soient  bien  gras;  ôtez-en  l'amer  et  la  partie  du  foie 
qui  le  touche;  piquez-les  de  clous  de  truffes;  marquez-les  dans 
une  casserole  foncée  de  bardes  de  lard;  mouillez-les  avec  une 
sauce  mirepoix  (Voyez  à  l'article  Sauces  celle  mirepoix);  faute 
de  mirepoix,  mettez  un  verre  de  vin  blanc  et  un  de  consommé, 
avec  un  peu  de  sel,  une  carotte  tournée,  deux  moyens  oignons 
dont  un  piqué  d'un  clou  de  girofle,  un  bouquet  de  persil  et 
ciboules,  une  demi-feuille  de  laurier  et  la  moitié  d'une  gousse 
d'ail  ;  couvrez  alors  ces  foies  de  bardes  de  lard  et  d'un  rond  de 
papier;  faites  partir  et  cuire  un  quart  d'heure  et  demi  sur  la 


POULE,   POULET,   POULARDE.  901 

Il I ■  I       ■        ■     .  I  ■        III       ■■  I  1 1  < 

paillasse,  avec  feu  dessus  et  dessous;  égouttez-les,  dressez-les  sur 
le  plat  et  saucez-les  avec  une  sauce  à  la  Périgueux.  (Voyez  cet 
article.)  Vous  pouvez  servir  entre  vos  foies  des  croûtes  de  pain 
passées  dans  le  beurre  avec  une  belle  truffe  au  milieu.  Ayez  soin 
de  clouter  de  trirffes  vos  foies. 

Foies  gras  en  caisse  à  la  financière,  —  Même  préparation 
que  pour  la  Périgueux.  Les  foies  cloutés  de  truffes  seulement;  les 
faire  braiser  dans  une  bonne  mirepoix;  mouillez  avec  un  peu  de 
bon  consommé  de  volaille  et  un  verre  de  bon  Madère;  après 
cuisson,  passez  le  fond,  dégraissez,  ajoutez  le  fond  à  une  bonne 
espagnole,  jetez  dedans  quenelles  de  volaille,  champignons 
tournés,  crêtes  et  rognons  de  coqs,  truffes  en  lames,  un  jus  de 
citron  ;  couchez  dans  votre  caisse  vos  foies  gras  sur  la  financière, 
glacez  vos  foies,  garnissez  votre  caisse  de  belles  écrevisses  et  de 
croûtons  glacés,  et  servez  chaud. 

Foies  gras  au  gratin.  —  Prenez  un  plat  d'argent  ou  tout 
autre  qui  puisse  aller  au  feu;  mettez  dans  le  fond  l'épaisseur 
d'un  travers  de  doigt  de  gratin  (Voyez  Gratin,  article  Farces)  ; 
ayez  six  ou  sept  beaux  foies  de  poularde  bien  blancs,  appro- 
priez-les comme  il  est  dit  à  l'article  précédent,  arrangez-les  sur 
votre  plat  en  laissant  un  puits  au  milieu,  remplissez  tous  les 
intervalles  de  vos  foies  en  sorte  que  le  tout  ne  forme  qu'un  pain; 
ayant  uni  votre  gratin  entièrement  avec  un  couteau,  couvrez-le 
d'un  papier  beurré,  mettez-le  dans  le  four  ou  sous  un  four  de 
campagne;  sa  cuisson  faite,  retirez-le,  ôtez-en  le  papier  beurré, 
débouchez-en  le  puits,  saucez-le  avec  une  espagnole  réduite  ou 
une  italienne  rousse  et  servez. 

Foies  gras  en  matelote.  —  Préparez  six  foies  gras,  ainsi 
qu'il  est  expliqué  ci-dessus;  faites-les  blanchir  et  cuire  comme 
ceux  à  la  Périgueux  (Voyez  cet  article)  ;  égouttez-les  ;  dressez- 
les  sur  votre  plat  ;  saucez-les  d'une  sauce  à  la  matelote  (voyez 
l'article  Sauce  à  la  matelote]  ;  ajoutez-y  des  cœurs  de  pain  passés 
dans  le  beurre,  des  truffes  si  vous  voulez,  et  servez. 

Foies  gras  en  caisse.  —  Faites  une  caisse  ronde  ou  carrée 
de  la  hauteur  de  deux  pouces  et  demi  environ;  huilez-la  en 
dehors;  étendez  dans  le  fond  du  gratin  de  l'épaisseur  d'un  tra- 
vers de  doigt;  ayant  préparé  six  foies  gras,  mettez-les  dans  une 


^ 


902  POUPELIN. 


casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  du  persil,  ciboules,  cham- 
pignons hachés,  sel,  poivre  et  fines  épices,  le  tout  en  suffisante 
quantité;  passez  ainsi  ces  foies;  mettez  votre  caisse  sur  le  gril; 
arrangez  vos  foies  dans  cette  caisse  avec  les  fines  herbes;  posez 
sur  un  feu  doux;  laissez  cuire,  et  leur  cuisson  faite,  dressez  votre 
caisse  sur  le  plat;  saucez-la  d'une  bonne  espagnole  réduite  dans 
laquelle  vous  aurez  exprimé  le  jus  d'un  citron;  dégraissez-les  en 
cas  qu'il  y  surnage  du  beurre. 

Coquilles  de  foies  gras.  —  Faites  blanchir  de  ces  foies,  en 
raison  de  la  quantité  de  coquilles  que  vous  voulez  servir  ;  coupez- 
les  par  lames,  ainsi  que  des  truffes  et  des  champignons;  ajoutez-y 
persil  et  ciboules  hachés,  sel,  gros  poivre,  un  peu  d'épices  fines 
et  un  morceau  de  beurre;  mettez  le  tout  dans  une  casserole  et 
passez  sur  le  feu,  mouillez  avec  un  peu  de  vin  de  Champagne  et 
d'espagnole,  faites  réduire  ce  ragoût  à  courte  sauce,  mettez-le 
dans  des  coquilles  (nommées  communément  pèlerines),  panez- 
les,  faites-leur  prendre  une  belle  couleur  au  four,  ou  sous  un 
four  de  campagne,  et  servez. 

Poulardes  en  entrée  de  broche.  —  Poêlez  ou  mettez  cette 
poularde  à  la  broche,  et  pour  la  servir,  faites  une  sauce  au 
beurre  d'écrevisses  ou  toute  autre  sauce  qu'il  vous  plaira.  (Voyez 
Sauce  au  beurre  d'écrevisses,) 

Poularde  en  entrée  de  broche  à  la  ravigote.  —  Procédez, 
pour  cette  poularde,  comme  il  est  indiqué  à  Tarticle  Poulets  a 

LA  RAVIGOTE. 

Poularde  à  V ivoire.  —  Préparez  cette  poularde  comme  il  est 
indiqué  à  l'article  Poulets  a  l'ivoire. 

Poularde  aux  huîtres.  —  Même  préparation  que  le  poulet 
aux  huîtres. 

Poularde  sauce  à  V estragon.  — Préparez  la  poularde  comme 
les  précédentes,  poêlée.  Dans  une  mirepoix,  mouillez  avec  bon 
jus,  un  peu  de  vin  blanc,  passez  le  fond,  clarifiez,  ajoutez  les 
feuilles  d'estragon  et  servez.  (V.  Sauce  a  l'estragon.) 

POUPELIN.  —  Ancienne  pâtisserie  d'entremets  très-déli- 
cate, faite  avec  du  beurre,  du  lait  et  des  œufs  frais,  pétrie  avec 
de  la  fleur  de  farine.  On  y  mêle  aussi  de  l'écorce  de  citron  et  du 
sucre,  afin  de  lui  donner  bon  goût. 


POUPETON.  90) 


Faites  bouillir  à  peu  près  une  chopine  d'eau,  un  quart  de 
beurre  et  un  peu  de  sel.  Quand  l'eau  commence  à  bouillir,  vous 
y  mettez  de  la  farine  ce  qu'elle  peut  en  boire,  vous  la  faites 
sécher  et  la  changez  de  casserole.  Délayez-y  alors  douze  ou  qua- 
torze œufs  les  uns  après  les  autres. 

Beurrez  une  casserole.  Mettez-y  la  pâte,  qui  ne  doit 
monter  qu'au  quart,  parce  qu'elle  quadruplera  de  volume  en 
cuisant,  et  faites  cuire  dans  un  four  bien  chaud;  6tQz  votre  pou- 
pelin  lorsqu'il  est  cuit,  coupez-le  en  travers,  frottez-en  l'inté- 
rieur avec  du  beurre  bien  frais  et  saupoudrez  sur  le  beurre  de 
sucre  et  de  fleur  d'orange  pralinée.  Beurrez  aussi  l'intérieur, 
saupoudrez  de  sucre  et  glacez  avec  la  pelle  rouge.  {Document  de 
la  famille  la  Reynière.) 

Q4utre  manière.  —  Prenez  un  fromage  à  la  crème  bien 
égoutté  et  bien  frais,  du  sel,  trois  œufs  frais,  blancs  et  jaunes,  et 
deux  poignées  de  fleur  de  farine  ;  pétrissez  le  tout  ensemble, 
mettez  dessous  des  petits  morceaux  de  beurre  et  faites  cuire  au 
four  dans  une  tourtière  beurrée.  Lorsqu'il  est  cuit,  de  belle  cou- 
leur, coupez-le  par  la  moitié,  ôtez-en  le  dedans,  râpez-y  du 
sucre,  piquez-le  de  lardons  d'écorce  de  citron  confite,  arrosez-le 
de  beurre  fondu,  passez  la  pelle  rouge  dessus,  recouvrez-le  et 
mettez-le  au  four,  saupoudrez-le  de  sucre  fin,  passez  la  pelle 
rouge  et  servez  chaudement. 

POUPETON.  —  Espèce  de  gâteau  fait  avec  du  hachis  de 
viande  ou  de  poissons. 

Poupeton  au  gras.  —  Prenez  de  la  cuisse  de  veau,  moelle  de 
bœuf,  lard  blanchi,  hachez  le  tout  avec  des  champignons,  persil, 
ciboules,  mie  de  pain,  trempez  dans  de  bon  jus  et  deux  œufs 
crus.  Formez  votre  poupeton  en  garnissant  une  tourtière  de 
bardes  de  lard.  Mettez  votre  hachis  par  dessus,  puis  des  pigeons 
ou  des  poulets  passés  au  roux;  couvrez  la  volaille  avec  le  reste 
du  hachis,  couvrez  la  tourtière  et  faites  cuire  feu  dessus  et  des- 
sous. Quand  votre  poupeton  est  cuit,  vous  le  renversez  propre- 
ment sur  un  plat  et  le  servez  chaudement. 

Q4utre  poupeton  au  gras.  —  Faites  un  hachis  de  rouelles  de 
veau  dont  vous  aurez  ôté  les  peaux  et  les  nerfs,  lard  et  graisse  de 
bœuf,  persil,  ciboules,  champignons,  sel,  poivre,  fines  herbes, 


904  POUPETON. 


fines  épices  ;  mettez  un  peu  de  mie  de  pain  dans  une  casserole 
avec  de  la  crème  ou  du  lait,  faites  cuire  sur  le  fourneau  comme 
une  crème  et  mettez-y  deux  jaunes  d'œufs  crus,  laissez-la 
refroidir,  puis  mettez-la  dans  le  godiveau  avec  quatre  ou  dnq 
jaunes  d'œufs  crus,  hachez  bien  cette  farce  et  pilez-la  ensuite 
dans  un  mortier. 

Garnissez  le  fond  d'une  tourtière  de  bardes  de  lard,  mettez 
le  godiveau  par  dessus  et  unissez-le  avec  le  bout  de  votre  cou- 
teau, que  vous  aurez  trempé  dans  un  œuf  battu. 

Passez  des  petits  pigeons  dans  une  casserole  avec  un  peu  de 
lard  fondu,  un  bouquet  garni,  un  oignon  piqué  de  clous  de 
girofle,  crêtes,  riz  de  veau,  champignons  et  truffes  coupés  par 
tranches  ;  mouillez-les  de  jus  et  laissez  mitonner  à  petit  feu,  pais 
dégraissez  ce  ragoût,  liez-le  d'un  coulis  de  veau  et  de  jambon, 
ajoutez-y  quelques  pointes  d'asperges,  et,  si  c'est  la  saison,  des 
fonds  d'artichauts,  et  laissez  refroidir. 

Votre  ragoût  étant  froid,  dressez  les  pigeons  avec  la  garni- 
ture; mettez-le  dans  la  tourtière,  couvrez-le  du  reste  du  godi- 
veau, unissez  le  dessus  et  frottez-le  d'un  œuf  battu.  Renversez 
les  bardes  de  lard  qui  sont  autour  de  la  tourtière  dessus,  cou- 
vrez-le et  faites  cuire  au  four  feu  dessous  et  dessus;  quand  il  est 
cuit,  renversez-le  sur  un  plat,  jetez-y  un  coulis  clair  de  veau  et 
de  jambon,  garnissez,  si  vous  voulez,  de  marinade  de  poulets 
et  de  pigeons  au  basilic  et  servez  chaudement  pour  entrée. 

Les  poupetons  de  cailles,  perdrix,  tourterelles,  ortolans,  etc., 
se  font  de  la  même  manière  ;  la  seule  différence  est  dans  le  ragoût 
que  Ton  met  dans  le  poupeton. 

Poupeton  au  sang,  —  Désossez  deux  lièvres  et  un  lapin  de 
leur  chair,  faites-en  un  hachis  avec  un  morceau  de  jambon, 
champignons,  truffes,  persil,  ciboules,  poivre,  sel,  fines  épices, 
un  peu  de  basilic  et  trois  ou  quatre  jaunes  d'œufs  crus.  Tuez 
ensuite  trois  ou  quatre  petits  pigeons  dont  vous  conservez  le 
sang,  dans  lequel  vous  mettrez  un  jus  de  citron  pour  empêcher 
qu'il  ne  tourne  ;  faites  un  ragoût  de  vos  pigeons  comme  il  est  dit 
dans  l'article  précédent,  et  liez-le  d'un  coulis  de  veau  et  de 
jambon  et  du  sang  des  pigeons  que  vous  aurez  délayé  avec  deux 
jaunes  d'œufs;  mettez  avec  la  chair  du  lièvre  de  très-petits  lar- 


POURPIER.  905 


dons  et  faites-en  une  espèce  de  pâte,  garnissez  une  tourtière  (Je 
bardes  de  lard,  mettez  au  fond  le  ragoût  de  pigeons  et  autour  le 
hachis  que  vous  aurez  fait.  Couvrez  le  tout  et  faites  cuire  comme 
il  est  dit  ci-dessus.  Quand  votre  poupeton  est  cuit,  vous  le  ren- 
versez sur  un  plat,  le  garnissez  tout  autour  de  tranches  de 
jambon  et  Tarrosez  avec  une  essence  de  jambon. 

Poupeton  au  maigre.  —  Ecaillez  deux  ou  trois  carpes,  ôtez- 
en  les  peaux,  désossez-les  et  faites  un  hachis  avec  la  chair  et 
celle  d'une  anguille,  des  champignons,  du  persil,  de  la  ciboule, 
du  sel,  poivre,  un  peu  de  basilic  et  de  muscade;  pilez  une  dou- 
zaine de  grains  de  coriandre  avec  trois  ou  quatre  clous  de  girofle 
dans  un  mortier,  et  mettez-y  votre  hachis;  vous  mêlez  et  pilez 
bien  le  tout,  vous  mettez  du  beurre  à  proportion,  vous  ajoutez 
un  peu  de  mie  de  pain  mitonné  dans  du  lait  ou  de  la  crème 
et  trois  ou  quatre  jaunes  d*œufs  crus  délayés  ensemble,  vous 
Kez  le  tout  ensemble  et  laissez  refroidir  cette  farce.  Vous  faites 
pendant  ce  temps  un  ragoût  de  laitances  de  carpes  bien  blan- 
chies, vous  le  liez  d'un  coulis  d'écrevisses  et  vous  le  laissez 
refroidir. 

Vous  beurrez  le  fond  d'une  tourtière,  vous  y  étendez  du 
papier  et  vous  en  garnissez  le  fond  et  les  bords  avec  votre  farce  ; 
mettez  le  ragoût  de  laitances  au  fond,  couvrez-le  du  restant  de 
la  farce  que  vous  unissez  avec  un  œuf  battu,  arrosez  d'un  peu 
de  beurre  fondu,  faites  cuire  au  four  comme  il  est  dit  ci-dessus, 
renversez  votre  poupeton,  faites  un  trou  au  milieu  et  mettez-y  un 
coulis  d'écrevisses. 

POURPIER.  —  Plante  à  feuilles  larges,  épaisses  et  char- 
nues, qu'on  emploie  quelquefois  pour  garnir  des  salades,  et  que, 
dans  certains  pays,  on  prépare  à  la  manière  des  cardes.  Après 
avoir  été  blanchie,  on  peut  la  placer  sous  un  gigot  de  naouton 
rôti,  où  elle  reçoit  une  saveur  agréable  du  jus  dont  elle  s'im- 
prègne. On  peut  aussi  la  confire  dans  du  vinaigre  et  du  sel,  et 
elle  se  conserve  très-longtemps. 

Friture  de  pourpier  à  la  Milanaise.  —  Faites  macérer  pen- 
dant quelques  heures  des  tiges  de  pourpier  dans  leur  entier  avec 
du  jus  de  citron,  de  la  cannelle  et  du  sucre  en  poudre.  Trempez- 
les  ensuite  dans  une  pâte  à  frire  mêlée  avec  des  blancs  d'œufs 


9o6  PRUNES. 


fouettés  et  un  peu  d'eau-de-vie;  faites  cuire  à  petit  feu  et  servez 
chaudement. 

Ragoût  de  côtes  de  pourpier.  —  Épluchez  des  côtes  de 
pourpier  et  faites-les  cuire  à  demi  dans  une  eau  blanche,  égout- 
tez-les  et  mettez-les  ensuite  dans  une  casserole  avec  du  coulis 
clair  de  veau  et  de  jambon  ;  faites  mitonner  à  petit  feu  et  réduire, 
mettez  ensuite  un  peu  de  beurre  manié  de  farine,  donnez  au 
ragoût  une  pointe  de  vinaigre. 

Se  sert  avec  toutes  sortes  d'entrées. 

PRALINES.  —  (V.  Dragées.) 

PRÉSURE.  —  On  donne  particulièrement  ce  nom  à  une 
liqueur  acide  contenue  dans  la  caillette  des  veaux  et  des  jeunes 
animaux  ruminants  à  Tâge  où  ils  sont  encore  nourris  de  lait,  et 
qui  sert  à  faire  cailler  le  lait  qu'on  prépare  pour  en  faire  des  fro- 
mages. 

On  conserve  la  présure  de  la  manière  suivante  : 

Videz  une  caillette  de  veau  uniquement  nourri  de  lait, 
lavez-la,  remettez-y  le  lait  caillé  qui  y  était  contenu  avec  une 
poignée  de  sel,  liez-en  l'ouverture  avec  une  ficelle  et  mettez-la 
dans  un  pot  avec  une  bouteille  d'eau-de-vie  et  six  onces  d'eau, 
couvrez  bien  le  pot  et  faites  infuser  un  mois,  puis  filtrez-la  et 
conservez -la  dans  une  bouteille  bien  bouchée,  pour  vous  en 
servir  au  besoin , 

Une  cuillerée  à  café  de  présure  sufiît  pour  cailler  le  lait. 

PROFITEROLLES.  —  Entremets  sucré.  Ce  gâteau  se 
trouve  chez  tous  les  pâtissiers  des  grandes  villes.  Nous  ne  croyons 
pas  devoir  en  donner  la  recette.  On  fait  des  profiteroUes  au 
chocolat. 

PROVENÇALE  (Sauce  à  la).  —  Elle  se  fait  avec  deux 
jaunes  d'oeufs  crus,  une  cuillerée  de  jus  ou  de  consommé  réduit, 
de  l'ail,  du  piment  enragé  et  le  jus  de  deux  citrons.  On  la  fait 
prendre  au  bain-marie,  sur  de  la  cendre  chaude,  en  la  remuant 
toujours  afin  qu'elle  prenne  consistance.  On  y  ajoute  de  l'huile 
d'olive  que  Ton  y  mêle  bien,  et  on  la  sert  en  entrée  de 
poisson. 

PRUNES.  —  Les  prunes  furent  apportées  de  Syrie  et  de 
Datnas  par  les  Croisés,  et  leurs  différents  noms,  comme  on  le 


PRUNEAUX.  907 


pense  bien,  ont  une  signification.  Ainsi,  celles  de  Reine-Claude 
doivent  leur  nom  à  la  première  femme  de  François  !•',  fille  de 
Louis  XII.  On  lit  que  cette  bonne  reine  Claude  ^f  greffer  de 
cet  arbre  dans  son  jardin  pour  en  bailler  à  tous.  Celles  de  Mira- 
belle ont  été  apportées  en  Provence,  puis  en  Lorraine,  par  le  roi 
René.  Quant  à  celles  de  Monsieur^  on  les  nommait  ainsi  parce 
que  Monsieur,  frère  du  roi  Louis  XIV,  les  aimait  beaucoup  et 
ne  pouvait  s'en  rassasier. 

Les  prunes  sont  d'excellents  fruits,  très-sucrés  et  très-nour- 
rissants, un  peu  acidulés  dans  la  plupart  des  variétés,  suscep- 
tibles de  former  une  boisson  fermentée  bien  supérieure  à  celle 
que  boivent  les  cultivateurs  dans  quelques-uns  de  nos  départe- 
ments. Dans  quelques-unes,  la  matière  sucrée  paraît  unie  à  un 
principe  légèrement  acerbe  qui  disparaît  par  la  cuisson,  et 
comme  ces  espèces  ont  un  parenchyme  abondant,  ce  sont  celles 
qui  forment,  par  la  dessiccation  imparfaite  qu'on  leur  fait  éprou- 
ver, les  meilleurs  pruneaux. 

On  fait  avec  les  prunes  d'excellentes  compotes,  des  confi- 
tures, des  marmelades,  pâtes,  ratafias  et  puddings.  (Voyez  ces 
articles.) 

PRUNEAUX.  —  On  donne  ce  nom  aux  prunes  cuites  au 
four.  Leur  fabrication  est  des  plus  simples;  elle  consiste  à  cueillir 
les  prunes  lorsqu'elles  sont  bien  mûres,  à  les  déposer  sur  des 
claies,  à  les  exposer  dans  le  four  à  une  douce  température  trois 
ou  quatre  fois  de  suite;  après  ces  opérations,  les  pruneaux,  dépo- 
sés dans  un  lieu  sec,  se  conservent  sans  altération  pendant  une 
ou  deux  années.  On  emploie  le  plus  ordinairement  pour  cette 
dessiccation  les  prunes  de  Damas. 

Les  pruneaux  de  quelques  pays,  de  Tours,  de  Nancy,  de 
Brignoles,  d'Agen,  ont  acquis  une  réputation  méritée  et  sont  la 
source  d'un  revenu  très-important;  ils  sont  d'ailleurs  préparés 
avec  beaucoup  plus  de  soin  que  les  pruneaux  communs  du 
commerce. 

Pour  préparer  les  pruneaux  de  Tours,  il  faut  prendre  des 
prunes  de  Sainte-Catherine,  bien  mûres,  qui  tombent  de  la 
branche  à  la  moindre  secoussp;  on  les  range  sur  des  claies  et  on 
les  expose  au  soleil  quelques  jours  de  suite;  elles  se  ramollissent 


9o8  PUDDING. 


et  atteignent  le  point  où  elles  contiennent  la  plus  grande  quan- 
tité du  principe  mucoso-sucré.  On  les  met  ensuite  vingt-quatre 
heures  dans  un  four  légèrement  chauffé;  on  les  retire,  on  chaufiê 
le  four  de  nouveau  au  tiers  environ  de  la  chaleur  nécessaire  au 
pain  et  on  remet  les  prunes,  en  ayant  toujours  soin  de  boucher 
exactement  l'ouverture  du  four.  On  répète  une  troisième  fois  la 
même  opération,  en  élevant  toujours  la  température  du  four.  A  ce 
point,  on  prend  les  pruneaux  un  à  un,  on  les  presse  entre  le  pouce 
et  l'index,  après  avoir  tourné  le  noyau  de  travers;  on  remet  les 
pruneaux  au  four  chauffé  à  la  température  qu'il  a  lorsqu'on  retire 
le  pain;  le  four  doit  être  hermétiquement  fermé  à  Touverture. 
Après  une  heure  de  cette  chauffe,  on  retire  les  pruneaux,  on 
place  pendant  deux  heures  dans  le  four  un  vase  contenant  de 
l'eau;  enfin,  on  remet  les  pruneaux  après  avoir  ôté  le  vase,  on 
ferme  hermétiquement  et  on  laisse  passer  pendant  vingt-quatre 
heures;  c'est  alors  qu'ils  auront 27r/^  le  blanc. 

Les  pruneaux  ainsi  préparés  sont  superposés  les  uns  sur  les 
autres  dans  de  petits  paniers  et  conservés  en  lieu  sec.  La  matière 
blanche  qu'on  y  développe  par  la  dernière  opération,  matière  de 
nature  résineuse,  paraît  plutôt  nuisible  qu'utile  à  la  qualité  :  elle 
les  rend  moins  faciles  à  digérer.  Les  pruneaux  d'Agen  qui  se 
préparent  delà  même  façon  ne  reçoivent  pas  le  blanc  et  beaucoup 
de  personnes  les  préfèrent. 

On  fait  ordinairement  cuire  les  pruneaux  avec  du  sucre, 
excepté  les  brignoles  qui  sont  assez  sucrés  par  eux-mêmes  pour 
ne  pas  en  avoir  besoin,  et,  pour  donner  plus  de  relief  à  ces  com- 
potes, on  y  mêle  un  peu  de  vin  de  Bordeaux. 

PUDDING.  —  Mets  anglais  dont  nous  avons  déjà  parlé  à 
Tarticle  Plum-  pudding.  Nous  allons  donner  ici  quelques  recettes 
françaises. 

Pudding  de  pommes  de  reinette  au  raisin  muscat.  —  Pelez 
et  épépinez  quelques  pommes  de  reinette  coupées  par  quartiers, 
et  émincez  chaque  quartier  en  cinq  parties  égales;  sautez  ces 
pommes  dans  une  grande  casserole  avec  120  grammes  de  sucre 
fin  sur  lequel  vous  aurez  râpé  le  zeste  d'un  citron,  125  grammes 
de  beurre  tiède  et  250  grammes  de  muscat  bien  lavé  et  dont  vous 
aurez  ôté  les  pépins.  Placez  votre  casserole  sur  le  fourneau,  feu 


PUDDING.  909 


dessus  et  dessous,  et  aussitôt  que  les  pommes  sont  bien  échauffées, 
vous  les  versez  sur  votre  plafond  de  pâte,  vous  mettez  cuire  le 
tout  ensemble  et  vous  terminez  l'opération  comme  il  est  indiqué 
à  Tarticle  Plum-puddïng. 

Grand  pudding  à  la  moelle,  —  Procurez-vous  y 2  grammes 
de  graisse  de  rognon  de  bœuf  et  36  grammes  de  moelle  bien 
entière,  ôtez  les  pellicules  de  la  graisse  et  hachez-la  très-fin  en  y 
ajoutant  la  moelle  et  quelques  onces  de  farine  tamisée,  un  quart 
de  sucre  en  poudre,  cinq  œufs,  un  demi*-verre  de  lait  et  le  quart 
d'un  verre  de  vieille  eau-de-vie  de  Cognac;  délayez  bien  ce 
mélange,  mélez-y  la  moitié  d'une  noix  muscade  râpée,  une 
bonne  pincée  de  sel  fin,  2  onces  de  cédrat  confit  en  filets, 
6  onces  de  beau  raisin  de  Corinthe  épluché  et  lavé,  6  onces  de 
vrai  Muscat  dont  vous  séparerez  les  grains  en  deux,  ajoutez  trois 
belles  pommes  de  reinette  hachées  très-fin  et  la  moitié  d'un  pot 
de  marmelade  d'abricots  pour  donner  du  moelleux  au  pudding. 
Le  tout  étant  parfaitement  amalgamé,  vous  le  versez  sur  le 
milieu  d'une  serviette  presque  entièrement  beurrée  et  vous  liez 
cette  serviette  de  manière  à  donner  une  forme  ronde  au  pudding 
au  milieu  duquel  vous  attachez  avec  une  épingle  le  bout  d'un 
cordon  de  quinze  lignes  de  longueur  qui  sera  tenu  à  Tanneau 
d'un  poids  de  dix  livres  afin  de  contenir  le  pudding  fixe  à  Tébul- 
lition,  point  essentiel  de  l'opération  ;  vous  mettez  alors  le  pud- 
ding et  le  poids  dans  une  grande  marmite  pleine  d'eau  bouil- 
lante que  vous  aurez  soin  de  toujours  tenir  en  ébuUition  sur  un 
feu  modéré  pendant  quatre  heures  et  demie.  Au  bout  de  ce 
temps,  ôtez-le  de  la  ser\âette  en  le  dressant  sur  un  couvercle, 
puis  avec  un  couteau  tranchant  enlevez-en  la  superficie  afin  d'en 
séparer  les  parties  blanchies  par  l'ébuUition  que  vous  couvrez 
d'un  bol  que  vous  retournerez  ensuite  pour  parer  le  dessous  du 
pudding  sur  lequel  vous  placez  le  plat  et  que  vous  renversez  sens 
dessus  dessous,  ôtez  le  bol,  masquez  l'entremets  d'une  sauce  au 
vin  d'Espagne  et  servez  de  suite. 

Vous  faites  la  sauce  de  cette  manière  :  délayez  dans  une  cas- 
serole quatre  jaunes  d'œufs  avec  une  demi-cuillerée  de  fécule, 
2  onces  de  sucre  fin,  i^n  peu  de  beurre  d'Isigny,  un  grain  de 
sel  et  deux  verres  de  vin  de  Malaga,  Tournez  cette  sauce  sur  un 


9IO 


PUDDING. 


feu  modéré  ;  aussitôt  qu'elle  s'épaissit,  passez-la  à  l'étamine  tine 
et  servez-la  à  proximité  du  pudding. 

Pudding  à  la  Parisienne j  appelé  Pudding  du  cabinet  diplo- 
matique. —  Hachez  très-fin  une  gousse  de  vanille  bien  givrée, 
pilez-la  avec  4  onces  de  sucre  et  passez  le  tout  au  tamis; 
hachez  très  -  fin  une  livre  de  graisse  de  rognon  de  veau  et  une 
demi-livre  de  moelle  de  bœuf  ;  joignez-y  une  demi-livre  de  farine 
de  crème  de  riz,  délayez  ce  mélange  dans  une  casserole  avec  sept 
jaunes  d'œufs  et  deux  «ufs  entiers,  un  demi -verre  de  crème  et 
un  demi-verre  de  vrai  marasquin  d'Italie,  une  pincée  de  sel  tin, 
le  quart  d'une  muscade  râpée,  deux  onces  de  pistaches  entières, 
quatre  de  macarons  doux  concassés  gros,  le  sucre  à  la  vanille, 
une  once  d'angélique  hachée,  trente  belles  cerises  confites,  égout- 
tées,  séparées  en  deux,  puis  six  pommes  d'api,  hachées  très-tin; 
amalgamez  bien  le  tout  ensemble,  puis  versez  le  pudding  sur  la 
serviette  et  finissez  le  procédé  selon  la  règle. 

Pendant  la  cuisson,  vous  coupez  en  filets  2  onces  de  pis- 
taches (chaque  amande  en  six  morceaux),  et  lorsque  le  pudding 
est  tout  paré,  prêt  à  servir,  vous  semez  dessus  du  sucre  en 
poudre,  vous  y  fiche^  les  filets  de  pistaches,  dans  le  genre  des 
pommes  meringuées  en  hérisson,  vous  servez  promptement  et 
faites  la  sauce  comme  à  l'ordinaire. 

On  peut,  en  place  de  cerises,  y  mettre  le  même  nombre  de 
beaux  grains  de  verjus  confit,  et,  en  place  de  pistaches  entières, 
deux  onces  de  cédrat  confit  et  coupé  en  petits  filets. 

Pudding  aux  groseilles  vertes  et  roses,  —  Ayez  une  livre 
de  groseilles  vertes  et  bien  mûres,  une  autre  livre  des  roêoies 
groseilles,  mais  roses  et  de  bonne  maturité;  vous  en  ôtez  la 
fleur  et  la  queue  avec  le  bec  d'une  plume,  vous  les  épépinez  et 
vous  les  roulez  avec  six  onces  de  sucre  fin.  Continuez  le  pud- 
ding comme  il  est  indiqué  ci-dessus.  (Recette  de  M,  de  Cour- 
champ,) 

Pudding  aux  fraises.  —  Épluchez  deux  livres  ou  plus  de 

a 

belles  fraises,  lavez-les  vivement,  egouttez-les  sur  une  serviette, 
roulez-les  ensuite  dans  une  terrine  avec  -six  onces  de  sflcre  un  et 
versez-les  dans  le  pudding  que  vous  aurez  gréparé^elon  k  règle; 
finissez  comme  de  coutume. 


PUDDING.  911 


Les  puddings  aux  framboises,  aux  prunes,  aux  cerises,  aux 
abricots  se  préparent  de  même. 

Pudding  de  pommes  à  la  crème,  —  Coupez  par  quartiers 
quinze  pommes  de  reinette,  épluchez-les ,  faites-les  cuire  dans 
une  grande  casserole  avec  du  sucre  fin,  un  peu  de  beurre  tiède; 
préparez  ensuite  la  moitié  de  Tune  des  recettes  des  crèmes  pâtis- 
sières (W.  cet  article),  préparez  une  abaisse  de  pâte  fine,  placez-y 
les  quartiers  de  pommes  au  fond  et  autour,  de  façon  à  laisser  au 
milieu  un  creux  pour  y  verser  la  crème,  couvrez  et  finissez  le 
pudding  comme  d'habitude,  et  au  moment  de  servir  masquez-le 
de  marmelade  d'abricots  et  semez  dessus  des  macarons  écrasés. 

Pudding  au  ris[  à  l'orange,  —  Lavez  à  plusieurs  eaux  tièdes 
500  grammes  de  riz  de  la  Caroline  et  mettez-les  à  Teau  froide 
sur  le  feu  ;  égouttez  le  riz  quand  vous  le  voyez  bouillir,  et  faites- 
le  cuire  ensuite  avec  du  lait,  du  beurre  fin  et  du  sucre  en  poudre 
sur  lequel  vous  aurez  râpé  le  zeste  de  deux  oranges  douces. 
Lorsque  votre  riz  sera  crevé  et  de  consistance  un  peu  ferme,  vous 
y  mêlez  250  grammes  de  moelle  hachée,  125  grammes  de  raisin 
de  Corinthe,  la  moitié  de  macarons  amers,  60  grammes  d'écorce 
d'orange  confite  coupée  en  dés,  six  jaunes  d'oeufs,  trois  œufs 
entiers,  un  demi- verre  d'eau-de-vie  d'Andaye,  une  pincée  de  sel; 
amalgamez  bien  le  tout  et  versez-le  sur  une  serviette  beurrée; 
finissez  l'opération  comme  de  coutume,  mais  en  ne  laissant 
bouillir  que  deux  heures  au  lieu  de  quatre  ;  dressez  le  pudding 
sur  le  plat,  masquez-le  avec  60  grammes  de  macarons  écrasés  et 
servez-le  sans  sauce. 

On  peut  remplacer  le  raisin  muscat  par  du  Corinthe;  on 
peut  aussi  supprimer  la  moelle  et  la  remplacer  par  du  beurre 
tiède  en  y  ajoutant  de  la  muscade. 

Cabinet  pudding  (entremets  anglais).  —  Ayez  de  gros  bis- 
cuits ou  des  morceaux  de  gâteau  de  Savoie  que  vous  coupez  en 
tranches.  Beurrez  un  moule  et  mettez  au  fojnd  quelques  raisins 
de  caisse  épépinés  et  autant  de  raisins  de  Corinthe  lavés  et 
épluchés,  joignez-y  quelques  morceaux  de  cédrat  confit  coupés 
en  petits  dés;  placez  une  couche  de  biscuits,  pais  une  couche  de 
fruits,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  ce  que  le  moule  soit  r^pli.  Pré^ 
parez  une  crème  à  l'anglaise,  versez;.-la  dans  le  moule  afin  qu'elle 


ÇI2  P  U  N  CH. 


s'incorpore  dans  le  biscuit,  mettez  le  pudding  au  bain-marie 
pendant  une  heure,  arrosez-le  avec  un  peu  de  gelée  de  groseille 
et  servez. 

Pudding  au  pain  ou  Bread-pudding.  —  Prenez  un  plat 
creux  qui  aille  au  feu,  garnissez-le  de  tranches  de  pain  beurrées 
que  vous  saupoudrez  de  raisins  de  Corinthe  bien  lavés  et  bien 
épluchés;  délayez  deux  œufs  entiers  avec  un  litre  de  lait  que 
vous  aurez  assaisonné  de  sucre  en  poudre  et  de  zeste  de  citron; 
versez  le  tout  sur  les  tranches  de  pain,  faites  cuire  à  un  four 
doux  pendant  une  demi-heure  et  servez. 

PUITS.  —  Puits,  en  termes  culinaires,  désigne  le  vide  qu'on 
doit  former  dans  la  pâte  pour  y  introduire  les  divers  ingrédients 
qui  entrent  dans  sa  composition  pour  la  délayer  plus  commodé- 
ment et  pour  y  mélanger  la  levure.  On  nomme  également 
puits  le  vide  laissé  par  des  viandes  dressées  en  couronne,  destiné 
à  recevoir  un  ragoût,  un  coulis  ou  autre  garniture. 

PUITS  D*AMOUR.  —  Espèce  de  pâtisserie  feuilletée,  faite 
de  pâte  et  de  confiture. 

PUNCH.  —  A  Teau-de-vie,  au  rhum,  au  kirsch,  au  vin,  le 
punch  n'est  autre  chose  qu'une  de  ces  liqueurs  dans  lesquelles  on 
met  du  sucre  et  des  tranches  de  citron,  de  la  muscade  et  de  la 
cannelle;  on  met  ensuite  le  feu  aux  liqueurs  qui  par  là  deviennent 
un  composé  excellent.  Nos  voisins  les  Anglais  ont  un  goût  par- 
ticulier pour  les  punchs;  on  peut  en  juger  par  celui  que  donna 
sir  Edward  Russel,  commandant  en  chef  des  forces  britanniques, 
le  25  octobre  1654.  Ce  bol  de  punch,  le  plus  extraordinaire  dont 
on  ait  jamais  entendu  parler,  fut  préparé  dans  le  vaste  bassin  de 
marbre  du  jardin  de  sa  maison  :  quatre  barriques  d'eau-de-\ne, 
huit  barriques  d'eau  clarifiée,  vingt-cinq  mille  limons,  quatre- 
vingts  pintes  de  jus  de  citron,  treize  quintaux  de  sucre  de  Lis- 
bonne, cinq  livres  de  muscade,  trois  cents  biscuits  piles,  et  enfin 
une  pipe  de  vin  de  Malaga  furent  versés  dans  le  bassin  sur  lequel 
un  dais  avait  été  dressé  pour  le  garantir  de  la  pluie  ;  on  a\'ait 
construit  en  bois  de  rose  un  petit  batelet  dans  lequel  un  mousse 
élégamment  habillé,  appartenant  à  la  flotte,  voguait  sur  le  punch 
même,  et  en  servait  à  la  compagnie,  composée  de  plus  de  six 
mille  personnes. 


PUNCH.  913 


En  général,  cette  boisson  se  boit  chaude,  et  pendant  long- 
temps un  bol  de  punch  enflammé  constitua  en  Angleterre  le  der- 
nier et  indispensable  service  de  tout  repas  bien  ordonné.  Cette 
liqueur  est  très-fortifiante  et  très- agréable;  elle  convient  beau- 
coup après  les  grandes  fatigues  pour  rappeler  la  transpiration 
qui  pourrait  avoir  été  supprimée  par  l'humidité,  le  froid  et  la 
pluie.  On  peut  en  boire  plusieurs  verres  sans  crainte  qu'elle 
fasse  mal. 

D'après  le  Dictionnaire  de  Trévoux,  le  punch  était  connu 
en  1763  sous  le  nom  de  bonne  ponche;  il  se  composait  alors  avec 
une  chopine  d*eau-de-vie,  une  pinte  de  limonade  et  une  livre  de 
cassonade  mélangées  ensemble;  on  y  ajoutait  de  la  muscade  en 
poudre  et  des  galettes  de  mer  grillées  et  broyées;  mais  cette 
boisson  n'était  guère  connue  que  des  marins  de  nos  navires 
marchands. 

Voici  la  meilleure  formule,  selon  nous,  pour  faire  aujour- 
d'hui le  punch  à  la  française  : 

Mettez  dans  le  même  bol  une  bouteille  de  vieux  rhum  de  la 
Jamaïque,  avec  deux  livres  de  sucre  royal  et  concassé,  faites-y 
prendre  le  feu  et  agitez  le  sucre  avec  une  spatule  afin  qu'il  se 
caramélise  en  brûlant  avec  le  rhum;  après  diminution  d'un  tiers 
du  liquide,  immiscez  dans  le  même  bol  et  mélangez  avec  ce  rhum 
sucré  quatre  pintes  de  thé  Soutchon,qui  doit  être  bouillant,  joi- 
gnez-y le  suc  de  huit  citrons  et  de  douze  oranges  bien  mûres. 
Ajoutez-y  finalement  du  blanc  rack  de  Batavia,  la  valeur  d'un 
quart  de  pinte,  et  servez,  avec  ce  punch,  qui  doit  être  très-chaud 
afin  de  bien  produire  tous  ses  effets,  une  corbeille  de  gaufres 
aux  macarons  d'amandes,  ou  de  tous  autres  gâteaux  secs  et  de 
fine  pâte. 

Punch  à  la  Dupoujr,  —  Prenez  un  ananas  et  découpez -le 
par  fines  tranches,  saupoudrez-les  avec  du  sucre  candi  parfaite  - 
ment  pulvérisé,  versez  sur  le  tout  une  bouteille  de  vieux  vin  de 
Sillery  blanc  non  mousseux,  un  flacon  de  véritable  kirsch -was- 
ser  de  la  forêt  Noire,  ou  sinon  de  vénérable  eau-de-vie  de  Cognac, 
ou  de  vieux  rhum  américain;  brûlez  légèrement  et  buvez  très- 
chaud.  Le  lendemain  vous  n'aurez  pas  de  démenti  à  craindre  en 
disant  que  vous  avez  bu  du  punch  comme  on  n'en  a  jamais  bu, 

y8 


914  PURÉE- 

comme  on  n'en  boit  nulle  part,  si  ce  n'est  dans  les  salons  privi- 
légiés de  nos  véritables  illustrations  gastronomiques. 

On  fait  aussi  avec  le  punch  des  crèmes,  des  gelées,  des  bis- 
cuits, des  massepains,  des  sorbets,  etc.  (V.  ces  articles.) 

PURÉE.  —  Les  purées,  qui  sont  le  produit  de  substances 
farineuses  ou  d'autre  nature,  ont  deux  emplois  bien  distincts; 
elles  constituent  à  elles  seules  des  plats  d'entremets  et  servent  de 
garniture  ou  litière  pour  accompagner  des  rôtis  ou  des  entrées; 
elles  diffèrent  des  sauces  par  leur  consistance  plus  ferme  et  leur 
épaisseur. 

Purée  de  pommes  de  terre.  —  Epluchez  bien  vos  pommes 
de  terre,  lavez-les,  émincez-les  et  mettez-les  dans  une  casserole 
avec  un  verre  d'eau,  un  peu  de  beurre,  sel  et  muscade  ;  faites-les 
cuire  pendant  une  demi-heure,  feu  dessus  et  dessous,  puis  maniez- 
les  avec  une  cuillère  de  bois,  remettez-les  au  feu,  faites-les  réduire 
et  mettez  pour  les  finir  un  bon  morceau  de  beurre  et  un  peu  de 
sucre  en  poudre. 

Purée  de  pommes.  —  Faites  une  marmelade  de  pommes 
sans  la  sucrer,  assaisonnez-la  avec  un  peu  de  sel  et  de  jus  de  rôti 
non  dégraissé  ;  puis  vous  la  servez  comme  litière  sous  un  carré 
de  porc  frais  cuit  à  la  broche,  ou  un  oison  rôti,  ou  des  boudins 
grillés. 

Purée  d'oignons.  —  Épluchez  une  trentaine  d'oignons, 
retranchez-en  la  tête  et  la  queue  et  coupez-les  en  tranches, 
passez-les  au  beurre  assaisonné  de  sel  et  de  poivre,  faites-leur 
prendre  une  belle  couleur.  Mouillez  avec  du  bon  bouillon  et 
un  peu  de  jus,  faites  réduire,  passez  les  oignons  au  tamis  clair 
en  pressant  avec  le  manche  d'une  cuiller  et  mêlez-y  un  peu  de 
caramel. 

Si  vous  voulez  obtenir  une  purée  blanche  à  la  Soubise, 
vous  ne  faites  pas  prendre  couleur  aux  oignons,  vous  mouil- 
lez avec  du  jus  blond ,  un  verre  de  vin  blanc  et  une  cho- 
pine  de  crème ,  vous  faites  réduire  à  grand  feu  et  passez  à 
l'étamine. 

Purée  de  marrons,  —  Enlevez  la  première  et  la  seconde 
peau  de  marrons  rôtis,  passez-les  dans  une  casserole  avec  un  peu 
de  beurre,  et  mouillez-les  avec  du  bouillon  et  un  verre  de  vin 


PUREE.  91J 

blanc;  faîtes  fondre  vos  marrons  à  petit  feu,  pilez-les  et  passez- 
les  au  tamis;  faites  cuire  à  part  une  demi-douzaine  de  saucisses, 
ajoutez  à  votre  purée  de  marrons  le  jus  et  la  graisse  des  saucisses 
et  servez-les  comme  litière  aux  saucisses. 

On  peut  remplacer  les  saucisses  par  des  côtelettes. 

Purée  d'oseille,  —  Hachez  de  l'oseille,  des  cœurs  de  laitue 
et  du  cerfeuil,  mettez  le  tout  et  faites-le  revenir  dans  une  casse- 
role avec  un  bon  morceau  de  beurre. 

Quand  Toseille  est  bien  fondue,  vous  mouillez  avec  du 
bouillon  ;  faites  réduire,  passez  au  tamis,  ajoutez  à  la  purée  du 
jus  ou  un  fond  de  cuisson,  liez-la  avec  des  jaunes  d'œufs  et  faites- 
la  cuire  sans  la  laisser  bouillir. 

Purée  des  quatre  racines,  —  Prenez  quelques  carottes,  des 
oignons,  des  navets,  un  ou  deux  panais;  émincez  le  tout  et 
mettez-le  dans  une  casserole  avec  un  bon  morceau  de  beurre; 
mouillez  avec  du  bouillon  et  remuez  jusqu'à  ce  que  les  légumes 
commencent  à  se  fondre.  Laissez  cuire  deux  ou  trois  heures, 
retirez-les,  écrasez-les  sur  un  tamis  de  crin  ou  une  passoire  à 
petits  trous,  mouillez-les  de  temps  en  temps  avec  un  peu  de  leur 
bouillon,  remettez  la  purée  dans  la  casserole,  ajoutez-y  du  jus 
ou  un  fond  de  cuisson,  ou  un  mouillement  réduit,  joignez-y  un 
peu  de  caramel  d'une  couleur  claire  et  servez  pour  entremets  ou 
comme  garniture. 

Purée  de  pois  secs.  —  Faites  cuire  des  pois  avec  de  Teau, 
du  sel,  deux  ou  trois  oignons,  persil  et  ciboules,  écrasez-les  dans 
une  passoire  à  petits  trous  en  versant  de  temps  en  temps  un  peu 
de  bouillon  dessus.  Mouillez-le  avec  la  purée  ;  ajoutez  un  mor- 
ceau de  beurre  et  faites  réduire. 

Si  vous  voulez  faire  votre  purée  au  gras,  vous  mouillez  avec 
du  bon  bouillon;  si  c'est  au  maigre,  vous  mouillez  avec  du  lait 
ou  de  Teau. 

Les  purées  de  lentilles,  de  haricots  blancs  ou  rouges  et  de 
tous  autres  légumes  secs  se  font  de  la  même  manière. 

Purée  sauce  tomate.  —  Prenez  douze  tomates,  fendez-les 
en  deux,  enlevez  les  pépins  de  la  partie  aqueuse,  jetez-les  dans 
une  casserole  ;  ajoutez  une  bonne  mirepoix,  un  bouquet  garni 
de  pointes  d'ail,  des  levures  de  lard,  mouillez  avec  une  cuiller 


9i6  PUREE. 

à  pot  de  consommé,  un  verre  de  vin  blanc,  deux  petits  verres  de 
cognac,  couvrez  de  papier  et  laissez  cuire  une  heure.  Passez  le 
tout  à  Tétamine,  remettez  votre  sauce  sur  le  feu,  faites-la 
dégraisser  sur  Tangle  du  fourneau,  lissez-la  et  mettez- la  au 
bain-marie  pour  sa  destination.  {Recette  Vuillemot.) 

Purée  de  mousserons.  —  Epluchez  et  lavez  des  mousserons, 
faites-les  blanchir,  hachez-les  finement  et  mettez-les  dans  une 
casserole  avec  un  morceau  de  beurre  et  du  jus  de  citron^  faites 
roussir,  mouillez  avec  du  jus  et  faites  réduire. 

Purée  de  volaille.  —  Dépouillez  une  volaille  rôtie,  désos- 
sez-la, hachez -la  finement  et  pilez  la  chair  dans  un  mortier, 
mettez  cette  chair  pilée  dans  une  casserole  avec  du  bon  bouil- 
lon et  un  blond  de  veau,  sel,  poivre;  faites  cuire,  réduire,  et 
tamisez. 

Purée  de  gibier.  —  Faites  rôtir  à  la  broche  trois  perdrix  ou 
bécasses,  dépecez-les,  mettez  les  peaux  et  débris  d'os  dans  une 
casserole  avec  du  vin  blanc  sec,  une  échalote  et  une  feuille  de 
laurier  ;  faites  réduire  des  trois  quarts  et  mouillez  avec  un  peu 
d'espagnole  et  de  coulis  mêlés  avec  du  consommé,  faites  réduire 
de  nouveau  cette  sauce,  dégraissez -la,  passez- la  au  tamis. 
Pilez  ensuite  la  chair  de  votre  gibier,  délayez -la  dans  la  sauce, 
passez -la  au  tamis ,  posez  sur  un  feu  doux  et  laissez  cuire  sans 
bouillir. 

Purée  provençale.  —  Épluchez  des  oignons,  coupez-les  en 
tranches  et  passez-les  sur  le  feu  sans  leur  faire  prendre  couleur, 
ajoutez  quatre  cuillerées  de  velouté,  une  pinte  de  crème  et  un 
peu  de  sucre  en  poudre;  faites  réduire  votre  purée  à  grand  feu  en 
la  tournant  continuellement,  faites-la  épaissir  et  passez-la  à 
rétamine. 

Si  vous  n'aviez  pas  de  velouté,  vous  pourriez  le  rem- 
placer par  une  cuillerée  de  farine  mêlée  avec  un  peu  de 
crème,  du  sel  et  du  poivre,  et  finir  votre  purée  comme  il  est 
indiqué.  • 

Purée  de  homard.  —  Prenez  un  homard  bien  frais,  brisez-le 
et  retirez-lui  les  chairs  blanches  de  la  queue  et  des  pattes;  cou- 
pez ces  chairs  en  petits  dés,  pilez  bien  les  parures,  les  chairs  et 
les  œufs  qui  se  trouvent  dans  la  coquille  avec  du  beurre  fin, 


PURÉE.  917 

tamisez  et  mettez  ce  que  vous  aurez  passe  chauffer  dans  un  bain- 
marie  après  y  avoir  ajouté  les  chairs  et  la  &rce  du  crustacé  ainsi 
que  son  œuf  et  sa  crème  de  laitance. 

(Voir  pour  les  autres  purées  de  cuisine  les  articles  Navets, 
Carottes,  Aubergines,  Champicnons,  Écrevisses,  Huîtres 
et  Foie  de  Raie.) 


Q. 


QUARTIER  D'AGNEAU  ROTI.  ~  Ce  qu'on  appelle  le 
quartier  d'un  agneau,  c'est  le  gigot  et  la  longe  se  prolongeant 
jusqu'aux  premières  côtes. 

Scier  le  manche  d'un  quartier  d'agneau,  en  ficeler  la  bavette, 
à  défaut  de  broche  à  l'anglaise,  le  traverser  avec  une  brochette 
en  fer,  Tenvelopper  avec  du  papier  graissé,  le  faire  cuire  en  l'ar- 
rosant avec  du  beurre  ou  du  saindoux;  trois  quarts  d'heure  après, 
le  déballer,  le  saupoudrer  avec  de  la  mie  de  pain,  lui  faire  prendre 
couleur,  le  saler,  le  décrocher,  le  dresser  sur  un  plat,  et  le  papil- 
loter, envoyer  un  bon  ;us  à  part. 

En  Angleterre,  on  sert  habituellement  les  quartiers  d'agneaux 
avec  une  sauce  aigre-douce,  composée  d'échalotes  hachées  avec 
de  la  menthe  fraîche,  un  peu  d'eau  et  de  vinaigre  assaisonnés  de 
sel  et  du  sucre. 

QUARTIER  DE  MOUTON  BRAISÉ.  —  Couper  un  gigot 
de  mouton,  en  lui  laissant  adhérer  la  selle  jusqu'à  la  hauteur  des 
côtelettes,  désosser  la  selle,  puis  le  gigot,  jusqu'à  la  jointure  du 
manche,  saler  intérieurement  les  chairs,  les  ficeler  en  leur  don- 
nant une  jolie  forme  allongée,  marquer  le  mouton  dans  une 
casserole  longue  foncée  avec  des  débris  de  lard  et  de  légumes;  le 
saler  légèrement  et  le  mouiller  avec  la  valeur  de  trois  à  quatre 
verres  de  bouillon  ;  poser  la  casserole  sur  le  réchaud,  faire 
réduire  le  liquide  jusqu'à  ce  qu'il  tombe  à  glace,  mouiller  alors 
le  mouton  à  hauteur  avec  du  bouillon  ;  mettre  le  liquide  en 


QUARTIER  DE  DAIM  A  L'ANGLAISE.  919 

ébullition,  pour  retirer  la  casserole  sur  un  feu  très-doux  avec 
des  cendres  chaudes  sur  le  couvercle,  pour  le  cuire  ainsi  pendant 
cinq  heures  au  moins  et  même  davantage,  si  la  viande  ne  prove- 
nait pas  d'un  jeune  animal;  dans  tous  les  cas  il  est  plus  prudent 
de  le  mettre  à  cuire  une  heure  plus  tôt,  pour  n'avoir  pas  même  la 
crainte  de  servir  un  mouton  incuit. 

Quand  le  mouton  est  cuit  à  point,  Tégoutter  sur  un  plafond, 
allonger  le  fond  de  cuisson  avec  du  vin  blanc;  le  faire  bouillir, 
le  dégraisser  avec  de  la  sauce  brune,  débrider  le  mouton,  le 
découper  en  entailles,  le  dresser  sur  un  plat,  empapilloter  le 
manche,  l'entourer  d'une  garniture  aux  petits  oignons,  glacer  et 
dresser  un  bouquet,  le  glacer  au  pinceau  ;  et  verser  une  partie  de 
la  sauce  au  fond  du  plat. 

QUARTIER  DE  VEAU  ROTI  A  L'ANGLAISE.  —  En 
général  les  broches  anglaises  destinées  à  rôtir  les  gros  morceaux 
les  maintiennent  dans  une  espèce  de  cage  sans  donner  la  peine  de 
passer  à  travers  leur  chair  ni  broche  ni  hâtelet  ;  c'est  un  point  sur 
lequel  les  cuisines  françaises  devraient  prendre  exemple. 

Choisir  un  quartier  de  veau  bien  blanc,  le  parer,  scier  le 
manche  au-dessous  de  la  jointure  du  pied,  écourter  l'os  du 
quasi,  l'envelopper  dans  du  papier  beurré,  le  faire  tourner 
devant  un  bon  feu,  une  heure  après  le  déballer  et  finir  de  le  cuire 
en  l'arrosant  avec  la  graisse  de  la  lèchefrite;  le  dresser  ensuite 
sur  un  plat,  parer  le  manche  pour  le  papilloter,  le  faire  accom- 
pagner sur  la  table  d'une  saucière  de  bon  jus  et  d'un  plat  de 
légumes  cuits  à  l'eau  salée  ou  à  la  vapeur. 

QUARTIER  DE  DAIM  A  L'ANGLAISE.  —  C'est  ce  que 
Walter  Scott  dans  ses  romans  appelle  de  la  venaison.  Qui  n'a 
désiré  manger  de  la  venaison  de  Walter  Scott  et  de  la  bosse  de 
bison  de  Cooper  ? 

Malheureusement  les  bisons  sont  bien  loin  de  nous,  mais  il 
n'en  est  pas  de  même  des  daims,  nous  en  avons  dans  toutes  nos 
forêts  :  il  est  vrai  qu'ils  sont  réservés  aux  plaisirs  royaux,  et  que 
nos  daims  à  nous  sont  moins  bons  que  les  daims  anglais.  Quand 
vous  aurez  un  quartier  de  daim,  lavez-le  avec  de  l'eau  tiède, 
essuyezJe  avec  un  linge,  salez-le  et  masquez-le  avec  du  papier 
beurré  ;  puis  vous  l'envelopperez  dans  une  large  abaisse  de  pâte 


920  QUEUE  DE  MOUTON  AUX  OLIVES. 

faite  simplement  avec  de  la  farine  et  de  l'eau  tiède,  en  lui  don- 
nant répaisseur  d'un  centime,  soudez  attentivement  les  jointures, 
puis  soutenez  la  pâte  en  l'enveloppant  à  son  tour  avec  du  papier 
beurré;  faites  rôtir  le  quartier  pendant  trois  heures  en  l'arrosant 
toutes  les  dix  minutes;  quand  il  est  à  point,  déballez -le,  dressez- 
le  sur  un  réchaud  de  table  à  réservoir,  piquez  le  quartier  de 
daim  vers  le  bout  avec  la  pointe  d'un  couteau  afin  de  sortir  le 
jus  de  la  viande;  envoyez  immédiatement  le  quartier  avec  une 
saucière  de  gelée  de  groseilles,  un  plat  de  haricots  blancs,  égout- 
tez  à  la  minute  et  mêlez  avec  un  morceau  de  beurre. 

QUASI  DE  VEAU  A  LA  CASSEROLE.  —  Le  quasi  de 
veau  fait  suite  à  la  longe,  et  se  trouve  placé  à  l'extrémité  du 
cuissot;  dans  le  bœuf  il  représente  le  morceau  qu'on  appelle  la 
culotte. 

Prenez  un  quasi  de  veau,  abattez  l'os  en  dessous  pour  lui 
donner  de  l'aplomb;  posez-le  dans  une  casserole  de  sa  dimension, 
dont  vous  aurez  eu  soin  de  beurrer  grassement  le  fond  ;  le  saler 
en  dessus;  couvrir  la  casserole,  la  poser  sur  le  feu,  et  cuire  le 
quasi  pendant  une  heure  et  demie  à  feu  bien  doux  avec  des 
cendres  sur  le  couvercle  en  le  retournant  souvent  ;  quand  il  est 
cuit  et  d'une  belle  couleur,  dressez-le  sur  un  plat,  versez  dans 
la  casserole  la  valeur  d'un  verre  de  bouillon,  faites  bouillir 
quelques  minutes,  dégraissez-le,  et  le  versez  en  le  passant. 

QUEUE  DE  MOUTON  AUX  OLIVES.  —  Faites  blan- 
chir huit  à  dix  queues  de  mouton,  coupez-en  les  extrémités,  les 
mettez  dans  une  casserole  avec  du  bon  saindoux,  deux  petits 
oignons  et  un  morceau  de  carotte;  posez  la  casserole  sur  le  feu 
pour  faire  revenir  les  viandes;  assaisonnez-les;  quand  elles 
seront  de  belle  couleur,  saupoudrez-les  avec  un  peu  de  farine, 
mouillez-les  avec  un  peu  de  bouillon  chaud,  du  jus,  du  vin 
blanc;  faites  bouillir  le  liquide,  et  dix  minutes  après  retirez  la 
casserole  sur  le  côté  du  feu  ;  si  la  sauce  n'était  pas  de  belle  cou- 
leur, y  mêler  un  peu  de  caramel  ;  puis,  quand  les  queues  seront 
cuites,  vous  égoutterez  la  sauce  dans  une  casserole  en  la  passant 
au  tamis,  vous  la  dégraisserez  avec  soin,  vous  y  ajouterez  un  verre 
de  vin  blanc,  vous  la  ferez  réduire  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  liée  à 
point,  vous  parerez  les  queues;  vous  les  mettrez  avec  leur  sauce; 


J 


QUEUE  DE  HOMARD  A  LA  GELEE.  931 

deux  minutes  après  vous  relirez  la  casserole  du  feu,  vous  mêlez 
vos  olives  au  ragoût  et  vous  le  dressez  sur  un  plat  chaud  à  la  chi- 
corée ou  aux  oignons  glacés  :  tout  est  bon  aux  queues  de  mouton. 
QUEUE  DE  HOMARD  A  LA  GELÉE.  —  Pour  dresser 
ce  plat,  Jàites  d'abord  cuire  à  l'eau  salée,  avec  bouquet  assorti  et 
vinaigre,  trois  petits  homards,  faites-les  refroidir  avec  les  queues 
allongées;  quand  ils  sont  froids,  détachez  les  queues  et  les  grosses 
pattes  ;  sciez  ces  dernières  pour  découvrir  les  chairs  d'un  côté,  les 
enlei'er,  les  passer  à  la  gelée  et  les  remettre  dans  les  coquilles; 
divisez  ensuite  chaque  queue  en  deux  parties  sur  la  longueur, 
sortez  les  chairs  des  coquilles  pour  les  couper;  nettoyez  alors 
ces  coquilles  avec  soin,  essuyez-les,  masquez-les  au  fond  avec 
une  couche  de  gelée  hachée,  et  sur  celle-ci  posez  les  chairs  des 
queues  en  les  renversant,  c'est-à-dire  en  les  appuyant  sur  le 
côté  coupé  avec  les  parties  rouges  à  l'extérieur,  nappez  les  chairs 
au  pinceau  avec  de  la  gelée  à  moitié  prise,  groupez  vos  six 
moitiés  de  queues  et  vos  six  pattes  entières  le  plus  galamment 
possible  sur  ce  qu'on  appelle  un  pain  vert. 


R 


RABIOLES  ou  RAVIOLIS.  —  Excellent  potage  italien, 
dont  voici  la  formule  genevoise  : 

Vous  prenez  une  livre  de  farine  que  vous  placez  sur  une 
table  ou  une  planche  bien  unie,  vous  la  détrempez  avec  trois 
œufs  frais.  Vous  commencez  par  mettre  du  sel,  un  peu  d'eau  et 
les  œufs  au  milieu  de  la  farine  en  maniant  continuellement  jus- 
qu'à ce  que  vous  ayez  obtenu  une  pâte  ferme  et  lisse  ;  alors  vous 
l'abaissez  avec  un  rouleau  le  plus  long  possible,  vous  en  formez 
une  abaisse  mince  comme  du  papier,  en  y  saupoudrant  le  moins 
de  farine  possible;  ayez  une  farce  disposée  que  vous  placez 
par  petites  parties  égales.  Mouillez  votre  pâte,  repliez-la  en 
deux  pour  qu'elle  forme  une  espèce  d'enveloppe,  appuyez  à 
l'entour  afin  que  les  deux  parties  puissent  se  coller  ensemble, 
coupez-les  par  carrés  de  la  grandeur  d'un  pouce,  placez-les  au 
fur  et  à  mesure  sur  des  plats  ou  couvercles  de  casseroles.  Au 
moment  de  servir  votre  potage,  vous  faites  blanchir  vos  rabioles 
dans  du  consommé.  Quand  elles  sont  toutes  montées  sur  le 
bouillon  et  qu'elles  ont  bouilli  cinq  minutes,  vous  les  égouttez, 
vous  piettez  dans  votre  soupière  une  cuillerée  à  pot  de  consommé, 
un  lit  de  rabioles,  un  lit  de  fromage  parmesan  râpé,  du  beurre 
fin  fondu  et  vous  recouvrez  avec  du  jus  afin  qu'elles  baignent  un 
peu.  Servez  le  tout  le  plus  chaudement  possible. 

La  farce  dont  vous  vous  servez  pour  les  rabioles  se  fait  de 
quenelles  de  volailles  auxquelles  vous  joignez  un  peu  de  parme 


RADIS.  933 

San  râpé,  un  peu  de  bourrache  blanchie  et  hachée,  un  peu  de 
lait  cuit  et  de  fromage  à  la  crème  ;  mêlez  le  tout  ensemble  avec 
un  peu  de  muscade  et  de  cannelle,  ainsi  que  deux  jaunes  d'œufs, 
et  n'omettez  pas  d'y  ajouter  du  gros  poivre. 

Les  rabioles  se  font  aussi  blanchir  et  cuire  dans  le  même 
consommé  que  pour  le  potage  en  tortue,  et  alors  on  les  sert  dans 
leur  bouillon  avec  du  fromage  parmesan  râpé  à  proximité  de  ce 
potage. 

RABLE.  —  On  appelle  râble  la  partie  qui  se  trouve  entre 
le  train  de  devant  et  celui  de  derrière  d'un  lièvre  ou  d'un  lapin. 
C'est  cette  partie  qui  est  la  plus  délicate  et  que  l'on  sert  de  pré- 
férence rôtie  :  pour  cela,  on  prend  un  lièvre  ou  un  lapin  dont  on 
retranche  les  épaules  et  les  cuisses  en  coupant  carrément  les 
reins  de  ce  gibier,  qu'on  laisse  en  un  seul  morceau.  On  le  pique 
de  fins  lardons  et  on  l'attache  à  la  broche,  mais  il  faut  au  moins 
trois  ou  quatre  trains  de  lièvre  pour  garnir  suffisamment  un  plat 
de  rôti  ;  on  le  finit  avec  des  tranches  ou  quartiers  de  bigarrade 
pour  garniture.  N'oubliez  pas  de  faire  mariner  le  ou  les  râbles 
de  lièvre  avant  de  les  coucher  en  broche.  (V.  Marinade.) 

RACINE.  —  Cette  dénomination  de  racines  est  applicable  à 
bien  des  sujets,  mais  nous  n'avons  à  nous  occuper  que  de  celles 
dont  on  se  sert  à  la  cuisine  pour  sauces  ou  garnitures,  c'est-à-dire 
des  racines  potagères,  dont  la  partie  comestible  se  trouve  cachée 
sous  la  terre,  telles  que  carottes,  panais,  navets,  betteraves, 
pommes  de  terre  et  topinambours,  et  nous  renvoyons  nos  lecteurs 
à  chacun  de  ces  articles  où  il  a  été  spécialement  traité  des  diffé- 
rentes manières  de  les  apprêter. 

RADIS.  —  Les  radis  offrent  plus  de  dix  variétés  différentes, 
et  il  est  inutile  de  dire  qu'ils  ne  se  mangent  que  crus.  Le  radis  a 
la  forme  du  navet,  mais  il  n'a  pas  son  goût  sucré,  il  est  au  con- 
traire piquant  et  excite  l'appétit;  il  y  en  a  des  blancs,  des  roses 
et  des  rouges  et  le  petit  radis  gris  d'été,  dont  la  saveur  est  plus 
relevée  que  celle  des  autres  espèces. 

Le  radis  est  originaire  de  la  Chine,  et  nous  lisons  dans  les 
capitulaires  de  Charlemagne  qu'il  faisait  partie  des  plantes  pota 
gères  que   ce  monarque  recommandait  aux  régisseurs  de  ses 
terres  de  cultiver. 


934  RAGOUTS. 


Le  radis  se  mange  en  hors-d'œuvre,  avec  du  beurre  et  du 
sel;  il  est  apéritif,  atténuant  et  antiscorbutique. 

RAGOUTS.  —  C'est  par  les  ragoûts  surtout  que  brillait 
l'ancienne  cuisine  française;  c'est  par  les  ragoûts  au  contraire 
que  pèchent  toutes  les  cuisines  et  surtout  la  cuisine  anglaise. 

Jamais  aucune  autre  cuisine  que  la  nôtre  n'atteindra  à  la 
hauteur  de  nos  sauces  piquantes,  ni  à  la  finesse  de  nos  blan* 
quettes  et  de  nos  poulettes. 

Ainsi,  faites  le  tour  du  monde,  et  vous  ne  trouverez  pas  un 
cuisinier,  fût-il  cordon  rouge  et  cordon  bleu,  qui  vous  fasse  une 
omelette  comme  la  mère  de  famille  qui  prépare  le  dîner  de  son 
mari  et  de  ses  enfants. 

Un  mot  d'abord  sur  les  salpicons. 

Les  salpicons  sont  composés  de  toutes  sortes  de  viandes 
et  de  légumes,  comme  ris  de  veau,  truffes,  champignons, 
fonds  d'artichauts,  etc.;  mais  il  faut,  pour  qu'ils  soient  bons, 
que  les  viandes  que  vous  employez  et  que  vous  mettez  dans 
une  égale  proportion  soient  cuites  à  part  ainsi  que  les  légumes, 
afin  que  ces  ingrédients  se  trouvent  d'égale  cuisson  selon  leur 
qualité. 

Salpicon  ordinaire,  —  Il  se  compose  de  ris  de  veau,  de 
foies  gras  ou  demi-gras,  de  jambon,  de  champignons  et  de  truffes 
si  c'est  la  saison;  coupez  cela  en  petits  dés  d'égale  grosseur; 
au  moment  de  servir,  ayez  de  l'espagnole  bien  réduite,  la  quan- 
tité qu'il  vous  faut  pour  vos  chairs  et  vos  légumes;  jetez-les 
dedans,  mettez-les  sur  le  feu  ;  remuez-les  sans  les  laisser  bouillir 
et  servez. 

On  fait  de  même  ce  salpicon  avec  des  quenelles  ou  du  godi- 
veau,  des  blancs  de  volailles  cuites  à  la  broche,  des  crêtes  de 
coqs  et  des  fonds  d'artichauts;  cela  dépend  de  ce  que  Ton  a  et  de 
la  saison  où  l'on  se  trouve. 

Ragoût  de  ris  de  veau.  —  Faites  dégorger  un  ou  deux 
ris  de  veau;  quand  ils  ont  rendu  tout  leur  sang,  faites-les 
blanchir,  marquez-les  dans  une  casserole  avec  une  ou  deux 
carottes,  deux  oignons,  quelques  parures  de  veau, un  bouquet  de 
persil  et  ciboules  ;  assaisonnez,  mettez  vos  ris  de  veau  dans  la 
casserole,  couvrez-les  avec  une  petite  barde  de  lard,  mouillez 


RAGOUTS.  925 


avec  une  cuillerée  ou  deux  de  bouillon,  qu'ils  ne  trempent  pas 
entièrement,  couvrez-les  avec  un  rond  de  papier  beurré,  faites- 
les  partir;  mettez-les  ensuite  sur  le  fourneau  avec  de  la  cendre 
chaude  dessus  et  dessous;  veillez  à  ce  qu'ils  ne  cuisent  pas 
trop;  quand  ils  le  seront  à  leur  point,  retirez-les  de  leur  assai- 
sonnement; si  vous  n'avez  pas  de  sauce,  passez  leur  cuisson  dans 
une  casserole  au  travers  d'un  tamis.  Au  cas  où  vous  voudriez 
les  mettre  au  blanc,  maniez  un  pain  de  beurre  dans  une  pincée 
de  farine  et  quelques  champignons;  mettez  le  tout  dans  cette 
cuisson,  laissez  cuire,  dégraissez;  joignez  quelques  fonds  d'arti- 
chauts si  vous  voulez,  et  ayant  coupé  vos  ris  de  veau  en  tran- 
ches, mettez-les  dans  cette  sauce  sans  les  laisser  bouillir;  lorsque 
vous  serez  pour  les  servir,  faites  une  liaison  de  deux  jaunes 
d'oeufs,  un  peu  de  persil  haché  très-fin,  un  jus  de  citron  si  vous 
n'avez  pas  de  verjus. 

Voici  la  manière  de  les  lier  :  d'abord  cassez  deux  œufs,  ôtez- 
en  les  jaunes  sans  les  rompre  ni  laisser  ni  blanc  ni  germe; 
écrasez-les  avec  une  cuiller,  délayez -les  avec  un  peu  d'eau  et 
du  bouillon  ;  ensuite,  quand  votre  ragoût  sera  bouillant,  retirez- 
le  au  bord  du  fourneau,  tenez  la  queue  de  votre  casserole  d'une 
main,  et  de  l'autre  versez  doucement  votre  liaison  dans  votre 
ragoût  en  le  remuant  toujours,  posez-le  sur  le  feu,  remuez-le 
encore,  ne  le  laissez  jaSiais  bouillir,  mettez-y  sur-le-champ 
un  petit  morceau  de  beurre  pour  que  votre  sauce  soit  moelleuse, 
finissez-la  avec  un  jus  de  citron  ou  un  filet  de  verjus;  qu'elle  ne 
soit  ni  trop  longue  ni  trop  courte,  et  servez. 

Ragoût  de  crêtes  et  de  rognons  de  coqs  en  financière.  — 
Quand  vos  crêtes  auront  été  échaudées  et  cuites  dans  un  blanc 
ainsi  que  les  rognons,  mettez  dans  une  casserole  la  quantité  con- 
venable de  velouté  réduit  si  vous  voulez  votre  ragoût  au  blanc, 
et  d'espagnole  réduite  si  vous  le  voulez  au  roux,  en  y  ajoutant 
un  peu  de  consommé  au  cas  où  votre  sauce  se  trouverait  trop 
liée;  faites  mijoter  vos  crêtes  un  quart  d'heure,  joignez-y,  un 
peu  avant  de  servir  vos  rognons,  quelques  champignons  tournés 
que  vous  aurez  fait  cuire,  des  fonds  d'artichauts  et  des  truffes 
selon  votrp  volonté  ;  si  votre  ragoût  est  au  blanc,  liez-le  comme 
il  est  indiqué  à  l'article  Ragoût  de  ris  de  veau,  et  s'il  est  au 


926  RAGOUTS. 


roux,    suivez  le    même   procédé   que   celui   énoncé  au  même 
article. 

Ragoût  de  laitances  de  carpes.  —  Prenez  vingt-quatre  lai- 
tances, détachez-les  des  boyaux,  jetez-les  dans  Teau  fraîche, 
laissez-les  dégorger  une  demi-heure,  changez-les  d'eau  et  met- 
tez-les sur  le  bord  d'un  fourneau,  laissez-les  dégorger  jusqu'à 
ce  qu'elles  soient  blanches  ;  prenez  une  autre  casserole,  faites-y 
bouillir  de  l'eau  avec  un  peu  de  sel,  égouttez  vos  laitances  et 
jetez-les  dans  cette  eau  ;  obtenez  une  ébullition,  retirez-les  du 
feu,  ayez  dans  une  casserole  quatre  cuillerées  à  dégraisser  d'ita- 
lienne blanche  ou  rousse,  mettez-y  vos  laitances,  faites-leur  jeter 
encore  un  bouillon  ou  deux,  dégraissez-les,  finissez-les  avec  un 
jus  de  citron,  et  servez-les  comme  ragoût  de  laitances,  soit  dans 
une  casserole  d'argent,  soit  dans  une  caisse  ou  dans  un  vol- 
au-vent. 

Ragoût  de  langues  de  carpes.  —  Faites  dégorger  un  cent  de 
langues  de  carpes,  blanchissez-les  comme  les  laitances  de  carpes; 
la  sauce  de  ces  langues  est  la  même  que  celle  des  laitances;  elles 
se.finissent  de  même. 

Ragoût  de  céleri  (Recette  du  docteur  Rocques).  —  Vous 
faites  cuire  du  céleri  haché  comme  la  chicorée  et  les  épînards, 
vous  l'assaisonnez  de  poivre,  de  sel,  dô  muscade;  vous  le  nour- 
rissez de  bon  bouillon  et  vous  le  servez  avec  des  croûtons  dorés; 
vous  pouvez  même,  si  vous  êtes  un  peu  friand,  placer  sur  ce  lit 
bien  douillet  quelques  ortolans  ou  quelques  filets  de  perdreaux 
rouges.  Essayez  de  ce  plat,  chers  confrères  en  gourmandise,  et 
vous  en  serez  peut-être  satisfaits. 

Ragoût  de  tomates  farcies  à  la  Grimod.  —  Après  avoir  ôté 
les  pépins  de  vos  tomates,  vous  les  remplissez  de  chair  à  sau- 
cisses assaisonnée  d'ail,  de  persil,  de  ciboules  et  d'estragon,  puis 
vous  les  faites  cuire  dans  une  tourtière ,  sous  un  four  de  cam- 
pagne. 

Aujourd'hui  on  remplace  volontiers  la  chair  à  saucisses  par 
une  bonne  duxelle  (V.Duxelle)  et  mie  de  pain  dessus.  (V.) 

Vous  servez  cet  entremets  dans  la  tourtière  même,  et  vous 
l'arrosez  de  jus  de  citron. 

Des  truffes  en  général.   (Les   classiques   de  la  tabUy 


RAGOUTS. 


927 


variétés  y  recettes  d'élite.)  —  La  truffe  tient  le  premier  rang 
parmi  les  cryptogames  :  Toronge,  ce  champignon  des  rois, 
Fungus  Caesareus,  comme  l'appelaient  nos  vieux  botanistes,  ne 
vient  qu'après  elle;  au  lieu  d'être  indigeste,  comme  on  l'a 
répété,  elle  favorise  les  fonctions  de  l'estomac,  et  doit  sa  faculté 
dîgestive  à  ses  molécules  légèrement  excitantes,  pourvu  qu'on 
en  use  avec  modération;  elle  nourrit,  restaure,  réchauffe  les  tem- 
péraments froids;  les  viandes,  les  légumes,  le  poisson  et  les 
autres  aliments,  quels  qu'ils  soient,  deviennent  plus  légers  lors- 
qu'ils sont  assaisonnés  aux  truffes.  Il  s'est  trouvé  pourtant  quel- 
ques auteurs  dont  le  palais  n'a  jamais  pu  apprendre  à  savourer 
ces  délicieux  tubercules,  qui  leur  ont  reproché  de  troubler  la 
digestion,  de  causer  l'insomnie,  de  disposer  à  Tapoplexie,  aux 
maladies  nerveuses.  Nous  avons  consulté  un  assez  grand  nombre 
d'amateurs  de  truffes,  les  uns  vieux,  les  autres  jeunes;  ils  ont 
tous,  d'un  commun  accord,  célébré  son  action  bienfaisante.  L'un 
d'eux,  d'un  âge  moyen,  homme  très-spirituel  et  d'un  caractère 
aimable  comme  les  vrais  gastronomes,  me  disait  il  y  a  quelques 
jours  : 

«  Quand  je  mange  des  truffes,  je  deviens  plus  vif,  plus  gai, 
plus  dispos;  j'éprouve  intérieurement,  surtout  dans  mes  veines, 
une  chaleur  douce,  voluptueuse,  qui  ne  tarde  pas  à  se  commu- 
niquer à  ma  tête;  mes  idées  sont  plus  nettes  et  plus  faciles;  je 
fais,  si  cela  me  convient  et  sur-le-champ,  des  vers  pour  des 
poètes  riches,  je  compose  des  discours  pour  quelques  savants 
inquiets,  pour  des  députés  paresseux,  puis  je  m'endors,  ma 
digestion  se  fait  sans  trouble,  mon  sommeil  est  calme;  mais  ce 
qu'on  dit  de  certaine  vertu  des  truffes  est  pour  moi  de  l'histoire 
ancienne.  » 

Au  reste,  qui  ne  connaît  la  truffe  et  son  incomparable  par- 
fum? Est-il  une  production  naturelle  plus  renommée  chez  les 
peuples  anciens  et  modernes?  Les  Romains  l'aimaient  avec  passion 
et  la  demandaient  à  l'Afrique. 

—  Libyen,  s'écrie  Ju vénal,  dételle  tes  bœufs,  garde  tes  mois- 
sons, mais  envoie-nous  tes  truffes. 

«  La  truffe  règne  aujourd'hui  en  souveraine,  non  plus  dans 
les  petits  soupers,  mais  bien  dans  les  banquets,  dans  les  dîners 


9a8  RAGOUTS. 


ministériels.  Elle  remonte  le  ressort  des  organes,  ranime  le  sang 
engourdi,  donne  du  courage,  de  Tesprit  même...  Que  de  résis- 
tances vaincues,  de  doutes  éclaircis  par  un  excellent  ragoût  de 
truffes  !  Qui  pourrait  résister  au  pouvoir  de  cette  composition  qui 
charme  le  goût,  enivre  l'odorat?  Hommage  à  la  truffe  du  Péri- 
gord!  —  Comme  son  arôme  enchanteur  caresse,  flatte,  réjouit  les 
houppes  nerveuses  du  palais  !  Voyez-vous  ce  magistrat  gourmand, 
savourant  avec  délices  les  molécules  parfumées  des  truffes  de 
Sarlat?  On  dirait  qu'il  est  assis  à  la  table  des  dieux.  —  S:îs  yeux 
brillants  de  plaisir  expriment  l'ineffable  impression  du  gaster, 
et  ce  contentement  intérieur,  présage  certain  d'une  heureuse 
digestion  ! 

«  Mais,  nous  dira  quelqu'un,  les  médecins  ont  condamné 
l'usage  des  truffes.  —  Oui,  mais  ils  ont  aussi  proscrit  le  thé,  le 
café.  Pour  quelques  hommes  de  mauvais  goût  et  d'un  esprit  cha- 
grin, que  de  friands,  que  de  gourmets  parmi  les  disciples  d'Es- 
culape  !  Leurs  noms  se  pressent  depuis  Barthez  jusqu'à  Broussais. 
Ici  tout  le  monde  est  d'accord,  tous  les  systèmes  se  modifient, 
et  toutes  les  sectes,  également  friandes,  se  rapprochent.  Bien- 
faisante gastronomie,  voilà  de  tes  miracles!  Tu  persuades,  tu 
inspires,  et,  lorsque  tu  le  veux,  les  médecins,  assis  autour 
d'une  table  chargée  de  mets  succulents,  deviennent  tous  éclec- 
tiques ! 

«  La  truffe  embellit  tout  ce  qu'elle  touche.  —  Sans  parler  des 
mets  les  plus  fins,  auxquels  elle  prête  un  nouveau  charme,  les 
substances  les  plus  simples,  les  plus  communes,  imprégnées  de 
son  arôme,  peuvent  paraître  avec  succès  sur  les  tables  les  plus 
délicates.  » 

Je  suis  du  temps  où  les  truffes  ont  été  le  plus  à  la  mode;  les 
Bourbons  de  la  branche  aînée  gouvernaient,  disait-on,  avec  des 
truffes.  Il  y  avait  deux  reines  théâtrales  qui  reconnaissaient  parti- 
culièrement l'influence  de  ces  estimables  tubercules;  c'étaient 
M"'  Georges  et  M}-^  Mars. 

Tous  les  soirs  oh  ces  dames  jouaient,  et  surtout  aux  époques 
de  leurs  beaux  succès,  il  y  avait  à  souper  chez  elles  pour  quelques 
intimes  ;  elles  rentraient  avec  les  courtisans  de  la  loge  et  trouvaient 
chez  elles  les  courtisans  de  la  maison. 


RAGOUTS. 


939 


Chez  Georges,  on  mangeait  toujours  les  truffes  de  la  même 
façon. 

Chez  Mars,  c'était  l'affaire  de  son  cuisinier,  et  il  avait  là- 
dessus  carte  blanche. 

Mais  chez  Agrippine,  la  femme  de  toutes  les  sensualités,  on 
ne  faisait  grâce  à  la  truffe  d'aucune  des  sensations  qu'elle  pouvait 
donner. 

A  peine  rentrée,  on  apportait  à  Georges,  dans  une  cuvette 
de  la  plus  belle  porcelaine,  une  eau  parfumée  avec  laquelle  elle 
se  lavait  les  mains  ;  puis  des  truffes  qui  avaient  déjà  subi  deux 
ou  trois  ablutions  et  autant  de  frottements,  dans  une  assiette  à  part, 
une  petite  fourchette  de  vermeil  et  un  petit  couteau  à  manche  de 
nacre  et  à  lame  d'acier. 

Agrippine  alors,  de  sa  main  moulée  sur  l'antique,  'de  ses 
doigts  de  marbre  aux  ongles  roses,  commençait  à  éplucher,  le 
plus  adroitement  du  monde,  le  tubercule  noir  qui  était  un  orne- 
ment pour  sa  main,  puis  elle  coupait  par  feuillets  minces  comme 
du  papier,  versait  dessus  du  poivre  ordinaire,  quelques  atomes 
de  poivre  de  Cayenne,  les  imprégnait  d'huile  blanche  de  Lucques 
ou  d'huile  verte  d'Aix  et  passait  le  saladier  à  un  de  ses  serviteurs 
qui  retournait  la  salade  préparée  par  elle. 

Le  reste  du  souper  se  composait,  selon  la  saison,  de  rôti  de 
gibier,  d'une  poularde  de  Bresse  ou  du  Mans»  ou  d'une  dinde  fine 
de  Bourges. 

Puis  venait  la  salade,  dont  ce  souper  n'était  que  le  prologue. 

On  se  ferait  difHcilement  idée  du  parfum  auquel  atteignait 
la  truffe,  réduite  à  ce  simple  assaisonnement  d'huile  et  de 
poivre. 

On  puisait  à  pleine  fourchette  dans  le  saladier,  comme  on 
eût  fait  pour  une  salade  ordinaire. 

Chez  M"*  Mars,  le  service  était  beaucoup  plus  compliqué, 
mais  il  manquait  à  l'assaisonnement  de  la  salade  les  beaux  bras, 
les  belles  mains,  les  ongles  roses  et  surtout  l'abandon  et  le  laisser* 
aller  charmant  d'Agrîppine. 

La  plus  antique  recette  de  truffés  que  nous  pouvons  offrir  à 
nos  lecteurs  est  celle  que  nous  trouvons  dans  Apicius. 

Ragoût  de  truffes  à  VQ4picius.  —  Faites  cuire  d'abord  vos 

59     . 


930  RAGOUTS. 


truffes  dans  Teau,  embrochez-les,  faites-leur  faire  cinq  ou  six 
tours  devant  le  feu,  arrosez-les  avec  de  l'huile,  du  jus  de  citroa, 
du  chervis,  du  poivre  et  du  miel  ;  lorsque  la  sauce  sera  bouillante, 
liez-la  avec  du  vin  et  des  œufs. 

Ragoût  de  truffes  au  vin  de  Champagne,  —  Lavez  plusieurs 
fois  vos  truffes  dans  Teau  tiède  ;  brossez-les  et  mettez-les  dans 
une  casserole  foncée  de  bardes  de  lard,  avec  du  sel,  une.  feuille 
de  laurier,  une  bouteille  de  vin  de  Champagne;  on  couvre  her- 
métiquement la  casserole,  on  fait  bouillir  une  demi-heure,  et  Ton 
sert  les  truffes  sur  une  serviette. 

M.  le  baron  Thiry,  gastronome  distingué,  veut  qu'on  sub- 
stitue au  Champagne  du  vin  de  CoUioure,  et  M.  Bignon,  autre 
autorité,  préfère  le  vin  de  Madère  ou  le  Xérès;  comme  on  ne 
mange  pas  qu'une  seule  fois  dans  sa  vie  des  truffes  à  la  serviette, 
on  peut  essayer  successivement  de  ces  trois  vins. 

Mais  lorsqu'on  veut  conserver  aux  truffes  leur  saveur  natu- 
relle et  sans  mélange,  on  les  enveloppe  une  à  une  dans  du  papier 
beurré  et  on  les  fait  cuire  dans  une  passoire  à  la  vapeur  de  l'eau 
bouillante. 

A  tous  ces  apprêts  il  est  permis  de  préférer  la  truffe  sous  la 
cendre.  Enveloppez  de  papier  beurré,  et  les  mangez  au  beurre 
d'Isigny.  (V.) 

Ragoût  aux  truffes.  —  Prenez  une  livre  de  truffes,  suivant 
vos  besoins;  si  vous  les  achetez  vous-même,  prenez-les  aussi 
rondes  que  possible;  serrez-les  dans  votre  main  :  il  faut,  en 
les  serrant  moyennement,  que  l'on  sente  leur  résistance,  et 
qu'elles  ne  soient  ni  molles  ni  gluantes;  flairez-les  pour  juger  de 
leur  parfum  ;  si  elles  avaient  un  goût  de  fromage,  rejetez-les. 

Après  vous  être  assuré  de  leur  qualité,  jetez-les  dans  l'eau 
fraîche  ;  celles  qui  surnagent  $ont  inférieures  à  celles  qui  restent 
au  fond  ;  ayez  une  petite  brosse,  brossez-les  pour  en  extraire 
absolument  la  terre  et  rejetez-les  dans  un  autre  vase  rempli  d'eau 
claire  et  non  d'eau  chaude,  vu  qu'elles  en  perdraient  leur  par- 
fum, rebrossez-les  et,  avec  la  pointe  du  couteau,  ôtez-en  la 
terre  jusque  dans  lés  Creux  et  les  sinuosités  ;  s'il  s'en  trouve  qui 
aient  des  brochettes,  retirez-les  :  je  parle  ainsi  parce  qu'il  arrive 
que  les  marchands    osent   en    faire  de    grosses   de  plusieurs 


RAGOUTS. 


93T 


petites,  en  les  joignant  l'une  à  l'autre  à  la  faveur  de  ces  bro- 
chettes. Cela  fait,  lavez  vos  truffes  encore  à  une  troisième  eau 
et  même  plus,  vu  qu'il  faut  que  l'eau  reste  limpide.  On  con- 
serve ordinairement  les  plus  belles  pour  servir  sur  la  serviette  ou 
en  croustades  ;  les  autres  se  coupent  par  tranches  et  en  dés  pour 
fzire  la  sauce  aux  truffes,  dont  je  vais  parler. 

Ragoût  aux  truffes  et  à  l'espagnole.  —  Prenez  une  poignée 
de  truffes,  ou  davantage  si  le  cas  le  requiert;  coupez-les  en 
lames  ou  en  dés,  comme  il  est  dit  à  l'article  précédent;  mettez- 
les  dans  une  casserole  sur  un  feu  doux  avec  un  morceau  de  beurre, 
faites-les  suer,  mouillez-les  avec  un  demi-verre  de  vin  blanc, 
deux  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole  réduite;  faites-les  aller 
sur  un  feu  doux  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  cuites;  dégraissez  votre 
sauce  et  finissez-la  avec  un  petit  morceau  de  beurre  ;  ayez  soin 
de  bien  l'incorporer  avec  vos  truffes,  soit  en  les  passant,  soit  en 
les  remuant;  surtout  n'y  mettez  point  de  citron,'"ce  qui  ôterait 
le  velouté  de  votre  sauce. 

Ragoût  aux  truffes  à  Vitalienne,  —  Émincez  des  truffes 
comme  les  précédentes,  la  quantité  que  vous  jugerez  nécessaire; 
faites-les  suer  dans  du  beurre,  comme  il  Q%t  énoncé  précédem- 
ment; mettez  un  peu  d'échalotes  et  de  persil  hachés,  du  sel  et 
du  poivre;  mouillez  avec  un  demi-verre  de  vin  blanc  et  deux 
cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole;  faites  bouillir  votre  sauce; 
dégraissez,  et  finissez-la  avec  un  filet  d'excellente  huile  d'olive. 
Ragoût  aux  truffes  à  la  piémontaise.  —  Émincez  vos 
truffes  comme  il  est  dit  plus  haut  et  mettez-y,  au  lieu  de  beurre, 
de  l'huile  ;  joignez  à  cela  un  peu  d'ail  écrasé  ;  posez  votre  cas- 
serole sur  une  cendre  chaude,  afin  que  vos  truffes  ne  fassent  que 
frémir  ;  au  bout  d'un  quart  d'heure,  assaisonnez-les  de  sel  fin  et 
d'un  peu  de  gros  poivre;  forcez-les  un  peu  en  jus  de  citron,  et 
servez. 

Ragoût  aux  truffes  à  la  Périgueux,  —  Coupez  des  truffes 
en  petits  dés;  passez-les  dans  du  beurre;  mettez-y  deux  ou  trois 
cuillerées  à  dégraisser  d'italienne  rousse  ou  d'espagnole  avec  un 
peu  de  vin  blanc,  et  finissez-les  avec  la  moitié  d'un  pain  de  beurre 
de  Vembre.  Cette  sauce  se  sert  sur  des  perdreaux,  des  poulardes, 
des  poulets  et  des  dindes  truffés. 


93^ 


RAGOUTS. 


Poudre  friande.  —  Vous  prenez  parties  égales  de  mousse- 
rons, de  morilles,  de  seps,  de  champignons  de  couche  et  de 
truffes. 

Vous  les  coupez  par  fragments,  et  vous  les  faites  sécher  au 
soleil  ou  dans  un  four,  vous  pilez  ensuite  le  tout  dans  un  mortier, 
et  vous  le  passez  au  tamis. 

Cette  poudre  donnera  aux  aliments  un  parfum  et  un  goût 
admirables,  si  vous  la  conservez  dans  un  vase  de  porcelaine,  ou 
dans  un  flacon  de  verre  hermétiquement  fermé;  on  la  mêle  avec 
les  champignons  frais,  avec  les  salmis  de  bécasses,  de  perdrix,  de 
grives,  de  mauviettes,  avec  le  turbot,  la  morue,  la  truite,  enfin 
avec  toutes  sortes  de  ragoûts  et  de  légumes. 

Ragoût  de  truffes  en  pudding.  —  Épluchez  deux  livres  de 
moyennes  truffes,  et  les  émincez  en  lames  de  deux  lignes  d'épais* 
seur  ;  sautez-les  dans  une  casserole  avec  quatre  onces  de  beurre 
tiède,  une  grande  cuillerée  de  glace  de  volaille  dissoute,  un  demi- 
verre  de  Madère  sec,  le  sel  nécessaire,  une  pincée  de  mignonnette 
et  une  pointe  de  muscade  râpée. 

Vous  prenez  un  bol  d'entremets,  ayant  à  peu  près  quatre 
pouces  de  profondeur  sur  sept  de  diamètre;  vous  le  beurrez  légè- 
rement à  l'intérieur,  vous  le  foncez  de  pâte  brisée,  et  vous  y 
placez  des  truffes  avec  leur  assaisonnement.  Vous  humectez  ensuite 
le  tour  de  la  pâte,  et  vous  la  couvrez  d'une  abaisse  ronde  dont 
vous  soudez  parfaitement  les  bords,  afin  que  le  parfum  des 
truffes  ne  s'évapore  point  à  Tébullition  ;  puis  vous  enveloppez  le 
bol  dans  une  serviette,  vous  le  liez  avec  une  ficelle,  et  vous  le 
placez  dans  une  marmite  d'eau  bouillante.  Après  une  heure  et 
demie  d'ébullition,  le  pudding  est  cuit.  Au  moment  de  servir, 
vous  régouttez,  vous  en  détachez  la  serviette  et  vous  le  disposez 
sur  le  plat  d'entremets. 

Les  truffes  mises  dans  du  lait  hâtent  la  coagulation  et  lui 
communiquent  leur  parfum.  On  peut  de  cette  manière  obtenir 
des  fromages  aux  truffes. 

Ragoût  de  champignons  à  la  Cussy.  —  Prenez  des  champi- 
gnons d'une  texture  ferme,  lavez,  brossez  et  pelez  des  truffes 
noires,  saines  et  d'une  moyenne  grosseur,  coupez  les  champi* 
gnons  ainsi  que  les  truffes  par  tranches  épaisses  comme  des 


RAGOUTS.  933 


feuilles  de  carton.  Ajoutez-y  un  peu  d'ail  haché  très-menu,  met- 
tez le  tout  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre  fin, 
proportionné  à  la  quantité  de  vos  cornichons,  faites  sauter  à  grand 
feu,  et  lorsque  le  beurre  sera  fondu,  exprimez-y  le  jus  de  vos 
deux  citrons,  ajoutez  ensuite  sel,  gros  poivre,  muscade  râpée, 
quatre  cuillerées  à  bouche  de  grande  espagnole,  et  autant  de  sauce 
réduite  ;  faites  cuire  votre  ragoût  et,  au  moment  de  l'ébullition, 
ajoutez  un  verre  de  vin  de  Sauterne  ou  de  Xérès,  continuez  la 
cuisson  pendant  vingt  minutes  et  servez. 

Ragoût  de  truffes  blanches  et  noires  à  la  Rossini,  —  Vous 
émincez  finement  des  trufits  blanches  du  Piémont,  vous  mettez 
ensuite  dans  votre  saladier  de  l'huile  d'Aix,  de  la  moutarde  fine, 
du  vinaigre,  un  jus  de  citron,  du  poivre  et  du  sel,  vous  battez 
ces  ingrédients  jusqu'à  parfaite  combinaison,  et  vous  y  mêlez  vos 
truffes. 

On  peut  servir  de  même  nos  truffes  noires  en  ajoutant  à 
cet  assaisonnement  deux  jaunes  d'œufs  et  une  pointe  d'ail,  afin 
de  leur  donner  le  goût  et  le  moelleux  des  truffes  blanches  du 
Piémont. 

Ragoût  de  truffes  au  fromage  de  parmesan.  —  Faites  mariner 
vos  truffes  dans  l'huile,  coupez-les  par  lames  très-minces  et  dis- 
posez un  lit  de  ces  truffes  émincées  sur  un  plat  d'argent  avec  de 
rhuile,  du  sel,  du  gros  poivre  et  du  fromage  de  parmesan  râpé; 
après  avoir  fait  ainsi  plusieurs  couches,  mettez  le  plat  sur  la  cendre 
chaude  et  sous  le  four  de  campagne  ;  un  quart  d'heure  suffit 
pour  la  cuisson. 

Ragoût  de  mousserons.  —  C'était  le  plat  favori  de  ce  direc- 
teur sybarite  à  qui  nous  devons  Bonaparte  et  le  13  vendémiaire. 
Il  occupait  deux  ou  trois  individus  à  lui  chercher  des  mousserons 
parfumés  des  Bouches-du-Rhône  et  de  l'Isère. 

Voici  comment  Barras  avait  l'habitude  de  se  faire  servir  ce 
plat  de  prédilection. 

Lavez,  égouttez  les  mousserons,  passez-les  au  beurre  ou 
avec  du  lard  fondu,  un  bouquet  garni,  sel  et  poivre;  mouillez 
avec  du  jus  de  veau  ou  du  bouillon  réduit  à  moitié;  laissez  mi- 
tonner à  petit  feu,  dégraissez  et  liez  le  ragoût,  avec  du  jus  blond, 
ou  à  défaut  avec  du  beurre  manié  de  farine. 


934 


RAGOUTS. 


Ragoût  de  navets.  —  Epluchez  des  navets,  et  coupez-les 
proprement;  faites-leur  faire  un  bouillon  dans  l'eau,  laissez-les 
égoutter,  faites  un  roux  dans  une  casserole  avec  du  beurre  et 
une  demi-cuillerée  de  sucre  en  poudre  ;  passez-y  les  navets  jus- 
qu'à ce  qu*ils  aient  pris  une  belle  couleur;  mouillez  avec  du  jus 
ou  du  bouillon,  assaisonnez  avec  sel,  gros  poivre  et  un  bouquet 
garni. 

Ragoût  de  morilles.  —  La  morille  est  une  sorte  de  champi- 
gnon et  s'accommode  de  même;  prenez  des  morilles  proportionnel- 
lement au  ragoût  que  vous  voulez  faire,  épluchez-en  les  queues 
pour  en  ôter  la  terre,  fendez  les  grosses  en  deux  ou  trois,  lavez- 
les,  mettez-les  dans  un  vase  avec  de  Teau  tiède  pour  qu'elles 
dégorgent  et  que  le  sable  qu'elles  sont  sujettes  à  retenir  tombe 
au  fond  du  vase;  retirez-les  de  cette  eau,  faites-les  blanchir, 
égouttez-les,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  morceau 
de  beurre  ;  passez-les,  mouillez-les  avec  de  la  sauce  rousse,  si 
elles  sont  au  roux  ;  blanche,  si  elles  sont  au  blanc,  comme  il 
est  énoncé  pour  les  ragoûts  de  champignons;  et  finissez  de 
même. 

Ragoût  de  chicorée  au  brun.  —  Ayez  douze  chicorées,  éplu- 
chez-les, ôtez-en  tout  le  yert^  lavez  ces  chicorées  dans  plusieun 
eaux,  en  les  tenant  par  la  racine  et  en  les  plongeant  à  plusieurs 
reprises  ;  prenez  garde  qu'il  n'y  reste  des  vers  de  terre,  qui  sou- 
vent y  séjournent,  égouttez-les,  faites  les  blanchir  à  grande  eau 
où  vous  aurez  mis  une  poignée  de  sel  ;  elles  seront  suffisamment 
blanchies  lorsqu'en  pressant  les  feuilles  entre  vos  doigts  elles 
s'écraseront  facilement;  alors  retirez-les  avec  une  écumoire, 
mettez-les  rafraîchir  dans  un  seau  d'eau  fraîche,  égouttez-les, 
pressez-les  entre  vos  mains,  de  manière  qu'il  leur  reste  le  moins 
d'eau  possible  ;  supprimez-en  les  racines  et  les  plus  gros  cotons, 
hachez  cette  chicorée,  mettez-la  dans  une  casserole  avec  un  mor- 
ceau de  beurre,  passez-la  sur  un  feu  doux,  environ  un  quart 
d'heure  pour  la  bien  dessécher,  mouillez-la  avec  deux  cuillerées 
d'espagnole  et  une  de  consommé  ;  faites-la  cuire  une  heure  au 
moins,  en  la  remuant  continuellement  avec  une  cuiller  de  bois, 
de  crainte  qu'elle  ne  s'attache  et  ne  brûle;  quand  elle  sera  réduite 
à  son  point,  mettez-y  du  sel  et  servez. 


RAGOUTS.  935 


Ragoût  ie  chicorée  au  blanc.  —  Employez  pour  ce  ragoût  le 
même  procédé  énoncé  ci-dessus,  excepté  qu'il  faut  employer  en 
moindre  quantité  du  velouté,  au  lieu  d'espagnole  ;  ce  ragoût  de 
chicorée  se  finit  avec  une  chopine  de  crème  ou  du  lait  réduit,  que 
vous  y  versez  petit  à  petit,  un  peu  de  muscade  râpée  et  du  sel,  la 
quantité  convenable. 

Q4utre  manière.  —  Pour  faire  le  ragoût  de  chicorée  au  blanc 
n'ayant  point  de  velouté,  passez-la  dans  le  beurre  ;  quand  elle 
est  assez  desséchée,  singez-la  légèrement,  délayez-la  avec  du 
bouillon,  mettez-y  le  sel  convenable,  faites-la  cuire  et  réduire, 
finissez-la  comme  la  précédente  avec  de  la  crème  ou  du  bon  lait, 
et  un  peu  de  muscade  râpée,  c'est-à-dire  une  bonne  béchamelle. 

(V.  BÉCHAMELLE.) 

Manière  de  remplacer  la  chicorée  dans  la  saison  où  elle 
manque  et  lorsque  Von  n^en  a  pas  conservé.  —  Prenez  le  cœur  d'un 
ou  de  deux  choux  dont  vous  aurez  ôté  le  vert,  flairez-les;  s'ils 
sentent  le  musc,  prenez-en  d'autres,  coupez-les  par  quartiers, 
ôtez-en  les  trognons  et  les  plus  grosses  côtes;  émincez-les  avec 
votre  couteau  le  plus  fin  possible,  jetez-les  dans  l'eau,  lavez-les 
bien,  retirez-les  dans  une  passoire;  faites-les  blanchir  comme  la 
chicorée,  mais  un  peu  plus  de  temps  ;  rafraîchissez-les,  pressez- 
les,  hachez-les  comme  la  chicorée,  et  pour  leur  accommodage 
c'est  le  même  procédé. 

Ragoût  d'épinards. — Ayez  des  épinards  ce  qu'il  vous  en  faut, 
ôtez-en  les  queues,  et  ceux  qui  ne  sont  pas  bien  verts  ou  qui  sont 
tachés,  lavez-les  plusieurs  fois  à  grande  eau,  faites-les  blanchir 
au  grand  bouillant,  dans  beaucoup  d'eau  où  vous  aurez  mis  une 
poignée  de  sel  ;  ayez  soin  de  les  remuer  et  de  les  écumer  ;  prenez 
garde  que  l'eau  ne  s'en  aille  par-dessus  les  bords  du  chaudron, 
ce  qui  ferait  voler  de  la  cendre  dans  vos  épinards,  leur  donnerait 
un  mauvais  goût  et  les  ferait  croquer.  Pour  juger  s'ils  sont  assez 
blanchis,  pressez-en  entre  deux  doigts;  s'ils  s'écrasent  facilement, 
ils  le  sont  assez  ;  dès  lors  retirez-les  du  feu,  jetez-les  dans  une 
passoire,  ensuite  dans  une  assez  grande  quantité  d'eau  fraîche 
pour  les  rafraîchir  sur-le-champ  ;  laissez -les  rafraîchir  deux 
heures,  jetez-les,de  nouveau  dans  une  passoire  ;  après  mettez-les 
en  pelote,  sans  pour  cela  les  trop  presser;  hachez-en  ce  dont  vous 


936  RAGOUTS. 


aurez  besoin,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de 
beurre  suffisant  pour  les  nourrir;  passez-les  sur  un  feu  vif, 
remuez-les  avec  une  cuiller  de  bois  ;  quand  ils  seront  assez  des- 
séchés et  d'un  beau  vert,  mouillez-les  avec  de  l'espagnole  ;  s'ils 
sont  pour  entrée,  faites-les  réduire  à  consistance  d'une  forte 
bouillie,  mettez-y  un  peu  de  muscade  râpée;  et,  pour  les  finir, 
un  pain  de  beurre;  remuez-les  bien,  puis  servez. 

Ragoût  de  haricots  à  la  bretonne,  —  Prenez  des  haricots  de 
Soissons,  secs  ouverts,  il  n'importe;  épluchez  et  lavez -en  un  litre, 
mettez-les  dans  une  marmite,  à  l'eau  froide,  avec  un  morceau  de 
beurre  sans  sel,  et  durant  leur  cuisson  versez-y  à  plusieurs 
reprises  un  peu  d'eau  fraîche,  ce  qui  les  empêchera  de  bouillir 
et  les  rendra  plus  moelleux;  quand  ils  seront  cuits,  égouttez-les, 
mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  une 
cuillerée  ou  deux  de  purée  d'oignons  au  brun  (comme  elle  est 
énoncée  à  son  article)  et  d'espagnole,  assaisonnez-les  d'un  peu  de 
gros  poivre  et  de  sel;  sautez-les  souvent  et  finissez-les  avec  un 
pain  de  beurre. 

Ragoût  de  haricots  au  jus.  —  Mettez  dans  une  casserole  vos 
haricots  cuits,  comme  il  est  dit  ci-dessus,  avec  un  morceau  de 
beurre,  deux  cuillerées  d'espagnole,  une  cuillerée  de  jus  de  bœuf, 
du  sel,  du  gros  poivre,  et  finissez-les  aussi  avec  un  pain  de 
beurre. 

Ragoût  aux  concombres.  —  Coupez   l'extrémité   de  trois 

9 

concombres.  Evitez  d'en  prendre  d'amers,  ôtez-leur  la  pelure, 
coupez-les  en  quatre  et  supprimez-en  les  pépins,  coupez  ces 
concombres  en  écailles  d'huîtres,  parez-les,  arrondissez-les,  tâchez 
que  les  morceaux  soient  égaux,  faites-les  blanchir  dans  de  Teau 
avec  un  peu  de  sel,  assurez-vous  s'ils  sont  cuits,  nttettez  dans  une 
casserole  trois  ou  quatre  cuillerées  à  dégraisser  de  velouté;  ajou- 
tez-y vos  concombres  ;  faites-les  cuire  et  réduire,  dégraissez-les  ; 
goûtez  s'ils  sont  d'un  bon  sel  ;  finissez  de  les  lier  avec  un  morceau 
de  beurre;  mettez-y  un  peu  de  muscade  râpée  et  servez. 

Ragoût  de  concombres  au  brun.  —  Préparez  vos  concombres 
comme  ci-dessus,  mettez  dans  une  casserole  quatre  cuillerées  à 
dégraisser  pleines  d'espagnole  réduite,  grasse  ou  maigre  ;  ajouter- 
y  vos  concombres;  dégraissez  et  faites  réduire;  mettez-y  gros 


RAIE. 


937 


comme  le  pouce  de  glace;  finissez-les  avec  un  petit  morceau  de 
beurre  et  servez. 

Ragoût  à  la  chipolata,  —  Mettez  dans  une  casserole  deux 
cuillerées  à  pot  d'espagnole  réduite,  une  demi-bouteille  de  vin 
de  Madère,  des  champignons  tournés,  de  petits  oignons  cuits  à 
blanc,  des  marrons  préparés  comme  pour  les  terrines,  des  petites 
saucisses  à  la  chipolata,  que  vous  aurez  fait  cuire  dans  du 
bouillon,  des  truffes  coupées  en  quartiers  et  un  peu  de  gros 
poivre,  faites  réduire  votre  ragoût,  dégraissez-le  et  servez- 
vous-en. 

Ragoût  de  pois  au  lard.  —  Prenez  lard'  ou  jambon,  une 
demi-livre  au  plus,  si  le  cas  le  requiert;  coupez-le  en  gros  dés, 
fkites-le  blanchir;  mettez  du  beurre  dans  une  casserole,  faites-y 
revenir  votre  lard  ou  votre  jambon  ;  qu'il  soit  d'une  belle  couleur  ; 
ayez  un  litre  de  pois  très-fins  ;  mettez-les  dans  un  vase  avec  gros 
de  beurre  comme  une  noix;  maniez-les  avec  la  main,  versez  de 
l'eau  dessus,  laissez-les  dans  Teau  un  demi-quart  d'heure  pour 
que  leur  peau  s'attendrisse  ;  égouttez-les  dans  une  passoire,  met- 
tez-les dans  une  casserole,  et  faites-les  suer  :  lorsqu'ils  seront 
bien  verts,  mouillez-les  avec  une  cuillerée  à  pot  d'espagnole, 
ajoutez-y  votre  petit  lard  ou  votre  jambon,  un  bouquet  de  persil 
et  ciboules,  faites-les  partir,  retirez-les  sur  le  bord  du  fourneau, 
laissez-les  mijoter  et  réduire.  Votre  ragoût  étant  bien  cuit, 
dégraissez-le,  goûtez  s'il  est  d'un  bon  sel;  s'il  se  trouvait  trop  salé, 
mettez-y  un  peu  de  sucre,  du  sucre  toujours,  enlevez  l'âcreté  et 
servez. 

Ragoût  au  god[veau.  —  Mettez  de  l'espagnole  dans  une 
casserole,  la  quantité  que  vous  croirez  nécessaire  pour  votre 
ragoût,  ajoutez-y  la  quantité  convenable  d'andouillettes  de  godi- 
veau,  mettez-y  des  champignons  préparés  comme  il  est  dit  aux 
garnitures,  et  quelques  fonds  d'artichauts  coupés  en  quatre  ou  en 
huit  morceaux,  faites  achever  de  cuire,  dégraissez,  faites  réduire, 
ajoutez  le  jus  d'un  citron  ou  un  filet  de  verjus  et  servez- vous-en 
soit  pour  garnir  une  tourte  ou  un  pâté  chaud,  ou  tout  autre 
ragoût.  Gorges  de  ris  de  veau  coupés  en  dés. 

RAIE.  —  Ce  poisson  ayant  besoin  d'être  mortifié  pour  être 
plus  tendre,  le  transport  du  port  de  mer  à  Paris  ajoute  à  sa  qua- 


938  RAIFORT. 


lité;  c'est  du  reste  le  seul  poisson  qui  puisse  se  conserver  pendant 
deux  ou  trois  jours,  même  en  temps  d'orage. 

Les  deux  meilleures  espèces  sont  la  turbotine  et  la  raie 
bouclée,  et  la  meilleure  manière  de  la  manger  est  de  la  faire 
cuire  à  l'eau  de  sel  avec  du  vinaigre  et  quelques  tranches  d'oi- 
gnons; on  l'égoutte,  on  l'épluche,  et  on  la  sert  avec  une  sauce 
blanche  aux  câpres  ou  une  sauce  au  beurre  noir  noisette,  garnie 
de  persil  frit. 

Le  .foie  de  la  raie  ne  doit  rester  que  deux  ou  trois  minutes 
dans  l'eau  bouillante  pour  être  cuit. 

Raie  frite.  —  Enlevez  la  peau  d'une  raie,  coupez-la  en 
morceaux  comme  des  filets,  sans  en  ôter  les  arêtes,  mettez-les 
mariner  avec  assaisonnement,  ajoutez-y  un  morceau  de  beurre 
manié  de  farine,  vinaigre,  fines  herbes;  faites  un  peu  tiédir  la 
marinade  pour  que  le  beurre  fonde,  laissez  les  filets  mariner  pen- 
dant quatre  heures,  retirez-les  avant  de  les  faire  frire,  farinez-les 
et  garnissez. 

Raie  à  la  noisette.  —  Faites  comme  ci-dessus,  assaisonnez 
et  masquez  d'une  sauce  au  beurre. 

Raie  à  la  Sainte-Menehould,  —  Faites  une  Sainte-Menehould 
avec  un  verre  de  lait,  sel,  poivre,  un  morceau  de  beurre  manié 
de  farine,  deux  oignons  en  tranches,  un  bouquet  garni,  clous  de 
girofle,  une  pointe  d'ail,  une  feuille  de  laurier;  mettez  cette 
sauce  sur  le  feu  et  tournez  jusqu'à  ce  qu'elle  bouille,  coupez  une 
raie  en  filets,  faites-les  cuire  dans  la  sauce,  retirez-les,  trempez- 
les  dans  du  bouillon,  pansez-les,  retrempez-les  dans  du  beurre, 
repansez-les,  faites-les  griller,  et  servez  avec  une  sauce  Robert  ou 
une  rémoulade  aux  câpres. 

Raietons  frits.  —  Enlevez  la  peau  de  plusieurs  raietons, 
mettez  mariner  avec  sel,  vinaigre,  oignons  et  quelques  branches 
de  persil,  égouttez-les ,  farinez-les,  faites-les  frire  d'unte  belle 
couleur,  égouttez-les  de  nouveau ,  et  servez  avec  une  sauce  au 
beurre  noir  aromatisée. 

RAIFORT.  —  On  en  compte  deux  espèces,  le  cultivé  et  le 
sauvage  :  la  racine  du  cultivé  est  grosse,  charnue,  d'un  brun  noir 
en  dehors  et  très-blanche  en  dedans  ;  cette  chair  est  d'une  saveur 
tellement  épicée,  qu'elle  en  paraît  acre  et  brûlante.  Pour  que  le 


RAISIN.  939 


raifort  soit  meilleur,  on  le  coupe  par  rouelles  une  ou  deux  heures 
avant  de  le  servir,  on  couvre  chaque  rouelle  de  sel  égrugé,  puis 
on  les  remet  les  unes  sur  les  autres,  cela  leur  fait  jeter  une  eau 
acre  et  les  rend  plus  douces  à  manger. 

On  emploie  quelquefois  le  raifort  comme  garniture  autour 
des  aloyaux  rôtis  et  des  gros  poissons  que  Ton  a  cuits  au  bleu. 
On  en  garnit  aussi  des  bateaux  à  hors*d'œuvre  et  on  en  com- 
pose un  beurre  assaisonné  qui  s'emploie  dans  la  confection  des 
sandwichs  et  des  craquelins  à  l'écossaise. 

Le  raifort  a  les  mêmes  inconvénients  que  la  vraie  rave,  il  est 
également  venteux,  il  cause  des  rapports,  même  des  maux  de 
tète  quand  on  en  mange  trop. 

On  en  met  aussi  dans  les  ragoûts  auxquels  on  veut  donner 
un  haut  goût. 

RAIPONCE.  —  Plante  du  genre  campanule  que  Ton 
cultive  dans  les  potagers.  On  mange  la  racine  et  les  feuilles 
radicales  de  cette  plante  en  salade  et  on  y  adjoint  ordinai- 
rement des  tranches  de  betteraves  confites  au  vinaigre  et  des 
montants  de  céleri  cru. 

RAISIN.  —  Depuis  Noé,  qui  le  premier  planta  et  fit  usage 
de  la  \'igne,  d'innombrables  variétés  de  raisins  se  sont  produites. 
Ces  variétés  seraient  trop  longues  à  énumérer  ici;  aussi  nous 
bornerons-nous  à  citer  les  principales,  c'est-à-dire  celles  que  l'on 
voit  le  plus  ordinairement  figurer  sur  nos  tables. 

Ce  sont  :  le  chasselas  de  Fontainebleau  qui  vient  en  première 
ligne,  le  gros  Corinthe  et  le  chasselas  noir  qui  viennent  après,  et 
quelques  muscats,  tels  que  celui  de  Frontignan,  le  muscat  hâtif 
du  Piémont,  celui  de  Rivesaltes,  le  rouge  de  corail,  le  gros  mus- 
cat noir,  le  violet  de  Gascogne  et  le  passe-musqué  d'Italie.  Il 
y  a  aussi  le  gros  muscat  long  et  violet  de  l'espèce  de  Madère, 
renommé  pour  sa  beauté,  son  volume  et  sa  bonté;  mais  le 
meilleur  de  tous  les  muscats  est  celui  qu'on  a  surnommé  de 
TEnfant-Jésus,  d'après  la  belle  grappe  du  tableau  de  Mignard; 
malheureusement  cet  excellent  fruit  est  devenu  très-rare. 

Le  raisin  est,  selon  Galien,  le  premier  de  tous  les  fruits 
d'automne,  le  plus  nourrissant  de  tous  ceux  qui  ne  se  gardent 
point  et  celui  dont  le  suc  est  le  moins  malfaisant,  lorsqu'il  est 


940  RAISIN. 


parfaitement  mûr.  Tissot  rapporte  que  des  soldats  attaqués  de 
dyssenteries  rebelles,  ayant  été  transportés  dans  une  vigne,  se  réta- 
blirent en  peu  de  temps  par  l'usage  des  raisins  qu'ils  mangèrent 
en  abondance. 

Richard  Cœur-de-Lion,  n'étant  encore  que  duc  de  Guyenne, 
rassembla  un  jour  les  notables  de  son  duché  et  fit  rendre  cet 
édit  mémorable  :  a  Quiconque  prendra  une  grappe  de  raisin 
dans  la  vigne  d'autrui  payera  cinq  sous  ou  perdra  une  oreille.  » 
Cet  édit  nous  apprend  qu'on  estimait  fort  peu,  en  1175,  époque 
à  laquelle  fut  rendu  cet  édit,  une  oreille  de  Gascon  puisqu'elle 
ne  valait  que  cinq  sous.  Elles  ont  considérablement  renchéri 
depuis,  et  il  n'y  a  pas  aujourd'hui  un  seul  Gascon,  si  petit  qu'il 
soit,  qui  n'estime  ses  oreilles  bien  plus  que  toutes  les  vignes  du 
monde,  quoique  aimant  bien  le  raisin. 

On  croit  généralement  aussi  que  ce  fut  un  grain  de  raisin 
qu'il  ne  put  avaler  qui  causa  la  mort  du  joyeux  chantre  des  fes- 
tins, Anacréon,  environ  437  ans  avant  Jésus-Christ.  Il  dut  être 
content  cependant,  car  on  dit  qu'il  mourut  à  la  suite  d'un  bon 
repas. 

On  a  remarqué  que  certains  gibiers,  tels  que  le  petit  renard, 
le  lièvre  et  quelques  petits  oiseaux,  engraissaient  considérablement 
en  automne,  et  que  leur  chair  devenait  alors  tendre,  délicate  et 
bonne  à  manger,  mais,  dès  que  les  vendanges  étaient  faites,  ils 
maigrissaient  complètement  et  leur  chair  perdait  le  bon  goût  que 
lui  avait  donné  le  raisin. 

Le  séchage  des  raisins  en  les  dépouillant  de  la  plus  grande 
partie  de  leur  phlegme  et  en  corrigeant  l'acide  qu'ils  contiennent 
les  rend  plus  nourrissants  et  leur  donne  en  même  temps  une 
qualité  adoucissante,  très -propre  pour  remédier  aux  âcretés  de 
l'estomac  et  pour  amollir  le  ventre;  aussi  ceux  qui  ont  Testomac 
faible  se  trouvent-ils  bien  de  mâcher,  après  le  repas,  deux  ou 
trois  grains  de  raisin  sec  avec  les  pépins;  cela  contribue  beaucoup 
à  la  coction  des  aliments. 

On  fait  sécher  les  raisins  au  soleil  ou  au  four  ;  par  le  pre- 
mier procédé,  ils  conservent  une  grande  douceur,  tandis  que  le 
second  leur  communique  une  certaine  àcreté;  les  grands  raisins 
secs  dits  de  Damas  proviennent  de  vignes  à  gros  grains  ou  à 


RALE.  941 

grains  gros  et  oblongs,  et  sont  désignés  suivant  leur  lieu  de 
provenance  :  raisins  secs  de  France,  de  Calabre,  d'Espagne  ou  du 
Levant.  Parmi  les  raisins  d'Espagne,  on  distingue  les  raisins 
muscats,  les  raisins  au  soleil  (séchés  sur  cep  au  soleil),  les  raisins 
fleuris,  les  raisins  Malaga  et  les  raisins  Lexias.  Les  meilleurs 
raisins  secs  de  France  proviennent  du  Languedoc  et  de  la  Pro- 
vence, ce  sont  les  jubis^  les  pcards,  etc.  En  fait  de  raisins  secs 
d'Italie,  on  vante  ceux  de  la  Calabre  à  cause  de  leur  belle  chair 
et  de  leur  goût  délicat;  ils  viennent  en  masse  dans  le  commerce 
attachés  à  des  iils. 

Les  raisins  secs  à  petits  grains,  dits  raisins  de  Corinthe^ 
proviennent  d'une  variété  de  vigne  croissant  surtout  aux  îles 
Ioniennes  et  en  Grèce.  La  liqueur  vineuse  qu'on  fabrique  avec 
des  raisins  secs  et  du  vin  qu'on  fait  fermenter  ensemble,  déjà 
connue  des  anciens  sous  le  nom  de  vinum  passum^  était  une  des 
boissons  favorites  des  Romains. 

RAISINE.  —  Confiture  de  raisins  doux  qu'on  fait  cuire  et 
réduire  en  y  ajoutant  des  poires  ou  des  coings  et  dont  l'enfance 
est  très-friande.  On  en  fait  aussi  avec  du  cidre  et  du  poiré  dans 
les  pays  où  on  ne  récolte  pas  de  raisins;  c'est  une  substance  très- 
salutaire,  qui  a  l'avantage  d'offrir  des  ressources  à  la  classe  la 
moins  aisée  du  peuple,  puisqu'il  ne  faut  point  ou  peu  de  sucre 
pour  la  préparer. 

Le  meilleur  raisiné  est  celui  de  Bourgogne;  on  le  fait  avec 
du  vin  doux  que  l'on  fait  bouillir  doucement  dans  une  chaudière, 
en  l'écumant  et  le  remuant  de  temps  en  temps  avec  une  spatule 
pour  qu'il  ne  s'attache  pas.  Ajoutez  peu  à  peu  des  morceaux  de 
poires  émincées,  de  Messire-Jean,  de  virgouleux  ou  de  Rousse- 
let.  Puis,  lorsque  tout  l'appareil  se  trouve  réduit  au  tiers  de  la 
chaudière,  on  tamise  la  confiture  et  on  l'empote. 

RALE.  —  Il  existe  deux  variétés  de  cet  oiseau  de  passage, 
le  râle  de  genêt  et  le  râle  d'eau,  ou,  autrement  dit,  le  râle  rouge 
et  le  râle  noir.  Les  chasseurs  l'appelaient  autrefois  le  roi  des 
cailles,  parce  qu'arrivant  avec  elles  au  mois  de  mai  et  repartant 
en  septembre,  on  le  supposait  leur  conducteur. 

Le  râle  est  un  oiseau  de  la  grosseur  du  pigeon,  ayant  le  cou 
et  le  bec  longs  ;  celui  de  genêt  est  un  peu  plus  gros  que  le  râle 


94a 


RATONNET   DE   MOUTON. 


d'eau  ;  il  se  nourrit  de  semences  de  genêts,  d'où  lui  vient  son  nom, 
et  Ton  n'a  pas  besoin  d'ajouter  que  c'est  un  de  nos  plus  excellents  ' 
gibiers. 

On  le  sert  rôti,  entouré  de  feuilles  de  vigne  et  enveloppé 
dans  une  grande  feuille  de  papier  beurré,  sans  lardons  ni  bardes 
de  lard,  attendu  que  cet  oiseau  se  trouve  pourvu  d'une  graisse 
abondante.  Il  suffit  seulement  d'une  demi-heure  de  cuisson  pour 
qu'il  soit  cuit  à  point. 

La  chair  du  râle  d'eau  est  moins  savoureuse  et  par  consé- 
quent moins  estimée  que  celle  du  râle  de  genêt.  Il  reçoit  les 
mêmes  préparations  que  les  autres  oiseaux  aquatiques.  (V.  Van- 
neau, Pluvier.) 

RAMBOURS.  —  Pomme  de  belle  apparence  et  de  médiocre 
saveur.  Elle  est  originaire  de  Rambures,  en  Picardie.  On  ne 
l'emploie  pas  en  cuisine  à  cause  de  son  peu  de  saveur.  Elle  ne 
sert  qu'à  figurer  dans  les  corbeilles  de  fruits. 

RAMEQUIN.  —  (V.  Pâtisserie.) 

RAMEREAUX.  —  Ramereaux  en  marinade,  —  Videz  et 
flambez  trois  ramereaux,  coupez-les  en  deux  ou  en  quatre,  faites- 
les  cuire  dans  une  légère  marinade  ;  un  peu  avant  de  servir, 
égouttez-les  sur  un  linge  blanc,  faites-les  frire  après  les  avpir 
trempés  dans  une  pâte  à  frire  ;  qu'ils  soient  d'une  belle  couleur, 
et  servez-les  comme  les  autres  marinades. 

Ramereaux  à  Vétouffade.  —  Videz  et  flambez  trois  rame- 
reaux, préparez  des  moyens  lardons,  assaisonnez  -  les  de  sel, 
de  poivre,  de  persil  et  ciboules  hachés,  d'épices  fines  et  d'arc-  . 
mates  piles  et  passés  au  tamis  ;  il  fatft  que  le  basilic  domine  un 
peu;  lardez  vos  ramereaux,  marquez-les  dans  une  casserole, 
comme  il  est  énoncé  à  l'article  précédent;  faites-les  cuire;  leur 
cuisson  achevée,  dressez-les  sur  votre  plat;  tamisez  le  fond,  sau- 
cez-les, et  servez-les. 

Des  tourtereaux, —  Les  tourtereaux  sont  d'une  chair  sèche, 
mais  d'un  meilleur  goût  que  les  pigeons  de  volière.  Mettez-les 
à  la  broche. 

RAMIER.  —  (V.  Pigeon.) 

RATAFIA.  —  (V.  Liqueurs.) 

RATONNET   DE  MOUTON.  —  Coupez  des  noix   de 


RAVIGOTE-  943 


mouton  par  tranches^  aplatissez-les,  assaisonnez-les  de  sel,  de 
poivre,  fines  herbes,  fines  épices,  persil,  ciboules,  une  pointe 
d'ail,  un  verre  d'huile,  un  jus  de  citron;  laissez -les  mariner 
deux  heures,  couvrez  ces  noix  d'une  farce  de  volaille,  roulez- 
les,  embrochez-les  dans  un  hàtelet ,  mettez  une  barde  de  lard 
de  chaque  côté  pour  empêcher  la  farce  de  s'échapper;  atta- 
cjiez-les  à  une  broche,  et  arrosez-les  en  cuisant  avec  leur  mari- 
nade mêlée  avec  un  verre  de  vin  blanc  ;  quand  elles  sont  cuites, 
dressez-les  sur  un  plat;  mettez  dans  le  dégoût  avec  lequel 
vous  les  avez  arrosées,  un  peu  de  jus  et  de  coulis.  Dégraissez-le, 
servez  dessus  vos  ratons,  ou  servez-les  avec  une  sauce  à  l'italienne. 

On  peut  aussi  les  piquer  de  lard  et  les  faire  cuire  de 
même  ou  comme  des  fricandeaux  et  tirer  leur  glace  pour  mettre 
dessus. 

On  fait  de  même  les  ratons  de  veau  et  de  bœuf  après  en  avoir 
mortifié  les  viandes. 

RAVE.  —  (V.  Radis  et  Raifort.) 

RAVIGOTE.  —  Nom  donné  à  une  sauce  piquante  faite 
avec  du  cerfeuil  et  de  l'estragon  hachés  ;  on  y  ajoute  de  la  pim- 
prenelle,  de  la  ciboule,  du  sel,  du  poivre  et  des  quatre  épices;  on 
fait  chauffer  le  tout  dans  une  casserole  de  terre  avec  du  blond  de 
veau,  du  vinaigre,  du  beurre  frais  que  Ton  mélange  ensemble 
afin  de  bien  lier  le  tout. 

Ravigote  à  r huile.  —  Vous  hachez  les  herbes  comme  il  est 
indiqué  ci-dessus;  puis  vous  les  mettez  avecde  l'huile,  du  vinaigre, 
du  sel,  du  gros  poivre,  dans  du  bouillon  froid.  Remuez  longtemps 
cette  sauce  afin  de  la  bien  lier. 

Vert  de  ravigote.  —  Vous  prenez  une  égale  quantité  de 
cerfeuil,  de  pimprenelle  et  d'estragon,  un  peu  de  ciboulette, 
de  persil,  de  cresson  alénois  et  de  cresson  de  santé;  vous  faites 
blanchir  le  tout  sur  un  feu  très-ardent,  puis  vous  faites  rafraîchir 
ces  herbes  à  grande  eau,  les  pressez  et  les  pilez  dans  un  mortier, 
en  Y  ajoutant  un  peu  de  sauce  allemande  froide;  quand  le  tout 
formera  une  espèce  de  pâte,  vous  le  passerez  dans  un  tamis  en  le 
pressant  avec  une  cuiller  de  bois. 

Vous  vous  servez  de  ce  vert  de  ravigote  pour  mettre  dans  les 
liaisons,  les  sauces  et  les  ragoûts. 


944  REQUIN. 


REINE-CLAUDE.  —  Excellente  prune  que  Ton  cueille  au 
mois  d'août.  (V.  Prunes,  Compotes,  Confitures,  Marmelade, 
Tourtes,  Glaces  et  fruits  a  l'eau-de-vie.) 

REINETTE.  —  La  pomme  reinette  possède  trois  variétés  : 
la  blanche  ou  reinette  de  France  qui  est  la  meilleure  espèce  de 
pommes  à  cuire,  dont  la  pulpe  est  très-sucrée  et  qui  est  imprégnée 
d'un  acide  qui  en  relève  beaucoup  la  saveur  ;  la  reinette  grise 
qui  vient  après,  et  enfin  la  reinette  d'Angleterre  ou  du  Canada. 

C'est  avec  la  reinette  qu'on  fait  la  gelée  de  pommes  à  la 
manière  de  Rouen.  (V.  Gelées,  Pâtisseries,  Charlottes.) 

RÉMOULADE.  — Sauce  composée  d'anchois,  de  câpres,  de 
persil  et  ciboules  hachés  à  part,  le  tout  passé  avec  du  bon  jus,  une 
goutte  d'huile,  une  gousse  d'ail  et  assaisonnement  ordinaire. 

Rémoulade  à  la  provençale.  —  Hachez  du  persil,  deux  écha- 
lotes, un  peu  d'oignon,  pressez-les  ensuite  dans  un  linge  pour 
en  extraire  les  parties  aqueuses,  hachez  aussi  des  cornichons,  des 
câpres  et  un  anchois,  pilez  parfaitement  le  tout  dans  un  mortier 
avec  quatre  jaunes  d'œufs  durcis,  un  peu  de  persil  blanchi,  de 
l'ail  et  ajoutez-y  un  jaune  d'oeuf  cru  quand  tout  est  pilé;  versez 
presque  goutte  à  goutte  dans  le  mortier  la  valeur  d'un  bon  verre 
d'huile,  assaisonnez  de  sel,  poivre,  moutarde,  une  cuillerée  à 
bouche  de  bon  vinaigre  à  l'estragon,  un  jus  de  citron,  et  mêlez 
bien  le  tout  ensemble. 

REQUIN. —  Croustade  de  squalles  de  V estomac  de  jeunes 
requins.  —  Ayez  quinze  estomacs  de  jeunes  requins,  mettez-les 
tremper  vingt-quatre  heures,  égouttez-les,  puis  faites- les  blanchir 
vingt  minutes  dans  une  eau  légèrement  salée;  égouttez-les  encore 
et  passez-les  à  l'eau  fraîche,  épongez-les  ensuite  avec  une  ser- 
viette. 

Foncez  ensuite  une  casserole  de  bardes  de  lard  et  mettez-y 
vos  squalles  ;  ajoutez-y  une  feuille  de  laurier  des  Indes,  2  clous 
de  girofle,  3  tranches  de  citron  auxquelles  vous  aurez  enlevé  la 
peau  et  les  pépins;  mouillez  d'une  cuillerée  à  pot  de  bon  con- 
sommé de  volaille,  3  onces  de  beurre,  et  faites  cuire  le  tout  à 
petit  feu  juqu'à  entière  cuisson. 

Au  moment  de  servir,  faites  une  sauce  avec  une  grande  cuil- 
lerée à  pot  de  suprême,  une  cuillerée  à  bouche  de  Soubîse,  deux 


^. 


RISSOLE. 


94) 


fortes  pincées  de  kari  indien  et  faites  en  sorte  que  votre  sauce 
réduite  ne  soit  pas  trop  pâteuse. 

Faites  ensuite  égoutter  vos  squales,  passez-les  dans  votre 
sauce  et  dressez-les  dans  votre  croustade. 

Pour  les  personnes  qui  aiment  le  requin  ou  qui  auraient  la 
fantaisie  d'en  manger,  nous  conseillons  cette  recette  qui  nous 
est  donnée  par  M.  Duglerez,  chef  de  la  bouche  de  la  maison 
Rothschild,  à  qui  nous  devons  déjà  plusieurs  recettes  de  ce 
genre,  maïs  nous  déclarons  à  Tavance  que  nous  ne  pouvons  don- 
ner notre  avis  sur  ce  mets,  n'en  ayant  jamais  mangé  et  n'en  ayant 
pas  Tenvie. 

La  chair  du  requin  est  dure,  coriace,  maigre,  gluanie  et 
difficile  à  digérer,  ce  qui  n'empêche  pas  les  Norwégiens  et  les 
Islandais  de  la  faire  dessécher  et  de  la  faire  cuire  ensuite  pour 
la  manger.  Nous  leur  recommandons  la  recette  ci-dessus. 

Sa  graisse  a  la  qualité  singulière  de  se  conserver  longtemps 
et  de  durcir  en  séchant  comme  le  lard  de  cochon;  aussi  les 
peuples  susnommés  s'en  servent  au  lieu  de  lard  et  la  mangent  avec 
leur  stockfisch . 

RIBLETTE.  —  Ragoût  qu'on  prépare  sur  le  gril  d'une 
tranche  déliée  de  viande  de  boeuf  ou  de  veau,  ou  de  porc,  qu'on 
sale  et  qu'on  épice.  On  apprête  les  riblettes  comme  les  côte- 
lettes. 

RISSOLE.  —  Sorte  de  pâtisserie  faite  de  viande  hachée  et 
cpicée,  enveloppée  dans  de  la  pâte  et  frite  dans  du  saindoux.  On 
iàit  d'abord  de  petites  abaisses  en  forme  de  petite  pâte  ovale,  on 
les  remplit  d'un  godiveau  fait  de  blanc  de  chapon,  moelle  de 
bœuf,  sel  et  poivre,  le  tout  bien  haché,  puis,  les  rissoles  faites , 
on  les  coniit  dans  le  saindoux. 

Rissoles  en  gras.  —  Faites  une  farce  avec  un  blanc  de  cha- 
pon ou  un  morceau  de  veau  blanchi  sur  le  gril,  du  persil,  ciboules, 
un  champignon,  un  peu  de  jambon  cuit,  de  la  mie  de  pain 
trempée  dans  de  la  crème,  liez  avec  deux  jaunes  d "œufs  crus, 
pilez  ensuite  le  tout  dans  un  mortier,  puis  faites  une  abaisse 
de  feuilletage  très-mince,  coupez-la  en  petits  morceaux  sur  les- 
quels vous   mettez  un  peu   de    votre  farce,  couvrez   de  même 

pâte,   soudez  les  deux  abaisses,  parez  vos  rissoles  tout  autour, 

60 


946  RISSOLE* 


faites  frire  dans  du  saindoux  bien  chaud,  et  servez  pour  hors- 
d'œuvre  ou  pour  garniture. 

Rissoles  en  maigre.  —  Vous  opérez  de  la  même  façon  qu'il 
est  indiqué  ci-dessus;  vous  faites  seulement  une  farce  maigre 
au  lieu  d'une  farce  grasse  et  vous  faites  frire. 

Rissoles  de  tétine  de  veau.  —  Prenez  des  tétines  de  veau 
blanchies,  coupez-les  entières,  mettez  entre  deux  morceaux  un 
peu  de  farce,  soudez  avec  des  œufs  et  faites  frire  trempées  dans 
une  pâte  légère. 

Rissoles  à  la  moelle  glacées.  —  Prenez  un  peu  de  crème 
pâtissière  avec  un  quart  de  moelle  et  de  la  fleur  d'orange  ;  grillez 
du  sucre,  un  peu  de  crème,  trois  ou  quatre  biscuits  d'amandes 
amères,  pilez  bien  le  tout,  formez  vos  rissoles  comme  il  est  dit 
plus  haut,  faites-les  frire,  glacez,  et  servez  chaud  pour  entre- 
mets. 

Rissoles  de  chocolat.  —  Faites  une  pâte  brisée  bien  fine  ou 
de  feuilletage,  étendez-la  bien  mince  et  formez  vos  rissoles  ;  faites 
une  crème  pâtissière  délicate,  râpez-y  du  chocolat  assez  pour 
qu'elle  en  prenne  le  goût,  laissez-la  refroidir,  formez  vos  rissoles, 
peu  de  pâte,  beaucoup  de  crème,  faites  frire,  glacez  à  la  pelle 
rouge  ou  dans  le  four,  et  servez  chaud. 

On  fait  des  rissoles  de  café,  de  safran,  de  crème,  de  riz, 
d'amandes,  pistaches  avelines  et  toi\tes  sortes  de  fruits. 

Rissoles  d'épinards.  — Epluchez  bien  vos  épinards,  lavez-les 
à  plusieurs  eaux,  faites  cuire  ensuite  dans  une  casserole  avec  un 
verre  d'eau;  é gouttez-les,  pressez-les,  pilez-les  dans  un  mortier 
avec  un  morceau  de  beurre  frais,  de  l'écorce  de  citron  ^-ert, 
quelques  biscuits  d'amandes  amères,  un  peu  de  sucre  et  d'eau  de 
fleur  d'orange,  formez  ensuite  vos  rissoles  coaune  on  l'a  déjà 
dit,  faites  frire  de  belle  couleur  dans  une  friture  maigre;  quand 
elles  sont  frites  et  dressées  sur  un  plat,  sucrez-les,  glacez-les  à  la 
pelle  rouge  et  servez  pour  entremets. 

Rissoles  de  marmelade  d'abricots.  —  Vous  faites  une  pâte 
brisée  avec  un  litre  de  farine  fine,  un  quart  de  beurre,  une  cuil- 
lerée d'eau  de  fleur  d'orange,  un  peu  de  citron  râpé  très-fin, 
une  pincée  de  sel,  un  peu  d'eau,  formez-en  de  petites  abaisses, 
mettez   dessus  de  petits   tas  de  marmelade  d'abricots,  finissez 


RIZ. 


947 


à  Tordinaire,  et  servez,  glacées  avec  du  sucre  à  la  pelle  rouge. 
Rissoles  de  champignons  et  mousserons.  —  Coupez  en  dés 
les  champignons  et  les  mousserons,  passez-les  sur  le  feu  avec  un 
morceau  de  beurre,  un  bouquet,  une  tranche  de  jambon,  mettez- 
y  une  pincée  de  farine,  mouillez  avec  un  peu  de  réduction,  deux 
cuillerées  de  coulis,  un  peu  de  bouillon  et  sel,  faites  cuire  ce 
ragoût,  dégraissez-le,  puis,  quand  il  est  cuit,  liez  la  sauce,  met- 
tez-y un  jus  de  citron  et  laissez  refroidir.  Faites  une  pâte  brisée, 
mettez  de  petits  tas  de  votre  ragoût  sur  les  abaisses,  finissez 
comme  on  Ta  d^,  et  servez  de  même. 

RISSOLER.  —  Action  de  cuire  les  viandes  ou  autres  mets 
jusqu'à  leur  donner  une  couleur  rousse. 

Le  rôti,  pour  être  beau  et  bien  cuit,  doit  être  rissolé.  On  dit 
aussi  d'un  pain  cuit  de  belle  couleur,  qu'il  est  rissolé. 

RISSOLETTES.  —  Elles  se  font  avec  toutes  sortes  de 
viandes  cuites  hachées  menu,  avec  un  peu  de  graisse  de  bœuf  ou 
de  veau,  du  lard,  sel,  poivre,  persil,  ciboules,  échalotes,  trois 
jaunes  d'oeufs  ;  dressez  de  cette  farce  sur  de  petites  rôties  de  pain, 
et  servez  chaud  pour  hors-d'œuvre. 

RIZ.  —  Originaire  de  TOrient,  le  riz  est  après  le  pain  la 
nourriture  la  plus  saine,  la  plus  abondante  et  la  plus  universelle- 
ment connue.  Les  peuples  de  l'Asie,  de  l'Afrique  et  de  l'Amérique 
en  font  une  consommation  considérable  et  s'en  trouvent  fort 
bien;  dans  beaucoup  de  pays  de  ]*Europe,  le  riz  est  aussi  fort 
en  usage.  On  fait  encore  dans  certains  pays  un  vin  de  riz  d'une 
couleur  blanche  atnbrée  et  d*un  goût  aussi  agréable  que  le  vin 
d'Espagne  :  cette  boisson  enivrante  est  très  en  usage  à  la  Chine,' 
où  le  riz  est  la  base  de  la  nourriture  des  habitants. 

Le  riz  que  nous  consommons  en  France  nous  vient  de  l'Italie, 
du  Piémont  et  de  la  Caroline. 

Ril  soufflé.  —  Préparez  une  once  ou  deux  de  riz,  faites-le 
-crever  dans  du  lait  avec  un  peu  de  zeste  de  citron,  du  sel  et  un 
peu  de  beurre,  mouillez-le  petit  à  petit  pour  qu'il  se  maintienne 
ferme,  ajoutez-y  deux  cuillerées  de  sucre  en  poudre;  votre  riz 
crevé  et  réduit,  mettez-y  des  jaunes  d'œufs  les  uns  après  les 
autres,  faites-les  prendre  sans  les  laisser  trop  cuire,  fouettez  les 
blancs  que  vous  mêlerez  avec  votre  appareil,  dressez  votre  soufflé 


94^  RIZ. 

sur  un  plat,  mettez-le  au  four  ou  sous  un  four  de  campagne, 
glacez-le  de  sucre  en  poudre  lorsqu'il  commencera  à  prendre 
couleur,  laissez-le  s'achever  de  se  cuire  et  de  se  glacer,  et  servez- 
le.  Mettez  le  soufflé  dans  un  bol  d'argent,  cernez-le  autour  avec 
un  couteau  afin  de  lui  laisser  Taisance  de  monter,  glacez  et 
servez. 

Gâteau  de  r/ç  à  la  bourgeoise.  —  Lavez  et  faites  blanchir 
250  grammes  de  riz,  faites-le  crever  dans  un  peu  de  lait  que  vous 
aurez  fait  bouillir  avec  le  zeste  d'un  citron,  mouillez  ce  riz  petit 
à  petit  et  maintenez-le  ferme,  laissez-le  ensuite  refroidir,  incor- 
porez-y une  douzaine  de  macarons,  dont  six  amers,  une  pincée 
de  sel  fin,  125  gr.  de  sucre,  quatre  œufs  entiers  et  les  jaunes  de 
quatre  autres  dont  vous  conserverez  les  blancs.  Beurrez  une  cas- 
serole, égouttez-la,  saupoudrez-la  de  mie  de  pain,  fouettez  vos 
quatre  blancs  d'œufs,  incorporez -les  légèrement  dans  le  riz,  ver- 
sez-le dans  une  casserole  qui  devra  vous  servir  de  moule,  met- 
tez-le au  four  une  demi-heure  ou  trois  quarts  d'heure  avant  de 
servir,  dressez- le,  sa  cuisson  achevée,  et  servez-le  de  suite;  les 
macarons  en  poudre. 

Les  gâteaux  de  vermicelle  ou  de  semoule  se  font  de  la 
même  manière,  excepté  que  vous  ne  faites  pas  crever  ces 
pâtes. 

Vous  pouvez  masquer  votre  gâteau  ou  servir  à  proximité  de 
cet  entremets  une  sauce  composée  de  la  manière  suivante  : 

Mettez  dans  une  casserole  la  moitié  d'une  cuillerée  abouche 
de  fleur  de  farine  délayée  avec  de  la  crème,  une  cuillerée  à  café 
d'eau  de  fleur  d'oranger,  un  peu  de  sel,  une  cuillerée  à  bouche  de 
sucre  fin  et  un  peu  de  beurre,  mettez  cet  appareil  sur  le  feu,  faites- 
le  cuire  en  le  tournant,  puis  masquez-en  votre  gâteau  en  le  tirant 
du  four. 

i?i\  au  lait  d'amandes,  —  Nettoyez  votre  riz  et  mettez-le  dans 
une  casserole  avec  un  peu  d'eau,  ajoutez  un  grain  de  seK  un 
peu  de  zeste  de  citron,  deux  feuilles  de  laurier  amande,  et  faites 
cuire  à  petit  feu;  pilez  ensuite  250  grammes  d'amandes  que 
'vous  humectez  en  pilant  avec  une  cuillerée  d'eau  afin  qu'elles 
ne  tournent  pas  en  huile;  lorsqu'elles  sont  bien  ,pilées,  vous  les 
passez  dans  une  serviette,  en  pressant  fortement;  mettez  du  sucre 


RIZ.  949 

dans  votre  riz,  mouillez-le  avec  ce  lait  d'amandes  et  achevez  de 
le  faire  cuire  à  petit  feu. 

Otez,  avant  de  servir,  le  citron  et  le  laurier. 

Ri^  aux  pommes  à  la  bonne  femme.  —  Préparez  du  riz  comme 
pour  un  gâteau,  en  employant  des  œufs  entiers  battus,  beurrez 
une  casserole  et  mettez  deux  doigts  de  ce  riz  au  fond  de  cette  cas- 
serole et  autant  autour,  remplissez  l'intérieur  avec  des  quartiers 
de  pommes  en  compote.  Couvrez  avec  du  riz  et  faites  cuire  comme 
le  gâteau. 

Turban  de  pommes  au  ri:{.  —  Garnissez  de  250  grammes  de 
riz  cuit  un  moule  légèrement  beurré;  placez  dans  l'intérieur  six 
pommes  coupées  par  quartiers  et  cuites  au  sirop,  renversez 
ensuite  le  moule  sur  le  plat  d'entremets,  enlevez-les,  placez  à 
Tentour,  et  un  peu  inclinés,  les  quartiers  de  pommes  cuites  blan- 
ches et  ornez-les  avec  des  grains  de  raisin  de  Corinthe.  Vous 
placez  à  l'entour  du  haut  du  riz  et  droites  de  petites  bandes  rondes 
de  riz  que  vous  aurez  teintées  d'un  beau  rose  ou  vert-pistache 
très- tendre,  ou  si  vous  préférez  vous  placez  tout  simplement  des 
filets  d'angélique;  servez  votre  entremets  après  avoir  versé  autour 
le  sirop  de  pommes. 

Chose  extraordinaire,  j'en  ai  mangé  sur  les  bords  du 
Volga. 

Corbeille  de  r/;f  garnie  de  petits  fruits.  —  Vous  dressez 
votre  riz  sur  le  plat  en  forme  de  corbeille  après  l'avoir  préparé 
comme  il  est  indiqué  ci-dessus,  vous  ornez  cette  corbeille  d'une 
mosaïque  de  petits  filets  d'angélique,  puis  vous  garnissez  le  tour 
du  pied  de  petites  colonnes  de  pommes,  vous  groupez  dans  la 
corbeille  de  petits  fruits  disposés  avec  douze  pommes  de  reinette 
bien  saines  de  manière  à  imiter  des  poires,  des  abricots,  des 
figues  et  des  petites  pommes  d'api  ;  vous  colorez  les  figues  après 
la  cuisson  avec  un  peu  de  vert,  mais  pas  d'essence  d'épinards,  les 
abricots  avec  une  petite  infusion  de  safran  et  les  pommes  d'api 
avec  un  peu  de  carmin;  puis  vous  placez  dans  les  fruits,  pour  imi- 
ter des  grappes  de  raisin,  de  petites  parties  de  riz  dans  lesquelles 
vous  fichez  des  moyeifs  grains  de  muscat  ;  pour  former  une 
grappe  de  ce  fruit,  vous  en  groupez  une  autre  de  raisins  de  Co- 
rinthe et  vous  placez  enfin,  entre  tous  ces  fruits,  des  feuilles  de 


950  RIZ. 

biscuit  aux  pistaches,  d'angélique  en  losange  ou  de  riz  teint  d'un 
vert  tendre. 

Ri!(  en  timbale  glacée,  —  Vous  foncez  légèrement  de  pâte 
fine  un  moule  d'entremets,  ensuite  vous  masquez  la  pâte  avec  les 
trois  quarts  de  riz  ;  versez  dans  le  milieu  huit  pommes  de  rei- 
nette coupées  par  quartiers  que  vous  aurez  fait  cuire  avec  deux 
onces  de  sucre,  deux  de  beurre  d'Isigny  et  deux  cuillerées  de 
marmelade  d'abricots.  Couvrez  le  tout  du  reste  de  riz  et  d'une 
abaisse  de  pâte;  mettez  ensuite  la  timbale  au  four  doux,  faites- 
lui  prendre  couleur  blonde,  renversez-la  sur  le  plat,  enlevez  le 
moule,  glacez  la  surface  avec  de  la  marmelade  d'abricots  transpa- 
rente et  servez. 

Ri{  en  croustade  et  meringué.  —  Dressez  et  décorez  une 
croustade  de  pâte  fine,  cuisez-la  de  belle  couleur,  préparez  six 
onces  de  riz  et  huit  belles  pommes  tournées  et  cuites  très-blanches. 
Dégarnissez  la  croustade  de  la  farine  que  vous  y  avez  mise  pour 
cuire,  versez-y  la  moitié  du  riz  que  vous  élargissez  et  placez  des- 
sus les  pommes  que  vous  aurez  garnies  intérieurement  d'abricots. 
Couvrez-les  avec  le  reste  du  riz  que  vous  unissez,  puis  mettez 
l'entremets  au  four  doux;  fouettez  deux  blancs  d'œufe,  mêlez-les 
avec  deux  cuillerées  de  sucre  en  poudre,  formez-en  une  grosse 
meringue,  saupoudrez-la  de  sucre  fin  et  placez-la  sur  un  bout 
de  planche  ;  mettez-la  au  four,  donnez-lui  belle  couleur,  retirez 
l'entremets  que  vous  masquez  avec  le  sirop,  glacez  la  croûte  de 
votre  croustade  et  servez  de  suite.  Cette  préparation  faisait  les 
délices  d'Alice  Ozy,  à  Saint-Germain. 

Rt!(  à  la  turque.  —  Lavez  et  blanchissez  248  grammes  de 
riz  Caroline,  faites-le  cuire  un  peu  ferme  avec  quatre  verres 
de  lait,  un  quart  de  sucre  sur  lequel  vous  aurez  râpé  le  zeste 
d'un  citron,  un  quart  de  beurre  d'Isigny,  six  onces  de  raisin  de 
Corinthe  bien  lavé  et  un  grain  de  sel;  vous  ôtez  le  riz  du  feu 
quand  il  est  crevé,  vous  y  mêlez  huit  jaunes  d'œufs,  vous  le  versez 
dans  une  casserole  d'argent  ou  dans  une  croustade  et  le  mettez 
au  four  doux  pendant  vingt  minutes.  Vous  le  saupoudrez 
ensuite  de  sucre  fondu  au  fer  à  glacer  pour  donner  à  la  surface 
du  riz  une  belle  couleur  rougeâtre,  et  vous  servez  de  suite. 

Ri:{  à  la  turque  (autre  méthode).  —  Choisissez  500  grammes 


RIZ.  951 

de  bon  riz  que  vous  lavez  à  plusieurs  eaux,  égouttez-le  et  met- 
tez-le dans  une  casserole  et  faites-le  crever  avec  du  bon  con- 
sommé; il  faut  le  mouiller  très-peu.  Votre  riz  à  moitié  cuit, 
joignez-y  un  peu  de  safran  en  poudre,  un  morceau  de  beurre 
fin,  de  la  moelle  de  bœuf  fondue  et  un  peu  de  glace  dp  volaille  ; 
maniez  le  tout  ensemble  et  servez  dans  une  soupière  ou  sur  un 
plat  avec  du  consommé  clarifié. 

Ri:(  À  l'indienne.  —  Vous  préparez  votre  riz  en  y  joignant 
le  tiers  d'un  verre  de  rhum  et  une  petite  infusion  de  safran,  afin 
de  le  colorer  d'un  beau  jaune;  servez-le  glacé  comme  il  est  indi- 
qué plus  haut  et  dans  une  casserole  d'argent. 

/îijf  à  la  française.  —  Lavez  et  blanchissez  du  riz  et  faites 
le  cuire  avec  du  beurre  fin,  du  sucre  en  poudre  et  du  lait; 
mèlez-y  ensuite  quelques  macarons  amers,  un  peu  de  fleur 
d'oranger,  pralines  en  feuille,  de  l'écorce  d'orange  confite  et 
coupée  en  dés,  une  vingtaine  de  cerises  confites  coupées  en  deux 
et  autant  de  gros  raisins  de  Muscat  bien  épépinés  et  quelques 
filets  d'angélique  confite.  Finissez  ce  plat  comme  il  est  indiqué 
ci-dessus,  et  servez  avec  une  sauce  liée  au  vin  d'Alicante  ou  de 
Val-de-Penas. 

JRis[  à  la  Ristori.  —  Vous  faites  crever  une  livre  de  riz 
bien  lavé.  Vous  râpez  une  demi-livre  de  lard,  puis  vous  émincez 
un  chou  de  Milan  et  vous  le  faites  suer  avec  le  lard,  du  sel,  du 
poivre,  persil,  quelques  graines  de  fenouil;  quand  le  chou  a  été 
étouffé  pendant  trois  quarts  d'heure,  vous  mettez  le  riz  dedans 
avec  très-peu  de  mouillement  afin  qu'il  soit  à  peine  couvert, 
vous  le  laissez  cuire  un  quart  d'heure  et  vous  le  servez  avec  du 
fromage  de  Parmesan  râpé. 

Ri^  à  la  Cochinat.  —  Dépecez  deux  poulets,  passez-les  au 
beurre,  mais  ornés  d'un  bon  bouquet  garni  de  deux  clous  de 
girofle,  de  petits  piments  enragés  bien  écrasés  ou  piles  et  d'une 
pincée  de  safran.  Mouillez  vos  poulets  avec  du  bouillon  en  y 
ajoutant  trente  oignons  émincés  le  plus  également  possible,  en 
observant  d'en  retirer  les  bouts  et  les  cœurs,  faites  frire  vos 
oignons  bien  blancs,  égouttez-Ies  et  mettez-les  cuire  avec  vos 
poulets  en  faisant  bouillir  le  tout  à  grand  feu  ;  lavez  une  livre 
de  riz,  faites-le  blanchir,  faites-le  cuire  dans  de  l'eau  de  manière 


952  RI/. 

qu'il  soit  à  peine  crevé,  servez  vos  poulets  dans  une  terrine, 
votre  riz  dans  une  autre,  ne  dégraissez  pas  vos  poulets;  aTez  soin 
que  leur  sauce  soit  un  peu  longue  sans  être  liée. 

Ri^  au  beurre^  aux  pommes  et  aux  raisins  de  Corinthe.  — 
Faites  cuire  360  grammes  de  riz  comme  il  est  indiqué,  joignez-y 
du  raisin  de  Corinthe  parfaitement  lavé,  tournez  ensuite  douze 
pommes  d'api  que  vous  coupez  par  quartiers  et  que  vous  faites 
cuire  avec  du  beurre  fin,  du  sucre  en  poudre  et  de  la  marmelade 
d'abricots. 

Vous  beurrez  ensuite  légèrement  un.  moule  à  cylindre  et 
vous  le  garnissez  avec  le  riz  que  vous  renversez  aussitôt  sur  un 
plat;  vous  glacez  ce  riz  de  marmelade  d'abricots,  vous  versez 
dans  le  cylindre  les  quartiers  de  pommes  tout  bouillants  et  vous 
servez  de  suite. 

Gâteau  de  ri{  au  caramtL  —  Vous  préparez  le  riz  de  la 
manière  accoutumée,  mais  vous  faites  cuire  le  sucre  au  caramel  et 
y  mêlez  une  cuillerée  de  fleur  d'oranger  pralinée.  Lorsqu'il  est 
froid,  vous  le  faites  dissoudre  avec  un  demi-verre  d'eau  bouil- 
lante et  le  versez  ensuite  dans  le  riz  que  vous  moulez  comme  le 
précédent;  puis,  après  l'avoir  renversé  sur  son  plat,  vous  le  gla- 
cez de  sucre  en  poudre  que  vous  faites  fondre  en  posant  dessus  le 
fer  à  glacer,  ce  qui  donne  une  couleur  brillante  au  gâteau  que 
vous  servez  le  plus  promptement  possible. 

On  peut,  au  lieu  de  glacer  ce  gâteau,  le  masquer  de  mar- 
melade d'abricots  et  semer  par-dessus  des  macarons  amers  pulvé- 
risés. 

Tous  ces  gâteaux  sont  de  fort  jolis  entremets. 

Ri!{  à  la  chancelière.  (Recette  de  la  présidente  Fouquet.)  — 
Mettez  dans  une  grande  huguenote  de  terre,  qui  doit  être  plus 
haute  que  large,  une  demi-livre  de  riz  bien  lavé  à  six  eaux 
tièdes,  une  demi-livre  de  sucre  en  poudre,  un  quarteron  de  beurre 
tout  frais,  trois  cuillerées  de  miel  blanc,  une  petite  cuillerée  de 
fine  poudre  de  cannelle  et  puis  entin  deux  pintes  de  lait  très- 
nouveau;  enfournez  la  huguenote  en  mettant  le  pain  au  four  et 
laissez-y  cuire  le  riz  jusqu'à  l'heure  où  on  défournera  le  gros 
pain  de  douze  livres.  Notez  bien  qu'il  faut  que  le  haut  du  \*a$e 
soit  assez  vide  et  longuement  exhaussé  pour  que  le  lait,  en  Louil- 


ROGNON.  953 


lant  par  la  grande  chaleur  du  four,  ne  puisse  sortir  de  la  hugue- 
note et  se  trouve  obligé  de  retomJ>er  toujours  sur  le  riz.  Madame 
la  chancelière  de  Pontchartrain  a  vécu  longtemps  de  cette  nour- 
riture agréable  aussi  bien  que  légère  et  très-salubre  aux  inflam- 
mations de  poitrine  et  d'estomac. 

ROAST-BEEF  ou  ROSBIF.  —  (V.  Bœuf.) 

ROBINE.  —  Nom  d'une  excellente  poire  connue  aussi  sous 
les  noms  d'averaty  de  muscat  d'août  et  de  royale. 

ROCAMBOLE  {échalote  d'Espagne).  —  Espèce  d  ail  qui 
croit  naturellement  dans  les  contrées  méridionales  de  l'Europe. 
On  la  rencontre  aussi  en  Allemagne,  en  Hongrie,  en  Danemark. 
Les  bulbes  sont  employées  dans  la  cuisine  comme  assaisonnement^, 
elles  sont  plus  douces  que  celles  de  l'ail  commun;  on  sert  aussi 
sur  la  tablc;  pour  être  mangées  crues,  les  petites  bulbes  qui  se 
trouvent  parmi  les  fleurs. 

La  rocambole  de  France  ayant  presque  toujours  un  goût  de 
verdeur  et  d'àcreté  très-prononcé,  il  faut  avoir  bien  soin  de  la 
faire  blanchir  avant  de  s'en  servir. 

ROGNON.  —  C'est  sous  ce  nom  que  l'art  culinaire  s'est 
emparé  des  reins  des  animaux;  la  saveur  urineuse  qui  les  carac- 
térise est  ce  que  recherchent  les  amateurs  de  cette  sorte  de  mets. 

La  chair  des  rognons  a  cela  de  particulier  qu'elle  ne  s'atten- 
drit jamais  par  la  cuisson;  ils  sont  ordinairement  d'une  substance 
molle  et  compacte  qui  les  rend  difficiles  à  digérer  et  produit  des 
obstructions;  il  y  a  cependant  quelques  jeunes  animaux  dont 
les  reins  sont  assez  tendres  et  d'un  bon  goût,  tels  que  ceux 
des  agneaux,  des  veaux,  des  cochons  de  lait  et  de  quelques 
autres. 

Les  rognons  de  bœuf  étant  toujours  un  peu  pierreux  et  la 
substance  étant  pourvue  d'une  saveur  trop  forte,  nous  ne  con- 
seillons pas  à  nos  lecteurs  d'en  abuser. 

Rognons  de  mouton  aux  mousquetaires.  —  Prenez  des 
rognons,  ôtez-en  la  graisse,  fendez-les  en  deux,  embrochez-les  à 
des  brochettes,  assaisonnez-les  de  sel,  poivre,  un  peu  d'échalotes 
hachées  bien  menu.  Frottez  une  casserole  de  beurre,  lard  ou 
graisse,  arrangez-y  vos  rognons,  me!tez-les  un  instant  sur  le  feu 
ou  sur  des  cendres  chaudes,  feu  dessus  et  dessous,  laissez-les  seu- 


954  ROGNON. 


lement  un  instant,  cela  suffit  pour  leur  cuisson,  dressez-les  dans 
un  plat,  mettez  un  peu  d'eau  dans  la  casserole  où  ils  ont  cuit,  un 
peu  de  mie  de  pain,  sel,  poivre,  une  pointe  de  vinaigre,  jetez  vos 
rognons  dessus,  et  servez  pour  hors-d  œuvre. 

Rognons  de  mouton  à  la  brochette  honorifique.  —  Mouillez 
une  douzaine  de  rognons  de  mouton,  fendez'les  légèrement  à 
Topposé  du  nerf,  ôtez  les  peaux  qui  les  enveloppent  et  achevez 
de  les  fendre  sans  les  séparer;  passez  au  travers,  de  quatre  en 
quatre,  une  brochette  de  bois  en  sorte  qu'ils  ne  puissent  se 
refermer,  trempez-les  dans  du  beurre  fondu,  panez-les,  faites- 
les  griller  en  les  retournant  à  propos;  quand  ils  sont  cuits, 
retirez  les  brochettes,  dressez-les  sur  un  plat,  mettez  dans 
chacun  un  peu  de  maître  d'Mtel  froide,  faites  chauâèr  votre  plat 
et  exprimez  dessus  le  jus  d'un  citron. 

Rognons  de  mouton  au  vin  de  Champagne.  —  Supprimtfz  la 
graisse  et  les  iibres  d'une  douzaines  de  rognons  de  mouton  et 
émincez-les,  mettez  du  beurre  dans  une  casserole,  ajoutez-y  vos 
rognons  assaisonnés  de  sel,  poivre,  muscade,  persil  haché  et 
champignons,  faites  sauter  à  grand  feu,  puis,  lorsqu'ils  sont 
roidis,  vous  y  mettez  un  peu  de  farine  et  d'Aï  bouilli  avec  deux 
cuillerées  d'espagnole  réduite,  remuez  sur  le  feu  sans  laisser 
bouillir,  et  au  moment  de  servir,  joignez-y  un  peu  de  beurre  fin 
et  un  jus  de  citron,  et  servez  avec  des  croûtons. 

Rognons  de  mouton  glacés.  —  Piquez-les  d'un  lard  très- 
rin  sans  ôter  la  peau,  enfilez-les  dans  des  brochettes  et  attachez- 
les  à  la  broche  avec  un  papier  beurré  sur  l'endroit  qui  n'est  pas 
piqué,  et,  quand  ils  sont  cuits  à  propos,  servez  avec  une  sauce  à 
l'espagnole  ou  toute  autre. 

Rognons  de  mouton  sur  le  gril.  —  Ouvrez  les  rognons  par 
le  milieu,  passez  au  travers  une  petite  brochette,  assaisonnez-les 
de  sel,  poivre,  et  faites  griller;  quand  ils  sont  cuits,  servez-les 
avec  une  sauce  à  l'échalote.  Tous  les  rognons  de  mouton  sont 
bons  à  toutes  sauces,  pourvu  qu'ils  soient  saignants. 

Rognons  marines.  —  Prenez  des  rognons  de  mouton  et  ftn- 
dez-les  en  deux  sans  les  séparer,  faites-les  mariner  avec  un  peu 
d'huile,  persil,  ciboule,  une  pointe  d'ail,  le  tout  haché  très-fin; 
ajoutez  thym,  laurier,    basilic  en   poudre,    sel,   fines    épices. 


ROGNON.  9JJ 


Quand  ils  auront  pris  goût  dans  la  marinade,  vous  les  passez 
comme  les  autres  dans  des  petits  hàtelets,  les  trempez  dans  leur 
marinade,  les  panez  de  mie  de  pain,  vous  les  faites  griller  en 
les  arrosant  de  temps  en  temps  avec  leur  marinade,  et  vous  les 
servez  avec  une  sauce  à  l'échalote  dessous. 

Rognons  de  mouton  en  ragoût. — Faites  blanchir  les  rognons, 
ôtez-en  la  petite  peau,  piquez- les  de  gros  lard,  passez-les  à  la 
poêle  avec  bon  beurre,  persil,  ciboules  ;  empotez-les  après  avec 
bon  bouillon,  sel,  poivre,  clous,  champignons,  morilles,  palais 
de  bœuf,  marrons,  un  bouquet  de  iines  herbes  et  un  coulis  de 
bœuf,  et  servez  pour  entremets. 

Rognons  de  mouton  aux  concombres,  —  Faites  cuire  vos 
rognons  dans  des  bardes  de  lard,  laissez-les  refroidir,  émincez- 
les  et  mettez-les  dans  un  ragoût  de  concombres  au  roux  ou  à  la 
béchamel. 

Rognons  de  mouton  sautés, —  Fendez  douze  rognons  pelés  et 
servez  cru.  Nous  devons  à  l'obligeance  de  notre  ami  Nadar  cette 
recette  primitive. 

Cependant,  si  vous  le  préférez,  posez-les  sur  un  sautoir  avec 
beurre  fondu,  sol  et  poivre;  faites  aller  à  grand  feu.  Quand  ils 
sont  roidis  d'un  côté,  retournez-les  et  faites-les  cuire  de  l'autre; 
retirez-les,  dressez-les  sur  un  plat  avec  autant  de  croûtons  de 
pain  passés  au  beurre.  Mettez  dans  votre  sautoir  un  morceau  de 
graisse,  deux  cuillerées  d'espagnole  réduite,  faites  bouillir  votre 
sauce,  iinissez-la  avec  du  beurre  fin  et  un  jus  de  citron,  saucez 
vos  rognons,  et  servez. 

Rognons  de  bœuf  à  l'oignon,  —  Passez  des  tranches  d'oignon 
dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre;  lorsqu'il  est  à 
moitié  passé,  mettez-y  votre  rognon  de  bœuf  coupé  très-mince, 
assaisonnez  de  sel  et  poivre,  ne  mouillez  qu'avec  le  jus  que  cela 
rendra,  ajoutez  un  filet  de  vinaigre  et  de  la  moutarde,  et  servez 
pour  hors-d'œuvre. 

Rognons  de  bœuf  à  la  poêle,  —  Passez  votre  rognon  bien 
émincé  dans  une  poêle  avec  persil,  ciboule,  échalote,  sel  et 
poivre.  Otez  les  rognons  lorsqu'ils  sont  cuits,  mettez  dans  la 
sauce  un  verre  de  vin  et  un  peu  d'eau,  liez  avec  trois  jaunes 
d'œufs  et  servez  pour  hors-d'œuvre. 


9^6  ROSSOLIS. 


Rognons  de  veau  sautés,  —  Emincez  des  rc^nons  de  veau 
dont  vous  aurez  ôté  les  peaux  et  la  graisse.  Mettez-les  sur  un 
plat  à  sauter  avec  du  beurre,  sel,  poivre,  muscade,  échalote  et 
persil  hachés  et  champignons  cuits;  faites-les  sauter  sur  un  feu 
très-ardent.  Ajoutez  un  peu  de  farine,  du  vin  blanc,  quelques 
cuillerées  de  sauce  espagnole  réduite,  puis,  au  moment  de  servir, 
mettez  dans  les  rognons  un  peu  de  beurre  bien  frais  et  un  jus 
de  citron. 

Si  vous  faites  cuire  vos  rognons  de  veau  à  la  broche  ou  au 
four,  vous  leur  laisserez  leur  graisse. 

Les  rognons  d'agneau  et  les  rognons  de  coq  reçoivent  aussi 
des  préparations  que  nous  avons  indiquées  à  leur  article. 

ROQUEFORT  (Fromage  de). —  Fromage  qui  se  fabrique  à 
Roquefort  en  Rouergue,  dans  TAveyron. 

Ce  fromage  est  composé  d'un  mélange  de  lait  de  chèvre  et 
de  brebis,  chauffé  et  mis  en  présure  et  en  forme  ;  on  entoure 
ensuite  chaque  petite  masse  de  sangles  pour  les  empêcher  de  se 
fendre,  et  on  le  dessèche  dans  des  caves  où  règne  un  courant 
d'air  très-vif,  puis  on  le  sale  en  le  couvrant  d'une  couche  de  sel 
et  en  en  empilant  plusieurs  les  uns  sur  les  autres,  au  bout  de 
trois  ou  quatre  jours  de  salaison;  on  les  laisse  s'affiner  en  ayant 
soin  de  les  gratter  et  nettoyer  toutes  les  fois  qu'ils  montrent  un 
duvet  plus  ou  moins  coloré;  dès  que  ce  duvet  ^st  rouge  et  blanc, 
ces  fromages  sont  bons  à  manger  :  c'est  habituellement  au  bout 
de  trois  à  quatre  mois  de  cave. 

Nous  recommandons  le  fromage  de  Roquefort,  qui  passe 
avec  raison  pour  le  meilleur  de  tous  nos  fromages  secs. 

ROSSIGNOL.  —  Le  rossignol  a  beau  nous  charmer  par  son 
chant  mélodieux,  celçi  n'empêche  pas  nos  cruels  chasseurs  de  le 
tuer  pour  sa  chair,  qui  ne  le  cède  en  délicatesse  qu'au  bec-tigue. 
On  rapporte  que  LucuUus,  dans  un  repas  somptueux,  fit  senîr 
plusieurs  plats  composés  d'une  très-grande  quantité  de  cenelles 
de  rossignols  :  mets  exquis  s'il  en  fut. 

ROSSOLIS. —  Liqueur  agréable  qu'on  buvait  ordinaire- 
ment à  la  iin  des  repas  au  siècle  dernier.  En  voici  la  recette  : 

Mettez  dans  une  bouteille  de  verre  une  pinte  d'esprit-de- 
vin ou  de  bonne  eau-de-vie  avec  douze  clous  de  girofle,  trois 


ROTI. 


9)7 


brins  de  poivre  long,  un  peu  d'anis  vert  et  de  coriandre  cassée. 
Laissez  tremper  le  tout  environ  deux  heures  et  passez-le  dans 
un  linge;  faites  cuire  du  sucre  à  soufflé,  retirez-le  du  feu, 
mettez-y  votre  esprit-de-vin,  remuez-le  bien  avec  une  cuiller, 
passez-le  ensuite  dans  une  chausse,  mettez  au  fond  de  cette 
chausse  une  douzaine  d'amandes  douces  et  non  pilées.  Si  vous 
le  voulez  meilleur,  pilez  dans  un  mortier  un  grain  de  musc  et 
deux  grains  d'ambre  avec  un  peu  de  sucre  en  poudre.  Mettez  le 
tout  dans  un  peu  de  coton  ou  dans  de  Tétoupe,  arrachez-le  à  la 
pointe  de  la  chausse,  et  passez  votre  liqueur  deux  ou  trois  fois. 

Rossolis  ou  liqueur  parfumée.  —  Faites  bouillir  deux  pintes 
d'eau  et  deux  livres  de  sucre  jusqu'à  diminution  d'un  quart, 
versez-y  ensuite  deux  cuillerées  d'eau  de  fleurs  d'oranger,  faites 
bouillir  encore  un  peu,  jetez-y  un  blanc  d'oeuf  fouetté  avec  la 
coquille  rompue,  remuez  bien  ce  blanc  d'œuf  dans  votre 
liqueur,  ôtez-la  du  feu  quand  elle  commence  à  bouillir,  passez- 
la  plusieurs  fois  dans  la  chausse,  clarifiez-la,  versez-y  de  bonne 
eau-de-vie  à  discrétion,  suivant  la  force  que  vous  voulez  lui 
donner,  versez-y  enfin  de  l'essence  d'ambre  ou  d'hypocras,  plus 
ou  moins,  suivant  votre  goût. 

ROTI.  — Viande  cuite  à  la  broche  et  au  four.  Le  rôti,  dans 
les  repas  réglés,  se  sert  au  second  service.  Le  gros  rôii  est  la 
grosse  viande  rôtie,  telle  que  bœuf,  veau,  gigot  de  mouton,  etc.; 
le  petit  rôti  est  la  volaille,  le  gibier  et  les  petits  pieds. 

Quelques  personnes  regardent  les  viandes  rôties  comme 
moins  saines  et  moins  nourrissantes  que  celles  qui  sont  bouillies. 
«  Le  feu,  disent-ils,  venant  à  agir  d'une  manière  immédiate  sur 
les  viandes  que  l'on  rôtit,  en  dissipe  toute  l'humidité  qui  les 
rendait  si  saines,  il  en  dessèche  les  fibres,  et,  concentrant  ce  qui 
n'a  pu  se  dissiper  du  suc  de  ces  viandes,  il  le  fermente  et  l'exalte 
au  point  d'en  développer  tous  les  sels  et  d'en  former  un  suc 
salin  et  spiritueux,  propre  à  fermenter  le  sang  et  à  exalter 
la  bile. 

«  Les  viandes  bouillies,  au  contraire,  toujours  suivant  ces 
mêmes  personnes,  ne  reçoivent  l'action  du  feu  qu'au  travers  de 
l'eau,  qui  la  modère  et  la  corrige;  c'est  une  sorte  de  bain-marie; 
ce  n'est  plus  un  feu  sec  et  ardent  qui  brûle,  c'est  une  chaleur 


958  ROTI. 

douce  et  modérée  qui  cuit  sans  durcir  et  pénètre  sans  dessé- 
cher. Or  rien  ne  ressemble  si  bien  aux  digestions  qui  se  font 
dans  le  corps  et  n'y  dispose  mieux  les  nourritures  qu'on  lai 
prépare. 

«  Enfin,  le  rôti  donne  peut-être  plus  de  vigueur  parce  qu'il 
remue  davantage  les  esprits  et  qu'il  afFecte  plus  agréablement 
la  langue,  mais  il  fournit  moins  de  suc  nourricier,  parce  que 
l'ardeur  immédiate  du  feu  lui  en  a  enlevé  davantage.  » 

C'est  une  erreur  :  rien  n'est  plus  capable,  au  contraire,  de 
dépouiller  la  viande  de  son  suc  que  l'eau.  L'eau  est  le  plus 
puissant  dissolvant;  il  vide  les  pores  de  la  viande,  la  rend  propre 
à  se  charger  de  toutes  sortes  de  sels  et  à  se  remplir  de  ce  qu'il  y  a 
soit  de  plus  spiritueux,  soit  de  plus  huileux,  soit  de  plus  terrestre 
dans  le  corps.  On  dissout  plus  de  mixtes  et  on  tire  plus  de 
sucs  par  les  dissolvants  aqueux  que  par  les  autres.  Comment 
donc  la  viande,  lorsqu'elle  sera  longtemps  dans  l'eau  bouillante, 
n'y  perdrait-elle  pes  la  meilleure  partie  de  son  suc?  Elle  l'y  perd 
si  bien,  que  le  bouillon  en  tire  toute  la  gelée  :  c'est  donc  une 
erreur,  nous  le  répétons,  de  prétendre  que  la  viande  bouillie  est 
plus  nourrissante,  et  si  le  rôti  a  plus  de  goût  que  le  bouilli, 
c'est,  comme  a  dit  un  savant  médecin  du  dernier  siècle,  parce 
qu'il  a  encore  tout  son  suc,  au  lieu  que  la  viande  bouillie  a 
perdu  une  partie  du  sien  par  le  moyen  de  l'eau. 

Les  viandes  que  Ton  fait  rôtir  ne  doivent  pas  être  saisies 
trop  brusquement  par  le  feu,  pas  plus  qu'elles  ne  doivent 
languir.  Les  viandes  noires  doivent  rester  rouges  afin  de 
conserver  tout  leur  jus,  mais  les  viandes  blanches  exigent  une 
cuisson  plus  égale,  et  la  moindre  teinte  rosée  doit  avoir  disparu. 
Quant  à  fixer  une  règle  bien  certaine  à  l'égard  de  la  cuisson 
des  viandes  rôties,  c'est  assez  difficile;  car  cela  dépend  toujours 
de  la  qualité  et  de  la  quantité  des  viandes  que  l'on  fait  rôtir;  il 
y  a  cependant  deux  choses  essentielles  à  considérer  dans  les 
procédés  qu'on  doit  suivre  pour  bien  faire  rôtir  :  d'abord  la 
manière  d'établir  et  de  conduire  le  feu,  ensuite  la  qualité  des 
viandes,  qu'il  faut  traiter  différemment  suivant  qu'elles  sont 
blanches  ou  noires. 

Nous  empruntons  à  M.  A.   Coque,  auteur  de  la  Cuisine 


ROTI.  95^9 

française^  la  manière  de  rôtir  les  viandes  noires  et  les  viandes 

blanches. 

Manière  de  rôtir  les  viandes  noires  et  les  viandes  blanches. 
—  Les  viandes  noires  telles  que  le  bœuf  et  le  mouton  demandent 
à  être  vivement  saisies.  Il  faut  pour  ces  viandes  un  feu  clair, 
principalement  établi  aux  deux  bouts  de  la  broche.  Ne  hâtez  pas 
trop  cependant  la  cuisson,  mais  conduisez  votre  feu  de  manière 
à  diminuer  graduellement  la  chaleur.  Une  grosse  pièce,  par 
exemple  un  rôti  de  bœuf  ou  de  mouton  pesant  trois  ou  quatre 
kilogrammes,  exigera  une  heure  ou  une  heure  et  demie  de  cuis- 
son. Les  signes  auxquels  on  reconnaît  que  la  cuisson  est  arrivée 
au  point  convenable  sont  :  i®  une  certaine  résistance  que  la  viande 
oppose  au  doigt  qui  la  touche;  2*  une  petite  fumée  qui  s'en 
échappe  ;  3*  quelques  gouttelettes  de  sang  qu'elle  commencé  à 
laisser  tomber.  Les  viandes  noires  s'arrosent  d'elles-mêmes,  c'est- 
à-dire  avec  leur  propre  jus.  Ne  jamais  les  arroser.  (Le  contraire 
des  viandes  blanches.) 

Les  viandes  blanches,  telles  que  le  veau,  l'agneau,  la  dinde 
et  les  autres  volailles  se  traitent  d'une  manière  toute  différente. 
Elles  veulent  aussi  être  arrosées  de  temps  en  temps  de  beurre, 
parce  qu'elles  ne  rendent  pas  autant  de  jus  que  les  viandes  noires 
et  qu'elles  se  dessécheraient  facilement.  On  reconnaît  que  les 
viandes  blanches  sont  arrivées  à  point  parfait  de  cuisson,  lors- 
qu'elles deviennent  tendres  sous  le  doigt  qui  les  interroge  et 
qu'elles  laissent  échapper  une  petite  fumée.  Du  reste,  il  suffit 
d'avoir  acquis  un  peu  d'expérience  pour  savoir  faire  rôtir  conve- 
nablement les  viandes  blanches;  à  cet  égard  une  cuisinière, 
d'abord  inexpérimentée,  peut  devenir,  après  quelques  mois  de 
pratique,  aussi  habile  que  le  cuisinier  qui  a  déjà  vieilli  dans 
l'exercice  de  sa  profession.  Mais  il  n'en  est  pas  de  même  des 
viandes  noires.  Le  vrai  talent  du  rôtisseur  se  décèle  dans  la 
manière  de  bien  cuire  ces  viandes,  qui  doivent  conserver  tout 
leur  jus  jusqu'au  moment  où  elles  paraissent  sur  la  table  et  se 
séparer  sous  le  tranchant  du  couteau  en  morceaux  tendres  et 
succulents. 

Temps  qu'exigent  les  divers  rôtis.  —  En  traitant  des  viandes 
de  boucherie   (bœuf,  mouton,  veau,  etc.),  de  la  volaille  et  du 


960  ROTI. 

gibier,  nous  avons  eu  l'occasion  de  donner  quelques  conseils  qui 
s'appliquaient  plus  particulièrement  à  chacune  de  ces  viandes,  et 
nous  avons  indiqué  aussi  exactement  que  possible  pour  chacune 
d'elles  le  temps  qu'exigeait  leur  cuisson,  en  admettant  toujours 
qu'on  se  serve  d'une  broche  etqu'on  ait  un  feu  bien  soutenu.  Avec 
l'appareil  appelé  cuisinière  et  placée  devant  le  feu,  il  faut  moins 
de  temps;  avec  le  même  appareil  et  une  coquille  qui  renferme  le 
feu,  il  faut  moins  de  temps  encore.  Dans  certaines  cuisines  on  a 
adopté  la  broche  et  le  feu  dans  une  coquille  convenablement  dis- 
posée à  cet  effet,  c'est  peut-être  le  meilleur  système. 

PIÈCES  A  ROTIR  temps  oc  la  cvii>os. 

Pièce  de  bœuf  de  2  kilogr.  1/2 i  heure  r/2 

Pièce  de  bœuf  de  5  kilogr 2  heures  1.2. 

Pièce  de  veau  de  2  kilogr 1  heure. 

Pièce  de  mouton  (gigot  ou  épaule)  de  2  kilogr i  heure. 

Id.  id.  de  3  kilogr.   ....  i  heure  1/2. 

Pièce  d*agneau,  gros  quartier i  heure. 

Id.  petit  quartier 3  quarts  dlieure. 

Pièce  de  porc  frais  de  2  kilogr 2  heures. 

Cochon  de  lait 2  heures  i '2. 

Chapon  ou  pouhrde i  heure. 

Poulet 3  quarts  d*heure. 

Dinde i  heure  12. 

Pigeon I  demi-heure. 

Canard 3  quarts  d*heure. 

Caneton i  demi-heure. 

Oie  grasse i  heure  x/4. 

Faisan 3  quarts  d*heure. 

Perdreau i  demi-heure. 

Bécasse i  demi-heure. 

Alouettes  bardées 20  minutes. 

Chevreuil,  gros  quartier 3  heures. 

Lièvre i  heure  1/2. 

Levraut i  demi-heure. 

Lapereau i  demi-heure. 

Rôti  â  ^impératrice.  —  L'f  cochon  à  la  troyenne,  à  Tint.'- 
rieur  duquel  on  fait  entrer  des  bec-figues,  des  huîtres,  des  grives, 
le  tout  en  quantité  et  arrosé  de  bon  vin  et  de  jus  exquis  et  que 
le  Sénat  romain  fut  obligé  de  défendre  par  une  loi  somptuaire  à 
cause  de  sa  cherté,  doit  cependant  céder  le  pas  à  ce  plantureux 
rôri  dont  la  recette  suit  : 


ROTIES.  961 


On  ôte  le  noyau  d'une  olive,  on  le  remplace  par  un  filet 
d'anchois;  le  fruit  ainsi  bourré  se  met  dans  une  mauviette,  laquelle 
à  son  tour  entre  dans  une  caille  que  renfermera  une  perdrix 
qui  devra  se  cacher  dans  les  flancs  d'un  faisan.  Le  faisan  dispa- 
raîtra à  son  tour  dans  le  sein  d'une  vaste  dinde,  dont  un  cochon 
de  lait  deviendra  la  retraite;  on  fera  rôtir  le  tout,  et  le  tout  bien 
rôti  vous  offrira  pour  résultat  la  quintessence  de  l'art  culinaire, 
le  chef-d'œuvre  de  l'art  gastronomique.  Ne  croyez  pas  cependant 
que  ce  mets  doive  servir  en  entier  :  les  gourmands  ne  mangent 
que  l'olive  et  le  filet  d'anchois,  et  cette  olive  ne  revient  pas  à 
moins  de  500  francs. 

ROTIES.  —  Tranches  de  pain  qu'on  fait  rôtir  et  sur  lesquelles 
on  sert  différentes  substances  maigres  ou  grasses. 

Rôties  de  rognons  de  veau.  —  La  longe  de  veau  étant  cuite, 
tirez-en  le  rognon,  hachez-le  avec  sa  graisse,  un  peu  de  persil, 
de  l'écorce  de  citron  vert,  du  sucre  en  proportion,  pilez  le  tout 
dans  un  mortier;  coupez  de  petites  tranches  de  pain  de  la  lon- 
gueur de  deux  doigts,  mettez  un  peu  de  farce  sur  chacune,  beur- 
rez le  fond  d'une  tourtière  et  arrangez-y  vos  rôties.  Mettez-les 
au  four  ou  sous  un  couvercle  pour  leur  faire  prendre  cuoleur, 
quand  elles  sont  cuites,  sucrez-les  et  glacez-les  avec  la  pelle 
rouge,  dressez-les  proprement  sur  un  plat  et  servez  pour  entre- 
mets ou  garniture.  # 

Rôties  à  la  Richelieu.  —  Faites  un  salpicon  de  ris  de  veau, 
crêtes  et  fonds  d'artichauds  coupés  en  dés,  passez  des  champi- 
gnons en  dés,  mouillez  de  jus,  mettez-y  le  salpicon,  faites  cuire 
le  tout  avec  du  blond  de  veau,  assaisonnez  et  liez  sur  la  fin  avec 
des  jaunes  d'œufs,  peu  de  sauce  ;  laissez  refroidir,  garnissez  en- 
suite vos  rôties,  frottez-les  d'œufs  battus,  faites  frire  et  servez 
avec  une  sauce  au  blond  de  veau  réduit. 

Rôties  de  chapon.  —  Faites  une  farce  de  chair  de  chapon, 
mêlez-y  du  sucre  et  de  l'écorce  de  citron  vert,  faites  cuire  et  gla- 
cer comme  les  précédentes  et  servez  de  même. 

Rôties  à  Vanglaise.  —  Coupez  en  petits  dés  deux  ris  de 
veau  blanchis  avec  champignons  et  jambon,  passez-les  avec  un 
morceau  de  beurre  et  un  bouquet,  mouillez  avec  du  jus  et  du 
bouillon^  liez  ce  ragoût  lorsqu'il  tsX  cuit  avec  du  coulis,  dégrais- 

61 


5^a 


ROTIES. 


sez-le,  laissez  réduire  la  sauce  presque  à  sec,  liez-le  encore  de 
trois  jaunes  d'œufs,  mettez  sur  des  tranches  de  pain  coupées  en 
rôties  autant  de  ragoût  qu'il  en  peut  tenir,  arrrangez  de  petits 
œiifs  sur  le  ragoût,  dressez  vos  rôties,  unissez-les  avec  la  lame 
d'un  couteau  trempé  dans  Tœuf  battu,  faites-les  frire  dans  une 
friture  bien  chaude  et  servez  à  sec  ou  avec  une  essence. 

Rôties  de  concombres.  —  Coupez  des  concombres  en  dés, 
faites-les  mariner  une  heure  avec  sel,  poivre,  vinaigre,  pressez- 
les  ensuite  et  passez-les  avec  un  morceau  de  beurre,  ciboule 
et  persil,  mouillez  de  jus  et  de  bouillon,  faites  réduire,  liez  le 
ragoût  avec  trois  jaunes  d'oeufs  et  laissez  refroidir,  mettez  encore 
deux  jaunes  d'œufs,  étendez  les  concombres  sur  des  tranches  de 
pain,  unissez-les  avec  un  œuf  battu,  panez-les,  faites-les  frire  de 
belle  couleur  et  servez  avec  une  essence. 

Rôties  d'épinards,  —  Faites  blanchir  des  épinards,  pressez- 
les  et  passez-les  au  beurre,  mouillez  de  bouillon  et  de  coulis, 
faites  réduire  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  à  sec,  tournez  toujours  avec 
une  cuiller  afin  qu'ils  ne  brûlent  pas,  et  laissez-les  refroidir. 
Coupez  des  tranches  de  pain  comme  de  coutume,  étendez  dessus 
les  épinards,  unissez-les  avec  de  l'œuf  battu,  panez-les,  faites- 
les  frire  de  belle  couleur  et  servez  avec  une  bonne  essence  d'épi- 
nards. 

Q^utres  rôties  aux  épinards,  —  I^vez  les  épinards  dans  plu- 
sieurs eaux,  faites-les  blanchir  dans  l'eau  bouillante,  et  mettez-les 
ensuite  égoutter,  pressez-les  bien,  hachez-les  ensuite.  Mettez-les 
dans  une  casserole  avec  du  raisin  de  Corinthe,  écorce  de  citron 
confit,  sucre  en  poudre,  un  peu  de  sel  et  de  muscade,  trois  œuls 
entiers  et  cinq  jaunes  crus,  un  peu  de  crème  ;  mêlez  bien  le  tout 
ensemble  et  faites-le  dessécher  sur  le  feu;  ôtez-le  ensuite,  ajou- 
tez d'abord  deux  œufs  entiers  et  un  peu  après  deux  autres  œuft 
avec  un  peu  de  vin  des  Canaries,  que  vous  mêlez  bien  ensemble; 
farinez  le  fond  d'un  plat,  étendez  la  farce  dessus  comme  une 
crème  froide  et  laissez-la  refroidir,  coupez-la  ensuite  par  mor- 
ceaux de  la  longueur  du  doigt,  faites  frire  ces  morceaux  dans  du 
beurre  fondu  bien  chaud  ;  quand  ils  sont  frits,  poudrez-les  de 
sucre  fin  et  glacez-les  à  la  pelle  rouge;  faites  ensuite  une 
sauce  avec  un  peu  de  beurre,  du  vinaigre  et  du  vin  des  Canaries, 


ROTIES.  963 


que  vous  jetez  dessus  avec  un  jus  d'orange,  et  servez  comme 
entremets. 

Rôties  de  haricots  verts,  —  Faites  cuire  des  haricots  verts 
avec  de  l'eau  et  du  sel,  passez-les  avec  un  morceau  de  beurre, 
persil,  ciboule,  hachis.  Mouillez-les  avec  du  bouillon,  assaison- 
nez de  sel  et  poivre  ;  liez-les  avec  du  coulis,  faites  réduire  la 
sauce,  ajoutez-y  trois  jaunes  d'œufs,  faites  lier  sur  le  feu  sans 
bouillir,  laissez  refroidir,  ajoutez  encore  deux  jaunes  d'oeufs  et 
liez  bien  le  tout;  étendez  ces  haricots  sur  des  morceaux  de  pain 
coupés  en  rôties,  unissez-les  avec  de  Toeuf  battu,  panez-les, 
faites-les  frire  de  belle  couleur  et  servez  pour  entremets. 

Rôties  de  bécasses.  —  Hachez  la  chair  et  le  dedans  des 
bécasses  avec  sel  et  poivre,  lard  fondu,  mêlez  et  pilez  le  tout 
ensemble,  faites  vos  rôties  comme  à  l'ordinaire,  e^  mettez-les 
cuire  à  petit  feu  dans  une  tourtière,  servez-les  quand  elles  sont 
cuites  avec  un  jus  de  citron.  (Retirez  le  noyau,  mais  ne  videz 
pas.) 

Rôties  de/oies  gras.  —  Passez  les  foies  gras  à  la  poêle,  hachez- 
les  ensuite  avec  du  lard,  trois  ou  quatre  champignons,  fines  herbes, 
sel  et  poivre  et  finissez-les  comme  à  l'ordinaire. 

Rôties  au  jambon.  —  Coupez  huit  tranches  de  jambon  égales, 
faites-les  dessaler  deux  heures  dans  de  Teau.  Mettez-les  suer 
dans  une  casserole  jusqu'à  ce  qu'elles  commencent  à  s'attacher, 
ajoutez  un  peu  de  coulis  et  de  jambon,  faites  frire  quelques  bouil- 
lons à  cette  sauce,  dégraissez-la,  passez-la  au  tamis,  mettez-y  un 
filet  de  vinaigre  et  un  peu  de  gros  poivre.  Coupez  des  tranches 
de  pain  de  la  grosseur  des  tranches  de  jambon,  passez-les  avec 
un  morceau  de  beurre;  quand  elles  sont  de  belle  couleur,  dres- 
sez-les sur  un  plat,  mettez  les  tranches  de  jambon  dessus  et  arro- 
sez avec  l'essence  de  jambon. 

Rôties  à  la  moelle.  —  Faites  des  abaisses  de  pâte  d'amandes 
en  forme  de  rôties,  avec  un  petit  rebord  de  l'épaisseur  d'un  doigt, 
faites-les  cuire  au  four,  couvrez-les  d'un  peu  de  crème  à  la 
moelle  bien  délicate,  un  peu  de  blanc  d'oeuf  fouetté  par-dessus, 
râpez  du  sucre,  glacez-les  et  servez  chaudement. 

Rôties  à  la  moelle  sans  sucre.  —  Mettez  dans  une  casserole 
un  peu  de  farce  de  volaille  bien  fine  avec  un  peu  de  blond  d  e 


964  ROTIES. 


veau,  de  petites  herbes  hachées,  un  jaune  d  œuf,  le  tout  bien 
manié,  avec  bons  assaisonnements;  coupez  en  morceaux  de  la 
moelle  cuite  au  bouillon,  garnissez  des  tranches  de  pain  rôties 
ou  frites  d'un  peu  de  farce  et  de  morceaux  de  moelle,  remettez 
un  peu  de  farce  par-dessus,  panez,  faites  prendre  couleur  et 
servez  à  sec. 

Rôties  en  canapé.  —  Faites  un  salpicon  de  ris  de  veau, 
crêtes  et  fonds  d'artichauts  coupés  en  dés,  passez  des  champi- 
gnons en  dés  que  vous  mouillez  avec  du  jus,  mettez-y  ensuite 
le  salpicon,  faites  cuire  le  tout,  mettez-y  un  blond  de  veau, 
liez  avec  des  jaunes  d'œufs  et  peu  de  sauce  ;  le  salpicon  refroidi, 
garnissez-en  des  rôties  bien  minces,  frottez-les  d'œufs  battus, 
faites-les  frire  dans  du  saindoux,  et  servez  avec  un  blond  de 
veau. 

Rôties  d'œufs.  —  Faites  bouillir  un  demi-setier  de  crème 
avec  un  morceau  de  sucre,  du  biscuit  d'amandes  écrasées,  de  la 
râpure  de  citron,  mettez  huit  jaunes  d'œufs,  deux  blancs,  un  peu 
de  beurre  manié,  le  tout  bouilli  avec  de  la  crème,  garnissez-en 
des  tranches  de  pain  rôties  bien  minces,  mettez  du  blanc  d'œuf 
foueîté  par-dessus,  glacez  avec  du  sucre  et  servez. 

On  peut  se  servir  de  pâte  d'amandes  au  lieu  de  pain. 

Rôties  au  lard.  —  Coupez  une  demi-livre  de  petit  lard  en 
dés  avec  une  tranche  de  jambon,  mettez-les  dans  une  casserole 
avec  persil,  ciboules,  quatre  jaunes  d'œufs,  du  gros  poivre,  maniez 
le  tout  ensemble,  étendez  cette  farce  sur  des  tranches  de  pain 
coupées  en  rôties,  faites-les  frire,  mettez  du  coulis  peu  salé  dans 
un  plat  avec  un  filet  de  vinaigre,  étendez  vos  rôties  dessus  et 
servez. 

Rôties  à  la  provençale.  —  Coupez  du  pain  rassis  par  tranches, 
ôtez-en  la  croûte,  faites-les  frire  dans  de  l'huile  d'olive  bien 
chaude  et  égouttez-les  quand  elles  sont  de  belle  couleur;  fendez 
en  deux  des  anchois  dessalés,  rangez  les  rôties  dans  un  plat, 
une  moitié  d'anchois  sur  chacune,  du  poivre  concassé  par-dessus, 
arrosez  |de  bonne  huile  et  servez  pour  entremets  avec  un  jus 
d'orange. 

Rôties  à  la  d*Q4ntin. —  Lardez  des  mies  de  pain  de  jambon 
et  d'anchois,  coupez-les  ensuite  en  rôties  ordinaires,  et  faites-les 


ROUELLE.  965 


frire  au  lard;  quand  elles  sont  frites,  dressez-les  dans  un  plat 
avec  huile,  jus  de  citron,  gros  poivre  et  servez. 

Rôties  à  la  hollandaise.  —  Hachez  des  anchois  avec  persil, 
ciboules ,  échalotes ,  ail ,  le  tout  mêlé  avec  de  bonne  huile,  éten- 
dez cette  farce  sur  les  rôties,  d'un  côté  seulement;  coupez  des 
anchois  en  filets,  coupez-en  sur  ces  rôties,  dressez-les  dans  un 
plat  avec  huile,  orange,  poivre  concassé  et  servez. 

Rôties  de  poisson  au  maigre.  —  Hachez  de  la  chair  de 
carpe  avec  persil,  sel,  écorce  de  citron  vert,  quelques  biscuits 
d'amandes  amères  et  un  peu  de  beurre  frais;  pilez  le  tout  dans 
un  mortier  avec  un  peu  de  sucre,  trois  ou  quatre  jaunes  d'œufs, 
un  peu  de  mie  de  pain  trempée  dans  de  la  crème,  coupez  des 
tranches  de  pain  en  rôties,  mettez  de  cette  farce  dessus,  beurrez 
une  tourtière,  arrangez-y  vos  rôties  et  mettez-les  au  four  ou  sous 
un  couvercle;  quand  elles  sont  cuites  et  bien  colorées,  sucrez-les 
et  glacez-les  à  la  pelle  rouge,  dressez-les  sur  un  plat  et  servez 
chaudement  pour  entremets  ou  garniture. 

ROUELLE.  —  Tranche  de  viande  coupée  en  travers.  La 
rouelle  de  veau  est  la  partie  charnue  de  la  cuisse  de  veau  qui  se 
trouve  vers  le  jarret;  c'est  un  excellent  morceau  lorsqu'il  est  bien 
apprêté. 

Manière  d'apprêter  les  rouelles  de  veau.  —  Prenez  des 
rouelles  un  peu  épaisses,  piquez-les  de  nombreux  lardons,  sau- 
poudrez de  sel,  poivre  et' autres  épices  fines;  garnissez  le  fond 
d'une  casserole  de  bardes  de  lard,  sur  lesquelles  vous  arrangerez 
les  rouelles.  Ne  donnez  d'abord  à  ce  ragoût  qu'un  feu  médiocre,, 
afin  que  la  viande  rende  son  suc  ;  puis  augmentez-le  au  fur  et  à 
mesure  pour  faire  prendre  couleur  à  vos  rouelles  des  deux  côtés, 
ce  qui  se  fait  en  les  blanchissant  avec  un  peu  de  farine  ;  faites- 
les  ensuite  roussir  dans  du  lard  fondu  que  vous  ôterez  après, 
pour  mettre  un  peu  de  bouillon;  lorsque  les  rouelles  sont 
suffisamment  rousses,  vous  laissez  cuire  doucement  en  ajoutant 
aux  assaisonnements  un  peu  de  persil  et  de  ciboule;  vous  liez 
la  sauce  avec  des  jaunes  d'œufs  et  du  verjus  et  vous  servez  ce 
ragoût. 

Rouelles  de  veau  à  la  couenne.  —  Piquez  vos  rouelles  de 
lard,  assaisonnez  de  sel,  gros  poivre,  persil,  ciboules,  échalotes, 


966  ROUGET. 


une  pointe  d'ail,  le  tout  haché;  coupez  par  morceaux  de  la 
couenne  de  lard  nouveau,  mettez  dans  une  terrine  un  lit  de 
rouelles  de  veau,  dessus  un  lit  de  couenne,  et  continuez  ainsi 
jusqu'à  la  lin;  ajoutez-y  un  demi-verre  d'eau  et  autant  d'eau-de- 
vie,  faites  cuire  sur  des  cendres  chaudes  pendant  quatre  ou  cinq 
heures  et  servez  comme  du  bœuf  à  la  mode. 

Hachis  de  rouelles  de  veau.  —  Hachez  votre  veau  avec  du 
lard,  après  en  avoir  ôté  la  peau;  mèlez-y  des  champignons,  du 
persil  et  mie  de  pain,  deux  œufs  durs,  deux  autres  jaunes  d'œuÊ 
crus  pour  faire  la  cuisson  ;  mettez  ce  hachis  dans  une  tourtière 
au  fond  de  laquelle  vous  aurez  eu  soin  d'arranger  des  bardes  de 
lard,  et  laissez  cuire  ainsi  ;  mais  comme  en  cuisant  à  la  braise  il 
se  forme  dessus  une  espèce  de  croûte,  faites  un  trou  pour  lui  lais- 
ser prendre  vent;  quand  il  sera  cuit,  ajoutez-y  un  suc  de  gigot, 
mêlez  avec  un  peu  de  verjus  dans  lequel  vous  aurez  battu  un  jaune 
d'œuf,  et  servez. 

Rouelles  de  bœuf,  —  On  se  sert  des  rouelles  de  bœuf  pour 
faire  des  hachis  dans  lesquels  on  mêle  de  l'oignon,  de  la  ciboule, 
du  sel,  du  poivre,  du  clou  de  girofle,  le  tout  cuit  ensemble;  on 
ajoute  après  cuisson  un  peu  de  verjus  et  on  le  sert. 

ROUGE  DE  RIVIÈRE.  —  Sorte  de  canard  sauvage  plus 
délicat  et  s'apprêtant  absolument  comme  lui.  (V.  Canard.) 

ROUGES-GORGES.  —  Petits  oiseaux  de  passage  dont  la 
poitrine  est  couleur  d'orange.  (V.  Petits  oiseaux.) 

ROUGET.  —  On  l'appelle  aussi  mulet.  C'est  un  poisson 
de  mer  qui  a  le  corps  rouge  et  la  tête  fort  grosse,  qui  habite 
surtout  la  Méditerranée,  où  on  le  pêche  dans  tous  les  parages, 
d'ordinaire  sur  les  fonds  limoneux;  on  le  rencontre  aussi  dans 
rOcéan,  notamment  dans  la  Manche,  mais  il  y  devient  de  plus 
en  plus  rare. 

Le  rouget  était  très -recherché  des  Grecs  et  des  Romains, 
tant  pour  l'excellence  de  son  goût  que  pour  la  beauté  de  ses 
couleurs.  Les  Romains  surtout  en  avaient  fait  un  objet  de  grand 
luxe  et  ne  reculaient  pas  pour  s'en  procurer  devant  les  plus  folles 
dépenses.  Parmi  les  auteurs  anciens,  Suétone  nous  apprend 
que  les  rougets  étaient  si  recherchés  de  son  temps,  que  trois  de 
ces  poissons  furent  vendus  trente  mille  sesterces  (5,844  fr.)^  ce 


ROUGET.  967 


qui  obligea  Tibère  à  rendre  des  lois  somptuaires  et  à  faire  taxer 
les  vivres  apportés  au  marché.  Vârron  dit  qu'Hortensius  avait 
dans  ses  étangs  une  immense  quantité  de  rougets  et  qu'il  les  fai- 
sait venir  dans  des  petites  rigoles  jusque  sous  les  tables  où  il 
mangeait,  pour  les  voir  mourir  dans  des  vases  de  terre  et  jouir  de 
la  vue  de  tous  les  changements  que  leurs  brillantes  couleurs 
éprouvaient  pendant  leur  agonie.  Un  des  plaisirs  de  ce  temps 
était  d'étouffer  ^'entre  ses  mains  un  de  ces  poissons,  afin  de  se 
repaître  des  différentes  variations  de  tons  qu'il  subissait  à 
mesure  que  le  sang  se  rerirait  à  l'intérieur  du  corps,  depuis  le 
pourpre,  le  violet  et  le  bleu  jusqu'au  blanc  le  plus  pâle.  Ce  bar- 
bare spectacle  se  renouvelait  sur  les  tables  les  mieux  servies,  où 
l'on  mettait,  sur  des  réchauds  allumés,  des  plats  dans  lesquels 
des  rougets  couverts  de  globes  transparents  expiraient  à  petit  feu 
devant  les  convives  qui  avaient  le  double  avantage  de  ;ouir  de  ce 
spectacle  et  de  manger  le  poisson  plus  frais. 

Aujourd'hui  le  rouget,  sans  atteindre  à  ce  degré  d'admira- 
tion dont  il  était  l'objet  de  la  part  des  Romains,  est  encore  fort 
estimé  des  gourmets.  Sa  chair  blanche,  ferme,  friable,  agréable, 
se  digère  aisément  parce  qu'elle  n'est  pas  grasse. 

La  meilleure  manière  de  préparer  les  rougets,  dit  M*  de 
Courchamps,  c'est  de  les  vider  par  les  ouïes  sans  les  écailler,  de 
les  faire  griller  sur  de  la  cendre  rouge  et  de  les  servir  avec 
une  saiice  blanche  où  l'on  ajoute  des  câpres  et  des  boutons  de 
capucines  confites,  ainsi  que  les  foies  des  rougets  bien  écrasés* 

On  les  fait  souvent  cuire  au  court  bouillon*  mais  nous  ne  le 
conseillons  pas,  parce  que  la  cuisson  sur  le  gril  est,  de  toutes 
les  préparations  essayées  sur  les  rougets,  celle  qui  réussit  le 
mieux. 

Rougets  en  casserole.  —  Videz  les  rougets,  coupez-en  les 
têtes,  frottez  un  plat  ou  une  tourtière  de  beurre  assaisonné  de 
sel,  poivre  haché,  fines  épices,  persil, ciboules  entières;  arrangez- 
y  vos  rougets,  assaisonnez  dessus  comme  dessous,  arrosez-les  de 
beurre  fondu,  panez -les  de  mie  de  pain  bien  fine,  faites-les 
cuire  au  four  ou  dans  une  casserole,  faites  une  sauce  hachée  avec 
ciboules,  persil,  champignons  et  truffes^  que  vous  mettez  dans 
une  casserole  quand  le  beurre  est  fondu  avec  sel  et  poivre;  mouil- 


968  ROULADE. 


lez  d'un  peu  de  bouillon  de  poisson  et  laissez  mitonner  à  petit 
feu  ;  si  la  sauce  est  courte,  liez-la  d'un  coulis  d'écrevisses,  mettez- 
la  dans  un  plat,  arrangez  vos  filets  autour,  et  servez-les  chaude- 
ment pour  entrée. 

Rougets  grillés  à  la  sauce  aux  anchois.  —  Vos  rougets 
étant  vidés,  coupez-en  les  têtes,  puis  trempez-les  dans  du  beurre 
fondu  et  du  sel,  faites-les  griller  à  petit  feu;  quand  ils  sont 
grillés,  dressez-les  dans  un  plat  ;  faites  une  sauce  blanche  avec 
du  beurre  frais,  une  pincée  de  farine,  une  ciboule  entière, 
sel,  poivré,  muscade,  un  peu  d'eau  et  de  vinaigre  et  deux 
anchois,  liez  votre  sauce,  jetez-la  sur  vos  rougets  et  servez  chau- 
dement. 

Rougets  en  marinade.  —  Videz  vos  rougets ,  coupez-en  la 
tête,  levez-en  les  filets,  mettez-les  mariner  pendant  deux  heures 
dans  une  casserole  avec  tranches  d'oignons,  ciboules  entières, 
quelques  feuilles  de  laurier,  sel,  poivre,  jus  de  citron  ou  bien 
un  peu  de  vinaigre;  tirez-les  de  la  marmite,  essuyez-les,  fiirinez- 
les  et  faites-les  frire  dans  du  beurre  affiné.  Quand  ils  sont  frits, 
de  belle  couleur,  servez-les  sur  une  serviette  pliée  dans  un  plat 
pour  entremets. 

Filets  de  rougets  aux  fines  herbes.  —  Apprêtez  les  rougets 
comme  ci-dessus,  levez-en  les  filets  et  mettez-les  dans  une  cas- 
serole avec  un  peu  de  fines  herbes  hachées;  ajoutez-y  beurre 
fondu,  sel,  poivre,  persil  et  ciboule  hachés,  laissez  prendre  goût 
dans  leur  assaisonnement  pendant  une  heure,  mettez-les  ensuite 
sur  des  cendres  chaudes  afin  que  le  beurre  se  fonde ,  panez-les 
de  mie  de  pain  bien  fine  et  faites-les  griller. 

Faites  une  rémoulade  avec  de  bonne  huile,  quelques  câpres, 
du  persil  haché,  un  peu  de  ciboule,  un  anchois,  poivre,  sel,  un 
peu  de  moutarde  et  un  jus  de  citron,  le  tout  mêlé  ensemble, 
mettez  cette  sauce  dans  une  saumure  au  milieu  d'un  plat,  les 
filets  grillés  autour,  et  servez  chaudement  pour  entremets. 

ROULADE.  —  Tranche  de  viande  roulée  et  farcie. 

Roulade  de  bœuf  ou  de  veau  à  l'ancienne  mode.  —  Laissez 
mortifier  un  cuissot  de  veau  de  Pontoise,  levez-en  toutes  les 
noix,  ôtez  toutes  les  peaux  et  coupez  le  maigre  par  tranches 
minces,  battez  ces  tranches  |ivec  un  couperet,  étendez  ensuite  sur 


ROUX.  969 

une  table  une  crépine  de  veau  trempée  dans  Teau  fraîche,  cou- 
vrez-la avec  les  tranches  de  veau,  que  vous  couvrez  à  leur  tour  de 
lard  râpé  et  de  jambon  pilé  avec  sel,  poivre,  girofle,  cannelle, 
muscade  râpée,  coriandre  écrasée,  persil,  ciboules,  échalotes,  un 
peu  d'ail,  thym,  basilic,  champignons,  tétine  de  veau  en  iilets, 
ris  de  veau  et  bon  beurre  ;  roulez  ensuite  le  tout  comme  une 
andouillé,  flcelez  les  deux  bouts  et  le  milieu,  couvrez  de  bardes 
de  lard,  traversez  la  roulade  avec  un  hâtelet  et  attachez-la  sur  la 
broche  enveloppée  de  papier  beurré;  faites  cuire  à  petit  feu,  en 
l'arrosant  de  temps  en  temps  ;  lorsqu'elle  est  cuite,  ôtez  la  barde 
pour  lui  faire  prendre  couleur. 

Servez  avec  une  sauce  piquante  ou  une  purée  de  tomates. 

ROUX.  —  Le  roux  est  d'un  grand  usage  dans  les  cuisines 
pour  faire  cuire  les  viandes  à  l'étuvée,  à  la  braise,  etc.;  cela 
augmente  leur  sapidité  et  retient  à  Tintérieur  une  partie  des  sucs 
qui  autrement  se  délayeraient  dans  les  mouillements. 

Le  roux  est  tout  simplement  de  la  farine  que  Ton  fait  frire 
dans  le  beurre  ou  dans  la  graisse  en  remuant  toujours  afin  qu'elle 
ne  se  forme  pas  en  grumeaux. 

On  s'en  sert  aussi  pour  colorer  et  lier  les  sauces. 

Roux  blanc  et  roux  brun.  —  (V.  Sauce.) 


s 


SABOT  AU  SANG.  —  Ancien  mets  bourgeois. 

Coupez  une  noix  de  veau  de  la  largeur  d'une  assiette, 
piquez-la  de  menu  lard,  étendez  dans  une  casserole  des  tranches 
de  bœuf  battues  et  des  bardes  de  lard,  renversez  dessus  la  noix 
de  veau,  le  lard  en  dessous,  niettez  dessus  une  crépine  de  cochon 
que  vous  plisserez  et  ficelferez  comme  une  bourse  tout  autour 
avec  une  aiguillée,  coupez  de  la  panne  de  cochon  en  petits  dés, 
faites-la  dégourdir  dans  une  casserole  sur  le  feu,  mettez-y  ensuite 
une  chopine  de  sang  de  cochon,  assaisonnez  de  sel,  poivre  jet 
fines  épices,  faites-le  épaissir  en  le  remuant  sur  le  feu,  mettez-le 
ensuite  dans  votre  crépine,  serrez-le  avec  sa  ficelle,  recouvrez  le 
tout  de  tranches  de  bœuf  et  de  bardes  de  lard  et  faites  cuire  dans 
le  four  ou  entre  deux  braises,  tirez  la  noix  de  la  casserole,  dres- 
sez-la dans  un  plat,  déficelez  la  crépine,  mettez  ce  qui  est  dedans 
tout  autour,  jetez  dessus  une  essence  de  jambon  et  servez  pour 
entrée. 

SABAYON  ou  SAVAYON.  —  Crème  aux  œufs  et  au  vin 
blanc  sucré,  dont  l'origine,  d'après  son  nom,  doit  être  sarabau- 
dienne  ou  savoyarde.  On  la  sert  ordinairement  dans  des  petits 
pots  ou  des  tasses  à  sorbets  avec  un  biscuit  de  Savoie.  (V.  Crème.) 

SAFRAN.  —  On  donne  ce  nom  aux  pistils  détachés  d'une 
plante  du  genre  crocus;  on  en  récolte  dans  les  environs  de  Paris 
et  dans  le  Gatinais  qui  est  d'une  qualité  supérieure. 

L'odeur  du  safran  est  extrêmement  pénétrante,  elle  peut 


SAGOU.  971 

causer  des  céphalalgies  violentes  et  même  entraîner  la  mort.  Sa 
saveur  amère,  aromatique,  n'a  rien  de  désagréable;  sa  couleur  est 
fortement  marquée,  et  le  jaune  qu'elle  produit  nuance  promp- 
tement  tous  les  objets  qu'il  touche.  Le  safran  est  une  des  matières 
colorantes  les  plus  estimées,  et  les  anciens  en  faisaient  grand  cas 
comme  aromate;  les  Romains  en  préparaient  une  teinture  alcoo- 
lique qui  servait  à  parfumer  les  théâtres.  Il  est  quelques  contrées 
où  l'on  emploie  cette  fleur  comme  assaisonnement,  ou  pour 
donner  de  la  couleur  aux  gâteaux  au  vermicelle,  au  beurre,  etc. 

On  ne  s'en  sert  plus  aujoard'hui  que  pour  la  composition 
des  babas,  du  pilau,  du  riz  à  l'africaine  et  du  scubac. 

Conserve  au  safran.  —  Faites  cuire  du  sucre  à  la  petite 
plume,  mêlez-y  du  safran  torréfié  et  réduit  en  poudre,  ajoutez-y 
un  peu  de  liqueur  de  scubac  d'Irlande,  puis  dressez  vos  con- 
serves, faites-les  sécher  à  l'étuve  et  servez-vous-en  au  besoin. 

Mousse  au  safran,  —  Vous  faites  bouillir  de  la  crème 
double  avec  un  peu  de  fleur  d'oranger  sèche  et  pulvérisée,  et 
vous  y  mêlez  une  assez  forte  décoction  de  safran  du  Gatinais, 
Cette  composition  étant  refroidie,  fouettez-la  vigoureusement  avec 
le  fouet  de  buis,  dressez-la  dans  vos  gobelets  à  mousse,  mettez- 
les  dans  la  glace,  où  vous  les  maintiendrez  jusqu'au  moment 
de  servir.  C'est  un  des  plats  de  campagne  ou  de  nécessité  qui, 
dans  les  repas  nombreux,  ont  le  double  avantage  de  faire 
nombre  et  de  mettre  de  la  variété  dans  le  service  des  entremets 
au  sucre.  • 

SAGOU.  —  Sorte  de  fécule  qui  nous  vient  des  Indes  et  que 
Ton  trouve  dans  plusieurs  espèces  de  palmiers.  Elle  est  inodore 
et  d'une  saveur  fade;  on  en  fait  usage  en  potage.  Le  sagou 
devient  alors  transparent  et  se  gonfle  beaucoup  ;  c'est  surtout  en 
bouillie  ou  cuit  avec  du  lait,  du  sucre  et  des  aromates  qu'on  le 
consomme  :  le  sagou  est  un  aliment  très-agréable,  très-léger  et 
peu  nourrissant.  On  en  recommande  l'usage  à  la  première 
enfance,  à  l'extrême  vieillesse,  aux  convalescents,  aux  phthi- 
siques  et  à  toutes  les  personnes  dont  les  facultés  digestives  sont 
affaiblies.  On  fait  aussi  un  sagou  artificiel  avec  la  fécule  de 
pommes  de  terre. 

Pour  sa  préparation,  V.  Potages, 


972  SALADE. 


SAINDOUX.  —  Graisse  de  cochon,  dont  on  fait  un  grand 
usage  dans  les  cuisines,  surtout  pour  les  fritures  et  pour  décorer 
la  base  ou  les  socles  massifs  de  certains  gros  entremets  froids. 
(Voir  pour  sa  préparation  à  Charenteau.) 

Socles  en  saindoux.  —  Ayez  2  kil.  500  grammes  de  graisse 
de  rognons  de  mouton,  hachez-la  et  faites-la  fondre  sur  un  feu 
doux;  quand  elle  aura  bouilli  vingt  minutes,  ajoutez-y  six  Ii\Tes 
de  saindoux  que  vous  ferez  fondre  et  chauffer  avec  cette  graisse; 
passez  tout  au  travers  d'un  linge  neuf  en  en  recevant  le  produit 
dans  une  grande  terrine;  laissez' refroidir  cet  appareil,  fouettez- 
le  à  tour  de  bras  avec  un  fouet  à  blancs  d'oeufs,  puis,  quand  il  aura 
pris  assez  de  consistance,  ajoutez-y  de  la  décoction  de  bleu  de 
Prusse  ou  de  l'indigo  broyé;  joignez-y  le  suc  de  deux  citrons  et 
battez  le  tout  avec  deux  spatules  croisées.  Vous  vous  servirez  de 
ce  mélange  pour  modeler  un  socle  afin  de  supporter  une  galan- 
tine, un  jambon  froid,  un  filet  de  biche  ou  autre  grosse  pièce 
analogue. 

SAINT-AUGUSTIN.  —  Espèce  de  poire  automnale, 

SAINT-GERMAIN.  —  Autre  excellente  poire. 

SALADE.  —  Ce  mot  sert  principalement  à  désigner  des 
préparations  culinaires  qui  requièrent,  outre  du  sel  et  du 
poivre,  de  l'huile  ou  bien  du  beurre  et  de  la  crème  et  communé- 
ment du  vinaigre. 

En  examinant  les  salades  sous  le  rapport  de  l'hygiène,  il 
semble  d'abord  qu'elles  doivent  avoir  une  influence  défavorable 
sur  la  santé  :  des  herbes  crues,  des  épices  irritantes,  du  vinaigre, 
doivent,  pense-t-on,  être  peu  digestibles  et  même  irriter  l'esto- 
mac; l'expérience  cependant  ne  justifie  pas  ce  jugement.  Il  est 
peu  de  mets  dont  l'usage  soit  aussi  répandu  que  celui-ci  dans 
toutes  les  classes  de  la  société  ;  on  l'a  presque  toujours  sous  k 
main  et  il  plaît  généralement  au  goût.  Néanmoins,  rarement  il 
cause  des  accidents;  il  serait  donc  injuste  d'exciter  la  défiance  à 
son  égard.  Quel  que  soit  le  mode  adopté  pour  préparer  les  salades, 
il  est  toujours  nécessaire  d'user  très-sobrement  du  vinaigre;  un 
mérite  dans  l'apprêt  Q$t  de  faire  disparaître  l'acidité  de  ce  liquide 
au  point  que  sa  saveur  se  confonde  avec  celle  des  herbes,  de 
l'huile  et  des  autres  ingrédients.  C  est  pour  cet  efiet  que  le  jaune 


SALADE. 


973 


d'œuf  est  un  intermédiaire  très-utile.  On  devrait  aussi  faire  un 
usage  exclusif  du  vinaigre  de  vin,  trop  fréquemment  remplacé 
aujourd'hui  par  Tacide  qu'on  obtient  au  moyen  de  la  combustion 
du  bois  ;  c'est  une  distinction  à  laquelle  on  ne  s'attache  pas  assez 
et  sur  laquelle  nous  devons  appeler  l'attention  publique.  On 
devrait  servir  les  fournitures  à  part,  puisées  parmi  les  plantes 
excitantes,  elles  se  digèrent  plus  difficilement  que  les  salades; 
avec  cette  attention,  on  rendrait  ces  dernières  plus  accessibles  à 
beaucoup  de  personnes. 

Les  salades  varient  suivant  les  saisons.  On  commence  à 
manger  les  chicorées  vers  la  fin  de  l'automne  et  on  ne  les  assai- 
sonne qu'avec  une  croûte  de  pain  rassis  frottée  d'ail ,  posée  au 
fond  du  saladier  et  que  l'on  remue  avec  la  salade  afin  qu'elle  s'en 
imprègne  bien;  on  n'ajoute  à  cette  salade  aucune  autre  espèce  de 
fourniture. 

Plus  tard  on  emploie  l'escarolp,  espèce  'de  chicorée  moins 
tendre  et  moins  savoureuse  que  la  première  et  qui  s'apprête  éga- 
lement sans  fournitures. 

Les  salades  d'hiver  se  composent  presque  toujours  de  mâches, 
de  raiponces  et  de  céleri^  coupé  en  bâtonnets  ;  le  céleri  s'emploie 
aussi  quelquefois  seul  en  salade,  mais  il  faut  l'assaisonner  alors 
avec  de  l'huile  battue,  de  la  moutarde  et  du  soya.  Le  cresson  de 
fontaine  est  aussi  une  salade  d'hiver,  et  on  l'assaisonne  habituel- 
lement avec  des  tranches  de  betteraves  et  quelques  filets  d'olives 
tournés.  ~v 

La  barbe  de'cft  jjucfapi  apparaît  vers  la  fin  de  l'hiver  ;  on  l'assai- 
sonne comme  la'chicorée  blanche  en  y  mélangeant  de  la  betterave 
coupée  en  tranches. 

La  laitue  paraît  habituellement  verS  Pâques.  C'est  de  toutes 
les  salades  celle  qu'on  aime  le  mieux,  et  le  plus  généralement  on 
y  met  des  herbes  de  fournitures,  des  œufs  durs  coupés  par  quar- 
tiers, quelquefois  des  huîtres  marinées,  des  queues  de  crevettes, 
des  œufs  de  tortue,  des  filets  d'anchois,  des  olives  farcies  et  quel- 
quefois aussi  des  achards  ou  du  soya  de  la  Chine.  Cette  salade 
exige  beaucoup  d'huile,  et  Thuile  verte  d'Aramont  est  la  meilleure 
qu'on  puisse  ajouter  pour  son  assaisonnement.  Vient  ensuite  la 
laitue  romaine,  moins  tendre  et  moins  aqueuse  que  la  précédente, 


974  SALEP. 

mais  pourvue  d'une  saveur  sucrée.  On  ne  la  sert  pas  avec  des 
œufs  durs. 

On  fait  aussi  des  salades  avec  toutes  sortes  de  légumes  cuits, 
ainsi  que  nous  Tavons  indiqué  aux  endroits  concernant  ces  divers 
articles. 

M.  Chaptal  a  laissé,  pour  accommoder  la  salade,  une  méthodie 
qui  a  toujours  été  vulgairement  employée  dans  le  nord  de  l'Europe, 
et  cela  n'empêche  pas  qu'on  en  fasse  honneur  à  cet  illustre  aca- 
démicien. La  chose  consiste  à  saturer  la  salade  avec  de  Thuile 
assaisonnée  de  sel  et  de  poivre,  avant  d'y  mettre  le  vinaigre,  ce 
dont  il  résuhe  que  la  salade  ne  saurait  jamais  être  trop  vinaigrée, 
parce  que  le  vinaigre  glisse  sur  chaque  feuille  huilée,  de  sorte  que 
si  l'on  a  mis  trop  de  vinaigre  dans  une  salade,  ainsi  qu'il  arriw 
souvent  comme  chacun  sait,  on  n'a  jamais  à  s'en  repentir,  parce  que 
le  vinaigre  se  réunit  toujours  au  fond  du  saladier  où  M..CliaptaI 
a  calculé  fort  judicieusement  qu'il  devait  retomber  en  vertu  des 
lois  de  sa  pesanteur  spécifique  à  l'égard  de  l'huile. 

Nous  ferons  aussi  remarquer  que  le  sel  ne  se  dissolvant  pas 
dans  le  vinaigre,  il  est  inutile  d'essayer  de  l'y  faire  fondre;  il  est 
préférable  de  le  mêler  avec  l'huile  et  de  le  verser  ensuite  sur  la 
salade. 

SALEP. — Ce  nom,  d'origine  persane,  a  été  donné  auxbulbes 
desséchées  des  orchis  qui  croissent  en  abondance  dans  la  Perse  et 
dans  toute  TAsie  Mineure.  Les  anciens  connaissaient  très-bien 
ces  bulbes,  et  Pline  et  Théophraste  en  font  mention  dans  leurs 
écrits.  Les  Grecs  et  les  Latins  les  connaismient  surtout  pour  leurs 
propriétés  aphrodisiaques,  qui  ne  sont  dues  cependant  qu'aux  dif- 
férents aromates  qu'on  leur  associe,  tels  que  le  gingembre, 
l'ambre,  le  musc,  le  girofle,  etc.  Un  homme,  paraît-il,  est  suffi- 
samment nourri  pendant  un  jour  avec  une  once  de  cette  sub- 
stance et  autant  de  gelée  animale  dissoute  dans  l'eau,  aussi 
les  Orientaux  s'approvisionnent-ils  de  salep  pour  leurs  voyages. 

Pour  préparer  le  salep,  les  Orientaux  récoltent  la  bulbe  des 
orchis  lorsqu'ils  commencent  à  fleurir;  ils  en  ôtent  l'écorce  et 
les  jettent  dans  l'eau  froide  où  ils  les  laissent  quelques  heures; 
ils  les  font  ensuite  cuire  dans  l'eau  bouillante  et  les  enfilent  avec 
du  crin  ou  mieux  du  coton,  puis  il  les  font  sécher  au  contact  de 


SANDWICHS.  ^y^ 


l'air;  les  bulbes  deviennent  demi-transparentes,  très-dures  et  res- 
semblent assez  à  de  la  gomme  adragante  ;  on  peut  les  conserver 
indéfiniment  sans  altération,  pourvu  que  Ton  évite  Thumidité. 
Quelquefois,  au  lieu  de  les  enfiler,  on  les  sèche  sur  des  tamis  et 
des  toiles.  Quand  on  veut  en  faire  des  gelées  on  les  réduit  en 
poudre  en  les  humectant  préalablement  d'un  peu  d'eau,  sans 
cela  leur  extrême  dureté  n'en  permettrait  pas  la  pulvérisation  ; 
on  en  fait  dissoudre  une  petite  quantité  dans  l'eau  bouillante,  qui, 
aromatisée  et  sucrée,  ne  tarde  pas,  par  le  refroidissement,  à  se 
prendre  en  une  gelée  demi-transparente. 

La  poudre  de  salep  que  l'on  vend  dans  le  commerce  est  le 
plus  souvent  mélangée  avec  de  la  fécule,  mais  il  est  facile  de 
reconnaître  la  fraude  en  faisant  dissoudre  2  grammes  1 5  centi- 
grammes de  salep  dans  225  grammes  d'eau  distillée  et  en  ajou- 
tant à  cette  dissolution  i  gramme  90  centigrammes  de  magnésie 
calcinée  ;  le  mélange  prend  au  bout  de  quelques  heures  une  con- 
sistance de  gelée  bien  prononcée,  ce  qui  n'a  pas  lieu  toutes  les 
fois  que  le  salep  est  falsifié. 

GeofFroi  dit  que  si  l'on  fait  évaporer  sur  des  assiettes  de 
faïence  l'eau  dans  laquelle  on  a  fait  cuire  le  salep,  il  y  reste  un 
extrait  visqueux  dont  l'odeur  est  celle  d'une  prairie  fleurie  quand 
on  passe  au-dessous  du  vent.  Son  odeur  se  rapproche  aussi  de 
celle  du  mélilot  dont  la  fleur  commence  à  se  faner. 

SALSIFIS.  —  Racine  potagère.  Il  y  en  a  deux  espèces,  l'une 
grise,  et  l'ïiutre  —  la  meilleure  —  noire.  On  les  ratisse  à  blanc, 
on  les  jette  à  mesure  dans  l'eau  avec  un  peu  de  vinaigre,  puis, 
lorsqu'ils  sont  bien  lavés,  on  les  fait  cuire  à  grande  eau  avec  du 
sel  et  du  vinaigre;  ils  s'écrasent  sous  le  doigt  lorsqu'ils  sont  cuits; 
alors  on  les  retire,  on  les  égoutte  et  on  les  sert  avec  une  sauce  au 
beurre. 

On  les  sert  aussi  en  gras,  et  pour  lors,  faites  un  roux  léger, 
mouillez  avec  du  jus,  faites  réduire  et  mettez-y  vos  racines. 

Pour  les  mettre  en  friture,  on  les  fait  cuire  dans  une  eau 
plus  fortement  vinaigrée;  on  les  trempe  dans  une  bonne  pâte, 
et  on  les  fait  frire  dans  du  beurre  aflîné  suivant  la  méthode  ordi- 
naire. 

SANDWICHS,  ou  tartines  à  Vanglaise,  —D'un  pain  rassis, 


976  SANGLIER. 


de  pâte  serrée,  tirez  vingt-quatre  tartines  de  beurre  très-minces, 
mettez-en  douze  sur  un  linge  blanc;  émincez  soit  du  maigre  de 
veau  rôti,  soit  du  filet  de  bœuf,  rosbif,  jambon  cuit,  langue  à 
récarlate,  volaille  rôtie,  gibier  et  poisson  sec,  rangez  ces  lames 
de  viande  sur  vos  douze  tartines,  poudrez-les  d'un  peu  de  sel 
blanc,  recouvrez  vos  viandes  avec  les  douze  autres  tartines,  et 
servez  les  à  dîner  pour  hors-d'œuvre,  et  en  prenant  le  thé 
comme  collation. 

SANG.  —  Sauf  la  gélatine,  le  sang  est  composé  des  mêmes 
principes  que  la  chair,  c'est-à-dire  qu'il  contient  de  la  fibrine,  de 
l'albumine  et  de  l'osmazome.  On  mange  le  sang  de  quelques 
animaux  assaisonné  de  diverses  manières  :  celui  du  lièvre  comme 
liaison  du  civet,  celui  du  pigeon  comme  sauce,  enfin  celui  du 
cochon  comme  boudin  :  le  sang  des  animaux  est  un  aliment  fort 
tonique  et  fort  nutritif. 

SANGLIER.  —  Porc  à  l'état  sauvage,  état  dans  lequel  sa 
chasse  n'est  pas  sans  danger.  Le  sanglier  est  de  sa  nature  un 
animal  assez  misanthrope,  qui,  arrivé  à  un  certain  âge,  se  réfugie 
dans  les  ronces  et  les  hallîers  les  plus  épais,  où  il  n'aime  pas 
qu'on  vienne  le  déranger;  il  prend  alors  les  noms  de  ragot, 
de  quartanier  et  de  solitaire.  Il  est  rare  qu'un  de  ces  animaux, 
armé  qu'il  est  de  redoutables  défenses,  ne  revienne  pas  sur  le 
chasseur  qui  l'a  tiré;  le  mieux  que  le  chasseur  ait  à  faire  dans  ce 
cas-là,  c'est  s'il  a  une  branche  d'arbre  à  portée  de  sa  main  de 
s'y  suspendre  et  de  laisser  passer  le  sanglier  qui  revient  rarement 
sur  son  coup  de  boutoir.  J'ai  raconté  plusieurs  chasses  de  ma 
jeunesse,  qui  n'étaient  pas  exemptes  sous  ce  point  d'anecdotes 
fort  originales.  Les  jeunes  marcassins  s'écorchent  et  se  mangent 
rôtis  à  la  broche. 

Les  quartiers  du  devant,  la  hure  et  les  filets,  sont  les  mor- 
ceaux les  plus  honorables  du  sanglier;  on  en  fait  également  des 
côtelettes,  comme  on  fait  du  porc,  mais  le  peu  de  facilité  qu'on 
a  de  le  saigner  fait  qu'on  ne  peut  pas  toujours  recueillir  son 
sang  pour  en  confectionner  du  boudin. 

Côtelettes  de  sanglier  à  la  Saint-Hubert.  —  Coupez,  parez, 
sautez  vos  côtelettes  avec  sel,  poivre,  sur  un  feu  très-vif;  lors- 
qu'elles sont  cuites  des  deux  côtés,  vous   les   dressez  en  cou- 


SANGLIER.  977 


ronne,  puis  vous  mettez  dans  le  plat  à  sauter  un  verre  de  vin 
blanc,  autant  de  sauce  espagnole  ;  vous  ferez  réduire  et  verserez 
cette  sauce  sur  vos  côtelettes.  La  sauce  espagnole  peut  se  rem- 
placer par  un  roux  que  Ton  mouille  avec  du  consommé. 

Filet  de  sanglier  à  la  Bla^e.  —  Faites  mariner  deux  jours 
un  filet  paré  de  sanglier,  puis  faites-le  égoutter  et  mettez-le  dans 
une  casserole  avec  des  bardes  de  lard,  des  parures  de  viande, 
carotte,  oignon,  sel»  poivre,  bouquet  garni,  mouillez  le  tout 
avec  une  égale  quantité  de  vin  blanc  ou  de  consommé,  donnez 
deux  heures  de  cuisson,  faites  ensuite  égoutter  le  filet,  glacez-le 
et  dressez -le  sur  une  sauce  piquante. 

Quartier  de  sanglier  à  la  royale,  —  Echaudez,  flambez  une 
cuisse  de  laie,  désossez-la  jusqu'à  la  jointure  du  manche,  lardez- 
la  avec  épices  et  aromates  piles  ;  mettez-la  ensuite  dans  une 
terrine  avec  beaucoup  de  sel,  de  poivre,  genièvre,  thym,  laurier, 
basilic,  oignons  et  ciboules.  Vous  laisserez  mariner  cette  cuisse 
cinq  jours;  lorsque  vous  voudrez  la  faire  cuire,  vous  ôterez  de 
l'intérieur  de  ladite  cuisse  les  aromates  qui  y  seront,  vous  l'en- 
velopperez dans  un  linge  blanc,  vous  la  ficellerez  comme  une 
pièce  de  bœuf,  vous  la  mettrez  dans  une  braisière  avec  la  sau- 
mure dans  laquelle  elle  a  mariné,  six  bouteilles  de  vin  blanc, 
autant  d'eau,  six  carottes,  six  oignons,  quatre  clous  de  girofle, 
un  fort  bouquet  de  persil  et  ciboulefS,  du  sel  si  vous  croyez 
que  la  saumure  ne  suflîse  pas  pour  lui  en  donner,  vous  la  ferez 
mijoter  pendant  six  heures,  vous  la  sondez  pour  savoir  si  elle  est 
cuite,  sinon  vous  la  laissez  aller  une  heure  de  plus;  laissez-la 
une  demi-heure  dans  sa  cuisson,  et  en  la  retirant  laissez-la  dans 
sa  couenne. 

Sanglier  à  la  daube.  —  Lardez  un  cuissot  de  sanglier,  assai- 
sonnez-le, mettez-le  dans  une  marmite  avec  quelques  bardes  de 
lard ,  tranches  d'oignon ,  carottes  ,  panais ,  gros  bouquet  de 
persil,  ciboules,  deux  gousses  d'ail,  quatre  clous  de  girofle,  deux 
feuilles  de  laurier,  faites  suer  une  demi-heure  à  petit  feu,  et 
mouillez  avec  un  demi-verre  d'eau-de-vie,  un  demi-setier  de 
vin  blanc  et  du  bouillon,  faites  suer  à  petit  feu  six  ou  sept 
heures,  laissez  refoidir  et  servez  froid,  avec  un  pot  de  gro- 
seilles. 

6a 


978  SARCELLE. 


SARCELLE.  —  Variété  du  canard  sauvage  qui  s'apprête  et 
se  mange. comme  lui. 

Sarcelles  aux  cardons.  —  Videz  trois  sarcelles  ;  les  flamber, 
les  brider,  les  mettre  à  la  broche,  les  envelopper  avec  du  papier 
beurré,  les  déballer  deux  minutes  avant  de  les  débrocher;  les 
mettre  alors  dans  une  casserole,  avec  quatre  cuillerées  à  bouche 
de  vin  blanc,  autant  de  glace  fondue,  poser  la  casserole  sur  le 
feu,  réduire  le  mouillement  de  moitié,  débrider  les  sarcelles,  les 
dresser  sur  un  plat  et  les  entourer.avec  une  garniture  de  cardons 
à  Tespagnolç,  les  arroser  avec  la  réduction  et  les  envc^ersur 
table. 

Sarcelles  sauce. à  V orange.  —  Videz  et  bridez  quatre  sar- 
celles ;  les  traverser  avec  une  brochette ,  les  faire  rôtir  à  feu  vif 
pendant  douze. ou  quatorze  minutes  en  les  arrosant  au  pinceau 
avec  de  Thuile;  quand  elles  sont  à  point,  Jes  saler,  les  débrocher, 
en  détacher  les  âlets,  mettre  ceux-ci  dans  une  casserole  plate 
avec  un  peu  de  glace  au  fon^,^t  les  chauffer  une  minute  à  feu 
très-vif  pour  sécher  Thumidité  des  filfels;  les  dresser  ensuite 
sur  un  plat  et  les  masqiier  avec  la  sauce  suivante. 

■  •  ■ 

Sauce  à  Vorange.  —  Coupez  le  zeste  d'une  grosse  orange 
encore  verte;  Témincer  en  julienne,  Ja  faire  cuire  à  l'eau  et 
régoutter  sur  un  tamis,  puis  le  mettre  dans  une  petite  casserole 
et  lui  mêler  la  valeur  d'un  verre  de  bonne  aspia  bien  claire 
et  réduit^;  au  moment  de  servir,  alléger  cette  sauce  en  lui 
incorporant  hors  du  feu  le  jus  de  Tor^nge  et  celui  d'un  citron. 

Sarcelles  en  ragoût.  —  Troussez  vos  sarcelles,  lardez-les  de 
gros  lard ,  passez-les  à  la  casserol^  avec  lard  ibndu ,  un  peu  de 
farine  pour  la  liaison ,  ou  faites-les  rôtir  à  moitié  à  la  broche  et 
empotez-les  avec  bon  bouillqn,  sel,  poivje,  épices  fines,  fines 
herbes  en  paquet,  laissez  cuire  doucemeajtole  toitt;  à  moitié  de 
cuisson,  mettez-y  des  navets  coupés  par  tranches  et  passés  au 
roux,  environ  un  bon  verre  de  vin;  puis,  lorsque  le  ragojlt 
sera  cuit  et  la  sauce  suffisamment  liée,  servez  chaudement  pour 
entrée. 

Q4utre  façon.  —  Faitez  un  hachis  avec  ris  de  veau,  champi- 
gnons, chair  de  sarcelles,  ciboules,  persil,  sel  et  poivre,  le  tout 
haché  menu  et  cuit  dans  la  casserole,  farcissez-en  les  sarcelles  et 


SARCELLE. 


979 


faites-les  rôtir  à  la  broche,  puis,  quand  elles  sont  rôties,  servez- 
les  avec  un  cotitis  de  champignons  ou  une  sauce  faite  avec  deux 
verres  de  bon  vin;  deux  ou  trois  tranches  d'oignon,  du  clou  de 
girofle,  un  peu  de  poivre;  faites  bouillir  le  tout  dans  une  casse- 
role jusqu'à  ce  que  la  sauce  soit  réduite  à  moitié,  passez-la  au 
tamis,  mettez-y  un  ju^  de  bœuf,  passez-la  sur  le  feu  dans  la 
casserole  et  vous  versez  ensuite  sur  les  sarcelles  que  vous  servez 
chaudement. 

Sarcelles  aux  choux-fleurs, —  Préparez  vos  sarcelles  comme 
à  Tordinairb  et  faites-les  cuire  à  la  broche  ;  épluchez  ensuite  des 
choux-fleurs,  faites-les  blanchir  et  cuire  dans  un  blanc  de  farine 
avec  de  Teau ,  du  sel  et  un  morceau  de  beurre.  Quand  ils  sont 
cuits,  mettez-les  égoutter;  mettez  dans  une  bonne  essence  du 
beurre  frais  avec  du  gros  poivre,  faites  lier  la  sauce  sur  le  feu, 
dressez  les  sarcelles  dans  jift  plat,  les  choux-fleurs  autour,  versez 
la  sauce  sur  les  choux-fleurs  et  servez  chaudement. 

Sarcelles  aux  novef^.-:- Embrochez  comme  ci-dessus,  ou 
bien  les  ayant  lardées  de  gros  lard  assaisoniié,  garnissez  une 
marmite  de  bardes  de  lard  et  de.  tranches  de  bœuf  avec  oignons, 
carottés,  persil,  tranches  de  citron,  fines  herbes,  poivre,  sel, 
clous  de  girofle,  mettez-y  vos  sarcelles,  assaisonnez  dessus  comme 
dessous,  et  faites  cuire  à  la  braise. 

Coupez  des  navets  en  dés  ou  tournez-les  en  olives,  passez-les 
dans  un  peu  de  saindoux  pour  leur  faire  prendre  couleur  ;  égout- 
tez-les  ensuite  et  mettez-les  mitonner  dans  une  casserole  avec  un 
bon  jus,  liez-les  d'un  bon^'coulis,  dressez  vos  sarcelles  dans  un 
plat,  le  ragoût  de  navets  par-dessus,  et  servez  chaudement. 

Sarcelles  aux  montants.  —  Faites  cuire  vos  sarcelles  comme 
ci-dessus,  à  la  broche  ou  à  la  braise,  faites  ensuite  cuire  un  peu 
plus  qu'à  demi  des  montants  de  cardons  d'Espagne  dans  de  Teau 
avec  un  morceau  de  beurre,  une  pincée  de  fiirine  et  de  sel,  et 
ne  mettez  les  montants  dans  cette  eau  blanche  que  lorsqu'elle 
commence  à  bouillir;  lorsqu'ils  sont  à  moitié  cuits,  vous  les 
égouttez  et  achevez  de  les  faire  cuire  dans  une  casserole  avec  un 
petit  coulis  clair  de  veau  et  de  jambon,  et  vous  les  servez  autour 
des  sarcelles. 

Sarcelles  aux  olives.  —  Pour  exécuter  ce  mets  méridional. 


çSo  SARCELLE. 


faites  cuire  vos  sarcelles  à  la  broche  ou  à  la  braise  ;  passez  ensuite 
deux  ou  trois  petits  champignons  dans  une  casserole ,  mouillez- 
les  de  bon  jus;  quand  ils  sont  cuits,  liez-les  d'un  petit  coulis  clair 
de  veau  et  de  jambon;  tournez  des  olives,  ôtez-en  le  noyau  et 
jetez-les  dans  Teau  bouillante,  retirez-les  ensuite,  égouttez-les, 
mettez-les  dans  votre  ragoût,  faîtes-lui  prendre  un  bouillon, 
dressez  vos  sarcelles  dans  un  plat,  le  ragoût  par-dessus^  et  sen'ez 
chaudement. 

Sarcelles  à  la  Rocambole  ou  à  la  Ponson  du  Terrait.  — 
Faites-les  cuire  à  la  broche ,  faites  suer  une  tranche  de  jambon 
dans  une  casserole,  mouillez-la  de  bouillon  et  de  coulis;  quand 
elle  commence  à  s'attacher,  faites  bouillir  et  dégraissez-la,  passez- 
la  au  tamis,  écrasez  quelques  rocamboles,  mettez-les  dans  l'es- 
sence, et  servez  avec  vos  sarcelles. 

Sarcelles  aux  truffes,  —  Faites  cuire  vos  sarcelles  à  k 
broche  avec  une  farce  légère  dans  le  corps  et  quelques  trufiès,  et 
servez  avec  un  ragoût  de  truffes. 

Potage  de  sarcelles  aux  navets.  —  Videz  vos  sarcelles, 
troussez-les  proprement,  faites-les  refaire,  piquez-les'  de  gros 
lard  assaisonné,  faites-les  cuire  à  demi  à  la  broche,  empotez-les 
ensuit.'  dans  une  marmite  avec  trois  ou  quatre  oignons,  panais 
et  carottes,  mouillez  de  bon  bouillon  et  faites  cuire;  ratissez  des 
navets,  coupez-les  en  dés  ou  en  long,  fàrinez-les  un  peu ,  faites- 
les  frire  de  belle  couleur  dans  du  saindoux,  égouttez-les  ;  mettez- 
les  ensuite  dans  une  petite  marmite  avec  de  bon  bouillon  et 
faites  cuire,  mitonnez  vos  croûtes  de  bon  bouillon,  servez-vous 
pour  cela  du  bouillon  où  ont  cuit  vos  sarcelles,  après  l'avoir 
dégraissé  ;  dressez  les  sarcelles  au  milieu  du  potage,  garnissez  les 
bords  de  navets,  versez  dessus  le  bouillon  des  navets  et  un  jus  de 
veau  et  servez  chaudement. 

Potage  de  sarcelles  aux  truffes  et  aux  champignons.  — 
Piquez  les  sarcelles  de  gros  lard  bien  assaisonné  ;  iàites-les  cuire 
à  demi  à  la  broche  et  ensuite  dans  une  marmite  avec  de  bon 
bouillon ,  passez  des  truffes  dans  une  casserole  avec  un  peu  de 
lard  fondu,  mouillez-les  d'un  jus  de  veau,  laissez-les  mitonner 
à  petit  feu,  faites  un  coulis  d'une  sarcelle  cuite  à  la  broche,  pilez- 
la  dans  un  mortier,  garnissez  le  fond  d'une  casserole  de  tranches 


SARDINE.  981 


de  veau  et  de  jambon ,  oignons  par  tranches ,  panais ,  carottes  ; 
couvrez  la  casserole  et  faites  suer  à  petit  feu  ;  quand  le  veau  est 
attaché,  poudrez-le  d'une  pincée  de  farine,  mouillez  de  moitié 
jus  et  moitié  bouillon,  assaisonnez  de  champignons,  truffes,  un 
peu  de  persil,  une  ciboule  entière^  quelques  clous  de  girofle,  un 
peu  de  basilic  et  des  croûtes  ;  laissez  mitonner  le  tout  ensemble 
pendant  une  demi-heure ,  tirez  les  tranches  de  veau  de  la  casse- 
role, délayez-y  la  sarcelle  pilée,  passez  le  tout  à  Tétamine, 
videz  ce  coulis  dans  la  casserole  où  est  le  ragoût  de  truffes, 
mitonnez  des  croûtes  moitié  jus  et  moitié  bouillon,  dressez 
les  sarcelles  sur  le  potage  de  coulis  par-dessus,  et  servez  chau- 
dement. 

C'est  à  tort  qu'on  associe  parfois  la  sarcelle  aux  lentilles. 
Nous  blâmons  cette  profanation. 

Pâté  de  sarcelles.  —  Fendez  les  sarcelles  par  le  dos,  àtez- 
en  tous  les  os,  excepté  ceux  des  cuisses,  lardez-les  de  moyen  lard, 
assaisonnez-les  de  sel,  poivre,  muscade,  clous  de  girofle,  can- 
nelle, lard,  laurier,  bardes  de  lard,  fines  herbes,  persil  et  ciboule, 
le  tout  pilé;  faites  une  abaisse  de  pâte  ordinaire,  couvrez  et 
façonnez  votre  pâté,  dorez-le  avec  des  jaunes  d'œufs  et  faites- 
le  cuire  au  four. 

SARDINE.  —  Petit  poisson  de  mer  d'une  saveur  délicate; 
on  le  trouve  partout,  mais  principalement  sur  les  côtes  de  Bre- 
tagne où  les  sardines  sont  très-abondantes  ;  aussi  cette  pêche  est- 
elle  pour  les  habitants  une  source  de  richesse  ;  ou  rapporte  que 
dès  le  xvu®  siècle  elle  produisait  un  revenu  immense,  et  que 
dans  la  seule  ville  de  Port-Louis  on  faisait  annuellement 
4,000  barriques  de  sardines. 

La  sardine  est  aussi  fort  abondante  dans  la  Méditerranée  et 
surtout  aux  environs  de  la  Sardaigne  d'où  elle  tire  son  nom. 

Il  n'y  a  que  les  habitants  des  bords  de  la  mer  qui 
puissent  manger  des  sardines  fraîches  et  encore  est-on  obligé  de 
les  saler  aussitôt  pêchées,  car  c'est  de  tous  les  poissons  celui  qui 
se  conserve  le  moins.  A  peine  est-il  hors  de  l'eau  qu'il  meurt,  et 
la  putréfaction  ne  tarde  pas  à  l'attaquer  ;  l'accumulation  d'un 
aussi  grand  nombre  d'individus  facilite  même  cette  décomposition; 
aussi  les  pêcheurs  ont-ils  soin,  à  mesure  qu'ils  vident  le  filet,  de 


982  SARRASIN. 


les  entremêler  abondamment  de  sel,  et  malgré  cette  précautic»! 
il  s'en  gâte  énormément. 

On  prépare  les  sardines  comme  les  harengs  en  les  salant  et 
les  fumant.  Les  sardines  du  Nord  sont  beaucoup-  plus  estimées, 
parce  que  dans  la  saumure  on  ajoute  des  aromates  et  des  épices 
qui  leur  donnent  un  goût  fort  agréable;  mais  ces  sardines  ne  se 
conservent  pas  longtemps,  et,  quand  elles  sont  gâtées,  on  les  em- 
ploie pour  amorce  dans  la  pèche  des  maquereaux,  des  merlans, 
des  raies  et  autres  poissons  de  mer. 

Notre  bon  roi  Henri  IV,  qui  prisait  les  fins  morceaux,  avait, 
paraît-il,  pour  les  sardines  fraîches  une  prédilection  particulière. 
Depuis  son  abjuration,  il  en  faisait  son  déjeuner  ordinaire  les 
jours  de  jeûne. 

Pisanelli  prétend  aussi  que  la  sardine  aime  le  son  des 
instruments  et  qu'elle  sort  la  tète  hors  de  l'eau  pour  l'entendre; 
les  buveurs  surtout  aiment  beaucoup  la  sardine,  cela  les  excite 
à  boire,  et,  disent-ils,  leur  fait  trouver  le  vin  bon. 

Sardines  en  caisse,  —  Prenez  des  sardines  fraîches,  coupei- 
leur  la  tète  et  le  bout  de  la  queue  ;  mettez  de  la  farce  de  poisson 
au  fond  d'une  caisse,  arrangez  les  sardines  dessus,  couvrez-les 
de  même  farce,  unissez  avec  un  œuf  battu,  saupoudrez  de  mie 
de  pain,  couvrez  d'une  feuille  de  papier,  faites  cuire  au  four, 
égouttez  la  graisse,  jetez  par-dessus  un  coulis  maigre,  qui  soit 
clair,  et  servez-vous-en  au  besoin  comme  hors-d'œuvre. 

SARRASIN.  —  Originaire  d'Asie,  le  sarrasin  fut  transporté 
en  Afrique  et  introduit  en  Europe  par  les  Maures  d'Espagne. 
Quoique  ce  grain  soit  avantageux  en  ce  qu'il  vient  aisément  par- 
tout, qu'il  se  développe  et  mûrisse  assez  prpmptement  pour  don- 
ner deux  récoltes  sur  le  même  sol,  dans  une  année  favorable,  et 
que  son  usagé  soit  sain^  nourrissant  et  de  facile  digestion,  on  ne 
peut  se  dispenser  de  dire  que  'le  pain  qu'on  en  fait  est  le  plus 
mauvais  de  tous;  sec  le  lendemain  de  sa  cuisson,  il  se  fend, 
s'émiette  et  devient  alors  venteux  et  détestable.  Il  n'en  est  pas  de 
même  si  on  emploie  le  sarrasin  en  bouillie  :  cette  préparation  est 
fort  nourrissante  et  saine;  on  mange  cette  bouillie  chaude  ou 
froide,  frite  ou  grillée. 

Dans  les  cantons  où  le  sarrasin  constitue  la  nourriture  habi- 


SAUCE.  983 

tuelle  des  habitants,  comme,  par  exemple,  dans  la  basse  Bretagne 
et  dans  la  basse  Normandie,  on  y  fait  la  bouillie  et  la  galette 
avec  du  lait;  cela  lui  donne  uagoût  plus  agréable  et  le  rend  plus 
léger,  plus  sàpîde  et  plus  facile  à  digérer. 

SASSENAGE.  —  Fromage  analogue  au  roquefort  et  qui 
tire  son  nom  du  bourg  de  Sassenage,  près  de  Grenoble  dans  le 
Dauphihé. 

SAUCE.  — ^  On  appelle  ainsi  un  assaisonnement  liquide 
auquel  on  joint  du  sel  et  des  fines  épices  pour  relever  le  goût  de 
certains  mets. 

La  manière  de  les  préparer  varie  beaucoup;  nous  allons 
donner  les  recettes  de  celles  qui  sont  le  plus  usitées  dans  la 
cuisine. 

Jus  de  bisuf.  —  Beurrez  le  fond  d'une  casserole;  mettez-y, 
comme  au  blond  de  veau,  quelques  lames  de  jambon  et  bardes 
de  lard,  oignons  en  tranches  et  carottes  ;  couvrez  le  tout  de  lames 
de  bœuf,  épaisses  de  deux  doigts,  mouillez-le  d'une  cuillerée  à 
pot  de  grand  bouillon  ;  faites-le  partir  sur  un  feu  vif;  lorsqu'il 
commencera  à  s'attacher,  piquez  la  viande  avec  la  pointe  d'un 
couteau  ;  couvrez  de  cendres  votre  fourneau  pour  empêcher  que 
votre  jus  n'aille  trop  vite  ;  prenez  bien  garde  qu'il  ne  brûle  ; 
quand  il  sera  fort  attaché,  mouillez-le  comme  le  blond  de  veau  ; 
écumez-le,  assaisonnez-le  avec  un  bon  bouquet  de  persil  et 
ciboules,  en  y  ajoutant  quelques  queues  de  champignons;  quand 
vous  jugerez  la  viande  cuite,  dégraissez,  passez  votre  jus  dans  une 
serviette,  et  servez-vous-en  pour  colorer  vos  potages  et  vos  sauces, 
ou  les  entrées  ou  entremets  qui  exigent  du  jus. 

Grande  sauce,  —  Beurrez  une  casserole,  fbncez-la  de  lames 
de  jambon  ;  coupez  votre  veau  par  morceaux  ;  mettez-en  sur 
votre  jambon,  suffisamment  pour  la  grandeur  de  votre  casserole, 
mouillez-le  avec  une  ou  deux  cuillerées  de  bouillon,  de  manière 
que  votre  veau  soit  presque  couvert;  mettez-y  deux  carottes 
tournées^  un  gros  oignon  que  vous  retirerez  quand  il  sera  cuit. 
Lorsque  votre  veau  est  tombé'  à  glace,  vous  laissez  très-peu  de 
feu  sous  votre  casserole,  et  vous  l'entourez  de  cendres  rouges  peur 
faire  descendre  la  glace;  quand  elle  a  pris  sa  couleur,  vous  la 
détachez  avec  une  cuillerée  à  pot  de  bouillon  froid;  sitôt  qu'elle 


984  SAUCE. 

est  détachée,  vous  remplissez  votre  casserole  de  bouillon;  quand 
votre  veau  est  cuit,  vous  le  retirez,  et  vous  passez  votre  blond  de 
veau  dans  une  serviette,  vous  avez  votre  roux  dans  une  casserole, 
vous  le  délayez  assez  pour  que  la  sauce  ne  soit  pas  trop  épaisse,  et 
vous  la  faites  partir  ;  retirez*la  sur  le  bord  du  fourneau  et  remuez- 
la  de  temps  en  temps  pour  que  votre  coulis  soit  d'une  belle  couleur; 
s'il  en  manquait,  perfectionnez-le  avec  du  jus  de  bœuf;  il  se  for- 
mera, durant  la  cuisson,  une  peau  dessus.  Ne  Votez  pas,  et  ne  le 
dégraissez  qu'à  parfaite  cuisson  et  au  moment  de  le  passer,  sans 
l'exprimer,  à  travers  l'étamine.  Votre  sauce  passée,  mettez  une 
cuiller  dedans,  ayez  soin  de  la  sasser  et  vanner  jusqu'à  ce  qu'elle 
soit  refroidie,  pour  qu'il  ne  se  forme  point  de  peau  dessus,  et 
servez-vous-en  pour  des  petites  sauces  brunes.  (Recette  de  M.  de 
Courchamps.) 

Espagnole.  —  Foncez  une  casserole  de  lard  et  surtout  de  jam- 
bon, et  procédez  à  cet  égard  comme  il  est  indiqué  pour  la  grande 
sauce^  mettez  une  noix  de  veau  dessus^  avec  une  cuillerée  de  con- 
sommé, cinq  ou  six  carottes  et  oignons;  faites  partir  le  tout  comme 
le  coulis  général,  et  mettez-le  sur  un  feu  doux,  jusqu'à  ce  que 
votre  noix  jette  son  jus.  Lorsque  la  glace  sera  formée,  ce  que 
vous  reconnaîtrez  au  fond  de  la  casserole,  qui  doit  être  d'un  beau 
jaune,  retirez-la  du  feu,  piquez  alors  vos  noix  avec  votre  cou- 
teau, pour  que  le  reste  du  jus  s'en  exprime;  mouillez-les  avec 
du  consommé  dans  lequel  vous  aurez  fait  cuire  une  quantité 
suffisante  de  perdrix,  de  lapins  ou  de  poulets  ;  mettez  un  bouquet 
de  persil  et  ciboules  assaisonné  de  deux  clous  de  girofle  par  noix 
de  veau,  d'une  demi-feuille  de  laurier,  d'une  gousse  d'ail,  d'un 
peu  de  basilic  et  de  thym  ;  faites  bouillir  le  tout;  retirez  le  sur  le 
bord  du  fourneau  et  dégraissez-le;  au  bout  de  deux  heures,  liez 
votre  espagnole  avec  le  roux  comme  le  coulis  général  ;  lorsqu'elle 
sera  liée  de  manière  à  être  plus  claire  qu'épaisse,  laissez-la 
bouillir  une  demi-heure  ou  trois  quarts  d'heure,  pour  que  le 
roux  s'incorpore;  alors  dégraissez  et  passez  cette  espagnole  à 
letamine  dans  une  autre  casserole,  remettez-la  sur  le  feu  pour 
la  faire  réduire  d'un  quart  ;  elle  pourra  vous  servir  pour  tous*  les 
ragoûts  au  brun,  vous  y  mettrez  du  madère^  du  Champagne  ou 
du  bourgogne,  selon  les  petites  sauces  dont  vous  aurez  besoin. 


SAUCE.  985 

Ma  coutume  n'est  pas  de  mettre  le  vin  dans  l'espagnole  générale, 
attendu  qu'on  ne  met  point  tout  au  vin,  et  qu'avec  le  vin  elle 
peut  s'aigrir  du  jour  au  lendemain,  si  tout  n'est  pas  employé 
dans  la  journée,  ce  qui  serait  une  perte;  l'habitude  des  cuisiniers 
encore  est  de  ne  point  faire  réduire  les  vins  seuls,  ce  qui  leur 
donne  souvent  un  goût  d'alambic,  et  fait  évaporer  toute  la  partie 
spiritueuse;  conséquemment  ils  les  font  réduire  avec  la  sauce  à 
une  demi-glace  ou  gros  comme  le  pouce  de  glace,  ou  même 
davantage. 

Espagnole  travaillée.  —  Lorsque  vous  voudrez  vous  servir 
de  l'espagnole  pour  des  sautés,  ou  comme  simple  sauce,  prenez- 
en  deux  ou  trois  cuillerées  à  pot,  ou  davantage,  avec  environ  le 
tiers  de  consommé,  quelques  parures  de  truffes  bien  lavées  et 
quelques  queues  de  champignons,  faites  réduire  le  tout  sur  un 
grand  feu,  et  dégraissez-le  avec  soin.  Si  votre  espagnole  manque 
de  couleur,  donnez-lui-en  avec  votre  blond  de  veau;  faites-la 
réduire  à  consistance  de  sauce  ;  passez-la  à  l'étamine  ;  mettez-la 
dans  un  bain-marie,  pour  vous  en  servir  au  besoin. 

Velouté^  ou  coulis  blanc.  —  Mettez  dans  une  casserole 
beurrée  une  noix  ou  sous-noix,  ou  une  partie  d'un  cuissot  de 
veau,  avec  lames  de  jambon,  cuillerée  de  consommé,  carottes, 
oignons;  faites  partir  le  tout  sur  un  bon  feu;  quand  vous  verrez 
que  votre  mouillement  est  réduit,  et  qu'il  pourait  s'attacher, 
naouillez-le  avec  du  consommé,  en  raison  de  la  quantité  de  vos 
viandes  et  de  la  force  de  votre  consommé  ;  quand  le  tout  sera 
bienbouillant,  retirez- le,  ajoutez  échalotes,  tournures  de  champi- 
gnons, mais  sans  citron^  mettez-y  un  bouquet  assaisonné  que 
vous  retirerez  cuit,  en  l'exprimant  entre  deux  cuillers;  retirez 
également  vos  viandes  lorsqu'elles  seront  cuites;  ayez  soin,  durant 
que  votre  sauce  ^sX  sur  le  feu,  de  faire  un  roux  blanc  pour  la 
lier.  Voici  la  manière  de  vous  y  prendre  :  faites  fondre  500  gr. 
de  beurre  fin,  tirez-le  au  clair  dans  une  casserole,  puis  vous 
mettez  dans  votre  beurre  de  la  fleur  de  farine  de  froment,  vous 
remuez  au  point  qu'il  soit  parfaitement  bu  par  la  farine  ;  ensuite 
vous  mettez  la  casserole  sur  un  feu  doux  ;  vous  remuez  constam- 
ment, pour  que  votre  roux  ne  prenne  point  de  couleur;  vous  le 
flairez,  et  lorsque  vous  sentez  que  la  farine  est  cuite,  vous  délayez 


986  SAUCE. 

•  . , . , . 

le  tout  ou  une  partie,  avec  le  mouillement  de  votre  velouté.  Cela 
fait,  ayez  soin  de- tourner  continuellement  votre  farce,  pour  que 
la  farine  ne  tombe  point  au  fonxl  et  qu'elle  ne  s'attache  pas  ; 
dégraissez  votre  velouté;  tamisez,  remettez  sur  le  feu,  dégraissez 
de  nouveau,  faites  réduire,  retirez,  mettez  dans  un  vase,  passez  et 
vannez. 

Velouté  travaillé,  —  Il  se  travaille  comme  l'espagnole,  ex- 
cepté que  l'on  n'y  met  rien  qui  le  colore. 

Gnand  aspic,  —  Mettez  dans  une  marmite  un  ou  deux 
jarrets  de  veau,  une  [vieille  perdrix,  une  poule,  des  pattes  de 
volailles  si  vous  en  avez,  deux  ou  trois  lames  de  jambon;  ficelez 
vos  viandes,  joignez-y  deux  carottes,  deux  oignons,  un  bouquet 
bien  assaisonné;  mouillez  le  tout  d'un  peu  de  consommé,  faites- 
le  légèrement  suer;  lorsque  vous  verrez  que  votre  aspic,  tombant 
en  glace,  prendra  une  teinte  jaune,  mouillez-le  avec  du  bouillon 
si  vous  en  avez,  sinon  avec  de  l'eau,  en  observant  de  le  laisser 
réduire  davantage;  faites-le  partir,  écumez-le,  mettez-y  le  sel 
nécessaire,  laissez-le  cuire  trois  heures.  Alors  dégraissez-le, 
passez-le  au  travers  d'une  serviette  mouillée  et  tordue  ;  laissez-le 
refroidir;  cassez  deux  œufs  avec  blancs,  jaunes  et  coquilles;  fouet- 
tez-les, mouillez-les  avec  un  peu  de  votre  bouillon,  mettez-y  une 
cuillerée  à  bouche  de  vinaigre  d'estragon,  et  versez  le  tout  dans 
votre  aspic  :  posez-le  sur  le  feu,  agitez-le  avec  un  fouet  de  buis; 
quand  il  commencera  à  partir,  retirez-le  sur  le  bord  du  fourneau, 
afin  qu'il  ne  fasse  que  frémir  ;  couvrez-le ,  et  sur  son  couvercle 
mettez  du  feu.  Quand  vous  verrez  que  cet  aspic  est  clair,  passez- 
le  au  travers  d'une  serviette  mouillée  et  tordue  que  vous  attache- 
rez aux  quatre  pieds  d'un  tabouret,  retournez,  couvrez-le  de 
nouveau,  et  sur  son  couvercle  mettez  un  peu  de  feu.  Quand  il 
sera  passé,  servez-vous-en  pour  vos  grands  et  petits  aspics. 

Sauce  hollandaise,  —  Elle  se  fait  avec  la  grande  sauce  au 
beurre;  mettez-en  dans  une  casserole  trois  cuillerées  à  dégrais- 
ser, avec  un  citron  coupé  en  dés,  et  duquel  vous  ôtez  le  blanc  et 
les  pépins  ;  joignez-y  trois  jaunes  d'œufs  coupés  de  même,  un 
peu  de  persil  haché,  une  pincée  de  mignonnette  et  un  filet  de 
bon  vinaigre  blanc. 

Sauce  à  V allemande.  —  Mettez   un   peu  de   beurre,  des 


SAUCE.  987 

l'i.  ■  ■■■■■■  ..1  ii.,..-^.         .11  -ii^iog  I  ■■ ■  ■-■»  " 

champignons  hachés  dans  une  casserole;  fkirê<  bien  cuire  vos 
champignons,  joignçz-y  trois  cuillerées  à  dégraîsœr  de  velouié 
travaillé  et  une  cuillerée  de  consommé  ;  faites  réduire,  Jetez-y  du 
beurre,  du  persil  blanchi  ;  passez  et  vannez  le  tout,  mettez  le 
JUS  de  la  moitié  d'un  citron,  un  peu  de  mignonnette,  passez 
et  serv«2. 

Faute  de  velouté,  singez  vos  champignons,  délayez  le  tout 
avec  d'excellent  bouillon,  mettez-y  un  bouquet  bien  assaisonné 
d'un  clou  de  girofle,  la  moitié  d'une  gousse  d'ail,  thym  et  laurier  ; 
votre  sauce  cuite,  retirez  le  bouquet,  exprimez-le  et  finissez 
cette. sauce  comme  la  précédente. 

Sauce  à  la  béchamel.  —  Mettez  dans  une  casserole  ce  qu'il 
vous  faut  de  velouté  et  un  peu  de  consommmé.  Si  vous  em])loyez 
un  demi- litre  de  velouté,  faites  aller  votre  sauce  sur  un 
grand  feu,  tournez-la  avec  soin,  qu'elle  se  réduise  d'un  tersde 
son  volume;  en  même  temps,  faites  réduire  au  tiers  une  pinte 
de  crème  double,  incorporez-la  peu  à  peu  dans  votre  sauce  que 
vous  tournerez  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  réduite  au  point  où  elle 
était  avant  d'y  avoir  mis  la  crème.  Cette  sauce  ayant  la  consistance 
d'une  légère  bouillie,  tordez-la  dans  une  étamine  bien  blanche, 
et  mettez-la  au  bain-marie  avant  de  servir. 

Sauce  à  la  Sainte-Menehould .  —  Mettez  dans  une  casserole 

■ 

un  morceau  de  beurre  coupé,  singez-le  de  farine;  délayez  votre 
sauce  avec  du  lait  ou  de  la  crème;  assaisonnez-la  d'un  bou- 
quet de  persil  et  ciboules,  la  moitié  d'une  feuille  de  laurier, 
quelques  champignons  et  échalotes;  mettez-la  sur  le  feu;  tour- 
nez-la comme  la  béchamel,  et  tordez-la  à  Tétamine;  remettez- 
la  sur  le  feu;  mettez-y  du  persil  haché  et  un  peu  de  mi- 
gnonnette. 

Sauce  à  la  bonne  morue.  —  Elle  se  fait  comme  la  Sainte- 
Menehould,  excepté  qu'elle  est  un  peu  moins  liée,  qu'il  faut 
saupoudrer  le  mets  que  l'on  sert,  avec  du  persil  haché  et 
blanchi. 

Sauce  à  la  poulette,  —  Mettez  dans  une  casserole  du 
velouté  réduit,  faites-le  bouillir,  ajoutez- y  une  liaison  avec  du 
persil  haché  et  blanchi,  un  petit  morceau  d'excellent  beurre,  et 
un  jus  de  citron,  et  servez-vous-en  si  vous  n'avez  pas  de  velouté. 


988  SAUCE. 

faites  un  petit  roux  blanc,  mouillez-le  avec  du  bouillon,  met- 
tez-y un  bouquet  de  persil  et  de  ciboules,  faites  cuire  et  réduire 
votre  sauce,  dégraissez-la,  passez-la  à  letamine  et  servez- 
vous-en. 

Sauce  italienne  rousse,  —  Mettez  dans  une  casserole 
champignons  hachés,  tranches  de  citron  et  dés  de  jambon  (le 
citron  devra  n'avoir  plus  de  pépins),  ajoutez  une  cuillerée  à 
bouche  d'échalote  hachée,  lavée  et  passée  dans  le  coin  d'un  tor- 
chon comme  pour  vos  champignons;  plus  une  demi-feuille  de 
laurier  et  deux  clous  de  girofle,  et  un  quart  de  litre  d'huile,  pas- 
sez le  tout  sur  le  feu  ;  quand  vous  vous  apercevrez  que  le  citron 
et  les  ingrédients  sont  presque  cuits,  retirez  le  citron;  mettez 
une  cuillerée  de  persil  haché^  et  une  cuillerée  d'espagnole,  et  un 
demi-litre  de  bon  vin  blanc,  sans  l'avoir  fait  réduire,  ajoutez 
un  peu  de  mignonnette,  faites  ensuite  réduire  votre  sauce,  dé- 
graissez-la, ôtez  le  jambon,''et  lorsque  votre  sauce  aura  atteint 
son  degré  de  réduction,  retirez-la. 

Sauce  italienne  blanche,  — [Même  préparation  que  pour 
l'italienne  rousse,  excepté  que  vous  emploierez  pour  celle-ci  du 
velouté  au  lieu  d'espagnole. 

Sauce  bavaroise.  —  Cette  sauce  peut  s'appliquer  à  plu- 
sieurs de  nos  poissons,  mais  particulièrement  à  deux  espèces 
que  vous  rencontrerez,  particulièrement  dans  le  Nord,  aux  zan- 
ders  et  aux  soudacs.  Mesurez  dans  une  casserole  quatre  cuillerées 
à  bouche  de  bon  vinaigre,  faites  réduire  celui-ci  de  moitié,  et 
éloignez-le  du  feu,  mélez-y  trois  ou  quatre  jaunes  d'œufs  selon 
la  force  de  votre  vinaigre,  un  morceau  de  beurre  gros  comme  un 
œuf,  et  un  petit  morceau  de  racine  de  réforme  ;  battez  l'appareil, 
ajoutez  un  peu  de  sel  et  de  muscade,  tournez-le  sur  un  feu 
modéré,  transvasez-le  dans  une  autre  casserole  au  tamis  fin,  mé- 
lez-y loo  grammes  de  beurre  divisé  en  petites  parties,  mettez 
cette  casserole  nouvelle  sur  un  feu  doux,  et  battez  l'appareil  pour 
le  faire  mousser  sans  le  laisser  bouillir,  enfin  incorporez-lui 
loo  grammes  de  beurre  d'écrevisses. 

Sauce  à  la  maître  d'hôtel  froide.  —  Mettez  un  morceau  de 
beurre  dans  une  casserole,  joignez-y  du  persil  haché^  quelques 
feuilles  d'estragon ,  une  ou  deux  feuilles  de  baume,  du  sel  fin 


SAUCE.  989 

"  ^»^^^l     II  ■         M     P       ■         I  II         ■    ■  ^  ■    ,        ,M  .^  ■     ■    -  -  ■  -  ,  

en  suffisante  quantité,  le  jus  d'un  ou  deux  citrons,  ou  un  filet  de 
verjus,  mariez  le  tout  avec  une  cuiller  de  bois,  jusqu'à  ce  qu'il 
soit  bien  incorporé;  cette  préparation  vous  servira  pour  les  choses 
indiquées  ci-après. 

Sauce  à  la  maître  d'hôtel  liée.  —  Mettez  dans  une  casserole 
deux  cuillerées  de  velouté,  joignez-y  gros  de  beurre  comme  un 
œuf,  avec  persil  haché  très-fin  et  deux  ou  trois  feuilles  d'estra- 
gon hachées  de  même;  mettez  cette  sauce  sur  le  feu,  tournez-la 
avec  une  cuiller  de  bois  pour  bien  incorporer  votre  beurre  avec 
le  velouté;  à  l'instant  où  vous  voudrea  les  servir, passez  et  vannez 
votre  sauce,  ajoutez-y  un  jus  de  citjfosi  ou  un  filet  de  verjus. 

Sauce  au  suprême,  —  Mettez  dans  une  casserole  deux  ou 
trois  cuillerées  de  velouté  réduit,  ajoutez-y  deux  ou  trois  cuille- 
rées de  consommé  de  volaille;  faites  réduire  le  tout  à  la  valeur  de 
trois  cuillerées  de  velouté;  au  moment  de  vous  en  servir,  met- 
tez-y gros  de  beurre  comme  un  œuf;  faites  aller  cette  sauce  sur 
un  bon  feu,  tournez-la  et  passez-la;  qu'elle  soit  bien  liée,  sans 
être  trop  épaisse;  arrivée  à  son  degré,  retirez-la;  mettez-y  un  jus 
de  citron  ou  un  filet  de  verjus,  vannez-la  et  usez- en  au  besoin. 

Sauce  à  la  matelote.  —  Mettez  dans  une  casserole  une 
cuillerée  à  pot  d'espagnole  réduite  ;  Test-elle  à  peu  près,  met- 
tez-y des  petits  o'gnons  que  vous  aurez  fait  roussir  et,  cuire 
dans  le  beurre,  des  champignons  tournas  etdes  fonds  d'artichauts. 
A  l'instant  où  vous  servirez  votre  sauce,  vous  y  mettrez  gros  de 
beurre  comme  une  petite  noix;  remuez  le  tout  de  manière  à 
bien  mêler  le  beurre  sans  écraser  vos  garnitures, -et  servez. 

Sauce  poivrade.  —  Coupez  une  lame  de  jambon  en  douze 
petits  dés,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  petit  morceau 
de  beurre,  cinq  ou  six  branches  de  persil,  deux  ou  trois  ciboules 
*  coupées  en  deux,  une  gousse  d'ail,  une  feuille  de  laurier,  un 
peu  de  basilic,  du  thym,  et  deux  clous  de  girofle;  passez  le  tout 
sur  un  bon  feu  ;  lorsqu'il  sera  bien  revenu,  mettez-y  une  pincée 
de  poivre  fin,  une  cuillerée  à  dégraisser  de  vinaigre,  quatre 
cuillerées  d'espagnole  sans  être  réduite;  remuez  votre  sauce, 
faites-la  partir,  retirez-la  sur  le  bord  du  fourneau,  laissez-la 
cuire  trois  quarts  d'heure,  dégraissez-la  et  passez-la  dans  une 
étamine. 


990 


SAUCE. 


Sauce  hachée.  —  Mettez  daos  une  casserdie  une  petite 
cuillerée  d'échalotes  hachées  et  blanchies,  autant  de  champi- 
gnons, un  peu  de  persil  haché;  versez  dessus  deiix  ou  trois 
cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole,  autant  de  bouillon,  deux 
cuillerées  à  dégraisser  de  bon  vinaigre  et  une  pincée  de  mignon- 
nette;  faites  bouillir  et  dégraissez;  hachez  plein  une  cuiller  à 
bouche  de  câpres  et  autant  de  cornichons.  Lorsque  voû^  voudrez 
vous  servir  de  cette  sauce,  ajoutez-y  Le  beurre-  d'un  ou  deux 
anchois  ;  passez  et  vannez  le  tout. 

Il  ne  faut  pas  que  le^gpHûpdLchons  et  les  câpres  bouillent. 

Sauce  piquante.  Hacl]Ler..u£bi}ig]Xon,  le  faire  revenir  avec  du 
beurre  dans  une  casserole  sma  )e»roussir^  lui  adjoindra  un  demi- 
verre  de  vinaigre,  un  bouquet  de  persil,  deux  feuilles -de  laurier, 
un  peu  de  thym,  poivre  et  girofle,  faire  réduire  le  liquide  de 
moitié,  mêler  au  liqijide  réduit  la  valeur  d'un  verre  de  bottillon 
ou  de  jus  et  autant,  de  sucre;  faire  bouillir  le  liquide,  retirer  la 
casserole  sur  le  côté  du  feu  ;  un  quart  d'heure  après  dégraisser 
la  sauce  et  la  passer  au  tamis,  lui  mêler  deux  cuillerées  à 
bouche  de  câpres  entières,  et  autant  de  cornichons  coupés  par 
morceaux. 

Sauce.  P^rig^^yx.  -r-  Pelez  deux  ou  trois  truffes  crues,  préa- 
lablemi^Ai:^jfos$ée^  et  épluchées  avec  soin  ;  les  couper  en  petits 
dés  et  les  tenir  à  couvert*  verser  dans  un  sautoir  la  valeur  d'utt 
verre  et  demi  de  sauce  brune,  ainsi  que  quelques  cuillerées  à 
bouche  de  bon  fond  de  veau,  ajouter  une  partie  des  parures,  de 
truffes,  pQjgr  Is^  casserole  sur  feu  vif,  faire  réduire  la  sauce  en  la 
tournaat;<*qu%Q,d  elle  est  réduite  d'un  tiers,  lui  incorporer  peu  à 
peu  le  tiers  d'un  verre  de  bon  madère,  le  passer  sur  les  trufiês 
coupée5;  lui  donner  deux  minutes  d'ébullition,  et  la  retirer 
du  feu,.' 

Sauce  au  raisin.  (Destinée  à  accompagner  partiiyulièrement 
la  langue  de  bœuf  à  l'écarlate.)  —  Mettre  dans  une  casserole  un 
verre  de  vinaigre,  un  bouquet  de  persil,  thym,  laurier,  grains  de 
poivre,  clous  de  girofle;  faire  réduire  de  moitié,  mêler  au  liquide 
deux  verres  de  jus,  le  faire  bouillir  et  le  lier,  avec  une  cuillerée  à 
bouche  de  fécule  délayée  à  l'eau  froide;  au  bout  de  cinq  minutes, 
la  passer  au  tamis  dans  une  autre  casserole,  lui  adjoindre  deux 


SAUCE.  991 

cuillerées  à  bouche  de  gelée  de  groseille,  ainsi  que  deux  poi- 
gnées de  raisins  de  Corinthe  et  de  Smyrne  épluchés  et  laves  à 
Teau  chaude,  lui  donner  cinq  minutes  d'ébuUition  à  un  feu 
modéré,  et  la  vej-ser  sur  votre  langue  de  b^uf. 

Sauce  w^  la  crème  de  crevettes^  desHn4^  à  accompagner  un 
turbot.  —  Mettre  dans  une  dy^serole  plate  la  valeur  de  trois 
verres  à^  bécJiamiel  passée  au  moment,  la  faire  réduire  en  lui 
incorporant  trois- cuillerées  abouche  d'une  crème  crue,  et  ensuite 
quelques  cuillerées  de  cuisson  de  champignons;  quand  elle  est 
bien  crémeuse,  la  retirer  du  feu,  lui  incorporer  loo  grammes 
de  bon  beurre  frais,  et,  en  dernier  lieu,  50  grammes  de  crème  de 
crevettes  ;  masquer  le  turbot  avçc.  ujifi  partie  de  la  sauce  ;  mêler 
au  restant  quelques  cuillerées  à  bouohe  de  queues  de  crevettes  et 
la  verser  dans  une  saucière;  orner  le  poisson  avec  quelques  petits 
bouquets  de  feuilles  de  persil. 

Sauce  à  la  pluche.  —  Faites  blanchir,  rafraîchissez,  mettez 
sur  un  tamis  des  feuilles  de  persil;  mettez  dans  une  casserole 
trois  cuillerées  de  velouté  réduit  et  deux  de  consommé^;  faites 
réduire  le  tout  à  Tinstant  où  vous  voudrez  servir;  jetez  vos 
feuilles  de  persil  dans  votre  sauce;  si  elle  se  trouvait  trop  salée, 
ajOMCez-y  un  petit  morceau   de   beurre;    passez,   vannez,    et 

Sauce  à  la  purée  de  champignons,  —  Prenez  deux  maniveaux 
de  champignons,  épluchez-les,  lavez-les  bien  à  plusieurs  eaux, 
en  les  frottant  légèrement  dans  vos  mains;  cela  fait,  égouttez-les 
dans  une  passoire,  ensuite  émincez  les  têtes  et  les  queues;  meH 
tez-les  dans  une  casserole,  avec  gros  de  beurre  comme  un  œw£;,, 
faites-les  fondre  à  petit  feu,  et  lorsqu'ils  seront  presque  cuifs, 
mouillez-les  avec  du  velouté,  la  valeur  de  deux  cuillerées  à 
dégraisser,  laissez-les  cuire  trois  quarts  d'heure,  passez-les  à  Téta- 
mine  à  force  de  bras,  et  finissez  votre  purée  avec  de  la  crème 
double  comme  celle  d'oignons  blancs,  néanmoins  avec  cette  dif- 
férence que  celle-ci  doit  être  un  peu  plus  claire. 

Sauce  tortue.  —  Mettez  dans  une  casserole  la  valeur  d'une 
cuillerée  à  pot  d'espagnole  réduite,  un  bon  verre  de  vin  de 
Madère  sec,  une  cuillerée  de  poivre  kari,  pleine,  et  la  moitié  de 
cette  quantité  de  poivre  de  Cayenne;   faites  réduire  le  tout; 


99a 


SAUCE. 


dégraissez-le  ensuite,  ajoutez-y  des  crêtes  de  coq,  des  rognons, 
des  fonds  d'artichauts,  des  champignons,  une  gorge  de  ris  de 
veau,  ou  des  ris  d'agneaux,  si  c'est  la  saison;  faites  bouillir  le 
tout  afin  que  les  ingrédients  prennent  le  goût  de  la  sauce  et  sa 
couleur  ;  mettez-y,  au  moment  de  servir,  six  ou  huit  /aunes  d'œufs 
bien  entiers,  prenez  garde  de  les  écraser  en  remuant  avec  la 
cuiller,  et  servez-vous  de  cette  sauce  pour  les  mets  en  tortue. 
Par  principe,  faites  toujours  réduire  vos  garnitures  dans  le  m 
avant  de  les  jeter  dans  la  sauce. 

Sauce  kart  ou  à  l'indienne.  —  Mettez  dans  une  casserole 
trois  cuillerées  de  velouté  réduit  et  autant  de  consommé^  une 
cuiller  à  café  pleine  de  poivre  kari;  prenez  une  pincée  de  safran, 
faites-le  bouillir  dans  un  petit  vase;  quand  la  teinture  du  safran 
sera  formée,  passez-la  sur  le  coin  d'un  tamis  dans  votre  sauce; 
exprimez  bien  le  safran  avec  une  cuiller;  faites-en  même  passer 
une  partie  ;  faites  ensuite  bouillir,  et  dégraissez.  Si  cette  sauce 
n'était  pas  assez  poivrée,  vous  y  mettriez,  avec  la  pointe  d'un  cou- 
teau, un  peu  de  poivre  rouge,  autrement  dit  poivre  de  Cayenne. 

Sauce  tomate.  —  Ayez  douze  ou  quinze  tomates  bien  mûres 
et  surtout  bien  rouges;  ôtez-en  les  queues,  ouvrez-les  en  deux 
avec  votre  couteau  et  ôtez-en  la  graine;  pressez-les  dans  votre 
main  pour  en  faire  sortir  la  partie  aqueuse  qui  se  trouve  dans  le 
cœur  et  que  vous  jetterez,  ainsi  que  la  graine;  mettez-les  dans 
une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre  gros  comme  un  œuf, 
une  feuille  de  laurier  et  un  peu  de  thym  ;  posez  votre  casserole 
sur  un  feu  modéré  ;  remuez  vos  tomates  jusqu'à  ce  qu'elles  soient 
en  purée.  Durant  leur  cuisson,  mettez-y  une  cuillerée  d'espa- 
gnole ou  de  la  partie  grasse  du  bouillon,  ce  qui  vaudrait  mieux; 
lorsqu'elles  seront  au  degré  de  purée,  passez-les  à  force  de  bras 
à  travers  l'étamine,  ratissez  le  dehors  de  cette  étamine  avec  le 
dos  de  votre  couteau  ;  mettez  tout  le  résidu  dans  une  casserole, 
avec  deux  cuillerées  d'espagnole,  faites-le  réduire  à  consistance 
d'une  légère  bouillie,  mettez-y  du  sîl  convenablement,  et  sur  la 
pointe  d'un  couteau  un  peu  de  poivre  de  Cayenne. 

Sauce  à  l'ivoire.  —  Après  avoir  ôté  les  poumons  d'un 
poulet  ordinaire,  mettez-le  dans  une  marmite  qu'il  feut  avoir  le 
soin  de  bien  laver;  ajoutez-y  deux  carottes,  deux  oignons,  dont 


SAUCE. 


9^3 


un  piqué  d'un  clou  de  girofle  et  un  bouquet  assaisonné;  mouil- 
lez le  tout  avec  deux  cuillerées  à  pot  de  consommé,  qu  de  bouil- 
lon qui  n'ait  point  de  couleur;  faites  écumer  cette  marmite, 
retirez-la  sur  le  coin  du  fourneau  afin  qu'elle  mijote.  Après  cinq 
quarts  d'heure  ou  une  heure  et  demie  de  cuisson,  passez  ce  con- 
sommé  à  travers  une  serviette;  prenez  deux  ou  trois  cuillerées 
de  consommé,  mettez-les  dans  une  casserole,  joignez-y  deux 
cuillerées  de  velouté,  faites  réduire  à  consistance  de  sauce. 
Lorsque  vous  serez  sur  le  point  de  servir ,  mettez-y  gros  de 
beurre  comme  la  moitié  d'un  œuf;  passez  et  vannez  bien  cette 
sauce,  versez-y  une  cuiller  à  bouche  pleine  de  jus  de  citron,  et 
servez. 

Sauce  ravigote  blanche,  —  Epluchez  et  lavez  cresson  alé- 
nois,  cerfeuil,  pimprenelle,  estragon,  civette,  céleri  et  feuilles  de 
baume  ;  mettez  le  tout  dans  un  vase  ;  jetez  dessus  un  poissop 
d'eau  bouillante  ;  couvrez  et  laissez  infuser  trois  quarts  d'heure  ; 
ensuite  passez  cette  infusion,  mettez-la  dans  une  casserole  avec 
trois  cuillerées  à  dégraisser  de  velouté;  faites-la  réduire  à  con- 
sistance de  sauce;  mettez-y  la  valeur  d'une  cuillerée  à  bouche 
pleine  de  vin  blanc,  gros  de  beurre  comme  la  moitié  d'un  œuf; 
passez  et  vannez  bien  cette  sauce,  et  servez-la. 

Sauce  ravigote  froide  et  crue.  —  Prenez  la  même  ravigote 
que  celle  énoncée  ci-dessus,  hachez-la  [bien  fin  ;  joignez-y  une 
cuillerée  de  câpres  hachées  de  même,  un  ou  deux  anchois  que 
vous  aurez  concassés,  un  peu  de  poivre  fin  et  du  sel  convenable- 
ment; mettez  le  tout  dans  un  mortier  de  marbre  ou  de  pierre, 
pilez-le  jusqu'à  ce  qu'on  ne  puisse  plus  distinguer  aucun  ingré- 
dient; ajoutez-y  un  jaune  d'œuf  cru;  broyez,  arrosez  avec  un 
peu  d'huile  et,  de  temps  en  temps,  un  peu  de  vinaigre  blanc  pour 
Tempêcher  de  tourner,  et  cela  jusqu'à  ce  que  le  tout  soit  à 
consistance  de  sauce  (si  vous  voulez  [votre  ravigote  très-forte, 
ajoutez-y  un  peu  de  moutarde)  ;  alors  retirez-la  du  mortier,  et 
servez. 

Sauce  ravigote  cuite,  —  Ayez  la  même  ravigote  que  celle 
ci-dessus;  lavez-la,  faites-la  blanchir  comme  vous  feriez  blanchir 
des  épinards;  rafraîchissez-la  quand  elle  sera  cuite;  mettez-la 
égoutter  sur  un  tamis,  pilez-la  bien;  quand  elle  le  sera,  passez- 

6î 


ggA  SAUCE. 

la,  à  force  de  bras,  au  travers  d'un  tamis  ordinaire;  cela  fait, 
délayez-la  avec  de  Thuile  et  du  vinaigre;  mettez-y  sel  et  poivre, 
ainsi  que  \ou$  feriez  pour  une  rémolade;  qu'elle  soit  d'un  bon 
goût,  et  servez. 

Sauce  verte.  —  Vous  ferez  cette  sauce  comme  la  sauce  au 
suprême,  en  y  ajoutant  une  ravigote  comme  celle  énoncée  dans 
l'article  ci-dessus  et  du  vert  d'épinards  que  vous  ferez  ainsi  : 
lavez  et  pilez  bien  une  poignée  d'épinards,  exprimez-en  le  jus 
en  les  mettant  dans  un  torchon  blanc  et  les  tordant  à  force  de 
bras;  cela  fait,  mettez  ce  jus  dans  une  petite  casserole  sur  le  bord 
d'un  fourneau;  il  se  caillebotte  comme  du  lait;  lorsqu'il  le  sera, 
jetez-le  dans  un  tamis  de  soie  pour  le  laisser  égoutter;  à  l'instant 
de  servir  vous  délayerez,  soit  le  tout,  soit  une  partie,  pour  faire 
votre  sauce  verte;  de  suite  vous  y  mettrez  le  jus  d'un  citron,  ou 
un  filet  de  vinaigre;  passez  et  servez  aussitôt,  de  peur  que  votre 
sauce  ne  devienne  jaune. 

Sauce  Robert.  —  La  sauce  Robert  est  une  des  sauces  des 
plus  appétissantes  comme  des  plus  relevées,  et  Rabelais,  qui  range 
au  nombre  de  ceux  qui  ont  bien  mérité  de  la  patrie  son  inven- 
teur, le  cuisinier  Robert,  l'appelait  la  sauce  a  tant  salubre  et 
nécessaire.  » 

Cependant,  sa  réputation  n'est  pas  aussi  culinaire  que  Ton 
pourrait  le  croire,  elle  est  toute  religieuse  au  contraire,  ce  qui 
ne  veut  pas  dire  que  ce  qui  est  culinaire  est  étranger  à  la  reli- 
gion ;  demandez  à  votre  curé  ce  qu'il  en  pense  et  vous  en  verrez 
la  preuve. 

R^evenons  à  notre  sauce.  L'historien  Thiers  (ne  pas  con- 
fondre avec  l'ancien  ministre),  curé  de  Champrond,  au  diocèse 
de  Chartres,  s'étant  élevé  contre  quelques  charlataneries  ecclé- 
siastiques autorisées  par  le  chapitre  de  l'église  de  Chartres,  eut 
pour  adversaires  les  nommés  Patin,  officiai,  et  Robert,  vicaire 
général  de  l'évêque  de  Chartres.  Le  pasteur  de  Champrond  fit 
alors  contre  le  grand  vicaire  de  monseigneur  une  satire  qu'il  inti- 
tula la  Sauce  Robert^  par  allusion  à  la  célèbre  préparation  culi- 
naire de  laquelle  Rabelais  parle.  La  satire  fut  dénoncée,  Thieis 
fut  décrété  de  prise  de  corps  et  obligé  de  fuir. 

Indiquons  maintenant  la  manière  de  la  préparer. 


SAUCE*  99j; 

Sauce  Robert.  —  Coupez  en  rouelles  ou  en  dés  six  gros 
oignons,  ou  davantage  si  le  cas  le  requiert;  ayez  soin  de  laver 
l'oignon  pour  enlever  la  partie  amère;  mettez-les  dans  une  casse- 
role avec  du  beurre  à  proportion;  posez  le  tout  sur  un  bon  feu; 
singez-le  avec  un  peu  de  farine,  et  faites  qu'elle  roussisse  avec 
vos  oignons;  quand  tout  le  sera,  délayez  avec  du  bouillon; 
laissez  cuire;  mettez  sel  et  mignonnette,  et  lorsque  votre  sauce 
sera  arrivée  à  son  degré,  joignez -y  de  la  moutarde,  et  servez. 

Sauce  écrevisses.  —  Préparez  une  sauce  au  beurre  avec 
125  grammes  de  beurre  et  125  grammes  de  farine  en  la  mouillant 
avec  de  la  cuisson  de  poisson  dégraissée,  passée  et  refroidie; 
quand  la  sauce  est  liée,  la  finir  en  lui  incorporant  100  grammes 
de  bon  beurre  frais,  un  morceau  de  beurre  d'écrevisses  ainsi  que 
quatre  à  cinq  cuillerées  de  pattes  et  de  queues  d'écrevisses  cou- 
pées en  petits  dés. 

Qâutre  sauce  au  beurre  d'écrevisses.  —  Lavez  à  plusieurs 
eaux  un  demi-cent  de  petites  écrevisses,  mettez-les  dans  une 
casserole,  couvrez-les;  faites-les  cuire  dans  du  grand  bouillon 
avec  un  peu  de  mouillement;  sitôt  qu'elles  commencent  à  bouillir, 
sautez-rles  pour  que  celles  qui  sont  dessous  viennent  dessus  ; 
quand  elles  seront  d'un  beau  rouge,  retirez  la  casserole  du  feu; 
laissez  dix  minutes  vos  écrevisses  couvertes;  ensuite  égouttez-les 
sur  un  tamis,  laissez-les  refroidir,  séparez-en  les  chairs,  comme 
les  queues  que  vous  conservez  pour  faire  les  garnitures;  jetez  le 
dedans  du  corps  après  en  avoir  extrait  les  petites  pattes  ;  lavez- 
bien  toutes  ces  écailles,  jete:-les  sur  un  tamis;  faites-les  sécher 
sur  un  four  tiède  ou  sur  un  couvercle  posé  sur  une  cendre 
chaude;  quand  elles  le  seront,  pilez-les  dans  un  mortier;  lors- 
qu'elles seront  presque  entièrement  pilées,  joignez-y  gros  de 
beurre  comme  un  œuf;  pilez-les  de  nouveau  jusqu'à  ce  qu'on 
ne  distingue  presque  plus  les  écailles  de  vos  écrevisses;  si  ces 
écrevisses ,  en  les  pilant ,  ne  donnaient  point  assez  de  rouge  à 
votre  beurre,  ajoutez -y  deux  ou  trois  petites  racines  qu'on 
nomme  orcanètes;  cela  fait,  mettez  fondre  sur  un  feu  très-doux 
votre  beurre  d'écrevisses  environ  un  quart  d'heure;  quand 
il  sera  très -chaud,  mettez  un  tamis  un  peu  serré  sur  un 
vase  rempli  d'eau  fraîche;  versez  sur  ce  tamis  votre  beurre, 


996  SAUCE. 

lequel  se  figera  dans  l'eau;  ensuite  ramassez-le,  mettez-le  sur 
une  assiette  (afin  de  vous  en  servir  pour  vos  sauces  au  beurre 
d'écrevisses)  ;  ensuite  prenez  trois  cuillerées  de  velouté  réduit  et 
bien  corsé;  incorporez  votre  beurre  d'écrevisses  et  vannez  bien 
le  tout  à  l'instant  de  vous  en  servir. 

Sauce  aux  homards,  —  Otez  les  chairs  et  les  œufs  d'un 
moyen  homard,  coupez  les  chairs  en  dés,  détachez  les  fibrines 
des  œufs;  mettez  dans  une  casserole  les  œufs  et  les  chairs  sans 
mouillement,  couvrez  votre  casserole  d'un  papier  ou  d'un  cou- 
vercle, de  crainte  que  vos  chairs  ne  se  hàlent;  lavez  les  coquilles 
de  votre  homard,  détachez-en  les  petites  pattes  du  plastron  que 
vous  supprimerez;  vos  coquilles  étant  bien  lavées,  mettez-les 
sécher  dans  une  étuve;  une  fois  séchées,  pilez-les  et  faites-en  un 
beurre,  comme  il  est  indiqué  au  beurre  d'écrevisses ,  et  finissez- 
le  de  même;  le  beurre  de  votre  homard  refroidi,  mettez-le  dans 
une  sauce  blanche,  vannez-la  sur  le  feu  sans  la  faire  bouillir; 
ajoutez-y,  si  vous  le  voulez,  un  peu  de  poivre  de  Cayenne  ou  de 
gros  poivre,  versez  votre  sauce  sur  les  chairs  de  votre  homard, 
mêlez  bien  le  tout  et  servez-le  dans  une  saucière. 

Sauce  des  gourmets.  —  Faites  bouillir  dans  une  casserole 
la  valeur  de  trois  quarts  de  verre  de  glace  fondue,  et  quatre 
cuillerées  à  bouche  de  purée  de  tomates,  retirez  aussitôt  la  sauce 
du  feu  pour  lui  incorporer  peu  à  peu,  en  la  tournant  à  la  cuiller, 
cent  cinquante  grammes  de  beurre  d'écrevîsses ,  divisé  en  petites 
parties  ;  quand  la  sauce  est  bien  liée ,  lui  mêler  une  cuillerée  à 
bouche  dn  bon  vinaigre  et  finir  avec  une  pincée  d'estragon  haché, 
autant  d'échalote  hachée  fin  et  blanchie. 

Sauce  échalote  à  la  béarnaise.  —  Mettez  dant  une  petite 
casserole  deux  cuillerées  à  bouche  d'échalote  hachée  et  quatre 
cuillerées  de  bon  vinaigre  d'Orléans;  la  poser  sur  le  feu  et  cuire 
les  échalotes  jusqu'à  ce  que  le  vinaigre  soit  réduit  de  moitié; 
retirez  alors  la  casserole,  et  quand  l'appareil  est  à  peu  près 
refroidi,  mêlez-lui  quatorze  jaunes  d'œufs,  broyez-les  à  la 
cuiller  et  joignez-leur  quatre  cuillerées  à  bouche  de  bonne  huile. 
Posez  alors  la  casserole  sur  un  feu  doux  ;  liez  la  sauce  en  la  tour- 
nant, retirez-la  aussitôt  qu'elle  est  à  point,  et  lui  incorporez 
encore  un  demi-verre  d'huile,  mais  en  Talternant  avec  le  jus 


SAUCE.  997 

d'un  citron  ;  iinir  la  sauce  avec  un  peu  d'estragon  ou  de  persil 
haché  et  un  peu  de  glace  de  viande. 

Sauce  à  la  purée  d'oseille.  —  Ayez  deux  poignées  d'oseille 
ou  davantage  si  le  cas  le  nécessite ,  ôtez-en  les  queues,  lavez 
ensuite  cette  oseille,  égouttez-la,  hachez-la  très-menu,  mettez-la 
dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre  que  vous  ferez 
fondre  ;  quand  votre  oseille  sera  cuite ,  passez-la  à  force  de  bras 
à  travers  une  étamine,  remettez-la  dans  une  casserole  après  avoir 
ramassé  avec  le  dos  d'un  couteau  ce  qui  avait  pu  rester  au 
dehors  de  cette  étamine ,  versez-y  une  cuillerée  ou  deux  d'espa- 
gnole, faites-la  recuire  environ  trois  quarts  d'heure  ;  ayez  soin  de 
la  remuer  toujours,  dégraîssez-la  et  faîtes  qu'elle  soit  d'un  bon 
sel  ;  arrivée  à  la  consistance  d'une  bouillie  épaisse,  retirez-la  du 
feu,  et  servez- vous-en. 

Sauce  à  la  purée  d'oignons  blancs,  —  Mettez  dans  une 
casserole  avec  un  morceau  de  beurre  une  quinzaine  d'oignons 
émincés,  posez  votre  casserole  sur  un  feu  doux  afin  que  votre 
oignon  ne  prenne  point  couleur  ;  faites-le  cuire  à  petit  feu,  ayant 
soin  de  le  remuer  souvent  avec  une  cuiller  de  bois  ;  quand  vous 
voyez  qu'il  s'écrase  facilement  sous  la  cuiller,  joignez-y  une  ou 
deux  cuillerées  de  velouté  et  laissez  cuire  de  nouveau  ;  quand  le 
tout  sera  bien  cuit  et  réduit,  passez-le  de  nouveau  dans  une 
étamine  comme  pour  la  purée  d'oseille,  remettez-le  dans  une 
casserole  et  sur  le  feu,  incorporez  dans  cette  purée  d'oignons  une 
chopine  de  crème  que  vous  aurez  fait  bouillir  d'avance,  mettez- 
y  un  peu  de  muscade  râpée  pour  que  votre  purée  soit  d'un  bon 
goût;  lorsqu'elle  aura  atteint  le  degré  d'une  bonne  bouillie, 
retirez-la,  et  usez-en  au  besoin. 

Sauce  à  la  purée  de  pois.  —  Marquez  cette  purée  de  po:s 
comme  celle  indiquée  pour  les  potages,  faites -en  autant  que 
vous  croirez  nécessaire  pour  une  ou  deux  entrées,  mettez-la 
réduire  avec  une  quantité  suffisante  de  velouté;  lorsqu'elle  sera 
à  son  point,  ajoutez-y  un  peu  de  vert  d'épinards  pour  lui  donner 
la  teinte  qu'ont  les  pois  verts  ;  finissez-la  avec  un  morceau  de 
beurre,  une  pincée  de  sucre  en  poudre,  qu'elle  soit  à  consistance 
d'une  bouillie  épaisse,  et  servez,        • 

Sauce  pois  verts^  pour  entrées  et  entremets.  —  Prenez  deux 


998  SAUCE. 

litres  de  gros  pois  verts  ou  davantage,  lavez-les,  jetez-les  dans  une 
passoire,  mettez-les  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre, 
du  persil  coupé  en  branches,  quatre  ou  cinq  ciboules  coupées 
en  deux,  posez  votre  casserole  sur  le  feu ,  sautez  vos  pois  lors- 
que vous  les  verrez  se  rider  ;  mouillez-les  avec  deux  cuillerées  à 
pot  de  bouillon,  mettez  une  ou  deux  lames  de  jambon,  faites-les 
partir,  retirez-les  sur  le  bord  du  fourneau,  faites-les  cuire,  jetez- 
les  dans  une  passoire,  ôtez-en  le  jambon,  écrasez-les  avec  une 
cuiller  ou  pilez-les  à  Tétamine  à  force  de  bras  en  les  humectant 
avec  le  bouillon  dans  lequel  ils  ont  cuit.  La  purée  étant  passée, 
mettez-la  dans  une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre,  une 
cuillerée  ou  deux  de  velouté:  faites-les  réduire  à  consistance 
d'une  purée,  dégraissez-rla,  qu'elle  soit  d'un  bon  sel,  mettez-y  un 
petit  morceau  de  sucre  et  finissez-la  avec  un  morceau  de  beurre; 
si  elle  n'était  pas  assez  verte,  mettez-y  un  peu  de  vert  d'épinards 
comme  il  est  indiqué  à  l'article  Purée  des  potages. 

Sauce  à  la  purée  de  lentilles  à  la  Reine.  —  Elle  se  fait 
comme  la  précédente,  excepté  qu'il  faut  la  servir  avec  de  l'espa- 
gnole; on  doit  laisser  cuire  la  purée  de  lentilles  plus  que  la 
purée  de  pois,  afin  qu'elle  soit  d'une  belle  couleur  marron  ;  on 
la  finit  avec  un  morceau  de  beurre  et  on  lui  donne  la  même 
consistance  que  la  purée  de  pois. 

Purée  de  gibier.  —  Prenez  un  ou  deux  perdreaux  rôtis  à 
la  broche,  un  lapereau  et  une  bécasse,  soit  séparément,  soit 
ensemble;  levez-en  toutes  les  chairs,  hachez  le  tout  très- menu, 
mettez  le  hachis  dans  un  mortier  et  pilez  bien  ;  lorsqu'il  sera  pilé, 
mettez-le  dans  une  casserole  avec  de  l'espagnole  réduite  et  un 
peu  de  consommé,  faites  chauffer  le  tout  sur  un  feu  doux  et  sans 
bouillir;  quand  cette  purée  sera  bien  chaude,  passez-la  à  force 
de  bras  à  l'étamine,  ramassez  ce  qui  peut  en  rester  dehors,  remet- 
tez-la dans  une  casserole,  faites -la  chauffer  et  placéz-la  au 
bain-marie;  au  moment  de  vous  en  servir,  finissez-la  avec  un 
morceau  de  beurre.  Si  vous  ne  la  trouvez  pas  assez  corsée, 
mettez-y  un  peu  de  glace  et  servez-la  soit  avec  des  œufs  pochés 
dessus,  soit  avec  des  croûtons  ou  dans  des  croustades. 

Sauce  au  pauvre  homme.  —  Prenez  cinq  ou  six  échalotes, 
ciselez  et  hachez-les,  ajoutez  une  pincée  de  persil  haché  bien  fin. 


SAUCE. 


999 


mettez  le  tout  dans  une  casserole  soit  avec  un  verre  de  bouillon, 
soit  avec  du  jus  ou  de  l'eau  en  moindre  quantité,  et  une  cuillerée 
à  dégraisser  de  bon  vinaigre,  du  sel,  une  pincée  de  gros  poivre, 
faites  bouillir  vos  échalotes  jusqu'à  ce  qu'elles  soient  cuites,  et 
servez. 

Glace  ou  consommé  réduit.  —  Prenez  un  ou  deux  jarrets  de 
veau,  et  soit  pour  augmenter,  soit  pour  remplacer  ces  jarrets, 
employez  des  parures  de  carrés  et  des  débris  de  veau  ;  mettez-le 
tout  dans  une  marmite  fraîchement  étamée,  avec  quatre  ou  cinq 
carottes,  deux  ou  trois  oignons,  et  un  bouquet  de  persil  et  de 
ciboules;  mouillez  le  tout  avec  d'excellent  bouillon,  ou  quelques 
bons  fonds  ;  faites  écumer  votre  marmite  et  rafraichissez-la  plu- 
sieurs fois  avec  de leau  fraîche,  mettez-la  sur  le  bord  d'un  four- 
neau, et  lorsque  vos  viandes  quitteront  les  os,  passez  votre  con- 
sommé à  travers  une  serviette,  que  vous  aurez  mouillée  et  tordue; 
laissez  refroidir  votre  consommé,  clarifiez-le,  faites-le  réduire  à 
consistance  de  sauce  en  ayant  soin  de  remuer  toujours,  vu  que 
rien  n'est  plus  sujet  à  s'attacher  et  à  brûler;  à  cet  effet,  ne  la 
conduisez  pas  à  trop  grand  feu,  ce  qui  pourrait  la  noircir  ;  elle 
doit  être  d'un  beau  jaune  et  très-transparente  ;  n'y  mettez  point 
de  sel,  elle  en  aura  toujours  assez.  Cette  réduction  sert  à  donner 
du  corps  à  vos  sauces  et  ragoûts  qui  pourraient  en  manquer,  et  à 
glacer  vos  viandes.  Vous  ferez  un  petit  pinceau  avec  des  queues 
de  vieilles  poules,  ôtez-en  les  barbes,  ne  laissez  que  le  bout  des 
plumes  d'environ  deux  pouces  de  longueur;  mettez-les  bien  égales, 
qu'il  n'y  en  ait  pas  une  plus  longue  que  l'autre;  liez-les  forte- 
ment, ce  qui  formera  votre  pinceau;  lavez-le  dans  l'eau  tiède, 
pressez-le,  servez-vous-en,  mais  prenez  garde  de  le  laisser  bouil- 
lir dans  votre  glace,  de  peur  de  faire  partir  les  barbes  par  par- 
celles dans  votre  travail. 

Marinade  cuite.  —  Mettez  dans  une  casserole  gros  de  beurre 
comme  un  œuf,  une  ou  deux  carottes  en  tranches,  ainsi  que 
des  oignons,  une  feuille  de  laurier,  la  moitié  d'une  gousse 
d'ail,  un  peu  de  thym,  de  basilic,  du  persil  en  branches,  deux  ou 
trois  ciboules  coupées  en  deux  ;  faites  passer  le  tout  sur  un  bon 
feu;  quand  vos  légumes  commenceront  à  roussir,  mouillez-les 
avec  du  vinaigre  blanc,   le  double  d'eau,  mettez-y  sel  et  gros 


I 


looo  SAUCE. 

poivre,  laissez  bien  cuire  cette  marinade,  passez-la  à  travers  un 
tamis,  et  servez- vous-en  au  besoin. 

Poêle.  —  Prenez  quatre  livres  de  rouelle  de  veau,  coupez- 
les  en  dés,  ainsi  qu'une  livre  et  demie  de  jambon^  une  liv^re  et 
demie  de  lard  râpé  que  vous  couperez  de  même,  cinq  ou  six 
carottes  coupées  en  dés,  huit  moyens  oignons  entiers  ;  un  fort 
bouquet  de  persil  et  de  ciboules,  dans  lequel  vous  enveloppcirez 
trois  clous  de  girofle,  deux  feuilles  de  laurier,  du  thym,  un  peu 
de  basilic  et  un  peu  de  massif;  joignez  à  cela  trois  citrons,  cou- 
pés en  tranches,  dont  vous  aurez  supprimé  la  pelure  et  les 
pépins;  mettez  le  tout  dans  une  marmite  fraîchement  étamée, 
avec  une  livre  de  beurre  fin,  passez-le  sur  un  feu  doux,  ^mouillez- 
le  avec  du  bouillon  ou  du  consommé;  faites  partir,  écumez, 
laissez  cuire  quatre  ou  cinq  heures,  passez  votre  poêle  à  traven 
un  tamis  de  crin,  et  servez-vous-en  au  besoin. 

Sauce  à  la  mirepoîx.  —  Cette  sauce  se  fait  comme  la  pré- 
cédente, et  n'en  diffère  qu'en  ce  que  dans  le  volume  de  son  mouil- 
lement  il  entre  un  quart  de  vin  soit  de  Champagne,  soit  d'autre 
bon  vin  blanc. 

Blanc.  —  Ayez  une  livre  ou  une  livre  et  demie  de  graisse 
de  bœuf,  coupez-la  en  gros  dés,  mettez-la  dans  une  marmite 
avec  carotte  coupée  en  tranches,  oignons  entiers,  piqués  de  deux 
clous  de  girofle,  une  ou  deux  feuilles  de  laurier,  un  bouquet  de 
persil  et  ciboules,  une  gousse  d'ail,  deux  citrons  coupés  en 
tranches,  dont  vous  aurez  supprimé  la  peau  et  les  pépins;  passez 
le  tout  sur  le  feu  sans  le  faire  roussir;  lorsque  votre  graisse  sera 
aux  trois  quarts  cuite,  singez-la  d'une  cuillerée  à  bouche  de 
farine,  mouillez  le  tout  avec  de  l'eau,  joignez-y  de  l'eau  de  sel, 
ce  qu'il  en  faut. 

L'eau  de  sel  se  fait  ainsi  :  mettez  dans  une  casserole  une  ou 
deux  poignées  de  sel  avec  de  l'eau,  faites-la  bouillir,  écumez-Ia, 
laissez-la  reposer,  tirez-la  au  clair,  et  servez- vous-en. 

Petite  sauce  à  l'aspic.  —  Mettez  dans  une  casserole  un 
bon  verre  de  consommé,  faites-y  infuser  une  partie  suffisante 
de  fines  herbes  dont  on  se  sert  pour  la  ravigote;  posez  votre 
casserole  sur  de  la  cendre  chaude  environ  un  quart  d'heure, 
ne  laissez  pas  bouillir,  passez  le  tout  à  travers  un  linge  blanc, 


SAUCE.  looi 

ne  l'exprimez  pas  trop  fort,  mettez-y  une  cuillerée  à  bouche  de 
vinaigre  d'estragon,  un  peu  de  gros  poivre,  et  servez- vous-en. 

Sauce  au  fumet  de  gibier.  —  Mettez  dans  une  casserole 
quatre  cuillerées  à  dégraisser  de  consommé,  prenez  deux  ou  trois 
carcasses  de  perdreaux^  que  vous  aurez  concassées  avec  le  dos 
de  votre  couteau  ;  un  bon  verre  de  vin  blanc;  faites  cuire  environ 
trois  quarts  d'heure,  passez  le  tout  à  travers  un  tamis  de  soie, 
faites  réduire  et  tomber  à  glace.  Cela  fait,  mettez  deux  ou  trois 
cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole,  faites  bouillir;  dégraissez,  et 
servez- vous-en. 

Sauce  au  beurre  d'ail,  —  Prenez  deux  gousses  d'ail,  pilez- 
les  avec  gros  de  beurre  comme  un  œuf;  lorsque  le  tout  sera  bien 
pilé,  mettez  votre  beurre  sur  le  fond  d'un  tamis  de  crin  double, 
passez*le  à  force  de  bras,  avec  une  cuiller  de  bois,  ramassez-le, 
et  servez-vous-en  soit  avec  du  velouté,  soit  avec  de  l'espagnole 
réduite. 

Sauce  au  beurre  d'anchois.  —  Prenez  trois  ou  quatre  anchois, 
lavez-les  bien,  frottez-les  avec  une  serviette,  afin  qu'il  n'y  reste 
aucune  écaille;  levez-en  les  chairs,  supprimez-en  l'arête,  pilez- 
les  avec  gros  de  beurre  comme  un  petit  œuf;  quand  le  tout  sera 
pilé,  ramassez-le,  passez-le  au  tamis,  et  mettez-le  sur  une  assiette. 
Vous  aurez  fait  réduire  quatre  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole; 
à  l'instant  de  saucer,  vous  incorporerez  votre  beurre  d'anchois 
soit  en  partie,  soit  en  totalité,  avec  votre  espagnole;  faites  chauffer 
deux  citrons  pour  la  dessaler,  passez  et  vannez-la;  si  elle  se 
trouvait  trop  liée,  ajoutez-y  un  peu  de  consommé,  et  servez- 
vous-en. 

Sauce  au  beurre  de  Prai'ence.  —  Prenez  cinq  ou  six  gousses 
d'ail,  pilez-les  comme  pour  le  beurre  d'ail;  passez-les  comme 
ci-dessus,  à  travers  un  tamis  de  crin  double  ;  ramassez  avec  la 
cuiller  tout  le  résidu;  mettez-le  dans  un  vase  de  faïence;  ayez  de 
la  bonne  huile  vierge  d'Aix  veresz-en  un  peu  dessus  ;  tournez 
votre  huile  et  votre  ail  comme  pour  faire  une  pommade ,  sans 
discontinuer  de  la  mouiller  et  de  la  remuer  petit  à  petit;  mettez- 
y  du  sel  convenablement.  Elle  doit  venir  comme  un  morceau  de 
beurre,  à  force  de  la  travailler  ;  alors  servez- vous-en. 

Sauce  à  la  tartare.  —  Hachez  deux  ou  trois  échalotes  bien 


looa  SAUCE. 

tin,  un  peu  de  cerfeuil  et  d'estragon;  mettez  le  tout  dans  le 
fond  d'un  vase  de  terre  avec  de  la  moutarde  et  deux  jaunes 
d'œufs,  un  filet  de  vinaigre,  sel  et  poivre,  selon  la  quantité  qu'il 
vous  en  faut;  arrosez  légèrement  d'huile  votre  sauce,  et  remuez- 
la  toujours  :  si  vous  voyez  qu'elle  se  lie  trop,  jetez-y  un  peu  de 
vinaigre;  goûtez  si  elle  est  d'un  bon  sel  :  si  elle  se  trouvait  trt^ 
salée,  remettez-y  un  peu  de  moutarde  et  d'huile. 

Sauce  au  fenouil.  —  Epluchez,  hachez,  faites  blanchir  quel- 
ques branches  de  fenouil,  jetez-les  sur  un  tamis,  mettez  dans  une 
casserole  deux  cuillerées  à  dégraisser  de  vel  Juté,  autant  de  sauce 
au  beurre  ;  faites-les  chauffer,  ayez  soin  de  les  vanner;  à  l'instant 
de  servir  ;  jetez  votre  fenouil  dans  votre  sauce  ;  passez-la  bien, 
pour  que  votre  fenouil  soit  bien  mêlé,  mettez-y  le  sel  convenable 
et  un  peu  de  muscade  râpée. 

Sauce  à  l'anglaise,  aux  groseilles  à  maquereau.  —  Prenei 
vos  deux  pleines  mains  de  groseilles  à  maquereau  à  moitié  mûres  ; 
ouvrez-les  en  deux ,  ôtez-en  les  pépins  ;  faites-les  blanchir  dans 
l'eau  avec  un  peu  de  sel,  comme  vous  feriez  blanchir  des  haricots 
verts  ;  égouttez-les  ;  jetez-les  dans  une  sauce  comme  celle  indi- 
quée ci-dessus,  avec  fenouil  ou  sans  fenouil.  Cette  sauce  sert  à 
manger,  en  place  de  celle  de  maître  d'hôtel,  des  maquereaux 
bouillis. 

Sauce  claire  à  V estragon.  —  Prenez  de  votre  grand  aspic  : 
si  vous  n'en  aviez  pas ,  employez  quelques  bons  fonds ,  que  vous 
clarifierez  comme  je  l'ai  indiqué  à  l'article  grand  aspic.  Après 
l'avoir  clarifié,  mettez-y  un  filet  de  vinaigre  à  l'estragon,  coupez 
quelques  feuilles  d'estragon  en  losanges  ;  faites-les  bouillir,  et  tu 
moment  de  servir,  jetez-les  dans  votre  aspic. 

Sauce  à  l'estragon  liée.  —  Mettez  dans  une  casserole  deux 
ou  trois  cuillerées  à  dégraisser  de  velouté  réduit,  si  vous  la  voulez 
blanche,  et  d'espagnole  réduite,  si  vous  la  voulez  rousse;  ajoutez-y 
un  filet  de  vinaigre  à  l'estragon,  de  l'estragon  préparé  comme  le 
précédent,  et  finissez  de  lier  votre  sauce  avec  un  pain  de  beurre. 

Sauce  mayonnaise.  —  Mettez  dans  un  vase  de  terre  trois  ou 
quatre  cuillerées  à  bouche  d'huile  fine,  et  deux  de  vinaigre 
d'estragon;  joignez-y  estragon,  échalotes,  pimprenelle,  hachés 
très-fin,  sel,  gros  poivre,  en  suffisante  quantité,  deux  ou  trois 


SAUCE.  loo) 

cuillerées  à  bouche  de  gelée  d'aspic  ;  remuez  bien  le  tout  avec 
une  cuiller  ;  la  sauce  se  liera  et  formera  une  espèce  de  pom- 
made. Goûtez-la  :  si  elle  était  trop  salée  ou  trop  vinaigrée, 
mélez-y  un  peu  d'huile;  en  cas  que  vous  la  vouliez  claire, 
concassez  la  gelée  avec  votre  couteau,  et  mèlez-la  légèrement 
avec  votre  assaisonnement. 

Roux.  —  Mettez  dans  une  casserole  une  livre  de  beurre  ou 
davantage  ;  faites-le  fondre  sans  le  laisser  roussir  ;  passez  au 
tamis  de  la  farine.de  froment,  la  plus  blanche  et  la  meilleure; 
mettez-en  autant  que  votre  beurre  en  pourra  boire  (on  le  fait 
aussi  considérable  que  le  besoin  l'exige)  ;  il  faut  que  ce  roux  ait 
la  consistance  d'une  pâte  un  peu  ferme  ;  menez-le  au  commen- 
cement sur  un  feu  assez  vif,  ayant  soin  de  le  remuer  toujours  ; 
lorsqu'il  sera  bien  chaud  et  qu'il  commencera  à  blondir,  mettez-le 
sur  de  la  cendre  chaude,  sous  un  fourneau  allumé,  en  sorte 
que  la  cendre  rouge  de  ce  fourneau  tombe  sur  le  couvercle  qui 
couvre  votre  roux  ;  remuez-le  de  demi-quart  d'heure  en  demi- 
quart  d'heure,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  d'un  beau  roux;  de  cette 
manière  votre  roux  n'aura  point  l'âcreté  que  les  roux  ont  ordi- 
nairement. 

Roux  blanc,  —  Faites  fondre  le  beurre  le  plus  fin  que  vous 
aurez;  mettez-y  de  la  farine  en  suffisante  quantité;  passez  au 
tamis  comme  ci-dessus,  de  crainte  qu'il  ne  se  trouve  dans  votre 
farine  des  grumeaux  ou  de  la  malpropreté  ;  mettez-le  sur  un  feu 
très-doux ,  afin  qu'il  ne  prenne  point  couleur  ;  ayez  soin  de 
le  remuer  environ  une  demi-heure  et  servez -vous-en  à  votre 
volonté. 

Pâte  à  /rire»  —  Passez  une  demi-livre  de  farine  ;  mettez-la 
dans  une  terrine  avec -deux  cuillerées  à  bouche  d'huile,  du  sel  et 
deux  ou  trois  jaunes  d  oeufs ,  mouillez-la  avec  de  la  bière  en 
suffisante  quantité  pour  qu'elle  ne  corde  point  ;  travailiez-lapour 
qu'elle  soit  à  consistance  d'une  bouillie  ;  fouettez  un  ou  deux 
blancs  d'œufs,  incorporez-les  dans  votre  pâte  en  la  remuant 
légèrement  ;  faites-la  deux  ou  trois  heures  avant  de  vous  en 
servir.  Du  plus  ou  du  moins  de  blancs  d'œufs  fouettés  dépendra 
la  légèreté  de  votre  pâte.  Vous  pouvez  faire  de  même  cette  pâte 
avec  du  beurre  au  lieu  d'huile,  et  de  l'eau  chaude  en  place  de 


I004  SAUCE. 

bière.  L'eau  tiède  avec  un  peu  de  beurre  fondu  vaut  mieux  que 
la  bière;  pas  de  vin  blanc.  L'huile  vaut  mieux  que  le  beurre,  la 
pâte  est  plus  croustillante;  un  peu  de  cognac,  un  petit  verre. 

Friture.  —  L'expérience  m'a  appris  que,  de  toutes  les 
fritures,  la  meilleure  est  celle  que  Ton  fait  avec  la  partie  grasse 
qu'on  tire  de  la  grande  marmite.  Lorsqu'on  n'a  pas  assez  de 
cette  graisse,  on  y  supplée  avec  de  la  graisse  de  rognons  de  boeuf 
hachée  très-fin,  ou  que  l'on  coupe  en  dés,  et  qu'on  fait  fondre 
avec  soin.  Ces  graisses  valent  infiniment  mieux  que  le  saindoux, 
qui  a  le  défaut  de  ramollir  la  pâte,  et  celui  encore  plus  grand, 
lorsqu'on  le  fait  chauffer,  de  s'enfler  et  d'écumer,  ce  qui  le  £dt 
déborder  souvent  du  vase  où  on  l'a  mis,  et  ce  qui  est  dangereux 
encore,  dans  le  feu.  L'huile  fait  à  peu  près  le  même  effet  et  n'est 
pas  moins  dangereuse  sous  ce  dernier  rapport;  mais  elle  ne 
ramollit  pas.  A  l'égard  du  beurre  fondu,  cette  friture  revient  fort 
cher  et  a  presque  les  mêmes  inconvénients  :  ainsi  je  conclus  que 
de  toutes  les  fritures,  tant  pour  la  beauté  que  pour  la  bonté  et 
l'économie,  la  meilleure  est  celle  qui  provient  de  la  graisse  qu'on 
a  retirée  de  la  marmite,  ainsi  que  celle  qu'on  fait  de  la  graisse 
des  rognons  de  bœuf. 

Manière  d'opérer  en  cela  : 

Lorsque  vous  aurez  de  la  graisse  indiquée  en  suffisante 
quantité,  mettez-la  dans  une  marmite  pour  la  faire  cuire  et 
clarifier;  faites-la  partir  comme  vous  feriez  à  l'égard  d'un 
bouillon  ;  mettez-y  quelques  tranches  d'oignons  et  quelques 
morceaux  de  pain,  faites-la  aller  quatre  ou  cinq  heures  sur  le 
bord  d'un  fourneau  ou  devant  le  feu,  comme  on  fait  aller, 
vulgairement  dit,  un  pot-au-feu  bourgeois  ;  après,  ôtez-en  le 
pain,  les  oignons,  et  tirez-la  au  clair  :  elle  doit  être  extrême- 
ment limpide  ;  mettez -en  la  quantité  dont  vous  avez  besoin  dans 
une  poêle,  faites-la  chauffer;  pour  vous  assurer  si  elle  est  chaude 
assez,  trempez  un  de  vos  doigts  dans  l'eau  et  secouez-le  sur  la 
friture  ;  si  eUe  pétille  et  jette  l'eau,  c'est  qu'elle  est  à  son  degré 
de  chaleur. 

Si  c'est  du  poisson  que  vous  faites  frire,  avant  de  Taban- 
donner  tenez-le  par  la  tête  et  trempez  le  bout  de  la  queue  dans 
votre  friture;  si,  l'ayant  laissé  une  seconde,  vous  voyez  que  ce 


SAUCE!  looj 

bout  est  presque  cassant,  mettez-y  votre  poisson  et  ayez  soin  de 
le  retourner. 

Sauce  aux  hatelets.  — Hachez  un  peu  de  persil,  ciboules 
et  champignons  ;  mettez  ces  fines  herbes  dans  une  casserole  avec 
un  morceau  de  beurre;  passez-les,  singez-les,  et  mouillez -les 
avec  une  cuillerée  à  pot  de  consommé  ;  assaisonnez  cette  sauce 
d'un  peu  de  sel,  gros  poivre,  de  la  muscade  râpée  et  une  demi- 
feuille  de  laurier;  faites-la  aller  sur  un  bon  feu,  en  ayant  soin  de 
la  tourner  jusqu'à  ce  qu'elle  ait  atteint  son  degré  de  cuisson, 
c'est-à-dire  qu'elle  soit  réduite  à  consistance  d'une  bouillie  claire; 
retirez-en  le  laurier  ;  liez-la  avec  deux  jaunes  d'œufs  délayés 
avec  un  peu  de  bouillon,  et  servez-vous-en. 

Brède  sauce,  —  Prenez  de  la  mie  de  pain  ad  hoc,  faites-la 
dessécher  avec  du  lait  ;  laissez-la  cuire  environ  trois  quarts 
d'heure,  et  ne  lui  donnez  que  la  consistance  d'une  bouillie  épaisse; 
a;outez-y  vingt  grains  de  poivre  blanc,  du  sel  en  suffisante 
quantité  et,  en  la  finissant,  gros  comme  une  noix  d'excellent 
beurre  ;  servez-la  dans  une  saucière,  à  côté  de  vos  pièces  de 
venaison. 

Sauce  aux  truffes  à  la  Saint-Cloud,  ou  en  petit  deuil.  — 
Coupez  une  truffe  en  très-petits  dés  ;  passez-les  dans  un  petit 
morceau  de  beurre  ;  mouillez-les  avec  quatre  cuillerées  à 
dégraisser,  pleines  de  velouté,  «t  deux  de  consommé  ;  faites  cuire 
et  réduire  votre  sauce  ;  dégraissez-la  et  finissez-la  avec  un  pain 
de  beurre. 

Sauce  à  la  peluche  verte.  — Mettez  dans  une  casserole  quatre 
cuillerées  pleines  de  velouté  réduit  ;  faites  bouillir  et  dégraissez 
au  moment  de  servir  ;  mettez  dans  cette  sauce  des  feuilles  de 
persil  blanchi,  du  gros  poivre,  un  pain  de  beurre  et  le  jus  d'un 
citron;  observez  que  ce  jus  doit  dominer  un  peu. 

Court-bouillon.  — Mettez  dans  une  casserole  un  morceau  de 
beurre  avec  des  oignons  coupés  en  tranches,  et  des  carottes 
coupées  en  lames,  deux  feuilles  de  laurier  cassées,  trois  clous  de 
girofle,  deux  gousses  d'ail,  du  thym,  du  basilic^  et  un  peu  de 
gingembre  ;  passez  le  tout  sur  un  feu  vif,  pour  donner  à  ces 
légumes  un  peu  de  couleur;  faites  que  le  fond  de  votre  casserole 
soit  un  peu  attaché;  mouillez-les  avec  deux  ou  trois  bouteilles 


ioo6  9AUCE. 

devin;  si  vous  voulez  que  votre  court-bouillon  soit  au  gras, 
mettez  quelques  bons  fonds  de  graisse;  faites-le  bouillir  el 
servez- vous-en . 

Ket'-chop,  —  Ayez  douze  maniveaux  de  champignons, 
épluchez-les,  lavez-les,  émincez-lesle plus  possible;  ayez  une  ter- 
rine d'office  neuve;  faites  un  lit  de  champignons  de  l'épaisseur  d'un 
travers  de  doigt;  saupoudrez-le  légèrement  de  sel  fin,  ainsi  de 
suite,  lit  par  lit,  jusqu'à  ce  que  vos  champignons  soient  employés; 
ajoutez-y  une  poignée  de  brou  de  noix  ;  cela  fait,  couvrez  votre 
terrine  d'un  linge  blanc,  fixez  ce  linge  avec  une  ficelle  et  recou- 
vrez votre  terrine  avec  un  plat  quelconque.  Laissez  quatre  ou 
cinq  jours  vos  champignons  se  fondre  ;  tirez-en  le  jus  au  clair  et 
exprimez-en  le  marc  à  force  de  bras,  au  travers  d'un  tordioo 
neuf  (il  faut  être  deux  pour  cela);  mettez  ce  jus  dans  une  casse* 
rôle  ;  faites-le  réduire  ;  ajoutez-y  deux  feuilles  de  laurier  ;  vous 
aurez  marqué  une  petite  marmite  comme  pour  faire  un  fond  de 
glace  (voyez  la  Glace)  \  ajoutez-y  quatre  ou  cinq  anchois  piles, 
une  cuillerée  à  café  de  poivre  de  Cayenne  (voyez  Poivre  de 
Cayenne)  ;  faites  réduire  le  tout  presque  à  demi-glace  ;  ôtez-en 
les  feuilles  de  laurier,  et  laissez-le  refroidir  ;  ensuite  mettez-le 
dans  une  bouteille  neuve  bien  bouchée  et  servez-le  avec  le  poisson. 

La  Duxelle.  —  Hachez  champignons,  persil,  ciboules  et  écha- 
lotes, le  tout  par  tiers;  mettez  du  beurre  dans  une  casserole  avec 
autant  de  lard  rupé,  passez  ces  fines  herbes  sur  le  feu,  assaisomiez- 
les  de  sel,  gros  poivre,  fines  épicès,  un  peu  de  muscade  râpée  et 
une  feuille  de  laurier  ;  mouillez  le  tout  de  quelques  cuillerées 
d'espagnole  ou  de  velouté;  laissez-le  mijoter,  a3raiît  soin  de  le 
remuer  lorsque  vous  croirez  votre  duxelle  suffisamment  cuite,  et 
l'humidité  des  fines  herbes  évaporée  ;  finissez-la  avec  une  liaison 
que  vous  ferez  cuire  sans  laisser  bouillir  ;  ajoutez-y,  si  vous  voulez, 
le  jus  d'un  citron;  déposez-la  dans  une  terrine,  et  servez-vous-en 
pour  tout  ce  que  vous  voudrez  mettre  en  papillote. 

Sauce  au  vert-pré,  —  Mettez  dans  une  casserole  cinq  cuil- 
lerées à  dégraisser  pleines  de  velouté  et  deux  de  consommé; 
faites-les  réduire,  au  moment  de  servir  ajoutez-y  un  petit  pain 
de  beurre  et  gros  comme  une  noix  de  vert  d'épinards  ;  passez  sans 
travailler  votre  sauce  et  servez-vous-en. 


SAUCE. 


1007 


Sauce  à  Vorange.  —  Coupez  par  la  moitié  des  oranges, 
exprimez-en  le  jus  dans  un  tamis  que  vous  poserez  sur  un  vase 
de  faïence  ;  coupez  en  deux  vos  moitiés  d'oranges  dont  vous  aurez 
exprimé  le  jus,  ôtez-en  toutes  les  chairs;  coupez  le  zeste  en  petits 
filets  ;  faites-le  blanchir,  égouttez-le,  mettez-le  dans  un  jus  de 
bœuf  bien  corsé  avec  une  pincée  de  gros  poivre,  retirez  sur  le 
bord  du  fourneau  votre  casserole  ;  mettez-y  le  jus  de  vos  oranges, 
saucez-y  vos  filets  et  que  le  reste  soit  dessus. 

Eau  de  sel.  —  Mettez  de  Teau  dans  un  petit  chaudron  et 
du  sel  proportionnellement  à  la  quantité  de  Teau,  avec  quelques 
ciboules  entières,  du  persil  en  branche,  une  ou  deux  gousses  d'ail, 
deux  ou  trois  oignons  coupés  en  tranches  ;  zestes  de  carottes, 
thym,  laurier,  basilic,  deux  clous  de  girofle;  faites  bouillir  trois 
quarts  d'heure,  écumez  votre  eau,  descendez-la  du  feu,  couvrez-la 
d'un  linge  blanc,  laissez-la  reposer  une  demi-heure  ou  trois 
quarts  d'heure;  passez-la  au  travers  d'un  tamis  de  soie  sans  y 
verser  le  fond,  servez-vous-en  pour  faire  cuire  votre  poisson  et 
tout  ce  qui  nécessite  de  l'eau  de  sel. 

Beurre  lié.  —  Cassez  deux  œufs,  supprimez-en  les  blancs, 
mettez  les  jaunes  dans  une  casserole  ;  faites  tondre  environ  un 
quarteron  de  beurre  sans  le  laisser  roussir  ;  broyez,  rompez  vos 
jaunes  avec  une  cuiller  de  bois,  versez  votre  beurre  au  fur  et  à 
mesure  sur  ces  jaunes;  posez  votre  casserole  sur  un  feu  doux, 
mettez-y  du  jus  de  citron,  et  servez-vous-en  pour  faire  vos 
parures. 

Verjus  et  la  manière  de  le  faire  pour  qu^il  se  conserve.  — 
Prenez  du  verjus  avant  qu'il  ne  commence  à  mûrir,  séparez  les 
grains  de  la  grappe,  ôtez-en  les  queues  ;  mettez  les  grains  dans 
un  mortier  avec  un  peu  de  sel,  pilez-les,  exprimez-en  le  jus  à 
travers  un  linge  à  force  de  bras  ou  sous  une  pierre;  ayez  une 
chausse  de  futaine,  ou  deux,  si  la  quantité  de  verjus  que  vous 
voulez  faire  l'exige  ;  mouillez  cette  chausse,  enduisez-la  de  farine 
du  côté  plucheux  de  la  futaine,  suspendez-la  de  manière  qu'elle 
soit  ouverte  ;  versez  votre  verjus  en  plusieurs  fois  jusqu'à  ce  qu'il 
devienne  limpide  comme  de  l'eau  de  roche  ;  vous  aurez  aupara- 
vant rincé  des  bouteilles,  ou  vous  en  aurez  de  neuves,  pour 
qu'elles  n'aient  aucun  mauvais  goût  ;  vous  les  soufrerez  en  agis- 


ioo8  SAUCE. 

sant  ainsi  :  ayez  un  bouchon  qui  puisse  aller  à  toutes  les  bouteilles, 
passez  dedans  un  fil  de  fer,  arrêtez-le  sur  le  haut  du  bouchon 
et  faites-lui  faire  un  crochet  à  l'autre  extrémité  :  il  faut  que  ce 
fil  de  fer  ne  passe  pas  la  moitié  de  la  bouteille  ;  mettez  au  crochet 
un  morceau  de  mèche  soufrée  comme  celle  qu'on  emploie  pour 
mécher  les  tonneaux,  allumez-la,  mettez-la  dans  les  bouteilles 
Tune  près  de  Tautre  ;  lorsque  vous  apercevrez  que  la  bouteille  est 
remplie  de  la  vapeur,  ôtez-en  la  mèche  et  bouchez -la,  ainsi  des 
autres  ;  au  bout  d'un  instant  videz -y  votre  verjus  et  bouchez  bien 
vos  bouteilles,  que  vous  mettrez  debout  dans  la  cave,  et  quand 
vous  voudrez  vous  en  servir,  supprimez  la  petite  pellicule  qui 
doit  s'être  formée  dans  le  goulot;  vous  pourrez  vous  servir  de  ce 
verjus  en  place  de  citron  ;  vous  pourrez  vous  en  servir  aussi  pour 
les  liqueurs  fraîches  et  le  punch,  en  y  ajoutant  un  peu  d'esprir- 
de-vin  ou  du  zeste  de  citron.  Ce  verjus  est  bon  pour  obvier  aux 
inconvénients  des  chutes;  il  sufiit,  à  cet  effet,  d'en  prendre  un 
verre  lorsque  l'accident  vient  d'arriver. 

Sauce  ravigote  chaude  pour  cervelles  de  veau  et  autres. 
(Recette  d'Urbain  Dubois.)  —  Mettez  dans  une  casserole  la 
valeur  d'un  demi-verre  de  vinaigre  blanc  ;  ajoutez  au  liquide  un 
bouquet  d'estragon,  quelques  échalotes  et  grosses  épices;  faites 
réduire  le  liquide  de  moitié,  adjoignez-lui  alors  quelques  cuil- 
lerées de  sauce  blonde  un  peu  consistante,  faites-la  bouillir 
pendant  quelques  minutes,  passez-la  au  tamis  et  la  tenez  au 
chaud,  hachez  fin  une  pincée  de  feuilles  de  persil,  une  ou  deux 
feuilles  d'estragon,  une  de  pimprenelle  et  une  de  cerfeuil;  les 
mettre  dans  le  coin  d'une  serviette,  tremper  celle-ci  dans  l'eau 
chaude;  exprimez  l'humidité  des  fines  herbes,  mêlez-les  à  la 
sauce,  et  incorporez  à  celle-ci  hors  du  feu  trois  ou  quatre  cuil- 
lerées à  bouche  de  bonne  huile  d'olive. 

Sauce  à  Vaurore,  —  Ayez  du  velouté  travaillé,  dans  lequel 
vous  mettrez  plein  deux  cuillerées  à  bouche  de  jus  de  citron,  du 
gros  poivre  et  un  peu  de  muscade  râpée  ;  votre  sauce  marquée, 
vous  avez  quatre  jaunes  d  œufs  durs  que  vous  passez  à  sec  à 
travers  une  passoire  ;  au  moment  de  ser\'ir,  vous  mettez  vos  jaunes 
ilans  votre  sauce.  Prenez  garde  de  ne  pas  la  laisser  bouillir  quand 
les  jaunes  y  seront,  et  qu'elle  soit  d'un  bon  sel. 


SAUCE. 


1009 


Sauce  aux  olives  farcies,  —  Jetez  dans  l'eau  bouillante 
250  grammes  d'olives  farcies,  égouttez-les,  retirez-les,  mettez-les 
dans  une  espagnole  réduite  au  bain-marie,  ajoutez  deux  cuil- 
lerées d'huile  d'olives,  et  servez  au  besoin. 

Sauce  aux  moules.  —  Vos  moules  ratissées  et  passées  à 
plusieurs  eaux,  vous  les  mettez  dans  une  casserole  avec  ail,  persil, 
sur  un  feu  vif,  et  vous  faites  sauter  les  moules  de  temps  en  temps 
jusqu'à  ce  qu'elles  soient  ouvertes  ;  alors  ôtez  les  moules  de  leurs 
coquilles,  et  après  les  avoir  laissées  reposer  et  tiré  au  clair  l'eau 
qu'elles  ont  rendue,  faîtes-en  une  sauce  au  beurre,  jetez  vos 
moules  dans  cette  sauce,  et  tenez-la  bien  chaude  pour  vous  en 
servir. 

Sauce  froide  à  la  polonaise.  —  Exprimez  dans  une  saucière 
le  suc  de  quatre  citrons  et  celui  d'une  bigarade  ;  joignez-y  une 
forte  pincée  de  mignonnette  avec  trois  cuillerées  à  café  de  bonne 
moutarde  et  six  pleines  cuillerées  à  bouche  de  sucre  bien  pur  et 
bien  pulvérisé  ;  mélangez  et  délayez,  et  servez  avec  gibier  noir 
froid. 

Sauce  dite  à  la  genevoise.  —  Mettez  dans  une  casserole  avec 
une  bouteille  de  vin  rouge  oignons,  persil,  échalotes,  ail,  laurier, 
thym  et  épluchures  de  champignons  ;  faites  réduire  le  tout  au 
quart,  mettez  une  cuillerée  à  pot  de  consommé,  mouillez  avec  le 
fond  du  poisson  que  vous  aurez  disposé  pour  votre  service  ;  faites 
travailler  votre  sauce  comme  celle  à  la  matelote  réduite,  passez-la 
à  l'étamine  ;  vous  la  finirez  avec  un  beurre  de  deux  anchois,  un 
bon  quarteron  de  beurre  fin  ;  ayez  soin  que  votre  sauce  se  trouve 
bien  liée,  pour  qu'elle  puisse  marquer,  servez-vous  de  cette 
sauce  pour  le  poisson  d'eau  douce. 

Nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  mettre  sous  les  yeux  du 
lecteur  une  diatribe  qu'un  gastronome  de  mauvaise  humeur 
laisse,  à  propos  de  la  sauce  genevoise,  échapper  contre  les  Genevois; 
nous  la  donnons  pour  ce  qu'elle  vaut,  mais  n'en  prenons  aucune- 
ment la  responsabilité  ;  c'est  bien  assez  d'avoir  dans  la  Confédé- 
ration suisse  une  ville  contre  moi,  sans  avoir  la  capitale  même 
de  la  Confédération. 

Il  est  à  savoir,  dit  ce  gastronome,  que  lorsqu'on  s'adresse  à 
un  Genevois  pour  avoir  la  recette  de  la  sauce  genevoise,  recette 

64 


loio  SAUGE. 

qui  est  des  plus  économiques  et  des  plus  simples^  il  vous  rédige  et 
vous  remet  toujours  une  interminable  et  glorieuse  pancarte  où 
Ton  vous  prescrit  notamment  de  ne  pas  manquer  d'employer 
moitié  vin  de  Champagne  et  moitié  vin  de  Bordeaux  pour  faire 
le  mouillement  ou  court-bouillon  de  tous  les  poissons  qu'on  veut 
accommoder  à  la  genevoise.  Nous  avertissons  les  voyageurs  de  ne 
pas  s'en  rapporter  à  ce  dernier  formulaire  qui  n'est  jamais 
employé  à  Genève  qu'à  l'égard  des  étrangers  et  pour  se  donner 
»par  écrit  un  faux  air  de  magnificence.  Lorsque  des  Genevois 
peuvent  se  décider  à  faire  les  frais  de  deux  bouteilles  de  vin  de 
Champagne  ou  de  vin  de  Bordeaux,  c'est  pour  les  boire  en  com- 
pagnie et  nullement  pour  les  verser  dans  un  chaudron  de  leur 
petite  cuisine. 

Sauce  dite  à  la  talpage  (pour  manger  le  lièvre  et  le  lapin 
rôtis).  —  Faites  fondre  du  lard  pour  en  faire  un  roux ,  met- 
tez-y de  l'ail  et  des  échalotes,  mouillez  avec  du  vin,  salez, 
poivrez ,  faites  griller  le  foie,  écrasez -le  avec  du  vinaigre  et 
joignez-le  à  la  sauce.  Au  moment  de  servir,  passez  cette 
sauce  et  ajoutez-y  le  jus  de  la  bête.  Cette  sauce  doit  être  très- 
relevée. 

Vous  vous  en  lécherez  les  doigts  !... 

SAUCISSES.  —  Composition  dont  les  principaux  éléments 
sont  des  viandes  hachées  et  enveloppées  soit  dans  un  morceau  de 
crépine,  soit  dans  un  boyau  de  porc  ou  de  mouton. 

SAUCISSON.  —  Viande  hachée  et  enfermée  dans  un  intestin 
de  bœuf.  Il  y  a  des  villes  dont  les  bons  saucissons  ont  fait  la 
réputation.  Il  y  a  les  saucissons  de  Lyon,  il  y  a  les  saucissons  de 
Strasbourg,  il  y  a  les  saucissons  d'Arles;  mais,  il  fout  l'avouer,  la 
beauté  des  femmes  d'Arles  a  feit  plus  encore  pour  la  réputation 
de  la  ville  que  la  sapidité  de  ses  saucissons.  Grimod  doit,  dans 
les  Mousquetaires^  une  de  ses  plus  heureuses  exclamations  à  ce 
mot  saucisson  !  qui  jaillit  de  sa  mémoire  au  moment  où  il  passe 
devant  l'auberge  où,  prisonnier  avec  Athos,  il  amis  la  cave  à  sec, 
et  la  cuisine"^  sens  dessus  dessous. 

SAUGE.  —  Herbe  aromatique  qui,  en  médecine,  s'il  faut 
en  croire  l'école  de  Salerne,  a  de  puissantes  qualités,  mais  dont  on 
ne  se  sert  en  cuisine  que  pour  faire  mariner  les  grosses  pièces  de 


SAUMON.  ion 


venaison,  et  composer  les  brouets  destinés  à  faire  cuire  les 
jambons  et  les  andouilles. 

SAUMON.  —  Poisson  du  Nord  et  du  Midi,  poisson  d'eau 
douce  pendant  la  belle  saison ,  poisson  de  mer  pendant  le  reste 
de  Tannée.  Il  quitte  la  mer  au  printemps  pour  frayer  et  voyage 
par  troupes  nombreuses.  Un  ordre  remarquable  règne  parmi 
ces  nomades  qui,  réunis  sur  deux  files,  se  joignant  à  Tavant,  for- 
ment le  coin:  c'est  la  disposition  qu'observent  dans  Tair  les  oiseaux 
migrateurs  ;  ils  rq^ontent  d'ordinaire  avec  lenteur  et  en  se  jouant; 
cette  marche  produit  un  grand  bruit,  mais,  dès  qu'ils  se  croient 
menacés,  l'œil  ne  peut  suivre  leur  vitesse  qui  n'a  d'égale  que  celle 
de  l'éclair  ;  ni  les  digues,  ni  les  petites  cataractes  ne  les  arrêtent; 
ils  se  couchent  de  côté  sur  les  pierres,  ils  se  courbent  fortement 
en  arc,  puis,  se  redressant  avec  violence,  ils  se  trouvent  projetés 
en  l'air,  et  passent  par-dessus  l'obstacle;  ils  s'avancent  ainsi 
dans  les  fleuves,  parfois  à  plus  de  huit  cents  lieues  des  côtes  de  la 
mer.  C'est  entre  le  mois  d'octobre  et  celui  de  février  que  se  fait 
la  pêche  du  saumon. 

Saumon  roulé  à  Virlandaise,  —  Prenez  la  moitié  d'un 
saumon  que  vous  désossez  et  blanchissez  ;  saupoudrez  le  côté  de 
l'intérieur  d'un  mélange  fait  avec  du  poivre,  du  sel,  de  la  mus- 
cade, quelques  huîtres  hachées,  du  persil  et  de  la  mie  de  pain; 
vous  roulez  le  saumon  sur  lui-même,  vous  le  mettez  dans  un 
plat  creux  et  le  faites  cuire  dans  un  four  bien  chaud  ;  quand  il 
est  cuit,  servez -le  avec  le  produit  de  sa  cuisson. 

Saumon  à  la  genevoise,  —  Mettez  dans  uae  casserole  une 
hure  de  saumon  ficelée,  avec  oignons  coupés  en  tranches,  zestes 
de  carottes,  bouquet  de  persil  et  ciboules,  du  laurier,  un  ou  deux 
clous  de  girofle,  sel  et  fines  épices,  mouillez  le  tout  avec  du  vin 
rouge  ;  faites  cuire  votre  saumon ,  et ,  sa  cuisson  achevée,  passez 
dans  une  casserole  à  travers  un  tamis  de  soie  une  partie  de  son 
assaisonnement  ;  mettez  autant  de  roux  que  vous  avez  mis  d'as- 
saisonnement, faites  réduire  à  consistance  de  sauce,  ajoutez-y  un 
peu  de  beurre,  passez  et  liez  votre  sauce,  égouttez  votre  saumon, 
dressez-le  et  servez-le  garni  de  croûtons  frits. 

Les  Genevois  n'usent  jamais  de  cette  recette,  aimant  mieux 
boire  le  vin  de  Champagne  que  de  le  mettre  dans  un  chaudron. 


IOI2  SAUMON. 


Queue  de  saumon  grillée.  —  Nettoyez  une  queue  de  saumon, 
mettez-la  sur  un  plat  ;  marinez-la  avec  un  peu  d'huile,  sel  fin, 
feuille  de  laurier,  persil  et  ciboules  coupées  en  deux;  retournez-la 
et,  à  cet  efFet,  servez-vous  d'un  couvercle  de  casserole,  et 
reglissez-la  sur  le  gril  ;  arrosez-la  de  temps  en  temps  de  sa 
marinade  (son  épaisseur  déterminera  le  temps  de  sa  caisson). 
Pour  vous  assurer  si  elle  est  cuite,  écartez  un  peu  la  chair  de 
l'arête  :  si  elle  est  encore  rouge,  laissez-la  cuire  ;  la  cuisson  faite, 
renversez-la  sur  le  couvercle,  supprimez -en  la  peau,  saucez 
avec  une  sauce  au  beurre,  parsemez-la  de  câpres  confites  ou  de 
fleurs  de  capucines  au  vinaigre. 

Sauté  de  saumon.  —  Levez  la  peau  d'un  morceau  de  saumon 
cru,  coupez-le  par  minces  escalopes,  aplatissez-les  avec  le 
manche  de  votre  couteau  que  vous  aurez  trempé  dans  l'eau  pour 
qu'il  ne  tienne  pas  à  la  chair  du  saumon  ;  puis  vous  aurez  fait 
fondre  du  beurre  dans  une  sauteuse,  vous  y  aurez  rangé  vos 
escalopes  sans  les  mettre  les  unes  sur  les  autres  ;  saupoudrez-les 
d'un  peu  de  sel  fin  et  de  gros  poivre  ;  mettez  dans  une  casserole, 
si  c'est  au  gras,  trois  cuillerées  à  dégraisser  de  velouté  réduit; 
si  c'est  au  maigre,  de  l'espagnole  maigre  et  gros  de  beurre  comme 
deux  œufs  ;  faites  chauffer  et  lier  votre  sauce,  sautez  vos  escalopes, 
retournez-les,  et,  leur  cuisson  faite,  égouttez-Ies  ;  dressez-les  en 
couronne  sur  votre  plat,  auquel  vous  aurez  fait  une  garniture  ; 
supprimez  une  partie  du  beurre  dans  lequel  vous  avez  fait 
sauter  vos  escalopes,  conservez-en  le  jus,  mettez  ce  fond  dans 
votre  sauce,  liez-la  de  nouveau,  ajoutez  jus  de  citron,  persil, 
muscade. 

Galantine  de  saumon.  —  Prenez  le  manchon  d'un  fort 
saumon,  fendez-le  par  le  ventre,  retirez-en  la  forte  arête, 
étendez-le  sur  un  linge  blanc,  piquez-le  de  gros  lardons,  d'anchois, 
de  thon  mariné,  de  cornichons  et  de  truffes;  étalez  sur  toute  la 
superficie  des  chairs  des  quenelles  de  poisson  quelconque  ;  refor- 
mez votre  manchon  de  saumon  dans  sa  forme  naturelle,  serrez-le 
bien  dans  une  serviette  et  faites-le  cuire  dans  un  bon  court- 
bouillon,  laissez-le  refroidir,  déballez,  parez,  dressez,  glacez  et 
garnissez  de  croûtons.  Servez  avec  un  beurre  de  Montpellier. 

Pâté  chaud  de  saumon.   —  Otez   la  peau  et  l'arête   d'un 


SELTZ. 


1013 


morceau  de  saumon,  piquez-le  de  filets  d'anguilles  et  de  filets 
d'anchois;  passez  ces  morceaux  au  beurre  avec  des  fines  herbes, 
comme  il  est  indiqué  à  Tarticle  Esturgeon  en  fricandeau  ;  assai- 
sonnez de  sel,  gros  poivre,  épices  ;  laissez-les  refroidir,  mêlez 
vos  fines  herbes  avec  des  quenelles  de  poisson,  mettez  le  tout 
dans  une  croûte  de  pâté  et  finissez  comme  il  est  indiqué  à  l'ar- 
ticle Pâtisserie;  servez  et  saucez  d'une  italienne. 

Saumon  fumé.  —  Prenez  du  saumon  fumé,  coupez-le  par 
lames,  mettez  de  l'huile  sur  un  plat  d'argent,  sautez  vos  filets  ; 
leur  cuisson  faite,  ajoutez-en  l'huile,  passez  par-dessus  un  jus  de 
citron,  et  servez. 

Saumon.salé. — Faites  dessaler  votre  saumon,  mettez-le  dans 
une  casserole  avec  de  l'eau  fraîche,  faites-le  cuire,  écumez-le,  et 
quand  vous  le  verrez  près  de  bouillir  retirez  votre  casserole  du 
feu,  couvrez-la  d'un  linge  blanc  et  au  bout  de  cinq  minutes 
égouttez-le,  et  servez-le  en  salade. 

Saumonneaux  du  Rhin.  —  Faites -les  cuire  au  bleu  pour  les 
dresser  en  grillage  et  les  servir  en  entremets  avec  une  sauce  à 
l'huile  verte  et  au  jus  d'orange  amère  :  il  est  rare  que  les  saumon- 
neaux arrivent  assez  frais  à  Paris  pour  y  être  mis  en  friture,  et 
c'est  cependant  la  préparation  qui  leur  convient  le  mieux. 

Saumonneaux  à  la  poêle.  —  Faites-les  cuire  une  heure  sur 
un  feu  doux,  avec  du  consommé,  du  vin  de  Champagne,  quelques 
lames  de  jambon  cuit  ;  assaisonnez  avec  bouquet  garni,  échalotes, 
quatre  épices,  passez  la  sauce  réduite  au  tamis  et  servez. 

SELTZ  (eau  de).  —  L'eau  minérale  de  Seltz  doit  à  l'acide 
carbonique  qu'elle  tient  en  dissolution  la  double  propriété  de 
communiquer  aux  différentes  boissons  avec  lesquelles  on  la 
mélange  une  saveur  piquante  qui  favorise  l'activité  de  l'apareil 
digestif;  il  est  difficile,  à  Paris  du  moins,  de  se  procurer  de  l'eau 
de  Seltz  naturelle  et  qui  n'ait  rien  perdu  de  ses  propriétés  ;  mais 
comme  on  a  trouvé  le  moyen  de  l'imiter  exactement,  et  même  de 
donner  à  l'imitation  un  goût  plus  agréable  que  le  goût  naturel, 
il  n'est  pas  d'été  si  brûlant  ni  de  lieux  si  déserts  où  l'on  ne 
puisse  se  procurer  de  l'eau  de  Seltz  en  la  fabriquant  soi-même. 
Pour  composer  de  l'eau  minérale  de  Seltz  artificielle,  il  est  suffi- 
sant de  mettre  par  chaque  bouteille  d'eau  filtrée  un  demi-gros 


I0I2  SAUMON. 


Queue  de  saumon  grillée.  —  Nettoyez  une  queue  de  saumon, 
mettez-la  sur  un  plat  ;  marinez-la  avec  un  peu  d'huile,  sel  fin, 
feuille  de  laurier,  persil  et  ciboules  coupées  en  deux;  retournez-la 
et,  à  cet  effet,  servez-vous  d'un  couvercle  de  casserole,  et 
reglissez-la  sur  le  gril  ;  arrosez-la  de  temps  en  temps  de  sa 
marinade  (son  épaisseur  déterminera  le  temps  de  sa  cuisson]. 
Pour  vous  assurer  si  elle  est  cuite,  écartez  un  peu  la  chair  de 
l'arête  :  si  elle  est  encore  rouge,  laissez-la  cuire  ;  la  cuisson  faite, 
renversez-la  sur  le  couvercle,  supprimez-en  la  peau,  saucez 
avec  une  sauce  au  beurre,  parsemez-la  de  câpres  confites  ou  de 
fleurs  de  capucines  au  vinaigre. 

Sauté  de  saumon.  —  Levez  la  peau  d'un  morceau  de  saumon 
cru,  coupez-le  par  minces  escalopes,  aplatissez-les  avec  le 
manche  de  votre  couteau  que  vous  aurez  trempé  dans  Teau  pour 
qu'il  ne  tienne  pas  à  la  chair  du  saumon  ;  puis  vous  aurez  fait 
fondre  du  beurre  dans  une  sauteuse,  vous  y  aurez  rangé  vos 
escalopes  sans  les  mettre  les  unes  sur  les  autres  ;  saupoudrez-les 
d'un  peu  de  sel  fin  et  de  gros  poivre  ;  mettez  dans  une  casserole, 
si  c'est  au  gras,  trois  cuillerées  à  dégraisser  de  velouté  réduit; 
si  c'est  au  maigre,  de  l'espagnole  maigre  et  gros  de  beurre  comme 
deux  œufs  ;  faites  chauffer  et  lier  votre  sauce,  sautez  vos  escalopes, 
retournez-les,  et,  leur  cuisson  faite,  égouttez-îes;  dressez-les  en 
couronne  sur  A'otre  plat,  auquel  vous  aurez  fait  une  garniture  ; 
supprimez  une  partie  du  beurre  dans  lequel  vous  avez  fait 
sauter  vos  escalopes,  conservez-en  le  jus,  mettez  ce  fbnd  dans 
votre  sauce,  liez-la  de  nouveau,  ajoutez  jus  de  citron,  persil, 
muscade. 

Galantine  de  saumon.  —  Prenez  le  manchon  d'un  fort 
saumon,  fendez-le  par  le  ventre,  retirez-en  la  forte  arête, 
étendez-le  sur  un  linge  blanc,  piquez-le  de  gros  lardons,  d'anchois, 
de  thon  mariné,  de  cornichons  et  de  truffes;  étalez  sur  toute  la 
superficie  des  chairs  des  quenelles  de  poisson  quelconque  ;  refor- 
mez votre  manchon  de  saumon  dans  sa  forme  naturelle,  serrez-le 
bien  dans  une  serviette  et  faites-le  cuire  dans  un  bon  court- 
bouillon,  laissez-le  refroidir,  déballez,  parez,  dressez,  glacez  et 
garnissez  de  croûtons.  Servez  avec  un  beurre  de  Montpellier. 

Pâté  chaud  de  saumon.   —  Otez   la  peau  et  l'arête   d'un 


SELTZ.  1013 

morceau  de  saumon,  piquez-le  de  filets  d'anguilles  et  de  filets 
d^anchois;  passez  ces  morceaux  au  beurre  avec  des  fines  herbes, 
comme  il  est  indiqué  à  Tarticle  Esturgeon  en  fricandeau  ;  assai- 
sonnez de  sel,  gros  poivre,  épices  ;  laissez-les  refroidir,  mêlez 
vos  fines  herbes  avec  des  quenelles  de  poisson,  mettez  le  tout 
dans  une  croûte  de  pâté  et  finissez  comme  il  est  indiqué  à  Tar- 
ticle  Pâtisserie;  servez  et  saucez  d'une  italienne. 

Saumon  fumé,  —  Prenez  du  saumon  fumé,  coupez-le  par 
lames,  mettez  de  Thuile  sur  un  plat  d'argent,  sautez  vos  filets; 
leur  cuisson  faite,  ajoutez-en  l'huile,  passez  par-dessus  un  jus  de 
citron,  et  servez. 

Saumon,  salé, — Faites  dessaler  votre  saumon,  mettez-le  dans 
une  casserole  avec  de  l'eau  fraîche,  faites-le  cuire,  écumez-le,  et 
quand  vous  le  verrez  près  de  bouillir  retirez  votre  casserole  du 
feu,  couvrez-la  d'un  linge  blanc  et  au  bout  de  cinq  minutes 
égouttez-le,  et  servez-le  en  salade. 

Saumonneaux  du  Rhin,  —  Faites -les  cuire  au  bleu  pour  les 
dresser  en  grillage  et  les  servir  en  entremets  avec  une  sauce  à 
rhuile  verte  et  au  jus  d'orange  amère  :  il  est  rare  que  les  saumon- 
neaux arrivent  assez  frais  à  Paris  pour  y  être  mis  en  friture,  et 
c'est  cependant  la  préparation  qui  leur  convient  le  mieux. 

Saumonneaux  à  la  poêle,  —  Faites-les  cuire  une  heure  sur 
un  feu  doux,  avec  du  consommé,  du  vin  de  Champagne,  quelques 
lames  de  jambon  cuit  ;  assaisonnez  avec  bouquet  garni,  échalotes, 
quatre  épices,  passez  la  sauce  réduite  au  tamis  et  servez. 

SELTZ  (eau  de).  —  L'eau  minérale  de  Seltz  doit  à  l'acide 
carbonique  qu'elle  tient  en  dissolution  la  double  propriété  de 
communiquer  aux  différentes  boissons  avec  lesquelles  on  la 
mélange  une  saveur  piquante  qui  favorise  l'activité  de  l'apareil 
digestif;  il  est  difficile,  à  Paris  du  moins,  de  se  procurer  de  l'eau 
de  Seltz  naturelle  et  qui  n'ait  rien  perdu  de  ses  propriétés  ;  mais 
comme  on  a  trouvé  le  moyen  de  l'imiter  exactement,  et  même  de 
donner  à  l'imitation  un  goût  plus  agréable  que  le  goût  naturel, 
il  n'est  pas  d'été  si  brûlant  ni  de  lieux  si  déserts  où  l'on  ne 
puisse  se  procurer  de  l'eau  de  Seltz  en  la  fabriquant  soi-même. 
Pour  composer  de  l'eau  minérale  de  Seltz  artificielle,  il  est  suffi- 
sant de  mettre  par  chaque  bouteille  d'eau  filtrée  un  demi-gros 


IOI4  SIROP. 

de  bicarbonate  de  soude  avec  un  demi -gros  d'acide  tartrique; 
on  aura  soin  de  bien  ficeler  les  bouchons  sur  ces  bouteilles  et  de 
les  coucher  à  la  cave  ou  dans  un  lieu  frais,  afin  que  le  gaz  qui 
se  dégage  par  la  réaction  des  deux  sels  ne  puisse  faire  sauter  les 
bouchons  ni  faire  éclater  les  bouteilles. 

SEMOULE.  —  Pâte  en  petit  grain  de  la  même  substance 
que  le  vermicelle  et  qu^on  emploie  également  pour  des  potages 
et  des  entremets  sucrés.  La  meilleure  semoule  est  celle  de  Gênes, 
où  Ton  en  fabrique  de  deux  sortes,  savoir  :  la  semoule  blanche, 
qui  se  fait  avec  de  la  farine  de  riz,  et  la  jaune  qui  se  fait  avec  de 
la  fleur  de  froment  dans  laquelle  on  ajoute  de  la  teinture  de 
safran,  de  la  coriandre  et  des  jaunes  d'oeufs.  C'est  celle  qui 
convient  le  mieux  pour  toutes  les  préparations  de  la  semoule  au 
lait  et  au  sucre. 

La  semoule  au  lait  et  au  sucre  se  mange  très-bien  froide, 
comme  on  mangerait  une  crème. 

SIROP.  —  Il  existe  deux  procédés  pour  la  préparation  des 
sirops  à  froid  :  faites  fondre  dans  de  Teau  le  double  de  son 
poids  de  sucre,  environ  deux  livres  dans  dix-huit  ou  vingt  onces 
de  liquide,  tel  que  les  sucs  de  limons,  d'oranges,  de  roses,  de 
violettes  passées  au  tamis,  et  mettez  au  froid  dans  des  bouteilles 
bien  bouchées. 

On  peut  mettre  aussi  dans  un  vase  de  faïence  un  lit  de  sucre, 
un  autre  lit  de  fruits,  tels  que  groseilles,  oranges,  cerises,  remettre 
par-dessus  un  lit  de  sucre,  et  ainsi  alternativement  en  ayant  soin 
que  le  premier  et  le  dernier  lit  soient  de  sucre  ;  le  sucre  se  dis- 
sout dans  le  jus  des  fruits,  lequel  en  deux  jours  est  transformé 
en  sirop  ;  cette  sorte  de  sirop  est  très-agréable,  mais  ne  se  con- 
serve pas  longtemps. 

Il  faut  apporter  une  grande  attention  dans  la  confection 
des  sirops  :  pas  assez  cuits,  ils  se  conservent  mal  ;  trop  cuits,  ils  se 
candissent. 

Les  sirops  par  coction  se  font  ainsi  :  mettez  dans  votre  liquide 
du  sucre  à  raison  d'une^  livre  par  pinte,  et  faites  évaporer  ;  la 
cuisson  n'a  pour  but  que  de  concentrer  les  sucs;  d'autres  praticiens 
font  évaporer  le  suc  avant  d'y  mettre  le  sucre  ;  ce  moyen  donne 
un  sirop  plus  agréable,  mais  qui  ne  se  garde  point  aisément. 


SOLE.  1015 

Le  sucre  doit  toujours  être  en  double  proportion,  à  froid 
immédiatement,  à  chaud  au  moyen  de  Tévaporation. 

Nous  ne  donnons  aucune  recette  particulière  pour  la  pré- 
paration des  sirops  d'orgeat,  framboises,  au  verjus,  aux  gre- 
nades, etc. ,  ces  préparations  étant  du  domaine  du  confiseur  et 
non  du  cuisinier. 

SOLE.  —  La  meilleure  sole  est  de  couleur  gris-lin  ;  on  la 
trouve  dans  les  eaux  de  Dieppe  :  les  soles  pêchées  à  Calais  ou  à 
RoscofFsont  fort  inférieures  à  celle-là. 

Soles  frites  pour  rot.  —  Ayez  une  belle  sole,  ratissez-la, 
ou  mieux  encore  arrachez-lui  la  peau  grise,  videz-la  en  faisant 
une  petite  incision  au-dessous  de  l'ouïe,  lavez-la,  égouttez-la; 
faites-lui  une  incision  au  dos,  passez  la  lame  de  votre  couteau  le 
long  de  Tarête  pour  en  détacher  les  chairs  ;  au  moment  de  servir, 
trempez  votre  sole  des  deux  côtés,  farinez-la  et  faites  frire. 
Soutenez  sa  friture  par  un  bon  feu:  il  faut  que  ce  poisson,  comme 
tous  ceux  qu'on  fait  frire,  se  tienne  roide  en  sortant  de  la  poêle. 
Sa  cuisson  faite  et  d'une  belle  couleur,  égouttez-le  sur  un  linge 
blanc,  saupoudrez-le  d'un  peu  de  sel  fin,  mettez  sur  un  plat 
une  serviette  pliée  proprement,  posez  votre  sole  dessus,  et  servez 
à  côté  des  citrons  entiers  ou  des  bigarades. 

Soles  à  la  flamande.  —  Comme  la  précédente,  puis  mettez- 
les  dans  une  poissonnière  et  mouillez-les  d'une  eau  de  sel,  faites 
cuire,  égouttez,  et  dressez  avec  du  beurre  fondu  dans  une  saucière 
ou  avec  une  sauce  aux  huîtres. 

Soles  au  four.  —  Fendez  vos  soles  par  le  dos,  soulevez-en 
les  chairs  des  deux  côtés,  emplissez  le  dos  de  fines  herbes 
hachées ,  passées  au  beurre  et  refroidies  ;  étendez  un  morceau 
de  beurre  dans  le  fond  de  votre  plat,  posez-y  vos  soles  sur 
le  dos,  dorez-les  avec  une  plume  trempée  dans  du  beurre 
fondu,  saupoudrez  -  les  d'un  peu  de  sel  fin,  d'épices  fines, 
panez-les  de  mie  de  pain ,  mouillez-les  d'un  peu  de  vin  blanc 
ou  de  bouillon,  faites-les  cuire  au  four  ou  sous  un  four  de 
campagne. 

Filets  de  soles  en  friture.  —  Coupez  des  filets  de  soles, 
marinez-les  avec  du  sel,  du  poivre,  un  jus  de  citron;  au  moment 
de  servir  vous  les  passerez  dans  de  l'œuf,  puis  dans  de  la  mie  de 


iox6  SOLE. 

pain,  et  vous  les  ferez  frire.  On  doit  les  servir  en  cordon  autour 
d'une  rémolade  ou  d'une  sauce  Robert. 

Sauté  de  filets  de  soles.  —  Coupez  deux  ou  trois  soles  en 
filets  de  manière  que  chacune  d'elles  vous  en  donne  huit  ;  mari- 
nez ces  filets  avec  du  sel,  du  poivre,  une  échalote  ou  un  oignon, 
du  persil  et  des  truffes,  le  tout  bien  haché,  et  un  jus  de  citron  ; 
vous  les  mettrez  ensuite  dans  un  sautoir  enduit  en  dessous  d'une 
couche  de  beurre  ;  posez  le  tout  sur  le  feu  ;  les  filets  roi  dis  d'un 
côté  vous  les  retournerez  de  l'autre,  et  lorsqu'ils  seront  au  point 
vous  les  retirerez  et  vous  les  dresserez  sur  un  plat;  vous  pencherez 
le  sautoir  pour  en  faire  découler  le  beurre  et  le  remplacerez  par 
un  demi-verre  de  vin  blanc  sec,  dans  lequel  vous  ferez  bouillir 
des  tranches  de  truffes  jusqu'à  ce  qu'il  soit  réduit  à  moitié  ;  vous 
ajouterez  alors  un  peu  d'espagnole  ;  dégraissez  votre  sauce  et 
versez-la  sur  les  filets. 

Filets  de  soles  à  la  Orly,  —  Nettoyez  et  videz  vos  soles, 
fendez-les  par  le  dos,  depuis  la  tête  jusqu'à  la  queue,  levez-en 
les  chairs,  c'est-à-dire  faites  quatre  filets  dans  votre  sole  ;  parez- 
les,  mettez-les  mariner  dans  une  terrine,  avec  sel  fin,  persil  en 
•  branches,  ciboulettes  et  tranches  d'oignons,  et  le  jus  d'un  ou 
plusieurs  citrons  ;  remuez  vos  filets  dans  cette  marinade  où  il  fii.ut 
les  laisser  environ  trois  quarts  d'heure  ;  un  instant  avant  de 
servir,  égouttez-les,  farinez-les,  faites-les  frire,  qu'ils  soient 
fermes  et  d'une  belle  couleur,  dressez-les  sur  votre  plat  et  servez 
dessus  une  sauce  italienne  aux  tomates.  (Sauce  tomate  lisse.) 

Sauté  de  filets  de  soles  à  la  maître  d'hôtel.  —  Levez  vos 
filets  de  soles  comme  je  l'ai  indiqué  précédemment,  levez-en  la 
peau  ;  la  peau  levée,  coupez  vos  filets  en  plusieurs  morceaux 
égaux  et  parez-les;  vous  aurez  fait  fondre  du  beurre  dans  une 
sauteuse  assez  grande  pour  contenir  vos  filets  ;  arrangez-les  dans 
cette  sauteuse;  saupoudrez -les  d'un  peu  de  sel  fin,  recouvrez-les 
d'un  peu  de  beurre  fondu  ;  au  moment  de  servir,  posez-les  sur 
le  feu,  et  lorsqu'ils  seront  roidis  d'un  côté  retournez-les  de 
l'autre  ;  leur  cuisson  faite,  égouttez-les,  dressez-les  en  miroton, 
et  saucez-les  d'une  bonne  maître  d'hôtel  où  vous  aurez  mis  du 
velouté  réduit  que  vous  forcerez  d'un  peu  de  citron. 

Soles  au  gratin. — Levez  vos  filets  comme  il  est  dit  ci-dessus; 


SOLE.  1017 

levez-en  la  peau  ;  étendez  sur  ces  filets  de  la  farce  cuite,  soit  au 
gras,  soit  au  poisson,  de  l'épaisseur  d'une  pièce  de  cinq  francs; 
roulez-les  entièrement  en  commençant  par  le  bout  le  plus  mince, 
et  faites  qu'ils  soient  d'une  égale  grosseur  ;  à  cet  effet,  mettez 
plus  de  farce  sur  les  filets  qui  se  trouvent  être  les  plus  faibles  ; 
étendez  dans  le  fond  de  votre  plat  de  la  farce  environ  l'épaisseur 
d'un  travers  de  doigt  ;  posez-les  sur  le  plat  et  formez-en  une 
couronne,  afin  qu'il  se  trouve  un  vide  au  milieu  ;  garnissez  de 
farce  tous  les  intervalles,  en  dedans  ainsi  qu'en  dessus,  de  sorte 
que  vos  filets  ne  fassent  qu'une  masse  ;  unissez  le  tout  avec  la 
lame  de  votre  couteau,  que  vous  tremperez  dans  de  l'eau  tiède  ; 
panez  les  mies  de  pain,  arrosez-les  d'un  peu  de  beurre,  mettez- 
les  cuire  au  four  ou  sous  un  four  de  campagne;  la  cuisson  de 
votre  gratin  faite  et  d'une  belle  couleur,  égouttez-les,  et  mettez 
dans  son  puits  une  provençale  ou  une  italienne. 

Filets  de  soles  à  Vitalienne.  —  Prenez  des  soles  frites  et 
froides,  ou  de  desserte;  levez-en  les  filets,  supprimez-en  les 
peaux,  parez-les  avec  soin;  mettez  un  peu  de  bouillon  dans  une 
sauteuse  ou  une  casserole  ;  arrangez-y  vos  filets,  mettez-les 
chauffer  sur  de  la  cendre  chaude  ;  prenez  garde  qu'ils  ne  bouil- 
lent; au  moment  de  servir,  égouttez-les  sur  un  linge  blanc, 
dressez-les  sur  votre  plat  comme  des  lames  de  jalousie  ;  saucez- 
les  d'une  sauce  italienne  et  servez. 

Filets  de  soles  à  la  sauce  de  Provence,  —  Lever  les  filets  de 
deux  soles,  les  diviser  chacun  en  deux  parties,  les  assaisonner,  les 
fariner  et  les  plonger  dans  de  la  friture  d'huile  bien  chaude  ; 
quand  ils  sont  cuits,  les  égoutter  et  les  dresser  sur  un  plat  avec 
du  persil  tout  au  tour;  puis  vous  enverrez  à  part  la  sauce  sui- 
vante :  ôtez  les  arêtes  du  poisson,  délayez  des  aromates  et  du  vin 
blanc;  vous  tirerez  un  peu  d'essence  de  poisson,  vous  la  dégrais- 
serez, vous  la  passerez  au  tamis,  et  vous  la  ferez  réduire  en  demi- 
glace  ;  vous  lui  mêlerez  une  cuillerée  à  bouche  de  purée  de 
tomates  au  naturel  et  passée  à  Tétamine,  ainsi  qu'une  cuillerée 
de  sauce;  faire  réduire  ce  liquide  pendant  quelques  minutes,  le 
retirer  sur  le  côté  du  feu,  lui  incorporer  cent  cinquante  grammes 
de  bon  beurre  divisé  en  petites  parties  ;  l'incorporation  doit  se 
faire  peu  à  peu  et  sans  cesser  de  tourner  la  sauce  ;  quand  celle-ci 


ioi8  SOLE. 

est  bien  liée,   la  finir  avec  le  jus  d'un  citron  et  une  pointe  de 
Cayenne. 

Sole  grillée.  —  Otez  entièrement  la  peau  de  la  sole  ;  assai- 
sonnez-la avec  du  sel,  du  poivre  et  un  jus  de  citron  ;  oignez-la 
ensuite  de  beurre  fondu  et  passez-la  enfin  dans  de  la  mie  de 
pain  ;  c'est  quand  elle  est  ainsi  préparée  qu'il  faut  la  faire  griller 
à  petit  feu  ;  faites  fondre  en  même  temps  un  anchois  avec  un 
morceau  de  beurre;  mouillez  ce  mélange  avec  un  quart  de 
verre  de  vin  blanc  sec  et  un  jus  de  citron,  et  versez-le  sur  votre 
sole. 

Sole  farcie  aux  huîtres.  —  Fendez  la  sole  par  le  dos, 
enlevez-en  l'arête  et  tous  les  cartilages,  farcissez-la  avec  un  peu 
de  farce  de  poisson  et  un  ragoût  d'huître  bien  truffé;  vous  la  ferez 
cuire  au  four  avec  feu  dessus  feu  dessous,  dans  un  sautoir,  avec 
un  peu  de  beurre  au  fond  ;  assaisonnez  la  sole  avec  du  sel,  une 
tranche  de  carotte  et  de  citron,  recouvrez-la  avec  des  bardes  de 
lard,  et  mouillez  avec  un  demi-verre  de  vin  blanc  sec  ou  du 
bouillon  de  poisson  ;  posez  un  rond  de  papier  dessus  ;  après 
cuisson  vous  la  servirez  sur  un  ragoût  d'huîtres  et  de  truffes  pré- 
parées et  mêlées  en  égale  quantité  ;  le  tout  doit  être  saucé  avec 
une  allemande. 

Soles  à  la  mode  de  Trouville.  —  Retirer  la  peau  noire  à 
deux  soles  fraîches  et  propres,  les  diviser  chacune  en  deux  ou 
trois  parties,  beurrer  un  plat  à  gratins,  les  saupoudrer  avec  deux 
cuillerées  à  bouche  d'oignons  hachés,  ranger  les  morceaux  de 
soles  dans  le  fond  du  plat,  les  assaisonner,  les  mouiller  à  hauteur 
avec  du  cidre  et  poser  le  plat  sur  un  feu  vif;  faire  bouillir  le 
liquide  pendant  quelques  instants  et  poser  le  plat  au  four  ;  dix 
minutes  après  poser  les  morceaux  de  soles  sur  le  plat,  faire 
bouillir  vivement  le  fond  de  cuisson  pendant  deux  minutes,  le 
retirer  du  feu  et  le  lier  en  lui  incorporant  cent  cinquante 
grammes  de  bon  beurre,  et  à  défaut  de  ce  bon  beurre  lier  le 
fond  avec  un  petit  morceau  de  beurre  manié,  puis  lui  incorporer 
le  beurre  frais  et  une  pincée  de  persil  haché;  la  verser  sur 
les  soles. 

Filets  de  soles  en  mayonnaise,  —  Prenez  des  soles  frites  et 
froides  ou  de  desserte,  levez-en  les  filets,  parez-les,  coupez-les 


SOUDAC.  1019 


de  la  longueur  de  deux  pouces;  dressez -les  en  couronne  sur  le 
plat  et  masquez'les  d'une  mayonnaise. 

Filets  de  soles  en  salade.  —  Préparez  vos  filets  comme  il  est 
dit  aux  articles  précédents,  et  procédez  pour  ces  filets  comme  il 
est  indiqué  à  la  salade  de  volaille. 

SOUDAC.  —  Un  des  bons  poissons  que  Ton  rencontre  dans 
tous  les  cours  d'eau  de  Russie,  et  dont  la  grandeur  se  mesure 
au  bassin  dans  lequel  on  le  trouve,  est  le  soudac;  il  a  la  forme 
du  brochet,  dont  il  a  à  peu  près  le  goût. 

Soudac  à  la  moscovite.  —  Ecaillez  la  queue  d'un  gros 
soudac,  coupez-la  par  tranches  de  l'épaisseur  de  trois  centi- 
mètres, rangez  ces  tranches  sur  une  grille,  plongez-les  dans 
l'eau  salée  et  bouillante,  joignez-y  un  bouquet  de  persil,  laissez 
le  liquide  jeter  un  bouillon,  retirez  la  casserole  du  feu,  couvrez- 
la  et  tenez*la  dix  minutes  sur  le  côté. 

D'autre  part,  hachez  un  oignon,  faites-le  revenir  dans  une 
casserole  plate  avec  du  bon  beurre  ;  quand  il  est  de  couleur 
blonde,  jetez-lui  deux  piments  rouges  et  quatre  à  cinq  cents 
grammes  de  riz  bien  trié  et  bien  lavé  ;  faites  revenir  celui-ci 
pendant  deux  minutes,  et  le  mouillez  trois  fois  sa  hauteur  avec 
du  bouillon  de  poisson;  couvrez  la  casserole,  faites  vivement 
partir  le  liquide  pendant  dix  minutes,  puis  retirez-le  sur  un  feu 
très-doux  ;  un  quart  d'heure  après,  le  riz  se  trouvera  cuit  avec  les 
grains  entiers  sans  cependant  être  tout  à  fait  à  sec  :  alors  on 
l'arrosera  avec  cinq  ou  six  cuillerées  à  bouche  de  sauce  tomate, 
on  le  tiendra  hors  du  feu  pendant  cinq  minutes,  on  le  finira  en 
lui  incorporant  un  morceau  de  beurre,  trois  douzaines  de  queues 
d'écrevisses  et  autant  d'olives  farcies  aux  anchois  et  conservées  à 
l'huile;  le  dresser  sur  un  plat  chaud,  égoutter  avec  soin  les  tran- 
ches de  soudac,  les  dresser  sur  le  riz  en  donnant  à  sa  queue  la 
forme  qu'elle  avait,  humecter  le  poisson  avec  du  beurre  fondu. 

Soudacs  des  gourmets.  —  Prendre  de  moyens  soudacs 
vivants,  les  tuer,  les  écailler,  en  supprimer  les  ouïes,  les  séparer 
en  tronçons,  les  vider,  les  laver  et  les  éponger  sur  un  linge, 
beurrer  le  fond  d'une  casserole,  le  masquer  avec  quelques  cham- 
pignons frais  et  émincés  en  lames,  saler  légèrement  ceux-ei, 
ranger  des  tronçons  de  poisson  sur  les  champignons,  les  assai- 


I020  STERLET. 


sonner,  les  mouiller  à  trois  quarts  de  hauteur  de  vin  blanc,  du 
jus  d'un  citron,  et  de  la  cuisson  de  deux  douzaines  d'huîtres  blan- 
chies ;  ajouter  un  bouquet  de  persil  garni,  ainsi  qu'un  petit 
morceau  de  beurre  manié  avec  autant  de  farine  que  de  poudre 
de  kari  ;  fermer  la  casserole,  la  poser  sur  un  bon  feu,  faire 
bouillir  le  liquide  pendant  douze  minutes,  enlever  les  tronçons 
un  à  un,  sans  les  briser,  les  dresser  sur  un  plat  chaud,  enlever  le 
bouquet,  lier  le  fond  de  cuisson  avec  trois  jaunes  d'œufs  délayés, 
cuire  la  liaison  sans  la  faire  bouillir,  mêler  les  huîtres  à  la  sauce, 
et  la  verser  sur  les  tronçons. 

STERLET.  —  Il  existe  en  Russie  un  poisson  pour  lequel 
les  Russes  ont  une  prédilection  pareille  à  celle  que  les  Romains 
avaient  pour  le  surmulet  et  la  dorade. 

On  sait  qu'à  Rome  l'amphitryon  avait  l'habitude  de  montrer 
vivants  la  dorade  et  le  mulet  qui  devaient  être  servis  au  dîner. 

Or,  comme  il  y  avait  douze  lieues  à  faire  de  l'endroit  où  on 
les  péchait  jusqu'à  Rome,  des  esclaves  placés  en  relais  les  appor- 
taient en  courant  sans  les  changer  d'eau  et  arrivaient  presque 
toujours  à  temps  pour  que  les  convives  pussent  voir  dans  leur 
agonie  se  ternir  Por,  la  pourpre  et  l'azur  de  leurs  écailles. 

Il  en  était  de  même  et  bien  pis  encore  chez  un  Russe,  quand 
il  s'agissait  de  faire  manger  un  sterlet  à  ses  amis.  Le  sterlet  ou 
petit  esturgeon  {oâcipenser  rethenus)  était  un  mets  auquel  les 
grands  seigneurs  de  Pétersbourg  et  les  boyards  de  Moscou  ne 
voyaient  rien  à  comparer;  le  grand  esturgeon  ordinaire  ne  restait 
estimé  par  eux  que  parce  qu'il  fournissait  le  caviar. 

Avant  qu'il  y  eût  des  chemins  de  fer  en  Russie,  il  fallait 
parfois  faire  faire  à  un  sterlet  deux  ou  trois  cents  lieues  pour 
avoir  l'honneur  d'être  servi  sur  la  table  d'un  prince  :  or,  dans 
les  gelées  d'hiver,  quand  le  baromètre  est  à  30  ou  32  degrés 
au-dessous  de  zéro  et  qu'il  faut  faire  faire  à  un  poisson  deux  ou 
trois  cents  lieues  dans  la  même  eau,  à  une  température  égale  à 
zéro,  ce  n'est  pas  chose  facile,  puisqu'il  faut  réchauffer  l'eau  au 
fur  et  à  mesure  qu'elle  se  refroidit  ;  on  avait  donc  des  voitures 
rien  que  pour  le  transport  des  sterlets,  et  il  arrivait  parfois  qu'une 
simple  soupe  au  sterlet,  s'il  entrait  dans  sa  confection  deux  ou 
trois  de  ces  poissons,  revenait  à  6  ou  8,000  francs. 


STERLET.  loai 


Sterlet  au  Chablis,  —  Inutile,  après  ce  que  nous  venons  de 
raconter,  de  dire  que  le  sterlet  est  le  plus  estimé  des  poissons 
russes.  Il  faut  choisir  un  sterlet  de  moyenne  grosseur,  retirer  du 
poisson  les  écailles  aiguës  des  côtés  et  du  dos,  le  ratisser,  le 
vider  et  le  laver  ;  faire  une  petite  incision  à  l'extrémité  des  chairs 
de  la  queue  afin  de  saisir  le  boyau  nerveux  qui  longe  Tarête 
principale  ;  il  est  de  la  grosseur  d'une  aiguille  à  tricoter  en  bois  ; 
quand  une  fois  il  est  à  nu,  le  prendre  avec  un  linge  pour  le  sortir 
tout  entier,  mais  peu  à  peu;  distribuer  le  sterlet  en  cinq  ou  six 
tronçons  coupés  en  biais,  les  mettre  dans  une  casserole  dont  le 
fond  est  beurré,  et  masquer  avec  quelques  tranches  de  racine  de 
persil,  ajouter  une  feuille  de  laurier  et  une  gousse  d'ail  non 
épluchée,  saler  le  poisson,  le  mouiller  aux  trois  quarts  avec  du 
vin  de  Chablis  et  le  jus  de  deux  ou  trois  citrons,  couvrir  la  cas- 
serole, faire  bouillir  le  liquide  à  feu  vif,  de  façon  que  quand  le 
sterlet  esl  cuit  le  fond  de  cuisson  se  trouve  réduit  de  moitié  ; 
dégraisser  alors  la  sauce,  lui  donner  quelques  cuillerées  de  bonne 
glace  liquide,  lui  mêler  un  bouillon  et  la  lier  avec  un  morceau 
de  beurre  manié  à  la  farine,  ajouter  le  jus  d'un  citron,  et  dresser 
les  tronçons  de  sterlet  sur  un  plat  long  en  reformant  le  poisson  : 
entourer  celui-ci  des  deux  côtés  avec  des  bouquets  de  truffes, 
d'olives,  de  quenelles  et  de  champignons,  te  masquer  avec  une 
partie  de  la  sauce  et  envoyer  le  surplus  dans  une  saucière. 

Cet  article  est  emprunté  à  la  Cuisine  de  tous  les  paySyéX\xà^s 
cosmopolites  de  M.  Urbain  Dubois,  et  seul  dispensaire  de  cui- 
sine où  j'aie  trouvé  cette  manière  et  les  deux  manières  suivantes 
d'apprêter  le  sterlet.  Nous  écrivons  en  Russie  pour  avoir  la  recette 
de  cette  fameuse  soupe  au  poisson  que  l'on  appelait  ouka  et  qui 
coûtait,  nous  l'avons  dit,  quelquefois  jusqu'à  6  ou  8,000  francs. 

Elle  coûte  aujourd'hui  ce  que  coûte  une  soupe  à  la  tortue, 
et  pour  peu  que  M.  Coste  veuille  bien  s'occuper  de  l'acclimata- 
tion du  sterlet,  elle  coûtera  ce  que  coûte  un  potage  ordinaire. 

Pâté  froid  de  sterlet.  —  Si,  à  Saint-Pétersbourg,  quelqu'un 
s'occupait  à  préparer  des  pâtés  froids  de  sterlet  dans  de  bonnes 
conditions,  je  ne  doute  pas  que  ce  mets  fût  bientôt  apprécié  et 
mis  à  l'ordre  du  jour  par  les  gourmets  de  tous  les  pays;  j'ai  eu 
l'occasion  d'en  préparer  quelquefois,  et  j'ai  trouvé  que  les  qualités 


1022  STERLET. 


de  ce  poisson 'se  prêtaient  admirablement  bien   à  cet  emploi. 

Nettoyer  un  sterlet  selon  la  règle,  le  distribuer  en  tronçons, 
mettre  ceux-ci  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  beurre  et  un 
verre  de  vin  blanc,  deux  poignées  de  parures  de  truffes  fraîches 
et  un  bouquet  de  persil  mêlé  avec  des  aromates  ;  cuire  le  poisson 
pendant  sept  à  huit  minutes,  couvrir  la  casserole  et  la  retirer  du 
feu  ;  dix  minutes  après,  égoutter  le  fond  de  cuisson  du  sterlet 
dans  une  terrine,  retirer  alors  les  tronçons  de  la  casserole  pour 
les  couper  chacun  en  deux  parties  sur  leur  longueur,  afin  d'en 
extraire  attentivement  les  arêtes  et  corps  durs  ;  déposer  le  poisson 
dans  un  plat  creux,  lui  mêler  5  à  600  grammes  de  truffes  crues, 
épluchées  et  coupées  en  quartiers;  les  assaisonner  avec  sel,  épices, 
persil  haché  et  quelques  cuillerées  de  vin  de  Madère;  fermer  le 
vase  et  faire  macérer  le  poisson  avec  les  truffes  et  le  vin  pendant 
une  heure. 

Couper  en  morceaux  300  grammes  de  chair  d'anguille  et  autant 
de  chair  de  brochet  sans  arêtes,  les  mêler  dans  le  mortier  pour 
les  piler,  et  les  retirer.  Piler  500  grammes  de  lard  frais  et  le  met- 
tre aussi  de  côté.  Piler  enfinquatre  truffes  crues  avec  gros  comme  un 
œuf  de  panade,  ainsi  qu'avec  les  iilets  de  six  anchois  ;  quand  le 
mélange  est  opéré,  ajouter  à  cette  farce  le  lard  et  les  chairs  de 
poisson  pilées  ;  l'assaisonner  de  haut  goût  avec  du  sel  et  épices, 
la  piler  encore,  et  cinq  minutes  avant  de  la  retirer  du  mortier 
lui  incorporer  le  peu  de  fond  de  cuisson  du  sterlet.  Foncer  un 
moule  à  pâté  avec  de  la  pâte  brisée,  masquer  le  fond  et  les  parois 
de  la  caisse  avec  une  couche  de  farce,  emplir  le  vide  avec  les 
morceaux  de  sterlet  et  les  truffes  par  couches  alternées  avec  de  la 
farce;  terminer  et  cuire  le  pâté  selon  les  règles  ordinaires.  Une 
demi-heure  après  qu'il  est  sorti  du  four,  lui  infiltrer  (par  le  haut) 
quelques  cuillerées  de  bonne  gelée  infusée  avec  un  peu  d'aro- 
mates et  mêlée  avec  la  moitié  de  son  volume  de  Madère.  Laisser 
bien  refroidir  le  pâté  avant  de  le  servir. 

Bouillabaisse  au  sterlet.  —  Tuer  un  petit  sterlet,  le  nettoyer, 
le  diviser  en  tronçons  et  le  tenir  sur  glace.  Émincer  deux  oignons 
et  le  blanc  d'un  poireau,  les  mettre  dans  une  casserole  avec  de 
la  bonne  huile  d'olive  et  deux  gousses  d'ail,  les  faire  revenir  de 
couleur  blonde,  leur  adjoindre  les  morceaux  de  sterlet  ainsi 


SUNAN.  loaj 


qu'une  douzaine  de  ierchis,  une  petite  anguille  et  six  grosses 
écrevisses  coupées  en  deux  sur  la  longueur  ;  ajouter  un  bouquet 
de  persil  et  deux  petits  piments  rouges,  une  pincée  de  sel,  les 
chairs  d'un  citron  coupées  en  tranches,  sans  écorce  ni  semences, 
et  enfin  deux  cuillerées  à  bouche  de  purée  de  tomates;  mouiller 
le  poisson  à  hauteur  avec  deux  tiers  de  vin  blanc  et  un  tiers  de 
bouillon  de  poisson,  poser  la  casserole  sur  un  feu  vif,  cuire  le 
poisson  pendant  douze  à  quatorze  minutes,  retirer  la  casserole 
du  feu,  égoutter  le  liquide  en  le  passant  au  tamis,  le  verser  dans 
un  plat  creux  sur  des  tranches  de  pain  un  peu  épaisses,  dresser 
le  poisson  sur  un  autre  plat  et  l'envoyer  en  même  temps  que  le 
bouillon  et  le  pain. 

SUNAN.  —  Nom  donné  par  les  Japonais  à  ces  nids  d'hi- 
rondelles qu'on  mange  à  la  Chine  et  dont  nous  avons  déjà 
parlé  sous  le  nom,  je  crois,  de  salangane.  On  en  trouve  en  Hol- 
lande, où  l'on  peut  toujours  s'en  procurer  en  les  payant  sur  le 
pied  de  40  florins  lonce  (environ  80  francs  de  notre  monnaie), 
c'est-à-dire  à  1,200  francs  la  livre  ;  on  les  y  emploie  pour  garnir 
certaines  entrées  fines,  et  on  les  fait  cuire  avec  du  consommé  de 
volaille  qu'on  assaisonna  avec  un  peu  de  macis.  La  partie  comes- 
tible de  ces  nids,  car  il  s'y  trouve  toujours  quelques  matières 
hétérogènes,  est  une  substance  assez  mucilagineuse  et  d'une  appa- 
rence assez  conforme  à  celle  du  gros  vermicelle  de  Pise;  elle  est 
pourvue  d'une  saveur  très-fine  et  qui  rappelle  le  goût  de  la  sept- 
œils  de  Rouen.  Les  naturalistes  orientaux  pensent  que  ce  doit 
être  un  tissu  de  fucus,  de  varech  ou  d'une  autre  plante  marine  ; 
mais  toujours  est-il  que  ce  sont  les  nids  d'une  hirondelle  de 
rocher  (Qdlcyo  petrœus)  ^  et  les  missionnaires  ont  observé  qu'on 
ne  trouve  jamais  ces  nids  que  dans  des  cavernes  au  bord  de 
la  mer. 


T 


TANCHE.  —  La  tanche  est  ainsi  nommée,  c est-à-dire 
Cyprinus  tincta,  parce  qu'elle  a  une  couleur  toute  particulière  à 
elle  et  assez  différente  de  celle  des  autres  poissons,  étant  comme 
teinte  d'un  vert  jaune  et  noirâtre.  Il  y  en  a  de  deux  espèces,  celles 
d'eau  douce  et  celles  de  mer.  Les  anciens  ne  connaissaient  pas 
la  tanche  d'eau  douce  :  Cicéron  est  le  seul  qui  en  ait  parlé  dans 
son  livre  des  orateurs  illustres  ;  il  cite  un  orateur  qui  avait  mérité 
le  nom  de  Tincta  par  la  singularité  de  son  esprit. 

Les  tanches  destinées  à  la  nourriture  doivent  être  choisies 
fortes  et  bien  nourries  ;  le  goût  en  est  plus  ou  moins  savoureux 
selon  qu'elles  sont  d'une  eau  courante,  d'une  eau  limpide  ou 
d'une  eau  stagnante  ;  on  les  mange  de  toute  façon. 

Tanche  à  la  poulette.  —  Après  avoir  trempé  votre  tanche 
dans  un  chaudron  d'eau  presque  bouillante,  raclez -en  le  limon 
et  les  écailles;  vous  la  coupez  par  morceaux  et  la  faites  dégorger; 
vous  mettez  ensuite  du  beurre  dans  la  casserole,  vous  le  faites 
tiédir  avec  vos  morceaux  de  tanche,  vous  les  sautez  dans  le 
beurre;  joignez -y  plein  une  cuiller  à  bouche  de  farine  que  vous 
mêlez  ensemble;  vous  mouillez  votre  ragoût  avec  une  bouteille  de 
vin  blanc,  du  sel,  du  gros  poivre,  une  feuille  de  laurier,  un 
bouquet  de  persil,  de  la  ciboule,  des  petits  oignons  et  des  cham- 
pignons ;  vous  ferez  aller  votre  ragoût  un  peu  vite,  dès  qu'il  sera 
cuit  vous  y  mettrez  une  liaison  de  trois  jaunes  d'œufs.  Garnissez 
ce  plat  d'écrevisses,  de  foies  de  lottes  ou  de  langues  de  carpes. 


TERRINE. 


loajf 


Tanche  grillée.  —  Raclez  le  limon  et  les  écailles  en  com- 
mençant par  la  queue,  mais  sans  toucher  la  peau  ;  mettez  dans 
le  corps  de  ces  poissons  un  morceau  de  beurre  manié  de  iines 
herbes  avec  une  pointe  d'ail,  persil  et  ciboules  hachés,  sel  et 
poivre  ;  faites  tiédir  la  marinade  et  mettez-y  les  tanches  ;  laissez- 
les  prendre  goût  pendant  une  couple  d'heures,  retirez-les, 
essuyez-les  et  farinez-les  pour  les  faire  frire.  On  fait  aussi 
cuire  les  tanches  dans  un  court-bouillon  au  vin  bien  assaisonné, 
et  on  les  sert  avec  une  sauce  aux  câpres  et  aux  capucines. 

TAPIOCA. —  Fécule  de  manioc,  extraite  de  la  racine  râpée. 
La  pulpe  râpée  est  mise  dans  un  sac  auquel  on  suspend  un  poids  ; 
le  jus  s'écoule;  ce  qui  reste  dans  le  sac  est  un  mélange  de  beau- 
coup de  fécule  avec  un  peu  de  parenchyme  :  ce  mélange  séché 
sert  à  la  nourriture  des  nègres  dans  nos  colonies.  Le  suc  qui 
s'écoule  entraîne  la  partie  la  plus  fine  de  la  fécule,  qui  se  dépose 
et  quon  sépare  par  décantation  ;  cette  fécule  séchée  et  cassée  en 
morceaux  est  le  tapioca.  Quant  au  suc  qu'entraîne  cette  fécule, 
c'est  un  poison  violent;  mais  sa  propriété  vénéneuse  ne  réside 
que  dans  un  principe  très-volatil;  car,  lorsque  le  suc  de  manioc 
a  bouilli,  on  l'emploie  dans  certaines  préparations  alimentaires. 

TARTE.  —  Pâtisserie  feuilletée  dont  on  couvre  les  abaisses, 
avec  des  crèmes,  des  fruits  en  compote  ou  des  confitures. 

TERRA  MERITA  ou  CURCUMA.  —  C'est  une  racine 
orientale  qui,  comme  le  safran,  donne  une  teinture  jaune  dont 
on  fait  usage  pour  colorer  les  ragoûts  :  le  curcuma  fait  partie  de 
la  poudre  nommée  kari^  dont  on  fait  un  grand  usage  dans  l'Inde, 
et  qui  entre  en  Europe  dans  quelques  préparations  culinaires. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  kari  se  compose  de  120  grammes 
de  piment  enragé,  de  po  grammes  de  curcuma,  30  grammes  de 
poivre,  30  grammes  de  girofle,  un  peu  de  muscade,  le  tout  en 
poudre  fine. 

Les  Anglais  y  ajoutent  de  la  rhubarbe  ;  on  sait  qu'une  des 
distractions  gastronomiques  des  Anglais  est  de  manger  des  tourtes 
et  des  petits  pâtés  de  rhubarbe.  La  mode  en  a  été  importée  par 
eux  chez  les  pâtissiers  du  faubourg  Saint-Honoré,  à  Paris. 

TERRINE.  —  On  lit  dans  le  Dictionnaire  général  de  la 
cuisine  française  :  Entrée,  qui  tire  son  nom  de  l'usage  où  Ton 

6y 


f- 


ioa6  TH  £. 

était  autrefois  de  servir  la  viande  dans  la  terrine  même  où  elle 
avait  été  cuite,  sans  aucune  autre  sauce  que  le  mouillement  qu'elle 
avait  produit.  Aujourd'hui  la  terrine  est  composée  de  plusieurs 
sortes  de  viandes  cuites  à  la  braise,  qu'on  sert  dans  un  vase  appelé 
terrine,  soit  d'argent  ou  de  porcelaine,  avec  telle  sauce,  coulis, 
ragoût  ou  purée  qu'on  trouve  bien  d'y  ajouter. 

Les  terrines  de  foies  de  canards  de  Toulouse  et  celles  de 
Nérac,  qui  sont  garnies  de  perdreaux  aux  truffes,  ont  une  juste 
réputation  ;  mais  tout  cela  doit  céder  à  l'ancienne  terrine  du 
LouvrCy  ainsi  qu'elle  est  formulée  par  Leclercq. 

Terrine  à  t ancienne  mode.  —  Faites  cuire  avec  du  bouillon 
un  poulet  gras,  une  perdrix,  le  râble  d'un  lièvre,  une  noix  de 
veau  et  une  noix  de  mouton,  le  tout  piqué  de  lard  moyen  bien 
assaisonné  de  fines  herbes  et  d'épices.  Laissez  tout  cela  bouillir 
ensemble.  Pelez  ensuite  des  marrons  grillés,  nettoyez-les  conve- 
nablement et  mettez-les  à  cuire  avec  les  viandes.  Fermez  bien  la 
terrine  et  lutez-la  de  pâte  ferme,  afin  que  tout  cela  cuise  en  son 
jus.  Dégraissez  la  sauce  avant  de  la  servir,  et  ajoutez-y  pour 
lors  un  gobelet  de  vin  des  Canaries. 

THE.  —  Cest  en  1666,  en  plein  règne  de  Louis  XIV,  que 
le  thé,  après  une  opposition  non  moins  vive  que  celle  qu'avait 
éprouvée  le  café,  s'est  introduit  en  France. 

Aujourd'hui  il  s'en  consomme,  rien  qu'en  Angleterre  et  en 
France,  pour  plus  de  vingt  millions  de  livres  sterling. 

Il  y  a  sept  ou  huit  espèces  de  tlié,  mais  nous  n'en  consom- 
mons guère  que  trois  espèces  :  le  thé  perlé,  dont  la  feuille  est 
parfaitement  roulée  sur  elle-même;  le  thé  souchong,  dont  les 
feuilles  sont  d'un  vert  sombre,  un  peu  noirâtre  et  bien  roulées; 
enfin,  le  pékao,  en  pointes  blanches,  celui  dont  l'odeur  est  la 
plus  aromatique  et  la  plus  agréable. 

Le  thé  perd  facilement  son  odeur  ou  en  contracte  non 
moins  facilement  une  désagréable. ]]I1  est  donc  important  pour  la 
conservation  des  thés  qu'ils  soient  enfermés  dans  des  boites  de 
porcelaine. 

11  y  a  en  outre  cinq  ou  six  autres  espèces  de  thés  :  il  y  a  le 
thé  jaune,  qui  vaut  en  Russie  jusqu'à  trente  à  quarante  francs  la 
livre;  on  en  prend  d'habitude  une  seule  tasse  après  diner  comme 


THÉ. 


1027 


on  prend  du  café.  Il  y  a  encore  le  thé  camphon,  qui  veut  dire 
thé  de  feuilles  choisies  :  il  est  en  effet  composé  des  meilleures 
feuilles  du  thé  bonni,  tendres  et  de  bonne  grandeur  ;  il  est  de 
beaucoup  préférable  à  d'autres,  mais  il  est  très-rare. 

Le  meilleur  thé  se  boit  à  Pétersbourg,  et  en  général  par 
toute  la  Russie  :  la  Chine  y  confinant  par  la  Sibérie,  le  thé  n'a 
pas  besoin  de  traverser  la  mer  pour  venir  à  Moscou  ou  à  Péters- 
bourg, et  les  voyages  par  mer  nuisent  beaucoup  au  thé. 

Le  thé  vert  est  rarement  usité  en  France  ;  il  est  légèrement 
pourvu  d'une  propriété  plus  ou  moins  enivrante,  qu'il  manifeste 
par  son  action  sur  les  nerfs  quand  on  le  prend  trop  fort  et  en 
trop  grande  quantité.  Le  thé  se  fait  par  infusion  :  on  en  mêle  à 
dose  convenable  dans  une  théière,  et  on  verse  par-dessus  une 
demi-tasse  d'eau  bouillante;  on  attend  que  les  feuilles  soient 
développées,  et  alors  on  achève  de  remplir  la  théière.  Par  le 
fait  d'une  habitude  particulière  à  la  Russie,  et  qui  ne  laisse  pas 
au  premier  abord  de  choquer  singulièrement  les  étrangers,  les 
hommes  boivent  le  thé  dans  des  verres,  et  les  femmes  dans  des 
tdisses  de  Chine. 

Voici  la  légende  qui  se  rattache  à  cette  habitude  : 

Les  premières  tasses  à  thé  furent  faites  à  Cronstadt.  Or  il 
arrivait  souvent  que,  par  économie,  les  cafetiers  mettaient  dans  la 
théière  une  quantité  moindre  de  thé  qu'il  n'eût  fallu.  Alors, 
comme  le  fond  de  la  tasse  représentait  une  vue  de  Cronstadt, 
que  la  transparence  de  la  liqueur  laissait  voir  trop  clairement,  le 
consommateur  appelant  le  marchand  et  lui  montrant  le  fond  de 
sa  tasse  : 

«  On  voit  Cronstadt  »,  lui  disait-il. 

Et  comme  le  marchand  ne  pouvait  nier  qu'on  vît  Cronstadt, 
et  comme  il  fallait,  si  le  thé  était  suffisamment  fort,  qu'on  ne 
vît  pas  Cronstadt,  le  marchand  était  pris  «n  flagrant  délit  de 
fraude. 

Ce  que  voyant,  le  marchand  eut  l'idée  de  substituer  des 
verres,  au  fond  desquels  on  ne  voyait  rien,  aux  tasses  où  Ton 
voyait  Cronstadt. 

C'est  la  maîtresse  de  la  maison  qui  met  le  thé  dans  la 
théière,  qui  le  sucre,  qui  y  ajoute  un  nuage  de  crème,  une 


loaS  THON. 

tranche  de  citron  ou  une  goutte  de  Cognac,  et  à  gui  appartient 
la  responsabilité  du  thé  qu'elle  offre  à  ses  convives. 

THON.  —  Poisson  de  mer,  qui  a  deux  passages  dans  la 
Méditerranée,  et  qui  se  fait  prendre  sur  les  côtes  de  Marseille, 
sur  celles  de  Corse,  sur  celles  de  Tîle  d'Elbe,  sur  celles  de 
Sicile  et  sur  celles  d'Afrique.  C'est  surtout  de  lui  qu'on  peut  dire 
qu'il  n'est  ni  chair  ni  poisson  ;  aussi  les  pécheurs  l'ont-ils  sur- 
nommé le  veau  des  chartreux,  parce  que  certaines  parties  de  sa 
chair  ont  le  goût  et  la  blancheur  de  la  chair  du  veau.  Sa  chair 
se  mange  fraîche  et  surtout  marinée;  presque  tout  le  thon 
mariné  qui  se  mange  en  France  vient  de  Provence.  Le  filet  avec 
lequel  on  pèche  les  thons  s'appelle  une  madrague.  Un  homme 
constamment  en  sentinelle  compte  le  nombre  de  thons  qui 
entrent  dans  la  madrague,  et  comme  pas  un  ne  peut  se  retrouver 
dans  les  nombreux  déïours  que  forme  le  filet,  autant  il  en  voit 
entrer,  autant  il  y  en  a  de  pris.  Quand  on  croit  en  avoir  un 
nombre  suffisant,  on  ferme  la  porte  d'entrée,  on  soulève  les 
filets  à  la  hauteur  de  l'eau;  des  hommes  descendent  dans  les 
filets  et  poignardent  les  thons,  qui  rendent  une  énorme  quantité 
de  sang. 

Procédé  pour  mariner  les  thons.  —  Videz  le  thon  aussitôt 
péché,  coupez-le  par  morceaux,  rôtissez  sur  le  gril,  faites  frire 
dans  l'huile,  assaisonnez  de  sel  et  de  poivre,  et  encaquez  dans  de 
petits  barils  dans  de  l'huile  et  du  vinaigre. 

Thon  à  la  broche,  —  Prenez  une  forte  tranche  de  thon, 
lardez  avec  anguilles  et  anchois;  faites-le  rôtir,  arrosez-le  en 
cuisant  avec  une  marinade  maigre  :  oignons  en  tranches  et  citron, 
ciboules,  sel,  poivre  et  laurier,  une  livre  de  beurre  que  vous 
mettez  dans  la  lèchefrite;  dégraissez  ensuite  cette  marinade, 
liez-la  d'un  fort  coulis  roux  en  y  ajoutant  quelques  câpres,  et 
versez-la  sur  le  thon. 

Thon  en  caisse.  —  Foncez  une  caisse  de  papier  avec  des 
tranches  de  thon,  avec  des  herbes  fines,  parez  et  mettez  la  caisse 
dans  une  tourtière;  faites  cuire  prestement  entre  deux  feux  vifs, 
et  servez. 

Thon  frais  en  salade.  —  Servez  avec  une  rémoulade  des 
tranches  de  thon  rôti. 


TOAST.  1029 

Thon  frit.  —  Servez  avec  une  rémoulade  des  tranches  de 
thon  mariné  et  frit. 

THYM.  —  Plante  aromatique  qu'on  emploie  comme  assai- 
sonnement. 

TOAST.  —  C'est  la  Révolution  qui  a  établi  en  France 
l'usage  des  toasts.  Cette  dénomination  nous  vient  des  Anglais, 
qui,  pour  porter  la  santé  de  quelqu'un,  mettent  dans  chaque 
pot  de  bière  une  rôtie  de  pain,  qui  s'écrit  toast  et  qui  se  prononce 
toste.  Le  toast  ou  rôtie  reste  à  celui  qui  boit  le  fond  du  vase. 

Un  jour  qu'Anne  Boleyn,  la  plus  belle  femme  qui  existât 
alors  en  Angleterre,  prenait  un  bain  entourée  des  seigneurs  de 
sa  suite  (elle  était  de  mœurs  faciles),  ces  gentilshommes,  pour 
lui  faire  leur  cour,  prirent  chacun  un  verre  et  puisèrent  dans  sa 
baignoire  de  l'eau,  qu'ils  burent.  Un  seul  s'abstint  de  suivre  cet 
exemple,  et  quand  on  lui  demanda  pourquoi  il  ne  faisait  pas 
comme  les  autres  : 

«  C'est,  répondit-il,  que  je  me  réserve  le  toast.  » 

Pour  un  Anglais  c'était  assez  gracieux. 

Un  autre  toast  célèbre,  qui  peut  venir  à  la  suite  du  pré- 
cédent : 

Le  comte  de  Stair,  lorsqu'il  était  ambassadeur  d'Angleterre 
en  Hollande,  donnait  souvent  des  fêtes  brillantes  auxquelles  il 
invitait  tous  les  autres  ministres  étrangers  qui,  de  leur  côté, 
l'invitaient  aussi  à  leurs  dîners  diplomatiques. 

Un  jour  qu'ils  se  trouvaient  tous  rassemblés  chez  l'ambassa- 
deur de  France,  celui-ci,  faisant  allusion  à  la  devise  de  Louis  XIV, 
porta  la  santé  du  soleil  levant;  tout  le  monde  lui  fit  raison. 

L'ambassadeur  de  l'impératrice-reine  but  ensuite  à  la  lune 
et  aux  étoiles  fixes,  faisant  allusion  aux  diverses  principautés 
d'Allemagne. 

On  se  demandait  comment  le  comte  de  Stair,  qui  restait  seul, 
allait  porter  la  santé  de  son  maître  pour  égaler  au  moins  ses  deux 
collègues.  Alors  il  se  lève  gravement,  et,  présentant  son  verre  : 
a  A  Josué,  dit-il,  qui  arrêta  le  soleil,  la  lune  et  les  étoiles. 

Pas  mal,  mais  assez  prétentieux,  qu'en  dites-vous? 

Encore  un  petit  toast  et  un  bon  mot  pour  finir  ; 

Dans  un  dîner  d'Anglais  (c'est  toujours  dans  les   dîners 


loîo  TORTUE. 


d'Anglais  qu'on  voit  ces  choses-là),  on  porta,  selon  l'usage,  la 
santé  des  dames.  Milord  B.,.,  bien  connu  pour  sa  galanterie,  dît  : 

«  Messieurs,  je  bois  au  beau  sexe  des  deux  hémisphères. 
—  Et  moi,  répondit  le  marquis  de  la  V....,  plus  réaliste  que 
son  ami,  je  bois  aux  deux  hémisphères  du  beau  sexe.  » 

TOMATES.  —  Fruit  qui  nous  vient  des  peuples  méri- 
dionaux, chez  lesquels  il  est  en  grand  honneur  ;  on  mange  sa 
pulpe  en  purée,  et  on  emploie  son  sucre  comme  assaisonnement. 

Tomates  à  la  Grimod  de  la  Reynière.  —  Après  avoir  ôté  les 
pépins  de  vos  tomates,  beurrez-les  d'un  hachis  de  viandes  fines, 
et  si  vous  n'en  avez  pas,  de  chair  à  saucisses,  auquel  vous  aurez 
mêlé  une  gousse  d'ail,  du  persil,  de  la  ciboule  et  de  l'estragon 
haché,  mettez  le  tout  cuire  sur  le  gril,  ou,  ce  qui  vaut  mieux 
encore,  dans  une  tourtière  sous  un  four  de  campagne  avec  beau- 
coup de  chapelure,  pressez  dans  la  tourtière  même  un  jus  de 
citron  pour  achever  l'assaisonnement,  et  servez. 

TORTUE.  —  A  l'article  Potage  de  tortue  nous  avons  dit 
tout  ce  que  nous  avions  à  dire  sur  les  différentes  manières 
d'apprêter  cet  animal.  Nous  recevons  cependantdeM.Duclerez, 
ancien  chef  de  la  bouche  de  la  maison  Rothschild,  quelques 
recettes  sur  le  même  sujet,  et  nous  nous  empressons  de  les  indi- 
quer à  nos  lecteurs  amateurs  de  tortue. 

Dans  plusieurs  contrées  de  l'Amérique,  dit  M.  Duclerez, 
la  tortue  se  trouve  communément  et  se  débite  parmi  le  peuple 
comme  poisson,  à  très-bon  marché. 

Elle  se  prépare  dans  ces  pays  sans  condiments  recherchés  et 
sans  autres  assaisonnements  que  des  stimulants. 

En  Angleterre,  où  la  tortue  est  très-estimée,  il  s'en  fait 
une  très-grande  consommation,  quoiqu'elle  ne  soit  généralement 
employée  que  pour  les  potages;  cela  tient,  paraît-il,  à  l'igno- 
rance des  raffinements  de  l'art  culinaire  dans  ce  pays. 

En  France,  la  tortue  est  plus  honorablement  représentée  et 
tout  peut  être  employé  en  cuisine. 

Les  parties  les  plus  délicates  sont  les  parties  gélatineuses, 
telles  que  le  plastron  et  la  carapace,  de  même  que  les  quatre 
nageoires  et  les  graisses,  qui  sont  d'une  exquise  délicatesse. 

Préparation  de  la  tortue.  —  Fixez  votre  tortue  à  une  échelle, 


TORTUE.  loji 


attachez-lui  au  cou  un  poids  de  25  kilogrammes,  et  à  Taide  d'un 
fort  couteau  coupez-lui  la  tête  et  laissez  saigner  pendant  cinq  à 
six  heures.  Posez-la  ensuite  sur  la  table,  couchée  sur  le  dos, 
détachez  le  plastron  de  la  carapace,  enlevez  tous  les  intestins, 
puis  détachez  aussi  les  nageoires  avec  leur  peau  en  appuyant 
votre  couteau  sur  la  carapace,  ramassez  avec  soin  la  graisse  en 
raison  de  sa  délicatesse  ;  coupez  le  plastron  et  la  carapace  en 
quatre  ou  six  morceaux,  mettez-les  dans  un  grand  chaudron 
d'eau  chaude  et  laissez  cuire  vingt  à  vingt-Cinq  minutes, 
c'est-à-dire  jusqu'au  moment  où  la  peau  se  détache  des  os; 
retirez  ensuite  les  morceaux  du  feu  et  plongez-les  dans  l'eau 
froide,  puis  égoutlez-les  sur  des  serviettes.  Les  morceaux  de 
chair  maigre  que  vous  avez  retirés  de  l'eau  chaude  sont  très-peu 
délicats,  c'est  une  chair  longue,  filandreuse  et  fade  ;  les  forts 
morceaux  ressemblent  à  des  noix  de  veau  ;  on  peut  les  piquer  et 
les  servir  de  même,  en  les  montant  d'un  haut  goût.  Tout  est 
possible  dans  l'art  culinaire. 

Potage  à  la  tortue.  —  Pour  le  potage  à  la  tortue,  vous 
mettez  toutes  vos  chairs  maigres  dans  une  marmite,  puis  vous 
ajoutez  xo  kilogrammes  de  tranches  de  bœuf,  deux  jarrets  de 
veau,  trois  vieilles  poules;  vous  mouillez  de  trois  grandes  cuil- 
lerées de  bon  bouillon  et  laissez  tomber  à  grand  feu  le  fond  à 
demi-glace  ;  remplissez  ensuite  votre  marmite  d'un  grand  bouil- 
lon, vous  la  garnissez  de  quatre  oignons  piqués  de  clous  de 
girofle,  un  bouquet  de  basilic  et  romarin,  puis  vous  laissez  cuire 
le  tout  à  petit  feu  pendant  six  heures. 

Quand  tout  sera  préparé  comme  on  vient  de  le  dire,  vous 
prenez  les  peaux  que  vous  avez  retirées  du  plastron  et  de  la 
carapace  et  vous  les  coupez  en  morceaux  de  trois  centimètres 
carrés  ainsi  que  les  nageoires,  à  moins  que  vous  n'ayez  Tinten- 
tîon  de  servir  ces  dernières  comme  relevé;  puis  vous  mettez  ces 
morceaux  dans  une  casserole  foncée  de  bardes  de  lard,  avec  une 
bouteille  de  vieux  Madère,  et  vous  finissez  de  mouiller  avec  le 
consommé  préparé  et  passé.  Laissez  cuire  le  tout  ensemble  en 
vous  assurant  de  temps  en  temps,  en  sondant,  si  la  cuisson  est 
arrivée  à  point  ;  elle  doit  conserver  un  ferment  pareil  à  la  tète 
de  veau  qui  ne  demande  que  peu  de  cuisson. 


103a  TRIPE. 

On  sert  ce  potage  de  deux  manières,  clair  ou  lié,  et  on  le 
termine  par  une  infusion  de  menthe,  basilic,  romarin,  serpolet, 
le  tout  mouillé  d'un  grand  verre  de  vin  de  Madère  sec  que  Ton 
fait  réduire  à  un  quart  ;  ajoutez-y  une  pointe  de  Cayenoe  et 
finissez-le.  Goûtez  avant  de  servir  s'il  est  de  bon  goût  ;  il  doit 
avoir  une  saveur  agréable  et  être  monté  de  ton. 

Ce  qui  fait  la  qualité  du  potage  à  la  tortue,  en  Angleterre, 
c'est  que  nos  voisins  d'outre-mer  possèdent  en  tout  temps  des 
plantes  fraîcHfes  dont  ils  se  servent  comme  purée  pour  finir  leur 
potage. 

Nqgeoires  de  tortue  à  la  régence.  —  Mettez  dans  une  brai- 
sière  foncée  de  bardes  de  lard  quelques  tranches  de  jambon  de 
Bayonne  fumé,  quatre  oignons  piqués  de  clous  de  girofle  et 
aromates  indiens,  placez-y  vos  nageoires,  saupoudrez  .d'une 
pincée  d'épices  fines,  recouvrez  de  bardes  de  lard  et  de  quelques 
tranches  de  veau,  arrosez  d'une  bouteille  de  vieux  madère  et 
d'un  riche  consommé  ;  couvrez  le  tout  d'un  papier  et  par-dessus 
votre  couvercle  fermant  hermétiquement  avec  du  feu  dessus. 
Laissez  cuire  deux  heures  et  assurez-vous  de  la  cuisson  :  pour 
que  ce  soit  bien  cuit  il  faut  que  le  fond  soit  réduit  de  trois  quarts. 
Au  moment  de  servir,  égouttez  les  nageoires,  dressez-les  sur  un 
plat  en  les  appuyant  sur  une  forte  croustade  que  vous  aurez 
placée  au  milieu  du  plat  ;  ornez  ce  relevé  d'une  riche  garniture 
de  petites  croustades,  de  truffes,  crêtes,  rognons,  quenelles,  etc. 
Passez  ensuite  le  fond  de  la  cuisson  au  tamis,  laissez-lereposer,  puis 
dégraissez-le  bien  ;  mettez-le  dans  un  grand  plat  à  réduire  en  y 
ajoutant  trois  grandes  cuillerées  d'espagnole,  travaillez  le  tout  à 
grand  feu  en  y  ajoutant  une  pincée  de  poivre  de  Cayenne,  posez 
ensuite  cette  sauce  dans  un  bain -marie  et  faites  en  sorte  qu'elle 
soit  très-succulente  et  un  peu  montée. 

TOURTE.  —  Pâte  feuilletée  dans  laquelle  on  sert  des 
ragoûts  variés  pour  entrées. 

TOURTEREAUX  ET  TOURTERELLES.  —  Variété  du 
pigeon  sauvage  dont  la  chair  est  toujours  plus  grasse  que  celle  du 
ramier  ;  on  la  sert  rôtie,  enveloppée  de  feuilles  de  vigne  enve- 
loppées elles-mêmes  d'une  grande  lame  de  tétine  de  veau. 

TRIPE.  —  Préparation  de  la  tripe  de  bœuf.  Sept  villes  se 


TRIPE.  IOÎ3 

sont  disputé  l'honneur  d'avoir  donné  naissance  à  Homère;  la 
France  et  l'Italie  se  disputent  celui  d'avoir  trouvé  la  préparation 
de  la  tripe  de  bœuf.  Nous  abandonnerions  pour  notre  compte,  si 
nous  en  avions  le  droit,  la  part  que  la  France  peut  avoir  dans 
cette  préparation,  mais  des  devoirs  nous  sont  imposés  et  nous  ne 
cédons  notre  part  aux  Milanais  que  sous  toute  réserve. 

Frottez  et  lavez  la  tripe  dans  un  océan  d'eau,  taillez-la 
ensuite  large  de  trois  doigts,  faites-la  bouillir  avec  un  bon 
bouquet  de  persil  et  de  thym,  ajoutez  du  beurre  et  de  l'ail, 
mettez  du  sel,  du  poivre,  trois  ou  quatre  gros  oignons  ;  faites 
cuire  le  tout  pendant  deux  bonnes  heures,  puis  tirez  de  leur 
cuisson  tous  les  morceaux  de  tripes,  et  faites-les  égoutter.  Il  est 
d'habitude  de  faire  cuire  la  tripe  de  cette  façon  avant  de  l'assai- 
sonner de  quelque  manière  que  ce  soit. 

Tripes  à  la  mode  de  Caen.  —  Quand  vous  aurez  gratté  et 
nettoyé  à  plusieurs  eaux,  faites  blanchir  à  l'eau  bouillante  et 
mettez  vingt-quatre  heures  dégorger  dans  de  Teau  froide  plu- 
sieurs fois  renouvelée. 

Foncez  une  daubière  d'oignons,  carottes  en  tranches,  lard, 
clous  de  girofle,  bouquet  garni,  ail,  feuille  de  laurier,  gros 
poivre,  morceau  de  pied  de  bœuf;  égouttez  les  tripes,  mettez  sel 
et  muscade  râpés  ;  placez  les  tripes  dans  une  terrine  avec  jarret 
de  jambon;  baignez  de  vin  blanc  coupé  d'eau,  couvrez  de  bardes 
de  lard. 

Posez  le  couvercle  et  fermez-le  hermétiquement  avec  de  la 
pâte,  faites  cuire  pendant  sept  heures  à  four  très-doux  et  servez 
chaud,  avec  la  cuisson  dégraissée  et  liée. 

Tripe  de  bœuf  sur  le  gril.  —  La  partie  la  plus  consis- 
tante de  la  tripe  est  la  meilleure.  Après  l'avoir  bien  grattée  et 
bien  lavée,  vous  la  ferez  cuire  dans  Teau,  avec  carottes,  oignons, 
persil,  laurier,  thym,  clous  de  girofle,  sel,  poivre  en  grain  ;  quand 
elle  est  cuite,  vous  la  faites  égoutter,  vous  la  taillez  par  morceaux 
de  la  largeur  de  quatre  doigts,  vous  la  couvrez  de  beurre  frais 
fondu  ou  d'huile  avec  persil,  oignons,  un  tout  petit  peu  d'ail, 
du  sel  et  du  poivre;  vous  l'enveloppez  dans  du  pain  écrasé  et 
vous  faites  cuire  le  tout  sur  le  gril,  puis  vous  les  mangez  à  la 
sauce  piquante.  Au  reste,  on  peut  manger  la  tripe  comme  le  palais 


I034  TRUFFE. 


de  bœuf  à  l'italienne,  à  la  française,  à  la  lyonnaise,  à  la  mila- 
naise, à  la  sauce  Robert  et  à  la  provençale. 

Tripe  de  bœuf  en  crépinettes.  —  Après  avoir  fait  cuire  la 
tripe,  taillez-la  en  petits  morceaux  pareils  à  de  petits  dés,  avec 
un  nombre  égal  de  champignons  et  une  demi-livre  de  lard, 
ajoutez-y  un  peu  de  mie  de  pain  et  deux  jaunes  d'œufs  ;  du  tout 
faites  un  amalgame,  saupoudrez-la  de  sel,  de  poivre,  de  noix 
de  muscade  réduite  en  poudre,  de  clous  de  girofle  et  d'une 
pointe  d'ail,  enfermez  le  tout  dans  de  la  voilette  de  porc  en  la 
divisant  en  morceaux  gros  comme  un  œuf,  aplatissez-les,  mettez- 
les  sur  le  gril  quelques  moments  avant  de  les  porter  sur  la  table, 
et  quand  ils  sont  passés  du  gril  sur  le  plat  couvrez-les  de  sauce 
tomate  et  servez. 

Tripe  de  bœuf  à  la  lyonnaise  (recette  de  Lucotte).  — 
Faites  frire  dans  le  beurre  une  douzaine  d'oignons  coupés  par 
quartiers;  quand  ils  seront  d'un  beau  blond,  mettez-y  une  cuil- 
lerée de  farine,  laissez  la  sauce  se  faire  un  instant,  joignez-y  une 
bouteille  de  vin  blanc,  des  champignons,  du  sel,  du  poivre, 
laissez-y  cuire  la  tripe  à  petit  feu,  et  au  moment  de  la  manger 
ajoutez-y  un  suc  de  limon. 

Tripe  en  fricassée  de  poulet.  —  Grattez  et  nettoyez  avec  le 
plus  grand  soin,  lavez  dans  trois  ou  quatre  eaux  diverses  et 
bouillantes;  vous  mettez  enfin  votre  tripe  dans  Teau  fraîche, 
après  quoi  vous  la  faites  cuire  avec  des  oignons  taillés,  de  l'ail 
et  des  clous  de  girofle;  vous  la  faites  égoutter,  vous  Tenveloppez 
bien  de  beurre  et  de  farine  baignée  dans  du  bouillon,  vous 
ajoutez  des  champignons,  vous  liez  la  sauce  avec  des  jaunes 
d'œufs  et  vous  la  servez  avec  un  suc  de  limon. 

Tripe  de  bœuf  à  la  sauce  piquante* — Alors  que  votre  tripe  sera 
bien  lavée,  taillez-la  en  morceaux  carrés,  mettez-la  dans  une  cas- 
serole, avec  un  gravelet,  quelques  oignons,  sel,  poivre,  deux  cuil- 
lerées de  bouillon  et  un  peu  de  moutarde  ;  quand  tout  sera  bien 
lié,  servez  sans  laisser  refroidir  :  c'est  un  mets  des  plus  indigestes. 

TRUFFE.  —  Nous  voilà  arrivés  au  sacrum  sacrorum  des 
gastronomes,  à  ce  nom  que  les  gourmands  de  toutes  les  époques 
n'ont  jamais  prononcé  sans  porter  la  main  à  leur  chapeau,  au 
Tuber  cibarium,  au  Lycoperdon  gulosorum^  à  la  truffe. 


TRUFFE.  1035 

Vous  avez  interrogé  les  savants,  leur  demandant  ce  que 
c'était  que  ce  tubercule,  et  après  deux  mille  ans  de  discussion 
les  savants  vous  ont  répondu  comme  le  premier  jour  :  Nous  ne 
savons  pas.  Vous  avez  interrogé  la  truiFe  elle-même,  et  la  truffe 
vous  a  répondu  :  Mangez-moi  et  adorez  Dieu.  Faire  l'histoire 
des  truffes  serait  entreprendre  celle  de  la  civilisation  du  monde, 
à  laquelle,  toutes  muettes  qu'elles  sont,  elles  ont  pris  plus  de  part 
que  les  lois  de  Minos,  que  les  tables  de  Solon  à  toutes  les 
grandes  époques  des  nations,  à  toutes  les  grandes  lueurs  que 
jetèrent  les  eitipires;  elles  affluaient  à  Rome,  de  la  Grèce  et 
de  la  Libye;  les  Barbares  en  passant  sur  elles  les  foulèrent 
aux  pieds  et  les  firent  disparaître,  et  d'Augustule  jusqu'à 
Louis  XV  elles  s'effacent  pour  reparaître  seulement  au 
XVIII*  siècle  et  atteindre  leur  apogée  sous  le  gouvernement 
parlementaire  de  1820  à  1848, 

Nous  avons  en  France,  dit  le  Dictionnaire  de  la  Conversation^ 
plusieurs  espèces  de  truffes  :  la  noire,  la  grise,  la  violette  et  la 
truffe  à  odeur  d'ail.  Beaucoup  de  nos  départements  récoltent  ces 
variétés.  La  chaîne  calcaire  qui  sillonne  les  départements  de 
l'Aube,  de  la  Haute-Marne,  de  la  Côte-d'Or,  fournit  la  truffe 
grise  presque  aussi  délicate  que  la  truffe  blanche  à  odeur  d'ail  du 
Piémont.  La  truffe  noire  est  en  abondance  dans  les  terres  du 
Périgord,  de  l'Angoumois,  du  Quercy;  elle  nous  arrive  encore 
du  Gard,  de  la  Drôme,  de  l'Isère,  du  Vaucluse,  de  l'Hérault,  du 
Tarn,  des  Pyrénées  orientales,  des  montagnes  du  Jura,  de  l'Ar- 
dèche,  de  la  Lozère.  Plusieurs  forêts  de  la  Touraine  produisent 
des  truffes  d'une  bonne  qualité. 

La  truffée,  dit  Brillât- Savarin,  est  le  diamant  de  la 
cuisine  ;  elle  réveille  des  souvenirs  erotiques  et  gourmands  chez 
le  sexe  portant  robe,  et  des  souvenirs  gourmands  et  erotiques 
chez  le  sexe  portant  barbe;  la  truffe  n'est  point  un  aphrodisiaque 
positif,  mais  elle  peut  en  certaine  occasion  rendre  les  femmes 
plus  tendres  et  les  hommes  plus  aimables.  (Voir  l'article  Sauce, 
dans  l'intérieur  duquel  nous  avons  déjà  longuement  et  de  notre 
mieux  parlé  des  truffées,  au  point  de  vue  anecdotique,  et  aussi 
des  truffées  spécialement  considérées  comme  ingrédient  entrant 
dans  les  sauces.) 


1036  TRUFFE. 


Truffes  à  la  cendre.  —  Brossez  les  truffes  dans  l'eau  pour 
en  enlever  la  terre  qu'elles  retiennent  toujours,  essuyez-les, 
mettez-les  sur  une  feuille  de  papier  en  double,  bien  enveloppées 
de  bardes  de  lard  assaisonné  de  sel  et  poivre,  repliez  le  papier  et 
recouvrez  le  tout  d'une  troisième  feuille  de  papier  mouillé  ;  faites 
cuire  dans  la  cendre  chaude  avec  un  feu  modéré  par-dessus  ; 
étant  cuites,  retirez-les  pour  les  essuyer,  servez  sous  une  ser- 
viette pliée.  On  peut  aussi  les  faire  cuire  à  sec  dans  du  papier 
beurré,  afin  d'en  user  en  maigre. 

Truffes  au  vin  de  Champagne.  —  Pelez  de  grosses  truâês, 
foncez  une  casserole  de  tranches  de  veau  et  de  jambon,  mettez 
des  truffes  dessus  avec  un  bouquet  garni,  quelques  champignons 
entiers,  du  lard  fondu,  sel  et  poivre  ;  couvrez  de  bardes  de  lard, 
mouillez  avec  de  bon  petit  vin  blanc  un  peu  sucré,  faites  cuire  à 
petit  feu;  quand  elles  sont  cuites  retirez-les,  passez  la  cuisson  un 
peu  dégraissée. 

Truffes  à  la  vapeur.  —  Mettez  dans  une  casserole  deux 
verres  de  vin  blanc,  un  petit  verre  d'eau-de-vie  et  un  clayon 
comme  il  est  prescrit  pour  les  pommes  de  terre  ;  couchez  vos 
truffes  l'une  à  côté  de  l'autre  sur  ce  clayon,  couvrez  la  casserole 
de  son  couvercle  ;  aussitôt  que  vous  verrez  les  vapeurs  sortir  de 
la  casserole,  fermez-la  d'un  torchon  mouillé,  les  vapeurs  se 
condenseront  et  retomberont  bouillantes  sur  les  truffes.  Lors- 
qu'elles seront  cuites,  retirez-les,  laissez-les  un  instant  se  res- 
suyer à  l'air,  et  servez-les  en  colline  sur  une  assiette.  Vous 
pouvez  conserver  aux  truffes  leur  saveur  naturelle,  il  n'y  a  pour 
cela  qu'à  les  envelopper  une  à  une  dans  du  papier  beurré,  et 
qu'à  les  faire  cuire  à  la  vapeur  de  l'eau  bouillante. 

Truffes  au  court-bouillon.  —  Mettez  dans  une  marmite, 
avec  ciboules,  laurier,  clous  de  girofle,  oignons,  sel,  poivre  et 
vin  de  Bordeaux,  vos  truffes  bien  appropriées,  essuyez  et  dressez- 
les  sur  un  serviette  en  forme  de  bastion. 

Truffes  en  roche. — Brossez,  lavez,  faites  égoutter  des  truffes 
à  la  passoire,  assaisonnez-les,  maniez-les  avec  du  lard  fraîche- 
ment haché  et  pilé  que  vous  diviserez  en  deux  parties,  l'une  pour 
enduire  la  surface  d'une  abaisse  de  feuilletage,  sur  laquelle  vous 
aurez  posé  les  truffes  en  forme  de  pyramide,  et  la  seconde  pour 


TRUFFE.  1037 


être  posée  à  leur  sommet  :  cette  dernière  portion  doit  être  recou- 
verte d'une  plaque  de  lard,  et  le  tout  d'une  deuxième  abaisse 
qui,  s'adaptant  aux  truffes  posées  les  unes  sur  les  autres,  simule 
les  aspérités  d'un  rocher.  Il  faut  ensuite  dorer  la  pièce  et  prati- 
quer un  petit  trou  sur  le  couvert,  et  l'exposer  pendant  une  heure 
au  four  chaud  ;  ce  temps  écoulé,  retirez-la,  tracez  le  couvercle 
avec  la  pointe  d'un  couteau  pour  enlever  les  bardes  de  lard  ; 
cette  opération  faite,  replacez  le  couvert,  et  servez  bien  chaud 
pour  entremets.  (Recette  Courchamps  et  Alexandre  Dumas.) 

Émincé  de  truffes.  —  Émincez  des  truffes  et  passez-les  au 
beurre,  avec  échalotes,  persil  haché,  sel  et  gros  poivre,  mouillez 
avec  un  verre  de  bon  vin  blanc  de  Sauterne  et  deux  cuillerées  de 
jus  ou  de  bouillon  réduit  à  moitié  ;  au  moment  de  servir,  mettez 
une  cuillerée  d'huile  ou  un  morceau  de  beurre. 

Truffes  blanches.  —  C'est  le  Piémont,  on  le  sait,  qui  fournit 
ces  excellentes  truffes,  d'une  espèce  particulière  et  si  estimée  des 
gourmets  que  quelques-uns  d'entre  eux  les  préfèrent  à  nos  truffes 
noires  dé  France.  Cette  truffe  a  cela  de  remarquable,  qu'elle  n'a 
pas  besoin  d'être  cuite;  lavez-la,  essuyez-la,  puis  avec  un  petit 
couteau  enlevez  un  petit  point  noir  de  la  surface  ;  émincez  les 
truffes  en  tranches  aussi  minces  que  possible,  faites-les  chauffer 
simplement  dans  la  sauce  ou  avec  la  garniture  avec  laquelle  elles 
doivent  être  associées. 

On  sert  aussi  les  truffes  blanches  en  salade;  en  ce  cas  il  faut 
les  émincer,  puis  faire  chauffer  de  l'huile  avec  quelques  filets 
d'anchois  passés  au  tamis;  quand  l'huile  est  bien  chaude  lui 
adjoindre  les  truffes,  les  assaisonner  et  les  retirer  hors  du  feu  en 
les  sautant. 

Truffes  au  gratin.  —  Choisir  sept  à  huit  belles  truffes, 
rondes  et  crues,  les  couper  en  deux,  les  vider  à  l'aide  d'une 
cuiller  à  légumes,  couper  en  petits  dés  les  chairs  enlevées,  les 
mêler  avec  une  égale  quantité  de  foies  gras  cuits,  assaisonner 
l'appareil,  le  lier  avec  un  peu  de  sauce  brune  réduite  avec 
lui  ;  emplir  les  moitiés  de  truffes  l'une  à  côté  de  l'autre  dans  une 
casserole  plate,  avec  un  peu  de  vin  dedans,  faire  bouillir  le 
liquide  et  pousser  la  casserole  au  four  ;  dix  minutes  après  dresser 
les  truffes  sur  un  plat. 


1038  TRUITE. 


Salade  aux  truffes  à  la  toulousaine.  —  Un  cuisinier  fraa* 
çais  d*un  grand  mérite,  mais  qui  exerce  à  l'étranger,  M.  Urbain 
Dubois,  nous  donne  cette  recette  en  raccompagnant  de  cet  éloge  : 

tt  Ce  mets  est  une  création  récente  de  la  science  toulousaine; 
elle  prouve  qu'en  France  le  grand  art  de  la  gastronomie  est  par- 
tout cultivé  avec  un  égal  empressement  et  toujours  avec  succès. 

«  Choisir  cinq  ou  six  trufFes  noires,  fraîches  et  d'un  bon 
arôme,  ainsi  que  trois  artichauts  bien  tendres.  Brosser  les  truflès 
avec  soin,  les  laver,  les  peler,  les  émincer  très-fin  et  les  enfermer 
dans  un  vase.  Parer  les  artichauts  des  feuilles  dures,  pour  ne 
laisser  que  celles  qui  sont  d'une  tendreté  certaine  ;  les  di^nser 
alors  par  le  milieu  et  sur  leur  longueur  ;  émincer  chaque  moitié 
en  tranches  aussi  fines  que  les  truffes  et  les  faire  macérer  avec 
un  peu  de  sel  pendant  dix  minutes  ;  les  éponger  ensuite  sur  un 
linge. 

«  Passer  au  tamis  trois  jaunes  d'oeufs  cuits,  les  mettre  dans 
une  terrine,  y  mêler  un  peu  de  moutarde  et  les  délayer  avec 
un  demi-verre  d'huile  la  plus  fine  et  un  peu  de  bon  vinaigre  àTes- 
tragon,  frotter  lefond  d'un  saladier  avec  une  gousse  d'ail,  et  ranger 
dans  celui-ci  les  truffes  et  les  artichauts  par  couches  alternées, 
en  les  assaisonnant  avec  sel  et  poivre  ainsi  qu'avec  une  partie  des 
œufs  délayés  avec  l'huile;  dix  minutes  après,  sauter  les  truffes  et 
les  artichauts  (dans  le  saladier)  afin  d'opérer  le  mélange  de  l'as- 
saisonnement. Cette  salade  est  digne  de  porter  un  grand  nom.  » 

Salade  de  truffes  noires  à  la  russe.  —  Peler  quelques  truffes 
noires,  les  mettre  dans  une  casserole  plate  avec  un  peu  de  madère, 
les  saler  et  les  faire  cuire  pendant  trois  ou  quatre  minutes,  les 
émincer,  les  déposer  aussitôt  dans  une  terrine,  les  assaisonner, 
les  arroser  avec  un  peu  d'huile,  les  couvrir  et  les  faire  macérer 
pendant  dix  minutes,  les  saupoudrer  ensuite  avec  une  pincée 
d'estragon,  de  ciboulettes  et  de  persil  haché,  les  lier  avec  trois 
ou  quatre  cuillerées  à  bouche  de  mayonnaise,  dresser  alors  la 
salade  sur  un  plat,  la  masquer  avec  une  couche  de  mayonnaise, 
finir  avec  une  cuillerée  de  moutarde  anglaise.  (Voyez  à  l'article 
Sauces  le  paragraphe  consacré  aux  truffes.) 

TRUITE.  —  Il  y  a  plusieurs  espèces  de  truites,  les  unes 
blanches,  les  autres  rosées  et  de  grandeur  différente. 


TRUITE.  io}9 


La  truite  est  le  poisson  qui  ressemble  le  plus  au  saumon; 
les  meilleures  truites  sont  celles  dont  la  substance  est  rougeàtre 
et  qu'on  appelle  à  cause  de  cela  truite  saumonnée  ;  quelques 
naturalistes  prétendent  que  ce  saumonnage  est  une  qualité  dont 
elles  se  dotent  elles-mêmes  en  mangeant  des  écrevdsses.  Les 
truites  les  plus  recherchées  à  Paris  sont  celles  de  la  Meuse  et  de 
la  Seine;  elles  ne  sont  jamais  d'un  très-gros  volume,  mais  leur 
chair  est  pourvue  d'une  saveur  parfaite  et  d'une  délicatesse 
infinie,  tandis  que  les  grosses  truites  du  lac  de  Genève  sont 
presque  toujours  sèches  et  coriaces.  -Ce  poisson  est  d'une  agilité, 
d'une  force  et  d'une  résolution  surprenantes;  il  remonte  non- 
seulement  les  torrents  les  plus  rapides,  mais  -il  s'élance  dans  les 
cascades  les  plus  élevées  et  remonte  ainsi  les  chutes  d'eau, 
jusque  sur  les  sommets  du  Mont-Blanc  et  du  grand  Saint-Ber- 
nard. Les  mouvements  qu'il  se  donne  contribuent  certainement  à 
rendre  ce  poisson  d'une  saveur  agréable  et  d'un  usage  très- 
salubre.  ^ 

Truite  à  la  montagnarde.  —  Quand  elle  sera  restée  une 
heure  dans  l'eau  salée,  faites-la  cuire  avec  une  bouteille  de  vin 
blanc,  trois  oignons,  bouquet,  clous  de  girofle,  deux  gousses  d'ail, 
laurier,  thym,  basilic  et  beurre  manié  de  farine;  faites  bouillir 
à  feu  vif;  ôtez  les  oignons  et  le  bouquet,  servez  la  truite  avec  sa 
sauce,  £t  jetez  dessus,  en  servant,  un  peu  de  persil  blanchi. 

Truite  au  court-bouillon.  —  Videz  une  truite,  lavez,' fice- 
lez-lui la  tête,  puis  faites-la  cuire  dans  une  poissonnière  avec  du 
vin  blanc,  des  oignons  coupés  par  tranches,  une  poignée  de 
persil,  quelques  clous  de  girofle,  trois  feuilles  ^de  laurier,  une 
branche  de  thym  et  du  sel;  quand  elle  aura  mijoté  pendant  une 
heure,  dressez-la  sur  une  serviette  et  sur  un  lit  de  persil  vert, 
mettez  à  côté  une  sauce  faite  avec  du  court-bouillon  lié  de  beurré 
et  de  farine  et  réduit. 

Truite  à  la  Chambord.  —  Commencez  par  vider,  échauder 
et  tremper  votre  truite  dans  l'eau  bouiHante,  enlevez-en  toutes 
les  peaux,  lavez-la  à  plusieurs  eaux,  laissez-la  égoutter,  piquez- 
la  avec  de  gros  clous  de  truffes,  faites  cuire  votre  truite  dans  une 
bonne  marinade  au  vin  ;  au  moment  de  servir  égouttez-la,  dres- 
sez-la sur  un  grand  plat  ovale,  garnissez-la  de  quatre  ris  de  veau 


I040  TRUITE. 


piqués  et  glacés  de  quatre  pigeons,  de  huit  écrevisses,  saucez 
d'une  financière. 

Truites  à  la  Saint-Florentin  (formule  de  l'ancien  hôtel  de  la 
Reynière).  —  Prenez  les  plus  belles  de  celles  que  vous  trouverez, 
écaillez  et  videz-les,  jetez  dans  le  corps  du  beurre  manié  avec 
sel,  poivre  et  fines  herbes;  mettez-les  dans  une  poissonnière  avec 
deux  ou  trois  bouteilles  de  vin  blanc,  pour  que  le  vin  dépasse 
d'un  bon  doigt  ;  ajoutez  sel,  poivre,  oignons,  clous,  muscade, 
bouquet,  croûtes  de  pain,  faites  cuire  à  feu  clair,  de  sorte  que  le 
vin  s'enflamme  comme  un  punch  ;  lorsque  la  flamme  commence 
à  diminuer  jetez-y  du  beurre  et  vannez  avant  que  de  servir. 

Truites  farcies.  —  Videz,  lavez,  égouttez  quatre  truites, 
remplissez  les  corps  de  farce  composée  de  quenelle  de  carpe,  de 
truffes  coupées  en  gros  dés,  de  champignons,  ficelez  les  têtes  de 
vos  truites,  faites-les  cuire  dans  un  court-bouillon  ;  leur  cuisson 
terminée,  mettez-les  refroidir  et  égoutter,  panez-les  deux  fois  à 
Fcyif,  et  au  moment  de  servir  fiiites-les  frire  et  servez  avec  sauce 
aux  tomates. 

Truites  aux  anchois.  —  Incisez  sur  le  côté  vos  truites  écail- 
lées et  vidées,  faites-les  mariner  avec  sel,  gros  poivre,  ail,  persil, 
ciboules,  champignons  hachés,  thym,  laurier,  basilic  en  poudre, 
huile  fine,  mettez-les  dans  une  tourbière  avec  une  marinade, 
panez  et  faites  cuire  au  four,  servez-les  avec  une  sauce  aux 
anchois. 

Sauté  de  filets  de  truites.  —  Levez  les  filets  de  cinq  à  six 
jeunes  truites,  coupez-les  en  petites  lames,  veillez  à  ce  que  tous 
soient  égaux,  parez  vos  morceaux,  enlevez-en  la  peau  du  côté  de 
récaille,  rangez-les  les  uns  à  côté  des  autres  dans  votre  sautoir, 
semez  dessus  du  persil  haché  et  bien  lavé,  du  sel,  du  gros  poivre, 
de  la  muscade  râpée;  vous  ferez  tiédir  un  morceau  de  beurre  que 
vous  verserez  sur  les  filets  au  moment  de  servir  ;  vous  mettez 
votre  sautoir  sur  un  feu  vif.  Lorsque  votre  sauté  est  roidi  d'un 
côté  vous  le  retournez  et  "ne  le  laissez  qu'un  instant  au  feu,  vous 
le  dressez  en  miroton  autour  du  plat  et  vous  placez  le  reste  dans 
le  milieu  ;  servez  avec  une  italienne. 

Truites  à  la  hussarde.  —  Dépouillez-les  et  mettez-les  dans 
le  corps  du  beurre  manié  de  fines  herbes,  assaisonnez  de  bon 


■] 


TURBOT.  1041 


goût,  faites  mariner  et  griller  ensuite,  et  servez-les  avec  une 
poivrade. 

Pâté  de  truites.  —  Lardez  vos  truites  d'anguilles  et  d'an- 
chois, dressez  le  pâté,  foncez-le  de  beurre  frais,  faites  un  godi* 
veau  de  chair  de  truite^  de  champignons,  de  truffes^  de  persil, 
de  ciboules,  de  beurre  frais  avec  fines  herbes,  épices,  sel  et 
poivre,  couvrez  de  beurre  frais,  faites  cuire,  dégraissez  et  servez 
avec  une  sauce  aux  écrevisses. 

TURBOT.  —  Juvénal  a  d'un  seul  coup  et  dans  la  même 
satire  illustré  l'empereur  Domitien  et  le  turbot  pour  lequel  il 
convoquait  le  Sénat;  une  grande  séance  eutlieu,  mais  la  chose  était 
si  importante  que  les  Pères  conscrits  se  séparèrent  sans  décider  à 
quelle  sauce  serait  mis  le  monstrueux  animal.  A  défaut  de  la 
décision  du  Sénat  romain,  nous  avons  celle  de  Vincent  de  la 
Chapelle,  vénérable  Père  conscrit  de  la  cuisine  française,  et 
d'après  ce  que  nous  savons  de  la  cuisine  antique,  nous  n'aurons 
pas  trop  à  regretter  que,  cette  fois  comme  tant  d'autres,  l'hono- 
rable assemblée  ait  fait  buisson  creux.  A  la  place  du  turbot  de 
Domitien,  qui  ne  se  retrouve  pas  tous  les  jours,  s'il  faut  en  croire 
la  description  de  Juvénal,  prenez  le  plus  beau  et  le  plus  grand 
turbot  sans  tache  que  vous  puissiez  trouver,  surtout  qu'il  soit 
très-épais,  très-blanc  et  très-frais;  fendez-le  jusqu'au  milieu  du 
dos,  plus  près  de  la  tête  que  de  la  queue,  et  de  la  longueur  de 
trois  à  quatre  pouces,  mais  plus  ou  moins,  selon  sa  grandeur; 
relevez-en  les  chairs  des  deux  côtés;  coupez -en  les  arêtes,  de  la 
longueur  de  l'ouverture  ;  supprimez-en  trois  ou  quatre  nœuds  ; 
arrêtez  la  tête  avec  une  aiguille  à  brider  et  de  la  ficelle  passée 
entre  l'arête  et  l'os  de  la  première  nageoire;  frottez  votre  turbot 
avec  du  jus  de  citron  ;  mettez-le  dans  une  turbotière  où  vous  le 
mouillerez  avec  une  bonne  eau  de  sel  et  une  ou  deux  pintes  de 
lait  ;  joignez  à  cela  deux  ou  trois  écorces  de  citrons  en  tranches, 
desquels  vous  aurez  ôté  la  chair  et  les  pépins  ;  faites-le  partir  sur 
un  feu  assez  vif,  si  vous  êtes  en  été,  car  le  menant  alors  à  un  feu 
trop  doux,  vous  risqueriez  de  le  voir  se  dissoudre  en  morceaux. 
Dès  que  votre  assaisonnement  commencera  à  frémir,  couvrez  le 
feu  et  laissez  cuire  votre  turbot  sans  le  faire  boiftllir  ;  couvrez-le 

d'un  papier  beurré  et  laissez-le  dans  son  assaisonnement  jusqu'au 

66 


1043  TURBOT. 


moment  de  le  servir  ;  un  demi-quart  d'heure  avant,  égouttez-le  ; 
arrangez  une  serviette  sur  le  plat,  garnissez-la  en  dessous  avec 
des  bottes  de  persil,  afin  que  votre  turbot  soit  posé  droit  et  que 
le  milieu  rebondisse  sûr  le  plat  ;  faites-le  glisser  dessus  ;  coupez 
très-également  avec  de  gros  ciseaux  celles  de  ses  barbes  qui 
pourraient  être  décharnées,  ainsi  que  le  bout  de  la  queue; 
mettez  autour  de  votre  turbot  du  persil  en  branche,  et  s'il  avait 
quelques  déchirures,  masquez-les  avec  du  persil;  servez  à  côté 
d'une  saucière  garnie  d'une  sauce  blanche,  avec  des  câpres,  et 
d'une  saucière  garnie  d'une  sauce  piquante  ou  au  coulis  gras, 
ou  au  |us  de  poisson,  ou  une  bonne  hollandaise. 

On  doit  ajouter  ce  qui  suit  à  cette  bonne  prescription  de 
Vincent  de  la  Chapelle  :  servez,  avec  un  relevé  de  turbot,  une 
sauce  hollandaise  ou  bien  une  sauce  aux  huîtres,  une  sauce  aux 
tomates  au  gras,  une  sauce  blanche  au  raifort  épicé,  et  de  préfé- 
rence à  toutes  les  autres,  une  sauce  au  beurre  de  homard  et  au 
hachis  de  ce  poisson. 

Turbot  à  l'anglaise.  —  Les  Anglais,  naturellement  grands 
mangeurs  de  poisson,  ont  pour  chaque  espèce  des  sauces  arrêtées 
d'avance  avec  lesquelles  ils  le  servent  invariablement. 

Ainsi,  avec  le  turbot  on  mange  généralement  une  sauce 
homard  ou  une  sauce  crevette;  avec  le  saumon  bouilli,  une 
sauce  au  persil,  souvent  accompagnée  d'une  salade  de  concom- 
bres; avec  le  cabillaud,  une  sauce  aux  huîtres  :  cette  sauce  est 
rigoureusement  exigée  par  les  gourmets  ;  avec  le  merlan,  une 
sauce  aux  œufs;  avec  les  maquereaux  bouillis,  une  sauce  au 
persil  ou  une  sauce  aux  groseilles  à  maquereau  ;  avec  les  pois* 
sons  frits,  merlans,  truites,  éperlans,  soles,  une  sauce  au  beurre 
d^anchois. 

Choisir  un  turbot  frais,  blanc,  épais,  le  vider  et  l'ébarber 
tout  autour  et  le  fendre  sur  le  côté  noir,  tout  le  long  de  l'arête 
principale  ;  le  déposer  alors  dans  un  grand  vase  d'eau  froide  pour 
le  faire  dégorger  pendant  une  heure,  Tégoutter,  lui  brider  la 
tête,  le  poser  sur  la  grille  d'une  turbotière  en  l'appuyant  sur  le 
côté  noir,  le  saupoudrer  avec  une  poignée  de  sel  et  le  mouiller  à 
couvert  avec  de  l'eau  froide  ;  poser  la  turbotière  sur  le  feu  vif, 
pour  faire  bouillir  le  liquide  ;  au  premier  bouillon  le  retirer  sur 


TURBOT.  1043 


le  côté  et  le  tenir  ainsi  pendant  quarante  à  cinquante  minutes 
au  même  degré,  sans  cependant  le  faire  bouillir. 

D'autre  part^  cuire  un  homard  à  l'eau  salée,  le  laisser 
refroidir,  en  retirer  les  chairs  de  la  queue  entière,  sans  endom- 
mager la  coquille,  couper  ces  chairs  en  tranches,  les  déposer 
dans  une  petite  casserole,  couper  les  parures,  ainsi  que  les 
chairs  des  pattes  en  petits  dés,  et  les  tenir  également  à  couvert: 
préparez  une  sauce  au  beurre  bien  lisse;  quand  elle  est  finie, 
lui  adjoindre  le  salpicon  de  homard  et  la  tenir  au  bain-marie. 
Au  moment  de  le  servir,  égoutter  le  turbot,  le  débrider  et  le 
^  glisser  sur  un  large  plat  dont  le  fond  est  couvert  avec  une 
planche  de  forme  ovale;  percez  deux  trous  et  masquez  avec  une 
serviette. 

Il  n'est  presque  pas  nécessaire  de  dire  que  la  surface 
blanche  du  turbot  doit  se  trouver  en  dessus.  Posez  le  homard 
cuit  sur  le  centre  du  turbot,  dressez  aussitôt  sur  la  coquille 
du  homard  les  chairs  de  la  queue  découpées  en  tranches,  et 
traversez  l'épaisseur  de  la  coquille  avec  un  hatelet  garni  de 
deux  écrevisses  et  une  truffe  ;  entourez  le  turbot  avec  des  feuilles 
de  persil,  envoyez  la  sauce  séparément. 

Kadg-iori  de  turbot,  —  Ce  mets,  d'origine  indienne,  se  sert 
aujourd'hui  communément  en  Angleterre,  qui  semble  être 
devenue  une  dépendance  indienne. 

Lever  les  filets  d'un  petit  turbot  cru,  les  couper  en  gros  dés, 
les  faire  revenir  avec  du  beurre  et  à  feu  vif  pendant  deux  minutes 
seulement,  les  assaisonner  et  retirer  la  casserole  du  feu  ;  hacher 
un  oignon,  le  faire  revenir  avec  du*beurre  sans  prendre  couleur, 
y  mêler  cinq  cents  grammes  de  riz  lavé  et  égoutté  pendant  une 
heure  sur  un  tamis  ;  quelques  secondes  après,  le  mouiller  trois 
fois  sa  hauteur,  avec  du  bouillon  de  poisson,  le  cuire  à  feu  vif 
pendant  dix  à  douze  minutes,  puis  retirer  la  casserole  et  la  tenir 
à  la  bouche  du  four  jusqu'à  ce  que  le  riz  soit  à  peu  près  sec,  lui 
mêler  alors  les  filets  de  turbot,  les  saupoudrer  d'une  pincée  de 
Cayenne,  verser  sur  eux  quelques  cuillerées  à  bouche  de  sauce, 
ainsi  que  trois  œufs  durs  hachés,  et  enfin  un  morceau  de  beurre 
divisé  eh  petites  parties  ;  le  dresser  aussitôt  sur  un  plat  creux, 
et  Tarroser  avec  du  beurre  cuit  à  la  noisette. 


I044  TURBOT. 


Pâté  chaud  de  turbot  à  la  danoise.  —  Prendre  un  petit 
turbot  frais  et  cru,  ou  simplement  une  moitié,  si  une  moitié 
suffit  au  nombre  des  convives;  détacher  les  chairs  de  l'arête  et 
les  couper  transversalement  en  filets  longs,  ayant  deux  ou  trois 
centimètres  d'épaisseur,  déposer  ces  filets  dans  une  terrine,  les 
assaisonner  avec  sel  et  épices,  cuire  cinq  à  six  œufs  durs,  les 
couper  en  quartiers,  les  assaisonner  de  sel  et  de  poivre,  les  sau- 
poudrer avec  du  persil  et  les  tenir  à  couvert. 

Tamiser  quatre  ou  cinq  cents  grammes  de  grosse  semoule, 
sans  y  laisser  aucune  partie  de  farine;  y  mêler  deux  jaunes 
d'œufs  Tun  après  l'autre  en  la  frottant  entre  les  mains,  l'étaler 
ensuite  sur  un  plafond  et  la  faire  sécher  à  l'étuve,  la  frotter 
encore  en  brisant  les  grumeaux,  et  la  cuire  à  l'eau  salée  en  la 
tenant  consistante  et  sèche  ;  hacher  séparément  deux  oignons 
blancs,  une  poignée  de  persil  vert,  huit  à  dix  champignons 
comestibles  frais;  faire  revenir  l'oignon  dans  une  casserole  avec 
du  beurre,  mais  sans  prendre  couleur,  lui  adjoindre  les  champi- 
gnons, les  faire  revenir  aussi  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  réduit  leur 
humidité;  saupoudrer  alors  les  fines  herbes  avec  une  cuillerée 
à  bouche  de  farine,  les  mouiller  avec  un  demi-verre  de  vin 
blanc,  ajouter  une  feuille  de  laurier,  et  tourner  la  sauce  jusqu'à 
l'ébuUition  pour  la  cuire  pendant  quelques  minutes;  lui  addi- 
tionner ensuite  le  persil  haché  et  les  filets  de  turbot,  couvrir  la 
casserole,  donner  deux  bouillons  à  la  sauce,  la  retirer  sur  le  côté 
du  feu,  la  tenant  ainsi  pendant  cinq  minutes,  laissant  refroidir  la 
sauce  et  le  poisson  tout  ensemble. 

Préparer  une  pâte  feuilletée  avec  cinq  cents  grammes  de 
bonne  farine  et  deux  cent  cinquante  grammes  de  beurre  ou  de 
graisse,  lui  donner  six  tours,  la  laisser  reposer,  en  retirer  le 
quart  et  abaisser  le  reste  avec  le  rouleau  dans  la  forme  d'un  carré 
long,  en  lui  donnant  de  trente  à  trente-cinq  centimètres  de 
largeur  et  le  double  de  longueur,  enrouler  la  pâte  autour  pour 
rétaler  sur  une  plaque  en  la  déroulant;  l'humecter  tout  autour, 
puis  étaler  sur  son  centre  une  couche  un  peu  épaisse  de  semoule 
cuite  et  refroidie,  en  lui  donnant  aussi  la  forme  d'un  carré  long, 
mais  beaucoup  plus  étroit  que  l'abaisse  ;  sur  cette  couche  ranger 
les  filets  de  poisson  en  les  entremêlant  avec  les  fines  herbes,  les 


TURBOT.  I04J 


œufs  durs,  ainsi  que  deux  douzaines  d'huîtres  blanchies  ;  mas- 
quez cet  appareil  en  dessus  et  sur  les  côtés  avec  le  restant  de  la 
semoule,  donnez  au  corps  du  pâté  une  forme  bombée  et  régu- 
lière; relever  aussitôt  la  pâte  des  côtés  sur  le  haut  pour  le 
masquer,  relever  également  la  pâte  sur  les  bouts  pour  les  replier 
sur  le  pâté  en  les  appuyant  et  en  les  soudant  ;  humecter  le  dessus 
de  la  pâte,  abaisser  le  feuilletage  tenu  en  réserve  en  forme  de 
carré  long,  le  poser  sur  le  pâté  de  façon  à  l'envelopper  presque 
entier,  dorer  la  surface  avec  des  œufs  battus,  faire  une  cheminée 
sur  le  centre  afin  de  donner  du  dégagement  à  la  vapeur;  puis 
avec  la  pointe  du  couteau  tracer  un  petit  dessin  sur  la  surface 
de  rabaisse,  pousser  le  pâté  au  four  modéré,  le  couvrir  avec  du 
papier  en  ficelant  celui-ci,  le  cuire  pendant  une  heure  un  quart. 

Dans  l'intervalle,  faire  blanchir  deux  douzaines  d'huitres 
avec  un  verre  de  vin  blanc;  avec  la  tète,  les  arêtes  de  poisson, 
du  vin  et  des  légumes,  préparer  la  valeur^d'un  litre  de  bouillon, 
et  avec  celui-ci,  ainsi  qu'avec  la  cuisson  des  huîtres,  marquer 
une  petite  sauce  blonde,  la  lier  avec  trois  jaunes  d'œufs,  la  finir 
avec  du  beurre,  persil  haché  et  jus  de  citron,  lui  additionner  les 
huîtres,  et  l'envoyer  en  même  temps  que  le  pâté. 

Turbot  à  la  crème  gratinée,  —  Faire  cuire  à  l'eau  salée  la 
moitié  d'un  turbot,  l'égoutter  de  sa  cuisson,  lui  enlever  ses 
arêtes  depuis  la  première  jusqu'à  la  dernière  et  le  côté  noir  de 
sa  peau;  diviser  les  chairs  en  portions  coupées  d'avance,  les 
ranger  l'une  à  côté  de  l'autre  sur  un  plat  creux,  les  saupoudrer 
avec  une  pincée  de  champignons  hachés  et  cuits,  les  masquer 
aussitôt  avec  quelques  cuillerées  à  bouche  de  bonne  béchamel, 
réduite  et  assaisonnée  ;  monter  l'appareil  en  dôme,  le  masquer 
aussi  en  dessus  avec  la  sauce,  le  saupoudrer  avec  de  la  mie 
de  pain,  l'arroser  avec  du  beurre  fondu,  enfin  le  pousser  au 
four  vif  pour  lui  faire  prendre  couleur  pendant  dix  à  douze 
minutes,  et,  en  sortant  le  plat  du  four,  le  poser  sur  un  autre 
plat.  N'oubliez  pas  une  bordure  de  purée  de  pommes  de  terre 
à  l'œuf. 

Turbot  à\  la  régence  (ancienne  formule  du  Palais-Royal). — 
Faites  cuire  dans  une  casserole  deux  ou  trois  livres  de  veau  en 
tranches,  bardées  de  lard  avec  sel  et  poivre,  persil  en  bouquet. 


1046  TURBOT. 


fines  herbes,  oignons  piqués  de  clous  de  girofle  et  deux  feuilles 
de  laurier;  faites  suer;  le  tout  étant  attaché,  mettez  du  beurre 
frais  avec  un  peu  de  farine.  Le  roux  fait,  mouillez  avec  du 
bouillon,  détachez  le  fond  avec  la  cuiller,  bardez  le  turbot, 
et  faites -le  cuire  avec  une  bouteille  de  vin  de  Champagne  ou 
autre  vin,  avec  le  jus  de  veau  et  le  veau  par-dessus;  étant 
cuit,  laissez -le  mitonner  sur  des  cendres  chaudes,  dressez-le; 
servez  tiessus  un  ragoût  d'écrevisses  et  liez  d'un  coulis  d'écre- 
visses. 

Turbot  matelote  normande. —  Fendez  par  le  dos  un  jeune 
turbot,  séparez  les  chairs  de  l'arête,  mettez  entre  la  chair  et 
l'arête  une  bonne  maître-d'hôtel  crue;  coupez  six  gros  oignons 
en  petits  dés,  ayez  un  plat  d'argent  de  la  grandeur  de  votre  tur- 
bot ,  mettez  des  oignons  par-dessus  avec  un  bon  morceau  de 
beurre  assaisonné  de  sel,  gros  poivre,  thym,  laurier  en  poudre, 
persil  haché  et  un  peu  de  muscade  râpée;  mettez  votre  tur- 
botin  sur  vos  oignons,  poudrez-le  de  sel,  ajoutez-y  du  citron 
et  un  peu  de  beurre  fondu,  mouillez  d'une  bouteille  de  bon 
cidre  mousseux,  mettez  votre  plat  sur  un  petit  fourneau  cou- 
vert d'un  four  de  campagne  à  feu  très-doux.  Arrosez  pendant  la 
cuisson. 

Turbot  gratiné  au  fromage  de  Parme,  —  Votre  turbot 
cuit  au  court-bouillon  et  refroidi,  enlevez-lui  les  peaux  et  les 
arêtes,  et  mettez-en  les  chairs  [dans  une  béchamel  maigre, 
faites  chauffer  le  tout  sans  le  faire  bouillir,  dressez  sur  un  plat 
qui  puisse  aller  au  feu,  saupoudrez-le  de  mie  de  pain  mélangée 
de  parmesan  râpé,  arrosez-le  avec  du  beurre  fondu,  posez-le  sur 
un  feu  doux,  et  faites-lui  prendre  couleur  sous  un  four  de 
campagne. 

Turbotins  sur  le  plat.  — Videz,  lavez,  égouttez  un,  deux  ou 
trois  turbotins  ;  fendez-leur  le  dos,  étendez  du  beurre  dans  le 
fond  d'un  plat,  saupoudrez-le  d'un  peu  de  sel  et  de  fines  herbes 
hachées;  posez  vos  turbotins  sur  le  plat,  panez-le  avec  de  la 
chapelure  de  pain  et  des  fines  herbes,  un  peu  de  sel  en  poudre 
et  d'épices  fines;  arrosez -les  légèrement  de  beurre  fondu; 
mettez  dessous  du  vin  blanc  en  suffisante  quantité;  faites -les 
partir  sur  un  fourneau,  mettez-les  sous  un  four  de  campagne  ou 


TURBOT.  1047 


dans  un  grand  four,  si  vous  en  avez  la  commodité;  assurez-vous 
de  leur  cuisson  en  posant  le  doigt  dessus  :  ils  seront  cuits  s'ils  ne 
vous  résistent  point;  servez-les  avec  leur  mouillement,  ou 
égouttez-les  et  servez-les  avec  une  italienne. 

Mayonnaise  ou  salade  de  turbot.  —  Parez,  coupez  en  rond 
les  filets  d'un  turbot  de  desserte,  mettez-les  dans  un  vase,  assai- 
sonnez-les de  sel, 'de  gros  poivre,  de  ravigote  hachée,  d'huile  et 
de  vinaigre  à  l'estragon,  dressez  vos  filets  en  couronne  sur  votre 
plat  avec  une  guirlande  d'œufs  durs ,  décorez  -  les  de  filets 
d'anchois,  de  cornichons,  de  feuilles  d'estragon,  de  truffes,  de 
betteraves  et  de  câpres  ;  mettez  de  jolis  croûtons  de  gelée  autour 
de  votre  plat  et  au  milieu  une  mayonnaise  ou,  pour  mieux  faire, 
une  sauce  verte. 

Filets  de  turbot  à  la  bigarade.  —  Levez  les  filets  d'un  tur- 
botin;  après  les  avoir  coupés  en  aiguillettes,  faites-les  mitonner 
avec  un  jus  de  citron,  sel,  gros  poivre,  un  peu  d'ail;  au  moment 
de  servir,  égouttez  sur  un  linge  blanc,  farinez-les,  faites-les 
frire  d'une  belle  couleur,  dressez-les  sur  un  plat,  et  servez-les 
sur  une  sauce  au  coulis  de  poisson  et  au  jus  d'oranges  amères. 


V 


VANILLE.  (Ëpidendrum  vanilla.)  —  Plante  ezoriquede  la 
famille  des  orchidées  ;  elle  croit  toujours  à  l'ombre,  soit  dans  des 
fentes  de  rochers,  soit  au  pied  des  grands  arbres  ;  l'arôme  de  la 
vanille,  d^une  finesse  extrême,  est  si  parfaitement  suave  que  l'on 
s'en  sert  pour  aromatiser  les  crèmes,  les  liqueurs  et  les  cho- 
colats. 

VANNEAU.  —  Oiseau  remarquable  par  la  beauté  de  son 
plumage  et  la  finesse  de  sa  chair.  Il  y  a  un  proverbe  qui  dit  : 
«  N'a  pas  mangé  un  bon  morceau  qui  n'a  mangé  ni  bécasse 
ni  vanneau.  »  Ses  œufs  sont  encore  plus  estimés  que  lui;  au 
mois  d^avril  et  de  mai  on  les  mange  ou  plutôt  on  les  gobe  par 
milliers  en  Belgique  ;  en  Pologne  on  en  fait  des  omelettes  d'un 
excellent  goût  ;  en  Hollande,  où  ces  oiseaux  sont  fort  communs, 
on  les  mange  à  toutes  les  sauces.  On  suppose  que  le  vanneau, 
vanellus  des  gourmands  de  l'ancienne  Rome,  n'était  pas  celui-là; 
et  que  le  vanellus  apicianus^  c'est-à-dire  le  vanneau  d'Apicius, 
était  le  pluvier  doré.  Dans  l'antiquité  comme  de  nos  jours,  lui  et 
ses  œufs,  au  reste,  étaient  fort  appréciés. 

VEAU.  —  Les  meilleurs  veaux  sont  ceux  de  Pontoise,  de 
Rouen,  de  Caen,  de  Montargis,  de  Picardie  ;  on  en  élève  aussi 
dans  les  environs  de  Paris  qui  ne  sont  point  à  dédaigner;  leur 
viande  se  mange  à  Paris  plus  succulente  qu'en  aucun  lieu.  Un  soin 
tout  particulier  'donné  à  l'éducation  de  ceux  qu'on  destine  à  la 
consommation  est  la  première  cause  de  cette  supériorité;  une 


VEAU.  1049 

seconde  cause  est  l'observation  stricte  des  règlements  qui  défen- 
dent de  mettre  à  mort  ces  innocentes  créatures  avant  Tâge  de  six 
semaines  ;  aussi  un  veau  de  Pontoise  est-il  à  cet  âge  le  plus  déli- 
cieux rôti  que  la  boucherie  puisse  offrir  ;  le  morceau  du  rognon 
et  celui  diaprés  sont  les  plus  recherchés  sous  cette  forme.  Une 
grave  discussion  s'est  engagée  entre  les  amateurs  pour  savoir 
lequel  de  ces  deux  morceaux  est  le  meilleur  :  il  y  a  un  moyen  de 
tout  concilier  ,  c'est  de  servir  dans  son  entier  la  longe  qui  les 
réunit  tous  les  deux  ;  seulement  il  faut  une  table  nombreuse  pour 
la  fêter  convenablement,  car  lorsqu'elle*  est  belle  elle  ne  pèse 
guère  moins  de  douze  à  quinze  livres. 

Tête  de  veau  au  naturel.  —  Choisissez- la  bien  blanche,  ôtez 
les  deux  côtés  de  la  mâchoire  inférieure,  désossez  aussi  le  bout 
du  mufle  jusque  auprès  des  yeux,  en  relevant  la  peau  sans  l'en- 
dommager; coupez  le  museau  sans  blesser  la  langue;  mettez 
dégorger  cette  tète  à  grande  eau,  faites-la  blanchir,  épluchez- 
la,  frottez-la  avec  un  citron;  cela  fait,  mettez-la  dans  un 
blanc,  après  l'avoir  enfermée  dans  un  torchon  dont  vous 
aurez  attaché  les  quatre  bouts  ;  fkites-la  partir,  laissez-la  cuire 
deux  ou  trois  heures,  retirez-la,  et  après  l'avoir  développée 
laissez-la  égoutter,  découvrez  la  cervelle  en  levant  la  calotte, 
parez-la,  dressez-la  et  servez-la  avec  une  sauce  au  pauvre 
homme,  ou  toute  autre  sauce  piquante,  poivrade  ou  ravigote. 

Tête  de  veau  farcie.  —  Ayez  une  tête  de  veau  échaudée, 
bien  blanche,  dressez-la  en  laissant  tenir  les  yeux  à  la  peau  et 
prenant  garde  de  la  percer  avec  le  couteau  ;  mettez-la  dégorger, 
ainsi  que  la  langue  dont  vous  aurez  supprimé  le  gosier  ;  faites 
une  farce  avec  une  livre  de  veau  et  une  livre  et  demie  de  graisse 
de  rognons  de  bœuf;  hachez  ces  deux  objets  séparément;  pilez 
le  veau;  cette  opération  faite,  joignez-y  votre  graisse  et  pilez  le 
tout  ensemble  de  manière  qu'il  ne  puisse  être  distingué;  joi- 
gnez à  cela  la  mie  d'un  pain  à  potage  que  vous  aurez  trempée 
dans  la  crème  et  ensuite  desséchée  par  des  fines  herbes  hachées 
et  passées  dans  le  beurre,  telles  que  champignons,  persil  et 
ciboules,  que  vous  laisserez  refroidir  pour  incorporer  avec  votre 
farce;  assaisonnez-la  de  sel,  épices  fines  et  poivre;  pilez  le  tout 
ensemble,  mouillez  cette  farce  avec  peu  d'eau  à  la  fois  ;  ajoutez 


io$o  VEAU. 

trois  ou  quatre  œufs,  l'un  après  l'autre;  si  elle  se  trouvait  trop 
ferme  pour  l'étendre  sur  la  tête  de  veau,  mettez-y  un  peu  d'eau. 
Cette  farce  finie,  égouttez  cette  tête,  essuyez- la,  flambez -la 
si  elle  en  a  besoin;  ensuite  mettez-la  sur  un  linge,  étendez 
sur  ces  chairs  l'épaisseur  de  deux  doigts  de  farce;  cela  fait, 
mettez  sur  cette  farce  un  salpicon  froid,  dont  vous  aurez  coupé 
les  dés  un  peu  plus  gros  que  pour  les  croquettes;  remettez  la 
langue  après  Tavoir  fait  blanchir;  àtez  la  peau  qui  l'enveloppe 
à  la  position  où  elle  était  quand  la  tête  était  entière  ;  recouvrez 
votre  salpicon  avec  la  fkrce,  ayant  soin  de  donner  à  cette  tète  sa 
première  forme;  couvrez-la,  et  du  côté  du  collet  enveloppez-la 
de  bardes  de  lard  ou  d'une  toilette  de  veau  (ce  qui  vaut  mieux), 
afin  que  la  farce  n'en  sorte  pas  ;  roulez-la  dans  une  serviette  ou 
étamine,  ayant  soin  de  lui  coucher  les  oreilles;  ficelez-la  par- 
dessus la  serviette,  toujours  en  ménageant  sa  forme  ;  foncez  une 
marmite  avec  quelques  débris  de  viande  de  boucherie;  mettez-y 
sel,  oignons,  carottes,  deux  feuilles  de  laurier,  deux  gousses  d'ail, 
deux  clous  de  girofle,  une  bouteille  et  demie  de  vin  blanc  de 
bonne  qualité,  quelques  fonds  de  braise  ou  de  bon  bouillon  ; 
laissez-la  cuire  deux  ou  trois  heures,  surtout  qu'elle  n'arrête 
pas.  Quand  elle  sera  cuite,  égouttez-la  sur  un  couvercle  et  servez 
avec  le  ragoût  ci -après  : 

Mettez  dans  une  casserole  deux  cuillerées  à  pot  d'espa- 
gnole et  un  demi-setier  de  vin  blanc;  faites  réduire  le  tout; 
ajoutez-y  six  ou  huit  grosses  quenelles  de  la  farce  énoncée  plus 
haut,  et  que  vous  aurez  fait  pocher  dans  du  bouillon;  joignez-y 
des  champignons  tournés,  des  fonds  d'artichauts,  quelques  tran- 
ches de  gorges  de  ris  de  veau  ;  faites  mijoter  le  tout,  dégraissez-le  ; 
déballez  votre  tête,  dressez-la  sur  le  plat  ;  mettez  ce  ragoilt  autour, 
garnissez-le  d'écrevisses,  de  ris  de  veau  piqués  et  glacés,  ainsi 
que  de  truffes,  et  servez. 

Tête  de  veau  en  tortue*  —  Ayez  une  tête  de  veau  échaudée, 
désossez-la  comme  la  précédente  ;  mettez-la  dégorger,  faites-la 
blanchir,  ainsi  que  la  langue  ;  coupez-la  en  deux  ;  flambez-la, 
frottez-la  de  citron  ;  mettez-la  cuire  dans  un  blanc,  comme  celle 
à  la  bourgeoise  ;  lorsqu'elle  sera  cuite,  coupez-la  proprement  en 
douze  morceaux;  égouttez  et  dressez  ces  morceaux  sur  un  plat; 


VEAU,  lo^i 

placez-y  la  langue  que  vous  aurez  panée  à  l'anglaise  et  fait 
grillei:  d'une  belle  couleur;  joignez-y  la  cervelle  que  vous  aurez 
divisée  en  cinq  ou  six  parties,  fait  cuire  dans  une  marinade, 
mise  dans  une  pâte  et  fait  frire  ;  saucez  les  morceaux  de  la  tète 
de  veau  avec  le  ragoût  en  tortue  ;  garnissez-les  de  six  œufs  frais 
pochés,  d'une  douzaine  de  belles  truffes,  d'autant  d'écrevisses, 
de  quelques  ris  de  veau  piqués,  et  servez. 

Oreilles  de  veau  farcies,  —  Ayez  des  oreilles,  flambez-les, 
mettez-les  cuire  dans  un  blanc  (voyez  Blanc^  à  son  article);  lorsque 
ces  oreilles  seront  cuites,  tirez-les  de  leur  blanc,  laissez-les 
refroidir,  remplissez-les  de  farce  cuite  (voyez  Farce  cuite^  à  son 
article);  unissez  cette  farce  avec  la  lame  de  votre  couteau  ;  cassez 
quelques  œufs  comme  pour  une  omelette,  trempez-y  vos  oreilles, 
panez-les,  retrempez-les  une  seconde  fois  dans  les  œufs,  et  panez-- 
les  de  nouveau  ;  mettez-les  sur  un  couvercle,  couvrez-les  du 
reste  de  votre  mie  de  pain  ;  un  peu  avant  de  servir,  retirez-les, 
faites-les  frire  :  observez  que  votre  friture  ne  soit  pas  trop 
chaude,  afin  que  ces  oreilles  ne  prennent  pas  trop  de  couleur  et 
que  votre  farce  ait  le  temps  de  cuire;  retirez-les,  dressez -les  sur 
un  plat,  la  pointe  en  haut;  mettez  dessus  une  pincée  de  persil 
frit,  et  servez. 

Oreilles  de  veau  en  marinade,  —  Faites  cuire  cinq  oreilles 
de  veau  dans  un  blanc,  comme  vous  l'avez  fait  ci-dessus;  lorsqu'elles 
seront  cuites,  coupez-les  dans  leur  longueur  en  quatre  morceaux, 
faites-les  mariner  avec  vinaigre,  sel  et  gros  poivre  ;  égouttez-les 
et  trempez-les  dans  une  pâte  à  frire  qui  soit  très-légère  (voyez 
Pâte  àfrirCj  à  son  article)  ;  couchez  les  morceaux  les  uns  après 
les  autres  dans  la  friture  avec  assez  de  vivacité  pour  qu'ils  soient 
frits  également;  retournez-les  avec  une  écumoire,  menez-les  à  un 
feu  vif;  lorsque  votre  friture  sera  d'une  belle  couleur  et  sèche, 
retirez-la,  égouttez-la  sur  un  linge  blanc,  dressez-la  sur  le  plat, 
et  couronnez-la  avec  du  persil  frit. 

Oreilles  de  veau  à  la  ravigote.  —  Préparez  ces  oreilles 
comme  les  précédentes  ;  ayez  attention  qu'elles  soient  bien  blan- 
ches; au  moment  de  servir,  coupez-en  les  pointes  et  ciselez- en  les 
cartilages,  égouttez-les,  servez-les  sur  une  ravigote  froide  ou 
chaude. 


lo^a  VEAU. 

Tête  de  veau  à  la  manière  du  Puits  certain.  —  Désossez  une 
tète  de  veau  bien  échaudée  et  laissez-lui  les  yeux  et  la  cervelle  ; 
faites  bien  dégorger  le  tout,  puis  mettez  cette  tète  désossée  dans 
de  Teau  froide  ;  faites-lui  faire  un  bouillon  seulement  et  mettez- 
la  à  rafraîchir  ;  coupez  alors  toute  la  chair  en  morceaux  ronds  de 
la  grandeur  d'une  pièce  de  cinq  francs,  à  l'exception  des  oreilles 
et  de  la  langue,  qui  doivent  rester  entières;  frottez  tous  ces  mor- 
ceaux avec  du  citron,  et  faites  cuire  dans  un  blanc  ainsi  que  la 
carcasse  que  vous  aurez  enveloppée  dans  un  linge.  La  carcasse  et 
la  langue  étant  bien  égouttées,  vous  ouvrirez  la  tête,  nettoierez 
la  cervelle  et  farcirez  l'intérieur  avec  des  ris  de  veau,  des  cham- 
pignons et  des  truffes  coupés  en  petits  dés,  et  des  quenelles  de 
veau.  Arrangez  cette  farce  de  manière  que  le  tout  ait  la 
forme  d'une  tête  de  veau  entière;  enveloppez-la  d'une  crépinette 
de  coichon  pour  qu'elle  ne  se  déforme  pas,  et  faites-la  cuire  au 
four  ;  dressez  cette  farce  sur  un  plat  ovale,  placez  les  oreilles  de 
chaque  côté,  les  morceaux  coupés  en  rond  tout  autour;  versez 
sur  le  tout  une  sauce  financière,  et  placez  de  belles  écrevisses 
autour  du  plat. 

Tête  de  veau  à  la  Destilière.  (Formule  de  M.  de  la  Reynîère.) 
—  Prenez  une  tête  de  veau  bien  blanche  :  vous  la  désossez  tout 
entière,  vous  la  mettez  dégorger  comme  la  précédente,  vous  la 
faites  blanchir  de  même;  vous  retirez  la  cervelle,  vous  la  faites 
dégorger,  vous  enlevez  les  fibres  et  la  première  peau  qqî  la 
couvre,  vous  la  faîtes  blanchir  dans  de  l'eau  bouillante  et  un 
filet  de  vinaigre;  après,  vous  avez  un  petit  blanc  dans  lequel 
vous  la  faites  cuire  :  trois  quarts  d'heure  de  cuisson  suffisent  ; 
votre  tête  de  veau  étant  bien  refroidie,  vous  la  sortez  de  l'eau, 
vous  l'essuyez  bien,  vous  la  flambez  comme  la  précédente,  vous 
la  coupez  par  morceaux,  vous  laissez  les  yeux  entiers  et  les 
oreilles  de  même,  vous  ficelez  ces  morceaux  et  les  faites  cuire 
comme  précédemment  ;  quand  votre  tête  est  cuite,  au  moment 
de  la  servir,  vous  la  sortez  du  blanc,  vous  l'égouttez  et  la  défi- 
celez, vous  dressez  vos  morceaux  sur  le  plat,  vous  séparez  la 
cervelle  et  vous  la  mettez  aux  deux  extrémités  ;  vous  détachez  la 
langue,  vous  la  coupez  en  petits  carrés  gros  comme  des  dés  i 
jouer,  et  vous  la  mettez  dans  la  sauce;  vous  prendrez  presque 


VEAU, 


IOJ3 


plein  une  cuiller  à  pot  d'espagnole,  dans  laquelle  vous  mettrez 
une  demi-bouteille  de  vin  de  Chablis,  six  gousses  de  petit 
piment  enragé,  écrasé,  six  cuillerées  à  dégraisser  de  consommé  ; 
vous  ferez  réduire  cette  sauce  à  moitié  ;  quand  elle  sera  réduite, 
vous  y  mettrez  des  cornichons  tournés  en  petits  bâtons,  votre 
langue  en  dés  et  des  champignons,  vous  verserez  ce  composé  sur 
la  tète. 

Tête  de  veau  à  la  poulette.  —  Vous  coupez  par  morceaux 
une  tête  de  veau,  que  vous  Élites  cuire  comme  d'habitude,  vous 
mettez  un  morceau  de  beurre  dans  une  casserole,  vous  passez 
des  fines  herbes  dans  le  beurre,  vous  y  mettez  un  peu  de  ifiairine, 
vous  mouillez  avecMu  bouillon,  vous  salez]et  poivrez,  vous  faites 
bouillir  environ  pendant  un  quart  d'heure,  vous  jetez  les  mor- 
ceaux de  tète  dedans,  vous  les  faites  mijoter  afin  qu'ils  soient 
chauds  ;  au  moment  de  servir  vous  mêlez  une  liaison  de  deux  ou 
trois  jaunes  d'œufs,  selon  que  votre  ragoût  sera  fort;  seulement,  à 
partir  de  ce  moment,  vous  tournerez  votre  ragoût,  ne  le  laissant 
pas  bouillir  avec  votre  liaison,  attendu  qu'au  premier  bouillon 
qu'il  jetterait  la  sauce  tournerait;  au  moment  de  servir,  mèlez-y 
un  jus  de  citron  ou  un  filet  de  vinaigre. 

Tête  de  veau  à  la  Sainte-Ménehould,  —  Prenez  un  morceau 
de  beurre,  une  demi-cuillerée  de  farine,  sel,  gros  poivre,  jus  de 
citron  ou  du  vinaigre,  délayez  le  tout  ensemble,  ajoutez  un  peu 
de  bouillon,  faites  lier  la  sauce  épaisse,  couvrez-en  des  morceaux 
de  tète  préalablement  cuits,  panez-les  avec  de  la  mie  de  pain, 
dorez  les  morceaux  avec  du  beurre,  panez-les  une  seconde  fois, 
mettez-les  sous  un  four  de  campagne  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  pris 
une  belle  couleur,  et  servez. 

Tête  de  veau  frite.  —  Faites  mariner^  trempez  dans  de  la 
pâte  et  faites  frire  des  morceaux  de  tète  de  veau  cuite  ;  que  la 
friture  soit  modérément  chaude. 

Longe  de  veau  rôtie.  —  Roulez  le  flanchet,  assujettissez-le 
de  petits  hatelets  afin  que  la  longe  soit  bien  carrée  et  qu'elle  n'ait 
pas  l'air  plus  épaisse  d'un  côté  que  de  l'autre  ;  pour  réussir  à  cela, 
supprimez  une  partie  des  os  de  l'échiné  qui  a  voisine  le  rognon, 
cela  fait,  couchez  sur  le  feu  votre  longe,  c'est-à-dire  embrochez- 
la  et  assujettissez-la  avec  un  grand  hatelet,  que  vous  attacherez 


1054 


VEAU. 


fortement  des  deux  bouts  sur  la  broche  ;  il  faut  deux  heures  et 
demie  ou  trois  heures  pour  la  cuire  ;  cela  dépend  de  la  quantité 
de  feu  et  de  l'épaisseur  de  la  pièce. 

Ragoût  de  veau  à  la  ménagère.  —  Mettez  un  morceau  de 
beurre  dans  une  casserole,  faites-le  fondre,  mettez  deux  cuille- 
rées de  farine  que  vous  faites  roussir,  mettez-y  votre  morceau  de 
veau  que  vous  remuerez  avec  le  roux  jusqu'à  ce  qu'il  soit  ferme, 
ayez  de  l'eau  chaude  ou  du  bouillon  que  vous  verserez  sur  le 
ragoût,  que  vous  remuerez  jusqu'à  ce  qu'il  bouille;  mettez-y  du 
sel,  du  poivre,  une  feuille  de  laurier,  un  peu  de  thym,  laissez 
bouillir  une  heure,  puis  mettez-y  trois  oignons,  champignons, 
carottes  ou  morilles. 

Tête  de  veau  farcie  (Ancienne  recette  du  dispensaire  de 
Versailles,  par  Ch.  Sanguin;  manuscrit  de  la  bibliothèque  du 
roi).  —  Enlevez  la  peau  de  dessus  une  tête  de  veau  bien  blanche 
et  bien  échaudée,  et  prenez  garde  de  la  couper;  vous  désossez 
ensuite  la  tête  pour  en  prendre  la  cervelle,  la  langue,  les  yeux 
et  les  bajoues;  faites  une  farce  avec  la  cervelle,  de  la  rouelle  de 
veau,  de  la  graisse  de  bœuf,  le  tout  haché  bien  fin;  assaisonnez 
avec  du  sel,  gros  poivre,  persil,  ciboule  hachés,  une  demi- 
feuille  de  laurier,  thym  et  basilic  hachés  comme  en  poudre; 
mettez-y  deux  cuillerées  à  bouche  d'eau-de-vie  ;  liez  cette  farce 
avec  trois  jaunes  d'oeufs  et  les  trois  blancs  fouettés  ;  prenez  la 
langue,  les  yeux,  dont  vous  ôtez  tout  le  noir,  les  bajoues;  éplu- 
chez le  tout  proprement  après  l'avoir  fait  blanchir  à  l'eau  bouil- 
lante ;  coupez-le  en  filets  ou  en  gros  dés,  et  le  mêlez  dans  votre 
farce  ;  mettez  la  peau  de  la  tête  de  veau  sans  être  blanchie  dans 
une  casserole^  les  oreilles  en  dessus,  et  la  remplissez  avec  votre 
farce  ;  ensuite  vous  la  cousez  en  la  plissant  comme  une  bourse  ; 
ficelez-la  tout  autour  en  lui  redonnant  sa  forme  naturelle; 
mettez-la  cuire  dans  un  vaisseau  juste  à  sa  hauteur  avec  un 
demi-setier  de  vin  blanc,  deux  fois  autant  de  bouillon,  un  bou- 
quet de  persil,  ciboule,  une  gousse  d'ail,  trois  clous  de  girofle, 
oignons,  sel,  poivre;  faites-la  cuire  à  petit  feu  pendant  trois 
heures;  lorsqu'elle  est  cuite,  mettez-la  égoutter  de  sa  graisse  et 
ressuyez  bien  avec  un  linge;  après  avoir  ôté  la  ficelle,  passez 
une  partie  de  sa  cuisson  au  travers  d'un  tamis,  ajoutez-y  un  peu 


• 
VEAU. 


ïoss 


de  sauce  espagnole  et  y  mettez  un  filet  de  vinaigre  ;  faites-la 
réduire  sur  le  feu  au  point  d'une  sauce;  servez  sur  la  tête  de 
veau. 

Si  vous  vouliez  vous  servir  de  cette  tête  de  veau  pour  entrée 
froide,  il  faudrait  mettre  dans  la  cuisson  un  peu  plus  de  vin 
blanc,  sel,  poivre,  et  moins  de  bouillon  ;  laissez-la  refroidir  dans 
sa  cuisson,  et  servez  sur  une  serviette  avec  gelée  de  viande. 

Noix  de  veau  à  la  bourgeoise  (d'après  l'excellente  recette 
de  Vincent  de  la  Chapelle,  reproduite  par  M.  Beauvilliers).  — 
Prenez  une  noix  de  veau,  celle  d'un  veau  femelle  s'il  vous  est 
possible  ;  conservez  la  panoufle  dans  tout  son  entier,  mettez-la 
entre  deux  linges  blancs,  battez-la  avec  le  plat  du  couperet; 
cela  fait,  lardez-la  dans  l'épaisseur  des  chairs  et  dans  toute  leur 
longueur,  sans  endommager  la  panoufle.  Assaisonnez  vos  lardons 
comme  je  l'ai  indiqué  à  Noix  de  bœuf  et  culotte  de  bœuf  à  Vécar^ 
late;  foncez  une  casserole  de  quelques  parures  ou  débris  de 
veau,  posez  votre  noix  dessus;  mettez  deux  ou  trois  oignons 
autour,  quelques  carottes  tournées,  un  bouquet  de  persil  et 
ciboules;  mouillez-la  avec  un  bon  verre  de  consommé  ou  de 
bouillon  ;  couvrez-kj^^mettez-la  sur  la  paillasse,  avec  feu  dessous 
et  dessus  ;  laissez-la  cuire  près  d'une  heure  et  demie  ou  deux 
heures  ;  le  temps  de  sa  cuisson  dépend  et  de  sa  qualité  et  de  sa 
grosseur.  Sa  cuisson  terminée,  égouttez-la,  passez  son  fond, 
faites-le  réduire  à  glace  ;  détachez  bien  le  tout,  dégraissez-le, 
finissez-le  avec  la  moitié  d'un  pain  de  beurre,  et  saucez. 

Si  vous  n'aviez  point  d'espagnole,  vous  feriez  un  petit  roux, 
vous  le  mettriez,  votre  noix  étant  glacée,  dans  le  reste  de  sa 
glace;  mêlez  bien  le  tout,  mouillez-le  avec  un  quart  de  verre  de 
vin  blanc  et  un  verre  de  bouillon,  faites-le  réduire,  dégraissez  et 
finissez-le  comme  ci-dessus. 

Cette  noix  peut  se  servir  sur  de  la  chicorée,  de  l'oseille,  des 
épinards,  de  la  purée  d'oignons,  sur  des  petites  racines  tournées 
et  des  montants  de  cardes. 

Cervelles  de  veau  en  friture,  —  Pelez  les  cervelles  et  faites- 
les  dégorger  dans  Teau  fraîche  ;  faites-les  blanchir  ensuite  trois 
ou  quatre  minutes  dans  de  Teau  bouillante  ;  vous  aurez  d'abord 
mis  un  peu  de  sel  et  un  filet  de  vinaigre;  écumez-les,  après 


t 


1056  VEAU. 


quoi  vous  les  égoutterez  et  les  mettrez  de  nouveau  dans  de  Teau 
fraîche,  et  marinez-les  au  vinaigre;  quand  vous  voudrez  les 
employer,  trempez-les  dans  une  pâte  à  frire. 

Coquilles  de  cervelle  au  naturel.  —  Blanchissez  toujours  vos 
cervelles  de  la  même  manière,  assaisonnez-les  ensuite  avec  du  sel 
et  du  poivre,  mèlez-y  une  échalote,  des  truffes  et  du  persil 
hachés  ensemble  ;  faites  sauter  le  tout  un  moment  pour  répandre 
l'assaisonnement,  arrosez  avec  de  l'huile  ou  bien  mettez-y  un 
peu  de  lard  râpé  ou  de  beurre;  ajoutez  un  peu  de  jus  de  citron, 
après  quoi  vous  remplirez  les  coquilles  frottées  à  l'intérieur  avec 
du  beurre  et  un  peu  d'anchois  ;  mettez  dessus  de  la  ràpure  de 
pain  et  faites  griller  à  l'ordinaire. 

Foie  de  veau  à  la  poêle.  —  Ayez  un  foie  de  veau  bien  blond, 
c'est-à-dire  bien  gras;  émincez-le  par  petites  lames  de  l'épais- 
seur d'une  pièce  de  cinq  francs  ;  mettez  dans  une  poêle  un  mor- 
ceau de  beurre  en  raison  du  volume  de  foie  que  vous  préparez; 
posez  cette  poêle  sur  un  bon  feu  et  remuez-la  souvent.  Lorsque 
votre  foie  sera  roide,  singez-le  d'une  pincée  de  farine  ;  remuez-le 
de  nouveau,  pour  que  la  farine  ait  le  temps  de  cuire.  Cela  fait, 
saupoudrez-le  d'un  peu  de  persil  et  de  ciboules  ou  échalotes 
hachées  ;  assaisonnez-le  de  sel  et  de  poivre  ;  mouillez-le  avec  une 
demi-bouteille  de  vin  rouge  ;  remuez  le  tout  sur  le  feu  sans  le 
laisser  bouillir,  de  crainte  de  faire  durcir  votre  foie.  Si  la  sauce 
était  trop  courte,  allongez-la  avec  un  peu  de  bouillon,  et  finissez 
si  vous  le  voulez,  avec  un  filet  de  vinaigre  ou  de  verjus,  et  seryez. 

Foie  de  veau  à  la  bourgeoise  ou  à  Vestouffade.  —  Ayez  un 
foie  de  veau  comme  il  est  indiqué  ci-dessus;  lardez-le  de  gros 
lardons  en  trayers,  lesquels  auront  été  assaisonnés  de  stl^  poivre, 
épices  fines,  basilic  et  thym  mis  en  poudre,  persil  et  ciboules 
hachés.  Votre  foie  étant  bien  lardé,  mettez-le  dans  une  casserole 
foncée  de  bardes  de  lard,  avec  oignons,  carottes,  deux  clous  de 
girofle,  une  feuille  de  laurier,  une  gousse  d'ail,  quelques  débris 
de  veau  et  une  demi-bouteille  de  vin  blanc;  achevez  de  le 
mouiller  avec  du  bouillon,  faites-le  partir,  écumez-le,  couvrez-le 
de  bardes  de  lard  et  d'un  rond  de  papier;  mettez  dessus  un  cou- 
vercle et  lutez-le;  cela  fait,  mettez-le  environ  cinq  quarts 
d'heure  sur  une  paillasse,  avec  feu  dessus  et  dessous.  Lorsqu'il 


i 


VEAU. 


1057 


sera  cuit,  passez  dans  nne  casserole  au  tamis  de  soie  une  partie 
de  son  mouillement;  mettez  ce  mouillement  sur  le  feu  avec  un 
pain  de  beurre  manié  dans  de  la  farine  pour  lier  votre  sauce  ; 
faites  réduire,  ajoutez-y,  si  vous  le  voulez,  un  peu  de  beurre 
d^anchois,  sassez,  masquez-en  votre  foie,  et  servez. 

Foie  de  veau  à  la  broche. —  Choisissez  un  beau  foie  blond, 
lardez-le  en  dessous  de  gros  lard,  que  vous  aurez  assaisonné 
comme  ceux  de  foie  à  TestoufFade;  piquez-le  comme  le  filet  de 
bœuf  (Voy.  Filet  de  bœuf  piqué  à  son  article),  mettez-le  ensuite 
sur  un  plat  de  terre  avec  quelques  branches  de  persil  et  des 
ciboules  coupées  en  trois  ou  quatre,  deux  feuilles  de  laurier  et 
un  peu  de  thym;  saupoudrez  d'un  peu  de  sel,  arrosez-le  avec 
de  l'huile  d'olive  et  laissez-le  mariner  ainsi.  Lorsque  vous  vou- 
drez le  mettre  à  la  broche,  passez-y  quatre  ou  cinq  petits  hatelets 
en  travers  et  un  grand  dans  sa  longueur,  que  vous  fixerez  sur  la 
broche,  en  l'attachant  assez  fortement  des  deux  bouts  pour  qu'il 
ne  puisse  tourner  sur  lui-même  ;  enveloppez-le  de  papier  beurré 
que  vous  attacherez  de  même  sur  la  broche  ;  arrosez-le  ;  faites- 
le  cuire  environ  cinq  quarts  d'heure  :  sa  cuisson  dépend  de  sa 
grosseur  et  du  plus  ou  moins  de  feu  que  vous  ferez  ;  déballez-le, 
et,  après  l'avoir  glacé,  servez-le  avec  une  bonne  poivrade  dessus. 
(V.  Poivrade  à  son  article.) 

J'ai  déjà  dit  qu'avec  toutes  les  précautions  voulues,  le  foie 
de  veau  tournait  toujours  dans  sa  broche,  attendu  qu'il  n'a  pas 
de  corps.  Le  moyen  infaillible  de  le  faire  tenir  jusqu'à  cuisson, 
c'était  de  faire  rougir  la  broche  au  milieu,  enfiler  le  foie,  et, 
saisi,  il  se  tient  très-bien.  (V.) 

Langues  de  veau  à  la  sauce  piquante.  —  Ces  langues  s'ac- 
commodent comme  celles  de  bœuf.  (Voyez  article  Langues  de 
bœuf.) 

Pieds  de  veau.  —  Les  pieds  de  veau  se  font  cuire  comme  la 
tête  et  se  mangent  au  naturel,  en  marinade,  à  la  ravigote.  Ils 
sont  ennemis  de  toutes  sauces  fades. 

Cervelles  de  veau  à  V allemande.  —  Ayez  trois  cervelles  de 
veau  bien  levées,  c'est-à-dire  sans  être  endommagées  ;  mettez-les 
dans  une  casserole  avec  de  l'eau  en  suffisante  quantité;  de  suite 
ôtez-en  toutes  les  fibres,  ainsi  qu'au  cervelet.  Cela  fait,  changez- 

67 


I 


ioj8  VEAU. 

les  d'eau,  laissez-les  dégorger;  repassez-les  pour  en  ôter  les 
fibres,  s*il  en  est  resté;  faites-les  blanchir  environ  un  quart 
d'heure  de  la  manière  suivante  :  faites  bouillir  de  Teau  avec  une 
pincée  de  sel  blanc,  un  verre  de  vinaigre  blanc;  mettez-y  vos 
cervelles,  retirez-les  après  qu'elles  sont  blanchies,  égouttez-les, 
mettez-les  dans  une  casserole  que  vous  aurez  foncée  de  lard, 
mouillez -les  avec  un  verre  de  vin  blanc,  deux  fois  autant 
de  consommé,  afin  qu'elles  trempent;  joignez-y  un  bouquet  de 
persil  et  ciboules  bien  assaisonné,  quelques  tranches  de  citron, 
desquelles  vous  aurez  ôté  les  pépins  et  Técorce;  couvrez-les  de 
bardes  de  lard  et  d'un  rond  de  papier,  faites-les  partir  sur  un 
fourneau  ;  mettez-les  ensuite  trois  quarts  d'heure  sur  une  petite 
paillasse;  leur  cuisson  faite,  dressez-les  sur  le  plat  et  masquez- 
les  avec  sauce  à  l'allemande.  (Voyez  Sauce  à  ^allemande  à  son 
article.) 

Cervelles  de  veau  en  matelote,  —  Prenez  la  même  quantité  de 
cervelles;  faites-les  cuire  de  même  que  celles  ci-dessus;  leur 
cuisson  faite,  dressez-les  sur  le  plat;  garnissez-les  d'écrevisses, 
de  croûtons  coupés  en  queue  de  paon  et  passés  dans  le  beurre; 
saucez-les  avec  la  sauce  matelote  indiquée  à  son  article  et  servez. 

Cervelles  en  marinade.  —  Préparez  deux  cervelles  de  veau 
comme  les  précédentes  et  faites-les  cuire  de  la  même  manière; 
après  les  avoir  égouttées,  divisez-les  en  cinq  morceaux,  mettez- 
les  dans  une  marinade  passée  au  tamis  (Voy.  Marinade  à  son 
article)  ;  faites  une  pâte  à  frire  assez  légère  (Voy.  Pâte  à  frire 
à  son  article)  ;  trempez-y  vos  morceaux,  égouttez-les  pour  qu'ils 
ne  soient  pas  trop  chargés  de  pâte  et  mettez  dans  la  friture; 
faites  qu'ils  aient  une  belle  couleur,  égouttez-les;  dressez-les  en 
les  surmontant  d'une  pincée  de  persil  frit  et  servez. 

Cervelles  de  veau  au  beurre  noir.  —  Préparez  et  fuites  cuire 
ces  cervelles  comme  celles  dites  à  l'allemande  ;  lorsque  vous  strti 
prêt  à  servir,  égouttez-les  et,  après  les  avoir  dressées,  saucez-les 
avec  le  beurre  noir  qui  se  prépare  ainsi  : 

Mettez  une  demi-livre  de  beurre  dans  un  diable  (poêle  à 
courte  queue);  posez-le  sur  le  feu;  faites-le  roussir  sans  le  brû- 
ler, ce  qui  s'évite  en  agitant  la  poêle.  Lorsqu'il  est  suffisamment 
noir,  retirez-le  et  tirez-le  au  clair;  après  l'avoir  écume,  essuyez 


VEAU.  IOJ9 

votre  poêle;  versez  dedans  une  cuillerée  à  dégraisser  de  vinaigre, 
une  pincée  de  sel;  faites  chauffer,  versez- le  dans  votre  beurre 
noir,  agitez  le  tout,  saucez-en  vos  cervelles,  garnissez-les  de 
persil  frit,  soit  autour,  soit  dessus,  et  servez  de  suite. 

Cervelles  de  veau  à  la  ravigote.  —  Prenez  également  trois 
cervelles  que  vous  préparez  de  la  même  manière  que  ci-dessus  ; 
lorsqu'elles  seront  cuites,  dressez-les  et  servez-les  avec  une  sauce 
à  la  ravigote  indiquée  à  son  article  :  vous  pouvez  servir  autour 
des  petits  oignons  que  vous  aurez  fait  blanchir  et  cuire  ensuite 
dans  du  consommé. 

Mou  de  veau  à  la  poulette.  —  Ayez  un  mou  de  veau  bien 
blanc,  coupez-le  en  gros  dés,  faites-le  dégorger  et  changez-le 
d'eau  afin  d'en  exprimer  le  sang;  faites-le  blanchir  en  le  met- 
tant à  l'eau  froide,  faites-lui  jeter  un  bouillon,  rafraîchissez-le, 
c'est-à-dire  jetez-le  dans  l'eau  froide,  égouttez-le,  mettez  dans 
une  casserole  convenable  un  morceau  de  beurre;  ce  beurre  une 
fois  fondu,  jetez-y  votre  mou;  faites-le  revenir  sans  qu'il  rous- 
sisse, singez-le  de  farine,  retournez-le  avec  une  cuiller  afin  que 
la  farine  s'incorpore  avec  le  mou,  mouillez-le  doucement  avec 
du  bouillon,  ayant  soin  de  le  remuer  toujours  ;  assaisonnez-le  de 
sel,  poivre,  et  d'un  bouquet  de  persil  garni  d'une  feuille  de 
laurier,  d'un  clou  de  girofle,  d'une  gousse  d'ail;  faites  partira 
grand  feu,  toujours  en  le  remuant,  afin  que  la  farine  ne  tombe 
pas  au  fond  et  ne  s'attache  point;  aux  trois  quarts  cuit,  mettez-y 
des  petits  oignons  et  des  champignons  ;  la  cuisson  iaite  du  tout, 
si  la  sauce  se  trouvait  trop  longue,  versez-en  dans  une  autre  cas- 
serole la  majeure  partie,  faites-la  réduire,  dégraissez-la;  arrivée 
à  son  point,  liez-la  avec  quelques  jaunes  d'oeufs,  mettez-y  un 
peu  de  persil  haché,  un  filet  de  verjus  ou  le  jus  d'un  citron  ; 
goûtez  s'il  est  d'un  bon  sel  et  servez. 

Pieds  de  veau  au  naturel.  —  Nous  avons  dit  que  les  pieds 
de  veau  ne  se  prêtaient  pas  aux  sauces  fades  ;  il  y  a  cependant 
trois  ou  quatre  préparations  auxquelles  on  peut  les  soumettre  : 
désossez  des  pieds  de  veau,  coupez -en  les  batillons,  nettoyez- 
les,  ficelez -les  et  faites -les  blanchir  dans  l'eau  bouillante; 
après  cela,  mettez-les  dans  une  casserole  ou  dans  un  pot,  cou- 
vrez-les d'eau  et  d'une  barde  de  lard,  mettez-y  une  carotte, 


io6o  VEAU. 

un  oignon  piqué,  une  demi-feuille  de  laurier,  quelques  tranches 
de  citron  et  du  sel,  et  faites-les  bouillir  pendant  trois  heures; 
avant  de  les  servir,  hachez  séparément  du  persil  et  des  écha- 
lotes, ou,  à  défaut,  des  oignons  que  vous  mettrez  à  côté  des 
pieds  après  avoir  ôté  les  os  de  ces  derniers. 

Pieds  de  veau  en  friture.  —  Faites-les  cuire  comme  au 
numéro  précédent,  coupez-les  en  morceaux,  mettez-les  dans  la 
pâte  et  faites-les  frire. 

Pieds  de  veau  en  poulette,  —  Après  les  avoir  préparés 
comme  ci-dessus,  coupez-les  en  morceaux  et  mettez-les  dans  unt 
casserole,  avec  un  peu  de  velouté  et  de  persil  haché,  liez-les  avec 
deux  jaunes  d'œufs,  après  quoi  vous  exprimerez  par -dessus  un 
peu  de  jus  de  citron,  qu'on  peut  au  besoin  remplacer  par  un  filet 
de  vinaigre. 

Pieds  de  veau  en  poulette  à  la  bourgeoise,  —  Après  les  avoir 
préparés  au  naturel  il  faut  les  désosser,  les  couper  par  morceaux, 
et  les  passer  un  instant  sur  le  feu  avec  une  plaque  de  lard  fondu; 
liez-les  d'abord  avec  une  pincée  de  farine,  puis  mouillez-les  avec 
du  bouillon  ou  de  l'eau  bouillante;  ajoutez  un  bouquet,  une 
truffe  coupée  à  tranches,  un  peu  de  sel  et  de  poivre,  et  faites 
bouillir  lentement;  quand  la  sauce  sera  réduite  à  moitié,  vous  la 
lierez  avec  deux  jaunes  d'œufs,  et  vous  y  exprimerez  le  jus  d'un 
citron,  que  vous  pouvez  remplacer  par  un  filet  de  vinaigre. 

Fraise  de  veau  à  la  Montsoreau,  —  Ayez  une  fraise  de  veau 
bien  blanche  et  grasse,  ayez  soin  de  l'approprier  comme  il  faut; 
faites-la  dégorger  et  blanchir  en  lui  faisant  jeter  quelques  bouil- 
lons, rafraîchissez-la,  mettez-la  cuire  dans  un  blanc  comme  la 
tête  de  veau  (voir  Blanc  à  son  article)  ;  la  cuisson  faite,  égouttez- 
la,  et  servez-la  avec  une  sauce  au  pauvre  homme,  que  vous  met- 
trez dans  une  saucière.  (Voyez  Sauce  au  pauvre  homme,) 

Fraise  de  veau  à  la  Monselet.  —  Faites  cuire  cette  fraise 
comme  pour  la  servir  au  naturel  ;  sa  cuisson  achevée,  coupez-la 
en  morceaux  égaux  ;  mettez-les  dans  une  italienne  bien  réduite 
et  bien  corsée  ;  la  fraise  étant  fade  par  elle-même,  au  moment 
de  la  servir  relevez-la  d'un  jus  de  citron,  d'un  peu  d'huile  et 
d'ail  râpé. 

Ris    de  veau  à   la  dauphine,  —  Ayez  cinq  ris   de  veau, 


VEAU.  1061 

séparez-en  les  gorges,  mettez-les  dégorger,  changez-les  d'eau 
plusieurs  fois  afin  qu'ils  soient  bien  blancs;  faites-les  blanchir 
légèrement ,  qu'ils  ne  soient  que  roidis  pour  les  piquer  plus 
facilement;  foncez  une  casserole  de  quelques  parures  de  veau, 
garnissez -la  d'oignons  et  de  carottes,  mettez  autour  de  cette 
casserole  des  bardes  de  lard,  posez  vos  ris  sur  ce  fond,  qu'ils 
se  touchent  sans  être  pressés  ;  mouillez- les  avec  du  consommé, 
en  sorte  que  le  lard  ne  trempe  pas  ;  couvrez-les  avec  un  rond  de 
papier  beurré,  faites-les  partir,  posez-les  sur  une  paillasse, 
couvrez-les,  mettez  du  feu  sur  leur  couvercle,  que  ce  feu  soit 
assez  ardent  pour  qu'ils  prennent  une  belle  couleur  dorée  ; 
laissez-les  cuire  environ  trois  quarts  d'heure  ;  égouttez-les  sur  un 
couvercle,  glacez-les,  mettez-les  sur  une  bonne  chicorée  blanche 
réduite  (voyez  Ragoût  à  la  chicorée  blanche  à  son  article), 
ajoutez-y  si  vous  voulez  quatre  grandes  crêtes  de  pain  passées 
dans  le  beurre. 

Si  vous  n'avez  pas  de  glace,  passez  le  fond  de  vos  ris  au 
travers  d'un  tamis  de  soie;  faites-le  réduire  en  glace  et  servez- 
vous-en  pour  glacer  vos  ris. 

Ris  de  veau  à  l  espagnole,  —  Après  avoir  fait  blanchir  des 
ris  de  veau  et  les  avoir  piqués  comme  les  précédents,  marquez- 
les  de  même  et  faites-les  cuire;  lorsqu'ils  le  seront,  passez  leur 
fond  dans  une  casserole,  faites-les  réduire  jusqu'à  glace  ;  remet- 
tez vos  ris  de  veau  jusqu'à  ce  que  leur  glace  soit  à  son  point; 
retournez-les  légèrement  du  côté  du  lard,  dressez-les  sur  le  plat, 
mettez  dans  la  casserole  une  cuillerée  à  dégraisser  d'espagnole, 
détachez  bien  la  glace,  saucez-en  vos  ris  de  veau  et  servez. 

Hatelets  de  ris  de  veau.  —  Marquez  des  gorges  de  ris  de 
veau  sans  être  piquées,  comme  les  ris  énoncés  aux  articles  précé- 
dents; lorsqu'elles  seront  presque  cuites,  retirez-les  de  leur  fond 
et  laissez-les  se  refroidir;  coupez-les  par  tranches  d'un  demi- 
pouce  d'épaisseur;  coupez  de  même  grosseur  une  langue  de  veau 
fourrée,  des  truffes  que  vous  passerez  dans  le  beurre,  du  petit 
lard  cuit  dans  la  marmite;  vous  aurez  une  sauce  aux  hatelets 
(voir  Sauce  aux  hatelets  à  son  article);  quand  elle  sera  bien  chaude, 
vous  y  mettrez  tous  vos  morceaux,  que  vous  mêlerez  bien,  et 
déposant  le  tout  sur  un  plat,  vous  le  laisserez  refroidir  ;  ensuite 


io62  VEAU. 

enfilez  ces  morceaux  Tun  après  l'autre  et  par  lé  milieu,  en  les 
entremêlant;  cela  fait,  parez  ces  haletets  sur  les  quatre  faces, 
qu'ils  soient  d'une  belle  couleur  et  servez. 

Ris  de  veau  en  caisse.  —  Faites  cuire  des  gorges  de  ris  de 
veau,  coupez-les  par  tranches,  passez-les  dans  des  fines  herbes, 
telles  que  persil,  ciboules  et  champignons  hachés  très -fin, 
un  morceau  de  beurre,  sel  et  gros  poivre  ;  faites-les  mijoter; 
vous  aurez  une  caisse  ronde  ou  carrée,  que  vous  huilerez  en 
dehors  ;  mettez  dans  le  fond  de  cette  caisse  l'épaisseur  d'un 
travers  de  doigt  de  farce  cuite  (voyez  Farce  cuite  à  son  article); 
mettez  votre  caisse  sur  un  gril  ou  sur  un  couvercle  de  tourtière, 
afin  que  votre  farce  puisse  cuire  sans  brûler  ;  il  faut  que  cette 
caisse  prenne  une  teinte  jaune  ;  mettez-y  vos  ris  de  veau  et  vos 
fines  herbes,  saucez-les  avec  une  bonne  espagnole  réduite  ou  un 
jus  de  citron  et  servez. 

Ris  de  veau  à  l'anglaise,  —  Préparez  et  faites  cuire  ces  ris 
comme  les  précédents;  mettez  dans  une  casserole  du  beurre  gros 
comme  un  œuf,  faites-le  fondre  sans  trop  le  chauffer  ;  délayez-y 
deux  jaunes  d'oeufs,  assaisonnez  votre  beurre  d'un  peu  de  sel, 
dressez  vos  ris  de  veau  sur  une  tourtière,  dorez-les  avec  votre 
beurre  et  vos  jaunes  bien  mêlés,  panez-les  avec  de  la  mie  de  pain 
dans  laquelle  vous  aurez  mis  un  peu  de  parmesan  râpé,  arrosez- 
les  avec  ce  beurre,  en  vous  servant  de  ciboules  fendues  en  forme 
de  pinceau;  mettez  ces  ris  au  four,  ou  sous  un  four  de  cam- 
pagne, pour  leur  faire  prendre  une  belle  couleur  dorée  ;  dressez- 
les  sur  le  plat,  saucez-les  avec  une  bonne  italienne  blanche  et 
servez. 

Vous  pouvez  servir  panée  la  moitié  de  ces  ris,  et  l'autre 
moitié  piquée  et  glacée. 

Ris  de  veau  à  la  poulette.  —  Faites  cuire  ces  ris  comme  il 
est  énoncé  ci-dessus  ;  mettez  dans  une  casserole  du  velouté  ce  que 
vous  jugerez  à  propos,  coupez  vos  ris  par  tranches;  vous  aurez 
eu  soin  de  ne  pas  les  laisser  trop  cuire  ;  mettez-les  dans  votre 
velouté  avec  des  champignons  que  vous  aurez  fait  cuire  (voyez 
Sauce  aux  champignons  à  son  article);  laissez  réduire  votre 
ragoût  à  son  degré,  et  liez-le  avec  deux  ou  trois  jaunes  d'œuft 
(voyez  Liaison  et  la  manière  de  lier^  à  leurs  articles)  ;  mettez-y 


VEAU.  1063 

du  persil  haché  et  blanchi,  si  vous  le  voulez,  un  demi-pain  de 
beurre,  un  jus  de  citron,  et  servez. 

Poitrine  de  veau  farcie  à  la  bourgeoise.  —  Vous  préparez 
une  farce  à  la  ménagère,  c'est-à-dire  qu'ayant  quatre  ou  cinq 
onces  de  veau,  quatre  de  lard,  deux  de  graisse,  deux  de  moelle 
de  bœuf,  deux  de  rognon,  deux  de  mitonnage,  c  est-à-dire  de 
pain  blanc  trempé  dans  le  lait,  vous  prenez  une  bonne  poignée 
d'herbes  :  des  épinards^  de  l'oseille,  du  cerfeuil,  de  la  poirée,  un 
peu  d'estragon,  que  vous  hachez  bien  menu,  et  dans  lesquelles 
Vous  jetez  un  peu  de  sel,  moins  pour  les  saler  que  pour  leur 
faire  rendre  l'eau  que  vous  extrairez  en  les  pressant  fortement 
dans  la  main;  mêlez  ces  herbes  à  votre  farce,  ajoutez-y  trois 
jaunes  d'œufs,  une  once  de  lard,  pareille  quantité  de  jambon, 
moitié  gras,  moitié  maigre,  coupez  ces  derniers  objets  à  petits  dés, 
et  joignez-les  à  votre  farce. 

Ayez  une  belle  poitrine  de  veau,  pratiquez  entre  les  côtes 
et  la  poitrine  une  poche  que  vous  remplirez  de  cette  farce; 
cousez  l'ouverture  et  mettez  à  cuire  :  la  poitrine  farcie  peut  se 
préparer  à  la  broche  ou  dans  une  braise,  avec  une  garniture  de 
laitues  ou  de  choux. 

Pain  de  foie  de  veau,  (Recette  de  Durand  de  Nîmes.)  — 
Otez  les  peaux  de  la  moitié  d'un  foie  de  veau,  hachez  ce  foie  bien 
menu,  prenez  du  lard,  à  peu  près  le  volume  du  foie,  hachez-le 
et  mêlez-le  au  premier,  pilez  le  tout  dans  un  mortier  en  l'assai- 
sonnant avec  du  sel,  des  épices  et  du  persil  bien  haché;  enlevez- 
le  ensuite  de  là  pour  le  mettre  dans  un  plat  de  terre  profond  ; 
coupez  en  petits  dés  deux  oignons  que  vous  ferez  roussir  sur  le 
feu,  en  ajoutant  un  peu  de  dégraissé  de  quelques  bons  fonds  de 
cuisson,  ou  un  peu  de  beurre  ou  de  bon  lard  râpé. 

Lorsque  ces  oignons  seront  cuits,  vous  les  mêlerez  avec  le 
foie,  vous  couperez  également  à  petits  dés  une  tranche  de  jambon 
et  un  peu  de  lard,  deux  ou  trois  truffes,  et  les  jetterez  dans  le 
foie;  ajoutez  encore  trois  jaunes  d'œufs,  brouillez  bien  tous 
ces  objets  avec  une  cuiller  de  bois,  montez  les  blancs  très-fermes, 
et  joignez-les  de  même  à  votre  pain. 

Prenez  alors  une  casserole  bien  faite,  mettez  au  fond  une 
plaque  de  lard,  et  foncez-la  en  outre  avec  de   la  crépine   de 


io64  VEAU* 

cochon,  posez-y  votre  foie  que  vous  recouvrirez  d'une  barde  de 
lard  ;  faites  cuire  au  four  ou  sous  le  fourneau  ;  après  la  cuisson, 
égouttez  sur  un  couvert  de  casserole,  enlevez  le  lard,  dressez  le 
pain  sur  le  plat  et  servez  dessus  une  sauce  au  chevreuil. 

Rognons  de  veau  au  vin.  —  Pelez  des  rognons,  émincez-les 
bien  fin,  sautez-les  dans  une  casserole  avec  un  peu  de  beurre 
et  de  lard  fondus,  assaisonnez  avec  du  sel,  du  poivre,  une  écha- 
lote, du  persil  et  des  truffes,  le  tout  bien  haché;  quand  les 
rognons  seront  cuits,  ôtez-les,  posez-les  sur  une  assiette,  versez 
dans  la  cuisson  un  demi-verre  de  vin  blanc,  et  faites  réduire  à 
moitié,  ajoutez  alors  un  peu  de  coulis  et  faites  bouillir  un 
instant.  Vous  jetterez  ensuite  les  rognons  dans  la  sauce,  vous  la 
ferez  un  peu  bouillonner,  la  verserez  dans  le  plat  et  y  mêlerez 
un  peu  de  jus  de  citron. 

Manchon  de  veau  à  la  Gérard  * .  —  Prenez  une  belle  noix 
de  veau,  parez-la  dans  sa  longueur  et  tranchez-la  en  quatre  ou 
cinq  morceaux,  de  l'épaisseur  d'un  demi-pouce  au  plus;  coupez 
ces  morceaux  en  carrés  longs,  battez-les  avec  le  plat  d'un  cou- 
peret; après,  rebattez-les  avec  le  dos  de  la  lame  de  votre  couteau; 
que  les  coups  soient  très-près  les  uns  des  autres,  à  différents 
sens,  afin  de  rompre  les  fibres  des  viandes  ;  mettez  dans  trois  de 
ces  morceaux  de  la  farce  de  quenelle,  où  vous  n'aurez  point  mis 
trop  de  blancs  d'oeufs  fouettés,  roulez-les,  en  leur  donnant  la 
forme  de  manchon,  recouvrez-les  d'un  lit  de  cette  farce  de 
l'épaisseur  de  la  lame  de  votre  couteau  ;  coupez  par  bandes  de  la 
largeur  de  deux  doigts  les  deux  lames  de  veau  qui  vous  sont 
restées,  piquez-les  avec  soin,  appliquez- les  aux  deux  bouts  de 
chacun  de  vos  manchons;  bridez-les  en  dessous,  ainsi  que  les 
morceaux  piqués,  pour  qu'ils  ne  se  détachent  ni  ne  se  déforment; 
hachez  des  truffes  très-fin;  sablez-en  un  de  vos  manchons  jus- 
qu'aux bordures  piquées;  hachez  de  même  des  pistaches  pour  en 
sabler  un  second,  et  si  vous  voulez,  pour  le  troisième,  hachez 
encore  de  même  des  amandes  douces  bien  émondées,  et  appliquez- 


I.  Invention  d'un  aide  aux  entrées  de  M"*  de  Pompadour,  qui,  ne  vou- 
lant pas  donner  le  nom  d'une  personne  si  illustre  à  un  plat  d'entrée  dont  la 
substance  lui  paraissait  trop  vulgaire,  lui  donna  le  sien. 


VEAU.  1065 

les  sur  le  troisième  (ce  qui  fera  trois  couleurs),  et  garnissez  le  tout 
en  sorte  qu'on  ne  voie  point  la  farce;  cela  fait,  marquez-les 
comme  les  noix  de  veau  ;  foncez  tine  casserole  de  bardes  de  lard; 
donnez -leur  la  même  cuisson,  à  la  réserve  qu'il  faut  mettre 
moins  de  feu  sur  leur  couvercle;  égouttez-les,  débridez-les, 
parez-les  des  deux  bouts  ;  glacez-en  les  parties  piquées  ;  dressez- 
les  sur  le  plat,  et  mettez  dessous  une  sauce  à  la  Périgueux  aux 
truffes  bien  noires  et  bien  parfumées. 

Queues  de  veau  à  la  poulette.  —  Prenez  ce  que  vous  juge- 
rez à  propos  de  queues  de  veau,  coupez-les  comme  à  l'article 
précédent,  faites-les  dégorger  dans  de  l'eau  tiède;  quand  elles  le 
seront,  faites-les  blanchir,  égouttez-les;  mettez  dans  une  casse- 
role un  morceau  de  beurre,  vos  queues  de  veau,  un  bouquet  de 
persil  et  ciboules;  assaisonnez  d'une  demi-gousse  dail,  d'une 
feuille  de  laurier  ;  joignez  à  cela  quelques  oignons.  Passez  le  tout 
sur  un  feu  doux,  sans  laisser  roussir  votre  beurre;  singez  d'un 
peu  de  farine;  remuez  vos  viandes,  mouillez-les  avec  autant  de 
bouillon  qu'il  en  faut;  mettez  dans  ce  ragoût  du  sel  et  du  ^ 
gros  poivre;  faites-le  cuire;  ayez  soin  de  le  remuer  souvent 
afin  qu'il  ne  s'attache  pas;  retirez-en  les  oignons  et  le  bouquet 
en  l'exprimant;  liez-le,  mettez-y  un  peu  de  persil  haché  et 
blanchi,  un  filet  de  vinaigre  ou  le  jus  d'un  citron,  et  servez. 

Oimourettes  de  veau.  —  Ce  qu'on  appelle  amourettes  est 
tout  simplement  la  moelle  allongée  des  quadrupèdes.  Celles  de 
veau  sont  préférées  pour  leur  délicatesse.  On  emploie  celles  de 
bœuf,  de  mouton,  comme  on  pourrait  employer  toutes  celles  des 
animaux  à  quatre  pieds.  Voici  la  manière  de  les  approprier  et 
de  les  accommoder  : 

Ayez  des  amourettes,  mettez-les  dans  l'eau,  ôtpz-en  les  mem- 
branes qui  les  enveloppent;  changez-les  d  eau,  laissez-les  dégor- 
ger; coupez-les  par  morceaux  d'égale  longueur,  autant  que  pos- 
sible; faites-les  blanchir  comme  les  cervelles  de  veau;  quand 
elles  le  seront,  mettez-les  dans  une  marinade  (Voy.  Marinade  à 
son  article);  lorsque  vous  voudrez  vous  en  servir,  égouttez-les, 
mettez-les  dans  une  légère  pâte  à  frire,  faites-les  frire,  qu'elles 
soient  d'une  belle  couleur;  dressez-les  et  servez. 

Nota.  —  On  se  sert  aussi  des  amourettes  en  place  de  pâte 


io66  VEAU. 

pour  faire  des  timbales  ;  on  fonce  une  casserole  de  bardes 
de  lard,  on  met  dedans  ses  amourettes  comme  on  fonce  une 
timbale  avec  de  la  pâte^  je  veux  dire,  les  arranger  tout 
autour  les  unes  sur  les  autres,  en  sorte  qu'elles  forment  un  puits 
dans  lequel  on  met  des  lames  de  rouelle  de  veau  bien  jointes  les 
unes  contre  les  autres,  afin  de  contenir  les  amourettes  dans  leur 
position,  et  de  la  farce  cuite  (voyez  Farce  cuite  à  son  article), 
dont  on  fait  un  contre-mur,  et  de  laquelle  on  garnit  le  fond  ; 
mettez  dans  ce  puits  un  salpicon  bien  réduit  de  ce  que  vous 
jugerez  convenable;  couvrez-le  de  farce,  soudez  bien  le  tout, 
pour  que  la  sauce  du  salpicon  ne  s*échappe  pas  ;  mettez  cette 
timbale  dans  un  four  doux  ou  sur  la  paillasse,  avec  un  feu 
modéré  dessous  et  dessus  ;  faites-la  cuire  trois  heures  ;  "renver- 
sez-la, ôtez-en  les  bardes,  versez  autour  une  bonne  italienne 
rousse  et  servez. 

Quartier  de  veau  de  derrière.  —  Si  vous  avez  besoin  d'une 
longe,  vous  la  couperez  à  trois  doigts  plus  bas  que  la  hanche; 
»vous  roulerez  le  flanchet,  vous  l'assujettirez  avec  des  petits  hate- 
lets,  afin  que  votre  longe  soit  bien  carrée  et  qu'elle  n'ait  pas 
l'air  plus  épaisse  d'un  côté  que  de  Tautre;  pour  réussir  à  cela, 
supprimez  une  partie  des  os  de  Téchine  qui  avoisinent  le  rognon; 
cela  fait,  couchez  sur  le  fer  votre  longe,  c'est-à-dire  embrochez- 
la,  et  assujettissez-la  avec  un  grand  hatelet  que  vous  attacherez 
fortement  des  deux  bouts  sur  la  broche;  enveloppez  cette  longe 
de  plusieurs  feuilles  de  papier  que  vous  beurrerez  en  dessus,  de 
crainte  qu'elles  ne  bri\lent;  il  faut  deux  heures  et  demie  ou  trois 
heures  pour  la  cuire,  cela  dépend  de  la  quantité  de  feu  et  de 
l'épaisseur  de  la  pièce. 

Cuissot  de  veau  et  les  manières  d'en  tirer  parti.  —  Ayez 
un  cuissot  de  veau,  commencez  par  en  lever  la  noix.  On  appelle 
noix  la  chair  qui  se  trouve  en  dedans  de  la  cuisse,  et  qui  en  est 
la  partie  la  plus  grasse  et  la  plus  tendre.  Vous  parviendrez  à  la 
lever  en  passant  le  bout  de  votre  couteau  le  long  du  quasi,  à 
l'endroit  ou  la  chair  est  découverte,  et  vous  irez  jusqu'à  ce  que 
vous  trouviez  une  séparation  des  chairs;  vous  la  suivrez  jusqu'à 
l'os  proche  du  genou,  et  vous  continuerez  de  glisser  votre  couteau 
sur  l'os  pour  lever  votre  noix  bien  entière;  ensuite  levez  la  sous- 


VEAU.  1067 

noix  qui  est  la  plus  voisine.  Il  y  a  une  autre  noix  qu'on  appelle 
la  noix  du  pâtissier^  laquelle  se  trouve  proche  la  fesse  du  veau 
et  la  naissance  de  la  queue.  Cette  sous-noix  sert  ordinairement 
à  faire  le  godiveau  et  les  farces  cuites.  Levez  votre  quasi,  coupez 
le  jarret  dans  le  genou  et  le  bout  de  la  crosse.  Ils  vous  serviront 
pour  vos  consommés;  la  noix  pour  vous  faire  une  entrée,  la 
sous-noix  pour  faire  votre  farce  cuite,  et  la  noix  du  pâtissier 
pour  faire  votre  godiveau,  ou,  si  vous  Taimez  mieux,  pour  tirer 
un  peu  de  velouté,  ce  qu'on  appelle  sauce  tournée;  le  quasi, 
l'os  et  les  chairs  qui  restent  après,  vous  pouvez  en  tirer  une 
espagnole. 

Noix  de  veau  en  bedeau.  —  Ayez  une  noix  de  veau,  prenez 
de  préférence  d'un  veau  femelle;  conservez  la  panoufle  ou 
tétine  :  battez-la  entre  deux  linges  et  parez-la  sur  la  partie 
découverte;  piquez-la  de  gros  lard,  sur  le  dessous  et  le  dessus 
d'une  deuxième,  marquez-la  et  assaisonnez-la  comme  la  précé- 
dente ;  couvrez  la  panoufle  d'une  barde  de  lard,  afin  qu'elle  ne 
prenne  point  de  couleur;  faites-la  cuire,  comme  il  est  dit  plus 
haut,  avec  feu  dessous  et  dessus;  glacez-la,  servez-la  sur  de  la 
chicorée,  de  l'oseille  ou  des  concombres,  soit  au  jus,  soit  à  la 
béchamel. 

Noix  de  veau  piquée.  —  Battez  une  noix  de  veau,  posez-la 
sur  la  table,  levez-en  la  panoufle,  retournez-la  et  parez-la;  cela 
fait,  piquez-la  tout  entière,  marquez-la  dans  une  casserole, 
comme  *  la  précédente;  mettez  vos  oignons  sous  votre  noix, 
pour  lui  donner  une  forme  bombée;  mouillez-la  avec  du  con- 
sommé ou  du  bouillon,  de  façon  que  le  lard  de  cette  noix  ne 
trempe  point  dans  le  mouillement;  glacez-la,  et  servez-la  sur 
une  espagnole  réduite. 

Hâtereaux.  —  Ayez  une  noix  de  veau  ;  coupez-la  par 
lames,  un  peu  plus  minces  que  les  précédentes,  battez-les  de 
même;  coupez-les  en  plus  petits  morceaux,  à  peu  près  de  la 
longueur  de  trois  pouces  sur  quatre  de  large;  piquez-les  avec 
soin  dans  toute  leur  longueur,  après  posez-les  sur  un  linge,  du 
cfôté  du  lard  ;  étendez  dessus  le  côté  non  piqué  la  farce  ci-après  : 
Prenez  de  la  farce  cuite  ce  qu'il  vous  en  faut  pour  faire  neuf 
hâtereaux,  en  incorporant  dans  cette  farce  un  tiers  en  sus  de 


io68  VEAU. 

petits  foies  gras,  des  trufFes,  des  champignons  coupés  en  petits 
dés;  maniez  bien  le  tout  avec  une  cuiller  de  bois  ;  joîgnez-y 
deux  ou  trois  jaunes  d'œufs,  du  sel  en  sufHsante  quantité  et  un 
peu  d'épices  fines,  mettez  de  cette  farce,  comme  il  est  déjà  dit, 
sur  vos  hàtereaux;  roulez-les  en  sorte  que  les  deux  bouts  de  veau 
se  joignent,  embrochez-les  d'un  hatelet,  fixez -le  sur  la  broche; 
enveloppez- les  de  papier,  arrosez-les,  durant  leur  cuisson,  avec 
du  beurre,  dressez-les,  et  servez  dessous  une  italienne  corsée 
rousse  ou  blanche. 

Popiettesdeveau, — Prenez  unepartie  de  noix  de  veau,  coupez 
en  tranches  fort  minces  ;  battez-les  bien  sur  tous  les  sens,  comme 
nous  l'avons  dit  pour  les  hàtereaux  ;  mettez  dessus  une  farce  cuite 
de  volaille  ou  de  veau,  roulez-les  comme  je  l'ai  indiqué  pour  les 
hàtereaux,  ficelez-les  pour  qu'elles  ne  se  déforment  pas  ;  foncez 
une  casserole  de  bardes  de  lard,  mettez  vos  popiettes  avec  une 
petite  cuillerée  à  pot  de  consommé,  un  bon  verre  de  vin  blanc, 
un  bouquet  de  persil  et  ciboules,  assaisonné  d'un  clou  de  girofle, 
d'une  gousse  d'ail  et  d'un  peu  de  basilic;  faites  cuire  à  peu  près 
trois  quarts  d'heure,  passez  le  fond  au  travers  d'un  tamis  de 
soie,  mettez-y  deux  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole ,  faites- 
le  réduire,  dégraissez- le,  égouttez  vos  popiettes,  glacez-les  et 
servez. 

Escalopes  de  veau  à  la  manière  anglaise.  —  Prenez  une 
noix  de  veau  bien  blanche  et  bien  tendre,  coupez-la  par  filets 
carrés,  d'un  pouce  et  demi  en  tous  sens,  et  de  ces  filets  faites  des 
escalopes,  c'est-à-dire,  coupez-les  de  deux  lignes  d'épaisseur, 
ensuite  aplatissez-les  légèrement  sur  une  table  bien  propre  où 
vous  aurez  mis  un  peu  d'huile,  parez  chaque  morceau  en  lui 
donnant  la  forme  d'un  écu,  et  qu'il  en  ait  à  peu  près  l'épaisseur; 
vous  aurez  fait  fondre  et  clarifier  du  beurre  que  vous  aurez  tiré 
au  clair  dans  une  sauteuse,  ou,  faute  de  celle-ci,  dans  un  cou- 
vercle de  marmite  bien  étamé  ;  rangez-y  ces  escalopes,  de  manière 
qu'elles  se  touchent,  sans  être  les  unes  sur  les  autres,  posez-les 
sur  un  feu  ordinaire,  quand  elles  seront  roidies  d'un  côté,  retour- 
nez-les de  l'autre  avec  la  pointe  de  votre  couteau,  pour  qu'elles 
roidissent  de  même  ;  égouttez  le  beurre,  mettez  une  cuillerée  à 
dégraisser  de  gelée  ou  de  bon  consommé,  faites  aller  vos  esca- 


VEAU.  1069 

lopes  sur  un  feu  plus  vif,  remuez-les  en  totalité  ;  lorsque  vous 
verrez  qu'elles  tombent  à  glace,  retirez-les,  dressez-les  en  cor- 
dons autour  de  votre  plat;  mettez  au  milieu  un  ragoût  de  godi- 
veau  et  servez.  (Voyez  Ragoût  de  godiveau  à  son  article.) 

Filets  mignons  de  veau.  —  Ayez  six  filets  mignons  de  veau 
piqués  en  trois  et  décorez  les  trois  autres,  soit  de  truffes  ou  de 
jambon;  marquez-les  comme  les  fricandeaux;  faites-les  cuire  de 
même;  glacez-les  et  dressez-les  sur  un  ragoût  de  chicorée, 
d'oseille  ou  d'autres  ragoûts  à  votre  volonté. 

Quartier  du  devant  du  veau,  —  Dans  ce  quartier  il  y  a 
répaule,  le  carré  et  les  tendrons  ;  Tépaule  se  sert  à  la  broche  ; 
on  s'en  sert  aussi,  étant  rôtie,  pour  faire  des  blanquettes;  on 
peut  en  tirer  des  sauces  comme  du  cuissot,  mais  elle  a  moins  de 
sucs  nourriciers. 

Elle  renferme  des  parties  de  chair  fort  délicates;  elle  a 
aussi  à  la  partie  la  plus  proche  du  collet  une  noix  enveloppée  de 
graisse,  qui,  pour  sa  délicatesse,  est  fort  estimée  des  gourmets. 

Blanquette  de  veau.  —  Lorsque  vous  aurez  servi  une  épaule 
de  veau  à  la  broche  et  qu'il  y  sera  resté  assez  de  chair  pour 
faire  une  blanquette,  levez  la  chair  qui  reste  par  morceaux,  que 
vous  aplatirez  avec  la  lame  de  votre  couteau,  parez-les,  ôtez-en 
les  peaux  rissolées,  émincez  les  filets  que  vous  aurez  levés,  faites 
réduire  le  velouté  et  jetez-y  vos  filets,  sans  les  laisser  bouillir; 
liez  votre  blanquette  avec  autant  de  jaunes  d'oeufs  qu'il  en  faut; 
mettez-y  un  filet  de  verjus  ou  jus  de  citron,  un  petit  morceau  de 
beurre,  un  peu  de  persil  et  de  ciboules  hachés,  si  vous  le  jugez 
à  propos,  et  servez. 

Tendrons  de  veau  à  la  poulette  ou  au  blanc.  —  Parez  une 
poitrine  de  veau,  levez- en  la  chair  qui  couvre  les  tendrons, 
séparez-les  des  côtes  ;  posez  vos  tendrons  sur  la  table  et  coupez- 
les  en  forme  d'huître  en  inclinant  votre  couteau  de  la  droite  à 
la  gauche;  donnez-leur  l'épaisseur  de  trois  quarts  de  pouce; 
arrondissez -les,  mettez -les  dégorger;  faites-les  blanchir  et 
rafraîchissez-les;  foncez  une  casserole  de  bardes  de  lard;  mettez 
dans  le  fond  quelques  parures  de  veau,  posez  dessus  vos  ten- 
drons, joignez-y  un  bouquet  assaisonné,  quelques  tranches  de 
citron,   trois  ou  quatre  carottes  tournées  et  autant  d'oignons  ; 


I070  VEAU. 

mouillez-les  avec  du  consommé  ou  du  bouillon;  faites-les  partir 
et  mettez-les  mijoter  sur  la  paillasse  deux  ou  trois  heures;  avant 
de  les  retirer,  sondez-les  avec  la  pointe  du  couteau  ;  si  elle  entre 
sans  effort,  retirez-les  du  feu,  égouttez-les  et  servez-vous-en  de 
toutes  les  manières. 

Tendrons  de  veau  en  queue  de  paon,  —  Otez  les  os  rouges 
comme  je  Tai  indiqué  aux  tendrons  ci-dessus;  retournez  votre 
poitrine,  de  manière  que  les  côtes  se  trouvent  sur  la  table; 
mettez  un  linge  blanc  sur  cette  poitrine,  aplatissez-la  avec  le 
plat  du  couperet  ;  cela  fait,  coupez-la  par  morceaux  de  trois  à 
quatre  doigts  de  largeur,  arrondissez-en  avec  votre  couteau  le 
gros  bout  et  diminuez-en  la  partie  opposée,  de  manière  à  en 
former  un  cœur  allongé  qu'on  appelle  queue  de  paon.  Détachez 
la  chair,  du  côté  des  os;  rognez  Tos,  de  manière  que  la  chair 
dépasse;  faites-les  dégorger  et  blanchir;  marquez-les  comme  les 
tendrons  ci-dessus,  avec  cette  différence  que  vous  n'y  mettrez 
pas  de  tranches  de  citron  ;  la  cuisson  est  à  peu  près  la  même  ; 
si  vous  n'aviez  point  de  sauce  pour  les  accommoder,  passez  leur 
fond  au  travers  d'un  tamis  de  soie  ;  faites-les  réduire  à  glace  et 
glacez-les  ;  mettez  dans  le  reste  de  votre  glace  un  petit  morceau 
de  roux  (voyez  Roux  à  son  article);  faites-le  fondre  en  le 
délayant  avec  votre  glace  ;  mouillez-le  avec  du  consommé  ou  du 
bouillon  et  le  quart  d'un  verre  de  vin  blanc,  ajoutez-y  dix 
parures  de  champignons  ou  de  truffes;  faites  bouillir  cette  sauce, 
dégraissez-la  et  tordez-la  dans  une  étamine;  faites-la  réduire 
de  nouveau  à  consistance  de  sauce  ;  goûtez  si  elle  est  d'un  bon 
goût;  finissez-la  en  la  passant  et  la  vannant  avec  un  petit  mor- 
ceau de  beurre,  et  saucez-en  vos  tendrons  :  vous  pouvez  la  ser- 
vir avec  des  petits  oignons,  des  pointes  d'asperges  ou  un 
ragoût  de  champignons.  (Voyez  l'article  Ragoût.)  (Recette  de 
M.  Beauvillier.) 

Tendrons  de  veau  en  macédoine.  —  Préparez  ces  tendrons 
comme  ceux  énoncés  ci-dessus,  soit  en  huître,  soit  en  queue  de 
paon  ;  leur  cuisson  faite,  préparez  la  macédoine  comme  il  est 
indiqué  à  son  article. 

Tendrons  de  veau  en  mayonnaise.  —  Lorsque  vos  tendrons 
seront  bien  cuits,  faites -les  refroidir;  parez-les  de  nouveau, 


VEAU.  1071 

dressez-les  en  cordon  autour  de  votre  plat;  mettez  autour  une 
bordure  de  petits  oignons  que  vous  aurez  fait  blanchir  et  cuire 
dans  du  bouillon  ou  du  consommé  et  des  cornichons  tournés  en 
petits  oignons,  en  les  entremêlant;  ne  les  arrangez  autour  du 
plat  que  quand  vous  aurez  masqué  vos  tendrons  avec  votre 
mayonnaise  et  servez.  (Voyez  Sauce  mayonnaise.) 

Tendrons  de  veau  à  la  ravigote.  —  Préparez  vos  tendrons 
comme  ceux  coupés  en  huîtres,  dont  il  est  parlé  ci-dessus;  leur 
cuisson  faite,  mettez-les  refroidir  et  parez-les;  vous  aurez  fait 
un  bord  de  plat  avec  du  beurre  que  vous  décorez  à  votre  fan- 
taisie; dressez  vos  tendrons  en  cordon  sur  votre  plat  et  masquez- 
les  avec  une  ravigote  froide  (voyez  Ravigote  froide  à  son  article). 
Si  vous  serviez  vos  tendrons  à  la  ravigote  chaude,  vous  feriez 
un  bord  de  plat  avec  des  croûtons. 

Tendrons  de  veau  à  la  marinade.  —  Faites  cuire  et  mettez 
dans  une  marinade  vos  tendrons  (voyez  Marinade  à  son  article)  ; 
faites-leur  jeter  un  bouillon;  laissez-les  refroidir;  égouttez-les 
un  demi-quart  d'heure;  avant  de  vous  en  servir,  trempez-les 
dans  une  légère  pâte  à  frire,  couchez-les  dans  la  friture  l'un 
après  l'autre,  ayant  soin  de  les  égoutter  pour  qu'ils  aient  une 
forme  agréable;  faites-leur  prendre  une  belle  couleur;  retirez- 
les  alors  de  la  friture;  égouttez-les  sur  un  linge  blanc;  faites 
frire  une  pincée  de  persil,  dressez  vos  tendrons,  mettez  dessus 
votre  persil,  dressez  vos  tendrons,  persillez  et  servez. 

Tendrons  de  veau  à  la  Villerojr.  —  Préparez  vos  tendrons 
comme  ils  sont  indiqués  à  la  poulette;  forcez-les  d'un  peu  plus 
de  liaison  et  de  citron;  laissez-les  refroidir;  garnissez-les  bien  de 
leur  sauce,  passez-les,  trempez-les  dans  une  omelette,  passez-les 
une  seconde  fois,  faites-les  frire,  dressez-les,  mettant  dessus  ou 
dessous  une  pincée  de  persil  frit  et  servez. 

Sauce  Colbert,  Recommandée  par  M.  Urbain  Dubois, 
auteur  de  la  Cuisine  de  tous  les  pays. 

Par  sa  nature,  dit-il,  cette  sauce  s'applique  aussi  bien  aux 
viandes  qu'aux  poissons  et  même  à  plusieurs  espèces  de  légumes; 
elle  peut  être  servie  avec  des  rôtis,  des  grillades  et  des  fritures; 
aucune  sauce,  ni  ancienne,  ni  moderne,  ne  peut  lui  être  com- 
parée à  cet  égard,   et   notons   en  passant  que  sa  préparation 


loya 


VEAU. 


n'exige  ni  beaucoup  de  science,  ni  beaucoup  de  travail;  je  la 
recommande  donc  comme  une  des  plus  utiles. 

Manier  deux  cents  grammes  de  bon  beurre  avec  une  cuille- 
rée à  bouche  de  persil  haché,  une  pointe  de  muscade  et  le  jus  de 
deux  citrons.  Versez  dans  une  casserole  les  deux  tiers  d'un  verre 
de  glace  de  viande  fondue,  la  faire  bouillir,  la  retirer  aussitôt 
sur  le  côté  du  feu  et  lui  incorporer  peu  à  peu,  en  la  tournant 
vivement  à  la  cuiller,  le  beurre  préparé,  divisé  en  petites  parties, 
mais  en  alternant  le  beurre  avec  le  jus  de  deux, citrons;  éviter 
rébullition  ;  quand  la  sauce  est  bien  liée,  lui  mêler  une  cuillerée 
à  bouche  d'eau  froide  et  la  retirer.  Elle  se  sert  pour  les  soles  à 
la  Colbert. 

Côtelettes  de  veau.  —  Ayez  un  carré  de  veau  bien  blanc, 
coupez-le  par  côtes  de  même  grosseur;  ôtez-leur  Tos  de  réclime; 
à  cet  effet  coupez  dans  la  jointure  à  la  jonction  de  la  côte  avec 
réclime;  parez  le  filet  de  la  côtelette;  ôtez-en  les  nerft  et 
aplatissez  légèrement  avec  le  plat  du  couperet,  après  en  avoir 
ôté  les  peaux,  en  prenant  bien  garde  d'altérer  ce  filet;  arron- 
dissez votre  côtelette,  supprimez  une  partie  de  la  chair  du  haut 
en  découvrant  le  bout  de  la  côte;  grattez  l'os  avec  le  dos  de 
votre  couteau,  en  sorte  qu'il  n'y  reste  aucune  chair:  recoupez  le 
bout  de  Tos,  de  façon  qu'étant  cuit,  il  ne  soit  pas  trop  long  et 
que  votre  côtelette  ait  de  la  grâce;  vous  pourrez  vous  en  servir, 
soit  au  naturel,  soit  pour  les  faire  quitter,  ou  de  toute  autre 
manière. 

Côtelettes  de  veau  à  la  provençale.  (Cuisine  méridionale.) 
—  A  peine  le  touriste  qui  voyage  en  France,  du  nord  au  midi, 
a-t-il  dépassé  Valence  et  atteint  Mornas,  qu'il  sent  qu'une  saveur 
nouvelle  se  mêle  aux  mets  qu'on  lui  sert;  cette  saveur  est  celle 
de  l'ail.  Comme,  pour  la  plupart  du  temps,  toute  la  différence 
qui  existe  entre  la  cuisine  du  nord  et  celle  du  midi  est  cette 
saveur  d'ail  qui  se  fait  sentir  plus  fortement,  ce  n'est  pas  la 
peine  de  faire  un  livre  de  cuisine  spécial  sur  la  Provence, 
mais  il  suffit  de  dire  la  quantité  d'ail  qui  doit  entrer  dans 
chaque  plat. 

Anisi,  pour  les  côtelettes  de  veau  à  la  provençale,  émincer 
cinq  ou  six  oignons  blancs ,  les  mettre  dans  la  poêle  avec  une 


VEAU. 


IC7) 


gousse  d'ail  et  du  saindoux  pour  les  faire  revenir  à  feu  modéré 
jusqu'à  ce  qu'ils  soient  de  belle  couleur,  les  assaisonner  avec 
sel  et  poivre,  les  saupoudrer  avec  un  peu  de  farine,  les  mouiller 
avec  du  vin  et  du  jus,  puis  cuire  le  ragoût  pendant  dix  à  douze 
minutes  à  feu  très-doux;  d'autre  part,  faire  revenir  au  saindoux 
des  deux  côtés,  et  dans  une  casserole  plate,  sept  à  huit  côtelettes 
de  veau  parées,  assaisonnées  et  farinées;  aussitôt  que  les  chairs 
sont  roidies,  égouttez  la  graisse  de  la  casserole  et  mouillez  les 
côtelettes  à  moitié  de  hauteur  avec  du  bouillon,  le  faire  bouillir, 
retirer  la  casserole  sur  un  feu  modéré,  la  couvrir  et  la  tenir 
ainsi  jusqu'à  ce  que  les  côtelettes  soient  cuites  et  le  fond  réduit 
en  demi-glace  ;  leur  mêler  alors  les  oignons,  épicer  d'une  pointe 
de  Cayenne  et  saupoudrer  de  persil  haché;  deux  minutes  après, 
dressez  les  côtelettes  en  couronne  sur  un  plat  et  versez  le  ragoût 
dans  le  puits  de  cette  couronne. 

Côtelettes  piquées.  —  Lorsque  vous  aurez  paré  vos  côte- 
lettes comme  il  est  dit  ci-dessus  et  que  vous  aurez  conservé 
la  panufTe,  liez  cette  panufFe  et  l'os  de  la  côtelette,  afin  qu'elle 
ne  se  détache  point;  piquez  vos  côtelettes  d'une  deuxième, 
comme  je  l'ai  indiqué  à  l'article  Noix  de  veau,'  foncez  une 
casserole  des  parures  de  vos  côtelettes,  joignez  deux  oignons, 
trois  ou  quatre  morceaux  de  carottes  et  un  bouquet  assaisonné, 
tel  qu'il  est  indiqué  plusieurs  fois,  mouillez-les  avec  du  bouil- 
lon, du  consommé  ou  de  l'eau;  si  vous  employez  de  l'eau,  met- 
tez un  peu  de  sel,  couvrez  vos  côtelettes  d'un  rond  de  papier 
beurré  et  faites-les  cuire  comme  il  est  indiqué  à  l'article  Grena^ 
dins;  vos  côtelettes  cuites,  égouttez-Ies,  faites-en  réduire  le  fond 
à  glace  et  servez-vous-en  pour  les  glacer,  surtout  si  vous  n'avez 
point  de  glace.  Vous  pourrez  servir  ces  côtelettes  sur  de  l'oseille, 
de  là  chicorée,  des  concombres,  des  petits  pois,  une  sauce 
tomate,  une  purée  de  champignons,  ou  avec  une  bonne  espa- 
gnole réduite. 

Côtelettes  de  veau  sautées.  —  Prenez  sept  côtelettes  de  veau, 
parez-les  et  aplatissez-les,  ensuite  faites  fondre  à  peu  près  125  gr. 
de  beurre  dans  une  sauteuse,  trempez  dans  ce  beurre  vos  côte- 
lettes des  deux  côtés  et  rangez-les  de  manière  qu'elles  ne  soient 
pas  les  unes  sur  les  autres,  faites-les  partir  sur  un  feu  moyen  et 

68 


I074 


VEAU. 


retournez-les  souvent  ;  lorsqu'elles  auront  atteint  les  trois  quarts 
de  leur  cuisson,  égouttez-en  le  beurre  et  mettez  dans  vos  côte- 
lettes gros  de  glace  comme  deux  fois  le  pouce,  une  cuillerée  à 
dégraisser  de  bouillon ,  et  menez*les  à  grand  feu  ;  ayez  soin  de 
les  retourner  souvent,  de  les  appuyer  sur  le  fond  de  la  sauteuse 
afin  qu'elles  se  pénètrent  bien  de  la  glace  ;  lorsqu'elles  seront 
cuites  et  qu'elles  seront  glacées,  dressez-les  sur  le  plat  comme 
les  précédentes ,  remettez  un  peu  de  consommé  dans  le  fond 
de  votre  sauteuse  pour  en  détacher  toute  la  glace  ;  quand 
votre  consommé  sera  réduit,  mettez-y  un  demi-pain  de  beurre 
et  le  jus  d'un  citron;  liez  le  tout  sans  le  laisser  bouillir  en 
agitant  votre  sauteuse,  arrosez-en  vos  côtelettes  et  servez. 

Côtelettes  de  veau  au  jambon.  —  Préparez  sept  côtelettes 
comme  les  précédentes  et  faites-les  cuire  de  même;  lorsque  vous 
les  servirez,  mettez  entre  elles  des  lames  de  noix  de  jambon, 
comme  Ion  met  des  lames  de  langue  à  l'écarlate  entre  les  côte- 
lettes à  la  Chingara  ou  jambon. 

Côtelettes  de  veau  au  naturel,  —  Prenez  autant  qu'il  vous 
en  faut  de  ces  côtelettes,  parez  et  aplatissez-les  comme  celles  ci- 
dessus,  saupoudrez-les  d'un  peu  de  sel,  trempez-les  dans  du 
beurre  fondu  et  mettez-les  sur  le  gril ,  ayez  soin  de  les  retour- 
ner, arrosez-les  du  reste  de  leur  beurre  durant  leur  cuisson 
pour  qu'elles  soient  d'une  belle  couleur.  Vous  pourrez  vous 
assurer  qu'elles  sont  cuites,  si,  en  appuyant  le  doigt  dessus,  elles 
sont  fermes;  alors  dressez- les,  saucez-les  avec  un  bon  jus  de 
bœuf  réduit  ou  une  sauce  au  pauvre  homme,  et  servez. 

Côtelettes  de  veau  panées,  —  Elles  se  préparent  de  même 
que  celles  énoncées  plus  haut,  sinon  qu'après  les  avoir  trempées 
dans  le  beurre,  on  les  pane,  et  qu'elles  exigent  un  feu  plus  doux. 

Côtelettes  de  veau  en  papillotes,  —  Prenez  ce  qu'il  vous  faut 
de  ces  côtelettes  ;  faites-les  revenir  dans  le  beurre,  mettez-y  persil, 
champignons  et  ciboules  hachés  (un  tiers  de  chaque),  un  peu  de 
lard  râpé,  avec  sel,  poivre  et  épices  fines;  laissez  mijoter  le  tout; 
quand  ces  côtelettes  seront  cuites,  retirez-les  des  fines  herbes,  et 
mettez  dans  ces  fines  herbes  une  cuillerée  ou  deux  à  dégraisser 
d'espagnole  ou  du  velouté,  selon  la  quantité  de  côtelettes  que 
vous  avez;  laissez  réduire  votre  sauce,  en  sorte  que  l'humidité  en 


VEAU.  1075 

soit  évaporée;  goûtez  si  vos  fines  herbes  sont  d'un  bon  goût;  liez- 
les  avec  des  jaunes  d'œufs,  selon  la  quantité  de  la  sauce  ;  laissez- 
la  refroidir  ainsi  que  vos  côtelettes  ;  coupez  votre  papier  de  la 
forme  d'un  petit  cerf-volant,  huilez-le  dans  l'endroit  où  votre 
côtelette  doit  poser;  mettez  sur  le  papier  des  petites  bardes  de 
lard  très-minces;  mettez  la  moitié  d'une  cuillerée  à  bouche  de 
fines  herbes  sur  le  lard;  posez  dessus  votre  côtelette,  et  couvrez- 
la  de  fines  herbes  et  d'une  petite  barde;  renfermez  votre  papillote, 
videle\-la;  nouez  la  pointe  du  côté  de  l'os  avec  une  ficelle;  faites 
que  vos  côtelettes  soient  d'une  belle  couleur,  et  servez. 

Carré  de  veau  à  la  broche.  —  Prenez  un  carré  de  veau  bien 
gras  et  bien  blanc  ;  ôtez  le  bout  qui  se  trouve  dessous  l'épaule, 
afin  que  votre  carré  soit  entièrement  couvert;  levez-en  l'arête  de 
réchine  dans  toute  sa  longueur.  Coupez-la  avec  le  couperet  dans 
les  jointures  des  côtés  comme  je  l'ai  dit  (article  Côtelettes)  ;  cela 
fait,  coupez-le  de  toute  sa  longueur  du  côté  de  la  poitrine,  afin 
de  le  mettre  bien  carré  ;  passez  quelques  hatelets  dans  le  filet,  et 
faites-leur  rejoindre  les  côtes  ;  afin  que  votre  carré  se  soutienne, 
couchez-le  sur  fer,  en  passant  un  grand  hatelet  au-dessus  du 
filet,  pour  l'assujettir  sur  la  broche  ;  liez  l'hatelet  fortement  des 
deux  bouts  ;  enveloppez  votre  carré  de  papier  beurré  ;  faites-le 
cuire  environ  une  heure  et  demie  en  l'arrosant  avec  soin;  de 
suite  ôtez-en  le  papier  et  faites  lui  prendre  une  belle  couleur; 
servez-le  avec  un  bon  jus  de  bœuf. 

Carré  de  veau  piqué,  —  Prenez  un  beau  carré  de  veau; 
ôtez-en  l'os  de  l'échiné,  comme  il  est  dit  précédemment  ;  cela  fait, 
coupez  légèrement  et  dans  toute  sa  longueur  la  peau  qui  couvre 
le  filet,  surtout  sans  l'endommager;  de  même  levez -en  le  nerf 
ainsi  que  les  peaux  qui  le  couvrent  encore,  en  faisant  glisser  votre 
couteau  entre  ce  nerf  et  la  chair  du  filet;  parez-le  bien  et  battez- 
le  légèrement;  ensuite  piquez-le,  comme  il  est  dit  à  l'article  du 
Ris  de  veau,  et  marquez-le  dans  une  casserole  ainsi  que  je  l'ai 
énoncé  pour  la  noix  de  veau,  à  son  article  ;  sa  cuisson  faite,  gla- 
cez-le et  servez-le  sur  tel  ragoût  que  vous  jugerez  à  propos. 

Petites  noix  d'épaule  de  veau.  —  Ayez  quinze  petites  noix 
d'épaule  de  veau  ;  faites-les  blanchir,  rafraîchissez-les,  parez-les, 
sans  en  supprimer  la  graisse  qui  les  entoure;  foncez  une  casserole 


1076  VEAU. 

de  deux  carottes,  de  deux  oignons,  quelques  débris  de  veau,  un 
bouquet  de  persil  et  ciboules,  une  demi-feuille  de  laurier  et  deux 
clous  de  girofle;  posez  ces  noix  sur  ce  fond,  mouillez-les  avec 
un  peu  de  bouillon  ou  de  consommé  ;  couvrez-les  de  bardes  de 
lard,  et  d'un  rond  de  papier;  une  heure  avant  de  servir,  faites-les 
partir;  mettez-les  cuire  sur  la  paillasse  avec  feu  dessous  et  des- 
sus ;  leur  cuisson  achevée,  égouttez-les  sur  un  couvercle  ;  glacez- 
les  et  servez-les  sur  une  purée  de  champignons  (voyez  Sauce  à  la 
purée  de  champignons^  à  son  article) ,  ou  sur  toute  autre  purée.  Si 
vous  n-aviez  point  de  glace,  prenez  le  fond  de  ces  noix  et  faites-le 
réduire  à  glace,  en  sorte  qu'elle  soit  d'une  belle  couleur  dorée. 

Côtelettes  de  veau  au  doge  de  Venise  (recette  de  Ferdinando 
Grandi).  —  Préparez  de  belles  côtelettes  de  veau.  Faites-les 
griller  un  quart  d'heure  avant  de  servir,  garnissez-les  d'un  appa- 
reil que  vous  aurez  fait  avec  250  grammes  de  riz,  douze  à  qua- 
torze fonds  d'artichauts  coupés  en  dés  et  une  partie  de  sauce 
tomate,  le  tout  fait  en  perfection.  Dressez  vos  côtelettes.  Dressez 
le  riz  dans  le  milieu  en  forme  de  pyramide,  et  garnissez -le 
presque  entièrement  de  petits  champignons  tournés.  Ornez  le 
haut  de  la  pyramide  d'un  bonnet  de  doge  que  vous  ferez  avec  une 
carotte  blanchie.  Glacez  les  côtelettes,  et  servez  une  demi-glace 
dans  une  saucière. 

Côtelettes  de  veau  à  la  Robert  Peele  (recette  de  Ferdinando 
Grandi).  —  Faîtes  griller  des  petites  côtelettes  de  veau  de  l'épais- 
seur d'un  demi-centimètre  ;  à  moitié  cuites,  faites  leur  subir  une 
légère  pression.  Lorsqu'elles  sont  froides,  essuyez-les  bien  a^^ec 
une  serviette  ;  masquez-les  complètement  avec  une  béchamel  de 
bon  goût,  où  vous  aurez  mélangé  de  la  moelle  coupée  en  dés  ; 
vous  faites  ce  mélange  quand  la  béchamel  est  froide.  Faites 
prendre  exactement  la  forme  de  la  côtelette,  puis,  touchez  déli- 
catement sur  de  la  farine  et  de  l'œuf  battu,  où  vous  mêlerez  une 
petite  portion  de  beurre  fondu.  Panez  légèrement,  le  plus  pos- 
sible. Vingt  minutes  avant  de  servir,  vous  ferez  sauter  les  côte- 
lettes au  beurre,  très-doucement.  Quand  le  beurre  sera  bien 
chaud,  servez-les  toutes  naturelles  dans  un  plat  à  relevé  et  sur 
deux  rangs.  Vous  présenterez,  dans  une  saucière,  une  sauce 
maître-d'hôtel  où  vous  aurez  mêlé  des  truffes  coupées  en  julienne. 


i 


VEAU.  1077 

Ris  de  veau  à  la  Zurich.  —  Prenez  trois  ris  de  veau  du  cœur, 
piquez-les,  retournez-les  et  clouez-les  avec  des  truffes.  Faites- 
les  cuire  dans  un  bon  fond  bien  glacé.  Quand  vous  les  servirez, 
vous  les  placerez  sur  une  croustade  de  pain  déjk  préparée,  sur  un 
plat  au  milieu  duquel  vous  aurez  disposé  un  croûton  en  pain,  un 
peu  plus  élevé  que  les  ris.  Sur  le  croûton,  vous  placerez  une 
quenelle  de  volaille  ronde  plate,  un  peu  plus  large  que  celui-ci, 
et  par-desus  la  quenelle,  une  grosse  truffe.  Entre  les  trois  ris  de 
veau,  dressez  de  belles  crêtes  debout.  Vous  garnirez  le  tour,  au 
bas  du  plat,  de  six  truffes,  six  bouquets  de  rognons  de  chapon, 
et  six  quenelles  de  gibier.  Saucez  le  tout  avec  un  bonne  demi- 
glace  et  servez  le  reste  dans  une  saucière.  Faites  aussi  présenter 
dans  une  casserole  d'argent  une  bonne  soubise.  —  (Recette  de 
Ferdinando  Grandi.) 

Côtelettes  de  veau  panées  et  grillées.  —  Prenez  six  ou  huit 
côtelettes,  bien  appropriées  et  bien  parées,  saupoudrez-les  de 
sel  et  de  poivre,  trempez-les  dans  du  beurre  fondu,  panez-les 
avec  de  la  mie  de  pain  bien  rassis,  mettez-les  sur  le  gril,  retour- 
nez-les de  cinq  minutes  en  cinq  minutes,  arrosez-les  de  leur 
beurre  pendant  leur  cuisson,  pour  qu'elles  soient  d'une  belle 
couleur,  et  dès  que  vous  serez  assuré  qu'elles  sont  cuites, 
dressez-les,  saucez-les  avec  un  bon  jus  de  bœuf,  une  sauce  au 
pauvre  homme,  ou  bien  encore  avec  une  poivrade  aiguisée  d'un 
jus  de  citron. 

Côtelettes  de  veau  au  vert-pré,  —  On  met  les  côtelettes  dans 
une  casserole  avec  un  morceau  de  beurre  et  un  bouquet  garni, 
on  les  passe  sur  le  feu,  on  y  jette  une  pincée  de  farine,  on 
mouille  avec  du  bouillon  un  verre  de  vin  blanc,  on  assaisonne 
de  sel  et  gros  poivre,  on  fait  cuire  à  petit  feu,  on  dégraisse  la 
cuisson  faite  et  la  sauce  réduite,  on  y  ajoute  gros  comme  une 
noix  de  bon  beurre  manié  de  farine,  une  bonne  pincée  de  cer- 
feuil blanchi  et  haché,  on  lie  la  sauce,  et  on  y  met  un  jus  de 
citron  et  un  filet  de  vinaigre. 

Rouelle  de  veau  à  la  crème.  —  Coupez  votre  rouelle  par 
petits  morceaux  que  vous  lardez  en  travers,  avec  du  gros  lard 
assaisonné  de  sel,  de  fines  épices,  de  persil,  de  ciboules 
et  de  champignons  hachés  ;  vous  la  mettrez  dans  une  casserole, 


1078  VEAU. 

avec  un  peu  de  beurre,  vous  la  passerez  sur  le  feu,  vous  mettrez 
alors  une  bonne  pincée  de  farine  mouillée  avec  du  bouillon  et 
un  verre  de  vin  blanc  ;  votre  rouelle  cuite,  et  la  sauce  bien 
réduite,  vous  ajouterez  une  liaison  de  trois  jaunes  d'œufs  délayés 
avec  de  la  crème,  que  vous  ferez  lier  sur  le  feu. 

blanquette  de  veau  à  la  duchesse.  —  Faites  cuire  à  la  broche 
un  morceau  de  veau,  soit  du  cuissot,  soit  de  la  petite  longe; 
lorsqu'elle  q%X  cuite  à  point  et  refroidie,  levez-en  adroitement  le 
filet,  mettez-le  en  petits  morceaux  gros  comme  des  pièces  de 
deux  sous,  puis  ensuite  dans  une  casserole,  entre  des  bardes  de 
lard  ;  faites-le  chauffer  pendant  une  demi-heure  dans  une  étuve  au 
bain-marie  ;  on  fait  clarifier  et  réduire  deux  cuillerées  à  pot  de 
coulis  blanc,  ou  de  consommé,  on  lie  avec  trois  jaunes  d'œufe,  et 
on  ajoute  à  cela  un  quarteron  de  beurre  frais,  un  jus  de  citron 
et  une  pincée  de  persil  blanchi  ;  on  jette  la  blanquette  de  veau 
dans  cette  sauce  et  on  la  sert  vivement  et  chaudement  avec  des 
croûtons  autour  ;  on  peut,  si  on  le  juge  à  propos^  la  mettre  dans 
un  vol-au-vent. 

Blanquette  de  veau  aux  truffes.  —  Vous  prenez  du  maigre 
de  veau  rôti  d'avance,  et  pour  en  faire  une  blanquette,  levez  la 
chair  qui  reste  par  morceaux  que  vous  aplatirez  avec  la  lame  de 
votre  couteau,  parez-les,  ôtez-en  les  peaux  rissolées,  émincez  les 
filets  que  vous  aurez  levés,  faites  réduire  du  velouté,  jetez-y  vos 
filets  sans  les  laisser  bouillir,  liez  votre  blanquette  avec  autant 
de  jaunes  d'œufs  qu'il  en  faut,  mettez-y  un  filet  de  verjus  ou  un 
jus  de  citron,  un  petit  morceau  de  beurre,  un  peu  de  persil  et 
de  ciboules  hachées,  et  joignez-y  finalement  des  truffes  émincées 
et  cuites  d'avance  dans  du  court-bouillon  ou  dans  du  consommé. 

Tendron  de  veau  en  casserole  au  ri{. — Lavez  un  kilogramme 
de  riz,  faites-le  blanchir,  mettez-le  dans  une  casserole,  mouillez- 
le  un  peu  avec  du  fond  de  la  marmite,  cuisez  doucement,  remuez 
doucement;  faites  en  sorte  qu'il  soit  bien  nourri,  c'est-à-dire 
qu'il  soit  gras,  salez  convenablement;  sa  cuisson  achevée,  faites 
un  bouchon  de  mie  de  pain  de  la  grandeur  du  fond  de  votre 
plat,  dressez  tout  autour  votre  riz  comme  vous  feriez  pour  un 
pâté,  soudez-le  bien  sur  votre  plat,  couvrez  votre  mie  de  pain 
d'une  barde  de  lard,  étendez  de  votre  riz  sur  un  couvercle  que 


V£AU«  i<^9 

VOUS  aurez  beurré  pour  en  couvrir  votre  casserole,  ikites-le 
glisser  sur  votre  pain  et  soudez  le  premier  placé;  donnez  au  tout 
une  forme  agréable^  marquez  le  couvercle  de  votre  casserole  pour 
pouvoir  lenlever  facilement  quand  il  sera  cuit,  mettez-le  dans 
un  four  très-chaud,  donnez-lui  une  belle  couleur;  lorsque  vous 
serez  prêt  de  servir,  levez  votre  couvercle  avec  grand  soin,  videz 
votre  casserole  au  riz  et  remplissez-la  d'un  ragoût  de  tendrons 
de  veau  à  la  poulette. 

Tendron  de  veau  en  terrine.  — Faites  revenir  dans  du  beurre 
les  tendrons  parés,  blanchis  et  rafraîchis,  saupoudrez-les  de  farine, 
mouillez-les  avec  un  peu  de  consommé  et  un  peu  de  velouté, 
ajoutez  un  bouquet  garni,  du  gros  poivre,  des  champignons,  des 
petits  oignons,  des  ris  de  veau,  des  crêtes  et  des  rognons  de  coq; 
le  tout  étant  cuit,  vous  dresserez  ces  ingrédients  dans  une  terrine, 
puis  vous  passerez  la  sauce,  vous  la  lierez  avec  des  jaunes  d'œufs, 
et  vous  verserez  dessus. 

Tendron  de  veau  à  la  jardinière,  —  La  cuisson  comme 
ci-dessus;  dressez  vos  tendrons  en  couronne,  mettez  autour  des 
laitues  cuites  dans  du  consommé  et  dans  le  milieu  des  navets  et 
des  carottes  tournées  en  petits  bâtons. 

Poitrine  de  veau  à  la  mousquetaire.  —  Faites  cuire  une  poi- 
trine de  veau,  avec  moitié  bouillon,  moitié  vin  blanc,  un  bouquet 
garni,  sel  et  poivre;  quand  elle  est  cuite,  dressez-la  sur  un  plat, 
et  renversez  la  peau  sur  les  côtés,  pour  laisser  les  tendrons  à 
découvert;  dégraissez  la  cuisson,  liez-la  avec  du  beurre  manié 
de  farine,  ajoutez  une  pincée  de  persil  blanchi  haché,  et  versez 
sur  la  poitrine  braisée. 

Poitrine  de  veau  aux  petits  pois.  —  Coupez  par  morceaux, 
faites  blanchir  et  ensuite  revenir  au  beurre  votre  poitrine  de 
veau,  ajoutez  une  bonne  pincée  de  iarine  mouillée  avec  du 
bouillon,  assaisonnez  avec  du  poivre  et  un  bouquet  garni;  ne 
mettez  pas  de  sel,  à  cause  du  bouillon  qui  devait  être  déjà 
salé.  Lorsque  la  poitrine  est  à  moitié  cuite,  ajoutez-y  les  petits 
pois  avec  une  ou  deux  feuilles  de  sarriette,  et  un  très-petit  mor- 
ceau de  sucre  ;  au  moment  de  servir,  mettez  une  liaison  de  quatre 
jaunes  d'oeufs. 

Poitrine  de  veau  aux  oignons  glacés.  —  Parez   et  bridez 


io8o  VEAU. 

votre  poitrine,  mettez  dans  le  fond  d'une  casserole  des  bardes  de 
lard,  coupez  en  tranches  des  oignons  que  vous  mettez  dans  le 
fond  de  votre  casserole  ;  vous  y  placez  votre  poitrine,  vous  la  cou- 
vrez de  lard,  vous  mettez  par-dessus  deux  feuilles  de  laurier,  des 
oignons  coupés,  un  peu  de  thym,  la  moitié  d'une  cuiller  à  pot 
■de  consommé  et  de  plus  une  pincée  de  gros  poivre;  vous  faites 
cuire  alors  votre  poitrine  avec  feu  dessus  et  dessous  pendant 
deux  heures  et  demie  :  quand  elle  est  cuite  vous  Tégouttez,  vous 
la  glacez  avec  la  glace  de  vos  oignons,  et  la  mettez  sur  le  plat 
avec  des  oignons  glacés  à  Tenfour,  vous  versez  dans  votre  glace 
deux  cuillerées  à  dégraisser  d'espagnole,  travaillée  avec  une 
cuillerée  de  consommé,  vous  détachez  votre  glace  avec  votre 
sauce,  et  vous  servez  le  plus  chaudement  possible. 

Poitrine  de  veau  à  la  Villageoise.  —  Vous  faites  blanchir 
.un  chou  et  un  morceau  de  petit  lard  coupé  en  tranches,  vous 
ficelez  Tun  et  l'autre  à  part,  vous  y  joignez  votre  poitrine  de  veau 
coupée  par  morceaux  et  blanchie,  vous  faites  cuire  le  tout 
ensemble  avec  du  bouillon,  en  ayant  soin  de  ne  point  saler  à 
cause  du  lard;  quand  tout  est  cuit,  vous  retirez  le  chou  et  la 
viande  que  vous  dressez  dans  un  plat,  vous  dégraissez  le  bouillon 
et  vous  faites  réduire  la  .sauce;  si  elle. est  trop  longue  et  si,  en  la 
goûtant,  vous  la  trouvez  trop  salée,  vous  pouvez  en  corriger 
l'àcreté  en  y  mêlant  un  peu  de  lait  et  de  cassonade  blanche. 

Épaule  de  veau  aux  sept  racines.  —  Piquez  intérieurement 
une  épaule  désossée  avec  des  lardons  assaisonnés  de  sel  fin,  gros 
poivre,  persil  haché  bien  fin,  deux  feuilles  de  laurier,  un  peu  de 
thym  bien  haché  et  quatre  épices  ;  puis  vous  la  roulez  en  long, 
vous  la  ficelez,  vous  réunissez  dans  le  fond  d'une  braisière  des 
bardes  de  lard,  quelques  tranches  de  veau,  les  os  de  Tépaule,  puis 
l'épaule  elle-même,  après  avoir  couvert  de  lard  cette  épaule,  vous 
ajoutez  des  oignons,  des  carottes  et  des  navets,  deux  pieds  de 
céleri,  trois  panais,  six  topinambours  et  une  demi-botte  de  salsifis; 
vous  ajouterez  du  gros  poivre,  un  bouquet  garni,  vous  couvrirez 
le  tout  d'un  papier  beurré,  puis  vous  ferez  cuire  sur  un  feu  doux 
en  mettant  du  feu  sur  le  couvercle  de  la  braisière  et  en  laissant 
bouillir  ainsi  pendant  trois  heures.  Déficelez  l'épaule  ensuite, 
dressez-la  sur  un  plat  ovale,  glacez-la,  et  mettez  autour  de  votre 


VEAU.  1081 

épaule  ainsi  préparée,  pour  garniture^  toutes  les  racines  de  sa 
cuisson. 

Épaule  de  veau  en  musette  champêtre.  —  (Une  lettre  de  Voi- 
ture à  son  ami  Costar  indique  tout  le  cas  que  le  poëte  d'Anne 
d'Autriche  faisait  de  ce  mets.)  Désossez  une  épaule  de  veau, 
piquez-la  avec  du  petit  lard,  de  la  langue  à  l'écarlate,  salez  et 
poivrez  l'intérieur,  puis  troussez  Tépaule  en  forme  de  musette^ 
et  ficelez-la  de  manière  à  la  maintenir  dans  cette  forme  ;  étant 
ainsi  préparée,  mettez-la  dans  une  braisière  avec  des  bardes  de 
lard,  carottes,  oignons,  bouquet  garni,  mouillez  avec  du  con- 
sommé; répaule  étant  cuite,  faites-la  égoutter,  passez  et  dégrais- 
sez votre  fond  de  cuisson,  faites-la  réduire  à  demi-glace,  puis 
remettez  l'épaule  dedans,  arrosez-la,  et  faites  bouillir  douce- 
ment avec  feu  dessous  et  dessus.  Cette  épaule  se  sentait  ancien- 
nement sur  un  matelas  de  petites  fèves  de  marais,  apprêtées  à  la 
crème  et  à  la  sarriette. 

Épaule  de  veau  en  galantine.  —  Désossez  une  épaule  de 
veau,  faites  une  farce  avec  la  moitié  de  la  chair  et  une  égale 
quantité  de  lard,  étendez  les  chairs  que  vous  avez  réservées, 
mettez  dessus  une  couche  de  farce,  sur  cette  farce  arrangez  de 
gros  lardons,  de  la  langue  à  Técarlate  coupée  comme  les  lardons, 
et  des  truffes  coupées  comme  la  langue;  faites  une  nouvelle  couche 
de  farce,  mettez  les  mêmes  ingrédients  dessus,  et  ainsi  de  suite 
jusqu'à  ce  que  toute  la  farce  soit  employée;  roulez  ensuite  l'épaule 
de  veau,  ficelez -la  fortement,  couvrez-la  de  bardes  de  lard,  enve- 
loppez-la dans  un  linge,  faites-la  cuire  comme  un  fricandeau,  et 
faites  aussi  de  la  gelée  avec  le  fond  comme  avec  le  fond  de  frican- 
deau, parez  la  galantine  et  servez-la  avec  des  tranches  de  gelée 
dessus  et  autour. 

Gros  de  veau  rôti.  —  Piquez  votre  gros  de  veau  de  lard, 
faites -le  rôtir  longtemps  à  feu  doux  :  il  doit  être  bien  cuit  sans 
être  desséché  ;  .afin  d'éviter  la  déperdition  de  ses  sucs,  lorsqu'il 
est  embroché,  on  applique  légèrement  sur  toutes  les  parties  de 
la  surface  une  pelle  rouge  qui  crispe  la  chair  et  retient  les  sucs 
en  dedans. 

On  peut  rendre  ce  rôti  plus  agréable  encore  en  l'arrosant 
avec  une  marinade  composée  d'huile,  de  jus  de  citron,  de  chair 


io8a  VEAU. 

d'anchois ,  de  sel  et  de  poivre  ;  lorsqu'il  est  cuit ,  on  le  sert  avec 
ce  qui  reste  de  la  marinade  dans  la  lèchefrite  après  avoir  dégraissé. 

Épaule  de  veau  rôtie,  —  Parez  une  épaule  de  veau,  faites- 
la  cuire  à  la  broche,  servez-la  de  belle  couleur  sans  autre  sauce 
que  son  jus. 

Cuisse  de  veau  rôtie,  —  Faites  mariner  une  cuisse  de  veau 
pendant  deux  jours  dans  du  vin  blanc  avec  du  poivre,  du  sel  et 
des  herbes  aromatiques,  piquez-en  le  dessus  avec  du  lard  moyen 
et  mettez-la  à  la  broche;  bien  cuite,  vous  la  servirez  avec  une 
sauce  à  la  ravigote. 

Cuisse  de  veau  à  la  hollandaise,  —  Prenez  la  plus  grosse 
partie  d'une  cuisse  de  veau,  ôtez-en  l'os ,  piquez-la  de  la  langue 
à  l'écarlate,  iicelez-la  et  faites-la  cuire  dans  une  terrine  avec 
des  bardes  de  lard,  des  parures  de  viande,  un  bouquet  garni, 
quelques  carottes  et  oignons,  le  tout  mouillé  avec  du  bouillon 
non  dégraissé;  lorsque  le  morceau  sera  cuit,  vous  passerez  et 
dégraisserez  son  fond  de  cuisson  et  vous  ajouterez  un  peu  de 
coulis  réduit  à  glace  et  vous  ferez  réduire  ce  mélange  sur  lequel 
vous  dresserez  le  morceau  de  cuisse  après  y  avoir  ajouté  le  jus 
d'un  citron. 

Carré  de  veau  à  la  ménagère,  —  Piquez  un  carré  de  veau 
avec  du  lard  moyen,  fkites-le  cuire  dans  une  casserole  avec 
carottes,  oignons,  un  bouquet  garni,  le  tout  mouillé  avec  du 
bouillon  ;  lorsque  le  carré  de  veau  sera  cuit,  vous  le  ferez  égout- 
ter  et  vous  le  dresserez  sur  une  sauce  aux  tomates. 

Ris  de  veau  en  fricandeau.  —  Faites-les  dégorger  et  blan- 
chir, ôtez-en  le  cornet,  piquez-les  de  lard  fin  assaisonné,  faites- 
les  cuire  dans  une  bonne  braise,  trois  quarts  d'heure  suffiront; 
retirez-les  quand  ils  sont  cuits,  passez  la  cuisson,  faites-la  réduire, 
et  quand  il  n'y  en  a  presque  plus,  passez  les  ris  pour  les  glacer 
du  côté  du  lard,  mettez  auparavant  dans  la  cuisson  un  peu  de 
caramel  ou  de  sucre  en  poudre,  servez  sur  une  purée  de  cham- 
pignons^ de  tomates,  de  marrons,  d'oseille,  ou  bien  sur  un  ragoût 
de  truffes,  de  concombres,  de  chicorée  ou  d'épinards;  vous  met- 
trez un  peu  de  bouillon  dans  la  casserole  pour  détacher  la  glace, 
et  vous  vous  en  servirez  pour  assaisonner  la  purée  dont  vous 
aurez  fait  choix. 


VEAU.  1083 

• 
Ris  de  veau  glacés.  — ;  Faites  dégorger  et  blanchir  des  ris 

de  veau  et  piquez-en  le  dessus  avec  un  lard  fin,  mettez-les 

ensuite  dans  une  casserole  entre  des  bardes  de  lard,  des  parures 

de  viandes,  un  jarret  de  veau,  quelques  carottes  et  oignons,  un 

bouquet  garni ,  des  clous  de  girofle  et  une  feuille  de  laurier  ; 

mouillez  le  tout  avec  du  bouillon,  de  manière  que  le  bouillon 

ne  couvre  pas  tout  à  fait  les  ris  de  veau ,  étendez  à  la  surface 

un  rond  de  papier  beurré  et  faites  cuire  avec  feu  dessous  et 

feu  dessus  ;  une  heure  de  cuisson  suffit ,  on  dresse  ensuite  les 

ris  sur  une  italienne. 

Ris  de  veau  en  cassolettes.  —  Modelez  des  morceaux  de 
beurre  dans  un  coupe*pàte  ou  dans  un  moule  quelconque,  puis 
passez-les,  en  les  trempant  d'abord  dans  des  œufs  battus  et 
assaisonnés  comme  pour  une  omelette,  et  ensuite  dans  la  mie  de 
pain  mêlée  de  fromage  de  Parme  râpé  ;  répétez  cette  opération , 
puis  vous  ferez  à  l'une  des  extrémités  de  chacun  de  ces  morceaux 
de  beurre  ainsi  garnis  une  petite  ouverture  dans  laquelle  vous 
introduirez  un  hachis  de  ris  de  veau  mêlé  de  truffes  et  bien 
assaisonné,  jetez-les  tous  en  même  temps  dans  de  la  friture 
chaude  et  servez-les  sur  un  jus  clair  oti  vous  ajouterez  celui 
d'un  citron. 

Ris  de  veau  en  papillotes.  —  Faites  cuire  des  ris  de  veau 
comme  il  est  dit  ci-dessus,  puis  faites-les  égoutter,  mettez-les 
sur  un  plat,  versez  dessus  une  sauce  à  la  Duxelles  ;  le  tout  étant 
refroidi,  vous  mettrez  du  jambon  coupé  par  tranches  bien  minces 
sur  chaque  ris  de  veau ,  et  vous  l'envelopperez,  ainsi  garni  de 
sauce  et  de  tranches  de  jambon,  dans  du  papier  huilé  que  vous 
plisserez  tout  autour  afin  qu'il  ne  puisse  rien  s'en  échapper; 
quelque  temps  avant  de  servir  ces  papillotes,  faites-leur  prendre 
couleur  sur  le  gril. 

Oreilles  de  veau  à  la  Sainte-Ménehould.  —  Echaudez  et  net- 
toyez des  oreilles  de  veau,  foncez  une  casserole  de  bardes  de 
lard,  mettez  les  oreilles  par-dessus  et  recouvrez-les  de  bardes, 
mouillez  avec  du  vin  blanc  et  du  bouillon,  ajoutez  des  tranches 
de  citron  sans  peau  ni  pépins  ou  des  groseilles  à  maquereau,  ou 
du  verjus  bien  épepiné;  en  outre,  mêlez-y  quelques  racines,  un 
bouquet  garni,  sel  et  poivre;  faites  cuire  à  petit  feu,  et  quand  les 


io84  VEAU. 

■ 

oreilles  de  veau  seront  cuites  et  égouttées,  saucez-les  dans  du 
beurre  tiède,  panez-les,  dorez  avec  Fœuf  entier  battu,  panez  une 
seconde  fois,  faites-leur  prendre  couleur  sous  un  couvercle  de 
tourtière  et  servez-les  avec  une  sauce  piquante. 

Oreilles  de  veau  aux  champignons.  —  Faites-les  cuire  à  la 
braise  et  puis  faites  sauter  au  beurre  des  champignons  bien  éplu- 
chés, versez  dessus  un  peu  de  consommé,  autant  de  velouté; 
faites  réduire  ce  mélange,  liez-le  avec  des  jaunes  d'oeufs,  dressez 
vos  oreilles  de  veau,  et  versez  cette  préparation  dessus. 

Cervelles  de  veau  en  crépinette.  —  Coupez  en  deux  des  cer- 
velles de  veau  cuites  ;  coupez  en  morceaux  carrés  quelques  gros 
oignons,  faites-les  cuire  dans  du  beurre  avec  de  la  muscade 
râpée,  du  sel  et  du  poivre,  une  feuille  de  laurier,  un  peu  d'ail; 
lorsque  ces  oignons  seront  bien  jaunis,  vous  les  mouillerez  avec 
du  velouté  et  vous  ferez  bien  bouillir  le  tout  pendant  quelques 
instants  ;  ôtez  ensuite  cette  préparation  de  dessus  le  feu ,  liez-Ia 
avec  des  jaunes  d'œufs,  mettez  dedans  des  cervelles  cuites  et 
coupées  comme  nous  venons  de  le  dire,  laissez  refroidir  le  tout, 
prenez  Tun  après  l'autre  les  morceaux  de  cervelle,  ayez  soin 
qu'ils  soient  bien  garnis  de  tous  côtés  de  la  préparation  que 
nous  venons  d'indiquer;  enveloppez  chaque  morceau  dans  de  la 
crépinette  de  cochon ,  faites  prendre  couleur  et  dressez  sur  une 
sauce  aux  tomates. 

Cervelles  de  veau  à  la  provençale,  —  Cuites  comme  ci-des- 
sus, coupez-les  en  deux,  qu'elles  aient  une  forme  régulière, 
dressez-les  en  couronne  et  versez  le  tout  dans  une  mayonnaise 
où  vous  joindrez  un  peu  d'ail,  décorez  la  mayonnaise  avec  de  la 
gelée,  des  cornichons  et  des  olives  tournées. 

Langue  de  veau  à  Vétuvée  pour  hors-d'œuvre.  —  Blanchis- 
sez, rafraîchissez  une  langue  de  veau  dégorgée,  piquez-la  de 
lard  bien  assaisonné  d'épices  et  de  fines  herbes,  mettez-la  dans 
une  casserole  avec  un  bouquet  garni,  deux  carottes  et  deux 
oignons  dont  un  piqué  de  deux  clous  de  girofle,  mouillez  avec 
du  consommé  et  faites  bouillir  à  petit  feu  pendant  quatre  heures  ; 
débarrassez  ensuite  la  langue  de  veau  de  la  peau  qui  la  couvre, 
dressez-la  sur  une  sauce  piquante  et  glacez-la.  On  peut  rem- 
placer la  sauce  piquante  par  une  ravigote  ou  une  poivrade. 


VEAU.  1085 

Filets  mignons  de  veau  bigarrés  à  la  Bellevue,  —  Piquez  un 
iîlet  mignon  de  veau  avec  du  lard  fin,  piquez-en  un  autre  avec 
des  truffes  bien  noires,  un  troisième  avec  des  filets  de  cornichons 
très-verts,  le  quatrième  avec  de  la  langue  à  l'écarlate;  faites 
revenir  le  filet  piqué  de  lard  dans  de  la  glace  de  viande,  et  les 
autres  dans  du  beurre  ;  mettez  ces  quatre  filets  sur  un  plat  avec 
de  la  glace  de  viande,  faites-les  cuire  à  un  feu  doux  avec  un  four 
de  campagne  par-dessus  ;  lorsqu'ils  seront  cuits,  dressez-les  sur 
un  ragoût  à  la  financière,  où  vous  n'épargnerez  ni  les  truffes,  ni 
les  crêtes,  ni  les  rognons  de  coqs.  C'est  une  de  plus  fines  entrées 
de  la  cuisine  moderne. 

Fraise  de  veau  au  naturel,  —  Faites-la  blanchir  dans  l'eau 
bouillante  pendant  un  quart  d'heure;  retirez-la  et  faites-la  égout- 
ter,  faites-la  cuire  avec  des  bardes  de  lard,  du  vin  blanc,  du  bouil- 
lon, un  oignon  piqué  de  clous  de  girofle,  sel,  et  gros  poivre,  fai- 
tes cuire  à  petit  feu;  quand  elle  est  cuite,  faites  réduire  la  cuisson, 
ajoutez-y  des  cornichons  et  un  filet  de  vinaigre;  servez  cette 
sauce  dans  une  saucière,  à  proximité  du  hors-d'œuvre  auquel 
elle  est  destinée. 

Fraise  de  veau  au  kari.  —  Faites-la  cuire  comme  ci-dessus, 
faites  réduire  la  cuisson,  ajoutez-y  un  peu  de  safran  coupé,  et 
une  bonne  pincée  de  poudre  de  kari. 

Fraise  de  veau  frite.  —  Faites  cuire  comme  ci -dessus, 
coupez  la  fraise  en  morceaux,  et  laissez-la  tremper  pendant  une 
heure  dans  une  marinade  tiède,  roulez  les  morceaux  en  les  trem- 
pant dans  la  marinade,  laissez  refroidir,  faites-les  frire  ensuite 
après  les  avoir  trempés  dans  une  pâte  légère. 

Pieds  de  veau  à  la  fermière,  —  Faites-les  cuire  dans  la  mar- 
mite, servez-les  avec  une  sauce  composée  de  vinaigre,  de  gros 
poivre,  de  bouillon  et  de  fines  herbes  hachées. 

Pieds  de  veau  à  la  Camargo.  —  Faites  cuire  à  l'eau  quatre 
pieds  de  veau,  on  les  égoutte,  on  les  met  dans  une  casserole  avec 
deux  cuillerées  de  verjus,  un  morceau  de  beurre  manié  de  farine, 
sel,  gros  poivre,  une  échalote  hachée  et  un  verre  de  bouillon, 
on  les  fait  mijoter  une  demi-heure  à  petit  feu,  avant  de  servir  on 
ajoute  un  anchois  haché  que  l'on  délaye  dans  la  sauce,  avec  une 
poignée  de  persil  haché;  que  la  sauce  soit  courte  et  acide. 


[o86  VERJUS. 


Pieds  de  veau  à  la  Sainte^Minehould.  —  On  fend  par  le 
milieu  les  pieds  de  veau  bien  échaudés,  on  les  ficelle  dans  une 
bonne  braise  ;  lorsqu'ils  sont  cuits,  et  qu'il  n'y  a  plus  que  très- 
peu  de  sauce,  on  les  fait  refroidir  à  moitié  pour  les  paner  de 
mie  de  pain,  qu'on  arrose  avec  la  graisse  de  la  braise;  on  les 
fait  griller  de  belle  couleur  et  on  les  sert  pour  hors-d'œuvre. 

Veau  mariné  pour  servir  en  kors^d" œuvre.  —  Faites  morti- 
fier une  belle  noix  de  veau  pendant  quatre  jours  en  hiver  et  un 
en  été.  Qu'il  ne  fasse  pas  trop  chaud;  ôtez-en  la  peau,  la  graisse 
et  les  nerfs,  coupez -la  en  quatre;  vous  aurez  préalablement 
125  grammes  de  sel  bien  s^c^  que  vous  pilerez  ou  écraserez,  et 
que  vous  passerez  au  tamis,  vous  en  frotterez  bien  votre  veau 
dans  tous  les  sens,  comme  nous  croyons  l'avoir  indiqué  à  l'en- 
droit du  bœuf  salé  et  fumé.  Vous  le  mettrez  ensuite  dans  une 
terrine  de  grès  avec  quelques  tranches  d'oignon,  du  persil  en 
branches,  un  peu  de  thym,  du  gingembre,  une  gousse  d'ail,  une 
douzaine  de  belles  baies  de  genièvre,  du  poivre  noir  concassé,  et 
trois  anchois  lavés  et  piles;  remuez  le  tout  dans  la  terrine,  et  cou- 
vrez-la d'un  linge  blanc  de  lessive  que  vous  attacherez  à  une  ficelle; 
au  bout  de  quatre  jours  retournez  le  veau,  laissez-le  quatre  jours 
encore,  et  après  ce  temps  feites-le  égoutter  en  laissant  un  tiers 
seulement  du  jus  que  le  veau  a  rendu;  vous  le  mettrez,  ainsi  que 
la  viande  et  l'assaisonnement,  dans  une  casserole;  ajoutez-y  une 
bouteille  de  très-bon  vin  blanc;  faites-le  bouillir;  couwez  le  feu 
pour  qu'il  ne  fasse  que  mijoter,  et  quand  il  sera  cuit,  ce  que 
vous  saurez  en  enfonçant  une  fourchette  dedans,  retirez-le  du 
feu,  mettez-le  dans  la  terrine  où  il  a  mariné,  laissez-le  refroidir 
dans  son  assaisonnement;  alors  vous  le  mettrez  soit  dans  un  pot, 
soit  dans  un  bocal  de  verre,  où  vous  verserez  de  la  bonne  huile 
d'olive,  en  suffisante  quantité  pour  que  la  viande  s'y  baigne 
complètement.  Recouvrez-le  avec  du  parchemin,  et  vous  l'em- 
ploierez comme  si  c'était  du  thon  mariné.  Les  industriels  vendent 
généralement  cette  préparation  sous  le  nom  de  thon  conservé. 

VELOUTÉ  RÉDUIT.  —  On  travaille  le  velouté  comme 
l'espagnole  en  le  faisant  se  consommer  et  en  y  ajoutant  des 
champignons  et  des  parures  de  truffes. 

VERJUS.  —  Jus  d'un  raisin  vert  dont  la  principale  espèce 


est  connue  sous  le  nom  de  &rîneau  ou  bordelaise.  On  appelle 
verjus  de  grain  celui  qu'on  tire  par  expression  de  la  grappe  avant 
la  maturité  de  scm  fruit;  il  va  sans  dire  que  c'est  le  meilleur;  c'est 
pour  les  cerneaux  surtout  un  assaisonnement  indispensable.  On 
SLppeîle  verjus  topette  celui  que  Ton  prépare  pour  la  conservation 
et  qu'on  peut  améliorer,  soit  en  y  mêlant  du  sel,  soit  en  y  lais- 
sant tomber  quelques  gouttes  de  vinaigre. 

VESPETRO.  —  Ratafia  qui  se  fait  avec  de  la  graine  d'an- 
gélique,  du  carvi,  de  la  coriandre,  du  fenouil,  des  zestes  de  citron 
et  d'orange,  de  Teau-de-vie  et  du  sucre. 

VINS.  —  Nous  voilà  arrivés  à  un  point  tellement  important 
de  la  gastronomie  et  surtout  de  la  gastronomie  moderne  que  nous 
nous  croyons  dans  la  nécessité  d'ouvrir  une  parenthèse. 

Il  s'agit  du  vin,  c'est-à-dire  de  la  partie  intellectuelle  du 
repas  : 

Les  viandes  n'en  sont  que  la  partie  matérielle. 

On  ne  vieillit  point  à  table,  a  dit  Grimod  de  la  Reynière. 

Bien  manger  et  bien  boire  sont  deux  arts  qui  ne  s'apprennent 
pas  du  jour  au  lendemain.  Quand  Alexandre  voulut  ajouter  à  son 
titre  de  victorieux  le  titre  de  gastronome,  ce  fut  à  Persépolis  et  à 
Babylone  qu'il  prit  ses  licences  pour  être  nommé  docteur  en  bien 
boire  et  en  bien  manger.  Le  bruit  de  ses  orgies  a  franchi  l'espace 
de  deuxmille  ans:  Alexandre  ne  pouvait  rien  faire  que  de  grand. 

Une  nuit  il  proposa  un  prix  pour  celui  qui  boirait  le  plus. 

Trente-six  de  ses  convives  moururent  le  lendemain. 

Les  Athéniens,  dont  Alexandre  avait  ambitionné  les  applau- 
dissements, ne  se  grisaient  pas,  ou  ne  se  grisaient  que  légèrement. 

Les  caves  les  plus  renommées  de  l'antiquité  étaient  celles 
de  Scaurus  ;  elles  contenaient  trois  cent  mille  amphores  de  tous 
les  vins  connus,  il  y  en  avait  de  cent  quatre-vingt-quinze  espèces 
différentes. 

Selon  Isidore  le  mot  vin  dérive  de  vis^  qui  veut  dire  force. 
Anacréon  l'appelle  le  fils  de  la  vigne.  Pindare  l'appelait  le  lait 
de  Vénus,  les  Romains,  le  lait  de  la  bonne  déesse  ;  on  a  fini  par 
l'appeler  Bacchus,  parce  que  ce  nom  pouvait  s'appliquer  à  toute 
liqueur  fermentée;  on  croit  que  ce  furent  les  Égyptiens  qui 
firent  connaître  aux  Grecs  la  manière  de  le  faire  ;  seulement,  on 


io88  VINS. 

le  sait,  les  Grecs,  c'était  le  perfectionnement.  Un  des  vins  les  plus 
savoureux  de  la  Grèce,  que  Ion  appelait  diachéton,  se  faisait  en 
étendant  sur  des  claies,  qu'on  élevait  de  six  à  sept  pieds  du  sol, 
des  raisins  qu'on  exposait  au  soleil  ;  on  les  rentrait  pendant  la 
nuit  pour  les  garantir  de  la  rosée,  et  après  les  avoir  laissés  pen- 
dant sept  jours  absorber  le  plus  de  soleil  possible,  on  les  pressait, 
on  en  faisait  un  vin  excellent  et  dont  le  principal  arôme  était  la 
framboise. 

Dès  que  le  vin  commença  de  voyager,  les  vins  de  Scio  furent 

expédiés  à  Rome. 

Les  vins  de  Scio  étaient  les  meilleurs  de  la  Grèce  ;  Virgile  et 
Horace  les  trouvaient  excellents,  tous  deux  les  ont  chantés,  vantant 
particulièrement  celui  du  quartier  de  Psara  ;  on  le  recomman- 
dait dans  certaines  maladies.  César,  qui  avait  à  lui  la  récolte  du 
monde,  en  régalait  s^s  amis  après  ses  triomphes  et  dans  les 
festins  qu'il  donnait  au  grand  Jupiter.  Athénée  dit  que  les  vins 
grecs  aident  à  la  digestion,  qu'ils  nourrissent  bien,  qu'ils  sont 
généreux  et  que  les  plus  agréables  étaient  ceux  du  quartier 
d'Arius,  où  il  s'en  faisait  de  trois  sortes. 

Galien  parle  de  ceux  d'Asie,  que  dans  de  grands  vases  on 
suspendait  aux  cheminées,  et  qui,  par  l'évaporation,  acquéraient 
la  dureté  du  sel.  Aristote  rapporte  que  ceux  d'Arcadie  se  dessé- 
chaient dans  des  outres  et  qu'on  était  obligé  de  les  délayer  a^*ec 
de  l'eau  pour  les  rendre  potables,  mais  on  ne  pouvait  dessécher 
que  des  vins  liquoreux,  épais,  et  qui  avaient  peu  fermenté. 

Les  Romains  tiraient  leurs  meilleurs  vins  de  la  Campanie, 
province  qui  appartient  aujourd'hui  au  royaume  de  Naples. 
Les  noms  de  Falerne  et  de  Massic  étaient  les  plus  estimés  et  se 
retrouvent  souvent  dans  les  vers  d'Horace. 

Ceux  du  mont  Pausilippe^  qui  présente  en  effet  un  si  magni- 
fique versant  aux  rayons  du  soleil  à  son  midi,  étaient  renommés 
pour  leur  légèreté,  et  Pline  vante  leur  parfum  et  leur  douce 
générosité.  Sophocle  leur  donne  le  nom  de  Jupiter,  parce  que, 
dit-il,  comme  le  roi  des  dieux,  ils  donnent  la  santé  et  le  plaisir, 
les  plus  beaux  présents  que  les  dieux  puissent  nous  faire. 

Les  vignobles  d'Albano,  eux  aussi,  jouissaient  d'une  grande 
réputation  ;  leurs  vins  étaient  à  la  fois  légers  et  forts,  ils  se  con- 


VINS.  1089 

servaient,  chose  rare,  dans  des  vins  non  fermentes.  Strabon  les  a 
comparés  aux  meilleurs  vins  de  la  Grèce  et  d'Italie,  et  si  nous 
nous  en  rapportons  à  Horace,  qui  habitait  le  pays,  ils  ne  le  cé- 
daient en  rien  aux  vins  de  Ténédos. 

L'année  du  consulat  d'Opimius,  Tannée  de  la  naissance 
d'Horace,  la  vingtième  année  avant  Jésus-Christ,  fut  unique 
pour  les  admirables  vins  que  ce  vignoble  produisit;  ils  se  con- 
servèrent plus  d'un  siècle  et  prirent  la  consistance  du  miel  ;  de 
là  l'habitude  que  l'on  prit  d'appeler  tous  les  vins  excellents  du 
nom  de  vins  opimiens,  parce  que  pendant  le  consulat  d'Opimius 
l'été  fut  tellement  chaud  que  les  raisins  furent  pour  ainsi  dire 
cuits,  ce  qui  les  rendit  d'une  bonté  extraordinaire. 

Du  temps  d'Hippocrate  les  anciens  préparaient  le  vin  en  y 
mêlant  l'eau  de  la  mer.  Hippocrate  parle  de  cette  pratique,  qui 
avait  pour  but  de  le  rendre  moins  visqueux,  plus  clair,  et  d'en 
prévenir  l'altération.  Pline,  le  grand  transmetteur  d'anecdotes 
vraies  ou  fausses,  Pline  rapporte  qu'on  dut  cette  découverte  à 
un  esclave  ivrogne,  qui,  volant  du  vin  à  son  maître,  remplaçait 
le  vin  qu'il  buvait  avec  de  l'eau  de  mer  ;  vers  le  milieu  du 
tonneau  le  vin  se  trouva  tellement  amélioré  que  le  maître  du 
vin  crut  devoir  promettre  une  récompense  à  celui  qui  le  lui 
buvait  s'il  voulait  dire  de  quelle  façon  il  le  remplaçait;  l'esclave 
iît  jurer  à  son  maître  par  les  grands  dieux,  et  raconta  tout.  Ceci 
devint  d'un  usage  public,  et  Dioscoride,  dans  son  cinquième 
livre,  donne  la  description  des  différents  procédés  d'après  les- 
quels on  préparait  le  vin  par  l'eau  de  mer. 

Mais  comme  avec  les  Barbares  toute  civilisation  disparut, 
le  vin,  qui  marque  un  des  degrés  de  la  civilisation,  disparut  aussi. 

Les  premières  boissons  dont  il  soit  fait  mention  dans  les 
annales  de  la  gastronomie  après  le  passage  des  Barbares,  furent  le 
cidre,  puis  la  bière;  puis  viennent  peu  à  peu  les  \'ins  de  toutes 
sortes;  il  est  fait  mention  du  cidre  sous  la  seconde  race,  puis  vient 
la  bière.  Le  clairet  était  du  vin  clarifié,  dans  lequel  on  avait  fait 
infuser  des  épiceries;  l'hypocras  était  du  vin  adouci  avec  du 
miel.  Un  abbé,  malheureusement  l'histoire  n'a  pas  conservé  son 
nom,  donna  un  repas  dans  lequel  il  réunit  six  mille  convives 
devant  trois  mille  plats. 

69 


1090 


VINS. 


Les  diverses  qualités  des  vins  se  firent  reconnaître  presque 
seules  aux  premières  occasions  données  aux  gourmands  de  les 
apprécier  ;  on  ne  parlait  pas  encore  du  vin  de  Champagne  lors- 
que Venceslas,  roi  de  Bohême  et  des  Romains,  étant  venu  en 
France  pour  négocier  un  traité  avec  Charles  VI,  se  rendit  à 
Rehns  au  mois  de  mai  1397.  Là  il  goûta  le  vin  des  environs  de 
cette  ville  et  il  le  trouva  si  bon ,  qu'il  consacra  trois  heures 
chaque  jour  à  s'enivrer,  de  trois  à  six.  Le  moment  de  s'occuper 
du  traité  vint  enfin,  et  c'est  ce  que  redoutait  Venceslas.  Le  traité 
signé,  le  roi  de  Bohème  demanda  à  séjourner  encore  quelque 
temps  dans  la  ville  qui  lui  avait  été  si  hospitalière  ;  il  y  resta  un 
an.  Il  était  resté  un  an  à  attendre  le  traité,  un  an  à  le  discuter, 
et  un  an  à  se  reposer  de  la  fatigue  que  lui  avaitcausée ce  travail 
diplomatique. 

En  s'en  allant  il  révéla  au  dauphin  le  secret  de  ce  long 
séjour;  le  dauphin  voulut  goûter  le  vin  des  environs  de  Reims 
et  le  trouva  excellent.  De  là  le  commencement  de  la  réputation 
des  vins  de  Champagne. 

Le  vin  de  Bordeaux  fut  très-longtemps  à  vaincre  les  préju- 
gés qui  existaient  contre  lui.  Saint-Simon  raconte  qu'il  vient 
d'arriver  à  Paris  à  la  cour  un  petit  gentilhomme  des  environs 
de  Bordeaux  qui  buvait  de  son  vin;  il  fut  question  de  ce  phéno- 
mène pendant  près  de  quatre-vingts  ans  sans  que  l'on  élucidât 
la  question.  Cependant  un  jour  le  roi  Louis  XV,  voyant  venir 
à  lui  le  maréchal  Richelieu,  se  souvint  de  cette  discussion  et 
résolut  de  le  prendre  pour  juge  d'une  question  dans  laquelle  il 
était  expert. 

Monsieur  le  gouverneur  de  Septimanie,  d'Aquitaine  et  de 
Novempopulanie,  disait  un  jour  le  roi  Louis  XV  au  maréchal 
Richelieu,  parlez-moi  d'une  chose  :  est-ce  qu'on  récolte  du  vin 
potable  en  Bordelaise  —  Sire,  il  y  a  des  crus  de  ce  pays-là  dont  le 
vin  n'est  pas  mauvais.  —  Mais  qu'est-ce  à  dire?  —  Il  y  a  ce 
qu'ils  appellent  du  blanc  de  Sauterne,  qui  ne  vaut  pas  celui  de 
Montrachet,  ni  ceux  des  petits  coteaux  bourguignons,  à  beau- 
coup près,  mais  qui  n'est  pourtant  pas  de  la  petite  bière;  il  y  a 
aussi  un  certain  vin  de  Grave  qui  sent  la  pierre  à  fusil  comme 
une  vieille  carabine,  et  qui  ressemble  au  vin  de  la  Moselle,  mais 


VINS.  1091 

il  se  garde  mieux.  Ils  ont  en  outre  dans  le  Médoc  et  du  côté  du 
Bazadais  deux  ou  trois  espèces  de  vins  rouges,  dont  les  gens  de 
Bordeaux  font  des  gasconnades  à  mourir  de  rire.  Ce  serait  la 
meilleure  boisson  de  la  terre  et  du  nectar  pour  la  table  des 
dieux,  à  les  entendre,  et  ce  n'est  pourtant  pas  là  du  vin  de 
haute  Bourgogne ,  ou  du  vin  du  Rhône,  assurément  !  Ce  n'est 
pas  bien  généreux  ni  bien  vigoureux,  mais  il  y  a  du  bouquet 
pas  mal,  et  puis  je  ne  sais  quelle  sorte  de  mordant  sombre  et 
sournois  qui  n'est  pas  désagréable.  Du  reste  on  en  pourrait 
boire  autant  qu'on  voudrait,  il  endort  son  monde,  et  puis  voilà 
tout.  C'est  là  ce  que  j'y  trouve  de  mieux. 

Pour  satisfaire  la  juste  curiosité  du  roi,  M.  de  Richelieu  ât 
venir  du  vin  de  Chàteau-Lafiitte  à  Versailles,  où  Sa  Majesté  le 
trouva  passable;  mais  jusque-là,  malgré  la  préférence  que  le 
grand  cardinal  avait  pour  lui,  nul  amphitryon  n'eût  eu  l'idée  de 
donner  du  vin  de  Bordeaux  à  sqs  convives,  à  moins  que  ceux-ci 
ne  fussent  des  Bourdelais,  des  Armagnacots,  des  Astaracois,  et 
autres  Gascons. 

Les  premiers  crus  de  Bordeaux,  en  vins  rouges,  portent  les 
noms  de  Laffitte-du-Chàteau,  Château-Latour,  Château-Mar- 
gaux,  Chàteau-Haut-Brion,  Premier-Grave  et  Ségur-Médoc. 

Ceux  de  la  seconde  classe  sont  les  vins  de  Mouton-Canon^ 
Médoc-Canon,  Saint-Émilion,  Rosans,  Margaux,  la  Rose-Médoc, 
Pichon-Longueville,  Médoc-Potelet,  Sain t-JuIien-lès- Ville  et 
Saint-Julien;  vin  du  Pape  (Grave  rouge),  vin  de  la  Mission  • 
(Grave  rouge),  et  tout  le  haut  Pessac  :  ces  vins  sont  également 
estimés,  et  tous  ceux  nommés  de  Pauillac  ont  cela  de  parti- 
culier, qu'il  faut  s'attendre  à  les  voir  tomber  malades  deux  mois 
après  leur  mise  en  bouteille  ;  dans  cet  état  ils  sont  beaucoup 
moins  bons  que  lorsqu'on  les  avait  goûtés  en  futaille.  Il  suffit 
alors  de  les  laisser  cinq  ou  six  mois  en  flacon  pour  qu'ils  s'amé- 
liorent, et  qu'ils  puissent  acquérir  la  bonne  qualité  qui  leur  est 
propre. 

Parmi  les  vins  blancs  de  Bordeaux,  le  haut  Barsac,  le  haut 
Prégnac,  le  Château-d'Yquem,  sont  de  qualité  première;  les 
autres  sont' considérés  comme  de  qualité  secondaire;  mais  bien 
longtemps  avant  les  qualités  précieuses  du  vin  de  Champagne  et 


109a  VINS. 

— * — -^ — ■ 

du  vin  de  Bordeaux,  on  avait  découvert  les  brillantes  qualités  du 
vin  de  Bourgogne. 

Le  vin  de  Beaune,  par  exemple,  rivalise  avec  les  premiers  crus 
de  Bourgogne,  lorsqu'il  est  de  bonne  année.  Il  ne  faut  cependant 
pas  lui  laisser  passer  sa  quatrième  ou  cinquième  feuille  si  Ton 
ne  veut  pas  qu'il  perde  de  sa  vigueur  et  de  son  bouquet. 

Arrivent  ensuite  les  vins  de  Pommard,  de  Volnay,  de  Nuits, 
de  Chassagne,  de  Saint-Georges,  de  Vosnes,  de  Chambertin,  du 
Clos-Vougeot  et  de  la  Romanée.  La  Romanée-Conti  est  le  meil- 
leur vin  rouge  de  Bourgogne.  Comme  vins  blancs,  ceux  de  Cha- 
blis, le  Musigny,  le  Richebourg,  le  Vosnes,  le  Nuits,  le  Cham- 
boUe,  sont  agréables,  et  ceux  de  Meursault  les  surpassent;  mais 
ceux-ci  sont  encore  surpassés  par  le  Chevalier-Montrachet.  Il  est 
reconnu  que  le  vin  de  Montrachet,  proprement  dit,  est  le  meilleur 
de  tous  les  vins  français. 

Justice  rendue  aux  vins  de  Bourgogne,  aux  vins  de  Bordeaux, 
les  deux  premiers  grands  vins  de  France,  il  est  juste  que  nous 
revenions  à  ce  pauvre  vin  de  Champagne,  que  les  gastronomes 
étrangers  mettent  au  premier  rang  et  que  nous  ne  mettons  qu'au 
troisième. 

Le  meilleur  de  tous  ces  vins  est  le  vin  de  Sillery  ou  le  vin 

de  la  Maréchale;  beaucoup  lui  préfèrent  cependant  le  vin  d'Aï  à 
cause  de  son  bouquet  aromatique  qui  tient  de  l'odeur  de  la  pomme 
de  pin.  Saint-Evremond  dit  qu'il  est  le  plus  naturel,  le  plus 
épuré,  le  plus  sain  et  le  plus  exquis  par  le  goût  de  pêche  qui  lui 
est  particulier;  aussi  Charles  VIII,  Léon  X,  Charles-Quint  et 
François  I""  avaient-ils  à  eux  des  maisons  dans  Aï,  pour  pouvoir 
y  faire  plus  soigneusement  leurs  provisions.  Les  vins  d'Autvilliers, 
d'Épernay,  de  Château-Pierry,  de  Bouzy,  et  le  clos  de  vins  rouges 
de  Saint-Thierry,  près  de  Reims,  rivalisent  avec  ceux  d'Aï. 

Les  vins  de  Romanée,  de  Chambertin,  du  Clos-Vougeot, 
de  Richebourg  et  de  Saint-Georges,  qui  sont  cependant  excel- 
lents, ne  peuvent  voyager  sans  danger,  surtout  par  mer;  ils 
ont  en  outre  une  acidité  désagréable  lorsqu'on  ne  les  soigne  pas. 
Quant  au  vin  de  l'Ermitage,  près  de  Valence,  en  Dauphiné,  le 
rouge  est  plein  de  corps  ;  sa  couleur  est  pourpre  foncé,  son  bou- 
quet exquis,  sa  saveur  celle  de  la  framboise.  Le  blanc  n'est  pas 


VINS. 


1093 


estimé.  Ceux  de  Côte-Rôtie,  bruns  et  blonds,  pourraient  le 
disputer  à  ceux  de  l'Ermitage  ;  celui  de  Saint-Georges-d'Orques, 
près  de  Montpellier,  vaut  le  vin  de  l'Ermitage  par  son  odeur, 
sa  consistance  et  son  velouté;  ceux  de  Cahors  sont  très-noirs, 
très-chauds,  très-estimés  quand  ils  ont  vieilli.  Les  muscats 
blancs  du  Roussillon  et  des  côtes  du  Languedoc,  tels  que  Lunel, 
Frontignan  et  Rivesaltes,  sont  les  meilleurs  de  tous  les  vins 
blancs.  LeSauteme  est  justement  célèbre  parmi  ceux-ci.  Ceux  de 
Bourgogne  tiennent  le  second  rang  :  ils  sont  forts,  couleur  œil  de 
perdrix,  agréables  au  goût,  et  supportent  l'eau  ;  comme  ils  sont 
peu  acides,  ils  conviennent  aux  vieillards  et  aux  hypocon- 
driaques. Ceux  de  Bordeaux  sont  fort  estimés;  on  dit  que  rien 
n'est  plus  rare  à  Paris  que  les  vins  de  Bordeaux  des  premiers  crus 
et  d'une  bonne  année,  parce  que  les  Anglais,  qui  les  aiment  beau- 
coup, les  font  enlever.  Ceux  d'Orléans,  quoique  bons,  portent  à  la 
tête;  les  vins  blancs  de  Poitou  approchent  un  peu  de  ceux  du 
Rhin,  mais  leur  sont  inférieurs. 

Il  y  a  deux  mille  cinq  cents  ans  que  les  Grecs  et  les  Romains 
apportèrent  la  vigne  en  Provence,  et  l'on  est  tout  étonné  de  ne  pas 
y  trouver  les  meilleurs  vignobles  de  la  France,  comme  aussi  la 
meilleure  culture  :  ce  n'est  ni  la  feute  du  soleil  ni  de  la  terre, 
mais  de  l'insouciance  des  habitants;  cependant  nous  avons  dans 
le  Var  les  vins  de  la  Gaude,  ceux  de  Cagne  et  de  Saint -Laurent; 
le  Saint-Tropez  est  de  ceux  qui  ont  besoin  de  vieillir  ;  à 
Toulon,  le  vin  de  Lamalgue  a  une  réputation,  qu'il  mérite. 
Les  vins  fins  des  Bouches-du-Rhône  sont  les  vins  de  la  Ciotat, 
de  Sainte-Marguerite,  près  de  Marseille  et  d'Erargue  ;  ceux  de 
Cassis,  ceux  de  la  Crau  et  Roquevaire  sont  fort  estimés  ;  ce  der- 
nier fournit  les  meilleurs  vins  cuits  ;  à  la  Ciotat,  à  la  Valette, 
près  Toulon  ^  on  fait  des  vins  cuits  qui  approchent  de  ceux  de 
Tokay.  La  manière  de  les  cuire  entre  poi;ir  beaucoup  dans  leur 
bonté. 

L'Italie  fournit  aussi  des  vins  fameux,  mais  en  général  ils 
ont  plus  de  réputation  que  de  valeur.  Au  premier  rang  il  faut 
mettre  le  Lacryma-Christi,  dont  le  plant  a  été  recouvert  par  la  lave 
du  Vésuve  ;  on  l'appelait  de  ce  nom  poétique  parce  qu'il  coulait 
en  forme  de  larmes  avant  qu'on  eût  coulé  le  raisin  ;  les  rares 


I094 


VINS. 


échantillons  qui  restent  de  ce  vin  sont  d'une  couleur  vermeille, 
agréable  et  pénétrante. 

Le  vin  d'Albe  est  estimé.  Il  y  en  a  de  rouge  et  de  blanc;  on 
cite  aussi  le  muscat  de  Toscane  et  de  Monte-Fiascone.  On  com- 
pare à  notre  vin  de  Champagne,  malgré  la  différence  qui  existe 
entre  eux,  le  vin  d'Orvieto;  on  l'appelle  aussi  vin  d'Est. 

Voici  à  quelle  circonstance  il  doit  ce  nom*i 

Un  cardinal,  grand  amateur  de  tous  les  bons  vins,  mais 
assez  mal  renseigné  sur  le  lieu  de  leur  naissance,  ayant  une 
tournée  à  faire  en  Italie,  envoya  devant  lui  un  courrier  avec 
mission  de  goûter  tous  les  vins  ;  partout  où  il  en  trouverait  un 
bon,  il  devait  écrire  sur  l'endroit  le  plus  apparent  de  la  maison 
le  mot  Est^  c*est-à-dîre  c'est  ici. 

Arrivé  à  Orvieto,  le  courrier  remplit  son  devoir,  goûta  le 
vin  et  le  trouva  si  bon,  qu'au  lieu  de  se  contenter  d'écrire  une 
fois  Est  il  écrivit  trois  fois  Est,  Est^  Est. 

Le  cardinal  comprit  parfaitement  la  recommandation;  il  fit 
arrêter  sa  voiture,  se  fît  servir  une  petite  collation  qui  dura  trois 
jours. 

Le  quatrième,  il  était  mort  en  recommandant  de  verser 
tous  les  ans,  dans  son  tombeau  à  l'anniversaire  de  son  trépas, 
une  pièce  de  vin  d'Orvieto. 

Mais  l'usage  ne  dura  que  jusqu'à  la  quatrième  année  du 
pontificat  de  Grégoire  XVI,  qui  trouva  la  recommandation  scan- 
daleuse et  qui,  au  lieu  de  permettre  que  la  pièce  de  vin,  comme 
on  l'avait  fait  jusqu'alors,  fût  versée  sur  la  fosse  de  Sa  Grandeur, 
ordonna  qu'elle  fût  distribuée  aux  jeunes  gens  du  collège. 

L'auberge  oîi  était  mort  le  pauvre  cardinal  conserva  néan- 
moins son  enseigne,  qui  représentait  un  homme  d'Église  à  table, 
ivre-mort,  avec  cette  inscription  au-dessus  :  Est^  Est^  Est. 

Lorsque  je  suis  pajsé  à  Orvieto,  l'enseigne  existait  encore, 
mais  l'usage  de  répandre  une  pièce  de  vin  sur  la  fosse  du  prince 
de  l'Eglise  était  déjà  aboli. 

Le  vin  de  Marcimien,  près  de  Vicence,  est  agréable  à  boire; 
les  vins  de  Rhétie,  de  la  vallée  .Thélivienne,  sont  excellents  ;  ils 
«ont  couleur  de  sang,  laissent  un  goût  un  peu  austère  sur  la 
langue,  et  sont  stomachiques. 


VINS.  I09J 

L'Espagne  fournit  son  contingent  :  l'Alicante,  le  Bénicarlo, 
le  vin  de  Xérès,  le  vin  de  Pacaret,  de  Rota,  de  Malaga,  ne  dépa- 
rent pas  les  meilleures  tables.  On  estime  le  vin  de  Canarie,  qui 
croît  aux  environs  de  Palma  ;  celui  de  Malvoisie,  qui  se  trans- 
porte en  tous  lieux.  La  Grèce  nous  fournit  encore  aujourd'hui, 
mais  gâtés  par  l'introduction  et  le  mélange  de  la  pomme  de  pin, 
les  mêmes  vins  que  dans  l'antiquité  :  vins  de  Candie,  de  Chio, 
de  Ténédos,  de  Lesbos,  de  Chypre,  de  Samos  et  de  Santorîn» 

J'ai  goûté  tous  ces  vins,  dans  les  lieux  mêmes  où  les  vignes 
les  avaient  donnés,  mais  je  les  ai  trouvés  tous  ou  presque  tous 
gâtés  par  l'introduction  de  la  pomme  de  pin  dans  le  tonneau  ou 
dans  l'outre  qui  les  contenaient;  c'est  une  superstition  antique,  un 
dernier  hommage  à  Bacchus  qui  avait  pris  pour  sceptre  un  thyrse 
surmonté  d'une  pomme  de  pin. 

Le  vin  de  Saint-Georges,  en  Hongrie,  est  le  même  qu'on 
nous  vend  à  Paris  sous  le  nom  de  Tokay;  il  est  vrai  qu'il  en 
approche  beaucoup,  mais  les  gourmets  ne  sauraient  s'y  laisser 
tromper.  A  Saint-Georges,  ainsi  qu'à  RaterstofF,  on  en  récolte  de 
deux  qualités  :  celui  qu'on  destine  à  fabriquer  du  vermout,  et 
celui  qu'on  destine  à  la  vente  en  Europe. 

Quant  au  véritable  vin  de  Tokay,  comme  le  plant  qui  le  rap- 
porte appartient  par  moitié  à  l'empereur  de  Russie  et  à  l'empe- 
reur d'Autriche,  inutile  de  dire  qu'il  faut  une  révolution,  pendant 
laquelle  on  pille  les  cave$  de  ces  deux  empereurs,  pour  que  des 
lèvres  vulgaires  touchent  ce  nectar  destiné  aux  dieux. 

Celui  de  Constance,  moins  rare  heureusement,  rivalise  avec 
lui  non-seulement  de  réputation,  mais  d'excellence  réelle  ;  et 
cependant  tous  deux  le  cèdent  aux  vins  persans  qu'on  récolte 
aux  environs  de  Schiraz,  et  qui  portent  le  nom  de  cette  ville. 

Après  la  mort  de  M.  le  Bailli  de  Ferrette,  ambassadeur  de 
Tordre  de  Malte  à  Paris,  on  a  vendu  chez  lui  sept  à  huit  flacons 
de  vin  de  Schiraz,  sur  le  pied  de  285  francs  la  demi-bouteille. 

L'usage  de  consommer  ou  de  goûter  plusieurs  sortes  de  vins 
pendant  le  même  repas  est  souvent  nuisible  à  la  santé,  mais  sur- 
tout lorsqu'on  fait  succéder  des  vins  sucrés  à  des  vins  acidulés,  ou 
des  vins  qui  ont  beaucoup  de  corps  à  des  vins  légers,  et  spéciale- 
ment après  une  alimentation  surabondante  ;  mais  les  vins  légers 


1096  *  VINS. 

et  mousseux,  les  vins  vieux,  généreux  et  secs,  c'est-à-dire  qui  ont 
peu  de  sucre  et  de  matière  colorante,  n'ont  pas  les  mêmes  incon- 
vénients, parce  qu'ils  ne  font  qu'accélérer  la  digestion  des  ali- 
ments ingestés. 

La  classification  des  vins  est  chose  importante.  Heureusement 
en  pouvons-nous  donner  ici  une  excellente  et  conforme  à  la  tra- 
dition. Nous  la  devons  à  M.  Maurial,  auteur  de  ÏC^rt  de  boire^ 
connaître  et  acheter  le  vin.  Voici  cette  classification  que  nous  fai- 
sons précéder  de  quelques  observations  raisonnées  de  Tauteur. 


L'ordre  de  mérite  dans  lequel  les  auteurs  d'ouvrages  très-estimës  ont 
placé  les  vins  me  semble  plus  savant  que  facile  à  appliquer.  Le  degré  d'estime 
que  la  commune  renommée  attache  aux  divers  produits,  ainsi  que  les  qualifi- 
cations adoptées  dans  la  pratique  par  le  commerce  et  le  consommateur,  m*ont 
paru  mériter  la  préférence.  Tout  le  monde  sait  que  les  grands  vins  sont  ceux 
qui  réunissent  au  plus  haut  degré  toutes  les  qualités  qui  sont  propres  à  cette 
souveraine  des  boissons.  Les  vins  fins  sont  réputés  être  dans  les  mêmes  con- 
ditions, mais  à  un  degré  inférieur.  C'est  dans  cette  catégorie  qu'on  choisit  les 
vins  d^ entremets ^  mot  qui,  dans  la  pratique,  est  synonyme  de  vin  fin.  Les 
grands  ordinaires  sont  ceux  qui  ne  proviennent  pas  de  crus  renonunés  pour 
leur  finesse ,  mais  auxquels  l'âge  a  fait  acquérir  toutes  les  qualités  qui  leur 
sont  particulières.  Les  bons  ordinaires  se  trouvent  parmi  ceux  qui  ont  de  la 
légèreté ,  de  la  force  et  un  bouquet  plus  prononcé  que  délicat.  Les  ordinaires ^ 
les  plus  abondants,  sont  pris  parmi  tous  ceux  qui,  sans  avoir  une  qualité 
remarquable,  n'ont  aucun  des  défauts  des  vins  communs^  lourds,  grossiers  et 
plats. 

On  comprend  que  l'ordre  ci-dessus  est  souvent  interverti.  La  fortune  ou 
le  goût  du  consommateur  peuvent  lui  permettre  de  boire  le  vin  fin  à  l'ordi- 
naire ou  l'obliger  de  servir  à  l'entremets  un  vin  qui  n'est  considéré  que 
comme  ordinaire. 

Les  vins  de  liqueur  sont  presque  tous  placés  dans  la  catégorie  des  vins 
fins  ou  des  grands  vins  ^  ils  sont  par  excellence  vins  de  dessert. 

GRANDS    VINS    ROUGES    FRANÇAIS. 

Gironde,  —  Château-Margaux,  Château-Latour,  Château-La£tte  et  Cha- 
teau-Haut-Brion,  qui  sont  les  quatre  premiers  crus.  Lascombe,  les  deux 
Rauzan,  les  trois  Léoville,  Gruaud-Laroze,  de  Gorce,  Brane-Mouton,  Pichon- 
Longueville,  qui  sont  les  deuxièmes  crus;  les  premiers  choix  des  communes 
de  Cantenac,  Margaux,  Saint-Julien,  Saint-Laurent,  Saint-Gemme  et  Saint- 
Estèphe,  qui  produisent  des  troisièmes  crus. 

Côte-d'Or.  —  Romanée-Conti,  Chambertin,  Richebourg,  le  Qos-Yougeot, 
la  Romanée-Saint-Vivant,  la  Tâche,  le  clos  Saint-Georges,  Corton  et  les  pre- 
mières cuvées  de  Volnay  et  de  Nuits. 


VINS.  1097 

Yonne,  —  Le  dos  de  la  Chaînette,  le  clos  de  Migraine,  le  clos  des  Oli- 
vettes et  celui  de  la  Pâlotte. 

Drame,  —  Ermitage,  choix  de  Méal,  Grëfieux,  Beaume,  Roucoule,  Muret, 
Guionnières,  les  Burges  et  les  Lauds. 

Marne.  —  Premiers  choix  de  Verzy,  Verzenay,  Saint-Basle,  Bouzy  et  du 
clos  Saint-Thierry. 

Basses-Pyrénèei,  —  Les  meilleurs  de  Jurançon  et  de  Gan. 

Vottcluse.  —  Clos  de  la  Nerthe,  Châteauneuf-du-Pape. 

Pyrénées -Orientales.  —  Les  premiers  choix  de  Banyuls,  Cosperon  et 
Collioure. 

Lot,  —  Le  Cahors  Grand-Constant. 

GRANDS    VINS    BLANCS    FRANÇAIS. 

Gironde.  —  Château- Yquem,  seul  grand  premier,  Sauterne,  Barsac, 
Hommes,  Preignac,  la  Tour-Blanche,  Chàteau-Carbonnieux. 
Côte-d^Or,  —  Les  trois  Montrachet. 
Loire.  —  Château-Grillet. 
Marne.  —  Sillery. 
Drame.  —  Ermitage  blanc. 

GRANDS  VINS  ROUGES  ÉTRANGERS. 

Duché  de  Nassau.  —  Première  qualité  d'Asmanhausen. 

Autriche.  —  Monts  Calenberg  et  premiers  choix  de  Hongrie. 

Espagne. —  Les  meilleurs  d'Olivenza. 

Portugal.  —  Premiers  choix  de  Porto  et  de  Moncao. 

Turquie.  —  Arinse  et  Mesta. 

Grèce*  —  Morée,  Ithaque,  Zante,  Céphalonie. 

Perse.  —  Schiraz  et  Ispahan. 

Ile  de  Madère.  —  Première  qualité  dit  Tinto. 

GRANDS    VINS    BLANCS    ETRANGERS. 

Allemagne.  —  Johannisberg,  Rudesheim,  Steinberg  et  Liebfrauenmilch. 

Bavière.  —  Premiers  crus  de  Wurtzbourg. 

Espagne.  —  Les  premiers  vins  secs  de  Xérès  et  Paxarète. 

Ile  de  Madère.  —  Le  vin  sec  dit  Sarcial. 

VINS    FINS    ROUGES   FRANÇAIS. 

Gironde.  —  Les  troisièmes  crus  de  Bordeaux  non  portés  aux  grands  vins, 
les  quatrièmes  et  cinquièmes  crus,  les  bourgeois  supérieurs,  bons  bourgeois 
et  paysans  de  communes  portées  aux  grands  vins;  les  bons  choix  des  com- 
munes de  Saint-Sauveur,  Lamarque,  Cussac,  Saint-Seurin-de-Cadourne, 
Blanquefort,  Ludon,  Macau,  Labarde,  Arsac,  Avensac,  Casteinau,  Cou- 
quèques.  Bourg,  Fronsac,  Saint -Émilion,  Canon,  Pomerol,  Mérignac, 
Talence,  Léognan,  Pessac  et  Queyries. 


1098  VINS. 

Côte-^Or.  —  Vosnes,  Nuits,  deuxième  Volnay,  Prémeaux,  Chambolle, 
Pommard,  Beaune,  Morey,  Savigny,  Meursault,  Blagny,  Gevrey,  Chastagne, 
Aloxe,  Santenay  et  Chenove. 

Yonne,  —  Les  côtes  de  Pitoy,  des  Perrières,  de  Préaux,  Epineuil, 
deuxièmes  choix  de  Tonnerre,  Auxerre  et  de  Daunemoine. 

Saâne-ct'Loire,  —  Mercurey,  Thorins,  Chënas,  Romanèche  et  la  Qiapelle- 
Guinchay. 

Drame.  —  Deuxièmes  crus  de  T^rmitage,  Crozes,  Mercural  et  Gerraut. 

Rhône.  —  La  C6te-Rôtie,  Vérinay,  Morgon  et  Fleury. 

Marne.  —  Mareuil,  Disy,  Pierry,  Épernay,  Taissy,  Ludes  et  Rilly. 

Auhe,  —  Les  premiers  choix  des  Riceys,  Balnot-sur-Laigne,  d'Avemy  et 
de  Bagneux-la-Fosse. 

Dordogne.  —  Premiers  crus  de  Bergerac,  Creysse,  Ginestet,  la  Terrasse 
et  Sainte-Foy-des-Vignes. 

Gard.  —  Chusclan,  Tavel,  Saint-Geniès,  Lédenon  et  Cante-Perdrix. 

Jura.  —  Les  premiers  crus  du  territoire  d'Arbois. 

Ardèche.  —  Ojrnas  et  Saint-Joseph. 

Vaucluse.  —  Clos  Saint-Patrice,  deuxièmes  crus  de  Châteauneuf-du-Pape, 
Sorgues  et  Aubagne. 

Var,  —  La  Gaude,  Saint-Laurent  et  Lamalgue. 

Savoie.  —  Premiers  crus  de  Montmélian,  Saint- Jean  de  la  Porte  et  Mont- 
Termino. 

Basses-Pyrénies.  —  Deuxièmes  crus  de  Jurançon  et  de  Gan. 

PyrénéeS'Orientales. "^Fort-WcadrtSy  deuxièmes  crus  de  Banyuls,  Cosperon 
et  CoUioure. 

VINS    FINS    BLANCS    FRANÇAIS. 

Gironde.  —  Les  deuxièmes  et  troisièmes  crus  de  Sauterne,  Bommes,  Bar- 
sac,  Preignac,  Blanquefort,  Villenave  d'Ornon;  premiers  crus  de  Léognan, 
Langon,  Toulène,  Saint-Pey,  Loupiac,  Martillac,  Sainte-Croix-du-Mont  et 
Fargues. 

Marne.  —  Les  crus  de  Cramant,  le  Ménil,  Avize,  épernay  et  Saint-Martin 
d'Ablois. 

Haut-Rhin.  —  Les  vins  secs  de  Guebwiller,  Riquewihr,  RibeauvxUé, 
Turkheim,  Bergothzell,  RoufTach,  Pfafenheim,  Enguishem,  Ingersheim,  Hen- 
né voyer,  Katzenthal,  Ammerschwir,  Kaiser berg,  Kientzheim,  Sigolsheim  et 
Babenheim. 

Bas^Rhin.  —  Molsheim  et  Wolxheim. 

Côte-d'Or.  —  Meursault,  dans  les  cuvées  de  Perrières,  Combette,  la 
Goutte-d'Or,  la  Genevrière  et  les  Charmes. 

Jura.  —  Château-Châlon,  Arbois  et  Pupillin. 

Rhône.  —  Condrieu. 

Lot-et-Garonne.  —  Qairac  et  Buzet. 

Yonne.  —  Les  premières  cuvées  de  Chablis. 

Saône-et-Loire.  —  Pouilly,  Fuisse,  premiers  choix. 

Savoie.  —  Le  coteau  d'Altesse. 

Ardèche.  —  Saint-Peray  et  Saint-Jean. 


VINS.  1099 

Basses^PyrirUes,  —  Jurançon,  Gan,  Larronin,  Gélos  et  Mazères. 
Dordogne,  —  Bergerac,  Sainte-Foy-des- Vignes^  Saint-Nexant. 

VINS    FINS    ÉTRANGERS    ROUGES. 

Allemagne,  —  Les  duchés  de  Nassau,  du  bas  Rhin,  la  Bavière  et  le  Wur~ 
temberg  fournissent  à  cette  catégorie  les  deuxièmes  et  troisièmes  choix  de 
leurs  vins  rouges. 

Autriche,  —  Deuxièmes  et  troisièmes  choix  de  Hongrie,  premiers  choix 
de  la  Moravie,  du  Tyrol,  de  la  Carniole,  de  riUyrie  et  de  la  Dalmatie. 

Suisse.  —  Ceux  de  Fa  verge  et  de  Cortaillod  en  premier  choix. 

/ro//^.  — Carmignano,  Monte-Serrato,  Albano,  Orvieto,  Terni,  Bari,  Reg- 
^io,  Mascoli  et  Paro. 

Espagne.  —  Premiers  choix  de  Valdepefias. 

Portugal,  —  Les  vins  £ns  de  Beira  et  de  Torrès-Yédras. 

Russie,  —  Les  bons  choix  de  Koos,  de  Zimlansk,  Tchniedaly ,  Mokosange, 
de  Tiflis  et  de  Chamakhi. 

Turquie,  —  Loucovo,  Valone,  Chastita,  Kissamos,  Amodos,  Kersoan  et 
du  Liban. 

Principautés  danubiennes,  —  Les  premiers  choix  des  environs  de  Cotnar. 

Grhe,  ^~  Corfou,  Sainte-Maure,  Lépante,  Chéronée,  Mégare,  Polioguna 
et  Cérigo. 

Perse,  —  Ceux  de  Kasbin  et  d'Vesed. 

Cap  de  Bonne^'Espirance.  —  Les  meilleurs  vins  rouges  secs  de  cette 
<:atégorie. 

VINS    FINS    ÉTRANGERS    BLANCS. 

Allemagne,  —  Les  deuxièmes  et  troisièmes  choix  de  ceux  cités  aux  grands 
vins  et  ceux  dits  de  Moselle,  Pisport,  Zettingue,  Olisberg  et  quelques  autres. 

Autriche.  —  Schiracker,  Presbourg  et  les  deuxièmes  et  troisièmes  choix 
de  ceux  déjà  cités  aux  grands  vins. 

Italie,  —  Les  vins  secs  de  Marsala  et  de  Castel-Veterano. 

Espagne,  —  Rancio  de  Péralta,  deuxièmes  Xérès,  premiers  Montilla  et 
Malaga  secs. 

Turquie,  —  Les  vins  dits  de  la  Loi,  le  nectar  de  Mesta  et  le  Vin  d*or. 

Perse,  —  Les  vins  secs  de  Schiraz  et  d'Ispahan. 

Iles  de  Vocéan  Atlantique,  —  Les  premiers  des  îles  Ténériffe,  Açores, 
Canaries,  et  les  deuxièmes  choix  de  l'île  de  Madère. 

VINS  GRANDS    ORDINAIRES    ROUGES    FRANÇAIS. 

Gironde.  —  Les  vins  bourgeois  et  paysans  ordinaires  du  Médoc,  deuxième 
cru  de  Bourg,  premier  cru  de  Blaye;  les  premiers  et  deuxièmes  palus  de 
Queyries,  Bassens  et  Montferrand  ;  les  premiers  et  deuxièmes  choix  de  Bourg, 
Fronsac,  Saint-Fmilion,  et  ceux  qui  ne  sont  pas  placés  dans  les  catégories 
précédentes  des  communes  de  Blanquefort,  le  Pian,  le  Taillan,  Arsac,  Eysines, 
Saint-Germain,  Valeyrac,  Civrac,  Saint-Trélody,  Saint-Christoly,  Blagnan  et 
Mérignac. 


noo  VINS. 

Côte-d'Or,  —  Deuxièmes  choix  des  crus  cités  aux  vins  fins,  Monthélie, 
Dijon,  RuUy,  Meursault,  Fixin. 

Saônt'-tt'-hoirt.  —  Mercurey,  Givry,  Julliénas. 

Rhône,  —  Morgon,  Sainte-Foy,  les  Barolles,  Millery  et  la  Galée. 

Marne.  —  Ville-Dommange,  Chamery  et  Saint-Thierry. 

Dordogne.  —  Deuxièmes  choix  de  Bergerac,  Lalinde,  Beaumont,  céte 
Saint-Léon. 

Hérault,  —  Saint-Georges  d'Orques. 

Haute- Garonne,  —  Fronton  et  Villaudric. 

Yonne,  —  Avallon,  Joigny,  Coulanges  et  Irancy. 

Haute-Marne.  —  Aubigny  et  Monsaugeon. 

Moselle,  —  Scy,  Sussy,  Sainte-Ruffine  et  Sale. 

Meuse.  —  Bar-le-Duc,  Bussy-la-Côte,  Longeville,  Savounières,  ligny, 
Naives,  Rosières,  Chardogne,  Varnay  et  Creuë. 

Haut-Rhin,  —  Deuxièmes  choix  de  Riquewihr,  Ribeauvillé  et  autres. 

Jura,  —  Les  Arsures,  Salins,  Marnoz.  Aiglepierres  et  deuxièmes  d'Arbois. 

Lot,  —  Premiers  choix  de  Cahors  et  de  Gourdon. 

Landes,  —  Turson. 

Tarn.  —  Cunac,  Caisaguet,  Saint-Amarens  et  Gaillac. 

Gard,  —  Lédenon,  Roquemaure  et  Langlade. 

Indre-et-Loire,  —  Saint-Nicolas-de-Bourgueil  et  Joué. 

GRANDS    ORDINAIRES    BLANCS    FRANÇAIS. 

Gironde,  —  Les  deuxièmes  choix  de  ceux  cités  aux  vins  fins,  les  bonnes 
Graves,  Fargues,  Landiras,  Langoiran,  Cadillac  et  autres. 

Marne,  —  Ceux  des  troisièmes  crus  cités. 

Haut  et  Bas'Rhin.  *^  Deuxièmes  et  troisièmes  choix  des  vignobles  cités. 

C6te-d*0r.  —  Deuxièmes  cuvées  de  Meursault. 

Jura,  —  L'Etoile  et  Quintigny. 

Indre-et-Loire,  —  Les  meilleurs  de  Vouvray. 

Yonne,  —  Junay,  Épineuil,  Tonnerre  et  Dannemoine. 

Saone-et-Loire.  —  Solutré,  premiers  choix  de  Vergisson. 

Maine-et-Loire,  —  Premières  côtes  de  Saumur,  Parnay  ec  Dampierre. 

Savoie.  —  Martel,  Saint-Innocent  et  Lassaraz. 

Nièvre,  —  Pouilly-sur-Loire. 

Tarn.  —  Premiers  choix  de  Gaillac. 

Gard,  —  Premiers  choix  de  Laudun  et  Calvisson. 

Les  grands  ordinaires  rouges,  les  bous  ordinaires  et  ordinaires  étrangers, 
se  consommant  en  totalité  dans  les  pays  de  production ,  n'ont  pas  été  dési- 
gnés. Les  vins  blancs  seront  seuls  indiqués  comme  se  trouvant  dans  le  com- 
merce souvent  à  la  place  des  crus  supérieurs. 

GRANDS    ORDINAIRES    BLANCS    ÉTRANGERS. 

Suisse,  —  Cully  et  la  côte  de  Dessalés,  en  deuxièmes  choix. 
Italie.  —  Les  îles  d'£lbe,  de  Sicile,  Caprée,  Ischia  et  Lipari. 
Espagne.  —  Albaflor  et  deuxièmes  Valdepenas. 


VINS.  iioi 

Portugal,  —  Lamalongua  et  Ta  vira. 

Rttssiâ.  —  Sudach,  Theodosie,  Affîney  et  quelques  autres. 

Turquie.  —  Deuxièmes  de  Candie,  Macédoine  et  Styrie. 

Moldavie.  —  Ses  premiers  choix. 

Grhe.  —  Lépante,  Chëronée  et  Mégare. 

VINS    BONS    ORDINAIRES    ROUGES    FRANÇAIS. 

Tous  les  vignobles  cites  dans  les  précédentes  catégories  fournissent  des 
qualités  qui  ne  peuvent  figurer  que  dans  celle-ci  ;  suivent  ceux  qu'il  convient 
d*y  ajouter  : 

Gironde.  —  Les  deuxièmes  choix  des  secondes  palus,  les  seconds  des 
côtes  de  Blaye,  les  troisièmes  des  côtes  de  Bourg,  les  troisièmes  de  celles  de 
Fronsac  et  Saint-Émilion,  Castiilon  et  Sainte-Foy-la-Grande ,  Sainte-Eulalie, 
Saint-Loubès,  la  Grave  et  Carbon-Blanc. 

Maine-et-Loire,  -^  Champigné-le-Sec. 

Indre-et-Loire.  —  Joué,  Saint-Nicolas-de-Bourgueil  en  deuxième  crû. 

Ain.  —  Les  meilleurs  vins  de  Seyssel. 

Loire.  —  Lupé,  Saint-Michel,  Chuynes,  Boen  et  Chavenay. 

Isère.  —  Reventin  et  Seyssuel. 

Drôme,  —  Saillans,  Vercheny,  Die,  Rousas,  Châteauneuf-du-Rhône, 
Allan,  Monségur  et  Montélimar. 

Indre-et-Loire.  —  Chissaux,  Bléré,  Athée,  Civray,  Azay,  Chenonceaux, 
Épeigné,  Francueil,  Saint-A vertin  et  quelques  autres  vignobles. , 

Rhône.  —  Sainte-Foy,  les  Barolles  et  Millery  deuxièmes  choix. 

Dordogne.  —  Domme,  Saint-Cyprien,  Cunéges  et  Chancelade. 

Lot.  —  Premiers  choix  de  Pont-l'Évéque  et  Fumel. 

Aude.  —  Premiers  de  Treilles,  Portet,  Fitou,  Mirepeisset  et  Ginestas. 

Tarn.  —  Deuxièmes  de  Gaillac,  premiers  de  Rabastens. 

Hérault.  —  Vérargues,  Saint-Christol,  Saint-Dresery  et  Castries. 

Gard.  —  Roquemaure,  Saint-Gilles,  Bagnols  et  deuxièmes  de  Lédenon. 

Saone-et  Loire,  —  La  côte  châlonnaise,  le  Maçonnais  et  le  Beaujolais 
fournissent  un  grand  nombre  de  choix  à  cette  catégorie. 

Yonne.  —  Les  choix  non  cités  produisent  une  nombreuse  quantité  de  ces 
vins  à  Joigny,  Tonnerre,  Auxerre,  A  vallon  et  Irancy. 

Vaucluse.  —  Les  deuxièmes  choix,  assez  abondants,  des  communes 
citées. 

Var.  —  Bandols,  le  Cattelet,  Saint-Cyr  et  le  Beausset. 

Basses- Alpes.  —  Mées. 

Bouches-du-Rhône.  —  Séon-Saint-Henri ,  Séon-Saint- André,  Saint-Louis 
et  Château-Combert. 

Basses-Pyrénées.  —  Monein,  Aubercin,  Conchez,  Portet,  Aydie,  Aubans, 
Dieusse,  Cisseau,  Ponts  et  Burosse. 

Pyrénées-Orientales.  —  Espira-de-l'Agly ,  Rivesaltes,  Salces,  Pezilla  et 
Baixas. 

Hautes-Pyrénées.  —  Madiran,  Soublecause,  Saint-Lanne  et  Lascazères. 

Gers.  —  Les  bons  choix  de  Nogaro. 

Alpes-Maritimes.  —  Bellet  et  les  premiers  du  territoire  de  Nice. 


II02  VINS. 

SavoUs  (les  deux.)  —  Côte  de  Chautagne,  Touvière  et  Cantefort. 

Ile  de  Corse,  —  Ajaccio,  Sari,  Vico,  Péri,  Bastia,  Cap-Corse,  Calyi, 
Monte-Maggiore,  Corte,  Bonifacio  et  Porto- Vecchio. 

Lot-et-Garonne.  —  Péricard  et  Monflaiiquin. 

Les  vins  blancs  bons  ordinaires  ou  ordinaires  sont  en  très-grande  quan- 
tité sur  les  territoires  dont  il  vient  d'être  parlé  dans  les  diverses  catégorks 
de  vins  supérieurs;  en  examinant  les  départements  qui  fournissent  celle  des 
vins  ordinaires,  il  sera  fait  mention,  sans  qu'il  soit  utile  de  les  séparer,  de 
ceux  qui  produisent  des  vins  blancs  possédant  leurs  qualités  relatives. 

VINS    ROUGES    ORDINAIRES    DE    FRANCE. 

Tous  les  vins  qui  entrent  dans  cette  catégorie  sont  ceux  qui  foorni^efit 
la  quantité  la  plus  considérable  des  vins  de  consommation  courante  et  dont 
le  commerce  est  le  plus  important.  Néanmoins,  pour  figurer  ici,  ils  doivent 
être  dépourvus  de  goût  de  terroir,  n'être  ni  lourds,  ni  grossiers^  ai  pâteux, 
ni  plats;  en  un  mot,  ils  doivent  aller  seuls  et  pouvoir  se  conserver,  s'amé- 
liorer plus  ou  moins,  sans  mélange  ni  addition. 

Ain,  —  Seyssel,  Champagne,  Machurat,  Tallissieux,  Culoz,  Aaglefi>rt, 
Groslée,  Saint-Benoît,  Virieux,  Cervirieux,  Saint-Rambert,  Toisieux,  Ambé- 
rieux.  Vaux,  Lagnieux,  Saint-Sorlin ,  Villebois,  L'Huis,  Montmerle,  Toissy, 
Montagneux  et  quelques  autres  donnent  des  vins  rouges  et  blancs. 

Aisne,  —  Pargnan,  Craone,  Craonelle,  Jumigny,  Vassogne,  Cussy,  Belle- 
vue,  Roussy,  Laon,  Cressy,  Bièvre,  Orgeval,  Montchâlons,  Ployard,  Vour- 
ciennes,  Arancy,  Château-Thierry,  Tréloup,  Vailly  et  Soupir  donnent  beau- 
coup de  vins  rouges  et  quelques  vins  blancs. 

Allier,  —  La  Garenne  du  Sel  (rouges  et  blancs). 

Alpes  (Basses-),  —  Deuxième  choix  de  Mées  et  quelques  autres  rouges. 

Alpes  (Hautes-),  —  La  plupart  de  ses  vignobles  (rouges  et  blancs). 

Ardeche,  — Mauve,  Limoni,  Sara,  Vion,  Aubenas  et  l'Argendère  (rouges 
et  blancs). 

Ardennes,  —  Ceux  de  l'arrondissement  de  Vouziers  (rouges  et  blancs). 

Auhe.  —  Bouilly,  Laine-aux-Bois ,  Javernat,  Soulîgny,  Bar- sur -Seine, 
Bar-sur-Aube  et  Landreville  (rouges  et  blancs). 

Aude.  —  Deuxième  Fitou,  Leucatte ,  Treilles ,  Lagrasse,  Alet,  Limoux  et 
Magrie  (rouges  et  blancs). 

Aveyron,  —  Lancedac,  Agnac,  Marillac,  Guron  et  Gradels  (rouges  et 
blancs). 

Bouches -du- Rhône,  —  Aubagne,  Gemenos,  Auriol  et  Cuges  (rouges  et 
blancs). 

Charente,  —  Saint-Saturnin,  Asnières,  Saint-Genis,  Linards,  Moulidars, 
Fonquebr une,  Gardes,  Rouillac,  Blanzac,  Vars,  Montignac,  Saint -Sernin, 
Vouthon,  Marthon,  Mornac,  la  Couronne,  Roulet,  Nersac,  Julienne  et  quel- 
ques autres  (rouges  et  blancs). 

Charente-Inférieure.  —  Saintes,  Chepniers,  Fontcouverte,  Bussac ,  la  Œa- 
pelle,  Saint-Romain,  Saujon,  le  Gua,  Saint-Julien,  Nouilliers,  Matha,  Saint- 
Jean-d'Angély,  Marennes,  Saint-Just,  la  Rochelle,  les  fies  d'Oléron  et  de  Ré 
(rouges  et  blancs). 


VINS. 


1103 


Cher,  —  Savigaol,  Sancerre,  Vassely,  Fu88y  et  Saint-Âmand  (rouges  et 
blancs). 

Corrèfe.  —  Les  cdtes  d'Allassac,.Saillac,  Donzenac,  Varets,  Meyssac,  Saint- 
Basile,  Queyssac,  Nonards,  Puy-d'Arnac,  Beaulieu  et  Argentat  (rouges  et 
blancs). 

Corse,  —  Les  troisièmes  choix  de  ses  vins  cités  (rouges  et  blancs). 

Cote-d*Or,  —  Tous  les  vins  qui  n'ont  pas  été  mentionnés.  Ce  départe- 
ment produit  peu  de  vins  communs  (rouges  et  blancs). 

Dordogne.  —  Cadouin,  Limeuil ,  Monpazier ,  deuxième  Domme ,  Saint- 
Cyprien,  Montignac  et  les  ordinaires  de  Bergerac  (rouges  et  blancs). 

Doubs.  —  Besançon,  Byans,  Mouthier,  Lombard,  Liesse,  La  vans,  Jalle- 
range,  Châtillon-le-Duc  et  Pont-Villiers  (rouges  et  blancs). 

Drame,  —  Les  troisièmes  choix  des  vignobles  cités  et  Étoile ,  Livron  et 
Saint- Paul  (rouges  et  blancs). 

Gard,  —  Lacostières,  Jonquières,  Pujaut,'  Laudun,  Langlade,  Vauvert, 
Millaud,  Calvisson,  Aigues-Vives  et  Alais  (rouges  et  blancs). 

Garonne  {Haute-),  —  Deuxièmes  de  Villaudric  et  Fronton,  Montesquieu- 
Vol  vestre  et  Buzet  (rouges). 

Gers,  —  Vertus,  Mazères,  Viella,  Goûts,  Lussan,  Ville-Comtal ,  Miélan, 
Plaisance,  Vic-Fezensac,  Valence  et  Miradoux  (rouges  et  blancs). 

Gironde,  —  Presque  tous  les  vins  rouges  et  blancs  du  département  non 
cités  aux  précédentes  catégories,  les  plus  communs  de  la  Benauge  et  de  TEn- 
tre-deux-mers  exceptés.  ^ 

Hérault.  —  Garrigues,  Pérols,  Ville vayrac,  Bousigues,  Frontignan,  Pous- 
san,  Loupian,  Mèze,  Agde,  Pézenas,  Béziers',  Lodève,  Lunel,  Montpellier, 
Saint-Georges  et  les  premiers  choix  d'Aramont  et  de  Picpoul  en  vins  rouges 
et  blancs. 

Indre.  —  Valaunay,  Vic-Ia-Moustière,  Veuil,  Latour-du-Breuil,  Concre- 
miers  et  Saint- Hilaire  (rouges  et  blancs). 

Indre-et-Loire,  —  Chinon,  Ballan,  Luynes,  Fondettes  et  les  choix  d*Am- 
boise  (rouges  et  blancs). 

Isère,  —  Saint-Chef,  Saint-  Sa  vin,  Jallien,  Ruy-les-Roches,  Vienne,  Lam- 
bin, CroUes,  la  Terrasse,  Grignon,  Saint-Maximin ,  Murinais,  Bessins,  Pont- 
en-Royan  et  Saint -André  (rouges  et  blancs). 

Jura,  — Voiteur,  Ménetru,  Blandans,  Saint-Lothaire ,  Poligny,  Geraise 
et  Saint-Laurent  (rouges  et  blancs). 

Landes,  —  Le  Tursan,  la  cdte  de  Leynie  et  la  haute  Chalosse  (  rouges  et 
blancs). 

Loir-et-Cher,  —  Onzain,  Mer,  Chaumont,  Thésée,  Monthou*,  Bourré, 
Montrichard ,  Chissey ,  Mareuil ,  Fouillé ,  Ange,  FaveroUes ,  Saint-Georges , 
Lusillé,  Meusne  et  Chambon  (rouges  et  blancs). 

Loire.  — Charlieu,  Lupé,  Chuines,  Chavenay,  Saint-Michel,  Saint-Pierre- 
de-Bœuf,  Boen,  Reaaison,  Saint-André  et  Saint-Haon  (rouges  et  blancs). 

Loiret,  —  Sargeau,  Saint-Denis,  Saint-Marc,  Saint-Gy,  Beaugency,  Baule, 
Baulette,  Marigny  (rouges  et  blancs). 

Lot,  —  Ses  vins  rosés  et  mi-couleur  et  presque  tous  ceux  qui  n'ont  pas 
été  cités  (rouges). 

Lot-et-Garonne.  ~~  Thézac,  la  Croix-Blanche,  Agen,  Marsan,'  Castelmoron, 


II04 


VINS. 


Sommenzac,  la  Qiapelle,  Notre-Dame,  Clairac  et  Marmande  (rouges  et 
blancs). 

Loutre,  —  Marvejols,  Florac  et  Villefort  (rouges). 

Maine-et-Loire.  — Dampierre,  Varrains,  Chacé,  Saint-Cyr,  Brézé,  Sau- 
mur  et  Feuille  (rouges  et  blancs). 

Marne.  —  Vertus,  Avenay,  Champillon,  Damery,  Monthelon,  Mar- 
deuil,  Moussy,  Vinay;  Claveau,  Maury,  Poigny,  Vantheuil,  Châdilon, 
Romery,  Vincelles,  Villens,  Ceuilly,  Vaudières ,  Verneuil,  Troissy,  Châlons 
et  Vitry-sur-Marne  (rouges  et  blancs). 

Marne  {Haute-).  —  Vaux,  Rivière-les-Fossés,  Pranthoy  et  Saint-Dizier 
(rouges  et  blancs). 

Meurthe.  —  Thiancourt,  Pagny,  Arnavîlle,  Bayonville,  Charny,  Essey, 
Toul,  Saulny,  Lucey,  C6te-Rôtie,  Roville  et  autres  (rouges  et  blancs). 

Meuse,  —  Apremont,  Loupmont,  Woinville,  Lionville,  Saint- Julien, 
Vaucouleurs,  Vignot,  Sampigny,  Saint-Michel,  Bruxières,  Monsec,  Loisey, 
Ancerville,  Rambecourt,  Belleville  et  les  Rochelles  (rouges  et  blancs). 

Moselle,  —  Les  deuxièmes  choix  des  vignobles  cités  et  quelques-uns  da 
territoire  de  Sarreguemines  (rouges  et  blancs). 

Nièvre.  —  Deuxièmes  de  Pouilly-sur-Loire  (blancs). 

Oise.  —  Clermont  (rouge). 

Puy-de-Dâme,  —  Néchers,  Issoire,  Cour  non,  Lauden,  Orset,  Lezandre, 
Mesel,  Dallet,  Pont -du -Château,  Beaumont,  Aubière,  Mariel,  CalvUle, 
les  Martres ,  Authezat ,  Monton ,  Vic-le-Comte ,  Coudes  et  Montpeyronx 
(rouges). 

Pyrénées  (Basses-),  —  Lasseube,  la  Hourcade,  Sault  de  Na vailles,  Cuqoe- 
ron,  Luc,  Navarrens  et  Sauveterre  (rouges  et  blancs). 

Pyrénées  (Hautes-),  —  Bagnères  et  Argelès  (rouges  et  blancs). 

Pyrénées-Orientales,  — Torremila,  Terrats,  Esparrons,  Vernet,  Pradeset 
environs  (rouges). 

Rhin  (Haut-  et  Bas-).  —  Quelques  vins  blancs  des  vignobles  cités. 

Rhône.  —  Irigny,  Charly,  Curis,  Poleymieux  et  Couzon  (rouges). 

Saône  (Haute-).  —  Le  clos  du  Château,  Rey,  Chariez,  Naveune,  Quincy 
et  Gy  (rouges  et  blancs). 

Saône-et-Loire.  — Montagny,  Chenoxe,  Buxy,  Saint- Vallerin ,  Saules,  la 
Chassagne,  Villié,  Regnié,  Lantigné,  Quincié,  Marchand,  Durette,  les  Etonx, 
Cercié,  Saint- Jean,  Pizay,  Jasseron,  Vadoux,  Belleville,  Saint-Sorlin,  Cha- 
rentay,  Charnay,  Pricé,  Vaux-Renard,  Saint -Amour,  Chevagny,  Chanes, 
Saint -Verand,  Loche,  Vaizelle,  Urigny,  Sancé,  Sénecé,  Azé,  Picrredos, 
Verzé,  Igé;  Blacé,  Saint-Julien,  Denicé,  Bussières,  Lacenas  et  plusieurs  autres 
vignobles  de  la  cdte  beaujolaise,  mâconnaise  et  châlonnaise  fournissent  à 
cette  catégorie  de  bons  vins  ordinaires  rouges  et  blancs. 

Sarthe,  —  Le  clos  de  Jasnières ,  Bazouges ,  Brouassin ,  Arthésée ,  la  Cha- 
pelle d'Aligné,  Saint- Vérand ,  Cromières ,  la  Flèche  et  Gazonfières  (rouges  et 
blancs). 

Savoies  (les  deux).  —  Thonon,  Aix  et  les  vins  des  Abymes  (rouges  et 
blancs). 

Seine-et-Marne.  —  La  côte  des  Vallées  et  plusieurs  vignobles  [de  l'arron- 
dissement de  Fontainebleau  (rouges). 


VINS.  .  1105 

Stine-et'Oise.  —  La  côte  des  Célestins,  le  clos  d'Athis-Mons,  Andresy, 
Septeuil  et  Boissy-sans-Avoîr  (rouges). 

Sèvres  (Deux-),  —  Mont-en-Saint-Martin,  Bouille,  Loret,  la  Rochenard, 
la  Foi-Monjault  et  Airvault  (rouges  et  blancs). 

Tarn,  —  Plusieurs  vignobles  de  Rabastens,  Gaillac  et  Alby  (rouges  et 
blancs). 

Tarn-et-Garonne.  —  Fau,  Aussac,  Auvillar,  Saint-Loup,  Campsas,  la  Vil- 
ledieu  et  Montbartier  (rouges  et  blancs). 

yar»  —  Lacadière,  Saint-Nazaire,  OUioules,  Pierrefeu,  Cucres,  Sollées- 
Farlède,  Hyères,  Lorgnes,  Saint-Tropez,  Brignoles  (rouges) . 

Vaucluse,  —  Morière,  Avignon  et  Orange  (rouges). 

Vendée,  —  Luçon,  Faymoreau,  Loge-Fougereuse  et  Talmont  (rouges  et 
blancs). 

Vienne,  —  Champigny,  Saint  -  Georges ,  Couture,  Dissay,  Chauvigny, 
Saint-Martin,  Villemont,  Saint-Romain  et  Vaux  (rouges  et  blancs). 

Yonne, — Cheney,  Vaulichères,  Tronchoy,  Molesmes,  Gravant,  Jussy, 
Vermanton,  Joigny,  Saint-Bris,  Arcy-sur-Cure,  Pourly,  Pontigny,  Vezinnes, 
Junay,  Saint-Martin,  Commissey,  Neuvi,  Sautour,  Villeneuve-le-Roi,  Saint- 
Julie  n-du-Sault,  Paron,  Marsangy,  Rousson,  CoUemiers,  Rosoy,  Grou,  Véron 
et  les  plus  inférieurs  des  vignobJes  déjà  cités  fournissent  une  grande  quan- 
tité de  vins  rouges  à  cette  catégorie. 

Les  vins  blancs  sont  tout  aussi  abondants  et  offrent  beaucoup  de  choix. 
Chablis  présente  près  de  vingt-cinq  vignobles;  l'arrondissement  de  Sens  en 
renferme  aussi  une  importante  quantité. 

VINS    DE    LIQUEUR    FRANÇAIS. 

La  France  produit,  relativement,  peu  de  vins  de  cette  espèce  ;  néanmoins 
quelques  crus  peuvent  lutter  avec  un  certain  avantage  avec  la  plupart  des  vins 
de  liqueur  étrangers. 

Le  muscat  de  Rivesaltes,  dans  les  Pyrénées-Orientales,  est  Tun  des 
meilleurs  vins  de  liqueur  français. 

Le  vin  de  paille  de  Colmar  et  de  Kaiserberg  (Haut-Rhin). 

Le  vin  de  l'Ermitage  du  département  de  la  Drdme. 

Les  premiers  choix  de  Frontignan  et  de  Lunel  (Hérault) . 

Les  quatre  vins  ci-dessus  peuvent  être  considérés  comme  les  premières 
qualités  des  vins  de  liqueur  de  France. 

Suivent,  dans  leur  ordre  de  mérite,  les  vins  de  cette  catégorie  qui  se 
présentent  en  seconde  ligne  : 

Hérault.  —  Les  deuxièmes  choix  de  Lunel  et  Frontignan;  le  'premier  dit 
p'uardan^  et  les  meilleures  préparations  de  Grenache. 

Haut  et  Bas-Rhin.  — Les  meilleurs  muscats  de  Wolxhei m,  Héligensten  et 
quelques  autres  localités. 

Pyrénées-Orientales.  —  Les  vins  dits  de  Grenache,  à  Banyuls,  CoUioure  et 
Cosperon,  et  le  Macabeo  de  Salses. 

Doràogne.  —  Les  premiers  choix  de  Montbazillac. 

Corrè^e,  —  Le  vin  de  paille  d'Argentat. 

Vaucluse.  —  Les  vins  dits  Grenache  et  les  vins  muscats  de  Beau  me. 

70 


iio6  •  VINS. 

y  or,  — •  Les  muscats  rouges  et  blancs  de  Roquevaire,  de  Cassis  et  de  la 

Ciotat. 

Corst,  —  Les  vins  de  liqueur  du  Cap-Corse. 

Les  départements  ci-dessus  et  plusieurs  autres  récoltent  ou  préparent  une 
assez  grande  quantité  de  vins  muscats  ou  de  liqueur,  mais  dont  iarépuutioa 
ne  dépasse  pas  les  pays  de  production. 

VINS    DE    LIQUEUR    ÉTRANGERS. 

Les  vins  de  cette  espèce  et  dans  les  premières  qualités  se  trouvent  fort 
rarement  dans  le  commerce.  Les  souverains  des  pays  qui  les  produisent  les 
retiennent  pour  leur  usage  ou  pour  en  faire  des  présents  à  d'autres  souve- 
rains. Leur  prix  élevé  est  aussi  une  très-grande  difficulté  que  le  commerce 
ne  consent  guère  à  vaincre  pour  se  munir  de  la  petite  quantité  disponible. 

Les  crus  les  plus  renommés  sont  ceux  de  Tokay^  Constance^  le  vin  vert 
de  CotnaTj  de  la  CommanderU  (île  de  Chypre),  le  Lacryma-Christiy  malvoisU  dâ 
Madère j  le  Tinto  d'Alicantâj  les  muscats  rouges  et  blancs  de  Syracuse  et  les 
rouges  et  blancs  de  Schira^, 

Plusieurs  autres  pays  et  ceux  qui  fournissent  les  crus  ci-dessus  présentent 
un  choix  nombreux  dont  suit  la  nomenclature  par  contrée. 

Allemagne.  -^  Les  vins  dits  de  paille  de  la  Francorde. 

Autriche,  —  Les  seconds  crus  de  Tokay,  Tarczal,  Mada,  Zombor,  Szeghy, 
Szadany,  Tôles  va,  Erdo-Benye  et  les  vins  de  liqueur  de  Transylvanie,  Istrie^ 
Dalmatie  et  de  la  Vénéde. 

Italie,  —  Les  deuxièmes  choix  de  Lacryma-Christi  (Naples)y  de  Syracuse 
(Sicile) y  le  muscat  rouge  et  Aliatico  (  Toscane),  Les  vins  muscats  de  CaneUi  et 
de  Chounbave  (Piémont)^  les  Nasco,  Giro,  Tinto  et  les  malvoisies  de  l'île  de 
Sardaigne.  Le  vermut  et  TAléatico  de  Vile  d'Elbe,  Les  vins  muscats  du 
Vésuve  (Nuples).  Le  Malvasia  des  îles  Liparij  le  Vino-santo  de  CastigUone  et 
le  vin  aromatique  de  Chiavenne  (Lombardie), 

Etats-Romains,  —  Les  vins  blancs  et  rouges  d*AlbanOy  les  muscats  de 
Monte-Fiasconej  d*Orvieto  et  de  Farnèse. 

Espagne,  —  Les  deuxièmes  Tinto  d*Alicante  {Valence) ^  le  TintiUa  de  Rota 
(Estramadure)j  le  Tintiila  de  Xérès  et  de  San-Lucar  et  Paxarète  {Andalousie)y 
le  Tinto,  la  Malvasia,  le  Lacryma  et  les  muscats  blancs  de  Malaga  (Grenade), 
Le  Pedro-Ximénes  de  Victoria  (Biscaye),  Le  vin  Grenache  de  Sabaye  et  Cari- 
nena  [Aragon)^  la  malvasia  de  Pollentia  (Jle  Majorque)^  les  Velez-malaga  et 
une  très-grande  quantité  des  plus  ou  moins  inférieurs  de  ces  vignobles. 

Portugal.  —  Les  vins  muscats  de  Setuval  et  de  Carcavellos  dans  TEstn- 
madure  portugaise. 

Turquie.  —  Les  malvoisies  second  choix  de  Chypre  et  de  Candie  ;  les  vins 
muscats  rouges  et  blancs  des  îles  Samos,  Ténédos  et  Chypre.  Le  vin  de 
Galistas  (Macédoine)  et  celui  de  Smyrne. 

Principautés  danubiennes,  —  Les  deuxièmes  crus  de  Cotnar  (Moldavie)  et  le 
vin  de  Piatra  (Valachie), 

Perse,  —  Les  malvoisies  de  Schiraz  et  Ispahan. 

Cap  de  Bonne^Espérance,  —  Les  deuxièmes  crus  de  Constance;  les  muscats 
rouges  et  blancs,  dits  rota. 


VINS.  ,107 

Grhe>  —  Les  malvoisies  de  la  Morée  et  le  Vino-santo  de  l'île  Santorin, 
ainsi  que  plusieurs  vins  muscats  des  îles  Ioniennes. 

Russie,  —  Les  vins  de  liqueur  de  Koos  et  de  Sudach  {Crimée), 

Iles  de  Voeian  Atlantique.  —  Deuiième  choix  des  malvoisies  et  des  vins 
muscats  de  Tîle  de  Madère;  les  premiers  des  Iles  Tënériffe,  des  Açores, 
Canaries,  Gomère  et  Palme. 

Mexique.  —  Les  meilleurs  vins  de  liqueur  de  Passo-del-Norte,  de  Paras, 
de  San-Luiz-de-la-Paz  et  de  Zelaya. 

La  plupart  des  pays  qui  produisent  les  vins  de  liqueur  dont  la  nomencla- 
ture précède,  préparent  ou  récoltent  un  nombre  très-considérable  d'autres  vins 
de  cette  nature,  qui  sont  envoyés  et  livrés  au  commerce  sous  le  nom  des  crus 
les  plus  renommés.  Il  n'est  pas  sans  intérêt  d'ajouter  que  ces  vins  peuvent 
acquérir  des  qualités  qui  leur  manquent  par  les  soins,  par  le  temps  et  aussi 
par  les  voyages  qu'on  leur  fait  faire.  S'ils  n'atteignent  pas  toutes  les  qualités 
des  crus  supérieurs,  ils  peuvent  les  remplacer,  à  la  satisfaction  des  consom- 
mateurs, qui  ont  rarement  la  faculté  de  les  comparer  avec  les  premiers. 

F.  MAURIAL  {VArt  de  hoire). 

Nous  avons  déjà  dit,  en  parlant  des  caves,  que  si  la  cave  dans 
laquelle  on  doit  enfermer  son  vin  est  située  à  Paris,  il  faut  éWter 
qu'elle  soit  exposée  aux  ébranlements  qu'occasionne  jusqu'à  une 
certaine  distance  le  passage  de  voitures  ;  ces  ébranlements  déter- 
minent l'ascension  de  la  partie  la  plus  légère  de  la  lie»  dont  le 
mélange  avec  le  vin  suffit  souvent  pour  le  faire  aigrir. 

Si  la  cave  est  en  communication  avec  un  bûcher  de  bois  vert, 
avec  un  amas  de  fruits,  ou  avec  tout  autre  dépôt  de  matière  en 
fermentation  continuelle,  il  est  impossible  de  conserver  le  vin 
sans  qu'il  s'altère. 

Après  cette  dissertation  sur  les  vins,  il  nous  reste  à  traiter 
de  tout  ce  qui  se  rapporte  à  leur  conservation  et  à  leur  amélio- 
ration. 

Mais  ici  nous  nous  adressons  à  plus  savant  que  nous,  et  ne 
pouvons  rien  faire  de  mieux  que  de  répéter  ce  qu'en  a  dit 
M.  Lorein  dans  son  excellent  Traité  des  préparations. 

Placement  des  tonneaux.  —  Les  futailles  doivent  être  sur 
des  chantiers  ou  madriers  élevés  d'un  demi-pied  au-dessus  du  sol, 
et  posés  sur  des  dés  en  pierre.  Le  bois  de  chantier  doit  être  sain  ; 
s'il  était  atteint  de  pourriture,  il  la  communiquerait  prompte- 
ment  aux  tonneaux,  et  surtout  aux  cercles. 

Il  faut  assujettir  chaque  tonneau  avec  des  cales;  sans  cette 
précaution,  lorsqu'on  retire  l'un  d'eux,  les  autres  sont  exposés  à 


iio8  VINS. 

éprouver  quelque  mouvement,  ce  qui  occasionne  Tascension 
d'une  partie  de  la  lie;  accident  qu'on  doit  prévenir  autant  qu'il 
est  possible. 

Les  tonneaux  doivent  être  éloignés  du  mur  d'un  pied  a« 
moins,  pour  qu'on  puisse  toujours  visiter  leur  fond  postérieur. 

De  la  visite  des  tonneaux.  —  Avant  de  descendre  le  toi 
à  la  cave,  il  faut  examiner  avec  soin  les  tonneaux  et  faire  rem- 
placer tout  de  suite  les  cercles  défectueux.  Les  tonneaux  descen- 
dus et  placés  sur  les  chantiers,  on  doit  les  visiter  avec  soin  pen- 
dant les  premiers  jours,  et  ensuite  de  temps  en  temps  :  si  les 
tonneaux  sont  remplis  de  vin  de  Tannée,  il  faut  les  percer  près 
de  la  bonde  et  fermer  le  trou  avec  un  fausset,  qu'on  lève  de  temps 
en  temps  pour  s'assurer  si  le  vin  n'est  pas  encore  dans  un  état  de 
fermentation.  On  s'en  aperçoit  lorsqu'en  levant  le  fausset,  l'air 
sort  avec  sifflement;  dans  ce  cas  il  faut  lever  le  fausset  tous  les 
jours,  et  ensuite  à  des  intervalles  plus  éloignés;  lorsque  l'air 
commence  à  sortir  avec  moins  de  violence,  avoir  soin  de  mettre 
les  fûts  bondés  de  côté  pour  éviter  l'air  par  la  bonde. 

Si  le  vin  s'échappe  par  quelque  endroit,  on  cherche  à  recon- 
naître la  source  du  mal  ;  si  c'est  un  trou  de  ver,  on  le  reconnaît 
facilement  dans  la  partie  découverte  du  tonneau.  Si  le  trou  se 
trouve  sous  les  cercles,  on  peut  le  découvrir  en  les  écartant  ou  en 
faisant  sauter  l'un  d'eux. 

Si  le  vin  s'échappe  par  un  nœud  ou  par  un  éclat  de  douve, 
on  enfonce  dans  la  fente,  avec  la  lame  d'un  couteau,  du  papier 
trempé  dans  du  suif,  et  on  pose  dessus  un  mélange  de  suif  et  de 
mastic  de  vitrier.  Pour  plus  de  sûreté,  on  cloue  par-dessus  une 
petite  lame  de  plomb. 

Si  la  fuite  du  vin  a  lieu  entre  les  douves  par  suite  de  la  rup- 
ture de  plusieurs  cercles,  on  enveloppe  le  tonneau  avec  une  corde 
et  on  garrotte  fortement.  Garrotter,  c'est  passer  un  bâton  sous  la 
corde  et  faire  passer  les  deux  bouts  par-dessus  en  tordant.  On 
garrotte  ainsi  dans  une  ou  plusieurs  parties,  selon  l'éminence  du 
danger.  Par  là  on  se  donne  le  temps  de  préparer  tout  ce  qui  est 
nécessaire  pour  transvaser  le  vin. 

On  doit  goûter  le  vin  de  temps  en  temps  pour  connaître 
comme  il  se  comporte^ 


VINS.  1109 

Lorsqu'on  veut  conserver  pendant  plusieurs  années  du  vin 
en  tonneaux,  ce  qui  est  nécessaire  pour  rendre  potables  certains 
vins  très-spiritueux  et  très-chargés  en  couleur,  c'est  une  très- 
bonne  pratique  de  faire  enduire  les  tonneaux  de  manière  à  les 
rendre  inaccessibles  à  l'action  de  Thumidité  qui  règne  toujours 
plus  ou  moins  dans  les  caves.  On  peut  employer  pour  cela  une 
peinture  grossière,  des  ocres,  par  exemple;  mais  la  substance 
qui  convient  le  mieux  dans  ce  cas  est  le  mastic  dont  voici  la 
composition  : 

Faites  broyer  des  tuileaux;  passez  le  résultat  du  broyage 
au  tamis  de  crin,  et  repassez  au  tamis  de  soie,  ou  à  travers  une 
toile  métallique  très-fine,  ce  qui  a  passé  à  travers  le  tamis  de 
crin. 

A  treize  livres  de  la  poudre  ainsi  obtenue,  ajoutez  une  livre 
de  litharge  pulvérisée,  et  repassez  le  tout  au  tamis  fin  pour  opérer 
un  mélange  intime. 

Faites  broyer  ce  mélange  avec  deux  ou  trois  onces  d'huile 
de  lin  par  livre,  et  délayez  ensuite  avec  suffisante  quantité  de  la 
même  huile,  pour  former  une  peinture  applicable  au  pinceau. 

On  en  donne  deux  ou  trois  couches  aux  tonneaux  à  quel- 
ques jours  d*intervalle,  en  ayant  soin  que  tout  soit  couvert. 

On  évite  par  là  les  frais  de  reliage  et  de  remplissage,  ainsi 
que  le  danger  de  perdre  le  vin  par  la  rupture  du  cercle. 

De  l'ouillage.  —  Ouiller,  c'est  remplir.  Plus  les  vins  sont 
nouveaux,  plus  les  douves  sont  minces,  plus  la  cave  est  sèche  et 
aérée,  plus  les  tonneaux  doivent  être  remplis  souvent.  Toute 
négligence  sous  ce  rapport  nuit.  Les  vins  tendres  et  légers  s'al- 
tèrent rapidement  dans  les  tonneaux  qui  ne  sont  pas  constamment 
tenus  pleins  :  un  autre  motif  de  remplir  fréquemment,  c'est  que 
la  perte  éprouvée  par  le  tonneau  croît  en  plus  forte  proportion 
que  le  temps;  ainsi,  lorsque  le  tonneau  a  perdu  deux  bouteilles 
en  un  mois,  il  en  faudra  six  pour  le  remplir  à  l'expiration  du 
second  mois. 

Le  vin  avec  lequel  on  remplit  un  tonneau  doit,  autant  que 
possible,  être  d'une  qualité  analogue  à  celui  qu'il  contient;  cela 
n'est  cependant  pas  de  rigueur  pour  les  vins  communs,  qui 
peuvent  gagner  quelque  chose  quand  on  les  remplit  avec  du  vin 


iiio  VINS. 

meilleur;  mais  il  fout  le  faire  pour  les  vins  fins  qu'on  ne  veut  pas 
dénaturer. 

Dans  tous  les  cas,  il  vaut  mieux  remplir  avec  un  vin  quel- 
conque que  de  ne  pas  remplir  du  tout. 

Ce  qui  vient  d'être  dit  sur  la  nécessité  de  remplir,  est  un 
motif  de  plus  en  faveur  de  la  peinture  des  tonneaux  qui  con- 
tiennent des  vins  précieux.  Quand  on  n'en  a  qu'une  ou  deux 
pièces,  on  est  souvent  fort  embarrassé  pour  les  remplir  d'une 
manière  convenable. 

Collage.  —  L'effet  du  collage  des  vins  est  non-seulement 
de  les  éclaircir,  mais  aussi  de  les  dépouiller  de  matières  en  disso- 
lution qui  se  précipiteraient  plus  tard.  On  prévient  par  là  des 
dépôts  dans  les  bouteilles.  Si  on  conserve  des  vins  en  tonneaux 
depuis  plusieurs  années  on  fait  bien  de  les  coller  une  fois  l'an,  au 
mois  de  mars  ou  en  octobre.  Il  est  de  rigueur  de  choisir  pour  cette 
opération  un  jour  où  le  vent  souffle  du  nord  à  l'est.  Quatre  à 
cinq  jours  après  le  collage,  on  soutire  le  vin,  on  nettoie  le  tonneau 
et  on  le  remplit,  soit  du  vin  qui  en  a  été  tiré,  soit  du  contenu  d'un 
autre  tonneau  collé  aussi. 

Si  on  veut  mettre  en  bouteilles  duirin  récemment  arrivé,  on 
le  laisse  reposer  quelques  jours,  et  on  le  colle  ensuite  avec  du 
blanc  d'œuf  et  de  la  colle  de  poisson. 

Quatre  blancs  d*œufs  bien  frais,  fouettés  avec  une  demi-bou- 
teille de  vin,  suffisent  pour  coller  une  pièce  de  deux  cent  cin- 
quante à  deux  cent  soixante-quinze  bouteilles.  On  retire  d'abord 
cinq  à  six  litres  de  vin;  on  ôte  la  bonde;  on  verse  la  colle;  on 
introduit  dans  le  tonneau  un  bâton  fendu  en  quatre  par  en  bas, 
et  on  l'agite  en  tournant  tantôt  dans  un  sens  et  tantôt  dans  un 
autre,  pour  bien  mélanger  la  colle.  On  continue  ainsi  pendant 
une  ou  deux  minutes.  On  remplit  ensuite  le  tonneau  avec  le  \in 
qu'on  avait  tiré  et  on  en  ajoute  s'il  est  nécessaire.  On  frappe 
le  tonneau  pour  en  faire  sortir  les  bulles  d'air  qui  pourraient 
être  restées  dans  la  partie  supérieure  et  on  remet  la  bonde.  Au 
bout  de  quatre  ou  cinq  jours,  le  vin  est  clair  et  on  peut  le 
tirer. 

Si  le  vin  a  déjà  séjourné  pendant  quelques  mois  dans  la  ca^'e, 
comme  il  s'est  formé  au  fond  un  dépôt  de  lie  qu'il  ne  faut  pas  faire 


VINS.  mi 

remonter,  on  n'enfonce  le  bâton  fendu  que  jusqu'à  la  moitié  du 

tonneau. 

Les  vins  blancs  se  collent  avec  la  colle  de  poisson  dissoute 
dans  le  vin,  à  raison  d'un  litre  par  pièce;  cette  colle  se  prépare 
de  la  manière  suivante  : 

On  bat,  avec  un  marteau,  un  gros  de  belle  colle  de  poisson; 
on  la  déchire  en  morceaux  qu'on  divise  avec  des  ciseaux  ;  on  la 
met  tremper  pendant  sept  ou  huit  heures,  avec  ce  qu'il  faut  de 
vin  pour  la  baigner;  quand  elle  s'est  gonflée  et  qu'elle  a  absorbé 
le  vin,  on  en  ajoute  autant  qu'on  en  a  mis  la  première  fois  :  après 
vingt-quatre  heures,  la  colle  forme  une  gelée  à  laquelle  on  ajoute 
un  demi-verre  d'eau  un  peu  chaude,  et  on  la  malaxe  avec  la 
main  pour  écraser  ce  qui  n'est  pas  entièrement  dissous.  On  passe 
la  colle  avec  expression  à  travers  un  linge,  et  on  la  bat  avec  une 
poignée  d'osiers,  en  versant  peu  à  peu  du  vin  blanc,  jusqu'à  ce 
que  la  totalité  de  la  dissolution  forme  à  peu  près  un  litre  de 
liquide.  Avant  de  verser  la  colle  dans  le  tonneau,  on  la  bat  de 
nouveau  avec  un  litre  de  vin  blanc  ;  du  reste,  on  procède  comme 
pour  le  vin  rouge. 

Les  poudres  de  M.  Julien,  qui  demeure  à  Paris,  boulevard 
Poissonnière,  et  qui  a  des  dépôts  dans  la  plupart  des  vignobles, 
remplacent  avec  avantage  les  blancs  d'œuft  et  la  colle  de  poisson. 

Tirage  de  vin  en  bouteilles.  —  Il  faut  s'assurer  avant 
tout  si  le  vin  est  bien  limpide;  pour  cela  on  en  tire  dans  un  verre 
qu'on  interpose  entre  l'œil  et  la  lumière.  Si  le  vin  n'est  pas 
d'une  limpidité  parfaite,  on  attend  deux  ou  trois  jours,  et  si 
après  ce  temps  il  n'est  pas  bien  clair,  on  le  soutire  et  on  le  colle 
de  nouveau. 

Le  tirage  en  bouteilles  doit  se  faire,  autant  que  possible, 
par  un  temps  froid,  et  surtout  lorsque  le  vent  souffle  du  nord  à 
l'est. 

Cette  précaution  influe  plus  qu'on  ne  le  pense  sur  la  conser- 
vation des  vins.  On  doit  éviter  surtout  de  tirer  le  vin  quand  le 
temps  est  disposé  à  l'orage  et  lorsqu'un  vent  chaud  souffle  du 
sud  ou  de  l'ouest. 

Lés  bouteilles  doivent  être  rincées  avec  soin  et  flairées  une 
à  une  ;  on  doit  rejeter  celles  qui  ont  un  mauvais  goût.  Le  gra- 


ma  VINS. 

vier  de  rivière,  bien  lavé,  ou  la  grenaille  d'étain  pur,  sont  les 
substances  les  plus  convenables  pour  rincer  les  bouteilles. 

Lorsqu'on  met  en  bouteilles  du  vin  qu'on  se  propose  de 
garder  longtemps,  le  choix  des  bouchons  est  d'une  grande  impor- 
tance. Il  faut  les  choisir  d'un  liège  fin,  moelleux,  cédant  sous  le 
doigt.  Ils  coûtent  plus  cher  que  les  autres,  mais  l'économie  qu'on 
croirait  iaire  sous  ce  rapport  en  en  achetant  de  plus  communs 
serait  fort  mal  entendue. 

Les  bouchons  qui  ont  déjà  servi  ne  doivent  être  employés 
que  pour  des  vins  communs,  destinés  à  être  bus  de  suite. 

On  bouche  les  bouteilles  à  mesure  qu'on  les  remplit  ;  on 
règlô  l'ouverture  de  la  cannelle  en  conséquence.  Lqs  bouchons 
doivent  entrer  de  force,  en  frappant  avec  la  batte,  jusqu'à  ce 
qu'ils  ne  débordent  que  d'une  ou  deux  lignes. 

Lorsqu'on  veut  conserver  longtemps  le  vin  en  bouteilles,  on 
enduit  l'extrémité  du  bouchon  et  du  goulot  avec  une  cire  pré- 
parée à  cet  effet.  Cet  enduit  préserve  les  bouchons  de  la  moisis- 
sure qui  les  atteint  à  la  longue,  et  les  empêche  d'être  rongés 
par  les  insectes  qui  pullulent  dans  beaucoup  de  caves. 

La  cire  ou  le  mastic  dont  on  enduit  les  bouchons  se  compose 
de  la  manière  suivante  : 

On  fait  fondre  deux  ou  trois  livres  de  résine  commune  avec 
un  quarteron  de  cire  jaune  et  deux  onces  de  suif;  on  colore  avec 
le  minium,  les  ocres,  le  noir  animal,  etc.  Si  la  cire  parait  trop 
cassante,  on  augmente  la  dose  de  suif;  dans  le  cas  contraire,  on 
ajoute  de  la  résine. 

DES  MOYENS  DE  PRÉ\'ENIR  L'ALTÉRATION  DES  \TNS 

OU  D'Y  REMÉDIER. 

Des  vins  qui  tournent  a  la  graisse.  —  Lorsqu'en  versant 
du  vin  il  file  comme  de  l'huile,  on  dit  qu'il  a  tourné  à  la  graisse. 
Cette  maladie,  qui  attaque  plus  fréquemment  les  vins  blancs  que 
les  vins  rouges,  se  dissipe  presque  toujours  avec  le  temps.  Si 
cependant  on  ne  veut  pas  attendre,  il  faut  coller  le  vin  et  le  bien 
agiter  ;  si  cela  ne  suffit  pas,  on  le  soutire,  on  le  colle  une  seconde 
fois,  et  on  ajoute  à  la  colle  un  demi-litre  d'esprit-de-vin. 


VINS.  1113 

On  remédie  à  la  graisse  en  mettant  dans  le  tonneau  une 
once  de  charbon  en  poudre,  qu'on  mêle  bien  au  liquide,  en  agi- 
tant avec  le  bâton  fendu. 

Si  le  vin  qui  tourne  à  la  graisse  est  en  bouteilles,  et  qu'on  ne 
veuille  pas  attendre  son  rétablissement  naturel,  on  le  dépote 
deux  fois  de  suite  à  un  mois  d'intervalle.  La  lie  bien  fraîche 
ajoutée  aux  vins  gras  dans  la  proportion  d'un  vingt-cinquième 
les  rétablit  très-promptement.  On  ne  doit  employer  ce  moyen  que 
pour  des  vins  ordinaires,  qui  pourront  s'améliorer  si  la  lie  qu'on 
y  mêle  provient  d'un  vin  généreux. 

Des  vins  qui  tournent  a  l'aigre.  —  Cette  maladie  pro- 
vient presque  toujours  du  peu  de  soin  qu'on  a  mis  à  remplir  les 
tonneaux,  des  transports  effectués  dans  les  temps  chauds,  ou  de 
la  mauvaise  qualité  des  caves.  Comme  il  est  reconnu  que  les  vins 
peu  spiritueux  y  sont  plus  sujets  que  les  autres,  on  pourrait  en 
prévenir  le  développement  sur  les  vins  de  cette  nature  en  y  ajou- 
tant cinq  à  six  litres  d'eau-de-vie  par  pièce. 

Lorsqu'on  s'aperçoit  que  le  vin  commence  à  contracter  un 
goût  d'aigre,  il  faut  le  soutirer  dans  un  tonneau  où  on  brûle  un 
pouce  de  mèche  souffrée  ;  on  le  colle  en  même  temps  avec  six 
blancs  d'œufs  par  barrique.  S'il  n'a  pas  tout  à  fait  perdu  le  goût 
qu'il  avait  contracté,  on  répète  cette  opération  six  jours  après  ; 
on  laisse  reposer  le  vin,  on  le  met  en  bouteilles  et  on  le  boit  de 
suite. 

On  peut  encore  rétablir  les  vins  qui  ont  tourné  à  l'aigre,  en 
jetant  dans  une  barrique  un  quarteron  de  froment  grillé  comme 
du  café,  mais  un  peu  moins  noir;  on  soutire  au  bout  de  vingt- 
quatre  heures,  on  colle  et  on  met  en  bouteilles  pour  boire  de 
suite. 

Des  vins  qui  deviennent  amers.  —  Le  moyen  le  plus  sim- 
ple de  rétablir  ces  vins,  c'est  de  les  couper  avec  des  vins  plus 
jeunes,  ou  au  moins  avec  des  lies  récentes. 

Quand  le  vin  qui  a  contracté  de  l'amertume  est  en  bouteilles, 
il  se  rétablit  souvent  de  lui-même  avec  le  temps,  pourvu  que  les 
bouteilles  soient  bien  bouchées,  qu'on  ne  les  déplace  pas  et  que 
la  cave  soit  bonne. 

On  peut  encore  corriger  l'amertume  des  vins  en  les  transva- 


III4  VINS. 

sant  dans  un  tonneau  fraîchement,  vide  d'un  bon  vin,  et  dans 
lequel  on  a  brAlé  à  plusieurs  reprises  un  demi-litre  d'esprit-de- 
vin ;  on  ne  doit  verser  une  nouvelle  portion  d'esprit-de-vin  dans 
le  tonneau  que  lorsque  la  première  est  brûlée  et  qu'il  n'y  a  plus 
de  flamme  ;  sans  cela,  le  filet  d* esprit-de-vin  s'allumerait  en  tom- 
bant et  la  flamme  se  communiquerait  jusqu'au  vase  qui  contient 
le  reste,  ce  qui  occasionnerait  des  accidents. 

Des  vins  qui  ont  contracté  le  goût  d'évent.  —  Les 
vins  ne  contractent  ce  goût  que  lorsque  les  tonneaux  ont  été  mal 
bouchés.  Si  le  goût  est  peu  prononcé,  on  peut  le  faire  disparaître 
en  collant  le  vin,  et  le  soutirant  après  quinze  jours  de  repos. 
Toujours  bonde  de  côté  pour  éviter  l'évent. 

Si  le  goût  d'évent  est  très-fort,  il  faut  mêler  au  vin  lo  à  12 
pour  100  de  lies  fraîches,  rouler  le  tonneau  une  fois  par  jour 
pendant  un  mois  et  soutirer  ;  on  ajoute  ensuite  dans  le  tonneau 
quatre  ou  cinq  bouteilles  d'eau-de-vie. 

Des  vins  qui  ont  contracté  le  goût  du  fut,  de  moisi,  etc. 
—  Lorsque  le  goût  contracté  est  fort,  il  n'y  a  aucun  moyen  de  le 
faire  disparaître  ;  on  peut  seulement  essayer  de  le  masquer.  Pour 
cela,  après  avoir  transvasé  le  vin,  on  fait  rôtir  une  livre  de  fro- 
ment dans  une  brûloire  à  café.  On  l'enferme  tout  chaud  dans  un 
sac  long  et  étroit,  qu'on  descend  dans  le  tonneau  par  sa  bonde, 
et  qu'on  retient  avec  une  ficelle.  On  ferme  le  tonneau,  et  vingt- 
quatre  heures  après  on  transvase  encore  le  vin  dans  un  tonneau 
où  on  a  mis  de  la  lie  fraîche  dans  la  proportion  d'un  huitième 
de  vin  défectueux. 

Des  moyens  de  prévenir  la  dégénérescence  des  vins.  — 
Les  vins  les  plus  faibles  se  soutiennent  ordinairement  fort  bien 
dans  les  bonnes  caves,  quand  d'ailleurs  ils  y  arrivent  sains  ;  il 
faut  donc,  pour  prévenir  leur  dégénérescence,  employer  les 
moyens  indiqués  pour  l'amélioration  des  caves.  Il  faut  surtout  les 
tenir  très-propres  et  en  éloigner  les  substances  fermentescibles. 
Si,  par  la  nature  de  leur  sol  ou  le  voisinage  des  fosses  d'aisance, 
les  caves  sont  infectées  de  miasmes  putrides,  on  fera  bien  d'y 
brûler,  de  temps  en  temps,  une  once  ou  deux:  de  soufre  :  on  le 
place  sur  un  têt,  on  l'allume  et  on  se  retire. 

Comme  les  vins  spiritueux  supportent  assez  bien  beaucoup 


VINS.  iiij 

dMnconvénients  qui  dénaturent  promptement  les  vins  faibles, 
comme  le  sont  souvent  les  vins  ordinaires,  si  on  a  une  certaine 
provision  de  ceux-ci  qu'on  soit  obligé  de  garder  en  tonneaux,  il 
est  bon  d'y  ajouter  depuis  trois  jusqu'à  sept  à  huit  bouteilles 
d'eau-de-vie  par  barrique  ;  en  goûtant  de  suite  les  vins  auxquels 
on  a  fait  cette  addition,  on  y  reconnaît  très-bien  la  saveur  de 
l'eau-de-vie  ;  mais,  après  un  mois  ou  deux  de  mélange,  on  ne 
la  retrouve  plus  et  le  vin  est  sensiblement  amélioré. 

Des  vins  trop  sombres  en  couleur.  —  Ces  vins  sont  ordi- 
nairement pâteux,  lourds  et  fades,  quoique  souvent  très-spiri- 
tueux. On  les  améliore  en  les  coupant  avec  des  vins  blancs, 
qu'on  y  ajoute  dans  des  proportions  diverses,  selon  que  les  vins 
sont  plus  ou  moins  chargés  en  couleur. 

De  l'apreTé  des  vins.  —  Il  y  a  des  vins  qui  acquièrent 
en  vieillissant  une  excellente  qualité,  mais  qui  sont  si  âpres, 
lorsqu'ils  sont  jeunes,  qu'ils  sont  peu  agréables  à  boire.  Ce 
qu'on  peut  faire  de  mieux  pour  ces  vins,  c'est  de  les  attendre  ou 
d'accélérer  leur  maturité  en  les  plaçant  dans  un  cellier  un  peu 
chaud,  pourvu  qu'ils  n'y  soient  pas  frappés  directement  par  le 
soleil. 

Quant  aux  vins  qui,  étant  âpres  et  verts,  sont  peu  spiritueux, 

c'est  en  vain  qu'on  espérerait  les  améliorer  en  les  coupant  avec 
des  vins  spiritueux  et  fades  du  midi  :  leur  saveur  perce  toujours. 
Le  seul  moyen  d'adoucir  ces  vins,  c'est  d'y  ajouter  de  l'eau-de- 
vie,  dont  on  proportionne  la  quantité  à  l'âpreté  des  vins.  On 
peut,  sans  inconvénient,  en  mettre  jusqu'à  huit  ou  dix  pintes  par 
barrique  de  trente  veltes;  on  peut  même  dépasser  cette  propor- 
tion, si  l'on  veut  garder  ces  vins  pendant  longtemps. 

Vin  de  pêche  à  la  façon  de  Strasbourg.  —  Prenez  cent 
pêches  de  vigne,  et  douze  pêches  d'espalier  bien  mûres,  ôtez-en  la 
peau  et  les  noyaux,  écrasez  la  pulpe  du  fruit  dans  une  terrine, 
ajoutez-y  un  demi-litre  d'eau  avec  une  once  de  bon  miel,  passez 
au  tamis,  et  soumettez  ce  qui  ne  passera  pas  au  tamis  à  l'action 
d'une  presse;  versez  tout  le  liquide  dans  une  cruche  degrés, 
ajoutez-y  quatre  livres  de  sucre,  cinq  onces  de  feuilles  de  pêcher, 
un  gros  de  cannelle,  deux  gros  de  vanille,  et  autant  de  bon  vin 
blanc  que  vous  aviez  de  suc  de  pêche  ;  laissez  fermenter  en  cou- 


in6  VINS. 

vrant  bien  le  vase,  et  lorsque  vous  aurez  séparé  les  feuilles,  que 
le  liquide  sera  éclairci,  vous  mettrez  en  bouteilles. 

Quelques  personnes  ajoutent  un  litre  d'eau-de-vîe  au 
mélange,  mais  cela  n'est  pas  nécessaire.  Ce  vin  est  très-agréable 
au  goût,  est  un  excellent  stomachique,  et  les  chimistes  anglais 
disent  qu'il  facilite  les  digestions  laborieuses. 

11  va  sans  dire  que  l'on  peut  également  faire  du  vin  de 
prunes  ou  d'abricots  ;  seulement,  comme  ces  fruits  sont  plus  sucrés 
que  la  pêche,  on  mettrait  moins  de  sucre,  et  on  suivrait  du  reste 
le  même  procédé. 

Vin  de  groseilles  ou  de  cerises  à  la  manière  d'Olngle" 
terre,  —  Prenez  six  parties  de  groseilles  rouges  bien  mûres  et 
six  parties  de  cerises  de  la  grosse  espèce,  une  partie  de  cerises 
noires  si  vous  projetez  de  faire  du  vin  de  cerises,  ou  bien  une 
partie  de  framboises  si  vous  voulez  faire  du  vin  de  groseilles; 
écrasez  les  fruits  pour  en  avoir  le  sucre  que  vous  verserez  dans 
un  baril;  ajoutez  une  livre  de  cassonade  par  dix  bouteilles  de 
sucre  ;  ayez  soin  que  le  baril  soit  plein,  et  conservez  en  outre  une 
bouteille  de  ce  sucre  pour  remplir  le  baril,  et  remplacez  ce  que 
la  fermentation  fera  sortir  par  la  bonde;  lorsque  la  mousse  s'ar- 
rêtera,  fixez  la  bonde  et  laissez  reposer  pendant  un  mois,  tirez  la 
bonde  et  mettez  en  bouteilles. 

Vin  chaud  à  la  mode  anglaise,  ou  négus.  —  Breuvage  ori- 
ginaire des  Indes,  et  qui  s'opère  avec  du  vin  blanc,  du  sucre,  du 
jus  de  limon  et  de  la  râpure  de  muscade.  Quand  on  peut  joindre 
à  tout  ceci  de  l'eau-de-vie  de  France  ou  du  jus  de  tamarin,  c'est 
un  breuvage  anglais  qui  ne  laisse  rien  à  désirer. 

Maintenant  que  tout  le  monde  peut  améliorer  la  qualité  de 
son  vin,  qu'on  nous  permette  de  citer  quelques  anecdotes  : 

Une  remarque  qu'on  peut  faire,  c'est- que  le  mot  vin  se  rend 
à  peu  près  d'une  manière  semblable  dans  toutes  les  langues 
anciennes  et  modernes.  En  grec,  oinos;  en  latin,  yinum;  en  arabe, 
vainon;  en  allemand,  jpein  ;  en  anglais,  jpine;  en  russe,  vinss. 

Dans  les  premiers  temps  de  la  république  romaine,  l'usage 
du  vin  était  sévèrement  défendu  aux  femmes,  et  Romulus  avait 
permis  aux  maris  de  répudier  et  même  de  tuer  les  épouses  qu'ils 
auraient  surprises    buvant   du  vin.   Valère   Maxime   rapporte 


VINS.  III7 

qu'Égnatius  Metellus  ayant  usé  de  cette  permission,  fut  absous 
par  le  fondateur  de  Rome.  Fabius  Pictor  raconte  que  les  parents 
d'une  Romaine,  l'ayant  surprise  tandis  qu'elle  tâchait  de  forcer  la 
serrure  d'un  coffre  qui  contenait  du  vin,  l'enfermèrent  et  la  firent 
périr  d'inanition.  Les  Romains  étaient  si  scrupuleux  sur  la  con- 
duite des  femmes  à  cet  égard,  qu'ils  avaient  introduit  l'usage, 
d'après  le  conseil  de  Caton,  d'embrasser  les  femmes  quand  elles 
entraient  dans  une  maison,  afin  de  juger  par  leur  haleine  si  elles 
n'étaient  pas  en  faute.  Ils  se  relâchèrent  peu  à  peu  de  cette 
rigoureuse  exactitude,  et,  les  lois  cédant  enfin  au  luxe  et  à  la 
débauche,  les  femmes  imitèrent  les  hommes  et  prirent  en  toute 
occasion  les  mêmes  licences. 

Le  vin  est,  dit-on,  le  lait  des  vieillards  et  ce  qui  les  soutient. 
Drexelius,  jésuite  allemand,  n'est  pas  du  tout  de  cet  avis.  Il  pré- 
tend que  plus  le  vin  a  de  force,  moins  il  convient  à  un  estomac 
affaibli  par  l'âge  ou  la  maladie.  Entre  l'estomac  et  la  nourriture, 
dit-il,  il  doit  y  avoir  une  telle  proportion  que  la  chaleur  de  l'un 
n'excède  pas  celle  de  l'autre.  Bon  vin  et  mauvais  estomac  ne 
peuvent  s'allier  l'un  à  l'autre.  Cependant,  croire  qu'un  bonvin 
vieux  a  la  vertu  de  réparer  les  forces  d'un  estomac  délabré  est 
une  opinion  si  ancienne,  si  générale  et  si  profondément  enra- 
cinée dans  les  esprits,  qu'il  est  moralement  impossible  de  faire 
régner  à  sa  place  l'axiome  :  Vinum  potens,  vinum  nocens. 

Boire  à  ses  repas  d'un  vin  plus  exquis  que  celui  qu'on  fait 
boire  aux  autres  ne  saurait  être  une  exception  permise  à  la 
grandeur.  C'est  un  privilège  que  l'impudence  et  l'avarice  peuvent 
seules  usurper.  Le  vin  de  Falerne  était  cher;  Pline  en  buvait  et 
Pline  admettait  quelquefois  à  sa  table  nombre  de  gens  nouvelle- 
ment affranchis..  Quelqu'un  qui  croyait  avec  raison  que  tous  ceux 
qui  sont  à  une  même  table  doivent  boire  d'un  même  vin,  lui  dit 
que  ces  jours-là  son  vin  de  Falerne  devait  s'en  aller  bien  vite.  — 
<(  Pardonnez-moi,  lui  dit  Pline,  quand  mes  affranchis  mangent 
avec  moi,  ils  ne  boivent  pas  de  mon  vin,  je  bois  du  leur.  » 

Le  premier  vin  qu'on  ait  vanté  en  France  est  le  vin  de 
Suresnes.  Henri  IV  en  envoyait  en  présent,  et  on  a  conservé  de 
lui  une  lettre   qui  en  fait  foi. 

L'auteur  de  la  Bibliographie   agronomique^  M.  Musset- 


iii8  VINS. 

Pathay,  a  fait  connaître  sur  le  vin  de  Suresnesune  anecdote  dont 
l'exactitude  nous  a  été  attestée  par  Tun  des  annuaires  statistiques 
de  Loir-et-Cher,  à  portée  par  conséquent  d'en  être  bien  instruit. 

«  Il  y  a,  dit  l'auteur  de  la  Bibliographie^  une  opinion  assez 
commune  sur  laquelle  il  est  bon  de  donner  quelques  éclaircisse- 
ments. Elle  est  relative  à  la  réputation  du  vin  de  Suresnes, 
village  situé  sur  le  bord  de  la  Seine,  à  deux  lieues  de  Paris.  On 
croit  communément  que  le  vin  produit  par  les  vignes  plantées 
près  de  ce  village  a  jadis  été  d'une  bonne  qualité  et  que  même 
il  a  paru  sur  la  table  de  nos  rois.  Voici  ce  qui  a  donné  lieu  à 
cette  opinion.  Il  y  a  aux  environs  de  Vendôme,  dans  l'ancien 
patrimoine  de  Henri  IV,  une  espèce  de  raisin  que  dans  le  pays 
on  appelle  Sur  en.  Il  produit  un  vin  blanc  très-agréable  à  boire, 
que  les  gourmets  conservent  avec  soin,  parce  qu'il  devient  meilleur 
en  vieillissant.  Henri  IV  faisait  venir  de  ce  vin  à  la  cour;  il  le 
trouvait  très-bon.  C'en  fut  assez  pour  qu'il  parût  délicieux  aux 
courtisans  ;  et  l'on  but  pendant  le  règne  de  ce  monarque  du  vin 
de  Sur  en,  II  y  a  encore  dans  le  vendômois  un  clos  de  vigne  qu'on 
appelle  Clos  de  Henri  IV. 

«  Louis  XIII  n'ayant  pas  pour  le  suren  la  même  prédilection 
que  le  roi  son  père,  ce  vin  passa  de  mode  et  perdit  sa  renonmiée. 
Dans  la  suite  on  crut  que  c'était  le  village  de  Suresnes  qui  avait 
produit  le  vin  qu'on  buvait  à  la  cour.  La  ressemblance  des  noms 
avait  causé  cette  erreur.  » 

Pierre  d'Andelys ,  dans  son  poème  de  la  Bataille  des  Vins^ 
nomme  Deuil,  Montmorency,  Marly,  Argenteuil,  mais  il  ne  dit 
rien  de  Suresnes,  qui  pourtant  est  dans  le  voisinage;  cela  peut 
prouver  qu'au  xiii*  siècle  Suresnes  avait  encore  moins  de  mérite 
et  de  réputation  qu'aujourd'hui.  On  ne  doit  donc  plus  s'étonner 
qu'un  propriétaire  d'excellents  vignobles  en  Bourgogne  ait 
transporté,  sans  aucun  succès,  des  plants  de  Suresnes  sur  les 
coteaux  de  l'Yonne. 

Autrefois  le  vin  de  Mantes,  à  douze  lieues  de  Paris,  était 
fort  renommé.  L'empereur  Julien  l'Apostat  en  fait  l'éloge. 
Ce  qui  le  faisait  surtout  rechercher,  c'est  qu'il  ne  se  gâtait 
jamais  en  quelque  pays  lointain  qu'on  le  transportât.  Le  corde- 
lier  Rubriquis,  qui  fut  envoyé  par  saint  Louis  au  Grand  Kan 


VINS.  ,„j^ 

Kan  des  Tartares,  présenta  à  ce  monarque  un  grand  flacon  de  ce 
bon  vin  de  Mantes,  qui  fut  trouvé  si  délicieux,  qu'il  disposa  le 
roi  tartare  à  embrasser  la  religion  du  pays  qui  le  produisait.  Le 
missionnaire  nous  fait  entendre  que,  si  le  vin  de  Mantes  ne 
lui  avait  pas  manqué,  le  fils  de  Gengiskan  se  fût  déclaré 
chrétien. 

Le  vin  a  toujours  été  très-considéré  et,  depuis  Charlemagne, 
on  ne  faisait  aucun  marché  qu'il  n'y  eût  une  gratification  extra- 
ordinaire que  Ton  nommait  pot-de-vin.  Ce  qu'on  offrait  à  l'église 
pour  les  baptêmes  et  les  mariages  s'appelait  vin  du  curé  ;  les 
présents  qu'on  faisait  à  sa  future  avant  le  mariage,  le  vin  de 
noce^  ce  que  les  plaideurs  donnaient  aux  clercs  de  leurs  rappor- 
teurs, le  vin  des  clercs;  et  le  droit  qu'on  payait  aux  ofiîciers 
municipaux  quand  on  était. reçu  bourgeois,  le  vin  de  bour- 
geoisie :  ce  vin  se  donnait  en  nature.  Lorsqu'on  ne  donna  plus 
de  vin,  on  n'en  conserva  pas  moins  Tusage  de  ce  que  Ton  appe- 
lait donner  un  pot-de-vin  à  la  suite  d'un  marché,  mais  ce  fut 
en  espèces. 

Une  charte  du  fameux  abbé  Suger,  régent  du  royaume 
sous  le  règne  de  Louis  le  Jeune,  donne  dix  sols  de  rente  et  un 
muid  de  vin  à  la  collégiale  de  Saint-Paul.  C'est,  y  est-il  dit, 
pour  que  les  chanoines  servent  Dieu  et  saint  Paul  avec  plus  de 
gaieté  et  de  dévotion  :  Ut  jucundius  et  devotius  Deo  sanctoque 
Paulo  inserviant. 

Un  proverbe  peu  connu  et  qui  cependant  mérite  de  l'être, 
c'est  celui-ci  :  A  bon  vin,  bon  latin.  Le  premier  président  du 
parlement  de  Paris,  M.  de  Lamoignon,  était  en  peine  d'avoir  un 
bibliothécaire.  Il  s'adressa  pour  cela  à  M.  Hermant,  recteur  de 
l'Université,  qui  lui  indiqua  M.  Baillet,  son  compatriote.  Le 
président  voulut  d'abord  le  connaître  et  le  fit  inviter  à  dîner. 
Baillet  s'y  rend;  mais,  s'apercevant  qu'il  est  entouré  de  pédants 
qui  veulent  faire  les  savants  avec  lui,  il  ne  répond  que  par  mono- 
syllabes aux  diverses  questions  qu'on  lui  fait.  On  lui  demande  en 
latin  comment  il  trouve  le  vin  ;  il  était  mauvais,  il  répond  :  Bonus. 
Aussitôt  de  rire  et  d'en  conclure,  comme  on  l'avait  déjà  pressenti, 
que  le  candidat  n'est  qu'un  sot.  Au  dessert  on  sert  du  vin  d'une 
meilleure  qualité  et,  pour  se  donner  de  nouveau  le  plaisir  de  rire. 


II20  VINS. 

on  renouvelle  la  question  de  la  qualité  du  vin.  Baillet  répond  : 
Bonum.  —  Oh!  oh!  ah!  ah!  eh!  Vous  voilà  redevenu  bon 
latiniste.  —  Oui,  répond  Baillet  :  à  bon  vin,  bon  latin. 

On  a  dit  du  vin  de  Bretigny,  près  de  Paris,  qu'il  faisait 
danser  les  chèvres,  et  cette  manière  de  parler  proverbialement 
est  encore  en  usage  dans  le  pays  pour  désigner  la  mauvaise 
qualité  du^vin.  Voici  Torigine  que  Ton  donne  à  cette  locution. 
Il  y  avait,  dit -on,  à  Bretigny  un  habitant  nommé  Chèvre. 
C'était  le  coq  et  en  même  temps  le  plus  riche  propriétaire  de  son 
village  et  une  grande  partie  du  vignoble  lui  appartenait.  Cet 
homme  aimait  à  boire  et,  dans  la  gaieté  que  Tivresse  lui  inspirait, 
il  avait  la  folie  de  faire  danser  presque  à^  toute  heure  sa  femme 
et  ses  enfants.  C'était  ainsi  que  le  vin  de  Bretigny  faisait  danser 
les  chèvres. 

Le  premier  président  de  Bellièvre  était  un  homme  de  très- 
grand  mérite  et  de  fort  bonne  compagnie.  Il  aimait  surtout 
la  bonne  chère  et  se  piquait  d'avoir  le  meilleur  vin  de  tout 
Paris. 

Sortant  un  jour  de  la  grand'chambre,  il  trouve  le  comte  de 
Fiesque  avec  MM.  de  Manicamp  et  de  Jousac  qui  l'abordèrent 
avec  un  placet  à  la  main,  dont  la  teneur  était  : 

«  Nous  supplions  très-humblement  Monseigneur  le  premier 
président  de  vouloir  bien  ordonner  à  son  maître  d'hôtel  de  nous 
donner  six  bouteilles  de  son  excellent  vin  de  Bourgogne,  que 
nous  comptons  boire  ce  soir,  à  tel  endroit,  à  la  santé  de  Sa 
Grandeur.  » 

M.  de  Bellièvre  alors,  avec  son  air  de  grave  magistrat, 
prend  son  crayon  et  met  au  bas  du  placet  : 

«  Bon  pour  douze  bouteilles ,  attendu  que  je  m'y  trou- 
verai. )) 

Nous  allons  donner  maintenant  une  preuve  comme  quoi  le 
bon  vin  peut  conduire  directement  au  ciel. 

Un  amateur  de  bon  vin  faisait  ce  joyeux  raisonnement  à 
son  confesseur  qui  le  gourmandait  sur  son  penchant  à  l'ivrogne- 
rie en  lui  annonçant  qu'il  ne  ferait  jamais  son  salut,  s'il  ne  s'en 
corrigeait  :  «  Mon  père,  le  bon  vin  fait  du  bon  sang,  le  bon  sang 
donne  la  bonne  humeur,  la  bonne  humeur  fiiit  naître  les  bonnes 


VINS.  liai 

pensées,  les  bonnes  pensées  produisent  les  bonnes  œuvres  et  les 
bonnes  œuvres  conduisent  l'homme  dans  le  ciel;  donc  le  bon  \in 
doit  me  conduire  au  ciel. 

—  Ainsi  soît-il,  »  dit  le  pasteur  abasourdi. 

Cave-Décantage, 

J'eus  loccasion  de  visiter  un  jour  les  caves  du  Café  Q4nglais. 
aménagées,  soignées  et  entretenues  par  un  véritable  connaisseur, 
M.  Delhomme.  C'est  à  six  ou  sept  heures  du  soir  qu'il  faut 
descendre  dans  ces  galeiies  souterraines,  qui  feraient  songer  aux 
merveilles  des  Mille  et  une  Nuits,  si  la  foi  mahométane  n'avait 
pas  proscrit  Tusage  du  vin.  C'est  un  type  excellent  de  grande 
cave.  Une  visite  d'une  heure  dans  cet  établissement  serait  fort 
instructive  pour  toutes  les  personnes  désireuses  de  bien  boire. 
On  n'y  pourrait  apprendre  en  si  peu  de  temps  Tâge  précis  au- 
quel on  doit  boire  le  vin  et  le  temps  qu'il  met  à  se  bonifier  ou 
à  s  affaiblir  dans  la  bouteille.  Ce  temps  n'est  pas  le  même,  on  le 
sait,  pour  tous  les  crus;  il  dépend  aussi  beaucoup  des  années  où 
le  vin  a  été  récolté.  Le  vin  des  bonnes  années  se  conserve  plus 
longtemps  en  bouteilles  que  le  vin  des  mauvaises.  La  connais- 
sance de  ces  importantes  particularités  ne  saurait  être  acquise 
en  peu  de  temps,  et  il  faut  s'en  rapporter  sur  ce  point  à  des  per- 
sonnes d'expérience  et  de  confiance.  Ce  qu'on  apprendra  en  un 
instant  dans  les  caves  du  Café  Q4nglais^  c'est  l'importante  opé- 
ration du  dêcantage. 

Le  dêcantage  consiste  à  verser,  en  inclinant  doucement  la 
bouteille,  une  liqueur  qui  a  fait  un  dépôt.  C'est  de  cette  opé- 
ration que  dépend  la  clarté  du  vin  vieux. 

La  liqueur  bien  décantée  présente  à  travers  la  carafe  cette 
belle  couleur  limpide  qui  entre  pour  quelque  chose  dans  le 
plaisir  qu'on  a  à  boire  du  bon  vin. 

La  perte  qui  résulte  de  ce  transvasement  peut  être  évaluée 
à  deux  ou  trois  verres  à  liqueur  par  bouteille.  En  remontant 
l'escalier  en  spirale  des  caves  du  Café  Cinglais,  on  rencontrera  à 
l'heure  du  «  coup  de  feu  »  l'excellent  Dugléré,  praticien  distin- 

71 


ï 


IT22  VINS. 

gué  que  j'ai  plus  d'une  tois  consulté  comme  un  oracle  gastrono- 
mique et  à  qui  je  dois  les  menus  placés  sous  son  nom  à  la  fin  de 
ce  Dictionnaire, 

Pour  plus  amples  détails   sur  les  conditions  d'une  bonne 
cave,  voir  l'article  Cave. 

Ordre  de  service  des  vins  à  table. 

Sur  ce  point  nous  ferons  encore  un  emprunt  au  petit  livre 
de  M.  Maurial  : 

Selon  les  usages,  la  succession  des  vins  dans  leur  ordre  de  service  varie 
d'après  leurs  caractères  généraux  ou  leur  renommée  particulière,  ou  encore  le 
goût  et  la  couleur  qui  leur  sont  propres;  mais  la  règle  la  plus  hygiénique,  qui 
est  celle  de  Brillât-Savarin,  c'est  de  les  consommer  dans  Tordre  des  plus  tem- 
pérés aux  plus  généreux  et  aux  plus  parfumés. 

Les  coutumes  des  grandes  maisons ,  dont  on  consulte  à  cet  égard  plus 
volontiers  les  usages,  consistent  à  offrir  après  le  potage  du  Xérès  ou  du 
Madère  sec  ;  ces  vins,  très-toniques ,  aident  à  l'assimilation  de  ce  premier  et 
aqueux  aliment. 

Avec  les  huîtres,  les  hors-d'œuvre ,  on  offre  du  vin  blanc  de  Bourgogne 
ou  de  Bordeaux,  ou  les  deux  simultanément,  et  dans  les  meilleurs  vins  fins 
possibles.  Au  premier  service  le  Bordeaux  d'abord,  et  le  Bourgogne  rouge 
ensuite  ;  ils  devront  être  pris  parmi  les  plus  inférieurs  qu'on  se  propose  d'of- 
frir. Outre  le  premier  et  le  second  service,  on  offre  un  verre  de  Madère,  de 
vieux  cognac  ou  de  rhum,  ou  bien  encore  du  Wermuth  de  première  qualité, 
suivant  le  désir  ou  le  goût  des  convives  ;  c'est  là  ce  qu'on  appelle  le  coup  du 
milieu.  Au  second  service,  on  offre  alternativement  du  Bordeaux,  du  Bour- 
gogne ou  de  l'Ermitage,  mais  de  qualité  dite  des  grands  ordinaires.  Aux  entre- 
mets, il  faut  offrir  les  vins  fins  dans  l'ordre  hygiénique  ci-dessus,  de  toute 
provenance,  mais  rouges.  Au  commencement  du  dessert  on  doit  présenter  les 
vins  à  grande  réputation  des  grands  crus,  de  divers  pays  et  de  diverses  cou- 
leurs, en  commençant  par  les  rouges.  Le  vin  de  Champagne,  Sillery  frappé,  se 
sert  le  dernier  des  vins  qu'on  boit  en  mangeant.  A  défaut  de  glace  et  même 
de  Sillery,  on  remplace  par  le  meilleur  Champagne  mousseux  dont  on  diQ)ose. 
Pour  terminer  le  repas,  et  lorsque  les  convives  s'attaquent  aux  pâtisseries 
sèches,  on  offre  du  vin  de  liqueur  ;  mais  il  serait  plus  prudent  de  n'en  pas 
boire,  car,  en  cet  état,  cette  nature  de  vin  trouble  la  digestion  sans  aucune 
compensation,  à  moins  cependant  qu'on  puisse  offrir  du  Tokay,  Constance, 
Schiraz,  Chypre  et  leurs  pareils. 

Dans  les  repas  où  on  n'offre  pas  ces  vins  riches  de  réputation ,  l'ordre  se 
suit  en  offrant  un  verre  de  Xérès,  Marsala  ou  Madère  ordinaires  après  le 
potage  ;  le  vin  blanc  avec  le  poisson  ou  les  hors-d'œuvre ,  le  vin  de  Bordeaux 
et  à  la  suite  le  vin  de  Bourgogne  ordinaires  rouges  pour  le  premier  service, 


VINAIGRE.  1123 


^ntre  les  deux  services,  le  coup  du  milieu;  au  second  service,  du  meilleur 
vin  rouge  ;  à  l'entremets,  le  vin  fin,  et  au  dessert  le  Champagne. 

Pour  servir  ces  liquides  avec  une  certaine  pompe,  huit  verres  sont  néces- 
saires :  I®  le  verre  ordinaire  à  pied  pour  mouiller  le  vin;  a®  le  verre  à  Bor- 
deaux ou  à  Bourgogne  ;  3*^  le  verre  à  Madère ,  un  peu  plus  petit  que  ce  der- 
nier; 4«  le  verre  vert  pour  le  vin  du  Rhin;  5»  la  coupe  en  cristal  brillant 
pour  faire  ressortir  la  belle  couleur  d'or  du  Johannisberg  ;  6°  le  verre  allongé 
pour  le  Champagne  mousseux;  7°  la  coupe  pour  le  Champagne  frappé;  8«  et 
enfin  le  verre  à  liqueur. 

Les  verres  à  servir  avec  le  couvert  sont  au  nombre  de  trois  :  le  grand 
verre  à  boire,  le  verre  à  Madère  et  le  verre  à  Bordeaux  ou  Bourgogne;  au 
second  service,  on  les  enlève  pour  les  remplacer  par  ceux  qui  sont  destinés  ù 
contenir  les  vins  désignés  pour  ce  service. 

VINAIGRE.  —  Vin  qui  a  subi  la  fermentation  acétique.  Le 
vinaigre  est  susceptible  de  plusieurs  falsifications,  qui  ont  toutes 
pour  objet  d'augmenter  sa  force  :  on  y  ajoute  dans  ce  but,  ou  de 
Tacide  acétique  concentré,  qu'on  obtient  par  la  carbonisation  du 
bois  en  vases  clos,  ou  de  l'acide  sulfurique.  Ces  falsifications  sont 
assez  difficiles  à  reconnaître;  le  meilleur  moyen  de  s'y  soustraire, 
c'est  de  faire  soi-même  son  vinaigre.  Le  procédé  suivant  est  très- 
simple  et  très-économique. 

Prenez  un  baril  de  vingt-cinq  à  trente  litres  bien  cerclé  en 
fer  ;  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  ait  un  trou  de  bonde  en  dessus  ; 
s'il  en  a  un,  fermez-le  hermétiquement;  faites  ouvrir  sur  un  des 
fonds,  à  un  pouce  environ  du  jable,  un  trou  de  dix-huit  lignes  de 
diamètre  ;  lorsque  le  tonneau  est  en  place,  ce  trou  doit  se  trouver 
en  haut;  faites  placer  sur  le  même  fond,  à  quatre  pouces  du  jable 
inférieur,  un  petit  robinet  en  étain  ;  placez  le  baril  à  demeure 
dans  un  endroit  habituellement  chauffé,  au  moins  dans  les  temps 
froids;  assujettissez-le  de  manière  qu'on  ne  puisse  facilement 
rébranler. 

Ces  dispositions  étant  prises,  faites  bouillir  quatre  litres  de 
bon  vinaigre  avec  une  demi-livre  de  tartre  ;  versez-le  tout  bouil- 
lant dans  le  baril,  servez-vous  pour  cela  d'un  entonnoir  dont  la 
douille  soit  recourbée  un  peu  moins  qu'à  l'angle  droit  :  bouchez 
le  trou  et  roulez  le  baril  en  tout  sens,  pour  que  son  bois  s'im- 
prègne partout  de  vinaigre  ;  vous  ne  l'assujettirez  qu'après  cette 
opération  ;  versez  immédiatement  dans  le  tonneau  quatre  litres 
de  vin.  On  emploie  pour  cela  les  braisières  des  tonneaux;  à  cet 


1124  VINAIGRE. 


efFet  on  les  tire  avec  la  lie  et  on  les  filtre  au  papier  gris.  Cette 
filtration  est  fort  simple  :  on  attache,  par  les  quatre  coins,  entre 
deux  tréteaux,  deux  chaises,  ou,  de  toute  autre  manière,  un  linge 
blanc;  on  le  couvre  d'une  feuille  de  papier  à  filtrer  et  on  verse  le 
vin  sur  le  papier  :  il  passe  clair  et  on  le  reçoit  dans  une  terrine, 
pour  le  mettre  ensuite  dans  des  bouteilles  de  verre  ou  de  grès, 
qu'on  tient  couchées  jusqu'au  moment  du  besoin. 

Le  premier  vin  qu'on  ajoute  au  vinaigre  est  très-longtemps 
à  s'acidifier  complètement  ;  mais  ensuite  l'opération  s'accélère  de 
plus  en  plus,  jusqu'à  ce  qu'enfin  huit  jours  suffisent  pour  con- 
vertir de  un  litre  à  un  litre  et  demi  de  vin  en  vinaigre. 

On  accélère  la  première  acidification  en  jetant  dans  le  ton- 
neau environ  un  quarteron  de  rognures  de  vignes  hachées  gros- 
sièrement, ou  pareille  quantité  de  fleurs  de  sureau  ou  de  pétales 
de  roses. 

Quand  la  première  acidification  est  opérée  on  ajoute  tous  les 
huit  jours  un  litre  ou  un  litre  et  demi  de  vin,  et  on  continue 
ainsi  jusqu'à  ce  que  le  baril  soit  à  peu  près  à  moitié  plein;  alors, 
chaque  fois  qu'on  doit  ajouter  du  vin,  on  tire  auparavant  une 
quantité  égale  de  vinaigre. 

Le  trou  latéral  doit  toujours  rester  ouvert;  mais  pour 
empêcher  que  la  poussière  ou  des  insectes  ne  s'y  introduisent,  on 
place,  au  devant,  une  plaque  d'étain  percée  de  petits  trous, 
laquelle  étant  attachée  avec  un  seul  clou,  peut  être  détournée 
à  droite  ou  à  gauche,  lorsqu'il  est  nécessaire  que  Touyerture  soit 
libre. 

Le  baril  peut  fonctionner  pendant  plusieurs  années. 

Si  on  veut  du  vinaigre  très-fort,  on  ajoute  de  reau-de->ie 
au  vin,  dans  la  proportion  d'un  huitième  :  il  n'y  a  en  effet  que 
l'eau-de-vie  contenue  dans  le  vin  qui  se  convertit  en  vinaigre; 
si  le  vin  n'en  contient  pas  assez,  on  remédie  à  ce  défaut  en  en 
ajoutant. 

Les  vins  qu'on  appelle  piqués,  c'est-à-dire  qui  commencent 
à  tourner  à  l'aigre,  se  convertissent  facilement  en  vinaigre,  et  en 

w 

donnent  de  bon  :  on  n'en  obtient  que  de  mauvais  avec  les  vins 
qui  tournent  à  l'amer. 

Vinaigre  rosat y  SMiy^nt  l'ancienne  et  bonne  méthode  indi- 


quée  par  madame  Fouquet.  —  Prenez  un  quarter 
de  roses  d'églantier  ou  de  roses  communes,  et  aut 
sauvages  qui  ne  seront  pas  à  leur  parfaite  maturité 
once  d'épines-vinettes  bien  mûres  ;  faites  sécher  le  t 
quand  cela  sera  bien  sec,  vous  le  pilerez  et  réduii 
très-fine;  vous  mettrez  ensuite  une  demi-once  de 
dans  un  demi-setier  de  bon  vin  rouge  ou  blanc  ;  voii 
mélange  et  le  laisserez  ensuite  reposer,  vous  le  pa 
vers  d'un  linge,  et  vous  aurez  du  vinaigre  rosat. 

Un  ancien  auteur  a  dit  qu'on  obtenait  le  r 
avec  de  la  moelle  de  lièvre;  il  indique  son  pro 
manière  :  un  gros  de  moelle  de  lièvre  que  vous  mç 
chopine  de  vin. 

Vinaigre  à  l'estragon.  —  Mettez  dans  une  c 
de  bon  vinaigre  blanc  d'Orléans  et  750  gramme 
d'estragon,  que  vous  aurez  laissées  se  flétrir  à  l'omb 
soin  de  les  étendre  afin  qu'elles  ne  s'édiaufTent  pas 
tragon  sera  fané,  mettez-le  dans  la  cruche  avec  le 
ajoutant  un  petit  nouet  de  clous  de  girofle  et  les  2 
citrons;  puis  vous  boucherez  bien  le  vase,  que  vou 
l'ardeur  du  soleil  pendant  quinze  jours,  ou  bien  vi 
deux  ou  trois  fois  dans  le  four,  après  que  le  pain 
retiré.  Vous  pourrez  après  cela  vous  en  servir.  11  « 
mettre  du  sel,  ainsi  qu'on  a  coutume  de  le  faire.  V( 
votre  vinaigre,  c'est-à-dire  que  vous  le  tirerez  à  clai 
merez  les  feuilles  d'estragon,  et  vous  passerez  It 
papier  gris  ou  à  la  chausse  de  futaine,  comme  il  est 
le  verjus  (V.  Verjus);  ou  bien  prenez  un  grand  lan 
lequel  vous  mettrez  un  rond  de  papier  gris,  fo 
feuilles  étendues  l'une  sur  l'autre,  de  manière  à  o 
fond  du  tamis  et  à  dépasser  ses  rebords  de  deux  à 


1 


II26  VIOLETTE. 


demie;  les  zestes  de  deux  citrons,  le  zeste  d'une  bergamote  ou 
d'un  cédrat,  et  finalement  une  douzaine  de  clous  de  girofle  con- 
cassés. Mettez  le  tout  dans  une  cruche  de  grès  ou  de  terre  qui  ne 
soit  pas  vernie,  avec  six  pintes  de  bon  vinaigre  blanc  d'Orléans, 
le  plus  fort  possible.  Faites  macérer  cet  appareil  et  laissez  infu- 
ser le  tout  ensemble  environ  dix-huit  ou  vingt  jours,  au  bout 
duquel  temps  vous  aclièverez  ce  vinaigre  aromatique  ainsi  qu'il 
est  indiqué  ci-dessus  pour  le  vinaigre  à  Testragon. 

Vinaigre  du  connétable.  —  Dans  un  pot  de  terre  verni,  de 
la  capacité  de  trois  pintes,  mettez  deux  pintes  d'excellent  vinaigre 
rosat,  une  livre  de  raisin  d'Alexandrie  nouveau  que  vous  épe- 
pinerez  avant  de  le  mettre  dans  le  vinaigre  ;  vous  exposerez  ce 
mélange  sur  de  la  cendre  chaude,  l'espace  de  dix  heures;  après 
ce  temps,  vous  lui  ferez  jeter  quelques  bouillons;  quand  il 
sera  à  moitié  refroidi,  vous  le  passerez  au  travers  d'un  linge; 
versez-le  ensuite  dans  des  bouteilles  propres  que  vous  boucherez 
bien. 

Vinaigre  à  la  rose  pour  la  toilette.  —  Le  procédé  est  le 
même  que  pour  celui  à  l'estragon,  flétri  à  l'ombre  ;  seulement,  au 
lieu  d'estragon  vous  mettrez  la  même  quantité  de  fleurs  de  roses 
épluchées  et  séchées.  En  place  d'un  nouet  de  girofle  vous  mettrez 
un  chapelet  de  racines  d'iris  de  Florence  bien  sèches;  quand 
votre  vinaigre  sera  fait,  vous  pourrez  faire  resservir  plusieurs 
fois  le  chapelet  en  le  faisant  sécher  après  que  vous  vous  en  serez 
servi. 

Vinaigre  de  lavande  pour  la  toilette,  —  Procurez-vous  un 
pot  comme  on  vient  de  l'indiquer,  et  selon  la  quantité  que  vous 
voudrez  avoir  de  vinaigre.  Vous  mettrez  deux  onces  de  fleurs  de 
lavande  nouvelle,  et  quelques  zestes  de  citron  par  pinte  de 
vinaigre;  vous  laisserez  infuser  le  tout  pendant  vingt-quatre 
heures.  Exposez  votre  vase  bien  lu  té  sur  de  la  cendre  chaude; 
laissez-le  pendant  huit  ou  dix  heures,  mais  sans  le  faire  bouillir  ; 
passez  ensuite  à  la  chausse  ou  au  filtre  de  papier  gris ,  et 
conservez  ce  vinaigre  dans  des  bouteilles  hermétiquement  bou- 
chées. 

VIOLETTE.  —  Fleur  dont  le  nom  éveille  le  plus  d'idées 
printanières  ;  qui  dit  violette,  dit  ombre,  dit  fraîcheur,  dit  modes- 


VIOLETTE. 


tie,  dit  ruisseau  courant  dans  les  herbes.  Il  n' 
fût-il  erotique  comme  Parny,  fût-il  romantiqi 
qui  n  ait  trouvé  le  nom  de  violette  au  bout  de 
nom  doux  et  parfumé.  Le  bleuet,  ce  charman 
ne  vient  qu'après  la  violette  dans  la  série  po 
champêtres.  Vivante,  elle  est  destinée  à  orne 
jeunes  filles;  morte,  elle  prête  son  arôme  ai 
liqueurs,  aux  sorbets,  aux  conserves,  et  aux  au 
de  Toffice, 

Les  glaces  aux  violettes  sont  une  des  cl 
estimées  des  friands. 

Glace  aux  violettes.  —  Epluchez  des  fleur 
vous  pilerez  au  mortier  de  verre  avec  du  sucre, 
peu  d'iris  de  Florence  en  poussière  impalpal 
appareil  à  la  sabotière,   servez  en  tasses,  en 
violettes  pralinées  sur  votre  sorbet. 

Marmelade  de  violettes.  —  Faites  cuire  du 
plume  ;  étant  à  moitié  chaud,  délayez-y  de  la 
passée  au  tamis  :  il  faut  une  livre  et  demie  d< 
demi-livre  de  violettes. 

Sirop  de  violettes.  —  Quel  est  le  vieillard, 
âge,  et  si  près  de  la  tombe  qu'il  soit  arrivé,  qui 
extrémité  de  l'horizon  sa  mère  s' approchant  de 
tasse  fumante  à  la  main,  et  approchant  de  sa  1 
parfumée?  Cette  liqueur  parfumée,  c'était  du  s 

Epluchez  une  demi-livre  de  fleurs  de  vie 
bois  sont  les  meilleures),  mettez-la  dans  une 
vase  susceptible  d'être  bouché  ;  vous  ferez  boi 
setiers  d'eau,  et  ne  mettrez  l'eau  sur  vos  violette 
après  que  vous  l'aurez  retirée  du  feu,  parce  qu 
qui  doit  être  d'un  beau  violet,  serait  verte  si  1 
dessus  trop  bouillante;  vous  mettrez  votre  in 
pour  qu'elle  se  tienne  chaude  jusqu'au  lendem; 
retirerez  la  fleur  en  exprimant  bien  le  tout  ds 
pour  en  retirer  la  teinture  ;  vous  la  mettrez  dans 
trois  livres  de  sucre  en  poudre  que  vous  y  fei 
remettez  encore  la  terrine  à  l'étuve  pendant  vinf 


II28  VIVE. 

en  remuant  de  temps  en  temps  ;  tenez  Tétuve  chaude  pendant 
tout  ce  temps,  comme  pour  le  candi,  cela  vous  produira  deux 
bouteilles  de  sirop;  vous  aurez  attention,  avant  de  le  mettre  en 
bouteilles,  d  en  opérer  la  cuisson,  qui  doit  être  au  fort  lissé  pour 
qu'il  se  conserve  et  qu'il  ne  fermente  point  :  de  tous  les  sirops, 
c'est  le  seul  qui  se  fait  sans  aller  au  feu. 

VIRGOULEUSE.  —  Poire  d'automne  à  laquelle  toute  cuis- 
son réussit  mal,  et  qui  par  conséquent  doit  être  mangée  crue, 
étant  excellente  ainsi. 

VIVE.  —  La  vive  est  la  terreur  des  pêcheurs  de  la  Manche. 
Ce  poisson  est  armé  sur  le  dos,  ainsi  qu'aux  ouïes,  de  plusieurs 
arêtes  infiniment  aiguës,  dont  on  ne  saurait  assez  se  garantir  en 
la  tirant  du  iilet,  ou  en  la  préparant.  S'il  arrive  qu'on  en  soit 
piqué,  il  faudrait  commencer  par  faire  saigner  la  plaie,  et  finir 
par  la  frotter  avec  un  espèce  d'onguent  composé  d'un  oignon 
qu'on  pèlerait  avec  le  foie  de  la  vive,  et  où  l'on  ajouterait  du  sel 
et  de  l'esprit-de-vin  :  c'est  le  spécifique  employé  dans  toutes  les 
familles  riveraines  de  la  côte  de  Cherbourg  et  de  Bartleur. 

Vives  à  la  maître  d* hôtel.  —  Tranchez  les  formidables  arêtes 
du  dos  hirsute  des  vives,  videz-les,  lavez -les,  ciselez-les  légère- 
ment des  deux  côtés,  faites-les  mariner  dans  l'huile  avec  du 
persil  et  du  sel,  placez-les  ensuite  sur  le  gril,  et  après  leur 
cuisson  dressez-les  sur  le  plat,  masquez-les  d'une  sauce  à  la 
maître  d'hôtel  ou  d'une  sauce  sur  laquelle  vous  aurez  fait  pleu- 
voir une  grêle  de  câpres,  comme  dit  Hugo. 

Vives  à  la  normande,  —  Préparez  des  vives  ainsi  qu'il  est  dit 
à  l'article  ci-dessus,  coupez-leur  la  tête  et  la  queue,  piquez-les 
avec  des  filets  d'anguilles  et  d'anchois,  faites-les  cuire  ensuite 
dans  une  casserole  avec  du  beurre  et  du  persil,  des  carottes,  des 
oignons,  un  clou  de  girofle,  laurier  et  basilic  ;  mouillez  avec  du 
vin  blanc  après  cuisson,  passez  la  sauce  au  tamis  dans  une  casse- 
role, à  cette  sauce  ainsi  tamisée  joignez  du  beurre  manié  de  • 
farine,  faites  cuire  et  liez  le  tout  ensemble,  dressez  les  vives  sur 
le  plat  et  masquez-les  avec  cette  sauce,  sur  laquelle  vous  expri- 
merez un  jus  de  citron. 

Vives  à  la  bordelaise,  —  Préparez  comme  ci-dessus,  faites 
cuire  dans  une  casserole  avec  vin  blanc,  oignons,  carottes,  persil. 


VUILLEMOT. 

laurier,  sel,  après  cuisson  dressez,  masquez  d'une 
servez, 

VOLAILLE.  —  Il    est  bon  de  recommander 

basse-cour,  et  à  la  cuisinière,  de  ne  jamais  tuer  la  i 

'   dant  que  son   estomac  est  rempli  (celui  de  la  volai 

soin  aussi  de  ne  jamais  la   renfermer   lorsqu'elle 

volaille  toujours),  avant  quelle  ne  soit  devenue  rigid 

Pour  engraisser  les    chapons,    les   poulardes, 
enferme  dans  un  poulailler  bien  clos  qui  abonde  ( 
froment,  et  où  l'on  a  soinde  leurdonner  de  l'eau  etil 
de  temps  en  temps.  En  Normandie  et  dans  le  Maine 
pour  fournir  à  Paris  les  plus  rines  poulardes  et 
chapons,  on  les  met  dans  des  cuves  couvertes  d'ui 
les   nourrit  avec  de  la  pâte  de  millet,  d'orge  ou  ■ 
trempe  ces  morceaux  de  pâte  dans  du  lait  pour  h 
chair  délicate  et  blanche;  dans  les  commencements  > 
donne  pas  abondamment,  afin  de  les  accoutumer  à 
ture,  et  de  jour  en  jour  on  augmente  en  les  obligea  i 
autant  qu'ils  peuvent  en    contenir;   trois   fois  pa 
empâte  :  le  matin,  à  midi  et  le  soir;  on  engraisse 
les  dindons  de  la  même  manière  avec  les  aliments 
viennent  le  mieux,  et  qui  sont  ordinairement  di 
maïs  et  des  pommes  de  terre  que  l'on  a  fait  boni  I 
farine  d'avoine  et  du  babeurre. 

VOL-AU-VENT.  —  Pâté  chaud  dont  l'abaiss 
doivent  être  feuilletées;  le  contenu  en  ris  de  ve 
poulet,  en  blanc  de  volaille,  en  champignons  (voir  , 

VUILLEMOT    (Dknis-Joseph),    cuisinier   f  i 
Crépy,  en  Valois  (Oise),  vers  i8ir,  d'origine  angli 
paternel  était  membre  du  Parlement,  son  grand- 


II30  VUILLEMOT. 


il  vint  à  Paris  et  entra  chez  M.  Véry,  du  Palais-Royal,  ami  de 
son  père,  où  il  resta  deux  ans,  après  lesquels  il  entra  dans  h 
maison  du  roi  sous  les  auspices  de  MM-  Pierre  Hugues  et  Des- 
monay,   de  la  maison  royale,  vieux  amis  de  la  famille  Viiil- 

lemot. 

Plus  tard,  Vuillemot  brûlant  du  feu  sacré,  rencontra  l'il- 
lustre Carême,  devint  son  élève  et  son  ami  et  acheva  par  lui  sod 
éducation  culinaire. 

En  1837,  Vuillemot  prit  rétablissement  de  son  père  àCrépy; 
en  1842,  il  acquit  Thôtel  de  la  Cloche,  à  Compiègne,  et  s'associa 
à  M.  Morlière,  et  ils  restèrent  quinze  ans  ensemble  dans  un 
parfait  accord. 

£n  l'année  1842,  il  fit  les  grands  dîners  commandés  parle 
duc  de  Nemours,  après  la  mort  de  son  frère,  au  retour  du  camp 
de  Chàlons.  A  cette  époque,  j'eus  l'occasion  de  retrouver  Vuil- 
lemot. Je  l'avais  connu  à  Crépy,  chez  son  père.  A  mon  retour 
d'un  voyage  de  Lille  avecDujarrier  et  quelques  amis,  je  le  revis  à 
l'hôtel  de  la  Cloche,  et  voici  comment  : 

Harassé  de  fatigue  et  mourant  de  faim,  j'interpellai  vive- 
ment en  ces  termes  :  «  Holà  !  n'y  a-t-il  pas  à  nous  servir  des  roues 
de  cabriolet  à  l'oseille,  et  des  manches  de  couperet  à  la  Sainte- 
Ménehould^))  Vuillemot,  qui  n'était  pas  en  retard  de  réplique  et 
qui,  par  son  guichet,  venait  de  me  reconnaître,  dit  :  <(  Monsieur, 
il  ne  nous  reste  plus  que  des  côtelettes  de  tigre  et  du  serpent  à 
la  tartare.  »  Sur  ce,  je  reconnus  mon  Vuillemot,  celui-là  même 
dont  les  saillies  m'amusaient  dans  la  maison  de  son  père;  je 
lui  tendis  la  main,  et  l'intimité  ainsi  scellée  à  nouveau  ne  l'em- 
pêcha pas  de  faire  acte  de  cuisinier  accompli. 

A  partir  de  ce  moment  amical  et  gastronomique,  mes  rela- 
tions  avec  Vuillemot  se  sont  continuées,  et  je  me  souviens  avoir 
été  témoin  au  mariage  de  sa  fille  aînée,  fètes  nuptiales  qui  furent 
pour  moi  les  fêtes  de  Comus,  suivies  de  si  parfaits  loisirs,  à  Com* 
piègne,  que,  au  milieu  de  ces  hôtes  qui  fêtaient  ma  bienvenue, 
je  terminai  mon  Monte-Cristo. 

Ce  roman  fut  achevé  à  Pompadour,  propriété  de  FÉtat,  que 
hante  encore  l'ombre  de  l'illustre  marquise ,  et  que  venaient  de 
louer  Vuillemot  et  Morlière. 


VUILLEMOT.  1131 


C'est  en  1854  qu'eut  lieu  le  glorieux  épisode  des  langues  de 
lapin.  Je  laisse  Vuillemot  le  conter  lui-même  d'après  la  lettre 
qu'il  m'écrivit  à  ce  sujet  : 

«  Cher  et  illustre  maître, 

((  Vous  voulez  des  renseignements  précis  sur  le  nouveau 
mets  dont  vous  entendez  parler  et  dont  Tétrangeté  pique  votre 
curiosité.  C'est  une  recette  et  une  anecdote.  Je  vous  envoie  l'une 
et  l'autre.  D'abord  la  recette  : 

«  RECETTE  POUR  LANGUES  DE  LAPINS  DE 
GARENNE.  —  Prenez  soixante  langues  de  lapins  pour  six  per- 
sonnes. Vous  me  direz  :  Où  prendre  soixante  lapins  et  pour  en 
tirer  les  langues?  Le  fait  ci-dessous  vous  prouvera,  cher  maître, 
que  l'on  peut  se  les  procurer.  Je  dis  donc,  prenez  soixante 
langues  de  lapin,  blanchissez -les,  rafraîchissez -les,  enlevez  la 
peau  de  dessus;  faites  une  bonne  mirepoix,  ajoutez- y  vos 
langues  ;  mouillez  avec  une  cuiller  à  pot  de  bon  consommé,  un 
verre  de  Madère,  un  demi-verre  de  vin  blanc.  Couvrez  le  tout 
d'un  papier  beurré  et  braisez-les  ;  ajoutez  à  la  cuisson  quatre 
belles  truffes;  une  demi-heure  après,  dès  qu'elles  sont  cuites, 
passez  le  fond,  ajoutez  un  peu  de  bonne  espagnole,  réduisez  votre 
sauce  à  demi-glace,  passez-la  à  Tétamine;  ajoutez  à  votre  sauce 
vos  langues  parées  ;  coupez  les  truffes  en  forme  de  langues,  des 
champignons,  des  quenelles  de  volaille,  même  forme;  un  jus  de 
citron.  Mettez  au  bain-marie,  faites  une  caisse  en  papier,  huilez- 
la,  faites-la  sécher,  et  dressez  votre  ragoût  dedans.  » 

«  Voici  maintenant  en  quelles  circonstances  cette  recette 
reçut  une  éclatante  exécution  : 

«  En  1854,  à  l'hôtel  de  la  Cloche  que  je  tenais  à  cette 
époque,  j*étais  adjudicataire  des  lapins  de  la  forêt  de  Compiègne, 
et  tous  les  jours  on  détruisait  une  partie  des  lapins,  que  j'en- 
voyais à  la  Vallée. 

«  Le  prince  Edgard  Ney,  M.  le  marquis  de  Toulongeon,  le 
général  Fleury,  M.  le  baron  Lambert,  se  trouvaient  à  mon  hôtel. 
Il  me  prit  l'idée  de  leur  faire  une  surprise  pour  leur  dîner,  pen- 


ina  VUILLEMOT. 


sant  bien  que  les  acheteurs  de  lapins  ne  regarderaient  pas  dans 
le  bec  du  lapin  s'il  possédait  une  langue  ou  non.  Je  coupai 
quatre  cents  langues  sur  huit  cents  que  j'avais,  et  je  me  livrai  à 
la  préparation  culinaire  ci-dessus  formulée,  en  ayant  soin  de 
faire  une  caisse  fermée  comme  surprise. 

«  J'avais  proposé  à  ces  messieurs  que  si  l'un  d'eux  trouvait 
le  moyen  d'ouvrir  la  caisse  sans  déchirer  le  papier  et  de\inait 
ce  qui  composait  le  mets,  il  gagnerait  un  pâté  de  faisan  truffé. 
M.  le  marquis  de  Toulongeon  devina  le  contenu  et  ouvrit  la 
caisse. 

«  Le  pâté  promis  lui  fut  envoyé  jen  son  hôtel. 

((  Veuillez  agréer,  cher  et  illustre  maître,  etc.,  etc. 

<(  VuiLLEMOT.  » 

Vers  1863,  à  mon  retour  de  Tiflis,  je  reçus  la  visite  de 
Vuillemot,  qui  m'informa  qu'une  ovation  m'était  faite  par  mes 
amis,  mon  fils  en  tête,  sous  forme  d'un  banquet,  où  devaient  se 
trouver  Méry,  Grisier,  Roger  de  Beauvoir,  Léon  Bertrand,  Noël 
Parfait  et  autres  amis  du  bon  temps.  Le  banquet  eut  lieueneftt 
au  restaurant  de  France,  place  de  la  Madeleine,  que  venait  de 
prendre  Vuillemot. 

Le  repas  fut  tel,  que,  pour  témoigner  ma  gratitude  j'o3ris 
à  mon  hôte  un  couteau  acheté  par  moi  à  Tiflis,  qui  portaitgravé 
sur  la  lame  :  oâlexandre  Dumas  à  son  ami  Vuillemot.  Une  par- 
ticularité exquise  du  menu  était  qu'il  contenait,  sous  forme  culi- 
naire, depuis  le  potage  jusqu'au  dessert,  la  liste  de  mes  princi- 
pales créations. 

Voici,  autant  que  je  me  le  rappelle,  le  menu  de  ce  dîner 
littéraire  : 

Menu  du  dîner  offert  à  oAlexandre  Dumas  à  son  retour 

de  Russie,  —  Septembre  i86g. 


Hors-d'œuvre  divers. 

Potages, 

X  la  Buckingham. 
Aux  Mohicans. 


Relevés, 

Truite  à  la  Henri  III. 

Homard  à  la  Porthos. 

Filet  de  bœuf  à  la  >f  oiite-Cristo. 


J 


VUILLEMOT. 


RoK. 
FaisaiiK,  perdreaux,  cailles,  bécasses. 

Entrimets. 
Aux  Mousquetaires. 
Petits  pois  aux  Frères  corses, 
Ecrev-isses  ù  la  d'Artaguaii. 
Bombe  à  la  daroe  de  Monsoreau. 
Crème  à  la  reine  Christine. 
Salade  à  la  Dumas. 
Vase  d'Aramis. 


I  Gâteau  à  la  Goreiifl< 
Corbeille  de  fruit  < 

Jsle. 
Dessert  assorti. 

Vin 
Xérès  Amoiitillado, 

Uffitte ,  Clos-Vo 

premier  service. 
Champagne,  Pomni 

MoËt  frappe, 
Chypre,  Constance 


Quelques  années  après,  Vuillemol  essaya  df 
affaires;  c'tlait  donner  un  demenii  à  son  génii 
aussi  je  ne  fus  point  surpris  de  recevoir  une  leltrt 
à   une  crémaillère  pendue  par  Viiiltemot  à  Saint-' 

Il  avait  voulu  se  retirer  comme  un  simple  i 
charmant  petit  pays  ;  mais,  Y  Hôtel  de  la  Tête  noit  -. 
à  vendre,  il  en  avait  fait  l'acquisition.  Le  ciiisi  : 
rendu  et  le  dîner  qu'il  nous  donna  était  de  natur . 
ver  que  la  main  de  VuilJemot  n'avait  pas  faibli  ni 
dons  naturels  et  son  intelligence  culinaire. 

Dans  ce  dîner  se  retrouvaient,  comme  ci 
attendre,  les  notabilités  littéraires,  qui  avaien 
groupe  autour  Je  lui. 

Cela    n'a  rien  de  surprenant  :  pour  se   tie  i 
l'art  de  la  cuisine,  il  n'est  tels  que  les  hommes  d 
tués  à  toutes  Ifs  délicatesses,  ils  savent  apprécier 
sonne  celles  de  la  table  :  témoin  les  Brillat-Sava 
de  la  Reynière,  les  Monselet,  etc. 

Avant  de  terminer,  c'est  une  dette  pour  m  i 
l'excellent  Vuillemot  pour  les  indications  préci 


I 


M}4  VUILLEMOT. 

comme  nous  l'avons  prouvé,  je  crois,  à  celles  de  toutes  les  autres 
nations  civilisées. 

N'oublions  pas  de  dire  que,  si  la  France  possède  des  vins 
excellents  et  délicats,  Vuillemot  m'a  prouvé  plus  d'une  fois  qu'il 
était  aussi  bon  dégustateur  que  bon  cuisinier. 


w 


"WATTER-FrSH.  —  Sorte  de  court-bouillon  h: 

WELCH-RABBIT  (lapin  gallois).  —Espèce  de 
glaise.  Faites  avec  de  la  mie  de  pain  des  tartines  qu  ; 
griller  de  belle  couleur;  ayez  du  fromage  anglais  i 
ou  d'une  espèce  analogue;  coupez-en  de  petits  m  i 
vous  ferez  fondre  avec  un  peu  d'eau  dans  une  timbal . 
du  poivre  de  Cayenne;  étendez  sur  ces  rôties  le  froi  i 
glacez-les  avec  une  pelle  rouge  (mais  en  la  tenant  à  . 
mettez  délicatement  sur  chacune  de  ces  rôties  un  pe 
frais  avec  un  scrupule  de  moutarde  anglaise. 

"WERMUTH.  —Vin  de  Tokay,  de  Saint-' ; 
Ratterstoff,  ou  autres  vins  de  Hongrie  qu'on  mêla 
l'extrait  d'absinthe  et  dont  on  use  au  commencemet  : 

WHITE-BAIT.  —  Le  jvhite-bait,  poisson  blan 
sûr  un  des  mets  les  plus  populaires  de  Londres.  Je 
avoir  ëté  invité,  sans  autre  motif  qu'une  invitation  o  ; 
un  de  mes  amis  qui  arrivait  de  l'Indre,  à  venir 
white-baït  à  Grennisch. 

Je  trouvai  l'invitation  si  originale  que  je  m'y  r  ; 
diatement. 

Le  white-baït   est    un  tout  petit  poisson   qi  i 
yanchette  en  Italie,  pontin  à  Nice  et  tout  simplei  i 


iij6  \VHITE-B\IT. 

tour  de  poisson.  Je  fus  curieux  d;  voir  comment  on  préparail  ce 
mets  qu'on  venait  manger  de  deux  ou  trois  cenis  lieues. 

On  lavait  des  poignées  de  poisson  dans  de  l'eau  glacée,  on 
les  étalait  sur  un  linge,  on  les  égouttair  et  on  tenait  ce  linge  sur 
la  glace  pendant  vingt  minutes.  Au  moment  de  servir  on  roulait 
les  poisions  dans  de  la  mie  di^  pain,  on  les  mettait  dans  une  ser- 
vietle  avec  une  poignée  de  farine,  on  prenait  la  serviette  par  les 
deux  bouts  en  la  serrant  et  secouant  livement  pour  faire  passer 
d'une  seule  avalanclie  dans  une  passoire  en  ril  de  fer,  assez  étroite 
pour  Tii  laisser  passer  quj  la  farine;  on  agitait  cette  passoire  et 
on  la  plongeait  avec  1j  poisson  dans  une  friture  très-chaude,  une 
minute  de  cuisson  suffisait.  Quand  le  poisson  était  de  belle  cou- 
leur, on  l'enlevait  avec  la  passoire,  on  le  saupoudrait  de  sel  et 
d'un  peu  dt  poivre  de  Cayenne,  puis  on  le  dressait  en  buisson  sur 
une  serviette  pliéc  et  on  l'envoyait  aussilôl. 

Je  regrette  de  ne  point  avoir  gardé  la  carte  de  ce  dîner  cora- 
posj  de  quarante-huit  plats,  douze  de  poissons,  et  assaisonnés 
chacun  d'une  façon  particulière. 


X 


XERES,  —  Vin  liquoreux  qu'on  récolte 
dont  nous  avons  suffisamment  parlé  dans  notn 
vins  étrangers. 


z 


ZANDER.  —  Le  zander  est  un  poisson  commun  dans  tout 
le  nord  de  l'Europe.  II  y  en  a  deux  espèces  :  les  uns  vivent 
uniquement  dans  les  lacs  et  les  grands  fleuves,  les  autres  dans  la 
mer,  mais  non  loin  de  l'embouchure  des  fleuves.  Il  est  connu 
sous  difFérents  noms  :  en  Russie  on  l'appelle  soudac,  dans  l'Alle- 
magne du  Sud  on  l'appelle  schills.  En  Prusse  les  Zanderssont 
très-abondants  et  généralement  de  qualité  parfaite,  ceux  sur- 
tout qui  sont  péchés  dans  les  grands  fleuves. 

La  chair  du  zander  a  quelque  analogie  avec  celle  du  milkn 
de  la  Méditerranée. 

ZESTE.  —  On  nomme  ainsi  Tépiderme  jaune  de  l'écorce 
des  citrons,  des  oranges  et  des  cédrats  :  on  la  lève  en  tranches 
minces;  l'huile  essentielle  à  laquelle  les  fruits  de  ce  genre 
doivent  leur  arôme,  réside  spécialement  dans  le  zeste  ;  le  blanc 
qui  est  en-dessous  en  est  complètement  dépourvu  d'ailleurs,  il 
est  d'une  amertume  assez  désagréable,  et  c'est  pourquoi  on 
recommande  toujours  de  l'en  séparer  avec  soin. 

ZUCHETTI.  —  Ragoût  italien  où  les  oranges  et  les  courges 
entrent  comme  principal  élément. 


FIN. 


ï 


MENUS. 


HUIT  MENUS 


II40 


MENUS. 


lÉTÉ. 


MENU  DE  SIX  COUVERTS. 


Beurre,  radis,  olives,  anchois,  me- 
lons. 

Potage  à  la  Germiny. 

Filet  de  maquereau  à  la  dieppoise. 

Longe  de  veau  glacée,  garnie  à  la  jar- 
dinière. 


Escaloppe  de  lapereau  au  sang. 
Dindonneaux  nouveaux. 
Salade  romaine. 
Ecrevisses  à  la  bordelaise. 
Napolitain  garni  de  crème  de  cer- 
neaux. 
Dessert. 


MENU  DE  QUINZE  A  VINGT  COUVERTS. 


Hors'd*œuvre, 
Melon,  saumon  fumé,  canapé,  beurre. 

Deux  potages. 

A  la  Demidoff. 
A  la  princesse. 

Deux  hors-^auLvrt  chauis. 

Soufflés  à  la  reine. 
Bâton  de  Charles  VII. 

Deux  grosses  pUces» 

Tortue  à  la  Victoria. 
Agneau  du  Gard,  garni  de  croustades 
Sou  bise. 

Quatre  entrées. 

Filet  de  poularde  à  la  maréchale. 
Filet  de  lapereau  à  la  Conti. 
Laitance  de  carpe  suprême  aux  truffes. 


I 


I 


I 


Salade  à  la  Bagration. 
Sorbet  au  marasquin. 
Granit  au  Champagne. 

Rats. 

Chapons  du  Maine. 

Pluvier  et  guignard  sur  canapé. 

Deux  salades. 

Entremets, 

Asperges  en  branches. 
Petits  pois  à  l'anglaise. 
Timbale  de  fraises  au  Champagne. 
Pain  de  pomme  à  la  Pompadour. 

Deux  pièces  de  pâtisserie. 

Gâteau  vénitien  aux  avelines. 

Sultane  à  la  crème  d'ananas. 

Dessert. 

(Ce  dîner  peut  se  servir  à  la  rusK-) 


AUTOMNE. 


MENU   DE  SIX  COUVERTS. 


Hors-d^œuvre, 

Melons  d'Espagne,  huîtres  d'Ostende, 
saumon  fumé,  caviar. 

Deux  potages, 

A  la  princesse. 

Au  nid  d'hirondelles. 


Deux  grosses  pièces. 

Coquilles  de  homard. 

Rissolée  à  l'italienne. 

Turbot  garni  de  laitance  de  carpe. 

Trompe  d'éléphant,  garnie  d'holotba- 

ries  et  de  squales  de  requin  à  U 

Hong-kong. 


Quatre  entrées. 

Filets  de  perdreaux,  purée  de  gibier. 
Cailles  à  la  bohémienne. 
Escaloppes  de  foie  gras  aux  truffes. 
Darle  de  saumon  belle  vue. 
Sorbet  au  rhum. 
Punch  à  la  romaine. 

Deux  rôtis, 

Black-coq  et  gross. 
Bécasses  flanquées  d'ortolans . 
Deux  salades. 


Entremets, 

Cardons  à  la  moelle. 

Fonds  d'artichauts  aux  queues  d'écre- 

visses. 
Pudding  à  la  Victoria. 
Croustades  à  la  Fontange. 

Deux  pièces  de  pâtisserie. 

Gâteaux  feuilletés  à  la  Chantilly. 

Croquenbouche  praliné. 

Dessert. 

(Ce  dîner  peut  se  servir  à  la  russe.) 


MENU   DE  QUINZE  A  VINGT  COUVERTS. 


Hors^'œuvre, 

Beurre,  radis,  royans,  harengs  mari- 
nés. 

Potage  à  la  milanaise. 

Barbue  à  la  portugaise. 

Quartier  de  mouton  à  la  Cradock, 
purée  bretonne. 


Bécasses  sur  canapé. 

Salade  russe. 

Ravioli  à  la  milanaise. 

Pudding  à  la  Nesselrode. 

Dessert. 


HIVER. 


MENU  DE  SIX  COUVERTS. 


Hors-d'œuvre. 

Canapé,  pantarde,  huîtres  marinées, 
caviars,  langue  de  buffle. 

Deux  potages. 

De  tortue. 

Au  grand  veneur. 

Deux  hors-d'œuvre  chauds. 

Petit  pâté  à  la  Monglas, 
Friture  italienne. 

Deux  grosses  pièces. 

Esserlet  garni  d'ogourcies  à  la  Dolgo- 

rowsky. 
Dindonneau  truffé  à  la  Périgueux. 

Quatre  entrées. 

Filets  de  bécasses  à  la  Moncey. 
Filet  de  poularde  à  la  Mazarine. 
Croustade  garnie  de  mauviettes. 


Pain  de  foie  gras  à  la  gelée  en  cerise. 
Sorbet  marasquin. 
Punch  glacé. 

Deux  rôtis. 

Faisan  de  Bohème  flanqué  d'ortolans. 
Chevreuil  sauce  Corinthe. 
Deux  salades. 

Entremets, 

Asperges  en  branches. 
Truffes  serviettes. 

Plum-pudding  à  la  Northumberland. 
Charlotte  de  pommes  glacées    à  la 
polonaise. 

Deux  pièces  de  pâtisserie. 

Génoise  aux  abricots. 

Nougat  parisien  à  la  Chantilly. 

Dessert. 

(Ce  dîner  peut  se  servir  à  la  russe.) 


1143 


MENUS. 


MENU  DE  QUINZE  A  VINGT  COUVERTS. 


Hors-d^etavre, 

Caviars  du  Volga,  pantarde,  saucis- 
son. 
Potage  à  la  Condé. 
Laitance  de  hareng  en  caisse. 
Côtelette  de  mouton  à  la  provençale. 
Poularde  truffée  a  la  Périgueux. 


Salade  de  pommes  de  terre  et  haricots. 

Entremets, 
Choux  de  Bruxelles  garnis  de  marrons 

glacés. 
Poulinte  à  la  milanaise. 
Biscuit  glacé  praliné. 
Dessert. 


SEPT  MENUS 
DE  LA  MAISON-DORÉE, 


MENU  D'UN  DINER  DE  QUINZE  PERSONNES 


OFFERT   PAR    M.   ALEXAXDRB   DUMAS,   EN 

Deux  potages. 

Consommé  de  volaille. 
Tortue. 

HorsSotuvre, 

Petites  timbales  de  nouilles  au  chas- 
seur. 

Deux  relevés. 

Saumon  Chambord. 
Filets  de  bœuf  financière. 

Deux  entrées. 

Mauviettes  en  caisse  aux  truffes. 
Suprême  de  volaille. 


LA   M AISON-DOR^B  y    LE    lO  KOVBMBRE 

Rôtis, 

Cailles,  perdrix,  ortolans. 

Haricots  verts  sautés. 

Gelée  noyaux,  garnie  d'abricots. 

Dessert, 
Fruits  de  saison. 

Vins, 

Premier  service  :  Saint-Julien  et  Ma- 
dère. 

Deuxième  service  :  Château -Larose, 
Corton,  Qos-durRoi. 

Troisième  service  :  Champagne,  Cli- 
quot,  Château-Yquem. 


MENU  D'UN  DINER  DE  DOUZE  COUVERTS 

OFFERT    PAR    ALEXANDRE   DUMAS,    BN   LA    MAI  SOir-DOR^B ,   LB    15    JANTIBB 

Huîtres  ostendes  et  maroines. 


Deux  potages. 

Croûte  au  pot. 

Bisque. 

Un  relevé. 

Turbot,  sauce  crevette,  garni  d'éper- 
lans  frits. 

Deux  entrées, 

^Culotte  de  bœuf  au  Madère. 


Filets  de  canard   sauvage  purée  de 

gibier. 

Deux  rôtis. 

Dinde  truffée. 

Bécasse  des  Ardennes. 

Entremets. 

Asperges  en  branches. 

Biscuit  glacé. 

Dessert. 

Fruits  de  saison. 


J 


MENU  D'UN  DINER. 


DoiX  potegti. 
Printanier  aux  œuis  pocbét. 
Saint-Germain. 

Un  reUvi. 
Truite  taumonée  géaevoite. 

Qu^rc  eruriei. 
Câtelsttes  d'agneau  pointes  d'asperge*. 
Ris  de  veau  petits  pois. 
Poulet  sauté  bordelaise. 
Mayonnaise  de  homard. 

ilôt;. 
Caneton  de  Rouen. 


Quatre  entrt. 
Asper^S  en  branchei, 
Haricots  verts  nouve: 
Plombière  dans  une  c: 
Gelée  d'ananas. 

Dtssen 
Fruits  de  saison. 

Vins  rott{ 

Bordeaux  et  Bourgogri 

Vint  bla.  ■ 

Clos  Saint-Robert  (Pi 

Chanipagne  Saint-. 


MENU   D'UN  DINER  DE  VINGT-QUATRE  ( 


Deux  potages. 
ConBommé  à  la  Royale. 
Bisque  d'écrc visses. 

Quacrt  hors~d"auvri. 
Bouchées  à  la  Moiiglas. 

Deux  relevés. 
Saumon  à    l'anglaise    sauce    ho, 

Roasibeef  à  la  Saint-Florentin. 

Deuxjans. 
Timbale  à  la  milanaise. 
Noix  de  veau  jardinière. 


Côtelettes  de 
marrons. 


Homard  sauté  borde  < 
Chartreuse  de  cailks 
Galantine  de  volaille 


Dindonneau  et  ortol 
Suisson  d'écre visses. 

Petits  pois  à  la  fran;  i 
Haricots  verts  sauté 
Bavaroise  d'amandei  | 
Gelée  d'or  garnie  dt   . 

Vesst 
Fruits  de  saison. 


MENU  D'UN   SOUPER  DE  DIX  COUl 


Dix 


d'hui 


CoQSommëa  aux  oeufs  pochés. 

Filets  sole  anglaise. 

Cûteletce  d'ageau  pointes  d'asperges. 


Poularde  truffée. 
Salade  de  légumes 
Glace  au  café. 
Compotes  mandarii 
Corbeille  de  fruits. 


II44 


MENUS. 


MENU  D'UN   SOUPER  DE  DOUZE  COUVERTS. 


Huîtres  de  Marennes,  citron. 

Hors-d^etuvre, 
Beurre,  thon,  crevettes. 

Entrées, 

Grenadin  de  filets  bœuf  Madère. 
Filets  poularde,  truffes. 


Pihce  froide. 
Galantine  de  perdreaux  gelée. 

Entremets. 

Asperges  en  branches, 
Ponunes  au  marasquin. 
Dessert  de  saison. 


MENU  D'UN  DEJEUNER  DE  CHASSEUR. 


Bœuf  en  daube  à  la  gelée. 
Fricassée  de  poulet  froide. 
Terrine  de  cailles  et  bécassines. 
Salade  de  légumes. 
Brioche. 


Fruits. 


Vin, 


Chablis,  Bordeaux,  Champagne  Cli- 
quot. 


SIX  mEV^US  "DRESSES  ToA^  m.  SMo^GViY, 

RESTAURATEUR. 


MENU  D'UN  DEJEUNER  DE  DEUX  COUVERTS. 


Huîtres  d*Ostende. 

Beurre. 

Deux  côtelettes  de  pré-salé,  purée  de 

marrons. 
Sole  au  vin  blanc. 
Deux  cailles  rôties. 


Ecrevisse  à  la  bordelaise. 
Fruits  assortis. 
Café  et  liqueur. 

Vins  de  Chablis-Moutonne,  Corton, 
demi-Rœderer. 


MENU   D'UN  DINER   DE  QUATRE  COUVERTS. 


Huîtres  de  Marennes. 

Beurre  et  crevettes. 

Potage  à  la  bisque  d'écrevisses. 

Truite,  sauce  à  la  hollandaise. 

Filets  à  la  Rossini. 

Bécasse  flanquée  d'ortolans. 

Cardons  à  la  moelle. 


Parfait  au  café. 

Corbeille  de  fruits. 

Café  et  liqueurs. 

Vins  de  Sauterne,  Sur,  Salme,  Léo- 
ville,  Las-Casco,  Richebourg,  Oi- 
quot  frappé. 


MENU. 


Potage, 
Parme  ntier. 

Poisson. 
Filets  de  sole  vénitienne. 


Poulet  à  la  chasseur. 

Côtelettes  d'agneau  aux  pointes  d'ai- 

perges. 
Bécasses  flanquées  de  mauviettes. 


MENUS. 


Haricots  verts  maître  d'hôtel. 

Cèpes  à  la  bordelaise. 

Gâteau  de  Compiègne  au  kirsch. 


Crème  bavaroise  au  c 
Ramequins  au  froma^ 
Glace  à  l'orange. 


MENU. 


Potaçe. 
Faubonne  aux  quenelles. 

Poisson, 
Filets  de  sole  à  la  dieppoise. 

Entrées. 

Crépinettes  de  gibier  à  la  Custine. 
Côtelettes  d'agneau  aux  concombres. 

Relevé, 

Selle  de  mouton  duchesse. 


Bot. 

Dindonneau  au  cressc 

Entremet 

Asperges  à  la  hoUand- 
Abricots  à  la  Bourdal  ; 
Gelée  macédoine  au  i. 

Relevé , 

Pailles  à  la  Sifton. 
Biscuit  glacé  aux  ave 


MENU. 


Potage. 
Vermicelle  au  consommé. 

Poisson, 

Sole  à  la  Colbert. 

Pieds  de  mouton  à  la  poulette. 


Poulet  de  grain  rôti. 
Choux  de  Bruxelles  i  i 
Beignets  de  pommes. 
Mendiants. 
Fromage. 


MENU. 


Potage. 

Tortue  liée  à  l'anglaise. 
Printanier  à  la  royale. 

Poissons, 

Filets  de  Saumon  à  la  Daumont. 
Turbot  sauce  homard  et  hollandaise. 

Entrées. 

Friantines  à  la  Talleyrand. 
Cailles  à  la  bohémienne.        ^ 
Côtelettes  d'agneau  à  la  Maintenon. 

Relevés, 
Filet  de  bœuf  à  la  Richelieu. 


Poulardes  à  l'africaii  i 

Rôti 

Levrauts. 
Canetons. 

Entren  , 

Pois  à  la  française. 
Artichauts  espagnol 
Soufflé  mousseline  : 
Pains  de  fruits  mos<  : 

Relei  I 

Talmouses  au  from  ; 
Bombe  à  la  cardina 


n 


1146 


MENUS. 


HUIT  MENUS 

"DRESSÉS    Tc47^   m.     VVILLE^QT, 

DE  LA   TÈTE'NOIRE  {Saint^Cloud). 


PRINTEMPS. 
DINER  DE  HUIT  COUVERTS 

(MENU  DE  SURPRISE  POUR  HUIT  PERSONNES,  DONT  QUATRE  SURVENUES 

INOPINÉMENT). 


j Potage  croûte  au  pot 

Hors-à'œuvre, 
, Radis,  beurre,  sardines. 

,  Bœuf  garni  de  carottes  nouvelles. 

Rognons  glacés. 

Tourte  au  godiveau  à  l'ancienne. 

Pigeons  de  volière  à  la  broche. 

Friture  de  goujons. 
.  Salade  de  laitues  aux  œufs. 


Dessert, 

Brioche  (milieu),  fromage  crèms, 
fraises  ananas  (de  serre),  noureautéS) 
mendiants,  pommes  de  calville. 

Vins, 

Madère,  Bordeaux,  Saint- Émilion, 
Volnay,   Champagne,  Pommery  et 

Greno. 
Café,  cognac,    fine  Champagne,  li- 
queurs. 


DEJEUNER  DE  HUIT  COUVERTS. 


Hors-^ oeuvre, 

.Radis,    beurre,   huîtres   d'Ostende, 
canapés  d'anchois. 

Matelote    marinière,    carpe   et    an- 
guille. 
.  Côtelettes  de  mouton  panées ,  sauce 
piquante. 

-Poulet  nouveau  rôti,  cresson. 


Salsifis  frits. 

Salade  chicorée  sauvage. 

Dessert, 

Profiteroles  au  chocolat,  fromag« 
roquefort,  poires  Saint-Germain, 
mendiants,  biscuits  de  Reims. 

Vins. 
Chablis,  Saint-Émilion,  Chamberdn. 
Café  et  liqueurs. 


DINER  DE  DOUZE  COUVERTS 

(MENU    DE    surprise). 


Potage  tapioca. 
Hors-d'œuvre  divers. 

Relevés. 

.  Saumon  à  la  hollandaise. 
,  Pommes  de  terre  nature. 
Aloyau  braisé  glacé. 
^  Laitues  à  la  priiitanière. 


Entrée, 

Pieds  de  veau  à  la  Custiae. 

Rots. 

Poulets  bordés  au  cresson. 
Salade  de  romaine. 

Entremets. 
Choux-fleurs  au  parmesan. 


i 


MENUS. 


"47 


Charlotte  russe  glacée. 

Dissent, 

Nougat)  fromage  de  Brie,  petits-fours, 
salade  d'oranges,  marrons  rôtis  au 
cognac. 


Vins, 

Sainte-Estèphe,  Xérès,  Pomard,  Cham- 
pagne :  Moët  frappé. 

Café,  cognac,  fine  Champagne,  cura- 
çao de  Hollande,  chartreuse. 


DEJEUNER  DE  DOUZE  COUVERTS. 


Hors-â'auvre. 

Beurre,  radis,  crevettes,  olives. 
Homard  à  l'américaine. 

Rognons  de  mouton  sauté,  vin 

Champagne. 
Canetons  de  Rouen  aux  croûtes. 
Asperges  en  branches  à  la  sauce. 
Salade  de  romaine. 
Madeleine  glacée. 


de 


Dessert. 

Gâteau  de  Compiègne,  fromage  à  la 
crème,  fraises,  amandes  vertes, 
petits-fours. 

Vins. 

Sauterne,  Fleury-Mâcon ,  Château- 
Léoville,  Cliquot  rafraîchi. 

Café ,  fine  Champagne ,  crème  de 
moka,  kirschwasser. 


DINER  DE  QUARANTE  COUVERTS. 


HorS'd^  œuvre. 

Radis,  canapés  d'anchois,  crevettes, 
olives,  thon  mariné. 

Potages, 
Bisque  d'écre visses  tapioca. 

Hors-d^ceuvre  variés. 
Bouquets  de  crevettes. 

Relevés, 

Truite  saumonée  sauce  génoise. 
Turbot  à  la  hollandaise. 
Filet  de  bœuf  à  la  régence. 
Quartier  de  chevreuil  sauce  poivrade. 

Entrées, 

Bouchées  à  la  reine. 

Êpigrammes  d'agneaux  aux   pointes 

d'asperges. 
Perdreaux  à  la  Périgueux. 
Aspic  de  homard,  écrevisses  Vuille- 

mot. 

Rôts^ 

Sorbets  au    marasquin,    sorbets   au 
kirsch. 


Poulardes  aux  truffes. 

Faisans  de  Bohème  bardés. 

Salade  de  romaine,  salade  de  laitues. 

Entremets, 

Petits  pois  à  la  française,  haricots 
verts  à  l'anglaise,  turban  d'ananas, 
gelée  à  la  russe. 

Pièces  de  pâtisserie. 

Mille-feuilles,  baba,  parfait  glacé, 
bombe  pistache. 

Dessert, 

Corbeille  de  fruits,  fromages,  pâtis- 
series diverses. 

Vins, 

Madère,  Saint- Julien ,  Château- 
Yquem,  Chateau-Margaux,  Cham- 
bertin,  Rœderer  frappé. 

Café,  fine  Champagne  et  liqueurs  di- 
verses. 


II48 


MENUS. 


ÉTÉ. 
DÉJEUNER  DE  VINGT  COUVERTS. 


Huîtres  de  Marennes. 

Hors-d^œuvre  divers. 
C  evettes,  melon  cantaloup. 

Relevés, 

Pâtés  à  la  Monglas. 
Soles  normandes. 

Entrées, 

Poulets  Marengo. 

Côtelettes    d'agneaux   pointes    d'as- 
perges. 

Rôts, 

Rognon  de  veau  rôti. 
Éperlans  frits. 


Salade  de  chicorée. 

Entremets. 

Artichauts  lyonnaise. 
Haricots  panachés. 
Madeleine. 

Desserts, 

Corbeilles  de  fruits,  flans  de  cerises, 
fromage,  pâtisserie,  petits-fours. 

Vins, 

Malvoisie,  Moulin-à-Vent,  hautSao- 
terne,  Château-Latour,  Champagne 
rafraîchi. 

Café,  fine  Champagne ,  anisette  Ma- 
rie Busard,  rhum  Jamaïque. 


DINER  DE  VINGT  COUVERTS. 


Hors-d*œuvre  divers.  Melons. 

Potages» 

Julienne,  vermicelle. 

Relevés, 

Truites  en  barils,  sauce  Chambord. 
Selle  de  mouton  rôti  aux   oignons 
glacés. 

Entrées, 

Canetons  à  l'orange. 

Ris  de  veau  glacés  chicorée. 

Sorbets  au  rhum. 

Rôts. 
Poulets  gras  rôtis,  cresson. 


Mayonnaise  de  homard. 

Entremets. 

Haricots  verts  à  la  crème. 
Laitues  au  jus. 
Plum-pudding  diplomate. 

Dessert. 

Fromages,  fruits  assortis  et  pattsae- 

ries. 

Vins, 

Malaga,  Musigny,  Beaune  première, 
Champagne,  Moët  frappé. 

Café,  cognac,  fine  Champagne,  crème 
de  noyau,  genièvre  de   Hollande. 


DEJEUNER  DE  CHASSE  DE  VINGT  COUVERTS. 


Hors-â^œuvre, 
Melon. 

Pâté  de  volaille  et  jambon. 

Civet  de  lièvre  à  la  minute. 

Sauté  de  lapereaux  à  la  chasseur. 

Gigot  de  pré-salé  à  la  bretonne. 

Salade. 

Crème  à  la  paysanne. 


Dessert. 

Galette  de  plomb,  fromage,  fruits  et 
petits-fours. 

Vins. 

Chablis,  Fleury,  tisane  Champagne. 
Café,  cognac,  fine  Champagne. 


DINER  DE  CHASSE  DE  VINGT  COUVERTS. 


Potage  à  la  paysanne. 
Hors  d'œuvre  divers. 

RtUvL 

Barbue  fines  herbes. 

Quartier  de  chevreuil  poivrade. 

Filets  de  lapereaux  bigarrés  aux  truffes 

en  caisse. 
Cailles  à  la  Maintenou. 

Rôts. 
Faisans,  râles  de  genêts  et  grives. 


Entremets. 

Petits  pois,  artichauts  frits,   crème 

vanille,  flan  d'abricots. 

Salade. 

Dessert. 

Gâteau  à  la  Saint-Hubert,  jattes  de 
fruits,  fromage  de  Roquefort  et 
fromage  à  la  crème,  petits-fours. 

Vins, 

m 

Thorins,   Madère,    Saint- Emilion , 

Chambertin,  Champagne  frappé. 
Café,  liqueurs. 


DINER  DE  CENT  COUVERTS 


Vingt-quatre  hors-d' œuvres  divers. 

Melons  cantaloups,  radis,  beurre, 
canapés  d'anchois,  olives,  thon  ma- 
riné. 

Quatre  potages. 

Potage  Colbert. 
Sagon  au  blond  de  veau. 
Bisque  d'écrevisses. 
Potage  Vuillemot. 

Quatre  relevés  de  potage. 

Saumon  hollandaise  et  génoise. 
Jambon  d'York  aux  épinards. 
Casserole  aux  ris  à  la  polonaise. 
Filet  de  bœuf  Richelieu, 

Seiie  entrées. 

Deux  de  bouchées  à  la  reine. 
Deux  de  salmis  de  perdreaux  truffés. 
Deux  de  filets  de  sole  mayonnaise. 
Deux  d'aspics  de  filets  de  volailles. 
Deux  de  cervelles  frites,  sauce  to- 
mate. 
Deux  de  ris  de  veau  à  la  Monglas. 
Deux  de  bastions  d'anguilles. 
Deux  de  chaudfroids  de  canetons. 


Quatre  rots  chauds  et  quatre  relevés 
froids. 

Rôts  à  la  Véron  (faisans,  cailles,  bé- 
cassine). 

Cuissons  de  coquillages. 

Quartiers  de  chevreuil,  sauce  poi- 
vrade et  gelée  de  groseilles. 

Galantines  de  volaille  aux  truffes 
croûtonnées  de  gelée. 

Sorbets  au  rhum. 

Sorbets  au  kirsch. 

Sei^e  entremets. 

Deux  de  petits  pois  à  la  française. 
Deux  d'artichauts  à  la  lyonnaise. 
Deux  de  chartreuses  de  fruits. 
Deux  d'abricots  à  la  Condé. 
Deux  de  haricots  verts,  maître  d'hôtel. 
Deux  de  cardons  à  la  moelle. 
Deux  de  blanc-manger  au  cédrat. 
Deux  de  pudding  de  cabinet, 
Madeleine  glacée. 
Corne  d'abondance. 
Corbeille  de  fruits. 
Panaché  Chateaubriand. 
Baba. 


II^O 


MENUS. 


Fromages» 
Roc^oeÊut)  Brie. 

Quarante  assiettes  assortkt. 
Fruits  confits,  pâtisseries,  petits-fbar») 
fruits  secs,  marrons. 


Vins, 

Madère,  Saint-Emilion,  Voluay,  Ma- 
laga,  Château-Léoville,  Qiamber- 
tin,  Champagne  :  Moet  firappé. 

Cifè  y  cognac ,  fine  Champagne, 
]iq«eim  diverses. 


HUIT  MENUS 

"DRESSÉS    Tq4%   m.    'B%É'BQ4?ir. 


PRINTEMPS. 

DINER  DE  HUIT  COUVERTS. 


Potage  printanier. 

Hors-d^ctuvre. 

Radis,  beurre,  sardines  fraîches. 
Petits  merlans  à  la  Bercy. 
Côtelettes  d'agneau  aux  pommes  de 
terre  nouvelles  sautées  au  beurre. 


Poulets  de  grains  nouveaux  rôds  ao 

cresson. 
(Eu6i  mollets  à  la  purée  d'oseille. 
Écrevisses  en  battelettes. 
Fromage  à  la  Chantilly. 
Dessert. 
Fraises  (primeur). 


DINER  DE  DOUZE  COUVERTS. 


Potages, 

A  la  pluche. 

A  la  Saint-Cloud. 

Petites  andouillettes  au  céleri. 

Grenadins  d'esturgeon  à  l'oseille  nou- 
velle. 

Côtelettes  d'agneau  jardinière. 

Poulets  nouveaux  à  la  mariée. 

Paupiettes  de  veau  au  vin  de  Cham- 
pagne. 

Sorbets  au  kirsch. 


Pigeons  rdtis  bordés  cresson. 

Éperlans  frits. 

Salade  de  romaine. 

Pois  nouveaux  à  la  bonne  femme. 

Haricots    verts    nouveaux ,   maître 

d'hôtel. 
Petites  tartes  aux  cerises. 
Bombe  aux  fraises. 
Savarin. 
Dessert. 


DINER  DE  QUINZE    COUVERTS. 


Potages, 
A  la  Fombonne. 
A  la  Madelonnette. 

Hors-d' œuvre. 
Crevettes,  radis,  raves,  olives. 
Soles  en  hâtereaux. 
Côtelettes  de  mouton  à  l'amoureuse. 
Poulets  à  la  villageoise. 


Sorbets  au  kirsch. 

Cailles  bardées  rôties. 

Salade  de  chicorée  sauvage. 

Asperges  en  branches  (primeur). 

(Eufs  à  la  princesse. 

Petits  biscuits  glacés   à  la  poire  de 

crassane. 
Dessert. 


MENUS. 


1151 


HITER. 


DINER  DE  DOUZE  COUVERTS. 


potage. 
Croûtes  aox  morilles. 
Macreuses  aux  écrevisses. 
Petites  truitesde  rivière  à  la  gendarme. 
Culotte  de  bœuf  à  la  Gascogne. 
Riz  de  veau  à  la  Darmagnac. 
Langues  de  mouton  en  surprise. 
Poularde  à  la  favorite. 
Sorbets  au  marasquin. 


Coq  de  bruyère  rôti  flanqué  |d 'orto- 
lans. 
Terrine  de  bécasses  aux  truffes. 
Salade  de  scaroles. 
Choux  de  Bruxelles  rissolés. 
Fonds  d'artichauts  à  l'italienne. 
Brioche  mousseline. 
Parfait  au  café. 
Dessert. 


DINER   DE  QUINZE  COUVERTS. 


Potages, 
A  la  Conti. 

A  la  dauphine. 

Hors'd'œuvre. 

Cervelas  à  la  Mazarine. 
Bouchées  aux  crevettes. 
Carpe  du  Rhin  à  la  Lireux. 
Gigot  de  mouton  de  sept  heures. 
Poulets  à  la  cavalière. 


Sorbets. 

Perdreaux  rouges  aux  truffes. 

Terrine  à  la  flamande. 

Salade  de  barbe  de  capucin. 

R  a  violes  à  la  génoise. 

Epinards  nouveaux  à  la  Bertault. 

Fondus  en  caisse  à  Torange. 

Glacé  Ceylan. 

Dessert. 


DINER   DE   QUINZE   OU  VINGT  COUVERTS. 


Huîtres  impériales. 

Huîtres  armoricaines. 

Potage  Saint- Hubert. 

Potage  à  la  marquise. 

Turbot  à  la  hollandaise. 

Quartier  de  chevreuil, sauce  venaison. 

Canetons  à  la  romaine. 

Cailles  sous  la  cendre. 

Punch  glacé. 

Deux  rôts  :  un  chaud,  un  froid. 


Bécasses  et  bartavelles. 

Cochon  de  lait  au  père  Douillet. 

Laitues  braisées  à  l'espagnole. 

Pois  à  la  française. 

Glace  Victoria. 

Pains  de  la  Mecque. 

Dessert. 

Fruits,     raisins,     poires,  grenades, 
oranges  mandarines. 


DEJEUNER  DE  DIX  COUVERTS. 


Boudins  de  fraise  de  veau. 

Queues   de    mouton    Sainte  -  Mené  - 

hould. 
Choux  farcis  à  l'ancienne. 
Oie  à  la  carmagnole. 


Salade  mâches,  betterave. 
(EEufs  à  la  bourguignonne. 
Mousse  de  chocolat. 
Fromage  de  Brie. 
Pommes  de  reinettes  grises. 


II53 


MENUS. 


DÉJEUNER  DE   DOUZE  COUVERTS. 


Huîtres  de  Marennes. 

Beurre,  sardines. 

Petites  soles  en  matelote  caennaise. 

Langues  d'agneau  grillées,  purée  de 

pois. 
(Eufs  en  poupetons  au  parmesan. 


Charbonnées  à  la  bonne  femme. 

Pâté  de  perdreaux  (Chartres). 

Salade  de  légumes. 

Beignets  de  pommes. 

Dessert. 

Confitures  d*abricots. 


hUIT  MENUS  DRESSES 

^047?   LA    mAISOV^    TOTEL    ET   CHABOT 

GRENET  £T  L'HERMITTE,  successeurs. 


MENU  D'UN  DINER  DE  DIX-HUIT  COUVERTS 

SERVI  LE  18  AVRIL  1869  CHEZ  S.  A.  LE  PRINCE  CANTACVZ&NB. 


PRINT 

Potage, 

Consommé  aux  quenelles printanières. 
Melons  glacés. 

Relevé, 
Truite  du  lac  à  la  Chambord. 

Entrées. 
Filet  de  bœuf  à  la  bouquetière. 
Suprême  de  poulardes  aux  truffes. 
Côtelettes  de  cailles  à  la  Pompadour. 
Petits  aspics  de  homards  ravigote. 
Punch  à  la  romaine. 


EMPS. 

Rôts, 
Poulets  nouveaux  truffés,  sauce  Péri- 
gueux. 
Timbale  de  foies  gras  au  Madère. 

Entremets. 
Salades  à  la  russe. 
Aubergines  farcies. 
Mazarines  à  l'ananas. 
Charlotte  parisienne  aux  pistaches. 
Gâteau  des  Iles. 
.Alhambra  glacé. 
Dessert. 


MENU  D'UN  DINER  DE  VINGT-QUATRE   COUVERTS 

SERVI     LE     a^    MARS     l86j     CHEZ    M.     LE    BAROR     D'EIGHSTAL. 


Potages. 

Vaudémont. 

Consommé  aux  œufs  de  vanneau. 

Hors-d^ œuvre. 
Croustades  aux  crevettes. 

Relevés. 

Truites  de  rivière  à  la  bordelaise. 
Filet  de  bœuf  aux  truffes. 

Entrées, 

Filets  de  canetons  aux  concombres. 
Suprême  de  bécasses  à  la  braconnière. 


Caisse  de  ris  d'agneaux  aux  pointes 

d*asperges. 
Chaudfroids  de  foies  gras  à  la  gelée. 

Rôts. 

Poulardes  de  la  Bresse  rôties. 
Buisson  de  crustacés  régence. 

Entremets, 
Asperges  en  branches. 
Petits  pois  nouveaux  à  l'anglaise. 
Beignets  d'ananas  à  la  duchesse. 
Gelée  californienne. 
Dessert. 


MENUS. 


II5J 


MENU  D'UN  DINER   DE  SEIZE  COUVERTS 

SSaVI     LS     lO    JUILLET     l8<$7     CHEZ    LE    COMTE     EECHAÏO-DADKAD. 


ETE. 


Potages 

Renaissance,  Brunoise. 

HorsSeaivrt, 

Duchesses  de  volaille  à  la  crème. 
Bouchées  à  la  Toulouse. 

Saumon  du  Rhin  à  la  hollandaise. 

Filet  de  bœuf  à  la  Richelieu. 
Timbales  de  homards  à  Tindienne. 
Jambon  de  Virginie  au  Xérès. 


Aspics  de  cailles  financière. 
Sorbets  au  cliquot. 

Rots. 
Cannetons  de  Rouen  rôtis. 

'Erartmtts. 
Asperges  en  branches. 
Niokys  aux  truffes. 
Suprême  d'abricots  au  madère. 
Crèmes  diplomatiques  au  marasquin. 

Gâteau  ambroisie. 
Nélusko  glacé. 
Dessert. 


MENU   D'UN  DINER  DE  VINGT  COUVERTS 

SERVI    LE     la    AOUT     l8($5    CHEZ    m"**    LA    DUCHESSE    DE    RIARIO-SfORZA,    A    PASSY. 


F  Otages, 

LucuUus,  milanaise. 

Hors-d*€tuvre, 

Caisses  d'éperlans  au  beurre  d'écre- 

visses. 
Cromesquis  de  foies  gras. 

ReUvés. 

Turbot  sauces  crème  et  portugaise. 
Selle  de  présalé  à  la  jardinière. 

Entrées. 

Côtelettes  de  volaille  Agnès  Sorel. 
Épigrammes  d'agneau  aux  petits  pois. 


Timbales  d'écrevisses  à  la  bordelaise. 
Chaudfroids  de  mauviettes. 
Punchs  rosés. 

Rots. 

Chapons  du  Mans  rôtis. 

Jambon  de  Westphalie  à  la  gelée. 

Entremets, 
Salades  parisiennes  aux  truffes. 
Haricots  panachés. 
Pèches  à  la  Bourdaloue. 
Cardinal  d'ananas  au  Champagne. 
Gâteau  valaisien. 
Spoum  glacé. 


MENU  D'UN  DINER  DE  QUARANTE  COUVERTS. 

AUTOMNE. 


Potages, 
Bisque  d'écrevisses. 
Printanier  aux  œufs. 

Hors'd'œuvre, 

Croquettes  de  volaille  à  la  crème. 
Croustade  de  nouilles  aux  truffes. 


Relevés. 
Saumon  sauces  hollandaise  et  gene- 
voise. 
Quartier  de  chevreuil  à  la  Saint-Hu- 
bert. 

Entrées 

Poulardes  à  l'écossaise. 

7} 


IIJ4 


MENUS. 


Quenelles  de  perdreaux  en  surprise. 
Timbales  de  crevettes  à  la  dieppoise. 
Chaudfroids  d'alouettes  à  la  floren- 
tine. 
Sorbets  aux  mandarines. 
Punch  à  l'italienne. 

Rôts. 

Faisans  de  Bohême  rôtis. 


I 


Pâtés  de  foies  gras  de  Strasbourg. 

Entrémets. 

Salades  vénitiennes. 
Fonds  d'artichauts  glacés. 
Puddings  sou£9és  à  Torange. 
Pains  de  framboises  à  la  Victoria. 
Gâteaux  des  îles. 
Prophète  et  parfait  glacés. 


MENU  D'UN   DINER   DE  SEIZE  COUVERTS. 


Potages, 
Tortue  à  l'anglaise. 
Consommé  aux  profiteroles. 

Relevé. 
Barbue  sauce  vénitienne. 
Filet  de  bœuf  à  la  hussarde. 

Entrées, 

Suprême  de  volailles  aux  pointes  d'as- 
perges. 

Petites  timbales  de  gibier  aux  truffes. 

Caisses  de  homards  au  beurre  d'écre- 
visses. 


Chaudfroids  de  foies  gras. 
Sorbets  à  Titalienne. 

Rots. 

Chevreuil  sauce  groseille. 
Faisans  et  perdreaux  rôtis. 

Entremets, 
fiaricots  verts  nouveaux. 
Cèpes  à  la  bordelaise. 
Crèmes  de  patates  au  malaga. 
Suédoise  de  pommes  à  l'anisette. 
Dessert. 


MENU   D'UN  DINER  DE   VINGT  COUVERTS 

SERVI    LE    20    FÉVRIER    lB6^    CHEZ   LE    DOCTEUR   JOBERT    DE    LAMBALLE. 


HIVER. 


Potages, 
Croûtes  au  pot. 
Purée  de  perdreaux  à  la  Beaufort. 

Hors-d*auvre, 
Crépinettes  de  gibier. 
Petits  vol-au-vent  à  la  Monglas. 

Relevés, 
Carpe  du  Rhin  à  la  Chambord. 
Dinde  truffée  à  la  périgourdine. 

Entrées, 
Filits  de  perdreaux  à  la  Richelieu. 
Gâteaux  de  volaille  à  la  Tour  ville. 


Noisettes  de  chevreuil  aux  truffes. 
Salade  de  homards  à  la  Bagration. 
Punch  rosé. 

Rots, 

Poulardes  truffées. 
Pâtés  de  foie  gras. 

Entremets. 

Cardons  à  la  moelle. 
Truffes  au  vin  de  Champagne. 
Petites  timbales  Sans -souci. 
Brioche  mousseline  à  la  d'Orléans. 


«ENU  D'UN   DINER  DE  TRENTE-DEUX  COUVERTS 


Princanier  à  la  royale. 
Viennoise, 

Hon-d'auvre 
Petites  bouchéees  à  la  Cancale. 
Caisses  à  la  marquise. 
Relevés. 
Turbots  à  l'amirale. 
Selles  de  venaison  à  l'anglaise. 

Poulardes  à  la  Rozolio. 

Filets  de  bécasses  à  la  Favorite. 

Quenelles  de  rougec  au  velouté. 


I  Chaudfroids  d'alouettes. 

Extra. 
I   Punch  à  l'ananas. 
!  Rocs. 

\  Faisans  truffés  sauce  Périgueut. 

Chapons  rdtis  au  cresson. 
Entremit  t. 

Salade  suédoise. 

Asperges  en  branches. 

Petits  soufflés  aux  mandarines. 

Gâteau  Marie-Louise. 


IMPRIMÉ   PAR   J.    CLAYE 

POUR 

A.    LEMERRE,   ÉDITEUR 
A  PARIS. 

Les    portraits    ont    été    gravés    par    Rajon 
et  imprimés  par  Salmon. 


ANNEXE 


AU 


GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE 


7}* 


ANNEXE  AU  GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE. 


Maison   Alexandre   BORNIBUS 

60,    BOULEVARD    DE    LA  VILLETTE,   A    PARIS. 


ETUDE  SUR  LA  MOUTARDE 

Par  Alexandre  DUMAS. 


Réponse  à  une  lettre  anonyme  adressée 
aux  gourmands  de  tous  les  pays. 

Je  reçois  parfois  de  singulières  lettres  ; 
en  voici  une  que  j'ai  reçue  ce  matin  : 

«  Monsieur, 

«  Vous  êtes  à  la  fois,  dit-on,  grand  lit- 
térateur et  excellent  cuisinier. 

w  Vous  vous  êtes  occupé,  comme  Lu- 
crèce, de  l'origine  des  hommes  et  des 
choses. 

«  Pourriez -vous  me  rendre  Ténorme 
service  de  me  dire,  chronologiquement, 
à  quelle  époque  remonte  la  moutarde? 

tt  Ètymologiquement f  d'où  vient  son 
nom? 

«  Botanxquement,  à  quelle  famille  ap- 
partient la  plante? 

«  Culinairement,  quelle  est  la  prépara- 
tion que  vous  préférez? 

a  Je  vous  aurai  une  véritable  reconnais- 
sance de  vous  rendre  à  mon  désir.  » 

Si  mon  correspondant  anonyme,  au  lieu 
de  me  demander  le  grand  jour  de  la 
publicité,  m'avait  dit  où  je  pourrais  lui 
répondre,  fût-ce  directement,  —  fût-ce 
poste  restante,  -^  sous  un  nom  en  Tair, 
—  sous  une  initiale,  —  sous  un  nombre 
plus  ou  moins  considérable  d'étoiles,  — 
je  ne  vous  adresserais  pas  cette  causerie, 
qui  n'a,  je  dois  Ta  vouer,  aucun  rapport 
avec  la  mer. 

Je  suis  tellement  convaincu,  comme 
Pic  de  la  Miràndole,  que  l'on  peut  parler 
avec  intérêt  de  toutes  les  choses  connues 
et  de  quelques  autres  encore,  que  je  me 


rends  immédiatement  à  vos  désirs^  sans 
trop  craindre  que  les  lecteurs  s*en  plai- 
gnent. 

Nous  allons  aborder  franchement  la 
question. 

Vous  me  demandez,  cher  anonyme,  à 
quelle  époque  la  moutarde  remonte. 

Permettez-moi  de  m'occuper  de  l'œuf 
avant  de  m'occuper  de  la  poule,  de  la 
graine  avant  de  m'occuper  de  la  plante. 

Les  Grecs  et  les  Romains,  qui  ne  con- 
naissaient pas  la  moutarde  en  pot  ou  en 
brique,  comme  on  la  vend  de  nos  jours, 
la  connaissaient  en  graine,  et  employaient 
cette  graine  dans  les  ragoûts,  et  en  pous- 
sière avec  les  rôtis,  comme  nous  y  em- 
ployons notre  moutarde  moderne. 

Grecs  et  Romains  n'avaient  qu'un  même 
mot  pour  la  désigner,  ce  qui  prouverait 
clairement  que  ce  condiment  a  passé  de 
la  Grèce  en  Italie,  d'Athènes  à  Rome. 

Ils  appelaient  indifleremment  le  grain 
ou  la  farine  de  moutarde  sinapis,  La  mé- 
decine a  adopté  ce  mot. 

Aristophane  et  Ménandre  ont  conservé 
dans  leurs  pièces  satiriques  la  recette 
d'une  foule  de  ragoûts  dans  lesquels  en- 
trait la  farine  sinapis, 

L'Ancien  et  le  Nouveau  Testament  par- 
lent souvent  des  grains  de  sénevé,  traduc- 
tion française  du  mot  hébreu  moutarde. 
Dans  les  sombres  imprécations  des  pro- 
phètes contre  les  royaumes  de  Juda  et 
d'Israël,  le  grain  de  sénevé  joue  un  grand 
rôle  comme  point  de  comparaison. 

Les  Romains  des  premiers  jours  l'em- 
ployaient au  naturel  et  en  poudre  dans 
leurs  repas;  mais  les  Romains  de  la  fin 
de  la  République  et  de  l'Empire  avaient 
le  goût  trop  corrompu  pour  se  borner  à 
cette  primitive  simplicité  :  ils  en  firent, 


ANNEXE 


avec  de  la  saumure  de  thon,  une  sauce 
appelée  la  muria. 

Puis  elle  entra  pour  un  dixième  ou  dou- 
iéme  dans  la  confection  de  cet  horrible 
mélange  appelé  le  garum,  qui  se  com- 
posait des  intestins,  de  la  tête  et  des  ouïes 
des  anchois,  des  mêmes  ingrédients  em- 
pruntés au  maquereau  et  à  la  dorade  ;  on 
broyait  le  tout  avec  des  champignons,  du 
laurier,  du  thym,  puis  on  y  ajoutait, 
quoi?...  Personne  ne  le  sait.  Rien,  peut- 
être.  Là  serait  le  spirituel  de  la  plaisante- 
rie ;  et  l'on  vendait  cet  horrible  mélange 
cinq  cents  francs  le  litre  et  demi. 

Le  goût  des  Romains  pour  la  viande 
de  porc  devait  leur  rendre  l'emploi  du 
sinapis  de  toute  nécessité. 

Plante,  qui  vivait  240  ans  avant  Jésus- 
Christ,  et  qui  était  contemporain  d'En< 
nius,  de  Scipion  l'Africain,  de  Syphax,  de 
Masinissa  et  d'Annibal,  paraît  détester  au- 
tant la  moutarde  qu'Horace,  deux  cents 
ans  plus  tard,  déteste  l'ail.  Son  cuisinier, 
dans  Pseudolus,  appelle  le  sinapis  un  af- 
freux poison,  qui  ne  se  laisse  pas  piler 
sans  faire  pleurer  les  yeux  des  pileurs,  et 
dans  TrucuUntus,  revenant  sur  le  même 
sujet,  il  fait  dire  à  Astrophius  :  «  Quand 
cet  homme  se  nourrirait  de  sinapis,  il 
n'aurait  pas  l'esprit  plus  maussade  et  plus 
lunatique.  » 

Pline  l'Ancien,  le  même  qui  fut  étouffe 

pendant  une  éruption  du  Vésuve  par  le 

sable  qui  engloutit  Pompeï,  conseille  de 

l'employer  comme  assaisonnement  avec 

:i2vinaigre. 

Mais  attendez,  voilà  Columelle,qui  écri- 
lit  4a  ans  après  la  naissance  de  Jésus- 
Christ  son  livre  De  re  rustica,  qui  va  nous 
donner,  à  peu  de  choses  prés,  la  recette 
de  la  moutarde  moderne  : 

r  Nettoyez  avec  grand  soin,  dit-il,  de 
la  graine  de  sénevé,  criblez-la,  lavez-la 
ensuite  à  l'eau  froide,  er,  quand  elle  sera 
lavée,  laissez-la  tremper  dans  l'eau  pen- 
dant deux  heures  ;  activez-la  ensuite,  et, 
après  l'avoir  pressée  dans  les  mains,  jetez- 
la  dans  un  mortier  neuf,  ou  très-propre, 
ou  broyez-la  sous  le  pilon.  Lorsque  elle 
'  sera  bien  moulue,  remuez  cette  pâte  vers 
le  milieu  du  mortier  et  aplatissez-la  avec 
la  main  ;  après  l'avoir  assez  comprimée, 


ouvrez-y  des  sillons,  on  répandez  de  l'eau 
nitrée  sur  quelques  charbons  ardents  que 
vous  aurez  placés  afin  de  faire  rejeter  à 
cette  graine  toute  son  amertume,  et  de 
la  préserver  de  la  moisissure;  relevés  eD- 
suite  le  mortier  afin  que  l'humidité  dis- 
paraisse entièrement.  Versez  sur  cette 
moutarde  du  fort  vinaigre  blanc,  opérez 
le  mélange  au  moyen  du  pilon  et  passez 
au  tamis.  » 

Vous  voyez,  nous  brftlons,  et  nétait 
l'avis  du  célèbre  gastronome  Conrchamps, 
qui,  sans  proscrire  absolument  le  vinaigre, 
lui  préfère  Teau  chaude  ou  le  vin  blanc, 
nous  nous  rapprocherions  diablement  de 
la  moutarde  moderne,  laquelle  daterait 
de  quarante-deux  ans  après  Jésus-Chxist. 

La  voulez-vous  un  peu  plus  perfection- 
née? Voici  une  recette  qui  date  du  ir*  siè- 
cle ;  elle  est  de  Palladius,  fils  d'Exnpéran- 
tius,  préfet  des  Gaules  : 

u  Réduisez  en  poudre  un  setîer  et  demi 
de  graine  de  sénevé;  mettez-y  une  livre 
de  miel,  une  livre  d'huile  d'Espagne,  on 
setier  de  fort  vinaigre  blanc,  et  quand  le 
tout  sera  broyé,  vous  en  pouvez  faire 
usage.  i> 

Vous  avez  vu  passer  le  sinapis  de  la 
Grèce  en  Italie,  et  vous  voyez  maintenant 
le  sénevé  passer  de  Rome  dans  les  Gaules. 

Mais  les  barbares  débordèrent  sur  l'Eu- 
rope, et  toutes  ces  peuplades  incultes  qui 
venaient  de  l'Inde,  du  Tibet,  du  pôle, 
non-seulement  ne  connurent  pas  la  mou* 
tarde,  raffinement  de  deuz  sociétés,  mais 
l'e&cèi'ent  du  répertoire  culinaire  des 
vaincus.  Charlemagne,  qui  avait  chassé 
les  pirates  normands  et  qui,  mourut, 
pleurait  en  les  voyant  reparaître,  Chark- 
magne,  cet  empereur  magnifique  qui  dans 
ses  jours  d'apparat  faisait  servir  sa  table 
par  des  rois,  la  table  des  rois  par  des 
ducs,  la  table  des  ducs  par  des  marquis, 
la  table  des  marquis  par  des  comtes,  celle 
des  comtes  par  des  barons,  celle  des  ba- 
rons par  des  chevaliers,  et  celle  des  che- 
valiers par  des  écuyers,  de  sorte  que 
quand  les  rois  déjeunaient  à. neuf  heures 
du  matin,  les  écuyers  ne  déjeunaient  qu'a 
neuf  heures  du  soir  ;  Charlemagne,  dans 
ses  Capitulaires,  parle  du  sénevé  comme 
d'une  plante  comestible  dont  on  mangeait 


I 


AU  GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE. 


les  feuilles,  cuites  ou  en  salade;  mais  de 
sénevé  broyé  et  délajé  dans  du  vinaigre 
ou  dans  du  vin,  il  n'en  est  pas  question 
sous  son  régne,  à  plus  forte  raison  de 
moutarde. 

Dijon,  le  Divio  des  Romains,  Dijon  seul 
avait  conservé  la  première  recette  de  Pal- 
ladius,  et,  s'il  ne  fut  pas  l'inventeur,  fut 
le  restaurateui'  de  la  moutarde. 

A  quelle  époque  remonte,  pour  les  Di- 
jonnais,  Thonneur  d'avoir  rendu  à  la  table 
cet  indispensable  condiment? 

C'est  impossible  à  dire.  Tout  ce  que  l'on 
sait,  c'est  qu'Etienne  Boileau,  prévôt  de 
Paris  sous  saint  Louis,  dans  son  règle- 
ment des  jurandes  et  des  maîtrises,  oc- 
troie aux  vinaigriers  le  droit  de  faire  de 
la  moutarde. 

Dans  les  Cris  dé  Paris  du  xxu*  siècle, 
on  trouve  : 

Vinaigre  qui  est  beau  et  boni 
Vinaigre  de  moutarde. 

A  cette  époque,  les  sauciers,  à  l'heure 
du  dîner,  portaient  les  sauces  dans  les 
maisons,  et  couraient  les  rues  de  Paris 
en  criant  :  «  Sauce  à  la  moutarde  1... 
sauce  à  l'ail  !...  sauce  à  la  ciboule  !...  sauce 
au  verjus!...  sauce  à  la  ravigote!...  » 

Qui  ne  voulait  pas  manger  sa  viande 
sèche,  ouvrait  sa  fenêtre  ou  sa  porte  et 
appelait. 

Il  était  servi  à  la  minute  et  de  la  sauce 
qu'il  voulait. 

On  comprend  bien  que  les  contrefac- 
teurs s'emparèrent  prompte  ment  de  ce 
produit  et  l'exploitèrent,  mais  Dijon  con- 
serva sa  suprématie. 

Ainsi  dans  les  Dits  de  VAportoile,  ma- 
nuscrit du  XIII*  siècle,  on  trouve  :  Mou- 
tarde de  Dijon, 

Dans  les  Proverbes  de  Jean  Millot,  du 
xiv%  on  lit  : 

«  Il  n'est  ville,  sinon  Dijon. 

«  Il  n'est  moutarde  qu'à  Dijon. 

Ce  fut  inutilement  que  le  Midi  se  mit 
à  faire  de  la  moutarde  et  substitua  son 
mo&t  de  vin  au  vinaigre.  Un  nouveau 
proverbe  vint  consacrer  la  tenace  supé- 
riorité de  la  capitale  de  la  Bourgogne,  et 
la  voix  de  la  Renommée  cria  de  sa  trom- 
pette, qui  fait  les  réputations  immuables  : 


«  La  moutarde  de Saint-Maxent  est  bonne, 
mais  celle  de  Dijon  est  meilleure.  » 

Lors  des  fêtes  données  à  Rouvres  en 
13 3^,  par  le  duc  de  Bourgogne  Eudes  IV 
an  roi  Philippe  de  Valois,  on  consomma 
dans  un  des  dîners  un  poinçon  de  mou- 
tarde, trois  hectolitres. 

A  neuf  heures  du  matin  et  à  six  heures 
du  soir,  on  ne  rencontrait  dans  les  rues  de 
Paris  qu'enfants  allant  acheter  pour  un 
denier  de  moutarde  Quand  on  demandait 
quelle  heure  il  était,  au  lieu  de  répondre  : 
Neuf  ou  six  heures,  on  répondait  :  Il  est 
r  heures  où  les  enfants  vont  à  la  mou- 
tarde. 

Il  n'y  avait  pas  que  le  roi  de  France 
Philippe  de  Valois  qui  mangeât  sa  viande 
à  la  moutarde;  les  rois  d'Angleterre  ne 
s'en  faisaient  pas  faute. 

Lorsque  Edouard  III  fit  invasion  en 
France  en  i^s3,  il  ordonna,  dit  Froissart, 
à  ses  capitaines  de  tout  brûler  sur  leur 
route.  Aussi  les  magistrats  de  Saint-Didier 
vinrent  se  jeter  à  ses  pieds  en  le  suppliant 
de  ne  pas  livrer  aux  flammes  le  plat  pajs, 
car,  disaient-ils,  toute  victuaille  périra 
par  le  feu  et  il  en  résultera  une  grande 
famine. 

«  Bah  !  bah  !  répondit  le  féroce  Planta- 
genet,  la  guerre  sans  brûlure,  c*est  du 
boudin  sans  moutarde!  » 

Le  premier  ouvrage  de  cuisine  qui  ait 
paru  en  France,  le  Viandier,  de  Taille- 
vent,  maître-queux  du  roi  Charles  VII, 
fait  un  grand  et  naïf  éloge  de  la  mou- 
tarde. Voici  ce  qu'il  raconte  dans  un  fran- 
çais assez  difficile  à  lire,  mais  que  nous 
mettons  à  la  portée  de  tout  le  monde  : 

«  Un  soir,  après  un  grand  combat  sou- 
tenu contre  les  Anglais,  le  roi  Charles  VII, 
accompagné  de  ses  trois  inséparables,  Du- 
nois,  La  Hire  et  Xaintrailies,  vint  prendre 
gîte  dans  la  petite  ville  de  Samte-Mene- 
hould,  à  laquelle  il  ne  restait  plus  que 
cinq  ou  six  maisons,  la  ville  ayant  été 
incendiée. 

«  Le  roi  Charles  VII  et  sa  suite  mou- 
raient de  faim.  Le  pays  ruiné  et  ravagé 
manquait  de  tout.  Enfin  on  parvint  à  se 
procurer  quatre  pieds  de  cochon  et  trois 
poulets. 

«  Charles  VII  n'avait  prés  de  lui  ni  cui- 


ANNEXE 


•illier,  ni  cuisinière  ;  on  chargea  la  femme 
d'un  pauvre  taillandier  de  faire  cuire  les 
poulets;  quant  aux  pieds  de  cochon,  il 
n!y  avait  qu'à  les  mettre  sur  le  gril. 

«  La  brave  femme  fit  rôtir  les  poulets, 
les  trempa  dans  des  œufs  battus^  les  roula 
dans  une  chapelure  aux  fines  herbes,  puis 
après  les  avoir  arrosés  d'une  sauce  à  la 
moutarde,  elle  les  servit  au  roi  et  à  ses 
compagnons,  qui  dévorèrent  les  pieds  de 
cochon  tout  entiers,  et  ne  laissèrent  que 
Les  os  des  poulets. 

u  Le  roi  Charles  VII,  qui  avait  parfai- 
tement soupé^  demanda  plus  d'une  fois 
depuis  des  poulets  à  la  Sainte-Menekould. 
Taillevent,  qui  savait  ce  qu'il  voulait  dire, 
lui  servait  des  poulets  pareils  à  ceux  que 
lui  avait  apprêtés  la  femme  du  pauvre 
taillandier.  » 

Louis  XI,  qui  aimait  à  aller  demander 
à  souper  à  l'improviste  à  ses  compères  les 
bons  bourgeois  de  Paris,  portait  presque 
toujours  avec  lui  son  pot  de  moutarde. 
D'après  les  Contes  de  J.  Riboteau,  rece- 
veur général  de  Bourgogne,  on  trouve 
qu'en  1477  une  commande  fut  faite  par 
lui,  à  un  apothicaire  de  Dijon,  de  vingt 
livres  de  moutarde  pour  le  sei*vice  per- 
sonnel du  roi. 

Enfin,  et  pour  terminer  par  une  anec- 
dote peu  connue,  je  crois,  cette  chrono- 
logie de  la  moutarde,  nous  dirons  qu'au 
nombre  des  papes  qui  tinrent  une  cour  si 
brillante  à  Avignon,  le  pape  Jean  XXII  fut 
un  de  ceux  qui  ne  dédaignaient  pas  les 
plaisirs  de  la  table.  Il  raiiblait  de  la  mou- 
tarde, en  mettait  dans  tout,  et  ne  sachant 
que  faire  d'un  de  ses  neveux  qui  n'était  bon 
à  rien,  il  en  fit  son  premier  moutardier. 

De  là  vient  l'habitude  de  dire  d'un  sot 
vaniteux,  qu'il  se  croit  le  premier  mou-' 
tardier  du  pape, 

A  leur  retour  à  Rome,  les  papes  j  por- 
tèrent le  goût  de  la  moutarde.  Léon  X 
et  Clément  VII,  de  la  maison  de  Médicis, 
en  étaient  de  très-grands  amateurs.  Seu- 
lement, la  moutarde  qu'on  leur  servait 
et  qui  était  probablement  la  moutarde  en 
usage  à  cette  époque,  n'avait  que  peu  de 
rapports  avec  la  nôtre. 

Elle  se  composait  de  miettes  de  pain 
rassis,   d'amandes,  de  grains  de   sénevé 


piles  et  macérés  dans  l'eau  avec  da  vi- 
naigre, pois  passés  par  le  tamis. 

Dites  maintenant  qu'on  perd  son  tenps 
à  nous  lire.  Nous  avons  la  certitiide  d'a- 
voir donné  à  nos  lecteurs,  deux  recettes 
à  peu  prés  inconnues. 

j'avais  cru  devoir  borner  mon  étude 
sur  la  moutarde  à  la  lettre  que  vous  avez 
reçue  hier;  mais  en  réfléchissant  sérieu- 
sement à  la  place  honorable  que  la  mou- 
tarde tient  dans  notre  répertoire  culinaire 
moderne,  —  comme  la  clef  d^or  de  l'ap- 
pétit, —  je  me  vois  forcé  d'ajouter  de 
nouveaux  renseignements  au  premier.  La 
matière  abonde  en  faits,  et  je  doute  qu'il 
y  ait  un  seul  condiment  gastronomique 
qui  se  recommande  à  la  dégustation  des 
gourmands  avec  un  pareil  cortège  chro- 
nologique. 

La  moutarde  a  même  ses  armes,  accor- 
dées par  Louis  XIV  :  d'azur  à  l'entonnoir 
d'argent. 

Jusqu'à  l'époque  où  nous  sommes  arri- 
vés, c'est-à-dire  au  commencement  du 
xvii'  siècle,  Dijon  ne  fabriquait  que  de  la 
moutarde  sèche,  en  briqnes  on  en  pas- 
tilles. Jean  Hiébault  est  le  premier  auteur 
où  l'on  trouve  une  recette  équivalente  à 
celle  que  l'on  emploie  aujourd'hui,  c'est- 
à-dire  de  la  graine  de  sénevé  pilée  et  dé- 
layée dans  du  fort  vinaigre. 

Au  reste,  voici  une  recette  plus  com- 
pliquée que  l'on  trouve  dans  le  Messager 
parisien;  elle  est  à  peu  de  chose  prés 
celle  de  nos  jours  : 

«  Si  vous  voulez  faire  de  bonne  mou- 
tarde et  à  loisir,  est-il  dit,  mettez  le  sé- 
nevé tremper  par  une  nuit  dans  du  bon 
vinaigre,  puis  le  faites  bien  broyer  au 
moulin,  et  bien  petit  à  petit  détremper 
de  vinaigre.  Et  si  vous  avez  des  restes 
d'épices,  de  la  gelée,  du  clairet,  de  Thy- 
pocras  et  des  sauces,  qu'elles  y  soient 
broyées  avec,  et  ensuite  laissez  le  tout  se 
faire,  a 

Chose  bizarre,  la  moutarde,  comme 
l'Italie,  où  elle  est  née,  devait  subir  le 
contre-coup  de  la  découverte  du  cap  de 
Bonne-Espérance  et  de  l'Amérique.  Chris- 
tophe Colomb  apporta  en  Europe  les 
épices  des  Indes  occidentales,  et  Vasco 
4e  Gama  celles  des  Indes  orientales. 


r 


AU  GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE, 


Les  épices  eurent  un  grande  influence 
sur  la  cuisine  du  zvi*,  du  xtii*,  et  même 
du  XTiii*  siècle,  surtout  les  épices  par- 
fumées, telles  que  la  vanille,  la  muscade, 
le  girofle,  qui,  déjà  connues  en  France, 
mais  si  chères  qu'elles  ne  s'y  donnaient 
qu'en  cadeau,  sous  le  nom  d'éptces,  au 
juge  qui  vous  avait  fait  gagner  votre  pro- 
cès et  quelquefois  à  l'avocat  qui  l'avait 
plaidé,  devinrent  plus  communes  lorsque 
Antonio  de  Abreu  et  Francisco  Serrao 
découvrirent  en  1511  les  îles  aux  épices, 
c'est-à-dire  les  Moluques;  en  1607  ou 
160S,  les  Hollandais  les  conquirent  sur 
les  Portugais,  et  ce  peuple  voyageur  dont 
le  commerce  est  la  vie,  ces  Phéniciens 
modernes,  comprirent  tellement  l'impor- 
tance de  la  conquête  qu'ils  avaient  faite, 
qu'ils  voulurent  confisquer  le  commerce 
des  épices  au  profit  de  la  seule  Hol- 
lande. 

En  conséquence,  ils  conclurent  avec  le 
sultan  de  Ternate,  leur  vassal,  ainsi  qu'a- 
vec diflerents  petits  souverains  des  autres 
iles,  un  traité  aux  termes  duquel  tous  les 
arbres  à  épices  seraient  transportés  à  Am- 
boine  et  à  Banda,  et  arrachés  partout  ail- 
leurs. 

Pour  les  indemniser  de  la  perte  que 
produisait  pour  eux  la  cessation  de  ce 
commerce,  ils  leur  payèrent  une  rente 
de  70,000  francs. 

Cette  vente  était  pour  eux  d'un  produit 
si  considérable,  qu'ils  n'hésitèrent  pas  à 
bâtir  trois  forts  pour  en  empêcher  la 
contrebande  :  Holland,  Orange  et  Wil- 
hemstadt. 

Outre  ces  trois  forts  principaux,  neuf 
autres  avaient  été  bâtis  dans  diflerentes 
parties  des  tles. 

Une  flotte  de  vingt  bâtiments,  mis  à 
la  disposition  du  gouverneur  d'Amboine, 
naviguait  presque  constamment  autour 
des  îles. 

Revenons  à  notre  sujet,  dont  les  épices 
nous  ont  écarté,  et  que  Rabelais,  grand 
connaisseur  en  science  de  gueule ,  comme 
il  dit  lui-même,  appelle  heaume  naturel 
et  restaurant  d'andouilles. 

La  moutarde,  attaquée  par  cette  irrup- 
tion d'épices  orientales  et  occidentales, 
lutta  bravement. 


Dijon,  la  grande  fabrique,  pensa  qu'il 
fallait  à  ses  produits  des  statuts  qui  rassu- 
rassent complètement  le  public  sur  la  ma- 
nière dont  la  moutarde  était  manipulée 
et  sur  les  ingrédients  qui  la  compo- 
saient. 

En  conséquence,  les  moutardiers  et  les 
vinaigriers  de  Dijon  reçurent  en  1(^34  des 
statuts  qui  les  assimilèrent  aux  autres 
métiers  de  la  ville  et  leur  conféraient  le 
droit  de  fabriquer  seuls  de  la  moutarde. 

L'article  14  du  règlement  disait  : 

«  Les  apprentis  et  compagnons  qui  fe- 
ront de  la  moutarde  et  la  porteront  ven- 
dre et  débiter  par  la  ville,  devront  être 
sains  de  corps  et  leurs  linges  et  habits 
nets  et  modestes,  à  peine  de  10  sous 
d'amende. 

«  De  plus,  l'article  ao  leur  imposait  de 
n'avoir  qu'une  seule  boutique  en  ville, 
afin  que  nul  ne  pût  dénier  ce  qui  venait 
de  lui. 

«  Enfin,  à  peine  de  lo  autres  sons  d'a- 
mende, ils  furent  tenus  d'avoir  chacun 
une  marque  sur  leurs  barils.  » 

Mais  ne  s*en  rapportant  plus  à  la  pro- 
cession des  enfants,  qui  deux  fois  par 
jour  allaient  à  la  moutarde,  ce  furent  eux 
qui  envoyèrent  crier  leur  moutarde  par 
de  Jeunes  apprentis. 

Mais  les  jeunes  moutardiers,  ne  crai- 
gnant ni  Dieu  ni  diable,  allaient  jusque 
dans  les  assemblées  chrétiennes  et  dans 
les  églises  crier  leur  moutarde,  de  façon 
qu'ils  troublaient  les  offices  jusqu'aux  mo- 
ments les  plus  sacrés,  au  point  qu'on  leur 
interdit  les  églises  sous  peine  de  prison 
et  qu'on  les  consigna  chez  eux  le  di- 
manche. 

Vingt-trois  vinaigriers  moutardiers  de 
Dijon  adhérèrent  au  règlement.  Au  mi- 
lieu de  leurs  signatures,  on  reconnaît 
celle  de  Naigeon. 

Mais  malgré  tout  cela,  la  vogue  de  la 
moutarde  diminuait;  on  trouvait  que, 
comme  acidité  et  comme  variété,  elle 
laissait  quelque  chose  à  désirer,  lorsque 
arriva  Jean  Naigeon,  arriére-petit-fils  de 
celui  qui  avait  signé  au  règlement  des 
vingt-trois  vinaigriers,  et  qui  amena,  par 
le  changement  d'une  seule  substance  dans 
la  confection  de  la  moutarde,  une  recru- 


8 


ANNEXE 


descence  de  vente  et  une  rénovation  de 
faveur. 

Que  lui  fallut-il  pour  cela?  Une  inspi- 
ration, un  éclair  de  génie. 

Jean  Naigeon  substitua  le  premier  an 
vinaigre  le  verjus,  c'est-à-dire  le  suc  ex- 
primé du  raisin  avant  sa  maturité;  par 
conséquent  plus  de  sucre,  plus  d'acide 
acétique,  mais  seulement  des  acides  tar- 
trique,  citrique  et  malique. 

Ce  Jean  Naigeon,  disons-le  en  passant, 
fut  le  père  de  cet  autre  Naigeon,  biblio- 
thécaire à  l'Arsenal,  athée  et  ami  de 
d'Holbach,  qui  donna  une  édition  des 
œuvres  de  Diderot. 

Grimod  de  la  Reyniére,  notre  illustre 
gastronome,  auteur  du  Dictionnaire  des 
Gourmands,  ne  pouvait  pas  souflfrir  ce 
Naigeon^  et  disait  de  lui  qu'il  était,  comme 
marchand  d'athéisme,  moins  connu  des 
philosophes  que  son  père,  le  marchand 
de  moutarde,  n'était  connu  des  gour- 
mands. 

L'opinion  de  cet  illustre  gastronome 
faillit  renverser  la  moutarde  de  Dijon  du 
trône  où  elle  régnait  depuis  cinq  siècles. 
Ses  opinions  en  cuisine  étaient  des  arrêts. 
Petit-fils  d'un  charcutier,  son  père  avait 
acheté  des  lettres  de  noblesse,  mais  lui 
avait  conservé  pour  blason  :  d'azur  au 
chef  d'or  avec  un  pied  de  cochon  au  na- 
turel, et  en  l'azur  un  jambon  d'argent. 

Vers  la  jeunesse  de  Grimod  de  la  Rey- 
niére,  justement  une  grande  révolution 
s'était  opérée  dans  la  moutarde. 

Paris  avait  commencé  à  faire  sérieuse- 
ment concurrence  à  Dijon. 

La  révolution  commença  en  174a. 

Un  vinaigrier  de  Paris,  nommé  Capi- 
taine, commença  d'employer  pour  ses  in- 
fusions du  vinaigre  blanc  au  heu  de  vi- 
naigre rouge,  et  de  faire  entrer  dans  la 
moutarde  fine  des  câpres  et  de  l'essence 
d'anchois. 

Ces  innovations  obtinrent  une  grande 
faveur. 

Dix  ans  après,  un  autre  vinaigrier 
nommé  Maille  se  fit  une  réputation  eu- 
ropéenne dans  sa  spécialité. 

Nommé  fournisseur  privilégié  de  la 
marquise  de  Pompadour,  il  prit  le  titre 
tant  soit  peu  ambitieux  de  vinaigrier-dis- 


tillateur du  roi  de  France  et  des  empe- 
reurs d'Allemagne  et  de  Russie.  Homme 
d'esprit  et  comprenant  son  époque  toute 
sensuelle,  il  commença  par  composer  des 
vinaigres  à  l'usage  des  femmes  et  des 
hommes  ;  sa  clientèle  se  composa  Uentdc 
de  tous  les  élégants  et  de  tous  les  petits- 
maîtres  de  l'aristocratie,  de  duchesses, 
de  marquises,  de  comtesses,  de  jeunes 
muguets  et  d'abbés  galants;  travailler 
pour  le  boudoir  était  un  moyen  str  d'ar- 
river à  la  cuisine. 

Avant  Maille  il  n'existait  que  neuf  es- 
pèces de  vinaigre  ;  il  en  ajouta  quatre- 
vingt-douze  de  propreté  et  de  santé. 

Il  multiplia  également  les  vinaigres  de 
table.  Ses  moutardes  étaient  au  nombre 
de  vingt-quatre  : 

Moutarde  rouge,  moutarde  fine  aux 
câpres,  moutarde  fine  aux  anchois,  mou- 
tarde en  poudre,  moutarde  à  Taîl,  mou- 
tarde à  l'estragon,  à  la  capucine,  an  ci- 
tron, à  la  Choiseul,  à  la  Choisj,  à  La 
conserve,  aux  fines  herbes,  à  la  grecque, 
à  la  maréchale,  à  la  marquise,  à  la  r^ne, 
à  la  romaine,  aux  truffes. 

Toutes  étaient  de  lui,  excepté  la  mou- 
tarde aux  câpres  et  aux  anchois. 

Les  plus  en  vogue  furent  celles  à  la 
ravigote,  à  l'ail,  aux  truffes,  aux  anchois 
et  à  l'estragon. 

Le  bon  porte  avec  lui  son  brevet  de 
longévité  ;  la  moutarde  de  Maille  est  ve- 
nue jusqu'à  nous,  et  est  encore  la  mou- 
tarde préférée  de  quelques  honorables 
gourmands. 

En  même  temps  que  Maille,  fleurit 
Bordin,  qui,  comme  Maille,  a  son  paru 
dans  notre  époque,  et  qui  inventa  en 
17^2  la  moutarde  dite  de  santé.  Il  com- 
posa les  recettes  de  quarante  espèces  de 
moutardes  différentes  :  moutarde  impé- 
riale, au  vin  de  Champagne,  à  la  rocam- 
bole,  aux  champignons,  à  la  rose,  à  l'ita- 
lienne, à  la  vanille. 

En  1812,  en  comptant  les  vingt-neuf 
espèces  de  moutardes  nouvelles  inventées 
par  Acloque,  successeur  et  élevé  de  Mail!  ;, 
la  France  possédait  donc,  sans  compter  la 
moutarde  de  Capitaine  et  celle  de  Dijon, 
quatre-vingt-quatre  espèces  de  moutarde, 
lorsque  Grimod  de  la  Reyniére  signala 


AU  GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE. 


trois  moatardes  nouvelles^  ce  qui  portait 
le  chJfFre  à  quatre-vingt-treize. 

Ces  trois  moutardes  étaient  : 

Celle  de  Chalon-sur-Saône, 

«Celle  de  Besancon, 

Celle  de  Saint-Brieuc. 

Voici  ce  qu'en  dit  Tillustre  dégustateur 
chez  lequel  nous  devons  constater  une 
préférence  marquée  pour  MM.  Maille  et 
Bordin,  que  je  soupçonne  d'avoir  été  des 
abonnés  assidus  et  fructueux  à  XAlmanach 
des  Gourmands. 

tt  Un  apothicaire-chimiste,  de  Saint- 
Brieuc,  vient  d'y  élever  une  fabrique  de 
moutarde,  qui  n'est  pas  sans  mérite  et 
qui  a  surtout  beaucoup  de  force  et  de 
montant.  Elle  commence  à  pénétrer  dans 
l'ancienne  Ârmorique  et  jusque  dans  le 
Cotentin. 

«  M.  Maout,  c'est  ainsi  qu'on  appelle 
ce  fabricant  prédestiné,  dont  le  nom, 
comme  on  le  voit,  renferme  les  cinq  pre- 
mières lettres  de  moutarde,  se  propose 
de  fonder  un  établissement  à  Paris.  » 

Mais  ce  peu  qu'il  avait  dit  du  produit 
de  M.  Maout  avait  suffi  pour  fixer  les 
yeux  sur  lui.  Le  docteur  Gastald,  Porta- 
lis,  Cambacérés  se  déclarèrent  pour  la 
moutarde  de  Maout,  et  tant  que  l'on 
soupa  en  France,  c'est-à-dire  tant  que 
l'un  mangea  avec  une  certaine  déUcatesse, 
la  moutarde  celtique  apparut  sur  les 
meilleures  tables  a  côté  de  celles  de 
Maille  et  de  Bordin. 

Ce  triumvirat,  plus  heureux  que  celui 
d'Octave  et  de  Lépide,  qui  ne  fit  qu'ap- 
paraître à  Rome,  régna  plus  d'un  demi- 
siécle  sur  les  tables  françaises. 

La  chronologie  de  la  moutarde  établit 
les  racines  de  son  arbre  généalogique  pre- 
nant terre  en  Grèce,  en  Judée,  en  Italie, 
et  ses  dernières  feuilles  atteignant  la  se- 
conde partis  de  notre  bienheureux  xix*  siè- 
cle. Je  répondrai  en  quelques  pages  aux 
trois  autres  demandes  de  notre  question- 
neur anonyme. 

Passons  à  la  demande  deuxième. 

Ètymologiquement,  d'où  vient  la  mou- 
tarde? 

Il  y  a  discussion  là-dessus  comme  sur 
toute  étymologie.  Les  Dijonnais,  qui  pré- 
tendent avoir  inventé  la  moutarde,  et  qui 


n'en  ont  été  que  les  restaurateurs,  s'ap- 
puient sur  le  fait  suivant,  d'où  ils  font 
dériver  le  nom  du  précieux  condiment 
qui  nous  occupe. 

En  ij8i,  Philippe  le  Hardi,  duc  de 
Bourgogne,  marcha  contre  les  Gantois 
révoltés,  avec  son  neveu  Charles  VI.  Le 
maire  de  Dijon,  Jehan  Poissonnet,  bour- 
geois enrichi  par  le  commerce  de  la  mou- 
tarde, fournit  au  duc  mille  hommes  armés 
et  équipés  aux  frais  de  la  ville.  Au  retour 
de  cette  expédition,  le  roi  accorda  aux 
habitants  plusieurs  privilèges,  comme  de 
pouvoir  tenir  terres  et  iiefs  à  la  ville, 
ainsi  que  celui  de  porter  ses  armes  et  sa 
devise  :  Moult  me  tarde. 

Les  pots  et  les  barils  étaient  expédiés 
de  la  fabrique  de  Jehan  Poissonnet  avec 
les  armes  et  la  devise  du  duc.  Les  Dijon- 
nais prétendent  que  le  mot  moutarde  n'est 
qu'une  abréviation  et  une  conjonction  des 
trois  mots  formant  la  devise  de  Philippe 
le  Hardi  :  Moult  me  tarde. 

Disons  en  passant  que  Philippe  le  Hardi 
fut  le  sublime  enfant  qui  défendit  jusqu'à 
l'extrémité  le  roi  Jean  son  père  à  la  ba- 
taille de  Poitiers,  et  qui  souffletait,  le  soir 
de  la  bataille,  un  Anglais  qui  avait  donné 
à  laver  au  royal  prisonnier  en  négligeant 
de  mettre  un  genou  en  terre. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  probable,  c'est  que 
le  nom  vient  du  latin  mustum  ardens, 
qui  veut  dire  moàt  brûlant,  et  dont  on 
aurait  fait  moutarde. 

Voici  du  reste  ce  qu'en  di  le  grand 
Boerhaave,  qui  vivait  au  xvii  et  au 
xvixi*  siècle. 

«  In  Italia  cum  musto  sinapis  contere- 
batur,  unde  dixerunt  mustum  ardens,hinc 
mustardum.  » 

Ce  qui  veut  dire  en  français  : 

v  En  Italie  la  graine  de  sénevé  noir 
était  bro}ée  avec  le  moût,  d'où  on  Ta 
appelée  moàt  ardent,  de  là  moutarde.  » 

Voilà  donc,  si  notre  correspondant  ano- 
nyme le  veut  bien,  d'où  vient  étymolo- 
giquement  le  mot  moutarde. 

Maintenant  nous  allons  tâcher  de  lui 
dire  à  quelle  famille  appartient  la  plante. 

La  moutarde,  comme  genre  botanique, 
appartient  à  la  tétradynamie  siliqueuse, 
famille  des  crucifères.  Julia  de  Fontenelle 


lO 


ANNEXE 


en  compte  vingt  familles  ;  d'autres  bota- 
nistes en  comptent  jusqu'à  quarante.  Elle 
est  herbacée  bis-annuelle;  ses  feuilles  va- 
rient beaucoup  de  forme,  et,  la  plupart 
du  temps,  sont  lyrées  et  incisées  dentées. 

Le  fruit  est  une  silique  bivalve,  et  les 
graines  sont  globuleuses. 

Il  y  a,  nous  l'avons  dit,  une  grande 
quantité  d'espèces  de  moutardes;  mais 
trois  seulement  sont  employées  par  les 
médecins  et  les  moutardiers  : 

La  moutarde  noire  (sinapis  nigra)  ; 

La  moutarde  sauvage  ou  des  champs 
{sinapis  arvensis)  ; 

Et  la  moutarde  blanche  {sinapis  alba). 

C'est  cette  dernière  qui  a  été  intro- 
duite en  Angleterre  vers  le  milieu  du 
xviii^  siècle,  qui  a  été  recommandée  par 
les  docteurs  Trousseau  et  Pidoux,  et  dont 
le  charlatanisme  moderne  a  voulu  faire 
la  panacée  universelle. 

Sa  fertilité  est  si  grande  que,  selon  Fus- 
cher  de  Gresheim,  d'une  livre  qu'il  avait 
semée  dans  un  champ  de  quatre-vingt-dix 
perches,  il  récolta  cinq  cent  cinquante- 
huit  livres. 

Voici  son  nom  dans  difierentes  langues  : 

En  grec  et  en  latin,  nous  l'avons  déjà 
dit,  sinapis,  en  anglais  must,  en  allemand 
mustersenft,  en  espagnol  mosta^^a,  en 
italien  mostarda,  en  russe  gortschera, 
en  arabe  kherdal.  en  indoustan  rai. 

Nous  avons  oublié  de  dire  en  son  lieu, 
et  nous  le  disons  ici,  que  le  mot  mou- 
tards donné  aux  enfants  vient  de  l'habi- 
tude que  nous  avons  dite,  d'envoyer,  au 
XI v«  et  au  XV®  siècle,  les  enfants  chercher 
de  la  moutarde. 

Culinairementf  enfin,  vous  me  deman- 
dez quelle  est  la  préparation  que  je  pré- 
fère. 

Jusqu'à  ce  que  j'aie  goûté  et  apprécié 
la  moutarde  de  M.  Alexandre  Bornibus, 
j'ai  préféré  les  moutardes  aromatisées  de 
Maille  et  Bordin  à  toutes  les  moutardes; 
mais  lorsque  le  hasard  m'eut  fait  goûter 
celle-là,  je  compris  qu'elle  devait  l'em- 
porter un  jour  sur  toutes  les  autres. 

Je  dis  le  hasard,  car  voici  comment  la 
chose  arriva  : 

Je  faisais  un  roman  dont  la  scène  prin- 
cipale se  passait  à  Bourg-en-Bresse.   Je 


m'informai  du  diemèa  k  pins  court  pour 
visiter  le  théâtre  de  m»  personnages,  et 

l'on  me  dit  : 

a  Allez  à  Mâcon,  on  embcascheMeat 
vous  conduira  tout  droit  à  Bourg.  > 

J'arrivai  tout  endormi  à  Dijon.  J'es- 
tendis  crier  :  Dijon!  Dijon!  et  alors  il  se 
fit  une  confusion  dans  mon  esprit. 

Était-ce  à  Dijon,  était-ce  à  Mâcon  qu'il 
y  avait  embranchement  sur  Bourg  ?  Je 
n*en  savais  plus  rien. 

Comme  je  n'avais  qu'une  valise  avec 
moi,  je  sautai  à  bas  de  mon  wagcm.  J'en- 
filai la  sortie  en  demandant  rembranche- 
ment  de  Bourg. 

L'homme  des  billets,  qui  ne  savait  pas 
ce  que  je  voulais  dire,  ne  me  répondit 
pas.  J'arrivai  jusque  dans  la  cour. 

Je  m'adressai  à  un  cocher  qui  attendait 
pratique. 

«  L'embranchement  de  Bonrg?  lui  de- 
mandai-je. 

—  De  quel  bourg? 

—  De  Bourg-en-Bresse. 

—  Ah  1  bien,  vous  n'y  êtes  pas,  c'est  a 
Mâcon.  » 

Je  voulus  rentrer. 

Le  gardien  de  la  porte  me  demanda 
mon  billet. 

Q  Mon  billet?  Je  vous  l'ai  donné  tout  à 
l'heure.  Regardez  dans  les  billets  que  vous 
venez  de  recevoir,  vous  en  trouverez  un 
pour  Màcon.  » 

Tandis  qu'il  cherchait,  la  locomotive 
toussa,  cracha,  éternua  et  partit. 

«  Ma  foi,  dit  en  riant  l'homme  au 
billet,  vous  serez  le  premier  arrivé  pour 
le  convoi  de  demain. 

—  Mais  encore,  lui  dis-]e,  pour  que  je 
puisse  partir  demain,  faut-il  que  tu  me 
rendes  mon  billet. 

—  Le  voilà  justement,  dit-il;  ma  foi, 
oui!  Il  est  pour  Mâcon  tout  de  même... 
Bah!...  restez  ici. 

—  Soit,  répondis-je,  j'en  profiterai  pour 
visiter  la  cathédrale  et  faire  une  visite  à 
mon  pauvre  ami  Louis  Boulanger,  u 

Louis  Boulanger,  un  des  peintres  dont 
les  premières  toiles  ont  donné  le  plus 
d'espérance,  était  directeur  du  musée  de 
Dijon,  et  j'étais  enchanté  de  cette  occa- 
sion de  le  voir. 


AU  GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE. 


II 


Seulement  je  ne  pouvais  tomber  chex 
loi  à  ome  heures  du  soir;  je  me  fis  con- 
duire à  l'hôtel  du  Parc. 

Je  demandai  à  souper. 

On  me  servit  deux  côtelettes  de  mou- 
ton et  un  demi-poulet  froid. 

«  Quelle  moutarde  voulez -vous?  me 
demanda  le  garçon. 

—  Parbleu,  de  la  moutarde  de  Dijon. 
^  Je  sais,  fit-il  en  ayant  i'ûr  de  dire 

à  part  lui  :  Quel  imbécile!  mais  je  de- 
mande si  c'est  de  la  moutarde  d'homme 
ou  de  la  moutarde  de  dame. 

^  Oh  !  oh  !  fis-je  à  mon  tour,  et  quelle 
diflerence  y  a-t-il  entre  la  moutarde 
d'homme  et  la  moutarde  de  femme? 

—  De  dame. 

—  Soit,  de  dame. 

—  il  y  a,  monsieur,  que  le  palais  des 
dames  étant  plus  délicat  que  celui  des 
hommes,  la  moutarde  de  Dijon  ordinaire 
est  trop  forte  et  trop  piquante  pour  elles, 
si  bien  que  M.  Bornibus  a  inventé  une 
moutarde  à  part. 

—  Qu'est-ce  que  M.  Bornibus? 

—  Eh  !  monsieur,  c'est  votre  grand 
moutardier  à  la  mode;  on  ne  parle  ici 
que  de  sa  moutarde. 

—  Il  est  vrai,  je  le  connais  de  réputa- 
tion, mais  je  ne  connais  pas  encore  sa 
moutarde;  il  serait  curieux  que  je  la 
goûte  à  Dijon.  Donnez-m'en  donc? 

— •  De  laquelle  des  deux? 

—  De  tontes  les  deux. 


—  Monsieur  mangera  de  la  moutarde 

de  dame? 

~  Qui  peut  le  plus  peut  le  mofos,  » 

Et  le  garçon  me  servit  des  deux  mou- 
tardes avec  mes  côtelettes. 

Je  ne  suis  pas  grand  amateur  de  mou- 
tarde. Ayant  reçu  de  la  nature  un  excel- 
lent estomac,  je  n'ai^  jamais  fait  grand 
usage  de  atu  préface  de  V appétit,  comme 
rappelle  Grimod  de  la  Reynière  ;  mais  je 
dois  dire  cette  fois  que  rien  qu'à  la  belle 
couleur  jaune  serin  de  cet  admirable  apé- 
ritif, je  plongeai  la  cuiller  de  buis  dans 
le  moutardier  et  fis  dans  mon  assiette 
deux  pyramides,  l'une  de  la  moutarde 
des  hommes,  l'autre  de  la  moutarde  des 
dames. 

Puisque  vous  me  demandez  mon  avis, 
monsieur,  je  dois  dire  qu'à  partir  de  ce 
moment  je  dépouillai  le  vieil  homme  et 
que  je  me  ralliai  à  la  moutarde  Bornibus* 

A  mon  retour  à  Paris,  j'allai  voir  les 
ateliers  de  M.  Bornibus,  boulevard  de  la 
Villette,  âo.  Il  me  fit  visiter  son  établisse- 
ment avec  la  plus  grande  complaisance, 
et  m'expliqua  que  la  supériorité  de  ses 
produits  venait  de  la  perfection  des  ins- 
truments de  manipulation  inventés  par 
lui-même,  et  surtout  de  la  combinaison 
et  du  choix  de  se»  matières  premières. 

Voilà,  mon  cher  correspondant  ano- 
nyme, tout  ce  que  vous  désirez  de  moi,  je 
crois,  chronologiquement,  étymologique- 
ment,  botaniquement  et  culinairement. 


Alexandre   DUMAS. 


la 


ANNEXE 


Maison   POTEL   ET    CHABOT 

BOULEVARD   DES   ITALIENS,    af,    ET   RUE   VIVIENME,    a8. 


Cette  maison ,  dont  les  annales  consta- 
tent une  série  non  interrompue  de  suc- 
cès culinaires,  fut  fondée  en  1839  par 
MM.  r  otel,  pâtissier,  et  Chabot,  cuisinier 
cmerite  qui  avait  longtemps  exercé  son 
art  aux  Tuileries. 

L'habileté  de  M.  Chabot  était  connue 
dans  la  maison  royale,  et  ce  fut  lui  qui 
fut  chargé  d'alimenter  de  conserves  le 
duc  d'Aumale  en  Afrique  et  le  prince  de 
Jotnville  à  bord  du  navire  la  Belle  Poule. 
L'industrie  fondée  par  les  deux  associés 
trouva  le  16  mars  1845  une  éclatante 
application.  MM.  Potel  et  Chabot  servi- 
rent ce  jour-là,  à  la  Bourse,  le  dîner  de 
quatre  cent  cinquante  couverts  o^rt  au 
'maréchal  Bugeaud  par  la  Chambre  du 
commerce;  la  réussite  fut  complète.  Elle 
fut  suivie  d'une  série  de  grandes  entre- 
prises qui  ne  s'arrêta  plus.  La  ville  de  Lille 
se  souvient  encore  du  banquet  servi 
le  14  juin  1846  à  deux  mille  trois  cents  con- 
vives, à  l'occasion  de  l'inauguration  du 
chemin  de  fer  du  Nord. 

MM.  Potel  et  Chabot^  pourvus  d'un 
matériel  et  d'une  organisation  qui  leur 
permettaient  de  faire  1  impossible,  purent, 
en  mai  1848,  rédiger  le  projet  détaille 
d'un  banquet  donne  au  champ  de  Mars, 
à  quatre-vingt-cina  mille  personnes.  Trois 
mille  trois  cenfs  tables  devaient  être  dres- 
sées et  garnies  de  comestibles. 

C'est  Ta  maison  dont  nous  parlons  ici  qui 
a  servi  la  table  de  l'empereur  et  de  l'im- 
pératrice pendant  leur  voyage  à  Cher- 
bourg en  1858,  et  en  Bretagne  en  186$. 

La  partie  gastronomique  des  fêtes  de 
l'hôtel  de  ville  était  depuis  longtemps^  con- 
fiée à  cette  maison,  qui,  le  14  juin  1856, 
dressa  une  table  de  cinq  cents  couverts, 
à  l'occasion  du  baptême  du  Prince  impérial. 
Nous  ne  citerons  pas  la  liste  triomphale 
des  banquets  de  cinq  à  six  cents  convives, 
oflêrts  à  toutes  les  inaugurations  de  che- 
min de  fer.  Angers,  Poitiers,  Épernay, 
Bruxelles,  Limoges,  Lyon,  Marseille,  Tou- 
louse, Nice,  etc.,  etc.,  s'adressèrent  à  la 
maison  Potel  et  Chabot  pour  toutes  ces 
fêtes.  Nous  indiquerons  en  passant  le  bal 
donné  à  Lille  en  185),  parce  qu'il  présente 
une  particularité  curieuse  :  les  glaces 
furent  faites  en  wagon  pendant  le  trajet. 
Ce  qu'il  importe  de  faire  connaître  ici, 
ce  sont  les  services  que  cette  maison  peut 
rendre  et  rend  en  eoêt  journellement  aux 
particuliers. 


En  1849,  la  mort  de  M.  Chabot  laissa 
seul  possesseur  de  ce  grand  établissement 
son  associé,  qui  redoubla  de  zélé  et  d'ac- 
tivité et  parvint  à  laisser  une  maison 
qui  actuellement,  sous  la  direction  de 
MM.  Grenet  et  L  Hermitte,  continiie  les 
bonnes  traditions  des  fondateurs. 

Dans  le  cas  très-fréquent  oà  une  per- 
sonne manque  de  ce  qu'il  faut  pour  trai- 
ter vingt-cinq  à  trente  convives,  ou  plus 
ou  moins,  la  maison  Potel  et  Chabot  fera, 
sur  sa  demande,  non-seulement  servir  un 
dîner  succulent,  mais  en  outre  peut  en- 
voyer à  domicile  tout  ce  qui  constitue  le 
service  de  table,  tel  que  linge,  porcelaine, 
verrerie,  argenterie,  bronzes,  luminaire, 
tleurs,  etc.,  et  mettre  ainsi  l'amphitryon 
à  même  de  satisfaire  ses  invités  tout  en 
étant  servi  lui-même  en  convive. 

Ce  service  instantané,  comme  les  tables 
féeriques  qui  sortent  de  sous  terre  dans 
les  contes  de  Perrault,  est  dû  a  un  grand 
travail  intérieur  et  à  une  excellente  orga- 
nisation. Le  matériel  considérable  dont 
dispose  cette  maison  est  expédié  dans  des 
caisses  disposées  à  cet  efiêt;  elle  possède 
en  outre  de  vastes  cuisines  dont  chaque 
partie  est  confiée  à  un  chef  spécial. 

Ce  grand  établissement  envoie  non- 
seulement  des  dîners  entiers,  mais  les 
parties  d'un  dîner  qu'on  lui  demande. 
Dans  le  cas  où  le  dîner  n'est  pas,  selon  le 
désir  du  consommateur^  accompagné  d'an 
cuisinier  et  n'est  pas  fim,  une  notice  jointe 
à  l'envoi  enseigne  le  mojen  de  le  termi- 
ner. 

Lambert  Thiboust  parle,  dans  une  de 
ses  pièces  les  plus  gaies,  d'un  souper  fin! 
sigrné  Potel  et  Chabot!  et  duquel  on 
attend  un  effet  irrésistible.  En  effet,  les 
envois  de  cette  maison  sont  signés;  ils 
portent  la  marque,  le  cachet  des  maîtres 
qui  les  préparent  :  on  les  distingue  à  leur 
excellence. 

Nous  en  appelons  à  tous  ceux  qui  ont 
le  souci  de  bien  vivre  et  q^ui  considèrent 
comme  un  devoir  de  réjouir  l'estomac  de 
leurs  invités;  ceux-là  ne  manquent  pas 
de  porter  leurs  commandes  soit  à  l'éta- 
blissement de  la  rue  Vivienne,  soit  à  celui 
du  boulevard  des  Italiens,  dont  les  vitri- 
nes ornées  des  plus  beaux  fruits,  de  gibier 
de  Russie  et  de  toutes  les  contrées  font 
naître  au  front  des  passants  un  pli  de 
convoitise. . 


AU   GRAND   DICTIONNAIRE   DE  CUISINE. 


n 


QUELQUES  MOTS  A  NOS  LECTEURS 


SUR 


L'ORFÈVRERIE  CHRISTOFLE 


A  une  époque  où  les  maisons  les  plus 
aristocratiques  ont  adopté  T  usage  de  lavais- 
selle  argentée,  il  nous  semble  important 
de  fournir  a  nos  lecteurs  des  renseigne- 
ments précis  sur  la  grande  industrie  fon- 
dée par  M.  Christofle  et  exploitée,  par  sa 
maison  d'orfèvrerie,  dans  des  proportions 
considérables. 

Cette  industrie  nouvelle,  née  de  la  dé- 
couverte des  procédés  de  dorure  et  d'ar- 
genture électrochimiques,  tient  le  milieu 
entre  Torfévrerie  en  argent  et  les  articles 
en  plaqué  ;  toutes  les  parties  qui  ordinai- 
rement sont  creuses  dans  ceux-ci,  sont  mas- 
sives dans  les  produits  de  Torfevrerie  Chris- 
tofle. Les  consommateurs  ne  peuvent  plus 
craindre  de  voir  se  former  dans  les  parties 
concaves  une  couche  vénéneuse  d  ox^de 
de  cuivre.  Toutes  les  soudures  sont  faites 
au  cuivre  ou  a  l'argent  avant  l'opération  de 
l'argenture  et  n'ont  pas  l'inconvénient  des 
soudures  d'etain  trop  généralement  em- 
ployées dans  le  plaque,  surtout  dans  le 
métal  anglaisy  et  qui  coulent  au  feu. 

Les  couverts  et  les  menus  objets  desti- 
nés aux  usages  manuels  de  la  table,  ordi- 
nairement appelés  petite  orfèvrerie,  sont 
fabriqués  avec  un  métal  résistant  et  sonore 
ayant  toutes  les  qualités  de  l'argent  et 
presque  la  blancheur. 

Ce  métal,  appelé  Alfênide,  et  aujour- 
d'hui exclusivement  employé  par  les  créa- 
teurs de  cette  industrie,  est  un  alliage  de 
nickel  éminemment  propre  à  la  fabrica- 
tion des  couverts,  qui  ne  sont,  a  vrai  dire, 
que  des  outils  destinés  a  prendre  les  mets, 
et  qui,  par  conséquent  nettoyés  fréquem- 
ment, ne  peuvent  jamais  s'oxyder. 

Il  n'en  est  pas  de  même  pour  les  objets 
de  grosse  orfèvrerie^  qui  sont  destinés  a 
contenir  des  aliments  ou  même  a  servir 
a  des  préparations  culinaires  en  allant  au 
feu  ;  pour  ces  objets,  MM.  Christofle  ont 
adopté  un  laiton  sonore  et  résistant  à 
l'égal  de  l'argent,  mais  dont  la  couleur 
légèrement  jaunâtre  permet  toujours  de 
reconnaître  la  nécessité  d'une  reargenture 
lorsque  la  couche  primitivement  déposée 
commence  a  disparaître. 

Car,  dans  cette  orfèvrerie,  c'est  la 
quantité  d'argent  a  la  surface  qui  fait  la 
qualité,  et  c'est  à  cette  quantité  d'argent, 
que  la  maison  Christofle  indique  toujours 
avec  la  plus  scrupuleuse  loyauté,  que 
l'acheteur  doit  tenir  et  que  nous  lui  re- 
commandons de  vérifier. 

Aussi  les  corps  savants  ont-ils,  à  plu- 
sieurs reprises,  approuvé  M.  Christofle 
de  s'abstenir,  pour  la  confection  des  ob- 


jets de  grosse  orfèvrerie,  de  l'emploi  des 
alliages  blancs  qui,  de  quelque  nom  qu'on 
les  pare,  contiennent  inévitablement  une 
grande  quantité  de  cuivre,  et,  s'ils  ne  sont 
reconnaissables  quand  ils  commencent  a 
se  désargenter,  peuvent  donner  lieu  à  des 
oxydations  malsaines. 

Mais,  comme  les  procédés  employés  par 
la  maison  Christofle  permettent  de  rear- 
genter  aisément  tout  objet  dont  Tusage 
a  altéré  les  surfaces  et  que  la  fabrication 
première  de  l'objet  est  d'une  solidité  a 
toute  épreuve,  l'usage  de  cette  orfèvrerie 
est  pour  ainsi  dire  éternel. 

Les  personnes  qui  ont  quelques  notions 
des  sciences  économiques  ne  peuvent 
voir  avec  satisfaction  l  argent,  métal  de 
plus  en  plus  rare,  rester  immobihsé,  im- 
productif, dans  les  coffres  ou  sur  les 
dressoirs,  au  lieu  de  figurer  dans  les  trans- 
actions où  sa  présence  est  nécessaire  et 
féconde.  C'est  la^  croyez-le,  un  des  mo- 
tifs de  la  prodigieuse  extw-nsion  de  l'in- 
dustrie Christofle. 

Mais  pour  démontrer  clairement  de 
quel  côte  est  l'intérêt  du  consommateur, 
nous  lui  présenterons  un  petit  tableau 
comparatif  d'une  minutieuse  exactitude. 

Si  on  achète  une  douzaine  de 
bons  couverts  d'argent,  on  dé- 
pensera . $40  fr. 

Une  cuiller  à  potage 90 

Total.   .   .     630  fr 

Or,  pour  la  même  somme  on  peut  avoir 
un  service  pour  douze  personnes,  com- 
posé de  : 
18  Couverts  de  table  à  fllets, 

a  66  fr.  la  douzaine.  ...  99  fr.     » 

12  Cuillers  de  dessert,  a  filets.  |o  » 

12  Cuillers  à  caré,  a  filets.   .  18  n 

12  Couteaux  de  table.  ...  \6  » 

12  Couteaux  de  desser  ...  30  » 

4  Rechauds  ronds 140  » 

I  Huilier 41  « 

1  Moutardier 1$  » 

2  Salières  doubles i\  $0 

2  Pelles  à  sel 2  2$ 

4  Plateaux  de  carafe  a  tilets.  22  » 

X  Saucière  et  son  plateau.  .  62  » 

1  Cuiller  a  potage 12  u 

X  Cuiller  a  ragoût 8  » 

I  Service  à  dépecer.   ...  15  » 

X  Service  à  salade 12  » 

X  Manche  a  gi^ot B  » 

X  Truelle  à  poisson ....  i  x  » 

A  reporter,  .   .     $7$  fr.  75 
74* 


ï4 


ANNEXE 


Report,  •   .     575  fr.  75 

I  Service  de  4u2tre  pièces, 

pour  hors-d'œuvre  ....  ai  » 

I  Pince  à  asperges 24  » 

I  Cailler  à  sucre 7  » 

1  Pince  a  sucre 6  » 

Total.   .   .     63 j  fr.  75 

Nous  ne  pourrions  qu'atténuer  par  un 
commentaire  l'éloquence  des  cniflfres. 
L'avantage  est  tel  que  le  plus  grand  nom^ 
bre  des  consommateurs  en  a  pvofité  et 
que  l'argent  tend  de  plus  en  plus  à 
déserter  les  vieux  buâêts  où  son  luxe  est 
un  peu  vain,  pour  entrer  dans  la.  circula-, 
tion  et  répandre  ses  bienfaits. 

Les  procèdes  Christoile  présentent  un 
autre  avantage  qui  nous  paraît  également 
précieux:  la  fonte^  la  ciselure^  le  repoussé 
et  la  galvanoplastie,  que  les  chimistes  de 
cet  établissement  ont  élevée  à  la  hauteur 
d'une  haute  industrie,  permettent  de.  re- 

I produire,  pour  les  pièces  de  luxe,  toutes 
es  inventions  des  artistes,  tous  les  gra- 
cieux caprices  des  plus  élégants  modèles, 
tandis  que  le  plaque,  soumis  aux  exigences 
de  l'estampeur,  se  refuse  à  toute  inter- 
prétation vraiment  artistique. 

Si,  d'une  part,  l'industrie  oue  nous 
considérons  a,  selon  l'expression  de  M .  D  u- 
mas,  de  l'Institut,  ««répandu  un  luxe  mo- 
deste et  salubre  dans  les  plus  humbles 
ménages  »,  elle  tend  également  à  mainte- 
nir dans  les  sphères  les  plus  élevées  le 
sentiment  des  belles  formes  et  des  élé- 
gants modèles. 

Les  produits  dont  elle  a  paré  ses  vitrines 
dans  les  expositions  nationales  et  univer- 
selles ont,  dans  leur  forme  et  leur  orne- 
mentation, ce  caractère  vraiment  artisti- 
que qui  est  le  luxe  de  l'esprit. 

Ce  genre  de  luxe  est  le  plus  prisé  au- 
jourd'hui par  les  hommes  intelligents,  et 
la  mode  est  passée  d'estimer  un  objet 
uniquement  pour  son  poids  et  sa  masse. 

Et  puis,  dans  notre  pays  si  souvent 
troublé  par  des  révolutions,  n'est-il r pas 
utile  de  faire  remarquer  quel  intérêt 
cette  industrie  présente  pour  la  conser- 
vation des  objets  d'art  et  de  l'orfèvrerie 
de  luxe? 

Exécutés  en  argent,  ils  sont  fatalement 
destinés  a  périr,  soit  qu'on  les  fonde  pour 
en  réaliser  la  valeur,  soit  que  le  vol  y 
trouve  un  appât  plus  grand,  il  ne  saurait 
être  ainsi  de  l'orfèvrerie  Christofle  qui 
emprunte  toute  sa  valeur  à  la  perfection 
de  la  main  d'œuvre. 

Le  rapport  du  Jury,  à  l'exposition  natio- 
nale de  1849,  caractérise  d'une  façon  heu- 
reuse l'industrie  que  nous  étudions  ici  : 

«  C'est  en  qualité  d'orfèvre  en  cuivre 
et  en  aUiages  divers  que  se  présente 
M.  Christofle,  dit  le  rapporteur;  il  a  su 
les  rendre  dignes  de  se  marier  aux  métaux 
nobles,  comme  on  les  nommait  jadis,  à 


ces  métaux  que  la  science  précipite  sur 
eux ,  et  sous  lesquels  ils  développent  les 
forfties  exquises  que  l'art  a  sa  lear  don- 
ner. »  Le  Jury  lui  décerna  une  MédaUU 
d*or,  mais  non  pas  la  première  qu'il  ait 
reçue;  elle  fut  suivie  d  une  nouvelle  mé- 
daille (Pri^e  medal)  à  Londres  en  1851, 
de  la  grande  médaille  d'honneur  en  1855, 
à  Paris,  et  de  deux  médailles  a  Londres, 
en  1862.  C'est  à  la  suite  de  cette  exposi- 
tion que  M.  Christofle  fut  promu  au 
gaade  d'officier  de  la  Légion  d'honneur. 

Pour  donner  une  idée  de  t'importanee 
acquise  par  l'electro* métallurgie  dans  la 
maison  Christofle,  nous  emprunterons  an 
sérieu» travail  de  M.  Tur^itij  les  Granier 
Usines  de  ¥ra,nce,  quelques  chiiTres  inté- 
ressants. 

«  Il  a  été  argenté  cinq  millions  six  cent 
mille  couverts,  qui  ont  retire  de  la  cira- 
la  tion  trente- trois  mille  six  cents  kilo- 
grammes d'argent,  valant  six  millions 
sept  cent  mille  Jrancs.  Une  pareille  quan> 
tite  de  couverts,  exécutes  en  argent  mas- 
sif, aurait  fait  disparaître  de  la  cire  da- 
tion unnilUon  de  kilogrammes  d'argent^ 
c'est-a-dire  !  plus  de  deux  cent  nrtmonr 
de  numéraire. 

«  Les  trente-trois  mille  six  cents  kilo- 
grammes d'argent,  à  l'épaisseur  adoptée 
pour  les  couverts,  c'est-a-dirc  a  trois 
grammes  par  décimètre  carré,  constitue- 
raient une  superficie  de  seîxe  hectares >.• 

Ceci  était  écrit  en  i86j  ;  depuis  cette 
époque,  la  quantité  de  couverts  livrés  à  la 
circulation  a  plus  que  triplé  et  ^,000  ki- 
logrammes d  argent  ont  été  employés  a 
l'argenture  par  M.  Christofle  et  C*. 

En  cherchant  les  causes  de  cette  pro- 
digieuse extension  on  trouvera,-  doue 
part,  comme  nous  avons  tâché  dé  l'indi- 
quer, que  Targenture  voltaïque,  femplar 
carit  la  vieille  argenterie  plus  avantageu- 
sement que  le  plaqué,  est  venue  en  son 
tempr  et  s'est  imposée  avec  la  force  d'une 
nécessité  '  sociale.  ^  On  trouvera,  d'antre 
part,  que  le  système  d'exploi(atk>n  adopté 
par  la  maison  Christofle  a.conuibiié  a  en 
rèpandre-largementles  produits. 

Ce  système  ^$t  celui-ci  -.fabriquer  de 
bons  produits-  au  plus  bas  vrix  p9€sièle, 
mais  toufoun  de  90ns  prmuits^ 

C'est  -d'après  cette  'maxime-  de  lùnte 
moralité  que  les  pièces  ont  été  consttm- 
menf  fabriquées  et  les  taril^  établis.  De 
tels  moyens  hon:)rent  urte  JRkidstrie  en 
même  temps  qti'ils  contribuent  a  en  pro- 
pager les; produits.  Aussi  n'est-il  pas  rare 
de  voir,  par  toute  4' Europe,  le  poinçon  a 
la  balance  de  la  fabrique  Christofle  sur 
les  couverts,  les  plats,  les  réchauds,  les 
services  athe  en-  usage  dans  les  maisons 
tenues  avec  le  pius  de*  goûtet  d'intelli* 
gence.  '  ' 

I.  Turgan,   les   Gratuits    Usines.  — -  OrféTfcrie 
Chr>sto6e»  p.  287. 


AU    GRAND    DICTIONNAIRE    DE  CUISINE.  15 


AUX  ARMES  DE  LA    VILLE  DE   PARIS. 

CHARCUTERIE    ET    COMESTIBLES 

GROS    ET    DETAIL. 

Ancienne  Maison  HERVET,  fondée  en  1746, 

FRANQUELIN,  S'="^ 

(T,  RUE  COQUILLIÈRE 


La  maison  Hervet  est  liée,  dans  notre  esprit,  au  souvenir  d'un  certain  déjeuner 
que  nous  donna  Alexandre  Dumas,  en  son  logis* de  la  rue  d'Amsterdam.  Dumas,  qui 
était  un  beau  mangeur  comme  il  était  un  beau  conteur,  avait,  par  un  caprice  de 
goufpiet,  exclusivement  composé  ce  déjeuner  de  charcuterie.  La  table  avait  un  aspect 
tout  rabelaisien,  une  saveur  pantagruélique  vraiment  réjouissante  :  pieds  truites,  hure 
aux  pistaches,  langue  à  l'écarlate,  tout  était  préparé  par  un  maître  aussi  habile  pour 
le  moins  que  cet  illustre  Queux  que  le  bon  roi  François  I*'  accusait,  après  chaque 
repas,  de  vouloir  faire  perdre  a  toute  la  cour  le  soin  de  l'État  par  ralléchement  des 
plats  délicats  et  friands. 

L'habile  homme  qui  sait  si  bien  nous  réjouir  le  palais  est  M.  FaAN^^uELiit.  Dirigeant 
une  maison  fondée  sous  l'ancien  régime,  dans  la  vieille  France,  au  temps  des  soupers 
fins,  en  1746,  par  Hervet,  M.  Franquelin  en  continue  les  traditions.  Il  a  mérité  une 
médaille  d'argent  et  deux  médailles  d'or,  aux  expositions  de  i6$6,  18^7  et  1868.  Son 
établissement,  situé,  comme  on  sait,  rue  Coquillière  n?  6,  au  centre  de  l'approvision- 
nement, est  assez  vieux  et  assez  connu  pour  mépriser  le  luxe  moderne  des  glaces, 
des  dorures  et  des  peintures  à  fresque  ;  c'est,  dans  toute  la  force  d'un  terme  dont  on 
abuse  trop  aujourd'hui,  une  maison  de  confiance. 

Elle  a  fourni  de  charcuterie  et  comestibles  toutes  les  cours  qui  se  sont  suc- 
cédé dans  le  palais  des  Tuileries,  depuis  le  premier  Empire,  si  sévère  dans  le  choix 
de  ses  officiers  de  bouche  et  des  fournisseurs  de  sa  table.  C'est  cette  maison  qui  pré- 
parait naguère  les  belles  pièces  des  soupers  de  l'Hôtel  de  Ville;  c'est  elle  enûn  qui, 
depuis  longie.Tips,  approvisionne  les  principaux  restaurants  de  Paris. 

Elle  est  renommée  pour  les  produits  suivants  : 

Truffés  fraîches  et  conservées  du  Périgord  ; 

Volailles  et  gibier  truffés; 

Terrines  de  foies  gras  truffés  ; 

Saucissons  de  foies  gras  truffés; 

Saucisson  truffé; 

Conserves  de  toutes  sortes  pour  hors-d'œuvre. 

L'ancienne  maison  Hervet  a  pris  pour  enseigne  les  armes  de  la  ville  de  Paris, 
le  navire  d'or  «  qui  flotte  et  ne  sombre  pas».  C'est  là  son  blason.   Vieille  de  127  ans 
elle  a  nourri  bien  des  générations  de  Parisiens   et  fourni  l'Hôtel  de  Ville  aux  jours 
de  fête;  elle  a  droit  de  porter  sur  ses  vitres  ces  armoiries  municipales,  eh  marque 
de  l'estime  et  de  la  faveur  où  elle  est  tenue  dans  la  grande  ville. 


i6  ANNtXE 


CONSERVES    ALIMENTAIRES. 


COMESTIBLES  EN   GROS. 


DAUDENS 

14,    RUE    COQUILLIÈRE,   AUX    HALLES    CENTRALES 

PARIS. 

EXPÉDITION.  —  EXPORTATION . 


Cecce  maison  recommandable ,  connue  depuis  longtemps,  a  la  spé- 
cialité des  Filets  de  boeuf  frais  de  Paris,  de  l'Alsace  et  de  la  Suisse. 

Elle  tient  un  grand  dépôt  de  Truffes  fraîches  et  conservées  ; 

De  Pâtés  de  foies  gras,  de  Terrines  et  Charcucerie  de  Strasbourg 
et  de  Toulouse. 

£lle  a  la  spécialité  des  Jambons  d'York. 

Tous  les  jours  elle  reçoit  un  arrivage  abondant  et  choisi  de  Volailles, 
Gibier  et  Poissons  de  toute  espèce. 

La  maison  Daudens  s'est  fait  une  grande  clientèle  bourgeoise,  grâce  à 
la  sécurité  qu'elle  inspire  et  à  l'allure  simple  et  sérieuse  qui  la  carac- 
térise. 

£lle  fournit  les  principaux  Restaurants  de  Paris, 

M.  Daudens  a  reçu  des  Médailles  à  Londres  en  1862,  à  l'Exposition 
universelle  de  1867,  et  au  Havre  en  1868. 

Maison  de  confiance  dans  tout  le  sens  du  mot,  elle  se  recommande, 
non  par  le  luxe  extérieur,  mais  par  la  bonté  des  marchandises. 


ÀV  GRAND  DICTIONNAIRE   DE  CUISINE.  17 

EAU-DE-VIE 

DE  COGNAC 

GRANDE  CHAMPAGNE.  I 
FINS   BOIS  BORDERIES 

MAISON  LÉONIN  ARNAUD 

A  COGNAC 

MARQUE  DE  COMMERCE. 


Au    abinn    Vinicolc 
L.    MAURIAL 


CONDITIONS  DE   VENTE. 

L'hectolitre  à  59  degré*  cent.,  eurforce  en  sus,  logé  en/ûts  neuft  parfai- 
tement conditionnés,  d'au  moins  ijo  à  180  litres,  suivant  les  cours  établis 
lors  de  la  demande  ; 

Ou  en  caisses  de  13  bouteilles  de  75  centilitres  chacune,  ou  de  24  demi- 
bouteilles  à  partir  de  30  fr.  jusqu'à  300  fr..  La  caisse  de  cognac  marque  : 

Léonin  Arnaud,  qui  ne  le  cède  en  rien  aux  marques  les  plus  renommées. 

Nota.  5  francs  de  plus  par  caisses  de  34  demi- bouteilles  quelle  que  soJC 
la  valeur  des  caisses  de  1 1  bouteilles. 

Le  tout  prit  sur  cherrette  à  Cognac,  it  40  jours  3  p.  100  ou  à  }  mois  net. 

Les  journaux  ci-apris  publient  les  prix  courants  de  la  maison  Léonin 
Arnaud. et  les  changements  de  cours  de  ses  eaux-de-vie  : 
A  Paris.  ,  ....     Le  Journal  vinicoUj  9,  boulevard  des  Italiens. 

—  Le  Moniteur  vinitoUj  la  R(vut  commerciale. 

A  Pézenas  (HéraultJ     Le  Languedocien. 

A  Bruxelles.   ...     Le  Moniteur  de  la  Brasserie  et  des  spiritueux. 
A  Londres.    .     .     .     TAe  W^ine  trade  Revient. 


i8  ANNEXE 


MAISON 

LÉONIN    ARNAUD 


A    COGNAC. 


La  maison  Léonin  Arnaud,  anciennement  L.  Arnaud  et  C*«,  la  seuk 
de  ce  nom  à  Cognac J ne  peut  répondre  qu'aux  demandes  du  commerce. 

MM.  les  consommateurs  qui  seraient  désireux  d'apprécier  ses  types 
sont  priés  de  vouloir  bien  s'adresser,  pour  les  obtenir,  aux  principaux  négo- 
ciants de  leur  localité  et,  faute  par  ces  derniers  d'en  être  approvisionnés, 
en  informer  directement  à  Cognac  ;  dans  ce  cas,  la  maison  s'empressera  de 
leur  envoyer  aussitôt  tous  les  renseignements  désirables,  pour  que  satisfac- 
tion leur  soit  donnée  par  l'intermédiaire  de  négociants  déjà  en  relations 
d'affaires  avec  elle. 

La  casa  Léonin  Arnaud,  anticamente  L.  Arnaud  e  C^*,  e  la  sola  di 
questo  nome  a  Cognac,  non  pub  rispondere  oh^  aile  domande  del  comercio. 

I  sigaori  consumatori  cn%  desiderano  apprezzare  le  differenti  qualità 
di  mercanzie  sono  pregaci  indirizzare  le  loro  domande  ai  principali  nego- 
zianti  délia  loro  località  per  ottenerle.  Nel  ci^so  che  i  signori  negozianti  non 
fossero  forniti,  avisarne  dirett^pente  a  Cognac  ove  la  casa  metterà  il  più 
gran  zelo  a  spedire  per  Tintermediario  dei  sigaori  negozianti  délia  loca- 
lità in  relazione  d'affari  colla  nostra  casa  tutte  le  domande  e  schiarimend. 


M'.  Léonin  Arnaud  —  formerly  L.  Arnaud  &  C*  —  the  sole  of  this 
name  in  Cognac,  can  get  connexions  but  vith  the  vine  and  spirit  mer- 
chants. 

The  private  persons  vho  will  be  desirous  to  value  his  brandies  must 
apply  to  the  chief  merchants  in  their  tovn,  or,  if  not,  to  M*".  Léonin 
Arnaud,  Cognac,  vho  vill  directly  give  them  any  indications  and 
recommandations  for  the  brandy  merchants  in  connexion  vith  him. 


La  casa  Léonin  Arnaud,  antes  Lepnin  Arnaud  y  C",  la  unica  de  este 
nombre  en  Cognac,  no  puede  contestar  sino  à  los  pedidos  del  comercio. 

Los  consumidores  que  tendrian  el  deseo  de  probar  sus  aguardiences 
de  Cognac,  pueden  dirigirse  para  obtenei:los,  i  los  principales  négociantes 
de  su  lugar  ;  y  en  caso  de  que  estos  no  los  tuviesen,  dirigirse  direcumente 
à  Cognac.  £n  este  ûltimo  caso,  la  casa  tendra  el  raajor  gusto  en  mandarles 
en  seguida  todas  las  indicationes  necesarias  para  que  peudan  satisfacerse 
por  medio  de  négociantes  y  a  relacionadps  con  ella. 


AU  GRAND   DICTIONNAIRE   DE  CUISINE. 


19 


QUELQUES   MOTS 
SUR    LES   VINS   DE   BORDEAUX 

ET    LA   MAISON    G.    SIRE    ET    G»- 

ENTREPOT,  s,  PLACE  D'ARMES,  A  SAINT-CLOUD. 


Le  vin  est  un  noble  produit  qu'il  est 
difficile  de  se  procurer  dans  de  bonnes 
conditions.  L'acquéreur  est  forcé  de  se 
lier  non-seulement  à  la  probité  mais 
encore  a  U  science  du  négociant,  oui 
parfois  ne  sait  pas  bien  lui-même  les 
qualités  et  les  ressources  particulières  des 
vins  de  toutes  sortes  qu'il  vend. 

Le  courtage  des  vins  est,  selon  l'expres- 
sion d'un  excellent  auteur  vinicolei,  «  une 
vraie  science  qu'on  acquiert  par  de  longues 
observations,  une  grande  pratique  et  un  ju- 
gement droit,  n  Ces  connaissances  ne  se 
peuvent  rencontrer  a  un  haut  degré  que 
chez  un  homme  qui  a  sagement  restremt 
ses  études  et  ses  achats  a  une  contrée 
limitée.  C'est  ce  qu'a  fait  M.  G.  Sire,  et 
nous  pouvons  affirmer  qu'il  connaît  en 
maître  les  vignobles  dont  il  exploite  les 
produits,  leur  situation^  la  nature  de  leur 
sol  et  de  leurs  cépages,  et  les  soins  que 
I^s  propriétaires  apportent  à  la  culture 
et  a  la  vinification. 

Nous  avons  visité  l'entrepôt  que  MM.  G. 
Sire  et  C'*'  possèdent  à  Saint-Cloud,  et 
nous  avons  pu  constater  que  les  mar- 
chandises qui  y  sont  amenées  sont  abso- 
lument pures,  tout  à  fait  exemptes  de 
mélanges,  et  possèdent  cette  franchise, 
cette  sincérité  si  rare  et  si  précieuse  aux 
amateurs. 

Nous  avons  trouve  dans  leurs  caves 
tous  les  grands  Medoc,  si  reconnaissables 
a  leur  belle  couleur,  à  leur  bouquet  qui  par- 
ticipe de  la  violette,  à  leur  saveur  exquise. 
Le  Chàteau-Margaux  et  le  Château- Lafitte 
premiers  crus,  puis  le  Clos-Destournel,  le 
Château-Laroze,  le  Giscours,  le  Pontet- 
Canet,  le  Saint-Estéphe.  le  Saint-Julien, 
le  Cantenac,  le  Mouhs  Cnàteau-Ponjeaux, 
le  Vaieyrac,  le  Bégaudan,  etc. 

Ce  sont  la  des  vins  que  leur  sève  et 
leur  arôme  ont  fait  nommer  vins  de  sei- 
gneurs et  de  rois  et  qui,  par  les  sels  de 
fer  qu'ils  contiennent,  méritent  le  titre 
de  vins  hygiéniques. 

Ajoutons  a  cette  liste  illustre  le  Saint- 
Éoubon  et  le  Montferrant^  savoureux  et 
d'un  bouquet  rare,  les  meilleurs  vins  de 
la  côte;  la  Mission,  un  des  types  les  plus 
remarquables  des  vins  de  Graves,  déjà 
fameux  au  xvi*  siècle  ;  les  crus  de  Blaye, 
souples  et  coulants  ;  les  vins  des  côtes  de 
Bourg,  dont  lanature  se  rapproche  de  celle 
du  Bourgogne,  mais  avec  plus  de  linesse, 
et  enfin  ceux  de  Saint-Macaire,  excellents 
vins  d'ordinaire,  agréables  et  corsés. 

I.  Ch.  Cockit. 


I 


MM.  G.  Sire  et  C**  possèdent  des  ma- 

f^asins  à  Bordeaux  et  entretiennent  dans 
a  Gironde,  depuis  longtemps,  des  rela- 
tions qui  leur  permettent  de  fournir  a 
leur  nombreuse  clientèle  des  produits 
dont  ib  indiquent  exactement  l'âge,  la 
provenance  et  le  temps  où  ils  atteindront 
leur  perfection.  On  est  assure  d'acquérir 
par  eui,  dans  leur  intégrité  native,  ces 
Tins  qui  conservent  l'haieine  pure,  la 
bouche  fraîche  et  la  tète  libre. 

N'oublions  pas  de  citer  avec  honneur 
les  vins  blancs  :  le  grand  cru  de  Sauternes 

3ui  a  vaincu  à  l'exposition  universelle 
e  1867^  le  meilleur  vin  du  Rhin,  et  le 
Barsac-Podensac,  tin,  chaud,  corsé  et 
parfumé. 

Par  la  situation  qu'il  a  su  se  créer, 
M.  G.  Sire  est  en  mesure  de  vendre  ses 
marchandises  à  jo  et  40  pour  100  au- 
dessous  des  prix  des  marchands  de  Bor- 
deaux. 

Il  vend  des  Bordeaux,  pu^e  provenance, 
depuis  110  francs. 

MM.  G.  Sire  et  C**  écrivaient  il  y  a 
quelques  années: 

fc  Propriétaires  aux  pays  vignobles,  et  fai- 
sant le  commerce  des  vins  depuis  au  moins 
vingt-cinq  ans,  nous  avons  acquis  l'expé- 
rience et  les  éléments  nécessaires  pouf 
satisfaire  aux  demandes  de  vins  qu'on 
voudra  bien  nous  adresser. 

u  Tirant  directement  nos  produits,  nous 
prenons  l'engagement  de  fournir  en 
toute  nature  des  vins  de  premier  choix. 

u  Livrer  bon,  naturel,  et  au  cours  des 
vignobles,  telle  est  et  telle  sera  toujours 
notre  régie  de  conduite,  de  laquelle  nous 
ne  nous  écarterons  jamais.  » 

Ils  ont  tenu  parole. 

N'oubtions  pas  de  dire  que  cette  maison 
de  confiance  tournit  les  vins  d'Espagne  : 
Xérès,  Madère,  Malaga,  Porto,  Alicante, 
Muscat  de  Frontignan,  Marsala,  Malvoi- 
sie, et  terminons  en  citant  respectueuse- 
ment un  noble  vin  de  Tokay,  âgé  de 
trente  ans  de  bouteille. 

Nous  sommes  revenus-  de  notre  visite 
a  l'entrepôt  de  Saint-Cloud  persuadé  que 
les  connaissances  acquises  par  M.  G.  Sire 
et  les  régies  de  haute  probité  qui  sont 
dans  les  principes  de  sa  maison  rendront 
les  plus  grands  services  aux  consomma- 
teurs en  leur  rendant  accessibles  des 
produits  toujours  purs  et  naturels. 

Qu'on  se  souvienne  du  naïf  proverbe 
du  XIV*  siècle  : 

Qui  bon  l*«chète,  bon  le  boit. 


^ 


20 


ANNEXE 


LE  CLOS  NOISOT 


Le  CLOS  NoisoT,  —  ancien  clos  Napo- 
léon, —  produit  un  vin  du  genre  si  estimé 
des  Ckamhertin.  M.  Cretin-Cholet  le  ré- 
colte au  village  de  Fixin,  canton  de  Gb- 
VRET  -  Chambertin,  à  10  kilomètres  de 
Dijon,  entre  cette  ville  et  Beaune.  Fixin 
est  un  joli  village  favorablement  exposé 
sur  un  des  plus  heureux  points  de  cette 
côte  aimée  du  soleil,  qu'on  a  si  bien  nom- 
mée la  côte  d'Or. 

Le  clos  Noisot,  qui  fait  la  célébrité  de 
ce  village,  est  un  clos  historique.  Il  a  ses 
annales  qui  méritent  d'être  connues  de 
tous  ceux  qui  estiment  les  vins  fins,  tré- 
sor annuel  de  notre  patrie. 

M.  Noisot,  adjudant- major  des  grena- 
diers de  la  garde,  sous  Napoléon  I**",  s'é- 
tablit à  ,Fixin  après  la  chute  de  l'Empire 
et  y  fonda  le  clos  qui  devait  fournir  de 
si  excellents  produits.  C'est  lui  qui,  en 
mémoire  du  capitaine  sous  qui  il  avait 
servi,  donna  au  clos  de  Fixin  le  nom  de 
clos  Napoléon.  Un  fait  plus  singulier, 
c'est  que  cet  ex-grenadier  fit  orner  sa  pro- 
priété d'un  monument  magnifique.  Il 
demanda  au  sculpteur  Rude,  son  ami, 
une  statue  de  bronze  qui  figurât  Napo- 
léon à  Saint-Hélène.  L'œuvre  du  grand 
artiste  représente  le  prisonnier  couché 
sur  le  roc  et  montrant  de  son  bras  ense- 
veli dans  les  plis  d'un  lourd  manteau, 
son  aigle  morte  à  ses  pieds.  Cette  image 
épique  et  funèbre  repose  sur  un  socle  de 
marbre  noir  entouré  de  sombres  tujas. 
Le  buste  de  Rude,  œuvre  de  M.  Cabet, 
s'élève  à  quelques  pas.  A  deux  cents  mètres 
plus  haut,  on  rencontre  le  tombeau,  taillé 
dans  le  roc,  du  grenadier  devenu  vigne- 
ron ;  il  est  surmonté  de  son  buste.  Enfin 
au  milieu  du  bois,  sur  la  montagne,  la 
maison  du  garde  renferme,  dans  une  de 
ses  chambres,  un  musée  imprévu  où  les 
touristes  anglais  viennent  voir  le  drapeau 
des  adieux  de  Fontainebleau. 

Dès  l'époque  de  la  restauration,  les 
vignes  du  clos  Noisot  étaient  les  plus  belles 
du  village. 

M.  Cretin-Cholet  exposa  en  1867  des 
vins  de  ce  clos  qui  s'était  encore  amélioré. 


Sur  un  rapport  favorable  de  la  commis- 
sion du  jury,  il  reçut  une  médaille  d'ar- 
gent. 

Ce  n'est  pas  la  seule  récompense  dont 
s'honore  la  famille  de  M.  Cholet.  S<mi 
beau-père,  M.  Cholet>LhuiIlier,  proprié- 
taire, décédé  à  Fixin,  avait  également  ob- 
tenu pour  ses  vins  ordinaires  et  pour  un 
vin  dit  IsABBLLA,  une  mêdaiUe  d'argent. 

L'Uabblla  exige  une  mention  particu- 
lière; c'est  un  vin  fait  avec  un  raisin 
d'Amérique  dont  le  goût  exquis  et  rare 
rappelle  tout  ensemble  le  cassis,  la  fram- 
boise et  l'ananas.  C'est  un  essai  tout  à 
l'honneur  de  M.  Cholet- Lhuillier.  Ce  vin 
ne  réussit  que  dans  les  bonnes  années, 
telles  que  furent  186$,  1868  et  1870.  Mais 
alors  il  donne  des  résultats  pleinement 
satisfaisants.  Par  malheur  les  Prussiens, 
lors  de  l'invasion,  ont  bu  en  fût  VisabelU 
de  1870,  et  M.  Cretin-Cholet  ne  possède 
plus  de  ce  vin  unique  que  quelques  boa- 
teilles  datées  de  186$  et  1868. 

Pour  résumer,  énumérons,  comme  ap> 
partenant  en  propre  à  la  maison  Cretin- 
Cholet,  les  produits  suivants  : 

Vin  fin  du  clos  Noisot  (ancien  clos 
Napoléon)  de  Fixin,  canton  de  Gcvrey- 
Chambertin  (Côte-d'Or)  médaille  d'ar- 
gent 1867  (Paris). 

Vin  du  CLOS  dbs  Ech^bbaux,  de  Fixin, 
canton  de  Gevrey-Chambertin  (Côte- 
d'Or). 

Vin  d'IsABBLLA  de  Fixin,  canton  de  Ge- 
vrey-Chambertin (Côte-d'Or),  médaille 
d'argent  1867  (Paris). 

Ajoutons,  pour  l'usage  des  consomma- 
teurs, les  indications  que  voici  :  Le  clos 
Noisot  vaut  6$o  fr.  la  pièce  de  228  litres. 
Le  clos  des  Ècké^eaux  vaut  250  fr.  U 
pièce  de  même  capacité.  VlsaBella,  d'une 
excessive  rareté,  échappe  à  toute  appré- 
ciation vénale. 

Nous  sommes  heureux  d'avoir  pu  otfHr 
à  nos  lecteurs  ces  renseignements  sur  un 
établissement  vinicole  qui  depuis  plusœurs 
générations  a  mérité  Tapprobation  des 
juges  compétents  et  reçu  des  récompenses 
nationales. 


AU  GRAND   DICTIONNAIRE   DK  CUISINE  21 


COMPAGNIE 


DES 


CAVES  GÉNÉRALES 

Oidministration  &  Cellier,  rue  de  Bercy ^  m 

PARIS. 


Cet  important  établissement,  connu  depuis  longues  années,  est  bien  la 
vraie  pratique  des  doctrines  des  économistes  qui  recommandent  les  rap- 
ports directs  du  producteur  et  du  consommateur.  —  Comment,  en  effet, 
un  acheteur  peut-il  s'approvisionner  plus  directement  qu'avec  une  grande 
entreprise  commerciale  ayant  des  relations  considérables  avec  tous  les 
vignobles  et  qui  ne  vise  d'autre  spéculation  que  d'être  en  mesure,  avec  ies 
grands  capitaux^  de  donner  satisfaction  complète  à  sa  clientèle  de  consom- 
mateurs? 

Le  consommateur  ne  peut  pas  acheter  avec  avantage  chez  le  produc- 
teur. Il  aurait  a  subir  les  années  défavorables  ou  un  déplacement  très-oné- 
reux s'il  voulait  choisir  son  vendeur.  Il  aurait  de  plus  tous  les  soins  à 
donner  à  son  vin  ou  à  subir  les  chances  aléatoires  d'une  qualité  assez  sou- 
vent mal  soutenue. 

Avec  l'administration  des  Caves  géne'rales,  aucun  de  ces  incon- 
vénients ne  saurait  subsister.  Elle  ne  livre  ses  vins  que  lorsqu'ils  sont  prêts 
à  être  bus.  Spécialement  établie  en  vue  du  consommateur^  elle  peut  fournir 
à  TofEce,  au  ménage  comme  aux  plus  somptueuses  tables,  tous  les  vins 
français  et  étrangers ,  les  eaux-de-vie  et  liqueurs  de  toutes  qualités.  Il  est 
facile  à  tout  acheteur  qui  ne  veut  ni  dépasser  son  budget,  ni  être  surpris, 
de  s'édifier  sur  le  mérite  et  les  prix  relatifs  des  vins  et  liqueurs  fournis 
par  l'administration  des  Caves  générales. 

Ne  voulant  surprendre  ni  forcer  la  confiance,  mais  la  mériter,  cette 
administration  adresse  ses  tarifs  à  qui  en  fait  la  demande.  £lle  fait  livrer, 
dans  Paris  et  au  dehors,  toutes  quantités  qui  lui  sont  demandées  à  titre 
de  fourniture  d'essai 


22  ANNEXE 


LE  CABINET  VINICOLE 


L.    MAURIAL,    DIRECTEUR 


9,   BOULEVARD    DES  ITALIENS,  A  PARI5. 


Cet  établissement,  dirigé  par  un  homme  compétent  en  tout  ce  qui  con- 
cerne la  production  et  le  commerce  des  vins,  manquait  à  Paris.  Il  est  si  diffi- 
cile, en  effet,  de  se  procurer,  avec  la  certitude  de  les  obtenir,  les  vins,  eaux- 
de-vie  et  liqueurs  renommés  !  Comment  reconnaître  un  cru  d*un  autre,  une 
grande  marque  d'une  autre  marque?  L'acheteur  se  trouve  à  la  discrétion  de 
son  vendeur.  Ce  dernier  peut  n'être  pas,  lui-même,  dans  de  meilleures  condi- 
tions d'approvisionnement. 

Le  directeur  du  cabinet  vinicole  a  groupé  sur  un  même  point  le  plus 
central  et  le  plus  fréquenté  de  Paris,  une  exposition  des  vins  des  grands  crus 
remis  par  les  producteurs  ou  les  collectionneurs  les  plus  et  le  mieux  connus  ; 
il  a  pris  pour  devise  de  cette  intervention  entre  le  détenteur  et  l'acheteur  : 
Sûreté  du  cru,  garantie  de  la  marque. 

Le  CABINET  VINICOLE  ne  traite  aucune  affaire  pour  son  compte.  Il  est  le 
représentant  des  propriétaires  ou  négociants  qui  lui  confient  le  dépôt  des 
produits  dont  ils  sont  le  plus  spécialement  détenteurs.  L'acheteur  peut  trouver 
là  les  types  des  meilleurs  vins  français  et  étrangers,  des  eaux-de-vie  de  Cognac 
de  la  plus  sûre  origine,  des  liqueurs  d'une  fabrication  irréprochable. 

Parmi  les  plus  célèbres  type»,  il  a  :  —  les  grands  vins  de  France  et  de 
l'Etranger  de  MM.  H.  Cuvillier  et  frères,  80,  pavé  des  Chartrons  à  Bordeaux; 

—  les  grands  vins  de  Bourgogne  de  la  compagnie  Forest  aîné  et  C'%  à  Beaune; 

—  les  vins  de  Gruaud-Laroze-Sarget,  dont  M'"*  veuve  Rivet  jeune,  8,  boule- 
vard Poissonnière,  à  Paris,  est  la  dépositaire  ;  —  les  vins  de  l'Ermitage  de 
M.  X...  ;  —  les  vins  de  Champagne  de  MM.  Dufaut  et  C'*,  propriétaires  au 
Château-Pierry,  près  Epernay  (Marne)  ;  —  les  remarquables  vins  muscat  de 
Frontignan  de  M.  L.  Barrai  ;  —  les  vins  d'office  et  d'ordinaire  de  M.  L.  Nicolas, 
de  Paris  ;  —  les  fins  types  d'eaux-de-vie  de  M.  Léonin  Arnaud  de  Cognac  de 
tous  âges,  en  fûts  ou  en  caisses,  dits  grande  Champagne  et  fins  Bois-Borderies; 

—  les  fins  curaçaos  et  liqueurs  renommées  de  MM.  Sapin  et  C'*',  de  Limoges, 
les  premières  en  hautes  récompenses  à  toutes  les  expositions,  etc.,  etc. 

Le  CABINET  VINICOLE  réunit  tout  ce  qui  touche  à  l'approvisionnement 
des  grands  vins,  vins  fins  et  ordinaires,  eaux-de-vie  et  liqueurs  à  haute  répu- 
tation. Il  fournit  le  gros  et  menu  outillage  de  luxe  ou  usuel  pour  le  traite- 
ment des  liquides  à  la  cave  et  pour  leur  service  sur  la  table. 


AU  GRAND  DICTIONNAIRE  DE  CUISINE.  23 


r 

Pharmacie   GUENON,  rue  de  la  Coutellerie  y  %,  à  Paris 

ET    DANS    TOUTES    LES    PHARMACIES 


LIQUEUR  DE  L'AMIRAL 

ANTI-GOUTTEUSE,      ANT  I -RHUM  ATISM  ALE      ET     DÉPURATIVK 

Du  D'  C.  GAUDIN. 

La  substance  qui  sert  de  b^se  à  cette  liqueur  est  d'un  emploi  fréquent 
dans  plusieurs  Colonies  françaises,  comme  spécifique  des  affections  arthri- 
tiques récentes  et  invétérées.  Le  docteur  Gaudin,  sur  les  indications  d'un 
vieux  praticien  créole,  en  fit  d'abord  Tessai  sur  lui-même,  et  s'en  étant 
bien  trouvé,  il  la  préconisa  dans  sa  clientèle. 

Un  officier  général  de  la  marine,  goutteux  au  dernier  degré,  en 
obtint  les  meilleurs  résultats  et  aida  tellement  à  en  répandre  l'usage,  qu'on 
s'habitua  à  la  désigner  par  le  nom  que  l'inventeur  lui  a  laissé  :  Liqueur  de 
V Amiral,  Depuis  que  le  docteur  Gaudin  exerce  à  Vichy,  et  qu'il  lui  a  été 
permis  d'étudier  plus  spécialement  la  goutte,  il  a  associé  deux  autres  médi- 
caments à  la  base  première,  et  il  obtient  les  meilleurs  effets  de  cette  prépa- 
ration, soit  qu'il  l'emploie  isolément,  soit  qu'il  la  prescrive  comme  adju- 
vante des  alcalins. 

Mode  Remploi,  —  Contre  la  goutte  aiguë  et  chronique,  les  rhuma- 
tismes goutteux,  simples  ou  invétérés,  contre  les  affections  anciennes  et 
contre  certaines  maladies  de  peau,  prendre  un  verre  à  liqueur  matin  et  soir, 
à  jeun  et  avant  de  se  coucher,  pendant  deux  mois  et  sans  interruption. 

Dans  ces  divers  états,  il  sera  prudent,  pour  obtenir  plus  sûrement  des 
effets  radicaux  et  définitifs,  de  poursuivre  le  même  usage  pendant  quinze 
jours,  aux  approches  des  renouvellements  de  saisons,  dans  les  premiers 
jours  de  juin  et  septembre,  par  exemple,  le  traitement  principal  ayant  été 
suivi  en  janvier  et  février  de  la  même  année. 

Les  doses  prescrites,  administrées  aux  mêmes  époques,  pourront  être 
augmentées  d'un  tiers  sans  le  moindre  danger  chez  les  personnes  habituées 
aux  boissons  alcooliques,  et  alors,  la  seconde  partie  du  traitement  ne  sera 
plus  que  de  huit  à  dix  jours.  Cette  liqueur  ne  contient  pas  de  colchique  ; 
elle  est  essentiellement  dépurative.  Deux  mois  d'un  emploi  régulier  suffisent 
largement  dans  les  affections  rhumatismales  simples  et  d'origine  récente, 
ainsi  que  dans  toutes  les  affections  anciennes  pour  lesquelles  on  a  recours 
aux  dépuratifs  puissants  et  inofiensifs,  mais  dans  les  maladies  de  peau  de 
causes  arthritiques,  la  durée  du  traitement  doit  être  doublée. 

Nota.  —  Quelques  gouttes  d'eau  pure  bues  aussitôt  après  l'inges- 
tion de  la  Liqueur  de  l'Amiral^  en  dissipent  immédiatement  le  goût  et 
l'odeur  ;  on  peut  même  la  boire  comme  l'on  boit  l'absinthe,  dans  de  l'eau 
pure  ou  dans  de  l'eau  sucrée. 

A  vichy,  pharmacie  F.  DESBRKTS.  —  A  Lyon,  CAZENEUVE  et  LESTRA, 

aôf  rue  Lanterne. 


24      ANNEXE  AU  GRAND   DICTIONNAIRE   DE  CUISINE. 


GUENON  y  pharmacien  y  2^  rue  de  la  Coutellerie  ^  à  Paris 


PREPARATIONS 


A     L'ACIDE    PHÉNIQ.UE 


Maintenant  que  la  doctrine  parasitaire  est  adoptée^  dans  une  large 
mesure ,  par  les  savants  les  plus  autorisés ,  le  traitement  par  V Acide  phé- 
nique  y  dont  M.  le  docteur  Déclat  est  le  promoteur,  reçoit  chaque  jour  de 
nouvelles  applications. 

L'acide  phénique  n'a  qu'une  action  :  celle  de  tuer  les  germes  qui  occa- 
sionnent les  maladies.  Voilà  pourquoi  il  est  applicable  dans  tant  de  cas, 
qui  au  premier  abord  paraissent  différents.  Les  maladies  qui  se  gagnent, 
depuis  le  rhume  de  cerveau  jusqu'à  la  fièvre  typhoïde,  sont  occasionnés 
par  des  germes.  Les  maladies  endémiques,  depuis  le  charbon  jusqu'à  la 
fièvre  intermittente  et  le  choléra,  sont  occasionnées  par  la  pénétration  des 
ferments  dans  le  sang. 

Jusqu'à  ce  jour,  l'acide  phénique  seul  atteint  tous  les  germes  ou  fer- 
ments et  arrête  par  conséquent  les  maladies  dkns  leur  source  même. 


inoffensif. 

niquées 

altéré  ou  des  corps  étrangers  à  l'acide  phénique. 

La  condition  indispensable  du  succès  étant  dans  la  bonté  du  pro- 
duit et  dans  sa  bonne  préparation,  M.  Guenon,  pharmacien,  s'est  adressé 
à  M.  le  docteur  Déclat,  promoteur  du  traitement  phénique,  pour  qu'il 
dirigeât  et  surveillât  lui-même  l'élaboration  des  produits  employés,  dont  les 
principaux  sont  : 

Sirop  titré  à  l'acide  phénique,  pur  et  blanc, 

prix 3  fr.     » 

Sirop  phénique  spécial  contre  la  coqueluche.   .     5  »> 

Sirop  au  souffre  et  à  l'acide  phénique 3         50 

Liqueur  pour  injections  sous-cutanées,  contre 

les  fièvres  intermittentes,  le  charbon,  etc.  .     2  » 

Liqueur  contre  les  piqûres  de  mouches  et  contre 

le  charbon  (flacon  et  étui) 2         50 

Préparations  pour  les  animaux. 

Solution  glyco-phéniquée  contre  la  cocotte  et 
le  charbon,  pour  10  litres  de  boisson.  ...     2  fr.  50 

Solutions  pour  pansement,  pour  cautérisations 
et  pour  boissons,  contre  la  cocotte  et  le 
charbon,  dans  une  boîte 7         50 

En  détail,  dans  toutes  les  pharmacies. 
En  gros,  chez  GUENON  ,  a,  rue  de  la  Coutellerie,  à  Paris. 

Paris.  —  J.  Claye,  imprimeur,  7,  rue  Saint  -  Benoit. —  I1983I